Vous êtes sur la page 1sur 46

République Algérienne Démocratique et Populaire

Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la


Recherche Scientifique

Université de Batna 2 – Mostefa Ben Boulaid -

Faculté des Lettres et Langues Étrangères


Département de langue française

Mémoire
Présenté pour l’obtention d’un master :
Option : Littérature et
ApprochesInterdisciplinaires
Sous le titre de :

Investigation généalogique et filiation maternelle dans La


femme qui fuit d’Anaïs Barbeau-Lavalette.

Présenté par :

Abdelhamid Mounira

Devant le jury composé de :

BOUBAKOUR Samira M.C.A Université Batna 2 Président


BENZEROUAL Tarek M.C.B Université Batna 2 Rapporteur
KHADRAOUI Fatima M.C.B Université Batna 2 Examinateur

2019/2020

1
2
Dédicace
Je dédie ce travail aux êtres qui me sont les plus chers et sans qui je n’aurais jamais pu réussir :
mon papa pour son aide précieuse et ses encouragements. Ma maman, pour sa tendresse et son
soutien moral.

À mes frères : Nassim, Mohsen et Tahar.

Je le dédie aussi à mes amies : Narimene, sarah et Amel, pour leurs contributions.

3
Remerciements
J’adresse mes remerciements les plus sincères et les plus chaleureux à mon directeur de
recherche, Dr. BENZEROUAL Tarek, pour sa disponibilité permanente, ses conseils et ses
orientations.

Je tiens aussi à remercier tous les membres du jury.

4
Table des matières
Dédicace………………………………………………………………………………………p.3
Remerciements………………………………………………………………………………p.4
Introduction……………………………………………………………………………….....p.6
Premier chapitre : Panorama sur l’auteure et son œuvre…………………………………p.10
1-Anaïs Barbeau Lavalette………………………………………………………………........p.11
1.1-Parcours multidisciplinaire………………………………………………………………..p.11
1.2- Titre d’artiste pour la paix………………………………………………………………..p.12
1.3-Vie livresque et cheminement littéraire……………………………………….. …………p.13
2-La femme qui fuit : …………………………………………………………………………p.15
2.1-Présentation et structure ……………………………………………………….. ………..p.15
2.2-résumé ……………………………………………………………………………………p.16
3-Concepts clés : ……………………………………………………………………………..p.17
3.1-La généalogie dans un contexte littéraire ………………………………………………..p.17
3.2-Relations filiales dans la littérature québécoise contemporaine………………………….p.19
3.3-Littérature de terrain : enquête et investigation…………………………………………..p.20
Deuxième chapitre : Bref aperçu du concept de la psychanalyse ………………………..p.22
1-Histoire et fondements de la psychanalyse …………………………………………………p.23
2-Définitions de la psychanalyse : de Freud à Lacan …………………………………………p.24
3-Objet d’étude de la psychanalyse …………………………………………………………...p.26
4-Vers une approche psychanalytique des œuvres littéraires …………………………………p.29
Chapitre 3 : analyse Trans-générationnelle du corpus ……………………………………p.31
1-Filiation maternelle brisée : l’héritage d’une absence ………………………………………p.32
2-Investigation généalogique : percer le mystère d’un abandon ……………………………..p.34
3-La filiation de compensation ………………………………………………………………..p.35
4-L’imaginaire dans la construction des faits …………………………………………………p.36
5-L’écriture filiale au service de la mémoire collective ………………………………………p.37
Conclusion…………………………………………………………………………………….p.39
Références bibliographiques ………………………………………………………………...p.42
Résumé ………………………………………………………………………………………..p.45

5
INTRODUCTION

6
Introduction

« Nous ne tombons pas du ciel mais poussons sur notre arbre généalogique. » (Huston, 2014, p.
49).

S’il y a bien un sujet qui a suscité l’intérêt de plusieurs hommes et femmes de lettres depuis le
début du XIXe siècle, c’est la généalogie. Cette dernière a fait l’objet de plusieurs œuvres qui ont
marqué l’histoire de la littérature, allant jusqu’au VIIIe siècle avant J-C avec la naissance des
deux épopées d’Homère « L’Iliade et l’Odyssée», dans lesquelles les dieux sont présentés
comme des membres d’une grande famille. Les histoires de famille sous tendaient les écrits du
XIXe siècle comme ceux d’Emile Zola et Gérard de Nerval.

Le motif généalogique a perdu sa pertinence au sein de la littérature vers la fin du XIXe siècle
car avec la multiplication du nombre d’orphelins, la famille a perdu sa cohérence et sa cohésion
d’autrefois. Au XXe siècle et après des moments de rupture avec le passé, la littérature
contemporaine renoue avec les époques révolues, mais ne tient pas compte de l’ordre
chronologique de l’histoire d’une famille. Ce qui a donné naissance au récit de filiation, qui
s’écrit depuis le présent et non pas des ancêtres aux ascendants.

La généalogie et la filiation présentent une dimension littéraire intéressante dans les sociétés
occidentales contemporaines. À cet égard, le Québec ne fait pas exception et participe à
l’accroissement de cette dimension. D’ailleurs plusieurs chercheurs se sont intéressés à la
littérature québécoise moderne qui est ponctuée de motifs généalogiques et filiaux. Par ailleurs,
les filiations problématiques se cristallisent souvent autour de la figure de l’orphelin de père ou
de mère, mais rarement autour de la figure de l’absence des grands-parents.

Anaïs Barbeau-Lavalette a fait ressortir cette rareté en brassant dans son roman La femme qui
fuit, investigation généalogique et filiation maternelle. L’auteure québécoise n’a eu la chance de
parler avec sa grand-mère maternelle qu’une seule fois dans sa vie, et donc elle ne savait que très
peu de chose sur elle. Cette femme s’appelait Suzanne Meloche, elle a abandonné ses enfants
dont la mère de l’auteure à un très jeune âge. Peu de temps après sa mort, Anaïs est intriguée par
ce qu’elle découvre dans l’appartement de sa grand-mère. L’auteure décide d’engager une
détective privée et d’écrire un roman à partir des indices dégagés.

Dans ce travail de recherche, nous allons nous intéresser essentiellement à Anaïs Barbeau-
Lavalette, qui malgré l’absence de sa grand-mère et la souffrance de sa mère, elle n’a pas
marginalisé cette femme qui fuit, elle a tenu à résoudre les énigmes de l’histoire de sa grand-

7
mère et à honorer sa mémoire en écrivant ce roman. Ce qui nous a conduits inéluctablement à la
question suivante : quel est le motif qui a incité l’auteure à mener un long travail d’investigation
généalogique sur les traces d’un maillon égaré de sa filiation maternelle ?

Cette question nous conduit à émettre les hypothèses suivantes :

Le désir de la réconciliation et de la réparation du présent par la passé, serait le point de départ


de cette investigation ;

La reconstruction de son histoire familiale en comblant le manque existant dans sa filiation


maternelle, serait le motif de base.

L’objectif de ce travail de recherche, c’est de plonger dans l’inconscient de l’auteure pour faire
une analyse pertinente de l’œuvre et approfondir les études faites auparavant sur le même corpus.
Ainsi que, de faire ressortir l’importance de la filiation maternelle qui est souvent dépassée par la
filiation paternelle sur le plan littéraire, tout en effectuant un lien entre la filiation maternelle
brisée de l’auteure et la quête menée par cette dernière sur le mystère de l’abandon de sa grand-
mère, afin de parvenir à découvrir le motif qui l’a poussé à faire tant d’efforts dans son processus
d’investigation généalogique.

Pour réaliser cette recherche et atteindre cet objectif, nous allons opter pour une approche
psychanalytique. Le choix de l’approche a été fondé sur des éléments relatifs à la problématique
et sur la conformité de cette dernière avec l’analyse que nous souhaitons réaliser. Dans le sens
où, l’approche psychanalytique, vise à démasquer derrière le discours conscient de l’auteure, les
désirs refoulés. Ce qui va nous permettre d’accéder à l’inconscient de Barbeau-Lavalette, afin de
mieux comprendre les raisons de son long travail d’investigation.

Notre travail de recherche va s’articuler en trois chapitres, le premier sera consacré à la


présentation de l’auteure, son parcours et sa vie livresque. Ensuite, la présentation du corpus et le
résumé de ce dernier. Et pour finir, la définition des concepts clés de la recherche.

Le deuxième chapitre portera sur les concepts de base de l’approche psychanalytique. C’est-à-
dire, son fondement, sa définition, son objet d’étude ainsi que l’introduction de cette approche
dans le contexte littéraire.

Le dernier chapitre, sera réservé à l’analyse du corpus en se basant sur une approche
psychanalytique et plus particulièrement sur l’analyse Trans-générationnelle, à travers laquelle
nous allons essayer de répondre aux questionnements relatifs à notre problématique, en faisant le
tour de la relation entre l’auteure et sa grand-mère, la quête généalogique, les conséquences
8
d’une filiation brisée et le processus de la reconstruction psychique. Cette analyse sera basée sur
les travaux de Nicolas Abraham et Maria Torok.

Enfin, nous clôturerons notre recherche avec une conclusion qui récapitulera ce que nous allons
avancer tout au long de ce travail et résumera les résultats auxquels nous allons aboutir.

Concernant l’état de la recherche, un mémoire de fin d’étude dont le thème est : l’héritage de la
filiation féminine brisée dans La femme qui fuit d’Anaïs Barbeau-Lavalette, a été réalisé par
Virginie De Champlain en 2019, au Québec. Dans lequel elle cherche à comprendre comment
Anaïs Barbeau-Lavalette joue de sa position d’héritière et s’octroie celle de testatrice, pour faire
du roman biographique de sa grand-mère une réécriture de la vie de Suzanne Meloche qui répare
des blessures passées.

9
CHAPITRE 1
Panorama sur l’auteure et son œuvre

10
Dans ce premier chapitre, intitulé « panorama sur l’auteure et son œuvre », nous allons présenter
en premier lieu, l’auteure, son parcours et sa vie livresque. En second lieu, nous allons nous
focaliser sur le résumé de l’œuvre, ainsi que sa structure. Et pour finir, nous allons définir les
concepts clés de notre travail de recherche.

1-Anaïs Barbeau-Lavalette

1.1-Parcours multidisciplinaire

Anaïs Barbeau Lavalette, née le 8 Février 1979 à Montréal, est une comédienne, réalisatrice,
scénariste, romancière et militante pour les droits de l’homme. Fille de la cinéaste Manon
Barbeau et du directeur photo Philippe Lavalette, elle a grandi à Outremont dans une famille
aisée et aimante.

