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Les documents contrerévolutionnaires

Réserver l’action pour l’avenir serait une faute ; réserver la vérité en serait une plus grande encore.

Cardinal Pie

Numéro 8 — Octobre 2000

Lépante canonnades, les assauts durèrent cinq mois,


depuis le dix-huit mai jusqu’à la mi-
voyant une foule d’habitants venir au secours
du grand maître, commencent à se retirer,
7 octobre 1571 septembre. La descente des Turcs se fit le
vingt mai ; la tranchée s’ouvre devant le fort
sans ralentir leur feu. Tous les chevaliers
tremblent des périls auxquels s’expose
Saint-Elme quatre jours après, et dure Lavalette : plusieurs se jettent à genoux, et le
e
jusqu’au 22 de juin. Frère Lavalette y avait
9 placé cent trente de ses religieux. Deux fois
ces braves, voyant leur petit fort foudroyé « Puis-je finir ma vie
par l’artillerie turque, mandent à leur général
que la place n’est plus tenable. Mais, un
plus glorieusement
Abbé Rohrbacher, Histoire religieux, de la famille de Scanderbeg, qu’avec mes frères,
universelle de l’Église soutient qu’on peut encore y tenir, et s’offre
au grand maître pour la défendre. Lavalette pour le service de Dieu
catholique, Paris : Librairie agrée cette proposition courageuse : de et la défense de
Louis Vivès, 1904, Tome XI, concert avec l’évêque de Malte, il avance de
son argent les sommes nécessaires pour faire notre sainte religion ? »
livre 86e, pp. 614-618. de nouvelles levées dans l’île. Une foule de
Maltais s’enrôlent à l’envi. Le grand maître
écrit alors aux réfractaires que, pour un conjurent de ne pas compromettre
davantage une vie si précieuse. Le héros,
YYY chevalier qui paraissait rebuté de soutenir
plus longtemps le siège, dix braves montrant les enseignes des Turcs, répond
qu’il ne se retirera, qu’après les avoir abattus.
demandaient à s’enfermer dans le fort.
Le combat s’engage avec une nouvelle

