Vous êtes sur la page 1sur 117

Laurence Rameau

Dormir comme
un bébé
© Éditions First, un département d’Édi8, 2020

ISBN : 978-2-412-05622-6
ISBN numérique : 978-2-412-05890-9
Dépôt légal : mai 2020

Photographie de couverture : © istock / NataliaDeriabina


Illustration de couverture : Nathalie Jomard
Mise en pages : Nord Compo
Préparation de copie : Élise Peylet
Correction : Anne-Lise Martin

Éditions First, un département d’Édi8


92, avenue de France
75 013 PARIS – France
Tél. : 01 44 16 09 00
Fax : 01 44 16 09 01
E-mail : firstinfo@efirst.com
Site internet : www.editionsfirst.fr

« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage
privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou
onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue
une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la
Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à
ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »

Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.


À mes fils et à mon petit-fils,
tous forcément présents dans ces pages…
Introduction
Mais pourquoi dit-on « dormir comme
un bébé » ?

Pourquoi dit-on « dormir comme un bébé » ? Le bébé serait-il un


bon dormeur ? Les témoignages de parents ne le confirment pas,
bien au contraire. Le sommeil de leur bébé est ce dont les parents
parlent le plus. Soit avec fierté parce qu’il dort bien, ou plutôt les
laisse dormir, soit avec dépit lorsqu’il les empêche justement de
dormir nuit après nuit. Car c’est bien le dérangement du sommeil
des parents dont il est question lorsqu’un bébé ne dort pas. Le
sommeil de chaque bébé conditionne celui de ses parents et,
lorsqu’un bébé ne dort pas assez, c’est toute sa vie et celle de ses
parents qui s’en trouvent bouleversées. Au point qu’un bébé peut
être perçu comme celui qui nuit sciemment au sommeil de ses
parents, les rendant en retour coupables de penser cela.
De plus en plus, ce sommeil soulève des questions et devient un
enjeu important pour l’harmonie familiale et le développement de
l’enfant. Tout le monde en parle : les jeunes parents bien entendu,
mais aussi les grands-parents qui ne manquent pas de rappeler que
leurs enfants dormaient bien et ne comprennent pas pourquoi il n’en
est pas de même pour leurs petits- ou arrière-petits-enfants. Sans
oublier les spécialistes de la petite enfance, les psychologues, les
chercheurs et même les neuroscientifiques qui explorent les
fonctionnalités du cerveau pour déterminer le rôle et le
fonctionnement du sommeil. Autant dire qu’il y a du monde autour
des berceaux des bébés et que les parents peuvent se sentir perdus,
jugés ou sous pression. Ils cherchent alors des solutions rapides, sans
prendre le temps de comprendre ce qui se passe pour leur bébé, sans
trouver comment l’accompagner sereinement.
C’est l’objet de ce livre : fournir aux parents les explications qui
leur permettront de comprendre les réactions de leur bébé en
matière de sommeil et ainsi de choisir les attitudes et
comportements d’éducation les plus appropriés. Reprendre
confiance en eux et en leur enfant va aider les parents. Deux
croyances peuvent empêcher les jeunes parents d’atteindre cette
confiance. La première consiste à penser que son enfant ne peut pas
dormir parce qu’il est malheureux. La seconde, c’est de croire que
son enfant refuse volontairement de dormir, qu’il le fait exprès pour
les embêter et qu’ils n’ont pas un « bon » enfant. Ces deux croyances
sont fausses. Elles sont les arbres qui cachent la forêt. Il faut les
couper ou les dépasser pour entrer dans la réalité de leur bébé.
« Dormir comme un bébé »… Cette locution, qui signifie avoir
un bon sommeil, profond et agréable, désigne en réalité un sommeil
plutôt haché, avec des difficultés à l’endormissement, des réveils
nocturnes, des angoisses, des refus de se séparer, etc. « Dormir
comme un bébé » est une métaphore inappropriée, car elle ne
s’appuie pas sur la réalité mais sur une représentation, un vœu pieux
niché au fond de chaque nouveau parent. Le « j’espère que mon
bébé dormira bien » se traduit-il par un « j’espère que mon bébé
dormira comme un bébé » ? C’est-à-dire qu’il sera conforme à mes
souhaits, à mes rêves de bébé parfait, à ma réussite de parent. Trop
d’attentes, trop de pression, trop de contradictions et d’injonctions
paradoxales pèsent sur les épaules de ces jeunes et nouveaux
parents. Le sommeil du bébé et ses difficultés ne sont que les signes
visibles de ce qui se trame ici en matière de conformité à la norme
sociale et culturelle, norme qui se trouve en opposition avec les
rythmes de vie, l’organisation des temps de l’enfant et ses relations
avec ses parents. Trop peu de moments passés ensemble et des
organisations trop hachées, décousues, n’ont plus de sens pour
personne.
Mais « dormir comme un bébé » indique peut-être une
particularité du tout-petit : il pourrait s’endormir partout et dans
n’importe quelles conditions… Il y a donc une spécificité de son
sommeil que nous semblons envier tout en interrogeant chaque
jeune parent avec anxiété : « Fait-il ses nuits ? » Un vrai paradoxe,
reflet des diverses représentations, pratiques, connaissances et
tensions autour du sommeil du bébé. En observant et en
reconnaissant ce qui se passe pour son propre enfant, il est possible
de créer la confiance nécessaire à son sommeil, car tous les bébés
sont différents. Cela a de l’importance, non seulement pour les
parents qui doivent se reposer et dormir pour pouvoir s’en occuper
au mieux, mais aussi pour l’enfant tant on connaît aujourd’hui
l’importance du sommeil pour le cerveau et particulièrement pour
celui du bébé, qui est en construction.
Au fil des premiers mois et des premières années de la vie, le
sommeil du bébé se modifie grandement, mais un facteur génétique
contribuerait dès le départ à faire de petits et de gros dormeurs. Un
nouveau-né gros dormeur passe 20 heures sur 24 à dormir, alors
qu’un nouveau-né petit dormeur ne dort que 15 heures. Au début de
sa vie, le nourrisson a besoin d’être contenu pour s’endormir et les
bras de ses parents représentent le meilleur environnement qui soit.
Puis, petit à petit, il apprend à dormir dans son lit et à s’endormir
seul, il ne mange plus la nuit et finit par ne plus avoir de réveils
nocturnes. Son lit devient un véritable nid dans lequel il se sent
apaisé et heureux. Ainsi, il apprend à gérer son sommeil, aidé par de
petites béquilles affectives, comme la tétine et le doudou, et par une
organisation régulière et routinière que de faux amis comme les
écrans ne viennent pas perturber. Le bébé commence alors à dormir
comme un enfant. Il n’est plus un bébé lorsqu’il dort sans couche et
accepte de se séparer de sa tétine. Il n’est plus un bébé, et c’est
justement pour cette raison qu’il est devenu un bon dormeur, dont le
cerveau a été et est protégé, apte à poursuivre ses apprentissages,
car « non, le sommeil n’est pas une période de repos, il est une
partie intégrante de notre algorithme d’apprentissage, un moment
privilégié où notre cerveau fait tourner ses modèles en boucle et
amplifie, d’un facteur 10 ou 100, les acquis de la journée » 1.
Les parents et l’ensemble des personnes qui interviennent auprès
d’un bébé ont la responsabilité de créer les meilleures conditions
pour qu’il apprenne à dormir car, si dormir est un besoin
fondamental, comme manger ou boire, cela ne signifie aucunement
que les bébés savent dormir, manger ou boire de façon innée, sans
apprendre. Selon leurs environnements, ils apprennent à se réguler
dans le temps et dans les lieux, ils comprennent comment utiliser les
ustensiles nécessaires et comment gérer de façon autonome et
indépendante la réponse à leurs besoins. Le bébé n’est pas un
mammifère comme les autres. Dès sa naissance, il est immergé dans
une culture qui ordonne et conditionne les moments de sa vie.
Dormir se fait différemment selon les sociétés et les époques.
Préparé par des millénaires d’évolution, le bébé humain va
apprendre l’environnement qu’il lui est donné d’apprendre. Mais on
ne peut pas lui demander de se comporter en contradiction avec
l’environnement qui lui est proposé ; ça, il ne sait pas le faire. Ainsi,
on ne peut pas lui proposer un environnement dans lequel il est
endormi dans les bras et regretter qu’il ne dorme pas dans son lit, en
le lui reprochant : « Il n’aime pas son lit ! » C’est le rendre coupable
de ne pas avoir appris ce qu’il ne lui a pas été donné d’apprendre !
Ces travers sont fréquents et souvent inconscients. On peut les
déjouer en regardant dans la même direction que l’enfant, en
adoptant son point de vue, mais sans l’affubler de mauvaises
intentions.

1. DEHAENE Stanislas, Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines, Paris,
Odile Jacob, 2018, page 312.
1

L’organisation du sommeil du bébé

Avant la naissance
Dans le ventre de sa mère, le bébé connaît déjà des phases d’éveil
et de sommeil. Cela ressemble plus à une sorte de dormance, un état
spécifique de vie au ralenti avec des moments d’activité (dits éveil)
et d’autres d’inactivité (dits sommeil). De ce fait, le bébé n’a pas
encore de rythme circadien, c’est-à-dire qu’il ne possède pas encore
d’organisation biologique avec une alternance entre le jour et la nuit,
sur 24 heures. On pourrait croire qu’il dort en même temps que sa
mère, mais ce n’est pas le cas. Il a déjà ses propres occupations.
Même s’il dort beaucoup, il passe aussi un peu de temps à faire de
l’exercice physique. Ce sont ces moments où les futures mères
disent que leur bébé leur donne des coups de pied ! En réalité, il
remue beaucoup, profitant de l’espace dont il dispose encore avant
de se trouver trop à l’étroit. La nature étant bien faite, lorsqu’il n’a
plus assez de place pour faire des cabrioles, c’est pour lui le moment
de naître. Il change alors totalement d’environnement et de vie, une
nouvelle aventure commence. Cependant, la théorie du traumatisme
lié à la naissance est aujourd’hui réfutée. On considère que la
naissance est un événement naturel très bien géré par les bébés. Il y
a même certains bébés qui dorment pendant toute la durée du
travail et naissent presque en dormant ! Mais on ne peut nier le
changement total que le passage d’un milieu à un autre représente
pour l’enfant. Non seulement il respire seul et doit assurer son
oxygénation et l’ensemble de ses échanges gazeux, mais il n’est plus
nourri en continu et commence à ressentir d’étranges besoins.

Le nouveau monde
Après la naissance, le bébé n’est plus en homéostasie. Cela
signifie qu’il n’est plus capable de réguler lui-même ses différentes
constantes, son équilibre, face aux contraintes extérieures. Il ressent
le froid et n’est pas capable de maintenir seul sa température. Il
éprouve la faim comme un malaise encore inconnu et cela le réveille,
lui qui alternait phases de sommeil et d’éveil sans rapport avec de
quelconques nécessités. Et c’est bien cette défaillance liée à la faim
qui va désormais et pendant quelques mois régler ses réveils, qu’ils
soient de jour ou de nuit. La sensation de faim est une véritable
épreuve pour le bébé qui n’a pas de réserves et a de forts besoins en
calories pour son développement et en sucre pour son cerveau.
Certains chercheurs décrivent ce ressenti du bébé comme une
« destruction psychophysiologique » 1. En effet, il lui est encore
impossible de comprendre ce qui se passe en lui, il est au bord du
gouffre lorsqu’il a faim, il pleure et crie parfois très fort. Ces pleurs,
ces cris, sont d’ailleurs suffisamment insupportables pour obliger les
adultes à faire ce qu’il faut, c’est-à-dire s’occuper de lui, lui donner à
manger, jour et nuit. Or, cette situation alternant malaise et
réconfort le fatigue aussi. Il dort ainsi souvent, de façon discontinue,
pendant deux, trois ou quatre heures d’affilée, selon les bébés. Dès
le début de la vie, il existe en effet des différences entre les bébés.
Celles-ci peuvent être génétiques : il existe des lignées de petits et de
gros dormeurs, comme de petits ou de gros mangeurs. Certains ont
besoin de manger peu mais souvent, alors que d’autres espacent
leurs copieux repas. Celles-ci peuvent aussi être physiologiques : les
bébés de faible poids et ceux d’un poids au-dessus de la moyenne
ont besoin de manger plus souvent. Les premiers pour rattraper leur
faiblesse, les seconds parce que leur corps a pris l’habitude d’un
apport en sucre plus important. C’est comme lorsque nous
mangeons trop certains jours de fête et sommes surpris le lendemain
d’avoir faim. Le corps a sécrété de fortes doses d’insuline pour
absorber tout ce sucre, créant alors une sensation de faim qui
semble incongrue.

Pourquoi pleure-t-il ?
En moyenne dans sa période néonatale, c’est-à-dire autour de la
naissance, le bébé dort 16 à 20 heures sur 24 heures. Autant dire
qu’il ne fait que ça ! Il peut aussi se réveiller avant d’avoir faim,
puisqu’il le faisait déjà en tant que fœtus lorsqu’il alternait les phases
d’activité et d’inactivité. Il peut même pleurer pour bien d’autres
raisons que la faim : un état de malaise ou d’étrangeté, des
sensations digestives désagréables, le sentiment de ne pas être tenu,
contenu, etc. N’oublions pas que, pour lui, ce monde est nouveau,
son corps dans ce nouvel espace fonctionne différemment, même ses
propres pleurs peuvent lui paraître désagréables. Il n’existe pas de
bébé qui ne pleure pas, sauf ceux qui vont très mal. De ce fait, il ne
faut pas considérer qu’un bébé qui pleure est un bébé en grande
détresse. Les pleurs représentent son moyen d’expression, il nous dit
quelque chose dont nous devons tenir compte, sans nous précipiter
pour les faire cesser ou nous sentir coupables de ne pas arriver à le
calmer. Chaque parent apprend à reconnaître les pleurs de son bébé,
mais il faut un peu de temps et de patience. Aujourd’hui, il n’est plus
question de croire qu’un bébé se fait les poumons lorsqu’il pleure et
que c’est bon pour lui. Le pleur est le signe que quelque chose ne va
pas et qu’il faut s’en préoccuper pour lui apporter le réconfort
nécessaire. À l’inverse, empêcher systématiquement que le bébé ne
pleure est une gageure impossible à tenir et cela ne lui permettrait
pas d’apprendre à faire confiance à ceux qui s’occupent de lui. La
situation est la suivante : le bébé pleure, quelque chose ne va pas, ce
peut être la faim. Le parent va le chercher, le rassure, le cajole et lui
donne à manger. Cela se renouvelle souvent et se passe toujours
ainsi. Le bébé en conclut que, lorsqu’il pleure et qu’il a faim, son
parent résout son problème. Il peut donc compter sur lui, car il le
rassure. Petit à petit, ce parent devient une figure d’attachement
pour le bébé. Mais il faut qu’il y ait un écart entre le malaise et la
résolution du problème pour que l’enfant éprouve les corrélations,
les liens de cause à effet, entre ces deux moments. C’est ce qui se
passe le plus souvent entre un parent et son bébé, particulièrement
la nuit, puisqu’il lui faut un certain temps pour émerger de son
propre sommeil, réveillé par les pleurs du bébé, et préparer le sein
ou le biberon. Ce temps de nuit est donc aussi très utile pour la
création des liens d’attachement entre un bébé et son parent.

Est-il vraiment réveillé ?


Il faut veiller à ne pas se tromper sur l’état d’éveil ou de sommeil
de l’enfant. En effet, le sommeil du bébé n’est pas un temps
uniquement inactif. Au début de la vie, les cycles de sommeil
alternent rapidement entre périodes de sommeil calme et périodes
de sommeil agité. On représente souvent les cycles du sommeil par
de petits trains. Chaque petit train correspond à un cycle et chaque
cycle est composé de plusieurs wagons qui représentent chacun un
stade de sommeil spécifique. La longueur des trains, c’est-à-dire la
durée des cycles, comme la composition des wagons, c’est-à-dire le
type de stade de sommeil, varient pendant la petite enfance. Pour le
nouveau-né et jusqu’à 2-3 mois, les trains sont courts, car les cycles
sont courts, et ils sont nombreux, répartis tout au long de la journée.
Disons que le bébé fait de nombreux voyages et prend beaucoup de
trains. Chaque voyage dure à peu près cinquante minutes avec
autant de sommeil agité que de sommeil calme, les wagons sont
équilibrés en nombre. Au bout de ces cinquante minutes, le bébé est
tout près de se réveiller, il est dans une phase de sommeil très léger.
Mais il peut aussi prendre un autre train et faire un nouveau voyage.
Lorsqu’il arrive à dormir deux à trois heures, c’est qu’il enchaîne
deux à trois cycles ou trains de sommeil, en ajoutant le temps
d’endormissement. Entre 2-3 mois et 6-9 mois, les trains s’allongent,
jusqu’à approcher les soixante-dix minutes. Les wagons de sommeil
calme se transforment en deux wagons de sommeil dit « lent » et les
wagons de sommeil agité deviennent des wagons de sommeil
« paradoxal », celui des rêves. Les voyages s’allongent la nuit et
raccourcissent le jour.
Pendant les phases de sommeil calme (qui deviendra le sommeil
lent), le bébé ne bouge pas du tout et sa respiration est régulière,
son visage est détendu, il semble profondément endormi et peut
avoir seulement des mouvements de succion de la bouche. Cela ne
fait aucun doute : il dort vraiment. Pendant les phases de sommeil
agité (qui deviendra le sommeil paradoxal), il peut sembler être
réveillé car il ouvre les yeux, il bouge, s’étire, grogne et peut même
devenir rouge. Pendant cette période, sa respiration est irrégulière, il
peut pleurer légèrement ou encore faire de drôles de grimaces ou de
mimiques. Son visage exprime l’ensemble des émotions de base : la
peur, la colère, la tristesse, la surprise et la joie. Il peut même
sourire. Mais il dort vraiment. Mieux vaut patienter un peu pour
savoir s’il se réveille réellement ou s’il se tranquillise et continue de
dormir. Dans le second cas, une nouvelle phase de sommeil calme va
succéder à cette agitation. Il ne s’agit pas de se tromper et de risquer
de réveiller le bébé au mauvais moment, ce qui perturberait son
rythme de sommeil.

Dormir est bénéfique pour le cerveau


Le sommeil est d’une grande importance pour le développement
du bébé. En effet, les neuroscientifiques ont montré le rôle de
premier ordre que joue le sommeil dans la multiplication des
connexions synaptiques entre les neurones, reflet de la maturation
cérébrale et des apprentissages. Grâce aux outils de l’imagerie
cérébrale, les spécialistes du cerveau réussissent aujourd’hui à voir ce
qui se passe dans les cerveaux en activité. On sait ainsi que la
structure du cerveau se modifie en fonction du développement de
l’enfant et de ses apprentissages. On parle alors de plasticité
cérébrale, ce qui signifie que le cerveau a la capacité de se modifier
et de fabriquer de nouvelles connexions entre les neurones suivant le
vécu de la personne, enfant comme adulte, car cette plasticité
cérébrale demeure, même au-delà de l’enfance. À la naissance, le
bébé possède environ cent milliards de neurones, ce qui est
considérable. Peu de neurones seront fabriqués par la suite. Pour
autant, le cerveau du bébé est loin d’être achevé. Il doit maintenant
créer les connexions entre les neurones, que l’on nomme les
synapses. Seulement 10 % d’entre elles sont présentes à la
naissance ; les 90 % restantes vont se créer ensuite. Cela explique les
graves retards de développement observés chez les bébés et les
jeunes enfants grandissant dans un environnement dépourvu ou
carencé en relations ou stimulations sensorielles, affectives et
cognitives. Le bébé a besoin d’expériences et d’interactions avec le
monde extérieur pour le développement de son cerveau. Ce dernier
se modifie en fonction même des expériences vécues. Ainsi, le
cerveau d’un jeune enfant qui apprend à jouer d’un instrument de
musique fabrique des connexions supplémentaires entre ses
neurones. C’est l’alternance entre les stimulations extérieures et le
sommeil qui permet au cerveau de se développer au mieux. En effet,
le sommeil n’est pas une simple période d’inactivité et de repos, il ne
sert pas seulement à nettoyer les déchets que le cerveau a accumulés
pendant la journée. Pendant le sommeil, le cerveau transfère les
apprentissages dans la mémoire, ce qui la rend plus efficace. Les
bébés dorment beaucoup car ils ont aussi beaucoup à apprendre.
D’après Stanislas Dehaene 2, les algorithmes du cerveau tournent
beaucoup plus vite chez les bébés et les jeunes enfants afin
d’emmagasiner rapidement nombre de connaissances. Les
apprentissages du bébé dépendent de la qualité de son sommeil. Le
sommeil lui permet de mieux généraliser ses nouveaux
apprentissages. Protéger le sommeil du bébé, c’est protéger ses
capacités cognitives, son intelligence, sa capacité de mémorisation et
de généralisation.

Dormir est bénéfique pour la croissance


En plus de son implication dans le développement du cerveau, le
sommeil joue un rôle dans la croissance de l’enfant. En effet,
l’hormone de croissance est majoritairement sécrétée pendant le
sommeil calme du bébé. Elle est d’autant plus indispensable à sa
croissance que celle-ci est très rapide. Un nouveau-né va grandir de
25 centimètres en une seule année, ce qui correspond à la moitié de
sa taille de naissance ! Cette croissance restera rapide pendant les
deux années suivantes. C’est une croissance phénoménale qui ne
sera de nouveau rapide qu’au moment de l’adolescence, mais de
manière moindre si l’on rapporte le gain de centimètres à la taille de
l’enfant. Pour grandir aussi vite, le bébé doit sécréter beaucoup
d’hormones de croissance, ce qui signifie qu’il lui faut beaucoup de
sommeil.
Les premiers mois se passent dans une alternance veille/sommeil
fréquente et rapide ponctuée par des tétées ou des biberons, des
soins d’hygiène et des câlins, des regards et des paroles, premières
interactions à l’origine de la création du lien, de jour comme de nuit.
Tout cela ne doit pas faire oublier l’importance du sommeil du bébé,
pour se reposer et prendre des forces, mais aussi et surtout pour
favoriser sa croissance rapide et permettre à son cerveau de bien se
développer.
Comment faire pour permettre au bébé de dormir comme un
bébé ? Tout d’abord il faut décider où le coucher et comment, ce qui
revient à déterminer l’environnement de sommeil dans lequel on
souhaite l’installer, avant de s’interroger sur la tenue vestimentaire et
le lit. Différents choix sont possibles et c’est aux parents de décider,
en connaissant les avantages et les inconvénients de chaque
pratique.

