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Aymeric CHAUPRADE
Docteur ès sciences politiques
Du même auteur
• L'esparr économique francoplione, Pour une francophonie intégrale, Paris, Ellipses, 1996
• Histoires d'Égypte, Paris, Les Belles Lettres, 1996
• Beyrouth éttrnelle, Paris, Asa éditions, 1998 (traduit en arabe et en anglais)
• Dictionnaire de géopolitique, avec François Thual, 3e édition, Paris, Ellipses, 2007
• Introduction il l'analyse géopolitique, Paris, Ellipses, 1999 (épuisé)
• Les Balkans, la Guem du Kosovo (en collaboration), Paris/Lausanne, L'Âge d'Homme,
2000
• Géopolitique, Constantes et changements dans l'histoire, Paris, Ellipses, 2003, 2 • éditton,
Prix Renaissance, 2005
Avertissement
L'auteur assume la pleine responsabilité de ses écrits. Ceux-ci ne sauraient
traduire une quelconque "pensée officielle' .
Le lecteur est libre de dialoguer avec l'auœur par courrier électronique :
aymeric .chauprade@caramail.com, ou en adressant du courrier postal aux
éditions Ellipses, 32 rue Bargue, 75015 Paris.
Remerciements
Aux professeurs Jean-PauJ BLED et Jacques FRÉMEAUX (Histoire,
Université Sorbonne, Paris IV), Edmond JOUVE (Science Politique, Unive!'Sité
Paris V), Jacques SOPPEl..SA (Géographie, Université Paris l), Charles
ZORGBIBE (Science politique, Université Paris 1), pour te soutien unanime
qu'ils ont apporté à cet effort de réflexion multidisciplinaire.
Aux Généraux PORCHIER, FLIOiY, JOURNEAU, DE USI, à l'Amiral
TOUBON, aux colonels LALANNE-BERDOUTIQ COMPAIN, LAUZIER, au
C. V JENNER ma gratitude pour leur soutien_
À mes lecteurs, dont certains ont bien voulu enrichir le conœnu de la 3"
édition par leurs remarques ou corrections d 'inexactitudes.
"De même que le monde est un corps composé de tous les corps, la ~
est une cause composée de toutes les causes"
Marc-Aurèle, Pensées poor moi-même.
Le plus grand dérèglement de l'esprit consiste à voir les choses telles qu'on le veut et non
pas telles qu'elles sont.
Bossuet
Si vous êtes trop lâr/rr pour regarder ce monde en face afin de le voir tel qu'il est, dituumn
les yeux, fendez les mains à ses chaînes.
Georges Bernanos
La science historique a large ment progressé dans la recherc he de la vérité des faits.
Qu1il s 1agisse de Phistoire ancienne ou de l'histoire contemporaine, les méthodes
d'analyses du matériau historique, comme le trava il d'archives, et l'ensemble des
travaux spécialisés, sur un thème, une période précise, donnent accès à des
connaissances de plus en plus affinées. Pour autant la trace humaine suffit-elle à
reconstituer une réalité évanouie dans les profondeurs du temps 7
L'un des mérites de la recherche historique est d'avoir démonté tous les modèles
explicatifs simples que l'histoire mondiale1 avait bâtis durant des siècles. À Hérodote
qui voulut expliquer les Guerres Médiques par le choc des cultures grecque et perse
Thucydide, dans sa description des Guerres du Péloponnèse, opposa le souci de la
véracité des faits. Toutes les interprétations globa les de l'histoire, tous les modèles
explicatifs ont été invalidés par les progrès dans la connaissance des faits historiques.
Au fond, on est aujourd'hui condui t à se remettre au travail en s'étant, au préalable,
soigneusement lustré de tous ces grands modèles q ue l'Universi té nous a enseignés,
ceux que l'on se répétait par cœur comme s'ils étaient les formules magiques résumant
le monde: l'explication cycliq ue du destin des civilisations et de cultures, les trois âges
de Vico - âge divin, âge des héros, âge humain-, les trois âges d'Auguste Comte -
théologique, métaphysique, positiviste - , des deux phases de Spencer - contrainte
puis liberté - , les deux solidarités successives de Durkheim - extérieure et
intérieure - , les densités croissantes de Levasseur ou de Ratzel, les chaînes de Karl
Marx - société prinutive, esclavagisme, féodalisme, capitalisme, socialisme - , et, plus
près de nous, la Fin de !'Histoire de F. Fukuyama, le choc des civilisations de
S. Huntington ..
Les historiens spécialistes au ront sans doute toujours raison de se moquer des
généra listes, qu'ils soient historiens ou politistes, qui aba issent leur effort
d'interprétation globale à la défense d'une causa lité univoque et systématique. Et il ne
faut pas regretter le naufrage des explications purement "civilisatio1melle", purement
"économiquen ou purement 11 îdéologique" de l'histoire.
Repousser "l'idéologisme"
1 L'his1oirc mondiale n'est guère prisée en France et souvent mèmc méprisée par les historiens.
l11trod11ctio11 générale
l "Lo ngtemps. en effet. on a pensé que des causes très générales - enjeux êconomiqucs. relations de productions et
d'échanges entre les hommes - cond itionnaient les comportements politiques. la YOlonté de puissance des dirigeants et mèmc.
indirectement. le patriotisme des citoyens.", in Y. LACOSTE. Dictionnaire de géopolitiq11e, Paris. Flammarion. 1993, "prêambulc".
p. 2
2 "À supposer qu'il y ait des ent i!és. des zones écono miques à limites relativement fixes, une méthode géographique
d'obsm·ation ne serait-clic pas efficace? Plus que les étapes sociales du capitalisme 1•.. 1 n'y aurait-il pas intérêt à décrire les étapes
géographiques du capitalisme. ou. plus largement. {I promouvoir systématiquement dans nos études d'histoire. des recherches de
géographie économique - en un mot. cl voir comment s'enregistrent dans des espaces économiques donnés. les ondes et les
péripéties de l'histoire? 1..• 1 Exemple : au XVIUC siècle l'économie de la France se détache de la Méditerranée malgré la montée
des trafics pour se tourner vers l'océan: mouvcmcm de torsion entraînant à tnwers routes. marchés et villes. d'importantes
tra11<;fonnmions. 1. .. ] Les perspectives longues de l'histoire suggèrent que la vie économique obéit ii de grands rythmes. Les vil les
glorieuses de l'Italie médiévale dont le xv1c siècle ne marquera pas bmtalcment le décl in établirent leur fortune grâce au profil des
tra115ports routiers et maritimes. Ainsi Asti, ainsi Venise, ai115i Gènes. L'activité marchande suivit. puis l'activité industrielle. Enfin .
oouronnemc:m tardif, l'activité bancaire. Épreuve inverse. le déclin toucl"la successivement. il de très longs imervallcs quelquefois,
- et non sans retours - les transports. le commerce. l'industrie. laissant subsister. longtemps encore. les fonctions bancaires. Au
XVIIIe siècle. Venise et Gênes som toujours des places d'argent.", in F. BRAU DEL, Écritss11r l'hisloire. 1969: Paris. Flanunarion,
198-1-. coll. "Champs". p. 129-130.
3 Qu'on ne doit pas réduire. aprês tout. {I un intérêt cynique. au sens machiavélicn. mais qui est aussi une ét hique de la foi .
4 Mais que pouvait peser la proximité idéologique ent re les deux autoritarismes portugais et espagnol alors même que la seule
préoccupation du Portugal. du traité de Windsor de 1373 jusqu'en 1945 . avait été de s'allier il l'Angleterre pour ne pas être absorbé
par l'Espagne ?
5 Richelieu. pourtm1t catholique:. ne s'opposa-1-il pas au projet de la Comre-Réfom1c défendu par les Habsbourg parce qu'il
défendait la raison d'État française. et non l'idéal catholique? Le Cardinal de Richelieu avait pu affinncr: "l'État n'a pas
d'immortalité. so n salut c'est maintenant ou jamais", pour justifier une politique de défense des princes protcstams cont re la Saimc
Ligue catholique: qui encerclait la Frnncc:.
6 Lors des tmctations qui all:1icn1 déboucher sur le pacte gcnnano-soviétîquc de 1939. Staline insis1a sur la notion de sphère
d'innucncc so'•iétiquc : Finlande, Bulgarie, Turquie avec des bases mLx Dardanelles. Balkans. Ir.ut golfe Persique .
lntroduction générale 9
Aujourd'hui l'idéologie soviétique s'est effondrée. Les intérêts russes dans les
Balkans, dans le Caucase, en Asie centrale ont-ils disparu pour autant? Autour de la
question afghane et de l'Asie centrale, un axe Moscou-Erevan-Téhéran-New Delhi ne
continue-t-il pas, comn1e hier, et en dehors de tout discours de com_munisme
international ou de non-alignement, à se heurter à un axe Washington-lslamabad-
Riyad 7 Les communistes russes d'aujourd'hui ne défendent-ils pas surtout les
permanences de la Russie impériale?
Durant la Guerre froide, nombre de pays du Tiers Monde se sont liés à l'Union
soviétique, sur des motifs apparemment idéologiques. Aujourd'hui, les Russes sont
affaiblis: qui soutient1 Cuba dans son combat plus insulaire que communiste contre le
puissant voisin américain? Réponse: tous ceux qui ont intérêt à ce que l'ensemble du
continent américain ne connaisse pas le sort que lui prédisait le président James
Monroe2; le Vatican par exemple, et d'autres États qui ont une vocation mondiale.
L'Amérique mène-t-elle une politique étrangère volontaire seulement pour imposer
au monde son modèle démocratique et libéral? La politique américaine peut-elle se
résumer à l'exportation d'un idéal?
Après l'isolationnisme précoce du XIXe siècle, les États-Unis sont venus à la
politique mondiale. Deux traditions politiques servent de manière apparemment
contradictoire la présence mondiale des États-Unis: l 1idéalisme wilsonien fondé sur la
volonté d'exporter les valeurs américaines dans le monde ; le pragmatisme rooseveltien
à la recherche de l'équilibre mondial et prenant en compte la réalité des intérêts3. La
politique étrangère des États-Unis est un alliage de ces deux tendances; on peut même
affirmer qu'elle oscille' entre une politique rooseveltieime habillée par un discours
wilsonien et une politique wilsonienne jamais oublieuse des intérêts américains. Pour
en trer dans la Seconde Guerre mondiale qui va donner aux États-Unis la maîtrise des
mers et l'accès à la puissance mondiale, il faut convaincre l'opinion américaine et le
Congrès en usant d'arguments idéalistes. De la même façon, chaque engagement
américain durant la Guerre froide doit être justifié, auprès du Congrès, par ce même
idéalisme. En 1946, le Congrès est convaincu par des argumen ts idéalistes que
l'Amérique doit prendre, en Grèce et en Turquie, le relais de l'influence anglaise, face à
la poussée soviéto-russe vers les mers chaudes.
Faut-il encore croire que l'idéologie commande la rupture entre la Chine et
!' U.R.S.S. en pleine Guerre froide, alors que le communisme devait rassembler les deux
géan ts rouges et non les diviser? Et plus tard, que faut-il penser de cette guerre entre
Khmers rouges soutenus par Pékin et Communistes vietnamiens soutenus par
Moscou?
Faut-il croire, dans les années 1960-1970, que les Américains endiguent le
communisme en Asie ou bien qu'ils contiennent la poussée russe traditionnelle vers les
rivages de l' Eurasie? Faut-il admettre que l'administration Nixon mène une politique
idéaliste lorsqu'elle défend les Droits de l'Homme en U.R.S.S. et qu'elle alimen te en
même temps les troubles à l'intérieur de la Russie soviétique 7 Quant à l'appui
américain au sort des juifs d'Union soviétique ne va-t-il pas dans le sens de l'alliance
avec Israël contre les Soviétiques et leurs alliés arabes? L'Amérique uni versaliste,
idéaliste, en même temps qu'elle parlait sous Reagan de !'U.R.S.S. comme l'Empire du
Mal, n'appuyait-elle pas les fondamentalistes musulmans en Afghanistan ou les
régimes forts en Amérique latine?
l Le mot esl trop fort : au moins. qui ne participe pas de l'iso lationnisme voulu par Washington fi l'encontre de La Ha,'lme?
2 Nous fai sorlS allusion ala doctrine Monroe dont le progmmme se résume ù un slogan "L'Amérique aux Américai1lS".
3 Notamment. 1nais pas seulement. le pétrole.
4 Selon les présidents et les mome nts de leur mandat
10 l11trod11ctio11 générale
l Pour comprendre le rôle essentiel des idéologies au XX: siCclc on se reportera au livre de Dominique VENNER. le siècle de
191./. éditions Pygmalion. 2006
2 Notons qu'aux États-Unis. les réalistes. opposés en cela am: idéalistes. prôncm une polit.iquc de rapprochement pragmatique
avccTChéran.
3 Chiites et turtophoncs.
lntroduction générale 11
Pour en sortir, il faut sans doute commencer par éviter toute confusion entre
l'idéologie et la géopolitique, celle-ci étant fondée, comme nous tenterons de le
montrer, sur les réalités de la géographie physique et humaine et sur les détermi-
nismes qui en découlent. Commençons donc par sortir de ce que nous appelerons le
piège du nominalisme.
La récente tentative de Yves Lacoste a buté sur plusieurs écueils rendant possible la
contestation scientifique de la géopolitique qu'il proposait. En érigeant le concept de
représentation au cœur même de la réflexion géopolitique, Yves Lacoste est victime
d'une forme de nominalisme: il ressort en effet de ses principes d'analyse que les idées
- au sens d'illusions, de vues de l'esprit - , mènent le monde. Si l'on voulait bien le
suivre, on devrait alors penser que l'univers se réduit au mot plutôt qu'à la réalité -
c'est là la définition même du nominalisme.
Soutenir que l'objet d'analyse de la géopolitique est le produit de nos
représentations et non d'une réalité objective, c'est en effet assurer le primat de
l'idéologie sur tout déterminisme géographique; il y a là une contradiction
ontologique avec les fondements mêmes de la réflexion géopolitique: car si l'on "fait de
la géopolitique" n'est-ce pas d'abord parce que l'on suppose qu'il existe, à côté des
systèmes idéologiques, des déterminations géographiques jouant un rôle essentiel dans
les choix politiques des sociétés humaines ?
Certes, conm1e nous le rappelions auparavant, Yves Lacoste inaugure sa démarche
géopolitique en soulignant que le monde ne peut être réduit au seul facteur
économique comme le prétendent Libéraux et marxistes. En rejetant le tout
économique, ce géographe nous laisse penser qu'il est nécessaire de prendre en compte
le phénomène identitaire. Mais il n'accorde crédit à celui-ci que sous la forme d'une
représentation, et peut-être est-ce cela qui fait basculer sa géopolitique dans le
nominalisme; au fond, pour Yves Lacoste, l'identité est une illusion, une
représentation, qui certes fait force dans l'histoire, mais une illusion tout de même.
Voilà bien l'aporie fondamentale qui caractérise la démarche du géographe Yves
Lacoste et invalide celle-ci, au point que l' on vient à se demander s'il est légitime de
qualifier son œuvre de géopolitique. On rappeUera que le mathématicien René Thorn
avait coutun1e de différencier 11 l'existence naïve de l1existence scientifique 11 et de
souligner que la réalité naïve est ontologiquement antérieure à la réalité scientifique1 .
1 C'est clans cc sens que René THOM pouvait écrire : "L'existence naî\'C existe bien au niveau de la réalité usuelle. Nous
so mmes des objets. nous parlons. nous avons une conscience tri:s nette que nous sommes dans un univers existant que nous
existons l'un ci l'autre. et que c'est une fonnc assez primitive de l'existence. Vient ensuite la science qui vient nous dire : non. en
réalité, cc bureau est fait d'atomes liés par des relations cl par du vide. El là où nous croyons que c'est plein 1... 1 c'est parfaitement
creux. il y a tri:s peu de choses. Fant-il croire alors que la réalité, telle que nous la dépeint la science, est plus fondamentale que celle
que nous vivons au niveau usuel ? Et cette dernière contie nt les deux ingrCdicnts: la solidi1é de ta matière. et d'autre pan, l'évidence
12 l11trod11ctio11 générale
Or il n'est pas plausible de fonder une science de l'illusion, une science en quelque
sorte attelée à l'étude de conflits opposant des vues de l'esprit. Aristote disait aussi
qu'il y a la matière - la réalité - , et ses mystères - les dimensions éthiques et
es thétiques ; nous pressentons que la géopolitique se préoccupera de la combinaison
de la matière géopolitique - la réalité identitaire - et de ses mystères - les systèmes
d'idées. Fuyant l'idée que l'univers tient au mot et à la représentation, nous refusons le
nominalisme. Dans le même temps, échappant à l'idée qui fut celle des premiers
géopoliticiens, et qui concevait une géopolitique quasiment mathématique car se
déduisant de déterminismes géographiques, nous ne sui vons pas les Pythago riciens.
Yves Lacoste eut certes raison de faire la critique de la première Geopolitik
allen1ande, car ceUe-ci fut trop au service du prince. Mais, voulant s 1inscrire
absolun1ent à l'opposé d'w1 Karl Haushofer1, Yves Lacoste tente de refonder, suivant
une démarche apparemment opposée à celle des géopoliticiens allemands mais
seulement sy métrique, une géopolitique sur des objectifs non plus hégémoniques, mais
démocratiques et citoyens. Or la science n'a d'autre objet que d'être scientifique et elle
doit, en tout état de ca use, refuser les finalités idéologiques. La science citoyenne
n'existe pas plus que la science marxiste et fa sciste, attendu que c'est à la personne
morale du sc ientifique - et non à sa science - que revient le devoir de l'éthique.
Comme Pasteur qui, en entrant dans son laboratoire, affirmait qu'il "laissa it Die u au
vestiaire", le géopoliticien doit se faire l'analyste objectif de la réalité géopolitique. En
conséquence, aucw1 déficit d'image dans les fondations historiques de la géopolitique,
ne sa urait justifier un renou vellement de la science géopolitique sur des bases
idéologiques.
La fond ation idéologique de la géopolitique lacostienne devait logiquement aboutir
11
sur une nouvelle contradiction: en montrant les rapports qui existent entre le
développement de la démocratie et l'apparition de phén omènes spécifiquement
géopolitiquesn2 Yves Lacoste s 1inscrit à l'encontre d'un fait sou vent vérifié en
géopolitique : la persistance de constantes géopolitiques quelle que soit la nature du
régime politique considéré. S'il fallait un seul exemple à apporter ici ce serait la
con tin uité de la rivalité qui oppose les États-Unis et la Russie. En géopolitique n'est-il
pas plus juste de parler de Russie soviétique que d'Union soviétique? C'est de la même
manière la géopolitique qui pourra mettre à bas la fa usseté courante qui consiste à faire
naitre la nation frança ise en 17893. Lec ture purement idéologique, vue de l'esprit qui ne
sait pas voir la ligne continue tracée dans l'histoire de France par la lignée capétienne.
La géopolitique resurgit en France en plein contexte de bipolarité idéologique, à la
faveur des fi ssures ouvertes dans le camp communiste. En 1978, la désillusion fut
grande chez certains uni versitaires français ancrés, depuis les combats menés par jean-
Paul Sartre, à une lec ture binaire et manichéenne des Relations internationales, de
constater que deux pays communistes comme le Cambodge et le Vietnam en étaient
rendu à se faire la guerre au nom d'un contentieux territorial. Après la rupture sino-
soviétique, ce conflit interne au monde comm uniste venait rappeler la primauté de
l'histoire et de la géographie sur les révolutions idéo logiques.
immédiate du psychisme 1... 1Je suis te nté de dire que pour mo i, c'est la réalité n,.1ïYC qui est ontologiquement antérieure il la réalitê
scientifiq ue. Celle-ci est 101\jours constmitc. et son existence vaut cc que valent les constmctions scientifiques: des choses
êmincmmcnt rêvisablcs cl te mporaires. tandis que la réali !ê immêdiatc. on a toutes les misons de penser que la co nception que nous
a\·ons d'un arbre on d'une pierre n'es! pas tellement diffêrc ntc de celle qu'en avaient nos ancêtres du palêolithique." in R. THOM.
Prédire n'est pas expliquer. Paris. Flammario 1l 199 1.
1 Voir la section que nous lui consacrons.
2 Yves LACOSTE, Dir .. Dictio1111aire de géopolitfr;11e , Paris. Flanunarion 1993. préambule. p. 2 1.
3 Erreur répétêc par Yves LACOSTE dans l'il'e la 11atio11 : Y. LACOSTE. l'ive la nation. Paris. Fayard. 346 pages.
lntroduction générale 13
C'est donc à ce moment précis, autour de l'année 1978, que le mot géopolitique
réapparut dans les médias français', vingt-huit ans après avoir été évincé au cours
d'une réunion qui rassemblait, à la Sorbonne, historiens et géographes frança is et
allemands.
La géopolitique revenait à la faveur d'une prise de conscience des effets de l'identité
et de leur persistance dans le contexte idéologique. Mais comme l'identité ne pouvait
être, selon l'idéologie dominante, une réa lité, car il ne devait y avoir d'autre réalité que
celle de la division du monde en classes sociales, alors l'identité devint simple vue de
l'esprit, grossière erreur des foules et des peuples, en d'autres termes, représentation.
Chez Yves Lacoste la représentation identitaire étai t pensée conune substitut à la
réalité identitaire; mais il ne s'agissait pas là d 1Wl compromis entre deux modes
d'explica tion de l'histoire, le réa lisme et l'idéologie; il s'agissait au contraire de
l1ingérence d'Wle idéologie à l1intérieur même de la géopolitique, d'wie conversion
assimilable à celle d'un socialisme dogmatique apprenant les réa lités du marché et se
transformant en un socialisme de marché.
Pour quelle raison devrions-nous emprw1ter un pareil détour de l'esprit ? No us
savons bien que si les géographies physiques et identitaires pèsen t encore tant sur les
destins collectifs c'est parce qu'elles sont des réalités que des millénaires de progrès
scientifique et technique, et d'in ventions idéologiques et politiques n'ont jamais réussi
à effa cer. Acceptons plutôt l'existence de profondes forces déterministes s'exerçant sur
les sociétés humaines mais n'ayant pas forcément le fin mot de l'histoire, cela parce que
11homme, dans son génfo à la fois singuUer et universel, créa teur de science et de sens,
est capable de leur opposer d'autres forces.
Refonder la géopolitique ce n'est donc pas chercher à investir celle-ci d'une
idéologie quelconque pour tenter de faire oublier qu'elle fut hier l'instrument d'une
autre. Cela n'est pas non plus maquiller la réalité du masq ue de l'illusion identitaire,
car rien ne sert de nier l'identité pour combattre Pidentitarisme. C'est au contraire
affirmer la force du réel, des forces profondes de l'histoire, dont l'existence même
donne sens au génie propre que l'homme oppose à la persistance des déterminismes.
1 Le mot passa l'Atlantique venant des Êtats-Unis qui craignaiem alors un phénomCne uni taire autour du communisme et
avaiem intérêt à l'utiliser contre l'idéologie qui gagnait du te rrain. O n peut établir un pamlkle emrc le réalisme géopo litique opposé
dans les années 70 par les Américains à l'unitarisme communiste, et cc même réalisme géopo litique opposé aujourd'hui à l'idéologie
de l'Europe fédéra le.
2 F. BRAUDEL, É""crils sur /'histoire, 1969 : 1984, Flam mario 1l co ll. "Champs", p. 193.
14 l11trod11ctio11 générale
Ce que nous vo ulons montrer ici est qu'il existe au moins une méthode d'anal yse
des relations politiques entre les sociétés humaines, et qu'une science géopolitique
définie comme étant "l'étude du rapport de l'homme à la géographie - physique et
humaine - dans ses conséquences sur les relations politiques entre les sociétés
humaines" peut prétendre être cette méthode.
l "Il y a la crise gé nérale des scie nces de l'homme : el les sont toutes accablées sous leurs propres progrès. ne se rait-cc qu'en
raison de l'accumulation des connaissances nou\•cllcs et de la nécessité d'un travail collectif. dont l'o rga nisation intell ige nte reste à
meure sur pied : directement 011 ind irectement. tm11cs som touchées, qu'elles le veuillent ou 1101t par les progrès les plus agiles
d'entre clics. mais restent cependant aux prises avec un humanisme rétrograde. insidicllX qui ne peut plus se rvir de cadre. Toutes.
avec plus ou moins de lucidité. se préoccupcm de leur place da ns l'ensemble monstmcux des rec herches anciennes et nouvelles.
dom se devi ne aujourd'hui la convergence nécessaire ." in F. BRAUDEL. t.'crits sur l'histoire. 1969: 1984, Flammarion. co ll.
"Champs". p. 4 l.
2 É''oiu!ion i1 laquelle, par ailleurs. elle a'•aît pris pan très tôt.
3 "Le national-socialisme. c'est la biologie appliquée à la politique". Hans Sc hemnt mini stre bavarois national-socialiste.
"Point de rencontre de la biologie. de l'amhro pologie. de lu psychologie et de la toute naissante éthologie. la doctrine de la race
- Rasscnlchrc - constitua pour le national-socialisme à la fois un but et un moyen." in S. GUÉRO UT. Science el politique sous le
troisième Reich, Paris, Ellipses. 1988. Le régime national-socialiste s'employa à démontre r qu'il existait une "physique alle mande"
Introduction générale 15
la science dans un sens qui confirmait leurs théories. Toutes ces tentatives conduisirent
à la négation de la vérité.
La première partie de cet ouvrage est consacrée à la genèse de la géopolitique de la
fin du XIX" siècle jusqu'à ses développements récents. Son objectif est d'éclairer les
textes essentiels de la géopolitique, et notamment ceux qui nourrissent la contestation à
l'encontre de la matière - école géopolitique allemande.
Commençons par rappeler sur quels motifs le procès de la géopolitique a été
instruit, en France et en Union soviétique durant les décennies qui ont séparé la fin de
la Seconde Guerre mondiale de la chute du Mur de Berlin et du rideau de Fer.
En France, de nombreux universitaires ont reproché à la géographie d'avoir été,
durant le XIXe siècle et jusqu'en 1914, l'instrument essentiel de propagation des
nationalismes français et allemand sous la forme d'une géographie politique
revendicative et agressive.
Les premiers manuels de géographie et d'histoire apparaissent en Prusse après le
Congrès de Vienne de 1815 et sont diffusés dans plusieurs États allemands2. Jusque là,
histoire et géographie sont des matières réservées aux élites dirigeantes des États
allemands . Le changement qui est opéré correspond au mouvement pour l'unité
allemande. En France, un mouvement symétrique se met en place, mais plus
tardivement et en réaction au nationalisme allemand. La défaite de 1870 provoque la
perte de l'Alsace- Lorraine; l'enseignement de l'histoire et de la géographie dès l'école
primaire a pour fonction de redonner à la République une légitimité affaiblie. Le thème
de la Revanche, c'est-à-dire la récupération des territoires français conquis par
l'Allemagne3 , doit restaurer l'identification de la nation à la République.
Faut-il en conclure pour autant que l'histoire et la géographie sont responsables de
la poussée du nationalisme allemand à laquelle la France répondit par le renforcement
du sentiment d'unité nationale ? Certainement pas, ou en tout cas pas plus que d'autres
sciences, puisque c'est l'ensemble des savoirs, qu'il s'agisse des sciences humaines ou
des sciences exactes, qui furent mobilisés, au même titre que l'histoire et la géographie,
au service des nations belligérantes. La géographie se fit guerrière comme la physique
s'attacha à la balistique.
La même critique s'exerce lorsque le nationalisme allemand se déchaîne une
deuxième fois. Comme l'indique Pierre George avec raison, dans son dictionnaire de
géographie, la géopolitique "fut l'un des instruments des propagandes politiques -
des - théoriciens du III• Reich 4 " Et qui voudrait le nier ? La géopolitique allemande a
effectivement servi le discours agressif du national-socialisme à la veille de la Seconde
Guerre mondiale ; mais pas plus que la philosophie de Nietzsche ou de Heidegger, ou
la musique de Wagner ne peuvent êlTe réduites à leurs usages idéologiques, la
géopolitique allemande - et encore moins la géopolitique dans son ensemble - ne
conlJ'e une "physique juive". L'un des rësuhotlS <le ccnc théorie racislc csl que ladite ''physique juive'' donna. la bombe atomique awt
Éiats· Unis e1 non à l'Allemagne !
J Là aussi on tenta, avec la génétique marxiste de Lisscnko, de "rendre bicn-pcnsanlc'' la science.
2 Le géographe de l'Université de Berlin Alexander von Humboldt - 1769-1859 - tient une part importeinte dans la redaction
de ces programmes.
3 Yves Lacoste rappelle que "l'ouvrage de Bruno Giordano Lf! Taurdf! Fram:e /)'Ir de1t:r e11fa11U, Belin. Paris. 1877, rêê:d. 1976,
fin le livre de lec1urc couranle de tous les pctilS français depuis 1880 jusqu'à la guerre de 14-18 et même apris, et sa fonction
géopolitique est évidente, puisqu'il raconte chapitre pur du1pitrc, Io découverte de la France par deux pc1•ts Alsaciens qui ont fui la
province annexée.", in Y . LACOSTE. Dictionnaire de géupolil;q11c, Poris, flommorion, 1993, prénmbulc.
4 La déf'inilion de la première édilion du diclionnairc indique que "La géopoliliquc csl l'~tudc de:s ruppor1s •.mue 1.es facteurs
géog.raphlques el les •ctions ou si1uotions politiques" et ajoute qu'elle fut l"'un des instrumcnl des propugundcs poliliques - des -
lhêoriciens du me Reich", in P. GEORGE, Dklionnaire d e g~ographie, Paris, P.U.F., 1970; nalons que dans l'édi1iun de: l9% du
même dic:tiunmtire, la d~finitîan esl moins négative ; elle ne mcnlionnc plus Je 111 11 Reich mais parle de g6ographcs allemands Cil de
juscificaüon de guetTes de conqut!lc. Ce qui est prop05': 1icn1 donc plù:S du commcinLaire cri1ique que de la déflnilion.
J11trodu&.· lfo111(if1ttral~
11>
peut éO-., réduite à une simple auxiliaire des ambitions nazies. Faudrait-il croire que la
géographie politique est la cause des dl'ux phases dl' déchainements des nationalismes,
en 1914 puis en 1939? Ou bien n'a-t-elle pas plutôt été qu ' une auxiliaire d'un
nationalisme qui mobilisa vers ses buts l'ensemble des matières scientifiques pouvant
lui servir'
Après la Libération, l'Université française prosc rit totalement le mot
"géopolitique"; les géographes françaisL l'occultent. La science politique le refuse au
profit des systèmes d'idées, du poids des idéologies. Un unanimisme s'installe qui fait
bloc contre la résurgence de la matière géopolitique en géographie, en histoire comme
en science politique. En 1950, des universitaires français et allemands réunis à la
Sorbonne décident de son bannissement, au nom de la nécessaire réconciliation entre la
France et l'Allemagne et de la construction européenne. Comme si la géopolitique était
par essence opposée à la bonne entente franco-allemande et au rapprochement des
peuples européens. Comme si la géographie politique du Français Jacques Ancel s'était
rendue coupable d'avoir attisé les haines nationales . ..
1 A r1:1:ccp11an loulefoi• d'un un.in nombre de fCu~phn conm~ bcquea Suppc:lsw ou V\'e."i Lth:u•lc .
2 Cc:aa le cas d'Edmond Jouve q1u ptnc: c omme i;cnttmh:. au• n:l•l1011• m1cmaoun11k• Ill nutiun Je peuple L'analy•c J'aborJ
rê.aJi.lk c::&I C'fUUllC ~lb: d'un dl.JCltW" Ld~IDMl'iUC C'ft rncw W:: la difcn.c Ju JroJI Üca pcupJca.
Introduction générale 17
Ainsi, notre premiE>re précaution sera-t-elle de distinguer ce qui fut dit et fait au
nom de la géopolitique elle-même, considérée comme matiE>re des sciences humaines.
1 "Dans chaque camp. Ici probltmcs des nations cl de leurs lcniloi~ dcvai.cnt appa111iln: secondaires et ~volus en regard de
l'oppoaition plan&in: de deu~ i d~ologic11 , de deux sysl~mes, de deux mondes eux valeun 1'1111dicalcmcnt difT~rcn~s . " , Y . LACOSTE,
Dictionnaire de glapof/1/qur!. Paris, FJammarion. 1993 , P~ambulc , p. J4 .
18 lntrod11clro11 ginirtalt
structures essentielles du décor. Encore faut-il discemer les changements furtifs et sans
effet sur la dun'e, "ces mouvements de surface" comme les appelaient Fernand
Braudel, des changements durables. L'écume de l'histoire, cette succession
d 'événements sa.ns traces, n'intéressait guère Femand Braudel, pas plus doit-i!lle
intéresser la géopolitique.
Or vouloir remonter les fils continus de l'histoire, empêche de s 'en tenir à une
segmentation courte de l'étude, à un segment fini du temps. Car si les causes sont
profondes et donc andennes, il faut être capable d'aller à leur recherche jusque dans les
temps les plus reculés ; et il faut ensuite les suivre à travers les siècles pour souligner la
récuJTenœ de leurs effets.
Certes nous gardons comme objectif premier la compréhension du monde
contemporain; mais œ n'est pas pour autant qu'il faut se limiter à remonter seulement
un siècle en arrière pour y trouver l'origine des phénomènes contemporains. Qui peut
prétendre que les données contemporaines sont la seule résultante d'un temps
antérieur court, déroulé sur un siècle environ? Nous n 'adhérons pas à l'idée que le
XD« siècle suffit à comprendre le x:xe siècle ; et c'est pourquoi nous ne nous sommes
pas autorisés, dans œt ouvrage, à fixer, a priori, un cadre temporel délimité et fini . Les
perm.tnt'O'K'es, les lignes de fracture civilisationnelles par exemple, s'inscrivent dans le
temps long ; cer1ains conflits identitaires contemporains dits conflits d 'antériorité font
appel à La fixation antique des populations sur un territoire pour justifier un contrôle
territorial. La géopolitique est donc un allez retour permanent sur l'échelle étirée du
temps. avec parfois des stations courtes, souvent des projections dans un lointain
passé. En somme, l'étude des facteurs explicatifs ressemble à l'étude d'une fonction; on
trace La courbe de 0 à l'infini. et lorsque des points de rupture, des brisures
apparaissent. il convient de changer d'échelle de temps pour regarder l'événement à la
loupe.
1 Laniqw ....- p.r1c:wu d"Ecaa. ._. ~ dC' tou1a. ln r~ d'Éw. qu'il • '•aiuc de rEa.t-n.lion modcmc ou Je rtw
~ du Moyen-A. dln!lim. ou de rtp d'Or --.tlnma. ~ rifbt::nli~I CSI ulihaable quelqf.IC! IO\I l'epoque ou ""'11 ntMO
p l . - ce qadqK 11111. ~ ~ ~ : Ll -.c,rt: Ill cli"9ftia.C dn moditlca etaûqua pt1ur ne ..: &iruar qu'au nt"cmu ck l'Êlll
~~polittquit llillpèneun'._ ~buaMl.iacaqpabkdcpnâl1n:dusc::1Upot11 iquc~I de laC.-pK.11Cde puiaanœ
Introduction générale 19
tourne autour de l'État, tout y revient. L'État est la forme à la foi9 séculaire et moderne
que les sociétés humaines ont inventée pour produire du politique, à l'intérieur d'elles-
mêmes mais aussi entre elles. Que certains groupes humains contestent leur État
d'appartenance et cherchent à s'en émanciper est un fait qui ne doit pas être confondu
avec une émancipation du cadre étatique. Il nous semble qu'il y a, depuis plusieurs
années, dans le développement de thèses mondialisantes affirmant le dépassement de
l'État, une confusion qui est faite entre la contestation des États en place et la
contestation de l'État lui-même, en tant que construction politique adaptée à une
société humaine. Les groupes humains qui contestent l'État - en dehors de groupes
d'intérl'ts économiques transnationaux - ne rêvent-His pas de construire leur État
propre?
C'est donc parce que, dans le monde, l'essentiel du sens politique et de l'expression
de la puissance est produit par les États, ou par ceux qui les contestent, que nous
devons assumer de manière claire le caractère "stato-centrique" 1 de cet ouvrage.
Autrement dit, l'ensemble des facteurs étudiés, qu'il s'agisse de l'ethnie, de la nation, de
la tribu, de la religion, de la langue, des ressources, de la technique, du transétatique,
est abordé dans le référentiel spatial et temporel de la carte mondiale des États . L'État
n'est donc pas considéré comme un facteur en soi, puisqu'il est le référent ; la carte des
États est posée, c'est elle que nous cherchons en des temps différents à comprendre, et
nous cherchons à comprendre l'agitation puis les transformations qu 'elle connaît en
mobilisant l'ensemble des facteurs explicatifs, et en gardant à l'esprit bien entendu que
ceux-ci ne fournirons qu'un élément partiel d'explication. puisque notre géopolitique
ne prétend aucunement rendre compte en totalité de l'histoire mondiale.
Avec la carte des États posée, sont aussi posées les frontières. Nous considérons
donc les frontières non comme facteur de la géopolitique mais comme faisant partie
intégrante du référentiel. L'existence des frontières, comme d'ailleurs celle des Êtal:9,
devant être expliquée par les facteurs que nous mobiliserons à cet effet. On ne devra
donc pas s'étonner, a priori, de ne pas trouver dans la table des matières de cet ouvrage
une section consacrée à la frontière - et d'ailleurs faudrait-il la considérer comme
facteur permanent ou comme facteur de changement ? Comme l'Etat dont elle est le
bord2, la frontière est placée au cœur de cet ouvrage, étudiée dans de nombreuses
sections - par exemple celles relatives au relief, a l'eau, à la langue - comme
résultante des facteurs et non comme facteur eUe-même. Nous la considérons comme
une paroi d'équilibre - parfois bousculée, puis percée - entre des organismes
différenciés et produisant des poussées inverses. Elle est une ligne de champ,
résultante de forces\ posée sur la géographie, et non une source politique, un facteur
de puissance.
L'origine des frontières d'un État ne peut s'expliquer sans l'étude, à l'échelle du
temps long, des forces de l'ètre et de l'avoir et de leur interaction avec le relief . ethnie,
religion, langue, relief, quète des ressources . . _ L'histoire des Etats faisant alors penser à
1 Cc ion1 ë>.·tdcm.mcnt les râihstcs LIW, ni ~i.uoos 1nlft'l\&Uonala. Otll place l'Etmt et i. ~CRIN'\é IW ~de: lalr n:Rcuon..
Demant Ko11111)' - - ü . KORANY, Anal\13~ du rt'Wi1<>n.r urtenwu1o~re..t. Âpproch.e.i , rnncLpZs .M,...,..n, ~ Cd .. Mmute::ml. ~
Monn, 19111 - a cnhquë c~ Mh: en Lai quahliaa.L Je '"1111~'\..-ntnquc:" cl C"D raaaant R'INll'Q'\ICf l'tmazcncc de nnu"c:aw; oclnlt'lo C'I
de foKC, oon polit1qun . - donc muncia de lii lo11que de sou"'mùncté u1.oaa.Le
.:! rour Amtotr: la forme d'\111 obJct ph)'t11quc CAi quctqLC chus.c i:ormnc fiilMl botd , iw 1C1U ablarui1 ûc l.c1 i.1Cfmu1un de l't'idot .
c'est quelque chose Cpfc:mtnt i:.,:,mmc unr rurmc dans un cspaœ ôlbsuaJL or.va: "°"boni , .wu"9C.U' en ~ \"aU dft ütfmmoo. .;'Qt
prcsc.tuc le ~ mot 1.1i.ac nrr" qui "'eut Wn:' borJ . dcf1n1r ç'e.1 dut" la frtln.~ di!1WIJC'I" lc:s f~
J P1C11"e 1tcnou"1n C'I Jcan-Bep11"1e Dumf.Clle pmrl&lcn1 di:: tOtt:n pmfooda cœdlriom ll"'fnf>i'nquo. lu ITa.lU"c:ntenU
dtmogrmphiqun, les uaus Jt mcnt.ahlC collm1"'e- -- · que 11Mrmtne d"Ê ...1 m poa'<las.I rWsJ1p, - . . '° Ja1HJN cumme: ~ _.
pruJelS. l::n cela lC!I dcw. tpCç1aJ11tc:il db~ llipLornauqut" rqotpiu.cnl la •lin~ Fened 8R.AUDl!L . ld1caUJ" i \:CS rauuv~
IC'f1L~ C1 pllluan3 dr t'h1.io1tt, c1 mé:fWlt .........,. je l'C"VCMmm.1 ~ dr l"DmtnN p RENOll\'IN . J.B OURœELLt:.
/nuuJuctwn ù /'hU1u1r't! Jiu rr1"1Jolltf. -..~. ..1" N Pan-.. ·\mmlW ( ·oha. l '191
20 l11tro<lw:lio11 g11m!ralt
une oscillation permanente entre l'épuisement des poussées contraires le long de lignes
continues el le réveil des poussées qui conduit au contraire à la remise en question des
fronti~ par la guerre_
Mais en même temps que nous posons notre référentiel étatique, nous cherchons à
tester sa validité, en nous interrogeant sur l'influence des facteurs intra-étatiques et
tranH!atiques sur le cadre de l'État. Car si notre réflexion est "stato-centrée", elle n'est
pas pour autant "slat!H!xclusive" et nous ne rejetons pas a priori l'hypothèse d'un
dépassement du cadre étatique du fait de l'émergence de nouveaux facteurs.
Là encore, il s'agit pour nous que la géopolitique échappe à un dualisme exclusif
entre d'un côté un réalisme affirmant l'exclusivité de l'État dans les Relations
internationales, de l'autre les théories de l'économie-monde ou du "monde en réseaux"
qui disqualifient l'État.
D'où part notre démarche ? De la prise en compte de l'ensemble des travaux déjà
accomplis dans le domaine des Relations internationales, et dans le domaine de
l'histoire, de la science politique, de la géographie. La bibliographie indique l'ensemble
des travaux dont nous avons pris connaissance pour bàtir notre réflexion. Mais certains
travaux ont exercé sur nous une influence radicale.
Ceux d'abord de l'école réaliste des Relations internationales, qu'il s'agisse des
travaux de Hans Morgenthaul ou de Raymond Aron2 et de ceux des néo-réalistes
comme Kenneth Waltzl aux États-Unis. C'est chez eux qu'il faut trouver notre adhésion
à la cohabitation nécessaire entre le paradigme de l'intérêt" et l'éthique de la
convictions, "au théorème de la centralité de l'État"6, à la notion de rechen:he de
l'équilibre - balance of power _7 ou de rechen:he de la sécurité8.
1 "Le r6-J111mc f"Olitiquc rcpme nins1 cha: MOf'IC'lthau 1111' cinq s-mcipc:s · 11 la po•iDquc al prvcmœ pu la lou objCllCCi"a
qu1 ln>U\ICnl Jeun ori1inca dan.t l'imper{~liondu monde Cl d&ftl la Ml~ de l'honuBe... U ria&bft ell le fS1DCi,pal rifil!nml ck ractiaa
in•cm111onalc, J/ toute lh'°ric de• rt"lations in1CTTlAlionalcs Jo11 tv11cr de ~ en conaidGanon le11 muci.,••liON icWolu.-qua d
ln ~molioru des aclcun, deux Jonnks trop 1ns1abl~ . 41 une politique ~sèn: ol cons~ comme bonne quarw.I elle miaira&sc
les riaquc!ll cl maJümiM! IC! profits, !/ la lcn.•ion C'Tlft les clligmcn du JUCX"ès de r11erion potitiq\11: et ta lois rnorûcs non lcriœs qua
gouvemcnt le monde est inivitablr". J .•J. ROCHE , Tltft>ri~~ tk.• rrlaflo1U irrt~. Puu. Montchnstien. J Cd. 1"9. p . 12.
2 R . ARON, PaL'r. ~1 GurnT rn'"' lu Nœlon.r, ~ âl, Pans, Calmun- L~vy . 1961. "'Qu'~<e qu'me LMcwil: Iles ni..on.
lnlemalion.lcs 1• 1n Rr"'U~ Françotutk,d~ po/Uiqw, \'ol. XXVII . n•s. octobft 1967. ~. IJ7.a61 .
J Voir l• section que nom lu1 comat:rons dam LI pmrrim pmtic dr crt ouvnsc- K WALTZ. 1'-calia. l'houelu llDd Ncmm1bl
ThC"Ory" , ln Jn11rnt1I of /nt,,ncJtlcmai Ajfa1r.r. vol...,, n•1. prin'°"PI 1990 ; T1IC'OC')' of IAtl:lmtional Politia. R.mdina. ~
Wesley , 1979.
4 Lca n!ahslcs 1''•pputmt aur 11 tcule priK en compte p-.r la Émtl œ leur mat\. l'ib:Kli"nlll m ~la dam la lipâ Ji=:
Machiavel et des ut1b1aris1u Ju XVIII' J1b.lc comme O.\tnl Hume - Dt /'ft/10/JINT. 1UI. L'in~ devait 1elun C\U _,,q.œ lipE
de conduilc dans les rcl111ont cnttt Et.ab. Wuhm,1on •"••I 1n·mi dam 1IOA rc:rtamml qu'....:"UDC nabOn ne ,,..,..vllit foc crur &&1-dr:ü
de 111on inl~I Pour 1utan1. se n!fitft • Mm:h11\·el , ne 11i1mfi•il pu dam r~11 de ~iRH comme M.Aynmnd Aron. q\lr la ÉlaB
pounient aair n'impor1l' comment . Crrt~ ~1ohtes per naeu.re. les T\lltiom ~ieM J'lftftllrf m euo.aiMrlltion la intâ'fn COfM:\llftllta
des •u•re~ n•tiOM L'tdk de socnn~ de &'inlirfl • COUr1 tcmw pu un ~ .. , .... pml'il dr 1'1n.tâft ' lona lcnnr dn lt:taas tut nme -
1van1 On trouve cette it1tt notamm1mt chez 1·iunmc:.m Robm Jer'YU : Il JEllVlS.. ~ R'l'imes•. in S.-pbm D. ttnn.a,
lmunnltrmal R~fmr:r, llhk" 1111d Lontlon, l.'nrMll Uniwnity Preu.. 19&.J. p. 112. O. a imMl't"Clll can~~ W nu-. en
l'cnfcnnanl tian• ~ &CUI p11ni.t11gmc ~gou.1c de l'in1ttf1 al..-s l{dC le Pnntt da n!iialllld dcvul ' &. foaa ......a- LI ~• dr rE1at
- donc h.~mr cmnp1c dn c.untintmccs du momml - el Il la ri:m~ pnua lie 111111tift rûoftMblc et ~Uc ... muntial de
l'~ui11t1rc inlC"m9IH1nal et donc de la paix pour tout
5 MH Wt'ber UIJpoK ri&!1htque do I• rnpouabilitt et l'Hliquc de .. C'Oh\"h::tioa
6 C . von CLAtJSl!WITZ, lN- Id.,.,.,,..,..., Pan... UGE. IQf.~ ; Ft ARON. ,,,,_""" Id~. Cla\lllltWitz. Pvi.1. C-l&Lfü111nl. 191'6.
2 lomC!I. C'on1~ le" 1Wurie 1r.nina1ion1hJtrs n ftt1numisr~ en ''UJUC dlAs les rMlrioN 1n""11111unain - . , ta ~ ?O.
Kenneth w ..11.i UJ'Pl!IC un nl!\uftlismc '°"''4! tur un ~tour l 1'autonomie lhl roUttqUe " Ili •• ""~ w r~ ...... la ~
tnletTHCluntleos : ·Lr'I ~tata .9C>nl ln umt61. dunt lm intmactiON n.mai.1 la •trvrhlft dis I),..._ iD....-n.bunam. .. : .... LI rntme
manl6rc que- IC'S konomlslm d•Rnlmmt le rnatth~ en t~ tl'n~ JO difJlnill l• l'DUciura da .. 1a11une .............. m
lcmte'll tJ'Uuua ( . -1 enul lon1tempt que '8 Êl•I• (Wincipau.1t .mt ln K1eun najNn, la stnlt'b.lnl «
LI polii::iqw ~ •
•'•'*cr,_,...
tJl!n1111 rar ttl"f1011 Attull-ci. C"'r une tJl'furie qui lll'\Oft' le r61c caur19 J. tSw ne pournil qa'i ~\lia ....m
oà lu ac1i:u.n nun i1a1lqu111 t1C' n!\~lnalcnl rn tnHure Je concuTftftCft ltt ...,._ pumanc. f'f nan ,.. ~ ~
pul11ance11 tic lt'\.·und ""JI.. , ti:. W1'l Tl. ni..,,., o/ ln"""'111''le0l Pullltt.·.•. R.Nt.hn&. Add~ Wakoy, 1~1'1. p. ~9' tn J.-
J. AOCIU'.. Th~wlt',, ,if., TYlarhNt.t '"'""""';,,,,.,tkJ, l'9riL. Muntdu•tien. .l' ô1. l.,,,...p. ~ .
7 t1 J MOROHNTllAU , ~ltK_, •-MtJr 11111Mtu. n._. ~,,..,,.• . flw f'ta"AYF .-J ~. 6• lfd.. New ''Qrk Alhl K.opC. llJll,.
Il Pour K.nueth W•lta.. ~·ett 111us I• llkurilll! t1Uie Nquilihft' -tut IC'!' l~l&b rn:~. SilN'I ot.nanon • l .,..,~,
pcir1incnlo 1i on l'•p11Uque 1\ I• l'f1llllq.w •miricaine.
22 Introduction ginhllle
Ceux ensuite inspirés par la démarche systémique qui trouve son origine dans la
volonté de dépasser les faits et la description au profit de la modélisation et de
l'explication. Notre démarche consistant à dresser l'inventaire des facteurs explicatifs
de la géopolitique est à rapprocher de celle du bilan des "forces profondes" de Pierre
Renouvin et Jean-Baptiste Durosellel, de même que la volonté de convoquer des
matières différentes dans la modélisation des phénomènes historiques est-elle
largement fécondée chez nous par la lecture de l'école des Annales - Marc Bloch,
Lucien Febvre, et surtout Fernand Braudel 2 .
- l'influence des travaux d'Edmond Jouve3, menés à une époque où l'idéologie
semblait devoir constituer le paradigme essentiel des Relations internationales. Tout en
inscrivant ses travaux dans une perspective militante, celle de la prise en compte du
droit des peuples opposé à "l'injustice de la donne étatique", Edmond Jouve soul.ignail
à quel point les idéologies internationalistes avaient été rattrapées puis
instrumentalisées par la réalité des peuples dans une perspective de souveraineté
retrouvl'e. En cela, il dépassait l'opposition traditionnelle et stérile des écoles réaliste et
idéaliste, au profit de l'établissement d'un lien clair entre les réalités géopolitiques -
les peuples - et les idéologies. En posant le problème de l'adéquation ou de
l'inadéquation du référent étatique et du facteur national ou ethnique, comme étant
l'une des causes essentielles des conflits, notre démarche intersecte pour partie celle
d'Edmond Jouve, ce qui n 'étonnera sans doute pas puisque nous en avons été l'élève.
- la lecture critique des travaux du courant transnational a également été une source
forte d'inspiration. Pouvions-nous ne pas tenir compte de la multiplication des liens
transnationaux dépassant le cadre des frontières, du développement d 'un capitalisme
contestant la primauté de l'État, de l'accroissement des flux immatériels créant une
réalité extérieure aux espaces territoriaux, de l'affirmation croissante de réseaux,
groupes d 'intérêts et lobbys luttant pour le dépassement de l'État-nation tout en
appelant à la création d'un État européen ou mondial? Certes non, et c'est la raison
pour laquelle nous avons lu les travaux des écoles mondialistes, qu 'il s'agisse de l'école
du fonctionnalisme• fondée sur le projet d'intégration europl'enne, des travaux de
Robert O. Keohane et Joseph S. Nyes, de ceux de John W. Burton& qui sans doute avec
raison contestent la frontière nette établie par les réalistes entre politique internationale
1 Deux OU\lragcs nous onl inspiré de cc pom1 de vue : r . RENOUVIN cl J.O. DUROSELLE, fot,.odr.tc:tion à /'/1is1oi,.e da
,.e/ulfomi inrenrationales, rtiris, Annand Colin. 1991 ; J.O. DUROSELLE, To111 '-'mpfre périru. Pari s, Armand Colin, 1992.
2 Le lecleur pourra consl81cr que nous y faisons régulièn:mcnl réCêrcnce.
3 Notamment, E. JOUVE, Rel111ions i111er11ationnle... c/11 1'ier~ Mo11de et Drall dt:!s peuples. Paris. 1979, Berger-Levnult
4 Les fcnctionnalistcs 1cn1èrcn1 de théoriser 11 noticn d'inlér~ls partagés des E1ats dans le but de consb'Uirc des blocs
l!conomiquemenl Cl ,,alitiqucment intégrés. O. MliRANY, A Jf'arkiJJg Pea~t! sys1,en1, Chicago, Quadnlngle Books, 1966. E. HA.AS,
The Uni tlng r1/ E11mpe. Polirkuf, Sociul "nJ Econom1cul Fuu·(!J;_ /fJjll-1957, 2c &J., Londres-S1anford (Ce). Stanford Univcniry
Press : il définit celle approche comme "processus par lequel les oc1curs po•jtiques de plusieurs communautés nationales sont
dêtcnn1nés a rc!oricn1er leuno allé~eantf:s, leur.; aspirations et leurs acli\'ités poliliques vcn; un nouveau cenuc donl les inslitu1ions
P'Ksèdcrn ou dernantJcn1 la juridiction sur les !!tais nalionauw. pré~xisumis . Le J'Csuhal final d'un Ici processus est la crêa1ion d'une
nouvc::llc unilt politique çoifîiml lei; unilés pré~xistanlcs", p. 16.
SR . O . KEOHANE, J. S. NYE, Trarmrotiono/ Reluliom afld War/J Politit'.$, Cambridge. Huvard Universiry Praa. t9n :
e'ctl l'un dt! ouvn1gcs majeurs de l'analyse lre.nsnalionalc dans lequel se trouve, .J~s le début des ann~ 1970 l'ensemble des
argumm.111 qui RViendronl en force après I• fin de la l:tipolarité : socié1é-monde de l'économie. réseaux, monléc en foru des aclCUJ$
non-ttatiquet. problbne se posan1 • l'écheUc de- la piani!:~ comme 1'4!cologie ... Un deW1imic ouvnsc, ddveloppe le conc.epl
•d'inl.Cfdtpendancc complexe": R. O. l(EOHANE. J . S . NYE, Power anJ lnierdepemJance: World Po"1Jcs in Transition, Bosta.n.
L.llMc: Brown. 1977.
6 J. W. Burton me1 l'iu:cenl 11ur let lient tnmsnationuWI et 1ur l'échan(SC plad •u centre des analy&C3. Situan1 rindividu au
uoin: du sy1..mc in1emalional cl non plua )'~Lai. Ourton aou1im1 que l'in11.abiti111! du monde vient de l'inlali1faction des individ1&1; il
rejette donc la di1ûncûon entrc poli1M1ue inicma1ionale et politique intcmc. J. W BURTON, Warld Socidy, Cambridge, Cambridge
Univcnîty Pra5. 1972.
Introduction ~nérale 23
et politique interne - nous soulignons pour notre part la nécessité de penser ensemble
la géopolitique interne et la géopolitique externe des États-, de ceux de l'école de
l'impérialisme! débouchant sur l'économie monde et auxquelles nous reprenons
l'opposition centre-périphérie entre les États pensée non plus seulement en termes
économiques, mais aussi en ternies de puissance.
Même si nous ne partageons pas la conviction de l'école transnationale, à savoir le
dépassement des Étals par le transnational, la méthode d'analyse systémique qu'elle
cherche à développer mérite l'attention à plusieurs égards: elle pousse à sortir de
l'approche descriptive des Relations interétatiques et propose une modélisation des
champs de forces entre les forces d'essence étatiques et les forces d'essence
transnationales. La notion de turbulence provoquée par les paramètres transnationaux
sur les champs de forces classiques du système des États est particulièrement fertile
pour l'esprit géopolitique2 : elle nous fait pencher vers l'idée de déterminisme
chaotique, l'aspect déterministe inspirant notre étude des facteurs permanents, tandis
que l'aspect chaotique inspire la prise en compte de la montée des facteurs de
changement, la science qui bouleverse les données de la puissance, mais aussi
l'ensemble du domaine transnational.
Dans le domaine de la géographie politique, ce sont les travaux de Xavier de
Planhol qui ont eu sur nous l'influence la plus déterminante : ses ouvrages sur l'islam
nous ont convaincu du lien profond des sociétés humaines, dans leurs traits
sociologiques et politiques, avec les caractères de la géographie physique et humaine.
Notre étude du facteur religieux fait souvent référence au manuel de politique
musulmane publié par X. de Planhol en 19933 . On y retrouve les genres de vie de Vidal
de La Blache et une leçon de réalisme sur les États du monde musulman; l'analyse
minoritaire est un antidote puissant contre la théorie des blocs civilisationnels4 el
l'univocité des causes en géopolitique. Xavier de Planhol ramène notre géopolitique
aux déterminismes géographiques en même temps qu'à la sociologie politique. Il
souligne, comme nous le faisons après lui, le poids important des géopolitiques
internes des États sur les postures extérieures. C'est notamment à X. de Planhol que
nous devons d'avoir trouvé une réponse à la question des ruptures de permanences
dans la politique étrangère des États: pour l'essentiel les bouleversements survenus
dans les équilibres de la géopolitique intérieure des Étals, bien plus que les transitions
idéologiques.
La première partie intitulée Une histoire des idées géopolitiq.,es est consacrée aux
travaux historiques des premiers géopoliticiens allemands, français, anglais et
l ~Les D"Bvaw: de la Commission économique des Neitions pour l'Amérique lalinc dirigée par l'économiste Raoul Pn:bish
ini1ièrmt la lhéorie de l'économie-monde par laquelle la silualion dramatique des pays du Sud s'cxpliqueroit du foi1 de l'e~ploiuuion
dC5 p8)'S de la ptriphéric par un cenlrc capitalislc" J.J. ROCHE, Tht!oric.î Jc.î relations inlernaliorrale.'i. 3c éd., Paris. Monlchn:slicn.
p. 70-71 ; tmmanucl Wallc~u:in économiste américain développa égGlcmcnl l'idée d'une périphérie économique au service d'un
centre capitaliste, thémc de l'échange inégal produÎI de Io hiénirchîc des Etats. Braudel dons son ouvrage de n!fmnce !'lUr La
Mêdilerronù av.llil développé l'idée de syst~me-monde admcltont un centre •utour duquel gravitaient , en une série de cercles
conccnlriques, des ptripheries . Jmmanucl WALL.C::RSTEIN, The Pofit ic.s of Worfd ECONOMY : lhe Stale.<r. the Mov f!ml!nl.s a'1d the
Ci\filîzatirms, Ca.mbndgc, Cambridge UnivcI"Sity P~ss. 1998.
2 J. ROSENAU , Turbulf!nce in World Polilic:r, A theory a/Change ond Continuity, Pnnce1on Un1vcrsi1y Preu, )990.
3 X. de PLANHOL, les nation$ du ProphiHe. Manuel géographiqu,. de politique mu.,ulmant!. Pari~. Fayud, 1993 .
4 Nous rmvoyons â la sechon consacrée a Samuel Hunlingtan.
24 lulrodm:lron gé11éndc
Nous nous interrogeons sur le rôle du facteur technique dans l'origine de la suprématie
occidentale sur le monde, sur les conséquences géopolitiques des révolutions de la
navigation maritime, sur celles de la Révolution industrielle, du chemin de fer, sur
l'oubli ottoman de la technique, sur la révolution de l'aviation, le facteur aérien ayant
fait tout à coup irruption dans le couple traditionnel Terre-Mer, sur celle du nucléaire,
de l'espace, ou encore sur la révolution dans les affaires militaires.
Ce qui change les données géopolitiques ne réside pas seulement dans la
technique; une concurrence est faite à l'État en tant que source principale de puissance,
celle du facteur transnational sous toutes ses formes , légales et illégales. L'État est-il en
train de perdre le monopole de la puissance extérieure? Est-il en train de céder celui
de la violence intérieure? Que pèse le système international du crime à côté de celui
des États? L'esquisse d'une géopolitique ck la drogue dans le monde, d'une
géopolitique de la piraterie, des phénomènes sc'ctaires, des cyber-menaces amène à
nous poser la question suivante: qu'est-ce qui est véritablement nouveau: le facteur
transnational ou plutôt la faiblesse de l'État face au transnational?
Le transnational légal, par l'intermédiaire des phénomènes mondialisants et
régionalisants conduit-il finalement à devoir remettre en cause notre hypothèse de
départ, à savoir que l'État reste l'horizon indépassable de la géopolitique? La méthode
géopolitique par l'analyse pluri-factorielle et stato-centrée que nous voulons proposer
ici est-elle à même de répondre à la question : la souveraineté étatique a-t-elle encore
un avenir? Telles sont les questions fondamentales auxquelles nous tentons d'apporter
des éléments de réponse, autour de l'idée centrale que nous défendons tout au long de
ce livre: il existe une méthode d'analyse géopolitique qui peut contribuer, au moins rn partie, à
rendre compte de l'histoire.
PREMIÈHE PARTIE
UNE HISTOIRE
DES IDÉES GÉOPOLITIQUES
INTRODUCTION
LA PUISSANCE CONTINENTALE:
LEÇON DE GÉOPOLITIQUE ALLEMANDE
2. Le déterminisme géopolitique
Friedrich Ratzel occupe une place centrale dans la genèse de la science géopolitique
à plus d'un titre. Précurseur de la matière, il est l'un des premiers géographes à
proposer les concepts fondamentaux d'une Geopolitik allemande.
Ses théories, marquées par le darwinisme, peuvent être considérées comme
centrales dans l'orientation de la politique étrangère allemande, tant dans sa dimension
mondiale - Weltpolitik - qu'européenne.
1 Les te:11tes de Ratzel où le délcnnini sme bio logiste c.:st le plus tv1denl sonl : Être et d<!''''11ir du monel<! organique, 1869;
L'a,,thrnpogëogrupliie, 1882 ; Ethnologie, 1885- 1888 ; Êtaf e t :roi, 1896 ; Lu .'litr~urio" gr!ogr"plliqut> de /'Allemagm.·.
. 1896 ;
GêQgraphie palitique , 1897 ; Deutst:hland. introduction U une .'Ocience du pays natal, l 89R ; Ri!tr-ospecl ive pnlilicr>-gCogrophique,
1898 ; L 'espau vital, 1901 . Ces textes ont ét~ rassemblés et tnuJu1ts c.J11ns un o uvrugc de fronça is EWALD. La gbJgr-aphie
polilique, Paris. Fayard, 1987 .
2 Les textes de Ratzcl sur la politique mondial e <le l'Allemagne sont les suivonta : Esquisse d'une nouvelle carte de l'Afrique
avec quclqua remarques gém~rales sur les principes de gl!ographie politique, l 88!i ; Per-spectil't!...! de noire pro1ec.·1ura1 en Afrique du
Sud -Oue'1, 1892 ; L'A llemagne el la MCditerranfie, 189J; Êclair-agt!'s sur l'Afrique orientale allemumk. 1894 ; Nutr-e dewlir uu
Transvaal. 1896; Positions et droits de l'Allemagne sur le N;ger, 1897.
3 P. RENOUVIN . 11i.vlnir~ d<!S re/u1/ans lnternationa/e.f, Pans, H•chene, 1954, t. V, Le XJXe siècle.
34
à Ratzel la politique des nationalités, retour selon lui vers une politique non
territoriale, en ce qu 'elle pose la co mmunauté linguistique comme principe de l'État
sans faire réfé rence au sol, et qui pousse le géographe allemand à défendre Je primat
te rritorial sur les mouvements nationaux.
Selon Ratzel, tout espace a sa val eur politique, valorisation qui ne cesse de changer
au cours de l'histoire, et qui doit n o u s pousser à observer l'ordre objectif et immuable
d e très grandes propriétés politico-géographiques - nous dirions aujourd' hui
géopolitiques - , à savoir, dans l'ordre décroissant de leur importance, la situation,
l'é tendue et les fronti è res.
La situation géographique tout d'abord est une constante du sol terrestre qui
traverse le mouvement de l'histoire . Situés en un certain lieu de la terre, peuples et
États en reçoive nt toujours la même e mpreinte. La s uperficie, ensuite, constituerait un
facteur essentiel de la situation géographique; l'une des lois fondamentales dégagée
p ar Ratze l étant qu e la si tuation pondère la surestimation, comme la sous-estimation
de la taille des espaces.
De manière concrète Ratzel analyse plusieurs sortes de situations : position
mondial e, situation périphérique, s ituation m é diane .
Viendraient après la situation, les notions d'éte ndue et de frontière, l'importance du
type et de la forme du sol, d e la végétation, de l'irrigation ; enfin les relations
entretenues avec le reste de la s urface terrestre, mers a tte nantes et terres inhabitées.
À travers l'étude d e la relation d e l'État avec son sol, Ratzel est conduit à distinguer
la géographie politique de l'histoire politique, par la manière que la première a de
p orte r attention aux invariants qui tiennent au sol. Et c'est là, sans doute, qu 'est porté
l'effort essentiel de construction d'une science géopolitique décidée à s'émanciper de
toute contingence au profit de la durée, et cela sans pour autant céder au déterminisme
et au monisme, reproche qui sera souvent fait à Ratzel, par la nouvelle géopolitique de
la deuxième moitié du xxe siècle.
L'État ratzélien peut être organique, il reste un organisme spirituel et moral ; la
géomorphologie peut avoir son importance, elle n'en est pas moins subordonnée à la
volonté du politique. Réduire la pensée ratzélienne à une pensée déterministe dans le
sens où la géographie déterminerait de manière extérieure à l'homme et à sa
construction du politique, les inclinations et les comportements des États, serait en
vérité faire une lecture partie lle e t partiale du géographe allemand . Refusant toute
extériorité des causes géopolitiques - et donc nécessairement toute fatalité - , Ratzel
souligne en effet "l'influence des représentations géographiques, des idées religieuses
et nationales sur la croissance des États"l, idée qui sera reprise par Yves Lacoste
quoique présentée comme originale.
Habité par des représentations produites par ses populations, l'État ratzélien est
aussi un organisme diffé rencié, du fait des différences territoriales et de la répartition
spatiale de la population. L'État aurait ensuite des parties plus vitales que d 'autres, et
cela tiendrait à la géographie. Mais là commence la véritable ambiguîté de la pensée de
Ratzel : on peut voir à travers le constat d 'un État qui serait conduit nécessairement à
se développer vers des régions où les conditions géographiques sont proches, la
légitimation des politiques d'espace vital, politiques, faut-il le rappeler, jamais fondées
chez Ratzel sur les nécessités du sang mais sur celles du sol.
La logique expansionniste sera d'ailleurs poursuivie dans Wl ouvrage paru en
1901 2, portant sur les lois d'expansion spatiale des États, et dans lequel Ratzel énoncera
sept lois universelles :
1 Dai Nihon, 1912 i=l Orientatiun.\'fomlomenta/e,'O dans le développement gêogrupl1iq11e de l'Empire japunui.J 1ti54-19l9. 1919,
ont pour sujel le Japon . Dans le premier, Kerl Haushofcr esquisse un projet d'ollianec entre J'Allcmegne, 111 Russie et le Japon dans
le but de faire barrage à l'impérialisme anglo-saxon .
2 Les lhêses cl travaux de Karl Haushofcr furent véhiculés pnr Io revue Gi!opvfirlq11<• - Zcitschrit\ f'Ur Geopolîtik - fondée en
1924 qui jouira d'une stature intema1ion11le el dans laquelle colleborcronl de nombreux universitaires curopi-ens. La plupatt des
lutes fondamentaux de Haushofcr seronl publiés dans cenc revue . Ils ont été 1111duîts et rassemblés pllr A. MEYER. De '"
giopufitique, Paris, Fayard, 1986.
) Un essai de définition de l'espace vital o.llemo.nd csl donné dans A. MEYER, Df! lt1 g~opolüiqwe, Paris, Fayard, 1986, chap.
6 "L'espue vitaJ allemand", pp . 193-202.
4 Idem, c:hap. 6 : "Apolois:ie de la gl!opolit1que 1tllemande", pp. 155- 164
S Ibid., ch11p . k : "Le dtplaccmcnt des forces politiques mondi1dcs depuis 1914 et lc!i fronlS interruuionaux des 'Pan-ldée5',
Objcctiflli •long terme des Gnmdes Puissunces". pp. 211 -229 .
38
Selon Haushofer, le monde peut être subdivisé en quatre grandes zones selon un
axe Nord-Sud, chaque zone étant dominée par une puissance dominante :
- l'Allemagne est destinée à dominer la zone pan-européenne incluant l'Afrique;
- les États-Unis sont destinés à dominer la zone pan-américaine ;
- la Russie est destinée à dominer la zone pan-russe incluant l'Asie centrale et le
sous-continent indien ;
- quant au Japon il est destiné à dominer la zone pan-asiatique.
Ces "pan-idées" permettraient de comprendre les grands chocs géopolitiques de la
planète. Le géopoliticien oppose notamment le pan-asiatisme à une idée pan-Pacifique
motivée par les intérêts américains et qui lutterait pour l'ouverture et l'avenir de
l'immense marché chinois. Visionnaire, le géopoliticien allemand souligne l'opposition
irréductible existant entre les géopolitiques russe et américaine : la première mise sur
les idées pan-asiatique et eurasiatique, tandis que la seconde parie sur les idées pan-
américaine - doctrine Monroe - et pan-Pacifique; Haushofer prédit encore que les
idées pan-australienne et pan-indienne contribueront à disloquer l'Empire britannique.
Selon Haushofer, le libéralisme mondialiste américain ne pourrait être ainsi mis en
échec que par les puissances de l'Axe, l'Allemagne et le Japon : le Japon grâce à son
projet de sphère de co-prospérité asiatique et l'Allemagne hitlérienne qui, la première,
a défendu le projet d'une Communauté économique européenne, au sein de laquelle la
Grande Allemagne jouerait un rôle d 'État-pivot. Ratzel avait constaté que l'Angleterre
avait gagné la bataille de la position mondiale grâce à son leadership maritime;
Haushofer, après la Première Guerre mondiale, a compris que, désormais sortis de leur
autarcie, les États-Unis sont en passe de prendre à l'Angleterre le leadership océanique.
La guerre de 1914 n 'aura été faite qu'au profit des Américains et des Japonais,
entraînant le recul des positions anglaise et allemande dans le Pacifique.
Soucieux de contrer le libéralis me anglo-saxon, Haushofer est amené à défendre la
ligne d'un "tiers-mondisme ratzélien" qui seul peut permettre à une Allemagne coincée
dans le continent européen, de rompre la vaste ceinture coloniale allant de l'Afrique à
l'Asie du Sud-Est.
Contexte historique
Des traités de paix de 1918 démembrant les empires austro-hongrois et ottoman à la
géopolitique de 1998, quatre-vingts ans plus tard2 ...
L'achèvement de la Première Guerre mondiale et la défaite des Austro-allemands et
de leurs alliés ottomans fut le prélude à un bouleversement géopolitique majeur en
J A. MEYER, De la Krlopolitique, Paris, Fayard. 1986, introduction "Karl Haushofcr (1869-1946), Une esquisse
biographique", pp . 43 ·93 .
2 J.B. OUROSELLE, Hù;toire di"p/omatiqul! de 1919 ù 110.\· juurs, l lc éd., Paris. Dalloz, 1993, 1018 p. (ire Cd. 19.SJ);
r . RENOUVIN , Jlis11Jir'' dt'.l" r·elatiuns ùuemalicmult•.v, Pur1s, 1-bcheuc, 1957.1. VII, Ll!:o Crises du XXe siii!'cle. de 1914 à 192'i>.
Partie 1. Une Jri~loirt dts idées géopoliHIJ&'PI
40
aux côtés des Empires Centraux leur fit perdre la Macédoine au profit des Serbes et la
Thrace au profit des Grecs. La Bulgarie de 1918 apparaissait alors comme une petite
Bulgarie, tout comme l'Albanie dont le tracé de 1918 laissait un grand nombre
d'Albanais en dehors de ses frontières, en Yougoslavie.
En Europe centrale et orientale, les solutions de 1918 annoncent les
bouleversements futurs en cas de retour de la puissance géopolitique allemande et de
recul de la Russie - chute du Mur de Berlin et fin de l'Union soviétique - : retour des
velléités slovène, croate, bosniaque et albanaise - ces dernières appuyées par la
Turquie pro-américaine contre l'axe serbo-russe.
L'analyse des rapports de force de 1918, inversés après 1991, permet en fait
d'expliquer les bouleversements géopolitiques qui nous sont proches. Les États bâtis
sur un compromis neutralisant les influences allemande et russe étaient, dans le
nouveau contexte géopolitique de 1990, promis à un éclatement, doux pour une
Tchécoslovaquie bâtie sur une simple division ethnique binaire, violent pour la
Yougoslavie mosaïque ethnique inextricable.
On peut donc s'inquiéter de l'idée que 1918 porte encore les germes d'un non-
règlement des questions macédonienne, moldave ou du conflit entre Roumains et
Hongrois à propos de la Transylvanie.
Une confrontation similaire des rapports de forces géopolitiques au Moyen-Orient
dans l'ancienne aire ottomane en 1918 et aujourd'hui mène aux mêmes conclusions.
Poussée russe au Caucase et dans les Balkans, poussée autrichienne également dans
les Balkans, empiétement européen dans le domaine africain: à la fin du xr.xe siècle, de
tous côtés la Turquie avait ployé sous la double pression des velléités nationalistes des
peuples de l'Empire, et des ambitions coloniales des grandes puissances. Multi-
confessionnel et multi-ethnique, l'Empire ottoman avait bien tenté, à de nombreuses
reprises, de jouer de son pouvoir califal pour juguler l'émancipation des peuples arabes
et appeler au djihad contre les puissances capitulaires chrétiennes - France,
Angleterre.
Aucune tentative de réforme ou de redéploiement géopolitique n'empécha l'Empire
de céder du terrain. À l'aube de la Première Guerre mondiale, la Turquie, pénétrée de
)'influence allemande, se rangea aux côtés des Austro-Allemands. L'objectif turc
rejoignait l'ambition allemande de casser la puissance mondiale de l'Angleterre; il
s'agissait en effet d'assurer la conquête du canal de Suez et celle du Caucase, de
s'emparer de Bakou et de son pétrole. Mais les deux opérations échouèrent. Qui plus
est, la Russie parvint à s'enfoncer profondément en Anatolie.
Au traité de Brest-Litovsk de 1918, la paix étant conclue entre l'Allemagne et les
Soviets, la Turquie put récupérer les régions perdues au Caucase et chercher à
s'étendre en direction de l'Azerbaïdjan. La défaite militaire turque provoquée par la
poussée anglaise à partir du Golfe - politique du Bureau anglais des Indes - et de
l'Égypte - politique du Bureau anglais de Londres-, en direction de la Mésopotamie
et de la Palestine, sonna le glas de l'Empire. La fin de la guerre donna en effet le signal
d'un dépeçage généralisé de l'Empire ottoman, conformément aux ambitions et aux
traités secrets des grandes puissances.
Le traité de Sèvres du 11 aout 1920 fut infiniment plus préjudiciable à la Turquie
que ne l'avait été celui de Versailles pour l'Allemagne. La Turquie se résumait
désormais au plateau anatolien. La France et l'Angleterre s'étaient partagées le
domaine arabe : Syrie, Liban, Cilicie pour la première ; Mésopotamie et Palestine pour
la seconde. Les Grecs s'étaient emparés de Smyrne et de sa région; l'Italie d'un
important territoire en Anatolie. L'Arménie et la Géorgie nouvellement indépendantes
émettaient des revendications territoriales conséquentes ; l'existence d'un Kurdistan
indépendant sous le contrôle de Londres se profilait. Non seulement l'Empire ottoman
42 Partir 1. Urrr l1isloirt des idées Kéopolitiques
n'était plus, mais la Turquie risquait elle-même de disparaître. Les excès même de ce
dépeçage territorial provoquèrent une réaction nationaliste sous l'impulsion d'Atatürk.
Mustapha Kemal chassa les Grecs et les Italiens, refoula les Français hors de Cilicie,
repoussa les Arméniens, et parvint finalement à stabiliser les frontières avec les
puissances occidentales. Le traité de Lausanne - 1923 - vint se substituer au traité de
Sèvres du 11 août 1920. Cette stabilisation des frontières ne réglait cependant pas tous
les problèmes. Sur le plan extérieur, et tout en menant une politique de neutralité
régionale et de bons rapports avec l'Union soviétique avec laquelle elle avait réglé le
statut des détroits, la Turquie kémaliste continuait de revendiquer la région de
Mossoul qui avait été annexée par l'Irak anglais, ainsi que la région d'Alexandrette
placée sous la coupe de la Syrie française. L'agitation kurde se perpétuait dans le quart
Sud-Est du pays. Pendant que le nationalisme arabe était dupé par les Européens, le
projet sioniste reconnu légitime par le gouvernement anglais dès le 2novembre1917 -
déclaration Balfour - prenait corps en Palestine. Ce projet, qui se retournerait bientôt
contre la présence britannique en Palestine, laissait présager la création de l'État
d'Israël, solide tête de pont des États-Unis au Proche-Orient et source principale des
guerres modernes du monde arabe.
Parallèlement, dès 1918, Ibn Saoud qui pouvait profiter des rivalités franco-
anglaises et de l'aide américaine poursuivait son projet d'unification des régions du
Hedjaz. Le projet saoudien et le projet israélien, tous deux nés de l'effondrement
ottoman et du recul de l'Angleterre, fourniraient quelques années plus tard - 1932 et
1948 - une deuxième tête de pont américaine dans le monde arabe. Il restait à Londres
à appuyer sa présence en Transjordanie, au Koweït, débouché maritime de la
Mésopotamie, et au Qatar.
L'après 1918 donna aussi lieu à la mise en place des ingrédients de la guerre
libanaise. Lors de l'effondrement de l'Empire ottoman, les régions maronites se
trouvèrent être dans la zone frança ise de partage du Proche-Orient. Trois possibilités
s'offraient à la France mandataire : créer une Grande Syrie avec les régions libanaises ;
créer un Petit Liban correspondant à la zone autonome - Mont-Liban maronite - ;
créer un Grand Liban qui empièterait sur le territoire de la Syrie en intégrant dans le
territoire libanais la vallée de la Bekaa et des régions non maronites. Cette dernière
solution fut retenue par Clemenceau en 1920. Elle contenait pourtant tous les
problèmes qu'allait connaître le Liban: le refus syrien d'accepter cette partition; la
présence dans ce Grand Liban de minorités non maronites - sunnites et orthodoxes
traditionnellement pro-syriens, druzes, chiites - heurtées par la dérive hégémonique
des maronites.
Aujourd'hui, quatre-vingts ans après les traités de paix de la Première Guerre
mondiale, pratiquement tout ce que ceux-ci avaient voulu tracer s'était évanoui. De la
Tchécoslovaquie à la Yougoslavie, du Liban au partage franco-anglais du monde arabe
remplacé par une hégémonie américaine, la revanche géopolitique des humiliés des
traités semble être en passe d'être réalisée : retour de l'influence allemande et turque
dans les Balkans, doublée de l'influence américaine, axe sioniste et américano-saoudien
barrant la route au nationalisme arabe ...
CHAPITRE 2
LA PUISSANCE MARITIME :
LEÇON DE GÉOPOLITIQUE ANGLO-SAXONNE
Contexte historique
• 1867 Achat par les États-Unis de l'Alaska à la Russie.
• 1895 Révolte de Cuba soutenue par de nombreux volontaires américains.
• 1898 Les États-Unis mènent une politique impérialiste très active; guerre avec
l'Espagne à propos de Cuba; les États-Unis obtiennent Guam et Porto-Rico, puis
Hawaï et les Phllippines. La doctrine Monroe du pan-américanisme est mise en œuvre
en Amérique centrale et du Sud pour défendre les intérêts économiques de
Washington.
• 1901 Les États-Unis assument la construction du canal de Panama et suscitent, à
partir de la Colombie, la formation d'un État panarnien sous contrôle.
• 1910 Fondation de l'Union panaméricaine.
• 1914 Ouverture du canal de Panama.
Carte 2 : L'expansion des États-Unis à partir de 1867
1 Ses deux ouvrages majeurs sonl Alfred MAHAN . The Influence o/St:u Puwer Upon History , Bos1on, 1890 ~ Th1: int.:resl of
America in Seo Power. Boston, 1897.
"Alftcd Thayer Mahan was bom in West Point. N . Y., Scpternbcr 27, 1840, and dicd in Washington, O. C., Deccmber 1, 1914
He was elected lO the Acadcmy May 13, 1905, Chair 23. He was graduatcd from the Unilcd States Naval Acodemy et Annapolis in
1859. and during the Civil War saw service in the South Atlantic and Gulf Squadrons. He wes president of the Naval War College el
Ncwpon. R. J., from 1886 to 1888 and again in 1892-1893 . He was one of the dclegotcs to lhe Pcacc Conrercnce al The Hague in
1899. His Influence of Sea Power on His•ory; 1660-1783 wa.s published in 1890. His distinct contribution 10 historical science was
ltis dcmonstntion of the dctermining force which maritime Stl'ength has exen:ised upon the course of gencral history . ln 1897 he
was re1lred from the UniLcd Slates Navy and some years later rcccived the nink of Rcar Admirai. Honorory dcgrees were conferrcd
upon bim by Oxford, Cambridge, Harvard, and Yale.", in W.M . SLONE, A Book Of Record Copyri,tlt, The Amcrican Acadcmy of
Aru aod. Lctteni, 1922.
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grudcs lipcs de l"cxpmoon
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2 B. COLSON, "Thitoricicns anglo-saxons". in T , de MONTBRIAL, J. KLErN dir., Dictionnairf! dtt Jtratègie, Paris, P.U.F.,
2000, p. 22.
46 Pnrlie 1. Une l1i!otoire de$ idée!' Réopolitiques
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2 H.J. Mackindcr. le pi1101 géographique J~ l'hi~toire, 1904; cf. Stratégique, Paris, Fondation pout lc!I ~1udcs de dtfensc
nalianalc, 1992-l, SS .
OCÉAN PACIAQUE
lksCovl
Pilcoim
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Auen.umr
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OCÉAN INDIEN
Sa1ntt·Hilittt.
1 A la fin du XJXC' siêdc, l'opposition entre la Russie Cl l'Autriche-Hongrie dans les Balkans pril la forme idCologique d'une
l1.111c opposant pan-slavismc et pan-gcnnenismc. le soutien de l'Allemagne à l'Aulrichc-Hongrie apparut à Saim-Péterbourg comme
éian.t la preuve d'une unité germanique, J'unc entente entre les Allcmonds et lc:i. Magyars, contre les Slaves. "Au pangcnnanismc de
l'Ouest correspondail le panslavisme de l'Est", in H . HOGDAN, Histoire des puy.. de l'Est, Paris. Perrin, 1990. p . t 72.
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5. Le rimillnJ, l'encerdcment pac les rivages, Spykman
52 Pt1rlit• T. Uru: lrisloirt• de!' idées géupoJ;tiques
Spykman remarque en effet que la théorie du heartland est infirmée autant par la
réalité de la Première Guerre mondiale durant laquelle Angleterre et Russie se sont
alliées, que par celle du front commun américano-soviétique de la Seconde Guerre
mondiale.
La démarche de Spykman reste cependant assez proche de celle de Mackinder; elle
s'attache à comprendre la géopolitique en donnant à celle-ci une centralité, un cœur,
épicentre de toutes les dynamiques et rivalités géopolitiques. Mais ce cœur n 'est pas le
Jieart/1111d de Mackinder; pour Spykman, la zone pivot de la géopolitique est au
contraire le rim/and, "région intermédiaire entre le heartland et les mers riveraines" .
C'est dans cette zone du ri111/a11d que se jouerait le vrai rapport de forces entre la
puissance continentale et la puissance maritime. Comme Mackinder le fait, Spykman
prend à témoin l'histoire pour appuyer ses thèses, mais il en fait une interprétation au
fond plus symétTique que réellement différente. Le rimland est essentiel car ce serait Je
lieu d'affrontement entre la puissance de la terre - !'U.R.S.S. - et celle de la mer -
Les États-Unis. Spykman estime que "celui qui domine le rimland domine l'Eurasie;
celui qui domine l'Eurasie tient le destin du monde entre ses mains".
1 H. KlSSl'NGER. Diplomati~. Paris. Fayard. 1996, trad de DiplumaC')', New York. Simon and Scbusta. ~994 .
Chapitre 2. Lil puis~nncC' maritime : IC'çnn dl' gl'opolitit]Ut' an~lo-smn>nnc 53
chinois.
Trois alliances militaires mises en place par Washington correspondent aux
secteurs fondamentaux du ri111/a11d:
- l'O.T.A .N. dans la zone côtière européenne et méditerranéenne;
- le Pacte de Bagdad dans la zone désertique monde arabe et Moyen-Orient;
-1'0.T.A.S.E . dans la zone de mousson de l'Asie.
On peut considérer que cette première logique de l'endiguement est une
géopolitique mise au service de l'idéologie : on "endigue" le communisme.
À partir des années 1970, les choses changent: les États-Unis comprennent que,
quelle que soit la nature de son régime, la Chine est éternelle et impériale; sa
géopolitique n 'a au fond que bien peu changé, et elle continue de s'opposer à toutes les
poussées russes, fussent-elles soviétiques. Washington revient alors à une logique
géopolitique plus différenciée et use de la Chine pour affaiblir la Russie. C'est cette
nouvelle politique, et non celle de l'endiguement en As ie, qui s'inscrit dans la ligne de
pensée de Spykman. Le s América ins ajoutent alors le rimland chinois à l'insularité
japonaise, pour tenter de prendre à revers le lrenrtland soviétique.
Carte 6 : 0.T.A.N., pacte de Bagdad et O.T.A.S.E. dans les années 1950, une
application de la theorie du rimland
Carte 7: La progression de l'O.T.A.N . depuis la fin de la Guerre froide
Aux États-Unis, le débat autour de la politique étrangère est marqué par trois
grandes tendances: les réalistes qui s'inscrivent dans la continuité de l'analyse
géopolitique classique caractérisée par les rapports de force entre les États, les
idéalistes dont la pensée est le produit du mythe américain, les disciples de
Huntingtont qui résument les Relations internationales à un affrontement
civilisationnel.
1 S.r. HUNTJNGTON. Tlw Clash ,~f Cil•ili!atlmn t1nJ tl1t· rcmalcùrs: "f tlu.• Wortel Ordf!r, New York , Simon and Schuster.
199'1
Partie 1. Une l1istoirc de~ idées géopolitiques
54
1 K. WALTZ, Theo ries of Internatio nal Po/Uic.i , New York, Addison Wes ley. 1979 .
2 On peul assimiler ces po1cmtfol copubifit1es a l'en.semble des éléments que Raymond Aron désigne comme ë1ant la puis.sanc:e
de l'Étac.
3 K. WAL TZ, "The Emerging Strucrurc of International Politics", in The Pui/ ofa"archy, Massachussets, 199.S.
4 C. LAYNE. "Kant or Canl : The myth ofdemocratic pcacc", in /"1ernat1onal Sec urity Fall, l994 .
~ pays communiste
A. pacte de Varsovie (1955) ·
Pologne, Tchécoslova4uic. RDA. Roumanie,
Bulgarie. Hongrie, Albanie et U.R.S.S.
,,
Souvdlc-
7-Bande
I
pays membre de l'O.T.A.N.
(Pacte de l'Atlantique Nord. 1949)
pays membre du Pacte de Bugdad ( 1955)
pays membre de l'O.T.A.S.E.
(Pacte du Sud-Est Pacifique. 1954)
pays protégés par l'O.T.A.S.E.
•
Â
pays membre de l'A.N.Z.U.S. (traité du Pacifique. 1951)
pays ayant signé un pacte bilatéral avec les Etats-Unis
(la Corée du Sud en 1953. la Chine nauonahstc en 1954.
6. O.T.A.N., pacte de Bagdad et O.T.A.S.E. dans les années 1950,
le lapon en 1961)
wie application de la théorie du rimland
Pilrlie J. Uur hù;toire deB idlt:s Riopolilique1
56
J Les mobiles en :llonl 11nalyi-ês Jlftr Stephen Wall, uutn: d1si:1plc de Woltz. cl Rundo.11 Scbwdler.
2 Il. KISSJNGEll , Dtplmr1t111e, Pilris, F;iy:m.1 , l')Q6 .
J z. BRZC:ZINSKI. l t.• Gnmd tdu</llÏl'' ' (/.'tlmi;nt/IW ,., le n·.we 1/11 nu1111/t'), Palis, Hachcnc. 1'997, coll . "Pluriel" ; uud. dr T1t.t
Grt'ul Cllt·.u ·hmml, H(U')1!.'r Collins rublisher, 1997 .
OCÉAN PACIFIQUE
fiJji
Pitcoim
OCÉAN INDIEN
~,entrai
· 1. ,,
2 .3. 1.,c p1vo . contre les coastlands
1 A la fin du xrxe siècle , l'opposition enlrc la Russie et l'Autriche-Hongrie dans les Balkans prit la fonne idéologique d'unC'
luttc opposant pan-slavismc el pon-gcnnanismc. Le soutien de l'Allemagne i:l l'Autrichc-Hongric apparut i Saint - Pétefbo~ comme
élan! I• preuve d'une unité germe.nique. d'une entente entre les Allemands et les Magyars, contre les Slaves . "Au plll1gennanisme de
l'Ouest correspondait le panslavisme de l'Est ". in H. OOGDAN. Hi.t foire de.l· pays de /'fü·t, Paris. Perrin, 1990. p. 172 .
2 A . CHAUPRADE, f . THUAL, D ic1io11nuire dt_· g~opolitiqm:, 2e eJ., Paris, Ellipses, 1999, p. 61 L
3 Ses pnnc1paux écrits sont : "Géographie et po litique étrangen:" , in Ame,.icun Politicol Sc iem·e Review, 19)8; "Objectifs
"éographiqucs dnns la poliliquc étrungèrc", in Amt!1fran Polilical Sciencf! Review, 1938; America's strategy ;,1 World Po/ilit:.J.
1942 ; The gl!ography of:.pac e. 1944.
52 P11rlh· ·1. llrr« hisfoirt• des idée~ }{tfopoliliquctJ
Spykman remarque en effet que la théorie du hcnrt/n11d e~t infirmée autant par la
r<'alité de la Première Guerre mondiale durant laquelle Angleterre et Russie se sont
alliées, que par celle du front commun am<'ricano-soviétique de la Seconde Guerre
mondiale.
La démarche de Spykman reste cependant assez proche de celle de Mackinder; elle
s'attache à comprendre la géopolitique en donnant à celle-ci une centralité, un cœur,
épicentre de toutes les dynamiques et rivalités géopolitiques. Mais ce cœur n'est pas le
/1cart/a11d de Mackinder; pour Spykman, la zone pivot de la géopolitique est au
11
contraire le rimlmrd, "région intern1édioire entre le Jtcnrtlnud et les mers riveraines •
C'est dans cette zone du ri111/m1d que se fouernit le vrai rapport de forces entre la
puissance continentale et la puissance maritime. Comme Mackinder le fait, Spykman
prend à témoin l'histoire pour appuyer ses thèses, mais il en fait une interprétation au
fond plus symétrique que réellement différente. Le rimlnnd est essentiel car ce serait le
lieu d'affrontement entre la puissance de la terre - l'U.R.S.S. - et celle de la mer -
Les États-Unis. Spykman estime que "celui qui domine le rimlnnd domine l'Eurasie;
celui qui domine l'Eurasie tient le destin du monde entre ses mains".
1 li . KISSINGER, Diplwnatil!. Paris, fay111rd, 1'l96; trad. de : Diplomtu~1'. New York, Simon ond Schustor. 1994.
Chilpitre 2 . La pui:iio~i\n ce milritime : leçon de gl'opolitiquc ilnglo-!ilax<mne 53
1 S.r . HUNTJNOTON, Th'• C/ush ~f Civilizatlon.f and rhc rcmnlâng of tlir H'orld Ordr:r. New York. Simon end Schus1cr.
199(,.
54 Pnrlic 7. U11c l1i.<>toirc de!> idée!> géopolWquts
4' C LA YNE, "Kant or Cun1 The myth ofdcmocnnic pcacc" , in lntf!r11atioffal Srcurity FulJ. 1994 .
~ pays communiste
A. pacte de Varsovie ( 1955) :
Pologne, Tchécoslovaquie. RDA. Roumanie.
Bulgarie, Hongrie, Albanie el U.R.S.S.
,,
:-lou•ellt-
Zélaodt
I
pays membre de 1'0.T.A.N.
(Pacte de l'Atlantique Nord, 1949)
pays membre du Pacte de Bugilad ( 1955)
pays membre de l'O.T.A.S .E.
(Pacte du Sud-Est Pacifique. 1954)
pays pm1égés par l'O.T.A.S.E.
1 Les mobiles en sont analysês par Stephen Wall. autre disciple de W11ll2, cl Randall Schwt!ller.
2 H . KISSINGER, DipJumu1ü.-, raris, Fayard . 1996.
J z. BRZEZINSKJ, le Grand Éd 1iq11ier (L 'Amêriqut• e1 le re~·t~ du monde), Paris, Hachene, 1997, coll. "Pluriel"' ; trad. de 1'lw
Great Ches .,·hoard, H81Jlt:r Collins Publishcr, 1997.
Islande
pay• membre de J'OT AN avant J989
pays membre depur• 1999
pays candidat de J'OT AN
pénétrauon de J'influence de J'OT AN
"-. ancren ride.au de fer
Russu:
mer Médllrrrunù
1 En 2000. Je Dêpartcment d'Ëtal amCricain a officiellement remplacé le concept de rugut' s lult> pliT celui de ' 'c.mcern 3ilu,e, Êlot
fa.is.ant problemc. En 2001 , sous l'administration rêpublicaîne. le lennc de rogu~ slati: u élé de nouvcuu employé Cl c.:omplê:li par le
concept d'Axc du Mal 0.rak, Iran . CorCc du Nord).
2 Lake esl en faveur d'un double containmenl des "ÉtaLo;-voyous" lrnk/Jr.n processus rendu possible par le réseau des olliaocc:s
dans les monarchies du Golfe c1 la rivalitê: 1rano-irakîenne O n notera que ln quulificutaun "E1at-voyou " qui rcllc1e un juii:cnuml de
valeur, se raccroche i la vis:ion idt!alislc, t.andis que celle "d'État-rebelle" e~I plutôt d'essence l'faliste. c1 liëe 0 Io nuhon de ttbellion
par ~ni une superpuissance.
3 Z . BRZEZINSKJ , B . SCOWCROFT, R . MURPHY , "Di fferentiatcd cont.aînmenl" 1n Fureign A.ffain S11ntmer. 199 7. Qua.nt â
Kissinger, il soutient la st11bilité interne de l'lrll C1 craint un vide amuégique exploitê: par l'Iran. On nu1e bien qu'il existe donc.: un
dêbal il l'inténcur de l'école rëalistc sur la stnuêgie à adopter . Les vues pcuvcnl se joind~ en terme d'unalyse 9ê:opolilique. mais 11e
L'Occident serait en effet l'ennemi principal "du reste" et il existerait un axe islamo-
confucéen ou islamo-chinois qui tenterait de diminuer son importance. À l'échelle
historique, le monde aurait d'abord été marqué par un conflit entre nations dominantes
qui se serait achevé avec la Deuxième Guerre mondiale; serait apparu ensuite un
conflit idéologique entre le libéralisme et le communisme qui se serait éteint avec
l'effondrement soviétique. La fin de la bipolarité serait marquée par la renaissance du
conflit des civilisations.
Contrairement à la caricature qui est souvent faite en France des théories de
Huntington, celui-ci ne prétend pas que les blocs civilisationnels sont homogènes et
soudés. Il soutient l'existence pour chaque civilisation d'un - voire de plusieurs -
État central dominant qui assurerait l'unité et la cohérence stratégiques du bloc: la
Russie pour le bloc orthodoxe, la Chine pour le bloc confucéen, les États-Unis pour
l'Occident. Quant à la maison de l'Islam, celle-ci ne pourrait prétendre à être régentée
par un seul État dominant; plusieurs États peuvent, et ont été durant l'histoire, en
position de domination de la civilisation islamique. Aujourd 'hui, aucun État n'a les
moyens politiques militaires et économiques d 'unifier à lui seul le monde musulman.
D'où le caractère utopique de l'islamisme, comme du nationalisme arabe.
Le bloc civilisationnel musulman serait caractérisé par trois fronts ouverts :
- le front islamo-orthodoxe: conflits bosniaque, tchétchène;
- le front islamo-indien: conflit indo-pakistanais;
- le front islamo-africain pour lequel l'absence d'État central constitue la cause d'une
absence d'unité.
Autour de l'État dominant le bloc civilisationnel, Samuel P. Huntington retrouve la
notion d'État périphérique, caractérisé dans sa posture géopolitique par deux
tendances possibles, déjà soulignées par l'école réaliste : le balancing - ceux qui, au
sein du bloc civilisationnel, s'opposent à l'État dominant: ce pourrait être par exemple
la France dans le bloc occidental - et le bandwaggoning - ceux qui au contraire,
suivent fidèlement la tête du bloc.
Les réalistes répondent à Samuel P. Huntington que la logique des États reste
supérieure à celle des civilisations!.
Carte 9: Le choc des civilisations selo n Samuel P. Hunting ton
J Voir la réponse fait.e 8 Samuel P. llunhngton pur S1ephcn Wull (école réolislc), "Building up New Boggcymcn". in Fure-ign
pulic:y, 1997-3.
2 Trots exemples : la Frt'L'dumfmm R~ l1gum.\· Opprt•.u üm Act o indigné les partenaire s orobes des Ëtols-Unis dont l'Êgyp1e ; le
voie du uansfcrt de l'ttmb:issade om~ricainc à Jérus.alem, c'est -à-dire Io rcconnoissencc de la revcndico.üon israt:licnne sur la viHie
Clulp•~ ... L..a ........ -........... - . ••••••C' . •L"\·un ae gropolltJque ang~o--saxonne 61
daNI tun en1emblc, • 1u.ci14! l'indi1na1ion du mondo anibc : le Pcn111onc a ddcld4! de ne J"ll• meure on œuvre ce vote; •a loi d'Anwl\l
impounl un cmbarao pdlrolier Il l'lrm1 et 6 11 Libye 1 cntravi! Io dialogua umifricano-in:mlcn prônt par 1011 R.tafü11u.
occidentale
latino-américaine
orthodoxe
islamique
africaine
bouddhiste
. ilisa.tion• selon S
: ::'.:.::am~u:e~l~P=·~H~un~tin__:gt~-o~n~~~~--
Le choc des av
9. -----
CHAPITRE 3
Rassemblant des analyses parues dans l'Action française 2 entre 1.895 et 1912, Kiel et
Tnnxe•'1 est l'un des ouvrages majeurs de Charles Maurras et sans doute l'un des
ouvrages les plus importants de la pensée géopolitique française s'inscrivant dans une
perspective capétienne. Kiel l'i Tmrg<'r pose la question de la possibilité, en régime
républicain, d 'une politique étrangère française cohérente et continue4 .
Depuis la fin d e la guerre de 1870, la France vit dans l'obsession de la perte de
l'Alsace-Lorraine. Aux yeux de Maurras, la République se montre incapable de réaliser
la Revanche. Le désir de récupérer l'Alsace-Lorraine devient un non-dit, un tabou de la
politique étrangère française~. En même temps, le patriotisme est à son plus haut point
dans Je peuple français. L'armée, symbole de l'unité nationale, apparait comme
l'instrument sacré de la Revanche sur l'Allemagne.
En 1893, la France a rompu son isolement diplomatique par l'alliance franco-russe.
Mais une alliance eurasiatique puissante contre l'Angleterre est en train de se nouer
entTe la Russie et l'Allemagne. La France tente donc le détour par l'Allemagne : "Le 18
juin 1895, les vaisseaux français rencontrent les vaisseaux russes avec les escadres
allemandes dans les eaux de Kiel, à l'entrée d'un canal construit avec l'indemnité de
guerre que paya notre France à l'Allemagne victorieuse. Tandis que le tsar nous
menait, l'empereur d 'Allemagne influençait le tsar. Bien que en ce même 18 juin 1895,
qui était le quatre-vingtième anniversaire de Waterloo, il eût fait hommage d'une
couronne d'or au régiment anglais dont il est colonel, Guillaume caressait déjà le plan
d 'une fédération armée du continent européen contre la reine de la mer : il tll.Ît donc
tout en œuvre pour y ranger la France, que 'l'honnê te courtier russe ' lui amenait"6.
Forte de ce rapprochement, la France se lance à corps perdu dans la bataille
coloniale contre l'Afrique. En accord avec Moscou et Berlin, elle tend des pièges à
Londres: "quelques-uns médiocres, comme en Chine et au Japon. D'autres excellents
comme la mission Congo-Nil"7.
.
11
de MAISTRE. /_l ' i .ra;rfr.r dt: Saint-Pét1 rshow1:. IR07 in Du Pape. le.1· St•irt.:es de Saint-Pétc1:vbourg
1
t.'f art~s lt!XIC's.
Pam. J J Pauvcn édilcur. 19.n .
5 J. BAINVILLE. ln Trrli.üi!n1e Rl!pubtiqw. /RlO- l'JJj ; F. Lnmulnndie, /.a Froncf!. /R9ll- /940, p,uis. Etlip$es. liJ96 .
6 C. MAURRAS. Kù.!I <'I Tanxer.
7/dem.
Chapitre 3. l!quilibrer le~ empiT'e~ : leçon de géopolitil1ue françal~e 65
des Indes, la question de la Méditerranée, et de toutes les autres mers sur lesquelles
régnait jusqu'alors sans conteste Je pavillon de Sa Gracieuse Majesté" 1 .
La mission du Congo-Nil: en juillet 1896, "sous le règne de Félix Faure, la
présidence de Méline et l'administration de M. Hanotaux"2, le commandant Marchand,
à qui avait été suggérée cette grande tâche, débarqua au Congo.
Cette mission est primordiale pour la réussite de l'entreprise coloniale française.
Elle va échouer. Pourquoi? La mission était-elle trop peu nombreuse? Non répond,
avec Marchand, Maurras, mais "l'explorateur n'a pas été vaincu à Fachoda, où la
victoire était possible mais à Paris où elle ne l'était pas". Un événement en effet va
enlever tout moyen à Marchand : l'affaire Dreyfus. Comme l'écrit Charles Maurras,
"dans le mois de novembre 1897, et comme Marchand approche de Fort-Desaix, un
phénomène absolument imprévu du grand public, bien que préparé de longue main
dans un petit monde, éclate tout à coup en France: MM. Ranc, Scheurer-Kestner et
Joseph Reinach lancent la révision du traître Dreyfus. L'Affaire alors commence, les
passions se heurtent et le Gouvernement français, hier assez fort pour dessiner une
offensive contre !'Étranger, se trouve tout à coup réduit à se défendre contre l'ennemi
de l'intérieur. Il lui devient très difficile de continuer sa politique russo-allemande :
l'ambassade allemande est mêlée à l'Affaire." 3 .
On sait que Scheurer-Kestner n'avait pas accepté le détour allemand de la politique
extérieure française. Alsacien, il est un partisan farouche de la Revanche. On imagine
que la politique ;rnti-anglaise favorable à Berlin ne Je satisfait pas. Reinach, quant à lui,
est juif et Maurras l'accuse de privilégier la défense d 'un co-religionnaire sur toute
autre considération.
L'affaire Dreyfus est certes une affaire politique intérieure, mais elle a néanmoins
des répercussions extérieures : elle profite à la politique anglaise et ruine le
rapprochement franco-allemand 4 . Qui plus est, le prestige de !'Armée est atteint.
L'échec de la mission Marchand à Fachoda est ainsi l'une des conséquences de l'affaire
Dreyfus qui désorganise l'État français et la cohérence de sa politique extérieure.
Déséquilibrée, la diplomatie française va logiquement se renverser sous Je ministère
Delcassé. À la coalition de 1895 dont Guillaume II s'était fait le cerveau et le cœur,
Édouard VII, encore simple prince de Galles, rêvait de substituer une coalition
contraire dont Guillaume serait la proie. Mêmes éléments : Russie, Italie, France; rôles
à peu près semblables : Russie immobile, Italie indécise jusqu'au dernier moment et
France combattant cette fois-ci sur terre et non plus sur mer. "Guillaume avait offert le
Nil à M. Hanotaux. Édouard offrirait à M. Delcassé Je Maroc et dans l'averùr une berge
sur le Rhin." 5
Mais en 1905, la France n'a pas mesuré l'affaiblissement de la Russie. Il y avait eu en
effet un bouleversement important en Europe. Il y avait eu "Moukden". Le flanc
oriental de l'Empire allemand était désormais affranchi de toute menace russe.
M. Delcassé, n'ayant rien su la veille de l'ouverture des hostilités russo-japonaises, ne
pouvait estimer l'état réel de la situation.
Le 31 mars 1905, Guillaume Il débarque à Tanger et annule d'un geste toutes les
compensations idéales que les Anglais avaient accordées aux Français en échange de
l'Égypte et de Terre-Neuve. Il déclarait que Je sultan du Maroc était pour lui un
l lhid.
2 lhid.
J Ibid.
4 "Ali momen1 QÙ les nôtres se mettaient en marche pour Fachoda. Paris et la Fronce ont pu se ballre jour et nuit pour M. Zola"
écri1 C. MaurTBs .
5/dem
66
Pnrlie 1. Une histoire des idées géopollti9~
J lhid.
2 lhid.
3/bid.
4 /bid.
Chapitn- 3 . Equilibrer les empires: leçon de géopolitique française 67
! Ibid.
2 Ibid.
l R. PINON, Lr Tt!mp.t, S juillel 1912 .
4 C . MAURRAS, Kicd 111 Tanger.
68
l'ar liC' 1. Llt1l' /JÎ6/uire des idées géopcfitiquu
depuis que l'Angle terre se l'était ass uré par un tmilé plus fort que l'arrangement
triplici<'ll."
"Une forte marine était supposée dans le desse in conçu et poursuivi dès 1895 el
1896 : or nous ne l'a vions pas à l'été de 1898." C'est s eulement à partir de 1898, constate
~aurras, . que le gouve rnc rne nt réagit quant à J1équipe1nent naval de la France; or la
d1plomat1e a d é jù o pé ré un revirem e nt. 1~1 politique de M . De lcassé conduit à une
1nenace continentale el non plus 1naritinu~ . Or personne n 'a songé aJors à se préoccuper
du fonnat de l n rntt.~c de tl'rre. 11 JustenlCnl parce qu 1 il aurait eu tniJJe fois raison s'il avait
1
e xisté, politiqul•nwnt, une France, M . Delcassé avait eu mille fo is tort dans cette carence
dt•s pouvoirs compétents qu 'on appelle la Ré publique. Ayant vu ce gouvernement
négatif t.'t. par systè n1c, inso ucieux d e sn lacune capitale, vi ser é n e rgiquement un but
1nariti1ne L''t d éco uvrir un jour que, loul en Je visnnl, il é tait d é pourvu de marine de
1
guerre, M. Delcassé n '1v ai t pns Il.• droit dl• fann.•r Ja Rl•pubJiquc dans la direction
1
contraire et dt:.• s ex pnser ù la guerre continentale sélns se de1nander s i une armée de
terre ne lui n1anqul•ntit pas con1n1c une année de nu~ r à tianotaux . 111
Le réquisitoire n1aurass ien se pours uit dans une dénonciation des guerres intestines
à la République au d é trime nt d e notre assurance à l'e xté rieur : "En 1899 toujours à
propos d e Drey fus qui venait d 'être recondamné et qu'il s 'agissait de faire absoudre à
tout prix, la lutte s'engageait e ntre l'important Service d es renseigneme nts, organe de
notre défense nationale, et la Sûreté générale, qui ne défe ndait qu e la République". Une
nouvelle fois, la France assiste à la lutte entre les services secrets c hargés des intérêts de
la France, et les re nseignements généraux occupés à la préserva tion de la Ré publique.
"En 1900 Waldeck Roussea u donnait raison aux d é fenseurs d e la République contre
les défense urs de la France: 'Le Bureau d es renseignements n 'existe plus' déclarait-il. ";
"En 1903 et 1904 le ministè re de la G uerre donnait tout son cœ ur à la réhabilitation de
Dreyfus, à la diminution du budge t de la Guerre, au service de deux ans, et lorsque, en
1905, éclata le coup de foudre de Tanger, qui ne fut rien qu 'un Fachoda inte rverti, nous
nous trouvions exactement dans la m ê m e impuissance."2
Face à cette impuissance de la République à dégager les m oyens nécessaires,
Maurras souligne l 'efficaci té de l'Alle magne à réforme r sa marine - avec la
suppression sous Guillaume If d e l 'Oberko111111ando - et des décisions anglaises en
matière navale prises sans que le Parlement ne soit consulté : "De 1905 à 1910 de
manière indépendante des élections, la marine anglais est dirigée par Lord Fisher,
premier lord de l'Antirauté ".3
La Monarchie française sut jadis mettre les moyens adéquats à disposition de la
~olitique extérieure. _Pour les rois, "la renaissance coloniale était subordonnée pour eux
a la renaissance maritime : quand il voulut prendre s a revanche des traités de Paris, le
successeur_ de Louis XV, qui n'était pourtant que Louis XVI, commença par construire
de bons va1sseaux. 11
1
Sur la c'9ute du rang de la marine française, les chiffres sonl effcclivcmcnt implacabJcs · en Jg99 l · fnl ·
:nc,o re le dcu11îème rang mondial ; en 1905, elle Cf<il déj.i cinquii:mc dcrri6rc celle de l 'Anglclc~e de l'A.11 a manne n~a1sc occupe
u •pon . Les mi.~cs • h . • cmagne, des Etnts-Ums el
Cuirassés France en c a.n11c:r comp~r.a'.1vcs en ~909. i.:inq ons avant le déclcachemen1 de la Premi ère G uerre mondiale sonl :
Conl . . 0, Allcm.:ignc JO ; Croiseurs cuirassé~ France 0, Allemagne 3 ; Croiseurs proté •é . F
rc-~tplllcurs . France 17, Allemagne Jfi ; Suus- marins : Frant:"e 0, Allemagne H. . g s . rance O. Allemagne 6 :
2 C MA URRA S. K"•/ ,., T1m}.fer.
J lord Fisher C!il 1 pC . .
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Io.: ln4r" d1sJ)C:rséc doins les men; IU1 coni:cntréi: llDns la mer du Nord - puli11quc d H n mt:nts cl la !lotte
Cuirb ·i ;e angfotisc ô la veille du premier conflil rnondinl , elle cs1 édilinnlc : Nombre: . ....:m_e cet Quani à la progression de
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24. 19 10121 .. : 19 1044, Crmsc:un:frrcla'ise : l9041J , 191037 ; rc:1i1scroisc:ursJ 90430 , l JOSX · e . 1 ·
9
· 1°'1>1lkuni : 19Q4 16 ; J9IO HH ; Sous marins 190.C O, J9JO S9 . Source . Le T d . 'Contre lorp1Jlcurs : 1904
. cmps u 27 Janvier 1910.
Chapitre :l . .Ëquilibrer les enipires : leçon de géopolitique française 69
"La République aura changé tout cela. Elle s'est annexée les îles et les presqu'îles,
elle a créé sur tous les rivages des dépôts, des stations, des forts et des bureaux. Les
colonies anciennes comme le Sénégal, se sont agrandies à perte de vue. La Tunisie s'est
ajoutée à l'Algérie. Le groupe de La Réunion, de Nossi-Bé et de Mayotte, s'est accru de
l'immensité de Madagascar. L'Afrique nous a vu remonter les fleuves, cerner les lacs,
envahir les déserts et les marécages. Mais quant aux moyens d 'assurer les
communications de toutes ces contrées avec la mère-patrie, seule capable d'y maintenir
le drapeau, cette affaire primordiale, cette condition de toutes les autres n'a jamais
occupé que secondairement nos hommes d'État. Le cas de M. Hanotaux et de ses
collègues de 1895 n'est pas isolé. On s'est habitué à posséder des colonies sans disposer
11
d'une n1arine.
"Sous la monarchie on posait comme règle que la France devait tenir une marine
supérieure à toutes ensemble, celle de !'Anglais exceptée."1
Selon Maurras, ce ne sont pas tant les choix de la République en matière de
politique étrangère qui sont à mettre en cause - ni les hommes qui font ces choix -
que l'incapacité de ses choix à réussir, dans un contexte d'instabilité permanente.
Maurras soutient ainsi que si l'alliance franco-allemande, destinée à affaiblir dans un
prem.ier temps l'Angleterre, aurait pu être une bonne politique pour la France, celle-ci
devait échouer faute de continuité.
"Le système Hanotaux normalement pratiqué et continué n'eût pas été surpris par
la guerre sud-africaine : l'heure de l'action, d'une action qui pouvait réussir, eût sonné
immanquablement quand les forces anglaises furent immobilisées par le petit peuple
des Boers. La Russie et la France pouvaient alors tout entreprendre contre l'Angleterre
avec la coopération militaire et navale de l'Allemagne, celle-ci essayant d'entraîner ou
de neutraliser l'Italie. L'alliance franco-allemande pouvait être le détour pour obtenir
ou arracher la suprême restitution." ; "Une monarchie aurait pu réussir ce détour. La
Monarchie peut feindre d'ajourner ses meilleurs desseins pour les réaliser en leur
temps. La Monarchie française, dont la tradition fut toujours de chem.iner du côté de
l'Est, aurait pu conclure une alliance provisoire avec l'Allemagne et se réserver l'avenir.
Le plus national des gouvernements aurait pu gouverner d'une manière utile et même
glorieuse en faisant une violence passagère au sentiment national et en formant une
liaison avec les vainqueurs de Sedan : il gouverna ainsi de 1815 à 1848, avec l'amitié
des vainqueurs de Waterloo, contre l'opinion du pays, mais dans l'intérêt du pays, sans
avoir eu à renoncer le moins du monde à l'adoucissement des traités de 1815, puisqu'il
ne cessa de s'en occuper et qu'il était à la veille d'en obtenir de considérables quand les
journées de Juillet vinrent tout annuler par la Révolution."
On touche là au plus profond de la pensée "réaliste" d'un Maurras enfant de la
lignée capétienne, fils d'un Richelieu qui, cardinal catholique sut manier de l'alliance
étrangère avec le protestant contre le catholique espagnol, et avant lui d'un François 1er
qui sut rapprocher la Fille Ainée de l'Église de l'infidèle turc. Richelieu dans son
Testament politique n'eut pas renié un mot de cette phrase de Maurras: "La politique
extérieure n'est pas un sentiment, ni même national : c'est une affaire."2
Enfin, après s'être employé à montrer que la République n'apprend pas, qu'elle est
donc dans l'incapacité d'anticiper, que ses hommes sont souvent lucides mais victimes
des faiblesses même du système, Maurras s'attache aux raisons qui feraient que la
politique étrangère en République ne pourrait être menée sereinement : elle serait
sujette à une déstabilisation permanente par la politique intérieure et notamment par
les échéances électorales et par les "forces de !'Étranger".
"L'action de Gabriel Hanotaux pouvait bien être patriote dans son intention et dans
son objet : dans sa formule expresse, qui eOt immanquablement révolté le sentiment
national, elle ne pouvait lui être soumise en aucun langage explicite." 1
"Hanotaux ne fut pas le seul à éprouver celte contradiction : lorsque plus tard
M. Delcassé s'engagea dans une manœuvre plus conforme au sentiment national mais
qui était contraire au sentiment de son parti, les mêmes renaissantes nécessités
l'obligèrent à renouveler les procédés du gouvernement personnel, à renier le principe
républicain, à ne tenir aucun compte de l'opinion républicaine."2
Les rois de France allèrent contre l'opinion française majoritairement catholique
lorsqu'ils cherchèrent, aux xv1c et XVII'' siècles, l'alliance avec !'Ottoman et le
Protestant, au XVlllc siècle, l'alliance avec )'Autrichien - car le peuple avait appris
durant des siècles à haïr !'Autrichien - contre l'Angleterre.
Ce phénomène de pesanteur de l'opinion dans la politique étrangère est observé
par Maurras dans le retournement des instituteurs de la me République. Jean Tharaud
a fait un jour la remarque "Il a suffi d'une dizaine d'années pour transformer
radicalement la mentalité de nos maîtres d 'école. De 1870 à 1895 environ, ils ont formé
le groupe patriote peut-être de la nation. On leur avait tant répété, dans leurs écoles
normales, que c'était le maître d'école allemand qui avait vaincu en 1870, qu'ils s'étaient
habitués à se considérer comme les préparateurs, les organisateurs de la revanche
prochaine. Dix ans, vingt ans passèrent ; peu à peu, la guerre cessa d'apparaître comme
possible, comme désirable." Les instituteurs souffraient de la situation subalterne que
leur faisait la société. "Dégoûtés de prêcher la revanche, profondément humiliés et
mécontents, ils étaient tout préparés à recevoir la foi socialiste. C'est vers 1895 que le
mouvement de propagation révolutionnaire commença d'être conduit, parrn.i eux, avec
un peu de vigueur."3
1895 apparaît donc comme une année fatale pour l'opinion publique et
l'attachement de celle-ci à la politique nationale. C'est en 1895 que la Russie et la France
s'étaient unies à l'Allemagne dans un contexte où les Français avaient été dressés
durant des années à la Grande Idée, la Revanche .
Du point de vue géopolitique, l'ouvrage de Maurras reste pertinent. Il manie les
constantes géographiques et souligne le besoin de continuité de toute politique
étrangère fondée sur la prise en compte de ces constantes ; il rappelle l'importance
d 'une Marine française forte dans le rôle mondial de la France4. Fidèle au réalisme
capétien, Maurras fut sans le savoir (il aurait récusé le terme de géopolitique trop
allemand à l'époque), un grand géopoliticien français comme le fut avec lui Jacques
Bairiville.
"Il y a plus d'un demi-siècle que le géographe français Jacques Ance! - 1879-
1943 - a construit, à propos de la 'matière' balkanique et centre-européenne, ce qui
reste le modèle le plus intelligent, le plus sensible et le plus élaboré d 'une 'géographie
des nations'; s'attachant, dans cette complexe mosaïque humaine, à reconnaître les
lignes de force indiquées par la nature et les combinaisons de genres de vie réalisées
l /htJ.
2 !hicl.
J Ibid.
4 Manne condi11on de l'indépendance n111tion11lc el du ruyonncmcnl de la Fmncc dnns le momJc .
72
Parli~ 1. Une histo;re de8 idirs s~opoUti'f'la
de
ner. c gcograp e est sans doute le principal rcs bl d I' · h
France, cor souciowt do monopoliser Io champ d'invcSligation do conc matiè "J ""."'" .c c cc e< de la geopolitiquc en
r11SOMtmcnl. re, 1 ne 5 appltqua pas à en définir les outils dt
3 M . FOUCHER., Fronts e1fron1ièreJ, "n rourdu monde géopo/uique , Paris, Fayard, f98S réêd 9
4 J ANCEL. Gé<Jgraphic des /rontiereJ', 3t ~d., GaUimard· Paris' 1938 · coll · "G eograp
. h 1e
. • . 1 94.
humain~" .
Chapih"e 3. Équilibrer les empires : le.;on de gcopolitique françai~e 73
- Les fleuves ne seraient pas forcément des frontières naturelles. Le Rhin par
exemple n'est, pour Ance!, ni une barrière ni une fronti~re de civilisation, puisque de
part et d'autre des deux rives, s'étend une civilisation rhénane. Le Danube, sauf en de
petits points déterminés ne constituerait jamais une frontière.
- li n'est guère que les vides d'humanité - déserts, marais, forêt - auxquels l'on
pourrait concéder une fonction de frontière naturelle.
En fait, pour Jacques Ancel, les vraies frontières naturelles sont le produit de faits
humains, comme la dissemblance linguistique par exemple; ce sont en effet les
relations humaines qui détermineraient, par contrastes, par affinités, les liens les plus
solides. Ainsi, à l'image de Lucien Febvre qui écrivait que le cadre importe moins que
le cœur, Jacques Ancel fait de la géopolitique française une géopolitique humanisée,
éloignée des excès de scientificité allemands.
3 · L a geopo
- 1·1t1que
· française
contre l'impérialisme allemand
La, France
d' de la fin du XIX<' siècle et du premr'e r quar t d u XX e siècle
· est préoccupée
par 1~n 1guement de la puissance allemande. Les préoccupations géopolitiques
françaises se portent sur la manière de maintenir un Empire austro-hongrois puissant
co~tre la montée du pangermanisme, ou bien sur la manière de développer une
alliance franco-russe pour prendre le nationalisme allemand à revers. Après la
Prennère Guerre mondiale et au moment du Traité de Versailles, Mackinder,
géopoliticien anglais, comme Foch, militaire français, prônent l'idée d'un cordon
sanitaire autour de l'Allemagne. L'historien Jacques Bainville rappelle la fonction de
contrepoids de la Russie pour la France : "Depuis qu'il y a une Russie, l'alliance franco-
russe a été tentée et nouée dix fois, tant elle paraissait naturelle à notre besoin de
contrepoids oriental, tant la Russie nous paraissait créée pour répondre à ce besoin."!
1 l BAINVILLE, Les consiquenu.r puliliques de la pafr, Paris, Fayilrd, 1920, rcCd. Nouvelle Librairie Nationale, 1995.
2 Oui fair partie ftomC" 1) del• monumcn1ale hislom: de Fr.1ncc de Emesl LA VISSE .
. J Principales <ru\lfes dC' Paul VJDAL D!: LA BLACHE : "Lo géographie poli1ique". in Annal~s de giographit!, 1898 (i pro~
~es ~nlS dC' ~alzcJ) ; "Tableau de la gfographie de la France" m Ernest LAVISSE, Hbuo;re de Fram·e. Pa.ris, Hachene, 1903. t. l .;
L IS/<JIT~ el g~ogropl11r otla.r gent!rul. 190.S ; La Frant'e dl! l'füï. lnrroim:~ Vo.tges, Al.'ôace, 1919 ; Principes dt! géognJPlt~
"IJ'Mine, 1922.
1 A. CHÈRADAME. l'Allemugnc:. lu Ft"un,·e el lu que.-.1ion û'Aulrkhe, Paris, 1902 ; Le plan pungermunislt! J~nta.squt!. le
rl!duuwble p1i-ge de lu partie nulle:. Paris, J 916 ; lire êgalemcm à propo~ tl' AndrC ChêroJam-= c-.: que K. Haushofer êcrit en 193 1. d .
ltaduc:llon françaist: '. 01! lu gt!o1wlilltjUI!, raris , Fayard. 1986.
2 "Afin de maintenir la pai.11., je préconisais l'évolu1ion interne lie l"Autrichc~Hongrii: dons un sens félléral d libi!rnl qui c:Ùl
pemus de donner a st:s populations slaves cl la1incs des droits proponionnels à leur nombre. L'Empire des Habsbowg se fut :unst
modernisé sans que ses frontîf:res fussent louchées. Dans ces conditions, 14 mort de François Joseph n'cûl pas nécessairement
dêunmné la d1sloca1ion de son Empire c:1 par conséquen1 l'intervention aUcmande qui, comme on le croyait génerolemc:nt, d.evait en
êU"c la conséquence", A. CHÉRAOAME, La dt:/ ûu monde et lu vic.:lulre. New York. Ed. de la Maison Française. 1942. p . 96. Le
proJCI de Chéradamc renconua â droile l'opposi1ion dt: milicUA ca1hoh4ues hostiles awi. Sla ... cs orthodo:tes el souc1cWL avanl 1out de
m.a..iotenir J'influence de Rome dans la région .
3 Le fameWL M . Pîchoo qui avait écru. â trob mois de J'êchuement de la gue~. que la paix eum bien inslallee. Voir notre
citation en exer&ue de l'ouvrage.
4 "Si dans les années qui préctdCrent ces guerres. c'esH~ ~ d1re de 1909 t 1911. l'Auuiche-Hongne avai1 ob1enu les moyens de
n:a..li5er pour un rrulliard el demi d'armemenlS, qui pou1'"1'Bit assurer que les guerres balkaniques de 1912 cl de 191) auraîcnl lown,.
comme eUe& l'oal fait., il la confusion de Vienne et de BeThn ?" écril André Chéadame dans La Clef du Monde et la Viclolre, New
Yorlt., Ê.d. de la Maimn Fn.nça.ise, ouvrage de résistance paru en 1942 awi Etats-Unis et destin'• convaincre les Am~ricaias de
&'engager contre le plan de domiruuion mondiale du pangermanisme sans plus tarder.
76 p",.tir 1. llnt• /Ji~lnîrr dt'~ idf.e!f; gt!opoliriqu~s
rl!sul1Ce pour Je fronl occidcn1al .. 13 situBtion dev1c-111 Ue jour en jour rlus critique . .. Dons ces conditions. il \'GUI mieux c~r 11
lune. 1-.. ) Ces p:uolcs d'Ui ndcnburg ~1abli ssc n1 ncllcmcn1 que \'nnnistit:e du 11 noveml:irc 191 R. mslnmm..:-nt demande par les
Allcm311ds . a c1c une ..:ons~qucncc des v1c1oirc!o. en "-cr1cmhrc cl oc1uhrc l 91R, des année!! alliées d'Oncnl pnr1ics de Salonique. {.. . f
S1 au lieu <l'avoir orré1é les hn:mlités, 6 ln demunde des Allemands, les chngcnnts a lliêi; avnicnl lois.."ê li=11rs annCc-s d'Orient continuer
la pnur.;u11e c.fo l'ennemi par Budnpcst, Vienne , rruGUC , en mcnui.,'utu dm:c1cmcn1 Berlin. rar la Bohème. le front allemand, à l'ouc:s.1.
se scruu écroulé d'un hloc Lo lutte ne M: 3era11 pas h:nninée por un annisticc qui U i"'Cmtis aux Allemands , d'•bord, de tt cons1dl!ttr
comme n'o1yan1 pas é1é vaincus c1 , ensuite, de prépon:r la guerre ac1udlc. On es t donc fondé à penser que Io \'1c1oinc n.4c!lc cl
i.:amplCle qui f'OU\IOil venir par Solomquc eut vroimcnl o"suré uu monùc uuc longue pCnode de paix .", A . CHERADAME.
"chapirrc VI : Le plan Salonaquc-Eururx: ('en1r11le n cmpêchl l'A lkmognc de s'emparer de Io clef du monde. lors de la PRmi~
Ouerre mood1ulc" in l111 ·l1:f1/u mm1dl' t•t 111 i·ic/llirl!, New York. Éd . de la Moison Fnmi;ai,e, l 'M:! . p. 161 -2 10.
Chapitre 3. Ë.quilibrcr les t?nlpircs : leçon d~ gl!opoliliquc frnnçaisl.? 77
seront pas restaurées avant longtemps, même si Berlin paye toutes les dépenses
rendues indispensables par son agression. Par contre, l'Allemagne, intacte, peut
reprendre sa pleine activité dl>s la paix.
On ne veut faire réparer par l'Allemagne que les dommages directs causés par son
agression, sans tenir compte des dommages indirects infiniment plus grands que celle-
ci a déterminés. Ces dommages matériels indirects résultent des dépenses de guerre
auxquelles l'agression allemande a contraint la France. Or ces dommages indirects sont
immenses.
Les dépenses de guerre ont été beaucoup plus lourdes pour la France que pour
l'Allemagne. Un obus français fait avec du charbon anglais et de l'acier américain a été
beaucoup plus onéreux qu 'un obus allemand fabriqué avec du minerai volé au bassin
de Briey et du charbon saisi chez les Belges. Il en a été de même non seulement de
presque tous les éléments du matériel de guerre mais encore des vivres. La France a du
en importer beaucoup alors que les Allemands se sont nourris en partie avec ce qu'ils
ont saisi dans les pays envahis.
Le mot "ré parations" s'appliquant seulement aux dommages directs, il résulte des
dommages matériels indirects causés par la guerre à la France que celle-ci, au moment
de l'armistice, supporte un fardeau financier infiniment plus lourd que celui de
l'Allemagne .
L'armistice ne donne donc à la France et par conséquent aussi à ses Alliés et
associés qu'une victoire virtuelle. Si les conditions de paix ne détruisent pas la
différence qui existe dans la situation respective de la France et de l'Allemagne, quant
aux pertes en hommes et en argent, il n'y aura pas de victoire réelle de la France sur
l'Allemagne." 1
La thèse d'André Chéradame est en contradiction totale avec l'idée selon laquelle
l'émergence du nazisme trouve ses sources dans les "humiliations" du Traité de
Versailles de 1919 - les All iés auraient en quelque sorte été trop durs avec le peuple
allemand et il en aurait résulté la réaction national-socialiste. Chéradame affirme au
contraire que les Alliés se sont fait apprivoiser, cédant notamment au chantage
permanent du danger bolchévique inversement proportionnel à la puissance
allemande, chantage dont Berlin usa pour assouplir sans cesse le montant des
réparations 2 .
• Selon Chéradame, le plus grand allié du pangermanisme fut le pacifisme, tant à la
veille de la Premil>re Guerre mondiale, qu'au seuil de la Deuxième. Ce qu 'il écrit à
propos du pacifisme mérite réflexion : "Depuis un quart de siècle surtout, le monde
souffre de deux grands maux. Le pangermanisme et le pacifisme. Les deux sont des
formes de la folie . La seconde est plus dangereuse que la premil>re parce qu'elle est
moins visible. En réalité, Je plan allemand de domination universelle est manifestement
si insensé que sa réalisation aurait pu et dO être arrêtée dl>s les premil>res tentatives de
Berlin. S'il n'en a pas été ainsi, les pacifistes en sont responsables. Ils n'ont pas voulu
comprendre la signification des armements croissants de l'Allemagne et le danger de la
propagande pangermaniste. Pour n'avoir voulu ni voir, ni entendre, ni agir en temps
utile, les pacifistes sont les principaux responsables de la guerre. Ils le sont aussi de sa
prolongation. Ce sont eux qui, lors de la conférence de Stockholm, truc grossier de
l'État-major allemand, ont voulu conclure avec l'Allemagne une paix prématurée qui
eüt assuré le triomphe de Berlin. Ce sont les pacifistes encore qui voulaient une paix
séparée avec l'Autriche-Hongrie, laquelle était le point faible de la combinaison dirigée
1 A CHÊRAOAMF. , la clc/dr1 mnnd~ t:t la victnire. New Vork. l!:d. de Io Ma1~nn Frnnç11isc. 194:2, p. :223
2 La politique du "chanlagc eu bolch~vismc" pratiquée par l'Allemagne de l'cntre-<ieux~guel'T'CS pourni1t d'aîlleun; être!
rapprochée de celle du ch1ITon rouge D@iléc por les Étals-Unis. dumnl la Guerre frmJc, rtaur s'nsi;un:r de l'uhl!:ncmenl des nlliik
curn~ns de l'ouest à sa palitiquc étrangCre .
711
P1rrti1• 1. Une hitilnire des /dére Rlopolitlqun
par Berlin. Ainsi h~s ~,acifisles ont contribué longtemps à empêcher l'attaque par
Salomque. Par suite, 1effort de la guerre a été concentré sur le front ouest où lew
Allemands étaient ll•s plus forts. Les pacifistes ont, ainsi, fait sacrifier des millions
d'hommes.
Dominés par leurs lubies, les pacifistes ne peuvent voir les choses telles qu'elles
sont. Sir Edward Grey est considéré comme ayant fait son possible pour éviter la
guerre de 1914, alors qu'en réalité son attitude hésitante a incité Berlin à la déclarer.
Même une fois celle-ci déclenchée, Sir Edward Grey s'est généralement opposé à
l'action faite en temps utile. En septembre 1915, les Bulgares se préparaient
manifestement à envahir la Serbie. Les représentants de ce pays à Londres dirent à Sir
Edward Grey : "Nous allons attaquer la Bulgarie avant qu'elle ait achevée la
concentration de ses troupes. C'est l'unique moyen d'empêcher l'invasion de notre
pays." Sir Edward interdit formellement aux Serbes d'attaquer les Bulgares. Il prétendit
que ceux-ci mobilisaient pour se joindre à !'Entente !
Cette faute de jugement, incompréhensible mais certaine, a rendu possible
l'invasion de la Serbie. Elle a permis à l'Allemagne d 'effectuer sa jonction avec les
Bulgares et les Turcs. Il en a résulté une énorme prolongation de la guerre." 1
• Le projet des États-Unis d'Europe lancé officiellement en 1929 par les dirigeanbi
de l'Allemagne est, selon André Chéradame, un produit du pangermanisme. Il vise
notamment à créer suivant le principe du Zollverein un marché commun d'Europe
centrale autour de l'Allemagne2. Plusieurs sociétés créées sous l'égide de l'Allemagne
encouragent ce projet: L'Union paneuropéenne, la Fédération allemande pour les
intérêts européens, l' Union douanière européenne, la Ligue allemande pour la
civilisation. L'objectif, selon André Chéradame, est de provoquer la révision du Traité
de Versailles en re ndant caduques les nouvelles frontières de 19193 .
Terminons sur ce texte d ' André Chéradame écrit en janvier 1935 - Le Français
réaliste, n°87 - :
"Les usines de guerre travaillent autant qu'il est possible en Allemagne, en Hongrie
et en Italie, parce que ces trois pays sont associés en vue d'opérations dont on peut
décomposer l'exécution probable en la déduisant des actes qui décèlent sa préparation.
1. L'Allemagne - 65 millions d'habitants -, après avoir récupéré, par un
plébiscite, sa pleine souveraineté sur le territoire de la Sarre - 1 million d'habitants -
cherchera à réaliser, au moyen d'un plébiscite analogue, l'annexion - Anschluss - de
l'Autriche - 7 millions d'habitants.
1 /J,·m, p. 236
2 DC.~ 1M97. c.Ja.ns une brochure publiée par le Doct1;ur Hasse. prêsit.lcn1 de l'Union pangcm1ilnis1e. cl inlitulëe La politiq~
allemande uni\lcrscllc, il est êct11 : "Le Zollvcn:m a supprimé les obstacles qui gênaient le commer<:c et \'inJustric ~ il est la ca~
prcmi~rc du sui.:cCs des dcm1èrcs annCcs. L'expérience a élabli que la voie était bonne . li fout donc simplement rcprend.n: l'idëe de
l'êi.:onommc List, c'cst-à-c..l1rc étendre le Zollverein à toute l'Europe centrale. Une immense ~tendue du com incnl S<:rail as.surf.: 41.1
cornmcn;c allc-~11d cl s:. puissance de rayonnement extérieur s'accroit roll tians des proportions énom1es."
l Nous renvoyons à la sci..:tion consacrée ô la politique des minorités et à lu rég1an111lisation cu.ropécnnc, dans la septième~
de 1'01.1v1111ic.
\ Connincu de la menace imminente et de l'urgence qu'il y u à adopter une politique de fenneré à l'ég:u·d de l'Allemagne.
Chéndame décide d'écrire en j uin !935 aux 932 parlementaires rrançais en joignant à sa lenre des documenl4lions précises. À
l'êpoque, 11 a déj:i publié de nombreux livres el cs1 co nnu du public. li ne reçoit pourtant en retour qu'une \'Îngta inc d'accu.ses de
rêception pol is . Seul un député , Louis Nicolle. député du Nord, se montre aler1é ; "Ce qui l'avail .!mu dans ma lettre" écrit
Chéradame "était celle phrose : Les députês perdraient lcun circonscriplions c11r, dans le régime réservé i la France. il n'y aurail plus
de circonscriptions . En conséquence, il me demandait des renseigncmcnls s ur cc point particulièrement grave.", A. CHÊRADAME,
La clef du monde et la viclUire, New York. Ed. de la Ma.ison Française. 1942, p. 335 .
2 Chéradamc soulignait que l'une des forces de l'Allemagne fui d'o\'oir mobilisC le:i: sciences poliliques au service de ses buts ;
selon lui , les sciences politiques étaient fonnées de I• géographie, de l'cthno1nphie, de l'tconomie poli1ique. de la psycholoaie
nit1onale . Sans parler de la demi~rc des disciplines citc!es. aujourd'hui disparue - il en reste des bribes dans les enseignements de
relations in1ercuhurelles servant aux décideurs économiques - . on •ura no1é que les trois premiâes mati~res sont aujourd'hu.i ~
ron recul dans l'Universi.~ fnmçaise, et placées sous le feu d'une idéologie a.nti-réaliste. 1ou1e-puiss.an1e depuis 1945. et qui a
largement survécue à la tTansition post-So\'ic!tique.
CHAPITRE 4
LA PUISSANCE EURASIATIQUE:
LEÇON DE GÉOPOLITIQUE RUSSE
1 M . HELLER, Hi.flnire de Io Ru.u il! et de son Empire , Paris, Pion, JQ97 ; G. Sokoloff. La P11i,\',.,;nncc po11vNt, une hi.HOIN' de
la Ru.uie de IR/5 Q no..,.;aur.\-. Paris, Fayard, l 99J .
2 F. THUAL. l e dbir de rerritoire, Paris, Ellipses, 1999, pp. 177~1 Rl, "Le mentisme el Io géopctlit1quc".
3 J.C. ROMER, Géopolitique de la R1.1.rsie, Paris, Economica. 1999. coll. "Poche G~opolit1quc", p. 25 .
4 J.C. ROM ER, Geopnlitiqul! dt• la Ru.~.v ie, Paris, Economica, 1999. p. 25.
82
Pnrlic 1. Une histoire des idi~ glopo/itktutt.
2. Panslavisme et eurasisme
La Russie n'échappe pas à la règle ; ce sont souvent ceux qui croient en la nation, et
plus particulièrement en leur nation qui s'attachent au raisonnement géopolitique. Ce
qui est vrai pour l'Allemagne, l'Angleterre ou les États-Unis l'est aussi pour la Russie.
Alexandre Dougine qui appelle à une redécouverte de la spécificité slavophile de 1!11
Russie est aussi un combattant acharné d'un Occident qu'il juge corrompu et
décadent2. C'est encore le cas de Vladimir Jirinovskii dont le programme de retour de
la Russie à ses frontières impériales peut se décliner de la manière suivante ;
- réintégration de la Moldavie, de la Biélorussie, de l'Ukraine et des pays Baltes
dans la Russie, à trois exceptions près toutefois ; Tallinn et de Kaunas resteraient des
"villes-État libres"; la Pologne recouvrerait la Galicie ukrainienne autour de Lvov, ce
qui aurait pour conséquence à la fois de soulager les Russes de la pression d'un fort
indépendantisme ukrainien et d e compenser les Polonais d'un transfert de la Silésie et
de la Kachabie polonaises à l'Allemagne.
- la région de Kaliningrad-Konigsberg reviendrait à l 'Allemagne.
- la Russie déborderait même de ses frontières impériales pour se projeter plus
encore, à la fois vers l'Ouest européen et vers la Méditerranée ; Autriche, Bohême-
Moravie, Slovénie; dans l'ensemble slave, on assisterait à la formation d'une Grande
Bulgarie qui détiendrait l'ensemble de la Thrace ainsi que les trois Macédoine : bulgare,
grecque et ex-yougoslave ; quant au reste de la Yougoslavie, il se verrait partagé entre
Serbes et Croates.
Ce qui frappe dans le programme géopolitique de Jirinovskii3, est le bénéfice
important réservé à l'Allemagne, qui laisse présager dans l'esprit du nationaliste russe
la volonté d'une forte union germano-russe, que l'on sait être le cauchemar de tous les
pays à façade atlantique. La Russie regagnerait son empire, augmenté de la Slovaquie,
mais l'Allemagne quant à elle retrouverait l'ensemble des territoires revendiqués par la
Ligue pangermaniste du xrxc siècle.
Jirinovskii, . peut ,être ~angé dans le camp de ceux qui ont une conception
européenne, bien qu impériale, de la Russie ; s'il soutient la bonne entente avec les
m~sulmans d'Asie centrale, c'est pour s'assurer d'une alliance contre l'influence
chmoise dans la partie centre et est-asiatique de la Russie.
Se~ positions traduisent une représentation historique d'une Russie doublement
europeenne, .de par sa population slave - Pologne, Bohême, Serbie _ mais aussi de
par ses premières implantations varègues - populations scandinaves _, d'une Russie
1 L. FEBVRE. L 'Eurnp<'. geni-.n:' d ',,,w 1.:iwli.,.orum. raris. r~rrin . 1999. Tcxlc~ de nmfércnccs dt1nnCci. rar Luç1en f-'cb..,rc c:I
tasscmbll!5 par Pcmn.
LE RETOUR DE L'ANALYSE
GÉOPOLITIQUE DANS L'ÉTUDE
DES RELATIONS INTERNATIONALES
1 E. JOUVE. Relalirm!O inlernalionale.'i, Paris. P.U.F., 1992 cl Relation.\' in":marmnalc.•J du Til"r.'î·Mmrde, Paris. Bc'l!cr-
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1919 Q r!OlJOUrs , 11' éd .• Paris, Dalloz. 199); P. MOREAU-DEFARGES, Relat;on,iç inrcrnarionnlt.f, Paris, Seuil, 1993 .
2 "Le rapprochement avec !'U.R.S.S. fut rendu possible par lroîs concessions majeures de lit R.F.A.. l'adhésion au 1raité de non
proliréntion nucléaire -2H novembre 1969 - ·. l'acccp1ntion <le la réalité étaliquc de la R.D A. cl la rcconnn1ssnnc1: du carac1~rc
'inviolable' - c'cst-8-d1rc non modifiable par la force - des frontières de 1945.". in M. DRA!N, ''Les a1outs slratégiqucs de
''Allemagne dans la C.E.I.", in Relations intenwrinnalt>s et stratégiquc.î, Pans. I.R.I.S., Pnntcmps 1992, n°S. p. 158.
"iJ
0
Ce sont les fissures dans les blocs idéologiques qui mettent en évidence l'existence
de déterminants géopolitiques dans les conflits.
les rivalités territoriales pouvaient etre plus importantes 1• La guerre qui éclata entre les
Khmers rouges et les communistes vietnamiens pour le contrôle d'une partie d~ ~elta
du Mékong eontribua fortement il la réapparition du mot géopolitique pour designer
des antilgonisn1t:.'S benucnup n1nins idéologiques que territoriaux .
Co11texte lristoriq11e
Au Cunbodge, en avril 1975, les Khmers rouges prennent Phnom-Pehn. Le
nouveau régime est pro-chinois. Au printemps 1978, un conflit frontalier - bec du
canard - éclate entre le Cambodge et le Vietnam , Hanoi étant soutenu par Moscou. En
janvier 1979, se produit une attaque vietnamienne massive. Un mois plus tard, les
Chinois contre-attaquent en territoire vietnamien et occupent la capitale provinciale de
Laocia2.
Contexte historique
•Re/niions nméricmw-russes. À Helsinki en 1969-1970 débutent les pourparlers
américano-russes pour arrêter la course aux armements. En 1978 des négociations ont
lieu pour ne pas fabriquer la bombe à neutrons. En 1981 ont lieu des négociations
portant sur les euromissiles. En 1983, Je président Reagan lance le programme "Guerre
des étoiles".
•Re/niions germano-soviétiques. En décembre 1972, Je "Traité fondamental" est signé
à Berlin-Est; l'Allemagne fédérale reconnaît l'existence juridique de la R.D.A. En
octobre 1988 a lieu la première visite du chancelier Kohl en U .R.S.S.
1 y 1.ACOSTE. Vil twmwire 1/e >:•'opo/itiqm•, raris. FhunmBrion, 1'J9J. prénmbul!! . p. 14.
2 J l:J. OUROSf.LLr::. l/istmn • d1plom1111111wcJ,, IYl'Jti "mjtmr.fi, 11~ é<l .• rams. Oalh 1z. 19'1JJ. ( lrT ~tl. 19SJ).
J J. SOPPl'.LSA. Génpo/itùftW tlt• llJ4 .i ci nm· 11mr\·, Puris. Sirey. 1992.
ChnpHre 5. Le retour dt" l'analyst..~ géopolitique dnn!' l'~tude de!" rclnttomJ lnternntlonilfcs 89
1 J.C. ROM ER. Le monde en L-ri.ft> dt!pW.\" 1971, Pari s . Ellipses. 19q,7, p R7 -88 .
90 Pnrlic 1. Utte hi•loire des idées 11kpolill!fUee
Corrtexte l1istoriq1œ
• juillet 1973 La monarchie afghane est abattue et la république proclamée.
• Avril 1978 Un gouvernement favorable à !'U.R.S.S. se met en place.
1 Le Chan e' Anib est la confluence des neuves Tiare et Euphrate ; il fait ln fronti~re en~ l'Irak ct l'lnm à l'appmchc du golfe
Anbo-pc~îque dans lequel il se jette.
92
Partie 1. Une hi!'lloire des idée!'! géopalltlque9
Ce bref aperçu sur les principales traditions géopolitiques met en lumière un fait
commun lié à la nature même de la discipline géopolitique : la géopolitique est à la fois
un champ de la science et un outil de l'action politique. Une théorie géopolitique est
aussi une arme géopolitique, ce qui débouche sur l'inévitable dilemme de l'œuf et de la
poule. Les Américains endiguent-ils la Russie parce qu'ils se la représentent comme
étant un '1cart/1111d potentiellement dangereux, ou bien est-ce parce que la Russie est par
essence expansionniste que la théorie du henrtland est intrinsèquement vraie?
Nous ne perdrons jamais de vue que le géopoliticien est "instrumentalisable" par la
récupération politique de ses propres théories et qu'il ne faut donc pas qu'il s'étonne,
comme Haushofer put le faire devant le dévoiement de ses travaux par Hitler, que sa
science ne se situe pas seulement en aval de la réalité historique, mais aussi en amont;
qu'elle soit une force motrice de l'histoire. La géopolitique n'est pas la stratégie, mais
elle est un outil de la stratégie. C'est en cela qu 'elle reste une science humaine.
Si nous avons choisi de placer ce panorama des écoles géopolitiques au début de
l'ouvrage et non à la fin, c'est justement pour souligner le fait que les travaux
géopolitiques ne contribuent pas seulement à expliquer l'histoire, mais qu'ils la
déterminent aussi par l'influence qu'ils peuvent exercer sur les gouvernements des
États.
C'est la raison pour laqu elle, nous pouvons appliquer sans hésitation ce qu'écrit
Joseph de Maistre à tout livre qui connaît dans la matière géopolitique un destin
médiatisé :
Cr que Sé11 èq11c" dit des ho111111es est encore plus vrai peut-être des monuments de leur esprit.
Les 1111s ont ln re11a1111111!r et ifs n<1/res la méritent. Si les livres parnissenl dans des circonstances
fnvornbles, s'ils cnrcssmt de grandes passions, s'ils ont pour eux le fanatisme prosélyte d'une secte
nombreuse et actiI>e, 011, ce q11i passe tout, la faveur d'une nation puissante, leur fortune est faite;
la réputatio11 des livres, si /'011 excepte peut-être ceux des mathématiciens, dépend bien moins de
leur mérite i11tri11sèque q<1e de ces circonstances étrangères à ln tête desquelles je pince, comme je
viens de vous le dire, ln puissance de la nation qui a produit l'auteur.1
J J. de MAlSTRE, les soirées de Sainr-Pbersbourg. 1807 in Du Pape, Les Soir~es de Saint-Pétersbourg et outres textes, Paris,
I.J . Pauvert bfüeur, 1957, p. 269.A l'époque, de Meistre faisait ellusion à la pénélration des OU\lrages du philosophe anglais Locke
qui con1ribuèren1 aux idées révolu1ionnaires sous Louis XVL Des intér~1s anglais favorisèrent cene diffusion et les livres de Locke
furent des armes politiques tournées contre la Monarchie française.
l•t l \lt \lt •. 'h11•
L'ÉCHELLE DE TEMPS
DE LA GÉOPOLITIQUE
Comme nous l'av ons vu e n introduction en nou s proposant de nous munir d 'une
~éfinition provisoire, la géopolitique est l'étude de la relation entre la politique des
Etats et leur géographie.
La multiplicité d es é vénements dans le monde laisse croire que les changements de
régimes po litiques détermine nt des changements profonds dans la politique intérieure
et dans la politique é trangère des États. Alors que l'étude des Relations internationales
insiste plutôt sur les événements, les crises, les ruptures, la géopolitique souligne les
dynamiques de continuité. La continuité inhérente à la science géopolitique trouve son
origine dans le caractère stable des caractéristiques géographiques.
Les politiques extérieures de nombre d 'États apparaissent souvent comme
constantes, malgré les inversions et les changements idéologiques, parce que les
gouvernements raisonnent dans un environnement géographique relativement
imperméable à la variable du temps. Les situations d'enclavement, d 'insularité
traversent les siècles, et cela m ême si les progrès humains permettent de transformer le
rapport que l'homme entretient avec la géographie.
L'étude des facteurs conservatifs nécessite préalablement de préciser l'échelle du
temps employée.
Conventionnellement, le temps long 1 est celui courant de la préhistoire à nos jours.
De -10 millions d'années à -1 million d'années avant notre ère, on situe une période de
pré-hominisation - pré-Australopithèques - allant jusqu 'à !'Homo Erectus qui est le
premier accès au monde technique, avec la première véritable culture à l'échelle
industrielle. De -1 million d'années à -100 000 ans av. J.-C. - période joignant !'Homo
Erectus à l'Homo Sapiens (Moustérien) - on assiste au développement de cultures
industrielles améliorées et de l'abstraction technique - feu . Entre
-100 000 et -10 000, entre Homo Sapien s et Homo Sapiens Sapiens, il y a développement de
la culture et des instruments conceptuels - religion, art, sépultures. À partir de -
10 000, notre planète se réchauffe - on peut considérer que l'on est très proche du
climat actuel et l'homme entre dans l'ère de la production - et non plus seulement de
la prédation - qui correspond au Néolithique.
Le temps moyen dit proto-historique2 commence aux environs de -10 000 av. J.-C. à
nos jours. Entre -10 000 et -7 000, les techniques de production se développent avec
l'agriculture et l'élevage. On retrouve dans ce livre, à travers plusieurs exemples,
l'influence de ces différences - notamment à travers l'étude de la dichotomie nomade-
sédentaire qui a un sens géopolitique. Entre -7 000 et -4 000 sont développées des
1 Celle scclicm s'inspire de l'iéchcllc é1ubllc pur BERTIN. NÊPOTE, Allu~· hi.1·1oriq11•• 1mi1•ersel, Genève, 19%, ~d Mincrvu.
2 "Scion 1.1 i.:onceplion 1r..iJi1îunncllc, on d1s1m11u11ît l ' h i~to i rc de fo préfostoirc eu cc ~uc lu première s'upphquc il <les s oci ~1ts
l.'onna1~nl l'écrllure cl Io st:condc d dc1; socitrts un1érîcures R l1écri1u rc. Or rour les p~ri od cs im"'l!Llio1cmcn1 nnl~icurcs R l'écruun:,
le divcloppcrncnl de rarchéologte cl l'oflim..:1ncnt extra-ordinaire dc!i cunnaissunccs tlUÎ en on t n!sullé, dun1 J ' nrcheologu~ loliale
- de Lauum --· offre un ma11nifiquc exemple , ont rendu nécessaire /'1ntroduc1io11 ll'un nouveau concept celui de rmuohistoin:.", m
A Grandaa1 , Lajùmlaticm de Romt!, Rilflc.xltm~ .r nr /'hi.otloire, raris , Les Belles Lcures, 191Jl
100 Partie 2. l'ermanence dt la carlt
LA SITUATION GÉOGRAPHIQUE;
CENTRE ET PÉRIPHÉRIE
Le comportement régional et international des États est régi en premier lieu par
deu x données fondamentales de la géographie : la situation des États, et leur relief. Il y
a donc une dimens ion d'ordre relatif - la situation d 'un État par rapport aux autres -
et une dimension d'ordre absolu - les caractéristiques du relief de l'État considéré.
