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David Renard
Centre de Mathématiques
Laurent Schwartz
École Polytechnique
7 août 2020
2
Table des matières
i
III.5 Idéal annulateur. Torsion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
III.6 Familles génératrices, familles libres, bases . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
III.6.1 Modules libres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
III.6.2 Propriété universelle des modules libres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
III.6.3 Modules projectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
III.6.4 Modules cycliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
III.7 Produits tensoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
III.7.1 Produits tensoriels sur un anneau commutatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
III.7.2 Restriction/Extension des scalaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
III.7.3 Produits tensoriels sur un anneau non commutatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
IV Interlude culturel 65
Bibliographie 119
ii
Introduction
1
restriction.
La deuxième partie du cours est consacrée à la théorie des modules sur un anneau. Pour ne pas se
perdre dans trop de généralités, on se fixe ici comme objectif les théorèmes de structure des modules de
type fini sur les anneaux principaux, et les applications frappantes que l’on en tire immédiatement (clas-
sification des groupes abéliens finis, réduction des endomorphisme d’un espace vectoriel de dimension
finie). Plutôt que de suivre la voie habituelle passant par l’étude des matrices équivalentes à coefficient
dans l’anneau (voir [3]), on adopte une approche basée la décomposition d’un module par le théorème de
Krull-Schmidt. Ce résultat décrit un module, seulement soumis à des hypothèses assez faibles de finitude,
comme somme directe de modules de base, dits indécomposables. En général, on ne dispose pas d’une
bonne description des modules indécomposables, ce qui limite la portée du théorème, mais pour les mo-
dules de type fini sur un anneau principal, on obtient quelque chose de très explicite. Conceptuellement,
ceci permet d’établir un lien avec la première partie, que l’on approfondit en introduisant aussi les notions
de module simple et semi-simple, et le théorème de Jordan-Hölder sur les suites de composition. Dans
un petit chapitre sur les algèbres semi-simples, on applique ces outils à la théorie des représentations des
groupes finis via l’algèbre du groupe, ce qui permet de retrouver certains résultats de la première partie
comme sous-produit de la théorie générale des modules. En chemin, on développe une partie significative
de cette théorie générale (noethérianité, modules libres, projectifs, produits tensoriels, etc) qui fait partie
de la culture de base en mathématique.
Il nous semble aussi que ce cours est le lieu propice à l’introduction du vocabulaire et de certains
concepts de la théorie des catégories, de manière informelle. Par exemple, nous montrons que l’iso-
morphisme de réciprocité de Frobenius (qui comme nous l’avons mentionné ci-dessus est un énoncé
d’adjonction de foncteurs) est naturel . Dans le même esprit, les sommes directes, produits directs et
produits tensoriels sont présentés comme solutions de problèmes universels.
Ce texte fait de larges emprunts à quelques sources qu’il convient de mentionner. L’exposé de la
théorie des représentations des groupes finis via la transformation de Fourier est inspirée de [2]. La partie
sur les anneaux et modules est reprise en grande partie du cours donnée les années précédentes par Anna
Cadoret, qui elle-même cite comme source un cours de Pierre Baumann [1] à l’Université de Strasbourg,
auquel j’ai aussi fait quelques emprunts directs.
2
Chapitre I
leçon : lorsque vous avez affaire à une entité S munie d’une certaine struc-
ture, essayez de déterminer son groupe d’automorphismes, le groupe des
transformations de ses éléments qui préservent les relations structurales.
Vous pouvez espérer gagner une profonde compréhension de la constitution
de S de cette manière. Hermann Weyl 1 .
La loi de composition est associative, c’est-à-dire que quels que soient φ1 , φ2 et φ3 dans Aut(X),
(I.1.2) µ(µ(φ1 , φ2 ), φ3 ) = µ(φ1 , µ(φ2 , φ3 )),
ou plus simplement (φ1 ◦ φ2 ) ◦ φ3 = φ1 ◦ (φ2 ◦ φ3 ).
D’autre part, cette loi admet un élément neutre, l’identité de X, notée IdX :
(I.1.3) (∀φ ∈ Aut(X)), IdX ◦ φ = φ ◦ IdX = φ.
Enfin, tout élément φ de Aut(X) admet un inverse, c’est-à-dire un élément de Aut(X), noté φ−1 ,
vérifiant
(I.1.4) φ ◦ φ−1 = φ−1 ◦ φ = IdX .
Le lecteur instruit reconnaı̂t là le fait que Aut(X) est muni d’une structure de groupe. Pour les autres,
nous rappelons la définition d’un groupe ci-dessous, qui consiste à prendre comme axiomes ces propriétés
de Aut(X), de µ et de IdX .
1. Traduit librement d’une traduction de l’allemand en anglais... j’espère que le sens général se sera conservé.
3
Remarquons que nous disposons aussi d’une application canonique
L’application a vérifie les propriétés suivantes : quels que soient φ1 , φ2 dans Aut(X) et x dans X,
et de plus
(I.1.7) a(IdX , x) = x.
Autrement dit l’application a définit une action du groupe Aut(X) sur X. Donnons maintenant les
définitions générales.
Remarque I.1.2. On déduit facilement de ces axiomes l’unicité de l’élément neutre et de l’inverse d’un
élément donné.
Définition I.1.3. Soit G un groupe, et X un ensemble. Une action (à gauche) de G sur X est la donnée
d’une application
(I.1.9) a : G × X → X, (g, x) 7→ g · x
vérifiant :
(I.1.10) (∀g, h ∈ G), (∀x ∈ X), a(µ(g, h), x) = a(g, a(h, x)).
Remarque I.1.4. On peut exprimer les propriétés des applications µ et a ci-dessus sans faire référence
aux éléments de G et de X, et sans utiliser de quantificateurs universels, simplement par des diagrammes
commutatifs :
G×G×G
µ×IdG
/ G×G
IdG ×µ µ
G×G /G
µ
4
exprime l’associativité de la loi µ, et :
G×G×X
µ×IdX
/ G×X
IdG ×a a
G×X /X
a
est une traduction du fait que a est une action. Nous laissons en exercice au lecteur le soin de traduire
en terme de diagrammes commutatifs les propriétés de l’élément neutre.
Définition I.1.5. Un sous-ensemble H d’un groupe G est un sous-groupe s’il contient l’élément neutre
e et est stable par produits et passage aux inverses.
On peut penser aux G-ensembles X, Y , comme à des ensembles munis de symétries , et aux
G-morphismes comme à des applications préservant ces symétries. Si f est un G-morphisme entre les
G-ensembles X et Y , on dit aussi que f est G-équivariant.
Un morphisme de groupes est une application d’un groupe vers un autre qui préserve la structure de
groupe :
Dans ce cas, l’ensemble des g ∈ G tels que f (g) = eH est appelé noyau du morphisme f . C’est un
sous-groupe de G. On le note ker f . L’image du morphisme f est un sous-groupe de H que l’on note
Im f .
Remarque I.1.8. La donnée d’une action a d’un groupe G sur un ensemble X est équivalente à la
donnée d’un morphisme de groupes
A : G → Aut(X).
On passe de a à A et réciproquement par
5
cette nouvelle structure est un sous-groupe Aut2 (X) de Aut1 (X). Ces considérations un peu abstraites
seront illustrées par des exemples dans la section suivante.
Une autre manière d’obtenir des exemples de groupes à partir d’une action d’un groupe G sur un
ensemble X est de considérer, pour toute partie Y de X
x∼y si G·x=G·y
est une relation d’équivalence sur X. Les orbites de l’action de G forment donc une partition de l’ensemble
X.
On note G\X l’ensemble des orbites de l’action de G sur X. On appelle système de représentants des
orbites de G dans X un ensemble {xi } d’éléments de X tel que
{xi } → G\X, xi 7→ G · xi
Exemple I.1.12. Soit G soit un groupe. Le groupe Aut(G) est l’ensemble des automorphismes de
groupes de G dans lui-même. Le groupe G agit sur lui-même par
a : G × G → G, (g, h) 7→ ghg −1 .
On parle de l’action de G sur lui-même par conjugaison, ou d’action adjointe. Le morphisme de groupes
G → Aut(G) associé à a par la remarque I.1.8 est noté Ad :
Les orbites de G dans lui-même pour cette action s’appellent classes de conjugaison. Un groupe est
abélien si et seulement si ses classes de conjugaison sont des singletons.
Exemple I.1.13. Soit G un groupe et soit X l’ensemble de ses sous-groupes. Alors G agit sur X par
conjugaison : si H est un sous-groupe de G,
g · H = {ghg −1 | h ∈ H}.
Si FixG ({H}) = G, ou de manière équivalente, si l’orbite de H sous G est réduite à {H}, alors on dit
que le sous-groupe H est distingué, dans G.
6
Exemple I.1.14. Le groupe G agit sur lui-même par translation à gauche
l : G × G → G, (g, h) 7→ gh.
Cette action ne préserve pas la structure de groupe de G. Notons Bij(G), pour le distinguer de Aut(G),
le groupe des bijections de l’ensemble G dans lui même. Le morphisme de groupes G → Bij(G) associé
à l par la remarque I.1.8 est noté L. On a L(g)(h) = gh.
On a aussi une action de G sur lui-même par translation à droite
r : G × G → G, (g, h) 7→ hg −1 .
Le morphisme associé est noté R. Remarquons le passage à l’inverse qui permet de replacer les éléments
de G dans le bon ordre :
Exemple I.1.15. Soit H un sous-groupe de G. Alors H agit sur G par translation à gauche, par
restriction de l’action de l’exemple précédent. Les orbites s’appellent les classes à droite. On note Hg
l’orbite de g ∈ G et H\G l’ensemble des classes à droite.
Bien sûr, H agit aussi sur G par translation à droite, les orbites s’appellent les classes à gauche, on
note gH l’orbite de g ∈ G et G/H l’ensemble des classes à gauche.
Proposition I.1.16. Soit G un groupe agissant sur un ensemble X. Alors, pour tout x ∈ X, si l’on
note Gx = FixG ({x}), l’application
G/Gx → G · x, gGx 7→ g · x
est bijective.
Démonstration. Cette application est bien définie, car si h ∈ Gx , (gh) · x = g · x. Elle est surjective par
définition de l’orbite, et injective par définition de Gx .
Corollaire I.1.17 (Formule des classes). Soit G un groupe fini agissant sur un ensemble X fini et soit
{xi } un système de représentants des orbites de G dans X. Alors
X X |G|
|X| = |O| =
i
|Gxi |
O∈G\X
Remarque I.1.18. Soit G un groupe agissant sur un ensemble X, l’action étant libre et transitive.
Alors il découle facilement des définitions que tout choix d’un point de base x ∈ X donne une bijection
X ' G. On dit alors que X est un espace homogène principal sur G. Par exemple, si G est un espace
vectoriel sur un corps k, un espace homogène principal sur G est un espace affine.
L’action d’un groupe G sur un ensemble X muni d’une certaine structure, est un moyen puissant
d’obtenir des informations sur la structure du groupe G, ou sur celle de l’espace X, selon la nature du
problème considéré.
7
Exemple I.2.2. Soit V un espace vectoriel sur un corps k. L’ensemble des applications linéaires bijectives
de V dans lui-même est souvent noté GL(V ) plutôt que Aut(V ). On appelle ce groupe le groupe général
linéaire.
Une action d’un groupe G dans un espace vectoriel V qui préserve la structure d’espace vectoriel (on
parle aussi d’action linéaire) est donc équivalent à la donnée d’un morphisme de groupes :
A : G → GL(V ).
De telles actions apparaissent dans de nombreux contextes en mathématiques (leur étude est l’objet de
ce cours), et l’importance de ce concept justifie une terminologie spécifique. On dit que l’espace vectoriel
V , muni d’une action linéaire d’un groupe G, est une représentation du groupe G. Lorsque V = k n , on
utilise la notation GLn (k) pour GL(V ).
Exemple I.2.3. Soit G un groupe agissant sur un ensemble X, et soit F(X) l’espace vectoriel des
fonctions sur X à valeurs complexes. Alors F(X) est lui aussi muni d’une action linéaire de G, donnée
par
(g · f )(x) = f (g −1 · x), (g ∈ G), (f ∈ F(X)), (x ∈ X).
Cette nouvelle action, d’une certaine manière, contient autant d’information que l’ancienne, mais
présente l’avantage de pouvoir être étudiée par les techniques d’algèbre linéaire. C’est pourquoi ce
cours s’attache plus particulièrement à l’étude des actions linéaires des groupes, c’est-à-dire, de leurs
représentations.
Exemple I.2.4. Soit V un espace vectoriel de dimension finie sur C, muni d’une structure hilbertienne,
c’est-à-dire d’un produit produit hermitien défini positif. Le sous-groupe de GL(V ) préservant ce produit
hermitien est noté U(V ) et est appelé groupe unitaire. Lorsque V = Cn , muni du produit hermitien
canonique, on le note U(n). Une action d’un groupe G dans V préservant la structure hilbertienne est
équivalente à la donnée d’un morphisme de groupes :
A : G → U(V ).
où x = (x1 , . . . xn ), y = (y1 , . . . , yn ) sont des vecteurs de Rn . Cette forme est non dégénérée, de signature
(p, q). Le sous-groupe de GLn (R) préservant la forme (. , .)p,q est noté O(p, q). Si l’on note Jpq la matrice
diagonale formée de 1 puis de −1 avec pour multiplicités respectives p et q, on a
Le groupe O(3, 1) joue un rôle important comme groupe de symétrie en électromagnétisme et en théorie
de la relativité. Il s’appelle le groupe de Lorentz.
Exemple I.2.6. Si V est un espace vectoriel de dimension finie sur le corps k, on note SL(V ) le
sous-groupe de GL(V ) des éléments de déterminant 1. Ce groupe s’appelle le groupe spécial linéaire.
Remarquons que
det : GL(V ) → k ∗
est un morphisme de groupes, et donc SL(V ) est son noyau. L’intersection d’un sous-groupe H de GL(V )
avec SL(V ) sera notée SH. En reprenant les exemples ci-dessus, on obtient SU(V ), SO(V ), SO(p, q)...
Exemple I.2.7. Considérons l’action naturelle de O(2) dans R2 , et soit Y ⊂ R2 un polygone régulier à
n cotés (n ≤ 3), centré en 0. Le sous-groupe de O(2) laissant invariant Y est le groupe diédral Dn . Son
ordre est 2n. Son intersection avec SO(2) est isomorphe à Z/nZ.
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Exemple I.2.8. Si k est un corps, et si K est une extension de k (c’est-à-dire un autre corps contenant
k), alors le groupe des automorphismes du corps K fixant tout élément de k est noté Autk (K). Lorsque
l’extension K/k possède certaines propriétés (plus explicitement, être séparable et normale) le groupe
Autk (K) s’appelle le groupe de Galois de l’extension K/k. On le note aussi Gal(K/k). Si P est un
polynôme à coefficients dans k, Autk (K) agit sur l’ensemble des racines de P dans K.
Exemple I.2.9. Si X est un espace métrique, ou plus généralement topologique, Aut(X) est l’ensemble
des homéomorphismes de X dans lui-même. Si a est une action d’un groupe G sur X, on demande
que les applications a(g, .) : X → X soient continues. Dans le cas où X est une variété différentiable,
Aut(X) est l’ensemble des difféomorphismes de X dans lui-même. Les actions sur X sont alors supposées
différentiables.
Définition I.3.1. Soit X une partie d’un groupe G. Le sous-groupe de G engendré par X est l’intersec-
tion de tous les sous-groupe de G contenant X. C’est donc le plus petit sous-groupe de G contenant X.
On le note hXi.
c’est-à-dire que les éléments de hXi sont les produits finis de puissances (pouvant être négatives))
d’éléments de X.
est la bijection de l’ensemble {1, 2, 3, 4, 5} envoyant 1 sur 4, 2 sur 2, 3 sur 5, 4 sur 1 et 5 sur 3.
Ceci permet d’effectuer facilement les calculs de produits, si l’on n’oublie pas que dans une composition
de fonctions f ◦ g, c’est la fonction g qui agit avant f :
1 2 3 4 5 1 2 3 4 5 1 2 3 4 5
=
3 4 2 5 1 4 2 5 1 3 5 4 1 3 2
Soit σ ∈ Sn et k ∈ {1, . . . , n}. On appelle par abus de langage orbite de k sous σ l’orbite de k sous
l’action du sous-groupe hσi de Sn (hσi est le sous-groupe engendré par σ).
Voyons maintenant certaines permutations particulières. Si i et j sont deux éléments différents de
{1, . . . , n}, on appelle transposition de i et de j la permutation de Sn (notée τij ) qui échange i et j et
laisse tous les autres éléments fixes.
9
On appelle cycle une permutation dont toutes les orbites sauf au plus une sont des singletons. On
appelle longueur du cycle le cardinal de cette orbite particulière, la longueur de l’identité étant 1. Ainsi
une transposition est un cycle de longueur 2.
On appelle permutation circulaire de Sn une permutation n’ayant qu’une seule orbite. Les permuta-
tions circulaires sont donc les cycles de longueur n.
On peut aussi noter les permutations selon leur décomposition en cycles, par exemple,
1 2 3 4 5 6 7 8 9
σ= ,
7 4 6 9 2 5 8 1 3
σ = (178)(249365) = (817)(365249) ∈ S9 ,
mais, en dehors de ces ambiguı̈tés évidentes, la décomposition en cycles est essentiellement déterminée.
On omet généralement les cycles de longueur 1 (les points fixes) d’une telle écriture :
σ = (178)(2)(4536)(9) = (178)(4536).
Remarquons que dans cette dernière écriture, il n’est plus apparent que σ soit un élément de S9 .
La décomposition de {1, . . . , n} en orbites sous σ est évidente dans une écriture en cycles de σ.
Théorème I.4.1. Les transpositions τi,i+1 , i = 1, . . . n − 1, engendrent Sn .
Démonstration. (Esquisse). Par récurrence sur n, on montre que Sn est engendré par les transpositions.
On montre ensuite qu’une transposition quelconque est produit de transpositions de la forme τi,i+1 .
Ecrivons une permutation σ comme produit de transpositions. Bien sûr, il n’y a pas unicité de cette
écriture, ni même unicité du nombre de transpositions intervenant dans cette écriture. En revanche, la
parité de ce nombre de transpositions est déterminée par σ, comme l’affirme le théorème suivant :
Théorème I.4.2. Soit σ ∈ Sn . Il y a égalité entre les nombres suivants :
(i) (−1)T où T est le nombre de transpositions dans une écriture de σ comme produit de transpositions.
(ii) (−1)D , D = n − m où m est le nombre d’orbites de σ dans {1, . . . , n}.
(iii) (−1)S où S est le cardinal de l’ensemble des couples (i, j) ∈ {1, . . . , n}2 tels que i < j et
σ(i) > σ(j).
(iv) i<j σ(i)−σ(j)
Q
i−j .
On appelle ce nombre la signature de σ et on le note sgn(σ). Si sgn(σ) = 1, on dit que σ est paire,
et impaire si sgn(σ) = −1
Démonstration. l’égalité entre (iii) et (iv) est évidente car tous les facteurs (i − j), au signe près,
apparaissent une et une seule fois au numérateur et au dénominateur. La valeur absolue de (iv) est donc
1, et son signe est donné par le nombre de couples (i, j) tels que i < j et σ(i) > σ(j).
Montrons l’égalité entre (i) et (ii), ce qui montre au passage que (i) est bien défini, c’est-à-dire ne
dépend pas de l’écriture de σ en un produit de transpositions. Notons (σ) la quantité définie en (ii).
On montre d’abord que si τ = τij est une transposition (στ ) = −(σ), en distinguant deux cas :
- si i et j sont dans la même orbite sous σ, alors les orbites sous στ sont les mêmes que celles sous σ,
sauf l’orbite contenant i et j qui se scinde en deux.
- si i et j ne sont pas sont dans la même orbite sous σ, alors les orbites sous στ sont les mêmes que
celles sous σ, sauf celles contenant i et j qui n’en forment plus qu’une.
On raisonne alors par récurrence sur le nombre de transpositions dans une écriture de σ comme
produit de celles-ci. Ceci montre au passage que la signature d’un cycle de longueur k est (−1)k−1 .
10
Montrons maintenant que (i) = (iv). On a, quels que soient σ, τ ∈ Sn ,
Y στ (i) − στ (j) Y στ (i) − στ (j) Y τ (i) − τ (j)
=
i<j
i−j i<j
τ (i) − τ (j) i<j
i−j
Y σ(i) − σ(j) Y τ (i) − τ (j)
=
i<j
i−j i<j
i−j
par un changement de variables dans le premier produit. Si l’on note 0 (σ) la quantité définie en (iv), on a
donc 0 (στ ) = 0 (σ)0 (τ ). On conclut alors encore par récurrence sur le nombre de transpositions dans une
écriture de σ comme produit de celles-ci, en remarquant que 0 (τ ) = −1 si τ est une transposition.
Corollaire I.4.3. L’application
Sn → {±1}, σ 7→ sgn(σ)
est un morphisme de groupes.
Le noyau du morphisme sgn, c’est-à-dire l’ensemble des permutations paires, est appelé le groupe
alterné, et noté An .
Exercice I.4.4. Montrer que le groupe alterné An est engendré par les 3-cycles. Montrer que si n ≥ 5,
tous les 3-cycles sont conjugués dans An .
Le but de l’exercice est maintenant de montrer que An , n ≥ 5, est simple, c’est-à-dire qu’il n’admet
pas de sous-groupe distingué autre que lui-même et le sous-groupe trivial.
Soit H un sous-groupe distingué de An , non trivial. La question précédente montre qu’il s’agit de
voir que H contient un 3-cycle. Soit σ ∈ H, σ 6= Id tel que le nombre de points fixes de σ soit maximal.
On distingue deux cas :
- σ contient un cycle de longueur au moins égale à 3. A conjugaison près, on peut supposer que
σ = (123...).... Si σ est un 3-cycle, c’est gagné, sinon, il existe i, j ∈
/ {1, 2, 3} tels que i et j ne soient pas
fixés par σ. En effet, la seule autre possibilité, σ de la forme (123j) est exclue car c’est une permutation
impaire. Posons τ = (1ij) et formons γ = τ στ −1 σ −1 . Montrer que γ est dans H, non trivial, et a plus
de points fixes que σ. Conclure.
- σ est un produit de transpositions disjointes. A conjugaison près, σ = (12)(34).... Posons τ = (345),
et γ = τ στ −1 σ −1 . Conclure comme dans le cas précédent.
Nous allons décrire les classes de conjugaison dans le groupe symétrique Sn . Rappelons qu’une
partition de l’entier n est une collection d’entiers ≥ 1 (avec répétitions) {n1 , . . . , nk } tel que
n = n1 + · · · + nk .
On note souvent une partition en ordonnant les ni dans l’ordre décroissant :
λ = (n1 , . . . , nk )
avec n1 ≥ n2 ≥ · · · ≥ nk , n = n1 + · · · + nk . Une autre notation souvent utilisée pour une partition est
d’indiquer, pour chaque entier 1, 2, . . . la multiplicité avec lequel celui-ci intervient dans la partition par
un exposant (en omettant les entiers n’intervenant pas) . Par exemple, la notation
λ = (12 , 22 , 41 )
désigne la partition
10 = 4 + 2 + 2 + 1 + 1.
A chaque élément σ ∈ Sn , on associe une partition de n donnée par les longueurs des cycles dans la
décomposition en cycles de σ. Par exemple, σ = (178)(2)(4536)(9) donne la partition 9 = 4 + 3 + 1 + 1.
Théorème I.4.5. Deux permutations σ et τ de Sn sont conjuguées si et seulement si les partitions de
n données par leur décomposition en cycles sont les mêmes.
La démonstration est laissée en exercice.
Exercice I.4.6. Calculer le cardinal de la classe de conjugaison de Sn correspondant à la partition
λ = (λα αr
1 , . . . , λr ) de n.
1
11
I.5 Exercices
Exercice I.5.1. Produit semi-direct
— 1. Le point de vue interne. Soient G un groupe et H et N deux sous-groupes de G vérifiant :
(a) N est distingué dans G,
(b) H et N engendrent G, H ∩ N = {e}.
Montrer que tout élément g ∈ G se décompose de manière unique sous la forme g = nh, n ∈ N ,
h ∈ H. En déduire que l’on a une bijection
N × H → G, (n, h) 7→ nh.
Montrer que la loi de groupe sur N × H induite de celle de G par transport de structure est
(n, h)(n0 , h0 ) = (n(hn0 h−1 ), hh0 ).
— 2. Le point de vue externe. Soient H et N deux groupes, et supposons que H agisse sur N par
automorphismes de groupe, c’est-à-dire que l’on dispose d’un morphisme de groupes
φ : H → Aut(N ),
et l’on pose h · n = φ(h)(n). On définit sur N × H le produit
(n, h)(n0 , h0 ) = (n (h · n0 ), hh0 ).
Montrer que N × H muni de ce produit est un groupe, que l’on appelle le produit semi-direct de N et
H, et que l’on note N o H. Vérifier que les parties N × {eH } et {eN } × H sont deux sous-groupes de
N o H, respectivement isomorphes à N et H. On identifie ainsi N et H à deux sous-groupes de N o H.
Montrer qu’ils vérifient les hypothèses du 1.
— 3. Extensions. Une suite exacte de groupes est une suite de groupes Gi , et de morphismes φi :
Gi → Gi+1 ,
φi−1 φi φi+1 φi+2
· · · Gi−1 −→ Gi −→ Gi+1 −→ Gi+2 −→ · · ·
telle que pour tout i, ker φi+1 = Im φi . Une suite exacte courte est une suite exacte de la forme
φ ψ
{e} → N −→ G −→ H → {e}.
Le morphisme φ est injectif, et ψ est surjectif.
Supposons que soit donnée une suite exacte courte comme ci-dessus. Une section de cette suite exacte
est un morphisme de groupes s : H → G tel que ψ ◦ s = IdH .
Montrer que s est injective. Montrer que φ(N ) et s(H) sont deux sous-groupes vérifiant les hypothèses
du 1. Faire le lien avec le point de vue externe.
— 4. Exemples. Montrer que le groupe diédral Dn est isomorphe au produit semi-direct Z/nZoZ/2Z.
Déterminer les classes de conjugaison de Dn . Montrer que le groupe E(2) des isométries affines du plan
est le produit semi-direct R2 o O(2). Chercher dans la littérature ou sur internet la définition du groupe
de Poincaré.
Exercice I.5.2. Soit G un groupe fini, opérant sur un ensemble S. Alors G opère naturellement sur le
produit cartésien S n = S × . . . × S pour chaque entier n par
g · (s1 , . . . , sn ) = (g · s1 , . . . , g · sn ).
Définissons S (n) ⊂ S n comme l’ensemble des n-uplets d’élément distincts de S :
S (n) = {(s1 , . . . sn ) ∈ S n |i 6= j ⇒ si 6= sj }.
Alors G opère sur S (n) . On dit que l’action de G sur S est n-transitive si l’action de G sur S (n) est
transitive.
Montrer que l’action de An sur {1, 2, . . . , n} est n − 2-transitive.
12
Exercice I.5.3. Soit G un groupe. Une présentation du groupe G est la donnée d’un ensemble G =
{gi , i ∈ I} d’éléments de G engendrant G, et d’un ensemble R de relations, une relation étant une égalité
de la forme :
(I.5.1) h1 h2 . . . hn = e, hj ∈ G ∪ G −1 , j = 1, . . . , n.
de telle sorte que la propriété universelle suivante soit vérifiée : pour tout groupe G0 admettant un
système de générateurs G 0 = {gi0 , i ∈ I} (c’est le même I) vérifiant les relations
−1
h01 h02 . . . h0n = e, h0j ∈ G 0 ∪ G 0 , j = 1, . . . , n
dès que h1 h2 . . . hn = e est dans R, avec h0j = gi0 si hj = gi et h0j = (gi0 )−1 si hj = gi−1 , il existe un unique
morphisme de groupes φ : G → G0 tel que φ(gi ) = gi0 pour tout i ∈ I.
