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Dormir comme
un bébé
© Éditions First, un département d’Édi8, 2020
ISBN : 978-2-412-05622-6
ISBN numérique : 978-2-412-05890-9
Dépôt légal : mai 2020
« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage
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Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à
ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »
1. DEHAENE Stanislas, Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines, Paris,
Odile Jacob, 2018, page 312.
1
Avant la naissance
Dans le ventre de sa mère, le bébé connaît déjà des phases d’éveil
et de sommeil. Cela ressemble plus à une sorte de dormance, un état
spécifique de vie au ralenti avec des moments d’activité (dits éveil)
et d’autres d’inactivité (dits sommeil). De ce fait, le bébé n’a pas
encore de rythme circadien, c’est-à-dire qu’il ne possède pas encore
d’organisation biologique avec une alternance entre le jour et la nuit,
sur 24 heures. On pourrait croire qu’il dort en même temps que sa
mère, mais ce n’est pas le cas. Il a déjà ses propres occupations.
Même s’il dort beaucoup, il passe aussi un peu de temps à faire de
l’exercice physique. Ce sont ces moments où les futures mères
disent que leur bébé leur donne des coups de pied ! En réalité, il
remue beaucoup, profitant de l’espace dont il dispose encore avant
de se trouver trop à l’étroit. La nature étant bien faite, lorsqu’il n’a
plus assez de place pour faire des cabrioles, c’est pour lui le moment
de naître. Il change alors totalement d’environnement et de vie, une
nouvelle aventure commence. Cependant, la théorie du traumatisme
lié à la naissance est aujourd’hui réfutée. On considère que la
naissance est un événement naturel très bien géré par les bébés. Il y
a même certains bébés qui dorment pendant toute la durée du
travail et naissent presque en dormant ! Mais on ne peut nier le
changement total que le passage d’un milieu à un autre représente
pour l’enfant. Non seulement il respire seul et doit assurer son
oxygénation et l’ensemble de ses échanges gazeux, mais il n’est plus
nourri en continu et commence à ressentir d’étranges besoins.
Le nouveau monde
Après la naissance, le bébé n’est plus en homéostasie. Cela
signifie qu’il n’est plus capable de réguler lui-même ses différentes
constantes, son équilibre, face aux contraintes extérieures. Il ressent
le froid et n’est pas capable de maintenir seul sa température. Il
éprouve la faim comme un malaise encore inconnu et cela le réveille,
lui qui alternait phases de sommeil et d’éveil sans rapport avec de
quelconques nécessités. Et c’est bien cette défaillance liée à la faim
qui va désormais et pendant quelques mois régler ses réveils, qu’ils
soient de jour ou de nuit. La sensation de faim est une véritable
épreuve pour le bébé qui n’a pas de réserves et a de forts besoins en
calories pour son développement et en sucre pour son cerveau.
Certains chercheurs décrivent ce ressenti du bébé comme une
« destruction psychophysiologique » 1. En effet, il lui est encore
impossible de comprendre ce qui se passe en lui, il est au bord du
gouffre lorsqu’il a faim, il pleure et crie parfois très fort. Ces pleurs,
ces cris, sont d’ailleurs suffisamment insupportables pour obliger les
adultes à faire ce qu’il faut, c’est-à-dire s’occuper de lui, lui donner à
manger, jour et nuit. Or, cette situation alternant malaise et
réconfort le fatigue aussi. Il dort ainsi souvent, de façon discontinue,
pendant deux, trois ou quatre heures d’affilée, selon les bébés. Dès
le début de la vie, il existe en effet des différences entre les bébés.
Celles-ci peuvent être génétiques : il existe des lignées de petits et de
gros dormeurs, comme de petits ou de gros mangeurs. Certains ont
besoin de manger peu mais souvent, alors que d’autres espacent
leurs copieux repas. Celles-ci peuvent aussi être physiologiques : les
bébés de faible poids et ceux d’un poids au-dessus de la moyenne
ont besoin de manger plus souvent. Les premiers pour rattraper leur
faiblesse, les seconds parce que leur corps a pris l’habitude d’un
apport en sucre plus important. C’est comme lorsque nous
mangeons trop certains jours de fête et sommes surpris le lendemain
d’avoir faim. Le corps a sécrété de fortes doses d’insuline pour
absorber tout ce sucre, créant alors une sensation de faim qui
semble incongrue.
Pourquoi pleure-t-il ?
