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La Pluie
La longue pluie,
La pluie — et ses fils identiques
Et ses ongles systématiques
Tissent le vêtement,
Maille à maille, de dénûment,
Pour les maisons et les enclos
Des villages gris et vieillots :
Linges et chapelets de loques
Qui s’effiloquent,
Au long de bâtons droits ;
Bleus colombiers collés au toit ;
Carreaux, avec, sur leur vitre sinistre,
Un emplâtre de papier bistre ;
Logis dont les gouttières régulières
Forment des croix sur des pignons de pierre ;
Moulins plantés uniformes et mornes,
Sur leur butte, comme des cornes
La pluie,
La longue pluie, avec ses longs fils gris.
Avec ses cheveux d’eau, avec ses rides,
La longue pluie
Des vieux pays,
Éternelle et torpide !
Les Pêcheurs
Le Meunier
Au village là-bas,
Personne au mort n’avait prêté deux draps.
Au village là-bas,
Nul n’avait dit une prière.
Au village là-bas,
Personne au mort n’avait sonné le glas.
Au village là-bas,
Aucun n’avait voulu clouer la bière.
L’universelle inquiétude
Peuplait de cris la solitude ;
En voiles noirs et bruns,
Le vent passait comme quelqu’un ;
Tout le vague des horizons mobiles
Devenait remuement et frôlement hostile
Jusqu’au moment où, les yeux fous,
Jetant sa bêche n’importe où,
Avec les bras multiples de la nuit
En menaces, derrière lui,
Jusqu’au fleuve, il s’enfuit.
Alors,
La Neige
Le Menuisier
Le Sonneur
La tour,
Avec, à son faite, la croix brandie,
Épand, vers l’horizon halluciné,
Les crins rouges de l’incendie.
Le bourg nocturne en est illuminé.
Les visages des foules apparues
Peuplent de peur et de clameurs les rues
Et, sur les murs soudain éblouissants,
Les carreaux noirs boivent du sang.
La tour,
Elle grandit, sur l’horizon qui bouge;
Elle est volante en lueurs rouges,
Par au-dessus des lacs et des marais ;
Ses ardoises, comme des ailes
De paillettes et d’étincelles,
Fuient, dans la nuit, vers les forêts
Au passage des feux, les chaumières s’exhument
De l’ombre et, tout à coup, s’allument
Et, dans l’effondrement du faîte entier, la croix
Choit au brasier, qui tord et broie
Ses bras chrétiens, comme une proie.
La tour,
Le feu s’y creuse en entonnoir,
Par au dedans des murs de pierre,
Gagnant l’étage et le voussoir,
Où saute et rebondit la cloche en sa colère.
Les corneilles et les hiboux
Passent, avec de longs cris fous,
Cognant leur tête aux fenêtres fermées,
Brûlant leur vol, dans les fumées,
Hagards d’effroi, lassés d’efforts,
Et, tout à coup, parmi les houles de la foule,
S’abattant morts.
La tour,
On la dirait tout en rouges buissons
Dont les branches de flamme
Se darderaient, par à travers les abat-son;
Le feu sauvage et convulsif entame,
Avec des courbes végétales,
Les madriers et les poulies
Et les poutres monumentales,
D’où les cloches sonnent et clament leur folie
La tour,
Un décisif fracas,
Gris de poussière et de plâtras,
La casse en deux, de haut en bas.
Comme un grand cri tué, cesse la rage,
Soudainement, du glas.
Le vieux clocher
Tout à coup noir semble pencher;
Et l’on entend, étage par étage,
Avec des heurts dans leur descente,
Les cloches bondissantes,
Jusqu’à terre, plonger.
La Vieille
Le Silence
Le Fossoyeur
Là-bas,
Dans le jardin des ifs et des trépas,
Depuis toujours, un homme bêche
La terre sèche.
Le Vent
L’Aventurier
Les Cordiers
Là-bas,
En ces heures de soir ardent et las,
Un ronflement de roue encor s’écoute.
Quelqu’un la meut qu’on ne voit pas ;
Mais parallèlement, sur des râteaux,
Qui jalonnent, à points égaux,
De l’un à l’autre bout la route,
Les chanvres clairs tendent leurs chaînes
Continuement, durant des jours et des semaines.
Le Forgeron
Son front
Exempt de crainte et pur d’affronts,
Sur des flammes se penche, et tout à coup rayonne.
Devant ses yeux, le feu brûle en couronne.