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Homère, L’Iliade, VIIIe siècle avant JC.

Appelé par Agamemnon pour prêter main forte à Ménélas face à Troie, Achille, le fils de Pelée, refuse de se battre.
Pour lui, la Guerre de Troie ne le concerne pas. Cependant, lorsque son cousin Patrocle est tué par le prince troyen
Hector lors de la dixième année de guerre, Achille prend les armes et se dirige vers la cité bien décidé à le venger. Sur
la rive, le dieu-fleuve Scamandre (appelé aussi Xanthe), qui soutient les troyens, tente de l’arrêter...

Le combat d'Achille et du fleuve Scamandre (chant XX)


Puis Achille sauta de la berge au milieu du fleuve. Mais le fleuve se gonfla, furieux. Il soulevait toutes ses eaux
; les cadavres sans nombre qui encombraient son lit, il les rejetait sur la terre en mugissant comme un taureau. Les
vivants, il les sauvait en les cachant dans ses profonds tourbillons. Le flot tumultueux se levait, terrible, autour
d’Achille et le courant se pressait contre son bouclier. Le héros chancelait sur ses pieds. Alors il agrippa de ses mains un
grand orme qui s’écroula, déraciné, emportant toute la berge. De ses branches serrées, l’arbre arrêta le courant et fit un
pont sur le fleuve. Achille, sortant de l’eau, s’élança dans la plaine, effrayé. Mais le grand dieu ne s’arrêtait pas : il
s’élança vers lui pour mettre fin à l’œuvre du divin Achille et éloigner le malheur des troyens.
Le fils de Pélée bondissait, aussi vif que l’aigle noir, l’aigle chasseur, le plus fort et le plus rapide des
oiseaux. Le bronze résonnait terriblement sur sa poitrine. Il se dérobait mais le fleuve le poursuivait dans un fracas
énorme. Le flot pressait Achille, si rapide qu’il fût ; les dieux sont plus forts que les hommes. Chaque fois qu’Achille
voulait s’arrêter, se retourner pour savoir si ce n’étaient pas tous les Immortels qui le poursuivaient, le flot puissant du
fleuve s’abattait sur ses épaules. Chaque fois, il repartait d’un bond. La plaine tout entière était inondée ; de belles
armes, des cadavres flottaient en nombre. Mais la colère du Scamandre ne cessait de grandir ; il dressait ses eaux contre
le fils de Pélée.
Alors Héra poussa un grand cri : elle craignait que le grand fleuve aux profonds tourbillons n’engloutît Achille.
Vite, elle appela son fils Héphaïstos :
- Va, boiteux, mon fils ! Affronte le Xanthe tourbillonnant. Allume tes innombrables flammes. Brûle tous les
arbres sur les berges du Xanthe ; lui-même, livre-le au feu et ne cède ni à ses flatteries, ni à ses menaces. Ne calme pas
ton ardeur avant que ne te l’aie demandé.

Alors que les Achéens assiègent la ville de Troie depuis près de dix ans, l’affrontement entre les deux champions,
Achille pour les Grecs et Hector (fils de Priam) pour les Troyens, est le point culminant de la guerre. Leur duel
s’achève par la mort d’Hector. Habité par la vengeance depuis qu’Hector a tué son cher ami Patrocle, Achille inflige
au cadavre de son ennemi un « traitement indigne » : il attache son cadavre à son char et traîne son corps dans la
poussière, sous les yeux des Troyens, accablés de douleur.

Achille tue Hector (chant XXIII)


Et Achille, emplissant son cœur d'une rage féroce, se rua aussi sur le fils de Priam. Et il portait son beau
bouclier devant sa poitrine, et il secouait son casque éclatant aux quatre cônes et aux splendides crinières d'or
mouvantes qu’Héphaïstos avait fixées au sommet. Comme Hespéros, la plus belle des étoiles qui se tiennent dans le
ciel, ainsi resplendissait l'éclair de la pointe d'airain que le fils de Pélée brandissait, pour la perte d’Hector, cherchant sur
son beau corps la place où il frapperait. Les belles armes d'airain que le fils de Priam avait arrachées au cadavre de
Patrocle le couvraient en entier, sauf à la jointure du cou et de l'épaule, là où la fuite de l'âme est la plus prompte. C'est
là que le divin Achille enfonça sa lance, dont la pointe traversa le cou d’Hector ; mais la lourde lance d'airain ne trancha
point le gosier, et il pouvait encore parler. Il tomba dans la poussière, et le divin Achille se glorifia ainsi :
- Hector, tu pensais peut-être, après avoir tué Patrocle, n'avoir plus rien à craindre ? Tu ne songeais point à moi
qui étais absent. Insensé ! Va ! les chiens et les oiseaux te déchireront honteusement, et les Achéens enseveliront
Patrocle !
Et Hector au casque mouvant lui répondit en s’exprimant avec difficulté :
- Je te supplie par ton âme, par tes genoux, par tes parents, ne laisse pas les chiens me déchirer auprès des nefs
achéennes. Accepte l'or et l'airain que te donneront mon père et ma mère vénérables. Renvoie mon corps dans mes
demeures, afin que les Troyens et les Troyennes me déposent avec honneur sur le bûcher.
Et Achille, aux pieds rapides, le regardant d'un œil sombre, lui dit :
- Chien ! Ne me supplie ni par mes genoux, ni par mes parents. Plût aux Dieux que j'eusse la force de manger
ta chair crue, pour le mal que tu m'as fait ! Rien ne sauvera ta tête des chiens, même si on m'apporterait dix et vingt fois
ton prix, et nuls autres présents ; même si Priam, le fils de Dardanos, voulait te racheter ton poids d'or ! Jamais la mère
vénérable qui t'a enfanté ne te pleurera couché sur un lit funèbre. Les chiens et les oiseaux te déchireront tout entier.

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