— 1. Montrer que G = {1}, R = {m1 = 0} est une présentation de Z/mZ (notation additive de la
loi de groupe).
— 2. Soit G et G0 deux groupes admettant respectivement les présentations (G, R) et (G 0 , R0 ) et
supposons qu’il existe une bijection g 7→ g 0 de G dans G 0 qui identifie les relations de R et de R0 . Montrer
que G et G0 sont isomorphes.
— 3. Soit F un corps. Considérons les éléments suivants de SL(2, F) :
y 0 1 z 0 1
t(y) = −1 , y ∈ F× , n(z) = , z ∈ F, w= .
0 y 0 1 −1 0
Posons
G = {t(y), y ∈ F× , n(z), z ∈ F, w},
et soit R l’ensemble des relations suivantes :
13
14
Chapitre II
...Organization is of the utmost importance for military affairs, as it is ... for other
disciplines where the gathering process of practical knowledge exceeds the strength of any
individual. In mathematics, however, organizing talent plays a most subordinate role. Here
weight is carried only by the individual. The slightest idea of a Riemann or a Weierstrass is
worth more than all organisational endeavours. To be sure, such endeavours have pushed
to take centre stage in recent years, but they are exclusively pursued by people who
have nothing, or nothing more, to offer in scientific matters. There is no royal road to
mathematics. G. Frobenius
G. Frobenius
Dans ce chapitre, les espaces vectoriels sont définis sur le corps des nombres complexes. Rappelons que
si V est un espace vectoriel, GL(V ) désigne le groupe des isomorphismes linéaires de V dans lui-même.
Si V est de plus un espace de Hilbert pour le produit hermitien (. |.)V , U(V ) désigne le sous-groupe de
GL(V ) des applications linéaires u préservant le produit hermitien, c’est-à-dire
II.1 Représentations
II.1.1 Unitarisabilité
Définition II.1.1. Une représentation (ρ, V ) du groupe G est la donnée d’un espace vectoriel V , appelé
espace de la représentation, et d’un morphisme de groupes
ρ : G → GL(V ).
Si V est un espace de Hilbert pour le produit hermitien (. |.)V , la représentation (ρ, V ) est dite unitaire
si ρ est à valeurs dans U(V ), c’est-à dire si pour tout g ∈ G, pour tous v, w ∈ V ,
15
La représentation triviale de G est celle où V = C et tout g ∈ G agit comme l’identité de C. On la
note TrivG .
L’espace vectoriel {0} est aussi un espace de représentation pour tout groupe G (de manière unique,
puisque GL({0}) est le groupe à un élément). Nous l’appellerons représentation nulle de G.
Remarque II.1.2. Nous avons défini la représentation triviale d’un groupe G. Elle est irréductible et de
dimension un. On parle aussi d’une représentation triviale dans un espace V (de dimension quelconque)
lorsque tout élément de G agit par l’identité de V .
Théorème II.1.3. Soit (ρ, V ) une représentation de dimension finie de G d’un groupe fini. On peut
munir V d’un produit hermitien (. |.)V qui rend la représentation (ρ, V ) unitaire.
Démonstration. Munissons V d’un produit hermitien (. |.)0 quelconque. Définissons un nouveau produit
hermitien (. |.)1 par
1 X
(v, w)1 = (ρ(g) · v|ρ(g) · w)0 , (v, w ∈ V ).
|G|
g∈G
Ce nouveau produit vérifie les propriétés de sesquilinéarité requises et est positif, comme on peut le voir
immédiatement. Il est défini car si
1 X
(v|v)1 = (ρ(g) · v|ρ(g) · v)0 = 0
|G|
g∈G
alors tous les termes de la somme étant positifs, ils sont nuls. Pour g = e, ceci donne (v|v)0 = 0, et donc
v = 0.
Vérifions que ce nouveau produit hermitien est invariant par ρ. Pour tout h ∈ H :
1 X
(ρ(h) · v|ρ(h) · w)1 = (ρ(g) · ρ(h) · v|ρ(g) · ρ(h) · w)0
|G|
g∈G
1 X 1 X
= (ρ(gh) · v|ρ(gh) · w)0 = (ρ(g) · v|ρ(g) · w)0 = (v|w)1
|G| |G|
g∈G g∈G
Le point crucial du calcul est donc juste un changement de variable dans la somme.
Remarquons que l’hypothèse de la dimension finie ne sert qu’à s’assurer que V est bien un espace de
Hilbert. Si l’on suppose au départ que (V, (. |.)0 ) est un espace de Hilbert de dimension infinie, le même
procédé de moyenne donne un nouveau produit hermitien (. |.)1 invariant par G. Il est facile de voir que
la topologie définie par ce nouveau produit hermitien est la même que l’ancienne (les normes induites
sont équivalentes), et donc que V est encore un espace de Hilbert pour (. |.)1 .
Remarque II.1.4. Lorsque l’on étudie des groupes plus généraux que les groupes finis, il faut remplacer
les arguments basés sur ce procédé de moyenne par quelque chose de plus général, à savoir l’existence de
mesure de Haar sur les groupes (topologiques localement compacts). Nous ne définissons pas la notion de
mesure de Haar, mais nous remarquons simplement que l’on peut munir l’ensemble fini G de sa mesure
de comptage normalisée µG . Plus explicitement, pour toute fonction f sur G
Z
1 X
f (g) dµG (g) = f (g).
G |G|
g∈G
La propriété fondamentale de cette mesure est que quels que soient x, y dans G,
Z Z Z
(l(x)r(y) · f )(g) dµG (g) = f (x−1 gy) dµG (g) = f (g) dµG (g),
G G G
16
II.1.2 Sous-représentations, représentations irréductibles
Soit (ρ, V ) une représentation du groupe G. Un sous-espace W de V est dit invariant par ρ si pour
tout g ∈ G, ρ(g) · W ⊂ W . On peut alors parler de la restriction de ρ à W , que l’on note (ρ|W , W ). Une
telle représentation restreinte à un sous-espace invariant s’appelle une sous-représentation de G.
Définition II.1.5. Une représentation (ρ, V ) du groupe G est dite irréductible si elle est non nulle
n’admet aucun sous-espace autre que {0} et V invariant par ρ.
Proposition II.1.6. Une représentation irréductible d’un groupe fini est de dimension finie.
Démonstration. Soit (ρ, V ) une représentation irréductible du groupe fini G. Soit v ∈ V , non nul, et
soit W le sous-espace engendré par les vecteurs de la forme ρ(g) · v, g ∈ G. Ce sous-espace est donc de
dimension finie, et il est immédiat de vérifier qu’il est invariant par ρ. On a donc V = W et V est de
dimension finie.
Soit (ρ, V ) une représentation du groupe G et supposons que l’espace V soit somme directe de sous-
espaces Wi (non nuls), i = 1, . . . , r :
M
V = Wi
i=1,...,r
et que ces espaces Wi soient invariants par ρ. On dit alors que la représentation (ρ, V ) se décompose en
somme directe des représentations (ρ|Wi , Wi ) et l’on écrit
M
(ρ, V ) = (ρ|Wi , Wi ).
i=1,...,r
L’étude de la représentation (ρ, V ) se ramène alors à celle des (ρ|Wi , Wi ). Il parait raisonnable d’espérer
pouvoir décomposer toute représentation en somme directe de représentations, jusqu’à ce que toutes
celles-ci soient irréductibles. Ceci n’est pourtant pas totalement évident, le problème étant le suivant :
si (ρ, V ) est une représentation qui n’est pas irréductible, alors il existe un sous-espace W invariant par
ρ. Pour pouvoir décomposer (ρ, V ), il faudrait pouvoir exhiber un supplémentaire de W dans V qui
soit lui aussi invariant par ρ. Le théorème ci-dessous affirme que pour les représentations d’un groupe
fini, ceci est toujours possible. Pour des représentations plus générales, ce n’est pas le cas. Il est donc
utile d’introduire la terminologie représentation indécomposable pour une représentation qui ne peut pas
s’écrire comme somme directe non triviale. Une représentation irréductible est toujours indécomposable,
l’inverse n’étant pas vrai en général (mais l’est pour les représentations des groupes finis).
Théorème II.1.7. Soient G un groupe fini et (ρ, V ) une représentation de dimension finie de G. Soit
W un sous-espace de V invariant par ρ. Alors W admet un supplémentaire invariant W 0 , de sorte que
l’on peut décomposer (ρ, V ) en somme directe de (ρ|W , W ) et (ρ|W 0 , W 0 ).
Démonstration. D’après le théorème II.1.3, on peut munir V d’un produit hermitien invariant (. |.)V . Il
est alors immédiat de voir que l’orthogonal W ⊥ de W dans V pour ce produit hermitien est invariant
par ρ. Ceci fournit une décomposition
V = W ⊕ W⊥
en somme directe de sous-espaces invariants.
Corollaire II.1.8. Toute représentation de dimension finie (ρ, V ) d’un groupe fini G se décompose en
somme directe de représentations irréductibles.
Démonstration. Ceci est facile à établir par récurrence sur la dimension de la représentation. Remarquons
que le fait que le groupe soit fini permet de montrer l’existence d’un supplémentaire stable, et le fait que
la représentation soit de dimension finie permet la récurrence.
17
Définition II.1.9. Une représentation est dite complètement réductible, si elle peut s’écrire comme
somme directe de représentations irréductibles. Elle est dite ou semi-simple si toute sous-représentation
admet un supplémentaire qui est aussi une sous-représentation.
Le théorème affirme que que toute représentation de dimension finie d’un groupe fini est semi-simple
et le corollaire qu’elle est complètement réductible. Ceci permet de réduire dans une certaine mesure
l’étude des représentations de dimension finie du groupe G à celle des représentations irréductibles.
On peut montrer que la semi-simplicité et la complète réductibilité sont en fait des propriétés
équivalentes dans un contexte tout-à-fait général (voir le lemme V.3.7).
Autrement dit, un opérateur d’entrelacement est un G-morphisme linéaire (cf. Définition I.1.6). On
dit aussi que T est G-équivariant.
On note HomG (V, W ) ou parfois HomG (ρ, τ ) l’ensemble des opérateurs d’entrelacement entre (ρ, V )
et (τ, W ). Il est clair que c’est un sous-espace vectoriel de l’espace des applications linéaires de V vers
W . On note aussi EndG (V ) = HomG (V, V ).
Si T est un tel opérateur d’entrelacement inversible, T −1 est bien sûr aussi un opérateur d’entrelace-
ment et
τ (g) = T ◦ ρ(g) ◦ T −1 , (g ∈ G)
L’équivalence dans le sens défini ci-dessus est une relation d’équivalence sur l’ensemble des représentations
du groupe G. Dans la pratique, comme souvent en mathématique, on a tendance à confondre équivalence
et égalité, c’est-à-dire à confondre une représentation et sa classe d’équivalence, ou dans le sens contraire,
une classe d’équivalence et l’un de ses représentants. Il s’agit là d’abus de langage la plupart du temps
inoffensifs.
Lemme II.1.13. (i) Soient (ρ, V ) et (τ, W ) deux représentations d’un groupe G et T : V → W un
opérateur d’entrelacement. Alors ker T est un sous-espace de V invariant par ρ, et Im T est un sous-
espace de W invariant par τ .
(ii) Soit (ρ, V ) une représentation du groupe G, et T un opérateur d’entrelacement de (ρ, V ) avec
elle-même. Alors tout sous-espace propre de T est invariant par ρ.
18
donc τ (g) · w ∈ Im T .
(ii) Soit λ une valeur propre de T , et Vλ le sous-espace propre correspondant. Alors pour tout g ∈ G,
pour tout v ∈ Vλ ,
T (ρ(g) · v) = ρ(g) · T (v) = λρ(g) · v
et donc ρ(g) · v ∈ Vλ .
Le résultat qui suit est à la base de la théorie, on le promeut donc de son statut historique de lemme
à celui de théorème, pour service rendu (à la science).
Théorème II.1.14 (Lemme de Schur). Soit T un opérateur d’entrelacement entre deux représentations
irréductibles (ρ1 , V1 ) et (ρ2 , V2 ) d’un groupe G. Alors
- si (ρ1 , V1 ) et (ρ2 , V2 ) ne sont pas équivalentes, T = 0,
- si (ρ1 , V1 ) et (ρ2 , V2 ) sont équivalentes et de dimension finie, HomG (V1 , V2 ) est de dimension 1. De
manière équivalente, HomG (V1 , V1 ) est l’ensemble des multiples scalaires de l’identité de V1 .
Démonstration. Ceci découle facilement du lemme précédent. En effet, si (ρ1 , V1 ) et (ρ2 , V2 ) ne sont pas
équivalentes, T n’est pas inversible. S’il n’est pas injectif, son noyau est non trivial. Mais (ρ1 , V1 ) étant
irréductible, ceci donne ker T = V1 , et donc T = 0. De même, s’il n’est pas surjectif, son image Im T est
un sous-espace invariant de V2 , et donc V2 étant irréductible, Im T = {0}, donc T = 0.
Pour le second point, soit T ∈ HomG (V1 , V1 ), considérons une valeur propre λ de T , et soit Vλ le sous-
espace de V1 correspondant (c’est ici qu’intervient l’hypothèse de dimension finie, il faut pouvoir assurer
l’existence d’un sous-espace propre non trivial). Il est non nul par hypothèse, et donc par irréductibilité
de (ρ1 , V1 ), c’est V1 tout entier. Ceci montre que T = λIdV1 . L’équivalence entre les deux formulations
du second point vient du fait que si S : V1 → V2 est un opérateur d’entrelacement inversible réalisant
l’équivalence entre (ρ1 , V1 ) et (ρ2 , V2 ), il est clair que
Remarque II.1.15. Soit (ρ, V ) une représentation irréductible d’un groupe G. La démonstration ci-
dessus montre que même si V n’est pas de dimension finie, EndG (V ) = HomG (V, V ) est une C-algèbre
dont tous les éléments non nuls sont inversibles. On dit que EndG (V ) est une algèbre à division (sur C).
On peut montrer que la seule algèbre à division de dimension finie sur C (à isomorphisme près) est C, et
l’on retrouve alors que dim(EndG (V )) = 1 si V est de dimension finie. En revanche, il existe des algèbres
à division de dimension infinie sur C (par exemple, le corps des fractions rationnelles à une variable à
coefficients complexes C(X)).
ι1 : V1 → V, ι2 : V2 → V,
19
vérifiant la propriété universelle suivante : pour toute représentation (τ, W ) de G et toute paire de G-
morphismes f1 : V1 → W , f2 : V2 → W , il existe un unique G-morphisme f : V → W tel que f1 = f ◦ ι1
et f2 = f ◦ ι2 . On note V = V1 ⊕ V2 .
(II.2.1) V 6 = V1 ⊕ V
h 2
ι1 ι2
V1 f V2
f1 f2
( v
W
ι1 : V1 → V1 × V2 , v1 7→ (v1 , 0)
ι2 : V2 → V1 × V2 , v1 7→ (0, v2 ).
L’action ρ de G sur V1 × V2 étant donné par
On vérifie aisément que cette construction donne bien un objet vérifiant la propriété universelle voulue.
Remarque II.2.1. La terminologie somme directe est utilisée pour cette propriété universelle dans
des catégories d’espaces vectoriels ou de modules sur un anneau. Ce n’est pas le cas dans d’autres
catégories, comme celle des ensembles, comme le montre l’exercice ci-dessous. Le terme correct est celui
de coproduit (la notion de produit est définie dans le paragraphe suivant, et le préfixe co signifie
que l’on passe d’une notion à l’autre en inversant le sens des flèches dans les énoncés).
Exercice II.2.2. Le but de cet exercice est de mettre en évidence ce qu’est le coproduit dans la catégorie
des ensembles. Le coproduit de deux ensembles X et Y est un ensemble V muni de deux applications
ensemblistes ιX : X → V et ιY : Y → V vérifiant la propriété universelle suivante pour tout ensemble
Z et toutes applications f1 : X → Z, f2 : Y`→ Z, il existe une unique application f : V → Z telle que
f1 = f ◦ ιX et f2 = f ◦ ιY . On note V = X Y .
Montrer l’existence et l’unicité du coproduit de deux ensembles.
20
f1 = p1 ◦ f et f2 = p2 ◦ f .
(II.2.2) V = VO1 × V2
p1 p2
v (
V1 h f 6 V2
f1 f2
W
Une représentation (π, V ) de G vérifiant cette propriété universelle est appelé produit direct des
représentations (π1 , V1 ) et (π2 , V2 ). De même que pour la somme directe, deux espaces V et V 0 vérifiant
cette propriété universelle sont isomorphes, l’isomorphisme étant déterminé de manière unique. Ceci
justifie l’abus de langage consistant à parler du produit de V1 et V2 .
Résumons la discussion ci-dessus : nous disposons de deux notions bien distinctes, celle de somme di-
recte et celle de produit direct de deux représentations (π1 , V1 ) et(π2 , V2 ) de G. Ce sont des représentations
de G, vérifiant chacune une propriété universelle différente (bien que proche : la seconde est obtenue de
la première en inversant le sens des flèches dans le diagramme II.2.1). Le fait que l’on puisse construire
la somme directe ou le produit de la même façon (à partir du produit ensembliste usuel, comme expliqué
ci-dessus) ne doit pas masquer cette différence, et d’ailleurs, lorsqu’on généralise à une famille infinie
de représentations, les représentations obtenues comme somme directe et produit direct ne sont plus
isomorphes, comme nous allons le voir maintenant.
Soit (ρi , Vi ) une famille quelconque de représentations de G, i variant
L dans un ensemble d’indices I. La
somme directe des (ρi , Vi )i∈I est une représentation notée (ρ, V ) = i∈I (ρi , Vi ) munie de G-morphismes
ιi : Vi → V vérifiant la propriété universelle suivante :
pour toute représentation (τ, W ) de G et toute famille de G-morphismes fi : Vi → W , i ∈ I, il existe
un unique G-morphisme f : V → W tel que fi = f ◦ ιi pour tout i ∈ I.
Q
Le produit direct des (ρi , Vi )i∈I est une représentation notée (ρ, V ) = i∈I (ρi , Vi ) munie de G-
morphismes pi : V → Vi vérifiant la propriété universelle suivante :
pour toute représentation (τ, W ) de G et toute famille de G-morphismes fi : W → Vi , i ∈ I, il existe
un unique G-morphisme f : W → V tel que fi = pi ◦ f pour tout i ∈ I.
Comme précédemment, somme directe et produit direct sont uniques à unique isomorphisme près, et
on peut les construire ensemblistement de la manière suivante : pour le produit direct, on prend pour
V le produit direct ensembliste des Vi , i ∈ I, muni de sa structure d’espace vectoriel canonique et des
projections canoniques pi . L’action de G sur un élément de V est donné par l’action de G sur chaque
facteur :
ρ(g) · (vi )i∈I = (ρi (g) · vi )i∈I .
Pour la somme directe, on prend pour V le sous-espace du produit ensembliste des Vi constitués des
familles (vi )i∈I où seul un nombre fini de vi sont non nuls. C’est un sous-espace vectoriel du produit
ensembliste des Vi , et même une sous-représentation de G, comme on le vérifie facilement. Les morphismes
ιi sont les inclusions canoniques ιi : Vi → V .
Les propriétés universelles de la somme et du produit direct d’une famille de représentations peuvent
se réécrire de la manière suivante.
Théorème II.2.3. Soit (ρi , Vi )i∈I une famille de représentations du groupe G. Pour toute représentation
(τ, W ) de G, on a
Y
(II.2.3) HomG (⊕i∈I Vi , W ) ' HomG (Vi , W ), f 7→ (f ◦ ιi )i∈I .
i∈I
Y Y
(II.2.4) HomG (W, Vi ) ' HomG (W, Vi ), f 7→ (pi ◦ f )i∈I .
i∈I i∈I
21
II.2.2 Produits tensoriels
Dans le paragraphe précédent, nous avons muni l’ensemble des représentations d’un groupe G d’une
somme :
((ρ1 , V1 ), (ρ2 , V2 )) 7→ (ρ1 ⊕ ρ2 , V1 ⊕ V2 ),
La terminologie et la notation additive se justifient par le fait que (ρ1 ⊕ ρ2 , V1 ⊕ V2 ) est toujours
isomorphe à (ρ2 ⊕ ρ1 , V2 ⊕ V1 ) et que
lorsque V1 et V2 sont de dimension finie. La représentation de G dans l’espace nul {0} est un élément
neutre pour cette somme. Mais remarquons qu’une représentation (ρ, V ) non nulle n’admet pas d’in-
verse.
Nous voudrions maintenant construire une opération analogue à un produit :
ayant de bonnes propriétés de distributivité par rapport à la somme définie précédemment, et vérifiant
ι : V1 × V2 → V1 ⊗ V2 , (v1 , v2 ) 7→ v1 ⊗ v2
vérifiant :
(i) ι est bilinéaire,
(ii) (propriété universelle) soit φ : V1 × V2 → W une application bilinéaire quelconque. Alors il existe
une unique application linéaire
φe : V1 ⊗ V2 → W
tel que φe ◦ ι = φ.
Remarques II.2.5. Un tel espace existe et est déterminé à isomorphisme près. La propriété (ii) entraı̂ne
la formule (II.2.5) lorsque les espaces sont de dimension finie. L’espace V1 ⊗V2 vérifie la propriété suivante :
(ii0 ) si (ei )i∈I est une base de V1 et si (fj )j∈J est une base de V2 ,
(ei ⊗ fj )i∈I,j∈J
Soient (ρ1 , V1 ) une représentation d’un groupe G1 , et (ρ2 , V2 ) une représentation d’un groupe G2 . On
peut munir l’espace V1 ⊗ V2 d’une représentation notée ρ1 ρ2 de G1 × G2 . Une définition évidente est
de poser
22
Comme V1 ⊗ V2 est engendré par les v1 ⊗ v2 , v1 ∈ V1 , v2 ∈ V2 , par linéarité, ces formules suffisent à
définir l’opérateur (ρ1 ρ2 )(g1 , g2 ) sur V1 ⊗ V2 , pour peu que l’on ait montré que si un vecteur de V1 ⊗ V2
se décompose de deux manières en tenseurs élémentaires
X X
vi ⊗ wi = vj0 ⊗ wj0
i j
alors X X
ρ1 (g1 ) · vi ⊗ ρ2 (g2 ) · wi = ρ1 (g1 ) · vj0 ⊗ ρ1 (g2 ) · wj0 .
i j
C’est en fait une conséquence de la propriété universelle du produit tensoriel. En effet, considérons
l’application bilinéaire :
V1 × V2 , (v1 , v2 ) 7→ ρ1 (g1 ) · v1 ⊗ ρ2 (g2 ) · v2 .
D’après la propriété universelle, il existe un endomorphisme (unique) de V1 ⊗ V2 (c’est le (ρ1 ρ2 )(g1 , g2 )
que l’on cherche et c’est donc ainsi qu’on le note) vérifiant (II.2.6).
On vérifie ensuite facilement que (ρ1 ρ2 ) est une représentation de G1 × G2 dans V1 ⊗ V2 .
Lorsque G1 = G2 on obtient une représentation de G, notée ρ1 ⊗ ρ2 définie par
Exercice II.2.6. Il s’agit plus d’un sujet de réflexion que d’un exercice. On a défini le produit tensoriel
dans la catégorie des espaces vectoriels, et lorsque les deux espaces en question sont des espaces de
représentations de G, on a muni le produit tensoriel d’une structure de représentation. Aurait-on pu
définir directement le produit tensoriel de deux représentations de G par une propriété universelle dans
la catégorie des représentations de G ?
Proposition II.2.7. Soit (π, V ) une représentation d’un groupe fini G. Alors (π, V ) est irréductible si
π , V ∗ ) est irréductible.
et seulement si (e
Démonstration. D’après la remarque que (π e, (V ∗ )∗ ) = (π, V ) lorsque V est de dimension finie, il suffit
e
de montrer une seule implication pour obtenir l’équivalence. Supposons (π, V ) irréductible, et soit W un
sous-espace invariant de V ∗ . Alors l’orthogonal dans V de W est aussi invariant, et donc ne peut-être
que {0} ou V . Ceci montre que W = {0} ou V ∗ .
23
II.2.4 Pull-back
Soit G et H deux groupes et soit φ : H → G un morphisme de groupes. Si (π, V ) est une représentation
de G, il est clair que
π ◦ φ : H → GL(V )
définit une représentation de H sur V . On la note (φ∗ π, V ) et on l’appelle le pull-back (ou tiré en arrière)
Nous avons déjà utilisé subrepticement cette notion : on a défini pour deux représentations (ρ1 , V1 )
et (ρ2 , V2 ) d’un groupe G, le produit tensoriel (ρ1 ρ2 , V1 ⊗ V2 ) qui est une représentation de G × G. La
représentation notée (ρ1 ⊗ρ2 , V1 ⊗V2 ) est elle une représentation de G : c’est le pull-back de la précédente
par le morphisme diagonal
∆ : G −→ G × G, g 7→ (g, g).
Proposition II.3.1. Soient (ρ, V ) et (τ, E) deux représentations irréductibles d’un groupe fini G et soit
A : V → E une application linéaire. Alors
Z
A◦ = τ (g) A ρ(g)−1 dµG (g)
G
Tr A
est égal à 0 si τ n’est pas équivalente à ρ et égal à IdV lorsque (τ, E) = (ρ, V ).
dim V
Démonstration. Comme on voit facilement que A◦ est G-équivariant, d’après le lemme de Schur, A◦ = 0
si τ n’est pas équivalent à ρ et A◦ = α IdV lorsque (τ, E) = (ρ, V ). Il reste à déterminer α. On a
Z
α dim V = Tr A◦ = Tr (ρ(g)Aρ(g −1 )) dµG (g) = Tr A.
G
24
Lemme II.3.2 (Relations d’orthogonalité de Schur). (i) Soit (π, V ) une représentation irréductible de
G. Alors pour tous v1 , v2 ∈ V , pour tous λ1 , λ2 ∈ V ∗ , on a :
Z
λ1 (v2 )λ2 (v1 )
φπv1 ,λ1 (g) φ̌πv2 ,λ2 (g) dµG (g) = .
G dπ
où dπ = dim V .
(ii) Soient (π1 , V1 ), (π2 , V2 ) deux représentations irréductibles de G non équivalentes. Alors pour tous
v1 ∈ V1 , v2 ∈ V2 , λ1 ∈ V1∗ , λ2 ∈ V2∗ ,
Z
φπv11,λ1 (g) φ̌πv22,λ2 (g) dµG (g) = 0.
G
A(v) = λ1 (v)v2 .
Soient maintenant aussi λ2 ∈ V2∗ et v1 ∈ V1 . Alors, avec les notations de la proposition II.3.1,
Z Z
λ2 (A◦ · v1 ) = λ2 π2 (g)Aπ1 (g)−1 · v1 dµG (g) = λ2 π2 (g) · (λ1 (π1 (g)−1 · v1 )v2 ) dµG (g)
ZG GZ
−1
= λ2 λ1 (π1 (g) · v1 ) π2 (g) · v2 dµG (g) = λ1 (π1 (g)−1 · v1 ) λ2 (π2 (g) · v2 ) dµG (g)
G G
On effectue le changement de variable g 7→ g −1 dans l’intégrale (qui n’est qu’une somme...) pour retrouver
le membre de gauche des égalités dans (i) et (ii). On conclut alors grâce à la proposition II.3.1 et au fait
que Tr A = λ1 (v2 ) lorsque ρ1 = ρ2 .
