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Elle y raconte avec humour et poésie des épisodes de l’enfance heureuse qu’elle a
passée dans un petit village de l’Yonne, son amour de la nature et son rapport, admiratif
et fasciné, à sa mère. (Voir la fiche de lecture de Sido suivi des Vrilles de la vigne de
Colette)
Elle se souvient alors des moments où «Sido» rentrait de ses excursions parisiennes.
Texte étudié
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Elle revenait chez nous lourde de chocolat en barre, de denrées exotiques et
d’étoffes en coupons, mais surtout de programmes de spectacles et d’essence à la
violette, et elle commençait de nous peindre Paris dont tous les attraits étaient à sa
mesure, puisqu’elle ne dédaignait rien.
En une semaine elle avait visité la momie exhumée, le musée agrandi, le nouveau
magasin, entendu le ténor et la conférence sur la Musique birmane. Elle rapportait
un manteau modeste, des bas d’usage, des gants très chers.
Surtout elle nous rapportait son regard gris voltigeant, son teint vermeil que la
fatigue rougissait, elle revenait ailes battantes, inquiète de tout ce qui, privé d’elle,
perdait la chaleur et le goût de vivre. Elle n’a jamais su qu’à chaque retour l’odeur
de sa pelisse en ventre-de-gris, pénétrée d’un parfum châtain clair, féminin, chaste,
éloigné des basses séductions axillaires, m’ôtait la parole et jusqu’à l’effusion.
D’un geste, d’un regard elle reprenait tout. Quelle promptitude de main ! Elle coupait
des bolducs roses, déchaînait des comestibles coloniaux, repliait avec soin les
papiers noirs goudronnés qui sentaient le calfatage. Elle parlait, appelait la chatte,
observait à la dérobée mon père amaigri, touchait et flairait mes longues tresses
pour s’assurer que j’avais brossé mes cheveux… Une fois qu’elle dénouait un
cordon d’or sifflant, elle s’aperçut qu’au géranium prisonnier contre la vitre d’une
des fenêtres, sous le rideau de tulle, un rameau pendait, rompu, vivant encore. La
ficelle d’or à peine déroulée s’enroula vingt fois autour du rameau rebouté, étayé
d’une petite éclisse de carton… Je frissonnai, et crus frémir de jalousie, alors qu’il
s’agissait seulement d’une résonance poétique, éveillée par la magie du secours
efficace scellé d’or…
Problématique
Puis, de «"Surtout elle nous rapportait…"» à «"jusqu’à l’effusion"», Sido apparaît en mère
adorée, attendue, cœur palpitant de cette famille et source d’un éveil sensuel chez sa
fille.
Enfin, à partir de «"D’un geste, d’un regard…"», Sido franchit encore un degré dans
l’estime de sa fille, qui la voit comme une fée.
I – Sido ou l’exaltation
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De «"Elle revenait chez nous lourde de chocolat en barre» à « des gants
très chers »"
De Paris, Colette ne perçoit que ce qu’en rapporte et dit sa mère.
Mais ce n’est pas tant la capitale qui la fait rêver que le personnage de Sido, exalté et
fantaisiste.
Ainsi, à son retour, c’est un déballage enthousiaste de cadeaux qui témoignent de son
caractère, de ses activités et de ses intérêts.
Sido a fait le plein de ces produits qu’on ne trouve pas en province. Les friandises
(«"chocolat en barre», «denrées exotiques"») ont été achetées en quantité, comme
l’indique l’expression «lourde de».
Les «"étoffes en coupons"» appesantissent aussi les bagages et signalent son besoin
d’élégance, son attrait pour les étoffes à la mode de Paris.
La locution adverbiale «mais surtout» attire cependant notre attention sur les «
"programmes de spectacles"» et l’«"essence à la violette"»: Sido est une femme raffinée,
cultivée, possédant un certain goût du luxe et une certaine sensualité.
Après cette énumération, la phrase rebondit et nous fait entendre la voix de Sido, qui
raconte, exaltée, son séjour: «"et elle commençait de nous peindre Paris dont tous les
attraits étaient à sa mesure, puisqu’elle ne dédaignait rien"».
L’énumération se contente de désigner «la momie», «le nouveau magasin», «le ténor»
avec un simple article défini, sans noms précis, comme si on entendait les expressions
mêmes de Sido.
Mais les articles définis permettent aussi d’inscrire, avec une pointe d’humour, ces récits
dans l’habitude et la répétition: à chaque retour de Paris, c’est un nouveau magasin
qu’elle a vu, un nouveau ténor, une nouvelle conférence qu’elle a entendus.