E
« Revenez au couvent, mes frères, ajouta-t-il,
n 1565, à l’issue du concile de Trente, vous y serez plus en sûreté, et de notre côté fureur ; les étendards sont renversés, et les
lorsque Soliman II menaça la nous serons plus tranquilles sur la Turcs s’éloignent en désordre. Le grand
chrétienté d’une ruine entière, en lui conservation d’une place d’où dépend le salut maître, convaincu que leurs chefs les
enlevant son dernier boulevard, ni de l’île et de tout notre ordre. » Les chevaliers ramèneront bientôt au combat, témoigne la
l’empereur d’Allemagne, ni le roi de France, confus s’écrièrent tous d’une voix : résolution de passer la nuit au poste où il
ni le gouvernement d’Angleterre Comment soutiendrons-nous la vue du grand avait si vaillamment combattu. Les
n’envoyèrent un homme ni un écu au secours maître et les reproches de nos frères ? Tous, chevaliers lui représentent combien cet
de la chrétienté menacée. Elle ne dut son ils jurent de se faire tuer jusqu’au dernier, endroit est exposé à l’artillerie des ennemis.
salut qu’aux Papes et à des moines. Ces Papes plutôt que de céder leur poste à une milice « Puis-je, leur répondit Lavalette, à l’âge de
furent Pie IV et Pie V : ces moines, les nouvelle ; et, dans une lettre respectueuse, ils soixante-onze ans, finir ma vie plus
religieux militaires de Saint-Jean de témoignent à leur héroïque et vénérable chef glorieusement qu’avec mes frères, pour le
Jérusalem, nommés depuis chevaliers de tout leur repentir. Lavalette leur accorda service de Dieu et la défense de notre sainte
Rhodes, et enfin chevaliers de Malte, comme une grâce la permission de continuer religion ? »
gouvernés par frère Jean Parisot de à défendre le fort. Il y eut de la part des Turcs
Lavalette. Le dix-huit mai 1565, la flotte des des assauts plus terribles les uns que les Le lendemain, dans un nouvel assaut, le
Turcs parut devant Malte. Elle était autres. La plupart des ¢hevaliers et de leurs grand maître reçut une blessure à la jambe ;
composée de cent cinquante-neuf vaisseaux soldats se firent tuer sur la brèche. Enfin le mais, dissimulant ses souffrances, il ne cessa
de guerre chargés de trente mille janissaires, vingt-trois de juin, après avoir perdu huit de donner l’exemple aux plus braves. Le 23,
la plupart Chrétiens apostats et suivis d’un mille hommes, les Turcs entrèrent dans le les Turcs renouvelèrent leurs attaques sur
grand nombre de bâtiments qui portaient la fort Saint-Elme. Mustapha, leur général, tous les points : on combattit jusqu’à la nuit,
grosse artillerie et les munitions. Frère pour intimider les Chrétiens, fit arracher le et le grand maître, malgré toutes ses
Lavalette avait reçu de Pie IV un secours cœur aux chevaliers qui respiraient encore. batteries, ne put les empêcher de se loger sur
d’argent considérable. Philippe II, roi Par une dérision sacrilège, les infıdèles la brèche. Le conseil de l’ordre était d’avis
d’Espagne, avait promis des troupes du fendirent en croix le corps de ces héroïques d’abandonner ce poste, après en avoir fait
royaume de Naples ; mais ces troupes martyrs ; puis, après les avoir liés sur des sauter les fortifications ; mais Lavalette
n’arrivaient pas. A l’armée formidable des planches, on les jeta à la mer, dont les flots les rejeta cet avis avec indignation : « C’est ici,
Turcs, qui s’augmentait encore de jour en transportèrent au pied du château Saint- mes chers frères, dit-il, qu’il faut que nous
jour par des renforts, frère Jean Lavalette Ange. Par représailles, le grand maître lança mourions tous ensemble ou que nous
avait à opposer sept cents religieux de son dans le camp de Mustapha les têtes des chassions nos ennemis. » Et, pour prouver
ordre plus les frères servants et huit mille prisonniers turcs, et ordonna de ne plus faire aux chevaliers combien il était éloigné de se
cinq cents hommes, tant soldats de de quartier à l’avenir. retirer au château Saint-Ange, il passa toute
profession qu’habitants enrégimentés. A la la nuit avec la garnison à construire de
vue du péril, qu’il ne leur dissimule pas, il Le dix huit août, les Turcs entraient dans nouveaux retranchements. Lui-même
engage ses frères à renouveler avec lui leurs un autre fort, celui de Castille ; déjà ils ont conduisit ces ouvrages avec tant d’art et de
vœux au pied des autels, et à puiser à la sainte arboré leurs enseignes sur un pan de muraille. capacité, qu’on fut en état de tenir encore sur
table un généreux mépris pour la mort. On engage le grand maître à se retirer dans le ce point.
Fortifiés de cette manne céleste comme les château Saint-Ange, mais l’intrépide
premiers martyrs, les nouveaux Machabées vieillard, sans se donner le temps de mettre sa Enfin, le 7 septembre, le secours espagnol
abjurent toute faiblesse, toute division, toute cuirasse, s’avance fièrement, la pique à la si longtemps attendu parut devant Malte,
haine particulière, et se dévouent au secours main, au-devant des infidèles : suivi des sous la conduite du vice-roi de Naples, don
de la chrétienté. Le siège, les attaques, les chevaliers, il les charge avec fureur ; ceux-ci, Garcie de Tolède. Après avoir présidé au
2 Les documents contrerévolutionnaires no 8 — Octobre 2000