Des choix à faire


Seul ou dans la chambre des parents ?
La chambre des parents présente l’avantage de la proximité pour
être à l’écoute des besoins du bébé. Puisqu’il mange la nuit, il n’y
aura qu’à le prendre dans les bras pour le mettre au sein rapidement.
Pour les biberons, il faudra tout de même se lever pour la
préparation ou le réchauffage selon les cas : si le bébé prend son
biberon à température ambiante, il faut le préparer au moment de le
donner ; s’il le prend tiédi, il est alors possible de le préparer plus tôt
et de le conserver au réfrigérateur, mais il faudra le réchauffer. En
installant une table à langer dans la chambre des parents, il est
possible de changer les couches du bébé la nuit, sans avoir à sortir
de la pièce. La solution de la chambre des parents est aussi
rassurante pour ceux qui craignent de ne pas se réveiller la nuit, de
ne pas entendre le bébé pleurer ou qui veulent surveiller la
respiration de leur enfant. En outre, certains pensent que dormir
dans la même chambre favorise la mise en place des premiers liens
entre le bébé et les parents. Les préconisations actuelles données
dans le carnet de santé de l’enfant vont dans ce sens pour au moins
les six premiers mois. De ce fait, beaucoup de parents choisissent
cette pratique.
À l’inverse, elle a aussi des inconvénients qu’il faut connaître. La
présence du bébé dans une chambre commune accentue
l’hypervigilance des parents. Le bébé fait du bruit en dormant, ce
qui dérange le sommeil parental. Le moindre cri, le moindre pleur
est un signal d’alarme incitant les parents à agir, alors que ce cri ou
ce pleur peut passer inaperçu si l’enfant est plus éloigné, offrant une
chance à chacun de poursuivre son sommeil. Le fait d’avoir le bébé
dans la chambre peut aussi favoriser sa présence dans le lit des
parents pour les tétées, à la suite desquelles tous peuvent s’endormir.
Cela représente un risque d’étouffement pour un tout-petit. Pour
finir de façon moins dramatique, changer la couche dans la chambre
veut dire dormir avec les odeurs de selles, à moins d’utiliser une
poubelle antiodeurs.
Notons que les parents n’ont pas toujours le choix lorsque leur
logement n’a qu’une seule chambre. Mais il est toujours possible de
prévoir un lit sur roulettes permettant au bébé de s’endormir dans la
chambre avant d’être déplacé dans une autre pièce lorsque les
parents se couchent.
L’avantage de la chambre où le bébé est seul, c’est qu’il empiète
moins sur l’espace vital des parents qui lui consacrent déjà toute leur
attention. La nuit, ils peuvent souffler entre les tétées ou les
biberons. L’autre avantage, c’est que le bébé s’imprègne déjà de
l’environnement de son « nid ». N’oublions pas que nous sommes
des animaux et, à la manière des autres mammifères et des oiseaux,
nous avons besoin d’un nid, d’une tanière ou d’une couche qui nous
apporte la sécurité et le confort. Avant de considérer l’entièreté de la
maison (on utilise aussi la métaphore du nid pour la désigner)
comme un lieu de bien-être, le bébé commence par percevoir son
environnement proche. C’est d’abord sa chambre, dans laquelle il
s’imprègne des premières sensations, ou celle de ses parents. Dans le
second cas, il lui faudra changer d’environnement sensoriel pour en
apprendre un nouveau.
L’inconvénient, c’est précisément cette solitude pour le sommeil.
Dans d’autres cultures et d’autres organisations sociétales, le bébé
n’est pas isolé pour dormir. Il est couvé sans cesse, y compris
pendant le sommeil, puisqu’il dort le plus souvent auprès de sa mère.
Dans ces cultures, pas de lit haut, pas de couverture ou de couette
épaisse, et le sommeil partagé dure longtemps, souvent jusqu’à
l’adolescence. Il n’y a donc ni risques physiques ni difficultés
psychologiques pour ces enfants qui décident de leur lieu de
sommeil. Notre culture est différente, puisque les enfants
apprennent tôt à dormir seuls dans des chambres et des lits dédiés à
leur sommeil solitaire. Cela n’a pas toujours été le cas, lorsque les
habitats étaient très pauvres et bien trop exigus pour accueillir des
familles nombreuses. Les enfants et les parents dormaient alors
ensemble, ce qui permettait aussi de se tenir chaud. Il arrivait aussi
que les enfants dorment avec les grands-parents. Ce n’est qu’avec le
confort généralisé de la seconde moitié du XXe siècle que la majorité
des familles ont pu bénéficier de chambres séparées pour les parents
et pour (plus ou moins) chaque enfant.
Aujourd’hui, la question de dormir ou non avec son bébé se pose
autrement. Ce n’est plus une obligation mais un choix parental selon
ce qu’on pense être le mieux pour l’enfant, sans pour autant être
devenu une pratique courante dans notre société. Les avis divergent
à propos de ce qu’on appelle le « cododo ».
D’un côté, certains professionnels de la petite enfance
l’encouragent pour offrir au bébé un « maternage proximal » jugé
bénéfique et protecteur pour le développement de l’enfant. Cela
évite les moments de stress et favorise l’apaisement rapide du bébé
qui, le plus souvent, est aussi allaité. L’idée est en quelque sorte de
poursuivre le « peau à peau » débuté à la maternité juste après la
naissance de l’enfant. C’est un moment de rapprochement sensoriel
entre le parent, le plus souvent la mère, et le bébé par le toucher et
l’odorat. Mais on peut regretter que cela ne favorise pas la rencontre
par le regard entre le parent et son enfant, car les corps étant trop
collés l’un à l’autre, il est difficile de se découvrir, de plonger dans le
regard de son bébé et réciproquement.
D’un autre côté, d’autres professionnels estiment que dormir
avec son bébé est dangereux : il risque de se retrouver sous la
couette ou les couvertures, d’avoir trop chaud ou de tomber du lit.
Comme il ne régule pas encore bien sa température et n’est pas
capable de repousser couette et couverture, cela représente un
risque important de mort inattendue du nourrisson. De plus, ils
estiment que les parents peuvent avoir dans leur sommeil des gestes
malheureux avec des risques d’étouffement. On conseille alors de
mettre un berceau à côté du lit des parents afin de protéger le bébé
tout en étant très proche, mais cela ne correspond pas à ce que
souhaitent les partisans d’une grande proximité corporelle.
Il faut donc faire un choix, selon que le parent souhaite un
prolongement de la maternité par le peau à peau avec son bébé ou
qu’il estime que la naissance marque cette séparation physique entre
les corps de deux personnes différentes, même si elles sont liées
l’une à l’autre pour la survie en général et l’alimentation du bébé en
particulier.

Le choix du lit

C’est un choc que chaque parent ressent en sortant de la


maternité lorsqu’il installe pour la première fois son petit dans le lit
de bébé. Il semble tellement perdu dans ce grand espace : un lit de
120 cm de long qui sera trop juste dans trois ans, mais qui pour le
moment paraît immense ! Les lits pour bébé sont souvent à barreaux
pour permettre au parent de le voir et à l’enfant de regarder à
travers. L’espacement entre les barreaux est réglementé afin d’éviter
que le bébé ne s’étrangle en y passant la tête. Mieux vaut ne pas
mettre de tour de lit : cela occulterait le champ visuel de l’enfant et il
pourrait y plaquer son visage ou s’y enrouler, ce qui représente un
risque. Ce petit être, qui vivait bien à l’étroit dans le ventre de sa
mère, explore aujourd’hui un monde plus vaste. Cela représente une
aventure nouvelle et inédite, sans doute passionnante, tant d’espace
à découvrir. Mais cela peut aussi lui sembler trop vaste, pas assez
contenant, et l’insécuriser. Où se trouve-t-il ? Où cela commence-t-il,
où cela se termine-t-il ? Comment comprendre ce lieu ?
Le bébé n’a pour lui que ses sens pour découvrir ce nouveau
monde. Quelle est cette odeur, celle de ces draps bien propres qu’il
ne connaît pas encore ? Il n’y a pas son odeur dans ce lit. Dans les
bras de sa mère, il identifie l’odeur qu’il connaît déjà.
Quelle est cette couleur, celle du lit ou du plafond ? Il découvre
les lieux et, comme il accommode encore mal sa vision, tout est un
peu flou.
Quel est ce toucher, celui du tissu de ce qu’il porte ou dans
lequel il est enveloppé ? Lui qui était nu jusqu’à présent et ne sentait
que le liquide autour de lui éprouve de nouvelles sensations.
Quels sont ces sons qui ne sont plus modifiés par la vie intra-
utérine ? Il entend des voix familières, bien qu’un peu différentes.
Lorsqu’il entend son père, il reconnait sa voix, assez peu déformée.
Tandis que la voix de sa mère, à laquelle il s’était habitué et qu’il
entendait à la fois de l’intérieur et de l’extérieur, lui semble
désormais très transformée.
Ses capacités sensorielles vont lui permettre de créer de
nouveaux points de repère, mais cela peut ne pas être suffisant ;
pour être à l’aise, il va lui falloir du temps pour apprivoiser ce lit.
Si l’écart est trop important entre l’avant- et l’après-naissance, on
peut privilégier un berceau pour les premiers mois. Sorte de cocon
douillet, plus étroit, le berceau sert, comme son nom l’indique, à
bercer. Il était le mobilier privilégié des nouveau-nés jusqu’au début
du XXe siècle. Un bébé ne se concevait pas sans berceau, bercement
et berceuses. Ces dernières étaient aussi le premier nom donné au
e
XIX siècle aux femmes qui s’occupaient des bébés accueillis dans les

crèches. Il y avait d’une part les nourrices, celles qui nourrissaient les
enfants au domicile des parents ou à la campagne, et d’autre part
celles qui les berçaient dans les crèches où l’allaitement maternel
était obligatoire et l’allaitement « mercenaire » interdit, car
considéré comme néfaste pour l’enfant. Ces femmes-berceuses
avaient pour principale mission d’endormir les bébés en les berçant
dans leur petit berceau. Les enfants étaient peu pris dans les bras,
pratique plutôt réservée à la mère ou à la nourrice le temps de
l’allaitement, il fallait de ce fait trouver un autre moyen de les calmer
et les endormir. Les berceaux servaient principalement à bercer
les petits dans la journée car, pendant la nuit, les mères dormaient
avec leur enfant. Les berceaux existent toujours et représentent une
alternative intéressante au lit, mais seulement le temps des tout
premiers mois de l’enfant. En effet, dès que le bébé bouge et
commence à se tourner sur le côté, il peut agripper les bords du
berceau et le faire basculer ou se redresser et tomber par-dessus
bord. Autrefois, les bébés y étaient d’ailleurs solidement ficelés pour
ne pas choir.
Parmi les berceaux, on en trouve de plusieurs sortes. Il existe les
berceaux hauts posés sur des socles munis de pieds croisés ou droits,
possédant parfois des roulettes qui permettent de bercer, mais aussi
de promener le bébé endormi d’une pièce à une autre. On trouve
aussi de petits berceaux bas en bois ou en osier. Ces derniers sont
parfois appelés des moïses par analogie avec le panier en osier dans
lequel Moïse aurait été retrouvé flottant sur le Nil par la fille du
pharaon. Certains de ces berceaux reposent sur deux courbes à
chaque extrémité pour permettre le bercement à la main ou au pied.
On trouve aussi des bercelonnettes, berceaux à l’origine en bois ou
en osier qui possèdent un col de cygne, une flèche ou un archet,
c’est-à-dire un châssis en bois sur lequel on pose un voilage. Placé
au-dessus de la tête du bébé, ce rideau forme un abri et permet de le
protéger des lumières trop fortes, des courants d’air, ou encore des
insectes.
Le principal inconvénient de ces berceaux est, comme nous
l’avons déjà vu, qu’ils ne peuvent pas être utilisés longtemps. De ce
fait, on peut aussi choisir d’autres solutions pour réduire la taille du
lit : un couffin en osier ou le lit nacelle de la poussette qu’on installe
les premiers mois dans le lit du bébé. Cela présente l’avantage
d’avoir du matériel à double fonction et de répondre au besoin de
contenance du bébé en diminuant son espace de sommeil. Coucher
le bébé directement dans son lit lui permet aussi de créer ses
premiers repères, en lui offrant la possibilité de percevoir les
lumières, les ombres, les odeurs, les textures, toutes les ambiances
de ce nid dans lequel il va apprendre à se sécuriser et à se reposer.
Le berceau, instrument de sommeil, semble être aujourd’hui
quelque peu réhabilité, tout comme, de façon logique, les
bercements. Les bébés en avaient été privés lorsque les puériculteurs
du début du XXe siècle ont estimé que les mouvements de
balancement étaient mauvais pour eux, car cela leur donnait de
mauvaises habitudes : « Le meilleur berceau est celui que l’on ne
peut pas bercer 3 », disait Adolphe Pinard. D’où l’apparition du lit de
bébé (appelé encore pour un temps lit-berceau), autrefois préconisé
en métal afin d’en faciliter le nettoyage, et suffisamment haut pour
que les enfants ne soient pas attaqués par les animaux des fermes.
Aujourd’hui, les problématiques ont changé. Les bébés sont moins
sujets aux infections et ne rencontrent pas souvent de cochons dans
leur environnement… L’hygiène n’est plus la raison principale du
choix du matériau du lit. Ce qui compte maintenant, c’est la non-
nocivité chimique. On recherche par conséquent un produit naturel,
sans composants organiques volatils et autres polluants. Ainsi, les lits
en bois massif, peints avec des peintures non toxiques, sont
actuellement préconisés, tout comme les berceaux en bois brut ou
en osier et le linge naturel en lin ou en coton bio.

Le choix du vêtement de nuit

Ce n’est que tout récemment que s’est produite, concernant le


sommeil des tout-petits, une inversion des priorités à propos de la
chaleur. En effet, on a longtemps cherché à les réchauffer par tous
les moyens : les mettre près du feu de cheminée ou même dans le
cantou, sorte de cheminée monumentale munie de bancs intérieurs
qui permettaient aux paysans de s’y asseoir pour se réchauffer. On y
installait aussi les berceaux des bébés. On emmaillotait ces derniers
pour qu’ils aient plus chaud, on les recouvrait de couvertures de
laine ou d’un petit édredon. Le froid était l’ennemi dans les maisons
mal ou peu chauffées. Il était alors préconisé de mettre des
bouillottes d’eau chaude dans les lits des bébés, au risque de les
ébouillanter. Aujourd’hui, comme nous vivons dans des maisons et
appartements bien ou trop bien chauffés, c’est l’inverse qui est
prescrit. Il ne faut pas que le bébé ait trop chaud, car l’augmentation
de la température de son corps est un facteur supplémentaire du
syndrome de mort inattendue du nourrisson. Ce syndrome
correspond au décès subit, pendant son sommeil, d’un bébé de
moins d’un an n’ayant aucune pathologie connue et semblant bien
se porter. Pour prévenir et éviter ce syndrome, on recommande entre
autres de ne pas chauffer la chambre du bébé au-delà de 20 °C, de
ne pas le couvrir, de ne pas laisser dans son lit des objets mous
comme des oreillers, draps, couettes, couvertures, édredons et tours
de lit, d’utiliser un matelas ferme correspondant à la taille du lit et,
surtout, de le faire dormir sur le dos.
Faute de drap, de couverture, de couette ou d’édredon, il faut
tout de même s’assurer que le bébé ne se refroidisse pas trop dans
une chambre peu chauffée. Pour cela, il existe deux options, celle de
la gigoteuse et celle du surpyjama.
La gigoteuse, aussi appelée turbulette, permet au bébé de
bouger, comme son nom l’indique. Elle présente cet intérêt de le
laisser au chaud, en enfermant la majorité de son corps, des épaules
(pour celles qui sont sans manches) aux pieds. C’est une sorte de sac
de couchage en coton, plus ou moins épais selon la saison, qui
couvre bien le bébé tout en le laissant assez libre de ses
mouvements. En effet ses bras ne sont pas enfermés dans la
gigoteuse, et celle-ci ayant une forme évasée au niveau du bas du
corps, il peut y bouger ses jambes à loisir. La gigoteuse est le
vêtement de nuit le plus utilisé actuellement par les parents et celui
qui est préconisé jusqu’aux 18 mois de l’enfant.
L’autre option est le surpyjama. C’est-à-dire le pyjama plus épais
que l’on enfile au bébé par-dessus son pyjama de nuit. C’est une
grenouillère assez large qui s’adapte à son corps avec cette fois-ci les
bras et les jambes découpés et séparés. Les partisans du surpyjama
estiment que les jambes du bébé ne sont pas enfermées comme dans
la gigoteuse et que ses bras sont aussi couverts. Ainsi, le bébé peut
bouger et, une fois plus grand, se lever, se déplacer et marcher. Le
surpyjama est considéré comme moins entravant que la gigoteuse
pour des bébés qui se déplacent. Car même si certains enfants de
15-18 mois marchent avec leur gigoteuse, c’est en mode
« pingouins » qu’ils y arrivent. Malgré tout, pour notre tout petit
bébé qui mange la nuit et ne se déplace pas encore, la gigoteuse est
bien plus facile à mettre, même lorsque l’enfant dort, que le
surpyjama qui demande d’enfiler bras et jambes et donc d’étirer un
bébé qui se trouve souvent en position recroquevillée… On risque
de le brusquer et de le réveiller, ce qui n’est généralement pas
souhaitable.
Gigoteuse ou surpyjama sont donc les deux seules protections de
nuit préconisées pour les tout-petits, avant 18 mois. Le bébé est
ainsi allongé sur le dos dans son lit ou son berceau muni d’un
matelas ferme et adapté à la taille du couchage. Il faut toujours
acheter le matelas qui va avec le lit ou le berceau. En effet, si le
matelas est trop petit, le bébé peut se trouver coincé entre le lit et le
matelas, ce qui est source d’étouffement, et s’il est trop grand, il va
créer des replis dans lesquels il peut aussi s’étouffer. Il en est de
même pour le drap-housse qui recouvre le matelas. Il doit être à la
bonne taille pour éviter les plis et on le conseille généralement en
matière naturelle : coton bio, lin ou encore en fibres de bambou. Il
n’y a rien d’autre dans le lit du bébé. Il n’a besoin de rien de plus.

Le choix des accessoires de sommeil

Pour dormir, le bébé n’a pas besoin d’un mobile au-dessus de la


tête, d’une boîte à musique ou d’une veilleuse. Au début de sa vie, il
s’endort facilement après avoir tété. Il s’habitue ainsi à son lit, son
drap, son enveloppe. Dans ce nouveau nid, il repère les odeurs et y
dépose les siennes. L’odorat est un sens très développé chez le petit,
sans doute celui qui est le plus abouti à la naissance. Dans le ventre
de sa mère, il a été en contact avec de nombreuses stimulations
olfactives transmises par le liquide amniotique. Cela a permis le
développement précoce de ses cellules sensorielles liées à l’odorat. Il
sait déjà reconnaître les bonnes et les mauvaises odeurs, il sait
reconnaître les odeurs qui ont été privilégiées par sa mère pendant la
grossesse, notamment par la nourriture, et surtout il reconnaît
l’odeur du sein de sa mère. C’est aussi pour cela qu’il s’endort plus
facilement contre elle. Mettre par exemple la gigoteuse dans le lit
des parents pendant quelque temps avant de la donner au bébé lui
permet de retrouver cette odeur, ce qui l’apaise pour s’endormir.
Lorsque des bébés ont des difficultés à dormir à la crèche ou chez
leur assistante maternelle, on préconise à la mère de donner un tee-
shirt qu’elle a auparavant porté quelque temps. Mis bien à plat dans
le lit, au niveau de la tête du bébé, il va l’aider à s’endormir car
l’enfant sera dans un environnement olfactif connu. Mais si le bébé a
un très bon odorat dès la naissance, il n’en est pas de même pour sa
vision. Il n’a pas une très bonne vue car il n’y avait pas grand-chose à
voir dans le ventre de sa mère et il n’a pas encore développé les
cellules sensorielles de la vision dans leur totalité. Ainsi, le mobile
accroché au lit ou au plafond n’a pas d’intérêt. Le bébé
n’accommode pas bien et voit à une faible distance, même s’il
distingue déjà la majorité des couleurs. Tout est un peu flou pour lui
et il ne s’intéresse pas encore à ce qu’il a au-dessus de la tête. Les
tout-petits accommodent mieux leur vision à une vingtaine de
centimètres, ce qui correspond généralement à la distance du visage
de leur mère lorsqu’ils tètent ou prennent un biberon. De ce fait, ils
s’intéressent en premier aux visages, bien avant les objets. Ils
commencent à décrypter ce que disent les yeux et la bouche de leurs
parents, ce qui correspond aux « interactions précoces ». Regards,
mouvements des lèvres et sons du larynx ont un attrait particulier
pour le bébé, bien plus que la boîte à musique que l’on aurait
déposée à côté de son lit pour l’endormir.
La musique dans une boîte présente un autre problème : les sons
y sont souvent de mauvaise qualité et parfois bien trop forts. Les
bébés ont une audition sensible et des oreilles fragiles. Ils préfèrent
des berceuses murmurées par leurs parents, car ce sont leurs voix qui
les intéressent, celles qu’ils entendent et celles qu’ils ressentent
contre la poitrine, celles qu’ils ont déjà entendues auparavant. Cette
chaleur de la voix a bien plus d’effet sur l’endormissement des bébés
que la petite musique, même de Mozart, avec un son de qualité
incertaine.
Des parents constatent que leur bébé s’endort mieux lorsqu’il
entend l’aspirateur, la machine à laver, la pluie, un bruit de fond de
ventilateur ou encore le sèche-cheveux. Ces sons, qualifiés de
« bruits blancs », sont des bruits continus qui gomment les autres
sons parasites. On les appelle bruits blancs par analogie avec la
lumière blanche qui est composée de l’ensemble des rayons de
couleurs superposés. Ainsi, le bruit blanc est constitué de l’ensemble
des fréquences du spectre auditif. Il active uniformément les cellules
de l’oreille interne et augmente son activité. Les autres sons ne sont
plus acheminés au cerveau, ils sont étouffés, ils disparaissent,
masqués par le bruit blanc, et ne perturbent plus le sommeil. Les
scientifiques ne se prononcent pas encore en faveur ou en défaveur
des bruits blancs. Sans doute le bébé doit-il apprendre à s’endormir
paisiblement sans béquille de type bruit blanc. Mais cela peut aussi
aider momentanément des parents dont l’enfant a beaucoup de mal
à s’endormir, sans qu’ils en comprennent encore les raisons.
Toutefois, il vaut toujours mieux rechercher la cause d’un problème
pour lui apporter des solutions sur le long terme.
La veilleuse ne présente pas d’intérêt pour un tout-petit. Il faisait
déjà noir dans le ventre de sa mère et il n’a pas peur. La lumière le
fascine et l’éblouit, mais ni la pénombre ni l’absence totale de
lumière n’ont d’influence sur lui. Il ne fait pas encore de différence
entre le jour et la nuit et il ne dort pas mieux ou moins bien, que les
volets ou rideaux soient fermés ou ouverts. Il n’est pas plus, ni moins
d’ailleurs, influencé par la veilleuse. Cela ne le concerne pas encore.
Mieux vaut de ce fait ne pas lui donner une habitude qui n’a pas de
sens pour lui tant qu’il n’a pas encore appris cette différence entre le
jour et la nuit. C’est un apprentissage, comme celui de dormir. Le
bébé va apprendre petit à petit les différences notables entre le jour
et la nuit. Un bébé apprend à partir de ce qu’il vit, de ce qui lui est
donné à vivre dans son environnement. À partir de là, il commence à
catégoriser ce qui est constant et ce qui est changeant. Petit à petit,
il va chercher les limites de régularité du monde. Ainsi, ce qui est
régulier devient compréhensible et rassurant, alors que ce qui
change sans cesse ne lui permet pas de trouver de cohérence et peut
devenir source d’angoisse ou de tension. Comment prévoir
l’imprévisible ? Le monde est chaotique si rien n’est jamais pareil.
Pour l’aider dans son chemin de compréhension, il faut rendre son
monde prévisible. C’est pourquoi marquer les différences de
manière bien visible et organiser la régularité de sa vie sont
essentiels. Par exemple, la nuit on lui met toujours un pyjama avec
une gigoteuse et le jour il est habillé, sans gigoteuse même pour
dormir. Son sommeil se fait toujours au même endroit : s’il s’endort,
il est couché dans son lit ou dans son berceau. On prévoit toujours le
même type de drap (matière et couleur), en veillant à ne pas les
changer trop souvent, sauf s’ils sont souillés. Et on laisse le jour
entrer dans la chambre pendant la journée, alors que la nuit reste
noire. Ce sont des différences sensorielles qui, si elles se répètent à
l’identique et suffisamment souvent, indiquent au bébé où il est et
ce qui se passe pour lui et autour de lui. Il devient serein.
Quant au babyphone dont beaucoup de parents se sont saisis ces
derniers temps, il semble être devenu un incontournable de la
panoplie de bébé, alors que son intérêt se discute. Le babyphone est
un « écoute-bébé ». Comme son nom l’indique, il sert à écouter le
bébé lorsqu’on ne se trouve pas dans la même pièce que lui.
Pourquoi ? Peut-être a-t-on peur de ne pas l’entendre pleurer ? Sauf
si la maison est immense, cela ne risque pas de se produire. En effet,
les pleurs du bébé sont si stridents et dérangeants qu’aucun adulte
ne passe à côté. Ils sont un véritable signal d’alarme qui a rarement
besoin d’être relayé par un appareil. De plus, à la naissance d’un
bébé, les parents sécrètent des hormones qui modifient la régulation
de leur sommeil afin de s’adapter à son rythme. La biologie, le
cerveau, le corps tout entier se mettent en adéquation avec le soin à
porter au bébé. Certaines femmes qui allaitent indiquent même que
leur lait commence à couler de leurs seins avant même que le bébé
ne se réveille. Elles sont en complet raccordement physique avec
leur bébé. Il faut donc apprendre à se faire confiance quand on a un
bébé et se reposer sur ses ressentis et ses capacités, bien plus que sur
un émetteur d’ondes, dont on ne connaît pas totalement les effets
sur un cerveau en pleine construction.

En pratique, comment fait-on ?