Démonstration. Supposons que i ci φπvii,λi = 0. Fixons j entre 1 et r, et choisissons λ0j ∈ Vj∗ tel que
P
λ0j (vj ) = 1 et vj0 ∈ Vj tel que λj (vj0 ) = 1. Alors d’après le lemme, on a
Z ! Z
π π π
X
0= ci φπvii,λi φ̌v0j,λ0 dµG = cj φvjj,λj φ̌v0j,λ0 dµG
j j j j
G i G
= cj d−1
πj .
Donc cj = 0.
Corollaire II.3.4. Le nombre de classes d’équivalence de représentations irréductibles d’un groupe fini
G est fini.
Démonstration. Les coefficients matriciels sont des éléments de l’espace F(G), qui est de dimension finie.
L’assertion découle alors directement du corollaire précédent.
25
— Le groupe G agissant sur lui-même par translation à gauche, il agit sur F(G). Notons cette action
L. Explicitement, quels que soient g ∈ G, f ∈ F(G), x ∈ G :
De même, le groupe G agit sur lui-même par translation à droite, et l’on en déduit une action, notée R,
sur F(G) :
(R(g) · f )(x) = f (xg).
Ces deux actions commutent. Il s’ensuit que F(G) est muni d’une action de G×G, la première copie de G
agissant par L et la seconde par R. L’espace F(G) est donc un espace de représentation du groupe G×G,
la représentation étant appelée représentation régulière du groupe G. On la note L × R. Explicitement,
quels que soient g1 , g2 ∈ G, f ∈ F(G), x ∈ G :
— Comme G est fini, toutes les fonctions sur G sont de carré intégrable (pour la mesure de comptage
normalisée µG ), et l’on peut introduire sur F(G) = L2 (G, µG ) le produit hermitien habituel : pour toutes
fonctions f1 et f2 sur G,
Z
1 X
(II.4.1) (f1 |f2 ) = f1 (g)f2 (g) dµG = f1 (g)f2 (g).
G |G|
g∈G
Ceci fait de F(G) un espace de Hilbert et l’on vérifie immédiatement que la représentation régulière
de G × G dans F(G) est unitaire pour ce produit scalaire. Ceci provient de l’invariance (à gauche et à
droite) de µG .
Notons au passage le résultat suivant :
Proposition II.4.1. La représentation régulière gauche est fidèle, c’est-à-dire que le morphisme
L : G → GL(F(G))
Démonstration. Supposons le contraire : il existe g ∈ G, g 6= e, tel que L(g) = IdF (G) . Ceci veut dire que
pour tout f ∈ F(G), et pour tout h ∈ G, (L(g) · f )(h) = f (h). Prenons h = e, et f telle que f (g) 6= f (e),
et nous obtenons une contradiction.
Définition II.4.2. Soient f1 et f2 deux fonctions dans F(G). Leur produit de convolution f1 ∗ f2 est
défini par Z
f1 ∗ f2 (g) = f1 (t)f2 (t−1 g) dµG (t).
G
Proposition II.4.3. (i) Le produit de convolution sur F(G) est associatif, d’élément neutre δe .
(ii) Quels que soient g, h dans G, δh ∗ δg = δhg .
(iii) Quels que soient g1 , g2 ∈ G, f ∈ F(G),
Démonstration. Tout ceci se vérifie par des calculs ne présentant pas de difficultés.
Rappelons qu’une algèbre A sur un corps k est un k-espace vectoriel (donc muni d’une addition) muni
d’un produit qui en fait aussi un anneau, les deux structures possédant les propriétés de compatibilité
suivantes :
(λa)b = a(λb) = λ(ab), (a, b ∈ A), (λ ∈ k)
26
L’espace vectoriel F(G), dont une base est donnée par les (δg )g∈G est muni d’un produit (le produit
de convolution) qui étend (par linéarité) le produit de G, et fait de F(G) une algèbre sur C. Elle admet
pour élément neutre δe , où e est l’élément neutre de G.
Dans la base (δg )g∈G le produit de convolution est donné par la formule suivante
!
X X X
αg δg ∗ βh δ h = αg βh δgh .
g∈G h∈G (g,h)∈G×G
Remarque II.4.4. On peut définir de façon formelle C[G], l’algèbre du groupe G sur C comme étant
un espace vectoriel sur C de base (eg )g∈G , et munie du produit
!
X X X
α g eg ∗ βh eh = αg βh egh .
g∈G h∈G (g,h)∈G×G
Il est alors clair que l’application δg 7→ eg s’étend en un isomorphisme d’algèbres entre F(G) et C[G].
Dans tout ce qui précède, et tout ce qui suit, nous aurions donc pu employer C[G] à la place de F(G).
Soit (π, V ) une représentation de G. Nous allons étendre l’action de G sur V en une action de F(G)
sur V , c’est-à-dire que nous allons définir un morphisme d’algèbres, encore noté π,
π : F(G) → End(V )
grâce à la formule :
Z
(II.4.2) π(f ) · v = f (g) π(g) · v dµG (g), (v ∈ V ), (f ∈ F(G)).
G
Il est clair que π(f ) est linéaire. Il est aussi clair que π est linéaire.
Remarquons que End(V ) est naturellement muni d’une action de G × G, notée End π par
Proposition II.4.5. L’application π est un morphisme d’algèbres de F(G) dans End(V ) vérifiant
π(δg ) = π(g)
Dans le membre de droite, le produit est la composition des opérateurs dans End(V ). Calculons
Z Z Z
π(f1 ∗ f2 ) = (f1 ∗ f2 )(g)π(g) dµG (g) = f1 (t)f2 (t−1 g) dµG (t) π(g) dµG (g)
G G G
Z Z Z Z
= f1 (t)f2 (g)π(tg) dµG (g) dµG (t) = f1 (t)π(t)dµG (t) f2 (g)π(g) dµG (g) = π(f1 )π(f2 )
G G G G
27
L’égalité π(δg ) = π(g) est immédiate. Montrons que π est un opérateur d’entrelacement. Soient
x, y ∈ G, f ∈ F(G).
Z Z
π((L × R)(x, y) · f ) = ((L × R)(x, y) · f )(g)π(g) dµG (g) = f (x−1 gy)π(g) dµG (g)
G G
Z Z
= f (g)π(xgy −1 ) dµG (g) = π(x) f (g)π(g) dµG (g) π(y −1 ) = π(x)π(f )π(y −1 )
G G
La démonstration se fait en plusieurs étapes, en commençant par le résultat suivant, qui a pour
conséquence immédiate que F est surjective et F̄ est injective.
Q
Lemme II.5.3. Pour tout élément F = (F (δ))δ∈Gb dans δ∈Gb End(Vδ ), on a
F F̄F = F.
28
Démonstration. Rappelons que si V est un espace vectoriel de dimension finie, la forme bilinéaire
symétrique (A, B) 7→ Tr (AB) sur End(V ) est non dégénérée. On a donc F F̄F = F si et seulement
si pour tout δ ∈ G
b et pour tout A ∈ End(Vδ ), Tr ((F F̄F )(δ)A) = Tr (F (δ)A)). Calculons :
Z
Tr ((F F̄F )(δ)A) =Tr (F̄F )(g) πδ (g) dµG (g) A
G
Z X
=Tr dν Tr (πν ∗ (g) t F (ν))πδ (g) dµG (g) A
G
ν∈G
b
X Z
= dν Tr (πν ∗ (g)t F (ν))Tr (πδ (g)A) dµG (g).
G
ν∈G
b
où l’on a posé wi∗ = t F (ν) · vi∗ . De même, en fixant une base (ej )j de Vδ de base duale (e∗j )j
X X X
Tr (πδ (g)A)) = e∗j (πδ (g)A · ej ) = e∗j (πδ (g) · fj ) = φδfj ,e∗j (g)
j j j
Les formules d’orthogonalité de Schur nous disent que les termes de cette somme sont nuls sauf si
e∗ (ei )w∗ (fj )
ν = δ, auquel cas on a une contribution de j dδ i pour chaque couple (i, j). Ainsi
X X X
Tr ((F F̄F )(δ)A) = wi∗ (fi ) = (t F (δ) · e∗i )(A · ei ) = e∗i (F (δ)A · ei ) = Tr (F (δ)A).
i i i
Démonstration. Soit f ∈ F(G) telle que Ff = 0, c’est-à-dire que pour tout δ ∈ G, b πδ (f ) = 0. Considérons
la représentation (L, F(G)) de G : d’après le corollaire II.1.8, elle est complètement réductible. On peut
donc écrire M
(L, F(G)) = (ρi , Wi ),
i
où les (ρi , Wi ) sont des représentations irréductibles de G. Chaque ρi est isomorphe à l’une des πδ , et
donc par hypothèse, ρi (f ) = 0 pour tout i, donc L(f ) = 0. Or d’après la proposition II.4.3, on a
L(f ) · h = f ∗ h (h ∈ F(G)).
0 = L(f ) · δe = f ∗ δe = f.
29
dim(Vδ )2 = dim F(G) = |G|.
P
Corollaire II.5.5 (Formule de Burnside). On a δ∈G
b
Corollaire II.5.6. Soit f ∈ F(G). La formule d’inversion de Fourier f = F̄Ff s’écrit explicitement
X X
f (g) = dδ Tr (πδ (f )πδ (g)−1 ) = dδ Tr (Ff (δ) πδ (g)−1 ).
δ∈G
b δ∈G
b
Pour g = e, on obtient X
f (e) = dδ Tr (Ff (δ)).
δ∈G
b
Démonstration. Il s’agit juste d’un calcul, où nous allons, dans l’ordre, utiliser le fait que Tr X = Tr t X
pour tout opérateur X, effectuer un changement de variable δ 7→ δ ∗ , et enfin utiliser le fait que par
définition de la représentation contragrédiente, t (πδ∗ (g)) = πδ (g)−1 .
X X
f (g) = (F̄Ff )(g) = dδ Tr (πδ (g) t (Ff (δ ∗ ))) = dδ Tr (Ff (δ ∗ ) t (πδ (g)))
δ∈G
b δ∈G
b
X X X
= t
dδ Tr (Ff (δ) (πδ∗ (g))) = dδ Tr (Ff (δ) πδ (g)−1 ) = dδ Tr (πδ (f )πδ (g)−1 ).
δ∈G
b δ∈G
b δ∈G
b
Remplaçons f1 par fˇ1 dans la formule du corollaire. Le terme de gauche est alors le produit scalaire
de fˇ1 et fˇ2 dans F(G). D’autre part, le changement de variable g 7→ g −1 montre que
(f1 |f2 ) = (fˇ1 |fˇ2 ).
Le terme de droite est
X X
dδ Tr (F fˇ1 (δ)Ff2 (δ)) = dδ Tr (πδ (fˇ1 )πδ (f2 )).
δ∈G
b δ∈G
b
Ceci montre que πδ (f1 )∗ = πδ (fˇ1 ). On a ainsi obtenu (f1 |f2 ) = (Ff1 |Ff2 ). Notons ceci :
30
Corollaire II.5.8. Soient f1 , f2 ∈ F(G). Q
Alors (f1 |f2 ) = (Ff1 |Ff2 ). Autrement dit, la transformation
de Fourier est une isométrie de F(G) sur δ∈Gb End(Vδ ) pour les produits scalaires (II.4.1) et (II.5.1) .
Démonstration. En effet, choisissons une fonction f ∈ F(G) telle que f (g1 ) 6= f (g2 ). Ecrivons les formules
d’inversion de Fourier pour f (g1 ) et f (g2 ). Il existe alors nécessairement δ ∈ G
b tel que πδ (g1 ) 6= πδ (g2 ).
Pour conclure cette section sur la transformée de Fourier, voyons ce que cette théorie donne lorsque
le groupe G est abélien. On sait alors que les représentations irréductibles de G sont toutes de dimension
1 et que G b a une structure de groupe (cf exercice II.9.1). Pour chaque δ ∈ G, b fixons (πδ , Vδ ) dans la
classe δ. Comme Vδ est de dimension 1, on peut écrire pour tout g ∈ G et tout v ∈ V ,
πδ (g) · v = χδ (g)v
On a alors
X Z
(II.5.3) f (g) = fˆ(δ) χδ (g −1 ) = |G|
b fˆ(δ) χδ (g −1 ) dµGb .
G
b
δ∈G
b
Sous cette forme, cela commence à ressember aux formules connue pour R ou R/Z (que l’on identifie au
cercle unité complexe U(1) par x 7→ e2iπx ). Pour compléter l’analogie, remarquons que (R, +) ou bien
U(1) sont des groupes abéliens, mais qu’ils ne sont pas finis. En revanche, ils sont munis d’une topologie.
Ce qui remplace les χδ , ce sont alors les caractères continus unitaires χ : G → U(1), avec G = R ou bien
G = U(1). Remarquons au passage qu’un caractères continu χ : G → C× est nécessairement à valeurs
dans U(1) si G est compact, mais pour G = R, c’est une condition qu’il faut rajouter. Les caractères χ
pour G = R sont de la forme
χλ : x 7→ e2iπλx
et l’on constate que χλ χµ = χλ+µ , de sorte que R b s’identifie à R comme groupe abélien. Les caractères
de U(1) sont de la même forme, mais avec λ ∈ Z, de sorte que U(1) [ s’identifie à Z. En (II.5.2), on
remplace G par R ou U(1) et µG par la mesure de Lebesgue (invariante par translation), et en (II.5.3)
on remplace G b par R ou Z, muni respectivement des mesures de Lebesgue ou de la mesure de comptage
(non normalisée). Enfin la constante |G| est remplacée par 2π. On retrouve alors les formules usuelles.
31
Théorème II.6.1 (Peter-Weyl). Soit δ ∈ G. b Notons F(G)(δ) le sous-espace de F(G) engendré par les
πδ ∗
coefficients matriciels φ̌v,λ , v ∈ Vδ , λ ∈ Vδ . Alors F réalise un isomorphisme isométrique entre F(G)(δ)
et End(Vδ ). Chaque sous-espace F(G)(δ) est stable pour la représentation régulière de G × G sur F(G).
Ceci fournit une décomposition M
F(G) = F(G)(δ)
δ∈ G
b
w 7→ A(w) = λ(w)v.
L’endomorphisme
Q A est de rang 1, et tous les endomorphismes de rang 1 sont obtenus ainsi. Soit F ∈
ν∈G
b End(V ν ) défini par
F (ν) = 0 si ν 6= δ, F (δ) = A.
On a alors
X
F̄F (g) = dν Tr (πν ∗ (g) t F (ν)) = dδ Tr (πδ∗ (g) t A) = dδ Tr (Aπδ (g)−1 )
ν∈G
b
Comme End(Vδ ) est engendré par les endomorphismes de rang un, on voit que l’image de End(Vδ ) par
F̄ est F(G)(δ). On a donc dim F(G)(δ) = d2δ . Les F(G)(δ) sont en somme directe d’après les relations
d’orthogonalité de Schur, et la formule de Burnside permet de conclure que
M
F(G) = F(G)(δ).
δ∈ G
b
(∀k ∈ F(G)), f ∗ k = k ∗ f.
On appelle fonctions centrales les fonctions dans F(G)G . Le résultat qui suit donne une autre ca-
ractérisation des fonctions centrales.
Lemme II.7.1. Une fonction f ∈ F(G) est dans F(G)G si et seulement si elle est constante sur les
classes de conjugaison de G.
32
Démonstration. Comme les δg , g ∈ G forment une base de F(G), pour que f soit centrale, il faut et il
suffit que f commute à tous les δg . Cette condition s’écrit
δg ∗ f = f ∗ δg ,
ce qui peut se réécrire en utilisant la proposition II.4.3 (iii)
L(g) · f = R(g −1 ) · f
où encore
f (gx) = f (xg), (x, g ∈ G)
Soit Conj(G) l’ensemble des classes de conjugaison de G. Pour toute classe de conjugaison C de G,
notons 1C la fonction caractéristique de C, c’est-à-dire 1C (g) = 1 si g ∈ C et 0 sinon. Il est clair grâce
au lemme que les 1C , C ∈ Conj(G) forment une base de F(G)G . En particulier, la dimension de F(G)G
est égale au nombre de classes de conjugaison dans G.
Un autre exemple fondamental de fonctions centrales est donné par les caractères des représentations
de G.
Définition II.7.2. Soit (π, V ) une représentation de dimension finie de G. Son caractère Θπ est la
fonction sur G définie par
Θπ (x) = Tr (π(x)).
Comme
Tr (π(xy)) = Tr (π(x)π(y)) = Tr (π(y)π(x)) = Tr (π(yx)),
−1
on voit que Θπ (yxy ) = Θπ (x), et donc Θπ est bien une fonction centrale.
Démonstration. Θπ (x) = Tr π(x) est la somme des valeurs propres, comptées avec leur multiplicité,
de l’opérateur π(x) ∈ GL(V ). Comme le groupe G est fini, il existe n ∈ N tel que xn = e, et donc
π(x)n = IdV . Les valeurs propres de π(x) sont donc des racines n-ième de l’unité, et donc leur inverse est
égal à leur conjugué. D’autre part, λ est valeur propre de π(x) si et seulement si λ−1 est valeur propre
de π(x)−1 avec même multiplicité (resp. λ−1 est valeur propre de π e(x) avec même multiplicité). Comme
π(e) = IdV , Θπ (e) = dim V .
Une autre propriété importante des caractères est la manière dont ils se comportent par somme et
produit :
Proposition II.7.4. Soient (π1 , V1 ) et (π2 , V2 ) deux représentations de dimension finie du groupe fini
G. Alors, pour tout x ∈ G,
Θπ1 ⊕π2 (x) = Θπ1 (x) + Θπ2 (x), Θπ1 ⊗π2 (x) = Θπ1 (x)Θπ2 (x).
Démonstration. On exprime la trace en choisissant une base (ei )i de V1 , de base duale (e∗i )i et une base
(fj )j de V2 , de base duale (fj∗ )j :
X X
Tr π1 (x) = e∗i (π(x) · ei ), Tr π2 (x) = fj∗ (π2 (x) · fj )
i j
Une base de V1 ⊕ V2 est obtenue en prenant la réunion des bases (ei )i et (fj )j , la base duale étant la
réunion des (e∗i )i et des (fj∗ )j , ce qui montre la première formule. Une base du produit tensoriel V1 ⊗ V2
est (ei ⊗ fj )i,j , de base duale (e∗i ⊗ fj∗ )i,j , donc
X
Θπ1 ⊗π2 (x) = (e∗i ⊗ fj∗ )((π1 ⊗ π2 )(x) · (ei ⊗ fj ))
i,j
X X X
= (e∗i ⊗ fj∗ )((π1 (x) · ei ⊗ π2 (x) · fj ) = e∗i (π(x) · ei ) fj∗ (π2 (x) · fj ).
i,j i j
33
Pour tout δ ∈ G,
b choisissons une représentation irréductible (πδ , Vδ ) dans la classe δ. On note alors
simplement Θδ le caractère de πδ (il ne dépend pas du choix du représentant (πδ , Vδ ) car la trace est
invariante par changement de base).
Q
Nous pouvons aussi exploiter l’isomorphisme d’algèbres entre F(G) et δ∈G End(Vδ ) pour étudier
le centre F(G)G . En effet, le centre d’un produit d’algèbres est le produit des centres, et le centre de
chaque End(Vδ ) consiste en l’ensemble des opérateurs scalaires de Vδ . Chaque facteur contribue donc
d’un espace de dimension 1, ce qui montre que le centre est de dimension |G|. b On en conclut, ce qui
mérite d’être noté, le
(II.7.1) |G|
b = |Conj(G)|.
Q D’autre part, une fonction f est centrale sib et seulement si sa transformée de Fourier est centrale dans
δ∈G End(Vδ ), c’est-à-dire si pour tout δ ∈ G, il existe un scalaire cδ tel que
Ff (δ) = cδ IdVδ .
Q
Notons Eν l’élément de δ∈G End(VQ δ ) défini par Eν (δ) = 0 si δ 6= ν, Eν (ν) = IdVν . Les Eν , ν ∈ G,
b
forment une base du centre de l’algèbre δ∈G End(Vδ ). Leurs transformées de Fourier inverses vont donc
former une base de F(G)G . Posons
eν = F̄Eν .
On calcule
X
(II.7.2) eν (g) = F̄Eν (g) = dδ Tr (πδ (g) t Eν (δ ∗ )) = dν Tr (πν ∗ (g)) = dν Θν ∗ (g).
δ∈G
b
Remarque II.7.6. Il est immédiat que les Eν vérifient les relations suivantes
X
Eδ Eν = 0 si δ 6= ν, Eδ2 = Eδ , Eδ = IdQδ∈Gb Vδ .
δ∈G
b
On en déduit que X
eδ ∗ eν = 0 si δ 6= ν, eδ ∗ eδ = eδ , eδ = δ e .
δ∈G
b
b Si δ 6= ν,
Théorème II.7.7. (Orthogonalité des caractères) Soient δ, ν dans G.
(Θδ |Θν ) = 0
et (Θδ |Θδ ) = 1.
34
Démonstration. Par définition
Z Z
(Θδ |Θν ) = Θδ (g)Θν (g) dµG (g) = Θδ (g −1 )Θν (g) dµG (g).
G G
On utilise alors le fait que la transformation de Fourier est une isométrie, puis le calcul des transformées
de Fourier des caractères (II.7.3), et l’on obtient :
X X 1 1
(Θδ |Θν ) = dµ Tr ((FΘδ )(µ)∗ (FΘν )(µ)) = dµ Tr (Eδ∗ (µ)∗ Eν ∗ (µ))
dδ dν
µ∈G
b µ∈G
b
Corollaire II.7.8. La famille (Θδ )δ∈Gb est une base orthonormale de F(G)G .
Démonstration. On vient de démontrer que cette famille est orthonormale. Comme elle a le bon cardinal,
b = |Conj(G)| = dim F(G)G , c’est une base.
c’est-à-dire |G|
Posons Z Z
fb(δ) = (Θδ |f ) = Θδ (g)f (g) dµG (g) = Θδ∗ (g)f (g) dµG (g).
G G
On obtient la formule d’inversion de Fourier et la formule de Plancherel pour les fonctions centrales :
Théorème II.7.9. Pour toute fonction f dans F(G)G ,
X
f= fb(δ)Θδ .
δ∈G
b
et si C1 = C2 ,
X |G|
Θδ (C1 )Θδ (C1 ) =
|C1 |
δ∈G
b
35
Idem pour C2 . On utilise maintenant le théorème précédent :
X
(1C1 |1C2 ) = 1 ∗ d
C1 (δ )1C1 (δ)
d
δ∈G
b
X |C1 | |C2 |
= Θδ (C1 ) Θδ∗ (C2 )
|G| |G|
δ∈G
b
|C1 |
Or (1C1 |1C2 ) = 0 si C1 6= C2 et (1C1 |1C1 ) = |G| . On en déduit la formule du théorème.
où les (τi , Wi ) sont des représentations irréductibles. Il est important de remarquer que cette décomposition
n’est pas unique en général. Dans cette section, nous allons étudier ce problème, en montrant que cer-
tains aspects d’une telle décomposition sont eux uniquement déterminés. Nous allons pour celà utiliser
la théorie des caractères qui vient d’être développée. Une autre approche, purement algébrique est
donnée dans l’exercice II.9.12.
Commençons par le cas le plus simple. Soit (π, V ) une représentation de dimension finie du groupe
fini G. Notons V G l’ensemble des vecteurs invariants sous l’action de G, c’est-à-dire
Il est clair que V G est une somme directe de représentations triviales de dimension 1 de G. D’autre part,
on peut expliciter un opérateur de projection G-équivariant, p ∈ HomG (V, V G ) par :
Z
(II.8.2) p(v) = π(g) · v dµG (g).
G
Théorème II.8.1. Soit (ρ, V ) une représentation de dimension finie de G. Pour tout δ ∈ G,
b soit mδ (ρ)
la multiplicité de δ dans ρ. Alors
mδ (ρ) = (Θρ |Θδ )
et X
(Θρ |Θρ ) = m2δ .
δ∈G
b
36
L
Démonstration. Comme ρ = δ∈G
b mδ (ρ)δ, on a :
X
Θρ = mδ (ρ)Θδ ,
δ∈G
b
La formule X
(Θρ |Θρ ) = m2δ .
δ∈G
b
est elle aussi conséquence directe de l’orthogonalité des caractères, et la caractérisation des représentations
irréductibles s’en déduit immédiatement.
Corollaire II.8.2. Les multiplicités mδ (ρ) ne dépendent pas de la décomposition de (ρ, V ) donnée au
départ.
— Deux représentations (πi , Vi ), i = 1, 2 de G sont isomorphes si et seulement si leurs caractères
sont égaux.
La décomposition de (ρ, V ) en représentations irréductibles n’est pas unique, comme nous l’avons re-
marqué. On peut trouver une décomposition de (ρ, V ) en somme directe moins fine qu’une décomposition
en irréductibles, mais qui a l’avantage d’être canonique.
Lr
Théorème II.8.3. Soit (ρ, V ) = i=1 (τi , Wi ) une décomposition de (ρ, V ) en irréductibles. Pour tout
δ ∈ G,
b notons V (δ) la somme directe de tous les (τi , Wi ) appartenant à la classe δ. Alors V (δ) ne dépend
pas de la décomposition de départ. On appelle V (δ) la composante δ-isotypique de (ρ, V ). On obtient
donc la décomposition canonique : M
(ρ, V ) = V (δ).
δ∈G
b
L’opérateur Z
Pδ = dδ Θδ∗ (g) ρ(g) dµG (g) = ρ(eδ )
G
Démonstration. Il suffit de démontrer que Pδ est bien l’opérateur de projection voulu, car il ne dépend
pas de la décomposition en irréductibles de départ. On a
Z
Pδ = dδ Θδ∗ (g) ρ(g) dµG (g) = dδ ρ(Θδ∗ (g)) = ρ(eδ ).
G
Or eδ est un idempotent, donc Pδ vérifie aussi Pδ2 = Pδ , et c’est donc une projection sur un sous-espace
de V . Considérons la restriction de ρ(eδ ) au sous-espace Wi de V . Elle est égale à τi (eδ ). Soit ν la classe
de τi . Alors (
0 si ν 6= δ
τi (eδ ) = .
IdWi si ν = δ
fait que F(eδ ) = Eδ , et montre que Pδ est bien la projection sur la composante δ-isotypique.
Ceci vient du P
Comme δe = ν∈Gb eν , on a :
X X
ρ(δe ) = IdV = ρ(eν ) = Pν
ν∈G
b ν∈G
b
37
Exemple II.8.4. Considérons la représentation (L, F(G)) de G. La décomposition
M
F(G) = F(G)(δ)
δ∈G
b
du théorème de Peter-Weyl est la décomposition en composantes isotypiques (les notations sont donc
cohérentes). Cette décomposition est aussi la décomposition en composantes isotypiques pour les représentations
(R, F(G)) de G et (L × R, F(G)) de G × G.
II.9 Exercices
Exercice II.9.1. Soit G un groupe fini abélien. Montrer que toutes les représentations irréductibles
de G sont de dimension 1. Montrer que G b est muni d’une structure de groupe. Montrer que G est
canoniquement isomorphe (comme groupe) à G.
bb
Exercice II.9.2. Calculer le caractère de la représentation régulière (L, F(G)) d’un groupe fini G.
V = {(z1 , z2 , z3 ) ∈ C3 | z1 + z2 + z3 = 0}
est invariant.
— 4. Montrer qu’il existe une base (u1 , u2 ) de V telle que
— 2. Montrer que Cn est somme directe de deux sous-espaces stables U et V sous l’action de Sn , où
38
Constater que (ρU , U ) est la représentation triviale de Sn . En déduire le caractère de (ρV , V ).
