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Le Samedi saint : le jour d’un silence aimant

sunset-2525181_1280Cet article est paru dans la revue n°237 d’Initiales : Gagner pour
le meilleur… ou pour le pire ?

« Que se passe-t-il ? Aujourd’hui, grand silence sur la terre ; grand silence et ensuite
solitude parce que le Roi sommeille. La terre a tremblée et elle s’est apaisée, parce que
Dieu s’est endormi dans la chair. » Ainsi commence une homélie très ancienne que la
liturgie des Heures nous donne à méditer chaque année le Samedi saint. C’est dans
cette perspective qu’il nous faut aborder la spécificité liturgique de ce jour.

Entre mort et Résurrection

Le Samedi saint est ce jour intermédiaire dont on ne sait pas très bien ce qu’il faut en
dire. « Que se passe-t-il ? » dit l’homélie ancienne. Que se passe-t-il pour les disciples
contraints de constater ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, ce prophète puissant par
ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple (Lc 24, 19-20) : condamné,
crucifié, il est mort. Bien des sentiments traversent la tête et le cœur de ses hommes et
de ses femmes qui ont mis leur espérance en Jésus. Dans un silence sidéré, ils
s’interrogent, doutent, se révoltent, mais plus que tout, ils font mémoire des actes et
des paroles de Jésus. Fondamentalement, le Samedi saint est un jour de relecture où
remonte la question posée par Jésus lui-même : Pour vous qui suis-je ? Question posée
aux disciples quelques jours avant la scène grandiose de la Transfiguration, mais aussi
question indirecte ou inversée posée aux foules, aux scribes et aux pharisiens –dans
saint Jean chapitre 8 entendu durant la 5e semaine de Carême – car lorsque Jésus dit Je
suis, il oblige l’auditeur à se positionner : cet homme est un imposteur, un fou, un
homme à part, le fils de Dieu ? Et ces questions, dans le cœur des disciples, butent sur
la croix, sur la mort brutale de Jésus, sur cet anéantissement apparent de tout espoir.
Même si certains se souviennent d’étranges paroles de Jésus : Il faut que le Fils de
l’homme soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite (Lc 9, 22).

Si tous croient que les morts ressusciteront au dernier jour (Jn 11, 24), si la plupart ont
vu la résurrection de Lazare, aucun n’a compris le sens exact de cette parole de Jésus.
Pris entre la mort de Jésus et sa résurrection, le Samedi saint fait place au silence de
l’intériorisation, à l’approfondissement des faits et gestes de Jésus. Il appelle à faire un
acte de foi semblable à celui du Centurion : Vraiment cet homme était Fils de Dieu ! (Mc
16, 39).
Un jour en creux

Si le Samedi saint est un jour « en creux », il nous appartient d’assumer ce « creux » pour
en recevoir les fruits.

Les premiers chrétiens faisaient de ce jour, un jour de jeûne absolu, non pénitentiel,
mais festif : un jeûne de désir, du désir d’être comblé par la résurrection du Christ. Il
s’agit donc de ne pas vouloir remplir ce jour de choses à faire, mais bien plutôt
d’accepter ce vide. Si le Christ, qui est notre vie, « s’est endormi », ce n’est pas pour que
nous l’abandonnions, mais bien pour que nous veillions auprès de lui, différemment du
Jeudi saint. C’est l’occasion de prendre la mesure du vide et de l’absence, mais pas de
manière désespérée justement parce que la méditation des actes et des paroles du
Christ nous redit en qui nous avons mis notre espérance.

Deux jours aliturgiques

Le Samedi saint fait partie intégrante du Triduum pascal qui est la grande célébration
annuelle de la Pâque du Christ. Cette seule et même célébration maintient vive, durant
quatre jours, la mémoire de l’unique sacrifice rédempteur – sauveur – du Christ. Du
Jeudi saint au dimanche de Pâques, nous sommes rendus participant à l’offrande que
Jésus fait de lui-même pour notre salut. Le Samedi saint n’est pas un jour à part, il est un
jour à prendre en compte au cœur de cet ensemble parce qu’il est le lieu d’une
résonance entre les événements qui constituent le mystère pascal.

Entre la célébration eucharistique du Jeudi saint et celle de la nuit de Pâques, l’Église ne


célèbre pas l’eucharistie. Il y a donc deux jours aliturgiques au sens où l’on donne le
nom de « liturgie » uniquement à la célébration eucharistique (la Divine liturgie comme
l’appellent les Orientaux), mais ce ne sont pas deux jours sans liturgie, car l’Église prie,
elle se rassemble pour former le corps du Christ en prière. Elle fait monter sa grande
prière le Vendredi saint en se tenant devant la Croix où Jésus offrit, avec un grand cri et
dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort,
et il fut exaucé en raison de son grand respect (He 5, 7). Elle continue de prier le Samedi
saint, mais avec retenu dans une plus grande sobriété. Sans éclat, elle se réunit pour
célébrer les Heures qui soutiennent son espérance.

