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L’Histoire,

une discipline d’enseignement


Selon André Chervel, ce n’est qu’après la
Première Guerre mondiale que le terme de
discipline « devient une pure et simple rubrique
qui classe les matières de l’enseignement, en
dehors de toute référence aux exigences de la
formation de l’esprit » . Toute discipline possède
des constituants qui lui sont propres : une
méthode, des savoir-faire, des contenus, des
pratiques. Tous ces éléments combinés
permettent de l’identifier.
I. La société d’Ancien Régime et l’enseignement
de l’Histoire.

A. Le préceptorat princier au temps de Louis XIV.


En 1664, Claude Oronce Fine de Brianville, aumônier de Louis XIV et
précepteur de son fils, le Dauphin Louis, né en 1661, publie à la demande de
Madame de Montausier, gouvernante du dauphin,

Abrégé méthodique de l’histoire de France par la chronologie, la


généalogie, les faits mémorables et le caractère moral et politique de tous
nos rois… dédié à Monseigneur le Dauphin.
Bossuet qui enseigne qui enseigne l’Histoire à Louis XIV a écrit au Pape
Innocent XI :

« Enfin nous lui avons enseigné l’histoire. Et comme


c’est la maîtresse de la vie humaine et de la
politique, nous l’avons fait avec une grande
exactitude ; mais nous avons principalement eu
soin de lui apprendre celle de la France qui est la
sienne…nous ne descendons… dans un trop grand
détail des petites choses…mais nous remarquons
les mœurs des nations bonnes ou mauvaises, les
coutumes anciennes, les lois fondamentales, les
grands changements et leurs causes…les fautes des
rois et les calamités qui les ont suivies… »
Si l’on prend l’Instruction sur l’histoire de France par demandes et réponses de
Claude Ragois publié après sa mort en 1675 (il était le précepteur du Duc du
Maine fils de LouisXIV et de Madame de Montespan.

Voici ce que l’on y trouve :

« Demande : Qu’est-ce que l’histoire ?


Réponse : C’est un récit véritable des événements passés.
Demande : En quoi l’histoire est-elle utile ?
Réponse : En ce qu’elle nous donne des instructions de politique et de morale.
Demande : Quelle est l’histoire qui nous est le plus nécessaire de savoir ?
Réponse : Celle de la nation.
Demande : Pourquoi ?
Réponse : Parce qu’elle nous donne plus d’usage des choses qui se passent parmi
nous. »
B. L’enseignement de l’Histoire entre les mains de la
bourgeoisie.

C. La place des plans d’éducation.


L’abbé Hazard regarde d’ailleurs dans son plan,
cet enseignement de manière assez critique en
précisant : « La méthode d'enseigner l'Histoire
Romaine dans les collèges, ne me paraît pas
propre à faciliter les progrès des jeunes gens; on
ne fait point assez de cas de la chronologie, qui
seule peut classer dans la mémoire la suite de
l'Histoire, en distinguer les temps, y mettre de
l'ordre et de la clarté; la plupart des écoliers
n'ont l'esprit meublé que de traits historiques
détachés... »
Abbé HAZARD, Avis aux bons parents ou plan d’éducation patriotique, Paris,
1789, p. 7.
"L'étude de l'histoire détermine
nécessairement celle de la géographie. Sans
celle-ci la première n'est plus qu'une vaste
forêt où nous errons sans boussole et sans
guide. La connaissance des lieux doit donc
accompagner celle des faits, parce qu'elle est
comme le fil qui conduit nos pas incertains à
travers les détours infinis des Empires."