Le lit du bébé est souvent installé de sorte qu’il ne voie pas les
personnes qui entrent dans la pièce lorsqu’il est allongé. L’idée des
parents est de pouvoir ouvrir doucement la porte et venir le regarder
dormir sans qu’il s’en aperçoive, sans le déranger dans son sommeil.
Or, ce sera un vrai problème dans quelques mois, car le bébé ne
verra ni la porte s’ouvrir ni les personnes arriver et il découvrira au
dernier moment un visage au-dessus de sa tête. Si l’occasion lui en
est donnée, il va comprendre rapidement que ses parents arrivent
par la porte, mais pour cela il doit les voir arriver à travers les
barreaux, lorsqu’il est allongé dans son lit. Ainsi, il sait que lorsqu’il
voit la porte s’ouvrir, cela signifie que papa ou maman pointe le bout
de son nez et vient s’occuper de lui. C’est bien plus rassurant que de
les voir arriver de nulle part. C’est aussi pour cette raison qu’il vaut
mieux ne pas mettre de tour de lit qui réduirait le champ de vision
de l’enfant et aurait les mêmes effets que si le lit était mal placé. Ce
placement de lit est important pour que l’enfant puisse voir, et aussi
parce qu’il doit bénéficier d’un coin qui le rassure. C’est le cas
lorsque le lit est placé dans un coin de la chambre, contre des murs
dont au moins un se trouve derrière sa tête. En effet, un lit de bébé
placé au milieu de la chambre est peut-être très esthétique pour un
catalogue de décoration, mais cela ne répond pas au besoin de
sécurité du tout-petit. Les lits ou les tanières des animaux sont
rarement au milieu de nulle part. Même les poules font un nid dans
les recoins du poulailler en prenant bien soin de l’installer entre deux
murs. Le lit va devenir son coin à lui, là où plus tard il aura aussi ses
petits trésors personnels. Y penser dès le début permet de bien
agencer sa chambre ou son espace, lorsque le logement est petit et
que l’enfant doit partager la chambre. Le coin près de la fenêtre
n’est pas à retenir afin d’éviter les courants d’air ou le froid, et celui
du radiateur est à bannir pour éviter la surchauffe. Cela fait
beaucoup de critères pour l’emplacement d’un lit dans une chambre,
et s’il s’avère impossible de tous les satisfaire, alors il faut conserver
la vue de la porte d’entrée de la chambre comme une priorité.
Les premiers mois, le tout petit bébé qui mange encore la nuit
s’endort le plus souvent après les tétées ou le biberon. On le couche
alors délicatement, sur le dos, la tête touchant le bord de son lit,
pour lui donner un repère et lui permettre de se sentir contenu. Il
n’a pas (encore) besoin d’être bercé. Il s’endort car la tétée lui a
demandé beaucoup d’effort et l’a apaisé, au point qu’on a parfois
l’impression qu’il est groggy, sonné par le lait qu’il a ingurgité. Petit à
petit, il ne s’endort plus après les tétées ou le biberon et regarde la
personne qui le nourrit. Au bout d’un moment, il bâille ou s’agite,
ferme parfois les yeux et les ouvre à nouveau. Ce sont ses premiers
signes de fatigue. Il ne s’écroule plus comme avant, mais reste
fatigué après avoir bu et avoir profité un peu de ses parents ou des
personnes qui prennent soin de lui. C’est le moment de le coucher,
encore un peu éveillé, mais assurément en phase d’endormissement.
Un bisou, des paroles rassurantes, un petit bercement
d’accompagnement et le bébé s’endort déjà un peu tout seul. Ainsi,
progressivement, il apprend à s’endormir dans son lit. Et aussi à s’y
réveiller. Lorsqu’il émet son signal d’alarme, c’est-à-dire qu’il pleure
vraiment, de façon forte et appuyée, il attend qu’on lui vienne en
aide car il ressent un malaise, celui lié à la faim, le plus souvent, mais
ce peut être aussi parce qu’il est perdu. À ce moment, entendre des
paroles rassurantes avant d’être pris dans les bras va beaucoup
l’aider. En effet, c’est le début d’un apprentissage par lequel il va
associer le langage entendu à la prise dans les bras. Plus tard, son
parent pourra lui parler un peu plus longtemps pour le faire
patienter, le bébé aura déjà appris que la prise dans les bras ne va
pas tarder. Le langage devient un facteur rassurant qui lui permet
d’attendre. Cela peut sembler futile, mais ce tout petit écart de
temps entre les paroles et la prise dans les bras a beaucoup
d’importance. Il est le commencement de tout ce qui sera éducatif
pour l’enfant. À chacun de ses problèmes suit une parole qui lui est
adressée, puis la résolution de son problème ou le réconfort
nécessaire face à son malheur. C’est le début de son attachement à
ce parent qui prend soin de lui, auquel il va faire confiance et près
duquel il sera en sécurité. Plus tard, cet écart de temps va et doit
s’allonger de plus en plus, mais l’enfant va garder la confiance en
cette parole qui s’inscrit en lui et, en l’absence du parent, n’aura plus
besoin d’être énoncée. L’enfant sera en sécurité, même en l’absence
de son parent. Il crée ce que l’on appelle un attachement sécure.
Lorsqu’il n’y a pas cet écart de temps, lorsque l’adulte se
précipite pour assouvir le besoin du bébé au plus vite, lorsqu’il ne
prend pas la peine de lui parler, le bébé comprend moins ce qui se
passe et n’a pas le temps d’établir un lien de cause à effet entre ce
qu’il ressent et ce que fait son parent pour lui. Il pense que les
choses arrivent parce qu’il le veut et non parce qu’il y a l’intervention
d’un tiers. La fenêtre éducative n’est pas encore entrouverte.
On pourrait résumer la situation ainsi. Oui, les bébés pleurent.
Non, il n’est pas question de penser qu’ils doivent le faire pour se
faire les poumons ou parce que c’est bon pour eux, encore moins
qu’ils font des caprices ou que leurs pleurs ne signifient pas de vraies
souffrances. Mais il convient de prendre ces pleurs comme des
signaux auxquels il faut répondre avec calme et sérénité, sans
urgence et sans précipitation. Parler à l’enfant de ce qu’il vit et de ce
que nous faisons ou allons faire pour lui permet de créer ce petit
écart de temps entre le besoin et l’action de réponse à ce besoin.
C’est un écart, une pause dans laquelle la parole humaine s’insère
pour devenir significative pour l’enfant et lui permettre d’apprendre.
Il est ainsi possible d’aider le bébé à faire la différence entre le
jour et la nuit. Nous avons vu plus haut que ses vêtements ne sont
pas les mêmes, que la lumière et les sons sont également différents.
Son parent, celui qui le nourrit la nuit, peut aussi avoir une attitude
différente. Naturellement, se réveiller en pleine nuit est très
perturbant pour chacun. Le bébé n’a pas avec lui le même papa ou
la même maman le jour et la nuit. Celui ou celle de la nuit est moins
loquace, moins présent, moins stimulant, tant il est fatigué et a
sommeil. Il fait aussi moins de soins. Peut-être n’est-il pas nécessaire
de changer la couche la nuit si aucune odeur désagréable et aucune
fuite ne sont repérées ? Peut-être qu’attendre le rot du bébé ne
présente pas une si grande importance ? Peut-être est-il possible de
le remettre rapidement dans son berceau pour aller se recoucher au
plus vite… ? L’ensemble de ces signes parentaux sont rapidement
perçus par le bébé qui comprend cette différence et s’adapte au
mieux. En somme, au début de sa vie, le bébé a un petit estomac et
un petit poids, il lui faut manger la nuit car le malaise de la faim est
trop destructeur, mais il lui faut seulement manger, rien de plus,
puisque la nuit est faite pour dormir.
Petit à petit, il espace ses réveils nocturnes liés à la faim. Les
écarts entre deux tétées ou biberons sont de deux à trois heures au
début, puis de trois à quatre heures, puis de quatre à six heures. Et
lorsque le bébé est capable de dormir six heures d’affilée, sans
réclamer à manger, alors on dit qu’il fait ses nuits. Souvent, il a
atteint un poids respectable autour de cinq kilos. Il n’a plus besoin
de manger la nuit, sauf si cela devient une habitude donnée par ses
parents.
Pour un bébé, dormir est naturel, comme d’ailleurs pour la
majorité des animaux et les humains ne font pas exception. Mais à
l’organisation naturelle du sommeil s’ajoute une part d’apprentissage
qui va dépendre de ce qu’il rencontre dans son environnement.
Comme pour tout apprentissage, il va discerner ce qui est régulier
de ce qui ne l’est pas, et ce qui revient sans cesse devient sa norme.

Questions de parents, mais que se passe-


t-il ?
Il a du mal à respirer,
l’air est trop sec dans la chambre

La température de la chambre où dort le bébé ne doit pas être


trop élevée, ne dépassant pas 20 °C, et l’air doit être humidifié pour
faciliter sa respiration. On considère qu’un bon taux d’humidité se
situe autour de 50 %. Un air trop sec assèche le mucus de ses voies
respiratoires et empêche leur bon fonctionnement, à savoir le rejet
vers l’extérieur des impuretés qu’il respire. Cela crée des risques
d’infection aux virus et aux bactéries ou un asthme. Le bébé tousse,
sa gorge et ses voies aériennes supérieures sont irritées. Cet air trop
sec assèche aussi son nez qui se bouche. Or, les tout-petits respirant
principalement par le nez, il faut que celui-ci soit dégagé. À l’inverse,
un air bien trop humide, au-dessus de 60 % d’humidité, favorise la
pullulation des champignons et des acariens, créant également des
risques d’allergie ou d’asthme. Il faut donc vérifier le taux
d’hygrométrie de la chambre et agir en conséquence.
Parfois, le fait d’aérer suffisamment la chambre suffit à rétablir
un taux d’humidité autour des 50 %. Il ne faut pas avoir peur de faire
descendre la température de la chambre à 17 ou 18 °C.
Parfois, il faut ajouter un moyen pour humidifier la pièce. Cela
peut tout simplement être le linge qui sèche ou une serviette éponge
humide installée près du radiateur de la chambre. Un bol ou une
casserole d’eau posée sur un meuble près du radiateur peuvent aussi
convenir. Lorsqu’on utilise de l’eau bouillante, l’humidification est
plus nette, mais il y a aussi un risque de brûlure non négligeable. Il
faut donc être prudent. Si la chambre du bébé est près de la salle de
bain, on peut laisser la porte ouverte après les douches. Il existe
aussi des appareils humidificateurs d’air vendus dans le commerce.
Mais attention, s’ils ne sont pas nettoyés suffisamment, ils peuvent
devenir des nids à microbes et provoquer des infections
respiratoires, ce qui n’est pas le but recherché. Ils ne sont à utiliser
qu’en dernier recours, lorsque les autres moyens simples n’ont pas
permis de remonter le taux d’humidité, et avec un avis médical.

Il semble perdu dans son lit,


et l’emmaillotage ?
On a longtemps emmailloté les bébés à la naissance. Cette
pratique répondait à une double injonction : celle de maintenir le
corps du bébé à une bonne température, à une époque où le
chauffage n’était pas suffisant, et celle de conserver ses membres
bien droits, surtout les jambes, pour faciliter sa marche ultérieure,
croyait-on. Aujourd’hui, on sait qu’au contraire le bébé a besoin
d’expérimenter les mouvements de son corps dès la naissance pour
se sentir bien et apprendre à les contrôler et à les coordonner. De
plus, peu de logements souffrent encore du manque de chauffage.
De ce fait, l’emmaillotage du bébé ne se pratique plus guère. Il est
un peu revenu à la mode ces dernières années avec comme leitmotiv
la contention du bébé pour le sécuriser. Il est vrai que cela permet
de calmer certains bébés, comme s’ils étaient dans les bras, et de les
aider ainsi à s’endormir. La technique du lange n’est pas très
compliquée et peut se faire avec un grand lange en tissu ou avec une
serviette de toilette. Lorsque l’objectif est de calmer un bébé et lui
permettre de mieux s’endormir, il vaut mieux insérer les bras dans le
lange, car c’est ainsi qu’il se sentira contenu et pourra s’apaiser. Cela
demande une plus grande surveillance, car les mouvements du bébé
peuvent faire bouger le lange, qui peut se retrouver sur sa tête et
gêner sa respiration ou s’entortiller autour de son cou. De plus, cette
technique ne doit être utilisée que les tout premiers mois. En effet,
le bébé découvre ses mains autour de 3 mois et a besoin de les
bouger, de les voir passer devant ses yeux et d’apprendre à les
contrôler. Il ne peut pas le faire s’il est langé. De la même manière, il
doit pouvoir se mouvoir assez tôt pour comprendre son corps dans
l’espace. N’oublions pas que la motricité est l’un des grands
apprentissages de la première année.

Il s’endort en tétant et se réveille lorsqu’on le pose


dans son lit
C’est souvent ce que font les petits bébés : ils s’endorment dès la
fin de la prise alimentaire, épuisés et repus. C’est un bon signe car
cela signifie qu’ils ont assez mangé, particulièrement pour les bébés
allaités dont nous ne connaissons pas la quantité prise à chaque
tétée, l’endormissement après une « bonne tétée » est le meilleur
indicateur. Lorsque le bébé s’endort, on a tendance à le garder un
peu dans les bras car on le sent serein et à ne le coucher qu’au bout
d’un moment. On souhaite aussi qu’il digère un peu pour éviter les
régurgitations. Or, le train de son sommeil a démarré et, puisqu’il
alterne rapidement les wagons de sommeil calme et les wagons de
sommeil agité, il se réveille entre deux wagons car il ressent le
changement et pleure, non pas parce qu’il est dans son lit, mais
parce que ce réveil entre deux wagons n’est pas bon. Il n’est pas en
gare et cela le perturbe. Ainsi, mieux vaut le coucher aussitôt et lui
laisser le temps du train complet, voire de plusieurs trains, ou
attendre le prochain train pour éviter qu’il ne se réveille entre deux
wagons, soit dans à peu près cinquante minutes. Progressivement, il
ne s’endormira plus en mangeant et on pourra le coucher aussitôt
après pour lui permettre d’apprendre à s’endormir dans son lit.

Il se réveille, mais il ne boit pas et se rendort


sur le biberon

Il est fort probable que ce réveil n’en soit pas complètement un.
Il n’a pas vraiment faim et c’est la succion de la tétine du biberon qui
le fait passer en sommeil calme. Les bébés peuvent pleurer en phase
de sommeil agité. Ils pleurent en dormant. Lorsque le bébé pleure
alors qu’il a pris un biberon il n’y a pas si longtemps (moins de deux
heures les premiers temps), mieux vaut attendre car il est possible
qu’il reparte vers un sommeil plus calme après avoir pleuré un peu.
Pour se rassurer, on peut aller voir si tout va bien, puis le laisser
s’agiter et patienter un peu pour lui laisser la possibilité de continuer
son voyage. Si au bout de dix à quinze minutes il pleure toujours et
fort, on peut le bercer, lui donner une tétine pour lui permettre la
succion qui va le calmer ou le prendre dans les bras pour le faire
patienter jusqu’au prochain biberon. Il vaut mieux ne pas trop
rapprocher les biberons, sauf si le bébé n’a visiblement pas assez bu
au biberon précédent, car la suralimentation risque de lui faire mal
au ventre, ce qui entraînera à nouveau des pleurs et des difficultés à
dormir.

Et si on ne l’entend pas la nuit ?


Et s’il s’arrête de respirer ?

Rassurez-vous, en tant que parent d’un nouveau-né, votre corps


et votre esprit sont entièrement en alerte. Vous sécrétez des
hormones spécifiques qui vous stimulent et vous orientent pour être
à l’écoute de votre bébé. C’est comme si vous aviez des antennes
dirigées jour et nuit vers lui. Vous l’entendrez s’il a besoin de vous.
Par ailleurs, certains bébés peuvent ne pas avoir très faim la nuit ou
espacer assez précocement leurs demandes la nuit. Le meilleur
conseil est de suivre votre enfant. Ne le réveillez pas pour le faire
manger, sauf si c’est le médecin qui l’a demandé, en général pour un
bébé de faible poids ou né prématurément.
Les bébés peuvent comme nous faire de petites pauses
respiratoires et, en sommeil calme, on peut avoir l’impression qu’ils
ne respirent pas tant ils sont immobiles. Or, tout va bien, il ne faut
pas s’inquiéter. Les cas de mort inattendue du nourrisson sont
devenus très rares depuis que les bébés sont couchés sur le dos,
qu’ils ne sont pas trop couverts, qu’ils dorment dans des chambres
moins chauffées et dans des lits sans rien d’autre que le matelas
adapté muni d’un drap-housse. Les parents inquiets peuvent choisir
de mettre le lit du bébé dans leur chambre, ainsi ils pourront le
surveiller. Mais attention à cette inquiétude qui peut devenir trop
envahissante, au point de pousser à vérifier sans cesse la respiration
de l’enfant, ou à tenir sa main pour s’assurer qu’elle est bien chaude
et, au bout du compte, le réveiller. Dans ces cas-là, il peut être utile
de consulter un psychologue qui aidera à dénouer les raisons de
cette inquiétude parentale et la manière de s’en débarrasser avant
qu’elle ne soit transférée au bébé qui aurait alors de bien grandes
difficultés à apprendre à dormir.

L’histoire d’Adrien
Adrien vient de naître. Toute la famille sort de la maternité et
s’installe dans l’appartement. Sa naissance a été une épreuve pour
ses parents et particulièrement pour sa mère qui a subi une grosse
complication lors de l’accouchement et a failli mourir. Adrien a
surtout passé les premiers jours de sa vie dans les bras de son père.
Un peu dépassé par la situation entre le travail, la maman malade et
le bébé, il a fait appel à la grand-mère de l’enfant. Cette dernière est
venue à la rescousse en urgence et a fait connaissance avec son petit-
fils : une merveille. Rassuré par sa présence et par les médecins, tout
ce petit monde s’apprête à passer ses premières nuits à la maison.
Devant la fatigue des parents qui n’ont pas vraiment dormi depuis la
naissance d’Adrien, la grand-mère leur propose de s’occuper de lui la
nuit. Exténués, ils acceptent et dorment ainsi plusieurs nuits
d’affilée. Adrien est un nouveau-né qui dort beaucoup jour et nuit. Il
s’endort souvent juste après chaque biberon. Il a besoin de présence,
de chaleur, de bercements. Il a besoin des bras pour s’endormir. Il
reste un peu dans son lit avec lequel il fait connaissance, mais
lorsqu’il se réveille, seuls les bercements et la succion du biberon ou
de la tétine l’apaisent. Adrien a besoin d’être contenu, ce que sa
grand-mère est prête et décidée à faire. Ainsi, les premières nuits se
passent bien, entrecoupées de deux biberons. Les parents ne
l’entendent pas, car il ne pleure pas vraiment. De ce fait, ils se
reposent. Adrien se sent bien dans les bras de sa grand-mère et cela
ne semble pas déranger sa mère qui, alors qu’elle était épuisée, se
remet bien plus rapidement que ce qu’on aurait pu penser. Le
sommeil est un vrai réparateur des corps. Mais il faut que chacun ait
sa place dans la famille et il ne s’agit pas que la grand-mère s’attarde
trop. Dès que la mère se sent mieux, elle s’en va et laisse les parents
prendre leur place auprès d’Adrien, la nuit comme le jour. Ils
découvrent alors qu’Adrien est un tout petit bébé et que, comme
presque tous les petits, il dort de manière entrecoupée la nuit, a
besoin de beaucoup de câlins et de bercements, se calme dans les
bras. Ils ne s’attendaient pas vraiment à cela : comme jusqu’à
présent, ils ne l’entendaient pas la nuit, ils pensaient qu’Adrien
dormait bien. Ils sont alors un peu perdus. Que faire pour continuer
à dormir et calmer Adrien ? Ils décident de rapprocher son lit du leur
dans la chambre et commencent une nouvelle vie nocturne à trois,
en prenant Adrien dans leurs bras une bonne partie de la nuit. Petit
à petit, Adrien dort de plus en plus longtemps dans son lit, puis
intègre sa chambre un mois plus tard. Il dort de plus en plus
longtemps la nuit et ne se réveille plus que pour un seul biberon
jusqu’à ses 3 mois. C’est un beau bébé qui n’a plus besoin de
manger la nuit…

Le temps des berceuses


Les premier et deuxième trimestres de vie du bébé sont des
périodes à berceuses, ces chansonnettes au rythme régulier et
cadencé qui le bercent et l’aident à s’endormir. On retrouve la
berceuse dans beaucoup de sociétés car elle sert de média dans les
premières interactions entre un bébé et son parent. La berceuse est
une petite chanson populaire murmurée au creux de l’oreille. Elle est
aussi un genre musical spécifique de la musique savante dont la plus
connue est la fameuse berceuse de Brahms 4. Mais pour un très petit
bébé, la voix a capella est l’instrument à privilégier. Le bébé repère
les intonations de la voix qui chante et la régularité des sons qu’il
entend, il plonge son regard dans celui de son parent, étudie la
bouche qui remue au rythme de la voix, comprend que tout est lié,
absorbe l’émotion transmise. La berceuse est une caresse auditive
adressée au bébé. Elle est donc bien plus qu’une chansonnette aux
paroles douces, pour un bébé, elle est un lien, un repère, un véritable
opéra : il n’en comprend pas les paroles mais il en saisit le sens !
Voici quelques-unes des berceuses françaises les plus populaires :

Dodo, l’enfant do

Dodo, l’enfant do, L’enfant dormira bien vite.


Dodo, l’enfant do, L’enfant dormira bientôt.

Au clair de la lune

Au clair de la lune, Mon ami Pierrot,


Prête-moi ta plume Pour écrire un mot.
Ma chandelle est morte, Je n’ai plus de feu ;
Ouvre-moi ta porte, Pour l’amour de Dieu.

Dodo m’amour

Dodo m’amour, Sur un coussin de v’lours,


Dormez tant que vous voudrez,
Maman viendra vous bercer.

Fais dodo, Colas mon p’tit frère

Fais dodo, Colas mon p’tit frère.


Fais dodo, T’auras du lolo.
Maman est en haut Qui fait du gâteau.
Papa est en bas Qui fait du chocolat.
Fais dodo, Colas mon p’tit frère.
Fais dodo, T’auras du lolo.

Brille, brille, petite étoile

Brille, brille, petite étoile,


Dans la nuit qui se dévoile,
Tout là-haut au firmament,
Tu scintilles comme un diamant.
Brille, brille, petite étoile,
Veille sur ceux qui dorment en bas.

1. GUEDENEY Nicole, L’Attachement, un lien vital, Paris, Fabert, 2011.


2. DEHAENE Stanislas, op. cit.
3. PINARD Adolphe, La Puériculture du premier âge, Paris, Armand Colin, 1924,
page 53.
4. « Guten Abend, gute Nacht » (« Bonsoir, bonne nuit »), la « berceuse de Brahms »
est une œuvre pour voix et piano de Johannes Brahms composée en 1868.
2

Apprendre à dormir,
dormir pour apprendre

Dormir est un apprentissage


Il n’est pas couramment admis que le sommeil s’apprend. Quand
on demande à des parents si leur enfant de 2 ans et demi porte
encore des couches, ils répondront peut-être qu’il est justement en
plein apprentissage de la propreté. Mais quand on leur demande si
leur cadet de 10 mois dort toute la nuit, il est possible qu’ils
répondent simplement « non », comme si c’était une fatalité liée à
l’enfant. Ils n’envisagent pas que son apprentissage au sommeil ne
soit pas encore fait. Comment apprendre une chose aussi naturelle,
se demandent-ils ? Ne doit-il pas le faire seul ? À quoi on peut
répondre : mais comment apprendre une chose aussi naturelle que
de faire ses besoins aux toilettes et non dans une couche ? Pourtant,
les enfants n’apprennent pas à être propres seuls, mais en étant
accompagnés par des adultes qui les orientent et les soutiennent.
Les comportements humains, aussi naturels soient-ils, sont des
comportements appris en fonction de la société dans laquelle vivent
ces petits d’humains. Cela varie d’une culture à une autre. Et le
sommeil n’échappe pas à cette règle. Mais tout ne s’apprend pas à
n’importe quel âge, il existe des contraintes physiologiques de
développement. Le bébé de 10 mois ne pourra pas apprendre à être
propre car il ne peut pas contrôler de manière volontaire l’ouverture
et la fermeture de ses sphincters. De la même manière, le petit bébé
de 1 ou 2 mois ne peut pas encore apprendre à dormir, il a besoin
d’être nourri fréquemment jour et nuit et ses cycles de sommeil sont
organisés de manière à prévoir ces réveils alimentaires. Mais, à partir
de 2 ou 3 mois, il a la capacité physique de dormir la nuit.
Cependant, cet apprentissage ne se fait pas sans accompagnement
parental.
Il n’existe pas de chouettes bébés qui dorment la nuit et des
bébés moins sympathiques qui s’y refusent. Il n’y a que des bébés
qui ont appris à dormir et d’autres qui sont en phase
d’apprentissage. Un bébé n’apprend pas seul. Il apprend en fonction
de l’environnement qui lui est donné. Cela veut dire que son
apprentissage dépend à la fois du monde physique dans lequel il vit
et des interactions sociales qu’il noue avec son entourage. Par
conséquent, il est nécessaire de bien comprendre ce qui se passe
dans le développement du bébé et quels sont les environnements les
plus propices pour apprendre à dormir.