En moyenne dans sa période néonatale, c’est-à-dire autour de la
naissance, le bébé dort 16 à 20 heures sur 24 heures. Autant dire
qu’il ne fait que ça ! Il peut aussi se réveiller avant d’avoir faim,
puisqu’il le faisait déjà en tant que fœtus lorsqu’il alternait les phases
d’activité et d’inactivité. Il peut même pleurer pour bien d’autres
raisons que la faim : un état de malaise ou d’étrangeté, des
sensations digestives désagréables, le sentiment de ne pas être tenu,
contenu, etc. N’oublions pas que, pour lui, ce monde est nouveau,
son corps dans ce nouvel espace fonctionne différemment, même ses
propres pleurs peuvent lui paraître désagréables. Il n’existe pas de
bébé qui ne pleure pas, sauf ceux qui vont très mal. De ce fait, il ne
faut pas considérer qu’un bébé qui pleure est un bébé en grande
détresse. Les pleurs représentent son moyen d’expression, il nous dit
quelque chose dont nous devons tenir compte, sans nous précipiter
pour les faire cesser ou nous sentir coupables de ne pas arriver à le
calmer. Chaque parent apprend à reconnaître les pleurs de son bébé,
mais il faut un peu de temps et de patience. Aujourd’hui, il n’est plus
question de croire qu’un bébé se fait les poumons lorsqu’il pleure et
que c’est bon pour lui. Le pleur est le signe que quelque chose ne va
pas et qu’il faut s’en préoccuper pour lui apporter le réconfort
nécessaire. À l’inverse, empêcher systématiquement que le bébé ne
pleure est une gageure impossible à tenir et cela ne lui permettrait
pas d’apprendre à faire confiance à ceux qui s’occupent de lui. La
situation est la suivante : le bébé pleure, quelque chose ne va pas, ce
peut être la faim. Le parent va le chercher, le rassure, le cajole et lui
donne à manger. Cela se renouvelle souvent et se passe toujours
ainsi. Le bébé en conclut que, lorsqu’il pleure et qu’il a faim, son
parent résout son problème. Il peut donc compter sur lui, car il le
rassure. Petit à petit, ce parent devient une figure d’attachement
pour le bébé. Mais il faut qu’il y ait un écart entre le malaise et la
résolution du problème pour que l’enfant éprouve les corrélations,
les liens de cause à effet, entre ces deux moments. C’est ce qui se
passe le plus souvent entre un parent et son bébé, particulièrement
la nuit, puisqu’il lui faut un certain temps pour émerger de son
propre sommeil, réveillé par les pleurs du bébé, et préparer le sein
ou le biberon. Ce temps de nuit est donc aussi très utile pour la
création des liens d’attachement entre un bébé et son parent.
Le choix du lit
crèches. Il y avait d’une part les nourrices, celles qui nourrissaient les
enfants au domicile des parents ou à la campagne, et d’autre part
celles qui les berçaient dans les crèches où l’allaitement maternel
était obligatoire et l’allaitement « mercenaire » interdit, car
considéré comme néfaste pour l’enfant. Ces femmes-berceuses
avaient pour principale mission d’endormir les bébés en les berçant
dans leur petit berceau. Les enfants étaient peu pris dans les bras,
pratique plutôt réservée à la mère ou à la nourrice le temps de
l’allaitement, il fallait de ce fait trouver un autre moyen de les calmer
et les endormir. Les berceaux servaient principalement à bercer
les petits dans la journée car, pendant la nuit, les mères dormaient
avec leur enfant. Les berceaux existent toujours et représentent une
alternative intéressante au lit, mais seulement le temps des tout
premiers mois de l’enfant. En effet, dès que le bébé bouge et
commence à se tourner sur le côté, il peut agripper les bords du
berceau et le faire basculer ou se redresser et tomber par-dessus
bord. Autrefois, les bébés y étaient d’ailleurs solidement ficelés pour
ne pas choir.
Parmi les berceaux, on en trouve de plusieurs sortes. Il existe les
berceaux hauts posés sur des socles munis de pieds croisés ou droits,
possédant parfois des roulettes qui permettent de bercer, mais aussi
de promener le bébé endormi d’une pièce à une autre. On trouve
aussi de petits berceaux bas en bois ou en osier. Ces derniers sont
parfois appelés des moïses par analogie avec le panier en osier dans
lequel Moïse aurait été retrouvé flottant sur le Nil par la fille du
pharaon. Certains de ces berceaux reposent sur deux courbes à
chaque extrémité pour permettre le bercement à la main ou au pied.
On trouve aussi des bercelonnettes, berceaux à l’origine en bois ou
en osier qui possèdent un col de cygne, une flèche ou un archet,
c’est-à-dire un châssis en bois sur lequel on pose un voilage. Placé
au-dessus de la tête du bébé, ce rideau forme un abri et permet de le
protéger des lumières trop fortes, des courants d’air, ou encore des
insectes.
