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Examen final

Lecture

Première secondaire

Dans quelques instants, tu devras compléter ton examen final de lecture de

première secondaire. Afin de favoriser ta réussite, réponds à ces trois questions

qui te permettront de réactiver tes connaissances antérieures et de planifier

ton « plan de match » en vue de l’évaluation.

*Ces questions ne seront pas évaluées !

Question A : Quelles sont les quatre dimensions de la lecture ?

Question B : Pourquoi est-ce primordial de bien distinguer ces quatre

dimensions ?

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Question C : Nomme deux stratégies que tu comptes utiliser lors de la lecture


des deux textes.

o
o

@passiondidactique
Nom, prénom : _______________________ Gr : _______

La nuit des sages


Olivier Lhote

Chapitre 1

Je suis la fille de la lune et des étoiles ; de l’ombre et du silence. Je

suis Hahepi Cuwitku : fille de la nuit. Mais on m’appelle Oka. Chez

nous, les Sioux Lakota, à chaque naissance, le sorcier convoque les

esprits, pour qu’ils donnent à l’enfant les cadeaux de la vie. J’ai reçu

de la terre, la force de me dresser sur mes jambes. Le vent m’a offert

de sentir le danger avant tout le monde et la nuit m’a donné la

patience, par qui tout arrive un jour. Mais le soleil n’a pas été invité

par les esprits et aveugle je suis née.

J’ai passé mes premières années accrochée sur le dos de ma mère.

Mes petits doigts jouaient dans ses cheveux soyeux et je m’enivrais

du parfum de sa peau. De temps à autre, elle me posait au sol. Je

roulais dans mes mains et portais à ma bouche, la terre salée du

Dakota. Mais en grandissant, je suis devenue trop lourde et ma mère

m’a dit un beau jour du mois de mai :

— Oka, mon enfant, je ne peux plus te porter. Je dois te confier au

vent maintenant. Marche droit, les mains devant toi, pour protéger

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ton visage et écoute la voix de la plaine. Elle te préviendra des

dangers.

Alors, je me suis redressée, comme une brave et j’ai avancé vers

l’inconnu. Je tendais l’oreille et j’écoutais le vent.

Aujourd’hui, il souffle différemment à mon oreille, selon qu’il

rencontre un obstacle ou s’écoule librement. Dans la plaine, je

l’entends prendre son élan et traverser les grands espaces dans un

sifflement sourd. Mais dans le campement, sa course est brisée par

nos tipis. Je perçois les cassures et les redémarrages. Je sens les

tourbillons envelopper les hauts sapins et embrasser les rochers avant

de les contourner. L’esprit du vent pleure, gémit, hurle ou rit en se

frottant aux reliefs. Je reconnais les voix, qui dessinent à mon oreille,

mille obstacles différents. Je ne connais ce qui m’entoure que par le

murmure du vent. Mais je peux, grâce à lui, dessiner dans ma tête ce

que mes yeux ne voient pas.

La brise, mon amie, ne fait pas que chanter. Elle vole les odeurs des

choses et des gens, puis les porte à mon nez. Je devine à cent lieues,

la présence d’un castor. Je peux dire l’humeur d’un cheval sauvage.

En colère, son poil dégage un parfum âcre. Je différencie l’aigle du

vautour quand ils planent au-dessus de moi. L’aigle sent le soleil, le

vautour sent la terre des ombres.

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Moi, Oka, j’aime la vie. J’aime ma famille et aussi ma tribu. Pourtant,

dans notre clan, tout le monde ne tourne pas son cœur vers moi. Ils

oublient que j’entends tout et de très loin. Ils parlent fort et leurs

paroles, aiguisées comme nos flèches, viennent briser mon âme.

Hoga, l’oncle de ma mère, a la bouche méchante. Je l’ai entendu

libérer ces mots :

— Ta fille est une charge pour nous tous, Inawi. Elle ne rapporte rien,

ne travaille pas, ne cuisine pas. Un jour ou l'autre, il faudra nous en

séparer.

— Que dis-tu Hoga, tu es fou ?

— Quelle faute as-tu commise pour engendrer une fille aveugle ?

Pose-toi cette question. Elle est ta punition, pas la nôtre. Pourquoi

devrais-je travailler pour nourrir une fille du clan qui passe son temps

à écouter le vent ?