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Son goût pour la mode et le luxe sont une dernière fois évoqués dans une énumération
: « "un nouveau manteau, des bas d’usage, des gants très chers."«
De même, elle n’a rapporté que des «"étoffes en coupons"», c’est-à-dire des
échantillons.
Mais, comme le souligne ensuite Colette, ce qui importe, dans ce retour, n’est pas
matériel…
C’est le retour de la mère adorée qui compte: «"Surtout elle nous rapportait son regard
gris voltigeant, son teint vermeil"», deux trésors dont la maisonnée ne saurait se passer.
Ceregard protecteur se pose avec bienveillance sur toute chose. La couleur de son
teint «"que la fatigue rougissait"» fait ressortir la vivacité et la gaieté du caractère de
Sido: sans eux, la vie semble s’éteindre dans la maison.
La métaphore des «"ailes battantes"» assimile d’ailleurs Sido à un oiseau revenu à tire
d’ailes au nid, consciente de son rôle capital pour sa famille : «"inquiète de tout ce qui,
privé d’elle, perdait la chaleur et le goût de vivre"».
Elle confie au lecteur un secret d’enfance, jamais avoué à sa propre mère: «"Elle n’a
jamais su que"».
La précision temporelle «"à chaque retour"» suggère que Colette attendait cet instant
pour s’enivrer de ce parfum, sans doute respiré en cachette.
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La féminité et la pureté de cette présence sont confirmées par les adjectifs «"féminin,
chaste"»: ce parfum, celui du corps même de Sido, recèle en quelque sorte l’essence
même de cette femme.
Enfin, l’émotion intense qu’en ressent la narratrice, qui la mène jusqu’à l’indicible
(«"m’ôtait la parole jusqu’à l’effusion"»), témoigne également de l’intense sensualité qui
habite l’enfant.
Le détail de l’odeur des «"papiers noirs goudronnés qui sentaient le catafalque"» nous
ramène à nouveau à la sensualité de l’enfant, pour qui ce retour de Paris est surtout un
régal pour l’odorat.
Paradoxalement, Sido n’utilise la parole que pour appeler l’animal, en femme proche
des bêtes: «"elle parlait, appelait la chatte"».
Mais pour les êtres humains, elle se sert de ses sens, vue, toucher, flaire, en femme
qui comprend et sent immédiatement, les choses sans recourir aux mots : elle
«"observait à la dérobée mon père amaigri"»; elle «"touchait et flairait mes longues
tresses pour s’assurer que j’avais brossé mes cheveux…"».
Sido exerce une surveillance très rigoureuse mais tout en bienveillance dans sa
maison; rien ne lui échappe.
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Le passage se clôt sur une anecdote. L’expression «une fois » et les verbes au passé
simple (« "elle s’aperçut», «s’enroula», «je frissonnai, et crus"») signalent le caractère
unique de ce souvenir, et tranchent avec les imparfaits d’habitude.
Sido, tout en défaisant les paquets («"elle dénouait un cordon d’or sifflant"»), a également
l’œil sur les plantes, ici le géranium dont une branche est cassée: «"un rameau pendant,
rompu, vivant encore"».
L’imagination de l’enfant est alors frappée par le bond du ruban sur la plante : «"la ficelle
d’or à peine déroulée s’enroula vingt fois autour du rameau rebouté, étayé d’une petite
éclisse de carton…"»
« "La ficelle d’or" » semble animée d’une volonté propre puisqu’elle est sujet du verbe
d’action « s’enroula », comme si elle agissait par magie.
Colette analyse ce sentiment: «"Je frissonnai, et crus frémir de jalousie"», une jalousie
pour cette plante ornée d’un ruban d’or et objet du soin maternel. La répétition des
fricatives « fr » et l’assonance en « i » restitue le tressaillement de l’enfant.
Mais la narratrice corrige son analyse : «"il s’agissait seulement d’une résonance
poétique, éveillée par la magie du secours efficace scellé d’or…"».
Elle nous la montre à la fois cultivée, curieuse, élégante, exaltée comme une jeune
femme, mais aussi profondément maternelle, mature et puissante par sa bienveillance
et son sens de l’observation, sa diligence et ses aptitudes en toutes choses.
Cœur de la famille, capable de tout comprendre sans parler, d’observer et de sentir les
choses, la fée «Sido» ne laisse ni les humains, ni les animaux, ni les plantes hors de sa
sollicitude, et les objets semblent même lui obéir.
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Les Vrilles de la vigne, Autrefois le rossignol ne chantait plus la nuit (analyse
linéaire)
Les Vrilles de la vigne, Colette, bain de soleil
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