Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Marc DUGENIE
Selon le code de la propriété intellectuelle, copier ou reproduire cet ouvrage
aux fins d’une utilisation collective ou commerciale est formellement
interdit. Une représentation ou une reproduction partielle ou intégrale, quel
que soit le procédé utilisé, sans que l’auteur ou ayant droit ait donné son
accord, relève d’une contrefaçon intellectuelle aux termes des articles L.335
et expose les contrevenants à des poursuites.
Première édition, 2023
ISBN : 9798866982486
Sommaire
Introduction
Chapitre 1 : Les problématiques liées à la pratique sportive que permet de
dépasser la méditation de pleine conscience
Chapitre 2 : Les apports de la méditation de pleine conscience dans la
préparation mentale en sport
Chapitre 3 : Gérer le stress et l’anxiété
Chapitre 4 : Développer la confiance et l’estime de soi
Chapitre 5 : Analyse du sportif mindful par excellence : Kobe Bryant
Conclusion
Annexes
Bibliographie
Introduction
En tenant ce livre entre vos mains, vous pouvez correspondre à l’un des
trois profils suivants :
- Vous êtes un sportif intéressé par la préparation mentale et vous
souhaitez notamment comprendre ce que la méditation de pleine
conscience peut apporter à votre pratique sportive.
- Vous êtes sportif et, en compétition, vous perdez vos moyens,
avez tendance à stresser ou à vous énerver, mais surtout, à ne pas
performer à votre plein potentiel.
- Vous êtes entraîneur, préparateur mental, parent ou vous avez un
proche qui, selon vous, bénéficierait d’un accompagnement en
préparation mentale.
Dans cette introduction, je vais particulièrement parler de ce dernier profil.
Cependant, même si vous correspondez au premier profil, la méditation
vous sera très utile. C’est ce qui fait la force de la méthodologie que je
m’apprête à vous présenter : elle est pertinente autant pour faire face aux
interférences nuisant à la performance que pour optimiser la performance
lorsque ces interférences ont été surmontées. Si vous vous identifiez
davantage au second profil, cet ouvrage vous sera extrêmement utile, même
si vous n’appliquerez peut-être pas les enseignements sur vous-même.
Peut-être avez-vous l’impression, à chaque compétition, de ne pas
performer à votre plein potentiel. Vous vous sentez comme une Porsche en
termes de capacités, mais vous n’affichez que le potentiel d’une Renault. À
l’entraînement, vous n’êtes pas nécessairement le meilleur mais vous êtes
compétent. Pourtant, en compétition, vous devenez soudainement dix fois
moins bon. Et le pire, c’est que vous ne comprenez pas pourquoi.
Juste avant la compétition, vous ressentez une boule dans le ventre et une
chaleur dans votre corps. Vos mains deviennent moites et certains de vos
muscles se tendent. Vous savez que ces symptômes ne découlent pas de
l’intensité de votre échauffement, mais plutôt de votre stress.
Certes, vous n’aimez pas perdre, mais plus que tout, vous craignez l’échec
ou de ne pas atteindre vos objectifs. Vous doutez d’être à la hauteur. Vous
vous interrogez sur ce que les autres pourraient penser en cas de défaite :
votre entraîneur, le public, votre famille, vos coéquipiers, vos adversaires…
Vous voulez leur prouver votre véritable valeur, pouvoir jouer enfin de
manière libérée et à votre plein potentiel.
Vous avez déjà cherché des solutions à ces problèmes, mais sans succès.
Vous avez peut-être déjà tenté de prendre de profondes inspirations pour
réduire votre stress, pratiqué l’imagerie mentale ou adopté un discours
interne positif, en vous encourageant plutôt qu’en vous critiquant. Peut-être
aussi que vous ne savez pas exactement comment vous y prendre. Si tous
ces efforts se sont avérés vains, cela n’a rien d’étonnant. Vous en
apprendrez plus à ce propos dans le chapitre suivant. Quoi qu’il en soit,
sachez qu’il est possible de surmonter cette problématique. Il existe une
autre voie.
J’ai déjà accompagné de nombreux sportifs en préparation mentale qui se
trouvaient exactement dans la situation décrite plus haut. Parfois, leur cas
était même bien pire. Pourtant, ils s’en sont sortis. Cela n’a pas été facile :
ils ont dû travailler, se remettre en question, accepter de faire des choix
difficiles mais en accord avec leurs valeurs, et faire preuve de courage.
Aujourd’hui, ils sont capables de performer de manière libérée, naturelle,
fluide et automatique. Ils prennent plaisir dans leur pratique sportive.
Vous faites tant d’efforts pour votre sport. Tant de gouttes de sueur versées
à l’entraînement. Combien de fois dans votre vie avez-vous enfilé vos
chaussures et votre tenue pour pratiquer votre sport, aller courir ou aller à la
salle de sport ? Combien d’heures avez-vous passé dans un gymnase, une
piscine ou sur un terrain en extérieur ? Vous faites tout cela pour un seul
moment : la compétition, le match, le tournoi. Vous donnez tant d’efforts
pour être capable de performer quand cela compte vraiment. Vous voulez
pouvoir tout donner dans les derniers instants, remporter vos balles de
match ou de set, mettre le lancer franc de la victoire, tirer au centre de la
cible quand cela vous permet de dépasser votre adversaire de toujours.
C’est pour être capable d’accomplir tout cela que vous vous entraînez.
Mais lorsque vient le moment fatidique, votre esprit s’éloigne de la tâche
que vous êtes en train de réaliser. Les pensées se bousculent dans votre
esprit, vous cogitez et n’êtes plus pleinement concentré. Vous pensez au
résultat, au classement ou au score, plutôt que de vous concentrer sur
l’action en elle-même. Vous pensez aux conséquences d’un échec : « Et si je
n’y parvenais pas ? » Vous pensez à tous ces yeux rivés sur vous et à toute
la déception que vous pourriez causer. Vous exécutez l’action, vous
échouez, vous perdez.
Pourtant, vous avez déjà observé que certains sportifs semblent être
imperturbables. Ils sont entièrement concentrés. Ils sont capables de jouer
de manière naturelle et automatique. Mais surtout, ils parviennent à
maintenir cette attitude même dans les moments les plus cruciaux. Ils
pourraient tout perdre sur une seule petite erreur, pourtant ils jouent comme
si de rien n’était. Comment font-ils ? Pouvez-vous vraiment devenir comme
eux ?
Si vous en doutez encore, sachez que vous en êtes capable. Vous avez deux
bras et deux jambes comme eux. Ce ne sont pas des extraterrestres, mais de
simples êtres humains comme vous et moi. Vous pouvez vous aussi devenir
immunisé face à la pression. Il est possible que la méthode enseignée dans
ce livre vous semble contre-intuitive, voire à l’opposé de votre mode de
fonctionnement habituel. Pourtant, c’est exactement de cette manière que je
travaille avec les sportifs que j’accompagne. Donnez simplement sa chance
à la méthodologie qui va vous être enseignée. Engagez-vous pleinement
dans la méthode et les exercices de ce livre. Qu’avez-vous à perdre ?
Commencez à méditer
Vous ignorez peut-être encore tout ce que la méditation peut vous apporter
dans votre parcours de sportif. Mais ne laissez pas cela vous arrêter :
commencez à méditer chaque jour dès maintenant. Nous aborderons la
manière de procéder dans les pages suivantes. Sur le chemin de la
méditation, vous rencontrerez des hauts et des bas. Il y aura des jours où
méditer vous semblera naturel et d’autres où cela ressemblera à une corvée.
Idéalement, votre motivation à pratiquer la méditation de pleine conscience
ne devrait pas dépendre uniquement de votre activité sportive. Les sportifs
avec qui je travaille recherchent d’abord une amélioration dans leur sport,
mais ils remarquent également l’impact positif de la méditation sur leur vie
en général.
Vous ne pourrez ressentir les bienfaits de la méditation qu’en commençant à
pratiquer, et ces bienfaits deviendront une motivation supplémentaire. Votre
envie de méditer ne devrait pas se baser uniquement sur l’aspect utilitaire
de ce que la méditation peut vous apporter au-delà de la pratique elle-
même. Voyez-la également comme une activité agréable en soi.
Trop de sportifs, en particulier les plus jeunes, passent beaucoup de temps à
se renseigner sur « comment progresser dans mon sport », regardant de
nombreuses vidéos et lisant des articles. Souvent, cette démarche sert plus à
se rassurer et à se donner l’illusion de progresser plutôt qu’à améliorer
réellement ses compétences. L’apprentissage ne se fait pas uniquement dans
la théorie, il réside essentiellement, et peut-être même avant tout, dans la
pratique. Ne vous noyez pas dans un excès d’informations. Contentez-vous
du strict nécessaire et privilégiez l’action.
Peut-être que la lecture de ce livre est pour vous une façon de vous donner
bonne conscience. Mais sans passer à la pratique de la méditation, vous
n’en récolterez pas pleinement les bénéfices. La réflexion doit inspirer
l’action, mais ne doit jamais s’y substituer. Commencez à méditer dès
aujourd’hui, peu importe la méthode – avec un guide audio via une
application, une vidéo YouTube, ou même sans guide. Lancez-vous dès
maintenant, même si vous doutez de vous ou de la méthode. Mieux vaut
une action imparfaite qu’une perfection paralysante. Ne soyez pas le sportif
qui accumule les informations juste pour se sentir mieux. Soyez celui qui
met en œuvre ce qu’il apprend : informations minimales, actions
maximales.
Comment méditer ?
Il n’y a pas de règles en méditation, surtout dans la méditation de pleine
conscience qui est laïque. Méditer, c’est simplement observer ce qui se
passe, à l’intérieur comme à l’extérieur de nous. Peut-être avez-vous déjà
tenté de méditer sans réussir à en faire une habitude régulière. Dans son
ouvrage La méditation pour les nuls, Fabrice Midal nous enseigne comment
méditer sans contraintes. L’essentiel, c’est de méditer, autrement dit,
d’observer ce qui se déroule en nous et autour de nous, la méthode importe
peu. Vous n’avez pas nécessairement besoin de fermer les yeux, par
exemple. L’idéal serait de méditer en position assise, mais là encore, ce
n’est pas une obligation. Ce qui compte avant tout, c’est de pratiquer plutôt
que de se focaliser sur la manière de le faire.
Si vous préférez méditer avec un guide audio, tapez simplement «
méditation de pleine conscience » sur YouTube et choisissez. Vous pouvez
également utiliser des applications de méditation comme Petit Bambou,
Calm, Mind, Headspace ou Namatata. La plupart offrent des séances
gratuites, puis une option payante. Je recommande particulièrement Petit
Bambou qui me semble être la plus complète. Elle propose notamment un
programme « Sport et mental » de 25 méditations dans sa version payante.
Je suggère aussi les programmes Lâcher-prise et les Basiques 1, 2, 3 et 4.
La version payante, au coût de 40 € pour 6 mois, est à mon avis l’un des
meilleurs investissements que j’ai faits dans ma vie.
Pour méditer sans guide audio, il est conseillé de régler une alarme (douce)
sur votre téléphone, en définissant la durée de votre méditation.
Sélectionnez l’objet d’attention sur lequel vous souhaitez concentrer votre
observation, que ce soit le flux de vos pensées, les bruits ambiants ou votre
respiration. Observez cet objet attentionnel et soyez conscient de là où se
porte votre attention, ainsi que des moments où elle dévie. Votre attention
s’éloignera inévitablement de son objet initial durant la méditation. Lorsque
cela se produit, ramenez doucement votre attention vers votre objet
attentionnel, sans vous juger.
Vous avez la possibilité de changer d’objet attentionnel pendant votre
méditation, mais cela doit de préférence être prédéfini. Par exemple, vous
pouvez décider qu’au cours de la première moitié de votre méditation, vous
vous concentrerez sur le flux de vos pensées, puis, dans la seconde moitié,
sur votre respiration. Le piège à éviter est de se laisser aller à observer tout
et n’importe quoi en pensant que tout devient votre objet attentionnel : un
bruit, une pensée en entraînant une autre, une démangeaison… Le but est de
choisir un objet d’attention et de ramener sans cesse votre attention sur
celui-ci après en avoir dévié. Cependant, cette redirection doit toujours se
faire sans autocritique, avec calme et bienveillance, sans repousser ce qui a
distrait votre attention.
