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FILIERE : Études françaises

Module : Histoire des idées et des arts. XVIIIè-XIXè siècles.


S3. G.3.
Professeur : Bouddouh
Histoire des idées et des arts. XVIIIè et XIXè siècles

Ce cours vise à montrer l’évolution de l’histoire des idées et des arts des 18è et 19è
siècles français ; à mettre en lumière autour de quelques textes fondamentaux les contextes
culturels et historiques des époques étudiées. Pour ce faire, nous tenterons de mettre au jour
l’émergence des grands courants d'idées, parmi lesquels : les héritages des Lumières et de la
Révolution française à la fin du XVIIIè siècle, l'utopie, la figure de l'écrivain engagé, le
positivisme, le romantisme, la modernité... Des extraits d’un certain nombre d’œuvres
particulièrement représentatives de chacun de ces courants feront l’objet d’une étude plus
détaillée en classe. Le développement des idées, de l'art et de la littérature étant intimement lié
à celui de la culture et de la société, ce cours aura pour objectif d’éclairer deux perspectives :

I. la première sera consacrée au contexte socio-discursif ; elle mettra au jour les liens
entre pouvoir politique et systèmes philosophiques et idéologiques, l’engagement politique de
l’écrivain ou son retrait de la vie publique.

II. La seconde sera vouée au contexte intellectuel global : le rapport entre les idées et
l’histoire, la philosophie, la politique.
PLAN DU COURS

I. Présentation générale

II. L’héritage de la Révolution française : de la liberté d'expression à la liberté

d'imprimer.

Textes : la production pamphlétaire pré-révolutionnaire et révolutionnaire.

III. Utopies et réformateurs sociaux (Saint-Simon, Fourier, Cabet, Louis Blanc…)


Textes :
IV. Régimes, classes politiques et crises (L’Affaire Dreyfus et l'engagement de l'écrivain)

V. De la démocratie à l’idée républicaine

VI. Le Positivisme et l’esprit scientifique : l'idée de progrès

VII. Le mouvement culturel et artistique : Romantisme, Réalisme, Naturalisme

VIII. Le mouvement culturel et artistique (suite) : Décadentisme, Symbolisme,


Impressionnisme
TEXTES
Histoire des idées et des arts. XIXe siècle

Professeur : M. Bouddouh

Faculté des lettres et des sciences humaines

Filière : Etudes françaises

L'époque prérévolutionnaire : l'exigence culturelle et le prestige de


l'écrivain

« On n'imprime plus à Paris, en fait de politique et d'histoire, que des satires et des
mensonges. L'étranger a pris en pitié tout ce qui émane de la capitale sur ces matières ; les
autres objets commencent à s'en ressentir, parce que les entraves données à la pensée, se
manifestent jusques dans les livres de pur agrément. Les presses de Paris ne devraient plus
servir que pour les affiches, les billets de mariages et les billets d'enterrements; les
almanachs sont déjà un objet trop relevé, et l'inquisition les épluche et les examine. Quand je
vois un livre revêtu de l’autorité du gouvernement, je parie, sans l'ouvrir, que ce livre
contient des mensonges politiques. Le prince peut bien dire, ce morceau de papier vaudra
mille francs; mais il ne peut pas dire, que cette erreur devienne vérité, ou bien que cette vérité
ne soit plus qu'une erreur. Il le dira, mais il ne contraindra jamais les esprits à l'adopter. Ce
qui est admirable dans l’imprimerie, c’est que ces beaux ouvrages, qui font l'honneur de
l'esprit humain, ne se commandent point, ne se paient point : au contraire, c’est la liberté
naturelle d'un esprit généreux, qui se développe malgré les dangers, et qui fait un présent à
l'humanité, en dépit des tyrans : voilà ce qui rend l'homme de lettres si recommandable, et ce
qui lui assure la reconnaissance des siècles futurs. » Louis Sébastien Mercier, Tableau de
Paris, t. I, Amsterdam, 1781, p. 190-191.

« Quelqu’un a appelé les gens de lettres estimables, les substituts de la magistrature. Ce mot
est très bien trouvé. Ils font aussi la police, en frondant les abus les plus dominants. On les a
vus s’élever contre les vices politiques, contre les ridicules dangereux et les opinions fausses.
Ils ont fait valoir les droits de la raison, depuis la satire Minipée jusqu’à la dernière brochure
politique ; et depuis peu, dans des crises très importantes, ils ont décidé l’opinion publique.
Elle a eu, d’après eux, la plus grande influence sur les événements. Ils semblent former enfin
l’esprit national. » Louis Sébastien Mercier, Tableau de Paris, t. VI, Amsterdam,
M.DCC.LXXXIII, p. 234-235.