Pour bien comprendre l'aspect relatif, on regarde d'abord dans quel référentiel
géographique mondial on se trouve : il s'agit d'examiner les données fondamentales de
la géographie mondiale. Puis on aborde le raisonnement géopolitique fondé sur la
dialectique centre- périphérie - raisonnement relatif par excellence - puis le
raisonnement géopolitique fond é sur la situation géographique de l'État, lequel est
illus tré par les deux s ituations géopolitiques fondamentales : l'enclavement terrestre et
en quelque sorte son pendant symétrique, l'insularité, que l'on pourrait d'ailleurs
appeler l'enclavement maritime s'il n'é tait pas une situation favorable.
Ensuite, on entre dans la dimension d'ordre absolu: les profils topologiques
mettent en évidence l'importance du relief qui caractérise un État. On étudie alors :
- la fonction géopolitique du désert ;
- la fonction géopolitique de la forêt ou des végétations à couvert ;
- la fonction géopolitique des isthmes ;
- la fonction géopolitique des lacs;
- la fonction géopolitique de la montagne ;
- la fonction géopolitique du marais ;
- la fonction géopolitique du fleuve.
L'étude est complétée par deux sections consacrées, pour l'une à la toponymie, pour
l'autre à la climato logie.
peut considérer qu'il n'existe, du point de vue géopolitique, que trois continents:
l'Amérique, l'Afrique-Eurasie, et l'Antarctique. Seules ces trois surfaces terrestres sont
séparées entre elles par des océans et constituent des iles-continents.
La densité de puissance est concentrée sur deux de ces trois îles-continents, le Vieux
monde et le Nouveau monde.
Pour le Nouveau monde, l'Amérique est le pôle central de puissance, tandis que
l'Amérique latine constitue son débouché naturel. La mer des Caraîbes joue le rôle de
mer Méditerranée de ce continent.
Pour le Vieux monde, les centres de puissance sont multiples. En Eurasie, nous
avons l'Europe de l'Ouest, la Russie, la Chine, l'Inde. Ces centres de puissances se
"périphérisent" en Afrique et dans les archipels malais . Les mers médianes sont la mer
Méditerranée et la mer de Chine.
Les points les plus importants de la puissance mondiale sont tous situés entre le 40°
et le 60° degré Nord de latitude : Washington, Moscou, Pékin, Tokyo, Berlin, Paris. Les
clés géopolitiques du globe se trouvent donc en Amérique du Nord et en Eurasie.
Carte 11 : L'échelle de latitude de la puissance géopolitique
La pensée naît de la contradiction et de la différence, et non de l'unanimité et de
l'uniformité. Le raisonnement géopolitique se bâtit aussi sur la dualité. On voit que
l'une des dualités fondamentales de la géopolitique est la dualité terre-mer. L'autre
dualité opératoire est la dualité centre-périphérie.
1 À no1er que dans le domaine de la s11111égic, Clau~cwilz a défini le centre de gmvili comme ~tant "un ccn~ de puissance et
:te mouvcmcnl dont lout dépend". Il a pr~comsé de JliCÎndcr lu guerre en au1an1 c.Jc guerres que de cenfres de grovitC chez l'ennemi;
f . WJDEMANN . "Cenlre de gra..,i1é", in T . de MONTBRIAL, J. KLEIN dir., Dlt:1iunnairt! dt! .\·trat~Rie, Paris, P.U.F .. 2000, p. 77.
11. L' &:belle de latitude de l a p uissance géopolitique
104
PnrliC! 2. PumnnenC'e dt'" Cllrf#
Les empires peuvent changer d e centre, mais la nature d'un centre peut aussi
changer avec celle de l'e mpire dominant. Un exemple cité par l'historien Marc Ferro
dans sa préface à un recu ei l de conférences sur l'Europe de Lucien Febvre, est celui de
Lugdunum qui va connaître e ntre les IX• et XIV• siècles une mutation extraordinaire.
Au IXe siècle, un habitant de Lyon peut tou t aussi bien se trouver chez lui, à Carthage,
Alep ou Antioche, dans les milieux cultivés romains. Au-delà du Rhin, il entre dans un
monde qui lui est inconnu, celui d es Barbares. Cinq siècles plus tard, Je Lyonnais se
sentira chez lui au Nord, et non plus au Sud en Méditerranée, à Trèves, à Magdebourg
où il s 'exprimera en latin . Il est en revanche devenu un é tranger à Alep, cité arabisée,
ou à Ravenne, Athènes et Constantinople peuplées de schismatiquess.
On pourrait raconter la même histoire pour de nombreuses autres villes dans le
monde, dont l'histoire a é té bouleversée par les renverse ments d'orientation des
empires successifs.
Carte 82 : la Gaule carolingienne
5. La dialectique centre-périphérie
détermine la géopolitique intérieure d'un État
La notion de
. centre est fondamental e pour comprendre la construction
· · · ·
geopohtique
interne d'un Etat. François ThuaJ6 développe Je conce t d
p
1 · ti' · t
e co orusa on m eme, pour
illustrer l'idée selon laquelle une région l'emporte sur les autres pour construire une
nation; il prend l'exemple du développement du capitalisme dans les îles britanniques,
à partir du XVI• siècle. L'unification par l'État anglais a transformé les trois régions
périphériques celtes, l'Écosse, le pays de Galles et l'Irlande, en pré-colonies internes, du
fait de la division du travail qui assigna it à ces Celtes, sur le long terme, un statut
inférieur1 . Le réveil national de ces régions périphériques trouve son origine dans la
réaction à l'exploitation économique et à la domination sociale et politique.
D'autres exemples qui se rattachent à la dualité classique centre-périphérie peuvent
être donnés :
- en Espagne, où la Castille a traditionnellement dominé la Catalogne, le pays
Basque, l'Andalousie et la Galice2;
- dans la T chécoslovaquie de l'entre-deux-guerres, où les Tchèques avaient un
poids politique e t économique prépondérant sur les Slovaques et les RuthènesJ;
- le Royaume de Hongrie a longtemps dominé ses périphéries slaves et
roun1aines4 ;
Carte 51 : Pe upl.,s et États en Europe centrale
- l'Empire ottoman domina les régions arabes du Moyen-Orient, du XVI• au
XIX• siècJe5 ;
- l'Empire russe a traditionnellement cherché à dominer les périphérie s balte,
ukrainienne, polonaise, et ses colonies d 'Asie centrale6;
- la Chine a toujours tenté de dominer le Tibet, le Xinjiang, et la Mongolie7 ;
- la rivalité qui opposa les Habsbourg aux Bourbon durant trois cents ans illustre la
dualité centre-pé riphérie. Les rêves de domination du monde par la puissante
monarchie germano-hispanique se heurtèrent en effet à la résistance de la royauté
française. La France fut longtemps encerclée, mais ni Vienne, Madrid, Milan, ou
Bruxelles, ne purent s 'emparer de Paris qui bénéficiait d 'une situation assez centrale
sur le territoire françaisB.
Carte 83 : La France face aux Habsbourg et l'alliance avec les princes protestants et les
Turcs
Cette situation française de carre four central explique que, de François J• r à de
Gaulle, toute tentative d'unifier l'Europe contre la volonté de la France ait échoué.
1 P. VIDA L DE LA lJLACHE. L . GALLOIS d ir., GJog rnpliiL• 1mi w.:r.!iL'llL', raris, Am1ond Col in. 1927· l938. t. I :
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Chapilre 1. La !\Îtuatinn géographiqur ; nmlre et périph~rif'.' 107
L'islam est une religion souvent décrite comme bédouine. On se souvient des textes
de Renan à ce sujet qui décrivent l'islam comme un monothéisme produit du désert.
Cette croyance ne correspond cependant pas à la réalité. C'est en effet d'abord dans les
villes syriennes que Mahomet a fréquenté les milieux judaïsants qui l'on amené à sa
révélation2 ; la lecture des prescriptions coraniques indique nettement que celles-ci
sont "faites" pour le milieu urbain . Dans le premier is~am, tous les centres de foi sont
des villes. et comme en Occident chrétien au Moyen-Age, l'infidèle c'est le paysan, le
paganu s, le païenJ. En Islam, les Bédouins et plus tard les peuples nomades4 jouent un
rôle certes majeur dans la mesure où ils apparaissent comme les forces combattantes de
l'Islam . Mais pour autant, re ligion portée par le commerce citadin, l'islam est d'abord
une religion urbaine . Comme l'écrit Braudel, "Le rôle des tribus arabes attire l'attention
sur la façon dont l'is la m, ce tte civilisation qui se ra bientôt si raffinée, a appuyé
successivement presque toutes ses réussites s ur les forces vives de 'cultures'
batailleuses. de peuples primitifs, qu'il a à chaque fois assimilés et 'civilisés'
rapidement . "~. Ainsi, les peuples primitivement nomades finissent-ils souvent par
adopter la vie urbaine toute-puissante d e l'islam.
Carte 72: L'expansion de l'islam au Vile siècle
J J BAINVILLE. flüroire de Frcmœ, 120: Cd ., Paris, Fayard, 572 p. ( 10: Cd .. 19 24) . : E. W ~ b er, A Modern Hisrory of E 11 ,.0
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3 R. KALJ SKY, l 'islam, Belgique, Marabout, 1987, (première Cdilion, 1967). ; F. BRAUDEL. Grammaire des civilisnriom
Pans, Flammarion. 1993. coll . "Champs", p. MJ . '
4 Qu'il s'agisse des lribus arabes du premier siCclc, des moncagnards d'Afrique du Nord, des Berb~res . des Turco-Mo 1
nomades d'Asi~ centrale ; R. MANTRAN. L 't':rpunsimr musulmane. 111~-X~ siëde. Paris, P.U .f .. 1969. ngo s er
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1 J. FREEL Y , Istanbul. The tmpf!riul dry, London . Penguin Books, 1998, (première éd . Viking 1996) · J p Rowt Hüt · ·'-
rwC".s, Paris, Fayard. 1994. ' ' ' • · • Otl't! ~
Chapitre 1. La situation ~t"oographique; cl'ntrl.! et pt-riphéric 109
ANOOU
9.3. Généralités
En Afrique 1,
on constate que nombre de capitales sont placées au bord de la mer ou
sur les voies fluviales.
Carte 19 : L'Afrique francophone enclavée
Carte 12 : Deux capitales au bord d'un fleuve : Brazzaville et Kinshasa
1 A.M. FRÊROT dir . Li:s grundes vr/le:i d'Afrique, Paris, Ell1psc::s, 1999; O. Tribout. P. Vootb.ron. llt!.s gnJ1Tde.I VIiies
u 'Afr1qu•. Pori>, Ellip><>. l 9Y~ .
l P. VIDAL DE LA BLACHE. L GALLOIS dir .. Giogruphi1t unit1en·elle, Paris, Annand Colin. 1927-1938, l. V:
P CAMENA D'AlMEIDA. Rusj·1~. 193:!.
ChApitl'l' t . l....."\ ~ituation géographique ; centre e t périphérie 111
1 H. LAUR.ENS , Le Grond Jt!u. Or;enl orobe t!f rivaliti-s internalio11oles, Po.ris , Armand Colin. 1q91 ; G. CORM. Le PrCK'he-
Ori1m1 ldaté, 1956-1991 , Paris, La Découverte, 19HJ .
112
1 lhid., p. 363.
2 B. BENN ASSAR, J. JACQUA RT. L.:Xvr· .üèc:le, Puri5, Armund Colin, 1912 .
l D'11prCs un aniclc publié duns lu Nn1111e//I! H1.•1•u e d"Hi.~ltlin• .
114
Partir. 2. Permanmce dL 111 C11rk
adversaire. Dans ces conditions, prendre ouvertement parti pour le Sud contre le Nord
est un pari risqué.
Lorsque, durant l'été 1861 , le gouvernement des Confédérés tente d'obtenir une
reconnaissance des puissances européennes, le cabinet anglais oppose son refus ce qui
provoque un maintien de la France dans la neutralité . Quelques mois plus tard,
\'incident dit du Trent , qui voit un navire marchand anglais transportant des envoyés
du gouvernement sudiste être arraisonné par un navire de guerre nordiste, ne suffit
pas à changer la position de Londres. Mais, durant l'année 1862, les déboires militaires
du Nord amènent tout de même le gouvernement de Napoléon III à écouter Slidell,
l'envoyé sudiste. La banque Erlanger de Paris prête à_ celui-;i 15 millions de dollars
garantis par des bons sur 540 000 balles de coton sudiste. ~emprunt sert à payer la
mise sur cale à Nantes et Bordeaux de bâtiments pour la manne confédérée. Voyant les
Nordistes reprendre le dessus, !'Empereur interdit c~pend.ant de livrer les navires. La
France rêve bien d'une victoire du Sud mais elle n ose s en donner les moyens, pas
plus d'ailleurs que lAngleterre qui, elle aussi, permet dans ses arsenaux la production
de quelques navires pour la marine confédérée.
La politique française de neutralité est d'.autant plus. étrange ~ue, _profitant du gel
de la Doctrine Monroe (c'est-à-dire le controle du continent amencam par les États--
Unis) provoqué par la Guerre de Sécession, Pa;is la_n~e l'expédition du Mexique en
1863 dans le but de créer, en contrep01ds de 1 Amenque du Nord anglophone, un
Empire latin, catholique et francophile . Le Me~ique possède' par ai.lieurs d ' importantes
ressources minières dont seul Je désordre politique entrave 1 explo1tahon. En soutenant
l'établissement d ' un gouvernement monarchique profrançais au Mexique, Napoléon
rêve non pas de colonisation, mais d'une zone d'influence sur le continent américain.
Pour porter au pouvoir larchiduc d'Autriche Maximilien, la France engage un corps
expéditionnaire de 30 000 hommes, effort important dans un contexte de montée des
périls (Prusse) sur le continent européen. Paris n ' ignore sans doute pas que le succès
durable de son opération mexicaine est conditionné à la victoire de la Sécession. Alors,
dans ces conditions, pourquoi le gouvernement français ne choisit-il pas d'appuyer
militairement le Sud? Napoléon III n'a-t-il pas hésité à envoyer une escadre française à
la Nouvelle-Orléans percer le blocus nordiste ? Les données sont en réalité complexes.
Car les puissances continental es, Prusse et Russie, semblent incliner vers le Nord
tandis que lAngleterre reste susceptible, dans le but d'isoler la France et de prendre s~
revanche sur l'indépendance américaine jadis soutenue par Paris, d'opter pour le Nord
dès le moment où Paris romprait avec la neutralité. Le risque est trop grand alors pour
la France de se retrouver coupée des États-Unis d'Amérique et isolée en Europe en cas
d ' unification par Je Nord.
La victoire du Nord, en 1865, déclenche un processus d'inversion de la puissance
entre le Vieux Continent et le Nouveau monde, et plus précisément, entre les Ëtats-
Unis d'une part, et les puissances maritimes française et anglaise d'autre part, ceci au
profit des puissances continentales russe et prussienne.
L'Union américaine relance la Doctrine Monroe d'expansion des États-Unis vers le
sud du continent, au détriment de la France au Mexique. Le corps expéditionnaire
français doit plier bagage. C'est l'échec complet. Pour affaiblir l'Angleterre, la Russie
choisit de céder lAlaska aux États-Unis, en 1867, soit deux ans après l'issue de la
Guerre civile américaine. La formation du Dominion du Canada la même année, sous
l' impulsion de Londres résulte directement de cette cession car lAngleterre craint
désormais son éviction complète d'Amérique du Nord. En 1871, le président américain
Ulysse S. Grand envoie un télégramme de félicitations à !'Empereur d'Allemagne qui
vient d ' être proclamé à Versailles sur les ruines de l'Empire français . Les hésitations de
Paris à soutenir le Sud autant que l'aventurisme extracontinental sont donc payés
Chnpltn.- 1. LA situahon ~éogn1phiq11" ; nmtrl' el périphé'ric- 115
Révolution libérale et démocratique dl'S Pères fondateurs, lesquels, pour deR rai~ons
religieuses, avaient rompu avec l'Europl' du XVW siècle. L'achèvement sanglant de
1865 réalise la victoire des descendants des Puritains du Mayflower, des communautés
de Plymouth ou de Salem, sur les descendants des colons de Virginie, plus proches en
réalité des colons des Caraïbes ou des Conquistadors d'Amérique du Sud . JI accomplit
le triomphe de la mentalité des classes moyennes urbaines sur laristocratie terrienne et
provoque aussi le basculement dans la société multiraciale et la rupture avec
l'exclusivité anglo-protestante de l'identité américaine. Car dès 1863, confrontée ades
difficultés militaires, l'Union, non sans devoir surmonter elle-même ses propres débats
raciaux, décide de recruter massivement des Noirs; jusqu' en 1865, plus de
200 000 anci1ms esclaves serviront sous l'uniforme du Nord se retrouvant souvent face
à des soldats sudistes également noirs et restés fidèles à leurs maîtres planteurs du
Sud. Certes, après 1865 Je Sud conserve les traits caractéristiques de sa culture, y
compris la ségrégation (jusque dans les années 1960), mais l' unification idéologique
des États-Unis est néanmoins réalisée. Le messianisme des colons religieux est bel el
bien devenu la culture dominante de l'Amérique laquelle va porter l'expansion du
capitalisme américain, et partant, projeter la puissance diplomatique el militaire
américaine dans le monde entier. Si le projet d'Amérique monde prend pied sur le
continent américain avec les premiers colons venus des iles britanniques, il ne peut
effectivement entamer la réalisation de son programme qu'à partir de l'unité
idéologique sortie de 1865.
La Guerre de Sécession est donc bien le point de départ du renversement de la
~érarchie mondiale des puissances. Après 1815, 1865 est sans doute la date la plus
un portante du XIX• siècle.
CHAPITRE 2
LA SITUATION GÉOGRAPHIQUE·
L'ENCLAVEMENT
1. Définition
2. Conséquence
Un État enclavé n 'a pas d'accès maritime direct. Il peut disposer au mieux d'accès
fluviaux, mais ceux-ci sont généralement insuffisants et leur navigabilité est soumise
au passage chez les voisins. Ses communications économiques avec le monde
dépendent en grande partie de ses relations politiques avec ses voisins. Certes, la voie
aérienne a contribué à rendre moins dramatique la situation d'enclavement, mais la
solution reste mineure au regard du handicap géographique.
L'enclavement entraîne souvent une situation de dépendance à l'égard des voisins
qui ont un accès maritime.
Si un État est enclavé, alors l'enclavement est sa donnée géopolitique majeure,
supérieure à toutes les autres. L'ambition première d'un tel État est de sortir de
l'enclavement. Cette situation provoque souvent des contentieux géopolitiques sérieux
1 L'tlistoire de ces États la1ins d'Oncnl csl 8 lire dans Io volumineuse H;:r:roire de.ç Croi.wde.t de R. Grousset. Paris. Perrin.
1991, J vols. , on pourra aussi consullcr B. LEWIS. Le.If Arahe.'i d<tn.'f f'Hütoirf', Pnri.-., Aubier. 1993 , p. IR4 et F. GABRlELI .
Chronique.<; arubf!s de:.~ t:roi.wtle.'i, Pari!ii, Sindbad, 1977.
2 Ma1ume Rodinson donne la définition suivante du monde nrnbe : "Il s'agit de l'ensemble des Étais où domine l1e1hnie arabe,
oU iaa langue csl celle de l'Étal cl des cadre~ Œdminîstrslifs qui proclamenl leur arohilc!:. Cet ensemble forme une zone i1éographique
coh,rente oU font figure d'encloves désarabiaée. le petil Étal d'lsru~I el les deux villes marocames h1spani~s depuis plus de
qualrc siècles, de Ceuta cl tic Melilla ·- en arabe Sahlu et Ma/ilu .", in M. RODINSON. le.<: Arabe.<:. Paris, P.lJ .F., 1979. p. 54.
llH Partie 2. Permant.llc:< de 14 '11rle
Il existe une quarantaine d'États enclavés dans le monde. On en cite ici quelques-
uns. Par ailleurs, on donne des exemples de pays continentaux qui disposent d'une
façade maritime mais recherchent la bi-maritimité ou la bi-océanité.
OCtU/I
Pacifique
ociun lnditn
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CHIN~:
INDE
0<.·t!a11 /11dien
•Mos.cou
RUSSlr.
CHINE
>,-,~~:-_:r;: :j-
.
1. Kaz.akha1an
2. Kir1hiz.ie
) . T.tjdti~ran
4. AfsJ>anisaui
,_ PakiatD.n oclan lndi~n
6. Twtun&i...,.
1.
8.
.......-;...
Amélie
9. ~
CHINE
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-_/--- 1. Vietnam
2. c~
] . Thmlamle
4. Binnank
S. a .. atadcsh
If Sofia
1 Coefëdë,-atiorr ptme11ropécnne. Les Ballwns, La guerre du K"s ovo. actes du colloque du 29 novembre l999, S6nat, Paris,
l'Âgc d'Ho mmc. 2000.
2 A. CHAUPRADE. F. THUAL. Diclionnaire de géopolitique, 2" éd .• Paris, Ellipses, J999 : article "Porh.lgal ".
122 Partie 2. Permanence de la catit
Certains p.ws très pauvres appartiennent à la catégorie de pays de l'O. N.U. appelée
"Payg en dt"veloppement sans littoral". Ils bénéficient à ce titre d'une aide au
développement spécifique; le Lesotho fait ainsi partie de cette catégorie6.
l 'ère coloniale avait développé en Afrique des infrastructures de communication
portuaires permettant l'évacuation des matières premières vers les métropoles
européennes. Dans le contexte des indépendances et des rivalités inter-étatiques,
l't"conomie des pays enclavés se trouve handicapée par cette situation dans la mesure
où les communications de l'intérieur des terres vers les littoraux ne sont plus forcément
assurées7 .
- Le Burkina-Faso trouve son débouché économique et maritime par la Côte
d'ivoire; la partition de celle-ci a donc des conséquences géopolitiques importantes
pour le Burkina-Faso.
- la Guinée équatoriale est un micro-État quasi-enclavé entre le Gabon et le
Cameroun;
- la partie continentale de la Guinée-Bissau est une enclave entre le Sénégal et la
Guinée ;
- le Congo démocratique - ex-Zaïre - est un État certes immense, mais néanmoins
placé dans une situation de quasi enclavement: il ne dispose que d'une quarantaine de
kilomètres de côtes sur la façade de l'océan Atlantique;
- la République de Centrafrique tenta lors de son indépendance de fusionner avec le
Congo et le Tchad pour remédier à son enclavement mais la tentative échoua.
Un exemple de tentative de désenclavement océanique en Afrique du Nord est
celui de l'AlgérieB qui soutient le front Polisario dans le Sahara pour s'ouvrir une
façade atlantique au détriment du Maroc.
Carte 41 : Le litige territorial du Sahara occidental
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-fArgl'ntine, si elle s'ouvrait sur l'autre océan, pourrait ainsi raffermir son l'Ôll' ~
puis5aŒ:e regionale ;
- k Nicaragua trouve son importance stratégique dans Je fait qu'il est un Étll œ.
aoéanique- La bi-<>Céani.Œ renforcée d'un réseau de lacs et de fleuves penmt
d'envisager au Nicaragua le percement d'un nouveau canal reliant les deux océans a
qui doublerait ainsi celui de Panama_
Enfin. Je Hondwas tente d'élargir ses côtes sur le Pacifique qu'il juge trop réduill's_
Les relations entre le Honduras et le Nicaragua sont ainsi déterminées par l'appétit de
litton! du Honduras_
Carte 48 : Les fleuves en Ameriq ue latine
1 C. SAINT-PROT. H'5toire de l'Irak , Paris, Ellipses, 1998 ; A. DULAIT, F . THUAL, Bagdad ZOOO, L'avenir gêopoliliqw dl
l'lnd. Pari&, Ellip5a. 1999.
2 F. THUAL Abrëgt gœpo/itÜfMe du Golfe, Paris, Ellipses, 1997.
1 H. L\MMENS. La Syrie, prici.J historique. Beyrouth, Dar Lahad K.hate..-, l 92J ; G. CORM, Le Proche- Orient k/Ol.t. /9J6-
'991. Puu. t. lWE.ouvau, 1983 ; G. CORM. Géopolitique du con/Ut libanais, Paris, La Df!couverte, 1986.
-4 Y. RICHARD, .. L'lrao au XX"si.èclc" in HU1oriem et géographes, juio 1992 ~ Y. RlCHARD, L'islam chii1'!, Puis, F1yri
1991 .
'A . RIHANl.Aroufldtlre eoruu of Art1bia, New York. Dclmai-, 1983; A. RIHANI, lhn Saoud of Arabia, His people and Irai.
New York, Oehnu.1911; P. BONNENFANT dir., Lo péninsule arabique d'aujourd'hui, Patis, CN .R .S ., 1982.
6 A. CHAUPRADE. f. THUAL, Dictionnaire de gkpo/itique, 2e Cd .• Paris, Ellipses, 1999 : article " Allemagn~n .
7 M. tŒLLEll Hilloir~ tM fa RuuJe et de.1nn ~mpiT~. Paris, Pion, 1997.
Ota.pitre 2. La situation géographique : l'enclavement 125
TuRQUŒ
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ETHtOl'IE
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océan Indien
Atabù S.oiultu
1. ven, Oman à travers t'irNUnOM ibadise Jo"'-11
2. wn Oman à tn~ le Uhoru
J. ven le sud du Yernen ,,... 9. VEft ~ pilfe PeBique l lnl~ l'Irak
1 A. CHAUPRAOE, F. THUAL, Dic tio nnair e! de géopo/il;qm! , 20:: éd .• Pari.s, Ellipses. 1999 : "Russie" .
Sowr<: Dictionnaire de geopoliriq11e , A. Chnupradc el F. Thual, 2e éd . 1999, Ellipses .
lzîeulllllf
E: lmpirtohornan
F:Siam
C : lmpirt de Chine
H:lmpi,._
4.1. La Russie
Ce tropisme de la politique étrangère russe est l'une des grandes constantes de la
géopolitique, dont les conséquences à l'échelle mondiale sont majeures. Depuis plus de
deuK siècles la Russie, grand État continental, s'efforce d 'accéder aux mers chaudes,
Méditerranée et océan Indien, susceptibles de lui donner une dimension mondiale.
Au XVII• siècle, la mer Noire est un lac musulman coincé entre le Khanat de
Crimée et la poussée de l'Empire ottoman. Un siècle plus tard, les Russes arrivent dans
la zone. lis souhaitent en finir avec l'Empire ottoman, récupérer Constantinople,
désenclaver les Détroits turcs, rivaliser avec la France et l'Angleterre et peser ainsi sur
p,,rt•f' 2. P~nnaurnCY dt- Io COrfr
On mettra cette section en perspective avec le chapitre consacré à l'or noir où l'on
étudie les enjeux autour des nouvelles routes d'Asie centrale.
Cute 54 : L'Asie centrale: le monde turc
Carte 1111 : Le statut juridique de la mer Caspienne
Calte 101 : Les routes du pétrole, de la Caspienne à la mer Noire, par le Caucase
Carte 102: La bataille des oléoducs pour la sortie du pétrole de la Caspienne.
Dar.ml: la Guerre froide, la zone Caspienne est un territoire d'affrontement entre le
bloc soviétique et le bloc occidental2. L'Union soviétique a transformé la Caspienne en
tm lac soviétique, mais l'engagement de l'Iran du Shah derrière les Américains fait de
la région une zone d'observation majeure des deux blocs~ .
Dans les années 1990, la Caspienne fait un retour en force sur la scène mondiale; la
région promet d'ètre un "nouveau Golfe" disposant de réserves colossales en
hydrocarbures. Parallèlement, le contexte politique est marqué par la fragmentation
des intérêts.
U! problème de la Caspienne n'est pas seulement celui de l'exploitation des
gisements de gaz et de pétrole, mais celui de leur évacuation. La mer Caspienne est en
effrt une mer fermée qui doit, afin de rejoindre les océans par lesquels se font les
échanges mondiaux, se désenclaver vers J'Europe, le Golfe ou l'Asie.
Pour atteindre leur futur destinataire, les richesses que se partagent les cinq pays
riverains de la Caspienne doivent franchir plusieurs périphéries 4 : la première esl celle
formée par· les cinq pays riverains de la Caspienne: la Russie, l'Azerbaïdjan. lt
Kazakhstan, le Turkménistan et l'Iran; le deuxième cercle concerne les pays de IJ
~qui sont sll&Ceptibles de voir transiter les oléoducs et les gazoducs; il s'agit de la
Turquie, de l'Iran, de l'Arménie, de la Géorgie, de l'Afghanistan, du Pakistan. de
l'Ouzbékistan et de la Chine ; le troisième cercle esl formé par les mer& su'ICeptible& de
relier les gisements caspiens aux centres de l'économie mondiale la mer Noire, le
Golfe persique, la mer Méditerranée, l'océan Indien et la mer de Chine.
Dans la région, un axe proche de Mo!Kou - Arménie, Iran, Kazakhstan - afhonte
un axe proche de Washington - Turquie, Afghanistan, Pakistan.
La position de l'Ouzbékistan oscille entre les deux axes et pourrait être
déterminante.
1 A CllAUPRADF. . F . Tlfl ' ·'\I .. /l1 ct r1•1t,,.1i~ ,le· >:i-t 1pc1/i111.4ut'. :C ...~ .• Paris.. Ellipses. I~ ltticlcs ~·a-isp.pc• .
1. D4~mArk
2. N~e
J. Suàlc:
4. Finlande
' R"'°'ltlique 1cMque
6. Slovaquie
1. Aulril:he
8. Honp;e
9. Roumanie
10. Moldavie
11 . Ukraine
RUSSIE
...
ALU.\IAGNE \ POLOGNE
,- ,'J· ......
'\
.
___ .. J•'
1 S GANGLOFF. •ta Turquie" Janj le r'-" balkanique'". in Rr'4th»u "*'nllti ra/a " .~. l lll.S_ ~
1994. nau. p. f\J-7fi
CllAl'ITHE J
LA SITUATION GÉOGRAPHIQUE:
L'INSULARITÉ
Alors que l'enclavement est un isolement dans les terres, la situation d'insularité est
un isolement dans la mer. La situation d'insularité est donc symétrique à celle de
l'enclavement. Mais si l'enclavement est un handicap du point de vue géopolitique, la
situation d'insularité apparait, quant à elle, comme étant une force.
l. Définition
l'aVl!ll!W'I! des Croisades de l'CX...:ident en Orient ne fut rendue possible que par I•
'lmquète préaldble des iles de la M~it'erranée.
3. Le sentiment d'exception
5. L'ouverture maritime
J U . BD&EBY. W Go/fr P~ Paria. P.yoc. 19,9 . S. AL· JABIR AL SABAH, Lt:.Y Êrnlruts ,Ju G,,/fi-, llutmrr J'va
,....,. ,.._, f:trml. IN oC. ZDRCiBIBE. Gftlpol/,,,,,,. ' ' lrbtalrr ~ Golf~. Pari•. P U . F . 1991 .
Chaplin> 3. u slluath>n géographlqu~ · 1'1Nularit6' 135
On sait que l'Islam dans sa splendeur sut conquérir la Syrie, l'Égypte, la Perse,
l'Afrique du Nord et l'Espilgne, s'emparant ainsi d 'une grande partie du monde
méditerranéen• . Mais l'on oublie souvent de remarquer que la fragilité hi.~torique de
ses conquètes tient en premier lieu à l'échec que connurent les musulmans dam leurs
tentatives de contrôle des iles de la Méditerranée, notamment en Méditerranée
orientale. Installés en Crète en 825, les musu lmans en furent délogés par les Byzantins2,
lesquels récupérèrent cet avant-poste essentiel en 961 tout en se maintenant à Chypre
et Rhodes, clefs des routes conduisant en mer Égée. Byzance conservait autour de la
péninsule des Balkans, la mer Noire et l'Adriatique, "ce chemin d 'Italie que va utiliser
la première fortune modeste, de Venise: celle de transporteur de bois, de sel, de blé, au
service de la richissime Byzance"3, comme l'écrit Fernand Braudel. Cependant, s'ilil
échouèrent en Méditerranée orientale, faute d'un réseau insulaire suffisant, les
musulmans réussirent en Méditerranée occidentale. De 827 à 902, les Tunisiens ~ient
installés en Sicile "cœur vivant de la Méditerranée sarrasine''4; ils parvinrent également
à contrôler divers points de Corse et de Sardaigne.
L'Islam ottoman tentera de la mème façon de contrôler la Méditerranée et en
particulier l'île de Malte, située au sud-est de la Sicile, en face des côtes de la Tunisie et
de la Libye, et qui commande le passage entre les bassins occidental et oriental de la
mer Méditerranée. Les épisodes du siège de Malte par les Ottomans sont nombreux5 .
Ainsi en 1565, une gigantesque Armada turque se présenta-t~lle devant me dans le but
ultime de s'empare r de cette bas e d'opérations de premier ordre vers l'Italie, la Sicile, la
MédJterranée occidentale. Deux cents galères et vingt-cinq mille hommes pan"inrent à
prendre l'ile qui ne fut sauvée de l'occupation que par une autre ile voisine, la Sicile, et
grâce à la volonté de son vice-roi espagnol. Don Garcia de Toledo lequel avait
reconstitué une flotte importante à Djerba.
L'histoire de l'Islam reste marquée par son échec insuiaire6.
Carte 24 : Malte, un exemple de relais insulaire
i. Relais insulaires
Située sur la Route des Indes, l'ile de Madagascar servit aux Anglais de relais
stratégique avant le percement du canal de Suez. De la mème façon, Zanzibar fit office
de relais aux sultans d'Oman qui venaient chercher des esclaves en Afrique.
D'un continent à un autre, la projection stratégique est rarement directe. Il faut
donc posséder les iles voisines du continent sur lequel on veut se projeter. Elles sont en
effet des bases de projection idéales. La valeur stratégique d'une ne proche d'un
continent tient ensuite beaucoup plus à sa situation de promontoire vers le continent
qu'à son étendue ou à ses éventuelles ressources propres.
1 R. MANTRAN . /.'cV" ' " s uut m11:mlm1mf.'. lï~ -.\"/"' .m;, .lr-. r :m s. P L? .F . IQf.4. :\ . MtQUEL. L 'i.tldfl « so .:1~ .....
.Airmmnd Colin, 1q 77
2 J.J . NOR WICH . /li:rtr>irc· d1.• B l-:mwt·. .f.fo. / -1 ~.I . f':in.~ . r .."TTln . J"i"W . al. onpoalc laodra. 1981.
1 F. URAUDIH... . GrtJnimuirrdc.." ..·1n li.f'6t i c11 a...:. 1%) P.m,., t'l:.amnwnon. IQl9), 6).4p.• wU. ~·.p. 81 .
-4/it~ . p . HH
'J GODl;.C: HOT, Hisro1rr<k Mulrc . P:ari!'. r U.f .. 1YS2.
6 X. de PIJ.t'olHOL. L 'i.:du-. ~1 /o lftrr, L., IJU.&.!,.,.M --......-.. nr ..\'..\'' S'•'-· Pm-. hrrin. 2000.
13li
• L'hiilllin! a montre que les lies J., '" Manche, .::omnw les iles Ioniennes, funmt J"5
lit\&l ,i'insécurité pour lrs ~-untinents.
· Ll Gran.li'-Bretagne prit soin Je i:onscrver les ilt's ilnglo-normandL-s aprl's '"
g\ll!m'!S rontn! la Fr.ince 1.
·Le lai""' dl"Vint la i;ranJe puissance du Pacifique Nord en récupérilnt, en 1914, I~
•'-llonies allemandes de œtte région : iles 1\-lilriilnnes, Marshall et Carolines ; il di•puta,
quelques annm plus t.mt. .-ette suprematie aux États-Uni s 2 .
Ciute 1: l' Emp~rokmial ;iU.mwnd .l la veille dl· la Pr,•mière Gucrrc mondiale
·les ~t.-ts-lJNS disf'OS"nt, grâce au Japon, .u1x Philippines, aux Étals de Micronésie
"à un noml:>N important d'autres réseaux insul,~ires el archipélagiques, de bases de
prqectiun ~ pemwttant d'unir leur côte Ouest à l'Asie. Durant la Seconde Guerre
~' la proj«tion de l'Am~rique sur le continent européen fut rendue possible
flil l'vtimalioo Je l'Angleterre comme base de regroupement des forces .
- LI Chilw Jispose au moins de Singapour comme relais maritime potentieP.
- Dans "'1 str.itégie de controle de l'ocëan Indien, l'Inde dispose au moins du relais
mauricien.
-u Fra.nœ s'appuie sur Djibouti, situé entre la r.~de de Toulon et le golfe Arabo-
pei'Slq~ .
·u GranJ.e..Bretagne put s'appuyer quant à elle, sur les iles d'Ascension lors de la
guerre drs Malouines. On voit cette situation sur la carte coTL'>acrée aux iles de
f Atlantique Sud
- L·art~l de Chagos, dans l'océan Indien, et plus prëcisëment dans le Britr!h
m.lwli lÀWn Tn-ntory - 8./.0.T. - a été louë par Londres à Washington pour )"
insaller la b.l5e de Diego Garcia. Cette base joue un rôle très important dans la
stialégiedes États-Unis, comme a pu le montrer la seconde Guerre du Golfe, en 1991.
L'essentiel des forces américaines en provenance de Californie et d 'Hawai, firent en
eifet escale à Diego Garcia avant de se projeter en Arabie Saoudite.
- Autre réseau insulaire jouant un rôle stratëgique iznportant pour Washington : les
états de Miaonêsie-1 . Quatre micro-États forment la Micronésie amëricaine qui occupe
la quasi-lotllité du Pacifique Nord : l'État des Marshall, la Communauté des Mariannes
du Nord qui regroupe les anciennes iles Mariannes allemandes à l'exception de Palau,
l'Etat de Palau, et les États Fédérës de Micronésie qui sont les anciennes Carolines.
Indépendants dans les années 1980, ces États restent fermement ancrés dans l';iÏI'\!
d'inftuenœ des ÉtatrUnis et permettent à ces derniers de faire du Pacifique Nord un
lac américain. Les avantages stratégiques pour les États-Unis tiennent d'abord au fail
que, malgré 1.,ur faible superficie territoriale - 2000 km2 - , les quatre États
constitumt une Zone Économique Exclusive de plus de 7 millions de km~. Us
pennet11!ot ensuite aux ÉtatrUnis, de relier sans discontinuité de souveraineté, la côte
Oue5t aux abords de l'Asie du Nord. Dans un contexte de déplacement du centre de
gravib!' gmpoli.tique des États-Unis de l'Atlantique vers le Pacifique, cette poussière
d'ilots que c.oœtitue la Micronésie, contrôlée, dans une indifférence générale, par
l'annéeamériaine, est devenue un facteur de puissance pour Washlngton.
M:u..t . 1~7fl . :\ _ .·\UBRY. " [).;1hnm" . Jans fl' . e..,nn.:fantd1r .. lu Pi,,in.n,J.-.rabiqwtt. I~.:! . F~ 1983. l ll. p.-&~.'-'7&.
2 Si1uCc Il la plai.:~ Je l'a~ tudh: o.:.1r11~h.· Je ~l:anàma . .JU nonJ..C'St Je l'ile principale. '{u.i coatr6le le ~c w:n nk- de
\lckam.q
l E. M. MALEK. L,· ...:oJ/i.- f'r'~lf/V .. ~ /e._( (/~s Ji· B&1llruùt. Pans. 19~ . F ADAMlYAl". lldltttùt ~ ~ ....... l95.S;
ÎadJbakhchc, '"La qu'"~uon li~ iles e.b&da". ~ Gti1tterszk ~ /'.Wvrr /rr~ l"llllbr. hril,, l'rtuu.\."àlc: ...._ 1. 19'0
LI . . . . ~i!te pemnt de protéger l'émirat des prétention!' angla1"-"\
~depuis 197'1. Bahreîn est .1ujourd'hui ,;ous l.1 prot.,ction d~~ Ét.u.... L'ni,
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d .~ 'f"I ant ttabli le .:ommandement de la cinquièm" flotte dans l'llc 1. Peupf~
~ dailes mais dirig1' p.ir une dynastie arabe ,;unnitc, l'État de Bahr<'ln
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De même, Qatar entretient-il des relations médiocres avec Abu Dhabi, en raison de
litiges territoriaux concernant des iles dans le Golfe 1 .
Dans un moutdre degré d'ambition tt>rritoriale, l'Afrique du Sud considi!re que lc.
périphérie5 insulaires qui s'étendent des S..ycht>lles à La l~éunion, en passant par
t.~. formt'nt son flanc oriental et font partie intégrantt> de son p(>rimi.>tre de
Sl!curi!Pl .
En 1945, le Japon capitule. L'Union soviétique obtient l'archipel des Kouriles situé
m mer d'Okhotsk.. conformément aux engagements de Washington. Depuis le
XVJJJ~siède, les Kouriles avaient été alternativement possession japonaise ou msse2
Sur la Iola.litt' de l'archipel. le Japon revendique quatre îles: Kunashiri el
Etorofuiturup qui forment les Grandes Kouriles, Shikotan et les îles Habomaï qui
forment les Petites Kouriles.
La dénomination de ces iles est importante car elle est en soi une prise de position.
Pow Mascou, les iles revendiquées par le Japon sont en effet les Kourilt>s du Sud et
font ~e de l'archipel attribué légalement à l'Union soviétique. Pour Tokyo, il n'y a
pas vraunent contestation de la décision de 1945, mais de la définition des Kouriles; les
iles conteslt'es ne font pas partie de l'archipel mais sont au contraire une extension
tn-ntoriale de l'ile japonaise d'Hokkaido.
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Lall ....... G'" 1992. ..... p ~14-211 .
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f .......... IWfr ~ dr ....iln ~ Cii faauniau1a tur ..:a laTta .... a:: 1'1u:corJ c.lit~ Milunih1cns. Cl.U-int!mu
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l'lnf. _... • ~ ........ r\oil..1 VI : Le PsYfmq_. fnniçm1, d•p. IH, •u Nouvcllc-Cailédunic et sn dilpcndan..:c11'"
Cha.pitre 3. La situation géogr.iphiqu<• l ' in~ularil~ 145
16 920 km2, soit environ deux fois la Corse - n'a cessé de se développer, puisant dans
l'exploitation du minerai de nickel sa principale ressource économique. Aujourd'hui
troisième producteur mondial de nickel, le territoire calédonien constitue l'un des plus
grands gisements du monde, mais il est confronté à la concurrence croissante de la
Russie, du Canada, des Philippines et de l'Indonésie.
L'intérêt économique de la terre calédonienne est renforcé par son intérêt
stratégique. Durant la Seconde Guerre mondiale, la Nouvelle-Calédonie occupa une
fonction d'avant-poste dans la défense du continent austn11ien, puis de plate-forme sur
laquelle les Américains purent s'appuyer pour reconquérir le Pacifique au détriment
des Japonais. Située au carrefour des routes maritimes qui lient l'Australie et la
Nouvelle-Zélande aux États-Unis el au Japon, la Nouvelle-Calédonie est assise sur une
position géopolitique privilégiée pour observer le trafic maritime intercontinental et
pour contrôler les communications entre le Pacifique et l'océan Indien.
Autour de la Nouvelle-Calédonie, la France contrôle 1 740 000 km2 - elle en
contrôle 5 millions en Polynésie française et 300 000 autour de Wallis et Futuna1 . C'est
grâce à ses territoires d'autre-mer que la France est encore la troisième puissance
maritime du monde et qu'elle a la possibilité d'exercer son contrôle sur plusieurs Zones
Économiques Exclusives riches en ressources biologiques et minières2 .
On comprend dès lors pourquoi les grandes puissances riveraines du Pacifique qui,
à l'exception des États-Unis, ne disposent pas de domaine maritime comparable à celui
de la France, ne souhaitent pas voir la France rester dans le Pacifique. C'est notamment
le cas de l'Australie qui voudrait asseoir sa puissance sur l'ensemble des an:hipels de
l'Océanie insulaire. Canberra soutient ouvertement l'action du séparatisme canaque et
utilise plusieurs relais d'influence.
L'Australie peut d'abord compter sur la géopolitique du fait religieux. Les grandes
confréries protestantes œu,·rent en effet à créer un axe Vancouver-Sydney arrimant
l'ensemble des États insulaires océaniens à "l'action civilisatrice" de l'Australie et de
l'Amérique du Nord 3 . Elles jouent en Calédonie un rôle d'aiguillon du projet
séparatiste. On voit ainsi l'Église évangélique de Calédonie entretenir des liens avec les
urùversités de Suva - Fidji - et de Port Moresby - Papouasie-Nouvelle-Guinée".
L'activisme séparatiste se nourrit aussi des appuis venant des andermes
possessions britanniques et australiennes qui constituent autant de relais anti-&ançais.
Le soutien à l'Australie des pays mélanésiens - Papouasie-Nouvelle-Guinée, Salomon.
Vanuatu et Fidji - ou d 'ethnies polynésiennes - Samoa occidentales, iles Cook.
Kiribati, Nauru, Tonga, Tuvalu el Niue - s'explique par la forte dépendance
économique de ces États à l'égard de Canberra. En effet, alors que la Nouvelle-
Calédonie jouit du revenu moyen le plus élevé de la région après l'Australie et la
Nouvelle-Zélande, les voisins mélanésiens sont, eux, très pauvres : Fidji est quatre fois
plus pauvre que la Calédonie, Vanuatu et la Papouasie-Nouvelle-Guinée dix fois plus.
1 A. ('HAUPRADE. F. TllUAL , /Jù-tmnnum· J1· g~optilit1'1u.- , 2ir Cd, rwu. Elhr-s- JQCW · m-.c:lc "F~·
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c111cns1on de leur pla.lcnu conlmc11tul 1..h: 20(l milles nuulit111L-s - )70 km - 4 JSO milles nau1iqua. - 6SO km Au 1oc:aL G"C:llll:-Ci:nq
Ël41J; sont C'andidats a ccl êlnrp:i!iiscmcnl de lu .!>Ou\·crumclê nunihmc, Joni Io Frantt. qw ~ t. plw. ~ mnr ~
c1dU11\·C - 2UH3 nulltons Je km~ · · urrb; les Ëtuts-Unis" . "l.:I Frant..-r dl!-1.i.assc son ur h\cu•. k F"i/:'fU'O. 4 •\-ni :?002 . Dmu.1 avril
2002. U F1xuru D\'Cr11~sull le publk que le ~l1m· cntcmcn1 Je l''-"p.-.qui:- ne- fusa11 pra.!"'<' d'aucun lnttm l"OW" cet Clugissnnr:nl qui
~nlltil pour la 1:nmcc 1'C.:,1ul\·ulc111 de la 'lUpcrtk1c de la mi!-1rorok "oil .'i.!iiO 000 k.m! ! l 'lll'rick wuhgm.it h: J'D'CldÎC!l tk
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1&1111•1rc- dC' la rromolion du (1.0 :?00:?-::?:00J m li . Jl 1\'[NTIN. •Ln mOucnc-el rro1esl.llntc-s en roa,-mtc ~-. /J~-w
Autant dire que l'aide économique australienne et néo-zélandaise est conditionnée par
un appui politique sans faille de la part de ces États.
Renforcé par le prcisélytisme religieux, le pan-mélanésianisme constitue ainsi l'arme
prinl'ipale emplovœ par l'Australie et la Nouvelle-Zélande pour œuvrer contre la
N1lurelle-Calédoni1' française . Le Forum du Pacifique Sud, qui rassemble treize pays
de la zone, coalise toutes les velléités de lutte contre la présence française. À Suva, en
19Sb, le Forum a ainsi demandé à l'O.N.U. l'inscription de la Nouvelle-Calédonie sur la
liste des pa1·s à décoloniser. L'offensive étilit renforcée par les efforts visant à faire
mt>ttre à l'indt>x la puissance nucléaire française dilns le Pacifique. Le contexte bipolaire
de l'époque poussait également !'U.R.S.S. et la Libye à alimenter les thèses marxistes
cht>z les Canaques. Toutes ces tentatives anti-françaises ont conduit à la mise en place
d'une coalition onusienne hostile à la France, et au vote d 'une résolution de
l'Assemblee générale favorable à l'inscription de la Nouvelle-Calédonie sur la liste de-;
pavs à decoloniser.
Étrange paradoxe que d'entendre l'Australie, qui en son temps fut très peu
soucieuse du sort de ses aborigènes, donner des leçons de droit des peuples a
l'autodétermination! N'est-il pas tout aussi é trange d 'entendre les mêmes leçons de la
part d'un pays comme l'Indonésie qui a rejoint la coalition anti-française, et Cl'lhl-
réprimé sévèrement les velléités d 'indépendance de deux de ses territoires, Tim<lfl9
et l'lrian Jaya ?
Comme de recevoir aussi les leçons d'États comme Fidji qui, plus de vingt ans après
son indépendance, n'a toujours pas réglé le conflit violent entre les méthodistes
mélanesiens et les hindouistes, ou comme Vanuatu qui, dans les années 1980, réprimait
violemment, avec l'aide de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles francophones et
catholiques de Santo et Tana? Quant à l'État de Papouasie-Nouvelle-Guinée, û est le
prototype d'wi État sans unité, scindé entre un monde mélanésien et un monde papou,
lui-même atomisé par la multiplicité de ses langues - plus de quatre cents dans la
partie orientale. Par ailleurs la France n'a-t-elle pas constarrunent aidé ses partenaires
frappés de cyclones ou de diverses catastrophes naturelles, corrune à Vanuatu en 1987?
La Nouvelle-Calédonie occupe un rôle clé dans le dispositif maritime français.
L'attachement de l'île à la France permet aux Calédoniens de disposer d'un revenu
économique supérieur à tous leurs voisins. Dans ces conditions, l'indépendance de l'ile
ne servirait que les puissances étrangères du Pacifique et constituerait un recul de la
puissance maritime et mondiale de la France.
Le gouvernement français n'a donc pas montré ces dernières années une
compréhension légitime des aspirations locales de la population, mais une capitulation
progressive face aux puissances régionales.
On a parlé ici de pan-mélanésianisme ; dans le chapitre consacré aux panismes, on
pourra se souvenir de cet exemple de panisme dirigé contre l'influence française dans
le Pacifique.
Carte 31 : Nouv~lle-Calédonie ; zones d'influence et zones économiques exclusives de
l'Australie, des Etats-Unis, de la France, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni
dans le Pacifique
Carte 32: Les ensembles mélanésiens, micronésiens et polynésiens
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8 · 31. Nouvelle-Calédonie; zones d'influence et zones économiques aclu.sives de
1. Vanu.oru ' l'Awtralie, des États-Unis, de la France, de la nouvdle-Zélande et du Royaume-Uni
(fr. indtpt.'tldant dcpui• 1980) dans le Pacifique
Chapitre 3. La situation g~ographiqm· : l'insularll(' 149
Plusieurs États se sont formés sur une logique de fédération d'iles, souvent
rassemblées dans le' cadre g,:,ogrnphiquc d'un archipel. On constate que certains de ces
Etats-archipels, ou États .irchipélagiqucs, sont secoués par des séparatismes insulaires,
une ou plusit:'urs iles tentant de s'émanciper de la fédération pour former un nouvel
État indépendant.
- Les Philippines et l'Indonésie sont deux exemples de vastes États-archipels dont
l'unité est menacée.
La puissance de tutelle hollandaise essaya longtemps d'empêcher l'unité de
l'lndonésie 1 en jouant sur les séparatismes îliens. La logique archipélagique de
l'Indonésie consista à récupérer l'ensemble du domaine hollandais à partir d'un
dispositif d'origine centré sur Java et Sumatra. L'Indonésie connut, en 1999, une
internationalisation du conflit du Timor-oriental; ce conflit est traité dans le chapitre
consacré au facteur religieux. On peut en effet considérer que le facteur religieux -
particularisme chrétien dans un ensemble très majoritairement musulman-,
constitue, à côté de l'affrontement "île contre archipel", l'un des tous premiers
détenninants du conflit.
Carte 40: Logique archipélagique de l'Indonésie
Les Philippines2, État archipélagique formé de plus de sept mille iles et disposant
de vingt-six mille kilomètres de côtes, accèdent ainsi à une dimension maritime
exceptionnelle. Ce type d'État est menacé par l'insularité qui nourrit le séparatisme.
Pour visualiser la situation, on se reportera à la carte du sécessionnisme des
Musulmans Mores aux Philippines. Ces musulmans se sont fait connaître des opirùons
publiques occidentales par des prises d'otage de touristes occidentaux.
Carte 71 : Le sêcessionnisme des musulmans Moros aux Philippines
- L'unité comorienne3 est remise en cause par les séparatismes îliens. L'île
d'Anjouan en particulier a montré à plusieurs reprises son souhait de sortir de
l'allégeance comorienne pour rejoindre la France. Pour tenter de remédier à cette
instabilité'. une nouvelle constitution a été adoptée en 2001 ; elle institue l'Union des
Comores à la place de la République fédérale islarrùque des Comores ainsi qu'une
présidence tournante entre les îles. En 2006, c'est Anjouan qui préside l'Union.
Carte 33: Les Comores dans l'océan Indien
Carte 34: Détail de l'archipel des Comores
- L'unité de Trinidad et Tobago5 est menacée par ce type de séparatisme, l'île de
Tobago ayant en effet manifesté à plusieurs reprises le souhait de se séparer de
Trinidad.
Carte 38: Les Petites Antilles : relais nn1éricains, anglais et français
1 A. CHAUPRADë, F. TllUAL . /Jictu11mawt· clt' J:•:"JJoli1iq111'. 2•· ~J., ruis. Ellipses, 1991:1; nrticlc "lndonësic" . :
Y LACOSTE. dir., Dic.·tiounuit·e t/,• >:t;opulitiq11t•, P1tri:-;, Flummnriun. li:>OJ : arti1.:lc ' 'lndoné.~ic" .
2 A. CHAUPRADE. F. THUAL , m ctùmnüi,.,. t/1• >:,;,,1wli1iqt1t· . 2c éd., Pnris. F:llipsc~. 1~99 : ottlcle "rhi.lippines".;
Y LA('OSTE dir ., Dictimm(Jir'-' cil' g;npolüiq1u:, Pnris, Flommarion, 1993 : nrticlc "Philippines".
J A. CHAUPRAOE, F. THUAL , Dit·lwmmirt• (le g.!opo litiq11'" Puris. EUip.,.cs, 1999 : uT1iclc "C'omon:s"; V . LACOSTE dir..
Diclwnnaire d~ giopolitif.Jrte. roris. Flomm11rion . 1993 : urticlc "Comores" .
4 Oq>1.11s l'm<lépcnd11ncc en 197S. une ving1oint.: Je coups \l'Êt•ll ou 1cnuuivcs et sérlc de conmts enn~ pouvoin loceu:it des
troi!. îles. ont eu heu.
5 A. CHAUPRADE , F. THUAL . Dil-lumnair'° dt• g~opo/itiqu''• 2,.. ~d . , Paris, Ellipses. 1999: ar1iclc ''Trinidad el Tobago".
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1979 1r.uc-.
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1914 ll~U CoM.
J Com. : CommonwcoJth
Bien qu.e distincte de la situation d 'ins ulilrité, nou s cons idérons la situation de
péninsularité comme étant un cas particulie r d e l'ins ularité . C'est la raison pour
laquelle cette section est intégrée au cas général de l'insularité.
Une presqu'ile est un promontoire relié au continent par une bande de terre étroite.
Une péninsule est une grande presqu 'ile.
li existe quatre péninsules européennes: l'ibérique, l'italienne, la balkanique et, au
nord de l'Europe, la péninsule du Jutland . En Asie, l 'Indochine constitue une péninsule
qui offre un tremplin vers l'Australie en passant par l'archipel malais .
les péninsules sont des têtes de pont permettant d'accéder aux continents, à l'image
de l'Espagne, de la Sicile, des Balkans.
l'historien Fernand Braudel considère que l'Europe est une péninsule asiatique, "un
petit cap d 'Asie"2.
Un autre exemple de péninsule est celui de l'État arabe de Qatar. li s'agit en effet
d'une péninsule de cent cinquante kilomètres de long, du Sud au Nord, sur cinquante a
quatre-vingts kilomètres de large3 . Cette péninsule a longtemps entretenu un
contentieux frontalier avec l' Arabie Saoudite (à propos de 60 km longeant la mer)
lequel déboucha même en 1992 à une confrontation militaire. En mars 2001 l'Arabie
Saoudite et le Qatar ont signé à Doha un traité rég lant d é finitivement le contentieu'
frontalier entre les deux pays.
J Pour l'heure l' ensemble reste uni grâce à une no uve lle constitutio n (2001) qui rééquilihrc lc:! s, pouvoi rs o:n(tt ln ilrs
lprêsidcncc tournanic).
2 f . BRAUDEL. Grmnmair<: J e.r 1·ivili.wtiom·, P;iris, Flammarion 19CJJ , coti . "C'hAmps' '. 1u:: ~d . 196) ., p. J48 : " L'Europt tsl
wic pCninsuh: as1at1quc iJ'oU sa double vocal ion : al sa liilÎ !ion vers l'Es t avec un espace con1 inen1al dl· plus en plus abo ndant. lilit:itJfl
difficile jadis, lrilnsfom1éc , hier, par le dCvcloppcmcnt des "Y oics fcm:cs , aujourd' hu i pa i- s a 1.: in:uh11i o n <1C:ricn nc:: ; t:.r sa h•is-:>n. ~
1outts ks directions, avec les s cpl mer!; du monde. L'Euro pe , c'es t, po ur une p <l n css c ntidh: , d e~ n11v ircs, des con vois , dts v1..:1C1un.
surl'immens11ê:Jcs eau,.s1lécs ."
J X. de PlANHOL, l rt-~ Nu1w 11., c//r /'n1pl1t•tt•. Mam wl )!.é1>J.!n 1phir11w d1· l'" l11 iq11e ""'·" "' "'"m·. P11.ri:-<. Fayurd. 199.1 . p. l·O ·
~[Qatarl doit son ClUStcm:c, comme Bohrc\"n, R un dOmc u111idinul méridien q u i , :l q uch;iuc s dizaines de kiloinè1rcs J~ l'arcllipd.
introduit dans le s c:iu,. du Gorre, un au1rc 11ccil1c111 géogrnphiquc nmjcur "
.
39. Les pémnsu les europe, ennes et les pom
. ts de contact
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'· mu de Florès c::;:> , ·.{J'!lrs Tummbor
mtrdt Timnr
ndan l'acijiqwt
.
40. La 1agi.que arch1"pélAOiquc
~- de l'Indonésie
CHAPITHE 4
UNE CONSTANTE:
LE CHOC TERRE-MER
"l.es tensio11s entre la Russie et l'A11gleterre étnient 1•olo1ttiers considérées comme la lutte
e1ttre l'ours et la baleine: celle-ci étnit le Uvinthn1t, grnnd poisson mythique[ ... ]; l'ours, l'une
des nombreuses représentations symboliques de ln faune terrestre. Selon les interprétations des
cabbalistes médié!'aux, l'lristoirr du mo11de est 1111 combat entre la puissante baleine, le Léuiatl1an,
et le non moins puissant Be/1emot/1. animal terrien que l'on imagi11ait sous les traits d'un éléphant
ou d'un taureau."
"Q11els furent les maitre~ des pays et des desti11s méditerranéens ? Les peuples continentaux,
les Perses puis les Macédonien,;, 1111is les Romains, puis les Arabes ; au XVI' siècle encore, les
Castillans el les Turcs. L'l1istoire des terre,; a toujours commandé politiquement, en Méditerranée,
l'histoire des mers. C'est si vrai que Venise, t•ille de mer, dut s'envelopper d'une couverture de
terres protectrices et se créer un do111ai11e terrestre et co1ttinentnl. Sans terre ferme, Venise
périssait. / ... Voyez] par contre, Gênes, Gênes tassée, avec ses hautes maisons aristocratiques, aux
fenêtre grillagées, aux portes étroites, des maisons-fortes contre les coups de mer, des coffres-forts
bien protégés [... ]. En Espag11e I' Arngiln /'a emporté contre sa bande littorale, la Catalogne; en
Italie péninsulaire, c'est Flore11ce la con linentnle qui a soumis Pise la maritime ; c'est le
continental Piémont et non pas l'Italie côtière, qui n fait l'unité de l'Italie."
2 L. FEBVRE, l'EurCJpe, gf!nt-.u! d'unf! civilisulion, Paris, Perrin. 1999 - l&x\cs de conférences donn~cs par L . Febvn cl
.....mblh par l'edileur - . p. 7S.
162 1'11rt1e 2 _ Pcnr11J11t>1JCt' Jrla et1'1r
1GA PAlJLIAT . M. PAl.'LJAT. CMIDalimu pwcqu~ ~' rnmum,·. Pans, t:lh~. lt.J97 . p . 21 .
C1111pittt 4 . Une comtante : le choc tene--rner 163
1 J.-N . CORVISIER. L..•, G rtt."' à J '~poqu~ u":h.ûvu•· . P•ru.. l:lhpscs.. 1996. p. IJS . Sur l'ûfinmam dl!: .. ~
at.htnicnnc. à l"nccu1on de."' VucnH MêchqUC"'. \'oir c~:i kmc"nl Je J . N. COR VISlEk. U --*' ~ .-,.,_. "-1s. ~
p IJO
:? O. PICARD. L ..·.-1 (i rTcJ .fatt Ill la"'~~ ptrn ~. P'ari&. l..,_
161 _ .. . . - ~ .... .-.:nriau~m.-~ ~ ÙI Cllrtt
d'une statue de Zeus à Olympie, de Poséidon à l'isthme, et l'offrande d'un trépieds d'or
à Delphes, portant le nom des trente-et-une Cités présentes à Platées ou sur mer,
manlm\t bien aussi celle notion d 'unité. La division étatique avait bel et bien éU!
d~ au profit d'une unité du monde grec . L'alliance s'était faite entre Athéniens,
SpaJtiates. Eubéens. Béotiens et Thessaliens.
Cesl dans les Guerres Mediques que l'opposition entre le Grec et le barbare,
ftalmnte a l'époque classique, trouve son origine. Cette opposition est prolong~ par
celle de la liberté face à liJ tyrannie. "La postérité va célébrer à l'envi les combattants de
Marathon. les 'marathonomaques', champions de la liberté contre la barbarie' !
D'aillC?Urs, le vamqueur lui-même, l'athénien Miltiade, qui fut par la suite soupçonné
d'aspirer à la ~Tannic. fut écarté de la cité grecque.
Ainsi, dans la mémoire des Européens, les Guerres Médiques restent-elles comme
la synecdoque de l'agression de la civilisation européenne par la barbarie orientale. Des
générabons d'élèves bercées aux humanités grecques seront désormais marquées par
œch<x: \~oient entre un premier Occident libre et un premier Orient despotique. Par la
suib!. le thème de l'union des Grecs face à l'ennemi héréditaire sera courant. Qu'ils
rtJCOuvrmt les puissances chrétiennes à Lépante, le monde libre contre la barbarie
nippo-allemande, les puissances atlantiques coalisées contre l'Union soviétique pu1S
contre l'Irak. les Allies puisent la force de la représentation géopolitique dans la vieille
alliance du monde grec européen contre le monde barbare oriental. de la liberté contre
~ d15pobSme, cliche s'il en est, mais dont la force parvient jusqu 'à nous, au point de
réveiller dans les opinions publiques le réflexe vital de Marathon ou de Lépante. Peu
imparti! au fond la réalité des rapports de force . La géopolitique puise aussi dans la
folt'e des représentatioflS. des idéologies, des lieux communs comme des lieux de
mémoire.
La réalité géopolitique de l'époque était pourtant différente . Pour les Perses, l'échec
en G.-Ke ne fut guère important comparativement à la taille de leur empire, et ce
d'autant qu'ils restaient les maitres en Ionie. Après tout, la Grèce n 'étaient que bien peu
de choses aux yeux des Perses : une péninsule au bout du monde, dont le contrôle était
bien moins recherché que celui de la riche Mésopotamie. Conformément à l'idéologie
royale achémérude, les Perses restaient convaincus que les Grecs paieraient tribut un
jour ou l'autre, et qu'ils reconnaitraient leur autorité. Mais les Perses ne comprirent pas
qu'un empire, à défaut de s'étendre sans cesse, est condamné à périr. L'éternel dilemme
impérial rst celui de l'étendue territoriale. Si l'empire ne s 'étend pas, il épuise sa propre
dynamique vilalisle, source de sa légitimité politique, et est menacé en son sein par les
!ll!d.itions et Je réveil des peuples. Preuve en est le fait que chaque vic toire grecque
provoqua une revolte de la Mésopotamie conlTe le joug perse. Si au contraire l'empire
s'émut, il est tôt au tard dilué par l'immensité g é ographique et affaibli par la difficulté
structurelle qu'il a d'administrer les territoires conquis.
L'échec face aux Grecs marque les limites de la dynamique impériale perse et, par
li\ mbne, condamne celle-ci à l'échec. Inversement, la victoire grecque signifie le réveil
de l'impérialisme athénien . À vaincre un empire, on se voit capable de vaincre un jour
en tant qu'empire. La géopolitique interne du monde grec e s t modifiée par la victoire
face aux Penes. Jusqu'aux Guerres Médiques, Sparte resta le plus puissant État de
Grèce et domina le Péloponnèse. La cité avait même pris la direction de la coalition. En
~portant la victoire de Marathon, Athènes remporta une victoire au sein du monde
grec. Les Athéniens jouèrent désormais un rôle déterminant dans le congres de
l'isthme. L'historiographie des Guerres Médiques montre qu'Hérodote n 'est pas
11e11lnnenl pro-grec. mais qu'il est également pro-athénien. Hérodote est aux origint'S
1GA PAULIAT. M . PAULI.AT. Cwrlu.&1tta1U llTft'IJlr ' ' """o'""· Pans , Ell1pi&Cjl, 1Y97 , p . 22 .
Chaptttt 4 . Une torutanle: Je choc tttre-m~ 11!i5
1 N COR.VlSIER. Lt>3 Grn.·.• ci l'tfpoc~ arcltarqw 1rntliru du J.\'•$1ft:lr ù 41~ ""· J-CJ. hris.. EUipsn.. 1996. coll.
'"CapellA1~phan" , r IR~ c1 M .C AMOURE'Til. f RUZË. L'" ,,w,.ar .~ tDllJffW. Paru.. HKhcftc Supl!nNr. 19'0. coll .
'"H1tlou~ Un1ven11C"', p. 1~6
20.A . PAULIAT. M PAULIAT. Cü-ilisatrvru grrrqu.- r1 l'VINI•,..,
P'aris. Ellif-s. 1997. p.24. ~ M.C AMOURETTI.
F R.UZE. ûmon« 1:rn· anl1ym!, Paris , H.cheur Supenau, 1990, coll •Histoire UnlvcniW.•, p. 141.
l MC'. AMOUllElTI . f ~UZE. L" rnonôt- R'T'C' ""'iqut'. Puis. Hachette Supfnc'ur. t9'QIC). c-oll. •ffimKft- Uniwniti-'", p 1.a.s.
146
d'Archidamos 432-4:?. De nombreux rebondissements marquent les événements du
PélopoMfseoù s'illustra !'Athénien Alcibiade dont la trahison puis le retour à la patrie
!<Ont restés célèbl'l.'S. En 404, Athènes fut défaite et la Ligue de Délos dissoute. L'empire
•thénien sort.il exsangue du conflit tnndis que Sparte gardait les traces d'un recours à
l'argent du roi perse.
IA Guerre du Péloponnèse reste, dans la consdence des Européens, la guerre intra.
l'llmpo!enne par excellence, celle de la fracture d'une unité grecque idi"alisée par la lutte
contre l'Orient perse. Mais à l'intérieur de la représentation géopolitique qui est donnée
du conflit fratricide, un processus manichéen a permis de légitimer la fracture. Dans
l'imagerie occidentale post-Révolution française, Athènes reste la cité de la liberté
o~ à la Sparte aristocratique, condamnée de surcroit pour avoir osé collaborer
avec le Perse.
Pourtant. le conflit entre Athènes et Sparte, tant de fois repris en guise de
métaphore aux XIX• et XX• siècles par les démocrates français opposant la France
rqmblicaine à l'Allemagne autoritaire, reflète la réalité des divisions étatiques et
nationales. Dorienne et continentale par essence, Sparte est une nation, comme l'est la
nation athbtienne ionienne et maritime. Ces réalités sont irréductibles et n'effacent
d'olillrurs en rien la communauté grecque qui existe entre elles. Et de la mème façon
que. dessiècles plus tard, les rivalités européennes s'alimenteront d'alliances
orimtales, Spartiates et Athéniens surent aussi, pour épuiser jusqu'à son terme le
cunh!ntieu" géopolitique existant entre les Cités, user de "l'alliance orientale contre
nalllft', celle que François)"' el Richelieu manièrent bien plus tard pour protéger la
Fmiœ de la Ligue des Habsbourg. Aux partisans du choc des civilisations que défend
Samuel Huntington, et qui trouveraient l'idéal-type historique dans l'unité grecque des
Guerres Médiques, il faudra sans cesse rappeler la réalité de la Guerre du Péloponnèse,
guerre des réalités nationales.
1 F. OLUCllL:: . l.JJ<:111mnui,..- .lu lir-u11.J fit\d... Pans.. f11y1m1. I~ . .an1dC' •wa1phaJic-'". p 16.24.
21\. LA TREILL E, L ·.-, •. "''""'"'"''' "'" " Pori~. Am\3nJ Ctihn. 1~7-t ; J. Eb.in,illc . N3rolft>n. Pmi~ &.Uaad. 1~~ . coll '"U
Nadu'". 11t aJ li.Il 1.
l Sur la n:conn.a1b&nCC' unil111tnslc Je.. mJ~p:-oJ;tnc:c• ..:ni.:.tc Cl :do ... mc:- pat fAI~ ien 14"1 · ~i l'Al~ •l·
clic ma- autanl de ~ i 1 1i 1111iun llMn ~ !Mln in111at1\~ ._. p,,u"luui :a - l ·~ ll t' Jt\:k.K Jir 'bouKu.lcr -=s pnoc,..u.' panimurn.. y c::ntGpfU la
t&ab·Unit iit le ~C\:~tai n.• 1!'~11.!ral Je l'O N l.1 ~u1 ...·un:rt.iJêru1~1 1..~llC' n:aumaas.JaDR" pn!Dalwft et ~~ dr ~
l'ntCNH.m tJu -:~nnil à J 'aulR":'I r-nin Je la Yuu.,:ti~J a\· h~ '.''". 1• LLTlll:ttNt:.Aü. '"LA poli"'tue: n~ al~ d. le: coalbt Je
l'u-Yuuasotla\·ie'", in RC"!ntmn.' r'1rtt·m,11ic11111I...•.• .-t ·'""""-Nt«.J, Pan!\. 1 K.l.S ., n"' IQ, A\dUl'llnt' 19'9~ . p. 81 .
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li.ln.' le c.iJre Je S<'S allianœs europé1!nne et atlantique, d'équilibrer les jeux de.. lro"
puis.s.tnœs anu!ricaine, allemande et russe. La l'r.1ncc sail qu'historiqucmcnt
l'Allemagne Jispose Je J.,u .. options radicalemenl opposées pour devenir une
superpuis.sanœ mondiale: l'alliance avec les États-Unis pour contenir la Russie <1
amwr ~construire un espace économique el politique euro-atlantique dont le pilier
sur le rontincnt européen serait l'Allemagne; l'alliance avec l,1 Russie pour constituer
un bloc l?urasiatiqu" superpuissant; ce scénilrio était la hantise du géopoliticicn
M•ckinJerl .
Emp«hcr la réalisation de ce scénario, car chacun d'eux signifierait une
margmalisation Je la Franœ et une augmentation des risques de conflit, passe par une
politique triple : américaine, russe et allemande . L'erreur de nombre de commentateurs
Je la politiqu<' inlemalionale est de raisonner de manière univoque et de proposer des
solutions aussi insatisfaisantes les unes que les autres, tel l'atlantisme absolu ou l'anh·
am.!ricanisme atlsolu.
LA TOPOLOGIE:
FONCTION GÉOPOLITIQUE DU RELIEF
l. Définition
Topos, le lieu et logos, la raison ; dans cette acception, la topologie serait la logique
du lieu. Le terme de topologie utilisé en mathématiques pour désigner l'étude des
propriétés de l'espace du point de vue qualitatif - et non quantitatif-. en se référant
notamment aux notions de déformation, de continuité et de discontinuité. amène à une
définition de ce que pourrait étre une topologie en géopolitique: l'étude des logiques
géopolitiques en fonction des caractéristiques des espaces, notamment celles tenant de
la déformation et de la discontinuité de l'espace terrestre. En d'autres IE!rmf!S. les
accidents, les singularités terrestres, déterminent-ils des accidents humains, des
ruptures géopolitiques '
Les progrès en matière de voies de communication entre les hommes ont conduit à
diminuer la fonction séparatrice de certains espaces dont le caractère hostile ou vide
faisait des frontières naturelles entre États. Dès lors, la pertinence des obstacles
naturels comme iacteurs geopolitiques t$t de moins en moins vraie à l'échelle
mondiale. Les mers et les déserts ne séparent plus les hommes comme autrefois. Les
espaces vides sont vaincus plus facilement. Les satellites font penétrw la vision et
l'examen de l'homme dans la moindre parcelle inhabiree de la planète. L'homme voit
désormais toute sa planète nourricière et peut s'affranchir de tous les obstacles.
Pourtant, nous tenterons de montrer que :
1. La topologie a contribué à forger historiquement le rapport et la représentation
entre les États et les peuples, ainsi que la g~politique intérieure des États; rapport et
représentation sur lesquelles nous vivons ~ncore largement, malgré les progrès de la
techniqul'.
2 A l'échelle locale, dans les pays développes et plus encore dans les pays en voie
de d~t. l'ob!itacle naturel continue de modeler les rapports entre Élats
misins. L'ao:aoissement des liaisons et des khanges mondiaux est concentré sur l<?s
Dn!S "8phiques coMl"C'tfts entre elles, et de nombreux espaces vides ou enscrr(-s
J'll' des reliefs restent éloignés des phénomènes d'accroissement mondialisé des nux.
Lts mers du Sud demeurent vides, comme les déserts et nombre de régions forestièr<?s
ou montagneuses. Le géopoliticien se doit donc d 'étudier les fonctions géopolitiques
qu'occupent ces 'régions déformées et discontinues" qui contribuent à fixer les limill'S
Je Êtlts. tant il est vrai que l'expansion d'un peuple peut se heurter à un fleuve, une
montagne. un manis ou bien encore se diluer et s'éteindre dans les confins d'un désert.
La topologie reste géopolitiquement, et donc stratégiquement. une réalité
incontournable
Dans ce chapitre, on aborde ces facteurs géopolitiques déterminants que furent, et
que~ dans bien des cas, Je désert, la forêt, l'isthme, le lac, le marais, la montagne.
L'histonen Fernand Braudel nous rappelle que l'islam, c'est le désert, un ensemble
de diserts situé entre deux navigations - deux étendues d'eau salée-, la
~ et l'océan Indien, et entre trois masses de densité humaine, l'Europe,
l'Afrique noitt et l'Extreme-Orient 1. Et ce caractère en quelque sorte désertique de
l'islmi fait de œlui<i une sorte de continent intennédiaire. Pourrait-on alors encore
!Olltmir que~ désert ne fut en rien un déterminant fondamental de l'histoire, lorsqu'il
est si intimement lié à l'émergence de la réalité islamique?
l f . 81.AUDEL., Gr.-n _, cnffiMJliutU . Pana, flanananun , 19'13, 6)0 p, fi 'll . " Avnnl tout . l' l)lum est un '"con11nc111
__...._.,li....._ as naa rq.- cmrr cJlca . EwMlcmmc:nt. Je l'At)amu1uc o Io forêt ~1ht!ncnue cl il 111 l.1nm: du Nunl 11 ) .l
.,_, d Mlat : D ....,. dmadt du SuJ. IC dialÙ1JUCfll Jcs dt..m• (n11'1i. du NnnJ , -.:cu• · ~I en ~ru ~. 1one Ju chamuu 6 Jnla
.._, __ le ~c:e..- -. c.ea,a..1'.4ormiacctu dtomlldan~ . Une lipc llrée da: Io. Cus ricnnc;, l'c1nh<•u1.:hurt! Je- l' lnJw ~ i
,.. fdi&..., np.. ~ · Pmw m11m1 , nom montrcrOU que. et de façon pMradm1:nlc, 1'111lam. ~·c s l uu!t~i I• "·1llc
aisément au bloc africain. L'Afrique du Nord se coupe radicalement de l'Europe."1. On
reparlera du chameau, véritable pont tendu sur le désert entre l'Afrique du Nord et
l'Afrique noire.
Le Sahara est une zone de séparation et d'affrontement entre l'Afrique du Nord et
l'Afrique noire2. Parmi les dix États construits sur des étendues sahariennes - six sont
arabes et quatre appartiennent à l'Afrique noire - , ceux qui se trouvent sur les franges
du Sahara, comme le Mali et le Niger, sont bâtis sur une opposition Nord-Sud; les
pasteurs nomades arabisés s'y opposent aux populations africaines.
D'une manière générale, l'Afrique noire est soumise à la poussée historique des
populations maghrébines et islamisées à travers le Sahara. Un tropisme sahélien
pousse l'ensemble des pays arabes du Maghreb - Mauritanie, Algérie, Maroc,
Tunisie - vers l'Afrique selon des lignes de pénétration très anciennes et qui
correspondent notamment aux poussées de l'islam dans la profondeur du continent
africain, le long des routes de l'or3.
Carte 67 : Populations arabes et noires sur le continent africain et frontière
christianisme-islam
Appuyée par l'Union soviétique dans les années 1980, la Libye nourrit un rêve
africain. La restitution en 1994 de la bande d'Aozou au Tchad marque peut-ëtn! la fin
provisoire de la poussée libyenne vers les confins africains du Sahara.
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La rapidité d'avancée sur les étendues désertiques dans le cadre des guerres
modem.-; - blind.;s -, donne au désert une importance stratégique majeure. Les
guerres isrdel<>-arabes ont en effet montré l'avantage que prenait l'armée qui déferlait l.1
prenuère dans le Sma1.
Le désert occupa une autre fonction stratégique aprés la fin de la Seconde Guerre
mondiale, lorsque les puissances mirent au point leur arme nucléaire . Dans Le Désir dt'
ltmlorrt. François Thual souligne ainsi l'importance qu'occupa le Sahara français2.
1 ... OIAL'PRAUf C1 f THUAL. /Jir:111'"""",..,. J,• "•'u1•,/111q11' " ~~ tJ , l'art ... Elliri.cs, J 1J'>•>. ;11111,;h: "l\lari,..:··
:"'C.a.qa&odiffw:ll"'21'11. pacJfiC-Wdl'crnn'U . [e\ ticn1tu1n...., cJu ~11J al,,;:L~ri<::n h C11J-•it.. u:r..:111 1k..,, 1'>11~ d'lm ...1:11u1 .'\dn1111\ \ 1n.11I
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~n llC'"lfot.plllll pu~ le~ fnn,.111 qui~ rcpan1 .... 1111 .. 11r I'/\ Cl I; L"l l'J\ L 1· :1111 .. 1 'l"·au \1 :111°'" 1,.·1 ..:n Turu!>1c
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3.5. Le Sahara est-il devenu une base arrière
de l'i11lamisme radical ?
Tout commence avec un document salafiste trouvé dans les bagages de
Mohammed Alta, le chef présumi; du commando du premier avion dei tours, qui
accrédite la thèse d'une collusion entre la nébuleuse de l' Algérien Hassan Hattab, le
GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) et le réseau Al Qaida.
Dans une vaste zone débordant largement du Sud de l'Algérie vers le Tchad, le
Mali, le Niger et la Mauritanie, le GSPC a largement fait parler de lui depuis 2002:
enlèvement en février 2003 de 32 touristes européens dans le Sud algérien ; risque
d'attentat islamiste sur l'étape du rallye Paris Dakar traversant le Mali début janvier
2004 ; interception début février 2004 dans la zone frontalière algéro-malienne, par
l'année algérienne, d'un convoi du GSPC transportant un arsenal d'armes de guerre
volées dans des casernes maliennes et payées avec l'argent de la rançon des touristes
européens enlevés auparavant; autour du 15 mars dernier enfin, le numéro 2 du
GSPC, Abderazak El Para, échappe à la mort, lors de combats dans le Tibesti (Tchad) et
s'enfuie en direction du Sahara algérien.
Les faits sont là : le GSPC aura été traqué, au-delà del' Algérie, au moins dans trois
pays d'Afrique sub-saharienne.
Mais les faits ne s'arrêtent pas là; ils vont au-delà du cas du GSPC À la mi-janvier
2004, les services de sécurité mauritaniens arrêtent Baba Ould Mohamed Bakhili,.
membre actif du Front Polisario, pour son implication dans le vol (à Zérouate, dans les
dépôts de la Société Nationale mauritanienne d'industrie minière) d'une grande
quantité d'explosifs (150 bouteilles contenant un produit très inflammable) et de
milliers de mètres de fils servant à télécommander à distance des explosions. Quelle
pouvait bien être la finalité de ces explosifs et de ces fils de télécommande?
Certainement pas la guérilla face à une armée conventionnelle. Ces matériels devaient
typiquement servir à commettre des attentats terroristes contre des populations civiles.
Le Polisario avait-il l'intention alors de commettre lui-même ces attentats ou bien était-
il chargé de fournir à un autre groupe terroriste ces explosifs ?
Qu'observons-nous aujourd'hui sur l'ensemble du continent eurasiatique et du
continent africain ? Que l'islamisme radical est en train de devenir la nouvelle
idéologie radicale de contestation du capitalisme occidental et des gouvernements qui
Mtd1tmanie, l'AIJ;'tne c;611i:fto et l'Afrique f'rança1sr formC-c Or l'A .0 .F. d dir fA .E.F. - Sur k plC\ ~ Cftll:lm qp1b.. i
commencc:r pu le Gmhal de G:11ullc. êt11im1 pcnuod.es qu·cn Clll de DOU\'Clle gunn:. ~sera.il k Sahani dl nnon r.k: r~
qui formcnul IC' bastion d'une fu1ure rCsl!IWICC. bien plus qut les IY~-S du Pwb@.tlftb. Apft:s le ~c &Jp1n r.:1 k: rabut brCIDD. .:'91 le
Salwa qui de\·3j1 devenir ·r11 c.a.s de mnlhcw·. L1. zone ~fuse pi:iur La F~. Le GénCnJ Jt Gaal1k all&a1 JUSi.f1la puict d'1.111 p..csibk
s.inctua.1n: R.lllorul. semblable a '"C' qu'nail cté- les Bau~C".\ p.lut le ruy~ lk. Frmicc u "toycn-A~c ""bu.Doc mo.rufMbk.. Sur
le pl~ ttonomiquc, la pn!-scncc de J"('trolC' C'I de g'.GT. 3,·:i1t CIC' Ç'\'lnfirtnC-c et le'!' tlCmnlls dùnc f\ltun: npk.•11aZJgfl , ·rtuml mi5 en
rlace progres,s1\·cmcn1. A1n.c;i, Jan~ les anntts 50. le S.~r.) 'f"p&ni~q1t <:ummc une des rond1110RS d'\m a"'enir "'111an pma" la
Fr1nee LA seconde partie d~ llftnfts 50 :1mnu1 Wl(' n<'IU\"C'll(' moJJ.fiii."2lion de Ls fonction du $ahan.. En effet. tt dctu «il pc!'ft'
J'Al9nic, cornc1dri ]11US ou mouu nec le <Uhut de ru1ihsa11on du Sahar::I rour l.:i mue au pctmt de la foret Œ rnppc ~ ~
aiu1 rualJ nuclta1ra. et pour ht mise au pumt de~ pollttquc- sp:auale, la zone dc,·maot W1C bbr Je lanta:ncm: polll" les ri.DCa.. Ces
r1.&S&s.11rtcs Ju Sahara. é1a1cnt n:cuptrecs au.' A~"->n:s po"llé.i.tSCS. l'.un,·tt Je la\..- RCpubhque Jc,.;ut ~ k nHc \M.I S&bua
.11u w:1n Ju J1spos111f fnsn~a•' Ams1. lln compn:nd mtC'U' PJUl'\IU\11 pcudant W1 ..."ft'Wn ~ Jt rlC1flf'So. Jro.:ant l'•5$19~âlon Jr 1a
iilUQlion en Alg~ric , r11ns Cn'"l!i-atl:ea de scin~kr l't!'Spa1,.~ <JC-ntn en Jeu.,. 3n."Utdant 1'1nJEprnJ.an..'"t' 3U.\ tntis Jrrpu1cmcnu cUtief1 C't
rons.rnanl le Sahal'9. A ccl ~ont. un ~rihcmtrc- ministtrt- du S3hata f\a1 1i."rtt dont le ntulaift' fui \t:u ltjl:uoil:=. c..-. sohmon ~
J'lftition du Saihanl qui se "i:ra11 ft'tf\1u,•ê' rncln~ rarmi lc-s pa~ nouvc-Ucmcul 1nc:lépmdmb if Afriquir et du ~ rut
•baildonntt dc,,·a.nl le rdus du goU\'C"l'nC'1n.:-nt f1m\·1sl'lll"C ai.l~nm lors des ntp:...c:ioas d'En.n. En tdt.ap Je t\lahsaliœ des .Qœs
tfcua1!1 nudtaua. et balis11quC"S cl Je 111 pan1'"1ro1u1n frun\•i'C il I• mise en nleur dei; ~-es m h~ Je la rqpa. te
Sahar.a fut 1nch1.§.. en ,,.cnu des a ..·.:unl.' J'11u.ICp=11J111ncr. Jan., le- t.:ml'''f'C" Je- la nou\·cllc rrpubl~ut J'AIFnc- AllW rAlFnc prcm.l
PIJ'llCUIOn d'une 1mmC'n.M: ft'S,ion, l:i ~,.:. n'a\'lucnl JllU~IS ~ne m \otll..-,; Je la 1,.'\}lc ru ~'CS Jt r~\IC OllOallDc.· . r. THVAL u
JiJir Jt tc-rritoirt, Paris, t-:ll1pscs . I~. Jl ?l.l-.81 .
174 Pt1rln· 2 . l'cnr•n11crtet 1lt Io carlt
Les États malien, nigérien, ou tchadien ont une faible maitrise de leur territoire. La
corruption et la misère (qui vont de paire) y sont élevées. Un réseau islamiste riche
n'aura aucun mal il recruter sur le lit de la misère et de la frustration . L'étude des
filières d'immigration clandestine montre par ailleurs la porosité des frontières de ces
États et de leur interface avec les États du Maghreb. Si des immigrants clandestins
venus d'Inde, du Pakistan, et du Sri Lanka peuvent arriver dans le Sahara occidental et
repartir ensuite vers l'Europe, on voit mal par quel miracle des islamistes venus
d' Afghanistan ne pourraient pas emprunter le même chemin.
Dans la région, nous disposons déjà au moins d'un exemple de reconveTsion d'un
centre séparatiste en centre islamiste : la ville de Kidal au Mali . Cet ancien fid de la
rébellion touareg au Mali, plaque tournante des trafics d'armes, de véhicules volés,
d'immigration clandestine, est aujourd'hui un haut lieu de prosélytisme islamiste. Les
échoppes y sont tapissées de photographies d'Oussama Ben uden, qui jouit d'ailleurs
de la même aura à El Khalil, ville plus nord et proche des frontières de l'Algérie.
Les services occidentaux estiment que près de six cents combattants islamistes d' Al
Qaida se sont réfugiés, après la chute des Talibans, dans le Sahara. Ces militants trans-
nationaux ont fait le lien avec les rebelles locaux. Du GSPC comme du Polisario.
Combien parmi les quelques derniers milliers de combattants armés du Polisario
encore soutenus par Alger, croient encore à l'idéologie révolutionnaire marxiste qui
accompagna leur "lutte contre l'impérialisme" pendant la Guerre froide? Très peu sans
doute. Car !'U.R.S.S. s ' est effondrée, il y a près de quinze ans maintEnanL Et tous les
chefs historiques du mouvement sont ralliés à la cause marocaine. les denùer.; sont les
enfants qui ont grandi coincé côté Algérie dans les camps du Polisario. qui pour les
leaders ont étudié dans les universités algériennes et qui en ont rapporté des
convictions islamistes.
Dépourvue de base populaire, l'existence de ce mouvement est désormais
conditionnée à la "Realpolitik" algérienne. Le jour où Alger fera le diagnostic que ses
intérêts passent par la réconciliation avec le Maroc. par le Maghreb uni et "l'entenb!
cordiale" entre les deux pays. alors les vestiges de ce mouvement artificiel,
originellement monté de toutes pièces par les Libyens et récupéré par Alger (pour
tenter de s'ouvrir un débouché sahraoui sur lAtlantique). disparaitront d'un coup.
Mais seulement voilà. entre temps. l'islamisme radical peut avoir donne une
nouvelle vie au Polisario.
Il apparaît de plus en plus clairement donc que l'islamisme radical cherche à
s'appuyer sur le Sahara et l'Afrique subsaharienne musulmane pour déstabiliser les
États maghrébins qui sont sur la voie de la modernisation. et se projeter. à travers ceux-
ci vers l'Europe . Le Sahara peut devenir la base arrière de cellules islamistes opérant
sur les territoires du Maroc et de l'Union européenne (Espagne puis France).
Sans base arrière territoriale, les réseaux terroristes transnationaux n'ont aucun
avenir. Il leur faut des zones où les États sont faibles, voire inexistant!: : des zones
tribales entre Afghanistan et Pakistan. les zones désertiques du Xinjiang aux confins de
la Chine continentale ou le désert du Sahara. Toutes ces zones où lautorité de l'État est
absente et l'économie criminelle triomphe sont les meilleures alliées des terroristes.
C'est la raison pour Iaqu.,.lle les pays occidentaux et les pays de la zone saharienne
augmentent leur coopération en matière de sécurité. Avec un prognunme baptisé
"Initiative Pan Sahel" les États-Unis, non sans arrière pensée (renforcer leur influence et
celle de l'O.T.A.N . dans des zones traditionnellement francophones) ont établi une
coopération milit<1irl' et policière dans tous les pays sahariens : Mali. Niger, Algérie,
Maurilanie, Tunisie, Marc><: et Libyt>. En Mauritanie et au Mali, des militaires
américains forment dt>s gardes-frontio'res. Dans la région de Tamanra.."51et. au cœur du
désert <1lgérien. Washington implante un.- b.isc d'koute de la NSA (Agence de Sécurité
176 P11rh1• 2. J>,•nrr1111tUft dr la uUlt
d<!sen
attilude de r>lus de 3000 mèlrcs
lOnç revendiquée pnr l'Arabie snoudJtc nu Ycmcn
1 New.. uaiLonJ du problhnr de l'eau n1 i::1yp1e, 1:1 nulumnu.-111 Ju pr11Jcl r>h111ao11H111c lie lu 11011\•.:lli: Vallt,·. J•n1. le du~lrt
~' .. 1ucne de rau
Chopllre 5. La lopologlc : (onction g<'opulitique du r<'ll"( 117
1 H. CiROUSSl:T . L,· n""l'"'ro111 1h, "''"''''' 11 ·,. . •J..· c;,.,,g1..., · Klt<1n J. P'an:i. Allttn MK-hrl. 1~
l M l IELLER, Hi.rloir.· U.· /,, Ru.:.•·1,· ,., ,/,· ,\utt l'"Y'l""· l'an' . .. ,.,'Il, l o.w-r
.\ J CARrl ;NTŒR. F LEUM.l.IN, l/uwrn.· .• 1·1:.· ..,"1"'· rv.!io. Le SC'\l1I. I ~.
178 Parlii• 2 Pcn111111t,,u dt Io nut1
son érendue, dans l'origine des dynamiques géopolitiques. Le "désir de territoire", dont
François Thual a décortiqué les méocanismesl, reste une donnée fondamentale du
monde contemporain que l'ilnalyse géopolitique ne peut, ni ne doit, sous-estimer, au
risque Je se tromper de stratégie.
4 Oe taRIUYC "8C: flS'I' de I• forft ibn.' W /Jn11rr1· Cmn,·J/1· Je l>anlc , ha forèf y c~I fc domo1nc 1cinrnrd 1m\·C de lo11 lutmtn:
j I . HAIUU!l)l'C, Fnrlu E~a1 "" nntD1IltMJlrr uccl1kntt1I, Paris, Flunmoriu n. 1992 Voynrn 1'1mror11ancc Je l• JimtNk~
~ dlm la ccaa et lqcndn curuptcna, iqu'il t'•1111ie du />~tu Pvu1.·,1, ou de l"'m' c•t Gr~11d.
Ch•pilre S. Lo lopologi" : !onction géopolitiqu~ du r"hef 119
Échancrure d'un littoral, la baie offre une situ.ation souvent favorable <\
l'établissement humain. L'État kowertien doit son e"istenœ d'abord au fait qu'il est une
1 F HRAUOEI., arumm. ril"c" de·.• l in/i'f11f11•n.• . 1%.t . Pari!'. Flammanon.. ICN) cul1 ~·. J'- t:q
l f MAURl:.Til:: . '" Athqm.. i!qu111on11I ..- l•ncnLalc:- c1 .iustnlc:"' in c_;,;"S'~ -mtr:J1t.•lltt. XU
.\O. NANTl:.ï . JJ1,· t1 11 n 11~U'\ ' , /'h1..•tu i r1 · •'I c.h.· , ·1'1IU•flWll• ~-"'""-'·'• r.tu.. l.M\MIDC, l..W.
4 J. ANC'l:: L . C.1.·oxrU/1h,. · ,/,.,, lnm 1t.; r.~• . l'an!>.. li•llmwJ.. ,..,_\l".
'Nmu tnulons du hcn cntn:" te llOH\.'l,..ltalh.. cl k~ ~~nllas .Jans lc chiap111ft cocaMCR.a. ...'TÛlat' '8........-l
111() f'nrliC' 2. Penunnenu IÛ la at1t
baie qui offre une rade prot~gée. d'une profondeur de trente kilomètres, située au fond
du Golre et surtout non loin du Chatt el Arabi. Ce sont les Portugais qui s'installl'nt
d'abord Jan.< œttc baie puis, en 1756, la dynastie bédouine Anézé qui y règne enco~
aurouni'hui2.
L'isthme est une bande étroite de terre située entre deux mers ou deux golfes et qui
réunit deux terres. Notons bien que le détroit unit au contraire deux mers.
- l'isthme de Suez sépare l'Afrique du continent asiatique - en ouvrant sur le
dé!ert du Sinal" Ua donné lieu au creusement du canal de Suez au XJXe siècle, lequel a
provoqué un bouleversement géopolitique à l'échelle mondiale .
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- L'Asie dispose de deux autres isthmes qui la rattachent à 1'Ouest : le Caucase et les
DardaneUes.
- L'isthme de Panama a donné lieu également au percement d'un canal qui permet
de rrlier les océans Pacifique et Atlantique.
L'isthme est un enjeu stratégique. n permet de verrouiller ou d'ouvrir un passage
entre dewt aires géopolitiques distinctes. Nous renvoyons à la question des détroits et
des canaux. et en particulier au cas de Suez.
1U0.S-al-Anb s anc t1111c J'aM fU11111tc par I• .:;onnucncc du Tigre cl Je 1'[.uphn:111c .... uni qu'il!' ne !6C JCtlCTll daru IC"& IHll\
•Golfe Zoar:dt comnuu,aunn t1 LDM pétrolif"n-e. cctlc rt1Km n'a c:e111M! d't1rc une rnmmc de c.hsc11rtlc entre rt:·mr•rT ottoman rf
l'lllllP'R Pl'IC- pua awre rtral Cl l'Iran."' dem1tr ,.,.. up•rN'I à crt l!lrc nvcn.irt, •lnr"!IL que 1'1'9k n'a eu de ccue dt Rp.tw..wr ln
" - lt ,,... ~ ..,...-.1c ck li m·r onn1&9lr dru ncu\tc f-= TlltJAL. Ahn4..:it J:~ripolftlqu1· rh1 (;r1/fr . P•ns. Mii~ 1°""!
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Chapitre 5. LA topologie-. fonction géopollhque du relief lin
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la différence de l.1 mer lerm.-.:,, •'SI il>rme.• d"<•.iu d<'U•Y
182 p,,,.t11• 2 . P~·nnauC'nc.T dr la curr~
1 r . VIDAL DE LA BLACHE. L GALLOIS dir., Gft'!f"UPlt'r" M,,n,..nr/Jc', P'at'U.. Armand C'oli.n. 192 7·1Q~fl., L ."{ll
F. MAURETTE, Afriqur éq11utor"zl~ .,r;t.•n1alc' ~l OU3trol"·· l~)l' .
.? P U :'. MARCllAND , L. RAOI. 1.~mil- P1.1lc-1tinr". '41/'" pn&.•/H'·t~f. Bru..ulle5o. Comp1C"~c. 19%.
) CunvC"ntion du 2S fl!:vncr 19~3 ~u i fixe la fronu~re • le hgne mal.1&nC'. l."'Ol'Dplêtéc CD l 062 wr le lu1111: C'ODft la poUurioq_ a\
1976 sur le rtylemcnt Je la. na.v1tJ11l)on , en 191'10 "ur la pkhC". N QUO<.' DINH. P DAILLET. A PELLET. C'Jn,it ;~
{'llhllc . S' l!:d, Poris, LGDJ . JI 1146.
"'"'·'"
S Son slalul 11c1m:I. <tui csl t~s complc.u . fe1t l'ub1c1 <l'une fiu,hun pan1cl1C" J'&I' IC' traite ~rmuu-bc-h~..: du. 1,. JWD (Q7)
OC'CUJ'lèft'nl. m l'espace Je deux cents ilns, tous lt!s trônl!s chrétil!ns d'Espagne
-G41iœ, Asturil.'!l et Uon. Aragon, Castille. Ils les perdirent tous. "Enfermé<! en dfet
dans S..'!i montagnes par des ~uples puissants, rongée pour ilinsi dire par les pt!uples
Je l'Espagne et de la Franœ, la Navarrl! implora m<lmc les musulmilns d'Afrique et
finit par se donner aux Français" 1.
À cheval sur deux 1'tats, la France cl l'Espilgne, le pilys Bilsqul!, pilys des Pyrénées,
et l'exemple d'une identi~ montagnarde domptée pilr deux logiqul!s de plaines cl
deux d)'l\ilnuques de civilisation. "Les vieilles races pures, les Celtes et les Bilsques, la
Brelllgne et la Navarre, devaient céder aux races mixtes, la frontière au centre, la nature
à~ ovilis.abon.' écrivait encore Michdet2. Il annonçait par ces n1ots ce que serait un
jour le sep.vatisme basque - semblable en cela '' son cousin breton - : l'exprt!ssion
ftluùque Ju combat Je la nature contre les civilisations centrales. Roland de
Roncevaux ne fut-il la première victime française de I' identitarisme basque ? 3
,_
montagnes du monde arabe, fortement peuplées6 .
! /.IOI_ r· 116.
J la....._ .Jml &.r .,MJc najonll. se coru1dCrnu f~nç.a.1s
.& B BËNASSAJL J. JACQUAKT. Lr XFr' 11itlf', 2,. b:I., Put ~. ArmanJ Co lm . 19 110.
SUmN ... 1.tciDlcnllddt:tAmlol1e J IOOma11p1cJ Ju Cal D<lgct tlu Ya1• gui tfag en Lyr.:1c , SUU métres >ur l.:1 lai;aJc SuJ ·
O.- du 5-kM dit. ISO mi:uc Wnnmt rn boulW'C 'llULl-oncntalc Je la mérnc ni11111ai;nr.: .:. 1'1· .. 1 Je la p lil mc r.:ùtit~ J.t
ita,apz_ b R\-..die. - t. cblit &yJo-hbu\lillof' · l 400- 1 300 mctrcs ct po ur 1cs plu ~ g r u .. villa~c:o. hban i:u ... cnuc 1 IOU 111 el
1 lœa \'w È.. de \ 'AUMAS , /~ r~ptvti1ic>11 de- Ill pop"lt.1111m 1111 L1hun, JJSGI : .XX VJ . l lJ51 , l'J . '.'i · 7:<; ( ·11..! rur X . Je l'I ANll(ll .,
l,,, ...-..., âProplttik Abn.tl~ropltiqu~ Je po/,tJ.iuc- 111u.ndnwn1·. Pan ~ . FayarJ . l 'J'IJ . r ~..i
10.. lc dam&im ~e. les dtru11ê• ,onl de 22 ~u km:? dans Je M:is,.1f t.:a! 111r;1I Ju ll 11 u1 A1lnio J 'arn:s le
, _ _ de 19)j. OJlESCll. ~" ' "' J~.f x~nrrs ,,.. W(' "" mtmlu1tm · 1lt1U 'f ,,. Ala... ~· ;r ( ·,.,,,,.,,, ,,,, fir11ml ~1J1u , Tuun .
,,.._..,,de f1lllual dn M&lkS mada marocaines XXXV , 1941 - 11ull dcn si ld:c. c:u;..:p1umncllc!<i cur.u;lémrnnt c i.:nntn!i mnss1 f~.
~t..ITJ•kWdt-r~del~ucnGrandc Kabylie en 19$4 · - DESrOI S, llJ60 ·· Io lfll nu km J rnurl~
L.illm-~wmb:lw .. Uau lur.klamon1aw,ne 1l11UUilc - VAlJMAS. 1'11b0.
Chapitre 5. La topologie ; foncllon géopolitique du relief 185
1 P VIDAL DE LA UlACitE. L. GALLOIS d1r .. Üt~>."'J"ilPltir 11m\'l'n~lk . Pans.. r\nmnd Colm.. 192'1· 1')8., l VlD
M.. BLANCHARD, Asii: n~c1Jcn10.lr. 1•nq.
2 X. Je PLANUOL, l1·.~ .''t/1111um J11 Pmphht· Manu.-/ ~-N>grurh1y11 .- dt· ,....,litiqtw """"''-- PmU., f•yanl. 199). p. 15.:t.
3 P. VIDAL DE LA llLA.Cll[, 1. GALLOIS J1r., Gn1.~ruphi«' ..,,,i\,.·n~/I,.. Pans.. AnNod Colin. 19:?'?· 1~'11. l VOi :
R. bLANCHARD . .·hi.- oc"1lt'nt<llt>. 1~29; cn1re l'Amonu!' cl 1-.• ('a..,..,.1us. IC' nnt..'t œ r...\.rnouk où muJr lie- a....on-;
!'ensellement 1huns-Tripoli entre le Ojchcl Ansa.rit et lc L1h11n Jom1nt par le Krak des Chc ..-.Jicn . Cil Galiliif Cl r.laliDt. le œ:bd
se rédt.ul O. Jc!li collines
4 ~ de- VAUMAS, L.:..~ ··cmduirms 1141111rr/k,; J..• l'vn·llpfJllOllJiu._,1,.,.. dt. L1han, ."-.0 .• 19-&&. p. "'°""9.
'C UAURAIN, C PON NET. L..-.î P/J1•wd~m . Paris,, A.._t Colin. llN:! .
181i P11rlu.' 2 . Pcnr1t11t~t1n• de Io cnrtr
l'lùvl!r sont conservées pu1S restituées l'été au plus grand bénéfice de l'agriculture.
Enfin. il s'agit d'une montagne qui débouche sur la mer et donc sur le monde.
t X. dr Pl.A.."'lfOL l.LJ .\:atit>M dJJ Propltrse .\tonu~/ geogr~pluqfü• de /H1fi1iqt1t:' mu.wlmum:. P:m~ . Foyard . 1q93, p !'6-'7
~ x_ dr ~ltOL wo.;.,,ru ~n ulum. 1'""1l'apliir rlitiquc• ,., wcit1ho, r;.im;, Flammanon. 1997
3 K... S. UUBL Jlw \bJrm lrutor:t· vf ~banrm . NC"W Yortc Dchn,u. L ar-.a\'.:in Book.e. . 19hS . D AMMOUN . /lu1oir1· .ill
u . . . -.hril. fwyri ....... 19"7
.tO nJ SOlllEL lJ1e1innNuu lru.Jurr'fW' ck l 'iJ/um . P;1m;, PU 1: .. M96 ;, rt1clc~ " J'...ayt.l1 s mc " . J'I · IUi S . .. Yémen",
0 r US ;
J . 1llliAL ~dit c/uuMt, Pam, Artca. 1'19S, ISh p : t.:hap XII. '' Le Yémen duuc'', p IO) - IOtl ; X . de PLl\NllOL.
~d n-. lt!fll"•lf'IU<t polit111w ri JUUU/~. Puu, flammanl>n . r ;m s. 1997. r - 109
JD.ctJ.SOL1lVELDwtùA11Wire1"s1unq11.-Jr: l'o/am. r~m• . r .U J· .. 19'H•, un1clc ''/\luou11c"' . p . S~, un,clc '"Sync " fi 711 ,
X.• PL.A..1'HOL,. ~,.,, ut...._ xiograph1t pofuiyur r1 ltx:"'I"·· f'am . l·lammanon . 1997 . P' 10 .
61J. dJ ~"IJ>ELD"'11~Ji i1for1q1.1~ .lt· l'U/um. P<1m.. PUI·. l'J'Jh . ar1 idc ··vc1:uJ1s'', p . H57
1 J. BEJt0CE.A•6piw!l,Sci.wi.-a lfc1pcrn, l':ilSl, p JS'i-417
•c--. i rt.. ..._ '"""6<
Chaplmo 5 . La topologie : fonction géopolitique du relief 187
Il rxiste des États conslruits de part et d'autre d'une montagne : c'est le cas de la
~ bàtie autour du massif des Carpates. La coupure d 'un État par une
montigroe n'est cependant pas toujours une réussite géopolitique. Le royaume de
Savoie, à cheval sur les Alpes. était bicéphale; il admettait deux capitales : Chambéry
ri Turin1. Son manque d'unité géopolitique ajouté à son faible poids politique joua en
daaveur de l'indépendance savoisienne face aux unités française et italienne. Un autre
exemple de construction difficile autour d'une montagne est celui de l'Afghanistan. Au
coun des siècles, le centre afghan s'assura du contrôle des oasis des plateaux mais il lui
fui toujoun difficile de réaliser celui des hauteurs4 . Certes, la grande instabilité de
l'Afghanistan; tient d'abord à un conflit identitaire - des ethnies s'affrontent pour
prendre Ir contrôle de l'État - mais celui-ci est favorisé par hi topologie.
Ajoutons quelques idées simples à propos de la géopolitique des montagnes :
-il n'est pas vrai qu'une barrière de montagnes freine d 'autant mieux les invasions
qu'elle est haute: les Pyrénées sont moins élevées que les Alpes, mais elles onl
CDllllÎtué unebarrière plus efficace contre les envahisseurs car ses cols sont plus élevés.
Ce qui compte donc, c'est le nombre, et la hauteur de cols, et non la hauteur des
chaines de montagne.
- Comme le fit remarquer le géopoliticien allemand Friedrich Ratzell, sur de vastes
espaces, les obstacles fondés sur l'altitude diminuent proportionnellement aux
distances; ainsi, à l'échelle d'un État-continent comme les États-Unis, les barrières
naturelles que sont les montagnes tendent à voir leur fonction d'obstacle diminuer.
- Il est important de tenir compte du contraste entre les versants intérieur et
extérieur des montagnes ; tous les versants ne sont pas équivalents. On se !IOUviendra
des notions géographiques d'adret et d'ubac: l'adret est le versant d'une montagne
exposé au soleil, l'ubac, celui qui se trouve à l'ombrel.
- De l'importance stratégique de posséder un glacis: le terme de glacis vient de la
science des fortifications; il désigne un champ de tir dégagé qui n'offre aucun couvert
à l'ennemi. Mais au sens large, on entend par glacis, une zone dégagée qui se trouve
aux confins immédiats de la frontière de l'État et qui a pour fonction principale, dans
une posture défensive, de détecter puis de ralentir l'approche de l'ennemi, et dans une
posture offensive, de disposer d'un espace de déploiement des forces d'attaque. Pour
les États entourés de montagnes, il est donc d'un grand intérêt stratégique de posséder
un tel glacis. L'addition "glacis + montagne" apparait comme idéale dans le domaine
de la défense continentale, el tend à donner une sorte de dimension insulaire à l'État
qui possède cette propriété.
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1_,.,e,__.._.1967.~ . . 19111)
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- Le plateau du Golan 1 - 1 000 m d'altitude - est occupé depui!l 1967 par Israel, au
détriment de Damas - la capitale syrienne est située à seulement 40 km de hauteurs
du plateau -, pour des raisons stratégiques; il donne aux Israéliens la maitrise de
l'eau dans la région et le contrôle de la Galilée - voir à ce propos notre chapitre
consacré à la guerre de l'eau . l!iral!I a annexé ce plateau en 1981, mais la communauté
internationale n'a pas reconnu cette annexion faite au d~ment des frontières
internationales de la Syrie.
- L'Iran a toujours Né régi à partir du haut plateau, et plus précisément de sa
bordure Nord. C'est sur ce plateau que se situe le fondement m~e de l'État iranien2.
Carte 53: L'Asie centrale, le monde iranien
En montagne, les cols, les défilés, le5 passes, occupent une fonction stratégique
majeure illustrée dans l'histoire par la construction de positions militaires fortifiées .
C'est la raison pour laquelle les États affichent à leur encontre des ambitions
géopolitiques fortes.
Un État comme l'Autrich~ s'est développé â partir des cols et des débordements
fluviaux. Les territoires acquis par les Babenberg, puis les Habsbourg, occupaient tous
les accès au Sud-Est européen et une grande partie des accès à l'Italie. Adossée aux
Alpes, l'Autriche pouvait pénétrer en Allemagne, en Italie, en Hongrie et en Pologne.
Le marais est généralement une région basse formée d 'eaux stagnantes envahies
par la végétation. Difficile à traverser, le marais s'est toujours montré une frontière
sûre. Mais pour les mêmes raisons, les régions de marécages furent difficilement
contrôlées par le centre politique. Atout en géopolitique extérieure, le marais est an
handicap dans la géopolitique interne des États.
1 V . LACOSTE d1r, lJ1t:11ur1nain.• ~ g~upu/11iq11~. Pu.ris.. Fhunmu-iQG,, 1993, UllClc .lsntL fTonwet m.-.:.,•, p. 812.
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"J. ANCEL, •Le nw..1• in Cit.i.upulirrqw, hri1,. Dolqn.vi:, 19311, p.~-
-Les marais de Bourtange1. sinu~s entre l'Allemagne et les Pays-Bas et qui sonl
imprabcables, permirent aux Hollandais de fortifier leur indépendance.
1 -.
JJ. CASTA&fDE.. llllfofn'tlt la IAJ'C'l'Slle'~I dl la (/œJlflgn.:. r~ns. t-·runc.:-J:mp1rc. 19'>7.
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U ; -nar ....... of...a.:ntlœ(.in GJ. IYS-4.p. 27~2RI; ~ mnnh Aml'r.i'". LumJrc~. l'Jt""' . W . EUGEN, /.iJttdirlwlft•iU
16a:t•,..,.._-.,ilGO'etr,,,U. MiJ1~,J11ngrn,J,,,<;,•t11(r11phi.uht·11 G1·.wll.'f1 ·hufl ln l/umhurx. llJ~~. J1 7-70 , M Ga,•n . .f
W.W. t,. dlP Wiltd, Lm:mla::a. J9'7 Uraduit11aa frM{llLSC lr pt'ufih· iJn rn'f1·11m·, J'uri!IP, 1•J<,1 J ~ J l>nnphm. "'l.cs M.1'dan de'
m. ............ • AG. 1960, p. J.4-19.~ S.M Manh. f.h:rllt!r.1 of th,, Euphratt·.,· tir/ta. J.unJnn School or r-:.:onomic.
W-....rlacilll~, n, l..ondrea.19';2 - nui de 1yn1hbc ~ur .:~s 1mv1111-. 1lun~ X . ile l'l.ANllOI., /,, ft•ltdtfl'WTIP
................ ~.ru•. Paril, 1%1. P- 9l.-9j_ StU I• r~vnlrc dca C?tdovc~ nOU''% , VOU /\ l'orovic . '· ~· ZmJJ. '" ,.;w./1'
*9 ~ p "'1t • IX' •IÎrl#. Jt1M~ d'f;..ludn •alamique1. t,, f'•n•. 1tJ7(1 l "cite têvoUc çitn .. lilu• un fcenf'Oll dt
-~"-=*'n:llllk•pGll"ottC'Cftlnl
duipltre S. Lll topologle ; fonction géopolitique du relief 193
"Et sans tomber da11s l'étonnt!menl naif de Bernardin de Saint-Piurr qui s'imnMllllit de
voir draque grande ville lraversû par un grand fleuve, on ne peul pas ivitLr dL noter œ mu
majeur joué par le Tibre dans le surgissemnit et le divtloppemenl dL la dli û Rmnulw",
Alexandre Grandnzzi, La Fondation de Rome1 •
4 L. DELAPORTE, "Les anciens pcuptC5 de l'Orient• dans E Petit. M. All:UD.. A.. Gmi:m &br.• lrutairY ,.,,~ 4is /flllllJ:S «
du Pft1p/r3, Libmirie Arislide Quillet , Pa.ris, 1913. t. 1, pp. 99·ll2.
5 X. de PLANHOL. Lu NtJtior&s du Propltètr. ,\ftmurl gr"t~iqw • po/iritqw ............... Pun.. F•)'md. 1911), p. 257
•r1w que jamais l'Égyple c'n1 le: Nil . Cc mondc plcm ft"ltc m-oucmmt ~ refcnni sw Jul-all!me. En~ dr lui.. ta dietaa
l!:l)lltims nc !IOnt au m1cW1: qu'cspacn rnarainaux, au pis t~ d'ill..slon •
6 "Au-dcum d'une boucle du l"ib~. au milieu du fleuve, nt accrochtt une lie carnmc un bul:aa l h:Dcft : c'mil. Ir -..1
endnut sur Jcs lulo~tra oU le neuve pou,11il ~~ •isemm.1 fiwKtt1 . U • dre:sail UllC' colline- qui dnsi• ~ cêWbft : Ir:
rolahn. C:.-csl t• tlLIC commence le'°"'' de Tite-Live, au V1llc st«le a"-.nt JS..Christ.•, C. Hibbat. Hmoft "1t ,,.__, ~
J'unr 1·lllr. rayo1, 1918, fi. 11 ~ nd. de Rome, Tltr hiull"~·~f" C'if:'·. Vikifta,. Londra.. 19&S. Mamoliai fit m:tifier ... ~·
Forlt, u ("IRJvinte natale, de raçan 6 «'que cell~i fut armstt 111.1S:Si par le T~ : tOl"t'C symboltqR du flcvw • Îll Mlcbd Sdâ.h:a..
•Le Tibre• , U F'1t"m• 2:! aoOI 2002
7 M. RAVAL, l/bwlrr ,(r rm·b. 1'11n1., r .U .f. Pari.&.. IQ.41, 121t p •Les voic::1 nAViphlcs ant aJon PoW1 T6k- ~ dies
uaurm1 6 la rois Io 111b1,~1antt des hom~ cl lcw pmtcc1ion. Il m. rut aiMi du Tibft rcu- RDmr. de Ill Spr6eo ,_. Blrtia. df aa
tamuc pour Lundra. dr 111 Seine p.1ur r.ri1 .• , p 7.
8 En 117J., dan1 ton n ..i de liet-.•Jt""l'hl~ ,"""illqw rublid à Tunn.. le coa.1 Suva.i «rillU: • ,rapm. du l:Jrmèe : 9t.e
Donubc Cii donc la f.r1UldC ~ da loulc-i. Ica uplnlions. qu'elle qu'en IU\I ia d1nctioD. œ mfmc '1"'- Uipe .......... ..,
accllcm:c, •ri••• n:poua.•cr 1ou1c 111taquc, lie '\UCLltuc cndruit. qu'clk- tep~~-- -·
ljlO. llANOTAUX. A. MARTINEAU dir. , Hhlf'ir"f' •·• t ·olu1d&1., _/J'un\.,..,_ n • , •.......,. • ... F~ cD.- W --'r.
ft'ltia.a«li .. dc l'IUatuin: n.lîun.ah:. rlon, t . V : L'lni.leo. L'lll\lnchmc, 1912.
10 hkt<tt, l. IV : '1{rlq1111 ot'"C.ftknt~I~ ~tw. Afhqgo ~uaton•I~ fran\'"ade. Le c'6tc: Jn Som&ln.. 19JI .
194 Pari•~ 2. Ptnnanmct dt t. an
Nombreux sont donc les cas où les frontières épousent les fleuves : ainsi en est-il du
Rhin entre la France et l'Allemagne, ou du Rio Grande entre le Mexique el les États.-
Unis. Sur le Rhin, on a souvent opposé la conception française qui fait du Rhin ww
frontière natureUe, à la conception allemande qui fait du fleuve un bassin
~grapltique cohérent et non une ligne de séparation. La conception française dècoul•
1 "'VtkV., \'tC'll. de Vik ou Vic. on n:lmUvc u mot dans Bruns\&1'1ck, Schlc!lwig ou encon:: Lundcnw1c c ' tsl ·•~i~ l..olda Ca
U.a,c ~ il e:aiuc 170 ta"RI de bcu en vie VII' vient de we1chcn , "heu aü l'on se rc11~'" nu1i• auui oü la ICn'e œdr Y
,._ i. r - · . J.8, 0Uk0Sf.LL2.. L 'Etm'f#. hUtuirr ~ .t#$ fWJtp/u , Purn1, Perrin. 1990. ~d . JlachctlC rluncl, 11· 167.
2 En.....,.. le l&lwq CM ·a. Jipc 1uigrun1 le~ r->1n1.a les plu• b"• d 'une valh!e. Dan• une va?lh dnuntt. le &al•q at k- li
4wCGWScf'mu•, 1a P CiFDRGE, F VERGER, DktJnnnuirr dK lu G'o11,.uplrl#:, 6~ tJ , Pari•. P . U .1-'. , 1996, p. 449
l M. fOUCHi.R_ Fr"f1/l'IJJ ~lfrontlàrs, Pan1. Fayard, 1992. c1tl pa.r J SIRONNEAU, l 'ruu nnu,·rl ..njn1 strol'Nill•~
,.._ &anna.a, JY96, p. 1
Ch.ilpiln.• 5 Ll topologie : fom:tmn ,.;éopolllique du rehrl 195
du droit romain qui limite chaque pays sur sa propre rive - Rhenu5 a una ripa Gall1ae,
et fait du fleuve lui-même une zone neutre - res nullius.
,•x a/lem Ger111m1ir1e -
tnL, du Cannllw.1
ocian Pacifiqur
---,.. -
1----- .
48. Les fleuves en Am~rique latine
napoléonienne en 1815 donne de nouveau les deux rives aux Allemands•. L'khcc 1
Sedan en 1870 fait reculer encore la France qui perd sa frontière rhénane avec l'Alwc.
Le Traité de Versailles de 1919 restaure la limite de souveraineté par Je talweg Qu 1
plus est, il assure la liberté de navigation non seulement sur le Rhin mais aussi ~ur
l'Elbe, l'Oder, la Moselle et le Danube.
Concernant les frontil'res constituées par le fleuve, la règle la plus courantr dt
démarcation est celle de la ligne de talweg explicitée plus haut. Certains traite.
étendent pourtant la frontière à la rive opposée de l'État ; ce type d 'accord tr.dui1
souvent l'état d'infêriorité de l'État qui est acculé à sa rive. Dans le chapitre consacrti
111 guerre de l'eau nous traitons ainsi du conflit entre l'Irak et l'Iran autour du Chan d
Arab. Avant la guerre Irak-Iran de 1980, l'Irak avait concédé à l'Iran l'ensemble du
Oiatt el Arab ; Bagdad déclencha les hostilités pour remettre en question un accord
passé qui ne lui paraissait pas équitable.
Carte 74 : Irak · s1tuahon des populations, densités, zones d 'exclusion
On pourrait multiplier les exemples de frontières fondées sur des fleuves :
- la Russie dans sa partie sibérienne et la Chine dans sa partie mandchoue son1
séparées par les fleuves Amour2 et OussouriJ - affluent de l'Amour - ;
- la fameuse ligne Oder-Neisse entre la Pologne et l'Allemagne n'est rien d'au!rf
que la frontière formée par l'Oder et le Neisse et choisie en 1945 pour séparer le.
territoires de l'Allemagne de l'Est et de la Pologne - Conférence de Berlin du 2 aoul
1945. Cette ligne qui était aussi la frontière de l'O.T.A.N . ne l'est plus depuis 1999 . en
intégrant la Pologne, !'Alliance atlantique a franchi !'Oder-Neisse - qui fait alors
figure de Rubicon pour la Russie.
1Trai&tckV1cœcdu9Jll14 1115.
l P. CAMENA PA1..ME1DA. ·Raauac·. in P. VJDAL DE LA DLAC tlE , L GALLOIS d1r, Gt!ogroplur u"o~n~ll~. PP.
~Colm. J9Z7-J9ll,L V : Ê1aLI de: le H•luquc. Rua.sic. 1932.
l P. \'IDALDE LA BLACHE. L GAU.OIS dir , Ctu11,aphie 11niwrsellt:. Paris , Amwntl Colm . l'J27-1 91R . J SIO~ l L.;'
AaK *' ~ Cbi:nc. Jepaft. 1'128 et t. 1x•• As1~ Je, M ow :MfU. /t1Ji:, /11Joclum·. /n,mhnJ~. J4'2fil
4 -C--- Il: Smn cale psyt du Mtnam. 11 Binnan1c e.I le pays de l'lraouadJi. dont IC'I Nu.1ns mlb1nan c1 le- drlla rd
r.- ~La c.1n:s ck t0a dtvcl~I historique .... tn P VIDAL D E LA DLACIU:. L GALLOIS dir. c;.A~
,,....
~.r.... Anmod Cqhn. 1917- 19Jll J. SION 1. 1x•• A.ue J,., ,\fou.umu . lmA•-/m/odrl,,,•./ttmlinJ.t , 19~9. ri .U.S
6/till
11""'.
""*'
9 P VIDAL DE LA BLACHE.. L. GALLOIS dir., G'u11.ruplti~ u111..,,r.tdl~ . Paris, ArmanJ Colm. 1q27- 19.1K : r Ucnu.. I X\
....,,,_. s-1, 19?7 ~ F. THUAL Giapul111qu1 Je l'Amülq111 /tmn~. r•r111. 1='.cunum1u. IY'Jfl
ce dernier, le territoire de l'État nigérien fut ensuite agrandi de bandes sahéliennewl ;
- sans le Nil, l'Égypte n'existe pas. L'Égypte nait du Nil et pour le Nil
1 /\ Cll/\UPRADE. F. THUAL, Di<li""""irr « gNpv/inqw, :" ~. Poris. Ell..-.. 1 -. oni<J. "Niaa" .... -.291
2 ,. _LACOSTE dir.. IJl<rlun..,.lrr « ~o/it"I""· Paria, Flommorion. 199), lllUCI< ~·.p. 6.59.
l P. VID/\L DE LA DLACllE. L. GALLOIS dlr.. ~' """-'"· l'lris, /\mmod l'olio.. 1'1:!'1· 19)11 · J. SION
1. tx•• : hl~dr~ .\fwu.nHU. ,,..._/,,.J.14·1t1,....1,,nd1-'t. ICJ29
~ N ORIMAL. /lutoirr •Ir ff:J(l•ptr """'''""'-Pans, Fa1·oud. l~MM . : l'.M. HOLT. 711< - · ~ 19'!0.,. P.liol. llOLT.
A. KS l.AMDTON. O. LP.WIS dlr . Tli. C_h,._., ,fü,..,.,."'""-
Cunbrtd.-. t 11. Pr· )lî·.'44~111...--~
1'l8 Partie 2. Pen11aJ1~11u lk Io riult
1 A DVLAIT. F. TlfUAL. LI Uo~n.-Ori~1 ~1 l'~du. Rappor1 du CR1pi· Stn11 , POJris, Juin 2000.
2 E.G 1.EoHAJlD. HU'lalrr <'1r la /Varmandie, Pm116, P U .f, 194H, l 2R p. ; G DURY. !lluolr1· Jr /,, Franc~·. ,k .'f '"'&fl'llU .i
114'.l'lriLi..-Pau. 1911.
JJ. MK.1Œl.ET.Hl.doft•F"11'"'· t...m.umc., êd1tiona ltcn,unc~. l. l ·Le MfJJIC'lr·Âxr. I"· 2'12 ; G D U O'\', ·Qu'a.1-<e q~ 11
,...._.,&11Jr~•1aF,.,.,,,,, ddon6Jnaô/Jfa.Paru . LArou11c, 1987, p . lft7
4 ~ t.t.a daoW:rm le Nan&. 1and.11 C11W la SUTUlru 1nfe1Laimt le Mtd i , je ne donncrui P"-" ici Jq mono1onc hiHon de
"-1, aaftlmll. U .... •rfn d'm duliasun b Lroi. p&;odtl principales celle J~ IRCUf'J'ion!ll proprement Jitc~ . ..:elle Jn il•fn)ftt.,
5l:lr da~ lb.a. Lo IUbml del Northman 4! .. icnl Ktntralcmen' dnn!I ÛC'l'J lies Il l'embouchure Je l'i.= scom, ~C' l• St-lnr
e1œ .. L..ciim-: cdlc . . s.na.im i Fruinc"I - · l&Crat"lk •rra1•ne1 ·-· m Pm"cm:C' cl A Sain1 -Mauncc-cn -Vnlo1•. lclle tui1 l'•uJ.M:"
• as pirma • tan ll'llmc da Alpet, 11111 dtfllN aU te cn:tiKnl le!' flrincip•lca roUIH t.lr l'f::urnpc Lclll SmTutn• n'cum'll
cUrrH' • ...-caau qu'en Siak La Nonrun.ru, plUli diK1phnahlu, finirent JNlr udnplcr le chmtllDn;1me, al s 'il!LahlirCTn t.\d
,_....,.._.b f.-.z. plll1IR.liamw:m dana k pay1 ..,.-wlil! de leur nom. Numumdnt ", m J MICllELET , llùt1Jlf"t' 1k ,..·,.,..r.
i-u-..1 ,u"°"""J,..,.uz.
SQlll.. . . _,...,_..._~ad bDa •• .-,...un;:r leur 1a:oun an •donnl lcura dieu•"· Jd~m . p :?~
Chapitre 5. L.:i topologie : fonction gl!opolillque du relief 199
Charles le Chauve. Avec le centre franc, ils frappèrent le Sud encore insoumis1• Comme
les Sal'Tilsins, les Normands se retrouvèrent instrumentalisés par les luttes internes à la
France. Enfin, ils s'établirentl, la France ayant passé un accord avec eux pour sécuriser
la Loire et la Seine face à d'autres Normands qui menaçaient. Eux qui, hier,
terrorisaient la France par la Loire et la Seine, en devinrent les fidèles gardiens au
profit d'une construction politique française qui continuait de progresser par
l'intelligence de ses alliances et de ses assimilations.
Notons qu'un phénomène analogue d 'invasions par les fleuves se produit aussi sur
les côtes orientales et méridionales de la Baltique : les Svear ou Suédois, abordèrent sur
ces côtes où ils multiplièrent les comptoirs avant de remonter les fleuves baltes et
russes3 •
l ·us pnrml les rcauboUJBS de T ouloust~ p1l1Cftn1 D"tJ1s fois BunJc::au..,. sacca~t Bayonne: Cf. 4~ "·iUa aa pied des
~. To1.1tcfois les montagnes. l~s tom:nL-. du Midi les dé\.~t de bonne heure - Jcpws ~ . Les ncu,1cs J Aqui~ ~
Loi~. da.ns lta Stinc. Jans rE.s:Q1.n fC dilns n:1t.t• tbiJ_
lnar p:nncna1cnt ra.-. dC" remonter ;i1!0iCmmt comme- ils le faiS3.iim1 dan."' l.u
P- 266.
2 ln Nonhmnns de la Loire. s.i tr:nibl.:s sous le- ..;C'if U.uung.s 't\Jt les ftlC'NI jusqu·cn TOKmte. '°"'repoussa d'Ang~ ps
lt roi AJflftl. ( ... }ils l li intent mH~ux s'&bliT nw France. ~W" la be-lie L::iifto. Ils poss.M.r:nt Chartra... Toun ~ Blois.. Leur dtief11.eobald.
lilC' de la m11son de Diois e t <."hampoiinc . rcrrnc la Lo i !'('~'" m-..as1un.--. n04.l,•ellcs. \;Oavnc tout â l'bcwT RAl1bolfuu R.ollca" ICnmr
i•
LI Seine iW laquelle ~·ttahht (911 ), Ju cunscnlcmcnt J~ ru1 Jr f1wu.~. Chwlcs le Si~lc oui le Soc.. Il a'ftait ~ s.a 9Dl p:iunam de
t'ilt&achn ces Nonhm.uns , et JC' kur tJonner l\lnCrnLSc- ,ouzcnun~IC' Je h1 lhnagM". t.jUI JC',-~t ~ BRtorw i=t r.;loH1bnan:s.. la uns s-r
les 1u1rcs", JMJ. p . :?h 7
J "rat Jn J'CIMll.~C"S . il!f> li~t f\3--UC' k'urs Jnil.luus \~l'S k s dlU.\. 1n~utatr'C"lo Je 13 f1'ICT' N..,i.n: et. tout ('n ...-onunc~t ,.- ~
pau.a1e. 1h olleiw,nircnt R y ran\'.ie et ks f'OY!'> musulmans Ju P'ruchc·Oricn l. L.c gr:&nd t."ORU'DCT\."C ...~ ..~Ju 1 Jr la founutt ( . 1a.-i ~
dl! l'•rnbn:, 14 cm~ . le miel. I~ Cpt-es .:1 tes c:u.ira.<L~ . et füu.lcmcn1 J~ ...~b'· ~ ~b"'cs "°"' IC'"J mu..whn&ru .- . in J.B. DUltOSEl.LE.
l .'f:urvl'•·" ltl<J1t1frc' .A> h".t p..·11pl~·.f, Pan!'I. l"cmn, 11.Wtl. c.'d. lt11oehdtc PlunlC'I. p . lb7
~ r rltU:\L, (i11.;• '1JCJliu-1u~· ./1· l >fmi-r1q11r: l .uJ1 t111.'. Pans . t-.t:1,,1n ..~in1t.' "- I~
\ J. ANlT.I.. "L 'flol.I outn..:hicn~ 1n l '. l'eut , M Allam. 1\ (illn'('m du. U1.•t11.•if·y Ulfl'~c-11, ~ p.r:.·$ "'Je.- pt'Vf/111~ . Libn.&ric
A.mtiJt Qu111ct , rari". l""D 1 VI . rr .\ . Mol
fi 0 nouROf.LIN. M Lillbiun, Ll•· 1·~.. Nf"t.· ...._, <..iu111Z&' .t 1'6""'11'' 11."'Pltluwnl, Paris. l:llJS--- 1996.. dMp.? '. "L"ellp*-.~
........... J'P2Cl-70
Seine-Rhône est l'Axe majeur de développement de la France ; il relie les dimensions
océanique el m~llt'rrani'enne . Depuis 1990, l'axe de !'Elbe a, quant à lui, retrouvé sa
\'ocation nah1relle avec l'effondrement du bloc socialiste. Hambourg est redevenu le
débouché de l'Europe l"entrale. Le retour à Berlin de la capitale de l'Allemagne
n!un1fü!e, la m."Onsl?Uction des cinq nouveaux Liirid<'r, la reconstitution du triangle
austro-hongroi~ Prague-Vienne-Budapest portent la renaissance de l'Europe centrale
autour de l'axe de l'Elbe et du Danube• .
Le Rhin offre l'exemple d'un fleuve qui fut frontière, limes sous l'Empire romain2, et
dont le rôle de frontière naturelle s'est progressivement estompé au cours de l'histoire.
au profil de ,-eJui de voie de communication. La navigabilité de ce fleuve encourage en
effet la communication commerciale sur de longues distances .
li est probable qu'~ l'avenir, la dimension relationnelle de la fluvialité ne cessera
d'augmenter au détriment de la dimension frontalière . Inter-étatique, s'insérant dans
des logiques souvent plus régionales que nationales, le fleuve restera, dans le cadre des
dynamiques regionales, un facteur géopolitique important. La question de l'eau, qui
touche a nolle des fleuves, au Moyen-Orient en particulier, pousse en effet les Étals à
des discussions régionales et à réfléchir sur la notion de bassin partagé . La question de
l'eau - en Mt'sopotamie, mais aussi au Proche-Orient - est abordée dans le chapitre
traiWlt de la guerre de l'eau.
D'une manière générale, ici comme dans d'autres domaines, le droit intetnational
avance essentiellement par jurisprudence, en tentant d'apporter des 50lutians
juridiques à des contentieux géopolitiques particuliers; de nombreux régimes spéciaux
découlent ainsi du traitement juridique des contentieux géopolitiques ayant trait aux
fleuves:
- le traité de Paris de 1856 pour le Danube;
-le Traité de Versailles de 1919 pour l'internationalisation du Rhin;
- en ce qui concerne le Saint-Laurent et les Grands Lacs américains, la liberté de
navigation instaurée par le traité anglo-américain du 8 mai 1871 est réaffirmée par le
trailé du 11janvier1909 sur le régime des eaux limitrophes entre Je Canada et les États--
Unis. Ce traité régit également le cas du fleuve Columbia entre les deux pays; il est
complété par un traité de 1961 sur le partage des ressources hydrauliques.
- Le bassin amazonien comprend huit États d'Amérique latine. La partie navigable
du fleuve est entièrement incluse dans Je territoire du Brésil qui l'a cependant ouverte à
la navigation internationale en 1866. Le pacte amazonien signé à Brasilia en 1'178
prévoit la coopération entre les États du bassin amazonien.
- Le bassin du Rio de la Plata est fonné du Rio de la Plata et des fleuves Parana ~
Uruguay. La liberté de navigation y est reconnue depuis le milieu du XIX• siècle.
- L'accord du 29 décembre 1954 conclu entre les États d'Indochine après leur
indépendance reconnaît et organise la liberté de navigation sur le Mékong - les
principaux riverains étant le Laos, le Cambodge, le Vietnam et la Thaïlande.
- Le régime du fleuve Niger est défini par l'acte de Berlin de 1885 signé par seize
puissances : il est fondé sur la liberté de navigation et l'égalité de traitement des
usagers. Ces principes ont été confirmés en 1919 par la convention de Saint~; à
partir de 1963, ce sont les nouveaux États africains indépendants qui se sont entendus
pour maintenir les accords en vigueur.
- En revanche, si le régime du fleuve Congo avait lui aussi été défini par la
Conférence de Berlin et confirmé ensuite en 1919, les deux États indépendants du Zaïre
- puis Congo-Zaïre - et du Congo n'ont pas réussi à s'entendre sur le régime du
fleuve.
De topos, le lieu, et 01111ma, le nom, la toponymie est l'étude linguistique du nom des
lieux. Cette science intéresse le géopoliticien, car elle fournît des renseignements
précieux sur le rapport historique des populations au lieu. On constate par exemple
que dans l'aire islamique, le nom des villes et celui des régions alentour.; sont les
mêmes, comme si le centre de pouvoir était parfaitement identifié à l'aire d'extension
de ce pouvoir. Au contraire. on a assisté dans !"aire musulmane à l'effacement de
dkignations régionales lorsque les villes disparaissaient, notamment après des
invasions de nomades turcs ou arabes. Le géographe Xavier de Planhol cite ainsi
l'exemple de l'Iran où de nombreux noms de pays qui étaient san.~ doute d'angine
urbaine disparurent du langagt' lors des bédouinisations au Moyen-Âge. On parlera
plus tard d'un Turkestan - pays des Tun.'S - ou d'un Kurdistan - pays des Kurde.; 1 .
Carle 53 : L'Asil• cenlT'11c: le ntonde 1c.lnicn
l02 l'arlil' 2. l'cnu11nr-11rr Jt Io c11ttt
Un autre e~emple frappent donné par Xavier de Planhol est celui de li\ toponymie
des ,,Iles ~ues et tuniuL'!I en Anatolie 1.
l..t9 ,;lies gra-ques situées en Anatolie i\Vant l'invasion turque étaient pcrch~ sur
des collines. ~ur alimentation en eau se faisait par des citernes et des aqueducs
L.vsque les nomades turcs arrivèrent, leur souci fut de trouver des prairies proches de
pointe< d'~u pour leurs troup.•aux . Ils ne virent donc aucun intérêt dans ces villes
situm en hauteur, et "firent redescendre" celles-ci dans les vallées. Ils conservèrent les
noms qu'ils adaptèrent néanmoins à la phonétique turque, mais établirent leurs villes
nou\-elles parfois loin des villes originelles lesquelles entrèrent en déliquescence. Cette
rupture - contrairement à l'aire moyen-orientale où les Turcs s'établirent dans les
villes préexistantes et en subirent fortement l'influence - est l'une des raisons
e!lS!mtielles qui e.xpliquent la formation d'un foyer national turc territorialisé en
Anltolie. En effet. les villes nouvelles s'édifièrent avec la langue turque, avec une
culture écrite d'ongine iranienne et arabe2 , mais en dehors de toute influence grecque.
On poumait donc affirmer, en simplifiant, que c'est parce que les Grecs avaient perché
ll!IU5 villes, que leur influence disparut d'Anatolie lorsque l'heure turque sonna.
,,. . . , p.t'JO
l l.a...,_, du~ t la luipr crccqut sonl Qft'S en i;omporuison Je t.:cus; uu pers an .
J M.. soa.Jt.E. Ln 6asa l>i<Aotil/Uf"·' dC" lu K~"uplur humulm•. (F..ssu l c/'11m· 11n rloJ:i1• dL· l 'lwnm11•J, l'uri s, AnnanJ Culin
w..u.J..im ~. ~ n..mn.: en la.ni qur machiRC" Vl\IOl\IC. Circ htolUMl 'IUC :iocn .. 1hlc m 1 fruu.J cl il U d utl.K.I. a •• JUC"Uh'IA
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~mallin* . mm ~San OU\.~COmfllC 1ro111 pa.rh~ 1 les col.Ires c..lc la ~t!11~nirl111! rh~sU\\IC- , Il . Lu c 3J~1,k
Il . . . . . . . . lie. Ill la c.dla: die La popphu: dn rnalMlu:•• 1nfrct11:u.~s Sonc m o nlrl.' 'IUC l' homme , ~lf"t' h1olo11iquc . \."'$1 wn
c:cmir 1811pf .... la rMJJll!:I du mi11cu qu'il chachc pourtanl • JomplC'r. U11 chopilrc cs1 t:on<r;nctt 1\ l'nccl1111ulDlllln du Ul111n.:i JAp.
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1998. ~ · JO
) Scion Mnimilicn Som:. le parvnt1rc thermique csl l'un do pl'" impot1Ants Ju miltaL. cdw qW pêw ait plu:s AU'
rorpni11.1ion des •ot:ic!tls hum.aînC4' . Le C:Ol'fl!I humam nt une" n.clt.1nco hotnc!o&hcrm1~uc qui aft. ou dftrui1 de la chaJcw' ~a.
(onct!M de la ltmp!ni.1~ c:Udricwc. Il C':tl Cf'Uleur de .:haleur ju.squ'u~ en'\'Î.rURS de 16 a. ~ICW au-del.6 dl: ?J•\ '"acu.a'e• nMft
en ~ &emptta1urn. Cos d1tr,nmccs ant des 4..-0RM.'qucnC'C'S sur la nat\lft humaine et K111 mcb.vilê M.. SORJlE.. Ler btaNs
lt/tJ/ogiqMCJ ~lu 1..•1:rvplllt' lrumuirw. t&~u• .,..,,,,. '°"·ologi..- J .. J'ltmmn..-1 Paris. t\Jll'aUld OJtiD..
4 r. VIDAL DE LA BLACHE, L GALLOIS 1.hr . Gi.,1groplr11• wnw..-ndlr, Pans. Anuand Col.Ut.. l'J).21-l'illlll: F. O.Jl.ENAR.D.
LVIII llaMlr--ÂJlr!, •929 .
S D'•prâ X. • Pl.J\NttOL. l~-~ .Yo1111n..• Ju PruplWi. ,,,,.,,,,_., ~~AW,W- • ,,muw,e. ~. hns., Fa)'Wd. 199l.
r . 4J.
Asie Cl!lltrale. C'C!St puurquoi. dans la steppe continentale à pluie d'été où le milieu C!SI
plus rit:he du point Je vul! écolo>,'1que, des nmcentrations humaines beaucoup plus
éle\'~ et des stnu:tures politiques importantes, lar~cment supérieures au clan
bedouin et plus solides qul' les L-onfédérahons de clans observables dans les sociétés
bi!douinœ a111bes. ont pu se constituer•.
Cel donc bien à partir - mais pas seulement - d'une différence de climat qui
d~ une Jifférenœ dl!' milieu, qu'il faut expliquer l'originalité de l'empire des
sftoppl!'S l'i Il!' ronœpt de khan étranger aux Bédouins arabesl. En Orient arabe, les
Ndouins ~ ionnent que de petits clans, désorganisés; leur cheikh est faible en
<'011tparaison du khan des steppes d'Asie centrale, et leur clan pèse peu face à la
prfoponJmnœ citadine.
1 a. MO.,ïAC,7"E. Wci\:iluar'°" du Jiu". Pari1. 194ti. p. '1·SH. 0 VLAOIMIRTSOV, /.,. rt!J.:ilnt~ wn"I J,•.i Mi111g.Jû. lt
~-- ~PuU.lll-IR.
? L 0..\DEJL "'QllnQlyam and the ~inntni, of Mon1ol Kin~hip'" m CC'mrul A'ftUli<" Jm1rm1l. l 1H5 - ~6. 1. r 17-H.
J R. ltAWln". l",,,_ lkllJ'IU<. Manbout. 1"87
4 P. VIDAL DE LA BLACHE , L GAUOIS d.lr., Glot;ruphi~ unjverJ~l/c, Puns:. Armum.1 Col111. l'J27 - 19JH 1:. GRC:NARD
LVID o- 1 9 2 9.
! P. VIDAL Di LA 81.Af...lU:... L GALLOIS d1r., G''"Jf"'Qphic 11ntvttrs~ll..·. Pans, Am1nnd Culin. 1\127-lql"
a.lll..ANCHAkl>. L YW A.w~t!, 1'129.
6k.• PL\H'HOL U::J Ntllltoltl t4t Pl"Opltiu~ Mœtuc/ #â>graplriqiu• Jr 1mli11q1"' uru.~11Jmm1r:. rAn•. f-'11.yanl , l'i>Y.l. r ~! ·
1..* Pl.A!olROL ,,_ n.-la la~ et la fort1 en AnalDlic'". in G1·t1Kruphm·lw b•rl:H"hr-1(/i , 196~. r . lfH - 116, X dt
Pl.AJClK)L. -i,c '-'d'pondlt U. le Pn>cbc 0naU cl rAfriquc du Nunl'", lfl Jùumul uf 1lt1! EnuwnrJL '"'d Snd11/ llnl1U":'" ~r'thr
Orimr.XJl, 19M-b,p. 291-):::!I.
pénétration du dromadaire put se faire dans les forêts suffisamment sèche91 mais
s'a~ta d~ qu'il s'agit de forêts humides2.
Les différences entre les deux animaux sont liées aux capacités de ~ation dans
les reliers. Le chameau de Bactriane résiste au froid grâce à son épai55e toison ; grand
mais allongé et trapu plutôt que haut, il est adapté à la montagne et aux reliefs
escarpés. Ce n'est pas le cas du dromadaire, haut sur pattes, et aux pieds fragiles}, qui
souffre du froid et craint la montagne. La conséquence de ces différences est !limple :
les Turcs ont conquis les montagnes, à l'inverse de Arabes qui les ont contournées et
peu islamisées. On retrouve ici, fort logiquement, ce qui a déjà été souligné dans la
section consacrée à la fonction géopolitique de la montagne et aux hérésies de l'islam
arabe qui se réfugièrent en montagne pour échapper à la domination arabo-swmite des
plaines. Comme l'écrit Xavier de Planhol, "les Turcs sont des nomades d'altitude, de
hautes terres et de steppes froides. Les Arabes restent des nomades de plaines et de
déserts chauds"4. Il est frappant de constater qu'il existe une stratification d'altitude
entre les Turcs en haut, les Persans au milieu - gens des plateaux, œ qui est donc
logique - et les Arabes en bas. Ajoutons que les Turcs créèrent par métis&age du
chameau de Bactriane màle et du dromadaire femelle, un chameau utilisable en
montagne comme en plaine5.
1 La confâtll!ration berbtn:: marocaine des Zemmou:r pana.il ~ t'bfvcT •u d6alt du XJC"i siklc O...,. '4 jolft
"11 cléta
IUWU tk la Mœnoro ou Nord tk /lrJbat, voir M. LESNE. E•..,,unon
d'un . , _ i bcrbà< : les Zcmmour. - 19"1. "La
MuNn est une fol'll sà:hc., 1vec 400 à. 4SOmm de pluies annuelles"'. in X.. dr PUNHOL Les .'Valions " ' ~ ~
rft>gn:phlqw J• polltiqu• m,,,.,Jmano. Paris. Faymd. 199), p . 52.
2 Les fortu hwnidcs du Tell n'ont l"'li ~té pbi~tn!a par les nomades. La lamit< d'emploi du drorakft.., Aliiquo dll - ..,
situeni1 1m environs de .l'isohytte de SOO mm. Dans les zunes trup hwnidc$. les ~ IOlllt ~ des wms .- CIDlpal.-
lol lryputosomiu<s. J. DESPOIS, Sur Io limite Nord do l'<lllploi du - i r e du Mqhr<b. AG. 1962. p. 211-219;
Y CHARNOT..., propos de l'kologu: tJcs camilidl!:s•, tn B11/111U. •la~"" dr:s .Sdl'rk"let llDIWTllo ~ ~itpo dlr ~.
19S9. p. 29-19.
} Il ad~ neutmoins dans l'Astr, l'Hadnimaout nu le HoUat. dC!fi n.cc::s locales dt dromadaires plm lldaplbts li la......-.
4 X. de PLANHOL. Les Natioo.< o/u Pmpl.;1r. M'"""'' ~=rhlqw Jt: poli"'ll<f' -.ui-m.. hriL Foyvd. 199J. p. Sl .
! X. de PLANHOL. /..,. fnndem•nL< gml(,.,,,.hlqw.< Je l'huml,... •k l'i.si- Pans. Fhunmonon, 1'1\13. p. 4J-44.
6 Ane pu cunfondtt 11vcc Samuel Huntingum, lhNricien actuel du cho..· JC$ c1 ..·thsarions.
7 F. URAUDlil. Êcrlts ·'"" l'hL•toirr. réal , Puis. flammanon . 19tu. coU •0aunps•, p. 169. l1usloncn ~ q1111
tqricuhurc cal Nindc par dn lnnndations.
1 ·u c:linwt dulllacniil-1l 1om no.' )'Cl.Ill. '! La 1.1u~1iun esl de celles qui J.owcnl lout dr ....m. 1n1âailcf h:s l'i~ o& lm
Pe>tnJ'he1. Cate \'&n•tion du chmat, si \·iuiahun Il )' a, ne rcmcnr.1t~Uc !&"' en cauac lOWI ta problèmes. mm ks orm., 1IMll lm
jquollbm de Io vie?". l<hw1, p. 168.
Pr1r/11· l l'a11111111·111 ·1• r/1• lri uJr/1·
Aus.si, le Mliat sur lt n\hauffomenl de la ll'rrc - l'i l'une dl' Sl'S causes probabll's,
1
LA GEOGRAPHIE PHYSIQUE,
PREMIER DÉTERMINISME
GÉOPOLITIQUE
PERMANENCE
DES IDENTITÉS
INTRODUCTION
COMMUNAUTÉS LIGNAGÈRES,
LINGUISTIQUES, RELIGIEUSES
J Fninçoîs Thual Q m1"' l'nC1,,'cnt !UH l'idcntilê ilnns ?1.cs lnt\'3 U., · }-" Tllt!AL, I..·.,· ninl1i1.,· ul..·n111m,, ·.~. !'ans.. EUrpsn.. 1"'95 : Lr
Jh.lrlk lrrt'Uuln·. rnn~. Eth]1'1iCS, l•)~lJ: ( "•mlnil.•r .·1 . ·m1tro•r (Str,11,>,:; .. , .l.;• :f '/"tlit1quo ) . l'un~. l:lh]1!ool."S, ~000 .
2 U lo1i1quc Jyna!lliquc cupCtiennc ..:ondu11 11u rnsscmhlemrn1 pn1~"TC'ssif et il Ill c~1mptnttnhnn dn n:hn10 lflll prufdcnl lei~
r:1rri, fon'1an1•1n11111.:cllcs·ç11:11 une n~nu: 1111tinn fn'"i,:11i5e .
JO ROY , "La. rom11111on d'u n nouvel 1.~p1u:c s1r.ih.1!!n1m· l"U -\ .. 11,; ,,.·.,·111fulc· 111 H..·lo.11i<NL• i1ttr~onalr:t .,, ~ .
Ut. l.S , prinfcmp1 l~Ql , n"!li, p. ll6-144 .
'4 ~ 1~hl1cien Jai:qun Ancel • mon1tt- le rn:1111cr l'intp:MtanOG de le. ~ntal•ilft
ru Partir J . PL•rmntlt."ttcr dn idAlll~
\ F 81.AUDEL ~~*' cmluarttms, re6d .• Peri•. Flammanon , 1991. coll "C " hump~"
! .... ~ dt "'M~- C"1êêle C"fl VDUIJDSl•vic Cl l'tdcnlll~ bochn iaquc pUl!t - · p., sli&1cn1cn1 Vman1iquc -
~.-- .........lei.
) l ..-. ....,._ œllc '1~ •pmaiot.c• 1ou1 •U•!ti systt!rrw11quc fondt!c lliUr lc!I nnncs du man111mr à pt111r .tVlt
Cllfl dftonnut,
cio...-~ km'd....._ mmni.cnd la râlu& uipiwh1tc'9 ç,e;,1 cenc '"pen!JCr.. que J'on &1u»l1fic 110uvcnt Je pe~ uniqlM'
Introduction. Communautés lignagères, lingui•tiqul!!I, religieuses 213
entière à l'intérieur des États, mais elles sont !louvent aussi le!i relais d'influence de
puissances étrangères. En ce sens, le phénomène de diaspora comme celui
d'immigration, constituent des facteurs identitaires de grande importance que l'analyse
g~politique ne doit pas négliger.
L'étude des facteurs identitaires classiquement abordés en géopolitique - ethnie,
langue, religion - doit être complétée par l'analyse des grandes dualités dite!!
sociologiques, que nous appellerorui plus simplement modes de vie fondamentaux :
ville et campagne, vie nomade ou vie sédentaire, et que Vidal de la Blache1 aurait
appelés les "genres de vie". Il s'agit là encore de critères identitaires essentiels, qui
rejoignent peu ou prou celui introduit au début de cette partie: le clan.
Enfin, parce que l'histoire sommeille en chacun de nous, l'identité ne saurait oublier
la mémoire des civilisations et des grands chocs civilis.ationnels. Nous consacrons un
chapitre à l'étude des fractures civilisationnelles qui se superposent à la carte des États.
Si nous interrogeons un individu situé à un endroit quelconque de la planète sur la
nature de son identité, celui-ci nous donnera une réponse combinant et hiérarchisant,
chaque fois de manière originale, les critères géopolitiques que nous étudions ici : clan,
tribu, ethnie, nation, langue, religion, ensemble continental, ville, campagne, nomade,
sédentaire. C'est en cela que sa réponse nous fera avancer vers la lecture des ligne
continues de la politique des États expliquées par l'identité. Mais la réponse du
singulier n'aurait pas de sens si elle n'était complétée par celle du pluriel : le nombre
des hommes a un sens en géopolitique. La démographie est un grand critère
géopolitique. Elle est l'une des composantes objectives - et influe également sur la
formation des mentalités - de l'identité, formée autant par le ratio de l'homme à la
terre que par le poids total des populations en jeu. Le dernier chapitre de cette partie
est consacré au nombre.
1 P VlnAt. OE l.A Hl . AC.JI(~ . ,.,.lm ;~.t ~Ir.· 1:,;...•>:ru/•lu.- ,.,,,,.,,,.,,.. hria. l'il~.:!
CHAPITRE l
"D~cidt•, a111i. 011 cl1oisi/ so11 père plus souvent q11 '011 ne le pense. Décide lequel des deux lu
prtjl!res l1ufr."
