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Libreté est un jeu de rôle pour 3-6 joueurs (dont un meneur de jeu) se
déclinant en une campagne de 5-10 séances. Vous trouverez dans ce livre
un questionnaire pour créer votre propre enclave, des archétypes pour
caractériser rapidement les protagonistes, des règles mettant l’accent
sur les émotions des personnages et les conséquences de leurs actes,
d’horribles sirènes et pour finir quelques noirs secrets.
l ’ h o m m e
orchestre SCKHO002
Prix conseillé France : 10€
ISBN : 979-10-94206-11-9
Ils ont construit Libreté et participé à sa chute : Chloé Gautier, Maxime Laconfir,
Carole Ramstein, Steve Jakoubovitch, Eugénie, Julien Delorme, Côme Martin,
Julien Pouard, Adrien Cahuzac, Natacha Forel, Stéphane Bagnier,
Edith Abouquir, Frédéric Sintès, Mathieu Leocmach, Nicolas Chartier.
Libreté est un jeu de rôle dont le système doit beaucoup à Apocalypse World,
écrit par Vincent Baker et édité pour la première fois en France
par les éditions Boîte à Heuhh.
© SYCKO, 2017
3, rue de Plaisance 92340 Bourg La Reine
www.sycko-fab.com
ISBN : 979-10-94206-11-9
Libreté
L’Homme-Orchestre
J’ai pleinement conscience en écrivant ces mots de l’affront que je fais à ceux
qui tombèrent ce jour-là ou que les sirènes emportèrent dans les limbes,
ainsi qu’à ce petit groupe qui me permit, à moi seul, de retrouver mes
parents. Jeannot, Cocotte, Sarah, Karim… la liste des victimes est infinie.
Sachez que je ne vous ai pas oubliés, ni n’ai oublié la valeur de votre sacrifice ;
il m’arrive cependant de regretter vous avoir survécu.
À vous, enfants disparus, je présente mes excuses. D’abord pour ne pas avoir
su profiter de la vie que vous m’avez offerte. Ensuite pour l’acte impardon-
nable que je m’apprête à commettre. Je suis sur le point de vous sortir de
votre long sommeil serein, de vous arracher à la douceur du rêve pour vous
plonger une nouvelle fois dans les douleurs de l’éveil.
C’est à présent vers vous, mes lecteurs et mes lectrices, que je me tourne.
Comprenez-le bien, l’objet que vous tenez entre les mains n’est pas un simple
roman ou un vulgaire essai.
Seulement pour moi, Libreté est beaucoup, beaucoup plus. Cet ouvrage, et
la chronique dont il va vous aider à accoucher, sont les seuls moyens dont
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Non.
Je vais vous confier Libreté, à vous et à quantité d’autres tables. Chaque groupe
rendra son souffle à la ville, et chacune de ces incarnations différera des
autres ; toutes mentiront et toutes diront la vérité. Mes amis ne vivront plus
une mais des centaines, des milliers, des millions de vies. Leurs rires réson-
neront à nouveau entre les murs. Ils défieront la mort et joueront, joueront,
jusqu’à ce que notre propre monde s’éteigne et qu’il ne reste plus aucun être
humain pour les recréer.
Il me faut maintenant aborder un sujet qui m’est pénible autant qu’il est
nécessaire. Bien que cela m’afflige, je ne peux pas jeter dans l’oubli la souf-
france des habitants de l’enclave, et vous demande de ne pas faire de la ville
un lieu uniquement habité d’une joie aussi imbécile que fausse. Ils étaient
des enfants, avec leurs qualités et leurs défauts, leurs grandeurs et leurs
mesquineries. Et ils sont morts. Cacher cette fin relèverait de l’injure, du
crachat. Vous pourrez peut-être en sauver quelques-uns, mais la ville finira
par tomber, et avec elle la majeure partie de sa population.
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Je devine parmi vous des habitués de ces jeux qui se méfient de mes paroles
et prennent ces lignes pour les propos mensongers du bonimauteur que je
suis. Ils se disent que derrière une telle profession de foi se cachent nécessai-
rement personnages figés, informations étouffantes ou scénarios monoli-
thiques. Ils ricanent en devinant le paradoxe : comment rendre un hommage
fidèle sans figer, comment traduire sans trahir ?
Ceux-là se trompent. Je n’ai pas besoin de décrire tout Libreté ; il m’est inutile
de vous détailler chaque enfant qui la peuplait ou de vous parler de ce qu’ils
aimaient dans les moindres détails. Cela prendrait des siècles, et ne ferait
que desservir mon but. Je n’ai en réalité qu’à vous montrer le chemin, à vous
donner la plus minuscule des impulsions, et je sais que vous la retrouverez
intacte, la dernière forteresse, l’espoir au cœur des Limbes.
Vivien
Un peu de vocabulaire
Pour rendre les règles de ce jeu les plus claires possibles, je vais définir ici
des termes qui seront répétés à plusieurs reprises par la suite.
Un jeu de rôle : je vous invite par ce jeu à faire exister des personnages
– des enfants de Libreté – au sein d’un monde imaginaire partagé. Le moyen
principal utilisé pour cela est la conversation. Chaque participant décrit des
situations et les actes de son ou ses personnages, et les autres réagissent à
ses propositions (ils les acceptent ou les renforcent, les contredisent parfois,
rebondissent dessus, modifient un détail, etc).
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À cela il faut bien sûr ajouter les nombreuses interventions « hors-jeu », qui
ne sont pas directement liées aux drames des personnages et concernent
surtout les joueurs eux-mêmes (on se complimente, se détend après une
scène un peu dure, montre son enthousiasme, propose à boire ou bien
encore demande simplement à utiliser les toilettes).
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La bile noire : la bile noire symbolise les humeurs sombres qui nous
habitent tous, et les habitants de Libreté en particulier. S’accumulant dans
l’organisme, elle est responsable de leurs débordements et les pousse à mal-
traiter ceux qui les entourent. Elle est également le sang qui coule dans les
veines des sirènes de l’averse. La rage qu’elle lui donne peut permettre à un
enfant de triompher des obstacles.
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Les Terres humides : c’est ainsi que les enfants de Libreté appellent
le monde dans lequel ils vivent. Crachins, orages, pluies, tempêtes s’y
enchaînent au-dessus de la Ville abandonnée, aussi immense que déserte. Il
est arrivé par le passé que la pluie cesse, mais celle qui a cours en ce moment
est vraisemblablement la dernière, celle qui balaiera tout et ne repartira
qu’une fois tous les enfants dévorés. Pourtant, certains enfants prétendent
que loin, très loin d’ici, le soleil perce à travers les nuages.
Les sirènes de l’averse : ce sont les véritables habitants des Terres humides,
des créatures naissant des flaques d’eau laissées par les pluies continuelles.
Monstres polymorphes capables de lire les pensées pour mieux leurrer leurs
proies, elles sont animées d’une faim insatiable de petits enfants perdus et
savent comment les attirer dans les recoins sombres…
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Avant la partie
Imaginons que vous ayez réuni entre un et quatre amis en plus de vous-
même. Vous avez crayons, gommes et papier, une poignée de dés à six
faces plus une réserve de jetons de couleur sombre et quelques feuilles de
brouillon (une feuille A3 serait extrêmement pratique pour constituer une
sorte d’organigramme de l’enclave).
Lancer la partie
Une fois que tout le groupe a bien discuté de ses journées de grandes per-
sonnes et mis derrière lui ce qui lui pesait sur le cœur, la partie va pouvoir
commencer.
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Le questionnaire
Toute la table va ensuite répondre aux questions que j’ai écrites afin de créer
sa propre Libreté, un univers vivant, tout en tensions, que les personnages-
joueurs et non-joueurs pourront véritablement habiter.
Elle est pas très grande, avec à peine … enfants pour l’habiter : combien
d’enfants vivent dans Libreté ? Une centaine paraît un chiffre raison-
nable, cela permet de connaître tout le monde tout en laissant de la
place pour des surprises. Des communautés beaucoup plus resserrées
ou beaucoup plus vastes sont bien sûr possibles.
Certains racontent qu’elle a été fondée par… : qui a fait émerger Libreté
des Terres humides ? Le dernier adulte, une troupe légendaire, une
sirène dotée d’une âme, un héros dont on dit qu’il reviendra un jour ?
Le leader actuel, qui ne s’est pas montré en public depuis des mois ?
Gardez à l’esprit que le temps est une notion très relative ici ; l’ère
mythologique peut remonter à quelques semaines, années, décennies,
siècles…
Pour empêcher les sirènes d’entrer, nous… : quelles défenses ont été
érigées pour empêcher les sirènes de dévorer les habitants ? Y a-t-il des
tours de garde ? Est-ce que des fuites ont eu lieu par le passé, avec quelles
conséquences ?
Est-ce qu’un groupe se consacre exclusivement à cette tâche ? De quel
statut jouit-il au sein de la cité ?
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Pour en trouver, des expéditions sont organisées dans les Terres humides.
Elles sont constituées de… : qui envoie-t-on dehors pour aller chercher
ce qui manque ? Les indépendants, les plus jeunes, les plus âgés, les
nouveaux ? Est-ce un honneur ou une corvée ? Combien reviennent géné-
ralement ? Y a-t-il une menace particulière, ou un endroit mythique,
par-delà les murs ?
Une carte sommaire des environs pourrait vous aider à donner corps
à votre cadre de jeu. Y a-t-il des zones à éviter ? Une sirène plus redou-
table que les autres ? Un endroit riche en denrées mais très dangereux ?
Existe-t-il une autre communauté d’enfants, plus petite, faisant sa vie
hors de l’enclave ?
Ne vous en faites surtout pas s’il reste des questions en suspens, vous aurez
tout le temps d’y répondre ou d’en inventer d’autres pendant le reste de la
partie.
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Prenez les huit fiches d’archétypes que vous avez imprimées, distribuez-les
équitablement et faites lire à voix haute le petit paragraphe descriptif que
chacune contient.
Ce que j’ai gagné ou appris : les apprentissages sont des « pouvoirs »,
des actions spéciales, des objets, des relations privilégiées ou des modi-
fications de règles, que l’enfant obtient au fil de la chronique via les
coches d’expérience (voir « L’expérience » dans le chapitre sur les règles des
personnages-joueurs). Chaque archétype est fourni avec deux appren-
tissages gratuits (ceux dont la case a été noircie). À moins que vous
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Ceux que je crois connaître : pour finir, les joueurs donnent à leur per-
sonnage une ou plusieurs « relations ». Je leur conseille fortement de se
lier à la plupart des autres personnages-joueurs, mais aussi de choisir
des personnages non-joueurs créés auparavant et même d’en inventer
des nouveaux.
Le joueur n’est en aucun cas forcé de remplir tous les blancs, ni de s’en
tenir aux options fournies. Ce ne sont même pas là les seules relations
dont le personnage dispose, bien d’autres surgiront ou se créeront en cours
de jeu.
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Placez sur la carte les bandes composant Libreté, et ajoutez-y les chefs et
les « simples » membres que vous aurez conçus. Utilisez des flèches avec de
petites légendes pour relier les personnages entre eux. Quand vous aurez
une meilleure idée de leur rôle dans Libreté, ajoutez-y les personnages des
joueurs (essayez de les distinguer par des majuscules, une couleur diffé-
rente, un encadrement spécial).
Chaque fois qu’un problème ou un mystère est soulevé par un joueur, notez-
le quelque part sur la feuille (par exemple : « Expéditions dans les Terres
humides », « Protection du portail » ou bien encore « Élections présiden-
tielles »). Essayez si possible de mettre chaque problème au plus près des
bandes ou des PNJs concernés. Faites de même avec les lieux emblématiques
de l’enclave et du dehors (mettez par exemple « Bureau du directeur » à côté
du personnage qui dort dedans).
Cette carte est indispensable : elle vous permettra ainsi qu’à vos joueurs
d’avoir une vision claire des différents habitants de Libreté. De plus, le
fait de noter dès à présent les problèmes et les mystères vous permettra
de facilement créer ce que j’appelle des nuées, des problèmes suscep-
tibles d’empirer au fil de la campagne et impliquant plusieurs groupes
antagonistes.
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Prenez votre temps : vous vous lancez dans une course d’endurance, pas
un sprint. Il est donc préférable de vous attarder sur de petits détails
que de foncer vers l’action à grande échelle. Vous devez laisser Libreté
pénétrer en vous dans toute sa vérité : réfléchissez, demandez, pensez
aux détails, aux lieux, aux costumes, aux coutumes…
Montrez une société bâtie sur les restes du monde des adultes : la pre-
mière partie doit poser le décor. Les enfants de Libreté n’ont rien créé,
ils se sont contentés de s’emparer des restes laissés par d’autres, les ont
singés sans les comprendre et en ont tordu les principes. Aussi souvent
que possible, montrez des éléments de l’ancien monde utilisés de façon
détournée (une casserole en guise de couvre-chef, une gazinière changée
en pourvoyeuse d’extase chamanique, un Dalloz porteur d’une parole
divine incompréhensible, des élections « démocratiques » à la criée, etc.)
Ne laissez pas le statu quo s’installer : ne pas tout bouleverser dès le début
ne veut pas dire éviter les conflits. La création de la ville a normalement
mis à jour certains problèmes latents, et d’autres surgiront en cours de
jeu – que ce soit à l’initiative d’un joueur ou à la vôtre. Une fois le quo-
tidien des personnages établi, lancez l’action, exposez ces problèmes,
montrez-en la manifestation concrète – déclenchez de petites bagarres
ou disputes entre un PJ et un autre enfant, rien de trop grave pour
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Semez des graines : si rien n’est irréparable, rien ne saurait non plus être
réparé. Ne résolvez rien de façon définitive, au contraire. Introduisez
des mystères et des rancunes que vous pourrez détailler davantage la
prochaine fois. Vous devez donner envie aux joueurs (vous y-compris)
de donner suite à la partie. Vous n’avez pas à connaître les réponses
dès maintenant, juste à vous passionner pour ce que vous semez. Si
quelque chose vous dérange, dites-le et essayez avec l’aide des autres
de le modifier pour que l’envie revienne.
Créez des PNJs vivants : c’est là un point important mais délicat puisque
vous allez sans doute devoir créer des personnages à la volée et devoir
en même temps leur donner une certaine profondeur ou du moins une
identité. Si nécessaire, prenez un nom sur la fiche de résumé des enfan-
tillages de l’Aversaire ou laissez les joueurs leur en attribuer un. Donnez-
leur des motivations cachées mais simples, des relations avec d’autres
personnages, et au moins un détail unique (un sentiment fort, un détail
physique, un vêtement ou un objet, un tic, une façon de s’exprimer…)
Faites interagir les PJs entre eux : vous avez normalement créé des liens
entre les PJs, mettez-les donc en relation par petits groupes de deux
ou trois. Poussez-les à discuter, à se disputer peut-être, à prendre des
décisions. Creusez un peu leur passé commun, leurs frictions.
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Je me permets de revenir sur ce point. des êtres vivants et pas de simples sil-
Si vous êtes comme moi, vous allez houettes, vous essayez de dénicher
avoir peur de poser des questions à ces petites zones d’ombre qui cachent
vos joueurs. Vous vous direz qu’après de véritables pépites fictionnelles,
avoir rempli un questionnaire tout bref, vous êtes déjà en train de jouer.
entier, les pauvres doivent avoir envie
de jouer et pas de discuter encore Exemples de questions : qui s’occupe
davantage. Vous aurez l’impression des plus petits et où ? Qu’est-ce que
d’être un peu ridicule. Vous allez vous vous utilisez pour le troc ? Où trouves-
replier sur ce que vous avez déjà, les tu des pièces pour rapiécer tes vête-
envoyer sur un semblant d’intrigue ou ments ? Est-ce que ta bande a une
leur faire affronter quelques monstres tenue particulière ? Est-ce que vous
avant de plier hâtivement l’affaire. avez une espèce de religion organisée ?