Elle a voyagé aux quatre coins du monde dès l’âge de 19 ans, et elle a travaillé pendant un an
auprès d’enfants des bidonvilles au Honduras. A 21 ans, elle réalise son premier documentaire
les petits princes des bidonvilles (prix du public au Festival Muestra Cultural de Montréal). Elle
étudie par la suite en études internationales à l’université de Montréal et à l’institut national de
l’image et du son, ainsi qu’à l’université Birzeit en Palestine.

Après ses études à l’INIS, elle coréalise Buenos Aires, no llores, un documentaire tourné en
Argentine et sélectionné dans de nombreux festivals internationaux (prix du Meilleur court-
métrage documentaire du Festival de Cherbourg). Elle a aussi participé à une initiative des
Nations unies, l’Odyssée du volontariat, qui l’a amené à faire le tour du monde avec sa caméra
pendant trois mois pour documenter le travail de volontaires en une quinzaine de courts-
métrages. (Laurin, 2010).

À son retour, elle réalise plusieurs autres documentaires, notamment Les Mains du Monde,
abordant le thème de l’engagement et coréalise Si j’avais un chapeau (mention spéciale du jury
aux Journées du cinéma africain et créole des Vues d’Afrique, nominations Meilleur
documentaire société et Meilleure recherche aux Prix Gémeaux 2006), qui donne la parole à des
enfants du Québec, de l’Inde, de la Tanzanie et de la Palestine.

La romancière québécoise a vécu un an et demi en Palestine, elle a témoigné de l’injustice qui


touche les habitants de ce pays, dans lequel elle a choisi de faire le tournage de son film
Inch’Allah sorti en 2012. Ce dernier a été diffusé dans une vingtaine de pays et sélectionné au
Festival international du film de Toronto et à la Berlinale, où le film remporte le Prix FIPRESCI
(prestigieux prix de la critique internationale).

11
Anaïs Barbeau-Lavalette s’est fait connaître principalement par son rôle d’Isabelle dans
l’émission jeunesse, le club des cents watts diffusée à Télé-Québec à la fin des années 80 et par
son film le Ring sorti en 2007 (sélectionné À Toronto et à Berlin).

À la télévision, elle signe pour ARTV la réalisation de la série documentaire Les Voix humaines
(2009-2010) et tourne Marie pleine de grâce (2011).

Anaïs a épousé Emile Proulx-Cloutier acteur et cinéaste-documentariste, ensemble ils ont essayé
d’inventer une nouvelle forme scénique qui puise dans le documentaire et dans le théâtre sans
vraiment les marier dans la manière habituelle. Leur spectacle Vrais mondes qui propose une
collection de documentaires scéniques, a été diffusé en 2014 à la place des arts (le plus vaste
complexe culturel et artistique au Canada).

L’artiste multidisciplinaire s’est fait connaître dans le milieu littéraire en publiant son roman la
femme qui fuit en 2015, qui a eu un vaste succès critique et populaire.

Anaïs Barbeau-Lavalette s’est distinguée encore plus en intégrant le cercle du militantisme des
droits de l’homme.

1.2-Titre d’artiste pour la paix

« Moi, j’ai grandi à Outremont, dans une famille aisée, aimante. J’ai été gâtée par la vie. Je n’ai
rien qui fait mal, je n’ai rien à crier, mais j’ai le goût de participer au cri des écorchés de la vie.
C’est injuste qu’ils existent moins fort aux yeux des autres ». (Barbeau-Lavalette, 2010)

C’est ainsi qu’Anaïs Barbeau-Lavalette a illustré son engagement social et a exprimé sa


détermination à aider les personnes issues d’un milieu défavorisé, notamment les enfants. Elle a
décidé de faire quelque chose de concret, elle s’est dirigée vers le Dr Gilles Julien qui consacre
sa vie aux enfants défavorisés. Ensemble ils ont mis sur pied un programme de parrainage pour
les enfants démunis.

Anaïs Barbeau-Lavalette a été la porte-parole de la onzième édition du World Press Photo à


Montréal, où elle a été mise en contact avec des réfugiés syriens. Elle a signé une exposition
intitulée Je ne viens pas de l'espace, consacrée aux nouveaux arrivants syriens à Montréal. Cette
dernière met en lumière les portraits de ces arrivants, qui tentent d'apprivoiser leur nouvelle vie.
L’exposition présente aussi les familles d'accueil qui souhaitent redonner espoir à ces gens.

Anaïs, la jeune femme engagée et toujours prête à aider généreusement les pauvres et les
miséreux de ce monde, a décidé d’apporter sa contribution et de parrainer une famille syrienne.

12
Elle a aussi donné la parole aux enfants palestiniens et a témoigné des conditions de vie en
Palestine dans ses chroniques de voyages.

L’engagement de cette femme auprès des populations en difficulté socio-économiques et son


attachement depuis le début de sa carrière à représenter en mots et en images les luttes et beautés
du monde, lui ont permis de décrocher le titre d’artiste pour la paix en 2012. (Jasmin, 2013).

Ce dernier est décerné par l'organisme Les artistes pour la paix, qui salue chaque année le travail
d'une personnalité artistique reconnue pour son humanisme. Le conseil d’administration de
l’APLP (les Artistes pour la paix) s’est montré séduit par le parcours de la jeune femme engagée
et préoccupée par les problèmes du Moyen-Orient. Selon le collectif APLP, la réalisatrice est
primée en raison de ses actions de paix internationale. Ce dernier a indiqué dans un communiqué
que le regard lucide et équilibré de Mme Barbeau-Lavalette sur les violences dans la Palestine
occupée, tant du côté israélien que chez le groupe islamiste Hamas, a séduit le conseil
d’administration.

1.3- Vie livresque et cheminement littéraire

Anaïs Barbeau-Lavalette affirme que certains livres qu’elle a eu l’occasion de lire durant sa
jeunesse, ont réellement contribué à son développement personnel. Parmi ces livres on retrouve
le petit prince d’Antoine de Saint-Exupéry. La romancière a lu la version espagnole de ce
classique à l’âge de 19 ans, ce qui l’a conduit à la réalisation de son premier film les petits
princes des bidonvilles.

La jeune femme québécoise a été notamment influencée par le livre la condition humaine
d’André Malraux, un roman historique qui se situe dans la Chine des années 30 et qui relate les
actions d’un groupe de révolutionnaires chinois en pleine insurrection. Ce dernier met en scène
des idéalistes et des militants, convaincus que le monde peut devenir meilleur.

Romain Gary est l’auteur qui a marqué l’adolescence de Barbeau-Lavalette, qui a lu tous ses
livres. Elle a une préférence pour son ouvrage chien blanc, qui parle de la révolte des Black
Panthers aux Etats-Unis dans les années 60. Ce dernier aborde le sujet de la ségrégation, de
l’engagement et jette un regard critique sur l’équilibre presque inexistant entre Noirs et Blancs.

Anaïs s’identifie à Juliana Léveillé-Trudel (une romancière Canadienne), à son parcours et à sa


recherche de sensations extrême. Son premier livre Nirliit publié en 2015 a bouleversé Barbeau-
Lavette par l’authenticité et l’amour qu’il dégage. L’auteure cherche à démontrer à travers une

13
histoire qui se déroule dans le nord québécois, sa connaissance du territoire et son amour de
l’humain. La langue juste et le style de cette dernière n’a pas laissé Anaïs indifférente.

L’artiste multidisciplinaire a eu un coup de cœur pour l’ouvrage une chambre à soi de Virginia
Woolf, écrit en 1929 mais assez contemporain selon le gout d’Anaïs. Cette dernière affirme que
c’est le texte le plus féministe qu’elle a lu. Dans ce livre, l’auteure revendique avec intelligence
la place de la femme dans le milieu littéraire.

Le parcours littéraire d’Anaïs Barbeau-Lavalette a vu le jour avec la publication de son premier


roman, je voudrais qu’on m’efface, aux éditions HMH Hurtubise à l’automne 2010. Le livre
raconte l'histoire d'enfants d'Hochelaga-Maisonneuve vivant dans le même immeuble à loyer
modique. Ce dernier met en scène trois personnages de 12 ans, Roxane, Kevin et Mélissa, qui se
partagent de manière à peu près égale les scènes du livre. Ces trois jeunes qui rêvent d’une vie
meilleure, pourraient s’entraider s’ils apprennent à créer des liens. C’est aussi l’histoire de
parents absents, qui voudraient changer et être plus présents. Je voudrais qu’on m’efface, raconte
la vie de trois enfants qui ont grandi trop vite, car ils ne pouvaient faire autrement.
Avec son premier roman encensé par la critique, Anaïs Barbeau-Lavalette a fait une entrée
remarquée sur la scène littéraire québécoise. Son livre se retrouve parmi les finalistes au Prix des
libraires du Québec (catégorie Roman québécois) 2011. (Tremblay, 2016).

Le deuxième ouvrage de l’auteure québécoise, est un recueil de chroniques palestiniennes,


intitulé Embrasser Yasser Arafat. Sorti en 2011 aux éditions Marchand De Feuilles, cet ouvrage
est basé sur l’expérience de Barbeau-Lavalette durant son voyage en Palestine. Ce dernier offre
aux lecteurs un florilège des pages inspirées par la vie quotidienne dans ce pays. Embrasser
Yasser Arafat, raconte l’histoire de Mohammed un kamikaze qui s’est fait arrêter et comment
son plan a mal tourné. Ensuite l’histoire de Siham qui a passé cinq ans en cohabitation avec
l’armée israélienne et Faysal qui continue de rêver à un seul état démocratique, à l’exemple de
l’Afrique du Sud. Ces chroniques de voyage résument bien le regard que pose l’auteure sur
l’existence des assiégés.

Anaïs Barbeau-Lavalette a publié la femme qui fuit, un roman de 378 pages aux éditons
Marchand De Feuilles en 2015. Dans ce roman personnel et intime, l’auteure retrace l’histoire
de sa grand-mère maternelle, Suzanne Meloche, qu’elle n’a pas eu la chance de connaitre. En
1948, Suzanne côtoyait les signataires du manifeste Refus global, précurseur de la révolution
tranquille. Elle fonde une famille avec Marcel Barbeau, mais très tôt, elle abandonne ses deux
enfants en bas âge. Afin de remonter le cours de la vie de cette femme à la fois révoltante et

14
révoltée, l’auteure a engagé une détective privée. Les petites et grandes découvertes n’allaient
pas tarder. À travers ce portrait de femme explosive, restée en marge de l'histoire, Anaïs
Barbeau-Lavalette livre une réflexion sur la liberté, la filiation et la création d’une intensité rare
et un texte en forme d’adresse, directe et sans fard, à celle qui blessa sa mère à jamais.
La femme qui fuit, est un grand succès critique et populaire (Prix des libraires du Québec, Grand
Prix du livre de Montréal, Prix France-Québec, élu best-seller de la décennie 2010-2020).