Il existe aussi une forme de méditation sans objet attentionnel spécifique,
où l’attention se pose sur tout ce qui survient : un son, une pensée, la
respiration, etc. L’important est de ne pas commencer par une méditation
centrée sur un objet attentionnel pour finir en méditation ouverte, sans objet
précis. Cette approche peut être très enrichissante aussi. L’essentiel est de
pouvoir méditer de la façon choisie en ayant déterminé cette intention au
départ.
La puissance de l’habitude
Méditer n’est pas difficile, c’est un plaisir. Le véritable défi est de trouver
du temps dans sa journée pour se poser et méditer. Actuellement, vous êtes
peut-être motivé, et c’est excellent. Utilisez cette motivation, mais ne vous
y fiez pas pour persévérer à long terme.
Vous allez devoir développer une habitude de méditation. Ainsi, vous aurez
besoin de bien moins d’effort pour méditer ; cela deviendra un réflexe,
intégré à votre routine matinale par exemple. Ne vous reposez pas sur votre
motivation initiale, mais sur votre discipline. De la même façon qu’il ne
vous faut pas beaucoup d’effort pour vous brosser les dents ou pour prendre
une douche, la méditation doit devenir aussi naturelle. L’hygiène mentale
est tout aussi importante que l’hygiène corporelle.
Il n’y a pas de moment idéal dans la journée pour méditer. Le meilleur
moment est celui qui vous permettra de maintenir l’habitude. Si vous
choisissez de méditer avant de dormir, veillez à ne pas le faire en position
allongée pour éviter de vous endormir pendant la méditation. Le matin reste
un moment privilégié pour méditer pour la plupart des pratiquants.
Voici un tableau de suivi de méditation : chaque jour, marquez une croix
dans le tableau. Si vous manquez un jour, laissez une case vide. Constater le
tableau se remplir de croix au fil des jours est motivant. Vous ne voudrez
pas interrompre votre série. Cependant, il est probable qu’à un moment,
pour une raison ou une autre, la série s’interrompe. Si cela arrive, ne
tombez pas dans le piège de la démotivation en voyant votre série brisée.
Cela pourrait vous conduire à accumuler plusieurs jours sans méditer.
Méditatio
n
Exercices et applications
- Téléchargez l’application Petit Bambou et réalisez chacune des
méditations proposées gratuitement.
- Considérez sérieusement l’option d’un abonnement payant.
- Essayez de méditer sans guide audio en vous appuyant sur les
conseils de ce chapitre.
- Méditez chaque jour (avec guide audio) et marquez une croix
dans votre tableau de suivi.
Chapitre 1 :
Les problématiques liées à la pratique
sportive que permet de dépasser la
méditation de pleine conscience
La méditation de pleine conscience va bien au-delà sa simple pratique. Elle
représente une manière de penser, voire une philosophie de vie. Dans ce
chapitre, vous découvrirez deux profils de sportifs qui nous guideront tout
au long de cet ouvrage. D’une part, le sportif mindful, qui a adopté cette
manière de penser, en partie grâce à la méditation de pleine conscience, et
d’autre part, le sportif égocentrique, à l’opposé du premier, et confronté à de
nombreuses difficultés liées à sa pratique sportive.
Les équations de la performance
La performance est l’objectif de tout sportif. Mais qu’est-ce que la
performance ? Existe-t-il une formule universelle pour atteindre la
performance sportive ? Il est évident que la performance englobe des
dizaines, voire des centaines de facteurs interdépendants. Parmi eux, le
nombre d’heures de sommeil accumulées pendant la semaine,
l’alimentation, le niveau de confiance en soi, la situation familiale, le taux
de cortisol, le nombre de spectateurs, la cohésion d’équipe, etc. Certains
auteurs ont tenté de concevoir des modèles très complexes de la
performance sportive en prenant en compte tous ces éléments. Cependant,
dans cet ouvrage, nous souhaitons simplifier l’approche pour définir une
équation de la performance sur laquelle nous nous concentrerons. Nous
passerons en revue plusieurs équations de la performance, toutes
pertinentes, mais notre attention se focalisera uniquement sur l’une d’entre
elles.
Voici l’équation de la performance proposée par Angela Duckworth dans
son livre GRIT :
Talent x Effort = Compétence
Compétence x Effort = Accomplissement/Victoire
Selon cette auteure, nous possédons tous un certain talent inné qui, en
fonction de son adéquation avec une discipline sportive, déterminera nos
prédispositions naturelles. L’alliance de ce talent et des efforts consacrés à
son développement débouchera sur la compétence du sportif, c’est-à-dire
son niveau. En d’autres termes, un sportif au talent modeste peut atteindre
le niveau de n’importe quel autre individu, mais il devra pour cela fournir
beaucoup plus d’effort.
Que ce soit en compétition ou à l’entraînement, la réussite résulte de la
combinaison entre compétence et effort. Les plus assidus, ceux qui
fournissent le plus d’efforts, maximisent leur compétence et atteignent le
meilleur niveau de jeu. L’équation de Duckworth est logique. Cependant, il
est crucial de ne pas confondre effort et motivation. En effet, la motivation
peut nous rendre plus persévérants et nous inciter à donner le meilleur de
nous-mêmes. Toutefois, elle peut également produire l’effet inverse.
Lorsqu’un sportif est extrêmement motivé à atteindre un objectif, il peut
entrer dans une spirale négative s’il réalise qu’il s’en éloigne. Pris de
frustration, s’il ne parvient pas à transformer cette émotion en moteur sur le
terrain, elle devient nuisible. Prenons l’exemple du tennisman qui constate
qu’il se fait remonter par son adversaire. Agacé, son jeu se détériore,
l’entraînant dans un cercle vicieux jusqu’à la perte du match et à une
frustration intense. En résumé, si la motivation est intense et qu’elle n’est
pas accompagnée d’une capacité suffisante à accepter l’échec, elle peut finir
par se retourner contre le sportif.
Toujours dans cette même perspective, l’effort peut lui aussi s’avérer
excessif. Prenons l’exemple du joueur de football qui cherche à être
omniprésent sur le terrain au point de ne plus respecter son poste ni les
directives de l’entraîneur. Il suit le ballon partout. Ce sportif, bien qu’étant
très compétent et fournissant un effort considérable, rend la plupart de ses
efforts contreproductifs. C’est la raison pour laquelle, malgré la pertinence
de l’équation de la performance de Duckworth, je choisis de ne pas
l’adopter.
Dans son ouvrage Le Jeu intérieur du tennis, Timothy Gallwey propose une
autre équation :
Performance = Potentiel – Interférences
En préparation mentale, l’objectif pour optimiser le potentiel d’un individu
est de réduire les interférences qui empêchent l’expression pleine de ce
potentiel. Cette équation de la performance correspond exactement à la
façon dont je travaille avec les sportifs. C’est en suivant ce modèle que
nous chercherons à optimiser la performance sportive dans ce livre, en
éliminant les interférences. Avec le temps, et souvent à notre insu, nous
adoptons des schémas de pensée et des comportements préjudiciables à
notre performance. C’est pourquoi mon intention n’est pas de vous
enseigner de nouvelles techniques révolutionnaires, mais de vous aider à
désapprendre ces comportements et schémas de pensée nuisibles. En
supprimant les interférences et le superflu, le sportif sera en mesure de
performer de façon bien plus simple, fluide et relâchée.
Dans le sillage de Duckworth, Christian Lemoine a conçu cette équation :
Performance = compétence x motivation
Encore une fois, cette équation est tout à fait juste. Cependant, son auteur
est un manager d’entreprise. Dans son domaine, il est essentiel de savoir
créer un environnement propice à la motivation des équipes. Les sportifs, en
revanche, sont la plupart du temps réellement motivés. Ils s’efforcent de
donner le meilleur d’eux-mêmes.
Il est vrai, toutefois, que certains sportifs pourraient atteindre un niveau
supérieur de dépassement de soi. Cela pourrait faire la différence entre un
basketteur qui laisse le ballon sortir en touche et un autre qui plonge de tout
son être pour tenter de le récupérer, même si ses chances de succès sont
minces.
L’équation citée précédemment s’applique davantage au monde
professionnel qu’au sport de haut niveau. Un espace de travail ne transpire
pas nécessairement de motivation ou de détermination, et cela a un impact
direct sur la performance. À l’opposé, dans un vestiaire avant une
compétition, on peut littéralement sentir l’envie, la détermination et
l’engagement, même en tant qu’observateur extérieur. La tension est
palpable.
Dans le domaine sportif, il ne s’agit pas tant de travailler sur l’intensité de
la motivation, mais sur sa qualité. Il est temps de délaisser la quantité de
motivation au profit de son origine. Trop souvent, la motivation des sportifs
est malsaine, orientée vers l’égo plutôt que vers la tâche.
Le sportif égocentrique
Premièrement, il convient de définir ce que j’entends par égocentrique dans
ce contexte. Le sportif égocentrique n’est pas nécessairement quelqu’un qui
ne pense qu’à lui-même ou qui se concentre uniquement sur son propre
point de vue. Il est tout à fait capable de faire preuve d’empathie. Ici,
j’utilise le terme "égocentrique" pour désigner une personne centrée sur son
égo, c’est-à-dire sur l’image de lui-même qu’il cherche à projeter aux
autres. Il est donc question d’une sensibilité particulière au regard et au
jugement d’autrui.
La devise du sportif égocentrique pourrait être : « Le sport sans compétition
est dénué de sens ». Dans la compétition, il ne recherche pas tant la
progression que la confrontation. En se mesurant aux autres, il cherche à
affirmer sa propre valeur, mais surtout à la démontrer aux autres. Sa
tendance à se comparer constamment aux autres peut affaiblir son estime de
soi et la rendre plus instable. Il oublie parfois que son sport est ce qu’il fait
et non ce qu’il est, associant sa valeur en tant qu’individu directement à ses
performances sportives. L’égocentrique porte en lui le message selon lequel
la valeur d’un individu dépend de ses compétences.
En compétition, l’égocentrique ne cherche pas spécialement à progresser ou
à se mesurer aux meilleurs dans le but de s’améliorer. La compétition est
l’arène où il joue son égo plus que jamais, et où la progression importe peu.
Deux mécanismes existent chez le sportif égocentrique, conduisant à la
préférence d’adversaires qualifiés de forts ou de faibles. Il peut soit préférer
affronter des adversaires jugés forts, car une défaite serait alors «
acceptable », soit éviter d’affronter des adversaires plus faibles par crainte
de l’échec. En sport collectif, un mécanisme inverse peut se présenter :
l’égocentrique choisira de se mesurer à des adversaires moins compétents
pour mieux mettre en avant sa propre compétence. Il préfèrerait éviter les
plus forts pour ne pas exposer son éventuelle infériorité. Plus que la nature
individuelle ou collective du sport, c’est ce que valorise personnellement le
sportif qui le poussera vers l’un ou l’autre comportement. Si ce qui compte
est de gagner ou d’éviter la défaite, le premier comportement prévaut. Si
l’important est de démontrer sa compétence ou d’éviter de révéler ses
faiblesses, le second comportement sera dominant.
Le sportif égocentrique déteste paraître faible ou vulnérable. La
comparaison avec les autres et le jugement d’autrui sont omniprésents dans
son esprit, que ce soit en compétition ou parfois même à l’entraînement.
Pendant l’échauffement, il évalue le niveau de ses adversaires. Même dans
un environnement non compétitif, il se sent en compétition permanente.
Cette perception constante de confrontation peut le pousser à nourrir de
l’animosité envers ses adversaires, parfois jusqu’à chercher à les
déstabiliser, à les insulter ou même à en venir aux mains.
Dans toute situation, se joue le regard des autres à son égard, la
comparaison aux autres ainsi que la quête de performance. Le sportif
égocentrique vise la victoire à tout prix, se concentrant sur le résultat plutôt
que sur le processus. En sport collectif, il se préoccupe davantage de sa
performance individuelle que du résultat d’équipe. Il n’est plus question de
gagner ou de perdre, mais de bien jouer. Ainsi, il pourrait être contrarié par
une victoire si sa performance personnelle n’était pas à la hauteur, mais
satisfait par une défaite où il aurait excellé.