Pourquoi est-ce que Lucas t’en vou-
Ne le faites pas. Poser des questions drait particulièrement aujourd’hui ?
et y répondre fait partie du jeu et ne Pourquoi est-ce que tu passes pas par
doit pas être vu comme un passage cette rue ? Wendy ne le sait pas encore
obligé dans l’attente d’heures plus mais tu as fait une grosse bêtise il y a
glorieuses. Vous invitez ici les joueurs quelques jours, laquelle ? Tu as volé un
à décrire le monde à travers le prisme objet important à la bande, lequel et
de leur personnage, à détailler ces où le caches-tu ? Pourquoi est-ce que
petits trucs du quotidien qui font d’eux tu ferais un meilleur chef qu’Hamid ?
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N’hésitez surtout pas à vous arrêter avant la fin « officielle » de votre séance.
Mieux vaut laisser plusieurs questions en suspens et prendre ensuite le temps
de discuter de la partie et des envies de chacun. Il n’y a rien de pire que de
voir certains joueurs piquer du nez ou regarder leur montre avec angoisse,
et de se quitter précipitamment sans avoir eu le temps de se dire au revoir
comme il se doit.
Préparer la suite…
Aversaire, vous allez avoir un peu de travail à faire pour la partie suivante.
Il vous faudra utiliser tout le matériel établi pendant la première partie (le
questionnaire, vos notes, la carte globale de la ville, etc.).
Rendez-vous enfin au chapitre sur les « Nuées » pour suivre les consignes
qu’il contient et achever de préparer une Libreté crédible, autonome, prête à
réagir aux actions des PJs mais aussi à évoluer sans eux.
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Aversaire : Fermez les yeux. Fermez les yeux et rêvez, rêvez à l’enfant
que vous avez été. Il est encore là, quelque part, il affleure chaque fois
que l’on vous rejette, que le monde extérieur vous écrase, lorsque vous êtes
impuissant et que la seule chose que vous voudriez faire est de vous blottir
dans les bras de quelqu’un. Touchez son souvenir, arrachez ce costume
d’adulte et trouvez la porte qui mène par-delà ce monde, vers les limbes,
vers les Terres humides où les enfants qui s’égarent finissent invariablement
par échouer. Arpentez à nouveau la Ville, copie blafarde du monde
des grands, vaste terrain de chasse où, sous une pluie continuelle, les sirènes
de l’averse déploient une faim que rien ne pourra jamais rassasier.
On raconte que certains enfants retrouvent le chemin de la maison.
Pas vous. Les sirènes vous ont traqué, avec vos compagnons. Adoptant
mille formes et mille voix, elles ont dévoré les autres membres de vos groupes
et ont bien failli vous avoir. C’est au moment où vous pensiez les avoir
semées que, au cœur de l’immense labyrinthe fantomatique, vous avez
découvert l’ultime bastion, le seul lieu à avoir résisté aux assauts
des monstres : Libreté.
Laissez-vous envahir par le souvenir vivant, recréez Libreté telle qu’elle fut,
telle que les survivants l’ont bâtie, sur les reflets abandonnés du monde
des hommes…
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Le chiffre remporte l’adhésion du groupe. L’Aversaire note « Elle est pas très
grande, avec à peine une centaine d’enfants pour l’habiter. »
Aversaire : toute bonne cité a une origine légendaire. Qui a fondé Libreté ?
Une bande célèbre, un enfant, un adulte, voire même une sirène de l’averse ?
Est-ce que ce fondateur existe toujours ?
Kyra : je verrais bien un adulte, genre le dernier adulte, un docteur.
Will : mouaif. Dans ce cas, il n’est plus là pour diriger, c’est juste
une légende qu’on se raconte.
Aversaire : ok pour moi. Appelons-le « le Docteur ».
Will : docteur qui ?
Aversaire : bon, comment est-ce que vous empêchez les sirènes de l’averse
d’entrer ? Par le toit bien sûr, mais aussi par les portes ? Je veux dire,
ce sont des monstres, beaucoup plus forts que les enfants que vous êtes.
Will : je verrais bien des gros tas d’objets genre des lits, des meubles,
calés contre les accès, avec des tours de garde organisés. D’ailleurs
je jouerais bien le responsable de l’orga.
Kyra : et on interdirait aux gardes d’avoir de l’eau sur eux, juste au cas
où des sirènes en surgiraient !
L’Aversaire note « Pour empêcher les sirènes d’entrer, nous mettons plein
d’objets devant les accès, avec des gardes qui n’ont pas le droit d’avoir de
l’eau sur eux. » Il prend également sa feuille A3 et note les lieux « Portes
principales », « Portes de derrière » et « Porte du garage ». Juste à côté, il ins-
crit également « Défendre Libreté » et l’entoure – pour se souvenir qu’il s’agit
potentiellement d’un enjeu important.
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L’Aversaire note « L’enclave est dirigée par les Anges du Docteur qui ramènent
la nourriture et habitent les anciens quartiers administratifs. » Il ajoute les
informations sur sa feuille A3 avec comme problème « Gardent la nour-
riture » Après consultation avec les joueurs, il ajoute un nom : Steward, le
chef du groupe.
L’Aversaire note les noms des groupes sur le questionnaire et sur la feuille A3.
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L’Aversaire ajoute les lieux décrits et les idées – « Pas de politique », « Veut diri-
ger et purifier », « Infecté / veut faire la guerre aux Colmateux » – à la feuille A3.
Aversaire : ok, passons aux ressources maintenant. Qu’est-ce que vous avez
en abondance, et surtout de quoi est-ce que vous manquez ? On sait déjà
que vous avez de l’eau potable filtrée mais que vous manquez de nourriture.
Vous devez aussi avoir des tonnes de médicaments – dont vous ne savez sans
doute pas trop vous servir.
Kyra : on a de l’électricité aussi. Mais elle vient d’où ?
Aversaire : je propose un générateur diesel de secours. Du coup vous devez
économiser l’énergie et aller chercher du carburant régulièrement. Et ce sont
bien sûr les Anges qui ont le contrôle des réserves.
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Will finit par opter pour le prénom Michel. C’est un « grand » avec un accent
charmant, un regard sévère et un caractère plutôt autoritaire cachant une
certaine tendresse, et qui possède une pipe mais aussi un sabre d’apparat
et une écharpe bleu-blanc-rouge qu’il porte en bandoulière. Le personnage
de Kyra s’appelle Dan, c’est un gamin androgyne et albinos aux yeux rouges
qui porte des costumes un peu trop grands pour lui – certains le prennent
pour un sadique, il collectionne les insectes qui rampent et possède un
couteau-papillon.
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Pour sa Famille, Will décide de prendre les enfants placés sous son comman-
dement. Cela fait beaucoup de monde mais l’Aversaire accepte.
Aversaire : dernière étape, quels sont les enfants que vous connaissez bien,
ceux que vous croyez être vos amis et ceux que vous fréquentez souvent ?
Vous devez au moins en prendre un mais vous n’êtes pas obligés de tout
remplir, et vous pouvez bien sûr en ajouter d’autres.
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La bile noire
Cette action est primordiale et je compte sur vous pour la rappeler réguliè-
rement aux joueurs qui tendraient à l’oublier.
Pour refléter cela, chaque fois que son personnage est confronté à une situa-
tion stressante, un joueur a la possibilité de piocher entre 1 et 3 jetons de bile
noire dans la réserve. C’est aussi simple que cela. Cela peut arriver au milieu
d’une conversation, en réaction à une remarque blessante, à la suite d’un
enfantillage de PJ ou d’Aversaire, dans un moment de pure solitude ou même
rétrospectivement, parce que le joueur avait oublié de prendre un jeton sur
le moment. La prise de jeton n’est pas obligatoirement accompagnée d’un
effet en jeu – elle est d’abord la manifestation d’un phénomène intérieur.
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Un enfant qui arrive à 5 jetons de bile noire commence à montrer des signes
évidents de nervosité. Il peut mal dormir, se tordre les mains ou faire montre
d’autres tics et comportements obsessionnels. Posez des questions au joueur
concerné : comment se comporte le personnage ? Comment exprime-t-il
cette incapacité à évacuer le stress ?
Il est possible de donner de la bile noire à un joueur contre son gré mais cela
doit rester rare, presque magique. Certaines sirènes peuvent manipuler la
bile brute et l’inoculer ou la déverser sur des enfants, ou bien la leur voler.
Certains pouvoirs de pourriture ont également cette capacité. Pour le reste, je
vous demande de faire confiance à vos joueurs, tout comme je demande à vos
joueurs de ne pas trahir cette confiance. Un enfant devrait prendre de la bile
noire quand il ne dort plus, quand il n’a pas accès à une alimentation suffi-
sante, quand il est mis à l’écart, humilié, battu, trahi, rejeté par ceux qui étaient
censés l’aimer, quand les monstres enfin sortent des flaques et des ombres.
À la fin de la séance, les joueurs notent leur score final de bile noire. Ils com-
menceront la partie suivante avec le même nombre de jetons (vous pourrez
éventuellement diminuer ce score si beaucoup de temps s’écoule dans le jeu,
mais vous n’y êtes pas obligé).
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Les enfantillages décrits ici sont réservés au seul usage des joueurs – Aversaire,
sachez que vous disposez de vos propres enfantillages, lesquels fonctionnent
plus simplement et seront détaillés au chapitre suivant.
Les enfantillages liés aux archétypes ne sont accessibles qu’à ceux qui
les ont acquis à la création ou via un apprentissage. Sauf exception,
une Princesse est par exemple seule capable de séduire quelqu’un (voir
fiches d’archétypes à la fin du livre).
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Aversaire, parce que vous connaissez bien les règles, vous allez souvent être
celui qui relève ce fait et propose l’enfantillage approprié mais en théorie
n’importe quel joueur est en droit de le faire (vous avez juste le dernier mot
en cas de litige).
Note : pour les fois où le personnage est sur le point de faire une action cor-
respondant à un enfantillage qu’il n’a pas, voir « Enfantiller sans avoir l’enfan-
tillage » plus bas.
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Tous les joueurs à la table ont le droit de proposer des avantages et désa-
vantages susceptibles de s’appliquer à la situation, mais c’est vous seul,
Aversaire, qui choisissez ceux qui seront appliqués.
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Une mise nulle signifie que le PJ se lance sans conviction dans son enfan-
tillage et qu’il a de grandes chances d’échouer.
Une mise d’un jeton sous-entend un investissement plus important bien que
prudent. Le personnage attache une certaine importance à sa réussite mais
pas au point de prendre de gros risques.
Une mise de deux voire trois jetons implique que le PJ se lance à corps perdu
dans l’action. Il ne tient plus compte de la prudence la plus élémentaire, il est
prêt à sacrifier ses amis ou ce à quoi il tient le plus. Seule compte la victoire, il a
donc de bonnes chances de réussir mais les risques d’aller trop loin sont élevés.
Exemple 1 : même s’il paraît très énervé, Michel refuse de miser de la bile
noire pour une simple remontrance.
Le joueur lance maintenant deux dés à six faces, les additionne et y ajoute
sa mise de bile noire.
S’il est en situation de force, il peut choisir d’ajouter ou non un dernier point
au total. S’il est en situation de faiblesse, c’est vous qui pouvez choisir de
soustraire ou non un dernier point au total.
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Exemple 1 : les dés font 4 et 3, ce qui avec une mise de zéro bile noire
donne un total de 7 – un échec ! Heureusement, Michel est en position
de force, il peut donc rajouter un point pour obtenir 8, une réussite parfaite.
En cas d’échec, c’est vous qui décidez de ce qu’il advient au personnage
du joueur, en choisissant un de vos enfantillages (voir le chapitre sui-
vant, « Les enfantillages de l’Aversaire ») et en l’adaptant à la situation. Vous
pouvez taper aussi fort que vous le désirez (blesser le personnage, le
séparer de ses amis, blesser voire tuer un personnage non-joueur, le
plonger dans les ennuis jusqu’au cou, retourner ses alliés contre lui,
etc.). Le joueur peut broder ce sur que vous annoncez mais il doit res-
pecter le résultat des dés et ne pas essayer de se soustraire à sa défaite.
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Exemple 2 : Dan a obtenu une réussite excessive – cela veut dire que
le Bizarre va récupérer sa boîte d’insectes mais qu’il va y aller un peu trop
fort. Consultant la description de l’action agresser, l’Aversaire décide
que l’option « Je m’en sors pas indemne » est appropriée à la situation :
le type en face est un colosse après tout !
La joueuse décrit comment Dan se rue de toutes ses forces sur le monstre ;
l’Aversaire dépeint les coups que Sconse inflige en retour. Finalement,
le Bizarre parvient à arracher sa précieuse boîte avant de s’enfuir.
La joueuse note enfin la coche de blessure subie par son personnage
(voir « Armes et blessures » plus loin).
Notez qu’il est tout à fait possible de lancer un nouvel enfantillage peu de
temps après un test, mais cela ne devrait normalement pas remettre en cause
ce que l’action précédente a déterminé. Multiplier les jets de dés pour sim-
plement tourner en rond n’a aucun intérêt et conduit à des situations stériles
voire à des frustrations. Allez de l’avant, ne privez pas immédiatement un
joueur de ses victoires et ne le consolez pas de ses échecs.
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Cela sera précisé dans le chapitre sur les règles de l’Aversaire mais je préfère
vous le dire dès à présent : en tant qu’Aversaire vous n’effectuerez jamais
de test ni ne lancerez de dés. Vos propres enfantillages utilisent des règles
différentes, plus simples, que celles des joueurs.
Exemple : Dan tente de s’infiltrer dans les quartiers des Crades sans
se faire repérer. N’étant pas un P’tit bout, il n’a pas accès à l’enfantillage
se faire tout petit et ne peut normalement pas se faufiler discrètement
en territoire ennemi.
L’Aversaire choisit de lui imposer un échec automatique : au fur
et à mesure que Dan s’enfonce dans les sous-sols, il voit de plus en plus
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Un des problèmes auxquels vous serez sans doute souvent confronté touche
à la répartition équitable de la parole : en tant qu’Aversaire, vous aurez natu-
rellement tendance à monopoliser les échanges, au risque de grignoter peu
à peu l’espace de liberté des autres participants.
Autant que possible, il va donc vous falloir respecter les limites fixées par ce
livre. Pendant cette discussion intense qu’est la partie, vous parlerez pour
les PNJs, les autres joueurs s’occuperont de leurs personnages respectifs, et
en cas de litige ou de doute tout le monde s’en remettra d’abord aux règles
et en dernière instance à votre jugement.
Cela demandera bien sûr des efforts de la part de chacun. Pour que les
échanges entre participants soient fluides, il pourra par exemple être utile
que chacun ménage de lui-même de courtes pauses dans son récit afin de
laisser à ses interlocuteurs la possibilité d’ajouter leurs propres détails.
Parce qu’il est difficile parfois de bien se comprendre, il sera aussi possible
de demander des précisions directement à l’un des participants ; en cas de
48
Il reste essentiel que les joueurs n’aient pas peur d’avancer des éléments,
d’inventer des détails, de s’approprier leur environnement. Il est plus intéres-
sant de proposer des choses, quitte à revenir en arrière de temps en temps,
que de se retrouver face à un Aversaire qui décide de tout et parle seul.
Exemple : Kyra a lancé les dés pour que Dan reprenne violemment
à Sconse sa collection d’insectes, elle a obtenu une réussite excessive
et l’Aversaire a décidé de lui infliger quelques coups au passage :
Kyra : je me jette sur Sconse, la pierre à la main (elle marque une petite
pause pour laisser le temps à l’Aversaire d’ajouter des détails).
