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Introduction aux Tenseurs, Deuxième Édition

David Emmanuel Rossboth

EPFL
david.rossboth@epfl.ch

Mars 2021

1
Contents
1 Préface 5

2 Notions de base 7
2.1 Convention de sommation d’Einstein . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
2.2 Covariant et contravariant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
2.2.1 Covariant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.2.2 Contravariant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.3 Première définition du tenseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.3.1 La matrice de passage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.3.2 Produit tensoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.3.3 Changement de coordonnées d’un tenseur . . . . . . . . . . . 13
2.4 Tenseur métrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2.4.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2.4.2 Norme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.4.3 Composantes covariantes d’un vecteur . . . . . . . . . . . . . 16
2.4.4 Lien entre composantes covariantes et contravariantes d’un tenseur
d’ordre 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.4.5 Lien entre vecteurs d’une base et les vecteurs de la base réciproque 18
2.4.6 Relation entre les composantes du tenseur métrique . . . . . . 19
2.5 Éléments sur les pseudo-tenseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.5.1 Note importante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.5.2 Bases et origines du problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.5.3 Vers une formule de transformation des pseudo-tenseurs . . . . 22
2.6 Exercices avec corrigé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.6.1 Exercices sur la convention de sommation d’Einstein . . . . . 24
2.6.2 Exercices sur la covariance et la contravariance . . . . . . . . . 25
2.6.3 Exercices sur la définition du tenseur . . . . . . . . . . . . . . 26
2.6.4 Exercices sur le tenseur métrique . . . . . . . . . . . . . . . . 27
2.6.5 Exercices sur les pseudo-vecteurs . . . . . . . . . . . . . . . . 29

3 Algèbre tensorielle 30
3.1 Produit tensoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
3.2 Exemples de produits tensoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
3.2.1 Produit tensoriel de deux vecteurs de dimension 3 . . . . . . . 31
3.2.2 Produit tensoriel de deux vecteurs dans deux bases différentes 32
3.2.3 Produits tensoriels multiples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
3.2.4 Multiplication tensorielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
3.3 Deuxième critère de tensionnalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
3.4 Produits scalaires des tenseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
3.5 Contraction des indices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
3.5.1 Contraction simple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

2
3.5.2 Multiplication contractée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
3.5.3 Troisième critère de tensionnalité . . . . . . . . . . . . . . . . 38
3.6 Le produit tensoriel et les applications multilinéaires . . . . . . . . . 38
3.7 Exercices avec corrigé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
3.7.1 Exercices sur le produit tensoriel . . . . . . . . . . . . . . . . 42
3.7.2 Exercices sur les critères de tensionnalité . . . . . . . . . . . . 44

4 Les tenseurs et les propriétés différentielles 46


4.1 Espaces ponctuels pré-euclidiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
4.1.1 Définitions et notations des dérivées . . . . . . . . . . . . . . . 47
4.1.2 Norme dans les espaces pontuels . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
4.2 Coordonnées curvilignes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
4.3 Les symboles de Christoffel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
4.3.1 Les symboles de Christoffel de deuxième espèce . . . . . . . . 52
4.3.2 Les symboles de Christoffel de première espèce . . . . . . . . . 53
4.3.3 Les symétries du symbole de Christoffel . . . . . . . . . . . . . 54
4.3.4 Symoboles de Christoffel à partir du tenseur métrique . . . . . 54
4.3.5 Changement de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
4.4 La géodésique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
4.4.1 Equation de la géodésique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
4.4.2 Variation d’un vecteur le long d’une géodésique . . . . . . . . 58
4.5 Dérivée covariante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
4.5.1 Définition et tensionnalité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
4.5.2 Composantes mixtes du tenseur de dérivée covariant . . . . . 61
4.5.3 Dérivée covariante d’un tenseur . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
4.5.4 La dérivée absolue le long d’une courbe . . . . . . . . . . . . . 63
4.5.5 Symboles de Christoffel contractés . . . . . . . . . . . . . . . . 64
4.5.6 Les opérateurs différentiels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
4.6 Les espaces de Riemann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
4.6.1 Motivations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
4.6.2 Définitions et conditions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
4.6.3 Intuition derrière les difficultés liées à la formulation . . . . . 70
4.6.4 Espace euclidiens osculateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
4.7 Transport de vecteurs dans un espace de Riemann . . . . . . . . . . . 74
4.7.1 Généralisations et définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
4.7.2 Métrique euclidienne de raccordement . . . . . . . . . . . . . . 75
4.7.3 Cycles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
4.8 Tenseur de Riemann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
4.8.1 Définition et symétries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
4.8.2 Les identités de Bianchi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
4.8.3 Intuitions géométriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
4.9 Tenseurs dérivant du tenseur de Riemann . . . . . . . . . . . . . . . . 82

3
4.9.1 Tenseur de Ricci . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
4.9.2 Le tenseur d’Einstein . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
4.10 Exercices avec corrigé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
4.10.1 Exercices sur la convention d’Einstein appliquée à l’analyse . . 85
4.10.2 Exercices sur les coordonnées curvilignes . . . . . . . . . . . . 86
4.10.3 Exercices sur les symboles de Christoffel . . . . . . . . . . . . 87
4.10.4 Exercices sur la géodésique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
4.10.5 Exercices sur la dérivée covariante . . . . . . . . . . . . . . . . 91
4.10.6 Exercices sur les espaces de Riemann . . . . . . . . . . . . . . 92
4.10.7 Exercices sur le tenseur de Riemann . . . . . . . . . . . . . . . 95

5 Applications à la physique 97
5.1 Dérivation du tenseur de Maxwell . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
5.2 Équation de continuité pour la densité d’impulsion électro magnétique 99
5.3 Structure mathématique du braket . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
5.4 Dérivation de la métrique de Schwarzschild . . . . . . . . . . . . . . . 103

4
1 Préface
Le but de ce polycopié est d’initier l’élève de première, deuxième, troisième année
de bachelor de physique et même éventuellement un étudiant vivant ses quelques
premières semaines au sein d’un master de physique aux propriétés algébriques et
différentielles des tenseurs: objets mathématiques primordiaux à l’élaboration de
presque toutes les théories physiques. Nous verrons multiples manières de les définir
ainsi que leur utilisation. Nous allons dans ce but immédiatement commencer par
utiliser la convention de sommation d’Einstein qui, malgré sa complexité apparente,
permet de saisir avec plus de subtilité ce que sont les tenseurs ainsi que de simpli-
fier largement les écritures. Le début sera très abstrait et le lecteur risquera de ne
pas comprendre pourquoi ce qui est écrit aura un intérêt quelconque. ”Dans toutes
les sciences, le commencement est ardu.”, comme le disait Marx dans sa préface du
Capital. Dans un deuxième temps, le lecteur, désormais habile des concepts de base,
pourra comprendre l’utilité véritable des définitions et des conventions. Il sera alors
accompagné dans son étude d’objets mathématiques beaucoup plus subtiles et puis-
sants. Il se verra ainsi recomprendre des concepts de base de l’algèbre linéaire ainsi
que de la géométrie.
Le but restant avant tout l’application de l’idée de tenseur (et ses conséquences)
à la physique, la section 2 portera sur les notions de base que tout physicien doit
connaı̂tre afin de se sortir de la majorité des cours utilisant les tenseurs. La sec-
tion 3 portera sur une construction plus rigoureuse du tenseur, permettant une plus
précise compréhension des mécanismes en jeu derrière les mathématiques présentées
dans la section précédente. La quatrième section portera sur une brève initiation
aux propriétés différentielles des tenseurs, permettant alors au lecteur d’accéder à
la majorité de la physique moderne selon les formulations les plus récentes, tout
comme à la géométrie différentielle et donc la compréhension des équations de la
relativité générale, que nous allons même partiellement démontrer. La cinquième et
dernière section sera une section orientée autour des applications à la physique. L’on
y dérivera divers tenseurs, comprendra la notation bra-ket et dérivera la métrique de
Schwarzschild.
Il faut toutefois que j’avertisse le lecteur que celui-ci ne doit pas s’attendre à com-
prendre réellement la géométrie différentielle comme théorie mathématique. L’on ne
lui présentera qu’une façon de faire de l’analyse avec des tenseurs. Vous verrez que la
différence avec un vrai cours de géométrie différentielle, issu d’une compréhension ap-
profondie de ce qu’est la topologie, est flagrante. Les idées de géométrie différentielle
présentées sont celles nécessaires à un cours de master en relativité générale.
Le physicien sera motivé de savoir que les tenseurs permettent de décrire les mo-
ments d’inerties d’un solide, les déformations de l’espace-temps dues à la matière ainsi
que les interactions des particules élémentaires dans le cadre des théories quantiques
des champs. Ils permettent même souvent une expression unificatrice de principes
physiques que le lecteur aura souvent vu dans des cas spéciaux.

5
De multiples exercices seront proposés au lecteur au cours du dossier, afin que
celui-ci puisse vraiment se familiariser aux idées nouvelles qui lui seront présentées.
Certains exercices, à considérer comme des ”exemples jouets”, seront disséminés tout
au long de la lecture. Leur but est de permettre au lecteur une première approche à la
matière abordée, afin qu’il puisse juger de sa compréhension des mécanismes de base.
Ils permettent aussi une interaction avec le lecteur, pour qu’il soit ponctuellement
mis au défi. D’autres exercices à considérer comme une aide au renforcement de
la compréhension du lecteur, seront, eux, à la fin des chapitres respectifs. Certains
viendront de sources citées, d’autres seront exclusifs.
Le lecteur aura besoin d’avoir de solides connaissances de son cours d’algèbre
linéaire I et quelques connaissances éparses de son cours d’algèbre linéaire II ainsi
qu’une claire idée de ce qu’est la dérivée partielle, puisque ce seront des concepts
intensivement utilisés. Il est aussi recommandé (mais de loin pas obligatoire) d’avoir
des bases de relativité restreinte et de mécanique lagrangienne pour le lecteur qui
veut avoir une compréhension en profondeur de certains exercices que nous estimons
être conceptuellement très intéressants pour tout physicien.
Nous espérons pouvoir transmettre au lecteur le savoir et la passion des algèbres
et analyses tensorielles et que celui-ci ait, après une lecture engagée, beaucoup plus
de facilité à accéder à ses futurs cours de physique.
Les avis des lecteurs sont très volontiers pris en compte, afin d’améliorer la contenu
de ce document ; le but étant de faire de ce dernier un phare qui guidera un maximum
d’élèves de l’EPFL vers la compréhension et l’appréciation des tenseurs à leur juste
valeur. Même si vous n’avez pas de commentaire très élaboré, cela me ferait un plaisir
monstre que vous m’indiquiez que vous avez lu ce texte !
Une série de commentaires, de réflections personnelles, ainsi que de nouvelles
connaissances sur cette matière avancée pour un étudiant de première année m’ont
motivé à retravailler ce document que j’espère devenir joyau de la section de physique
de l’EPFL.
Ce texte s’inspire amplement de [1].

6
2 Notions de base
2.1 Convention de sommation d’Einstein
La convention de sommation d’Einstein n’est pas conceptuellement révolutionnaire:
des indices répétés signifient que l’on somme sur une famille donnée. Mais attention!
Les indices qui indiquent la somme ne doivent pas se situer n’importe-où : l’un doit
être en haut et l’autre en bas. Mais afin de ne pas déjà faire crouler le lecteur sous une
masse gigantesque de technicalités, nous allons - pour l’instant - faire abstraction de la
dernière condition énoncée. La famille sur laquelle on somme dépend de la convention
explicitée dans le développement textuel. Usuellement, en mathématiques comme en
physique, sauf indication du contraire, les indices commencent à 1 et vont de 1 en 1
jusqu’au maximum que peut prendre l’indice, souvent la dimension finie d’un espace
considéré. En physique, toutefois, si des effets relativistes sont en jeu, il est usuel
d’utiliser des lettres grecques en indice. Dans ce cadre, l’indice 0 est représentatif
de la coordonnée temporelle, tandis les indices 1, 2 et 3 sont quant à eux réservés
pour les dimensions spatiales. Voici un exemple qui montre comment des équations
alourdies des symboles de sommation deviennent plus faciles à lire et plus belles :
n
X n X
X n
r s r
∂ki y = ¯Γik ∂s y − Γrst ∂i y s ∂k y t
s=1 s=1 t=1

devient
∂ki y r = Γ̄sik ∂s y r − Γrst ∂i y s ∂k y t .
Evidemment, le lecteur du public pour lequel est adressé ce texte ne comprend pas
ce que signifie cette équation pour le moment. Mais nous ne le lui demandons pas !
Nous désirons simplement motiver l’utilisation de la convention ! Bien que l’ensemble
d’indices est potentiellement quelconque, remarquons qu’une somme d’indices répétés
sur une famille non-dénombrable est une intégrale. Dans ce cadre, il est donc plus
agréable d’utiliser le symbole d’une intégrale pour qualifier la somme que l’on effectue.
Remarquons aussi que les sommes infinies dénombrables ne sont généralement pas
représentées sous cette forme non plus. Pourquoi ? Vous verrez que cette convention
de sommation d’Einstein est faite pour pouvoir comprendre une équation entre des
quantités tensorielles (dont les matrices sont un exemple) sous la forme d’une équation
de nombres qui commutent. Ainsi, les sommes infinies ne commutant pas toujours,
nous restreignons l’étude à des sommes finies.
Nous prendrons de plus la convention de mettre en gras un objet mathématique
s’il doit être considéré comme un objet indépendent de toute base. Nous mettrons
donc en gras un objet mathématique si nous ne considérons pas sa représentation,
mais son existence extrinsèque. L’existence extrinsèque est à comprendre, dans le cas
des vecteurs, comme la représentation géométrique du vecteur : une flèche avec une
magnitude, une direction et une origine. Dans le cadre des tenseurs, cette description
est plus abstraite, mais ne vous en faites pas : si vous comprenez le cas des vecteurs

7
maintenant déjà, le cas des tenseurs semblera une extrapolation naturelle. Dans les
sections 2 et 4 de ce dossier, il ne s’agiront que de vecteurs, mais il pourrait, dans un
ouvrage plus orienté sur les mathématiques - comme la section 3 - que les objets en
gras soient des tenseurs.

Si nous considérons un espace vectoriel réel V à 3 dimensions, un vecteur x ∈ V


de composantes (x1 , x2 , x3 ) dans une base (e1 , e2 , e3 ), alors nous pouvons écrire
x = xi ei (1)
Pourquoi avoir mis l’indice des composantes en haut et celui des vecteurs en bas?
C’est une bien bonne question à laquelle nous ne répondrons pas tout de suite. Nous
allons (bien que pas tout de suite) démontrer que le choix est justifié. Nous tenons
juste à ce que le lecteur assigne des indices en haut pour des coordonnées et des
indices en bas pour des vecteurs de base. Nous verrons que cette idée est simpliste et
fausse mais - pour l’instant - suffisante.
Si nous souhaitons multiplier ce vecteur par une matrice A = (aij ) de M3 (R), nous
le transformons alors en un vecteur y de V .
y = Ax (2)
ou, de manière strictement équivalente, si (y i ) sont les coordonnées de y dans la base
(e1 , e2 , e3 )
y i = aij xj (3)
Remarquez qu’avec les conventions précédemment établies, les deux équations précéd-
entes racontent des histoires différentes : la première raconte comme une application
linéaire a géométriquement modifié le vecteur qui y est rentré. La première raconte
une relation entre 2×3 nombres, par l’intermédiaire de 3×3 coefficients constants (aij ).

Il peut être difficile d’en faire abstraction pour le moment, mais le plus vite les
sommes seront effectivement oubliées, le plus vite la danse avec les indices pourra
prendre place dans la tête du lecteur. Et alors, celui-ci sera sur la bonne voie pour
maı̂triser les objets prochainement présentés avec la plus grande des finesses. Toute-
fois, dans un calcul plus appliqué, le lecteur devra souvent utiliser le fait qu’une
répétition d’indices soit une somme.

Exercice : Trouvez une expression mathématique utilisant la convention de som-


mation d’Einstein, qui permette de calculer la trace d’une matrice A = (aij ) carrée
quelconque.

Solution : Habituellement, nous aurions écrit


n
X
T r(A) = aii
i=1

8
mais là, nous écrivons
T r(A) = aii
Nous remarquons que la répétition d’indice a transformé une matrice en scalaire.
Nous dirons plus loin de cette opération que c’est une contraction. Plus loin - et
conformément à l’utilisation de la convention de sommation d’Einstein comme nous
l’avions motivée au tout début - nous écrirons la trace comme étant aii , bien que les
composantes de la matrice donnée soient aij ! Vous verrez qu’il n’y a pas triche !

Exercice : Montrer que toute forme quadratique peut s’écrire sous la forme
aij xi xj
pour A = (aij ) ∈ Mn (K), K un corps qui ne soit pas F2 et x ∈ V un espace vectoriel
de dimension n sur K.

Solution : Nous savons par le cours d’algèbre linéaire II que toute forme quadra-
tique Q : V → K est représentable par une matrice A = (aij ) et que, pour x ∈ V ,
Q(x) = q peut s’écrire
n
X n
X
q = xT Ax = xi aij xj = aij xi xj
i=1 j=1

Ce qui démontre bien le résultat.

Puisqu’une somme est indiquée par une répétition d’indices, il faut faire atten-
tion lorsque l’on insère une expression dans une autre. En effet, il faut qu’aucun des
nouveaux indices de l’expression insérée ne figure dans la formule de base, sinon nous
risquons de faire une somme au mauvais endroit !
ij
Exercice : Soit Mi = aijk brs cjk ijr s
rs tel que ckl = dkrls e f . Trouvez une expression
de Mi dans laquelle figurent tous les objets précédents.

Solution : Une solution possible est


Mi = aijk brs drslm ejkl f m
Nous pouvons noter que les indices sur lesquels on somme s’appellent des indices
muets (tous sauf i dans la définition de Mi ) et les indices sur lesquels nous ne som-
mons pas sont appelés indices libres (i, j, k et l de la définition de cij
kl ).

2.2 Covariant et contravariant


Le lecteur aura remarqué l’utilisation d’indices en exposant. Ceci est la raison
habituelle pour laquelle cette notation semble très inaccessible et contre-intuitive.

9
Non pas le fait qu’il y ait des indices en haut, mais les conditions pour qu’ils le soient!
Le but sera dès à présent de formaliser l’utilisation des indices, leur signification et
de commencer à sentir pourquoi la distinction sera indispensable. Nous invitons le
lecteur à revenir aux exercices précédents pour vérifier sa compréhension du sujet.
Les notations dans cette partie sont toutefois encore un peu bancales pour les objets
qui ne sont pas des vecteurs. Ceci sera l’objet de la sous-section suivante.

2.2.1 Covariant
Définition : nous disons qu’une composante d’un tenseur est covariante si elle se
transforme comme un vecteur de base. Nous dénotons alors cette composante par un
indice en bas.

Cette définition ne semble pas faire immédiatement sens, puisqu’elle semble horri-
blement arbitraire. Prenons alors un exemple révélateur, sur lequel nous reviendrons
plus tard : considérons un K - espace vectoriel, V , de dimension n dont (ei ) et (e0k )
sont des bases distinctes. Alors il existe une matrice A passant de (ei ) à (e0k ) et une
autre matrice, A0 allant dans l’autre sens, telle que
e0k = Aei et ei = A0 e0k (4)
Il faut avant tout remarquer que la matrice de passage A est primée si et seulement si
le vecteur qui passe dedans est lui aussi primé. Ceci est la caractéristique qui définit
la covariance d’une composante d’un tenseur !

Peut-être vous dites-vous que le choix de primage de A est arbitraire. Vous ne


vous trompez pas, il l’est bien. Mais remarquez que si l’on prime le premier A de
l’exemple précédent, le second ne doit pas l’être, afin que l’on reste cohérents. Ainsi,
le primage du changement de base est une convention, qui, à des fins pédagogiques
restera la même durant tout le texte. Donc, de façon parallèle, les mathématiques
construites ici ne dépendent pas du primage : l’on pourrait continuer à partir de là
avec la convention inverse et les mêmes résultats seront découverts.

2.2.2 Contravariant
Définition : une composante d’un tenseur est dite contravariante si elle obéit
à la loi de transformation inverse d’une composante covariante. Nous dénotons ces
composantes par un indice en haut.

Prenons l’exemple des composantes habituelles d’un vecteur x décomposé sur une
base (ei ) et (e0k ). Les composantes sont alors respectivement (xi ) et (x0k ). Démontrons
qu’elles sont contravariantes et que l’écriture d’indices en haut dans les solutions des
exercices était justifiée. En effet,
x = xi ei = xi A0 e0k = (A0 xi )e0k = x0k e0k

10
par définition de la base et de A0 .
Alors, en simplifiant et en faisant la même chose pour l’autre cas - ce que nous
invitons le lecteur à faire - nous obtenons les relations

xi = Ax0k ainsi que x0k = A0 xi (5)

Il est important de remarquer que l’ordre du ”primage” a été interverti. Il faut faire
passer les composantes primées dans une matrice qui ne l’est pas pour obtenir les
composantes d’un vecteur non-primé et vice-versa ! Nous obtenons donc bien des
relations inverses à celles de (4).

2.3 Première définition du tenseur


Cela peut sembler curieux, mais nous n’avons toujours pas considéré d’éléments ten-
soriels au sens le plus large ! Cette définition est celle que les physiciens entendront à
chaque fois qu’ils demanderont à l’un de leurs professeurs ce qu’est un tenseur. Nous
allons ainsi devenir très rigoureux sur l’emploi des indices.

Définition : un tenseur est un objet mathématique qui se transforme comme un


tenseur sous changement de coordonnées.

Cette définition est la cause d’un grand pan de blagues sur les méthodologies des
physiciens. Et accordons-nous sur le fait qu’elle soit en effet ridicule. Vous ai-je déçu,
puisque je ne vous ai pas donné plus de compréhension du sujet que ne l’a fait le pro-
fesseur ? Ne vous inquiétez pas, nous élaborerons. Nous verrons que cette définition
est reliée aux covariances et contravariances présentées dans la dernière sous-section.
Mais avant de présenter la formule qui définit ce qu’est un tenseur, nous allons d’abord
construire quelques notions, afin de solidier la compréhension des changements de co-
ordonnées, si cruciaux à la définition du tenseur. Si vous ne pouvez vivre 30 secondes
de plus sans connaı̂tre cette mystérieuse formule, rendez-vous à l’équation (12).

Définition : l’ordre d’un tenseur est le nombre de ses indices différents sur lesquels
il n’y a pas de sommation interne.

Avec cette définition, il est évident qu’un tenseur A de composantes (akij ) est
d’ordre 3, tandis qu’un tenseur B de composantes (bj = akkj ) est d’ordre 1.

2.3.1 La matrice de passage


La matrice de passage A utilisée dans les sous-sections 2.2.1 et 2.2.2 n’avait pas
d’indices, ce qui empêchait toute sommation. Nous allons désormais démontrer où ils
doivent se trouver pour que la convention de sommation d’Einstein soit respectée.

11
Démonstration : Supposons que A, B ∈ GLn (K) soient semblables et qu’il
existe donc P ∈ GLn (K) telle que

B = P −1 AP.

Alors, la matrice de passage serait, si l’on gardait la convention de la sous-section


précédente, une fois primée et une fois non. En effet, la matrice de passage dans
l’autre sens est P −1 , car −1
A = P −1 BP −1 .
L’argument n’est pas évident, car pas forcément des plus rigoureux. Mais l’intuition
gagnée par la compréhension de l’argument vaut de loin sa difficulté. Si vous avez
des difficultés, remarquez quel rôle jouent P et P −1 dans les deux cas. Ils s’inversent
en effet. Ceci signifie que les composantes se transforment à la fois comme un vecteur
de base et à la fois de façon inverse à un vecteur de base, ce qui signifie que la
matrice A est mixte ! Le raisonnement est le même pour toutes les matrices présentes
dans l’égalité, donc nous savons que toutes les matrices ci-présentes sont des tenseurs
mixtes d’ordre 2.
Etudions désormais l’expression e0k = Aei . Nous aimerions que la partie de droite
de l’égalité soit, comme la partie de gauche, covariante en k. Alors, le choix naturel
est de mettre l’indice k en bas et l’indice i en haut, puisque nous avons déterminé que
l’un devait être en haut tandis que l’autre devait être en bas. Alors,

e0k = Aik ei (6)

Symétriquement, nous avons aussi

ei = A0k 0
i ek (7)

Et pour les composantes contravariantes d’un vecteur x :

xi = Aik x0k et x0k = A0k


i x
i
(8)

Exercice : Essayez de deviner comment l’on ferait pour passer de composantes


tensorielles ukij aux composantes tensorielles u0trs

Solution : En utilisant les principes explicités ces dernières pages, il vient

ukij = A0r 0s k 0t
i Aj At urs . (9)

La formule générale sera présentée à la prochaine sous-section.

Définition : le delta de Kronecker est un tenseur tel que



ij j 1 si i = j
δij = δ = δi = (10)
0 sinon.

12
En cours d’algèbre linéaire, nous aurions dit que c’est la matrice identité. Mais
le delta de Kronecker est plus général en le sens que les indices peuvent être des
nombres rationnels aussi [2]. Il faudra noter que nous n’utilisons pas les propriétés
de covariance ou de contravariance du delta de Kronecker, puisque son expression
est indépendante de toute base. D’où l’emplacement des indices qui peut sembler
hasardeux et parfois contradictoire chez certains auteurs. Le lecteur ne devra pas
s’en soucier, puisque par invariance, cela n’aura aucun impact sur les résultats.

En appliquant la matrice de changement de base deux fois, il vient que


j
ei = A0k
i Ak ej

autrement dit, et par symétrie de l’argument, les matrices de passage sont des inverses
mutuels !
j j k 0j
A0k
i Ak = δi = Ai Ak (11)
Ceci n’est pas étonnant, puisque les changements de base sont des applications bijec-
tives et que A0 a été défini très précisément comme la transformation inverse de A.
Nous pouvons donc nous réjouir du fait que nous arrivons à retrouver des résultats
fondamentaux de l’algèbre linéaire avec relativement peu d’efforts.

2.3.2 Produit tensoriel


La définition qui suivra sera moins formelle que ce qui sera présenté dans la section
3. Mais elle est un concept toutefois utile pour la suite, donc nous l’introduisons dans
l’immédiat.

Définition : lorsque dans un produit de deux quantités tensorielles, il y a un


besoin d’indices supplémentaires, alors nous dirons que nous avons fait le produit
tensoriel de ces deux quantités tensorielles.

Exemple : le produit tensoriel de deux vecteurs est un tenseur d’ordre 2. Par


exemple, si u et v sont de composantes covariantes respectives (ui ) et (vj ), alors le
produit tensoriel de ces deux vecteurs est un tenseur T de composantes covariantes
tij = ui vj

2.3.3 Changement de coordonnées d’un tenseur


j ...j
Avec les notations précédemment utilisées, il vient que ui11...ipq sont des quantités ten-
sorielles si elles respectent la loi de transformation sous changement de base suivante
j ...j 0r
ui11...ipq = A0r 1 p j1 jq 0s1 ...sq
i1 ...Aip As1 ...Asq ur1 ...rp (12)
Il faut remarquer que certains objets mathématiques - comme les symboles de
Christoffel - ne se transforment pas comme des tenseurs, mais possèdent des pro-
priétés de covariance ou contravariance comme les tenseurs classiques. De tels objets

13
sont appelés pseudo-tenseurs. Le fait que l’on puisse placer des indices en haut ou
en bas ne signifie donc pas que l’objet que nous étudions est un tenseur ! Nous
venons donc de voir le premier critère de tensionnalité : un objet mathématique est
un tenseur s’il se transforme sous changement de coordonnées selon (12).

Exercice : Soient deux systèmes de coordonnées (y i ) et (y 0k ). Supposons que les


(y 0k ) soient des combinaisons linéaires des (y i ) et vice-versa. Soit aussi F : Rn → R
différentiable. Par analogie avec les vecteurs, justifiez que le gradient est un tenseur
d’ordre 1.

Solution : Cet exercice est très dur, mais permet de montrer la puissance unifi-
catrice formidable du calcul tensoriel. Faisons ce qui semble le plus naturel : prendre
une des coordonnées du gradient. Ainsi, en dérivant par rapport à y i , nous obtenons
une des coordonnées du vecteur gradient de deux façon différentes :

∂F ∂F ∂y 0k
= .
∂y i ∂y 0k ∂y i
Or, nous retrouvons bien une formule de changement de coordonnées en ceci. En
0 ∂y 0k
∂F
effet, si ∂y ∂F
i = xi , ∂y 0k = xk et ∂y i = A0k 0k
i , alors puisque les Ai ne sont que des
nombres (par hypothèse), il est évident que le gradient devienne un tenseur covariant
d’ordre 1. Nous verrons en plus de détails plus loin dans le dossier pourquoi j’ai
pu affirmer qu’il soit covariant. Mais en plus, nous pourrons prendre n’importe quel
système de coordonnées - même curviligne - et cela sera toujours valable, à quelques
termes correctifs près.