— 3. Nous allons maintenant montrer que (ρV , V ) est irréductible. En fait, la restriction de (ρV , V )
à An est déjà irréductible pour n ≥ 4. On rappelle que pour n ≥ 4, l’action de An sur {1, . . . , n} (ou sur
Bn ) est doublement transitive (voir exercice I.5.2), c’est-à-dire Bn × Bn admet deux orbites sous An :
la diagonale ∆ et son complémentaire. Déterminons HomAn (ρ, ρ). Soit T un opérateur d’entrelacement
dans cet espace. Posons X
T (ei ) = K(ei , ej ) ej .
j
Montrer que
n−1
X
f (k) = fb(q)χq (k).
q=0
et que
n−1 n−1
1X X
|f (k)|2 = |fb(q)|2 .
n q=0
k=0
39
Exercice II.9.8. Sommes de Gauss
Soit ψ un caractère de Z× N . On le prolonge en une fonction sur ZN en posant ψ(k) = 0 lorsque
(k, N ) 6= 1. Si N1 divise N , un caractère de ZN1 donne par composition avec la surjection canonique
Z× × ×
N → ZN1 un caractère de ZN . Lorsque ψ n’est pas obtenu de la sorte, on dit que ψ est un caractère
primitif (modulo N ).
Le but de l’exercice est le calcul de la (valeur absolue de la) somme de Gauss
X 2iπq
τ (ψ) = ψ(q)e N
q mod N
Exercice II.9.9. Soit Fq le corps fini à q éléments, q = pe , p premier. Il contient le corps fini Fp = Zp .
Nous avons vu que les caractères irréductibles de Zp sont les fonctions k 7→ χq (k), pour q = 0, 1, . . . , p−1,
b p ' Zp .
et l’on a une identification Z
Pour tout a ∈ Fq , soit la : Fq → Fq , la (x) = ax la multiplication par l’élément a dans Fq , vu comme
Fp -espace vectoriel. Posons
Ψ1 (a) = χ1 (Tr (la )).
On dit que le caractère η de Fq est non trivial s’il existe x ∈ Fq tel que η(x) 6= 1. Soit u un élément
non nul de Fq et définissons
Ψu (x) = Ψ1 (ux), (x ∈ Fq ).
χ : A → C.
χδ : f 7→ d−1
δ f (δ)
b
définit un caractère de l’algèbre F(G)G . Réciproquement, montrer que tout caractère de F(G)G provient,
à un scalaire près, d’une représentation irréductible de G.
Exercice II.9.11. Une application du lemme de Schur Soit (π, V ) une représentation irréductible
d’un groupe fini G. Montrer que si h. , .i1 et h. , .i2 sont deux produits hermitiens invariants sur V , ils
sont égaux à une constante multiplicative près.
40
Exercice II.9.12. Décomposition canonique d’une représentation.
Dans cet exercice, nous allons retrouver certains résultats de la section II.8. Soit (ρ, V ) une représentation
de dimension finie du groupe fini G. Pour tout élément δ ∈ G, b soit V 0 (δ) le sous-espace de V obtenu
comme la somme de toutes les sous-représentations irréductibles de G dans la classe δ. D’autre part,
fixons une décomposition M
V = Wi
i
de V en somme directe de sous-représentations irréductible. Soit V (δ) la somme (directe donc) de tous
les Wj dans la classe δ. Il est donc clair que V (δ) ⊂ V 0 (δ).
Notons
Hδ = HomG (πδ , ρ).
L
—1. Montrer que dim Hδ est la multiplicité de δ dans la décomposition V = i Wi (c’est-à-dire le
nombre de Wi dans la classe δ). En particulier, cette multiplicité ne dépend pas de la décomposition
choisie.
—2. Montrer que le morphisme
Φδ : Hδ ⊗ Vδ → V, φ ⊗ v 7→ φ(v)
réalise un isomorphisme G équivariant entre Hδ ⊗Vδ et V 0 (δ). (On montrera la surjectivité et on comparera
les dimensions en utilisant la question précédente). En déduire aussi que V (δ) = V 0 (δ) et que donc V (δ)
ne dépend pas de la décomposition choisie.
(l’action de G sur Hδ ⊗ Vδ est le produit tensoriel de l’action triviale de G sur Hδ et de l’action πδ
sur Vδ ).
—3. Montrer que M X
Φ: Hδ ⊗ Vδ → V, Φ= Φδ
δ∈G
b δ
Exercice II.9.13. Soient (ρ, V ) et (τ, E) deux représentations de dimension finie d’un groupe fini G.
Exprimer dim HomG (V, E) en fonction des multiplicités mδ (ρ) et mτ (ρ), δ ∈ G.
b
Exercice II.9.14. Soit (ρ, V ) une représentation de dimension finie du groupe fini G, que l’on suppose
fidèle, c’est-à-dire ρ(g) 6= IdV si g 6= e.
— 1. Montrer que ΘV (g) 6= dim V si g 6= e.
— 2. Soit W une représentation irréductible de G. Montrer que la série formelle
∞
X
hΘW , ΘnV iX n
n=0
est une fraction rationnelle que l’on explicitera, mais n’est pas un polynôme.
— 3. En déduire que W apparaı̂t dans une infinité de V ⊗n .
Exercice II.9.15. Dans cet exercice, nous allons montrer le résultat suivant : soit (τ, E) une représentation
irréductible du groupe fini G. Alors dim E divise |G|. Posons |G| = N et dim E = n. Quitte à remplacer
G par G/ ker τ , on peut supposer que τ est fidèle, ce que l’on fera dans la suite.
—1. Soit y = g∈G Θτ (g −1 )τ (g) ∈ End(E). Montrer que y = N
P
n IdE .
2iπ
Posons ζ = e N . Notons
ZG = {a0 ζ 0 + a1 ζ 1 + a2 ζ 2 + · · · + aN −1 ζ N −1 , ai ∈ Z}
41
et notons ZG [G] les combinaisons linéaires à coefficients dans ZG d’éléments τ (g), g ∈ G.
—2. Soit g ∈ G. Montrer que Θτ (g) ∈ ZG puis que y ∈ ZG [G].
—3. On note (γk )1≤k≤N 2 les éléments de End(E) de la forme ζ i τ (g) (0 ≤ i ≤ N − 1, g ∈ G).
Démontrer que pour tout k, 1 ≤ k ≤ N 2 on peut trouver des coefficients aij dans Z, 1 ≤ i, j ≤ N tels
PN 2
que yγk = l=1 akl γl .
N
—4. On note A la matrice n IN
2 − (akl )k,l dans MN 2 (C). Montrer que det(A) = 0.
N
—5. Démontrer que est racine d’un polynôme à coefficients entiers de degré N 2 et de coefficient
n
dominant 1. En déduire que n divise N .
A0 = {b ∈ End(V ) | ∀a ∈ A, ba = ab},
et A00 son bicommutant, c’est-à-dire le commutant de A0 (il est clair que A0 est une sous-algèbre de
End(V )).
Le théorème du bicommutant affirme que si A est la sous-algèbre de End(V ) engendrée par les
opérateurs ρ(g), g ∈ G, alors A00 = A.
Passons maintenant au théorème de Burnside. Il affirme que si G est un groupe et (ρ, V ) est une
représentation irréductible de G dans un espace vectoriel de dimension finie, alors la sous-algèbre A de
End(V ) engendrée par les opérateurs ρ(g), g ∈ G est égale à End(V ) toute entière.
— 4. Déduire le théorème de Burnside du théorème du bicommutant et du théorème de Schur.
Nous allons maintenant donner une application des résultats démontrés ci-dessus. Soient G et H deux
groupes, et (ρ, V ), (σ, W ) des représentations irréductibles de G et H respectivement dans des espaces
vectoriels de dimension finie. Alors
(ρ σ, V ⊗ W )
est une représentation irréductible de G × H et toute représentation irréductible de G × H est de cette
forme.
— 5. Montrons d’abord le sens direct. Quelle est la sous-algèbre de End(V ⊗ W ) engendrée par les
opérateurs ρ σ(g, h), g ∈ G, h ∈ H ? En déduire que V ⊗ W est irréductible.
— 6. Soit (τ, U ) une représentation irréductible de G × H. Notons
42
τ2 : H → GL(U ), τ2 (h) = τ (eG , h).
Soit V un sous-espace de U invariant et irréductible pour la représentation τ1 de G et posons ρ = τ1|V .
Montrer que pour tout h ∈ H, τ2 (h)(V ) est aussi invariant et irréductible pour la représentation τ1 de G
et que la restriction de τ1 à τ2 (h)(V ) est équivalente à (ρ, V ). Montrer que si V 0 est un sous-espace de U
invariant par τ1 alors, pour tout h ∈ H, ou bien τ2 (h)(V ) ∩ V 0 = {0}, ou bien τ2 (h)(V ) ∩ V 0 = τ2 (h)(V ).
— 7. Soient A l’algèbre engendrée par les opérateurs τ (g, h), g ∈ G, h ∈ H et B l’algèbre engendrée
par les opérateurs τ2 (h), h ∈ H, Montrer que
U = B(V ).
43
G G
On appelle (IH (ρ), IH (W )) la représentation induite de H à G de (ρ, W ).
Soit φ un opérateur d’entrelacement entre les représentations (τ1 , W1 ) et (τ2 , W2 ) de H. L’opérateur
G G G
IH (φ) : IH (W1 ) → IH (W2 ), f 7→ φ ◦ f
G G
est un opérateur d’entrelacement entre IH (ρ1 , W1 ) et IH (ρ2 , W2 ).
G
Lorsque G est fini, on voit que IH (W ) contient de manière canonique un sous-espace isomorphe à W :
G
c’est le sous-espace des fonctions f dans IH (W ) dont le support est inclus dans le sous-groupe H. En
effet une telle fonction est déterminée par sa valeur en eG , et réciproquement, tout w ∈ W détermine une
telle fonction par f (eG ) = w. Par abus de notation, identifions W et cet espace. L’espace IH G
(ρ)(g −1 )(W )
G G
est alors l’espace des fonctions f dans IH (W ) de support Hg. L’espace IH (W ) est la somme de tous ces
espaces lorsque g décrit un système de représentants des classes à droite H dans G :
M
(II.10.2) G
IH (W ) = IHG
(ρ)(g −1 )(W )
ḡ∈H\G
C’est une décomposition en somme directe de sous-espaces vectoriels, mais pas de sous-représentations
de G.
La construction des représentations induites peut se voir plus géométriquement de la façon suivante.
La donnée de G, H et (ρ, W ) permet de construire un espace, noté G ×H W : le produit cartésien G × W
est muni d’une action de H,
et G ×H W est l’ensemble des orbites. Notons [g, w] l’orbite de (g, w) ∈ G × W pour cette action.
Comme G × W est aussi muni d’une action de G :
qui commute avec celle de H, G ×H W hérite d’une action de G. De plus, on dispose d’une projection
naturelle p : G ×H W → H\G, dont la fibre au-dessus de chaque point est isomorphe à W : en effet
p−1 ({Hg}) = {[hg, w], h ∈ H, w ∈ W } ' W . Remarquons que la projection p est un G-morphisme et
que l’action de G sur H\G est transitive.
G
Exercice II.10.2. Montrer que l’espace IH (W ) est isomorphe à l’espace Γ(H\G, G ×H W ) des sections
de p, c’est-à-dire aux fonctions s de H\G dans G ×H W telles que p ◦ s = IdH\G . Quelle est la structure
d’espace vectoriel de Γ(H\G, G ×H W ) ? Comment agit G sur Γ(H\G, G ×H W ) pour faire de cet
isomorphisme d’espace vectoriel un G-morphisme ?
Exemple II.10.3. Prenons H = {e}, et induisons la représentation triviale de H. Il est clair que
G
IH (TrivH ) est la représentation régulière droite de G.
G
Démonstration. Soit φ ∈ HomG (π, IH (ρ)). Définissons
G
ψφ ∈ HomH (rH (π), ρ)
44
de la manière suivante :
ψφ (v) = φ(v)(e), (v ∈ V ).
Vérifions que ψφ est bien un opérateur d’entrelacement : pour tout h ∈ H, pour tout v ∈ V ,
G
ψφ (π(h) · v) = φ(π(h) · v)(e) = (IH (ρ)(h) · φ(v))(e) = φ(v)(eh) = φ(v)(he) = ρ(h) · (φ(v)(e)) = ρ(h) · ψφ (v).
G G
Il est clair que φ 7→ ψφ est linéaire. Soit ψ ∈ HomH (rH (π), ρ). Définissons φψ ∈ HomG (π, IH (ρ)) par
la formule
φψ (v)(g) = ψ(π(g) · v),
pour tout v ∈ V , et tout g ∈ G. Vérifions simultanément que φψ est un opérateur d’entrelacement et que
G
φψ (v) ∈ IH (W ) pour tout v ∈ V . On a, pour tout g, k ∈ G, h ∈ H,
φψ (v)(hgk) = ψ(π(hgk) · v) = ρ(h) · ψ(π(g)π(k) · v) = ρ(h) · φψ (π(k) · v)(g).
G G
HomH (rH (π1 ), ρ1 ) → HomH (rH (π2 ), ρ2 ),
G
f 7→ ψ ◦ f ◦ rH (φ).
Le diagramme suivant, où les flèches horizontales sont les isomorphismes de réciprocité de Frobenius,
et les flèches verticales les morphismes que nous venons de définir, est alors commutatif :
G
HomG (π1 , IH (ρ1 )) / HomH (rG (π1 ), ρ1 )
H
G
HomG (π2 , IH (ρ2 )) / HomH (rG (π2 ), ρ2 )
H
Dans le même ordre d’idée, le résultat suivant affirme que l’induction est transitive à isomorphisme
près .
Proposition II.10.5. Soient H et K deux sous-groupes de G, K ⊂ H et soit (ρ, W ) une représentation
de K. Alors
G H G
IH (IK (ρ, W )) ' IK (ρ, W )
Nous laissons au lecteur le soin de d’expliciter l’isomorphisme et de montrer qu’il est naturel . Une
manière plus conceptuelle de démontrer ce résultat est de constater que la restriction est trivialement
transitive :
H G G
rK ◦ rH = rK .
Il s’agit ici d’une vrai égalité, et non simplement d’un isomorphisme, mais peu importe. Ensuite, il s’agit
G
de voir que IH (ρ, W ) est caractérisé à isomorphisme près par le théorème de réciprocité de Frobenius.
Nous laissons encore une fois la vérification des détails au lecteur.
45
II.10.3 Caractères des représentations induites
Nous supposons que les groupes sont finis. Soient G un groupe, H un sous-groupe de G, (π, V )
une représentation de G et (ρ, W ) une représentation de H. Le résultat suivant est un corollaire de la
réciprocité de Frobenius :
Corollaire II.10.6. On a
(Θπ , ΘIH
G (ρ) ) = (Θr G (π) , Θρ ).
H
Par linéarité, il suffit de montrer ceci lorsque π et ρ sont irréductibles. On sait alors (Θπ , ΘIH
G (ρ) ) est
G G
la multiplicité de π dans IH (ρ), qui est aussi la dimension de HomG (π, IH (ρ)). De même (ΘrH G (π) , Θρ )
G G
est la multiplicité de ρ dans rH (π), et est égal à la dimension de HomH (rH (π), ρ).
G
Nous voulons maintenant calculer le caractère de IH (ρ) en fonction de celui de ρ. Ceci est donné par
la
Proposition II.10.7. Soit g ∈ G. On a alors
X
(II.10.3) Θ IH
G (ρ) (g) = Θρ (sgs−1 ).
s̄∈H\G,sgs−1 ∈H
G
Démonstration. Soit g ∈ G, nous voulons donc calculer la trace de l’opérateur IH (ρ)(g). Ceci est facile
−1
en utilisant (II.10.2) ; en effet g permute les classes dans H\G, et les seules contributions à cette
trace proviennent donc des classes s̄ ∈ H\G telles que sg −1 = s̄, c’est-à-dire sg −1 s−1 ∈ H, ou encore
sgs−1 ∈ H. L’action de g préserve alors le sous-espace des fonctions à support dans Hs :
G
IH G
(ρ)(g) : IH (ρ)(s−1 )(W ) −→ IH
G
(ρ)(gs−1 ) ' IH
G
(ρ)(s−1 )(W )
et, lorsqu’on identifie ces deux espaces à W (par évaluation en s), l’action de g est donnée par ρ(sgs−1 ).
On a alors
X
(II.10.4) Θ IH
G (ρ) (g) = Θρ (sgs−1 ).
s̄∈H\G,sgs−1 ∈H
II.11 Exercices
Exercice II.11.1. Soient G un groupe fini, H un sous-groupe de G et (ρ, W ) une représentation de H.
Soit C une classe de conjugaison dans G, et écrivons
a
C ∩H = Di
i
où les Di sont des classes de conjugaison dans H. Montrer que (II.10.4) peut se réécrire
|G| X |Di |
ΘI H
G (ρ) (C) = Θρ (Di ).
|H| i |C|
46
Exercice II.11.4. Soient H et K deux sous-groupes de G, et (ρ, W ) une représentation de H. Nous
allons calculer
G G
rK (IH (ρ, W )).
G
Rappelons que IH (W ) est l’espace des fonctions f : G → W vérifiant
τ g (gγg −1 ) = τ (γ).
puis que M −1
G G K
rK (IH (ρ, W )) = IK∩g −1
Hg
(rgHKg−1 ∩H (ρ)gi ).
i i i i
i
On prend H = K, que l’on suppose de plus distingué dans G. Que donne la formule obtenue ? En
G G G
déduire une formule la dimension de HomG (IH (ρ), IH (ρ)) puis un critère d’irréductibilité pour IH (ρ).
47
48
Chapitre III
- Un idéal à droite est défini de la même façon en remplaçant gauche par droite .
- Un idéal bilatère est un idéal à gauche qui est aussi un idéal à droite.
Si I est un idéal bilatère de A, le groupe quotient A/I est naturellement muni d’une structure
d’anneau.
- Un élément a de A est dit inversible s’il existe b ∈ a tel que ab = ba = 1A . L’ensemble des élément
inversible de A est noté A× .
- Soient a et b deux éléments de l’anneau A. On dit que a est un diviseur à gauche de b (ou que b
est un multiple à gauche de a s’il existe c ∈ A avec b = ac). On définit de même diviseurs et multiples à
droite, mais remarquons que nous n’utiliserons ces notions que pour des anneaux commutatifs.
- On dit que l’anneau A est intègre si le produit de deux éléments non nuls est non nul.
Exercice III.1.1. Montrer que tout anneau A est isomorphe à un sous-anneau d’un anneau EndZ (M )
pour un certain groupe abélien M .
49
C’est une action de groupe pour la structure de groupe abélien sur EndZ (M ), c’est-à-dire que l’on a
(III.1.3) 0M · m = m, (m ∈ M ),
On a en plus une propriété de compatibilité avec la structure de groupe abélien de M car les éléments
de EndZ (M ) sont des morphismes de groupes abéliens :
(III.1.6) IdM · m = m, (m ∈ M ).
On prend ces propriétés comme axiomes de la structure de A-module, où A est un anneau.
Définition III.1.2. Soient A un anneau et (M, +) un groupe abélien. On dit que M est un A-module
(à gauche) si l’on a une application
(III.1.7) a : A × M −→ M, (a, m) 7→ a · m
Nous laissons le lecteur dégager de lui-même la notion (non équivalente si l’anneau n’est pas commu-
tatif) de module à droite. Lorsque l’on ne précise pas, A-module veut dire A-module à gauche.
De manière équivalente, M est un A-module si et seulement si l’application
A −→ End(M ), a 7→ (m 7→ a · m)
50
6 - Soient k un corps, V un espace vectoriel sur k, et u un endomorphisme de V . Alors V est muni
d’une structure de k[X]-module par
P · v = P (u)(v), (P ∈ k[X], v ∈ V ).
Réciproquement, si V est un k[X]-module, c’est en particulier un k-module, et donc un k-espace vectoriel,
et v 7→ X · v définit un endomorphisme de V . Les deux notions sont donc équivalentes. Nous verrons
que la théorie de la réduction des endomorphismes se déduit de théorèmes généraux sur la structure des
k[X]-modules.
7 - On peut généraliser l’exemple précédent : la donnée de n endomorphimes u1 , . . . , un d’un k-espace
vectoriel V qui commutent deux à deux est équivalente à la donnée d’une structure de k[X1 , . . . , Xn ]-
module sur V (par Xi · v = ui (v)). La théorie de la réduction simultanée des endomorphismes u1 , . . . , un
découle de la théorie générale des k[X1 , . . . , Xn ]-modules.
8- On peut encore généraliser. Si G est un groupe,
P et k un corps, on forme l’algèbre k[G] dont les
éléments sont les combinaisons linéaires formelles g∈G cg [g] (à support fini, seul un nombre fini de cg
sont non nuls). Le produit est défini par
X X X
cg [g] dh [h] = cg dh [gh].
g∈G g∈G g,h∈G
Un k[G]-module V n’est alors rien d’autre qu’une représentation de G dans le k-espace vectoriel V , les
deux notions sont équivalentes.
Ayant définis les objets qui nous intéressent (les A-modules), il s’agit maintenant de définir les mor-
phismes entre les objets.
Définition III.1.4. Soient A un anneau et M , N , deux A-modules. Un morphisme de A-modules
f : M −→ N
est un morphisme de groupes abéliens vérifiant de plus :
f (a · m) = a · f (m), (a ∈ A, m ∈ M, n ∈ N ).
On note HomA (M, N ) l’ensemble des morphismes de A-modules de M dans N . Il est muni d’une
structure évidente de groupe abélien. On note aussi EndA (M ) = HomA (M, M ) et AutA (M ) le sous-
groupe des inversibles de l’anneau EndA (M ).
Exercice III.1.5. Soient k un corps et M , N deux k[X]-modules correspondants respectivement aux
endomorphismes u et v des k-espaces vectoriels M et N (cf. Exemples III.1.3, 6.). Comment caractériser
les éléments de Homk[X] (M, N ) ? Ceux de Autk[X] (M )
51
III.2.2 Intersection de sous-modules
Soit M un A-module, et soit (Mi )i∈I une famille de sous-modules de M . Alors
\
Mi ⊂ M
i∈I
est un sous-A-module de M .
coker(f ) = M2 /Im (f )
coim(f ) = M1 / ker(f )
52
III.2.6 Produits
Q
Soit (Mi )i∈I une famille de A-modules. On munit le produit des groupes abéliens i∈I Mi d’une
structure de A-module par
Y
a · (mi )i∈I = (a · mi )i∈I , (a ∈ A), (mi )i∈I ∈ Mi
i∈I
Q
Les projections pj : i∈I Mi → Mj sont des morphismes de A-modules.
Q pour tout i ∈ I, un morphisme de A-modules
La propriété universelle du produit est : étant donné
fi : N → Mi , il existe un unique morphisme f : N → i∈I Mi tel que fj = pj ◦ f , pour tout j ∈ I, ou
autrement dit
Y Y
HomA (N, Mi ) ' HomA (N, Mi ).
i∈I i∈I
Remarque III.2.5. Les deux notions, produit et somme directe, sont proches mais non équivalentes :
c’est évident lorsqu’on
Q considèreL
des sommes et produits infinis, mais même lorsque l’ensemble d’indices
est fini et que l’on a i∈I Mi = i∈I Mi , le produit vient avec les projections canoniques pi , tandis que
la somme vient avec les injections canonique ιi .
(seul un nombre fini de mi sont non nuls, ceci est bien défini). Ce morphisme est surjectif. S’il est aussi
injectif, c’est-un isomorphisme.P
L On dit alors que les Mi sont en somme directe dans M , et l’on écrit aussi
i∈I Mi pour le sous-module i∈I Mi dans ce cas (somme directe interne).
53
unique morphisme φ : X → L rendant le diagramme suivant commutatif
X
h
φ
' */
L M
h0 f
f0 g
M0 /N
g0
1- Montrer l’existence et l’unicité d’un tel objet (deux tels objets sont isomorphes par un isomorphisme
uniquement déterminé) .
2- Montrer que f 0 induit un isomorphisme de ker f sur ker g 0 et que si g 0 est injectif, alors f aussi.
N /M
g
g0 f
f0
M0 /L h
'*
h0
X
f¯ : M/ ker f → M 00 ,
54
Démonstration. La projection canonique π : M → M/M 0 , de noyau M 0 , induit π̄ : M/M 00 → M/M 0 ,
dont le noyau est M 0 /M 00 . On applique le premier théorème d’isomorphisme en remarquant que π étant
surjective, π̄ aussi.
M 0 −→ M 0 + M 00 −→ M 0 + M 00 /M 00 .
est exacte si et seulement si pour tout i = 0, . . . , n − 1, Im (fi ) = ker(fi+1 ) Une suite exacte coute est
une suite exacte de la forme
f g
0 −→ M 0 −→ M −→ M 00 −→ 0
en particulier f est injective et g est surjective.
La notion de suite exacte est au coeur de l’étude des modules, la raison en étant qu’en un certain sens,
le module M peut s’analyser en termes de son sous-module Im (f ) isomorphe à M 0 et de son module
quotient M/ ker g isomorphe à M 00 .
On dit qu’une suite exacte courte vérifiant l’une de ces conditions est scindée. Une telle suite réduit
l’étude du module M à celle d’une somme directe de deux modules plus petits . Si A = k est un
corps, une suite exacte courte de k-espaces vectoriels est toujours scindée (tout sous-espace admet un
supplémentaire). Ce n’est pas le cas en général pour des A-modules.
55
Exercice III.4.3. On munit Z2 de structures de Z[X]-modules par
(a) X · (a, b) = (b, a)
(b) X · (a, b) = (a + b, b).
Dans le cas (a), quelles sont les structures de Z[X]-modules sur Z qui font de
a7→(a,a)
0 −→ Z −→ Z2 −→ Z −→ 0
u v
Soit M 0 −→ M −→ M 00 −→ 0 une suite exacte courte de A-modules.
·◦v ·◦u
0 −→ HomA (M 00 , N ) −→ HomA (M, N ) −→ HomA (M 0 , N ).
0 /L /M /N /0
f g h
0 / L0 / M0 / N0 /0
Montrer que si, parmi les trois momorphismes f , g et h, deux sont des isomorphismes, alors le troisième
est aussi un isomorphisme.
L
u /M v /N /0
f g h
0
/ L0 u / M0 v0 / N0
0
(Indication : les deux premières flèches sont induites par u et v ; les deux dernières par u0 et v 0 . Soit
x ∈ ker h ; on peut écrire x = v(y), avec y ∈ M ; il existe alors un unique z ∈ L0 tel que u0 (z) = g(y). On
vérifie que la classe z + Im f ne dépend que de x et pas du choix de y, ce qui autorise à poser δ(x) = z.
L’homomorphisme δ étant ainsi défini, il faut vérifier que la suite obtenue est exacte. Note : δ est appelé
homomorphisme de liaison.)
56
Plus généralement, pour toute partie E ⊂ M , on pose
\
AnnA (E) = {a ∈ A| a · m = 0, (∀m ∈ E)} = AnnA (m).
m∈E
C’est un idéal (à gauche) de A, appelé idéal annulateur de E. Remarquons que AnnA (M ) est un idéal
bilatère de A.
Un élément m ∈ M est dit de torsion si AnnA (m) 6= {0}. L’ensemble des éléments de torsion de M
est noté TorA (M ).
Remarque III.5.1. La possibilité d’avoir des éléments de torsion dans un module est un des faits qui
distingue la théorie générale des modules de la théorie des espaces vectoriels.