— Toi ? Travailler ? Mais tu passes ton temps en ville. Et tu rentres

saoul chaque soir.

— Ne juge pas l’homme, squaw !

Mais à ce moment, Apawi, notre grand chef est intervenu :

— Retourne à tes affaires, Hoga. L’alcool grignote ton cerveau comme

le castor ronge le bois. Tu finiras comme l’arbre, le nez dans la rivière.

— Nous en reparlerons, a lancé mon grand-oncle avant de quitter ma

mère.

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Depuis ce jour, je sais que je dois quitter la réserve, pour ne pas être

une charge pour les miens. Apawi est sage, mais il est vieux et Hoga

veut déjà sa place. Je devine qu’il est grand et fort. Il déplace

beaucoup d’air lorsqu’il marche. Sa voix résonne gravement et je

comprends que son torse est large et puissant. C’est un guerrier. Son

odeur acide me brûle le nez. Elle porte en elle la guerre. Lorsque Hoga

sera chef à son tour, il bannira ma mère et mon père, s’ils refusent de

m’abandonner. Mon père ne s’oppose pas. Il est comme la plupart

des hommes de la tribu : il n’est attiré que par la ville. La ville qui

promet du travail mais qui ne donne que des malheurs.

Si mes yeux m’ont quitté dès la naissance, c’est mon destin. Je n’ai

pas le droit de le faire porter à mes parents. Il faut que je parte. Et

vite. Demain, j’irai au milieu de nos chevaux. Ils me connaissent. Je

vais parler avec eux. Je vais respirer leur robe et sentir leur souffle sur

ma joue. Je vais toucher leurs muscles et leurs tendons, pour choisir

le meilleur d’entre eux. Celui qui acceptera de m’emmener devra être

robuste et résistant. Mais surtout, le poney, qui m’emportera devra

remplacer mes yeux. Car au-delà de notre réserve, l’inconnu m’attend

et le vent chantera d’une voix nouvelle.

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Chapitre 2

Le jour s’est levé. Ma mère m’apporte du lait et une galette pour le

petit-déjeuner. Elle m’enlace et me serre fort, plus fort que d’habitude

et je me demande si elle se doute de mon plan. Partir me fait peur,

même si je l’ai décidé. D’ordinaire, ma peau a le parfum du miel. Mais

l’angoisse lui donne des notes salées. Est-ce que ma mère peut le

sentir, comme moi ? Non, elle n’utilise pas son nez comme je le fais.

— Tout va bien, Oka ?

— Oui, maman, pourquoi ?

— Je te trouve pâle. Ton visage ne reflète pas la lumière.

— Je suis juste un peu fatiguée. Je vais marcher avec les chevaux. Ne

t’inquiète pas.

— Fais attention tout de même. Ils galopent en tous sens quand ils

prennent peur.

Je souris. Les choses que je ne vois pas me trahissent. Mon visage, ma

peau, par exemple. Je n’en contrôle pas la couleur. Je ne sais même

pas ce qu’est une couleur. Je rassure ma mère, du mieux que je peux

et lorsqu’elle sort du tipi, je dépose dans le fond de ma sacoche,

quelques fruits et un restant de galette. Je me dirige ensuite vers le

parc à chevaux. Je hume l’air et je compte vingt-sept odeurs

différentes. J’ai l’embarras du choix. Le sol vibre : les poneys viennent

à ma rencontre. Nos chevaux exhalent un parfum captivant ; mélange

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de foin, d’herbe sèche, de rosée fraîche mais aussi de musc et même

d’urine. Cette senteur profonde et puissante trahit leur vigueur. Nous

sommes ce que nous sentons, j’en suis certaine. Cela vaut pour les

hommes et bien plus encore pour les chevaux.

Mon cœur tambourine dans ma poitrine, à mesure que l’heure du

départ approche. Je caresse les montures et dans ma tête, j’écarte les

plus faibles. Je reconnais les tendons fragiles, les musculatures

insuffisantes, les dos creusés et les encolures peu développées. Je ne

suis pas loin de faire mon choix quand d’un coup, un des poneys me

bouscule.

— Hey ! Qu’est-ce que tu fais ?

Mais l’animal continue de me pousser de la tête. Je pose mes mains

sur son front pour l’arrêter et machinalement je porte mes doigts à

mes narines.