Après le succès phénoménal de son roman La femme qui fuit, Anaïs Barbeau-Lavalette pose de
nouveau la question de la transmission dans son magnifique livre, Nos héroïnes, publié en 2018
aux éditions Marchands De Feuilles. Ce livre dédié aux petites filles du Québec, braque le
projecteur sur les modèles féminins qui manquent dans leur histoire écrite. L’auteur propose
dans son ouvrage, une quarantaine de portraits de celles qui ont façonné le Québec à leur
manière, des femmes courageuses qui ne baissent pas les bras et qui ont marqué leur époque avec
leurs convictions singulières. Nos héroïnes, se retrouve en première position des ventes de
l'année 2018.

Aujourd’hui, cette femme engagée est entrain d’écrire un livre en anglais, intitulé
Neighbourhood Watch, dont la publication est prévue pour le 6 octobre 2020.

2-La femme qui fuit

2.1-Présentation et structure

La femme qui fuit, publié en 2015 aux éditions Marchand De Feuilles, est un roman biographique
de 378 pages. Titulaire de multiples prix (prix des libraires du Québec, prix France-Québec et le
grand prix du livre de Montréal), ce dernier est écrit entièrement à la deuxième personne du
singulier, dans un style littéraire caractérisé par des phrases brèves et des observations de l'ordre
du constat.

Ce roman psycho-socio-généalogique, débute par un prologue qui caractérise le type de relation


entre l’auteure et sa grand-mère.

L’ouvrage est ensuite divisé en huit parties, chaque partie est consacrée à une période bien
précise de la vie de Suzanne Meloche, la grand-mère de Barbeau-Lavalette. Les différentes
étapes de la vie de Suzanne ont été mises à jour grâce à la détective privée Louise-Marie
Lacombe, engagée par l’auteure. Ces étapes sont structurées dans le roman comme suit :

1926-1930 = 20 pages ;

15
1930-1946 = 66 pages ;

1946-1952 = 131 pages ;

1952-1956 = 35 pages ;

1956-1965 = 46 pages ;

1965-1974 = 19 pages ;

1974-1981 = 5 pages ;

1980-2009 = 22 pages ;

Et enfin, une neuvième partie (aujourd’hui = 2pages) consacrée aux sentiments de l’auteure.

Contrairement à la croyance populaire, Louise-Marie Lacombe n’est pas une détective privée
mais plutôt une journaliste-recherchiste. Anaïs Barbeau-Lavalette l’avait défini comme une
détective privée, ce qui a créé une confusion. L’auteure a écrit son roman la femme qui fuit à
partir des indices dégagés par Louise-Marie Lacombe et les informations fournies par son grand-
père Marcel Barbeau, la famille et les amis de Suzanne Meloche. Louise-Marie Lacombe a
produit un dossier de recherche de plus de 200 pages tirées des archives de Suzanne et des
entrevues auprès de personnes ayant connu cette dernière.

2.2-résumé

Suzanne Meloche a abandonné ses deux enfants à un très jeune âge, dont la mère d’Anaïs
Barbeau-Lavalette, Manon Barbeau connue sous le nom de Mousse. L’auteur a très peu connu sa
grand-mère voir pas du tout. Anaïs et sa maman ont cherché l’appartement habité par Suzanne
pour lui demander de leur fournir des explications concernant sa disparition et l’abandon de ses
enfants. Manon et sa fille ont pu rencontrer Suzanne, mais cette dernière a refusé de réponde à
leurs questions.

Quelques temps après Suzanne Meloche décède. Sa fille et sa petite fille ont vidé son
appartement. Anaïs découvre l'univers intime d'un appartement conservant livres et objets qui en
disent plus sur la personnalité de sa grand-mère.

Afin de remonter le cours de la vie de cette femme, l’auteure a engagé une détective privée. Les
petites et les grandes découvertes n’allaient pas tarder. En s'appuyant sur des faits réels et
historiques, Anaïs a suivi les traces de celle qui a attristé sa mère à jamais et a fini par découvrir
la vie d’une femme qui a marqué l’histoire du Québec.

16
Suzanne Meloche, fille d’Achille Meloche et de Claudia Hudon, est née le 10 avril 1926 dans le
quartier ouvrier d’Ottawa. Elle a grandi en voyant sa mère abandonner ses rêves, pour rester à la
maison et prendre soin de ses six enfants. Cette dernière décide de quitter sa famille à l’âge de 18
ans.

Vers la fin de la deuxième guerre mondiale, Suzanne arrive à Montréal où elle remporte le
concours de l’art oratoire. Un candidat du même concours, l’invite à passer la soirée avec des
amis dont l’hôte est monsieur Paul-Emile Borduas, directeur de l’école du Meuble de Montréal.
Ces derniers forment le groupe des auteurs du manifeste Refus Global.

A cette même période, Suzanne Meloche a épousé Marcel Barbeau peintre et sculpteur
québécois, l’un des auteurs du manifeste Refus Global. Elle donne naissance à ses deux enfants,
Manon et François.

Le Manifeste du Refus Global a été publié et diffusé à 400 exemplaires le 9 août 1948. Ce
mouvement a été lancé pour défier le conservatisme du Québec de l'après-guerre et pour la
révolte contre l’emprise de la religion catholique qui régente tout.

Marcel Barbeau travaillait comme ébéniste le jour et Bouchet le soir. Avec Suzanne, ils vivaient
dans la misère, la fureur et l'incertitude. Le 1er août 1952, Suzanne Meloche-Barbeau décide de
tout plaquer. Son mari, sa fille et son fils. Suzanne voulait avoir une vie libre, sans contraintes,
au nom de l'art et au nom d'elle-même.

Cette femme a passé le reste de sa vie sur les routes entre le Canada, l’Europe et les Etats-Unis
où elle a contribué à la libération des noirs. Elle fut arracheuse de pissenlits en Ontario, postière
en Gaspésie, peintre, poète, … et fantôme.

La femme qui fuit est l'aventure d'une femme explosive, une femme volcan, une femme
funambule, restée en marge de l'histoire, qui traversa librement le siècle et ses tempêtes.

Pour l'auteure, c'est aussi une adresse, directe et sans fard, à celle qui blessa sa mère à jamais.

3-Concepts clés

3.1-La généalogie dans un contexte littéraire

La généalogie est définie comme « une science qui a pour objet la recherche de l’origine et de la
filiation des familles. Une suite ou un dénombrement des ancêtres de quelqu’un » (Le
dictionnaire Larousse, 1968).

17
La généalogie est donc la pratique qui a pour objet la recherche de la parenté et de la filiation des
personnes. Elle nous permet de remonter le temps et de connaitre nos racines et nos ancêtres.
Cette dernière est considérée comme une science auxiliaire de l’histoire, et entretien des liens
solides avec la littérature.

La généalogie en littérature représente les écrits qui dressent le tableau d’une parenté. Il ne s’agit
pas ici d’une suite d’ancêtres établie selon les règles de la généalogie, mais plutôt une histoire
contée à partir d’une armature généalogique (lettres familiales, livres, actes notariés, archives
familiales…). Les auteurs des écrits généalogiques sont souvent des descendants de familles sur
lesquelles ils écrivent. (Duby, 1967).

Entre le Xe et le XIIe siècle, les généalogies écrites étaient le privilège des rois. A partir du XIIe
siècle les écrits généalogiques commencèrent à se diffuser au sein de la société aristocratique
concernant des familles de moindre rang. Ces récits bourgeois étaient rédigés par des auteurs
issus de la bourgeoisie. Ce n’est qu’à la Renaissance que ces derniers triomphent pour figurer le
déroulement des dynasties et organiser la transmission de la souveraineté.

A la fin du XXe siècle, la multiplication du nombre des récits généalogiques a marqué les
sociétés occidentales. Aujourd’hui le motif généalogique fait l’objet de plusieurs œuvres
littéraires contemporaines.

Le récit généalogique suit un plan d’écriture assez précis, qui correspond à une combinaison
d’une lecture horizontale et une lecture verticale. Chaque génération se ramifie en plusieurs
branches latérales et leurs descendances. Ces générations sont centrées par l’axe des ascendants
directs et suivent généralement un ordre chronologique. (Cazalas, 2000).

Claire De Ribaupierre, spécialiste de littérature suisse, a publié en 2002, son ouvrage roman
généalogique dans lequel elle aborde les mécanismes de construction de ce dernier en affirmant
que : « l’écrivain, en position de dernier-né, engendre, par l'écriture, une lignée d'ancêtres et de
prédécesseurs aux parcours tragiques, grandioses, ou dérisoires ».

Certains textes généalogiques se construisent de manière bipartite, l’histoire des pères suivie de
celle des fils. C’est le cas de Cligés de Chrétien de Troyes qui joue sur deux générations, celle du
père Alexandre, fils de l’empereur de Constantinople, à la cour du roi Arthur, et celle de son fils
Cligés. D’autres, se construisent par croisements de lignées et de matières. Comme la rencontre
de la matière arthurienne, antique et hagiographique dans le cas d’Auberon de Huon de
Bordeaux (fils de Jules César et de la fée Morgue, sœur du roi Arthur).

18
Chronologie et généalogie, deux notions qui servent à engendrer des textes et à les greffer sur
d’autres textes matrices. Ces principes fonctionnent comme moteur d’invention, dans la chanson
de gestes, comme dans le roman. Certains de ces romans font partie des grands classiques de la
littérature française, tels que Gargantua de François Rabelais.

3.2-Relations filiales dans la littérature québécoise contemporaine

« La filiation est la ligne directe des aïeux aux enfants ou des enfants aux aïeux » (Le
dictionnaire Larousse, 1968).

Depuis quelques années, la question de la filiation et des relations filiales sont au cœur de la
littérature francophone contemporaine. Entre désorientation historique, héritage en miettes et
mémoire déchirée, l’écrivain contemporain désire de saisir une histoire collective à partir de
parcours individuels. C’est à partir d’une écriture marquée par une rupture générationnelle, que
Dominique Viart a parlé de l’émergence du récit de filiation en 1999, qu’il définit comme étant «
un récit d’une enquête ou d’une archéologie, qui collecte les bribes disjointes du passé ». Ce
récit inverse la chronologie, c’est-à-dire, il ne s’agit pas d’un récit qui relate l’histoire d’un
ancêtre à sa descendance, mais plutôt celle d’un héritier problématique vers son ascendance.

Le récit de filiation a des caractéristiques qui, selon Laurent Demanze (2008),

Selon Laurent Demanze, le récit de filiation se focalise sur des moments importants de
l’existence familiale et tente de saisir les blessures et les douleurs d’autres fois, en s’inscrivant
souvent dans l’inventaire.