Pour lui, bien jouer n’est pas évalué par des indicateurs qu’il juge forcément
importants. Bien jouer est défini par les indicateurs que la majorité
considère comme importants. Si les autres pensent qu’un bon basketteur
marque des paniers, réalise des passes décisives et capte des rebonds, alors
c’est ce qu’il s’efforcera de faire. Il évalue sa performance à l’aune des
statistiques valorisées par la majorité, plutôt que sous l’angle de sa
prestation globale, des efforts fournis ou de la qualité de ses décisions. Peu
importe sa propre interprétation des facteurs de performance pertinents.
Avec le temps, il tend à intérioriser les facteurs de performance valorisés
par le plus grand nombre comme ceux qu’il valorise personnellement.
Il cherche à prouver son talent en fournissant le moins d’effort possible.
Pour lui, devoir fournir un gros effort ou se mettre « dans le rouge »
constitue un aveu de faiblesse, signifiant que son talent naturel ne suffit pas
à répondre aux exigences. Encore une fois, il tente par tous les moyens
d’éviter de paraître faible.
Il a tendance à réprimer ou contrôler au maximum ses émotions, se privant
ainsi des messages que ces dernières tentent de lui transmettre. Dans le
sport, et particulièrement en compétition, le sportif centré sur son égo
ressent de très fortes émotions. Plus le niveau de pratique évolue, plus
l’intensité émotionnelle tend à augmenter. Pourtant, même à un niveau
moindre, le sportif centré sur son égo peut vivre des émotions intenses, car
son sport occupe une place prépondérante dans sa vie, et il cherche
constamment à prouver sa valeur à travers la performance. C’est la raison
pour laquelle certains de ses amis le qualifient de « mauvais perdant »,
même lors de parties de jeux de société, par exemple.
Peu conscient de cette tendance, le sportif centré sur son égo trouve
fréquemment des excuses pour rationaliser ses contre-performances. S’il
manque son tir, il ne manquera pas de proclamer haut et fort que c’est parce
que le ballon n’était pas conforme aux normes. Ainsi, il justifie devant les
autres son échec, tentant de faire porter la responsabilité sur des facteurs
externes plutôt que sur sa propre incompétence. En tant que lecteur, vous
vous dites probablement qu’il ne vous arrive jamais de vous comporter
ainsi. Sachez que cette manière de penser est très insidieuse. C’est un
mécanisme de défense. Lorsque quelque-chose se passe mal, on peut
trouver un coupable ou une solution. Mais il est tellement plus simple de
trouver un coupable plutôt qu’une solution.
L’égocentrique est généralement moins performant en compétition qu’à
l’entraînement. À l’entraînement, il se fixe moins d’attentes et ressent
moins le poids du résultat et du regards des autres. Il peut ainsi performer
de manière plus détendue et exprimer son potentiel. En compétition, en
revanche, la pression ressentie le frustre facilement lorsqu’il commet des
erreurs, ce qui l’amène à performer en dessous de son véritable niveau.
Si le sportif égocentrique manque de confiance et d’estime de soi, il sera
souvent dans l’évitement, cherchant davantage à masquer son incompétence
qu’à démontrer sa compétence. Ainsi, il prendra peu de risques dans son jeu
et, dans les cas les plus extrêmes, pourra être comme paralysé par la peur de
l’erreur. Il voudra éviter de perdre le ballon, de rater son tir ou encore de se
faire dépasser par un adversaire.
Si ses niveaux de confiance et d’estime de soi sont suffisamment élevés, il
se fixera plutôt des objectifs formulés de manière positive. Il cherchera à
montrer sa compétence, en se donnant par exemple pour objectif de
marquer 7 buts au cours de la saison. Dans cette situation, il n’a pas un
contrôle total sur son objectif, celui-ci est souvent irréalisable et surtout,
être le meilleur joueur ne se résume pas à inscrire le plus de buts. Pourtant,
il choisit cet objectif car il sait que, en l’atteignant ou même en s’en
approchant, il sera acclamé par les autres.
La confiance en soi du sportif égocentrique est instable : de bonnes
performances le font se sentir puissant et fort, tandis que de mauvaises le
font se sentir sans valeur. Il base son estime de lui-même, en tant que sportif
(et parfois même en tant que personne), sur ses performances. Bien que le
niveau intrinsèque d’un sportif évolue progressivement, ce qui est un long
processus, l’égocentrique peut se sentir pousser des ailes après un bon
match et se percevoir comme indigne après une mauvaise compétition la
semaine suivante.
L’égocentrique accorde trop d’importance au regard des autres sur sa
performance. "Les autres" peuvent représenter différentes entités : parfois, il
s’agit de l’avis d’une seule personne (l’entraîneur ou un parent, par
exemple), d’autres fois, c’est l’opinion d’un groupe plus large qui importe
au sportif : coéquipiers, adversaires, spectateurs, entraîneur, famille…
Il n’est pas dans l’instant présent ; son esprit navigue constamment entre le
futur et le passé. Il cherche à anticiper les évènements, souvent de manière
négative. Quand il se tourne vers le passé, il rumine ses échecs.
Contrairement au sportif mindful, l’égocentrique à l’esprit encombré (mind
full) de pensées. Il peut avoir des difficultés à dormir la veille d’une
compétition et ressentir du stress plusieurs jours à l’avance. Il peut aussi
repenser à ses erreurs pendant plusieurs jours, voire être hanté par celles-ci.
Si l’on approfondit l’analyse, on peut distinguer deux sous-archétypes de
sportifs égocentriques : l’égocentrique frustré et l’égocentrique stressé. Il
n’est pas rare de rencontrer des profils combinant des traits des deux sous-
archétypes, bien qu’ils aient tendance à pencher davantage vers l’un que
vers l’autre. L’égocentrique stressé se perçoit comme ne correspondant pas
à ses propres attentes, pensant ne pas avoir le niveau nécessaire. C’est
notamment dans les situations jugées importantes et à enjeux élevés que son
stress atteint son paroxysme. Quant à l’égocentrique frustré, il est très
exigeant envers lui-même et parfois envers les autres. La plupart du temps,
il n’arrive pas à atteindre son propre niveau d’exigence. Pensant qu’il
devrait jouer à un niveau supérieur à celui qu’il atteint réellement, il s’irrite,
se frustre, et cela affecte négativement ses performances, le plongeant dans
un cercle vicieux de frustration.
Le sportif mindful
La devise du sportif mindful est « progresser et apprendre chaque jour ». Il
est essentiel d’examiner ce qui se trouve derrière la volonté de progresser
et, plus largement, derrière toute intention d’un sportif. Le sportif mindful et
l’égocentrique peuvent tous deux chercher à progresser, mais leurs
motivations diffèrent. Le sportif mindful aspire à se surpasser. Animé par
une véritable passion pour son sport, il prend un réel plaisir à le pratiquer,
ce qui le pousse à fournir beaucoup d’efforts et à faire preuve de
persévérance. Le sportif mindful est semblable à un peintre qui aspire à
créer la plus belle œuvre possible, non pas en compétition avec d’autres,
mais pour le pur plaisir de la beauté, de l’exécution et de la satisfaction
ressentie en réalisant un geste élégant. À l’inverse, l’égocentrique cherche à
progresser afin de remporter des matchs, améliorer ses performances et
ainsi prouver sa valeur.
Il peut arriver que le sportif mindful participe à une compétition en étant
conscient qu’il n’a pas le niveau requis. Cela ne le décourage pas ; il est
même enthousiaste à l’idée de relever le défi. Il accepte son niveau actuel et
est conscient que, même si la tâche s’avère ardue, il donnera le meilleur de
lui-même. La perspective d’être jugé par le public ou son entraîneur en
raison d’un potentiel manque de compétences peut lui traverser l’esprit,
mais il ne s’y attarde pas.
Au lieu de se mesurer aux autres, le sportif mindful se compare à lui-même
au fil du temps. Il évalue sa progression dans les différents aspects travaillés
à l’entraînement ces derniers mois. Pour ce faire, il effectue une
comparaison qualitative et quantitative de son niveau actuel avec celui qu’il
avait il y a quelques mois. Il observe, par exemple, l’évolution de son
nombre de passes décisives en compétition et tente de sentir si la globalité
de ses choix de passes était judicieuse.
Pratiquer son sport est pour lui un moyen de mieux se connaître. Il fait
preuve d’une grande attention envers lui-même, se montrant lucide sur ses
pensées, ses émotions et ses comportements. Il s’efforce de s’autoanalyser
de la manière la plus objective possible. Il connaît ses forces et ses
faiblesses, tant dans son sport qu’en tant qu’individu. Il est conscient de ses
valeurs et veille à agir en accord avec elles. Les compétitions et les
entraînements sont pour lui l’occasion de s’évaluer, de s’analyser et de
comprendre ce qui peut influencer sa confiance en lui.
Étant bien informé sur lui-même, le sportif mindful peut agir comme son
propre juge. Il est généralement peu influencé par les opinions extérieures,
qu’il s’agisse d’éloges ou de critiques, car il est déjà conscient de sa propre
valeur. Néanmoins, il est ouvert aux commentaires et reste très entraînable.
Il est avide de retours constructifs de la part de son entraîneur, qui pourrait
pointer des aspects à améliorer qu’il n’aurait pas remarqués.
L’adolescence est une période de tumulte, de quête de validation par les
pairs et de construction de soi. Durant cette période, le sportif mindful a pu
adopter une attitude égocentrique, ce qui a entravé sa progression. Pour
remédier à cela, il a décidé de consulter un préparateur mental. Il a
notamment intégré la pratique quotidienne de la méditation de pleine
conscience, ce qui l’a profondément transformé, apaisant son égo lors des
compétitions (il se sent moins jugé). Il est désormais beaucoup plus calme
et serein. Son objectif est davantage de progresser que de simplement
performer. Avec une vision à long terme, il perçoit l’échec comme une
opportunité d’apprentissage plutôt que comme une erreur. Il comprend que
pour progresser, il doit se tromper.
Le sportif mindful voit la compétition comme un défi à relever en donnant
le meilleur de soi-même, peu importe le classement de l’adversaire. La
compétition ne représente pas une menace pour son égo. Le sportif mindful
a le goût de l’effort, il s’investit toujours pleinement.
L’égocentrique Le mindful
Pense à gagner et à performer Pense à progresser, vise le long terme
Accorde de l’importance au regard des autres Accorde peu d’importance au regard des
autres
Se compare aux autres Se compare à lui-même dans le temps
Ne médite jamais Médite tous les jours
Est focalisé sur des objectifs qu’il ne contrôle Est focalisé sur ses valeurs ainsi que des
pas entièrement (ex : gagner) objectifs qu’il contrôle
Cherche des excuses pour protéger son égo Assume pleinement sa part de responsabilité
dans la réussite comme dans l’échec
Son estime de lui varie en fonction de ses Son estime de soi est stable bien qu’elle ne
performances sportives soit pas forcément élevée
Rumine beaucoup le passé et anticipe le futur Est dans l’instant présent
Performe (beaucoup) moins bien en Performe aussi bien si ce n’est mieux en
compétition qu’à l’entrainement compétition qu’à l’entrainement
Perçoit la compétition comme une Perçoit la compétition comme un challenge à
menace pour son égo relever
Sa pratique sportive crée beaucoup de Il retire beaucoup de plaisir de sa pratique
frustration et/ou d’anxiété sportive
Comment passer de l’égo vers la tâche ?
Passer du sportif égocentrique au sportif mindful est une transition cruciale
pour tout sportif aspirant à une carrière de haut niveau, épanouissante et
pérenne. Cela contribue à améliorer la performance et la persévérance, tout
en augmentant le niveau général de bien-être. Par ailleurs, cela permet de
diminuer la peur de l’échec, la tendance à se comparer aux autres et le
besoin de validation externe.