— Mais qui es-tu toi ? Tu n’es pas des nôtres. Tu ne sens pas l’herbe

de nos plaines. Ton poil n’est même pas humide. Tu n’as pas dormi

avec les autres. D’où viens-tu ?

À nouveau, le petit cheval frotte son front contre moi, comme pour

me dire : tu as raison, Oka, je ne suis pas d’ici.

Je décide de l’inspecter et je passe mes bras autour de son cou qui

me semble large et musclé. Mes mains glissent sur son poil soyeux et

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je découvre un dos robuste et des fesses rebondies. Aucun de nos

étalons n’est aussi bien fait.

— Mais par quel hasard es-tu arrivé ici ? J’ai bien envie de t’emmener,

cheval mystérieux, mais… Non. Non, je ne peux pas. Je ne sais pas à

qui tu appartiens. Oublions cette idée, laisse-moi passer.

Alors, que je contourne le poney, celui-ci se décale et me barre le

passage.

— Que fais-tu ?

Mais il insiste, me pousse, baisse son encolure et m’incite à grimper

sur son dos.

— Ça alors ! Tu veux que je monte ? C’est ça ?

Il me bouscule encore.

— Ça va, j’ai compris. Je crois que je n’ai pas le choix. Mais tout de

même, tu es incroyable.

Chapitre 3

Je jette mon sac sur le cou de l’étalon et saute sur son dos. Je n’ai pas

le temps de réaliser que je ne lui ai pas passé la bride, qu’il démarre

en trombe.

— Arrête ! Je hurle. Arrête ! Tu es fou, je ne vois rien. Je ne peux pas

te diriger.

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Mais il continue sa course folle. Je m’agrippe à sa crinière généreuse

et je serre mes mollets sur ses flancs. Je comprends que nous

galopons vers le campement, que je voulais éviter. Je tente un demi-

tour, mais ma monture ne veut rien savoir. Elle a pris les commandes.

Assurément, elle évite tous les obstacles et semble savoir où elle va.

Mais je ne suis pas rassurée pour autant. Des cris me parviennent :

— Attention, un cheval au galop !

— Regardez, c’est Oka !

— Elle est folle !

— On dirait qu’elle s’enfuit…

— Elle vole un cheval !

— Arrêtez-la, c’est une voleuse…

Je m’éloigne des tipis. Nous avons traversé le camp à toute allure. Ils

ont raison, je suis une voleuse. Mais pouvais-je faire autrement ? Je

voulais éviter le pire à mes parents. Je viens de faire le jeu de Hoga.

Je sais qu’il va me poursuivre et me faire arrêter pour se débarrasser

de moi. Je suis une idiote. Mon poney a changé d’allure. Il galope

posément. Je n’arrive toujours pas à le diriger.

— Toi aussi, tu es un idiot ! Tu m’as mise dans le pétrin. Non

seulement, je suis une voleuse, mais en plus, tout le monde croit que

j’ai traversé le camp pour me moquer des miens. Tu es stupide.

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Mon petit cheval donne une ruade et je manque de glisser. Puis il

s’arrête tout net.

— Enfin, je peux descendre ?

Il hennit.

— Tu es un drôle de poney, toi. Vraiment étrange ! Chez nous, les

Sioux Lakota, il existe un mot pour dire mystérieux. C’est ainsi que je

vais t’appeler : Wakan. Ça te plaît ?

Il gratte le sol.

— Très bien. Tu sais, Wakan. Maintenant, je n’ai que toi dans ma vie.

Ne me laisse pas tomber.

Wakan abaisse son encolure et plie un genou. Je l’enfourche et nous

repartons vers l’inconnu.

Cela fait trois jours que j’ai quitté la réserve. Wakan est parfait. J’ai mis

en lui toute ma confiance. Il choisit pour moi les chemins les plus

praticables, les sentiers les moins encombrés. Nous coupons à travers

bois le plus souvent, mais pas une branche ne griffe mon visage.

Wakan s’arrête lorsqu’il trouve un point d’eau et je peux me rafraîchir.

Pour la nourriture, il déniche de quoi brouter sans mon aide. Quant à

moi, j’épuise mes stocks. Quelle sotte je suis. Il n’y aura bientôt plus

rien à manger dans ma sacoche et je ne sais ni chasser, ni pêcher.