La communauté francophone du Québec a connu des contraintes historiques et idéologiques, ce


qui l’a poussé à renouveler sa population pour lutter contre la disparition de son peuple. La
transmission de génération en génération ne s’effectuait pas de manière correcte à cette époque.
Cette discontinuité générationnelle a été introduite par la révolution tranquille (1960-1970) dans
l’histoire du Québec, qui a donné naissance à plusieurs récits de filiation, comme le saint-élias de
Jaques Ferron ou encore, l’invention de la mort d’Hubert Aquin.

19
Aujourd’hui il y a toujours cette préoccupation pour cette même révolution, qui mène vers une
nouvelle discontinuité. Cette dernière est notamment perceptible par le retour en force de la
figure filiale dans le roman québécois contemporain.

Cette figure est le lieu de tous les questionnements identitaires, collectifs comme personnels.
Dans la littérature québécoise, les relations familiales font l’objet des écrits contemporains qui se
définissent comme une recherche des origines et une quête de liens, tant scripturaux que
généalogiques. Cette quête s’opèrera à travers trois grands types de relations : en premier lieu la
relation parents/enfants, qui se caractérise par l’absence de la mère ou du père. En second lieu le
lien adoptant/adopté, c’est-à-dire le rapport parents adoptifs/enfants adoptifs ou encore
l’adoption trans-générationnelle, avec les rapports grands-parents/petits-enfants qui signent le
lien entre plusieurs générations. Enfin, le rapport avec les parents morts où le lien entre le
narrateur et ses aïeux défunts est marqué par la biologie et l’idéalisation du passé. (Clément,
2006).

La littérature québécoise contemporaine est un véritable vecteur de transmission des


questionnements de l’écrivain, qu’ils prennent la forme de différentes inquiétudes ou d’objets
particuliers de hantise, d’une certaine époque ou de plusieurs époques successives relatives à son
histoire familiale.

3.3-Littérature de terrain : enquête et investigation

Les écrivains contemporains abordent de manière remarquable des thèmes fondés sur des réalités
avérées. Ces écrivains produisent des récits qui empruntent quelques objets aux sciences
humaines et sociales. Mais ces récits s’intéressent surtout aux différentes formes d’enquêtes,
comme les entretiens, la recherche documentaire, les recueils d’archives, albums photos… .
Dominique Viart a attribué le nom de « littératures de terrain » à ces écrits, en s’inspirant de
l’appellation donnée aux méthodes d’investigation par les sciences sociales « travail de terrain ».

Les littératures de terrain sont des pratiques littéraires qui prennent, explicitement ou
implicitement, les sciences humaines et sociales comme modèle. Ce type de littérature représente
les textes contemporains qui mènent une investigation historique, sociale, familiale ou
territoriale, et préfèrent produire un récit qui dessine cette enquête et l’expérience humaine
qu’elle constitue, plutôt que son résultat.

La littérature de terrain, appelée aussi littérature d’investigation, est un instrument d’exploration,


d’élucidation et d’investigation du réel. Cette dernière cherche à recomposer une histoire par le

20
biais d’un paradigme d’enquête, qui suppose que le réel pose problème et provoque une
recherche. Les données du problème doivent être éparpillées pour créer une énigme. Ce qui
exige une certaine intelligence et des capacités d’analyse, pour pouvoir relier ce qui persiste à
rester délié.

Cette littérature est produite par des écrivains qui n’envisagent pas la littérature comme un
moyen de raconter ou de représenter le réel (social, familial, professionnel, actuel…), mais plutôt
comme un outil de l’éprouver et de l’expérimenter. L’écrivain, placé en position de chercheur,
devient alors un personnage enquêteur. Il réunit les données dispersées et ausculte la pertinence
de ce qu’il avance. L’écrivain de terrain fait l’expérience de l’historien, du sociologue et parfois
même celle du psychanalyste, tout en entraînant le lecteur dans les recherches qui constituent son
œuvre : quête de documents, brassages d’archives, parcours de territoires, … . (Viart, 2018).

Un grand nombre de textes de la littérature de terrain, sont écrits à la première personne du


singulier qui désigne l’auteur et non pas le narrateur. Car c’est bien l’écrivain qui raconte lui-
même son enquête. Les rares exceptions relèvent d’une mention indirecte de soi à la troisième
personne du singulier, par le jeu d’une périphrase.

La forme du texte est aussi assez particulière, elle est souvent caractérisée par des
questionnements et des hypothèses, qui affichent l’incertitude de l’écrivain.

Ces textes contemporains que l’on pourrait croire marginaux, sont de plus en plus nombreux et
leur importance ne cesse de croître de jour en jour.

Après avoir fait le tour du parcours de l’auteure ainsi que son œuvre, nous allons pouvoir passer
au second chapitre, qui sera consacré au concept de la psychanalyse.

21
CHAPITRE 2
Bref aperçu du concept de la
psychanalyse

22
Dans ce second chapitre, intitulé « Bref aperçu du concept de la psychanalyse », nous allons
nous atteler à affronter les bases de la théorie psychanalytique, qui sont essentielles pour la
compréhension ainsi que l’application de l’approche choisie dans ce travail de recherche. Pour y
parvenir, nous allons aborder en premier lieu, l’histoire de la psychanalyse pour comprendre
comment cette dernière a vu le jour. En second lieu, la définition de la théorie selon son
fondateur ainsi que son successeur qui a marqué le terrain de cette dernière. Par la suite, nous
allons nous focaliser sur l’objet d’étude de la psychanalyse et pour finir, l’approche
psychanalytique des œuvres littéraires.

1-Histoire et fondements de la psychanalyse

L’histoire de la psychanalyse commence avec les travaux de Joseph Breuer (médecin et


physiologiste autrichien), qui s’est intéressé à l’hystérie de sa patiente Bertha Pappenheim
connue sous le pseudonyme Anna O. Breuer opte pour l’hypnose comme traitement, il endort
Anna et l’invite à dire ce qui lui préoccupe l’esprit. C’est un traitement par la parole qui pousse
la patiente à exprimer ses états d’âmes et à se sentir soulagée au réveil. Breuer constate que si les
symptômes disparaissent avec l’hypnose, cela explique qu’Anna avait vécu son traumatisme
dans un état second.

Cet épisode clinique a considérablement influencé Sigmund Freud (neurologue autrichien et ami
de Breuer), qui a longtemps utilisé l’hypnose pour traiter ses patients, avant de constater que
cette dernière est un procédé incertain et obscur car il ne pouvait hypnotiser qu’une partie des
malades. Freud a renoncé à l’hypnose et a décidé de distinguer sa méthode de traitement de celle
de Breuer. C’est une patiente que Freud traitait encore par l’hypnose et qui durant le traitement
elle s’écriait toujours : « Ne bougez pas ! Ne dites rien ! Ne me touchez pas ! », qui lui a fait
remarquer que même hors de l’hypnose elle s’exprime très bien si on l’interrompt pas. C’est à
partir de cette expérience que sont nées « les associations libres », règle fondamentale de la
psychanalyse. (Bourdin, 2007).

Les « associations libres » est une technique inventée par Freud et qui consiste à éduquer le
patient à laisser libre cours à ses pensées et à abandonner toute attitude critique. Cela permet au
patient de tout exprimer, même si une idée lui paraît désagréable, absurde, futile ou sans rapport
avec le sujet. Donc l’hypothèse de Freud se résume au fait que, toutes les pensées qui traversent
l’esprit du malade, sont en connexion avec le point de départ.

Le principe des associations libres est une cure basée sur la parole et c’est à partir de là, que
Freud se retrouve confronté à une question du langage, qui l’a poussé à s’intéresser aux

23
inscriptions des souvenirs dans le psychisme. Ces souvenirs sont des traces d’expériences
passées, enregistrées inconsciemment par le psychisme. Certaines traces peuvent devenir
conscientes, lorsqu’elles sont liées au langage (qui est une représentation verbale). Ceci forme le
« préconscient », qui est une zone intermédiaire entre les traces inconscientes et la pensée
humaine qui est consciente. Selon Freud, ce processus permet le passage entre « conscient » et
« inconscient ». Toute cette expérience a permis à Freud de faire des conceptions sur les
maladies psychiques, dont l’hystérie. (Bourdin, 2007).

La fin des études sur l’hystérie, a souligné le début des études sur les rêves. La publication de
l’ouvrage de Freud intitulé « l’interprétation des rêves » en 1900, est considérée généralement
comme la naissance officielle de la psychanalyse. Le rêve est alors considéré comme un facteur
décisif et révélateur non seulement des composantes inconscientes de certaines structures
pathologiques, mais aussi de l'organisation même de la psyché. Par la suite, Freud continuera à
faire progresser ses travaux jusqu’à sa mort en 1939.

2-Définitions de la psychanalyse : de Freud à Lacan

Si le mot psychanalyse est apparu en 1896, au XXI è siècle, la question de ce que le fondateur de
la psychanalyse comprend par ce terme, mérite encore d’être posée.

Dans un article d’encyclopédie rédigé en 1922, Freud donne une définition précise et concise à la
psychanalyse :

« Psychanalyse est le nom : 1) d’un procédé d’investigation des processus


psychiques, qui autrement sont à peine accessibles ; 2) d’une méthode de
traitement des troubles névrotiques, qui se fonde sur cette investigation ;
3) d’une série de conceptions psychologiques acquises par ce moyen et qui
fusionnent progressivement en une discipline scientifique nouvelle.»

Selon Freud, la psychanalyse désigne en premier lieu, un mode d’exploration de l’inconscient.


C’est-à-dire, c’est une méthode d’investigation qui met en évidence des significations
inconscientes. En second lieu, elle devient une technique thérapeutique, qui vise essentiellement
la guérison des névroses, qui sont des troubles dont l’origine psychique et les symptômes,
désignent un conflit issu de l’histoire du sujet et de son enfance. Puis la psychanalyse a connu de
nouveaux développements, qui lui ont permis d’élaborer une nouvelle théorie du psychisme, de
la personnalité et des pulsions humaines.

24
En 1962, Freud explique que : « le nom de psychanalyse a acquis au cours du temps deux
significations. Il désigne aujourd’hui ; 1) une méthode particulière de traitement des affections
névrotiques ; 2) la science des processus psychiques inconscients […] ». Il ajoute : « l’avenir
jugera vraisemblablement que l’importance de la psychanalyse en tant que science de
l’inconscient dépasse largement son importance thérapeutique » (Freud, 1926). Ceci explique
que Freud a toujours donné la priorité à la psychanalyse en tant que « science de l’inconscient ».

Si Freud a inventé la psychanalyse, Jacques Lacan a travaillé toute sa vie pour assurer la
transmission de cette dernière. Psychiatre de formation, il s’est exprimé en 1957 sur sa
découverte du Freudisme : « c’est quelque chose de bien frappant, de tout à fait saisissant que
Sigmund Freud, un homme tout seul, soit parvenu à dégager un certain nombre d’effets qui
n’avaient jamais été isolés auparavant et à les introduire dans un réseau coordonné, inventant à
la fois une science et le domaine d’application de cette science. » (Lacan, 1957). C’est ainsi que
Lacan a exprimé son éblouissement face aux travaux freudiens.