Marguerite Yourcenar!
Nous l!tudions successivement : le rôle joui! par les clans, dynasties et lignées dans
le contrôle des territoires; le sens géopolitique des concepts d'ethnie et de nation; la
manière dont les ethnies et nations font le roman de leur histoire, tant dans le but de se
différencier de leurs voisins que de légitimer l'occupation de territoires - il s'agit de la
section intitulée "Le roman national" - ; !'uchronie, forme d'utopie territoriale en
dehors du temps - il s'agit de la section intitulée "Les uchronies" - ; le problème de
l'hétl!rogl!nl!itl! identitaire des États.
L'étude de la formation du territoire français met en lwnière le lien direct qui existe
entre les ruptures dans les successions héréditaires et les découpages de territoire. La
"déterritorialisation" de l'Église due à son refus de se la:iciser - elle pratiquait le
mariage et l'hérédité des charges - pennit à la royauté française du XI• siècle
d'entamer un processus de reconquête souveraine sur des territoires originellement
possédés par l'Église2. La Monarchie française fut une grande recupératrice de terres :
celles de l'Église, mais aussi celles des féodalités qui s'éteignaient au gré des impasses
de l'hérédité. La formation de la souveraineté territoriale est certes une vision
politique; elle est tout autant la guerre d'un clan contre l'hérédité d'autres clans.
Comme la lignée capétienne façonna le territoire français et fit bouillonner le
creuset français dans lequel allaient se fondre les ethnies du prkarré, l'Empire de
Charles Quint fut lui aussi un jeu de construction dynastiqueJ. Dans les siècles reculés,
certains mariages et divorces n'eurent pas pour seules conséquences d'unir ou de
séparer un homme et une femme; leurs conséquences furent territoriales : d'un couple,
d'une lignée en marche, dépendait une conü•inaison territoriale. Du hasard d'une
incapacité sénùnale pouvait dépendre l'orientation future d'immenses espaces.
1 M. YOURCENAR, tt,·a"· "" /" dwh· if,._, '"'u•1t1•'-"· ~.: p11m1..-, :001.: I\. tryl:u.l'-' j On:-std
21 HAIN\'ILLE. flr... tmrr' dr- Fr1t11h'. 12.: ~J., l't.1ns . t-'.;1yunl, ( I ,.. ~J. 1'1~-U
3 B. YENNASSAR. J JACQUA.H.T, Lt' .\"l'f" :ril~'i.: I..·. l\.u1 s, AnuanJ Colm, l~ i' .:! .
21~
l D §OCIUlEl.. Hurot,. ck:I ..frabic:i, Pans. r U F .. 1976 . R.. MANTRA.N. L ·.. ·"'/'IHL"''"'• 1ri11wlnr11m·. ' 'Jr-Xr- .u ix-lt', ru11.
Pl'.F .. 1%9
:? *[dt&' tor ait sutena1on i'p)e. qu'ils 1ppellcn1 le ,LU1ba1lcinc, cl que les Sa~uns uni pns J\:mc ,.u r1ûul drtns le p;a)s Je Knl1
•. P''rikmd - ·. ·~ i chaque gentn11an WIC nttcsulê de p1rugc . "' c.hungc à dutquc ln 'i l3.nl l';is11c1.: I cJc 111 rrornc•t LoN.J,ue le
pmM"DCUI' ~t l tritrr. ciJlh,n. 1mChom, Ja mDrt l'cmrortc, 1.hvuc, houlc .., cr<;c. Cl c'cs1 encore ~·1 rccumincm:cr Le rina(!C
C11.mt11 frwn:a'tOG if'um inl'in1t.i de hainH t"I Je Jispu1c1 A1n.s1 c:cnee ln1 de -.u c-.: c ssw n ~~;,k \.jUL dan .. une soc1ch: mi;rc et Q.!.11-.t .
flll uJ(Udllw .. ttout~ tl u. rOl"U de nain: Fnncc. c'~Lmil. chc1: le~ r10rulat10ns barhurc .. . Uf'IC i.:a\l:'ioC 1.on11nudlc Je lruuhln . un
...__. ÎIW\DC'l"blr au ~ . u. m-olurion ~cmcllc: . U..-s IC'~ qui y etn1cnt snum1.,l.!s s ont n:sl~C!li> ù Jcuu inc11t1u 111:1 m
~ •.1n J MIC1tEU:.,, llulurrTtkFrancr. U.i.u.annc, Ê:Jihons Rcrn:o ntrc , 1 1 Le Mnycn - Àuc. p . l~l
) L 'u1lé\.,.W~ dr tn.11 mnn. I• mort J'lftmaturft de !'Ill rou. prouvent ns~:1. les dC~ênérnt1<1nl" Je ci:ue nu:c elle finit
d'rp.aucnrnt UXIUIW: celle dfti Mtnn1ngin:1..1 u brar1chc rr.uu;a1sc C"SI cHi:in tc • Io 1-r·:.111..c LJ..!Jmt,tnc J 'uhé1r p lu s l11ni;1cm1"1!. d li
t.n.iw 1lll::nmdt- llwin lt {jJtK rsl Jtpost a la ,,httc de Tnbur èll l!H1 •·• If) J Ml( . llELEl. f/1 .\IOIH' rk , •.,.,,, ..... l.aw.:snrtt .
E..111&.t Ri:ncucdtt. 1 1 U .\layr11 - .~1ll' , '1 · !72 Charln Ill le (1ms co;I empereur 1l'Ckt. 1JC"nl c11trc HMI cl MH1, nu Je: GcflTUmt
lA2 ·U"'.' . 101de11 frw.ncta o..·rntnuali!. · - RM · Atli7 cl rih Je l.ou1~ le OC'nnamquc
.a t'tmlC'l 111< l'hlûVC'CSI rv1 Je rr3m"< - P.40-R77 - , cinpc:n:ur d'Occ1dcnt M7'.'i - M77
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dir La fe.Jdahtl fnnl;mw l.IC' ffodaw. tngn11 Jn foru Cl d~ d1llCllU' dons le!- JtlilC"' tics IU llltli,~ll CS Cl rn.~ s Je ~ rll'i!'CS t h.•s ncu\\.~.
cunm61.&ta uu1 lnpilnu<lt!i de l11opul••K•c: fnnço1s..c ·-· \.'c'll r le ~hDfHlrc L:unsucrc à lu l1•p•1l11~11..• l .u frollul1tt 1.tu111ni1 li ses llt'tou11
UDt \ëntali\r lidhk1un p.lf!Ulain: n UllC lf111im11t rntmc i uptncuJC D celle de "" r.us Lo:s w,c..;tc 'i ropulnir.:" de liérunl Je H.t•us•.. 111•11
av Jr Rm&Md m 11an~ .
fi ec.u.rrtn- dit llwin le Ch1uH
~ Qw ltM dmitff 11 uat.i .. m dC' konccV1ua
O..ptln! 1. LI! dan. l'ethnle, I• l1llllon el Ir t..rrltDÎJ'I! 217
l Qui a pâi en comhlittanl les Nonhman." • BnSK'ftc tn tl66. Robni le Fon ni le prcmi« llQI..~ coanu de .. bnm:œ Capn
dont l'origane est un clan s.bon •u scn.·iCC" de l"harln le C"hau,·c- -:t qui s'c:s1 con...<;a"'tt à la der~ des pays ...-ompns m f t •sa. al
11 loO't . Noton.s que 11 fulun: dynas11c qui montera sw k trône- "9'Ang:IC'lnft. -..""elle- Jrs PtanlagC!lfts.. csr all5SI origmaae d'Aajou..
Michtltt la f•il remonter à un Tcrtullr brrh.in qUC' Charles Ir c: hauvc; 11.nit liut n<'nmln ~ et qui cw JJi'>UI' fils \Ill . . . . _ .
If.Anjou.. Son pc111-fila.. ln1clgcr. a pour ~-endants lts (amc-u" Fmdqucs. cnnt..-nuio Je l• Nonœndic: et iJr la 8n:1q1X.
4 Cts cllD.I sont ê"·1demmcn1 C'\Lll-mèmcs canc1Crisé" par de.<;; J1..-1s1\Xb anu:mcs <Tl'hT famiUa .
S Othon •Ili~ princ1palcmcnt B\"CC IC' pu1~nl i."Onue JC' Hont.ln: .
6 "'L'•\Tncmcnl dC' la ln:nsu~mc ru..:e cs1 . Jans m•lrc h1s1mn: nalnmole. d\mc' tt1m •ulft î~"C ~ celw de- la ~;
t"c•t 6 proprnnml perler. Io tin du r\:'~nc lh:s l-'nmls .:1 I• ~u~tilul~ d\aoe l'O)-.ulC Ml.tonale au ~ f"uatii- s-z- '9
cœquftc. Db lors, nutR: h1s1mn: d..:v1en1 "llnpl.: ; l· ·c~t lmajoun; le mtmc- pcupk. qu"on suit et qu'œ. ro:oaaah -lsR' lei
~ta qui 1ununnem .Jans lt:'!i ·~un cl I• i;n ili"8tilm. L'idc:cn•1ë oa1ionùo CSI le foodc:mt'lll sur kquitl nrpme.. diepMS 11m11
de**ks. l\uutt de dynasue.'", 1n J. MlCHE.LliT, Hûtmn.· •'*' 1-·Nlkv, La\dMDC.. Êdlnom Renconlft, L l: U .~p. 284.
1111
1 -i.a ro,....at ~ nec la lroUltmr rw:.t, comme .O. lo' C C la sn:unc.Je . 11a..- une fa.mi Ile c.lc ~r.1111.ls rmpn~~irn . ;unu: Jr:
rr.,-. LA~ et rE&auc. la rmc et Dieu. Vlltla les b~ profondes sur lcs "'l1.10:lh: s IJ1 nurn a rdu..: <Jou si: n:ploccr pour f'CH\n
« f!'tluU. IJmm. p. .?U
:? O.. Lo """"110 idr.,&UirY:r, FraDPJÎ.I Thual • an•lylt les ç '3nnil.S J ' anl~riuntC en munuunt ' 'l mntclH cJcs uroupc.s humauu
dm::ilrall I Rlllllmld WUJOU" plu& knn d.im le puK dans fc but de ltgiltmcr l.:urs omb11ions h:rruon11lc:oi tr•ns, Ell1p~s . J'i9S)
) Q111ranoic1 P de Mdiomc. J. MJCltE.Lt:.T. Hutu U'l' ,/~ F,.mu·1•. Laus unno.! , 1·~ chtmn.,; M.cnl·untn:o , 1. 1 · L~ .\lvyW""11 - ~ ~
p.16' .
'la~ te divUcm cmre ccu.. dr I• Normandie proprement c.Jnc. et cc1Pt cl1.· ülni'i . Je Tn1.1n cl tic C:hanru . Ctu\ l.k
~«dit 8loll llOlaanllS11 IDDI en connit.
S La Clllmplc- a'al pu ni::~ ; eUc n~ d1tpo1C donc que de peu d' ur~umcnt s ('ll •Ur s 'or,m~cr 1\ Io M111s un i.Je Frwncc \\m&.nr
w.i.. ... r>dtlc.
• E~ œ'IW-C i Cii bretonne c-lle 1'orro1e: •u m)'ut.mu: Jr.: Urc1a.:nc. nu• N urnmnJs de lt\ois d ,\~eu• tic Nonnaod K" .
...... dil "*""*la tcmlDua de Tounutc et du Maine
1~ fille du cotllllr de Toulumc. "1J,nc lOW le C apc!hen H.obcrt "{UI m e urt en lu.\ I . l'rn1r rrolonytt su doinm•llun. t lk
....-. * ' e u te W.C aon MCDa.d fila.. Robnt. •u pftju!l1cc: de l'uinC. llo.!un . 1 -' l" Mh~c se ili!-dur..: .:cru~ mlo11n1 f"'"' l 'AI~ ln
~· Su&üom, Anutn1, ikau\.·a1t, ChalufH, Tn•yie,;. cl l. ; 1n~rc s n ~s 1"'h.:n1 au "'m.: r.: d '1 h:nn . o.in"'1 11uc lc.1o 1~
h--. LMla,
• ~ tt cl. J'odo.I. Le dut de Nonnandlc rro16yc le C:t.1pehien 1Jcnri cl li;ir1..·1.! 1.: ,;1ukt il ~c COnll'111fr Ju Jucht Jr:
(bopUre 1. Le dan. l'elhnle, la nation el le l""ltolre 219
En n!ollté, jusqu'à la croisade, les Capétiens pesèrent peu. Leur lutte n'appartenait
pos encore aux grands événements qui bouleversaient l'Europe : le choc de l'Empire et
Je l'~gllse et la formidable expansion normande vers la Sicile et l'Angleterre, soutrnue
par 1•eg11se.
Deux facteurs permirent au clan capétien de l'emporter dans leur géopolitique
intérieure - contre les grands féodaux - comme dans leur géopolitique extérieure -
li s'agit di: s'émanciper de la suprématie européenne du Saint Empire - : la croisade
qui affaiblit les féodaux en les projetant à l'e:dérieur du pré carré et l'alliance avec
l'Église.
Carte 82 : La Gaule carolingienne
Row1ojl"IC' Mmis le Num111nJ foi• p•ycr 8 Hcnn sun a iJc Il obu..:nt le \ ·..::un C'l s'C'tut>ht ams1 rrrs de Pan:!I.. pesant Ja"'Ol.11~ CDroR'
wrltcmtrc .
1 "L 'humme s'nt lllU1che Q 1111~~. 11 tt rm s ru..:mc Wuls le ruoi.:hcr uù 5'C-l.!''c s.u lUW" Nulle terre~ SC•&Jk'W'. al.li ~smn
1arr. L'bonm~ 8()JN1r1H;n1 4 un lieu ; 11 ..:~1.1uyC M:lon 41ù1n l"C'UI ,,hn:- Lfu'il cst r,k· h~ut uu dC' bu lieu.". Lfl J. MICHELET. HUtui" fk
f~~. UW>lll\nC', Ê'111 ion.., lh:ncontn:, t 1 1.~· .\lm..-n-.-i~·· · p.-''"
2 ~1 · E 8 1t.sc 1muc ID ri!oll.uli1c cl ltl JO:rus1'1 ... Plu:. J 'unc !\las dl ..• fil pi1r1 au.' lilli:s. Wk' filk .:1.1t en du4: uo ,,h-à:.hé . la femme: dll
~ rrian:ht prts t.IC' lui i:. l"atu1C'I, \"elle de l'~pou."'c J1:o;ru11.: k ru:i; d l'cpuUS< Ju ..:~•Ull~ . ~. /Ji:,.. , r · .\75 .
J bien que p.>nan1 un nont u~rmdn1qu~ . 11 .:st italii:n el es• v1uklnfl\Cf\I ""~-..!'à l'limpin: .
4 b noniinatinn de• paros~' l'cmpeA"Uf uva1t liC la Papeutè a l'Emritt.
de la ~ali~ ri de œlul des ln""S dans l'l~~llsc, celle den1ière s'éloignant du système
aridot.ntiqur ~pl!ICt'lpnl qu'elle t!mlt en trnin de devenir, pour revenir à une monarchie
pMtifl('l\le nfflrmc!e.
1 Dqma\I le' pmnOa- \'O)"lp *Colomb m 14'92. c1 1Sil oil NùnC"Z tJc Balboa red~ c n u vrc les m~~ du SuJ - - c'c.n· 6-d1œ le
~ -. ta limita du WIOnlk- ainau ont cons1dh'ab1cmmt recul~ . Les contoun de l' A.fnquc ~ ont dc!l!Uné!Ç , l'oc,an lndiCTI ts1
dObllpl · - M.a.n. c.- Ul 1- l'Adanrique a lté tnl\'nsl plu., icurt fois c1 te bordu re am~r ic alnc . Ju golfe t.lu M..:1uquc •la ba;c dt
llio _. ClllDK. ~ MDfa plua uni.. IC' tour du monde commencé rar M•1clla.n "'nchèvc lo~uc ln Ponu1a1 " a11cîndrœl
m ~ - " .. cuoqufk tcrrilaria1c de' 1' Amtrique dlbule
18 BEHWASSA.Jt. J JACQUAAT. LtXYr .nid~ . Paris, Armand Col in. IQ72
l -U• ~rapide rntGUt 15 JOUR de Bruull~ • Grenade en été cl 1 K JOU rs en lnvc r \I COi 1 son ' 7 i\ " J<ll U'T- en t1t Jt
~ i ....... m 1516 d 'ÎG'ft de BruHlle& t\ Innsbruck , 24 Jours en ~l é cl 2 7 en h iver Je Rnml! Ill M11dnd pair LyOJ1 Cn
m- ~ per le rNuv• i" remp1 ou l'tnac!curit.! d'une roule . Quont Oi Io hn1~nn l!nln: l't:sr•rnc tl ln
CIDSriln flGll''Uatl
....-... -*ic:t.mL dk n'tiUil a.m'6t que dn.i• foi1 par an grtcc au• dCWl ~ndc~ flnnc!> : encore les nnuvcllcti Oc cft1&11"
~4'oiplfsspll'WD&ienl•Ua qu'vnc (011 pu an, ou mfmc une foi• lou• les dcuJI ans.". /tit.'m, p . 123
Cllapllre 1. Le clan. l'ethnie, la nation et le terr11olre 221
1 C"e:..t le n:n de France Loui!ô Xt qui ttcupéra te duché de Bowgoe;nc .u Mtrime111 lk ChaJ1n le T~re - qui est l'anac
pllld-phe de Charles Quin1.
J Des "'r'lubliques, comme Florence, Sienne, Lucques. ~es.. Vent~ ~ des ducMs comme lll S."·o ie.. Manroue.,, F«na"e.
Minndale. Milan ; des muquisa.ll comme Massa. S•luzo. Mon1fc-n-at. Les C"lftll Étals lrs plus importants. tarnurialcmenl et
poliliqucmmL. 90nl : le roy.umc de Naples, le duch~ de Milan, IC1i rêJlubhquet de flo~ et de Venise. ~lat pon.11fical .
l Cesc4-di~. comme l'krit X. de PLANHOL. •une ville où le prince peul faire dàtt en son nom 8 LI grande mmquü la~
du. vœdrNï .•, Le Nations du Pmph~tr. Matrurl ~graplrlq11r dr J'lnlitiqw """""''"'"'*'· Pari~ f•)"'1. 1993. r . •17.
4 Mais clic acre b•layh pAr la kll!voluhon isl11m1quc pnur avoir '"'I' .:ombanu le chusmr.
5 En 1912, Ibn Saoud a dll!jà c!pousé tft"4 fcm~ . il veille à n'en con...o;en-er jamalS plu.s de qutrc dlim !IOft Mftm - ckoil
murulman. Set hommes de ma•n lui aM~nent ttgulittemcnt Ir fnut Uc tcun rauias en johe!l ':iergc:s dans lts IT'ibwi.. CcUc qui na
choisie DC'CUf"e la qu1himc rtecc - ·· loumanlc - du harem Au mihcu des 1.1\nk~ 40. 1.'.\0 a1ftlnts S10nl dtj • Ms : i1s \ 'Obi C'Oftlbruct
1111 Êtal dyn.,t1quc. Rompant en 1'913 avec 1a tndi1ion an.M qu1 \'COI que l"h.~ ti cr du trt\M' !W)it un pua'lt Act· IN ~ li.ic
pnxll.IMT IOn "11 aku! rtrincc h6riliCf.
f. X de PLANHOL, lr.• Nn,,rtn.• d11 Prnpltitr. A.fantHI gN~tt.plt;qew ttN politiq- "'""('",...,,_.· Paris. Fayanl 199)9 p. 93.
7 La Jltrsnlf es1 une fon:o de cohUion aa.na doute "upêrieure • cclh de l'ioe,.llllgir : A. DRYSDALE.. O .H . BLAKE. ~
lllddlrEa.11und.Vnr'tlt.l(frJca A Poltttrol~R'W'lry, New \'ork ~ O:dbnL lt&S p. 21:'..
9
N&nmoins ce type de pouvoir n'est pas sans défaut dans la durée : l'historien
&IMricain David S. Landes fnit remarquer qu'à long terme les aléas de l'hérédité et la
question de la SUCC'l!SSion due à l'inflation de prétendants, posent de graves problèmes
Les Turcs avaient un remède bien cruel au fléau de la succession : ils étranglaienl
prévwllivement les pretendants potentiels et leurs mères 1 avec une corde de soie ,
quant à l'héritier pttsomptif, il devait attendre son tour enfermé, à l'abri de toute
mau\'llise influence, œ qui n'allait pas sans provoquer l'érosion débilitante de ses
capKités à gouverner. Ceci explique qu'à partir du XVII" siècle, le sultan était décrit
comme un personnage pâle, effacé derrière l'administration d'État et ne gouvernant
plus..
Au Moyen-Orient. les États musulmans furent donc des États sédentaires issus de
tribus nomades. Or ces dynasties nomades qui fondèrent des États en se sédentarisant
furent toujours confrontées à une dure loi : la menace à leur pouvoir viendrait
paradoxalement des b'ibus nomades. En d'autres termes, les nomades créent un État
dyn11Stique sédentarisé avant d'être renversés par d'autres nomades qui créeront à leur
tour un Étal
Dompter les b'ibus, tel fut toujours la mission première de l'État islamiquel. Les
hrys turcs d'Alger menaient ainsi régulièrement des expéditions punitives ou des
ampagnes de levée d'impôt dans les territoires habités par les tribus de l'intérieurl.
Une gradation existait dans les degrés d'allégeance des tribus à l'égard du pouvoir
certral : indépendance franche, autonomie moyennant un impôt, soumission voire
esclavage - tribus dite aul dans l'Algérie turque - , et enfin service de l'État - c'est là
la notion importante de tribus makhzen devenues auxiliaires de l'État et chargées de
imœr les autres-4. Une véritable stratégie des tribus était donc mise sur pied par l'État
central qui n!compensait ses alliées par l'octroi de terres, et punissait la rébellion par
~lion ven; des terres hostiless. Politique dont l'un des principes premiers.
univel5ellement partagé d'ailleurs, était Je divide ut imperes.
Dans le monde turco-iranien, à la différence du monde arabe, se mirent en place de
grandes confédêrations de tribus. Le pouvoir central, qui parvenait difficilement à
contrôler directement les nombreux groupes nomades, par ailleurs denses en
populations car s'appuyant sur les ressources de montagnes bien arrosées et fertiles -
par opposition au désert arabe pauvre en nourriture et qui ne permet pas des
regroupements nomades importants - , avait intérét à voir se former une structure
supra-tribale organisant et hiérarchisant les relations entre les tribus. leur occupation
des territoires, et la consommation des ressources. Ainsi le pouvoir central acceptait-il,
fauœ de pouvoir exercer lui-mème l'administration d'espaces trop reculés, trop vastes
et trop blrbulents, de voir se créer de vastes États dans l'État: les confédérations
tribales'>.
Ces organisations jouèrent un rôle détenn.inant dans l'histoire du monde turco-
iranien et ce, jusqu'à une époque récente. Dans le Zagros, les Bakhtiyâri, les Qachqâ et
les Khamsé étaient de grandes confédérations tribales, souvent multiethniques - les
Khamsé fédéraient des bibus turques, persanes et arabes. L'organisation rn
confédération tribale était donc supérieure à la seule dimension ethnique, et explique
J En6:mD dmia m uc et JC1b dans le 809pho~ . O .S . LANDES. Rtdte.uf! ,_,, pm1vrt!I(; J(., nuli11ns (Pourquoi J~.J ricltu •
hwyllof • pmrwn "J. hril. Albin Michel, 1998, p 516
2 X.* "-ANHOL, Lt.J~nu eh>groph1q11e.r de /'huffli"' J.: l'ulmn , Puns. Flamnumon . l IJ6M. p . JS-JH
J P .BOYER. L,,J ,.iltfUrMldiLrtMOAlg~r. 0 Io veill~ Je /"1m~r..·1:nlionfrun~uu 1: , Pans. 196:\, (1 . 13'>- J4h.
'1<. .t. p IOI.
!> CCIR pohlique fui a111 biiea ~ •u M•nx qu'en fran cl en Asu: centrale
'Le CODCCpt de pade: cœf~IOP •été c~ par B1111h, X . de PLAN•IOL. /.t.'.' jim1/enr.:111.t Ri!"S:'"''"'"'"'·' Jr. l'hü1otrr.k
rw... ,.., Flmnmlrioe, 1961, p. 292.232_
Clwpitte 1. LA.• don, l'ethnie, ln nation et le terri luire 223
2. L'ethnie et la nation
1 G. tŒJlMET. 8 . BADŒ. P BLRNBAUM, P. BR.AUD, D1c1ionna i ~e de lu .<it.' 1r..·nc~ polmqt1L' cl de.t m .mt11t1oru polrtlquu.
Paria. AnDmd ColmiMa.-i., 1994 . uticlc ·cthn.ic11ë'".
--.w 2 La ~ Dm.li anap qu'une •n.c.c"' qui ne '"ropin:" pas gënéttqucm1:nt cs1 aussi fcrmcm.:n1 conWunnèt i i.
wir k pM::nomtnc de coru.anau1n11e: qui fnppc ccn:unC9 familles. - qu'une " race" qui se croLSe f~~uqucmad
nec: fc::llâlnr. ED 1a11t. i.1 a1 qllalian dr mesure.
) Ui . HEIU>ER.. PllilœopJu~ dl l1ri.Jloire ik l'lruman11j . ; J P . BLED. "La conception ollcmandc de la na11on", m Co11P1u
...U.AalDiame..hiva- 1997, n•1. p . l74S
4 E. R.ENAN, Qi.'at~ qu'UIW nali.on "'• 1117. 1n réêd. Qu'et/, ce qu'un.: nutitm t' / <mire.If 1•,·ritx. prt!scnl.!c par Raoul Girudcl.
Pft. lmprilœrie ..........
J '"CR la l"IClt, dimlt pW1:icw1 nec ua\ll'Wlee. Les divi11ons •niftcicllC9, résultant de Io f~odolit~. i.lcs mariages pnnctm. da
ca.,& dl cüptamma., IDDl aduqua. c.e qw rate ferme et fixe. c'c.sl la race dc5 popula1ion11 . Voilt\ cc qui conlllluc un drtWI, W'lt
~ u fa:u11c pnnamquc.. par eacmplc, aclon la thé.one ql.U! j'CXJ>OSC. o le c.lrou c.lc reprendre lei mcmbm (pin dl.I
. . , _ . , mâm CfUIDd CQ rmmbtn l\C dnn&ndcnl pas .i. SC t'CjOlndf'e . Le droit du aennanismc llUr lcl\e province CSI JllU' fon ~
lc.drotl des labnaDlll de œat plOYincc 1w e:w: -mtme'!I. On cr&: airai une sonc Je droi\ pnmorJ11\I amLlo.iuc li celui Jcs roll Je i.111111
dft• ; illl priDcTpc dn n11iam oa M&htt1h1t: ,clui de l'ethnnpphic C'esl 10 une lrë~ grand~ c1Tcur. qui , ~i clic tkvcnni1 Jnm1n.mnu.
padrml t. Qwiliatiua carop6mnc. Auaant le priKlpc des nation11 est juste et légitime , aulonr cch11 llu dmit rrim,,nJinl Jcs ~\."'O ni
CNpllre 1. Lr clan, l'"thnl", la nntlon el I" territoire 225
ntoi1 tl plein de dani:cr pour le \/Cn1ablc prugrcs .". m E RENAN. (ht 'L".'1-.-.- ., .. ·unt!' "-Jlio" • 18~7' . ~ QM 'nt-.r."I' i[U'llUW ..anun rt
ut1trr.( ecrru. réëd .. Imrnmcric muionalc. 19'1~. p . 2:\ 1
1 G. HERMET, B BADH:. P BIRNBAUM. P. BR.A,UD. IJ1~·11m1N11r_. J..· la !>c1.:m:.. ,,._1l11~w "'Jin ~fllMIJO'IJ' pol1Uqwu.
i etl.. r1ris. AnnanLI C olin, 1996.
2 "Un E.Lar !Oc morquc sur la cor1c Une nallon ~• une .."1.lmmunuutc murule", in J. •·\:\!CEL <.Ï1"tv-c./tt"'1W. Psns. Od~pa ... c.
1916
) Pour Mnn:d Mauss. une l\31lon "~ s • un~ soc1C1C 1nacCncllrmcnt ci n\C\n1kmcn1 1n1Cgrft. il puu\OLI ~"fttcra.I s&abJc. permmcaL.
i frontières JC1crnii11écs, ;, rd a111.~ un11C moralr.:. mcnt3lc ,,u 1.: ullurdk •. h:s hab11anb ~u1 ~I n>n.sc1<mtt1C11t â l'lta1. cl â .!CS
lots." in M . MAUS~ . "l::a nal ion'', 111 / _ '.·lnm•... .~odrolo1g1&111•·. J\l5;\ - l4~ ~ ... . ;\c scric . p ?'- ()!(
-1 Pour Maurice 1 lauriuu , li: s. n"trnno;. sonl "J1..•s !,;rnur-:mcnls Ji; p.1 rulau~m fix~ •Y ~l che.z qll.i un hœ .k ~ spirlrl.lcllc.
Jé'llcloppc: ID ~nséc de l'unnê 1lu grnupcmcn1 lui -1111.:m.:-". in M . 11..\l 'RIOL f'r"' u- .k Jn•1t ."""On..'11111JW1Utirl. Puis.. 1913. p. V . Oa
no1cm hicn '" 11ot1nn i.Jc rm~nlé ~ririmcllc r ••r l \ f'('ll'"ltlll ll .i ~dk J e rari:n11..• 1lu san~.
~ OCfimllon donnée: pur S111l111i: 1..·11 1'>1 ."\ .1 ST.·\l IN L /.,· ,,,,,,.,11·m, · , ., /,1 o,/M&·.ctrol'I HUli..vt.Jic', traJ. fnu11.-a1s..-. Pan.~ . 1~1 3 .
ft A . DENNl(iSF.N. C. Lf.Ml·: MC'IEM. -(,,)lll·. l .(.)UtJAY, L ",,_d..,m "" ( ·,mm 1·1wi.;rif/1W. Puis.. Payoa.. 19'18.
l L. l\ëAl fNF , Noi.'f.\·cm1 ··· do•/,, 11,1tii••1 /-"n m 1·c'. Paris. (.;..Jhn\o!if\I , l\llS :\, '--0. t-""1fül.
,'Ohéft'l'lre d'un l'l"rritolre national. Cl•rtains diront que du XIII" siècle date l'apparillor
dl'~lll!lttin\lmt . D'au~ pourront rep<>u~r encore \'appnrition du sentiment natlona
dall.'O les proklOdeurs dl' l'histoire. Car ilpres tout, ne peut-on pas penser que li
Ntron.lisn'IE' franc du VU• sikle mérovingien est la source premi~re de notre
1111tiona.llllml' français ?
N,>Us '"' h-nms pas de diiforenœ, en géopolitique du moins, entre les notions de
peuple et de n.ttion 1. Par nation, nous entendons de manière imagée un corps et une
Ùl'K' qui dkirent vivre libre.
- Un l'Ol"pS l'OnstilUé par une ethnie ou un rassemblement d'ethnies qui formaient le
peuplftllent originel au moment où ils prirent conscience ensemble d'un destin
commun;
-une Ame: un sentiment commun qui s'est forgé à l'épreuve de l'histoire et par la
volonté d'un sys~me politique renouvelé ;
- dont l'objectif de maturité est le stade d'État-nation souverain, c 'est-à-dire la prise
en INin de son propre destin coUectif.
C<1m1I1e une personne, la nation a conscience de son être, de ses caractéristiques
propres. Elle est un être communautaire doté d'une âme; elle vise normalement à l'état
de libertl!.
En géopolitique, l'ethnie et la nation ne font sens que dans leur rapport à l'État
L'État peut être national. multinational, ou multi-ethnique.
- État-nation : une nation est rassemblée sur un seul et même territoire étatique. Ce
type d'Êl:.it ne peut être concentré que sur son développement. La France est un État-
nation au moins depuis la fondation capétienne.
- l'État multinational, multi-ethnique est un État qui inclut des ensembles humains
multiples aux solidarités culturelles, linguistiques ou même ethniques qui peuvent être
tournées ver.; l'extérieur des frontières de l'État lui-même. Cet État est donc
pomitiellement divisible sous l'influence de puissances extérieures.
L'État yougoslavel est un modèle dramatique d'État multinational, de société multi-
ethnique; son éclatement s'explique par les contradictions fortes de ses identités
plurielles et par les actions exercées par des puissances étrangères dans le but
d'exacerber les divisions entre les p_euples yougoslaves3. D'autres exemples sont
fournis par le continent africain où les Etats sont bien souvent mu 1ti-ethniq ues.
L'immigration est une réalité géopolitique que l'on peut définir comme un
phénomène de territorialisation elttra-ethnique sur un territoire initialement homogène
du point de vue ethnique. La France, originellement peuplée par l'ethnie française-!,
cnnnaît ainsi aujourd'hui un important phénomène de territorialisation d'ethnies extra-
1 Le Oiroom:-.iR: dr K9Cna politique dr: MM Hennc1. Badtc. Bimbuum n'en Jonn.: pus une 1.hHinillon doirc : li parle•
~ bt mip*"dc dihip&at une collcct1viti sodalc do~ Je caracl.éris11qucs communes !f.uffi~ammc:nt signifü.:'111\n p:u
lil:a'llllirr1m iû"au mawaa iJ"urutê cl d'a&Uunom1c ".in G . H E RMë.T, 8 . BADI E. r HUlNBAlJM, t'. URAUD, Dü:rw"'r.,m•JrLJ
Jrim:r po/Uiqw~., inltilUtUJIU pobriqws. 'J:C al . Pvis, Armand Colin, l 996, coll "Cursus" ontc:lc "na.lion", p. 179.
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1-i."bisaotrc .,_. lflPRDd qu'uacun État (depourvu d'umtê çuhurellc) n'a JUtnu is pcrdurê en lunl ~uc sociit1~ cuhtrtolr Lo
t:-.um.. s'ib •vmml u.oe plw..htê dr c1v1h,,.tions, ne serilicnl plus les États-Ums, m ens les Naltons unia·, U\
§,. 11\JNTINGTON. Lt '1\oc del 1:;v;/Ualiatu , PW. 0 Jacob. 1997, p. ) ) ai , pour lu trutluction fnançaiî sc . f lun11ny1on •JUUIC rMnt
qu'm 191JS. k psvœuu de pu.s. en Bosnie cl eu Cl"Oltu: fui "f.c.ilitê par le ncllOYQKC c1hnîquc qui uvon é1é accompli" . likm. p. 1)2
4 L'1mtoft du c.cmtinan europ6m c:s1 rnarqu&, à l't!c.hcllc du temps lon.i, p1.1r d.: nt>mbn;ux phll!nomitnC's m igru1ou-rs. ~
t~ tilft•... dm Ccha rq1rlseo1.e la ph11 grande migration de l'h1s1om: européenne . J .B DUROS E LL~ . L'Euru~ Ai.Jk!MT"
•-_,ia.l'ull.Pmin. 1990.Cd. Hochcue Plunel, p . 60.
Clulplttt 1. Le dan, l'ethnle, la nation el le temtolre
D'où vient cette opposition entre la nation et l'empire 7 Du fond des àges. De
l'opposition enb'e la Grèce et l'Iran4. Dès le Ill" millénaire avant nob'e ère, apparurent
des empires édifiés par l'Égypte, Babylone, l'Assyrie. Toutefois, l'expression impériale
la plus achevée fut celle des Achéménides : un empire pluri-ethnique posant un État
au-dessus d'ethnies. A ce prototype de l'empire qu'est l'Iran s'oppose, à l'époque des
Guerres Médiques, l'idée nationale défendue par les Grecs.
L'une des conséquences b'agiques de la conception impériale, à l'échelle de
l'histoire, est que les réalités ethniques peuvent èb'e balayées, déportées selon les
intérêts de la logique impériale. L'Iran, de )'Antiquité jusqu'à nos jours n'a cessé de
pratiquer le déplacement de population, c'est-à-dire la déportations. Les souverains
sassanides déportèrent des populations de l'intérieur de l'Empire vers les frontières et
cette politique est restée une caractéristique du mode de gouvernement iranien6. Les
Kurdes et les Azéris habitant les frontières occidentales de l'Iran furent déplacés aux
xvne et XVJne siècles vers le Khorassan afin de défendre la frontiére orientale des
attaques ouzbeks7 . En mélangeant de force, en permanence, les populations peuplant
1 G NOIR1EL, LI! Cnwel frunru1s , HUtoirr ck /'immiKftJWJn OM .\LX"'-.~ siiiclr. Puu. ScWI, 1988 ; M . ..\MAR 11!1
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"Essais".
l On peul comidtn:r l'apparition de clans muJti--ethniqucs - iOUChc a&ic:aiae noire: ft ~ C'l'.lllllbaWc à des acme.tl
rn.nçai.t dr souche - en napturc avec l"Etat de droit et les valeun foDc:lamc:nWcs ~..,-une amjaritit dc F~ cotmn1: les
1Cf1PC1 d'uac IJUC'ITC civile. laqueUe fait dlj6 plu.s de 10 000 hies.Ms rec:itmCs aunu.elkmcnt dam • police- C'C via:âma dc ocs
pbmomtncs ~ \loir les chiffres du 4001 qui c:s1 une grille classan1 co 107 rubriques les crimes n ~lits coasDlês pw k:s. senices de
smlicc cl de aendarmcric 9W' le 1nri1oil"C'. Bilan pubh' chaque ennêe pu la Docwnentation fnnçaise. A. BAUEll ~ X. llAUFEJl.
YiokMu rt üuêcurit' urboina. Paris. P.U.F .• 1998 ; C. JELEN, l..d~~ Jet: rw.s. Pam., Ploa.. •~. Les Cmmaa ctiuUqYCScllm
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6 J.· P. DIGARO, U f'111 ~thniq"~ en lr"n ei en .'4fxltun&st"'1, Puis.. 1Q88 ; l. DILLEMANN. •t1a.u.1c Mé:1opo1armc anmak et
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Pans, ln /11.t1U111 J:-4n.·lt~•ln~it: 1/t• 8.·.1·rt11dh IJ1Mi1•11tt;vu.- ... n;ht"Ofo,tthllH' rt lli.Hur"l»r:, LXXll, 19'C p. 9S ; V. BÊRAaD.
Rn.,,tution.T dr la Pers~- Pari s, \1~10 . p . ~S.
7 J. PERRY. R. JOHN , "f'on:cd migNlioa Ùl llu duri"- lhc sc-vcnlecalh ILlllll ciahfoenlb C'mlWtCls·. U. ,,,,,._ ..s:r...tlcs. l9l5,
VIII . p 1911-21S.
h'S t~'ft' '''"'I'"~ t~\ln.' tl' c,,ucas'-' ~t l'lndus. Ill MC~npnlilntic l'l l'Oxu!'t 1, la
C~U1'' <'II.• (;.1li.- J'l'l'll.lqU•' · l'lr,m ,\ l•lf>\Cl\\Cnl l'Olllribu{• i\ etnpèdwr l'('meri;enn! dt•
~ht\ltS. 1\cUhll~lll~ ,t"ns ,....,s n'gions . Ct'S dt'portntinns, "''n111u~ l appui i't la forn1atu'n lit•
1
~t\l1'-:< •'\ll\lt\lt'r,\hl\n~ tnl't.\ll'S multi·l.'lhniqu,•s diln" le Zil~ros, pcrnurenl i'I lil loi;14u~
in•r<'ri·•I.· .i.. l'lnm d1• lt\Wt•r.<•'I' (,• h•mps ,., d'nccupcr une pl.11·c centra Il• dans l.1 rl'i;inn .
l.'"' J~An\t.~ du \\'' slt'"le t'1\ Eur"'l~ .Sfl111 -..ouvt'- nt dé\..·rits ...~ llll\llll'" Il'" pruJuit dt";
t\,)rillMh'n''~ t't l~lr L't.'tlS~ue.>nl dt.'S nahon$. Pourtant, •' l'origin1.."!' des gue~
n\l>11<hal1'S. l'\l'I IT\>\l\'l' d 'unl' pari la qu1-;:1lon b,1lkantque qui est l'elJ<.? des deux f;rands
itftlf'ÎT\~ -.ustn..... hnn~rols ('\ nttntnfln. '-'l d .\ulrl~ part lt:I question de l 1 1n1périalisrne
1
.111<-m.ulll. :\m·unl' d•'!' n.11tons st.\bilisl'<.>s ,fans leurs frontières depuis longtemps, qu'il
··~~·Je l.t Fran'" ou dt• l'An~lt.'lt.'rn:' nt' iut rt•spons.1blt• de ces gut'rres. On accuse
l''"''i" un ,·ap1tnlisnw illl~lo-saxon qui aurait !'.'touffe l'Allemagne : il ne faisait pourtant
que jl.\Ut'r Il' j.>u millénaire de la com~~lition ~onomique mondiale, dans toute sa
Jun.>te : ,,n a1'\."U!'t' la Frotnœ .t',woir cherché i'I humilier l'Allemagne depuis le Traité de
\ .'t•!'.<aillt..,.. c\'SI 1,\ en..."Ott le jt.>u millén.1ire de,. vainqut'ur,. et de,. perdants. Ceux qui
d-e.:leno:lh'rent J,1 gllt'fr\' iurent ct.>ux qui ,1vail'lll une autre idée de la carte dt'~
tmn~'S . unl' autre idée du sort des nationalités el de leur place. Ce furent 1.,s
impo'ri.sux
'L'hist,,ir.• qui admire le temps où chacune des fonctions sociales était remplie par
Je; hom~ d 'une œrtaine nationalité - dans l'Empire ottoman par exemple - oublie
qU\" ,vite ht."tl'ni~enèitè ètait le rèsultat de conquêtes militaires et qu'elle excluait de la
l"'libqu.- la maj,•ure J>olrlie de!< populations. Renier la nation moderne, c'est rejeter le
transfert à la pt'litiqu.. de la revend ka lion eten1elle d'égalité ", écrit Raymond Aron2.
Au ser.·ke d'elle-mèmt.>, une dynastie construit un en1pire; au service d'une ethnie,
elle edifie uOt.' nation qu 'elle stabilise dans un territoire. L'une des permanences
frarpan"-"' dt> !'Histoire, est celle du combat plurimillénaires entre l'empire et la nation,
enl:lt" lt>s Etats au ser.·iœ des conquêtes avides d'un clan et les États au service de la
grandeur des peuples3.
L'histoire fut marquee par deux sortes de dynasties : celles qui servirent les autres
- roru:truL<ant alors des nations - et celles qui se servirent des autres - construisant
alors d'éphémères empires. Souvenons-nous des mariages mixtes forcés sous
Ale,andre le Gr.ind 4 : le Macédonien rêvait d'un empire cosmopolite qui ferait de lui
un Dieu, il mourut d 'épuisement à vingt-trois ans après avoir ruiné d 'autres empires
- le perse en particulier - , son empire disparut avec lui. En comparaison, nos
prudents Capétiens apparaissent bien pâles; leur grilndeur ne fut pas dans leurs
aploits - ils en eurent tout de même - , mais dan,. l'œuvre qu'ils laissèrent5 : au
XVIII• siècle, la France était la première puissance mondiale , elle était plus prospère
que ses \•oisins et le niveau de vie y était le plus élevé d'Europe . C'est d 'ailleurs ce qui
\La~ CU"IQP'\~ m~ 1.:--; dc:i.l.' gr.mds Ocu\"~~ d' .~su: c..:n1rnk. le Sy.- Dana l!l l'Atnv u D ;ma . ..:si aprd~ ..• Tran~.n1.l.IM"
.! k AJOS. Pau C'I ~"Wm' ,.·n1rr I..·.• n<Juu1u, 2r eJ . Paris . Ca.lmann-LCv y, IYt"IK , r ~Y 1 > (I"' 11,..'U. l~ll:?) Oan.\ !rillll l'1c-"
~. L ·1.wupr n t'On.rn1 . le pohhsll: hbuuus <ic~r~~ l'orTTI cnt1qui.: l'c\1nw:cn1nsmc Je Aron, qu'il ~uahfic Je "ctw11rr
~ llk .. cuftl•füc ~ -· . m G CORM, L'Europ~ t.'I /'CJnr!ttr t(h• /~ lialku111.•H1liu n 11 lu li1''1m.r14lim1. hi.louy,(""'"
S J--.,ua Baia\1UC", rnonl.IC" que: les ruu, de fnncc: ne- \ "UOl H:Uêrc ia \".._\•c111un: · Ù l°cxc.:.:rtwn pcut - ~tn: t..lc::o. l(Utm!i J 'luhc "'-""''
~VIII- et qu'ib ,·~loimt i umfie avec 1ntc:lht1c:ncc: le: lnritom;: t..lu mynum.: Je Fnuu::c ; J . Hl'\IN\'11.l.E. Httt.11•,...l·
fnatc<r , IZCnl..Paru..fa)"IJ'd.ll"'ed, 11,1124).
Choplll@ 1. 1.., clan. !'ethnie. I• nation ri le terrttntre 229
expliqul! œ faible taux d'expatriation qui causa à la France la perte de l'Amérique et lut
pou problème, au siècle 11ulvant, face à l'Angleterre.
1 A MIQUEL, L 'islam rt 3a rl\'U1..tarion, Pari~ Armand Cohn. 1977. Livft 1 : '"L~,;~dc des ARbes CDe Mêorcnct 111 müiBl
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l A.A . et DOURI. Lrs ruc1nrs hi.~,-1uri11ui:.f JM <.'hu'••t1bu1JW. pp. 9 à 11 .:1 ~~
.l i:llc s'C'SC fid't' aux• sit<dc A l'cmbouchun:i Ju Syr Daria. A . MIQL=EL, L 'ulOM C'I s.i n1•il~ hns.. Al1-t Col:ID... 19TI,
pp. l~l · HU& ; J.P. ROUX. //uuurr 11.-s Turcc tVt·u.' ruiJI.· "'a.-.: Ju 1'.x- ~lit111.- ,; /IJ .\l.:.Jik,..,.onùJ. Puts.. f.yvd. 1991, cMp. Vt : •t.a
C'Ull\'Cn1on A l' 1slam1imc~ . Pfl 1:l1 - 15~
1 Sa fib w pu1a1:rn1 la Perse, jC'\; nc:veu.1 1:1. Syrie - Ali:p et D11mn.• c:1 un L:Ull"ln rCgm: sur !'Anatolie t1m.1u(' : Il t1
J. SOUJUlfJ.. , DJcdrNJnolr~ Jrü,1()rl11uc tk l'islam. P.ians , P .U .f ., l 9'Jf1, a.rtu.: lc ''Sclc.Jj ouki.Jcs". llf'I 74'0-?4'.\ .
lfLOROUSSET, Hl.Jtolre da Ctv~, ~ . f'aris , Perrin , 1991 , 1 1 · /.'un11rd1h! mruulmunc• 1•1 la ""11111rd1h' frartl(IA.
(19)1)
islamisés, pasteurs qui se sédentarisent de plus en plus. Un troisième groupe est celui
des Pygmées qui sont "un reliquat arriéré, ensauvagé"l ; un quatrième est formé par les
petits groupes archaïques des Khoi-Khoi - Hottentots - et des San - Bushmen -
qui peuplent la bordure du désert de Kalahari.
A l'intérieur de ces groupes, les ethnies sont nombreuses et souvent antagonistes.
Madagascar constitue une singularité à placer hors de l'Afrique par la nature de 901\
peuplement. Sa population est formée de Noirs Bantous venus du continent proche, et
de tribus malaises venues de l'Est en plusieurs vagues. Ces deux groupes forts
dilférents ont connu un mélange, mais restent distincts du point de vue territorial : la
partie occidentale de l'ile est plutôt bantoue, l'orientale plutôt malaise2.
Carte 49 : L'Afrique des États
Carte 50: L'Afrique des ethnies
l f . ORAUDl!L. Grllmmoin: ,J..-., < n•1hH1twm, rê\"d ., Po.ns. Flam11W1on. l993. ct'll . '"Champs'", p. 160.
2 Lll majorit~ tics lypcs i;croil méli!'s1.'c . Dans ce mClangc clhnique. lmlonés1en.s et A.hica.ms S1.,..jca1 dans la~ de 1 à
2, !"élément arncnln l'cmportom.
) "Le dko1.1pagc rio ti1 iquc de tuuh: t'AsiC' ccutrulc- n~ ""'rTC'sponJ p&."i • Io riftart11ioo de!. groupes, clhruqun.. l ' lnm d
l'A(1thanislo.n '§ofll cux -ml!mc!i Jcs f-:1nt~ inulli-L·1hn1qm.·s lu \èuns t11u11un 1.rEt11s -na1jon.,s sur Jcs. ~ C'hnlqucs. dans l"e.lf.-U.R..S.S.
ri1quc d't'llCTCCT sur lcu!"l' gnmpcs minori tni~s uu c!li:t ...r.tnr.iit:tmn ln\"CTSC"mc-nt. la sohdanœ clhn.iqUiC JllC'lll Jaaacr t C'CI Ê19b.
auaqucl1 11 faut pjouter ln Turquie. un moyen J 'ol·lînn pour în1cn·c-nir L'll As.1(' 1.:cntralC'.". U1 O . kOY. ·t.a IVnnation d\ua nuuvd
ttpacc 1tra11!:91quc en Asie centrale". in R..J.1rim&..~ '",.,,.,..,ffMa/~.~ ,., .11r m,:x i41uc'.'. l.R.I S .. Printcmps 19'9::, n°~. p. IJ6.
,,.~, Médi1~rrané~
océan Atlantique
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Bolou1da
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KirJhjz.cs
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Tadjiks Aurres ~Arabes
du Pamir ci Pnnurii 53. l'Asie centrale: le monde inn.icn
Russie
Chine
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Allanands
KirJ)nZ<s
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Turtrno:ncs
c. Con!irns
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1 Sur k .;c. dl: fnnpect r6cl di: la rn11& cacla't'Bg1atc en Afnquc nom: 11 LUGAN, Afriqu'-" l .'1/1.' itou.., ii l't•111fn1i1 . (laru.
......... 199'9. l'llMibcln 1996 ; Afrilfw_ lulan J#> la J;m/o,.iJullf1fl. Pari!6, rcrrin. 1q91, rttd11ion 1li'Jh • .·lr/u.~· /1 i ~111riy11• · ,/.,_, l'A.f,-,qllt'.
'*2.a~ 11//fOfjo,,,,.., Pari•. U Rocher. 2001
Qio('ttre 1. le dAn, l'l!thnie, la nation l!I '"territoire
des propres alliances ethniques qu'il avait contractées. Dans tous les cas, la stratégie
roloninle fut en priorité diplomatique et en demiei- rasort militaire, et ce parce que
l'éloignement du continent européen commandait l'économie des troupe. Les ..tfectifs
de la colonisation furent donc modestes face aux populations locales. Il fallut toujours
s'appuyer sur des alliances locales et des tTaités en bonne et due forme . Trop heuTeUSe9
de pouvoir échapper à la traite musulmane, nombre d'ethnies s'en remirent à l'alliance
européenne. Ainsi, sur la Gold Coast, les Anglais s'appuyèrent-ils sur les Fantis contre
les féroces Achantis; ainsi les Français libérèrent-ils nombre d'ethnies du Dahomey de
l'oppression d'un roi Glé-Glé. Ainsi le Français de Brazza donna+il à la France une
Afrique équatoriale, pour l'essentiel grâce à son habileté diplomatique consistant à
faire de la présence française un protectorat pour les populations locales.
Les mots de "pacification" et "protectorat" ne sont pas pure langue de bois inventée
par nos ancêtTes de la me République. Certes, l'idéologie des Lumières est passée par
là; mais ces mots ne sont pas l'unique reflet d'une phraséologie républicaine; ils
dêcrivent une réalité géopolitique : la pénétration des Européens éteignit le feu des
conflits esclavagistes, lutta contre le cannibalisme, et accorda sa protection à nombre de
populations dominées ; en cela, elle contribua à instaurer une paix dmable sur le
continent africain. La période de colonisation fut donc bien, tout à la fois protl!ctarat et
pocificationl. Les conflits ne disparurent pas totalement, mais ils furent de très môle
intensité : flambées ethniques ou tribales brutales rapidement éteintes par le
colonisateur. Arbitre, ce dernier avait intérêt au calme des zones administrées; il savait
ce calme précaire, et les divisions latentes, toujours promptes à réapparaftre ; ses
officiers des affaires indigènes s'attelaient à prévenir les éclatements... remarquons
d'ailleurs que ce que la France sut faire en Afrique noire durant l'ère coloniale, elle ne
sait plus le faire aujourd'hui dans les micro-territoires ethniques qu'elle a laissés
s'organiser sur son propre sol. ..
Durant la période coloniale, le génocide d'une ethnie par une autre était rendu
impossible. Par conséquent, jusqu'aux indépendances. les dommages humains furent
très limités dans cette partie de monde.
Alors que la colonisation fut une ère de glaciation des rivalités, force est de
constater que la décolonisation fut au contraire une ère de dégel des forces
antagonistes qui plongea l'Afrique dans un chaos meurtrier.
Aucun État d'Afrique noire n'est aujourd'hui entré dans une véritable ère de
stabilité géopolitique ; l'intensité des conflits est certes variable selon les théâtres
considérés, allant de simples querelles ethniques caractérisées par des poussées de
violence lim.itées, jusqu'à de véritables guerres génocidaires causant des dommages
humains considérables et pulvérisant les structures étatiques.
Une première série de conflits contemporains tTouve son origine dans la fracture
A&:ique blanche-Afrique noire causée par la traite islamo-arabe de populations noires
avec la complicité d'autres populations noires. Cette fracture se retrouve aujourd'hui
dans la géopolitique intérieure des États africains sub-sahariens situés grosso-modo
entre les latitudes 10° et 20° Nord, sous la forme d'une opposition raciale Blancs -
arabo-musulmans - contre Noirs et polarisée de façon Nord-Sud.
Le problème touareg qui agite les Etats du Mali et du Niger en est l'exemple
typique. L'affrontement intérieur entre des pouvoirs centraux noirs et des rébellions
louaregs se double d'une influence d'États extérieurs : l'action de la Libye en faveur des
populations blanches arabophones et musulmanes, au Mali, au Niger, mais surtout au
Tchad, s'inscrit dans la continuité de la poussee islamique de l'Afrique du Nord vers
1 On IJ\C'9Urc donc, faL-c au pmJs des f9il.o;. Clabh3 pilr k s h1 sturicns.. la pression Ji: l'iJéolOHic dr i. rqx:a~ dom KIDI
pnwmnicft de nomb~u.'11: iiou\·cmum,; en fNQCllrl. On M: ~,u,.· u:-n1 en cflè1 que. soumis i orne ~oa.. le 1......- • moisi *
mwncer CTI 200S •Kin objectif Je rr.. t 1 1 . . _ .... erHc·1.,:nt:n'M!nt i..."Qu1hbrt de a. Dllltlode dc 1a ce>klltt111bon..
l'inteneur de L.\iriquc noin•. la cuntn.~poussét• opposé~· pm· P'1ris à l'idét! d ' Élat.!1-Uni,
du Sahara !loutcnuc par Tripoli s'inscrit elle dans la continuilc de l'action colonial1:
lnlnQlisc Ct!Tte;, 1.. prohlèml• tounreg est u1w carte pcrm..,ttant à Paris de continuer a
s-r !'Ur Niamey et Bamako, mms, globalement. l'action françaisl' en AfriqU<·
occidl!l'ltak> n pour effet d'ao;.o;urer la pérennité des pouvoirs noirs face aux populatiuns
Maul"l!S, Peuls. Touarogs ...
La question touareg "u Niger et au Mali a des effets contaminants sur la
penphft'le · 1.. Mauritanie et le Burkina-Faso abritent des dizaines de milliers de
ttfugit!s touareg. donc les bases arrières de la ré bellion, ce qui dést"bilise leur propre
geopolitique inteneure et compliqut' les relations avec les États voisins . Les pertes
humaine; restent cependant linlitées compte tenu de la faiblesse des moyens militaires
engages et surtout des densités humaines en ieu ; rien à voir avec le nombre de mort~
du Liberia. du Sierra Leone ou des Grands Lacs.
Un au~ exemple typique de cette opposition raciale est donné par la guerre qui
oppose. au Soudan. il' régime central dt> Khartoum à une rébellion sudiste. Le Nord.
arabophone. totalement islamisé et contrôlé par un régime idéologiquement islamiste.
domine l'ensemble du pays et réprime les velléités sécessionnistes d'un Sud moins
peuplé. où cohabitent une multiplicité de populations négro-africaines - Dinka, Nuer.
Shillouk .. Rien qu'entre 1955 et 1972, la première guerre civile dans ce pays causa la
mort de 700 000 personnes. Qui pourrait soutenir sérieusement qu'en plusieurs siècles,
la traitt> esclavagiste, fui-elle musulmane et donc bien plus importante que la traile
européenne. fut plus meurtrière que la guerre civile du Soudan dont les pertes se
comptent aujourd'hui en plusieurs millions de morts ? Hier, le colonisateur, par une
présence politique et militaire explicite, stabilisait les tensions; jusqu ' au début de
années 2000, l'action de John Garang 1 et des Sudistes fut attisée par les appuis de
l'Ouganda, du Tchad. du Kenya, de l'Égypte, d'Israël et des États-Unis, de l'Arabie
Saoudite - laquelle déteste la concurrence islamique que lui fait le Soudan - tandis
que le régime de Khartoum pouvait compter sur l'Iran . Des stratégies d 'influence
extérieUJ1!5 qui amplifient les tensions locales ont succédé à une présence coloniale
directe qui calmait le jeu des forces intérieures. Et ceci n'es t pas seulement vrai pour le
Soudan. mais aussi pour la quasi-totalité des États africains secoués par l'instabilite
politique ou des guerres civiles. L'Ouganda a ainsi plongé dans la guerre civile entre
1967 et 1986 sous l'effet de l'antagonisme entre le Nord et le Sud, de part et d'autre du
cours du Nil et des marécages du lac Kyoaga . Les ethnies bantoues du Sud -
Bagandais. Banrankoles. Taros ... - dotées de structures politiques anciennes -
royaumes - constituèrent le point d 'appui du colonisateur britannique soucieux de
bloquer la progression des populations nilotiques, nilo-couchitiques animistes ou
musu.lmaitts du Nord. À l'indépendance, commença alors un mouvement de bascule
entre pouvoir du Sud et pouvoir du Nord. Le colonisateur n'était plus là pour
équilibrer la balance, tout au plus s 'achame-t-il aujourd'hui par son influence -
anglaise mais aussi américaine - à assurer au Sud la mainmise sur la pouvoir dont il
a besoin contre le Soudan islamiste, dangereux voisin du nord , mais aussi l'influence
françai&e dans les Grands Lacs et au Zaùe - la pouss ée tutsie des Grands Lacs qui a
déstabilisé Rwanda, Burundi puis Zaïre, est largement partie de l'appui ougandais el
anglCHiaXon.
Daru; les cas du Soudan, du Mali ou du Niger, l'opposition raciale es t renforcée de
l'opposition religieuse entre islam d 'une part, christianisme et animisme d'autre pari,
mais ce n'est pas toujours le cas. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des Maurilaniell5
sont musubnans. Pourtant la géopolitique intérieure de la Mauritanie est marquée par
1 Mln1 O... Mn aa:Ulcm d"hil11;oplCrc en 200S 11pn:.s ovo1r rnlhc le pou voir dl! Khunoum P•lllr y rm:111Jrc lu v 1i.:t·-prt•iJ.;n.::c
CNpttn.• 1. le clan. l'ethnh:?. Ja na1tinn el I~ territoire 2A1
n'ont rien d'artificiel et que le colonisateur, à peu de choses près, n'a fait que reprendre.
Avanl son effondrement des années 1990, on pouvait considérer le Rwanda comme un
véritable État-nation multiséculaire dont les deux priru:ipales composantes humaines,
les Tutsis et les Hutus, parlaient une méme langue et avaient la conscience d'appartenir
~une seule nation . Comme l'a montré Bernard Lugan dans son Histoire du Rwanda1, le
Rwanda est une création politique tutsie dans laquelle la vache - les Tutsis -
dominait la houe - les Hutus - et ceci, suivant des m~nismes de complémentarité
plus que d'opposition. La colonisation belge n'a pas créé d'État artificiel.
L'effondrement est récent : il date de l'arrivée des idées socialistes décidées a imposer
le triomphe du nombre, c'est-à-dire les 80 % d'Hutus sur les 20 % de Tutsis. Plus tard
vinrent les Américains qui agirent pour déséquilibrer l'influence francophone en jouant
la carte de la revanche des seigneurs tutsis. L'effondrement rwandais, est un curieux
mélange d'erreur de l'utopie démocratique de gauche et de realpolitik anglo-saxonne.
L'histoire fait avec Je matériau dont elle dispose. Au moment des indépendances, la
carte des constructions politiques était multi....thnique. On ne pouvait décréter, comme
par enchantement, une carte des États mono-ethnique, d'autant que les Européens ne
contrôlaient pas la nature des mouvements indépendantistes, lesquels, dans leur large
majorité, affirmaient la conservation des frontières mises en place par la colonisation.
D'ailleurs, cette carte était impossible à réaliser tant les inégalités de puissance entre les
États formés de la sorte auraient été criantes. Des milliers de petites ethnies se seraient
vues ravalées au rang de sous-principautés. La seule chance pour ces ethnies, au
contraire, était que des identités nationales se fassent par-dessus les grandes ethnies. D
esl donc absurde de parler de responsabilité de la colonisation sur les conflits
contemporains que connaît l'Afrique. La colonisation avait gelé les conflits inb:r-
africains, faisant chuter considérablement la mortalité des populations civiles, et ce
d'autant que, dans le même temps, elle répandait la médecine européenne. Force est de
constater que le bilan géopolitique de l'Afrique noire post-coloniale est, quant à lui.
catastrophlque : des millions de morts, en Angola, au Soudan, un génocide dans les
Grands Lacs - durant la seule année 1994, on estime que la population du Rwanda est
passée de 7,8 nùllions à 5,5 millions d 'habitants; la même année, selon l'O.N.U., Je
conflit angolais faisait plus de 1 000 morts par jour, des guerres civiles ab'oces au
Libéria, au Sierra Leone, et partout l'instabilité politique, les coups d'État, l'insécurité
alimentaire, le recul de l'hygiène, le développement des persécutions racistes contre les
Blancs au Zimbabwe, comme en Afrique du Sud. Les ex-États colonisateurs, lassés sans
doute du gâchis énorme, s'éloignent de l'Afrique noire; la France en particulier, parce
qu'elle ne rêve plus que d'Europe fédérale et toW'Tle le dos à sa vocation mondiale ;
mais aussi l'Angleterre qui ne dit mot face à la tyrannie de Mugabe. Et plus les ex-
colonisateurs s'éloignent, plus l'Afrique s'enfonce en continuant, aveugle. de jeter tous
les maux sur le dos des Blancs - méme le SIDA est taxé d'invention eurupéenne en
Afrique du Sud - , allant jusqu'à la révision complète de l'histoire : africano-centrisme,
négation du rôle déterminant de l'esclavagisme noir, exagération de l'importance
économique et démographique de la traite européenne ser\·ant à justifier des
demandes de compensations financières.
Carte 49 : L'Afrique des Etats
Carl" 50 : L'Afrique des ethni.-s
l'nrti" J . l'tnmrnt1•U dt'1 idmlrrh
3. Le roman national
Hongrois dans cette rlogion et servaient de garde-frontière des cols transylvains. Ils
sont ass1mi1"5 aux Hongrois mais tiennent à s'en diomarquer en affirmant qu'ils
dl'SCend.,nt des tribus khazars qui ont refusé la conversion au judaîsme du roi Bulan au
Moyen-Age et quittlo les rlogions de )'actuelle Ukraine pour s'établir dans les Carpates.
'Cette micro-mythologie s'avère être valorisante pour ses diofenseurs, puisqu'elle
s'articule sur le thème religieux du refus du judaîsme dans une région, la Transylvanie,
qui a toujours étlo fortement marquloe par l'antisémitisme, tant des Hongrois que des
Romains" 1.
Carle 52: Peuples et États dans les Balkans
Carte 55 : Le conflit identitaire de Transylvanie
En Maclodoine, en 1945, Tito vouJut affaiblir le pan-serbisme en fédéralisant la
Yougoslavie et en crloanl une République flodérale de Macédoine2. À cet effet, il
entretint l'idée que les Macédoniens fonnaient un peuple à part, qui s'était très tôt
mélangé avec des populations pré-slaves, les Thraces.
lu];t pan IC'S pcrsicuhDll"" Jrumal1qu ...~ QUI les rn1p~r'C'nl li Je: 11(lntt>n:~ R'rns.c.~ C'l c:n Je m..>nlhR'U.'\ J'HYS
~, ANCEL, ·"""''··/ ~·'c1gm1•lriq11,· .k p.•/Jtiq1w 4'1JFP/h.'t''lt11·. rtlnli-. Dclognl\'1..". ]"1.l.t>. 1. 1 L"EMrv,...· ..·,·nrrvlr. pp :10-::?1~.
(" MOURADIAN. l ~-fm1rni.-. p ...;,;_ r .tu:. lr.,)Q;'i et " ' Tmns1.·o\h: ;t..;i~" 111 l 'l:1.1t Jll ,,.,,_.. !IKKJ. Paris. la Dtccuvcnc. 1'99.
Ml· .'1t.-5QU : '"EUILi\ Cl n1111ons en Trunsc11m;as11..·" . in l'rr•NënH·.~ /lt•füil/IU'.• d .wdu&.1.l. Paris. LM. Documentation inançai.s.c. n°C? :
pour aucun dl' l"'l'$ trois mythes d'antériorité le débat historique n'est clos. Ll•s myth"'
peuwnt N:re histoire, comme ils peuvent êlre légcmfo.
Eu Tran.syh·anir.
Les Roumains soutiennent que la rt<gion n 'est pas vide lorsqu" les Hongroi~
arri\'ent en Transvh•anie au X• siède : des populations daces y auraient fusionné aVl'C
d~ Roumains. L'~n:héologie dispose de peu d 'élé ments pour tranc her le débat.
Au Haut-Karabakh
Les historiens azéris soutiennent la thèse suivante :
- le peuple des Azéris s'est formé par la fusion progressive d'un peuple du Caucase,
les Albans, et de tribus turcophones venues d'Asie centrale ;
- le Haut-Karab.,kh était inclus à l'époque dans l'espace politique des Albans qui
étaient des chrétiens monophysites ;
- le Haut-Karabakh était peuplé d'Albans qui ont été armé nis és de force . Les
Arméniens sont arrivés au XIX• siècle à la suite d'un accord entre le Shah de Perse et
l'empereur russe ;
-par suite, les Arméniens du Karabakh sont en fait des Albans ;
- ils ont donc les mêmes ancêtres que les Azéris, et sont en fait des Azéris qui
sïgnorent ;
- il en découle que le Karabakh est une terre azérie .
Les Arméniens contestent ces thèses azéries, faisant re marquer que l'on dispose de
peu d'éléments sur les Albans et que l'arménisation des Albans de l'Ouest n'est pa 5
démontrée. ns affirment de plus que les Albans avaient déjà été exterminés pas des
populations turkmènes lorsque les Arméniens sont arrivés.
IL BERTON· HOOGE. M.A. CRCJSNll:Jt d1r . Arm;niL'. A : l!rhuidji.m , <it>d r~ 1c. l'un I' J1 •., 11ul11Jt'1Jdw1n·.' · ri.m s. L"" 1Àl('umcnu111•n
frmça.ttc, 1996 , T. SWtETOCUOWSKI . R11.JJ1cJn· .-f~ rrhu1djw1 , New York , C. nlumhu.i lln1 vc o. 11r l"rc s )I. 1'>11.'i
(.1'ap11rr 1. Le d•n, l'l!thnlc, la nation et I~ territoire 247
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Au Kosovo
La thèse serbe soutient que la région du Kosovo1 fit partie intégrante de l'Empire
serbe au Moyen-Âge et fut le siège du pou\'oir politique et religieux de cette époque,
que l'albanisation s'est opérée récemment, à l'occasion de la grande migration serbe du
XVII• siècle qui a laissé des terres vides, rapidement peuplées par les Albanais venus
d'Albanie. En plus du départ des Serbes s'est ajoutée, bien sûr, une forte démographie
albanaise à l'époque contemporaine2.
Face à la thèse serbe, la thèse albanaise s'est forgée au XJXe siècle avec l'appw
d'historiens autrichiens; elle soutient que de !'Antiquité jusqu'au vue siècle, daœ
d'arrivée des Serbes dans la région, était installé au Kosovo le peuple des Illyriens ; que
les Albanais ont pour origine les Illyriens; que le Kosovo est donc, à quelques périodes
pres, historiquement albanais3.
Ce qw est certain c'est que le Kosovo est serbe depuis plus de mille ans, mais qu'il a
peu de chance de le reste du fait des réalités démographiques (voir notre partie
consacrée à l'importance du fait démographique) .
1 A. c tJ Sl:.LLU: R • ..ft/,,., Jn Jlt.'411 ' 11·• ,/'f.-111"/ '' ' 1. •1lr1tl..·. f~"'-"'-.1 . Pan s. L.i l>êülU\C'n.:-. l>Nl'i . p. lt--4
1F. 11n1AL . L,· ,k.~11 · J, · ,•.,..,.,,,,,,.., .. 11:11 1:<o . i:111p ... ~· .... 1•1<-11..t
J À OOIC'r que le-. Llcu.~ pn:nufrc s l\s:.:cn1,1ns nt• s1•111 111u11•ur.. r11:. prou.,,·c!oa pt1r IC'S h1!ilont·n:.. umt IC"S rft\SCigDtmftllS C'~
I~ lll~Tlnu. ~ni r.in:>
-•Adnoaiqw
4. Les uchronies
l'analyse du rapport entre l'identité et le territoire amène à la représentation que les
~uples se font du tenitoire. L'identité sacralise le territoire et le territoire sanctuarise
l'identité. Cette démarche est universelle; elle s'est généralisée au xxc siècle avec le
modèle d'État-nation véhiculé par le monde occidental. À des degrés divers et avec des
intensités variables, le besoin de territoire, la "libido territoriale"l, nourrie par
l'imagination identitaire, constitue l'une des bases de la géopolitique. Tout
géopoliticien doit donc s'attacher à cerner les représentations humaines nées des désirs
territoriaux.
Le géopoliticien François Thual distingue les utopies des u ch ronies2 . Les utopies
sont en dehors de la géopolitique; ce sont les idéologies, par définition détachées du
rapport au lopos, au lieu, à la géographie. On a vu qu'on pouvait opposer une lecture
idéologique des relations entre les communautés humaines à une lecture géopolitique
de ces relations. Les uchronies sont, au contraire, en dehors du temps et rivées à la
continuité historique qu'impose le terrain géogTaphique.
Aulrlch•
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Ho.p1c -.:n11tllc
liDUlacklaGtadc . . . . . . . . 1914
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1 A.'-'' J Sl:LLll:N • .-11/m ,/1·1 l''"''l'J,-, .r1-:",-,'f'•' .,.,,,,.,11,·. r..•..~ - l':in :-. l.J [À'ù>ll'-~'-'. 1-NS : 8 LORY . l '1:."urv~ bcl/i:A.uth/,..,._
JL li.JI~ .J m1.1jn11n . rouis, l: ll1rscs, J •)•)41
1 r l.:\C:O"l l: drr .. Ou-1wm11lf1 l· d,· .i:.1:1•/ '"''' ' "'4"··· l'.1n ~. fl.11111noir1l•ll. l 'N:t . an1~k ·1~tl"" t.>U •t::n:lZ br.sil" ll"i.-'ma1t\)fl
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J I'. RENOLl\'IN , lliHPlf"•" .Ir-.\ ,.,·/,ir ù m .• """"'""""'"'~/t:.\", Pan ... lla..111.:llc, 1115~ . 1. VII L ..~ L"rLJL".\" ,1u .l..\'"' wn:l.t. /_ llt: '"''" u:
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--•ll-u191J
- - • 191la,..-apre. 1911
.,,..,.. ....... . - ....... 1211-1241
·En 1848, Bratislava, ex-Pressburg ou Pos:wny en hongrois, était une ville hongroise
en plein processus de slovaquisation, du fait de son développement économique; que
pouvaient les revendications hongroises face aux réalités démographiques qui
s'affirmaient 71
- En 1848, Prague2 était encore à prédominance allemande ; la ville se "tchéquisa"
rapld~ment ensuite, lors de son développement économique. Là encore, les
revendications allemandes entraient en décalage avec leur temps.
·Vilnius fut une ville polonaise avant d'étre "lituanlsée" dans son développement3.
Comme l'écrit François Thual, "dans le cas des grandismes, une foi.li l'objectif fixé
par rerérence à une période du passé, plus aucune analyse ne saurait perturber le bi~
fondé des ambitions territoriales ainsi définies, que ce soit la mutation démographique,
les réalités géographiques, l'insertion desdites régions dans d'autres cultures
politiques. Rien ne peut avoir prise sur la revendication, seule compte la rKomposition
li l'identique d'une époque plus ou moins fantasmtt par un groupe politique. Comme
dans le cas des panismes, les grandismes sont hermétiques à tout dialogue avec Je réel
Engoncés dans une schizophrénie historique, il5 ne peuvent que déboucher sur une
paranola de comportement qui justifie de telles récupérations et se revèle en général
agressive."4
Carte 58 : La Grande Hongrie
Carte 59 : Le peuple albanais à cheval sur les ~tais
Carte 60 : La Grande Bulgarie
1 J. ANCEL, .. L'Éuat aulnchicn'•, 1n E. PETlT. M . ALLAIN . A . GANEM Andft du .• HistoUT LJ~JJ. i/l..oTr ,._ psp d
él'tftlPlu . Paris, Lîbrwiric Aristide Qudlct.. 1913, l. VI : U~ nlvol1111o#u fWl10#HJla -
/ll41l-lllJP - . pp. 41..$9.
l IJ<M
l A. TIBAL. •t..a ~tav. balltqurs... i n E . PETIT, M . ALLAIN, A . GANEM d1r . Hi.~,.,;,.., l.11tivwr.rftll Il~ Jo 1'fl!U • . ,
ptttpln, Pau, Lib,.inc AMidc: Quillet. l'illl, t. VIII : /.'Eump~ t•r ntrulr -Ln
boa baJll!.'f, pp. :S2S-S41 .
4 f . THUAL u . ,,,de IUritaln·. r.ns. ~U î psc!". J 9 QC)
SO. ROY. L 'kh« tk l'/J lam poli11q11t'. Pano;. Le Seui l. 1992 ; M .S. A.L-ASHMAWY . L 'rSS-,,ù.w CSMW nn... Le
Oft.auveftcflll -mu. Paris. Le C eitt, l llMlJ
6 M.l! MARTY. R.S. APPLEUY . l-"u1"'°"'91ttulL.,_, Olfd tlH• Sluh'. R~ ,,_,l~s. EeoltOl'flo . ..d Mlllfatitw. Olicaeo G
l.ondon, ChiC910 Prest., 198 4, chur 11 : " thndu ft.mcllmenut..h s m amJ thc- 'Jmlenual slabihty orJndie•. pp. 2l~2:56 .
Parti~ 3. P~nuartt"IJC&! dn 1dmtilt!
1 On p;iunait mftnt du~ que Je mtionalismc apparu il avec: la Révoluuon françousc _4, vanl <.· 'est un scn11men1 rwuno1 1quc qu 11r
f.... lm dllcbaDm1profond6 UD pay!io d une fid&!lilé 8 un roi .
2 O.. le eu dt Il Frutt 10uu:fo1s, Il Km.bic bien que les 5Cp111'11IÎ!'imcs hLLtoque, breton Cl co~c u1cnl JUU~ de 111 1oltnna
~dt rÊlal républicain i l'q.rd des cultures n:igionalcs
l Ci C.OAAt, L 'ElllVp&' t>I l'On~nf. Je la /Jaltanuatlun D la lihoniwtum. hi.\·fmrt• J'u,,.: mr1Jcn1UI l nurcmnpllt>, Pans. U
D6twwnc.. 1991. Oa '1 retrou\'c une: caui1nc no1ialyic d~ empires communautaires d on1 le s vertus pnc11iquc!'i sont orJlOSil!rn 4 lk!i
mai-ca .-1en1cnL. ldon cd auLaar, pu C't!'<nc;:c bclliqucujft.
4Y. PEJUUN . T BAUZOU , IK la Csfi U 1'1:."rnpirc · hi.flotrc dt• Rumt·. ruris. Flhpsçs, l'J~J7 , J Uf:HENCiER. C-4umc~
~ /llJ..191&, Paria. Amand Colin, 191M . Ccpe111.1an1 l'Empin: ou1111m-hunaro is e u t Io venu <le foin:- couislcr de rc111cs
- . . . fla Ull lppâilJ. ck pWuana. voistns. •llc:rnaml c:I russe. M. HEL LER . 111.ftuirt• J-.• /~ Ruufr 1.•t 1/~ smt ~mpir"· Paru.
- 1 9 9 7.
SN. PlCAUDOU. La Poleitlnlms, un sJ;cJr cl'hls111lrr , IJnntcllcs. Cumplc•c, l 1J 1'7 _
6 A CHAUPRADE, F THUAL, D1ctlonnolrf! J~ 1:,c!npa/mqm.' . 2• ~d , rnnlli . fllllpscs. 1"9 1J · nn1dc "Grttc" ; tire 'ptcmcrL&.
aa rmùlll mtrr: les onbodo1• 1R" ir:t le- m11on11ha1n. on1bca, G . MAT.lNëfF , L ..• C:11r11,•t ur111>1.-. n!c!c.I. Pari•, L11 T•blc Rron.k.
11171. La"""" Vcnrulloo. • -. 2l0 p
O..pllre 1. l.c!dan, l'ethnle, I• natton et le termon"
6.2. Archéologie des "joutes" entre les Grecs. les Perses. les
Phéniciens. les Égyptiens et les Juifs
La révolte mésopotamienne contre les Perses se fait sentir presque dès Cyrus, sous
Darius - 521-486J. Les défaites perses face aux Grecs en 492 et 490 n 'ont fait
qu'amplifier les velléités nationales des Mésopotamiens face au joug per.;e. Une
1 W. tllLGEMANN. H. KJNDER, .'4tla.~ h U torlqm~ ( l>t> l'upparrt1on J.- /'~ .nv lt1 ~ d /'b? aloMiqw,I. Puis..~
~ 1997, JI. lJ, (U'ld. Ji: Atlas zur Wt"llge!tc hk htr. Deuucht"r Tasc henbuch Verlq. G .M.B.H. et Co. K.G. Mwatc:ll. 1964)_
1 /o.km.p . JJ .
1 ~ -C. AMOURETTI , .-. RUZE . L~ mondit- grn:- '"''"Ill(", P1.1ris, H•chene. IY90
insurrection à Bah~·lt>ne est scv~rement réprimée et Darius ne se fait guerc d'1llus10n
sur la solidit\' dl' son empire <'n Mésopotamie puisqu'il fonde une capitale impériale
loin de •'t:'llt><i. au cœur de l'Iran, dans une ville nouvelle nommée Persépolis 1
L'•lcho d•'S \•ictoii<>s gn.>cques st' traduit par la révolte "YMémati<jue de,
Mt!sopotamiens cxm~ la domination perse . Ainsi, lorsque Xerxès essuie les revers de
Salamine en 480 et de Plo tee en 479, on assiste au rétablissement de l'indépendance d~
Babyloniens. Au lcmle d'un lung si~gc, Babylone est cependant de nuuvcau domptœ.
En 430, le \'Oyageur grec Hérodote, en visite à Babylone, témoigne des riches~
fabuleusei: de la \'ill<!, mème dominée .
Au v~siècle, dans la guerre qui les oppose aux Perses, les Grecs trouvent des alliés
dans le monde proto-arabe - un monde qui épouse les contours du futur mondl'
arabe. Faœ à c-ette alliance, une tribu sémite qui était jusque-là restée à l'écart du
développement, de la richesse et de la puissance, saisit l'occasion de sa revanchl' <'n
devenant l'auxiliaire de l'impérialisme perse. En Égypte par exemple, la communaulé
jui\•e d'Éléphantine est l'alliée la plus sûre des Perses ; la communauté juive veille à
faire obstruction au retour de l'indépendance égyptienne2. Au contraire, en s'opposanl
à l'hégémonie perse. l'Égypte bénéficie de l'alliance avec les Grecs : la flotte égyptienne
peut ainsi compter sur la puissante flotte grecque pour combattre à ses côtés.
La renaissanœ de la puissance égyptienne pousse un n1oment les Grecs à se tourner
vers l'ennemi perse. mais la méfiance viscérale reprend bien vite le dessus et fait
échouer une allianœ contre-nature ; l'Égypte est sauvée vers 370 .
Pour les Phéniciens attachés à leur indépendance\ la conquête de Babylone par
Cyrus, en 539, ne fait que remplacer une hégémonie par une autre. La cité de Tyr qui
est épu~ suit d'abord Sidon dans son alliance avec les nouveaux maîtres du pays
dont les sentiments anti-helléniques peuvent, pense-t-elle, servir ses intérêts
commerciaux. Il y a en effet une importante rivalité économique entre Phéniciens et
G~ pour le contrôle commercial de la Méditerranée ; si Grecs et Perses s'affronlent
en mer Égée, il est établi que les Phéniciens sont gênés quant à eux par le commerce
grec en Méditerranée. Cependant, lorsqu'ils constatent que leur pui ssance maritime est
en perte de vitesse, les Phéniciens renversent leurs alliances. Certains dynastes des
cités phèniciennes cherchent à se rapprocher des Grecs, et ce d'autant que les Perses
font montre de faiblesse . Sidon se révolte en 351 contre Artaxerxès Ill, mais est détruite
par les Per.;es qui font périr ses habitants dans l'incendie de la ville.
Lorsque qu'Alexandre le Grand arrive en Phénicie, il est accueilli en libérateur. Cela
n'empëche pas le Macédonien de massacrer les Tyriens qui en d'autres temps - en
480 - avaient su mettre leur flotte à la disposition des Perses pour incendier Athènes.
Avec les Juifs, les Phéniciens sont les seuls Sémites à avoir joué l'alliance avec les
Prr.;es. Faut-il rapprocher cette exception antique de l'alliance des chiites du Sud du
Liban a\·ec l'Iran chiite"? Ou bien des réserves que le Liban a toujours affiché face au
nationalisme arabe et de sa volonté de mener une politique étrangère originale, à l'abn
des puissants voisins, qu'il s'agisse des voisins arabes ou juifs ?
Dès !'Antiquité, de solides constantes géopolitiques sont en place. L'alliance dl's
Mésopotamiens et des Grecs au temps des Guerres Médiques annonce l'alliance
contemporaine d 'Athènes avec le nationalisme arabe dans le but de contrer l'allianc~
turco-israélienne et l'innuence de l'Iran.
1 L OB.APORTE. ·w ucirn1, peuJllC's d'One!nt " cl Ci LI\ FLIZF . " l.;1 <irccc um.:u:nuc". 111 1: 1•F Il f. M ALL,\1\ .
A (jA.~EM dir., /fu101fY 1.:n;,·1•ru:J/r 11/u.flf'à• Jt:.f pu_r t _.t 1A•.1 Jlc.' llJll.:.1. 1'.1ns , l.1hra111c A11 stu.k C)1nlk1 , 1 ~1 1l . 1 1
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4 \* RICHARD. L 'i1lgm clt111•·. hm.. h'.filrd. 1991 .
7. Dynamiques d'expansion ethnique :
impérialisme et colonisation
L'impérialisme est la dynamique d'expansion territoriale d'une ethnie ou d'un
rusemblement de communautés ethniques à partir d'un État. La colonisation est la
dynamlque d'implantation sur les territoires nouvellement conquis et leur exploitation.
Impérialisme et colonialisme sont depuis toujours des ph~omènes indiallociables
de la vie des peuples. La recherche des ressources, eau, terrains de chasse, ou abris -
cavernes - poussa très tôt des groupes humains à s'emparer, au détriment d'autres
groupes humains, de territoires et à mettre ceux-ci en valeur à leur profiL
En premier lieu, nous verrons en quoi impérialisme et colonisation sont des
dynamiques essentiellement géopolitiques. Nous donnerons ensuite deux exemples de
dynamiques colonisatrices anciennes, bien antérieures à la colonisation européenne à
laquelle nous avons parfois coutume de résumer le phénomène de la colonisation: la
colonisation grecque de la Méditerranée antique ; les poussées impérialistes des
Barbares qui conduisirent à l'ébranlement de la pu rcmuma.
IC. Pl!LLETAN. "Lo Ro!volulion" . in E. PETIT. M . ALLAIN. A GANEM dir., Hütow U"l-le l/hu_ . . _ . . , . .
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indo-européennes, les proto-Grecs, Ioniens et Éoliens - Achéens. Les petits groupes
qui ~ètrmt lentrment l'aire pré-hellénique se mélangent peu à peu avec la
population primitive méditerranéenne pour former une population pré-hellénique 1.
Du point de vue géopolitique, l'extension de l'aire pré-hellénique à l'Asie Mineme
- Milet - ' Milo et à la Crète se fait au xv~ !lü!cle av. J.-C. On relève alors des
ftlbllssements en Crète, à Rhodes et à Chypre2. Cette extension ne s'arrête pas là. Très
IOt le monde grec, que l'on peut considérer comme notre premier ~ occidental,
lait preuve d'un activisme géographique important. Les qualités expéditionnaires de la
thalassocratie minoenne sont vantées par l'historien Thucydide lm-mime. Dans la
tradition grecque du temps de Thucydide, le souvenir des Critois !lillannant la mer à
haute époque est vivace ; "Nous avons affaire à UN! civilisatiDn ouverte sm
l'extérieur''l. Aux XVIe et XV" siècles, les Crétois entretiennent des relations avec
l'Ouest. les îles Lipari et la Sicile ; ils envoient des ambassades en Égypte. La Crèœ est
un vmtable phare de la Méditerranée; elle n'est pas seule. Traie, Otypre et Santorin se
taillent également une renommée : "Les Crétois pratiquent un commerce mari~
important avec Cythère et les côtes du Péloponnèse, et plus loin, avec la Mésopc>tami2,
la Palestine el surtout l'Égypte."• L'effondrement définitif de la Crète se sitw! vers 1450
'vraisemblablement à la suite d'une invasion mycénienne"s. Mais dès 16Œ> av.J.~
après une nouvelle vague de conquérants indo-européens - les Achéens - , une
civilisation rivale s'était constituée en Argolide. La légende veut que Danaos qui
s'installa à Argos, ait eu pour descendants les Danéens, nom que Homère donnait aux
Grecs. La civilisation des Danéens, à la fois plus austère et plus guerrière que œlle des
Ctttois, s'organisa autour de la ville de Mycènes et, à partir de 1500, colllm!RÇll à
prospérer el se répandre dans le monde méditerranéen : Thessalie, Béotie, Attique, à
Pylos en Messenie, en Laconie. L'extension géopolitique se fit aussi en dehors de la
Grece. Les Achéens colonisèrent Rhodes, Chypre, les côtes de Syrie, de Phénicie et
d'Anatolie et, vers l'Ouest, parvinrent vraisemblablement jusqu'en Sicile et aux Iles
Llpari6. L'Iliade et L'Odyssée de Homère 7 nous fournissent de nombreuses informations
sur l'aire de colonisation mycénienne. La Tradition en atteste au moins par deux récits
l~daires.
- La légende de Jasons qui part à la conquête de la Toison d'Or avec les Argonautes.
Le héros s'empare de la Toison - symbole de la richesse lointaine - qui se trouve en
Colchide, à l'extrémité orientale de la mer Noire et après diverses aventures i.. rapporte
en Grèce. La légende souligne la fascination des Grecs pour les richesses orientales.
- La guerre de Troie: les motifs qu'en donnent les Anciens à la suite d'Homère sont
légendaires. Les Achéens auraient mené une expédition contre Troie pour reprendre
Hélène, épouse de Mélénas, enlevée par Pâris ; le siège de la ville aurait duré dix ans et
se serait terminé par la prise et l'incendie de la cité. L'épisode de la guerre de Troie est
riche en leçons à bien des égards. Tout d'abord, les causes de la guerre de Troie, qui est
1 M.C. AMOURETTl . f . RUZÉ. U ,,.,,.. ,:rT'C' an1"-J11~. Puis.. Hacbcnc.. 19'90. 3:?0 p.
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Juan ri ICI Arsanaut••. pp. 1R1~ l BJ.
l'"rtu• .1. l't>mrnn~nrr dr.11 idimtr1n
un.• n.'olhtt hist1"ri\jU<' t•t non "implement une épop~ légendaire, sont d 'ordre
gok>p<>htiqu...
Lo ll'I"~ de Troie trou•·e son origine dons la volonté d'expansion des Grecs au
nord Je l.i m"r E~. •-olonté qui se heurta aux Troyens lesquels leur interdis.aient
l'a.."l'è: à l'Helle;pont. L'on vit ollors la constitution d'une Ligue achéenne, dirigée par
ApDW'mnon. dédd°"" à attaquer une autre ligue formée des peuples vassaux d'Asie
Mi~ure alliés à Tn.,ie. La conqu~te de Troie vers 1180. confirmée par l'archéologie et
les îouil~ de Schliemann au XIX" siècle, allait donner naissance aux épopées
~riques . Ce iut sans doute le dernier haut fait des Achéens, car les historiens
!'ttuerll l'.lpo~ du monde mycénien entre 1400 <'t 1200; c'est durant cette période que
la thalassocratie myC\!nienne s'est épancht'e sur tout le pourtour méditerranéen .
le mondt? mMiterranéen connait aux XIII" et XII" siècles av. J.-C. une révolution
gt!opolitiqu" majeure 1. les cités mycéniennes sont frappées par une vague de
destruction. les caus..>s de ce bouleversenlent restent mal connues2.
Toujours t?St·il que l'on observe d'importants mouvements de population. Venus
des tegions danubiennes, les Doriens investissent l'espace grec. La Tradition présente
l'im·asion dorienne comme le retour des Héraclides. "Les descendants d'Héraclè
seraient revenus pour rentrer en possession de leur royaume dont Eurysthée, le roi de
Myœnes. les a•·aient spoliés" 3 . À côté de l'invasion dorienne, la Tradition parle d'autres
mouvem"'1ts de populations causés par l'irruption des Peuples de la Mer et qui agitent
l'aire mediterTanéenne en modifiant considérablement son profil démographique et
ethnique. Nombreux sont les témoignages en Égypte et en Palestine notamment. des
incur!<ions ,;olentes de ces Peuples de la Mer. Ainsi, une stèle du règne de
Mmerptahen - 1230 -. l'autre du règne de Ramsès !Il en 1191 énumèrent la liste des
populations qui auraient attaqué le delta . Elles mentionnent les Akamash parfois
identifiés avec les Achéens et les Peles ou Philistins qui s 'implantent en Palestine-!.
La venue des Peuples de la Mer ébranle l'ordre en place au point de provoquer la
chute de l'empire hittite. Toutefois les historiens continuent de s'interroger sur les
causes prédses de la révolution géopolitique des XJIJC et XIIe siècles. PlusielU';
h~-pothèses sont mises en avant, outre l'apparition brutale d'envahisseurs extérieurs.
Certains avancent la possibilité d'une crise intérieure économique du système-monde
méditerranéen provoquée par la chute des empires orientaux ; d'autres font reposer le
bouleversement de la géopolitique méditerranéenne sur une variation brutale des
conditions climatiques et sur de violents séismes conune l'éruption de Santorin.
La révolution géopolitique des XIIIe et XI" siècles provoque l'écroulement du
monde mycénien, et il est certain que l'irruption dorienne a joué un rôle majeur dans
œt effondiement5.
A cette époque, la densité de peuplement diminue et certaines régions se voient
désertées. On passe ainsi de trois cent vingt sites connus au Xlll" siècle à cent trente
pour Je XII• et quarante pour le XI•. Les régions les plus touchées sont la Laconie et La
Messénie ; en revanche dans les régions épargnées. des réfugiés apparaissent : en
j/-
Llllpll"' 1. Leclan. l'.,lhnl.,, la Mtion "' '" terrltnlre 2S9
Eul>tt à Chios, 1m Attique à Chypre ; la côte de l'Asie Mineure et d"" tle voit l'arrivée,
lffilt', de populations grecques après 1050. Les nouveaux arrivants fondent de centres.
Sparte nu voisinage d'Amyclées, Argos près de Mycènes, Thèbes près d'Orchomène, et
les Achéens se dispersent en Méditerranée. Béotiens et Thessaliens se dirigent vers la
côte Nord de l'Asie Mineure, tandis que les Ioniens 90Us la direction de Athéniens se
fixent en Eubée, dans les Cyclades el dans la région centrale de l'Asie Mineure
ultérieurement appelée Ionie. Enfin, certains Doriens émigrent : Théra Rhodes, la Crète
et les comptoirs du sud de l'Asie Mineure.
Inversement, si le XII" siècle est le siècle de la destruction de Troie et des palais
mycéniens, il est aussi le siècle de l'essor du Moyen Empire assyrien, des cités
phéniciennes el de l'émergence des Etrusques en ltaliel .
Cette période de mutations importantes est en fait marquée par l'européisation du
monde gréco--méditerranéen. La religion grecque se met d'ailleurs en place par
synthèse du fond méditerranéen - Déesse de la Fécondité et Déesse Mère - et des
Dieux indo--européens2.
Ainsi le monde grec émerge-t-il par l'Europe, sur les vestiges des civilisations
mycéniennes et crétoises. Méditerranéenne, la Grèce va apparaitre dès lors comme la
première civilisation européenne car sans l'Europe, la Grèce n'aurait pu s'affirmer face
aux civilisations orientales3_ C'est l'Europe qui fait entrer la Grèce dans l'âge de fer, aux
)(]•et xe siècles. De la même façon que la Grèce va s'imposer comme étant la première
ligure civilisationnelle de l'Europe, il est possible d'affirmer que la période de
grécisation de l'Orient qui s'ouvre marque également la première incursion de l'Europe
en Orient.
1 W HILGEMANN. lt Kl"NDER ..<trhu " i..{/U/"l'/IH' tO..· l"•'('f'CUIÛH1 1 J.• l'lu.>mm~ ~11r lu rotnv- ,j l'i-IY oltolft"(W' I . reCd., Paris..
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l R GROUSSET , B i ltJn Ji.· /"h u ro m.' . l'Ano; . Ploln , l ~h
.a J -N. COAVISI E R. Lt-.t c;,.,.o ,; l'~f'lf""I"• " urc·lttJ r..,,,•• , P.:ari?!I. Elhps...."'!. l~ .
~M C A!\10 URFTTI . F Rll7.E: . L,· f9'11mlr' _cn·~ · •"''''lut·. Pari s. Uachcnc . 1~. • c ir la duunolug1c Jin pnnc tpalcs (~
colo1111lcs p. 71)...71 . J.N . {'O R\' IS lt:N. . L•'·' , ;,,.,-_, ,; 1·,;1 ... "110 · .1n.·h ul-1ur-. Panll.. 1:11•P'lo-"S. \~. ,•01r ln. ~ tabhs.scnx-nf 8fec:5 en (lnml,
r 170 En Onmt a~ . le• Jeu.' pnm: 1rau.x Eiru s M\.aux sont Samos et Milet.'""'-· p. l ~4-175 .
6HfROOOTE, /htw in.•.,·. ran s. Le~ lkollcs Lc t1rcs. l<IS 5 . ::?l.Mr . l. IV . 11 - 1~ .. pn:m~ eJi11,"1C1 1<.145
1...1 Gn.'\..,,. Jt' la Mt'..litcrr.int'c du VIII'' .rn VI" siècle ...st le trnit d'union entre Ori1mt et
Qo.iJ~nt . l...I \.·•uloniSi\lllll\ gn.~que crêc li.!s hases nécl.•ssain?S i.\ la naÎSti&lJ1Cl! J UJ1 1
1 \li' HILI.iEMA1'"1'ii. H KJNOER . Allœ hu1or1qu< rlJe J'appuruüm dL· l 'Jurmm.· "". Io Jt •rr.• ,, l'.·re· ''''""''lu•·J . P•n• . r('l'Tl fl.
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pmntfft &Utionl
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~tda pnpio. Pmu. Librairie An1t1de QuillcL, 1911. 1. I l . La G aule Romu1nc , l"I"' J J-45
S Nouvelle Êc:ob:. '"La lndo-.E.un:rpêrns" . 1~7 . n• 49 . J 8 . DUROSELLE . J_'Europ r. J,;.~ wlrr d i• .lfc•.t l"'"P'~ ' . r.ri\.. rcml\.
19'0, ed. Hllehfttc Plurit:I, p. 4K-50.
Trois groupes de Germains sont généralement à distinguer1 ;
- les Germains du Nord, tribus demeurées en Scandinavie;
- les Germains de l'Est, proches des précédents et qui ~igrent de Scandinavie dan11
la ~on à l'est de )'Elbe - Vandales, Burgondes, Goths, Ruges;
- les Germains de l'Ouest - Rhin Weser et Elbe - répartis par Pline en trois
groupes, non pas ethniques, mais civilisationnels : lngaevones - mer du Nord-,
1st1evones - Rhin - , Henniones - à l'intérieur des terres, qui tireraient leurs nolll5
de trois fils de Mannus. C'est à ces groupes qu'appartiennent les Chérusques, les
Ubiens, les Bataves, les Chattes, les Fraru:s, les Chauques, les Frisons, les Saxons, la
Suèves, les Sernnons, les Hennondures, les Lombards, les Marcomans, les Quades, etc.
1 W HILGEMANN, H. KJNDER. A1/ru hi.J.tur11/Mt> rO..· /'opptJririon ,,J.. l'hi.Hrt9k .~lu 1.rm· .z l'~rr ~Jy rm:t.. ~
-..1997. r . 105.
:? R. GROUSSET. Bilan n11 · l'His1cm·t>. Pari!'i. Ph1n. l ~fi
)/-
• ,. PERJUN. T HAUZOU. D1· Je1 citr" l't:n1p1ri-. Paris. Elhpscs.. Puis. •997 . M. LE GLAY, Ro.w. G,...._.~--.. f,,
•'1mme alliè\ ~ur ll-s frontières et IC'ur v"'rsent une solde annuelle pour la défen!IC de
-~11,-;1 ,
En J7S. ll-s grandC'S invasions marquent le début de l'effondrement de l'Empire
rom;iinl. les Wisigoths, pourtant étal:>hs par traité dans l'Empire, se soulèvent en 376,
sov.s le ~me de V.llenœ - 375-378. Écrasé par les Goths à la bataille d'Andrinople,
Valenœ nwurt en 378·'.
La dire.:hon bképhale de l'Empir<' romain, d'Orient et d 'Occident, s'affirme de plus
en plus ; pour l'heure cependant, il n'existe encore qu'un cmpen~ur, doublé d'un co-
empereur. Mais l'heure approche du sacre de deux empereurs héritier.; de Rome, l'un
héritant de l'Orient, l'autre de l'Occident. En 379, Théodose l"• est nommé cc-empereur
pour l'Orient p.ir Gratien. Il établit les Ostrogoths en Pannonie et les Wisigoths m
Mac'édoine en 38?1.
En 380, par l'êdit de ThesSillonique, l'arianisme est interdit en Orient et, !IOus
l'influence d'Athanase, le catholicisme devient religion d'État.
La di\'1sion bipolaire de l'Empire romain est consacrée après la mort de Théodose le
Grand - 394-395. L'Empire se scinde en deux, divisé entTe les deux fils : Arcadius
dev'if'nt ~mpereur d'Orient, Honorius d 'Occident. C'est la fin de l'unité impériale ;
l'Empire d'Orient suit dl$ormais sa propre route, tandis que celui d'Occident entame
son declin, après un exil de quatre vingt ans à Ravenne - établissement de l'Empire
d'Occident à Ravenne en 404.
&>us Alaric, qui prend le titre de roi, les Wisigoths cherchent de nouveaux
teniloires; après une expédition de pillage à travers les Balkans et le Péloponnèse,
Alaric de\'lenl magi~tcr milih1m pcr 11/yricum. En 401-402, les Wisigoths mènent une
expédition en Italie. Alaric est battu par Stilicon à Pollenza - 402 - et Vérone
- 403 - , il assiège Rome après la mort de son vainqueur en 408, et pille Rome en 410.
Alaric passe ensuite en Afrique et meurt à Cosenza en Italie du Sud5.
En 410-415. Athaulf, beau-fTère et successeur d'Alaric épouse la demi-sœur
d'Honorius, Galla Placidia, sa prisonnière. Après sa mort, son frère Wallia fonde le
ro~·aume toulousain des Wisigoths.
En 476, Odoacre dépose Romulus Augustulus, le dernier empereur romain
d'Occidenl Ainsi, de 375, date à laquelle la pression des Huns à l'Est provoque le
début des poussées germaniques vers l'intérieur de l'Empire romain, jusqu'à 568 avec
l'établissement des Lombards d'Italie, les Germains orientaux auront été les acteurs df'S
grandes migrations européennes et les responsables de la chute de Rome6.
Des royaumes germaniques remplacent désormais l'Empire d 'Occident.
1 J BOL"SlOl. ·les 1n.,.as1oru. barbaus", 1n E rETIT. M ALLAIN , A. G,\Nl :M J1r . //1dm ra• L.ùm ·1·r.H· ll~ 11/uJtrt.' I' ikJ /"1)'
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.,....
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Clwpll~ t . Le clan.. l'ethnie,. la nation et Ir lcnitoire 265
Les Huns sont chassés de Chine aprës la destruction du deuxième empire hun du
Turkestan et de Djoungarie - 36-35 av. J.-C. - et pénètrent dans la steppe de la Russie
du Sud. En 441-453, Attila est monarque. Il attaque Byzance puis se dirige vers l'Ouest.
En 451, il est arrêté aux Champs Catalaurùques ; vaincu, il se retire après une incursion
dans la plaine du Pô, jusqu'au centre de son empire - plaine de Tisz.a4.
\ r . \'tOAL DE LA OLAClll:. l Ci .• \LLOIS J1r.. G,;,1grul'h1~ tmn't·r.<rd/1._ P.. ns . .\mw.nJ Cuhn. 19:!7-lll~tl. l Viti
R. lllr\NCllAKD. F GRENARO. Arn• •0iT11lt•,,ft1f.-. ll11ul~· · Asu~. 19.::!I)
:? X de: PLANHOL. Lc·.<r .\·,111nn.or d11 l'n,11111··r.· .\1"1w.·I /:';.,,'K'"''l'Jr"iu•· Jr 1•11/11111111· m1.1.q1/1ft4J1tt.·. Paris. filyant lqo,,J.l _
~ J.P . ROUX. Jlu111in• ,J,., n,,, ·.~. r"ans. F11y;uJ. 1llK-1.
~ J. SCHMIDT, J.ll' "'""'""'•' 11·i.o .1:1nh J,· Tcmfllu .... -. Pano;, , Perno. 1o.>Y~. r . 5.l
~ p CllUVIN, ( "llnm1y11,· ,/,•.• ch•r111,., , /'<Ût'll.I' 1l..:1 J1.~r1trlll• >tt ·"· l"'t...-:.Jm.•lft•' ~1u l'E"'I''"" ro'"um, .iM ~edl Co.it;tlGlll11ta
rr/wlJirJu.mnt.-nJ . 2cftJ. raris. lrs Belles Lc:ttfi:s..' Fnyuni . 1'ill.ll , .:u11 ·tt1:(h.>ire"'
G•mtalM fll/U1 ""'1111 ••r k Jo/ rollMlln
ri l•un tampa1nt1...,.. IV· V• llile/n
Goths
Wisigoths
Osrrogoths
Vandales
Jures
Sue•cs
Lombard.~
Francs
Burgondes
Alamans
Angles
sa~ons
61. La invaaioru barbues au vc tiède 0 .!1;1hlisscmi:nl Jc1o Gcrmo11n" 11\';1nl fl' UI l'IHn.'1.· , ,.r k ..:l1l 1\'IHi.llfl
c."hlrttn! 1. Le clan. l'ethnie, la nation et le teTritoire
/.f'!C '·andalP....
Sous la pression des Goths, les Vandales 1 s'établissent en Slovaquie et en
Tr~ns\•lvanie. Avec les Quades, les Suèves et les Alains, ils franchissent en 406 la
fn'ntiére du Rhin, et atteignent l'Espagne via la Gaule en 409. Puis, commandés par
Genséric - 428-477 -, les Vandales passent en Afrique en 429 et y fondent leur
~waume -429-5342.
· Après la prise d'Hippone - mort d'Augustin pendant le siège en 430 - et celle de
(Arthage en 439, les Romains reconnaissent l'État vandale comme souverain - 442.
('est le premier royaume germanique en Empire d'Occident. La flotte vandale domine
la Méditerranée occidentale: elle exerce une pression sur Rome qui a besoin du blé
.i·Afrique. En 455, les Vandales prennent Rome et, contrairement à la légende, ne
Jétruisent pas les œuvres d'art mais les Barbares pillent tout de même la capitale de
l'Empire. En 474, l'empereur d'Orient, Zénon, recoru1aît la conquête de la province
ron1aine d'Afrique~.
En 534-535, Bélisaire détruit le royaume des Vandales; l'Afrique du Nord est
reoccupée.
Lr ro_\·aumr wisigoth dt' Toulort.sf> - 419-507
Les Wisigoths reçoivent en Aquitaine<, dont la capitale est alors Toulouse, 2/3 de la
propriété foncière, libre de tout impôt, à charge de protéger le pays avec leur armée et
Jeur roi devient gouverneur impérial. Le royaume wisigoth connaît son apogée sous
furie - 466-484 -, lequel fonde la domination des Wisigoths5 en Espagne. En 484-507,
Alaric II tombe devant les Francs de Clovis à Vouillé, lesquels avancent jusqu'aux
Pnénées.
· Le royaume espagnol des Wisigoths - 507-711 - dure jusqu'aux conquêtes arabes,
non sans traverser de graves périls. En 551, les Byzantins qui sont appelés, conquièrent
Je sud du pays. Entre 568 et 586, Léovigild fait de Tolède sa capitale, repousse les
Bl'zantins, et conquiert en 575 le royaume des Suèves, lesquels s'étaient installés en
~pagne en 409. Entre 586 et 601, Récarède 1°' devient catholique. L'Église, alliée à la
haute noblesse germanique, exerce alors une grande influence. En 633, les Wisigoths
d'Espagne optent pour la monarchie élective.
Mais en 711, la victoire des Arabes sur Rodrigue - Rodéric - marque la fin de
l'ère wisigothique en Espagne et le commencement de l'ère arabe6 .
1J.B. DUROSELLE, L'Europe, hÎ.\'loire de ses p (.'Upfe.,·. Pul"is, Pe rrin . 1990, êd. Hochcne Pluriel, p. 118.
2 W HILGEMANN, H. KlNDER, Atla.t historiqul! (De l'appaririu11 de J'Jwmme .-.·11r lu fera· à l'ilre <llomiq11e), rééd ., Pllris,
Pmin. 1997. p. H 1.
! Y. PERRIN, T . BAUZOU , De lu c:i1C a l'Empire, Paris , Ellipses, 1997.
4 ~L'installation de ces anciens nomades dans des villes dont l'organisation Cl les struc1urcs symbolisent la sédcntarisalion fut
raie, aruccption des très grandes cités comme Bordeaux. cl Toulouse CO\pables d'accueillir des conlingcnts de Wisigoths et de les
ICI@~ dans des casemes, ainsi que de pourvoir au logement de Ioule la cour du roi ; le brnssagc des habitonl s, on dirait aujourd'hui
dn communaul.Cs, ne fut pa.s exempt de friction. Si les petites gens restèrent sur place. si les commerçents étrangers. en paniculier
da Syriens d'An1iochc. des médecins juifs et grecs, ?ISsimilêrent sens mPI ce qui constituait pour eux une nouvelle cliemtle. les
Pfopnétaires de l'aristocratie foncière pr-éférèrenl regagner Jcur rcrre ( . .. ). Malgré tout, les Gallo-Romains rcsttr-enl toujours
rn.joritaires dans les villes d'Aquitaine.", in J. Schmidl, Le royaume w;sigorh de Toulouse, Paris, Pen'in, 1992, p. 35 .
5 J.8 . DUROSELLE, L 'Europ1t, hi."lfoire de .1:e.s peuples. Paris, Perrin . 1990, c!d . Hachette Pluriel, p. 119.
6 J. BOUNIOL. "Les invasions barbares", in E. PETIT, M. ALLAIN, A . GANEM dir-. , Hi."ltoire Uni11t:r.w: lle ill11s1rt!t! des pays
"ÛJpeup/es, Pari,, Libntirie Aristide Quillcl, 1913 , t. Il . La Gaule Romalne, pp. 33-45.
r... rtn'tWnl~ ,,,._. Ro~nn.1.. ~
Ll-s Huns dc!tmist•nt le royaunu~ ostrogoth de la mer Noire. Après la mort d'i\llila,
ll'S Ostrogoths-' s'installent en Ptmnonie. TI1éodoric. d'abord élevé- comme olage à la
rour dP l'Empi"' d 'Oril'nt. devient Théodoric le Grand, fond.,teur du royaume
ostrogoth d 'Italie. Entn' en lt"lie en 488, il triomphe d'Odoacre que les mercenaire<1
fl'!rmains ;waicnt fait roi en 476, et qui avait conquis la Dalmatie et '" Sicile tout l'n
détruisant le royaume des Ruges sur le Danube. Il prend Rnvenne en 493 et Fond!' le
royaume 051Togoth qui durera jusqu'en 553 . Théodoric rève d'une confédération
germanique erigée contre l'Empire d 'Orient.
La séparation entre Romains et Goths reste claire : les mariages mixtes son\
interdits; les Goths reçoivent un tiers de la propriété foncière en règlement de leurs
sen•ices guerriers tendis que les Romains conservent l'administration civile et
l'économie. Les oppositions religieuses entre ariens goths et catholiques romains
emp@chent tC1ut rapprochement"' .
lbéodoric meurt à Ravenne en 526 et la guerre éclate entre les Goths et Justinien,~
partir de 535.
l~~ "':""llUmr drs Lonabrrrtl.c - .'i6R~ïï-I
Venus de Scandinavie jusque sur le cours inférieur de l'Elbe, les Lombards5 passent
en Moravie et fondent un premier royaume en Pannonie. En 568, ils envahissent l'Italie
et s.'établissent dans la plaine du Pô, mais aussi en Toscane du Nord en Ombrie, à
Spolète et à Bfaévent6.
Les Byzantins conservent l'exarchat de Ravenne, le duché de Rome, l' lstrie, le duché
de Naples, le sud de l'Italie et la Sicile 7 .
L'Italie est donc divisée en deux parties : l'une lombarde, l'aulTe byzantine _ plus
tard normande et papale. La restauration de la royauté met fin aux duchés en 584 .
Autharis, roi des Lombards - 584-590 - se marie avec Théodelinde fille du duc de
Bavière et inaugure d 'excellentes relations avec la Bavière. li est par ailleurs vassal du
royaume franc auquel il paie tribut. EnlTe 590 et 615, Agilulf rétablit la paix avec les
Francs et signe un arm.istice avec les Byzantins.
Depuis 600, les Lombards adoptent peu à peu le catholicisme.
Grimoald I"', entre 661 et 671, absorbe le duché de Bénévent et mène des comb.ats
victorieux contre les Francs, les Byzantins, les Avars et les Slaves. Entre 712 el 744.
Liutprand cherche à unifier l'Italie en soumettant les ducs de Spolète et de Bénévent et
1 J.8 . DlJRO§ELLE. L'E11mpo1. J.ürmrrdc- u:s p l'11pl<'''· Pari li , rcrnn, 19 1)() , éd lln r.; hcllc- Phmcl . p 122
2 ( 1 . de TOUR~ . /(;s1oirc dr1 FranC'.f , rttd Pans . L~ Hell e ~ lc11r.:!'-. Pans , 1996
) J fi DUROSELLE. L 'E11roJK. huJ1Jir-c J1· ·'~'·' p1·11pl..•.,, Poms, Pl!rnn . l 9'JO. cJ l la1.:hcnc Pluncl . r 1:? 1
'J ROl.:NIOt. ~Ln invasions barbues"', 1n [ PC:: IIT. M. ALLAIN , A <iANH•·1 du , lli'flmrt· Utri \ '1'r.<e1.' 1f,· 11/mtrf'1· 14·.1 fVl'
~·J PftJplr..1 . hns. Libninc Ansud~ Quillet. 1913. 1 Il . /."<,',ml..• Humulm ·. rP :n ..i~
~ J.B DUROSEl_LE, L 'Euro~. "Utnru '''" w .• pt• upl~.1 . P11n ~ . Pcmn . 1990 . Cd . l l11chl!ll c Pluriel. r 12:\
lt y,; HU .<Jf_\.t.A~"N. U KINOER, Atlas h1~1,,ru1uc: . f/J• • l '11pp11rUfrm J e• l'l11mmt•· .un· Io lr"1r1 · u / '11r1 · 'u"'""'"'"'· r.Jn\ , PtTTVI.
fti6d . 1991.p. 11~
1
7 JJ. NOJtWlCH . ll111uir1·d" Bv=anct'. JJO- UJ.1. Pan!ll . Penin, 19 19 , CV1k111p: , l .nndrc.;. l'JHMI
Chlpltre 1. l.t! chu\. l'ethnie, I• natton at le lerrllotre
en attaquant Ravenne et Rome. En 751, Astolf prend Ravenne. C'eet la fin de l'eurcha.t
de Ravenne et de Io domination byzantine en Italie centrale.
Entre 773 et 774, Charlemagne conquiert le royaume des Lombards et prend P;avle;
le royaume est urù à celu i des Francs mals le duché de ~évent reste indépendantl .
Traces de romani.talion
Ainsi, les royaumes germains viennent-ils esquisser les nations eW"Opéennes
futures el succèdent-ils à l'unité romaine d 'Occident. Pour autant, la vague germaine
qui couvre l'Europe de l'Ouest n'efface pas les traces de Rome. Comme le souligne
Grousset: "Quel que soit l'intermédiaire, nous retrouvons à la base de toutes les
nations européennes, le fait romain. L'immense avantage de notre pays, c'est d'avoir
1 r . RtCHf.. Les Ca1"01/11gien". unr /umitl~ 'I'""' l'E11nJ1W. Pori$. tl:.chcne. 19U. 191f7, cc:tll '"'Pluriel·. pp. 111- r 1.4.
l G. dt TOURS . /{;_,tu i rr> J r.t f"rum·.... lttd .. fan s. l~ Be lles Lcn.n-s.. P"a.ri..' 19'9t'I
J M. ROUCHE. Clul·i.t , rans. fayllt'd. l~ h. char . IX . "Lie mariage Je Clntikk-. pp. ?.2Q...2..<J .
-1 /Jrm. chaf' XI : " LC'ducl nec Théollom:'", pp. :?1J7- .l:? L
.S Jdtm. chq . Xll · "'La cons1n1c:11 un in•chc...-tc". pp. _1 ~ 2 - J4S .
fff romaniw dtreetemc.>nt et huit siècl~ av;mt les Allemagnes . Cette avance d'
huit s1kles que la Gaule a prt~ dans la voie de l'ordre romain, aucun progr~ matmel
lardi( ne de\"illt ~rTn<.>ttre au gt?rmanisme de la regagner"' · La civilisation esl
inconteblblemft\t romaine et marqutt par l'empreinte de l'hellénisme. Et d 'ailleurs ce
dernier n'a pas agi sur les Barban!S du Nord . On oublie trop que l'action de
l'hellénisme ne s'est fall sentir que dans les pays de vieille culture : "Asie Mineure,
Syrie. Égypte. Italie, lran. Inde bouddhique. Mais sur les peuples du Nord, l'empreinte
de l.a dvili.s.ation grecque se re.Juit a bien peu de choses : l'exemple des Scythes, des
Illyriens, des Thraœs est caracténstique à cet égard"2.
~ consoéquence géopolitique des invasions barbares est décrite par Michelet3.
Mais le Maghreb doit à la colonisation punique plus encore qu'à la Grèce. Marins et
commerçanlS, les Phéniciens fondèrent des comptoirs tout le long du littoral d 'Afrique
mlitR des Bourp.ipmm De dipnsalt pu mi1anlr rrullC' hommes . Elle p.1rco Wl'I Î1 rapidement un 1CTTi101rc ctroll. r.a.vagca 11 ~
dillrïd_ .a.qmit \lllr ville. cl iant6t te n:'linul t:nUTrRU!I s.on butin. tantôt s'ttabhssa1t quelque p;ir1 , soigncur.c 1.Jc ne pa.s lftJP ~
d:Upawf [ . ). (Ca in\'"lllllCllDJ diëtruiYiml · 1• toute ctm'C:Spondancc ttgulu:rc, hGbitucllc, f::1.1;;1h: enrn: d1vCT"'SCS parties du lcmtoLR .
r llD!.- ti6cwltr. 1au1e ~ive d'nmir elles bns.aicnt les liens qui uni ssent entre eux les habilants d 'un mlmr Jl:IY'I, la
ftlCftmllU d'lmC mhnc Y'tC ~ elles uolmml 1115 hommes, et pour cMquc homme. les Joumto . En beaucoup de hclJ.1.. pmdun
-.... ct....._ l.MpCIC'I du~ pvt: RSkr le mlme; 1n11is l'organ isation sociale êtail ;maqulf:c. une \l iJlc Ctoil pilltc. un c.hmua
ftDlhl mpnbcabk, Yrl pont rompu ; telle ou telle commumc.a1ion ccswi11. la cuhurc dt!-; ICTTCs dcvcnau 1mpos.s1blc daru tel ou 1.c:I
discrid . m w mot, Ji..tnwruc orpwquc.. l'acti\·1~ gtnbalc du corps soc ial élôl1cn1 choque Jnur cnlravcics , troubltct. : chaque JOUt 1&
dillollllioa a 11 san.Jytie fauucril quelques nouvc:aw; rirogrCs . 1 .] ToU5 cc10 lien s iior lcsqucb R ome é111i1 parvenue, epR:s 1.1111
d'cffc:rna. Ai 1111ir catn: elln la d1vnM;S put11:s du monde , ce grand sys1itmc û ';uJminis1m1iun, J'1mpô1s . de recrutcmcnl. de tnYlui
pablia. de nan, ac put le mmnlanr. Il n'en rata que cc qui pou v1111 s ubs1s1cr 1solémcnl , loca.lcmcm , c' csl-à ·dire IC1 débrn du
ftPmi: llUllC'isal La babHmb se rmfcrmih-mt dans ln v1llC'!I ; là 115 con11nuèrcn1 à se régir comme il!i l'ovo1cnt rait jadis, an:c I~
blllrnel ....._ S*" lem mflnn ima:iruûons Mille cin:cmstanca ptou"Vcnl ccuc cunccn1ra11on de la ~oc1été dens IC31 e uh ; en \'Oic1 l.Dt
.,-an • pa ~ IOUI l'ada:unislnlion roman>e : ce sonl le guuvemeuD de province. les consulaira , les conu1eun. k:r.
~.,; maapml la tcinc et r'C'Vlmncnl u:ru c.cuc: dam ln lu i~ c:I l'h1Slo1n: ; dans le V 1c iuèch: . leur nom devient bciumup
pha. raK . m vozt bim imcort da duc.a, des comics eu.xquels al confit le gouvcmc1m: n1 Lies pmvm cc5 • Ju roi!i barhan-s. , ·c1Torun1
~ ck tactrninistr-.1ian rom&iac. de aanln la mfmc1 cmplo)'t,., de faire couler leur rmuvrnf" Jun!i lu ml!mcs c 11n.au• . mau 11•
o'y fâauiMc1rl qaie rari inc:omplëkmmL. a\'CC sr.and dé.ordre • lcun duc \. s nn 1 plu1 ô 1 des chcf11t m il 11 n1rc10 qu.: des edm1n111raln1B .
~ ka aou\"crncun de provmcc n'ont p)u1 la m~mc 1mr10r1am:c , ne Juucnl plus le même rOlc ; cc r;onl le~ ttfl u\·cmt un lk
vilk q"lll rfttPftQC111 l'hil1oift , la plupart !ln cumlc' dç Ch1lpém.:. Je Ci un1rnn , de ThCo dcbcr1 . tlnn l ( 1rc!:gou c de Tuut':\ nconlt k'I
a.:UGD&. Md dn ~de: v1llr. t\abli111 ~H 1'1ntmc.·1..ir dt leurs nmr.io . ô &:6 tt d e leur i! vêttuc . Il y uurm l J e l'.:,111tni1 inn 6. du-c- que
la pnninm 1 dupaN, mai.J elle est d&.organ1Kc. Ynw con.oçistancc , prt:111quc ":\ns ré:1.h1é Lu v1lh.-. rtltm i.:111 rmmiur du monde
runaar&. "'1"\il ~ KU.le • .. Ni ne·.
C J GABRJEL-LEAOUX. Ut f"rrrtlrl'T$ cfrllualmm J" /cJ MéJm•rr'm,;•'. Pnr.i• , r .li F ., 11141. 1211 p . . X. Je Pl.ANllOL. l.r 1
/\'uJJOnJ .Al Pn:Jllltir~-
'4onwl 1tW.,.V,,hl'lur dr l"' lltiquc ntlUUlnton4!, l'aria. 1-".11)'&f"d, l IJ 1'1 , (1 . l26
(b8pltre 1. Ledan.. l'elhnle. la naUon el Je tenilulrc 271
du Nord, Il partir des cités mères du Levant ou de Carthage dès 800 av. J.-c.1 . Ces
nombreux comptoirs2 s'étalaient depuis la Tripolitaine - trois villes : Sabratha, Oea
ancêtre de Tripoli, Leptis Magna ancêtre de Homs et dépendance de Carthage -
Ju5qu'à Io façade atlantique du Maroc-'.
Le développement urbain du littoral d'Afrique du Nord est l'héritage direct de la
colonisation punique; cette colonisation pénétrait même à l'intérieur de l'Allas, dans
les sociétés berbères, où elle apporta l'l'.:tat là où persistaient les solidarités primitives.
1C. OAURAIN. C. BONNEl'. Lr." rh, 1nidrn.<c. ·"",."'·"dt. .,. rn1i.J cun11nents, P~ Armand Colin. 1Q92
l X. de PLANHOI.. Le." N.itlc>nt '"' l'n,J•h••te• .\,lllnut"/ g~f,t~roplriqJW tlr poNtk/tw •MSUI,,.,,,... ~ Faymd. 199). p. J:.:!1
J Ea Slouire. Sale - Sal~ -- c1 l .1:\u,o ·-· L4mcbc.
-
CHAPITRE 2
LA LANGUE
La langue est l'une des composantes fondamentales de l'identité des peuples et des
ethnies. Elle est l'un de leur caractère différenciateur les plus évidents, et en cela peut-
être, leur principal caractère de définition identitaire. On étudie donc en premier lieu la
langue comme élément fondamental de définition identitaire et de construction des
projets nationaux. li s'agit là d'une dimension de géopolitique interne des États. La
langue admet aussi une dimension de géopolitique externe, en tant que facteur de
puissance et d'influence pour les peuples. La seconde section est alors consacrée à la
langue comme facteur d 'hégémonie. On étudie donc successivement la langue dans
l'État et la langue facteur de puissance extérieure des États.
La langue est sans doute la propriété fondamentale d'un peuple, son bien le plus
précieux. Un peuple qui perd sa langue, perd non seulement son âme, mais aussi sa
qualité de peuple différencié. La langue est un élément fondamental de définition
identitaire. Mais le chemin de l'ethnie au peuple puis à l'État-nation est long. Il passe
par l'adoption d'une langue commune par l'ensemble des populations qui vivent à
l'intérieur des frontières de l'État. La langue est donc aussi un outil de construction des
projets nationaux.
1 P KICllET. lt>.t C" rolmgit:ru. l h 1t· /im1 ilh· 'I'" fit /'Er•,.'OJ't'. l'uris. llm.' hclh:. l'ltO. PN7, 1:oll. ''Pluriel"
<;1r,,st><mri;. l\1ur y 111tt'rcs.,l'r les peuples, ils <ioivent leur pilrk•r, non en lillin, langu"
Jl.. l'l!gliS('. en us.t1gl.. J,1ns les trait~s et les conciles, n1ais L'll langues populaires, ct~lle~
pratiquèt.~ en Gttul.L~ et en G_e rn1nnic . Le _ro~ des Allcn1ands Louis fait senncnt t.'11 lan,.;uc
ronutne. ou frt1nça1sc ; cchu des Français Jure ~n langul~ gcrmL1nique. L~ tout ~c passe
sur 1<' Rhin. linHll' des deux peuples . Cel acte solennel, contm<-• l'é!cril Mic helet , t!SI "Il'
pfl?micr monun1ent Je leur n.1tionalit~' 11 C 't•s t un acll' d'affirn1;itinn linguistique.
C.1rre 8:! : L..1 G.1ul~ carolingiennt..'
Le contenu 111èn11! d 'unL' langue, le retour aux s ources linguistiques caracté r ise de
nombreu~ projets gropohtiques. At.1IUrk purifie ln langue turque de s es mols arabe' et
l'll''"''"~l ; les Roumain~ apurent leur langue des mots s li\ves il fin de s e rnpprochcr d..,
Jeurs origines l~tines-'.
Aujourd'hui comme hier, noml'>reux sont le s peuples qui veulent construire un
Jestin autonome à partir d'une originalité linguis tique . C'est le cas du Québec qui foil
de sa qualih' de francophone, un véritable facteur de définition national sus ceptible de
déboucher un jour sur l'indépendilncé.
La langue est le chemin qui conduit à l'indépe ndilnce . Les séparatiste s régio naux
français l'ont compris qui, par l'affirmation de leur langue5, gagneront peut-être leur
guerre so!culaire contre l'État-nation français .
J J. MICHELET, /li.Jroirrlk Franu. t.awannc . Ed11tons Ren contre , t 1, '-'-' M rJ.l'l' ll· Â,.:.·. p ::?5 5.
i "'Lom de 1oa1lnt'IC'fll red«omnr une langue Cl une cullurc trac.111ionncll cs. l'i nlclhgcn1 s 1a na110n;,ll s1~ s' t1llach c il ' l'in,·cnuon'
d\mr Laq:ue nou\·clle- qui .so11 • ID fois le symbok c1 le vcclcur Ji: la n :u s!lo m:c d' une nuho n _ C \~s t Juns 111 pr ~sc J e!' Jeun«
Onomms "IUC se forge auu1 le fW'C' modnnc. d1tTén:n1 du turc popu la ire parlt: m ;.u s uus~ i tlc l'os m unh . lu hmgu..: Ju pouvoir. mtlani;c
saphlS&lquii!: de: uur, d'ara.br C1 de pcn.an, ~ri l en car.u: t è ~s 11rJbcs" 1n N PI C A U O OU, L a <l et.·.._·1111u: •JIJI ,: /l r cmfu f,· M o.n : n·Or w111
/9J.1 .J'/l J , Bnu.cll~ . C.Omplcxc. 1992.
J f THUAL, U .J .:of!/1•tJ uk·n 1;1011Ts, Pari s. l: llipscs. l 99S .
4 L GROULX ..\ ·01ritgramû-u1•c-nlurc , Qucbec. ll Q . 199 U, F1J t!s, llJ5 k .
sQui ot polllnll SC raite !W\i ruulis.auun de: ,.. C har1c europée nne tlcs lil ll i;llCS rC~iu u.1lc s C'..:s t ÜOll L: l' U nion c urop<c nnc qw
est l'if\SU'\11nml prt01icr de la l(UCfTC dc.s sépMDtismes .
6 •L'ordonnance de \'11len-Conc-rtu ( I SJY) J 6 .: 1Jc ~ uc h:s acte.; juJ1L.rn1rc s .;cro tll llt!Minn ;u s " p runum.. c,., c1m.'G1'.\trti t l
dtli\.TCS au. pan10 c-n langa1c: matcmel françu is cl no n 'autrc mcnl ' À l'heure oU h: h1 ~c; 111 ll i:v u: 11t 1.1 lnn ~ u c th: Ru m c cl tiu l.urhtr
u.dWt Ls Bible en un allemand accessible à tous, 1.in phé n o mène du m émc o rJ rc c l J 'C t;.1l t: c rn 1séq uc 11t.:c 'c pro 1h111 J u ot.: c: n f ranc:c:
1~ ffaD\41ll Je Puù d de la Loitt. subnhué au latin dans les tri hunoux . dc \/ 1c 111 la lunguc n a ll n ual ~ ". iu Ci O U B Y. /lntmn· J. · Io•
1-Tuncr. dit ! Uli â JIU], Pans. La1\lussc. l'JK7 . fi 10 1J.
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(jllpllrr 2. u langu" 275
\ ·Aw.s1 bien in longue uabc s'ëtau-cllc d'aN>N 1mp...,~· comme w1c lilnguc ~hgi1.""us.= et liturgique de- \-aleur mcornpmable
b rtv'l!lauon av~1I .:tC ITll11sm1sc .:n omhc ( . . . ] s an ~ qu'aucune traduct ion ne IÙI en pnncip: crnisat,.'"C'C' . la pcrfcc1.ioo. styli:lbquc- du
Ûltlll ttai1 cons1derêc co mme inumli'hh: cl Clms titumt lu pn:u, ·c mCm'-' de l 'oulhcnll..: i u~ Uc :.on message. De ...-c fail. Id~ qui
&\lll:nl row Pbjccllf dC' liure comrrcndre h.• lC.'\IC n~ \ '-' li: , Je 1'1t1l~l"Jm~lc r. Je lc i:"Ommentcr ~I J'Clab.Jn:T , J'unc pan UDC doicutoc-
rcJii!tu.SC cl. de l'auln: un code j ur iJ1quc et cult 111.·I. nc rou,·a 1..:n1 s e servir qu1.· d1: l'anb< Mais l'u.tbc Ctant en. oum:: la langur des
prmum mailn.-s de l'Empire am .. i \.)UC Je lem ai..11111n1 .;1r.111 o n . b pruJuc 1ürn hth.."T81n: de h1ulc DWWl:'. pn>fànc aussi bien que
"l1giauc. ne flOU \'ml qu'y O\ "lllr re\.·nur.; S i.t s upn.!m;aliC" cc11n1111.· , .. ~ hin1h.· Je pcn.~ fui d 'ahon.I unanimrmcot reconnue et ua :.:a"ant
d'ong1nc iramcnne Ici t{U'"l · Birùn1 , 4ui \·.._•... ut au XI ._.,. ,,:. ...-!..:. l·n \ :. una u ...·nüm:· l'ut1lnt" pow I~ di'\"~loppcmau de la S.."1<Gei:
llnl\"tntlli:.", in O . SOl.IRDEL. lliMc•irt.• ,J,·, A r11I•,·.... l'un s . Pl: F. ( l.)7t>, pp. t>5~~ .
~ "Avn: l'unité hnguis114uc. C-11111 ..:r...;c le n.;h1cule tm.J1s pc..·ns.ubl...• au\ 1..-.:hangc.o; mtdlc'Ctucls. aiu. 11f'fam:s,,. au gou~ â.
l'llln11mstrut1on" kT11. â rroros de l' ;u;1h1.". F BRAUDEL. Gn1m111,11r,· d,~.•· t"i.-ih~c.lllUM, Paris. flan.unanoa... 1993.
P11rti1· .1 . l't•nunut'11n: 11~1' ul~lilh
21.ui•~l999 .
~lan Arlanilqur
pays francophone!
pays arabophone
pays anglophone
puys lusophone!
- Le géopoliticic n allemand Ki! rl Hau s h o for a ssoc i.t lui-mèm<' le domaine allemand
à l'aire d'extension de la langue allcn1andc 1•
• Lorsque des boulev ers ernents \.Ü1ns l i.1 c~1rh..• des Êtclts c urt."nt lie u , b ien sc1uvent on
privilégia les cohé rencc•s lingui s tiquL'S .n1 dt' lrinwnt d t• tnut .1u tre critè re : l'Italie dut
ainsi renoncer à la Savoil.· et '"' Ni '-~\. ta ndis qu\'lh' n 'put de cesse de rt?-unir Trit"5te et
Trcnle, deux vill es it111ophnnt•s. T vpiqut• .n1 ~:-.; i l:'~ l l't._•,t_•niplt• m <1~ y ar, fond e n1e nt du
nolion~lisme hongro is . Apr e· ~ I<• trait{• d,, Tri .1nnn d,• lll1 8 , l'Eti!t m.l g var fut .imputé de
toutes les provinc l'S où la lan~u P dt• l.1 n 1.1jt lrik• n 'l 1t.11t p.:-is le n1a~yar.:! _
1 Nulll rcn\"\\)"011~ . J nn s lu rr,· m i L'f l' 11a rl 11.: tk l",H J\ 1; 1 ~l" . :1 I\ ·.. · ·k t k ~ ù• )l•l lilhj th.- :i ll1.·11 \<1lh l1.• t' I ''"' IT." •ILl !lt. J..- t\. .nl ll a u... Jktlèr.
2 A ( 'llAl Jrlt.Al>I : , I; . Tll l ' Al . f 111·11 m 11 i.1111 · , /, .1:1 ·••/ •< •1111,1111· . .::· ..·d .. l' :u1 ... l ·lli pii<..· ...: . l<N'> 1111 1<.:lc:ii 'I ta lie ~ ... t l ongn~M ;
f' RENOll\'JN , // u 1111n· , /,•,1 rdt1timu m1 1-r ~1.111 , ,.,,, /, · 1 . 1':1 11 ... lladll'llC. ! •):' ., . 1 \ ' Il / , ,. , .,..., ,., , /u \ .\""'".,:le ., 1 lk Jiii_. 4 l'I~ ,
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D'origine n11>ngol0Yde, les Tou\•iniens sont culturl'llcment mon~olisés, prntiquent 11!
bouddh•sm~ lama.l'stl'. ~t parlent une- lanHue turqut.•. Pour contrôler o ..• territoirl! richl•
en gisements durifèn.~ et argentifères. les Soviétiques L•ncouragèrcnt la furmalio!1 d 'une
nou\'elle idcntitt' "démong..>loYs.!e" et "turquifiée" du point de vue lmguistique. A partir
de 1930. l'kritun.• touvimenne fut laliniséè "'' lil religion violemment comballue. A
l'is.;i;uc d'une nt.luvdlc torn1ation idenlitltirc 1n1pos~ par les Soviétiques, Tannou-Touva
fut AAnexée par Moscou en 1944, l'écriture toovinienne cyrillisée, à l'inst·ar de tous les
peupll'S d'U.R.S.5., à l'exception toutefois des Baltes, des Arméniens et des Géorgiens.
C..m 54 L'Asi" centrale. le monde lurc
t X. de PLANHOL. L4J NaJiDM du Prophi-le. Manuel gên1-:rophtq111• dt! prl/ittr/lll.' nm.wluw111•. Paris. Fay"rJ, 1'>'13 , ri. 502
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(hlpllre l. La langu" 281
L'histoire des civilisations est aussi celle des langues qui se succèdent dans leur rOle
hégémonique.
- Le grec 1 et le latin sont grâce à la Grèce et à Rome, les grandes langues mondiales
de l'ère antique.
-Au VII" siècle, les Arabes entendent imposer, avec leur religion et leur langue,
l'hégémonie sur le monde. li parviennent à conquérir tout le Moyen-Orient, l'Afrique
du Nord et le sud de la péninsule européenne.
- Au XVIe siècle, âge des Grandes Découvertes extra-européennes, l'hégémonie
semble devoir se partager entre le portugais et l'espagnoJ2.
·Le XVIIe siècle est le siècle du russe et du françaïs3.
- L'anglais entame son ascension à partir du XVIJJe siècle. U est le parler
hégémonique du xxe siècle".
1 La langue ~ disparait avec la puissance grecque et l'Empi..tt romain d'Oriall . ·oes le '\le. siècle. la langue ~ n·~
plu connue en Espagne, m On::tagne ni en Irlande : [ .. ] en Afrique. la cou,:u1tt cç1 marqutt par I• conquëtr vandale ( .. .) m Gaule
elle se sirue 11u 1ouman1 du VC el du vie siècle ; en Italie. la dcmi<èrc génetarioQ qui sache le ~ est celle de Boèce - mun Cl1
S2S - fl de Cassiodore - mort environ en 570 - cl • Rome mèmc, •wc. envuons de de 600. on ne ht phu ~ ~ lfta les pb
dlllSllt:I.". in J.B. DUROSl!LLE, L 'E11mpc, histnir.:- ,/,_. .,;es fHN/'l~s. rlJ.f'is.. Penin. l 990. êd. Hachette Pluriel , p. 93.
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l Ek cippaa dt 1756 i 1763 la Fnmcc cl l'AutnchlC' ÏI l'AnsletCrTC et â Io Prusse . Son ongmc tu:nt il Io nvalnC coloniale
~a• la rivali1il! emlro-pnlSSlcnnc quant• la Silé!r.ic. L'Anglctc-rn: mena Io guerre sur mer et dan5 IC5 colonies . La
. . . . . llllllliriqJc u.sJ,aac mtmimi la déf111\e de Mon&calm au Ca.nodn - 1760 - cl de Lully-Tollcdal aux Indes - 1761. P11tlt
cnid: dr: hru du 10 rnna lï6l . Louu XV céda le Canada. la Loui1ianc. dc!i iles an11lloi1":s et une snandc por11c dC"S possns1ans
~ m lnik. L'~ fOIJca grXc â ca tcmtoi.rcs M>n emp ire mon<.li11l J . RÉRENC;ER. J MEY E R . /.,a Fn.m<:f! dmu lt
--'r- a X11lr •-«Il.Pmu... Sedel. 1993 chap VIII, .. LI gut.-rtt de Se-pt AM.. , pp 203°2 .1 7 . ''A in~i é•mt tournée une P'lll!:C ck
ftmluirT lllJr'Ô.«nalc::a.n.:. la sou\·aametC sur k Canada appancn.ai1 au passé , 1nu1 comme l'aventure columolc en Inde ."
JM.HfJ.J..ER.,HùtoUYMlaRws1rrtdrJm1t•mp1rr . rari5, flamrnnnun. I~. coll "'l'J1umps··. Pfl IH -23, (1raU de l$IOnJ•
JtaaijUoJ taan.1 .. •L'empire dH Rurdc•).
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1'11rt11· .i f'rnmmrnu tk!i icleulili''>
Au Luxl'mhourg. <JUatre po!~nnes sur cinq parlent le français qui esl la langue de
l'administration.
lntrnmontain.•1ux confins de la France, aggloméré Il l'Italie en 1861, le Val d'Ao~te
bt'néfiete d'un !,'OU\'l'm<'m<•nt .1utonomc en raison de sa francité et le français Y jouit
depuis l'MS d'une parité officielle avf'C l'italien. La population vald6tainc compte
env1ron 75 ·~de fr,mcophones 1.
- En Eunlpe œntmle et orientale, la Francophonie est représentée par la Roumanie,
la Bulgarie. la Mold11v1e, sont membres associés : l'Albanie, la Macédoine, la Grèce,
sont obst.>rvateurs. lAutriche, la Croatie, la Hongrie, la Lituanie, la Pologne, la
TcMqui.,, la Slo\•aquie, la Slovénie.
Il v aurait aujourd'hui près de 30 'X. de francophones en Roumanie. En Bulgarie, ce
poun.~ntage est plus iaiblt> - autour de 5 •)(, - mais la tradition francophone est
malgré tout constante.
1 L 'auiœr • ttlSC!gDt une ann« à Aosle Jans le ~at.lœ d'une coopc!n111on en ire l'LJ01,,.crsi1C de lu Surlmnnc et l'Umvc."ntlC du
Val d' ÂDllt . li a p.i .:oru.uiia q~ 1:11 maJontc de se.'" ttud1an1s avaient <le$ noms fral1filll~ : ccr1omcs fomîJlc~ uvmcnt chot!U de leur
dmmc:r da préovms 11ahc:ns. d'autres restaient lidêlcs il l'origine Sur l"l11stoirc <le lu ,,.11Jc <l "Anstc nn hra Joseph-(i11bncl
RIVOUN', W wllt' d'..fuJh'. Mi.t$uma:1 E.ducur, 1995. Aoste ; Louis-Roger DèMJISEY, /.c, ''alléf • tl'AtHI<-' pt>mJ,,,,, le j,i.,cù1'1<t.
~ Arti Graficbs: Duc.. 19li7 qui rnonU'c ln ctforu. cntrcpns pilt Mussohm pour 1tuhu111!>Cr la rég1un au Jé1rîmcm du frunçu1s.
:.? E. LaunlèrC", ..La. Luwsi.a.oc", 111 li. HANOTAUX, A MAH.'rINf.AU Ju· , 1/1.~tuùL' d1•., n1/11111t'\ Jrm1çm.H.' ,. 1•1,/,• l'o:pcirulun
Je lu f"ranc-e &bu Ir-"'°"""'· Paru. soc1Ch! de l'UisloU"c ruJIJUnalc. Pion, 1 l / . •,,.1,,,,_;rit1m·. l 1>2 1>. PP - 26J- .l 7 "i .
JI~ . •1•A.::~1c·,pp . 1111 -24-1
4 Ci H.ANOTAIJX. A MARTINF.AU dir .. l/;.JJtOIT€' c.k., calom1.·s fra11, t1isc.\· L'I dt• l'o.·.,1m1n·imr de• '" 1--rmrn· 1/1J1JJ /.: m1111J..·.
PW. kX:IC:tt ck l'rhst.oa~ .baUon&lc , Pion, 1. 1 /. 'A,,11!-riq11t!. 11)29, voir J TramomJ, "Le Cunudn ~\litè's k Tronc! d'lJ1~..:h1. 1.111 p.:rh!'
du c:..a.dm·. Cl Ê. l..11.u\Tlèrc .• La Li..nu.a.U111C•, PP- 1SJ-190 .
'Cong&J dhnocrmi.quc dC"pu11 l'i97 qui o;1 a1Ur1i de la Fram;:uphon1C" uvum d'y .:ntrcr dC" nouvi:uu.
t'lwpltru 2. l...iJ langue 285
officielle est le français, mais s'y ajoutent l'arabe - Djibouti, Tchad -, l'anglais
Cam.,roun -, le kirundi - Burundi - et le kinyarwanda - Rwanda . C'est le
partugats qui est langue officielle au Cap-Vert.
La situation de la langue française dans ces pays d'Afrique est particulière, puisque
.:'est la langue de l'administration, de l'enseignement et de la communication
internationale.
- Dans l'océan Indien, on compte 4 membres : les Comores, Madagascar. Maurice,
les Seychelles (île initialement française avant d'avoir été donnée aux Anglais).
- En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, sont membres le Liban, le Maroc, la
Mauritanie, la Tunisie et l'Égypte (où la proportion de francophones reste cependant
faible) . L'Algérie pourtant très largement francophone n'appartient pas à
('Organisation pour des raisons idéologiques liées à une décolonisation mal assumée.
- Dans le Caucase, sont observateurs lArménie et la Géorgie.
- En Asie, sont membres le Cambodge, le Laos et le Vietnam (les trois pays de l'ex
Indochine).
- Enfin dans le Pacifique, Vanuatu est membre.
L'espace francophone, qui s'étend sur cinq continents, est de plus un espace en voie
constante d'élargissement.
En 1995, la population des États francophones s'élevait à 485 millions de personnes.
En l'an 2000, cet espace représente près de 10 % de la population mondiale, ce qui n'a
rien de négligeabJet .
Mais l'espace francophone est aussi une réalité macro-économique de poids. En
1995, le P.N.B. cumulé des membres de l'espace ne représentait certes que
15 000 milliards de francs soit respectivement 2,3 fois moins que ['A.LE.NA
- 35 000 milliards de FF ou 7 000 milliards de dollars - et 2,6 fois moins que !'Espace
économique européen - 40 000 milliards de FF soit 8 000 milliards de dollars. Bien sûr,
ces deux blocs régionaux pèsent beaucoup plus, mais le rapport n'est pas si écrasant
que l'on aurait pu le penser a priori. La richesse économique de cet espace est certes
concentrée à 90 % sur quatre pays - France, Canada, Suisse, Belgique - , mais la
dimension macro-économique de la Francophorûe apparaît bel et bien comme une
réalité : 10 % de la population mondiale, 12 % de la production mondiale, et près de
17 % des échanges commerciaux intemationaux2.
Le projet francophone, parce qu'il est éclaté sur cinq continents, est parfois opposé
aux dynamiques de régionalisation et de formation de blocs continentaux intégrés. La
question de l'avenir des relations privilégiées entre les pays francophones est en effet
liée à la forme politique que prendront l'Union européenne, !'Accord de Libre-échange
nord-américain, !'Association des Nations du Sud-est Asiatique, ou bien encore la
Commission de l'océan Indien.
Du point de vue géopolitique, on constate que nombre de pays, notamment en
Europe centrale, orientale et en Asie, aspirent à intégrer la Francophorûe ; ils le font
dans une perspective de contrepoids à un voisin plus puissant. Il s'agit là de la vieille
politique des équilibres pratiquée par les États depuis l'aube des temps.
En France, le projet francophone est défendu par les partisans d ' une France
puissance mondiale et d'équilibre . Citons notamment Michel Guillou qui a la pensée la
plus aboutie sur le sujet :
l/Jt.,,,,
2 Ces Jonnëes sont url~inuk~ û l':n1h:ur. d.ms A ( 'HAUJIK.AL>L /:o p .1u- .:,wwmi11u,, ''""':opllmh.:. Pul.i. Ellipsts. 11196,
"Gf'alldH l('ndanccs macru-êconomiquL·s". pp ·' ·' ··' ' ·
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65. L'espace politique de l'anglopbonie: le Commonwealth
/l11rtu· 3 . Pen11m11·uff ,,,.~ rdnrtitO
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a;~ fnmÇlli..~ c~.....-t,.rt ,tt ~1unn· /1lrN/111· /'ou p1rrk 1/t.• Frm1...-11plw111t•" 1.
1 O. lin l"caaidc Michel GUILLOU, FrtJlf(.'opJuum..·-pui..u uun.· . ..:nll. "Ré fCrc.ncc gCopol1l1lJUC... E llip se ~. 200~ .
2 A. CHAUPllADE., f . TIIUAL, D ictiunnu1r1· dl" J:l!VJltJlil1'(1t1•. 2i: èd ., Pan s, E llir.,cs. 1') 1J1J ;imdc "'Cameroun·
Y. LACOSTEdir.. Dic11arrnavl!tkg1Ylp<Jlilique. Pan s. Flamm11mrn . 191).l ur11c lc ··c·ar nc ri lun", l"P .lC1l -.1<1.1
3 A. ClfAUPR.AOE, F nfUAL. Ditt10,,,ro1re 1k R''npülitiquc!. 2c Cd . . raris. Ellipse ...,, l 9 1JLJ . 1111u:: lc "Mnuru:c" ; y 1.AC"OSTf.
dit . Diaia'llltlW'r~ giopolû'fW, Paru. Flammanon, 199.l u.n1ch: " mnun c iennc (Répuhl iquc )", pp. 'J K..t
4 P. GAI.DE. Vi.r t't """''*la Yougo1/ai.u, Paris , Fay.rd. 19112 , J. KRULI C . l/ l.'ô fo ;r1• d e• la )'rmnn.d11\lio• ,J,. /IJol!ô 1i " " ' l"''"·
-~ . 199)
CHAPITRE 3
LA RELIGION
Saint-Exupéry
"011 ne saurait trap insister sur une maxime aussi certaine qu'une proposition de
11U1/l1ématiq11es : famais un gra11d peuple 11e peut être gouverné par le gou"OeTllD1le1lt. J'entends
pnr le gouvememe11t seul. Celui-ci a toujours besoin de quelque supplément qui le décharge d'une
grande partie de la besog11e. Co111111ent la Turquie est-elle gourJemtt? Par /'Alcman. C'est lui qur,
da11s ce moment, inspire encore, après onze siècles, de sr grands efjùrts à une nation décripite ; et
sarrs lui le trône ottoman disparaîtrait en un clin d'œil.
ûmrme la GJine est-elle gouvernée ? Par les maximes, par les lois, par la rdigion de
û111f11dus, dont l'esprit est le véritable souverain qui gouverne depuis deux mille cinq œnts ans,
qui a fait de ce peuple 11ne espèce de 111ac/1inc dans la main de l'empereur, et dont la farce est telle
que, de nos jours encore, nous avons vu u11e famille entièTe condamnée à mort, pllTCe que son chef
11t1aitécrit le 110111 d11 souverain en lettres minuscules. "I
Joseph de Maistre
Julien Green2
Avant même que ne surgissent les grandes religions monothéistes, les religions
ancieMes sont un culte de la géographie3 : les Celtes adorent les arbres', les sourœs5,
les pierres6 ; les Dieux habitent les collines et les montagnes d'où ils dominent te
monde profane; la Nature toute entière est la demeure des âmes des ancêtres. Le Ciel
est soutenu au-dessus des hommes par la cime d 'un arbre géant.
1J.dc MAISTRE, S11r la Rw.fi~. in Du ro,,.e. lt·.t Soi1\•~ dt· Sumt- P~1er.rfto1trg ~t 1.1ut1'\·.t tt•.t/t•.o; , Pllri!l. JJ Pau\m 01.iœw.
1m, r. 121
2 J GRr:EN, Jo11rnt1/, 23 ju1llc1 1q45_
l J. dt VRIES, /.11 ra·li,.:ifm tle.\· Ct'l11·s. runs, Payo1. l 9ti_l .
4 A\'C( une h1~mrd1ic duns l'odomliun Ji:s orbrcs : le ch~ nc é 1u11 Il' symbole 1..'Chtquc tk Z11.-us . l'if ~w restt , .cr1 c1C- 1..-onu:nc
hintCtai1 le symbole de 1'101monahtC Ju monJe et fai sait l·nun· À l'u istcm."t.' d'un arbre ~éan1, YggJrasil cht-l les G.."fTDIJn.~. qui
'°lntnln Je mondt des.a cime ~ J. de VRIES. IA1 n : l i>:,wn "•'·" ,.,..Jt,·,. P:m~ . Payut. 1%3 ; F LE ROliX . C.J Gl!,'ON\'ARCH, Û .5
°'""'*-'· Rennes, td. Oucs1-Francc-Univcrsité, IQMb "l.11.· chC1h.' , le s,1 rfoi:-r et h.• ~(lui.Jncr .. ; ''l'if d le p.mtmicr·, pp. 152- tS i .
11.in.. pr. 161 - 114 .
61.ft rnmhin cl le!' dolmcn!I en O~gnc tênn1ig11cnt ,1c cc-s cul1e1.
Vlt'fJ l11t1Wn1 ou iu'"r tn" nnprri"1r rdJ~
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16. Bali tlndo""'1cl
17. Bomeo. Moluqoo. ctlil>es
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18. Tinllr-Onenr:il
19. (nan fay::1 i lodonès1t)
20. Mind;inoo 1PhihJll"mJ
!I Sn·Luib
-
22 Al~nc
2l Égypcc
litige fron talier
!• SOi<pJ
mouvement mdépenJantiste ! 5. Nlg(na
26 Tdlod
.•
0 vives tl!nsrons 1nt(neures
!7 SuJ-Souda
guerre "'vile ! S. Come <le !'.;\fnqoo
conflit international 1Emiopc.~~
66. Les conft.iu daru le monde, avec ou non présence du fait religieux 2'1 ~
L'imprégnation sm:rée du mili"u géographique est telle en Occident, mais aussi en
L1rienl, que le christianisme qui progressait devait tenir compte de la sacralité des lieux
l'i chcn:her à intt>grer plutôt qu'effacer. De nombreuses églises sont bâties sur des lieux
dt' (Ulh.\s po1~ 1 th('istcs, l'c11u et la for~t pénètrent la symbolique el ~ 1 architeclure
d 1 ~tienne 1 .