Le principal inconvénient de ces berceaux est, comme nous
l’avons déjà vu, qu’ils ne peuvent pas être utilisés longtemps. De ce
fait, on peut aussi choisir d’autres solutions pour réduire la taille du
lit : un couffin en osier ou le lit nacelle de la poussette qu’on installe
les premiers mois dans le lit du bébé. Cela présente l’avantage
d’avoir du matériel à double fonction et de répondre au besoin de
contenance du bébé en diminuant son espace de sommeil. Coucher
le bébé directement dans son lit lui permet aussi de créer ses
premiers repères, en lui offrant la possibilité de percevoir les
lumières, les ombres, les odeurs, les textures, toutes les ambiances
de ce nid dans lequel il va apprendre à se sécuriser et à se reposer.
Le berceau, instrument de sommeil, semble être aujourd’hui
quelque peu réhabilité, tout comme, de façon logique, les
bercements. Les bébés en avaient été privés lorsque les puériculteurs
du début du XXe siècle ont estimé que les mouvements de
balancement étaient mauvais pour eux, car cela leur donnait de
mauvaises habitudes : « Le meilleur berceau est celui que l’on ne
peut pas bercer 3 », disait Adolphe Pinard. D’où l’apparition du lit de
bébé (appelé encore pour un temps lit-berceau), autrefois préconisé
en métal afin d’en faciliter le nettoyage, et suffisamment haut pour
que les enfants ne soient pas attaqués par les animaux des fermes.
Aujourd’hui, les problématiques ont changé. Les bébés sont moins
sujets aux infections et ne rencontrent pas souvent de cochons dans
leur environnement… L’hygiène n’est plus la raison principale du
choix du matériau du lit. Ce qui compte maintenant, c’est la non-
nocivité chimique. On recherche par conséquent un produit naturel,
sans composants organiques volatils et autres polluants. Ainsi, les lits
en bois massif, peints avec des peintures non toxiques, sont
actuellement préconisés, tout comme les berceaux en bois brut ou
en osier et le linge naturel en lin ou en coton bio.
Il est fort probable que ce réveil n’en soit pas complètement un.
Il n’a pas vraiment faim et c’est la succion de la tétine du biberon qui
le fait passer en sommeil calme. Les bébés peuvent pleurer en phase
de sommeil agité. Ils pleurent en dormant. Lorsque le bébé pleure
alors qu’il a pris un biberon il n’y a pas si longtemps (moins de deux
heures les premiers temps), mieux vaut attendre car il est possible
qu’il reparte vers un sommeil plus calme après avoir pleuré un peu.
Pour se rassurer, on peut aller voir si tout va bien, puis le laisser
s’agiter et patienter un peu pour lui laisser la possibilité de continuer
son voyage. Si au bout de dix à quinze minutes il pleure toujours et
fort, on peut le bercer, lui donner une tétine pour lui permettre la
succion qui va le calmer ou le prendre dans les bras pour le faire
patienter jusqu’au prochain biberon. Il vaut mieux ne pas trop
rapprocher les biberons, sauf si le bébé n’a visiblement pas assez bu
au biberon précédent, car la suralimentation risque de lui faire mal
au ventre, ce qui entraînera à nouveau des pleurs et des difficultés à
dormir.
L’histoire d’Adrien
Adrien vient de naître. Toute la famille sort de la maternité et
s’installe dans l’appartement. Sa naissance a été une épreuve pour
ses parents et particulièrement pour sa mère qui a subi une grosse
complication lors de l’accouchement et a failli mourir. Adrien a
surtout passé les premiers jours de sa vie dans les bras de son père.
Un peu dépassé par la situation entre le travail, la maman malade et
le bébé, il a fait appel à la grand-mère de l’enfant. Cette dernière est
venue à la rescousse en urgence et a fait connaissance avec son petit-
fils : une merveille. Rassuré par sa présence et par les médecins, tout
ce petit monde s’apprête à passer ses premières nuits à la maison.