Une fois le lacanisme constitué, le psychiatre français tenait toujours à montrer qu’il soutenait la
pensée freudienne : « libre à vous d’être lacaniens si ça vous chante, pour ce qui me concerne je
suis freudien. » (Lacan, 1980).

La psychanalyse freudienne n’est autre qu’un enrichissement des théories freudiennes. Lacan
s’est référé à la linguistique moderne (travaux sur le langage, dont ceux de F. de Saussure), au
structuralisme (théorie prenant en compte la forme plus que le contenu des formations humaines)
et aux mathématiques (la logique mathématique moderne).

La psychanalyse selon Lacan : « est une expérience dialectique. Sa responsabilité première se


détermine à l’endroit du langage. D’où la nécessité de ramener l’expérience psychanalytique
aux formes de ce langage, de restaurer le pouvoir des mots et les lois de la parole. » (Lacan,
1968). Ceci explique l’intérêt de Lacan envers la linguistique, tout en gardant la pensée primaire
de Freud qui se base sur la parole. Il dit aussi à ce propos : « ce que je cherche dans la parole,
c’est la réponse de l’autre. » (Lacan, 1966).

La doctrine psychanalytique de Lacan, comme celle de Freud, est basée sur l’inconscient.
« L’inconscient, écrit Lacan en une formule qui le résume, est structuré comme un langage. »
Il ajoute : « C’est parce que quelque chose a été noué à la parole que, durant une analyse, le
discours peut le dénouer. Il n’existe effectivement aucune démonstration plus convaincante en
faveur de Freud, pour comprendre qu’il était bien loin de penser l’inconscient comme une

25
substance […] » (Lacan, 1968). Ce qui explique que l’inconscient a un rapport direct avec la
parole.

Lacan prolonge ses travaux en étendant la psychanalyse au traitement des psychoses, la paranoïa
et la schizophrénie. Il ne s’arrête pas là et développe l’étude de la relation mère-bébé, bien plus
que ne l’avait fait Freud.

Jacques Lacan a dominé le paysage psychanalytique français et ses enseignements. Ses théories
constituent encore aujourd'hui les piliers de la clinique psychanalytique.

3-Objet d’étude de la psychanalyse

L’objet d’étude majeur de la psychanalyse, est le fonctionnement du psychisme humain. Le


psychisme est un concept très vague qui a été détaillé par Freud selon trois points de vue :

-en premier lieu, un point de vue topique : selon lequel le psychisme s’organise en territoires et
en systèmes ;

-en second lieu, un point de vue économique : qui traite l’énergie psychique qui circule ;
-et enfin, un point de vue dynamique : qui étudie les forces et les conflits psychiques.

Le lien entre ces points de vue, se résume dans le fait que, l’appareil psychique agit sur l’énergie
qui le traverse par un jeu de forces et de conflits.

 Le point de vue topique

La topique est l'étude de la structure mentale, c’est-à-dire, la différenciation des parties de


l'appareil psychique. Freud nous parle de deux topiques :

-La première topique : elle date de 1915 et elle contient trois systèmes :

 Le conscient : dont le rôle est d’enregistrer les informations venant du monde extérieur et
de percevoir les sensations intérieures de plaisir ou déplaisir. Il est aussi le lieu de tous les
raisonnements et les souvenirs.
 L’inconscient : qui contient le pôle pulsionnel de la personnalité et qui est dirigé par le
principe de plaisir. Les pulsions tendent à faire irruption dans la conscience et à se
décharger dans des conduites. L’inconscient est dynamique et influence constamment le
comportement et l'expérience.(Freud,1905).
 Le préconscient : contient des représentations qui ne sont pas présentes à la conscience
mais peuvent le devenir. Il se distingue du système inconscient par la censure, qui ne

26
permet pas aux contenus et aux processus inconscients de passer dans le préconscient
sans faire des transformations.

-La deuxième topique : est élaborée à partir de 1920 et elle comporte trois systèmes :

 Le ça : C’est le pôle pulsionnel de la personnalité et la partie la plus obscure. C’est


entièrement le domaine de l’instinctif, du biologique qui ne connaît ni règles de temps ou
d’espace, ni interdits. Totalement inconscient, il est régi et dirigé par le seul principe de
plaisir. De ce fait, les choses les plus contradictoires peuvent y exister et cohabiter. Le ça
est caractérisé par deux aspects majeurs, l’héréditaire et l’acquis.
 Le Moi : C'est la partie de la personnalité la plus consciente, toujours en contact avec la
réalité extérieure. Le Moi s'efforce de faire régner l'influence du monde extérieur sur le
ça. Soumis au principe de réalité, il a un rôle de régulateur et de médiateur qui est chargé
d’assurer la stabilité de la personne.
 Le surmoi : Le Surmoi est l'instance refoulante, le support de tous les interdits et des
contraintes sociales et culturelles. Son activité est partiellement inconsciente. Héritier du
complexe d'Œdipe, il se constitue par intériorisation des exigences et interdits parentaux.
Le surmoi a une fonction de morale et de censure.
 Le point de vue économique

Freud considère que l’appareil psychique est traversé par une énergie qui provient du ça. Selon
lui il existe plusieurs types d’énergie psychique :

 La libido : Freud a défini la libido comme cette énergie qui procède des pulsions ou des
instincts et qui se répercute dans notre conduite, en la dirigeant.A ce sujet, Freud a
affirmé que la libido était présente dans ce qu’il définissait comme le Ça, le Moi et le
Surmoi. (Abraham, 1916).
 La représentation : désigne une forme élémentaire de ce qui s'inscrit dans les différents
systèmes de l'appareil psychique et notamment de tout ce qui porte sur le
refoulement.Elle s'inscrit dans l'inconscient sous forme de traces mnésiques.Par ailleurs,
Freud distingue représentation de mot et représentation de chose.
 L’objet : est « ce en quoi et par quoi la pulsion peut atteindre son but. » (Freud, 1915).
l'objet désigne ce qui est visé par l'individu dans la pulsion, dans l'amour, dans le désir.
 La relation d’objet : ou relation objectale, est le rapport qu'a un individu avec les objets
qui constituent le monde dans lequel il vit. Ces derniers sont généralement des objets vers
lesquels se tournent les pulsions de l’individu. L’objet pulsionnel peut être une personne.

27
 Le point de vue dynamique

Ce dernier point de vu souligne l'opposition entre les forces de l'inconscient, qui cherchent à se
manifester et les forces répressives, venant du système préconscient/conscient. Parmi ces forces
on retrouve :

 La pulsion : La pulsion est une force biologique qui agit d’une manière continue et qui
suscite une certaine conduite. Elle a pour but un objet apportant une satisfaction à
l’individu. La source des pulsions est corporelle. C'est un état d'excitation (comme la
faim, la soif,..) qui oriente l'organisme vers un objet. Le psychisme doit réduire cette
excitation pour retrouver son équilibre. Freud distingue deux sortes de pulsions, les
pulsions de vie (Eros) qui tendent à organiser les formes de substances vivantes les plus
complexes et les pulsions de mort (Thanatos), qui visent la destruction/l’autodestruction.
 Le refoulement : est« une conséquence naturelle de la division de l'esprit humain entre la
conscience et l'inconscient.» (Freud, 1935).Le refoulement est donc l’opération par
laquelle le sujet repousse dans l’inconscient les pulsions qu’il juge indésirables. Cette
opération se fait inconsciemment. Ainsi, notre inconscient devient le lieu où nous
refoulons toutes nos pulsions et nos pensées les plus absurdes et honteuses.
 Le symptôme : est un phénomène subjectif qui constitue non pas le signe d'une maladie,
mais l'expression d'un conflit psychique inconscient.Le symptôme vient alors faire trace
d’un conflit psychique entre désir et interdit. Ce dernier est une manière de parole, un
discours indirect qui permet à l’inconscient de s’exprimer. C’est à travers le symptôme
que la personne arrive à dire partiellement un langage crypté, vérité d’un sens refoulé,
parfois dérangeant.
 Le lapsus : Freud voit dans le lapsus un symptôme important de l'émergence de désirs
inconscients, car ce dernier est un mot qui surgit de la bouche d’un individu d’une
manière involontaire.
 Le transfert : est un processus au cours duquel des sentiments inconscients envers des
objets faisant partie de l’histoire de l’individu, se déplacent vers des objets plus récents.
Ces sentiments concernent généralement le psychanalyste et son patient. On parle de
transfert positif, dans le cas de relation affective entre le patient et son psychanalyste. Le
transfert négatif, se fait dans le cas de la présence d’une certaine haine entre le
psychanalyste et le sujet analysé. (Freud, 1915).
 L’acte manqué : l'acte manqué est une forme de lapsus « lapsus gestuel », car il exprime
une intention de l’inconscient. Cet acte se manifeste sous l’influence d’un désir

28
inconscient, qui vient parasiter un acte normal de la vie quotidienne. L’acte manqué est
selon Freud, un révélateur d’un sentiment mal refoulé.

4-Vers une approche psychanalytique des œuvres littéraires

Après l’apparition de la psychanalyse, un rapport analogique est né entre le plan de l’être et le


plan de la littérature, car la compréhension de l’être humain et la compréhension des œuvres
littéraires sont des opérations qui empruntent des chemins similaires. Si la psychanalyse
s’intéresse au psychisme humain, la littérature est produite par des auteurs, qui sont des êtres
humains et qui à travers leurs œuvres parlent à d’autres êtres humains. Ceci provoque une
certaine interaction psychique entre auteurs et lecteurs. Le lecteur se retrouve souvent face à des
écrits chargés de réalités psychiques, qui peuvent le pousser à se poser des questions et à
effectuer une analyse ou une critique autour d’un texte littéraire.

Freud était un grand lecteur, passionné de livres, il partageait cette passion avec sa fiancée
Martha. Il lui a écrit à propos de Gustave Flaubert et son roman La Tentation de Saint-Antoine :
« Il évoque non seulement les grands problèmes de la connaissance, mais pose les vraies
énigmes de la vie, tous les conflits de sentiments et d’impulsions ; il renforce la prise de
conscience de notre perplexité en face du mystère qui enveloppe toute chose. » (Freud, 1883).
Les conflits, la vie, la connaissance… c’est ce qui intéresse Freud en tant que lecteur.

Freud recourt à l’analyse des œuvres littéraires pour étayer ses théories et en particulier celle du
complexe d’Œdipe, introduite dans son ouvrage l’interprétation des rêves en 1899. Freud déclare
dans son livre Dostoïevski et le parricide : « Ce n’est guère un hasard si trois des chefs-d’œuvre
de la littérature de tous les temps, l’Œdipe Roi de Sophocle, le Hamlet de Shakespeare et Les
Frères Karamazov de Dostoïevski, traitent tous du même thème, le meurtre du père.» (Freud,
1985, p. 173).