Aversaire : il est complètement déstabilisé, il s’attendait pas du tout
à une telle action. Tu le frappes au visage ? (par cette question, l’Aversaire
signale clairement que c’est à nouveau à Kyra de parler).
Kyra : euh oui, j’y vais franco.
Aversaire : il tombe à la renverse en essayant, un peu tard, de se protéger,
et t’emporte avec lui. Vous vous écrasez sur le sol ; tu tombes pas tout à fait
correctement tandis qu’il s’agite pour se débarrasser de toi. Tu sens
une sacré douleur à la hanche (courte pause).
Kyra : ok je deviens comme fou, je le cogne encore et encore…
Aversaire (l’interrompant) : attends, oublie pas que j’ai choisi l’option où tu
prends quelques coups et pas celle où tu démolis complètement ton adversaire.
Kyra : non, t’as raison… Ok je tombe avec lui et sur le moment je lâche ma
pierre pour saisir à pleines mains ma boîte et la lui prendre.
Aversaire : super. Il résiste un peu mais son cerveau lent peine à réagir
à chaque renversement de situation.
Kyra : je commence à me barrer en boitant légèrement à cause de la
douleur. Si les autres Crades se mettent sur mon chemin, je les défonce.
Aversaire : ce ne serait pas automatique mais je n’ai pas envie de te voler
ta victoire. Désarçonnés par l’audace de ton assaut et le fait que tu aies mis
à terre le colosse, ils te regardent passer avec des regards qui en disent long.
Kyra : comment ça long ?
Aversaire : je veux dire, ils ont l’air sous le choc, mais tu sens que la colère
va bientôt prendre le dessus. Tu t’attardes ?
Kyra : non mais je me mets pas non plus à courir, je marche de façon décidée,
je leur tourne pas le dos, et dès que je les vois plus, là je me barre en vitesse.
Aversaire : ils te suivent du regard tout du long, et quand tu te mets
vraiment à filer, tu entends un « Choppez-le ! » mais c’est trop tard,
tu les sèmes dans les couloirs.
49
50
Ce n’est pas parce qu’il y a un enfantillage pour chaque situation qu’un per-
sonnage-joueur peut se sortir sans mal de n’importe quelle circonstance.
En tant qu’Aversaire, vous avez la charge de vous reposer sur le contexte et
les descriptions faites par les participants pour décider de la faisabilité des
actions. Si la proposition d’un joueur est totalement absurde, vous pouvez
lui refuser un enfantillage et enchaîner sur un de vos propres enfantillages
(voir le chapitre suivant).
Si vous avez l’impression de n’avoir pas été assez clair (ce qui arrive sou-
vent), vous pouvez également proposer au joueur de modifier sa déclaration.
Parfois, il suffit d’un peu d’ingéniosité pour remplacer un échec garanti en
moment de bravoure. C’est ce qui fait la force d’un jeu de rôle par rapport à
un jeu de plateau ou un jeu vidéo : vous pouvez penser en dehors des clous
et récompenser les initiatives originales.
Exemple 2 : Dan se rend en plein territoire Crade pour récupérer son bien.
Il est rapidement entouré par une petite foule d’ennemis potentiels qu’il
n’a aucune chance de vaincre à lui tout seul. S’il déclarait foncer dans
le tas sans tenir compte de la situation, l’Aversaire pourrait lui refuser tout
test et faire de lui ce qu’il veut. La joueuse propose donc que Dan agresse
brutalement Sconse, le chef de la bande, espérant figer les autres sur place
par l’audace dont il fait preuve. L’Aversaire accepte, en prévenant Dan des
risques qu’il encourt en cas d’échec – les Crades n’auront pas de pitié pour lui !
51
Ne demandez pas à plusieurs joueurs de faire un même test pour une même
tâche. Cela n’a aucun intérêt, c’est même nocif pour votre partie. L’un d’entre
eux pourrait passer devant et tendre une corde aux autres ou tout simplement
montrer l’exemple ; il sera ainsi seul à tester. Vous pourriez aussi demander
à celui qui porte le paquetage le plus lourd de le faire. Ou au moins sportif
du groupe. Ou à celui qui est le moins aimé, le moins soutenu, et donc le
plus susceptible de céder sous la pression. À vous et aux circonstances de
décider. Au mieux, et seulement si les personnages sont capables de se sou-
tenir les uns les autres, vous pouvez accorder à celui qui teste un avantage
supplémentaire pour refléter le côté collégial du test.
Je sais que d’autres jeux vous ont donné des habitudes différentes, mais
dans Libreté même une petite bataille pourra être gérée en un ou deux tests
simples : bien des bagarres se règlent dès le premier choc, les perdants préfé-
rant généralement se retirer en attendant de meilleures circonstances. Seuls
les affrontements aux enjeux majeurs devraient être fragmentés en une mul-
titude de micro-situations et autant d’enfantillages. Enchaîner les tests vide
rapidement la réserve de bile noire du joueur et le pousse vers l’échec.
Agresser
Pour qu’il y ait agression, il faut bien sûr qu’il y ait action ou au moins réac-
tion sur le plan physique. Si face à des assaillants un PJ se contente de se
mettre en boule en attendant que la tempête passe, vous pouvez considérer
qu’il ne fait rien et utiliser contre lui vos enfantillages d’Aversaire (voir le
chapitre suivant). S’il se plante au contraire devant ses agresseurs pour les
empêcher de passer par la seule force de sa détermination, c’est peut-être
qu’il veut plutôt les convaincre (voir ci-dessous) de ne pas aller plus loin.
Un PJ qui agresse quelqu’un court bien sûr le risque de prendre des coups,
de taper un peu trop fort, de casser quelque chose ou bien encore de passer
pour une brute auprès des autres.
sur un résultat entre 8 et 10 (réussite parfaite) le joueur choisit pour son
personnage une unique option dans la liste :
Il fait du mal à l’autre : l’ennemi subit tout simplement un nombre de coches
de blessure lié à l’arme utilisée par le PJ (voir « Armes et blessures » plus loin).
Il immobilise l’autre : le PJ parvient à neutraliser temporairement son ennemi
(grâce à une prise ou en le menaçant par exemple).
Il repousse l’autre pour un bon moment : le PJ met son ennemi en fuite.
Ce dernier pourra bien sûr revenir à la charge mais plus tard, dans d’autres
circonstances.
Il prend à l’autre un objet important : au cours de l’affrontement,
le PJ s’empare d’un objet que son ennemi avait en sa possession.
Il pourra conserver cette prise de guerre pendant un petit moment
– cela ne l’empêchera pas éventuellement de le perdre ou le casser,
mais plus tard, dans d’autres circonstances.
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Exemple 3 : Louve a obtenu une réussite excessive contre une sirène aux allures
de hyène famélique. Pour protéger Emma, la fille dont elle est amoureuse,
elle écrabouille en hurlant la tête du monstre sous une grosse pierre. Relevant
la tête, elle voit soudain dans les yeux de sa belle une horreur indicible…
Louve a « fait du mal à une amie »
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Les enfants sont rarement armés pour faire face aux situations dangereuses
et n’ont guère le sens des responsabilités. Confrontés à un problème, nombre
d’entre eux préfèrent prendre leurs jambes à leur cou ou se défiler, et tant
pis si les ennuis seront encore là demain.
fuir peut désigner aussi bien une action physique que sociale. On peut tenter
d’échapper à des agresseurs violents mais aussi à une conversation gênante.
Réussir à fuir signifie trouver une solution pour remettre le problème à plus
tard, en espérant que quelqu’un s’en charge ou que la menace disparaisse
d’elle-même.
Une telle action peut tirer d’affaire provisoirement un PJ mais pour cela
il devra parfois abandonner quelque chose de précieux ou trahir un ami ;
il lui arrivera également de n’échapper à un danger que pour tomber dans
les griffes d’un autre.
sur un résultat de 11 ou plus (réussite excessive) le PJ réussit à fuir mais vous
choisissez pour lui une option dans la liste ci-dessous :
Il ne s’en sort pas indemne : si le PJ échappe au pire, il reçoit tout de même
une blessure au passage ou une cuisante humiliation.
Un de ses amis paye à sa place : quelqu’un n’a pas couru assez vite ou est
la victime indirecte de la fuite du PJ, à moins que ce dernier ne le jette (in)
volontairement en pâture à ses poursuivants.
Il fait du tort à des gens qui vont lui en vouloir : sa fuite rend les ennemis
du PJ encore plus furieux ou déçoit des personnes qui comptaient sur lui.
Il casse ou perd quelque chose d’important : pour s’alléger, sous le coup
de la panique ou parce qu’il pense que c’est ce que ses poursuivants veulent,
le PJ laisse tomber, oublie ou abandonne un bien précieux – précieux pour lui,
pour un ami ou même pour la communauté.
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Exemple 2 : Martin est en plein milieu du bal des Popsters quand les
double-portes s’ouvrent sur une meute de sirènes hurlantes. Il tente aussitôt
de fuir la scène en profitant de ce que les monstres sont occupés à attaquer
les autres enfants. Obtenant une réussite excessive, il aperçoit Linda qui
le supplie de l’aider mais il l’ignore et disparaît – la jeune fille fera partie
des victimes de ce jour tragique (« un de ses amis le paye à sa place »).
Quel parent n’a pas demandé une centaine de fois à son enfant d’être sage,
d’arrêter de faire le zouave, de ne pas prendre de risques inconsidérés ? Les
adultes ont disparu, et les enfants ont désormais tout le loisir d’escalader
les murs, de marcher sur les corniches, de sauter par-dessus les trous, de
dévaler les pentes, de jongler avec des boules de pétanque…
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Exemple 2 : Michel monte sur le toit le plus proche pour se jeter sur la tête
d’une sirène monstrueuse. Il teste jouer les casse-cous et obtient
une réussite excessive. L’Aversaire opte pour « Il casse ou perd quelque chose
d’important » : à cause de l’impact, le garçon laisse échapper son épée qui glisse
le long de la peau squameuse du monstre. La récupérer ne sera pas simple…
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Convaincre
Notez que s’il est difficile de faire changer d’avis quelqu’un, il est presque
impossible de transformer en profondeur sa façon de penser. Ainsi, si un
joueur doit se soumettre provisoirement au résultat d’un test réussi de
convaincre, il reste maître de ce que son personnage pense au plus profond
de lui, et peut même en vouloir à son baratineur.
Il arrive parfois qu’un enfant aille trop loin dans sa tentative pour convaincre
et force la main de son interlocuteur au prix de la relation qui les unissait
ou paye un prix bien trop élevé pour quelque chose qui n’en valait peut-être
pas la peine.
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Exemple 2 : Louis menace Michel avec un couteau et lui dit qu’il va le tuer
pour toutes les humiliations qu’il a subies. Michel tente de convaincre
la jeune recrue de son innocence : Louis lui-même est responsable de ce
qui lui arrive, il serait temps de grandir et de prendre ses responsabilités !
Réussite excessive ; l’Aversaire, particulièrement retors sur ce coup, choisit
« Il fait du mal à l’autre ». Louis croit Michel, et dans un ultime geste
de désespoir, retourne l’arme contre lui-même…
60
Faire gaffe
Les Terres humides cachent bien des pièges, et la mort s’empare souvent de
ceux qui ne sont pas assez sur leurs gardes ou dont la vigilance a été amoin-
drie par la fatigue. La forteresse elle-même n’est pas exempte de dangers, et
on peut y mourir aussi bien qu’ailleurs. Ceux qui ont compris que l’ennemi
est partout savent utiliser faire gaffe chaque fois qu’un endroit leur paraît
trop louche, ou trop silencieux, ou trop beau. Ceux qui sombrent dans la
paranoïa en usent jusque dans leur propre chambre.
faire gaffe n’est d’ailleurs pas sans danger. Ceux qui se reposent un peu
trop sur leurs sens finissent bien vite par s’inventer des ennemis imaginaires,
oublier que les problèmes surgissent souvent de là où on les attend le moins
ou se mettre à dos leurs propres amis et sacrifier ce qu’ils devaient protéger.
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62
Se confier
Dans le monde « réel », les parents sont normalement là pour assurer ce rôle
de protecteurs. Leur disparition a hélas privé les enfants de Libreté de leur
tendresse sécurisante : tous vivent avec un trou à la place du cœur, un trou
béant qui suppure de la bile noire et répand la pourriture dans leur corps.
Si la bile est souvent évacuée par la violence et l’action, il arrive aussi que
le besoin de calme et d’intimité soit plus grand que le mal-être et que deux
enfants prennent un peu de temps pour simplement parler de ce qu’ils res-
sentent et se comprendre. L’enfantillage se confier est là pour gérer ce genre
de situations.
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64
Craquer
Aversaire, notez que craquer est un enfantillage spécial à plus d’un titre :
il est testé à votre demande, et sous certaines conditions – le personnage-
joueur doit posséder au moins 5 jetons de bile noire et se trouver dans une
situation de stress. Contrairement aux autres enfantillages, c’est ainsi un
test que les joueurs devraient généralement vouloir rater.
Le joueur doit alors effectuer un test de craquer avec une mise de bile noire
obligatoire de 3 jetons :
65
sur un résultat de 11 ou plus (réussite excessive) la bile noire attaque vio-
lemment l’organisme du PJ. Celui-ci doit choisir immédiatement une des
options ci-dessous :
Cocher 3 cases de pourriture pour garder le contrôle.
Cocher 1 case de pourriture et accepter pleinement votre proposition
(si l’action suggérée correspond à un enfantillage, il devra faire le test
correspondant).
Je vous rappelle que, comme pour n’importe quel enfantillage, une réussite
parfaite ou excessive implique la perte des jetons de bile noire misés et ce
quelle que soit l’option choisie (dans les faits, le personnage sublime la bile
noire en craquant ou en la transformant en pourriture).
Exemple 2 : Michel, trahi par Nelson son lieutenant, rejeté par ses propres
hommes, a actuellement 8 jetons de bile noire. L’Aversaire lui propose
de craquer et de se lancer dans une action suicidaire contre les sirènes
– puisqu’ils ne veulent rien voir, il va leur montrer qu’il reste le meilleur
d’entre eux ! Michel teste et obtient 10, une réussite parfaite : le joueur
n’a pas envie de perdre son personnage, il coche donc 1 case de pourriture.
Michel ravale sa rage et se prépare à rejoindre ses hommes sous
la gouverne de son ancien protégé…
66
Commander (Chef)
commander est l’enfantillage du Chef. C’est ce qui lui permet de donner des
ordres à une bande de gamins et de maintenir sa cohésion lorsque les choses
sérieuses commencent. Sans cela, ceux qui vous aiment vraiment seront les
seuls à faire ce que vous leur demanderez, et vous aurez intérêt à leur parler
gentiment si vous ne voulez pas les voir se révolter juste pour prouver que
personne ne leur tire les ficelles.
Personne n’a dit cependant que les Chefs avaient la vie facile. Il est parfois
nécessaire de taper fort pour se faire respecter quand vous ne trahissez pas
ceux-là mêmes qui ont décidé de vous faire confiance. Quant à ceux qui
perdent la confiance de leurs troupes, ils ont souvent du mal à retourner au
rôle de simple exécutant et finissent leurs jours dans l’aigreur.
Attention : pour qu’un test de commander soit possible, les cibles doivent
bien sûr avoir une raison, même minime, de vous obéir (vous êtes leur chef,
c’est pour leur bien, ils ont envie de ce que vous leur promettez, etc.)
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Intimider (Brute)
intimider est le privilège des Brutes : nul excepté un fou ou une sirène n’ose-
rait se moquer des menaces de telles personnes, car elles ont les moyens de
faire pleuvoir sur votre tête un déluge de violence.