L’alternance entre veille et sommeil :


une nécessité pour apprendre
Entre 2 et 9 mois, tout change dans le sommeil du bébé. Ses
cycles de sommeil s’allongent. Ses trains font à peu près soixante-
dix minutes et il peut en prendre dix à douze en une seule nuit. Ce
sont de grands voyages en perspective qui le font dormir
progressivement six, puis dix à douze heures. Il n’a plus besoin de
manger la nuit, car il a atteint le double de son poids de naissance,
soit entre 5 et 7 kilos, ce qui lui permet d’avoir suffisamment de
réserves. Ses cycles deviennent bien réguliers. Après une phase
d’endormissement suit un wagon de sommeil paradoxal, un wagon
de sommeil lent et un wagon de sommeil lent profond. Puis un autre
train est pris, et ainsi de suite. Le sommeil s’ajuste au
développement global de l’enfant. Il passe de plus en plus de temps
éveillé le jour et commence à faire de nombreuses expériences et
découvertes. De ce fait, son cerveau travaille beaucoup. Des
connexions synaptiques entre ses neurones se font à partir des
perceptions qu’il reçoit du monde extérieur. C’est comme si de
nombreuses routes se creusaient dans son cerveau et se
consolidaient pendant son sommeil. Le sommeil est un acteur des
apprentissages du bébé. C’est la répétition des expériences qui
agrandit la route creusée et les nouvelles expériences qui permettent
d’en creuser d’autres. Un monde avec de nombreuses expériences
favorise le développement de l’enfant, un monde avec des
expériences qui se renouvellent suffisamment permet de créer les
autoroutes du savoir, un monde avec un bon sommeil assure
correctement la consolidation de ces savoirs. Sommeil et éveil sont
des contraires complémentaires, des dualités inséparables du
développement de l’enfant, à un moment de sa vie où les
apprentissages sont les plus nombreux et les plus rapides, dans les
domaines moteur, cognitif, communicationnel, affectif et
émotionnel.
Le bébé fait en effet des apprentissages moteurs. Il apprend à
maîtriser son corps dans l’espace en contrôlant progressivement la
tenue de sa tête, ses mains, ses mouvements de bras et de jambes.
Ainsi, en une année, il apprend à se déplacer. Placé sur le dos, il se
retourne sur le ventre, arrive à pousser avec ses bras et ses mains
pour reculer, puis pousser avec ses jambes et ses pieds pour tourner
et avancer. Puis il contrôle de mieux en mieux ses jambes et les plie
pour se mettre à quatre pattes en poussant sur ses bras et ses mains.
De cette position, il peut s’asseoir et se mettre debout, avant
d’apprendre à marcher… Ce n’est pas rien ! Et la maîtrise de cette
motricité réclame la consolidation de nombreuses connexions
synaptiques entre de multiples neurones. Sans oublier la motricité,
plus fine, des mains qui l’amène à apprendre à saisir et à relâcher, à
passer un objet d’une main dans l’autre, à coordonner sa vision avec
les mouvements de ses mains, à saisir encore plus finement les objets
entre le pouce opposable et le reste des doigts, permettant ce que
l’on appelle la préhension fine, jusqu’à la pince lorsque le pouce
s’oppose à l’index, caractéristique humaine que nous partageons
avec les grands singes. Que de connexions synaptiques et de
développement global du système nerveux pour y arriver ! Que de
temps de sommeil nécessaire à ce développement !
Mais ce n’est pas tout. Le bébé fait aussi des apprentissages
cognitifs importants. Il apprend à saisir des objets et à en explorer
les caractéristiques physiques. Sont-ils lourds ou légers, font-ils du
bruit, se modifient-ils sous ses actions, sont-ils transportables, ont-ils
des trous, des ouvertures, des formes avec des plateaux pour monter
dessus ou des formes rondes qui roulent, etc. Il y en a tellement ! Et
il ne s’arrête pas là, car il va aussi explorer les concepts concrets liés
à ces objets. Par exemple, le concept de grandeur, qu’il va chercher à
comprendre en mettant les objets les uns dans les autres, ce qui
l’amène au constat que cela n’est pas toujours possible. Pourquoi ?
Parce que les objets ne font pas tous la même taille ! Il va appliquer
cette nouvelle théorie apprise à l’ensemble des objets qu’il rencontre
et prendre souvent son propre corps comme étalon. En effet, peut-il
rentrer dans ce tiroir 1 ? Cette question sera probablement une route
à consolider pendant son sommeil !
C’est aussi pendant cette période qu’il apprend à distinguer les
différents traits des visages humains et à reconnaître ceux qu’il
côtoie souvent. Il crée ainsi des liens avec ses figures d’attachement,
des relations amicales avec certains et des recherches de contact
avec les personnes les moins connues. Il comprend, par la répétition
des réactions humaines à travers des interactions lui permettant de
faire le lien entre les causes et les effets, comment fonctionnent les
êtres humains qui s’occupent de lui et comment fonctionnent les
relations entre lui et les autres. Que signifient les émotions qu’il
ressent et comment les autres réagissent-ils à ses comportements
émotionnels ? Lorsqu’il pleure, est-il toujours consolé ou parfois ne
l’est-il pas ? Comment comprendre alors ces différences ? Autant de
traces, de routes à construire pour tout apprendre et bien savoir
comment communiquer, y compris par le langage. Il apprend à
distinguer les sons, les mots, les intonations de voix. Il découpe les
phrases, discrimine les mots, les rapproche des autres mots entendus
et recrée l’organisation du langage. Il fabrique les autoroutes du
langage, même s’il ne parle pas encore.
L’importance du sommeil dans l’ensemble des apprentissages de
l’enfant est aujourd’hui parfaitement admise au niveau scientifique,
ce qui permet de le considérer comme un des facteurs les plus
importants du développement de l’enfant. Pour autant, ce serait une
erreur de penser qu’il suffit de le considérer comme primordial pour
que tous les bébés dorment chaque nuit à poings fermés. Car le
sommeil aussi s’apprend, comme le reste. Le cerveau des humains
est prévu pour apprendre, mais l’environnement crée les conditions
de ces apprentissages. Il est aussi prévu qu’ils dorment, mais c’est
bien l’environnement qui va créer les conditions de leur sommeil.
Les disques durs sont présents à la naissance mais pas les
programmes, ceux-ci peuvent être différents selon ce qui est
présenté au bébé.

Comment le bébé apprend-il à dormir ?


On se demande souvent s’il existe une recette magique pour
endormir un bébé. Et nombre de sites Internet et de blogs
proposent des pratiques miraculeuses à grand renfort de vidéos dans
lesquelles on voit le bébé s’endormir après un bruit, une lumière ou
une attitude parentale spécifique. Si ces prodiges sont possibles, ils
se révèlent aussi tout à fait ponctuels et hasardeux. Le problème
n’est en rien réglé car il est pris à l’envers. En effet, la vraie question,
celle qu’on oublie souvent pour parer au plus pressé, celle qu’on ne
se pose pas tant il semble urgent d’arriver à ses fins, n’est pas
comment endormir un bébé, mais comment lui permettre
d’apprendre à dormir. Car les bébés savent s’endormir seuls si on
leur donne les moyens d’apprendre à le faire. La vraie question est
donc de savoir comment lui permettre d’apprendre. Ce dont les
bébés ont besoin, c’est d’un accompagnement au sommeil.
« Accompagner » signifie se joindre à quelqu’un pour aller où il va,
mais aussi chaperonner. Le bébé prend son chemin vers le sommeil.
Il doit être accompagné, car il dépend de l’adulte pour se coucher au
bon endroit, au bon moment et dans les meilleures conditions.

Repérer les signes de sommeil et coucher le bébé


dès les premiers signes

Pour commencer, on doit détecter les signes de sommeil du


bébé. Tous les enfants émettent des signes d’endormissement.
Certains sont communs et simples à identifier. Ce sont les
bâillements, le frottement des yeux ou les paupières qui tombent, les
yeux dans le vague, la recherche du pouce ou de la tétine, les pleurs.
D’autres signes peuvent être plus spécifiques à certains bébés,
comme le fait de se toucher l’oreille ou le nez, l’excitation, le
changement d’humeur, la tête qui roule sur les côtés de façon un peu
frénétique, le teint qui devient pâle ou encore les yeux qui
rougissent. Ces signes sont nombreux, mais ils ne sont pas tous
présents chez tous les enfants. Il convient donc de bien observer son
bébé pour apprendre à connaître ses propres signes de sommeil.
Dès que ces signes apparaissent, le bébé doit être couché. Il ne
faut pas attendre qu’il s’endorme pour le coucher. Petit à petit, il va
ainsi faire la relation entre ses propres ressentis de sommeil et le fait
d’être couché et de s’endormir. Il ne faut pas laisser passer le train,
car le bébé comprend à ce moment-là qu’il doit l’emprunter. Si
l’enfant le rate trop souvent, il n’essaiera plus de le prendre et
associera d’autres signes à son sommeil, comme la proximité
corporelle avec ses parents ou la promenade. En réalité, les bébés
apprennent le monde qu’il leur est donné d’apprendre. Ils font des
liens entre ce qu’ils ressentent et ce qui se passe pour eux. Par
conséquent, si on le couche alors qu’il n’a pas sommeil, il ne peut
pas associer son lit au fait de dormir. Il l’associe à un temps de jeu,
d’ennui ou de solitude, en fonction de ses ressentis. Et il associe
d’autres situations à son endormissement, comme le fait d’être dans
les bras, ou collé à son parent. Si, au contraire, chaque fois qu’il
ressent cet état de présommeil, il rejoint son lit, ce lieu devient
associé à son temps d’endormissement et le rassure. Ainsi, la
régularité des temps et des lieux permet au bébé de mieux
apprendre à dormir. Son rythme se régularise entre l’âge de 3 et
6 mois. Si cette première régularité en rencontre une seconde, celle
de son environnement, alors nous avons un bébé serein et apaisé, car
le monde devient cohérent pour lui. Les parents demandent souvent
à quelle heure l’enfant doit être couché en fonction de son âge. Tous
les enfants ont besoin de dix à douze heures de sommeil de nuit. La
réponse dépend donc de l’heure à laquelle l’enfant se réveille ou est
réveillé le matin. S’il est réveillé à 6 ou 7 heures, 20 heures est une
bonne heure pour le coucher. Il y a peu de différence lorsque
l’enfant grandit et il est important de maintenir un coucher à
20 heures pendant le temps de son enfance, même le week-end, afin
de ne pas dérégler son rythme.

Recommencer l’apprentissage lorsque se produit


un dérèglement

Les parents racontent souvent que leur bébé dormait


correctement jusqu’à ce qu’il soit malade. La maladie ouvre la porte
à l’irrégularité. Le bébé pleure la nuit, a mal, est fiévreux, on le lève
pour prendre sa température, il dort dans la chambre des parents
pour qu’ils puissent le surveiller. Même après la guérison, il continue
de pleurer au coucher ou lorsqu’il se réveille la nuit. Que s’est-il
passé ? L’introduction de cette irrégularité peut avoir modifié son
début d’apprentissage de l’organisation de son monde. Ce dernier
est devenu incohérent et le bébé ne s’y retrouve plus : il pleure,
appelle ses parents et ne se calme qu’en leur présence. Si cela
perdure, il apprend un autre monde et associe à la fois ses ressentis
d’endormissement et son apaisement à d’autres situations que son
lit. Le lit ne le rassure plus, il n’est plus associé à son
endormissement. Il se calme et se rendort uniquement dans les bras
ou dans le lit de ses parents. Pour lui, c’est de cette façon que le
monde devient à nouveau cohérent. Le bébé ne fait pas de
« caprices », il n’est ni « coquin » ni « méchant ». Lorsque les
parents disent « il sait ce qu’il fait ! », c’est vrai. Mais pas au sens où
on l’entend généralement. Il n’y a pas chez l’enfant d’arrière-pensée
laissant supposer qu’il souhaite prendre le pouvoir ou embêter ses
parents. Non, il n’a pas encore la possibilité de raisonner ainsi car il
n’a pas accès à ce que l’on appelle la théorie de l’esprit. Cette théorie
désigne l’aptitude à comprendre que l’autre a des ressentis, des
pensées, des idées qui lui sont propres et qui sont différents des
siennes. L’enfant n’aura accès à cette théorie qu’après l’acquisition
du langage, justement lorsqu’il ne sera plus un bébé. Avant cela, il
réagit sans intention de nuire ni de manipuler ses parents, mais en
réaction avec ce qu’il éprouve et ce que cela provoque dans son
environnement. Il n’est que dans un rapport « action/réaction ». Si
ses parents le prennent dans les bras lorsqu’il pleure et que c’est
régulier, alors il pleure jusqu’à ce que cela revienne, comme il
l’attend. Plus une situation est régulière et se répète, plus elle
devient normale et automatique, rassurante pour l’enfant. Il faut par
conséquent enrayer sa nouvelle normalité pour retrouver celle
d’avant. Même après un temps d’irrégularité, comme lors d’une
maladie, il faut permettre au bébé de retrouver son apprentissage du
début et de se sécuriser à nouveau dans son lit. Pour tout réveil
nocturne, en dehors de la maladie, il est donc préférable d’indiquer
au bébé qu’il peut se rendormir, que tout va bien, et le laisser dans
son lit plutôt que chercher à l’endormir d’une autre façon, dans les
bras par exemple. Autrement, la situation devient pour lui
changeante et imprévisible. Elle devient source d’angoisse et de
recherche permanente des limites de régularité. En somme, il
cherche à savoir où se situe sa nouvelle régularité.
D’autres facteurs que la maladie peuvent perturber la régularité
du sommeil d’un bébé. Ce peut être un changement comme la
reprise du travail de ses parents et l’accueil de l’enfant dans une
crèche ou chez une assistante maternelle, une modification d’univers
lors d’un déménagement ou l’intervention d’une nouvelle personne
auprès de l’enfant, comme un grand-parent.

L’accompagner au coucher et au lever :


la ritualisation

L’accompagner, c’est le rassurer et être soi-même convaincu que


son lit est le meilleur lieu de sommeil. L’incertitude des parents peut
créer une brèche dans laquelle le doute de l’enfant s’insinue, faute de
créer une assurance suffisamment forte en lui. Pour aboutir à cette
sécurisation parentale, il est nécessaire de ne pas douter des
conditions matérielles dans lesquelles l’enfant est couché : le lit est
bien placé et permet à l’enfant de voir les personnes qui entrent dans
sa chambre ; il n’a pas trop chaud dans sa gigoteuse ou son
surpyjama et est à l’aise pour bouger ; il n’est pas trop près ni du
chauffage ni de la fenêtre ; rien dans son lit n’est susceptible
d’entraver sa respiration, pas de peluche, d’oreiller, de couette ou de
couverture. Rien ne vient non plus le divertir et l’empêcher de
dormir, comme les lumières d’une veilleuse, les sons d’une boîte à
musique ou un mobile au-dessus de la tête. Sa couche est propre, le
bébé est au sec. Il a bien mangé et ne peut pas avoir faim. Il n’a pas
encore peur du noir. Il n’y a aucune raison qu’il ne dorme pas ou
qu’il ne se rendorme pas.
Pour l’aider à bien comprendre qu’il peut dormir sereinement, on
peut ajouter un petit rituel, toujours le même, celui qui symbolise ce
passage de la veille au sommeil. Certains bébés organisent seuls leur
ritualisation. Entre 6 et 9 mois, le bébé peut élire un objet fétiche
dans son environnement quotidien, le fameux doudou. C’est un
objet dit transitionnel qui l’aide à surmonter certains épisodes plus
difficiles de sa vie, en faisant le lien entre lui et le monde extérieur.
Ainsi, il a recours à ce doudou dans des situations de malheur, de
peur ou de tristesse : lorsqu’il quitte ses parents, lorsqu’il a du
chagrin ou lorsqu’il a besoin de se rassurer, il prend cet objet
qu’il caresse, suçote, triture ou passe sous son nez. Il peut même
faire tout cela à la fois ! Cet objet est unique pour lui. Il recouvre
toutes les odeurs qui le concernent, présente un toucher spécifique
et l’enfant est le seul à savoir quoi en faire. Les vertus apaisantes de
ce doudou contribuent à son endormissement, à tel point que
certains bébés auront du mal à s’endormir sans leur doudou, tant il
fait partie de la ritualisation de leur endormissement. D’autres
cérémonials, instaurés par les parents, peuvent contribuer à aider le
bébé. Cela peut être la même phrase prononcée chaque soir, la
même berceuse, le même livre. L’important est que ce rituel soit
toujours identique, annonciateur de la suite avec certitude. Une fois
la berceuse chantée, l’enfant peut s’endormir dans son lit. Mais si
après la berceuse, il y en a une autre, puis encore une autre, ou autre
chose, l’enfant ne sait plus quand cela s’arrête. Il n’y a plus la
régularité sécurisante. Un rituel est une annonce, il ne sert pas à
endormir un enfant mais à lui indiquer qu’il va s’endormir. Il fait
ainsi partie de l’apprentissage. Les bébés peuvent avoir besoin de
leur doudou dans la journée, en dehors des périodes de sommeil.
Mais lorsqu’un bébé a toujours son doudou à la main, ce dernier ne
contribue plus à l’apaisement avant le sommeil. Il ne fait plus office
de rituel en lien avec l’endormissement. Il est comme greffé à la
main de l’enfant, comme un prolongement de lui-même. L’enfant ne
peut plus discerner que c’est un objet qui peut contribuer à le
rassurer, le consoler et l’apaiser, puisqu’il fait partie de lui en
permanence. Avec le doudou posé dans un endroit rapidement
accessible, l’enfant peut jouer, découvrir les autres objets de son
environnement, entrer en relation avec ses parents ou les
professionnels qui s’occupent de lui. Attention, le doudou ne sert
pas uniquement au sommeil, il sert également à apaiser l’enfant dans
des moments difficiles. Ainsi, il est proposé dans les deux situations :
l’endormissement et la consolation.
Une ritualisation est aussi à mettre en place pour le lever de
l’enfant. Alors que l’importance de la cérémonie du coucher est bien
connue des parents, celle du lever ne l’est pas. Pourtant, rassurer
l’enfant à son lever contribue à la sécurisation de son
endormissement. Répéter le même rituel lors du réveil de l’enfant lui
permet de comprendre l’enchaînement des événements et de prévoir
ce qui va se passer. On peut, par exemple, ouvrir les rideaux, lui
adresser des phrases spécifiques correspondant à son éveil, enlever
sa gigoteuse, baisser la barrière de son lit avant de le prendre dans
les bras. Il tend alors les siens et participe à son lever.
Si les parents se précipitent pour lever un enfant à peine réveillé,
ils ne lui permettent pas d’apprendre, car il n’existe alors pas d’écart
entre le réveil de l’enfant et son lever. Il n’y a de place ni pour le
rituel ni pour la compréhension de l’enfant. Certains diront qu’ils ne
supportent pas ou ne veulent pas que leur enfant pleure, c’est
pourquoi ils se précipitent, pensant que l’enfant est en danger. Or,
un bébé n’a ni la conscience ni la notion du temps. Il a besoin
d’éprouver sa demande pour comprendre l’ordonnancement des
événements. L’appel qu’il lance à ses parents couplé à leur arrivée lui
permet de faire le lien entre les deux événements et de comprendre
que son appel a des conséquences : il provoque l’arrivée de son
parent. Si cela va trop vite, il n’a pas le temps d’établir de lien et
pense par conséquent que les événements sont décorrélés, ce qui
l’induit en erreur. Ne pas répondre à l’appel de l’enfant et le laisser
pleurer ou attendre trop longtemps ne serait pas non plus très
bienveillant, car il se retrouverait alors dans la détresse, s’épuiserait
ou finirait par renoncer en pensant qu’il ne peut pas compter sur
l’aide de ses parents.
De ce fait, même lorsque l’enfant pleure la nuit sans raison
apparente et qu’il ne se calme pas seul rapidement, les parents
doivent aller le voir pour vérifier que tout va bien, qu’il n’est pas
malade, n’a pas vomi ou n’a pas une couche à changer. Si tout va
bien, l’attitude à tenir est la suivante : embrasser le bébé, lui
expliquer que c’est la nuit, qu’il faut dormir, qu’on retourne se
coucher et qu’on ne reviendra pas. Il faut ensuite tenir cet
engagement et ne pas revenir, sinon le bébé ne comprend plus rien !

Les siestes

La sieste est importante pour les jeunes enfants car ils doivent
récupérer d’une activité intense liée à leurs apprentissages. Dès les
6 mois du bébé, l’architecture de son sommeil est en place. Il dort
toute la nuit entre dix et douze heures et fait trois siestes par jour :
une le matin, une en début d’après-midi et une en fin d’après-midi.
C’est cette dernière qui disparaît en premier aux alentours de
10 mois, puis celle du matin, entre 12 et 18 mois. Il ne reste alors
que celle du début d’après-midi qui s’organise après le déjeuner et
pourrait continuer toute la vie si nous en avions la possibilité. Le
mot sieste vient du latin sexta qui signifie « la sixième heure ». En
effet, la sieste a lieu à la sixième heure du jour, soit entre 12 heures
et 14 heures en fonction de l’heure du lever du soleil.
Pour que la sieste soit bénéfique, plusieurs conditions sont
requises. L’enfant ne doit pas associer son lit et le moment de la
sieste à un temps de punition ou de contrainte. Menacer le bébé de
le mettre au lit lorsqu’il est pénible ou le coucher de façon
intempestive à tout moment de la journée est contraire à la visée
d’un bon sommeil diurne. L’être humain est programmé
génétiquement à faire la sieste. Le jeune enfant la fera naturellement
si elle s’inscrit dans le déroulement habituel et agréable de sa
journée.
Comme pour le sommeil de nuit, il convient de repérer les signes
de sommeil de l’enfant. En général, un tout-petit qui fait une sieste
le matin réclame de dormir deux heures environ après son réveil. Il
ne faut pas attendre qu’il soit trop fatigué, car il pourrait avoir plus
de mal à s’endormir. Ainsi, si on étudie leurs rythmes, on constate
que les bébés jouent généralement deux heures avant leur sieste du
matin, puis ils jouent de nouveau deux heures avant leur repas du
midi et refont une sieste juste après le déjeuner. Cette dernière est la
plus importante, c’est celle qu’on conserve le plus longtemps. La
sieste du début d’après-midi suit directement le repas. Il ne faut pas
la décaler trop tardivement (pas au-delà de 15 heures) pour
permettre au bébé de faire une troisième sieste plus tard dans
l’après-midi (entre 17 et 18 heures) tout en lui laissant un temps
d’éveil suffisant avant le coucher pour la nuit. Les siestes durent
entre une et deux heures. Comme pour le sommeil de nuit, plus
l’organisation des siestes est régulière, tant pour les horaires que
pour le déroulement, plus les enfants sont rassurés, sereins et
s’endorment facilement. Cette régularité est la même que pour les
repas. Un enfant peut avoir plus ou moins faim, mais on lui propose
toujours à manger le matin, le midi, au goûter et le soir. Pour le
sommeil c’est la même démarche, l’enfant peut avoir moins sommeil
certains jours que d’autres, mais on doit toujours lui proposer de
dormir et dans les mêmes conditions. Voici quelles conditions
favorisent le coucher de la sieste.
La lumière. On sait aujourd’hui que le degré de luminosité joue
sur les sécrétions de mélatonine, dite « hormone du sommeil ».
Lorsque la lumière diminue, les sécrétions de mélatonine
augmentent, ce qui provoque le besoin de dormir. Amener de la
pénombre pour les siestes favorise un meilleur sommeil et permet de
créer un contraste entre d’une part la nuit, plus sombre, et d’autre
part les espaces de jeux et de repas, bien éclairés.
La musique. Une musique douce et calme peut être utile pour
que le bébé se détende. Elle peut aussi servir de rituel
d’endormissement s’il s’agit de la même musique à chaque sieste. Il
vaut mieux une musique sans paroles pour que le bébé n’ait pas à se
concentrer sur ce qu’il entend, mais soit uniquement porté par les
sons. Cette musique accompagne la phase d’endormissement mais
pas plus. L’enfant plonge dans le sommeil sans la musique afin que
son cerveau ne soit pas en alerte et qu’il ne se réveille pas lorsqu’il
est en phase de sommeil léger. Il n’est pas utile de mettre de la
musique pour masquer les bruits de la maison. Bien au contraire, ces
bruits, un peu lointains et atténués, sont des sons familiers et
rassurants pour l’enfant. Parmi eux des bruits blancs, comme
l’aspirateur ou une machine à laver, peuvent contribuer à favoriser
son endormissement.
Les vêtements. L’enfant n’a pas besoin d’être déshabillé pour
faire la sieste. Il préfère souvent garder ses vêtements, qui le
protègent. S’il n’est pas à l’aise dans ses habits, il convient de les
changer bien avant qu’il fasse la sieste, car les bébés ont besoin de
confort pour jouer, en particulier pour leurs expériences motrices.
Un jean à la mode, mais bien serré, sur un bébé est peut-être du
meilleur effet en photo mais pas en réalité. Le bébé gigote et essaie
de se retourner, de ramper ou de marcher à quatre pattes et présente
souvent un petit ventre saillant et bien rempli que le jean en
question tente d’aplatir sans succès ! Lui retirer ce jean pour la sieste
afin qu’il « respire mieux » est un non-sens puisque c’est le moment
où il est immobile, en position allongée qui, comme chacun sait,
favorise le ventre plat ! Conclusion, si les vêtements du bébé sont
bien adaptés à ses mouvements, ils le sont aussi à son sommeil de
jour. Et si la chambre n’est pas trop froide, il n’a pas non plus besoin
de gigoteuse pour dormir. Cela lui permet de faire une autre
différence avec le sommeil de nuit.
Les objets transitionnels. Le bébé conserve pour la sieste les
objets fétiches qu’il affectionne pour la nuit : son doudou et/ou sa
tétine. Ils lui permettent de se rendormir lorsqu’il se réveille pendant
la sieste. En effet, le jour comme la nuit, le bébé peut prendre
plusieurs trains (généralement deux) et se réveiller entre chacun.
Dans les crèches, les professionnels restent souvent à côté des
enfants lorsqu’ils font la sieste après le repas. En restant auprès
d’eux, ils favorisent la possibilité pour ceux qui se réveillent de
replonger dans le sommeil. Mais ils les rendent aussi dépendants de
leur présence pour effectuer ce nouveau départ, ce qui n’est pas une
bonne idée. Si les enfants ont des périodes d’éveil pendant leur
sommeil de sieste, ils peuvent aussi retomber très vite dans les bras
de Morphée, sans l’intervention de l’adulte. La présence et
l’intervention de l’adulte dès que l’enfant se réveille changent sa
programmation et l’incitent à avoir besoin de cette présence pour se
rendormir. Encore une fois, l’enfant apprend le monde qu’il lui est
donné d’apprendre. En lui faisant confiance, on lui facilite la vie et
on lui permet d’apprendre mieux qu’en le rendant dépendant des
adultes.

