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8 avril 1915.
28 avril 1915.
4 mai 1915.
Les trams circulent presque vides ; les rues sont de plus en plus
désertes. Avec cela, un printemps adorable. Sur les branches des
arbres fruitiers, les fleurs grimpent les unes sur les autres ; les
branches ont de grosses touffes d’un blanc exquis et parfumé, et il y
a tant, tant d’oiseaux qui chantent sur les arbres des avenues et
dans les jardins, derrière les maisons brûlées et abandonnées !
Comme leurs propriétaires, à l’étranger, doivent y penser
maintenant ! Je crois qu’on entend mieux les oiseaux parce que les
rues sont plus silencieuses, et peut-être aussi parce que nous
n’avons pas encore entendu une note de musique depuis l’invasion
et que le moindre son harmonieux, après les discussions sur la
guerre par ces voix rudes et âpres des Flamands, caresse notre
oreille charmée et surprise.
Derrière chez nous, il y a un merle qui a le langage le plus
spirituel, le plus expressif, en même temps que le plus
délicieusement modulé. Ah ! la chère créature ! si je pouvais la
prendre dans le creux de la main et lui gratter doucement la tête, en
signe de reconnaissance ! Toutes les bêtes aiment qu’on leur gratte
la tête : si le merle se laissait faire une fois, il y reviendrait, et pour
moi ce serait une grande joie.
5 mai 1915.
22 mai 1915.
30 mai 1915.
30 mai 1915.
Le dindon domestique, tout blanc, se pavane, la queue en
éventail, les plumes ébouriffées, tout son être hérissé, devant le
treillage derrière lequel se trouve, le cou tendu, la femelle de son
congénère, autre dindon domestique. Il a les yeux entourés de bleu ;
le cou, la tête et le chiffon qui lui pend par-dessus le bec,
sanguinolents. Le chiffon est fripé comme un lambeau d’entrailles ; à
volonté, il injecte de sang, ou fait bleuir en bleu de ciel, ou laisse
pâlir en un blanc violacé cette masse amorphe qui pendille de droite
et de gauche. Il va et vient, apoplectique ou anémique, dément de
désir. Il est magnifique, antipathique, plein de morgue et
d’acariâtreté. Il tend le cou et fait kloukoulou ! kloukoulou ! Kwole,
kwole, kwole !
8 juin 1915.
13 juin 1915.
25 août 1915.
9 novembre 1915.
12 novembre 1915.
5 avril 1916.
7 avril 1916.
30 novembre 1916.
Je crois que l’œil le plus beau au monde est l’œil du hibou grand-
duc : une grande boule noire comme liquéfiée, bordée d’une bande
de feu liquide, mais adoucie par la myopie et la souffrance de la
captivité. Je me trouve devant la cage. Il fait un Chchinit effarouché
et suit peureusement les mouvements de mes yeux, seule chose
qu’il semble voir dans ma figure. Oh ! qu’il est beau, qu’il est beau, et
que je l’aime, surtout maintenant que nous sommes nous-mêmes
pris dans une trappe d’où nous ne pouvons bouger.
Par le froid qui commence, les bonnes avec les enfants se
réfugient dans le palais des éléphants, où il n’y a plus que des
zèbres, des chameaux, des girafes et le rhinocéros. Il y fait chaud et
les enfants que les mamans envoient, bien emmitouflés, prendre de
l’air frais et pur, ne respirent pendant des heures que l’odeur du
fumier de ces animaux.
Le jardin zoologique est lamentablement triste : la moitié des
bêtes ont disparu, elles sont mortes et on ne peut les remplacer ;
d’autres ont été envoyées en Hollande parce qu’on ne pouvait plus
les nourrir ; celles qui restent ont l’air lonely. Moi, je me promène
dans ce jardin, bien désemparée aussi.
Les grues font un tour de valse quand elles voient arriver leur
gardien ; nous, quand nous voyons arriver un de nos gardes-
chiourmes, nous avons envie de nous fourrer dans un petit trou, tant
ils nous épouvantent.
5 juin 1917.
21 août 1917.
29 novembre 1917.
1917.
La grue du Sénégal claironne sa musique à soufflet, puis fait
quelques tours sur le gravier humide de sa cage. Elle se picote, et,
lasse du froid et d’être seule, elle tourne son cou en forme de S sur
le dos, fourre sa tête sous ses ailes, puis replie une patte sous son
ventre et reste, tremblotante de froid, en équilibre sur l’autre pied.
Elle me fait pitié, l’adorable grue couronnée du Sénégal.
6 février 1918.
16 avril 1918.