2.4 Tenseur métrique


2.4.1 Définition
Définition : Soit une base (ei ) d’un espace pseudo-euclidien Ep,q de dimension
p + q = n. Le tenseur métrique est un tenseur d’ordre 2 tel que ses composantes
covariantes soient
gij = ei · ej (13)
La matrice de Gram est la représentation matricielle du tenseur métrique, qui est par
la définition du produit scalaire, une forme bilinéaire symétrique, que le lecteur aura
certainement rencontré lors d’un cours d’algèbre linéaire II. Il va jouer un rôle majeur
tout au long du dossier. Il va nous permettre de ”descendre ou monter un indice”. Il
figure d’ailleurs dans l’équation de la relativité générale !

Exercice : Soient deux vecteurs x et y de Ep,q un espace pseudo-euclidien de


dimension n. Si le tenseur métrique est diagonal (i.e. seuls les éléments aux indices
égaux sont non-nuls), trouvez une formule donnant leur produit scalaire en utilisant

14
le moins de symboles que possible et en gardant les composantes des vecteurs explicites.

Solution : Nous avons, suivant des définitions, de la bilinéarité du produit scalaire


et en sommant tout ce qui possède un indice i à la fois :
x · y = (xi ei ) · (y j ej ) = xi y j (ei · ej ) = gii xi y i
Exercice : Démontrez que les composantes du tenseur métrique ainsi défini sont
des quantités tensorielles covariantes d’ordre 2.

Solution : Par définition du tenseur et en utilisant le fait que ei = A0k 0


i ek , nous
avons
gij = ei · ej = A0k 0l 0 0 0k 0l 0
i Aj (ek · el ) = Ai Aj gkl .

Ce qui montre bien que le tenseur métrique est d’ordre 2, que ses composantes soient
covariantes car elles respectent la loi de transformation des tenseurs.

2.4.2 Norme
Définition : La norme d’un vecteur, élément d’un espace euclidien, à composantes
contravariantes (xi ) est définie comme :
√ p p
k x k= x · x = xi xj ei · ej = gij xi xj (14)
Alors, si nous avons une courbe Γ paramétrée par (y i (s)), la longueur de la courbe
est Z s2 r
dy i dy j
Z Z p
l = dl = gij dy i dy j = ds gij (15)
s1 ds ds
Ce qui est une formule que nous pourrons étudier plus loin dans le cours, lorsque nous
aurons introduit la définition de la métrique des variétés de Riemann. Nous pourrons
alors calculer des distances dans un espace de (presque) n’importe quelle géométrie !

Exercice : Le tenseur métrique en relativité restreinte est défini par :



 0 si i 6= j
ηµν = gµν = 1 si i = j = 0
−1 si i = j = 1, 2, 3

Nous définissons le temps propre comme étant le τ dans la relation c2 (∆τ )2 = gµν ∆xµ ∆xν
et x = (ct = x0 , x1 , x2 , x3 ) [3]. Quel est la différence de temps propre d’un photon ?

Solution : Un photon qui a existé depuis ∆t secondes aura parcouru c∆t mètres
dans une direction donnée. Quitte à faire de l’algèbre, remettons nos axes de façon
que e1 soit parallèle à la trajectoire du photon. Alors,
1p 1p 2
∆τ = gµν ∆xµ ∆xν = c (∆t)2 − (c∆t)2 = 0.
c c
15
Un photon ne sent pas de temps propre. On peut le voir comme si pour lui, les
distances dans son sens de mouvement sont nulles et s’il ne sentait pas le flot du
temps. En effet, la formule de contraction des longueurs est donnée par
r
v2 l0
l = l0 1 − 2 :=
c γ
tandis que celle de dilatation du temps est donné par

Exercice : Dérivez la formule de dilatation temporelle à l’aide des concepts


énoncés dans le dernier exercice.

Solution : Par la définition du temps propre et de la vitesse, nous avons


r r
(∆x) 2 (∆y) 2 (∆z) 2 v2 ∆τ
∆τ = (∆t)2 − 2
− 2
− 2
= 1 − 2
∆t ⇐⇒ ∆t = q = γ∆τ.
c c c c 1− v
2
c2

Alors un temps propre du photon de seulement quelques picosecondes équivaut à une


durée infinie pour n’importe quel observateur.

2.4.3 Composantes covariantes d’un vecteur


Nous les avions introduites, mais nous ne savions pas ce qu’elles signifiaient. Nous
allons désormais démontrer qu’elles ont une signification très intéressante. Soit ei
un vecteur non-nul de Ep,q que l’on obtient comme combinaison linéaire d’une base
de vecteurs (e0k ). Alors il existe une matrice de passage A0k 0k 0
i telle que ei = Ai ek .
Calculons le produit scalaire entre x de Ep,q et ei :

x · ei = x · (A0k 0 0k 0
i ek ) = Ai (x · ek )

Ceci démontre que x · ei est covariant. Ainsi, il vient que

Définition : si (ei ) est une base de Ep,q , alors les composantes covariantes d’un
vecteur de cet espace sont définies par

xi = x · ei (16)

Le physicien sera ravi de voir que les composantes covariantes d’un vecteur sont les
composantes du vecteur s’il est projeté sur une base donnée. Ce sont donc des objets
très familliers et très naturels, auxquels il a été habitué durant son premier cours
de phyisque : la mécanique ! Nous allons voir désormais le lien entre composantes
covariantes et contravariantes d’un tenseur d’ordre 1.

16
2.4.4 Lien entre composantes covariantes et contravariantes d’un tenseur
d’ordre 1
Reprenons notre espace Ep,q et (ei ) une base de celui-ci. De plus, prenons un vecteur
ej de la base. Alors il vient

xj = x · ej = xi (ei · ej ) = xi gij (17)

Ce qui est notre première relation qui lie les composantes covariantes aux com-
posantes contravariantes. La deuxième se déduit après avoir définit quelques objets
supplémentaires.

Définition : La base réciproque (ei ) d’une base (ei ) est telle que

ei · ek = δik . (18)

En algèbre linéaire II nous aurions dit que c’est la base duale de (ei ).

Pourquoi les indices en haut semblent justifiés ? C’est ce que nous devons tâcher
de démontrer.

Démonstration : Munissons-nous des bases (ei ), (ek ), (e0j ) et (e0k ) de Ep,q . La


matrice de passage est A. Alors,

ei · ek = δik et e0j · e0l = δj0l

Si nous supposons - comme le laisserait sous-entendre la notation - que les vecteurs


de la base réciproque soient contravariants, alors

ei · ek = A0ji Akl (e0j · e0l ) = A0ji Akl δj0l .

Nous avons aussi


ei · ek = δik .
Or, comme δik = A0ji Akl δj0l , nous retrouvons bien la formule de changement de base
du delta de Kroenecker et donc, celui souhaité. De plus, la troisième expression se
simplifie en A0ji Akj , ce qui est bien égal à δik , ce qui nous indique que le choix que nous
avons fait est le seul qui aurait mené à cette égalité, et donc une cohérence.

En supposant que gij soit un produit scalaire, nous supposons que le système
d’équations (17) est résoluble (car g = det[gij ] 6= 0 si la forme bilinéaire est non-
dégénérée), alors nous pouvons inverser le tenseur par la méthode préférée du lecteur.
Ceci va résulter en un tenseur contravariant d’ordre 2.

17
Démonstration : Nous nous munissons de deux bases covariantes, (ei ) et (e0k ).
Alors, par les propriétés de la multiplication matricielle et par utilisation de la
définition du tenseur métrique contravariant, il vient que

g ij gjk = δki (19)

Nous devons vérifier que si nous essayons de transformer g ij comme un tenseur con-
travariant, alors nous ne trouvons pas d’absurdité. Ce qui se fait aisément avec les
propriétés démontrées précédemment :

g ij gjk = (Ail Ajm )(A0m 0n


j Ak )(g
0lm 0
gmn ) = Ail A0n 0l i
k δn = δk .

Ce qui est exactement ce que nous devions démontrer.

Alors, il vient, en inversant (17),

xj = g ij xi (20)

Exercice : Soit le vecteur x de E2 de composantes contravariantes (1, 2). Quelles


sont ses composantes covariantes si g11 = 2, g12 = g21 = −3 et g22 = 5 ?

Solution : Par le premier lien démontré dans cette sous-section, nous avons :

x1 = g11 + 2g12 = −4 et x2 = g12 + 2g22 = 7

Nous avons donc désormais les relations qui permettent de passer à des com-
posantes covariantes aux composantes contravariantes en vice-versa. Mais qu’en est-il
des vecteurs d’une base et ceux de la base réciproque, sont-ils aussi liés ?

2.4.5 Lien entre vecteurs d’une base et les vecteurs de la base réciproque
Posons-nous la question de s’il existe un tenseur tel que

ei = Bik ek .

Avec ces noms, il vient que

ej · ei = gji = ej · (Bik ek ) = Bik δjk = Bij

Alors la loi de changement de base devient,

ei = gij ek ⇐⇒ ej = g ij ei (21)

La conséquence immédiate est que tout vecteur x de Ep,q est une combinaison des
vecteurs réciproques :
x = αi ei .

18
Nous affirmons, de plus, que les αi sont les composantes covariantes de x.

Démonstration : Dans les conditions énoncées précédemment, il vient que

x · ej = xj = (αi ei ) · ej = αi δji = αj .

Alors nous avons


x = xi e i = x i e i (22)
Il est parfois dit que xk représente la composante covariante de x par rapport à
la base (ek ) car
x · ek = xi ei · ek = xi δik = xk .
Théorème : les composantes covariantes sont égales aux composantes contravari-
antes si nous sommes dans l’espace euclidien, muni du produit scalaire canonique (i.e.
gij = δij ).

Démonstration : en reprenant l’équation (17) et avec les conditions explicitées,


il vient que
xj = xi gij = xi δij = xj .
Nous réalisons donc que dans un espace euclidien muni d’un produit scalaire canon-
ique, il ne sert à rien de faire une distinction entre les deux types de composantes,
mais de façon réciproque et encore plus importante : il faut faire la distinction entre
composantes covariantes et composantes contravariantes si l’on ne travaille pas dans
un espace euclidien muni du produit scalaire canonique !

2.4.6 Relation entre les composantes du tenseur métrique


En prenant encore quelques produits scalaires, nous arriverons à des relations du
tenseur métrique, qui seront souvent utiles pour des développements qui prendront
place plus loin dans le dossier. Commençons par nous poser la question de ce que cela
pourait signifier de prendre le produit scalaire de deux vecteurs de la base réciproque
(ek ). Intuitivement, si les notations et les définitions étaient bien choisies, ei · ej
devrait être g ij , ce que nous allons démontrer :

ei · ej = g kj (ei · ek ) = g kj δki = g ij (23)

Vous commencez certainement à mieux saisir l’utilité d’une telle convention qui
peut sembler au premier abord très contre-intuitive, mais qui dans les mathématiques,
se simplifie très bien. Un autre exemple serait de vouloir considérer un tenseur
métrique mixte. Nous devons donc le définir. Le choix le plus logique semblerai
de le définir selon un produit scalaire entre un vecteur et un vecteur réciproque :

gij := ei · ej = δij .

19
Alors, par le fait que g ij soit l’inverse de gij ,

g ik gkj = gji = g jk gki = gij = δij (24)

Alors on peut considérer le tenseur métrique comme un ”opérateur” qui permet


de monter ou descendre un indice s’il y en a une répétition. C’est pour cela que le
tenseur métrique mixte se contente d’être un delta de Kroenecker ! Il ne peut pas
descendre ou monter d’indice ! Cette propriété de réarrangement des indices sera
l’une des propriétés les plus expoitées du tenseur métrique.

2.5 Éléments sur les pseudo-tenseurs


2.5.1 Note importante
Quand un cosmologiste vous parle de pseudo-tenseur, il ne parle pas de ce dont on
va discuter. Il parle en fait d’un tenseur qui est en fait un artefact mathématique tel
qu’une certaine quantité, encodée par le tenseur, soit conservée. Ce n’a donc rien à
voir avec les discussions qui suivent.

2.5.2 Bases et origines du problème


Si vous avez fait un peu de physique, vous avez été confronté à au moins un pseudo-
vecteur. Peut-être êtes-vous surpris, cela ne m’étonnerait pas, puisque l’emphase mise
sur ce sujet-là est à peu près nulle. Globalement, les vecteurs pour lesquels vous avez
besoin d’utiliser ”la règle de la main droite” afin de leur assigner un vecteur sont des
pseudo-vecteurs. Donc par exemple, la vitesse angulaire, le moment cinétique ou le
champ d’induction magnétique sont des pseudo-vecteurs.
Formellement, les pseudo-vecteurs sont des 2-formes différentielles (représentables
par des matrices antisymétriques), tandis que les vrais vecteurs sont des 1-formes
différentielles (représentables par des vecteurs). Cette dernière définition est trop ar-
due pour les considérations qui vont suivre. Il faut cependant que l’étudiant intéressé
jette un coup d’oeil à ces concepts, puisque de grande utile à la géométrie différentielle
faite de façon rigoureuse (donc pas comme dans ce document).
Nous proposons donc de faire une approche très simpliste du problème, qui don-
nera une formule qui nous permet de cerner ce qu’est un pseudo-tenseur et plus par-
ticulièrement un pseudo-vecteur dans le cas de transformations orthogonales. Notez
que les transformations orthogonales n’ont pas encore été étudiées assidûment durant
le texte. Ainsi, laissons-nous nous rappeler de la définition d’une transformation or-
thogonale. Cela va nous permettre de fixer les notations.

Définition : la matrice O ∈ O(n) de composantes Oki associée à l’application


linéaire o est orthogonale si et seulement si

OT O = OOT = 1 alternativement OT = O−1

20
Autrement dit, avec la convention de sommation d’Einstein, il vient

Oki Oij = δkj

Maintenant que l’on est mis à niveau et en accord sur les conventions, nous pou-
vons continuer notre escapade mathématico-physique. En un premier lieu, posons
l’application linéaire suivante : ω(x, y, z) = (x, −y, z). Cette application est claire-
ment orthogonale. En fait, c’est une ”application miroir”. Écrivons aussi la matrice
associée à ω, O, dans la base canonique vers elle-même :
 
1 0 0
O = O−1 = OT = 0 −1 0
0 0 1

Figure 1: Transformation du vecteur Ω après être passé dans O. Le sens du vecteur


change, alors qu’il ne pointe pas en direction de la coordonnée qui change.

Décidons alors que nous ayons un objet centré à l’origine, tournant sur lui-même
dans le sens anti-horaire si l’axe z pointe vers vous. Alors, par la règle de la main
droite, le vecteur vitesse angulaire, Ω, est dans la même direction que l’axe des
z (voyez la figue 1). A l’opposé, après la transformation, le sens de rotation est
modifié, ce qui fait que OΩ = −Ω. Pourquoi est-ce le cas ? C’est vrai que ce n’est
pas forcément facile à voir la première fois. D’abord, pour les besoins de l’analyse,
prenons un point de l’objet qui tourne. Disons que celui-ci se situe en un point de
la forme (0, y, z), avec y > 0. Alors le vecteur de la vitesse instantannée de ce point
à ce moment-là est de la forme (−v, 0, 0)T , avec v > 0. Tout ceci est très évident à
l’aide d’un schéma. Remarquez que ce qu’il se passe sur la coordonnée x ne change
pas après la transformation. Donc le vecteur vitesse se retrouvera inchangé après la
transformation. En revanche, le point se situera en (0, −y, z) après transformation.

21
Puisque le point doit toujours tourner autour de l’axe z, la rotation deviendra horaire,
si l’axe z pointe vers nous !
Vous vous demandez certainement en quoi réside le problème. Eh bien, si Ω, de
norme Ω se transformait comme un tenseur (et donc un vecteur), celui-ci devrait
respecter
Oik Ωi ek = 1 × 0 ex + (−1) × 0 ey + 1 × Ωez = Ωez = Ω
Or, comme l’expose clairement le développement qui avait précédé, représenté par
la figure 1,
OΩ = −Ω 6= Ω
Il y a donc une terrible contradiction. Le raisonnement tombe à plat. Quelle tragédie!
Mais où le raisonnement a-t-il raté ? La question est vite répondue : Ω n’est pas un
tenseur. En particulier, il n’est pas un vecteur !

2.5.3 Vers une formule de transformation des pseudo-tenseurs


Ici, il ne s’agit pas de démontrer formellement la formule de changement de base
d’un pseudo-vecteur pour des transformations orthogonales. Même pire, l’on ne va
pas vraiment démontrer la formule de changement de base du pseudo-tenseur, mais
on faire en sorte que vous puissiez comprendre d’où sort la formule.

Exercice : Vérifiez que la situation montrée en figure 1 permet de comprendre


que si aucune, 2 ou 3 coordonnées changent de signe, alors le pseudo-vecteur reste le
même après la transformation.

Solution : Faites quelques dessins et normalement, c’est bon. Partez de l’axe x


et allez vers l’axe y avec vos doigts de la main, le pouce vous dirigera sur l’axe z. Si
ça ne marche pas, c’est que vous vous êtes trompé de main !

Exercice : Vérifiez que les pseudo-vecteurs selon tous les axes x, y, z se voient
renversés de signe dans la situation de la figure 1. En déduire que tout pseudo-vecteur
est renversé.

Solution : De la même façon qu’à l’exercice précédent, une simple vérification


avec la main mène à ce résultat. Il est trivial de constater que si p est la somme de
3 pseudo-vecteurs non-nuls, bi , alors d’un côté p est un pseudo-vecteur lui-même et
3
X 3
X
Op = Obi = − bi = −p
i=1 i=1

On a donc le résultat recherché.

22
Démonstration : Nommons Hρ pour ρ = 0, ..., 3 la transformation orthogonale
(donc élément du groupe O(3)), qui change le signe de ρ axes avant de les tourner selon
un élément de SO(3). Juste avant de continuer, faisons de la nommonclature: soit p
un pseudo-vecteur quelconque et p0 = Hρ p. Soient encore pi et p0i les composantes
covariantes de ces vecteurs. Pourquoi des composantes covariantes ? Car il s’agira de
projeter le vecteur sur un autre, ce sont donc les composantes covariantes qui nous
intéressent. Notez que cette hypothèse implicite est très subtile. Pour démontrer la
formule, regardons les types de choses que peut faire Hρ pour chaque cas possible.

• Si ρ = 0, d’un côté, Hρ = R pour R ∈ SO(3). De l’autre, il faut remarquer qu’il


existe toujours un pôle Eulerien [4]. Ainsi, il existe un vecteur v tel que Rv = v.
Alors, la projection de p sur v est conservée. Or, puisque les vecteurs de projection
nulle tournent autour de l’axe, la seule contribution de H0 a permis d’expliquer la
transformation des pseudo-vecteurs. Donc p0i = Oik pk .
• Pour le cas ρ = 1 et par les exercices qui ont précédé la démonstration, ainsi que
la stabilité sous rotation montrée sous H0 , p0i = −Oik pk . Avant de passer hâtivement
à la suite, remarquons toutefois que H1 = RSi , où R ∈ SO(3) et Si est ”l’application
miroir” où la composante i est reflétée.
• Nous remarquons que pour i 6= j, nous avons que H2 = RSj Si , avec R ∈ SO(3).
Alors, pour k 6= i, j on a que H2 = −RSk . Ainsi, par le même argument que pour
H1 , on a que p0i = Oik pk .
• Pour i, j, k distincts et R ∈ SO(3), on a H3 = RSk Sj Si = −R. Ainsi, par le
même argument que pour H0 , il y a que p0i = −Oik pk .
Ainsi, la clé pour terminer la démonstration est de se rendre compte que si l’on
renverse 1 ou 3 coordonnées, alors le déterminant de la transformation orthogonale
vaut −1. Dans l’autre cas, le déterminant vaut +1. Ainsi, peu importe la valeur de
ρ, on a la formule suivante, pour laquelle on a bien suée :

p0i = det[O] Oik pk . (25)


Je pense qu’après avoir tant usé de matière cérébrale pour un résultat à l’allure si
peu charismatique, le lecteur ne voudra pas forcer plus. Ultimement, le changement
de coordonnées pour les pseudo-vecteurs est le plus importants de tous, car rares sont
les pseudo-tenseurs d’ordre supérieur que le physicien verra dans sa carrière.

Prenez des transformations orthogonales de composantes Aik et Bjl , pour des trans-
formations des composantes covariantes et contravariantes respectivement. Soit un
pseudo tenseur de composantes Pij11...i
...jm
n
, alors le changement de coordonnées de ce
pseudo-tenseur est

Pk0l11...k
...lm
n
= det[A] Aik11 ...Aiknn Bjl11 ...Bjlm P j1 ...jm
m i1 ...in

23
2.6 Exercices avec corrigé
2.6.1 Exercices sur la convention de sommation d’Einstein
Exercice : Réécrivez les expressions suivantes en utilisant la convention de som-
mation d’Einstein. Précisez quels indices sont libres et lesquels sont muets.

1. bj1 x1 + bj2 x2 + bj3 x3 = 6.


2. b11 d11 + b12 d12 + b13 d13 + b14 d14 = M.

Solution : 1. Dans l’expression suivante, l’indice j est libre et l’indice k est muet
:
bjk xk = 6.
2. Dans l’expression suivante, i est un indice muet :
b1i d1i = M.
Exercice : Si les indices i, j et k vont de 1 à 3, développez l’expression Mijk B ij .

Solution : L’indice k étant libre, il faut sommer 9 quantités entre elles. Nous
obtenons alors
Mijk Bij = M11k B11 + M12k B12 + M13k B13 + M21k B21 + M22k B22 + M23k B23
+M31k B31 + M32k B32 + M33k B33
Exercice : Démontrez que nous pouvons écrire un déterminant d’ordre 3 sous la
forme det[aijk ] = εijk a1i a2j a3k . Où εijk est le symbole de Levi-Civita défini comme

 1 si (ijk) est une permutation paire
ijk
ε = −1 si (ijk) est une permutation impaire
0 si (ijk) n’est pas une permutation

Notons que vu que le résultat est indépendant de la base, le symbole de Levi-Civita


peut s’écrire avec des indices en haut ou en bas ou une combinaison des deux et cela
ne changera en rien le résultat. Sur ce point, le symbole de Levi-Civita et de delta
de Kronecker se comportent de manière similaire.

Solution : Commençons par développer le premier indice de l’expression. Alors,


nous avons
εijk a1i a2j a3k = a11 ε1jk (a2j a3k ) + a12 ε2jk (a2j a3k ) + a13 ε3jk (a2j a3k ).
Or, là, pour chaque εnjk (a2j a3k ), nous avons un déterminant d’ordre 2. Il est alors
simple de vérifier par quelques lignes de calcul que l’expression finale est
εijk a1i a2j a3k = a11 (a22 a33 − a23 a32 ) − a12 (a21 a33 − a23 a31 ) + a13 (a21 a32 − a22 a31 ).
Ceci est bien l’expression d’un déterminant d’ordre 3 !

24
2.6.2 Exercices sur la covariance et la contravariance
Exercice : Soient a, b, c et d quatres scalaires non-nuls. Soient alors des vecteurs
e1 , e2 et e3 définis par

e1 = (a, 0, 0) , e2 = (b, c, 0) et e3 = (0, 0, d).

1. Démontrez que les ei forment une base.


2. Calculez la décomposition d’un vecteur X = (A, B, C) donné sur la base
(e1 , e2 , e3 ).

Solution : 1. Il est assez facile de remarquer que si nous essayons de former une
combinaison linéaire des ei qui soit nulle, alors les coefficients λi devant chaque ei
doivent être nuls. Ceci montre que nous avons une famille libre. Nous avons donc 3
vecteurs libres dans un espace à 3 dimensions. Les vecteurs forment ainsi une base.

2. Si nous cherchons une décomposition du vecteur X = (A, B, C) sur la base des


ei , il faut trouver des xi tels que X = xi ei . En insérant la définition des ei , nous
trouvons que nous devons résoudre l’équation :

(A, B, C) = x1 (a, 0, 0) + x2 (b, c, 0) + x3 (0, 0, d).

Autrement dit, il faut que

A = x1 a + x2 b , B = x2 c et C = x3 d.

En résolvant pour les xi , nous avons


cA − bB B C
x1 = , x2 = et x3 = .
ac c d
Exercice : Soit A = (a1 , a2 , a3 ) un vecteur de E3 . Soit de plus une base (e1 , e2 , e3 )
dont les ei sont définis par e1 = (1, 1, 1), e2 = (0, 1, 1) et e3 = (0, 0, 1).

1. Quelles sont les composantes contravariantes de A ?


2. Déterminez les composantes covariantes de A de deux manières différentes.

Solution : 1. Nous avons

A = x1 e1 + x2 e2 + x3 e3 = a1 e1 + (a2 − a1 )e2 + (a3 − a2 )e3 .

Donc en faisant de la correspondance terme par terme, nous avons

x1 = a1 , x2 = a2 − a1 et x3 = a3 − a2 .

25
2. La première méthode consiste à utiliser la définition des composantes covari-
antes d’un vecteur. Alors nous avons
x1 = A · e1 = a1 + a2 + a3 , x2 = a2 + a3 et x3 = a3 .
La deuxième méthode consiste à trouver le tenseur métrique, puis calculer les com-
posantes covariantes à partir des composantes contravariantes en utilisant xi = gij xj .
Nous devons alors en un premier temps calculer les composantes covariantes du
tenseur métrique, ce qui se fait facilement avec gij = ei · ej . Alors,
g11 = 3 , g12 = g21 = g22 = 2 et le reste des composantes est égal à 1.
Alors,
x1 = 3a1 + 2(a2 − a1 ) + 1(a3 − a2 ) = a1 + a2 + a3 .
x2 = 2a1 + 2(a2 − a1 ) + 1(a3 − a2 ) = a2 + a3 .
x3 = a1 + 1(a2 − a1 ) + 1(a3 − a2 ) = a3 .

2.6.3 Exercices sur la définition du tenseur


Exercice : Nous considérons le plan euclidien muni d’une base (e1 , e2 ) deux
vecteurs orthogonaux. Soit une autre base de cet espace, définie comme étant (e01 , e02 ).
Où les e0k sont des rotations des vecteurs ek d’un angle α, pour k = 1, 2. Ecrire les
expressions des Aki puis des A0ik .

Solution : Nous avons, par les règles de la trigonométrie dans un espace euclidien
que
e01 = cos α e1 + sin α e2 et e02 = − sin α e1 + cos α e2 .
Alors, nous avons
A11 = cos α , A21 = sin α , A12 = − sin α et A22 = cos α.
Pour les A0ik , c’est le même travail qui doit être effectué, dès lors, les solutions sont
A01 02 01 02
1 = cos α , A1 = − sin α , A2 = sin α et A2 = cos α.

Exercice : Soit l’espace tridimensionnel de la géométrie euclidienne de coor-


données carthésiennes x, y, z. Si a, b, c sont les longueurs des demi-axes d’une el-
lipsoı̈de, son équation est :
x2 y 2 z 2
+ 2 + 2 = 1.
a2 b c
1 2 3
1. Nous allons noter x , x , x les nouvelles coordonnées après une transformation
quelconque des coordonnées carthésiennes. Montrez que l’équation de l’ellipsoı̈de peut
se réécrire sous la forme, avec i, j = 1, 2, 3 :
aij xi xj = 1.

26
2. Montrez que les quantités aij sont les composantes covariantes d’un tenseur
d’ordre 2.

Solution : 1. Notons x, y, z les composantes d’un vecteur OM qui pointe sur la


surface de l’ellipsoı̈de. Nous savons que les composantes se transforment alors de cette
façon : x = A1k xk , y = A2k xk et z = A3k xk . Ainsi, l’équation de l’ellipsoı̈de devient
2 2 2
A1k xk A2k xk A3k xk
  
+ + = 1.
a b c

Développons, par exemple, le premier terme de la somme. Ce dernier, multiplié par


a2 est :
(A1k xk )2 = (A11 x1 + A12 x2 + A13 x3 )2
Ce qui, développé, devient

(A11 x1 )2 + (A12 x2 )2 + (A13 x3 )2 + 2A11 x1 A12 x2 + 2A12 x2 A13 x3 + 2A11 x1 A13 x3 .

Les autres termes sont de la même forme, donc il est facile de voir que c’est une
forme quadratique et que nous pouvons réécrire l’expression initiale sous la forme
aij xi xj = 1. Nous avons par exemple

(A11 )2 (A21 )2 (A31 )2


a11 = + 2 + 2 .
a2 b c
2. Appelons x0k les composantes du vecteur OM après changement de coor-
données. Nous avons alors xi = Aik x0k . Ainsi,

aij xi xj = aij Aik x0k Ajl x0l = a0kl x0k x0l .

Nous pouvons alors isoler l’expression qui permet d’affirmer que les aij sont des quan-
tités tensorielles covariantes :
aij Aik Ajl = a0kl .

