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Murs en pierre, je vous aime

Par Papy Claude

Un mur ancien en pierre a, généralement, été monté à la terre ou au mortier de chaux, généralement
très faiblement dosé. Par exemple, le château de Guédelon, château fort en cours de construction
en Puisaye dans l'Yonne, selon les techniques du XIIIème siècle est monté avec un mortier dont
les proportions sont : 3 sable, 2 chaux, 1 terre. Ça ne colle pas les éléments tel que peut le faire un
mortier actuel au ciment Portland et ne constitue pas, à terme, un mur monolithique indéformable.
Ce n'était pas le but des anciens. Quand ils ne pouvaient pas acheter de chaux (trop cher ou trop
loin), ils montaient à la terre et enduisaient de même. Quand ils pouvaient se procurer de la chaux,
ils en mettaient un peu, plus pour que le mortier tienne un peu sur lui-même car les pierres étaient
plus "calées" que collées". Le ciment n'avait pas encore été inventé, tout au moins le Portland et,
de toute façon, n'aurait pas été à leur portée financière. Ils n'avaient pas de pelleteuse et se
contentaient de creuser à la pelle et à la pioche. En règle générale ils enlevaient la terre végétale,
mais guère plus. Dans les zones de montagne, en pente, en dévers comme on dit là-bas, ils
enlevaient ce qu'ils pouvaient de terre, gardaient le rocher et le déblai serait à faire un terre-plein
devant.
N'ayant pas de ciment pour les raisons ci-dessus, ils ne faisaient pas de fondations sous forme de
semelle filante et se contentaient de poser des pierres plates (quand il y en avait localement car pas
de transport, pour info, un tombereau c'est, selon qu'on est sur le plat ou qu'il y a des côtes, une
tonne à deux tonnes de cailloux disons à une densité moyenne de de 2,2 tonnes au m3, ça fait peu,
ceci pour un cheval qui marche au pas d'un homme, ça ne va pas vite ! Et encore fallait-il avoir un
cheval !). Ensuite, ils élevaient le mur en lui donnant du fruit (plus large en bas qu'en haut) afin
que les 2 rangs de pierre s'appuient l'un contre l'autre et, ainsi, se stabilisent (oui, un mur, c'est un
rang extérieur et un rang intérieur, avec parfois de grosses pierres qui traversent, sinon c'est da la
pierre de taille).
Les espaces entre les 2 rangs étaient comblés avec les résidus de taillage grossier propre à permettre
un empilage correct et stable, ce qui donne parfois des impressions de trou dans l'épaisseur des
murs anciens quand on les retravaille. Personne n'est venu "manger" les pierres, mais quand vous
n'avez pas d'engin de levage, quand les pierres ne sont pas disponibles à l'infini, quand, de toute
façon, vous ne chaufferez guère, ce qui compte n'est pas de combler tout, mais que ça tienne. Pour
comprendre ces vieilles bâtisses, il faut essayer de comprendre ceux qui les ont bâties et la fonction
qu'elles avaient, a savoir que la thermie n'était, et de loin, le souci N° 1. Les choses ont beaucoup
changé depuis !
Donc ces murs, bien que correctement empilés ou maçonnés, ne sont pas d'une très grande stabilité.
Et en même temps, aucun terrain n'est uniformément stable, avec un taux de compressibilité
identique de mètre en mètre, pas plus que l'humidité du sol n'est uniforme. La conséquence de ceci
est que, faute de semelles filantes monolithiques, les murs 's'assoyaient", se mettaient en place en
s'enfonçant plus ou loin dans le sol. Ceci s'est fait au fil des ans, des décennies, des siècles parfois,
influencé parfois par des éléments extérieurs, dans les fermes par exemple, la fosse à purin,
également d'autres constructions, édifiées ultérieurement, ont pu dévier des eaux de ruissellement
ici ou là, mais par forcément uniformément.
Et ces maisons, posées sur des sols qui, encore maintenant, évoluent, continuent à bouger, très peu
certes mais régulièrement et continuellement. Ceci signifie que les murs, eux-mêmes souples,
continuent à bouger. Oh, c'est imperceptible, mais ils bougent. Ceci ne présente aucun danger car
tout suit, au rythme de la maison. C'est ce qui explique que certains planchers peuvent ne pas être
plans, peuvent ne pas être de niveau. Ce n'est pas grave, tout au moins au plan structurel.
À moins de creuser sous les pierres qui ont servi de base, d'y couler un béton bien implanté sur le
sol, de le ferrailler en continu, elles continueront, au moins sur leurs bases, à bouger. Et comment
couler ce béton ? C'est faisable, ça a été fait sous la tour de Pise en Italie, ça a été fait au centre de
Rennes par VINCI (me semble-t-il) sous le couvent des Jacobins afin, pour la ville, de se doter d'un
centre de congrès. Sauf que, pour la tour de Pise ça a couté une fortune et pour Rennes, l'entreprise
a plus d'un an de retard et le budget est pharaonique. Bref, vous l'avez compris, ce n'est pas à la
portée du commun des mortels.