68
sur un résultat de 11 ou plus (réussite excessive) la cible s’exécute mais vous
choisissez une option dans la liste ci-dessous :
La cible est humiliée et fera tout pour se venger : plutôt que d’oublier
ce qui vient de se passer, la victime du PJ devient obsédée par ce qu’elle vient
de subir et va demander réparation à qui de droit ou recourir à des moyens
plus sinistres pour reprendre l’ascendant.
Il fait plus de mal à la cible que voulu : même une Brute a ses limites,
et le fait de menacer ne veut pas dire qu’on est prêt à casser le bras d’un
gamin voire pire, mais les actes de violence sont propices aux dérapages.
Il heurte indirectement quelqu’un qui lui est cher : parce que ce
comportement est jugé indigne, parce qu’il est allé un peu trop loin
dans le sadisme ou parce que quelque chose lui a échappé, le PJ heurte
quelqu’un de proche.
Il attire l’attention sur lui : par ses actes de domination, le PJ se pose en cible
prioritaire pour ceux qui veulent avoir le champ libre (y compris ceux qui veulent
une Libreté sans violence). Certains voudront le rallier à leur cause, d’autres
rejoindre sa « bande », aucun ne sera prêt à le laisser tranquille.
Protéger (Maman)
Les Mamans protègent leur famille, c’est ce que racontent les histoires et
les contes de fées qui se terminent bien. Ceux qui voient là un symbole de
douceur n’ont jamais vu un parent rendu fou par le danger…
69
Il arrive parfois que les Mamans aillent trop loin, qu’elles fassent du mal à
ceux qu’elles veulent protéger, qu’elles s’exposent au danger ou qu’elles se
changent en furies inarrêtables.
sur un résultat de 11 ou plus (réussite excessive) le PJ peut recourir deux fois
aux options ci-dessus mais vous pouvez en échange choisir à tout moment
pendant la scène un unique contrecoup dû à son excès de zèle :
En voulant l’aider, il blesse l’un de ses protégés : le PJ pousse son protégé
au sol pour le sauver ou l’engueule si fort que celui-ci en garde une plaie
ouverte au cœur.
Il subit une blessure : s’interposant entre le danger et sa famille, le PJ prend
un mauvais coup dont la violence dépend de la menace affrontée.
Il sacrifie un enfant qui n’est pas de sa famille : pour certains, seule
la famille compte, le reste peut bien brûler. Un autre enfant est laissé
derrière, ou ne bénéficie pas de la même protection ou pire, est utilisé
par la Maman pour sauver les siens.
Il fait peur à sa propre famille : une mère ou un père, même de substitution,
peuvent parfois se changer en véritables furies devant le danger, avec
le risque de montrer à leurs « enfants » un reflet sombre de leur âme.
Exemple : Michel est une Maman pour ses « hommes ». Alors que
les sirènes attaquent Libreté en nombre, il est au milieu des siens
70
Savoir (Victime)
Les Victimes développent souvent un savoir que les enfants plus populaires
ne prennent pas le temps de cultiver – ils sont bien trop occupés à jouer, à
faire la fête, à se faire des bisous… et n’ont ni la discipline nécessaire ni la
passion intérieure pour étudier.
Même s’il est très très loin de valoir celui des adultes, ce savoir ne se trouve
que rarement chez des enfants de cet âge : des notions de médecine, de
stratégie, d’ingénierie, de biologie, etc. Chaque domaine correspond à une
spécialité que le joueur doit choisir au moment de créer sa Victime ou de
prendre l’apprentissage correspondant.
71
Se débrouiller (Solitaire)
Utilisez cet enfantillage quand un enfant essaie de s’en sortir dans les Terres
humides – en cherchant de la nourriture ou un abri sûr par exemple (s’il
cherche à retrouver son chemin ou à savoir si une sirène n’est pas tapie
dans les parages, il devra plutôt se tourner vers faire gaffe). se débrouiller
peut également servir dans la ville de Libreté, pour « récupérer » un peu de
nourriture ou du matériel de base.
72
sur un résultat entre 8 et 10 (réussite parfaite) le PJ trouve à peu près ce qu’il
cherchait, et cela ne manquera probablement à personne.
73
Car certains enfants comprennent très tôt les effets dévastateurs d’un joli
sourire, d’une petite frimousse réjouie, de promesses enjôleuses, et utilisent
ces armes sans la moindre hésitation – parfois sans prendre conscience des
risques qu’il y a à manipuler son prochain. Car les Princesses sont de celles
qui savent tirer le meilleur des apparences et des nigauds assez bêtes pour
se laisser berner par de vaines paroles.
Attention néanmoins, ceux qui séduisent trop bien courent le risque d’être
rattrapés par leurs mensonges et leur paroles creuses, de voir leurs victimes
s’accrocher à eux ou de provoquer le malheur de ceux qui les entourent.
sur un résultat entre 8 et 10 (réussite parfaite) la cible va faire de son mieux
pour obtenir ce que le PJ a demandé (elle peut bien sûr échouer).
sur un résultat de 11 ou plus (réussite excessive) la cible fait ce que le PJ lui
demande mais vous choisissez une option dans la liste ci-dessous :
Il lui fait croire qu’il y a quelque chose entre eux deux : la cible croit
fermement aux promesses qu’on lui a faites et espère peut-être même
davantage. Elle ne lâchera pas le PJ aussi facilement.
I l la pousse à aller trop loin : la cible est si bien séduite qu’elle se prend
à faire du zèle, provoquant par ses actions des choses que le PJ n’avait sans
doute pas souhaitées.
74
Certains enfants sont si petits qu’ils peuvent se glisser dans le plus ridicule
des trous de souris et entrer par des endroits que même un gosse ordinaire
ne pourrait traverser. Ceux-là sont si discrets, si insignifiants, qu’ils peuvent
également assister aux scènes les plus improbables sans que personne ne
s’inquiète de leur présence. Ils ne comprennent rien à rien après tout, ce ne
sont que des bébés, des P’tit Bouts.
Ceux qui n’ont pas peur d’aller trop loin tendent néanmoins à se retrou-
ver souvent seuls et à laisser les grands régler les problèmes, quand ils ne
finissent pas dominés par la curiosité, faisant fi de toute prudence.
75
Voir (Bizarre)
76
voir n’est pas sans danger. Les visions prennent souvent des formes sai-
sissantes, et peuvent frapper le PJ aussi bien dans sa chair que dans son
équilibre mental et attirer la méfiance des autres enfants.
77
Exemple : Dan négocie avec les Colmateux une paix fragile avec les Anges
du Docteur. L’ambassadrice se nomme Acétile ; c’est une fille décidée,
qui intrigue le Bizarre. La joueuse de Dan demande à en savoir un peu plus
sur elle via un test de voir. Réussite excessive, aïe : Dan regarde Acétile
et l’Aversaire annonce qu’il la voit mourir, bientôt (« Il découvre une chose
atroce mais ne peut rien faire contre »). Les Crades débarquent quelques
minutes plus tard. Dan ne peut rien faire.
Tout d’abord, assurez-vous que l’action n’est pas déjà traitée par un des
enfantillages « ordinaires ». Soyez également certain qu’elle n’empiète
pas directement sur l’enfantillage d’un des archétypes. Observez ensuite
les enfantillages distribués dans ce livret au cas où l’un d’entre eux convien-
drait à l’action.
Ne vous préoccupez pas outre mesure des conséquences possibles d’un
échec (résultat de 7 ou moins), vos enfantillages d’Aversaire sont là pour ça.
La réussite parfaite devrait être assez évidente, désignant le succès dans
sa forme la plus pure, sans condition ni contrecoup.
Le point le plus délicat sera de déterminer les options en cas de réussite
excessive. Cette dernière doit rester une victoire, il vous faudra donc
éviter de rogner sur le succès et vous attacher davantage aux effets secon-
daires imprévus.
78
Évoluer
Les personnages-joueurs ne resteront sans doute pas très longtemps à
Libreté. Si vous suivez la même direction que moi, l’assaut final des sirènes
prendra place quelques semaines, quelques mois après le début de la pre-
mière partie. Une fois la ville dévastée, plus rien n’aura d’importance, tous
les enfants seront morts ou en fuite.
Cela ne veut pas dire cependant qu’ils ne vont pas évoluer. Les événements
tragiques auxquels ils seront confrontés, les tensions qu’ils devront suppor-
ter les feront grandir bien plus vite qu’ils ne l’auraient fait dans nos sociétés
irréelles où d’immenses barrières nous isolent des horreurs extérieures.
L’expérience
Pour représenter cette progression, chaque personnage-joueur va cocher
peu à peu les cases d’expérience se trouvant sur sa fiche d’archétype. Chaque
coche représente une leçon de vie, une découverte, une étincelle de sagesse
nouvelle, un pas de plus vers l’âge adulte.
Comme pour les gains de bile noire, un joueur est seul apte à décider du
moment où une case doit être cochée. Il doit seulement avoir une bonne
raison de le faire (les événements récents l’ont fait grandir, il a reçu une
leçon importante, il a appris de son erreur, etc).
79
Les apprentissages
Les apprentissages sont ces petits « pouvoirs » que les personnages des
joueurs peuvent acquérir avec l’expérience.
Je ne vous en ferai pas ici une liste détaillée ; vous trouverez tout ce dont
vous avez besoin sur les fiches d’archétypes situées à la fin de ce livre. Je me
contenterai ici de dégager quelques grandes tendances afin de vous aider
à les gérer au mieux (les enfantillages d’archétype ont déjà été traités plus
haut, je ne reviendrai donc pas dessus ici) :
80
Lorsque [je suis dans une situation donnée] je peux défausser 1-3 jetons
de bile noire : il n’est normalement possible de perdre de la bile noire
qu’en sublimant celle-ci dans un enfantillage réussi (ou, plus rarement,
grâce à un autre personnage utilisant se confier avec succès). Chaque
archétype possède néanmoins une autre échappatoire, une situation
qui autorise le joueur à défausser entre 1 et 3 jetons de bile noire (à lui
de décider du nombre en fonction du contexte). Notez que le Chef est le
seul à pouvoir partager ce « pouvoir ».
Je peux dépenser jusqu’à 5 bile noire sur un même test : quand le
joueur teste un enfantillage concerné par cet apprentissage, il peut
s’affranchir de la limite habituelle de 3 jetons par jet de dés et monter
jusqu’à 5.
Je peux utiliser des armes sans tenir compte des effets qui ne m’inté-
ressent pas : la Brute peut utiliser des armes mortelles et choisir quels
effets appliquer (voir « Armes et blessures » plus bas). Pour la plupart des
engins de mort, elle peut ainsi choisir d’infliger ou non des dégâts supé-
rieurs, et de bénéficier ou non d’un avantage avec risque de dérapage
(ce qui le contraint à prendre le +1 en cas de position de force). Il doit
cependant faire ce choix avant de lancer les dés.
J’ignore une coche de blessure sur le premier coup : dans une situation
d’affrontement, le premier coup que la Brute subit voit sa force dimi-
nuée d’un cran (un coup de poing ordinaire n’inflige par exemple aucun
dégât). Si le combat continue cependant, ce pouvoir cesse de faire effet ;
81
Je suis considéré comme ayant un niveau de pourriture de plus que mon
score réel : avoir un certain niveau de pourriture implique d’accéder
gratuitement à des pouvoirs spécifiques, des apprentissages que le
joueur ne peut pas refuser (voir « La pourriture » au chapitre sur les règles
de l’Aversaire). Le Bizarre reçoit ces « bonus » comme si son score de
pourriture était d’un niveau supérieur : à la création, il a ainsi accès
aux bénéfices du niveau 1 alors que son niveau réel reste à 0. Si l’enfant
perd cet apprentissage (en changeant d’archétype par exemple), il perd
également les pouvoirs liés au niveau supplémentaire.
Attention : lorsqu’il gagne l’accès aux pouvoirs de niveau 5 (une fois
arrivé à 4 en pourriture), le Bizarre ne peut normalement plus être joué
et devient un monstre. Si vous avez le sentiment que cela peut être
intéressant pour votre chronique, vous pouvez élaborer avec le joueur
concerné une mutation véritablement unique, la transformation en une
sirène de l’averse qui aurait conservé un fragment de sa personnalité
d’enfant. Les sirènes données en exemple au chapitre sur les « Enfants
et les monstres » pourront vous servir de source d’inspiration.
82
J’ai un droit de regard : les joueurs ne peuvent normalement décider que des
pensées et actions de leur propre personnage, et des quelques morceaux
de Libreté se trouvant sous sa responsabilité directe (son logement, ses
vêtements, ce qu’il crée ou modifie ou détruit, etc.). C’est vous, Aversaire,
qui avez la charge des personnages-non-joueurs et du reste du monde.
Il arrive néanmoins qu’un joueur gagne un droit de regard sur un per-
sonnage non-joueur, le plus souvent par le biais d’un apprentissage.
Cela signifie simplement que l’Aversaire doit parfois demander et
surtout écouter l’avis du joueur concerné pour tout ce qui touche aux
actions du PNJ en question – il peut décider de passer outre, mais doit
le faire en connaissance de cause et aussi rarement que possible.
Si le joueur s’exclame « ce n’est pas comme ça que j’imaginais ma rela-
tion avec lui » ou bien encore « jamais il ne réagirait comme ça ! », je vous
invite donc soit à modifier votre interprétation soit à en discuter avec lui
une fois la partie en pause.
Je ne suis pas qu’un [archétype] : il serait absurde de décréter que toutes
les Brutes, tous les Chefs se ressemblent. Cette option vous permet de
prendre un (et un seul) apprentissage dans un autre archétype. Notez-le
dans la partie « Autres » ou sur une feuille à part. Vous ne pouvez prendre
un apprentissage demandant un pré-requis que vous n’avez pas acquis
(un prérequis est noté « Nécessite [un autre apprentissage] »).
Je ne suis plus [un archétype] : nous entrons ici dans le paradoxe des
apprentissages – l’évolution n’est pas une simple progression linéaire
vers un absolu. Il arrive un moment où, à force de drames et de tours
de force, un enfant ne rentre plus dans la case dans laquelle on l’avait
enfermé : une Victime peut se trouver une âme de Chef ou sombrer dans
la folie du Bizarre par exemple. Le joueur concerné reporte les infor-
mations sur une nouvelle fiche d’archétype mais ne garde qu’un seul
des apprentissages amassés jusque-là (il peut le reporter sur la nouvelle
fiche ou garder l’ancienne pour rappel).
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Vous trouverez les règles concernant la pourriture au chapitre sur les règles de
l’Aversaire. Elles y ont été placées sciemment pour que vos joueurs ne se privent
pas de l’effet de surprise – mais vous êtes bien sûr libre de les laisser y accéder.
Armes et blessures
Si vous n’avez pas vraiment conscience des abîmes de cruauté auxquels ils
peuvent se livrer, vous devinez bien que les enfants ne sont pas toujours
tendres les uns envers les autres ; à vrai dire, ils n’ont souvent conscience des
conséquences de leurs actes que lorsqu’il est trop tard pour revenir en arrière.
La bile noire ne fait rien pour atténuer cette violence qui souvent fait vaciller
la forteresse de Libreté – j’ai vu une foule sacrifier un enfant à des monstres
à cause de sa couleur et de sa religion, des mômes furieux lyncher un cama-
rade un peu bizarre à coups de pierres et des histoires de jalousie prendre un
tour tragique. Ce genre d’actes vous marque, se grave dans votre âme aussi
sûrement qu’une lame dans une chair un peu jeune.
