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PAT H O L O G I E D U B Â T I M E N T

01
Les mouvements de fondations
de maisons individuelles
Première partie : tassements courants
La construction de maisons individuelles sur des sols compressibles
conduit souvent à des tassements différentiels des fondations.
Une partie de la maison “descend” plus que l’autre. Conséquence :
des fissures dans les murs de façades, les cloisons, les carrelages…
dangereux sont les argiles “jeunes”, qui n’ont pas eu le
temps (géologique…) d’être bien “serrées” par des couches
de sédiments suffisamment épaisses. Elles présentent en-
core une compressibilité plus ou moins forte, les rendant
sensibles à la nouvelle mise en compression que représente
l’apport d’une maison.

• Des charges irrégulièrement réparties… Car la première


circonstance n’est pas en soi suffisante et ne saurait entraî-
ner seule les désordres observés. Elle pourrait par contre
provoquer le tassement d’ensemble du pavillon, de plusieurs
centimètres, si, par exemple, celui-ci était fondé à l’aide d’un
“radier” général, sorte de plancher renversé sous les murs,
répartissant bien leurs charges.
Il faut donc une deuxième condition : que les charges
transmises par la construction ne soient pas distribuées
régulièrement d’un point d’appui à un autre.
Ce déséquilibre des efforts sur le sol provoque alors ce
que l’on appelle un “tassement différentiel”, que l’on peut
illustrer par le schéma ci-après, où l’on a figuré des points
d’appui inégalement chargés, fondés de ce fait par des
semelles de largeurs différentes, et dont l’incidence sur le
Les fissures en diagonale sont typiques terrain peut être traduite par des courbes “enveloppes” que
des tassements différentiels. l’on nomme “bulbes des pressions” et qui font comprendre
le mécanisme de compression “différentielle” que subit cette
couche.

L es maisons individuelles concernées ont généralement


été construites en maçonnerie (briques ou blocs de béton),
• Une “structure” fragile… Mais il faut encore une troisième
condition : en effet, ce tassement différentiel va tendre à
déformer les murs de la maison, en les “gauchissant”.
sans sous-sol, et fondées à faible profondeur (en général Chaque déformation d’un mur en maçonnerie s’accompagne
entre 0,50 et 1 m). Les fondations sont réalisées en béton et de l’apparition de contraintes dans la paroi, notamment au
renforcées le plus souvent par des armatures en acier. niveau des joints entre briques ou entre parpaings.
Ces “semelles” de fondations ont pour fonction de dif- Les murs de façades sont le plus souvent sollicités, car les
fuser les charges du bâtiment (poids des matériaux et angles du bâtiment sont plutôt plus chargés que le centre.
surcharges d’exploitation) dans le sol, jusqu’à une pro-
fondeur qui n’excède pas, en principe, 3 à 4 m sous leur Des conséquences sur les murs, les cloisons…
niveau d’assise. Si les trois conditions sont réunies, le mur se fissure, selon
Si, dans ces limites, le terrain est fait d’éléments rocheux, un schéma typique, en diagonale (ce qui traduit le “gauchis-
aucun incident grave n’est à craindre. sement” évoqué), et suivant les joints de la maçonnerie.
Si, par contre, une couche de sol fin argileux se trouve Ces fissures principales peuvent être complétées par des
intercalée, le pavillon court le risque de subir des mouve- fissures horizontales sous les chaînages de planchers, voire
ments générateurs de désordres. Dans un premier temps, des fissures verticales au droit de changements de maté-
ceux que nous allons rencontrer auront trait à des “sinistres” riaux. Elles peuvent se prolonger à l’intérieur du bâtiment,
survenus en période climatique normale, en dehors de toute par exemple dans les cloisons ou les carrelages.
incidence de sécheresse, et ne concernant pas des Elles touchent toute l’épaisseur du mur et peuvent donc
constructions sur argile gonflante - ces problèmes particu- conduire à des infiltrations.
liers étant traités en seconde partie de ce sujet. Dans les cas courants, les tassements restent limités à
quelques centimètres. On estime les tassements différentiels
Les trois conditions du mouvement consécutifs à environ la moitié du tassement absolu et capables
• Une argile “compressible”… La première de ces condi- de créer des fissures prenant alors des valeurs millimétriques (en
tions concerne la compressibilité de cette argile, caractéris- gros entre 0,5 et 2 mm) à partir d’une valeur relative de l’ordre
tique qui est liée à son degré de “consolidation” : les sols fins du 1/500 - soit 1 cm pour 5 m entre points d’appui.
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Schéma de transmission des charges (Q) d’un pavillon au sol

