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Le trésor au creux de ta main

Le matin tu te réveilles. Tu vois la lueur du jour nouveau poindre entre les cimes des épinettes et les
nuages aux couleurs changeantes. Tu es bien, tu te réveilles tranquillement. Tu sens ces petits
gargouillements dans le fond de ton estomac. Ô que tu remercies chaque jour le privilège que tu as de
savourer ces délices que tu as récoltés et transformés de tes propres mains... Les délicieuses pommes de
terre rissolés, cultivées dans le sable du bord de mer. Tu les fait cuire dans le gras du bacon des gentils
cochons de ton voisin. Tu agrémentes le tout d'une généreuse portion de choucroute aux épices boréales
fermentée avec amour. Sans oublier bien sur le plus exquis, goûteux et dégoulinant : l’œuf au jaune-
orange coulant que tes adorables poulettes pondent et pondent à l'infini, chaque jour, beau temps,
mauvais temps. Et c'est cela aussi qui rend ton matin si excitant : en sortant de ton lit, tu sortiras dire
bonjour à l'air frais, matinal et vivifiant, pour aller à la rencontre de tes tendres poulettes. Et donc tu
sors, et tu marches, et la mer te souris et te fais un immense câlin, sonore et vibrant. Et tu chantes, et tu
siffles. Et sur ton chemin les corneilles et les pies virevoltent et te répondent. Lorsque tu ouvres la porte
du poulailler, les volailles adorées s'empressent de venir te dire bon matin. Elles te reconnaissent, tu les
reconnais, vous êtes contentes de vous retrouver. Elles sont curieuses de découvrir quelles gâteries tu
leur amène, de goûter quelle médecine tu vas mettre dans leur eau. Tu aimes prendre note de leurs
aliments favoris et de t'étonner que, comme toi, elles adorent manger des œufs. Tu t’assoies dehors, tu
les regardes picorer les grains, les légumes et les insectes. Tu allumes une cigarette roulée dont tu
savoures chaque bouffée.Le vent caresse ta peau, le soleil réchauffes tes joues. Tu chantes une chanson
pour tes amicales amies à plumes et tu rigoles de les voir tourner la tête quand tu pousses certaines
notes. Tu t'amuses à écouter les différents piaillements, cris, chants et roucoulement des poulettes qui
jouissent simplement d'être en vie. Tu t'émerveilles de la puissance du chant du coq. Tu le regardes,
fier. Tu apprécies sa posture altière, veillant sur ses poules avec devoir et sérieux. Tu te dis : ''Why so
serious?'', et tu ris. Tu apprécies la soyeuse cascade des plumes de sa grande queue, argentée, verte
métallique, miroitante. Tu regardes le motif distinct et particulier de chaque volaille. Quelle prodigieuse
création que ces plumes d'oiseaux. Rousse tachetée de beige, blanche herminée de noir, fauve-rosée
camaillée, tu te perds dans leurs motifs hypnotisants. Et ensuite tu te lèves, et pars à la découverte du
trésor. Ce trésor tellement quotidien mais donc tu t'émerveilles toujours autant. Tu entres dans le
pondoir et tu les vois. Danse creux du nid, tous collés les uns sur les autres, à la coquille délicate teintée
de toutes les nuances que tu peux imaginer : rosée, turquoise, brun pâle, brun foncé, blanc, bleu clair...
Et tu les prends ces œufs-petits-trésors, tous chauds encore dans le creux de ta main. Délicats et
fragiles, nourrissants et énergisants. Et tu remercies la vie, et tu retournes chez toi, le cœur déjà nourri
de bonne heure et de bonne humeur ce matin.

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