L’ensemble TorA (M ) n’est pas en général un sous-module de M . Par exemple, si M = A, les éléments
de torsion sont les diviseurs (à droite) de zéro, qui ne forment pas un idéal en général. Pour avoir cette
propriété, il faut des hypothèses supplémentaires, par exemple :
Proposition III.5.2. Soit M un A-module, où A est anneau commutatif, intègre. Alors TorA (M ) est
un sous-module de M .
On dit que la famille (xi )i∈I est génératrice si ce morphisme est surjectif, c’est-à-dire que le sous-module
engendré par les xi (voir section III.2.3) est M tout entier.
Les éléments du noyau de ce morphisme s’appellent les relations entre les xi . On dit que la famille
(xi )i∈I est libre si ce noyau est trivial.
Si le morphisme (III.6.1) est un isomorphisme, le famille (xi )i∈I est à la fois libre et génératrice, et
l’on dit que c’est une base de M .
On dit que le module M est libre s’il admet une base, c’est-à-dire s’il est isomorphe à un A(I) .
Exercice III.6.2. Quelles sont les bases du A-module A ?
Remarque III.6.3. Le vocabulaire ci-dessus est cohérent avec le vocabulaire usuel de la théorie des
espaces vectoriels, mais de nombreuses propriétés valides pour les espaces vectoriels ne sont plus vraies
en général.
1 - Un A-module M n’admet pas nécessairement de base. Par exemple, si I est un idéal de A non
nul et non égal à A, alors tous les éléments de A/I sont de torsion : Tor(A/I) = A/I et A/I n’admet
aucune famille libre non vide.
2 - Si M est un module libre, un sous-module de M n’est pas nécessairement libre. Par exemple, si
I est un idéal de A non nul et non égal à A, alors deux éléments de I sont liés, et les familles libres de
I ont au plus un élément. Les idéaux I ne sont libres que si si A est principal, et même cette condition
n’est pas suffisante, il faut en plus supposer A intègre.
3 - Une famille libre maximale n’est pas nécessairement une base : dans le Z-module Z, la famille à
un élément (2) est libre et maximale (elle n’est strictement contenue dans aucune autre famille libre).
4 - Une famille génératrice minimale n’est pas nécessairement une base : dans le Z-module Z, la famille
à deux élément (2, 3) est génératrice et minimale (elle ne contient aucune sous-famille génératrice), mais
ce n’est pas une base.
57
III.6.1 Modules libres
Théorème III.6.4. Soit A un anneau commutatif, et soit M un A-module admettant une base finie
(x1 , . . . , xn ) ayant n éléments. Alors toute base de M est de cardinal n. De manière équivalente, si An
et Am sont isomorphes, alors n = m. On appelle alors rang de M le cardinal d’une de ses bases.
Ce qui est surprenant dans cet énoncé, c’est que la condition A commutatif est nécessaire. En effet
il existe un anneau non commutatif A tel que An et Am soient isomorphes, avec n 6= m, mais un tel
exemple est difficile à construire.
Démonstration. Nous esquissons deux démonstrations. La première est basée sur le théorème de Krull
(voir chapitre IV). Soit I un tel idéal maximal. Alors A/I est un corps. Supposons que l’on ait un
isomorphisme fP: An → Am . Soit (e1 , . . . , en ) la base canonique de An , et soit (i1 , . . . , in ) ∈ I n . On a
n
f (i1 , . . . , in ) = i=1 ii f (ei ) ∈ I m car I est un idéal. Le morphisme f induit donc un morphisme
n m
f¯ : (An /I n ) ' (A/I) −→ (Am /I m ) ' (A/I) .
On vérifie facilement que f¯ reste un isomorphisme. On est donc ramené au cas des espaces vectoriels sur
un corps, que l’on suppose connu, et l’on obtient n = m.
La seconde démonstration utilise la théorie des matrices à coefficients dans A. On suppose que M
admet
Pn deux bases, P la première (e1 , . . . , en ), et la seconde (f1 , . . . , fm ), avec m > n. On écrit fi =
m
a e
j=1 ij j , et e j = k=1 bjk fk , ce qui en substituant donne pour i = 1, . . . , m
!
n
X m
X m
X Xn
fi = aij bjk fk = aij bjk fk
j=1 k=1 k=1 j=1
En terme matriciel, avec A = (aij ) ∈ Mm,n (A) et B = (bk,` ) ∈ Mn,m , ceci équivaut à AB = Im .
On complète les matrices rectangulaires A et B en des matrices carrées Ã, B̃ dans Mn (A) en ajoutant
m − n lignes nulles à B (en bas), et m − n colonnes nulles à A (à droite). On a encore ÃB̃ = Im ,
et l’on peut montrer en utilisant la théorie des déterminants, que à et B̃ sont inversibles. En effet la
formule det(M )In = A × t Com(A) (transposée de la comatrice) reste valable sur un anneau commutatif,
et det(ÃB̃) = 1 = det(Ã) det(B̃), donc det(Ã), det(B̃) sont inversibles dans A, ce qui montre l’assertion.
On a ainsi B̃ Ã = Im , ce qui est en contradiction avec la forme de ces matrices.
En effet, la définition de cet isomorphisme est naturelle , dans le sens usuel de cet adjectif en
français : pour tout j ∈ I l’on note δj l’élément de A(I) défini par δj (i) = 1A si i = j et 0A si-
non. Si φ ∈ HomA (A(I) , N ), on définit un élément de HomEns (I, N ) par i 7→ φ(δi ), et réciproquement
f ∈ HomEns (I, N ), on définit φ(δi ) = f (i) et ceci s’étend de manière unique par linéarité en un morphisme
φ ∈ HomA (A(I) , N ). Ces deux opérations sont inverses l’une de l’autre et définissent l’isomorphisme (de
Z-modules) cherché. La naturalité de cet isomorphisme a aussi un sens technique, que nous n’expli-
citons pas totalement (c’est un concept de la théorie des catégories). Disons simplement que tout élément
g ∈ HomEns (I, J) définit par composition
∗
gN : HomEns (J, N ) −→ HomEns (I, N ), f 7→ f ◦ g,
58
qui définit à son tour par composition
∗
gM = HomA (A(J) , M ) −→ HomA (A(I) , M ), φ 7→ φ ◦ g (.) .
et
ψ∗I : HomEns (I, M ) −→ HomEns (I, N ), f 7→ ψ ◦ f,
∗ ∗
Remarquons que ψ∗I ◦ gM : HomA (A (J)
, M ) −→ HomA (A (I)
, N ) est égal à gN ◦ ψ∗J , et de même pour
∗ ∗
ψ∗I ◦ gM , gN ◦ ψ∗J : HomEns (J, M ) −→ HomEns (I, N ).
Notons simplement (g, ψ) ces morphismes. On a alors, pour tout g,ψ comme ci-dessus :
est une suite exacte courte de A-modules, alors pour tout A-module N
u◦· v◦·
0 −→ HomA (N, M 0 ) −→ HomA (N, M ) −→ HomA (N, M 00 )
est exacte.
Le but de cet exercice est de caractériser les modules N tels que l’on obtienne une suite exacte courte
complète :
u◦· v◦·
0 −→ HomA (N, M 0 ) −→ HomA (N, M ) −→ HomA (N, M 00 ) → 0
Les modules vérifiant cette propriété (P1) sont appelés modules projectifs.
1. Montrer que P est projectif si et seulement si :
f f
(P2) pour tout morphisme P −→ M 00 et pour tout morphisme M −→ M 00 surjectif, il existe un
h
morphisme P −→ M tel que f = g ◦ h. On illustre cela par le diagramme commutatif
P
h
f
}
M
g
/ M 00 /0
Remarque III.6.7. La notion duale de module injectif est étudiée dans le sujet d’examen de juin 2019
(voir chapitre IX). On inverse le sens des flèches dans (P1), (P2), (P3).
59
III.6.4 Modules cycliques
Définition III.6.8. On dit qu’un A-module M est cyclique (ou monogène) s’il est engendré par un seul
élément.
A → M, a 7→ a · x
est surjectif, et son noyau est I = AnnA (x) qui est un idéal à gauche de A. On a donc M ' A/I, et
réciproquement, si I est un idéal à gauche de A, A/I est un A-module cyclique.
Exercice III.6.9. On suppose A commutatif. Soit M un A-module monogène engendré par un élément
x ∈ M . Montrer que l’idéal annulateur I = AnnA (x) est en fait indépendant du générateur x choisi.
ι1 ∈ LA (M1 , . . . , Mr N1 ), ι2 ∈ LA (M1 , . . . , Mr , ; N2 )
vérifiant la propriété universelle ci-dessus. Alors N1 et N2 sont isomorphes, par un unique isomorphisme
ϕ : N1 ' N2 vérifiant ϕ ◦ ι1 = ι2 .
Il reste à montrer l’existence du produit tensoriel. On le réalise comme quotient du module libre
A(M1 ×···×Mr ) . Les éléments de A(M1 ×···×Mr ) sont les familles d’éléments de A indexées par M1 × · · · × Mr
et à support fini, et une base de ce module libre est donnée par les (δ(m1 ,...,mr ) )(m1 ,...,mr )∈M1 ×···×Mr ,
60
où δ(m1 ,...,mr ) est la famille valant 1A sur l’élément (m1 , . . . , mr ) et 0A sur tous les autres éléments. On
considère le sous-module N0 de A(M1 ×···×Mr ) engendré par les éléments de la forme
M ⊗A N ' N ⊗A M, (m ⊗ n) 7→ n ⊗ m.
5. On a canoniquement A ⊗A M ' M .
Exercice III.7.4. Calculer (Z/2Z) ⊗Z (Z/3Z). Plus généralement, pour m,n entiers positifs, calculer
(Z/nZ) ⊗Z (Z/mZ).
Exercice III.7.5. Soient k un corps, M et N des k-espaces vectoriels et M ∗ , N ∗ leur dual respectif.
Etudier l’injectivité et la surjectivité des morphismes
M ∗ ⊗k N ∗ −→ (M ⊗ N )∗ , f ⊗ g 7→ (m ⊗ n 7→ f (m) ⊗ g(n).
Endk (M ) ⊗k Endk (N ) −→ Endk (M ⊗ N ), f ⊗ g 7→ (m ⊗ n 7→ f (m) ⊗ g(n).
61
Exercice III.7.6. Soit M un A-module. Supposons que l’on ait une suite exacte
φ ψ
N 0 −→ N −→ N 00 −→ 0.
soit une suite de A-module, que l’on ne suppose pas exacte. Alors (∗) est exacte si et seulement si pour
tout A-module K,
φ ψ
(∗∗) 0 −→ HomA (L0 , K) −→ HomA (L, K) −→ HomA (L00 , K).
est exacte
A × B → B, (a, b) 7→ f (a)b
B × (B ⊗A M ) −→ B ⊗A M, (b, c ⊗ m) 7→ bc ⊗ M.
Dans l’autre sens, toujours grâce à f : A → B, on peut munir un B-module N d’une structure de
A-module par
A × N −→ N, (a, n) 7→ f (a) · n
et l’on appelle ce A-module la restriction des scalaires de B à A du module N . On le note resB
A (N ) pour
le plaisir d’être lourd.
Proposition III.7.8. Soit M un A-module et N un B-module. On un un isomorphisme naturel
Démonstration. Si f ∈ HomA (M, resB A (N )), définissons F : B × M → N par F (b, m) = b · f (m). C’est
une application bilinéaire, qui s’étend donc au produit tensoriel B ⊗A M . Il est immédiat de voir que
ceci réalise l’isomorphisme voulu.
Exercice III.7.9. Soient I, J ⊂ A deux idéaux de l’anneau commutatif A. Montrer que l’on a un
isomorphisme de A-algèbres
(A/I) ⊗A (A/J) ' A/(I + J).
En déduire (Z/nZ) ⊗Z (Z/mZ) pour tout couple d’entiers naturels non nuls (m, n).
62
Exercice III.7.10. Soient A → B et A → C des morphismes d’anneaux commutatifs. Montrer que le
produit tensoriel B ⊗A C est muni canoniquement d’une structure de A-algèbre.
Exercice III.7.11. Soit φ : A → B un morphisme d’anneaux commutatifs et soit P ∈ A[X]. On note
encore φ : A[X] → B[X] le morphisme induit par φ en l’appliquant aux coefficients des polynômes.
Montrer que l’on a un isomorphisme de B-algèbres
Comme dans le cas commutatif, et comme pour tout objet défini par une propriété universelle, M ⊗A N
est caractérisé par cette propriété à isomorphisme près. La construction de M ⊗A N se fait comme dans le
cas commutatif, en prenant le quotient de Z(M ×N ) par le sous-module engendré par les relations voulues.
On passe les détails.
63
64
Chapitre IV
Dans ce très court chapitre, nous rappelons l’énoncé de l’axiome du choix et nous donnons deux
énoncés équivalents souvent utilisé en algèbre, le lemme de Zorn et le théorème de Krull.
Axiome du choix. L’axiome du choix est un axiome de la théorie des ensembles. Voici quelques
formulations équivalentes.
(a) Pour tout ensemble X d’ensembles, il existe une fonction de choix f sur X, c’est-à-dire qu’à tout
ensemble E de X est associé un élément f (E) de E.
(b) Pour toute ensemble E, il existe une fonction f sur P(E) (l’ensemble des parties de E) telle que
pour tout A ∈ P(E), f (A) ∈ A.
(c) Pour toute relation d’équivalence sur un ensemble, il existe un ensemble de représentants des
classes.
(d) Toute surjection p : X → Y possède une section, c’est-à-dire une application s : Y → X telle
que p ◦ s = IdY .
Q
(e) Le produit i Xi d’une famille d’ensembles non vide est non vide.
Lemme de Zorn. Un ensemble partiellement ordonné E est dit inductif quand toute partie S de E
totalement ordonnée (ou chaı̂ne) de E admet un majorant (c’est-à-dire un élément M ∈ E tel que pour
tout s ∈ S, s ≤ M ).
Le lemme de Zorn dit que tout ensemble inductif E admet un élément maximal, c’est-à-dire un
élément m ∈ E tel que si x ≥ m dans E, alors x = m.
Théorème de Krull. Tout idéal propre d’un anneau commutatif est contenu dans un idéal maximal.
Dans un anneau non commutatif, on a des énoncés similaires avec les idéaux à gauche, à droite, ou
bilatères.
Outre le théorème de Krull, des énoncés très importants en algèbre nécessitent l’axiome du choix.
Théorème de la base incomplète. Toute famille libre dans un espace vectoriel peut être complétée
en une base, et de toute famille génératrice, on peut extraire une base.
Clôture algébrique d’un corps. Tout corps admet une clôture algébrique.
65
66
Chapitre V
E. Noether
V.1 Conditions de finitude
Définition V.1.1. Soit M un A-module. Si M admet une famille génératrice finie, on dit que M est de
type fini.
Exercice V.1.2. Le but de cet exercice est de donner une définition équivalente de module de type fini
qui ne fasse pas appel aux notions ensemblistes (éléments d’un ensemble) mais seulement aux notions
catégorielles (les A-modules et leur morphismes).
Montrer que M est un module de type fini si et seulement si la propriété suivante est vérifiée.
S
(i) Soit (Mi )i∈I une
S famille de sous-modules de M telle que i∈I Mi = M . Alors il existe une partie
finie J ⊂ I telle que i∈J Mj = M .
On remarquera l’analogie de (i) avec la définition des compacts en topologie.
On appelle chaı̂ne dans M une famille (Mi )i∈I de sous-modules totalement ordonnée pour l’inclusion
(c’est-à-dire que pour i, j ∈ I, soit on a Mi ⊂ Mj , soit Mj ⊂ Mi ). Considérons la propriété suivante :
S
(ii) Pour toute chaı̂ne de sous-modules propres (Mi )i∈I , i∈I Mi est encore un sous-module propre.
Montrer que si M est de type fini, M vérifie (ii). La réciproque est vraie aussi, mais difficile (voir [5],
§4.10, Thm 1).
Remarque V.1.3. Signalons une notion proche qui est celle de module de présentation finie, voir [4]
ou [3].
Définition V.1.4. Un A-module M est dit noetherien si tout ensemble non vide U de sous-modules de
M admet un élément maximal, c’est-à-dire qu’il existe M0 ∈ U tel que si M1 ∈ U vérifie M0 ⊂ M1 , alors
M0 = M1 .
67
Voici d’autres définitions équivalentes de cette notion.
Proposition V.1.5. Le A-module M est noethérien si et seulement si l’une des deux conditions suivantes
est vraie :
(i) tout sous-module de M est de type fini,
(ii) Toute suite croissante
M 1 ⊂ M 2 ⊂ . . . ⊂ Mn ⊂ . . .
de sous-modules de M est stationnaire à partir d’un certain rang.
Démonstration. Montrons que (ii) implique que M est noethérien, en supposant que (ii) est vrai et
qu’il existe un ensemble U non vide de sous-modules de M qui ne contient pas d’élément maximal pour
l’inclusion. Prenons M1 ∈ U. Comme M1 n’est pas maximal pour l’inclusion, il existe M2 ∈ U tel que
M1 ⊂ M2 . Mais M2 n’est pas non plus maximal pour l’inclusion... On construit donc une suite infinie
strictement croissante de sous-modules de M , ce qui contredit (ii).
Supposons M noethérien et montrons (i) : Soit M 0 un sous-module de M . Considérons l’ensemble U
de tous les sous-module de type fini de M 0 . Cet ensemble admet un élément maximal, disons M0 . Pour
tout m ∈ M 0 , le sous-module M0 + A · m (le module engendré par M0 et m) est de type fini, et donc par
maximalité de M0 , on a M0 + A · m = M0 , c’est-à-dire m ∈ M0 , ce qui prouve que M0 = M 0 , et M 0 est
de type fini.
Supposons maintenant (i) et montrons (ii). Soit
M 1 ⊂ M 2 ⊂ . . . ⊂ Mn ⊂ . . .
S
une suite croissante de sous-modules. La réunion M∞ = n∈N>0 Mn est un sous-module de M , donc de
type fini. Soit (m1 , . . . , mr ) une famille finie génératrice de S
M∞ , et pour chaque mi , soit Mni l’un des
sous-module de la suite avec mi ∈ Mni . On a alors M∞ = i=1,...,r Mni ce qui montre que la suite de
sous-modules est stationnaire à partir de maxi=1,...,r ni .
Si l’on remplace le mot maximal par minimal dans la définition d’un module noethérien
ci-dessus, on obtient la notion de module artinien. La caractérisation (ii) de la proposition se traduit en
remplaçant suite croissante de sous-modules par suite décroissante .
Définition V.1.6. Un A-module M est dit artinien si tout ensemble non vide U de sous-modules de M
admet un élément minimal, c’est-à-dire qu’il existe M0 ∈ U tel que si M1 ∈ U vérifie M1 ⊂ M0 , alors
M0 = M1 .
De manière équivalente, un module est artinien si toute suite décroissante
M 1 ⊃ M2 ⊃ . . . ⊃ Mn ⊃ . . .
Exercice V.1.8. 1. Montrer qu’un produit direct fini de A-modules noethériens (resp. artiniens) est
noethérien (resp. artinien).
2. Soit 0 → M 0 → M → M 00 → 0 une suite exacte courte de A-modules. Montrer que M est
noethérien (resp. artinien) si et seulement si M 0 et M 00 sont noethériens (resp. artiniens).
Définition V.1.9. Un anneau A est noetherien, s’il est noetherien en tant que A-module à gauche.
Autrement dit, toute suite croissante d’idéaux à gauche de A est stationnaire.
68
Théorème V.1.10. Tout module de type fini sur un anneau noethérien est noethérien.
Démonstration. Soit A un anneau noethérien, et soit M un A-module de type fini : Il existe r ∈ N>0 et
un morphisme surjectif Ar → M . Le module M est donc isomorphe à un module quotient de Ar . Or Ar
est noethérien d’après l’exercice V.1.8, (1) et donc M est noethérien d’après le (2) du même exercice.
Une classe importante d’anneau noethérien est celle des anneaux commutatifs principaux, c’est-à-dire
tel que tout idéal I de A est monogène (engendré par un seul élément). C’est le cas de Z.
On a aussi le théorème de la base de Hilbert, que nous ne démontrons pas ici, voir par exemple [4],
§VI.2.
Théorème V.1.11. Soit A un anneau commutatif noethérien. Alors l’anneau des polynômes A[X] est
noethérien.
Exercice V.1.12. Soit f : M → M un endomorphisme de A-modules.
(a) On suppose M noethérien. Montrer que si f est surjectif, alors c’est un isomorphisme.
(b) On suppose M artinien. Montrer que si f est injectif, alors c’est un isomorphisme.
(c) (Lemme de Fitting) On suppose M noethérien et artinien. Montrer qu’il existe une décomposition
M = M−∞ ⊕ M∞
de M en somme directe de deux sous-modules stables par f , tels que la restriction de f à M∞ soit un
automorphisme, et la restriction de f à M−∞ soit nilpotente.
Remarque V.1.13. On peut particulariser le lemme de Fitting au cas où A = k est un corps et M = V
est un k-espace vectoriel de dimension finie. Pour tout endomorphisme f de V , il existe une décomposition
de V en somme directe
V = V−∞ ⊕ V∞
telle que la restriction de f à V−∞ soit nilpotente et la restriction à V∞ inversible.
Nous allons donner un critère pour qu’un module M soit indécomposable qui s’exprime par une
propriété de l’anneau EndA (M ).
Définition V.2.2. Un anneau E est dit local si I = E \ E × est un idéal bilatère.
On voit facilement que I = E \ E × contient tout idéal propre de E (un idéal propre ne contient pas
d’inversible). Si I = E \ E × est un idéal bilatère, il est donc maximal, et c’est l’unique idéal maximal
de E.
Théorème V.2.3. Soit M un A-module noethérien ou artinien. Si EndA (M ) est un anneau local, alors
M est indécomposable. Si l’on suppose M noethérien et artinien, la réciproque est vraie. Plus précisément,
on a alors les équivalences suivantes :
(i) le module M est indécomposable.
(ii) l’anneau E = EndA (M ) est local.
Démonstration. Supposons que M ne soit pas indécomposable, on va montrer que E = EndA (M ) n’est
pas local. On a par hypothèse l’existence d’une décomposition non triviale M = M 0 ⊕ M 00 . On a alors
une décomposition
EndA (M 0 ) HomA (M 0 , M 00 )
E = EndA (M ) =
HomA (M 00 , M 0 ) EndA (M 00 )
69
IdM 0 0
Posons e = (c’est l’opérateur de projection sur M 0 , il vérifie e2 = e). Regardons l’idéal
0 0
bilatère de E engendré par e, c’est-à-dire EeE. Supposons EeE = E : il existe a, b ∈ E tel que 1E =
IdM = aeb. On en déduit que a ∈ EndA (M ) est surjectif, et b est injectif. On utilise l’exercice V.1.12, (a)
ou (b) selon le cas où on se trouve, pour déduire que soit a, soit b est un isomorphisme. Par exemple, si M
est noethérien, a est un isomorphisme, et 1E = eba, donc e surjectif, ce qui constitue une contradiction
avec la non trivialité de la décomposition. Ainsi EeE 6= E. De même E(1 − e)E 6= E. Si E est local,
d’unique idéal bilatère M = E \ E × , on a alors e, 1E − e ∈ M et donc 1E = e + (1E − e) ∈ M :
contradiction. Donc E n’est pas local. On a donc montré que (i) =⇒ (ii).
Supposons M noethérien, artinien et indécomposable. D’après le lemme de Fitting, (exercice V.1.12),
tout élément non nul de E = EndA (M ) est soit nilpotent, soit inversible, et ainsi l’ensemble M = E \ E ×
est l’ensemble des nilpotents de E. Montrons que c’est un idéal bilatère : soit e ∈ M et a ∈ E. Comme e est
nilpotent, on a d’après l’exercice V.1.12, ker(e) 6= {0} et Im (e) 6= E, d où ker(ae) 6= {0} et Im (ea) 6= E.
Ainsi ea et ae ne sont pas inversibles, ils sont donc nilpotents, et M est stable par multiplication à gauche
et à droite par un élément de E. Il reste à montrer que M est un sous-groupe additif de E. Si e, e0 ∈ M
sont tels que e + e0 est inversible, il existe c ∈PE avec ec = 1E − e0 c, et comme ec0 ∈ M, il est nilpotent,
∞
et donc 1 − ec = ec est inversible (d’inverse j=0 (ec0 )j ) ce qui constitue une contradiction avec le fait
0
Si M est à la fois noethérien et artinien, cette application κ est unique. On la note alors κM , et κM (N )
est la multiplicité du module indécomposable N dans M .
...
(n+1) (n+1) (n) (1) (0)
M= M1 ⊕ M2 ⊕ M2 ⊕ · · · ⊕ M2 ⊕ M2
On obtient ainsi en particulier une suite strictement croissante de sous-modules
(0) (0) (1) (0) (1) (n)
M2 ⊂ M2 ⊕ M2 ⊂ · · · ⊂ M2 ⊕ M2 ⊕ · · · ⊕ M2 ,
M ⊕ M 0 ' N = N1 ⊕ · · · ⊕ Nt
70
alors il existe un indice s entre 1 et t tel que
M
M ' Ns et M 0 ' Nj .
j6=s
0 0
Φ = (φ, φ ) : M ⊕ M → N l’isomorphisme de l’énoncé, écrit sous forme matricelle, et Ψ =
Soit
ψ
: N → M ⊕ M 0 son inverse. On note ιi l’injection canonique de Ni dans N et pi la projection
ψ0
canonique de N sur Ni . On a
ψ◦φ IdM
IdN = φ ◦ ψ + φ0 ◦ ψ 0 , =
ψ 0 ◦ φ0 IdM 0
t
X
IdM = ψ ◦ φ = ψ ◦ ιi ◦ pi ◦ φ
i=1
D’après le théorème V.2.3, E = EndA (M ) est un anneau local, et donc E \ E × est un idéal bilatère.
Ainsi au moins l’un des ψ ◦ ιi ◦ pi ◦ φ est inversible, disons χ = ψ ◦ ιs ◦ ps ◦ φ ∈ E × . On en déduit
que ψ ◦ ιs est une surjection de Ns sur M et ps ◦ φ est une injection de M dans Ns . De plus Ns =
Im (ps ◦ φ) ⊕ ker(ψ ◦ ιs ). Comme Ns est indécomposable, on a donc Ns = Im (ps ◦ φ) et ker(ψ ◦ ιs ) = {0},
ce qui fournit l’isomorphisme entre Ns et M .
On a χ−1 ◦ ψ ◦ ιs ◦ ps ◦ φ = IdM et ps ◦ φ ◦ χ−1 ◦ ψ ◦ ιs = IdNs . On définit pour j 6= s, ι0j : Nj → M 0
et p0j : M 0 → Nj par
= pj ◦ ιj − pj ◦ φ ◦ ψ ◦ ιj − pj ◦ φ ◦ χ−1 ◦ ψ ◦ ιs ◦ ps ◦ ιj + pj ◦ φ ◦ χ−1 ◦ ψ ◦ ιs ◦ ps ◦ φ ◦ ψ ◦ ιj
Comme pj ◦ ιj = IdNj , ps ◦ ιj = 0, χ−1 ◦ ψ ◦ ιs ◦ ps ◦ φ = IdM , on obtient le résultat voulu. De même on
vérifie que p0j ◦ ι0i = 0 si i 6= j. Enfin, on a
X
ι0j ◦ p0j = IdM 0 ,
j6=s
Ce théorème présente un aspect satisfaisant : l’étude des A-modules se ramène à celle des modules
indécomposables. Ceux-ci sont les blocs de base grâce auxquels tous les autres modules sont obtenus par
somme directe. L’aspect moins satisfaisant est que les modules indécomposables peuvent avoir une struc-
ture interne compliquée, difficile à analyser. D’autre part, on ne connait une classification des modules
indécomposables que dans très peu de cas, par exemple les anneaux semi-simples (voir exercice V.3.10),
ou les anneaux de Dedekind, dont nous verrons un cas particulier, celui des anneaux principaux.