Devant la fatigue des parents qui n’ont pas vraiment dormi depuis la
naissance d’Adrien, la grand-mère leur propose de s’occuper de lui la
nuit. Exténués, ils acceptent et dorment ainsi plusieurs nuits
d’affilée. Adrien est un nouveau-né qui dort beaucoup jour et nuit. Il
s’endort souvent juste après chaque biberon. Il a besoin de présence,
de chaleur, de bercements. Il a besoin des bras pour s’endormir. Il
reste un peu dans son lit avec lequel il fait connaissance, mais
lorsqu’il se réveille, seuls les bercements et la succion du biberon ou
de la tétine l’apaisent. Adrien a besoin d’être contenu, ce que sa
grand-mère est prête et décidée à faire. Ainsi, les premières nuits se
passent bien, entrecoupées de deux biberons. Les parents ne
l’entendent pas, car il ne pleure pas vraiment. De ce fait, ils se
reposent. Adrien se sent bien dans les bras de sa grand-mère et cela
ne semble pas déranger sa mère qui, alors qu’elle était épuisée, se
remet bien plus rapidement que ce qu’on aurait pu penser. Le
sommeil est un vrai réparateur des corps. Mais il faut que chacun ait
sa place dans la famille et il ne s’agit pas que la grand-mère s’attarde
trop. Dès que la mère se sent mieux, elle s’en va et laisse les parents
prendre leur place auprès d’Adrien, la nuit comme le jour. Ils
découvrent alors qu’Adrien est un tout petit bébé et que, comme
presque tous les petits, il dort de manière entrecoupée la nuit, a
besoin de beaucoup de câlins et de bercements, se calme dans les
bras. Ils ne s’attendaient pas vraiment à cela : comme jusqu’à
présent, ils ne l’entendaient pas la nuit, ils pensaient qu’Adrien
dormait bien. Ils sont alors un peu perdus. Que faire pour continuer
à dormir et calmer Adrien ? Ils décident de rapprocher son lit du leur
dans la chambre et commencent une nouvelle vie nocturne à trois,
en prenant Adrien dans leurs bras une bonne partie de la nuit. Petit
à petit, Adrien dort de plus en plus longtemps dans son lit, puis
intègre sa chambre un mois plus tard. Il dort de plus en plus
longtemps la nuit et ne se réveille plus que pour un seul biberon
jusqu’à ses 3 mois. C’est un beau bébé qui n’a plus besoin de
manger la nuit…
Dodo, l’enfant do
Au clair de la lune
Dodo m’amour
Apprendre à dormir,
dormir pour apprendre
Les siestes
La sieste est importante pour les jeunes enfants car ils doivent
récupérer d’une activité intense liée à leurs apprentissages. Dès les
6 mois du bébé, l’architecture de son sommeil est en place. Il dort
toute la nuit entre dix et douze heures et fait trois siestes par jour :
une le matin, une en début d’après-midi et une en fin d’après-midi.
C’est cette dernière qui disparaît en premier aux alentours de
10 mois, puis celle du matin, entre 12 et 18 mois. Il ne reste alors
que celle du début d’après-midi qui s’organise après le déjeuner et
pourrait continuer toute la vie si nous en avions la possibilité. Le
mot sieste vient du latin sexta qui signifie « la sixième heure ». En
effet, la sieste a lieu à la sixième heure du jour, soit entre 12 heures
et 14 heures en fonction de l’heure du lever du soleil.
Pour que la sieste soit bénéfique, plusieurs conditions sont
requises. L’enfant ne doit pas associer son lit et le moment de la
sieste à un temps de punition ou de contrainte. Menacer le bébé de
le mettre au lit lorsqu’il est pénible ou le coucher de façon
intempestive à tout moment de la journée est contraire à la visée
d’un bon sommeil diurne. L’être humain est programmé
génétiquement à faire la sieste. Le jeune enfant la fera naturellement
si elle s’inscrit dans le déroulement habituel et agréable de sa
journée.
Comme pour le sommeil de nuit, il convient de repérer les signes
de sommeil de l’enfant. En général, un tout-petit qui fait une sieste
le matin réclame de dormir deux heures environ après son réveil. Il
ne faut pas attendre qu’il soit trop fatigué, car il pourrait avoir plus
de mal à s’endormir. Ainsi, si on étudie leurs rythmes, on constate
que les bébés jouent généralement deux heures avant leur sieste du
matin, puis ils jouent de nouveau deux heures avant leur repas du
midi et refont une sieste juste après le déjeuner. Cette dernière est la
plus importante, c’est celle qu’on conserve le plus longtemps. La
sieste du début d’après-midi suit directement le repas. Il ne faut pas
la décaler trop tardivement (pas au-delà de 15 heures) pour
permettre au bébé de faire une troisième sieste plus tard dans
l’après-midi (entre 17 et 18 heures) tout en lui laissant un temps
d’éveil suffisant avant le coucher pour la nuit. Les siestes durent
entre une et deux heures. Comme pour le sommeil de nuit, plus
l’organisation des siestes est régulière, tant pour les horaires que
pour le déroulement, plus les enfants sont rassurés, sereins et
s’endorment facilement. Cette régularité est la même que pour les
repas. Un enfant peut avoir plus ou moins faim, mais on lui propose
toujours à manger le matin, le midi, au goûter et le soir. Pour le
sommeil c’est la même démarche, l’enfant peut avoir moins sommeil
certains jours que d’autres, mais on doit toujours lui proposer de
dormir et dans les mêmes conditions. Voici quelles conditions
favorisent le coucher de la sieste.