débarquement, qui se fit dans un endroit Herzogwine, ainsi que Pertew, Hersekogli et franchise turque, tandis que la diplomatie
opposé à celui que les infidèles gardaient Dukaginogli ; Albanais et Croates, Rustan et européenne y met généralement plus de
avec vigilance, le vice-roi se remit aussitôt en son frère Sinan, les vizirs Ferhad Ahmed, mode et de circonlocution. Elle voudrait
mer pour aller chercher encore quatre mille Daud, conquérant de l’Yémen, et bien vous enlacer et vous étrangler avec un
soldats ; mais ce nouveau renfort ne fut pas Sinanpacha ; Bosniaques, le grand vizir cordon de soie. Il fut donc notifié à la
nécessaire. Les généraux turcs, craignant de Mohamed Sokolli, le visir Mustapha, république de Venise que, si elle voulait la
voir fondre sur eux les principales forces de la Chosrewpacha, la famille Jajaoghli, Jailak continuation de la paix avec le sultan, elle
chrétienté, levèrent le siège et se Mustapha, Sal Mohammed, Maktul devait lui céder le royaume de Chypre,
rembarquèrent avec précipitation. Lavalette Mohammedberg, Baltaschi Ahmed ; attendu que cette île appartenait autrefois à
ne vit pas plus tôt les Turcs s’éloigner, qu’il fit Dshenabi Ahmed, Temerrud-Ali et Sophi l’Egypte, dont le sultan était maître. C’est par
combler leurs tranchées et ruiner leurs Alipacha : Russes, Hasanpacha, gouverneur le même droit que certains empereurs
ouvrages ; et sa prévoyance préserva l’île d’un de l’Yémen et l’eunuque Dchaaferpacha. Les Teutoniques prétendaient à la souveraineté
nouveau siège. En effet, informé par un chefs de la marine et des corsaires turcs de tous les royaumes, attendu que César-
esclave que le secours qui avait fait fuir seize étaient : Salipacha, renégat grec des plaines Auguste était maître de tout l’univers connu.
mille Ottomans n’était composé que de six de Troie ; le renégat hongrois ou croate, La république de Venise s’y étant refusée, la
mille hommes accablés de fatigues, Pialipacha ; le renégat calabrais, Ochiali ; conquête de Chypre fut résolue, et le renégat
Mustapha revint de sa terreur panique : il enfin, le fameux roi des forbans, de Bosnie Mohammed pacha, chargé de
remit son armée à terre et alla au-devant des Barberousse, était Grec d’origine. La plupart l’entreprise.
troupes auxiliaires de Sicile, mais les Turcs, des femmes du harem étaient des filles
qu’il avait fallu forcer à coups de bâton de chrétiennes, emmenées captives ; plusieurs La ville de Nicosie, après un siège de sept
quitter leurs vaisseaux, combattirent sans des eunuques du sérail, plusieurs des semaines, fut prise d’assaut le 9 septembre
courage et livrèrent aux Chrétiens une facile adolescents prostitués des sultans étaient de 1570 : les habitants se prosternèrent à
victoire. Mustapha, abandonné de ses jeunes Chrétiens emmenés en esclavage. Le genoux, en demandant la vie ; ils furent tous
soldats fut réduit à faire comme eux, après plus funeste de ces renégats fut un Juif relaps, massacrés. La garnison, avec le commandant
avoir perdu trente mille hommes à ce siège Joseph Nassy : de Juif devenu Chrétien en et les autres magistrats, s’était retirée dans le
(Biog. univ., t. XLVII. Lavalette). Portugal, de Chrétien devenu Juif à palais : le pacha leur offrit la vie sauve, s’ils
Constantinople, il s’était insinué dans les mettaient bas les armes ; ils le firent, et furent
bonnes grâces de Sélim, encore prince hachés en morceaux. Vingt mille victimes
Un supérieur de héréditaire, en lui fournissant des ducats de
Venise et des vins de Chypre. Dès lors il
furent égorgées par les conquérants : deux
mille esclaves de l’un et l’autre sexe réservés à
moines, secondé par représentait au futur sultan que, par la
conquête de Chypre, il aurait l’un et l’autre
leurs plaisirs. Des mères tuèrent leurs