2.6.4 Exercices sur le tenseur métrique


Exercice : Nous considérons un espace d’un nombre quelconque de dimensions.
Soit gij le tenseur métrique construit sur une base (ei ) de vecteurs orthogonaux de
cet espace. Démontrez que dans ces conditions, nous avons
1
gik =
gik

si i = k avec l’aide de la relation g jk gki = δij .

27
Solution : Par exemple, développons en i = j = 1. Alors,

g 11 g11 + ... + g 1n gn1 = 1.

Or, nos vecteurs de base sont orthogonaux, i.e gij = 0 si i 6= j. Donc tous les termes
dans l’addition sauf le premier sont nuls. Alors,
1
g11 = .
g11
Ce raisonnement étant exactement le même pour tout autre choix de i = j, nous
avons démontré la relation.

Exercice : Considérons un trou noir sans charge électrique ni vitesse de rota-


tion. Nous ne permettons que des vitesses temporelles et radiales. Alors le tenseur
métrique a la forme gtt = −(1 − rrs ) et grr = 1−1rs et les autres composantes sont
r
nulles. Notons que t et r sont les coordonnées temporelles et radiales assignées par
un observateur lointain. rs = 2GM c2
est le rayon de Schwarzschild : la ”bordure” du
trou noir ; l’horizon des évènements. En relativité, avec la signature (− + ++), que
nous avons choisie, un vecteur de composantes xµ est de type temps si l’intervalle
d’espace-temps est tel que ds2 = gµν dxµ dxν < 0. Il est de type espace si l’inégalité
est dans l’autre sens. Discutez en quoi nous pouvons dire qu’à l’intérieur du trou
noir, le rôle de l’espace et du temps ont changé.

Solution : Développons l’expression de l’intervalle d’espace temps au carré :


 
2 rs 2 2 1
ds = − 1 − c dt + dr2 .
r 1 − rrs
Il ne fallait pas oublier que les composantes sont (ct, r) et non (t, r) ! Avec l’expression
ci-dessus, il est facile de se convaincre que si nous sommes à dt et dr fixes tels que
ds2 < 0 à l’extérieur du trou noir, alors il existe un r tel que l’intervalle d’espace-
temps au carré devienne positif : donc de type espace. Le phénomène inversé se
déroule pour les vecteurs de type espace. L’interprétation physique consiste à dire
que comme dans l’univers, il y a un flot inexorable du temps vers le futur, il doit y
avoir, à l’intérieur du trou noir, un flot inexorable de l’espace vers son centre.

Exercice : A l’aide de ds2 = −c2 dτ 2 , trouvez une formule de la dilatation du


temps pour une horloge immobile à une distance r > rs du centre du trou noir, selon
un observateur lointain. Faites des conclusions physique en regardant deux cas limites
intéressants.

Solution : En supposant que l’horloge soit immobile, il vient que

dr = 0.

28
Alors,  rs  2 2
ds2 = −c2 dτ 2 = − 1 − c dt .
r
Il nous faut maintenant décider ce qu’il faut faire. τ est le temps tel que ressenti par
l’horloge et t, celui observé par l’observateur lointain. Autrement dit, il faut prendre
l’expression précédante et essayer d’isoler t. Pour cela, il faut la transformer comme
ceci :  2
dt 1
= .
dτ 1 − rrs
En prenant la racine puis en intégrant de 0 à ∆τ , il vient
Z ∆τ Z ∆τ
dt 1
dτ = p dτ.
0 dτ 1 − rrs 0
Autrement dit, nous avons cette expression du temps observé par l’observateur loin-
tain selon celle de l’horloge proche du trou noir :
∆τ
∆t = p rs
.
1− r

Nous remarquons que


lim ∆t = ∆τ
r→∞
Ce qui signifie que la vitesse temporelle est la même partout, pour tout observateur
lointain. Le concept de relativité est respecté, pfiou ! De plus,
lim ∆t = +∞
r→rs

Ce qui signifique que le plus l’horloge se rapproche du trou noir, le plus le temps
semble s’écouler lentement par rapport à un observateur lointain, jusqu’à se figer
totalement une fois que l’horloge touche l’horizon des évènements !

2.6.5 Exercices sur les pseudo-vecteurs


Exercice : Vérifiez l’assertion selon laquelle les pseudo-vecteurs sont des 2-formes
différentielles. Indication : un pseudo-vecteur de dimension 3 et de composantes
(a,b,c) s’écrit, sous forme matricielle de la façon suivante
 
0 −c b
c 0 −a
−b a 0

Solution : En fait, il suffit de faire de la multiplication matricielle pour ar-


river au résultat et ce pour 4 cas différents. Cette façon de faire est tellement plus
simple que vous comprenez certainement pourquoi les pseudo-vecteurs sont 2-formes
différentielles.

29
3 Algèbre tensorielle
Le physicien sera normalement préparé à affronter tous les tenseurs qui lui seront
présentés avant et pendant sa troisième année d’études universitaires. Tout physicien
ne verra d’ailleurs jamais vraiment l’utilisation du produit tensoriel comme il sera
utilisé lors de la section qui suivra, sauf si celui-ci se lance en physique théorique,
notamment en mécanique quantique et théorie quantique des champs ou si ce-dernier
souhaite lire un ouvrage de géométrie différentielle afin de comprendre son cours sur
la théorie des cordes. Par ailleurs, l’étudiant intéressé en physique mathématique
rencontrera plus que certainement le produit tensoriel. Cette motivation, ainsi que le
fait que nous trouverons de nouveaux tests de tensionnalité, dans la même lancée que
des justifications plus formelles de ce qu’est le produit tensoriel et la contraction est la
raison conceptuelle du présent chapitre. Cela pourra aussi certainement aider certains
lecteurs à comprendre d’une façon meilleure ce que sont les tenseurs. L’intérêt éducatif
principal sera de découvrir des formules utiles pour l’analyse tensorielle. Cette partie
est donc un prérequis de la partie 4 !

3.1 Produit tensoriel


Nous allons donner une définition naı̈ve du produit tensoriel, qui sera la seule que
l’on exige nécessaire de connaı̂tre afin de comprendre l’analyse tensorielle ainsi que les
éléments d’algèbre tensorielle du chapitre précédent. Nous donnerons une définition
formelle et intéressante du produit tensoriel sur les espaces vectoriels en toute fin de
chapire.

Définition : le produit tensoriel est une opération mathématique ⊗ : En × Em →


En·m ≡ Enm telle que :

1. (x + y) ⊗ z = x ⊗ z + y ⊗ z
2. (λx) ⊗ y = x ⊗ (λy) = λ(x ⊗ y)
3. Lorsque nous avons choisi une base (ei ) de En et une base (fj ) de Em , alors
(ei ⊗fj ) est une base de Enm , espace que nous appellerons, par commodité de notation,
En ⊗ Em .

Nous axiomatisons qu’une telle opération est forcément associative. Mais atten-
tion, nous verrons rapidement qu’elle n’est pas obligatoirement commutative !

Définition : Un tenseur est un élément d’un espace vectoriel muni d’une struc-
ture d’espace tensoriel.

Exercice : Vérifiez que R soit un espace issu d’un produit tensoriel de deux autres
espaces vectoriels.

30
Solution : Pour faire ceci, essayons de créer une opération qui respecte que R
soit un espace issu du produit tensoriel de deux espaces, mais aussi que cette opération
respecte les conditions du produit tensoriel. Nous conjecturons que R ⊗ R = R. En
effet, les nombres réels respectent les 2 premières conditions de la définition si à la
place de ”⊗” nous avons la multiplication classique. De plus, n’importe quel nombre
non nul est base de l’espace vectoriel R. Ainsi, le produit de ces deux nombres est
aussi un nombre non-nul. Le produit forme donc une base. R est donc un espace issu
de deux autres espaces vectoriels.

Ainsi, un scalaire est donc un tenseur d’ordre nul ! Ceci est une remarque impor-
tante pour comprendre la contraction et la fin de la section 3.

Nous tenons à faire remarquer que la définition que nous en avons donnée est pour
les espaces euclidiens, mais que nous verrons - par la formalisation de fin de chapitre
- que ceci tient pour n’importe quel espace vectoriel. Nous donnons une structure
d’espace euclidien afin d’avoir un produit scalaire et donc une métrique. En effet,
nous voulons pouvoir apporter les concepts de la section précédente !

3.2 Exemples de produits tensoriels


Pour vraiment compendre ce qu’est le produit tensoriel, il faut maintenant le voir
appliqué à divers exemples : vecteurs de 3 dimensions, vecteurs généraux, puis tenseur
mixte d’ordre 3.

3.2.1 Produit tensoriel de deux vecteurs de dimension 3


Soient x et y vecteurs de E3 tels que x = xi ei et y = y j ej , ei = (δ1i , δ2i , δ3i ). Alors le
produit tensoriel de x et y résultera en un tenseur U d’ordre 2 car

U = x ⊗ y = xi y j (ei ⊗ ej ).

Alors la base dans laquelle U s’exrime ainsi est une base d’un espace à 9 dimensions
et telle que
ek = (δ1k , ..., δ9k ),
alors
U = uk e k
où uk = uij = xi y j . Or l’écriture avec k ne semble pas très informative et très
dépendante des conventions, mais elle permet de comprendre qu’un tenseur en fait,
ce n’est qu’un vecteur. Cependant nous préfèrerions mettre en avant le fait qu’il y
ait des indices initiaux i et j, puisqu’on sent que l’écriture avec un seul indice nous

31
fait perdre un sens de structure que l’on avait précédemment. Nous définissons donc
un vecteur de base de l’espace E3 ⊗ E3 :

eij = ei ⊗ ej .

Alors, notre tenseur U se réécrit :

U = uij eij . (26)

Pour se convaincre qu’un espace tensoriel est un espace vectoriel, nous pouvons a
priori écrire (pour mettre l’emphase sur le fait que U soit un élément d’un espace
vectoriel) si l’on se dote d’une convention, la chose suivante :

e3 = e12 = (0, 1, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0).

Nous constatons que E3 ⊗ E3 et E9 muni d’une structure d’espace tensoriel sont les
mêmes espaces vectoriels. Mais nous verrons, et cela est important, que tout élément
de E3 ⊗ E3 n’est pas issu d’un produit tensoriel de deux vecteurs, pour tout vecteur
de E3 . Un tenseur de E3 ⊗ E3 est plutôt une combinaison linéaire de produit tensoriel
de deux vecteurs de E3 !
Il faut de plus noter que si nous avions fait le produit tensoriel de x et y dans
l’autre sens, alors les composantes contravariantes du tenseur auraient été dans un
sens différent, mais auraient toutes adopté les mêmes valeurs numériques par commu-
tativité de la multiplication des nombres. Nous pouvons ainsi conclure que le produit
tensoriel n’est pas commutatif, mais donne des résltats semblables !

3.2.2 Produit tensoriel de deux vecteurs dans deux bases différentes


Soit un tenseur U de composantes contravariantes uij formé comme produit tensoriel
de deux de vecteurs x ∈ En et y ∈ Em de bases respectives (ei ) et (fj ). Nous avons
de plus les lois de changement de base

ei = A0k 0 0l 0
i ek et fj = Bj fl .

Alors nous avons,

U = uij (ei ⊗ fj ) = u0kl (e0k ⊗ fl0 ) = uij A0k 0l 0 0


i Bj (ek ⊗ fl ).

D’où,
u0kl = uij A0k 0l
i Bj (27)
Ce qui démontre que les composantes du tenseur étaient contravariantes.

Exercice : Appliquez les mêmes principes pour démontrer que les composantes
covariantes d’un tenseur d’ordre 2 se comportent bien comme vu à la section 2.

32
Solution : Soit U un tenseur écrit comme produit tensoriel de deux vecteurs dans
une base ei ⊗ f j , alors, en reprenant les mêmes conventions,

U = uij (ei ⊗ f j ) = uij Aik Blj (e0k ⊗ f 0l ) = u0kl (e0k ⊗ f 0l )

ce qui démontre que les composantes sont covariantes.

3.2.3 Produits tensoriels multiples


Puisque nous avons supposé que le produit tensoriel est associatif, nous pouvons, par
simplicité d’écriture, dire que si nous faisons le produit tensoriel d’un même espace
euclidien p fois, alors,
p
O
⊗p
En = En ⊗ ... ⊗ En = En (28)
i=1

Exercice : Soit uijk les composantes mixtes d’un tenseur de E⊗3


n muni d’une base
j k
(ei ⊗ e ⊗ e ). Trouvez la formule de changement de base.

Solution : Il suffit de poser la première partie de l’égalité ci-dessous, puis d’utiliser


les changement de base de chacun de vecteurs dans le produit tensoriel :

U = uijk (ei ⊗ ej ⊗ ek ) = uijk A0li Ajm Akn (e0l ⊗ e0m ⊗ e0n ) = u0lmn (e0l ⊗ e0m ⊗ e0n )

Notez que nous aurions pu prendre le produit tensoriel dans un ordre différent, si
nous n’étions pas doté d’une base dans la consigne ; tant que ej figurait à gauche de
ek . NNous devons noter que l’espace que nous avons considéré n’était pas E⊗3n , mais
∗⊗2
En En . Mais nous souhaitons laisser ces subtilités vers la fin, une fois le produit
tensoriel introduit très formellement.

3.2.4 Multiplication tensorielle


Nous avions déjà fait des multiplications tensorielles auparavant, mais la convention
d’Einstein enlève le symbole ”⊗” ! En effet, si nous considérons trois tenseurs, U, V
et W et une base (ei ) de En , alors si U = uij (ei ⊗ ej ), V = v klm (ek ⊗ el ⊗ em ) et
W = U ⊗ V, nous aurons

W = U ⊗ V = (uij (ei ⊗ ej )) ⊗ (v klm (ek ⊗ el ⊗ em )) = uij v klm (ei ⊗ ej ⊗ ek ⊗ el ⊗ em ).

Or, nous avons, par définition de la base d’un tenseur,

W = wijklm (ei ⊗ ej ⊗ ek ⊗ el ⊗ em )

Par la convention d’Einstein, ou en simplifiant, il vient

wijklm = uij v klm (29)

33
Ce qui représente la structure générale de la multiplication tensorielle. Nous pouvons
noter que les mathématiciens utilisent un grand nombre de symboles représentant des
opération mathématiques qui ne sont représentées par aucun symbole en utilisant la
convention de sommation d’Einstein, donc en ne travaillant que sur les composantes!
Nous perdons de la subtilité que l’on échange pour de la facilité, c’est une offre qui
se vaut.

Exercice : Soient deux vecteurs, x = 2e1 + 4e2 et y = 5e1 + 3e2 de E2 . Soient


(ei ⊗ ej ) les vecteurs de base de E4 , trouvez l’expression du produit tensoriel x ⊗ y.

Solution : En utilisant la transitivité de la multiplication par scalaire et la dis-


tributivité par rapport à l’addition, nous trouvons :
x ⊗ y = 10 e1 ⊗ e1 + 6 e1 ⊗ e2 + 20 e2 ⊗ e1 + 12 e2 ⊗ e2

3.3 Deuxième critère de tensionnalité


Soit un tenseur d’ordre 2, U de composantes contravariantes uij , produit tensoriel de
deux vecteurs x = xi ei et y = y j fj . Alors,
uij = xi y j (30)
Autrement dit, un tenseur est produit tensoriel de deux vecteurs si et seulement
s’il existe des (xi ) et des (y j ) tels que pour tout i,j, nous ayons pour des (uij ) donnés,
uij = xi y j . Autrement dit, si un certain nombre de quantités respecte les conditions
explicitées ci-dessus, ces quantités ont des propriétés de tenseur.

Si nous prenons le produit tensoriel de E2 avec lui-même, alors uij est produit
tensoriel de deux vecteurs si
y1 u11 u21
= = (31)
y2 u12 u22
Tous les autres éléments de En ⊗ Em sont alors des combinaisons linéaires de produits
tensoriels de vecteurs.

L’étudiant intéressé généralisera facilement, mais non sans lourdeur mathématique,


à n’importe quel ordre de tenseurs.

Exercice : Est-ce que


11e1 ⊗ e1 + 8e1 ⊗ e2 + 20e2 ⊗ e1 + 12e2 ⊗ e2
est issu d’un produit tensoriel de deux vecteurs de E2 ?

11 20
Solution : En utilisant le test ci-dessus, nous trouvons que 8
6= 12
, donc il
n’existe pas de vecteurs qui puissent être à l’origine de ce tenseur.

34
3.4 Produits scalaires des tenseurs
L’étude des produits scalaires des tenseurs va nous permettre de mettre en lumière les
relations entre les composantes covariantes et contravariantes des tenseurs. Nous nous
restreignons toutefois l’étude approfondie des produits scalaires à celle des tenseurs
d’ordre 2, puisque la généralisation est très aisée, mais ne reviendra pas dans la suite
du dossier. La seule difficultée sera de trouver une notation qui ne soit pas lourde.
Nous laissons donc l’étudiant très intéressé généraliser rigoureusement à des tenseurs
d’ordre quelconque.

Définition : Soit U = x⊗y et une base (ei ⊗ej ), alors nous définissons le produit
scalaire U · (ei ⊗ ej ) comme étant

U · (ei ⊗ ej ) := xi yj (32)

Avec cette définition, nous nous rendons compte d’une relation très importante
qui confirmera une intuition que nous avons essayée de donner au lecteur, mais que
l’on généralise, cette fois-ci à tous les tenseurs.
Repartons de la définition du produit scalaire d’un tenseur sur une base et tra-
vaillons sur le membre de gauche de l’égalité

U · (ei ⊗ ej ) = [ukl (ek ⊗ el )] · [ei ⊗ ej ]


= [xk y l (ek ⊗ el )] · [ei ⊗ ej ]
= xk y l [ek ⊗ el ] · [ei ⊗ ej ]

Mais le membre de gauche de la définition peut se reformuler, en se souvenant que


xi = xj gij ,
xi yj = (xk gki )(y l glj ) = xk y l gki glj
En comparant les égalités, nous arrivons à la conclusion que

(ek ⊗ el ) · (ei ⊗ ej ) = gki glj (33)

Remarquez la structure particulière du résultat, comme si nous avions multiplié


le produit scalaire des vecteurs à gauche du ”⊗” par le produit scalaire à droite du
même symbole.

Exercice : Démontrez la formule qui permet de passer des composantes con-


travariantes aux composantes covariantes d’un tenseur U d’ordre 2. Nous le démontrerons
plus loin dans le cours d’une façon alternative.

Solution : Par définition du produit scalaire d’un tenseur d’ordre deux et des
vecteurs de base de E⊗2
n ,

U · (ek ⊗ el ) = xk yl = ukl = uij (ei ⊗ ej ) · (ek ⊗ el ) = uij gik gjl .

35
Ce qui démontre la relation demandée.

Définition : Le produit scalaire entre deux tenseurs d’ordre 2, U et V est :


U · V = [ujk (ej ⊗ ek )] · [v lm (el ⊗ em )] = ujk v lm gjl gkm (34)
Ce qui, par la formule démontrée en exercice est strictement équivalent à dire
U · V = ujk vjk (35)
Définition : Le produit tensoriel des vecteurs de base peut vouloir être généralisé
à des vecteurs de base réciproque. Dans cette idée, nous définissons alors
eji = ei ⊗ ej et eij = ei ⊗ ej (36)
Essayons de trouver des relations entre base une base tensorielle et sa base ten-
sorielle réciproque. Pour cela, rappelons-nous de la règle liant les vecteurs de base
aux vecteurs réciproques (la relation ei = gik ek ). Alors, si nous nous munissons d’une
base (ei ),
(ei ⊗ ej ) · (ek ⊗ el ) = g km g lp (ei ⊗ ej ) · (em ⊗ ep ) = g km g lp gim gjp = δki δlj
De même, remarquez la structure telle que les quantités à gauche du symbole
de produit tensoriel font un produit scalaire entre elle, multiplié par le résultat du
produit scalaire des quantités à droite du symbole.
Voyons encore comment les quantités contravariantes d’un tenseur sont liées au
quantités covariantes. C’est immédiat car
U = uij (ei ⊗ ej ) = uij [gik gjl (ek ⊗ el )] = ukl (ek ⊗ el )
Autrement dit,
ukl = uij gik gjl (37)
Exercice : Nous laissons le soin aux lecteurs les plus patients de démontrer les
relations suivantes :
eij = gik gjl ekl
eji = gik ekj
uij = ukl g ki g lj
ukj = uij gik
uij = ukj g ki
Solution : Pour les deux premières relations, posez la définition du symbole de
gauche, puis montez deux indices pour la première et un indice pour la deuxième grâce
à ei = gik ek . Pour les trois dernières relations, partez de la définition d’un tenseur
d’ordre 2, puis changez les vecteurs de base réciproque en vecteur de base ou l’inverse
avec la même formule.

36
3.5 Contraction des indices
Nous en avions brièvement parlé dans le corrigé d’un des exercices de la deuxième sec-
tion, nous y voilà. C’est l’une des opérations les plus communes en algèbre tensorielle.
De plus, ce concept va nous permettre de créer un ultime critère de tensionnalité,
très efficace et très facile à utiliser, pour des objets mathématiques de la physique
notamment. Pour motiver le physicien intéressé en relativité, la partie de gauche de
l’équation de gauche est la double contraction d’un théorème d’analyse tensorielle.
Nous verrons d’ailleurs ce que cela signifie à la fin du dossier.

3.5.1 Contraction simple


Ce sujet se montre très bien avec des exemples. Nous en parcourerons deux, puis
passerons à une généralisation.

Exemple 1 : Nous pourrions, dans les faits, laisser des indices libres dans la
définition du produit scalaire. Alors on se retrouverait muni d’un tenseur mixte
d’ordre 2.
vij = xi y j .
Mais ce n’est que lorsque nous fixons i = j que nous avons un produit scalaire

v = xi y i .

Le lecteur aguéri aura remarqué que nous pourrions écrire

v = xi y j gij = v ji gji

Exemple 2 : Prenons un tenseur U tel qu’il ait des composantes mixtes uij
k.
i
Définissons alors des quantités (v ) de telle sorte que
k ij k ij
v i = ui1 in
1 + ... + un = δj uk ≡ gj uk .

Nous allons vérifier que ces quantités sont bien les composantes contravariantes d’un
tenseur d’ordre 1.
0l 0m k ij
Par les lois de changement de base des tenseurs, nous savons que u0lm
n = Ai Aj An uk
et v 0l = δm
n 0lm
un . Ainsi,
n 0l 0m k ij
v 0l = δm Ai Aj An uk = A0li (δm Aj An )uij
n 0m k 0l 0m k ij
k = Ai Aj Am uk

Ce qui, par A0m k k


j Am = δj , donne bien que

v 0l = A0li δjk uij 0l i


k =: Ai v

Maintenant, étudions le cas général. On va soit baisser un indice d’un tenseur en


multipliant un tenseur U par gij , soit monter l’un des indices avec g ij . En effet, si U

37
est de composantes contravariantes ui1 ...in , nous pouvons baisser i1 , par exemple en
faisant
uij21...in = gj1 i1 ui1 ...in .
Il suffit alors de fixer par exemple j1 = i2 = k et,

v i3 ...in = uki
k
3 ...in
= gi2 k uki2 i3 ...in

3.5.2 Multiplication contractée


La multiplication contractée, c’est le fait d’en même temps faire un produit tensoriel
et une contraction. Par exemple, si vous avons deux tenseurs de composantes uijk et
vlmno et que nous faisons une contraction sur i et l, donc que nous posons i = l, alors,
un nouveau tenseur de composantes tjk mno est tel que

tjk ijk
mno = u vimno

3.5.3 Troisième critère de tensionnalité


Nous avons des quantités uij
k et nous nous demandons si elles sont tensorielles ou non.

Nous pouvons les contracter au maximum, c’est à dire trouver des xi , yj et des
z tel que le produit contracté avec les uij
k
k doive se transformer comme un tenseur de
rang 0 : un scalaire.
α = uijk xi y j z
k

devrait donc être constant sous changement de coordonnées.


Réciproquement, supposons que le produit contracté ci-dessus soit un scalaire,
alors les uij
k devraient se comporter comme des grandeurs tensorielles. Nous savons
bien que
ij ij
u0lm 0 0 0n k 0l 0m k 0 0 0n
n xl ym z = uk xi yj z = uk (Ai Aj An )xl ym z .

Donc les uij


k sont des grandeurs tensorielles !

En extrapolant, nous obtenons le critère généralisé : si un produit contracté d’une


grandeur U avec tout tenseur arbitraire est lui-même un tenseur, alors U est elle
aussi une grandeur tensorielle.
Nous laissons le lecteur se convaincre de la véracité de cette proposition en faisant
par exemple des exercices.

3.6 Le produit tensoriel et les applications multilinéaires


Cette partie - qu’il faut parcourir aussi vite que possible, mais aussi lentement que
nécessaire - est un premier pas vers la rigueur et les objets mathématiques nécessaires
pour faire de la physique théorique fondamentale. Je me doute que peu d’étudiants,

38
après leur première année d’études universiatires, ont encore envie de traiter de la
théorie des cordes. Nous introduisons donc ceci dans un soin d’entièreté et afin de
permettre aux plus mathématiquement rigoureux d’entre vous de ne pas tomber des
nues quand vous ouvrirez votre premier livre de géométrie différentielle, ou quand
vous discuterez des espaces de Fock durant votre cours de mécanique quantique.

Définition : Soient E et F deux espaces vectoriels sur un corps K. Alors, il


existe un espace appelé produit tensoriel de E et F que l’on dénote par E ⊗ F et une
application bilinéaire

φ : E × F → E ⊗ F et nous posons φ(x, y) = x ⊗ y.

Où ”×” désigne le produit cartésien. Il faut que φ satisfasse la condition suivante
(dite universelle) [5] :

Pour tout espace vectoriel G et application g de E ×F dans G, il existe une unique


application linéaire g̃ telle que
g = g̃ ◦ φ
Autrement dit,
∀x ∈ E, y ∈ F, g(x, y) = g̃(x ⊗ y)

De plus, l’espace E ⊗ F est unique à isomorphisme près. Nous avons donc un


théorème d’existence et d’unicité.

Il est - il me semble - important de noter que cette définition assure toutes les
propriétés que nous avons données au produit tensoriel au tout début du chapitre.
Nous pouvons ajouter que, comme remarqué au tout début du chapitre, x⊗y 6= y ⊗x,
mais que sur une base, les valeurs numériques réapparaissent, juste dans le désordre.
Nous avons en effet une relation plus faible que E ⊗ F = F ⊗ E ; la vraie relation est

E⊗F ∼
= F ⊗ E.

Propostion : Puisque les applications linéaires sont des espaces vectoriels, il


vient la question de ce qu’est un produit tensoriel d’applications linéaires. L’on se
munit de E, E 0 , F, F 0 des espaces K vectoriels ainsi que f ∈ L(E, E 0 ) et g ∈ L(F, F 0 ).
Alors,

f ⊗ g : E ⊗ F → E 0 ⊗ F 0 telle que (f ⊗ g)(x ⊗ y) = f (x) ⊗ g(y).

Dans la proposition précédente, posons E 0 = F 0 = K et E = F = K n . Alors,


deux applications linéaires qui sont du type de la proposition sont des covecteurs de

39
K n . Si nous disposons d’une base ϕi de l’espace dual, il existe λ et µ des covecteurs
et des λi et µj tels que
n
X n
X
λ= λi ϕi et µ = µj ϕj .
i=1 j=1

Par ce qui est donné dans la proposition précédente, nous pouvons dire que β = λ ⊗ µ
est une forme bilinéaire car si bij = λi µj , nous avons que
n
X n
X
β(x, y) = λi µj (ϕi ⊗ ϕj )(x, y) = bij ϕi (x)ϕj (y).
i,j=1 i,j=1

Car K ⊗ K = K 1×1 = K (et donc l’espace vectoriel K ⊗ K a la même structure


algébrique que le corps K, permettant de transformer le produit tensoriel entre les
vecteurs duaux en produit), par la définition du produit tensoriel donnée en début
de la section 3. L’écriture ci-dessus est bien la forme que prend une forme bilinéaire.
Ainsi,
Bil(K n , K n ) ∼
= (K n )∗⊗2 .
Examinons l’exemple des matrice n×n. Alors, l’opération suivante est intéressante,
pour deux vecteurs v et w de K n , car elle donne lieu à une application linéaire :

vwT .

Or, un vecteur dont on prend la transposée est un covecteur ! Il en vient que si nous
appelons φ le covecteur dual de w (φ(w) = 1),

v ⊗ φ = vwT = vφ.

Nous avons bien cette relation car si nous appliquons cette dernière application à un
vecteur x de K n quelconque,
vwT x = vφ(x)
et
(v ⊗ φ)(x) = v ⊗ (φ(x))
Or, puisque φ(x) n’est qu’un nombre, il en vient que cette dernière égalité est bien
égale à vφ(x) ! Il en vient donc que

Mn (K) ∼
= K n ⊗ (K n )∗ .