« L’histoire nous a transmis qu’autrefois dans la ville d’Abdere, il s’éleva une certaine
épidémie, dont les symptômes étaient de courir les rues, en récitant des vers à tort et à
travers. Nous en éprouvons vraiment bien une d’un autre genre, et qui, sans être à beaucoup
près aussi gaie, n’en est pas moins forte, ni moins dangereuse ; c’est l’épidémie des
Brochures. Une invitation pure et simple du Gouvernement, à dire son avis sur les Etats
Généraux, a développé subitement tous les miasmes patriotiques ; et depuis cette époque, il
n’est fils de bonne mère qui ait cru pouvoir, en conscience, se dispenser d’écrire sur cette
grande opération. […] Chacun croit avoir trouvé la pierre philosophale de l’Administration ;
et monté sur ses petits tréteaux, appelle à lui, à grands cris, la foule des Auditeurs. […] Et de
bonne foi ! Comment voulez-vous que le Ministère dans ce fatras d’idées entassées, sans
ordre, sans choix, sans méthode, puisse en extraire le peu de bonnes qui se trouvent
confondues et noyées dans la foule ? Ce serait vouloir déterrer des perles dans le fumier
d’Ennius. » Contre la multiplicité et le danger des brochures, Paris, 1789, p. 3-5.

« Si l'écrivaillerie, comme l'a dit Montaigne, est le symptôme d'un siècle débordé, jamais
époque ne fut plus débordée que celle où nous sommes arrivés [l’époque de la Révolution].
[…]. L'ardeur des esprits s'exhala d'abord dans des milliers de pamphlets, où étaient agitées
avec une extrême vivacité les questions qu'avait soulevées l'approche des États-généraux,
questions brûlantes, qui remuaient toutes les passions, toutes les fibres populaires. Mais à
peine les États généraux furent-ils réunis, qu'une foule de journaux surgirent comme par
enchantement, ceux-ci pour enregistrer, ceux-là pour discuter les actes de cette assemblée,
qui tenait l'Europe entière suspendue à ses débats. Du jour au lendemain, pour ainsi dire, le
pamphlet se fit journal, le brochurier journaliste. Le rôle du livre était fini; le pamphlet lui-
même était encore trop généralisateur, a dit un écrivain, pour suffire à la succession
quotidienne des évènements. Chaque séance des États généraux étant un évènement, et alors
l'unique et le plus grand évènement du monde, il fallut bien qu'il s'élevât une voix assez
puissante pour l'annoncer au jour le jour à toute la France attentive. Cette voix ne pouvait
qu'être celle du journal, qui se répand assez promptement pour satisfaire les curiosités
fiévreuses, et se lit assez vite pour ne point ralentir la vivacité des impressions. » Eugène
Hatin, Le Journal, Paris, Librairie Germer Baillière, 18…, p. 100-101.
Université Chouaib Doukkali Cours : Histoire des idées et des arts.
XIXe siècle

Professeur : M. Bouddouh

Faculté des lettres et des sciences humaines

Filière : Etudes françaises

L'époque révolutionnaire:le droit d'imprimer et de diffuser les écrits

« Nulle cause [que le droit d’imprimer] ne peut être plus intéressante pour tous les citoyens ; c’est le
premier combat qui va se livrer entre la liberté et le despotisme, entre les représentants de la nation et
le pouvoir exécutif. Du sort de ce combat dépend le sort de la constitution future. Point de
constitution, si la liberté succombe. Hâtons-nous donc de prouver que la liberté d’imprimer est un
droit naturel à l’homme. Qu’elle est nécessaire à la France dans les circonstances présentes,
nécessaire au Peuple, aux États Généraux, au Gouvernement. Qu’elle est inconciliable avec toute
espèce de censure. Qu’en conséquence les États généraux doivent, sur le champ, rendre la presse
libre, et arrêter, que tous Écrits, Journaux, et principalement ceux relatifs aux matières politiques,
doivent circuler librement par tout le Royaume. » J. P. Brissot de Warville, Mémoire aux États
généraux sur la nécessité de rendre, dans ce moment la Presse libre, et surtout pour les Journaux
politiques, juin 1789, p. 4.