La lumière. On sait aujourd’hui que le degré de luminosité joue
sur les sécrétions de mélatonine, dite « hormone du sommeil ».
Lorsque la lumière diminue, les sécrétions de mélatonine
augmentent, ce qui provoque le besoin de dormir. Amener de la
pénombre pour les siestes favorise un meilleur sommeil et permet de
créer un contraste entre d’une part la nuit, plus sombre, et d’autre
part les espaces de jeux et de repas, bien éclairés.
La musique. Une musique douce et calme peut être utile pour
que le bébé se détende. Elle peut aussi servir de rituel
d’endormissement s’il s’agit de la même musique à chaque sieste. Il
vaut mieux une musique sans paroles pour que le bébé n’ait pas à se
concentrer sur ce qu’il entend, mais soit uniquement porté par les
sons. Cette musique accompagne la phase d’endormissement mais
pas plus. L’enfant plonge dans le sommeil sans la musique afin que
son cerveau ne soit pas en alerte et qu’il ne se réveille pas lorsqu’il
est en phase de sommeil léger. Il n’est pas utile de mettre de la
musique pour masquer les bruits de la maison. Bien au contraire, ces
bruits, un peu lointains et atténués, sont des sons familiers et
rassurants pour l’enfant. Parmi eux des bruits blancs, comme
l’aspirateur ou une machine à laver, peuvent contribuer à favoriser
son endormissement.
Les vêtements. L’enfant n’a pas besoin d’être déshabillé pour
faire la sieste. Il préfère souvent garder ses vêtements, qui le
protègent. S’il n’est pas à l’aise dans ses habits, il convient de les
changer bien avant qu’il fasse la sieste, car les bébés ont besoin de
confort pour jouer, en particulier pour leurs expériences motrices.
Un jean à la mode, mais bien serré, sur un bébé est peut-être du
meilleur effet en photo mais pas en réalité. Le bébé gigote et essaie
de se retourner, de ramper ou de marcher à quatre pattes et présente
souvent un petit ventre saillant et bien rempli que le jean en
question tente d’aplatir sans succès ! Lui retirer ce jean pour la sieste
afin qu’il « respire mieux » est un non-sens puisque c’est le moment
où il est immobile, en position allongée qui, comme chacun sait,
favorise le ventre plat ! Conclusion, si les vêtements du bébé sont
bien adaptés à ses mouvements, ils le sont aussi à son sommeil de
jour. Et si la chambre n’est pas trop froide, il n’a pas non plus besoin
de gigoteuse pour dormir. Cela lui permet de faire une autre
différence avec le sommeil de nuit.
Les objets transitionnels. Le bébé conserve pour la sieste les
objets fétiches qu’il affectionne pour la nuit : son doudou et/ou sa
tétine. Ils lui permettent de se rendormir lorsqu’il se réveille pendant
la sieste. En effet, le jour comme la nuit, le bébé peut prendre
plusieurs trains (généralement deux) et se réveiller entre chacun.
Dans les crèches, les professionnels restent souvent à côté des
enfants lorsqu’ils font la sieste après le repas. En restant auprès
d’eux, ils favorisent la possibilité pour ceux qui se réveillent de
replonger dans le sommeil. Mais ils les rendent aussi dépendants de
leur présence pour effectuer ce nouveau départ, ce qui n’est pas une
bonne idée. Si les enfants ont des périodes d’éveil pendant leur
sommeil de sieste, ils peuvent aussi retomber très vite dans les bras
de Morphée, sans l’intervention de l’adulte. La présence et
l’intervention de l’adulte dès que l’enfant se réveille changent sa
programmation et l’incitent à avoir besoin de cette présence pour se
rendormir. Encore une fois, l’enfant apprend le monde qu’il lui est
donné d’apprendre. En lui faisant confiance, on lui facilite la vie et
on lui permet d’apprendre mieux qu’en le rendant dépendant des
adultes.
Questions de parents,
mais que se passe-t-il ?