enfants et elles-mêmes, pour ne pas devenir
le Pape, sauva en abondance. Un jour, dans l’ivresse, Sélim le jouet de leurs brutales passions. Une
l’Europe chrétienne. l’embrassa et lui dit : En vérité ; si mes vœux
s’accomplissent tu seras roi de Chypre ! Et le
femme se vengea, elle et sa patrie, d’une
manière moins désespérée. Le renégat
Juif fit peindre en sa maison les armes de ce Mohammed, grand vizir, ayant chargé trois
royaume, avec cette inscription : Joseph , roi vaisseaux de ce qu’il y avait de plus précieux
La nouvelle de la délivrance de Malte de Chypre. Sélim, devenu Sultan, le nomma dans le butin, entre autres mille personnes du
répandit la joie dans toute la chétienté. Le duc de Naxos et des Cyclades. Mais le sexe réduites en esclavage, une d’elles mit le
nom de Lavalette fut célébré dans toute royaume de Chypre tenait encore plus au feu au magasin de poudre, le vaisseau
l’Europe. Le pape Pie IV lui offrit le chapeau cœur du Juif. Il est vrai, les Vénitiens en principal sauta en l’air, et mit le feu aux deux
de cardinal. Soliman, au contraire, outré de étaient paisibles possesseurs depuis quatre- autres (Ibid.).
cet échec, se prépare à revenir en personne, vingts ans. Il est vrai que Sélim venait de
l’année suivante 1566, contre Malte. Il fait confirmer la paix conclue avec les Vénitiens La prise de Famagouste fut encore plus
construire une nouvelle flotte pendant par son père ; mais un Juif, directeur de la horrible. Tant le blocus que le siège durèrent
l’hiver. Le grand maître trouve moyen de conscience d’un sultan, ne s’arrêtait guère à onze mois, depuis le 19 septembre 1570
faire mettre le feu dans l’arsenal et les ces scrupules. D’autant que Sélim venait de er
chantiers du sultan. En même temps, il forma jusqu’au 1 août 1571. En ce jour, n’ayant plus
conclure la paix pour huit ans avec que sept barils de poudre, les assiégés
le dessein de bâtir une ville nouvelle sur l’empereur d’Allemagne : ainsi, rien à
l’emplacement du fort Saint-Elme. Le Pape, demandèrent à capituler. Leur demande fut
craindre de ce côté. De plus, l’arsenal accordée le jour même. Libre à eux de se
c’était Pie V, les rois d’Espagne et de maritime de Venise venait d’être incendié,
Portugal fournissent des sommes retirer avec leurs biens, cinq canons, et les
peut-être par les émissaires du Juif. Le trois chevaux des trois principaux chefs : à
considérables pour un si grand ouvrage. La moment était favorable. D’ailleurs, le mufti
première pierre de la ville nouvelle, appelée ceux qui voudraient demeurer, sécurité
répondit en ces termes à la consultation de pleine et entière pour leur honneur, leurs
la Cité Valette, fut posée le 18 mars 1566 ; et Sélim : « Le prince de l’Islamisme ne peut
pour qu’elle fût plus tôt achevée, Pie V biens et leur vie : quarante navires reçurent
légitimement conclure la paix avec les les émigrants pour les transporter ; il ne
permit qu’on y travaillât même les jours de infidèles que quand il résulte utilité et
fête. Et voilà comme un supérieur de moines, restait à terre que les principaux
avantage pour l’universalité des Musulmans. commandants. Le 5 août, le gouverneur
secondé par le Pape, sauva l’Europe Si l’utilité générale n’est pas atteinte, la paix
chrétienne. vénitien Bradagino, accompagné de trois
n’est pas légitime. Dès qu’il se présente une commandants, se présente devant
utilité, soit durable, soit passagère, on doit, Mustapha, pour lui remettre les clefs. Il est
Soliman II, l’empereur le plus fameux des en temps opportun, rompre la paix. Ainsi le
Ottomans, mourut de la fièvre le 14 reçu d’une manière amicale. Mais tout à coup
prophète conclut la paix avec les infidèles Mustapha exige plus qu’il n’est porté dans la
septembre 1566, et eut pour successeur son dans la sixième année de l’hégire jusqu’à la