Comment le pourrais-je sans mes yeux ? Je crois que mon escapade

ne va pas durer longtemps. Hoga a raison. Je ne sais rien faire et je

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suis une charge pour le groupe. Il va me retrouver sans problème,

puisque Wakan laisse des traces que je ne peux pas effacer, faute de

les voir. Il n’aura plus qu’à me traîner devant notre sorcier qui me

jugera. J’ai volé un cheval ! C’est ce qu’il y a de plus grave chez nous.

Mais je me demande encore à qui j’ai emprunté ce poney. Le mystère

reste entier.

Wakan vient de stopper la marche et je comprends que je dois

descendre.

— Je n’ai pas soif, Wakan. On peut continuer tu sais.

Je devine qu’il vient de trouver un ruisseau. La fraîcheur de l’eau

embaume l’air et monte jusqu’à mes joues. Mais Wakan insiste et me

dépose à terre en douceur. Une odeur caresse soudain mes narines :

le feu ! Le feu de bois !

— Bon sang, Wakan ! Ça brûle par ici. Il faut déguerpir. Wakan ! Mais

où es-tu ? Reviens !

Je ne trouve plus mon compagnon et j’entends maintenant le bois

craquer sous la chaleur des flammes. J’appelle mon poney au secours,

mais il semble ne pas m’entendre :

— Waaaakaaaan ! Revieeeeenns !

Trop tard. Je sais bien que les chevaux ont peur du feu. Mais pourquoi

m’avoir abandonné ? Ça ne lui ressemble pas. Je vais mourir. C’est

donc ça, mon destin. Je ne vais pas tarder à sentir le feu m’encercler.

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Comment se sauver, dans les bois, quand on ne voit rien ? Je suis

perdue, perdue, perdue… Mais soudain, à l’odeur du bois se mêle

celle du poisson grillé.

— Le feu ne court pas dans la rivière… Je me dis tout haut.

Je suis soulagée, ce n’est qu’un feu de camp. J’appelle :

— Il y a quelqu’un ? Ohé ! Je suis Oka, de la tribu des Lakota.

Répondez-moi ! Je sais que vous êtes là, autour du feu. Je suis

aveugle, répondez-moi !

Mais personne ne me parle. Je m’avance en me guidant au

crépitement des branches. J’approche mes mains du feu. Il y fait bon.

Les poissons cuits sont en dehors du brasier. Je les sens sur ma droite.

Quelqu’un les a disposés sur une large écorce. Ils sont encore chauds.

Il devrait y avoir quelqu’un mais je n’entends, ni ne sens aucune

présence. Pourtant, je me trompe rarement. Après l’irruption de

Wakan dans ma vie, c’est un mystère de plus. J’ai faim et l’odeur du

poisson grillé chatouille mon estomac. Tant pis, je me décide à

manger ce plat abandonné.

Wakan a réapparu, je reconnais le son de ses sabots derrière moi. Je

crois que je vais dormir près du feu. Je suis fatiguée, épuisée…

À mon réveil, une chose troublante me surprend : le feu n’a pas baissé

d’intensité. Je ne suis pas seule. Quelqu’un veille sur moi. Cette

personne m’a laissé manger son repas. Elle a veillé sur mon sommeil

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et sur les flammes pour qu’elles ne rejoignent pas le monde des

cendres.

— Wakan ? Tu es là ?

Oui, mon fidèle compagnon est présent, juste derrière moi. Sa tête

penchée sur la mienne mélange sa crinière à mes cheveux nattés. Son

souffle chaud me rassure et me donne le courage d’avancer. J’ignore

où nous allons, mais on dirait que mon poney mystérieux le sait.

— Quelqu’un nous aide, Wakan. J’en suis sûre. Tu ne crois pas ? Tu

ne réponds rien. Je me demande si tu ne caches pas des secrets

inconnus.

Mon petit cheval robuste reste silencieux mais je sens qu’il trépigne.

Je le trouve tendu tout à coup.

— Il faut partir ? je lui demande.

Mais je n’ai pas fini de lui poser la question qu’un craquement dans

les bois trahit une présence humaine. Est-ce mon bienfaiteur ou

bien…

— Qui est là ?

Je m’inquiète et je pose la main sur Wakan, prête à sauter sur son dos.

Il n’y a plus de bruit. Je ressens des yeux se poser sur moi. Je suis

observée. Comme la biche traquée, je guette le moment où je vais

disparaître dans les bois à toute vitesse. Mais j’ai besoin d’en savoir

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plus. Suis-je encerclée ? Combien sont-ils et qui sont-ils ? Une odeur

âcre me pique le nez. Celle de la colère.

