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Language: French
MA RC E L G I A RD
LIBRAIRE-ÉDITEUR
16, RUE SOUFFLOT ET 12, RUE TOULLIER
PA RI S ( 5 e )
1923
DU MÊME AUTEUR
C’est à ce moment qu’elle lut dans les journaux, le compte rendu des
discours prononcés aux banquets qu’organisait Léon Richer fondateur et
directeur de l’Avenir des Femmes, où collaborait Maria Deraismes.
Les idées qui y étaient émises lui semblaient avoir toujours été les
siennes: combattre pour la libération de son sexe fut pour elle l’indication
de la voie qu’elle devait suivre. Elle était orpheline et indépendante au
point de vue économique; elle vint à Paris pour se mêler à ceux qui
travaillaient pour que les femmes aient leurs droits. Dès ce temps elle put
dire:
«Ma vie est peu importante, tout y est calme et d’une parfaite
simplicité; pas d’accident, pas d’aventures, une existence de
recluse. Je me suis faite justicière, non par goût mais par devoir.
Voyant que personne n’osait entreprendre ce que je veux qui soit
tenté, j’ai vaincu ma timidité excessive et je suis partie en guerre
sans peur comme le chevalier Bayard, parce que comme lui j’étais
sans reproche.»
Très sociable, elle fut bien accueillie dans le milieu qui combattait pour
que justice soit faite aux femmes.
La Société avait pour devise: Pas de devoirs sans droits. Pas de droits
sans devoirs, et son but final était: l’égalité parfaite des deux sexes devant
la loi et devant les mœurs.
En 1883 son titre fut changé en celui de «Suffrage des Femmes» qui
exprimait mieux ses idées directrices.
Pour obtenir le concours des femmes, elle lança aux Femmes de
France cet éloquent appel:
Femmes de France
Malgré les bienfaits de notre révolution de 1789, deux sortes
d’individus sont encore asservis: les prolétaires et les femmes. Les
femmes prolétaires ont un sort bien plus déplorable encore...
Nous n’avons aucuns droits. Si préoccupées que nous soyons
du bonheur de notre pays, nous sommes impitoyablement
repoussées de toutes les assemblées, tant électives que
législatives. La République veut cependant le concours de tous et
de toutes. Nous comptons moins que rien dans l’Etat; l’homme qui
joint à la sottise l’ignorance la plus profonde compte plus en
France que la femme la plus instruite; il peut nommer ses
législateurs; la femme ne le peut pas. Elle est un être à part, qui
naît avec beaucoup de devoirs et pas de droits.
Quelle singulière anomalie! La femme est incapable pour les
actes de la vie sociale et politique; on l’assimile aux interdits et aux
fous, et quand elle s’écarte de la loi, elle est tout aussi sévèrement
punie que l’homme en pleine possession de ses capacités.
Toute carrière libérale nous est fermée; nous ne devons nous
immiscer dans aucune administration financière; cependant le fisc
nous trouve bonnes pour payer les frais que notre sexe n’a pas été
admis à discuter.
Pour montrer que l’égalité politique et civile des femmes pouvait tout
naturellement devenir une réalité, Hubertine Auclert et les sociétaires du
«Droit des Femmes», tentèrent de se faire inscrire sur les listes
électorales. On leur refusa cette inscription. Elles portèrent la question
devant le Conseil de Préfecture et Hubertine Auclert alla plaider elle-
même la revendication de ce droit devant le Conseil d’Etat. La Cour de
cassation s’en référa à la Constitution de 1791 pour refuser.
En 1880 elle refusa de payer ses impôts: «parce que les femmes ne
devaient pas payer les contributions, puisqu’elles n’étaient pas admises à
contrôler l’emploi de leur argent.» Ce qui lui valut la saisie de ses
meubles.
Elle a reproduit dans son volume le Vote des Femmes, page 136, sa
demande de dégrèvement d’impôts et les raisons qui la motivait, ainsi que
sa défense devant le Conseil de préfecture et le Conseil d’Etat, la logique
même qui n’empêcha pas ses juges de lui donner tort.
Un huissier vint mettre les scellés sur ses meubles et lui en laissa la
garde; la manifestation ayant eu la publicité suffisante pour faire réfléchir
les femmes à la justesse des arguments employés, Hubertine Auclert
paya ses impôts.
Alexandre Dumas, dans les Femmes qui tuent et les Femmes qui
votent a raconté son refus de payer l’impôt: Mlle Hubertine Auclert dit: