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Ce que je viens de te raconter, c’est le mensonge dans toute sa splendeur.

Est-ce que tu as envie


d’entendre la vérité dans toute sa laideur ?

Croire aux étoiles pas encore mûres. Croire que les aigles sont capables de faire des choses
extraordinaires. En fait, nous nous raccrochions comme des forcenées à l’espoir que la vie ne se
limitait pas à la simple réalité autour de nous. Alors seulement pouvions-nous prétendre à une destinée
autre que celle à laquelle nous nous sentions condamnées.

Les vieilles colères sont pour la plupart éteintes maintenant. Mais le sentiment de culpabilité demeure.
C’est un sentiment qui refuse de durer moins longtemps que l’éternité.

La pensée m’est alors venue qu’être enfant, c’est savoir que le balancement du berceau nous approche
et en même temps nous éloigne de nos parents. C’est le flux et le reflux de la vie qui tour à tour, nous
poussent vers les autres, puis nous écartent, peut-être dans le but de nous permettre d’acquérir la force
nécessaire pour affronter l’instant où ce mouvement de balancier nous aura tellement éloignés de la
personne que nous aimons le plus qu’elle ne sera plus là quand nous reviendrons vers elle.

Aussi belle que puisse être la pâture, c’est la liberté de choisir qui fait la différence entre une existence
que l’on vit et une existence que l’on subit.

Quand on a tout raconté à Papa ce soir-là, il a dit que c'était une bonne chose qu'on ait été là, et il a
ajouté :
- Un garçon qui tombe comme ça en silence, il a besoin que quelqu'un soit là pour crier à sa place.

Nous avons trop d’ennemis dans la vie pour en faire nous-mêmes partie.

_ Il y a des hommes qui connaissent le montant exact de leur compte en banque, a poursuivi Maman.
Il y a ceux qui savent combien de kilomètres indique le compteur de leur voiture et combien elle
pourra encore parcourir. D'autres connaissent le score à la batte de leur joueur de base-ball préféré et
ils sont plus nombreux encore à savoir la somme exacte que l'Oncle Sam leur a soutirée. Ton père, lui,
ne connaît rien de tout ça. Les seuls nombres que Landon Carpenter a en tête, c'est le nombre d'étoiles
qu'il y avait dans le ciel la nuit où ses enfants sont nés. Je ne sais pas ce que tu en penses, mais moi je
dirais qu'un homme qui a dans la tête des cieux remplis des étoiles de ses enfants est un homme qui
mérite leur amour.

Ils sont comme ça les garçons. Faut toujours qu’ils fassent comme s’ils passaient leur temps à sauver
les filles de quelque chose. On dirait qu’ils sont incapables de comprendre qu’on peut se sauver nous-
mêmes.

Mais j’avais appris que ce n’est pas parce que le temps passe qu’une chose terrible devient plus facile
à supporter. Je me suis péniblement frayé un chemin à travers les heures froides de l’hiver.

(p.143) Lint avait un visage d’enfant. Il avait un visage d’enfant et les yeux d’un vieil homme. l avait
un visage d’enfant et les yeux d’un vieil homme inquiet.
- Septembre l’apaisera, a dit Papa. Et toutes ses peurs détaleront devant lui comme un
renard qui s’enfuit dans la nuit.
(…)
-Je te vois, mon garçon, a-t-il dit en appuyant les mains sur la poitrine de Lint. Je te
vois.
Le tremblement s’est arrêté, d’abord dans le bras droit, puis dans le gauche.
- Je te vois.
Ses jambes ont cessé de trembler, puis sa tête a suivi.
- Je te vois.
Quand Lint a été aussi immobile que l’herbe autour d’eux, Papa a dit :
- C’est bien, mon garçon. Je te vois.(…)
Partout où Lint prétendait sentir une bête, Papa soufflait sur l’endroit en question en imitant
le cri de l’animal. Quand Lint disait qu’il y avait un loup dans son coude, Papa poussait un
hurlement. Quand Lint disait qu’il y avait un tigre qui courait sur son dos, Papa grognait et
montrait les dents. Après que Papa eut imité le cri perçant du faucon, Lint a affirmé que
c’était le dernier animal. (…)

Papa savait qu’en donnant de l’amour à Lint, il y aurait des ponts qui se créeraient, mais ils
ne seraient pas toujours faciles à franchir. En vue de nous y préparer, Papa nous a avertis :
nous ne devions pas parler de notre frère à des étrangers.
- Ils nous l’enlèveraient pour l’envoyer quelque part, nous a expliqué Papa, à un
moment où Lint était dans le champ en train de chercher des cailloux.
- Où est-ce qu’ils l’enverraient ?ai-je demandé, sans vraiment savoir à qui ce « ils »
faisait référence.
- Habiter dans une maison de scorpions, a répondu Papa. Des scorpions qui le
piqueront jusqu’à ce qu’il oublie comment on parle. Pire encore, ils essaieront de le
rafistoler, mais tout ce qu’ils feront, en fait, c’est le chasser hors de ce monde.
Chaque fois que Lint disait souffrir de symptômes imaginaires, tels que les cils douloureux ou
des araignées dans les oreilles, Papa le soignait avec des remèdes comme si les troubles
étaient réels.
(…) – Ce n’est pas de sa faute s’il crie ou dit des choses un peu bizarres. La poussière se glisse
dans ses oreilles et elle fait du vacarme dans sa tête. C’est un vacarme qu’on ne peut pas
comprendre parce qu’on n’a pas à le supporter comme lui. Mais c’est toujours votre petit
frère. Ses pas le portent toujours vers nous. C’est son esprit qui l’emporte ailleurs. Nous
devons le respecter. Il faut comprendre que tout ce qu’on dit et tout ce qu’on fait a un
impact sur lui.

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