La lecture psychanalytique de la littérature va donc s’apparenter à celle des formations de


l’inconscient, c’est-à-dire le rêve, le lapsus, le trait d’esprit, le fantasme… Freud cherche à
démasquer derrière le discours des auteurs, les désirs refoulés et à mettra en lumière les
processus de condensation et de censure. Freud cherche à analyser le psychisme de l’auteur du
roman derrière son héros. Il se base généralement sur des récits biographiques. Sarah Kofman
(philosophe et essayiste française), dit que cette méthode génétique utilisée par le père de la
psychanalyse : « permet de comparer les différentes œuvres d’un artiste pour y découvrir le
fantasme commun qui en est la clef.» (Kofman, 1985, p. 135).

29
C’est à partir de là, que plusieurs théories sur l’approche psychanalytique des œuvres littéraires
sont nées. La psychocritique de Charles Mauron (traducteur, poète, romancier et critique
littéraire français), est la plus célèbre et elle se base sur la méthode freudienne. En d’autres
termes, cette approche se focalise sur l’étude des données biographiques qui servent de
vérification à l’interprétation des œuvres littéraires.

La psychanalyse littéraire s’attache au texte, à sa production et à sa réception en rapport avec


l’histoire familiale et sentimentale des auteurs, les grands fantasmes culturels (Œdipe), les
mécanismes de lecture et d’écriture (identification, projection, condensation…), les
investissements psychiques à l’œuvre, etc.

Après avoir abordé les concepts clés de la psychanalyse, son objet d’étude, sa relation avec la
littérature et son application aux textes littéraires, nous allons pouvoir enchainer avec le
troisième et le dernier chapitre. Ce dernier sera consacré à l’analyse psychanalytique du corpus,
sur lequel est basé le thème de ce travail de recherche.

30

CHAPITRE 3
Analyse Trans-générationnelle du corpus

31
Dans ce dernier chapitre, nous allons analyser notre corpus en optant pour une analyse Trans-
générationnelle. L'analyse Trans-générationnelle est « un courant de la psychanalyse qui étudie
la manière dont les histoires des ancêtres pèsent sur les trajectoires personnelles. » (Ratouis,
2019). Cette dernière « propose à l’individu d’explorer sa généalogie, d’identifier les
traumatismes non digérés, les tâches inachevées, les deuils non faits et les secrets de familles de
ses ancêtres, mais aussi de pouvoir se représenter les différents contextes (sociologiques,
historiques, philosophiques, etc.) dans lesquels les évènements se sont déroulés. » (Ramaut,
2019).

Ce type d’analyse nous permettra de mieux cerner l’inconscient de l’auteure, afin de trouver une
réponse à notre problématique. Pour y parvenir, nous allons analyser en premier lieu, comment
Anaïs Barbeau-Lavalette a hérité l’absence de sa grand-mère. En second lieu, l’investigation
faite par l’auteure pour percer le mystère de sa filiation maternelle. Par la suite, nous allons
étudier comment cette filiation brisée s’est transformée à une filiation de compensation et à un
puissant stimulant intellectuel pour l’auteure. Ainsi que, l’utilisation de l’imaginaire dans la
construction des faits du roman. Et pour finir, nous allons analyser comment l’écriture filiale
peut être au service de la mémoire collective, c’est-à-dire, la construction du commun (l’histoire
familiale) et la rencontre entre les générations.

1. Filiation maternelle brisée : l’héritage d’une absence

Anaïs Barbeau-Lavalette, dans son roman La femme qui fuit, s’attarde sur l’absence de sa grand-
mère maternelle. Élevée par une mère aimante mais brisée, Anaïs a grandi avec le fantôme de sa
grand-mère et elle est bien consciente du poids de la défection de cette dernière dans la lignée
familiale. Dans une perspective psychanalytique, on considère que le mystère filial et les non-
dits pointés par le silence et l’absence, deviennent agissants et peuvent se traduire par des
perturbations psychiques ou comportementales chez un ou des sujets des générations suivantes.
C’est ainsi que le concept de « Trans-générationnel » s’est attardé sur les effets pathogènes des
transmissions générationnelles. Et depuis, plusieurs réflexions théoriques sur ce concept ont été
développées par de nombreux auteurs tels que, Bowen, Abraham et Torok. L’approche Trans-
générationnelle des pathologies familiales, a été développée à partir de la métapsychologie
freudienne. (Anaut, 2007).

Barbeau-Lavalette s’exprime à propos de ce sujet : « Parce que je suis en partie constituée de


ton départ. Ton absence fait partie de moi, elle m’a aussi fabriquée. » (Barbeau-Lavalette, 2015,
p. 376). Ce passage montre que l’auteure a hérité l’absence, l’abandon et le silence de sa grand-

32
mère. Une charge traumatique, liée à l’aliénation de cette femme plane donc sur l’existence
d’Anaïs.

Dès le début de l’œuvre, on remarque les rejets de la filiation, qui se succèdent par la suite au fil
des ans. Anaïs a parlé du jour où elle et sa mère ont décidé d’aller confronter sa grand-mère
Suzanne dans son appartement. Juste après cette rencontre, l’auteure précise que sa maman a
reçu un appel de cette dernière :

« Tu lui dis de ne plus faire ça. Tu lui dis que tu ne veux plus nous revoir,
jamais. Ma mère raccroche. Elle en a mangé, des rejets, et ils sont tous là,
coincés dans sa gorge. Elle a tout juste appris à ne pas s’étouffer avec. Elle
ne dit rien, mais ne lâche pas ma main. On se tient. Je te déteste. J’aurais dû
te le dire quand j’étais en face de toi. » (Barbeau-Lavalette, 2015, p. 15).

Le mystère de l’abandon a créé une aire de non communication entre Suzanne et sa petite fille,
ce qui affecte la transmission entre les deux générations, aboutissant ainsi à une stagnation
relationnelle qui peut entraver le fonctionnement de la famille toute entière (Anaïs, sa
maman…). D’ailleurs, dans le précédent passage on peut ressentir la souffrance de l’auteure en
voyant sa mère encaisser les rejets. Et cette souffrance a développé chez Barbeau-Lavette de la
haine envers sa grand-mère. Elle le dit clairement : « Je ne t’aime pas. » (Barbeau-Lavalette,
2015, p. 10). Anaïs se fait léguer une souffrance inconsciente difficilement évaluable, car elle
hérite ça de sa maman qui porte en elle des blessures psychiques.

Cet héritage a laissé chez Anaïs non seulement un traumatisme mais aussi un besoin de se situer
dans sa filiation maternelle. Ceci a été signalé dans le roman par Barbeau-Lavalette, en
employant les propos de deux auteures, elle cite d’abord George Sand : « Les morts, c’est nous.
C’est bien certain, il y a un lien mystérieux qui fait que notre vie s’alimente de la leur » ensuite,
Nancy Huston : « Nous ne tombons pas du ciel, mais poussons sur notre arbre généalogique »
(Barbeau-Lavalette, 2015, p. 21). Chaque disparition de Suzanne et chacun de ses refus ont pour
conséquence chez Anaïs une incrédulité, comme si elle se trouvait malgré elle en suspens et
qu’elle ne savait comment avancer sur cette voie qui se dérobe.

Selon la thèse de Torok et Abraham (1987), la filiation brisée, demeure un deuil impossible, on
l'installe à l'intérieur de soi, dans un lieu qui se situerait entre l’Inconscient et le Moi, qui
représente l’endroit de l’incorporation de l’objet dont le deuil n’a pas été fait. Le deuil n’étant
pas possible, le maillon perdu continue à vivre comme un fantôme inclus à l’intérieur du sujet et

33
peut passer ainsi d’une génération à l’autre. Ce qui explique le fait qu’Anaïs porte toujours en
elle les conséquences du silence de sa grand-mère et qu’elle ait hérité l’absence de cette dernière.

Le bassin filial dans lequel un individu est plongé dès sa naissance, est un lieu d’appartenance
fondamental et très signifiant, qui témoigne des traces physiques et psychologiques laissées par
les générations antérieures. (De Champlain, 2019).

2. Investigation généalogique : percer le mystère d’un abandon

Cinq ans après la dernière confrontation entre Anaïs et sa grand-mère, l’auteure apprend la mort
de cette dernière : « Et puis un jour, tu meurs. Dans ce même petit appartement, où tu m’as
immolé par sept clins d’œil. » (Barbeau-Lavalette, 2015, p.16). Avant sa mort, Suzanne a rédigé
son testament : « Quelques jours avant ta mort, tu as rédigé ton testament pour y inscrire nos
noms. Celui de ma mère, de son frère, puis le mien et celui de mon frère. Nous sommes tes
uniques héritiers. Tu nous invites donc enfin chez toi. C’est à nous d’aller vider ton petit
appartement. » (Barbeau-Lavalette, 2015, p. 16).

C’est en vidant l’appartement qu’Anaïs arrive à ce constat : « II fallait que tu meures pour que je
commence à m’intéresser à toi. Pour que de fantôme, tu deviennes femme. Je ne t’aime pas
encore. Mais attends-moi. J’arrive. » (Barbeau-Lavalette, 2015, p. 19). Ce passage montre
l’intérêt que porte l’auteure envers sa grand-mère et son besoin de connaitre la raison de son
absence.

Si un secret de filiation peut entraver le développement du sujet et nuire à son bien être
psychique, il peut aussi provoquer l’inverse. Le secret de famille peut, dans certains cas, stimuler
la curiosité du sujet et l’inciter à chercher à comprendre le mystère de la famille (Anaut, 2007, p.
37). C’est le cas de Barbeau-Lavalette, qui malgré l’héritage d’un traumatisme filial, elle a
développé une certaine envie de résoudre le mystère de Suzanne. Ce qui explique que le secret
de l’absence de sa grand-mère a stimulé sa curiosité et son désir de savoir plus.

Renfermant des documents authentiques comme une photo de famille et une lettre remaniée du
grand-père d’Anaïs, le roman de Barbeau-Lavalette est le résultat d’une enquête pour laquelle
l’auteure a sollicité les souvenirs de multiples témoins, ainsi que l’aide d’une détective privée
qu’elle remercie en fin de volume. Anaïs a pu réunir toutes les traces laissées par sa grand-mère
grâce à cette détective (ses rencontres, ses déplacements, son travail et son art). Ceci explique
que l’inconscient d’Anaïs l’a toujours guidé vers un désir de rencontrer sa grand-mère et de tisser
des liens avec elle.