La première étape réside dans la prise de conscience. Interrogez-vous sur
votre motivation actuelle : êtes-vous davantage orienté vers l’égo ou vers la
tâche ? Si vous tendez vers l’égocentrique, il se peut que cet état d’esprit
cherche à vous protéger en diminuant la perception que vous aurez de cette
tendance chez vous. En vous informant sur les deux profils et en étant aussi
honnête que possible avec vous-même, où vous situez-vous ? Cette prise de
conscience doit s’accompagner d’une compréhension des bénéfices à être
un sportif mindful plutôt qu’égocentrique. C’est cette compréhension qui
motivera le sportif égocentrique à évoluer vers un état d’esprit plus mindful.
Le sportif égocentrique devrait ensuite définir des objectifs axés sur le
processus plutôt que sur le résultat, un sujet que nous approfondirons au
chapitre 3. L’objectif ne sera plus exclusivement de remporter le match,
mais de développer ses compétences.
Le sportif devra par ailleurs se concentrer sur ce qu’il apprécie dans son
sport, comme les exercices qu’il préfère, le plaisir inhérent à l’amélioration
et les défis personnels liés au processus et à l’évolution de ses compétences.
Il ne devrait pas se focaliser uniquement sur les bénéfices à long terme de
ses entraînements, tels qu’atteindre un certain pourcentage de réussite aux
lancers francs pour un basketteur. Il doit également prendre conscience de
ce que la pratique de son sport lui apporte dans l’instant, comme la
connexion avec ses coéquipiers, l’apprentissage en solitaire ou avec un
coach, ou encore le sentiment de satisfaction après un entraînement intensif
et engagé. Cela aidera le sportif à reconnaître que chaque session est une
chance d’apprendre, même en cas de défaite. Inévitablement, le côté
égocentrique ressurgira parfois, incitant à la victoire, à éviter l’échec ou à se
sentir incompétent. La méditation de pleine conscience l’aidera à être lucide
envers ses pensées et à recentrer son attention sur ses objectifs liés au
processus.
Cette transition devrait idéalement être soutenue par un préparateur mental
ou un psychologue du sport, qui pourra aider le sportif à renforcer son
estime de lui et sa confiance en lui, facilitant ainsi le changement. Il
l’accompagnera aussi dans la gestion de la pression en déplaçant son
attention des éléments incontrôlables (victoire ou défaite) vers des aspects
maîtrisables (attitude, concentration, effort).
Le processus de transition nécessitera du temps, pouvant se compter en
mois, voire en années. La clé de la réussite réside dans l’orientation vers la
passion, l’engagement et le progrès, et non dans la performance pour la
validation externe.
Au-delà de l’orientation motivationnelle, la méditation de pleine conscience
a une influence bénéfique sur d’autres problématiques fréquemment
rencontrées par les sportifs, que nous allons explorer.
Le time travelling
"Nous souffrons plus dans notre esprit que dans la réalité " Marc Aurèle
Nous avons tendance à anticiper constamment le futur et à ressasser le
passé. Essayez de vous rappeler les moments de votre vie où vous avez été
le plus performant. Pensez-vous avoir été concentré sur le passé, le présent,
ou le futur ? Il est fort probable que vous étiez tout simplement ancré dans
l’instant présent, pleinement concentré sur l’action que vous étiez en train
de réaliser.
Les voyages dans le temps que notre cerveau effectue sans cesse posent un
réel problème pour les sportifs. Pour atteindre la performance, nous devons
nous ancrer dans l’instant présent. À ce propos, voici un haïku (petit poème
japonais) que j’ai composé :
Votre cerveau ne cessera de se promener,
Tantôt vers le futur, tantôt vers le passé,
Pour performer, ramenez votre tête là où sont vos pieds.
Pour vous aider à mieux identifier vos pensées lors de ces excursions
temporelles, tentez de repérer les mots qui les initient le plus souvent.
Passé Futur
-Si seulement… -Et si… ?
-J’aurais dû… -Je dois/Il faut…
Par exemple :
Reconcentration
La reconcentration est l’aptitude à ramener son attention sur l’objet initial
de sa concentration après avoir été distrait. Si je possède une bonne capacité
de reconcentration, je serai capable de réaliser que mon attention s’est
écartée du ballon pour se focaliser sur ce que mon entraîneur pense de moi,
et je déciderai alors de recentrer directement mon attention sur le ballon. La
capacité de concentration est sans aucun doute une compétence essentielle
largement reconnue. Néanmoins, il est tout à fait normal que notre attention
s’échappe occasionnellement. C’est pour cette raison qu’il est crucial de
développer la capacité de reconcentration.
Dans certains sports, une compétition peut durer de nombreuses heures,
voire des jours, et/ou nécessiter un important investissement mental. Dans
de telles situations, il est impossible de rester concentré à 100 % pendant
toute l’épreuve. Il devient nécessaire de savoir se déconcentrer
consciemment pour ensuite choisir de se reconcentrer. Cela est
particulièrement vrai au golf, où un tournoi s’étale sur plusieurs jours. Entre
deux coups, il peut y avoir quelques minutes de marche pour atteindre la
prochaine balle. C’est pendant ces moments que les golfeurs doivent savoir
relâcher leur concentration pour préserver leur énergie et tenir sur la durée.
Ils peuvent alors choisir de porter leur attention sur le paysage environnant,
le chant des oiseaux, la sensation de leurs pas sur le sol, ou même laisser
leur esprit vagabonder librement.
Quand je questionne un préparateur mental sur les raisons qui le poussent à
faire pratiquer la méditation aux sportifs qu’il suit, il me répond souvent
que c’est pour les aider à rester dans l’instant présent. Certes, la méditation
de pleine conscience aide à demeurer plus souvent ancré dans l’ici et
maintenant, évitant ainsi de s’angoisser inutilement pour l’avenir ou de
ressasser le passé. Être pleinement dans l’instant présent est une condition
sine qua non pour être concentré. Cependant, cette explication, bien que
correcte, est trop réductrice à mon goût.
En effet, rester dans l’instant présent est indispensable pour exceller dans
son sport. Il est préférable de ne pas se perdre en conjectures sur ce qui
pourrait arriver plus tard dans la compétition, que ce soit en cas de succès
ou d’échec, ou de ne pas se laisser envahir par les déceptions passées.
Toutefois, anticiper les mouvements de l’adversaire et se rappeler de ses
propres erreurs pour ne pas les répéter sont aussi essentiels. La méditation
offre bien plus que le simple fait de rester dans l’instant présent. Dire que la
méditation se limite à cela serait aussi réducteur que d’affirmer qu’internet
a révolutionné le monde uniquement parce qu’il permet de connecter les
gens. C’est certes vrai, mais internet permet également de donner une voix
égale à chacun, d’être accessible au plus grand nombre, de diffuser des
informations, d’acheter, de vendre, etc.
La méditation de pleine conscience a bien plus à offrir que le simple fait de
demeurer dans le présent. Une explication approfondie de tous les
avantages qu’elle procure aux sportifs suivra. Nous aborderons d’abord la
raison pour laquelle nous devons apprendre à nous entraîner comme des
êtres humains et à performer comme des animaux. Puis, nous explorerons la
manière de performer instinctivement, comme un animal, grâce à la
méditation de pleine conscience.
L’une des aberrations dans le monde du sport est le fossé monumental qui
existe entre l’entraînement et la compétition, alors que le premier est censé
préparer au second. L’atmosphère et l’intensité du jeu diffèrent souvent
radicalement. Il n’est donc pas surprenant que tant de sportifs soient
stressés en compétition, un contexte qui leur est étrangement peu familier
en raison de sa rareté. Pendant vos entraînements, il est crucial d’intégrer
des phases dédiées au mode intuitif de l’animal, des instants où la quête de
performance prime sur l’apprentissage. Ces moments surviennent souvent
lors des mises en situation de compétition, généralement organisées en fin
de session. Quand cela se produit, le but n’est plus d’apprendre, mais de
laisser libre cours à l’animal en vous, vous entraînant ainsi à laisser libre
cours à votre automaticité pour les compétitions réelles.
Dans un ouvrage précédent sur les biais cognitifs, j’ai exploré le lien
significatif entre les modes instinctif, réflexif et les biais cognitifs, un sujet
que Daniel Kahneman traite dans son livre Système 1/Système 2. Pour
mieux comprendre, faites ce test en répondant à la question suivante : Une
raquette de tennis et une balle coûtent ensemble 5,10 €. Si la raquette coûte
5 € de plus que la balle, quel est le prix de la balle ? Si vous répondez
instinctivement et rapidement, vous direz peut-être 10 centimes. Mais en
mode réflexif, après mûre réflexion et éventuellement en reformulant le
problème, vous conclurez que la balle coûte 5 centimes, ce qui est correct.
En effet, le total est de 5,10 et le prix de la raquette est de 5 euros supérieur
à celui de la balle : 5,10 = 5,05 (raquette) + 0,05 (balle).
Cette erreur commune illustre pourquoi il est important de déterminer quel
mode de pensée est le plus approprié : instinctif ou réflexif ? La tâche à
accomplir dicte le choix. L’instinctif permet une réaction rapide, quitte à se
tromper. Le mode réflexif est plus lent mais réduit le risque d’erreur.
Dans le sport, il est souvent préférable d’opérer en mode instinctif. Le coût
de la sur-réflexion et de l’inaction peut être très élevé. L’instinct permet
d’atteindre la pleine expression de votre potentiel, reflétant votre véritable
niveau de jeu. À l’inverse, le mode réflexif peut vous détourner de votre
niveau optimal et nuire à vos performances. Dans le sport, l’excès de
réflexion ou l’hésitation mène souvent à l’erreur. Vous devez avoir
confiance en vos automatismes, même s’ils ne sont pas parfaits, car c’est le
but de l’entraînement que de les affiner. Le jour de la compétition,
contentez-vous de les exécuter pour performer à votre plein potentiel et
éliminer toute interférence, lesquelles tendent à vous faire basculer du mode
instinctif au mode réflexif.
La distinction entre le mode instinctif et le mode réflexif est désormais
claire. Voici enfin comment développer votre aptitude à passer du mode
réflexif humain au mode instinctif animal.
Objet attentionnel
Le quiet eye
Le quiet eye, ou œil tranquille, est une technique consistant à fixer sa cible
pendant quelques secondes (généralement entre 2 et 3) avant de tenter de
l’atteindre. Cette approche est applicable uniquement aux habiletés fermées
où il est possible de prendre du temps avant de procéder à la visée.
L’œil tranquille favorise une amélioration de la précision et permet d’initier
le geste de manière naturelle et sans effort. Fixez la cible durant quelques
instants et, lorsque vous vous sentez prêt, déclenchez votre action.
L’application de cette méthode devrait conduire à une augmentation notable
de la précision. En prenant au moins 2 secondes pour concentrer votre
regard sur votre objet attentionnel, le cerveau a le temps de percevoir une
image nette et de prendre en compte tous les paramètres nécessaires tels que
la force, la trajectoire et la distance. Le quiet eye permet également de se
couper des distractions externes ainsi que des pensées perturbatrices,
facilitant ainsi le passage à un mode d’exécution plus instinctif. Il s’agit
simplement de fixer la cible et de laisser le bon moment venir à soi pour
initier l’action.
Pour enrichir cette technique, il est possible d’intégrer des routines de
préparation avant l’action, approfondissant le processus de lucidité,
d’acceptation et de reconcentration.
Les routines
La routine peut être mise en œuvre à différents moments. Dans cette partie,
nous aborderons deux types distincts de routines :
- La routine précompétitive, qui s’effectue avant le début d’un
match, idéalement juste avant celui-ci.
- La routine précédent une habileté fermée effectuée durant la
compétition. Elle facilite le passage à l’action.
Dans les deux cas le but de la routine est de favoriser le passage du mode
réflexif au mode instinctif. Vous avez peut-être déjà observé la célèbre
routine de Rafael Nadal, qui arrange ses bouteilles d’eau avec une grande
précision entre les sets. Nadal explique sa routine ainsi : "Si je ne m’occupe
pas des bouteilles, je peux m’asseoir et commencer à penser à autre chose.
Lorsque je fais toujours les mêmes choses, cela signifie que je suis
concentré, et je suis prêt à ne penser qu’au tennis."
