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Les refrains bien faits sont faciles. Ainsi, à l'été 1963, ce simplissime "Enfants
de tous pays et de toutes couleurs" , d'un angélisme consternant, chanté par
un grand type à guitare sèche, qui permet à la maison Pathé Marconi de remplir
ses caisses. Le jeune (25 ans) Enrico a-t-il la baraka ? Pas seulement.
Avec les maçons, les colons, les cafetiers, les agriculteurs, les médecins, les
tailleurs, les pâtissiers, les instituteurs (Enrico Macias), la France d'Algérie a
ramené une culture vieille comme une nouba : voici que débarquent sur les
rivages métropolitains forcément gris, même à Marseille, les fêtards du
francarabe, les "chéri-je-t'aime-chéri-je-t'adore" , les ciseleurs de sentiments
nord-africains : Line Monty, Reinette l'Oranaise, élève aveugle de Saoud
l'Oranais, mort en déportation, Lili Boniche... Et, dans un malheur commun,
tout cela roule, tourneboule, égraine des colliers de mandole, d'oud arabe et de
guitare flamenca. Poropompero et bamboula.
Un beau gars, Enrico, brun, couleur de miel, cheveux frisés, abondants, une
tchatche imparable, des yeux bons. Jeune homme fou ayant inventé de coller
de la guitare dans un maalouf qui ne supportait aucune intervention exogène,
Gaston, le protégé de "Tonton Raymond", casse la baraque dès qu'il passe la
ligne de front, Lyon.
Chez Pathé, Enrico Macias pond des 45-tours : L'Oriental, La Femme de mon
ami , Adieu mon pays . On confie son sort à des paroliers rompus à l'exercice
de l'habillage. Ainsi Jacques Demarny (Dalida, Dario Moreno, Tino Rossi, Annie
Cordy) lui écrit-il, avec Pascal-René Blanc, une chanson qui va comme un gant
à son grand coeur : Enfants de tous pays . Puis, pendant que la France sera
occupée à s'américaniser (Steve McQueen est à la télé, Carrefour ouvre son
premier hypermarché), Demarny déclinera par le détail l'identité de son
client : Toi Paris, Les Gens du Nord , Non, je n'ai pas oublié , tubes entre les
tubes...