L<l n'ligion est d'abord un culte rendu à une ou plusieurs divinités. Alors que la
!l"''f'<llitique motive chez l'homme des ambitions territoriales, la religion motive un
;Jt'al spirituel. A priori, la géopolitique est d'essence temporelle, là où la religion est
,\'essence spirituelle. On conçoit dès lors que religion et géopolitique ne peuvent se
rencontrer que dans deux cas :
- lorsque la géopolitique utilise des croynnces spirituelles pour parvenir à ses fins;
- lorsque la religion déploie des ambitions temporelles.
On voit se dégager, à travers ces deux hypothèses, deux questions:
- Comment les États utilisent-ils le fait religieux?
· Les religions déploient-elles, de manière autonome aux États, des ambitions
gropolitiques? Ou bien encore, les religions ont-elles une politique géographique?
Ce chapitre consacré à la religion comme facteur de la géopolitique, appuie ses
conclusions théoriques sur l'observ<ll"ion de nombreux champs de forces où la religion
intervient. Ces champs de forces ont parfois développé des conflits guerriers, mais cela
n'est pas toujours le cas. La géopolitique commence avec les rivalités d'intérêts, et la
guerre n'est que la continuation d 'une politique géographique que la diplomatie exerce
en premier lieu .
La première section est consacrée à l'observation quasi-exhaustive de la diversité
des champs de forces géopolitiques où le religieux intervient; c'est un tour du monde
des fractures religieuses : à l'intérieur du christianisme; entre le christianisme et
l'islam; à l'intérieur de l'islam ; en Asie plus particulièrement, entre bouddhisme,
hindouisme, islam et christianisme.
Ce tour du monde amène il repousser l'idée selon laquelle certaines religions sont
plus conflictuelles que d'autres. li n'y a pas de loi en la matière, puisque dans le monde
on trouve toutes les configurations d'affrontements inter-religieux possibles.
Dans une deuxième section, on examine de quelle manière les religions s'inscrivent
dans la géographie et sont territorialisées. En d'autres termes, les religions ne sont pas,
selon leur nature, territorialisées n'importe où. L'inscription dans une géographie
particulière revêt un sens poli tique précis, et c'est en cela même que le fait religieux est
une donnée de la géopolitique.
La troisième section traite de la fonction du religieux dans la géopolitique interne
des États. Trois directions d'étude sont suivies: la religion nationale; la religion
sécessionniste; l'inféodation du fait religieux au fait national.
Après la dimension interne, vient la dimension externe du religieux. La quatrième
section étudie la fonction du religieux dans la géopolitique externe des États. Il s'agit en
particulier du rôle de la religion comme outil de la Renlpolitik des États.
Enfin, la cinquième et dernière section aborde la question des dynamiques
religieuses autonomes des logiques étatiques. Existe-t-il au fond une géopolitique
transnationale des religions ?
Carte 66 : Les conflits dans le inonde, avec ou non présence du fait religieux
1 I'. WALTER. My1hn/ngie drrëtieime, Rites<'' mythe.If cl11 Moye,,·ÂgL'. Paris, Éd . Enlcnlc, 1992 : R. BOYER. Lt' Chrirt Je.~
llurbure1, U mondt• ntJrtliq1n·. /)."'-X/Ir sii!cle, roris. Ccrr, 1987.
1. Des frR('tnres rl'ligiem•<·s de Horne à l'émcrgen1:1~
cle l'islam
Rome croil prend"' l'Onent mais est investi par lui 1 . Ce sont les religions orientale-.
qui font trembler le ,;ocle de la tradition rom;line et de sa domination sur la civilisalion
mt!diterranéenne. Le refus juif de l'helll'.!nisme traduit une révolte profonde de l'Orient
rontre !(\:\.;dent-2. Le christianisme universalise cette révolte qui s'empare de l'Empire.
f1L<qu 'à l'effondrement previsible de celui-<:i. Rome n'est-il pas tombé davantage de se.
ré\·olutions religieuses intérieures que Jes coups de boutoirs des barbares européens?
J V PEJtR.11' , T BAUZOU. Ek la .:r1~a l 'Empi~ : hi!>1u 1re Je- Rome . Pnn~ . E llirscs. J '1 117
?Jdon.
l R.. GROUSSET, BilDll ik l'hinair'c. Paris, Pion, 19<i6
4 ,ttrnqi: ..ai d'un pu.si mdln...uc-. \ 'tr1w.1li1t de tuutc notre Eumrc", ltJ•.,,,
S/,,_
6 •La dtCaitc- d°tpiphanc marqua le" inomphc Je la rè<1c11un us 1L11H.. 11e s ur l'hcllé n1 .,.111c . rr:ai.:1mn sé1111tit1ue cn P • lcsunc: l'll LI
m6acnlie JWW: remporta. râct1on antumnc-;. l'Est ou les l"u.rthes. en l 2'J u\· J -<· , d1:1~ s crcn1 JCfim11 11 ~mcn1 le s SClcuctdt':\ dt b
Me.op:aaue. rtKuon ~ m S)TIC mtmc uu, CTI K4 , lu dcm1cn Séleucie.les furcfll JctrùnCs cl ou se pmtluir.111 une fttCm1èn:
m6knticm lt'lbc.". m lt. GROUSSET. Btlun sur l'l1111u1r.-. Pari~ . l'lun. 1946.
7 P. ŒUVIN . Clvo1H4wdu dnmcn puff'm, Pans, Le~ Oc lies Lettres . F1.1yartl. l 'J~ l
Chorith! :l. L•• rdlgion
l'Italie les cultes orientaux. Les Romains défenseurs de la tradition s'inquiètent peu à
peu de cet orientalisme religieux à Rome. Cicéron se plaint de cette tJ:luna supcsititio
qui menace l'identité même de la Cité .
1 \' ra::RRIN. T . Ur\LI Z l >li . p,. Io dt.;,, l 'l-."m1•ir1 · · his tj,_•iri: Je Rl•n-.:. P:uis. l~ lh~. l'N7 . '"La vu:· n:li~1eusc~ . pp BJ....\38 .
2C' JULLIAN , /li ~ toirt • dt• /., t ;a11/,·, Um: hcu ..:-. tQ::!O-lQ::!t-. f'\."Cd1th1n . ran!<o.. 19'l~ . l. ::! . Lt'\·~\l , "L.a ...·wdlSaliun püo-
n1m1unc'" , 1.hap. I. "Li:sJictL, .. . Pl' l.'J. - lt--& .
J Sur le Dieu Hunl <·. llAlJROIN . l ' BON N FT . / .n /'lrnun , ,,.. "'' ' '""' ~ .k·.c: rn1i."' '"''"1111nttt . Plan ~ Anna:DLI C'oCin. l'iNl
thllf'. V. "La n:li~ion ''. pr 1~1 - .:!0.l
4 N . GRIMAL . Jlntmrt• tic· rf.:.i:y11r,· . m.·11·u11,·. l"un11o. hlyan.I . 11,1sx ..: har Il , "Rrligion ct hlSlolJ"(''", pp ~~b..'\ .
:\Y PERRIN , T UAUZOLJ. lk '", ,,.. ,; l'lùft'"-'" '• : lfi'fl"trr '"' R·'"'~ ·. l'un ~. t:llirscs-. 199'7 . '"la VlC f'Clig_ll('UX·. pp.. Jl)..J.J8
11tt.:ti-mmain trnditlonnel tandis 4ue les milieux dominés restèrent fidèles aux cuit....,
locaux ••n le!Oqu<'I• ils \'irent une sorte d'instrument de résistance spirituelle <1
identit,\il'(' ront"' l'F.mpirei .
Cl• Jont n1i c~t stlrl quf'iqu'il en soit, est qu 'a u fil des sièclcsl les religion-. oncntak"\
!x'ntlt~rent dl' plus <'11 plus l~>s sphères du pouvoir et qu'elles s'infiltrèrent parmi le-,
élites. Certain.~ historiens expliquent cette réussite par Je contenu même de r...,.
religions orientales. sembll'-t-il apprécié pour les réponses qu'il apportait aux besoins
.Ûh.'Clifs et métaph~·siqucs - origine du monde, promesse d'éternité, morale . Cett~
thè!ic mérite cl'Nre nunncée. Les cultes orientaux ont d'abord été le fait d'orientaux
imnù~ qui s'en sont fait les promoteurs . A contrario, les milieux dominants romains
ont plutllt tenté de f.,,iner les religions nouvelles . Avant Caracalla avec Is is, aucun dieu
orient.~! n'avait reçu à Rome le stntut officiel de dieu de l'État romain. Il est probable
qui' les cléplncemenr.; de militaires et de fonctionnaires de l'Empire en Orient
enrouragèrent à Rome ln diffusion des cultes de Mithra, de Jupiter Dolichenus - nom
is.•u de Doliché qui se trouve dans l'actuelle Turquie - , de Jupiter Héliopolitain -
Baalt.....:kl.
les principaux dieux orientaux célébrés à Rome furent : Isis et Sérapis, dont le
culte. d'abord per.;écuté sous Auguste, connut un succès croissant durant le Haut
Empire; Cvbèle, établie sur le Palatin depuis la deuxième Guerre Punique; Mithra.
dieu d'origine iranienne. dont le culte se développe lentement et qui connaît son
apogée au Ill• siècle. C'est un dieu du Bien que les hommes doivent aider dans sa lutte
rontre le Mal el qui impose une morale et une discipline sévères. Pour autant, le culte
de Mithra apparait aussi comme une forme de franc-maçonnerie paîenne compatible
a\·ec la religion romaine3.
'"""'·
l A.. ŒAUPAADE.. T RJ:"'NAUT . lk) ·routh 1..:1emdf", Parif./Bcyruuth , éd . Asa. l 'J9 H. 91 p
J \ ". PERRl'S . T. BAlJZOl'. lk/ac:it~â l'Empu·c> llis1nirl' tic Nm'1C' , rari s. E llips e s, l"><.11, p JKO.
4 L OEL\PORTE. •1..a UICICN peupl~ de l'Oncnt~ . m E. rETIT. M ALI.AIN . A . liANEM André dîr.. l/i.ttuirr L'11frrrvU1
1"'611rftdo ~ ndl:rprtMplcs, raru. Ltbniîrie Anstîdc 0U1Uct, l'.I Il. 1. Il · Ln Guulc Rt1mn1nc. pp. 119-240.
!il". PEIUUN . T BAUZOlJ , De- la d1; .i l'êmp1rl" . l-f1'>lmrc= de Rome , rnns.. Ell1J'scs. 1997. p J36 .
611.C . pt,'f.CH dir . HUJOi~dn tYliti:iom , nXd , Galhm.atd . 1999, coll . "Folio cs'iuui". t. 1• : "Ln n:h111un J'hntfl. d~ 11t1f1M
au monde romain . Au contraire, existent en Judée des sectes juives très fermées,
imperméables à la culture gréco-romaine el qui développent un esprit nationali!lte
opposé à la tradition diasporique. li faut voir par là - et très tôt dans l'histoire du
peuple juif - , s'affronter deux conceptions opposées de la judaîté, l'une cosmopolite et
diasporique, l'autre nationaliste, ethno-religieuse et annonçant le sionisme et le retour
au Foyer national juif.
En Judée quatre sectes sont à distinguer 1 :
- les Sadducéens forment une aristocratie sacerdotale et interprètent la loi à la lettre.
lis tolèrent Rome qui maintient l'ordre;
- les Pharisiens sont des savants laîcs issus du peuple qui tolèrent Rome mais
joueront un rôle ambigu dans la révolte ;
- les Ésseniens sont connus par les manuscrits de la mer Morte. Ils forment une
communauté monastique qui attend le triomphe sur "les ténèbres";
- les Zélotes sont "ceux qui brOlent de zèle" et veulent chasser l'intrus étranger. Ce
sont les Juifs extrémistes, à l'origine du soulèvement de 66 apr. J.-C. et qui sont décidés
à éradiquer toute trace d'hellénisme.
Rome est confronté à l'identitarisme juif du fait de l'exclusivisme de la religion jt.ùve
qui ne reconnaît qu'un seul dieu, Yahvé2. Le monothéisme et Je lien profond entre le
religieux et le politique existant sont contraires à la laîcité romaine. Rome est contraint,
en Judée, de s'appuyer sur des institutions d'essence juives : un grand prêtre dont la
nomination est contrôlée par Rome, un conseil - sanhédrin - qui veille à l'application
de la loi de Moïse et qui est considéré comme détenteur de l'autorité nationale. n s'agit
là d'une tolérance exceptionnelle que Rome accorde aux Juifs . César avait déjà reconnu
la religion juive comme religio licita et il est admis que les Juifs vivent selon leurs règles..
Malgré cette tolérance, la majorité des Juifs de Judée refusent la présence romaine et
rêvent d'un État. En 66 apr. J.-C., une grave révolte éclate en Judée.
Commandant des armées d'Orient, Vespasien est fait empereur à Alexandrie le 1""
tuillet 69 apr. J.-C. Il se place sous la protection du dieu égyptien Sérapis. D'Orient, il
marche sur Rome. Avec lui commence la dynastie des Flaviens3 .
Désormais un empereur romain peut être fait en Orient mais il peut de plus être
placé sous la protection de dieux orientaux. Rome s'abandonne peu à peu à l'Orient en
oubliant ses dieux traditionnels.
Vespasien doit mâter une révolte juive en Judée et reprendre Jérusalem4. En 73,
Massada, la forteresse juive qui deviendra l'un des symboles forts du judaïsme puis du
sionisme, tombe dans le sang. Les Juifs qui y étaient retranchés ont préféré se suicider,
hommes, femmes et enfants, plutôt que de tomber entre les mains des Romains et de
subir leurs terribles représailles.
La Judée est ruinée, ses institutions traditionnelles sont décapitées et elle se voit
réduite au statut de province prétorienne. Vespasien a rétabli l'ordre romain, celui qu'il
applique partout dans l'Empire avec une main de fer et un souci constant
d'homogénéisation et d'intégration . En 74, l'empereur romain donne le droit latin à
l'Espagne, tandis qu 'en Orient, nombreux sont les notables qui reçoivent le droit de
citoyenneté. De nouvelles colonies sont fondées dans les régions danubiennes et en
Gaule. Vespasien, empereur fait en Orient, aura cependant travaillé à approfondir la
romanisation de l'empire.
1 ltft•m , I" .117 • l l.l l•t l\·,l l I l11r . J/1.• f1•u1 · do 1 r /1~ 1 ,"u . n:'.'l'l.i .. t;:tllm\.;.ln.I . 1~ . ..: o il ~ Foin• c:S.SIU:-'" . 1. JI• '"le fl.ll.làlsmt de -
~M7 O. DM" . flfl 1 14-1 t-14
:? hJ,·m. I'· J .n .
) Dynn~uc "!UI sm.:~ "'°dc nU'lo; Julln-<..' lnuJ1\,' ll)o T1hcrl· ·· l.J -.H . l"~lt~ulJ •".' -tl - • Çlnudf - "1-5-i - · . Strœ ·-· ~
Avre Ni.!run ~'Ch:- anc ln dynnsu ..• cl c,1mml.!ncC' en t.~-h.., um.· rCT'h., .Jt Jr 11\llJ.bl'°"
.. Y rERH.IN . T llAU7..0 ll. /J1• lu ..,,,; à f'l-.'m1•1rt· llùk>lrt' .-k R\Mrh·. P.1.ris.. Elhp:-o;.. tW? ~ "\"~ico" . pp. ~IS- 1lU.
Partit" 3. PermnHmcr alrit ulnrt1~
Mais l'affaire juive n'est en rien terminée. Trajan 1 est confronté à une nouveti.,
révolte juive. cette fois·.:Ï en Méditerranée occidentale. La répression est majeure. Ovin
Cassius parle de 220 000 morts en Cyrénilïque et de 240 000 en Égypte. Hadrim'
affronte quant à lui la révolte menée pilr Bar Kochba en 132-135 qui fait massacrer J.,
Romains à Jérusalem. Jérusalem est alors interdite aux Juifs et rebapti9"e Aeti.i
Capitalonia. Apres la première grande diaspora consécutive à la fuite de Babylone""
596 o1v . ) ...C., Hadrien provoque la deuxième grande diaspora; les Juifs se dispenen1
\'ers l'Occident el l'Orient. Jusqu'à la création de l'État d'lsra~l en 1948, les Juifs~
disposeront plus de base rerritoriale propre.
l /Jor., ÏnJaa~. pp 22S-226 el "L'expansionnisme de TrnJan". p. 234 , \lou- égakmcnt Je Mnrgucnte YOURCE1'AR. '"
~tfHid-t~ Pvts. Ga111DMl1i.. 1974.
2 /ânt, pp. !26-2~7
3 H .C PUECH drr .• Hü1oirr dn n!lil(Jons, n!éd , Gallimard , 1999, coll "Folio C'!i<;.U1s" , t . JI• "Le chrisliamsmc des m~
ac;œakdc wictt·. PP· llS-361
4 Y. PEJUUN. T. BAUZOU, ~la cil~ a l"Emp1rr . Hutnirt> Jr Rume. Paris. Elhf'scs. 1997 .
S "'-."La d,._..dco S<vaa". pp. JS3·16l .
o.aru"' 3. La religion
dans une certaine mesure, puisqu'au Moyen-Âge il !lel"a vl!nl!ré comme un uint et
qu'aujourd'hui C?ncore il est considêré comme le premier empereur véritablement
chrétien! - mais Philippe l'Arabe ne l'a-t-il pas été avant lui? Il est probable que,
politique avant tout, Constantin ait joué un double jeu religieux, restant d'une part trS
proche de ses troupes encore largement acquises au paganisme et au calte de Sol
lnvictus, et se faisant passer dans le même temps pour le protecteur de la ~ligion
nouvelle. Constantin rêunit le concile de Nicée en 3252, premier concile œcuménique
mondial destiné à trancher la querelle de l'arianisme et à donner un credo officiel à
l'ensemble des chrêtiens. En effet, dès 318, Arius prêtre d'Alexandrie s'était am à
precher une doctrine qui dissociait le Fils du Père, le Père étant le 5'!'Lll véritable Dieu
incréé. Cette nouvelle docbine entrait en contradiction avec le dogme de la Trini~
selon lequel trois personnes coexistent en un dieu unique. U! concile de Nicée fixe le
dogme orthodoxe : le Fils est Dieu, né de Dieu lumière nêe de la lumière, vrai Dieu né
du vrai Dieu engendré et non pas créé de même nature que le Père. Pour autant
l'arianisme ne désarme pas3.
Oirétien, Constantin peut être aussi considéré comme un empereur oriental, car
son action vise sans conteste à rééquilibrer l'empire au profit de l'Orient conunie le
montre la fondation de Constantinople. Il restaure et agrandit la vieille cité grecque de
Byzance située au passage du Bosphore, là où l'Europe se rapproche le plus de l'Asie.
Située en un point stratégique, la cité de Byzance avait été au cœur des affrontements
entre Orientaux et Occidentaux au sein de l'Empire romain. En y installant un
deuxième sênat, Constantin consacre la division bipolaire de l'Empire. En 330, Byzance
devient la capitale chrétienne de l'Empire, sous le nom de Constantinople'.
A la mort de Constantin le Grand, Constantin Il - 337-360 - impose l'arianisme
comme religion obligatoire. Une dernière réaction romaine surgit après Constantin IL
celle de Julien dit l'Apostat5.
Julien l'Apostat - 360-363 - s'efforce de restaurer le paganisme et de ressoun:er
Rome dans la Tradition primordiale. Se proclamant parent du Soleil, l'empereur Julien
veut refonder une religion d'État, l'hellénisme, tout en s'inspirant de l'organisation
l"innucncc Je Saint-AmbnH ~ c (1M.:?). 1~ pnkns 1mt .iüm J'unc lit-oc-ni!' '1c .. uhc qix Io loG lk C\llrulllnclr nr k\111" 1wua:t1. calOYS
jmquc--là que quelques unnks. Parudo~ulcn"-."fll, alor.; que. nu~ ;i pan Julu:n . mtin te ::?t> JlWI 3fL.l et~~• o.;...
l?R aqttcmbrc .'Mi-27 nuu Jfl6). les Cnlf'CF'C"Urs sont '-· hn.~t ic n. .. 1:1 n:-li(l1,,11 lr.\Ji1hltln.:"llc ""Ol'I~ • ~ict da.. ~dr rÈlllc:t
• n!gler, par ses lëlcs , le i:uu~ Ju lcmp..' ". p h 1
1non..tialt- des chrétiuns. Mois l'Orient refusf.:! avec vinlt!nLc la t~nlativc de retour •u
paganisme. Des étnt!utes é.:latent partout contre les nouvt?aux prNrcs paren~ auxiliair<.,,
de l'Empire l~"1u1-ci e~t menacé d'une véntablt! guerre de rt?ligion, phénumcnc '"'"'
precMent Jans tout:" l'Anliquité et qui, sans doute, annonce déjà l'cxclu6ivi~rnt
religil"ux du Moyen-Ag>! puis de la Renaissance.
La réaction de Julien n 'est qu'un ultime soubresaut, qu'une éphémère tentative dt
retour à l'Empire originel. Ce ne sont P•lS tes Barbares qui ont tué l'Empire romain,
mais les religions orientales, les cultes orientaux d'abord, puis le chri!ltianisme.
La prenuère grande défaitt' dt' l'Europe contre l'Orient sémite est celle du
paganisme romain contre le christianisme. C'est déjà une guerre de religion, sourde
mais détennin.mte . Pourquoi Je mondialisme chrétien a-t-il triomphé de la mondiahl~
romaine? C'est à cette question qu'il s'agit maintenant de répondre.
'J ~ U NIUL , ·1..a mvuion. batbares .. , m E PETIT. M .l\U.l\IN . A . <.rANl :M. Ili.Huin· ,,,,,,.,.r.w /11· c1.,., l'".n tl .!-.
pn4p/e.J. Pari~ . L1blalne AnJ.tJdc: Quillet. 191 J, l. IJ Ll Gaule M.u mu i m:. p(1 33 - o.I ~ .
2 '"Le IJ\R: rumau1 '1c dc(cnsur çn.·1L11ln1 va ~uut passer .;nu. êvè4lu.: ..,; l>llllS lu ~tiv1!>1011 dt:~ Jî u1.Csc~ ct:\.'.U,i1t.alll1Uû ~uhu"IC
c:dk da ~ unp!nuu L'un1vct'S1lé 1mpc!ri11lc est Jl!o1ru1lc. nwis l'u111vc rs:a l11~ \."Ulhuh~uc 11111m111il la pri1nnt1c de "-'"""
~ i pumdR c.on.fwc C1 oMcurc. le mc.mc.lc c.Ju Muy cn A1i1c !oc maunu:mlra cl s'onloimcru 11ilr l'l:yh:W ; s.a h1(r&11;h.<
~al un~ .w lcqiacl lout ~ plM.:c o u &e: muc.Ji:lc.", 111 J. MICI ll :LEl, J/urm r~· J1 · /.,-,,,,. •'. luu .o;aunc, l~ Jum~ Rmc: .."'ln'.
1 l : lc:Mo)'Cll ·Âgc:, p 124.
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l 11 .C. P UEC ll J )r. . //utoff1· ,J.:., 1-.·lt>:totU. l'arts., <ia lhmanl. I •~ . 1..-oll • t:ulm CS.1..'.lb·, l t1• . ·le ..:hru..!Ulllbmr Ja Of'l.8.IDC!l
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J Lt mriJ ni! tic l\; XllU.l\!'olUI\ 1shu111.111c 111: 111 a u li.ni ~ LM.' k h:rnun 1..• Lllu J..:1a l qc·m cnl ~cilcmsa:.
-1 Il (" )'LJ El ' 11 d1r. . llL1t 1•tr1• ( A '.1' r d1Jt: m •L'. r un i. . f.. iaHunun1, l~. 1,."1.lll • f o lh> ~1s• , t . IJ••. pp. ll74-.."7" ,
~ J J. NOR\\' ll 11 , /lùt11,,·1· , /, · Hi·: .. ,,, ., • .1311- 1.J " ; , r :m ~. 111.". l'Tin . \~ . p.•ur l'cJ.1tiun fr.lft\""&LC, rip. l : l - ll-1
h ('\ •si en cc "cm; que le P ê1 " l.lmmu:u:- J1s.;11 1 que 1'1:1.h1m1.. mc Je \l:1ho.mKI ~tall Wl ~1:11uc , H. LAMMENS. l 'hlam.
' f\IYDllCCS cl ins lÎluliuns , lk y nml h, lmpn m~.:ri ....· \' Oi ll hl hqu ....•• I~.\ •k m.ml l .1.•\0ol) )l()UUC'fl( .raal\cun que rôpm.'it«I Je- r\Jlam 11!'!.l
1.h~.. J 1.:"dli: Jr '" nnhu n •m~· · .. ..\ l'ori~ uh: . I'"·' gr.uu lc-s 1.·1.,nqu~11.~ 11\" ù'll'hl~ n.."1\1 J"<ll-' unr c~OD dit' ris1am.. fl'IAIS dt '8 G&lioll
11ru.bc. po u.,io;i.'c pair ln prr.ts iun 1.lc- li1 ~11rp••rul ut ll.'ll 1.lan'.'1 -. rêft111,uk nala k ~·1 \°\.W'llTaJD~ de: Cl\lUv.:t' un. c-~u1ut1t dam ~ conll'Ocs:
\·uui ncs .", in Il. l .E\VIS , / . c ·.~ .·lr.11'.·.• ,/, H,. l'l11 •lt>1• 1·. r.n.._ A..tr.a . I~' 1'-'111" l\'1.11ow1 ~. p . 7 1
puis aux Romains et aux Byzantins. la domination du vieux monde pendant plus de
millran:s1•
Les musulmans rappellent souvent. afin de souligner la supériorité de leur religrnn,
avec quelle facilité les conquètes arabes se firent. C'est qu'il y eut une complicité
immense des peuples orientaux. Persécutées par les Byzantins. les chrétiente,
monophysites (de rite syriaque ou copte). aidèrent les musulmans à jeter l'hellénisme a
la mer?. La chute d'Alexandrie. son éclipse sous l'islamisation. illustre la défaite de la
civilisation gréco-latine en Orient.
Alexandrie qui avait été la capitale de la pensée européenne - des néo-
plalDniciens - et wt pOle de rayonnement de l'Église. fut balayée par l'islam, dont la
vague déferlante vint à la fois de déserts arabes et de steppes d'Asie centrale. le
christianisme se réfugia alors à Constantinople.
R.. M.A,VI'RAS, L'~1'W1111Mane, 1-71'·Kr -'iec:'4.•. P~ns. P.U f., Pans. p 101.
J J. MICHELET llutu1rule Francr, UUâannc. Editions Rcn~on1rc. 1 1 l.f! A.-to_,.,~,,.,.jge. p 1:!S-127
-' '"'Saim JCrDmc n'a pu UIC'l. d'éloaes pour soainl f lila1rc n lrouvc en lui la gnicc hellénique et ln '' haulcur du codturm
~ D fappdlc "le RJa,6Qe ~la langue lalinc" . '"L'Eghsc chrét1cnoc, d1t-1I cncor-c, a grandi et 1.:rG à ~·ombre de deux artrra. i.aa
la grâce du péché, l'empire des cieux des pui!lynces du bas monde, l'amour du désir,
la prédestination de la liberté. Suivant cette optique, la liberté appaTalt comme une
offense à Dieu. Le salut et la Rédemption des hommes perdus depui!I la chute d'Adam
viennent de l'élection et du rachat.
Pour Pélage au contraire, la dépravation et le déclin de la foi ont pour origine la
doctrine de la nature pécheresse de l'humanité, qui entrainerait un manque de
responsabilité. Pélage refuse le péché, soutient que l'homme est libre de Sl'9 choix; qu'il
est alors responsable de ses actes. L'homme a reçu la grâce de Dieu lors de la criation ;
à lui de la garder.
La doctrine pélagienne exprime une mentalité européenne face à la pensée orientale
et africaine, plutôt fataliste et manichéenne, de Saint-Paul et de Saint-Augustin. Mais
elle constitue pour l'Église une hérésie nécessairement mortelle au chri!ltiani!lme; en
effot, si l'homme n'est pas coupable, que devient le mystère de la Croix? Jésus n'a-t-il
pas racheté l'homme sur la Croix ? Dans ces conditions, la perfection et le salut ne
peuvent-ils pas exister sans le Christ et son Église ?
En niant le péché originel, c'est-à-dire l'essentiel, Pélage bien que se plaçant
apparemment en son sein, nie le christianisme. n développe donc wte hérésie que
l'Église doit détruire faute de disparaitre à terme.
Au départ, Rome n'a pas vu le danger et soutient Pélage. Après tout. l'opposition
Pélage-Augustin ne s'inscrit-elle pas dans la continuité de l'affrontement Carthage-
Rome; contre Augustin le Carthaginois, n'est-il pas logique que Rome soutienne
Pélage le Breton ?
À la fin du rvc siècle et au début du ve, le pélagianisme a fait des progrès notables:
on le voit solidement implanté dans le nord de l'Italie, la Vénétie, la Dahnatie dans le
Picénum, Rome, la Campanie, !'Apulie, la Sicile, l'ancienne Grande Grèce, la Gaule
wisigothique - plus particulièrement l'Aquitaine et la région d 'Arles! -. la ville de
Massilia, régions si marquées par le pélagianisme que celui-ci semble parfois sur le
point de triompher. À partir de 418, l'Église redouble de vigueur dans son combat
contre les idées de Pélage. Les conciles se succèdent d'Éphèse jusqu'au pays de Galles.
Vers 450, le danger semble étouffé. D'autant plus qu'il vaut mieux prêcher aux
conquérants germains de l'Empire la dépendance et la toute-puissance de l'homme
plutôt qu'une liberté arrogante et turbulente2.
L'Allemagne restera fortement marquée par l'esprit de la predestination de Saint-
Augustin. Un moine saxon, Gotteschalk y prêcha sa doctrine qui annonçait celle du
Saxon Luther. Un Celte, un Irlandais, dit Jean le Scot le combattit en reprenant
l'inspiration de Pélage: pour lui religion et ptûlosophie se rejoignent; il éleva le gérue
celtique de la liberté individuelle contre le mysticisme de Saint-Augustin défendu par
le futur protestantisme allemand3.
Dans cette section liée à l'observahon empirique des conflits et des rivalite; où la
religion intervient, on aborde successivement : les conflits à l'intérieur du monde
chrétien; les conflits entre l'islam et le christianisme ; les confljts à l'interieur du monde
musulman ; les conflits des monothéismes et des religions d 'Asie .
l Un compmmi1' s·c~I tU.it en Prv\·cncc entre W. lillcn.: huroamc et l.a p-dil:~ ..iJYH1C' · t:a\OAl5.. C\~ ..k- R~ ID ~
d'Arles, le muna1nCrc de: l.trins .
2 J MIC:HELf.T //l:rru1n• ch• J."r.mn·. l.ausunnc , l~J1hon..,; M.cnc(1nlrc. 1. 1 : L.: \fo~cn- ..\gc. p. ~::">.
l lt/1·m . p ::ti~ .
3.1. Les conflits à l'intérieur du monde chrétieii
"Ri$k ~Yrttrale. Toutt!< lt:< ~trs ont dc11:r noms : 1' 1111 qu 'elles se don11c11/, d /'aulrtir1,...,
ltvr dorme. Airisi 1,.,, E'.gli""" plroticrmrs qui s'ap1>ellc11t ellcs-mémes ortliodoxes, son/ nonrnirr..
loJr' or dru e//i!<, SdU..<matll("t:', grrcques 011 orie11ta/cs, mots syno11ymes, StUIS qu'on 9'en li>rilt.
Lts pmnimi refum1111"1rs s'irrtitulènrnt """ moirrs courage11semcrrt ronngi'liques, d 1~ .J<r:Oodo
rl{orrnts : rmri:; tout cr qui 11'tsl ptL~ l'U.T les 1101111rre lu tlrérirtts t!I calvinistes. Les anglicans, cann..,
"""5 l'lll'Om "'" rssaimt de s'11p,.c1u a110stoliquc..<; mois toute l'Europe en rira et mhN""'
,..rfilde l'Angletrrrt {. .. /, le 01tlroliquc seul est a1111elé commerrl il s'appelle, et n'a qu'un"""'
,,,,.., 11>11s les hommes.
Ctlui l("i n'acrordnail auctme valeur à cette observatio11, aurait peu médité le prtmin
cMpitrrdûll mitapl1ysique pn!mièrr, celui des rroms."
Joseph de Maisln!1
1 J. deMAJS11l.E. Du hpc, La So1,-hs tk Saint-P~trnbourg et autr,•:-r texte.T. Pons. J J Pouvcrt éditeur. 19S7, p. 12.
2 ~ chnlbla:imr oa:icienml • at. il raie la composan1c majeure de Io pensée européenne, mi!mc de la pcnstt rarioulim
. . l'Cll ~ CIJlltR bal. el am.si• putir de lui . Oc bout en bout de l'histo1rc de l'Occident, al reste o.u cttur d'une ci\'ili:alm
qll'it llllimc, mimi: q~ il se laiuc rmportcr ou dll!fonner par elle, et qu'il englobe . mèmc Jon;4u'cllc s'crrort"c de fuj échapper. r.
Jlt9CI' a:mD"e qudqu'uo.. c'at re:&let dans son orb11c", m F . BRAUDEL, Grmnmmrc· r/1..·,· 1.: h·ilnwriuns, Paris, Flamm&rioa. 199.•.
p.1'4.
l r.I V.Atry IOUÜpad &es liem du christianisme avec la terre, le pain. le vin, le blé et la vigne cl mlmc' l'huile - - .
~ cmamdlcsck lli ci"1l'-ûon médilenan6cnnc.
OLC PUECHdlr.• Hinoirr du ,../JgloM. Paris. Galhmard. 1999. coll. "Folio e ssa is", t Il ... pp. 907-1405
S f . BRAUDEL. GrmrlflMl1nda cfr1/Ua11ons. Pans. Flarnmanon. t99J, coll "C.:ha.mrs", p. 61 .
6"1.c XVI' liibcle, c'est le Rttle de la Rl!forme, de la pndc coururc, du schisme , tu tunique ums coulure lfkhirtt m dm\
.. J Da kD. cdk ''lCllk notwn de ctuêticn~ apphq~c unit.111rcmcn1 à la 1ornhtC des populnttons d'Occident profes1i9l k
~ •'al plus pmsibk. •. m L FEBVRE , L 'Europe, g~n~.s~ d'une cn·ilisatwn, rans, rcmn. 1999 (le" tes de coniêrc8m
~ ,_ L fdrttt d RIKll\hM. pu l't!d1tcur). p 198.
Chapitre J lA religion
l F. BRAUDEL. (jr~mm. u r.· ,/1•.f , 1nl Lh1t m m . rttd.. . l'an~ Hamnurion. l 'N.l, cuU. ·a.mp.'". p. J9.:? .
~ L Fl::.BVME. L 'Euro/k'. Gr"nc'.\'1· J '1m1• n ,·;/L.(ution . Pans. Perrin. 1W9. p . 191.
J Il LITTO N , ln" h lfrf>..Jlimu. / .. Yif- /Y/~ . l>uhlin. Wo lfhound Pn:ss. 199M : D HARJO.'ESS. 1""'°"1d U. dtr ~
C~nllif'.\' · D i ,•tik , / blt1nd, Lo nJrcs . MacnuUan, I~
le .-onnit du Quéhec 1 est moins exacerbé que celui qui oppose catholiquL"S <1
prote..tants en Irlande du Nord . Mais l.'1 "ncore, mèn1e si la pr.1tiquc rcligocusc a
bo,aucoup diminut:', l'o1ppartenance religieuse des Québécois francophones entre en jeu
le premier facteur de différenciation es t s.1ns doute la langue. On se reportera a et
sujet ilU chapitre consacré à la langue comme facteur géopolitique .
La n'"ligion ioue un rôle dans une di1ncnsion plus socio-économique que
proprement spirituelle. Le souverainisme qué bécois critique l'éthique protestante dan.
une perspective souvent proche de la lutte des classes<'! reprend à son compte la thèse
du sociologue Weber2 qui parlait de l'alliance du capitalisme et du protestantisme. ~
Canadiens anglophones sont ainsi identifiés à la classe dominante par opposition au,
catholiques francophones dominés. Une opposition du n1ême type existe d'ailleu"
dans le confüt irlandais, où les protestants sont considérés comme les alliés du
capitalisme anglais sur l'ile.
Tda'qu,.:c rifurmi.<o ri .Sforoyu ..... nrllwli'l'"'-"
En 1918, les Alliés crecnt la Tchécoslovaquie avec l'idée de réduire les ambitions
traditionnelles des Allemands et des Hongrois . La géopolitique intérieure du nouvel
État fait étal d'une prépondérance nette des Tchèques sur les Slovaques 3 .
Les deux peuples sont différenciés du point de vue religieux : les Slovaques sonl
catholiques, el leur catholicité compte pour beaucoup - comme en Pologne -, dans la
définition de leur identité nationale; les Tchèques sont protestants_
L'État tchécoslovaque est caractérisé, non pas par de véritables tensions
géopolitiques entre Tchèques et Slovaques, mais par des différences économiques
importantes : la Tchéquie est plutôt industrielle et riche tandis que la Slovaquie esl
rurale et pauvre~ _
Les rivalités entre Tchèques et Slovaques dans la Tchécoslovaquie sont donc plus
économiques que religieuses5. les Slovaques choisirent de se séparer des Tchèques
pour prendre en main leur propre dé ve loppement économique. Contrairement au cas
de l'Italie, où le sécessionnisme est "riche" - une frange de l'opinion du Nord souhaile
se "débarrasser" du Mezzogiorno-, ce sont les "pauvres" de Tchécoslovaquie qui
poussèrent au divorce.
À propos de la séparation de 1990, on parle de "divorce de velours" car la rupture
n'entraina pas de guerre entre les deux nations . La raison essentielle est la
territorialisation homogène des deux peuples slovaque et tchèque - à l'inverse de la
configuration yougoslave.
Les Tchèques regardent vers l'Ouest, vers l'Union européenne et l'Allemagne rn
particulier; ils sont également liés à "l'Amérique protestante" et entrèrent dans
1 Pour l'h11o101rr des C.anadicns rnnçais : Ci HANOTAUX, A . MARTINEAU tlir" . lhMmn· <11•.\ · ,·o /m1it·ç fr.mr; 1m.-, ,., J.·
tnpamion M lu f"rancr "'"·' le ,,,,,nJl·, roms, ~1C1C de l'U1s1uire nuuunilic, Pl un. ! lJ:?lJ. 1. 1 /. :-lm1 ;'."I"' '
2 M WEBER. L 'ttluquc pmlr!JIDnl~ et l'espril J11 ("Upitul1.~·mt', 1901
:J ·1.e 14 nu·•innbn: 1919 , une Assnnbt« Naut>nal l! rrov 1smre se n!uni1 i\ Pml'uc . Elle- étnu 1.:nmros1.'c de :?01 d~put~ lt: ~IX"t
et de VI dqM:h •lo\·... un tttru1ës par cooptation En fo1t , sculli les c.lëputcs tchèLlllC!<. t!tiucnl rc prcscntntif." 1 . j Qu.vn iu'
69dépnts •lav.qua. Ili •vaicnt é1~ JOignb d'une façon tuul ,j, fa11 ürb11n11rc Je fo._:on A favurbcr li: '7ournnl unilüuc au.\. Jrp:'ll.\ 11-,
~- p · tn H BOGDAN, llistnir~ ilt!.1 p11p d~· /"/::d (l>c •J.- rir1,;m,-.11 ri uu.11pmnJ, l't1ris, Pcnm , rèi!c.I .. lc,190 , r 241 .
4 G. WAC KERMANN , La Norn·.-11': Europr n.·mruk, r1.ui s , Elhpsc,. , 11..l'J(> , rP- 160-1 Mi .
~C MERU~ . ïchécoslovaqu1c! .. , in Rtdatm111· ùu1•r11.111011r1h·,· ,., \ln1/1 ;J.:U/t1t•.' t, 1 H.. l.S ., 1•JtJJ, n"':!. p . 111 - 13'.'i
Chapitre J. Ln rellglon
Conclusion
Les trois exemples précédents mettent en évidence la persistance de clivages entre
catholiques et protestants. La seconde grande phase schismatique de l'histoire du
christianisme, la Réforme du XVI• siècle, laisse encore des traces, mais celles-ci sont
moins marquées que celles qui perdurent après le premier schisme de 1054.
Pour autant, dans aucun des trois cas examinés il n'est possible de parler de guerre
de religion. Bien au contraire, c'est le nationalisme et les représentations socio-
économiques qui sont détenninants, la religion venant a posteriori appuyer l'effet de œs
facteurs.
l A CtlAUPRAOE. F THUAL Vi. - 11u11n.i1r~· d.· !:•·01-ol m'lu..· . .:: c nt., Paris.. Elhpscs.. I~ . :1roclc:s. ïo;biqwc'" . "'Sknoequic'"'.
:? Cependant. c ompan11a1 ..·t:nu:n1 11ux auLrcs n!gimc= ~ M>1." 1ah s 1~ de.· l't:st. la pas6.."UUOll ~IJ.gieu:s< ~ TillO • ttC .. ~.. ~
J'F.glist par c~cmrtc . a hcauçoup plus souffert Jres pcrsêcuhl.KU r.:roaacs dunutl la ~ Ouorr lllllUdl&lir qas œ cclb dll
liClbr.
communisme yougosla\·c ; "T11t1's hrc.sk w1th the ~wu: t Unmn m 1 :oi~tl and J.e\ckJpo-=:iJl uf bcncr rda.uoaa v.iab &bit Waa lmd. m
grulcr 1olt:mncc C'lf rch.::ion und an 1mpro\-1..'ll situauon for the chun:h. Sc,·cnhelcs.s. S&abclc fonus uf pcno..'llliaa coalilMaiod.. "-ilh dM:
go\·emmtnl !iurpcirlmg 1:11 s~· hi :-. m w 11hin th.: Scrh1:m OrthodoA ChWTh'" , m R .û . ROBERTSON. ,._. EoslOYf c.illrifn.- c~Ala. .,
t.r;1·f .,11n,:r , R<1mc . Oricmata ( 'lm~Honn . )QQ;'\, r t-.::
) J .F. MAYëR . lfrli~imJ...'i •. , h;,, ·urü,; m1~n1c.11111lfol1 ·. l:krnc. Oilk"C ..."C!llttal Je Oél°* .su.i.uc. ~mbre 199.5...
.a H. UOGDAN . /lh1u1rt' ~pm·., Jt.. 1·1:.· ~1. L1, ..\ ••rigin.·.- r" nus,~,.~ . Paris. hntn. 19S2. p. 501.
f\4ttl'\"t.k•l1w. IP pouT\.'l'nt,1).t1t'!' des n1usuhnans décl""1rés est en recul. Quilnl ·11J-
l"'lll\.'-'l\t,1t:,'-'~ dt..•s l\llhlllh.1ut..•s t'I orthodoxes déclaré~. ils snnt· partout t.•n régrcs'.'iion
Au llt'hut 1.ft•s 1Ul1\l't•s 1'-1~0. •lll K<.lSt"tVO, l.1 tension 11u,_:;nH.:onh.• t._•nlf·L' Scrhc!i et /\Jb.ln.th
musuhn.111s 1 1.11nt•n,1...·t• d . .• 101 r..:'..•sur~l'lll.'L' (orle du .,.(•pi1ri.1lisn1P albaniliH au Ko~ovo -
l'
,,lfü.' u1w "'"'l'Ml"\.' plus glt,bnll.• dt._• J ' i~l.1111 d.1ns les Balkans - , région consjdl•rl't.' par
Ill~ ~·rlx""S çl,1111\H' lt• l~n.· . .·au de l'orthodoxie serbe, rl•veille le nationali~mc Sl'th.:·.
Sui\'~1nt rnw ~.ll" hllll l'll d1i1inc dassiquL', le réveil du nationnlisrnc serbe entraine un
surs.1ut ..tu n,\tù.111t1hs1ne croah..'.
Lt' dt'-·h,1îne1nt.'nt dl.'~ natinnalilt..~s en Yougoslavie csl rendu possible par '"'
,·h,\11),'1.'lll~nts ""'opolitiques majt•urs qui se produisent n partir de 1990, à l'échelle du
<'Onhnl'nt L.1 reunification allem.,ndc et l'effondrement soviétique favorisent en ellc1
un retour en force dL' l'Allemagne en Europe centrale et orientale, tandis que la Ru5'if
<'<t aifoiM1e~ _ Berlin et le Vatican tirent les bénéfices de la fin de la Yougoslavie el d...,
intiépenJ,1n'-~ slovène C't croate.
Si l'on \'\'Ut comprendre l'éclatement de la Yougoslavie par l'approche du lait
religieux, on rnnstate alors que c'est bien la peur de l'islam chez les Serbes - le
"'uwnir dt'S conquêtes ottomanes est encore fort dans les contrées serbes - qui est a
l.i ~;oun."'e dt:' 1.1 ri.lthcalisation serbe, laquelle augmente la rivalité croato-scrbc - sans
comp!l.'r que les Croates, encouragés par la nouvelle Allemagne, n 'ont guère attendu
les Serbt.'S p.1ur mettre en avant Jeurs velléités d'émancipation .
Une fois le conflit a\•éré, se produit alors un processus d'entrée du religieux dam la
polihque et de sacralisation de la catholicité et de l'orthodoxie que l'on peut décrire de
la manière suivante :
- on ajoute dt>S attributs sacralisants aux concepts politiques clés: Croatie sacrée,
Serbie celeste ;
- on revient toujours plus loin en arrière dans l'histoire pour prouver que les
communautés rivales sont inconciliables: phénomène d'ontologisalion des différences ;
- on pratique un manichéisme forcené : un camp apparaît comme une
persormification angélique du Bien, tandis que l'autre est une incarnation diabolique
du Mal;
- on réinterprète l'histoire en termes de mnrtyrologic sacrée.
Le conflit entre Croates et Serbes est un conflit nationaliste à donùnante religieuse.
L'enjeu n'est pas de convertir l'autre, mais de s'emparer de son territoire. Les Églises
participent peu à la fabrication des idéologies de combat, mais la cause nationale est
souvent mise au service de la cause religieuse qui la transcende.
Carte 52: Peuples et États dans les Balkans
Carte 18 : La dynamique d'enclavement de la Serbie à partir d e 1990
Carte 68 : Les ~ccords de Dayton: création et partage de J'État bosniaque
Carte 59 : Le peuple albanais à cheval sur plusieurs États
Carte 57 : Le conflit identitaire du Kosovo
'U facteur dbnog.raph1quc que nous abonluns p1u" lom . c s l plu-. JCtcn11in ;mt q ue le (," lclcur rdigicu1l "A \"cc un LI U \ dt:
naraW dr 40J pour mille rn 11165 - JS. I pour mille en JQHS · et c1c mnnnl11 é tic 10.9 pour mille .... t.,7 rnur nulle - - lt
Kmuw, comnK: rAlbanl<' \'01sine d'•1lln1r.i. , conisuruc une cxtrnnrdinnirc c11:ccp110n 'Inn.-; k 1ahlc ;iu d~ mngmrhiquc d 'une f;un."î't"
\irithi.mat: . Certt popul.ltion trèil Jamc reste a"Cnticllcmcnt rumlc. car le~ villes du Kosovo ne pcuvcnl 1'11h!'lorbcr cl les ~utm
œmn:t isbaam de- Yaugml.avu~ l"liC' rcnne1.ICT11 pa! de rc1rouvC!r un milieu nnlimml nlhunms (. 1- En cuns~ucncc. 111 J cmi1t Jt."
JIUPlbtioa de cc tcrrito1~ de 10900 km2 est p~c de 7Sh!km2 en 1961 ta 1 HOhlkm2 en J 9 1) I ." . in Il l .()ftY , /. 'EuTtlpc' b, 1/1,,""IW
d,,J~jo1101 juW'3 , Pans,[lliP>CJ . l996,p 131
2 '" Le IJ'IDU\"etnmt { ) n'• pu u rourcc Wm!'i les Rolkans c u.x-rm!me!'I . c'est h: recul clc 1'111.~gl!munic .;uvi~lhlUc-. d&1Lk 1
Les uniates sont des Ukrainiens catholiques de rite byzantin. unis a Rome en 1596,
au moment du Concile de Brest-Litovsk. On les trouve surtout en Galicie et en
Transcarpathie ; ils furent toujours de fervents nationalistes ukrainiens, anti-russes.
Soutenus par le pape, leurs relations sont très tendues avec l~glise orthodoxe du
patriarcat de Moscou 3 ; elles ne sont guère meilleures avec les autocéphales : les uniates
partagent avec ces derniers l'esprit nationaliste ukrainien. Certains mouvements
autocéphales se méfient des wùates qu'ils assimilent à des agents polonais du fait de
leur caractère catholique. Les ultra-orthodoxes accusent les uniates de vouloir établir
une Petite Pologne en Galicie. À cette accusation, les uniates répondent que les efforts
des orthodoxes à implanter des églises dans les régions traditionnellement catholiques
d'Ukraine ont été soutenus sous l'ère soviétique par le KG.B.
En Ukraine, une orientation nationaliste commune n'empêche pas les divergences
religieuses de s'exprimer. Au sein même du projet national ukrainien, la tendance
autocéphale orthodoxe et la tendance catholique uniate s'affrontent duremenL Et il est
difficile de savoir lequel du nationalisme ou de la religion est un facteur prépondérant.
Carte 51 : Peuples et États en Europe central"
Catlanli'lues ri protrstt111/_o; fuf'f' à l'orthodoxif'. dn11s ff's pa_,·s Ba/1,~
En Estonie~. les protestants font face à l'orthodoxie. Depuis le XVI• siècle, les rerres
estoniennes situées au nord des deux autres pay s Baltes ont changé plusieurs fois de
propriétaires, chevaliers Porte-Glaives et Teutonique, Danois, Suédois, avant d'être
absorbées par Pierre Le Grand dans l'Empire russe en expansion, qui avait réussi à
atteindre la Baltique et à y installer sa nouvelle capitale, Saint-Pétersbourg. La politique
de Pierre Le Gr<lnd consistait à cette epoque à repous ser la puissance suédoise de façon
1 A CllAUPRAnr. 1 rlll 1.\l . p,, 11. >1111.11r. · J.· ~~rft•pului'/IH'. ~c ..<J .. Paris. EU~ l'f'N. &rhdc -e.~- ; A..d
J SELLll:R. .41/wi ,/,·_\ 1w111•l1 • .rJ:"n•po· •.,.,,,,.. ,/,·. l'.in:-.. La Ik"t:ou,·cnc. rcCd l~!\ . p. bQ_
2 R.<i. tlOltEH.TSt >N. / h,· b L\"1<"1"11, h r u-111111 ' hurd,,•.i.:, '' htrff:f."fVT\'n._ R('ln'IC'. l"")ncoœla ( 'hn!>tian&. 1'195, p. 107 .
J lJC'M . p ~)-~~
4 A. C'HA U PRADE , F . THUAL. D;, ·110nn'"''' d,· g.;·~tpnlitiqtw • .r M . Puis., t:llr~ IQllW . ~lt "Esaooic'".
-- P11rfir .1. Prnnanmœ do,.,,,,.,,
à iesurt!r .au nl.lximum le L-untrok• des n"ltes dL• la Baltique et du littoral l!nvironnant t.
°"1'1''llÜl' capihlle. Coll•~ et chrlstianis~s par des seigneur,. all.,mands, IL'S P~.
Glaive'. les p.ipulations .iutu.:htoncs t.>stunienncs, d'origine Cino-ougrienne, furem
Nduites Jurant le M<,~n-Àt,>e à l'Nat de servitude par l'aristocratie allemande . Ga~
"lft\D'lo:' leur.< !'e~curs ,,llcmnnds pnr la Réfonni>, les Estoniens devinrent luthériens
P.n la •ui~. le joug ni!'!le p<!sa sur l'Estonie. Le réveil national estonien fut
lanll\'emC'nt nw~ par les pasteurs qui s'opposaient à une russification croissan"
toudllt.nt la fo.;aJe baltique Je l'Empi~ et dont l'aristocratie allemande intégrfe a
1'4'p&n!il Li\'il <'l militaire de l'Empire russ e, s'était faite la cheville ouvrif're.
lndt'po>nJani., en l920, l'Estonie fut réannexée par !'U.R.S.S . en 1940 et corlllut un
phéno~ de russification. Elle redevint indépendante en 1990. Des tensions eltistent
aujourd'hui en Estonie à propos d'importantes populations russes auxquelles on ref115e
le droit A la citoyenneté estonienne.
L'Estonie fournit l'exemple d'un choc entre un protestantisme pro-allemand et Wlf
orthodoxie pro-russe.
En lituani~. en revanche, le choc oppose des catholiques à des orthodoxesl.
Au X\"' siècle, la Lituanie formait un État très étendu qui allait de la Baltique~ t.
mer Noire. Ethniquement hétérogène, cet État était dominé par une minorih'
lituanienne, fraichement convertie au catholicisme4 et qui dominait les populationo
slaves-orthodoxes.
Le Grand Duché de Lituanie s'allia, au travers d 'une union dynastique, puis d'une
union politique, avec le royaume de Pologne, et donna naissance à un État Ires
important d 'Europe orientale. La Lituanie suivit désormais la Pologne dans son destin
et dans sa chute.
Le catholicisme lituanien est vivace mais il se méfie du catholicisme polonais, tout
•"ORUlle l'orthodoxie russe. La méfiance historique des Lituaniens vis-à-vis de la
Pologne fait de la soi-disant alliance catholique polono-lituanienne une fiction.
Le cas de la Lettonie recoupe les deux cas précédents : catholiques et protestants se
trouvent face aux Russes orthodoxes.
LDngtemps doaùnée par une aristocratie foncière allemande issue de la
s«ularisation luthérienne de l'ordre des chevaliers Porte-Glaive, la Lettonie5 fit l'objet
d'une intense rivalité au XVIIe siècle entre la Suède, la Pologne et la Russie.
Au XVIIIe sil!de, l'ensemble des terres lettones finit par être incorporé à la Russie
dans le cadre de sa poussée séculaire vers la mer Baltique. Le réveil national letton fut
initié. au XIXe sil!de, par les Églises luthériennes et catholiques - la partie orientale de
la Lettonie qui avait été polonisée était restée catholique.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la Lettonie indépendante subit le même sort
que les autres pays Baltes: annexion soviétique en 1940, libération par les Allemands
J "'C'ot ron:n aUcmmd ms Chevaliers ponc-gla1vc qui. au XIIIe sicclc • conquis, convcni 11u christianisme et coloauê b
Lcaallic et l"Esiaail:. De ccnc tpoqw: da.le la fonc mOucncc allemande qui ma"que encore ces pays [ .. J- Pendant tou1c b pénodt di:
a-~ • rEmptR naue, les soc;~tC! de Lcnomc cl d'Estonie fuœm <lnminéi.:s par une noblcs.-.c 1enimnr 6anpm
~ - \es butlM bûtes. Les villes. sou1o·mt fondées par des Allrmands y ~to1 enl fortement gcnnanisns . La lansuc allcmmi'
y aa ratic' d't...,.: ofliael [ . .. ) ~ vcn 11190.·. m M . DRAIN, '" Les atouts suv.lCgiqucs de l'Allemagne dans la C.Er. il
...._...... 'ad.s~ . Pnntcmpsl992 . n° S , p . 148 .
2 A. CHAL'l'll.ADE. F. TI-IUAL. Dic1iunna1re Je géupoli11q u1._•, 2e éd .. P11ri s , Ellipses , l 9')9, iinidr "L11uwnc ..
] S... rc:aŒ de la Lituuuc iw Moyco-Àac, et la menace qu'elle conslituc sur la Russu: à. crue tpoq_ur : M . UELLER. UùllJITt
• • ._...,,,,..,,,.&rp;ry, tlarmlU.non. 1997, p. 115· 121 .
.. En r A.a mil. la dl:rtticnlC: CSI p.-csquc n!:aJ.iM!e ~ "St l'on met i pan Io Reconqut<>la C'-'llp.agnoh: (pounun:ie Jusqu"i la fWa dl
X\,.. s*Jc). li dy ..... phu que la Prusse (llll XIIIe siècle) el lm Lina.ante (ou XV., s1«lc) pour cnt~r dAns le Christiana Rcspubl:-.::1
. . ..... in H..C PUECH dit .• HU1orrr~ nllgmrt:r, Pans, Gallimard, 1999, coll .. Folm CSSJtlS .. . t. 11••. p M08 .
5 A.. OfAUPllADE. F nfUAL, DtctivttNlirr Je 1tttlpo/itique, 2c êd ., Paris, Ellipses, llJ9'1J, ur1u;: lc " Lcnomc" .
en 1941, el guerre a leurs côtn contre l'Union !OOVtêtique, puis retour 110viftique et
violente!! représaille!'I en 1944.
L'identité lettone aura donc, au xx~ !!liècle, do !l'affirmer contre les AUemands de
Lettonie - les "Barone baltes" qui quittèrent le pays après 1941 - et l'Allemagne, ainsi
que contre l'Union soviétique qui s'attacha a ru95ifler le pay•.
Carte St : Peuplt!8 et e1a1s en Europe centrale
Carte 23 : L'enclave de Kaliningrad
1 "Dcpuas dcu:.. ccnls a.n.....;, le roiJ.s géupohtiquc de la ~ligion l.')rth\-Xu.e pe-sc sur l'aspert c0Ucct1r Je l"orrlabl.e ~ ~
NUtorud sow toutes '-·es fonm."":> La n:l1~1on . 'lan~ l'espace '11'\hoc.!..>~c . ~t WJ Jes op:runan prmcri-a, de • &lln::mioD dm
oalions.". in F TlUlAL. GCupolitiquc Uc l'onhoc.h.l'\ic. r:ins.. Dunod.. 1994. p . 11a.
:? ïhc OnhoJo:.. Chun:h m Clm.unc thus wa~ pan of 1hoe Russian OnhoJo., Cbun:h Wdil the ~c ul UbUK . , .
drc:Jattd 1n the chno11c s1twt1wn folJ,n,; in~ WL1rht W.:ir 1 .1.nù the Rllii1.ut n:,·olu11..i:a 'Tiic goYU'lllDClll of titis DC'W ~ S-..S •
IH1 allO\,,ng for the cstahlL"ihnu:m o.Jf lln :iu1occrh11lou.."i Uk.rainian Orthodoll Chun:h th 1919.• . in R.G ROBER.TSON. n.. ~
t'ltru1i1111 clrurrh~. a hrif!f.n,n'e!_,.. Rome. Ori.:ontaho \'.'hns111ana. 14N5. r 1 tu
.ltll
- l'Églis.> urth<l<ioxc ukrainienne est li&, uu putriarcal de Kiev; elle jou" un r~J,
,lmbigu.
- l'É~lisc orthodoxe ukminienne uutocéphille;
- les group!'.'S autocéphalites de l'exterieur sont liés uu piltriurcat de Constantinopl••
Cartl"' 51 : P'-'"uplL"!' C't Étilts en Europe centr,1le
l ..f'-" .\fol1lu..,•'.f>
sunl rui11ré.;; 1•11lr1• Ir"" Uu~·"''·" 1•t /, .... Uoum11irr-.
L1 ;\lold,l\'ie <'SI tir.i1ll~ <·ntre deux forces d'attr.1cho11 : la russe el la roumain" 1~,
divisions Je son dcrgé orthodoxt:' illustrent ces deux forces polaires :
- une hiéran:hie fidéle au patriarcat de Moscou, qui joue la carte de l'indépcndarq
mold.wc;
- une hii'ran:hu.• mise en pluce par Bucarest et qui joue la carte de la réintégration de
la R<•umame.
Carte 51 . Pcupl"s el États d 'E urope centrJll!
Tout comme le christianisme est indi ssoc iable de Jésus-Christ, l' islam est
indissociable de la prédication, de la vie et des guerres d'un homme, le Prophei,,
Mahomet - 570-6322 . Le temps musulman débute 622 ans après le temps chrétien.
Mais à cette heure, le christianisme est loin d'avoir fini son expansion . L'Angleterre, la
Saxe. la Germ;mie, la Bavière et le nord de l'Espabrne ne sont pas encore évangéllSèsl
Alors que l'islam est déjà prêt à franchir le détroit sépurnnt l'Afrique du Nord qui \'ienl
d'abandonner le christianisme de l'Espagne chrétienne, l'Occide nt est encore couvert
d'immenses clairières païennes4 .
Entre les deux grandes religions en expansion rapide, le choc ne peut être que
terrible. Ses séquelles sont immenses .
Carte n ·L'expansion de l'islam au v11c siècle
Sujets traités: histoire géopolitique de l ' is lamisation en Afrique noire ; le
christianisme ancien face à l'islamisation : les Coptes d 'Égy pte, les Chrétiens d'Érythrét
et d 'Éthiopie; fractures islamo-chrétie nnes du Caucase et des Balkans; pourquoi
l'Afrique du Nord n'est-elle plus chrétienne?; les minorités chrétiennes d'Orient ; les
chrétiens d'Asie face à l'islam.
1 La dwput.1 ukr.umcnnc cs1 1mpunan1~ au:it 1'. 1 ~us -U n i.. cl ;111 ( :111; 1da "Tho.: l l l..1 a 1111.111 <>rclu ~ t. 1~ l hurd1 11.1_.. ,, .;.1~ n 11 ~ ..:
prcvncc 1n 1hc Ji;npora. ail ufY.hlCh 1~ nu w unJcl" lhc jur1 ... t.1u.. t1un 111 1h1..· l'.11nah hl· ul l ·111i-.1.111hn11pli:" . Jol,·m . 1' 11 ~
"'"'~'"·fi n
Chapitre 3 . La religion 311
1 0 et J SOUROEL. Du: wmuLlirt hui.>r1qu...• ~ l'islam. Paris.. P.l! f .. 1996• .an:icle • ..\lhqur mntt- aslmmqur"". p.. J9;
c w 1Ji...,u1mn . Pan...;.. Armand Colin. 1990. p . :?J-4.
A MIQUEL, L 'i.!rlam t!l ."a
2 Les "Chiraz1" qut font le 1.:ommcn:C' <le l'or. de 1'1\· oi~ cl des cscla'-'CS. ia. f . BRALfl>EL G~..,. mildanoilu. Pans.,
Flammanon. 1993, coll . "Ch:imps" . r 1(')5
) 8 LUGAN. Atlas hiu<Jrll/U•' .IL· l 'ArT1o1u ...•• Paris.. Le Rochet', 2001. ·L.2. côcc d'.-\fnquc oncolalc (VII~. ~siCdc:f.): ·A cet11:
(poque~ les Arabo-musulmans ct;ucnl maitres Je la loahtc du httoral est afric:un. depuis la Sama11e au m.d juaqu'i Soi:ala m Sad.
De: Sofola ju.o;qu'a Mogod1s.:10. J.:-s v1lks .:ümmt!"f\' 3llll.."S s.: panage:ucnl le IinuraJ. A~ momco1 elles ac~ ua Etm
undiC ou mt!:mc homogène:- lnJO:~nd3nh..~ h."'S unes des :iuCl"c'S. clics a\·mcru des lic:ns dincts avec les ~om d'Arabie: ou œ ~
Pns1quc d'où Cui1cn1 onginain..-s leur~ dingcanK ". p . ~7
M fonJ1."='s aulour ûc •>~U par une cxJ')\.-J111.-.n \ 'C'C'IUC Ju Golli:- arnbo-pcr.;.1que sous tn œdrn de Hasan ibn Ah. 6b da sulaa œ
l'lnnLl'IP.:~)
~ D t.•1 J SOURDl::l.. /lt, ,,, ,,,,,, ,,,.... Ju..,.ltn1qurt <k l'i.'ffœrt. ~ P.L'.F, 1996. IU"Ociit '"'Afrique: noin- ~- . p. )9 ;
1 LA tuanwnc. le chnsmc d le k.handJ1!imC wni I~ 1rois gnnd~ bron c hes de 1'1slum Elles sont le produ11 Je 1füuiom
Aa\'c:nuc::t ion de qurrella Je su..:cess1on cahfalc. Le sunmsmc est 1'1-. lam onltot..lo:\c rra111.1 uë pnr H.5 °,~ des musulmans du nl'.llldi::
conlanpanul, le chimnc rqyrëscnwi1 k'> l '.'i '%,, rcslanl!'i, 1and1s que: le kharidJl'mH: a prnt1qucmcm t.h s pun1. l'lbadamc onun.au t11
danf Wll' da dcnuC:rcs man1fesw1ons . H1stunqucmcnt. Jans la q"1cr..:llc <le suc..:c.;s 1on. k~ p11rtisans de Mu11~1ya - fuf\D\
~ - donnëTcn1 RA1uancc ilU sunnismc. con1rc eux le s partisans t.l'All uo Alic.Jcs 4u1 se Ûi\'1 sernn1 li noU\'Oll c1
doaDcroat D&l.Ssantt au
chusme et au khandJiSmc
La pruJqUC du sunnm11e vanc clle-mëme suwant 4 Ccolcs ;urid1quL"S reconnues le clmfê1 s mc, le hünnfi s mc . le m3ICkumr C1 k
mni.Jamr En w:hemaJ1san1 , un re1umdra que la prcm1èn: c..:ulc o réuss i Unn' l'm:i!..in lm.heu et en A -.1e. la dcuu~ml.' lbn' 1'r 1
Empuc oUomaa -- y wmpns Sync cl Irak -- . la lro1 s îé mc: en Afnque tlu N o rd , cl li1 llllDlnè mc llans lu pénm,ulc ura.hiqUt' - - k
.,..'Vthab1sme:
ftl ~I l'c•prtuton saoudicnM _ Les <ltfTércn cc s cnlrc c e s qualrc .!1...nlc!> llcnnc fll rmlllnimcnl R l'lm(1Ur1;:rn..:c rdllt\ r
qu'C'tln aicœrdcnt •wi uo1s roupporu fnnd:i.n\\."111D.u:.. de 1'1!!.lam. le Coron la KC-,..Cln1u1n 1:111c par Dic11 nu Proph~ll.' l".11ihomr1 -- . Li
Swo. - 1• pn11quc Je Mahomet. clam ~in CQnlc:llh: h1sta r1quc - -·cl lcs l lnd11h-. - · Les dtls du rrnphètc - · cc qui dCOOuchc 'ur,Jc..
lrcturu phu ou moins n1auttusc de la vie rcliJ!rcusc du mu..,ulman . r11r exemple. le: hun hulismc -- 1:1 le w11hhnh1!1on1C' Jnnc - ~
1'nprcuioa i. plm lnd.111ooahstc d ÔJionsu: de l'u\am 1unm1c. turnJi~ que le hunoli s mc. r~pnmJu en J.-.k . c:n Syrie uu •u L1lwi f'\!
bcaucwp plm •tOUplc•
2 B BENASSAR. J JACQUART. Le XY~ .flfrle. 2c Cd ., Pon!!> , A.rm1md l"ulm , 1990, p. 1bit .
l A. MJQUEL,L'blam rlia1·1wli.Jutùm - l'/l'"-Xr· .'li.•d.: - . 6" ~tJ .• Pnril'. Annoru.J Colin. l 'il99. !"'· 261'
Chapitre 3. Lo religion 313
l Les hem; ecunonuqucs s'rntcns11icn1 i..•ntre 11..."S r'"'ru $4.'tnalis Cl la n.'1uon ~: cmet·n1c- de: l'H~ .
2 Cel ordre mystique mu~ulman J ou .. on nom u Abd al·V•Llir a l-Jil.oni, uu rrcd":ale\U' hantwlilt n:n>mmê - X:Vlr 5*.lc à
Uagdnd ln D c l J. SOUR[)l'. L. /li1 ·11um1,1Jn.' h1:ooriq111..' dc.· l'u/'6m, Pan s. P l ~ . f-'. , 19%, amdc ..Q.dm),...
J FonJCc llU Jéb\H llU x1x..: s1êdc rnr AhmaJ 1hn ldns.
4 Muh11mn1od lhn Abd AllAh 111';6-l-l~lO). chef somali . '-"!"' 11.• ~lais l~al Ju mahdis.rne s.oudan&i" et ~hquir tm cbaffisme
ngoun:u11t .
5 Il. LUGAN. Athu /11-'fto1 ·i,11,.· d~· l'At1 ·1q1tt-, l':m s. l c Ro... hi:r. :001. "b-s U'Oi.'i plies de la lnl~ musu.lmmc ... p. HW. Le
tiois1rmc lll'lc Cto.nt l'Afrit1u1.· tk l'mu:st suhl!hcunc
h /J~·m
l'nrlit• .l . l'crmrml'm:c dN 111<nl1tn
314
1 B. NANTET, Dictinnna1rc d 'hiJICJlr.! f!I de CIVll1.rn1wn,· ufr1nûm.•_,·, ran .... Lartlll:">M:, J lJl)IJ, ar11clc "Cunm1crcc lrnns.~~·
p. 69-10
~~cc ~me portait le nom d'une ville aujourd'hui tli!iparuc illcnliricc avc1.: le s1 1c tk Kumh1 S.1hh m 1x confin., Ju SuJ -bl.J:
l'actuelle ripubliqUC' de M:mnlanic [ ... ! Lu. célêbrilC qui s'11Uachai1 JU'iqt1\1 nu.., jours au :-;ou\·cuir lie cc myaumc mcJ1tul fu: i
fongux du oom ck- Rtpubhquc du Ghana adoplC par l'cx-~ulumc bmo11111a1u1.: J..: la <ioltl l ')""' au nmmcnl Je son a.;:c~,~11 .a 1
rindtpendmcc en 19j7 • 1n D . ~I J SOURDEL, D1cttonna1r'-' hh1n,.,1111t· d~ /'n/w,. , l)11n ... 11 1 l I· , l •>11'1. ;art1d..: "Clhnna"
) 8 . NANTET. Dictmnnafn.- ÜhllffJlr'C l'i dl' cn·ilu.-1111m1.'> 1~fru·1111w.1·. P11n,, l .ar1111 s.,.l.', l 'J')'J, 11 1.'.:!11·I.'.:!1 . Sa C'1J'113k ol K un~
s.Jdl. situft 1 11 frun1ib1: du Sah1u;11. au nord de Humaku, Ci . llAH.DY, "l.'Afru1ul.' llu \'" ou XVIe si1,,~dc" , 111 l.. l'rllf
M ALLAIN.A . (iANEM dir, llU1t1irr' 1mi1·,•rwllr d1•.1 p11y1t'Id1.·1· 11•·1111l1·s. l'un:-. , 1.illrn1nt! An-.1ulc t.)u1llct , Jl,)l.\. 1. 11. p t> :'~ ·f'"
4-u GbaRa •'orp1ma en 1uyaumc autt1UJ dc!I murch~'I sahariens avmu l';a rnvCc 11i.: ... r1111 s11l111nn'i C-rran~cr .. cl ''"'' St,mnl~ ...
au&nl<tll la wmmcn:1•liWiun mtém:urc et cnlcmluicnl f.lUri.Jc:r ln muiln'.'>c <l..:s 1k:h1111du.! '.'>". m H. 1. MllHl ·...\1 :. trP1,.;•'·
.....~. Paru·Ab1dJ111. l'rtscncc alhc.111ncilrwJcs éd111un, l tJHZ.
_,, D. LUCiA.N.Ada' hu1uf'/qut'd1• l'Afriqul', Pmris, Le R111.:hcr. p. 11
6 /dl,,., p 7)
0..pltrr 3. La religion 315
Mais jusqu'au milieu du xre siècle, Je monde noir ne fut en contact qu'avec l'islam
des marchands arabes et berbères, le plus souvent kharidjites. "Les premien agents de
l'islamisation africaine ne sont pas venus en foules comme les tri~ nomade en
recherche de terre ; ils se déplaçaient en caravanes pour échanger Je sel contre l'or et les
esclaves" comme l'écrit R. L. Moreau 1 • Des marchands noirs choi!lirent, pour des
raisons commerciales, d'apprendre l'arabe et de se faire musulmans. Mais là encore -
et comme en Afrique orientale- , au début, il n'y eut pas d 'intérêt il une convenion
massive des Noirs - utilisés dans la traite des esclaves - dorte pas de djihad.
Le djihad pourtant ne tarda pas. C'est encore un trait commun avec l'Afrique
orientale : il arriva "dans les fourgons" de l'islamisation pacifique. Grande con!ltante de
l'histoire générale de l'islam, c'est "l'orthodoxie sunnite" qui le pratique et qui vient
s'attaquer il l'islam hérétique des kharidjites. Le mouvement almoravide, né chez les
Berbères Lamtûna, vers 1040, sous l'impulsion de Abd Allah Ibn Yasin qui voulait
prêcher la vraie foi, le suruùsme, et le vrai droit islamique, le maléltisme, constitua sur
la côte atlantique, près du fleuve Sénégal, une ligue religieuse et guerrière. Engagé par
Abu Bakr, le djihad commença par l'Aoudaghost berbère - relais saharien du Sud -
en 1054, remonta jusqu'à Sijilmassa en 1055 et conquit le royaume de Ghana en 1CT762.
Ainsi, la première construction politique d'Afrique noire occidentale tombait-elle entre
les mains de l'islam sunnite malékite, au moment d 'ailleurs où, en Médi~
occidentale, les Musulmans commençaient à refluer sous les coups des royaumes
normands .
Sans parvenir à éradiquer le kharidjisme, le sunnisme malékite des Almoravides se
laissa influencer par celui-ci en adoptant le principe du marabout3 - chef
charismatique - qu'il légua ainsi aux Noirs convertis.
Au xre siècle profitant du déclin du royaume du Ghana, un autre empiœ
mandingue se développa à partir de Tombouctou. le long de la boude du Niger :
l'empire du Mali 4 • Au contact de l'islam et dans l'intérét du commerce, ses souverains
se firent musulmans à partir du XIIIe siècle et effectuèrent le pèlerinage à la Mecque. À
son apogée, au XIVe siècle, le territoire de l'empire correspondait à l'addition de l'actuel
État du Mali avec des morceaux des États modernes du Sénégal, de la Gambie et du
Niger.
L'islam et le développement de relations commerciales avec la Cyrénaique firent
aussi la prospérité, au xve siècle. de l'empire Songhai'5 constitué dès le vne siècle -
empire de l'ethnie Songhaï - et qui devint l'Empire de Gao à partir du xie siède. À la
fin du XIVe siècle, Tombouctou était devenue le principal port commercial de la région.
Les grands empires urbanisés et islamisés - l'islam étant une civilisation urbaine par
excellence6 - de la frange subsaharienne suivirent les débouches transsahariens. "Ils
s'y succédèrent, déplaçant leur cœur depuis le fleuve Sénégal il l'ouest jusqu'à l'est de
la boucle du Niger", comme l'écrit Bernard Lugan qui parle "d'àge d'Or du Sahel".
Géographiquement, la grande zone des savanes que designait au Moyen-Âge le nom
1 R. L MOREAU . .-f.fi-1 cnin.or mu:or11/mt1"-"· Pans -.-\b1djan. ~~i: a.fn c:tinc lnadcs Cditlon.. 19'C.
:? U FISH CR. " Le Soudnn ,x:,;i ll i:n1al et i:i:ntr.1.I"' . m P . ~I . HO L T . A. K.S L\...\t'9TOX . B . LEWIS Jir., F.1".."ld~ g.;.irak
J l i.! ITilll rn.3ru~lUI 1,•Sl llltL' lr..1.n s ..·nr11,111 Lk .\J - ~IW-.t b1IUR . " .-\JmN ''l:l \j J'-'$.. h.~ucl !!{Uldc œns Je Jjib9d C'Oatre k::s CllDCIJli5 dt
D 1~ u d cnnln: les (ll\S'\i,lns huma1n"'·s i.:1 1m~ud i: s1 Juc un~ smc1c ohds..~I! ln R . l MOREAL'. ffrk.uuu ~ P'lft6..
Abu.IJan, ~scncc Q.fn.:o.in i:-- l n~1J c s ..•J th llll . l "'1S .::!
~B . Nl\NTF.T. 0 1t rt11111i. m ,· , t /11.\l c•w,· ,., J,·, il 1/1 ,.0 1;,,,.,"' ~li-il'Uin&".\", Paris.. l..MuUS5C. I~. p. 177.
SM1•,,,. r . :?D -:?l-I
b Def1a-"-"""'Ill ~ ,1 111m,fü: tu.' n rcrmancnt4:" ~nm: 1!'t:11n L·1vihsah(ll\ urbaine- ou i~am e1vi~tion non.tr - seloo 6t:t ~ - .
nous l<lUtmnn.111. l'tc.h.l.c ~UC l'u,lam cet._.. civiliYuon ur~tinc QUI n'a cesW dr puj.scT SCS t0rca JucrriCl"es et de l'ftldl\Wletuau: dlat,
le mont.le 11011\lldc
Partie· .1 p,.nnaumu dn idatlillt
1 Nocom qur l'C5cla\l•gc non ramené en Afrique du Nnrtl fui un hu.: 1c ur no n négli1;c111hlc de m1!:11sse8c ncW cbu r
~ Juabr>ikrbèia donuNLOles. cc qui C'Kpliquc la d1vcrNilé des types ph y siques et de" cnulcuN de f'ICllU olm:nTt
oujaunfbuo doms le Magllt<I>.
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Chaplin. 3 . La religion 317
1 En arubc. "murid" siynifü: ncw1cc .:t i.:1:111 cmpluyê- dAns l'A.nda.Ju.... du Xlre siâ:k pour dêoi1@Jltt ~ KMlfis.. ·Le fo~ du
moondlsmc s'C11i1 dëclnn: chaqi:é (lUr l'ullF-L" G11bnel 'Jihnl d~ f't!flcwtT l'L"' l:1n1 au ~ m c:.u.ltmnl DOblnmmL au cuanmtt de
bcluf:Our d'1utn:.~ mystiques. la \'Ulcur du tr.i""atl manuel St.m tombeau.. ii T,H1ha.. cs1 l'ob}'C:t d'un~~ Mn11CI ~tft',._
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~ n dE / 'apaNIOll tk la F~ncr dum IL• monJr. Paris. sCK.:iê1é J1: l'lll~loirc nulmnalc. [•Inn, l'JJI. 1 IV. p 25"-~ .1~
.1\. at.At.J'PRAOE. F ntUAl. , lJi<fiunnalrt' dt! gb>puliriqu~. 2" CJ .. Paris . Ell1ri°'.;s , l 1) 1J 1 ~. uni..:lc "Ma.11rilunJ1..
0
"
Ch.ipltre 3. La religion 319
Le Cameroun est formé d'un Nord de plaines et plateaux qui appartiennent aux
franges de l'islam africain et peuplés de populations peuls - Foulbé au CameroWl -,
opposé à un Sud bantou chrétien et animiste, couvert de forêts et de reliefs
montagneux.
LA Soudan
Les royaumes chrétiens de Nubie qui échappèrent dans un premier temps aux
conquêtes arabes, fin irent par s'arabiser et s'islamiser au XVI~ siècle. De cette époque
date une structuration géopolitique interne marquée par une fr.acture religieuse entre
le Nord et Je Sud.
Voie naturelle d 'expansion vers Je Sud pour l'Égypte, en direction des somces du
Nil et de l'Afrique, construit autour de l'axe du Nil, contrôlant au Nord-Est le littoral
de la mer Rouge, le Soudan connait depuis son indépendance une guerre civile
incessante opposant le Nord arabo-musulman au Sud peuplé d'ethnies bantoues,
chrétiennes et animistes.
t'OutJanda
L'Ouganda fut conquis par Londres, à partir du Kenya, en vue de s'assurer le
contrôle des sources du Nil - protectorat d 'Ouganda institué en 1894. L'Ouganda est
une construction territoriale qui s'est stn.Icturée autour de deux a.'<es : l'un. Nord-Sud.
1 Y LACOSTE J1r., J>11 ·1imm11irt· .11· g ..~ ,,,.,/11 iq 111· . Paris.. F IOJnmunon , 1""'-'· p. l 107-1 lOQ
211 ~f rc.:reuablc ~ll l! Unn ~ l' lt n1·n:N11C fmrn;:1is.:. Je uvmh~u.\. untn:r..1to11n::s.. r->ur JQ ~ ~ l1!fl.-. ~
réahli! e thnique que ui:r.:utJ Hcmunl Logan C'I 4\11 c ..1 pllUr1:ln l .l\: U.j'tè1! J.1ns la pNpmt des aulla \.~ saaanllqucs dia
monde~
J M. 01.::LA ... OSSE, "Afm.1uc •.~1.: iJC'nl;.ih: l "r..u1~a1:M.':~. Ul l i HA l'OT -\ l! X. :\ . MARTINEAU du . His*-" JtU ~
frtJnçullo!..( t'I dc.• l 't·.~1'C11uum J,• t.1 1-'rm" ··· ,/.Jiu I.· mma.k, i"arl.ll., s°'·11,::h: Je l' ll1s1ou.: m1KmAlc,, Pk>a, 1!11.ll , 1. IV A.nid•~•
ln ~Lotscilt.s in A . CllAUPRADl·:. F 1 lt U AL. Jl11.·licMIMirwdle ~,..1i1t1<.1"•' · l e CJ. , l»atis.. ~ 19Q9-
320 Pdrlù..• .1 r•cnnaneucc 1ft~ ultnlitiJ
""' dt'\-eloppl' du Ntl vers les Grands Lacs et l'autre, E,t-Ouest, des Grands Lacs <'11
direction de la ,-uwtre du Congo
Du point de vue des populatic>ns. l'espace ougandais est fortem e nt hétérogène et
h!gl'OUpl' tn'i~ familles ethniques : les Nilohqucs et les Soudanais au Nord, l<'s Bantou,
.iu Sud. ave.: notamment l'ancien royaume du Buganda qui servit de modèle au•
Britanruques pour édifil'r un pôle ougandais chrétien e<tpablc de leur assurer la
maitri.~ des sour.""eS du Nil et de faire barrage à l'impérialisme égyptien et musulman
Historiquement. on peut consid<-rer que le dispositif géopolitique ougandais a
d'abord privilégié la situation de périphérie du monde arabe. Tel n 'est plus le cas, en
particulier depuis que les "régimes nilotiques" - !di Amin Dada, Obote - se sont
effondres pour faire la place en 1986 à Yoweri Museveni. sudiste formé en Tanzanie et
au Mozambique.
L'Ouganda est donc marqué par un affrontement Nord-Sud d'essence ethnique et
amplifié par le choc des religions. Selon que le rapport de force est dominé par le Nord
ou par le Sud. la géopolitique de l'Ouganda peut changer ses orientations extérieures
en profondeur.
Le problème de la fracture islamo-chrétienne des États d'Afrique noire est aggravé
aujourd 'hw par le nouveau profil de l'islam africain. et ceci pour deux raisons
prinàpales :
- au plan quantitatif. parce que le pourcentage des musulmans dans les États à
majorité ou minorité musulmanes n'a jamais cessé d'augmenter par rapport aux autres
rommunautés ;
- au plan qualitatif. parce que de nouvelles tendances islamistes ont fait leur entrée
en forœ en Afrique noire depuis une vingtaine d'années et qu 'elles progressent
rapidement. en se heurtant parfois à l'islam autochtone enraciné dans les confréries.
La powsi. df' l'islomismf' ~n Afriqu~ noir~
• Une source chiite ensuite : le fondamentalisme chiite soutenu par l'Iran et les
milieux chiites libanais proches du Hc:zbollal1 .
Dans les pays africains très majoritairement musulmans, une tendance s'affirme
nettement depuis au moins dix ans : le basculement progressif vers des régimes de
nature islamique. En Gambie, le président a promis le passage prochain à un régime de
république islamique appliquant la cllllria. À propos du Sénégal, Magassouba Monba
pouvait écrire en 1985 que "l'instauration d'une république islamique était inscrite dans
le futur de la République du Sénégal" 1 . Au référendum constitutionnel de février 2001,
des groupes de pression sénégalais puissants ont élevé la voix pour demander la
suppression de la laïcité et l'instauration de la charia. Le rayonnement des instituts
islamiques arabes est également croissant1 . Le grand État fédéral du Nigeria. au-delà
des manifestations favorables à Oussama Ben Laden - Kano, octobre 2001 - ou de la
condallUlation à mort par lapidation d 'une femme, mère d'un nourrisson et accusée
d'adultère3, est en train de basculer, État après État, dans le régime de la charia. En
2002, sur les trente-six États de la Constitution de 1999, onze sont dtjà islamiques. Les
réformes démocratiques qui sont approfondies à chaque aménagement constitutionnel
profitent en fait à l'islamisme, et ceci du fait de la démographie musulman~. Si les
islamistes sont - au moins conjoncturellement - en faveur de la démocratisation du
système c'est que celle-ci ferait mathématiquement du Nigeria un État islamique. En
Afrique, comme ailleurs, la géopolitique rattrape la science politique : on savait déjà
que la démographie ethnique commandait la démocratie africaine - un pluripartisme
s'organisant en pluri-ethnisrne- ; on pourrait bien voir demain la démographie ethn~
musulmane commander nombre de démocraties africaines.
tl)Tl11ens est n:n1~ au Stn~y,al p ..'~u y Jcmnmkr l'm1aunuion d'un Ètal lSl.:t.miquc . t·:ii~"alollah c:h1ite dr JC..olack. el Had;I Abmed
Khahfo Niasse. membre- de ln .,.· el~hn: fanulle llttJanc. l.kf~"nd le moJ.!lc tr.uucn. Il ~I suulenu ps:r la Libye.
J Les cas ~ mullirficnt 'lu' r.1rrn~hcn1 h: N1~cna Je l'Arahir SaouJuc ampu.m.uon des mams.. sC90C'C' Jt COUP5 Jt fOuct.
l)'Tl(h;:ige en ruhhc . A111s1 en Jllllkt ::!tHll . un .111,.·u111..· homme dc Sokow, couf8hh: J'un ,·o l dc~bC-.in:. a eu la IDIUll drouc~pm
ch1ru~1c t:t sous onc1uhCs1c . Le g1111vcmcmc n1 local lui l;l tlffcn 500 lkl llars p_'W '"bim rcparo.r dam la vie;'"
4 S1 en 1%~. un rccc n,.cnh..'nt ,1cmnn11 -"' •' .. Je.• mu:o1-ulmans.. .\~•.,de chrè1tms c-1 19 % d'anu:nisacs. "'!.kruicr n:u:mcmma *
19111 ne donnait rlus de ch1ffn:-s par rchy.u.m . Mi.u s d· ap~ le Con..~11 Suprëm.: des as:socl&ri\llllS ~ les ~
"l'~l11icn1 uujourJ'hui prts de 70 "'-de la populatttm ,lu Ni~ena.
322 Pnrlfr .l f'rn'1aurncc ,/~ 1J,,.IJl1'1
1 Le i:li\·a~ Pcul ·llaaua.ssa se retroU\'e lui -même danj 111 ri\'oli1C des Jeu~ gram.les t..onfréri cs Qndiriy11 -TiJllfllY:t cl~ fl"troull
daru les gruxb putu; poluique:!i du Nord 111ns1 le N .P .C'. - Nonhcm Pcoplc's Cnngrcss ·- rcpr-Cscnte lc=s Peuls de S.1!...:~ :
mcmbra de LI Qadiny• 1.aOdi.s que: la NEPU - Nonhem F-le1m:nts Progrcsst\le Union - rcp r~scn1c le s llunussus mcmbl"C'S Je li
Tipai)'
Chapitre 3. La religion
Outre le Sénégal, la Gambie, la Guinée ou le Nigena, le Tchad est aussi travaillé par
de puissants courants islamistes. Des prédicateurs soudanais - mahdisme - ont
investi les écoles coraniques tchadiennes. Au sein du Frolinat - parti iruitrument de
)'ethnie nordiste des Tedas - , à côté d'un courant marxiste et laîcisant, se développe
une aile islamique et arabisantel .
L'Afrique orientale n'est pas épargnée par l'essor de l'islamisme. Au Kenya, l'lslamic
Party of Kenya fondé en 1992 par le cheikh Khalid Balalal, et très vite interdit, est lié aux
islamistes du Moyen-Orient et probablement impliqué dans l'attentat contre
)'ambassade américaine de Nairobi. Ses bases jouxtent celles des islamistes somaliens
de Al Iti/rad, le long de la frontière kenyane au nord-ouest du pays.
En Érythrée, les islamistes sont de plus en plus puissants au sein du Front de
Libération de l'Érythrée - F.LE. Créé dans la partie occidentale de l'Érythrée en 1958
au sein de l'ethnie des Beni-Amer - pasteurs semi-nomades et musulmans - ce parti
est l'un des moteurs historiques du nationalisme érythréen en lutte contre l'Éthiopie et
il est alors soutenu par plusieurs États arabes - Yémen, Arabie Saoudite, Émirats du
Golfe. En 1970, le Front Populaire de Libération de l'Érythrée - F.P .L.E - est fondé à
Damas par des érythréens chrétiens qui reprochent au F.L.E. son caractère musulman.
Depuis l'indépendance de l'Érythrée, c 'est la bureaucratie et les forces militaires du
F.P.L.E. qui dirigent le nouvel État - comme en Éthiopie, c'est une ethnie chrétienne
qui est dominante au sein de l'État. L'obédience islamique du F.L.E. entre alors en lutte
contre Asmara soutenue par Khartoum, au moins jusqu'à 2000 - rapprochement
Soudan/Érythrée contre l'Éthiopie. Asmara doit aussi affronter les islamistes du
M.E.J.I. - Mouvement érythréen du Djihad Islamique - tout aussi anti-chrétien. Mais
la realpolitik des États prime cependant sur les logiques religieuses : l'Arabie Saoudite
wahhabite soutient le pouvoir érythréen - chrétiens et musulmans modérés - contre
les rebelles islamistes qui reçurent l'appui, sous Mengistu, de l'Éthiopie chrétienne
avant de pouvoir compter, jusqu'en 2000, sur le Soudan.
En 2006, les islamistes se sont emparés du pouvoir en Somalie. Le Cheikh Hassan
Dahir Aweys, qui fut jusqu'en 2005 l'un des principaux dirigeants d'al ltihaad al-
Jslaami, mouvement djihadiste jugé comme proche d' Al Qaida, et qui est considéré
comme terroriste par les États-Unis d'Amérique a été nommé à la tète des tribunaux
islamiques lesquels contrôlent une large partie du pays. L' installation en Somalie d'un
foyer islamiste peut avoir des répercussions majeures pour toute lAfrique de
l'Est (Ethiopie, Djibouti, Kenya, Tanzanie) et jusqu' au Yémen et en Arabie Saoudite,
sans oublier les archipels de l'océan Indien. conune les Comores où le traditionalisme
islamique est très puissant. Ce foyer peut être une menace pour la sécurite des routes
commerciales de l'océan Indien.
Soudnn, nu Nigeria, au Sénégnl, en Gambie ... A-t-on imaginé l'effet que le basculement
de ln Gnmbie pourrait nvoir sur le Sénégal ? Ou celui du Nigeria sur sea voi5tns? Le
monde occidental se désintéresse année après année de l'Afrique; tel n'est pa9 le cas de
l'islam politique. C'est donc par l'Afrique noire et pas nécessairement par le Moyen-
Orient, que l'islamisme pourrait bien surprendre le monde dans les années à venir.
Carte 49: L'Afrique d"" ~tais
Carte 50' L'Afrique des ethnies
Carte 67: Populations arabes et noires sur le continent africain et frontim
christianisme-islam
1 '"'The ltmn Cupt - <lcn\·nh\c of tlu.: (Ïn.:ck wonl Ai~yf'tiM . menmn!,! t:g\'J'llut, mJd dcli\-a.I from lhc hweroglypluc;: 'Het..JIJ
Puh' · Tcmrle of Ptuh's spiril \...-as arplicd h1 nll f:l(YJ1tian!'ii hcfon: th(' Mu.,.hm iU"llb coltl(~• m b-11 :\ D. Aftcor the Ml'-'lim ruk,
Cort mcnnt tho!i.C l!gyptiirno;. \\.)111 d1tl th1l cmhniü• Is lam nnd contrnu . ..J
. tu pml' ln.:c Chn"-tuuury ~. 1n L> HIRO . OtctJ~ \')f lbc
Middlc·Easl. New York. Snmt Marlln's l'n:ss, 19Q1;1, r . r.!. ; li C. PUl:Tll J1r l/i..11t1in· ok.~ rrlig;oru. P:ins.. G&lhrmrd. 19911, coll.
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_, /r/rm, p. '.\h-47, "Le pnlriotn:h-..· ù1rtc 1l'Ak,11mlnc!' _ fort du J"IOU'\"t•lf r'~rcC par lm SUT l:a 'piatnc dies rn.nncs'. JOWSSlll d\m
('lrcs1111e rn~~nlé Jan~ le mtindc Lhrd1t•n ~I 11t11i1 hu:nlt\I pn ,. k lltrc Je 'paf""' Il c-sl cn..""01"1:' .Je~ juurs le~ prtl111 ~ile
!liOOtt '',in L cl A (ïlARK \', /'1•li1ù1111 · , ., """unit;.~"" /'111t lt4· -l>r1 ,•,,t. P;,m.; . Mai,.onncuvc-.LanlK', 19di, p. !..,te.
4 A. C'llAUl'RAllE. F. TllUAl .. Di..tum1111m· 1k ~·;"J"'""'I''"'· .::·· 1.·J. Pan.~ . f.lh~. 19'N, .utJdc ·l:lh.iop1c·
S Y 1.ACOSTL: dir, Où·1iwmafft" , ,,. K1 ;11p(ll1tiqw..-, l'lln~. l-'l11nun.uin1Jn \ <.11.1 .~. r ~I S
l'i!llam 1_ 11 y :i donc bien un affrontement islamo-chréticn qui n'empêche pas ccpend~n1
Io roncurrenœ des deux ethnies chrétil•nnes, Amharas et Tigréens _ Une hypothèse d•
plu• en plus probable est celle du rapprochement entre l'Éthiopie et le Soudan, qu 1
apporte une preU\·e supplémentaire, s'il en faut, que l'i ntérêt des États peut pa~ser au .
.-le!'..<US J..,. l--Ohérenet.'S religieuses.
1:~r11hm
P.iys pluri-t>thnique, l'Érythrre est peuplée pour moitié de chrétiens d'obédi.,nce
al'iy~~me viv.1nt dan~ les n1onti.lg:nes, ~·t pour n1oitié de 1nusulmans vivant sur la plaine
côtière. L'effondrement du communisme e n U .R.S.S . et en Éthiopie pemut au,
Érythréens de se libérer de l'Éthiopie2. Les musulmans jouèrent un rôle majeur dan,
cette lutte. mais il~ furent finalement évincés par les chrétiens hgréens marx1Sles,
lesquels récupérèrent le projet nation<1l érythréen. En fait, les deux États d'Éthiopie el
d'Êrythree sont dirigés aujourd'hui par les Tigréens chrétiens, ex-marxistes, el
répriment ensemble les Afars et les fronts islamiques.
L'Éthiopie et l'Érythrée fournissent l'exemple de deux États dont la géopolitique
interne et externe est conditionnée par la prépondérance des ethnies chrétiennes sur les
ethnies musulmanes.
u ranjlit du llaut·Kambak/1
Ce conflit3 oppose les Arméniens, chrétiens l'une des plus vieilles Églises! - am
Azéris, des turcophones chiites5_
L'Azerbaidjan est situé en Transcaucasie, sur la rive occidentale de la mer
Caspienne. La zone a construnment été une terre d'affrontements entre l'Empire perse
et l'Empire ottoman6_ Les Arméniens et les Azéris s'y sont toujours affrontés pour des
raisons ethniques, religieuses et territoriales, et se disputent notamment la région du
Haut-Karabakh. Le conflit du Haut-Karabakh est un exemple typique de conflit
d'antériorité qui voit chacun des protagonistes revendiquer une région en vertu d'une
1 ·1..e chnsuani.lmt fU1 mlnxhnl en Êlh1op1c, dans le roy aume d ' A)ltoum. ver~ k m1hcu <lu l\.,ç -.i~k sous le r~gnc Ju roi E.œu
1wa-s Hll) 1 ] Rqct6c au boui de ta du~1rn1C . empCchce, à pan1r de l':urivée de l'1 ~ l il m. de co rmnum4ucr commodll!mcn1 :a'« lie-
~ œ mande chrcucn. même avec 11: gypte l.lunt clk fui plu'i c.l 'unc fi.u s ..:oupcc par ks l\r.ib1.."S du Smu.hm . l'È1hrnp1c s'nt CTtt-:
um: ÉJlltir tre. p:irttc:uhèn'. Elle C!il en (111l ~oun·mCc rar le palnarchc cl le NCgus. personnage consacré d on t un <.les rôln.. s.clon LI.
CODllillUuan. acrudk. bCnLICft des trad111aw. ancnlrnlC"S, est. 'd 'ë1rc le c.JC(cnscur c.k la 'ia1n1c foi onhoc.Jox\! fond~c ~ u r les ilocuu:it'I
dt ani.-Man:' d"AIQ&JKfnc"" . in 11.C PUECll du·.• llistu1r1· J1:,· re hximt.,, Puns. Gnllnnard, l lJ'llJ. coll " l·uho essais" , 1. 11•• . p ~#
""°-1 o\. CHAUPRADE. f . THUAL. D1c1/mrnulr~ 1/t> xéop111i11qm·. 2c éc.I . Paris. l: lhpscs, 1Q•)CJ , urt 1dc "Ery1hrt-c· . 0 ri
1 I;. TllUAL. L.·.t nmflt1.\ 1;.krr111.m,·.\. Puris. Uhpst.s.. 19'.15, p ..i 1.~ J
::! "Une grumJc rJ[lrtlC Ju ...-1 ...-r!l...~ a Jisraru P'=nd.:lnt les mass.a..~s en Tlln.IWC. L'.au.1R' , .• ~ aoêutJC par les pc::rs«UDlllD6 JCI
bi;1lchc\'lh en ~m:rrc ..:ontn.: l'opnun ,lu rcupl.: ·· . in l ". MOL' RADIAN./. 'Arnlc."'l'lt". P.l :.1-·. 1*5. p. W.
j A . et J SELLJEM. .. -41/,H ,/,·s l'""J'/1•.,- d'f."11111/"-' n.•mr,U.:. P:tns. La tX;.,:l•U\.ertC. l9'ill, p. l:'O-l.S 1J.
-4 T. MUDRY. //L<iMir1· ,/i- t.1 H11s11u•· lln.;1~m·ùr,· Faif., _.t 1·111rtnn..,f"!\",._.,._ Pans.. Eltipsoes. 1~ r- I~"·:!~~. F THllAL ~
m~flllf 1ci1·1t1itulrr.,·, Pans. E11ipst.·"'· 111'1'.", r J .\ - ~-1 .
.S /11.:m. p . :?15-:?.\7
Apres une atroce guerre civile opposant toutes les parties el menée en dépit de la
présence des forces d'interposition des Nations unies, un accord de paix a été 91gné a
Dayton. en 1995, sous la pression américaine! .
Selon les rennes des accords de Dayton2, la Bosnie-Herzégovine est maintenue
comme État indépendant ma.is comprend d-'sormais deux entités: une fédération
croato-bosniaqu._. et une république serbe de Bosnie.
Imposés par les grandes puissances, les accords de Dayton masquent mal l'en~
géopolitique réel du conflit bosniaque : le partage, sous une forme ou une autre, de la
Bosnie-Herzégovine entre la Croatie et la Serbie. Cet accord demeure précaire dans I•
mesure où il ne sahsfait personne. Une nouvelle crise balkanique autour de la quesbon
bosniaque est donc à prévoir.
En attendant. l'existence d'un État bosniaque constitue une avancée de l'axe
Washinton-Ankara-Berlin dans la région des Balkans et un recul pour la Russie et Sl'5
'alliés orthodoxes"3.
Le cas de la Bosnie montre que la religion peut parfois apparaitre comme un facteur
géopolitique pl'1!mier. L'islam n 'est-il pas au fond le premier critère de définition d'une
identih! bosniaque? Le concept de Bosniaque n'est-il pas l'exemple même d'une
nationalité définie par la religion et en opposition avec les religions voisines ~
La cause bosniaque elle-même est une cause qui attire plus d'islamistes que de
nationalistes. Depuis 1992. elle draine l'équi,•alent de ce que constitua l'Afghanistan
des années 1990 : volontaires du djihad, Afghans, Pakis tanais, Soudanais. Koweniens,
Jordaniens, Turcs et même, de manière plus exceptionnelle, Français d'origine
maghrébine. Le président lzetbegovic ne s'était pas caché de vouloir instaurer la cllllria
en Bosnie; c 'est dans ce sens qu'il avait rendu obligatoire l'enseignement de l'islam
dans les écoles de Bosnie, qu'il avait intégré les Moudjahiddins dans les troupes de
Bosnie, E."t qu'il avait demandé l'arabisation des programmes. Un récent ouvrage paru
en Allemagne offre les preuves les plus complètes de l'implication des réseaw.
djihadistes dans le mouvement en faveur d'une Bos nie musulmane indépendante
L'ouvrage montre même que la genèse du mouvement Al Qaida doit beaucoup aw.
djihadistes bosniaques a.idés par des sociétés militaires privées américaines agissant
pour le compte du Département d'État.
Si les Serbes et les Croates instrumentalisent l'orthodoxie et le catholicisme à des
fins nationales, il est en revanche clair que le nationalisme bosniaque trouve sa sourœ
dans la défense de l'islam et de l'islamisme. Et comment pourrait-il en être autrement
puisque l'identité bosniaque n 'existe que par l'appartenance à la "maison de l'islam"?
Carte 52 : Peuples et États dans les Balkans
Carte 68 · Les accords de Dayton : la création el le partage de l'Éta t bosniaque
La criM albanai..:u vu l'orthodo:deface ù une 11ouvf! ll e pou..."ist•e i.dcunit1u.e
Divisés en deux grands ensembles ethno-cullUiels, les Guègues au nord de Li
rivière Skumbi, et les Tosques au Sud, les Albanais sont majoritairement musulmans ,
une minorité d 'entre eux est cependant chrétienne, catholique au Nord et orthodoxe au
Sud; ces minorités rappellent le passé pré-ottoman d'une Albanie située sur la ligne de
1 ·cœ1f~1 au soulu11 de W:ash1ng1on, le conrl u lo1ss.a 1t c.Jé sonrn.11~ fo cc·fl · focc une G..-am.lc Croatie . J o ni J;a ~·Ntnl~
co&10-rnwulmaŒ n'était. il loul pRndn: qu'un oppc:nd1cc . .:1 un..: Gronde Serbie rnnu:n6..· O. des dimensions 'n11sonn111bln". 11."Ud
dma à IE'I pri:s d'tpJc fon:c C't lcrntonali:mcnt r.u.sasu!:cs La poi~ pouvoil donc s'm!!ii lnurcr F.llc fui nCgt)1.:1Cc nu cours Ju m:>tt .X
00\I~ t995 ' 0.ytoo. Ohio. et ngnCc le 14 décembn!' li Puris por les rm!:sidcnts Miluscv1c.TudJm.:1n cl b..ctbcgovu:. •. 10
p 2)7.
2 •L'&COC'd a ëtc signt para que les Atnericams c1. ô leur sunc. les Européen~ one su 'nJnulcr lu yucrn i 1.11 gia:rrt·
P. GAR.Di::.. •&Lr1:Ual a\'CC Paul GarJe. 1prCs Dayton '!". in l,u filll/tJt! 111tttr11i1111mult'. été l 996, n " 72, p 145
J A. CKAUPRADE, F TIIUAL. Du:lwnnu"'' dr gr11po litiq1w. 2c éJ , Pan~. J.:'.lhpscs, l9'J'J : onu;lc "Yougoil11.\·ic•.
4 Y. WRY . L 'EufTJIN b.i/Aoniquc-. W l'J-45 u n11s juurs . Pans. Ellipses. 199(1, p . l 27· l 2 H
Chaplin•] L-1 n._•liginn J29
SERBIE
mer Atlriatiq"t!
Rtpubhquc: serbe Je B os mc
giu ns 1cm1oriDulli. ~rtJ.e s p.:iir rap!"'(\n aus. pœ1IHMU à la fin de La JUtl'ft"
Le cas de l'AlbaniL• L'St d '.1bL>rd lrès diife n•nt de .:elui de la Bosnie. Il~· a une idenbre
nationale nlbanai Sl' fo nd t'e s ur un p.1rticula rlsn1L• ~·thnolinguishque. Le pays se vit
1 .-\ tllA l lJ ' f.l. ,\I JF r 11 11 · \ I , ,,.,,, .,,,, . .,.\· .J.· \: "•';' .".!' ""! ' " . ; ·· ~·,I . 1'-1.n • t l hr"'...-~ . \ .Jo.N ~i ~ lc · -\1~ ·
.\.'10
L"\llnmc ~hlnt ,\ l,1 crois...~· Jl'S trois \lires, l.ltint.', urthudoxp et turque, cl non corntnl.' éla111
défini P•\f la religion# ._ ,,n,nll.' les Bnsniaqul"S.
4
cher J~ l'Alb.1nie voisine. t_,,ngtemps méfiante, celle-d devient de plus en plus favo-
rable- t\ l arm~ dL.. Libération du Kos .. lvo. L,1 question t.]UÎ se pose est de savoir si une
1
stratq;ie isl.1mique n'L>st pas en tr.1in de se développer dans la région y compris avl'c
l'Albanie,.\ partir dL'S foyers bosniaques o>t kosovars.
Il faut noter toutefois que, durant le conflit du Kosovo de 1999, certaines minorités
musulmanes de Serbie, comme les Turcs, restèrent fidèles à Belgradt>, comme le mufti
Je Belgr.1dc qm soutint clairement le pouvoir en place contre l'intervention de
l'O.T.A.N.
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1 Luc-1cn Fcbvn: rait n:marquc..- que Sa.101+."uiwu:in s 'y CSI: annst~ m laltn sur les malbcW5 dr: Didon. L. FEBVJlE.. L 'EMrop..
Grnb~ d'un~ c-n1ilt.sCJtiu n , Paris . Pemn. l 999. p . H3 .
2 Y. PERRIN , T . DAUZOU , /Je/u Cit~àl'Ewrpir'f' · lt1.1tv1r~ JtrRunw Pu.ru. Elh~ 1997, p. 66--71.
J '"Cette C111th11sc J o ni les luabitanb purta1cnt I• tumquc luugue. \."OflUnc nos 1Dd.iFon d" Alacric pœ1C'Dl i. ~ . ~
Carthag.:: donl les h11b1tnms por1ni c nt la c.n lo uc moulant le aine . \.- U ITUUC nos 1 ndl~ d"Al@G'ac pi.llWQI I~ (u ; ...-cuc-C~ûant
ln habilants poruucnt h.· nuantcau . rt~n~la.. c u i.:tcmi.:nt sanbl•blc au bumuus. \.-Crtc Carthage doa.l Ici h..1.blaan. ponaM:m D
thc\'CU:l couru o u m.s~ s sous lu ~ulu t k . la barbe longue et lcinlc, b fa ce 11\114u11i« comme liXU\ ~w ~ >rt mcncm W bmDe
.:1 Liu khô l ". in L 1: EO V RE . L 'f:11n. •1u·. (.i,•11ht· ..ron~ n\·ili.sution . P:m :.. Pcmn, 1999. r K) .
4L .:1 A . CHAOR,.. l'"lmqu c· ,., ,,,,,,.,r;,_;_.; u11 l'rc-.:h1··0ri.-nt , Pan~. Ma1 ~ ~u,·e-.t...oarnw . l~M7 . p. 19.:! ~
5 G. ("OkM . l 'Jù1rop• · •'I l '!Jri<'m. ./, · l .1 f><1/k,ml ."fU Ci1m ,; I~ flh.Nt i..fUIH>n. IH.Jtuirr .r--.: __.,_,,r. ilan.~. Pmnt.. t..
Oécuun~r1c , lliJ'Jll. p 272
6 Pour le colonel Kadh1llÎ par ~ .u· mplr . l\.""S Anal:mcs J Ul\'Cnl èu it.~
mw.ulmiuu ; il} • ~lCa&lwl cnlR' Wami&C et~ m
Lib)'c, rc qui n'csl pa.1 ~· n1i J a n .. h..·!O> 1.·1.mccp1.ion1i1 n•l1onahsh.•s arabe.< de: la .Sync « L'lr.t ~ O . COllM, L ", &,op/ d Jv.;.... .• •
"'114.unùuUun à lu llbanirntwn. hi,111u-r .r,,.. ..,..,.,_,,.; llk1t.nt1t1pJu:-. Puu . L. Dl!\.'Ob\"cftC, 1991. p. 27.\ .
• urm• .l . 1't•n11rmrnu 1lr~ ;1/n1fi1;,
moronitisme dominant et le Liban s'enfonça dallll dix sept années de guerre civile au
cours desquelles les acteurs extérieurs (Israël, Syrie, pui5flance!I internationales) purent
instrumentaliser, au gré de leurs intérêts, les oppositions intérieures.
La géopolitique intérieure du Liban reste fragile. Le système politique repose
toujours, après plus de dix années d'apaisement, sur un ordre confessionnel. Mai!I les
représentations ne correspondent plus à la réalité. Le Pacte de 1943 (président de la
République chrétien maronite, premier ministre musulman sunnite, président du
Parlement chiite) qui traduit implicitement une hiérarchie communautaire, après avoir
mis au tout premier plan la communauté maronite, a été modifié par les accorda de
Taëf de 1989 (voulus par la Syrie) qui rééquilibrent les pouvoirs au profit de&
musulmans sunnites. Aujourd'hui, on estime que sur dix Libanais, trois sont chiill!S,
trois sunnites, sept druzes et quatre chrétiens (tous rites confondus). Non seulemenl la
réalité confessionnelle du Liban est majoritairement musulmane, mais qui plus est la
proportion des chiites a sensiblement augmenté ces dernières années.
Ce découplage entre la réalité confessionnelle et la représenlation politique est
aggravé par le poids des réfugiés palestiniens au Liban.
Sur environ 3,5 millions d'habitants (non compris la population de travailleurs
syriens), le Liban compte près de 500 000 Palestiniens (soit près de 15 % de la
population) . La majorité est musulmane. Le Liban a toujours refusé de les intégrer en
leur accordant la nationalité car il en résulterait une modification sensible des
équilibres communautaires, et ceci de nouveau au détriment des chrétiens. En 2002. le
Parlement libanais a même adopté une loi privant les Palestiniens, y compris œux
mariés à des Libanaises, du droit à la propriété. Cette loi qui vise officiellement à
soutenir la logique du droit au retour (revendication clé de la 'cause palestinierme")
est, en même temps, une digue établie contre l'intégration des Palestiniens. Les
Palestiniens du Liban sont aujourd'hui "coincés" entre un probable abandon du droit
au retour par les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza si un accord de règlement
intervenait avec Israël, et un refus des clans libanais traditionnels qui se partagent le
pouvoir depuis des décennies d'accepter de nouveaux représentants politiques
d'origine palestinienne (lesquels feraient, de fait, diminuer le nombre de places
accordées à chaque communauté confessionnelle).
Cet État dans l'État que constituent les camps palestiniens du Liban restera sans
doute encore longtemps une poudrière installée au cœur de la géopolitique lfüanaise.
La complexité de la géopolitique intérieure du Liban et la diversitê des in~ts
communautaires qui en découle, détermine pour large partie l'orienlation extérieure
des différents clans. Au Liban, comme d'ailleurs dans l'ensemble des pays multi-
communautaires, géopolitique interne et géopolitique externe sont intimement liées.
L'effondrement de la prépondérance maronite à l'intérieur du Liban, au sortir des
guerres successives, entre 1975 et 1990, a débouché en effet sur un changement de
l'orientation extérieure. La Syrie qui, dans un premier temps, en 1976. avait empêché
les Palestiniens de s'emparer du Liban avec leurs alliés sunrutes libanais, a ensuite
contribué à réinstaller un ordre communautaire au sein duquel une majoritê des dans
a intl-rêt au maintien de la tutelle syrit•nne. Mème si la Syrie s'est officiellement retirée
du Liban en 2005, elle y conserve une forte influence sur le jeu politique.
Pour beaucoup de chrétiens du Liban, orthodoxes, mais aussi maronites compte
tenu des nouveaux rapports de force dérnob'Taphiques, la Syrie est un rempart contre
l'islam sunnite (susceptible de verser dans l'islamisme et donc dans la persécution des
chrétiens) autant que contre l'islam chiite (très majoritaire et donc capable d'inslaurer
une République islamique sur le modèle iranien). De plus, chez beaucoup de
musulmans sunnites et de chrétiens orthodoxes. l'idee de grande Syrie a plus de force
que l'idée de Liban souv.,r,lin . À Beyrouth notamment, une large partie des habitants
Pari•~ 3 . Ptn,,mrertu! dn idnrh~
estd'~ne !ry'Tienne.
Bien avant la guerre de 1975, nombreux furent le& Syriens, richei,
~ ~uqués. fuyant la revolut10n baasiste à Damas et les Syro-Libanais refoulb
d'Égypte ar~ 1956, à venir s' installer à Beyrouth, contribuant ainsi à l't.>Ssor de la
capitale.
Le Liban moderne n' a jamais profité d'une souveraineté pleine et entière. au sens
~la capaci~ à définir par lui-même, et sans 1' ingérence étrangère, son ordre politique
A~-ant 1990, les presidents libanais furent toujours cooptés par des puissance1;
l"tgioMles ou internationales, qu'il s'agisse d'Israël, de la Syrie, de l'Égypte, de la
France, de la Grande-Bretagne ou des États-Unis. Depuis 1990 et l'échec de la "guerre
de libération" lancée par les troupes du Général Michel Aoun, la souveraineté effoctive
du Liban n'est plus limitée que par un seul acteur, Damas. Quant à la souveraineté
tbeoorique, elle reste entière, comme elle l'a d'ailleurs toujours été depuis la fin du
mandat français. Beyrouth et Damas sont liés depuis 1991 par un traité de fraternité et
de cooperabon.
La Syne et le Llban font front commun face à l'État d'Israël. L'occupation
israélienne des zones chiites a été le point de départ, à partir de 1980, d'une montée en
puis:siUlœ de la communauté chiite sur la scène libanaise, soutenue par l'lran de la
Révolution islamique. Le Hezbollah est aujourd'hui le seul parti politique
officiellement anné au Liban; c' est un État dans l'État, plus puissant encore que la
composante palestinienne. Ne pouvant se permettre un duel direct d ' État à État.
Damas et lle)'TOUth ont laissé le Hezbollah s'arroger un quasi monopole de la
résistanœ nationale et islamique face à l'État d'Israël, dans le double combat pour la
'cause palestinienne" et pour la "cause libanaise" (les territoires occupés du Sud jusqu'a
2000). Le Hezbollah est le seul acteur anti-israélien à pouvoir se prévaloir d 'une
\'Îctoire faœ à lsra!!l : vingt-deux ans de lutte armée ont finalement débouché sur un
:retrait effectif de l'armée israélienne du Sud du Liban. Tsahal continue cependant
d'oa:uper, e:n territoire libanais, un secteur (dit des "fermes de Sheeba"), stratégique
pour le contrôle de certaines sources du Jourdain (les sources de ce fleuve qui offre à
lsral!l une part conséquente de ses ressources en eau se trouvent en effet dans les
hauteurs du plateau du Golan et de la montagne de J' Anti-Liban, territoires
appartenant. selon le droit international, au Liban et à la Syrie).
En 1990, les États-Unis, soucieux de voir la Syrie entrer dans la coalition contre
l'Irak. avaient laissé à Damas les mains libres au Liban. Mais en 2003 l'Irak baasiste
s'est effondré, et la pression américaine s ' est retournée contre la Syrie et l'Iran.
L'épreuve de force entre d ' une part Israël et les États-Unis, d'autre part la S)'Tie el
l'Iran passent notamment par la radicalisation des résistances en Palestine (Hamas) el
au Liban (Hezbollah).
L'offensive israélienne lancée à l'été 2006 contre le Liban visant officiellement à la
destruction du Hezbollah apparaitra sans doute comme le début de la confrontation
directE entre Je camp américano-sioniste et le camp islamo-nationaliste (nationalistes
ir.miens et arabes).
Chrétien• libanais
Au Liban comme en Syrie, en Irak, ou en Palestine, il n'existe pas de conflit islaDX>-
chrétien ouvert. Les régimes en place ne sont pas de nature traditionaliate islauUque. et
les minorités chrétiennes n'y sont pas persécutées5. Toutefois, un rapport de forces
entre musulmans et chrétiens existe ; la guerre du Liban a montré que la dimension
religieuse est au cœur des dynamiques identitaires au Moyen-Orient, même si la
guerre civile libanaise apparaît comme une guerre de clans exacerbée par des intérêts
régionaux et mondiaux. Les chrétiens du Liban sont eux-mêmes divisés. Les inlérêts de
la communauté orthodoxe et de la communauté maronite6 sont divergents, et il est
même parfois difficile de cerner une unité dans les engagements des maroniœs,
certains ayant choisi Isral!L d'autres la Syrie, tandis qu'une troisième composante
restait fidèle à l'idée nationale libanaise.
À la fin du vne siècle, l'expansion islanùque poussa de nombreuses communautés
chrétiennes à chercher refuge en dehors des plaines ou des grandes cités marchandes ;
la montagne devint un refuge de prédilection où les sectes religieuses abondèrenll'. Les
maronites, qui s'étaient d'abord rassemblés dans les plaines de !'Oronte et autour de
1 On signale plus tom. dans une section consacn:c a1Jt fractures i:nlemcl du moodr: llllllU.lmm, a raidla de ~;
1 Nous ~n\· ,1yo1t!'> ~ ln ~ l"'\:tlon ...-vn.s.o.u.'" rtt a h1 foncliPn g~lu.i~uc Je- la ~ - ~lft Topolopo. \"a&r E. dr:
VAUMAS. •Lu ni-pan11iun confcasionncllc au Liban t!' l'iéqwlibtt de fÉtat libanais•, RGA. 1~~. p. SI t-604.
l'flrlœ .J f',·nmml'1Ut drt .,V,,l1lri
~r Miditl!rran~c-
l Les maromlcs, adeptes J'unc foi rnonothéhtc ont d'uhord éh! pcro;ct: uk .. p11r l'Empire hyzan1n1 Ils n~ 1'KIU'·a11m1 &.......: f.r':
tu'e unplant.b dlru les villes où sont restés en rcvam:hc une hunm.: part des dm,:llcno.; urthnthn:cs
2 L'Eghse maronile d'Ehdcn csl or~anisCc en 741)
) K S 5ALIOI. Tire MoJt'm lm•lof)' ofL:lwmm. Dclnmr, New Yu..-k , l>clmar. 11>6'."i . p 1~ * 13
-4 M HAYEK. Lilurxie muru11ik lhvtoù·._· '-'' tt·_-r/t_·_,. cm ·lrari.\·liqm '.\ , Tours . l 964 .
S K_S SALIDI. Tht! Afodt·nr hurt1n· ofl.dmmm. DclmoT, New York, ltJh:Ci "Lu fonnu1in11 tlu Hr.im.I L1banR, fi· 111 · '-' 7
OYplln! 3 . lA n!llglon
J Sw nmaoin: dna:nabquc du peuple palnlinicn çon1rc l'occuputmn 1srn~hennc Je Io Palestine, lire N PICAUOOU. Lo
Palatmtcm., un tiède- d1tulom:, Bnu.ellcs, Complexe, 1997 ; H LAURENS. Le n•1011r '"-"-" ,·.:tilé.'f. U1 lr1m• pour lu Pala11M "".
ld6PO 1997. hna. Roba1 l..affon.1, l99M
2C. SAINT-f'ROT. 5'ddam HKDrtn. un gu11/li5mc.• urcJb< --'. Pari!'>. Albin Machel, Jl,IHM ; llùtoirt• 1/i· l 'lrul.. lk Su-1 J
du X!X' AHiclir:"ca HJ. BENDA. '"L'islam du Sud- Est ai;1a11que au cours du xx ~· s1èçlc" , in P.M. llOLT, A K S. L.\MOTO~
Phllipplnes. la minorité des musulmans Moros• veut s'émanciper d'un ~central trt9
majoritairement catholique.
L 'lcl11IP.mtt11I in11ulflÏTP. r.t /P char rrligiPUX 1111.x Philippin"•
Le caractère asiatique des Philippines est sans doute parmi les moins avérés d'Asie.
L'État philippin est doté d'une structure sociale et d'un syst~e politique mcore
largement marqués par l'héritage de la colonisation espagnole.
Le caractère insulaire des Philippines est exac.er~ : plus de sept mille nes forment
l'ensemble philippin. Luçon est l'île la plus importante qui compte la moitié de la
population philippine. La deuxième ile en importance est Mindanao qui compte un
cinquième de la population totale.
Ces conditions d'éclatement insulaire constituent sans doute le premier facteur de
fragilité géopolitique des Philippines2.
Le sud des Philippines marque la limite orientale de l'expansion de l'ialam en Asie
du Sud-Est3 qui fut stoppée par l'implantation des Espagnols au XVI~ siècle'. Le
catholicisme fait partie intégrante de l'identité nationale des Philippines : quatre-vingt
cinq pour cent des Philippins sont catholiques, cinq pour cent seulement sont
musulmans.
1 Y . LACOSTE ûtr., D1aiun11"ir""' Ji· g t!upc•litiqut·. Pans. J-1 .ammarioo. Jq.c)3-. p. l.:?20..1:.2.'\ .
2 Jekn1
JO. el J. SOllRDt=L. /)1t ,, ,,,.,1u rr~· lu..w11riqw .A· /'i.,·/wn , Pltll!'. PU F . I~ : aroclc •Pbitipp~'" . p. 66l4-66'I
-' ~[L..:s Phtlirpin..:-sl Les Espa~1htl :-. a.:..:~"dèr..:nl à ..:es ÎI C"S Ju P..1..:11iqu.: à pitniT du Mo~ en 1564. Da ~ }'
lr.t\.' 111ll~n::n1<l~ s 111 prcnn~n: h~urc ~ pui s \ inn:n1 l ~ !<i fruncisclilns 1..-n 1 .( 1 ~ . 1-=-sJésullcs i:n 1581C1lesdomimcains.en1~17 .\pis
v1ng• ans d'occupa.üon csrugtw k· lin i.:tlntpuu1 ,ICJ:' 4ua1rc 1....:nt mille nëoph)·tn et, tpDd les Jommicams foadènln ~
Saml· TlhlmA.!i ù f\fanlllc . .:-n 1h1.i. l"cnsemhk Je:- 1.- p..l[nih1111..·m . ~ ~•ut~ :i plu.' d\m mâUioo. avatt aJberi au doist~. lJn di:rnt-
"èck aven sum pour tlbt..:nir ...·..: rCsultat ~u i lut i.turubl..: ~r.i.:~ .:iu dc-J8.C l<'Cli . ... m H.C PUECH Jir_ Hc.H.li,. 4*:r IWÜl'ÎllnL h:ri!I.
Gallim.onl. )QQ(), coll . "h1hu ..: ss.J is'', t. ll . . , p . 11~"'.I'
Pnrlir 3 l't•n11a11tna• ,Jn idnrtit;,
Bien que très minoritaire•, l'islam philippin un sunnisrne de type chaféil.? - l..,I
actif el perçu par ln m1lJOrité de la population comme la survivance d'une ligne de front
agressive. li est concentre dans le Sud philippin, sur les iles de Mindanao, ttasilan, Joie,
et Tawi-Taw1~. Mais les musulmans ne sont majoritaires - à plus de quatre-vingt dix
pour cent - que dans une petite partie de l'ile de Mindanao et dans les archipels de
Sulu et de Tawi-Taw1.
L'enjeu identitaire est renforcé par les ressources de Mindanao qui participent •u
développement philippin. La rébellion musulmane estime que le gouvernement ccntul
utilise les ressources de Mindanao mais ne développe pas l'i1e4. Elle entrevoit au
contraire la formation d'un pôle de croissance éconon~ique entre Mindanao, le Sabah
en Malaisie, et le nord de Sulawesi.
t •Les musulmans rrprêscn1cn1 quelque M% Iole J.11 population philippine cc qui les placent lom dcm~rc les cathi:.hqw:s qui
comt1tua11 llS ~~del• populauon.· . m J.M . BALENCIE. A. . de la GRANGE . .A.-fond~·., r.-11.:lfrs, Pons , M1chalon, p;i196. 1 2, p. ~tt9
2 D . e1 J. SOURDEL. D 1c11onnurre ITrslonqutt Je l'ulant, Paris. P U .F ., 199(, , artk:lc "Clmfë1!o.mc ", p 19-4 lmplanu11«1
DOtalr1lmnt m lndaoê:sic, C'll Alle du Sud~s• IO\ltc ~uiè~ et en Afnquc noire nrîcnlolc
3 ·Les musulrrwu ne sont ma1or'ila1rcs - plu!> Je 90 ~'O --- que Jans une rtct1h: partie f.Jc l'ile de MimJanoo. - pronncn dt
Lmao del Sur c1 de M111ndaruw - et dans les archipels de Sulu cl Je Taw1-Taw1 Ailleurs. ils rcprCscnlcnl enlte .5 % cl -m•;, Œb
popula.llco ~ commWU1ulés musulmanes sonl ëgalenu:nl implantée~ :i Pala w ;m, Jans !es V1SO)'ll.'" cl a Manille·. 1.'1
J.M . BA.ID-lCIE. A . de 1.a GRANGE. Mcmd.:.i r.:hdlt!..~. Pans, M1d1ulun, 1 '>'U• , 1 2, p. :!90.
4 •[t..e Sud phlhppin) 11 pan1ci):lenli• pour 4uclque 20 ~'a uu r l .ll Ju puys [ . 1 il c;ii.1.,1c un trmnglc de cro1nance tcunoru~
C1lltt Ml.odanmJ. lc s.ba.h - Malaisie - el le nurd de Sulowcs1 - Jndoné!i lC ." . /Jt•m . p 2 1JO
.S /b.J., p 29) .}06 , W K. Che MAN, ,,lusl1n1 .iu:parurism, the A-loro.~ 1~l So111lrt•r11 l'luhp1mw.,· und 1111• /i/o/1n·., CJ/ So111Wrr.
71to110lld. Oxford UW'l'cnaty Prras, 1990 . G .R . JONES, Red RcwJ/wwu, ün·1di.· tlw Philip11m1• Gm·rillu Alt1''t:'n1a-nt, Uou)Jo.
Wcd\'W:W Pl"cu.., 1989.
6f BRAUDEL ,G,.wnMui""~' d"l/ua1iam·. Paris, Flammarion, 19R7. r 109
Chapitre 3 . Loi religion 341
des mosquées!, une poésie empruntant les mêmes procédés, une philO!IOphie
- falsnfa - s'inspirant de la pensée aristotélicienne2 et péripatéticienne, enveloppaient
l'ensemble des régions de l'islam, de l'Espagne au monde arabe en passant par le
monde turco-iranienl.
Carte 72 : L'expansion de l'islam au Vil~ siècle,
Au xe siècle cependant, l'Empire musulman éclata en plusieurs morceaux. Le
particularismes se réaffirrnèTent. "Une géographie différentielle se dessine alors (et)
cette opposition [universalité et régionalisme) se retrouvera à travers tout l'islam : que
l'on songe à ces cas extrêmes que furent l'Inde musulmane, l'Indonésie musulmane,
l'Afrique noire, pétrie par l'islam et qui, cependant, reste prodigieusement elle-même."
écrit Braudel dans sa Grammaire des civilisations4 .
Malgré cette forte diversité, il est frappant de constater que les Européens, et plus
largement les Occidentaux, développent une représentation unitaire du monde
musulman. Ils en tirent une vision menaçante de l'islam, que la démographie accuse.
Cette vision est pourtant erronée. Les Croisés Je savaient, eux qui purent tenir des
positions en Orient durant deux cents ans en jouant sur les divisions profondes du
monde musulman.
Du point de vue théologique, il existe incontestablement un islam, comme il existe
une religion chrétienne, ou une religion bouddhiste. Mais l'unité des fondem21rts
n'empêche pas l'existence de grandes lignes de partage à l'intérieur du monde
musu1man5. Du point de vue géopolitique, c'est bien la dimension plurielle de l'islam
qui prime sur la dimension unitaire. De la même façon que l'on étlldie les
géopolitiques contrastées des chrétientés latine, protestante et orthodoxe, il convient de
différencier les géopolitiques de l'islam sunnite, du chiisme et des autres expressions
de l'islam, et de souligner à quel point la diversité géographique et identitaire joua
dans l'évolution de l'islam vers la diversité. Des dynasties rivales, issues de groupes
identitaires distincts, défendirent leurs propres ambitions historiques, qu'elles
incarnèrent dans des États distincts - omeyyade6, abbasside7. Dans l'histoire
islamique, l'autorité du calife ne cessa d'être confrontée à la réalité des particularismes
géopolitiques.
L'étude géopolitique de l'Islam nécessite donc à la fois la connaissance des
fondements théologiques de la religion islamique, et celle de la diversité identitaire des
groupes humains islamisés, lesquels admettent des contradictions politiques
importantes que la communauté de religion islamique ne saurait résoudre. Il est par
exemple impossible de considérer que l'islam dominé par l'élément arabe est
équivalent à l'islam dominé par l'élément turc .
On examine successivement ici : les fondements théologiques et la dimension
unitaire de l'islam ; les grandes lignes de partage de l'islam ; le choc de l'islam
majoritaire et des islams minoritaires; une géopolitique du sunnisme.
5 "C'on1mc mute ~ra m.h: n=ligion . 1'1sl:11n cClnnu1 Io mulhplu.:11c J,·s ..!..:oies. JC's Ùl\o' 1ston:I.. J.es SC\."'t:cs '* scb~ L'Cculc.. c'ess:
le maJûhab, lu J1 v 1 ~ 1un, k lr.hilnf . l;.i sl.'~h:. l.i lin.1:J . Ct• th.·mi""f 1cml\' {'<('Uffiltl (\l:llcmcnt ~ t:r.:IJwR" pu- ' 5".b&smt' Mais 11 iart...,.
3Us!uh\l qu'il ''°''ruant en 11mN- k .;,en" l~J11ruhl de ·~'i:tc' t •u · ~h1 :o;mc' \bns 1\.-·s bn~~ ~et 'IUÏI ~ ~l bi
·rnictiu111.h.• tnbu'. h.· \; hm' ·· . 111 L ll .-\RD E T . l..·.~ h1 •mmd .J.. l'i ~lunt <.Jl'Pn. ... Jtr .;.,._,. ~,111Jlit1•..s. Bru.\.clks.. Complu.c. 1117".". p. L~7
fo J\ ~llQUl.!l. l . 'i.\/um ,., ''' on"/is 11lilm. rnrL.,., Ann.at\\l l° l'hn , Io.NO . r 70-%
7 /d~nr . p . 97 - 115
SAHARA
Grudts bœoillts
1. 624 Badr
2. 625 Uhud Mahomet
l 616 Yannouk
4. 637 Qad1S1yya Abou Bakr (6l2-6J4J
5. 642 Nchmod
Umar (634-644)
6. 656 Bo1aille du Chamcou
7. 651 Siffin U1hman ibn Affan (644-656)
!. 683 Tahuda
conqoitts onreyyadts (661-750)
9. 732 Po1llC1>
10. 749 Balllille du Grnod z.b
I l. 751 8111aillcduîaJ;15
_..A avancée musuhru111'
À 1."'Ô~ ,11...' la doctrine ishunique et de la Loi, il y a le droit musulman, le fiqh1, qui '''"t
la fe('he~he de solutions juridiques et la traduction de la Loi.
Sur les granJs traits de la Loi, et sur deux points en particulier, existe là encore un
accotd à pt'U ptts gl'néral: le culte, en ari\be ilJridrît; la vie sociale, en arabe muiirnaliil .
L...• culœ 1.1st fondt' sur cinq piliers - d'ilpr~s les hadiths - qui sont des obligaticm~
individuelles: la confession de foi ou cl111/111da ; la prière; l 'aû mone légale ; le jeûne; Jr.-
pèlerinagl'.
Un sh: i~nw pilier exish.•, le djilrac1 2 qui n'est pas une obligation individuelle, mais
collt'\.'lÎVt.'.
L,•s c hiites cljoutt.•nt une obligation: le d évo uen1enl" à l'égard de l'imam visible ou
""·a...-h~. ,~nl..'4.lrt' appelé it1"1fly11.
Dans I~ domaine de la vie sociale, l'islan1 défend l'idée d'un statut des personne">
diffen•ndé entre n1usulnrnns e t non-n1us ulmans . Sous les califats, les chrétiens, )(·s
juifs. el les zoroastriens furent ainsi soun1is au régime des tributaires . Ce statut
discriminatoire n'a plus cours dans les régimes laïcisants, mais il reste d 'actualité dans
d'autres pays arabes où l'adn,inistration reste interdite nux non-musulmans .
1
Dans l histoire, la civilisation européenne fut menacée par l'expansion foudroyante
de l'islam omeyyade-1 . Les peuples d'Europe gardent au fond de leur "i nconscient
historique" la crainte de voir se former à nouveau un islam de conquête qui menacerait
lt."S fondements chrétiens de le ur civilisation. Ces peurs ne sont pas sans fondement,
1
dans la mesure où des groupes islamistes s attachent, avec le sou tien de certains États,
à reLTéer un choc des civilisations-1; elles sont toute fois exagérées parce que J' islamîsme
reste encore marginal dans l islam 5 : les musuln1ans préféreraîent dans leur majorité
1
ressemhler aux Occidentaux et disposer de leur niveau d e progrès matériel que de s'en
tenir strictement à la Tradition musulmane. On peut penser - mais il est vrai que c'est
W'l point de vue occidental, dans le sens où il est ,,plus n1atéria1iste que spirituel 01 _ que
c'est la haine et la jalousie de l'Occident, plus qu 'une véritab le adhésion à un islam
politique porté à son aboutissement, qui poussent la majorité des militants islamistes
dans lew- engagement6. Cette adhésion négative, fondée s ur le seul ressentiment rend
ces mouvements d'autant plus violents, l'idée étant plu s de détruire que de construire.
au5ulmaon ainsi que l'objet tsse(Jticl des sciences rc !i.._icuscs is lamiques:·. in D a.:I J . SOURDE L , Di<'tio nnaire historiqur do>
f'ulam, Pin~ P.U.F .. 1996. p. 216.
l /Mm,p. 297 .
2 -Djtbad, ct1 arabe jihâd. 'guerre sain1c· ou plus cxa c tcmcm 'gue rre l~ga k '. pui squ'il s 'ai;.i l de la guerre ou de 'l'eft'ort de- gu~·.
le~ êtymulug1que du iennc. pr~crit par la Lo i contre les fnlidèlc s Jhidem, p . 4)5 -4~6 . Le: \'Crset de Coran Je- plw.
0
s.eloo ',
imparw1t àce propos es1 '"Combattez ceox qui ne c roient p<1s en Dic:u ni au Dernier JmJT, 4ui ne- dêdarert1 pas illicite ce que Dieu ~1
~ Eft..·oye on1 dedué 1\liciu:, qui ne pratiqucnl point la religion de véri1ë, parm i les dé1enteu!"'S de l'Écrinin:. jusqu'à cc quïh
paynit b jizya. eo co mpensation de cc bienfai1 et en r;;iison tic leur in l(: rh~rit..:·· . t'tHan. IX . 29. c ité par D . et J . SOURDEL
Dictwnnuirr hi.floriqi.e cirl l'islüm. Paris. P.U .F .. 1996. Signalons que le c h risti;m ism..: ..:ommc le: juJaïsmc ont aussi des injon....""rion:>
wmblJ\&ntn dans kun textes sacrCs. Voir 3 cc propos, O . CHEVALLI E R, A . G UE L LOUZ. A. MIQUEL. l.:s ArubcJi. /'Lt;;Jwn c1
l'E.wope. P.n~ Flammarion , 199 1 . ~ Autour du Corann. p. 3 9-67 .
6/di:m. p. U - \J9.
majorité i.;unnue
ma1orité chiile
kharidjite.<
fone minorité musulmane
(a u moins 15 %)
m1nori1é mu~ulmanc significative
l au mo1n< 5%)
uc:étm Indien
ocian A1lamrq11t
73. Les grandes lignes de partage du monde musulman : sunnitu, chiites, kharidjites
~ 1'11rl1r .1. P~nuo11t1ta.Y d~ 1tkn111n
AcOh! de l'islilill majoritaire, il existe un islam dit sectaire : l'islam des minorités et
des --tes dont les expressions sont regroupées dans deux branches, le chiisme2 et le
kharidjisme-l. Ces deux branches de l'islam sont en désaccord avec les sunnites sw
l'interprétation et l'expression du corps unitaire de la doctrine islamique.
• l 'Wam chiite est lui-même divisé en trois branches~ qui s'incarnent chacune en
des réalités géopolitiques distinctes :
- le chiisme duodécimain 5 est le chiisme courant ; par a bus de langage, lorsque l'on
parlera de chiisme, il s'agira de l'espèce duodécimaine ;
- l'ismaèlisme6, branche dans laquelle est classée la communauté druze qui joue un
i(lle important au Moyen-Orient ;
-le zaydisme7, dont l'une des expressions contemporaines importantes est local~
au Yémen.
•le kharidjisme8 est une branche pratiquement éteinte de l'islam. L'islamologie
~ue en fait la troisième branche de l'islam derrière le sunnisme et le chiisme.
Aujourd'hui. le kharidjisme ne subsiste que sous la forme de l'ibadisme9 et il esl
counmtque kharidjisme et ibadisme soient confondus; en théorie pourtant, l'ibadisme
n'est qu'une catégorie du kharidjisme.
1 D.aJ. souaDEL. DidÜJllltailT ltisrorique ch /'u/(JJJI. Paris. P.U .F. 1996, p . 275 .
2-P-201-2113.
l - p.470
4LGARDET, La~ M lil/Olft. Complexe, Hachette , 1977 . "Les mnndcs shi'nes'', p. 226-2.-6 , fi . LAOUST, La
- - / ' i " - , r é à l ., l'uil. Payut. 198J, p. lS·lS
!ll.C. PUECHdiJ., HUtairr rliu rrll,r10.ru. Paria, Gallimard , 1999, coll. "Folio rs1'oi1.", t. Ill ... p. ll12-16l .
6"-,p. 163· 161.
1-.p.159-162
1l.GA.RDET.1A ~ rk l'id4Mn, Complexe. Hachcnc, 1977 "Le kh.4r ijilimi:. ses glo ires Cl si:s; occultat1ona•, p. 209-
226: H. l.AOU&T,l.a~ "-' l'lll_,, réU., Pari1, Payo1, l9Ml , p . J6--47
90. rtJ. SOUl.DEL,lMcflOMalt'I' Ju:..1ariqsw ik l'i.Jlam, Pa.rii;. r U .F . 1996, p . l .1119-lhO
:?. Le deuxième aspect de la division de l'i.~lam <]Ui intéreMe l'appmche ~llltque
est celui des écoles de pensœ différentes qui s'affrontent a l'intérieur même de l'Islam
majorlt.~ir<', l'islam sunnite.
Cet affrnntement est de nature juridico-théologlqua - le droit et la théologie etmt
liés dans l'islam puisqu'il n'y a pas Je séparation entre les dimeneiona rellgil!uR,
politique et juridique-, mais il a des conséquences importantes du point de vue de
fractures gl!opolitiques du mon<lc musulman.
Quatre écoles de pensée juridlquL'S différencient le monde sunnite1 l'école
malékite; l'école hanafite; l'école hanbalite; l'école chaféite.
li est important d'ajouter à l'étude de ces quatre école11 fondamentall!ll un
mouvement de type mystique, le soufisme, dont les e><presslons jouent ~lemimt un
rôle géopolitique.
\ 1. CIAftUt.:.T. /.• ·s /111 m n1o ·.~ .!.• /'n:/, ,,,,, l\111\f'k\\'.', Ha.:.hclh:. 1~ 71 "l..1 ~la ntcnt.alitcsi1U11Di1CS•. P- ,?.16..~
2 l.. UAkllF r. / . L'.\' hmfll"'"' J.· 1'1., /mu . Compl-.:\\.'. }la, h.:u.: . l'P l ~l.:' LhinJλllr. ~ v,lum cil~ tA"t..w..no..'". p..~
l 11 l .AMMl:NS . l . '/.1/,1n11C. ·,11_..,,,,, ....., ,·t im1itul1 t>ru l, .\ .. o!:J .• lk'.111\.'Uth. lmrnll*'.'TK' c•t~~ .. ~ l1Ji0,.p. lti-117.
Les iba<titœ St! troU\'t'nl d'unti part dan9 lt' Maghrt'b 1, en Algérit', - Ouargla 11
Mza. <t'oll l'appellation .t..s moz11bites souvent appliquée - . en Tuni!lk• !lur l'ile dt
Dj<>rt\11. airuli qu'•m Liby<'. d'aulr•• pari <'Il 0n1'ln et sur quelques points JI.' la côtt
orientale afrk..line. On étudie Il' c11s ib,~dite plus loin, dans la section con~acr~ a la
lenitt>1i11hMtion des nlinorites r.-ligit'uses. Les ibadites sont en effet localisés dan.• 11,.
montagnes 01' ils ont trou\'é reiuge pour échapper aux répression" de l'islam
majwit.iire.
l• <11;;. ....
...........
les adeptes .tu chiisme inscrivent leur foi dans la succession de ceux qui rclusèrent
d'admettre la l~itimitè des califes issus des dynasties omeyyades et abbassides, et qui
~·r\'èrent la di~tinn dt:' la •·ommunauté musuhnane à Ali et à ses descendants, IL-.
Alides ou imams alidesl.
l'origine du chiisme est donc d'abord politique avant d'être doctrinale1 . C'est apr~
la fracture politique que des doctrines philosophico-théologiques furent élaborées.
·P~i..
Sur les quelque un milliard deux cent millions de musulmans dans le monde - qui
seront près de deux milliards vers 2020 - environ douze pour cent sont chiites, soit
pres de œnt quarante-cinq millions de chiites dans le monde 8 .
Les chiites, duodécimains dans leur irnrnense majorité, sont essentiellement
localisés dans le sud du Liban9, au PakistantO, au Tadjikistanll, en Irak•2, dans les
émirats du Golfe1 .
1 Lar ~tamaucn dam le Magh.n::b profita no\Antmcm de Io dislocu1u.m du pou,,.·011 umcyyutlc dans ln sc:c:undc mo11.C da
V1ll" S1kk.. U: caift du c:a.hfat abballidc, Bagdad élail encore plu!\ éloigné Vou· X . <le PLANl-IOL, Le.f N111io11S du !'rop lti11
."'-«l~iqiwdr poli11qut!' muiu/1F1une. Pans, Fayard. 1993, pUl4
2 \" . RICHARD, L'i.sl"1'1t<hiUe, P•n~. Fayard , 1991 : .. Une sainte fonullc ks imuins". p . ::?Q-hl) .
11-...p. 17-24.
4Smlcdtiism:~main H . CORBIN, En 1slum iru11iL•n, Poris , G1tl11mun..l. 1971 . 1. 1 Le shi'i!>mi: t.luodécinlilln, p. )9 - 1~
l D ctJ . SOURDEL. D1etioff1Wil"t!lruwr1qut> dt! l'i.Tlum, Paris. P U .F. 199h, p . 253 -2 5<1 .
6 H.C. Pt.JE.CH dir , Hutmrr deJ rd1gwn..1. Paris. Galhmard. 1999, coll "Folio C!>'>tll!io", 1. JIJ••. p . l69- 170
7 Syl~ de Saq pour les d.ruu:s ; Ma.wtcc Uarrt:s duns son Euqm! t .. '"' Pay.1· c/11 / _,•nmt s'est 1n1ér.:!l.s~ uu~ lsmnllicm
1 Y. RJC.lfAllD, L 'u/am chiit&'. Fayard, 1991 '"Le ch1111mc en .:hiffrcs". p . 14-1 7 ; J: . Tl IUAL , Cc.'o1wllliqu1· 1lu 1·hiumt', Pm1..
~ 199j, p. lll-IS2.
9 Y. RJOIARD, L'ularn chlil&', Pari.i. Foyard, 1991. fl 156-177.
IOlJooo.p.111-lll! .
11 F. TlJIJAL, Giopo/uiqMt" du chiUmt", Pans. Arll!a, 191JS. p . 7'J-H3 .
121..... p. 143-IS2
Chapllro 3. La rcllKion
Pendant longtemps, l'Iran, comme le reste du monde musulman fut dominé par le
sunnisme. Le chiisme n'y fut que minoritaire, mais plusieurs éléments rendirent son
développement possible2. Certains historiens soutiennent d'abord que HU96ein, fils de
Ali, aurait épousé la fille du dernier roi sassanide qui fut faite prisonnière au coUB de
la conquête de la Perse3. Les imams alides disposeraient ainsi de l'hérédité prophétique
et du principe de filiation royale de droit divirr'. Dès les premières génération&, après la
conquête arabe, les Alides trouvèrent de larges soutiens en Iran, et des bastions du
chiisme se formèrent sur le territoire de l'Iran conquis'. avec une triple origine: des
Arabes chiites qui fuyaient les Omeyyades - Qom-, des clients - mamuïli -
iraniens des Arabes chiites d'Irak - surtout ceux de Koufa -, enfin des Iraniens qui se
convertissaient par souci d'indépendance vis-à-vis du pouvoir califal sunnite6.
En 818, Ali Rêza qui avait été proclamé huitième imam deux ans auparavant,. à
Merv, est martyrisé. Sa mort solidifia l'association du chiisme et de l'Iran. Au X" sœch!,
la dynastie chiite des Bouyides qui avait émergé sur le plateau central irani.en,
s'empara de Bagdad. Le chiisme duodécimain marqua encore des progrès et tira
avantage de l'extrémisme de la branche ismaélienne.
Aux XI• et XII" siècles, alors que dominaient les Twcs seldjoukides7, le chü5me
duodécimain était déjà solidement établi en Iran : le plateau central, à Ray, Qom.
Kâchân et Qazvin; le Khorassan, à Sabzavàr, Tous et Nichapour; les provinces
caspiennes à Mâzandarân et au GorgânB.
Il fallut attendre cependant Je xv1e siècle pour que la majorité de la population
devienne chiite sous l'impulsion de la dynastie des Séfévides• qui firent du chiisme
duodécimain la religion officielle de l'Iran. À partir de cette époque, le chiismo- devint
indissociable du sentiment national iranien.
'X. de '1.ANHOL, ~ Nationi du Prvphi:t~ Munm•I l(.!o;:ruphu111L' de • po/itlq111• mwmlmunc ·. l'nris, FityouJ, l'>1J.l . fi . WS
6 M.N. SHAH.RANI, .Î/tJ/1! building ami s0<:ial frc1grmmlut1<m in .-t.f1:lumi,,·1u11. A hifforh "' I"'' ·'1'''rtfrt•, I 'IH6. r 11.
7 Cœafu.a.iaa ~ muaquC:n r1 u.k)'~ ktuinC uU ~·ac(.:omphsS<::nl Jcs cén~mun1cs J11 mohumun 1\ lu ml!nmire Je llulKln ·
eoncœuatioo de lit. dé'vulion MU' lcw rMU&Ofêes de pC'BURna8CS p1CUll Cl ignorance de Ju lrOLtillOfl :«:riplllnlUC.-, \-'Uir (.'01.1' tt
UDDtE, Sh1 'is"'4MCl'~'6/ Prute.11, New-Haven. 19H6. P- 204 .
Quipltre 3. l..a religion 351
Cette différence entre le chiisme des Hazaras afghan.~ et da Jraniem ne doit pas
@Ire négligée : la majorité des Hazaras a mal accepté la Révolution islamique iranienne,
laquelle s'est efforcée d'imposer sa conception religieuse et sociale.
Pour autant, les Hazaras restent une carte importante de l'Iran dans la géopolitique
afghane!, d'autant qu'ils forment l'immense majorité des 10 à 15 % de chiites afghans.
Carte 53 : L'Asie centrale : le monde iranien
Une erreur couramment répandue est de tenir pour acquis le fait que certaines
populations arabes seraient devenues chiites sous l'influence des Perses. Or, dts le
Haut Moyen-Âge, le chiisme est arabe, et l'Iran adopte le chiisme comme religion
nationale au xv1c siècle, sous les Séfévides.
Le chiisme arabe revêt une double importance :
- pour la majorité des Arabes sunnites, il représente un particularisme souvent
ressenti cornrne potentiellement anti-arabe2;
- pour l'Iran, il est considéré comme un instrument de déstabilisation et de
projection dans le monde arabe.
1 " Lo foKimmon cxcn:Cc rnr l' Iran sur le !' d1;· 1 t.:~ of~hans rcs.stmblc :i \!'clk que l'on.>. 1.'Ul\Sl&We au La.a · la n:h1iaa Jmmc: •
UOC lnlnC'lntC cthnu)Ut: - le" l lut::lm Ull prut""IC:-Ut C'ltriC: UI rui.-.Mt.nt flUUI" «'rnpcnsc1' .U J19U\'ft'tit et 'IOb l lOlcmroc dm:n \:a
communau1t nn11onule .", an\' . M.ll ' llr\H.U , 1. 'n/,in1 •'"""· l'an:", fa!l·anl 1~1. f' · Ill'
2 i: Tl IUAL . Ahrt",.:•: 1-:1..,,•/"''""I"•" .h, C;,,//,· l'1111s. Hhp~c .... l '-N ' .1nu:le ·c1t11smc·. p. 1K-~ .
J /d~rrt, p. 6h· 14
4 R llEl.l'OtUlE , /.n "';,.,,,.,,,; .-t la "''°''''"Ki"~'/., W(k w ·r1flc.._1,,.-r.11<1 1h·. r;ans. Le:- S),·ornon::. 191.\. p. 6.'\..76.
74. lm : situilllion des populalionli, densités, zones d'exclusion
.tD. ctJ . SOli~L. DliCUIJnnuin IWtunque ,i;f l'ulum , l'anll, p U .F., 1•> 1J(,, 1•. ~47 . l l. LAOlJST, /.f,.!.\ .fChumc.i Jim.i IW.-.
"""'l'o)..., 19'.l. p.J21 ·Jll.
Chapitra 3. La '"lllli<>n
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p~micn [ ... J wnl IOUJUUn r~té.\ .,uupéfi JAna les viUes e1 c'eil • ew. qu'.pp.n~ Ica IDlfDbla ~li tamilk rc:pa.- ~ a
soconds. 6Quvent 11y,ricuhcurs . .. ".ln O. cl J . SOURl>l!L, l>u.'IHMlllllJlrv ~w.J.; 1\.1"-• P'arii. P.l'-f . IVPh : *""a. ..........
r. ll6 .
l l.c.s sunnitodc Aalhruln iKlnl "udcptcsJcs .!col~ junJiqoc=a, du banNlîunc cl 1u.rto&H ._...al~'". ,.._ _ ,.._ llb.
4 JSOOOOchltt~ »ur600 000 hu.bmUlLS, ~lun f . TIIUAL, tï./vpo/iritpwc.A.dai~, ~ M~ lt9'· P· 1~1 .
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bn&n..:hcs fami hulus aux 1c:rrih1m.•s ,1,~tim:b • .:,'1m ·cmtnml. ~" flllm Ju ...-;aUlè.,. l'mtf14rc trON.""i"'4m'QlW .:~ 1 ~
offlc-icllcmcnl l'itulClnlc Jcs AhN1sli1dc'i. ", in ll . cl J. S0tlkl1H.. D1\ ·t11JJ1..wr~ illtt.,,.AifW .:Ar N.tk-. ....... P.l l.f ~ IQ96: ~
•onnyit!cs'". pltin.
'l!n ~001 ID l "O\.lf lnl~mlllhlllllh.· ''"' .ln~lh.....• ,k L.\ U.ayç ... mi:1 frn •U Ç(\l\ll1t ttt '"'""'"-'."dito.MM ta $~ft'&lAC'të ÙiO e•~JQ.tUl; le:I
lie' thawDr l.a QRl•r 11 oc ...·crt"' n.~ .1u~c:nh:nt .,.,, ,tcpu1'1à. lt-lli Jeu•~ .ic...-t~Rnt l'N11.:~lat Ô."11~ · lb. lW .ti._. •
~
un 11c1.:uul fk'U' I" con111n1..-:tion ,1 · u11 ('k'nt ltÎS,uC" ,te ~O km r<"liam lc-s .t.r:u.." E'tats . Qlmr panl ' - llN ltl~ m.iil . . . . Wi ~
do .Jcvcmr lt1 1uumior fcmnu"s"ur en YtlL, P4f 11unduc.. ~ tlabn:(R.