Plan d'éducation nationale tracé à l'occasion des Mémoires présentés à


l'Académie de Châlons-sur-Marne, touchant les moyens d perfectionner
l'Education des Collèges en France Bibliothèque Nationale Gallica, 1784.
« La Chronologie n'est pas moins utile que la
Géographie; la première donne aux faits un temps
fixe, comme la seconde leur assigne un lieu
déterminé. Des abrégés de l'une et de l'autre de ces
sciences suffiront d'abord; on marquera seulement
les grandes époques et les lieux renommés : bientôt
les intervalles se rempliront et à l'aide des tables et
des cartes qui seront toujours exposées dans les
classes, ces deux sciences entreront dans l'esprit
par les yeux et se trouveront apprises sans effort et
sans application. »

Mémoire du Bureau servant de la communauté de Rennes sur le plan


d'éducation demandé par arrêt de la cour du 23 décembre 1761, proposé en
forme de réquisitoire par M. le Meur, Procureur du Roi, syndic à l'Assemblée
générale, tenue en l'hôtel de ville, où présidait M. le Masson des Longrais,
Doyen des échevins en exercice, le 3 juin 1762. Renne 1762, p. 18.
« L'histoire est la honte de l'humanité, chaque page est un tissu de crimes
et de folies, dit M. Mercier. Je suis bien de cet avis, mais il ne faut pas en
supprimer la connaissance pour cela. Si l'on veut l'enseigner avec fruit à
la jeunesse, il faut refondre, puis en composer de courts traités
élémentaires, des abrégés soignés, dépouillés surtout du langage de la
cagoterie, du merveilleux, de la basse flatterie, du récit fastidieux des
sièges de batailles et des plats mensonges qui la défigurent depuis Noé
jusqu'à nous. Enfin il la faut présenter du côté moral, nourri de
réflexions judicieuses, impartiales et philosophiques. Tel est le tableau de
l'histoire de France par l'excellent écrivain cité ci-dessus, c'est un chef
d'œuvre et je suis encore à m'étonner qu'il ne soit pas entre les mains de
la jeunesse. » .

Anne-François Joachim Fréville Lycée des Emiles ou plan d'éducation


nationale propre à former les jeunes gens au talent de la parole, à l'étude
de l'histoire, au goût des langues étrangères et surtout à la pratique des
mœurs, Paris 1790, p. 32.
Parallèlement, le plan anonyme de Châlons datant de
1784, souligne, tout l’aspect moral et civique de
l’enseignement de l’Histoire :

« L'Histoire est plus propre à former l'esprit et le


cœur de la jeunesse que toutes les connaissances
qu'on leur enseigne dans les Collèges. Elle donne aux
enfants l'expérience que la nature leur refuse; elle
leur apprend la plus importante des sciences, celle du
cœur humain, elle leur enseigne le grand art de se
conduire avec leurs semblables et celui de se
gouverner eux-mêmes. »
II. Le XIXe siècle : l’âge d’or de l’Histoire ?
François Guizot
Puis il écrit dans Mémoires pour servir à l’histoire de
mon temps :
« Je suis de ceux que l’élan de 1789 a élevés et qui ne
consentiront point à descendre. Mais si je ne tiens à
l’ancien régime par aucun intérêt, je n’ai jamais
ressenti contre l’ancienne France aucune amertume
(…) Parce qu’elle est pleine d’éléments nouveaux, la
société française n’est pas nouvelle ; elle ne peut pas
plus renier ce qu’elle a été jadis que renoncer à ce
qu’elle est aujourd’hui ; elle établirait dans son sein le
trouble et l’abaissement continus si elle demeurait
hostile à sa propre histoire. L’histoire c’est la nation,
c’est la patrie à travers les siècles. »
Il se démarque de ses homologues
contemporains par une narration très
vivante et presque romancée, mêlant
érudition et imagination.

On lui doit aussi la première étude


critique des institutions communales
françaises.

•Essai sur l'histoire de la formation et


des progrès du tiers état, Genève,
Mégariotis Reprints, 1978 .

•Récits des temps mérovingiens,


Bruxelles, Complexe, 1995, coll.
Historiques, 94.

•Recueil des monuments inédits sur


l'histoire du tiers état, Paris, éd. du
CTHS, 1970.

Augustin Thierry
1794-1856
Parmi ses œuvres les plus célèbres de
l'époque, Histoire de France, qui sera suivie
d'une non moins monumentale Histoire de la
Révolution

Jules Michelet
(1798-1874)
Qu'est-ce qu'une nation ? (1882). Dans ce
discours, Renan s’efforce de distinguer race et
nation, soutenant que, à la différence des
races, les nations s’étaient formées sur la base
d’une association volontaire d’individus avec
un passé commun : ce qui constitue une
nation, ce n'est pas parler la même langue, ni
appartenir à un groupe ethnographique
commun, c'est « avoir fait de grandes choses
ensemble, vouloir en faire encore » dans
l'avenir.