Si vous vous rappelez de nos discussions du tout début du dossier, nous disions
qu’une forme quadratique, donc bilinéaire symétrique, était de composantes bij , tan-
dis qu’une matrice d’une application linéaire était de composantes Aji . Nous avons
donc mis en lumière quelque chose de primordial !

40
Proposition : Si E est un espace vectoriel, alors un tenseur élément de
p,q
O
⊗p ∗⊗q
Tqp (E) =E ⊗E = E

est p-contravariant et q-covariant ! La paire (p, q) est souvent utilisée pour désigner
les ordres de covariances et de contravariances d’un tenseur.

Nous venons donc de formaliser ce que nous avions introduit avec les vecteurs de
base et de base réciproque ! Ce que nous avons introduit est donc justifié, c’est bien
heureux !

41
3.7 Exercices avec corrigé
3.7.1 Exercices sur le produit tensoriel
Exercice : Les composantes mixtes tijk d’un tenseur T élément de E⊗3
2 sont les
suivantes :

t111 = 0 , t112 = 2 , t121 = −1 , t122 = 3 , t211 = 1 , t212 = −1 , t221 = 0 , t222 = −2.

1. Déterminez les valeurs numériques des composantes contractées uk = tiik du


tenseur T. Donnez ensuite l’expression du tenseur U de composantes covariantes uk .
2. On se donne une base (ei ) de E⊗3 2 dans laquelle le tenseur fondamental est
donné par :
g11 = 2 , g12 = g21 = −3 et g22 = 1.
Déterminez les composantes tijk du tenseur T.
3. Déterminez les composantes contravariantes g ij du tenseur métrique.

Solution : 1. Les composantes contractées sont données par uk = t11k + t22k , d’où:

u1 = 0 + 0 = 0 et u2 = 2 + (−2) = 0.

Ainsi, nous avons trouvé que le tenseur U de composantes covariantes uk est le vecteur
nul. i.e. U = 0.
2. Les composantes covariantes du tenseur T sont trouvées en utilisant la relation
tijk = gil tljk :

t111 = g11 t111 + g21 t211 = −3 ; t112 = 7 ; t121 = −2 ; t122 = 12 ; t211 = 1

t212 = −7 ; t221 = 3 ; t222 = −11.


3. Les composantes contravariantes g ij du tenseur fondamental sont données par la
formule gik g kj = δij . Alors nous avons trois équations à trois inconnes avec g ij = g ji .
La solution est
1 3 2
g 11 = − ; g 12 = g 21 = − et g 22 = − .
7 7 7
Exercice : Soient des opérateurs linéaires A et B agissant respectivement sur des
espaces vectoriels εp et εq . On note Ψ les vecteurs de εp et Φ ceux de εq . L’espace
produit tensoriel est εpq = εp ⊗ εq . Nous rappelons la définition suivante, vue dans
la section 3.6 : l’opérateur noté C = A ⊗ B est l’opérateur qui agit sur un vecteur
Ψ ⊗ Φ de εpq de la façon suivante :

C(Ψ ⊗ Φ) = (A ⊗ B)(Ψ ⊗ Φ) = AΨ ⊗ BΦ.

Nous appelons A ⊗ B le produit tensoriel des opérateurs A et B.

42
1. Soient les produits d’opérateurs A1 A2 et B1 B2 agissant respectivement sur εp
et εq . Montrez que
A1 A2 ⊗ B1 B2 = (A1 ⊗ B1 )(A2 ⊗ B2 )
2. Soient A et B inversibles. Trouvez l’inverse de A ⊗ B.
3. Soient Ψ (et Φ) des vecteurs propres de A (respectivement B) de valeur propre
associée α (respectivement β). Montrez que le vecteur Φ ⊗ Ψ est vecteur propre de
A ⊗ 1q et 1p ⊗ B. Quelles sont les valeurs propres associées ?
4. Soient (Φi ) et (Ψj ) des bases respectives de εp et εq . Les éléments matriciels
de A et B sont aki et blj définis par :
p q
X X
AΨi = aki Ψk et BΦj = blj Φl .
k=1 l=1

Quels sont les éléments matriciels de l’opérateur A ⊗ B ?

Solution : 1. Par la définition de l’opération,

(A1 A2 ⊗ B1 B2 )(Ψ ⊗ Φ) = [A1 (A2 Ψ)] ⊗ [B1 (B2 Φ)].

Or, en développant la partie de droite de l’identité que nous voulions démontrer, nous
obtenons

(A1 ⊗ B1 )(A2 ⊗ B2 )(Ψ ⊗ Φ) = (A1 ⊗ B1 )(A2 Ψ ⊗ B2 Φ) = [A1 (A2 Ψ)] ⊗ [B1 (B2 Φ)].

Ce qui démontre que l’égalité, puisque cela doit être vrai pour tout Ψ ⊗ Φ.

2. Par l’identité précédente, il est très facile de remarquer que

(A−1 ⊗ B −1 )(A ⊗ B) = (1p ⊗ 1q ).

Cela signifie donc que


(A ⊗ B)−1 = (A−1 ⊗ B −1 ).
3. Pour vérifier cela, rien de plus simple qu’injecter le vecteur dans l’opérateur
désiré :
(A ⊗ 1q )(Ψ ⊗ Φ) = AΨ ⊗ 1q Φ = (αΨ) ⊗ Φ = α(Ψ ⊗ Φ).
α est donc une valeur propre de (A ⊗ 1q ) associée à (Ψ ⊗ Φ). Il en va de même de β
et (1p ⊗ B).
4. En appliquant la distributivité et l’associativité par la multiplication par
scalaire, il vient que
X
A ⊗ B(Ψi ⊗ Φj ) = (AΨi ) ⊗ (BΦj ) = (aki blj )(Ψk ⊗ Φl ).
kl

43
3.7.2 Exercices sur les critères de tensionnalité
Exercice : Utilisez le dernier critère de tensionnalité pour montrer que :

1. Les gij = ei · ej sont des composantes covariantes d’un tenseur d’ordre 2.


2. Les δij sont les composantes mixtes d’un tenseur d’ordre 2.

Solution : 1. Formons le produit tensoriel des quantités gij avec les composantes
contravariantes v k d’un vecteur V : gij v k . Si nous effectuons une contraction sur
j = k, nous avons
gij v j = vi .
Nous obtenons ainsi un tenseur d’ordre un, ce qui implique que les gij sont les com-
posantes covariantes d’un tenseur d’ordre 2.

2. Le produit tensoriel des δij par les composantes covariantes vk d’un tenseur
d’ordre un nous donne les quantités δij vk . Si nous effectuons une contraction sur les
indices j et k, nous obtenons les quantités

δij vj = vi .

Puisque le même raisonnement peut être mené avec des composantes contravariantes
v l , les δij sont des composantes mixtes d’un tenseur d’ordre 2.

Exercice : Notons hi , i = 1, 2, 3 la composante normale à l’axe Oxi d’une densité


de flux de chaleur. Cette chaleur s’écoule sous l’influence d’un gradient de température
T . Les hi sont les composantes d’un vecteur h. La conduction thermique suit la loi
de Fourier :
∂T
hi = −kij .
∂xj
1. Démontrez que les kij sont les composantes covariantes d’un tenseur d’ordre
deux appelé le tenseur de conductivité thermique.
2. En régime permanent, l’écoulement de chaleur à travers un matériau est con-
servatif, i.e.
div h = 0.
Déterminez l’équation donnant la distribution de température T (x.y.z) à l’intérieur
d’un matériau si les kij sont supposés indépendants de la position.
3. Déterminez l’équation obtenue à la question 2 dans un système d’axes tel que
la matrice [kij ] soit diagonale de valeurs propres k1 , k2 et k3 .
4. Trouvez un changement de variable qui permette de remettre l’équation trouvée
à la question 3 sous la forme

(k1 k2 k3 )1/3 ∇2 T = 0.

44
Solution : 1. Les composantes du vecteur grad T figurent dans la loi de Fourier
et forment un produit tensoriel contracté avec les kij , ce qui résulte en des com-
posantes covariantes hi d’un vecteur. Ceci nous indique, par le dernier critère de
tensionnalité, que les kij sont les composantes covariantes d’un tenseur d’ordre 2.

2. div h = 0 peut se réécrire, si nous souhaitons mettre en avant les composantes


hi :
∂hi
= 0.
∂xi
Si nous réinjectons dans l’équation de Fourier, nous avons
 
∂ ∂T
− kij = 0.
∂xi ∂xj

Or, puisque nous avons supposé les kij indépendants de la position, la dérivée partielle
et les kij commutent, ce qui donne :

∂ 2T
kij = 0.
∂xi ∂xj

3. Il suffit de développer la dernière expression avec kij = 0 si i 6= j et k11 = k1 ,


k22 = k2 et k33 = k3 :
∂ 2T ∂ 2T ∂ 2T
k1 2 + k2 2 + k3 2 = 0.
∂x1 ∂x2 ∂x3
4. En posant le changement de variable suivant pour tout i = 1, 2, 3 (sans som-
mation sur la répétition d’indice) :
1/2
ki
xi = Xi
(k1 k2 k3 )1/6

Nous obtenons
∂ 2T ∂ 2T ∂ 2T
 
1/3
(k1 k2 k3 ) + + = 0.
∂X12 ∂X22 ∂X32
Ce qui est exactement la forme demandée. Cette équation est (relativement) simple
à résoudre analytiquement. Il suffit donc de trouver les axes principaux et la solution
devient beaucoup plus facile à calculer !

45
4 Les tenseurs et les propriétés différentielles
Le physicien aime exprimer les différences de grandeurs physiques à l’aide du lan-
gage de l’analyse. Dérivées et intégrales sont le pain quotidien du physicien. Il est
alors naturel de se demander si les tenseurs peuvent nous aider à représenter des
grandeurs différentielles de vecteurs ou d’objets mathématico-physiques encore plus
complexes. C’est dans ce but que nous allons d’abord introduire les espaces ponctuels
- espaces vectoriels subtilement différents - puis commencer à énoncer des propriétés
différentielles des vecteurs. Nous allons ensuite nous demander comment nous pour-
rions les calculer à l’aide de l’algèbre tensorielle définie les chapitres précédents.
Premièrement, nous analyserons des vecteurs changeants dans un espace fixe, puis
nous essaierons de généraliser les outils développés à un espace à géométrie courbe
(une sphère, un tore, les environs d’un trou noir, etc). Les mathématiques présentées
seront donc celles de la relativité générale, mais ce qui sera présenté jusqu’à la section
4.5 sera tout de même utile en électrodynamique classique, entre autres.

4.1 Espaces ponctuels pré-euclidiens


Définition : Un espace ponctuel euclidien εn est une structure algébrique constru-
ite sur En : c’est un espace euclidien de dimension n dont les objets sont des points.
Nous faisons correspondre à tout couple de points (A, B) = ((a1 , ..., an ), (b1 , ..., bn ))
de εn un vecteur x = (x1 , ..., xn ) tel que xi = bi − ai . Alors εn est un espace ponctuel
s’il vérifie pour tout A, B, C ∈ εn :

1. AB = −BA
2. AB = AC + CB
3. Si O est un point arbitraire de εn , alors pour tout M de εn , il existe un seul x
de En tel que OM = x

Définiton : le repère de εn est l’ensemble d’un point O quelconque de εn et d’une


base (ei ) de l’espace euclidien associé En : (O, (ei )).

Soient deux repères, (O, (ei )) et (O0 , (e0k )). Cherchons la loi de changement de
coordonnées. Posons ei = A0k 0
i ek et sa réciproque bien connue ainsi que les relations
OO0 = αi ei , O0 O = α0k ek et OM = xi ei , O0 M = x0k e0k . Alors, avec

OM = OO0 + O0 M = xi ei = αi ei + x0k e0k = (αi + x0j Aij )ei

nous obtenons les relations suivantes :

xi = αi + x0k Aik et x0j = α0j + A0ji xi .

46
4.1.1 Définitions et notations des dérivées
Soit un espace ponctuel εn de repère (O, (ei )) et un vecteur fonction d’un paramètre
α, x ≡ x(α) = xi (α) ei . Nous supposons que les vecteurs de base (ei ) soient constants.

Définition : la dérivée de x est donnée par

0 dxi (α)
x (α) = ei . (38)

Définition : la différentielle de x est donnée par

dx = x0 (α) dα (39)

Soit toujours notre espace ponctuel εn de repère (O, (ei )). Maintenant, si x est
une fonction de plusieurs paramètres αi , i.e. x ≡ x(α1 , ..., αm ) = xi (α1 , ..., αm ) ei .

Définition : la dérivée partielle de x par rapport à αj est donnée par

∂x ∂xi
= ei (40)
∂αj ∂αj
Définition : la différentielle de x est
∂x
dx = dαi (41)
∂αi
Notations : Si nous avons une fonction f ≡ f (y 1 , ..., y n ), nous allons noter dans
la suite
∂f
= ∂i f
∂y i
Ainsi que
∂ 2f
= ∂ik f.
∂y i ∂y k
On aura en un premier temps dérivé par rapport à y k , puis par rapport à y i . Avec
cette convention, si nous avons x = xi ei tel que xi ≡ xi (y 1 , ..., y n ), alors
∂x
= ∂k x = ∂k (xi ei ) = (∂k xi )ei = xi,k ei .
∂y k
Il faut noter que l’indice en bas a une justification mathématique rigoureuse, mais
qui nécessiterait d’avoir étudié rigoureusement la topologie ainsi qu’avoir eu une in-
troduction à la géométrie différentielle. Vous pouvez donc comprendre ma réticence
à en parler. Nous pouvons nous contenter de le comprendre comme une convention
qui soit cohérente avec toutes les futures définitions. L’écriture avec une virgule est
souvent recontrée dans la littérature américaine, surtout si l’on cherche à prendre

47
la dérivée d’une fonction par rapport à une dérivée (pensez dérivée de l’énergie par
rapport à la vitesse). Nous n’utiliserons pas cette notation, puisque’elle tend à être
difficile à lire dans des notes manuscrites, surtout sur du papier quadrillé.

De plus, si l’indice pour la dérivée partielle est en haut - ce qui est souvent ren-
contré en physique - il faut comprendre cela comme :
∂ j xi = g kj ∂k xi . (42)

4.1.2 Norme dans les espaces pontuels


Nous munissons notre espace ponctuel εn d’un repère (O, (ei )). Alors si nous avons
deux points M et M 0 de coordonnées respectives (xi ) et (x0j ), alors la distance est
donnée par
(distance MM0 )2 = gij (x0i − xi )(x0j − xj ).
Dans la limite où deux points sont infiniment proches, nous définissons la métrique,
encore appelée élément linéaire, comme étant
ds2 = gij dxi dxj (43)
Ne vous faites pas avoir, la dénomination de ”métrique” pour l’élément linéaire
peut référer, pour un physicien fainéant, à l’abréviation du tenseur métrique; mais
c’est le nom standard, puisque la métrique permet de définir une... métrique ! Il ne
faut donc pas être confus si l’on vous donne une métrique avec des différentielles au
carré. ”Element linéaire” est d’ailleurs une dénomination tout aussi confuse, car il
s’agit d’une forme quadratique. Cette dénomination réfère à une réalité géométrique:
pour des infinitésimaux, ds est un segment de droite. Je vais le plus souvent parler
de métrique quand nous sommes dans une situation comme (43).

Des exemples de métriques en physique sont celle de Minkowski en relativité re-


streinte et la métrique de Schwarzschild, décrivant la géométrie de l’espace-temps
autour d’un objet sphérique, sans rotation ni charge électrique. Vous l’aurez compris,
la métrique est un outil essentiel au physicien.

Si une courbe Γ de εn peut être définie par une paramétrisation de coordonnées


curvilignes (ui (α)), alors la distance le long de l’arc est donnée par
Z α2  i
1
j 2
∂u ∂u
d(M1 , M2 ) = gij dα (44)
arc α1 ∂α ∂α

4.2 Coordonnées curvilignes


Pour exploiter les symétries de son problème, le physicien aime utiliser les coordonnées
sphériques, par exemple. Le but est de pouvoir introduire des coordonnées nouvelles.

48
Définition : nous appelons lignes de coordonnées les ensembles de points M tels
que l’on ne fasse varier une seule coordonnée en gardant les autres coordonnées con-
stantes.

Définition : nous appelons coordonnées rectilignes un système de coordonnées


ou les lignes de coordonnées sont des droites. De plus, nous supposons que les coor-
données ont des relations linéaires entre elles.

Définition : nous considérons εn , un repère (O, (e0i )) et un système de coor-


données rectilignes donné par (xi ). Nous appelons coordonnées curvilignes un ensem-
ble de coordonnées (uk ) donné par

xi = f i (u1 , ..., un )

tel que les f i satisfont :

1. Toutes les f i sont de classe C 2 .


2. Nous pouvons résoudre pour uk , i.e. il existe g k de classe C 2 telle que

uk = g k (x1 , ..., xn )

3. Le jaccobien des xi est supposé non-nul sur un domaine D.

Démonstration : le système de coordonnées curvilignes est bien un système de


coordonnées valable car le jaccobien des xi est non-nul, donc les vecteurs portés par
chaque colone de la matrice jaccobienne sont linéairement indépendants. La famille
des uk est donc libre maximale, ce qui démontre que c’est (localement) une base de εn .

Figure 2: Lignes de coordonnées des coordonnées polaires [6].

49
C’est certainement plus facile de comprendre les définitions précédentes à l’aide
d’un exemple bien connu : les coordonnées polaires. Les coordonnées polaires sont
souvent représentées comme dans Fig.(2). En fait, vous remarquez que ce sont les
lignes de coordonnées qui y sont montrées. On en tire deux choses: une meilleure
compréhension des lignes de coordonnées et que l’espace n’est pas modifié par le choix
de coordonnées curvilignes. Seule la structure algébrique de l’espace est modifiée.
C’est pour ça qu’en mécanique tout particulièrement, pour exploiter les symétries du
problèmes, l’on prend un système de coordonnées curvilignes tel qu’au moins une des
lignes de coordonnée suive une trajectoire de l’objet.

Définition : Si nous avons un mobile en M , alors nous pourrions vouloir y


attacher un système de coordonnées. C’est dans ce but que nous introduisons la base
naturelle. Si nous avons un repère (O, (e0i )) et (u1 , ..., un ) un système de coordonnées
curvilignes, alors nous définissons les vecteurs de la base naturelle comme étant une
base (ek ) où le k-ème vecteur de base est définit comme

∂OM
ek = = ∂k M. (45)
∂uk
La notation ∂k M est pour mettre en avant le fait que l’origine n’a pas d’influence
sur le résultat.
Nous remarquons de même que si M est de coordonnées (xi ), alors

ek = ∂k (xi e0i ) = (∂k xi )e0i .

Définition : le repère naturel est un repère formé de la combinaison d’un point


et de la base naturelle en ce point : (M, (ek )).

La question que vous pourriez vous poser c’est, pourquoi vouloir définir les vecteurs
de base ainsi ? Nous ne faisons que dériver par rapport aux coordonnées, après tout,
rien de mirobolant. Pour comprendre pourquoi c’est le choix naturel, prenons pour
exemple les coordonnées polaires, montrées en Fig.(2). Mettons que les coordonnées
curvilignes soient (ρ, θ) et en coordonnées carthésiennes, on a OM = (ρ cos θ, ρ sin θ)T .
Alors, en appliquant la définition (45), il vient,
   
cos θ −ρ sin θ
eρ = et eθ =
sin θ ρ cos θ

Vous voyez rapidement qu’ils sont donnés dans le même sens et la même direction
que ce que vous avez vu dans un cours de mécanique, bien qu’ils ne soient pas nor-
malisés. La question est donc, quelle magie s’opère ? En prenant la dérivée d’un
certain point selon chaque coordonnée, par la définition de la dérivée partielle, nous
regardons localement le changement d’une seule coordonnée. Ainsi, nous suivons les
lignes de coordonnées de façon infinitésimale ! Donc ∂k M sera tangent à la ligne de

50
coordonnée tracée par uk au point M .

Maintenant, munissons nous de deux systèmes de coordonnées curvilignes (ui ) et


(u0k ) et essayons de passer de la base naturelle du premier à celle du second. Par
définition, nous avons
∂M 0 ∂M
ei = et ek = .
∂ui ∂u0k
Et en utilisant les propriétés de la dérivée partielle, nous avons

∂M ∂M ∂ui ∂ui
e0k = = = ei 0k
∂u0k ∂ui ∂u0k ∂u
Et inversément,
∂u0k 0
ei = e .
∂ui k
Nous allons essayer de rejoindre les notations des vecteurs, comme nous l’avons
demandé dans un exercice du chapitre 2. Il est important de se rappeler que les
vecteurs de base la base naturelle sont attachés en M . Ceci permet de comprendre
que les composantes de la matrice de passage que nous allons définir sont bien des
nombres et non des fonctions, ce qui rendra le développement qui suivra légitime.
Puisque nous avons défini que les vecteurs de la base naturelle sont covariant, nous
aimerions retomber sur une expression du type ei = A0k 0
i ek . Ce qui se fait facilement
en posant
∂u0k ∂ui
A0k
i = et A i
k =
∂ui ∂u0k
Ce qui avec la notation de la dernière sous-section s’écrit

A0k
i = ∂i u
0k
et Aik = ∂k ui

Ce qui est une écriture très naturelle. Notez que nous allons tout de même préférer
l’écriture avec les dérivées partielle, étant plus velue, mais nettement plus informa-
tive. Le seul choix que nous avons fait ici qui aura une répercussion est de dire que la
base naturelle - comme toute base constituée de vecteurs - est covariante. Remarquez
de plus que les composantes Aik sont celles de la matrice jaccobienne de changement
de coordonnées !

Vous aurez peut-être remarqué que nous avons écrit ∂ui /∂u0k = ∂k ui et non ∂0k ui .
Pourquoi perdre cette information ? Je vous croirais si vous me disiez que vous
étiez perdu dans une démonstration à cause ce l’absence de primage. Je ne veux
pas le faire car si vous preniez l’habitude d’écrire cela, un professeur pourrait croire
que vous prenez une dérivée. Contre un occasionnel d’effort supplémentaire durant la
lecture, vous n’aurez pas de quiproquo avec une personne n’ayant pas lu ce document.

51
La comparaison avec les vecteurs permet de conclure quelque chose de très impor-
tant pour la suite : l’ensemble des bases naturelles en un point M de εn est identique
à l’ensemble des bases de l’espace euclidien En qui lui est associé !

Avec la convention de sommation d’Einstein, nous trouvons une forme de la


différentielle de M qui soit très informative. En effet,

dM = ∂k Mduk = ek duk (46)

Quelque chose de remarquable se fait désormais voir : les quantités duk représentent
les composantes contravariantes du vecteur dM dans un système de coordonnées uk !
Ceci est pourquoi la base naturelle est si naturelle !

4.3 Les symboles de Christoffel


Nous nous apprêtons à commencer ce qui est appelé l’analyse tensorielle. Les concepts
vont très rapidement devenir très obscurs, les démonstrations encore plus, même
pour un lecteur très attentif ! Nous lui conseillons alors vivement de commencer les
exercices du chapitre, pour qu’il s’assure d’avoir compris tous les concepts qui lui ont
été introduits durant les deux dernières sous-sections.
Il nous faut tout de même motiver la présentation des symboles de Christoffel,
objets primordiaux de la géométrie différentielle si chère à la théorie de la gravité
d’Einstein. Il vous seront uniques, car ils sont les seuls pseudo-tenseurs que nous
allons rencontrer. Ils permettent d’exprimer comment, si nous déplaçons un vecteur
le long d’un espace d’une structure ou même géométrie arbitraire, les vecteurs de la
base que nous lui avons collé dessus changent. Nous allons voir qu’ils rentrent dans
l’équation de la géodésique et qu’ils permettront de généraliser la dérivée.

4.3.1 Les symboles de Christoffel de deuxième espèce


Définition : soit εn un espace ponctuel de dimension n et (uk ) un système de
coordonnées curvilignes quelconque. La différentielle des vecteurs de la base naturelle
ei s’écrit alors sur cette base :
dei = Γjki duk ej (47)
Où les Γjki sont les symboles de Christoffel de deuxième espèce. Ce sont des fonctions
des uk . Il faut se représenter le j entre le k et le i, car c’est où il va se situer quand
nous allons descendre l’indice.

Exemple : comment trouver les symboles de Christoffel dans le cas des coor-
données sphériques ? Posons déjà le vecteur position d’un mobile M :

M = r sin θ cos ϕ i + r sin θ sin ϕ j + r cos θ k

52
D’où, en dérivant par les bonnes variables, les vecteurs de la base naturelle en coor-
données sphériques :

e1 = sin θ cos ϕ i + sin θ sin ϕ j + cos θ k

e2 = r cos θ cos ϕ i + r cos θ sin ϕ j − r sin θ k


e3 = −r sin θ sin ϕ i + r sin θ cos ϕ j
Alors, nous trouvons les différentielles suivantes
dθ dϕ
de1 = e2 + e3
r r
dr
de2 = −r dθ e1 + e2 + cotan θ dϕ e3
r
 
2 dr
de3 = −r sin θ dϕ e1 − sin θ cos θ dϕ e2 + + cotan θ dθ e3
r
Alors, en disant que u1 = r, u2 = θ et u3 = ϕ, nous trouvons, en associant selon la
définition, que, par exemple,
1
Γ313 = , Γ323 = cotan θ et Γ333 = 0.
r
Nous laissons le soin au lecteur de prendre le temps pour s’assurer qu’il a compris le
mécanisme derrière la recherche des symboles de Christoffel de deuxième espèce.

Exercice : Trouvez les symboles de Christoffel de deuxième espèce pour un


système de coordonnées linéaire d’un espace ponctuel à n dimensions.

Solution : Puisque les coordonnées sont combinaisons linéaires de vecteurs d’une


base orthonormée, la différentielle de chacun des vecteur de la base naturelle rectiligne
est nulle. Nous avons donc pour tout i, j, k que Γjik = 0.

4.3.2 Les symboles de Christoffel de première espèce


Ceux-ci découlent des symboles de Chhristoffel de deuxième espèce par une relation
très simple :
Γkji = gjl Γlki et inversément, Γlki = g jl Γkji (48)
Ils vont surtout nous être utiles dans les démonstrations, plus que dans les résultats
important.

53
4.3.3 Les symétries du symbole de Christoffel
Dans l’exemple du calcul des symboles de Chirstoffel pour les coordonnées sphériques,
nous aurions dû calculer 27 symboles au total et à la main. L’exploitation des symétrie
nous permet de réduire drastiquement ce nombre.

Comme nous avons supposé que les xi = f i (u1 , ..., un ) sont de classe C 2 et que M
est une combinaison linéaire de ces fonctions, il en vient que M est aussi de classe
C 2 , ce qui résulte en le fait que ∂kj M = ∂jk M. Or, et en utilisant la définition des
symboles de Christoffel de deuxième espèce, il vient que

∂jk M = ∂j ek = Γljk el

et, de la même façon,


∂kj M = ∂k ej = Γlkj el .
Nous devons donc conclure
Γljk = Γlkj (49)
Par la définition des symboles de première espèce, nous pouvons descendre l’indice
l. Alors nous avons que
Γkij = Γjik (50)
Il faut remarquer que les symboles de Christoffel sont symétriques sur leurs in-
dices extrêmaux. Cette symétrie est la raison pour laquelle nous avons des notations
alternatives parfois utilisées dans la littérature, mais que nous n’utiliserons pas.
 
j j
Γijk = [ik, j] et Γik =
ik

4.3.4 Symoboles de Christoffel à partir du tenseur métrique


Dans cette sous-section, nous allons trouver la formule qui est habituellement utilisée
pour calculer les symboles de Christoffel car elle ne demande que de connaı̂tre les
dérivée du tenseur métrique, tenseur qui est souvent l’une des variables connues dans
un problème donné (sauf quand l’on souhaite résourdre l’équation d’Einstein).
Prenons la différentielle du tenseur métrique. Alors, par les règles du calcul
différentiel,
dgij = ∂k gij duk = d(ei · ej ) = ei · dej + ej · dei .
Or, nous pouvons injecter la définition des symboles de Christoffel de deuxième espèce
de façon que
dgij = (ei · el )Γlkj duk + (ej · el )Γlki duk .
Nous remarquons la définition du tenseur métrique à deux endroits. Nous allons
ensuite baisser l’indice des symboles de Christoffel de deuxième espèce à l’aide des

54
tenseurs métriques identifiés. Suite à la définition des symboles de Christoffel de
première espèce, nous aboutissons à

dgij = ∂k gij duk = (Γkij + Γkji )duk .