Questions de parents,
mais que se passe-t-il ?
Il pleure quand on le couche dans son lit
Certains bébés n’aiment pas être séparés physiquement de leur
figure d’attachement. Ils préféreraient rester dans les bras qui sont,
pour eux, plus agréables que le lit. Dans certaines cultures, la
question ne se pose pas, car les bébés dorment en portage, contre
leur mère ou avec les autres enfants. Ce sont des sociétés sans
berceaux et sans lits individuels. Mais dans notre culture, c’est
l’inverse. On considère que chacun a un nid différent dans la maison
et que le bébé doit occuper le sien. Ainsi, il nous faut à la fois
comprendre et accepter que le bébé ne soit pas content de se
séparer de ses parents pour occuper seul ce nid. Son
mécontentement est marqué par des pleurs de protestation. Il faut
garder à l’esprit que ce n’est pas un si grand malheur pour lui et qu’il
est capable de se calmer vite si on lui en donne la possibilité. Pour
certains enfants, ces pleurs représentent d’ailleurs une ritournelle
d’endormissement. Ils ont besoin de pleurer un peu avant de dormir.
Autoriser le pleur permet à l’enfant de saisir qu’il est compris par ses
parents, mais que ceux-ci ont décidé que le nid individuel est la
pratique qui lui convient le mieux. Il va s’y résoudre rapidement et
adopter son lit comme un lieu rassurant.

Il perd sa tétine la nuit

Effectivement, si l’enfant a choisi comme objet rassurant une


tétine et/ou un doudou, il peut les perdre la nuit. Comme nous
l’avons vu, entre deux trains de sommeil, le bébé peut se réveiller. Il
a alors besoin de ses outils de ritualisation pour arriver à se
rendormir. Trouver dans le noir une tétine de 5 cm dans un lit de
90 × 120 cm n’est pas une chose facile pour un bébé ! Il faut l’y
l’aider. Des solutions existent. On peut par exemple mettre plusieurs
tétines dans le lit : avec un peu de chance, en bougeant, l’enfant en
trouvera une. Mais ce n’est pas certain. On peut également
accrocher la tétine à sa gigoteuse ou à son pyjama à l’aide d’un
accroche-tétine ou en cousant un ruban. Il faut dans ce cas vérifier
que la longueur de tissu de l’accroche-tétine ou du ruban est
suffisamment réduite pour ne pas s’enrouler autour du cou de
l’enfant, même en cas de décrochage. On peut aussi coudre une
tétine sur un doudou, plus facile à retrouver. Petit à petit, l’enfant va
apprendre à retrouver sa tétine la nuit. Mais, attention, si le parent
se lève à chaque fois, il va aussi comprendre que c’est lui qui doit la
lui donner. De ce fait, dès que le bébé est capable de la reprendre
seul la nuit, il vaut mieux le laisser faire.

Il fait des insomnies joyeuses

Certains bébés se réveillent en pleine nuit et gazouillent, se


déplacent dans leur lit, chantent, jouent avec leurs mains ou avec
leur doudou. Même si cela peut sembler charmant aux parents,
parce que l’enfant n’éprouve aucune angoisse et paraît tout à fait
détendu, il convient de prendre ce type de comportement au sérieux
s’il perdure. D’une part, parce que son sommeil est troublé : l’enfant
peut jouer pendant deux ou trois heures d’affilée. D’autre part, parce
que l’insomnie joyeuse peut être révélatrice de troubles plus graves
du comportement ou d’un phénomène d’angoisse important
significatif d’une difficulté à résoudre. Il ne faut pas hésiter à
consulter un spécialiste et, en attendant, le recoucher en lui disant
qu’il faut dormir car ce n’est pas le moment de jouer.

Il lutte contre le sommeil

Il arrive qu’un bébé ne se laisse pas facilement aller au sommeil.


Il semble s’endormir et il suffit d’un geste, d’un bruit ou du seul fait
de le poser dans son lit pour qu’il se réveille et pleure. Parfois, il
semble sombrer mais se réveille aussitôt comme pour vérifier
quelque chose, s’empêchant alors de dormir. Les bébés inquiets se
comportent ainsi. Ils sont sans cesse en train de s’assurer de la
présence de leur figure d’attachement à leurs côtés. Ils ne se sentent
pas assez sécurisés pour s’autoriser à dormir. Parfois, le bébé peut
lutter contre le sommeil avec un des deux parents. Il est sécurisé par
l’un et pas avec l’autre ou il perçoit que celui qui ne le sécurise pas
est inquiet, ce qui est contagieux.
Dans ce cas, les parents peuvent consulter un spécialiste afin de
déterminer la raison de l’inquiétude de l’enfant. Quelle qu’en soit la
cause, cette situation est préjudiciable pour le développement du
bébé. Il faut en priorité trouver comment lui permettre de dormir.
Bien souvent, les parents finissent par prendre ces bébés dans leur
lit, constatant qu’ils ne dorment pas autrement. La proximité de
leurs figures d’attachement les sécurise et les apaise, et ils peuvent
enfin s’endormir. Si le bébé est encore petit, âgé de moins de 3 ou
4 mois, on peut l’emmailloter pour lui offrir une contenance
corporelle. Se sentant ainsi tenu, il se rassure et peut s’endormir. Si
le bébé est déjà plus grand, le lange ne suffira pas. Il lui faut du
temps pour se sentir en sécurité et apprendre à dormir seul. De la
position collée à ses parents, le bébé doit passer dans son lit avec
une main qui le rassure, puis avec ses parents près du lit, puis dans la
même pièce, et enfin dans une autre pièce. Chaque étape acquise
montre que le bébé a réussi et exige qu’on s’y tienne pour ne pas
revenir en arrière. C’est cela qui va sécuriser le bébé. Une fois
sécurisé à chaque étape, il devra franchir la suivante. Cet
apprentissage est nécessaire, même s’il semble coûteux en temps
pour les parents. Cela n’est rien, car ce temps passé est un temps
d’apaisement pour le bébé et un temps gagné pour la suite si les
parents désirent que leur enfant dorme en toute sérénité dans son
lit.

Il dort différemment à la crèche ou chez l’assistante


maternelle

La crèche ou l’assistante maternelle sont des modes d’accueil qui


offrent à l’enfant un milieu d’apprentissage avec des situations
répétées à l’identique : le coucher et l’ensemble des conditions
d’endormissement et de réveil sont toujours les mêmes, ce qui l’aide
à comprendre ce monde et à s’y repérer. Un enfant peut avoir des
difficultés à s’endormir ou à se rendormir chez lui, alors qu’il n’a
aucun problème pour le faire à la crèche ou chez l’assistante
maternelle. Ce n’est pas parce que les professionnels savent mieux
faire que les parents, mais parce que les régularités installées
permettent à l’enfant de s’apaiser dans le cadre qui lui est donné,
avec des personnes plus assurées et moins sujettes au transfert
émotionnel. Les rituels d’endormissement peuvent être différents
entre le lieu d’accueil et la maison, puisqu’il s’agit pour l’enfant d’un
autre environnement. Ainsi, un enfant aura un rituel de bercement à
la crèche alors qu’à la maison il s’endort sans, ou inversement.
Chaque environnement possède ses propres codes d’apprentissage.
C’est aussi pour cette raison qu’un enfant s’endort parfois plus
facilement chez ses grands-parents qu’avec ses parents. Non pas que
ses grands-parents aient de l’expérience, mais parce qu’ils ont
institué des règles différentes dans un autre environnement. L’enfant
qui fréquente un lieu d’accueil comme une crèche ou une assistante
maternelle ou qui va chez ses grands-parents n’est jamais tout à fait
le même que celui que les parents ont à la maison !

Il ne fait que de très petites siestes


Dès le départ, certains enfants font de grosses siestes alors que
d’autres n’en raffolent pas. De toutes petites siestes de vingt minutes
par-ci par-là ne représentent que le temps d’endormissement du
bébé et non un vrai temps de sommeil. Il ne prend pas le train, il
reste sur le quai et le voit passer sans parvenir à monter dedans. Ce
faux départ est souvent le fait d’un bébé inquiet, non sécurisé et qui
n’arrive pas à se laisser aller au sommeil dans la journée. Soit parce
que l’environnement ne le rassure pas : le lit n’est pas à la bonne
place, il se sent perdu, abandonné ou a manqué d’interactions ou
d’accompagnement de jeu avant d’aller se coucher ; soit parce qu’il
lui manque quelque chose pour s’autoriser enfin à dormir : un rituel,
une odeur familière, un environnement sensoriel repérable, un
doudou… Se dire que la sieste n’est pas si importante et qu’il
dormira mieux la nuit n’est pas respectueux pour l’enfant qui aura
tendance à être grognon et à ne plus profiter de ses temps d’éveil
pour découvrir son univers et faire ses premiers apprentissages. Il est
donc préférable de chercher les facteurs qui pourraient l’aider à
dormir lors des siestes. Comme pour une recherche scientifique, on
fait varier un seul paramètre à chaque fois et on laisse à l’enfant le
temps de s’y habituer. Par exemple, on modifie son rituel de coucher
et on répète ce même rituel pendant trois ou quatre jours pour
observer s’il l’aide à prendre le train de la sieste. Si ce nouveau rituel
n’a aucun effet, on introduit un nouveau facteur de changement. Un
bébé nous guide toujours pour nous indiquer ce qui lui convient le
mieux.

Il se tape la tête contre son lit pour s’endormir

Il est toujours inquiétant de voir un enfant se cogner la tête en


phase d’endormissement. Mais il s’agit en réalité d’un balancement
de la tête. Le bébé n’a pas l’intention de se faire du mal, mais il a
choisi ce rituel de balancement qui, associé au bruit produit par la
rencontre de sa tête contre le bord du lit, lui procure un certain
réconfort qui l’apaise et favorise son endormissement. Toutefois, un
tel rituel est impressionnant et correspond à un stress qui se produit
chez l’enfant avant des acquisitions ou lors de changements dans sa
vie de bébé. Il a besoin d’être particulièrement rassuré et apaisé par
des relations affectives fortes et des interactions ludiques réelles,
mais moins stimulantes, car il se met déjà une certaine pression…
L’apaisement et la diminution du stress pour l’ensemble de la famille
contribuent à apaiser le bébé. Supplanter son habitude par un autre
rituel d’endormissement peut aussi l’aider à se rassurer. Dans ce cas,
un rituel rythmé et auditif sera plus adapté car il reproduira ce qu’il
recherche en se balançant et en se cognant la tête. Si son
balancement perdure malgré tout, il faut consulter un spécialiste
pour comprendre comment l’aider à sortir de ce rituel pénible.

Le soir, il s’endort au sein ou au biberon

C’est assez fréquent. Après une journée bien remplie, le bébé est
épuisé et s’endort sur le sein ou le biberon du soir. Le poser ainsi
dans son lit fait de la dernière tétée ou du dernier biberon son rituel
de sommeil. Si le bébé ne se réveille pas et ne pleure pas la nuit, ce
n’est pas un problème. Mais s’il n’arrive pas à se rendormir seul la
nuit, c’est qu’il associe tétée ou biberon à son endormissement et
qu’il n’a pas encore appris à s’endormir seul. Pour l’aider, on peut
avancer un peu l’heure de son repas et le coucher quand il est éveillé.
Quelques stimulations ludiques, câlins, lectures ou autres, viendront
petit à petit remplacer le rituel d’endormissement de la tétée ou du
biberon par un autre rituel lui permettant d’apprendre à s’endormir
seul.
Et s’il se retrouve sur le ventre la nuit ?

Entre 4 et 6 mois, les bébés se tournent du dos sur le ventre et


du ventre sur le dos. Cela correspond à l’évolution normale de leur
motricité. Certes, on recommande de les coucher sur le dos, mais à
partir du moment où l’enfant se retourne de lui-même sur le ventre,
cela signifie qu’il a assez de force pour soulever sa tête et bien
respirer. On peut donc le laisser dormir comme il le souhaite, en
veillant à ce qu’il ne rencontre pas d’objets qui pourraient nuire à sa
respiration, comme une couverture, une couette, de grosses
peluches ou un tour de lit.

Et s’il est trempé le matin au réveil ?

Les bébés mouillés au réveil le sont soit par la transpiration soit


par leurs urines. Dans le premier cas, le bébé a trop chaud et il faut
diminuer la température de la chambre (elle ne doit pas dépasser
20 °C) ou moins le couvrir : par exemple, enlever sa gigoteuse. Dans
le second cas, il faut vérifier que la couche qui lui est mise pour la
nuit lui correspond bien. Elle ne doit être ni trop petite car elle
n’absorberait pas assez ni trop grande pour ne pas laisser passer
l’urine. Une couche bien ajustée est normalement efficace pendant
douze heures. Si le bébé boit un biberon d’eau la nuit, cela entraîne
une émission d’urines plus importante. On peut dans ce cas
renforcer la couche-culotte en ajoutant une couche rectangulaire
intérieure en coton qui préserve les fesses des rougeurs éventuelles
et absorbe l’urine.

Et s’il réclame encore un biberon la nuit ?

Nous avons vu qu’à partir de 3 ou 4 mois, si l’enfant est bien


nourri pendant la journée, il n’a plus de raison d’avoir faim la nuit.
Réclamer un biberon la nuit peut répondre à un besoin de succion
ou à celui de se rassurer avec cet objet. On peut lui proposer une
tétine ou un biberon d’eau pour l’aider à se rendormir. Maintenir au-
delà des premiers mois une alimentation nocturne ne permet pas au
bébé de réguler correctement son sommeil. Il faut donc veiller à ce
qu’il mange assez dans la journée et, éventuellement dès 4 mois,
commencer une diversification alimentaire qui lui apportera d’autres
aliments plus consistants que le lait.

Et s’il est malade la nuit ?

Lorsqu’un bébé est malade, quels que soient les symptômes, il


pleure et appelle. Il ne faut pas s’inquiéter : s’il ne se sent pas bien, il
vous le fera toujours savoir. Un bébé qui habituellement dort la nuit
et se met à pleurer occasionnellement peut se rendormir en quelques
minutes. Cela correspond à une phase de sommeil spécifique. Mais
s’il n’arrive pas à se rendormir, c’est que quelque chose ne va pas.
Souvent, il ne s’agit pas des mêmes pleurs et les parents arrivent à
discerner cette différence. Le bébé a besoin que ses parents
prennent son problème en considération et le rassurent. Un bébé
malade est un bébé qui doit être surveillé. Un bébé qui souffre est
un bébé qui doit être apaisé. Mais si aucune situation de maladie
n’est constatée, alors quelques paroles sont nécessaires pour
indiquer à l’enfant que tout va bien et qu’il peut se rendormir.

Et s’il doit dormir ailleurs ?

Dormir ailleurs signifie changer d’environnement. Or, nous avons


vu que l’environnement sensoriel de l’enfant lui sert de repère pour
s’endormir. Selon ses dispositions naturelles, un changement
d’environnement va beaucoup l’affecter, un peu ou pas du tout.
Dans tous les cas, mieux vaut prévoir et tenter de recréer ailleurs ses
repères sensoriels habituels. Ce peut être un drap où son odeur est
déjà présente, la nacelle de sa poussette posée au sol, ses objets
transitionnels, une musique spécifique, etc. En emmenant l’enfant
dormir dans un autre lieu, on emporte aussi une partie de son nid.

L’histoire de Lubin
Lubin a 8 mois et c’est un magnifique enfant. Il est souriant, joue
avec tout ce qu’il trouve, se déplace depuis peu à quatre pattes et
s’assoit seul. Il n’a pas peur des personnes qu’il ne connaît pas et les
observe attentivement. Il mange avec plaisir et appétit. Mais son
sommeil est un problème pour ses parents. Ils le décrivent comme
n’aimant pas son lit : il n’y dort jamais, même pour les siestes. Il ne
peut s’endormir qu’en étant bercé dans les bras de ses parents. Dès
qu’ils le posent endormi dans son lit, il se réveille aussitôt et pleure.
Fatigués par la situation, les parents le prennent avec eux dans leur
lit. Il dort principalement sur la poitrine de sa mère. Au milieu de la
nuit, il se réveille pour boire un biberon de lait. Les parents n’ont
plus d’intimité et commencent à se disputer car ils sont en désaccord
à ce sujet. L’un voudrait retrouver un lit conjugal, l’autre estime que
c’est trop difficile pour Lubin, qui est malheureux ou angoissé, et
qu’il ne supporte pas de l’entendre pleurer seul dans son lit. Quand
les parents sortent et vont dans la famille ou chez des amis avec
Lubin, ils ne le couchent pas. Lubin attend la fin de la soirée avec
eux, il se fatigue, s’énerve, grogne, tourne sa tête dans tous les sens,
ne sait plus à quel saint se vouer. Bref, il est épuisé. Mais Lubin ne
s’endort que lorsqu’il est épuisé, chaque soir après 22 ou 23 heures.
Lubin a réellement de mauvaises conditions d’endormissement. Les
parents souhaitent être aidés.
Lubin n’a pas encore appris à s’endormir seul, il n’en a pas eu
l’occasion car ses parents ont toujours pensé qu’il avait besoin d’eux
pour y parvenir. Or, il a grandi, ce n’est plus un nouveau-né. Ils
reprennent cet apprentissage en ayant conscience des possibilités de
Lubin et du cadre environnemental qu’ils souhaitent lui donner. Le
parent qui pense que son enfant est trop malheureux lorsqu’il dort
seul et ne peut le faire sans lui ne s’occupe plus du coucher. L’autre
parent, persuadé du contraire, instaure un rituel de coucher,
toujours le même et couche Lubin dans son lit le soir quand il est
encore éveillé. Lubin pleure. Il revient le voir mais ne le prend pas
dans les bras et lui indique qu’il doit dormir, que tout va bien et qu’il
a confiance en lui. Lubin pleure. Le parent qui l’a couché retient
l’autre parent, ils se sont mis d’accord. Et Lubin s’endort. Il se
réveille au milieu de la nuit, mais ne mange plus. Un petit biberon
d’eau suffit et il se rendort. Il se réveille au petit matin. Au bout de
trois jours, Lubin dort très bien dans son lit, et lorsqu’il pleure un
peu, ses parents, rassurés, n’y vont plus. Ils savent qu’il va se
rendormir. Lubin a appris à s’endormir seul et peut le refaire en
pleine nuit lorsqu’il se réveille.

Le temps des livres


Les livres ne sont pas faits pour endormir les enfants, mais pour
les éveiller. Ils contiennent tant de choses si importantes : des
informations, du vocabulaire, de la grammaire, des images et surtout
des histoires. Ils sont fantastiques et les bébés les adorent. Il faut
éviter cette confusion : les livres ne servent pas à endormir les petits,
mais à ritualiser leur sommeil. Lire une histoire avant d’aller se
coucher est un rituel agréable pour un grand nombre d’enfants et sa
mise en place débute lorsqu’ils sont encore bébés. À cette période,
les livres sont lus par les parents mais les bébés doivent pouvoir les
toucher, ils ne sont pas sacrés. Ils les manipulent avant, après,
pendant la lecture… Un livre est d’abord un objet à découvrir avant
de devenir cet outil si particulier qui raconte des histoires et
s’empare de l’imaginaire de l’enfant. Comme pour les berceuses, le
livre lu de manière ritualisée avant le sommeil devient un média
relationnel entre le parent et le bébé. Il est un temps unique où les
oreilles du bébé continuent à être caressées par la voix du parent,
mais c’est cette fois pour lui raconter une histoire, souvent courte,
comme les berceuses qui lui étaient chantées auparavant et qu’on
peut continuer à proposer. L’histoire du soir est le prolongement de
la berceuse. Les petits aiment d’ailleurs souvent qu’on leur lise le
même livre, la même histoire. Ils la connaissent et ont beaucoup de
plaisir à anticiper la suite. Il est important de toujours lire la vraie
histoire afin que l’enfant soit assuré d’y retrouver les bons mots, les
bonnes phrases, aux bons endroits. Cette vérification est aussi un
apprentissage pour l’enfant. Celui du langage oral : le découpage des
sons, des mots et leur agencement dans les phrases tout comme le
rapprochement de cette oralité vers les signes écrits que les parents
suivent avec le doigt. Pourquoi ne pas leur lire aussi des livres sur le
sommeil ? En effet, cela les concerne. Retrouver dans des livres les
expériences vécues est toujours passionnant pour les jeunes enfants.
C’est pour cette raison qu’ils jouent à la dînette, à la poupée, aux
petites voitures ou au docteur : ils remettent en scène les situations
vécues dans leur quotidien. Lorsqu’ils les retrouvent dans les livres,
cela leur parle assurément.
Vous trouverez en fin d’ouvrage une bibliographie de quelques
livres pour les petits qui parlent du lit, de celui des parents, du
doudou, de la chambre, de ce qui se passe pendant qu’ils dorment.
1. RAMEAU Laurence, Pourquoi les bébés jouent ?, Savigny-sur-Orge, Éditions Philippe
Duval, 2011.
3

Acquérir un sommeil autonome

La configuration du sommeil du petit


enfant
Vers l’âge de 2 ans, le sommeil de l’enfant se stabilise. Il ne fait
plus qu’une seule sieste après le déjeuner et s’endort vers 20 heures
pour se réveiller vers 7 heures. Cet horaire du coucher varie
évidemment en fonction de l’heure de lever de l’enfant. Son sommeil
présente de fortes similitudes avec celui de l’adulte. Il se découpe en
trois phases : le sommeil lent léger, le sommeil lent profond et le
sommeil paradoxal. Ce sommeil est influencé par deux systèmes de
régulation : la régulation circadienne qui dure vingt-quatre heures
chez l’être humain et alterne entre veille et sommeil et la régulation
homéostatique qui permet de maintenir l’équilibre du corps, quelles
que soient les contraintes extérieures. En bref, l’homme a besoin de
dormir et plus particulièrement s’il a des activités fatigantes. L’enfant
a besoin de dormir une douzaine d’heures sur vingt-quatre heures
réparties entre le sommeil de nuit (dix heures en moyenne) et le
sommeil de sieste (deux heures en moyenne).
Le sommeil de nuit, qui pouvait être fragmenté pendant les deux
premières années, se consolide, ce qui amène l’enfant à moins se
réveiller la nuit. Ses cycles de sommeil nocturne sont d’environ
soixante-quinze minutes et chaque cycle se poursuit plus aisément
vers un autre cycle. Les wagons sont bien accrochés et les trains se
succèdent régulièrement. L’enfant s’endort dans le wagon du
sommeil lent. Il est très calme, ne bouge presque pas. C’est dans
cette phase que la division cellulaire se produit et que la sécrétion de
l’hormone de croissance connaît un pic. Cette phase de sommeil est
donc très importante chez le jeune enfant. Environ une heure plus
tard, l’enfant monte dans le wagon du sommeil paradoxal. C’est le
moment où il rêve, bouge et peut être agité. L’enfant a des périodes
de sommeil lent bien plus importantes que celles du sommeil
paradoxal. Le rapport est d’environ 75 % pour les premières et 25 %
pour les secondes. Après le temps de sommeil paradoxal, il
emprunte le wagon du sommeil lent léger. C’est dans ce wagon qu’il
peut parfois se réveiller quelques minutes. Sans l’intervention de ses
parents, il se rendort de manière autonome, mais les transitions
n’étant pas toujours très assurées, il peut aussi présenter certains
troubles comme des réveils liés à des cauchemars, des terreurs
nocturnes ou des phases de somnambulisme.
Le sommeil de jour est quant à lui réduit aux deux heures de
sieste du début d’après-midi. Il est composé uniquement de sommeil
lent profond et non de sommeil paradoxal. Cette sieste sert à
recharger les batteries de l’enfant pour lui permettre de poursuivre
sa journée et de profiter de ses expériences d’apprentissage.
Chaque enfant possède un temps et un rythme de sommeil qui
lui sont propres. Il faut savoir reconnaître ces variations individuelles
afin d’harmoniser au mieux l’organisation de son coucher. Ainsi, un
petit dormeur ne dormira pas plus d’une heure à la sieste alors qu’un
gros dormeur peut avoir besoin de trois heures. Tant que le coucher
du soir ne présente pas de problème, il est préférable de suivre le
rythme naturel de chaque enfant. De plus, selon les journées, les
sollicitations et stimulations qu’il reçoit, l’enfant peut être plus ou
moins fatigué et ses besoins de sommeil peuvent varier quelque peu.