— Hoga ? C’est toi Hoga ?

— Oui, c’est moi, petite voleuse. Écarte-toi du cheval que tu nous as

pris. Je viens te ramener à la réserve.

— Jamais !

Mes doigts se resserrent sur la crinière de Wakan. Il est prêt à bondir,

il n’attend que mon ordre.

— Tu dois m’obéir. Apawi est mort. Je suis maintenant le chef de notre

tribu. Écoute mes paroles et suis-moi. Fais-moi confiance.

— Apawi a donc rejoint les sages et je suis triste. Il avait raison : tes

paroles sont comme l’alcool que tu bois. Elles brûlent la bouche et

elles tournent les esprits pour mieux mentir.

— Tu vas me payer cet affront, fille sans yeux !

La peau de Hoga exhale le soufre. Elle annonce la violence. Vive

comme la buse de nos plaines, je saute sur mon poney et donne des

jambes.

— Sauve-nous, Wakan ! Vole si tu peux et sauve-nous.

Chapitre 4

La terre s’ébranle derrière nous. Combien de chevaux sont à nos

trousses ? Je n’en sais rien. Hoga hurle sa rage et les rochers du

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canyon tremblent de peur. Je n’entends plus les sabots de Wakan. Je

crois qu’il ne touche pas terre, tant son galop est rapide. Je fourre

mon nez dans son encolure et j’invoque les esprits des sages. Le vent

siffle à mes oreilles comme il ne l’a jamais fait. Chevaucher un aigle

géant en pleine plongée vers sa proie ne serait pas plus exaltant.

— Cours, Wakan. Galope, décolle ! Continue, je crois qu’on les sème.

Mais soudain, mon petit étalon freine dans un nuage de poussière qui

me coupe la respiration. Je panique.

— Avance, avance !

J’inflige des coups de talons à Wakan. Au lieu de foncer vers l’avant,

mon poney se cabre et fait face à Hoga, qui ne tarde pas à nous

rejoindre. Les guerriers sont nombreux. Leurs montures transpirent.

L’écume qui sort de leur peau humide a des relents de terre salée.

J’entends Hoga descendre de son cheval et s’approcher du mien.

— Saute de ton poney, fille sans yeux, je te ramène au sorcier.

— Je suis Hahepi Cuwitku : fille de la nuit. Appelle-moi par mon nom,

Hoga.

— Saute, je te dis.

Mais voici que Wakan se dresse à nouveau sur ses postérieurs et

menace Hoga.

— Abattez ce poney, hurle le nouveau chef à nos guerriers.

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— Hoga, dit l’un d’eux, nous ne marchons pas sur le sentier de la

vérité.

— Qu’est-ce que tu racontes ?

— Regarde ce poney. Il a couru plus vite que nos meilleurs

Appaloosas.

— Et alors ?

— Regarde ces yeux… Il est aveugle.

Là, je sursaute :

— Quoi ? Wakan, tu es aveugle, toi aussi ?

— Un cheval sans ses yeux, reprend le guerrier, ne se déplace pas à

la vitesse du vent. Il est guidé par les esprits. Nous devons rentrer,

Hoga, avant que les sages de l’autre monde ne se mettent en colère.

— Les sages m’ont donné le pouvoir. Je suis le chef et je vais punir

cette petite squaw et son maudit poney.

— Ils ne t’ont rien donné du tout. Tu as tué Apawi, s’avance un autre

guerrier. Je t’ai vu l’empoisonner.

— Ça suffit, hurle Hoga, en roulant sa voix comme le tonnerre.

Mais au tonnerre, la foudre répond.

Chapitre 5

Wakan a plié son genou droit et m’a déposé sur le sol. Je me trouve

face à Hoga, plus furieux que jamais. Il empeste la haine. Mais en

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respirant plus fort, je trouve qu’il sent le corps sans vie. Je comprends

ce qui va se passer et je tente de le prévenir :

— Les esprits sont hors d’eux, oncle. Il est encore temps de leur

demander pardon. C’est ta seule chance de ne pas repartir avec eux.

— Je ne quitterai pas le monde des vivants aujourd’hui. Qu’ils aillent

au diab…

Les esprits des guerriers anciens ne laissent pas Hoga finir sa phrase.