Ceci implique donc que


∂k gij = Γkij + Γkji (51)
Or, cette relation, couplée à la symétrie sur les indices extrêmaux des symboles de
Christoffel résulte en trois relation du même type :

Γjik + Γkji = ∂k gji

Γkji + Γikj = ∂i gjk


Γikj + Γjik = ∂j gki
Alors, en additionnant les deux premières, retranchant la dernière et divisant par
deux, nous obtenons :
1
Γkji = (∂k gji + ∂i gjk − ∂j gki ) (52)
2
Remarquez la structure où la dérivée partielle avec l’indice au milieu du symbole de
Christoffel est la seule à être négative. Puisque le tenseur métrique est symétrique, il
n’y a pas besoin de se rappeler de plus ! Le même moyen mnémotechnique s’applique
pour la prochaine relation, venant de la définition des symboles de Christoffel de
première espèce :
1
Γlki = g lj (∂k gji + ∂i gjk − ∂j gki ) (53)
2
Exercice : Démontrez que ∂j g ik = −g il Γkjl − g kl Γijl .

Solution : Partons de ∂j (g ik gkm ) qui est nul car l’expression entre parenthèses
i
est égale à δm dont la dérivée est toujours nulle. Alors,

gkm ∂j g ik = −g ik ∂j gkm = −g ik (Γjkm + Γjmk ).

Pour enlever le tenseur métrique covariant du côté gauche, il faut multiplier par g lm
de façon que l’équation devienne

δkl ∂j g ik = −g lm g ik (Γjkm + Γjmk ) = −g lm Γijm − g ik Γljk .

Ceci, en remplaçant chaque k muet par un l et en renommant les indices muets en l,


résulte en
∂j g ik = −g il Γkjl − g kl Γijl (54)

55
4.3.5 Changement de base
Nous l’avons mentionné depuis maintenant très longtemps, nous allons désormais
le démontrer. En effet, les symboles de Christoffel ne sont pas des quantités ten-
sorielles, mais cela ne nous empêchera pas d’avoir une formule de changement de base
très ressemblante à celle des tenseurs.

Commençons par nous munir de deux bases de εn , (ei ) et (e0l ). Alors la loi de
changement de base, bien connue, est ei = A0li e0l et sa réciproque e0l = Ail ei . Alors, la
différentielle de ei est
dei = A0li de0l + dA0li e0l .
Alors, en insérant les définitions de la différentielle du vecteur de base, puis en effec-
tuant des changements de base sur les vecteurs de base, l’équation devient
Γjki duk ej = A0li Γ0m 0h 0 0l 0 0l 0m 0k j 0l j
hl du em + dAi el = (Ai Γhl du Am + dAi Al )ej .

Nous allons pouvoir simplifier les ej , puis en utilisant que dA0li = ∂k A0li duk et du0h =
A0h k k
k du , nous pouvons encore simplifier par du et alors nous trouvons la formule de
changement de base :
Γjki = A0li Ajm A0h 0m j 0l
k Γlh + Al ∂k Ai (55)
Vous remarquerez sans peine que la première partie de l’égalité ressemble à un
changement de base d’un tenseur mixte d’ordre 3. Par contre, le terme tout à droite
qui est correctif fait que, dans le cas général, les symboles de Christoffel ne se trans-
forment pas comme des tenseurs.

4.4 La géodésique
L’introduction de l’idée de géodésique va formaliser l’idée de ligne droite dans une
géométrie courbe comme par exemple la surface d’une sphère. Ce concept va aussi
nous permettre de définir beaucoup de types de dérivées différentes et nouvelles, ce
qui nous permettra de mieux analyser les surfaces.

4.4.1 Equation de la géodésique


Définition : la géodésique est la courbe dans εn définie par (ui ) muni d’une
métrique gij qui minimise la distance entre deux points M0 et M1 . Notons que dans
un espace à géométrie plane, la géodésique est une droite.

Démonstration : essayons de trouver l’équation de la géodésique. Pour cela,


commençons par paramétriser les (ui ) avec un paramètre t, i.e. ui ≡ ui (t). Alors
disons que la géodésique est une courbe M0 CM1 dont la longueur est
Z t1  1
dui duj 2
l= gij dt.
t0 dt dt

56
Puisque la fonction que nous devons extrémiser est sous la forme d’une fonctionnelle
dans une intégrale, nous pouvons utiliser l’équation d’Euler-Lagrange pour trouver
i
un extremum. Posons, pour une simplicité d’écriture, que u0i ≡ du dt
. Alors, pusique
les extremums de l’intégrale d’une fonction sont les mêmes que ceux de l’intégrale de
la fonction au carré, posons f (uk , u0j ) = gij (u1 , ..., un )u0i u0j . Nous faisons ceci pour
rendre les expression algébriques plus belles. Désormais, utilisons
∂f d ∂f
− = 0.
∂u i dt ∂u0i
Nous obtenons alors d’un côté
∂f
i
= ∂i gjk u0j u0k
∂u
car les u0j sont indépendants de la position. De l’autre côté,

du0j
 
d ∂f d 0j 0j 0k
= 2gij u = 2∂k gij u u + 2gij
dt ∂u0i dt dt

ce qui se voit facilement si nous développons en somme. Mettons alors ces résultats
dans l’équation d’Euler-Lagrange et divisons par deux. Alors,

du0j 1
gij + (∂k gij − ∂i gjk )u0j u0k = 0.
dt 2
1
Or, nous avons que ∂k gij = (∂ g
2 k ij
+ ∂j gik ). Donc, en prenant (52), nous avons
l’équation de la géodésique :

d2 ul j
l du du
k
+ Γ jm =0 (56)
dt2 dt dt
Vous me permettrez, je l’espère, de souligner la beauté absolue de cette démonstration.

Exercice : Montrez que les géodésiques dans un système de coordonnées rec-


tilignes sont les droites.

Solution : Les symboles de Christoffel sont tous nuls dans un tel système de
coordonnées. Alors l’équation des géodésiques est précisément

d2 ul
= 0.
dt2
Ce qui est l’équation d’une droite.

57
4.4.2 Variation d’un vecteur le long d’une géodésique
Avant de nous intéresser à la variation d’un vecteur le long d’une géodésique, intéressons-
nous déjà à ce que nous voulons dire par ”déplacer un vecteur le long de quelque
chose”. Si nous déplaçons un vecteur le long d’un tracé, nous avons besoin d’un
vecteur original V situé en un point M 0 qui subira une translation jusqu’à un point
M . Nous aurons alors effectué un transport parallèle.
Le vecteur V est une entité qui ne se préoccupe pas de ses coordonnées. Elles exis-
tent une fois que nous avons choisi une base. Or, si nous faisons un transport parallèle
d’un vecteur dans un système de coordonnées qui tournent, alors la représentation
du vecteur aura changé dans ce système de coordonnées en le faisant tourner.

Définition : la différentielle absolue de V est définie comme la différence en-


tre un vecteur en un point M 0 et un point M infiniment proches. Nous écrirons
dV = VM (M 0 ) − V(M ). Où VM (M 0 ) est le vecteur V s’il avait été transporté par-
allèlement de M 0 jusque M dans un espace euclidien et V(M ) le vecteur V déplacé
le long des coordonnées curvilignes afin que les angles avec la courbe de déplacement
soient toujours les mêmes. C’est-à-dire que V(M ) aurait, dans la base naturelle,
les mêmes composantes que V(M 0 ). Voyez le schéma ci-dessous pour affiner votre
compréhension.

Considérons un vecteur parallèle à une géodésique en un point, appelons-le n, de


k
composantes dy ds
avec une paramétrisation telle qu’il soit unitaire en chaque point
de la géodésique. Considérons aussi V élément de εn de composantes covariantes vi .
i
Alors le produit scalaire des deux vecteurs s’écrit vi dyds
. La différentielle du produit
scalaire s’écrit
dy i dy k d2 y i
 
d vi = dvk + vi 2 ds.
ds ds ds

58
j
Or, dvk = ∂j v k dy
ds
ds et en utilisant l’équation des géodésiques, nous obtenons

dy i dy j dy k
 
d vi = (∂j vk − vi Γikj ) ds.
ds ds ds
Nous pouvons légèrement simplifier l’expression en l’écrivant sous la forme
dy i dy k
 
d(V · n) = d vi = (∂j vk − vi Γikj )dy j
ds ds
Reprenons notre expression de la différentielle absolue de V et remarquons que
puisque VM (M 0 ) est supposé constant dans l’espace euclidien, et que le produit
scalaire se fiche de la représentation des vecteurs - seulement de leur existence en
temps qu’objet mathématique - il vient que

V(M 0 ) · n(M 0 ) = VM (M 0 ) · n(M )

Alors, d(V · n) est la différence de V · n évalué entre M et M 0 :

d(V · n) = V(M 0 ) · n(M 0 ) − V(M ) · n(M ) = VM (M 0 ) · n(M ) − V(M ) · n(M )

Nous remarquons alors que

d(V · n) = [VM (M 0 ) − V(M )] · n(M ) = dV · n.

Alors, si V est de composantes covariantes vk , nous pouvons isoler la différentielle


dvk et alors nous obtenons

dvk = (∂j vk − vi Γijk ) dy j .

4.5 Dérivée covariante


Nous sommes maintenant prêts pour introduire le concept de dérivée covariante : le
type de dérivée que nous prendrons le plus fréquemment dès à présent. Elle est utile
partout en physique pour décrire les théorie de jauges, qui représentent la majorité
de la physique contemporaine : matière condensée, relativité générale et les théories
des champs.

4.5.1 Définition et tensionnalité


Définition : la dérivée covariante d’un vecteur V de composantes covariantes vk
est définie comme :
∇j vk = ∂j vk − vi Γikj (57)
Ceci est parfois aussi écrit - dans la littérature américaine - sous la forme suivante :

vk;j = vk,j − vi Γikj .

59
Nous n’utiliserons toutefois pas cette dernière écriture. Pour des raisons de lisibilité
sur des feuilles de notes.

Nous affirmons que ceci sont les composantes covariantes d’un tenseur d’ordre 2.
Commençons par introduire deux systèmes de coordonnées différents, y r et ȳ i . Les
coordonnées covariantes du vecteur V sont alors - dans ces bases - vr et v̄i . Nous
avons alors la loi de changement de coordonnée suivante :
v̄i = vr ∂i y r .
Notez que nous ne spécifierons pas que la coordonnée par rapport à laquelle nous
dérivons possède une barre ou non. Si nous la dérivons par y k , nous obtenons
∂k v̄i = ∂k vr ∂i y r + vr ∂ki y r .
Utilisons un résultat dont nous donnerons la preuve dans un exercice juste après. Ce
résultat est que
∂ki y r = Γ̄sik ∂s y r − Γrst ∂i y s ∂k y t . (58)
Alors, en injectant cette égalité dans notre démonstration, en ayant au préalable
renommé nos indices muets d’une manière maline, nous obtenons
∂vr r
∂k v̄i = ∂i y ∂k y s + Γ̄tik v̄t − Γtrs vt ∂i y r ∂k y s .
∂y s
Ceci est strictement équivalent à
 
∂v̄i ∂vr
− Γ̄tik v̄t = − Γrs vt ∂i y r ∂k y s
t
(59)
∂ ȳ k ∂y s
Ce qui est bien une loi de changement de base d’un tenseur d’ordre 2 et de com-
posantes covariantes.

Exercice : Démontrez l’égalité (58).

Solution : En partant du membre de droite en injectant la formule de changement


de base du symbole de Christoffel, nous obtenons en un premier temps
(∂i y l ∂m ȳ s ∂k y h Γm s l r r s t
lh + ∂l ȳ ∂ki y )∂s y − Γst ∂i y ∂k y .

Puis, en distribuant et en se rappelant que les dérivées partielles des coordonnées sont
des changement de base que l’on peut assembler pour faire des deltas de Kronecker,
nous obtenons
∂i y l ∂k y h δmr Γm l r s t
lh + δlr ∂ki y − Γst ∂i y ∂k y .

Puisque les symboles de gauche et de droite sont de valeur strictement opposée, ils
s’annulent. Cela se remarque mieux en renommant les indices muets d’une manière
adéquate. De plus, le δlr transforme bien l’expression centrale en ∂ki y r , ce qui montre
l’égalité souhaitée.

60
4.5.2 Composantes mixtes du tenseur de dérivée covariant
Considérons à présent une expression de la forme

g ik ∇j vk = g ik (∂j vk − vr Γrkj ).

Ceci va nous permettre de trouver une expression pour le tenseur mixte de dérivée
covariante. En effet,

∂j (g ik vk ) = vk ∂j g ik + g ik ∂j vk = ∂j v i

par le calcul différentiel et le calcul tensoriel de base. En injectant ceci dans notre
équation initiale, nous obtenons

g ik ∇j vk = ∂j v i − vk ∂j g ik − g ik vr Γrkj .

La dérivée partielle d’un tenseur métrique contravariant est donnée par (54), ce qui
nous donne finalement que

g ik ∇j vk = ∂j v i + vk g kl Γijl .

Nous choisissons alors une notation qui représente bien ce que nous avons fait :

∇j v i = ∂j v i + v l Γijl (60)

Avec cette notation, il vient que

g ik ∇j vk = ∇j (g ik vk ) = ∇j v i .

Il faut noter que nous pouvons définir la différentielle absolue de la composante


contravariante uk d’un vecteur de manière analogue que pour des composantes co-
variantes duk = ∇j uk dy j .
Nous avons donc créé une commutativité entre le tenseur métrique et la dérivée
covariante car la relation symétrique est aussi vraie. L’exercice de retrouver cette
propriété est si intéressante que nous la laissons en exercice au lecteur un peu plus
loin ; en effet, elle requiert l’utilisation de plusieurs formules récemment dérivées et
sa réussite témoigne d’une bonne maı̂trise des précédentes sous-sections.

4.5.3 Dérivée covariante d’un tenseur


Prenons des composantes mixtes d’un tenseur d’ordre 3, urst . Prenons la différentielle
du produit contracté avec trois champs uniformes ar ,bs et ct : d(urst ar bs ct ) . Puisque
les champs sont uniformes, leur dérivées covariantes sont nules, ainsi, par exemple,
∂k ar = ar Γikr et ∂k bs = −bi Γski . Alors, la différentielle est :

d urst ar bs ct = (∂k urst + uist Γrki − urit Γksi − ursi Γikt )ar bs ct dy k .


61
Alors, nous avons que

∇k urst = ∂k urst + uist Γrki − urit Γksi − ursi Γikt .

L’étudiant attentif aura remarqué le même pattern pour le signe du symbole de


Christoffel que pour la covariance ou la contravariance des vecteurs. Il lui sera alors
très aisé de généraliser à des tenseurs de n’importe quel ordre.

Exercice : Trouvez une formule pour ∇k (∇j vi ). Nous réutiliserons ce résultat


plus loin dans le cours.

Solution : En utilisant la règle pour la dérivée covariante d’un tenseur d’ordre 2


de composantes covariantes, nous avons d’abord

∇k (∇j vi ) = ∂k (∇j vi ) − (∇l vi )Γlkj − (∇j vl )Γlki .

Il faut donc dès à présent développer terme par terme, ce qui est plus fastidieux que
difficile

∇k (∇j vi ) = ∂kj vi − (∂k Γlji )vl − Γlji ∂k vl − Γlik ∂j vl + Γrik Γljr vl − Γljk ∂l vi + Γrjk Γlri vl . (61)

Exercice : Démontrez que ∇j vi = gik ∇j v k .

Solution : Le lecteur peut soit être malin et ne pas s’inspirer du dernier para-
graphe de 4.5.2 en calculant

gil ∇j v i = gil ∇j g ik vk = gil g ik ∇j vk = δlk ∇j vk = ∇j vl .

Ceci est une manière tout à fait légitime - basée sur les définitions - de retomber sur
le résultat. Mais la manière de résoudre l’exercice qui démontre la maı̂trise des tech-
niques de calcul de l’élève est la suivante. Commençons par développer l’expression
∇j gik v k :

∇j vi = ∇j gik v k = gik ∂j v k + v k ∂j gik + gik v l Γkjl − gil v k Γljk − glk v k Γlji .

Alors, en remplaçant ∂j gik par Γjik +Γjki et en utilisant les tenseurs métriques dans les
expressions avec un signe négatif pour descendre l’indice du symbole de Christoffel de
deuxième espèce, nous remarquons des expressions de modules égaux, mais de signes
opposés. Nous pouvons donc simplifier la dernière expression en ceci :

∇j vi = gik ∂j v k + gik v l Γkjl .

Nous remarquons alors la définition de la dérivée covariante de v k ! Il vient donc le


résultat que nous voulions démontrer.

∇j vi = gik ∇j v k .

62
En reprenant notre tenseur de composantes urst , nous pouvons essayer de calculer
δrt ∇k urst . Nous remarquons, après avoir fait une expansion de la dérivée covariante,
que certaines parties de l’expression s’annulent et nous obtenons alors
δrt ∇k urst = ∂k ursr − urir Γiks = ∇k (δrt urst ).
Ainsi, le delta de Kronecker et la dérivée covariante commutent. Ceci implique dans
la même volée que
d δrt urst = δrt durst .


Si nous supposons désormais que urst = vsr wt , nous nous rendons compte très
facilement que
d(vsr wt ) = vsr dwt + wt dvsr .
Théorème : le théorème de Ricci stipule que dgij = 0.

Démonstration : Reprenons dans un premier temps la définition du tenseur


métrique et appliquons la différentielle. Nous avons
dgij = d(ei · ej ) = ej · dei + ei · dej = ei · (Γkjh dy h ek ) + ej · (Γkih dy h ek ).
Nous pouvons réécrire en utilisant la définition du tenseur métrique, mais aussi de la
différentielle de n’importe quelle quantité
dgij = ∂h gij dy h = gik Γkjh dy h + gjk Γkih dy h .
Nous avons alors l’identité de Ricci en factorisant les dy h :
∂h gij = gik Γkjh + gjk Γkih .
Mais de l’autre côté, par la règle de différenciation d’un tenseur d’ordre 2 de com-
posantes covariantes et en remarquant l’identité de Ricci,
dgij = (∂k gij − gsj Γski − gsi Γskj )dy k = 0.

4.5.4 La dérivée absolue le long d’une courbe


Soit un champ de vecteurs U de composantes contravariantes uk . Soit aussi γ ≡ γ(t)
un chemin différentiable de composantes y i (t). Si nous essayons de dériver le vecteur
U en fonction du temps, nous avons, par les règles du calcul différentiel

dU d uk ek duk dy i
= = ek + uj Γkji ek .
dt dt dt dt
C’est alors dans cette optique que nous définissons la dérive absolue de la composante
uk le long de la courbe γ. En effet, nous l’écrirons
Duk duk dy i
= + uj Γkji
dt dt dt
63
de sorte que
dU Duk
= ek .
dt dt
Exemple : considérons un champ de vecteurs qui soit le champ de vitesse v d’une
particule qui donc trace une courbe γ ≡ γ(t) dont les composantes contravariantes
i
sont y i . Or, la vitesse est la dérivée temporelle de la position, d’où v i = dy
dt
. Alors
les composantes contravariantes du vecteur accélération - dérivée absolue le long du
chemin γ - s’écrit
d2 y k r
k dy dy
s
ak = + Γ rs . (62)
dt2 dt dt
Mais si nous posons ak = 0, alors nous retrouvons l’équation de la géodésique.
Alors nous retrouvons l’idée la plus heureuse d’Einstein, comme il l’appelait [7]:

”J’étais assis sur ma chaise au Bureau fédéral de Berne. Je compris soudain que
si une personne est en chute libre, elle ne sentira pas son propre poids. J’en ai été
saisi. Cette pensée me fit une grande impression. Elle me poussa vers une nouvelle
théorie de la gravitation.”

Ceci est ce que nous retrouvons avec l’équation précédente. En effet, en prenant
la métrique de Schwarzschild - celle qui permet de représenter la courbure de l’espace-
temps autour d’un objet massif, sphérique, sans rotation ni charge électrique - alors,
la géodésique d’un objet sans vitesse angulaire pointe vers le centre de l’astre. En
d’autre mots : l’objet tombe. Et grâce à l’équation de la géodésique, nous savons que
l’accélération est nulle. En des termes newtonnien : il ne sent pas de force, pas son
poids.

4.5.5 Symboles de Christoffel contractés


Comme vous allez le voir dans les exercices, si le tenseur métrique est diagonal, alors
les symboles de Christoffel où il n’y a pas deux indices semblables sont nuls. Il peut
alors être intéressant d’avoir une formule nous donnant les symboles de Christoffel
contractés.

Commençons par appliquer le théorème de Ricci qui, si nous l’écrivons en termes


de dérivée covariante, donne

∇k gij = ∂k gij − glj Γlki − gli Γlkj = 0.

Multiplions l’égalité de droite par g ij de sorte que nous puissions expoiter le fait que
g ij gjl = δli :
g ij ∂k gij − Γlik δli − Γljk δlj = 0.

64
Ce qui après une contraction et une division par 2 donne
1
Γiik = g ij ∂k gij .
2
Or, cette expression a une forme bien plus jolie. En effet, la formule de Jacobi [8] nous
donne, si nous dénotons g le déterminant du tenseur métrique, que ∂k gij = gg ij ∂k gij .
Alors, la contraction du symbole de Christoffel est :
1 1 p
Γiik = ∂k g = p ∂k |g|. (63)
2g |g|

4.5.6 Les opérateurs différentiels


Nous avons vu beaucoup de théorie sur la façon dont la géométrie d’un problème
peut être caractérisée. Nous allons maintenant voir en quatre exemples comment
cette théorie peut faciliter les calculs de certaines quantités.

Exemple 1 : Le vecteur gradient peut être décomposé sur la base réciproque


d’une telle manière :
grad F = ∂k F ek .
Ce vecteur possède donc comme composantes covariantes

gradk F = ∂k F

et comme composantes contravariantes

gradi F = g ik ∂k F = ∂ i F.

Exemple 2: Nous pouvons écrire la divergence à l’aide de la dérivée covariante


par
div V = ∇i v i = ∂i v i + v j Γiij .
En utilisant (63), nous obtenons l’écriture alternative

vi p
div V = ∂i v i + p ∂i |g|.
|g|

En regroupant des termes nous avons


1 p
div V = p ∂i (v i |g|).
|g|

Remarquez comment, si nous sommes dans un système de coordonnées orthonormées,


alors l’expression se simplifie en ∂i v i , qui est l’expression à laquelle nous sommes
habituée. Nous verrons en exercice que cela permet même de trouver la divergence

65
dans un système de coordonnées sphériques.

Exemple 3 : Le laplacien s’écrit comme la divergence du gradient. Nous utilisons


cela ainsi que les propriétés dont nous avons déjà discutées. Alors,

∇2 F = div grad F = ∇i (g ik ∂k F ) = g ik ∇i (∂k F ) = g ik (∂ik F − Γlik ∂l F ).

Alternativement, si nous prenons la dernière expression pour la divergence et y injec-


tons g ik ∂k F , nous avons
1 p
∇2 F = p ∂i ( |g|g ik ∂k F ).
|g|

Exemple 4 : Remarquons que

∇j vi = ∂j vi − vl Γlji

et
∇i vj = ∂i vj − vl Γlji .
Alors, il est facile de remarquer que

∂i vj − ∂j vi = ∇i vj − ∇j vi .

Alors, le rotationnel d’un champ de vecteurs V qui habituellement s’écrit


3
X
∇×V = εijk ∂j vk ei
i,j,k=1

Où εijk est le symbole de Levi-Civita. Alors nous pouvons écrire, avec la dérivée
covariante
∇ × V = εijk ∇j vk ei .
Mais en faisant le calcul, vous vous rendrez compte que les calculs sont usuellement
faux avec cette formule. En fait, le problème vient du fait que le symbole de Kronecker
est mal défini dans un espace courbe. L’intuition derrière le fait que cette affrimation
est véridique est la suivante : le symbole de Kronecker est invariant sous changement
de coordonnées alors que le changement de ses indices (mettons i ↔ j) va le changer.
Nous avons donc montré qu’il est un pseudo-tenseur. Même pire, il ne mérite pas le
nom de pseudo-tenseur. Les étudiants motivés sont encouragés à étudier ce que sont
les densités tensorielles, car le tenseur de Levi-Civita en est un.
La preuve qui suit vient d’un cours d’un ponte de la popularisation de la physique
fondamentale : Sean Carroll [9]. Sa démonstration tient en quelques lignes de calcul
(à comparer à d’innombrables heures à étudier la géométrie différentielle sinon).

66
Nous commençons par affirmer que pour un symbole de Levi-Civita, qui est dans
un espace plat, dénoté ε̃i1 ...in la formule suivante est vraie, pour toute matrice de
composantes Mji :
ε̃i1 ...in |M | = ε̃i1 ...in Mji11 ...Mjinn
Où |M | désigne le déterminant de la matrice. Elle semble assez naturelle pour ne pas
désirer approfondir le sujet. Alors, pour Mji = ∂xi /∂xj , le tenseur métrique, on a que
s s
∂xi j
ε̃i1 ...in = ∂x ε̃j1 ...jn g j1 ...g1jn
∂xj ∂xi i1 n

Vous remarquerez le terme avec le déterminant en plus d’une transformation de


tenseur habituelle. Ceci est le signe que ε̃i1 ...in est une densité tensorielle. Une densité
tensorielle est un objet mathématique qui se transforme comme un tenseur si l’on le
multiplie par une puissance de la racine carrée du déterminant du tenseur métrique.
Ici, clairement p
εi1 ...in = |g|ε̃i1 ...in
est un tenseur. Sa variation contravariante est donnée par

sgn(g)
εi1 ...in = p ε̃i1 ...in
|g|

Alors, la vraie formule pour le rotationnel est

sgn(g)
∇ × V = p ε̃ijk ∇j vk ei
|g|

4.6 Les espaces de Riemann


Avant d’aller plus loin, nous conseillons au lecteur de faire les exercices sur les sym-
boles de Christoffel ainsi que ceux sur la dérivée covariante, puis de revenir ici ensuite.
Le saut conceptuel est assez élevé et il faut que l’étudiant ait à tout prix compris tout
ce que nous lui avons présenté jusqu’à présent pour qu’il ait la possibilité de saisir ce
dont il s’agit.
Il s’agit de faire de l’analyse (qui tend vers de la géométrie) dans des surfaces très
complexes, ce qui nous forcera à faire des approximations. Nous allons typiquement
considérer des hyper-surfaces en lesquelles il faudra créer un espace ponctuel (pseudo-
)euclidien en chaque point. Seuls des espaces ayant ce type de géométrie permettront
au lecteur intéressé à faire de la relativité générale. Il est ainsi primordial que nous
nous y intéressions.

67
4.6.1 Motivations
Nous voudrions étudier la géométrie d’un espace en étant ”confiné” en celui-ci. Par
exemple, nous voudrions étudier la géométrie de la surface d’une boule de rayon R.
Alors, nous nous munirions de la métrique suivante :

ds2 = R2 dθ2 + R2 sin2 θ dϕ2 .

En faisant cela, nous omettons l’espace dans lequel est contenu la boule. C’est-à-dire
que des fourmis vivant à la surface de cette sphère, observant l’horizon se verraient de
dos ! Ignorer l’espace euclidien dans lequel peut exister une (hyper-)surface est rela-
tivement peu intéressant dans le cas d’une sphère. Mais pour certaines géométries -
telles que certaines géométries hyperboliques - le nombre de dimensions dans lesquelles
l’objet existe peut être compliqué à connaı̂tre. C’était d’ailleurs un problème ouvert
pendant un siècle après que Riemann ait formulé la question de s’il était possible de
connaı̂tre le nombre de dimensions dans lesquelles vit une (hyper-)surface, pour une
métrique donnée. C’est une question répondue par John Nash [10]. Alors, pour ne pas
se préoccuper de ces détails déplaisants, nous allons aller étudier l’espace qu’engendre
une métrique donnée à l’intérieur-même de cet espace.

Nous pourrions aussi par exemple avoir un problème de mécanique qui dépend de
n contraintes du mouvement indépendantes q 1 , ..., q n . Si de plus, nous considérons
un systèmes de N particules qui dépendent de ces contraintes, nous aurions alors un
vecteur position fonction de ces contraintes ainsi que du temps : ri ≡ ri (q 1 , ..., q n , t).
Alors la vitesse serait donnée par

dri ∂ri
vi = = ∂j ri q̇ j + .
dt ∂t
Ainsi, l’énergie cinétique totale du système, T , serait donné par
1X
T = mi (vi )2 = ajk q̇ j q̇ k .
2 i

mi ∂j ri · ∂k ri . Nous pourrions alors définir la métrique comme étant


P
Où ajk = (1/2) i

ds2 = ajk dq j dq k

où aij sera équivalent à gij , la métrique. Alors à toute configuration du système
correspond un point de l’espace. Nous pourrons alors résoudre le problème en util-
isant les techniques tensorielles. En fait, pour faire de la mécanique analytique de la
façon rigoureuse si appréciée par les mathématiciens, une formulation à l’aide de la
géométrie différentielle est obligatoire ! L’analyse tensorielle est une façon ”naı̈ve” et
par conséquent moins générale d’arriver à ces conclusions, toutefois, elle permet une
compréhension plus immédiate des enjeux.