fils, Sélim II, surnommé l’Ivrogne, dont la vie capitulation. Bradagino s’y refuse : aussitôt
dixième, et Ali en rédigea le traité ; Mustapha fait égorger les trois
et la mort justifièrent le surnom. L’empire cependant il trouva plus dangereux de
turc se soutint néanmoins sous son règne, commandants, couper le nez et les oreilles au
rompre la paix l’année suivante, d’attaquer gouverneur. Dix jours après, il le fit hisser aux
non par la force ou le génie des Turcs, mais les infidèles en la huitième année de l’hegire,
des renégats ou Chrétiens apostats, les vergues d’un navire, et plonger dans la mer ; il
et de s’emparer de la Mecque (De Hammer, le contraint de porter de la terre pour
mêmes qui, sous le règne de son père, Hist. des Ottomans t. III, livre 36, p. 566, en
l’avaient porté au plus haut point de sa construire deux bastions ; enfin, il le traîne
allemand). » sur la place principale, et le fait écorcher
puissance. C’était, au pied de la lettre,
l’empire de l’apostasie. Les premiers vivant. Au milieu de ce cruel supplice,
Comme on voit, ce fetfa du mufti de Bradagino ne proféra pas une plainte : il
généraux et ministres de Soliman et de Sélim Constantinople exprime très clairement la
furent des renégats. Sur dix grands vizirs de priait, il récitait tout haut le Miserere. Quand
politique moderne, que l’on se plaît à il dit ces paroles : O Dieu ! créez en moi, un cœur
cette époque, il y en eut huit : Ibrahim et nommer machiavélisme : l’intérêt y est seul la
l’eunuque Soliman étaient Grecs ; Ajas, Lutsi pur, il rendit son âme à Dieu. Trois cents
règle. Toute la différence qu’il y a, c’est que la Chrétiens, qui se trouvaient dans le champ,
et Ahmed, Albanais ; Ali le Gros, de politique ottomane s’exprimait avec une furent égorgés. Ceux qui avaient été
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embarqués d’après la capitulation furent par ce signe. Les deux armées restèrent quelque temps à
traînés en esclavage. Non content de la mort se considérer l’une l’autre avec une
ignominieuse de Bradagino, il fit couper son Pendant les lenteurs des négociations et admiration réciproque. L’amiral turc rompit
corps en quatre, et clouer ses quartiers à des préparatifs, on apprit les désastres de le silence par un coup de canon, don Juan y
l’affût des plus gros canons. Quant à sa peau, Nicosie et de Famagouste, et le ravage répondit par un autre ; la bataille commença
il la fit remplir de paille, et promener par le d’autres îles par les Turcs. Pie V n’en pressa sur toute la ligne. C’était vers quatre heures
camp et par la ville, avec une image de la que plus vivement l’expédition, à laquelle il après midi. Les Chrétiens avaient le soleil, le
passion, également remplie de paille, et donna pour rendez-vous général le port de vent et la fumée dans les yeux, ce qui donnait
attachée sur le dos d’une vache. Enfin, il Messine. Il manda au généralissime que aux Turcs un double avantage, outre leur plus
envoya l’un et l’autre au sultan, avec les têtes l’unique moyen de salut était une bataille ; il grand nombre. Peu à peu le soleil donna dans
salées de Bradagino et de ses trois collègues. lui prédisait la victoire, mais en lui les yeux des infidèles ; le vent, changé tout à
A Constantinople, la peau du martyr fut recommandant de s’y préparer coup, leur envoyait la fumée de l’artillerie.
suspendue en spectacle aux esclaves chrétiennement, et de renvoyer de son Vers quatre heures et demie, l’amiral turc
chrétiens du bagne (De Hammer, Hist. des armée tous les gens de mauvaise foi. Tous les s’élança entre le vaisseau amiral de don Juan
Ottomans t. III, livre 36, p. 566, en allemand. chefs suivirent les conseils du Pape et et l’amiral Veniero. On se battit avec