Au Liban. c'est la démographie chiitc qui a changé en profondeur un profil
politique du p.t~• s hlndé sur l'équilibre des communautés. La prédominance de la
btlU'b'OOi~te beyrouthinl' sunmtc a été remise en question par l'essor démographiqu~
deschiite>1.
11 n'y pas "u de ra--ensemcnl .1u Liban depuis 1932. On ne dispose donc que d 'une
estimation des proportions relatives des communautés libanaises. Selon cette
estimatillll. lt•s ~hiites et'nslitucraienl dl'sormais environ 50 ')(, de la population, 1..,..
sunnites 1111~ dN.iles rt'unis, 25 'X. el les chrétiens 25 % .
Les ,-hntes du Liban sont localisés principalement dans le sud du Liban el a la
periphént> de lk-vrouth où ils vinrent se réfugier à partir de 1978, et surtout de 1982,
lorsquo> les lsraélit>t\S attaquèrent le Liban . Le Hal•t>l/a/1, parti de la résistance islamiqu•
à lsra!!I .....:rute essentiellement, à l'intérieur de la comn1unauté chiite, des paysans du
Sud qui vivent à proximité d'lsral!I et ont connu l'occupation de 1978 à 2000. Une zone
lil>anai5e - dite des fem1es de Shaba - reste cependant occupée par Isral!I.
Corte 7ll : LI.-s ,.,,unmunautés du Liban
1 La liCICzt: ~·i:::a1 rip&odul: dam. la S)nt:: du Nord c:1 dans les Etats Jes Cm1rs ha1m.lonidcs t.l'Alcp - 905 à 1004 - pull Jfs
~ - lo:?.1-1019- d'ob6dimcc chiite . C'est rrrobablcment 111 réaction sunnih:: ~nu s lç!i S c ldjoukuJcs - en Syrie Je I018 •
llll - c:1 lcs ù:akida - xucuk:Je- qui pmü..'iC à gagner la monta&nc. à panir du dernier quan du x1c si~lc . On a L! im
Cll:l:llplic de~ qu.i a ttouvC dans la montagne un refuge: â ta m11téc montante sunnnc . Voir notre section cof\YC'fte l LI
__.,...m
.....,,.,._ X . dE PLANHOL, W Na1ioni du Proplri-lt!'. Manuel g éugruphlqm..• d t.• politique nm:wlmant!. Po.ris, fayud, 19'11.
p. !OS
~ n es m:ipcm1Ul de ne pu coofondœ ntn.aln et nîzan : IK nizarî11 son1 des l!tmnélicns, tuujoun r~cnts en S~TIC'. qw
~ d'im ~a.u 1c:n:1C< dur~ V1CUA de la Montagne, H.ash1d al· Dîn Smàn , h:<1ucl ava11 bâu un pu1ua.n1 Etal entre la
,......... ~ ck la pi'UICipMlli' d'Anltoebc cl du comté de Tripoli d'une part , cl les royoume:1o mu :io uhnuns Je Nilr al -Oin, ru• .~ Or
5.ùldiD. d"illl&R J811 . l...a. bommc:a du \'iau de La MunlAgnc sonl nucu:ll 1.:onnu s sous le nom tl'A.,.sus!<omS. Quunl aux Ntu.a.rn~ 1l!.
~ksNi.z:am..
1 Ph,œ ~ uac populalion dC!I; Naz:an:n1, •iluéc il l'uuc5l U'ApamCc W.m .. ha vulh!c Je l'Omnlc X Je l"LANllOl ... L~
.~ Ji,r Pnpl!llW. "4MtMtJ g«.gruplnqw dt: pulilU/Uf! mwulmu11c:, Puns, Fay1m.I, 19 9.1, 1>- 20S ; Il Cl J. SOURDl:L. IJ1c1ù.,vwir-r
~w~ru/Olft,Puu,f' . Uf . , IY96,p. b21
4 de V1itC rdi&iau, La rwclé da. fh..1:6quC:c-i c,.c nocablc ; cc S-Ont ~ pclll~
Du~ ~pctwurc'" - - :.u yilna -- que l'on uuu\·c ~
\AQl:ltWptd'Plo'~ da.pcnuoo.ap .ainb, qui fonl uffiçe de l tt:UJll. t.lc cul1cs.
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mêaw s'il l16t impit". Les wahhabites affichent une opposition violente à l'encontre du
,'hilsine et du bl.ut1, une tendance qui. à l'intérieur de l'islam sunnite, vise à introdu11e
la lÙIOI\ humaine pour discuter de la foi.
Cette- <'<:\>le juridique J., l'islam sunnite est le véritable foyer du traditionalisllll'
islamique en.'C're appel<' L.'<lamisme, c'est-à-dire d'un islam <lui accorde une importante
toute ~re .iux hadiths, à la Tradition formée par la swma - actes et paroles du
~-
Selon œrtains orientalistes. le wahhabisme est une rupture avec l'islam classique
c'est notamment l'avis de l'historien libanais Georges Corm1.
,,...._Ji._
Cette- école juridique fut fond~ au Vlll" siècle par Abù Hanifa2. Peu rigoriste, Abû
Hanila pr()nait l'usage de la réflexion personnelle et une certaine souplesse dans
l'inlft'pn!bltion des textes. L'école est donc sévèrement critiquée par les partisans du
hadith.
Abù Hanifa autorisait par exemple la consommation modérée du vin de datte; il
proposait des subterfuges pour permettre le prêt à intérêt ; il fut le promoteur du
principe de l'i..<J1tih..""11 ou "recherche de la meilleure solution".
l'école hanafite fait montre de sympathie pour les écoles théologiques
rationali.o;antes, et affiche une inclination particulière pour Ali, se trouvant ainsi
quelques points de convergence avec les chiites. Cette convergence autour de l'imam
Ali explique que nombre de hanafites furent proches de la dynastie chiite des
Fatimides, et que les druzes du Liban se reconnaissent aujourd'hui dans le système
hanafite.
Du point de vue géopolitique, l'école hanafite est l'école turque par excellence; elle
sera l'école officielle de l'Empire ottoman. Son origine est pourtant localisée en Irak où
elle nsle forte.
l'école hanafite est répandue en Syrie, en Transoxiane, au Khorassan et en Inde,
régions où l'islam est relativement souple dans son expression. Cette souplesse permet
de mieux comprendre pourquoi c'est en Syrie et en Irak que chiites et sunnites arrivent
le uueu.x à s'entendre, à l'inverse de pays imprégnés par la mentalité hanbalite, comme
l'Arabie Saoudiœ.
Le malikisme
Cette école juridique se réclame de Malik Ibn Anas3 et s 'appuie sur une pratique
medinoise jugée supérieure aux hadiths. Elle se répandit à partir de Médine en
direction de l'Irak, de l'Égypte, du Maghreb où les Almoravides la favorisent au
XI• siècle.
l'école malékite se trouve aujourd'hui essentiellement au Maghreb et en Afrique
œnlrale, occidentale et orientale.
1 1°Dlll a.amc- k ........... al en ru~ druuquc :.vec le judnJsmc 1ndüionncl dc:<1 rubbans Jcs ghcuos ou mu:u.ll encore eau
de S.-X cm..::a:ta - ~ dcpw• des rrullina.t~ -"llr I• lCrTC promHc, le w11hhuh1!';mc c!ll une c:uupurc d'avec l'Wam
~. . . ic:ulic:f, ~iqucs taft'"lnfts, ;my1111f IOUJOUl"!'I mtégni: toul )'hénLBgc pcr.;c. SR:.: W1C:u:n cl byznnun . ~
_....,..ka mm1n ...aa.o. ta h~ia 10Caal1:9 complcAa l~gilimécs p~nout .:n Orient :trabe pur Jc.s 1raûi1ion.s di,,cn1fim C'I
. . . . _ . . l"ltlmlDlll!f an .,...ics ClVllisarioos mbopuramu:nncs an11qu~ et ' IUC lu c 1vih!ialiun de l'1sh11n d1LM1que n&l'I
~- Ea niaült. W wabl:labilml: YOUdicn qui s'inalallc Wmlli l'ordre politique au xxc- Cllil une ttpuJ1duun ahst•luc Je: l'u.lm
~a cele dia fait dr ,.._ ~ ~h.Jq~ . Ntt dan!i. le U6lcn Je lu ..::1vi li!iation i!dum1quc. i l l'a en cnèt 11~i..&lcmcnl
qlllillt i-s s'Ulllllilliia ~
le. p.nd. œ:nlla wbaina Ju Muyen·Orîcnl, lu::ux m1lléna1n:~ Je c1" il i~uliun, h1en ll\'UOI les Gin-...
~ Cl lies~- id G . CORM. L 'Eluo~ d l'Ori~"' (c/e lu hullwni.vution ù lu /lbmris"tion, hutoîr,• J'un.• trtoJuruk
~J ...... l.aDm:uuw:ne.1991 . p . UU,
L. r/ueftli.•m~
Cette école juridique se réclame d'un juriste du début du (Xe 5iècle, al-5hafti1 . Il
introduit Je raisonnement logique et le principe de l'analogie pour faire des déductions
à partir de textes fondamentaux, et défend l'équilibre entre le Coran et la Sunna. Le
chaféisme est une réaction contre le malékisme et le hanafüime qui fai9aient trop
souvent, selon al-Shafii, appel à la réflexion personnelle; la Sunna exc:lut la tradition
vivante de la communauté et s'en tient à la sunna de Mahomet. On peut donc:
considérer le chaféisme comme plus rigoureux que les écoles malékite et hanafite.
L'islam chaféite s'implanta en Mésopotamie et en Syrie, mais les mamelouks de
l'éc:ole hanafite lui firent perdre sa prépondérance en Égypte et c'est d'une manière
générale l'islam turc qui provoqua son recul dans le monde arabe.
Aujourd'hui, le chaféisme caractérise l'islam en Indonésie, en Asie du Sud-Est et
aussi en Afrique noire orientale.
En dehors de ces différentes écoles juridiques du sunnisme qui mod~lent beaucoup
le profil des États musulmans, il faut connaitre le soufisme. un effort mystique qui est
aussi source de particularismes géopolitiques.
L••ou}ume
Le soufisme2 est un mouvement mystique né très tôt dans Je monde musulman et
qui a pris des formes diverses. On le compare parfois, du fajt des formes de confréries
initiatiques, à la franc-maçonnerie occidentale. Il en est pourtant très différent.
Il s'est heurté à la doctrine définie par les théologiens sunnites, surtout les
hanbalites car il prétend unir l'homme à Dieu - comme tout mysticisme - lors ml!me
que dans la théologie sunnite, Dieu est absolument transcendant et l'homme
absolument temporel. Il se caractérise par une forme de renoncement aux biens du
monde - piétisme - • une volonté de recherche de l'extase qui est proche de la vie
érémitique des chrétiens ou des communautés bouddhistes d'Asie centrale.
Le soufisme s'est surtout implanté dans les régions tardivement converties à
l'isJam3. Jusqu'au XV• siècle, on Je trouve surtout en Asie centrale et en Inde où il fut
l'un des fers de lance de l'islainisation, ainsi que dans Je monde turc.
Les confréries soufies, jugées de connivence avec Je chiisme, furent per.iécutée5 par
l'islam sunnite. Le wahhabisme est de nos jours un fervent ennemi du soafisme et
s'emploie à réduire son influence dans le monde musulman. D faut din. que le
soufisme fut un instrument de sortie du sunnisme dominant. Ainsi en Pene. c:'est d'une
dynastie soufie que naquit la dynastie des Séfévides.
Au xrxe siècle, la réaction anti-oc:cidentale provoqua un renouveau du soufisme
qui se développa au Maghreb et en Afriqué . Les formes persistantrs de soufisme sont
observées aujourd'hui en Afrique et Inde.
1 Jb iden1, p . 747 ,
! •Le soufis me. nl-ta..~wwu f. '-"SI Wlc voie s pll'itut:llc 1shuniquc. d plus ~iKmœl une "Ote èm&aiqm: Cl imcmDqi.c - aum
duons une \.-oi e cl non la voie c ar 11 l!:ot1s1c en 1s lun d"aulr'r'!I: ...-ounants cs..neriqucs d mitiariqua.. 1."'CllDlm: ri ~. C1 ifllC: r°"
trouve par 11illcUJ"!t dc!l v oi~ :içp1ntucllcs - td!O l'L"Cl!tismc - qui n'ont pu ces. canctha.. C'e:.U une voie e.c:i:riqae. J9'Œ lfD'il
•'ordonne o.utour d'une doctrine sdon ~ucllc toute n!:tl irt cmnponc un :df'C'CI utCncur ~ -- au ~ -:allo' --· « tm
upcrct tntèneur i.: n ch~ - - o u C sutêm.~uc . ba.t in - . Cl le :-:uuti.sn~ ~ pR:xn1c lw·mêmc cummc ra.poct 1.-;,cur d ~ *:
l'Ulam. ". m C . IJONA lJ D . L.· S. H~/i:rmL' . ,1/- lu.,·mn,·ut ~·1 J.., ,\p1r1111uli1., uiumll/Jn'. ~ 1\tamaa-MU.~lnm- .:ka ~
:anbe. l'Nl.p li
.l O. cl J SOUROEL. l.>lt'ti1u muin· lu ..-11•r tqH1· .Ir l'u lom . Pv.n!t. P . l~ . F . l'Nto. r . ~~ 7"'."I
4 '"Au 'iri-dc J.c nucr . pnucipulcmcnt en :\ fm~uc k :. nm î~ ...~ J nt ..k..,,h,~-~ llDC ~ d villë ~ œricutt. La~'~
de œne u11vi1C, ho111lc au proll.~ s Jp; la ('Cn~tnlt'l'' ' ~wur<'c'nltie .•.:1111 . pur .:-mttt. proft..t & 5a ~ ,~Jm. llti......._
noir•, 1n H . L.AMMENS, L '/.dun1 tO".nwr..·t·.ç l 'i ;n..mruti 1J1u1• .1'-' c:d. Bc:o"roWh. 1~ ~dit~ I.,__ l..~
p 171
-
En Libye, la dynastie des Sénoussisl offre un exemple de soufisme important du
point de vue gropolitique. Les Sénoussis forment un ordre mystique musulman de
type 50ufi n1ttachê à Muhanunad ibn Ali al-_S,müsi - 1787-1859 - lequel représentait
Wll?de; ~s des ldri.<iy11 à l'origine de l'Etat de Libye .
L'influeno..-e des Sénoussis se foit sentir au Sahara, dans le Soudan sahélien, et
l'implantation principale en est localisée 1fans le golfe des Syrtes - au nord de la
Libye.
}/llM.p.47,
4f. WP'llÜLÛ, Laaripncs di: I ' ~•~ ottoman, Pana, 1'1)5. cité pnr X de l LANllOL. /.•".\' Nt1llmu ''" l"ruphèh·. /.fum,wl
1
~ • pa/ltÏiflH lffUSMlmurv, Paris, fD)'•nJ, 199) ; R . r . LINlJNER, Nu,,,ud' uml uuommu ln n1tt1lil!•'1 1I Araatul-1.
e~ IDdi.lu Uaivcniry Uralic and Alonc §crics, l •JKJ, I' · 1.. 4 .
Chopltre 3. U. religion
noires du Sud, s'ajoute la fracture des religions. Le choc des civilisations y augmente
pour deux raisons : premièrement parce que l'islam progresse démographiquement
partout et que les minorités chrétiennes pèsent de moins en moins dans les ~tais à
majorité musulmane. Deuxièmement, parce que l'islam dérive vers l' islamisme. Toutes
les grandes sources de radicalisme islamique sont aujourd'hui représentées : aussi bien
le fondamentalisme chiite soutenu par l'Iran et certains milieux chiite!! libanais proche
du Hezbollah que, chez les sunnites, les Frères musulmans d'origine arabe, les
wahhabites d'origine saoudienne, la tendance indienne de l'islamisme, la tendance
soudanaise (le mahdisme) . Et l'islamisme tantôt se heurte violemment à l'islam
traditionnel des confréries, tantôt parvient, par l'argent déversé, à se développer par le
biais des canaux initiatiques. Partout comme au Nigeria ou au Soudan, où l'islam
flambe, la guerre fait rage autant entre chrétiens el musulmans qu' entre tendances
opposées de l' islam.
-~.;...iu ·'"d-E..,
I'~ oriental de la projection historique d" l' islam, l'Asie du Sud-Est n ' échappe
~à b tlamt.ét> islamiste dont la principale caus e est l'alliance nouée (dans les années
lWI en AJghanistan) entre l'internationale islamique de Ben Laden et la Jemaah
lslmniyya 01) qui fonne comme proj"t géopolitique un État islamique du Sud-e1t
.isi;ati.:j~ reurùfiant le Brunei, le Cambodge, l'Lndonésie, la Malaisie, les Philippines,
Singapour <'I la Thaitande.
Ouin- les Occidentaux (attentats de Bali en 2002, de l'hôtel Mariotl el de
ramba."5ade J·Australie à Jakarta en 2003 et 2004), les chrétiens des archipels
Indonésiens. faib!Pment protégés par le pouvoir central constituent la cible pri\•ilégife
dei groupe!' radicau:< : 5 000 morts et plus de 700 000 déplacés dans les Moluques
~ t9'19. 5N1s la pression internationale. la Malaisie qui avait accueilli le fondateur
de- 14 Il fuyant la rëpression de Suharto, tente aujourd'hui de se débarrasser du réseau
is!Amish>. Mais celui-ci étend ses ramifications jusqu' à un pays majoritairement
Qtholique, les Philippines. où il s'est accouplé avec le groupe séparatiste Abbou Sayya!
islw de la minorité musulmane et connu pour ses enlèvements avec rançon. Le
Nntnge d ' un ferry qui avait fait 130 morts en février 2004 dans la baie de Manille était
en fait un attentat islamiste. Même la Thaïlande, pays majoritairement bouddhiste, fait
faœ. dans ses trois provinces du Sud à majorité musulmane, au réveil, sous la pression
.tr l'islamisme global. d'un séparatisme musulman ancien qui a fait au moins six cents
morts tddats. policiers. moines bouddhistes, enfants même, égorgés ou décapités,
eco1rs incendii!es ... ) depuis le début de l'année 2004.
c.....-
Oulft la continuité de conflits identitaires et territoriaux entre peuples voisins
(lllinoritéo; ablchaz.e et ossète soutenues par les Russes contre la Géorgie, Arméniens et
~ . .. ),le Caucase connait, depuis la fin de la Guerre froide, une flambée
islamisl'e \isanl 3 refouler la Russie autant des terres musulmanes qu'elles a colonisées
au XD.• ~iècle que de son "étranger proche". En Tchétchénie, un séparatisme ancien et
n!\.-unent dont l'ongin.- du réveil est à chercher en Afghanistan dans les annees 1980,
rallie à IW,. part.. biais de l'argent et des réseaux wahhabites, de nombreux partisans
du djihad mondial. Toute la région s'en trouve déstabilisée, Daghestan, lngouchie,
~du l'l:ord (massacre des enfants de Beslan 1.. 3 septembre 2004), au-delà même
ruisqu<' les Rus....,,; ont démantelé des réseaux wahhabit e s dans les régions de Penza
{œntre) Oulianovsk (Volga), Orenbourg et Sverdlovsk (Oural) et que les Géorgiens ont
fait app!'I atu forces spéciales améncaines pour traquer des groupes tchétchènes dans
la val.ltt du Pankissi. Mais force est de constater qu .. l'islamisme dans le Caucase
muche Surtout les zones d'influence russe et qu' il délaisse des territoires qui se sont
orientés Ya'5 les États-Unis. c<>mme la Géorgie et I' Azerbaïd;an ; sa fonction reste donc
Ch&rlt"' 3. U. l"t!llglon 361
1 Le roi Jean Ill de l•ortui;11I dcmandc J1.."'S missionn.:urrs o.u Pape Paut Ill ~ sa.int l!flXC' Je- L o~t'I~ dtslpic ~• ftwmÇo'5
Xa\'tCf.
2 H C . rur::c11d1r .. 1-/uunrL· d ..·." rl'li~ium» raris . GalHmani. IQ'Xl. \'.°OU . pfC'lho ~1~·. l. 11··. p. 1159
3 "Le chirTrc 1011.tl des t.u(lh!>ë:oo. au faptln se monta il Jeu:" cent milk en 1:"~7 Il attci~u 1ruls 1..-rnt m.ilk cm-uori ai J."ii,17.
qu1n<lCcl:11.a une vive cl !'o.1 mglanh: rcrs'-;~u 11011 . ". /i.J«m. r . l lftO.
.i Odü Nuhanuga ·-· 4u1 d ununi.: Je 15Moi it 1 5X~ - · 1..· t T\>y,Htmu H1dcy0Ju -. 15~1 ~~~ . O.S. LA!'DES. RK~d~
nd,. ..,. :' l 'o ur'/11111 ,/,·.\ JkHl\T\.'.\ .'J. ran$, Albm ~hchcl . l'NS. r . ~b5
de.fnallmu tl'n11n111•u dt•.\
s On ts toutcfui s ai:cus~ l\U'i!OI t.h.•s IUOf"\:hlmU.... c:>.rat:nol'i 1.f;n llir 11\CR3Lt° IC') ~utontët. JaJ'lllOalSC'S œ ~lies u Lm pbQa
chargé d'ut Cl ~ui a\'Uil Ctê n1nfht.tln~. Il\.' lt:ur .:\;u\ ('la.;. h:UJu. 4ll•lh.{U' d .:n ~iJiL d :ocmblC' hK'TI "IUllC' !..'le 'Sol.oit UQC qucn:lk C11tl"C Jio
inttT~IS (OIUntCn.:ÎillL'C. curop-:-t:n s t.."l l' EIOll JUllt.HtalS ljlll :0,111 _, l \1r1~11h: J,. la ~rs«UIMD du 1,;;11\holKi.smc.. ~ Jib, 1on t"OGmllC qs:Gl
d'infihrnt1on (\lruj'lCl.!n .
(, /Jt•rn, p. "bS . l>a\>·1J S . L111mJ.cs rcm11n.1u..: ~U(" i..~ rosutroa. unt lllU!> Cl( ~,111SCT\n · 1b i.."'OIWltuml 1'. pa:u'loe de \a ,Wtbqw
c.l'êrutfü.:pllon "'iolc-ntc du i.:hristiumsm..: mi;nCc uu Je(llll\., • ccn.: ~
Pnrlit• J . l'crmn11mct Jn idmrtlh
toult>fois des bateaux chinois. Les Euro~ns doivent se contenter d ' Edo - qui
.!evimdra Tokvo -. Kyoto et Sakai. Les Espagnols sont interdits d'entrée en 1624 ; 1...,
Portugais en 1639. Les Anglais boudent le Japon ; seuls les Hollandai!I maintienn('tlt
leurs visih!s.
La rermeture ~fait dans les deux sens. À partir de 1636, aucun navire japonais ne
pt'Ul qwtter I~ ea~ l>'nitorialcs. Un an plus tard, le pays entre en autarcie complète,
tandis que le; dizama; de milliers d'expatriés japonais des Philippines et d'Asie du
Sud-Est doivent s'instaUer définitivement hors du Japon . Au moment de l'écrasemmt
des dtrétims à Shimabara, seuls les Coréens dans l'îlot de Honshu, les Hollandais et les
Oùnois sur l'Ue de Deshima dans la baie de Nagasaki entretiennent encore des
rrlati(Jl\S a\·ec les Japonais .
Au XVI!• siècle. le Japon. après avoir rejeté avec violence le christianisme, se coupa
ilins1 du monde extérieur. Curieusement, son autarcie n'eut pas les mêmes
conséquenœs que celle de la Oùne. La Chine se figea ; le Japon, quant à lui, devait
connaitre plus tard un fort essor industriel - ère Meiji.
1 M. CHAUFFOUR. -i..'.lnde'". m E. PETIT. M ALLAIN , A . GA N E M dir .• H;.<r1o1r1! um11.:rst-fle dt!s pa.vs el d~ peupla, P.ans..
Li1nml: ArillO QwiUa. 191l, t VI. p . 281 -307. "'Aim1 pabcmmcnl. inlass.ublcmcnt.. l.1.1 G randc-Brcl.llgnc • 1J11vailll. pendml
..a-: ... & twalir lOUI -*'W dr: rl.ndt un ria.eau dt dérnises avancées '. le DCloutchîsum est presque une pos.sc:uion. qlliC
........ la lODC' d"~ m Penc ; l'Afgb.anl.Slall, rétif cncun:. est Ju moins . par 1ro1té. m1crd1t 0 la Russie ; Tch1~l et k
~Md dD ~ ; k Tibet at fcnnê il Luul le monde • les Ê 1a.ts chuins flanquen t Io Uimlo.me. elle- même 5aill&nt dt
n.dt dlal lt llXIDdr ;..-: ; La z.oac d'Ulllu.cacc daru le Siam. enfin le pro1 ec1om1 dLo.s Êuus malais termincn1 1'1mmcn54:' h&nt dt
~ · "Not:R poliuquir. dit Lyall. C'5t ck ddirndrc conlrc toute po:iisibllhé d'intrusion les abords de l' Inde cl d '•vol.J', cnllt
--.ksckladr ..... tct.~ . p. 100
2 Pi: . PICAL'DOU . JAJ .Ji:u:Niillfllt r/Nanla 1.- Moyen -Orient ( /914 - 1923), Brux.ell es, Cornplcac. 1992 , 11 90
J -ne. rorip:ic. da&a pulniqua c.cluniak s'opposen1 le goùvèmcmcnc des Indes .-este ullach~ di une vision 1m~na.Ju1t
..........,,, a ~ ~ paicmahaar L'I au&orit.au-e uswant les intéréls économiques brilunmqucs au num de la honDt
~ dll:s i.ad.lge:aa. Sa profa.uonnds 5'oppoKRI a ha ligne avancée pur l'équipc d'amateurs du Cuire : un g.ou\·cmcf!X!ll
. . _ , p i f le~ de CIDDk1ilen umodu&b ia.u sein de la hiérarchie adm1111stmhvc lucuh: en lhéonc uuconomc Celle v1s1uc1 pcnnt'
dr ~ tmt adMlD -apk IOV'tcnt yra aucun suppon JUndiquc . c·c11 c e1tc hgnc qui est su1v1c uupr"ts deis 1tachtmi te-1 (c
- la plllblOms ao W: wnin et la lu.na tdeolog1ques du connit mondial lui - même qui umêncron1 le triomphe de la lipt
Ch1pltre J . La religion
Hussein pour mener à bien une Révolte arabe qui !ICrvirait les intérêts anglais au
Moyen-Orient. Le projet anglo-indien vise à imposer des cadres hindoui11tes sur des
musulmans : il apparait à Sykes, ainsi qu'au Foreign Office, comme dangereux pour la
politique anglaise au Moyen-Orient. Londres optera pour un contrôle arabe de l'Irak.
Carte 3 : L'Empire britannique~ la veille de la Première Guerre mondiale
tmucnne ", in H LAURENS , /. ·o,.""n1 urc1bt·. 11rahumt• ,., u/œrus,,., ik / '.'9,lt J /W.fi, Paris. Anr.antl Colin. l CNJ. coll .. U HbloU"C
conlemponiinc" , p . 166
1 Le bouddhisme es 1 anwnë i:n U1mu111ic pu des miss1onm11rcs li.: Açob - -273, -:!H .1\. , J.-e..· ··· cmpcra8' qu.1 fü r1.m1tr JI:.
l'Inde el sorte Je Constanlm Ju b o u<lJh1smc -- 11 ..:om·Ol.tu~ t-galcrn..."111 un sr.nJ coo.::ilc ~ui pcnnctDll :iUWi ~ l"qpk la prupapuan
de la religiun bouddJuquc ; le bouddhisme lk\' 11..-nl rehg1on uffü:idk du pa)S binoan uu XI~ s1ikk Je noqi::: en:. H. AR\'ON. U
lioudJJrisme, Pans. P.U .F .• p 84 cl IJ2; VUll'" au:..s1 11.C PUECH Ju . Jlutm~ .leJ r.:ltgwru , Paru. Galhmani J'H9 . .:oil. ·folHi
r~1s" .1 . 111•. p. no-:u 1.
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~u11l~s . Pans. l1bromc Arnauk Oulllct, llJI .1, 1 IX · /. 'A .111· 1k·s AluuH <'m , r 4Ml-&7 ~
l c.1=. KEY ES , "Uuddhuu liconomic!t u.nJ lluddlual t"UDLbunc:nlllhsm in Uum\a aDd Tll&l&u..r . lb M. l:i. MAI.T'Y cir:
R.S. APPLEHY , F111rck1n1entalurtu and lh~ .\'tut<. /(~tAUAi• ~- i. L'VllhllfU~'· J"-/ nu/U<'*.·~. p . lôl~IO.
0
- - - frunli~n: de I• Birmnnic
- fron1itrc Jea éAU -:wtonom1u·
1. é.im Chin
2 Illat Koch1n
) IË!m Chon
.a é.1111 Kayah
~ Êla1 Kmn:n
6 F..Lltil Mon
mAjorilt ru11chin
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Rohinsy'1S
m1DOricCs musulrn.incs
1 La carncn1cm dt lik ranonle au tn1heu c.Ju llr ~1Cclc a" J C , 11 C . l'IJl:CI 1 tht , l/u-11111 ·1· ,,.., rl'llJ.!tmu. P;m,., ü;illmwiJ..
l'f!W. coll ·r.,iw C'Uil.llJ". 1. m•. p HO. i.:enc COO\"CJ .. lllfl R-sullC" Je l'ui.:110111 de l'cmr~crcm mc.hcn A,_:11k11, Il •\R\'ON. ,,.
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~ IW Slu11 . k~mu!1ftll Polilin. f'<cmmrm.·.r. u11d mtlitum 1'. p ~K'J · ll 1'J.
J p VIUAL DE LA ULACHE. L <iAl.LOIS <hr., C11•t,J.:rrJ!'lt11' 1mn-1•f :H ·ll1', l'11r1s. Armiuul l "ulm. 1'1:!7.J>.1.H .
A. Ul:..\tAShE.OS. 1. I flu bntanmques. 1927 ; J SION.1 rx /.'A .m · 1/1 ·., 11F1m.uml\" lmh·n /mlrwlii1w, /11\·ullm/,· .
ctwpllre :l. L1 "'lii;lon '367
Nait soutenue par les moines bouddhistes qui soulignaient à travers l'hindouisme
t.unoul la menace qui pesait sur l'identitt'.! du Sri-Lank.1 .
Le contexte de la Guerre froide favorisa le glissement du sécessionnisme tamoul
vt!rs le marxisme-léninismel.
T~an-'-*
T_da_
·....--
c-...-
ocian lruli~n ...-...--... ..... ..,.._._
76. Le sécessionnisme tamoul au Sri-unka
1
4-. Lt't"; n·ligions :" Ïn:"crin:- nt dans la géograplùe
Le point de vue idcologique pns tult• 4m· les ;;\·stèmes d '1dees philosophiques ou
politiques transcendent les pl~uplcs <'l k-s territoires. C'<-st là toute l'erreur d'un point de
vue hérité du marxism~' et qui fait dt' l.1 lutte des classes, pour l'ensemble des f"'Uples
et quel que soit lt.:- tt~ rrituire Cllns\dCrC, le n1oteur de l hü;toin.'. éch~ 0:-vêlé, au moins 1
dnns le don1aint., des Rt'l.:1 tit1ns intcrnatÎllllcllt.•s, par l 'affrunlt'lll~nt entre la Russie
l Y l.AC OSTI : \hr , Jl,. ·fi 11111111i1·, · . i1 · .i;• '• '/'""''-1111'. l'.i11~ . l·"la.11uuo11"h'U l-N\ ..n1... lc ·sn-t..snU·. p. 1-'.\1·14;\:\ C1 utidr
~r .. moulc"tlnnttucl. p l4h;\ - 1-lfJ
sovil!tiqul't'I la Chint• populai~ . Les deux communismes aur<1ient dû s'entendre, ils nC'
le purent, c.u les reah~ gropolitiques l'l'mporl.-rent sur l<1 communauté idéologiqu~ .
Er d'ailleu~. l'tdéologil' marxiste p.u-vint-elll' vt'rit;:iblcmcnt, ù un c1uekonquc moml'nf
de l'histoire son~tiqu<' , à dét.1cher la Russie soviétique de l'into'.•ret russe ?
Comme le; id~logies, les rchgions ne conquièrent pns des dmes détndtécs de l'his-
toil'l' •" d" l.1 gt."1gr.1phie Elle~ influ<'nt Mtr d,•s hommes enracinés à des identités l'i a
de; tenitom.'S : elles s'inscri\'l'Ot dans la géographie. C'est pourquoi l'expression d'un
~me mntenu religieu'.\ diffère <'n fonction des lieux et des hommes .
~ ,'
~
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shintolsmt
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~ Bonglodcsh
Népal
p'llld vfhicul• Il Curé~ Ju Sud
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petir Tthoculc: 4 Rinn.11n6e 12 Cor~c du Nonl
lam:losm< s Th.ailil!ldc
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\ J. VARl '. NNI:. " Lo id ig inn vC,Jtquc", in llu 1m·r,· o/t".l rl'li1i:11•m. l. r Y7 .' ·b~ 5: A.M. l:.SNO U L~ ~l1uaduuL..mc".......
r YK9 - )lllS, Il. ARVON , /.c· Ho 11rMliirn1t·. IN(' C<l .• 1' 1m ~. l' .l l f . P,.\1 1, 1:,111 . ~Qlk.· ~i-J~<' '" o · -lft,.'( 11~51 1 pJUI la pn:a&itrc
tdi1mn) "L'Inde 11rébo111JJhi1.1uc". p 7-2·'-
1'11rlit• J l'rr1111mrm:~ tll'!i idl'1Jl11j,
Jin1 pré<istmc!nl l'e\linclmn - <'SI olltc!intc. Il n'y alors plus dt' réincarnation •·I le
l..,..,ltthisk t"Sl Jcfinitiwmenl dt<l1vr<' .
1'1>ur •ppniclwr Il' N111>à1111, Il' bouddhiste pratique Il' Yox11. <Jui n't'st pas une
mc'ttK"'-ft' l."Olllt~mplahvc . 1n,•is au conlrairt! une discipline pratique faite d'cxcrcJcl-s
ph,·s14u<'>
1.., (loucidh• S..k)·nrnum L"SI un pt>rsnnna~<' qui a rél'llen1cnt existé . Les indianisll-s
oilut>nl sa vil' enln> 560 et 480 "" J.-C Les qualre-vingts ans de sa vie sont extrémcmenl
import4nlS c.u ils sonl l'illustration la plus pdrfoite de sa doctrin<' . Le Bouddha n'esl m
un prophNe, ni un dtêu, nMis un h"lnun~ qui, grâct.> à d~s effort~ intellectuels et n1oraux
e\<t!ptionnels, • pen:l" lc! lll)'Stèrc! Je l.1 destinée humaine .
Coru4f11tnf'f~ ,.1opol11iq11••5
Cest intrinsèquement la naturc mèmc du bouddhisme qui contient le succt<o
g<'Opulitique Je œlui-c1 . Car une disciplint' s'accorde aisément de n'importe quel cadre
religieux, ellt> s'insère dans le tissu religieux préexistant. Nombre de spécialistes du
boudJlùsmt'exphquenl la prodigieust' extension du bouddhisme par ce fait .
Un •utre lacleur de sucë~s est l'impression de profond pacifisme que semble révéler
la discipline bouddhiste On imagine que les premiers bouddhistes ne devaient guère
eveiller la méfi,mœ. Le pacifisme intrinsèque du bouddhisme est une idée courante en
O..udenl. Elle esl trompeuse, car les conflits religieux autour du bouddhisn1e sont tou1
~ussi violen15 que ceux liés a d'aulres religions. Dans le mêtne temps, le bouddhisme
peul.., n!véler insatisfaisant du point de vue spirituel, notan1ment parce qu'il laisse en
suspens Ioules les questions métaphysiques qui sont extérieures au problème pratique
Ju Salul.
Celle insatisfaction métaphysique susceptible d'être engendrée par le bouddhisme
pouvail finir par faire reculer le bouddhisme dans certaines régions . En Inde où il est
né et a atœint son apogée au v• siècle, le bouddhisme a d 'abord reflué devant la
tradition brahmanique avant de disparaitre . Il faut en chercher la raison dans les
évolutions de la doclrine bouddhique qui, au fur et à n1esure de son implantation,
assimiliut les croyances populaires, et se rapprochait ainsi de l' hindouisme, religion
primordiale des Indiens. La fusion aurait très bien pu se faire au bénéfice du
bouddhlsme, comme dans le cas du christianisme par rapport au paganisme, si
l'lùndouisme ne s'étatl pas appuyé, d'une part sur l'organisation sociale de l'Inde - le
sysleme des castes- , d'autre part sur l'autorité des Vedas, e t si , par ailleurs, le
bouddhisme n'avait pas autant négligé la tradition sacrée de l'Inde.
Lorsque l'islam arriva en lnde1 , suivant une vague déferlante de conquêtes,
l'hindouisme, religion nationale de l'Inde, était mieux armé 2 pour résister que le
bouddhisme, considéré comme un apport étranger . À la fin du XIIe siècle apr. J.-C., le
bouddhismt> avait disparu en Inde. Voir cependant la territorialis ation des minorilés
bouddhistes dans le monde indien .
Carte 84 : Les religions en Inde, Pakistan, Banglades h
11> C1 J SlJUROl;L. DKllOflft.Qir-'f' hi..lfnr-1qri.: J,, l'ulom , raris. ru F, 19 1)6, Qr11dc " Inde ''. r Ji.,io.:w2
"! "lmlîlChM: ~1an , p~UU' cmrunc toutes ~ dcv11m:iêrcs, sur uu fonJ 1mlcn11,:111 ;ihl..: J'h1nduu1s m.: f 1 llu"' Jcs
bulM.SU Je l"Jndu. d du Bc-oplc. J ' 1 ~ Wn csl. J'unc fu..;jm uu <l'une autre . 1111 plu.:no mcm; Je .:J11 ,.s c" pn v 1ICg.11:1.:s pnnc..::.. Mil.IJ1s.
1~1JuNYltU , ~onuDCJÇAPU. 1J ne mnrd JM-'. profonJêm~nt . 1rn1.S!t1vc111.:111, J 1m s le ll...:uplc 1n J1c11 ...: ra111p111111.:- a sn r...:l1itl•UI, .:1.:mclk
~.une ctc.TtVlk n~c de miiCrr l"1n.'1lcmcnl , dum1 CC sys tème J'llll"'!<.1111111\Clll slrm:tu rC 4u't!li1ll l'huk , l'1s [un1 no: pu1
u-whu qu'en ~1 •• m 4 . MIQUl::.L. /.'hfum ,., J11 ,·n ·1lt.\"ll l11m tYtr- X .\ .. .~û· d.· i h o: i!d , l'am. , Ammnd Col i n , l'J 1>tl. p 11>:! ·
.,.... ~V)aa. in rinlcT"4ll lClf"I profuedc mule le ra..:tcur rcl1K1cu:11. cl le fo c 1cur so t: 10 - ci.:on111nh1uc 11uc 1111us 1nu1uns plus loin.
Owlpitre 3. La reli,pon J'7J
1 H . AR VON . le> Bom/Jlri.t """ 18 "' c..'J , Pi.arts,. P.U .f' . l'W7 . 118p .. t.•oll. -Qur ~·Jt: ·••. n=·.aog_ l l~~I puW" lia pn;mië:R-
:diuon 1.p. t.1-K4 .
2 IJ..·nt, p. 91-94
J 11,;J~m,p . 1IJ-l17 .
.. lhhJ,•m. p . 9S-IO l
Pdrtir. .J . Penunmmce dn ltltr11ith
IAI r~iOll pt1r t#o'"iruuion .· pouryuui l'idnrn ."funrailfP ,. 10-1-il 1u111 tin ,,cfritt1bl11 rlttrJ(tf?
Mahomet csl un pmphl'le qui est aussi un chef politique et un chef de guerre!,
l'expansion de l'islnm <'!ôt d'nhord le ~sultat de la consHtution rapide d'un empirez.
L'islam ~·imp<>s.I par la conquNc militaire\ puis il mit en place, sur les lerrC11
i'Onqui.<;eS. un sysl~mc d'imposition fiscale s'appuyant sur les structures el les
fonctillnn.iln-s pn..,..~islanls - notamment ceux de l'Empire byzantin. L'islamisation se
fil par '" 1lii/1111I, la gu<'rn.• sainte~. La progression religieuse ne fut pas l'œuvre d'un
clergé. mais œllt' d'un" politique d'extension géographique menée par les califes, chef•
de l'llmnw - 111 commum1uté musulmane - et de l'armée de l'islams.
Il par.ilt naturel dans œs conditions que l'islam orthodoxe - l'islam sunnite - ne
dispose pas de cll'rgé. l'i que la distinction de la sphère religieuse et de la sphère
politique n'ait p.is lieu d'être.
CArte 72 : L'expansion de l'islam au vue siècle,
Carte 73 ' Les grandes lignes de partage du monde musulman : sunnites, chiites,
kharidiites
IA pf"Ol.n.s.."ion par inli~ratiort
le christianisme'> et le bouddhisme7 sont deux religions bâties sur l'œuvre d'un
clergé. Au cours des premiers siècles de l'histoire du christianisme, le clergé chrétien
s'est montre habile à 'récupérer" les mythes et les rites païens et à les rechristianiserA.
les moines bouddhistes ont, quant à eux, superposé leur discipline sur des croyances
primordiales.
la force syncrétique du christianisme - notamment la récupération par le culte des
saints de la symbolique polythéiste en Orient comme en Occident - et du bouddhisme
ont permis à ces religions d'effectuer ce que l'on pourrait appeler des compromis
locaux avec les puissances politiques, et souvent de lier leurs dynamiques de conqui!tes
à celles de formation des États-nations. Ainsi, il n'est pas étonnant que ce soit sur le sol
de l'Europe chrétienne et de l'Asie bouddhiste que se sont établis les plus anciens États-
nations. Dans les pays du Petit Véhicule, le nationalisme se fonde en grande partie sur
1 )i.l IOOISSOS . -~'· Pans. Le Seuil, 1975. coll . '"Points- , (première êdifion, 1961 ).
:! ~ Daoobrn f&k deu.a consaats CllCl"lltels : " I . la d1ffus1on c..lc l'i s lam ne fui pas comme celle du chrisciamsmc, ua
_..-mima tan d ICllllX. d'mfiltnt.ion cl de sape 3. l'antéric:ur d'un empire qu'on d1sa11 ne pa:.. vouloir 1ouchcr ; elle fui cUc-mnnc
. . . . - . Elit ftal 111 prc:alahk unt v.olc:noc. une conque1c des 1cna et des hommes ~ 2 la conquête et Io migration llr.lbcl rtlmll
ctw.1 ' 5 1 • dlstinocs c-1 dD1"\'cn1 ltR" logiquement d1s1ingu4!cs .", in C DECOBERT. Le mendiant e t le comba1ia-
(L._._ * ruia.,, . ....._Le
Seuil, 1991. p. S1
) Cd& a'Cll ,_ iCUJam:DI \ftl bon do tariioucs arabes. mals dC:s Je début., à l'intérieur mêmes c..les u:mloircs nnbcs . ·c(lnft
lcia arilm ~ qwc k:un motifs fUS5Chl n:hg1au.: ou non. Aboù Bakr Il employé sons c..lêlai Io manière rortc 11 1mport&J1 dt
refaire Qlpdtmmi l\m.1ii di: rAnbtc d d'affirmer la suprématie de l'islam.". in R . MANTRAN. L 'Ertpan..'ffun mwulmune (f71'-
XI didr). ..f' éd. . f'lri&.. P.U.f. 1991, coll . '"Nou\.·ellc Clio'" p . 91 .
.U.P. CIL\llNAY. ~ sau1tt", in T . de MONTBRIAL. J. KLEIN d1r., D1cliomwin: dt· .litratégîe , raris. PU F. 2000 .
.. -JOI.
5 R. M.Ah,-itAN. L"ûpœuWn "'usulmonr (Yll'-X? s f~de). 4• éd ., Paris. P .U. F .. 1991 . coll "Nouvelle Clin'", p 96-1 IR.
fi, La lrQllll pw:ndls pba5el des pran1cn s1klcs chrclicns wn1 les suiv11nlcs . expansion et ém11ncip11tion rapide riar nppon a1.1
~ - dt }O i l.!:5 CD\"llOD - • umufonnauon de la pclitc secte en Église - -- di: l 2S i:. 2SO environ - ; 1ro.nsfonnat1on du
~ai i:.ctc:ur polmquc de pn:nun plan , pamcuhèf"cmcnt dans \'Empire romo.m - 2SO à 32S . ll .C PUFCl·I d1r, Hu mtn
Ja "°'CUU· hnt. Ci&llimud. 1999, 1.:oll. "Fohocs!&is", l. 11••. p 183-1 HS
1 •u, ~t - Ynsha --te constîluc iJonc du vivcant de Bouddha. C 'est une c;onfrc!rii: de moinc..,.-mcndumlS qui
a'aaam ...c:m ~ imu qW, ,..- l'exemple de leur vie, cnsc1gncnt le chemin du sui ut ", m H AR VON, L~· BouJJhiJtN.
' M..,...... P.U.F , 1997, coll. "Que ui.-jc ~· . n"46B. (1951 pour ID pttmiè ..-c t!dltinn). p SO
1 Dès Ir\• llèclc. ca Occident. te ~hri•uaniime venu du Moyen-Orien• t.loit ~e cnmnrum: contre le pua:11nismc 'lui l'o rrtt<Jc-
d .a llOI-..... anrini dam les pruplu curop6m.&. Une mytholo111c médié,.,ole se dCvclo1111e ~ur les rcs1cs c.Ju p111tanismc -
œ111qm pour rcuaDcl - que k cbnnianume ne peul conl.r61c..- qu'en l~s ouimilont ; r . WALTER , A/1 11holu>:I~ d1réli••n11r. R1uJ
n_,d.oJ.i Afa:.-...Âp. Puu., Ed. Eawn1r. 1992.
Chapitre 3 . La religion
premier imam ibadite élu se révolta contre Je califat. Le particularisme fut clairement
affirmé contre la majorité sunnite de l'islam5; il conduit à une autonomie à l'égaxd de
Bagdad - vers 850 - puis à l'indépendance - à la fin du siècle. xe
1 Lire A cc propos. les nn11il y s1..-s hist~'"qucs de rhisloncn Jacques Baimo1Uc. m J B..ti.lN\'ILI.E. His«Hn .. F,.,.._·~. l~c âL
Paris, Faymd, S72 p . ( 1~ ~d . , 1924)
2 En "56, une pnrtic ùcs pan is.nns d'Ah en gucm: i:onuc MNVr>;ya. R"fwc de w1H-c Ah JmD son aa:cplaDOn d'lll1 ut:Na.p
lctnpol"l'l Le clan 11.hdc se ~~!"-"ln:' en <leu:.. cclu. qui le qumml fonncrocn les K.handjitcs : .:eu.' qw ~ f'M:klc:s i Ali. ._ chilla.
L'intRnsigeancc des Khaml111cs \.."SI c~akn'K!nl anïf'TllCc pu le n:fus de- ..tonner un goü\cmcn\IC'nl et une~ soaù: i •
société, sur te khandJismc : 11. LAMMENS . L 'h/i.Jnr tCn.1y'1'"-'c'.S ~' im11t111101UI . ~-· N, Beyrouth. lmpnmcnc ..'alhuliqur de
Bc)roulh, 1'>43. p . MS-8 7; 0 et J. SOLIRDCL . l>u·11u 1111uu-c' hutvri'I"'' Je /'i.JIUlll. hns. r .L'. F.. p. ~ID-4 7 1
J La bande littorJ.lc O\lt&muncuc. l'k.:1.: llr"-;.,_. a ~:; u~ IÎ\' ll~S. iJc ..:ommcrC'C maritunc. C'S1 l.~ Jr l'lNcnall' da ~ O. Cl
l SOURDEL. D1c1unmu1r"' hl.dPt'"I'" ' ,/l· 1'1s l.1111. Pans , r .L1.f .. p. b .l~ .
-1 X. de PLANHOL. L,._,. Su1101J..' ,/,4 p,...,,phi:tt' . .\fumH•I K•"'~rtJl•h1'11'c' .ië p.Jlil"f1Ht -.s"""""".
f'uU. t"llyu1.l l'WJ , p. Ill. La
lbai.Ji1cs GC'l..'C"plCnl l'élechon J 'un 1mKm 'lUI gl.uJc les. ..:h•yants. .
~ r . \VEN DELL, Vm1m . , , h1..; tury , New '\'1J1k, l%"1' . n!rnnt Ek)'TUUtb.. IQ'7l. p. g...12
78. L'ibadisme en Oman
1 J.C. \\'llKlNSU~. lfotrtr 1.mJ 1r1luJI Jellll'ml'11f "' Soulh·l::a.w Arr1bio tl \' IW(~ · 11/ t /J t' Ajlcij of ( )uum O :d nn.J, 11'76. p. 1.\11-
144.
11~ pi-\M: wus contnile ul'T\ilna1s en 17 ~0 . grâc.:c uu c ommcr~c du coprah cl du dou tic ~1rol1c , O nmn 11.-cr.1 Je l"<'ll<
poMICllWP., UllC ochn~ 111U'llm1C.
l A Il. tio du XIX' siC-:lr:. les t'rani;ais tlispu1c nl nux Anttlui,. une 1nl111c1u.. c sur Oman C· LE ('OlJf{ CiRANl>MAISOS.
PrrsntffJ/11.Hf du J41fl011UI J 'Oman. 1n P HONNENfANT 1hr . La p1 ;11i11.ud1 · r1r11hiq111• d'r1111rmrd'h111 . ~ t.ln i on..; J11 < N R S . 1 Il.
p. 171J
4Jl MJH.i l:. •L'Oman .:1 l'Afnquc orienl.11.lc uu XIXrsiè'-·lc.:°' . in P fU>NNENl · ANT 1tir . /11 /h :11wwlo· ,,,,11'1y11:
trojoun/'IDJi, h:jit10l'U duc N M. s 1 JI . p. 29J.JOf1
1.Mfmc t1 l'éc.unum1c urnoma1>< repose elle en premier lu:u ..;ur I'-· pé 1ruh: fi 1 J: ( 'CH JH <iHl\NOMAISfJN . " l . \~· \ ..... umr
OOlilnaltc,1?1"· 19*0... m P HONNl'. Nl:ANT J1r .. /,,,, p1'nl11mft• 11r11hiq1w d 't111jrmn/'hul, ~ti1111 111 ~ 1111 r· N .H S. 1 11 . Il . '~ 1
IJ 1. <iRAl, l..a (Jnwnü, nuuvcaux iµarJh:ns du Ciolfc. Puri .. . Alhm Mid1cJ, J 1H 1 ; lt . 1>l · l.C '( IHIH '.,
1 /.11 11· 1 rm h ' 1·1 /r1 '1111ro"y1:
1 •mstoriquemcnt~ l'Ornan e 1oujours ét~ forme ck deux ~ l'Ulr tourn6c- '"Cft ~et. r.arr . . . - na~
divis.ion qui appaR.issait ~ltcm..:nt dans le nom que \c pcys parti jusqu"cn 1910. 'Muilcll e1 0 -'. C.dlC' .,....... •
conupondtin pu i des frontières géographaques rmcs.. mais ~ pllmliiil des 1imill:s - - - . JlfOIWl=I â cz . . aa
hlbitucllcmml fUfini comme 'L'lnt&iew" d c:rttr aulOllOClale ~ qm dtcau.iû (, *5 ~ • •
l'L10lcmcnl tlu noyau montagneux . se dêfinissa1t pu une Cconomlc pli.a ou 1111MRS ~. -.r .....- ~ pm:ii:lliiim -
div11ion en deux factions, H1niwi Cl Ghlfiri - Cl llDC ickok>gic m~ct ~qua tu.dl:i'I prV1ft : ~ ( .. . } '~
- Muqat - . de son c6tt!, n 'avait ncn d~ ces ~ . 1e11il&w AtJcmen• li tr s.du.&it ooam11t w arn:mi.. • .a ,,,._ .._.
d'6chanaes maritime& . Son cx1sh:ncc 1cna1l •~ conta.-u êGbllS a'« k mondle u.œncut. e11 . . SW'>"ir .._... . - ...., . .
boMCS n:lations qu' il cntrcccna1t avec l~s pu.~ ~ que ..iC' "lks qw le IWCDI au,._... loml Mimi ..._... ..
1e1 p~un; comme f°'On s in1c=rnat1onaus. , Q.hllt C't Subir. or: (~t 'lu'\me s-tJe dt CltllE f..-.k ~ ~ wa
t'u1éneur ; l'oulR tti111 ~-onstilutt pa.r- le détroi1 J"Honnuz. J"nnponanl."C' Slrali'gtf.1uc. p.>ur '-='~~ ............_ ..... A ..
fou les pu1ssom:cs lo..·alcs et Cl nmgC ~ ... m J .C WILKINSON. "'C~nl et. cuntmwli cc o..n·. ID P. BONN~'fAJ'l.'T dU...,.
L4Jpbtin.ml~ &Jruhi~m · d 'u1~jou,.c rhw . C'J1h1.ms Ju C .N .R.S. t . Il . r . .NJ
2 Y LACOSTE 1.hr .. Via ·1iori1,.11r.· ,J..· ~~ >p.11il-.1u&·. Pans. Flammanun. lWJ . art.._"ic -oa:.m·
) M . fOlJC ltER. 1-'n111b t•I frouti.~n ·.\ . 1111 tuur- .lu lft<•n.k J;t;upo/llt111«, 2e cd. Pans.. ... •)ri l\N.4. p. J.S.>-J.S5 .
.. F. TIIUAL . Ahri-~1 1 ~ i...'ofk'l111<.1u• · ,Ju li·•(f i.·. P1ms. EU1ps.: ~ l9'17. p. Y!'- UU.
5 Rap('CIOns que l'1bu:d1snk.' ...·:-t un..:- l:a r.11h.·h.: Ju ~tL.&nJj 1smc· cc nt ~. Cft ant 'I*' td.k. ~ ~ - .,.._..
dangnculôC' par le 11.mnisnh:. a ft., r11ûn , pur le sunnu;nM.· wahhahalo:
6 U J. OUERMEY~tt. "La (1,lntlU.lioo do l'lmllmol C't Je l'ëlal 4"I \'tmcn - blilm ~ .;Wturc polttiqw:". m P'. llONNENFANI
d1r., Lu pJntn.,.de ar11bi41m· ,r"'~''""lrlnM, ......,._du C. N R.S . 1. U. r ..ll .... 7.
distinguent des autn.-s : il combine donc légitimisme et mérite personnel1. Plusicur\
mouvements zaydites naquirent d'abord dans la région de la Caspienne ; le lieu de
fixation fut cependant, et fort logiquement, l'une des marges de l'étendue islamillée · le
Y~. En 8'l8, le chef spirituel Yahyâ ibn Hosseïn al-Rassï installa à Sa ad a le premu-r
Cftltrt' de pouvoir zaydite et inaugura ainsi une très longue lignée d'imams yéménitesl.
Xavier de Planhol souligne l'opposition géogrnphiquc au Yémen entre les zayd1te~
installés dans les hautes terres - on retrouve là la fonction refuge de la montagne pour
les hérésies - et les b.tsses terres de la périphérie yéménite qui restent sunnites - de
rite ~ite. les z.wdites ne sont d'ailleurs pas les seuls à s'ètre réfugiés dans les
hautes terres on y trouvait jusqu'en 1948 des juifs• - ils émig..èrent massivement lors
de la création d'lsrai!I - , et des ismaéliensS. Une fois de plus, les hérésies les plus
diverses se concentrent en hauteur pour échapper à l'islam majoritaire. Celui-ci règne
en maitre sur les plaines côtières et sur la capitale du Sud, Aden6.
A partir des hauts plateaux du Yémen, l'imamat zaydite tenta de dominer
l'l!nSl!'lllble des pays yéménites, mais il ne parvint jamais à régner sur la totalité d'entre
l!UJ<.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le contrôle britannique s'appuyait sur Aden
suivant une logique de partage anglo-ottoman ; aux Ottomans le Nord, aux
Britanruques le Sud. Mais autant les seconds purent contrôler le Sud, autant les
Ottomans ne parvinrent jamais à dominer la montagne zaydite qui incarnait l'idée
n.tionale yéménite7.
Le zayd.isme est le fondement de cette idée nationale yéménite ; il n'a cessé de
s'opposer au skessionnisme du Sud, sunnite et traditionnellement appuyé par les
frères suruùtes d'Arabie Saoudite.
En 1962 était créé un Yémen du Nord; en 1967, un Yémen du Sud . Aujourd'hui,
malgré quelques crises comme celle de 1994, le Yémen est réunifié; il reste néanmoins
contrôlé par des hommes du Nord et marqué par le clivage zaydites/sunnites
chaféites8.
Carte 20 : Les dynamiques de désenclavement au Moyen-Orient
Carte .U : Les litiges fronlaliers de l'Arabie Saoudite avec le Yémen, Oman et les
~ts Arabes unis
J D. d J. SOl.'RDEL.LacR-Uballon dt l'islam duuiqut!, Po.ris . Anhaud. 196H . p . ISO ~ X . clc PLANUOL, Mùruruê."i ~n /,/am
·~cpo/ll'iqw,1sociakJ , Paris..Flunma.non.1997,p 109
2 ~nt fui que"°' bi dcu.ubm moitit du IXe s1êclc que la doclnnc zuyt.hk lil son appunt1on au NurJ-Yemm •. tn
GJ. OBEliŒYEJl, ·u (omatioa de l'lrnlrm.1 et de l'Êtot au YCmcn Is lam et i:ullurc poht1quc" . m P . BUNNENf"ANT dir., u,
........,."""""".r......,r1au.oodmocuduCN.R.S . 1. 11.p. 33
J u y ca . . . KlllUDCc-<mq jwqu'C"l'I 1948 ; E RENAUD, "H1sto1rc de Io pens ée n!lig1cu sc .:u1 YCmcn". 1n J CHELllOO Jir .
L'AnlhAt ~ s-J.. ltUfo~ n .:wiJuatlun. Paris.. Maisonneuve La.rose. l 9M4 . t 2 Ln soc i êtC y émo!nilc de l' llt!g1rc aux 1dtolo~~
.......... p S7.6l
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l..aulc. 1914. t? . l.a~)"tmtnii.! de rHq.irrau"' itJWlog1cs m udcmcs. p 115- 141 .
'- U.prtlc:Dc:t ITUlOft1C au QJOU\'cma)l c.arma1hc 3U IXe: "'iëclc, il s i.on1 :\ ttul!s. p o ur l\:..,scntid . ;111 Sml-Ouci.t lie Sana.a. W.ru
Jorq... .... l>)do<IHutr.
6 •t.a clef de 11.i&stuire géopolitique du Yëmc:n csl a m!iÎ Jani. ccl <1ffrunlcmcn1 n11llC11111n: cnlrc un flOllVOir :ruytlirc c.J...·s lhult"S
ÎU!ft WJYê MU' dn ~ nombrnt.scJ, mais indodlcli 0<0c1lli:m1 cnlrc Jcs puls1n 11.,. J y n.uniqu..:: .. et une a nurchic 1mrui .. sun1c . cl Jn
œmres cfKUoa ~. cf'orimtations divngcntes . U1ns con1inuité , in1rm s èqucmL'nl inc :1r11hk s tl'é 1cmlrc h..· ur cuntrMc i.ut •~
c:am dl pla&a;u.'". m X . Je YLANHOL . U.J Natiuttv du f>,-uplu! I•". Afm1111d 1:1 1 o~rupl11qtw 1!. · 1'"''"""'' ""'"''"'""•·. flnn "-, 1: a ~· 31J.
IWJ. p. IU
7 Tbàc ~ IOUlldU Charles SAINT-PROT . L 'Arohle lt1.•t1rt.•u.u•. tir l'Antufui tt! ,; Ali A l1dallah .\ .,,/, •lt , r.-.ri,,,. Elhrsu . l~Q 7
li LC'J _...... chafêt1o ~ita n'hbîknl donc p•~ il ~·entendre uvcc Ici. s u111111c .. lumhulncs · - w11hlmh1 ~mc - · J ' Ar.sibK
s..mdi&r, maue '"J'héft»c chiite moncllc"
"-nopnR." "'· L..O rcug1on
1 J cl D. SOUH.lll '. l., /)1oim111arn · liiwHnq11l· d l· 1'1,·J"m , l' ;m .~ . Pt : F. 1'196. p . .:'. .\ ·' ·
::? "Lo rcnséc is111ù'îh1c.·. "m un: msulli... 11 111111" 111 c"l\rlt1réc . ..·~ 1 J'11nc unrru:n.-.c
ne~. F.lle se fonde- s.w Ir Jupn: Jt b di-vunti
de runàm 11.•11.h.• 'i-llll mfo1lhtt1l11C et 1111r1•du11 ,!<1m k <"i1nm 1..' l l,1 lui 1s btm'llù..' l\"Pr'l.\11100 mt:re le W1b interne ·- hi.un ·- - et le !il:m
Cllcrnc ·- ldhir · et l'i nfini ..• lr;insi.: ,.·mlafü"'' du prcmi ..·r :<>11r k ""'"ùllht.• in H C PUF.Cll dir.. Histoire- ~J ~l;,rcHU . Pana.
G11ll 11nonl, l'N~. \:oil . "Fohu '"ss<11 .; " . 1 Ill .. . p lt~
1 Les i[run<l1:s fünulks Jm.tc ... ' ''" ll'U\' un rùl11.• lîC''i 11n(".•111mt ,b.11... l.i. ~i:n<sc- Je !'Etal hb&nau.. f _L. f'Ol'STANY. l111n.Jwttoa
ri J'hi.ll1•irt' politù/11t' .J11 llhw1 mod 1·r-r11 ' \1 Jr .11itl\~lt' «â /W.f. licyh•Uth, l- ~I.A .. l\JQ_l.
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L'histoll1' des con nits autour de Jérusalem est ilncienne ; el le précède les Croisildes• .
À l'époque contemporaine, tout conune nce ~n 1947 avec Je refus de l'internationalisa-
tion de la ville préconisée pilr l'Assemblée générnlc d e l'O.N . U. ; en ] 949, Jé rusillem esl
partagée entre la Jordanie et lsrai:!I ; puis, vingt ans plus tard , à ILJ !'louite de la guerre de
1967, la partie arabe de la ville Sainte est absorbée il s on tour par l'Étilt hébreu. La
l J d 0 \Ol' llUl l. fJ-:1 r...~ur llu t<>•"'l<flll' J, l"u/11- . t'a r1~ . l'I J f p -l ~IJ -4 l :!
Chapitre 3 . U. ,..,ugfon 379
colonisation juive commence, avec pour objectif final une judaîsation totale de la ville.
Jérusalem mériterait une géopolitique propre, tant les enjeux touchant aux fractures
internes de la ville, à ses districts, sont importants'. Les Israéliens ont fait de Jéru!lalem,
ville par essence ouverte aux trois religions, la capitale éternelle de leur ~lat; les
Palestiniens entendent, quant à eux, recouvrir la partie arabe de la ville et en faire la
capitale d'un État palestinien . La question de Jérusalem est sans doute la plus délicate à
resoudre parmi les contentieux qui opposent Israéliens et Palestiniens, Israéliens et
Arabes, et même l'État hébreu au Vatican.
La question des Lieux Saints touche également à la question chiite. la chiitisation
de l'Iran n'est pas réductible à la seule action des Séfévides; les lieux de pèlerinages
jouèrent le rôle de point d'ancrage du mouvement, de 'dynamiques foyers
théologiques"2_ Les grands Lieux Saints du chiisme sont d'abord situés en Irak:
KarbaJâ3 - mausolée de Hussein - , Nadjaf, Sâmarrâ et Kâdhimiyya. Au XVI• siècle,
l'lran fut séfévide; l'Irak se trouvait au contraire sous la coupe ottomane, sunnite. Les
Séfévides encouragèrent donc l'implantation de centres de pèlerinage en lran : le
tombeau du huitième imam situé à Machhad devint un lieu important de pèlerinage,
puis ce fut le tour du tombeau de la sœur de l'imam Rezâ - morte en 816 - à Qom~, et
de celui du cheikh Safi à Ardabil. Mahchad, Qom et Ardabil sont les trois principaux
centres religieux d'Iran.
5. La fonction du religieux
dans la géopolitique interne des États
Le facteur religieux est tantôt un facteur d'unité dans la géopolitique interne des
États, tantôt un facteur de sécession.
On étudie donc la religion nationale, puis la religion sécessionniste.
1 À propos de Jérusalem, "une différence d':ipprochc, de rc'lo·cndicarions et d'argummwion ~ lsniriims et. Pa.lcsOxbcm..
Lts pn:mien; c:n1endcn1 hmitc:r les pourp11tlus à la seule dimension ~ltgicusc du problème et C1!1:0ft5iCT1ft' ~ débu. à b quc:s1ioa *m
Licu:c. samLs. la s11uotion pohtîque ëtan1 prëscntôe comme non négociable. ..\us; ~ des t~l('ftS., leur lliJU'lo"l:Di:aclt dud
s'appliquer a l'ensemble de Io ville c.o.r Jeun droits s ur celle-a sont supCneun • ttu.'t. dn •utn:s COIDf1IUllmlliê ( .. 1. Les hndiam
1rJUC11l de l'anlinorÜé: de leur p~sCnCC li JCJUsalc:m Cl de sa qualne de' seule Ylllc Sr.amlc du peuple JWf & CB\.'Cn ~ il'!$; ds
minimisent Io ponéc des c:JUgcnccs Jcs nutn:s ror11c ~ en rappelant que IC" c:enln:' de l:a chrcum1i ITSlC Rome- et ~lit tu.Lam n·~
qu'une place de tmmèuiç rnnt:. â r\l· Qo<ls, dcm~n= la M1.:cque e1 Miêdmc . Bien ern.kmruent. lt"i .-\ratlcs en~ Cl b P'ak:so4ic:m
c:n parttcuher n!fotcn! celle logu~uc tians laquelle 1b refusent de S4: b.1s.scT rnfrrmcr ...\ l'e,u."'C'J'non des OlDU\Cltlc:DL" t~ qw.
continuent d 'c"-hortcr lc.c. l°aJ~lcs Ù l:t ~lh,·m: SAUllc rour I• "'hbénlUon lot.ale"' de JC:N.s&Jem.. I~ f't\ ~h."1WM ('SI ~s putlCÜI: d
porte sur I• seule port1c onentilk Je la nlk. d fort JK'un.:en13ge Je porul•tit:JM arabc-s.· . m S . POM~llER. A. LEV..\.Ll.OIS.
•u1usalem, le mur des nègo.:111thms". in l"oli11111u· ,,,,,.,.,,.uùm"I•'. Aulor1Vl1: 1~5 . n "to~ . p . :':14.:
2 X . de rLANHOL , Lt.•.,. :\111l1t11L\. 1h1 J•r1•Jllit'h ' .\lunu,·l .i.:;cJ~tt1ph iq 11 ..• J,· f"VllllqUil' "'...s11hnall.-. Paru.. Fayard. 19'JJ, p. 5-05.
) Sur Io N.taille de Korbàl11 : Y . RICHARD, L'u·/1Jm du '.r,· f<. 'ro.1"'K•~ç <t 11.kt.>kr1:1C$J, Pans.. hyard. J'HI, p. +l.
~ M BAZIN, "Qom \' tllc de pëknnuigr et cimtni Raional". R.G.E . XIII.. 1~7:\ . r · H · lltio.
latque affirme, la France ne s'est pas construite contre l'Église : elle a grandi avec ell~, tt
c'est en E'lle qu'elle a trouvl' la force de l'affranchissement.
-Que serait le nationalisme polonais sans le catholicisme?
Carte.' 51 : Pl'uples et États en Europe centrale
- Le millet dans l'Empire ottoman et le lien entre l'appartenance religieuse l'i
l'appartenance nationale.
Carre 87 : Le panturquisme : turcophonie et limites de l'Empire ottoman à ~on apogb,
au xv1• siècle
- De l'absence de religion unitaire à l'absence d'État, ou la faiblesse du mond~
berbère face à l'islamisation.
- L'islam dans l'identité nationale algérienne : le schéma khaldounien et la source d~
l'islamisme.
- L'islam dans le projet national pakistanais.
- Le mahdisme dans l'identité nationale soudanaise.
- Le sênoussisme dans l'identité nationale libyenne.
Tels sont les exemples que nous étudions ici . On aurait pu également rappeler la
centralité de l'uniatisme dans le processus de différenciation de l'identité biélorusse•
bien encore traiter de \'orthodoxie autocéphale et de l'uniatisme dans le nationa(ÎSl!lf
ukrainien et anti-russe. Ces cas ont été traités dans la section consacrée aux divisions
internes du monde chrétien. On aurait également pu aborder le cas du maronitisme qui
;oue un rôle central dans l'idée nationale libanaise; cette qu estion a été entrevue dans
la section consacrée aux particularismes montagnards. L'exemple de l'Arabie Saoudite
fondée sur le wahhabisme a déjà été abordé dans la partie consacrée aux "divisions" de
l'islam sunnite. C'est la raison pour laquelle nous n'y reviendrons pas. Mais il existe
encore de nombreux autres exemples où le religieux se met au service de la définition
nationale.
m
limites du royaume franc en 511
régions t0nlevées aux Wisigoths par Clovis
annexions dès Ostrogoths
royaume wisigothique
1 Sa..ons V . VI~ siècles
2. Brelon5. Ve siècle
l ·o.,·as S.)'S~1oes. uni etc apphquès 11ux ungine:s ùe Io t:runcc . Les uns mcnl l'innucncc étrangèn:; ds ne: vculcnl pouuqac b
F......-c do4'\"'C rien:.\ bi langue. à la littmrun: des peuples qui l'un conquise. Que d i!-1-j c '?S'il ne lcnait qu'O eux, on rc1tOUVft'alldiAi.
111)1arigincs les ongioc$ du 8CQfC hwnaio. [ . . ) D'•uan:s cspnb. moins ch1mf!ri.qucs pcut-ètrc, muis placés de m~mc dans un poa ds.
,.._ aduUf et sysrèmaùquc. cherchent tout ùans la tnJ1uon, duns I~ 1mponations diverses du conuncn:e ou dç la C"onqu.!k. POIS
au. DOCre ~ fnmçai.sc C5' wx i:om.i.ption Ju tau.n, nolrl: droit une Jégrudution du <lroit ron~m ou gcnnaniquc, nos 1rwJll.10m i .
lilapk Ocho dei tnd.itions C1ranaC:rcs. Ils. donnenl la moitié de Io Fr.mec ù. l'Allemagne, l'autn: aux Romains( .. ). Appucm..mcm, e:a
_...u ~ cduq~ doot parle la.nt l'Anllquitl!, c 'ébut une: nu;:c s i abandonnée:, si déshéritée d e Io muurc, qu'elle aura~
~ lalllCI bW:'c. Cette Gaule, qui arma cinq cenl nulle homm i--s contre Cesar. et qui parait encore si pcuplêc sous 1 ' ~. die :a
disparu IOlW: ~. elle .s'CIJ. fondue par le: mClangc de quelques légions romaines ou d es bandes de Clovis. Tow; lu fl'mlÇl.B
~dei. A.llcmmKk. quoiqu'il y ail si peu û'allcmand dans leur langue . Ln Gaule o péri , c o rps ct biens, co mme l'Adaoodc
Toua les Cehrs 001 pén, cl s'il en rcslc. ils n'êchappcronl pas OWI. tr.:nts tic lu c riuque mode rne ." in J MICH ELl=.I, HiJttJtre dt
F~. Uwiannc, Ê.dluom Renconttt, l . 1 L~ Moyen-Age, p 130-13 1
? Toute la Gaule ne parle pas latin comme 'e remarque Mlchclcl ''Si nous en croyons les Ro mains. leur langue prê"loalw. dam b
GaWc. comme dans 1out l'Emp~. Les VWDt'US étaicnc censés a."toir pcrtlu leur lanb'UC, en m ême temps que leurs dieux. Les Romua
Ille voulatc:r:r.t pas Yvoir s' il existait d'W&tn: langu..: que la. leur . Li:urS magistral.s. n:ponda1enl aux. Grec s en li!.On . C'csl en l&tia.. dn le
Digc:sle. que les prâl:W'5 do1vcat intcqm:1cr les lois. A1ns1 les Romains. n'entendant plus que leur lungut: dons les rnbunaw.., la
primil1:s et les basiliques., s'1mag.inèra-u avoir Ctcml \'1diomc desv ain~u..c; Touc~fo1 s plwm:ur-; f111ts mdiqucni cc que l'on Jou pcam-
dc cale: pRccnduC' wlivcr..11..htC de ta langue launc. Les Lyc ien.s rebelles ayant i;:nvoyé un des le urs. qui êtait c ilo)·cn romam., P'llm
dcmalldc:r gricc.. il se U"OU"'& quci le citoyen ne savaic pas 1111 Langue de la C itè:. C haude s.'upcn;u1 qu' il ovail donne!: h: gouvcmcmc:o1 dt
li Gstcc. une place st tmi.nente, à un homme qui ne savoir pas le latin. S u-abon rcma n{uc que;: h:s 1r:ibus de Io Béttque, que la plup.t
dt œUcs de Gaule mtridionalc. av•1cnc odop1é la lo.ngue la1u1c ; la chose n 't!ta.11 dune pos si cummune, puisqu'il prenc.1 la pcmc de I&
ranarquer". in J . MICHELET. HLflofre de FrcJrlCt! , t. 1, p . IJS. "Qwwd â la mas.se du peuple, je parle sunoul des G aulo1utu Nonl. il
eM djO""kiJc lk iUppOICI'" que les Romains aient en.,,.a.hi la Goule en a.ssc:.c grand numbn: pour lui roirc abandonner l'idiome oaclOUil.I. •.
i-.p. 136.
) •Vert l'an 600 avant notre ère, des Gn:<:s dCborquêrcnl à l' emplocem cnt de Marseille. Ils vcnn icnt Lie Phoc", •oillC" JA.w
MiDc:utt, fOAdôc pu-da colons 11théniens." . 1n P. GAXOTTE. Hi.'ftuirtt des Frun(,·a is. :! v ul ., Puri s. Flumnw.rion. 195 1, 1. 1.. p. l1 .
Micbdd soubgm: ccpcod&al qu"il m; foui pas eJtngéter ces 11pporb "On s'est C:vidcnune ul e " ngéré l'inOucm:c de Mursc1llC'. EUe p.i
iDDodwR quclq~ mob gr~ Wms l'1d1omc ccluquc ; les Gaulois. fou te d'c...~d1urc nationale, purent dans les cx:c~ions. solcwxllc.
ClllpNtller les c.aiu~ pa:.s. mats le g~nic h~Jlcmque ét11it trop déduig.ncux J es b orburcs puur gllJ;tncr sur cwt W\C intlUCllC'C" rcdk.
Peu no~. b'lll\'cnant le- pays ttvcc Lléfian..:c cl sculcmcnl pour les beso ins <le: h:ur c o mmerce, les Gn."Cs J1fkr.11cnt cn..,, dn
GaWois., de nec et. de lllllgut, ils leur éta1en1 trop Sllpéricur.. pour s 'unir limidcment uvcc CUX . 1• • f C 'est OSSCZ ION, Cl :iUl1oul J'\11' la
plailmophje, part. n:haion. ~uc le Grè~c o mnuc s ur 111 Chaule. t:lk a u1dC Pé la ge. 11111 is sc u lcmcm à fo n uulcr cc qui ëtu1t lkJi Jam J.:
Pte aauona.I. Puis Ica buban:5 wnl vcous, Cl 11 il fallu Lie" sitcles flOUt que lu Cinule rcs:;usc ih.': c . s e souvî nl cn~orc de la lirt..:< ... 111
J . MICHELET. Hi.rwtnde Front·~ . t. 1 Le Muy 1!1t-À ge. p . 135 .
4 "Les Cellet tuucm uop 111Joc1li:s li l't:KD.td de l'Ég lise. 11 folluil que èc llc -ci n\'uncc en s'uppuyam NUt l'ob(~(
aUcmmde ·, ltkm, p . 114.
' ·courbe la lite. doux. Sicunbn: . . L.c: C.:ehe indocile 11'11 p us vo ulu lu f.:<H1rbc r-. Ces b nrh 1.1 rcs, 4u1 sc111'1111kn1 f'l l'ib ; h>U
éaucr, il• dcvicnocnt, qu'il.a le sacbcnl ou non, lcti dociles îmurumcnls de l' E iehsc . l!llc cmrlu1 c m leurs Jcu1u.:s tinL' puw r\•r!(<'I k
lie:n d'acier qui VIII llDir 111 !OCiété ntudern.t! . Le nu11·tcuu genmmiquc Je T hur .._., de C hnrlcs Mund v n scr'\' 1r 1i inam:lcr, .Ion~ .
discipliner le . .11111 rdJaUc de l'Occ1dcnl.", lhidem , p 134 .
Chapltrv 3 . u rcligaon
Clovis
L'unité française se forge très tôt, sous le royawne des Frana,~ l'alliance i!Vll!:
l'Église. Lorsque l'on étudie les Croisades, on constate la place œn!rale oœupée paJ,' le
catholicisme français dans la poussée européenne vers l'Orient. Or cette cent;raliti CllC
ancienne : eUe trouve son origine dans la formation de l'État n*ovingi&!n et " -
l'appui privilégié que le clergé apporte aux Francs contre les autre& nationa.
Personne ne crut que les Francs pouvaient devenir puissant&, et c'est la rai&on pDQC
laquelle on les laissa dominer. Les Francs ne sont pas un peuple, mai& une f~tion
de peuples composée des Germains les plus diven, qui servent les meilleurs CQJllll dies
armées de l'empereur; la fonction géopolitique de cette population franque qui.oa:upe
les espaces compris entre la Germanie insoumise et l'Empire romain, est de servir de
bouclier contre d'autres invasions venues des profondews de l'Europe. Servant. Rome,
les Francs s'opposent à l'invasion des Bourguignons - Burgondes-, des Suèves, del
Vandales, en 406; ils combattent les troupes d'Attila qui déferlent 5Ul' l'ouefit de
l'Europe. Sous Clovis, les Francs ferment le Rhin aux Allemands, près de Cologne.
Le chef franc Clovis 1 - 482-511 - acquiert tout l'espace tenu par Rome~ battant
Syagrius en 486, c'est-à-dire tous les territoires compris entre la Somme et la Loire. ~
496, c'est la victoire de Tolbiac sur les Alamans; Clotilde qui est catholique convertit
son mari Clovis au cours de la bataille. A NOi!.1 497 ou 498, Clovis est baptisé à ReiJqa
par Saint Rémi . L'État franc de Oovis inaugure une fusion entre Germains et RoJnair11!.
Le baptême de Clovis n'est pas seulement Wte victoire de l'Église. c'est la victoiR
des Francs qui s'appuient sur le clergé pour prendre le contrôle du futur territoire
national. Grégoire de Tours écrivit que tout réussissait à Oovis parœ qu'il marchait "le
cœur devant Dieu".
Flottants, comme l'écrit Michelet, sur les frontières, les Frani;s constituent une
population mixte prête "à toute idée, à toute influence, à toute religion' 2, et ce à la
différence des autres nationalités barbares fermement enracinées dans l'ariani&~l
comme les Wisigoths4 , dans le paganisme comme les Saxons, ou bien encore au Sud,.
dans l'islam pour les Sarrasins. Ainsi. face aux Saxons, aux Wisigvths et aux Sarra&ins..
les trois puissances qui peuvent s'emparer de la France, les Frani;s saot le seul gœad
allié de l'Église5.
A la mort de Clovis en 511, les quatre fils du roi franc se trouvent c:h;icun à la~
d'une des lignes militaires que les campements des Francs avaient IOnnées sm la
Gaule. Theuderic réside à Metz ; ses guerriers s'établis.sent dans la Fnnœ orienlaJ,e ou
Austrasie et dans l'Auvergne. Clotaire réside à Soissons, OùldeberU Paris. Oodomir à
Orléans; ces trois frères se partagent en outre les citésd'Aquilai.ne.
Outre l'alliance fondatrice de l'Église et de la pui.ssanœ ~e. une autw
constante géopolitique se met très tôt en plaœ : le choc entre les Fran;:$ et les Saxœiè.
lequel annonce la lutte de la France contre les puissances anglaise et allemande.
La mort de Theudebert, et la désastreuse expédition d'Italie - les Fnuv;;ais ~
toujours échoué en Italie - . mettent un tenne au progrès des francs. BientOt envaNe
par les Lombards, l'Italie se ferme à la progression des Francs qui échouent aUl!lii du
1 M . ROllCll E, <.. ït,,.,_.., Paris. t-·ayani. t~ ; G. iJo TOUR.. Hwa.int-*s Frmt::1. Pans. Lu&eu.Lcarw.1996.
2 J. Ml(. UEl.L:.T. Jlbt1..11rt: 11..· Frunn..·. LawanPe. Editioo-. R.c:ar.xiolnt..L 1 : i..tclfq-...A,ac.p. l64.
J .. To1.1." h..•s uutrcs b~uburos à ~~ne .:~llQ~ ~Wcul anem. Tuu& ~ • '* ....,"-•- ..._........._..,_.,
4 J SC.:HMIUT. L.r '"'".\"°''"'~ -..·ui$('11t Jr T~. Pans. Paria. •"'2. 204p.
5 J MIC'tltiUff. ffl.""I"' Je ~·....,..-c. 1. 1 : le Moy.,.À&c- p. loS.
Parh1• .3. ~nnanmœ ,/f!'!. idmhtb
~ de l'Espagne. Les Saxons ne tardent pas à rompre une alliance sans profit et
refusent le tribut de anq cents vaches qu'ils avaient bien voulu payer. Clotaire, qui
l'exige. l'St battu par eux.
L'opposition dL'S Fran,-s et des Saxons ne va cesser de s'accroître. Les Saxons,
auxquels les Francs ferment désom,ais la terre du côté de l'Occident, tandis qu'ils sont
poussés à l'Orient par les Slaves. se tournent vers l'Océ.in; associés de plus en plus aux
hommes du Nord, ils .:ourent les .:ôtes de France, et fortifient leurs colonies
d'Angleterre.
Ootaire - 558-561 -, par la mort de ses trois frères, est devenu roi de Gaule.
Comme son père, il laisse quatre fils : Sigebert hérite du royaume d'Austrasie, c'est-à-
dire de l'Est - cela correspond à la Champagne, aux pays de la Meuse et de la Moselle,
la capitale officielle étant Reims - ; il s'installe à Metz et sa puissance bénéficie de la
proximité de tribus germaniques; Chilpéric que l'on va appeler roi de Soissons, hérite
de la Neustrie - qui .:orrespond à tout l'Ouest entre l'Escaut et la Loire, et dont la
capitale est Paris - , Gontran hérite de la Bourgogne - qui correspond à l'époque aux
pays de la Loire et du Rhône et dont la capitale est Orléans - et s ' installe à Chalon-sur-
Saône1 .
On peut considérer que l'affrontement entre !'Austrasie, la Neustrie, et la
Bourgogne annonce celui de l'Allemagne - Austrasie - , et de la France - la Neustrie
est le véritable noyau de l'unité française - , la Bourgogne, riche province longtemps
indépendante, étant un objet de convoitise pour les deux autres puissances.
La premirn alliance de la Bourgogne et de la Neustrie, contre !'Austrasie, c'est-à-
dire au fond de la Gaule contre la Germanie, est le combat de l'Église et de la
civilisation contre les Barbares. Mais, puissance plus indépendante que vassale, la
Bourgogne est fluctuante dans ses alliances. Elle n'est d'ailleurs pas seule dans sa
versatilité. Nombreuses sont les villes qui jouent de l'opposition entre !'Austrasie et la
Neustrie, et qui opèrent des renversements d'alliance. Ainsi, Poitiers, qui, par rivalité
avec la ville vmsine, Tours, préfère reconnaitre !'Austrasie.
La Neustrie, c'est-à-dire le noyau de la France, souffre également très tôt du jeu
indépendant mené dans le Midi par les Aquitains et les Provençaux. Ces derniers, pour
affaiblir la famille mérovingienne, tentent de se faire un "roi sur mesure"2.
Mais la Neustrie dispose du soutien sans failles de l'Église.
L'Église n'a cessé de se fortifier : elle a hérité du gouvernement municipal ; elle s'est
posée en arbitre entre les Barbares et les vaincus ; elle est sortie des villes et se déploie
dans les campagnes, y créant des évêchés. Elle est devenue un asile pour tous les
vaincus, Romains et serfs3.
Cette influence grandissante sur le territoire national s'exerce à partir de plusieurs
centres. Les centres romains du Midi - Arles, Vienne, Lyon, Bourges-, trop
métropolitains, "rhéteurs et raisonneurs" 4 comme l'écrit Michelet ont désormais peu
d'influence sur les Barbares. De nouveaux centres d'influence du christianisme
s'affirment : Reims, Tours. L'évêque Saint Martin de Tours est "l'oracle des barbares, ce
11.... p. )76
2 Ils .ppcllœl de Conuam.inoplc un Goodovald qui se prttend iss u des rois francs Grég o ire Je Tou rs rJ. COf'lll! cette 1cnl3 llH
qu.L CDtrUœ l'knl Mlchclct. ·eai1 coanailn: Io grands du Midt de I• Gaule, les Mununolc, les Gontrnn-lloson, gens c!qu1 voqucs et
doubks d'oriaine cl de politique. moitie Roma.im. moihC bari>U'C'S . cl leurs ha1 su n~ avec les enn e mi~ d e lu Ouur1::ognc cl de la
Ncuwic, •\U le. Gnx.s b)'Dnl i ~ et les Allemands d'Oslrutc ." 10 J. MI C H EL ET , Hutmrt• J._. F ru ncf! , Luu~11nnc, Êd11tons
RcncGntn::. L 1 · Le Moym ~Âgc. p IK-4 .
l/U... , P· •~s
'1b"'-r, p. 196.
Chapl.,.., 3 U. rellg1on 385
que Delphes était pour la Grèce, l'ombilicus terrarum" 1 . li garantit les traités et est
regulièrement consulté par les rois.
Ces centres de Tours et de Reims possèdent beaucoup de terres, jusqu'en
Aquitaine ; ils en gagnent en échangeant le pardon aux crimes des rois barbares contre
de nouvelles possessions. Michelet affirrne méme qu'il existe une connivence entre les
populations locales romanisées et le clergé au détriment des barbare5 pour user de la
nal'Veté de ceux-ci quant aux fautes commi!IC!S et aux réparations à y apporter en dons
de terresl.
L'Église soutient les Francs et obtient en échange une implantation territoriale
importante; la puissance de l'Église augmente par absorptionl.
Lf' ~ou1ie11 rcnorivc/•1 dP. l'Églist! 11ux Curoli11gien11
La dynastie des Carolingiens4 est une dynastie ecclésiastique5 ce qui explique sa
proximité forte avec le pape et son attachement à ('Ordre de Saint-Benoit. Leur
dimension épiscopale permet aux Carolingiens - qui sont Austrasiens - d 'obtenir
l'appui d'une Église jusqu'ici plus attachée à la Neustrie qu'à ('Austrasie, mais qui s'est
éloignée d'un pouvoir neustrien d'Ebroin de plus en plus laïque et de moins en moins
favorable au clergé.
Tenus en échec par les Saxons, les Austrasiens font appel à Carl, surnommé
Marteau; son origine est paîenne - "marteau" fait allusion au marteau de Thor - et il
est souillé du sang du martyr Saint Lambert, évêque de Liège. Mais c'est justement
parce qu'il est paîen et que nombreux sont les Barbares qui croient qu'en suivant Carl
ils pourront profiter des biens de l'Église, que les années austrasienne:s abondent de
nouveau de soldats et peuvent redorer le blason des Austrasiens face à la double
menace des Saxons et des Sarrasins. L'Église prouve une nouvelle fois sa capacité
d'intégration en faisant de ceux qui étaient venus en Austrasie pour piller les biens
ecclésiastiques, des chrétiens serviteurs des futures armées de Charlemagne.
À Vincy, Charles Martel bat les Neustriens alliés aux Aquitains du duc Eudes. Mais
un danger plus grand menace l'ensemble des peuples qui vivent sur le territoiœ
1 Ibid. p. 196.
2 Chaque crime drs ro1 s barbares ''UUt :l l' Êg lisc qudqu~ danntlon.s étnncllcs. Toul le mande dbin: lttt dmmé à l'Église .
c'est une sorte d 'mrTranchtsscmcnl Les é\'èqucs ne se font nul scrupule de pro\·oqua. d'Ct:cndrc: rm- cks fiiaudcs pieu.sa b
concessions des rois . Le témo1g n'1ge des gens du pays les soutiendra. s'il le raut. Tous au besoin. anes1eroo1 que- ccuc terre. oe
vinage onl éu! JAd1s donnes 11ar C lovis. par le hon Gontr::in , .11u monas1ère, li l'é\·iêcht \·oism. lequc1 o'm a Cli dépowllè qae ps UDt
\·1olcnce impie . Choque JOur la conm\'cncc des prètres et du pcup1e dc"·u.1t am.si cnlc"·cr quelque chose au barbilrc. cl profucr de .u.
~ulité , de sa dévol1Dn . de ses rcmor&. Sous Dago bert.. les concessions rcmon1cn1 à Clo\·is . sous P('p1n le B~f:i D:a.Jabcn.. Cclu.i·
c1 donne en une .KUlc fois vin~t -s cpt bourgodes 1\ l'abboyc J~ Samt-Dt:n1s. Son fils. J11 t'hormètc St@C'bcn de Crcmbioun.. fonda
douu monas1èn:s et donna~ Soin1 RCmaclc. Cvêq11c de Tongres. Jouzc- hcucs de b.rge d4ru la fori1: d'Ardenne• m J. MICHELET.
dis.simul1tnon. Io lâcheté Les lil s <le bnrb~rc s J cvcnus évêques rcslluent SUU\"Cnt barb:lrn Un ...<>spnl Je ,-1olena."C et Je grossin-nê
cn't'1thisult l'Eglise. Les Ccolcs monnst rques Je Ll!-nns. Je S mnt-Mn1'.\cnt. Je Ré-cime. Je rilc 8atbc ~\ïUC'Tlt pentu leur C\::LJ1 : Io
ê-coln q,i1cop11lcs d'Autun. Je Vienne. tl c P n 11tcn. tic U uur~cs . d' Au'<ctTC suhs1Ma1cn1 s1l(rk:lnism1CTll. LC'S conciln dc'-Yn&.1m1 die
plus en plus rares S4 au v1r !'>1èdc. 20 11u vue. 7 "iculcmcnl Jon'i. la pn:-nutrc: mo111t du \'IW s1à:k.. /Jnn . p . 200
4 r RICHE . ü•., Cc,mfmgù:n' (Um· fi.mu/I,• 11111 .lit l 't. 11mJ1d. P:iris, llachcth: Pluncl. l'>'l7
S "La 11gc Je celte dcmu~rc fanullc c s l l'é\"êqu c Je Me11:. Amulr. qu i a st•n IÏl!i C hloJuli pour s. u...~r Jam 1;ci C-\·a:hi.: . Le
frtn: d'Amulf c111 obbi! l1c Uuhtlm : son rct11-ti1s c s1 snmt-\\'anJnlk Tome c ...·u<' liumlk· cs1 C-1ro1tcmcnl unie an:~ s.a.m1 lê:gcr Le
frère de Ptpm le Hrcf. Cnrlomun. si: full nu1inc nu M ,1nt-Ca.'i."i m : ~C"i aulres fr(I'\.~ Sll01 lirc h~\·('qllC'S Je Rui.n:n. aN>t Jc Saint·Dnm..
Ln co~ ins tic C hurlcmngnc, A<lull111nl , W~ln . Ucm11nl . so nt m1.11 m."'S lin frère Je Ll1u1s k o.!klnnsm:. f)(irgl1n , C'SI ~·~ ùc Meu..
trois au1rcs de sc11 frères son1 muin cs uu dc-n:<0. Le yr.mJ s.uml Ju t.h1.li . s.nm1-Gu1llo.\lm<' J e Tuult1u.s.c. est ~·uu.<>1:1a t1 tuk'W du fils ;sin(
Ile Chnrlemagnc." . in J . M ICl·IELET. lli.um1-.· ,,,. 1-"r1111< t.'. LouHnnc , f.<l iuons Rcn..:untn:, 1. 1 · L,· .\1'11-.·n-.('"*'' · p . ~11.
0
J>11rtrc• J. Per1wmr11ct' d~:; id~11l1lé1
national: les Sal'TllSins. Ces derniers, déjà maitres de l'Espagne se sont empari~s du
Languedoc. La force de leur cavalerie les fnit avancer rapidement 1 . Les Aquitains sonl
défaits et doivenl s'en remettre aux Francs.
En 7322, près de Poitiers, les lourds bataillons francs stoppent les rapides cavaliers
arabes. La victoire de Charles Martel est courte: il fout déjà se retourner vers le Nord
menaœ par les Frisons, les Saxons, et les Allemands. Michelet souligne que Charles
Martel récompense les succès de ses soldats des biens des églises de Neustrie et de
Bourgogne; c'est probablement vrai tant son armée semble trouver facilité à recruter.
En méme temps, Charles Martel devient l'ami des papes; la Germanie se divise en une
partie palenne et une partie chrétienne qui sera le bras armé de Charles Martel, Pépin
et Olarlemagne.
La christianisation d'une partie de la Germanie est l'œuvre de Winfried3 -
Boniface - et de l'Église anglo-saxonne à laquelle il appartenait, romaine d'esprit,
germanique de langue, et fondamentalement opposée à l'esprit anti-hiérarchique et
individualiste qui régnait sur l'Église celtique4.
En 752. à Soissons, Boniface sacre Pépin roi - en l'oignant d'huile sainte, chose
nouvelle chez les Francs -, au nom du pape de Rome, et accorde ainsi la couronne à
une nouvelle dynastie. L'alliance avec l'Église est totale, et sans failles : les ennemis des
Francs carolingiens sont ceux de l'Église, qu'il s'agisse des païens saxons ou des
Lombards ennemis du pape.
Le fils de Pépin, Charlemagne - 768-814 - poursuit la politique chrétienne de son
père. U mène une guerre impitoyable aux Saxons païens. En 772, Eresbourg est prise et
l'arbre sacré d'lrminsul brùlé. La noblesse saxonne se fait baptiser en masse et accepte
l'annexion au royaume des Francs. La lutte des païens devient une lutte populaire: les
paysans sont menés par le fameux Witukind - 779-780; les combats se terminent par
un massacre généralisé des paiens et un triomphe de l'Église. En 785, Witukind et
Charlemagne font la paix et le Saxon se fait baptiser. La réconciliation se fait au prix de
déportations réciproques de Francs et de Saxons sur les territoires allemands et
français. La christianisation l'emporte finalement dans les évêchés de Brême, Verden,
Minden, Munster, Paderborn et Osnabrück qui sont suffragants des provinces
ecclésiastiques de Mayence et de Cologne, fondées par Charlemagne5.
Notons bien que des siècles plus tard, les provinces allemandes qui ne restent pas
fidèles à Rome sont celles qui ont défendu le paganisme contre Charlemagne, c'est-à-
dire celles qui ne furent pas daris la Germanie chrétienne avant le JXe siècle. Il y a là
J "'De la ville romamc: et gothique Ile Narbonne. occupée pa.r au.. h:ur innombrable cavalerie se lança11 audnc1cuscmcn1 vers le
Nord, J~u·cn Poitou, .rwqu'cn Bourgogne. confiante dans sa légCreté. et dans la vigueur infarigoblc de s es chcvamt ofnco.ins. La
oélCritC prodigieuse de CCI bnpnds. qui ,,.o1tigeaicnt panuut.,. semblait les multiplier ; ils commcnç1:ucn1 a passer en J1lus grand
nomtn on cn.ipa.11 que. Klon leur usage, aprU avoir fa11 un dcscn d 'une pllltic des con1rêcs ùu Midi. ils ne 11msscnl pllt s'y
àabhr.",/Jem,p . .214
2 La dalc Clî1 pR:scn1Ce QlmlDC déc11i1,·c par Gibbon Jans Je combat entre 1slom cl 1.:hns11omt>mc ; plusieurs h1s1uncns onl
mootté dq:luili que c.cu.e ~taliond'un choc cnt~ chrC1icns et musulmans é.rait onachrumttuc " 732 1s lhc Jute of the famous
dd"c::&I of the An.bJi b)" Charles Mancl. which Gibbon ovcr-su-rs....ci..I as dec1!>1Vc . an order tu 1ca1"C the 1hculogions ur OltforJ abou1
lhett escape from 1ntcrpraiog the Qw.o , but it d1d so happcn lh111 aftcr that darc thcrc was no sçrious no11hwun.J proscculmn or
dJebad.. or holy vi.·ar"', tn N. DANIEL, The AruW ~nd .\led1r1•al Eurupe. London und New York. Lungmall, 197~. p (12 .
J "Le Colomb ou le Conn du mundc gcnnamquc" C'esl lui 4u1 clcvu l'Êgllsc de M1.1ycncc , ét;hsc Je l'Empire. et Cologne,
eg!i..: des rchqua
4 SaUu Buru.facc fut un mnemi, achamr de l'Eglise celtique
5 W . IHWEMANN. H KJNDER , Atlas hururtquc (/)t' l'appuritwn de l 'hommL' $Ur lu lt•rre iJ /'1!1 ·.: 11/om;qm•J, Pans, l'crnn,
réât. l91iJ7, p . 119 . lnld. de Al..l.M 7J.U Wcltgc.chichlc, Deutscher Tascht:nbuch \/aley . G M.U.li. cl Co. K .G . Munich, 1964.
Ouipitrc 3. Lo religion
1 fl:'mund. lln1\ldcl souhsnc le lu:n Lk hl fr.1~· 1ul"C' l·ntn• Kc11n.: ~· 1 li.· pa~:Jn1 .. mr" 1.l"ww pi1n. le cad\(.\JklilUC et le~
J 'uu1n: ror1 : Cirmum11irc· , /o n 11hH1tion.• . l'Olri:- FJ;unm;&n llU , l'N.l , l'••ll RChaltlp:°'R ' tenu '!:tu f"hi.,troi"' . Pwu., Flunmanua. 1984,
coll . "Chomrs" ,
::! J. MICHELET. lli.. tc,,r.· tl1· , .-,., ,,,,.,. t om~nn< . tidarionA Mcac.mm:. t 1 1 •' .um ...·.n-....~.. Jl 2S6..
+ •+ • frontières Uc J'empire de C'harlcm11gnc
panage de 84~ (A. B . Cl
A. pan <le Charles le Chauv~
B. pan de Ln1hairc (Lotharingie)
an de :-ouis le Germanique
i Etals va."iisaux
États de l'Église
pays occupé par les Arahe s
invasions arabes du Vl11t..~
Nous avons traité, dans une section consacrée au facteur dynastique et clanique, de
1~ formation territoriale française, de Charlemagne jusqu'à la veille des Croisades.
Nous renvoyons à la lecture de cette section, ainsi qu'à celle consacrée aux agressions
rionnandes - voir la section portant sur la fonction géopolitique du fleuve dans le
chapitre portant sur la topologie -, pour poursuivre l'étude du facteur religieux dans
la <-onstruction française . Insistons sur le fait que ces époques lient profondément la
direction de la France et sa construction dynastique et territoriale à la légitimité
religieuse donnée par l'Église catholique. C'est en effet plus tard que le fait religieux,
d'un rôle de gouvernement de la légitimité politique, passe à un rôle d'inféodation au
politique. Nous abordons maintenant cette période.
J. ., procP.1"fl;US d'i,,frodurion rlu Jirir rt•/i~ir1u:: nu fait 111ttio11ul
La formation de la France sous l'œuvre des Capétiensl se fait très tôt suivant deux
3:\:e5 :
- La lutte contre la féodalité et les clans au profit de la construction d'un État
centré2 ;
- La lutte de l'État sécularisé contre la théocratie dans le but de refuser le pouvoir
excessif du clergé et des papesJ.
Dans l'histoire de France, le fait religieux apparaît donc très tôt comme une arme
politique maniée, selon les cas, contre Je roi ou par lui . L'un des premiers rois à utiliser
la religion est Philippe Auguste, lequel s'emploie à mettre la force morale de l'Église de
son côté : le pape Innocent Ill , qui est un fervent adversaire de l'Empire germanique,
est son meilleur allié européen. Philippe Augu s te poursuit ainsi Je pacte conclu entre la
Papauté, Pépin et Charlemagne. En même temps, Philippe Auguste, s'il laisse le pape
faire et défaire les empereurs en Allemagne, ne souffre aucune atteinte à
l'indépendance de la France. Avec ce roi naît une tradition de la politique étrangère
française qui perdurera jusqu'à aujourd'hui : avec le pape si possible, contre lui si
l'intérêt national le commande.
La question religieuse apparaît aussi sous Philippe Auguste comme une question
de géopolitique intérieure. L'hérésie albigeoise entend purifier le christianisme.
Comme plus tard la Réforme, l'hérésie cathare, territorialisée car enracinée dans le
Languedoc et les Cévennes, e s t une révolte contre la hiérarchie ecclésiastique. La
croisade de Simon de Montfort, lancée pour mâter les Albigeois, est souvent
interprétée comme la lutte du Nord capétien contre la féodalité toulousaine,
l'adversaire étant le comte de Toulouse au moins autant que l'hérésie elle-même. Le
Capétien a néanmoins l'habileté, tout en ayant suscité la croisade, de ne pas assumer la
sévérité de la répression, ce qui eût gâté les chances de la monarchie dans la France
méridionale .
J J_UAINVILLE. lli.o;luin: tl'-' Frum:e , l 2c ëc.I., Paris, h yanJ, 572 p. (l'e éd., 1924).
2 "Avec Louîi. VI commence la pèriudc d'uclivitC de la monarchie cu11éticnnc - 1 IOtl :"Il cntrcpril des opênmons de police
m1li1.ai1c décidées à ncnoycr le: puys : c'é1ait le programme que son pCrc lui avait indiqué quand )1 lui momrai1 le donjon de
Montlhéry comme le premier obs ladc â ren verse r. L'ambition Ju roi Je 1:rom.::c . au cummcnccmcnl i.Ju xuc s iècle, élait d'allcr sans
encombre de Pans a Orleans.". in J. DAINVI L LE, //u1<1irt• "" Fm1tn '. Püris, Fuynrd, 12c &.! .. 572 p. ( I"° éd., 1924), p. 49.
J "Dcruis plus de scpl s i& lcs. missionnaires et évongélis1ueurs de Ioules origines ont solidement plant~ en pays franc un
chrisuanisme auquel n'échappcnl plus que quelques 'parcns' arriérés des pnys basques Cl gascons, tics colons nonnantls amenés par
Rollot! cl ses compagnons. cl tic petits groupes de juif." lolérés encore tiens quelques villes du Midi . Le prcs1igc du pmpe est
1mmcn$C, mais loint.ain . Les véritables chefs d'une Ëg lisc qui se dil toujours 'des üuules' .sont les êvêques, IQUS é1abhs dans les
anciennes cités romaines, le plus souvent issus de familles puiss.ntes et nobles, doJK; en pouiquc déj• cns11gés d11ns les liens féodawt
( ... ) Ils JOUisscnl d'immunité qui leur pennctlcnl d'll!chappcr ô la jus11ce com111le c\ royale" , irl P. GOUBERT, lni1iofio11 a J'hiJtuV~
JeFrunc.1:, Paris , Hachenc rturicl. 1984, p . 23 .
390 Parti~ J . Pnnran.t?•« Û1t ~
1 "'-'Lucien F~ Satnt-Louis iocamc au plus haut point la convagcncc de l'idée cupéticnne cl de l'td6c c~ ;'\d
lvml êœ le mie joui m1 ltttDC:me s1êdc par l'idée capétienne et chn!ticnnc dont la plus pW'C' mcamallon av;ut Ctt Sallll-1.aa
Amnar dt CIClle ldtt-ame, les ligistcs avaic:al commencë le ~mblcmcnt de la terre française. Par clic, la Fnoct .,,.. •
pnmièK fois mcqws m Occtdcnt une primalllé n:connuc birn lom de ses frnnt iCrcs, puisque. i:n 1253, S\U les bords de La voa,...
des pcms.lils dr Gengis-Khan, la s ignalait à son interlocutr:ur le franciscain Rubrouck.. Rayormcmcnt oU Ill force .spirimellc: ......_
d'mllmn au1m1 dt,_.,que la gloiœ des armes, car c'est à sa ha utCW" morale autont qu'aux fleurs de lys que le sa.mi roi dnnti..
....tmœ cormne arbi~ mtR: la cour de Londra d les baron5 anglais . On ovait pu mcsu~r le presugc du cop!tien lonquc.•aa
* ..Crots.le d'É~ on avait YU SC grouper sponlanëmcnt autour de lui tous les pnnccs de roncnt latin. de Villc!mdaam•
Morêt au Lusignan de Oiyprc et aux lbclin de Jaffa . ~bordant les l!tro1tes lim ites du royaume , l'idt!c capétienne dLSCiplinaitdijila
FmDCIC ~ - "in L . FEBVRE.L'Europe, genêst!' J'une civ;/isat1on, textes '-'c c o nférences données par L. FebVl1! et rusmMiD
J* rldiœar. Paris. Pnrin. 1999. p. 56 .
2 •ta c:aaoaistes ponllficawt.. après la disparition de l'Empercur FrCdC ric Il - 1250 - , s e mirent 6. soutenir hanlnnm1q11tll
Papa d&maimt, OUb"C ua C'\>Jdmt pouvou spirituel sur la chn!'lienl~ , le pouvoir bcBucoup plus temporel de juger les rou.,dr~
dipcm:r. t l'oca:tian de disposer de Jeun royawnc. Sainl-Loui:5 n'await 1o m o1s accepté- de telles prétention s ~ Phihppt I\', -
ICDCUl'e.. sunaus lonqu'il tmuv. face à lui l'inuaruigcan1 Boniroc c VIII .", 1n P . G O UBERT. /n;1iation â l'histarrr lk Fn:.trc. ,_
-Plunel.19M.p. SS.
) •a.tes (Quint). au cUbul de 1536. jouit d'un trts grand prestige · il est l'cmpcn:ur c h~tien qui 11 va1ncu les iD6'm
Pourtml. c'CSI le raoman où.. pour antter c.euc man:hc 6 la 'monan:hic universelle'. Frunço1s 1~. Henri VUJ, IC'S pnnces protts1m
de la Jipe de Scmllr.aJdc et SoJiman le M-gnifiquc • 'accordent cnll'C eux . ou scandale du l'C!ltc de hl chn!1ienté restiic (mie i
::::mrtcs.•. in M. PERONNET. UXYJ' ~iit:I~. 1492-1620. Paris, H•chcu.c »upéricur. 1992, p. 169.
4 "Cctœ ami~ du Ro1 Três Chtttien •YCC le Grand Turc provoqua un immcnM:: itcandalc quond les 1•lhcl ~s
fteeolàea1 dnanl Nice - IS4} - et h1vem~rcnl à Toulon .". J .P. ROUX . Hi:rtnirr cle."i Turc.• (Deux mille am du Paciflllfllil
(~). Puis , F.yard, 1991 ; l'•uteur pose plus loin lu question du dc9tin de Io France sons l'olhancc oppmu:ne ..-~
wa : ·Que n'aurait pu fait Charles Quint sans let1 Tures? Lu conquC:le espagnole i.e !M:r&Ît pourauivic au-dc1' de Gibnlwd\:I
Chapllft l . La religion
font la sQreté de tous les princes", dit François rer aux Vénfüenal. Il va phu loin en
lançant les pirates d'Alger contre ses ennemis. De son cOté, Charles Qutnt ne le prive
pas non plus de violer les alliances ctu-étûmnn: ~ catholique, il n'h&ite pM à
faire s.accager Rome2.
Plus que jamais au XVI" siècle, la Rai.8on d'État instrumentall8e le fait religieux. Un
lien fort est noué à travers la religion entre les problànes de gfopoUtiqu.e tntf1ieuntl' et
de géopolitique extérieure.
En France, la montée en pui88ance du protestanti5me français et de _.
revendications soulève la question de la traditionnelle alliance française avec les
princes protestants contre l'Empire des Habsbourg3.
Pour des raisons de politique extérieure', François 1er se montre plutbt indulpnt à
l'égard de la Réforme en France; mais le pays est majoritairement cathotique5; a
l'exception de la noblesse, le protestantisme perce peu. L'allianœ proteaaante à
l'extérieur est mal comprise. Un commencement de guerre religïeuae à l'intérieur gêne
la politique étrangère du roi de France.
À partir de 1538, la politique étrangère française est fluctuante ce qui s'explique par
les contraintes intérieures. Pour vaincre Olarles-Quint,. la Franœ a be!loin d'une part
d'une alliance avec !'Anglais Henri VIII, alors en quenoUe avec Rome, d'autre part d'une
alliance avec les protestants allemands. Le Roi de France ne peut œpendant appaudbE
à l'intérieur comme trop proche de la Réforme.
À noter qu'en Angleterre, la question religieuse joue aussi an rOle primordial dan&
la formation nationale anglaise6. La monarchie anglaise n'est pas stabilisfe avant
Henri VIU qui s'impose comme seul chef de l'Église d'Angleterre - acte de supaéuwtie
de 1534 - , son conflit avec Rome aboutissant à la création de l'Église angticiane. D faut
voir dans le processus d'émancipation religieuse de l'Angletene tm proœssus
géopolitique d'affirmation nationale.
Le conflit entre le protestantisme et le catholicisme est une faille majeure dans
l'unité géopolitique française . La fracture est d'abord sociale". Deux grands camps
s'affrontent, celui des Guise - Maison de Lorraine - qui défend le catholicisme. et
celui des protestants de Coligny, mené par le roi de Navarre, Antoine de Bourbon. ou
le Condé. La Monarchie française, à travers l'action de réconciliation de Oarles IX, et
celle de Henri IV, place l'intérêt national au-dessus de la division religieuse. Voyons.la
ftonrià'es de l'Espagne aunûcnt Clé scion le vcru cflsabdk 18 CaàlOl:iqac ai md de la Mldillcrrmi6t. fnllipDà.,. ..-:-if ràillf: ÎI ID
enocm.is? Que sera.it devenue la France du XV~ siècle? NOln: bc:lk Fnna:dcs dllœlm:z. de la ~1 •
1 François ICT "•ffectait de confêrtt A soc allimlce na: la~ le~ tftm.,...... .---.. • ~ '. ICl:i:s
au Saint...StpulC'T'C. sk:urite des ~lerios, P'°'cctioa du~ ftaçais. Cl lllll!me ~ -=rri1x:t ma.~• Talillk Oa
se uouvail séparé par Jeui conccpt1oa.s : la nmtÎ.DDllhli pour François 18 et ~~ puar C'mb Qm&'", ,._lem. n.iirilurilll
èc:laire cnc;o~ de manière limpide le sens de r.tlmncc onomanc de la Frana: . '"U Rai ~~~-=a b't paur joml"
a.vcc les mu.sulma.ns sans mctt~ la Frulcc en pCril  la -drirC. il ne: cm~• pha • l'OŒxlmL S. ~ hli f"w ~
1ou1cfois Charles tant. non sans éclaL son Nic de- vican-e Lcmpon:J du Chnst. U a'n~ÎI daillass sas ~ ~ À l"illl!CIK dt -
compc!litcur. ses convictions rejoignaient son .:tian.'". in J .F. CHIAPPE. Unir üaofho •la
Fnar:r. "-il. Pana. 199?. p. 161 l i
166.
2 M . PERONNET, k XYr slkl~. l401.J6JO. Paris.. Hachdlcsupâicm. 199.2. p. 1~166..
3 J . BAINVILLE. HUralrrr .k F~. Paris,, hyatd. t2• 6J..., S72 p. li .. Cd.. lSl24). p. 127
4 Notamment . mai9 pas seulement ; nomb~ sont aussi œ\1)1. qW AUluu.I" dr lai. teUe Mmgocrilc de Nnmrc. am& m.
symp1nhic.s paur la Rl.!fonnc
S Contn1.1rcmcn1 ô l.~ que l'on dit parfoL'- les peouples SOD.t plus ~ ca ~die rw1ipDa ou dD .........._ ~ aNS.
qui IC9 gouvuncnl ; voyons lk norrc ~~uc le cas du c;vnft.lt en~ Juifs ce.~
f, A . MAUROIS, llisuim· ,/,· l'.-111.~h-trf'Tlt' , Paris., h)'anl, 1963, tMd. \qi7'8, p. '.!..25-2)1l.
7 "'U ~fonna.1inn n'est pas "lu'unc rCvnltc n:ligieUllC', nwù .._un bcMallom !llDl:ial •, in P. GAXOlTli. ~ •
FNJrt1,:uLI. Pari!'. Fla.mmarion.. \951. t. 1.• p . !'31 .
392 Pn,.111• .J. Penmmeiru Jn ;~1 1 .n
1 P OOUBERT. /,.i/lulion u /'h is11Jirc.• 1/c• Frunn! , Puns. ltachcllc Pluriel. l •JH4, p 12H- l 5U.
2/<hm, p 144- 14S
J 11..tmet l'nis1encc et le droit de s'cacrccr de la rchg1on protc~uunlc en Fram.: c tuul en !iuuhgnnnt t111c " l'uki1r f'C's te la rchp c
c:lthofique. aculc vn11c n:liJC,ltJn , F ULUCHE, L>1ctfrm11uirt! ' '" Grcm,/ .vièdt:, l'un s , foy11rd , 1990 . 11Miclc "bfü Je Nanlcs'" .
Chaplln.".1 La "'llglon 393
1 En Eun1rc. au J.!tt\11 llu XV'lr ~ 1Cclc. li:- r.appon Je fo~,. C'ntn:: ..:..UJl<'lliqlJ,,('1; et protc:sl;inb nt m "·a-on 6U '- ..-onaT .W'- cc
Wms un c Eun•rc J'c1w1run ~O nu11iun." J'hah1lanL" Jont IS r-:'4..lr la fr.inc..-.,; cl nw1mn la mien~ .: ~ puw- les Ftus alknands.. ED
rmm:c, \11\ C:. lllllC ta Cll\tnlO :'i 0
.. I" poin \k la J'ldpul:lll\)n rê fo n~c Jam la j"lt\.'Ol~ trlùÎtk! Ju xv1r nCdc. ~· Bll'CHE..
1Jw1 1mmtJir1·.J11 (j,·,,,,,/ .\·ti'f..·J, .. 11Jn:.. l:"yarJ. ll.,lt.Jt.J W1idc ·Proc1...,.lanUMnc'"
.! les h u~ uc n u ls lum:nt il.uns \a rm:mu!n· p.;ir1lc Ju XVJf Mkk pour rrc:..cr.-i:T \Oi &"l(Ub .Je rE.dJt. NQOlcl . ils) s-r'.-m
en grunt.lc f'llr11 C ~nk1.• i1 la rol111~m· '-"-'tCn cun: Je la f-·~·e-.
J'"unc foi. une h•i. un Roi " IMJ.. ilniclc ~M.Cvu.:atum '"
lim1te5 du Sa.ni Empn romain aamaniquc
La polilique de Louis XIV affronte également le pape Innocent XI, lequel a pris des
""'""''' contre les prolcstants. La politique du Roi de France contre la religion
rn'lt'stante réformée n'est donc pas Mriclt1-S<"llSll une politique anti-prolestante, mals
l•i<'ll plul<'lt une politique d'absolutisme face à toutes les tentatives d'affirmation hors
de l't!:tat . Elle déclenche néanmoins, par sa violence, une forte émigration protestante,
rhMom~ne géopolitique qui prive la France de plus de deux cent mille personnes
~néralement induslrieuses. Le phénomène religieux admet donc des conséquences à
la f<>is c'cl1nomiques' et géopolitiques - on connaît le rôle de la diaspora protestante
française dans lit Révolution française.
La situation de la France reste favorable tant que l'Angleterre reste proche d'elle.
Louis XIV écrit dans ses Mémoires qu'il entretient à la fois le fragile roi Charles Il, les
restes de la faction de Cromwell et le parti catholique anglais.
Lorsque Guillaume d'Orange prend le pouvoir en Hollande, renverse les Stuart en
Anglt'terre et devient roi d'Angleterre en 1689, la situation géopolitique n'est plus
favorable à la France. L'Angleterre va désormais affronter la France dans le cadre d'une
triple alliance anglo-hollando-suédoise. La coalition anti-française joue l'argument anti-
catholique, et l'empereur, de son côté, souligne auprès des pays catholiques que
Louis XIV est un allié de l'infidèle Turc et qu'il est brouillé avec le pape Innocent XI.
Ce changement géopolitique en Europe produit la Ligue d'Augsbourg2. L'Europe
dans sa quasi-totalité est liguée contre la France : l'Empire, l'Angleterre, la Hollande, la
Savoie, l'Espagne. Le but des coalisés est d'annuler les agrandissements réalisés par
Louis XIV et de ramener la France aux limites des traités de Westphalie et des
Pyrénées.
Ainsi, au moins jusqu'au Grand siècle, le fait religieux occupe une place de première
importance dans la géopolitique française. L'État se construit à l'intérieur contre les
particularismes religieux, lesquels sont souvent instruments de l'étranger, et développe
une politique étrangère d'essence réaliste qui utilise le fait religieux comme un facteur
de puissance géopolitique.
Carte 83 : La France face aux Habsbourg et l'alliance avec les princes protestants et les
Turcs
1 Que l'on a 1cndllncc à c:Hgércr : 200 000 huguenots choisissent de s'exiler et n:joignc:n1 Les Pmvinccs· Unieli, l'AnJIClcm:,
l'Allemagne, la Suisse. etc . "Beaucoup sont dc:s gens de métier qui C:nlf'Onc:nt a11c:c eux IC'\lB 1cchniqucs, leur argent.. leur volonlé. Ils
cnrichisun1 les pa.)IS du Refuge, sans vraiment .arr11ibl îr l'économie d'un royown.c dont ils rcprésc:nlcnt la ccnli~mc panic." /b;d.,
aJ"\iclc MRévocalicn'" .
1.W...p.61.
l-U 9 ~ 1990. le o6Wft flilDlilleew de Soldmc191C, Loch W•k114 . P"' "·~I . fut cfu ~ • ...........
~dt l8\lmllll:a .•. Sol~ 1'nt tou;ow, ~ flll' ft~ llh"C' 1.: 01thc•l1quc- J,.n.... ,n t;11,.,._I ~..aT .. ~
18.DUaOSEl.J..E,HU~~·J9/9Q,.,.t}tNW.t. 1 l"OaJ .• ran!I, O•U111 , l'JIH . l ),.. ~,I 1""11,p llf>.121
) 0. a pG11r 1mp dr di9n la foadldion d. l"f:mpire Oftoman de ta pn"<' de' Cun•t11nlU'IOJllot r-r lu ruro m 14j) ; m ftlllt .:r
fui: _. la ....me. dt rEmpirc da Sc!ldjoukwle'll. dltruit rn l l9l. qu"Ckman 1" 1~• 1~• fondrmrnt• Ji. la pu1MMR - . . •
1199 ; J.P. ROUX. llldo4IY . . T11n:.1 fl>na ,,.J/k ""' "" P«l/fqtw d lr1 WJitr,...,.,m'r >. ran!I . F a,..rd . 1Ql9 I
_. H. LAURENS. U ~ ""J#rt•lhl,. Lo F~,, la~-.,.. 1/N '""'"""" 11r.1,,,.. . Pan!I. J\rm.nd Cohn. 14'90. p. 1J
'AdD du colloque . . CMA. u, ~'""",,.. ""'wff#tdr '"",,,,, rr"'hl•·"WlllltU<t: <Whwll.-c , ,.,.i,M.•J. Pari•.............. t..mm.
1917, p. 116.
6 K..S. SALJBI. 1M Madrnl ltütpry r1/Lirhuni»t, Nt"* Yorll. <.·•u•'-·•n HtlOlit•. lliclmar . r M0 - 10, .
7 H. LAURENS. L. ~ ~ibW Il_.,, FNttc.·• ~t Io llf'M1r ,111 mtmdr orul>t'I . r•an!t, Annllnd C'olfn. l990. p 1'
llA:.....,..-.ieal 1CScor..tllmt mllbes · •wt •fT•i,...
rehsH:uM!il. Ahm•· •I ll1tda C'l'll -')'TM'l't: lna•-Pachll"' Mafl'•'
...... ~· la ,qiaM ...._ tm.r.tel f'ltff'e la !liyric et l'A,.btc fonl l'oh_jc1 cfAHftthnn\ll parOcuOftw r~ ~
r " - • cblmia dr f« et OU\'cr1Un: de la h p 0.mu Mldinc en l IJOK. t,/rm
OlaplM 3. La rellpn
Les réformes n'empêchent pas l'Empire de sombrer! . Les ca1Ue11 du d6din IOflt
nombreuses. L'abaenœ d'industrie et le contr'6le de l'économie par det Cll!llb"el de
dkiaion étrangers y sont pour beaucoup. Mais les causes identitaires ont - daullr
joué un rôle plus important encore, à travers la montée en puisunœ de l'MUie
nationale. Dans un empire ITès hétérogène du point de vue lingumique et religieux. et
au contact de l'Occident, les idées nationales ont germé au !lein des communaul&, des
millets. Elles ont touché d'abord les populations chrétiennes des BaJkan82, Serbes,
Roumains, CrecsJ et Bulgares, avant de gagner à elles les Tun:s4 et enfin les Alaba5.
L'émergence du nationalisme se fait donc à partir des œmmunaulés, des mllletB, et
en même temps contre Je modèle communautariste de l'Empire. Les chrétiens de
l'Empire sont évidemment largement favorables aux idées nationalistes qui m>da1t à
laidser le politique et à leur donner des droits égaux à œ\1X des musu1Jnan&41.
0 est souvent dit que le nationalisme arabe et, d'une manim génâate, tous les
nationalismes qui émergent dans l'aire ottomane, sont une réaction à li! religian; cela
n'est pas exact : il s'agit d'idéologies bâties dans Je discours sur une œrtaine affirmation
laTque7, mais dont la source est la volonté de résisanœ de communautés
religieusement différenciées à l'oppression d'une~ religion. l'isWn sunnite.
L'origine même du mot nation en terre d'islam est indiCMciahle du hit religieux.
Les termes qui désignent la nation sont empruntés au lexique relig;eux : le plus ancien
et l'arabe mil/a qui, dans le Coran, prend le sens de "mot" et qui en araméen traduit le
mot grec logos. Milin a pris le sens de "groupe de geni; qui m:::œpbeul un mot ou un livre
rfvélé", et est ainsi passé en turc sous la forme millet définie aupanvanL Le mot prend
au XIX• siècle un sens plus politique, et il est notable qur "millet" est utiliaé poar
traduire le mot français •nation" qui n'existe pas encore cbns hire musulmane. En
1826, on parle d'une millet serbe, et en 1839, li! vol~ d'a!M!r vers une "nation
ottomane• fait qu'on parle de millet ottomane - qui groupenüt tous les citoyens de
l'Empire sans distinction de religion8. L'éovolution, parfois contradktoire, du
vocabulaire montre que le concept de nation ne s'affinne pas de ll'llll1Ïè1! évidentr dans
le monde musulman. La nation arabe est tantôt 8S90Ciéoe au mot d'U...- qui. dans le
Coran, dé!lign<.> la Communauté des Croyants, tantôt au mot plus récent de.,..,.,'" qui a
le !M?l\.'I origind d<.> "peuple, tribu, fraction·, proche du latin ufio et qui fait réfêrenœ à
l'ethnie plus qu'à l'appart<.>nance religieuse. A partir de""°""' a ~forgé de manim
analogue à Vo/ksl1m1, le mot qaiJumiyya parfois rendu en frani;;als par nation ou par
natlonalité9.
1 P. DUMONT. ""l..a pl!nndc Jn Tanmnat C1M~9·117Rr m R. MANlllAN dir.• ,,,,,.... • ~ . . . . . .. ..... ...,...,.
l -. p. 4l,..Hl .
l/tkwi.p . .11, -.n n
.1 rr.;J .• p. 4-U .
•ltrk/ . '"l.c-aJcunn-Tun.·"·-r ~t.'l-'.'12
'.' ·A n.u..ul i" Wllbt 1r•nd1aw.nh: t.:1'"u~ la dominaof'ln NrqUC' et i I• dt'famncr mVfn ~ œ~ ~ chlrt Ol:alkml
*""Il' "Vinrent •'• jouter l'idée eumpfenne de natmn.htt C'I I• rmallMftC'C de la . . _ . c. ck .. Dilllurc ianba • m 8 . L.EMS. ~
Aroh.r~ "'1n.t l'if;,,.,,"'· Aubier . r1"""· 1~ .\ . tBd f f"R"'-"81V l~ .l .• r. 211 .
6 /.Jnrt. fi .? ll
7 l.e mue lald tt: . tl'~rKr et.111.~nr . c:"•I à m.nM't -""r\.' ~"r dllft.l d'..,.. ~du.....-_
ft X Je rl .ANltOI .. /.~ · ,\',,,,,,,,, ·"' r •._.,w,,. ·"''""''' 1:t<. ~,,.;,,.,,w ... ('lrlilj,qlN ~. Pans. F•yri 199l. p. 2-' .
'J lrJtr,,., r 24 . J Cl 11 St\u1tk:I ""'"hJlnnll l"•mhi 1ml1f ~ '"'~"""' CllfrC' Mhon t"t i.llm'I .... le . . . . - - - - , ....... •
r onaine J.t'll mou \' irmnl1'1 in~tt.An11 ...1r" '4"' n'\~lnml Jan• l'n J I\ ~ pa)'11 Ja MpeCU IG8"91. ~ .. llUll\- -
phrtnomi6nc 1fttkml ~U 'tlft ArJl'rlllC' l'tn•1 I ''"" Nt,.IC\ah'*'- ~ qu1 rat dffin1•inft :ù"l'fllWli' • hdlm. ft à • ~ ...
cnmmun•ulf ( .. 1 MRi• tum rn por1"111 la ma,...r dWw &n~ t~ 1ninalc.. YCllUt • 1"0c<i6aM ~ .._ ~
fMnlrn1a1 iun1 na1;nnal i •h~• . n'irn fun.•·m r-• ~un&. ~ . . . . ~ f"fopWln!-. ,,.~r c:11 r-!f'!l twt: • ...-Wa ~'*~dit~
urie i6m1it~ rm1•ulm111nr mftla1·tt. 11<' ""rtc 1.fu"1I y~.............,,, _ c."ftrft' lrll n.a1mna1t ..... e'I ~ *" ~tMa4'1l._,..ft •
Même si de manière courante, on fait référence à la dualité idl!al-typr
islamisme/nationalisme arabe, la géopolitique doit adopter la plus grande prudcnc•
quant au rapport religion/nation dans le monde musulman .
c.ute 87 : Le panturquisme: turcophonie et limites de l'Empire ottoman~ son opog;-.
au XVl"•iède
Carte88 : Ll représentation du panismc .irabistc : la nation arabe de l'Atlanliqueau
eo1re
rmftftaJ'lml mutw:l9, tn J et O. SOURDEL, Dlctio nnmn: l11:•flonq11c ,J,. r,.r /um . Pan -;. r.U.F., 1996 11n1dc "N111cnuJÎlmlS 0
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p.6J6
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2 Mrn!chonl. pour l'csscn1id le retour au:\ sources en mat1t'rc de d(~mc l't l'un1tc absolue dr Dieu - c'est du nom d°al-
muwahhid celui qui confesse une telle unilé. qu"· "'lent no1rc mol 'almohaJc' Ibn Tùmart en uri'l.-.it à ttpudicr rauioriti cks ècolcs
déjà. fond~ cl à préconiser, pour dê.fcndrc un cttJn fondamcn1alemcn1 in.~1ri dd di\-'n'Sn tc:rWanccs dl1 S\lDlliunc. te~ &u.
pcnonnogc fondnmcnu1lem.:n1 chi'ih:. lui. du Mahdi. li.Cul intcrttrCte de 1:1. LOI ..... de b tnldJhoo. .. ; la doctrine s:c dn:uall coalR'
l'ensemble de l'islam insti1ut. ,\ c;ommciu;.:r p:u le mahk1smc. in:\ . MIQUEL L'Islam 1,•1.~ .:frifüut10" O'Jr ..n• n~cl~). b" Cd..
ra.ris, Armand Colin, l '190, p 1'1~
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s On u souhgné, d11ns ln SC'Cll\111 rm.'ù.•.kntc . •Ill•' h· .. O\:r~n·s ~·.ml I~ h.J.1'ü.: mls lk l"Afnquc Ju SouJ. Jcpoi.s b . pttfu.stolft qui
!le n!partis!'lcnt uu Maroc 11ln111c.• 1tu "it1us •\nh· r\1los. tluul-Atlos. Moy(!n 1\lla.s. Rif - . ea Al~ - IC.al'iylic. Maa!>. A~
Sah1n' · . au Sml·Est de.· lu Tu111s1c C'l en 1 1'1yc. lh luR'nl .iuJ,..l'sCs cl "·hns11o.ni!>~ . R\DL!i l'Cll.paQS,ion arabe du \"IF iltck les Loùamisa
\R'A mnjnnuurcmcnt (,_ l'AMl'S, /.L·.,- H.·1'1>~·1-..·.\ , m.:m,111-..· ~·1 tdc•n1ir,:, P:sns, Cd. l:'.ITlUKc, l~~i'. r . 13.2-142.
6 Le:oi Knbylcs !'ôn111 <IC-" 1 -krh~l'l:'!ii q111 P'-"uplc.-111 plu·mmrio choin...-s du Tell ol~~rien . On di!'ltinl_(UC' m gënftDJ la (imnde K.ab~· ltc
fumuic J'unc dudnc i.:c\111~r ... cl Ju 1110.'l"U r llU lljun.1.iunt C'I l.a rel ile K:1lty hc fom'"-'C Je ht .;-haine d~ Babors Cl .Jcs lt1ban."I. OOenlaUA
1 A. ('LOT. l 'f:...p11,i.:111· m11.rn/mrm1 · rl'llr' -XI• .ür!'l.· /1•J. Pari:t. l'~mn , JQqQ , p. JIO<Hti
M/rlt•m,p :\17·-'IH
400 l't1rli~ .1 Penmmn1n Jr.. ulmtttJt
L'Algérie est devenu" une dépendanc., de l'Empire ottoman au XVI~ stècl<?1, et oflr.
à c...,lui<i une base J., <.-Orsaires qui ~umcnl la Méditerranée. En 1830, la Fra""'
s'empare d'Alger'!; commence alors la conquète de l'Algérie par les Français et u,.,.
politique françni.., osdllant o?ntre l'affirmation d ' un nationalisme arabe civili!!é et
favonible à ses in~ts - voulue par Napoléon Ill sur le modèle égyptien de Méhémet
Ali - t!t une politique de colorusation3. Les élites urbaines algériennes sont favorable!
à œ modèle nationalisre français. On trouve, dans les textes des Maures, les tdéeo de
dvilisation et d'arabisme• défendues par Paris . Les Français cherchent un f~érateur
local dont Ils pourraient se faire l'allié l!t qui dirigerait l'Algérie en leur faveur. Ils
voient en la personne d'Abdel Khader, un nouveau Méhémet Ali .
La France propose en 1837 un projet inspiré du modèle égyptien: un royaume
arabe qui reconnaitrait la souveraineté de la France et qui introduirait la civilisation a
l'intérieur du pays. C'est le traité de Tafna que Bugeaud conclut avec l'émir Abdel
Kl'lolder. Mais si les Français ont raison de voir en Abdel Khader un unificateur, ils ont
IOrt de ne pas voir en lui le défenseur d'un projet islamique radical. L'émir ne
respectera pas les accords passés5.
Cest au nom de l'islam et du djilrad contre les envahisseurs que l'émir, grand chef
de confrerie, unifie les tribus et fait régner la terreur de la loi islanùque sur 11!5
tenitoires qu'il contrôle. Abdel Khader est bien u.n héros civilisateur, mais dans la
f"l5Pl!Clive khaldounienne, non dans celle des Lumières françaises6. Le titre califal
permet à \'Algérien non de construire un État civilisé favorable à la France, mais au
contraire d'appeler à l'union de tous les musulmans de la Régence contre les Français.
L'opinion publique européenne devant laquelle l'émir avait plaidé a été trompée';
dans la pure veine bonapartiste - le souvenir de l'expédition d'Égypte de 1791!8 - elle
est restée dans sa vision favorable à l'émancipation nationalitaire des Arabes contre le
joug impérial turc.. Or ni les écrits d'Abdel Khader9 , ni son action ne manifestent le
moindre intérêt pour la régénération d'une nation arabe toumée vers le progrès; au
mnlraire, l'essentiel est la référence au passé, à la tradition et à l'Âge d'or islamiques.
Dès lors, les intérêts financiers français n'ont guère de mal à faire abandonner au
gouverneJJœnt français l'idée de civilisation arabe au profit de celle de colonisation et
t !Mdc qai est cdui dt r~ onrtmane . R . MAN'iftf\.N , dir.• Hütni,.e d~ l'Empiri.· ntrnman. Pari!.. Fa)'3JIL 1990. p. IMJ .
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-trH.tlldam IOIOdjat. m 18l4, "Le Minur. apc'TÇU hi51orique t!1 ..tol1'.'>l1quc su.- la Régence d'A1KCT" qui appelle la Fraa1
............ rnpfrimce' tgyptimnc d • nr pu chen:hcr li adm1ni~ direc1emen1 l'A l~ér1c
'"'Abd cl-~ c.hoiiri1 dr ripond~ par une ofT1..'Tl!s:ive g~nénlle â l'in1tia11vc françai ....e. T:!CJ"'èrc-1-il lircT profit M raaan:.
pm* ma ~iaftll d'Onœt., Jugc·t-t1 que s.a lcg11imit~ nXmc de défcn,cur de~ muirnlmRn!l 111amcn!l l'obli,.: i rtap
~~Ne pem-il CKOmpkr rappui dn Turc" cl des Anglai!l. uu:icqucl!l il pmrn~ ulun un rorrrochcmcnt '1 Tou,taan nM!
qwia Fnaçall te lnJU\lmtenpgtl dam une guerK ûiffic1le ." . in J. FRE!MEAUX. l.u Frunu.· cl /'l.'lium Jepui.• J7N9. P.ir11, PL' f .
19111 . p.U
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7 .Abd et ICada". r ...... d1bnJum Pacha a ..u utiliser Io VÎ!lion occ idcrnalc de l'h1p,;1orrc dCA Ar11he~ ann Uc rlaukr u Qlm'
*"'• ropean pubüqur europ6tnnc rmî• ( . . J au fond de lui-m!-me, il i:s1 rn1é dons la lngiquc de "D !!lncÎ~I" rncnrt 1nmtamtl' s-
~: • ~ d'bm utiliaut tialmn comme doc1..nnc un;fic;atricc et lclll lribuM urubciJ comme in,.tru1-.nt de roun...,.-
/.....,,p....
IH. l..Al,-ll..NS.L'bpU/11lortt:l"ÉJDpl1!/l'llJ'J .. /HIJJJ. Pua , Armand Cohn, 19H'J.
~A . El..rlOtADER.Êcriuspirlt~û . Pari1 , Seuil . J1J"l2 llrnductionJ .
Olopllr'I! 3. l.11 n!llglon
i Sous le gouvrm~nt ~ublicnin d~ Gwzot momphe l'u:Wc de colorusation et de ~des -nca·. f*' ~ •
reve de Nttpo1ieon Ill L'Empire avait donc cncouragl! un dëvcloppement ~ la IUplbltque cokla:i:lir . . . Ctats ~na: mw
fenneli toute jacobine.
2 "'En juillet 1946, euren1 heu dC5 l!lecuons de n:pn!scmana pn:wmciaux pour ceac ADmJbWie.. O.:. nAde ~
le"pani du congrta• de Nehru obllnl 209 aii!-gcs, la Ligue" musuhn•nc 15, d'aulrcs pctib partis.. '"" - Le- pmti &a Caqris... ippl1Jlltt mr
cc point par Lord Wavell, souh•ilail le mainlicn de l'unit~ indienne. La Ligur mmulmuc n!dmm.il la ~ d'ml. ~
ind6pcndant.", in J .O . DUROSELLE. lll.Jtni"JiplQMatiqw • 1919à tto.!jOMn. 11 1 ëd., Paris.. 199l. (1 .. "1. 1953). p. 5'.M.
J "'On se n1ppelle qu'en 1947 Ica Bri1anniqun et les lnchms a'dtaicm. rêsisnés •une s-nirion du sub-cvatiacm.. À~ de rlndc..
&.1 laTc, to cnlait un É1a1 musulman, le rak151af\. Celui-<:i •vait une conftpn.tion ~. Il &.it divm. en dtm... a . . .
fAllcmmanc de 1919 ~•la dltrll!rcncc de ccllc...ci, cc n'ftmit ,..s vn conldor. mais une mae- &Ir 17001un. de- territorre lDdiea qu.i
Jlpera.11 Ici PaklJtan oçc:idcmtnl - c.st11na1ion Je 7b,!i million& ca 197R, d1: ~ princ1pmlc:mmt urdu et pundjabt - cba hlldml
oriental, A l'llAI de Calcuua - Cflüma11on t.le 80 milli<ll\I en 1978. de lanfUC prtncis-lmtimt benpHe."'. /._, p. 7~ l.
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6 A. AKRAM, HL"ftulrr Je ln Jllff'rn" 1l'A.~l.trrut, raris. Balland. IQ96
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R /dnn, article •eanal•dcsh"".
84. Les religions en Inde, Paki.twi, Bangladesh
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OINDE
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1
foocsm1non1ts musulmal'l(s
m1nont6 huudJhiS(Cs
C1'iMfnditn
403
1 A.E . MAYE R. "The Funllamcnta lÎ!il lmp:1c1 on L;iw, Pnluics. and Const icution in lruu . PnkislUn unJ lhc Sudan" . in
E. MARTY , 1Ui. APPLElJY. Tl1t· F wul"'m•11r(Jfü llf rm}t'('f. ( l 11ca110 nm.I London. The University of Ch icago Press, 1984. t. J :
Fund(Jm l't11<1li.~nu mul lhc .''ilote fRcn wkm): f'o/üit.'.(, Ecmmmie.~. t1ntl ,\,/ilitu11n•}. p. 110 -15 2,
2 Mahdi de l'arabe al -Mahdi , "le lm!ll guuJ~" es1 li! nom que l'o n don ne dons les pays mwrnlm1m 10 i\ celui qui "'iCTit rci;toun:r la
religion et la j u.~licc avant la fin tlu monde . La notion de mahdi ...~ 1 à t.li/Tl!rcncicr cn1rc sunn11c!!; et c hi nes. Che~ lelli: s unnite:ii. ln venue
du mahdi e!il privuc pour la fin du rnonJc: cc J'U!rsmmagc ayanl alors pnur mission d'nülcr Jë .~ u s à luth."f cnnlrc l'An1éc hri s1.
Cqtendanl , plusieurs ca\i (cs - o mcyylKlcs - · fü rcnl quo \i liés d e mohd is pan:c qu'il!> rë111 blissaicnt Io justice. Les chii(cs utilisent cc
1ermc dans une au1rc accep tion : le Mahdi csl l"iman caché. le X II ~ in111m c hez les duodécirn11ins. dont on oucnd le rciour. Plu.s
Kénëra lcml!"nt. dans 1·1 11s1oîn: ck l'i ~ hun . plusieurs chers c huismu1iquc:. ou rérormo1 curs ,;c qualifi èrent ou rurcn1 qualifïts de mahdi.
Le tenne de mal1d1smc c!lt ré scrvê Îl un mo u vcmcnl bien préci s : lu révolutiun qui ugi1c IL' IJnut-Nil à ln lin !.lu XIX~ siCclc lancCc
iOUS l'impulsion de Mutwmmat.I Ahnu1d ibn' Abd Alfoh u u encore MuhHmn10LI ol-Mohdi . Il. et J. SOURDEL , Dictlcmttuirr
huttm q114! d1• fj,,·fum. r•... ris, r .U.f ., 1996: Hr1 iclcs "Mahdi ", " ut Mohd1 " , "Mohd.is1m.:''.
J <.:eue rCvohc C!'; I écrasée pn.r l'annêc de Ki tchener, prCs de Khnnu um. c 11 1H9H .
4 F. T HUAL, CmrtriHer et n mlr4!r, J•a ri s, Ellipses, 21100, I'· 94 .
S Il . W Ë.<iSELI NG. I.e p11rt<1>(C' ,/,. l'Afriqrœ (JliHfJ. f9/4J. Paris, r>ennt!I, coll. " L'n\'cn1un: cnl nni ~lc de la f,.ncc" , 1996, p. flft.
9H . (•rad de Vc.•nJccl e n Hccn; de dcliny: ..,an Afrik.o., 1MRO-1914, l)c n Bakkcr. Am-;1crdam, 1992).
Parlic 3 Pnnwwna dtJ 14oililh
stratégie est perceptible lors de la Première Guerre mondiale quand Londres utiliJe le.
mahdistes contre les infiltrations turques.
Depuis son indépendance en 1956. la vie politique soudanaise n'a cessé dt
s'organiser autour de l'héritage mahdiste. En ce sens, et comme le soutient Françou
Thual 'l'épopée mahdiste a bel et bien constitué un pré-nationalisme"t .
L'Etat soudanais se sert de cette identité mahdiste pour forger son propre
expansionnisme vers les régions du Sud où il affronte animistes et chrétieN au prix
d'une guerre civile meurtrière2.
L'opposition séculaire entre ces deux grandes confréries musulmanes finit pat
aCC'Oucher d'une nouvelle "nation" arabe : le Soudan. De manière rétrospective. le
mahdisme peut être regardé comme la religion nationale du Soudan.
Carte 66 ; Les conflits dans le monde. avec ou non présence du fait religieux
Carte 49: L'Afrique des États
Carte 50 : L'Afrique des ethnies
Carte 67: Populations arabes et noires sur le continent africain et frontière
christianislllé-islam
Carte 96 : Le bassin du Nil
1 F BURGAT. A . L.ARONDE. La Lih.n.~. raris, P .U.F . 1996. coll -Que sats-jc ..,... , p. 50-60
2 /J~,,, . p. 6G.RO.
3 F THUAL, Cumrtil~r ~I cumn.•r . P11ns . Ellipses. 2000. p . % .
4 "Le f'cndjah. C1ymolo~iqucmcnt. li: "pays dM cinq riv1éf'C'S·. al un ..u Ùt' pàl.!tralion rndiboancl en d:lftlCbOn dl.~
de l'ln<le, rel11u11 les bassins Ou\'Ulll:\ Je l'lmlus cl du Gani:;e. Cc tCTTi101n: bluni nitre leo> prcm.ien C"Df'llrC'f'Ol'IS de l'Himllayai Cl le
dCscTI de Thor, a servi de mnn:he·rronlÎ!!re i:n1rc mC1ndc musulman ci h1 Niou 1..~ 1c. Ce n"cst dorlc pu i.m huard SJ. a1 X\"" s~idc. le
sikhisme, n:hg1on sync~1i11ue mélangeant is lam e1 h1m:k1umnc y nt le JCK.lr"'. in J M BA.LENOE . A. de LA GRANGE. -~
~~11~.J ( uc1,11r.1 , cvn_fli1.~ rt 1•ù,/c-,h'c'S pol1t1qu.·.fl . ran s. M1d1akm. I~. 1. 2 ..à.sic. ,\faghr-rlJ. """'-.._ ~ ·''°·'~· é~.
r. JR.
5 Nous avo ns JCj à 1.:onsm.·u~ tml· "'"' 11un ;\ (C r f\i bknl< g\."4.'fk'lmquc
6 Le~ Abkhlll.C'S nrrortu:-mu:nl n1 1 J!niurc ..:1Hn~s1e11. ils~"' IMLallk C1\UC' lc Caucase et la mer Non~ . J. et A. SELLIER. .-t1W
JC".f pituplr.i J'Or1t'lfl (.\fu.n ·n - Or-frnt Cau,.u..h' _ :-4.u1.· cc-ntroft•J, Pa.ns. La {)Cçuu\o·CTU, I~ . p. Q_l,
71.t• ~1kht!'illlC esl fontlC l'n 14Qo> r:ir N nnak. un t:ourou lJ.lll 4.:hC'n:-ht. i de~ îopposibcn nn:rc islam et hlodiowsme m
su1.11cnonl 1111''1 c., 1sk un srul Dieu !lolmr t1..HI)>. m hindou ni musulman. l.~ Sikhs d1s~t d"'luw: \atgur. ~ Pt:nJjabi. Lic i.kllllCI' cb
dix 11uumw, fiobtnd Singh ..:.m.;011 cn lb~Q lt.-s ~llii'.h.<i i.:omme êum1 ww- communautt dic puis ; Q~ un siil!clc phn tard. m
1199, un trht1n~rc cmr11t ";l:h c:st 1i.1h1ll!- y _ l.Al'OSll~ dir .. /Ju·ti~'"'h.JÎP'\.' tM -~""!"""· ~ flunnmrion. 1'19J, p. 1..aoo.
Les sikhs sont aujourd'hui principalement installés au Pendjab et entretiennent le
projet d'un Khalistan indépendant!.
ùrte 114: Les religions en Inde, Pakistnn, Bangladesh
La \•olonti! de st'cesslon des sikhs n'est pas uniquement un phénomène natiDNI,
d&n9 l1 mesure où Il n'y a pas d'ethnie sikh. La communauté sikh est structurée autOUJ
d'une reltglon persécutée par les hindous et les musulmans. La revendication sikh n'est
pu non plus une revendication ttonomique : pourtant bien intégrés dans l'Union
Indienne et pouvant disposer de postes importants, les sikhs se sentent mal à
dans l'~tat indien.
la crise sikh ~ lourd dans les différends qui opposent le Pakistan et l'Inde, New
l'-
Delhi accusant en effet Islamabad de soutenir les sikhs2.
l R. BEY. Lu failJitJt morulr dJt> fu pul1tiqw oo.·~ rtn Orind, Tunis, OIL e.o.---. P- 17; me 'lll&ÏOA ~ dD
-~cl J'an.h-occidcnWil&ttlit ~ nl&is t1Ut c:n. illt IOQ& sur I'~ du. . . . . ~ â ~ ~ ~
caatcmpomae.
4 J.P. ROUX. Hi.stoittt:la Turcs ([}eu, mille ans du Plll:i~uc •la Méi:bll:n:aalie:). ........_F~p. 15.J--••·
SC MORRlSSON. 1.43 Crau°""". P.U.F ., Paris, 1 -. co41. "Que~"?". o•U7. p. 17. c_...... - - 1 • • ·-
~, 11 •"agi ....t plw d'un.: cxpëcfüi->a .w ~-- ~h~ d'f.lnau quclfllllC ,,.........~
fomeus.-, le pape Urbain Il parvient à convaincre la chevalerie occidentale, tt
principalement française, Je se croiser et de partir pour Jérusalem 1 .
Depuis l'an lllOO, la Papauté rêve d'unir la chevalerie européenne au-dessus dt• 9("
querelles partisanes et d'abaisser dans le même ten1ps l'Empire romain germanique qui
{ail de plus en plus concurrence à sa supériorité spirituelle. "L'Europe ne pouvait -e
croi~ une qu'en se voyant en face de l'Asie"2, écrit Michelet .
l.L-s Croisades ne peuvent ètre réduites ,\ une politique cynique et machiavéliqu•
des Euro~ns, mue uniquement par des ambitions personnelles, politiques l!1
c'conomiqucs. L.1 foi de ceux qui s'enrôlent joue un rôle in1mensc' et ne doit pas ~t
sous-estim~ . Nombreux sont en effet les pèlerins qui partent vers la Terre sainte sam
arrière-pensée, poussés pilr l'intensité de leur foi ; en 1096, une foule menée par Pie11e
l'Ermite prend le chemin de Jérusalem ; elle emprunte la route du Danube que Michelet
appelle la route d 'Attila, "la grande route du genre hun1ain"5 mais est anéantie par les
Bulgares el les Seldjoukides.
L'idéalisme est pourtant souvent victime des intérêts cyniques. En 1212, des million
d'enfants - croisade des enfants - s'en1barquent à Marseille s ur la route de Dieu. La
cruauté des armateurs les livre en pâture aux marchands d'esclaves d'Alexandrie.
L'histoire des Croisades mêle donc la Rcalpolitik à l'idéalisme sincère et à la foi
religieuse.
Carte 72 : L'expansion de l'islam au VII~ siècle,
Carte 85: Les Croisades et les Étals croisés du Levant
1 R... GROUSSET. Lei CroilatJc.J. rttd.. P.uis , P. U F, 1994, coll. "Quadngc " . p . 1K~ lt>
2 J. MICHELET HUl°'n: ,,k Frema. Lausanne. EJ1tîoru: Rcnconln:. t . 1 : Le Mo y cn~Âgc . p. J58
) jTbt Cru:Ydesl a spmwai mo\lemenl. wh1ch t r.ms la1cd &L~lf into the objective funn of u. sp1ri1ual inscmmon... m S.:
T ARNOLD, A. GUIL.LAUME, 71rr l.c-goC)' 1Jjnl,;un. Odunl. The Clarc:ndor Press. 1931. ,,. 41 .
4 Jkné Gt'DUYd dam u monumcnlalc Huto1f'f! Jr.'t Cro;..,udcs ri ,/u l"u_niuni.· fr tm c de Jc!na(l/rm o mo nlrt la puas.nu dn
prCdiauonl d dos;~ Ulc.UeS 1ruerprctés comme au1an1 d'cncuuragemcnlS à la crn1saJc .
S Idem . p. 40S .
6R. GROUSSET. Biian dd'hisUJ irt". Pans, Pion . 1946 . p . 211.
7 Pans La MCUOO in111ulh ·u religion na11on.:.lc", nous ovons voulu montrer que S<Jn" l'Égh ~ c. il n'y aur:ul pas eu Je F~ .
raJ!Jangc da Fnmn d dr rtgh.c est fondatrice: . elle inaugure Ur1c longue quétc de IR ll!g1lintité royale A 1r.t\.'CJ"S la ligitmr.t
ca1hol iquc .
8 Gerbert cal le pranier pzrc: fnu1ça1s . Aulaur de l'on 1000, t l csl le premier ::\ rêver de cn11sadr Sa lettre oû 11 appelle 11)1.a) .ln
princn au nom dt la CilC Yinte précède d'un siklc les pn!d1c:o1lons Ùe P1crTc l'E:'nnite. I.e pnssC de c c pore ~1 naarqut flr'S' ,X,
rdatJODJ 1roublcs •"·cc le monde arabe:. D'abord momc a Aunlh•c . il csl chcafiitu~ et !ic rCfn,Kir d li1m:.dom: ; puis 11 se dtfruq~ '1 ra-.,
twdta la knn:I et l'a.lpbrc à Cordoue. Sa conna111.5ancc dn chiffres .11rube5 et de l'rilgèbrc , il rrélcnd lu 1en1r du cnscigr11m1cna.iil:
diable. L'ldcntificatiDh du diable d dü Samuin ne pourra 4uc le: condu ire Il combutlrc J'itdom . G.:rbct1 csl uus.s1 l'alli4! dn C"•~
qui taidcn:ml i ~r:nir ardacvfquc.
OYpltre 3. La n!llglon
1 lbirlem. p. 211 .
2 C, MORRISSON. Les Croisades, P.U .F .. Paris , 1994, 12~ p., coll. "Que sais-je?"'. n°1S7 , p. 32-JJ .
1/d~m.p . 214 .
4 JI faut du"C que les Normands de Sicile onl une forte lnldition de poliliquc mu~ulrtlllnc .
61...cs rois sonl Foulques d'Anjou - J 131 - J J43 - , B•udouin Ill - l l44-l 162 - cl AmaW)' I" - 1162-1174.
7 Daru l'histoi~ de la Syrie:. la rivalil~ cnlre Damas et Alep C!l trà: ancie'l'lne ; elle marque aussi l'hiSloirc modcmc de œ PIYI
'"a.il&eurs, la c;ordialih! des rcla1io nio rni.nco-danw.cC:nes 11:51 111tes1tt par le l"l!cil laisK pu l'&mbassadcurdarnucmcOuuAma.