34
La curiosité de l’auteure, qui a été provoquée par le secret de sa filiation maternelle, a donné ses
fruits, car Anaïs a réussi à percer le mystère de l’absence de sa grand-mère. Elle a découvert le
monde de cette femme qui fuit, sa méfiance, son insatisfaction et son désir de liberté.

C’est ainsi que Barbeau-Lavalette a donné la voix à une femme révoltée et révoltante, qui est à la
fois, peintre, poète et une grande combattante. Anaïs s’est exprimée à ce propos : « Ainsi, tu
continues d’exister. Dans ma soif inaltérable d’aimer. Et dans ce besoin d’être libre, comme une
nécessité extrême. Mais libre avec eux. Je suis libre ensemble, moi.» (Barbeau-Lavalette, 2015,
p. 376). Dans ce passage, on réalise que l’auteure, en donnant la voix à Suzanne, elle lui permet
d’avoir toujours une place dans sa vie, en expliquant qu’elle a hérité de cette dernière, le désir
d’être libre. Mais elle précise que la liberté, ne veut pas dire s’éloigner de sa famille.

L’investigation généalogique faite par Anaïs, lui permet aussi de recouvrer un certain degré de
liberté identificatoire par rapport à son histoire Trans-générationnelle : « Tu es celle à qui je dois
cette eau trouble qui abreuve mes racines. » (Barbeau-Lavalette, 2015, p. 376). Ce qui est d’un
point de vue psychanalytique, très important pour le bien être du sujet, ainsi que pour faire
l’équilibre entre la filiation et l’affiliation.

3. La filiation de compensation

Chaque processus de transmission Trans-générationnelle peut véhiculer des éléments structurants


et d’autres aliénants. Chaque sujet doit ainsi se construire entre transmission structurante et
transmission aliénante. (Anaut, 2007, p.29).

Anaïs a hérité les blessures et la souffrance de sa mère, mais elle a choisi de ne pas rester dans la
paralysie et de réagir, en cherchant des réponses à ses questionnements relatifs au mystère de sa
filiation. L’auteure ne s’arrête pas là, elle décide de lire l’héritage de sa grand-mère et
l’interpréter. Ce qui explique que cette souffrance a stimulé sa créativité et l’a poussé à écrire. En
d’autres termes, une filiation brisée peut se transformer à un puissant stimulant intellectuel.

Freud a déduit que les secrets de famille stimulaient la curiosité intellectuelle du sujet et que ce
processus est avant tout le résultat d’une défense psychique de l’individu, dressé dans le but de
se protéger des aspects délétères des secrets. (Anaut, 2007).

En se servant de l’histoire de sa grand-mère comme matériau d’écriture, l’auteure envisage donc


de se protéger des conséquences que pourrait avoir l’absence de sa grand-mère sur son bien être
psychique et son développement personnel. C’est le travail d’élaboration psychique autour de
son mystère filial qui l’a aidé à résoudre ses conflits psychiques.

35
Si on estime qu’à travers l’écriture, l’auteure a pu dépasser une construction aliénante et de se
réconcilier avec le passé, peut-on déduire que ce résultat est un processus de résilience ?

La résilience est la capacité de surmonter les traumatismes et de se réparer après une épreuve.
Ici, la réparation procède par l’intermédiaire de l’autre, alors que l’acte de résilience est souvent
traduit par l’art de résister à la situation traumatisante par soi-même. Donc dans le cas de
Barbeau-Lavalette, on ne parle pas vraiment d’acte de résilience mais plutôt d’une filiation de
compensation. Dans le sens où, ce type de filiation pourrait rendre compte d’un certain nombre
de situations, dans lesquelles les mystères filiaux sont devenus des vecteurs de créativité. (De
Champlain, 2019).

L’absence et le silence de Suzanne Meloche, ont eu un effet d’un levier sur son héritière. Car,
c’est grâce à l’héritage d’une filiation brisée, que Barbeau-Lavalette a développé ses
compétences cognitives, ainsi qu’une nouvelle façon d’envisager le monde.

4. L’imaginaire dans la construction des faits

L’écriture du roman d’Anaïs Barbeau-Lavalette, est basée sur le respect des faits des traces de
Suzanne Meloche. Mais l’auteure a imaginé quelques situations que les archives de sa grand-
mère ne pouvaient remplir. Elle déclare en entrevue avoir écrit un « roman inspiré d’une
personne réelle. [...] Il y a l’histoire qu’elle traverse, mais pour en faire une femme il faut que
j’imagine comment elle marche, comment elle s’habille, comment elle touche, comment elle aime
» (Barbeau-Lavalette, entrevue à l’émission Aire libre, 2016).

Barbeau-Lavalette précise que son récit revendique l’usage de la fiction afin de « sel’inventer sur
mesure. » (Barbeau-Lavalette, 2015, p. 377), en parlant de sa grand-mère, c’est-à-dire une
reconstruction par les moyens de la fiction de l’histoire familiale de Barbeau-Lavalette, dont la
véracité, finalement, reste incertaine.

Dès le début de l’ouvrage, nous remarquons que l’auteure a inventé plusieurs rencontres avec sa
grand-mère, « La première fois que tu m’as vue, j’avais une heure. Toi, un âge qui te donnait du
courage. » (Barbeau-Lavalette, 2015, p. 7). Ce passage montre qu’Anaïs a imaginé la présence
de Suzanne le jour de sa naissance. Elle enchaine avec l’imaginaire dans la construction de
plusieurs autres passages : « La prochaine fois que je te vois j’ai dix ans. Je suis juchée à la
fenêtre du troisième étage, […] tu te diriges vers nous sans que le sol se souvienne de toi. »
(Barbeau-Lavalette, 2015, p. 9). Est-ce vrai que l’auteure ait utilisé la fiction pour donner un
profil sur mesure à sa grand-mère ?

36
En psychanalyse, l’imagination est traduite par le concept du fantasme. Ce dernier, est une
production psychique imaginaire qui a la structure d'un scénario soutenant la réalisation d'un
désir. (Laplanche, 1984). L’imagination est donc un processus inconscient qui vise la satisfaction
d’un désir donné.

L’emploi de l’imagination dans la construction des faits du roman La femme qui fuit, permet des
retrouvailles fantasmatiques entre Anaïs et sa grand-mère. C’est un moyen d’idéalisation des
liens filiaux, qui nous renvoie directement au désir de la réconciliation et la réparation du présent
par le passé.

Il en résulte ainsi un récit mêlant faits réels et fiction, à la recherche d’une histoire cohérente
pour compenser le silence de l’abandon tout en comblant le manque existant dans la filiation
maternelle de l’auteure.

5. L’écriture filiale au service de la mémoire collective

Si la narratrice a réussi à atteindre un but personnel qui se résume dans le fait de tisser des liens
avec sa grand-mère, en investiguant la vie de cette dernière, en comprenant son parcours et ses
raisons. Elle écrit ce qu’elle a découvert, pour exposer au regard de tous, l’histoire de sa grand-
mère. Elle suit la constitution du commun en faisant abstraction de sa focalisation sur elle-même.
C’est-à-dire, elle s’éloigne de son intérêt personnel.

Anaïs refuse que son héritage comporte un grand trou noir, refuse de le transmettre à son tour.
Elle refuse aussi la souffrance de sa mère, le vide empreint d’angoisse et de tristesse qu’a laissé
Meloche en désertant. Ce refus est possible grâce à sa position d’auteure : « Là, il y a elle, il y a
toi, et entre vous deux : moi. Tu ne peux plus lui faire mal parce que je suis là. » (Barbeau-
Lavalette, 2015, p. 8). L’auteure montre qu’elle sera toujours présente pour protéger sa maman,
l’aider à dépasser son traumatisme et à retrouver goût à la vie.

Ainsi, le problème de la filiation dans La femme qui fuit ne se résout pas simplement en
remplaçant la perspective de l’intimité par celle de la situation historique, ni même en les
additionnant, mais plutôt en les faisant jouer de pair pour fournir une compréhension totale de
l’autre. Ce n’est qu’ainsi que le sujet problématique (Mousse, Anaïs) peut parvenir à se
reconstruire au-delà de la blessure. (Caumartin, 2007).

Barbeau-Lavalette, introduit aussi sa fille : « Ma fille s’est endormie sur mon sein. Toutes deux
ainsi fusionnées devant l’ampleur de la forêt, sous le ciel immense où se déploient, sauvages, les
nuages, nous sommes ensemble et te saluons, Suze. » (Barbeau-Lavalette, 2015, p. 376). En

37
introduisant sa mère ainsi que sa fille, la narratrice présente une constitution du commun, qui est
selon Dardot et Laval (2014), une réappropriation pour soi et pour l’autre. Anaïs permet ainsi
une rencontre entre les générations qui dégage une force réparatrice.

Selon Freud, (1899), dans une situation traumatique, le sujet concerné confronte une angoisse
extrême qui fait abstraction du sentiment de soi et provoque une fusion de ce dernier et de l’objet
comme noyau de l’expérience traumatique, ce qui peut endommager le bien être personnel (ce
qui est arrivé au début entre Suzanne et son héritière). Freud précise que la reconstruction des
souvenirs traumatiques et leurs historisation, permettent d’exprimer les désirs refoulés. Anaïs en
écrivant La femme qui fuit, a pu se réconcilier avec le passé. Car selon Freud, C’est ainsi que
fantasme et réalité traumatique sont dénoués et le Moi obtient un cadre de compréhension
libérateur. L’historicisation signifie aussi reconnaissance du fait traumatique, compréhension du
vécu individuel et des conséquences générées à long terme. Ce qui conduit à une reconstruction
psychique.

De ce fait, on constate que, si le traumatisme s’est transmis de génération en génération, la


reconstruction sera transmise de la même manière. Ce qui explique que l’écriture filiale peut
avoir des conséquences positives sur la mémoire collective.

Nous arrivons ainsi à la fin de notre analyse Trans-générationnelle. Les résultats dégagés à
travers cette dernière, seront résumés dans la conclusion.

38
CONCLUSION

39
Conclusion

Avant d’annoncer les résultats auxquels nous sommes arrivés au terme de ce travail de
recherche, nous allons jeter un regard récapitulatif sur le chemin parcouru. Nous avons entamé
notre recherche par une introduction, à travers laquelle nous avons présenté l’intitulé de notre
travail dans son contexte littéraire. Par la suite, ce travail de recherche s’est articulé en trois
chapitres.

Un premier chapitre intitulé « panorama sur l’auteure et son œuvre », dans lequel nous avons fait
une présentation de l’auteure, son œuvre, ainsi que les mots clés de notre thème de recherche.

Un second chapitre intitulé « Bref aperçu du concept de la psychanalyse », qui a été consacré, au
fondement de l’approche psychanalytique, sa définition, son objet d’étude et son introduction
dans la littérature.