On peut voir aussi Les quatre martyrs, par M. résolurent d’aller chercher l’ennemi. acharnement corps à corps, pendant une
Rio). Aussitôt, le huit septembre 1571, Nativité de heure entière : enfin un boulet blessa l’amiral
la sainte Vierge, on indique un jeûne de trois turc ; un soldat espagnol monté à l’abordage
Tel est le sort que les renégats de jours ; toute l’armée se confesse, communie, lui coupa la tête et la mit au bout d’une lance.
Constantinople firent éprouver aux et reçoit les indulgences du vicaire de Jésus- La défaite des Turcs fut générale : ils
Chrétiens de Chypre. Tel est le sort qu’ils Christ : les ennemis se réconcilient, et ne perdirent trente mille hommes, deux cent
préparaient aux Chrétiens d’Allemagne, de songent plus qu’à vaincre ou à mourir vingt-quatre vaisseaux, dont quatre-vingt-
France et d’Angleterre ; d’autant plus que ensemble. D’excellents prêtres et religieux, quatorze furent poussés contre la côte et
d’autres renégats [les protestants] y faisaient distribués parmi la flotte, y entretenaient le brûlés : ils ne purent sauver que quarante
déjà endurer des traitements semblables à bon ordre et la piété, et distribuèrent aux galères. Mais ils perdirent bien plus que tous
quiconque ne voulait pas, comme eux, renier soldats des chapelets et des Agnus Dei bénits les navires, savoir, leur réputation d’être
la foi de leurs pères. par le saint Pontife. D’ailleurs, Juan invincibles sur mer : depuis cette époque,
d’Autriche tenait sévèrement à la discipline. leur empire comme leur renommée a
Qui donc empêchera les renégats de Deux misérables ayant été convaincus toujours été en décadence. Les Chrétiens
l’Orient de se joindre aux renégats de d’avoir proféré des blasphèmes, il les fit victorieux firent trois mille quatre cent
l’Occident pour étouffer le christianisme et pendre tous deux : ce qui répandit une soixante-huit prisonniers, mais surtout ils
l’humanité dans toute l’Europe, dans tout le crainte salutaire dans toute l’armée. rompirent les chaînes de quinze mille
monde ? C’est un moine, un moine Chrétiens réduits en esclavage. Ils eurent à
dominicain assis sur le siège de saint Pierre, regretter la perte de quinze galères et de huit
sous le nom de Pie V. Juan d’Autriche mille braves, parmi lesquels l’amiral vénitien
Barbarigo, qui mourut le troisième jour de
Les Vénitiens, ainsi menacés par l’empire parcourut toute la ligne ses blessures. Michel Cervantes, écrivain
des apostats, en informèrent le chef de dans un esquif, célèbre d’Espagne, combattit à Lépante, et
l’Eglise, le suppliant de venir à leur secours et eut le bras gauche emporté. Dans le butin se
d’y exciter les autres princes. Pie V fit de tenant à la main un trouvèrent cent dix-sept gros canons et deux
grand cœur l’un et l’autre. Il dispose sa flotte
sous le commandement de Marc-Antoine
crucifix. Tous les cent cinquante-six de plus petits, avec les
étendards des pachas, les fanaux d’or, et les
Colonne pour renforcer celle de Venise. Il Chrétiens, à haute voix, pavillons de pourpre avec des inscriptions
envoie des légats aux rois d’Espagne, de
Portugal, de France, de Pologne, aux princes
invoquèrent la Sainte d’or et d’argent, des étoiles et des croissants
(De Hammer, Hist. des Ottomans t. III, livre
d’Italie, à l’empereur d’Allemagne, au Trinité et saluèrent 36, p. 566, en allemand. ).
souverain de Moscou ; il leur représente que
ce n’est pas seulement le royaume de Chypre
la sainte Vierge. Cependant le saint Pontife Pie V
qui est en péril, mais tous les royaumes de multipliait ses austérités et ses aumônes. Il
l’Occident ; il leur propose une sainte ligue Enfin, s’étant embarqués à Messine le seize avait organisé des prières perpétuelles dans
contre les Turcs, pour la défense commune septembre, ils arrivèrent, le samedi sept les maisons religieuses de Rome. Lui-même