La foudre dans le ciel témoigne de leur bravoure passée et de leur

justice. Fâchés du manque de respect, les sages des temps anciens

lancent une boule de feu sur Hoga qui roule… le nez dans la rivière

toute proche.

— Je crains maintenant pour notre tribu, lance un brave. Nous n’avons

plus de chef et nous avons offensé les esprits.

Alors le vent se lève et se faufile dans les branches qui nous entourent.

Son sifflement se change en voix et d’un coup, nous comprenons ses

paroles. L’esprit souffle dans notre langue :

— Écoute guerrier et écoutez tous ! Vous n’avez pas entendu la

sagesse de Apawi. Vous avez répondu à l’appel de la ville qui vous

détourne des forêts. Vous, les braves, avez laissé l’alcool affaiblir votre

esprit et les lumières danser devant vos yeux. Alors, les sages de la

nuit ont décidé d’agir et Oka est venue au monde. L’esprit du soleil a

masqué ses yeux, pour la protéger des lumières de la ville mauvaise

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et pour qu’elle grandisse, tournée vers la nature. Vous, qui possédez

la vue, voyez-en elle, la force de la terre, la patience de la nuit et

l’intuition du vent. Ces qualités sont celles d’un vrai chef. C’est elle

dorénavant, la fille de la nuit, qui guidera votre tribu.Personne n’ose

répondre au grand esprit et les braves m’apportent leur arc et leurs

flèches en signe de respect.

— Je ne mérite pas tout cela. Je suis une voleuse.

— Tu n’as rien volé, Oka, me répond le vent, Wakan est un cadeau

des esprits anciens. Il t’attend au campement, avec les autres chevaux.

Ses yeux, comme les tiens, regardent la nuit, mais il te mènera sur le

chemin du juste. Les esprits guerriers te protègent, Oka. Ils ont grillé

le poisson pour toi et surveillé ton feu.

Je me retourne pour toucher Wakan… Mais il a disparu.

— Comment est-ce possible ?

— Petite squaw, tu as cru que tu montais un poney, mais tu as

chevauché le vent. Et je t’ai porté jusque sur cette terre fertile, bordée

d’une rivière claire. C’est la terre de tes ancêtres. Installe ta tribu ici et

guide-la vers la sagesse. Tu es les yeux de la nation Sioux !

Et l’esprit du vent quitta les grands feuillages…De retour au

campement, j’embrasse mon père et ma mère et je leur demande de

démonter notre tipi. Ensuite je me dirige vers Wakan qui m’attend à

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l’écart. Je retrouve son parfum puissant et son dos large. Je me mets

en selle, flatte son encolure et lui chuchote :

— En avant, Wakan, retrouvons la terre de mes ancêtres… Alors, mon

poney avance au pas, fier et traînant le sabot. Je me redresse et crie

aux braves :

— Peuple Sioux Lakota, notre tribu renaît ! Marchons !

Lhote, Olivier. La nuit des sages. Jeunesse Short Edition. Repéré à https://jeunesse.short-
edition.com.

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La prise de décisions et la spiritualité chez les

Autochtones
Intertitre 1 : ____________________________________

Chez les Autochtones, gagner en âge est considéré comme un signe de sagesse.

C'est pourquoi les membres les plus âgés des groupes autochtones se

rassemblent pour former le conseil des anciens. Ce conseil est chargé de prendre

les décisions importantes pour l'ensemble de la communauté.

Il détermine, entre autres, les règles à suivre pour les membres du clan et décide

si un affrontement contre des ennemis est nécessaire. Puisque chaque membre

du conseil est expérimenté et sage, on accorde une grande valeur à leurs

opinions. Dans une majorité de nations, le conseil des anciens a aussi la

responsabilité de choisir le chef.

Intertitre 2 : ____________________________________

Les qualités requises pour devenir chef et le rôle de ce dernier varient d'une

famille linguistique à l'autre. Chez les Inuits et les Algonquiens, deux familles

nomades qui ont une structure sociale patriarcale, le chef doit surtout être un

habile chasseur qui sera capable d'assurer la sécurité de son clan. Celui-ci a

l'importante responsabilité de déterminer s'il est temps de déplacer le

campement et de choisir l'endroit où la nourriture se fera suffisante.