Ernest Renan
1823-1892
II. Le XIXe siècle : l’âge d’or de l’Histoire ?

A. De 1814 à 1830 : période de la Restauration.


B. De 1830 à 1848 : période de la monarchie de Juillet

C.Le Second Empire


II. Le XIXe siècle : l’âge d’or de l’Histoire ?

A. De 1814 à 1830 : période de la Restauration.


B. De 1830 à 1848 : période de la monarchie de Juillet

C. Le Second Empire
D. Les débuts de la IIIème République :
En 1876, Monod fonde avec Gustave Fagniez la Revue historique.
Cette publication, qui marque la naissance d'une nouvelle école
historiographique, est patronnée par des « anciens » tels que
Duruy, Taine, Fustel de Coulanges, Renan, ainsi que par quelques
jeunes historiens à l'avenir prometteur, dont Lavisse et Rambaud.
La Revue historique est d'abord un organe de combat contre la
Revue des questions historiques, animée par des aristocrates
ultramontains et légitimistes. Elle défend aussi une certaine idée
de la profession historienne, tels que le travail sur archives et la
référence aux sources, et pose les premières bases de l'histoire
méthodique telles qu'elles sont théorisées dans l'Introduction aux
études historiques de Langlois et Seignobos publiée en 1897.

Gabriel Monod (1844-1912)

Allemands et Français, Souvenirs de Campagne: Metz - Sedan - La Loire, Sandoz et


Fischbacher, 1872.
Histoire de l'Europe et en particulier de la France de 395 à 1270 (avec Charles
Bémont), 1891.
Renan, Taine, Michelet : les maîtres de l'histoire, 1894.
Études critiques sur les sources de l'histoire mérovingienne
Études critiques sur les sources de l'histoire carolingenne, 1898.
l’Agrégation d’Histoire et de géographie est rétablie en
1860. Avec une ambivalence importante soulignée par
Ernest Lavisse :

« Les professeurs de la Sorbonne (…) ont le devoir de


former de bons maîtres pour les lycées et les collèges et,
dans ces maîtres, ils veulent à la fois préparer l’historien
(…) Peut-on préparer à la fois à l’enseignement, qui est
une affirmation, et à la pratique d’une méthode
historique, qui est une recherche ? »(p. 86)
EX / La Société des professeurs d’histoire et de géographie de
l’enseignement public est favorable en général au
développement d’une documentation iconographique et à sa
diffusion mais la régionale de Strasbourg peut écrire :

« Il n’est pas recommandable de faire une leçon en partant


d’un texte, de construire l’histoire devant les élèves en se
servant uniquement de textes. Pour expliquer un texte, il faut
d’abord savoir de l’histoire. Le texte sera une illustration, un
complément, un commentaire après lecture du manuel et des
explications du professeur. »
III. Les Transformations du XXe siècle.
A. L’entre-deux-guerres.
B. La Seconde guerre mondiale.

C. La période 1950-1970
Une augmentation des effectifs (titulaires en Histoire à
temps complet) :

- 1954-55 : 2 730
- 1965-66 : 7 456
- 1974-75 : 10 276
- 1984-85 : 14 608
- 1994-95 : 23 342
III. Les Transformations du XXe siècle.
A. L’Entre-deux-guerres.
B. La Seconde guerre mondiale.

C. La période 1950-1970

D. La période des années 1970-90


Intervention de Michel Debré, gaulliste et premier chef de
gouvernement de la Vème République. Il intervient le
30mai 1980 devant ses collègues députés :

« On enseigne plus l’histoire ni dans les écoles, ni dans les


lycées. L’histoire, c’est d’abord la chronologie : la
chronologie a disparu. L’histoire, ce sont ensuite des récits,
il n’y a plus de récits. C’est aussi la relation de faits et
d’événements, c’est faire connaissance avec de grands
hommes tout autant que de s’imprégner d’idées… »

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