Il pleure quand on le couche dans son lit
Certains bébés n’aiment pas être séparés physiquement de leur
figure d’attachement. Ils préféreraient rester dans les bras qui sont,
pour eux, plus agréables que le lit. Dans certaines cultures, la
question ne se pose pas, car les bébés dorment en portage, contre
leur mère ou avec les autres enfants. Ce sont des sociétés sans
berceaux et sans lits individuels. Mais dans notre culture, c’est
l’inverse. On considère que chacun a un nid différent dans la maison
et que le bébé doit occuper le sien. Ainsi, il nous faut à la fois
comprendre et accepter que le bébé ne soit pas content de se
séparer de ses parents pour occuper seul ce nid. Son
mécontentement est marqué par des pleurs de protestation. Il faut
garder à l’esprit que ce n’est pas un si grand malheur pour lui et qu’il
est capable de se calmer vite si on lui en donne la possibilité. Pour
certains enfants, ces pleurs représentent d’ailleurs une ritournelle
d’endormissement. Ils ont besoin de pleurer un peu avant de dormir.
Autoriser le pleur permet à l’enfant de saisir qu’il est compris par ses
parents, mais que ceux-ci ont décidé que le nid individuel est la
pratique qui lui convient le mieux. Il va s’y résoudre rapidement et
adopter son lit comme un lieu rassurant.
C’est assez fréquent. Après une journée bien remplie, le bébé est
épuisé et s’endort sur le sein ou le biberon du soir. Le poser ainsi
dans son lit fait de la dernière tétée ou du dernier biberon son rituel
de sommeil. Si le bébé ne se réveille pas et ne pleure pas la nuit, ce
n’est pas un problème. Mais s’il n’arrive pas à se rendormir seul la
nuit, c’est qu’il associe tétée ou biberon à son endormissement et
qu’il n’a pas encore appris à s’endormir seul. Pour l’aider, on peut
avancer un peu l’heure de son repas et le coucher quand il est éveillé.
Quelques stimulations ludiques, câlins, lectures ou autres, viendront
petit à petit remplacer le rituel d’endormissement de la tétée ou du
biberon par un autre rituel lui permettant d’apprendre à s’endormir
seul.
Et s’il se retrouve sur le ventre la nuit ?
L’histoire de Lubin
Lubin a 8 mois et c’est un magnifique enfant. Il est souriant, joue
avec tout ce qu’il trouve, se déplace depuis peu à quatre pattes et
s’assoit seul. Il n’a pas peur des personnes qu’il ne connaît pas et les
observe attentivement. Il mange avec plaisir et appétit. Mais son
sommeil est un problème pour ses parents. Ils le décrivent comme
n’aimant pas son lit : il n’y dort jamais, même pour les siestes. Il ne
peut s’endormir qu’en étant bercé dans les bras de ses parents. Dès
qu’ils le posent endormi dans son lit, il se réveille aussitôt et pleure.
Fatigués par la situation, les parents le prennent avec eux dans leur
lit. Il dort principalement sur la poitrine de sa mère. Au milieu de la
nuit, il se réveille pour boire un biberon de lait. Les parents n’ont
plus d’intimité et commencent à se disputer car ils sont en désaccord
à ce sujet. L’un voudrait retrouver un lit conjugal, l’autre estime que
c’est trop difficile pour Lubin, qui est malheureux ou angoissé, et
qu’il ne supporte pas de l’entendre pleurer seul dans son lit. Quand
les parents sortent et vont dans la famille ou chez des amis avec
Lubin, ils ne le couchent pas. Lubin attend la fin de la soirée avec
eux, il se fatigue, s’énerve, grogne, tourne sa tête dans tous les sens,
ne sait plus à quel saint se vouer. Bref, il est épuisé. Mais Lubin ne
s’endort que lorsqu’il est épuisé, chaque soir après 22 ou 23 heures.
Lubin a réellement de mauvaises conditions d’endormissement. Les
parents souhaitent être aidés.
Lubin n’a pas encore appris à s’endormir seul, il n’en a pas eu
l’occasion car ses parents ont toujours pensé qu’il avait besoin d’eux
pour y parvenir. Or, il a grandi, ce n’est plus un nouveau-né. Ils
reprennent cet apprentissage en ayant conscience des possibilités de
Lubin et du cadre environnemental qu’ils souhaitent lui donner. Le
parent qui pense que son enfant est trop malheureux lorsqu’il dort
seul et ne peut le faire sans lui ne s’occupe plus du coucher. L’autre
parent, persuadé du contraire, instaure un rituel de coucher,
toujours le même et couche Lubin dans son lit le soir quand il est
encore éveillé. Lubin pleure. Il revient le voir mais ne le prend pas
dans les bras et lui indique qu’il doit dormir, que tout va bien et qu’il
a confiance en lui. Lubin pleure. Le parent qui l’a couché retient
l’autre parent, ils se sont mis d’accord. Et Lubin s’endort. Il se
réveille au milieu de la nuit, mais ne mange plus. Un petit biberon
d’eau suffit et il se rendort. Il se réveille au petit matin. Au bout de
trois jours, Lubin dort très bien dans son lit, et lorsqu’il pleure un
peu, ses parents, rassurés, n’y vont plus. Ils savent qu’il va se
rendormir. Lubin a appris à s’endormir seul et peut le refaire en
pleine nuit lorsqu’il se réveille.