Exercice V.2.5. Soit F un corps fini, de cardinal disons q. On rappelle que pour chaque entier naturel
n, le groupe GLn (F ) est d’ordre
αn = (q n − 1)(q n − q) . . . (q n − q n−1 ).
(i) Soient k ≤ n deux entiers naturels. Montrer qu’il y a exactement αn /αk αn−k paires (X, Y ) formées
de deux sous-espaces vectoriels supplémentaires de F n , tels que dim X = k et dim Y = n − k.
71
(ii) Pour chaque entier naturel n, on note βn le nombre de matrices nilpotentes dans Mn (F ) (on
convient que β0 = 1). Montrer que
n
X 2
βk /αk = q n /αn .
k=0
Les modules simples sont faciles à caractériser en termes d’idéaux maximaux. En effet, soit M un
module simple et soit 0 6= m ∈ M . Considérons
p : A → M, a 7→ a · m.
Ce morphisme doit être surjectif, donc M est monogène, engendré par m. Si l’on pose M = ker(p), on a
A/M ' M , et M est un idéal à gauche maximal de A.
Définition V.3.2. On dit qu’un anneau E est un anneau à division si tout élément non nul est inversible
(E \ {0} = E × ).
Un anneau à division est en particulier local, {0} = A \ A× étant son unique idéal bilatère maximal.
Lemme V.3.3 (Lemme de Schur). Si M et M 0 sont deux A-modules simples, alors on est dans l’une
des deux situations suivantes :
- M et M 0 ne sont pas isomorphes, et alors HomA (M, M 0 ) = {0}.
- M et M 0 sont isomorphes : on fixe un isomorphisme φ : M ' M 0 . Tout morphisme ψ ∈ HomA (M, M 0 )
est alors de la forme ψ = χ ◦ φ avec χ ∈ EndA (M ), ce qui fournit un isomorphisme de groupes abéliens
Démonstration. L’image et le noyau d’un morphisme de A-module sont des sous-modules, et tout se
déduit facilement de là. Pour le second point, on utilise le fait qu’un endomorphisme k-linéaire d’un
espace vectoriel de dimension finie admet une valeur propre et un sous-espace propre non trivial si k est
algébriquement clos.
72
Exercice V.3.4. Montrer que si E est une k-algèbre à division de k-dimension finie, k algébriquement
clos, alors E = k.
Lt
Corollaire V.3.5. Soit M = i=1 Mi⊕ni un A-module somme directe de modules simples Mi deux à
deux non isomorphes. On a alors un isomorphisme canonique d’anneaux
t
Y
EndA (M ) ' Mni (EndA (Mi )).
i=1
EndA (M ) anneau à division +3 EndA (M ) anneau local
Proposition V.3.6. Soit M un A-module. Alors M admet deux sous-modules M1 ⊂ M2 tels que le
quotient M2 /M1 soit simple. Si M est de type fini, alors M admet un quotient simple.
Démonstration. Supposons M de type fini. Considérons l’ensemble S des sous-modules propres de M ,
ordonné par inclusion. Pour pouvoir appliquer le lemme de Zorn, vérifions que si
N1 ⊂ N2 ⊂ · · · ⊂ Ni ⊂ Ni+1 ⊂ · · ·
est une suite croissante de sous-modules propres, alors leur union ∪i Ni est encore un sous-module propre.
Supposons le contraire, c’est-à-dire M = ∪i Ni . Comme M est de type fini, tout ses générateurs sont
dans un certain Ni0 , et l’on a alors M = ∪i Ni = Ni0 , ce qui contredit le fait que Ni0 est propre. Ainsi S
est inductif. Il admet un élément maximal N . Le quotient M/N est alors simple.
Si M n’est pas de type fini, on considère un sous-module M2 de type fini de M , et l’on vient de
montrer qu’il existe un sous-module M1 de M2 tel que M2 /M1 est simple.
Lemme V.3.7. Soit M un A-module. Les conditions suivantes sont équivalentes :
P
(i) il existe des modules simples Mi , i ∈ I, tels que M = i∈I Mi ,
L
(ii) il existe des modules simples Mj , j ∈ J, tels que M = j∈J Mj ,
(iii) pour tout sous-module M 0 de M , il existe un sous-module M 00 tel que M = M 0 ⊕ M 00 .
On dit alors que M est semi-simple ou complètement réductible.
Démonstration. Il est clair que (ii) =⇒ (i). Supposons (i) et montrons (iii). Soit M 0 un sous-module
de M . On peut, d’après l’hypothèse, écrire M comme une somme (mais pas directe) de sous-objets,
X
M= Mi
i∈I
P
pour un certain ensemble d’indices I. Prenons un sous-module de M de la forme j∈J Mj , J ⊂ I,
maximal pour l’inclusion et tel que la somme F = M 0 + j∈J Mj soit directe (l’existence d’un tel J est
P
assurée par le lemme de Zorn).
L Alors cette somme est égale à M . En effet, il suffit de voir que chaque Mi ,
i ∈ I, est dans F = M 0 ⊕( j∈J Mj ). Comme l’intersection de F avec Mi est un sous-module de Mi , cette
intersection est Mi ou 0 puisque Mi est simple. Si cette intersection était nulle, on pourrait adjoindre
i à J ce qui contredit la maximalité de J. Donc Mi ⊂ F . Montrons maintenant que (iii) implique (ii).
Commençons par voir que M admet alors un sous-module simple. Soit M 0 un sous-module de M de type
fini. Considérons l’ensemble S des sous-modules propres de M 0 , ordonné par l’inclusion. Nous avons vu
dans la démonstration de la proposition V.3.6 que cet ensemble est inductif, et donc qu’il admet d’après
le lemme de Zorn un élément maximal N . Cet N est un sous-module de M . D’après l’hypothèse, on peut
écrire M = N ⊕ F , pour un certain sous-module F . On a alors
M 0 = N ⊕ (M 0 ∩ F ).
Comme N est maximal dans M 0 , M 0 ∩ F est simple. Ceci montre que M admet un sous-module simple.
Soit maintenant M0 une somme directe maximale de sous-modules simples de M . Si M 6= M0 , on écrit
M = M0 ⊕ F . On applique maintenant la remarque précédente à F : il existe un sous-objet simple de
F . Ceci contredit la définition de M0 .
73
Corollaire V.3.8. Tout sous-quotient d’un module complètement réductible est complètement réductible.
Exercice V.3.9. Soit 0 → M 0 → M → M 000 → 0 une suite exacte courte de A-modules. Montrer que si
M est semi-simple, il en est de même de M 0 et M 00 . La réciproque est-elle vraie ?
Exercice V.3.10. Montrer que les conditions suivantes sur l’anneau A sont équivalentes :
(a) tout A-module M est semi-simple,
(b) le A-module régulier A est semi-simple.
On dit alors que A est un anneau semi-simple.
Exercice V.3.11. Soit A un anneau à division. Montrer que le seul A-module simple est le module
régulier A. En déduire que tout A-module est libre et semi-simple.
Exercice V.3.12 (Théorème de Maschke). Soit G un groupe fini et k un corps dont la caractéristique
ne divise pas |G|. Montrer que tout k[G]-module de k-dimension finie est semi-simple. Ceci reste-il vrai
sans l’hypothèse sur la caractéristique de k ?
M = F0 (M ) ⊃ F1 (M ) ⊃ · · · ⊃ Fn (M ) ⊃ Fn+1 (M ).
On dit que la filtration F• (M ) comme ci-dessus est une suite de composition de M si les quotients
Fi (M )/Fi+1 (M ) sont simples. Le module gradué GrF (M ) est alors semi-simple.
On associe à une telle suite de composition une fonction de multiplicité.
b→N
mF : A
74
peut comparer le résultat avec le théorème de Krull-Schmidt : dans ce théorème nous avions obtenu une
décomposition dont la structure est transparente (une somme directe), mais les modules indécomposables
peuvent eux avoir une structure assez compliquée, en particulier ils peuvent être assez gros et on ne
dispose que de peu de résultats de classification des indécomposables. En revanche, dans le théorème
de Jordan-Hölder, les modules simples (au sens mathématiques) sont des objets dont la structure est
accessible, mais la façon dont un module M est constitué de module simples peut être subtile.
Exemple V.3.14. Considérons la k-algèbre A des matrices triangulaires supérieures dans Mn (k) (k
est un corps), et pour M , prenons le module k n . Notons (e1 , . . . , en ) la base canonique de k n . On a une
filtration de k n donnée par Fn−i+1 (k n ) = he1 , . . . , ei i, et les quotients successifs, étant de dimension 1,
sont simples. C’est donc une suite de composition, dont le gradué associé est encore isomorphe à k n .
Mais l’action d’une matrice de A sur un élément du gradué ne se fait que par sa diagonale (le passage
aux quotients successifs tue l’action des coefficients au dessus de la diagonale).
Remarque V.3.15. Les hypothèses du théorème de Jordan-Hölder sont importantes : le Z-module Z
n’est pas artinien et il n’admet pas de suite de composition finie.
Lemme V.3.16 (du papillon). Soit M un A-module et soient M2 ⊂ M1 et N2 ⊂ N1 des sous-modules
de M . On a alors un isomorphisme canonique :
M2 + (M1 ∩ N1 ) N2 + (N1 ∩ M1 )
' .
M2 + (M1 ∩ N2 ) N2 + (N1 ∩ M2 )
M 1 ∩ N1 M2 + (M1 ∩ N1 )
' .
(M2 ∩ N1 ) + (N1 ∩ M2 ) M2 + (M1 ∩ N2 )
On conclut en échangeant le rôle des Mi et des Ni qui est symétrique.
Le diagramme suivant explique le nom du lemme et montre que les mathématiciens sont parfois des
poètes. Les doubles flèches indiquent les inclusions donnant des quotients isomorphes.
N1 ∩ M 2 M1 ∩ N2
+ s
M2 (N1 ∩ M2 ) + (M1 ∩ N2 ) N2
s +
M2 + (M1 ∩ N2 ) (M1 ∩ N1 ) N2 + (N1 ∩ M2 )
s +
M2 + (M1 ∩ N1 ) N2 + (N1 ∩ M1 )
M1 N1
75
S0 des sous A-modules de M contenant strictement M0 est non-vide puisqu’il contient M . Comme M
est artinien, S0 possède donc un élément M00 , minimal pour l’inclusion. Mais par construction M00 /M0
est un A-module simple donc, comme M0 possède une suite de composition, M00 aussi : cela contredit
la maximalité de M0 .
Soient F• (M ) et F•0 (M ) deux suites de composition de M . Posons
On a
76
Chapitre VI
Définition VI.1.1. Deux éléments a, b de A sont dits associés s’il existe un inversible u ∈ A tel que
b = ua. On vérifie facilement que ceci défini une relation d’équivalence sur A.
Définition VI.1.2. Un anneau A est dit principal s’il est intègre et si tout idéal de A est monogène,
c’est-à-dire engendré par un élément.
Si a1 , . . . , ar sont des éléments de A, on note (a1 , . . . , ar ) l’idéal qu’ils engendrent. Un idéal monogène
s’écrit donc I = (a) pour un certain a ∈ A. Si I = (a) = (b), on en déduit qu’il existe u, v ∈ A tel
que b = ua et a = vb, d’où uv = 1 (là on utilise le fait que A est intègre) et a et b sont donc associés.
Réciproquement, si I = (a), alors I = (ua) pour tout inversible u.
Les anneaux Z et k[X] (anneau des polynômes à une variable sur un corps k) sont principaux. On
exploite l’existence d’une division euclidienne dans ces d anneaux. Par exemple soit I un ideal de k[X],
on le suppose non nul, et l’on prend un élément P de cet idéal, non nul et de degré minimal. Soit Q un
autre élément de I. On effectue la division euclidienne de Q par P en écrivant Q = AP + B avec le degré
de B strictement plus petit que celui de P (le degré du polynôme nul est −∞). Comme Q et AP sont
dans I, B aussi, et la minimalité du degré de P implique que B = 0. Ainsi Q est multiple de P , et ceci
montre que I = (P ).
77
Proposition VI.1.6. Soit A un anneau principal. Soit p ∈ A. On a les équivalences suivantes
(i) p est premier,
(ii) l’idéal (p) est premier,
(iii) p est irréductible,
(iv) l’idéal (p) est maximal.
Démonstration. On a vu l’équivalence entre (i) et (ii), et il est immédiat que si (p) est maximal, alors p
est irréductible. La réciproque est vraie dans un anneau principal : Supposons p irréductible, et soit J
un idéal contenant (p). On a J = (q) pour un certain q ∈ A, et q divise p, donc en fait (p) = (q) = J.
ou bien (q) = A. Ainsi (iii) est equivalent à (iv). On a (iv) =⇒ (ii) car un corps est intègre. Montrons
que p premier implique p irréductible. Supposons p = qr. Comme p est premier, il divise soit q, soit r.
Supposons qu’il divise q. Alors p et q sont associés, et r est un inversible.
On peut faire de l’arithmétique dans les anneaux principaux, tout se passe comme dans Z (ou k[X]),
avec les concepts introduits ci-dessus. On va faire le minimum. Une propriété essentielle de Z ou de k[X]
est celle de l’unicité de décomposition en facteurs irréductibles. Soyons plus précis. On suppose A intègre.
Nous avons défini ci-dessus une relation d’équivalence sur A par la notion d’éléments associés. Il est
clair que cette relation d’équivalence préserve l’ensemble des éléments irréductibles. Fixons une fois pour
toute un système de représentants P(A) pour cette relation d’équivalence dans les irréductibles : tout
élément p ∈ P(A) est irréductible, et si q est un élément irréductible de A, il existe un unique p ∈ P(A)
et un unique inversible v tels que q = pv.
Définition VI.1.7. Un anneau A est dit factoriel s’il est intègre, et si tout élément a ∈ A non nul admet
une décomposition, unique à permutation des facteurs près,
a = upn1 1 . . . pnr r
où u est un inversible de A, p1 , . . . , pr sont des irréductibles distincts dans le système de représentants
fixé P(A) et les ni sont des entiers strictement positifs.
Ce théorème est admis ici, il est démontré dans le cours MAT552. Remarquons seulement que le
point délicat de la notion d’anneau factoriel est l’unicité de la décomposition en irréductible. L’existence
n’est pas une propriété très forte, par exemple il suffit que l’anneau soit noethérien pour avoir celle-ci.
Résumons les relations entre ces diverses propriété des anneaux
A noethérien +3 existence d’une décomposition
Définition VI.1.9. Soit A un anneau principal. Soient a1 , . . . , ar des éléments de A. Soit I = (a1 , . . . , ar )
l’idéal qu’ils engendrent. C’est un idéal monogène. Un générateur de cet idéal s’appelle un plus grand
commun diviseur de a1 , . . . , ar . Il est déterminé à un inversible près.
Exercice VI.1.10. En quel sens un plus grand commun diviseur de a1 , . . . , ar défini comme ci-dessus
est-il bien un plus grand commun diviseur ? (qu’est-ce qu’un diviseur ? plus grand relativement à
quel ordre ? Comment calcule-t-on le pgcd des ai à partir de leur décomposition en irréductibles ?...)
Soit A un anneau principal et a, b ∈ A, avec (a, b) = (d). On peut donc écrire d = ua + vb pour
certains éléments u, v de A. En particulier, si (a, b) = A = (1A ), on écrit 1A = ua + bv (Bézout). On dit
alors que a et b sont premiers entre eux.
78
VI.2 Décomposition des modules de type fini I
Soit M un module de type fini sur l’anneau principal A. Rappelons que nous avons introduit en III.5
le sous-module TorA (M ) des éléments de torsion de M . On a donc une suite exacte courte
M = TorA (M ) ⊕ L
où L ' M/TorA (M ) est sans torsion. Nous montrerons aussi qu’un module sans torsion sur un anneau
principal est libre. Ainsi M est somme directe d’un module libre et de son module de torsion. Dans la
section suivante, nous analyserons la structure de TorA (M ).
Lemme VI.2.1. Soit A un anneau commutatif intègre et soit M un module de type fini sans torsion.
Alors M est sous-module d’un module libre.
est donc surjectif. Soit S l’ensemble des parties I ∈ {1, . . . , r} telles que le morphisme
X
A(I) → M, (ai )i∈I 7→ ai · mi
i∈I
soit injectif. Remarquons que S contient les singletons, puisque M est supposé sans torsion. Il existe
donc un élément maximal pour l’inclusion dans S, disons J. Soit N le sous-module engendré par les mj ,
j ∈ J. Par construction N ' A(J) est libre. Si i ∈ / J, il existe ai ∈ A \ {0} tel que ai · mi ∈ N . En effet,
cas, on pourrait rajouter i à l’ensemble J et contredire la maximalité de J dans S.
si tel n’était pas leQ
On pose alors a = i∈J / aj , et a est non nul car A est intègre. Considérons
M → M, m 7→ a · m
Ce morphisme
Pr est injectif
P car M estPsans torsion. De plus il est à valeurs dans N . En effet on écrit
m = k=1 bk · mk = k∈J bk · mk + k∈J / bk · mk et
X X
a·m= (abk ) · mk + (abk ) · mk
k∈J k∈J
/
la première somme est dans le sous-module N , et chaque terme de la seconde aussi. Ainsi M s’injecte
dans le module libre N .
Théorème VI.2.2. Soit A un anneau principal, et soit M un module libre de rang n sur A. Alors tout
sous-module N de M est libre de rang plus petit ou égal à n.
Démonstration. Par convention, le module {0} est libre de rang 0. Si n = 0, le résultat est donc vrai. On
raisonne par récurrence sur n. On suppose donc n > 0 et le résultat vrai pour les modules libres de rang
≤ n − 1. Soit M libre de rang n, de base (e1 , . . . , en ). Soit M 0 le sous-module engendré par (e2 , . . . , en ) : il
est libre de rang n − 1. Soit N un sous-module de M . Si N ⊂ M 0 , on applique l’hypothèse de récurrence :
N est libre de rang ≤ n − 1. Sinon, il existe y ∈ N , y ∈ / M 0 . Soit I l’ensemble des b ∈ A tels qu’il existe
x ∈ M avec be1 + x ∈ N . Il est clair que c’est un idéal de A et il est non nul. On a donc I = (d)
0
79
m − 1 ≤ n − 1. Montrons que (f1 , f2 , . . . , fm ) est une base de N . Tout élément de N s’écrit be1 + y avec
b ∈ (d) et y ∈ M 0 . On écrit b = kd. On a
et donc (be1 +y)−kf1 est dans le sous-module engendré par (f2 , . . . fm ) et be1 +y est dans le sous-module
engendré par (f1 , . . . fm ).P
Autrement dit (f1 , . . . , fm ) engendre N . Montrons que (f1 , f2 , . . . , fm ) est une
n
famille libre : supposons i=1 ki fi = 0 On a donc
n
X
k1 de1 + k1 x1 + ki fi = 0
i=2
Pn
avec k1 x1 + i=2 ki fi ∈ M 0 , donc une combinaison linéaire des eP
2 , . . . , en . Ceci donne une relation entre
n
les ei , d’où l’on déduit que k1 d = 0, d’où k1 = 0. On a alors i=2 ki fi = 0 et donc tous les ki sont
nuls.
Revenons à un module de type fini M sur l’anneau principal A. Les deux résultats précédent nous
disent que le module M/TorA (M ) est libre, disons de rang r, donc isomorphe à Ar . Un module libre
étant projectif (voir exercice III.6.6), la suite exacte courte (VI.2.1) est scindée, et ainsi on a bien
M ' TorA (M ) ⊕ Ar .
Exercice VI.2.3. Soit A un anneau principal et soient M un module libre de type fini sur A, et N un
sous-module. Montrer que N admet un supplémentaire dans M si et seulement si M/N est sans torsion.
Démonstration. En effet, soit (m1 , . . . , mn ) une famille génératrice finie de M . Pour chaque i ∈ {1, . . . , n}
il existe un élément non-nul ai ∈ A tel que ai · mi = 0. Alors a = a1 . . . an annule chaque mi , donc annule
tous les éléments de M . Le morphisme surjectif de A-modules
n
X
An → M, (a1 , . . . , an ) 7→ ai · mi
i=1
se factorise par An /aAn . Nous allons voir juste après que A/aA est artinien. Ainsi M est un quotient
du module artinien An /aAn ; c’est donc un module artinien (cf. exercice V.1.8).
Il reste à voir que A/aA est artinien. Les sous-modules de A/aA sont donnés par les idéaux bA de A
contenant aA, c’est-à-dire par les diviseurs de a. L’anneau A étant factoriel, il n’y a qu’un nombre fini
d’idéaux bA contenant aA.
Corollaire VI.3.2. Soit M un A-module de type fini et de torsion sur l’anneau principal A. Alors M
admet une décomposition en somme directe de modules indécomposables (et encore de torsion et de type
fini).
Les modules de type fini, de torsion indécomposables sur un anneau principal admettent une ca-
ractérisation explicite.
80
Proposition VI.3.3. Soit M un module de type fini, de torsion et indécomposable. Alors il existe un
unique idéal premier non-nul p de A et un unique entier n ≥ 1 tels que M ' A/pn . Réciproquement, les
modules de la forme A/pn avec p idéal premier sont de type fini, de torsion et indécomposables.
Il reste à montrer que l’on peut trouver un élément m ∈ M tel que µm soit un PPCM des µmi . Par une
récurrence évidente, il suffit de montrer que si m0 , m00 ∈ M , il existe m ∈ M tel que µm soit un PPCM
de µm0 et µm00 . Pour cela, on utilise la décomposition en produit d’éléments irréductibles de µm0 et µm00
pour trouver des factorisations µm0 = c0 d0 et µm00 = c00 d00 de sorte que c0 et c00 soient premiers entre
eux et que leur produit soit un PPCM de µm0 et µm00 . Écrivons une égalité de Bézout b0 c0 + b00 c00 = 1
et posons m = d0 m0 + d00 m00 . Tout multiple commun de µm0 et µm00 annule m. Réciproquement, si a
annule m, alors ad0 m0 = −ad00 m00 , et donc ad0 m0 = (b0 c0 + b00 c00 )ad0 m0 = b0 c0 ad0 m0 − b00 c00 ad00 m00 =
ab0 µm0 m0 − ab00 µm00 m00 = 0, ce qui montre que ad0 est un multiple de µm0 et que ad00 est un multiple
de µm00 . Ainsi a est un multiple commun de c0 et c00 , donc est un multiple de leur produit, lequel est un
PPCM de µm0 et µm00 par construction. Les éléments de A annulant m sont donc les multiples communs
de µm0 et de µm00 : nous avons bien µm = PPCM(µm0 , µm00 ).
0 −→ A/Ann(M ) −→ M −→ M/A · m −→ 0.
(VI.3.1) 0 −→ B −→ M −→ M/B · m −→ 0.
La suite exacte ci dessus est scindée, en effet, plus généralement, on a le résultat suivant :
Lemme VI.3.5. Soit A un anneau principal et B = A/I où I est un idéal non nul de A, Alors toute
suite exacte de B-modules
f g
0 −→ B −→ M −→ M 00 −→ 0
est scindée.
Autrement dit, le B-module régulier B est injectif. Cette notion est duale de celle de module projectif
étudiée en III.6.6.
Démonstration. Introduisons l’ensemble E des couples (u, N ) où N est un sous-B-module de M contenant
m = f (1), et u est un morphisme de B-modules de N dans B tel que u(m) = 1. On munit E de la
relation d’ordre définie par (u1 , N1 ) ≤ (u2 , N2 ) si N1 ⊂ N2 et si la restriction de u2 à N1 est égale à u1 .
Remarquons que E est non vide. En effet, le morphisme B → B ·m induit un isomorphisme v : B ' B ·m,
et l’on a (v −1 , B ·m) ∈ E. Par définition, E est un ensemble ordonné inductif, et d’après le lemme de Zorn,
81
il contient un élément maximal, disons (u0 , N0 ). On raisonne par l’absurde en supposent que N0 6= M .
On prend alors y ∈ M \ N0 , et l’on étend u0 en
u1 : N0 + B · y → B
v0 : N0 ⊕ B −→ B, (n, b) 7→ u0 (n) + b · q̄
et
w : N0 ⊕ B −→ N + B · y, (n, b) 7→ n + b · y.
On a
ker w = {(−b · y, b), b ∈ J} = {(−ā · y, ā), a ∈ (b0 )} = {(−βb0 · y, βb0 )), β ∈ A}
et
v0 ((−βb0 · y, βb0 )) = −u0 (βb0 · y) + βb0 q̄ = −βc̄ + β̄c̄ = 0.
Ainsi ker w ⊂ ker v0 , et v0 se factorise par w, disons v0 = u1 ◦ w avec
u1 : N + B · y −→ B
qui prolonge u0 par u1 (y) = q̄. Nous sommes parvenu à la contradiction voulue. On a donc N0 = M
et l’existence du morphisme u0 : M → B avec u0 (m) = 1 montre que la suite (VI.3.1) est scindée (cf.
exercice III.4.1).
Lemme VI.3.6. Le module A/I est indécomposable si et seulement si I est une puissance strictement
positive d’un idéal premier.
Si a = upα αn
1 . . . pn
1
est la décomposition d’un élément non-nul a ∈ A en produit d’un élément
inversible u et de puissances pα i
i
d’éléments irréductibles distincts, alors il y a un isomorphisme de
A-modules (lemme des restes chinois, ci-dessous)
Pour que A/(a) soit un A-module indécomposable, il est donc nécessaire que la décomposition de a en
produit de puissances d’éléments irréductibles fasse intervenir exactement un facteur. La condition est
aussi suffisante. De fait, soit (p) un idéal premier et n ≥ 1 un entier. Soit B l’anneau A/(pn ). C’est
un anneau local, car il possède un unique idéal maximal, à savoir (p)/(pn ). Identifiant le A-module
A/(pn ) au B-module régulier, nous obtenons l’égalité EndA (A/(pn )) = EndB (B) ' B. L’anneau des
endomorphismes du module A/(pn ) est donc local : le module est indécomposable (cf. théorème V.2.3).
Ceci conclut la démonstration de la proposition.
Nous avons invoqué dans la démonstration ci-dessus le résultat général suivant :
82
Lemme VI.3.7 (Lemme des restes chinois). Soit A un anneau commutatif et soient mi , i = 1, . . . , r des
idéaux de A tels que mi + mj = A si i 6= j. Le morphisme canonique
\ Y
A/ mi −→ A/mi
i=1,...,r i=1,...,r
est un isomorphisme.
Corollaire VI.3.8. Soit M un A-module de type fini et de torsion. Alors il existe des idéaux premiers
p1 , . . . , ps de A et des entiers strictement positifs α1 , . . . , αs tels que
s
M
M' A/pα
i .
i
i=1
Si l’on préfère, on écrit ceci en prenant des générateurs irréductibles pi des idéaux premiers pi et l’on
a
s
M
M' A/(pα
i ).
i
i=1
L’unicité provient du théorème de Krull-Schmidt. On peut en utilisant le lemme des restes chinois
mettre le résultat sous la forme suivante
Corollaire VI.3.9. Soit M un A-module de type fini. Alors il existe une suite unique d’idéaux propres
I1 ⊃ I2 ⊃ · · · ⊃ Ik
de A tels que
s
M
M' A/Ik .
i=1
Si l’on préfère, on écrit ceci en prenant des générateurs di ∈ A des idéaux pi et l’on a
s
M
M' A/(di ),
i=1
83
La suite d’idéaux I1 = (d1 ) ⊃ · · · ⊃ Ik = (dk ) s’appelle la suite des invariants du A-module M .