68
4.6.2 Définitions et conditions
Les espaces donnés en exemple à la section précédente sont nommés variétés munies
d’une métrique riemannienne. Nous allons dès à présent définir ces notions.

Définition : une variété est un espace de points à n dimensions représenté par


un ensemble de coordonnées (ui ), pouvant avoir des valeurs comprises dans un do-
maine fini ou non. Un point M0 est représenté par un ensemble de coordonnées (ui )0 .
Une variété est caractérisée par l’existence d’un système de coordonnées dans lequel
nous pouvons représenter un voisinage de M0 tel que deux points infiniment proches
auront des coordonnées de valeurs numériques infiniment proches. De plus, l’espace
doit localement ressembler à un espace vectoriel euclidien.

Celles et ceux d’entre vous qui auront fait de la topologie aurez remarqué que la
condition de ”continuité” implique l’existence de la création d’une topologie (à com-
prendre structure) spéciale sur l’ensemble de points. Un type de topologie (structure
d’un ensemble) particulièrement apprécié, puisque similaire aux types de structures
dans lesquelles nous pouvons faire de l’analyse, sont les topologies induites par une
métrique. Le novice doit comprendre que les points sont dans une structure telle
que s’ils sont dits proches par la métrique (analytiquement, donc), ils sont proches
géométriquement. Ainsi, la définition que nous avons donnée de la variété nécessite
une métrique. La question est donc, comment on définit notre métrique ?

Définition : un espace de Riemann est une variété à laquelle on attache une


métrique riemannienne.

Définition : une métrique riemannienne, aussi appelée tenseur fondamental, est


une forme quadratique de la forme

ds2 = gij dui duj . (64)

Où (ui ) est le système de coordonnées de la variété et les gij sont tels que

1. gij = gji pour tout i et j.


2. le déterminant de gij soit non-nul.
3. la forme différentielle (64) soit invariante par changement de coordonnées.
4. tous les gij soient de classe C 2 .
De plus, si la métrique est définie-positive, nous disons de l’espace qu’il est
promptement riemannien.

Maintenant que nous avons une bonne définition de la métrique que nous utilis-
erons, il faut comprendre ce à quoi ça sert de se munir d’un tel formalisme. Les idées
qui en découlent seront formellement étudiées dans le reste de la section 4. En un

69
premier lieu, un vecteur est un objet qui n’est plus bien défini. En effet, si je suis
sur une sphère, mettons la surface de la terre, plus précisément à Lausanne et que je
vais dire que je vais partir en vacances en Espagne, je ne vais pas pointer directement
l’Espagne avec mon index et donc à travers la terre. Ce que je ferai, c’est de pointer
vers le sud-ouest, à l’horizontale. Ainsi, vous comprenez que le vecteur position ne
fait réellement sens dans un espace de Riemann. C’est pourquoi, dans une variété,
les espaces vectoriels ne sont que définis localement. Par contre, un vecteur vitesse
sera toujours bien défini car local. En effet, avec l’exemple de vacances en Espagne,
si je pars en avion et vais directement en direction de l’Espagne, il n’y a qu’une seule
manière de se déplacer (de la manière la plus rapide) et l’on longe l’horizon. Le
vecteur vitesse est donc parallèle à la surface de la terre en tout temps, donc bien
défini.

Nous disons d’un espace qu’il est euclidien s’il existe un changement de coor-
données tel que gij = δij . Il en vient une conséquence très importante : il n’existe
qu’un seul espace euclidien, mais une infinité d’espaces de Riemann. La question est
alors comment repérer un espace euclidien. Donné un élément linéaire quelconque, il
s’agit de savoir si un système de coordonnées (y i ) qui confère à l’espace euclidien la
métrique définie par l’élément linéaire en question peut se réécrire dans un système
de coordonnées rectilignes. Cela implique que nous puissions exprimer la position du
point variable M dans un système de coordonnées rectangulaires rapporté à des axes
fixes. Il nous faudra aussi déterminer la projection des axes de la base naturelle sur
les axes fixes. Ceci nous donne les deux relations

dM = dy i ei et dei = Γjik dy k ej

dans un voisinage de M dans lequel nous pouvons rapporter les axes de la base eu-
clidienne. La deuxième relation donne que ∂k ei = Γjik ej . Or, puisque les coordonnées
sont C 2 , nous avons ∂kl ei = ∂lk ei . Ceci implique que la relation suivante doit être
respectée :
∂l Γjki − ∂k Γjli + Γm j m j
ki Γlm − Γli Γkm = 0 (65)

4.6.3 Intuition derrière les difficultés liées à la formulation


La difficulté principale, nous l’avons vu intuitivement, est de créer des vecteurs qui
soient bien définis. D’ailleurs, en géométrie différentielle formelle, la définition des
vecteurs est justement si belle puisque, si vous aviez essayé de faire cela dans votre
coin, vous n’auriez pas fait ça.
Passons à l’intuition de ce qui est désiré. Mettons que vous vous munissez d’une
(hyper-)surface sans discontinuités ni pointes, donc C 1 . Prenez un point M de cette
surface. Alors, vous remarquerez que localement, tout semble relativement plat. Un
exemple d’une situation similaire est vous sur la Terre: elle est localement si plate que
certains croient que la Terre est globalement plate. Mais comme dans l’exemple de la

70
Terre, sur cette surface, l’approximation qu’elle est plate ne tient plus au-delà d’une
certaine distance (l’horizon se situe à environ 4.7 km si vous êtes au bord de la mer).
Ainsi, il y a un ε tel qu’en tout point à une distance ε de M , distance calculée grâce
à la métrique riemannienne, l’espace ponctuel décrit par M est une approximation
valable de l’espace observé depuis ce point.
Puisque cela ne coûtera pas de changement d’espace ponctuel, déplaçons-nous sur
un point à une distance de 3ε/4 de M , nommé M 0 . Si l’on désire se déplacer en
un point M 00 à distance 3ε/2 de M et 3ε/4 de M 0 , vous verrez que ce n’est plus
possible d’utiliser l’espace ponctuel donné en M pour se faire. Il faut recréer un
espace vectoriel centré en M 0 , de rayon de validité d’une taille ε.

Figure 3: Agencement de boules ouvertes Bd (·, ε) de validité d’espaces ponctuels, qui


permette de passer d’un point M à un point M 00 .

4.6.4 Espace euclidiens osculateurs


L’objectif est de pouvoir ramener les outils de l’analyse tensorielle au sein des espaces
de Riemann. Dans ce but, nous allons voir que nous pouvons construire des métriques
euclidiennes en tout point de l’espace de Riemann considéré.

Définition : soit un espace de Riemann Rn dont la métrique est définie positve


par ds2 = gij dui duj et soit M0 un point de Rn de coordonnées (ui )0 . On appelle
métrique euclidienne tangente au point M0 à la métrique ds2 = gij dui duj la métrique
définie par un élément linéaire euclidien

dσ 2 = γij dui duj .

Construit tel que (γij )0 = (gij )0 .

Soit un système de coordonnées ui initial et un système de coordonnées v j final


de l’espace de Riemann, après changement de coordonnées. Les γij sont des quantités

71
tensorielles covariantes car
0
γij = (gij )0 = (∂i v k )0 (∂j v l )0 (gkl )0 .

La métrique tangente euclidienne est indépendante du système de coordonnées, puisque


la métrique de l’espace de Riemann est indépendante du système de coordonnées. Elle
représente donc un caractère intrinsèque de l’espace de Riemann.

Définition : une métrique euclidienne osculatrice au point M0 à la métrique Rie-


mannienne est une métrique tangente au point M0 telle que les valeurs numériques
des dérivées partielles en M0 soient les mêmes pour γij et gij .

Démontrons qu’il en existe une. Il faut alors démontrer qu’il existe un système de
coordonnées euclidiennes tel que

(γij )0 = (gij )0 et (∂k γij )0 = (∂k gij )0 .

Considérons εn rapporté à (O, ei ), un repère naturel carthésien, où les ei sont définis
par leurs valeurs en M0 de telle façon que ei · ej = (gij )0 . De plus, nommons ui
les coordonnées de l’espace euclidien qui permet de vérifier l’existence d’une métrique
euclidienne osculatrice. Soit M un point arbitraire de εn de coordonnées carthésiennes
xi , alors on a en ui = (ui )0 :
   
∂M ∂M
= = ei .
∂xi 0 ∂ui 0

Par la définition des xi et en ayant posé


1
xi = (ui − ui0 ) + (Γilm )0 (ul − ul0 )(um − um
0 ).
2
Nous appelons (Γilm )0 les symboles de Chrsitoffel calculés à l’aide de gij évalués
en M0 . Cette relation n’est autre qu’un développement limité. Prenons le temps
d’expliquer cette formule (qui réapparaı̂tra un peu plus loin dans le cours) en un
premier lieu. Nous reprendrons la démonstration que nous avions commencée juste
après. Il est important de garder en tête la deuxième relation de la définition du
tenseur fondamental :
dei = Γkij dxj ek
D’abord, il faut remarquer que xi = 0 si ui = ui0 . Dans un deuxième temps, il est
clair que si nous prenons la r-ème coordonnée de l’expression ∂M

∂ui 0
= e i , alors

 r
∂M
= δir
∂ui 0

72
Mais cette expression est strictement équivalente, par commutativité du choix de
coordonnée, à l’expression suivante :
 r
∂x
= δir
∂ui 0

Dans un troisième et dernier temps, remarquons qu’en divisant la définition des sym-
boles de Christoffel par dxj , en transformant l’expression en dérivée au prix qu’elle
∂ei k l
soit partielle et non totale, nous avons ∂x j = Γij ek et plus spécifiquement, en x = 0

pour tout l,    2 
∂ei ∂ M
= Γlij 0 el .

j
= j i
∂x 0 ∂x ∂x 0
Remarquez que nous sommes absolument loins du compte. En effet, il nous faut
encore transformer ces dérives partielles en x en dérivées partielles en u ! Nous ne
∂ei k
pouvons pas naı̈vement poser ∂u j = Γij ek , car les valeurs des symboles de Christoffel

ne sont pas obligatoirement identiques si les coordonnées ne sont pas identiques ! Il


nous faut donc utiliser notre savoir de la composition des dérivées. Alors,
 2   2   r  2   2 
∂ M ∂ M ∂u ∂ M r ∂ M
= = δ = .
∂xj ∂xi 0 ∂ur ∂xi 0 ∂xj 0 ∂ur ∂xi 0 j ∂uj ∂xi 0

Maintenant, par le théorème de Schwarz et la même astuce que juste avant, il vient
 2   2   2 
∂ M ∂ M ∂ M
= = .
∂uj ∂xi 0 ∂xi ∂uj 0 ∂ui ∂uj 0

Nous en venons à la conclusion que


 2   2 
∂ M ∂ M l

= = Γij e.
0 l
∂ui ∂uj 0 ∂xj ∂xi 0

Alors, en isolant la r-ème coordonnée - toujours en commutant la dérivée et le choix


de l’indice - nous avons que
 2 r 
∂ x r

= Γ ij .
∂uj ∂ui 0 0

Finalement, en regroupant tous les résultats, il vient que


1 1
xr = 0 + δir (ui − ui0 ) + Γrij (ui − ui0 )(uj − uj0 ) = (ur − ur0 ) + Γrij (ui − ui0 )(uj − uj0 ).
2 2
Ainsi, ce résultat prouvé, nous reprenons la démonstration. En fait, grâce au fait
que nous ayons pu faire un développement limité, tout ce qui en découle en découle
presque trivialement ! Puisque dans la limite uk → uk0 , nous avons que les termes

73
quadratiques de xi tendent vers 0 plus rapidement que les termes linéaires, il vient
que
ei · ej = (γij )0 = (gij )0 .
D’autre part, si nous notons Γ∗i jk les symboles de Christoffel calculés à partir des γij ,
on a également (∂jk M)0 = Γjk el . Ainsi, Γ∗l
∗l l
jk = (Γjk )0 , ce qui implique directement par
(53) que (∂k gij )0 = (∂k γij )0 .

4.7 Transport de vecteurs dans un espace de Riemann


Nous allons désormais étudier le transport de vecteurs le long d’un espace de Riemann
donné. En considérant la différence de transformation d’un vecteur selon le chemin
qu’il aura parcouru, nous pourrons définir le tenseur de Riemann, puis le tenseur de
Ricci et finalement, le tenseur d’Einstein.

4.7.1 Généralisations et définitions


Définition : considérons un champ de vecteurs V attaché en M0 , point de l’espace
de Riemann. Ces vecteurs ont comme différentielle absolue de leurs composantes
contravariantes v i dans l’espace euclidien osculateur par rapport au repère naturel en
M0 :
k j
(Dv i )0 = (dv i )0 + (Γ∗i
kj )0 du v0 .

Alors, suivant les mêmes idées que dans la section 4.5, nous pouvons étendre la
définition de la dérivée absolue pour tout un espace de Riemann arbitraire.

Dv i = dv i + Γikj v j duk

Dvi = dvi − Γjki vj duk .


Identiquement, nous généralisons la définition de la dérivée covariante par

∇k v i = ∂k v i + Γikj v j

∇k vi = ∂k vi − Γjki vj
Définition : deux vecteurs v et v 0 d’origines infiniment voisines M et M 0 sont
dits équipollents s’ils sont équipollents (i.e. même magnitude, direction et sens) dans
l’espace euclidien osculateur en M . La condition d’équipollence est donc

Dv i = Dvi = 0

Transporter par équipollence un vecteur V d’origine en M en un point infiniment


proche M 0 , c’est construire V0 en M 0 , équipollent à V.

74
Exercice : Montrez que le vecteur vitesse est équipollent à lui-même sur une
trajectoire donnée si et seulement si l’accélération est nulle. Montrez de plus que la
cette trajectoire ne peut être qu’une géodésique.

Solution : Soit (ui ) un système de coordonnées. La vitesse d’une particule est


définie comme ayant des composantes contravariantes

dui
vi = .
dt
Alors, l’accélération étant définie comme étant de composantes contravariantes

Dv i
ai =
dt
implique que Dv i = 0 ⇐⇒ ai = 0. Or, l’accélération se réécrit

d2 ui j
i du du
k
ai = + Γ kj = 0.
dt2 dt dt
Nous retrouvons l’équation de la géodésique et avons ainsi démontré ce qui était de-
mandé.

4.7.2 Métrique euclidienne de raccordement


Soit C une courbe quelconque de Rn définie par une représentation paramétrique
ui (t). Un point M0 est considéré l’origine de la courbe en t = 0. Pour chaque point
M de C, nous faisons correspondre un point m et un repère (m, ei ) de εn . Dans ce
but, considérons dans l’espace euclidien un point m0 et un repère carthésien (m0 , e0i )
déterminé par
e0i · e0j = (gij )0 .
D’autre par les points m et les repère (m, ei ) respectent

dm = dui ei et dei = (Γlik )M duk el .

Où les (Γlik )M sont les symboles de Christoffel calculés depuis gij au évalué au point
M appartenant à C. En intégrant, nous obtenons une courbe m(t) ainsi que des axes
ei (t). m(t) est appelée le développement de la courbe C sur l’espace euclidien. Nous
la dénoterons aussi Γ.

Nous allons montrer qu’il existe dans l’espace euclidien εn une métrique γij telle
que ses coefficients et leurs dérivées premières aient des valeurs numériques le long de
la courbe m(t) égales à celles de la métrique riemannienne au points analogues de la
courbe C. Nous allons appeler γij la métrique de raccordement le long de la courbe
C.

75
Choisissons ainsi un système de coordonnées (ui ) de la variété Riemanienne con-
sidérée, tel que u2 = ... = un = 0 le long de C. Ce qui est toujours faisable par
changement de coordonnées. Choisissons la convention que les indices latins aillent
de 1 à n, mais que les indices grecs, eux, aillent de 2 à n. Avec ces conventions, le
développement Γ de la courbe C est donné par

dm = du1 e1 et dei = (Γk1i )uα =0 du1 ek .

Pour tout point P ∈ / C dans un voisinage de M ∈ C, faisons correspondre un


point p dans le voisinage de m dans εn en posant:
1
mp = uβ eβ + (Γiβγ )uα =0 uβ uγ ei + φi (uβ )ei . (66)
2
Où les φi sont des fonctions en troisième ordre de uβ . Alors, de ces définitions, les
vecteurs de la base naturelle sont donnés par
   
∂p ∂m ∂p
= = e1 et = eβ . (67)
∂u1 uα =0 ∂u1 ∂uβ uα =0

Grâce à (67), il existe en tout point de C des (ei ) tels que la métrique de εn dans le
système de coordonnées ui au point m soit γij = ei · ej . Ainsi, il vient, à l’aide, en
premier temps des règles du calcul différentiel, puis dans un deuxième, des définitions
données dans cette démonstration, que

d(ei · ej ) = dei · ej + ei · dej = (Γlik )M (el · ej )duk + (Γljk )M (ei · el )duk .

Et donc, pour mettre en évidence les γij ,

dγij = (Γlik )M γlj duk + (Γljk )M γil duk .

Mais, de l’autre côté, en reprenant les résultats de l’analyse tensorielle, dgij = (Γkij +
Γkji )duk , ce qui, en réécrivant sous la forme de symboles de Christoffel de deuxième
espèce et pour un point M de C donne

dgij = (Γlik )M gjl duk + (Γljk )M gil duk .

Or, ces deux dernières équations sont en fait deux systèmes d’équations aux dérivées
partielles du premier ordre ! Puisqu’il s’agit du même système différentiel pour cha-
cune des deux équations et qu’en plus, il existe une condition initiale (nous avions
supposé qu’en m0 , il y avait un repère carthésien donné par e0i · e0j = (gij )0 ) les deux
solutions (γij et gij ) sont égales ! Mais attention ! Elles ne coı̈ncident numériquement
que sur un voisinage de la courbe C. Ceci signifique que l’égalité des dérivées n’est
(en soi) pas encore assurée.
Pour montrer que la métrique γij est osculatrice, il suffit de montrer que la valeur
numérique des (Γkij )M soit bien la même que la valeur des symboles de Christoffel le

76
long de la courbe Γ. Nous retrouvons ceci en combinant (67) et (66). En effet, en
prenant la dérivée double de p le long de Γ, nous avons, pour tout M de C :
 2 
∂ p ∂ei
= = (Γk1i )uα =0 ek
∂u ∂u uα =0 ∂u1
1 i

 2 
∂ p
= (Γkβγ )uα =0 ek .
∂uβ ∂uγ uα =0
Ce qui montre - de la même manière que dans la démonstration de l’existence d’un
espace euclidien osculateur en un point - que les symboles de Christoffel calculés à
partir de gij sont les mêmes que ceux calculés à partir des γij . Nous avons donc que
γij est une métrique euclidienne osculatoire pour tout point de C !

4.7.3 Cycles
Soient 3 points M , M1 et M2 , de coordonnées respectives (ui ), (ui + dui ) et (ui + δui ).
Les δui peuvent être imaginé comme un déplacement infinitésimal (donc comme les
dui ), mais dans un autre sens que les dui . Le vecteur MM1 défini un déplacement
infinitésimal d1 et le vecteur MM2 , lui, défini un déplacement infinitésimal d2 .
Si nous effectuons un déplacement d2 depuis M1 , on obtient un point M3 de
coordonnées ui + dui + δui + δdui . Maintenant, si nous effectuons un déplacement d1
depuis M2 , alors nous obtenons un point M30 de composantes ui + δui + dui + dδui .
Si dδui = δdui , alors M3 = M30 . Nous allons donc supposer ceci vrai et voir comment
les vecteurs de base changent en fonction du chemin pris.
Posons les définitions suivantes, afin de rendre la notation plus légère, et ceci
depuis un repère euclidien (m, ei ) :

dm = duk ek , dei = wik (d)ek = Γkij duj ek

δm = δuk ek , δei = wik (δ)ek = Γkij δuj ek .


Définissons, de plus les quatres (ensembles de) vecteurs suivants :

mm3 = dm + δ(m + dm) = dm + δm + δdm , mm03 = δm + dm + dδm.

(ei )3 = ei + dei + δei + δdei , (e0i )3 = ei + δei + dei + dδei .


Vérifions que m3 = m03 est dans l’espace euclidien osculateur.

mm03 − mm3 = dδm − δdm.

Or, selon les définitions posées, nous avons

dδm − δdm = dδuk ek − δduk ek = δuk dek − duk δek = [δuk wki (d) − duk wki (δ)]ei .

77
Ceci, par les définitions des symboles de Christoffel, donne
[Γirs − Γisr ]dur δus ei = 0.
Ceci nous indique que les points m3 et m03 sont égaux dans les approximations con-
sidérées.

Maintenant, étudions comment les vecteurs de la base naturelle changent.


k
(e0i )3 − (ei )3 = dδei − δdei = dwi (δ)ek − δ[wik (d)ek ].
Ceci, par les définitions que nous avons posées devient
[dwij (δ) − δwij (d)]ej + wik (δ)dek − wik (d)δek .
D’où nous tirons notre expression finale :
dδei − δdei = [dwij (δ) − δwij (d) + wik (δ)wkj (d) − wik (d)wkj (δ)]ej .
Nous remarquons donc que dans le cas général, les vecteurs de la base naturelle ont
une orientation différente en fonction du chemin qui a été pris. Ceci sera encapsulé -
comme nous le verrons - dans le tenseur de Riemann. Nous voulons juste motiver le
lecteur à une compréhension plus profonde des mécanismes en jeu.

Exercice : définissons des quantités Ωji telles que dδei − δdei = Ωji ej . Démontrez
que ces quantités sont les composantes mixtes d’un tenseur d’ordre 2.

Solution : Si ei = A0ji e0j , alors dei = (dA0ji )e0j + A0ji de0j . Ainsi,
δdei = A0ji δde0j + (δA0ji )de0j + (δdA0ji )e0j + (dA0ji )δe0j .
Et, puisque δdA0ji = dδA0ji , par le fait que les coordonnées soient C 2 , nous avons que
dδei − δdei = A0ji (dδe0j − δde0j ).
Ce qui est strictement équivalent à
0j 0k l
Ωli el = Aji Ω0k 0
j ek = Ai Ωj Ak el .

Ceci montre que ce sont des composantes mixtes d’un tenseur d’ordre 2.

4.8 Tenseur de Riemann


Puisque les vecteurs de base, suivant deux chemins distincts, sont différents, les
dérivées secondes d’un vecteur, calculées selon un chemin différent seront obliga-
toirement différentes. Nous formaliserons cette idée à l’aide du tenseur de Riemann.
En effet, si nous considérons un champ de vecteurs V de composantes covariantes vi ,
alors nous avons, par (61) et en supposant que V soit C 2 :
∇k (∇j vi ) − ∇j (∇k vi ) = (∂j Γlik − ∂k Γlij + Γrik Γljr − Γrij Γlkr )vl . (68)

78
4.8.1 Définition et symétries
Définition : le tenseur de Riemann ou tenseur de courbure de l’espace riemannien
est un tenseur mixte d’ordre 4 défini par la formule
l
Rijk = ∂j Γlik − ∂k Γlij + Γrik Γljr − Γrij Γlkr . (69)

Il faut imaginer que l’indice l soit entre le i et le j car nous définissons les com-
posantes covariantes du tenseur de Riemann par
l
Rimjk = glm Rijk . (70)

Remplaçons gjk ∂r Γkis par ∂r (gjk Γkis ) − Γkis ∂r gjk . Alors, en injectant dans (69) en
ayant préalablement baissé l’indice, nous trouvons

Rijrs = ∂r (gjk Γkis ) − ∂s (gjk Γkis ) + Γlis (Γrjl − ∂r gjl ) − Γlir (Γsjl − ∂s gjl ).

Or, Γkij − ∂k gij = Γkij . Donc, tout en baissant l’indice des symboles de Christoffel de
deuxième espèce qui se font dériver, nous avons

Rijrs = ∂r Γijs − ∂s Γijr − Γkrj Γiks + Γksj Γikr . (71)

Ceci, en remplaçant ∂r Γjis par (1/2)(∂ri gsj +∂rs gij −∂rj gis ), nous obtenons une formule
pour les composantes covariantes du tenseur de Riemann :
1
Rijrs = (∂ri gsj + ∂sj gir − ∂rj gis − ∂si grj ) − Γkrj Γiks + Γksj Γikr (72)
2
Pour grandement simplifier certaines démonstrations, introduisons des coordonnées
appelées coordonnées normales. Les propriétés qui les rendront intéressantes sont le
fait que toutes les dérivées première du tenseur métrique soient nulles et ainsi, que
les symboles de Christoffel le soient aussi.

Soit M0 de coordonnées (y i ), un point de l’espace de Riemann. Soit n un vecteur


unitaire de direction arbitraire. Pour tout M dans un voisinage de M0 , il est possible
de démontrer qu’il existe un seul choix de direction n en M0 tel qu’une courbe C de
paramétrisation z i (t) solution de l’équation des géodésiques passe par M . Prenons
alors les coordonnées suivantes : z i = tni , où t est la distance le long de la géodésique
de M en M0 . Les z i sont les coordonnées normales du point M .

Démontrons les propriétés que nous avons anoncées étant possédées par les coor-
données normales. En un premier temps, il est important de remarquer

dz i d2 z i
= ni et = 0.
dt dt2

79
Ainsi, le lecteur remarquera que l’équation des géodésiques se simplifie en

Γijk nj nk = 0

Ce qui est vrai pour tout vecteur unitaire si et seulement si tous les symboles de
Christoffel sont nuls. De plus, par Γijk = gjr Γrik = 0 et Γikj + Γjik = ∂k gij , nous avons
que
∂k gij = 0.
Par l’identité g ik gkj = δ ij , nous avons de plus ∂k g ij = 0.

Alors, en coordonnées normales, les composantes covariantes du tenseur de Rie-


mann deviennent :
1
Rijrs = (∂ri gsj + ∂sj gir − ∂rj gis − ∂si grj ). (73)
2
Nous tirons les relations de symétrie suivantes assez aisément de cette dernière
identité :
Rjirs = −Rijrs
Rijsr = −Rijrs (74)
Rrsij = Rijrs
Il faut donc remarquer que les composantes covariantes du tenseur de Riemann
viennent en deux paires : celle des indices de gauche et celle des indices de droite. Et
alors, le tenseur est symétrique sur les deux paires, mais anti-symétrique à l’intérieur
de celles-ci.

4.8.2 Les identités de Bianchi


Théorème : la première identité de Bianchi se trouve en faisant une rotation sur
les trois derniers indices des composantes covariantes du tenseur de Riemann. En
effet, pusique
1
Rirsj = (∂jr gis + ∂si gjr − ∂rs gji − ∂ij gsr )
2
1
Risjr = (∂rs gij + ∂ji grs − ∂js gri − ∂ji gsr )
2
nous pouvons additionner ces deux dernières identités avec (73) de façon à obtenir

Rijrs + Rirsj + Risjr = 0. (75)

Usuellement, elle est aussi écrite


Ri[jrs] = 0
Le crochet signifie que l’on fait une somme sur les permutations cycliques des indices
entre crochets jusqu’à retomber sur la permutation de base.

80
Théorème : la deuxième identité de Bianchi est obtenue par dérivation covariante
l
de Rirs en coordonnées normales. En de telles coordonnées, les symboles de Christoffel
sont tous nuls, mais pas leurs dérivées. Alors, en utilisant (69) :
l l
∇t Rirs = ∂t Rirs = ∂tr Γlsi − ∂tr Γlri .
Une permutation cyclique sur l’indice de la dérivée covariante et les deux derniers
indices du tenseur de Riemann donne alors
l l l
∇t Rirs + ∇r Rist + ∇s Ritr =0 (76)
Avec la notation en point-virgule, il vient :
l
Ri[rs;t] =0
Einstein était bloqué deux années entières dans sa conception de la relativité
générale car il n’avait pas connaissance de cette dernière identité, qui lui permit de
créer le tenseur qui porte désormais son nom et figure dans l’équation qui, elle aussi,
porte son nom.

4.8.3 Intuitions géométriques


Reprenons le tenseur que nous avons défini dans l’exercice de la section des cycles.
Celui-ci était défini ainsi :
Ωji = dwij (δ) − δwij (d) + wik (δ)wkj (d) − wik (d)wkj (δ).

Nous avons dwil (δ) = d Γkik δuk = ∂m Γlki dum δuk + Γlki dδuk , d’où

dwil (δ) − δwil (d) = (∂m Γlki − ∂k Γlmi )dum δuk .


D’autre part, nous avons, par définition
wik (δ)wkl (d) − wik (d)wkl (δ) = (Γksi Γlrk − Γkri Γlsk )dur δuk .
Ainsi, nous avons en identifiant les indices dans (69) :
Ωli = Rirs
l
dur δus . (77)
Le tenseur de Riemann est donc une mesure de comment les vecteurs de la base
naturelle ne sont pas identiques s’ils sont translatés le long de deux chemins différents
dans l’espace considéré.