Chez les Iroquoiens, le mode de vie sédentaire permet le développement d'un

système qui est plutôt axé sur le dialogue et le compromis que sur la survie. Le

chef civil est nommé pour son courage, son éloquence et sa capacité à convaincre

les autres. Encore là, c'est le conseil des anciens qui prend les grandes décisions.

Le rôle du chef est donc d'expliquer à l'ensemble des membres du conseil

@passiondidactique
pourquoi son opinion est la bonne. C'est aussi lui, et non l'ensemble du conseil,

qui est le représentant du village lorsque vient le temps d'entrer en contact avec

d'autres nations.

Dans cette famille linguistique, il y a souvent un autre chef, le chef de guerre.

Celui-ci, s'étant démarqué en raison de ses différents exploits réalisés dans le

passé, a le rôle de mener ses confrères si une guerre se déclare.

Intertitre 3 : ____________________________________

Dans la conception autochtone, le monde est formé par trois dimensions : le ciel,

la terre et le monde souterrain. Le ciel est lié aux esprits et au Grand Esprit. La

terre est le lieu de la vie quotidienne. Le monde souterrain est réservé aux esprits

des personnes décédées. Le chaman, personne sage et initiée, établit des liens

entre les trois dimensions et aide la tribu à comprendre les messages des esprits.

Pour être crédible au sein de son clan, le chaman doit faire des interprétations et

des prédictions justes. Seulement les chamans ayant prouvé leur crédibilité

peuvent faire partie du conseil des anciens.

Intertitre 4 : ____________________________________

Amoureux de la nature et cherchant à expliquer leur place dans l'univers, les

Autochtones ont développé une compréhension du monde basée sur l'animisme;

une croyance qui considère que chaque élément de la nature, vivant ou non,

possède un esprit. Plusieurs mythes et légendes se sont aussi développés pour

tenter d'expliquer la création du monde et les phénomènes mystérieux.

Puisque l'écriture ne fait pas partie de la culture traditionnelle, les connaissances,

les mythes et les légendes se transmettent oralement. La tradition orale est très

importante pour assurer le maintien des habitudes de vie et des savoirs. Les

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jeunes autochtones apprennent les chants, les danses et les mythes en les

écoutant et en participant aux cérémonies.

Intertitre 5 : ____________________________________

Il n'y a pas de système scolaire chez les Autochtones. Bien que les parents veillent

au bien-être de leurs enfants, c'est tout le village qui s'assure que les jeunes soient

éduqués. Pour ce faire, il n'est pas question de donner des ordres ou de punir

physiquement un enfant lorsqu'il a mal agi. Les adultes s'assurent plutôt

d'encourager les enfants et de les féliciter lorsqu'ils posent de bonnes actions.

Or, bien que les enfants profitent d'une grande liberté, la recherche de

reconnaissance les pousse à vouloir montrer leur bravoure, leurs habiletés et aussi

à participer au bon fonctionnement du village.

Intertitre 6 : ____________________________________

Chez les Autochtones, si un individu trouve une quantité de nourriture plus

importante que celle dont il a besoin, il est de son devoir de partager les surplus

avec les membres du groupe qui ont plus de difficulté à en trouver. Ainsi, les

enfants, les aînés et les malades sont toujours pris en charge.

Dans ce contexte de générosité, la pratique du don et du contredon est courante.

Lorsqu'un individu donne quelque chose (objet artisanal, pièce de vêtement,

nourriture, outil, etc.), celui qui reçoit cherchera à donner quelque chose de valeur

similaire en retour. Ce devoir moral de faire un contredon est observé dans la

majorité des nations autochtones. Il est important de comprendre que cette

pratique n'est pas une obligation. S'il s'agissait réellement d'un échange, on

parlerait plutôt de troc.

Allô Prof. La prise de décisions et la spiritualité chez les Autochtones. Repéré à


https://www.alloprof.qc.ca

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Questionnaire de l’élève
Consignes :
- Assure-toi de bien structurer tes réponses selon la dimension qui est

évaluée (compréhension, interprétation, réaction, jugement critique) ;

- Les erreurs d’orthographe (d’usage et grammaticale) ne sont pas

comptabilisées.

Partie 1 : La nuit des sages (33 points)

1. Réaction (4 points)

Si tu avais été à la place de la petite Oka, aurais-tu décidé, comme elle, de quitter

ton village ? Explique ta réponse en faisant un lien avec ta personnalité et en te

comparant à Oka.