de la chrétienté ; les rois de Portugal, de octobre, à une heure et demie après midi, persévérait nuit et jour dans l’oraison, et
France, de Pologne, l’empereur d’Allemagne dans le golfe de Lépante, à la vue des Turcs, lorsque la nécessité du repos ou des affaires
s’en excusent sous divers prétextes ; seuls, le disposés au combat. C’était dans les mêmes l’en empêchait, il confiait à des hommes
roi d’Espagne et les princes d’Italie parages qu’avait eu lieu la bataille d’Actium, d’une dévotion exemplaire le soin de prier à
concluent avec le Pape et les Vénitiens une entre Octave et Antoine. La flotte des Turcs sa place. Un jour, le trésorier, nommé
ligue sainte, une croisade, pour le salut montait à trois cents vaisseaux de guerre, Bussoti, vint l’entretenir au Vatican, selon le
commun de l’Europe chrétienne, avec celle des Chrétiens à deux cent neuf. Don devoir de sa charge, et lui soumettre, en
invitation aux autres souverains d’y prendre Juan d’Autriche se plaça au centre, ayant à sa présence de plusieurs prélats, un travail
part. Pour maintenir la bonne intelligence droite Marc-Antoine Colonne, amiral du important. Tout d’un coup Pie V lui impose
parmi les confédérés, le Pape fut déclaré chef Pape, à sa gauche Sébastien Veniero, amiral le silence de la main, il se lève brusquement,
de la ligue. Pie V nomma généralissime des de Venise : l’aile droite était commandée par se dirige vers la fenêtre, l’ouvre, et y demeure
troupes don Juan d’Autriche, fils naturel de André Doria, amiral génois ; l’aile gauche, par quelques minutes dans une profonde
Charles-Quint et frère de Philippe II roi le Vénitien Barbarigo ; le marquis de Santa- contemplation. Son visage, son attitude
d’Espagne, lequel avait déployé de grands Cruz commandait la réserve. Juan décelaient une profonde émotion ; puis, se
talents militaires en plusieurs occasions. Il d’Autriche parcourut toute la ligne dans un retournant transporté, il s’écrie : Ne parlons
reçut à Naples, de la main du cardinal de esquif, tenant à la main un crucifix, et plus d’affaires : ce n’en est pas le temps !
Granvelle, l’étendard envoyé par le Pape. On exhortant du geste et de la voix les chefs et les Courez rendre grâces à Dieu dans son église,
y avait brodé en or et en argent le Sauveur soldats à faire leur devoir. Au même temps notre armée remporte la victoire ! Ces mots à
crucifié ; et en bas, les armes du Pontife dans les prêtres, le crucifix à la main, entendaient peine achevés, il congédia les assistants
le milieu, celles du roi Philippe à droite, brièvement les confessions, donnaient grandement surpris, et ils n’étaient pas
celles du sénat de Venise à gauche, avec celles l’absolution générale, avec l’indulgence encore sortis, que le saint Pontife se
du généralissime suspendues à de petites plénière du Pape. Enfin, au signal donné par précipitait, baigné de larmes, à genoux dans
chaînes. Marc-Antoine Colonne, général des le généralissime, les trompettes sonnèrent : son oratoire. Bussoti et les prélats témoins
galères pontificales, avait reçu du Pape tous les Chrétiens, à haute voix, invoquèrent privilégiés de ce miracle, allèrent le confier
même son étendard, représentant le Sauveur la Sainte Trinité et saluèrent la sainte Vierge. aux cardinaux les plus considérés dans Rome,
en croix, avec les images de saint Pierre et de Pie V l’avait ainsi ordonné. et aux personnes les plus éminentes en piété.
saint Paul, et cette inscription : Tu vaincras Tous ensemble notèrent le jour et l’heure de
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e
la vision du Saint-Père : 7 jour d’octobre, Rémi.
cinquième heure après midi. C’était bien le
jour et l’heure où triomphait la croix dans le
golfe de Lépante. Adresses