Aller se coucher de manière autonome


L’enfant de 2 ans a acquis une plus grande indépendance vis-à-vis
des adultes qui s’occupent de lui. Il sait se déplacer et même
marcher, voire courir pour aller explorer les lieux et les objets qui
l’intéressent. Il sait manger seul et il commence parfois à se
déshabiller et s’habiller seul, à faire sa toilette et même aller sur les
W.-C. après avoir ôté sa couche. Ce sont de grandes aventures qui
montrent qu’il a acquis de la motricité, de la dextérité manuelle et
une certaine compréhension des actes de la vie courante. Il agit sur
son monde en participant et en prenant en charge ce qui le concerne
spécifiquement. Or, si on ne donne pas de cuillère à un enfant pour
qu’il essaie de s’en servir, il n’apprendra pas à le faire. De la même
manière, si on ne laisse pas l’enfant aller se coucher, il attendra que
ses parents le fassent. Il n’est pas du ressort de l’enfant de décider
quand il doit aller au lit. Pas plus qu’il n’est en son pouvoir de
décider ce qu’il va manger chaque jour. L’enfant n’a pas à choisir s’il
veut aller dormir ou non, si c’est le moment ou non. Les parents
donnent le cadre d’organisation de la journée de l’enfant et décident
de ses repas (contenu et installation) et de son sommeil (temps et
installation). Mais ce n’est pas parce que l’enfant ne décide pas qu’il
n’a pas d’autonomie en la matière. Être autonome, c’est pouvoir
faire des choix. Pour un jeune enfant, c’est pouvoir faire des choix
dans un cadre donné. Ainsi, c’est aux parents de décider que l’enfant
doit aller se coucher, mais il peut choisir la façon dont il veut
dormir : avec ou sans sa gigoteuse, avec tel ou tel objet transitionnel,
en y allant avec l’un ou l’autre de ses parents, avec un type de rituel
spécifique. Comprendre qu’à cet âge la parole de l’enfant et son
choix doivent être entendus et pris en considération par le parent
évite l’ensemble des oppositions liées au coucher. À l’intérieur d’un
cadre solide, il existe des possibilités à saisir pour l’enfant. Ainsi, une
organisation familiale trop rigide, avec des règles immuables jamais
modifiées selon les événements, est néfaste pour son développement
cognitif. Car l’enfant a besoin de comprendre que les règles qui
régissent son monde peuvent être adaptées en fonction des
circonstances. À l’inverse, l’absence de cadre rend le monde de
l’enfant totalement imprévisible et ne lui permet pas d’en
comprendre les règles. Son développement cognitif s’en trouve
perturbé. Par exemple, si la règle est de se coucher à 20 heures, mais
qu’on adapte cette règle le soir de Noël pour proposer à l’enfant un
coucher plus tardif, l’enfant perçoit cette perturbation de manière
positive car il peut saisir un rapport de cause à effet. L’imprévu
devient une source de construction cognitive pour lui. Mais si
aucune règle n’est jamais suivie, si l’enfant se relève constamment et
que c’est autorisé par ses parents, alors il ne distingue rien des
relations entre les événements et ne peut pas apprendre. Le
développement de ses facultés cognitives est amoindri. Il faut
envisager l’influence de la position éducative des parents sur le
développement cognitif de l’enfant en matière de sommeil, mais
aussi pour l’ensemble des situations éducatives. Elle concerne la
mise en place des règles de vie et leurs adaptations nécessaires. Mais
elles ne sont pas les seules à affecter le sommeil de l’enfant, il existe
aussi des éléments perturbateurs.
Les stimulations qui peuvent perturber
l’organisation du sommeil

Le rythme de sommeil de l’enfant peut être perturbé par un


environnement ou des habitudes de vie néfastes. Ce peut être une
absence de régularité des couchers et des levers de l’enfant : dans ce
cas, son horloge biologique se dérègle sans cesse ou ne peut se
régler. C’est pour cette raison qu’on conseille souvent aux parents de
ne pas changer le rythme des enfants pendant le week-end ou
pendant les vacances. Ces temps servent à la modification des
contenus des journées, avec des temps de rencontres et de jeux
agréables et différents, mais ils ne doivent pas servir à changer les
habitudes de sommeil. Modifier les heures du coucher dans l’espoir
de faire une grasse matinée le lendemain est une mauvaise idée, car
les jeunes enfants ont besoin de beaucoup de temps pour régler leur
horloge biologique et de très peu de temps pour la dérégler.
L’environnement lui-même peut avoir des répercussions
négatives sur le sommeil de l’enfant. Par exemple, s’il ne sort pas
assez, s’il ne joue pas assez à l’extérieur et ne profite pas
suffisamment de la lumière naturelle, son horloge biologique n’est
pas correctement informée et se dérègle, ne sachant plus à quel
moment du rythme circadien elle se situe. Une exposition suffisante
des jeunes enfants à la lumière naturelle est nécessaire à leur bien-
être et favorise leur sommeil.
Les écrans de télévision et d’ordinateur, les jeux vidéo et les
téléphones portables sont également de gros perturbateurs du
sommeil de l’enfant. Il n’est pas rare aujourd’hui de voir de très
jeunes enfants avec de tels appareils dans les mains. Les parents sont
étonnés que leur tout-petit connaisse déjà leur fonctionnement. Or,
cela n’est aucunement la preuve de leur intelligence, car ces
appareils sont conçus pour répondre à un fonctionnement
exploratoire de type « bébé », à savoir action/réaction qui ne fait
appel ni au contrôle inhibiteur, ni au raisonnement calculateur. Seul
le raisonnement intuitif est sollicité. Celui-là même que les bébés
développent en priorité. En effet, il existe plusieurs systèmes de
pensée, de raisonnement et les enfants utilisent très tôt ces
stratégies cognitives pour ne conserver que les plus performantes,
celles qui leur apportent le plus de résultats. Ainsi, le premier
système est celui de la « pensée intuitive », voire automatique : je
fais quelque chose et cela produit une réaction. Le deuxième
système, celui de la « pensée logico-mathématique », demande plus
de recul pour comprendre ce que les actions produisent et ce qu’il
faut en déduire. Le troisième système est dit « inhibiteur » car il
empêche le premier, rapide et automatique, de se mettre en place au
profit du deuxième qui demande plus de réflexion. Or, la maturation
du cerveau du jeune enfant ne lui permet pas encore d’utiliser
principalement le deuxième système et d’inhiber le premier. De ce
fait, lorsqu’ils utilisent les écrans, ils ne font appel qu’à leur système
premier, l’automatique, l’intuitif, celui qui est le plus rapide et le plus
efficace pour eux. Mais leur pensée logique et mathématique, leur
pensée réflexive, n’est absolument pas sollicitée. Ce n’est donc pas
parce qu’ils savent utiliser les écrans qu’ils sont particulièrement
intelligents, bien au contraire.
Cependant, ces derniers ont des effets néfastes reconnus sur le
sommeil : ils ont tendance à le réduire par un coucher plus tardif et à
le rendre médiocre par des éveils intempestifs. Au bout du compte,
on aboutit à un amoindrissement de la qualité du repos et des
apprentissages des jeunes enfants. De fait, lorsque les enfants
regardent les écrans, ils n’ont plus conscience du temps et, comme
les parents, ils laissent passer les signes annonciateurs du sommeil.
De plus, ces écrans favorisent une plus grande sédentarité de
l’enfant, qui ne se dépense pas assez, ne bénéficie pas suffisamment
de la lumière naturelle du jour et se trouve bien trop exposé à celle
des écrans, laquelle modifie la sécrétion de mélatonine, l’hormone
favorisant l’endormissement. Ce dernier est alors retardé et l’enfant
se trouve en dette de sommeil, avec de trop fortes tensions liées à ce
qu’il voit sur les écrans et un cerveau qui ne se développe pas
correctement.

L’opposition au coucher

L’opposition au coucher est souvent le résultat d’un mauvais


apprentissage à l’endormissement. L’enfant a connu jusqu’à présent
des conditions d’apprentissage qui ne lui ont pas permis de
s’endormir seul, sans présence parentale ou sans tensions. Or, il a
maintenant un peu grandi et va s’opposer à ce qui lui est demandé.
Lorsque l’enfant n’a eu jusqu’à présent aucun choix sur la façon de
mener un peu sa vie, lorsqu’il n’a encore jamais eu son mot à dire et
que ses parents ont décidé de tout, mais aussi lorsque l’enfant a eu
trop de choix à faire sans la présence d’un cadre sécurisant, dès lors
qu’il possède les moyens physiques de se rebeller ou qu’il a compris
qu’il peut faire sa loi, il le fait savoir.
Il peut tout simplement refuser d’aller se coucher et se mettre
très en colère si ses parents insistent. Il peut se relever maintes et
maintes fois jusqu’à ce que ses parents craquent et ne le recouchent
pas. Il peut exiger leur présence dans sa chambre ou finir
systématiquement dans leur lit. Il peut regarder la télévision la nuit
ou jouer à des jeux vidéo. Bref, il peut se conduire comme un
véritable démon, se faire du mal et conduire ses parents au bord de
la crise. Mais tout n’est pas perdu pour autant, même s’il y a eu trop
ou pas assez de cadre et que l’enfant s’oppose à un coucher paisible.
On peut encore éviter cette rébellion quasi adolescente. Le temps
est venu de lui indiquer ce qui relève de son choix et de ses
possibilités et ce qui dépend de ses parents.
Tout d’abord, et aussi pour éviter qu’il n’escalade son lit à
barreaux et ne tombe, on peut lui proposer un nouveau lit dans
lequel il aura une plus grande autonomie : un lit de grand avec des
draps et des couvertures ou une couette, un lit plus vaste avec ses
peluches et une table de nuit sur laquelle poser un verre d’eau, une
lumière, son livre du soir par exemple.
Ensuite, c’est aux parents de décider de l’heure du coucher,
toujours la même. Il faut s’y tenir pour qu’il comprenne que cette
décision est irrévocable, sauf exception liée à un événement
spécifique. Le prévenir que l’heure du coucher approche permet de
ne pas le prendre au dépourvu ou de ne pas lui demander d’arrêter
une activité ludique trop brutalement.
Puis on peut lui demander quel rituel il préfère avant d’aller au lit
(un livre ou une chanson, une histoire, une musique, un jeu, un
câlin, quels types de bisous, etc.), en le prévenant qu’il ira ensuite se
coucher et n’aura pas l’autorisation de se relever.
Enfin, on peut lui demander par qui il souhaite être accompagné
jusqu’à son lit, papa ou maman, son frère ou ses grands-parents. Là
encore, il est prévenu que l’ensemble de la famille ne défilera pas
dans sa chambre, puisqu’il fait un choix.
L’inventaire de tout ce dont il a besoin pour dormir peut être fait
avec lui comme une checklist permettant le décollage de l’avion. Si
tout est en ordre, il est prêt à dormir et rien ne peut plus s’y opposer,
même pas lui. Il lui est évidemment interdit de se lever. Face à cette
interdiction, certains enfants vont appeler leurs parents à plusieurs
reprises. Il n’est pas question de céder. En effet si les parents
reviennent, l’enfant peut interpréter ce retour de deux façons : soit il
reprend le pouvoir sur ses parents et constate que son
fonctionnement précédent (« c’est moi qui décide ») tient toujours,
soit il considère que la venue de ses parents prouve qu’il y a bien un
danger puisqu’ils viennent le rassurer, il a donc raison de les appeler.
C’est la détermination des parents qui aura de l’effet sur l’enfant. Il a
besoin de certitudes pour être rassuré et seuls ses parents peuvent
les lui apporter. Les enfants sont de véritables éponges
émotionnelles et savent à qui ils peuvent se fier.
Par exemple, à la crèche, il n’est pas rare que les enfants dorment
plus ou moins selon la personne de surveillance de sieste. Un
professionnel a seulement besoin de prononcer un « chut » couplé à
un geste d’apaisement, et les enfants s’endorment tranquillement,
tous sans exception, tandis qu’un autre professionnel tentera de
passer d’un enfant à l’autre pour les calmer et n’obtiendra qu’un
joyeux chahut. L’un et l’autre sont de bons professionnels, mais ils
n’ont pas la même conviction au sujet de l’importance du sommeil,
de la nécessité de faire la sieste à la crèche et leurs certitudes à ce
sujet sont en opposition. Le premier est convaincu que les enfants
doivent dormir, le second doute de leur fatigue et pensent qu’ils
pourront dormir plus tard.
De la même manière, si les parents ne sont pas convaincus que
leur enfant doit dormir, il ne dormira pas.

Les objets de soutien d’un sommeil autonome

Vers l’âge de 2 ans, l’enfant peut commencer à avoir peur du noir.


Des histoires de loups, de monstres ou des images un peu trop
violentes peuvent être à l’origine de cauchemars, tout comme une
séparation, un déménagement, la naissance d’un petit frère ou d’une
petite sœur. L’enfant rejoue inconsciemment dans son sommeil les
situations vécues qui le perturbent ou lui posent des problèmes. De
plus, comme il est capable de se lever, il a aussi besoin de se repérer
dans son espace, ce qui lui est impossible s’il fait trop noir et cela
peut l’angoisser. C’est le bon moment pour une veilleuse. On peut la
choisir avec l’enfant et lui expliquer les bienfaits de cet objet, prévu
pour le rassurer. Mais il faut faire attention aux veilleuses qui
projettent des lumières ou des personnages qui bougent au plafond
ou sur les murs. Elles sont souvent très jolies mais peuvent aussi
créer des peurs. Il n’est pas évident quand on a 2 ou 3 ans de dormir
avec des mouvements au-dessus de sa tête ou de voir défiler des
animaux sur le mur de sa chambre ! Une petite lampe toute simple
donnant à la chambre une faible luminosité de type pénombre est
tout aussi efficace et moins angoissante. Il faut aussi prévoir que
l’enfant puisse l’éteindre seul s’il juge qu’il n’en a pas besoin. Agir sur
son environnement rassure l’enfant et représente pour lui une forme
d’autonomie. S’il a le choix, il peut allumer ou éteindre et ce n’est
plus le fait de dormir avec ou sans la lumière qui lui convient mais
celui de pouvoir choisir entre les deux. Ce choix est son autonomie,
celle qui convient à son développement.
Le verre d’eau sur la table de nuit est aussi un élément rassurant
et évite à l’enfant de prétendre avoir soif pour se lever. Il sait que la
soif est un argument contre lequel ses parents ne peuvent pas
opposer de résistance ni se fâcher. Ainsi, en lui expliquant qu’on a
prévu qu’il puisse avoir soif la nuit et en plaçant un verre d’eau près
de son lit, on le rassure à ce sujet. On constate que très peu
d’enfants boivent réellement la nuit. Mais ce verre d’eau est un
repère important pour l’enfant. Il peut aussi décider qu’il n’en a pas
besoin. Comme pour la veilleuse, il fait valoir ici aussi son choix et
donc son autonomie.
Le doudou, et l’ensemble de ses animaux en peluche ou objets de
compagnie nocturne sont placés là où l’enfant le souhaite dans son
lit : le long du mur, au pied du lit, à la tête… Comme ils ne
représentent plus un danger de mort inattendue du nourrisson, ils
sont les bienvenus. Les enfants leur attribuent souvent des vertus
apaisantes, réconfortantes ou carrément des pouvoirs de magie
protectrice. Un ours est capable de lutter contre les fantômes
malveillants, un bâton magique fait reculer les monstres. Certes il
n’y a ni monstres ni fantômes dans sa chambre, et il convient de le
lui rappeler, mais s’il tient à ces objets, il n’y a pas de raison de les lui
enlever, car ils constituent un rempart face à ses peurs qui, elles, sont
bien réelles. Il existe aussi des livres qui parlent de la présence de
monstres sous le lit ou de peurs nocturnes. Ils peuvent aider les
jeunes enfants à exprimer ce qui les inquiète.
Quant à la tétine, les orthodontistes recommandent de ne pas la
conserver au-delà des 3 ans de l’enfant afin de limiter les dégâts liés
à la poussée de succion sur les dents. À cet âge, l’enfant possède le
langage et peut exprimer ce qu’il ressent. Il comprend aussi qu’il doit
se séparer de cet objet et il est possible d’organiser un cérémonial
pour confier cette tétine à d’autres bébés, à un arbre à tétines ou
tout autre endroit ou toute autre personne désignés par l’enfant. Il
n’est pas question de la confisquer mais d’inciter l’enfant à s’en
séparer. Il est encore moins question de la jeter à la poubelle comme
un vulgaire déchet, car elle est un objet d’attachement. Il vaut mieux
lui donner une autre vie positive à laquelle l’enfant peut penser et
dont il peut se sentir fier.

Cauchemars, terreurs nocturnes


et somnambulisme
Ce que l’enfant vit le jour a un impact important sur son
sommeil. Par exemple, une stimulation diurne trop importante
entraîne des difficultés d’endormissement ou provoque des réveils
nocturnes sans que l’enfant arrive à se rendormir. Vers l’âge de 2 ans
débute une phase du développement au cours de laquelle l’enfant,
connaissant son environnement, se le représente de plus en plus en
entrant dans le langage. Parallèlement, il comprend mieux ses
émotions, d’où elles proviennent et ce qui les motive. Les peurs, qu’il
n’arrive pas à contrôler, peuvent avoir de réelles répercussions sur
l’enfant. Il commence ainsi à craindre certaines choses et certains
phénomènes précis. Le noir, le loup, les monstres entrent dans sa vie
par les lectures qui lui sont faites et les histoires qui lui sont
racontées. Certains enfants sensibles rêvent alors de monstres qui
viennent les chercher ou de loups qui les dévorent. Ces derniers
interviennent la nuit, quand il fait noir, c’est bien connu. L’obscurité
est peuplée d’un monde effrayant dont ils ne savent pas encore qu’il
ne peut être qu’imaginaire. Avant 4 ou 5 ans, l’enfant n’a pas la
maturité cérébrale pour raisonner cette peur, pour la relativiser 1.
Quand elle survient, elle le submerge, il n’a pas les moyens
psychiques d’y faire face complètement et, même lorsqu’il est
rassuré par ses parents, elle a fait une trace dans son cerveau et peut
revenir les nuits suivantes dans ses cauchemars, comme une sorte de
« stress post-traumatique ». Il est conseillé de faire attention aux
lectures des jeunes enfants et de favoriser celles présentant des loups
gentils et des monstres sympathiques et non l’inverse et, bien
entendu, d’éviter qu’il ne regarde des images impressionnantes sur
les écrans. Attention, une image peut être impressionnante pour un
jeune enfant sans que l’adulte le mesure. Par exemple, un très jeune
enfant peut être extrêmement touché lorsque Bambi perd sa maman
tuée par les chasseurs et que le grand cerf lui annonce : « Ta mère ne
pourra plus jamais être près de toi ». Cela constitue une situation
d’horreur pour les enfants et particulièrement pour les plus jeunes
qui, ne vivant que l’instant présent, ne peuvent encore élaborer une
suite favorable.
D’autres facteurs de stress peuvent avoir des répercussions sur le
sommeil de l’enfant, comme des modifications de son
environnement liées à un déménagement, à une séparation ou
encore à un changement de mode d’accueil, l’entrée à l’école ou
l’arrivée d’un « autre » bébé à la maison ! Autant de situations qui
peuvent l’amener à se sentir mal et à cauchemarder la nuit. Pour que
l’enfant arrive à dépasser ces cauchemars, ils doivent être reconnus
par les parents comme des vécus de peur et non banalisés. Il est
essentiel de venir le consoler, le rassurer. Plus qu’un « ce n’est pas
grave, il n’y a pas de monstre », il vaut mieux lui présenter un « tu as
eu peur, de quel montre as-tu eu peur ? » La peur comme la colère
sont des émotions qui doivent être reconnues et acceptées des
adultes si nous voulons aider les enfants. Les nier ou les banaliser ne
fait que bloquer l’enfant sur ses émotions sans lui permettre de les
dépasser. Lui redonner son doudou lui permet aussi de retrouver son
calme et de se rendormir. Par contre, l’emmener dans le lit parental
pour le consoler et l’endormir ainsi lui donne le signal qu’il a des
bénéfices secondaires importants lorsqu’il fait un cauchemar,
puisqu’il peut alors avoir ses parents pour lui. Il est important
qu’après avoir été consolé, après avoir peut-être raconté son
cauchemar, il termine sa nuit dans son propre lit. Par ailleurs, en
journée, lire des livres sur les peurs peut l’aider à mieux les
comprendre et à moins faire de cauchemars la nuit.
Plus intense qu’un cauchemar, la terreur nocturne se différencie
surtout par le fait que l’enfant ne se réveille pas vraiment. Il peut
être très agité, il peut même se lever et parfois parler, mais en réalité
il dort. Dans le somnambulisme, c’est identique, l’enfant vit son rêve
mais dans un sommeil au cours duquel il agit, ce qui est évidemment
contraire aux rêves en général qui se déroulent uniquement au
niveau psychique avec un corps immobile. Le lendemain, l’enfant n’a
aucun souvenir de ce qu’il a vécu. Dans un cas de somnambulisme
ou de terreur nocturne, il est conseillé de ne pas réveiller l’enfant,
mais de le protéger pour éviter qu’il ne se blesse. On peut lui parler
doucement et l’amener calmement vers son lit pour lui permettre de
se recoucher. En général, il se laisse faire et continue sa nuit. Mais si
ces épisodes sont fréquents, mieux vaut consulter un psychologue
afin d’aider l’enfant à dépasser certaines angoisses qu’il ne peut pas
exprimer et qui le hantent.

Questions de parents,
mais que se passe-t-il ?
Il appelle sans cesse pour des demandes différentes

Lorsque l’enfant n’a pas un signal clair de sommeil et n’a pas


réellement intégré l’organisation de son coucher avec un rituel qu’il
investit comme tel, il bouscule le cadre donné jusqu’à ce qu’il trouve
ce qui le rassure enfin. Il cherche par tous les moyens à contourner
ce cadre un peu flou ou branlant ou à le modifier à sa guise. Cela ne
veut pas dire qu’il cherche à embêter ses parents. Les jeunes enfants
n’ont pas de mauvaises intentions, ils ne sont ni méchants, ni
coquins, ni polissons, bref ce ne sont pas encore des « bandits » qui
chercheraient à manipuler le monde en leur faveur. Non, ils étudient
ce monde en cherchant de façon systématique ses régularités, que ce
soit dans leurs rapports avec les objets ou avec les êtres vivants,
particulièrement les humains. Dans ce cas précis, il y a deux
solutions. Soit le monde de l’enfant n’a pas de régularité, pas de
rituel clair, pas d’habitude de coucher suffisamment cadrée, et il va
en explorer les limites pour les rechercher lui-même. Soit c’est la
succession de demandes différentes qui constitue son véritable
rituel : encore un bisou, encore un câlin, encore un livre, encore à
boire, etc. Une fois les « encore » constatés et réalisés, il peut
s’endormir. Si les parents sont gênés par les appels de leur enfant, ils
peuvent convenir avec lui d’un seul et même rituel clair et précis, en
indiquant qu’ensuite ils ne reviendront plus et se fâcheront si
l’enfant se relève. L’enfant comprend alors où sont ses limites, ce que
ses parents font et veulent, et la manière dont ils se comportent. S’ils
agissent toujours de la même manière, le monde de l’enfant devient
compréhensible car cohérent. Cela le rassure et il peut s’endormir
sereinement après son rituel de coucher.

Il commence à jouer au moment de se coucher

Jusqu’à présent, l’enfant semblait attendre quelque chose ou


restait avec ses parents pour faire des câlins, et au moment où ils
annoncent qu’il va bientôt être l’heure de se coucher, il file dans sa
chambre et entame un jeu dans lequel il s’investit à fond. Le signal
est clair. Il n’a pas l’intention de se coucher et cela place ses parents
face à un dilemme : le laisser jouer (« il joue tellement bien et
semble heureux ! ») ou arrêter son jeu de manière abrupte pour le
coucher (« ce n’est plus le moment, il fallait jouer avant ! »). La
reproduction de ces situations agace les parents qui peuvent penser
que l’enfant le fait exprès, ce qui est vrai, pour les embêter, ce qui est
faux. Il le fait exprès, car il cherche non pas à retarder le coucher
mais à le contrôler. Le jeu constitue un espace transitionnel, un
espace potentiel 2 pour l’enfant qui se sépare de ses figures
d’attachement, car il doit aller dormir. Le jeu fait partie des
phénomènes de transition de l’enfant, dans lesquels la réalité n’est
plus une contrainte. De ce fait, l’enfant l’utilise comme moyen pour
fuir un temps le fait de devoir s’adapter à un autre environnement,
celui du sommeil. C’est un moyen important pour lui d’envisager la
suite des événements. Il est sans doute préférable de lui permettre
de l’utiliser. Dans ce cas, on peut annoncer le coucher plus tôt, le
laisser jouer un peu et engager le rituel du coucher après cette petite
phase de jeu, délimitée dans le temps par ses parents.