ÀÀ
;;
@@
€€ ;;
@@
€€
ÀÀ
Q 1 est ici plus grande que Q 2 et Q 3
Maçonnerie Q1

ÀÀÀ
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€€€ ÀÀÀ
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ÀÀÀ;;
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ÀÀ ;;
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ÀÀ
de pignon
fortement chargée Semelles en béton armé Q2 Poteaux
en BA Q3

;;;
@@@
€€€
ÀÀÀ ;;;ÀÀ
@@@
€€€
ÀÀÀ;;
@@
€€
(p1 > p 2 ou p 3) peu chargés

S1 Terre végétale S2 S3
p1 p2 p3

Couche peu épaisse


de gravier sableux
compact

TD INÉVITABLE TD NÉGLIGEABLE
entre S1, S2 et S3 entre S2 et S3

Courbes “limites” d‘influence des charges dans le sol


“BULBES DES PRESSIONS”
Couche
compressible épaisse
(argile, marne ou limon argileux) TD = Tassement Différentiel

L’apparition de ces fissures peut suivre de près la • La rupture d’une canalisation enterrée ou d’un regard
construction du pavillon, comme elle peut attendre plusieurs d’eau pluviale, provoquant, en pied de mur, une venue d’eau
années, suivant le degré de consolidation de l’argile. Le pro- qui change localement la consistance du sol.
cessus finit en principe par se stabiliser.
En conclusion, les désordres par tassements différentiels
L’absence d’étude de sol de pavillons constituent, en dehors de tout événement à
est souvent mise en cause caractère exceptionnel (par exemple “climatique”, telle une
L’origine principale d’un sinistre par tassement différentiel est forte sécheresse prolongée, ou “géologique”, comme un
donc la non-reconnaissance, à l’ouverture du chantier, d’une glissement de colline), une pathologie fréquente, dont la
couche d’argile compressible au droit de l’emprise de la réparation s’inscrit dans toute une gamme de solutions tech-
construction. En construction pavillonnaire, c’est l’absence niques et, donc, de coûts très variables, pouvant s’échelon-
pure et simple d’étude de sol qui en est généralement la rai- ner de 50 à 300 000 F...
son, mais ce peut être aussi une appréciation erronée du
comportement de l’argile, quand on veut faire l’économie de
l’intervention d’un géotechnicien… La leçon que l’on peut alors en dégager est qu’il est
parfaitement aberrant, chaque fois que l’ouvrage pro-
Les tassements de fondations jeté doit être implanté sur un sol qui n’est pas notoi-
peuvent avoir d’autres raisons rement connu, de faire l’économie d’une reconnais-
• L’implantation de la maison directement sur la terre végé- sance (avec, au besoin, l’aide d’un spécialiste), d’un
tale de surface, inconsistante, ou encore à si faible profon- coût de 5 à 10 000 F, alors que le risque de “sinistre”
deur que le sol n’était pas à l’abri du gel. encouru peut se chiffrer par une dépense dix fois
supérieure…
• La présence juxtaposée de deux remblais d’âges différents
sous les fondations, un ancien peu compressible et un
récent que l’on a mal “compacté” au cours des travaux.

• L’implantation du bâtiment sur un sol hétérogène, ou ren-


fermant des inclusions rocheuses qui constituent des points 9, boulevard Malesherbes
durs, ou, au contraire, des restes de débris végétaux (des 75008 Paris
tourbes) ou de matières organiques en décomposition (des
vases), qui forment autant de zones très compressibles.

• L’ajout, après coup, d’une plate-forme contre une façade 114, avenue Émile Zola
Michel HOUEIX

du pavillon, qui crée une surcharge parasite excessive au 75739 Paris Cedex 15
droit de la semelle de ce mur.
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