Les routines offrent plusieurs avantages. Comme le souligne Nadal, elles
permettent de s’occuper l’esprit pour éviter la distraction. En d’autres
termes, elles permettent de contourner le mode réflexif. Les sports qui
représentent un défi mental considérable sont souvent ceux où l’action est
rare et le temps passé seul avec ses pensées, prolongé, comme dans le golf.
Les routines aident aussi à intégrer un élément familier dans un contexte
incertain. La compétition est un événement chargé d’incertitudes, et c’est
l’association de cette incertitude à l’importance de l’événement qui génère
le stress. La routine introduit donc une constante rassurante dans un
environnement changeant. Elle devient un point d’ancrage pour le sportif.
"Peu importe ce qui se produira pendant ma compétition, je sais que je
pourrai effectuer ma routine, ce qui me permettra d’entrer plus facilement
dans ma zone de concentration et de déployer mon jeu." C’est ce que
pourrait se dire le sportif qui a bien intégré sa routine et qui lui fait
confiance. La routine vise avant tout à préparer le sportif à agir de la
manière la plus naturelle et fluide possible, en mode instinctif.
Beaucoup pensent qu’une routine doit être toujours identique pour être
efficace. Je ne partage pas cette vision. Mon approche, inspirée du livre
Mindfulness de Jean Fournier et Marjorie Bernier, considère que la routine
doit suivre un schéma constant, mais peut s’adapter aux besoins spécifiques
de chaque situation. Voici les trois étapes clés d’une routine : évaluation de
la "météo" interne, paramétrage de l’algorithme, puis concentration. Ce
schéma est applicable aussi bien aux routines précompétitives qu’aux
routines précédant directement une habileté fermée (penalty, lancer-franc, le
service, etc…)
La météo
La météo consiste à évaluer votre état de préparation physique et mentale
avant une compétition ou une action spécifique. Si vous vous sentez prêt,
aucune modification n’est nécessaire. Dans le cas contraire, apportez les
ajustements requis. Par exemple, si vous vous trouvez un peu trop mou ou
manquant de motivation, prolongez la durée de votre inspiration et
ralentissez votre expiration. Essayez d’inspirer pendant 6 secondes et
d’expirer pendant 4 secondes, répétez cela pendant 1 à 5 minutes en
fonction de vos besoins et du temps dont vous disposez. Cela stimulera
votre système nerveux sympathique, préparant ainsi votre corps à l’action.
Pour vous exercer à ces techniques de respiration, vous pouvez utiliser des
applications comme Respirelax ou Petit Bambou, et certaines montres
connectées offrent également cette fonctionnalité.
Si, au contraire, vous vous sentez trop nerveux, avec par exemple un
estomac noué ou des mains moites, il s’agira alors d’activer votre système
nerveux parasympathique. Pour cela, inversez le processus : inspirez
pendant 4 secondes et expirez pendant 6 secondes, et ce pendant 1 à
5 minutes, toujours selon vos besoins et votre disponibilité.
Votre "météo" variera toujours selon l’action à venir. Si vous êtes
footballeur, vous aurez besoin d’un niveau d’activation corporelle plus
élevé pour jouer un match que pour tirer un penalty.
J’utilise le terme "météo", car il s’agit de prendre la mesure de votre état
intérieur afin de déterminer ce dont vous avez besoin. J’ai mentionné la
régulation de votre niveau d’activation corporelle par la respiration, mais
d’autres techniques peuvent être intégrées à cette étape. Vous connaissez
mieux que quiconque ce qui peut vous aider, selon les indications de votre
propre "météo". Peut-être aurez-vous besoin d’étirements, de vous frapper
les cuisses ou de faire de l’imagerie mentale pour renforcer votre confiance,
ou toute autre action vous permettant de vous sentir prêt.
Il est possible que dans certains sports, vous ne disposiez pas du temps
nécessaire pour ajuster votre niveau d’activation à votre guise. Par exemple,
au tennis ou au tennis de table, l’intervalle entre les échanges de balle n’est
pas considérable. Dans ce cas, le sportif doit agir sur ce qu’il peut contrôler
et accepter ce qui échappe à son contrôle. Même s’il ne parvient pas à
réguler complètement son activation, la prise de conscience de son état
mental et physique est en soi bénéfique. Si l’état n’est pas optimal, il est
nécessaire d’accepter cette réalité et de s’engager dans l’action malgré tout :
« Je remarque que mon cœur bat vite et que je ressens de la peur. C’est
ainsi, j’agis. » devrait se dire le sportif.
Paramétrage de l’algorithme
Après avoir préparé la machine que vous êtes à entrer en action, il s’agit
maintenant d’approfondir votre compréhension de l’action pour laquelle
vous vous apprêtez. Dans le cas d’une routine précompétitive, il est
question de réviser mentalement toutes les directives à appliquer. Ces
directives peuvent provenir de vos propres connaissances ou des conseils de
votre entraîneur. Il peut s’agir de se rappeler de mettre l’accent sur la
défense, de considérer que l’herbe est particulièrement humide ce jour-là,
ou de prendre en compte une légère inclinaison du terrain vers la gauche. Il
est crucial de considérer l’ensemble des paramètres environnementaux, que
ce soit les conditions du terrain, votre état de forme ou le style de jeu de
votre adversaire.
L’objectif ici est d’intégrer ces paramètres dans votre "algorithme"
personnel afin de ne plus avoir à les considérer consciemment au moment
de passer à l’action. À cet instant, votre technique ou votre façon d’agir
devrait être préprogrammée, ne nécessitant de votre part qu’une exécution.
Vous êtes semblable à un algorithme qui se perfectionne continuellement à
travers l’entraînement. C’est pourquoi, lors des séances d’entraînement,
vous êtes l’humain qui apprend. En revanche, en compétition, vous devez
devenir l’animal qui se fie à son instinct, ne faisant que répéter ce qui a été
appris et automatisé par d’innombrables répétitions à l’entraînement. En
intégrant toutes les données dans votre algorithme, vous devriez être
capable de générer une réponse adaptée. Cette réponse est le choix que vous
êtes sur le point de faire, l’action dans laquelle vous allez vous engager.
Prenons l’exemple d’un pongiste qui, après avoir analysé tous les éléments
de son algorithme – le style de jeu de l’adversaire, les échanges précédents,
sa propre forme du moment, etc. – décide que le service marteau est le plus
approprié. Une fois cette décision prise, il ne remet plus en question son
choix. Il s’engage alors pleinement dans l’exécution de ce service. Le
paramétrage de l’algorithme peut être revu entre les points ou les sets. Il ne
doit toutefois jamais être effectué au cœur de l’action.
Voir et regarder
Le paramétrage de l’algorithme nous enseigne la distinction entre voir et
regarder. L’objectif est de pouvoir regarder tous les éléments pertinents au
moment du paramétrage de l’algorithme. Une fois ces éléments intégrés, il
n’est plus nécessaire de focaliser excessivement sur eux. Après le
paramétrage de l’algorithme, il s’agit seulement de les voir sans s’y attarder
(ne pas les regarder continuellement). Voici un petit traité de tactique que
j’ai rédigé à ce propos :
Apprenez à voir sans regarder. Imaginons que vous pratiquiez un sport
d’opposition : tennis, football, boxe, handball, peu importe. Face à votre
adversaire, à chaque confrontation, vous évaluez son niveau et vous vous
comparez à lui (souvent durant l’échauffement, à moins que vous n’ayez
une équipe technique pour « scouter » les adversaires) :
- "Leur n°10 a une frappe chirurgicale ; il faudra bien faire
attention à lui."
- "Il a un service redoutable ; comment vais-je pouvoir le
retourner ?"
- "Les adversaires ont l’air chétifs ; cela devrait être facile."
Dans ces sports, il y a une règle non écrite : si vous parvenez à affaiblir
votre adversaire, le duel deviendra plus facile. Si vous ne pouvez pas le
diminuer physiquement, vous pourriez tenter de décrypter sa tactique,
identifier ses points forts et ses points faibles. Ainsi, vous pourrez
l’empêcher d’utiliser ses atouts et exploiter ses vulnérabilités. Toutefois, en
cherchant à appliquer cette stratégie, beaucoup de sportifs se concentrent
trop sur leur adversaire. Ils tombent dans un piège qu’ils se sont eux-mêmes
tendu, en se focalisant davantage sur le jeu adverse plutôt que sur le leur. Ils
cherchent à exploiter les moindres faiblesses de l’adversaire au lieu
d’imposer leur propre style. Voici ce que vous devriez faire à la place :
Vous devez connaître et reconnaître les forces et faiblesses de votre
adversaire, mais sans vous y attarder. Voyez-les, mais ne les regardez pas
outre mesure. Soyez conscient de ces éléments, et si une opportunité se
présente, saisissez-la. Ne soyez pas obsédé par la quête de ces faiblesses au
point d’oublier votre propre identité. Ne cherchez pas systématiquement à
attaquer le talon d’Achille de votre rival. Affirmez que vous êtes le
protagoniste de votre propre histoire, comportez-vous en Ulysse. Imposez
votre jeu.
Les valeurs
Le Dr Russ Harris, père de la thérapie ACT, raconte une histoire
intéressante pour illustrer la différence entre les valeurs et les objectifs. Une
famille résidant à Marseille décide de se rendre à Disneyland Paris. Cette
famille se compose de Fred le père, Alice la mère, de l’aîné Lucas, 13 ans,
et de son petit frère Archibald, 11 ans. Lucas et Archibald sont impatients
de découvrir Disneyland, mais un élément les distingue : Lucas est focalisé
sur l’objectif d’atteindre Disneyland, tandis qu’Archibald, bien qu’ayant le
même objectif, est guidé par ses valeurs, notamment la curiosité et le goût
de l’aventure.
Pendant le trajet, Lucas ne cesse de demander « Quand est-ce qu’on
arrive ? », à tel point que Fred et Alice commencent à être agacés. Tant que
son objectif n’est pas atteint, Lucas ne trouve pas la sérénité. À l’opposé,
Archibald se réjouit de voir les voitures et le paysage défiler, ce qui nourrit
sa curiosité. Il est heureux, conscient de vivre une aventure.
Arrivés à Disneyland, les deux frères s’amusent énormément et sont ravis
d’avoir atteint leur objectif. Cependant, leur voyage a été très différent :
pour Lucas, il a été source de frustration, tandis qu’Archibald l’a vécu avec
satisfaction. Sur le chemin du retour, Lucas ne cesse de répéter « Quand est-
ce qu’on arriveuuuuh ? », toujours fixé sur l’objectif. Archibald, lui, admire
le paysage nocturne, découvrant le monde sous un autre jour.
Puis la voiture tombe en panne. Heureusement, l’assurance prête une
camionnette à la famille. Lucas est contrarié par ce contretemps qui retarde
son retour. Il boude à l’intérieur du véhicule. Archibald, bien qu’ennuyé de
ne pas rentrer aussi vite qu’il l’aurait souhaité, trouve du plaisir à observer
le paysage d’un point de vue inédit, depuis la camionnette plus élevée.
Si l’on devait classer les deux frères, Lucas serait perçu comme le sportif
égocentrique, alors qu’Archibald incarnerait le sportif mindful. Il est tout à
fait possible, et même conseillé, de cultiver à la fois des valeurs et des
objectifs. L’important est de savoir où l’on porte son attention. Celle-ci doit
se focaliser principalement sur vos valeurs plutôt que sur vos objectifs si
vous aspirez à mener une vie riche et pleine de sens. De plus, pour être
bénéfiques, vos objectifs doivent se concentrer majoritairement sur le
processus plutôt que sur le résultat.
À ce stade de la lecture, le concept de valeur peut sembler encore vague.
Vous vous demandez peut-être comment identifier vos propres valeurs.
Voici deux exercices qui vous aideront à les découvrir.
Exercice des valeurs
Pour cet exercice, vous aurez recours à votre imagination. Dans un premier
temps, lisez l’ensemble des consignes, puis vous pourrez débuter l’exercice.
Asseyez-vous confortablement (avec le dos contre un dossier) ou allongez-
vous. Prenez de profondes inspirations. À chaque expiration, ressentez les
tensions musculaires se dissiper et votre corps se détendre. Vos épaules
s’abaissent, votre mâchoire se relâche et votre front devient le plus lisse
possible. Après plusieurs respirations profondes, laissez votre respiration
redevenir naturelle, sans la contrôler.