Il se relève la nuit pour venir dans le lit parental

Dans notre culture, nous dissocions le nid des parents et celui


des enfants. À chacun sa chambre et à chacun son lit. C’est
l’investissement de son propre nid, en tant que bébé, qui permet à
l’enfant de comprendre cette différence et de s’y habituer sans que
cela lui pose de problème. Les jeunes enfants qui ont appris à
dormir ainsi n’aiment d’ailleurs pas partager le lit des parents, ils ne
s’y trouvent pas aussi bien que dans leur propre nid. Cependant, la
croyance des parents que leur enfant ne peut pas dormir sans eux
l’empêche d’investir son propre nid, séparément de celui de ses
parents. Plus cet apprentissage est tardif, plus l’enfant aura du mal
car il a déjà « nidifié » quelque part. De ce fait, même s’il arrive à
s’endormir dans son lit, il préfère le lit parental.
Les parents ont souvent de grandes théories avant d’avoir leur
premier enfant. Ils pensent qu’ils feront tout pour permettre à leur
enfant de dormir dans son propre lit. Or, lorsque le bébé est là,
lorsqu’il pleure la nuit, lorsqu’ils sont fatigués car ils doivent se lever
pour travailler le lendemain, toutes leurs théories s’écroulent et ils
vont au plus efficace et au plus rapide : faire cesser les pleurs en
acceptant le bébé dans leur lit. C’est au contraire le moment où il
faut conserver son discernement et agir pour préserver les nuits
futures, en refusant la présence de l’enfant dans le lit des parents,
sauf si c’est un choix parental accepté et bien vécu par les deux
parents.

Il se relève pour jouer la nuit

Il n’est pas rare que des parents entendent en pleine nuit du bruit
dans la chambre de leur enfant qui s’est réveillé, s’est levé et joue !
Sa nouvelle autonomie en matière de sommeil, avec un lit duquel il
peut se lever, facilite ce type de situations. Il se réveille entre deux
cycles de sommeil et, au lieu de se rendormir rapidement, il se met à
jouer. Ses trains sont dissociés. Il est préférable de ne pas le laisser
jouer et de le recoucher doucement en lui expliquant que c’est
encore la nuit et qu’il faut dormir. Sinon, il risque d’inscrire dans son
rythme de sommeil une phase de jeu systématique entre deux cycles,
ce qui n’est bon ni pour l’organisation de son sommeil ni pour son
développement. Si cela perdure, il peut s’agir d’insomnies joyeuses,
troubles révélateurs d’autres difficultés de l’enfant dont il vaut mieux
parler à un spécialiste.

Il va dormir ailleurs que dans son lit

Les enfants recherchent le nid qui leur convient le mieux.


Parfois, il ne s’agit pas du lit qu’on a prévu pour eux, mais d’un
matelas dans la tente d’Indiens de sa chambre ou encore du petit lit
qui sert aux poupées. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir tant que
l’enfant dort, même s’il préfère dormir par terre, sur le tapis, et non
dans son lit. Cela signifie juste qu’il est plus sécurisé dans ces
espaces que dans son lit. On peut lui proposer de construire un lit
qui ressemble à une cabane, avec un matelas au sol et un ciel de lit
ou une sorte de baldaquin protecteur, un lit qui présente les
caractéristiques de sécurité qu’il aime retrouver, dans lequel il peut
se lover et duquel il peut sortir à sa guise, l’autonomie restant la
priorité pour que l’enfant accède à un bon sommeil, sans
l’intervention de ses parents.

Il tombe du lit

Les jeunes enfants bougent et peuvent avoir un peu de mal à


bien repérer les contours de leur lit. Il leur faut du temps. Il nous
arrive à nous aussi de nous sentir un peu perdus quand nous
changeons notre espace nocturne ou dormons dans une chambre
d’hôtel. Si l’enfant apprécie son lit par ailleurs, il ne faut sans doute
rien changer et placer un petit tapis du côté ouvert du lit, l’autre
côté étant calé contre le mur. Si on sent qu’il n’est pas sécurisé dans
son lit ou qu’il tombe trop souvent, on peut lui proposer un lit
cabane comme indiqué précédemment, cela évitera les chutes
puisque le matelas se trouve au sol. Même s’il glisse du matelas au
sol, il ne se fera pas mal et ne se réveillera peut-être même pas. S’il
n’est pas possible de revoir l’aménagement de sa chambre ou de
changer son lit, on peut tout simplement glisser une frite de piscine
ou un grand linge roulé sous son drap-housse, du côté ouvert. Cette
barrière moelleuse entravera le mouvement de l’enfant quand il
s’approchera du bord et le poussera en douceur à rester au milieu du
lit.

Il dort trop à la crèche et n’arrive pas à se coucher


le soir

Dans les crèches, les parents interpellent souvent les


professionnels pour leur signifier de ne pas laisser leur enfant dormir
trop longtemps à la sieste, car ils ne peuvent plus les coucher le soir.
C’est une réalité que ces professionnels ont du mal à accepter car,
leur travail consistant à répondre aux besoins de l’enfant, si celui-ci a
besoin de sommeil, ils doivent le laisser dormir. En effet, selon les
enfants, la donne n’est pas la même. Certains enfants vont
abandonner très vite la sieste et d’autres vont la conserver jusque
très tard. La sieste est un besoin d’autant plus important pour
certains enfants qu’ils ne dorment pas assez la nuit ou se couchent
tard, alors que, pour d’autres, elle n’entrave pas le coucher et n’est
qu’un apport supplémentaire. Par ailleurs, certains enfants fatigués
ont du mal à aller se coucher, alors qu’ils s’endorment facilement
quand ils ont fait une longue sieste et sont bien reposés. Pour
d’autres, c’est le contraire : ils refusent de se coucher ou n’ont pas du
tout sommeil après avoir fait trois ou quatre heures de sieste. On
entre alors dans un cercle vicieux : comme ces enfants doivent se
lever tôt le matin, ils sont fatigués et ont besoin d’une grande sieste !
Bref, on tourne en rond. Pour éviter cela, il faut engager une
discussion entre les parents et les professionnels pour regarder
ensemble le rythme de sommeil de l’enfant et adapter les
propositions. Le sommeil nocturne doit toujours être privilégié, car il
est le plus important pour le développement de l’enfant et la mise en
place de bonnes relations entre l’enfant et ses parents. Si réveiller
l’enfant de sa sieste favorise son sommeil nocturne, c’est ce qu’il
convient de faire. Une alliance des adultes autour de l’enfant est
toujours préférable à un conflit dans lequel il pourrait se sentir
écartelé, ce qui ne favorise pas son sommeil !

Et s’il veut la télévision pour dormir ?

Les écrans ne sont pas des éléments favorisant le sommeil (ni le


repas d’ailleurs). Ils clivent la relation de l’enfant au sommeil, les
images qui l’entraînent occultent les signes de son endormissement
et entravent par conséquent son apprentissage du sommeil. Même si
cela semble « fonctionner » ponctuellement, car l’enfant accepte de
se mettre au lit avec son appareil, il n’aura pas appris à dormir et
deviendra dépendant de l’écran, ce qui est nocif pour le
développement de son cerveau et sa perception de lui-même et du
monde extérieur.

Et si l’un de ses parents rentre tard le soir ?

Le plus important est de laisser l’enfant se coucher et s’endormir


toujours à peu près à la même heure, sauf cas exceptionnels. Si son
parent rentre régulièrement trop tard le soir, il ne le verra que le
lendemain matin ou à un autre moment. Le rythme de sommeil de
l’enfant ne doit pas dépendre de l’activité de ses parents, car il a
besoin de régularité et d’une durée suffisante pour bien apprendre à
dormir, se reposer et se développer. Dans les relations avec les
parents, ce n’est pas la quantité qui compte mais la qualité. Un
parent peut voir peu son enfant et développer avec lui une relation
de grande qualité. Il est préférable de ne pas faire languir un enfant
en le faisant attendre le bisou du soir d’un de ses parents, mais de lui
dire que ce parent pense très fort à lui et qu’il sera heureux de le voir
bientôt.

Et s’il a perdu son doudou ?

Cela peut arriver ! Un enfant peut perdre son doudou dans la


journée, ce qui aura des répercussions sur son sommeil du soir. Mais
cela ne représente pas une catastrophe pour lui si ce n’en est pas une
pour ses parents ! En effet, si les parents sont angoissés par cette
situation, l’enfant le ressent et refuse de dormir. Il faut faire
confiance aux enfants. S’ils perdent leur doudou, ils en choisissent et
en investissent un autre, pas forcément ressemblant, ou adoptent
d’autres manières de se rassurer. L’enfant a des ressources
insoupçonnées qu’il met en place si ses parents le rassurent et lui
expliquent ce qui arrive. Son doudou est perdu et il a le droit d’être
triste, voire malheureux de cette situation. Pour autant, les parents
ne peuvent pas faire réapparaître le doudou perdu, mais ils peuvent
consoler l’enfant et lui proposer de choisir un autre doudou parmi
ceux de son environnement. Cette sérénité parentale permet à
l’enfant de dépasser cette perte et de gagner en confiance en lui.

L’histoire de Lili
Lili a 2 ans passés et n’a jamais vraiment bien dormi la nuit. La
majorité de ses nuits se sont terminées dans le lit de ses parents,
sans leur accord. Ils disent « non », mais ne la ramènent pas dans
son lit et finissent toujours par accepter la situation. La nuit, ils sont
fatigués et n’ont pas le courage de s’opposer à leur petite fille.
Maintenant, Lili ne veut plus aller se coucher. Ses parents la
trouvent en pleine phase d’opposition. Le « non » est son mot
préféré, prononcé avec force et vigueur. Lili a appris qu’en matière
de sommeil, ses parents sont assez vulnérables et elle ne sait pas
réellement quelles sont les limites. Le « non » des parents n’ayant
jamais été suivi d’effets, il ne correspond à rien pour Lili, alors qu’en
est-il de son « non » à elle ? Les soirées se poursuivent avec une Lili
présente, fatiguée, grognon, chouinant et pleurant et qui agace ses
parents. Ils lui demandent d’aller se coucher, tentent de
l’accompagner au lit, sans résultat. Comme par le passé, ils
renoncent et Lili finit par se coucher en même temps qu’eux, c’est-à-
dire bien trop tardivement pour son âge et ses besoins en sommeil.
Lili grandit et la perspective de la rentrée des classes fait réagir ses
parents. Comment Lili pourra-t-elle aller à l’école et apprendre s’ils
n’arrivent pas à la réveiller le matin et qu’elle est trop fatiguée ? Ils
décident alors de donner d’autres habitudes à leur fille et un
environnement qui correspond mieux à ses besoins de sommeil. Ils
préviennent Lili de ce changement et de leur volonté forte et
affirmée. Ils sont décidés à donner un cadre de sommeil à Lili. Elle
va se coucher chaque jour à la même heure après avoir passé du
temps avec l’un de ses parents. Elle peut choisir lequel et ce qu’ils
feront pendant ce moment à deux : lecture, histoire à écouter ou
petite revue de chansons. Suivra un rituel institué, toujours le même,
auquel Lili ne pourra déroger : elle ira se laver les dents, faire pipi,
aura son verre d’eau à côté d’elle si elle a soif, sa veilleuse si elle
souhaite avoir de la lumière ou la porte de sa chambre légèrement
ouverte sur la lumière du couloir, elle choisira avec lesquels de ses
animaux en peluche elle souhaite dormir, puis, après le dernier bisou
du soir, il ne sera plus question de se relever, ses parents ne
l’accepteront plus. Lili va évidemment vérifier leurs dires. S’ils sont
avérés, Lili sera en confiance avec cette nouvelle organisation et
s’endormira avec bonheur chaque soir, après ce moment partagé
avec l’un de ses parents et son rituel. Lili est prête pour aller à
l’école, car elle n’est plus fatiguée. Son cerveau pourra chaque soir
réorganiser et mémoriser ce qu’elle aura appris et passer aux
apprentissages suivants.

Le temps des histoires


Vers 2 ou 3 ans, c’est la période où les enfants se passionnent
pour les histoires. Ils ont compris leur sens, l’existence de
personnages vivant des aventures, le suspense, l’humour, les notions
de début et de chute. Ils mémorisent les histoires et peuvent les vivre
par épisodes, attendant chaque soir la suite. C’est un rituel très
important et particulièrement favorable au sommeil, à condition
évidemment de ne pas raconter d’histoire trop triste ou effrayante. Il
faut bien choisir l’histoire qu’on raconte le soir à un enfant. Le Petit
Prince, d’Antoine de Saint-Exupéry, est l’histoire la plus lue, le conte
pour enfants (et adultes) le plus raconté et le plus emblématique de
la petite enfance. Tout y est beau, questionnant et profond, à l’image
des jeunes enfants. Il ne faut pas s’en priver et on peut étaler la
lecture sur plusieurs soirées. On peut aussi raconter des contes ou
des fables, comme les classiques contes d’Andersen (Le Vilain Petit
Canard, La Petite Sirène ou La Reine des neiges) qui ont le mérite de
se terminer rapidement, instaurant de fait la ritualisation du temps
imparti à l’histoire avant le coucher. N’oublions pas qu’à cet âge les
goûts des enfants en matière d’histoires commencent à se définir.
Certains aiment les histoires de princes et de princesses tandis que
d’autres veulent des histoires avec des animaux ou des aventures
fantastiques.
Pour captiver les enfants, l’articulation et le rythme de diction
sont importants. Pour les plus jeunes, il convient de bien articuler les
mots, sans précipitation. Il faut prendre son temps et parler
lentement pour que l’enfant comprenne bien tout. Il faut aussi vivre
l’histoire et modifier son rythme et son intonation en fonction des
événements. Cette variation tient le spectateur en haleine, tout
comme les silences introduits aux moments critiques. Raconter une
histoire, c’est faire un petit spectacle dans lequel les émotions
passent par la voix et l’expression du visage du lecteur : la peur, la
joie ou la tristesse modifient le timbre et font vivre l’histoire. Une
grosse voix pour le papa ours, une voix moyenne pour maman ours
et une petite voix pour bébé ours permettent à l’enfant de mieux
comprendre l’histoire et de s’y intéresser davantage. Ses yeux
brillent, il sourit à chaque différence de tons et cette histoire
embellit sa soirée, lui permettant de s’endormir heureux. Il existe
également des versions enregistrées de ces histoires, racontées par
des comédiens. Elles sont intéressantes et peuvent alterner avec
celles racontées par les parents. Ensuite, parents et enfant peuvent
discuter de ce qui s’est passé dans l’histoire, de ce que l’enfant en
pense et de la manière dont il ressent les choses. La fin lui a-t-elle
plu ou aurait-il préféré que cela se termine autrement ? Le
personnage était-il intéressant et pourquoi ? Ces premiers débats
éveillent l’esprit critique de l’enfant et le plongent dans le plaisir de
la littérature. Finalement, le coucher est un moment fort des
apprentissages, d’autant plus que le cerveau va réorganiser et
mémoriser l’ensemble, pendant le sommeil de l’enfant…

1. GUEGUEN Catherine, Vivre heureux avec son enfant, un nouveau regard sur l’éducation
au quotidien grâce aux neurosciences affectives, Paris, Robert Laffont, 2015.
2. WINNICOTT Donald Woods, Jeu et réalité, l’espace potentiel (traduit par C. Monod et
J.-B. Pontalis), Paris, Gallimard, 1975.
4

Le sommeil du jeune enfant

La fin de la période du bébé


À quel moment le bébé n’est plus un bébé ? Souvent, lorsqu’on
pose cette question à des parents ou même à des professionnels de
la petite enfance, les réponses sont diverses. Certains considèrent
que le petit n’est un bébé que la première année de sa vie. Il est
pourtant difficile de se dire qu’un enfant de 14 mois qui ne marche
peut-être pas encore, se promène à quatre pattes, est nourri dans sa
chaise haute et prend encore des biberons matin et soir n’est plus un
bébé ! Pour d’autres, la période du bébé va jusqu’à la marche. Là
encore, ce critère semble restrictif. Le petit marcheur porte des
couches, ne mange pas encore vraiment seul même s’il fait des essais
avec sa cuillère, il ne s’habille et ne se déshabille pas seul et sa
toilette, comme bien d’autres soins, est assurée par ses parents ou
d’autres adultes. Il est encore bel et bien un bébé ! Alors, quel serait
le critère qui nous permettrait de dire que le bébé laisse la place au
petit enfant ? Sans doute un ensemble de critères dont les plus
importants seraient d’une part l’utilisation du langage complet avec
des phrases construites reflétant sa pensée et ses questionnements,
et d’autre part la fin de l’emploi des couches, jour et nuit, c’est-à-dire
la mise en place d’un contrôle de l’ensemble de son corps avec
l’acceptation des codes sociaux d’utilisation des toilettes. Les
neuroscientifiques confirment assez cette hypothèse dans la
description du fonctionnement du cerveau des jeunes enfants. Avant
l’acquisition du langage, le cerveau du bébé fait des millions de
connexions synaptiques dans tous les sens, tel un oursin plein de
pics. Il semble creuser les routes de l’influx nerveux entre les
différents neurones, mais les chemins sont trop nombreux et
désordonnés. Après l’acquisition du langage, le cerveau fait moins de
connexions synaptiques mais s’emploie à ranger les chemins et à
élaguer les routes qui ne présentent pas d’intérêt ou ne sont pas
utilisées. La découverte du monde dans la période du bébé laisse
place à l’organisation du monde dans celle du petit enfant.

Les nuits sans couche


Plusieurs étapes restent à franchir en ce qui concerne son
sommeil, mais elles sont bien moindres que celles qu’il vient de
vivre. En effet, le sommeil de l’enfant qui parle et dort sans couche
est un sommeil déjà appris, bien organisé et parfaitement régulier.
Ne plus mettre de couche la nuit est donc un facteur de
déstabilisation que les parents peuvent vouloir différer pour ne pas
perturber leur enfant et leurs propres nuits… Or, c’est au moment
où l’enfant acquiert le contrôle de ses sphincters le jour qu’il le fait
aussi assez facilement la nuit. Ne plus porter de couche est aussi un
apprentissage, et lorsque l’enfant devient vigilant à cet apprentissage
le jour, il conserve cette vigilance la nuit et peut apprendre à se
contrôler aussi sur cette période, même si c’est un peu plus difficile
quand il dort profondément.
La nuit, l’enfant dort maintenant une douzaine d’heures d’affilée.
Couché vers 20 heures, il se réveille vers 8 heures. Ses cycles de
sommeil durent 90 minutes, comme ceux des adultes, avec un temps
plus long de sommeil paradoxal, correspondant au temps des rêves.
La sieste disparaît pour certains enfants, alors que d’autres en ont
encore besoin. Dans le cas le plus général, lorsque l’enfant ne boit
plus de biberon et ne boit pas trop d’eau le soir, mange normalement
et va aux toilettes avant de se coucher, il est possible que sa couche
soit sèche le lendemain matin. Tant que la couche est lourde d’urine,
il est impossible de demander à l’enfant de l’enlever. Mais dès qu’elle
semble peu humide ou carrément sèche le matin, c’est le moment de
proposer à l’enfant de ne plus mettre de couche la nuit. En général,
ils apprécient car ils sont moins serrés, plus libres et plus à l’aise sans
couche, ce qu’ils expérimentent déjà le jour.
Il est probable que des accidents se produisent. En effet, il faut
que l’enfant endormi perçoive le signal de sa vessie pleine pour
pouvoir contrôler ses sphincters et aller aux toilettes ou sur le pot.
Or, peu d’enfants arrivent à se réveiller et à se lever la nuit pour faire
pipi. De ce fait, soit leur vessie n’est pas pleine et ils peuvent
attendre le matin, soit ils font pipi au lit car ils se réveillent
seulement au moment où ils urinent. Il est ainsi plus raisonnable de
miser sur une vessie peu pleine en réduisant les boissons du soir. La
compensation en eau dans la journée permet d’atteindre
l’hydratation nécessaire. Si les aliments du soir sont peu salés et peu
sucrés, l’enfant n’a généralement pas soif. Petit à petit, sa vessie
grandit avec lui et sa capacité de stockage d’urines est plus
importante.
Malgré tout, pour les plus téméraires, c’est le moment de laisser
la lumière du couloir allumée afin qu’ils trouvent seuls les toilettes en
cas de besoin ou de mettre un pot à disposition dans la chambre si le
chemin jusqu’aux toilettes est trop périlleux ou trop long. Il faut
aussi penser à l’habiller avec un pyjama dont la culotte est facile à
baisser. Fini le temps des babygros et des gigoteuses, l’enfant doit
pouvoir se mouvoir très rapidement et facilement. On peut aussi
laisser un autre pyjama à portée de main pour qu’il sache le trouver
en cas de petit accident. S’il mouille le premier, le second sera d’un
bon secours. Un petit matelas au sol lui permettra aussi de se
recoucher au sec sans avoir à réveiller ses parents pour changer les
draps du lit. Il est rare que l’enfant fasse deux fois pipi au lit dans la
même nuit. C’est aussi le temps des alèses et autres protections
imperméables de matelas.
Il n’est pas nécessaire de réveiller l’enfant en pleine nuit pour
qu’il fasse pipi. Non seulement cela perturbe son sommeil et crée du
stress, mais en plus il n’apprend pas à se contrôler, se reposant
entièrement sur ses parents. Si l’enfant a trop d’accidents nocturnes
et n’a encore jamais été capable de se contrôler la nuit, c’est que
c’est trop tôt pour lui. Un conflit entre l’enfant et les parents à ce
sujet est parfaitement inutile. L’enfant ne fait pas exprès d’uriner la
nuit ou de ne pas arriver à se contrôler. Il faut lui permettre de gérer
seul ce qui lui arrive, sans dispute et sans reproche. Il peut aussi
défaire ses draps le matin et les porter dans le lave-linge. Cela lui
permet de bien comprendre les conséquences liées à l’absence de
couche, sans pour autant l’humilier et en lui exprimant au contraire
notre confiance en lui pour arriver à contrôler de mieux en mieux la
situation et ne plus avoir à changer ses draps. Encore une fois, il
s’agit d’un apprentissage dans lequel l’enfant et les parents sont
parties prenantes, le premier parce que cela le concerne, les seconds
parce qu’il est de leur devoir de parents d’accompagner au mieux
leur enfant.
Les nuits sans tétine ou sans pouce
Longtemps décriée, voire interdite car accusée de bien des maux,
avant d’être acceptée et aujourd’hui reconnue comme favorisant
l’apaisement des bébés et comme moyen de lutte contre la mort
inattendue du nourrisson, la tétine ou sucette, voire « tototte », est
largement utilisée par les parents et appréciée par les plus petits.
Pourtant l’enfant qui grandit va devoir s’en séparer pour limiter les
dégâts qu’elle provoque sur les dents. En effet, cet objet
« pacificateur », comme le nomment les Anglais, ne peut plus être
investi de la même façon une fois que l’enfant n’est plus un bébé. Il
utilise sa bouche pour parler et surtout il peut s’endormir sans avoir
besoin de téter. De plus, pour protéger les bourgeons et les
emplacements de ses futures dents définitives, il ne doit plus pousser
avec sa langue dans un mouvement de succion. La tétine, qui
jusqu’ici lui avait rendu de bien grands services, devient un objet
néfaste. Il est temps de s’en séparer. Cela doit se faire avec l’accord
de l’enfant, non sur le fait de s’en séparer puisque cette décision est
prise par les parents, mais sur la manière. Comment souhaite-t-il
procéder ? Veut-il une petite cérémonie de dépôt de la tétine dans
un endroit spécifique ou souhaite-t-il la remettre à quelqu’un de réel
ou à un personnage que l’on ne voit jamais mais dont on entend
beaucoup parler, comme le Père Noël ? S’il a le choix de
l’organisation de cette séparation, l’enfant va accepter et cela
constitue une étape dont il peut être très fier, tout comme ses
parents. Même si les tout premiers endormissements sans la tétine
sont un peu plus difficiles, cela se règle très vite, bien plus vite que
ce que les parents imaginent en général.
Quand l’enfant suce son pouce, c’est plus difficile car on ne peut
évidemment pas le supprimer. Il faut souvent attendre que l’enfant
ait atteint ce que nous nommons « l’âge de raison », vers 6 ou 7 ans,
pour qu’il comprenne les enjeux et la demande, justifiée par le
dentiste, d’arrêter de sucer son pouce. Les explications peuvent
d’ailleurs lui être données par le praticien qui, en tant qu’intervenant
extérieur investi du savoir et de la sagesse, peut trouver les mots et
l’autorité nécessaires pour convaincre l’enfant. Ensuite, c’est à lui de
se contrôler la nuit pour ne pas remettre son pouce dans la bouche.
Quant au doudou, il peut être conservé pendant quelques années
encore car il ne présente aucun danger. Les enfants commencent à
le cacher lorsqu’ils sont prêts à sortir de l’enfance et à entrer dans
l’adolescence, mus par la honte et le regard de leurs amis. Puis ils le
laissent définitivement tomber à l’adolescence pour ne conserver que
son souvenir. Parfois, les parents gardent un petit reliquat de
doudou avec d’autres trophées de leur bébé, comme sa première
mèche de cheveux.