Armes
Pour qui veut vraiment se défendre ou obtenir ce qu’il veut, il n’est pas de meil-
leur moyen qu’un objet lourd ou tranchant ou, mieux, un pistolet bien lourd
et chargé. Vous le verrez rapidement cependant, le terme « une arme à double
tranchant » a tout du pléonasme : aucune arme n’est sûre, toutes ont pour effet
de faire immédiatement monter la tension et d’augmenter les risques de voir les
choses échapper à tout contrôle. Introduisez une arme à feu dans un groupe,
et vous êtes certain de voir les enfants tomber comme la pluie sur Libreté.
En ce qui concerne les règles de jeu, avoir une arme implique généralement
deux effets mécaniques simples :
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Armures
Certains enfants se confectionnent une sorte d’armure à partir de matériaux
de récupération, pour ces grandes occasions où Libreté est en proie à la guerre
civile ou attaquée par les sirènes ; d’autres se créent une aura martiale en évo-
luant engoncés dans une tenue lourdement matelassée. Ces protections sont
généralement particulièrement encombrantes et relativement peu efficaces,
mais si vous souhaitez les mettre en scène voici deux règles simples :
Blessures
Qui dit affrontements dit blessures. Les personnages des joueurs sont un
peu plus résistants que la moyenne des enfants de Libreté afin d’éviter qu’ils
ne tombent au premier choc, mais cela ne veut surtout pas dire qu’ils ne
peuvent pas mourir. Vous devez éviter de les écraser sans qu’ils aient leur
mot à dire, mais je ne vous demande pas non plus de les épargner ! Vous ne
rendriez service à personne en retenant systématiquement vos coups.
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Vous trouverez ci-dessous des indications concernant les effets des bles-
sures, la récupération et les soins. Les coches se perdent l’une après l’autre,
en commençant par la plus basse.
Exemple : après une mauvaise chute et une rencontre avec des sirènes,
Dan finit avec 3 cases de blessure cochées. Pour pouvoir effacer la 3e coche,
il lui faudra passer une bonne semaine au lit et bénéficier de soins importants.
La 2e demandera 24 heures de repos, et la 1re une demi-journée de plus.
Première coche
Un premier coup bien placé met généralement un enfant à terre. Il lui est
possible de continuer à se battre mais la blessure compte comme un désa-
vantage pour la situation en cours.
Guérison : ne pas prendre d’autres coups et se reposer une demi-journée
ou une nuit permettent d’effacer cette coche.
Deuxième coche
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Cela étant dit, je voudrais maintenant vous parler des règles qui vous
concernent personnellement ; celles que vous allez essayer de respecter
en coulisses, sans en discuter avec les autres joueurs : les règles de l’Aver-
saire. Rassurez-vous, il n’est plus question ici de lancers de dés ou de tables
complexes à suivre scrupuleusement, vous avez déjà bien assez de choses
à retenir. Voyez plutôt ces « règles » comme des guides, des conseils, des
garde-fous ou des béquilles. Elles sont autant de concepts et de thèmes sur
lesquels vous appuyer quand tout le monde vous regarde et que vous devez
prendre une décision là, maintenant ; elles sont là pour que vous ne vous
repliez pas systématiquement sur les mêmes recettes éculées mais alliez
aussi dans le sens de ce que fut Libreté en son temps.
Les axes majeurs sur lesquels vous allez pouvoir vous reposer sont :
À cela, vous devrez ajouter deux éléments que j’aurais bien du mal à décrire
puisqu’ils dépendent de vous et de vos camarades :
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Donnez vie à Libreté et à ses habitants : je vous l’ai déjà dit, je vous ai
transmis ce jeu afin que vous rendiez vie aux enfants de Libreté. Vous
pouvez avoir recours à des stéréotypes pour les affiner au fur et à mesure
mais si vous changez les habitants en cibles ou en caricatures, alors
vous aurez échoué, et j’aurai échoué avec vous.
Jouez pour découvrir ce qui va se passer : votre chronique n’est pas une
fiction statique, vous ne devez donc pas arriver avec une partition déjà
écrite. Si vous commettez cette erreur, vous ne pouvez qu’aller au-devant
de graves déconvenues. Cela ne veut bien sûr pas dire que vous ne devez
rien préparer, mais vous devez accepter que les décisions des joueurs
puissent remettre en cause vos plans. Vous allez souvent devoir impro-
viser mais rassurez-vous : les règles sont là pour vous y aider.
Révélez peu à peu que la ville est condamnée : c’est l’objectif à long
terme de toute chronique de Libreté. C’est écrit : les sirènes seront un
jour si nombreuses, la ville si affaiblie, que les défenses tomberont
et la majorité des habitants mourront. Vous allez devoir accoucher
progressivement de cette idée, en rajoutant de nouvelles menaces, en
dépeignant des monstres qui se pressent de plus en plus nombreux aux
portes, en augmentant la violence et les enjeux, etc.
Notez bien que je n’ai pas placé comme objectif le fait de « gagner » contre
les joueurs – vous êtes l’arbitre des règles, ce serait bien trop facile ! Faites-
leur peur, poussez-les parfois dans leurs derniers retranchements mais ne
cherchez pas à tout prix à les détruire. Ce qui ne veut pas dire que vous devez
les sauver d’eux-mêmes…
Je n’exige pas non plus de vous que vous racontiez « une belle histoire » :
Libreté sait être laide, si laide qu’elle vous fera pleurer. Concentrez-vous sur
le monde comme s’il était réel, choisissez les actions qui vous paraissent
les plus intéressantes, réagissez au mieux mais n’essayez pas à tout prix de
produire un beau récit bien structuré. Si j’avais attendu de vous une histoire
en trois actes, je vous aurais demandé un roman ou un film.
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Exemples : « Dan, tu sens bien que quelque chose ne va pas chez cet enfant ».
— « Michel, le petit Louis n’a pas l’air dans son assiette aujourd’hui,
sa respiration est plus rauque que d’habitude ».
— « L’odeur du chef des Crades est si atroce que vos yeux se mettent
à piquer et des larmes à en couler ».
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Exemple : cette Linda qui humilie Martin devant ses amies le fait d’abord
pour s’intégrer ; dans l’intimité, elle se montrera sans doute moins
agressive, mais cela ne veut pas dire que les choses changeront par la suite
en public.
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Exemple : cela fait deux séances que les Crades provoquent les autres
bandes de Libreté. Après quelques échauffourées un peu rapides, le ton
est monté. Humilié devant ses potes par Dan, Sconse a décidé de se venger :
lui et ses copains déboulent, armés de barreaux de lits, au milieu d’une
discussion entre Dan et une poignée de Colmateux et se mettent à cogner
sans discernement. Dan a juste le temps de voir Acétile, une Colmateuse
plutôt gentille, se faire éclater la tête avant d’être mis lui-même sur
le carreau. Il sombre dans l’inconscience alors qu’un liquide poisseux
s’écoule du crâne ouvert de la malheureuse. À moitié horrifiés et excités
par leur acte, les Crades se replient…
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Interrogez-les sur les petits détails du monde qui est le leur : la sphère
d’influence des joueurs ne s’arrête pas aux pensées et aux actions de leur
personnage. Interrogez-les sur leurs vêtements, leurs lieux de vie, sur
leurs petits rituels et sur l’organisation de leurs journées. Malgré leur
jeune âge, les PJs ont pour la plupart suffisamment vécu pour avoir un
passé ; posez des questions sur leurs relations avec les autres person-
nages, ce qu’ils ont pu faire ensemble et ce qu’ils ont traversé.
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Pensez à ce qui se passe quand les personnages des joueurs ne sont pas là :
pour rendre plus « vrai » le monde de Libreté, vous allez devoir réfléchir
à ce que font les PNJs hors-champ, lorsqu’ils ne sont pas en présence
d’un personnage-joueur.
Cela ne veut pas dire avoir en tête en permanence l’itinéraire précis de
chaque gamin, cela serait inhumain. Vous pouvez juste vous demander
parfois si un PNJ indirectement concerné n’a pas de bonnes raisons
de venir mettre son grain de sel dans une situation un peu trop sage ;
lorsque vos joueurs veulent aller voir quelqu’un, ce dernier peut être
absent, ou en train de travailler sur un projet ; quant à d’autres, ils iront
sans doute demander directement aux PJs un coup de main ou leur avis.
Exemple : alors que les sirènes de l’averse tentent une attaque concertée
sur les portes avant de Libreté, Michel voit le jeune Louis se faire arracher
la jambe sous ses yeux. Ce dernier jette un regard plein de détresse à son
chef avant de s’évanouir… Va-t-il survivre ? L’Aversaire peut prendre la
décision tout seul. Il peut aussi décréter que Louis survivra si Michel prend
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Attention cependant à ne pas oublier ce que je vous ai dit dans les prin-
cipes : choisissez une option mais si possible ne dites pas son nom, avancez
masqué.
99
Cette distinction a pour but de simplifier les choses mais elle demeure rela-
tivement artificielle. En fonction des circonstances, un enfantillage insou-
ciant pourra en effet être bien plus terrible qu’un cruel ; c’est donc à vous,
en tant qu’Aversaire, d’exercer votre jugement en la matière.
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Faites-les juger par les autres : agir, c’est aussi prendre le risque de se
ridiculiser ou de passer pour un monstre. Ne rien faire, c’est montrer à
quel point on se moque éperdument des autres.
— « Louve, il semblerait bien que tout ton blabla pour convaincre Annie
de ton innocence n’ait servi à rien. On dirait qu’elle lit en toi comme
dans un livre ouvert, et ce qu’elle lit n’a pas l’air de lui plaire. »
— « Michel, Nelson accuse le coup et tombe au sol. Il s’essuie le menton
en silence, sans te quitter des yeux. Les autres Charbonneux te dévisagent
avec déception. L’un d’eux s’approche de ton lieutenant pour le relever…
Qu’est-ce que tu fais ? »
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Notez que je ne parle ici que des enfantillages de vos personnages ; le cha-
pitre sur les « Enfants et les monstres » vous indiquera comment créer des
personnages non-joueurs.
Chefs de bande
Grand chef (veut chasser et s’amuser).
Maman (veut se faire obéir et se faire adorer).
Gourou (veut dénoncer et destituer).
Petit chef (veut être aimé et respecté).
Enfant gâté (veut posséder).
106
Tordus
Sirènophile (veut semer le chaos et devenir un monstre).
Sadique (veut faire mal et humilier).
Pervers (veut être aimé et se venger).
Manipulateur (veut contrôler et posséder).
Malade (veut être soigné et aimé).
Enfantillages de tordus :
Rappeler combien il souffre.
Montrer qui il est vraiment.
Attaquer quelqu’un par surprise ou sans raison apparente.
Attaquer de façon implacable, en prenant son temps.
Kidnapper quelqu’un pour avoir un ami, ou pour jouer avec,
ou pour faire plaisir à quelqu’un d’autre.
Menacer ou provoquer quelqu’un.
Aider quelqu’un sans son aval, ou croire aider quelqu’un par un acte
dérangeant.
Proposer son aide avec une mauvaise idée derrière la tête.
Abîmer ou détruire quelque chose ou quelqu’un de beau.
Répandre la maladie.
Bandes
Sales brutes (veulent se défouler et profiter des faibles).
Dégénérés (veulent vénérer des monstres et sacrifier des enfants).
Secte (veulent recruter et châtier).
Gamins irresponsables (veulent gaspiller et s’amuser).
Foule (veulent tout casser et trouver des coupables).
Famille (veulent se protéger et refuser le changement).
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Obstacles
Prison (veut retenir et enfermer).
Labyrinthe (veut perdre ses proies).
Barrière (veut empêcher de passer).
Couveuse (veut faire naître des monstres).
Incendie (veut avaler dans les flammes).
Antre (veut planifier de noirs complots).
Mirage (veut attirer et tromper).
Enfantillages d’obstacles :
Faire disparaître quelque chose ou quelqu’un.
Laisser entrapercevoir quelque chose ou quelqu’un.
Laisser apparaître quelque chose ou quelqu’un.
Voler ou détruire une possession ou un allié.
Empêcher tout passage.
Laisser entrevoir une autre route plus dangereuse.
Offrir les services d’un guide plus ou moins sûr.
Opposer de puissants gardiens.
Vomir des ennemis ou des monstres.
Faire perdre un temps précieux.
Isoler, enfermer, perdre, rendre fou.
Priver les enfants d’une ressource cruciale.
Sirènes
Les sirènes sont des créatures uniques. Je vous invite à vous rendre au cha-
pitre suivant sur les « Enfants et les monstres » pour prendre connaissance
des règles les concernant.
108
Le mal touche alors certains de ses organes puis s’étend de plus en plus,
jusqu’à attaquer ses os et son cerveau. Un enfant qui s’avance dans cette voie
se métamorphose peu à peu en sirène de l’averse, à moins qu’il ne serve de
matrice au monstre qui grandit progressivement à l’intérieur de son corps.
Bientôt, son sang se changera en bile, et son ancienne identité laissera place
à une faim inextinguible.
En plus de cases à cocher (un peu comme pour l’expérience en fait dont elle
constitue une forme de double négatif), la pourriture est aussi représentée
par un niveau. Un PJ commence normalement au niveau 0.
Niveau 1
Angoisses : le PJ commence chaque partie avec 1 bile noire supplémentaire
par niveau de pourriture.
109
Niveau 3
Flegme de la Goutte : le PJ en est au premier stade de la Goutte. Il peine à
s’intéresser à ce qui l’entoure et subit 1 désavantage à tous ses enfantillages
à moins de miser au moins 1 bile noire.
110
Niveau 4
Un pied dans la trombe : l’enfant n’en est plus tout à fait un. Il reçoit un
avantage gratuit aux tests visant à interagir « pacifiquement » avec les
sirènes – cela fonctionne notamment avec les enfantillages extravaser et
convaincre mais aussi commander, séduire ou voir.
Niveau 5
L’enfant devient normalement une sirène et son joueur va devoir en créer un
nouveau s’il veut continuer la chronique.
Comme il a été dit au chapitre précédent, les Bizarres qui possèdent l’ap-
prentissage « cervelle spongieuse » et ont atteint le niveau 4 de pourriture
risquent fort de subir le même sort, à moins que le joueur concerné et vous ne
vous mettiez d’accord et l’autorisiez à se changer en sirène « amie » (les tests
de craquer seront là pour rappeler qu’une sirène est d’abord une mons-
truosité carnivore). Vous aurez la possibilité de lui donner un enfantillage
spécialement créé pour lui, inspiré par ceux des sirènes décrites au chapitre
suivant sur les « Enfants et les monstres ».
D’abord, parce que les amis avec lesquels vous jouez ne sont pas là pour vous
enfoncer mais pour vous aider. Vous allez commettre de petites erreurs, comme
je l’ai fait et continue de le faire, mais vous les corrigerez et vous progresserez.
Ensuite parce que le système de Libreté se concentre avant tout sur les actions
des PJs et leurs conséquences, vous permettant ainsi de ne pas avoir à trop
vous préoccuper du long terme. Pas de plan machiavélique ici, pas d’énigme
tortueuse digne de Conan Doyle ou d’Agatha Christie. Si les enfants sont
capables de ruse, ils préfèrent souvent les solutions directes ou simplement
attendre la bonne occasion pour agir.
Enfin parce que ce chapitre et le suivant ont été conçus justement pour
vous aider.
Dans leur grande majorité, ces PNJs sont sous votre responsabilité. Ils
obéissent aux règles décrites aux chapitres précédents, ainsi qu’à quelques
points spécifiques que je vais m’efforcer de détailler ci-dessous (une fois
encore, il s’agit moins de nouvelles règles que de conseils et d’explications).
113
Lorsque vous créez un PNJ, notez son nom sur la fiche de bande appropriée.
Pour ne pas oublier, chaque fois que vous lui attribuez un avantage ou un
désavantage lié à ses capacités ou à sa personnalité, reportez celui-ci dans
la partie « Description ».
Exemple : la première fois que Sconse est décrit aux joueurs, l’Aversaire
le présente comme une brute épaisse, un adolescent à la croissance précoce.