Il faut donc admettre que notre belle maison va bouger encore.
Vouloir l'en empêcher, hors la solution évoquée ci-dessus, ne pourra se faire qu'à un niveau au-
dessus du sol, mais donc, ce qui est sous ce niveau continuera à bouger. De plus, on a vu que,
hormis les murs en pierre de taille, et eux aussi sont très souvent à 2 rangs de pierre, notre blocage,
chainage, dalle ou autre, sauf à être au sommet, mais nous y reviendrons, sera ancré, pour des
raisons mécaniques évidentes, seulement sur une partie du mur, soit le rang extérieur pour un
linteau ou autre chainage, soit sur le mur intérieur dans le cas d'une dalle. Et donc là, d'un coup, on
laisse une partie travailler et pas l'autre. Voir, dans le cas d'une dalle, on amène, du fait du poids,
une pression qui n'est plus la même sur les rangs extérieur et intérieur et on provoque un tassement
différencié, pas terrible !
Bon, on peut, après avoir opéré sur une face et attendu que la prise de notre beau béton au ciment
Portland se fasse, opérer secondairement sur l'autre face. Si on a été prévoyant, on peut aussi lier
les deux (il aura suffi de laisser des ferrailles en attente sur la première partie. Bravo, judicieux !
Mais ce qui est dessous n'est pas stabilisé, on l'a déjà vu, et là, ça va poser quelques problèmes au
fil des décennies. Le temps de la maison n'est pas le temps humain, la nature n'est pas pressée, mais
n'en doutons pas, elle est à l'œuvre !
Maintenant, le chainage supérieur, celui au niveau des sablières et des pignons … ben idem le
chainage inférieur et/ou la dalle … en dessous, ça va bouger en fonction des mouvements de la
maison … et au-dessus, ça ne pourra plus bouger et, à nouveau, pas bon pour la mamie ! D'ailleurs,
comment s'appellent les pannes sur le mur ? Hein des sablières, mais pourquoi ? Parce que nos
anciens, pas si cons, avaient bien compris que tout ça, ça bougerait, et, pour ne pas bloquer ces
mouvements, posaient sur du sable !

Un peu long le développement de Papy Claude ? Désolé, on n'en a pas fini, vous n'en avez pas fini !
Les remontées capillaires, ça vous dit quelque chose ? Oui, alors on y va !
On l'a vu, pas de semelles filantes en béton au ciment Portland, donc pas d'arrêt des remontées
capillaires. Et c'est quoi des remontées capillaires ? Bon là, on va se la faire simple et il faudra me
croire sur parole, pardon écrit ! Partout autour de la planète, l'eau, comme l'huile d'une lampe à
pétrole, monte du tréfonds. Où que vous soyez, sauf peut-être au cœur de déserts chauds car elle se
sera évaporée avant, si vous mettez une bâche au sol, même par temps sec, de l'eau finira, au bout
d'un temps plus ou moins long, par se condenser sous la bâche. Les mêmes qui préconisent le béton
à outrance, coulent parfois des dalles en lieu et place des solivages et planchers anciens, sous
prétexte qu'ils ont pourri. Et ils ont raison, les solives et/ou les planchers posés au sol ont pourri …
s'ils n'étaient pas ventilés dessous ! Donc, nos bétonneux bétonnent pour éviter le pourrissement.
Oh c'est sûr, le béton ne pourrira pas, mais ce qu'il va provoquer est pire encore.
Revenons à nos remontées capillaires, l'eau donc remonte comme le long d'une mèche, y compris
sous nos murs et … dans nos murs en pierre. Se faisant, vu la piètre qualité des mortiers, ils risquent
de le ramollir au point que le mur s'affaissera petit à petit. Remarquez, il lui en faut de l'eau car
autrement la terre du maçonnage, si elle devient trop sèche, n'assurera plus sa fonction de calage
correctement car elle devient poussière et peut écouler comme dans un sablier, c'est à dire à
nouveau lentement, mais sûrement. Ben alors, l'eau dans les murs, c'est bien ou ce n’est pas bien ?
Oui, c'est bien mais quand on a la juste proportion. Et la nature, elle n’est pas con, elle la connait
la juste proportion, faut simplement la laisser faire. Si on veut intervenir, on déséquilibre les choses,
on bouleverse le bel agencement.
Comment peut-on bouleverser le bel agencement ?
1) en faisant un drain qui va trop drainer, donc ne jamais mettre un drain directement contre un
mur ancien en pierre. Nous avons, sur ce sujet, un super document produit par Sylvain Teffaut et,
de mémoire, intitulé ou ayant dans son intitulé "remontée capillaires".
2) en injectant des résines asséchantes au pied du mur, on bloque les remontées capillaires et notre
mur en a besoin, un peu, la juste proportion, mais pas zéro ! Ça provoque aussi autre chose, mais
ça relève de la composition des remontées capillaires et nous y viendrons plus loin (C'est de votre
faute si ce texte est long, j'ai décidé, cette fois, de tout aborder. Je pense qu'on mettra ça dans les
dossiers, je ne sais pas faire, mais on a des spécialiste dans ce groupe, à chacun ses compétences !)