L’opposition au coucher
Questions de parents,
mais que se passe-t-il ?
Il appelle sans cesse pour des demandes différentes
Il n’est pas rare que des parents entendent en pleine nuit du bruit
dans la chambre de leur enfant qui s’est réveillé, s’est levé et joue !
Sa nouvelle autonomie en matière de sommeil, avec un lit duquel il
peut se lever, facilite ce type de situations. Il se réveille entre deux
cycles de sommeil et, au lieu de se rendormir rapidement, il se met à
jouer. Ses trains sont dissociés. Il est préférable de ne pas le laisser
jouer et de le recoucher doucement en lui expliquant que c’est
encore la nuit et qu’il faut dormir. Sinon, il risque d’inscrire dans son
rythme de sommeil une phase de jeu systématique entre deux cycles,
ce qui n’est bon ni pour l’organisation de son sommeil ni pour son
développement. Si cela perdure, il peut s’agir d’insomnies joyeuses,
troubles révélateurs d’autres difficultés de l’enfant dont il vaut mieux
parler à un spécialiste.
Il tombe du lit
L’histoire de Lili
Lili a 2 ans passés et n’a jamais vraiment bien dormi la nuit. La
majorité de ses nuits se sont terminées dans le lit de ses parents,
sans leur accord. Ils disent « non », mais ne la ramènent pas dans
son lit et finissent toujours par accepter la situation. La nuit, ils sont
fatigués et n’ont pas le courage de s’opposer à leur petite fille.
Maintenant, Lili ne veut plus aller se coucher. Ses parents la
trouvent en pleine phase d’opposition. Le « non » est son mot
préféré, prononcé avec force et vigueur. Lili a appris qu’en matière
de sommeil, ses parents sont assez vulnérables et elle ne sait pas
réellement quelles sont les limites. Le « non » des parents n’ayant
jamais été suivi d’effets, il ne correspond à rien pour Lili, alors qu’en
est-il de son « non » à elle ? Les soirées se poursuivent avec une Lili
présente, fatiguée, grognon, chouinant et pleurant et qui agace ses
parents. Ils lui demandent d’aller se coucher, tentent de
l’accompagner au lit, sans résultat. Comme par le passé, ils
renoncent et Lili finit par se coucher en même temps qu’eux, c’est-à-
dire bien trop tardivement pour son âge et ses besoins en sommeil.
Lili grandit et la perspective de la rentrée des classes fait réagir ses
parents. Comment Lili pourra-t-elle aller à l’école et apprendre s’ils
n’arrivent pas à la réveiller le matin et qu’elle est trop fatiguée ? Ils
décident alors de donner d’autres habitudes à leur fille et un
environnement qui correspond mieux à ses besoins de sommeil. Ils
préviennent Lili de ce changement et de leur volonté forte et
affirmée. Ils sont décidés à donner un cadre de sommeil à Lili. Elle
va se coucher chaque jour à la même heure après avoir passé du
temps avec l’un de ses parents. Elle peut choisir lequel et ce qu’ils
feront pendant ce moment à deux : lecture, histoire à écouter ou
petite revue de chansons. Suivra un rituel institué, toujours le même,
auquel Lili ne pourra déroger : elle ira se laver les dents, faire pipi,
aura son verre d’eau à côté d’elle si elle a soif, sa veilleuse si elle
souhaite avoir de la lumière ou la porte de sa chambre légèrement
ouverte sur la lumière du couloir, elle choisira avec lesquels de ses
animaux en peluche elle souhaite dormir, puis, après le dernier bisou
du soir, il ne sera plus question de se relever, ses parents ne
l’accepteront plus. Lili va évidemment vérifier leurs dires. S’ils sont
avérés, Lili sera en confiance avec cette nouvelle organisation et
s’endormira avec bonheur chaque soir, après ce moment partagé
avec l’un de ses parents et son rituel. Lili est prête pour aller à
l’école, car elle n’est plus fatiguée. Son cerveau pourra chaque soir
réorganiser et mémoriser ce qu’elle aura appris et passer aux
apprentissages suivants.
1. GUEGUEN Catherine, Vivre heureux avec son enfant, un nouveau regard sur l’éducation
au quotidien grâce aux neurosciences affectives, Paris, Robert Laffont, 2015.