Sur la fiche de bande des Crades, dans le cadre dédié au gamin, il inscrit
« Brute épaisse ». Ce trait infligera régulièrement un désavantage aux PJs
tentant de l’agresser (mais pourra peut-être apporter un avantage
à des enfantillages reposant sur la ruse ?)
114
Considérez qu’un enfant chétif subissant un coup de poing bien placé est
mis hors d’état, au moins pour quelques heures. Un gamin un peu plus
habitué à la bagarre pourra en encaisser deux (ce qui ne veut pas dire qu’il
ne préférera pas s’enfuir avant). Un coup de couteau ou pire mettra toujours
un gosse sur le carreau, avec de bonnes chances d’y passer, et ce quelle que
soit sa constitution.
Il existe bien sûr des moyens d’abattre de tels adversaires en une fois (fusils,
explosifs, éboulements, etc.) mais les PJs n’y auront sans doute pas accès,
ou très exceptionnellement.
115
Il pourra arriver aussi qu’un joueur vous demande si son personnage connaît
un enfant vivant dans une certaine zone ou bénéficiant de compétences spé-
cifiques. Si vous avez une brusque bouffée d’inspiration, vous pouvez vous
saisir de l’occasion pour créer un PNJ à la volée, mais il vous est aussi pos-
sible de retourner la question à l’envoyeur : pourquoi connaîtrait-il quelqu’un
présentant ces caractéristiques ? Les deux enfants partagent-ils des intérêts
communs, à moins qu’ils ne soient arrivés ensemble à Libreté ou qu’ils aient
vécu une situation marquante ? Peut-être se sont-ils croisés fréquemment
dans un lieu précis ? Est-ce qu’ils sont en bons termes ? Souvenez-vous,
vous devez poser des tas de questions, et toute information est bonne à
prendre car elle peut fertiliser votre esprit et donner naissance à des idées
inattendues.
Bien sûr, tous les PNJs ne sont pas des connaissances intimes des joueurs.
Libreté est assez grande pour que certains enfants se connaissent à peine
de vue et il vous faudra souvent improviser un garde, un témoin, une foule,
etc. Admettons-le cependant, ces personnages-fonctions sortis de nulle
part sont souvent un peu fades – mais vous aurez toujours la possibilité de
les étoffer plus tard, si l’histoire commence à leur donner une place plus
conséquente.
Enfin, la création de PNJs entre deux séances. Ce temps est souvent consa-
cré à l’élaboration de ce que j’appelle des « nuées », des problèmes impor-
tants affectant de vastes pans de la ville. Chaque nuée implique un certain
nombre de PNJs, certains déjà connus, d’autres nouveaux auxquels vous
pourrez réfléchir à tête reposée, en amont. Profitez-en pour leur donner un
trait saillant, une particularité, un objectif original… Pensez également à
quelques questions provocatrices à poser aux joueurs concernant leur rela-
tion vis-à-vis de ce personnage.
116
Bien sûr, toutes les interrogations ne devront pas être posées en amont.
Certaines surgiront du jeu lui-même, émergeront des événements de la
partie (à quoi bon jouer sinon ?) ou seront posées par les PNJs eux-mêmes.
Contentez-vous donc d’une ou deux questions en amorce, et laissez ensuite
la discussion agir.
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S’il appartient à un groupe d’enfants unis par une même doctrine, vous
le reporterez sur la fiche de bande correspondante. S’il ne peut se targuer
d’aucune affiliation concrète (s’il appartient à la vaste caste des indépen-
dants ou à un groupe sans réel pouvoir politique), il vous faudra noter son
nom sur la fiche des Sans-bande.
Une fiche de bande commence par une rapide présentation du groupe : son
nom, le ou les lieux où ses membres traînent généralement (« Crèches »),
leurs objectifs et les intrigues dans lesquelles ils sont impliqués (« Objectifs
et querelles », voir aussi le chapitre sur les « Nuées »). La fiche des Sans-bande
regroupe tous les gosses plus ou moins isolés mais présente les mêmes
catégories à remplir.
Nom : placez ici le nom du PNJ. Vous pouvez inventer ce dernier, le pio-
cher dans la fiche de résumé des enfantillages de l’Aversaire, le prendre
sur un des livrets d’archétypes ou même demander aux autres joueurs.
Âge : mettez-là l’âge approximatif du personnage, entre 6 et 15 ans en
général.
Rôle dans la bande/dans Libreté : quel rôle le PNJ occupe-t-il dans le
microcosme de sa bande ou bien dans la société reconstituée de Libreté ?
Est-il le chef, le porte-parole, la brute de service, le gosse-à-tout-faire,
la victime ?
Description : c’est ici que vous allez placer les adjectifs qui permettront
à la fois de distinguer le PNJ de la masse et de déterminer les avantages
et désavantages s’appliquant aux PJs tentant de l’enfantiller.
Notes : placez là tous les éléments ne rentrant pas dans les autres caté-
gories, les buts personnels du PNJ, ses amours, ses haines, ses objets
rares, etc.
Pourriture : indique le niveau de pourriture du PNJ, sa souffrance inté-
rieure. La plupart des personnages commencent à 0 ; les victimes et les
fous à 1 (voir plus bas, « Pourriture des PNJs »).
118
La conversation avec les autres joueurs, les résultats des enfantillages
des PJs et vos enfantillages d’Aversaire : la plupart du temps, vous
allez vous contenter de réagir à ce qui se passe. Vos joueurs vont, je
l’espère, se montrer proactifs et vous acculer sans cesse, si bien que
vous n’aurez pas le temps de penser à ce qui se passe en coulisses.
Les enfantillages des PJs et vos propres enfantillages sont là pour
vous donner des contraintes créatives, des bases solides sur lesquelles
rebondir.
119
Niveaux de départ
Un personnage non-joueur commence normalement une chronique avec un
niveau de 0 ou 1 – ceux qui ont 1 ont un profil de victime, de fou ou cachent
un lourd passé.
120
Entre deux séances, notez quel enfant a été battu, humilié, traumatisé et
n’a ni eu vraiment l’occasion de se défouler en contrepartie ni n’a été apaisé
par qui que ce soit :
Un enfant passe à 1 en pourriture s’il souffre de solitude, s’il est vic-
time d’une humiliation relativement violente ou témoin d’un événement
effrayant (une tentative d’attaque par une sirène, un passage à tabac,
un coup de couteau, etc).
Un enfant passe de 1 à 2 s’il est régulièrement victime d’humiliations, s’il
est mis au ban de la société ou s’il est victime d’une expérience traumati-
sante (la mort d’un ami, une scène horrifique, une blessure de sirène, etc.)
Un enfant passe de 2 à 3 après plusieurs séances dans le rôle de la vic-
time et des violences montant crescendo, ou s’il est le témoin direct
d’un événement absolument horrible (voir un proche tué de façon mons-
trueuse sous ses yeux, être longuement torturé et laissé pour mort, etc).
Un enfant monte à 4 puis à 5 quand vous le décidez. Il est engagé sur
une pente dont on ne remonte pas.
Effets de la pourriture
121
La Ville est un espace fantôme, un lieu aussi vaste que désert dont chaque
allée crie l’absence et la solitude. Les immeubles, les centres commerciaux,
les jardins semblent privés de leur raison d’être. Pour l’enfant qui vient
du « monde réel », l’endroit ressemble à l’univers qu’il vient de quitter : les
mêmes murs immenses, les mêmes néons… avec pourtant une absence bru-
tale de vie, de cris, de klaxons, d’aboiements. Un paysage de fin du monde
baignant dans une pluie sans fin.
Pour dépeindre cet extérieur à vos joueurs, pensez à toutes ces œuvres apo-
calyptiques qui mettent en avant la vanité des constructions humaines.
Inspirez-vous également des zones urbaines que vous connaissez : mélan-
gez Clermont-Ferrand et New York si vous le voulez, ou bien encore Paris et
Tokyo ; créez des quartiers différents des autres, des zones moins denses
et même boisées, des friches industrielles. Dressez une carte grossière si
besoin est, mais n’hésitez pas à bousculer un peu tout cela si nécessaire.
Les Terres humides ne sont en effet pas dépourvues d’une certaine qualité
surnaturelle : quelques-uns des panneaux publicitaires qui la recouvrent
sont lisibles par les enfants de toutes origines, les lumières et l’électricité
peuvent fonctionner même si parfois de façon capricieuse, de la nourriture
peut apparaître spontanément dans des étals auparavant pillés ou se mettre
à pourrir après des semaines de préservation… les bâtiments eux-mêmes
changent parfois de place ou font une brusque apparition là où auparavant
il n’y avait rien.
122
Sans compter bien sûr la possibilité de tomber sur une sirène de l’averse…
Tous les habitants de Libreté savent que les sirènes naissent des résidus
de cette pluie diluvienne qui tombe sans discontinuer ; elles émergent des
flaques qui envahissent les ruelles, s’infiltrent dans les maisons aux portes
et aux fenêtres insuffisamment calfeutrées, elles coulent le long des cana-
lisations et pénètrent par les plus minuscules interstices.
Toute sirène est habitée dès sa naissance par une faim dévorante. Pour
survivre, il arrive à ces monstres de se jeter sur quelques restes de nourri-
ture oubliés, mais ce dont elles raffolent par-dessus tout, ce qui les obsède
au plus haut point, c’est la chair des pauvres enfants perdus. Avant même
d’atteindre Libreté, nombre de malheureux auront été emportés dans les
ténèbres par quelque monstre avide pour y être méthodiquement dévorés.
Fort heureusement pour les enfants, les sirènes sont des créatures plutôt
lâches, qui préfèrent s’attaquer à des proies isolées, et si possible à plusieurs.
Un enfant seul n’a presque aucune chance de traverser les Terres humides,
mais un groupe soudé pourrait fort bien réussir.
123
On raconte que les sirènes mourront une fois la pluie terminée, mais dans la
chronique que vous allez faire jouer, les Terres humides connaissent l’orage
le plus long de leur histoire, et jamais les monstres ne repartiront. Ce fut le
cas à mon époque, et pour ce que j’en sais, ils hantent peut-être encore les
ruines de notre forteresse…
La bile noire
Contrairement à ce que l’on croit souvent, les sirènes ne sont pas faites d’eau
de pluie, bien que leur peau présente généralement un aspect spongieux
et suinte un liquide huileux et sombre. Toucher la membrane d’un de ces
monstres n’est pas sans évoquer les écailles glissantes de poissons morts
depuis trop longtemps, une impression répugnante aggravée par l’odeur
que la plupart dégagent.
124
Chez de tels enfants, la bile noire commence peu à peu à se mélanger aux
fluides vitaux pour les transformer en profondeur. Les organes se mettent
à se modifier – dépassés, nous croyions à l’époque qu’ils pourrissaient sous
l’action de l’humidité omniprésente. La « pourriture » n’a cependant pas que
des effets physiques : certaines victimes présentent assez vite des signes
de mélancolie, de repli sur elles-mêmes. Hélas, dans un monde plein de
violence et dépourvu d’espoir, de tels accès d’humeur passent généralement
inaperçus.
125
Pour ce que j’en sais, la métamorphose sous l’influence de la bile noire est
irréversible. On peut ralentir sa progression mais on ne peut jamais revenir
en arrière. Je manque d’informations sur le long terme, mais j’imagine qu’un
enfant resté trop longtemps entre deux états finira par mourir, son corps ne
supportant pas de se trouver longtemps entre deux mondes. Quant à moi,
qui ai réussi à rallier le monde réel, je suis sûr de garder dans mon corps les
marques nauséabondes de la corruption.
Il est autre chose que les enfants de Libreté ne comprirent qu’à la fin, au
prix de terribles sacrifices. Tous ceux qui survivent à leurs premiers pas
dans les Terres humides devinent assez vite que si les sirènes présentent de
nombreuses différences, toutes sont des êtres dépourvus d’âme ou de pitié
et habités par une faim insatiable.
Ce qu’ils ignorent souvent, c’est que ces monstres sont capables d’évoluer
avec le temps. On me racontait que le dernier orage, celui qui verrait tomber
Libreté, était de mémoire d’enfants perdus le plus long à avoir jamais existé.
Les pluies précédentes avaient systématiquement fini par se calmer, et les
sirènes auxquelles elles avaient donné naissance s’étaient bien vite entre-
dévorées avant de s’évaporer au pâle soleil des limbes. On peut tout à fait
126
Les plus vieilles et les plus terribles d’entre toutes vont jusqu’à développer
une espèce d’intelligence maligne. Celles-là sont bien évidemment les plus
dangereuses, étant capables de stratégie, de mensonge et même de per-
versité. J’ai quelques exemples de sirènes capables de se détourner de la
chair enfantine pour goûter à des délices beaucoup plus raffinés comme
les cauchemars ou les souvenirs (ce qui ne veut bien sûr pas dire qu’elles
n’appréciaient pas de temps à autre le goût de la viande).
127
Quelques sirènes
Vous devez bien comprendre une chose : toute rencontre avec une ou plu-
sieurs sirènes est unique. Aucun groupe, aucun essaim, aucun individu isolé
ne ressemble aux autres. Ne faites pas des sirènes de simples obstacles à
franchir, ou pire, des bestioles à abattre par dizaines comme dans un jeu
de tir.
Ce que je vais vous présenter dans les lignes suivantes constitue une série
d’exemples que vous pourrez intégrer à vos chroniques ou utiliser comme
source d’inspiration. Certaines sirènes sont accompagnées d’un enfan-
tillage de PJ unique qui ne peut être normalement utilisé qu’en leur présence.
J’ai également indiqué des exemples d’avantages et de désavantages et les
enfantillages auxquels ils sont susceptibles de s’appliquer (à vous de décider
cependant en dernière instance quand et comment les mettre en scène).
128
La meute dont je parle ici est bien sûr composée de sirènes beaucoup moins
subtiles dont l’apparence et le comportement n’est pas sans rappeler ceux
des meutes de chiens errants en mal de nourriture. Ces choses sont efflan-
quées, les côtes saillant sous une peau galeuse, les gencives noires se rétrac-
tant sur des dents jaunâtres, les yeux noirs s’enfonçant dans des orbites
pleines de pus.
Elles sont ce qui se rapproche le plus des sirènes archétypales, lâches, cha-
rognardes, capables de prendre une voix trop humaine aux accents lourds de
menaces, harcelant les groupes d’errants jusqu’à ce qu’une victime craque et
se jette dans leurs pièges grossiers. Lorsque vous en voyez une, vous pouvez
être sûr que deux autres sont en train de s’approcher par le côté.
Enfantillages de PNJ : faire luire ses yeux dans les ténèbres, capter
l’attention par le regard, contourner en silence, prononcer des paroles
décourageantes d’une voix inhumaine, feindre une attaque pour rabattre
les couards, ronger une carcasse d’enfant perdu.
129
Pour vous attirer dans les ténèbres, les ombres murmurantes prennent
la voix de vos parents, de vos amis disparus. Elles vous promettent mille
caresses, elles vous révèlent ce que les autres membres du groupe sont cen-
sés vous cacher, et elles se mettent soudain à parler de vos os qu’elles suce-
ront jusqu’à ce que toute chair en ait été méticuleusement ôtée.
Priez pour que jamais elles n’essaiment au cœur de votre belle cité.
Volant dans les cieux sans produire plus qu’un léger froufroutement de
papier froissé, les oiseaux fondent sur leur proie sans que celle-ci ait eu le
130
Ce n’est peut-être dû qu’à une sorte d’instinct collectif parfait, mais une
volonté unique semble animer l’ensemble de la volée. Les individus qui la
composent réagissent toujours comme une entité unique, peu importe les
dangers les menaçant. Cela les rend vulnérables quand on les attaque, mais
terriblement efficaces quand il s’agit de plonger sur un enfant isolé.