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2. Interprétation (4 points)

À ton avis, quelle est la morale de cette histoire ? Justifie ta réponse en utilisant

deux éléments liés aux personnages de ce texte.

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3. Jugement critique (4 points)

Si tu avais à choisir un adjectif pour décrire cette histoire, lequel choisirais-tu ?

Explique ta réponse en faisant deux liens concrets avec le texte. Assure-toi d’être

précis.e et clair.e.

a. Surprenante b. Triste C. Inspirante D. Ennuyante

_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

24
4. Compréhension (4 points)

Dans le tableau 3.1, classe ces quatre extraits (a, b, c, d) selon la séquence

textuelle qui les caractérise le mieux (narrative, de paroles ou descriptive). Ne

recopie pas les extraits dans le tableau, utilise simplement la lettre qui y est

associée.

a. — Tu n’as rien volé, Oka, me répond le vent, Wakan est un cadeau des esprits

anciens.

b. Je m’inquiète et je pose la main sur Wakan, prête à sauter sur son dos. Il n’y a

plus de bruit. Je ressens des yeux se poser sur moi. Je suis observée.

c. Je devine qu’il est grand et fort. Il déplace beaucoup d’air lorsqu’il marche. Sa

voix résonne gravement et je comprends que son torse est large et puissant. C’est

un guerrier. Son odeur acide me brûle le nez. Elle porte en elle la guerre.

d. Le jour s’est levé. Ma mère m’apporte du lait et une galette pour le petit-

déjeuner.

Tableau 3.1
1. Séquence narrative

2. Séquence de paroles

3. Séquence descriptive

25
5. Compréhension (5 points)
a. Quel est le type du narrateur dans le texte La nuit des sages ? Donne deux
preuves qui permettent de justifier ta réponse.

Type de narrateur :
_______________________________________________

Preuves :
ü ________________________________________________________

________________________________________________________

ü ________________________________________________________

________________________________________________________

b. Quel est le point de vue de la narration dans le texte La nuit des sages ?
Dans le premier paragraphe du chapitre 1, trouve un extrait qui illustre bien
ta réponse.

Point de vue : _____________________________________________

Extrait:

_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

26
6. Compréhension (8 points)
En utilisant des phrases complètes, reconstruis le schéma narratif de l’histoire.

Situation initiale

Élément
déclencheur

Déroulement ü
ü
ü

Dénouement

Situation finale

7. Interprétation (4 points)

Lorsque la jeune autochtone est seule, dans la forêt, le méchant Hoga la surprend

et lui dit : « Oui, c’est moi, petite voleuse. Écarte-toi du cheval que tu nous as pris.

Je viens te ramener à la réserve. ». Pourquoi a-t-il prononcé ces paroles ? Explique

ta réponse en utilisant deux éléments du texte.

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

27
Partie 2 : La spiritualité chez les Autochtones (12 points)

8. Compréhension (6 points)
Dans le texte 2, six espaces sont présents et numérotés : intertitre 1, intertitre 2,

intertitre 3, intertitre 4, intertitre 5 et intertitre 6. Parmi la liste suivante, choisis le

meilleur intertitre selon le paragraphe qu’il décrit.

Liste : Le partage, le sport, l’histoire des Autochtones, l’éducation des enfants,


le système de santé, les réserves autochtones, la tradition orale, la littérature
autochtone, le chaman, la politique autochtone, le chef, le conseil des anciens.

Intertitre 1

Intertitre 2

Intertitre 3

Intertitre 4

Intertitre 5

Intertitre 6

9. Réaction (6 points)
À la suite de la lecture du texte La prise de décisions et la spiritualité chez les

Autochtones, quelles émotions as-tu ressenties ? Nomme une émotion et justifie

ta réponse à l’aide de deux éléments tirés du texte.


_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

28
Partie 3 : Comparaison entre les deux textes (5 points)
Consignes :

Dans la prochaine section, tu devras répondre à une question qui porte sur les

deux textes que tu as lus, soit La nuit des sages et La prise de décisions et la

spiritualité chez les Autochtones

10. Jugement critique (5 points)


Parmi les deux textes que tu as lus, lequel as-tu préféré ? Justifie ta réponse en

donnant deux arguments pertinents : un en lien avec le texte choisi et un en lien

avec tes goûts personnels.

Texte préféré : ______________________________

Justification :
_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

_____________________________________________________________

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