412
croix sous l'influenœ de Saint Bernard. La croisade échoue il la fois pour de! raison.
liées à la m~nrente franco-allemande - Le Français Louis VII s'allie avec le Nonmnd
Roger Il de Sicile ~-antre les Byzantins. tandis que Conrad Ill joue l'alliance avec Miclirl
Comnène le Byzantin - et à l'incompréhension entre les colons francs et les nouveau•
amvants - les nouveaux Croi~ regardent avec méfiance ces Europ~ns accllnulk,
qu'ils soupçonnent d'étre devenus des Levantins 1• Ces mésententes vont coûter cher
aux Francs car à Io Syrie franque fait désormais face une Syrie musulmane unifiée.
L'affrontement de ces deux Syrie ne peut se résoudre sans l'ouverture de la
question d'Égypte. Il est d'ailleurs notable. du point de vue géopolitique, que la Syrie ri
l'Égypte eurent souvent leur destin lié .
Au Caire. les Fatimides sont en décadence . Ils préfèrent le protectorat d'Amaury l".
nouveau roi de Jérusalem, à celui de Noùr el-Oin. L'Égypte accepte le protectorat frarv:
en 1167. Notons que du point de vue religieux cela signifie l'alliance du chrétien el du
chiite contre le sunnite. Mais en voulant remplacer son protectorat sur le delta égyptien
par une annexion, le Franc commet l'erreur de pousser les Égyptiens dans les bras de;
musulmans de Syrie. Le lieutenant de Noùr el-Oin au Caire n'est autre que Saladin. Il
succède à son maitre à Damas en 1174 et à Alep en 1183, et réalise l'uruté égypto-arabe
L'État de Saladin préfigure les essais d'union syro-égyptienne, que ce soit celui dt
Méhémet Ali2 au XD<" siècle ou celui de la République Arabe Unie sous Nasser D
étrangle la Syrie franque qui ne peut plus tenir.
Le 4 1uillet 1187, la chevalerie franque menée par Guy de Lusignan est défaite A
Hattin. Les Francs doivent désormais défendre Jérusalem . La ville sainte tombe aUJ1
mains des Infidèles en octobre 11873.
L'échec n'est pas seulement chrétien, il est français . Au sein de la troisième croisade
qui est lancée entre 1189 et 1192, la participation française n'est plus prépondérante.
Les Croisés sont menés par l'empereur Frédéric 1er Barberousse ; mais celui-<1 se noit
dans le Sélef en juin 1190_ Son fils, le duc Frédéric de Souabe, conduit les CroisèS
devant Saint-Jean-d'Acre. Le roi de France Philippe Auguste et le roi d'Angletem
Richard Cœur de Lion s 'emparent de Saint-Jean-d'Acre en 1191 . Mais Saint-Jean-d'Acre
n'est pas Jérusalem.. Les Croisés signent la paix et se contentent d'un cordon de ville;
côtières entre Tyr et Jaffa et d'une autorisation de pèlerinage à Jérusalem ~
musulmans contrôlent désormais Jérusalem et tout l'arrière-pays. La France enregistre
un l"'CUI lorsque Richard Cœur de Lion enlève à Guy de Lusignan l'ile de Chypre pour
la donner à Saladin_
L'obtectif religieux de Jérusalem semble donc être devenu moins important pour 115
Européens que la volonté de préserver une frange côtière assurant les liaisons
commerciales entre le Levant et l'Europe_ Au début du XIII" siècle, les bases de Syrit
ont une importance plus économique que religieuse ; elles sont le principal entrepôt du
LevanL
1 Rent Gruuaad rappelle qu'Cl'l Ol.-cidcot. on •JITICllC ces Fr•ncs · c ril!oli!l.b"' des r n u ta1n.\ et qu'on les u:cUM d'i!tn: ~
pmr rubm . c'C'A ü un tt.crncl prnbli-rnr qw: l'on rrt.ruu\' C'nt bien plus tartJ dons l'htslnne Jr la culon isauon fr.inçauc ..On rru' &r.
que JluAotrc dl: l'Oncn1 lahn teni celle de la sounk uppo~1uun C'I Jrs ancc s sonu. con1rnun1s cnl~ 1 ' 1~ Je crou.aJr c1 lir: flll
coianial . ~"°'°'d'ajouter \IYll: Io dcu.a po1nlS de v ue"< c omplttcronl Sans l'Cl a n s r11ri1uel (.!c la cro1,..Jc. uru \a ftl)Wlll'Sd.:i
concrk de Clnmont. Il n'y 11uni1t Junai!l eu en Syrie de colo n1C"S frunqnc~ Et ~ns le r~ 11hsmc c o lon111I d'un Daudou.Ut r". J't:rw\ft' •
la crot-.dc n·c<n s-s duit dis. ana"". m M.. GROUSSl:.ï, U .t C n 1butlrJ , Pan " , P .U F . 19'1-I , coll "On•drisc·, p. :?.:'.
2 C R!ZK. brtrr l'u.lu.t ri / 'arubi•m~. u, Aruba 1u.•q 1t't•n /Y-IJ . rar1!11 . ,\lbin M1chd . l ~JMJ , p 11:?· l .lM
) ·ee ti.n un I01r d '~ 11 H7 Ln dcnncn; tlCfcnKun. de Jtru!r.Olcm \·cnmicnl de i.:a1111ulcr Oc\11lnl ,·amqucun d ,....,._
ran1b m.ilDUI' de la fnDlqlltt d'Oman. Saledin fic oballtt Io annde croix. J 'ur Joni le5 Frnn1.:s n\l"aicnl coumnn~ le il6mr Jit râltfa
Qaad dJe &olnba. nom d11 la dvvniqur arw.bc, 11 a'tlc..,a dn t1UIP dC$ deua 11nntcii une clameur 1ellc q~ I• t~ en fus cœm
~.in R. GROUSSl:.'T, 81f1Mmrl'llL11nirr. Pans. Pion. llMh. p . 219
Chaplin! 3. U. R!Ugjon 413
1 C. MORIUSSON,Lel CroiMldn , P.U .F ., Pans, 1994, coU . "Que s.;us-JC ?", n " J.S7 , p . 64
2 Sdaa amt Grouact, 9Jc 11raaquillc ta.!lobmc qu'il monDU devant les mcnocc!I die: mor1 des MarmlCK&b•, ïlll:èl:9
cbla:ial• œ rv1 ck Frmœ impuau un "prnrond rapcc1 i l'islam'". "En depu de son ëchcc mili&a.m:, 111. cmiadc de l..mmL'(nM •
_..,_,.. ma-..avltdepnsi.11e"' R. GROUSSET.BI/an de l 'hlslaJ~. Pans. Pion, 1946, p 221 .
JC.aaqallrdu~dl:Si-Hacn llOS-1209 ; de l'cmp1n= Ki n en 1211-121.S
4~del'Entp;redeK!wamcn 1219-1225.
S Ea9elDl!llt cks eu1...-.K.am1 en 12J6. chu&c de Kiev en 1240 ; car6"'füion• en Valachie cl en Polop . dE&ilt •li
....... allmmldc Cl pol...- • Liqnitz en 1241 ~ ct.!fa1LC c.1ca Hongro1• de PCla IV• Sajo en 1241 . Mait. i 11 rmrt•Oml
~- ~.... replimL
e la Harde d'Or de- O.SOU pille la Ruuie en 12' 1 d coupe celle-ci de lu Dalliquc et cJc l'Europe - aauf N~
Clwplln! J. U. ndiglon 415
111 ft-Bnccntn: llSI c• 1259 el dispose d'\ll'IC arm6e d\an demi·ra:iUton d"hanlmcs.
2 R. OROUSSET, L'", CroUuJr.1. raris. r U F, 199-1. cvll . '"Quadrip:•. p. 6'-6ji .
) ~apcCT l'tnom11~ fon;c monso1c. I• unahsn au profit de la cn1lisahoa cbttticnnc m la a,.... CDllft l"is.a.m.. flitt œ.
tnnbla Tartares J~ pc111~-lib Ju ConquCnuu dll Monde, les saU\"t'Un dr l'Onc:a1 la1m. · - in R. GROUSSET. &'-' JI n.a.ft.
Puu., Pion. 1946. p . ~24 - 22'
o4 A . MIQUEL L 'J,/am e.•t .•a C'i\'J/uatim• fl/J~->..."\~ iWrlrJ. 6• td .• Pans. AnnmU Colin. 1990.. p. !07-:?0L
SR. GROUSSET, l/Ulo l~ J~ cn•b4'lk.t n Ju "'-"a""*' frO#C Jr .Nrraokwt. rHd... hm. P1mm. lfl'N. l ln . .t. .....ditir
mauullfHmf' n l '11#1an:hif'frctrtq1te". r-6\l~ - 70!' .
6 L'ambauallc CSI men~ p.r Rahhan C"•LUUA. p~lal ~I . - nt pris ÔC' M.iD. dm& ~ &mille llllrqlilt ~ - d
Muca, pamarchc ncAluncn de la cour 1non11alc ûc Pnw.
416 Parfit" 3 . flt"rmnnmct dn 1dm111,;
tentant une nouvelle aventure en Orient. Les États latins sont abandonnês et l'alliance
mongole dédaignl-e.
Tripoli tombe en avril 1289, Saint-Jean-d'Acre en mai 1291. Pendant un siècle mcorc
le royaume arménien de Cilicie continue de résister et offre un débarcadère chrétien
sur I~ continent, avant de s'écrouler sous les coups des Mamelouks en 1375.
Ainsi, Je roi arménien Héthoum avait imaginé qu'un empire mongol s'(!lendant
jusqu 'en Égypte protégerait les royaumes chrétiens d'Arménie et de Jérusalem ; il avait
espéré que la diffusion progressive du nestorianisme chez les Mongols aurait tôt ou
tard conduit à la christiarùsation de leur empire!, et ainsi à une victoire complète du
christianisme sur l'islam au Moyen-Orient. Mais. une fois de plus, le rêve unitaire de la
religion s'est heurté aux divisions internes du christianisme et aux intérêts de
puissance.
1 Les Mongol,. tell ecs BllJ'ban:s d'Eurure gagné!! pur 1c chmnîun1smc rnmum , ont largement mtèg.rt la rd1g1N'I de lc-.:"i
Yaim::ul l 'anp~ fl'KXIBOI ck Chine nt devenu boWdh1!1tC ; le khan11t mongol Liu Turkcstun csl devenu mu~u lmw1 On ('Ji'IU\"J ll Jtn
IOJllqlEJJIClll ~01rquc l'fmpm: rnoneol de l'OuNI dc"'icndru11 syri•t.1UC .
2 R.. GROUSSET. 81/an ik l'lli•tol1'1!. Po.os. Pion, 1946. p. 232 .
3 Vorr notre acc1ion c~ 6. la gtorolniquc l.lc Malte
Chapitre 3 . La ,..,llgion 417
1 ·0u XII"' au xrv~ SH~'Clc. les f'C'UJ'llô IXCh.l~tAUX . en par11cul in les Fr:i!'IÇ'3.L... cc les hahr:m.. •\'WftH rokmisC lit l..t\o... c'cR-
l-dirc dans l'Clnlrc chronn1ogiquc:. la S'.\'TlC' m:mtunc C1 1.3. P:1~~tinc ·- 109~-l:?'»l - • Ch)'l'ft -- 1191-1.S".'I - . {'~
- 1204-1::?61 - . AthCncs - 1205-1-&~S -- . le PCloponnèsc- - 1:?06-1-1.lO - ~ lies Hc:s ~ - Xlll"'-X'1"'Mc:la.. Lem
1nnumcc a\'aU même. dans une i.."Cnamc 1nc-surc. laumsë le royaume amlCrncn de: Ohc>e - 1oq~13~~ - ... mk. GROL'S:SET. La
CmUwk.s, raris , r U F .• 19Q.&, coll "Qu.atlrigc"' . p 11::?
~ On cons11ctt une s ..."'Ctilln .:i l'étude Jt.~ chC'nt~lcs . L "his hx1cn de la pttmtctt ..:ro1sadc, Guilla&tmc de T~T ~ ~
couragcu5c faite rar h.-,; c hr~l11.."ns d 'Onl!nt .iux C rut.sn. Lc:5 chréhc'ft...; ck S:-nc .:ontribucru aUw ~ S&aXts Jes Ctoisi!:s. A\t"GI màac
de ~lm m Sync , ü':" d.:nucr.,.;; 4\111 n,:g~u.t ll\"C'C I~ ~°'C"$ chrdlens. !OC.su.'\.. c'e:s1-.li..Jirc a\'o.; les m.rcaicm .tu libm ipù S.-
1110 6 la ttnC\\ntll." J .... l'amn: .... ~ hrCtîcnnc et qui lui sct'\'t'nt Je gu1dt mur C'~ut'nr lA ~ - c c.~HEN. LA J)·rw ià .........
JI 21.:!
) "La cnusa.dc ttligiow.c: hV.\'8Hle o.u prulÏI d"unC" unlfK'9tiun ...u.n~ -.ui n'esi: pu....._.~ poliliquit. ·*Oil
l&tJC'mc'nl l:::lh: est êconom~ . Elle ...~s-1 rnllutt!IC" . La cruisedc csl creatn ..."'C oo ttnowa.tncc ,Jr. puiSSMll ~ de- ft1'i::. lA
41R Pnrtfr .1. f'crmtmtlfet' t/r.4 1JtnlilN
commune; <'li<' ont cependant très tôt marqué, et même accentué, dl.'!I réalitk
europécnnf'5 au détrim.,nt d'une réalité européenne. On a aussi attribué aux Cro1sad..
une part important<' de responsabilité dans la Renaissance et le passage de l'Europe à
la modernité politique et technique. Cette thèse fait l'objet d ' un débat d'historien•• .
ao;..se. en donn&nl wi DOU"-1:1 es.or 11u frvfic maritime. est çrtalncc <le m~lh oc.Jc.o; OllUvcllcs, 1n1cma1ionalcs. l.a cmtsadc. Cii
m!icaail.an\ dn •"an.co. de- fonds coos1Jërablcs csl générulricc Je cop1lolhsmc m1cmat1onal ". m L FEnVRE. L 'Europt". G~
J'v'W'cfrt/Uu/i°", Puii, Pcmn. 1'199. p 137
J tma1 Bartcr. fll"D(C!tKut JC' s.c1cncc pohllquc à C.:ambndgc cnntc~lc ceci cl suu1icn1 ~u c . mCmc :o;11n!IO les Cruu..ki.
l'O«idcnl se kBÎt dll!:vcluppc, que son comfnft'Cc orienta l n'avait J'l8..'I bcl'ioin Je bnsc" nu Lcvnnl " Il "'' tiuld have "ough11n nuibh\h
nsc:lf at lhc tnrmru of 1hc Eastern C.u.van mut.es on the nnnh cna.'11 nf the lllAck Seu, whcrc ÎI m1cl11 louc h 1hc roule 1ha1 wcnt Nafth
ofW Cup&m'll and Wcti o f lhc Aral Sea ln Bokh1m1 :i.nd Samarc11 nJ , ur ugnm. in lhc Syrn111 puns fn1111 wh1ch 11 n11llhl ~:.ch p,nu
llnd lhc Pmla Gulr. and su wuch the "ta·roulc thllt lcd flOitl lnd111 10 C h in n", Unkcr r - ~J . m T ARNO LD . A GUILLAUME . n,,,
Lqcan· of /,/tMn. <hfonJ. The: Cl1rcndon l'n:n. 1QJ1 , lbrk..:r sou1 icnt 4uc l'lsl11m ..:n E'.'pagnc cl en Sicile u rlus mor4ué J'Oco&al
que le phCnomè'nc dn Crou•dc~ .
2 J fAVU:R . /..cJ G,.""d,-s /..k(·u u Yo:rte.1 tD'Alrnmr/,.1.• U McJHd"m), run'.', Fnynul, l 1Jl> I
J 1:1 ltENNASSAR. J JACQUARl . /.1.·XI'/,.. !tli!dc, 2,,. cd .• l'ori!I , l\mmnc.I C nlm , 19C>O, r ::w
.. J FA \'l l:R. /. L'J (irunJ,-.1 Ort:mwl'rft'.' (f)'A lrxanJn• ti 1\ldf:t'l/1111}. P11n i1. Fuy1ml, l 1J1J 1. p 511."i.
'P GEORGE, F VERGER. D1c1fo,mui,.r Jr lu G1.luw·fJ/1lm'. 6~ c!d., P1m!i, PU F ., 1996, amcl~ "L 1~11 c i.Jc dl!marn111<!'l·.
p 269.
Chapitre 3. L,., religion 419
Peu de temps après, le traité de Tordesillas signé sous l'égide de la Papauté le 7 juin
1494, entre l'Espagne et le Portugal, repousse la ligne de démarcation séparant les
possessions des deux pays de 270 lieues à l'Ouest : la ligne est donc désormail fixée à
370 lieues à l'ouest des Açores. Ceci se fait au bénéfice du Portugal qui peut aloi"!!
annexer le Brésil. La terre étant ronde, fixer une ligne de partage méridien ne suffit
pas; il faut un anti-méridien - sinon où s'arrête-t-on de l'autre côté? - ; de multiple!I
réunions de juristes et cosmographes portugais et espagnols, en 152A, 1526, 1570 et
1586, tentent alors de définir l'antiméridien. Le flou persiste et, à la faveur de celui-<i,
les Espagnols colonisent les Philippines.
La ligne de Tordesillas inaugure un nouvel ordre mondial produit de la légitimité
papale. Pendant plus de cent ans, Portugais et Espagnols, se rendent sur les
concessions du pape, pour refuser aux Français, aux Anglais et aux Hollandais touœ
prétention mondiale.
Les autres puissances ne s 'estiment cependant pas liées par les accords Espagne-
Portugal-Papauté. La lutte pour la possession du Nouveau Monde devient aloi"!! une
lutte entre la Réforme et la Contre-Réforme, entre le catholicisme mondial des
Espagnols et le protestantisme mondial des huguenots, des Néerlandais et des Anglais.
Les Français, eux, qui craignent la Réforme à l'intérieur, n 'hésitent pas à pactiser avec
elle à l'extérieur afin de lutter contre l'impérialisme catholique.
L'opposition initiale catholicisme-protestantisme se transforme en opposition
jésuitisme-calvinisme.
Le calvinisme devient la religion des Huguenots, des partisans de la b'bert.é
hollandaise et des puritains anglais. Son esprit est tourné vers la liberté des éléments
marins et ce n'est pas un hasard si le calvinisme est la religion du Grand Prinœ-
Électeur de Brandebourg, l'un des rares princes allemands à avoir la fibre maritime et
coloniale.
La mentalité du luthérianisme allemand correspond plutôt à l'esprit continental. Le
déclin de la Hanse et de la puissance allemande en mer Baltique est d'aill~
contemporain, en Allemagne de l'éclosion du luthëranisme, de même que la percée
maritime de la Hollande et le choix décisif de Cromwell soulignent l'émergence du
calvinisme.
En Allemagne, les princes des États luthériens, et notamment le Prince-Électeur de
Saxe, restent fidèles à leur empereur catholique. Mais tandis que les catholiques créent
la Ligue, du côté des calvinistes est créée l'Union, une ligue de combat des États
évangéliques. La haine entre luthériens et calvinistes est exa.:erbée. Du point de vue
géopolitique, le calvinisme marin s'oppose au luthérianisme continental' .
Carte 83 : La France face aux Habsbourg et l'alliance avec [e$ Princes prott!Slants et les
Turcs
1 c_ SCltMll"T,1 t!1n· ..·t .\fa, Pans . L\! Lat->-nn1hc. l~l"~ . p. 711- 71.
2 r . COM.l'K.El', J..:..,· J.41.:arü·r,•" 1..· t /,•,, /il/1.·.i ..A: lu l "hwu,; J11 Pn>i.·Jl, .. (>ri.-wL r .U-IWJJ. MabUn ..- ~ ~.
19KJ
420 Pnrfie J P~nnnutnn rln idnrtiU,
1 G _A1-i'TON"IUS, ~ Arab m...-dhning, lhe .11ory• of tlrl! Arah nallonal mo~ment, London, Hamish Hamilton, 19311, 471 p.
p. 37 .
:'.! 1....r niik du daru:ur Clot est souhgnê dans plus1cws texte d'orientalistes français. dont celui de M BARRES, Unr #!nqWlr~
pay. dtl Û!'WIN, Paru. Plan. 1923. 2 '\lol .• 240 p.
J ·u ~ion culturelle curopèmnc fU1 d'abord es!ICnlu:llcmcnt n::ligicu!ic · elle cm pour agcnlS les mmon1c!s chrâlcnoadr
la rQJan .·. io B. LEWIS.Lt!s Arabadan., /'Hutoire. Aubier, Pans. 199~. p . 21tl
4 J HA.IJAR.. l'Euro~ et ln datlnü.r du Proche-Orient - 11'1J-IH4H, 1970
5 U p-esugt: de la Fruncc chez les catholiques date des Cn:nsadc.i; , il C!il confinnC snus la Ré'pubhquc qui ne l"Dmpl pl.l &\'el:
J'Writap: monm~luqur. Au L1hao. depuis l'écla1cmcnt de 1975, les chréticni. mnromtcs se sont éloignês de I• Fr.nec. k p
clic:rdlli:ac die cctle-o est en effet enai en contradiction avec une tnadition rrnnça1sc t.Jc politique uabc non moms antJC:l1D(
-111Dbalsade de Haroun 111 Rachid s.ow. Charlemagne
6G CORM.L'Eumpe*'tl'Orlrnt, Paris, Lu 0CcouYcr1c. 1989. r H7 .
1 ïbe panicular (ncnds or France wcn: thc M•ronncs in the Lcbonon and lhc Melchllcs. whilc Russim hmll hcr pan1s:un m tht
Onhodo1. c:onunwuty and En11h1nd mnona; hCT" old fnends lhe Druzes . the rcst or the populutmns, thal 1s 10 sa.y, the Moslnru "'"''
ronncd lhc va.si rm1onry, hlid ttmllmed pracucally untouchcd by forc1gn polit1cul inllucncc", an Ci. ANTONllJS. 1N .f ...i..~
,..,.,.,,.'"1'· 1hrstory1Jfth~Arab National Mm•C'mC'nf, London, Homi1h Homil1on. 19'.\M, p ISJ
H MIT HOMS V, /..Je.~ Cap11uloJ1atH rr la pmtt!Ctirm da clm!llt!n• nu Prncltr'-0Tlt!l1/ (uux XJ'r. Xt'lr t'I XV/If" 3jirJvl, i~ Si
Paul , Han~. Liban, t9~6
C..pltre 3. La .,,ug1on
1 •La pnLliquc d'une langvc él:nlngërc cl le pnviJê:gc de I~ • m. culwn: occidadak s · . . . - MEL bCadica des~
aJnSUlalres pour dunntt aux non-mu.o;;ulmans Je srnumeru de leur difftti:ott. "'ttitt la axn"'iL"ticm dt km ~- Cc --. la
«oies do mtss1ons chré1icnncs qui ou,TCnt loi. minoritair=. ~ i.nnUICllC'n C'1.l.lnm:lles ~ - A bi veine de msucm:.. plm dt
'°
anq ccnu i!a>lcs religieuses fnmçaise$ scolarisent ff.7 000 clê'\-cs ckns l'cmcmblc oamnm. daat 000 m S:wric . seu.b. 8.7 ' d'~
eux sont mt1$Ulmans. 430 écoles prol~tantcs amft'1C'8..inc-s encadrl:nt 2..'\ 500 ël~ don1 UllC' funr ~ d'.~ ~ o!Mllft
Jlobcn Collcgc d'lsua.nbul scolan!li~ en t'Mt."C P!'tllnnma ~ '- d'if~'1:!S tnuSWmmts.. · . in jtro; _ PICAL'DOU. La....,._.-;....., Ir
l.kr)int--Orlrn1 (/IJl4-J9~.'fJ . Rru.1tdlcs. Complexe. 1992. r-.!.l.
2 G CORM. L "E11'1>J1il4." ~1 /'Orin11 t.lt· lu Nlluni.wrH.tn u la llitonu.Jl111n . lu.uuin.: U'-.: ~ mJJC1.v.pbcJ. hl'iL La.
~verte , 1991.r H9
J La publication dt.- J'Encydoptùi(' nrabc diln...,. IC"!'o annëc$ unu. il Bc~TI.'Ulh cl sous lll iil:n:ctKm l.k 8oulrœ el-aou... a&:•
hiocmeot i mp:~l . A llUlîRANI , /. 'as/1rrn claras 4' Jl'l!"Ur.• t:Mrop.Nn~. ~ Naaîal.. 19'5. p. ~J . '"'l'~~
1ymbohae une ouvcnurc dt la langue a.rab.• 11u monJ.: n\oJcmc... cc une "'1''nt\ln' .X ln ~U1: du m:mJc moda-De 1i&a. IWmal ..,_
c1 isl•mi~ucsR. ldt'm , r ~ -'~ '
-1 H . LE\\'IS . L''·' Ar''"''-~ 1/1m• l'lit.wuirt., Aubit"r. rari s. 1\f'OJ. p . :!IU
S K.S AL · HUSRI, Ori1-:in." <1} modt1rn." .·frai> po/iun~J 1~lr1 . Ne'\'· Yllri... Can..._. 8oolts.. Ddmm. 1980. t16 P. 1l11U).
bA. Théologit• dr ln Libération t•t évnngélil'llll•~ prolPAlnut
ru An11'-rilp1e lutine iwndanl la Guerre froi1fo
En Amt.'rique L"ntrale et du Sud. un phénomène géopolitique d'essence rdigicu!!<' a
j<lUt! un grand rolL• dans le cadre de l'affrontement bipolilire : lil Théologie de la
lil'oérntion .
l.\ Th&>logie dt• la Libération est un vaste mouvement social qui. à partir dl':!
~ 1%0. touche essentiellemt'nt les ciltholiques largement majoritaires en
Amérique l.1tinet . Sont conœm~ une partie de l'Église, des mouvements religieux
laîques et des n'se.tux pastoraux. La Théologie de la Libération est largement
influt'.'nc~ par la ~volution cubaine et les mou\•ances gauchistes - prêtres ouvriers,
paysans partisans de l'action violente et révolutionnaire. Des organisations telles le.
Prètres pt'ur le Tiers Monde - Argentine, 1966 - !'Organisation nationale pour
l'intégrahon sociale - Pérou, 1968 - , le Groupe Golconda - Colombie, 1968, font
partie de ce mou\•ement social et politique.
Fa~-e à cette Théologie de la Libération favorable à la Révolution et aux intérêts
soviétiques, le Vatican et les États-Unis tentent de conserver leur influence dans la
zone :
- le Vatican et la majeure partie de la hiérarchie ecclésiastique - Conseil de.
év~ues - dénoncent le remplacement du pauvre de la tradition chrétienne par le
prolétaire révolutionnaire des marxistes2.
- les États-Unis. sous l'impulsion du président Reagan, prennent ouvertement
l'initiative de réduire l'influence de la Théologie de la Libération - les déclarations de
Santa Fé de 1980 et 1988 dénoncent le caractère plus communiste que chrétien de la
Théologie de la Libération3.
1 M. LÔY..""r'. La pt"Tn' M s dieux I Rr lifllwn rt pohtlff~ o! t'" ~ lmùiy1œ liJtmt•) . ru ns, EJ_Ju Félin. 199M, Hrndu1t de l ';ui91.ui~
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coll. "'H1ao111~·- . p 1SS-171
~/dmt , p. 1.?1-J]f)
'lbiJ.. p. IJ7·"'
Chlpll"' 3. Lo religion 423
En 1978, de nombreux mouvemen~ chrétiens ont rompu avec l'Église et ont rejoint
la guérilla contre le pouvoir de Somoza. Un an après, les sandiniste l'emportent;
l'Église officielle est désormais éclipsée et des prêtres révolutionnaire entrent au
gouvernement - Ernesto et Fernando Cardenal l!1 Miguel d'Escoto. Très vite
cependant, des dissensions voient le jour che:i les sandinistes et permettent l'émergl!nce
des modérés - Violetta Chamorro en 1980. L'Église et le Vatican opèrent un retour en
force . L'Église officielle soutient l'alternance. Le pape suspend en 1984 les ministres
prêtres de leur sacerdoce ; en 1985, le nouveau cardinal nommé par Rome se solidarise
avec la Contra, guérilla anti-sandiniste soutenue par les États-Unis. Violetta Olamorro
qui bénéficie de l'appui de Washington arrive au pouvoir en 1990. Le contexte est alors
celui de l'effondrement soviétique.
Au Salvador•, c'est également à partir de la conférence épiscopale de 1968 que le
gauchisme chrétien prend son envol. La figure centrale en est le pere Rutilio Grande.
Les chrétiens radicaux s'allient au Front Fara/nmdo Marti qui est communiste, et lutœnt
à ses côtés contre le pouvoir jusqu'en 1979, année où les militaires eux-mhnes décident
d'en finir avec la dictature du général Romero. Mais le gouvernement de coalition
social-démocrate prend fin en 1980; une guerre civile éclate, provoquée par la guérilla
de Farab1mdo Marti. En 1995, le Vatican reprend l'Église en main. par le biais
notamment de l'Opus Dei.
! L'tJ .R.S S., et la llUüte lsarirtc 11.vant .:lie . a tnujuun cu uni: JMlh tiquc j,.Jomiquc . 1oun1èc en pn:rmcr l11:u vcn k s inm.uhrwu
de rE.mpm: \'oar. it.:c prvpois. O ROY, La nuU\'t'llc! ,•hic r entrai&!. (ou lu Jiil•ric11titm 1il'\ 1w1ùm.d, 1•uns, le Seuil. ICJ97 .
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L. Cl A. CllAHR Y. Pulitiqw ~t '"'nonth a11 Prc>t.:h••- Oricnr (/.:.~ rui.n11t' d'mlf' 1•x11'0.,·i1mJ , !•ans, M .-11 ..t,Olh! UVC·Lnm... t. 1q1r:•. p. ~0~
0
)04 .: C . KAMINSKY ci S KRUK. La s1rot~g1r Jul·i~tiqut.• uu .\fo_,·<'n-Orit''11 , f"'••no.;. Pli 1: .• llJKH , ~uB "l'ol111411c tl'uujuunlblll
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p. 149-242
2 F. NOHRA. Stro1...'g11.•.'f amàù:omes pcJUr lt! Mo_1't!11·0rien1. ik')TOUth.. Al Bounq. 1999, p. 107-108.
J M~rn. p. J4-40ct l09- 120.
4 En France Charles Sa.in1-Pro1 (C. SAINT-PROT, L~ niitiortûlumi> iNtthr, all.CTnall\'t' i ri:nœpiJmc.. Paris. E11ip1c.. 1996)
wulicnl qu'elle t'SI l11UTT1c 11n11-na1ionali~h= iuabc par C:olccllcncc JC"S An~lo--Sa."'n-~ : \XttC lbelc es1 ~ car ~~ i ime
ronfigumtiun gëopolil1quc ponclud\c En tc\.·1mchc. A l c.~andn:- Jc:I \'a.lie. CA Jcl \ ' .;dk. blumWntr n Èlal.'f-ltnu, ~ ullldllC'r cvntn
/'éuro~. Pans. L'Âgc d'Homme. 11197 , J:?tl p . l qui ~uticm l'a.lhani:c g.loba..lc des Ètats.--Ua~ et dr rWanusmc • fédldlc plm.:taitc
n'apporte gubl:: de ditmonstr.ilion i ses affirmauons . Alcu.ndrc Jcl V.illc tcpn..Jw1 en France les ~ ~ ~ s.n-1
Hunlmgton i. la Jiflmncc plts. llU'ù. l'atTrontemcnl 1s?atno--<J!.."\:1dcn1.al Je Hun11n~1on.. 11 sutablut un ûfnmtadc1d. cmrc d'uœ imt
l'Europe -qui c..'1 poslultt en tan1 ~uc rc11l11c •· - cr d'11u1~ p;1rT les Ëtats-Un1s alliés <1m ~ .Ju monde nllic:r. La ~
d"Alci:11ndrc del Valle répond en fou :i IR fois n un !O.UU.:1 mlJ1a11que ·- Furopc. sttur1ti ülsrafl - C1 au pam ambaatcs - iùan.
hqfmon1c i;;ulturcllc nmtrii.:nim: L 'e~~• J'lt'kmi~uc putihi! en :oo~ tm~•n." 'iCimtifiqLI&': qur jmnait) et innl:Uk Le tulaldari..mE
islamique montre que l'cnscmbl.: J.: b " th6c" dch':ahcnnc cs.t msp1rtt po.r un seul mobile le saoais.nx . L' ..\DXriquc n'CSI pha
111pc:ndiëc . bien ou con1ra1re, 1.: ·c~ 1 lu ~"Ons11tution ,run hhll: 1ul<Jf11i!t1C anti-musulmOl.n. d'une oll~ \\"~-Bnu.cllo-Mclll:vu
Jtru..ulcm qm est clnin=mcnt nr(l('lé1.· de s ''l!'I' J'Alc.\ andrc del Valle
~"I.e gou\·cmcm~nt lmL o dê,·ch1rp.: um: actl\·e dtpl1.1ma11e pour ,;:onnmCTt' ta curnmuna~ imrmational.: d'ildlcl'V'CDU en
Homic-1 lcrlcgnvmc La TUt\IUIC ., 1.IL"'- lim." à ph1s1cu~ rcrri~ ttrc prête :i 1.:11ntribUCT nûlillirtmcnt ~ la ("Ot'l$bmDOD d\slc ba-
1nlcmationalc pour mtcnrn1r llans 1.' c conflu i:t mh!n·i1.·nt régulièren11:nl J3n.,. ln d1ffercnts orpn~mcs intemaJ.ioeaau d ~
dont elle C31 mctnhre, ntitn1111ncn1 l'O T A . N et 1'01');3111s.al1on ,te la (\:mf~""C i!tlanuquc'". in S. GANGLOFF. '"U TUrquie dlm •
rbca:u ltalkn.n1quc". in Rc•lmimu ;m..,.niit1on.1l•'.' ,., .<>tn.Jo'~k1u1 ·.-r. Ut l . ~ .• :\uw1rnnc 19Q.&, n"l:S. p 71
411> Partir .1. Pemtnnn1C'~ lin i""'hth
Cette complexité ne doit ct'pendant pas masquer les convergences réelle!! ; l'itl'IT'll'
ialamlet.- rait bim parti!? de la panoplie de ln C.I.A .; difficilement controlablr
œpmdant, t'lle <'lit utili~ de foc;on ponctuelle, et est en permanence 11usceptible d'Hre
ml8e en !IOmmeil.
L'origine dr la politique i!llomlque des Étals-Unis - qui ne doit pas être confondue
avrc une illlianc:t• Islamique - tire se!I origines des profondeurs h.istoriqua de la
politique anglaise au Moyen -Orient. et cc avant m~mc l'arrivée des Américains dans la
reglon.
C.trh! 10 · Ld polllrisnUon du monde durant la Gul!rrc froide
1 J. BEJU:."NGl:k. J MEYER. 1.. 1 FNIM·c> dœu Ir' mmt•lr..· 1111 ,\T/lr .u i-t:/.-, rur-is. S('Jc11, 199] , p . 17.l , p . 228 -.D:? .
2 La l\1C11'1:1 Jt Sept Ml••.: ~ I~ Ff1ll1trais d'A~nt.f.Ue du Non! - - l 7hJ • ln Gul!'~ J'lnt.l.!(lCndancc di:s Ètats.Urus ~ ~
a. r-t dit rAna~ m An~quc , ln Antillc10 \'Unt J~mi.a 1 s t.ICpcndn: Jcs l~ luts - Uni" . Fmn\'.a1s. cl Anglais :wnl Jonc.. J\mr
~ i11t'OQ. ~ vcn. I• ll1CT ~n:11n1lc, la Mb.h\crnnêc
~ "'lA relanct ,_,. k U1ra."t1>11'C' .rune pul111t.1uc d 'cxpans1u11 u.Jô.llt1i;1quc l!t h:m1mualc L''il Jau .,. lu lugi1.1uc Ju ~hLli.\ Je- fru..~
La .-no ~ en ~knl din:clcmC'nl . Dan~ 1.·. c1 auhJmm: J "'Q7 . Utmu.rnrh: luunul le s~UKWI pohl•'-tUC Jétinw.91. '"
~ 'La lifwnde f\aUOn .'-. 1n U LAllkl!NS . /. 'bpc'dmo11 d 'i:_),"1
.. J'I" ( J 7,,·Y-IJWJ J. Puns. J\nnunJ (.'ohn, 1QH'I. p. IM
-4 (hplomut&! .;k: &..'\M'ID'Cpl-.b à l'unptn•hami: .;ormncn!Jil.I '-tUI n:tuonlc au XVIe s tè..:h: . è l'u.lhun.;c Je- f"rDJ)\:Ulll 1.,. Cl Je S1,ih~
1..'1dftla.~'-~ puliuqur di.."11 ("ap11ulauons prot.étccarll lc1> ~hcn1èlcs chRueunc.s cl les i.:mnn.:~u. ~· lk
l'Empi:rc ~qui •'.,.;:1"11 dllm la &:.onunu1\i' Je l'1mplanu111Un frunquc en M1..l ducnunCc Jb le XII e s1b.:lc ; /JrM , p . IJ .
'N PIÇAUOOlJ . LM"'°""'tr f/fl• rhn11tlu /,· .\ luy..·n · Urlf: 'ft IJY/-1 - IY}J J, H~cllc:t . Complexe. lW2 . p . 176.
e. v111c de rlndc. 11Aaa te .m du Dftbn
Chopttn. 3. U. "'liglon
Pour les Anglais, le califat doit être restauré dans tous le œrritoil'1!S de ~'i51mn
9 unnite, qu'il s'agisse de ceux du monde arabe, de l'Afghanistan nu des Étal9 du SOWl-
continent indien. Telle est l'opinion qui prévaut à Londres; mai.a il faut comprendre
que la politique étrangère anglaise est la resultante de différentes impulsions !IOUVent
contradictoires - Bureau de Constantinople, Bureau de Bagdad, Bureau des Indes -
et d'un arbiU-age, Londres. Notons bien que plus tard, lorsque les Français auront été
évincés d'Égypte, viendra s'ajouter le Bureau du Caire.
A Constantinople, Spencer Smith défend une politique d'alliance ottomanit forte
visant à la restauration claire des structures internes de l'Empire. D joue la carte turco-
sunn.ite, le contrôle de l'Afghanistan sunnite, et le maintien à distance de la Per.ie chüle.
A Bagdad, Halford Jones est favorable au renforcement des Mamelouks de
Suleiman le Grand, déjà plus autonomes vis-à-vis de la Porte que ceux d'Égyptr; œla
aboutirait à un affaiblissement de l'Empire ottoman. Cette politique ~gure la
politique arabe de l'Angleterre qui reprendra un siècle plus tard l'idée cali.fale aux
Ottomans pour la défendre chez les Arabes. Pour l'heure, Halford Jones ~ range IDut
de même derrière l'unité ottomane.
Les Anglais de l'Inde ne partagent pas la vision des Bureaux de Constantinople et
de Bagdad. Sans doute pris dans le piège des querelles ethniques entre sunnites
d'Afghanistan et sunnites des Indes, ils considèrent que l'Afghanistan en un a1™ de la
France et qu'il convient de jouer l'alliance avec la Perse chiite. n est possible de se
risquer ici à un parallèle frappant : les Anglo-Saxons soulierUleOI aujourd'hui le
Pakistan - sunnites d'Inde - comme ils soutinrent avant 2001 un AfghuUstan
contrôlé par l'ethnie pachtoun alliée à Islamabad et qui s'opposait aux Tadjib du
commandant Massoud . Depuis l'intervention américaine en Afghanistan en 2001
(déclenchée sur le prétexte des attentats du 11 septembre 2001 sur le tariloire
américain), il existe en Afghanistan, de fait, un partage d'influence entre RllSlol!ll et
Américains. Contraints d'éliminer d'anciens clients, les Talibans, les Américai11!1 n'ont
pu remplacer ceux-ci par un pouvoir totalement pachtoun et donc totalement acquis ;
œtte situation a favorisé le retour d'influence des Russes. Sur ce théâtre. les vmtables
perdants sont, depuis 2001. les Chinoisl.
La Perse chiite est ennemie des Ottomans ; les Anglais de ConstanllllOple -
Spencer Smith - et de Bagdad - Halford Jones - tentent d'obtenir l'alliance de
l'Afghanistan contre une éventuelle invasion française; dans le même temps. les
Anglais de l'Inde cherchent à obtenir l'alliance de la Perse conlr@ l'Afghanistan
présenté comme l'allié de la France2. Londres arbitre : Constantinople et la soluti011
islamo-sunnite l'emportent en 1800. Une alliance de droit avait d'ailleurs été signée
sous l'impulsion de Spencer Smith entre l'Angleterre. l'Empire ottoman et la Russie en
janvier 1799; il s'agissait pour Londres que ce traité triangulaire contre la France ne
comprenne aucune faiblesse.
Au tout début du XIXe siècle donc. l'Angleterre joue la carte de l'unite de l'Empire
ottoman qu'elle entend maintenir griice à la mobilisation islamique derrière l'idée
califale; le traité d'alliance de 1799 liant Anglais et Ottomans promet d'ailleurs à ces
derniers la réintégration de l'Égypte.
Pour compléter leur dispositif destiné à bloquer toute tentative française d 'aller
s'emparer des Indes. les Anglais ne comptent pas seulemènl sur lt!'S Ottomans et
l'Afghanistan. lis V<•rmuillent tout départ possible des Français par Suez en direction
de l'océan Indien en contrôlant la mer Rouge - o..-....upation de l'ile de Perim. Par
1 Tuwcfor!'i. Jcpul!'i .!O<M . eu As u;: l.-.:nln..I.:. l' i ntlu.:n~~ amc'fll.:.:UDC f'('\;Uk. <.Jrn po.t JM"ICll'• ..,. k kJQ& ta.. ._ la-..,
p111uanL"C11 fût1i:i en A51c ~cntnak w-runt 111 Rus.sic- cl la 1...'hinc .
2 N . PICAUDOU. W 11tkvnn1c fi'" éhruril.1 Ir- .\llJ,.,,...,lrt&'ftl tlVJ.4.!IJ:J;, HNMlfllla.. Conripkac. IW:!, p. P7
4211 Pnrlic J. P~nm111t"11cr tin idml1lh
cortleft1>0ninc". p. SJ~ .
6 La RCl'l.luntion rt"!llC cq>CTldont prudente A l'ég.ud d 'u n régnnc '""'r1ré rmr le tio n urnrt1 s rm: cl servi pnr nomhtt dC" f rv>Ç..m
qw n'a va1ml pu K 1TmbarquCT nu momc n l oU Oo nnpo.rtc ~·e s t échnpré d 'Ei;yp1c . \ L..~ Mnmclu uks rmnça1s que C hatcnuhn:md Jc\.Tlt
s1 blC'fl llaits "(linb';a1rc de Pans • Jérusale m " encadrent k ll régi ments de Méhémcl Al i cl son t la J'orig me d e ~ \ 1\:l('l1tn
A. CHAUPRADE, //u m1n~ J'Êgyp le , Paris. Les Oclle!l Lcllrc5, 19'itt. p 17S- 177
7 •P.1lmcntnn ne disaH·il pu rn!frn:r 'ces bons 'lieux l'uro' 1111J11 (~ M)' rllcn s lro l" liés 1\ 111 c 1vi li!1ntion m&.!1l c nunttn~ et i U
culrutt (rança uc ~·. in N. PICAUDOU, W Jéc~nnli! q111 lhrnnln fo M"-"''n- tJri,•111 t J 9 1 " - 1 YJ JJ, Hru x cllc~ . Co mplu~. 19q2_J'I . ·t'7
Chapitre 3 . La religion
du XJXc siècle, les Anglais dominent les eaux du Golfe 1 . En 1835, le Bureau des Indes
impose des trêves maritimes aux cheikhs de la côte des Pirates; en 1853, il signe avec
eux une paix perpétuelle. L'Angleterre lutte contre le trafic d'esclaves et d'armes et
s'empare du monopole du commerce du Golfe, lequel remonte jusqu'à Basra et parfois
Bagdad sur les bateaux de la Compagnie de navigation Lynch. De nombreux traités
d'assistance passés avec les émirs locaux assurent la suprématie anglaise dans la
région, à l'image de celui passé avec le cheikh Mubarak al-Sabah du Kowett en 1899
qui interdit à l'émirat tout accord politique avec une autre puissanœ que l'Angletene et
toute cession de territoire2.
Pour Londres, le danger français sur la Route des Indes et ses contrecoups -
Méhémet Ali - sont écartés. Mais une menace fait jour: la poussée russe vers les mers
chaudes qui s'exerce en direction des Balkans, de la mer Noire, de la Transcaucasie, et
de l'Asie centrale. L'Empire ottoman - et c'est le deuxième coup du fusil que nous
évoquions au début de cette section - peut encore faire barrage contre ces ambitions.
Le tsar Nicolas Jer rêve de dépecer l'Empire ottoman et propose à l'Angletene de
partager avec elle les restes du "vieil homme malade" . Le Grand Jeu entre l'Angleterre
et la Russie est engagé. Entre 1854 et 1855, la Guerre de Crimée oppose la Russie à un
Empire ottoman aidé par Londres et Paris - prise de Sébastopol et traité de Paris de
1856. La flotte russe de la mer Noire et l'arsenal de Sébastopol sont détruits. Mais la
pression russe ne cède pas. Une nouvelle guerre oppose Turcs et Russes en 1877, et les
Anglais croient de moins en moins au maintien de l'Empire ottoman. Ils craignent à la
fois la poursuite de l'expansion russe, le retour de la France en Méditerranée et la
montée en force de la puissance maritime de l'Allemagne3.
Les intérêts britanniques se déplacent alor.; dans les années 1880 de Constantinople
vers Le Caire, et ce d'autant que l'ouverture du canal de Suez en 1869 - construit et
inauguré par la France - a provoqué une révolution géopolitique: la Roure des Indes
peut désormais "se faufiler" par la mer Rouge; de plus en plus menacée par
l'Allemagne et la Russie, la zone eurasiatique centrale perd son statut de Route des
Indes sécurisée. Les Anglais se concentrent sur le Sud et occupent l'Égypte en 1882
Dans les années 1890, l'Empire ottoman se rapproche de l'Allemagne de
Guillaume II qui reprend à son compte la politique califale ottomane pour tenter de
dresser les musulmans de l'Empire britannique contre leur dominateur.
En février 1914, à la veille de la Grande Guerre, les Anglais hésitent encore à
abandonner la voie de Constantinople. Kitchener est alors agent en Égypte; Abdullah..
l'un des fils du chérif arabe de la Mecque, Hussein, lui fait part des mauvaises relations
turco-arabes et de l'éventualité d'une révolte arabe dans le Hedjaz: Kitchener répond
1 C. ZORGBIBE. G.fop.,h11qu<· et hurr.11n.· J&I Golfe. :?:e M . Paris. P.L' F .. IWS. "Que ~ ·- . n~16JQ. f.1991 pour 111
première êd1t10n). p. 2.'.\-:!S .
1 En 1903, le Vice RC'll d~ lnd~ Lord Curz:on qui etTccrue Une! \ÏS11e dans Ir Gol~ ~ ~ diicbrcr ~ dal travail dit
l'Angleterre : " Nou.o; étions u.:1 aunt 101.llC autre PutSSIUKC [ . . }.Nous 8\'0QS auuvC ~ dësurdft C( nom aYOllS aft rarm •· -1 u
grand empire de l'Inde. qu'il e<>.t de not1TdC'\·01tdeJiCfiend.rc s'ê1cndp~UC'il \QIS)X'f1C!o I . J~<N:in'.Jklmpa~œiillk:k
d'entrqmsc coûteuse et triomrhante [ . -1 La (l3L't de t.:cs cuu.' Jott ërtt m:unl.t."'n~ . vOCJT 1~e Jo11 C'OIUinua :l ètrc ~
Cl le gou'\·crncmcnt doit conSCTH'I" ~ pn~mmcnce", cite dnn.~ N. PIC:\VDOL'. LJ d«r1111ie ., .. ,- J/frwù.a k .Wu.~>riOlf 1J'1Jl4-
llJJJJ, Bru:\cllcs, Complc~c . l'N~ . r-6 .\ .
3 "Je suis convamcu 1 J que \11 \·1c1lle polil1quc - sage .:n son temps - - ik Jêfcndrc ln IDI~ bntanPiqucs en~ la
dyno.sttc otlomanc es1 devenu.: unpn.liCJ.bll' c-1 JC pense QUC' le tcmrs ~1 \·mu de- ..k~ lts 10tên.'t.._ q1D.l.s dit fmçun plm JilUllc
par quelque r-Camémit:cmcnt tcnitl)ntll J'u1 peur que- lorsquc- ne-us- li t1aos quc&qucs ~ l'\m dt o.'U 41N.,
CT\ \ ·1cnJr\."ln;
~ ..·encnum1s se sc:ra rrudui1 ou htcn la Fr.me\'.' aun1 retrou\·c- sa pûSlhl"'1 c1 KT1I jaJUUie l.k 11.lük ntcnsion dt DIJllh:' pt.>u."oà en
MCJ11crmnC\.•. ou l' ,.\lll.':m;.1~111.· scrn (k\·cnuc un puu,·oir tru1mi11JC L'une ou h~ die 1i..--cs coajuacturo rcaira dtfficik puuc 1D1S lm
puuih1htê Je IWUS a'\Slm:r un p1.:J-l-ICfT\.· à 1:. plet.:c- JC' .;chu QUC 00U.S. pcn:irunli 1nfai11ib~l â C~ · , dkt.re Lad
Salisbury, secn:1u1n: d'Etat au f1in:ign Ollicc. dl~ par N PlCAlJDOl'. lu d«nllli' .,.; dn.1A/a lw ~~ f/9/4-/Ul.t.J,
Bnu.cllcs. Comrkxc, 1992. p . -'K.
que l'Angleterre n'y est guère fovorable, qu'elle entretient de bonnes relations avtoe le.
Tu~• Ronald Skln"S - One11t11/ 1't'cn·tnry à la British A81mcy - tient le même discoun.
Pourtant Kitchener sait que le Moyen-Orient est structuré par l'islam; il en a pris
con.cicience lor.; de la révolte indienne de 1857-1859 et au moment du mahdisme
soudanais2. Il a assisté à l'avancée du Bn,-.rrlntllm/111 et à l'installation de l'Allemagne~
Constanhnople. Kitchener pense à plusieurs solutions : détacher la partie Sud dl? la
Syrie - Halla, Acre et Beyrouth, jusqu'au Golfe d'Aqaba dans la mer Rouge - et la
placer sous contrôle direct anglais; ou bien encourager les provinces arabl?s à
s'organiser soit en plusieurs États alliés s'étendant de la Méditerranée, à l'Ouest,
jusqu'à la frontière Est de la Perse, soit en un seul État arabe-~.
Le 7 novembre 1914, le c/reik/J ni is/11111, chef de la hiérarchie religieuse de l'Empire
ottoman lance une fah1>a - consultation juridique - appelant à l'union contre les
ennemis de l'islam. Français, Britanniques et Russes4. li est encouragé par l'Allemagne
dans son entreprise de déstabilisation de l'Égypte, des lndes anglaises, de l'Afrique du
Nord française, de l'Asie centrale russe et même de la Libye italienne. L'islam contrôlé
par !'Entente doit basculer. Le 11 novembre 1914, le sultan appelle à la libération de
l'islam de l'esclavage allié; le 23, un manifeste du monde islamique est signé par le
c:hnlch a/-L<lam et par vingt-huit autres dignitaires religieux. Des tonnes de pamphlets,
de revues et d'actes de propagandes sont déversées sur l'Égypte, le Soudan, l'Inde,
l'Afghanistan, la Perse. Il s'agit de gagner à la guerre sainte toutes les populations
musulmanes et principalement celles qui vivent sous contrôle alliés. L'Arabe Hussein
affirme au sultan qu'il soutiendra la guerre sainte mais qu'il ne s'engagera pas
militairement contre les Anglais car il ne dispose pas des forces suffisantes ; en réalité il
prépare la Révolte arabe contre les Turcs. Ceux-ci font imprimer à Damas et Bagdad de
nombreux journaux pour faire croire à un ralliement au djilrad de Abdallah et Hussein•.
Pourtant. les Arabes vont "trahir" les Turcs.
L'hypothèse d'un soulèvement musulman généralisé dans le cadre d'une guerre
sainte est terrifiante pour l'Angleterre et même pour tous les alliés : il s'agirait de
mener deux guerres, "lbe War and the Holy War", une guerre sainte contre 70 millions
de musulmans en Inde, 16 millions en Égypte et au Soudan, 20 millions en Afrique.
Face à cette politique islamo-turque, les Anglais répondent par la même arme : ils
entendent lancer un contre appel à la guerre sainte et montrer leur volonté d'assurer la
sécurité des lieux de pèlerinage musulmans.
Londres réplique à l'islam par l'islam, arabe cette fois-ci . En septembre 1914, Sir
Edward Grey donne instruction à l'ensemble des Bureaux orientaux d 'encourager les
Arabes à prendre possession de l'Arabie et des Lieux Saints.
Comme toujours dans l'islam, le changement repose sur l'émergence de nouvelles
forces vives bédouines qui bousculent l'ordre établi. Du point de vue géopolitique,
deux pôles arabes nomades sont à distinguer : d'un côté le chérif Hussein - 1856-
1931 - qui règne sur le Hedjaz et domine la Mecque; de l'autre l'émir du Nadjd, Ibn
Saoud ; les deux grands pôles citadins sont Damas et Bagdad. Dans l'histoire de l'islam,
toute tentative califale est partie de la rencontre d'une volonté non1ade et de la richesse
1 G. ANTONIUS. '11w "''"" •.ft'l'Okrning. thr slmy tJf lhr Ar11h Nu11unal ,\fm'L' mt•lll . Lom.Jon. 1 lanus h lllm1il1t1n , 1'11K, p. 1:! 7
2 N. Pl<.:AUOOU . 1.AJkr-nnirq111 6!/lrunlu h · t.lrl,·c:n-Ortt.'tJI (1914 · 1Y2JJ . Om:i1:cllcs . l omrlcxc. l•)lJ:! , p 5lJ G 1\NTONIUS,
TJw .4rob .4""olo."'Ut~ rM Jtury• rif thr <fruh Nattmwl Afrw t'mt'nl. London. lh1mis h ll11111 ihun. 19.lK. ri :! H- 12'l · ce s •: •:nnpa~n~ au
Soudan. en lndr, m Afahanutan •haJ dcvcloped m h1m u kccn scnsc u( lhc poliucul 11nponuncc ,,f lhc rdii;u•us b.1nJ in islam·
J Crtc'r ·a.a Anslo-anb dam 10 st.cm the tun:o-"cnrum t1dc " , G . ANTONIUS, Tiil' .·lrt1h ·lwoJ...·111111-:. ,,,,• .Hory· 1•f llfL· .fr.JI>
\ 'atkNtol H .n'ffllml. London. lla.misJ1 l(amilton. 19JK , p . 1JO.
<4 N. PICAUOOU.LuJ;.aruuw!qui .Jbrunlul~ Mu_1 ·~'1·Uri&·u1 (/Yl./·IY}JJ, Uruxcllcs , Cum11lc :11.1.:. l 1N:! , J'I ~9 .
.5 G. A.l'llTONIUS. T1w Arab Awui~nmg, 1hw! SWf')' of th~ Aru/J Nutimtul Alul'f.'111L•m. Lom.Jon. lhumsh Humrhon , 1qJM. p 1~~ -
6 /'*-', p 147
Chapitre 3. Lo n?ligion
civilisotionnelle des villes orientales. Les Anglais peuvent donc compter sur le
nomadisme arabe pour renverser la légitimité califale ottomane. Avec les deux
interlocuteurs anglais, le Bureau du Caire - qui a remplacé celui de Constantinople -
et le Bureau des Indesl, correspondent deux interlocuteurs arabes : le chérif HU98ein -
il a deux fils qui vont jouer un rôle important : Fayçal et Abdallah - traite avec Le
Dire; l'émir Saoud avec le Bureau des Indes.
En janvier 1915, le capitaine anglais W.I . Shakespear, agent politique au Kowen,
tente d 'obtenir le soutien de Saoud à une expédition britannique en Mésopotamie : la
mission de l'émir du Nadjd étant de neul:Taliser son voisin, Ibn Rashid, allié des Tun:s,
et de renforcer le blocus économique que les Anglais appliquent aux Ottomans à partir
du Koweït. Shakespear est partisan d'une alliance de l'Angleterre avec Saoud, lequel
est encore plus favorable que Hussein à t:Tavailler avec les Anglais. En cela, il
représente la politique du Bureau des Indes qui signe un accord avec Saoud le 26
décembre 1915.
Le vice-roi des Indes estime que les musulmans des Indes demeurent loyaux au
calife ottoman. li est donc opposé à l'idée de Kitchener - Le Caire - de susciter un
conl:Te appel à la guerre sainte, lequel ne manquerait pas de diviser l'islam et de
comprometl:Te l'équilibre dans l'Empire britann.ique2. Sa politique est de soutenir, non
pas le chérif de la Mecque, Hussein, mais Ibn Saoud et le cheikh Sabah du Kowe'lt.
En mars 1915, Fayçal - qui représente son père - rencontre à Damas le
représentant turc, Ahrned Jemal Pacha, du Comité Union et Progrès qui tente de le
convaincre de jouer la carte ottomane3. En fait, durant son passage à Damas, Fayça] est
surtout initié au nationalisme arabe ; mais il reste méfiant à cause de l'influence des
clientèles chrétiennes au sein des sphères nationalistes arabes, clientèles que les Arabes
musulmans tendent à identifier aux intérêts européens (français, anglais, italiens et
russes) 4 •
À cette époque, l'idée du califat arabe continue de progresser à Londres.
L'ambassadeur anglais en poste à Paris appelle de ses vœux, au mois de mars 1915, la
formation d'une "unité mu s ulmane indépendante"'· La déclaration publique de Mac-
Mahon en juin 1915 officialise l'idée califale arabe : les Anglais font la promesse que
lorsque la paix s era revenue, la péninsule arabe sera reconnue comme un État
indépendant disposant de la souveraineté sur les Lieux Saints de l'islam. Une intense
propagande de cette affirmation est faite en Égypte, au Soudan, en Syrie, à Yambo et
Jedda . Par cette promesse, les Anglais espèrent déclencher la Révolte arabe contre les
Turcs; en repoussant l'idée de l'indépendance à la fin de la guerre, ils entretiennent
l'ambiguïté sur leurs intentions réelles quant à un État arabe indépendant. Que
Londres joue la carte du califat arabe ne signifie pas nécessairement qu'il souhaite
l'établissement d'un État islamique arabe.
1 Le V tce· Roi J cs Indes c sl in s tnllt à S1 ml:i 3\"Ci:' son gou,·crncn.:n t ; suu achon es1 rclayO: par le 1Ddla Office• Londra. La
pnnc1fialc pttoccupuuon du V1c..: -Roi ~t J 'assun::f" lu swbili11.• Jcs m us ulnia ns J e l"lnJ.:. ~ ha s1b.YJ1on al en I~ JiR.c1 ncc la
JC'"·1s1ons du burcnu Ju C 1un:
2 N PICA U D O U . l .u ,Jtlt·t•""''· q ur d•ran/11 le· .\h•. ~ "· "- Onn1 t 1/ Y/./. / V_..3 1. BN-,clh:!io. (\lmrk:u . l'N:? . p . 6J
J Il es t mini s.ln: d e 111 Marine J uns. k catl incl \)llu m..:in cl 1..hamp1 ...-n Je l"b loun : u pp...~ oiu peJ>-luunrustne, 11 profcs.c- Wl
ruunmaltsmc lltlnmun fo nJé sur lu soliJa.ritc 1 s lum1~uc . O n le J o plutùl tran...·orhilc C"l a..uez peu ~le. Il Qn&lC' .Je
nnmb rcusc .. co ~pt.11nh1nl'. -.• ,. cnln:- .'\hma.1 Jcmnl 1'Ad 1u cl llu., ..rin li . AN TONll!S. ~ fruit .h u 1.kni""- 1lw ~· uf m.r .~
N 1Jt1w 1u l M m -. ·n1t•n1 . l .u 11tfon. tl anush lluru illu n . l~ .\t< , p 150 - 1."i\
4 Jik n1, p . 15"3
5 "QmmJ '" Tufl.{uÎc 1,h !>pum i1m d e l 'o n ,.lunlllu'fik ..:1 J cs llttnn 1s. Il dc\1n . J&As fintéftt ~l'islam. y a vuit UDC .U~ poliDquc
mui.ulm11nc 1ndércnWm11..· .ullc u rs Snu 1..cnui: ~· r.ut 1uu1 na1u rdlcmcn1 le-A bnL' Wnls Cl d mclurait l'An.bic. mail;,... t1'=a p.1; à
n uu~ de fi~er c c qui )' scru11 indus ll'uu lf'C"". 1.'.llr poar N Pl l'AlJf>Oll. Lu di..T,.,V. qui ;1wun1o /~ ~~~ t/914-19.J.Jj.
Rnuclles. Comph:xc , l l)'l:! . r ~ ~.
P11rtu· .l . l'rn111mr11ce iles idt•rit1tN
1 Les tata c:k co IC1U'CS figuœnl dms J.C ltUM.L! WITZ . Tlu.• MiddlL· C1t.H 11111/ Nurlli .-U1wa in WorJ./ Jlohrù·'i , ••ul Ill, p . ~~
,..
1 •por1 1ans ofSyru ly111g 10 lhc v.·cs1 oflhc diitnct s ofllüma.o;cus . l·loms . 1Jnmu anc..I Alr.:11110 wo.=h: ht h~ .:11.duc..lcJ frn1111hc: :lrt.J
of Anb mdcpcndance", in Ci ANTONIUS. 111~ Aruf1 .·lwflke11t11;:. th,• .\f1wy ,~f 1h,: Ani/> N 1111011<1/ ,\11w~ ·n,. · 11t , LunJon . llonmh
HmulWD. 1'131L p. 17" · 119
) S PICAUOOU . LaiHunnù:quit;hrunlu Il' Moyc.·11 ·0r1cm (/\114-/Y~lJ . Unuc.cllci., Cnmpll! ~ c . l 1J'J.2 , 11 74 .
-1 /dinrt. p 69
Chopitre 3. Le religion 433
I le tex.te originul ~ tn1uvc dans D STE\\' ART. tht· .\tuidlt· E..i5t t.•rnplt• of JumtJ , pp. !W-:?IO. Plus~ sar
de Sukurum ~lOUSS.r\. S<11tgt.• .:1 lttt.'1LHmJ.il'...: Je.• L~· rrtlt( ' f.'
LawR"ncc, '\'l1ir
::? G ANTONIUS, Tlu.· Arul> Awt.tkt.·11ing. rire .v/4Jn· r.Jfthc .·frah .\ 'atii"llll :\lv,~t. Londun. Hamnb Hmnihoc. ltl..\S.. p. :0..'
'.\ La dynn.st1c Jes Sénou~s1s offne- un c.u mrk 1mrortant du r61c ~-.politiq~ Ju soufismr dam. l"1llam. vl,lr .i œ propos natrc
'C'Ction -.:onsacrt-c. Jans ks t.11,·ismns mli:m.:~ Je l'islam. .:1u...' Sênvu.ssi.s. Je Libye
4 M.-nr.p. 207.
:li Jh11lf:lrf, p 22..,.
6 l .c rmjc1 ..:uurunnc les effort!' Je lllhbymg juif m11iê par 1e pett fondateur Ju SIOlll.SIDC. Tbcodof' Hcnl - lll:ti0-1904- qui.
en 13q7, uri;uniSD il U4t...~ le rn:micr co1111ri."S sMIH!'tc Lin aume -:-untf:rès rtun1 l L\JOdrcs m 1"'65 ~laal il la crêMJoo d\m: ~
êtnmgtn: for1c" a.OUC' de l'lkçiJcnl ('I QUI IS\llcra1l l'une Je l'auft l'Al'1quc el l'A....ic rnusubnaoes.
wnisme. Ce projet est un coup de poignard porté aux nationalistes arabes palestinien'
n"riels et irakiens. Il ~t notable de constater qu 'i l n'affecte cependant que peu le ch('Tif
de la "'lecque et les Arabes du désertl . Les choses évolueront par la suite, et le sionistn(:
sen unanimement ,-ombattu par les Arabes.
En 1918. quel bilan les Alliés peuvent-ils tirer de l'utilisation de la [{évolte arabe
fundtt sur une nouvelle lègitinulé islamique ?
La revolre a barre la route de la mer Rouge el de l'océan Indien; elle a stoppé
l'expoumon gennano-turque vers le Sud. Avec Ibn Saoud allié à Londres, les Allik ont
pu opposer aux Germano-Turcs une ceinture arabe s'étendant de la mer Rouge au
Goltt arabo-persique. La Révolte a préservé ces deux routes maritimes . Par ailleurs,
elle a empêche l'unification de l'Islam contre les Alliés, ce qui eût Né terrible comple
lenu du nombre de musulmans dans les territoires contrôlés par les Alliés. Une fois de
plus. comme au moment des Croisades, l'Occident a su jouer des divisions de l'islam,
id celles opposant la turcité et l'arabité. Une fois de plus l'islam a su lui aussi utiliser
les divisions européennes .
l'après-guerre confirme les ambitions françaises et anglaises au détriment de
l'mdépendance arabe. 1920 est l'année de la catastrophe pour les Arabes - Amal
Nakl:ro - : la conference de San Remo a entraîné l'occupation de la Syrie par la France.
la consolidation du contrôle anglais sur l'Irak et le développement sioniste en Palestine
En Irak. les Anglais sont de nouveau confrontés au problème de la guerre sainte
les duites se soulèvent et défendent une légitimité califale propre2. Les Anglais ont
beaucoup de pertes; ils se décident à réduire leur pouvoir direct au profit de Fayçal
qu'ils souhaiœnt voir monter sur le trône d'Irak, tandis qu'Abdallah est promis à la
Transjordanie Les Français n'ont guère moins de difficultés avec la Syrie3.
Par ailleurs, la conquête du Hedjaz et de La Mecque par Saoud provoque une
nouvelle donne dans l'islam : c'est désormais l'école rigoriste du wahhabisme qui est
chargtt de la garde des Lieux Saints.
A la !IOrtie de la Grande Guerre, les Anglais qui avaient utilisé l'arme califale sont
dé9cmnais soucirux de maintenir la division du monde arabe et de mettre en place des
régimes qui leur seront favorables.
L'arme islamique est bien une arrne de circonstances. Ce fut vrai pour l'Angleterre
du début do XX• siècle, c'est encore vrai des États-Unis du début du XXIe siècle.
Carte 3: L'Empire britannique à la veille de la Première Guerre mondiale
ùrte 21 ·Le Grand Jeu au XIX• siècle enlTe la Russie et l'Angleterre
Carte73 : Les grandes lignes de partage du monde mu s ulman : sunnites, chiites,
kharidjites
Carte 88: La représentation du panisme arabistc : la nation arnbc de l'Atlantique au
Golfe
1J1.oqcfea1916. Huuetn ni. peu cunvamcu par les nntionall .. 1cs ;1r.1hc:-. le .. l\r.1ln_·.., ul;ulin ~ d.! v clopp~ s -- · , l:C ~·nt '-C', f1h .
fayç;a] et Abd.il~ . 'fUl k con\'trliHcnl peu i peu à 1'1dCc ar.1hc Voir il cc prorms ( L 1) J\ \VN, From nlh11mm1~m tu anih1\m
nsa,"Clll dirar1fin ofarab nal.lonalism. Ch1U1go.' Lollt.lon, lJn1vcrs11y of lllm111 .. l'rc-;.,, l 'J7 "\. Jl (1 1'
2 G A..'iTOS(US. 11w Aroh AM·akrnilrg. Jlw .tfOI)' of tlw ~ rr"" .'V,,,,,~,,,,, '"'".,.""'Ill, l .undon, l l11111ish l lamiltun. l'>.lH. r. )l-4
JI!
J Lc JI IMJU1 1920. un d&:rcl J.u gl-ntral CiouriluJ crêc: J"r':t111 Jn Cir.11111 1 ih1111 . ( ·eue \.Jé,1111111 prive ln S)IJI\." Je !liCS 1:0tn lt
~ ronnik pu le Gn..t Liban , le lj:IJUVemcmml tic l...an.iqmê cl le Sunjitq 11"t\ h::i.::111tlrcllc C•HIJle 111 Syrie nrnhc ile ln ln<r. die
cnprtdR' un ltncknfiune C"I un ~NC11l1mcnl anu-(nnçilt!> prufotu.I dJll'- Ill Syric mlértcLnc 1:11 l 'J2:'"> •k J.!rm. c!t MmlCvc1lJl.•111s 1•nl l1ru
Cft 5yrire C0111R k n:11Nlat (rsnça". GPKgn Antuniut suulignc que l'erreur pn:nuCrc Je J;1 t· 11111\.·\.- 1lnn s snn ;1J1111m .. u1uiun ile lm S)l"'
Cllll d'~r vDUh.i plaqurr un ou!iU.19e mnu1I (flUIÇAlti:. d'avoir 11am1p•P1'4! 1111 liYNlèn1c d 'C,lm.: u11t111 c11 11\:11 p1111r l' Afm111c Ju N111ll 1..:i Ir"'
~ NIClll muint ~vanc.:ft:.s et qui 'hmmait la lan.i;uc nrnhc _ /,/t•m , 11 · J74 .
C)wpllre 3. La religion
Guillaume Il tente également de déstabiliser son ennemi anglais dans son Empire
des Indes - qui correspond aux États actuels de l'Inde, Pakistan, Bangladesh, Ceylan,
Népal, Birrnanie3.
L'objectif de la coalition gerrnano-turque est alors, non seulement de dresser la
Perse et l'Afghanistan contre la Russie et l'Angleterre, mais aussi de provoquer le
soulèvement des musulmans de l'Inde et la conquéte de l'Empire anglais. Secondés par
les Turcs dont le sultan et aussi Je calife, les services secrets allemands diffusent l'idée
que Guillaume Il s'est discrètement converti à l'islam.
La Première Guerre mondiale débouche sur le Traité de Versailles du 28 juin 1919,
désastreux en bien des points pour l'Allemagne. Berlin n 'a désormais plus aucun droit
de mener la moindre politique islamique ou arabe . L'humiliation de l'Allemagne n'est
pas seulement européenne, elle est aussi orientale. L'Allemagne renonce en faveur des
puissances alliées à tous ses droits et titres sur ses possessions d'Outre-mer (article
119); elle abandonne tous ses droits et revendications sur les territoires ottomans,
notamment en Égypte - articles 141 et 154 - , sur le canal de Suez - articles 152 et
182 - ; l'article 246 stipule en outre que l'Allemagne doit restituer au roi du Hedjaz.
dans les six mois, le Coran original ayant appartenu au calife Osman et qui avait éœ
enlevé de Médine par les Turcs pour être offert au /Glis..•r Guillaume IJ4 .
Durant la Seconde Guerre mondiale. les nazis reactivent de nouveau le projet de
prendre position en Inde, en s'appuyant à la fois sur l'alliance japonaise et sur l'anne
islamique. L'utilisation du levier identitaire de l'islam pour faire aboutir ces objectifs
est d'une grande efficacité ; le mufti de Jérusalem lui-même lance un appel en faveur
de l'Allemagne nazie; la Syrie française n'a guère de difficultés à être tenue par les
!Taupes vichystes.
1 Annulnhon de Ch111l1rnm\! Il sur un r:1rr-m 'lU'-" lm :1 cnH-.y(o. le ) U j u1llc1 IQI..&. 1~ (:'t:Unll" ~ Puunalês. ~~à
Saml-l'tlc~huurg . "'lié rur J l'l(. ·11< lN . J.•. , .. ,rr.r~,· "" /'t"• >t li.•- (}rjrm. r .m!o, J ri:yn"lflncl C1 ("~ E~1..•Qi;., l9JS. p. 5.
:! N. PI C'AUl>Ol• , / .•11/t•, .,.,,,,,,. "''' d• r. mf,, h · \/,,\'\'•1-0 n .·m (/ 'l/4 - /V."'3J t\ru,l:"lle:.., Çumpkx('. 1~1 .
\ I.e Unrun Von \\'on!!d11..·1m. ;1 mh ;L""" '"kur ,l '.\ll ..: 111"1~11 .: :1 Co11MwUUK' r1.,,. ~br.111 ~ JCkl de la IYCTft' .i M. M~
amhnsMNlcur th:s l~ 1nt~·lln1 s " l .•1 Tut,11111..• dh.·- m c'.'1111..• m: O•l U S imr'4.mc s:um . L• ltn'!(..'ie ;ai&ul:, t:'C'Sl t. pi:ap.&lation ~ 51
nou1 rwu"\·cnnn!C il. ln <l~!i..."cr l·11nlh.' !..·l'i ·\n.:1111.;. .:t les Russô . Mllli."' pll\.munit ,..t-1~,. \."C'\l:\.· C1 à faire la pUA· . ia H. MORG6!1.THAU.
,\fànoin·.~ ' 'iHJ.:l·.•h' mm.\' •'" f,,,-,,,,;,-, l';m.._ , 1•:ty\u , l~l<I . J). 141.l d1C rat J. PICHON. Lt puTt~ ... Pn:tt.·ilar-Cktnl. Puà.
J. 1'cyrum1cl cl C'nmpn1ii:in~ 1\t111t111~. pns.
4 lrll'm ; J rh::lh'ln nn:1lys1.· k tmi1ol de V...Uta.
Mais l'éloignement g;!ographique de ce front secondair<' qu'est l'Empire des Indes
cum~ D\'ee I• fun."\! ,fo l'empris.. britannique. font échou<'r les ambitions gcnnanc.-
turques et j.lpon.aises.
On peut voir dans la politique allemande menée aujourd' hui dans les Balkans,
fa»or&ble •ux mdt!penda.ntistes albanais du Kosovo, aux Bosniaques musulmans, aux
Albenais <.>t. d'une manière ~néralc au monde turc, une forme de continuité de
l'utilis.ttion par l'Allemagne de l'arme islamique.
Cartr t : L'Empire t..."Ulonial ,11l~n1and à 1.-. veill~ J~ la Prt!mière Guerre mondiale
Cam 3 : L'Emp1n! brit,mnique 11 la veille de la Première Guerre mondiale
Cane 52 : P,,upll'S et États dans les Balkans
Cam 59 : Le p<'Uple albanais il cheval sur plusieurs États
Cane 57 : Le conflit idenbtaire du Kosovo
1 ~ Lcwia dhdoppc l'hi.ftoin: de 11.:es Juifs: Je. Gibraltar t1u1 offrent le premier c11tcmplc i:unnu , J1m~ l'h1stoin: ~
d'mc~jtuve m .-)"I
rDUIUlman v1vMC IOWi une Mlm1n1stra1 i on c uroptcnnc , c:1fü1sunc11rpcl uu g u u v ememau tUtoptftl
s--...aicws MID tdt. 8 . LEWIS, Juif• rn fOTt! J"ulam , Pans, C almaun -L t! vy , IYKh , t: ull " Urnspum" , truJucuo n de The Jt:'IU "'
-.a-. Priitc:clœ,Prmcaon Un1vcn11y Prna, 19M, p 119-21ti
lN. PICAUDOU. Lo dtu,111ie 9111 tbronla l e A/Q,-1m-Orlerrt f/9/4 - 19.!JJ , Uruxcllc~ . C omplexe, 1992
Chapitre 3 . U. ndlgton
Palestine slonlstel . Les Anglais sont aussi convaincue de pouvoir utili9er les milieux
juifs russes pour tenter de maintenir la Russie à leurs côtés.
Ln politique anglaise du levier juif présente donc tous les avantages : eDe crée un
~lat client au Moyen-Orient assurant la continuité des territoires impériaux et permet
aux f:itats-Unis et à la Russie de s'impliquer dans la guerre.
Mols désormais, en Allemagne comme dans d 'autres pays d'Europe centrale, les
Juifs seront souvent assimilés à des "agents de l'Ouest• . L'antisémitisme, qui a d'autres
couses encore, se déchaînera dans l'Allemagne des années 1930-1940 ainsi que dans la
Russie communiste.
L'appui de l'Angleterre au sionisme, durant la Première Guerre mondiale, annonce
celui des États-Unis à Isra!!I, après la "décolonisation" anglaise.
Quant à la France, elle est plutôt hostile à l'idée sioniste. Un texte du ministm des
Affaires Étrangères du 4 juin 1917, exclut l'idée d'une entité politique sioniste en
Palestine, notamment dans le périmètre des Lieux Saints et réaffirme I'~ de
Paris au projet de condominium international.
Après la Seconde Guerre mondiale, les Anglais sont débordés par le sionisme; ils
pensaient pouvoir concilier celui-ci à leur politique arabe favorable à la Transjordanie.
Ils se sont trompés. Le terrorisme sioniste les déborde; l'État d'lsra!!I est proclamé le
14 mai 1948; les Anglais aident la Légion arabe jordanienne contre les troupes sionisœs
durant la première guerre israélo-arabe de 1948. L'État d'lsrai!l fait alors de la France de
la JVe République son alliée et son principal fournisseur d'armes et ce, jusqu'au relais
américain, à partir de 1%7. Mais en condamnant la guerre lancée par les Israéliens
contre les Arabes, en juin 1967, de Gaulle ouvre l'ère d'une alliance forœ entre!.!§ États-
Unis d'Amérique et lsrai!l2.
A partir de cette époque, les sionistes sont conscients de la nécessité vitale d'une
orientation des États-Unis d'Amérique qui leur sera favorable. À cet effet, ils organisent
aux États-Unis un puissant lobby électoral pro-sioniste capable de peser suffisamment
sur le Congrès américain pour garantir que celui-ci ne votera pas de décisions
contraires à l'intérêt d'Israi!l. Les questions de l'aide économique et militaire à Israi!l
sont tout particulièrement surveillées. Durant la Guerre froide, l'argument anli-
soviétique est utilisé par le lobby juif pour que les intérëts stratégiques américains
s'alignent sur ceux d'Israi!l.
Comme l'écrit Henri Laurens, "un véritable quadrillage du système politique sem
mis en place : les interventions de chaque membre du Congrès dans les débats
concernant le Moyen-Orient seront systématiquement analysées et tout parh!mentaire,
trouvé trop hostile ou même simplement tiède, verra ses adversaires, lors de l'élection
suivante, financièrement et politiquement soutenus tandis que l'ami d'lsrai!I recevra
une aide conséquente. Cette influence grandissante du lobby sioniste s'exercera parfois
en dehors des questions concernant directeme_nt le soutien accordé à Israel: les pays
désireux d'obtenir telle ou telle faveur des Etats-Unis sauront rapidement que les
décisions du Congrès s ont souvent conditionnées par leur propre attitude envers l'État
hébreu."3
La puissance du lobby pro-israélien n'a pas faibli après la disparition de l'Empire
soviétique. Les principaux financiers du parti démocrate américain ont la nationalité
israélienne et le parti républicain est également fortement soumis au lvbbying israélien.
1 l*nr. P- RS-R6
2 Dani les annil!u 19ti~. h; t.li."dw.incm.:nl a n11-1s.ru~ hcn de !'U.R.S .S. ne: "'• ccpcndmJI ,.s smm pmcr des lamons Sile d'\m
cô1e le grumJ fttn:- suviCtiquc. Je l'omln: lu T chc.i.cos Lo \'uquic -- il e:ii:i."'IC' une puiS11111tr ~ jui~ à l'n,auc. et a PftS1111Ct est
fone Jans les mUDMC~ d.:- 1'1'.:.1.u.1 ··- Cl 111 Noumaniit ·. '-"CS Llitu.' ('Qys du. bloc iJc rEst ODll en Cfti:C fi:>mD.i la.el CD ...a ..... 11).q.
l Il . L\URl!NS. r.~· G rim.l.11·u (0rrrnt t.Vlllbt.- ,., n ·mlit~., i"t•·rflklti<"klk'! dqriMU /04jJ, Paru., Armlmd Culio... 199t. p.?•'·
D.ins les .mn~-s 1~50. I.,,; Etats-Unis disposaient encor., dans k• monde arnbc. <1
Jam te lïe~ ~1on,i~ en particulil!r, d ' une aura favorable : les Anu~·ricains avaient l•l(• I{"'\
rromoh.'Urs du dru1t llL'S peuples à disposer d'eux-mèn1es et les puurfcmku'" ifu
,"Uluniali.'<ltte Je l.1 ,-ieille Eurupt'. Le communisme repoussait la grande majoril~ Je.
Arnb.!s. ,-nwan~ et n·ius.rnt l'idée d•' matérialisme athée. Jusqu".1u présiclenl Kenm-Jy
- ""5ol..«Srn.' en ll\wemtire 1%.'\ - , les Etats-Unis maintiend1·ont une ligne d '~ uilibre
""'"'les Ar-.il:ies .-1 les .l uiis au Moyen-Orient ; i\ partir de 1964 et du président Juhruon.
le t..sculement de f,1 politique américaine en faveur de l'État d 'lsrat!I, officiellemmt
moh\'t' par les imp.'ratifs de lutte anti-soviétique, est explicite et le restera .
Sans le soutien ferme de \Vashington, lsra~I n'aurait sans doute pas pu devenir une
grande puissanœ Ju Moyen-Orient et atteindre les buts du sionisme, à savoir coloniser
l'ensemble Ju territoire de la Palestine mandataire. Sans l'appui sa ns foilles Je.
Amo!ricains, lsrai'I n'.mrait pu. à Jeu." reprises au moins, en 1996, et dix ans plus tard,
en 2006, d~truire en toute impunité les infrastructures éconon1iques de son voisin
lit..nais et provoquer la morl de centaines de civils innocents.
Carte 3 · L'Empire britannique à la veille de la Pren1ièrc Guerre mondiale
Les États utilisent la religion. lis semblent donc au-dessus d'elle du point de vue
géopolitique La question que nous posons ici est celle de la réciproque : les religions
sont~lles d 'une certaine manière également au-dess us des réalités étatiques ;
autrement dit, les religions ont-elles une politique géographique qui leur est propre?
On tente d'esquisser une réponse à travers deux exemples : la diplomatie vaticane,
entre idéalisme religieux et réalisme étatique; les dynamiques islamiques
transnationales.
40000 lun:? des Êtats pontificawt Ui: 1870 ]" . 1n D NGUYEN QUOC. P DAIU..ET. A. PELLET. Dmtt ~ t-bJic.
s' êd. , Paris. Dcllll. LJ .DJ ., 1996. p . 440.
2 •Etant souverain , le Soint-S iCge JOUll du droit de lep.non. passif et actif. En d'autn:::s 1nmcs.. il peur l"t'CC'\vtr del
ambe.ssadcurs el en accrêd11er lu1-mnnc auf)rb des gou,,·C"fTK'mtt.lt.s. Au total . le corps diplomaliqix prO Ir Saiar.-Sqc axapœ 1"6
ambtisodcs. auxquelles s'ajo \ltc la TCf'~"'lllali on de I• F~botl ~ Ru.s..s1c.- . in P POUPARD. U 1-Utk·'°"'· :!~Cd . Paris.. P.U.F ..
1994, coll •Que sais-Je .,-, n°1913 . <rrcm1m édi1ion. l"IHI ), p. 57
) '"Lcs dcuit sou vCTlltncik . sp1ntudl ~ ci 1C"n\f10tclk du Saint -S;(-g11: n·on1 Jamais ~ ~onJOf\di.lt$ . Oum• œaic ~ caaglblie
dan.s la tt.Ktio n d~ f.IOIS tlUI llnl ..:onllnU\.;. à enln:lcnir ~ ttldtion1' J1plomallques li.\'« le \'sJ.K.m Cllft UrU et llJ2'J. sig:nmm dir
nombfl:Ull c o n'-'.onb.t,, , cl dans le \.".:ls Je l' lta hC'. propol&llt un traict @:u.ntissaat rutral'C'l'Tit....,.Jiit 1 1 les ubj«:Dom lldlnwcs â
l'Egh!K' ne manquèn'nt pll.." ' P,.lUr cr111quer l'cx1s1cncc m!me J\anc- dipl~lk UlK1U'IC. us fuis qur li& dilllr:lmUll spi:ria.dk dr
l'~glisc eut pns k pas sur 11! IC'mporcl Côi obj.:-cuuns de\·inn:nt part11."Uliffnncnc: Ôl!mC'I ~Vatican IL-, 111 G DESCOTU.S.. '"t...
Jiplommllc du Sa int· S•CMC . thCulugic et polniq~ ... m Rdatwns inl.e~ic.ulû {c·.s, , ULl.S .. Ptmcemp5 LW3. n""'I. p. 53.
4 '" Le ICi JUin 14"5 1. Adm"Utt c :<i 1 ttÇU par P1c- XII en \·1sitC' oftk1cllc. l a romplK."ld CDtre les dcu:ll homms e!ll ~
li Li:R EC , l/utOJl"I" :r."f. ·n. 1 1~ · d1 · fa ,J1phu nul1t' \'Ollù.m,·. J'&nli. Albin Mkhcl. 1991.
' le rcj.:t de- Io CE D (\llr lu Fnmi.: c . i;:o n 1954 . est &kpl\.ltt piU k p:&pe f . LB:ll::(.'. HisR1Jn' .f.ft"rrtk dt!! ftA ~.cran..
souverninett! d••s nations. Comme toutes les politiques étrang~rcs, celle du Vatican l"I
en foil lrnversée par des couranhl divers el il serait imprudent de la réduire à une '<'ule
orientation.
l -cet. UDlTG'I artbodmc se ferme d'aulanl plus qu'il subit les assauts de Io Conlrc-Réfunne. Rcnonçanl à tout d11lopc na- 1;11
pied d'iplilt. Jl,OQIC: ~ i fatR" n:culC'I'" l'orthodoxu:: par la conuuinlc du br-Js si::.:.ulu:r cl 111 consllluhon d'Égh.scs uni.SUS", ID
H.C P\JCCH dit ... HWaurdel rrllgioru . Paris. Gallimard, 1999, coll . "Folio Cs!'ous", l 11••, p. 1027
2 IJ. Ft.oRlOl. Alcurou cl I~ Var1cun. France-Empire. Paris. 1979.
J G.. Df.SCOTILS. •ta dtplomauc du S1un1·S1êgc thc!ologrc cl puhuquc'", in Rdalmm inlerna11onald e1 Jtratt'fJqw:t.
Prmlmipl 199J, n"'9, p. 3.J-76. ·.1can XXIII s' in1CTcss.ai1 a l'évolulion du régime c o mmunisle cl O. l'homme qui le dingcn {- 1
Soaciaa dt faft' vaùr *5 trique au concile des ~vCques baltes. il cnl.Jlmc des JC:marchcs Uiplomouques, en dCpir de l'uribliœ à!
acrêarial ft.t.a ~ ds cardinaw. améncams. Il ob1icn1 satis'8chon ainsi que pour les évèqucs des pays m1c1Hti:s qui suniTrll
MmcDa. DO ce mornnu les chc-fs communistes vont se succéder en v1s1tcs officielle!ll il. Rome Gromyko - qui rcnccnlR Paul \'1 i
ro.N.U. -. ~en 1967, Tno en 1971 De son cô1t le Vat1c11n dCsignc un umbassoJc.:ul' uinCranl pour l'l::':st, Mer Cu.aroli".
p.67.
4 E. L..EBEC, HUtoln •«ritr ~lu J;p/umot1e vcmcane, P11ris, Albin Michel, 1997. p . 146~ 1f>I.
'J.B. Dl!ROSELLE, Jlutuire diplomat1qur dt! 1919 il no.Y jm1r:r, l lc éd . . P11ris. Da.llo7.. 1993. ( 1~ tJ . 1qSll, p _80} - ~ ~
putird'Hdaab, La quc:stioa del Droits de l'Homme, h11b1lcmcn1 maniée . notommcnl par k Vol1con, vu commencer• cmroU('ft'I.."'
n.LRS.S ~u-pri:nctpat rftuUat d'Helsinki se vhdie à l'inttricur des roys du bloc Je l'Esl D'mnomhmblcs comilc!-11 de "'""'dl.nx
desaaardsd'Hdliaki ..edtcucnt il D'&\'t n ln pys communastcs, Cl rnl!mt!' en U . R .S .S. f . ) Les grourcs les ritus aclifs nc~JW
d'abord b Q.lhoüqucs. ll'Unt ln Juirs, qui rCclamcnt de pouvoir aller en hmatl.", in E . LEBEC, Jlfatoir(' .ft!tri!tl' dJ: lu ilipJo-n
~.Pan., Albin Michel, l991 , p 203
6 ,.,,,. p 227-228
('hoplltt 3. La rellglon 441
1 Les accords de T ocf consacrent l'occupation synconc du Liblln. LA rommunauO: uitcmMioaù: .tm.lmmc le SCDâal ~ i
sa luuc p0f1ulairc et nationolc en faveur de l'indtpcnJancc du Liban. Seul~ l'Irak.. l'O.L.P. et te VaticaD mainucnDan IC$ râHlom
a.-vcc Aoun. G . CORM, 1.t! Prurltt·-Orh•nt ,tc/111r 0056- JPVJ>. Paris. Gallimanl. 19QI. roll. '"Folio hb-iol~~ . p. l3'1 TouzcfQD.. t.
pohliquc du ~duit chn!11'.:n n'csl pas f;Cllc du Vatu;an tlU Moycn·Oncnt • le Sainl·Siqc ne m.·c pas d\an E1111 thn!tic:o ~ IU
mUicu du monde musulmnn nw1s ftrivtltgie la vie de communaut~ chn:1icnnes in~ et respectées il rindl'il:w de ~
majori1-ircmcnt musulmans ; c'est cc 4.1u1 c:c:pliquc lc d«aloac en~ le Saint-Sièwc d ~ rtw:s manmdes. 6 . LEB&C. 11i::rftNn
srcrttr <h la dlplomali~ vut,nun.'. Pnns, Alhin Michel. 1997, p. 2~9-:!61 .
2 0 . COkM. le Prr>t:ht"-Orir.111.;d.,1-.• f}Y.ih-HYJ), P11ris, Ciulhmard. IQ91. 560 p., coll 9Folio histoifo•. p. l-~36.."';, m 1991,
le bilrm o.u Moyi:n-Oncnt CSI le
SUl\' Dnt ln Polc:slim:. le Liban el enfin l"lrnk soo1 ·• ~·; lar-. ~rilplc - l'qp.llD dl:I
1lli~ isruélicn et qoudicn.
J Ajuumé en 2000.
442 I'artu· . ~ . l'cnumr~"u dN ulnH1lit
En Asie, pourtant loin d ' avoir été oubliée par Jean-Paul Il (quinze pays visités
durant le pontifical), c'est encore l'association de l'Église à l'histoire de l'impérialisme
occidental qui explique largement les difficulta de Rome à consolider ou élaTgir 110n
influence. Pour l'ensemble des pays asiatiques, à l'exception des Philippines où il
affiche une pleine santé, le catholicisme est extérieur à la culture nationale dominante,
laquelle s'identifie soit au bouddhisme, soit à l'hindouisme, soit â l'islam.
L'Inde compte seulement 0,3 % de catholiques contre 80 % d ' hindous, le reste étant
musulman. L'accès des catholiques aux administrations étatiques est fortement entravé
el les mouvements radicaux hindouistes proches du Bharuti_va Jana1a Party (parti
nationaliste de gouvernement) s'attaquent régulièrement aux chrétiens. En Inde,
l'évangélisation est assimilée à une forme de continuité de l'impérialisme européen.
On se souvient qu'en 1986, lors de la visite du pape à Trichur, siège épiscopal syro-
malabar el capitale culturelle de l'État de Kérala (les chrétiens y constituent le quart de
la population), les radicaux hindouistes avaient demandé des excuses pour les
conversions au catholicisme, oeuvre en particulier du cardinal Toppo, chef de l'Église
syriaque de Malabar.
Au-delà de la spécificité communiste, le problème du catholicisme chinois est
comparable à celui du catholicisme indien: un fort sentiment national doublé d'Wll!
méfiance pour une religion "occidentale". Sur 1,2 milliards d'habitants, la 01ine
compte environ 5 millions de catholiques regroupés et contrôlés au sein de
!'Organisation patriotique officielle (qui n'entretient aucune relation avec le Saint-
Siège) auxquels on doit ajouter entre S à 10 millions de catholiques "clandestins",
membres d'une Église dite du "silence" qui parvient à entretenir, de manière distendue,
des liens avec Rome. Au regard de l'identité chinoise, confucéenne et bouddhiste,
avant d'être communiste, le christianisme, nestorien hier, catholique ou protestant
aujourd'hui, représente une sorte de "parti de l'étranger". Et méme si cela n'est pas
historiquement exact, les Chinois vous rappellent qu·effort des missionnaires et élan
du colonialisme furent inséparables. Là est le principal obstacle à l'évangélisation
romaine, laquelle doit en plus affronter la "concurrence" de l'évangélisme protestant.
La reconnaissance de Taiwan par l'État du Vatican n'arrange rien à la situation. Deux
jours avant la mort du pape, le cardinal Danneels s'était rendu à Pékin où il avait
rencontré des responsables de l'Église officielle chinoise et le vice-premier ministre
chinois. L'évêque de Hong-Kong avait même annoncé que le Saint-Siège était pret à
abandonner la reconnaissance officielle de Taiwan pour rétablir avec Pékin des
relations suspendues depuis 1951. Mais au-delà du différend autour de Taiwan. reste
l'enjeu central pour l'Église romaine: se faire accepter en tant qu'acteur extérieur à tout
impérialisme temporel el pouvoir nommer librement les évêques chinois. Même enjeu
au Vietnam, qui compte huit millions de catholiques, la seule communauté catholique
d'Asie, avec celle de Chine continentale, à n' .woir jamais pu recevoir la visite d'un
pape. En 2003, le Vietnam reprochait à Rome d'avoir nommé sans le consulter le
cardinal archevêque de Saigon. Là encore, le deii pl>Ur le nouveau pontifical sera de
faire comprendre aux autorités vietnamiennes la compatibilité entre l'évangélisation
catholique et la souveraineté étatique.
Comment développer le catholidsmto> dans un Pakistan où l'islam est le coeur de la
construction nationale, l'origine même de la p.utition de l'Empire des Indes
britannique au moment dl' l.l décolonis.1tion ? l'a.:e à <l!' ..., de musulmans, les 2
millions de chrétiens (et environ autant d'hindouistes) .:atholiques et protestants
pèsent peu, el leur souci premier .•want l'évangélisation. c'est la survie à l'assaut
double du fanatisme musulman l'i d ' un État islamique qui procède par étouffement
progressif (nationalisati<>n des ('cales, <>bstacle à la réparatton et a fortiori à la
construction des églises ... ). Même refus de l'évangoHisation chretienne t-n Malaisie. où
l't1rlii• .1 1'1~rma11r11cr.1lr-. ilknltli1
islam et 1dL>ntité national" sont intimement liés. Quelle peut ètrc la marge de
manoeuvre d" '"-"" chr(,ti••ns qui rcprésl'ntent 8 % de la population de la partie
malaisienne de Bornéo et gouvernent l'État de Sabilh face ilux parti!i islamiqu~w; de
Kuala Lumpur !
Survivre d"abord, évangéliser ensuite, telle est aussi la préoccupation de cc million
de .:-hn'tiens du Sri L~nk.a qui a fait souche chez les Cinghalais comme che'- lrs
Tamouls, et que le bouddhisme de l'État central tolère d'autant moins que le pape avail
rappelé le .:-ar.1ctère athœ du bouddhisme lors de sa visite de 1995.
Très souvent donc, en Asie, le catholicisme se heurte à lil résistance de la cullure
nationale. Mais le problème est encore aggrilvé dans les pays asiatiques où
l'é\•angélisation, dès le départ, n'a pu se faire qu'au sein de minorités ethniques tcnurs
à l'écart des pouvoirs centraux. Là, l'Église est presque structurellement bloquée daru
son effort d'évangélisation. C'est le cas en Indonésie où la diffic ulté de la
christianisation due à un nationalisme islamique est renforcée par le fait minontaire
Ces catholiques des Célèbes et des Moluques qui constituent la majorité des 10 % de
chrétiens vivant dans des archipels indonésiens éloignés du centre géopolitique, Java.
n'appartiennent pas aux ethnies dominantes Oavanais, Sondanais, Madurais el
Balina1s) mats à des minorités marginales (Batak, Dayak, Moluques ... ). De même; daru
la partie indonésienne de l'ile de Nouvelle Guinée, les catholiques (et protestants)
papous s'opposent à la colonisation (appelée transmigration) venue des iles du centre.
le drame du catholicisme en Indonésie, c ' est qu'il est, aux yeux de l'État
indonésien, et l'histoire du T~or oriental en témoigne, un potentiel de sécession, un
facteur de séparatisme. De même en Birmanie, État fédéral multiethnique, où le
christianisme a pris souche seulement chez quelques ethnies, les Karen par exemple
(5 % de la population dont 20 % sont chrétiens) qui comme d'autres ethnies de la forét
ou de la montagne partiellement évangélisées, sont extérieures au coeur identitaire de
la Birmanie, ethniquement birman et religieusement bouddhiste. Même phénomène en
Thailande où les conversions sont pratiquement inexistantes chez les Thais
bouddhistes, et ne concernent que quelques minorités ethniques marginales, ce qui ne
donne au total que 300 000 catholiques.
Perçu tantôt comme parti de l'étranger, tantôt comme facteur de séparatisme (ou
les deux à la fois), en Europe orientale cornrne en Asie, l'Église catholique va devoir, au
cours du prochain pontificat, apporter une réponse à ce premier défi géopolitique.
Comment faire pour que l'effort d'évangélisation soit admis par les États comme
compatible avec identité et souveraineté nationales ?
le deuxième défi géopolitique n'est autre que la face religieuse de la
mondialisation du libéralisme américain, phénomène qui a pris son accélération à la fin
de la Guerre froide. Il s'agit du formidable mouvement, parfois insidieux, parfois
éclatant, de pénétration de l'individualisme dans le christianisme. Ce phénomène se
traduit de deux manières: soit par la "protestantisation" du catholicisme, soit par
l'essor fulgurant des nouvelles formes d'évangélisn1e protestant, notamment le
pentecôtisme. Ici, ce ne sont plus l'Europe orientale et l'Asie qui sont concernées (cJr
autant l'orthodoxie que les cultures nationales asiatiques résistent assez bien .1
l'individualisme d'essence anglo-saxonne), mais l'Europe occidentale, les Etats-Unis
d'Amérique, lAmérique latine ou encore J' Afrique.
En Europe occidentale, le protestantisme a prépar(• la sortie du religieux. le tau\ de
pratique religieuse dans les pays protestants d ' Europe atteint des records inég.1lrs ·
dans le Danemark luthérien, 2 % des personnes assistent chaqul' semnine à un office
contre 65 % dans la très catholique Irlande. Seuls 38 % des Suédois .:-roicnt en Dil'u
contre 81 % des Italiens. Pire encore, comme l'a très bien analysé Samuel Huntington,
les catholiques européens qui appartiennent aux sociétés majoritairement protestantes
Chapitre 3. la religion 447
1 li y a Ul'rlton 700 m1lhoru de p1111csumu. pcn1.«üus1cs IJUO n11Jhon:>), hap11stc!i ( 125 1mll1onsJ, ks anij,hCi\ns ( 70 null~t.
Ica calvm.U&cs (liO rmlliom}, les luthtnms f(.0 m1ll1un.s), le... mëthotli slcs (40 n11lt1u n s) lc re ~ l c r.:prêscntc 100 rn1llwn ~ lmul1 iph~
de pdilcs aa:Ll!:I. adt1c:ntistn. quahn. .. )
Chapitre 3. i.., religion
P~rou, au début des années 1990, Alberto Fujimori était l'lu avec le soutien
pentecôtis te. On estime qu'en Amérique latine, huit cent personnes quittent chaque
jour l'Église catholique pour rejoindre le pentecôtismel. L' hémorragie est évidente, et
la stratégie du dialogue choisie par Rome n'a apporté aucun remède. L'Église
catholique a récemment demandé pardon aux pentecôtistes par la voie de Kilian
McDoruiell, bénédictin américain qui dirige l'Institut oecuménique de l'Université de
Collegeville dans le Minnesota : "Je confesse que par ignorance coupable, beaucoup de
catholiques ont identifié les pentecôtistes à une secte" a dit-il déclaré Est-<e bien là la
solution pour stopper la déferlante pentecôtiste ? Partout dans le monde, et fait
exceptionnel, y compris dans le terreau musulman, des villages de la montagne kabyle
en Algérie jusqu'en Ouzbékistan, des conversions au pentecôtisme sont enregistrées, la
vague religieuse coîncidant avec la vague géopolitique américaine. On ne peut alors
s'emp~her de faire le parallèle entre le formidable mouvement d'évangélisation
catholique accompagnant, à partir du XVI• siècle, la projection mondiale des
puissances européennes (Espagne, France, Portugal...) et l'évangélisation pentecôtiste
résultant de la planétarisation de la puissance et des valeurs (individualistes)
américaines.
À cette mondialisation du libéralisme américain et son pendant religieux, la
religiosité individualiste, l'islam tente de résister, prenant parfois des formes radicales,
sunnites ou chiites. La vigueur de l'islam est, à bien des égards, un défi pour Je
catholicisme, notre troisième grand défi pour l'Église catholique du XXI• siècle. Dans le
Moyen-Orient en majorité islamisé, comme en Afrique subsaharienne et jusque dans
les finistères asiatiques du grand mouvement de christianisation initié au XVI• siècle
par les nations européennes, le catholicisme minoritaire recule, sous la pression double
des États musulmans et des mouvements islamistes.
Les chrétiens du monde arabe d ' abord (12 millions sur plus de 300 millions
d' Arabes) connaissent un phénomène d ' érosion constant depuis le début du XX• siècle.
En 1998, les patriarches, chefs et responsables des Églises chrétiennes des quatre
familles (catholique, orthodoxe, orthodoxe orientale, évangélique) publièrent une lettre
pastorale à Chypre mettant en garde les chrétiens contre la tentation de l'exil vers
l'Occident. Pour l'Église catholique en particulier, l'enjeu est de conserver ce que les
missions latines avaient pu "récupérer", durant les siècles passés, quelques morceaux
cassés de la Chrétienté. Il s 'agit en effet de sauver les restes du christianisme nestorien2
ramenés dans Rome au XVIe siècle sous l'action missionnaire des dominicains et
franciscains, et qui forment aujourd' hui les Assyro-chaldéens d'Irak. Autre enjeu: le
sort des descendants des orthodoxes qui s'étaient placés sous l'autorité du pape au
XVII• siècle, ces Arabes melkites du Liban. de Syrie, de Palestine, d'Irak, qui ont tant
contribué au XIXe siècle au mouvement de la Nad/ra (renaissance arabe), à la formation
d'un sentiment d ' arabité distinct de l'islam. On peut s' interroger encore sur l'avenir
des Jacobites. Coptes et Arméniens qui s'étaient séparés de Byzance au V• siècle (après
le concile de Chalcédoine) et que les missions latines firent rentrer dans l'Église au
XVIIe siècle3. Sauver enfin ces sept cent mille maronites libanais, unis depuis toujours à
Rome, confrontés au d é fi de la montée d é mographique du chiisme et de la
radicalisation d'une partie dl"s sunnites . Alors que les baasismes irakien et syrien
1 Vo ir Wllhcr J . Hollcnw cgcr. •i L..: J'k.' n1L-...· l\11 s m c. i\\'~nlr ('1 13 n~l ;nre du 1.·. hnsti3nism..: ... m Li1.~ icr. Çhc:l i ~"nY·PooL G..'opolùk(uc
,111 r hri.'< li.m1.n111.•, Elh (lscs. 2001 .
::! Au Moycn_Àgc , h: s C~h..,cs 11..:s tun1..·nm·s ti..1n rnu cnt u ne ~ 011.: d ï mmcn.~ n1ult1ir ...·hrit1cn Je la S:-Tie Cl J.:- la~ :x1Ucllc
JU.\14u ' ft Io Chmc, le Tibc1 cl l ' ln ,.nlimk L. ' 1m us 1lm n\<m g,111.· 11\;11t J.,:Ouu n k ur ._t ~h sc et à l' ~uc n11.'<.!cmc 11 ne n:swt que .Jeu..'
i:omnumaulCs . l'une 1lnn:i- 1'1Khtd K.urJ1 ~ m n 1rnku..· 11 . ln ..;cü1111.k 1.·11 lnJ<.: . .. u r la ....,'-C' ..k~ Mal.iNr..:.
J lco;; pnncipaic:!iii ~glisc'.> unmlcs 111\1m1phys îh.~ !"Clnt l'C~hs c "-yn 1-,:ath11lh1uc, rCghsc 1.' 1ptc uthol)l.\U..' d ' E&!'lllC' et n~g.lisc
a.rm'nicnnc '"thohquc
offTaicnl un n.mpart .1ux chrétiens (1,2 million en Syrie, moins de 800 000 mainl"'1.lnt
en lr.ik et plus d" 250 000 qui ont émigré vers l'Occident à pilrtir de l9'.11), de qu~ll~
protection c~ux<i pourraient disposer dans un nouveau Moyen-Orient "démocratiqot·
qui les forait disparai!Te sous les marées sunnites ou chiites 7 Quant aux AM)ro
O.aldéens syriaqu~-s de Turquie, ils ont quasiment disparu; il en reste cnvirc_m 2500'.I
alors qu' ils étaient plusieurs centaines de milliers au début du siècle. L'Etat turc,
pretendument larque, leur ferme les portes de l'administration, les empêche de
conserver leur.; écoles, de restaurer et a fortiori de construire dl!s églises; lente
extinction dans l'indifférence genérale de l'Union européenne' . Enfin le cas dt
Jérusalem, de la PalL-stine et d'lsral!I n'est-il pas au fond le plus représentatif du drarrw
que vivent les catholiques et uniates du Proche-Orient, de leur situation d 'otage du
conflit atroce entre nationalisme arabe et nationalisme juif? Souvenons-nous de
l'Église de la Nativité prise sous le feu de l'armée israélienne à Nol!l 2002, l'vénement
qui masque une rl'alilé plus profonde encorl!: d'une part "l'israélisation" de Jérusalem
est aussi sa déchristianisation progressive ; d'autre part, une radicalisation du combat
nationaliste dans l'islamisme (Hamas) qui provoque l'érosion du christianisme
palestinien.
En AfTique subsaharienne, les fractures ethniques qui rendent instables les Étals
sont sou\'ent aggravées par la fracture entre musulmans et chrétiens. Niger, Côte
d'ivoire, Nigeria sont secoués par des conflits ethno religieux, tout comme le Soudan
où, depuis l'indépendance, les chrétiens noirs du Sud s'opposent aux populatioru
arabes et musulmanes du Nord . Le pape Jean-Paul Il n 'a d'ailleurs jamais oublié les
chrétiens soudanais: au plus fort de la guerre civile, en 1993, et alors que l'Église
perdait des fidèles au profit de l'islam et du protestanhsme, il s'est rendu à Khartoum ;
sept ans après, en canonisant Joséphine Bakhita, il donnait au Soudan sa première
sainte, et en élevant l'évêque de Khartoum, son premier cardinal.
A l'époque de la colonisation, l'évangélisation catholique était plus simple au
moins pour trois raisons: 1/ un prêtre blanc avait moins de difficulté à tTanscender les
clivages ethniques qu'un prêtre noir aujourd'hui ; 2/ la puissance européenne
soutenait le mouvement d'êvangélisation et faisait refluer les influences araOO.
musulmanes venues du Nord, tandis qu'a ujourd'hui les anciennes puissances
coloniales ne cessent de perdre en influence; 3/ il n'y avait pas le puissant élan du
pentecôtisme soutenu par la mondialisation américaine . Aujourd'hui, et ne l'oublioru
pas car c'est une des causes fondamentales de ses difficu 1tés, le catholicisme souffre du
manque d'une grande puissance temporelle qui le soutienne; plus de Fille ainée de
l'Église, de Monarchie catholique universelle espagnole, de Portugal.. . pour le soutenu.
Pour pénétrer un pays et diffuser ses dogmes, il ne dispose que de sa propre force dr
persuasion, qui est certes immense, mais qui ne s'appuie sur aucune réalité dr
puissance temporelle. Faut-il le rappeler, la puissance des formes de protestantisme.
c'est la puissance de lAmérique, comme la puissance de l'islan1 peut s'appuyer sur
celles de l'Arabie Saoudite, du Pakistan, du Maroc, de la Turquie, de l'Iran ...
Il découle de la solitude de l'Église catholique dan s son a ction évangélisatrice, un
risque : adapter davantage ses dogmes aux cultures qu e les cultures à ses dogmes.
Le quatrième défi géopolitique de l'Église est bien là, il est celui de sa propre unilt
géopolitique.
En 1959 et 1%2, les TuL~is qui s'étaient réfugiés dans les églises avaient eu lil ,.;,
sauve. Trente ans après, c'est en affluant e n ma sse, par centaines de milliers d.ms Il'>
églises pour échapper à leurs bourreaux, qu ' ils ont couru à leur perle. En 19'».
1 Pnur pn:uve, lc rappon d .Abdclf•ltah Arnor, Ju 25 uclobrc 2000, ;li5" !tC!'ô!'l lon lie 1'1\!!oscmhll1C ~ênCmk J( Hl N.U .à f"'î'"'
lie 11 hbcrt.e de religion et de: convicuon c:n Turquie ( A ,"551:!HO: AJtl 1. 7 ~ I" ).
Olapllft! 3. Le rwllglon
personne n'a respecté les églises, à commencer par de nombreux hommes d'égll9e
rwandais qui ont trempé eux-mêmes dans le génocide. L'essentiel du glnoclde a été
commis à l'intérieur des églises. Nous avons évidemment ici l'exemple d'un
dérèglement Identitaire, mais en même temps, darui cet atroce triomphe du Mal. la
preuve de la profondeur de la déchristianisation africaine. Tous les ob9ervalieurs du
christianisme africain confirmeront le retour en force de l'animisme qui condalt à
l'émergence d'une double pratique. La messe au Zarre s'est transfonnff largement en
un rituel de danses traditionnelles. Le phénomène n'est pas qu'africain. Dqxris le
milieu des années 1970, il existe en Inde une tendance forte qui reclame une dés
occidentalisation du catholicisme ; en Thaîlande, au Cambodge ou bien encore à
Taiwan, des foyers d'études chrétiennes s'attachent à concilier bouddhisme et
christianisme; en Corée du Sud, puissances de la Nature et chamanisme reviennent en
force chez les catholiques; au Vietnam, c'est une religion de plus en plus syncrétique
associant au clergé des devins, des géomanciens. confondant culte des saints et cultes
tutélaires villageois, qui se développe. Et nous ne reviendrons pas sur la
protestantisation du catholicisme américain, autre expression, de la victoin! lente des
cultures sur le dogme romain. Bien sQr, le catholicisme est inscrit depuis les origines
dans le temps et dans l'espace; son combat est dans le monde et non hors du monde, et
c'est en cela qu'il n'est pas un fondamentalisme. Mais des forces centrifuges trop fOl1l!5
et un pluralisme excessif peuvent conduire à un éclatement du centralisme romain et
un effacement des dogmes fondamentaux de l'Église.
N'oublions pas que la Chrétienté n'a cessé de se balkaniser davantage au cours
des siècles et que la dynamique de l'Église a au contraire toujours été celle d'une
volonté unitaire (d'où la stratégie uniate dont nous avons parlé). François Thual parle à
cet égard de "Dieu fragmenté'"· En 1900, il y avait déjà dans le monde
1 500 dénominations d'églises; aujourd'hui, il y en a plus de 15 001). Faœ au défi de la
fragmentation, le catholicisme est incontestablement la forme du christianisme la plus
unie et la plus universelle du point de vue de la doctrine. comme du point de vur de
l'organisation. Son unité géopolitique reste le fruit d'un équihlire subtil entre
centralisme romain et capacité d'adaptation locale. Mais deax logiques nouvelles
introduites par Vatican II ont ouvert la voie à un possible renversement du centralisme
romain. Premièrement, le libéralisme (dracun peut agir selon sa cororcience) affaiblit le
rôle du clergé et prépare le terrain à un basculement dans une religiosité individualisle
issue du protestantisme (le pentecôtisme par exemple); deuxièmement, !'oecuménisme
(on peul se sauver dans toutes les religionr) donne d'autant plus de légitimité aux cultun!s
locales pour transformer le dogme et affaiblir le centre romain.
On le voit, les défis géopolitiques du prochain pontificat sont de taille. Pour
continuer son rayonnement, le catholicisme romain devra convaincre nombre de
nations que sa puissance spirituelle n'affaiblit en rien leur puissance temporelle .; il
devra combattre, sans faiblir (la repentance est toujows une impasse face à la culture
de la force), la vigueur de l'islam; enfin, il lui faudra enrayer la pandémie de
l'individualisme religieux et éviter l'écueil du syncrétisme mondial.
L.l fitna, c'est la grande dispute de l'islam, sa grande fracture : elle est triple : un
islam radical et violent, les q11rm; un islam historique et légitimiste, celui d'Ali; un
islam politique et aristocratique, cdui de Mucrwiya2 .
l'isl.mt qui agit politiquement par lui-même, en dehors des États, c'est l'islamisme,
l'e! ide.il politique \'isant à dépasser les divisions étatiques du monde musulman et à
instaurer un califat étendant progressivement son empire sur le monde. Cet islam-là
refuse les frontières et les pouvoirs en place. li peut aller jusqu'à pratiquer le terrorisme
et les méthodes les plus sanguinaires, croyant agir au nom de Dieu - quant il n'est pas
tout simplement identifiable à la crapulerie régnant par la terreur et l'impôt islamique,
c'est~-dire le racket - ; cette légitinùté divine auto-proclamée justifie à ses yeux 11'5
pires méthodes.
Les islamologues 3• parfois emportés par l'enthousiasme du sujet lui accordent les
àrronstanœs atténuantes de la misère économique et sociale sur laquelle il recrute. Et
pourtant quelles circonstances atténuantes faudrait-il accorder à ceux pour lesquels la
vie d'un enfant ou d'une femme ne mérite que la lame du couteau?
Carte 73 . Les grandes lignes de partage du monde musulman : sunnites, chiites,
kharidjiœs
1 H.. DJAfT. La G,...,. Disc:orrle (Rd1gion et politiqw dtuu l'l!rlam clt!s or11;m~:r;), Pans. Oallîmani, 1989. coll. ~rr.
~dcsH-".p. 409 .
? "*-.p. -'10 H. D:Pb- 9jOlllC o:ne ~uc de Hegel qui dtsan q~ SI la form.auon de l'islo.m Clalt la "Rvohmon Je rOnai&,
Ma la F - fid unc lftoM:Nm dans la ri'volLll.lon ...
3 Powfn11Ç01S8wpa. - F BIJRGAT. L'i:llamismrenfuct!. P;ms. La Dêcot.a'-'cnc. 199.5, "Le FIS malgrè toul"", m Rrla11C1U
~ t.r ~. l.R..l.S .. Hiver 1994. n°J6, p 88-95. la pousser 1s lamish! m.:imfC'!lltc bien autn: chose que cc •miM"
• ..... ; Bmpt at fmaa-Kepd. puisque Gilles Kcpcl - O . K..EPEL, Y RICHARD. lnrellectu('/.., t:t mrlitunt:i J~ l"ul-.
~· P.n.. Le Sem]. 1990 - otime au conlr.liTe que l'islarmsmc ~t l'impasse dans laquelle son1 venues se foun°O)U la
riail:ms * la madcm..tslban. -o.m les J'9)'S musulmans. du bu.sin médî1erninCen et de ses environs, lrs mouvcmcnu dr
............... ~ ia SUÎllC ~des groupes rnarxi..'llCS dans la con1csta11on des vulcun. fondotnccs de l'ordre S«ul".
mG. l.EPELl.A~ ,;l,DW.. duTtU!1U.JUif;r et musulman.• ti lu reconqut.•te du m11nd1..•, Pons, Le Scut), 1991 , p. 27 - suries
~ DmUllc:I dam le manœ nauulman. un lira, M . RODINSON, A-lurxL'imt· el munde m1urtlmun, Paris, Le Seuil, 197?.
hu' ()ij\-m Cani. la dynamiqw ~ ri:Ulamisauon n'est pas réduc11blc à !'ôa façad.: "ré4Clionna1n:"; elle n'cs1 Jonc JmS
~ iXp1r.1c - O. CARRE. RuJi,a/Umr..t 1$/amiquc.J. Pmrn. L'Hannan.an. l lJJ<5 François Burgat a le ménte de fanT i.onn
ril&mmlopc cb ophca1îom rnoaÏl1cs de 1ypc soc1o-écunom1quc cl qui con.!liislcnr à .-édturc J'i!'llomi•moi:: P un pht!nonM:ne produit pu
a ~ ICICiak a éœoo~ La gtopohuquc ne peut K contcnlC't" de cc typoi:: U'cxphcu11on monocausnlc. Pour Butpt, b
. . . _ mn le rnorwk muaalman est d"csscncc oc:i.::idcnLale. tout comme ln laîc11é . "chcv3J de Troie" de J'1mph1.1liunt
~ . L..a madcrmalloa 1:ea11 en fnni;.ai• ou en angl:u., bien rlu:s qu' en an11bc St.:olunsut1on maslCivc obliy;c. tl ,.,. y .ii,œ
...., .. Mqlnb. YIDgf Ml aprD les indêpmJanccs, dix rois plu• de rroncuphoncs pénéirl!s tlc f'.lhllu!4oph1c occ1Jcnlilk 4UC 1.kl
..... ck la coloailluoG.. JI y aun SO\J6 Nuacr plY:t de hvrcs r.nuJuiL'I d 'une des lo.ny:ucs oci.::1dcnLDlcs ~u'au cours de tOUIC' 1:1 pmlldt
~ • • 1n F. BURGAT. L'islamumt!enfuce, Paris. Lil ~ouverte , l~9S, p . 74 ~ Burgo1 ajoute que les 1nllépcm.lonccs 1wll ptw
~ rasliun~ ne r. blC t. coloni&&Lion . EnC&n, Burpl nie '(UC l'islumiamc sml un dTon de 11or1ic <le Ill moJcmiti, l.Jt..
p. 229. La 1bQa de B4M"pl lrpPDJ1.Cnl de vênlabln critiques 1ur les am1lyse1 dass1qucs cl "méJ111.tiqucs" pan.ont sur l'1slam1fmC' ; n
mtmt ..... cl.la nb.tMmt le ~raur <W:;• ~~ hier che:z ceux t1Ui •nal)'!:J~rcnt le communisme : une fiulinn dons ~ lhl!u1'
idtdJc et..- cataQI mu. d'une téaliti cnmineUe . C&T partout oU 1'1slami11mc t~gnc , Io. terreur ciu üc mi1c et les progrb SOfll ~
p1r Y riolmœ: c'Cll Ui ~ r6alilt • t.quelh: •UC\JlllC analyse lhtorrque ne: n!a1a1c .
Olapltre 3. La religion
orientalistesl. Des récits croisés qui témoignent de l'effroyable fanatisme suicidaire des
Assassins2, jusqu'aux écrits de Maurice Barrkl retraçant l'histoire du Vieux de la
Montagne et de la forteresse d'Alamut, l'Europe considère le phénomène des Assa5sins
à la fois comme partie intégrante du mystère de l'Orient et comme emblématique du
fossé qui sépare de manière irréductible l'Orient de l'Occident.
Les Assassins sont issus de la secte des ismaéliens laquelle trouve son origine dans
le califat chiite fatimide du Caire en lutte contre les Abbassides. Ils mènent une guerre
terroriste contre le calife de Bagdad. Leur chef Hassan al-Sabbah s'installe en 1090 dans
la forteresse d'Alarnut perchée au plus haut des montagnes de Perse. Michelet
soupçonne sous le masque du fatémisme, un secret objectif d'arriver à la ruine de toute
religion4 • L'assassinat est l'activité principale de la secte : s'y exerçant de manière
rituelle, elle parvient à entretenir un climat d'instabilité permanente visant à briser
toute puissance temporelle en terre d'islams.
En 1332, un moine germanique nommé Brocardus, adresse une lettre au roi de
France, Philippe VI, qui se prépare à lancer sa croisade. II entend avertir le monarque
du danger que fait courir sur les Croisés la secte fanatique : "Panni ces dangers, je cite
les Haschischins, que chacun doit maudire et éviter. Ce sont des vendus, des assoüUs
de sang humain qui se font payer pour tuer des innocents ... •6
1 ..De rous les groupes terroristes. le plus cél~brc éta11 une s.a;:tr cf~ duites. pdlk mais u:npanmnc. dom la die& de
file éta1mt basés en Iran et qui avait une branche en Sync dtpws le XJIC sià:Jc•. in B . LEWIS. L.ïdcmm! du:ilc"'. ia W- a
politiqll~ au Proche-Orient uu1ourdhu1, Gallimard. Le Débat.. p . 62 Banard l..zwis 50Uticor. que cc praaiu puapc œrrm:im
cootribuza • forger en Occident une rcp~ntauon de l'LSlam cmpn:iou:: ck r-nsmc ~ L: ~est~ tes cromës flln::nl pm vlléJ
par des Assusins donl le bue p~icr C1a1t de dCm.iin: l'Ëur sunn11c
2 Le comle de Tripoli. Rnymond de Sam1-GîJles est assassiné par l'un dom..
3 ·u Vieux de le montagne, Le voyage aux chàlcaux des Assassins• in M.. BARRÊS. f.JM ~~ aia pays dM llvmd, ,_..
Pion. 1923. p . 172-288 .
4 '"Les fetemilcs rondèrcnt au Caire la loge ou maison de la sagesse ~ immense et u:n&rcm. .adia' de fmaisme Cl de s::icnac.
de n:ligion cr d'o.th~ismc . La seule doctrine cenaine de ces protecs de rts~ c'dm:c rohéissaaoe pure. n n'y avail qa'â a . _ .
~ ; ils vous mcrunent par neuf degrés de la rclig100 au mystu:u:me. du mystJclSmC • .. pbilœoptnc. m doaœ. i r.t.alae
lDdifTtn::ncc. Leurs rrus.s1onnaircs pcnëtr.:m:nt dans roule l'Asi~ et Jusqt.E' dans ~ ~ de Bagdmd. iDaadml ~ c:aWia m
Abbas.sidcs de ce dissoh·an1 destructif A vanl Kannath. a'"·ant Moihomet. sous tes dcnûcrs ~des seitUires a...-ucat sftdlt: a
communauté des biens Cl des femmes , Cl l"mdiffên:ncc du juste Cl de rmjmac. ( . . } Ccm: documc DC parU1 10U1 51:111. fnU:I qur: ~
elle fut rcplactt d4ns les montngnc=-s de la vieille Perse, vcn Casb1n. [ .. . ] Cr ~tismr ~ pmœ m m:ilim. ck ce
populations intrépides. s'y associa. av« le gbl1e de la ri:sisumce naoonaJe et leur mscigna un c:u!:cnblc hërvtmE cr.s.-. Ce fat
d'abord un certain Hassan-bcn-S11beh-Homa:in , n:je1ë des Abba.s.sidcs et des Fak'mltc:s.. qui s'empu-. a1 1090 dr la ~
4Alamut - c'est-à-dire le repaire des Vautours - ~ 11 )'appela. dans son audat1:. la Do:m:wc de • Formac. U y -... mir
1.UOC1atioa doot le fal~mismc êtait le masque. mals doot La sccrëte pcnsCc semble avoir Clë la rwDC dit touat Jdip:m. Ccœ
corporauon avait, comme la loge du Caire. ses sn'l.·ants. ~ ml.SS~ Alamul et.ït plan di: ~ C't d'imlrummt:J
mathématiques. Les arts y êta.1cnt cuhivés ; les sccto11'C'i pënCtn.icn1 panoul sous mille dquiscmmls ... •. 111 J. MJCHELET. Hi.salft
tk France, Lausanne. Editions Rcnconrn:. 1. 1 : Le Moyen-Âge• ..&86 p
5 "L'ut qu'ils exerçaient le plus, c'é1ail l'a.s.sa.s.s1nat. Ces hommes 1erribks se priscnwcnt un .i un pour poigmrnkr un sull:m. Ull
caltfc, et se succedaicm sans f"CUT, san s dêco urngcn'!nll. à ll"lr'Suœ qu'on les t:1ilbut en p1Ccrs. On assmc que. pour ÎDSplft:r t t c;::our.gr
furi~. le chef les foscina11 psr d1.."'!' bn:uvag1..-,; cnivrant~. les ronaü endormis dans des l i N.~ de dC:I~ c.: lrœ' ~ cmuilr
qu'ils avaient goQté IC3 prémkcs du p.:iraJ1s promis aux hommes Mvouk. Sans douJ.c 3 1..-,: rn;,mcn1 SC' J0i~1 le '1.'ieÎI bCroi5me
moruagnanl qui a fait de- celle conutt le tk.-.i:cau d~ v1ctL' libief"atnan. de la Perse. et œlui del modaMs W&bbabita. Co.- Il
Spar1c, le<s mères se vantaient de: leurs fils num~. et ne rlcun1rn1 que les ,·ivanu.. Le i:hcf Jcs ~ pn::nail pour otft celui m:
schc1ck de la montagne • c 'était Je m~me cl!'lul ~~ c:hel~ 1nJ1gièncs qui avaient leur.. forts sw l' a~ \.~ lk La~ cbaiac. Cet
HUS&Jn qui pc::ndAot 35 ans nc !'\1"11 po...,; une fois. J'Alamut na Jcw. fois IJe sa dumtbR". n'en .:CC'Ddit pas moins sa~ sur ta
plupan des. ctu1tcau11: et lieux fons des m<'lnU1gn~~ cmn: la Ca..spicnnc et l.:1 MCdncrT1lntt ; §CS Assu.si.n.s tnSpirw.CDI UD i~
effroi. Le' rnni:cs ~ummés Je h vn:r leu~ fort.:-n=s.-.es n'u."i.llirnl m h:s 1..--.."Jcr ni l<""S ganler: lb les ~~l Il n'y •'tUt plm. dr
sùrcte pour les ro1!i Chucun pouvait ,·oir ù i:huquc mstnnt du mitin1 dc s.cs rlu..."( fidèlC'S SC"tViltun s'daaaT \Dl tneUrtncr Un su.lia
qu1 pcnkuta.11 les Asu.s.<1in.._ vuil Ir molm, li son Nvcil. un poignard rl;sntê 1.-n IUTC, • detu. doi&G de sa lêtc il k'lll s-ya ll'ibul. et
les ncmpt.a de 1out 1mpôt, de 1ou1 pêogc.". h/1~nr .
6 A OOUST ANY, Hu1olrt! dt·.~ / >t.1rtN/i., tU'lfJkkb. llrogw.t "-.· pati.t:: <I drogwa • ~~ Pvia.. Hacbcat Pbaicl,. 1993.
p. IOt.
PHrlrr .1. l'erm11111·11cc dt!t i""11lrti1
Certt.'5 les As..i;.as.sins 5ont des lsn1aéh~ns, c'cst-~-dirc une catégorie du chiisme. on
l\l" saurait "ionc IC"s confondre .1vt."C les islarnistcs actuels <-1ui appartiennent au.-
œnda1l<.-e,; rad1cal<'S du sumusme, tels les Frères musulnrnns . Toutefois les AsMas.in•
incam~nt une tt.'ndtlllCC' rrofonde de l'islntn selon laquelle aucun pouvoir tcmporl:'I n'a
de ll'gitinnt(•, car St.'UI Dieu confl>re légitimité; contrairement au christianisme qui a
~pa~ Dieu et C~'s.u, et donc rendu possible la légitimité temporelle et politique,
l'islam ne ~pare pas le politique du religieux ; la question de la légitimité du politique
<'SI alors s..1ns ,·esse posée. et des voix peuvent toujours s'élever, se réclamant de Dieu,
pour contester un pouvoir temporel en place; les Assassins frappant les puissants
symbolisent de manière extrême la tentation permanente de l'islam de nier la légitimité
du pouvoir h!mporel. On retrouve chez les islamistes d'aujourd'hui le même mépris
des pou\•oirs en plaœ et le même goût pour le terrorisme .
Un dt!l:>at existe sur l'origine du mot Assassin' ; une des explications serait qu'il
provient du mot Haschisch car les hommes de Hassan al Sabbah agissaient sans doute
sous l'effet de la drogue. Ceci nous rappelle la pern1anence séculaire de la drogue dans
les conflits moyen-orientaux et plus largement orientaux2. Nous reviendrons, dans le
chapitre cons.1cré au crime international, sur ce phénomène.
1 Volfa« propo>. U. Ll:W fS, û,•.t Arr1be.1 chmf l'/fim11rc·. Aubi e r. Pu ns . l 1J 11J . 1niJ. fru1u,:a1 s ..: 1q•J)
l A. ooL:STANY_ HU1mrr d~.f parUL/u urli{inc•lf . /JTl lJ:llC'.f ,,, . / UI U ,., .Jrt1J,:tll..'.\ "" ,l!llt.• , .,.. .. run.;, 11111.:hcue rlund. I~ '
A.nlOUX Oo\ut.ar1y imct ù.- prnJanl de ~riC"USC""S lnlCrTOHallOH !<t ..li ... l'u!<.:1gc lie 1.1 drnHlh! Jli!r cette- SCCI"" cl sç d C1111n"qUC' Ju lhtt Jn
"'cn-c1llrl muaru d'Alamou1 cl qui c•pllquc le fanatn•rnc: pa i-111 conso111111u11011 d e l'opnun .
.) C RJZK.. Entr~ J'ulam ~1 f'urol1i.1mL·. l.t•.s Aruht!.~ JUHfll 'L•'1 /94.f . f';in s , l\lh1n M1d1cl, l 9H .' . p . :?lo<~ · :?•l:?
Chapll"' 3. La r~flglon
(comme les ~-onfréries ou Afrique ou dans le Caucase par exemple), leurs intérêt•, leuu
frontières nnœstrales n'adaptent le message un iversel de l'islam à la mod" locale.
1. 'iN.tnu.vfM" nfJNrrlltt i'~ir m1ilf1Î" f't ""Nl·mnn1li~r ..
Ainsi donc, à mesure que l'islamisme gagtw dans l'islam, la carte <le la géographrc
musulmane et de ses points de contact avec les autres civilisations s'embrase. Afrique,
Caucase, Asie centrale, Maghreb, Moyen-Orient, s ous -continent ind ien, Asie du Sud-
Est, jusqu'aux sols américain et europ<'.!en . .. rares s ont le s te rritoires qui échappent à
l'affirmation de œ qu'il faut bien appeler la nouvelle idéologie anti-occidentale et tiers-
mondiste. Souvenons-nous de la Guerre froide et de l'Empire soviétique. À l'époque,
c'est-à-dire avant 1990, le communisme était le ciment transnational de tous les
mouvements identitaires qui s'opposaie nt à l' Occident. Puis l'U .R.5.5 . envahit
l'Afghanistan . Agres~ par le communisme, l'is lam sunnite s'alliait à I' Aml'.?rique pour
résister Au méme moment, l'islam chiite iranien venait attester qu'une voie
révolutionnaire anti-occidentale était possible en dehors du socialisme . Puis le
communisme s'effondra au début des années 1990. Deux ans plu s tard seulement,
l'islamisme sunnite se retournait contre les États -Unis. Nous sommes, depuis, entrés
dans l'ère d' un l'islamisme sunnite aussi mondial que radical. . . L'ère d ' une nouvelle
idéologie de contestation de l'impérialisme "croisé et juif" américain et israélien (au
Moyen-Orient) ou Russe (en Asie centrale et dans le Caucase). Dès lors, il se passe dans
le monde musulman ce qui se passait durant la Guerre froide dans l'ensemble des pays
du Tiers-monde. Une logique globale s implificatrice récupère et instrumentalise tous
les abcès locaux. Du moment qu ' ils sont musulmans, séparatistes (en Tchétchénie, au
Kosovo ou aux Philippines) et nationalistes (Palestine), intègrent la "cause supérieure'
de la révolution islamique mondiale. La complémentarité entre local et global est de
mise. Qui, en effet, peut apporter à ces réseaux islamistes internationaux grouillant de
militants déracinés et apatrides issus d ' une immigration ratée, un meilleur appui de
terrain qu' une guérilla locale? Inversement, alors que, faute de parrainage soviétique,
la plupart des mouvements de libération nationale sont en perte de vitesse depuis la
fin de la Guerre froide, qui mieux que l'i s lamisme global peut donner à ceux-ci un
second souffle, à la fois révolutionnaire et financier?
À côté d'un alter-mondialisme stérile, car privé de moteur de puissance pour le
soutenir, l'islamisme apparait bel et bien comme le seul véritable internationalisme
révolutionnaire capable de porter des coups à "l'ennemi israélo-américain". Or cette
nouvelle forme de bipolarité entre un nouveau "monde libre", celui de la démocratie à
l'occidentale, et un nouvel "Empire du Mal", le "te rrorisme international et l'Axe du
Mal " qui le soutiendrait, pour reprendre la phraséologie américaine, est d'autant plus
explosive qu'elle n'est pas seulement une c onstru c tion idéologique. Elle es! la
traduction contemporaine d'une constante de l'histoire: le choc des civilisations
chrétienne et islamique.
Car même si le jeu des nations interdit de résumer l'histoire mondiale au choc des
civilisations, qui peut nier que, de façon constante, durant des siècles, un bloc chrétien
a affronté un bloc islamique, chacun de ces deux blocs ne représentant d'ailleurs à
chaque fois qu' une partie seulement de l'Occide nt chré tien et de l'Orie nt mu sulman?
Qui peut contester que des deux côtés, chrétien et musulman, il y eut une volonll!
constante de s'emparer de l'Empire du monde au nom de la Vérité unique? Bien sûr,
chrétienté et islam ont toujours été des idl'.?es forces, des instruments de mobilisation
avec lesquels les États ont pu jouer pour former des coalitions et d<'.?fcndre leurs
intérêts. Mais, au-delà de la compétition des États et de !'ins trumentalisation du
religieux par ceux-ci, la continuité du choc des civilisations ne fait aucun doute. Nou~
Chapll"' 3. La religion
avons grandi dans l'écho sourd de chocs titanesques, de Poitiers à Navarin, en paYant
par les Croisades, Lépante et la chute de Constantinople. Une telle profondeur
historique ne peut être évacuée par la négation des faits, sur le prétexte de l'intégration
en Europe des immigrés musulmans ou de la Turquie .. .
L'islamisme qui ronge l'islam, la nouvelle idéologie révolutionnaire anti-
occidentale, le retour dans les tétes du choc des civilisations .. . Tels semblent être les
chemins qu'emprunte l'histoire. Il nous faut maintenant en connail:Te les raisons.
La première erreur, celle commise par beaucoup d' enl:Te nous, consiste à penser que
tous ces drames viennent exclusivement de nos "propres fautes", c'est-à-dire de nos
actions en matière de politique extérieure. L'islamisme serait alors le résultat de ru>s
péchés d'lsrai!I. Cette attitude, déviation de la notion centrale de culpabilité dans le
christianisme, amène certains à l'inversion des rôles entre la victime et le bourreau;
Nous observons souvent ce phénomène dans les médias français, autant en matière de
d~linquance immigrée qu'à la suite des attentats du 11 septembre 2001 sur le sol
américain ou du massacre en 2004 des enfants de Beslan, en Ossétie russe. Or cette
posture culpabilisatrice n'est pas seulement dangereuse pour le monde occidental, elle
est contraire à la vérité. Car la maladie que traverse l'islam est génétique. Elle est, en
effet, potentiellement contenue dans sa propre docbine religieuse.
L'Ulnmismf!, produir rlr. l'isl111n
Dans la Tradition islamique indiscutée, deux aires géographlques sont à
considérer : la Maison de l'islam et le monde des Infidèles. Soit encore, la géographie
de la Vérité et la géographie des erreurs. Tant que la "Vérité" n'aura pas triomphé des
erreurs, les deux mondes seront en guerre. C'est la raison pour laquelle la tradition
islamique nomme le monde des Infidèles, la Maison de la Guerre. L'objectif de la
Tradition islamique est alors double: consolider la géographie sounùse (islam signifie
soumission) et élargir au reste de la Terre la soumission. Le Coran contient un certain
nombre de références et d'occurrences portant sur la nécessité de mener un combat
chez les Infidèles d'une part, à l'intérieur de Soi d'autre part. La guerre sainte ou
guerre légale est bien une obligation pour lensemble de la communauté musulmane
au moins jusqu'au moment où, à défaut d'être convertis, les Infidèles paieront un
impôt spécifique faisant d'eux des tributaires. Un bon musulman se conforme donc à
l'obligation de guerre sainte, aussi bien à l'intérieur de lui-même, qu'à l'extérieur, en
portant le glaive contre les Infidèles. Un bon gouvernement est celui qui, d'une part
aide le musulman à être musulman (dans la Maison de l'Islam), d 'autre part contribue
à reculer les limites de la Maison de l'Islam.
La doctrine classique de l'Islam affirme donc très clairement que l'action armée
visant au triomphe de la Vérité, même temperée, n'en est pas moins obligatoire. Avec
les États non musulmans, seules des trêves temporaires sont possibles ; en aucun cas
des traités de paix définitifs. Le droit international classique com,"U par les nations
chrétiennes et repris par la civilis ation occidentale moderne est donc illégitime au
regard de la Tradition islamique conu11c le sont les gouvernements musulmans impies
qui s'y conforment en ayant ,ll'•andCltu'<' tout effort d'expansion d<' l'Islam. Autrement
dit, la doctrine classique de l'islam Cllntient potentiellement la gut'rre avec nous. Si les
islamistes sont forts, c'est d".ll•ord p.ltcc que pt•rsonne n'est en mesure d'établir
clairement que ce qu'ils discnt d font est contrairt• .'I l'islam. Preuve en est qu'aucune
autorité islan1ique, au-delt\ de 1<1 \'.'ondanlnation, n~ l('"s a jc.1n'1c1is exclus fortneUen1ent de
l'Oumn1a, de la con1n1un<1utë dl.•s "-"fll,Yilnts.
Deuxièmement, k•s islamistes sont cL1ut ,1nt plus forts que ceux qui tiennent
(~gaiement le pouvoir tcmp<lJ't'I sont foiblement lt'gitin1cs. En terre islamique, où
presque rien n'a été rendu à Cés ar, sans . .:t.•ssl' n.·111•~ en caus~. le puuvoir temporel doit
prouver qu'il agit conformcnwnt ,; (,1 Tr,1dition. S' il ne le fait p.1s, les hadiths (les dits
du Prophète Mohomet) et les vC!rsets du Cornn sont là, très nombreux, qui autori'i<'ront
111 l'fvolte contre le souvC!rain et son assassinat. L'insurgé, le juste devient l'ombre de
Dieu sur Terre. 11utorisé à éliminer le Prince impie. Car Mahomet est mort sam laiss.,r
de Fils. Or, à la différence de Jésus-Christ, il était un chef à la fois religieux cl politique
li a donc donné à l'Orient une légitimité religieuse, mnis il n'a pas légué de légitimité
politique.
Dans un monde où Io légitimité politique est déjà structurdlement faible, si les
dingeants sont en plus incapables de développer économiquement leur pays, de se
débarrasser de la corruption ou s'ils appar.üssent comme des jouets de l'Occ1d.,n1,
alors l'islomisme apparait nu peuple comme une porte de snlut. Or Nasser ou Saddarn
Hussein qui soutenaient autoritairement le repli de l'autorité religieuse derrière
l'autorité politique et l'occidentalisation du statut de la femme, ont été brisés par
Woshington parce que leur projet géopolitique de nation arabe était incompatible avec
le développement territorial d'lsra~I, donc sa sécurité. Le double échec
(développement et geopolitique) des modernistes du monde arabe a alors logiquement
cédé la place à un nouvel outil révolutionnaire, l'islam politique.
Le développement de l'islamisme est aussi le résultat de !'instrumentalisation qui
en a été faite par de nombreux États musulmans durant la Guerre froide et après. Pour
se débarrasser des islamistes les plus radicaux chez eux, ou pour déstabiliser leurs
voisins, ces États n'ont pas hésité à financer, former et armer des combattants du
djihad qu'ils ont envoyés se battre sur tous les fronts islamiques ou commettre des
attentats dans des capitales voisines. L'Arabie Saoudite et le Pakistan, forts du souhtm
américain à l'époque de la menace soviétique, portent une lourde responsabilité dans
le développement de mouvements islamistes radicaux partout dans le monde. L'Iran
de la Révolution islamique chiite a contribué, pour asseoir sa propre influence, à la
radicalisation des communautés chiites libanaise et irakienne. Le Soudan ou la Lib}'e
n'ont pas h~ité à soutenir des mouvements islamistes en Afrique subsaharienne
Méme des régimes nationalistes arabes, à tendance laïcisante à l'intérieur, comme la
Syrie et l'Irak baathistes, ont manipulé l'islamisme contre leurs adversaires, en même
temps qu'ils réprimaient cette mouvance chez eux. L ' Indonésie, nationalisme
musulman modéré et démocratie, n'a pas hésité à utiliser les islamistes les plus
radicaux pour réprimer dans le sang les tendances séparatistes des Chrétiens du
Timor, des Moluques ou des Célèbes.
Les États du monde musulman portent donc, collectivement, une part de
responsabilité dans l'essor de l'islam.isme car ils ont essayé de détourner l'énergie
radicale de l'islam de la critique de leurs propres fautes, vers leurs adversaires
musulmans ou occidentaux. De cette "realpolitik" de courte vue, l'islamisme a retiré de
l'argent, un savoir-faire, des réseaux, des armes et l<1 conviction renforcée de la
décadence des États musulmans.
Le grand malheur de l'islam, c'est aussi que les versions les plus rigoristes el
djihadiques de l'islam sunnite se trouvent dans le cœur pétrolier du monde. Nous
l'avons souligné, l'islam est divers et varié. Mais l'une des formes les plus extrémistes
de l'islam, le wahhabisme (sorte de protestantisme de l'islam issu d'une réforme du
sunnisme) est aussi l'une des plus riches grâce au pétrole de l'Arabie Saoudite <'l ,\Io
gestion des Lieux saints (La Mecque et Médine) .
En d'autres termes, en islam, l'intégriste est riche, ce qui n'est pas le c.1s Jan~ I""
autres civilisations.
On le voit, l'islamisme est donc d'abord un produit de l'i~lam, de son contenu, d<
ses échecs, de son lien avec l'économie rentière du pétrole . Il découle de cd.1
qu'angélisme et repentance occidentales (surtout européenne d ' ailleurs) ne pcu\'col
qu'être mortifères.
Ch.op11re 3. La religion
L'islamisme est aussi Je produit de ce que les puissances occidentales ont fait à
l'intérieur du monde musulman, et en particulier du monde arabe. Ces puissanœ5 ont
créé Jsral!I, traumatisme majeur qui reste le cœur nucléaire du ressentiment islamique
contre l'Occident. Et surtout, en plus de cinquante-cinq ans, elles n'ont jamais su (ou
pu) trouver de solution au problème palestinien, c'est-à-dire un véritable État, autre
chose qu'un morceau tacheté d'enclaves. Le lien inconditionnel. à la fois stratégique et
idéologique (peul-être même religieux) entre les États-Unis et lsral!I en est la cause
première, bien au-delà des divisions arabes et des incohérences palestiniennes. Durant
toute le Guerre froide, en même temps qu'ils faisaient échec aux nationalismes arabe et
palestinien, les États-Unis d'Amérique soutenaient les mouvements islamise pour
faire obstacle à J'influence soviétique. En plein processus d'Oslo, au début des années
1990, l'État d'lsral!I favorisait l'implantation du Hamas en Cisjordanie pour faire
contrepoids à l'OLP de Yasser Arafat 1 . Autrement dit, pendant que l'on discutait avec
ceux qui étaient prêts à renoncer à la reconquête de la Palestine entière et â accepter un
petit État (Cisjordanie et Gaza), on faisait le jeu de ceux qui, non seulement restaient
fidèles à la ligne originelle de la résistance palestinienne, mais, plus grave encore,
intégraient celle-ci dans la cause mondiale de l'islam. Le coup de grâce donné à l'État
irakien baathiste en 2003, après une première guerre en 1991 puis dix années
d'embargo, est l'aboutissement de cinquante années de politique israélo-américaine au
Moyen-Orient qui auront mené à la destruction du projet d ' unité arabe et au
renforcement du sentiment d'unité islamique. Il suffit d'entendre ce que dit la rue
musulmane : nous avons le choix entre ceux pour lesquels l'islamisme est le produit
instrumentalisé des politiques israélienne et américaine, et ceux qui soutiennent que
l'islamisme est la réaction à ces deux "impérialismes". Et si les deux avaient
simultanément raison? Cet ennemi islamiste que l'armée américaine traque partout
dans le monde n'est-il pas en même temps un puissant allié objectif sur le plan
géopolitique? Après tout, depuis le 11 septembre 2001, les Américains n'ont-ils pas
tout à la fois, unilatéralement déchiré le traité ABM interdisant le déploiement de
défenses anti-missiles puis envahi l'Irak, pris pied en Asie centrale aux portes de la
Russie et de la Chine et renforcé l'atlantisme de l'Europe par l'élargissement 7 Que
pèsent alors les quelques milliers de destin personnels anéantis par le terrorisme,
quand, dans le même tenlps, vous augmentez votre sécurité énergétique ; vous ruinez
le projet d'Europe-puissance indépendante ; vous projetez les frontières de l'O.T A.N.
jusqu'à la Russie et la Chine (seule puissance capable de remettre en cause votre
suprématie au cours de ce siècle) ; vous dopez les secteurs innovants de votre
économie en relançant celle-ci par la guerre ; vous restaurez la cohésion patriotique de
votre pays confronté au dHi des fractures ethniques (asiatisation et latinisation des
États-Unis) ; vous faîtes le jeu d'lsrat!l qui ne veut pas d'État palestinien?
Après tout, ce ne serait pas la première fois dans l'histoire que lïs.lam se trouverait
instrumentalisé par une puissance chrétienne! Pour débarquer en Égypte en 1798,
Bonaparte proclama à l'adresse des musulmans que la Révolution française était leur
amie . .. et !'ennemie du christianisme. Malte, bastion chretien sur la route de l'Égypte,
en fit les frais. À la fin du XIX•' .-iècle. lAllemagne impériale aidée de ses alliés turcs
1 On se S\lU\ îcnl o.1u ·n ln tin tk .;,m u~~th: . h'US h:s 111'!J1as ........, h.knt:au..' J1:o;.a.k:nt J..: Ya.,~ r Anafat ~u ·11 tb.it le pnoc1pal ~le
li la rai11. dans ln re~mn. qu ' il Jc\·.;ut ,11sr•u~ntn..· ,,... la s.:ê no.: l"'liu~Ul'. Araf•t CSI n'M.'r1 . 11 n ' y
3. J'l&S J ' Élal palcstituC'll. k Hama est au
(k)U\'Olf en r11lc!ltmc o..:t.:u~c . la fra.;ture entre d 'un .:t\1(- lsnt.~I ~t IN l:tnls-l ' ni'i.. Je- ' ' :sultC .,·,\11: l'Iran, lu S)"rit. ~ Libm (•'"« k
llt'zt'if.111Ah}s't'S1C~U!'>L.>t.'
l 1arlit• .l Pcnuarrr11u da idt11l1lh
chercha à faire croire aux musulmans d'Inde dont elle souhaitait le soul~vement contr~
l'Angleterre, que Guillaume Il s'était secrètement converti à l'islam .. .
LA Mut"' d'an" '"..flnlnt.. "' inj1ur,. .., /,. mfprù ,l'•m• ·1-~ 11rop,. imnwrulr"
Le reniement de soi-même propre à !'Européen est aussi l'une des causes
expliquant la progression de l'islamisme dans l'islam. L'islam s'éloigne del' Amérique
car il la trouve injuste, mais il s'éloigne aussi de l'Europe car il la trouve immorale. La
promotion en Europe de l'homosexualité (mariage et adoption) inspire plus que du
mépris chez les musulmans: une horreur qui confine à la perception d ' un objet
satanique. D'un côté, il y a la Malaisie, où un ancien premier ministre a fait six ans de
prison parce qu'il avait corrompu son entourage pour dissimuler son homosexualité.
de rautre, l'Union européenne qui décrète !'Inquisition contre un commissaire
européen "coupable de cathobcisme traditionneJ"l . En réalité, la vieille Europe
n'inspire plus assez de respect pour que les musulmans aient, en majorité, envie de s'y
assimiler. Ses État:rprovidence distribuent, mais ils n ' assimilent plus. li suffit de
regarder les chaines arabes et musulmanes pour le comprendre. On s' y déchaine
autant contre l'impérialisme américain, que contre le la"fcisme français (qualifié
d'idéologie athée) ou contre la dérive généralisée des mœurs. Dans ces conditions, la
résurgence du voile doit être comprise, non seulement comme un symptôme de réveil
géopolitique (ce qu'elle est), mais aussi comme un symptôme de résistance morale. Qui
plus est. le fait que dix hommes ceinturés d'explosifs aient pu, par leur capacité de
sacrifice, changer d'un coup le gouvernement et la politique étrangère de l'Espagne, la
seule nation dans le monde qui se soit rechristianisée après avoir été durablement
envahie par l'islam (Reconquista), est perçu dans le monde musulman comme la
marque d'une réelle fatigue de l'Europe.
Dans trente ans, la rive Nord des pays chrétiens de la Méditerranée aura gagné six
millions d'habitants. Dans le même temps, la rive sud des pays musulmans en aura
gagné œnl 0 y aura alors 340 millions de musulmans jeunes autour de la Méditerranée
et seulement 170 millions d'Européens (mais âgés). D'ici là, si l'Occident et ses alliés
modérés du monde musulman ne réussissent pas à faire échec à l'islam politique,
l'Europe ne vivra plus en paix.
•L'Orient i!SI l'Oritnt et l'Occidmt est l'Occidet1t, l!t les deux ne SL' rcuco11trcro11t jamais"
Rudyard Kipling2
"~ Muslims were a ll1reat Io Westent 01riste11dom long l11!forc tlley lJccnme n problem" 3
"L 'idil! qut l'Occide11t ~fait de l 'islam lt• met tro11 rnrct7wnl L'IJ situnliou de ttinloguc"4
1 L"•fT•lrc "Rocco Busi1honc •• en 2004 . Cc cumm1ssairc européen de n.o.1 ;011111i 1t.? 11.ahcnnc avo11 puhh~ucmcnl afJicM sa
rtprotmlum mDr31C m J'hufnOSCJl&&all lt
2 "'Eut i1 &Il and Wal &a Wnl, and ncvcr the 1wain ioholl mccl" .
l J. SCHACHT. C.E. BOSWORTH . nr~ l~sm:y CJ/IJ/ani . Odord, Oxfon.I Umvcnlilly l'n:!$N, l 1J79, p. 1} .
4 J HERQUE, L'Islam aM t.:mp• Ju mm1dr, rari11, SmJbad , l'JK4 , p. 227
CNpltre 3. La r•liglon 461
musulmane qui menace d'investir toute l'Europe. La réalité historique est toute autre :
nous tenterons de mettre en lumière ici la Realpo/itik menée par les Carolingiens dans
un contexte de construction uni ta ire de la France.
Cirt" 9 : Le choc des civilis.ations SC!lon Huntington
1 H. PIRENNE, U LYON . /\. liUILLOU. 1: lrABRIELI . tl Sl-ElJt::R . .\luhumt•I .,., ç 1w.1,.;.7rkl)......_. ~~~- uÛlltt rt Orci"""'1
Wru 1.: h1Ju1 .Hc•l't'n -..f,i:l·. Jnc.a lhxk. l 9l"h . I' 1o~ .
2 J. MICIŒLET. Hi"tu in.• dl· fhmn ·. 1 1 L..: Moy1.·n-.-\.~1..· . p ~ 1 0
l P SÉNAC. l 'inwg1· 1k l :iutrt·. //1 ...1111rr. J..· l'l"-·1·1J..,11 màli.:n~l fût.·•: u lhlum. Puu.. Flammanon.. l~ . p. !4.