La notion de courbure riemannienne K de l’espace considéré en un point M et


selon les vecteurs u et v de composantes contravariantes respectives ui et v i est donnée
par une formule :
Rijkl ui v j uk v l
K(M ; u, v) = (78)
(gpr gqs − gps gqr )up v q ur v s

81
Si en un point M , l’orientation ne change pas K, alors nous disons de ce point
qu’il est isotrope. Alors, l’expression de la courbure est donnée par
Rijrs
K= (79)
gik gjl − gil gjk

4.9 Tenseurs dérivant du tenseur de Riemann


Il nous reste encore quelques tenseurs importants à discuter, qui dérivent tous du
tenseur de Riemann d’une façon ou d’une autre. Ils sont tous importants pour
l’étudiant intéressé en relativité générale.

4.9.1 Tenseur de Ricci


Définition : Le tenseur de Ricci est une contraction du tenseur de Riemann dont
les composantes covariantes sont définies par
k
Ris = Riks = ∂k Γkis − ∂s Γkik + Γlis Γklk − Γlik Γkls (80)

Les composantes mixtes, elles, sont définies par

Rji = g ik Rkj .

Le tenseur est symétrique car


k j
Ris = Riks = g kj Rijks = g kj Rksij = g kj Rskji = Rsji = Rsi .

Définition : la courbure de Ricci est une contraction du tenseur de Ricci :

R = g ij Rij = Rii (81)

4.9.2 Le tenseur d’Einstein


Théorème : il existe un seul tenseur d’ordre deux qui ne soit écrit qu’en fonction
des dérivées du tenseur métrique jusqu’à l’ordre 2 et qui soit de divergence nulle pour
toute hyper-surface de dimension 4. Ce tenseur est
1
Gij = Rij − gij R (82)
2
Nous n’allons pas démontrer son unicité, mais qu’il soit bien de divergence nulle.
Pour cela, commençons par la deuxième identité de Bianchi, avec une contraction sur
t = l.
l l l
∇l Rirs + ∇r Risl + ∇s Rilr = 0.
En inversant les deux indices de droite du tenseur de Riemann du milieu, puis en se
rendant compte que nous pouvons contracter sur l pour les deux derniers tenseurs,

82
pour retrouver la définition des composantes covariantes du tenseur de Ricci, nous
obtenons
l
∇l Rirs + ∇s Rir − ∇r Ris = 0.
Or, nous avons l’identité ∇s Rrk = ∇s g ik Rir = g ik ∇s Rir . Multiplions donc par g ik la
dernière égalité :
kl
∇l Rrs + ∇s Rrk − ∇r Rsk = 0.
Effectuons une deuxième contraction sur k = s, alors :
kl
∇l Rrk + ∇k Rrk − ∇r Rkk = 0.
kl lk
Avec Rrk = Rkr = Rrl - ce dont je suis sûr que vous êtes capable de démontrer la
validité - nous avons désormais

2∇k Rrk − ∇r R = 0.

Ce qui, avec une astuce de calcul sur les indices se réécrit,


1
∇k (Rrk − δrk R) = 0.
2
En faisant descendre l’indice k à l’aide de gik , nous avons finalement
1
∇k (Rij − gij R) := ∇k Gij = 0.
2
Le but est maintenant de justifier l’équation d’Einstein : celle de la relativité
générale. Nous suivrons de loin la démonstration donnée dans [11]. Pour justifier
l’équation d’Einstein, regardons d’abord l’équation de Poisson, qui permet de décrire
un potentiel gravitationnel dans le cas newtonnien :

∇2 Φ = 4πGρ.

Il s’avère que la première coordonnée du tenseur énergie-impulsion, T00 , soit la den-


sité d’énergie [12]. Or, ρ, la densité de masse, par E = mc2 , encapsule bien cette
idée. Il vient ainsi l’idée qu’il doit exister un tenseur métrique tel que sa composante
g00 permette d’exprimer l’équation de poisson. Ceci est en effet faisable avec un
développement mathématique de 3 pages, ce qui résulte en g00 = −(1 + 2Φ). Ainsi,
l’équation de poisson se réécrit :

∇2 g00 = −8πGT00 .

Si nous voulons une équation de la gravitation, nous voulons alors à droite un tenseur
énergie-impulsion, qui permet d’encapsuler le contenu de l’univers, et à gauche un
tenseur qui contient les dérivées partielles du tenseur métrique jusqu’à l’ordre 2 max-
imum. Nous savons que le tenseur énergie-impulsion doit être d’ordre 2, puisqu’en

83
relativité restreinte, il est construit à partir du lagrangien [12] et doit être d’ordre 2
dans toutes les théories physiques qui ont comme groupe de symétrie un groupe de
Lorentz [13], comme l’électro-dynamique, le modèle standard ou la relativité générale,
dans le cas de faibles courbures de l’espace-temps [14]. Ainsi, déterminons un tenseur
d’ordre 2, Eµν tel que nous puissions écrire

Eµν = 8πGTµν .

Commençons par éclaircir les conditions qu’il doit respecter :

1. Eµν doivent être les composantes covariantes d’un tenseur d’ordre 2.


2. Eµν doit avoir les dimensions d’une dérivée seconde, en ayant au préalable
choisi un système d’unités naturelles, donc que nous ayons posé c = 1. Donc les
dimensions doivent être du 1/longueur2 .
3. Puisque Tµν est symétrique, Eµν doit l’être aussi.
4. Puisque Tµν est de divergence nulle, il doit en être autant pour Eµν . Tµν doit
être de divergence nulle car l’énergie n’apparaı̂t pas spontannément dans l’univers.
5. Pour un champ gravitationnel faible, à des vitesses faibles, nous devons avoir
E00 = −∇2 g00 .

Les conditions (1) et (2) nous donnent que Eµν doit être combinaison linéaire de
Rµν et de gµν R. Ainsi,
Eµν = aRµν + bgµν R.
Afin de maı̂triser la condition (4), il faut réécrire l’équation précédente en mettant en
avant le tenseur d’Einstein :

Eµν = aGµν + αgµν R.

Ainsi, il nous faut, pour satisfaire (4), que ∇k αR = α∂k R = 0, pour toutes les
géométries possibles. Ainsi, α = 0. Nous avons alors une forme générale du tenseur
de gauche qui doit être
Eµν = aGµν .
Après 2 pages de calcul, nous montrons que a = 1. Ainsi, en faisant de l’analyse di-
mensionnelle pour réinsérer nos vitesses de la lumière manquantes, avec les grandeurs
du tenseur d’Einstein étant des 1/longueur2 et celle du tenseur énergie-impulsion
étant de l’énergie par volume, nous obtenons l’équation d’Einstein :
8πG
Gµν = Tµν (83)
c4
Cette équation de la gravité chamboule tout ce que la gravité était : avant, c’était
une force, désormais, c’est l’inconnue l’équation précédente : le tenseur métrique.

84
4.10 Exercices avec corrigé
4.10.1 Exercices sur la convention d’Einstein appliquée à l’analyse
Exercice : Réécrivez les expressions suivantes en utilisant la convention de som-
mation d’Einstein et la notation pour les dérivées partielles :

1.
∂Φ 1 ∂Φ
dΦ = 1
dx + ... + n dxn .
∂x ∂x
2.
df ∂f dx1 ∂f dxn
= + ... + .
dt ∂x1 dt ∂xn dt
3.
ds2 = g11 (dx1 )2 + g12 dx1 dx2 + g21 dx2 dx1 + g22 (dx2 )2 .
Solution : 1.
dΦ = ∂k Φdxk .
2.
df dxk
= ∂k f .
dt dt
3.
ds2 = gij dxi dxj .
Exercice : Soit gµν la métrique de Minkowski, de signature (+ − −−). Trouvez
une manière compacte (deux symboles) pour réécrire l’opérateur d’alembertien. Pour
rappel, le d’alembertien est défini comme
1 ∂2
2= − ∇2 .
c2 ∂t2
Solution : Nous remarquons que gµν est diagonal, donc g µν l’est aussi. Il s’écrit
alors : 
 0 si µ 6= ν
µν
g = 1 si µ = ν = 0
−1 sinon.

Remarquons qu’un vecteur habituel s’écrit (ct, x1 , x2 , x3 ). Alors, pour garder les
unités intactes il faut que pour φ un champ,
 T
∂φ 1 ∂φ
∂µ φ = = , ∇φ
∂xµ c ∂t
Avec ces connaissances, il est facile de remarquer que nous avons
1 ∂ 2φ ∂φ ∂φ
2φ = 2 2 − ∇2 φ = g µν µ ν .
c ∂t ∂x ∂x
Nous pouvons alors isoler le d’alembertien et utiliser g ij ∂i = ∂ j pour obtenir
2 = ∂µ ∂ µ = ∂ ν ∂ν .

85
4.10.2 Exercices sur les coordonnées curvilignes
Exercice : Les coordonnées polaires du plan E2 sont données par x1 = u1 cos u2 et
x2 = u1 sin u2 . Vous remarquez que la distance à l’origine d’un mobile M est donnée
par u1 =k OM k, tandis que l’angle entre OM et l’axe Ox1 est u2 .

1. Déterminez l’expression des vecteurs de la base naturelle sur la base carthésienne


(i, j).
2. Déterminez l’élément linéaire ds2 en fonction des coordonnées u1 et u2 .

Solution : 1. Les vecteurs de la base naturelle sont donnés par

∂M ∂x1 ∂x2
e1 = 1
= 1
i + 1 j = (cos u2 )i + (sin u2 )j
∂u ∂u ∂u
∂M ∂x1 ∂x2
e2 = = i + j = −(u1 sin u2 )i + (u1 cos u2 )j.
∂u2 ∂u2 ∂u2 1
2. Pour déterminer l’élément linéaire ds2 , il faut en un premier temps avoir
déterminé gij fonction des uk . Ceci ce fait facilement en utilisant la définition des
composantes covariantes du tenseur métrique : gij = ei · ej .

g11 = 1 , g12 = g21 = 0 et g22 = (u1 )2 .

Alors, il vient que


ds2 = gij dui duj = (du1 )2 + (u1 )2 (du2 )2 .
Exercice : Déterminez les vecteurs de la base naturelle pour les coordonnées
cylindriques ρ, ϕ, z.

Solution : Commençons par nous munir d’un repère carthésien (O, (i, j, k)) sur
lequel représenter la position d’un mobile M selon ρ, ϕ, z. Le vecteur position, OM
est donné par
OM = ρ cos ϕ i + ρ sin ϕ j + z k.
Alors, les vecteurs de la base naturelle sont donnés par
∂M
e1 = = cos ϕ i + sin ϕ j
∂ρ
∂M
e2 = = −ρ sin ϕ i + ρ cos ϕ j
∂ϕ
∂M
e3 = = k.
∂z
Exercice : Soit un système de coordonnées curvilignes u, v et w de l’espace
ponctuel ε3 . Démontrez que les vecteurs (∇u, ∇v, ∇w) consitituent une base réciproque

86
de la base naturelle (eu , ev , ew ).

Solution : Commençons par montrer que ∇xi · exi = 1, pour xi = u, v, w. Sans


perte de généralité, commençons de le montrer pour u. Nous obtenons les vecteurs
eu et ∇u :
∂M ∂x ∂y ∂z
eu = = i+ j+ k
∂u ∂u ∂u ∂u
∂u ∂u ∂u
∇u = i+ j+ k.
∂x ∂y ∂z
Ainsi, nous obtenons le produit scalaire de ces deux vecteurs
∂u ∂x ∂u ∂y ∂u ∂z
eu · ∇u = + + .
∂x ∂u ∂y ∂u ∂z ∂u
Or, nous avons la relation
du ∂u ∂x ∂u ∂y ∂u ∂z
=1= + + .
du ∂x ∂u ∂y ∂u ∂z ∂u
Ainsi, et en remarquant que le raisonnement serait strictement similaire pour v et w,
nous avons ∇xi · exi = 1, pour xi = u, v, w.

Maintenant, remarquons que, par exemple,


du ∂u ∂x ∂u ∂y ∂u ∂z
=0= + + .
dv ∂x ∂v ∂y ∂v ∂z ∂v
Or, ceci est une façon d’écrire ∇u · ev . Puisque le raisonnement est strictement
similaire pour les autres relations qu’il restait à vérifier, nous avons bien que la base
des gradients de coordonnées curvilignes est une base réciproque de la base naturelle.

4.10.3 Exercices sur les symboles de Christoffel


Exercice : Démontrez à partir de la définition du vecteur réciproque, que dek =
−Γkil dul ei .

Solution : En prenant la définition du vecteur réciproque et en prenant sa


différentielle, nous avons

d ei · ek = ek · dei + ei · dek = dδik = 0.




En isolant ei · dek , nous avons

ei · dek = −ek · dei = −ek · (Γjil dul ej ) = −Γjil dul δkj = −Γkil dul .

87
Alors, de façon équivalente, nous avons
dek = −Γkil dul ei
Exercice : Démontrez les relations suivantes avec un tenseur métrique diagonal
(la répétition d’indice sur le tenseur métrique n’indique pas une somme) :

1. Γiik = (1/2)∂k ln |gii |


2. Γijj = (−1/2gii )∂i gjj avec i 6= j.
3. Tous les autres symboles sont nuls.

Solution : 1. Nous supposons que tous les gii sont non nuls, alors g ii = gii−1 .
Donc
1 1
Γiik = g ij Γijk = g ii Γiik = (∂j gii ) = ∂j ln |gii |.
2gii 2
2. Un même développement donne :
 
i ki ii 1 1
Γjj = g Γjkj = g Γjij = − ∂j gii .
gii 2
En effet, g il est nul si i 6= l.

3. Les gij sont nuls si i 6= j, alors


g jj
Γjik = g jp Γipk = g jj Γijk = (∂i gjk + ∂k gij − ∂j gik ).
2
Ceci est nul car les tenseurs métriques sont indentiquement nuls, donc de dérivée
nulle aussi.

Exercice : Considérez le formalisme de la mécanique de Lagrange. Nous avons


alors un lagrangien L = T − V . V est un potentiel fonction des coordonnées
généralisées q i (donc −∂l V = Fl ) et T est une demie fois le produit scalaire en-
tre les q̇ i (assumez que le caractère massique soit compris dans le produit scalaire).
Démontrez la deuxième loi de Newton et mettez en avant le fait que les forces d’inertie
viennent de la géométrie du problème.

Solution : Nous voulons calculer l’équation d’Euler-Lagrange. Calculons d’abord


la dérivée du lagrangien selon la coordonnée généralisée q l :
1 1
∂l L = (∂l gik )q̇ i q̇ k − ∂l V = (∂l gik )q̇ i q̇ k + Fl .
2 2
Puis la dérive temporelle de la dérivée partielle du lagrangien selon q̇ l :
   
d ∂L d
l
= glk q̇ = (∂i glk )q̇ i q̇ k + gil q̈ i .
k
dt ∂ q̇ dt

88
Alors en injectant dans l’équation d’Euler-Lagrange :
 
1
gil q̈ + ∂i glk − ∂l gik q̇ i q̇ k = Fl .
i
2
Ce qui, en faisant ressortir la définition du symbole de Christoffel de première espèce
en jouant sur la symétrie du tenseur métrique, donne :
gil q̈ i + Γilk q̇ i q̇ k = Fl .
Nous pouvons toutefois encore monter les indices en multipliant l’équation par g jl :
q̈ j + Γjik q̇ i q̇ k = F j .
Les forces d’inertie sont toujours des fonctions en degré 2 de la vitesse généralisée.
C’est bien ce que nous retrouvons associé aux symboles de Christoffel, qui montrent
une dépendance à la géométrie des coordonnées, donc du problème. Nous pouvons
de plus remarquer que si nous n’avions pas de force, nous aurions retrouvé l’équation
de la géodésique.

Exercice : Les composantes du tenseur métrique en coordonnées sphériques sont


g11 = 1 , g22 = r2 et g33 = r2 sin2 θ.
Et les autres composantes sont nulles.

1. Calculez les symboles de Christoffel de première espèce.


2. Calculez les symboles de Christoffel de deuxième espèce.

Solution : 1. Les symboles de Christoffel de première espèce sont donnés par


1
Γkji = (∂k gij + ∂i gjk − ∂j gik ).
2
1 2 3
Posons u = r, u = θ et u = ϕ. Alors, puisque les seules dérivées non-nulles sont
∂1 g22 = 2r , ∂1 g33 = 2r sin2 θ et ∂2 g33 = 2r2 cos θ sin θ.
Nous n’avons que 9 symboles de Christoffel qui soient non-nuls :
Γ212 = −r , Γ323 = −r2 sin θ cos θ , Γ313 = −r sin2 θ
Γ122 = Γ221 = r , Γ133 = Γ331 = r sin2 θ et Γ332 = Γ233 = r2 sin θ cos θ.
2. Par la relation Γjik = g jl Γilk , nous obtenons les symboles suivants, en se rap-
pelant que pour un tenseur métrique diagonal, g ii = (gii )−1 :
Γ122 = −r , Γ221 = Γ212 = 1/r , Γ331 = Γ313 = 1/r
Γ133 = −r sin2 θ , Γ233 = − sin θ cos θ et Γ323 = Γ332 = cotan θ.
Nous aurions aussi pu utiliser en un premier lieu les résultats obtenus dans un
exercice précédent de la section pour calculer les symboles de Christoffel de deuxième
espèce, puis utiliser Γkij = gil Γlkj pour calculer les symboles de Christoffel de première
espèce.

89
4.10.4 Exercices sur la géodésique
Exercice : Une particule se déplace le long d’une trajectoire définie en coordonnées
sphériques r, θ, ϕ. Déterminez les composantes contravariantes ak de l’accélération a
de cette particule pour les trajectoires suivantes :

1. r = c , θ = ωt et ϕ = π/4, où t est le temps.


2. r = c , θ = π/4 et ϕ = ωt, où t est le temps. Justifiez que l’on retrouve une
expression de la norme de l’accélération de la forme k a k= rω 2 .

Solution : 1. Pusique pour calculer les composantes contravariantes de l’accélération,


il nous faut connaı̂tre les symboles de Christoffel de deuxième espèce, commençons
par les calculer :
Γ122 = −c , Γ221 = Γ212 = 1/c , Γ331 = Γ313 = 1/c
Γ133 = −c sin2 ωt , Γ233 = − sin ωt cos ωt et Γ323 = Γ332 = cotan ωt.
Alors il en vient que les composantes contravariantes de l’accélération sont :
 2 2  3 2
1 d2 u 1 i
1 du du
k
1 du 1 du
a = 2
+ Γik = 0 + Γ22 + Γ33 = −cω 2 .
dt dt dt dt dt
a2 = 0 et a3 = 0.
2. Faisons la même chose qu’à la question précédente : calculons les symboles de
Christoffel de deuxième espèce le long de la trajectoire.
Γ122 = −c , Γ221 = Γ212 = 1/c , Γ331 = Γ313 = 1/c
Γ133 = −c/2 , Γ233 = −1/2 et Γ323 = Γ332 = 1.
Les composantes contravariantes de l’accélération sont ainsi
 2 2  3 2
1 d2 u1 i
1 du du
k
1 du 1 du cω 2
a = + Γ ik = 0 + Γ 22 + Γ 33 = −
dt2 dt dt dt dt 2
1 2
 3 2
2 2 du du 2 du ω2
a = 0 + 2Γ12 + Γ33 =− et a3 = 0.
dt dt dt 2
De plus, le tenseur métrique est de composantes
g11 = 1 , g22 = c2 et g33 = c2 /2
Ainsi, nous avons p √
k a k= gij ai aj = cω 2 / 2.

Or, le rayon du cercle que la particule parcourt est r = c sin π/4 = c/ 2. Donc, nous
avons bien √
k a k= cω 2 / 2 = rω 2 .

90
4.10.5 Exercices sur la dérivée covariante
Exercice : Calculez l’expression de la divergence en coordonnées sphériques ρ, θ
et ϕ :

1. Pour un champ de vecteurs A de composantes contravariantes Ai dans le repère


naturel.
2. Pour le même champ de vecteurs A de composantes Ar , Aθ et Aϕ dans un
repère naturel où les vecteurs de la base ont été normalisés.

Solution : La divergence d’un champ de vecteurs est donnée par

Ai p
div A = ∂i Ai + p ∂i |g|.
|g|

Avec x1 = r, x2 = θ et x3 = ϕ, nous avons g = (x1 )4 sin2 x2 .

1. Alors, en reportant la formule de la divergence :


2 1
div A = ∂1 A1 + ∂2 A2 + ∂3 A3 + A + A2 cotan x2 .
x1
2. Les vecteurs de la base naturelle sont tels que leurs normes soient

k e1 k= 1 , k e2 k= r et k e3 k= r sin θ.

Puisque nous travaillons dans une base orthonormée, les composantes covariantes sont
égales aux composantes contravariantes. Il vient que

Ar = A1 , Aθ = rA2 et Aϕ = r sin θ A3 .

Ainsi, l’expression de la divergence de la question précédente devient


∂Ar 1 ∂Aθ 1 ∂Aϕ 2 cotan θ
div A = + + + Ar + Aθ .
∂r r ∂θ r sin θ ∂ϕ r r
Ce qui est l’expression classique de la divergence en coordonnées sphériques avec des
vecteurs de norme 1.

Exercice : Démontrez que les dérivées covariantes des composantes des tenseurs
suivants sont nulles :

1. Le delta de Kronecker : δij .


2. Les composantes covariantes du tenseur métrique, gij .
3. Les composantes contravariantes du tenseur métrique, g ij .

91
4. Déduire le théorème de Ricci :

Dgij = Dg ij = 0.

Solution : 1.

∇k δij = ∂k δij − δlj Γlki + δil Γjkl = 0 − Γjki + Γjki = 0.

2.
∇k gij = ∂k gij − glj Γlki − gil Γlkj = ∂k gij − Γkji − Γkij .
Or, par ∂k gij = Γkij + Γkji , nous avons que

∇k gij = 0.

3.
∇k g ij = ∂k g ij + g il Γjkl + g lj Γikl .
Comme, nous l’avons démontré dans un exercice, l’équation (54) nous dit ∂k g ij =
−g il Γjkl − g lj Γikl . Ceci résulte en
∇k g ij = 0.
4. La différentielle absolue des composantes gij du tenseur métrique s’écrit

Dgij = ∇k gij duk .

Or, comme nous venons de le démontrer, ∇k gij = 0. Donc,

Dgij = 0.

De même pour les composantes cotravariantes du tenseur métrique, ce qui nous donne
Dg ij = 0. Nous avons ainsi démontré le théorème de Ricci.

4.10.6 Exercices sur les espaces de Riemann


Exercice : Nous allons établir les équations de la géodésique en écrivant que - le
long d’un ségment infinitésimal dl d’une courbe C(y 1 , ..., y n ) - le transport parallèle
d’un vecteur A donne une différentielle absolue nulle.

1. Ecrire l’expression de dA sur la base du repère naturel.


2. Paramétrer la courbe C(y 1 , ..., y n ) et écrire la dérivée absolue des composantes
contravariantes Ak du vecteur A.
3. Appliquer la formule obtenue au vecteur dl, de composantes contravariantes
k
dy et en déduire les équations de la géodésique.

92
Solution : 1. Lors d’un transport parallèle, la différentielle absolue du vecteur
A, donnée par la formule suivante, est nulle :

dA = DAk ek = (∂j Ak + Ai Γkij )dy j ek = 0.

2. Soit t un paramètre arbitraire tel que la courbe C ait pour coordonnées y i (t).
Nous pouvons, de la dernière expression, extraire que

DAk dy j
= (∂j Ak + Ai Γkij ) = 0.
dt dt
Or, nous reconnaissons que
dAk dy j
= ∂j Ak .
dt dt
Ainsi, il vient que
dAk dy j
+ Ai Γkij = 0.
dt dt
3. Si nous appliquons la formule pécédente au déplacement indinitésimal dl, de
composantes dy i , alors remplaçons Ak par dy k /dt et nous obtenons l’équation des
géodésiques :
d2 y k i
k dy dy
j
+ Γ ij = 0.
dt2 dt dt
Exercice : Soit une courbe C(y 1 , ..., y n ) que nous paramétrisons avec un paramètre
s. Donc, pour tout i = 1, ..., n, nous avons y i ≡ y i (s).

1. Soit ui = dy i /ds, démontrez que l’équation des géodésiques s’écrit sous la forme

uk ∇k ui = 0.

2. Soient s et t, deux paramètres arbitraires. Montrez que les paramètres que l’on
peut choisir sont liés entre eux par une relation linéaire.

Solution : 1. L’équation des géodésiques se réécrit

d2 y i j
i dy dy
k
dui i j dy
k
i i j dy
k
+ Γ jk = + Γ jk u = (∂k u + Γ jk u ) = 0.
ds2 ds ds ds ds ds
Ce qui est strictement équivalent à uk ∇k ui = 0.

2. Ecrivons les équations des géodésiques pour les paramètres s et t :

d2 y i j
i dy dy
k
d2 y i j
i dy dy
k
+ Γ jk = 0 et + Γ jk = 0.
ds2 ds ds dt2 dt dt

93
Nous avons les relations suivantes entre les paramètres s et t :
 2
dy i dy i dt d2 y i d2 y i dt dy i d2 t
= et = + .
ds dt ds ds2 dt2 ds dt ds2
En injectant ces derniers résultats dans l’expression de la géodésique selon s, nous
avons  2 i  2
j k
dy i dy dy dt dy i d2 t
+ Γ jk + = 0.
dt2 dt dt ds dt ds2
En reconnaissant une équation de la géodésique, nous remarquons que
dy i d2 t
= 0.
dt ds2
Ceci est vrai pour toutes les paramétrisations seulement si
d2 t
= 0.
ds2
Nous avons donc obtenu une condition de linéarité entre les deux paramètres s et t.
Nous pouvons remarquer qu’en mécanique newtonnienne, une géodésique étant une
trajectoire de vitesse constante (sans force, donc sans accélération, c.f. l’exercice sur
le formalisme de Lagrange). En fait, en relativité générale, ceci est l’idée précédente
est renversée : deux observateurs sont dans un repère inertiel (vitesse constante pour
Newton) s’ils décrivent leurs mouvements mutuels par des géodésiques, comme ceci
a été étudié dans le texte.

Exercice : Une géodésique est de longueur nulle si nous avons gij dui duj = 0 en
tout point de la géodésique.

1. Etablir l’équation des géodésiques de longueur nulle lorsque les composantes


gij du tenseur métrique sont des constantes.
2. Déterminez l’équation des géodésiques de longueur nulle en relativité restreinte.

Solution : 1. Lorsque les dérivées des gij sont nulles, les symboles de Christoffel
de deuxième espèce le sont aussi. L’équation des géodésiques se réduit alors :
d2 ui
= 0.
dt2
La solution générale est ui = Ai t + B i . La condition de longueur nulle nous donne
que
gij Ai Aj = 0.
Remplaçons Ai par ui − B i dans cette dernière équation, nous obtenons alors
gij (ui − B i )(uj − B j ) = 0.

94
Ce qui est l’équation des géodésiques de longueur nulle.

2. En relativité restreinte, l’équation des géodésiques de longueur nulle devient :

c2 (t − t0 )2 − (x1 − x10 )2 − (x2 − x20 )2 − (x3 − x30 )2 = 0.

Cette équation est une hyperbole, appelée cône de lumière.

4.10.7 Exercices sur le tenseur de Riemann


Exercice : Soit le tenseur métrique donné par :

g11 = 1 , g22 = 2x1 , g33 = 2x2 et gij = 0 si i 6= j.

1. Calculez les symboles de Christoffel de deuxième espèce.


l
2. Calculez les composantes mixtes Rijk du tenseur de Riemann.
3. Calculez les composantes covariantes du tenseur de Riemann.
4. Ecrivez l’expression des composantes covariantes Ris du tenseur de Ricci en
fonction des composantes covariantes du tenseur de Riemann, puis calculez les.
5. Calculez la courbure scalaire de Ricci.

Solution : 1. Puisque le tenseur métrique est diagonal, nous pouvons cal-


culer les symboles de Christoffel de deuxième espèce à partir des formules suivantes,
démontrées en exercice :
Γiij = Γiji = (1/2)∂j ln |gii |
Γijj = −(1/2gii )∂i gjj
Et tous les autres symboles sont nuls. Alors les seuls symboles de Christoffel non-nuls
sont :
1 1 1
Γ122 = −1 , Γ233 = − 1
, Γ221 = Γ212 = 1 et Γ332 = Γ323 = 2 .
2x 2x 2x
2. Nous n’allons pas écrire toutes les valeurs possibles, puisqu’elles se retrouvent
en passant par la multiplication du tenseur métrique, réarrangeant les indices, puis
remultipliant par le tenseur métrique. L’étudiant peut ainsi vérifier ses résultats. En
appliquant la formule suivante
l
Rijk = ∂j Γlik − ∂k Γlij + Γrik Γljr − Γrij Γlkr

Il est facile de calculer les composantes suivantes :

3 1 1 1 1
R132 = 1 2
, R212 = 1 , R313 =0
4x x 2x
2 1 1 2
R323 = , R213 = 0 et R123 = 0.
4x1 x2
95
l
3. Par Riljk = gll Rijk , puisque le tenseur métrique est diagonal, nous avons :

1
R2112 = = −R1212 = −R2121 = R1221 .
2x1
1
R1332 = = −R3132 = −R1323 = R3212 .
2x1
1
R3223 = 2 = −R2323 = −R3232 = R2332 .
2x
Toutes les autres composantes sont nulles.