La girafe pelée
On raconte que lorsque les adultes ont disparu, le vieux zoo du centre-ville
s’est retrouvé totalement abandonné du jour au lendemain. Les rares ani-
maux emprisonnés qu’il contenait encore sont morts les uns à la suite des
autres, dans l’indifférence la plus totale. Tous sauf un.
La girafe pelée faisait peur à tous les enfants qui l’apercevaient. C’était un
vieil animal galeux, enfermé dans un enclos dont l’odeur de pisse vous pre-
nait à la gorge et au nez. La solitude l’avait rendu amère, et on racontait
qu’elle avait arraché la main d’un gamin un peu trop entreprenant. Une fois
131
L’outre à dégueule
Elle commence son existence sous la forme d’une espèce de petit champignon
fuligineux, gorgé d’eau croupie, susceptible d’apparaître dans n’importe quel
recoin sombre et humide. La chose grossit au fur et à mesure en se nourris-
sant de l’eau dans le sol bien sûr mais aussi de la bile noire sécrétée dans les
environs. Cela veut dire qu’on trouve ce genre de créatures avant tout dans les
lieux habités ; plus les enfants des environs se disputent, plus la chose grandit,
jusqu’à atteindre la taille d’un de ces ballons sauteurs que les enfants adorent.
Quand elle est assez grosse, l’outre commence à émettre des phéromones
qui endorment peu à peu les enfants alentour. Si personne ne vient les
132
sur 8-10 le PJ parvient à résister mais va devoir se dépêcher d’agir s’il ne
veut pas tester de nouveau.
sur 11+ le PJ doit recourir à un moyen extrême pour se tenir éveillé (se faire
mal, prendre de la drogue, etc.). Il dispose de quelques minutes avant de
devoir tester à nouveau pour ne pas s’endormir.
133
Le confiseur
Je ne sais pas qui a trouvé ce nom, mais sachez déjà une chose : les bonbons,
même périmés, valent tout l’or du monde à Libreté. Quand vous manquez de
tout, vous redevenez cet enfant avide de choses aussi simples que sucrées.
De toute façon, le confiseur se pointe dans n’importe quel endroit où l’on
peut trouver de la nourriture : vieilles boutiques ringardes en effet mais aussi
supermarchés, kiosques à journaux, etc.
Disons ensuite que le confiseur n’a rien d’un gentil monsieur. Nous parlons
plutôt ici d’une substance gluante, aussi transparente et invisible que le verre
le plus pur, sur laquelle sont disposés les bonbons tant convoités. Je me
souviens maintenant d’un de mes camarades parlant de « cube gélatineux »
pour le désigner, je ne sais pas trop pourquoi.
Celui qui met la main dans le tas de bonbons la retrouve soudain collée sur la
chose qui se met alors à ramper le long du bras du malheureux pour le recou-
vrir entièrement. Des sucs gastriques extrêmement puissants font ensuite
leur travail, et digèrent leur proie en quelques minutes à peine. Ceux que
l’on parvient à extirper à temps sont souvent gravement brûlés et meurent
faute de soins efficaces.
J’ai entendu parler d’un autre genre de confiseur constitué de tout un essaim
de petites créatures ayant l’apparence de bonbons et dévorant leurs cibles
de l’intérieur…
134
Dans toute communauté, il y a un enfant un peu riche ou que ses parents ont
voulu gâter une fois de trop, et qui a reçu en échange l’anniversaire le plus
traumatisant qui soit, celui avec un clown au maquillage épais, à l’haleine
puante, dont le sourire figé n’avait d’égal que les yeux injectés de sang.
135
sur 7 ou moins le clown n’est pas retrouvé et tout le monde est persuadé
qu’il n’existe pas… à moins qu’un des enfants de Libreté ne soit retrouvé peu
de temps après, la carotide mâchée ?
sur 8-10 le groupe parvient à coincer le monstre dans son repaire.
sur 11+ le groupe retrouve le monstre mais paye un lourd tribut au passage
(un hurlement de douleur signale sa localisation, le meneur se retrouve seul
face à lui, la troupe est épuisée, etc.).
136
sur 7 ou moins les araignées sont trop nombreuses, il finit par succomber
au venin – il subit 1 coche de blessure, pour commencer, et sombre dans
l’inconscience. Ses amis n’ont que peu de temps pour l’en sortir…
sur 8-10 le PJ arrache les quelques araignées encore accrochées. Mieux
vaudrait fuir en vitesse…
sur 11+ le PJ parvient à se débarrasser des créatures collées à sa peau mais
s’écorche violemment ou se brûle ; il peut aussi sauver sa peau en abandon-
nant un camarade au même sort, ou bien sacrifier une ressource essentielle
pour Libreté.
La plupart des sirènes savent imiter la voix d’un enfant ou son apparence,
le temps d’attirer quelqu’un hors du groupe pour pouvoir le dévorer sans
prendre de risques. Certaines parviennent à se faire passer quelques instants
137
Seules les sirènes les plus évoluées sont capables de se faire passer pour un
vrai petit enfant pendant des heures, de soutenir de longues conversations ou
de feindre plusieurs sentiments complexes. Je ne saurais dire si ces créatures
sont suffisamment proches de nous pour saisir un peu de ce qui nous anime,
ou si elles sont seulement plus douées que leurs semblables pour lire en nous.
sur 7 ou moins le PJ ne parvient pas à aller jusqu’au bout. Je suis sûr que
la sirène saura en profiter…
sur 11+ le PJ se comporte comme un monstre sans âme et horrifie plusieurs
témoins ; il peut aussi compenser le doute par la précipitation et ne pas
réussir à tuer la chose, ou bien être marqué terriblement par son acte, ou
être pris pour un assassin par ses camarades, etc.
138
Le copiteur
Le copiteur est un autre genre de « petit enfant » mais plus sinistre encore.
Cette créature est à la fois plus simple et plus évoluée : elle est en effet
incapable de concevoir une forme de personnalité humaine bien à elle et
préfère voler celle des enfants… en même temps qu’elle s’approprie leur
corps.
sur 7 ou moins la sirène a l’air d’un vrai petit enfant / l’enfant a vraiment
l’air d’une sirène.
sur 11+ le PJ découvre la vérité mais son comportement gêne plusieurs
témoins qui refusent de le croire, il blesse gravement un innocent, le copi-
teur se venge sur un proche, etc.
139
L’entêteur
La chose sous le lit, la voix qui vous chuchote à l’oreille quand vous vous
croyez seul, celui qui vous attend dans les ténèbres… l’entêteur peut être
considéré comme une forme beaucoup plus évoluée des ombres murmu-
rantes, une créature unique, indépendante, et particulièrement sournoise.
Se nourrissant de la bile noire produite par les angoisses les plus intimes, cette
sirène vient généralement visiter les enfants une fois la nuit tombée. Tapie
dans un recoin de votre chambre, elle laisse sa voix profonde se confondre
avec les monologues nocturnes auxquels se livrent vos esprits agités.
Elle en profite pour glisser de noires pensées dans l’esprit des plus fragiles,
tordant une réalité déjà bien sombre pour la changer en cauchemar. Après
quelques nuits à ce régime, les victimes finissent invariablement par som-
brer dans la dépression voire la folie meurtrière.
sur 7 ou moins le PJ sombre peu à peu dans la dépression. Tant que per-
sonne ne le sauve, chaque jour passé sous l’influence de l’entêteur lui fait
cocher 1 case de pourriture. S’il arrive au niveau 3, il a de fortes chances de
succomber à la Goutte ou à une forme de fureur homicide.
sur 8-10 le PJ résiste et peut même deviner que quelque chose de surnaturel
est à l’œuvre.
sur 11+ le PJ lutte contre la dépression de toutes ses forces. Il parvient
à se débarrasser de l’influence de l’entêteur mais il doit en payer le prix :
agir, de préférence violemment, contre ceux qui lui ont causé du tort et le
tourmentent dans ses cauchemars ; s’éloigner de Libreté ; se droguer pour
ne pas dormir, etc.
140
Enfantillages de PNJ : attendre sous le lit, calquer sa voix sur les pensées
intimes, susurrer de noires pensées traitant de solitude et de vengeance,
s’éclipser comme un nuage de ténèbres.
La gardienne des secrets brisés est une des sirènes les plus évoluées qu’il
m’ait été « permis » de croiser. Alors que d’autres de ses congénères peinent à
feindre l’intelligence ou à se sustenter ne serait-ce que d’eau ou de nourriture
ordinaire, celle-ci a appris à se repaître des secrets des enfants endormis.
Ne me demandez pas comment une telle chose est possible. Cela a sans doute
un lien avec la bile noire, comme tout ce qui touche aux Terres humides.
Toujours est-il que la créature peut, simplement en touchant le front d’un
petit de ses longs doigts froids, pénétrer son esprit et ses rêves.
Une fois dans les pensées de sa victime, la gardienne tente de duper cette
dernière à travers plusieurs voiles d’illusions oniriques afin de lui faire révé-
ler les secrets qui pèsent sur sa conscience. Elle apparaît fréquemment sous
la forme d’une jeune femme à la beauté saisissante, une mère regrettée,
tendre, promettant au rêveur le repos et l’absolution. Ceux, nombreux, qui
se confient se réveillent avec un poids en moins sur la poitrine.
Compte tenu de la subtilité dont elle fait preuve, la gardienne est capable de
semer bien des troubles avant que sa présence ne soit ne serait-ce qu’envisa-
gée. Il arrive néanmoins qu’un enfant plus fort ou plus secret refuse de se
livrer à la dame de ses rêves ; le monstre révèle alors son vrai visage, celui
141
Bien sûr, malgré toute cette subtilité, la gardienne reste une sirène, et je
pense qu’il lui arrive de temps en temps de profiter de l’état d’abandon de
sa victime pour s’offrir un petit écart de régime…
sur 7 ou moins le rêve du PJ lui échappe. Il révèle ses secrets malgré lui, se
retrouve dans l’antre de la gardienne ou s’éveille avec un secret terrible qui
va le hanter longtemps (sans savoir si celui-ci est vrai ou non).
sur 11+ le PJ parvient à repousser la gardienne en se faisant mal dans son som-
meil et en se réveillant de force ; il peut aussi perdre la capacité de dormir, ou
arracher à la gardienne un noir secret le concernant ou lié à un autre enfant. La
gardienne peut éventuellement s’être enfuie, ou être encore dans la chambre…
Vous trouverez dans ce chapitre des conseils pour créer vos propres nuées,
des exemples partiellement construits à adapter à votre chronique mais aussi
des secrets, des nuées préécrites dévoilant les mystères communs à toutes
les Libretés.
Premières gouttes
Les premières gouttes sont les signes avant-coureurs, les grondements
qui annoncent la tempête à venir. Elles sont conçues pour mettre la puce à
l’oreille d’au moins un personnage-joueur, lui signifier que quelque chose
cloche. Si aucune action n’est entreprise une fois les premières gouttes tom-
bées, la nuée empirera.
145
Exemples : humilié par Linda au moment même où il lui ouvrait son cœur,
Martin entend bien se venger. Il entame les préparatifs nécessaires…
Dan a décidé que Colmateux et Anges du Docteur devaient se réunir
pour que Libreté puisse perdurer. Il se lance dans une série d’actions
diplomatiques délicates…
Averse
Que les PJs aient décidé de s’en occuper ou au contraire de s’en désintéresser,
la nuée évoluera inévitablement pour dévoiler sa véritable dangerosité. Ce
paragraphe forme le cœur de la nuée et a pour but de décrire toute l’am-
pleur du problème qu’il va falloir rapidement résoudre sous peine de voir les
choses échapper à tout contrôle. C’est à ce stade que les PJs découvrent les
acteurs principaux, les complications cachées, les conflits à venir…
Tempête
Une nuée qui n’est pas correctement traitée court le risque de tourner à la
tempête et de devenir presque impossible à contenir. De nouvelles nuées
pourront être créées sur son sillage, et d’autres déjà en place prendront une
toute nouvelle dimension à travers son influence. Ce paragraphe s’inté-
resse ainsi à quelques évolutions possibles (même s’il est impossible de
tout prévoir).
Trouver l’idée
La majorité des nuées que vous allez utiliser seront basées sur la première
session de votre chronique (création incluse) ainsi que sur les actions des
personnages en cours de partie.
146
À vous de voir si vous voulez garder le problème sous une forme vague
en attendant l’occasion de lui donner une manifestation plus concrète
147
Attention également à ne pas créer une nuée minuscule pour chaque micro-
problème, vous finiriez par perdre le fil. La partie « averse » est là pour ras-
sembler tous les petits tracas liés au problème principal.
Il est cependant probable que des nuées vont se croiser et se superposer. Ce n’est
pas un problème, c’est même inévitable dans un milieu clos comme Libreté.
Cela peut paraître paradoxal mais je vous conseille lorsque vous créez vos
nuées de commencer par la partie « averse ». Les « premières gouttes » consti-
tuent la surface des choses, vous ne pouvez donc pas vraiment les déterminer
sans connaître d’abord le fond du problème (même si ce n’est pas là une
règle gravée dans le marbre et qu’il pourra vous arriver d’être inspiré par
un simple détail esthétique).
Une fois que vous avez les bases de votre nuée, il vous faut la complexifier. Le
problème est que vous ne pouvez pas savoir ce que les joueurs vont faire, ni
deviner comment les enfantillages vont tourner ; il est donc inutile d’écrire
l’histoire avant l’heure.
148
Exemple : sachant que Martin compte mettre son plan à exécution lors
du bal des Popsters, l’Aversaire réfléchit à quelques complications possibles :
il décrète que la date du bal n’est communiquée qu’aux invités, Martin
va donc devoir se procurer une invitation discrètement. Il faudra ensuite
que le garçon s’installe avec son seau de merde au-dessus de la scène
pour pouvoir le déverser au bon moment ; l’Aversaire décide que la fête
aura lieu à l’étage des bureaux avec l’accord des Anges du Docteur.
Il dessine rapidement un plan grossier des lieux, cela sera très utile quand
le joueur mettra son plan à exécution.
Si vous le pouvez, opposez vos joueurs entre eux, mettez-les face à des alliés
de longue date, placez-les dans le même camp que leurs adversaires les plus
acharnés.
Aborder la tempête
Pour la partie « tempête » enfin, comme je vous l’ai dit plus haut, vous ne
pouvez pas penser à toutes les possibilités. Réfléchissez juste aux pires
149
Exemples : si Michel ne parvient pas à stopper les sirènes, les plus fortes
attaqueront par la porte principale pendant qu’une volée de créatures
s’en prendra aux fenêtres les plus élevées. Les défenses seront rapidement
submergées, les ouvertures enfoncées. Plusieurs gardes seront tués,
des innocents emportés dans les ténèbres. La stabilité politique ne sera
plus qu’un vieux souvenir.
Si Martin échoue et est capturé, il sera livré par les Popsters aux Anges
du Docteur, lesquels décideront de faire un exemple. Il sera fouetté devant
l’ensemble de la communauté, dans le but de rétablir l’autorité des leaders
en place. S’il réussit, il risque de subir un sort similaire à moins de trouver
des alliés puissants ou de se cacher.
Nuées à demi-formées
Vous trouverez ci-dessous des nuées ne demandant qu’à être adaptées à votre
chronique pour pouvoir fonctionner.
Le pistolet
Une arme à feu maudite est trouvée par un habitant de Libreté et va semer
la mort dans la citadelle.
Cette nuée aura beaucoup plus d’impact si les habitants de Libreté, person-
nages-joueurs compris, n’ont pas d’arme à feu. Ces engins de mort doivent
de toute façon rester extrêmement rares pour garder tout leur pouvoir de
fascination et de terreur.