Imaginez la scène, totalement fictive, de votre propre enterrement.
Visualisez trois ou quatre de vos proches prendre la parole ce jour-là pour
parler de la personne que vous étiez. Ces personnes peuvent être décédées
ou vivantes, en bons ou en mauvais termes avec vous actuellement, cela n’a
pas d’importance. Choisissez des personnes qui sont ou ont été importantes
pour vous. Si certaines personnes vous viennent à l’esprit dont vous
préféreriez ne pas entendre le discours, ce sont probablement celles que
vous devriez envisager d’inclure.
Dans leur oraison, ces personnes ne doivent pas s’exprimer comme elles le
feraient habituellement. Elles ne doivent pas dire ce que vous pensez
qu’elles pourraient dire ou ce que vous pourriez anticiper d’elles. Ne leur
attribuez pas leurs tics de langage habituels. Ne les faites pas non plus
parler de la manière dont elles voudraient vous voir être. Visualisez plutôt
qu’elles décrivent la personne que vous aspireriez à être au plus profond de
vous-même.
Leur discours doit refléter non pas la personne que vous êtes, mais la
version idéalisée de vous-même, celle à laquelle vous aspirez. Comment se
comporte cette version de vous ? Soyez aussi honnête que possible.
Cet exercice devrait vous aider à répondre aux questions suivantes :
comment aimeriez-vous vivre votre vie ? Que ressentez-vous en entendant
vos proches vous décrire de cette façon ? Comment cette façon de vivre
serait-elle perçue par les personnes qui comptent pour vous ?
Une fois l’exercice terminé, repensez à ce que ces personnes ont dit. Notez
si certains thèmes reviennent régulièrement. De ces thèmes devraient
émerger certaines valeurs qui vous sont chères. Il est possible que ces
valeurs, bien qu’importantes pour vous, ne soient pas actuellement
respectées dans votre vie quotidienne.
L’évitement expérientiel
Si vous ressentez du stress en compétition, il est fort probable que, sans le
savoir, vous vous engagiez dans un processus qui réduit votre anxiété à
court terme mais qui l’augmente à long terme. J’ai moi-même été pris dans
ce piège qui, en psychologie, se nomme l’évitement expérientiel. Cela
survient lorsque nous préférons éviter une situation stressante plutôt que de
l’affronter. Dans le monde du sport, ce mécanisme est le plus souvent
insidieux. Il est assez rare de ne pas se présenter à une compétition par
excès d’anxiété. Cependant, comme expliqué dans l’introduction de ce
livre, lorsque j’étais sur le terrain, je faisais tout pour ne jamais recevoir le
ballon. C’était ma façon d’éviter l’expérience qui me rendait anxieux : la
peur de perdre le ballon ou de jouer mal, surtout devant un public.
L’évitement diminuait mon anxiété sur le moment puisque j’évitais le
contact avec le ballon. Toutefois, cette stratégie ne faisait qu’aggraver mon
problème à chaque compétition, car je n’apprenais pas à affronter ma peur.
La seule manière de faire face à vos peurs (quand elles ne sont pas
mortelles) est de les affronter directement. C’est la raison pour laquelle la
dernière étape du processus lucidité – acceptation – reconcentration est la
reconcentration. Je prends conscience que je suis anxieux (lucidité). Je ne
lutte pas contre cette anxiété, je l’accepte et je fais avec (acceptation). Puis,
je choisis de m’engager pleinement dans l’action que je dois entreprendre
(reconcentration).
L’évitement peut prendre de nombreuses formes :
- Ne pas s’entraîner à 100 % afin d’avoir une excuse en cas
d’échec.
- Attribuer un manque de performance à des facteurs externes : «
le ballon était mal gonflé », « j’avais le soleil dans les yeux », « le
public était trop bruyant », ou encore « c’est la faute de l’arbitre ».
- Ne pas prendre de responsabilités, ne pas prendre de risques. Par
exemple, pour un tennisman, se contenter de renvoyer la balle,
pour un footballeur, éviter de tirer au but, ou pour un golfeur,
opter pour des coups simples.
- Simuler une blessure pour justifier une mauvaise performance.
Dans leur livre ACT in Sport, James Hegarty et Christoph Huelsmann
utilisent la métaphore du bébé tigre. Ils expliquent que l’anxiété est comme
un bébé tigre : quand vous commencez à pratiquer votre sport en étant
enfant, vous n’avez généralement pas peur et vous vous amusez
simplement. Mais en grandissant, il est possible que les enjeux deviennent
plus sérieux et que vous intériorisiez des facteurs qui viendront perturber
votre performance. C’est ce que j’appelle les interférences. Cela peut être la
crainte du regard des autres, un perfectionnisme exacerbé (la croyance
qu’on n’a pas le droit à l’erreur), ou encore la focalisation sur le résultat
plutôt que sur le processus. La liste est loin d’être exhaustive.
Ces interférences peuvent provoquer du stress en compétition. Initialement,
ce stress peut se manifester de manière assez légère. Toutefois, si vous
commencez à pratiquer l’évitement expérientiel, vous ne faites qu’alimenter
ce stress. Vous nourrissez le bébé tigre. Éviter les sources d’anxiété revient
à les renforcer. Certes, vous pouvez vous sentir mieux à court terme, mais à
moyen et long terme, c’est le pire choix à faire. Progressivement, votre tigre
va continuer de grandir. Pour briser ce cycle, il vous faudra trouver en vous
la force nécessaire de cesser de fuir face à ce tigre (la source de votre stress)
et vous engager pleinement dans l’action, même si elle vous effraie. A
chaque fois que vous évitez le tigre vous le nourrissez et le rendez de plus
en plus fort. Pour arrêter de le nourrir, affrontez-le. Ne combattez pas
l’émotion que vous fait ressentir la situation. Faites simplement face à la
situation.
La peur est une émotion très puissante. Il est important de distinguer les
peurs utiles, celles qui vous permettent d’éviter un danger mortel, et les
peurs irrationnelles, qui ne sont pas liées à un risque de mort. La peur de
marcher au bord d’une falaise peut vous sauver la vie, tandis que la peur de
rater un lancer-franc décisif pour votre équipe, bien que stressante, n’est pas
mortelle. Dans ce dernier cas, il est essentiel de faire face à votre peur.
Cessez de lutter et faites le choix de vous engager dans l’action, en dépit de
la peur, de l’anxiété ou du stress. Il est essentiel de comprendre que tout se
résume à une question de choix. Ne pas choisir est, en soi, un choix. Vous
pouvez décider de ne rien changer, de rester dans la situation actuelle et de
continuer à nourrir le tigre. Cette voie est sûre si vous aspirez à une vie en
décalage avec vos valeurs, une vie dénuée de sens. En revanche, si vous
préférez mener une existence riche de sens et alignée avec vos valeurs,
optez pour l’engagement total dans votre sport, en donnant le meilleur de
vous-même malgré la peur. Engagez-vous pleinement dans votre discipline
sportive et, de façon plus générale, dans tout ce que vous avez tendance à
éviter. Un choix peut transformer votre vie.
La perception du stress
À l’heure actuelle, lorsque vous ressentez du stress avant ou pendant une
compétition, voici ce qui se passe probablement dans votre tête : « Oh non,
je suis stressé, je vais encore mal jouer. » Vous vous inquiétez en
remarquant en vous des signes de stress. Vous aimeriez en finir avec ces
doutes, cette sensation d’être prisonnier de vos pensées, ce rythme
cardiaque qui s’accélère ou cette transpiration excessive.
Maintenant, ne pensez plus à vous. Pensez à un sprinteur aux Jeux
Olympiques ou encore à un footballeur à la Coupe du Monde. Trouveriez-
vous cela anormal s’il n’était pas un peu anxieux ?
Imaginez que vous ne ressentiez plus aucun de vos symptômes de stress.
Êtes-vous certain que vous seriez plus performant ? Seriez-vous toujours
capable d’avoir le même niveau d’attention et de vigilance ? De courir aussi
vite ? De bouger vos bras et vos jambes comme vous le faites dans votre
sport ?
Si l’on compare les marqueurs physiologiques d’une personne anxieuse et
d’une personne excitée, il serait très difficile de les distinguer l’une de
l’autre. Autrement dit, ce qui fait la différence, c’est la signification que
vous donnez à vos ressentis. Lorsqu’un animal ressent du stress, il ne juge
pas ses symptômes ; il se contente de les ressentir, de les vivre. Puis, il fait
ce qu’il a à faire. S’il est stressé parce qu’il est poursuivi par un prédateur,
le stress lui permet de s’adapter et de booster ses performances pour fuir. Le
stress est un mécanisme adaptatif qui aide à faire face aux situations. C’est
lorsqu’il devient chronique qu’il pose problème, sur l’instant il permet de
nous adapter aux exigences de la situation.
Retour sur l’acceptation
Vous l’avez compris, l’acceptation est la clé. Le premier stade dans le
développement de votre capacité d’acceptation consiste à arrêter de lutter
ou de fuir. Cessez d’essayer de combattre votre stress par de profondes
respirations ; il arrive un moment où cela ne sert plus à rien, sinon à vous
montrer que vous ne maîtrisez pas votre niveau de stress. Vous êtes en train
de lutter contre un mécanisme naturel conçu pour vous aider à faire face à
ce qui vous attend. Arrêtez également d’éviter les situations anxiogènes,
d’éviter de faire des erreurs. Cessez d’essayer d’éliminer, de réprimer ou de
contrôler vos pensées et vos émotions. Cela représente la première étape
vers l’acceptation.
Pour aller plus loin dans l’acceptation, vous devez comprendre que ce n’est
pas un état passif. L’acceptation est un processus actif. Vous devez vous
efforcer d’accueillir vos peurs. Invitez votre stress à vous envahir. Laissez-
lui l’espace nécessaire pour s’étendre. En agissant ainsi, votre stress
pourrait croître, diminuer ou même disparaître. Cela n’a pas d’importance,
car il n’est pas un adversaire. C’est simplement la réalité, sans plus. En
acceptant votre stress, vous serez capable de performer à votre maximum,
même sous pression. À ce moment-là, vous pourrez dire : « Je constate que
je suis stressé, d’accord, je choisis de m’investir pleinement dans l’action ».
Une fois que vous êtes en mesure de cesser de vouloir vous défaire de vos
pensées, émotions et sensations corporelles, accueillez-les. Laissez-les
grandir en vous si tel est leur souhait ; alors, vous les aurez véritablement
acceptées. Faites-leur de la place, inviter les à s’expandre en vous. Invitez-
les à prendre le thé. Asseyez-vous tranquillement avec elles. Soyez curieux
envers vos émotions. Demandez-leur d’où viennent-elles et pourquoi ?
Quelle est le message qu’elles cherchent à vous faire passer ?
Exercice de lâcher-prise
Nous aspirons à performer de manière automatique et instinctive, tels les
animaux que nous sommes. Bien entendu, cela ne s’applique qu’aux
processus déjà automatisés. Pour entraîner votre capacité à performer dans
le mode instinctif, il est bénéfique de s’entraîner en musique si votre
discipline sportive le permet. Vous pouvez même utiliser un casque pour
une immersion plus profonde.
Pratiquez votre sport sans y penser et laissez-vous emporter par la musique.
Sans objectif précis, seulement avec l’intention de vous laisser aller et de
prendre du plaisir. Il se pourrait même que vous commenciez naturellement
à synchroniser certains de vos mouvements sur le rythme de la musique.
Prenons l’exemple d’un golfeur sachant réaliser un putt. Souvent, le
problème réside dans une tendance à suranalyser ou à hésiter durant cette
phase de jeu. Mettez un casque et appuyez sur lecture. Laissez votre
'algorithme' interne exécuter le coup, automatiquement, comme vous en
avez l’habitude. Lâchez prise. C’est exactement la même chose avec le
tennisman renvoyant les balles envoyées par son partenaire ou le basketteur
dribblant avec son casque sur la tête.