2. WINNICOTT Donald Woods, Jeu et réalité, l’espace potentiel (traduit par C. Monod et
J.-B. Pontalis), Paris, Gallimard, 1975.
4
Questions de parents,
mais que se passe-t-il ?
Il veut continuer à faire la sieste
L’histoire d’Emma
Emma est une petite fille très vive âgée de 3 ans. Elle va à l’école
avec bonheur, adore tout ce que la maîtresse raconte et se plonge
avec délectation dans des histoires et des jeux d’imagination avec ses
amies, souvent invitées à la maison. Elle a toujours très bien dormi
et ses parents ne se souviennent même plus à quel moment elle a
fait ses nuits. Ils ont l’impression qu’elle n’a pas été souvent réveillée
la nuit, même lorsqu’elle était malade. Aussi, ils sont surpris par les
nombreux cauchemars qu’Emma fait depuis quelque temps. Chaque
nuit, elle se réveille en pleurs et appelle ses parents. Elle dit qu’elle a
peur, mais ils n’arrivent pas bien à comprendre de quoi. Elle se
calme assez vite grâce aux câlins de ses parents. Le matin, elle sait
qu’elle a fait un cauchemar, mais elle ne se souvient pas bien de quoi
il s’agissait : elle dit juste qu’elle a eu peur. En ce moment, Emma
fait des dessins de poissons. Ses parents lui demandent qui sont ces
poissons et Emma parle de Nemo, ce petit poisson-clown du dessin
animé Le Monde de Nemo. Celui-ci a un début de vie difficile car sa
maman et l’ensemble de ses frères et sœurs sont morts après
l’attaque d’un plus gros poisson. De plus, il est handicapé et son
papa est très inquiet pour lui. Nemo va à l’école pour la première
fois mais s’éloigne un temps du groupe et se fait alors pêcher par un
plongeur… Emma dessine ce qui lui fait peur : ne plus avoir de
maman, être enlevée et devoir aussi quitter son papa. Les jeunes
enfants vivent des phases d’angoisse de séparation d’avec leurs
parents. Ses parents proposent alors à Emma de regarder de
nouveau ce dessin animé, mais avec eux cette fois. Elle est ravie car
elle adore Le Monde de Nemo, même si on comprend que son esprit
est accaparé par cette épreuve de la séparation. En regardant ce film
avec elle, les parents d’Emma peuvent lui donner les explications
nécessaires. Ils peuvent s’arrêter sur les moments difficiles et en
parler ensemble : c’est vrai que c’est un malheur pour Nemo de ne
plus avoir de maman et d’être enlevé à son papa, c’est triste et ça fait
peur, même si l’histoire se termine bien. En expliquant mieux
l’histoire, en en parlant avec leur petite fille et surtout en partageant
avec elle ses émotions, les parents mettent des protections là où c’est
nécessaire pour elle et lui permettent de passer à côté du danger.
Emma peut dormir sans faire de cauchemar.
Le temps des fables et des histoires
à dormir debout !
Le marchand de sable
Le croquemitaine
Morphée
Morphée est le dieu des rêves dans la mythologie grecque. Il est
le fils du dieu du sommeil Hypnos et de la déesse de la nuit Nyx. Il
peut prendre une apparence humaine et sa vocation est d’endormir
les mortels et de les emmener au pays des rêves, d’où l’expression :
« être dans les bras de Morphée » qui signifie dormir profondément.
On peut raconter cette histoire aux jeunes enfants, souvent fascinés
par la mythologie. Viendra ensuite le temps d’explorer les peintures,
les sculptures et autres œuvres représentant ce dieu qui, associé au
monde des songes, a largement nourri l’imaginaire des artistes. Les
jeunes enfants, sans filtres, sont très sensibles à l’art et à la beauté
qui les touchent directement au niveau émotionnel. Comment leur
permettre de saisir ce que sont les rêves, alors que la science ne
l’explique pas encore très bien ? Par des représentations artistiques,
celles qui ont depuis des siècles permis aux hommes de dépasser
leurs incompréhensions et leurs angoisses.
1. Étude américaine Sleep spindles in midday naps enhance learning in preschool children,
KURZIEL, DUCLOS et SPENCER, publiée en septembre 2013.
Conclusion
Il faut apprendre à dormir
Lou et Mouf. Ouh ! Il fait noir…, de Jeanne Ashbé, École des loisirs,
2003.
Une chambre rien que pour moi, de Susan Perez, École des loisirs,
2002.
Chacun dans son lit ! de Pascale Bougeault, École des loisirs, 2004.