Les nuits sans ronflements


Les jeunes enfants ronflent fréquemment. Lorsqu’ils dorment,
l’air respiré passe par le nez puis le pharynx, le larynx et la trachée
avant d’arriver dans les poumons où se font les échanges gazeux.
Lorsqu’il y a un obstacle sur le cheminement de l’air dans ses voies
aériennes supérieures, cela produit une vibration de la colonne d’air
et le bruit du ronflement. Chez les jeunes enfants, les obstacles sont
fréquents. Ils peuvent être enrhumés, avoir des pharyngites, des
laryngites et surtout avoir de grosses amygdales qui génèrent les
angines et de grosses végétations qui favorisent les otites. Lorsque
ces ronflements sont transitoires et liés à une pathologie, c’est sans
conséquence, mais certains enfants ronflent chaque nuit sans aucun
lien avec un problème spécifique ou visible. Dans ce cas, leur
sommeil peut être perturbé et ils doivent faire plus d’efforts
respiratoires, ce qui les fatigue. Cette fatigue chronique peut les
rendre grognons et engendrer des difficultés de concentration à
l’école ainsi qu’un ralentissement de leur croissance. Il faut alors
consulter un médecin spécialiste ORL afin qu’il détermine le
problème et puisse le résoudre.

Questions de parents,
mais que se passe-t-il ?
Il veut continuer à faire la sieste

Des chercheurs ont montré l’effet positif de la sieste en


maternelle 1. D’après eux, une sieste, même de courte durée, en
début d’après-midi améliore les apprentissages de la matinée et
favorise leur consolidation. Mais cette sieste doit avoir lieu dans les
heures qui suivent les apprentissages du matin et ce bénéfice ne se
retrouve que chez les enfants ayant l’habitude de faire la sieste.
Ceux qui n’en éprouvent pas le besoin ne gagnent rien à se forcer à
dormir. Ainsi, il est important de respecter le rythme de chaque
enfant en laissant à ceux qui le souhaitent la possibilité de faire la
sieste, y compris à l’école.

Il ne veut pas dormir hors de chez lui

Certains enfants n’aiment pas quitter leur nid et ont du mal à


dormir ailleurs que dans leur lit. C’est vrai aussi pour des adultes qui
ne sont pas à l’aise lorsqu’ils doivent passer des nuits en dehors de
chez eux. Tous les enfants sont différents et ceux qui n’apprécient
pas l’aventure du sommeil dans d’autres lieux ont besoin d’être
rassurés pour l’accepter. Le doudou, la présence parentale
exceptionnelle, des plaisirs de compensation, comme avoir le droit
de regarder des dessins animés avant de se coucher, vont l’aider à
trouver des consolations dans son inquiétude éventuelle et à avoir
une balance plaisir/déplaisir plus équilibrée.

Il fait beaucoup de cauchemars

Chez le jeune enfant, les cauchemars peuvent commencer vers


l’âge de 2 ans et devenir de plus en plus fréquents avant de se calmer
entre 6 et 12 ans, une période de développement plus calme avant la
tempête adolescente. Ces cauchemars arrivent souvent en dernière
partie de nuit, pendant le sommeil paradoxal qui est la phase des
rêves. Lors d’un cauchemar, l’enfant peut se réveiller en larmes et
angoissé. Les cauchemars ne sont pas graves et font partie du
développement normal de l’enfant. Mais lorsqu’ils sont récurrents et
envahissants, il peut être nécessaire d’en rechercher les causes afin
de soulager l’enfant. Celles-ci sont difficiles à identifier car elles
peuvent être nombreuses. Ce peut être dû à une peur ou un stress
éprouvé pendant la journée ou après un événement spécifique, ou
encore à des difficultés d’apprentissage qui le perturbent. Ce peut
aussi être lié à des conflits intérieurs qu’il ressent et ne sait pas
encore exprimer autrement. Devant tout cauchemar fréquent, il faut
vérifier ce que l’enfant écoute ou regarde à la télévision ou sur les
autres écrans. Par exemple, le soir au moment du repas, la télévision
diffuse des informations souvent difficiles qui peuvent passer
inaperçues pour un adulte mais marquer le jeune enfant au point de
le faire cauchemarder la nuit.
Lorsque l’enfant fait un cauchemar, il est important de le rassurer
car son angoisse est réelle. S’il raconte son cauchemar, on peut le
transformer en lui donnant une suite heureuse ou agréable, en
accord avec l’enfant. Cela lui offre la possibilité de penser que,
même après un moment difficile, tout se termine bien. En
retrouvant ainsi son calme, son doudou et de bonnes pensées, il peut
se rendormir grâce à des parents compréhensifs qui ne nient pas sa
peur et ne se moquent pas de lui. Non, il n’est pas encore grand,
oui, il a le droit d’avoir peur et ses parents sont là pour l’aider. Si
l’enfant parle à nouveau de son cauchemar dans la journée ou a peur
de le refaire le soir, on peut lui demander de le dessiner et on peut
trouver ensemble une fin heureuse qui le rassure. Mais lorsque les
cauchemars sont trop fréquents et ont des répercussions sur la
qualité du sommeil de l’enfant, il est préférable de consulter un
psychologue.

Il recommence à faire pipi au lit

Lorsqu’un enfant a été propre la nuit pendant assez longtemps et


qu’il recommence à faire pipi au lit, cela signifie toujours que
quelque chose ne va pas pour lui. Ce n’est pas forcément une chose
grave, mais c’est à prendre en considération car c’est le signe d’une
perturbation. Le stress de devoir dormir ailleurs que chez lui ou de
devoir affronter de nouvelles conditions de vie peut déclencher ces
nouveaux pipis au lit. Ce peut être passager, car lorsque l’enfant
retrouve son lit et/ou accepte ces nouveautés, tout rentre dans
l’ordre. Mais il existe aussi des pathologies qui entraînent des
énurésies nocturnes. Que la cause soit physiologique ou
psychologique, il est important de consulter un médecin quand
l’enfant recommence à faire pipi au lit fréquemment après avoir été
propre, sans cause apparente ou connue. La naissance d’un petit
frère ou d’une petite sœur est par exemple une cause connue de
reprise des pipis au lit. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire de
consulter, mais il faut rassurer l’enfant sur sa place dans la famille et
l’amour qu’on lui porte.
Il parle en dormant

Cela s’appelle la somniloquie. Un joli mot pour désigner ce que


font de nombreux jeunes enfants : parler pendant leur sommeil. Ils
sont en effet presque la moitié à parler en dormant et c’est un
phénomène sans conséquence ni danger. Les études ont montré que
les enfants parlent au moment où ils bougent ou vivent des
émotions. Parfois, les mots sont incompréhensibles alors qu’à
d’autres moments ils racontent leurs rêves ou entrent réellement en
conversation avec le parent présent, mais pour quelques mots
seulement. L’enfant continue de dormir et il ne faut pas le réveiller.
Il n’y a rien à faire d’autre que de constater ce phénomène qui,
comme toute situation normale, ne requiert aucune intervention.

Il grince des dents dans son sommeil

Un autre phénomène nocturne porte un joli nom : le bruxisme. Il


s’agit du grincement des dents. L’enfant contracte sa mâchoire, ce
qui a pour effet de faire glisser les dents du bas sur celles du haut
provoquant un affreux bruit de grincement ou de frottement. Cela
n’a pas d’effet sur le sommeil de l’enfant qui continue sa nuit. Mais
cela peut avoir des conséquences sur les dents qui s’usent lorsque ce
bruxisme est intense et se reproduit chaque nuit. L’enfant peut
également avoir des douleurs à la mâchoire et même des maux de
tête à force de serrer les dents. Ce bruxisme est la traduction d’un
stress à explorer afin d’aider l’enfant à mieux le gérer, même s’il ne se
plaint de rien. Entre-temps, il faut protéger les dents de l’enfant avec
un appareil buccal prescrit par le dentiste.

Il n’arrive pas à se réveiller le matin


Les jeunes enfants qui ont des réveils difficiles sont des enfants
qui n’ont pas assez dormi. Il faut revoir l’heure du coucher et les
conditions de l’endormissement du soir afin de le faciliter. Si l’enfant
est couché de bonne heure et qu’il ne s’endort pas, il risque d’avoir
du mal à se réveiller le matin. Comme les adultes, certains enfants
sont du soir et d’autres du matin. Or, l’organisation de vie des
familles ne permet pas toujours de respecter le rythme de chacun,
encore moins celui des enfants. Pour l’aider à dormir le soir, il faut
éliminer toutes les activités stimulantes et particulièrement l’accès
aux écrans. On peut avoir le sentiment que puisque les enfants sont
calmes devant les écrans, cela leur est bénéfique. Mais, face aux
écrans, le corps est calme et le cerveau excité. Or, c’est ce dernier
qui donne au corps l’ordre de dormir. Avant l’endormissement, on
doit proposer à l’enfant la lecture, les histoires ou une discussion
apaisée avec les parents, ceci à une heure raisonnable entre 19 h 30
et 20 heures. S’il a des difficultés à s’endormir, on peut lui proposer
de penser à une histoire qu’il connaît et qu’il aime bien : il peut se la
remémorer ou la poursuivre en inventant une suite dans sa tête.
C’est une variante plus intéressante et plus constructive que le
fameux comptage de moutons !

L’histoire d’Emma
Emma est une petite fille très vive âgée de 3 ans. Elle va à l’école
avec bonheur, adore tout ce que la maîtresse raconte et se plonge
avec délectation dans des histoires et des jeux d’imagination avec ses
amies, souvent invitées à la maison. Elle a toujours très bien dormi
et ses parents ne se souviennent même plus à quel moment elle a
fait ses nuits. Ils ont l’impression qu’elle n’a pas été souvent réveillée
la nuit, même lorsqu’elle était malade. Aussi, ils sont surpris par les
nombreux cauchemars qu’Emma fait depuis quelque temps. Chaque
nuit, elle se réveille en pleurs et appelle ses parents. Elle dit qu’elle a
peur, mais ils n’arrivent pas bien à comprendre de quoi. Elle se
calme assez vite grâce aux câlins de ses parents. Le matin, elle sait
qu’elle a fait un cauchemar, mais elle ne se souvient pas bien de quoi
il s’agissait : elle dit juste qu’elle a eu peur. En ce moment, Emma
fait des dessins de poissons. Ses parents lui demandent qui sont ces
poissons et Emma parle de Nemo, ce petit poisson-clown du dessin
animé Le Monde de Nemo. Celui-ci a un début de vie difficile car sa
maman et l’ensemble de ses frères et sœurs sont morts après
l’attaque d’un plus gros poisson. De plus, il est handicapé et son
papa est très inquiet pour lui. Nemo va à l’école pour la première
fois mais s’éloigne un temps du groupe et se fait alors pêcher par un
plongeur… Emma dessine ce qui lui fait peur : ne plus avoir de
maman, être enlevée et devoir aussi quitter son papa. Les jeunes
enfants vivent des phases d’angoisse de séparation d’avec leurs
parents. Ses parents proposent alors à Emma de regarder de
nouveau ce dessin animé, mais avec eux cette fois. Elle est ravie car
elle adore Le Monde de Nemo, même si on comprend que son esprit
est accaparé par cette épreuve de la séparation. En regardant ce film
avec elle, les parents d’Emma peuvent lui donner les explications
nécessaires. Ils peuvent s’arrêter sur les moments difficiles et en
parler ensemble : c’est vrai que c’est un malheur pour Nemo de ne
plus avoir de maman et d’être enlevé à son papa, c’est triste et ça fait
peur, même si l’histoire se termine bien. En expliquant mieux
l’histoire, en en parlant avec leur petite fille et surtout en partageant
avec elle ses émotions, les parents mettent des protections là où c’est
nécessaire pour elle et lui permettent de passer à côté du danger.
Emma peut dormir sans faire de cauchemar.
Le temps des fables et des histoires
à dormir debout !
Le marchand de sable

On connaît le marchand de sable du dessin animé Bonne nuit les


petits qui, depuis son nuage, dit au revoir aux enfants Nicolas et
Pimprenelle ainsi qu’à Nounours en jetant du sable magique pour
signifier l’heure du coucher. Mais cette histoire de marchand de
sable est née bien avant les années 1960, date du début de diffusion
de Bonne nuit les petits à la télévision. Ce marchand de sable était au
Moyen Âge un vendeur qui fournissait du sable aux aubergistes afin
qu’ils en recouvrent le sol de leur auberge pour le rendre moins
glissant. Antoine Furetière, un romancier du XVIIe siècle, aurait pour
la première fois mentionné l’histoire d’un petit homme lançant du
sable dans les yeux des enfants pour les faire dormir. C’est ainsi que
l’expression « avoir du sable dans les yeux » s’installe doucement
pour signifier avoir les yeux qui piquent et avoir sommeil. Cela
deviendra par la suite « le marchand de sable va passer » pour dire
aux enfants qu’il est l’heure d’aller se coucher. Cette image
bienveillante du marchand de sable est en accord avec le ressenti des
enfants quand leurs yeux piquent et qu’ils sont fatigués. Les enfants
comprennent la situation et ne se posent pas de question sur l’aspect
fantastique du marchand de sable, pas plus que sur le fait de ne
jamais le voir. C’est un peu comme le Père Noël qui passe la nuit
lorsqu’ils sont endormis et la petite souris qui vient prendre les dents
de lait contre une pièce ou un bonbon. Cela peut faire un peu peur,
mais ce sont des contes que les jeunes enfants aiment entendre et
avec lesquels ils jouent… Mais ils n’aimeraient pas rencontrer ces
personnages, c’est normal puisqu’ils n’existent pas. Ainsi, leur en
parler en disant « on raconte que… » suffit à contenter un enfant de
3 ou 4 ans et, avantage non négligeable, ceci n’est pas un
mensonge !

Le croquemitaine

Si le marchand de sable est un personnage sympathique, il n’en


est pas de même du croquemitaine. Ce dernier est maléfique et on
le présente aux enfants dans le but de leur faire peur, ce qui n’est
jamais une bonne idée lorsqu’on souhaite qu’ils dorment bien et ne
fassent pas trop de cauchemars. Le croquemitaine sort la nuit, c’est
un être effrayant qui noie les enfants, leur mange le nez ou les
doigts, d’où certainement le mot de « croque-mitaine ». Il a aussi été
utilisé pour inciter les jeunes enfants à arrêter de sucer leur pouce.
On leur faisait croire que le croquemitaine viendrait le leur manger
s’il les surprenait ! Ce démon nocturne pouvait s’introduire dans la
maison en passant par la cheminée, ce grand trou noir angoissant.
Bref, ce personnage est effrayant, il coupe des doigts, provoque des
noyades et emporte les enfants qui ne veulent pas obéir ou dormir !
Une histoire à oublier si on veut aider les enfants à dormir. C’est
peut-être pour rassurer ces derniers qu’on fait descendre par la
cheminée une fois par an un être bienfaisant pour récompenser les
enfants sages, le saint Nicolas devenu chez nous le fameux Père
Noël. On peut noter que le sommeil des enfants est toujours une
condition soit pour éviter, soit pour permettre la venue de ces figures
de la nuit et que le comportement des enfants conditionne les
événements, ce qui pose tout de même le problème de la méthode
éducative et de ses conséquences.

Morphée
Morphée est le dieu des rêves dans la mythologie grecque. Il est
le fils du dieu du sommeil Hypnos et de la déesse de la nuit Nyx. Il
peut prendre une apparence humaine et sa vocation est d’endormir
les mortels et de les emmener au pays des rêves, d’où l’expression :
« être dans les bras de Morphée » qui signifie dormir profondément.
On peut raconter cette histoire aux jeunes enfants, souvent fascinés
par la mythologie. Viendra ensuite le temps d’explorer les peintures,
les sculptures et autres œuvres représentant ce dieu qui, associé au
monde des songes, a largement nourri l’imaginaire des artistes. Les
jeunes enfants, sans filtres, sont très sensibles à l’art et à la beauté
qui les touchent directement au niveau émotionnel. Comment leur
permettre de saisir ce que sont les rêves, alors que la science ne
l’explique pas encore très bien ? Par des représentations artistiques,
celles qui ont depuis des siècles permis aux hommes de dépasser
leurs incompréhensions et leurs angoisses.

Le Bonhomme Sept Heures

Le Bonhomme Sept Heures est un personnage légendaire


québécois antipathique et effrayant à l’image du croquemitaine.
C’est un être mystérieux qui kidnappe les jeunes enfants qui ne
seraient pas rentrés chez eux avant sept heures du soir et qui par
conséquent ne se coucheraient pas suffisamment tôt. On leur
raconte que le Bonhomme Sept Heures va venir les chercher dans
leur chambre, les emporter dans un grand sac et les emmener dans
un endroit mystérieux. Cette légende serait née des allumeurs de
lampes à gaz qui circulaient dans les villes à la nuit tombante. Les
enfants devaient absolument être rentrés à la maison le soir avant
leur passage. Cette fable cruelle rejoint une peur ancestrale des
jeunes enfants, celle d’être séparés de leurs parents ou d’être enlevés
à eux. La maison représentant un lieu refuge, le fait de croire qu’ils
pourraient être enlevés dans leur chambre s’ils ne dorment pas à
l’heure est tout à fait terrorisant. On pourrait abandonner certaines
légendes car on sait aujourd’hui que les situations de stress et
d’angoisse sidèrent les jeunes enfants au point de les empêcher de
dormir, mais aussi de penser et d’apprendre aisément.

1. Étude américaine Sleep spindles in midday naps enhance learning in preschool children,
KURZIEL, DUCLOS et SPENCER, publiée en septembre 2013.
Conclusion
Il faut apprendre à dormir

Au cours du XXe siècle, l’histoire de la puériculture, qui désigne


les moyens et méthodes liés aux soins des enfants en bas âge, se
scinde en deux périodes presque égales. La première offre un visage
rigoureux avec nombre d’interdits et de distances à mettre entre le
bébé et, non pas ses parents, mais sa mère, le père intervenant
encore peu. Le berceau est là pour interdire à la mère de prendre
son bébé dans le lit et risquer d’étouffer son enfant. La proximité
entre cette mère et son bébé est présentée comme dangereuse, voire
mortifère. À juste titre d’ailleurs, car l’étouffement dans le lit
commun avait été dans les siècles précédents un moyen de réguler
les naissances, à une époque où rien d’autre n’existait. Soucieux de
sauver des bébés, les puériculteurs de cette période prescrivaient cet
éloignement. Un des premiers grands puériculteurs écrit en 1924 1 :
« Si vous ne disposez que d’un lit, souvenez-vous que jamais un
nouveau-né ne doit reposer, ne doit dormir dans un lit à côté de sa
maman ; jamais il ne faut le coucher dans un lit à côté d’une grande
personne. Beaucoup de malheureuses mamans ont ainsi étouffé
leurs enfants en dormant ! » Il ne fallait plus prendre les bébés dans
les lits et il ne fallait plus les bercer. À cette puériculture dure et
stricte dans laquelle certains voyaient une manière de protéger le
bébé des pulsions agressives ou malsaines de ses parents, le
rapprochement des corps étant également tabou, a succédé une
puériculture plus douce et compréhensive avec l’idée de ne pas
traumatiser les jeunes enfants, de ne pas en faire des névrosés. Les
parents ont alors été invités à répondre à la moindre sollicitation de
leur bébé, le maternage proximal a consisté à ne pas quitter son
bébé pour être en mesure d’être au plus près de ses besoins et d’y
répondre au mieux, avant même qu’il ait le temps de les exprimer
par une vraie demande.
Ces deux extrêmes ne sont évidemment pas des chemins à
suivre. Il n’est plus question aujourd’hui de refuser tout contact
physique à son bébé, bien au contraire, nous savons que les câlins,
les bisous et autres marques de tendresse entraînent des
phénomènes biologiques de protection du cerveau contre le stress.
Bien traiter son enfant est reconnu comme étant un bon facteur de
développement. Mais penser que bien le traiter consiste à répondre
à chaque pleur ou chaque cri est une erreur, car il est aussi
capable de patienter. L’observation du bébé nous permet de
constater qu’il n’est pas en perdition, même s’il pleure la nuit. Un
parent qui se précipite sur son bébé pour le nourrir la nuit aux
premiers pleurs n’a pas le temps de véritablement savoir ce dont il a
besoin, ce dont il est capable, cela ne lui permet pas de l’écouter,
d’attendre et de voir s’il est capable de se rendormir seul. Pour
nombre de spécialistes aujourd’hui, cet écart de temps, cette pause
naturelle, pratiquée tôt dans la vie du bébé, a une grande influence
sur son sommeil. Lorsque le parent se rend moins disponible la nuit,
le bébé dort. Lorsque le parent ne supporte pas que son bébé pleure
car cela lui fend le cœur ou l’indispose et réagit au quart de tour
pour « sauver » cet enfant en péril, le bébé se réveille plusieurs fois
par nuit ou ne peut dormir seul.
« Dormir comme un bébé », c’est se réveiller la nuit, s’agiter,
pleurer et être pourtant encore dans le sommeil. Si les parents se
précipitent et prennent leur enfant dans les bras, ils le réveillent et
lui imposent ce rythme de réveil. « Dormir comme un bébé », c’est
se réveiller réellement entre les différents cycles de sommeil et donc
pleurer à ce moment-là. Mais si le bébé n’est plus un nouveau-né et
a un poids suffisant et que, malgré tout, ses parents interprètent ces
réveils comme un besoin de nourriture, alors ce bébé continue à
manger la nuit et n’apprend pas à enchaîner ses cycles sans biberon
ou tétée, voire sans être rendormi par ses parents. « Dormir comme
un bébé », c’est apprendre à enchaîner les cycles seul. Il faut
plusieurs essais, mais quand le bébé y parvient, c’est qu’il en est
capable et que cela devient facile pour lui. Les parents doivent
donner à leur bébé une chance d’apprendre et, pour cela, il leur faut
tenir et croire en ses capacités.
Mais quand cela se produit plus tardivement, quand les parents
n’ont pas réussi à donner cette chance d’apprendre à leur bébé à
s’endormir seul et à se rendormir seul, alors rien n’est perdu. Cela se
fait un peu plus tard, certes avec un peu plus de difficultés, l’enfant
ayant, entre-temps, appris une autre façon de faire. Mais n’allons
pas croire que c’est une épreuve insurmontable pour lui. Des parents
décidés et cohérents dans leurs attitudes et dans leur discours à leur
bébé lui permettront d’apprendre à dormir en trois à cinq nuits
maximum. Le manque de sommeil est préjudiciable pour l’enfant
comme pour ses parents. Les jeunes enfants fatigués peuvent se
montrer irritables, agressifs, hyperactifs, tout en ayant plus de mal à
se concentrer et à mémoriser. Ils peuvent aussi être plus souvent
malades. Ces troubles ont des retombées sur les parents qui, eux-
mêmes en manque de sommeil, ne sont plus aussi disponibles pour
leur enfant et peuvent souffrir de dépression.
Alors, à la grande question que chaque parent se pose « quand
notre bébé va-t-il faire ses nuits ? », il est possible de répondre non
pas par « quand il se sera décidé », mais par « quand il aura appris ».
Il lui faut un peu de temps pour apprendre, mais pas trop… Et
surtout, il ne peut pas apprendre tout seul, il a besoin de ses parents
pour cela.

1. PINARD Adolphe, op. cit., page 51.


Bibliographie
Quelques histoires sur le sommeil à lire
aux tout-petits

Bonne nuit, mon tout petit, de Surya Sajnani, Casterman, 2019.

Le livre qui dort, de Cédric Ramadier et Vincent Bourgeau, École des


loisirs, 2015.

Les Doudous, de Catherine Dolto-Tolitch, Colline Faure-Poirée et


Frédérick Mansot, Gallimard jeunesse, 2006.

Au lit, Petit Lapin ! de Jörg Mühle, École des loisirs, 2016.

Bébé Balthazar. Bonne nuit moi, de Marie-Hélène Place et Caroline


Fontaine-Riquier, Hatier jeunesse, 2015.

Lou et Mouf. Ouh ! Il fait noir…, de Jeanne Ashbé, École des loisirs,
2003.

Le Lit des parents, de Christine Naumann-Villemin et Marianne


Barcilon, éditions Kaléidoscope, 2007.
Pas encore au dodo ? d’Alex Sanders, École des loisirs, 2015.

Au lit, petit monstre ! de Mario Ramos, École des loisirs, 1996.

Le bébé qui ne voulait pas se coucher, de Helen Cooper, Kaléidoscope,


1996.

Une chambre rien que pour moi, de Susan Perez, École des loisirs,
2002.

Chacun dans son lit ! de Pascale Bougeault, École des loisirs, 2004.

Dodo, d’Antonin Louchard et Katy Couprie, Thierry Magnier, 2001.

Vous aimerez peut-être aussi