3) en créant une dalle au sol, directement au sol, sans un vrai hérisson. Et à part la petite bête qui a
des piquants, c'est quoi un hérisson ? On l'a vu, il y'a des remontées capillaires partout, alors il faut
les évacuer, sinon, on l'a vu aussi, en excès elles vont poser problème.
Sous une dalle, et avant de la couler, on va creuser au moins 25 cm de plus profond que le dessous
de la dalle, on met une ou deux lignes de drain au fond, l'idéal étant que le drain débouche à l'air à
chaque bout, ce qui peut faciliter un courant d'air et donc assainir. Nos remontées capillaires, faute
de ce hérisson, vont être arrêtées par la dalle et se condenser. Par capillarité, elles vont migrer plus
loin jusqu'à trouver à nouveau une mèche pour continuer leur route… un mur. Et qu'est-ce qu'elle
va faire cette vilaine eau liquide, mais c'est bien sûr, elle va bouleverser le bel équilibre dans mon
mur, remontées capillaires excédentaires.
Le hérisson permet d'éviter cela : l'eau ne peut pas remonter dans des boulets, ils ont une perméance
(faculté de se laisser traverser par de l'eau) proche de zéro et comme les contacts entre eux ne sont
que des points, c'est encore plus difficile. Donc cette eau, arrêtée dans sa migration, finit par se
condenser et cette eau liquide sera évacuée par les drains. Pour être sûr que tout se passe bien, tant
au niveau des mouvements, que de la possibilité d'une petite perspiration, on coulera sur le hérisson
une chape à la chaux, pas au ciment portland !
C'est pour les mêmes raisons de remontées capillaires récurrentes (qui finissent par entretenir une
humidité très forte dans les vides sanitaires) qu'il faut ménager une hauteur suffisante entre le sol
et le dessous des éléments, particulièrement les éléments bois, et qu'il faut ventiler ce vide sanitaire.
4) en crépissant les murs avec un mortier à base de ciment Portland. Celui-ci est pratiquement
étanche à la migration de l'eau et donc cette fois, nos murs ne seront pas trop secs, mais trop
mouillés, ce qui n'est pas mieux et peut, en ramollissant les mortiers de montage, provoquer un
tassement des murs qui, alors, sont ne plus tenus que pas les enduits, pas les empilages de pierre.
Ça ne tiendra pas très longtemps !
Bon maintenant la composition des remontées capillaires.
L'eau, tout au long de son circuit en terre, s'est chargée en minéraux, principalement des potasses,
phosphates et nitrates. Lorsqu'elle va, en partie, s'évaporer (le fameux juste équilibre), elle va
déposer ces minéraux. C'est ce qu'on appelle le salpêtre. Donc, la présence de salpêtre au pied d'un
mur, loin d'être une catastrophe, est un marqueur qui nous signale que le mur marche bien. S'il
créée un désordre, c'est uniquement visuel.
Revenons à la composition des remontées capillaires et de ses éléments contenus, particulièrement
les nitrates.
Au contact de l'air, elles se transforment, je crois par oxydation, et donnent du nitrite. Or la nitrite
est un acide et la chaux c'est fait avec du calcaire et l'acide, ben oui ! Ça mange littéralement ce qui
est calcaire, la chaux entre autres. Pas bon tout ça. Si, en plus, vos pierres sont calcaires, elles vont
aussi être attaquées. Je l'ai connu chez moi, vous le verrez sur la vidéo en fin de ce post, vous verrez
à quel point mes propres murs avaient été "servis" il y a quelques 50 ans. Quand, après avoir purgé
mes murs de ces enduits au ciment portland, j'ai voulu y fixer mes gaines électriques, impossible
de mettre une cheville au pied, les pierres y sont devenues trop molles, par contre, au sommet de
mes murs, c'est tout juste si je ne fonds pas mes mèches !
Mes murs n'avaient plus connu le juste équilibre depuis plus de 50 ans. Quand je vous disais que
la nature n'est pas pressée !
Quand je parlais avec mes voisins (j'ai acheté cette maison il y a 5 ans), que je leur faisais part de
son humidité récurrente, ils me disaient simplement "elle a toujours été comme ça". Deux ans après
avoir attaqué mes travaux, ma maison est très saine, ce qui étonne mes voisins, pas moi !
Et une forte humidité dans une maison est source de condensation (là je vous conseille mes vidéos,
vous y trouverez des éléments). Ces condensations sur les enduits intérieurs sont source de
moisissures et champignons, donc d'émission de spores. Ces spores sont allergisantes et dans ces
maisons, les occupants sont beaucoup plus sujets aux maladies respiratoires, rhinites, pharyngites
et autres …
Voilà pourquoi il faut respecter les vieux murs.

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