Exercice de pensée
Prenez un moment pour réfléchir aux personnes que vous respectez. Qui
sont ces individus dignes de confiance que vous connaissez, et surtout, que
partagent-ils ? Avant de poursuivre votre lecture, accordez-vous un temps
pour répondre à ces questions.
Les personnes en qui vous avez confiance sont probablement celles qui sont
honnêtes avec elles-mêmes. Elles sont fiables parce qu’elles agissent selon
leurs paroles. Elles vivent en accord avec leurs valeurs. C’est comme si
elles avaient établi leurs propres lois (leurs valeurs) et qu’il leur était
impossible de s’en écarter. Elles ont une direction claire et comprennent
leurs motivations. Mais surtout, elles restent fidèles aux lois (les valeurs)
qu’elles se sont imposées. En connaissant les valeurs (considérées comme
des lois) de ces personnes, vous pouvez presque toujours anticiper leur
comportement ou leurs réflexions, car elles sont cohérentes et authentiques
dans leurs actions. Vos valeurs sont les comportements ou les manières
d’agir que vous estimez, indépendamment des objectifs que vous vous
fixez.
Peut-être ne l’aviez-vous jamais remarqué, mais il est fort probable que
votre confiance se dirige vers les personnes qui sont intègres et qui
respectent leurs valeurs. À partir de cette observation, savez-vous comment
développer votre propre estime et votre confiance en vous ? Une première
étape serait de faire exactement la même chose. En devenant une personne
qui élève ses valeurs au rang de principes inébranlables, de lois, vous
renforcerez l’estime et la confiance que vous avez en vous-même. Pour ce
faire, il vous faudra d’abord identifier clairement quelles sont vos valeurs.
Si vous ne l’avez pas encore fait dans le cadre de la lecture de cet ouvrage,
un second exercice vous sera proposé dans les pages à venir.
En tant que sportif, la discipline pourrait être l’une de vos valeurs.
Cependant, si vous manquez des entraînements, si vous ne suivez pas votre
programme d’entraînement ou si vous ne fournissez pas suffisamment
d’efforts, alors vous ne respectez pas cette valeur. La confiance étant la
capacité à croire en ce que vous affirmez, votre intégrité, elle se trouve
ébranlée chaque fois que vous ne vivez pas selon vos valeurs. Voilà
pourquoi vos valeurs doivent être le phare qui guide vos actions. En
adoptant cette ligne de conduite, vous établirez une estime de vous-même et
une confiance en vous solides.
Si l’honnêteté fait partie de vos valeurs, mais que vous mentez pour éviter
de déplaire ou pour ne pas dire une vérité difficile, vous ne respectez pas
cette valeur. Si le courage figure parmi vos valeurs, mais que vous fuyez
vos émotions inconfortables, là encore, vous manquez à vos principes.
Chaque fois que vos actes ne sont pas en accord avec vos valeurs, vous
sapez votre confiance et votre estime de vous. À l’inverse, dès lors que vos
actions sont alignées avec vos valeurs, vous construisez votre confiance et
votre estime de vous. Pour clarifier : agir en cohérence avec ses valeurs
influe principalement sur l’estime de soi. Cependant, indirectement, ce
travail sur l’estime de soi contribue également à renforcer la confiance en
soi.
Si vous deviez choisir entre gagner en trahissant vos valeurs ou perdre en
les respectant, que choisiriez-vous ? En choisissant d’agir en contradiction
avec vos valeurs, vous risqueriez de perdre peu à peu en estime de vous.
Tout commence à se dégrader à partir de ce moment. C’est pourquoi rester
fidèle à ses valeurs est bien plus important que le résultat lui-même. Gagner
ou perdre devient anecdotique face à la question du respect de ses propres
valeurs.
Le respect de ses valeurs personnelles (considérées comme des lois)
renforce l’estime de soi. Pour illustrer cela, nous pouvons établir un
parallèle avec les systèmes juridiques des pays. Prenons le système français
par exemple. La confiance que vous avez dans ce système dépend de son
degré de respect pour ses propres lois (ses valeurs). Est-ce qu’un voleur sera
puni conformément à la loi ? Si la réponse est affirmative, alors votre
confiance dans le système sera renforcée. Si, en revanche, le système
condamne des innocents ou laisse des coupables impunis, vous allez
rapidement perdre confiance en lui. Si certaines dictatures ou sectes ont pu
s’établir de manière si inébranlable dans l’histoire, c’est parce que la
population accordait une grande confiance dans l’application stricte de leurs
lois. Les lois n’étaient peut-être pas justes, mais elles étaient respectées, et
c’est ce respect qui crée le sentiment de confiance.
Adoptez la même démarche envers vous-même. Pour construire une estime
de vous solide, définissez vos propres règles, vos valeurs, et respectez-les
en toute circonstance. Si vous ne l’avez pas encore fait, la première étape
est d’établir clairement vos valeurs. Mais cette première étape est
insuffisante. La seconde, et de loin la plus importante, est de vivre en
harmonie avec ces valeurs. Élevez vos valeurs au rang de lois
incontournables et agissez en cohérence avec elles. Posséder des valeurs est
une chose ; les honorer en est une autre, bien plus significative.
Vous avez peut-être compris, en lisant ces lignes, les avantages indéniables
sur l’estime de soi. L’estime de soi a certes une influence notable sur la
confiance en soi. Cependant, en matière de performance sportive, il s’agit
davantage de confiance en soi liée à votre activité sportive que d’estime de
soi.
Méditation et discipline
Une des raisons pour lesquelles certains individus peuvent souffrir d’un
manque d’estime est qu’ils se perçoivent comme trop faibles. Ils sont
conscients qu’ils ne devraient pas manger cette glace et qu’ils devraient
plutôt être en train de s’entraîner. Ils savent qu’ils devraient appeler un
parent pour annoncer une nouvelle importante, mais ils évitent d’avoir cette
conversation difficile. La méditation de pleine conscience peut les aider à
devenir moins faibles, à faire preuve de davantage de courage et à s’orienter
vers ce qu’ils souhaitent réellement.
Dans son ouvrage Le bug humain, Sébastien Bohler explique que la
méditation permet de réduire la dévalorisation temporelle. Nous avons
tendance à minimiser les avantages à long terme et à surévaluer les
bénéfices immédiats. C’est pourquoi il est beaucoup plus facile de s’affaler
sur le canapé que de mettre ses chaussures pour aller s’entraîner. Aller
s’entraîner procure du plaisir, tout comme s’affaler dans le canapé, mais
dans le premier cas, le plaisir est différé. Il faut être capable de faire l’effort
de s’entrainer. La dévalorisation temporelle nous pousse à choisir la
gratification instantanée (le canapé) plutôt que la gratification différée
(l’entraînement), et ce, même si nous savons que la gratification différée
apportera une satisfaction plus profonde.
Heureusement, la pratique régulière de la méditation de pleine conscience
aide à réduire cette tendance. Elle permet d’accroître la discipline
individuelle, rendant ainsi moins ardues les tâches jugées utiles mais
difficiles. Cela nous offre la possibilité de choisir des actions qui nous
dirigent vers un futur désiré, plutôt qu’un présent désaligné de nos valeurs.
C’est ainsi que nous apprenons à renoncer à des plaisirs éphémères pour
poursuivre un bonheur plus authentique.
Ne prêtez pas l’oreille au paresseux dans votre tête. Écoutez plutôt le sage
dans votre cœur. Le paresseux vous conduira à une vie de plaisirs
superficiels, dépourvue de bonheur. Le sage, en revanche, vous orientera
vers une existence peut-être moins riche en plaisirs immédiats et plus
exigeante en termes de courage, mais infiniment plus comblée en bonheur
et en sens. La méditation de pleine conscience nous permet de prendre
conscience des arguments du paresseux et du sage. Une fois que vous avez
entendu chacun d’eux, il ne vous reste plus qu’à choisir celui que vous
souhaitez suivre. Il n’y a pas de meilleur choix qu’un autre. L’essentiel est
de porter un niveau de conscience supérieur sur nos comportements afin de
transformer une réaction autrefois automatique en une décision réfléchie.
Apprendre à faire face à la peur du regard
des autres
Relisez bien le titre. Nous ne voulons pas faire face au regard des autres.
Nous voulons faire face à la peur du regard des autres. Il est très courant
que les sportifs se comparent aux autres et/ou anticipent le jugement des
autres vis-à-vis d’eux, notamment de leur performance. Cette anticipation
du jugement d’autrui est, la plupart du temps, négative. Ces mécanismes
peuvent détruire l’estime de soi des sportifs ; c’est pourquoi nous allons
apprendre à nous en détacher.
Grâce à votre pratique de la méditation de pleine conscience, vous
remarquerez que vous parvenez à prendre plus de recul par rapport à vos
pensées et à les observer. Comme l’un des sportifs avec qui je travaille me
l’a dit, la méditation de pleine conscience lui a permis de développer un «
poste d’observation » de ses pensées. Ainsi, la méditation vous permet de
reconnaître lorsque vos pensées sont tournées vers l’anticipation du regard
des autres sur vous.
Une fois que vous remarquez que vous êtes en train d’anticiper le jugement
d’autrui (souvent de manière négative), demandez-vous d’où cela vient-il.
Si cette anticipation vient de vous-même, il est probable que l’autre
personne ne vous juge pas réellement. Dans ce cas, vous pouvez rester
serein en réalisant que cette peur n’est qu’une création de votre esprit. Et
c’est le cas 90 % du temps.
Parfois, l’anticipation du regard de l’autre est plus rationnelle et basée sur
des faits réels. Peut-être anticipez-vous le regard de votre entraîneur ou de
votre père sur votre performance parce qu’ils vous ont déjà fait des
remarques à ce sujet. Si c’est le cas, demandez-vous si vous donnez de la
valeur à leur opinion. Certes, il semblerait logique de considérer l’avis
d’une personne experte comme votre entraîneur. Mais connait-il vraiment
tous les facteurs influençant votre performance aussi bien que vous ? Est-il
au courant de votre récente rupture amoureuse, du manque de sommeil de la
nuit précédente ou de la qualité de votre dernier repas ? Probablement pas.
La personne la mieux placée pour juger votre niveau d’effort et la
performance en fonction de vos moyens à un moment donné, c’est vous-
même. L’opinion de votre entraîneur ou de quelqu’un d’autre peut être
précieuse, mais elle n’aura jamais autant de valeur que la vôtre. La plupart
des entraîneurs sont exigeants et perfectionnistes, ce qui explique pourquoi
ils trouveront souvent quelque chose à redire sur votre performance, même
dans les meilleures circonstances. Sachant cela, valorisez-vous réellement
l’opinion de votre entraîneur ?
L’absence de doutes
La confiance en soi peut être définie par son inverse : le doute. En d’autres
termes, avoir confiance en soi, c’est ne pas douter de soi. Comme nous
l’avons vu précédemment, la méditation de pleine conscience permet de
développer un processus de gestion des pensées : attention portée sur un
objet pertinent à la performance, lucidité envers les pensées et autres
distracteurs, acceptation, puis reconcentration sur l’objet attentionnel. C’est
en suivant ce processus que les sportifs parviendront à gérer l’apparition de
pensées amenant le doute. Ces pensées commencent presque toujours par «
Et si… ? » ou « Est-ce que… ? ». En sachant cela, il vous sera plus facile de
faire preuve de lucidité envers les pensées induisant du doute. Comme pour
toutes les autres pensées, une fois que vous aurez remarqué leur apparition,
il faudra les accepter avant de vous reconcentrer sur votre objet
attentionnel. Le processus de gestion des pensées enseigné par la méditation
de pleine conscience est un réel atout pour gérer le doute et donc
développer le sentiment de confiance.
Encore une fois, le but ne sera jamais d’éviter ou de supprimer les pensées
induisant du doute. Nous voulons être capables de gérer ces pensées
exactement de la même manière que toutes les autres, en suivant les étapes
de lucidité, d’acceptation et de reconcentration.
Instant présent
Interviewer : Comment faites-vous pour rester dans la zone ?