~ 14"nal1•s Rq:m Fmn c.in11~1 . ni . Kune l lomwn= , 1~N5 . r . q..a _Cué par Phihrrii:- SÊNAC
' "Celle •IHrmcc p ;'lhtiquc Cl 1mr1c lnuma fon mol. ~tu.nnz• fui n:"S.'\Cl'Ti ..b.n!I- Uft(' fonC""rn.'W' ru ANkr·R.ah.llllll. liculftlel dLI
...ahrc, ci n'C\ llD la CD('ll\'llé que f'llr lt1 mon Il S'-" rn..;.,.· 1p110 Lill hau t J'un n.-Mr La J'llUvtT fmn~;aisc f\&l m\»o,.·tt au tCnil ..tu..:alife
de 01nw.. Les Arabes fm.nch1ren1 les Pyren~es : Emies lul bauu 1."0nln'I< !kl('I ~ - .\lais. k=- FrmK"S ctP.·rnimcs se rt'GDU"ml • lw.
rt lbules Moncl l'aiûa. à les rcp.lu.,,scr il 11,uttcrs ~ · 1:-:. L' Aq1.1iLal11t, ~"-\OYUncuir J"irnpwssark-c.. >C tn'IUYa Jam WtC' sanie de
dipmd&ncC"d l'él(•nl 1.ks Fn:11m;s ." , 111 J MICllf.LEl" . Hi.'flvin.· ,1.· 1-'rt1nn·. 1 1 l.c M1.1)-cn-Age. p. ::?O.
462 1•11,.lw .1 l 1rnHn,,n1n• tir"!' i1/tulitr.
s'cmJ><lre de l'Aquitaine; Il occupe les villes d'Aquitaine mais ne '"' préoccupe pas cfo~
Arabes qui o..-.."Upcnt le~ régions de Narbonne et d'Arles. Pendanl au moins quatrl' an~.
les côte< du Golfe du Lion sont coup<!es par l'Islam• . Dnns les zones occupées <le la
Gaule méridionale, peu de traces de révoltes sont recensées cont-re l'occupant
musulman; l'administration musulnumc conserve aux chrélicns leur eu Ile. Narbonne
re.•re ,, la téte d 'un siè~ archiépiscopal qui regroupe plusieurs c'.!vèchés de la rl>i;ion,
comme Bt'ziers, Carcassonne ou Maguelone. Contrnircment ,1ux terres pc'.!riphériquL'S
qui sont uniquement razziées, la Septimanie connaît comme l'Espagne la civilisation
musulman~.
En 741, le fils d'Eudes, Hunald relève le défi de la lutte anti-franque contre Pl>pin le
Bref; il tente de s'attirer l'appui de tous les ennemis possibles des Francs, Saxons,
Bavarois ... Les Francs brùlent le Berry, et rejettent Hunald derrière la Loire. La guerre
centrale semble bien ètre celle des Francs et des Aquitnins. En 760, la dynastie
omeyyade ne tient plus Damas mais depuis 756 Abd al-Rahman a fondé l'émirat de
Cordoue - qui deviendra un califat au x~ siècle. Alfonse le catholique relève la
monarchie des Goths dans les Asturies; en Septimanje les populations locales
commencent à s'agiter contre les Sarrasins qui se retranchent dans Narbonne. Les
Goths ont repris Nîmes, Maguelonne, Agde et Béziers; ils appellent les Francs en
renfort pour reprendre Narbonne. En réussissant à libérer Narbonne, les Francs
exercent maintenant une pression supplémentaire sur leurs ennemis aquitains : par
l'Est.
Les Francs d'Ostrasie - c'est-à-dire les Carolingiens, tandis que la Neustrie qui
triomphait sous les Mérovingiens n'est plus grand-chose - confirment leur alliance
avec l'Église en restaurant partout chez les Aquitains les biens de celle-ci3.
Ces Carolingiens qui mènent la lutte pour l'unité française et d'endiguement de
l'islam espagnol dans le sud du pays, pratiquent aussi la Realpolitik en matière
religieuse. Opposés à Cordoue et bientôt à Byzance, ils s'allient avec les musulmans
clissidenls du nord de l'Espagne et le califat abbasside de Bagdad4. Dès 768, Pépin le
Bref a reçu des ambassades du calife abbasside ; en 777, le gouverneur de Saragosse
s'est rendu auprès de Otarlemagne pour inviter celui-ci à se rendre en Espagne. En
802. le calife Harun al-Rachid dépêche à la cour de Charlemagne deux ambassadeurs
pour demander une alliance militaire5. La tradition franco-abbasside sera renouvelée
durant tout le l)(" siècle par Louis le Pieux et Charles le Chauve. li n'existe donc pas de
politique anti-islamique des Carolingiens.
Les Carolingiens sont en fait plus concentrés sur la lutte contre les Lombards et
Byzance que sur celle contre l'Islam, d'autant, faut-il le répéter, que celui-ci n'est pas un
bloc mais une diversité de puissances - comme l'Espagne ou les Abbassides de
Bagdad notamment. Entre le début du lXe siècle et 812, Lombards6 et Byzantins
l H. PtRENSE.., 8 LYON. A . GUILLOU. F GABRŒLI . H ST~UER. Mu/111mt'l 1·1 Clwrlcmt1,;11c.·, llJ·wr1n· u/am ,., lknJau
i:bu-U ha:u1 .,loym·Â1r. Jaca Bock.. 1986. p 108
2 P SENAC, L 'ùrwge Je: /'At#re, Huw1~ 1/f' l'Occ1Jt'ut m.;Jiél.'uljc1e:t! ll l 'ulom . Pan'.'i, f"lamm arion. 19R:l, p. 42-13
J On•~ dans cc hvn: une sccuon i l'allumcc ronda1ncc: pour 1,., J-"rancc tJcs Fram:s cl de l"r°:gh'il.' catholique
4 M . TALBI, .4ndolwian Dipfotnalic Rela1ion:1 "'itlt W~.rft'rn l::flrufJt! Juri11;: 1Jœ Unw) :,·ud 1•c•riu1I. Rcm11 , 1970, p lKO
S Httoun al-Jlachid •fit. dn~n. offrir 6. Charlemagne. cn1rc au1rcs choses . le s der.. tlu Smnl·SCrmkn:. pri!'scnt fort honorubk.
dont~ le roi do fr-nQ ne pouvaJI abuser. On répondit que le chef des infid~tc .. U\1011 tr.111 :rn11s à C harlcmognc Io sOU\-crainC1r
de Jtnaalcm. Une horloac sonnante, un singe:, un élq,hanl ll!lonntrcnt fort le s hommes de \'Oucs1 Il ne tient qu'O. nous Je cro1n: qut
le c:ar aipolClqUC 'tUC l'on moo~ 6. Al&-la-C:hapcllc est une dent de cet él..:phoni .", J Mll'lll '. LET. /11.,·tum· 1/c f'mnn.'. t 1 lt
MO)'C"-Àtc. p llS . Il CSl i11lb"cuanl de constater que la lét1ilîm1té Je la f"r:111cc i.ur le c ;uhuhc1s m .: 1l'Onc111 r111s.c ~s iwun:e1 lmn
awn1lesCrou.aidcs.
6 La l..ornt.rdi 9001d'onlPJIC1cnnan1quc : ils s'~abhsacnl en ltulic UU VIe s1i:c)c Cl fonJcnt 1111 (tnl pu1s1iulll Jmll l.3 Ul'Hllk
_. Pavie. Da ducMs lombards indtp:ndmns 50n1 cons1i1ut1 à Spnlé1c en 570 cl Uénévc111 en 5141> U1mus rrn Churlcm.ogne. ln
l..anbard.l ma.i.n1icnncn1 une dynutic • Ben~vent jusqu' en 1047.
Chapitre 3. La religion
111 . rlRENNE, B. LYON. A . GLllLLOU . F GABRIELI . H . STEliER. \f.ih<1m._. ,._. ,(ï1.irkmu-~ "c" ~=one,·. ulam~C3-.Yi.lrM
'1uu Ir hallt Moycn -ÂJ:t.'. Joco:. Rock. 19Mt1. p 67. \'oir Cgalcmcn1 W Hf.YO. lluruir.: .111 l·ommacc' d.I lA"lGtr"" ."°:'ov11-~.
Lc1pz1g. IRR5 · 1AM6, Adolf M . lfakkcn. éd . Amsterdam. IQ~) . r . K~ Rll "-"'Pn:ul entn: 1:1 Fr.uxc mè'T\....rÎft@l!lnllX' et ln ...'"'iln!licm
J'Eo111c ci Je S)T1C un lralîc 1rCs rtac1ir'. Il existe un ''UYragc nnportnnl Llui h.•nJ 3 cormb.>f'CT b 1hèsc de- f»in:nac lOUI Cil Dt.lmlÇID3l
ccllc,1, m se plaçanl i;ur le f k'U nt de \ 'UC des pn:u\'i.."S an:h ...~logi qucs R HODlil::': S, D WlllTEHOt:SE. .Uo#tœnlflJOi.. CNrl~
anJ lhl' nriguu of Eurofk' (:frd1m.-olog,y mu/ tire Pirt·mr.· tlh·.u .' 1. Duc: k.wo nh. l 9SJ. Ut! l'· .,lhc n ·.m..4\lf"l'mllOO o f lhc Mcdttcrnocc
..';li wcll 1ukancct.I hcfon: 1hc first Amh lnCUTShm" . r 1"'" ; l'i "'>km~.-n• Jr.; C;irolmgu:n .. Je la ~h."WtC'ITilPtt en bten n::.:1 . les
Carohng1cns \ionl profiler en rcvnm: hc :rn nnrJ tl'imf".lnD.nl cs ~u :mllh.""' J"3~1,,"1tt d~ AbN.--t"i i~ 1mrurt..-S dc-s ~ bo:h"lucs . ·ey
acN.nwmg mïJnufo.cturcû guo<ls for s 11\·cr. lu: Uf11.UCd . Charl ...· n...,, ~n ...• :mJ l;ucr . Lo u is Llblôlin-ed th..: ....-..:ahh .:ssc"ntlal roi- ~clopIDJ the
primlll\'C carohr1g11m t.'\:nnom)"' . p . 171 - 172
l "À cùtC de 1."CHC ll"nlplilltl, que Stntl l.:!oi l ·,tn41n: to.: i. i.1 l ttll~h,' lnfli. am!lt"C:. l.'.1 " ' peu \" IOk"flh.~ dc:îo Ü~ qw aprês
Jtu1ttlcs, n'ont ri!u.u i llu'd mngL' r le honl Je- 1.a. H.oman1a ''" · 1n H . PlRF.NNE . R . l YO!' . A CiUlLLOU. 1- GABRIELI.
H. STl!UF.R. Afahtim L't 1•1 Chm·/,•m111-!11,•. R.\-=•m,·1• 1"111111 ,., O, ·cid1·111 , /uns k h11u1 .l lu.n•n-..f~~·. J3i..'.";1 ~k. 1986, p. 68 .
.l -roml1s que lt.~ (icmuuns 11'1ml ncn il upf't• ... cr 11u dm slltl.llÎ smc Je l'Etnpi~ . ''"~ Arab...-s S1.mt e.ulllé's p.r UPC: fo1 oouvd&c.
C'csl cela. cl cela seul qui les n:nU inus .. mtilatllc s <..'ur f"4.'Ur le 1"1..-,,h..•. Hs n 'o nt fl&S rllü Je ~'· c-noons quC' Ms Germains cooai: le
nv1hu11on de ..:cu!l qu' ils ont conquis Au Clm1ra1rc, ils se l ' u.s..~irml.:111 .tn"(' WM: ètonnanlC' rapu.liu: : en s..."ica.'C. i1s se mcann à
rtcolc des G~,;. en 11r1, a ccllC' dc!'O C.n..-cs cl Uc" Pcr!le!ô. lla ne sunl mè:mc rœ fan.lll11q~ ~ J:u mu1ns au dêbu1. ~ o'aucadmt pa
Pn,.tic- 3 . P~ranma dn idmlilil
une question essentielle que celle de l'inassimilabilité qui est au cœur même du choc
des civilisations et qui se pose aujourd'hui de la même manière dans les questiona
ayant trait à l'immigmtion musulmane.
La thèse de Pirenne soulève plusieurs remarques. Elle postule l'existence d'une
Europe et d'une conscience chrétienne européenne ; or, au moment où l'Islam va
franchir le détroit de Gibraltar pour gagner l'Espagne, l'Occident chrétien n'est "qu'une
réalité théorique, presque fictive, où d'importantes clairières païennes subsistent
encore"1 . Le chnstianisme est encore mal diffusé en Europe. Le paganisme reste la
religion de toute l'Europe du Nord . En réalité, seules les populations qui se trouvent au
contact de l'Islam, sont mises brutalement au fait de ce qu'est cette nouvelle
civilisation. L'image première est conflictuelle, brutale, c'est un choc ethnique pl111
qu'un choc religieux. Jusqu'à la fin du XJe siècle, le monde latin ne différencie guèn.
l'islam du paganismel. Pour les Croisés encore, Allah est souvent considéré comme
une idole et non comme le Dieu transcendant.
En revanche, il parait plus plausible de parler de choc des civilisations religieU)( à
partir du moment où une véritable représentation - faussée ou non - de l'islam se
répand à travers les populations christianisées : on peut considérer que le XJie siècle en
est le véritable point de départ.
Carte 72 : L'expansion de l'islam au vne siècle
Carte 81 : La Gaule mérovingienne
Carte 82 : La Gaule carolingienne
Les conquêtes arabes sont d'abord perçues à l'époque c arolingienne comme un choc
ethnique et non comme un choc religieux; le passage de l'ethnique au religieux s'opère
par l'Espagne. Au milieu du JXe siècle, le clerc mozarabe Euloge4 joue un rôle dans
cette mutation. Issu d'une famille aisée de la région de Cordoue, il est aidé par un riche
chrétien d'origine juive, nommé Alvare, dans sa tentative de cristalliser l'opposition
religi~ de tous les chrétiens contre la domination mus ulmane. En 850, un prêtre
accusé d'avoir injurié Mahomet est exécuté : une révolte chrétienne éclate autour de
Cordoue. La répression de l'émir Abd al- Rahman II est terrible : de nombreux moines
et des nonnes sont martyrisés. Le bruit de cette opposition à la religion des occupants
mnwatir Lean sujdS. Mail ill vculcnl les faire oMfr au seul dieu, Alluh, â ~on prophète Mohomct , et , pu1squ'1I t1.ai' ~. A
fArabK. Leur religion univcncUc cs1 en mème temps nationale
[ . . 1 Le oou"·c:au aaltœ ne pcnncr plus que dans le rayon oü il domine o n puisse ét: huppcl" nu droit m usulnuin. a sa langue. [ 1
Avec r&11am. i;'c:st w nouveau monde qui s' introduil aur ca nvage.s m&.lilc1'1'9nCc ns, o il Rumc ov1u1 répamJu le synchri1isme dt la
avildalian. Une dâ::huurc k fait qui durna JUSQU'A nos jour." Aux bord-. du mo.-c N oslrum ~' é t endent désormais dcu11: Cl\'ilissbœs
dlffb'ma a hostiles El 5i de: nos JOUrs l ' Euro~nnc s'Clll subordonnCc l'A s1u1iquc. elle ne l'o pas assim1hk Ln mcr qm &VI.Il N
JUlqUC là 1r CCllD1: dc: Ili dft11m&e en dcvienl la fronuèrc L'umt C mOOitcrronCcnnc est bri~c . ", in H PIR ENNE. B l YOK
A. OUILLOU, F. GABRIELI . H ~UER , Mahomrr ri Churll!mus:ne. By-:an« L'. i:r l11m 1•1 On.'u/1.-·m tlam h· haut Alo.t'CfP-Âgr. JIQ
llod<. 1986. p. - .
1 P . SÊNAC. L 'iltta&~ dit l'Au1rr, HUto ;rc de l'OccuJrnt m Cd it'va/ fun: ù l'i!d u m , rnns, Flum mnnon . IQKJ , 191 p., r 11
2 •La noUom populauu du monde latin sur l'islam semblent avolr été fun peu cxuctcs ju.!l.qu'à la fin Ju XI~ i;iklc pu1~«'
c.auchcl moool~ M>fll 1bltralcmm1 conliidb1!s comme des pulcns", m M T J 'AI. VERNY . J.u <·mmu1.f...•w n1·1• <Ir l'is/U/lfl .!Al
r<J«idnu ,Mdli\u/, VanoNm, 1994, p . J62
J c. UAUZU. L 'i.rlœn ~' l'<kcûkn1. An:uuere, Paris. 19119. p. 8 .
'P. SÉNAC. L ''"'CC' de l'A1mv. l/Lstuire de POcxlllent médiévut fiJce 0 l'i.\'/um. Puri!i. Flomnut.rion, 1Q~J. p. 27· 21!1.
Chapitre 3. La religion
1 Dès 11 pn:mi~~ moitiC: du VIII" s.ikk. k tnt1tc de kan Dama..-..."-ènc. Oc Hacrcsibw. -- Dr l'herêttqUt ··-· B'il4Ùlc rtslam i ..
rnotl""C111all hën!t1'1UC' rn.1ehc de l 'anam~mc .
:? M .T . d'AL \'ERNY . Lu cimnai..~.mfl l'l' de: l'i~ lwn 11.ztL" /'(lcv:1Ckn' m..•.Ji&."'\·tJ/, \ 'an..xum,, tQq.t, p . ltt1.
3 "l'csthéuquc ~ m~lc tt.:t LI r aiffam..• à Angoultmc. il se ioni de tJoWrNr : .à Oloran il IJlllMIC'C' ; • Em:u.. Ll s'mlllidi&
davant&F · .es u111Lo;, sont ~f\1ss u:rs. ~"'!-> i.:he't.!\L'\ hns utt.-s, ses l<è"-n::s ~ ~ a ClanwJ•n·FcnanJ. ~ommc à (]mua..._ te v....rJ
Je la calhâint.lc l>U re~ plcnJll 1'11dnu1'1lhlc lcgcnJc Jr Chal~. ln 1..-orDh9nams sanasms out le .-r: ...... l'aliJ. obKul' dies
rapKm en quch:auc sonl..' . L'islam QOOll)TnC W: lalJcur:· t• . .SËNAC. L 'i...,, dt> l'A•tnt. H1.ou1n dr I~ -*'iii'tivJ ~ ô
l'üklln, rans. Flammarion. IOJll. - " 1
Ptrrtir 3 Pnmanmu dn idmtilh
haine des Arabes qui les brisaient. Le pape, qui était d'accord sur le fond avec 1~
chretiens d'Orient, laissa pourtant faire Charlemagne. Il se montra également prudent
lor.;que 1•i;glise> de France, à l'imitation de celle de l'Espagne, ajouta au symbole de
Nictt que le Saint-Esprit proœde aussi du Fils.
Cetes. l'Islam affronte le christianisme, mais en même temps, comme le fait
remarquer Lucien Febvre, le Gd Campéador a servi sept ans l'émir de Saragosse tandis
que le grand vizir Al-Mansour a saccagé Compostelle avec des soldats chrétiens et que
le Nonnand Robert Guiscard rétablira le pape sur son trône avec des soldab
musulmans'.
Enfin. il est couramment admis en Occident que l'Islam aurait été plus tolérant à
l'égard des chrétiens que les Européens à l'égard de l'Islam. En réalité les deux postures
sont comparables : comme il y eut toujours des chrétiens dans le monde arabe - ils
disparurent cependant complètement du Maghreb - il y eut longtemps des
musulmans en terre chrétienne. En Espagne avec les mozarabes jusqu'en 1609 et en
France, à Narbonne en particulier jusqu'en 1612, des communautés résiduelles se
maintinrentl. Si ces communautés disparaissent au xvue siècle c'est en réalité plus du
fait de la Contre-Réforme et de l'impératif de préservation du catholicisme contre le
protestantisme, que par le fait d'une politique anti-islarnique. C'est encore la Realpolihl
qui prévaut.
l /ckm. P- :?2-:\5 ; J . GODECHOT, Hino1n.- dt.• i\tdllt.>. Pans. P.l 1.F .• 19:'i2.. p. l.:!-.::1.
2 •J\.tallc a connu tous les cnvùns..c;;curs . les hcu.11;. }' portent des ao~ tlK'-"S, anl:c::s.. ~"BIS.. 1iallllClllS.. cspllllmb.. ..pus..
comme la mer y rune: 1ou1es les formes de barques . depuis La gonJ..tlie il .Jal~ et l~ r'douqucs jU5t1U'aw.: ian.re am. ooms dit slliaC5 et
a11.1. t.rqu-=s de Jtb.:hc omCcs. i::om1n,• il l\'?tn1.\·c k s _1unqul!:s chmo1si..~ J')ni.' pemu;'" , in P \Kl R..Al'D. l ..1 Rml• Jn J~ Pwt5.
Arlta. 19K9, p. :l:?
3 J. GOOECllOT. Jlu1, nn..· J,· .H11l1c-, Pu.ris, Pl'~ . 1~5'~ . p . .Zi-'.'5
4( ' BAllR .- 'IN. C l:JONNET . L,·s I'h. ;n;,-,..,u Af,,,-,,,, ,J..·.~
·cinhsalion.." U ..
; J GOOECllOT. H i.cr,,,,.,. 1/1· .\f, ,/t, ·. Pan:o .1' t :. F. 1-.1:..::. p . I~
0 '"""- p 16-17
1 lli1d,.,,. , r IR-:?O
Depuis près de deux siècles, Arabes et Byzantins luttent pour la domination do
œtre m<'r. La prise de Malte par les Arabes! scelle la domination des musulmans sur la
M~itl'rranée, laquelle va durer environ deux siècles sans être contestée.
La conqu~te arabe bouleverse une nouvelle fois l'identité maltaise. La plupart des
Maltais se convertissent à l'islam2. Un petit nombre d'Arabes et surtout de Berbèrn, 1e
Axe dans l'archipel .
Au XI• siècle, les esclaves manquent sur les places méditerranéennes; les Arabes
transforment alors Malte en un nid de corsaires. De Malte, ils rayonnent vers le5 côtes
des pays chrétiens, font des razzias, et ramènent de nombreux captifs dans l'ile .
Malte s'installe alors dans un rôle qu'elle conserve mille ans: une base de la Course
et un centre d'esclavage.
En 1090. l'ile est conquise par les Normands du comte Roger3. Son père, Tancrède
de 1-lautl'viUe, revenant d'un pèlerinage en Palestine a conquis avant lui l'Italie du Sud.
Depuis 1085, Roger est maitre de la Sicile.
La conquête normande est un fait majeur de l'histoire de la Méditerranée : elle rend
Maire au christianisme et donne aux chrétiens le contrôle d'une Méditerranée qui,.
depui& deux cents ans, était un lac musulman. Grâce à Malte et aux postes normands
de la côte d'Afrique du Nord, les chrétiens coupent les communications entre les États
arabes de l'Est - Empire fatimide4 d'Égypte et de Syrie - et ceux de l'Ouest - Empire
a.lmoravide5 du Maroc et d'Espagne.
Fort de œ contrôle maritime, les chrétiens peuvent se lancer dans l'aventure des
Croisades'>.
Carte 85 : Les Croisades et les États croisés du Levant
Pendant tout le Moyen-Âge, entre le XIIIe et le XVIe siècle, les États chrétiens sont
les nouveaux maîtres de la Méditerranée. L'archipel maltais suit le destin de la Sicile et
est soumis à des dominations variées : après les Normands, les empereurs souabes,
dont le dernier descendant est Conradin qui cesse de régner en 1266, puis Charles
d'Anjou, frère de Saint-Louis. Mais en 1282, lors des vêpres siciliennes, les Français
sont massacrés en Sicile7 ; ils se maintiennent cependant à Malle, avant d'y ~
supplantés par les Espagnols durant deux cent cinquante ans : les Aragonais jusqu'en
1410, puis les souverains de Castille jusqu'à la donation des iles à !'Ordre de Malte, par
Charles Quint en 1530.
Pendant tout ce temps, Malte continue à vivre de la Course, c 'est-à-dire d'une forme
de piraterie!'. Contrairement aux idées reçues, les Maures ne sont pas les seuls pirates
1 •M..t.1c tien occupi!r uoc pn:mi~~ fois enl~ 820 et 827 , puis détini11vcm.:n1 . avant 870, et 1otalemcn1 anbls.tc ~lit
da&a 5*.:b de dominatioo des Mu.ulmans.• , m X . de PLANHOL, /. 'islum t:I lu ,,..._.r, (Lu ,,m~qut:e! ~r le mute/u t. nr-.\.'\"' ,,,,m.,
Parv.. Pana. 2000, coll. "H111oire c:t décadence·, p. 28 .
2 J. 000&.liOT, Hutoirr dr Mult~. Paru, P. U .F. 19S2. p . 2 l-21t. Notons cep.:nd1m1. qu'au dcpan , 1~ familles cb:ri1iicmct
M1111.plua6l c!ublic:a a GoZD qu·• Malte un recensement de 1241 Lionne é Muhc 47 furn1llcs chrtticnncs, 6tll fam1lla ~, i
Gazo, 201 Wml.la ~ . IS!j: fanulles mLüulmancs. an H. BLOUET, Th.- .\ ·tory· nf Malta, London. Prog:rcu PT'C'U. 199J. p. l~
J P AUBE. La nrtpi'~~ nonnm.ds d'Orun1 fXl'-XJ/f'" iit!1: le), Pans , Uachcllc Pluriel, l 91:i15, p 'i 1-99.
4 A. MIQUEL. L '/1/um rt su C"frilualion (V/l'-XX"' ûi!ch•J, be ed ., Paris, Anmmd Colin. 1990, p 174- 176.
Sl"-,p. 191.
6R. GJtOUSSET . û~ CruuuJ.a , Pari5. P U.t· . 1994. coll .. Quadngc"
7 B. BLOUET. 71k-~IW)'Of Mo/ru. London, Pro~ Press , 1993, p 40
1 N'um tni1om du problème dC' 11 p1,.terie dans le ch•p11rc consacré au L:rime inlemollonal en signalant c....-pcnd&.Dt ~- •
que~ de. fOl'lnn DOUVrllrs. la pinucnc manllmc est une pcmumcncc: d..: l' h1stolre . "Jusqu'au XIX" sib:k . la cowv a•°""'~
fil. en M~. la; f.Mk compaa.nc du commerce Pour ln lies elle Cluil souvcn1 une nCccssiu~. unC' quC"Stion Je \ W•• ..k
mort d fallad M' nou.nir Les Malla15 onl p,.hqu~ la pinr.tcrie comme les a.utrcs nveraios Je lu Médilcrnntt ."', in J. GOOfClkn.
H&.IOindtt Maire, Paru. P.U.f. 19S2. p . JO .
duipilft 3. La ftligion
de la Méditerranée; les Maltais razzient sur les cOtes tuniiriennes, ou à Tripoli; les
Génois et les Vénitiens ne sont pas en reste.
L'Ue de Malte est petite et son sol est stérile; il ne peut y avoir de ric1- agria>le
puis à partir de celle-ci, formation d'une noblesse terrienne. Les grands seigneurs à
Malte sont corsaires ou pirates, les riches bourgeois sont armaœun et CIOUllllerçanW -
nous avons là l'exemple d'une détermination de la l!IOCiologie par les caractéristique
fondamentales de la géographie ; sur cette question, nous ttnvoyon11 au chapiùe
consacré à la fonction géopolitique de la catégorie socio-«:onomique.
1 ~L'Empire romain d'Oricn1 fut fondit par ConSlaou.a le Gmnd 1.111 lundi l l IDILI. :nu. il pri1 fm m t-tl ?t-. J'4.SJ. 0-..
ca m1llr cent vmgt -tro1s années Cl d1:\ - hw1 J01.U"'!'. qua.tte-.\ingt-hwt bumiD:::5 ~1 femmes ocaap!ftDI. te- ll1lm l!llpil:ilr~ a
JJ NORWICH. Histuirt' dr B_,-:,mn! (.JJU-/4J.3J. Pa.ris. Pnrin. r~. p. -03 .
2 A SUTIIERLAND. The '"-hir,·vmc-nb u/tlttc- Kn(ll.ht." o.f.\J.Jltu, Malta.. 19Q1. p. 7-IO
3 Pour l'lus1om: de l"Onirr Ju.squ'i Rh1,;1c.h:s, H.m H .J.A . SIRI::. 'I'1k- K,.,~ uf .'611.w. ~Yale \Jnivcnd)· Ph:a.. 1994.,
p. J-73 .
4 J. GOOECHOT. Jlurum: ,J.: .\fi.llr.-. Pans, P .L .F. llJS:?. p. "7-39
S HJ.A . SIRE. The J\.11 i1thlJ. uj .\'4.AJtu, Lo1uJun, ' ' ale t..:nl'"crsll)· P'rc-:u. )9'W, p. 11 S-1 .ll.
6l*"'·P· 139-1!-Y.
- l'Italie dispo..<1.• d'une seule langue t ;
-jusqu'au XVIII•" il existe une langue anglais~; mais l'Angleterre étant de plus en
plus prore.tante, celre langue "devient", en 1784, anglo-bavilroise, et son foyer de
rattachement est l'Allt>magne du Sud ;
- l'Allemngnc a une langue'.
le Grand llidtir..• a les attributs de la souveraineté et possède des droits régaliens.
On l'apf"'lle éminence : il bat monnaie, entretient la diplomatie auprès des souverains
de Fran,~. d'Espagne, d 'Angleterre et d'Autriche. L'influence prépondérante de la
France ..si soulignée p.ir un signe évident de vassalité: le Grand Maître est tenu
d'appder le Roi de France. "Mon Souverain Seigneur" et par le nombre de Grands
Maitres français dans l'histoire de l'Ordre : 44 sur 68.
l'Ordre est agité par les soubresauts du conflit qui oppose Charles Quint el
François t•r : les Chevaliers de Malte ne peuvent théoriquement combattre un État
~tien, or la France s'est alliée à Soliman pour faire contrepoids au poids de l'Empire
catholique5. Entre 1536 et 1553, l'Ordre est dirigé par un Espagnol el s'est rangé
demère Charles Quint pour combattre les Ottomans.
Carte 83 ; La France face aux Habsbourg et l'alliance avec les princes protestants et les
Turcs
L'épisode de la perte de Tripoli par l'Ordre de Malte illustre la querelle vive qui
déchire les chevahers français el espagnols, les seconds accusant les prerrtiers de trahir
la cause chrétienne et de ménager les Ottomans dans le but de servir la France.
En 1559, la paix est rétablie entre la France et l 'Espagne. L'Ordre est de nouveau
ronln'ilé par les Français - La Valette est le nouveau Grand Maître - ; il remporte des
\'ictoires brillantes à Malte en 1565 et à Lépante en 15716 .
Dans le derniers tiers du XVIe siècle, la Méditerranée cesse d'être un théâtre
d'affrontement ma1eur_ Les conflits se déplacent vers l'océan Atlantique et opposent
l'Angleterre, les Pays-Bas, la France et l'Espagne . L 'importance de la flotte maltaise
décline7.
Durant les XVII• et XVIIIe siècles, Malte se concentre sur la Course qui continue de
lui apporter de confortables revenus; !'Ordre prélève dix pour cent des prises. Le trafic
d 'esclaves reste florissant. Mais la piraterie est codifiée et ne doit pas s'attaquer aux
bàtiments chrétiens. Les Turcs, victimes de la piraterie maltaise ont pour habitude de
se venger sur les pavillons européens qui fournissent des chevaliers à l'Ordre . les
Anglais, qui restent à l'extérieur de l'organisation multinationale européenne sonl
épargnés par les représailles turques et leur commerce en Méditerranée profite
grandement de cette situation. Au contraire, le commerce français qui est très
développé vers le Levant - grâce au système des CapitulationsB - est gêné par les
représailles•.
1 /bfJ., p. 160-1 n;
'!/Md... p. li6-191
J ftiiJ.p 192-lOlt
-1 A Sl.'llfER.l.AND , T1tr Aclut'n.'m t!nlJ of 1/1t.> Kniglth t1f Mullu , Mallu, llJ 1J7 . le db.:nup11~c de"' 1.:hup1lrc!lo ti c cc du~1q.x ..k
'1:uslotn:dtMalki.wl lac.hronolo@~ dn ~nd.s Malt.-e'I . J <iODl:CllOT , ll1.t 111ir1.· dt• Mallt'. Pnris , r li f .. 19 5~ . r - 19-11 .
! Naos •\UH ru rOCQ.1.1on dtjà de JUl'llfiCT c~ l1c 3Jl11mcc fran~;UI~ dans une sec, io n rrCcCdt:ntc
6 O. BLOUET, Pw u ury· of .\taira. l.A>ndon. Progrns rrcn, lfJQJ , fl . 47 -<.R.
7 J. GODEOtOT. llu1a1n-tkAfolr.-. hns. PU f .. 195:? , p. S5
1 Mp HOMSV, Ln (lJt11tulatwru ~1 lu prY1fu1111n J1.•Ji d1re11,•1u 1111 Pnwht •- Ori,·m fou:r XVf' . .\ï··tr ,., .\'J · I/~ .fifr /,·.fJ , 1mr St.
ha.il, 11.Uu. Ubaa, l'i156.
'il Dam im ouvrage rtina1quabh: 1ur le l'rochc -Oncnt , Jean Pichon suull"nc que hu:-n plus lnnJ , l'uhondun r ur la franc.-.: Je\
~ - · confcrmcc dt Monlmll de 1916 ·-· rn:m ..fucr-J la fin de" pnv1lcgcs fmnçnii;. \Ill Lc..,orn cl un tl."'CU! J'1nnucn:"
ID8jcur J. PICHON. U partu1:rdu Prtw.·h1:-0rlrm , Pans. J l'cyronncl cl Compagmc l ~d1twn"". l'>JH. r :::!.45
1
Chapitre 3 . La religion 471
Or jusqu'en 1680 l'influence espagnole reste très forte au sein de l'Ordre: l'Espagne
a des Grands maitres et elle règne sur le blé de Sicile qui nourrit Malte. Ennemie de la
France au XVII" siècle, l'Espagne pousse Malte à attaquer les Turcs en sachant que le
commerce français est la principale cible des représailles turques!.
A partir de 1680, l'influence espagnole sur !'Ordre décline au profit de celle de la
France. Au XVlll• siècle, les Français pèsent de manière prépondérante sur l'Ordre2: à
la veille de la Révolution, les deux tiers des chevaliers sont français et la moitié des
revenus de !'Ordre proviennent de la France; la Sicile est contrôlée par des Bourbons,
parents du roi de France et l'alimentation de Malte échappe donc à l'Espagne3.
Le commerce français en Méditerranée est très important. À la demande du roi de
France, Pinto, le Grand Maitre Portugais, défend à !'Ordre de se livrer à la Course dans
l'archipel. Désormais, les bâtiments français sont en sécurité dans la Méditerranée
orientale. La France qui est en guerre contre l'Angleterre de 1744 à 1748, de 1756 à 1763
et de 1778 à 1783 peut profiter des ports de Malte pour abriter ses convois.
Maltais et Français sont étroitement associés dans le commerce méditerranéen. En
1765, le roi de France décide même que les habitants des iles sous la domination de
l'Ordre de Malte "seraient tenus pour régnicoles dans le royaume de France, qu'ils
pourraient s'y établir, y acquérir des immeubles, et en disposer, tant entre vifs que par
testaments ... "4
On s'oriente de plus en plus vers l'assimilation des conditions légales des Maltais et
des Français. Nombreux sont les chevaliers de Malte que le "Grand Maitre" prèle au roi
de France pour servir dans ses vaisseaux, à l'image du bailli de Suffren.
Malte est le grand centre du conunerce français en Méditerranée dans la seconde
moitié du XVIII• siècle et la France est alors la première puissance commerciale de la
Méditerranée. Vers 1770 plus de 65 % des bâtiments qui ont mouillé à Malte sont
français 5 .
En 1786, un mémoire du Ministère des Affaires étrangères français expose que
"Malte rend à la France plus de services que si elle était une colonie et coûte moins cher
à garder" 6 .
Mais la Révolution française fait basculer ce magnifique équilibre franco-maltais.
Enivrés par les idées révolutionnaires, les bourgeois maltais reprochent à !'Ordre de
leur rendre impossible l'accès à de hauts postes, notamment à ceux de chevaliers. Les
revendications maltaises sont en plus attisées par des intérêts étrangers qui veulent
évincer la France de l'archipel.
La Russie de Catherine Il, dans le cadre de sa dynamique de poussée vers les mers
chaudes7 , s'emploie à jouer un rôle à Malte. En 1770, une escadre russe qui avait
pénétré en mer Égée, avait détruit la flotte turque. Les Russes ont tissé des liens
1 Sur la Course - li: Corso - : H .J A SIRE. Th,• Knights of .\laltll. London. Yale Una,.·cnity Press.. 1994. p. 89.
:?. J. GODECHOT, Histuln.· ,/,• ,\Juil,., Pans. P U .F., 195:?. p .."tN .
) lcl~m . p 61
4 /bid . p . ~I.
~ No1o ns tc1, en nous cfTon;anl de nlllL" t,.•n sou,cnir lon;quc nnU.'li ahcirùcrl•ns IC' fac:lC'ur IC"Chntqur. que- r1mport110C'C' ~~
dr Molle /, cc:ne Crtm,J\IC csl htt uu:o1. c11nu:1Cns114uc:o Je la Tiii\ igation '"Pt.1u~uo1 l'Cnc- 1mpoftlUK'C de Mali\:' ..lmLl le commerce
m«l11cmanécn. cl singulièrcmcni duns le i.:\1mnu.:rcc fronço1s llU. LC\"Ull ., D'ab..nd fNU'\."e o,{UC. du~ de 1.3 rm.vip1~ à "Voile. les
\'0)11gn ia lravcrs la Mtditcrronéc rcs1cn1 lents et dttlkiles. Il n')' 11 guèn- eu Je proM,Tès Ju X\'lc- SJè\:lc au XVILI" s.aédc Di: Sroymc!
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6 hlt!m, p. til
7 A. C11AlJrkADJ:: . F . TUUAL. l>ù·tiumtuin * xftl1Jnliti<1m·. 2'" Cd. Part1>. Ellipses,.. aruclc '"Rmsic'".
472 l'trrlit· ."l Pt•nmm<'HCC! rit'~ 11lr11fllk
diplomatiques avec l'Ordre mais, dnns le ml?me temps, ils jouent la carie des
revendications maltaises.
Quant à l'Angleterre qui a perdu Minorque en 1783, elle cherche à s'nssurer d'un
nouvel appui slrdlégique en Méditerranée• . Nelson considère que les ports de Malle
sont 1:-ien meilleurs que ceux de Gibraltar et de Minorque et qu'un archipel maltais
anglais signifie la maitrise du commerce avec le golfe de Venise, Constantinople,
l'Égypte, el le Levant. Comprenant que les tourments de la Révolution française vont
affaiblir durablement la politique étrangère de la France, l'Angleterre envoie ses agents
dans l'archipel dans le but d'y discréditer à ln fois la politique de l'Ordre et celle de la
France.
Mais ce qui achève le travail de sape de l'influence française à Malte, ce sont les
décisions prises par la France révolutionnaire. En décidant de traiter les biens de
l'Ordre comme ceux du clergé français, la France perd l'amitié de l'Ordre2. Les
chambres de Commerce - Marseille notamment - avaient pourtant prévenu Paris : la
puissance commerciale française en Méditerranée dépend des bons rapports avec
Malte ; des députés de la Constituante avaient prédit que la nationalisation des biens
de l'Ordre obligerait la France à conquérir Malte pour la conserver.
L'idéologie l'emporte sur le réalisme géopolitique. En 1791, un décret prononce
même la déchéance de la nationalité française à tout membre d'un ordre chevalier.
Autant dire que la France abolit d'elle-même son influence dans !'Ordre de Malle. Les
changements d'attitude dans l'archipel maltais ne se font guère attendre : en 1797, pour
la première fois, l'Ordre élit à sa tête un Allemand. La France étant en guerre contre
l'Autriche, le geste est clair.
D ne reste plus à Bonaparte, en route vers l'Égypte, qu'à reconquérir Malle3. La
victoire française sur Malte est présentée aux musulmans d'Égypte comme un succès
des Lumières contre le catholicisme et un geste d'amitié à l'égard de l'Islam -
Bonaparte récupère les Lumières comme un instrument de Rcnlpolitik en terre d'islam'.
Cesl donc cette France qui a connu tant de succès en Méditerranée sous la
Monarchie, grâce à l'Ordre, qui, d'elle-même, dépose !'Ordre de Malte et met fin à
268 ans de domination de la chevalerie de Saint-Jean.
pkwCWl fol& •U 01rt:eio1rc et à l'iallcyrand :\Ur lii nêccH1lé c.1'.: s'cmpurcr c.k Malte , h11.o;c c!'iscn11cllc d'u11~mt1u11s d1111!1 lc l .c,·:inl •
4 ·u dwi.t de l'Ordrc c.lc Mille"" !ICO'lr la poli11quc 1slnnuq11c dl.!' Uormpar1c. Il .:n av1 s 1..• Ir ~ c1111!'iu ls cl' Alger , Tunis~• fnJ'l•l 1.
chMJ~ d"annonctT la bonne nouvelle ŒUll hcys de i;~ province~ aulmmmcs ." Jdi•m. p 31
) "'On 24 AUIU'I 1791! , the Mall~ hu<l h:amc1l 1ha1 lhc Frcm.:h llc-..:1 l1ad hccn llcfcalctl 111 Ahnuk ir Buy hy !lu: Mllyilf N~'~ .wr..I
tbat tbt Mala pmwn had bec-Orne 1cnuous'", H. OLOUET. 71w .don• o{ft,ft1/l11 , J.nndun , rroMn.:s~ l"rc ..,,. , l'JIJ.l . p . l 1J
Chapitre 3. Lo reltgion 473
Malte, les Anglais lancent en 1809 des expéditions dans l'Adriatique contre 11!11 iles
Ioniennes qu'ils occupent; c'est aussi grâce à Malte que les Anglais peuvent débarquer
en Albanie et aider le pacha albanais contre les Français1 •
La Course reprend, mais cette fois-ci se sont les bâtiments français qui en ll01lt
victimes.
C'est surtout le blocus continental qui contribue à la prospérité de l'archipel,, lequel
sert d'entrepôt aux marchandises britanniques envoyées sur le continent.
Malte revêt tant d'importance économique et stratégique que les Anglais assurent
'qu'aucune paix ne serait concevable à Londres qui ferait changer MaJœ de mains". On
peut d'ailleurs comprendre cette importance géopolitique à la lecture d'wte imcriplion
anglaise figurant en latin sur la façade du palais magistral à La Valetlle: "Magnae et
invictae Britanniae Europae vox et Melitensium amor has insu1as confirmat' : •A
l'Angleterre grande et invaincue, la voix de l'Europe et l'amour des Maltais confirment
la possession de ces îles."
Le traité de Paris du 30 mars 1814Z stipule sèchement dans son article 7: 'L'Ile de
Malte et ses dépendances appartiendront, en toute propriété et souveraineté à Sa
Majesté Britannique."
Pour les Anglais, la valeur stratégique et économique de Malte augmente encore
dans la seconde moitié du XIXe siècle lorsque le canal de Suez3 est percé. La
Méditerranée devient alors, pour l'Europe occidentale et méridionale, la route la plm
rapide vers les Indes.
Malte qui était jusqu'alors l'escale obligée pour le Levant,. devient aussi une escale
incontournable sur la route de l'Extrême-Orient4. Jusqu'en 1936, les Anglais
considèrent l'archipel comme la plus importante des bases jalonnant la Route des Indes
par la Méditerranée et le canal de Suez, les autres positions étant Gibraltar, Cltypœ.
Alexandrie, AdenS.
Durant la guerre 1914-1918, Malte est une base de départ des opérations militains
en Adriatique6 contre l'Autriche, et un relais pour les opérations du Proche-Orient;
c'est à partir de Malte que sont tentés le forcement des Dardanelles, l'expédition de
Salonique, et l'offensive de Macédoine7.
À partir de 1935, les Anglais doivent prendre en compte une nouvelle donnée
géopolitique : l'Italie fasciste est pro-allemande et sa proximité rend son aviation
dangereuse pour l'archipel. La menace du facteur aérien élève le prix de la défense de
Malte.
En Angleterre, deux écoles géopolitiques s'affrontent alors: l'école du Cap et l'école
de la Méditerranées.
Pour l'école du Cap, la Grande-Bretagne doit abandonner, en cas de guerre, la roub!
de la Méditerranée, et se contenter d'en verrouiller les dewt porte;, Gibraltar et Aden,.
consacrer ses ressources à fortifier la route du Cap qui, malgré sa plus grande longueur
- de Londres à Alexandrie, il y a 20 894 km par le Cap et S 574 par la Mêdill!rranée -
sera la plus sûre. .,
Celui qui défend la transcendance du facteur religieux sur l'hlstoire dira que la
Réforme bouleverse les données géopolitiques du monde; celui qui, au contraire.
soutient l'idée que la religion est un moyen du politique, lui répondra que la Réforme
est le produit de logiques politiques divergentes. Pourquoi s'opposer lorsque l'on a
raison ensemble? Pourquoi penser la religion et le politique de manière autonome lors
même qu'ils forment un même système où se mêlent les valeurs, la foi et les intérêts?
Luther prêche au moment où Charles, roi d'Espagne, prend le pouvoir sur l'Empire. Sa
prédication n'a pas pour seule conséquence la division de l'Europe chrétienne, elle
divise aussi l'Empire. L'Espagne se mêle alors des affaires religieuses de l'Allemagne ;
la France, bien que catholique, profite de cette conjoncture d'affaiblissement de
l'Empire par le protestantisme pour consolider sa souveraineté; et les Ottomans
poussent leur avantage en Europe centrale.
La religion n'explique donc pas l'histoire à la place du politique; pas plus qu'elle ne
doit ètre réduite à un simple instrument du polihque.
Qu'en est-il alors de la thèse d'un choc global des grandes religions?
L'inventaire des conflits où le religieux intervient montre que toutes les
configurations d'affrontement entre religions sont possibles ; qui plus est, le degré de
conflit entre deux religions données est très variable d'une situation identitaire à une
autre. Les cas triangulaires infirment la théorie d'un affrontement systématiqu.,ment
dual entre les religions; les "alliances" entre deux religions contre une troisième
infirment la thèse que les religions s'nffrontent entre elles, une à une, de manière
systématique.
On ne peut donc mettre en évidence les symptômes d'affrontement civilisationnel
cohérent et global, les contre-exemples mettant à bas toute tentative de systématisation.
Ce qui, en revanche, peut être avancé, est que la religion est un facteur aggravant dt'
tension, et ceci quelque soit la configuration religieuse considérée. Ce constat tend
d'ailleurs à démontrer qu'il y a supériorité du religieux conçu comme facl~ur
identitaire. sur le religieux conçu comme messnge spirituel. Pour autant, ne pt:irdons
pas de vue la dimension de la personne humaine : des hommes très croy.rnts l'i
11 ATIARD. IJntainunJMullu . Tlw flon · nftm f.:m, Maha , l~JHK, Jl 141 - IMl
Chapitre 3 . La religion 475
interprétant leur foi dans un sens pacifique, œuvrent à abaisser le niveau de violence
dans les querelles géopolitiques.
Le religieux possède une dimension géopolitique intrtnsèque. On a tenté d'illustrer
le lien fort qui existe entre la religion et la géographie; on a étudié ensuite les
phénomènes de territorialisation du religieux.
La religion peut participer à la construction étatique en affirmant une idmtité et
une différence dans des frontières, mais la religion peut aussi activer les
sécessionnismes qui affaiblissent le pouvoir central des États.
Finalement, pas plus que durant l'ère bipolaire où l'affrontement entre les États-
Unis et la Russie soviétique ne pouvait se réduire à une guerre entre Je capitalisme et Je
communisme, les conflits géopolitiques d'aujourd'hui ne peuvent être ramenés au seul
choc global des civilisations - au sens de grands ensembles religieux. Hier,
capitalisme et communisme étaient instrumentalisés en tant que repnsentations
géopolitiques; aujourd'hui, des vérités religieuses sont brandies pour sacraliser des
causes d'affrontement identitaires et nationalitaires, mais il y a une interpénétration
profonde de l'identité et du religieux.
On voit que des États peuvent, en politique étrangère, utiliser le levier religieux
pour faire avancer leurs intérêts, et cela mème s'ils ne sont pas de nature théocratique.
Enfin, il existe une dernière dimension, celle de l'existence de politiques des
religions qui sont détachées des réalités étatiques, qui disposent de leur propre
logique, et que l'on peut qualifier de transnationales.
Le fait religieux obéit à des dynamiques géopolitiques d 'ordre identitaire et
national plutôt qu'à des lois générales de conflictualité; toutefois, des dynamiques
globales viennent s'insérer dans le jeu local pour accentuer la dimension religieuse de
l'affrontement identitaire, et jouer le rôle de catalyseur.
Nous insistons sur notre conviction qu'il n'existe pas de loi génera.Ie de supériorité
d'un facteur géopolitique sur un autre; pour tenter d'effacer l'impression que l'érode
consacrée au facteur religieux peut laisser au lecteur, nous proposons de revenir sur le
problème kurde afin d'y constater la prééminence du facteur ethnique sur Je facteur
religieux.
Le non règlement de la question kurde remonte au traité de Sèvres du 10 août
19201. L'article 62 prévoit une autonomie locale qui ouvre la voie à l'indépendance des
Kurdes d'Anatolie orientale, tandis que l'article 64 précise que les Kurdes du vilayet de
Mossoul devront se rattacher à cet État2. Le Comité national turc ne l'entend œpendant
pas de cette oreille et revendique le maintien dans les frontières de la Turquie moderne
de l'intégralité des provinces kurdes. Après le traité de Lausanne du 24 juin 1923, une
ligne de démarcation provisoire dite "ligne de Bruxelles" - 29 octobre 1923 - sépare
en deux les Kurdes, entre une zone sous contrôle turc et une zone sous contrôle anglais
1 J.U. l>UROSELL. E. /11.-.101r. · ,J;1,/c •trWllt/W ,k /Y/Y ti ,,,,.., /t ii.r:.·. l lc- cJ .. ~. o.lloz. 199l. (l~ cd. 195.l). p. J).~
l C.J . t:DMONDS . l(11 rd ... Twr!.<i ,,mJ ...,...... /"oJ4Ut..·.1, rr.uv/ "'""' R.-., ......,n·lt i..- Sonlt-Lu.Mn. lrrMI 19 19-19.n . l'~S7 , p. U6-l 17
~ô-:.
TURQUIE
... M~;;~~~
Ki}~u •Téhéran
~ \.:........:J_:=::==:::t./
~ .
IRAN
~ llagdad
- CL>rrespondant au futur État irakien. La plus grande partie des Kurdes préfère le
mandat britannique au régime turc 1 • Le traité d'Ankara du 5 juin 1926 confirme la
"lignl' dl' Bruxelles" et laisse ainsi à l'Irak la province de Mossoul. Les Kurdes ont
,-.,pendant accepté les Anglais, pas les Arabes d'Irak. Avant même la fin du Mandat
llritannique sur l'Irak - 1932 - ils se soulèvent, refusant la domination des Arabes de
l,1 plaine. Les Kurdes sont pourtant sunnites comme les Arabes de la plaine irakienne,
L'I comme les Turcs qu'ils combattront aussi2. La solidarité sunnite ne l'a donc pas
l'mporté sur la différence ethnique.
Les Kurdes sont une ethnie iranienne3. Les populations kurdes qui peuplent le
Kurdistan iranien ne constituèrent jamais de foyer de rébellion à l'État iranien, au
moins jusqu'à la révolution islamique de 1979. Ils accédèrent même au trône impérial à
la fin du XVIlle siècle par le biais de la dynastie Zand d'origine kurde. Plusieurs tribus
combattirent aux côtés des Séfévides : les grands groupes des Moukri, des Beni
Ardelàn, des Djâff et des Kelhourr4 et la révolte d'lsmaïl Simko en 1922 fut une
extension à l'Iran du mouvement d'autonomie des Kurdes de Turquie et d'Irak.
L'allégeance ethnique des Kurdes iraniens est cependant compromise par la
Révolution islamique de 1979. Le Parti démocratique du Kurdistan aux bases laïques
supporte mal l'intégrisme chiite. À partir de 1985, les choses rentrent dans l'ordre.
\ J. et A. SELLIER, Atlas d es peuples d'Orient ( Muy en-Orient, C oru: as e. As it' n mtra/e) . P:r.ris, La Découvcnc, 1994.
2 J. WEULERSSE , Probli mes d'Irak. AG. p. 49 · 75 . 1934 : X . de PLANHOL Lt•s Nutions du Pruph~ re .Wonuel g'1ugraph1q~
~pol11ique musulmune. Paris. Fayard, 1993, p. 282 .
J "Les Kurdes des cendent de tribus de langue iranienne ins tallées li.ans l'actuel Kurdis1en plusieurs siklcs a ... mnl J.-C.", m J. cl
A SELLIER. Atlas dl!s peupl.:s d'Orient (Moyen-Orient. Ca ut.:1.ue. A.cir c entrult'), Paris, La O«OU\lenc. 1994 , p. 126 ; Le<
A. CHABRY . Pul i11que e t m ino r ités au Proc he- Orient (les rai.Jo ns d 'une f!Jf.plosio n), Paris. MoîsonnetJvc-Larose. 1987. p. 25 1-272
4 M. Van BRUINESSEN . .. Kurdish Tribc5 11.nd the St.ale of Iron : lhc Case of Simko's Revoit", in R. TAPPER. Tht conflicLJ of
hi~ o"d Stale in Iran and Afghanls1an, Londres el New York , 198) , p. 364-400.
5 f . BRAUDEL dir., la Méditerranée, L 'espace t!I l'his1oire, Paris, Flammarion, coll. "Champs·•, 198S. (1977 poW' la pranib'e
td1uon) : f . BRAUDEL, G . DUBY ùir.. la Médilerrani:e. Le.l· humm.:.f el l'hérituge, Paris, Flammarion. 1986, coll. "Champs".
1'11rl1t' J. l't•r•111mcn~ 11~ ulnttili!.
1 L FEBVllE. L'Ewuitw. ~
-·
d'111t1t c:"lluoliot1. P•n1. Penin. 1Y99.
2 ra. ,..._n 1.111 ta"me comcmporain qgj a~ choisi puur dhiper ka Êtats·Unis d · An~rique dan' l'~te pos1~\IUT'f
) H. Pli.DINE. B. LYON. A. GUIU.OU, F GABRIELI . H . STEUER. Mahomi!t l!I C:ltarlt!mugnl!. IJy:an,·e. /1/nm '' 0.:ciJntl
"""'11"-,..,,....,/11"· Joca 11ao*. 19M
Chapitre 3. t.... reliKl<•n
1 Y rERRIN, T UAUZOU, Vt· /,, ( '11é.1 /·1;·m l'1r,· h1.w, 1irt· J .. Ro>n1t·. rllno;.. f.lli~"'- 1~7. coll "'lJrui."Cni1Cs·. p. \~.2-191
4 l:J. Ll:!WlS, /.,..,. Ari1ht's dcJ1u l'l/Ltloin·. Aubic?r. P:iris , l'N.1, r . 40.
480 f'11rl1t• J . 1'1•rr11n11...·1rre 11~ îJt"nhli1
devenus des nlliés des S.1ssnnides dont ils protégeaient les Frontière!! occidentales. Cc
fut pour leur faire face que les Byz.,ntins, vers 500, choisirent de favoriser une aulrc
famille arabe, celle de Ghass<'ln, dont un des chefs al-Hàrith ibn Djabnla, fut nommé par
Justinien 'phylarque et patrice' après sa victoire sur un des rois lakhmides de Hira .
Ces Ghassanides, qui {>tnienl eux aussi des chrétiens, monophysites, occupaient
surtout la Jordanie, mais ilVilicnt pour mission de protéger tout l'ancien limes romain de
Syrie; l'exp('dition sassanide contre ln Palestine en 613-6"14 les dispersa pratiquement.
Lakhmides et Ghassanides participaient en tout cas à une mème culture plus évolul'e
que celle des tribus nomddes de l'Arabie.'' 1
L'émergence de l'ethnie arabe est favorisée par le duel mortel que se livrenl les
Byzantins hellénisés, et les Perses 2 , lesquels n 'ont jamais accepté l'hellénisation du
Moyen-Orient. Hier, les Romains trouvaient en les Arabes des tribus alliées contre les
Perses. Aujourd'hui, l'effondrement romain se traduit par la d é bâcle du monde grec en
Orient el par l'affirmation des populations irano-sémitiques, Perses et Arabes, ccrles
ennemis de longue date, mais tout à coup rassemblés dans la grande lutte conlrc
l'~ce hellène bâti par lskandar le Roumi, édifice qui avait assuré pour plus de mille
ans aux Grecs, puis aux Romains et aux Byzantins, la domination du Vieux Monde.
Bien après qu'Alexandre, en soumettant les Perses de )'Hellespont à !'Indus, eûl
hellmisé l'Orient, Khosroès Parviz rend aux Perses - pour vingt ans - loul cc
qu'Alexandre leur avait enlevé. En 613, il arrache aux Byzantins ln Syrie, en 614, la
Palestine. Une de ses armées pénètre en Égypte, l'autre, traversant de part en pari
l'Asie Mineure, va sur le Bosphore établir le blocus de Constantinople, en liaison avec
la horde mongole des Avars qui assiège de côté la Thrace "la Ville gardée de Dieu". À
Byzance, la reaction ne se fait pas attendre. L'empereur Héraclius, monté sur le trône
de Constantinople laisse les Perses et les Avars encercler sa capitale et va menacer à
revers, par le Caucase, le Roi des rois en son paradis de Zagros. Khosroès succombe
dans la lutte et Héraclius récupère tout le terrain perdu.
"Ce qui nous importe c'est le caractère qu'avait revêtu des deux côt~s ce
gigantesque duel : l'aspect d'une guerre sainte", écrit Grousset. "En s'emparant de
Jérusalem, les Perses avaient enlevé la vraie Croix . En 630, Héraclius vainqueur se fil
rendre la Croix et la rapporta solennellement au Saint Sépulcre : déjà une croisade
Mais la victoire laissait Byzance aussi épuisée que la P e rse à l'heure où grandissait du
côté du Sud, en menace à l'une et à l'autre, l'arbre immense de l'Islnm."3
Karl Jaspers appelle l'âge axial - de -800 à -200 - cette époque où furent formul~
les plus grands motifs des principales traditions lettrées pré modernes qui allaient
dominer ultérieurement toutes les régions culturelles centrales de l'ancien hémisphère.
à savoir la tradition chinoise en Extrême-Orient, la tradition indienne nu sud de
!'Himalaya, la tradition hellénique ou européenne dans les péninsules anatolienne,
grecque et italienne, el la tradition irano-sémitique post-cunéiforme entre le Nil ri
1 o. SOURDEL 111.•lulrr Je, Aroht-.• . 4t> éLI ' Pan:"I, r li F • 1CJ()1. 1z" p . i..:1111 "()Ill! ~uti .'\· JL' ., .. . n " 1 r.21 . p 1~
l JJ NORWJl'H. lhfl1Jirrdf' Hy:11nn· rJJ0 -14.'ill. P11n", f'crrin , l 1)(J9. (lmJ11...: l1tm ile /\ Sl111n l l1 ,.111t)' 11f lly11m11um. LI.wifr'.
VikinJ. IYll). p 94·120
J R.OP.OUSSf.T, Ill/on ,,k l'hin11lrc. P•ri•, l'ion, 11/4(1
Chsplm. 3. l.1 religion 481
l'Oxus, de la Syrie au Khorassan - nord-est des hauts plateaU11 iranien!!. Cet àge axial
C!lt l'âge de Confucius, de Bouddha, de Socrate, de Zoroastre et d'lsafe.
L'historien américain Marshall G-5. Hodgson, dans un ouvrage qui alimente
largement notre réflexion géopolitique sur l'lslam 1, souligne l'importance de cette
époque axiale où se sont édifiées de grandes aires culturelles fondées au moins sur la
langue.
Plusieurs langues jouent un rôle essentiel. Le grec d'abord, incontesté dans les
péninsules européennes, de !'Anatolie à l'Italie, tandis que le latin occupe un rllle
secondaire, d'imitation. Le sanskrit ensuite, incontesté dans les plaines du nord de
l'Inde; le chinois est également incontesté dans l'étendue de l'Empire des Han. En~
Nil et Oxus, cependant, aucune langue n'est incontestable. Si bien que le Moyen-Orient
est le lieu d'une diversité linguistique qui apparaît comme une faiblesse par rapport
aux grandes aires culturelles de langue.
L'araméen est la langue sémitique du Croissant Fertile. Elle va donner plusieurs
variantes littéraires aux chrétiens jacobites, aux chrétiens nestoriens, ou bien encore
aux juifs. L'iranien moyen est parlé par les Parthes et les Perses. n n'existe donc pas de
langue unificatrice pour les différentes allégeances religieuses monothéistes. Bien avant
le début de l'islam, une langue nouvelle est née, l'arabe qui se répand par
l'intermédiaire des Lakhmides2 et des Sassanides3 .
1 MG S HOllGSON. L '/t:lum OOno; l'hi.,toJir•• m01uJi11/t>. Pans. . At.~ SuJ. Smdbod. IQ98 . 300 p . . tr..l_ de RC'thinkin@: Wortd
llis1ory, Euu.1·.,- on ElltvpC'. !.rlnnr, .,,•.; IJ"ur/cl llurmy. C1U"T1hriJ[1.c. Cambridge Uni\'CT'!llf)' Preu. 19J'.\.
2 La cap;1alc de l'Emp1n: L...okhnrn.lc fui nl-llin . site ruiné r..-b Jic. t'ai.:1ucl Najaf. n ~111 a..-.i1 di: la "·illc b pbas i~ dt la
~gion uuis ~t~lcs 1wont l'appnrith1n de l'islam . D ct J SOUROFL. 1Jri·1ù111n.1irr hurur~ tir ru1,.,. , Pari._ r .C.F .. 1""
J '"À la vrilll! tk l'apf'"nlion lie l'blmn, une m•u\·t.•llc êcrilurT. 1'1.~ritu~ J1rabc, .1un1i1 étt ulih!oéc Jan.._ da milieu.' qui leur
11unicnt été plus ou 1nom~ liC-s 1. ..·:ia t~moi~nug("s ~uc l'on peul tn\~Un ~ ,,.·.:1 qr::m.1~~I1."Cl1C!I il~~ diD
prol~rohc~ une in:1..:ripti,1n ..-h~t1cnnc lrihnguc Je !i 12 INU\'C'c û ZaboJ en Syrie Ju NonJ : une aufrc' ~ Je: ~ pN~
de llnm1n, ù11n~ 1a n:.~1011 Ju lhtunm. 1.,•t ,~voqu::m1 111 ""'nnHru.:1inn J'un nui.rt)Tium ; wu~ 1rurcripliQn du O)abal t·u~ à f"rsl œ o.n...
Ja1tt de :'i2K cl m\."nl111nna11t h.• ph~·l11t1quc- t1ha.'\.'4lnnk nl-11.i.rith. S l04urllc 11 faut p:ul-èln:: •jouh:r !lm'~ DDll dsltt d'Utnm
al-l>jin\1111, 110 •ml J.; Hma:L Il'-'"' 1nu1..-li.1ts ..·1..•nmn tJu"11u \'I'" ~''-'-' lt' tk nt•ltt m C'lalCTll tittli.J.è:s.. co S~M <'I en J~. Jee ~
prucht''I lie ..:cu' 4t1l" l"un uppcllcna cn,.11it ..• :uuhc..·s. d1ffl'f\."nt)I. cn ll,U.'I ..;-s... dt .."<u.' qu'('llll ~foyatl •u tNbut JM IV"' sëlr. dllb i.
rné'mc· n"'}tion . l~nrre l'C" lieu:\ ~·n1>tl<!!i se- s1miern11 Jt•nt: l'tn"c-nuoo de- l'-êairurr ~ -· ouJ'8I' tnmti:lrrrmlim'I
~ ~
prugn:-,.'11\'C d'&:riturr.; anh~ri.:urcs ... , li..· rhCm1mC11r aumil rns pltM;'-· tbl.n!i rnritotn:s f'êsi.'t r-r la I~ et lcr
~
OhousanitlCll, !i.af\.<; tillC' rmu.s ru1s..... 11111 .. l"'\'"'"'"C'f 1•lus ll•lll '""S UWC'Sliplttlft!i ni s.t.1folr si C'Cttt C..rihft M \'TllÎmcot' c~ i:n
M~w.nnmic canunc- IC' veulent li:• lii ... 1unc-n.; :.ml~ Jl'••uCnieur;i . n,·an1JeSC'~enSynco,11:'11 JOl'dmnir C'l m A.table J11VPft111CDf
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P,1rt1e J . Pnnummc.c JL5 iclnwhtn
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2 H.C. PUECH dll' . IWIDirrdarTligion.s, Pari!I , Ga.Jlîmud, 1999, coll . " Folio essais... t. 11••, p . !!17~1iKO
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~ cnR La ~edi11:r'1'8Dtt' cl"lln a.k. et fh:. .: ou la OllllC..
2 Let \'illes ccnlmlc!I de l'Iran occ1dcn1nl dr.11na.icnt le cuim:nen:r:
de l'autre, une grande pan du commcn:c entre les ~rs ~dionak:s et le .,.,~ ~ la Casptenne et tes roula ~ f t f t la
rig1oru de la Volga c1 de l'lrotych ". m M G S UOOGSON. L'Islam~ l'lruto"-' ...-Jia/~. Paris.. Actes Sud. Sa.a.d. t991l.. p . N
(trad. de Rc1h1nking World Hi!uory . Es. fa.1·s un Eu"'f"C· lslœn, a,.J H'orlJ Histor:o·. C ambnJgc. C~!JC linn:a~~ ~ t993 l
J '"Dans le Crois.sont fertile. enfin. ou 4 1111 porte Q c-ôtC en Ëgyptc. cunvn'g'C'aionlt rlUS«Un des 1VUlcS tan:sZra ~ci·
ckuus, ainsi que toutes le! roulC'S entre les loint1uncs men mrridionales et L:i. ttt:•on de 111 Màl.itrnmJét. aVtt son Mllelœ pm)'S
nonhque- curoptcn - - m.o.1s aussi les 114ys soudena1s 'e" le sud.'". f.Jot.. p. IQ .
4 "Ce n'ttaH ras .;culm1c111 ~ntrc 1~ Nil Cl l'O"u.~ ~UC" le ~'Ttt Ctlut C't'I ttain o.k cCdcr ~· mn1 ptus~ ~ ~ .
dam; le rC~cau plu.'I lari;c q111 rcho.11 l'Inde :iu ~~in me,JitcmmCcn. il J1C'Td:lit sa ~Uoa 1,.~ÙC'. et l"'in.aft. et plm
paniruhl!~menl le!'! grau!""-~ .:;émi1uiucs. p.as..<>;111 au rrcnucr rLm. Au ~me moment ou le- Jf'C': cenait d"kœ utdde dli:m; l'tnde
occ1dcnualc. des colonies 1ui,·cs cr c:hn:1u:nnc-..; . \1u1 aUo.ucn1 phL"i 1:mJ èrn: rc-i"intts J'llr les ~ se fcnmiatl mr ta C.-.
n~Jimm: 1.h.1 Sud·OUC""!'il. En dirc1.'.ltlm l'f'("t1sCl! . t'iu."TI "tUC" k ~n.~ ~ fùt f\tl'.'i du.s..~ dC' son ~ dam le Bassin ~ on
CtHllmcnçail d prrndl'l! les cmnmcn;a111.; Jans k:. rè~1t'ns .le tt '-'l."1:1tcrr.mC'\." U\.·.:itknUIC' pour Jcs 'Syrinis' nu der. JUI&. Ea E.-
C'C11ln11c, l'in0ucnce lndlCftM élail égülenU!nl n>ni:WTelk.~ .-r Jic..., gn1upcs ~ Le C'GllllDCl'œ a~ rE:sa atticaiB Ctait
lplcmcnt dominé par du Sémiti:s qui ~nuent des hou a\'O.: I• S~nc L'"'r-nslOft de la a.llllft ~...- • ..,... simi
rnnuncricC •1uclquC5 temps .,,11111 Muhummail n. /111.._, p. '17.
Partie .l. Pc,.mmrem:c des tdmlith
li est logique que cette situation gropolitique favorable au commerce mondial ail
favori~ la prépondérance politique au Moyen-Orient de bourgeoisies marchandes.
Tout d'abord, il faut souligner les déterminismes géographiques forts de la région.
Hoc:lgson considère en effet les régions comprises entre le Nil et l'Oxus qui sont arides
par rapport aux régions des péninsules méditerranéennes et des plaines du nord de
l'Inde. Cette aridité favorise l'insécurité de n'importe quel système d'aristocratie agraire
puisqu'à la différence de l'Europe, il apparaît difficile d'enraciner la paysannerie et de
la lier à une seigneurie. La région est donc plus favorable aux nomades, éleveurs de
chevaux dans le Nord, chameliers dans le Sud . Hodgson souligne ensuite qu'une
"dasse privilégiée de pasteurs en vint à constituer une alternative permanente à la
classe agraire". Avantage en réalité est donné aux marchandsl . La tendance marchande
de la région ne cessa de s'accuser, expliquant la montée des forces des valeur.;
égalitaires et cosmopolites2.
Logiquement donc, le triomphe de l'Islam est celui des intérêts commerciaux de la
région3 . Et notamment, au départ ceux de la Mecque - une dynastie marchande en
particulier, les Omeyyades - et de ses routes comn1erciales4 .
Le triomphe de l'islam n'est donc pas seulement celui des Arabes. Il va <Hre, pour
plusieurs sièdes celui d'un mercantilisme moral où l'on verra les marchands soutenir la
chariot et les ulémas5 sortir le plus souvent des ntilieux marchands. Dans les
premiers siècles de l'Islam. suffisanunent forts, les marchands musu Imans n'eurent pas
à favoriser la construction d 'États puissants les protégeant. L'impérialisme de l'Islam
favorisait l'essor du commerce mondial, et l'unification des routes commerciales. Le cas
du Moyen-Orient semble donc très différent, voire contraire, à celui de l'Europe du
Moyen Âge où une puissante aristocratie agraire s'appuie sur le système féodal pour
ralentir l'ascension bourgeoise, laquelle apporte son soutien à l'édification de royautés
centralisées - la France par exemple.
Au fond lorsque les milieux marchands s ont assez forts, ils "mondialisent" de
manière autonome; lorsqu'ils ne le sont pas assez, qu 'ils sont bloqués par des
aristocraties traditionnelles ou enracinées, ils favorisent au contraire la formation de
structures étatiques qui cassent ces féodalités et servent de cadre intermédiaire à la
1 ·Akn que la leo~ de la petite ooblcs.sc agnire étatl en moyenne moins s üre que J ons les autres n!gions ccnltlles. la
posabOD des cluisc:s ~ était en n:vanchc 1CT1 moyenne éco no miquc:menl plus sùre. pnrce que: cellcs·c i d1spos.:uen1 d'11outs
tp6<-".Jb ...... p. 71.
2 •R.cjct dc!l linu hîCnicluqucs ou a.nstocrallqucs, dévalo m::uiu n c.lcs sy mbo hsmcs lo coux liés à lu matun: que: l'on rcnou\1~n
pm' .. mile dam riconaphobic de l'blam."' Jhidrm, I"' · 81 .
l "'A.uni b6ai la nouvelle rr:hgion que la nouvelle polllique et !les conquê1cs furent lnrgcmenl l'œuvn: de mArt:hands IU.\ \UG
scmnupohln.. lni11t par un nmn:hmKI dans une: ville mon;hundc mdl!pendentc cngugéc dom; le cuinmcn:c lnmtoin, l'Islam dc\·int Ir
cmlftck nJliemml d\m muuvnnml politique usez complexe.''. /hJJem , p . Al .
4' 9\Jn da ramrta de ce mouvement ~lllil l'c.,.;lcns1on c.l'un S)"1'lième puhtiquc et éconmmque que les Mecquo i.s 11Y11m1 dt,t
Mùh ..,... conu6k1' ln routa cntf'c I• Syne Cl le Yémen Lo prospérité de Io Mec:que !tcmble o vu ir iété fondée avec l'a11k ak ln""
..._.Wa le kln& de 11 route de Syrie. lnqucllct, il l'tpoquc de Muhamm11d. ~lotcnt dons ln sphère d 'mnucncc byzantine. Mw La
Mmcqur: ~·&Il fortifié'C en •'efforçant de maintenir mtrc Ici UOl!i centre~ du po u voir o~mîrc qut cn1ouroicnt l'Arabie bidoull'lt
rhû.. la 5)TW, lc Yânm.. Lonquc Muhammad pnl la suilc du sy !l lCme nu:equois de c u nlncts lribuux , 11 s e lil un Jc\'Olf' J'ns.ayttlf)
ailmorbcr ks tribcu 11tu6cs i l'allimilè syrimnc de Ja roull.! wmmc rci 11Jc tic l'oues t Ile I' Arub1c, 1rihm1 4u1 ovoicm fon'M un rbtr\·~
-~~ pour la Byzanhnl. El quand w:s siM:ccncuno v111nqu1rcn1 lïnislcmcnt ..:es lnbus , Ioule lu Syrie capitule tl çoc:Jfi'n
loyalcmcnl. ce qui~· pouiblt la .Ulft'I conqu~IC$ . Le n!~ultDI rut \IUe l'empire 111us ultn1.1.n rut goov cnu!. à portir iJc la Syne, ,....
la flllllillt rmn:h&adc: dirisnntc de I• Mecque - Ici Omcyyado; ··-, une r111n1llc qui avnil été 11pl!einlcmcn1 cngaatt ilan' I<
"""""""'oyrim.". '"""""·p.
83
S La uub!lmu IOrll lc:s doc:leun ck la Loi , au~• de "1péc1oli51Cs de Io 1c1cnce rcligicu5c: , Jnns 1'1slom aunmtr en ·,..,,a.· dr
riillmJ w fonmnt ,_ w. a1fJIS orpnili et hiCn:rchia.t, au IC'flS de clcrgl! . En revanche, dama l'1shun chhtc. 1.:cs suvanlJ qui p.>nCftl k
œm de mollM. COMl.ltucat J'ii!quinlcul d'un clerg~
C"'1pittt 3. [.., religion
1 L'analyse d1.• 1101..l~son l'cu\ 11~1rfn11cmclll ~lte trattip<l)oc...'C i.ian.' h: 1.•adft fniO\'U.."' la~ JfiJiUC tm n\k u.jau ~ b
CUh!itmcuon de l1'.:toHUSlHHI lnm.,,,·u1s nn'f.lcn.c ~à rann J-=- I~~- Jc?<o in~ tnan:hands pou::u:all 4Ll decloUiunocmmc Jet; pmm.D
1. Définition générale
2.1. Le pan-turqui.sme
'Que re.tait-il .~Turcs qui drpws 2 000 a11s uvaie"t fait tant de bmit? Après tnJOir rigniil
A~. à Tunis. J Tnpolr. "" ea;...,, à Ade11, à LI Mecque, /ùusalern, il Damas, à Alep, à Ispahan, 4
s.......mmd, à Kachgluu. à Kaza11 et à A..<traklrarr, à Sarny. à Constantinople, à Kabul, à Delhi, à
BijllpUT. >"Vr le Tarirn et l'Otük.m, à Pe1cin, ils n 'avaient plus entre les mams une seule graruù
t~Ut. p/11.5 un~ pt!tit État. La Turquie ? Avait-elle existi puisqu'en Anatolie mime un parlarl
d'un "'!I""""' grrc. d'un royaume arménien, kurde ? L'Empire ottoman ? En un demi-millinarrr.
il ,.•...,.,;t m difinitif ni turquisé, rrr islamisé. A P"" de chuses près, le mcmde réapparaiSS11it ltl
qa'il 111111it ifi OZ>1111t qu'il nr sr constituât. Le chiisme qui avait été so11 ennemi au seirr de l'islam,
..;1 swWcu. Le dtristian~ élmt intact. .. 1
Le nationalisme turc est une idée née essentiellement des ruines de l'Empire
ottomanZ. Au xv• siècle. après Tamerlan3, on assiste certes au développement du
tx:bagalay comme langue littéraire"' ; mais la prise de Constantinople en 1453 efface
l'idi!e tmque au profit de l'idée dynastique ottomane qui reprend, dans la succession
dei Arabes, le drapeau de l'islam5 . Jusqu'au XIX• siècle, le terme de Turquie a disparu
du vocabalaire de l'adntinistration ottomane. Ainsi, en 1803, Halet Efendi6,
iUDbassadeur de la Porte à Paris, est choqué de se voir désigné comme turc. Le concept
de bm:it2 est à l'origine occidental, car il fait référence à une pensée nationale. On
renvoie à la section consacrée à la dynastie - chapitre portant sur le dan, l'ethnie, et la
nation - soulignant le fait que les Ottomans semblaient accorder plus de crédit à la
légitimité dynastique et islamique qu'à la nation turque 7 . Paradoxalement, le terme de
Twquie revient chez les Turcs par l'étranger, par la forme persane "Turkestan" et Li
forme arabe "Türkiye" autour des années 192CJ8. L'ottomanisme et le pan-islamisme ont
~p!lé pendant des siècles l'idée de pan-turquisme.
1 L'bisturicn J P. Kou." inlc!gn: l't:111rin: ..monWl.n .;,munc w1 1.."Jn...~ ~ha 1onauc hiaiJ.oên • T\11\."':IL.
.? R. MANTRAN . Hütvin.· Je· lu l"ut(/~h' . -;i c 1..-J .• P-.t.n,.. P.l: .t" .. l'l'H . .,:,1U. -<.,)uic.sa~-)1: ?" ; -a"'~)q, p l~.
•\ f-". THUAL. Lli' J&;:ûr J.· 1c·rriw1r 1.: . t•u.n!I>. E lhr.~~ l'-N'Y. 1l. 1"J\ . t -'7 .
.f R. MANTRAN llir .• Histmn: de· n-.·''V''"-' '°',._...._. ~ fll) N'\J.. l "NO. p. ta..1-+6.l!'-.
~ N. PlCt\UIX)l) , Lu J,;cvnn i' .,," dtrruffu k .~lrk-•t t"f!J,'.J. / oJ:.l ~. fbu.,cl-. C'Omplo.c. 199:!. , _~ .
... ~
a-.,.. ..
1imitoi1<r,,,..,.n-
XV1emto
1. Aml>oidjlo
2. lm
LAzba
b. ICldlkai
J. Turkméliislm
4. Ooub4isu.
S. KazKi-
6. Ruaie
c. Îllln
d. lladlkin
e. TcllooMdlel
f. Kbobls<s
1· Alllîem
h. Touvinimo
i. Kanidllil, e.a-
7. Kirghizie
8. Tldjili-
9. Qim: (Clalprs)
10. Mcogolie
11. Uknilll: (T-. de Crim!c)
12. Bulpric (minorill!s naqœs)
Il Maœdoinc (llliaariœi llllqlla)
14. Moldovie (Glpomzs)
ocian Jnditn
1 Nous sommes en eITet dans le d o maine prospecti[ " La Turquie. Ê tat post-impérial qui est e ncore en train de Rdéfinir soo
HicnbtC.. peut prendre trois orientalio n s : les modernistes souhaiteraient la voir devenir un État europêen et regardent en direction de
l'Occident ; les îslamisles. favorables à une communauté mus ulmane, se tournent vers le sud et le Moyen-Orien!, tandis que les
ruuioo.alistes sont plutôt attirés par l'Est.". in Z. BRZEZJNSKI, Le Grand Échiquier (L'Amérique el le reste du mo,,Je), Paris.
Hachette Pluriel. 1997, p. 175-176 (trad. de Th e Grand Chessbourd, H arper Collins Publis her, 1997)
2 A . CHAUPRADE, F . THUAL, Dic:tionnaire de géopo/i1;qm~, zc éd ., Paris, Ellipses. 1999. article "Turquie" .
3 T . MUDRY . Histoire de la Bosnie-Herzégovine (Fa its e l c ontroverses), Paris, Ellipses, 1999, coll. "L'Orient politique'". Peur
k passé otto man de la Bosnie. p. 43 - I02 ~ pour la po litique actuelle de la Turquie en direction de la Bosnie. p. 360-362. T . MUDRY
dêsamon;:e la thèse de la politique néo-otto mane et islamiste - et d'ailleurs il faut choisir entre les deux - soutenue par Alexandre
del Valle. Thierry Mudry souligne que la politique turque dans les Balkans est surtout sagement alignée sur celle de 1'0.T.A.N. cl
des États-Unis en particulie r. et que. enserrée dans ce cadre rigide. elle ne cherche pas à renouer avec l'ottomanisme, mais plutôt à
~fidèle â la doctrine nationaliste de Mustapha Kemal hostile à un tel débordement territorial de la Turquie.
4 "LA Turquie a érigé la partie Nord - environ 35 % de la superficie de l'ile - . en une république turque de Chypre du Nord.
Soulenue financ ièrement et militairement par Ankara qui a installé des colons venus d'Anatolie, la n!publique de Chypre du Nord
n'est 50Ulenue par aucun pays du monde.", in A. CHAUPRADE. F. THUAL. Diclionnaü·e de gëopo/Wque. 2c éd., Paris. Ellipses,
)999. article "Chypre" , p . 100-IOI.
5 A . DULAIT. F. THUAL, La nouvelle Caspienne, les enjeux post-sol.'iétiques, Paris, Ellipses. 1997. p. 82-83.
6 Voir A . A.K.RAM. Hi~·toire de la guerre d'Afghanistan, Paris, Balland, 1996, coll. "Le Nadir". à propos du rôle du Pakisu.n
daos l'émergence des Talibans : "le mouvement a bénéficié à ses débuls du soutien du gouvcmement Bcnazir Bhutto", p . 452 ;
L<CpCDdaot., li encore, il faul nuancer : comme dans toute politique orientale, les États contrôlenl assez mal les mouvcmenls qu'ils
IOUbaitent manipuler. "de même que les Soviétiques ne sont jamais pnrve nus à contrôler totalement leurs crCatures khalqies el
puchami~. de me.me que l'JSI pakistanais n'a jamais réussi à dominer totalement des groupes - tels que le Hezb ou le Jamial -
qu'il a targement favorisés, de même que l'Iran n'a pas n!ussi à imposer son autorité A la plupart des groupes chiites, l'l!quipe Bhuuo,
qui a favoriaé l'énu:rgencc des Talibans, a de t:rès grandes difficultés à communiquer avec leurs chefs el à leur imposer ses vues ... ".
p. 455 ; les cho6Cll n'ont guëre chang6 depuis que les Talibans ont le pouvoir en Afghanistan. Le Pakistan les soutieru MDS
réellcmcnt lu contrôlCT.
492 Parlir J. 1'rnmmn1œ dn idm11tn
2.2. Le pnn-arnhi@mr
L't!'rude du pan-arRbismc est une question géopolitique par excellence : elle
souligne. à travl•rs l'<1ffrontement du nationalismc arabe et du panislamisme. le combat
de l'l•thnie et dt> la religion .
La qul'Stion de l'arabisme est d'abord celle de la définition de l'ara bité.
Un texte du roi assyrien Salmanasar Ill indique une victoire à Qanqur en Syrie en
853 a'·· J.-C. d 'un .. coalition de rois de Syrie et d'lsra~l sur mille chameliers venus du
pays d'Arab.\il . Selon Hérodote, l'Arabie est la d e rnière des terres habitt!'es du côté du
Sud. La première inscription en langue arabe connue est celle de la pierre tombale du
roi lmru Qays qui meurt en 328 après Jésus-Christ à Nemâra, à la limite des désc!rts de
Syrie et qui se dit "Roi de tous les Arabes" . Mais ce n'est qu'à partir du VJ• siècle ap~
J.-C. que la pœsic pré-islamique en langue arabe dés igne des tribus ayant une m~me
culture et unt> même langue, par opposition à d'autres t!ilt!'ments ethniques. Le mot
arabe fait souvent référence au mode de vie du pasteur nomade bédouin.
Avant Mahomet donc, les Arabes existent, ils sont paYens, chrétiens ou juifsl. Leur
facteur essentiel de différenciation est la langue arabe. La langue précède donc l'islam.
Maxime Rodinson a tenté de dégager les critères de l'arabité. Il critique la définition de
l'arabité donnée par l'éminent historien britannique H.A.R. Gibb3, selon laquelle les
Arabes "sont tous ceux pour qui l'événement central de l'histoire est la mission de
Mahomet et la mémoire de l'Empire arabe, et qui, en outre, chérissent la langue arabe
et son héritage culturel comme commune possession", définition qui entraine une
négation de l'arabité pré-islamique en même temps que celle des chrétiens arabesl.
Selon Maxime Rodinson, nous pouvons considérer "comme appartenant à l'ethnie,
peuple ou nationalité arabe" ceux qui :
"[I] parlent une variante de la langue arabe et, en même temps, considèrent que
c'est une langue 'naturelle', celle qu'ils doivent parler, ou bien sans parler, la
considèn'llt comme telle ;
[2] regardent comme leur patrimoine l'histoire et les traits culturels du peuple qui
s'est appelé lui-même et que les autres ont appelé Arabes, ces traits culturels englobant
depuis le VTJ• siècle, l'adhésion massive à la religion musulmane - qui est loin d'elre
exclusivité - ;
[3] ce qui revient au même, revendiquent l'identité arabe et ont une conscience
d 'arabité."5
C'est donc sur ces trois critères d'arabité, langue, culture et histoire, et conscience de
l'arabité, que !'arabisme sera fondé . Quant au monde arabe, Rodinson le définit de la
fa~on suivante : "il s'agit de l'ensemble des États où domine l'ethnie arabe, où la langue
est celle de l'État et des cadres administratifs qui proclament leur arabité. Cet ensemble
1 \Il. RAOU F. Nuuw!a11 rrxarJ :sur Jt> narwnafümr araM Ruth t.'I na.ueri.'imt·. Pons, L'Honn:1ttnn . ICJ84 , p. 20
Z 8 . LEWIS , Ln ArulH.·s da'Lt l 'H1-t11Jln.•. P:1ns. Aub1er. 199), p . 29-47
3 L'idêc que l'aslam est la rc-hgion na1ionafo d~ Arubcs es t rni!·cocc . Gobmeou wut1cnt J11lf exemple que l'islam aun 11 ~mi
par lli racx uabe parce qut: ccllc-<:1 ne pou ..·a1t s'mtCgrc-r d.Ans lct0 auttc1' c1vilisutinns . A . llOURANI , E11n1p..· ""'' '"~ ,\ft.MJ~ f.llJJ.
London. The Macmdlan Pttu, 19H.O, p 61.
4 M RODtNSON , U-.1 Aruba, Pam1 , P U .F .• 1979. p. 18· 19.
""'"'·p.SG-51
Cll•rltK- 4. l.'ldentlttl ct ln c-arte t:'n ocllon · I~ pRnt•~ 493
forme une zone géographique cohérente où font ftgur" d'enclav8 'd~l'llbl*"' Je petit
1!101 d'l•ral!I et les deux villes marocaine9, hi9pani~ depui• plu• de qu11tre si~da, de
Ceuln cl de Melilla - en arabe Sabla el Mallla." 1 .
On voit bien dans la complexité mème de cette définition, qu" le facteur islamique
reste suffisamment fort pour empêcher le musulman arabe de se r"Pfésenter comme
Arabe plutôt que comme musulman . C'est sans doute la raison pour laquelle la prise
de conscience de la suprématie de l'arabité sur l'islamitê, se fera :
- naturellement plus facilemenl chez les chrétiens orientaux qui verront en l'arabilé
un contrepoids à la domination majoritaire de l'islam sunnite ;
- sous l'influence de conceptions de la nation étrangères à l'Orient musulman;
- seulement chez une partie des Arabes, nombre d 'entre eux restant attachés à la
primauté de l'islam sur le politique et rejetanl la conception national" importëe
d'Europe;
- en prise directe avec l'histoire des patries arabes - lesquelles constilUeraienl
ensemble la grande nation arabe.
L'histoire du nationalisme arabe, c 'est d'abord l'hisloue de La réaction arabe contre
la domination ottomane 2 . Deux événements v préludent, proches dans leurs buts mai5
opposables dans leur nature tant les gennes idéologiques qu'ils déposent sunt
différents : le wahhabisme et l'expédition d'Egypte.
Abdul Wahhab esl un prédicateur musulman qui dt'nonœ la corruption d,.
l'Empire ottoman; en 1749, il se réfugie .iuprès d 'un chef bédouin du Nadjd.
Mohammed Ibn Saoud . Ce dernier devient l'épt'e du wahhabi.<m.,J, sunnisme ngorisœ,
en Arabie centrale. Le fils de Saoud. Abdul Aziz el surtoul le petit-fils Saoud le Grand•,
chassent les Ottomans des Lieux Saints el menacenl Damas et Bagdad. les capitales des
1 /lmJ . r .H
2 A . MIQlŒL. L '/.rWnr ,., .rn, i 1tluut1"" 1 IH' -. \~\ ... ~r4··, -/d . ~" nl . Paris. Annandl.ohn. ''"°-P·
)~.~ -
ancien.~ califats ill'abes. L'épopée wahhabite contre la Porte ouvre la voie à un nouvel
i.'lamisole arabe.
Parallèlement, un autn• événement survient en Égypte. C'est l'expédition de
Bonaparte en 1798 1 •
Byzanlint' t't chrétiennt'. l'Egypte connait la conquête arabe et l'islamisation à partir
de 640. Jusqu'en~. die est h.'ur à tour dominée par les Omeyyades à partir de Damas
puis les Abbas..~ides à partir de Bagdad. Indépendante entre 969 et 1171, elle est le siége
d'un califat chiite ismaélien2, avant d'être à nouveau soumise: les Ayyubides règnent
sur l'ÉS)1'te et la Syrie entre nn et 1250-'. Commence alors la longue domination des
Mamelouk.~~ durant laquelle l'arabisation entre en léthargie. Débarquant en Égypte en
1798, Bonaparte5 décide de restaurer le sentiment national égyptien contre les
Mamelouks. Les germes qu'il dépose en Égypte contribuent à l'essor du nationalisme
arabe au-delà même du patriotisme égyptien. Après le départ de Bonaparte, Méhémet
Ali. qui a servi un temps les Ottomans - c'est lui qui a arrêté les Wahhabites-,
reprend à partir d'Égypte le projet d'un grand État arabe indépendant et moderne,
éclairé par l'idéologie française des Lumières". Avec son fils Ibrahim Pacha qui agit en
Syrie, il entreprend dans les années 1820-1830 des campagnes visant à instaurer un État
fondé sur la communauté de langue de la Syrie, de l'Égypte et de l'Arabie. Il est arrêté
dans son projet par Londres pour qui aucun roi arabe, quelle que soit sa puissance, ne
peut être plus capable que la Turquie de préserver le chenùn conduisant aux Indes7.
L'arabisme de Méhémet Ali n'échoue pas du seul fait de l'Angleterre comme les tenants
de l'idéologie nationale arabe ont souvent beau jeu de le dire; un autre facteur le
compromet; les réalités des patries, et notamment le refus de la Syrie de se voir
L\URENS.L ~1"""J'Eg11p1e
0
J ta Ayyubtdcs S011t d"abon.t les vas.saUA kurdes de la dynnslic des Zcngidcs. eux-mèmes origmoin::s de Mos.soul et
~ d'cscbu.a twa qu.i fun:nt au savicc des SclJuq1dcs. Les Ayyubides sont 1llu.strés p1u Saladin ; ils orri\·ent en Egyptr
''en le milieu du vr--xuc sàèck, appelês â l"atdr par les fa.:1ions du califiu futimide Idem. p 190.
4 Les Mamtlouts rtgncoc. m Egyprc de 1250 à ISl7 et co Syrie Je 1.:!:60 0 1516. O . ci J SOURDEL. D1c1lotinairt: huloriqw
.:lrl'i.1-"-. Pans.. P.U.F., 1996.. p. 5lO.S21.
S Bonspatr s'est pu5IOllDé tré:s tôt pour l'OnenL Dans sa JCuncs.sc, il a lu el pri!i des notes sur- les ouvT11gcs l.lc: Maripy-
Hi..Jtui~ Jn A~ - et du buva dt: Tou - ..Wimoirrs $Ur le.s Turc..'f el les Tartares -
; 11 a êcnt u.vant la Rc.!volunon un Conie, Le
~ cba Prupbè1r racoolanl "l'haswire autbeobquc d'un hcrnme qui, pcu.ssé par un c.J~sir"
de gloire s'est fait pa.s.scr pour W1 cnvD}-e
de Diai en uriliamt diftërcmcs rormc:s d"tmp0stun: .". in H . LAURENS, L'E.:cpt.."ditia11 d'Égyptr! (17Jl.9 ./HO/), Paris, Armand Colin.
1919, p. 19 Il &iM; crolrc qut: 8oaapar1e' CSI ra.semé par l'UlihYlÎ.On de la religion Ô. des fins. de gloire pcrsonncJlc CC politique. Sa
poliliquc rdiginmc: en Oriau stn. un modCle d"opponumsme. h.-qucl s'illustre d' abord uvcc ln prise de Malle - voir nette S«t.ion
~à Ma.br - qui. vUc à fl.attc:r l'lslam. Quan1 a l'Égyp1e. l'idêc vicn1 plutdl de Tnlleyrund qui la soumc .d Bon11par1e apri:s
r...'Qll' fui-mi!me rcpise de lDui5 XIV, Jckm. p 22. Mws Volney a\'a1t pn:venu dès 1788 que [K>Ur s'étoblir en Égypte, il faudran
....a ln)IS guaRS : la ..,eaUèrt' coottc l'Angtctr:rn::. la s~onde c:ontn: la Ponc. et la lro1s1èmc. la plus difficile, c:onm les
~ ~ lmqincns alon u.cae synthèse pouibk encre les 1décs rCvolulionmurcs fronçaiscs cl l'islnm. Hcnn l...awœs
1Dmlll'e rCicbec de OCGlt' wopic . l~ Musuhna~ ne- s.eront pas dupes et rcslcront hosulcs à hi France . /df!m . p. 94 . Jacques frimcaw
pane li.mi que les popu1auGns ne se son1 pas lat~ con\'alJlCTc "Elles ne se sont pas la1ssCes convaincre pnr 111 seule propagandr
des. FlmlÇais. qœ ccm.-<i aicnl Jout la ciU'te de la dêfcnsc de l'islam. celle de lu Rcruus.sancc de la notianohtC égyptienne. ou de la
~ ..ix:. C~t aun.ît-il pu en ~ aulR'mcfll. db lors qu'ils opparaisso1cn1 comme tlcs conqu~ranL'i é1rangcn .110.
DlllDCI el aux ,..icur. de t'Oneal nwsulman du temp& '? L"c•péricnce a démonlré, cependant. que la !iupénonté m1h1nire f...nçaist
f'CDiL i. la klllpic. Ica Rsll:umccs imoutcnabl~ - C'est l'opposition des grandes pu1s!!lanCf.-S - Cl, d"obord , celle de l"Angl~1mc-
Qllti a fa.u de resp6diuoo wi ëcbcc .•, iD J. FREMEAUX, La Francr e1 l'lslt.1m Je11uü· J 78t;, PW"is. r .U.f . 1991 . p. 4tfi .
6 '"Ccac eauqiri~ :IUSC'llC bcaueoup d'inlêrit en France. [- -1 Pour bcaucuup Je França1~. comme pour beaucoup d"OcciJcru1u\
déja por:œs à aous.-c:al.IDCf la capac1lé d auwuom1c dC"S Oricnt.uu.-. l'Egyp1c nouvelle est uni.: crculion du 'w,CnH." franço.u ."', 1u
0
domin~ par Ibrahim et les Égyptiens. Ce même refus se renouvellera bien plus lard,
50us Nasser, avec l'expérience ratée de la République Arabe Unie entre l'Égypte et la
Svrie.
· L'un des pionniers du nationalisme égyptien est Rifâ àh al Tahtâwfl - 1801-1873 -
qui est marqué par son expérience en France entre 1826 et 1831 et 9es lectures de
Voltaire, Rousseau et Montesquieu. Il entend allier les principes de la Révolution
française à une renaissance nationale qui ferait la synthèse entre le pharaoni5me et
l'arabo-islamisme et reprendrait l'opposition classique que la Révolution franc;ai9e
chercha à exporter en Orient : les Arabes contre les Turcs sont les Gaulois contre les
Germains. Mais son nationalisme révèle aussi un mépris de la vieille nation égyptienne
pour l'Arabe bédouin et une méfiance à l'égard des émigrés arabes syriens qui
foisonnent en Égypte dans le commerce, le journalisme, la bureaucratie2. La pensée de
Tahtàw1 jouera aussi bien contre les Turcs que contre les Britanniques à partir de 1882.
Teint~ de la nostalgie d'Alexandrie, la ville grecque, la pensée d'un autre égyptien.
Taha Hussein3, éloigne encore l'égyptianisme de !'arabisme pour le rapprocher
davantage de l'Europe. Tahtàwî et Hussein annoncent la révolution de 1919 menée par
Saad Zaghloul, leader du parti nationaliste et populaire égyptien de l'entre-deux
guerres4 .
11 faut comprendre que le fossé qui se creuse de plus en plus, à partir des années
1880, entre la pensée nationaliste égyptienne et les Syriens a des raisons géopolitiques:
la domination n'est pas la même pour les Égyptiens - Britanniques - que pour les
Syriens - Ottomans. Les Égyptiens reprochent aux Svriens et aux Libanais émigrés en
Égypte, de collaborer avec l'occupant anglais; ils rej~ent le mouvement arabiste du
chérif Hussein anné en 1916 par Londres contre l'Empire ottoman.
À la même époque, une autre pensée s'engage sur la voie du réformisme religieux
avec l'iranien al Afghanis - 1839-1897 - et le cheikh égyptien Mohammed Abduh6
- 1849-1905 - qui, tout en prônant une réforme de l'islam, rejettent l'idéologie
nationale qu'ils estiment importée d'Occident et contraire à l'islam7 . À l'État-nation
euro~n, Abduh oppose le califat musulman, seul susceptible de restaurer la
splendeur arabe. Ses écrits dans le journal Al-Ahram ouvrent la voie à la création en
Égypte de la société secrète des Frères musulmans.
La Naluia - renaissance en arabe - , ce grand mouvement de renouveau de
l'arabitê au XJXe siècle est surtout le fait de penseurs syriens, chrétiens ou musulmans.
Nasif Yazêji - 1800-1871 - et Butros Buslani - 1819-1883 -, tous deux libanais et
1 H . LAURENS, L 'Or1~11t aruh<-, 41ruhum..- et 1..'i/umurnr.> Je /7"08 j /Q./.<, Pans. Armmd Colin. 1993, calL -U. ~
conl.CmpOrainc". p. S6.
2 N. PICAUDOU, La dùen,,;.: 'lu' ;t>ran/" /t• ,\tu.1·e1r-Or1t?nt //YJ./ -1913J , Bru,.ellcs.. Complo.c. 199!, p. 36.
3 Taha Hwsein "êcri..,oin illus1n:, chamruon Ju libcnh.sh'k' buw-gcvb ct J\w hu..mmi.mJc ~- êl;rll
J. BERQUE, L'/Jlam uu œnip:r; c/11 rmmJ•·. Pnn~ SmJhild. l~S4. p. lb'I . T HLS.SE.IN. ·\u-dicl4 Ju Sd (lul!:S dkllS:i:s et~
par J_ Bnquc), Paris, Gallimard'lJnesco . 1977, coll . ''C'o11nu.1ssam:·.: J~ l"Oncnr·
4 H . LAURENS. l'Oria•m urohc. 11rabi.HPit' ..., r..dwmsm.· •'-' /"''A'< 1.1 11145. Pllns. -~ Coiin. l~J. Q)JJ. "l1• H~
contemporuinc"'. p. 1 1b-1 1K
5 ltkm, p. 90-93 .
6 lh1J.• p. l:J-1-9"
7 J. MARLOWE , Arab nationali,,;m anû hnüsh 1mr-criah !<ot11 , p 1.l v.::ri l!tSO. I.e 1..'\XD'MI: rétbrnu.~ p>libC'O-rdipaL~
d'Afgharn tl de Abl.Juh "i:sl DppclC li Jc'l.-\!'lllr k IHL1m L0 mL·m pn11wrJ1al dL· la R<.>t1 .... 1,;..~-e LS~lllC [ ... 1orce11t \'Î.SiOD ~formaaicc
c:11 fondk sur des rmhui .'is.~suh!.olumcn1 Llpp\. •!<i L~S au' p1-,:m1 s:-. i:~ "1(":-. l.111rnà\.·~ 11 fau1 .1lkr \"Cl5 phu di: nelig1on rt nora ~ wn
inouu de rcl1w,1on'" , 111 Il . DJAIT, "la f""n sb.- .st11h..,...musulm.anc ri Io l.unm,"n"':io ... m li ALG :\R. H. DJ.~ tffalu. l:Jk..l/tpolit::i.fw
C1M P'rr.l!f.:h~Orili"I uujuunJ'hui. Pans, Gttlhnw.rJ. l't)\11. çull. ·u~ J,tbal"'. p . .\:!-:\ .! L' rttc- "'Uioa ~la çr"ilu.abaa. mudClmc.
'"c1wihsalion de yucrrc cl d'avid11~". IJ.tm.
chréliet\S, donunent la vie intellt!Ctuelle de leur époque 1• Yilzéji écrit sur la grammaire,
la logique, 1-a rhét..>rique et la prose arabes et contribue à remettre en valeur le
patrim<\ine ,·ulturel arat>e. Butros Bust.uü dirig<-' une encyclopédie arabe. A Beyrouth,
l'association des lettres et des sciences d'inspiration protestante américaine et
l'a.'<SOCiation orientale dt.'S ~res jésuiws sont des foyers de pensée d'où émergent les
prémisses du nationalisme arabe el en même temps de l'idée chrétienne libanaise.
MaJ.S !'arabisme n'est pas nl'cessairement attiré par l'Occident, laïcisant et modeml.'.
Chez les penseurs musulmans, la forme d'un califat arabe supplantant le califat turc est
SOU\'eflt défundue. Aif\Si Abd ar-Rahm.1n al Kawâk.ibi - 1849-1903 - , musulman
syrien exilé en f:g_vpre. publie au Caire en 1901, Umm 11/-Qurâ - "La mère des cités",
c'l!Sl-à-dire La Mecque - dans Je..1uel il exalte la supériorité des Arabes sur les Turcs2
Cette position est encore plus radicale chez Rachid Rida - 1865-1935 - qui développe
dans A/ KW.fat - ''Le Califat" - l'idée de califat parfait - c'est-à-dire le califat arabe -
et con..tjdère l'Empire ottoman comme nécessité califale provisoire. Contrairement à
t<awakibi. Rida rejette avec fermeté la laïcité qu'il juge inspirée par la franc-
~rie.
À la veille de la Première Guerre mondiale, largement influencé par le nationalism"
maurrassien français, le nationalisme arabe développe ses organisatiof\S et ses réseaux:
chrétien libanais francophile, Néguib Azoury3 publie en français à Paris, en 1904, Le
'"1ftl de la nation "~; en 1907, sur le modèle des ligues patriotiques françaises, il crée
La Ugue de la Patrie arabe. En 1911, toujours à Paris, c'est la Ligue de la Jeunesse arabe
qui est à son tour formée, mieux connue sous le nom du Fatat-1 . C'est encore dans la
capitale française que se tient, le 17 juin 1913, le Congrès arabe qui expose
officiellement ses premières revendications contre l'Empire ottoman. Durant la
Première Guerre mondiale, des sociétés secrètes ou officielles implantées à Damas,
Beyrouth et Bagdad disposant de relais parisief\S, jouent un grand rôle dans la Révolte
arabe du chérif Hussein.
L'arabisme prend une nouvelle dimension, plus cohérente, plus forte, avec Sati al-
Husri, musulman swuùte d'origine syrienne, né au Yémen et élevé à Istanbul.
L'homme est d'abord favorable à l'Empire ottomans. Après la Première Guerre
l G. A..'~IUS. 1lll!- :f.,ab A"·akenmg. lht:! Jlory· of 1he A rob ,\ 'ational Mo v o!nll:'rll, London. H11m1s h ll:1milton. 19J8, r . "6.
Sur le r6k del cbn:licm dam la Nùida.. \'OU' aussi G . CORM . L 'Eurupe et J'Oricm (de lu bullcani..<iut1on ci la hbuniJat1011. hiJtouv
"""1r ..........,,. ~W), Paru, La Dêcouvene, 19'11 , p. 2JO..:ns:. noi..ammcnl pour KhaHI Gibran. Mkkan Noua'1mc, Amia tl
&.ibmi. A.lbc'1 Hounmi.. 8ustani. Yu1tti. Ch1J1:w: Sur l'cngugemcnt des chrclicns dans le natJOnalismc arut>c. G Corm «rie
'"L' E.qiiR OUocmo JispanL lrs U11cUcctuch chR:lJcns engages en poliuque - - dont les rnaronitcs bon tc1n1 tel Ammc et Rthani. ou
k:s toptcs 41:l)"ptll: - n':wnat l!'IWl:r'C \·uJe que le n.auor'l4hsmc urabc, ou le fl4l.Uon111i s mc syncn ou égyplicn , ou h: n.o.11onalumc d'un
Grmd Libm ~ d:am. la cunununaute Un pn:miers ar.ihd Je l' Empire ouoma.n. communauté consacrCC' en 19"'4 (Mlt La mue sw
pied de ta LtJUt anbc. i · .} Ea d6dü11·~ . .,-onunc le font beaucoup. sunuu1 p•rml les un1vcrs11a1rcs o.:cidcntaux_ que le rul11oni.lasrœ
...œ a i une lO'\'"ctllKJO ~des chrCticru. d"OnC"nl. 1nflucnn•s l'lilJ' h.-s i<lCcs curo pCcnnc!:o d.ons li: vain cspuir d'échopper à li
~ IPductlbk d'un syt\ftne politique islanuquc. c"c s l non scutcm1."fll faire rnsullc 1\ toute l'intclhgcnL'\13 musulmane lk
ripoquir, - c'eel -.s1. tir plus~ l'afrrnat a la Conn&15$&11CC hi•lonquc du mouvement <le pcns~ orubc• , lckrtt. P- 2J9 .
2 M.. llOOINSON. Les ..traba. Paris_ P.U F .• 1979. KawiJub1 o 'iubi au:l!ti l' mnucncc du p<X:tc briqnniquc W.S Dlun• -
l~l9!2 - . imti-rolomalistt:. p.antsan de l'tntkpc:nûancc Cgyptlcn~ cl qui a voit pub hé d~ 1881. The Future of t!llam. Il n'est pu
_,. ~ la IOUticm bntMDaqUO aillent suu"'mt vns 1'1alum arabe plutôt \JUC vcl"'!'i l"arub1smc Voir à cc ~ujcl. no•n: KCtion
~à la pulJUqUc ~qw: de l"Angh:ltn'c' C. SAINT- PRUT, Wans l.L' 11utw 11u/ümt.' 11rubc, (l•uns. Ellipses, 19-lbJ pr«~.p
~\ltüibi ~ pgw- uac pufailc .tphlê entre les n:hg1ons cl pour le rcs pc..·t t1c croyunccs , Wms LIJ 11i11t1n: Ju dl!Sf'HliJnr~ puNti
°" CuiN!"" UJ90, li 1ppCllc mu.u..lmans et i:lu-Ct1cru. ;i 'f'l'w'rc en ham1unic Juns uuc rn~mc Cl o;cuk 11a11un nt11bc.
) li.. LALJkENS. L'Orlcrrt urub.:. ''"'""'""" t!I is/umum'' 4'<! 17911 ~ JY4J , Pans, AnnwuJ Colm. 199), cull. '"U. lh"mtt
~'"'. p 104-JOS_ L'idcc est de sé'par'er. Wuis l'nitCrêl die l'islam et de la nauon 111.mbc, le puuYUlt 1;1Yil J'aYC"C le poul"\Mf
..lipua.
-4C. SA1NT-PROT. l..6na11ortu/Qml!aru#w (ult~rnuûvr~ l ''"tfi:g,.-Jsmf.'), Parili. (;Jlipsocs, IY9b, p 16.
$ W.L.. CLEVELAND. 711e l9041ng of un Arab nollum1/l.s1 0Uumani$m u,,J druhUm ln rlw /if~ """ thnuplrt of Sati 11/-Jltori.
Priuœlon. PnAcdlm Univcn.ity PreM, pn1. p . 176-177 Sur l'analyse Lie lu pcns..."c Je Suli ul· llusri, lire C . SAINT· PROT. U
Chapitre <6. L'ld<'111116 el la carte en ..ctlon : le9 panlamea
1ttJ1io1t11lisme arabe, Po.ris, Ellipses. 1996; K S. AL-HUSRY. Of"iguu oJ ~ ..fratlt pviltrcvl ......,, New \ 'Qd... C~
Boob.Oclmar. 1980, 176 p. (1923)
1 G . ANTON IUS, T1tr A rab A·wuAening. th<e story of tlw .4n:JJ NaJNMUI .~•TmW,.t, Loaklo.. Hamish ~ 1!»&.p. Il
2 L'1df!e uniWrc se forae dans le conccp1 de qawnuyya. "'~• de: p:nstt et: d'~11oa qw vm â lbCœ\sa es ~ ~
QOUon de ntilion appliqutt A t1,Jut le monde arabe. è tous les Arabc:5. O.,,,S, - . ~ tClllp5.. '"~ cotml ~dia: di5 bo--=-
d'IC\Jon dans la mouvucc syrienne entre 1910 ci 19.:?0. Pws. après rO:::b« dt la 'rriohc anbe'. il tc COIWc:rtÎI: m ~
mklllcrucllc, soil chez. Wl lhdori~ien i:wlé 1cl Sati a l- Hw;ri, Mut penni .les intrl~ls s~hbanais - IM:méa ..-.. ft a.le'. Dlm
ln annfts 40, d y eut une mutation UCcnm·r &\'rc la thikM"IC' cl Ir r-n'
!.Ir Buh. • la fol.$ ri'flc.'1i00 n!novet et kUOIL. et dlm ._
ano6cs SO, la pcnKc de la qawmiyya füt odopu~.: par NUK'f'', in l l DJAfT , -Cultutt et polinqac œa, lco 1lli.1lldr an11e•, Îll
H. ALGAR, H. DJA[T cl alh. l.clum <'I po/lti41111• "~' Pn:>..·ltc--Orù•fft ut1j1JIUJ"huJ·. Paris.. GaUnnard. 1991, roll. '"1..c oct.a•, p. lfa.
J C. SAINT-PROT. L.: r1u11.,rtalismt' an11t..·, PW"is.. Elhpsn.... 19 %, p. 50
~ C. RlZK... E11trr l'i.dum et 1'11robL'flPK', LC"s AnJht~,· j u.o;qw ·,·11 N../.~ . Paru.. Albin Mlchc:l, 19'l, p. l02...J07 .
S Vu1J noltt JeC:Uon conucrec 11ullt. grnnd.i:mlCs Jllns le:- -=hapini: p..:inan1 sw k d-. l'etbaic et la .aaa.
6 C . SAINT·PROT, L~ naliong/i...fma> ~"'-" PvU, lillipscs. l~. r- .LO.
7 J . BENOIST-MÊCJilN, Un print~m1u ........_Put.. A.lbin Mtchol, IQ7-t.
Partie J. 1',•nu'4m..,1cr dn i..V11titt,
politiquel . En foisant J.., l'islam la religi•in nationale d<.>s Arabes, Michel Aflak souligne
l'irtdissociahilire .te l'nmh1té et de l'islamité mais subordonne en même temps le
religieux du politique et garantit aux chréti.,ns d'Orient un statut d'équité avec les
mu..-.ulman.~.
ld f..,nJabon du parti tlaath "n 19-l7 est le point dt! départ d'une action pohtique
wr.·ie par ~ philosophie politique. Cette syn.,rgie débouche sur l'installation des
idées nationalis~ arabes en Syrie et en Irak. Toutefois, Michel Aflak opte pour l'Irak et
dénon..-.., "la h\ÙÙ..'l<ln de l'idéal hathiste" par le régime syrien de Hafez el Assad.
Apœ,; l'tcht><: du nassérisme, le hathisme reste le porte-drapeau des idées
na~malisres dans le monde arabe.
Ce panisme arabe est-11 un vrai nationalisme, fondé sur une réalité cohérente. la
nation arabe, malgré sa grande diversité géographique - et notamment le contr;ute
fort entre le Maghr.!b et le Machrek - ? Exprime-t-il une synthèse entre une logique
ethnolinguistique - d 'ailleurs plus linguistique qu'ethnique compte tenu, là encore,
des contrastes entre le Golfe arabo-persique et l'Atlantique - et le panisme
musulmilll? Est-il un avatar d'idéologies européennes aussi différentes que le
nationalisme et le socialisme ? Ne peut-on pas considérer, notamment à !Tavers
l'originalité de la pensèe de Michel Aflak, que bien que fécondé par des influences
européennes, le nationalisme arabe est un vrai produit arabe ?
La question que la géopolitique pose quant au nationalisme arabe est ceUe du
rapport entre un projet qui a toujours échoué dans sa finalité et les réalités étatiques. li
semble que les déterminismes des vieux États mésopotamien, syrien, égyptien aient été
ju..~u'à présent plus forts que le panisme arabe. Quant au rapport de l'Occident et du
nationalisme arabe. il est marqué, chez les Arabes, par le souvenir amer des promesses
non tenues de la Première Guerre mondiale2.
Le géographe Xavier de Planhol résume le nationalisme arabe du point de vue
géopolitique à une dynamique anti-turque3, anti-européenne qui resterait en premier
lieu musulmane mais affirmerait une identité arabe permettant d'attirer les chrétie~.
Mais qu'est-<:e que l'Europe pour les Arabes ? En effet, si la France a plutôt favorisé le
nationalisme arabe, l'Angleterre et les États-Unis lui ont toujours préféré l'idée
islamique. Quant à la question du rapport entre l'islam et l'arabité dans le nationalisme
arabe. personne n'en détient la clé ; elle reste un mystère, à l'image du secret que
Michel Aflak a emporté dans sa tombe : le philosophe du nationalisme arabe, né
chrétien.. s'est-il vraiment converti à l'islam à la fin de sa vie? Toute la différence entre
le "oui" à cette question et le doute qui plane est peut-être ce qui sépare le nationalisme
arabe des projets tslamiques : c'est-à-dire à la fois l'infini et l'infinitésimal.
Carte 88 : La représentation du panisme arabiste : la nation arabe de l'Atlantique au
Golfe
1 Pl\JlTI BA-ni AJtABt-: 1:1 SOCIALISTE. C ltui.r Je ft•:rt.:v dt· lu p1•n.•u!1· du _ti 111da 1t·11r du Pt1rti Bu 'th , M AOok. Mlldnd.
1917. 19'! p.
=: ~t.uimc Rodinaoa. dam La Aruh.!t. patlc J'un .. sentiment Je fru.scrn1ivn et Je ~ulêm: 4ui n:m.ht p11rt1cuht n:mcn1 AL·ha.rntti
ln tUllCa puur rmdtpmd;mcc C1 l'uni\C' W: I• pénut.k su1van1c cl "4UI mart1uc Je ~11 tonul11ê jus4u'û nos juur.;; 1"11JCulo.i1c n1J.1t1.>na.luu
_ . .. ~ur ln luaa pow r1~e. lt.n: M . MODINSON, /.t?.• A rubcv. Pan!t, P l J. F , 197Q , p . llf<l - 100
) Il c.on·o~t tout c.lr mbnt ck ra1n: une dJ.ffén:m:c, en 191 S. entre les natiunolis1ies sy ncns , iJénlo~:,it1u c rncn1 anti·tun:s. et la
Anba. du Hc:..ija.I: qu.i !onncnl eva:: lea Aogl•6, une alhonce d&: c1n:oru1ancc c onlrc les Turcs. J. PIC"llON. /.,. pe1rlfll(r! 1/u f'n,.·Jw.
Vrir!lfl , Pvu. J. Pcyroond et C:umpqi:uc tdiuons . 19)~ . p K0-81 .
.e X. de PLANHOL, L~s N111101U "'6 Pruphi!t~. MU11ud 11~01Jruphiq1111 J,• p11llt111u.: nruyu/,,,unu. Pieris, Fuyu.nJ. IQ<JJ , p . .?7.
(hapllre ..&. L'ldentlt~ et ln carte en actton '. IH paniJ1tme
1 K. von HAUSHOFER, Dt> la gtfupolit1q•~. textes trachuts Ci ras.scmblCs par A. MEYER. Paris.. F.,.anl 1986. ~61 p. Li=1
all"lit.s du tote de Ha.whofcr qui SUl'\'C"nl. en dlSCO.t long sur la ftusttarion allftmndco dam rEu:ropc qa.i. sui! k bilé dt Y~ dr
1919 · '"Nous ne pouv,ons pAS prCvoir en 1919 que cela dev1~t llUS.'\i m&u""IL1SquC" ..~c-u . Carpcnorme dac:z DOia• ~
nec l'aide \IOlontam: qu~ beaucoup J'Allcmaruls l -·] ont foum.i au dnnembre:mcnt de- l'c.spaœ .,;w aJlct:ma1 { . \ rupGaR"di:cc
Jthc;al m«1uusmc d'horlogerie Qu'~t la Houlc ·S 1IL"su~ [ .. ) acceptauon Ju "ul Jr Mc:'IDC'I [ .t mutil&lioo ih.i BurgcnJ:ami ( . J pu:tma-
b cuit~ alhmuuulc ùu Tyrol du Sud ( .. ) qui J>(lUVa1t se OOultt qu'EUJ'l('n cl :'\la.i.mi:1J'.!- figurcnuC"DI au nombft' des rçcs ICt"h.lDriMa
impossibles ai di g~ttr ( . ] cuurnsc d~ élCmcnls c..lc langue bas-allcma.ade. nuac1nk Jub le :t0l ilurmld 1 ] qui «fmdtt pcMnWI
prb·o1r que la fuile ~ 900 000 !'\llcn1A11d., du pi~~ dr' la Vistulc prft1ll..lnln J'8l' son amrfau la quarriànc p9c1: des ~
uugntions .Je Io terre aprÇs I• guerTC, ap'" le g1'1lftd JC,,l~t huntain de Mandchounc. la~~ dr le MalaDic pi1t les '--:1
f1 l'Cchana1e de populul\un y.n..'-1.~turquc ... ". p l9-l.l"IS
2 J \'un LOHAUSEN . l1:.,· 1:.·m/"n>s o!I lu 1'"i..<r.:rt1n..'t.· rL.1 _i:.:-.1111r.,J111'41M! JMJ<>11n.IlluiJ. ra.'d. . Pans. Êdat"'*S du Labyriotbc.. 1990 ~
tnJ. Je .lhll zur Alul·ht 0,.,.4 •• ,. ;,. A.'1m/111c·,,11 ·11. t\.urt \'owmi:Lcl. fkrg am S...-..:. l "7~
l F TllUAL. L•· dé.-.;ir J,. 11.·1·r11u,,-. ·. Pan.,, Uhp:-1....... 14~ .
"'Jusqu'à l'enlAA• en ~ucrn.• ..1c ... l::. 1nt :-· l 1 n1 ~. P . H..l· Nl lt ' \lS ,hr , flr.\11•1ro..· .le.• ,.._./1Jtb.wu i~<"'. Paru.. Ha..:~ 1"5"'.
t. VU. Lot.s aL'"' ''"X.\•' _,.,,-.,..fL•. de 1•11..a ;'1 I"':!~ . I'· .\"'.t.~
S Puurnoltc pan O\~U.< pcmH1n-; 4uc h.• 1uumanc de 111 GnmJc llu~rn· ..c iitue- en l"lf>. Nou:stta~yœ:sà Ill pu1M: 1.~• la
~>pUlîliquc auu~nnc ~n 1o.»1 t> ilirn.o; lai J'ftrlÎC' t' Mondiall.sat1''" .... <.. "1.-sl i ""° n1'nuenl ft1 eflet qUI:' les~ J'unc- JDXld&aj&s.liol
Jinp par l'allianct:entre •~ mo11J11il1s.mc Ji\1
500
Si l'année allemande l'avait emporté sur la France durant l'été 1918, un armistice
aurait été conclu à l'Ouest; Allemands et Austro-Hongrois auraient alors eu les main,
libres pour régler à leur manière la question balkanique et contrôler le continenl
européen.
Clrte 1 : L·Empire colonial allemand à la veille de la Première Guerre mondiale
Clrte 51 : Peuples et États en Europe centrale
Clrte 108 : Le< euro-n!gions aux frontii'res est-allemandes
2.4. Le pan-!llavisme
L'objectif du pan-slavisme est de réunir tous les peuples slaves. Ce mythe a souvent
été manipulé par Moscou, sous les tsars. comme sous les soviets, pour satisfai~
l'impérialisme russel .
La réalité gMpolitique du monde slave fait pourtant pièce au pan-slavisme. Si l'on
considère en effet la diversité religieuse - orthodoxie, catholicisme, uniatisme,
protestantisme-, la diversité linguistique, les différences de mode de vie, les
occupations et influences étrangères contrastées - turque, autrichienne, hongroise,
allemande, russe-, les rivalités entre les États - rivalité polono-russe ou serbo-
bulgare-, il est difficile de soutenir qu'il existe une quelconque unité du monde slave.
En 1855, dans le journal de la Neue Oderzeihmg, Karl Marx écrivait: "Le pan-
slavisme est un mouvement qui ne peut aboutir sans rayer de la carte la Turquie. la
Hongrie et la moitié de l'Allemagne et qui, s'il devait atteindre son but, ne pourrait se
maintenir qu'en asservissant l'Europe."
Trois grands obstacles faits de peuples non-slaves se dressent en effet sur la route
du pan-slavisme, lequel, du point de vue géopolitique, a toujours cherché à relier la
masse ~eure de l'Eurasie aux côtes européennes :
- axe reliant Finnois, Baltes - les trois peuples baltes sont les Estoniens, les Lettons
et les Lituaniens qui peuplent les rivages de la mer Baltique -, Allemands, Hongrois,
Roumains;
- axe reliant Allemands, Scandinaves, Italiens ;
- axe reliant Anglais, Français, Espagnols.
Ces trois axes relient entre eux des peuples habitant les côtes de l'Europe, et
coupent le slavisme du Nord de celui du Sud. Du Danube à la Baltique, l'accès aux
mers et aux estuaires est verrouillé. L'Allemagne occupe une place particulièrement
centrale dans le dispositif qui barre la route au pan-slavisme2. Les régions de
l'Allemagne correspondant a la Prusse orientale ont en effet une fonction stratégique.
Si les Russes parvenaient à faire refluer les Allemands de Poméranie et de Silésie, ce
qu'ils ont tenté à plusieurs reprises, ils supprimeraient alors les tenailles qui les
menacent et isoleraient les Baltes de l'Europe occidentale.
Le lecteur pourra se reporter, dans la première partie de ce livre, au chapitre
consacré à l'école géopolitique russe; la question du pan-slavisme y est abordée. En
Russie, comme en Allemagne, deux nations d'essence impériale, les géopoliticiens ont
en effet traditionnellement considéré comme naturelles et vitales la dynamique de
panisrne. À tel point que les idéologies sœurs du communisme soviétique et du
national-socialisme allemand ont échoué dans leur tentative de rapprochement sur la
rivalité des frères ennemis, le pan-slavisme et le pan-germanisme exerçant l'un sur
l'autre de puissantes forces de tiraillement. L'Europe fut donc sauvée de la fusion des
1 M. HELLER. HUtolr~ die la Jluu;e el de son e"'plre , Pllll!I, Flammurion. 19CJCJ , coll . ..Champ!" . lnu.1 . de lsloriJ• Roui1&lq
Ïllclni.
1 A. CHAUPRADE. f . THUAL. Dkliannal~e tk gllopn/ltique, 2~ t!d., Paria. Elhf'l~S. 1999. •rliclc "Allemagne".
OYptlre 4. L'ldtmtil~ et la C"arte en ilction · I~ pant "' me~ 5171
origine dans ce puis.o;.1nt panisme, qui sert des intérêts extra-ilfricilins, pour l'c•scnliol
anglais et américains.
Carte b..1 : L'Afriqu~ fran ...,,phonc ~t dnglnphonl.~
Les deux panismes fonctionnent suivant des logiques impériales à partir d 'un ou
plusieurs centres moteurs, c'est-à-dire d'un ou plusieurs États qui nourrissent des
ambitions hégémoniques.
La Turquie est l'État de référence du pan-turquisnu:; l'Alle magne celui du
pangermanisme. Dans les logiques islamiques, il existe plusieurs États centres
moteurs : il y eut les centres des califats, Damas puis Cordoue pour les Omeyyades,
Bagdad pour les Abbassides, Le Caire pour les Fatimides, Constantino ple pour le
califat ottoman. Aujourd'hui, l'Iran de la Ré volution islamique se pose en centre
moteur du panisme chiite dans le mondl' l'i l'Ara bie S aoudite Wilhh.1bite, qui dispose
de la légitimité des Lieux saints, en centre moteur du sunnisrnc. Plusieurs éco les du
sunnisme - Frères musulmans notammenl - se di s putent la référe nce centrale.
Dans la logique du pan-orlhndoxismc, la Russie, trois ième Rom<', ,,
traditionnellement voulu jouer un rôle dominant, mais 1.. peuple serbe qui servit de
bouclier au monde orthodoxe, et plus généralement chr<:ticn, fncL' ,\ l'isl.1m o\toman,
tend aussi à se vivre comme un porte-étendards du pnn-nrlhodoxisme .
Carte 9 : Le! choc des civilisations selon 1 Juntington
Chapitre 4. L'ldcntilO et la carte en ac lion · les p01n111me11 sœ
Nos contemporains ne semblent pas prendre conscience des progr~ chaque jour
plus grands du plus puissant et du plus ancien des panismes continentaux : l'idée
europ~nne. Les élites françaises peuvent certes soutenir qu'une Europe fédérale
apportera plus de bonheur matériel aux habitants du territoire français; le débat sur
celle question est un débat d'opinion argumenté par l'économie et la philosophie; il
n'est pas du ressort de cet ouvrage. Ce que l'analyse géopolitique peut constater m
revanche n'est pas du domaine de l'opinion mais est fondé par l'ensemble des travaux
historiques français, qu'ils soient le fait d'historiens républicains ou monarchistes, de
gauche ou de droite : l'histoire de la construction de la France, c'est l'histoitt d'un
combat multi-séculaire contre l'idée d'un empire européen. L'idée française, en tant que
nation indépendante s'est bâtie durant mille cinq cents ans par opposition aux
tentatives impériales, souvent venues de l'Est, qui voulaient absorber le territoire
historique de la Gaule .
On ne nous fera pas ici le faux procès scientifique de l'opinion. qui veut confondre
l'objectivité avec l'omission, le travail impartial avec l'oubli de ce qui fâche, l'objet de la
polémique - l'Europe - avec le contenu même de la polémique. Car nous ne prenons
pas parti ici sur le bien-fondé de la construction européenne et de ses ~olutions. nous
énonçons, à travers l'analyse du panisme européen, le fait que ce dernier est en
contradiction millénaire avec l'idée française.
Derrière le paravent de vaines discussions politiques, la division réelle des Français
apparaît aujourd'hui entre ceux qui optent pour la permanence de la réalité française et
ceux qui voient un avenir meilleur dans un nouvel État européen qui remplacerait les
États-nations.
Les opinions peuvent être discutables et discutées qu'à la condition qu'elles soient
clairement explicitées et assumées, par les uns et les autres. Si nous voulons "dire", c'est
parce que nous voulons être "réfutable", c'est-à-dire "scientifique" selon le critère
poppérien.
La question de l'Europe est au cœur même du débat autour de la matière
géopolitique ; aurait-on oublié que l'enseignement de la géopolitique en France a
disparu de l'Université dans les années 1950 préci.<;ément au motif de la réconciliation
franco-allemande et de la construction européenne, comme si la matière géopolitique
mettait le doigt sur des choses réelles et de nature à fâcher l'idéologie ?I Ne sont-ce pas
aujourd'hui ceux là mêmes qui critiquent la géopolitique. et la jugent dangereusement
déterministe, qui font l'éloge du processus de construction fédéraliste? Nous
rappelons ici ce que nous voulons montrer dans l'ensemble de cet ouvrage : la
géopolitique tend vers la science expérimentale car elle refuse d'@tre une idéologie et
qu'elle oppose à toutes les idéologies un réalisme implacable, celui des faits, des
permanences de l'histoire ; qu'elle répond aux illusions par les inté~. aux
totalitarismes uniformisateurs par l'l,bser-Yation de la diffl>rence, au prophétisl11E' par
l'empirisme. La géopolitique allemande fut plus persécutée par Hitler qu'elle ne le
servit2; le soviétisnw interdit la géopolitique, mais il en utilisa cyniquement les
conclusions dans s<1 politique des peuples d'Union soviéhque-3; l'idéologie de la
1 Ce rPit mt~tts .. unt \"<til 1nrrt·I.: pat y, es L\\ ·ns n : \.l:sns Il:' rn!11mllulc Ju /);1·1uurn1.11"· ,;.. ~'P."'1twr-· .... LACOSTE dar ..
/Jh.·11unni11n.• ,J.- J.:é1111111it1•/ll•'. l';u1•-, Flrrnm111n1•11 l lJ<J \
:? Nnu~ renvn)• tin~ 1d 1\ lt1 Sl'l.'.t1t111 1,:t• ll~h· rl' c= :\ t\.:u 1 l laush\_•1Cr. m.1u i01 c1~1 :.t1o."\.· u.~ ,ra,·ou ec:c 1111 1a&a:tatau Ju n&1imnt, don
qu'il rul un blCll clOS!IUlllt' ODllllllUlisll' nlkm1md
mondli11isation l'i!fuh! la géopolitique car celle-d s'11ppuie sur l'analyse d<!9 inlhl!ts
c!tallqut!ll ; )'ldl\ologlc de l'Europe ln repnulilll' t•ncnrt~ parce qu 'l'lle oppose à une Eumpr
fédéral1• JlU!ltulk', dt>S di\•ergences fondament.1les en matière de polili<JUC Nrangèn• -
RMpolltique l'Xlèrleure - ou d'orgnnlsatlon du territoire - géopolitique intérieure.
~ \OOk ltnllri\·e na1ionale hMlllc i l'în1ttt1 n1ssc . L ' id~olostc s oviC1iquc n'a rèuss i a dominer les ro~cs ccn1nru1n de
11.1.R SJ; que pun qu'elle. mimi! une rohtiquc fondée sur la pn~ en COOlfllC, f'IUIS ln mun1pulo1ion. des ri.11h1étl gtoprifüiqta .
O.. ROY , ÛlfllOll\wi/~"'W ('f:lfllale, (CHJ luja#rriastion Jet Mlinn.r), Pari!f. le Seuil, 1997 .
1 •En~ 1111.?l, pourdéfmdœ l'indépendance des colonies csroynolcs d'Amtnquc . le r~sidcnt James Monroe- - 1817·
11.2 ' --. ~ IU1 dl5'0\lrti _, C"onSJêl, défend le principe Je nan-mi;ércncc des 1':1u1:.- Un1s en Europe cl ln nnn-inlcr"W'enllon da
brup6ma 1ur Io contiœnt unl.ncam. Ot'Ji, dan• les &nn"ll 18SO-J H60, Io 'D<M.·1rinc' c~I rCinh:rp1C1éc comme ICy111man1 ln tu.u,.
Uo.\à C'D clef~ de l'Amtrique lOUt mti~~- ", in A. ZWANG , /.,•.,. i1u1.,·. LJ111.~ dml<r lt' mm1clt· ruppflrl~ dr 11uismn<~, raru.
fllipia, 1000, p. Il. ; J SOPl'El.SA. Oi• mythe$ pour l 'Am~ri~uc. run!i, Elli11sc. .. 19'1K, p I H-l-'9
1 Chmlaphc RC\-a.UanJ dam un cuai sohdc:mtn1 argumenté f•il l'analyse de." gnmd"' m y1hcs fundulcurs -- et uc1udt - Je U.
OOf'lllNdw:in c:umpirnne ; C . RÈVEILLARD. S11r qu,1qllf!..f m.)'lh!!. ~ J._. l 'E1Jru1~ 1 t>n1nmt11w11ur ,•. rons . r: -X th: Ciuihcr1 , 1998. roll
•c-llftlbau pour la libaV•. Ln mytbn, auxque ls 9'auoque C . Rd"·c11lard p..:uvcnt ~lrc i.:t1n s1dé rC!i co mme les 1t..lk" fokc du panlimt
tunlpllm : lm ~ Condltc:un ~ la sauvqudc dn fllllioru tians une Eurorc fédérale . Io pu1!l pllf l'Eumpc f6.Nr11 le . l'l~ wtlfW
~pu la Fldlralion, ln natîona ewupMnnL"S devenue. ÔC31 pui10!1i.Rnct:5 mnycnnl!s ou rrlliducllcs incapahles d'qir iCUla .
Il )' .unn une nation ~h>fi6enAi: ; il y OW11it un sens dC' 1'1-ll!i:mm: r1 n ::uropc unie en fcrui1 JlGMIC , lu F.!dc!nmon de l ' Euro~ .aai1
WDc inltUÇU.bls-. Tc.uc:a lo!CI q,œauons pal\'enC fa1rc l'objet d 'un t..ltbüt duquel la gtopohuquc peul opfKJMCr des Ol)lumcnu, ..m
doul• dkiai11.
l."hapltR' 4 . l..'h.lentllé t.•I ltt carte en .1ctinn · h•" pitni•mes
1 ·Le mol Europe •rpomil dans IB longue grcc<1uc. Mais il CSI CRC(ll"C' 11.bscn1 JC's cCJè~ Cpoptn ucribuëcs. H~ : rnlodiit
- gunTC t.le Tmic - cl - rrlour nmw.·cntcn1C tle l'un des chefs gn:cs dr Troie, Ulyue.. 'll'C'ft • ,.zrw hbiiq..:. O'.,.U
l'Otlys~c
llb1odc - fin du tx• siècle ou VIII& si~lc - . Io dcm1-dét."'Ssc Eumpc ~· sent l'une des Lfü. nul~ filles œ rc>réln Dt. pMOt. ..
fille du roi de Phtnic1c - actuelle ct\te de: lu Sync. du L1hon c1 de la Palestine. Agcnor. e1: a. sœur de Cadl:mb.. C"'ftai1 d.:D: ~
uiatique •,in J.O. DU ROSELLE . L'Europt·. hiftoirc.· ck ,,.,..f ~upl~·'· Paris. Parin. 1990. ~ - Hechdk P\W1Cl. p. !2.
2 Par un cxlnaonlm11Îl"C' ..n:houdagc" de 1'histoirr. l'LiJCc curupëcnnc. panic de Grttc, a fini pu sc rCapp-opncr la Grb ldDme
dans la CE f: en 19HI . c'c..,;1 cc qu'exprime Sonur Amin qui -refuse. d.iaM son osai SW' t'eunxcntnszm le •voi'" de lli OtCtt ..,.1cs
Europ6cm, ou dC1nmcn1 Orient.au:< ; "L'annc:oon tic la Gnh:c à l'F.umpe, Jb..-n!tCc une pttm.ièn:: fotS pw les srtiSks et~
d~
lk 11 Rmaiuancc, puis oubliée- pendant li:!-> t.li:u" stti:lcs Oc l'urums1on onomanr ~ui su1\•C1\J , ~A no&l\-..U. i-r B)TOI\ a Hvp
1t.'cnf1111 grct:) au mumenl où. avec le rellu;.i; de 'l'homme malade' , se JC11Sinc I• pel"Sf'C'.'1'1\-C du ,.naac de 9CI dêpouaUa ,_ 8
1~ismes montantll, csl finalcmcnl coumnnc!c pnr Io dêc1s1on dC' I• C.E.E . con1empon.ine .X fuR d'Albtaa.. \a 'C"apllale
rulrurcllc' de l'Europ<.". in S AMIN , L'curu..:c-ntn s nw. cnfü.ju ...• 1.l'unc id.!-oklg1c . hru . Anthmpos Ea:inonDC&. l9ttM., p. 6;\.
l L FEBVME:, L'F.rtf'fJ('4.'. c;_.,,;_._,,.(. 11'1rnr âwli.mtinu. Pan:i. Pcmn . I~ . r-5h.
.-1Jrm, p . l:?I .
'Ibid.. p. 62 . De Contua~i: 1\ N11m:m11~ Ja.n!ti la: 1.kha du Nil . 1.k l'hu!tiClîi en L)·i.:u:- Il Ptl)\.l.W' en ColchUk. au pal!J. ..h.I C.wc.aaic. ~
<:St-elle cctlc Grt\:c curopècnnc Jmu les lum.lutcu rs du rruJct i:uru['Crn 11t'"-' IMirlcnr san:> i.:csse .,
6 MC. AMOUIU: l,l. != . RUZÜ , Ll' "'""''•' .i.:n•, · '"'''""'"'• Para>. llai.:h..:th: SupCncur. l>JQU, ..:ull. "H.aa.\n: t.:ni._.cn.atc-... Na.
rcn"fU)"Onl IWI. J1fftrcnt..-s sc.ctiuns u~·111Lms 11\·01111 uu11C Ju monJc g1Cl.:, nuumuncnl i.bns. !ioo1 J.m~.ns.ton manlitDt i.:oltJaialc. '°'
7 K. GM.OUSSET, Bihm J" 1"111.~1turt..'. s·· .:J . l'un~. Pion. 11>01 .
11 ldic dtrcndue i I• feus par Reni Unn.L'i..'H!I e1 F~m11nJ Bnsuûel dans sa (j"""'"'u' .. 11b '"·i/lwfiiolu, Pari6. Fi.aan.nao. 199).
toU '"Cl\amr'9", ( 1fc c!:d. 196.l l.
PnrUc 3. P~m1antnct dtt idttwtilb
Dieu VT'llil . A partir de cette époque, !'Européen semble se sentir autre chose qu'un
du'élien humble et grossier qui n'a longtemps été qu'un barbare face à Byzance, aux
Omeyyades, aux Abbassides ou aux Fatimides.
L'idée européenne s'affinne par la Papauté et par le Saint Empire romain
germanique qui lui fait concurrence et qui tente d'étouffer la formation du royaume de
France.
Les historiens ont souvent décrit l'histoire des peuples comme l'affrontement
perpétuel entre l'empire et la nation - Perses et Grecs, Romains et Gaulois, Saint-
Empire et France. La lutte soutenue par le peuple français dans sa construction
nationale, face à l'hégémonisme des Habsbourg est là pour illustrer cette dynamique
d'affrontement.
Les Habsbourg s'efforcèrent toujours d'intégrer la France à une Europe unie sous
leur pouvoir ; pour ce faire, ils exercèrent une pression par l'Est et par le Sud -
Espagne?. L'histoire de l'Autriche se résuma longtemps, jusqu'au renversement
d'alliances sous Louis XV, à une guerre contre les alliés de la France : Bavarois
Prussiens, Suédois, Turcs. Hongrnis, Piémontais, Russes et Serbes.
Les géopoliticiens allemands en tirent la conclusion que la résistance française à
l'intégration dans l'Europe gennanique des Habsbourg épuisa la France au profit de
l'émergence anglaise3. La presqu'Ue européenne céda en effet au XIXe siècle son
hégémonie à l'île anglaise.
Voici confirmé par un géopoliticien germaniste, ce que nombre d'historiens
français, de Michelet à Bainville n'avaient cessé de clamer, la lutte de la nation
française contre l'empire allemand . On voit donc qu'il ne s'agit pas d'une
représentation géopolitique ou même idéologique française mais bien d'une analyse
partagée de part et d'autre du Rhin. Lorsque les Allemands occupent Paris en 1940, ils
L~ ck Ramie. c'iaut la FrmKe, sa COUT, !Dn Éi.at.. son adnunistr.:illon, sa c1v1llsa11on So r.uson aussi, inC211Jêc d:mn.
Ven.i.l)a.. dam la pynmidc.. d'ac scric:lc géomtmc. de sa soc:Jâ.C.
0-. œae Juar cb nm et des CT!lpllCRWS, Ica pn:micn èta1ent en l'OSÎt1on de fon:c 1(5 ctaicnl maitres ehe-.t Cln el leur~.,,
mir ane mDœ compK1C Lca C1DpC'ft'Unammt. ccnn . l'avantage d'une pos111on périphérique D. l'E ~ t. ils pouvaient conqucnr iœc
ll:rft: tpà )'a.lft ; la France, elle oc pouvait rc:pow.SCT de mtrnc sc=!I fron1 i er~ . quuu..I Louis prenait Rc..ançon ou Ldle. l'E!TlpC'mA'
s'cmpuau de tDuK' la Crou.ic. de la Hoagrie ou de 111 Tnnsylvanic QuAnd Id F~ço1s obtcna1cn1 des l~mbcau.. Je l"N',""'·
ln
AUcmmdl ~ 1111 royaume Mals ce que la France pl'CTUIÎI, die le gorda11 rour IOUJours . Acqutra.11 -ellc qucl1.1uc pan un
t.,... ck ~ il dr:YCDl.ll une panic de la France . Les rëg1on5 rup1demcnt conquiKs dan11 l'E.~t de l'Eururc cl en h~hc
a·~ pu • rAlknagni: un KUI pouce de lem: au1och1one. Toul cet ensemble n'a"'.llit pu la robustesse J"un ~k
llmlrd. ~ Bd.,..tc à BnacUcs, l'Empue rq:K>Mit 11ur la pcunte do ~pecs . non 1ur 111 puissance que confèR l'uni1é lin1Uu.Uqut:. Il!
J. ~ LOHAUSEN. La E"'flÎTU d la puLUanc~ fl.a géupolllique aujourd'hui), Paris, Editions du Labyrinlhc:. rtll!d. 19%, uw1 Je
,,., ZllT Uocld. ~Ut~~ . K.wt Vowmc k.cl . Ber& 11m Sec. 1'179 .
Ouariln: 4. L'identité et ln carte <."n action : lt.>s panismes
recrutent surtout des socialistes européensl, des communistes, des pacifistes, et bien
entendu ceux qui font passer leur racisme ou leur opportunisme cynique devant toute
pensée politique; ce qu'ils traquent le plus est la tradition de ce nationalisme français
opposé à l'impérialisme allemand . C'est la raison pour laquelle, très tôt, ils s'emparent
du siège du Journal d'Actio11 Frn11çaise et de ses archives et que celles-ci ne sont µimai.5
revenues de Berlin. Leur triomphe est que certains penseurs français, pourtant formés
au nationalisme de Maurras, franchissent le Rubicon européen et s'engagent dans la
voie du collaborationnisme européen - c'est notamment le cas de !'écrivain Robert
Brasillach. L'Allemagne hitlérienne et Laval ne reprochent-ils pas à P~in son
"nationalisme étriqué" qu'ils opposent à la construction d'une Europe urue derrière le
moteur allemand et que symbolisent les légions de volontaires S.S. fédérant des corps
de troupes européens ?
Le pangermanisme n'a cessé de s'identifier au panisme européen. La vision urutaire
de l'Europe est développée par les géopoliticiens allemands de la première moitié du
XX• siècle. Ratzel comme Haushofer2 se sont élevés contre la politique d'équilibre des
États défendue traditionnellement par la France et l'Angleterre, qu'ils concevaient
comme une politique d'affaiblissement progressif de l'ensemble des Européens et qui
devait rendre possible l'émergence des États-Unis. Dans les années 1970, le
géopoliticien autrichien Jordis von Lohausen reproche encore a l'Angleterre d'être
responsable du déclassement de la puissance européenne au profit des États-Unis faute
de n'avoir pas suffisamment adllUré l'hégémorue espagnole, française ou allemande.
On peut se demander tout de méme en vertu de quoi il aurait fallu que les Anglais
supportent une quelconque hégémonie.
Dans la vision géopolitique pan-germaniste, l'hégémonie est nécessaire pour
atteindre l'unité, elle en est d'ailleurs la première étape. Les géopoliticiens allemands
font remarquer que l'empire de la Méditerranée est né de la souveraineté étendue de
Rome, que l'unité chrétienne européenne est le produit de la domination des Francs,
que l'unité de l'Espagne est le résultat de l'hégémonie castillane, celle de la Grande-
Bretagne de l'hégémonie anglaise, et celle de l'Italie de l'hégémonie piémontaise. 0
n'existe donc pas d'unité possible, de convergence complète des intérêts, qui ne soient
pas le produit d'une hégémonie. Tout ceci est parfaitement juste, mais n'enlève ru le
dmit ru le devoir aux peuples de refuser une hégémonie extérieure.
Les géopoliticiens allemands regrettent donc que la puissance maritime anglo-
saxonne ait toujours empéché l'unité européenne en faisant échec à toutes les tentatives
unitaires : les Habsbourg d'Espagne, la France de Napoléon, l'Allemagne du XX• siècle.
Pour la géopolitique allemande, l'unité européenne repose sur deux sous
dynamiques unitaires fondamentales :
- le noyau de construction germano-franc;ais. L'Allemagne acœde à la mer, à
l'océan, par son alliance à l'Ouest avec la France.
La volonté d'unité franco-allemande trouve ses références historiques dans le
souvenir de l'unité franque : l'Empire carolingien couvrait l'espace naturel compris
entre les Pyrénées, la mer du Nord et la forét de Bohème'. Faisons remarquer toutefois
1 I' ORtfU Lr\ ROC'llELLE, .Journal. lYJ IJ-llJ.J 5. P;.ms , li11lhm.miN R _t·. JIN~ . ~ ~lie bclk~0il.U1JU1D~c-e1 ~
ffaJcr a r.U~ ii tru\."Cf"S IOUie l'l:urorc" . r 417 Dm:u la R'...:hdk. J'11borJ ..:omnlWlL<,IO: . .;nsu.Îtc naliunal-~ a.al\.Stc. IÏart. .l\-:m'l
l'uh1mc "UICldC, par ..ouhailCT la "ICh.llTC' de '.\h1S\."\)U ~llS f't•ût ;lUUIU tc'l.ctur :&lJ ..:umn'IWll~rŒ q..a ï l qu.ahtk ~ 4 ...iadK ..lie
troÎSUll(.c"' ~ur un ~~;u rps 'a111 .. - l:l Rus.:"ic , "Mo~c.,m 1'0:m lu R11n\C fm;i'1:~ . JJ.:m . p . ..a 1~ lt .::en..: pfvuc J. mcd.llft'. :n man 194.).
un :i.n a,,·a.n1 la r~lntc Je" illu.;h10:-. J e Drieu " Il y <1 ,t.:m.' Io: rh1h•s1w1.:11 ... 11ll.· Jc-s. !=a.ulh)h.~ ~udque c~ de profaod. O'abGrd
1'eictnrllc ternJ.anc.c Je ]a (· rune:.: à lra\a1Hcr i,: Unlfl'.' l'l-.11rup...~ '-1.U<uul l.: C' n · ~· :> l ~"die '-1.Ui la fan -. Cl ._"ftSU.lh:• b. pn:ifo~JrJcM:i.tutiun
.\ P H.l('HE. L~1 Cnru/u1s1c.·m f( .'nc-/Umill~· "'" -';' /"l:.umpt·j , Pana.. Hefi;.bertc. Pluncl. loN-:'
Par'ti~ 3 . Pennan~m:r da "'nrhlts
que la Franœ quasi-entière appartint à cet espace historique, tandis qu'un tiens de
l'Allemagne seulement s'y trouva.
Pour les géopoliticiens allemands, la France, du fait de sa situation géographique,
puit d'une li~ d'action que n'eurent jamais ni l'Espagne, ni l'Italie, ni l'Allemagne.
Historiquement, ces trois pays ont dll faire face directement aux Sarrasins, aux Slaves
et au" Magyars. Ils ne pouvaient agir que par rapport à des nécessités. La France, elle,
eut la liberté de choisir réellement sa politique, de proclamer les Croisades et les Droits
de l'Homme. L'union avec la France donnerait donc à l'Allemagne une liberté de choix
géopolitique dont elle ne dispose pas dans l'espace étroit de ses frontières.
- l'alliance de l'Allemagne et de la Russie. Elle est la seule condition à la réussite de
l'unification eurasiatique; par celle-ci, l'Allemagne se projette jusqu'au Pacifique à l'Est
La Russie. quant à elle, ne peut accéder au grand large que par l'Allemagne.
l'Allemagne et la Russie voient donc converger leurs intérêts d'accès au monde entier
par les océans. n faut donc noter que la géopolitique allemande rejette la vision
d'Hitler. lequel a voulu faire triompher son idéologie raciste sur la logique géopolitique
allemandel . Dostoîevski écrivait que les Allemands et les Russes étaient les deux
peuples destinés à changer la face du monde par leur union. L'Allemagne écrivait-il, a
besoin d'une alliance étroite avec nous. Son domaine est le monde occidental, elle nous
laisse l'Est.
1 la p-. ,am =riPa COlllll1IC Haushafet ilaicru sansfa1t5 du ~ @erman~sot.1Cuquc, ils s'opposèra\1 en n:vancbc a
r'w:zaqllc pu Hitler d'llD monde div.: qu.'ib oc s;;atuaimt pas dam l'espace \'1tal allemand. A noter que ccnc gé:opolibquc allcm&Nk.,
al c:œftnœc . a cana.rio, JW les peurs de la géopolinquc angl~suonnc de ,.-oir l' Eurasie unilitt L'Alh:mapc rlvc d'\miV:
~Cl a=~ est un cauchemar miglo-améric:am.
::! '"Le 16 &\-ril (19"1-2). Tdutchtnnc Cl Raa:bcnau K rcncontt'tn:nt prês de Gên~. à Rapallo, et sign~rcnt ..m accord. La drm
pmys rmançaield simu!mnëmca1 GD. dcnes dir gucr1T et aux n!pantions pour dommage5 mihtan~ qu' ils pouw1cnt se dc\'Oir
_.JanaH. ( .. ] C'éaaU l'mmut.J:ion dtf'mi~ du tnlité: de 81"CS1·Litovsk. la nn de l'isolement 50VtéUque IUI" le plan 6conormqar
et politique·. J.B DUROSEU..E. Hutoft dlplornanqur M 1919 à no.f" jours, 11":; éd., Pans, Dalloz. 1993, 1031 p (lft M. 19Sll
p. 68 Sur la flOl•bqW all~ \-15 i. ris ~ Soviétiques dan..~ les anniees 20 "Par ccnc "pohlJquc de hl.lance'" -
Sdm•:tpol•ik - ~ l'Ea:l et r0uc:.&. l'Allemagne gagnait une apprttiablc marge de mamru~ diplom&11que . fJle a
pn!:maa:iaai1 COlllR une nxonaimbon de l'allianœ franco-russe que gâlai.t ~nnais ha restauration de l'rndq.c.ndancc polonaast
- I'.....- D"Dp loin en flYCUr de nJnian sovietique afin d'4!vi1e-r de meure en danger~ propre stabilité en favorisuu les propa
&i CDllllDdlll1llt alkrmnd. Qunt i. la Russie - puis Union - sov1ttiquc, elle pan•enait ili rompre son isolement db la rencontre dr
a.no. Elk poava.rt pu la Rilc dcrnandtt i. l'Allcmapc de la soutenir sur le plan in1ema1ion.I - comme lors de sa dcmll*
d'8llllil!uaD au pMSe Bnad--k.cUog. Elle amtbœ11i1 enfin ses pcnpc:cuves de d~veloppcmcn1 êt:onom1quc sans 1ericr oum: mmR le
~ COflUNIDllk, d'aillaln mobih~Jmqu'rn 1914 dans la •une: contn: le u·aué de Versailles -- c'cin 11ins1. par aemple. qu'•
LI fui dr 1933 Ir Parti camrm.m.islr tr.nça.u contcsratl cncarT: le retour de l'Alucc.Lom11nc il la. France". m M DRAJN , •Les alCIUb
~ ck- l'Alaen.cœ dam la C E.1.•, 1n Rr/01fons lffl"7tot1a1wlr.'" et .f"tratt'glqur.f. Pnnlcmps 1992. n•s, r 1S3 .