Et enfin, un dernier chapitre intitulé « analyse Trans-générationnelle du corpus », basé sur


l’analyse psychanalytique d’une manière générale et Trans-générationnelle d’une manière
particulière. Dans lequel, nous nous sommes atteler à l’héritage d’une filiation brisée et ses
conséquences sur l’auteure, la quête généalogique et le processus de la reconstruction psychique.

En conclusion, nous retenons que plusieurs paramètres sont considérés comme étant le point de
départ du long travail d’investigation mené par Anaïs Barbeau-Lavalette. Nous mettons le doigt
en premier lieu, sur le désir de l’auteure de dépasser le traumatisme qu’elle a hérité de sa filiation
maternelle brisée et d’effacer les traces physiques et psychologiques laissées par la génération
antérieure. En second lieu, son souhait de percer le mystère de l’absence de sa grand-mère
maternelle, la connaitre et tisser des liens avec elle.

Par ailleurs, nous constatons que, l’auteure voulait se réfugier dans une filiation de
compensation. Dans le sens où, cette dernière a exploité l’absence et le silence de sa grand-mère,
pour stimuler sa créativité littéraire.

Et parallèlement à cela, nous signalons que la narratrice refuse de transmettre le trou noir de sa
filiation maternelle, ce qui l’a incité à combler ce manque pour mieux faciliter l’accès à l’histoire
familiale, pour les générations futures. En d’autres termes, l’auteure a fait abstraction de son
intérêt personnel au profit d’une construction du commun.

La somme de ces paramètres, nous conduit à déduire que l’inconscient de Barbeau-Lavalette,


cherchait des retrouvailles fantasmatiques entre cette dernière et sa grand-mère, ainsi qu’un désir

40
de réconciliation et de réparation du présent par le passé. Afin d’optimiser une reconstruction
psychique et un équilibre entre la filiation et l’affiliation.

41
Références bibliographiques

Corpus étudié

-Barbeau-Lavalette, L. (2015). La femme qui fuit. Montréal, Québec : Marchand de feuilles.

Articles en ligne

-Anaut, M. (2007). Transmissions et secrets de famille : entre pathologie et créativité. La revue


internationale de l’éducation familiale. n°22. P 27 à 42. Repéré à : https://www.cairn.info/revue-
la-revue-internationale-de-l-education-familiale-2007-2-page-27.htm

-Caumartin, A. (2019). Je ne t’aime pas encore. Mais attends-moi. J’arrive. L’horizon de l’aveu
d’impuissance dans La femme qui fuit d’Anaïs Barbeau-Lavalette. Analyse. Vol(14), no 2, p 5-
19. Repéré à: https://uottawa.scholarsportal.info/ottawa/index.php/revue-
analyses/article/view/4616

-Chave-Dartoen, S., & Saura, B. (2018). Le récit généalogique. Cahiers de littérature orale.
no 83. Repéré à : https://journals.openedition.org/clo/2285

-Corvez, M. (1968). Le structuralisme de Jacques Lacan. In: Revue Philosophique de Louvain.


Troisième série, tome 66, n°90. pp. 282-308 repéré à : https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-
3841_1968_num_66_90_5434

-Cottet, S. (2011). Lacon et l’a-Freud. Malentendu. La Cause Freudienne. N°79. Pp136 à 140.
Repéré à https://www.cairn.info/revue-la-cause-freudienne-2011-3-page-136.htm

-Demanze, L. (2008). Recits de filiation. Faire sa propre histoire n’est possible qu’à la condition
de l’héritage. Repéré à : https://www.fabula.org/atelier.php?R%26eacute%3Bcits_de_filiation

-Desprats-Péquignot, C. (2002). Introduction. La psychanalyse. PP 3 à 6. La découverte. Repéré


à : https://www.cairn.info/la-psychanalyse--9782707138620-page-3.htm#no1

-Fraenkel, E. (1955). La psychanalyse au service de la science de la littérature. Cahiers de


l’association internationale des études françaises. N° 07. p 23-49. Repéré à:
https://www.persee.fr/doc/caief_0571-5865_1955_num_7_1_2064

-Kamieniak, J-P. (2011) .Freud, la psychanalyse et la littérature. Le Coq- HERON. n° 204. Pp 64


à 73. Repéré : https://www.cairn.info/revue-le-coq-heron-2011-1-page-64.htm

42
-Kühn, M. (2019). SAISIR LE PASSÉ DANS LE PRÉSENT : mémoires familiales dans les
fictions contemporaines québécoises (Barbeau-Lavalette, David, Quinn). Voix et Images, n°44,
25Ŕ37.Repéré à : https://www.erudit.org/fr/revues/vi/2019-v44-n2-vi04551/1059513ar.pdf

-Mietkieviez, M-C. Benoit, B. (2002). Vue à travers la littérature enfantine. La place des grands
parents dans l’éducation. Dialogue.n°158. p 51 à 64 .Repéré à : https://www.cairn.info/revue-
dialogue-2002-4-page-51.htm

-Rougé, D. (2011). Les lectures psychanalytiques des œuvres littéraires. Université Pédagogique
de Cracovie. Pologne. 13-20. Repéré à : https://gerflint.fr/Base/Pologne8/rouge.pdf

-Viart, D. (2018). Les littératures de terrain. Enquêtes et investigations en littérature française


contemporaine. Observatoire de l’imaginaire contemporain, n° 07.Repéré à:
http://oic.uqam.ca/fr/remix/les-litteratures-de-terrain-enquetes-et-investigations-en-litterature-
francaise-contemporaine

-Vrydaghs, D. (2008). Le récit de filiation dans la littérature contemporaine. Acta Fabula,


volume 9, no 7, p 403. Repéré à : https://www.fabula.org/revue/document4455.php

-Vrydaghs, D. (2008). Récits de filiation. Acta Fabula. Repéré à:


https://www.fabula.org/atelier.php?R%26eacute%3Bcits_de_filiation

Livres

-Assoun, P-L. (2018). Lacan. Liban : point delta.

-Boudin, D. (2007). La psychanalyse. Rosny. Bréal. Repéré à:


https://books.google.dz/books/about/La_psychanalyse_de_Freud_%C3%A0_aujourd_hui.html?i
d=EufGrLRUxZAC&printsec=frontcover&source=kp_read_button&redir_esc=y#v=onepage&q
&f=false

-Cerquiglini-Toulet, J., Lestringat, F., Forestier, G &Bury,E. (2007). La littérature française, I.


Espagne : Gallimard.

-LE RIDER, J. ROBERT, M. « Freud Sigmund Ŕ (1856-1939) ». Encyclopaedia Universalis.


Repéré à: https://www.universalis.fr/encyclopedie/sigmund-freud/3-naissance-de-la-
psychanalyse/

-Reuter, Y. (2016). L’analyse du récit. France : Armand Colin.

43
Dictionnaires et encyclopédies

-Généalogie. (1968). Nouveau petit Larousse. Paris, France : Larousse.

Mémoires et thèses

-De Champlain, V. (2019). Les falaises, suivi de L'héritage de la filiation féminine brisée dans
La femme qui fuit, d'Anaïs Barbeau Lavalette; réparer le passé par le présent (Master, université
Laval, Québec). Repéré à :

https://corpus.ulaval.ca/jspui/bitstream/20.500.11794/37665/1/35707.pdf

Pages Web/ Internet

http://bookncook.over-blog.com/2017/07/la-femme-qui-fuit.html

https://entreleslignesentrelesmots.blog/2016/08/26/la-femme-qui-fuit/

http://lapetiteuniversite.net/analyse-transgenerationnelle.html

http://psyifsi.over-blog.com/article-cours-1-les-concepts-de-base-en-psychanalyse-
37215573.html

https://www.ellequebec.com/style-de-vie/cinema-et-tele/l-inspirante-anais-barbeau-lavalette

https://www.juliemortimore.fr/details-les+origines+de+la+psychanalyse-131.html

44
Résumé

Dans ce présent travail de recherche, intitulé « Investigation généalogique et filiation maternelle


dans La femme qui fuit d’Anaïs Barbeau-Lavalette », nous allons nous focaliser sur l’auteure,
qui a connu le gout de l’absence et de l’abandon depuis son très jeunes âge. Cette dernière a
grandi sans connaitre sa grand-mère maternelle, une femme fuyante, dont l’histoire est chargée
de mystères. Dans cette recherche, il est question de déterminer le motif qui a incité Barbeau-
Lavalette à mener un long travail d’investigation généalogique sur les traces du maillon égaré de
sa filiation maternelle.

Notre travail de recherche, sera introduit par une présentation de l’auteure ainsi que son œuvre.
Ensuite, le travail va s’articuler en deux parties, une théorique et l’autre analytique. Dans la
partie théorique nous allons aborder, les relations filiales et généalogiques dans la littérature
francophone d’une manière générale et la littérature québécoise contemporaine plus précisément.
Ainsi que, des généralités de la littérature de terrain. Par la suite, nous allons voir les concepts de
base de l’approche envisagée pour l’analyse du corpus.

Dans la partie analytique, nous allons essayer de répondre aux questionnements relatifs à notre
sujet problématique. Pour y parvenir, nous allons analyser notre corpus en optant pour une
approche psychanalytique et plus précisément une analyse Trans-générationnelle, à travers
laquelle nous allons chercher des réponses, en faisant le tour de la relation entre l’auteure et sa
grand-mère, la quête généalogique, les conséquences d’une filiation brisée et le processus de la
reconstruction psychique.

Mots clés

Filiation, généalogie, investigation, Trans-générationnel, réconciliation.

45
Abstract
In this present research work, entitled «Genealogical investigation and maternal filiation in The
Fleeing Woman of AnaïsBarbeau-Lavalette» the novel also translated in 2018 by Rhonda
Mullins under the title «SUZANNE», we will focus on the author, who has known the taste of
absence and abandonment since she was very young. She grew up without knowing her maternal
grandmother, a fleeing woman whose story is full of mysteries. In this research, the question is to
determine the motive that prompted Barbeau-Lavalette to conduct a long genealogical
investigation into the traces of the lost link of her maternal filiation.
Our research work will be introduced by a presentation of the author and her work. Then, the
work will be structured in two parts, one theoretical and the other analytical. In the theoretical
part, we will discuss the subsidiary and genealogical relationships in French-speaking literature
in general and in contemporary Quebec literature more specifically.
As well as, generalities of the field literature. Subsequently, we will see the basic concepts of the
approach considered for the analysis of the corpus.
In the analytical part, we will try to answer the questions related to our problematic subject. To
do so, we will analyze our corpus by opting for a psychoanalytical approach and more precisely
a Trans-generational analysis, through which we will seek answers, looking at the relationship
between the author and her grandmother, the genealogical quest, the consequences of a broken
parentage and the process of psychic reconstruction.

46

Vous aimerez peut-être aussi