« Il y a des moments où l’on sort de la zone, moi y compris. Quand cela
arrive, j’en prends conscience et je ramène mon esprit à l’ordre. Parfois, on
ressent beaucoup d’émotions, mais il est crucial de trouver cet équilibre
parce que la prochaine action est imminente. Donc, la chose la plus
importante est vraiment de rester dans l’instant présent. C’est ça, la zone. »
Kobe Bryant avait très bien compris qu’atteindre le flow consiste
simplement à rester dans l’instant présent. Dans le jeu, une multitude de
pensées traversent l’esprit de chaque joueur :
- Est-ce que ma famille est présente quelque part dans les
tribunes ?
- Qu’est-ce que mon entraîneur pense de mes deux pertes de
balle ? Va-t-il me remplacer ?
- Comment puis-je surpasser mon défenseur ?
- Il faut à tout prix que nous gagnions le match.
- Je dois marquer lors de la prochaine action.
- Mon coéquipier joue de manière trop individualiste.
- …
Ces pensées sont tout à fait normales et ne doivent pas être supprimées. Les
émotions liées à ces pensées ne doivent pas non plus être écartées ou
combattues. Pourtant, ces pensées et émotions peuvent nous distraire du jeu
lui-même. Toutes ces pensées, même si elles sont liées au basketball, ne
concernent pas directement l’acte de jouer. Elles traitent de tout ce qui
entoure le jeu et sont, pour la plupart, le fruit de l’égo.
Ces pensées doivent être identifiées, puis acceptées pour ensuite pouvoir se
reconcentrer uniquement sur le jeu de basketball. Sans ce processus, le
joueur resterait bloqué dans ses pensées, les ressassant à chaque temps
mort, voire pendant le jeu lui-même. L’état de flow, ou la zone, se trouve
précisément dans l’instant présent, là où les pensées s’évanouissent au
profit de l’action pure. Inévitablement, des pensées et des émotions
surgiront, nous écartant de cet état de flow. Il sera alors nécessaire de les
identifier, de les laisser passer et de se recentrer sur le jeu afin de passer le
plus de temps possible dans cet état de flow. Le flow, c’est l’instant présent,
cet interstice entre l’apparition de deux pensées. Kobe avait clairement saisi
le processus de lucidité, d’acceptation et de reconcentration.
« Je médite tous les jours, le matin, entre 10 et 15 minutes. Je pense que
c’est essentiel, car cela me prépare pour le reste de la journée. Ça me sert
d’ancre. Si je ne médite pas, j’ai l’impression de courir après ma journée
au lieu de la contrôler et de la diriger. La méditation matinale me
conditionne et me rend prêt à affronter tout ce qui peut survenir. »
Kobe Bryant avait compris l’importance de la pratique quotidienne de la
méditation de pleine conscience et l’intérêt d’en faire une routine. Il
méditait chaque matin. La pratique régulière de la méditation de pleine
conscience est l’un des facteurs les plus importants pour quiconque aspire à
devenir un sportif pleinement conscient et attentif.
« Ce que vous devez saisir, c’est que la pression, nous nous l’imposons
nous-mêmes. Elle est le produit de notre imagination. Vous devez
comprendre que la pression n’existe pas réellement. Nous la créons. Que
quelqu’un nous regarde ou non, que nous réussissions notre tir ou non, la
vie continue. Nous nous lèverons le lendemain, nous continuerons à nous
entraîner, à apprendre, à persévérer. La vie ne s’arrête pas que l’on
réussisse ou que l’on échoue. Alors, pourquoi s’en préoccuper outre
mesure ? »
Il avait parfaitement compris la dimension perceptive du stress. Le stress est
souvent une question de perception. Nous anticipons le futur et les pensées
des autres. Même sous le regard d’autrui, nous ignorons réellement ce qu’ils
pensent. C’est habituellement nous-mêmes qui supposons à leur place. Les
autres agissent comme des miroirs qui reflètent nos propres pensées.
Lorsque vous imaginez ce que les autres pensent de vous, c’est en réalité le
reflet de vos propres pensées sur vous-même. Pour échapper à ce piège, il
est crucial de focaliser son attention sur l’instant présent plutôt que
d’anticiper les pensées que les autres pourraient avoir à notre égard.
Reverse effort
Après une contre-performance personnelle malgré une victoire
d’équipe :
« Ce soir, vous savez, je le voulais tellement. Parfois, on désire tellement
quelque chose que cela nous échappe. Je ne peux pas en dire autant de
l’Espagnol (son coéquipier, Pau Gasol). Ce gars est incroyable, un joueur
d’exception. Sans lui, nous n’aurions pas gagné. »
Kobe Bryant avait compris ce qu’est la loi du reverse effort. Lorsque nous
aspirons avec trop d’ardeur à atteindre un objectif, nous réagissons
émotionnellement dès que nous nous en éloignons, ne serait-ce qu’un peu.
C’est cette réaction qui peut nous empêcher de performer à notre meilleur
niveau.
« Avant tout, quand tu tentes de bloquer quelque chose qui survient (comme
une pensée ou une émotion…), tu ne fais que lui accorder plus d’attention.
Ne te répète pas de ne pas penser à ceci ou cela, car tu y penseras quand
même. Alors, ce que j’essaie de faire, c’est d’accueillir ce qui arrive. C’est
comme un nuage qui traverse le ciel nocturne. Tu le vois venir vers toi, et
puis il s’en va. Donc, quand je suis distrait, que ce soit par les médias ou
quoi que ce soit d’autre, je le reconnais et je le laisse filer. D’accord ? C’est
un cycle constant d’événements. Au lieu d’être rigide, accueille et laisse
passer. Prends-le, laisse-le te traverser et s’éloigner. »
Il illustre ici un cas typique de la loi du reverse effort. Lutter contre nos
pensées ou nos émotions ne fait que les intensifier. La seule solution est de
les accepter pour qu’elles puissent s’écouler librement, nous libérant ainsi
de leur emprise.
« Les émotions vont et viennent. L’essentiel est de les accepter toutes, de les
accueillir. Ensuite, tu peux choisir ce que tu veux en faire. J’ai souvent vu
des joueurs, y compris moi-même quand j’étais plus jeune, être consumés
par la peur. Je pensais qu’il n’était pas bon de ressentir de la peur ou de
l’anxiété, mais en réalité, cela ne fait qu’intensifier cette peur. Au contraire,
il vaut mieux prendre du recul et se rendre compte que j’éprouve de la peur
ou de l’anxiété face à la situation. De quoi ai-je peur, exactement ? Adopter
cette attitude permet de décompresser et de considérer tes émotions pour ce
qu’elles sont réellement : des manifestations autonomes de ton
imagination. »
La pratique méditative de Kobe est ce qui lui a permis d’acquérir la clarté et
le recul dont il parle. Une fois de plus, « j’ai peur » est très différent de « je
remarque que j’ai peur ». Il s’agit d’embrasser ses émotions après avoir fait
preuve de lucidité. C’est le degré d’acceptation le plus élevé, celui que nous
cherchons à cultiver avec les exercices présentés dans le chapitre sur la
gestion du stress.
Rapport à l’échec
« Je déteste quand je shoote et que je sens bien le tir, mais finalement, il ne
rentre pas. Tu dois juste régler ça. Oublier ça, tout le monde se dirige vers
l’action suivante. Je ne m’attarde pas du tout sur les tirs manqués. Je ne
pense pas à ce genre de choses. Je suis très très optimiste. Si j’en rate 5
d’affilée, cela signifie que le 6ème rentrera. Si j’en rate 6 d’affilée, c’est
définitivement que le 7ème rentrera. Si je rate le 7ème, le 8ème rentrera. »
Kobe a développé un état d’esprit tourné vers la croissance. Il ne considère
pas l’échec comme un problème, mais plutôt comme une opportunité
d’apprendre. Tant de sportifs restent bloqués en ressassant leurs échecs. Le
soir après une compétition, ils revoient le film de toutes les actions
manquées durant l’événement et se le repassent en boucle.
Il est probable qu’on vous ait menti durant des années en vous enseignant
que l’échec était l’opposé du succès. C’est dommage, car avec le bon état
d’esprit, l’échec est loin de s’opposer à la réussite. Au contraire, l’échec
devient ce qui fait la réussite. Certes, personne n’aime échouer. Mais si les
meilleurs sont devenus les meilleurs, ce n’est pas parce qu’ils n’ont jamais
échoué, c’est justement parce qu’ils ont échoué plus que les autres. Kobe
Bryant est le joueur qui a raté le plus de tirs dans l’histoire de la NBA. Cela
ne l’a pas empêché de remporter 5 titres NBA, de devenir l’un des meilleurs
joueurs de ce sport et de marquer l’histoire. L’échec n’est rien de facile,
mais il ne représente pas la fin du chemin. Ce n’est qu’une étape de plus
franchie vers votre accomplissement personnel. L’échec est même ce qui
construit votre socle. Celui qui s’est construit sur des échecs saura toujours
rebondir. À l’inverse, celui qui a toujours tout réussi se construit sur des
bases fragiles.
Interviewer : Comment ressens-tu l’échec ?
« C’est excitant, parce que cela signifie qu’il y a différentes façons de
devenir meilleur. Tu prends conscience de certaines de tes faiblesses, donc
c’est excitant. C’est sûr que ça fait chier de perdre, mais en même temps,
c’est là que se trouvent les réponses, si tu prends le temps de regarder. Les
réponses sont là aussi quand tu gagnes, il faut juste les chercher. C’est un
processus constant. C’est excitant que tu perdes ou que tu gagnes, parce
que le processus est exactement le même. Que tu perdes ou que tu gagnes,
tu analyses ce que tu aurais pu faire de mieux. Tu remarques ce qui a
fonctionné, comment, pourquoi et comment tu peux faire en sorte que ça
marche à nouveau. Mais le plus dur, c’est d’affronter tout cela. »
L’échec n’est pas une fin en soi, mais seulement une étape vers le succès,
une manière de progresser. Kobe l’avait bien compris.
« Tu grandis et tu marques des tirs décisifs. C’est incroyable. Le lendemain,
tu reviens et tu rates des tirs décisifs. C’est horrible. Le jour suivant, il y a à
nouveau un match et tu comprends que la vie a une nature cyclique. Ce que
tu as fait lundi était magnifique, mais ce que tu fais mercredi est décevant.
Mais devine quoi ? Vendredi arrive. Alors, nos vies devraient-elles être
comme des montagnes russes tout le temps ? Ou alors, devrions-nous
comprendre que c’est un voyage, une quête quotidienne de progression et
de curiosité ? Les résultats ne comptent pas vraiment. Ce qui importe, c’est
de découvrir de nouvelles choses. »
Le succès est toujours cyclique. Il est impossible de rester au sommet
pendant toute une carrière. Il y aura toujours des hauts et des bas, c’est la
norme. Le résultat ou le succès n’est pas un indicateur pertinent pour
évaluer sa performance. Au contraire, c’est le voyage qu’il faudrait
chercher à apprécier. Autrement dit, s’autoévaluer sur notre attitude, notre
concentration, ainsi que nos efforts, à l’entraînement et en compétition,
plutôt que sur notre niveau de succès actuel. Ce qui compte, ce n’est pas la
destination mais le chemin, c’est là-dessus que nous devons concentrer
notre attention. Je crois que si la phrase précédente sonne si cliché, c’est
parce qu’elle est profondément vraie.
« La compétition te donne une chance de te mesurer constamment et de
jouer contre différents adversaires. C’est stimulant. Peut-être que je ne
serai pas assez bon aujourd’hui, et c’est OK. Mais je serai meilleur la
prochaine fois que je t’affronterai. C’est l’opportunité de toujours nous
évaluer nous-mêmes. »
La compétition est intrinsèquement une manière de se mesurer aux autres.
Ce qui est formidable dans la compétition, c’est que chacun donne le
meilleur de lui-même. Elle est donc un bon indicateur du niveau de jeu, des
progrès effectués et des efforts qu’il reste à fournir.
Le problème que rencontrent la plupart des sportifs, c’est qu’ils considèrent
la compétition (sans forcément en être conscients) comme un classement
entre individus. Ils en viennent à confondre la valeur d’une personne avec
son niveau dans sa pratique sportive. Pourtant, la compétition n’est que le
reflet du niveau d’une personne comparé à d’autres dans une discipline et à
un moment donné.