4. Puisque le tenseur métrique est diagonal, la formule pour le calcul des com-
posantes covariantes du tenseur de Ricci à partir des composantes covariantes du
tenseur de Riemann est
Ris = g kk Rikks .
Pour avoir une composante non-nulle, il faut donc que les deux indices centraux soient
les mêmes et non-nuls. Ainsi, les seules composantes non-nulles de ce tenseur sont :
1 1
R11 = g 22 R1221 = 1 2
, R12 = g 33 R1332 = 1 2
4(x ) 4x x
1 1
R22 = g 11 R2112 + g 33 R2332 = 1
+
2x 4(x2 )2
1
R33 = g 22 R3223 = .
4x1 x2
5. La courbure scalaire de Ricci est définie par

R = Rii = g ij Rij .

D’où,
2(x2 )2 + x1
R = g 11 R11 + g 22 R22 + g 33 R33 = .
(2x1 x2 )2

96
5 Applications à la physique
Nous avions promis, dans la préface, que nous allions étudier quelques exemples
d’utilisation de concepts appris durant la lecture du document, issus de la physique.
Le but est évidemment de contextualiser ce qui a été appris et de - après tout, pourquoi
pas, surtout après presque 100 pages de mathématiques - se faire un peu plaisir.
Nous avons pour but de parler relativité, électrodynamique, physique quantique et
solution de Schwarzschild de l’équation d’Einstein. Nous allons essentiellement passer
d’exemple en exemple, afin de faire un tour d’horizon le plus large que possible. Mais
nous désirons faire des exemples que le lecteur, j’espère, considérera très intéressants
et formateurs.
Ne soyez pas déçu.e en arrivant à la fin du dossier, dans cette section, aucun
exercice ne sera proposé. En contrepartie, soyez rassuré.e, pleins de questions seront
laissées en suspens et ce sera à vous de voir si vous voulez y répondre.

5.1 Dérivation du tenseur de Maxwell


Ici, il s’agira de dériver le tenseur de Maxwell à partir de la force de Lorentz. On
étudie le problème dans la configuration suivante: une seule particule de masse m, de
composantes (ct = x0 , x1 , x2 , x3 ) = (cγτ, x1 , x2 , x3 ), animée d’une vitesse v i classique.
Cette particule est de charge électrique q et est immergée dans un champ électrique
E et un champ d’induction magnétique B. Trois quadri-vecteurs émergent alors na-
turellement de la configuration du problème, je vous laisse si besoin est, les étudier
en plus grande profondeur :
 
µ γc
• Le quadri-vecteur vitesse, u = .
γv  
E/c
• Le quadri-vecteur énergie impulsion, pµ = .
p  
φ/c
• Le vecteur de potentiel électromagnétique, Aµ = .
A
Pour les non-initiés, les deux relations suivantes découlent des équations de Maxwell
et d’identités d’analyse vectorielle dont personne ne se rappelle jamais et que l’on re-
garde systématiquement sur Wikipédia :
∂A
E = −∇φ −
∂t
B=∇×A
Alors, trouvons relativement facilement, à l’aide de tout ce qui a été posé, que
l’expression de la force de Lorentz en terme de potentiels doit être, dans le cas clas-
sique,  
∂A
F = q −∇φ − + v × (∇ × A) (84)
∂t

97
Ainsi, nous décrétons que la forme relativiste est

∂(uν Aν ) dAµ
 
dpµ
=q − (85)
dτ ∂xµ dτ

Le but est donc de vérifier que pour µ = 1, 2, 3, nous retombions bien sur le cas non-
relativiste. ”Comment en est-on tombé à trouver cette forme ?”, me demanderiez-
vous peut-être. La réponse est simple, il faut se dédier à la tâche et bien connaı̂tre ses
maths. Puisqu’on est capable de le faire dans un sens, on sait aussi aller dans l’autre!
Une question supplémentaire que vous pourriez poser est de pourquoi l’on étudie les
composantes covariantes. En fait, la dérivée contravariante (donc le grandient) se
dote d’un signe - dans les composantes spatiales et nous n’avons pas envie de faire
attention à nos fautes de signe.

Pour commencer, remarquons que t = γτ , alors on peut sortir un coefficient de γ


des dérivées par rapport à τ ainsi que de uν . Ensuite, remarquons que le premier terme
du développement du premier terme à l’intérieur de la parenthèse est ∂(cA0 )/∂(ct).
Les c s’annulent et il en résulte, pour une somme sur i = 1, 2, 3,
dpµ
= q ∂µ A0 − ∂t Aµ + ∂µ (v i Ai ) − v i ∂i Aµ

dt
Vous pouvez remarquer que pour tous les µ, les deux premiers termes de droite
s’assemblent pour recréer le champ électrique. Etudions le troisième terme de droite.
Celui-ci est bien connu, puisqu’il est le gradient d’un produit scalaire. Il nous suffit
de noter que la vitesse n’est pas un champ, puisqu’une seule particule compose le
système. Alors, les termes de rotationnel de la vitesse et de dérivée matérielle de
la vitesse sont tous deux nuls. La dérivée matérielle du potentiel vecteur s’annule
avec le dernier terme de l’équation. Alors, nous obtenons bien ce qui est voulu pour
µ = 1, 2, 3, mais nous obtenons plus d’information que précédemment à l’aide du cas
µ = 0:
dpµ
= q ∂µ A0 − ∂t Aµ + (∂µ Ai )v i − (∂i Aµ )v i

dt
On remarque que l’expression précédente est une forme linéaire de la quadri-vitesse,
uβ . On définit donc le tenseur de Maxwell par
dpµ
= qFβµ uβ (86)

Des définitions identiques peuvent être appliquées dans tous les cas (tenseur de com-
posantes covariantes et contravariantes). Généralement, ce que vous pouvez vérifier
de votre côté, le tenseur est définit dans sa forme covariante comme étant:

Fµν = ∂µ Aν − ∂ν Aµ (87)

98
J’espère que vous voyez immédiatement que ce tenseur est anti-symétrique. De plus,
il a une structure telle que le tenseur F soit la dérivée extérieure de A. Je vous
laisse approfondir ces notions de votre côté, puisqu’elles ne seront plus mentionnées.
Si vous le désirez, vous pouvez aussi étudier la façon dont les équations de Maxwell
sont présentées à l’aide de cet objet. Vous aborderez alors le monde fabuleux de la
géométrie différentielle avec des connaissances préalables, ce qui est toujours agréable.

5.2 Équation de continuité pour la densité d’impulsion électro


magnétique
Dans cet exemple, un exercice de la première série de MMP de l’année 2021 sera
extensivement étudié. Si vous avez déjà suivi ce cours et fait cet exercice facultatif,
libre à vous de passer à la suite. Mais vous raterez une occasion de voir un cas d’école
qui montre à quoi peut servir le produit tensoriel en physique. Pour voir d’où sort le
produit tensoriel, il vous faudra malheureusement étudier quelques identités d’analyse
vectorielle.

Soit a un vecteur de coordonnées contravariantes (ai ). Alors,


∇i (ai aj ) = (∇i ai )aj + ai (∇i aj )
Ceci est intéressant car a ⊗ a = ai aj ei ⊗ ej . Démontrons une deuxième identité,
1
∇j (ai ai ) = (∇j ai )ai
2
Puis, pourquoi pas en démontrer une troisième ? Je vous la laisse :
(∇ × a) × a = (a · ∇)a − (∇a) · a
En un premier lieu, quelle est cette densité de d’impulsion électromagnétique ?
Elle est définie ainsi:
P = 0 E × B
Alors, soit la loi de Faraday:
∂B
+∇×E=0
∂t
Et la loi d’Ampère:
1 ∂E
− ∇ × B = −µ0 j
c2 ∂t
Nous obtenons l’équation de continuité de densité d’impulsion électromagnétique en
multipliant la loi de Faraday par ×0 E et la loi d’Ampère par ×µ−1 0 B. Les con-
stantes sont là pour garantir les unités car l’on veut additionner le résultat des deux
opérations:
 
∂ 1
(0 E × B) − 0 E × (∇ × E) + B × (∇ × B) = −j × B
∂t µ0

99
En un premier lieu, on reconnaı̂t la quantité qui nous est d’intérêt dans la dérivée
temporelle, ce qui est bon signe, quand on cherche une équation de continuité. Le
bloc du milieu doit être traitée par les identités vectorielles découvertes. En effet, en
les regroupant, il vient que
1
((∇ × a) × a)i = ∇i (ai aj ) − (∇j aj )ai − ∇i (aj aj )
2
Dans le cas du vecteur B, ∇ · B = 0 à cause de la loi de Gauss pour le champ
magnétique. Dans le cas de E, l’on a que ∇ · E = ρ/0 . Ainsi on remarque, si l’on
écrit l’équation de continuité dans une forme avec des composantes explicites,

∂P `
 
i` ` `ik
− ∇i σ = − ρE + ε ji Bk (88)
∂t

Où le tenseur des contraintes de Maxwell, de composantes contravariantes σ ij est


donné par  
ij i j 1 i j 1 k 1 k
σ = 0 E E + B B − 0 E Ek + B Bk δ ij (89)
µ0 2 2µ0
Ce tenseur est clairement symétrique

5.3 Structure mathématique du braket


Avant de commencer la suite de la sous-section, je tiens à souligner que ce texte est
clairement inspiré par le début du Volume III des Feynman Lectures on Physics. Si
vous ne l’avez pas lu, je vous y encourage chaudement! Si vous l’avez lu toutefois,
apprêtez-vous à une escapade un peu plus mathématique.

Plutôt que de vous cracher tout de suite le bon formalisme mathématique pour
faire de la mécanique quantique, essayons de comprendre, à grands coups d’expériences
de pensée, pourquoi il existe. Pour cela, étudions un exemple classique de la mécanique
quantique: le spin d’un électron. L’électron a deux états de spin possible et ils sont par
convention nommés ”up” et down”. Symboliquement, on écrit |↑i et |↓i ou bien |+i et
|−i ou bien n’importe quoi, en fait, c’est de l’ordre de la convention, puisqu’aucune
nouvelle physique ne sera découverte par un choix de notation. Peut-être la seule
physique qui sera découverte sera celle de l’arrachement de cheveux si la notation
de fait jamais aucun sens. Ici, je pense définitivement qu’aucune physique ne sera
découverte.

Comme vous le savez certainement, il est possible pour une particule quantique
d’être dans un état superposé. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu’il est
possible de créer un état |ψi tel que

|ψi = α |↑i + β |↓i

100
Alors qu’il n’est possible de mesurer que l’un des deux états, |↑i ou bien |↓i. Ceci
est vrai à la condition que |α|2 + |β|2 = 1. Pourquoi y a-t-il une telle condition?
En physique quantique, il se trouve que l’on ne peut mesurer que certains états du
système (ici, de l’électron) et la mesure se fait au hasard, parmi les résultats possi-
bles de l’expérience. Ici, il est possible de mesurer ou bien |↑i, ou bien |↓i, mais pas
|ψi. Dans le cas présent, envoyez une infinités d’électrons (tous dans un faisceau bien
défini) dans un état de |ψi dans un détecteur qui vous dit quel état il mesure. Alors,
|α|2 % du temps, ce détecteur vous dira ”|↑i” et |β|2 % du temps, il vous dira ”|↓i”.

Maintenant, vous achetez une machine qui vous dit quand elle vient de mesurer
une particule de spin up. Ce qu’elle va faire, c’est de faire changer d’état une particule.
Elle fait passer votre électron d’un état initial |ψi à un état final qui est ou bien |↑i,
mesuré par la machine, ou bien |↓i. Admettons que vous avez beaucoup d’argent
et que vous achetiez une deuxième machine exactement pareille, mais que vous la
mettiez à l’envers. Alors, celle-ci se mettra à vous signaler quand elle a mesuré un
électron de spin down. Ce que vous pouvez donc faire, c’est de créer deux faisceaux
d’électrons, en appliquant un gradient de champ d’induction magnétique, afin de
différencier le spin up et le spin down. Le concept est proche de celui de l’expérience
de Stern-Gerlach. Alors, pour chaque électron envoyé, vous aurez un signal sur un
appareil de mesure. Ainsi, l’amplitude (et non la probabilité) de détecter un électron
qui était dans un état de |ψi dans un état de |↑i est
h↑|ψi = α
et si l’on va de |ψi à |↓i,
h↓|ψi = β
Donc ici, que se passe-t-il mathématiquement parlant ? On se rend compte que nos
états |↑i et |↓i forment une description complète de toute issue d’expérience du type
que nous étudions. De plus, ils sont entièrement séparés l’un de l’autre, puisque peu
importe le nombre de machines ”up” que j’ampile, je n’arriverai jamais à dire si j’ai
mesuré un électron de spin down. Les deux états forment donc mathématiquement
parlant une base (orthogonale, en plus!). Qui plus est, ”plus l’état initial est dans
l’état |↑i”, la plus grande l’amplitude de α. C’est un peu comme si l’on était munis
de covecteurs X, Y tels que X(x, y) = x et Y (x, y) = y, qui nous disent à quel point
un vecteur sur le cercle unitaire ”est dans l’état ’sur l’abscisse’ ou dans l’état ’sur
l’ordonnée’ ”.

Donc, les ”|·i” (nommés ”ket”) sont des vecteurs, tandis que les ”h·|” (nommés
”bra”) sont des covecteurs. Ceci explique pourquoi h·|·i donne un nombre: l’application
d’un covecteur sur un vecteur donne un scalaire.

Disons maintenant que vous ne différenciez plus vos faisceaux et à la place, utilisez
une de vos machines, que vous mettez en mode ”up”. Mais vous mettez une deuxième

101
machine entre l’origine du faisceau et la machine, dans une orientation inconnue, qui
ne modifie pas les électrons dans un état de spin de |φi. En fait, vous aperceverez
que votre machine en mode ”up” obtient α0 comme amplitude. Mathématiquement,

h↑|φi hφ|ψi = α0

Comment est-ce que ça fait sens physiquement ? La machine entre-deux ”force” les
électrons qui étaient dans un état |ψi à coller à une base de |φi, puisque les seuls
états possibles à la sortie de cette machine d’entre-deux sont les ”up” et ”down”
relativement à elle, qui ne sont pas les ”up” et down” de la machine dont on regarde
les résultats. On vérifie ça mathématiquement, en effet, il existe une loi comme quoi
|φi = hφ|∗ , où l’astérisque désigne le conjugué complexe. Alors si

|φi = α00 |↑i + β 00 |↓i

On a que
h↑|φi hφ|ψi = α00 (α00∗ α + β 00∗ β) = α0
Qui ne donne α0 = α que si α00 = α et β 00 = β. Alors le symbole |φi hφ| est un opérateur
linéaire, puisqu’il a fait une opération sur le résultat qui est linéaire. Appelons T la
transformation que le passage de |ψi a subi. Alors, on écrit

h↑| T |ψi = h↑|φi hφ|ψi

Désormais, puisque vous êtes doués d’algèbre tensorielle, vous aurez remarqué
qu’un opérateur linéaire est issu du produit tensoriel entre un vecteur et un covecteur.
Ainsi,
T = |φi hφ| ≡ |φi ⊗ hφ|
Maintenant, une dernière question se pose: qu’est-ce que |ψ1 i |ψ2 i ? Ici, la même
chose se passe que juste auparavant: un produit tensoriel implicite. Vous êtes au
courant que le produit tensoriel de deux vecteurs de dimension n donne un tenseur,
mais que l’espace dans lequel baigne ce tenseur est en fait de dimension n2 . Alors dans
le cas du spin, on passe d’un espace à 2 états possible à un espace à 4 états possibles:
|↑↑i , |↑↓i , |↓↑i , |↓↓i. Normalement, on écrit un état sous la forme |ψ1 i |ψ2 i = |ψ1 i ⊗
|ψ2 i = |ψ1 , ψ2 i. Alors, ce qui est possible, c’est d’être dans une situation où si l’on
mesure le spin d’un des électrons, on connaı̂t d’avance le spin de l’autre. Ceci est le
résultat de ce que l’on appelle l’intrication quantique, qui se modélise très bien par
le produit tensoriel. D’ailleurs, c’est un concept clé de la computation quantique.
D’autre part, dans les systèmes avec beaucoup d’interaction et donc d’intrication
(typiquement, en physique statistique), on utilise les espaces de Fock, qui sont des
sommes directes d’espaces tensoriels, de telle façon à pouvoir justement modéliser
beaucoup de particules différentes dans une myriade d’états possibles.

102
5.4 Dérivation de la métrique de Schwarzschild
D’où tire-je cette solution au problème de trouver une solution à l’équation d’Einstein?
Pas de ma petite tête, puisque je ne suis pas assez intelligent pour ça. Un professeur
de l’université de Berne ayant rendu 988 pages de notes sur ses cours disponibles?
Certainement, oui. Si vous n’avez pas jeté un coup d’oeil aux Lecture Notes on
General Relativity de Matthias Blau, je vous recommande l’aperçu de la table des
matières au moins. C’est une oeuvre très complète, mathématiquement rigoureuse et
du coup, très agréable à lire.

Quelles sont les hypothèses que Schwarzschild a faites pour arriver à sa fameuse
solution à l’équation d’Einstein ? Il a simplement supposé que l’espace était vide,
sauf en un point, de densité de masse infinie. Alors, on remarque que le problème a
une symétrie sphérique qui nous arrange. Ainsi, prenons un ensemble de coordonnées
(t, r, θ, φ) dont l’origine se situe là où se situe la masse. Dans ces conditions, le tenseur
énergie-impulsion, dont les coordonnées sont usuellement une plaie à calculer, est nul.

Alors, l’équation à resoudre est la suivante


1
Rµν − gµν R = 0 (90)
2
Si vous avez l’esprit afûté, vous aurez remarqué que si Rµν = 0, alors la dernière
équation serait par défaut juste.

Mais là, le problème reste très vaste. Pleins de solutions ne sont pas encore
écartées! Par exemple, la métrique de Minkowski est toujours solution du problème.
Ainsi, supposons de plus que la métrique soit stationnaire, i.e. elle ne dépend pas du
temps, de telle façon que pour tout α, β ∈ {t, r, θ, φ}:
∂t gαβ = 0
Cette condition satisfaite, avec de plus la symétrie sphérique du problème, nous de-
vons avoir pour métrique (en mettant c = 1)
ds2 = −A(r)dt2 + B(r)dr2 + 2C(r)dtdr + D(r)r2 (dθ2 + sin2 θdφ2 ) (91)
Pour quatre fonctions A, B, C, D inconnues. Vous remarquez certainement une grande
ressemblance entre cette métrique et la métrique de coordonnées sphériques et c’est
bien normal, on s’en inspire en la généralisant! Puisque nous sommes en train de faire
de l’astrophysique, nous choisissons la convention (− + ++). Le problème persiste:
les équations sont toujours trop dures! Faisons une chose physiquement étrange,
mathématiquement justifiée: prenons une coordonnée temporelle T (t, r) = t+ψ(r). Si
on choisit ψ(r) correctement, on peut enlever toute dépendance diagonale du tenseur
métrique. Voyez plutôt:
dT 2 = dt2 + ψ 02 dr2 + 2ψ 0 dtdr

103
Nous notons (et noterons) les dérivées par rapport à r avec une apostrophe. Remar-
quez que l’on est libre de choisir ψ à notre guise. En particulier, en isolant dt2 de
la dernière équation et en l’insérant dans la métrique que l’on essaie de simplifier, il
vient que les termes en dtdr s’annulent si
dψ C(r)
=−
dr A(r)
Donc si dψ/dr = 0, alors C(r) = 0. Choisissons donc ψ ≡ 0 et on élimine les
termes diagonaux de (91) tout en maintenant t comme coordonnée de notre système.
Désormais, l’on voudrait se débarasser de D. Alors, posons une nouvelle coordonnée
de la forme R2 = D(r)r2 . De la même manière, effaçons toute trace de r dans (91).
Alors,

2 2 4R2 (r)B(r)
ds = −A(r)dt + 0 2 2
dR2 (r) + R2 (dθ2 + sin2 θdφ2 )
(D (r)r + 2D(r)r)
Or, nous avons toujours une fonction de r devant d’élément en dr et une forme en
uniquement R2 devant la parenthèse. Nous pouvons alors choisir D(r) = 1 sans plus
de conséquence. Ainsi, nous avons une métrique avec laquelle l’on peut très bien
travailler, qui est la suivante:
ds2 = −A(r)dt2 + B(r)dr2 + r2 (dθ2 + sin2 θdφ2 ) (92)
Désormais, en regardant la démonstration de l’équation de la géodésique, prin-
cipalement la 3ème et la 4ème équation de la démonstration, je vais vous deman-
der de vous convaincre que l’équation suivante est juste, pour des coordonnées (xα )
paramétrisées avec λ :
dxβ dxα dxβ
 
d 1
gγβ = (∂γ gαβ ) (93)
dλ dλ 2 dλ dλ
Ainsi, par le fait même que ceci mène à l’équation de la géodésique, qui contient les
symboles de Christoffel, on peut les lire à partir du résultat du calcul précédent en
faisant ce que les physiciens préfèrent faire: comparer les coefficients. Ceci est un
exercice ni long, ni douloureux. Alors, vous êtes encourgés à le faire de votre côté en
posant le lagrangien suivant:
1
L = (−A(r)ṫ2 + B(r)ṙ2 + r2 (θ̇2 + sin2 θφ̇2 )) (94)
2
Faites les 4 équations d’Euler-Lagrange possible et vous aurez essentiellement terminé.
Attention toutefois aux facteurs 1/2 qui peuvent apparaı̂tre dans les symboles de
Christoffel avec des termes croisés. Si vous n’avez pas voulu faire le calcul, voici les
valeurs des symboles de Christoffel non-nuls:
A0 B0
Γtrt = Γrrr =
2A 2B
104
A0 r
Γrtt = Γrθθ = −
2B B
2
r sin θ
Γrφφ =− Γθφφ = − sin θ cos θ
B
1
Γθrθ = Γφrφ = Γφθφ = cot θ
r
Maintenant qu’on a les symboles de Christoffel, afin d’arriver au tenseur de Ricci, on
pourrait calculer le tenseur de Riemann, puis le contracter et on aura terminé. Or, ce
ne serait pas très instructif et surtout inintéressant. A la place, utilisons directement
l’équation (80). Mais ceci nous forcera tout de même à calculer beaucoup de com-
posantes. Utilisons alors des arguments de symétrie pour trouver des composantes
nulles du tenseur de Ricci.

En un premier lieu, remarquons que le tenseur de Ricci, si nous le regardons comme


construit à partir du tenseur métrique, doit être invariant sous symétrie t → −t.
Mais de l’autre côté, puisque le tenseur de Ricci est un tenseur, sous changement
de coordonnée t → −t, la coordonnée Rrt se transforme en −Rrt . Attention, tout
le tenseur ne se transforme pas ainsi, certaines coordonnées, cependant, oui. Mais
alors, puisque les deux transformations sont similaires, Rrt = −Rrt et par conséquent,
cette composante est nulle. On exploite aussi la symétrie rotative du problème pour
conclure que
Rrt = Rrθ = Rrφ = Rtθ = Rtφ = Rθφ = 0
Alors, il ne nous reste que 4 coordonnées non-nulles. Nous pouvons voir qu’une
coordonnée a une relation presque triviale avec l’autre. En effet, si nous définissons
un changement de coordonnée (θ, φ) → (θ0 , φ0 ), alors la métrique s’en voit affectée de
la façon suivante:
"   2 #
2
∂θ ∂φ
2 2 2
dθ + sin θdφ = 0
+ sin θ2
0
dθ02 + ...
∂θ ∂θ

Où les termes omis ont la même structure. Ainsi, si l’on souhaite que cette transfor-
mation garde la métrique invariante, il faut que
 2  2
∂θ 2 ∂φ
0
+ sin θ =1
∂θ ∂θ0

D’autre part, par la loi de changement de coordonnées du tenseur de Ricci, il faut


que l’équation suivante soit vraie :
 2  2
∂θ ∂φ
Rθ0 θ0 = R θθ + Rφφ
∂θ0 ∂θ0

105
Or, si l’on demande que la métrique soit invariante sous la transformation, il faut
que le tenseur de Ricci, construit à partir du tenseur métrique, soit lui aussi invariant
sous la transformation. Ceci mène à Rθ0 θ0 = Rθθ et donc, la combinaison des deux
dernières équations donne
 2 !
2 ∂φ
Rθθ = 1 − sin θ Rθθ + Rφφ
∂θ0

Ceci permet de trouver une relation simple,

Rφφ = sin2 θRθθ (95)

Youpie, les arguments de simplification sont terminés. Alors, on applique l’équation


(80) pour trouver la valeur de Rtt , Rrr et Rθθ . La dérivation n’est pas faite ici, mais
comme toujours dans ce cas-là, encouragée comme exercice.
A00 A0 A0 B 0 A0
 
Rtt = − + +
2B 4B A B rB

A00 A0 A0 B 0 B0
 
Rrr = − + + +
2A 4A A B rB
 0 0

1 r A B
Rθθ = 1 − − −
B 2B A B
Le lecteur qui aura fait l’exercice de redériver les résultats se rendra compte à quel
point il est plus que facile de faire une erreur algébrique à un moment donné. Main-
tenant, il faut se rappeler que l’équation que nous sommes sensés résoudre est Rµν = 0,
alors chacune des composantes du tenseur de Ricci est en fait nulle. Ainsi, nous pou-
vons résoudre
1
BRtt + ARrr = 0 = (A0 B + B 0 A)
rB
Alors, nous reconnaissons que ceci est similaire à

A(r)B(r) = K, K∈R (96)

La valeur de K est trouvée à l’aide de la condition qu’à l’infini, la métrique doit


s’approcher de la métrique de Minkowski. Alors, K = 1. A partir de là, injectons le
résultat dans Rθθ :
1 − A − rA0 = 1 − (rA)0 = 0 (97)
Ce qui mène à
C
A(r) = 1 + (98)
r
La constante C est trouvée en appliquant la limite classique, discutée dans notre
survol de la dérivation de l’équation d’Einstein (n’utilisons plus c = 1), dans laquelle

106
−g00 = A(r) = 1 + 2Φ/c2 , où Φ est le potentiel gravitationnel, de valeur −GM/r. En
comparant les coefficients, il vient
2GM
C=− (99)
c2
Et ainsi, en recombinant tout ce qui a été discuté au cours du chapitre, nous trouvons
la métrique de Schwarzschild:

dr2
 
2 2GM
ds = − 1 − 2 c2 dt2 + + r2 dθ2 + r2 sin2 θdφ2 (100)
cr 2GM
1− 2
cr

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References
[1] Fabien Dournac. Cours de calcul Tensoriel avec exercices corrigés. 2019. url:
https://dournac.org/sciences/Tensor_Calculus.pdf.
[2] Kronecker delta. url: https://en.wikipedia.org/wiki/Kronecker_delta.
(consulté le 09.06.2020).
[3] Proper time. url: https://en.wikipedia.org/wiki/Proper_time. (consulté
le 09.06.2020).
[4] Herbert Goldstein (3rd ed.) Classical Mechanics. Addison Weasley, 2001. isbn:
9780201657029.
[5] Produit Tensoriel. url: https://fr.wikipedia.org/wiki/Produit_tensoriel.
(consulté le 31.08.20).
[6] Coordonnées polaires. url: https://fr.wikipedia.org/wiki/Coordonn%C3%
A9es_polaires. (consulté le 25.02.2021).
[7] Etienne Klein. “Einstein et les ondes gravitationnelles : une heureuse idée, vrai-
ment”. In: The Conversation (2016).
[8] Jacobi’s formula. url: https : / / en . wikipedia . org / wiki / Jacobi % 27s _
formula. (consulté le 12.06.2020).
[9] Sean Carroll. Lecture Notes on General Relativity. 1997.
[10] The Extraordinary Theorems of John Nash - with Cédric Villani. url: https:
//www.youtube.com/watch?v=iHKa8F-RsEM. (consulté le 24.06.20).
[11] Matthias Blau. Lecture Notes on General Relativity. Berne, Suisse: Albert Ein-
stein Center for Fundamental Physics, 2020, pp. 366–371.
[12] Stress–energy tensor. url: https://en.wikipedia.org/wiki/Stress%E2%80%
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[13] Walter Wyss. “The energy-momentum tensor in classical field theory”. In: Con-
cepts of Physics 2 (2005), pp. 295–310.
[14] Lorentz group. url: https : / / en . wikipedia . org / wiki / Lorentz _ group.
(consulté le 17.06.2020).

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