150
La fondation de Libreté
Qui a réellement construit Libreté ? Qui a eu la force de volonté nécessaire
pour repousser les sirènes ? Un adulte ? Un dieu ? Un monstre ? Un enfant ?
Cette nuée sera sans doute lancée lorsqu’un de vos joueurs s’intéressera acti-
vement aux origines de la ville, à moins que vous ne leur laissiez découvrir
spontanément une piste importante, ou ne fassiez surgir un être prétendant
avoir créé Libreté ?
151
152
Et si les plus forts d’entre eux (les PJs surtout) avaient la possibilité de rejeter
cette proposition ? Le feraient-ils ? Et s’ils le faisaient, n’y aurait-il pas un
risque caché ?
Les enfants sont victimes « d’accidents » : arrivés à quinze ans, les enfants
n’ont plus que peu de temps à vivre. Durant l’année qui suit leur anniver-
saire, ils sont toujours victimes d’un accident malheureux, emportés par un
monstre, tués par un proche, etc. Aucun n’a survécu pour voir sa seizième
année.
153
L’arrivée d’un adulte à Libreté vient bouleverser les convictions de ses habi-
tants. Changé en sauveur, l’homme providentiel se révèle hélas porteur de
déceptions et de malheurs.
Cette nuée intervient une fois la chronique bien avancée, de préférence alors
qu’une paix temporaire a été trouvée bien que la menace des sirènes com-
mence à se faire plus présente.
Averse : pour le moment, l’adulte est au plus mal et les enfants ont toute
latitude pour décider de son sort.
L’homme est vêtu d’un jean, d’une chemise blanche maculée de sang, d’une
paire de santiags et porte un collier de plumes et de dents. Ses cheveux
sont longs, sa peau bronzée, ses dents d’une blancheur éclatante. Ceux qui
fouillent ses affaires découvrent aussi plusieurs liasses épaisses de billets
de banque. L’équivalent de 500 000 euros. Examinée, la plaie dans son dos
révèle une balle de pistolet. Sans soins, il ne survivra probablement pas
longtemps.
154
Il apprécie d’être servi et tend à offrir aux autres ce qu’il croit qu’ils veulent
(de la verroterie, un mot d’encouragement, un peu de reconnaissance bon
marché, etc). Le mensonge est comme une seconde nature chez lui et il est
capable de donner plusieurs vérités en fonction des groupes auxquels il a
affaire. Il sait aussi où s’arrêter et n’a pas vraiment d’ambition – il n’ira pas de
lui-même se faire couronner roi ou autre chose du même genre. Il ne donne
enfin des informations importantes (vraies ou non) qu’au compte-goutte,
quand il sent que c’est indispensable.
Le passage emprunté par Silver est-il encore ouvert ? Le vaurien a-t-il la capa-
cité de repartir ? À vous de décider, en prenant en compte plusieurs compli-
cations possibles : il ne peut ouvrir un passage que pour une personne, ou
il prétend pouvoir le faire mais profite de son ascendant pour se faire servir
le temps de « reprendre des forces », ou il demande des choses absurdes par
exemple assez d’or pour forger une porte. Silver peut aussi être un men-
teur, un charlatan qui a réussi une seule fois un exploit qu’il serait bien
incapable de reproduire. Il risque fort de devenir un enjeu dans les guerres
entre bandes, être vu par certains comme une offense envers « dieu », etc.
155
Retour à Libreté
Si vous voulez secouer un peu les habitudes de vos joueurs alors que la chro-
nique est déjà bien avancée, offrez-leur, à eux et à eux seuls, un moyen de
rentrer chez eux. Sincèrement. Sans piège, ou presque.
La nuée « Le dernier des grands » (voir plus haut) offre par exemple une
excellente occasion de trouver un tel portail : faites-leur miroiter le monde
extérieur, dites-leur que le temps est compté, que la porte se referme…
Vous pouvez aussi y aller de façon plus brutale encore : les personnages des
joueurs se réveillent « chez eux », au petit matin.
Cette nuée peut enfin servir d’épilogue à ceux qui ont survécu à l’ultime assaut
des sirènes. Je pense néanmoins qu’elle aura plus d’impact juste avant la fin de
Libreté, offrant une sorte de respiration inattendue dans la tourmente.
Averse : comment est-ce que les choses vont se passer à partir de là ? Vous
pouvez décider que personne dans le monde « réel » n’avait remarqué leur
156
Dans les deux cas, ils risquent de découvrir qu’ils n’ont plus leur place dans
ce monde ordinaire, qu’il est impossible de partager avec les adultes ce
qu’ils ont vécu et que l’idée de retrouver une vie normale n’a plus de sens.
N’hésitez pas à leur imposer un entourage qu’ils n’ont pas créé, à inventer
des membres de leur famille ou des amis sans leur demander leur avis ; cela
renforcera le sentiment de déconnexion.
Si possible, montrez qu’ils ne sont plus les mêmes, qu’ils se sont habitués
à d’autres modes de vie. Provoquez-les, envoyez-leur des brutes qui les pre-
naient autrefois pour de simples victimes, poussez-les à réagir de manière
disproportionnée face à de simples provocations sans gravité. Exposez-les
au jugement horrifié des adultes.
Vous devez aussi leur rappeler ceux laissés derrière, rebondir sur un élément
de décor ou sur une phrase que prononce un ancien ami. Forcez-les à rester
assis des heures durant à écouter le cours vide de sens d’un professeur,
parlez-leur du vent qui souffle dehors et porte les voix de ceux qu’ils ont
abandonnés.
Pour déstabiliser vos joueurs, vous avez aussi la possibilité de laisser tomber
les règles. C’est un autre monde, un monde régi par des lois impossibles à
comprendre, injustes. Plus de bile noire. Plus d’enfantillages. Plus d’arché-
types. Prenez simplement les décisions qui vous paraissent les plus logiques
et les plus intéressantes.
Tempête : que vont faire les PJs ? Ils peuvent tenter de se réunir (cela
risque de prendre du temps et leur demandera sans doute de fuguer), puis
essayer à tout prix de retrouver Libreté. Et réussir.
Ou échouer, et mettre des années et des années à s’en remettre, devenir des
adultes hantés par le regret, comme je le suis. Et alors soudain, au détour
d’un rêve, revenir aux Terres humides. Retrouver leur corps d’enfant. Cela
demandera d’y consacrer beaucoup de temps et ne me semble pas forcément
157
Ils peuvent aussi se faire à cette « nouvelle » vie. S’y installer quelques semaines,
quelques mois. Et se retrouver brusquement de retour dans Libreté, juste avant
la mise à sac.
À moins que quelque chose ne hante leurs rêves. Une présence prédatrice,
invisible, qui les appelle et les réveille au beau milieu de la nuit, leur rappe-
lant qu’ils ne sont pas en sécurité et qu’ils ont encore des comptes à rendre.
Les secrets
Vous l’avez vu lors de votre première partie, une portion de la ville est laissée à
la libre appréciation des joueurs et est largement créée en amont via le question-
naire. Les premières nuées sont directement issues de cette session initiale, et
donc fortement enracinées dans l’imagination de l’ensemble des participants.
Les décisions des enfants non-joueurs et des sirènes sont, à partir de là, lais-
sées à votre charge, afin que les joueurs aient le sentiment de se trouver face à
un monde réaliste, conflictuel, séparé de leur volonté et de celle de leurs PJs.
Et puis il y a les secrets les plus profonds. Ceux-là sont pris en charge dans
ces pages et donc placés partiellement hors de votre portée, dans le but avoué
de leur donner une vie propre, une densité toute particulière.
Si vous le pouvez, faites précéder cette nuée de petites touches discrètes. Dès
les premières séances de votre chronique, choisissez des personnages non-
joueurs malheureux (victimes de harcèlement, traumatisés, etc.) et attri-
buez-leur un niveau de pourriture de 2. Isolez-les, rendez-les irritables. Si les
PJs se sentent une âme de bon samaritain et tentent d’aider ces malheureux,
ne leur rendez pas la tâche facile ; ce n’est pas parce qu’on est une victime
qu’on a nécessairement un petit cœur d’or qui ne demande qu’à être révélé !
158
Aucun traitement, aussi délirant soit-il, ne pourra être trouvé. Il sera tout juste
possible de ralentir le mal en prenant soin des malades, en les maintenant en
joie et en activité. Cela n’empêchera sans doute pas quelques apprentis-méde-
cins de faire plus de mal que de bien, en usant par exemple de vieux manuels
périmés dans lesquels les auteurs vantent les mérites de la saignée…
Bien sûr, des enfants influents et des groupes terrifiés vont proposer des
solutions plus radicales. Un cas de révolte populaire pourrait advenir, ou un
lynchage avoir lieu. Les agitateurs politiques en profiteront certainement
pour déstabiliser le pouvoir en place – lequel pourrait réagir fort mal à cette
nouvelle pression.
Ce pourrait bien être le moment qu’attendent les sirènes pour avancer sur
Libreté et tenter leurs premières attaques (voir « Naissance d’une sireine » plus
159
Cette nuée est la mère de tous les problèmes. Elle commence dès la création
de Libreté, mais ne se déclenche réellement qu’à la fin de votre chronique.
Si vous voulez l’utiliser, je vous conseille de la lancer au moment où vous
sentez qu’il est temps de conclure.
160
Après quelques heurts d’une violence extrême, les créatures vont finir
par tourner leur attention vers les murs de la ville et par attendre. Le jour
de l’attaque, il régnera un silence de tombeau. Elles se jetteront alors de
toute leur immensité sur les défenses et les mettront à bas. Aversaire, il
vous faudra préparer en amont de nombreuses scènes épiques et sirènes
démentes.
Vos joueurs n’ont aucune chance de vaincre les sirènes ou de sauver Libreté.
C’est en revanche l’occasion parfaite pour eux de choisir leur fin : essaie-
ront-ils de sauver leur peau, de permettre à leurs proches de s’enfuir, de
régler leurs comptes ou à l’inverse de pardonner ? Opteront-ils pour une fin
héroïque digne du Walhalla ?
Le véritable Aversaire
Ce dont je vais vous parler maintenant n’est issu que de mes cauchemars les
plus terribles, et je prie chaque soir dans mon cœur pour qu’il ne s’agisse
que d’un délire sans fondement.
Cela peut paraître absurde, mais des années à tourner encore et encore
les événements dans ma cervelle agitée ont irrémédiablement mené à
cette conclusion : quelque chose avait à ce moment pris le contrôle des
161
Il n’y a pas de divinité dans les limbes, il n’y a que vous. L’intelligence collec-
tive, la reine en devenir, la maîtresse des sirènes. Il me fallait un joueur pour
prendre cette place ; en lisant ce livre, vous vous êtes condamné à endosser
ce rôle. Chaque jeton de bile noire pris dans la réserve, chaque pion misé
dans des enfantillages vous rapproche de votre avènement ; quand la ville
vous aura suffisamment nourrie, vous serez prête à ordonner sa destruction.
162
Bile noire
sage, je peux ajouter une nouvelle spécialité à l’Enfan-
tillage savoir.
Savoirs supplémentaires : prenez 1-3 jetons de bile noire
je ne suis pas qu’une victime : je gagne un quand votre enfant souffre,
apprentissage d’un autre archétype (si j’ai déjà un se sent seul, a peur.
tel apprentissage, je dois effacer ce dernier).
Chaque jeton misé sur un
je ne suis plus une victime : je choisis un nou- enfantillage = +1 au test (max +3).
vel archétype ; je perds tous mes apprentissages de
Victime sauf un, au choix. Attention : 5 bile noire
= l’enfant risque
Autres apprentissages :
de craquer.
Bile noire
prenez 1-3 jetons de bile noire
quand votre enfant souffre,
se sent seul, a peur.
Chaque jeton misé sur un
enfantillage = +1 au test (max +3).
Attention : 5 bile noire
= l’enfant risque
de craquer.
Bile noire
prenez 1-3 jetons de bile noire
quand votre enfant souffre,
se sent seul, a peur.
Chaque jeton misé sur un
enfantillage = +1 au test (max +3).
Attention : 5 bile noire
= l’enfant risque
de craquer.
2 - Vos principes
Demandez « qu’est-ce que tu fais ? ».
Enfantillages d’obstacles
Faire disparaître quelque chose
ou quelqu’un.
Laisser entrapercevoir quelque chose
ou quelqu’un.
Laisser apparaître quelque chose
ou quelqu’un.
Journal de Libreté
Fermez les yeux. Fermez les yeux et rêvez, rêvez à l’enfant que vous avez été.
Il est encore là, quelque part, il affleure chaque fois que l’on vous rejette,
que le monde extérieur vous écrase, lorsque vous êtes impuissant et que
la seule chose que vous voudriez faire est de vous blottir dans les bras de
quelqu’un. Touchez son souvenir, arrachez ce costume d’adulte et trouvez la
porte qui mène par-delà ce monde, vers les limbes, vers les Terres humides
où les enfants qui s’égarent finissent invariablement par échouer. Arpentez
à nouveau la Ville, copie blafarde du monde des grands, vaste terrain de
chasse où, sous une pluie continuelle, les sirènes de l’averse déploient une
faim que rien ne pourra jamais rassasier.
Laissez-vous envahir par le souvenir vivant, recréez Libreté telle qu’elle fut,
telle que les survivants l’ont bâtie, sur les reflets abandonnés du monde des
hommes…
Consignes
Commencez par le quotidien des PJs.
Prenez votre temps.
Montrez une société bâtie sur les restes du monde des adultes.
Impliquez les joueurs.
Ne laissez pas le statu quo s’installer.
Semez des graines.
Introduisez le système de jeu.
Créez des PNJs vivants.
Faites interagir les PJs entre eux.
Questionnaire
Elle est pas très grande, avec à peine enfants pour l’habiter.
Il reste bien sûr le problème de l’eau dans la ville, qui pourrait donner naissance aux
Pour en trouver, des expéditions sont organisées dans les Terres humides. Elles sont
constituées de
Régulièrement, de nouveaux enfants arrivent à Libreté. Comme nous, ils ont traversé
Objectifs et querelles :
Nom : Nom :
Âge : Âge :
Rôle dans la bande : Rôle dans la bande :
Description : Description :
Notes : Notes :
Pourriture : Pourriture :
Nom : Nom :
Âge : Âge :
Rôle dans la bande : Rôle dans la bande :
Description : Description :
Notes : Notes :
Pourriture : Pourriture :
Nom : Nom :
Âge : Âge :
Rôle dans la bande : Rôle dans la bande :
Description : Description :
Notes : Notes :
Pourriture : Pourriture :
Nom : Nom :
Âge : Âge :
Rôle dans la bande : Rôle dans la bande :
Description : Description :
Notes : Notes :
Pourriture : Pourriture :
Autres membres :
Objectifs et querelles :
Nom : Nom :
Âge : Âge :
Rôle dans Libreté : Rôle dans Libreté :
Description : Description :
Notes : Notes :
Pourriture : Pourriture :
Nom : Nom :
Âge : Âge :
Rôle dans Libreté : Rôle dans Libreté :
Description : Description :
Notes : Notes :
Pourriture : Pourriture :
Nom : Nom :
Âge : Âge :
Rôle dans Libreté : Rôle dans Libreté :
Description : Description :
Notes : Notes :
Pourriture : Pourriture :
Nom : Nom :
Âge : Âge :
Rôle dans Libreté : Rôle dans Libreté :
Description : Description :
Notes : Notes :
Pourriture : Pourriture :
Autres Sans-bande :
Premières gouttes :
Averse :
Tempête :
Premières gouttes :
Averse :
Tempête :
Premières gouttes :
Averse :
Tempête :
Premières gouttes :
Averse :
Tempête :
MERCI
d’avoir participé au financement de Libreté !