Le seul geste qui reste à l’Église c’est le chant

Et c’est bien la foi qu’elle affirme en reprenant, dans l’office des lectures, les psaumes
de la confiance : « En toute paix, je me couche et je m’endors, car tu me fais vivre »
(antienne du Ps. 4), car celui qui s’est endormi dans la chair, va se réveiller et déjà nous
l’acclamons : « Qu’il entre le roi de gloire ! » (antienne du Ps. 23), car si nos yeux
pleurent, et c’est juste, l’ami perdu, le fils unique et bien-aimé, le Seigneur de gloire,
nous pouvons prononcer les mots que lui-même place dans notre bouche : « J’étais
mort et me voici vivant pour les siècles ; je détiens les clés de la mort et des enfers »
(antienne du Ps 150, prière du matin). L’Église en prière ne regarde pas sa détresse, elle
tourne résolument son regard vers le Christ qui s’est fait obéissant jusqu’à la mort et qui
reçoit du Père le nom qui est au-dessus de tout nom (répons après la lecture, matin et
soir, cf. Ph 2, 8-9).

En ce jour, pas de geste sacramentel comme le Jeudi saint, pas de vénération comme le
Vendredi saint, pas de procession, pas de longues lectures. Le seul geste qui reste à
l’Église c’est le chant. Le chant des psaumes particulièrement. D’une part parce que le
Christ y fait entendre sa voix priant le Père et qu’il nous prend dans ce chant. D’autre
part parce que le chant est un acte de l’Église, Corps du Christ, qui, assise devant la
pierre scellée du tombeau, ouvre sa bouche pour que Dieu l’emplisse de sa louange.
C’est ce que sont les psaumes par nature, même lorsqu’ils crient de détresse. La
louange, c’est-à-dire la reconnaissance de la fidélité indéfectible de Dieu, les traverse
de part en part.

Don de soi et fécondité

« Le Christ s’est endormi dans la chair. » Il y a là toute l’apparence d’une perte : il a perdu
la vie. Pourtant, c’est la condition nécessaire pour que la vie jaillisse, pour que la vie
gagne tout l’espace laissé libre par la mort. Seul le don, qui appauvrit de ce que l’on a
donné, permet de recevoir davantage puisqu’un espace s’est ouvert. Le Samedi saint est
le jour témoin de cette réalité, il est espace entre la perte et le gain. Et si la perte est
celle du Verbe fait chair, le gain est celui du Christ ressuscité nous prenant dans sa
gloire car « voici que moi, qui suis la vie, je ne fais plus qu’un avec toi » (homélie
ancienne sur le grand et saint Samedi).

Le samedi saint est souvent le jour « oublié » dans la liturgie et la plupart du temps on
s’attèle plutôt à préparer la veillée pascale. Aucune messe n’est célébrée. Ce n’est pas
un jour de lamentations et de deuil mais le jour d’un silence aimant.
Avec les mots : c’est la prière des Heures qui rythme la journée. Les psaumes ce jour-là
disent le double mystère de cette journée, ils sont chantés sans antienne (petit refrain
chanté au début et à la fin), ni doxologie (parole de gloire au Père) et sur une seule note.
Ils expriment tous ce questionnement, ce doute intérieur, et se tournent ensuite vers
l’espérance et le Salut.

Avec les gestes : pas de gestes spécifiques lors de ce jour saint. La veille au soir, la
nappe de l’autel est retirée, les chandeliers enlevés, ainsi que les fleurs, la réserve
eucharistique mise en dehors de l’église, dans un endroit prévu à cet effet. On ne peut
porter la communion qu’aux malades en danger de mort (le viatique). Il est permis
d’administrer le sacrement de la pénitence et de la réconciliation et les sacrements
pour les malades, mais on ne peut pas célébrer les mariages ou les baptêmes. Le temps
est suspendu en attendant qu’éclate la joie de Pâques.

Homélie ancienne pour le grand et Saint samedi : « Éveille-toi, ô toi qui dors »

« Que se passe-t-il ? Aujourd’hui, grand silence sur la terre ; grand silence et ensuite
solitude parce que le Roi sommeille. La terre a tremblée et elle s’est apaisée, parce que
Dieu s’est endormi dans la chair. » C'est par ces mots que commence l'homélie très
ancienne que la liturgie des Heures nous donne à méditer chaque année le Samedi
saint lors de l'Office des Lectures.

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