Remarquons que nous n’avons pas supposé M de torsion. La partie libre de M est obtenue en prenant
la somme des facteurs avec (di ) = Ii = 0 apparaissant à la fin de la suite des invariants.
Démonstration. On peut supposer que M est de torsion et partir de la décomposition du corollaire VI.3.8.
Notons P(M ) l’ensemble des idéaux premiers p de A contribuant non trivialement à la décomposition
de M . La composante p-primaire Mp de M est la somme
s
α
M M
Mp ' A/pj j ⊂ A/pα
i 'M
i
j|pj =p i=1
et M est somme directe de ses composantes p-primaire. Ecrivons la composante p-primaire sous la forme
M
Mp ' A/pβp,j
j≤rp
p ∈ A irréductible (p = (p)), J1 est l’idéal engendré par le PPCMTdes pβp,1 et comme ils sont premiers
entre eux, ce PPCM est leur produit). On pose ensuite J2 = p∈P(M ), rp ≥2 pβp,2 , et ainsi de suite,
J` = p∈P(M ), rp ≥` pβp,` , jusqu’à épuisement de tous les facteurs indécomposables. On obtient ainsi une
T
suite croissante d’idéaux
J1 ⊂ J2 ⊂ · · · ⊂ Js
avec
s
M
A' A/Jk ,
i=1
84
VI.3.1 Application I : classification des groupes abéliens de type fini
On prend ici A = Z, et on obtient :
Théorème VI.3.13. Soit M un groupe abélien de type fini.
Il existe alors une suite (unique) d1 | . . . |ds d’entiers strictement positifs et un entier r (unique) tels
que M est isomorphe à !
Ms
Zr ⊕ Z/(di ) .
i=1
Il existe un ensemble fini (unique) de nombres premiers P(M ) et pour chaque p ∈ P(M ), une suite
décroisante finie (unique) d’entiers strictement positifs βp,1 , . . . βp,rp tels que M est isomorphe à
rp
M M
Zr ⊕ Z/(pβi,p ) .
p∈P(M ) i=1
Exercice VI.3.14. Donner la liste des groupes abéliens de cardinal 6, 16, 18, 24, 36.
Exercice VI.3.15. Soit M = Z ⊕ (Z/3Z). Donner la liste de tous les suplémentaires du facteur Z/3Z
dans M .
Ls
Exercice VI.3.16. Soit M = Zr ⊕ ( i=1 Z/(di )). Quel est l’annulateur dans Z de M ?
85
86
Chapitre VII
Une algèbre à division sur k est une k-algèbre avec unité dont tout élément non nul est inversible. Si
elle est commutative, c’est un corps (et donc une extension de k).
Nous avons vu dans le chapitre II que la donnée d’une représentation (π, V ) d’un groupe fini G est
équivalente à la donnée d’un morphisme de C-algèbres
où C[G] est l’algèbre du groupe sur le corps C, et V un C-espace vectoriel. De manière équivalente, V
est un C[G]-module.
On peut généraliser en remplaçant C par un corps quelconque, la donnée d’un morphisme d’algèbres
est équivalente à la donnée d’une représentation de G dans un k-espace vectoriel V , ou encore d’une
structure de k[G]-module sur V .
La théorie des représentations des groupes finis devient alors un sous-domaine de la théorie des
modules. Les algèbres de groupes k[G], lorsque la caractéristique est nulle, ont la propriété d’être semi-
simple, c’est ce que nous allons exploiter pour retrouver des résultats du chapitre II, en étudiant plus
précisément la structure des algèbres de dimension finie et leurs représentations.
87
Définition VII.1.1. On dit que l’algèbre A est semi-simple lorsque la forme trace sur A est non
dégénérée.
Un anneau A est dit simple s’il n’admet aucun idéal bilatère propre.
Il s’ensuit qu’une algèbre A simple est semi-simple. Attention au fait que nous avons deux notions de
semi-simplicité, celle définie ci-dessus pour des k-algèbres de dimension finie, et celle de l’exercice V.3.10
valide pour une anneau quelconque A : il est semi-simple si le module (à gauche) régulier A est semi-
simple. Avec cette définition, remarquons qu’un anneau simple n’est pas nécessairement semi-simple. On
peut montrer qu’un anneau simple et artinien est semi-simple. Bien sûr, une k-algèbre de dimension finie
est artinienne. Les deux notions de semi-simplicité coı̈ncident pour les k-algèbres de dimension finie (voir
le théorème VII.2.5 ci dessous pour une implication et exercice VII.2.6 pour la réciproque).
Exercice VII.1.2. Soit B = (ei )i=1,...,n une base de A. Montrer que A est semi-simple si et seulement
si le discriminant
∆B (A) = det((ei , ej )i,j )
est non nul.
J(A) = {x ∈ A | ∀y ∈ A, (x, y) = 0}
est un idéal bilatère (grâce à l’équation (VII.1.1)). Si a ∈ J(A), alors Tr (mna ) = 0 pour tout n ∈ N∗ , ce
qui implique par des arguments bien connus d’algèbre linéaire que ma est un endomorphisme nilpotent.
L’injectivité de a 7→ ma nous dit alors que a lui-même est nilpotent dans A. Réciproquement, tout idéal
à gauche I de A constitué d’éléments nilpotents est dans le radical J(A), puisque pour tout x ∈ A, pour
tout a ∈ I, comme xa ∈ I, xa est nilpotent, et donc aussi mxa , ce qui montre que
On en déduit que J(A) est le plus grand idéal à gauche constitué d’éléments nilpotents. On a ainsi
J(A/J(A)) = {0}.
Soit M un A-module simple (c’est-à-dire que M est non nul et n’admet pas de sous-module propre),
et soit m un élément non nul de M . Alors M = A · m, et
A → M, a 7→ a · m
est un morphisme de A-modules surjectif, dont le noyau, noté Im , est un idéal à gauche maximal de A.
On a alors J(A) ⊂ Im car sinon, comme Im est maximal, Im + J(A) = A, ce qui fait que l’on peut écrire
1 = x + y, x ∈ Im , y ∈ J(A). Alors x = 1 − y est inversible puisque y est nilpotent (exercice), ce qui
constitue une contradiction.
Résumons les résultats obtenus :
Théorème VII.1.3. Le radical J(A) de la forme trace est le plus grand idéal à gauche constitué
d’éléments nilpotents. Il annule tous les A-modules irréductibles. L’algèbre A/J(A) est semi-simple.
Alors (VII.1.1) implique que I ⊥ est aussi un idéal bilatère de A. Par minimalité de I, on a soit I ⊂ I ⊥ ,
soit I ∩ I ⊥ = {0}. Dans le premier cas, on obtient Tr m2x = 0 pour tout x ∈ I, et ainsi I ⊂ J(A), ce qui
88
est en contradiction avec l’hypothèse que A est semi-simple. On a donc I ∩ I ⊥ = {0}. Par de l’algèbre
bilinéaire élémentaire, on obtient
A = I ⊕ I ⊥, II ⊥ = I ⊥ I = {0}.
En écrivant
1 = e + e0 , e ∈ I, e0 ∈ I ⊥
on voit immédiatement que e et e0 sont des idempotents centraux de A, qui agissent par multiplication
respectivement sur I et I ⊥ comme l’identité. Ainsi A = I ⊕ I ⊥ est une somme directe d’algèbres semi-
simples. La minimalité de I entraı̂ne que I est une algèbre simple. En effet, si J ⊂ I est un idéal bilatère
de I, on a J = eJ = Je, d’où
et donc J est un idéal bilatère de A contenu dans I, ce qui permet de conclure. Une récurrence montre
alors que A est somme directe d’algèbres simples.
Un idempotent central e dans A est dit décomposable s’il existe deux idempotents centraux e1 et
e2 tels que e = e1 + e2 , e1 e2 = e2 e1 = 0 et indécomposable s’il n’est pas décomposable. D’après ce qui
précède, on voit que si {e1 , . . . es } est l’ensemble des idempotents centraux indécomposables
L de A, alors
{Ae1 , . . . Aes } est l’ensemble des idéaux bilatères minimaux de A, 1 = e1 + . . . + es et A = i=1,...,s Aei .
Posons, avec les notations ci-dessus, Ii = Aei . Soit M un A-module où 1 agit comme l’identité. Alors
on a une décomposition de A-modules
M
(VII.2.1) M= ei · M.
i=1,...,s
Si M est simple, ceci prouve que M = ei · M pour un indice i et que ej · M = {0} si j 6= i. En particulier,
M = ei ·M est un Ii -module simple, et comme Ii est simple, l’annulateur dans Ii de M est nul, c’est-à-dire
que
{x ∈ Ii | x · M = 0} = {0}.
Soit J un idéal à gauche minimal de Ii . Alors J · M est un sous-module non nul de M . Soit m ∈ M
tel que J · m 6= {0}. On a alors J · m = M et
x 7→ x · m
est un morphisme non nul de Ii -modules entre les modules simples J et M , et c’est donc un isomorphisme.
En particulier, la structure de Ii -module de J ne dépend pas du choix de celui-ci, et Ii (donc toute algèbre
simple) n’admet à isomorphisme près qu’un seul module simple. On a donc obtenu le
Théorème VII.2.1. Soit A une algèbre semi-simple et soit {e1 , . . . es } l’ensemble des idempotents cen-
traux indécomposables de A. Alors
{Ae1 , . . . Aes }
est l’ensemble des idéaux bilatères minimaux de A, chaque Ii = Aei est une algèbre simple d’élément
unité ei , et A est la somme directe d’algèbres
M
A= Aei .
i=1,...,s
D’autre part, si pour chaque i, on fixe un idéal à gauche minimal Ji de Ii , alors les Ji forment un système
de représentants des classes d’isomorphismes de A-modules simples.
est un isomorphisme.
89
Précisons que D = EndB (I) est l’espace des endomorphismes de I commutant avec l’action de B et
que EndD (I) est l’espace des endomorphismes de I commutant avec ceux de D.
Démonstration. Comme B est simple, B = IB. Il est clair que mb ∈ EndD (I). Pour tout x ∈ I, notons
dx : I → I la multiplication à droite par x. Alors dx ∈ D = EndB (I) car
Ainsi, pour tout φ ∈ EndD (I), on a, pour tous x, y ∈ I, φ(yx) = φ(y)x, et donc, pour tout b ∈ b,
φ ◦ myb = mφ(y)b .
Ceci montre que l’image de B = IB par (VII.2.2) est un idéal à gauche de EndD (I), mais cette image
contient l’identité, et c’est donc EndD (I) tout entier. Comme B est simple, le noyau de (VII.2.2) est
trivial, ce qui finit la démonstration du théorème.
Remarque VII.2.3. Si I est un idéal à gauche minimal de B, alors D est une algèbre à division (c’est-
à-dire que tout élément non nul est inversible). En effet, si φ ∈ D est non nul, ker φ et Im φ sont des
idéaux à gauche de B, inclus dans I, et donc 1 ker φ = 0, Im φ = I.
Comme une algèbre de dimension finie admet des idéaux minimaux, on obtient :
Corollaire VII.2.4. Soient B une k-algèbre simple de dimension finie, I un idéal à gauche minimal de
B et D = EndB (I). Alors D est une algèbre à division de dimension finie sur k, et B est isomorphe à
l’algèbre des matrices n × n à coefficients dans D, où n = dimD (I).
Théorème VII.2.5. Soient A une k-algèbre semi-simple de dimension finie. Alors tout A-module est
complètement réductible.
Démonstration. D’après (VII.2.1), il suffit de démontrer le résultat pour une k-algèbre B simple, et
d’après le corollaire précédent, on peut supposer que B = Mn (D), où D est une k-algèbre à division.
D’après l’exercice V.3.10, il suffit de montrer que B, vu comme module à gauche sur lui-même, est
complètement réductible. Notons Ei la matrice de Mn (D) ayant pour coefficients 1 en (i, i) et 0 partout
ailleurs. Alors Bei est l’idéal à gauche des matrices dont seule la i-ième colonne est non nulle. On a
dimD (Bei ) = n = dimD (I), ce qui montre que Bei est un idéal à gauche minimal de B. De plus, on a
clairement M
B = Mn (D) = Bei ,
i
Exercice VII.2.6. Montrer la réciproque du théorème ci-dessus, à savoir que si A est une k-algèbre
de dimension finie, complètement réductible en tant que module à gauche sur elle-même, alors elle est
semi-simple au sens de la définition VII.1.1, c’est-à-dire que son radical est nul.
90
C[G] est semi-simple. Pour voir ceci, calculons la matrice de la forme trace dans la base des éléments du
groupe. La trace de la multiplication à gauche dans C[G] par un élément g ∈ G est
On voit que la matrice de la forme trace est égale à |G|P où P est la matrice de la permutation g 7→ g −1 .
Elle est de déterminant non nul, ce qui montre que la forme trace est non dégénérée.
La théorie développée dans la section précédente montre qu’alors, si {e1 , . . . , es } sont les idempotents
minimaux de C[G], les Bi = C[G]ei sont les idéaux bilatères minimaux de C[G], et si Ii ⊂ Bi est un idéal
minimal à gauche de Bi , les Ii forment un système de représentants des représentations irréductibles de
C[G] (donc de G). Notons Θi le caractère de Ii . Comme le corps des complexes est algébriquement clos,
Di = EndBi (Ii ) = C, et l’on obtient un isomorphisme d’algèbres
Notons aussi L la représentation régulière gauche de C[G] et définissons pour tout α ∈ C[G],
Remarquons que χi (α) est la trace de la multiplication à gauche par α ∗ ei dans Bi ' Mni (C). On obtient
donc que :
Utilisons ceci pour exprimer les idempotents ei en fonction des caractères Θi : Ecrivons la décomposition
de ei dans la base {δx }x∈G de C[G] : X
ei = i (x) δx
x∈G
91
92
Chapitre VIII
Problèmes corrigés
Voici quelques problèmes corrigés sur les représentations des groupes finis issus d’examens d’un cours
donné entre 2006 et 2010. On y trouvera
- une démonstration du théorème de structure des groupes abéliens finis, utilisant un peu de théorie
des représentations,
- un problème sur les fonctions sphériques dans les paires de Gelfand,
- un problème sur la théorie des représentations du groupe diédral,
- un problème sur les extensions centrales d’un groupe abélien par Z/2Z et leurs représentations.
d) Dans la suite, G est un groupe abélien fini d’ordre pα , où p est un nombre premier, et α un entier
naturel. Quelles sont les valeurs possibles des caractères de G ?
e) Soit x0 un élément de G d’ordre maximal, disons pβ , avec β ≤ α. En utilisant b) montrer qu’il
existe un caractère χ : G → C∗ réalisant un isomorphisme entre le sous-groupe H de G engendré par x0
β−1
et le groupe µ(pβ ) des racines pβ -ième de l’unité. (On pourra remarquer que x1 = xp0 6= e.)
f ) Montrer que H et ker χ engendrent G. En déduire que G est le produit direct de H et de ker χ.
g) Montrer que G est un produit direct de groupes cycliques.
h) On suppose maintenant que G est d’ordre mn, où m et n sont premiers entre eux. Soit H l’ensemble
des éléments de G dont l’ordre divise n et K l’ensemble des éléments de G dont l’ordre divise m. Montrer
que H et K sont des sous-groupes de G, que H ∩ K = {e} et que HK = G. En déduire que G est le
produit direct de H et K.
i) Montrer que tout groupe abélien fini G est produit direct de groupes cycliques.
Corrigé
On sait d’après le cours que |G|
a) P b est le nombre de classes de conjugaisons de G et que d’autre part
|G| = δ∈Gb dim Vδ2 . Un groupe est abélien si et seulement si les classes de conjugaison dans G sont des
singletons. Donc si G est abélien
X
|G| = |G|
b = dim Vδ2 .
δ∈G
b
93
Comme pour tout δ ∈ G, b dim V 2 ≥ 1, on voit que nécessairement dim Vδ = 1.
δ
Réciproquement, si pour tout δ ∈ G,b dim V 2 = 1, on obtient |G| = |G|,
b ce qui montre que chaque
δ
classe de conjugaison est un singleton.
b) Les relations d’orthogonalité duales affirment que
X
Θδ (C1 )Θδ (C2 ) = 0
δ∈G
b
où Θδ est le caractère de δ et C1 , C2 sont des classes de conjugaison distinctes dans G. Dans le cas où
G est abélien, toutes les représentations sont de dimension 1 et coı̈ncident avec leur caractères, de sorte
que l’on obtient, en prenant C1 = {e} et C2 = {g}, pour tout g ∈ G, g 6= e,
X X
0= χ(e)χ(g) = χ(g).
χ∈G
b χ∈G
b
|G| = |G|
b = |G|
bb
94
VIII.2 Paires de Gelfand et fonctions sphériques
Le but du problème est d’étudier la notion de paire de Gelfand et de fonction sphérique relativement
à une telle paire. Une paire de Gelfand (G, K) est constituée d’un groupe G et d’un sous-groupe K,
tels que pour toute représentation irréductible V de G, l’espace des points fixes de K soit de dimension
0 ou 1. Une caractérisation des paires de Gelfand est que l’algèbre de convolution des fonctions sur G
bi-invariantes par K est commutative.
Un certains nombres de faits évidents ou venant du cours sont rappelés dans l’énoncé. Il n’est pas
demandé de les redémontrer.
Soit G un groupe fini. On note 1 son élément neutre, la notation e étant réservée à autre chose. On
note A = F(G) l’algèbre de convolution des fonctions sur G à valeurs complexes.
Soit K un sous-groupe fini de G. On note 1K la fonction caractéristique de K dans G :
1K (g) = 1 si g ∈ K, 0 sinon.
I.1. Calculer 1K ∗ 1K . En déduire une constante c telle que e = c1K soit un idempotent de A
(c’est-à-dire e ∗ e = e).
II.2 Considérons le projecteur p : A → A, f 7→ f ∗ e et notons Ae son image. Déduire la dimension
de Ae en calculant la trace de p.
I.3. Montrer que pour tout k ∈ K, δk ∗ e = e ∗ δk = e. Soit g1 , . . . , gp un système de représentants des
classes dans G/K.
Montrer que (δgi ∗ e)i=1,...,p forme une base de Ae.
I.4. Montrer que
Ae = {f ∈ A| f (gk) = f (g), (∀g ∈ g, ∀k ∈ K)}.
Remarquons que f 7→ fˇ, où fˇ(g) = f (g −1 ) permet d’échanger gauche et droite. Par exemple, (f ∗h)ˇ=
ȟ ∗ fˇ. On a aussi que f 7→ fˇ est un G-isomorphisme entre Ae et eA. Par ailleurs, eA = IndG K (1), où 1 est
la représentation triviale de K. D’après ce qui vient d’être dit, Ae ' IndG (1) par f →
7 ˇ.
f
K
II.1. Posons eAe = {e ∗ f ∗ e, f ∈ A} = eAe = Ae ∩ eA. Montrer que eAe est une sous-algèbre de A
dont l’unité est e.
II.2. Le groupe G agit sur A par la représentation régulière gauche L. On rappelle que quels que
soient h, f ∈ A,
L(h) · f = h ∗ f.
Montrer que Ae est un sous-espace stable sous l’action de G. On note (L, Ae) cette sous-représentation.
II.3. Considérons l’espace EndG (Ae) = HomG (Ae, Ae) l’espace des opérateurs d’auto-entrelacement
de la représentation (L, Ae). Montrer que
est à valeurs dans eAe et réalise un isomorphisme entre EndG (Ae) et eAe. Montrer que Ψ(φ1 ◦ φ2 ) =
Ψ(φ2 ) ∗ Ψ(φ1 ).
II.4. Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes :
(i) eAe est commutative.
95
(ii) IndGK (1) est sans multiplicité, c’est-à-dire que toute représentation irréductible de G intervient
dans la décomposition en irréductibles de IndG K (1) avec multiplicité 0 ou 1.
(On pourra montrer que si une représentation irréductible apparait avec une multiplicité au moins 2
dans IndG
K (1), alors
EndG (Ae) ' EndG (IndG K (1))
(On pourra montrer que ωi (1) = (Θi|K , 1K )K où (., .)K est le produit hermitien habituel de C[K] et le
fait que 1K est le caractère de la représentation triviale de K.)
III.2. Montrer que ωi ∈ eAe ∩ Vi puis que eAe ∩ Vi = ViK , où ViK est l’ensemble des vecteurs de Vi
fixés par tous les éléments de K. Pourquoi la dimension de ViK est-elle 1 ?
III.3. Montrer que ωi ∗ωj = δij d1i ωi (δij étant ici le symbole de Kronecker), puis que (ωi , ωj )G = δij d1i ,
(., .)G étant le produit hermitien habituel de A. En déduire que les ωi , i = 1, . . . s forment une base
orthogonale de eAe.
III.4. Montrer que les morphismes d’algèbres (unitaires) de eAe dans C sont donnés par
f 7→ ωi ∗ f (1), (f ∈ eAe)
On appelle les fonctions ωi les fonctions sphériques de la paire de Gelfand (G, K).
IV.1. Montrer que si pour tout x ∈ G, Kx−1 K = KxK, alors (G, K) est une paire de Gelfand.
IV.2. Soit G un groupe fini et σ un automorphisme de G tel que σ 2 = IdG . Posons
V. Soit ω une fonction à valeurs complexe sur G. Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes :
(i) ω est une fonction sphérique de la paire de Gelfand (G, K).
(ii) ω(1) = 1, ω ∈ eAe et pour tout f ∈ eAe, f ∗ ω = λf ω pour une certaine constante λf .
(iii) ω 6= 0 et
1 X
ω(x)ω(y) = ω(xky).
|K|
k∈K
(Remarque : (ii) ⇒ (iii) est un peu plus difficile que le reste : on introduira la fonction
1 X
ωy : x 7→ ω(xky).
|K|
k∈K
96
Corrigé
I.1. Calculons, en utilisant que 1K (kg) = 1K (g) pour tout k ∈ K :
1 X 1 X
1K ∗ 1K (g) = 1K (t)1K (t−1 g) = 1K (t−1 g)
|G| |G|
t∈G t∈K
1 X |K|
= 1K (g) = 1K (g).
|G| |G|
t∈K
1 X 1 X
δg ∗ e(y) = δg (t)e(t−1 y) = e(g −1 y) = δx (y).
|G| |K|
t∈G x∈gK
1 |G|
Chaque élément δg de la base contribue donc de |K| , et ainsi Tr p = |K| .
I.3. On a
1 X
δk ∗ e(g) = δk (t)e(t−1 g) = c1K (k −1 g) = c1K (g) = e(g).
|G|
t∈G
δgk ∗ e = δg ∗ δk ∗ e = δg ∗ e
|G|
donc Ae est engendré par les δgi ∗ e. Comme on a montré que dim Ae = |K| , ce système de générateurs
est minimal, et forme donc une base de Ae.
I.4. Si f ∈ Ae, on a pour tout g ∈ G et tout k ∈ K,
1 X 1 X
f ∗ e(g) = f (t)e(t−1 g) = f (gt)e(t−1 )
|G| |G|
t∈G t∈G
1 X 1 X |G|
= f (gk)e(k −1 ) = f (gk) = f (g),
|G| |G| |K|
k∈G k∈G
et donc f ∈ Ae.
II.1. Si e ∗ f1 ∗ e et e ∗ f2 ∗ e sont dans eAe, on a (e ∗ f1 ∗ e) ∗ (e ∗ f2 ∗ e) = e ∗ f1 ∗ e ∗ f2 ∗ e ∈ eAe, et
donc eAe est une sous-algèbre. Comme pour tout f ∈ eAe = eA ∩ Ae, e ∗ f = f ∗ e = f , e est l’unité de
cette algèbre.
II.2. Soit f ∈ Ae. On a pour tout k ∈ K :
97
Montrons que Ψ est injective. Comme cette application est linéaire, il suffit de voir que si φ(e) = 0,
alors φ = 0. Or dans cette hypothèse, on a pour tout f ∈ Ae,
φ : h 7→ h ∗ f
Il est clair que h ∗ f est bien dans Ae, et que pour tout g ∈ G,
ce qui montre que φ est bien un opérateur d’entrelacement. De plus φ(e) = e ∗ f = f , ce qui montre que
Ψ est surjective.
Enfin, (φ1 ◦ φ2 ))(e) = φ1 (φ2 (e)) = φ1 (φ2 (e) ∗ e) = φ1 (L(φ2 (e)) · e) = L(φ2 (e)) · φ1 (e) = φ2 (e) ∗ φ1 (e).
II.4 . Remarquons que comme Ae ' IndG K 1 en tant que représentation de G, (ii) est équivalent à :
Ae est sans multiplicité. Décomposons Ae en somme directe de sous-représentations irréductibles de G :
s
M
Ae = Vi .
i=1
Et donc
eAe ' EndG (Ae) ' HomG (⊕i Vi , ⊕j Vj ).
la dernière égalité étant le lemme de Schur. Remarquons au passage que dim eAe = s. Réciproquement,
si une sous-représentation irréductible apparait dans Ae avec multiplicité au moins 2, disons V1 ' V2 par
exemple. Alors M M
HomG ( Vi , Vj )
i j
contient une sous-algèbre isomorphe à M2 (C) et n’est donc pas commutative : en effet, soit φ1 l’identité
de V1 prolongée par 0 à tous les autres Vi , φ2 l’identité de V2 prolongée par 0 à tous les autres Vi , φ3
un G-isomorphisme entre V1 et V2 , prolongé par 0 sur les autres Vi et φ4 l’inverse de φ3 entre V2 et V1 ,
prolongé par 0 sur les autres Vi . On vérifie que
1 0 0 0 0 0 0 1
φ1 7→ , φ2 7→ , φ3 7→ , φ4 7→
0 0 0 1 1 0 0 0
98
— III.2 . Comme ωi = Θi ∗ e = e ∗ Θi , il est clair que ωi ∈ eAe = Ae ∩ eA. On sait (cours) que la
composante isotypique de Ae de type Vi (c’est-à-dire Vi elle-même à cause de la multiplicité 1) est
L(Θi ) · Ae = Θi ∗ A ∗ e = A ∗ Θi ∗ e = A ∗ ωi .
Donc ωi ∈ Vi .
Soit f ∈ eAe ∩ Vi . Alors pour tout k ∈ K,
L(k) · f = δk ∗ f = δk ∗ e ∗ f = e ∗ f = f
donc f ∈ ViK . Réciproquement, si f ∈ ViK ⊂ Ae, alors e ∗ f = L(e) · f = f . Ainsi f est dans eA, donc
dans eAe.
Comme la dimension de ViK est la multiplicité de la représentation triviale de K dans Vi , d’après la
réciprocité de Frobenius on a
ei ∗ ej = δij ei
On en déduit que
δij δij
ωi ∗ ωj = (e ∗ Θi ) ∗ (Θj ∗ e) = e ∗ ωi ∗ e = ωi
di di
D’où
δij δij
(ωi , ωj )G = ωi ∗ ωj (1) = ωi (1) = .
di di
Les ωi , i = 1, . . . , s forment un système orthogonal de eAe. Il suffit de montrer que dim(eAe) = s
pour conclure que c’est une base. Or ceci a été déjà établi dans la preuve de 9.
— III.4. Dans l’exercice II.8.10 du poly, nous avons vu que les morphismes d’algèbres de AG dans
×
C sont donnés par les
χδ : f 7→ d−1
δ (Θδ , f ), (δ ∈ G)
b
L’idée est la même ici, eAe remplaçant AG = F(G)G et les ωi jouant le rôle des χδ .
Soit donc χ : eAe → C un morphisme d’algèbres. On a
δij
χ(ωi )χ(ωj ) = χ(ωi ∗ ωj ) = χ(ωi ).
di
Ceci montre, comme χ n’est pas identiquement nul et que les ωi forment une base de eAe, qu’il existe
δ
un i tel que χ(ωi ) = (di )−1 et que χ(ωj ) = diji = wi ∗ wj (1). Par linéarité
99
Plus conceptuellement f ∗ h = (f ∗ h)ˇ= ȟ ∗ fˇ = h ∗ f .