« Pour diminuer l’ignorance, il faut rendre la liberté à la presse, et multiplier des secours
bien dirigés d'éducation publique. Ces secours manquent au peuple dans presque tous les
pays où, dirigées par les ministres de la religion, les institutions se bornent à faire entrer
dans l'esprit du peuple les idées propres à maintenir la puissance sacerdotale. La liberté de la
presse est encore un moyen de diminuer l'ignorance et les préjugés du peuple, non en
l'instruisant immédiatement, mais en répandant des lumières dans la classe supérieure la plus
voisine, et surtout en empêchant les gens intéressés à tromper le peuple, de l'entretenir dans
ses préjugés. » Condorcet, Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de, Idées sur le despotisme,
à l’usage de ceux qui prononcent ce mot sans l’entendre, 1789, dans : Œuvres de Condorcet,
publiées par A. Condorcet O’connor et M.F. Argo, tome IX, Paris, Firmin Didot, 1847, p.
163.

« Des philosophes ont-ils pu exister dans un pays si monstrueusement despotique ? Est-ce


véritablement en France, est-ce parmi tant de liens ridicules que les premiers écrivains du siècle ont
osé prendre un si noble essor ? Est-ce bien au milieu de ces barbares que Voltaire, Montesquieu, J.J.
Rousseau, d’Alembert, Diderot, Mably, Raynal, Helvétius, ont écrit avec une liberté courageuse ? Oui,
ces hommes sont des français. » Marie-Joseph Chénier, Dénonciation des inquisiteurs de la pensée,
Paris, Lagrange, 1789, 42-43.

« Si la philosophie s’est répandue dans les Provinces, si elle s’est montrée dans le conseil du roi, si
elle s’est fait jour au sein des corps les plus aristocratiques, si nous sommes enfin raisonnables à
beaucoup d’égards, nous le devons tous à ces hommes qui ont été persécutés. Ce sont eux qui nous ont
appris à penser ; ils nous ont menés comme par la main vers la vérité. Guidés par eux, nous avons
laissé les préjugés dans la poussière des collèges. Eux seuls ont préparé la REVOLUTION QUI
COMMENCE. Ils nous ont servi pendant leur vie ; ils nous servent encore du sein de leur tombe.
Leurs écrits sont plein d’un feu sacré qui nous échauffe et nous éclaire.» Marie-Joseph Chénier,
Dénonciation des inquisiteurs de la pensée, Paris, Lagrange, 1789, 42-43.
Faculté des lettres et des sciences humaines. El Jadida
Filière : Etudes françaises
Cours : Histoire des idées et des arts. XIXe siècle
Semestre III
Professeur : Bouddouh

Mme de Staël : la réévaluation critique de l’héritage politique et intellectuel


de la Révolution

« En contemplant, et les ruines, et les espérances que la Révolution française a, pour ainsi
dire, confondues ensemble, j’ai pensé qu’il importait de connaître quelle était la puissance
que cette révolution a exercée sur les lumières, et quels effets il pourrait en résulter un jour, si
l’ordre et la liberté, la morale et l’indépendance républicaine étaient sagement et
politiquement combinées. » Mme de Staël, De la littérature considérée dans ses rapports avec
les institutions sociales, édition de Paul Van Tieghem, Librairie Droz, Genève, 1959, p.38.Cet
ouvrage paraît en 1800.

« J’entends par philosophie la connaissance générale des causes et des effets dans l’ordre
moral ou dans la nature physique, l’indépendance de la raison, l’exercice de la pensée ;
enfin, dans la littérature, les ouvrages qui tiennent à la réflexion ou à l’analyse, et qui ne sont
pas uniquement le produit de l’imagination, du cœur, ou de l’esprit. » Ibid., p. 34.

« Toutes les récompenses de la monarchie, toutes les distinctions qu’elle peut offrir, ne
donneront jamais une impulsion égale à celle que fait naître l’espoir d’être utile. La
philosophie elle-même n’est qu’une occupation frivole dans un pays où les lumières ne
peuvent pénétrer dans les institutions. Lorsque la pensée ne peut jamais conduire à
l’amélioration du sort des hommes, elle devient, pour ainsi dire, une occupation efféminée ou
pédantesque. Celui qui écrit sans avoir agi ou sans vouloir agir sur la destinée des autres,
n’empreint jamais son style ni ses idées du caractère ni de la puissance de la volonté. » Ibid.,
p. 287.

« Dans le siècle de Louis XIV, la perfection de l’art même d’écrire était le principal objet des
écrivains ; mais, dans le dix-huitième siècle, on voit déjà la littérature prendre un caractère
différent. Ce n’est plus un art seulement, c’est un moyen ; elle devient une arme pour l’esprit
humain, qu’elle s’était contentée jusqu’alors d’instruire et d’amuser. » Ibid., p. 280.

« Les nations sans lumières ne savent pas être libres, mais changent très souvent de maîtres.
Eclairer, instruire, perfectionner les femmes comme les hommes, les nations comme les
individus, c’est encore le meilleur secret pour tous les buts raisonnables, pour toutes les
relations sociales et politiques auxquelles on veut assurer un fondement durable. » Ibid., p.
338.