- SA D. P. F., BP 1, 86190 Chiré-en-


En reconnaissance de Montreuil, France. Tél. : 05 49 51 83 04 ; fax :
cette victoire, le saint 05 49 51 63 50 ; http://www.sadpf.com.

Pape voulut que l’on - Éditions Saint-Rémi, BP 79, 33410


Cadillac, France. Tél./fax : 05 56 76 74 80 ;
célébrât la fête du http://www.litoo.com.
Rosaire le premier
dimanche d’octobre, et
inséra dans les litanies 99
de la sainte Vierge Reine du très saint Rosaire,
cette invocation :
Secours des Chrétiens, priez pour nous.
priez pour nous ! (Indulgence de 300 jours. Pén., 24 novembre 1933.)

En reconnaissance de cette victoire, le


saint Pape voulut que l’on célébrât la fête du
Rosaire le premier dimanche d’octobre, et 99
inséra dans les litanies de la sainte Vierge
cette invocation : Auxilium Christianorum, Prière à saint Michel Archange
Secours des Chrétiens, priez pour nous ! Les
prisoniers détenus pour une dette au- Saint Michel Archange, défendez-nous dans
dessous de cent vingt ducats furent mis en le combat ; soyez notre secours contre la
liberté aux frais du trésor pontifical. Enfin, méchanceté et les embûches du démon.
les Romains furent autorisés à décerner les « Que Dieu lui commande », nous le
anciens honneurs du triomphe au demandons en suppliant ; et vous, Prince de
commandant de la flotte pontificale, Marc- la milice céleste, repoussez en enfer, par la
Antoine Colonne (Vita S. Pii V, l. IV et V. puissance divine, Satan et les autres esprits
Acta SS., 25 maii. — Falloux, Hist. de S. Pie V, l. mauvais qui rôdent dans le monde pour
2, c. XXV et XXVI). perdre nos âmes. Ainsi soit-il.
(Indulgence de trois ans ; plénière, une fois par mois, pour la
L’année suivante, Pie V se préparait à récitation quotidienne, aux conditions ordinaires (confession,
profiter de la victoire remportée sur les communion, visite d’une église avec prière aux intentions du
er Souverain Pontife). Pén., 12 novembre 1932.)
infidèles lorsqu’il mourut de la pierre, le 1
mai 1572. Il était âgé de soixante-huit ans
trois mois et quinze jours. Il fut béatifié par
Clément X en 1672, et canonisé par Clément
XI en 1712. Son corps est dans l’église de
Sainte-Marie-Majeure. La mort de Pie V fut
pleurée à Rome et dans toute la chrétienté :
les Turcs en firent des réjouissances à
Constantinople. [...]

La défense de Malte et la victoire de Au terrible torrent de boue constitué par les


Lépante, frère Lavalette et don Juan, livres sortis de l’officine ténébreuse des impies,
terminaient sous un rapport l’œuvre des sans autre but, sous leur forme éloquente et leur
croisades, l’œuvre de Charles-Martel, de sel perfide, que de corrompre la foi et les mœurs et
Charlemagne, de Godefroi de Bouillon, de d’enseigner le péché, le meilleur remède, on en
Tancrède, de saint Louis ; la défense de peut être assuré, est de leur opposer des écrits
l’humanité chrétienne, de la société salutaires et de les répandre.
universelle ou catholique, contre la barbarie
mahométane. S. S. Léon XII, Lettre Diræ librorum, 26 juin 1827.
9
Les documents contrerévolutionnaires
YYY reproduisent des textes de doctrine et
d’histoire contrerévolutionnaires. Face au
déferlement de littérature révolutionnaire à
Ouvrages recommandés vil prix qui outrage la majesté divine, détruit
la morale chrétienne, incite aux pires péchés,
• Jean Dumont, Lépante, l’histoire étouffée, et perd les âmes par millions, c’est le devoir
1997. Disponible à SA D. P. F. des catholiques de redoubler d’effort pour
diffuser la saine littérature catholique.
• Vicomte de Falloux, Saint Pie V, réédition
Éditions de Chiré, 1978. Disponible à SA D. Toute reproduction est autorisée.
P. F.
Correspondance : I. Kraljic, C.P. 311, succ. Côte-
• R. P. Fr. Charles-Antoine Joyau, Saint Pie des-Neiges, Montréal (Qc), H3S 2S6, Canada.
V, Pape du Rosaire, réédition Éditions Saint- Email : i.k@sympatico.ca. URL :
Rémi, 2000. Disponible aux Éditions Saint- http://www3.sympatico.ca/i.k/pdr.html

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