IV.2 Si x = kp, alors σ(x) = kp−1 = kx−1 k, et donc
L’argument est alors le même que ci-dessus, en introduisant les σ à l’endroit voulu :
1 X X
f ∗ h(g) = f (t)h(t−1 g) = f (σ(t)−1 )h(σ(g −1 t))
|G|
t∈G t∈G
X
−1 −1
= h(t)f (t σ(g) ) = h ∗ f (σ(g −1 )) = h ∗ f (g)
t∈G
V. (i) ⇒ (ii). On a vu dans les questions précédentes que si ω est une fonction sphérique, alors
ω(1) = 1 et ω ∈ eAe. D’autre part, si f ∈ eAe, on voit en le décomposant dans la base des ωi
X
f= ai ωi ,
i
−1
que f ∗ ωj = aj (dj ) ωj .
(ii) ⇒ (iii). On a bien sûr ω 6= 0 puisque ω(1) = 1. Posons, pour y ∈ G,
1 X
ωy (x) = ω(xky).
|K|
k∈K
Comme on suppose ω bi-invariante par K, on voit que ωy est aussi bi-invariante par K, c’est-à-dire
ωy ∈ eAe. Pour tout f ∈ eAe et tout k ∈ K, on a
1 X
λf ω(y) = λf ω(ky) = f ∗ ω(ky) = f (x−1 )ω(xky).
|G| x∈G
D’autre part,
λf = λf ω(1) = f ∗ ω(1)
et donc
(f ∗ ω)(1)ω(y) = (f ∗ ωy )(1),
ce que l’on réécrit
(f ∗ (ω(y)ω − ωy ))(1) = 0.
En prenant f = e, on obtient ωy = ω(y)ω, c’est-à-dire
1 X
ω(y)ω(x) = ω(xky).
|K|
k∈K
Ceci montre que f 7→ ω ∗ f (1) est un morphisme d’algèbres de eAe dans C, et donc ω est une fonction
sphérique d’après 13.
100
VIII.3 Représentations du groupe diédral
On donne, à toute fin utile, les formules suivantes : pour k ∈ N∗ ,
k−1
(
X
2 παx k si α = 0 ou α = k
cos ( )= k
x=0
k 2 si α = 1, . . . , k − 1.
k
(
X
2 2παx k + 1 si α = 0
cos ( )= 2k+3
x=0
2k +1 4 si α = 1, . . . , k − 1.
Corrigé
—1. Les représentations irréductibles de Z/nZ sont de dimension 1 et sont données par
2iπαx
χα (x) = e n , (x ∈ Z/nZ),
avec α = 0, . . . , n − 1.
—2. Calculons
La classe de conjugaison de (y, 1) est donc l’ensemble des éléments de la forme (y, 1). Si n = 2k
est pair (k, 1) = (−k, 1) et (0, 1) = (−0, 1), les classes de conjugaison de (k, 1) et (0, 1) sont donc des
singletons. Pour y ∈ Z/nZ, y 6= 0, k, la classe de conjugaison de (y, 1) est {(y, 1), (−y, 1)}. Si n = 2k + 1
est impair, pour y ∈ Z/nZ, y 6= 0, la classe de conjugaison de (y, 1) est {(y, 1), (−y, 1)}.
101
La classe de conjugaison de (y, −1) est l’ensemble des éléments de la forme (y + 2x, −1). Si n = 2k,
la parité d’un élément de Z/nZ est bien définie car la parité d’un représentant ne dépend pas du choix de
celui-ci. La parité de y +2x est celle de y, et tous les éléments de la forme (y 0 , −1) avec y 0 de même parité
que y sont dans la classe de (y, −1). On a donc dans ce cas deux classes de conjugaison : {(y 0 , −1), y 0 pair}
et {(y 0 , −1), y 0 impair} toute deux de cardinal k. Si n = 2k + 1, tous les éléments de la forme (y 0 , −1)
sont dans la classe de (y, −1). On a dans ce cas une seule classe de cardinal n = 2k + 1.
Résumons, en donnant un représentant de chaque classe de conjugaison, et le cardinal de la classe :
Cas n=2k : (0, 1), 1 élément ; (k, 1), 1 élément ; {(y, 1)}, 2 éléments, y = 1, . . . , k − 1 ; (0, −1), k
éléments ; (1, −1), k éléments.
Soit en tout k + 3 classes de conjugaison.
Cas n=2k+1 : (0, 1), 1 élément ; (y, 1), 2 éléments, y = 1, . . . , k ; (0, −1), 2k + 1 éléments.
Soit en tout k + 2 classes de conjugaison.
—3. On induit une représentation de dimension 1 d’un sous-groupe d’indice 2, donc la dimension de
IndGH (χ) est 2. Pour χ = χα , posons πχ = πα et notons Θα le caractère de cette représentation. On
calcule Θα sur chaque représentant des classes de conjugaison par la formule de l’exercice II.4.1.
Cas n=2k : Θα ((0, 1)) = 2 ; Θα ((k, 1)) = 2(eiπα ) = 2(−1)α ;
2iπαx 2iπαx
Θα ((x, 1)) = (e n +e n ) = 2 cos 2παx
n , x = 1, . . . , k − 1 ;
Θα ((x, −1)) = 0.
Cas n=2k+1 : Θα ((0, 1)) = 2 ;
2iπαx 2iπαx
Θα ((x, 1)) = (e n +e n ) = 2 cos 2παx
n , x = 1, . . . , k ;
Θα ((x, −1)) = 0.
On remarque qu’en fait la formule est toujours
2παx
Θα ((x, 1)) = 2 cos( ), Θα ((x, −1)) = 0, x = 0, . . . , n − 1.
n
On a Θα = Θn−α , donc les représentations πα et πn−α sont équivalentes.
On calcule maintenant (Θα , Θα ), α = 0, . . . , n :
Cas n=2k :
k−1 2 !
1 2 2
X 2παx
(Θα , Θα ) = 2 +2 + 2 2 cos( )
2n x=1
n
k−1
2X 2παx
= cos2 ( )
k x=0 n
(
2 si α = 0 ou α = k
=
1 sinon
Cas n=2k+1 :
k 2 !
1 X 2παx
(Θα , Θα ) = 22 + 2 2 cos( )
2n x=1
n
k
! !
4 X
2 2παx 1
= cos ( ) −
n x=0
n 2
(
2 si α = 0
=
1 sinon
102
Ainsi, la multiplicité de la représentation triviale de G dans π0 est 1. Comme π0 est réductible de
dimension deux, on a
π0 = TrivG ⊕ ρ1
où ρ1 est une représentation de dimension 1 dont le caractère est donné par
(
2 − 1 = 1 si = 1
Θρ1 (x, ) = Θ0 (x, ) − ΘTrivG (x, ) =
0 − 1 = −1 si = −1
—5. Pour n = 2k, on doit avoir k+3 représentations irréductibles, et l’on en a obtenu (k−1)+2 = k+1.
Il en manque donc 2. D’autre part, leurs dimensions d1 , d2 vérifient
ρ2 ((x, )(y, 0 )) = ρ2 (x + y, 0 ) = (−1)x+y = (−1)x+y = ρ2 ((x, ))ρ2 ((y, 0 )).
πk = ρ2 ⊕ ρ3
où ρ3 est une représentation de dimension 1 dont le caractère est donné par
(
2(−1)x − (−1)x = (−1)x si = 1
Θρ3 (x, ) = Θk (x, ) − Θρ2 (x, ) =
0 − (−1)x = −(−1)x si = −1.
103
VIII.4 Représentations d’une extension centrale d’un groupe
abélien
Si G est un groupe, on note eG son élément neutre et Z(G) son centre.
Soit H un groupe fini abélien, et soit K un revêtement d’ordre deux de H, c’est-à-dire qu’il existe
une suite exacte :
ι p
1 −→ {±1} −→ K −→ H → 1.
Notons = ι(−1).
—1a. Montrer que est l’unique élément de K vérifiant 6= eK et p() = eH , puis que ∈ Z(K).
—1b. Montrer que quels que soient x, y dans K, le commutateur xyx−1 y −1 est dans {eK , }.
Une representation (π, V ) de dimension finie de K ou de Z(K) est dite spécifique si l’on a π() =
−IdV .
—2. Soit (π, V ) une représentation spécifique de K. Montrer que son caractère Θπ est nul en dehors
de Z(K) (on pourra remarquer que si k ∈ K \ Z(K), il existe g ∈ K tel que gkg −1 6= k).
où χ est un caractère de Z(K) (un morphisme de groupes de Z(K) dans C× ) vérifiant χ() = −1.
—4. Soit χ est un caractère de Z(K) vérifiant χ() = −1. Posons (τ, W ) = IndKZ(K) (χ). Montrer
que pour tout z ∈ Z(K), τ (z) = χ(z)IdW . En déduire que (τ, W ) est somme directe de représentations
irréductibles dont la restriction à Z(K) est χ.
—5. Déduire de ce qui précède qu’il existe une bijection entre l’ensemble des caractères de Z(K)
vérifiant χ() = −1 et l’ensemble des classes d’isomorphisme de représentations irréductibles spécifiques
de K.
—6. Quelle est la dimension d’une représentation irréductible spécifique de K (en fonction du cardi-
nal N de K/Z(K)) ? Quelles sont les multiplicités des classes de représentations irréductibles dans les
IndK
Z(K) (χ) du 4 ? (Penser à utiliser la réciprocité de Frobenius).
Corrigé
1a. Comme la suite est exacte, ∈ ker p = Im ι = {eK , }, ce qui montre la première assertion. Soit
k ∈ K. On a
p(kk −1 ) = p(k)p()p(k)−1 = eH ,
d’où kk −1 = d’après la première assertion, puisque kk −1 ne peut être égal à eK .
1b. On a p(xyx−1 y −1 ) = p(x)p(y)p(x)−1 p(y)−1 = eH car H est abélien. Donc xyx−1 y −1 ∈ ker p =
{eK , }.
2. Soit k ∈ K \ Z(K) : il existe g ∈ K tel que gkg −1 6= k. Comme H est abélien p(gkg −1 ) =
p(g)p(k)p(g)−1 = p(k) et donc gkg −1 = k.
Or Θπ (k) = Θπ (gkg −1 ) = Θπ (k) = Tr (π(k)) = Tr (−π(k)) = −Θπ (k), d’où Θπ (k) = 0.
3. On sait que les caractères des représentations irréductibles deux à deux non isomorphes de K
sont linéairement indépendants comme fonctions sur K. D’après la question précédente, les caractères
des représentations irréductibles deux à deux non isomorphes de K sont linéairement indépendants
comme fonctions sur Z(K). Elles sont donc déterminées par leurs restrictions à Z(K). Soit (π, V ) une
représentation irréductible spécifique de K. D’après le lemme de Schur, les éléments du centre agissent par
des opérateurs scalaires, c’est-à-dire que pour tout z ∈ Z(K), il existe χ(z) ∈ C× tel que π(z) = χ(z) Id et
comme π est un morphisme de groupes, il en est de même de χ. Comme (π, V ) est spécifique, χ() = −1.
104
4. Soit z ∈ Z(K) et f ∈ W . On a pour tout g ∈ K :
et donc τ (z) = χ(z) IdW . Décomposons W en somme directe de représentations irréductibles. Sur chacune
de ces représentations, un élément z ∈ Z(K) agit par le scalaire χ(z).
5. Ce qui précède établit une bijection entre l’ensemble des classes d’isomorphisme de représentations
irréductibles spécifiques de K et l’ensemble des caractères de Z(K) prenant la valeur −1 en . En effet,
d’après la question 3, à toute représentation irréductible spécifique de K est attaché un tel caractère,
qui ne dépend que de la classe de cette représentation, mais deux représentations non équivalentes
donnent des caractères différents (ceci montre l’injectivité de la correspondence). La surjectivité découle
directement de la question 4.
6. La dimension de IndK Z(K) (χ) est N . La réciprocité de Frobenius donne pour tout δ ∈ K,
b
La dimension du membre de droite est N et celle du membre de gauche est m2χ . On en déduit que
1
mχ = dim δχ = N 2 .
105
106
Chapitre IX
Sujets d’examen
MAT556 2019
Les résultats du cours ou des exercices vus en travaux dirigés peuvent être utilisés en donnant des
références précises. Les réponses attendues sont en général brèves (un peu de calcul en I.6.c et en IV.2.a.).
Le corrigé est plus court que l’énoncé.
Exercice I
Dans cet exercice, k est le corps fini à p éléments, autrement dit Z/pZ, p étant un nombre premier impair.
On considère le sous-groupe suivant de GL(3, k) :
1 x z
H = M (x, y, z) = 0 1 y , x, y, z ∈ k .
0 0 1
1. Expliciter la loi de groupe : M (x, y, z)M (x0 , y 0 , z 0 ) = M (?, ?, ?). Est-ce un groupe abélien ? Quel
est l’inverse de M (x, y, z) ?
2. Quel est le centre Z de H (le sous-groupe des éléments de H qui commutent avec tous les
autres) ?
3. Ecrire une suite exacte de la forme
ι π
{1} −→ k −→ H −→ k 2 −→ {1}
en explicitant les morphismes ι et π, avec de plus la contrainte que l’image de ι soit dans Z . On prendra
garde qu’il s’agit bien ici du groupe additif k, muni de la loi + (idem pour k 2 ).
4. Déterminer les classes de conjugaison de H . Donner pour chaque classe son cardinal et un
représentant. Vérifier que l’on retrouve bien en sommant le cardinal de H , à savoir p3 .
5. Quelles sont les représentations de dimension 1 du groupe k 2 ? En déduire explicitement p2
représentations de dimension 1 de H distinctes.
6a. Soit A = {M (x, 0, z), x, z ∈ k}. Vérifier que c’est un sous-groupe abélien distingué de H , iso-
morphe à k 2 . Déduire de la question 5 les représentations de dimension 1 de A.
2iπ
6b. Soit b ∈ k. Calculer x∈k e p bx .
P
107
6d. En déduire que l’on peut trouver p − 1 représentations χ de dimension 1 de A distinctes telles
que les induites IndH
A (χ) sont irréductibles et inéquivalentes.
6e. Montrer que l’on a la liste complète des représentations irréductibles de H , à équivalence près.
Exercice II
Soit A une C-algèbre de dimension finie sur C. On note 1A son unité, A× l’ensemble des éléments
inversibles de A et pour tout a ∈ A,
/ A× },
Spec(a) = {λ ∈ C | a − λ1A ∈
le spectre de l’élément a.
1. Soit a ∈ A. Le but de cette question est de montrer que Spec(a) est non vide. Comme on voit
immédiatement que Spec(0) = {0}, on suppose a non nul.
1a. Supposons que a − λ1A soit inversible pour une infinité de valeurs de λ. Montrer qu’il existe un
entier r ≥ 2, des nombres complexes λ1 , . . . , λr distincts et des nombres complexes µ1 , . . . µr non nuls
tels que a − λi 1A soit inversible pour tout i = 1, . . . , r et
r
X
µi (a − λi 1A )−1 = 0.
i=1
1b. En déduire qu’il existe un polynôme P ∈ C[X] de degré strictement positif tel que P (a) = 0.
1c. Montrer que l’une des racines du polynôme P est dans Spec(a).
1d. Conclure que Spec(a) 6= ∅ dans tous les cas.
2. En déduire que si A est une algèbre à division, alors A = C.
3a. On suppose que a ∈ A est nilpotent, c’est-à-dire qu’il existe N ∈ N tel que aN = 0. Montrer que
Spec(a) = {0}.
3b. Réciproquement montrer que si Spec(a) = {0}, alors a est nilpotent (on pourra remarquer que
l’on est sous les hypothèses de 1a).
4. Le but de cette question est de montrer qu’en dimension finie, les notions d’inverse, d’inverse à
gauche et d’inverse à droite sont équivalentes. On se contente ici de montrer qu’un inverse à gauche est
un inverse. On suppose que a ∈ A admet un inverse à gauche, c’est-à-dire qu’il existe b ∈ A tel que
ba = 1A . En considérant l’application linéaire Ra : A → A, c 7→ ca, montrer que ab = 1A .
5. Soit a ∈ A non nilpotent. Son spectre Spec(a) contient donc un élément λ non nul d’après les
questions précédentes. Le but de cette question est de montrer qu’il existe un A-module simple S tel que
a · S 6= 0.
5a. Montrer que le A-module N = A/A · (a − λ1A ) est non nul, de type fini.
5b. On rappelle un résultat du cours : tout module de type fini admet un quotient simple. En déduire
qu’il existe un A-module simple S tel que a · S 6= 0.
Exercice III
Ls
Soit M le groupe abélien Zr ⊕ ( i=1 Z/mi Z) pour des mi ∈ Z non nuls et non inversibles. Calculer
M ⊗Z Q.
Exercice IV
On rappelle les résultats suivants du cours ou vus en exercice, (i), (ii) (iii) (iv) et (v), que l’on utilisera
en les citant sans les redémontrer.
108
u v
(i) Soit N un A-module. Pour toute suite exacte de A-modules 0 → M 0 → M → M 00 , on a une suite
exacte
0 −→ HomA (N, M 0 ) −→ HomA (N, M ) −→ HomA (N, M 00 ),
u v
(ii) et pour toute suite exacte M 0 −→ M −→ M 00 −→ 0, on a une suite exacte
0 −→ HomA (M 00 , N ) −→ HomA (M, N ) −→ HomA (M 0 , N ).
(iii) On suppose A commutatif, alors quels que soient les A-modules L, M et N , on a un isomorphisme
naturel
HomA (L, HomA (M, N )) ' HomA (M, HomA (L, N )).
(iv) Un module libre est projectif.
(v) Tout A-module est quotient d’un module libre.
On déduit de (iv) et (v) que tout module est quotient d’un module projectif. Le but de l’exercice est
de montrer l’énoncé dual : tout module s’injecte dans un module injectif. On se place dans le cas A = Z.
109
Correction
Exercice I
1a. M (x, y, z)M (x0 , y 0 , z 0 ) = M (x+x0 , y+y 0 , z+z 0 +xy 0 ). Ce n’est pas un groupe abélien M (1, 0, 0)M (0, 1, 0) =
M (1, 1, 1) 6= M (0, 1, 0)M (1, 0, 0) = M (1, 1, 0). M (x, y, z)−1 = M (−x, −y, −z + xy).
2. Le centre est Z = {M (0, 0, z), z ∈ k}, il est isomorphe à (k, +).
3. On pose ι(z) = M (0, 0, z) et π(M (x, y, z)) = (x, y). On vérifie que ce sont bien des morphismes de
groupes respectivement injectif et surjectif et ker π = Im ι est immédiat.
4. M (x, y, z)M (u, v, w)M (x, y, z)−1 = M (u, v, w + xv − uy). Si (u, v) 6= (0, 0), (x, y) 7→ xv − uy est
surjective de k 2 dans k. On trouve donc
- p classes de conjugaison qui sont des singletons, les {M (0, 0, z)}, z ∈ k.
- (p2 − 1) classes de cardinal p, un ensemble de représentants étant les M (u, v, 0) avec (u, v) 6= (0, 0).
On a bien p + (p2 − 1)p = p3 .
2iπ
5. Ce sont les χa,b : (x, y) 7→ e p (ax+by) , avec (a, b) ∈ k 2 . On les compose avec la projection π de la
suite exacte du 2 pour obtenir des représentations de dimension 1 de H, que l’on note encore χa,b . On a
2iπ
donc de manière explicite χa,b (M (x, y, z)) = e p (ax+by) .
6a. On vérifie sans peine que A est un sous-groupe distingué de H isomorphe à k 2 . Ses représentations
de dimension 1 sont les mêmes qu’en 5, ce sont les χa,b avec
2iπ
χa,b (M (x, 0, z)) = e p (ax+bz) .
2iπ
p bx
P
6b. x∈k e = 0 si b 6= 0 et p si b = 0.
6c. On utilise la formule du caractère des induites du poly (Prop. II.9.7). Pour calculer ΘIndH
A (χa,b )
en g = M (u, v, w), on doit sommer sur les s ∈ A\H tels que sgs−1 ∈ A. Or on a vu que A est distingué,
donc si v 6= 0 (c’est-à-dire si M (u, v, w) ∈
/ A), on somme sur le vide, d’où
ΘIndH
A (χa,b )
(M (u, v, w)) = 0 si v 6= 0.
Si v = 0, on somme sur un système de représentants de A\H , par exemple les s = M (0, y, 0), et l’on a
M (0, y, 0)M (u, 0, w)M (0, y, 0)−1 = M (u, 0, w − uy), d’où
X 2iπ X −2iπ
ΘIndH (M (u, 0, w)) = χa,b (u, w − uy) = e p (au+bw) e p (byu) .
A (χa,b )
y∈k y∈k
2iπ
ΘIndH (M (u, 0, w)) = 0 si u 6= 0, ΘIndH (M (0, 0, w)) = e p bw p.
A (χa,b ) A (χa,b )
6d. On voit que la valeur de a n’importe pas, on prend donc les χ0,b avec b ∈ k × . On calcule
1 X 2iπ 2iπ 0
p bw p × e− p b w p =
1 X 2iπ 0
hΘIndH
A (χ0,b )
, ΘIndH
A (χ0,b0 )
iH = e e p (b−b )w .
p3 p
w∈k w∈k
On trouve donc 0 si b 6= b0 et 1 si b = b0 . Ceci montre que les IndH A (χ0,b ) sont irréductibles et
inéquivalentes. Elles sont de dimension |A\H | = p.
6e. On a obtenu p2 représentations irréductibles de dimension 1 et p − 1 représentations irréductibles
de dimension p. Or p + (p − 1)p2 = p3 , on les a donc toutes obtenues d’après la formule de Burnside.
Exercice II
110
1a. On a une famille infinie d’éléments (a − λ1A )−1 dans A de dimension finie : cette famille est liée, et
on a donc une combinaison linéaire nulle
r
X
µi (a − λi 1A )−1 = 0.
i=1
X N
X −1
(a − λ1A )−1 = −λ−1 (1A − λ−1 a)−1 = −λ−1 λ−n a−n = −λ−1 λ−n a−n
n∈N n=0
A → A, b 7→ b(a − λ1A )
n’est pas surjective. Or cette application linéaire est surjective si et seulement si 1A est dans son image,
un antécédent de 1A est un inverse à gauche de a − λ1A , donc un inverse tout court d’après la question
4. Par hypothèse, a − λ1A n’est pas inversible, donc N est non nul.
5b. Soit S = N/Q un quotient simple de N . Notons p la projection canonique de A sur N , et
Q̃ = p−1 (Q). On a donc S = A/Q̃ par un des théorèmes d’isomorphisme de Noether, et A(a − λ1A ) ⊂ Q̃.
Si a · S = 0, alors aA ⊂ Q̃ d’où a ∈ Q̃, et comme (a − λ1A ) ∈ Q̃, on a λ1A = a − (a − λ1A ) ∈ Q̃ d’où
1A ∈ Q̃ d’où Q̃ = A ce qui contredit N 6= A.
111
Exercice III
Exercice IV
1. Supposons Q/Z de type fini, engendré par des éléments q̄1 , ..., q̄r , et soit m le p.p.c.m. des ordres des
1
q̄i . Alors m annule tous les générateurs, donc annule tout Q/Z : contradiction car l’image de m+1 dans
Q/Z n’est pas annulé par m.
2a. Il est clair que I est un idéal de Z car il est stable par somme et par multiplication par un élément
de Z. Comme Z est principal, il existe a ∈ Z avec I = (a) et a · x ∈ M0 par définition de I. On pose
t = f0 (a · x) ∈ T . Comme T est divisible, si a 6= 0, il existe s ∈ T tel que a · s = t et l’on a envie de poser
f (x) = s et plus généralement f (m + k · x) = f0 (m) + k · s pour tout k ∈ Z et tout m ∈ M0 . Si a = 0,
on choisit un s ∈ T quelconque et on définit f par la même formule. Vérifions que ceci est bien défini :
si m1 + k1 · x = m2 + k2 · x avec k1 , k2 ∈ Z et m1 , m2 ∈ M0 , on a (k2 − k1 ) · x = m1 − m2 ∈ M0 et donc
k2 − k1 ∈ I, d’où k2 − k1 = ra pour un certain r ∈ Z. On a alors
est exacte d’après (ii) et il s’agit de montrer la surjectivité de la dernière flèche. Mais c’est exactement
la propriété établie en 2.
5. Soit P un Z-module projectif et soit
u v
0 −→ M 0 −→ M −→ M 00 −→ 0
une suite exacte. On veut montrer que l’on a une suite exacte
112
en utilisant la définition de P ∗ = HomZ (P, Q/Z) et (iii), on voit qu’il suffit d’établir que
0 → HomZ (P, HomZ (M 00 , Q/Z)) → HomZ (P, HomZ (M, Q/Z)) → HomZ (P, HomZ (M 0 , Q/Z)) → 0
ce qui est le cas, car Q/Z est injectif et donc HomZ (•, Q/Z) préserve les suites exactes, et même chose
avec HomZ (P, •) car P est injectif.
6. D’après (v), M ∗ est quotient d’un module libre L, on a donc L → M ∗ → 0. On dualise en
appliquant HomZ (•, Q/Z) et on obtient 0 → (M ∗ )∗ → L∗ . Le module libre L est projectif, donc son dual
L∗ est injectif (question 5) et M s’injecte dans (M ∗ )∗ question 3. CQFD.
113
114
Index des notations
Mp , 84 Gx , 7
1C , 33
HomG , 18
An , 11
G
AnnA , 57 IH (ρ), 44
G
Aut(X), 3 IH (W ), 44
Im , 5
Bij(G), 7 Indec(A), 70
C[G], 27 ker, 5
Conj(G) , 33
mδ (ρ) , 36
dρ , 15
O(p, q), 8
EndG , 18 O(V ), 8
sgn, 10
F(f ), 28
Sn , 7
F(G), 25
StabG (Y ), 6
F(G)(δ) , 32
F(G)G , 32 TorA , 57
Fix(Y ), 6
U(V ), 8
G,
b 18
G,
b 28 φπv,λ , 24
G\X, 6 Θπ , 33
115
116
Index terminologique
117
opérateur d’entrelacement, 18 semi-simple, 18
orbite, 6 triviale, 16
orthogonalité des caratères, 34 unitaire, 15
représentations équivalentes, 18
partition, 11 restes chinois, 83
permutation circulaire, 10 restriction des scalaires, 62
Peter-Weyl (théorème de), 32
plus grand commun diviseur, 78 Schur (lemme de), 19, 72
plus petit commun multiple, 81 section, 12, 44
présentation, 13 semi-simple, 73
présentation finie, 67
semi-simple (algèbre), 88
premier (idéal), 77
signature, 10
principal (anneau), 77
simple (anneau), 88
produit (de représentations), 21
somme directe, 19
produit semi-direct, 12
sous-groupe, 5
produit tensoriel, 22, 60
sous-module, 51
projectif, 59
sous-représentation, 17
propriété universelle, 20
stabilisateur, 6
pull-back, 24, 53
suite de composition, 74
push-out, 54
suite exacte, 12
réciprocité de Frobenius, 44
radical, 88 torsion, 57
relations d’orthogonalité de Schur, 25 totalement décomposable, 69
relations d’orthogonalité duales, 35 transformation de Fourier, 28
représentation, 8, 15 transformation de Fourier inverse, 28
complètement réductible, 18 transitive (action), 6
indécomposable, 17 transposition, 9
induite, 44 type fini, 67
irréductible, 17
nulle, 16 Zorn (lemme de), 65
118
Bibliographie
119