« Ce qui dégradait les lettres, c’était leur inutilité ; ce qui rendait les maximes du
gouvernement si peu libérales, c’était la séparation absolue de la politique et de la
philosophie ; séparation telle, qu’on était jugé incapable de diriger les hommes, dès qu’on
avait consacré ses talents à les instruire et à les éclairer. Il reste encore des traces de cette
absurde opinion ; mais elles doivent s’effacer chaque jour. » Ibid., p. 325.

« L’influence trop grande de l’esprit militaire est aussi un imminent danger pour les états
libres ; et l’on ne peut prévenir un tel péril que par les progrès des lumières et de l’esprit
philosophique. » Ibid., p. 35.

« J’ai tenté de montrer avec quelle force la raison philosophique, malgré tous les obstacles,
après tous les malheurs, a toujours su se frayer une route, et s’est développée successivement
dans tous les pays, dès qu’une tolérance quelconque, quelque modifiée qu’elle pût être, a
permis à l’homme de penser. Comment donc forcer l’esprit humain à rétrograder, et lors
même qu’on aurait obtenu ce triste succès, comment prévenir toutes les circonstances qui
pourraient donner aux facultés morales une impulsion nouvelle ? […] Quand on imiterait
l’inquisition d’Espagne et le despotisme de Russie, il faudrait encore être assuré que dans
aucun pays de l’Europe, il ne s’établira d’autres institutions ; car les simples rapports de
commerce, même lorsqu’on interdirait les autres, finiraient par communiquer à un pays les
lumières des pays voisins. » Ibid., p. 420.

« Ce sont les philosophes qui ont fait la Révolution, ce sont eux qui la termineront. Les
généraux, considérés seulement sous leurs rapports militaires, auront beaucoup moins
d’influence sur l’intérieur de la France que les penseurs écrivant ou parlant à la tribune ou
dans les livres. » (Des circonstances qui peuvent terminer la Révolution…)
Université Chouaib Doukkali Cours : Histoire des idées et des
arts. XIXe siècle
Professeur : M. Bouddouh
Faculté des lettres et des sciences humaines
Filière : Etudes françaises

L'UTOPIE

« Le seul moyen d'organiser le bonheur public c'est l'application du principe de l'égalité.


L'égalité est impossible dans un État où la possession est solitaire et absolue ; car chacun s'y
autorise de divers titres et droits pour attirer à soi autant qu'il peut, et la richesse nationale
(...) finit par tomber en la possession d'un petit nombre d'individus qui ne laissent aux autres
qu'indigence et misère. (...) Le but des institutions sociales en Utopie est de fournir d'abord
aux besoins de la consommation publique et individuelle, puis de laisser à chacun le plus de
temps possible pour (...) cultiver librement son esprit. (...) Les Utopiens ont la guerre en
abomination, comme une chose brutalement animale. (...) Ce n'est pas pour cela qu'ils ne
s'exercent pas (...) à la discipline militaire mais ils ne font la guerre que (...) pour défendre
leurs frontières, ou pour repousser une invasion ennemie sur les terres de leurs alliés, ou
pour délivrer (...) du joug d'un tyran un peuple opprimé par le despotisme. »Thomas
More, L'Utopie (1516), livre second, Des religions de l'Utopie, 1516.

« N'est-elle pas inique et ingrate la société qui prodigue tant de biens (...) à des joailliers, à
des oisifs, ou à ces artisans de luxe qui ne savent que flatter et asservir des voluptés frivoles
quand, d'autre part, elle n'a ni cœur ni souci pour le laboureur, le charbonnier, le
manœuvre, le charretier, l'ouvrier, sans lesquels il n'existerait pas de société. Dans son cruel
égoïsme, elle abuse de la vigueur de leur jeunesse pour tirer d'eux le plus de travail et de
profit; et dès qu'ils faiblissent sous le poids de l'âge ou de la maladie (...), elle oublie leurs
nombreuses veilles, leurs nombreux et importants services, elle les récompense en les
laissant mourir de faim. (...) En Utopie, au contraire où tout appartient à tous, personne ne
peut manquer de rien, une fois que les greniers publics sont remplis. Car la fortune de l'État
n'est jamais injustement distribuée en ce pays. L'on n'y voit ni pauvre ni mendiant et
quoique personne n'ait rien à soi, cependant tout le monde est riche. Est-il en effet de plus
belle richesse que de vivre joyeux et tranquille sans inquiétude ni souci ? Est-il un sort plus
heureux que celui de ne pas trembler pour son existence ? » Ibid.

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