~ P..-it ~mm• du 26 jan\'lef" 1934 . une décJanition de non -agR"l!Slnn avec Io PnJognc valable dui: eru Le pK1t NI
~ aa:rct J*f IC' IOV\'c:mt'fl'll:nt polon.aia car l'opinion publique polonai1e. (avontiblc à l'ami11ë rninça1sc et hosule Ili l'Alkmapc.
....,, sana: doute maJ prit. ccae d6c1sion J.H. DUROSELLE, Hlstni,.r dlplo mufiqu,• d e 1919 â nn.,- jnt1r:J . 11"' id .• Paris, ll&Doz.
1993. (I"' 6d 19')), p . 169
4' C:C qur ton appelle le ~ geTman~vi~iquc du 23 aoOI 1939 cnnl icnl dcua volcli. un tmil~ de non agnss1on condu
pour dix am. : an pracocolc tri.en plus 1mponan1. comportant troi' an1cles principDu• . La Finlande. l'E.s1omc. a. Ldtœnt
IOCTC\,
ftaiad ~ . "dam le eu d'WI ctuinsemart pohti~lenilorial. dans la 7.onc d'influence russe , la L11uanic ~rw.il dans li nw
d'mftYClllX allam.nde . Quanti la Polopc, l'mriclc 2 prftuail 'La question de uvoir a'il e11t deAinblc, dans l'inldn!I des dNw. putift.
Chlpitre 4. L'adenbtl! el 1.n cartL> en action · le!'9 panismes 509
de maintenir un E1111 po lon.11 1.; i nd~pcndanl . c i t.'tHn mcn t IC"'> lrun11è n:-> J4· n~l E tol J .:-,Tluctu ê'lrc thêei. ne rcu1 ttrc rC:sul1« June
llçon Lltfini11•1c qu'uu Cd Uni de ..; futur... dL'\ d.1ppcmcnl!"i po l111qu c~ c~ n le>lll C10 1 d e L'DLL"C- I~ Lku.' p ou\11~rn.:mcnLo; !nnl.hcrunt ...-cnc
q11a1ion f\llf 1111 vmc d'une cnle nrc nm11.: u lc'" , ldn11 , p. ~ ~ 1
1 lJ S. LANDES , Ric h i!.,;.f t' ,., p m H ·r ..·1,: d•'!> 11u1wn.~ r P 0 11rqu111 d t!.f ridt.·.~ ' r o u r i/11t. •i 11.-:.~ J.'IUl''l"l!.< .. ,. P•ns. Albin Micbcl. 1~ .
l1tad111t 1.k The w~allh •m.1 rnveny of Nuuo n!ii . \\' hy ~om.: an: nch and so nw: ~ll poor), p. "'' .
l J P. ROU X. H btnirY" J,.,,. Turc ,· tDc11x m1llt an~ du Pa c1liquc li la MCd1tcrrunCc l. Parii1-. Faylll'd. l ~'ill
J J . lJ DUROSELLE.. T n 111 t!mpln • P•'rirfl. U f'K' \•/.,·ion 1/tftn ·N(u.• ckt "'l"t w ns rnr..-""u''""''"s· Pubhi.-.Jl(>l'l!i dr la $œh;Jrux.
l9RI , n!ûJ. avec le 1o m-hltc Throric des n:h11îon11 m1emauonale."i, rans. AmUUMI Colin.. l'il~Z
510
l Ou séftocidcJuif papftré psr le R&ZJ9mc: au 9tnoc1de du Rwanda , on retrouve 1.:. m~me volon1C de mer la rt.J11C des peuples.
de comll'Wft conM rhntoi~ ~donc (CJl"Ci1nent sur le crime de masse . C.:ar s1 les c nmc.i; de guem:s sont le 101 de tou~ le' pcu('lle'I m
J111C1ft. c.c qui nie les n.cux pas. &e. gCnoc1da;_ c'est-à-dire l'ex1cnrnna11on globale et progr.:r.mmée d'une ethnie ou d'un peuple iOlll
le rëtu.tcar da panamc:f. tonquc CC\P.-Ci se heunent à la rCafüé : ainsi en est- al Ju génocide JU1f. <1U'1I ail ilé proarummi!: dts le dtpan
ou qu'il .,r êtc la~ . çammc le soutiennent ccnains h1s1nncns oflcmands. de l'tchcc nllcmond contre les Slaves, n'mlnc
rim au r.arc que cc gèna::1dc ea d'abord le ri!:sultal d'un p911ismc refu"8nf une réali1t géopolitique. c elle d'un cnrocincmcnt JUlf mr ln
1crra p:nnsil'lft ; de manKrc symttnquc. le pamsmc ''nthen visant a constru1~ Erct.7. [o;ral!I i;;ur l'ensemble de la ~launc
rmndat&lrc, Cii unr népuon de la realilê pmlestiniennc qui pone en elle du aenncs gtnoc1daire!l
2 L'csa~ Pat.d- Manc CoûteaWt a pubhe un cua1 qui prophéti~ l'hla1cmcnt de confl11J1 'dcnt11111ru gnvcs, il moyen 1mnr
mr Je &crmoire de 11.Joiop eurvpCenne du fait de l'abtaiuc:mcnl da F.tau-nauons P M COÛTEAUX. L'EumM wr., lu 1(11~"'·
Porio. IW?. Mi<holon.
CHAPITRE 5
LA MINORITÉ
Les minorités sont des ensembles humains compacts - regroupés sur une mème
partie de territoire - ou dispersés - disséminés sur un territoire - qui s'.intègrent
dans un ensemble majoritaire plus vaste. Leur présence au sein d'un Etat rend
hétérogène la population de celui-ci et augmente le sentiment de différence entre
citoyens de l'État.
Pour caractériser une minorité on doit répondre aux questions suivantes :
• Quelle est l'importance démographique de la minorité relativement à la majorité'
. y a-t-il une différence ethnique par rapport à la m<1jorité?
. y a-t-il une différence linguistique par rapport à l.1 majorité?
_ y a-t-il une différence religieuse par rapport à ),1 m.1joritè '
. y a-t-il une différence socio-économique par rapport à la majorité?
su
En fonction des répünses à ces questions, on se reporte ;:I l'étude des facteurs
ethnique. linguistique et ou religieux, développée précédemment.
Quant à la dimension socio-«onumique, son étude approfondie fait appel à dl'"
matières extérieures à la gé<.lpolitique · l'économie et la sociologie. Ses principale.,
conclusions ne doivent cependant pas être n~gligées sous prétexte que l'on n'en
maitrise pas l'étude approfondie : dire qu'une minorité est oubliée de l'industrialisation
d'un pays est un fait socil>-ffonomique aux conséquences géopolitiques . Now
consacrons un chapitre aux grandes oppositions sociologiques primaires - citadin-
rural nomad.,...sédentaire.
D'une manière genérale. l'étude géopolitique pourra s'attacher en toute situation a
~ger les grands traits soci<>-économiques sans entrer dans leur explication qui est
du ressort de la sociologie et de l'économie. On touche ici aux liens périphériques de la
géopolitique et au caractère nécessairement multidisciplirlaire des sciences humaines
- voir notre introduction générale à ce propos.
les minorités ethniques peuvent être des populations qui n 'ont pas atteint le stade
national comme les Indiens d'Amérique ou les grandes ethnies d 'Afrique et qui vivent
mêlées à une population dominante. Ces minorités vivent leur hétérogénéité
linguistique et sociale dans des ensembles étatiques plus ou moins homogénéisés.
Un exemple d'État multi-ethnique où se côtoient de nombreuses minorités, est le
Canada.
Aux côtés des deux peuples fondateurs du Canada, les Français et les Anglais - on
emploie le terme d 'anglogène pour désigner les Canadiens d'origine britannique et pas
seulemett anglaise. et de francogène pour désigner les Canadiens d 'angine
fr.mçatse -, on b'ouve les autochtones• - Amérindiens et Inuits : on compte une
cinquantaine de langues indiennes réparties en dix groupes linguistiques- . et des
N~diens qui regroupent les personnes qui ne sont ni d'origine française, ru
d'origine britannique ni encore des autochtones - Allemands, Italiens, Ukrainiens.
Oûnois, Philippins, Indiens, Libanais ...
Le Canada n'est évidemment pas, du fait de son caractère multi-ethnique et
communautariste un État-nation. L 'une des explications tient sans doute a la
géographie, à l'immensité du pays 2 • à la rigueur et au contraste du climat qui ne
favoriserait pas la circulation des cultures et donc le mélange des ethnies. Le modèle
politique qui s'est mis en place n'a pas joué dans le sens de l'intégration mais dans un
sens de respect des différences communautaires; il a contribué à entretenir la fragilité
du système canadien tout en tentant, par le respect des droits minoritaires, d'empêcher
les révoltes.
Les minorités nationales sont des groupes qui vivent en dehors de l'État contrôltl
par leur nation-mère.
J J. CffAliSSA.DE, lA Ctmodo. ln ,-uqu,., c1·~, lutnn"" cl'•m Il"""'' f"''Y "· J'.,1~ . l: lhpwt . l'JCH,. r "'7-74 . "li" 1W, flro
~ dr 111 "ie poltüquc c:.aud&amC en vrnl' dcn'itCTet •nntc" . • t1t l'tmngcn~c du fa1t aut111t:htonc. c 'r.1-•-duc I• Tnk'irM
afl"llfml6cda ~ rndienm et rnuu ck ne plu" "ubu ln. evbM:mcn1, ... r t.7 . I .e, tnutl• n11 1·:M1u1rnaux "'"' 11 Of.Ill . le',, lnd•n'l'I
~une papulauon d'envtrun SJOO(W) pennru'c-" rtper11n en h04 handc' ou rnhu\ : lit. mn111n1t d 'entre eu~ vo-rnl 11.ans,,W,
n!acf"Ya Lt n!Tnl cuaad te produit ii partir de l?H'
2 Le (:..dl .. ~ an P9Y' 1""'1CIUIC AvQ; V'S 9.'J m1lhon• de km2 . il r~•critc rrC-• c.Jc vinMI roi .. '" 1-'r•ncr cl (tCCvpt '""""'"
a. moitit du GOlllincnr nord-amiricain" ; /"'-"'· p 1,), J. ChaUAude perle de "vaa1i1udc can•d•~nr .. .
O..plttt S. La minorité 513
1 Hon1nm C'I Roumaln !C ~'talTmmrnt dcru 1s lontz:•c:mrs à pm~ de C'd1C' ~ -o\m o.llt la tWsr haQpvDc ~ è diK
quit. kJnquc les poflUlalmn!\ Ur lnns ancèlf'1:"!\ \.·cnus Ju Dmcsh' am'~' 4-ns, ~ ~ die- êlaR ~"·•es qa·ca . _ c:a.
il n'y IVllÎI paa de n>umanophonC5, que les f'Orulalit\n s ro~ a\'"aicnl èftl'is:tt dan les~ Cl ie.it2ll ~'cmla . . . . . . el
donc: que les Hnnttmis fUrenr 1cs ~icn; OCCUJ'Mlf\b 11.f'rb le l"dnit des _,ldilb dr rEmpft rormat ck cmr Rpoa. F.œ ' ccm-
allirmllian , J'hillorioxr.pilic roumainr. clic. défcndai1 la tM:sc d"uGe COllllllUiti!' dt~ S'~ - nMt
..- ka colom romaim ava1cn1 fail souche, rl Qllit c'ê•11 lA la~ c:uenbdk • l& ~ 4'mt . . . . .._. dlair. ils~
( ). À 1i1n: d'exemple. le dkou\·cnr 11 y a '''"li' U\.1 dans 1~ ..us.-!W'b de la , -,lie ..tt dvJ dt: '~ RJllllllÎDI c ~
~tcmml par le fait que Nicolas Cca~ d«ida ..tadjoindft .u nom dr C"9j. la lalin1tt dr: QCGC n!:pm. <'I' 4mc ta .......
dup;Mo·oir rvunwln à contr61cr la TrNl1ylnnÎC' .-, in F . TiitJAL. 1.ec <'(flll/f;D i.~ . Pmu. E~ IQ9$, p. 24-1"'.
2 Les AIK1nandl dca Sudttei - - 1c~lo'\lmiquic- - - ~ai..._ 6 ~\'mile- dC' I.e~ 0-=ne ~ • • - - }.;!
millionl ; avuu la tWf•itc •n•fm·hl'""1't'"'"' ~ 14'Ul, il• n'aV1nen1 ,..,._ c.-V- ~ à rE.mpift altm..l ...._. fil 4r .....
renachemcn' .ti l'Allema.nc un ~' lie 11ucl'ft' n~n11cl ; J.U. llll RO.iç,~- l.L f.. H Uft...,_, .J,,-1.......,_ • 1919 Ji ,.. ,,...,.,_, 11t 'L.
ia.n •. u.11 01.1991 . CI ..... ~ . 1'-'~J) . p 2 1ti . ~1 1
.l -1 .' ~"naor rrochc' - le11i l\tt1t~ de l'c:A · l• .R .S .S . - · "'"'J*il. en IQ8'9, .:!1-•.l fllllhona dc Rume cc cp1i ~li'• ..
popul•rion il~ ~ lnrill1iros ( . . ) l.'ttlalC'nlCnt 11.k l'\J N. .S .S . " k'\."'i'ICre IC' tt«lw' ,m, R~ dit .,....... J'l'O...._. liai dlÏlll:I 2;!
m11ltnm en l~H9) un11 rour au1ant Qu'on f"U!!l..c' J'l&rlcr J 'nock llllbSlf. On nt.ce d'alllit\&n QYC . . . . • tia'a 4- ~..-..· "* ..
r.ia-nauc• f hnMn1cru, ût!iora•cnf.. Juifs .. . >". m Uttwr• •lu1n.• t.ka Û lal!t J")lll·SU\ i<t~ Dr l'l!.R.S.S. •a. t.:..t..l_ l;! hMs •quft
J'ldmtité. P•ri•, HlhpwiJLansuca'O . 1997, r 41 c:t .ne
.t ( tn f9f1YOIC pour eu tm111 uomple eu d'9pi1R' n~ au facteur reflJ'"''
514 Pn,.lil" 3 . P~nrrnrrenc.. dN idnetrlN
lutte d'avoir une quelconque cohérence; mais les Kurdes pourraient profiler de
l'affaiblissement des États qu'ils peuplent pour provoquer une explosion générale .
Les diasporas
Le développement des relations économiques, les révolutions communisles,
l'apparition de nouveaux États, et d'autres tragédies politiques encore, ont provoqué
l'émergence de diasporas dans le monde. Qu'il s'agisse des Chinois! ou des Russes
fuyanl le communisme, des Maghrébins et des Turcs en Europe, des Palestiniens au
Liban, en Jordanie ou dans le Golfe, les diasporas apparaissent souvent comme des
"colonies étrangères" susceptibles de servir de courroie de transmission des intérêts de
leur pays d'origine. Cette vision est pourtant largement erronée car les diasporas sont
souvent le produit d'oppositions politiques aux régimes des pays d'origine. La "gi!ne'
occasionnée au pays d'accueil fonctionne souvent dans l'autre sens : les Iraniens, les
Chinois, les Vietnamiens ou les Turcs exilés en Occident manifestent souvent
violemment contre la nature des relations politiques entre leur pays d'accueil et leur
pays d'originel. Dans le cas de pays décolonisés, les gouvernements occidenlaux, el
notamment français, ont souvent du mal à assumer l'utilisation passée d'alliés
autochtones; le dramatique exemple harki est celui d'une communauté qui a servi les
Français et doit taire le passé au profit d'une politique de bonne entente entre l'Algérie
et la France.
Carte 90: L'ùrunigration méditerranéenne en Europe occidentale (2000)
1 •Les Chinois d'~-mer · ce ttrmc décnl ln membres d'urne bnigrotion pluri-stcul01irc originaire de panics bien Jtlitni1tts
de lrvil pn>VTDCCS du IUd-ca de la Chine c:onunmlalc. ( . ] Qu'~l -ce qui coaractCrisc les Chmo1s uutrc-mcr? Prcmu~nmcn1 . ih tolll
~ .-i ks pop.tlat1om comme 'Cbioo1s' dii.ns les hcWl oU ils !lie trouvent 41 l ' c!tmn~cr. dcuxiCm~nt 1h1 ont 1C'T\dancc li se
repvapcr- IMns des quanrc:n urt.ans pour constituer des communautb fondc!c!\ sur une ba.~c clhntquc - ou hngu1s11quc. matS i.
lmglK' f.ul ~de l'cûuuc .'", ln P GENTELLE, Chmt! ~' '"dfa,poru ... Pans. Elhp .~ . 2000. coll . "Les doMicni du lapn et dr
rApl!:plKJD·, p 82.
2 La qlll:Sbon dt a. nunarili pakaunienoc au Liban a condun 3 l'c!cla1emen1 du Liban. à partir de l 97S Les ralrs1micns œl
d'.bord Ulihal le lari10n du Liban cornrni:: base de leur lune contre l'oci.:upoClon de Io Palotmc . Io (nigihlC du t)'1terat
~ lit:.aaiaa provoqué une pmjcction des divmons interne• dan!I le con nit i?11rnClo-palc?1111nicn
J Dau l1vns donnmr le dtta.il de l"hisloi~ moderne du peuple p•lcs1in1cn, qui figure comme l'une dc!C plus gn.mJn irag6.!KS
du XX" 1Hb::le - la phn: loap1e m t.oul c.a.s - : H. LAURENS, Le rt!tr111r dl!.~ ulh1.r. l.u lllltt• pu11r lt1 l'al~.ui,,r Jr IHtlO ..i /'191.
l'wu, R l.afTDl'll 1998. 121.C p. , N PICAUDOU, Ln Pale1111n1ens. un su~cle d'h111oirc , 8ruJ1ello, Cnmplcxc, 1997. Jl6 p.
Chapitre S. l...o minoritc! 515
d'lsrol!I, les pays occidentaux font montre d'une patience en matière de Droits de
l'Homme qui tranche avec tout ce qui a été observé dans les cas de l'Irak ou de la
Serbie. Mais la démographie palestinienne travaille à bousculer les rapporb de force.
La capacité d'énergie nationale est immense dans le peuple palestinien. nourrie de
cinquante ans de frustration et de martyrs ; elle peut arracher un État palestinien. De
l'intérieur, la montée en puissance des Arabes israéliens mine peu à peu les
fondements juifs de l'État israélien. Les deux forces conjuguées pourraient d~boucher
un jour sur un autre État, pour l'ensemble de la Palestine et de ses habitants.
Carte 91 : Pays d'origine des Israéliens
Située dans une partie contiguë d'un État ou enclavée par rapport à son pays d'origine,
la minorité est parfois source de problème. Sur le plan géopolitique, il convient de
distinguer les minorités persécutées ou "périphéries" politiques - les Kurdes!-. des
minorités qui, pour sortir de leur condition de dominés, ont pris le pouvoir - les
alaouites en Syrie2.
De même, le degré d'irrédentisme du pays d'origine et le degré d'attachement de la
minorité à la Terre-mère influent-ils sur le poids géopolitique de la minorité.
D'une façon générale, les minorités font l'objet de vives contestations qui s'insèrent
dans des conflits régionaux dégénérant en conflits plus vastes. L'exemple palestinien
dont les répercussions sont mondiales en est l'exemple typique. Ce fut hier l'Allemagne
qui prit hier prétexte des minorités sudètes pour engager une guerre qui devint
mondiale.
La grande variété de types de minorités se résume géopolitiquement à quelques
schémas de comportement. Une ntinorité peut être utilisée par un pays de façon
offensive pour déstabiliser un voisin - Russes d'Ukraine ou de Moldavie, Grecs
d'Albanie-, soit, ce qui est plus rare, de façon défensive pour se protéger - Kurdes
dans l'Empire ottoman, Assyro-chaldêens d'Irak lors du mandat anglais.
Les minorités peuvent aussi connaitre un essor social et économique significatif et
peser alors sur leur pays d'accueil : c'est l'exemple des sikhs de l'Inde anglaise.
Le Maghreb est marqué par un singulier reflux de l'histoire: celui des musulmans
de la péninsule Ibérique qui, après la chute de Grenade en 1492 commencent à fuir vers
le Maghreb3; le mouvement continue tout au long du XVI~ siècle et s'amplifie à partir
de 1609 lorsque Philippe ll. qui constate l'échec du processus de conversion nominale
et forcée, décide l'expulsion générale•. Lorsque ces communautés que les Abicains du
1 L. ~I A . C"llAUR\' , r11l1tlq111· L'f "1Uh.ll'ltés ,,,, Prr>..·lt1·-tfr1.:m r io r..Ji.Jfl,l<i .f14n..·.: lr'·~·oonJ , P:uis.. l\.t;:u.~\"('-L.vus.c.. l~ï.
r. 2Sl-271
2 X. de l"LANI IOl. . ,\/ifwr,tt;s t·n /_,/"'" rCi, •1•gn11•lt1t' f'{•/11t.Jll•" ~·1 \ oo.·1.1'1- 1. ra.n s. Fbnunari""'IL J'-N"'.'. p . R...'··Mtl.
Ji\ CLOT, L ·1:.:,paJ:ll•' m1L'lulmo111· (J "/11" -.\"I• .Hi'd d. Pu.n:., r.:mu. l"hl"1. f'. •to-.11.:.
'4 Mrm. p . .\13 .. L\."di1 Uu lh 5"..-plcmbn: ltiO'I JL•l\na1t llU.' Mu~'",_" un Jd111 Je: tn..•~ J'-~ fl'.U"'l'IÎlla ie ro~-.wncsom pcaac
dt mort.. llo; c!1a1cn1 au1un!'iêS il ern(lOncr t.:1: qu'ils r,1u\"~m:nt lnuu.p.>ftU &VC\.' eu., ,...
~16 r111rtit• 1 . Prr.,,11111r.11cr. tir.<; rrlr.ntif;<;
Nord appellent andalouses, par réfl'rence à leur origine géographique - alors qu'elJ,,,
sont en majorité originaires d ' Aragon et de Castille - , après que les Espagnols les aient
appelées n1orisques, co1nn1encl"nt fi é rnigre r vers 1 Afrique au xvc siècle, elles son(
1
encore de lllngue arabe. Mais un siècle plus tard, les nouveaux arrivants sont
)argentent acculturés à la civilisation t..~spagnolc et parlent le castillan. C'est le cas de la
majoriti' des 300 000 Morisques sur un total de 500 000 qui arrivent dans la dernière
vague du XVII<' siècle.
De nlinorité n1usuln1nne au sein dt" l Es pagne c hré tienne, la minorité devient ethno-
1
1
culturelle au sein de l Afri que du Nord n1usuln1anc e t importe au Maghreb des
éléments de civilisntton espagnole; e lle n' es t guère n1i eux acceptée et suscite une
méfiance inverse .
Le cas des Morisques 1 montre que l'expérience des minorités religieuses entre
l'Afrique du Nord et l'Europe co1nn1ence tôt dans l'his toire et dans les deux sens.
1 On pourn. consul1cr M . ROVILLARD, Bih/lugraphlt! crmunemée J, .... Mm·i.'ftqm'.' · Alger, 1979 ; M . de EPALZA et R. Pt:."Tn.
Étude sur let Moriscos andalous en Tunisie, Madrid. 1973 ; S .M . ZBISS et alii. Ëtutles s ur les M o risques lllldalous. 1910. C'I l~
Mori!tqUC!l, l 9KJ .
42 popularion du pay' en 1950
59 populati<>n du pays en 2000
(59) popularion en 2025 scion le; projecrions
-,..,,
l
LA CATÉGORIE SOCIO-ÉCONOMIQUE
"Toute réduction des faits humains à l'ordre géographique me semble devoir être
double pour le moins : réduction à l'espace, oui, bien sOr, mais aussi réduction au social. •I
"À supposer qu'il y nit des entités, des zones économique à limites relativemmt fixes, une
méthode géograp/1ique d'observation ne serait-elle pas efficace ? Plus que les étapes sociales du
capitalisme[ ... ] n'y aurait-il pas intérêt à décrire les étapes géographiques du capitalisme, ou, plus
largement, à promouvoir systématiquement dans nos études d'histoire, des recherches de
géographie économique - en un mot, à voir comment s'enregistrent dans des espaces économiques
donnés, les ondes et les péripéties de l'his toire ?" 2
1 F. BRAUDEL. Écrits sur l'hisloÎre, Paris, Flammarion, 1984. coll. "Champs", p. 173.
2 Idem, p. 129.
l'n,.tit' J H ·rmuJJC'll Cf" rlN idmhti1
Trop nombreux sont ceux qui veulent soumettTe la géopolitique à leur grille de
lecture selon laquelle les luttes politiques seraient déterminées par des luttes sociales et
économiques ; en somme, ce serait l'his toire du pauvre peuple exploité par un peuple
riche et sans vergogne ; celle des pauvres Irlandais catholiques, Palestiniens ou
Québécois francophones exploités respective ment par les Anglais, Israéliens et
Canadiens anglophones. Or l'erreur du raisonnement marxiste appliqué à la
géopolitique - c'est-à-dire, de notre point vue, une négation même de ce qu'est la
géopolitique-, est de poser cette exploitation réelle comme cause du conflit alon
même qu'elle en est l'un des effets. Les Irlandais catholiques du nord de l'ile, les
Palestiniens et une certaine partie des Québécois francophones sont en effet dominés
économiquement, et qui pourrait le nier ? Mais la raison de cet état de fait est qu'ils ont
perdu, à un moment donné de leur histoire, le contTôle politique d'un territoire, et du
même coup, le contrôle de leur terre, de leurs ressources, de leurs capacités de
production.
Que les clivages et les inégalités socio-économiques renforcent et entretiennent
même le conflit, c'est une évidence; qu'ils participent à l'élaboration des discours
politiques et des représentations idéologiques, c'est également vrai. Mais nous ne
confondrons pas ce qui est du domaine de l'effet avec ce qui est du domaine de la
cause. Et nous répétons que les inégalités socio-économiques ne sont pas la cause de la
lutte des peuples; qu'en cela elles ne sont pas le moteur de l'histoire, histoire qui
devrait alors, selon les marxistes, s'achever avec l'avènement d 'une société
parfaitement égalitaire. Les inégalités sociales et économiques sont le produit de la
lutte identitaire des ethnies et des peuples. L'objectif de pouvoir - contrôle politique
par un groupe d 'un État et d 'un territoire - est indissociable de l'objectif d'argent -
contrôle économique de cet État. Le pouvoir ne tient pas sans argent, car l'argent
assure le monopole de la force qui est l'expression m ê me du pouvoir étatique - ce qui
ne se confond pas avec la légitim.ité, mais on voit bien qu'à l'échelle du monde, la
question de la légitimité politique importe beaucoup moins que celle du pouvoir
effectif.
C'est parce que des divisions sociales et économiques apparaissent dans nombre de
conflits, que certains chercheurs ont cru légitime de tenter la fondation d'une matière
nouvelle, la géoéconomie1 . Le postulat de la géoéconomie peut se résumer de la
manière suivante: ce sont les luttes économiques et sociales qui, en instTumentalisant
les facteurs de la géographie identitaire, sont la cause des conflits. Cela revient à dire
que l'avoir précède l'être, alors qu'il nous semble raisonnable de penser que l'être
précède l'avoir, même si le premier peut, en quelque sorte rétTo-activement, subir
l'influence du second .
La géoéconomie procède exactement de la pensée marxiste en ce qu'elle fonde
l'inégalité des peuples en puissance sur l'inégalité sociale et politique; or nous croyons
par exemple, comme Max Weber, que l'éthique du protestantisme a produit l'économie
libérale, et non l'inverse ; qu'avant que des é lites bourgeoises occidentalisées dominent
dans le Tiers Monde, il y eut des peuples conquérants qui, par la force, s'emparèrent de
territoires, les colonisèrent, mirent les terres en valeur lorsqu'elles ne l'étaient pas -
Afrique - ou les accaparèrent lorsqu'elle l'étai e nt déjà - lsrai' l - e t créèrent d.,,;
élites locales qui servaient leurs intérêts, et que toutes les divisions socio-économiques
que la décolonisation laissa en Amérique latine, en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie
1 En f'ranct , dana les années 1990. 13 Rr:"w"' "" J.:t•oecomm111._• dirigC:c pM Pascül LOH.rrr ;1 1cn1C de ptuposc r unl· ullcm.111\ C' J 11
géiupoliliquc . Nous awon1 nous·mimc. W.ns un o uvrage prccédcnt , usé du 1cm1c, rn!>scmhbm s ou'> cc \.'Ocahlc cc 4.1111 uur.111 J11. t11ot
•impkmrnt êttt dê-s11"é- comme itanl la quélc Jcs rcssourcc!l C ha1.:un sait 'iuc ln progression '\'Cl"' lu véritê f'm SM: SOU\'('nl ('Il
r~r. ec aussi par la c.apacilé à .usumcr l'crTcur et à en 1in:f' lcl'I 1eçon5. Voir aussi : r . LOROT dir .. Jmrr>rl11c t11m û Id J!hh~afh.1,,.1t.
Pans, Ec.onom.ic., 1999, 244 p.
Chapitre 6 . U. catégorie 90Cl~onomique 521
1 Lc11 "cicncca lc:s plu.'i dCtcmünistes,. .. ..,..tque, I• hiol''il~- l'a..uropbys1que. . •\'COI niiiNa ~ n'împaltt ~ -
si;1cnc~ .combien le my s t~tc de li' ( · r~ation • _.,., •t quC" si un pc-u de scicnat ~loignc de Dm~'! rmll!BR.. ,
522 Partit.• J . PrmrarrnllT 1k!t ;,Jnw,;,n
Les grandes oppositions des modes de vie et des catégories socio-économiques que
nous pouvons trouver partout dans le monde sont les suivantes : nomade-sédentaire,
citadin-rural. pkheur-éleveur, paysans-industrieux, paysans-marchands.
- En A&lque du Sud, l'étude des clivages ethniques tient compte des différences
socio-économiques entre des Blancs qui sont des industriels, des marchands, des
financiers ou des fermiers, et des Noirs, mineurs, éleveurs ou ouvriers, même si les
contre-exemples à cette catégorisation sociale sont nombreux.
Carte 49 : L'Afrique des États
Carte 63 : L'Afrique francophone et anglophone
- le conflit des Grands Lacs en Afrique centrale oppose des Tutsis éleveurs à des
Hutus agriculteurs.
- En Égypte. le rôle de la bourgeoisie marchande d'Alexandrie, cosmopolite et
tournée vers l'Europe, est à opposer au rôle du "petit peuple du Caire" ou des fellahs -
paysans - du Nil, immense masse populaire sensible aux discours anti-occidentaux
- qu'il s'agisse de celui du nassérisrne ou de celui des Frères musulmansl.
- Aux iles Fidji. un conflit sépare une majorité de Mélanésiens protestants à
l'aristocratie polynésienne qui l'encadre ; une troisième composante à la fois ethnique
et socio-économique intervient : les Indiens amenés au x1xe siècle dans les iles pour la
culture des plantations.
Carte 32 : Les ensembles mélanésiens, micronésiens et polynésiens
- En Indonésie, on oppose une "grande masse populaire" indonésienne à des élites
économiques chinoises ; le rôle marchand des Chinois dans toute l'Asie est d'ailleurs à
souligner. Le ressentiment anti-chinois, observable auss i en Malaisie, conduit à une
xénophobie comparable en bien des points à l'antisémitisme de l'Allemagne des années
1930 ; l'W\ des n!SSOrts de ces ressentiments étant la jalousie éconorrùque .
Car12 40 : Logique archipélagique de l'Indonésie
-On a eu l'occasion.. dans le chapitre consacré à la religion, d'aborder la question
irlandaise; les représentations communautaires entre catholiques irlandais et
protestants pro-anglais ajoutent une dimension prolétarienne au conflit - d'au
l'inclination marxiste de l'i.RA.
- Comment négliger le clivage socio-économique dans le conflit israél<>-palestinien
et dans la mobilisation de l'Intifada? Les cultivateurs palestiniens ont vu leurs terres
confisquées lors de la création de l'État d 'Israël et ont été plongés de force dans le
chômage. On ne s'étonnera pas là aussi, que les idées marxistes soient venues se mêler
à la lutte nationale palestinienne.
l D'w.: aJID.fà1: ~c. l'MW:ulu11c marxiste a pnvi lq,.é le r61c cJc lu paysm.nnenc don~ le ren'\lcnemrnl t.le l'hLSIOi~. Ob
1921 , LOmr avait~ qm les psysana colonW..:1. Kn.icnt conduits D. jouer un rù lc 1mf)O na.n1 Jan~ lu rtvoluoon mondiale. S~uv
ldmd:ua. m. 19~ . que 111 ·q~on nshonalC'est au fond une 4uc.,;tion pu.)'su.nnc'" d~ mèmc que Mao Tst Tou.ng fua dl: la ,C.,oolllbOll
cbÏmlilc: - n:-vollltlDD p9)'IUIDI: ~ E. JOlNE. Relullutu Jnl#matttm&Jfe_'f du n.tn· M1md~ t!I druit tirs JH!Upla. 2• M. lm'F'·
........... ..-. 1'179, p. 116.
Chaplin! 6. i.. c:-attgorie oodo-konomlque
1 Y. RICHARD. L 'i.dam chi '1tr tCroyanccs rl u:kalogie:s), Pmu. Fay.ni. 1991 et F. THUAL~•~ ......
Arléa, 1995 .
2 ·un critërc cxiatc qui pcnnct de d~cnn1ncr. pour cbmquc ?IY' du r&1 du ~ dc:t fan:cs ~.
Den nmde...
chppréclcr con~cmern l'orientatio n réelle des gou'\'ftnllllts c"esl œlu.i de la rUunm ~-
Pmr llo biais 4r la ft:tOmr .....-.. "'9
OXICClne dirttlemcnt le son d'une fmct ion enco re souvent Ms mejonraire de la popdiuion.. l"Ét:lf • m d'lèt: la p:milllW •
mnodelrr à son p Io société J o nt 11 c sl issu. Une Ctudc d'ensemble ( . .. J h:n.il 4PP1Rift qu'il CIUR' globùcmml: 1IOis ~ •
ft(Ol"rDCI •paires : les n!fonncs qu i n 'en sont pas cti qu'on promulsuc 9CU.lcmcm c:a vue de dêsmaarca les ~
popu.lairr:s ; les n!fol'mC" qui 1cndcn1 il crttr une cluse nornbfcusco ck petits ~ runm.. ~ i Jtoo..-mit lit- ......._
polioquc d'un pou._.air de type 'modén!' o u 'bourgeois', et enfln les ~~ dr type tacialislr ( .. J. Le ........, ~ ~ ~
qniR - la rNillribu.lion de9 !ois Jk1dtt par un. pouvoir 'bou.rpot.S' au profil de J19Ysm5 imln'idudl - est~ ""8 Nipmdiia
qu'on l'imagine pan:c qu' il connpond. pour les pays qui mvimgau un dihckJppaœnl œ ~ ~. ii UllE e6œllÎllll! ..;-w.
Paur ce1 pa~ il a1 m cffe'I ind.ispcnsahlc de bnscr l'h~l(émon1 c- de la classe- ffodako. Cl!pimlilme et ~ mm m efla •
advcrai1a Uriduc1iblc:s.. . la réfonnc s<M;i11hstc pqrt du pnncipc .. C(UC' la torn: ne: JJC'll applnlmir qtl't. la ~Yit6 w a ~• ia
B. CHANTEBOUT, LI n ~r.s Mundc. Paria, Armand Colin. 1916. coll. "lr. p. 101- 103.
524 1'11rl1t" 3 . l'rn11m11:11ct df?' 1dmli1n
1 Cet\ Slal.inc. pasa.e maitre en muiën: clc: manipulat ion s dei; J1v1s 1ons nt111ona.lcs et des lut1cs de clusse s qu i eut 1'1dëc de f'riHt
ln pm.yam i.djW de lcur.s êbta c11.adancs de Boukhar.:I C1 Sant41'C'.a.ndc . '"en 19 24 . M osc o u s e c onlcnl.o d'oclroy cr u1ui: T"1J1ks unt
ripou au&ooome à J'maMcur de l'Ou:tbClusun - le 14 octobre 192 4 -· , cl a luquclh: lu..-cnl raawchccs l e~ rcg10ns montagncwt1 ks
pb&s arnbi:a Je l"tt•protccforal dt Buukhara., sa.ns la inomdn: vllh:." , in G . IJ ENRARD, (i.,;apu/;114/Ut" Ju TaJplu.fl&Jn (l..• 1w tn 'l'Qll
c;,.anJ Ja. en A.,111! n·111rul~J .
ParU. Ellip1e.s . 2000, 1;.:o ll . ''L'Orient polit ique ". p . )9. A no1cr que cc chvogc sociol ogique al
mdispcnal>Je du d.Jv• linpiilliquc pc:nan/twc : "Le persan a été Ia lunwuc: Je c1vilisa11on par cJU.:cllcncc cl cc , JUsqu'o.u Jtbu1 dt
DOtRclièck. Les khauts de Kokand et de Bouklw1&.. dingés por J~ dy no..'illC~ uuLbCkcs. avuicnt jUS\Ju'j leur chute - - 1816 C'1
1920-. le per,.a comme langue olTicicJlc. de memc que l 'em pi re mu ghol J 'Jm.lc Liu NorJ, JU!Oqu 'li lliUA 11boht1on en 1857
l'i.nacltigcuW.. de l'As.K: centrale, au moment de: la rt1roluuon bolché:\'1'4UC, ~ ·c11.prunu1t auss i dans celle lunHue. C ette J11ngu~ Je ('UUJ,
wtiamc et parli:ic par I~ êhlcS pohlJqua, u.rtililJqucs ci ln intcllcc1ucls, c'c.-.;1- 0-Uirc unc minor11C.: , ~· upposc ou llOC i;uprrfMl'C' j U.
lADaw: twqUc: ( J C"esl la rtvoluüoa bokhivique qui a a«~lé:ré le Jëc.: lîn du persan . i l c1tt 11ujuurtl'hu1 ~duit, en l\s1c ccnlr.llc. Ml
CCW' do pada i.-llla lu.atunqun - Samarcande e t 8ou.k.hara - cl 3U1'. piemunb du ru.nur- CL Ju T11U1 Shan. utnJo: ~ UC les plamd
partm1 uaz:bà. et la beuiCS mootasncs pmnun ou kirghize.", ldl!m . p. 2 7 .
2 Nuwi avons u..~ d'Oman dans lé: chapitre cunucré au facteur rchHicux , &\ propos üu pumcu larii;mc ihad itc
Chaplttt 6. U. calégorl<> soct~onomique
arabisés, Indiens hindouistes, les Banians, Indiens musulmans, les Khodjas, lranienll
chiites, descendants d'esclaves noirs 1 - il faut ajouter celle des genres de vie: pêcheurs
de la côte qui constituèrent la base militaire des marchands du littoral et des 9uJta1111 de
Mascate et sont soumis à l'État omanais, tribus de pasteurs nomades, montagnardes ou
évoluant sur la bordure intérieure des montagnes, et qui causèrent toujours du soud
aux sultans omanais.
Corte 78 : L'ibadisme en Oman
- Un exemple de domination ethnique qui débouche sur d'importantes
transformations socio-économiques est celui du Turkménistan2. La conquête russe de
la Transcaspie débute dans les années 1870; les tribus nomades turkmènes s'opposent
à l'emprise de la colonisation russe. Les Turkmènes sont d'abord favorables aux
Anglais contre les Russes - les Anglais tentent de bloquer la descente vers les mers
chaudes des Russes, c'est le Grand Jeu. Le Turkménistan est conquis par les
bolcheviques puis devient une république soviétique en 1924; la soviétisation ouvre
une ère de monoproduction du coton, accélérée par le creusement du canal de
Karakoum. Le processus de transformation économique contribue à sédentariser les
Turkmènes autant qu'à abaisser chez eux la pratique de l'islam..
Carte 54: L'Asie centrale: le monde turc
- Selon Fernand BraudeP, la conquête turque dans les Balkans à la fin du XIV• siècle
est favorisée par les clivages socio-économiques. Outre les divisions ethno-religieuses
- Byzantins, Serbes, Bulgares, Albanais, Vénitiens, Génois s'y disputent-, le monde
balkanique affiche une fracture sérieuse entre les seigneurs et les paysans durement
dominés. Braudel affirme que les paysans n'opposèrent guère de résistance faœ à
l'humiliation de leurs seigneurs, grands propriétaires et que "devant les Tmcs, un
monde social s'est écroulé, en partie de lui-même".
Ce phénomène de décrédibilisation des élites politiques et sociales auprès des
populations dominées, à l'occasion d'une conquête extérieure, est d'une grande
importance: on le constate après la Seconde Guerre mondiale dans les soulè\•ements
contre le colorùsateur anglais ou français qui s'afficha un moment vaincu ou très
affaibli : c'est par exemple le cas de l'administration française du Levant - de Gaulle
promettant aux Libanais leur indépendance pour les pousser à s'opposer aux
vichystes; l'indépendance est acquise dès 1946. D'une manière générale, lorsque le
colonisateur eut besoin des populations colonisées pour se tirer d'une situation
difficile, il fut ensuite sanctionné.
1 X. c.lc PLANHOL, Lr•s Nutilrm du Pmp/1t\1t•. AldluP!'I gc.i.ngroplllquc- &.. pulitiqw nw.n.t___., Pans. Favard.. 1993, p. llt ;
A. llARTMUT, Mobile Lcbensfonngruppcn SOJost-Arab1cns im Wandcl. 01C" KilllmpruYUU Al Mh.Dllb ian ~
Je nomndisme. Le Coran est maTqué par l'esprit du désert et le culte initialement prévu
pour la vie citadine a fait des concessions au nomadisme - lustration pulvérale•,
possibilité de prier en tout lieu2, sacrifice sanglant par égorgement:-\
En realitt!, comme le souligne Xavier de Planhol, en Arabie, le monde bédouin
imprègne très tOt le monde citadin des oasis du Hedjaz de ses structure' sociales.
Depuis son émergence dans la seconde moitié du Il'' millénaire av . J .-C., Je nomadisme
pastoral s'est immiscé dans "toutes les parties .uides de la péninsule, jusqu'aux conhn•
des montagnes de l'Arabie Heureuse qu'il atteint dans les premiers siècles de l'ère
chrétienne'"· Les villes du Hedjaz sont en fait structurées à partir de clans tribaux - Je!;
fameux Qorarchites à la Mecque. li convient donc d'ètre prudent en islam sur la
division nette du monde nomade et citadin, et ce d'autant que l'essor de la c1vilisation
islamique repose sur une complémentarité fondamentale entre la cité et le nomadisme
Les bèclouins des déserts arabes sont nombreux . Leurs ressources sont faibles . ils
ne travaillent pas, ils ne cultivent pas; il leur faut nourrir Jeurs bêtes et se nourrir eux-
mèmes. Cette situation les conduits à une posture agressive et conquérante à l'égard du
monde sédentaire qui représente la richesse à razzier, à pille r. Les razzias s 'exercent à
la fois sur les zones de culture sédentaires et entre tribus . Son genre de vie fait du
monde nomade le monde guerrier par excellence; il le promet à devenir la force
militaire de l'islam. Nous avons déjà souligné, dans le chapitre consacré au clan et à la
dynastie, l'origine de la force de la civilisation musulmane : l'alliance de l'organisation
du droit et de l'esprit citadins avec l'épée nomade. Xavier de Planhol dit des nomades
qu'ils sont les "soldats de la religion" 5 . Les dynasties nomades se sont souvent
emparées de la direction de l'islam, se fixant dans les grandes cités, avant d'être à leur
tour supplantées par une nouvelle éruption nomade. Cette complémentarité n'a
cependant jamais entrainé la fusion du nomadisme et de la ville; les deux genres de
vie ont traversé l'histoire avec leur lot d'incompréhensions mutuelles.
L'épisode de la Révolte arabe contre les Ottomans appuyée par l'Angleterre, durant
la Première Guerre mondiale révèle le clivage sérieux qui persiste entre l'islam arabe
bédouin du chérif de la Mecque, Hussein, et des nationalistes arabes de Damas, lettrés,
raffinés, urbains, tournés vers la culture française. Pour ces derniers, Fayçal, fils de
Hussein, n 'est qu'un bédouin du Hedjaz prenant l'assaut d'une citadelle de la
civilisation. Damas. L'argument premier des exilés syriens de Paris - le Comité central
syrien animé par l'éciivain syrien francophone et francophile Chékri Ghanem, auteur
de la célèbre pièce nationaliste arabe, Antar6 - appuyés par le Quai d'Orsay favorable
à une Syrie indépendante, fédérale et sous mandat français, tient à la différence de
culture entre les nomades et les citadins damascènes . Cette diffé re nce est réelle : pour
s'en convaincre, il suffit d'interroger aujourd'hui un sunnite de Beyrouth ou de Damas
"à propos de l'Arabe du Golfe" . Les propos sont souvent teintés de mépris mème s1 la
richesse du Golfe suscite l'intérêt.
1 LA lustration pulvént.lc ou U:yammuun. Coran, IV . 43 : V. 6 . pcnnc l tlc se punricr a ...·cc du sabl e au cos où l'eau feni l Llif11ul
2 Un b1d.ilh du à cc pnJpo5 que •ta lem: cn11Cre me fut oclroyt!c comme: lieu <l..: prîhc cl c o mme moyen c.Jc: runlicalmn· l<
tapis ou le muuc:au sur lesquels le croy11nt peut pncr remplacent en quelque son c Io rno squ~e ah!>CUIC du di?scn .
J Le vcnc'I CVLll, 2 du Conm, "Pnc ton s.c1Kncor cl tgurgc" · c'c~l l:\ une pnllil1uc:: 1yp14ucmcnt p11s1orah! Cl C1rnn1:1~rc au mond.e
c1tldin.
4 X. de PLANHOL. U J Nations du PnJpJiete. Man11t!I RL;oxru11lm/llL' dt· p o /i1it/t1l! nms ulnum'" Puris, Fayurd, 1993, fi· "42 l.a
de cette: 1mplaatAUon à partir du uc millCruurc ""' J.-C: ' X . de: l'la nhul lu founut rlu:-. loin dnn!i S\lO OllVTDf:?C . c'csi l'ln\"CfUÎlCI
nlÎ.IOD
dam le nord du dtscn arabcrsyncn de Io to::hn1q1.1c de Io monlc sur IH hos~ qui "'a pcnm;Urc d'utiliser le dru1nud1mc cl Je pCntlrn
pro(oodtlJJcol Je dé:lcn. /don. p. 6S .
S X . de PLANHOL. La Narlans du Pmphêt~ ,\.lan14cf JZiogrtJpluquc dc..• 1mflliquc.• m11.wlmm11.-. Pans, t'oynrd, 1qq3, r 43.
b C OHANEM, t c-rllJ prJ/ltJq uB. irm'Tt.'!i n m1p/t!1t•.,·, Ucyrnulh , Dar 1111 Nnlmr, IQ94 ; liTI,~· /i11,1n 1ir• ' f , /'1i i.~1...
1him,,. Beyrouth. Dar 11.11 Nllhar, 1994. Un manu .ment de la hntr.urc hhuno- syncnnc en hmgu c l"nmçuisc
0..pltre 6 . Ui catégorie ooclD-«onomJque !!Zi'
LA CIVILISATION
1. Puissance et civilisation
Des historiens aussi éminents que Fernand Braudel ou René Grousset font souvent
référence à la civilisation dans leurs écrits. Plus récemment, une école de Relations
internationales américaine, sous l'impulsion de Samuel Huntingtonl, soutient que le
monde est sorti successivement de la réalité classique des rapports de force entre les
États, de la bipolarité idéologique puis de l'euphorie courte de la "Fin de J'Histoire"
prônée par Francis Fukuyama2, pour entrer dans une nouvelle réalité, celle du choc des
civilisations, ces dernières se définissant en premier lieu à travers les grandes
catégories religieuses - christianisme, islam, bouddhisme, hindouisme - et les
grands systèmes de pensée - modernité occidentale, confucianisme ...
Carte 9 : Le choc des civilisations selon Huntington
Dans la première partie de ce livre, qui est consacrée aux écoles de pensée
géopolitique, nous avons consacré une section à l'analyse des théories de Samuel
Huntington ; nous avons tenté d 'y montrer combien elles étaient souvent caricaturées,
notamment en France, puisque le chercheur américain n'a jamais prétendu que les
civilisations étaient des blocs homogènes et unis ; qu'il a, au contraire, souligné
l'importance de la notion d'États-centres pour chaque ci\'ilisation, confirmant du même
coup l'importance d e l'État en Relations internationales. Mais nous réfutons l'idée
majeure de Huntington selon laquelle la lutte classique des États s'inscrit dans un
conflit de plus grande ampleur entre les ci\•ilisations. Et ceci, pour une raison simple
qui a trait à la puissance, paradigme des Relations internationales comme peut l'ètre
l'intérêt pour l'économie.
Commençons d'abord par reconnaitre que si la civilisation est telle que Braudel la
définit3, un ensemble de traits historiques, culturels, religieux, alors die existe. Qui
1 S.r . l-IUNTIN<iTON , ThL· C/tJ...;h of< 'frili:trfl(m.s '""'Th&.' N''''"'*-'"g 11/î for 1'd <Jrd.:r. ~c.,.· Yort.. S1rooo .wd Sbtbttr. I~.
2 F FUK UYAMA. Wur ami C ha11.1.w in lmam11i111wl l'cifitK'i, [ ::unt:inJg( , Cl)f'ncll L'nm:rs1()· Press.. 1961
3 fcmand Uruudel c.Jélini1 ~ alre5 cuhurcl ks : "C-.:st k gniupenll.'nl n.1.!ullcr. l.i friqlllml.~ Je 'c:rtalm nits. l'ubiqmlr dt
ccu~ --c t
dans une mre pn.lcise qui sont les prem1l!"rs s1gnl!"s U'unc rnh~ n.·1·u.: < ..: ulrurellc. St J. i.."CUC eu~ Jan.s rcsp11t.-,: s'ajoulc um
penn1nencc Jnns le- lcmps. j'uppellc t.: Î\ihsauon llll i; nhurc l'cn.~mhl c. k ·11."ltal' Ju rtpcn('l1rt. Cc 'WU.!' CSI Il bTœ Jr li i:'i\-ilisanoa
ainii n:connui:- ", m F. BRAUDEL, Êc·rit.'i sur /'Jiislo 1n\ Flamnw1on. Pnns. ll.JS4, . : \111 "Champs". p. ~~ .
Pnrtù· .1. flrrm1111l'trcr ilr'!' itlt11lil;t
pourni nier qu'il existe bien des ensembles humninR prt'sentant un nombre de
carach!rlst!ques communes imporhmte,. qui les distinguent d'autres ensemblcs n
Comme le S\l\ltlent Braudel. l'nlre culturelle n'est pas une pure vue de l'espril; elle
relève de la géographie; elle a un centre. son "noyau", ses frontière.~ et ses mnrges . Eli~
esl une réalitl> de longue durée, el snns doute fout-il en gl'>opolitique, ln considérer
comme un facteur agissant sur le temps long 2 .
Mals re.:onnallTe que la civllisolion existe, qu'elle s'inscrit dans la longue durée,
n'esl pn~ prouver qu'il existe un choc des civilisations.
D'abord, une fois que l'on a ndmis le fnit que des civilisalions exislent, il rl'!lte
encore à pr<!ciser lesquelles. Nombreux s'y sont essayés, mais personne n'est tombé
d'accord~ et les typologies se sont affrontées . Pour Enri Berr, chaque peuple a sa
civilisation; on retombe donc sur la réalitl> des peuples et des Étnts4 . Pour Arnold
Toynbee!' nu contraire, il existe un nombre restreint de civilisations : 21 ou 22, toute' de
longue durée, impliquant des aires très vastes, qui naissent, se développent et meurent.
Cinq eont encore vivantes aujourd'hui : Extrême-Orient, Inde, Chrétienté orthodoxe,
Islam, Occident6. Mais comme le montre Braudel, ce genre de classification générale
supporte mal le contre-exemple. L'intérêt de la théorie de Toynbee c'est qu'elle
reconnait cependant la prééminence de la géographie et celle de la longue durée7,
1 Le cho~ de5 nttfftt carac1hi,tiqurs n'Hl-il pns lu1-m,me ~ ubjcet1f'! Prenons un e:.:emplc . 1:crtorns Françai!l !'e 1m1m1 phc
pnxha d\m Afiicain frwnc.tlJJhaoc que d'un Allemand : t.l'autres •u 1:ontmire pensent qu';t so nt plu!t flrDche!!: cJ'un manc chritim qœ
dt zitmpudl- qwl Hlrt' ftnmgn. Les pndc:a civili.Yliom que Samuel l-lunlmglon dëcril dans U c:ltrx· tic.( cillllL.ulloru CPuit.. Ed
OdJlc Jsob, 1997, pou.r la tnduction f~isc) sont tin systëmc.' de rraiu conununs. clhniqucs. religieU'l , cullu~ll ; il eil pmnU
dE • rarouwT dard uae relie clu.s1(ic-.hon. mais nous répêluns qu'il est ou~si p c rnus de ne pus s'y rcconnuiln: ur le choi.a drt
criW:ra ~lié 1U1 goût el à rw:WolOf:IC pro~ (}e la. pc:nonnc consid~rêe.
2 "Rali1â de kmsuc. d'iolJru1•blc dwtc. les c1vilisat1ons, 141ns fin rêadoplêcs .:i leur deshn , dëpassen• donc en lonrtutt
tnu1~ les .utrct rft!ills collrcbvn elles leur survi\'ICJll ( . J comme elles surv1..,cn1 au.~ bouleveDements poln;qun !lOCimn..
fcunonuqus. mfmc idœlOJiques d'aillrun, qu'elles commandenl m!!.idietL"lement . ru1ssAmmcnt d 'aillcur.1 Lo Rlvntulion fnnça.i.
a'ert pu .anc coupute totale dans le d~hn de la civilisation fmnç:a1se , ni la Rë ... olution Je 1917 dans celui de la ci'viliHlion ru.ut qut
~ iatiUdml. pour l'BuJit cncoR", la civilisation or1hotlo'le orientale .". in F . HRAUDC::L . tcr11( ~"r l 'l1L,lairr , flammanoa,
Pwi9. 1984, coll. '"Champs" , p . JO] ..Je nais amsi 6 la réalilé d'une histo ire porticuhêr~rncnl le nlc de!I civ1lisaliont , dans m,
profoadirwt abynaln, d.mts leun tnms strucrvtaUJt et géoKf'aphiquc.s . Certes les c-îvi llsalion!ll sont mortcllc::t dan!!. lc:un noni.soru 5rt
pha pr#Jcieuan , a:rtes, elfes bnllml. puis elles 5'é1cigmm1. J'lOUf refleurir lôOUl'I ù'taulrcs rormes Mals ces ru11111~l'I l'ion! plus rattt.
pD elpK'6el qu'on m le pmJC". El stJMout. elles ne d~truisml ra.s tout égolemcnl . Je veux dire que. dans telle ou telle" ifrt &-
cfollUMOon, le contenu IOf:ial pttil se renouveler dcwi ou 1ro1!'i fot!lo presque enticrerncn1 son~ oueindre ccrtaio!I lnlits rrorards dt
JtnsZUtt ~I cœliouerontt l9 d.11tin1un fortemenl d~ t:i'o·ilisallons votsinel'I .". Idem. p . 24 .
~iertoalCS 1<M11 lc voc:able de civ11iutîon occidentale me parall par lmp !lilnll"lc". /1/11111 . p ::! 112 .
'AJ. TOYNBEI:, A Jludyo/hWmy. Lundrn, OJlliford Univef"!'lily rrc!l!t, 11JJ 4 - 111fJI, 12 vol ; C/\•ili:ulimn wr Trl11I fj~, .
N"· Yoft . O.fard Unrvtnity Prn1. 1948
6 RcmarqUOfll que Nictzx:he disait qu'il n'y av1il eu qu' une !'teule civîli!ônlinn dep11 î ~ 11 Gréce la dv1lisa1inn (IM(l.Jlt.
"°'"""'""· p 2114.
Chapitre 7. La dvllloatton
Toynbee dl!veloppe la thèse du clrnllenge and re1pon1e ..-.. dffl et réponlle - ; le lllÜÜ!U·
géographique teste la civil Isa lion, el c'est dans les dlfficulll!!I qu'il oppoR à celle-d, qtJ&'
celle dernière trouve Je moyen de s'l!lever1.
Ensuite, comme Je fait encore remarquer Braudel. les dvlllilstlons ne sont pM deJ
systèmes ferml!s, dolsonnl!s. Elles communiquent et 11'emprunhmt mùtuelletn.mt ds
éléments culturels et lechnlques2. Elles peuvent aussi refuser d'emprunter, !le! fetml!t;
l'exemple sur lequel Braudel revient dans plusleur.' de 81!!1 textefl est celui dé lil
Réforme au XVI" siècle : Je5 pays civilisés par Rome - l'Italie, l'P.llpagne, la fl'lldœ -
n'en veulent pas, lis la refusent ; un autre exemple al celui de la civilisation otthodmœ
qui préfère s'effondrer face aux Turcs en 1453 plutôt que de s'ouvrir au chrlsti.anlslne
latin.
Enfin pour que le!! civilisations s'opposent inl!luctablement comme le prflend F
exemple Huntington, il faut qu'il y ait volonté de puissance et donc État. Or la
civillsation4 , ou plutôt les civilisations ne sont pas fondée!! en puissance.
S'est-on jamais demandl! qui commande en effet la dvilisation ?'Si ce n'est un Ébft..
centre comme le reconnaît lui-même Samuel Huntington.
La civllisation de l'Islam n'existe pas en terme de puissance; des l!tats islamiqul!B
qui prétendaient incarner la ll!gitimitl! de tout l'islam, voilà ce qui exista; c'est-à-dire
l'État omeyyade, abbasside, fatimide ou ottoman. La civilisation ~ n'et pa
fondée en puissance non plus : il y eut la pui!lsance de 11!tat carolingien qui voUliït
incarner une légitimité civilisationnelle catholique romaine; il y a la Papauté et lanl
d'autres États chrétiens. Que l'on nous montre la puissance d'une civilisation; la
civilisation n 'est pas une réalité de puissance, c'est une idée qui donne de la puissirtœ,
ce qui est diffl!rent; c'est une idl!e-force, Une idée qui mobilise. surtout lorsque !'Bal
impérial sait s'en emparer, comme hier l'empire de Olarles Quint ou aujOurd'hai la
première puissance mondiale, laquelle ne voudrait pas voir certains États européms
s'émanciper de l'idl!e occidentale et atlantique. On voit bien que le conœpt de
civilisation occidentale est pratique pour les États-Unis d'Ammque; que celui de
civilisation chrétienne est l!galement pratique pour ceux qui dMendenl le passage
d'une Europe des Étals à un État supranational européen; que celui de civilisation
islamique est encore utile à tous les groupes et les États musulmans qui veulent s'en
constituer le centre moteur. L'idée de civilisation rejoint donc 1atgement œlle œ
panisme que nous avons développée dans un chapitre ~ent.
1 .. Une civilisation ne parvicndt11 A 111 vie. soutient nt~ autrur, qur si eUC' L m rsc d"clè. mir'~ foa ...-.: cm
hiJ1arique) à surmonter. HiAlorique, elle e:!tt de coune durft, rœl' pufuis 4unc ~rime vtoleœc. ~ te mWev ......
dn contrainlcrs, des d~n~ de longue dut'tt. S• le d11!n a1 ft'ie-wf e1 1eou. la diffkulfi. ~ . . . la mi~ ~Il.
nm intienl sur son orbite. L'Alliquc e111 pauv~ parn.mtUft'. la vullàcondamote ''" cffartl m•ildeà1r~~ ~ *millm
le Brandebourg doit sa rude vi3ueur à !llCS s:abli~rn cl i IC5 ~- LC'S h9utcun aDdiRa IODl_cba à 1'11c11...:. ~
pour lui: celte hoslilité vaincue c'est'" d vilis.alion inçasiquc cttc-me:rne.· . 1•,,.. p. no.
2 A l'f'bpo!I de la 1tthnil1uc, racleur l?éopoli1ique tir cban(CcttW'PI que- nous abonlom: pU. 1o9l, fkaudel ,...te- il'~
contog11:uJc .
J Dans lent" 01r l'hi.ct11irr 1.· mnmr dnn~ û~moiN" .~ , ·0·1/i'lulio'u
4 "la c iv11i!llltion c 'ç_.. I c c ttUt!' l'homme' ne J'UUnUtt plU!. ouh hcr" Ji.sait MarpRI 'A.IClld ; le .......... ~ a~ ..
ltglr de lrolt, le feu . le noinbre. ln ft•nl:litin. ln \· u~ur .. ( )n pourntil ,,- •.1<1uttf k ~ Jr r-a...tt. 8 polilles!lc, Cl bM d'mlN5
principes et '-'&lcun.
S De mnni~n: compnmble. dum r~ dtur1ln..· c..in:otPCrê a fa rcoltgK.MJ. now n1'GS ~ DIOCKNI' qilc. .. rcf:iaio11 n'm pm
inlnntequcmcnl fondk on puis1t..11m.:1..-. suuf te ulhuln:isnu.· potn·c qu'un F.l•l lr Varicml,. el~ .......... fË.tli:R. te-~Gil
bim l'L..,.lami1m.e parco que des gwuru.. cul~ (1\1, . . _ Stab l'arpuicn1 en somt-rmt.. Du. paa.t • ww ~ la ....... f!11i1
IOU\'rnl un 1rt1lf\lmen1 de!I t.1nt!'O t•u tle ceux q\ll ............., .
532 Partir J . l'ernumrn<r. dt"!11Jmtrlb
Pour Oswald Spenglerl, ce ne sont pas les nations qui constituent les unilé<i
culturelles de base, mais les civilisations . Méprisant ce qu'il estime Nre une "myopie
nationaliste•l, il voit s'affronter huit grandes cultures depuis les débuts de l'histoire
humaine . l'égyptienne, la babylonienne, 1.~ chinoise, la grecque antique, l'arabe,
l'occidentale, et la culture des peuples Mayas d'Amérique centrale. Ces cultures sont
des "totali~ fermées sur elles-mèmes, des entités vivantes, dont chacune imprime â
srni m.ttttîau, l'humamté, sa propre forme, dont chacune a sa propre idée, ses propres
passions, sa vie, son vouloir et wn sentir propres, sa propre rnort"3.
Le thème du choc des civilisations est très ancien, il ne date évidemment pas de sa
mctua\isation par Samuel Huntington, au début des années 1990. Il hante en
particulier l'Occident depuis l'aube des temps. Lépante est l'un des grands épisodes de
cette représentation civilisationnelle.
Nous avons voulu montrer dans l'étude des Croisades - chapitre traitant de la
religion - que celles-ci furent à la fois un mouvement chrétien et un mouvement
national, mll par les intérêts de la Rcnlpolitik. L'idée civilisationnelle y résidait, c'<?St
Incontestable, même traversée par les rivalités et les ambiguïtés des politiques
étatiques. Mais la puissance des Croisades, ce fut celle de la France, et de quelques
autres États.
Lépante est cette formidable bataille qui vit la Sainte Ligue, le 7 octobre 1571,
écraser l'Annada turque à l'entrée du golfe de Corinthe dans un combat à la fois
monstrueux et bref: il commença au lever du jour et se termina à midi . Les 208 navires
du c6~ chrétien écrasèrent les 230 navires du côté turc; seulement 30 galères turques
en réchappèrent, et la Porte perdit plus de 30 000 hommes. Quant aux chrétiens, ils
perdirent 10 galères seulement mais leurs pertes humaines furent considérables:
8 000 morts et 21 000 blessées'. Du choc de Lépante, Fernand Braudel dit5 qu'il est de
•ces chocs sourds, violents, répétés, que se portent les bêtes puissantes que sont les
civilisations'. Qu'ajouter à cela, si ce n'est que dans ce type de choc, il y a toujours des
absents, pourtant membres éminents de la civilisation engagée dans le combat, mais
qui n'ont pas cru bon de s'associer à la mêlée parce qu'ils n'y voyaient pas leur intérèt
en tant qu'État souverain. A Lépante, Venise, Gênes, la Papauté, l'Espagne défendaient
la civilisation chrétienne, mais où était la Fille ainée de l'Église, la France, alliée à
l'infidèle?
Lépante est d'abord le résultat de la politique d'un pape habile, Pie V, qui profita de
la guerre de Grenade durant laquelle les Espagnols redoutaient une intervention
turque - les Turcs s'étaient installés à Tunis en janvier 1570 - pour convaincre
Philippe li et qui parvint, de la mème façon, à se rallier des Vénitiens qui avaient subi,
en 1570, à la fois le pillage de Zara et de la Dalmatie et le débarquement turc à Chypre6.
La bataille elle-même est incontestablement un retentissement important dans le
monde chrétien; son ampleur, sa violence, font figure de symbole et elle entre dans
l'histoire comme un affrontement civilisationnel.
Pourtant la Sainte Ligue qui unit l'Espagne, Venise, Gênes et le pape ne dura que
trois ans et se défit peu de temp!I après la mort du pape Pie V. Dès 1573, Venille qui
menait une astucieu!le politique d'intérêt en Méditerranée et au Levant, signa une paix
séparée avec l'Empire ottoman. Cependant, et comme le dit Pernand Braudel, la marine
turque était brisée; la Course chrétienne reprit ses droits en Méditerranée. "La paix sur
nier, qui va durer jusqu'en 1591, a été pour elle - la marine turque - le pire da
désastres. Elle l'aura fait pourrir dans les ports" 1 •
La bataille de Lépante fut-elle une prise de conscience de la nkessité de s'unir pour
défendre un intérêt civilisationnel commun, comme le pensent des historiens aussi
éminents que René Grousset ou Fernand Braudel 7 Ou fut~lle seulementl le produit
opportun de la rencontre entre les logiques continues des nations et l'intér~ d'une
civilisation? L'unité civilisationnelle à un moment donné de l'histoire ne dis&imule-t-
elle pas une alliance classique d'États qui craignent "ne pas faire Je poids" face à un
ennemi plus fort que chacun d'entre eux ? La géopolitique, telle que nous la concevons,
aurait tendance à pencher pour cette interprétation plus terne de l'histoire.
Il est notable que la lecture civilisationnelle de l'lûstoire est une lecture
événementielle, la ponctuation de l'histoire par de grandes batailles :
- la bataille de Marathon, en 490 av. J.-C., aurait été ainsi l'affrontement de l'Europe
contre l'Asie. Mais la Grèce dont les colonies avaient essaimé le pourtour
méditerranéen et qui affronta la Perse était plus orientale qu'européenne dans sa réalité
géographique.
- Les Guerres puniques entre Rome et Carthage jusqu'en 146 av. J.-C.., "la lutte d'un
peuple essentiellement maritime et marchand et d'un peuple essentiellement terrien.
guerrier et paysan" 3 , c'est l'affrontement de l'Europe et de l'Asie. À l'origine, c'est vr.D,
il s'agit d'une guerre entre lndo-Européens et Sémites. Mais Rome ne fut~Jle pas aussi
la Méditerranée, les empereurs syriens et les religions orientales?
- Poitiers en 732, c'est la Chrétienté qui arrête l'Islam4. Mais les Aquitains ne
s'entendent-ils pas avec l'Islam contre les Francs ? Nous renvoyons à la section
consacrée à cette période dans le chapitre traitant de la religion. Et pourquoi alors plus
tard, les Carolingiens eurent-ils une politique d'amitié avec les Abbassides ?
- Constantinople est prise en 1453. C'est une catastrophe pour la Chrétienté. Les
Croisades retardèrent pourtant de deux cent cinquante ans la chute de Byzance. Mais
les Byzantins ne préférèrent-ils pas s'en remettre à l'Islam plutôt qu'aux Latins? La
Chrétienté divisée, mangée par ses haines tenaces ne fut-elle pas la première
responsable du tremblement de terre turc ?
La géopolitique peut donc opposer au concept de civilisation la réalité des Élats.
Mais n'est-il pas un peu facile de la part de la géopolitique d'écarter la civilisation de
ses analyses sous le seul prétexte, au demeurant vrai, qu'elle n'est pas fondée en
puissance?
Nous avons pu soutenir, dans le chapitre précédent consacré au facteur socio-
économique, que la géopolitique ne suffisait pas à rendre compte de l'histoire, que le
mystère de l'homme constituait la limite infranchissable de l'analyse géopolitique;
acceptons aussi que cet univers mental qu'est le civilisation joue un rôle important
dans l'histoire. Nous nous souvenons, durant la Guerre du Golfe, ne pas avoir compris
1 F. BRAUDEL. Lu AftiûUt•n·, mt't' ,., h · ,,,,,,,,/,• màlit.· rr.Jtt~r11 ji r,;P.i../Ut' ak Pb1ltpf"I! Il. ~o: éd. hns. A.mr.md Colin.. JQJQ,
L Il. Ot•tfltu c-u llf.'L'll{<r ' 'I
ttU>IO 'C"nl L' lll.\· <l'1. 1t.'ôt.'mhlt·. p . :.? H~
0
2 Cesl. il esl \/mi, occcrh: r 4..1uc l'lm1toîrc pui"sc être d~·c\· nntc , m.:m. IC' sac nfü"'C' Je ta linénrure C$1 mssi pmfois ~ pri1 tk la
kicncc.
3 F ORAUD EL. /,~1 .\l~dilt"'T""'•' 1•1 h • ,rru111/1 · mc." /ih' ff1 1m~·11 ,; J'1·pc""/uc· 14.• Philipp.! Il. .i.• Cd. . Parti. AJIDllDd. Colin. 1979,
1. Il , ~.'11 1U ('()//,:r·tij.;, c.•f " "'f" -.!lth 'IJh lf'NIS~1Hh11 ', fi , ) 7 1
4 J . C ARPENTI ER . F . LEURllN , /11.wo jrc' 1/c.• 1'1-:11m1~ . Paris. La Seu.il, l\l90, p . 12f>.l'.!7.
qut' nombre de gens en Frnnce aient pu se déclarer favorables à une guerre qui était, du
point de vue gropolitiquc, étrangère à l'intérêt premier de leur pays ; il fout dire 4u 'ils
furent nombreux à se représenter cette guerre con1me celle de l'Occident chréllcn
contre l'islam arabe. L'Amérique sut d'ailleurs mobiliser, dans son intérêt d'l!ta t, 11."i
repn!sentalions civilisationnelles, comme le fit aussi l'Irak, dont le régime politique,
bien que par nature nationaliste arabe et laYcisant, crut bon d 'appcl"r à la Gucrrl! sainte
tous les musulmans.
Car il y a bien un univers mental de la civilisation qui touche à la conscience
populaire et qui est une réalité historique incontournable. Parce que la géopolitique
resll' une science humaine, et parce que l'erreur est le propre de l'homme, la
géopolitique ne peut écarter de son champ d'analyse, comme le font les sciences
exactes, ce qui lui parait être du domaine de l'e rreur : e lle doit en tenir compte car ce
qui lui parait être une erreur, est une donnée du réel qui participe de l'histoire.
Tentons de nous placer un instant dans la tête des combatta nts serbes, croates ou
bosniaques durant l'éclatement yougoslave : ces hommes ne furent-ils pas tentés
d'élever la cause de leur combat au-dessus de celle de leur peuple ou de leur
communauté, et de se représenter comme des guerriers de !'Orthodoxie, de l'Occident
latin catholique ou de l'Islam? li réside dans les représentations civilisationnelles, une
sorte d 'élévation sacrale, la recherche d ' une transcendance qui donne plus de force et
de courage au sacrifice, plus de sens encore au don de la vie. Au fond, il y aurait
quelque chose dans l'imaginaire des peuples en conflit qui ferait penser à ces temps
primordiaux où le monothéisme n 'était pas encore assimilé, et où les guerriers
ajoutaient Jésus à leurs dieux multiples pour se donner plus de chance à la bataille;
une forme d'additivité du sacré.
La carte des États est traversée par des lignes de fracture civilisationnelle, parfois en
sommeil comme de vieux volcans, mais toujours s usceptibles de se réveiller avec
violence. Les civilisations ont en effet la vie très longue, solidement accrochées à leur
espace géograplùque comme le souligne Fernand Braudel. Elle peuvent céder à la
puissance étrangère!; si elle sont encore mal structurées au moment où elles sont
conquises, elles disparaissent, comme en Amérique avec la conquête européenne, ou
en Gaule pré-romaine2 ; si au contraire, elles ont marqué la géographie de leur
empreinte, elles rejaillissent et balaient la puissance étrangère : partout en
Méditerranée où l'héritage romain n 'a pas tenu, où l'Islam s 'est enraciné et est reste.
c'est partout où la civilisation punique de Carthage avait marqué les terres et les
populations durant de longs siècles. Partout, au nord de l'Europe, où Rome n'avait pas
assez laissé son empreinte, au-delà du limes, le catholicisme romain n'a pas tenu contre
la Réforme.
La longueur de l'occupation n'y suffit guère si les civilisations qui précédaient
~ent anciennes et structurées : l'Orient gréco- romain, de la conquête d'Alexandre à la
fin de Rome, c'est comme le souligne René Grousset, près de dix siècles de présence -
de 334 av. J.-C. à 634 apr. J.-C. Du jour au lendemain pourtant, l'Islam balaie toutl.
Songeons aussi que l'arabisation ne l'emporte pas sur l'Iran qui s'islamise sans
s'arabiser, parce que l'Iran est à la fois un vieil Empire et une vieille civilisation. Quant
aux États croisés latins, ils durent deux siècles et s 'évaponmt en une bataille. Par
1 •&im sQr i. pilai forte, la v1ctoricu1e pé~ souv ent chc-.1. Io plu!i liaihk. ln c 1ilo n1 "-c . )" imu nllc "'-'!> ~uiln 1 cn 1 ..) M11i• .i loa1
krml:: , l"avcnlCIRtuwnt mal"', F. BRAUDEL . Grurnmuirc d~., cil'ill.'ful irm.~ . run s , Flummannn , l'J9J. 1.:011 "C h111n1'5 .. , fi · IM
2 "Oû il ~ fllUt pu cug&cr le mve.u culturel •ncml par elle , ronr le m n m s ne pu!. .. u 1v rt= l'c nthuu ~ins mc con1.1is:1c-11t ik
Cumlle JWlian.."', fdntt. p. 16lt.
J •Au bout de en d111 tii:des, du jour au l~cma i n , ou prem ier coup 1.k "illhre a.-uhc , ltmt cro ule 1\ hml Jnm111s. 111 l•nguc re U
JMDléc ~ · la. cadra oi:cicknt.Ull, lo\ll s 'itvanou1I en fumée . c es rmllc un1' J'l11s1o irc s onl locnlc ntt! ltl comme s'1h: n'awitnl,..
lâ .•. lDJLGROOSSET,8//an J, l'hU1orrt", 5c bl., Pen•. Pion. 1962
Chapllrc 7. Ui ctvi1111nUon 535
1 l.n ques1t,m lie I" ~unie il"-' 1'('. 1111 ll'lsmcl 111ud1r- ;i 1111~ o.(lh'"'1111t1 lJUo.: 1wu~ o1ho.11d~1n .. .iu.,; 1,• .iirn:.-s ..:-r: i.:hap11rt . La ~w: .
L'Ap11"h..-iil en Afrittllc du S1ul ù:.,;1 h1nd C r11ur 11tu11c l> LH 1'111o: t:Jllh.' 1kmu~r.pluqu~ m .ü.. \.. ·...._'""t Ju \:~lleUI um1~ Je- \.'Cllt:'"
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l'nrlh.' .l Prnrw11ntet 1/n iJ~t1til
Méditerrené'C, le s~'mbole encore aujourd ' hui de toutes les chimères cosmopolill''i,
autrefois pourtant si vite balayt' par la rénction asintiquc.
En 188 av. }.-C, avec la paix d' Apamée, l'héritage politique d'Alexandre s'effondr~
face à Rome. L'Empire romain, d'essence européenne, se fait défenseur de l'hellénisme
en Orient. La partie orientale de Rome (les territoires qui se trouvent à l'Est de la mer
loruenne et des Syrtes) deviendra politiquement romaine mais demeurera
culturellement hellénistique.
La victoire des Romains est cependant en trompe l'œil. Certes, Rome apporte
l'unitt' et une lt'gitimitt' politique plus solide que celle de la filiation alexandrine, si
solide d'ailleurs que Byzance, malgré l'incohérence de sa construction gt'opolitique, en
tirera une longévité !'tonnante.
Mais l'idt'e unit."lire romaine se trouve, du fait des conquêtes en territoires
asiatiques (sémites et perses), en contradiction avec la réalité culturelle de l'Empire. La
culture des peuples non grecs de la région repose en effet sur une tradition écrite forte,
à même de résister au rouleau compresseur de l'hellénisation. L'araméen et plus tard
l'arabe (l'écriture arabe naîtra au ne siècle) ne sont jamais entravés par un hellt'msme
souvent confint' aux élites urbaines. L'Égypte ne cesse pas de parler égyptien et ses
p~ écrivent en hiéroglyphes encore au ive siècle, avant que n'apparaisse l'écriture
copte. Cette situation est à opposer à celle de l'Ouest de l'Empire romain, où la
tradition orale celte, confrontée à la latinisation romaine et bien qu'extrêmement riche,
n'offre pas de protection comparable à celle d'une tradition écrite. Au contraire, les
traditions écrites sémites expliquent pour partie la résistance à l'hellénisme, de même
que l'écriture grecque en Orient hellène explique l'absence de volonté (pragmatique)
des Romains de latiniser la partie orientale de leur empire.
D'un point de vue dvilisationnel, l'Empire romain est donc bipolaire. Son histoire
est celle d'une lutte constante entre la culture européenne de l'aristocratie romaine
traditionnelle, et la culture orientale des Sémites et des autres peuples asiatiques en
contact avec la colonisation romaine.
Du duel de César contre Pompée à l'ascension des dynasties orientales et malgré
quelques réactions européennes comme celle des Antonins, on peut affirmer que Rome
ne cessera jamais, dans le sang comme par l'esprit, de se "sémitiser" et de perdre son
identité européenne. La dynastie des Sévères n'est-elle pas syrienne? Ne favorise-t-elle
pas l'essor de l'État de Palmyre lequel assure, lentement mais sûrement, l'arabisation
de l'Orient hellénisé ? Quant à Caracalla, gaulois par sa naissance, mais syrien par sa
mère et africain par son père, il engage sous l'influence de l'école juridique de
Beyrouth la réforme qui met fin à l'identité occidentale de l'Empire : sous son règne, la
citoyenneté romaine (droit de cité) est accordée à l'ensemble des hommes libres de
l'Empire. Dès lors, la porte est ouverte à une orientalisation ethnique du pouvoir qm
s'accompagne fort naturellement de son orientalisation religieuse .
Tout au long des premiers siècles de notre ère, Rome s'imprègne des croyances
sémites. Voyez le culte d'Elagabal par exemple, qui ne supporte pas de représentation
anthropomorphe et traduit en cela même un vieux tabou sémite, repris plus tard par
l'islam, puis, à l'intérieur même de l'Empire byzantin, par l'iconoclasme (le refus de
l'image). Un empereur romain d'origine syrienne nommé Héliogabale n'hésite pas .l
construire sur le Palatin un temple oriental pour y loger une bétyle (pierre conique
dans laquelle le Dieu est censé habiter) ; la pierre noire de la Mecque n'est déjà plus
très loin.
Durant des siècles, avant même Byzance, l'esprit de Rome s'orientalise, dans 11'5
mœurs comme dans le sacré. L'orientalisation religieuse débouche sur une
orientalisation politique, au point que dans Rome triomphe celte idée qui avait
toujours paru ridicule aux Européens: "!'Empereur Dieu". Pourtant, à l'origine. Rome
Ch.Jpitre 7. U. civllliwllon 537
elail un empire lal'c, Son empereur était sacré mais c'était un homme, et il tol~ait tous
l"s cultes. sauf le druidisme accusé de soulenir le nationalisme gaulois. Mail!, à mesure
que l'on s'approche de Byzance, Rome devienl un empire religieux. Jusqu'au moment
où le culte chrétien, d'essence orientale, s'impose de manière exclusive dans l' Étal Ce
n'.,st donc pas un has,ird si Constantin est à la fois le premier empereur romain
officiellement chrétien et celui qui déplace vers l'Est la capitale de l' Empire, pour la
fixer sur le site ancien de Byzance. Par ce geste, il annonce l'avènement proche d'un
Empire d'Orient qui prendra le relais de l'idée romaine, tandis qu' un maigrelet et
éphémère empire d'Occident incarnera pour un temps encore ce qui reste d'européen
dans Rome.
Parallèlement à l'orientalisation politique et religieuse de Rome, l'Orient ne cesse
de se révolter brutalement contre la culture hellène et l' occupation romaine. Durant
des siècles, réactions parthe, aram~nne, juive, ponctuent l' hi!ltoire de l'Orient gréco-
romain . Qui plus est, par l'intermédiaire d'États à la fois client de Rome et tampon avec
les territoires désertiques où règnent les tribus turbulentes (la Nabatène-Pétra et
Palmyre), la souche arabe irrigue lentement la Syrie romaine. Comment l'Empire
romain alors se protège-t-il de cet Orient irréductible à l'hellénisme et rebelle à sa
tutelle politique? En soutenant l'ascension des Orientaux mod~és. Au OJesiècle,
)'Empereur romain Philippe lArabe (peut-être le premier empereur chrétien) est
originaire du Hauran, région syrienne proche des déserts d'Arabie. Cette stratégie de
l'intégration des "modérés" pour se protéger des radicaux se traduit sur le œmps long
par la défaite de l'Occident romain, de son essence euro~nne. Lorsque Julien anive,
il est déjà trop tard pour l'Europe romaine. Rome est en réalité morte et Byzance est
née. Nous sommes en 395.
Mais le nouvel empire, dans sa conception méme, est programmé pour disparaitre;
car il est structurellement bâti pour s' orientaliser sans cesse davantage et pour ployer
face à un Orient plus radical que lui. Certes, le nouvel empire hérite de certains traits
bien européens : la souche ethnique grecque est représentée ; et à Constantinople,
dix siècles plus tard, quand tous les autres peuples auront déserté et trahi l'Empire. il
ne restera plus, face à la multitude turque, que cinq mille Grecs sur les remparts de
Constantinople pour mener l'ultime combat. Cet empire est aussi européen dans la
mesure où la guerre permanente (jusqu'à l'émergence de l'islam arabe) entre B~"Untins
et Perses perpétue le vieil affrontement des Grecs et des Perses au temps des guerres
médiques. Et puis la légitimité de Byzance reste romaine. Enfin, l'esprit de l'hellénisme
est là pour insuffler au christianisme venu d'Orient sémite la raison gréco-romaine.
Mais, malgré tout cela, le poids d'une culture sémite restée i.rreduchble à la pensée
grecque, est énorme. Alors que l'esprit grec s'attache à européaniser le christianisme
byzantin, l'esprit sémite veut en radicaliser l' orientalisme. Une tension intérieure
analogue à celle qui defit Rome (l'opposition entre les tendances européenne et
asiatique) se trouve donc prolongèe au sein de l'Empire byzantin.
La Syrie et la Mésopotamie profite nt. ,; partir du V•' sièclt>, de la propagation des
hérésies nestorienne! et monophysite2 pour se donner de!' Eglises indépendanres de
rite syrinquc, grâce 1:u1xquelle s elles L'"Chltppcnt à l'hl'llénisnte. Lt."S Perses eux. ~1n.~ rien
abdiquer de leur llhlzdl•isnll.', instn1n1l'1\lalisent lt.. . neslorianis me contre Byzanct.'.
L'Empire byzantin, donl les fondl•nwnts sonl autant religieux (christianisme) que
politiques (filiation romaine), esl alors pris au piège des luttes inct.'SSilnl\."S entre
l'orthodoxie et le-. h«rèsi••s, ces d<•rni<'n's ilmenant lil première à une redéfinition aussi
permanente qu'épuisitnte .
1 Deu lli pcr.mlll1l" en J.! su ,.. ( .hn ... 1, l ' un ..· lll\111 \' \'1 h11111.111w ..111 11 ..·t• ,k '-' .!1-....1nni: •• 11h . ~1 , ,· -...:l,•11J~~ll~11 ~ :11 w.i-.;1tr l.k l:i
rcr,.nnnc cl 1l11uhh~ th:,. nulun· : 11."ll'I l'n r k ...·1,.•nnll' d ' l : r h""\~ ..: l'll-'' 1
2 IJllC !<ol:lllc U ;t!U n.: . tll\'i nc . L' ll j\.~S ,lo.; - (. ' hflSI ; l"'C'Jrl J"Af 1(' \.'\>itl' llc de ('h11l1,.-ê\toin~ l'R ~~l .
538
Mais les compromis théologiques que le centre impérial doit passer avec IL•
éléments rebelles conduisent du même coup celui-ci à se quereller avec le Pape et:
creuser davantage Io fracture entre l'Orient et l'Occident. Lorsque, ~our régler );
question du monophysisme, Byzance offre le principe du monothélisme , elle prépar1
du même coup le schisme religieux Occident/ Orient.
Cest donc bien la question religieuse, dont l'origine se trouve dans un mult1·
ethnisme à cheval sur deux civilisations irré ductibles (Européens et Sémites), qui
consume l'énergie de Byzance à travers les siècles tout en faisant glisser celle<i, saru
cesse davantage, vers l'Orient.
Alors que l'Empire est, à l'extérieur, assailli d e toutes part par les "Barbares" (non
hellènes et non chrétiens), l'Empire s'épuise en querelles religieuses internes. Ainsi
!'Empereur Phocas, au tout début du VII~ siècle, et alors que la lutte contre les Perses
parait primordiale et que les Arabes forment à l'horizon un nuage de plus en plw
menaçant, qui décide une campagne de conversion forcée des Juifs choisissant ainsi de
se confronter à l' une des facettes du sém.itisme la plus radicalement hostile à l'esprit
grec (bien plus que l' universalisme chrétien compatible avec l'universalisme hellène) .
Les Byzantins vont payer aussi chèrement que les Romains cette erreur qui va po1155er
les Juifs d'Antioche dans les bras de l'ennemi perse, à l'heure où, à l'ouest, Avars et
Slaves font irruption dans les Balkans et tandis que l'on aperçoit distinctement les feux
de camp des Perses à Chalcédoine, de l'autre côté du Bosphore, en face de
Constantinople.
Ainsi donc, la facilité avec laquelle l'islam arabe conquiert la Syrie et l'Égypte
byzantines entre 634 et 643 doit-elle être expliquée par le fait qu'à Antioche comme à
Alexandrie, plus largement en Égypte, en Pale stine en Syrie et en Mésopotamie, le-;
chrétientés monophysites de rite syriaque et copte, longtemps persécutées par
l'orthodoxie byzantine, vont se faire les complices de l'invasion arabo-islamique. Les
sémites chrétiens accueillent les sémites musulmans en libérateurs. "L'Orient modéré'
qui donnait sous Je vernis hellène accueille l'Orient radical. Une fois de plus la
civilisation européenne est victime du principe de métissage . Après les révoltes parthes
et juives sous Rome, nestoriennes et monophysites sous Byzance, 1' irruption de l'islam
rappelle au monde qu'une civilisation qui ne change pas de substrat ethnique peul
balayer en quelques années neuf siècles et d e mi (des conquêtes d'Alexandre a
l'islamisation) de culture universaliste venue d ' ailleurs. Mais, les dynamiques
civilisationnelles étant à l' œuvre sur un temps très long (Braudel), Byzance ne meurt
pas sous les premiers coups de l'islam.L'Asie, par l'islam, va mettre encore neuf siècles
pour reprendre !'Anatolie, pour abattre ce qui restait des traces de la très ancienne
colonisation grecque en Asie Mineure. Ce sera la prise de Constantinople en 1453. Le
drapeau turc la rappelle d ' aiUeurs à notre mémoire en figurant le croissant tel qu'était
la Lune le jour de la bataille, dans son dernier quart.
1 Dl:wi: aatura mai.s une '\.OlonU: unique , duc1nnc sou1cnuc JUii l"Empcrcur Jll!ruchus en 640 .
Cl~pltn• 7. Ln civms.,llon 539
Cet "Empire Milieu du monde", à la fois race el civilisation, est une dynamique
colonisatrice, celle du peuplement Han sur des territoires sans cesse extensibles, au
moins jusqu'aux frontières d'autres civilisations sédentaires. Dans son Histoirr de la
Clli11e, René Groussetl comparait la construction territoriale de la Otine à celle du
Canada et des États-Unis en ce qu'elle était aussi l'histoire de la conquête d'immenses
territoires vierges "par un peuple de laboureurs qui ne trouverent devant eux que de
pauvres populations semi-nomades" . Commencée aux confins du loess et de la Grande
Plaine aux alentours du 11c millénaire avant Jésus-Christ, le processus colonial se
poursuit encore aujourd'hui dans les marches de la Chine, au Tibet, dans les déserts du
Turkestan chinois (Xinjiang), dans l'Extrème-Orient russe (la sinisation venant ici
pallier à l'effondrement de la dynam.ique coloniale russe) et jusque dans les terres
"barbares" par l'établissement de colonies de peuplement en Europe, en Amérique, en
Afrique subsaharienne. Telle la colonisation romaine, l'avancée chinoise procède, au
Xinjiang comme au Tibet, par l'établissement de paysans soldats, cultivant les terres
conquises et prenant femme sur place. Les coûts d'occupation sont ainsi réduits, la
zone conquise assurée par un maillage redoutable de soldats pionniers, les autochtones
racialement éliminés par captation de leurs reproductrices. Ailleurs ce sont des
colonies marchandes qui s'établissent et s'accroissent a une vitesse vertigineuse.
l .o ntrr 1wur Io,.,,,,.
N'est-il pas étonnant de constater qu'un pays disposant de millier.: de kilomètres
de côtes n'a pratiquement à s'enorgueillir dans s.1 longue histoire que de l.i. politique
navale d'un Empereur Ming~ qui entendait assurer à la Chine la supœmatie de son
pavillon sur les meors de la Sonde et l'océoan lndi~n?
L'une des constantes geopoliliques d,• la Chine est qu'elle a toujour.: privilégié la
terre sur la mer, ceci parce qu'l'lle est un'' civilisation de paysans accoupl~ à la fon:e
de conquérants nomad,•s bien plus 'lu'un peupll' de marins. Les mandarins de l'État
impérial, tout occupés qu'ils é'taient à l'administration des fleuves nourriciers (une
1 Hené liH.01 ISSFl . lli.u oir1· •"' 111 ( 'hit""· l'un.• . l'lly\11, :!000. J~r
1 Man .u.1 l"an:b1pd des Dusoyutai!Senkaku en mCT de Chmc oncnlulc cl 1,;chu des Tukcstum•L.'TokJu eu mer du Japon
21.aOUIC wmpte dt.Ji pour 40 •/,.dam l'augmentation de 161. demande éncrgC1 iyuc mondiale .
Ouipllre 7. La civilloatlon
Jusqu ' au XIX" siècle, les B<1rbares, méprisés mais craints par les Chinois, venaient
essentiellement d ' Asie centrale. Leurs vagues successives inspirèrent la construction de
la Grande Muraille; d e la muraille nucléaire jusqu'à la conquêre spatiale. les plus
grands efforts de dépassement du peuple chinois résultent de la re<istanœ à la
puissance matérielle des Barbare~ . S<>uvent supérieure à celle des Chinois malgré selon
eux une "infériorité civilisatinnndle". On ne soulignera jamais assez le traumatisme
que constitue, dans la nwntalité chin.1ise. le dépeçage européen (Russie, Angleterre,
France. Allemagne) ré-.ullat dL"S Trnités inégau' du XIX~ siècle. L'emploi de la drogue
(opium) par les Anglais comme arme de gueTt't' L>st un souvenir hunùliant pour les
542
C.."hinoi~ . Toute comnlc l.a volonté des Soviétiques qui, durant la Guerre fruid'-'.
voulurent diri~r le con11nunisn1c chinois, cause cs~entiellc de lil ruplun.! sino-ru!\!'K.•
Pour les Chino1~ d'.11u1ourl.rhui, lt.-s nouveaux Barbares sont essentiellement le~
An1éricnin~ . L'-"S États-Unis cht!'rchent en effet à conteonir la n1ontéc en puis?iance dt> la
Chine en encerclant ""ll"'i d'Oucst en Est. d" l' Asie ccntrille jusqu'à la Corée du Sud,
en pass.mt par Taiwan. Mais Pékin refuse de dépendre de Washington pour son
appmvis1onncment énerg~ttque; con1n1e il refuse un ordre international dominé par Je
mondiahsme amé-ricain. Tant pis s'il faut se rapprocher de vassaux pot·cnticls (f<us!ie\
et Indiens) nu d" Barbares (Fr;:inçnis, Iraniens ou Vénézuéliens). L' important pour les
stratèges chinois est de constituer un nxe de contrepoids permettant de faire échec.;
l'unipolarité voulue par Wnshington et de favoriser au contraire l'équilibre
multipnlnirc, en attendant de disposer des moyens suffisants pour reslaul'l'r
l'unipolarité chinoise dans le cercle des vassaux et peut-être au-delà, au détriment Jes
Barbares. Mais l'Empire chinois a toujours été fragile face aux idéologies étrangèrl'S,
venues du deuxième cercle (bouddhisme) comme du cercle des Barbarl'S
(christianismes nestorien et catholique. évangélisme protestant, mondialisme "droits de
l'hommiste", islan1isme) et qui forment autant de défis pour la mentalité confucéenne.
Ces idéologies peuvent se coaliser avec les forces centrifuges (séparatisme tibétain,
taiwanais ou ouighour) et venir remettre en cause l'unité du vieil Empire. Pour Pékin,
face aux Barbares, une fois encore l' enjeu est de moderniser pour devenir puissant; il
faut donc s'ouvrir à la modernité technique et économique de l'Occident mais refu5<'r
son métissage forcé. Ce n'est donc pas un mondialisme chinois qui est en passe de
mettre en échec le mondialisme américain; mais une résistance civilisationnelle.
1 Voir noue partie consa.cltc 4 Uy1.nncc, cmpin: 3 chcvul sur Jeux dvillsalions
C:lulpllre 7. La clvill""llon
guerre des masses, celle qui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, fait plus de
victimes civiles qu'elle ne terrasse de guerriers. La guerre des bombes.
Pas plus, la logique sacrificielle des kamika:1'..cs porteurs de bombes n'est-elle une
spécificité de la civilisation islamique. Le suicide comme action de guerre se retrouve
dons l'ensemble des civilisations traditionnelles orientales. Le9 kamikazes japonais en
ont donné l'exemple et )'écrivain Mishima en a livré l'esthétique.
La civilisation moderne d'Occident, de plus en plus étrangère à la logique
traditionnelle de l'ascèse et du sacrifice héroïque, ne retient du kamikaze que
l'effroyable résultat du geste dans un bus transportant des enfants et des femmes, ou
dans un avion venant frapper une tour peuplée de trois mille personnes.
En réalité, dans ces gestes spectaculaires et meurtriers, il y a deux dimensions qu'il
convient de distinguer et d'examiner séparément.
JI y a tout d'abord quelque chose d'authentiquement traditionnel, Je don de sa vie
qui est un acte héroi'que.
Dans la vision traditionnelle du monde, toute réalité est en effet un symbole et
toute action un rite, et il en va de même pour la guerre. La guerre peut revétir alors un
caractère sacré et la guerre sainte se confondre avec la voie de Dieu. Dans la Tradition
islamique, les deux guerres saintes distinguées, la petite, menée contre l'ennemi
extérieur l'infidèle, et la grande, menée contre les ennemis que l'homme porte en lui.
Dans l'ascèse guerrière de la Tradition islamique, la petite guerre sainte est un moyen
pour le musulman de réaliser la grande guerre sainte, celle du chemin personnel vers
Je Paradis d'Allah. On lit dans le Coran que "la vie de ce monde n'est qu'un jeu et une
frivolité" (Coran XLVII, 38). Comme l'avait déjà remarqué Je traditionaliste européen
Julius Evola dans sa Révolte contre le monde moderne, le Coran est "la formulation
islamique de la doctrine héroïque de toutes les civilisations authentiquement
traditionnelles".
Je me souviens moi de que j'avais entendu de la bouche d'un Libanais chiite, à
propos des Israéliens, lors d'un passage dans le sud du Liban: "Nous voyons leurs
avions et Jeurs chars, mais nous ne voyons pas leurs héros. Nous, nous n'avons ni
avion ni char, mais les portraits de nos héros tapissent le bord de nos routes."'
La Tradition islamique accorde beaucoup d'importance au shahid. éest à dire Je
témoin de la foi ou martyr, comme en attestent des comnlentaires coraniques et des
hadiths. Dans Je chiisme, la mort volontaire et violente du kamikaze fait office de
purification et lui assure une arrivée immédiate au Paradis d'Allah. Dès lors, le shahid
est délivré de tout péché par son rite sacrificiel et n'a pas besoin de l'intercession de
Muhammad.
La Tradition islamique s'articule aussi, comme toute Tradition et par opposition
avec la Modernité occidentale. à la polarité Homme/ Femme. La négation de la
différence entre les hommes et les femmes est l'une des raisons qui dressent
violemment la Tradition islamique contre l'Occident moderne.
Dans la Tradition (et ceci est valable dans la plupart des traditions, orientales
comme occidentales). le guerrier (héros) et l'ascète sont les deux types fondamentaux
de l'archétype masculin. autant que l'amante et la mère le sont pour l'archétype
féminin. li y a deux héroïsmes, l'un actif. masculin, l'autre passif. féminin. L'hérolSme
de l'affirmation absolue et l'héroïsme du dévouement absolu. L'islam tente de
conserver cette bipartition et l'islamisme vise à la maintenir. parfois en accentuant les
traits face à l'assaut de la modernitt' ocLidentale. laquelle pousse au contraire les
hommes à révéler une part de féminité et les femmes une part de virilité. À cet égard,
l Parulc~ cn1cmlucs près du \.0 1111,~C" ik l. ·mu ~·n \W"' . l>u. an!> plu~ 1.1nl .1 l\.·h: ~OlW.. le: l1blao çonnalt ~ Jcsavr.-iions pu
humbudcmcnl de plu!' grum.k nrnplcur ...-m:url· l lu pc..·u1 11-na,viQCll' ~uc l 'C:un J"o:s ruu ,k cc-:t tt putisaDS Ji: [)jcou ... ~ ~ 4u
llrzboll11h rc-ilc le m.!mc .
certains commentateurs font un contresens sur l'interprétation du phénomènl' dl.,.
femm<'lô kamikazes dons les rangs du Hamas ou du Hezbollah . Ils croient voir dan.• la
présence Je œs femmt:'s, le signt:' d'une progression vers l'égalité des sexe• dans la
SO(iété islamique. L<• contresens est total. Les femmes kamikmws du Levant, qu ' ell~
soient musulmanes ou chrétiennes (car il y eu\, dans les années 19110, au Liban,
quelques palestiniennes duéhennes kamikazes) présentent toutes un trait commun.
~ur action sacrificielle s'inscrivit ,; chaque fois dans le prolongement du sacrifice
guerrier J'un mari, d'un frère ou d'un enfant. Nous sommes donc dans l'héroisme
f~inin du dévouement absolu, non dans l'héroïsme de l'affirmation. Le cas de la
kamikaze p.tlestimenne ou tchétchène est en cela semblable à celui de l'épouse
indienne jetant sa vie dans les flammes du bûcher funéraire aryen pour suivre dans
l'au-delà l'homme auquel elle s 'était donnée, ou à celui de la mère aztèque qu'une
mort en cours d'accouchement amenait à l'immortalité céleste, privilège réi.ervr
habituellement au St:'ul guerrier mort au champ d'honneur.
Si l'acte sacrificiel de la mort volontaire est plus traditionnel que spécifiquement
islamique, en revanche, ce qui est typiquement oriental dans l'acte de l'attentat suicide,
est l'idée que le rachat du sang des siens puisse se faire avec le "sang indifférencié" de
ceux du clan adverse. Dans les sociétés sémites, arabe ou juive, la dette de sang est
collective. Elle n'est pas personnelle comme dans la Tradition primordiale européenne,
sans doute portée à sa quintessence par l'idéal médiéval de la Chevalerie. L'attentat
suicide aveugle s'inscrit dans la continuité des actes génocidaires déjà abondamment
décrits dans l'Ancien Testament. Un Orient de vengeance où les acteurs principaux se
battent en versant, pour l'essentiel, le sang de leurs enfants, de leurs femmes, de leurs
parents, de leurs cousins. Orient juif et musulman, Orient sémite. La notion de victime
innocente est une notion très occidentale. En Orient, en Asie, la race, le sang. le clan
font de vous un coupable. Les kamikazes tuent des enfants juifs pour frapper le
gouvernement d'Israël et le sionisme. Israël rase la maison des kamikazes en
s'attaquant à leur famille et leurs proches. Lorsqu ' un chef du Hamas est visé c'est sa
voiture et sa maison, donc sa famille qui indistinctement sont ciblées.
Logique asymétrique, logique sacrificielle, logique communautaire. Telles sont les
trois caractéristiques de cette Tradition islamique qui tente de résister ~
l'occidentalisation du monde musulman en portant sa guerre en Occident.
L'enlisement américain en Irak, qui était prévisible ne fait que révéler un peu plus
au monde musulman ce qu'il y a de fragile dans la modernité occidentale. L'orgueil
musulman est revigoré de cet échec et de ce refus irakien de collaborer avec l'occupant.
La Tradition islamique sort donc renforcée de cet enlisement américain . Ses rangs
grossissent de combattants. Nombreux sont les pays arabes qui, si des élections libres
étaient organisées aujourd'hui verraient la victoire, ou l'avancée significative d!'S
islamistes. Pour ne pas ètre occidentalisée, la Tradition islamique est prèle à livrer à ses
assaillants une guérilla terroriste sans limite; elle est capable de défier dans ses
moindres retranchements la rationalité occidentale en jouant contre elle la stratégie de
l'absurde; par exemple, frapper n'importe quel immeuble d'habitation (logique
communautaire), n'importe où (logique asymétriquL') en mobilisant suffisamment de
kamikazes (logique sacrificielle) .
Si elle voulait économiser les vies de ses enfants, la civilisation occidentale moderne
ferait donc mieux d'abandonner à l'Orient ce qui lui appartient en propre, le conOit
israt>lo-palestinien, et la terre d'Irak . Elle ne devrait pas non plus s'acharner à exporter
une modernité en terre islamique qui ne fait qu'attiser un peu plus la lrninc d"
l'Occident.
Ch.1pil..., 7 . La clvllisallon 551
- - - - -- - · - - - -- -
1 A ne pas L·unh11uhl.· a..-t.:1.: 1k1111 l"1n-11111:
:! Mèmc s1 elle il <le plus l.'11 plu ~ dl' tl1tlit..-ulh.' a rL'Sh!I . l . L·~ :\11h.·111..·011m on t l.jlllrt~ l"lJuzhC'b...aui en 20(M t' P'>W' • p.s.dir..-oir
~\· acucr !eut hao;c du Kir~l111'slm1 . ils s,· ..,0111 111.: qui tté:t J ' m1 lu~· L•r ;umud .:011!0oilk"rnMcmcn1 au~Rlé
552 1'11rl1t' 3 . Pr'nUalleJICt' ,/.N ulnrlilN
kirghize. O..S rq.ubliques éponymes sont ..:réées dès après la révolution bolchevique.
lo!s Tadjiks sont niés jusqu'au moment où Staline comprend que pour contrôler un
Afghanistan peuplé en son nord de Tadjiks, il est utile de disposer d'un<' J'l'lilc
république tadjik au sein de l'U.R.5.5 ..
Pour éviter que l'identification d'une ethnie à une république débouche sur un
nationalisme, les Soviétiques neutralisent soigneusement l'ethnie dominante .l
l'intérieur de chaque république en lui adjoignant des minorités ethniques
importantes. Les Ouzbeks doivent composer avec des Tadjiks et des Ka7.akhs en
Ouzbékistan. Les Turkmènes avec des Ouzbeks et des Kazakhs au Turkménistan Le.
Kazakhs avec des Ouzbeks et des Ouïghours au Kazakhstan ... Et chaque fois une
minorité russe joue un rôle d' arbilTe essentiel.
La carre ethnique ne doit donc surtout pas coïncider avec la carte des républiques,
faute de voir des nationalismes homogènes menacer un jour la prépondérance russe ..
La dimension unitaire de l'islam est également combattue. On crée plusieurs
directions, et on s'attaque même aux piliers du système islamique, les écoles, les
mosquées et les tribunaux de la charia. Les Bolcheviks radicalisent la prophétie de
Renan: 'l'islamisme ne peut exister que comme religion officielle ; quand on le réduira
à l'état de religion libre et individuelle, il périra" (E. Renan, Peuples sé111itiq11es, Paris,
1862).
Jamais le principe divide ut irnperes n'aura été appliqué plus cyniquement que sous
la Russie communiste. L'Empire tsariste avait contrôlé et colonisé par compromis.
L'Empire bolchevique, lui, vole directement les richesses (décret de spoliation du coton
d'Asie œntrale de 1918) et opère méthodiquement à l'intérieur des logiques
identitaires (pan turque, pan islamique, majorité contre minorités) pour consolider
partout le pouvoir russe. La mémoire identitaire de l'Asie centrale retient deux chocs
violents, qui sont aussi deux drapeaux rouges, les Mongols et les Bolcheviks. Fail
quasiment unique dans l'tùstoire de toutes les colonisations : à force d'affamer les
populations autochtones, le gouvernement ouvrier des Bolcheviks provoque en 1919 la
coalition des colons russes de la vallée du Ferghana avec les rebelles turcs.
Fruit de plumes influencées par le marxisme, une grande partie de la littérature
française traitant de l'Asie centrale est complaisante à l'égard du rôle du bokhe\'isme
qu'elle juge émancipateur. On y parle de l'émancipation de la femme musulmane en
oubliant de préciser que les Bolcheviks extirpait cette femme de sa famille pour la
réduire en esclavage dans des champs de coton arrosés de pesticide ou pour la mettre
au volant de tracteurs sur lesquels elle finissait par devenir stérile ...
La vérité est que la colonisation tsariste, à l'image de celle de la France en Afrique
noire, fut bien plus civilisatrice, éclairée et tolérante pour les cultures d'Asie centrale
que ne le fut, après elle, la période soviétique. Mais Staline aura néanmoins légué à la
Russie post-soviétique, cinq républiques souveraines affaiblies par leurs divisions
intestines et malléables à souhait. Toutes dirigées par des ex-dirigeants du Parti
communiste, élus chacun à plus de 95 % des voix sans aucun candidat opposant. Tanl
que le panturquisme et le panislamisme seront affaiblis, ou qu'ils seront récupérés par
un peuple (ouzbek notamment) pour dominer ses voisins, la Russie conservera son
rôle d'arbitre et pourra offrir sa protection militaire en échange d'une allégeance
politique (forte pour le Kazakhstan, le Kirghizstan ou le Tadjikistan, moindre pour le
ÎUlkménistan et l'Ouzbékistan).
Au fond, la Russie, souvent caricaturée dans les pays occidentaux (surtout depuis
qu'elle n'est plus communiste mais nationaliste), continue d'appliquer avec cfficacilc
les méthodes de la Realpolitik fondée sur la prise en compte des logiques et divisio1t<
identitaires de l'adversaire.
Chlpiltt 7. L, ci.vihsat1un
transatlantique, quant au noyau européen, il a pour rôle d'assurer l'équilibre entre ces
tropismes el d'assurer ainsi à l'Europe une place mondiale.
L'histoire a montré que toute tentative d'unification de la presqu'ile européenne au
détriment de l'une des parties a provoqué des alliaru:es de contrepoids parfois estra-
européennes. Hier la France se tournait vers l'Empire ottoman pour ne pas èln
absorbée par le Saint-Empire, aujourd'hui l'ensemble des puis6anœs entourant le
noyau européen se garantit par J' Amérique.
Le renforcement de l'identité et de l'unité européennes passe doru: par la prise en
compte des compartiments internes de l' Europe ; le réalisme histQrique commandant la
consolidation des parties dans un ensemble confédéral plutôt que l'mtegration fédérale
du noyau européen contre ses périphéries. Il passe aussi par une limite clairement
établie des frontières extérieures de l'Europe dont dépend, en plus, le renforcement de
sa sécurité.
Dotée de nombreux traits culturels et ethniques européens, la Russie n'est
cependant pas une puissance européenne. L' État des Varègues, ces Vik.ings de l'Est,
s'est effondré au début du Xflfe siècle pour laisser la place à deux cents ans de jpug
mongol, donc asiatique, qui a opéré de profonds changements phystques dans les
populations. Et c'est bien ce caractère asiate de la Russie que les troupes allemandes
défaites ont vu arriver dans les ruines de Berlin en 1945. Par aillews, une puissance qui
a une façade sur le Pacifique est au moins autant asiatique qu'européenne.
Il existe de nombreux critères pour différencier, en Eurasie, ce qui est du damaiJle
de l'Europe et ce qui est du domaine de lAsie, au premier rang desquels la rencontre
du sang et de la civilisation, c'est-à-dire le mariage entre des cultures ethno-
linguistiques romanes, germaniques, celtes, baltes, finno-ougriermes et slaves avec le
christianisme. Mais un autre critère d'européanité, fort bien vu par le géopoliti.c:ien
autrichien Jordis von Lohausen, découle lui de la dynamique des peuples.
L'expansion vers l'Est est un fait européen, l'expansion vers l'Ouest IDl fait
asiatique. Après que l'Ouest européen ait été peuplé, que les forêts aient été défridtées,
que les premiers États-clairières1 séparés par d'inunenses vides forestiers se soient
agrandis jusqu'à se toucher (les territoires de séparation devenant alors des ligne;
frontières), les États européens se sont mis à grandir vers l'Est. Ce ne sont pas
seulement les paysans allemands qui ont marché vers l'Est à la recherche de ll!rTe
(Drang riac/1 Osteri), ouvrant ainsi, dans le plus haut Moyen-âge, la question coloniale
allemande, laquelle s'achèvera dans le quasi-suicide européen de 1945; .::'est l'Espagne
qui s'est projetée vers la Sicile, le Milanais et les Pays-Bas; la France, vers la
Bourgogne, l'Alsace et la Lorraine ; Venise en diœction de la Dalmatie et du Levant;
l'Autriche vers la Hongrie et celle-ci vers la Transylvanie, la Saxe vers la Pologne, la
Pologne vers la Russie et l'Ukraine, la Russie vers la Sibérie .. . Et c'est, au contraire,
lorsque Prussiens et Russes se sont retournés vers l'Ouest que l'Occident a vu lAsie en
eux . La perception des peuples est ainsi modifiée par leur mouvement : les Russes de
1905 face au Japon sont regardés comme des Européens, la maree rouge atteignant
l'Elbeen 1945 est vue comme asiatique.
La presqu'ile europ~nne s ' arréte donc à l'Est, •fans le goulet d'étranglement de
l'Eurasie tendu entre mer Noire et mer Baltique Protégé par les Alpes, les Carpates et
les montagnes balkaniques, s'étendant entre Bratislava (Slovaquie) et les Portes de fa
(d'où Je Danube glisse vers la plaine Bulgare). le bassin pannonien (Hongrie,
Transylvanie, Serbie, Croatie, Carinthie) est un pilier de la défense de l'Europe: il a
barre la route à l'Islam qui marchait sur l'Occident et à la Russie qui cherchait à
ntteindre la Me!..iltcrran(>e (dumnt la Guerre froide, n contrario, (., contrôle sovl<'tlqu<
de J ' ~pace dnnubil"'n a donn~ nux l~ussl.•s un accès à la Méodilerr.-.nêl!') .
Mais au Nord-Est C"n revnnchc. le goulcit d'l'lrnnglcml.•nl curn~ien n ' c~l plurt ,.;aranli
naturellement . L'Est de l'Elbe s'ouvre sur les plaines infinie•,. de 1' A"i" Lar11e d"
3 000 km entre l'oc~n Arctique et la frontière irnn lennc, dl" 1 500 km entrt• la '""'
Blanche ct ln mcr Noire, de 1 000 km entre le Golfe d e l~iga et les Carpate~. la plaine
eurasiatique ne ce~c en t!ffet de se rét-r~cir, l'entonnoir ne faisant plus que 500 km
enlTe Craco\•ie et Kaliningrad (Kt\nigst>t.rg) . La dc'.>fensc de l' Europe face au>< plaine.. Jo
l'Asie passe donc par lc conlTllle absolu des plaines de la Vistule (Pologne) de l'Odertot
du Neiss<> (Allemagne). D' ou l'importance de la profondeur stratégiquc du terriloire
polonais. La Polob'Tle est le glacis protecteur de l'entonnoir eurasiatique, donc de lou1
l'Occident européen.
Le dessin de l' Europe naturelle est donc net . Il s'arrête aux frontières de la lfossie el
des rivages roumains de la mer Noire, au dc'.>troit du Bosphore et suit les rives Nord d<
la Méditerrnnœ jusqu' au détroit de Gibraltar. Même si elle présente d'incontestables
trnibl dvilisationnels européens (à la différence de la Turquie, domaine de l'Asie)'.
l'Ukraine. Immense plaine ouverte sur l'Est, n'a pas vocation à faire partie du bloc
européen .
U. définition d'un véritable projet géopolitique européen, rompant avec le schéma
directeur de la construction transatlantique (lequel projette un élargissement d•
l'Union prenant le Caucase et tout le monde turcophone jusqu' aux frontières de la
Chine), tient au rôle pilote que pourraient avoir les espaces franc et danubien. En 1991.
le triangle de Visegrad (Hongrie, Pologne et Tchécoslovaquie) s ' était form~ pour
préparer son adhésion à l'Union européenne. Plutôt que d'intégrer l'Union europœnno
en tant que périphérie atlantisée, les pays d'Europe centrale et orientale auraient dO
approfondir leurs relations dans une sorte de Visegrad élargi aux Serbes et aux
Roumains . Cela n'a pas été fait. Désormais le risque est grand pour la France el
lAllemagne de voir une coalition hostile dont l'âme serait à Londres et Washington se
former contre leur rapprochement. La Russie elle-même ne soutiendra jamais le projct
européen si les espaces danubien et baltique ne redeviennent pas des moteurs de la
coopération euro-russe. Quant à la politique arabe de l'Europe elle est compromise par
la refondation israélo-américaine du "Grand Moyen-Orient" (du Maroc à la Caspienne)
dont le but est, d ' une part de faire échec à l'unité arabe et aux Palestiniens, d'autre part
de contrôler le réservoir pétrolier du monde.
Faute d ' avoir respecté, dans le même temps, sa divers ité nationale et sous-régionale
(les espaces géopolitiques) et son unité civilisationnelle, l' Europe est fortemenl
menacée de dissolution dans le mondialisme (Amérique-monde, immigration massi1•e
venue d'Afrique et d'Asie, déclin démographiqu e sans précédent). Désormais, seul le
surgissement de figures d'exception dans les territoires francs et danubien pourra.il
briser une dynamique de construction transatlantique avançant sous le masque
européen et établir les fondements d'une construction authentiquement européenne.
1 Vou notn: an1dc 1w la 11èopoli1iquç dc. l• l'urquic , NRll , n° 16. Jimvi i:r·fëvncr 200~
CHAPITRE 8
LE NOMBRE
"IA gra11de11r des rois .•e mesure par le 11ombre dt!6 sujel•".
l. L'origine du nombre
1 r. GF.N'n :LLf. C'him~ ,., ..d" UJWTfl ~, Paris. H hpSC!\, :woo, ~· t) ll " L~·s du...sicn; du Copcs C1 œ r .~- . p. .W-CU ; \>1MI'
IUlsÎ · P C.C. HUANG. The / 1 t·u~1 ml Fumil.r 1md H1mJI 1-~'·•:llJJ'f'lc-ni ' " 1h.,. Ywtg;t f.lt.ltf.I. l t.1Q.ISllM, 5'1nbd. SllDbd U~
Pn:... 1990.
560 l'nrl1c .l. l'rnumu.•11i:~ Jr, itltnlJtn
1 DS. LA.NOES. R1 cltess~ rt pouirrtt? dr!.$ "ot1on." (Pourqum d4•.r r1cl1L'S .,, Pm11q11u 1 ,le.\· pwll'rc.t " J. Pans. Albm M ichel , 1998,
p 41-SO (tnduit de Tit.e Wealth :ind Povcn:y of Nati ons. Why some arc m :h and som c so r oor )
l Voill cnc~ un ncmple de hm avec un ;:iu1rc facteur géopoli11quc, le relief "les fnr..:t'i l.llU\lnraicnt 1::?5 millions d'hC"CtlJ'ts.
sou 12.5 ,. de la superficie de la Chine { 1 L':m c 1ennctè des dêfnchcmcnt s dus à une pnp11lnt1on m111nri1u1remcn1 ag.ncolc m
Oinc du Nord et en Chmc ccntr.:llc 11 fait qu'il ne reste souvent que des pcuplcmcn•'i sur IC'., pente., cl les sommcLS des munla~
La dl!baiJ.c:rncnts sorH si anciens qu' ils ont .sou"·cnt fait di sparaître lc.s foréLc; urig1nl.!llr.!s dans k s vallées et sur les basses paun. U
pratique de l'Ccobuagc dam les monwgncs bom:cs du Sud-Oucc;l. oU 0111 étC contr.11nl\!.., Je ~c rCfug1cr les p o pulations 'abongcnc:s'
Ion de!. vagues ruccns1ves de peuplement Han . a 3uss1 cuntnbuc ii la th o,;p;i ntmn rrêquc ntc de 111 forê1 1'lflm1t1\·c.· . 1n
p GENTELLE. Cl11~~1 •rfimporo·. Pans, Ellipses , 2000, cull . "L.:s dossier-; Ju ( .1 pc ~ et de !',\ grêgatmn". p 40.
3 Majauc dt l'appnn·is1onncmcn1 en eau ; usage des animaux de Irait püUT le l.1hou r . dê.,.lu:rh.1 ge intensif. ullli~hun mtnuuc
d'engrais - n.crémt11ts humains cl d'.;mimau.-
4 Cc ra1YDI lrs populations auluchlones ~ni repo ussée s tians le!. molllilgn c-; . le.., rnmunl~!. nHmlai;nardcs de C"hinc SUI\!~
Ramtquons. que now conM.aluns là le même phêno mè'nc i.le repli Jcs 1rn11orih!s dan" l;1 nmnlagnc qu'nu Moycn·Onc-nl -
KWmaliquemnn •htt01cs· rehg1cuscs en montagne , plaine sunnuc "ks pc urlcs r111nur1t;11rcs 1101 ucc11p11icn1 ks h:rn-s de rla1nc
avanl J'arriv6cdcs Han a\'BÎenl d~jà '•C c.onlraints de se replier dBns le!i .-:1>ncs mon111gncu'4cs et 11'uvn 1ent ras enct1 rc C1C sni\"is ~Io
nouvcam imnugruns Jlan. Aujowd'bui encore. Io .1..onc ~u'119 occupent d oms lo4m:lk 1J .,. sont J..:vrnus nunurilairt:to: · - cum:~J"l>nd
lf'b C1A':temm1 ald. rebords monui~cuJ; de ha pmvm<..c ", m I' (jENTl·:LLE . Cï1in1 · , ., "diu.v uw11" , l 1 <1r1". Elhp ~cs , .2000, 174 r . ,·l•ll
•Les dou1cn du Capes Cl~ l'Agttgo1 1onw. p . 122.
S L 'u1ilîsa1Jon d 'c:r.cttmen1 dc:v1cn1 4ua.s1-mdus1ncllc
6 Sur WJ.t: telle IW"facc, la cullure amériC4inc du htc n"cn emploie qu'une , mppcllc 1> S L undc!'I
Clwpilre 8. Le nombre 561
1 El lout cela \•o très loin dans les sléf'éotypt."S le P~JugC- p.:'1'1Uli1in: eun.1pêL-o est de railler le chinois c:a amom- Cl de limiltr-
chunp des possibles à. Io '"fomcusc rosit ion du mis.summure" : 1..."C J'ltêJugé souhpc C"'-~ une fois que le~ n'.a ~le~ dt:
~du plaisir. qu'tl doit procréer c\ , ·11c .
°"·Aucun d('oCumcnl ll'cnscmtik. en <.kh..in; du O\lll'k:~:IY Ekt\lk p.>ur l'Anl!l!ctcm: J.: 10~ ('f de rEw des parais:IC5 et des. te.a
pour b Fra.nec Je lJ2M. ne ~mtct J'êvulu.::r ks poru1ation...:; nN!J1t,·aks . En rabs.=n'""'C de toUl ~ nœ .tCIUl'ttS 1k pc'll"'*-
~u·liœ 1nd1rttt1..-s. mais dies ~ont ~onconhmh.."S . \'cr.o l'an Mil. ~uls qudqucs tenuirs ltCs nt..-hc-s 1."11 He de Frace. E~OM.IMlie- .
Mlftl dcruimcnt pcuplCs 1\i•lcu~. l'll4.'."\.'U(')al1on Je~ sols est lâche-, wnrc inc.11;i~1an1c- daJb J'irmncnscs ~ • fOttts - die: 58 4 .
7o •o Ju royaume de Gcmum1c J"· hn•u:o ~1 1lll·~ ou •.k nuu'\."cug\.--s . L'Eun..,pc ~t .d on; WlC' '""O'C' à col\Xl&SCI", offcrœ i uar~
~UlntdtJ'toMC ~uère l(l hRhllUJllS iUI klh\flh!tn: 1,." ~U"T~ \.'TI J; r,11\C\.' l!'I C"n :\ngJC't~rTC. ~QU( O'L'll ~ltcinl .,..:'U~ pa5 Jœ~• • .ia
J CARrF.NTŒR. F. LEBRUN, ll1 ... r11in · il,· l'J.:.,,1.1po.·, run s, le Sc:u1l. llNO. p. 150-1~7 .
~D'où le l(llmd numhrc d'lusuurrs .:t de ct.1nh::< l•U k ~ ~niant." s~wu a~"'Wln(-s dans I;, IOrêt P1tf M:uts pccn.tS,~ài."""!
,.,,.,,,_., i Mm:o!'/ c'I Gn•u/
562 Par lie J . l'en11a11c11u dt~ ulmlil~•
2. Nombre et puissance
1 "'Le mod(lr: du marugc 1ard1f, du non rrmanagc immll!d1ot des veuve s, c..lu céliha1 <l' une fr.l 1;t1un non négtigciablc des remmcs,
du rnpcct rcl&11\·cmmt 1itnct de l'interd11 dn nipports hon monngc abou1i1 à la mi se ho r.; c a p:ac 11 C de rcpro<.111c1 ion d'environ )5 ~•a
50% 1k la populallon rl!:mininc en igc de procrCcr.". in r . CHAUNU. L a Fronc e- (fhft m rt• d e la ."iett.'iihl/r1t.I J,-.c Frt1nçiJLJ 1i lu
Frana) , Pans, R. Laffont., 1982, coll . .. Pluriel· . Cc modèle de lim11.a11on Je.~ noissoncc s préc o c e en Eu rope s 'est l11rgcmcn1 ac cmM
a vec le devcloppement des mtthodcs contraccpl1\ICS cl de l'ovuMcmenl ; en Fn:ancc, dH14uc année en v iron . 11 e st mis un•~ d !5 •,•
dca. lf'OUet.SCS M>ll 220 000 Avonnncnts sur 700 000 gru Hc~s . L'a'-'nMcmcni c:o;1 dev enu . o um: le prnbk'mc moral q1.1' il pos.r, un
probltme ôi!mograpfuquc: et 1dcnt1\aÎre tou.ch.anl a la q uestion du n::nou vcUcmcnt Je )Il France
2 Cela ~JDIRI en quelque SCJrtc ID fa.rnew.c: l.hêoric de Toy nbee sur l'c:o;sor dc:o; ci v 1J1sa 11uns :o;uÎ \l anl le principe du challcnac :md
..........
J Au XV"111Cclc •ta Fnmcc compte de IS à 20 milhons c..l'hnbi111nltï, l'Allcmilgnc, l'Espagne cl l'lculic cnlTe 8 cl IO nulhoru
chacune , l'c:rucrnblc dC$ Jin OnUIMJques cnviron S m1llious, la Polog ne cl lta ll o n gnc 2 null1ons l.:h1u.:unc, ln Scondînov1e moins dt
1 million S1 le peuplement raie 1nt:gal, dC' vu.les n!gion:s - en T o scane, l. o mbon.hc , C11111pm11c par exemple - ·- nffrcnt da dmutb
aapéricum • 60 habitanb au l11Jomèue cane, cl on nn1c surto u1 l'c .u ,.1cnce ou n u nl-1mcs1 Je l'b1rnpc J'un grand l'n\C:mblr
d"ou:up1uoo cknse et conainuc qui englobe le nord de 111 fn1ncc, le Sud de l'Anglc1c rrc c l les l'Qy .. - Uas . L' Europe ocddcnt.alc oITTT
une den51l.I! de JO' "40 hab1tanb par kilumèlrc c.arR ", in J CARPENTI E R . I;. U .! UR U N, l/i_,.,,,,,.r t/,• l'E11r11p1· , l'aris, Le Seuil,
1990. p. IS7.
4 P CJIAUNU . "st..·llle cl l'Atlan11que•, rn f . BRAUDEL, f:o #.c s 1w 1'111.,·1uln•, J'uri~ . Fl11mn11mon . l 9K4, p . ISJ
2.1. 1. Pourquoi et comm•mt Ir. Bangladr.11h a vu le jour?
Réunion de deux civilisations distinctes, l'hindouiste et la musulmane, les Inde
britanniques se séparent naturellement en 1947 en deux entités politiques disbnctes:
l'Inde et le Pakistan. Le Pakistan rassemble cependant deux aires géograpruques
physiquement et culturellement distinctes : Je Pakistan occidental et le Pakistan
oriental (également nommé Bengale oriental, tandis que le Bengale occidental fait,
quant à lui, partie de l'Inde), territoires séparés par quelques 2 400 km.
Dans l'État du Pakistan, ce sont les "Occidentaux" qui dominent les structures du
pauvmr. Or cette prédominance se trouve être en contradiction avec la réalité
démographique puisqu'en 1950 les Occidentaux ne sont que 39,4 millions pour 45,6
millions d'Orientaux. La proportion ne va cesser cependant d'évoluer au profit des
()ccidentaux, lesquels, dix ans plus tard ont réduit leur différentiel de deux millions
(50,4 contre 54,6).
Le ressentiment des "Orientaux" ne cesse alors d'augmenter jusqu'à ce qu'un parti
autonomiste ne s'impose électoralement en 1970. L'année suivante, l'État pakistanais,
dominé par les "Occidentaux", lance ses troupes contre la population du Bengale
oriental provoquant une poussée de celle-ci sur l'Inde. Environ huit millions de
Bengalis se réfugient chez leur voisin indien, lequel considère alors que son intégrité
est violée. L'entrée en guerre de l'Inde contre le Pakistan met fin rapidement au conflit
À celte époque en effet, ni le Pakistan, ni l'Inde, ne disposent de l'arme nucléaire. Le
rapport de force démographique est si nettement à l'avantage de l'Inde que le Pakistan
ne peut en aucun cas risquer la perspective d'un conflit total avec son voisîn. De la
défaite pakistanaise de 1971 nait alors le Bangladesh. Comme le résume Gérard-
François Dumont, "La rapidité de la prise d'indépendance du Bangladesh s'explique
donc notamment par la volonté de mise sous tutelle par Islamabad d'une population
géographiquement différenciée, nombreuse et même plus nombreuse, par l'importaru:e
numérique de l'exode, et par le poids démographique régional de l'Union indienne. La
question du nombre apparait trois fois pour changer la géopolitique du sous-continent
indien" 1.
Aujourd'hui, on peut considérer la pulsion vitaliste bengalie comme salutaire. li y a
en effet plus de 145 rnillîons d'habitants au Pakistan, contre 133,5 au Bangladesh2.
Peut-on alors imaginer dans quelle situation les bengalis, déjà dominés politiquement
alors qu'ils étaient majoritaires sur le plan démographique, se trouveraient
aujourd'hui s'ils n'étaient pas indépendants?
1 G.F DUMONT, Dànoi.:ruphù· /1f•l11l111,.·. L ·,, .. g.·01,,if111C/1h· J, .... l"'l'"''"''m'·· r:1.ns, l:ll1rs...-s.. 1006.
:? ta cnu~ tient îa ln lmns111un llt.'mo~nirh1~uc-. phL'\ ontn""·""'c .lu B.lingblcsh tl~œ de J_t caianb f111 fi:lnmc-l ~·..,.
P.ùütan (ft,,:undllé ûc 5.6 enfüms rur ICnunc n\4us monahtC jntiu1ok u~antn.l1ns c:l\\."Utt ~ Jr :<41 '- à ..'dlr des
• tJricnlau' ••). De rius le~ Bengolis 'llll rlus è'mi.i,rD pow- cbcrchc1 Ju lm\ it.11 qui.' ne l"onl la1t lcs ~
Parl11• .l l'rrmdnmcr dn 'dmtillt
sur les pays du Sud (dont beaucoup sont encore des colonies de métrnpol"'
europt!C!nnes) en instituant un organe dont les décisions, à la différence de ccllC!I d"'
autres organ"" de l'in.qtitution onusienne, s'imposent à tous les membres. Cinq
membres permanents disposant d'un veto constituent le Conseil, lequel est complét~
par d'autres membre!I non permanents (six au début, puis dix à partir de 1963).
À !\•poque, ce "gouvernement mondial" des membres permanents repréosente ~
de 40 % des populations du monde La représentativité du Conseil est donc forte, et ce
d'autant que les puissances impériales (française, britannique et soviétique) peuvent
ronsidi!rer qu'elles sont aussi les représentantes des peuples sous tutelle .
Les déocolonisations successives, depuis les années 1950 jusqu'aux années 1990
(disparition de !'U.R.S.S.), ont contribué à multiplier le nombre des ~tais:
progressivement, aux yeux de nombreux peuples du monde, la légitimité du Conseil
de Sécurité n'a cessé de décliner. Ainsi, si le si~ge soviétique pouvait prétendre
représenter plus de 280 millions d'hommes, le siège russe après 1991 n'en représentait
plus que 150 millions. Le phénomène a été accentué par l'éloignement du conteJ<te de
Yalta, à mesure que se faisait la réhabilitation des vaincus de 1945.
Dès 1993, prenant en compte les évolutions démographiques, l'Assemblée générale
de l'O.N.U. constitue un groupe de travail sur la question du Conseil de Sécurité. Dix
ans plus tard, en 2003, un groupe de trois pays (le G3) se met en place, le Brésil, l'Inde
el 1' Afrique du Sud, poids lourds démographiques qui comptent ensemble pour 20 '\',
de la population mondiale (tandis que les 5 permanents n'en représentent plus que
30 %1) et revendiquent une représentation des pays en développement au CollS<'il de
Sécurité.
En 2004. c'est le G4 constitué du Japon, du Brésil, de lAllemagne et de l'Inde qui
fait acte de candidature à un siège permanent au Conseil de Sécurité.
Aucune réforme du Conseil de Sécurité n'est décidée au Sommet de l'O.N.U., en
septembre 2005. Les résistances sont nombreuses. Les États-Unis ne sont pas plus prêts
à accueillir un siège européen permanent s'ajoutant aux sièges français et britannique
qu'un nouveau siège allemand. La Chlne ne veut pas du siège japonais. De nombreux
pays comme le Pakistan, l'Argentine, ou l'Égypte ne comprennent guère pourquoi
11nde, le Brésil ou lAfrique du Sud seraient mieux qualifiés qu'eux pour représenter
leur zone régionale. Au sein de l'Union européenne, si des pays comme l'Italie militenl
jXlur un siège européen à la place de Paris et de Londres, l'Allemagne hésite, quanl à
elle, entre le siège national et le siège européen, tandis que Français et Britanniques
n'onl guère envie de sacrifier leur place pour un siège européen. La création d'un siège
européen aboutirait d'ailleurs, paradoxalement à un recul du poids de l'Europe au
Conseil de Sécurité; ceci pour deux raisons: d'ailleurs parce que le siège européen
déciderait à la majorité qualifiée, or cette majorité est aujourd'hui atlantiste; ensuite
parce que l'Europe ne serait plus représentée par deux sièges2 mais par un seul.
1 Ceuc partie rHwnc un dr!vcloppcmcnt Uc Gênud-Fnnçoi.s DurDJnl dam suc tnrtC: dl: ~ p°'1lltlfw tEJlJpR:L
2007).
2 Y. PERRlN. T. BAUZOU. lk la nit.: J / ·Emp1n: hù·1um: dtt Re.Jin< , Paru.. Elltpso;.. 1997.
J R~ el Io c.:o"'luêlr du mon~ m~dllnTunc:~n. Pwii.. Pllf. l97tli .
.a" En 177 av . J.-C.. bS 000 San.les sont ,.C"nJus. en lttl1 av J-C • .iprè. Pydna. 15U 000 Epirolcs. en J41-14'1 av. l..C ...
10000 E.ipagnob: en J04 av. J.-C. ~tariu:-. met ~ur k man.:h.: plu... Je 100 000 Cambra ; Cftat pliiK pour ii\llll' ,.._. 1 QQO(IJO
de G&ukill .. ... G .F. DUMONT. DCmugrJ11h11.· pulitk/,.... Elhpses.. lOl.P
1.ugement le déclin romain. Car dès le début de l'Empire, les classes supérieurL'S e11._..
masses urbaines ont tendance à limiter les naissances. On se repose dl! plus en plus our
les l?Sdaves et de moins en moins sur ses propres enfants pour assurer l'avenir . ..
L'Empereur Auguste en vient même à légiférer (lois d'encouragement à la famille
et à la natalité). Au 111~ siècle, l'Empire est en plein déclin démographique. La fécondil~
baisse comme résultat des épidémies, des pertes militaires, des invasions barbarl>s, du
déclin économique et le remplacement des générations n'est plus assuré. Malgré u""
ttprise de la natalité au IV• siècle, sous l'effet essentiellement de la christianisation det;
populations, le recul démographique continue au V• siècle. Déclin politique et
démographique épousent la même courbe et s'alimentent mutuellement'.
Ainsi Alfred Sauvy peut-il ecrire : "Lorsque les Barbares se sont présentés, il a ~té
possible de trouver des terres à leur offrir, mais non des soldats à leur opposer"2. Le
destin démographique de Rome est bien une leçon à tirer pour l'Ewope
contemporaine.
I J.P. BAM.DET. J OU PÂQUIER d1r , l//$to;n' 1lt!'' p<>pt1ldt1m1.-r dt• / "Europr, P1.1ns, FayarJ, 1999.
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J F. DRAUDF.l., Grammairt! cks t:ivi /1.w tlum. réé<l .. f••n1i.. flumrnermn. l'J'JJ, p 'JJ
4 U n'n:ii.la: Ftt de Ra1.is11q1.1ei pœc1sn 0 ccuc époque . on ;,;'en duutc. c1 l'1m 1foit rester Jorp:c dons l'estima11on .
5 A. PRENANT. 8 . SEM MOUD, Mugh,-eh (•/ Mon·n -Oru•nt , ,.,,.,wc1•.,· 1•/ .r nrlëté.,· , Pan s. Ellipses, 11)91. J1 166-1 KJ
6 •Aux 1nmeS de u pKt.C (de: dh1mmitude). les communau1~s ru: voyaient accorc.Jcr un certain "\hUul en co111rcpanic duq1.1tl
dia lk'vaital ruonnailft' l'incon&cstablc: pri11U1uté de l'u;Jam cl ta ~uprCmet1e des musulman>. Ccnc rcconnaissnncc 511:' concrftlSlll
,.., te pmâcmrn1 d'une capuation c:I la M>UnH:isiun è une s~ric de rc!!ilr1ction!i ~noncc!ct.ô en dê101l Jons la. tni musulmane.". in
a.ip11re 8. '-" nombre 567
8 . LEWIS. Juif,f rn ll!rrr d'i..dam. Calmann-Lc"'Y· collcc11on Diuponi , 191!6. p 18, p. )7 und. de Tbc Jnrn of lldam. Prim:aaa.
Ullh'U'!iiry Press, 1984).
1 Bernard Lewis conteslc la prétendue 10Jénncc de l'islam :i 1"#prd des dlumm1s . '"Cc n'est l.}UC réarmnmt que c:aaim
dtfmscun de l'islam ont commencé 0 soutenir que leur société a\.'a.tl lOUJOW'S KC'Ofdt l'Cgal.llt de Slml\l1 aUJ. no1Hmm1m-. vivat
en ton Km. (. J Les sociélés musulmanes 1rnd111nnnc1Jcs n'Clnt1ama1~ K"Cvn.IC une t.elk ~hic, et n'oo1 d'aillc'8"s,._.s~1e
fauC.- , /Mm,p IR.
2 ~cet imm~nsl! . cc continuel ra\.· i1ml1~1m:n1 :1 so utenu lonstem.rs l~ rntrquiscs Ju monte nmsulman Tous les~ \'OlSim
ont. tow à 1our, payé leur 1ribu1 : chréticns J'Eumpc pris sur tCl'Tt ou suc mer par IC'S Musulmam ai..-tnl!me:l, oo llC:bde i l'aa::as.aoa
- ~h; ces Sla.vcs prisonniers Je gucm: 1.1uc rrvcnJcnt les marchands JU1f~ de \ 'cdwi. ilU L'\,.. '.!>-ittk- ; N0tn d'.~ ~
lndJcru., Tun:s et Slaves miJ>énsbles . Cau..:11su:n"i .", in F. URAL1L>tL. <irummCJir< lks cnilut111CJ1U, riêd.. Puis. f(UlllllU1QQ,. t99J.
coll "Champ5", ft 93
l Nous h"1111on~ Je ce Jrume <lnns la s1."'1.·1iun consucr'""e uux ~a~tn.iphe!! JCmuttn1ph1qucs - chapiD'C ponuu :A&1 Jir oomhft.
4 Al.'cc le bémol qu.: ccrtums pays, 4.:omm<' l'Irak , uni rent~. à tra\·cn l'c.\.pCm:nc.: Ju nallooalisme llrlbc. ôe ~àllcr dr:
maam autorilau-r le 1ruvu1I Ambe". et J'crnpluycr IL-s rcn:nw pc!trolten au dëo\·elurpcmrn1 Je 1~ producbva..
du Xin1iangl, .mjourd'hui encore, permet de con1prendre comment l'Islam ~·esl ghs~
dans les Routes de ln soie et n pu franchir les chaines de montagnes séparant l'aclurl
Turkestan nt"-'1e du Turkestan chinois. L'lsl<1m n'n pu se fixer dans cel immense
territoire qu~ parce que la dvilisation sédentaire chinoise ne l'avait cncorl' famai§
colonisé. C'est chose foite aujourd'hui. L'lsl.~m parait définitivemt'nt stoppé, malgré...,
radicalisation actuelle, par ce mouvement de colons H<1n qui a pris une très grande
ampleur dans les dernières décennies du XX" siècle et qui noie peu à peu des
populatîons musulmanes turcophom.-s très l<1rgen1ent inférieures en nombre.
Puis il y a l'Inde. troisième civilisahon nombreuse sur laquelle l' Islam a buté. Alors
que la conquète des vides démographiques du Moyen-Orient, de lAfrique du Nord,
de l'Espagne et de lAsie centrale fut très rapide, il fallut au contraire cinq si~les à
l'Islam pour parvenir à s'installer en Inde. Le nord-est de l'Inde est soumis par
Mohammad Ghôri en 1192 et à partir de ce moment, pour cinq siècles, des dynasties
musulmanes, turco-afghanes puis mogholes contrôlent de larges portions du sous-
continent indien. Mms malgré la domination islamique, seule une minorité de la
population indienne se convertit à la nouvelle religion. Une très large majorité reste, au
contraire. fidèle à la tradition hindouiste. À l'apogée de la domination moghole au
XVII• siècle, la proportion de musulmans ne dépasse pas un sixième de la population
totale. Puis la loi du nombre commence à faire ses effets. Les Indiens se soulèvent
contre leurs maitres musulmans au milieu du XVII" siècle et l'Empire éclate en
morceaux. Au début du XVllJ" siècle, la civilisation indienne reprend à l'Islam la
souveraineté sur l'Inde.
là encore. le nombre a permis à une civilisation très ancienne de se libérer, après
pourtant cinq siècles de domination.
1 Que l'•utcur •pu mowi:r Ion d'un long voyage. durnnt l ' é1é :!Onf,, n travers celle rrnvmcc, entre Um11141 ~t Kuhl!ilf L<
tOomphe des llan si:denta1~ sur ln no~ turcophont.-.. fOufghuur.. Ko7.01khs) cl sur 1.J"uu1rcs minnntCs j fodJi~,.,l '! ilrJUnii1
aujourd'hui de: manitte UlatanlJ:. Ma•~ cts • lnd1tn~ " locaux !Wiii :J.ssociés 11u ûCvclorrcincnl t:connmillllC et i& l'urh•nt~\lllln ti1cn
plus q1.1e ne le funnl Jadts. les lnJ1cns d · Aménquc du Nord.
2 Lutn m amC:re dans le lC"mps. d~jà, la f,..ncc cs1 trè~ f'CUl"léc, nvcc 1H millions d ' h11h1rnn1 .o; nu 1n11tcu d11 XVI(' s1tt:lc-. cc 1.11.11
cst~lc e1 nphquclar~mcnl hi '1omim111un qu'elle v a puu.,.01r c.11.crccr sur l ' Europe jt1s411 ' il lu fin du XVIII(' '.\iè\.·lc.
l M FU MAROU, QuunJl 'F.urn/Wo purl<11t fr1m(·t1i.f. l•ari~ . CJ . De t~ ollo1s . 21JOI .
Chapllre B. Lr nomb"'
~ccroisscment anglais et son corollaire ammcain (voir plus loin) ont déjà changé la
donne. La perte de puissance française est programmée.
Que s'cst-t-il donc passé en France?
L'explication principale de ce ralentissement démographique tient au fait que les
français sont le seul peuple européen à voir leur fécondité baiMer aux prémÙl8e!I de la
R~volution industrielle (autour de 1770) 1 • Cela signifie que la France connait une
~uction des naissances unique en Europe et qui anticipe sur la baisse de la mortalité
à venir (grâce justement aux résultats du progrès scientifique, durant tout le
XIX• siècle). Or cette baisse précède presque d'un siècle celle des autres pays
européens. On ne peut donc l'expliquer par la Révolution industrielle elle-~.
puisque celle-ci est plus dynamique encore en Angleterre qu'en Franœ. La vmtable
ciluse est morale et politique. Nous nous rangeons ici à la thèse de l'historien
Emmanuel Le Roy l..adurie2 selon lequel la Révolution française a fragilisé les
croyances religieuses et, du même coup, affaibli le respect des interdits catholiques
chez de nombreux Français. La conséquence, notamment. en a été la progreseion
sensible de la pratique du coi'tus interruptus avec la conséquence que l'on imagine
;risément quant au déclin de la fécondité. Pour prendre une image, on peut dire que le
poids du péché a pesé encore beaucoup plus longtemps sur les autres peuples
européens que sur les Français.
Cette situation est aggravée par d'autres causes liées également au bouleversement
des mœurs. Ainsi par exemple la mise en place du service militaire obligatoire, produit
de la Révolution française, qui n'a pas seulement comme conséquence le glissement de
l'attachement patriotique traditionnel et enraciné vers une passion nationalisll!
romantique et déréglée, mais aussi le brassage social. Or cette nouvelle mixité implique
une circulation des idées et pratiques bourgeoises dans les milieux paysans et ouvriem.
Les techniques de limitation des naissances, plus répandues jusqu'alors chez les
bourgeois, se diffusent dans les milieux inférieurs. Autre exemple: la suppression du
droit d'ainesse, qui en obligeant au partage de l'héritage, incite les Français à avoir
moins d'enfants.
Or à cette fécondité déclinante explicable par une révolution morale, il faut ajouter
la surmortalité causée par la guerre civile et les guerres extérieures conséquences de la
Révolution française. Reyna Id Secher a établi que sur les 815 000 habitants de la
Vendée, 117 000 périrent soit une personne sur huit3 . L' historien Jacques Hussenet lui
soutient qu'entre 1795 et 1796 les guerres de Vendée ont provoqué, dans les deux
camps, entre 140 000 et 190 000 victimes, ce qui signifie entre le cinquième et le quart
de la population vendéenne sacrifié, et localement jusqu'à la moiti~. Au-delà du seul
cas vendéen, le bilan de la Terreur s'établit entre 200 000 et 300 000 morts, soit 1 % de la
population de l'époque (l'équivalent de 600 000 morts dans la France contemporaine).
Pendant que la France fait la Révolution et que Napoléon mène les guerres qui en sont
l'héritage direct, l'Angleterre accomplit la Révolution industrielle. Croissance
démographique et croissance économique s'v soutiennent mutuellement. En 1800,
l'Angleterre et le pays de Galles réunis avoisinent les 9 millions d'habitants. Tout au
long du XIX" siècle, la croissance se poursuit à un rythme rapide. En un siècle la
population est multipliée par 4 (on arrive à 36 millions à la veille de la Première Guerre
mondiale). L'excédent naturel des campagnes fait croitre les villes du nord-ouest de
1 G F DUMONT. l>t'r1,1u1fu.· i ·.,,,,.:, 111 r11<1nmf •":"· . c . .1mmun11,;:uiun!>. Paus. l:.J111on.'i. Ju Saul n: U . h18ti
~Cf. p.1r C:\.cmrlc I" s ynth\!s\." ~lotn!> l. "1.' 'f'f\."S' .:!7 :u•1ll · ::! ""-"Ph:mhre l•>"' .l
.J R. . Sl:CHER. l~ 1i11;nrw1'/t· lr111111-fr•tllf,;c11.\, la \ '1.·.111..h.-c· \\~n~l~ . Pl i f , l~ ~fl
1 G..F DUMOHT, I>nnographle politique-. LC'A loi~ de la gCopollltquc '1C"ll po11ulu1mnli. EllipKS, 2007
2 Cc qui rqwiM:Du: seuH:mcn1 HO 000 hab1U111.r.
J !.I ra:ilbor. d'habtlmnbl pow 7.6 m1Uiont.
.f A. SMITI-t. R«:lf~~ '"' '" n'1turr _., /ri •.-urur:r Je lu rldw.r.t .. ûr.• nmtum·. t 776, cil' par G f . DUMONT Jam flllE
La réponse, si l'on veut bien se donner la peine de descendre jusqu'à la racine Je-;
maux politiques, tombe sous le sens. Elle se trouve contenue toute entière dilns la th~
d'Emmanuel Le Roy Ladurie et de bien d'autres historiens. C'est en effet la Révolution
et la révolte contre le sentiment du péché qui sont à l'origine du déclin précoce de la
fkondité française (et nous l'avons déjà souligné, cela presque un siècle avant le.
autres peuples d'Europe, qu'ils soient catholiques, anglicans ou protestants .. .). Par
co~uent, tout effort réel de lutte contre ce déclin de la fécondité aurait obligé le
Nouveau Régime à redonner à l'Église catholique et ses valeurs une place
incontournable. Or une telle perspective ne pouvait être acceptée par les Francs
Maçons, gardiens du temple républicain, et plus largement par l'ensemble de5
tendances la\'cistes, anticléricales et socialistes constituant les fondations du régime
républicain français.
La cause, s'agissant de la France, tient moins au problème de la transition
Monarchie/république qu'à la perte du sens religieux lors de la rupture. Le cas de la
République américaine, enfantée par l'esprit des Pèlerins du Mayflower et donc
d'essence chrétienne (une sorte de protestantisme du protestantisme), est en effet là
pour nous rappeler qu'une république peut-être prolifique si elle repose sur des
fondations religieuses. La République française, elle, est née d'une rupture avec la
morale chrétienne, d'une révolte contre le christianisme, bien plus encore que contre
l'esprit monarchique .
Les erreurs sur les grands sujets de politiques se paient toujours au prix du sang. À
la fin de 1913, sans mobiliser l'intégralité de sa ressource, lAllemagne dispose de
870 000 hommes prêts au combat. La France, n'en a elle (et encore en faisant de gros
efforts) que 570 000. Pour arriver à 700 000, il lui faudra appeler trois classes d'âge
simultanément sous les drapeaux. L'été 1913, les parlementaires français votent le
passage du service national de 2 ans à 3 ans. Lorsque la guerre éclate, la France ne va
cesser d'être handicapée par son déficit démographique. Alors que !'Allemagne et
!'Autriche-Hongrie peuvent puiser dans leurs propres ressources humaines, la
République doit faire appel aux troupes coloniales. Les germes de l'idéologie
immigrationniste ("hier la France devait son salut à J'outre-mer, aujourd'hui elle le
devrait à l'immigration extra-européenne qui soutient sa natalité") sont en terre.
La France sort exsangue de la Grande Guerre; sa maladie démographique s'étant
encore aggravée. Elle a perdu 1,350 million d'hommes (et il y a trois millions de blessés
et d'invalides), son déficit des naissances s'élève à environ 2 rrùllions pour les quatre
années de guerre, auquel on ajoute un autre million après la guerre. Après un léger
sursaut qui suit la victoire, le pays entre dans 25 ans de dépression démographique
sévère.
Parmi les multiples conséquences du déclin en puissance causé par le déclin
démographique (lui-même résultant, nous l'avons vu, de la nature anti-religieuse du
Nouveau Régime), figure le déclin linguistique. Tant que la France a été la grande
puissance démographique, sa langue a été celle de l'Europe, la langue de la littérature
comme celle de la diplomatie. On n'oubliera pas, comme nous l'avons écrit
prêcêdemment, que la "langue suit la puissance".
1 En 1991 . le nombre de fmnco~èncs est de 6,6 milhons soil 24.3 .,._ dr la population ~- J. CHAl1SSADE. û
Canada, /rs ruquc.'f ,/'~c/alt.•mt.!nt tl'tm .i:.rcmd /kl."·" · Pans. Ellipses. (CJq6. p . 7-1 .
2 Un crrtain désinléril éco nomique de lu part c.Jcs Français JOUc: au..ssl · •En ff'UIC:'C faffai~ ne' pas:M4XDWI -,_ , les poacics
IC'flrés, les 'Phll05ophcs'. où nous so ounc,. h;ibi1uC-s di croire que se rCsuma1t IC\ut le n•xl'nnmt de!> npib.. ëtucn1 i.nhffâfta ,_..
hm1ile-s. la fameuse phrnsc de V o llni n:- W:tns sa lcltrc à Monçrif sur les :vpc11ts de Rrlfc: a sam doutc-t« dftlaJurft dam soa 5CllL et
c'Ctail seulcmcnl des colonies 1mpruduc11,·c s que le s ~ulnteur qui cù1 !!:1 \"C\IC'nrin5 ~ap< ~ rargnu i la Lows.u.c K" IDOGtn:Îl
Tadvcnairc ( . . ). la vm1e pcn!têc:: Lie Vo\lnÎ~ s'e xprime dans ~ lc-nn: à ('hau\-rlia Ju .l oc:tobft: 1760 · 'Si j'o:sau.. jr \t>œ oon.rvcnü
rtf\k.:... veow ne p:idn2 ~ ncn.- . • C. dr
i 1mou1t de <lCborrusscr 4 jnmo1s Ju C11n11da h: muu slèn: ,1c IG Fmn1."""C" S1 \UUS le
LA RONCIÈR E. " Les coh.mu:!io éph ~ mèn:s et lôi c:olumcs l"'tf\Jurs'". in G HANO TAUX. A. MARTI!'\EAtJ .tu .. Ho.,.,,, ,._
rolnnit>.1fm11ç w .o •.i ,., tlt• / ', •.rpmt'f1t1" dt • /, 1 F r 1ml ,. c/u11.\ lt• mim~ I. · . Paris , sc:ic1C-1C Je l'!lliioirc QliCNG&lc, Pion. t. 1 L '.-t,.,....., 19.?9..
p 179 , ccu.\ qui défendirent l'u hum..1011 llu Cnmt,lri pour Jcs n.1 son s ..'-:ononuqUCj se ttttou\·cnte11t •\a;~' qlli dtfaaiml
l'ahlndun des 0 .0 .M .-T .n M . ptiur 1c ~ m ..!mcs nu sons ~ùl lll'tniqun à \.· ,1unc nie c-1 une 1nuncmc ~di:~
atopoliuquc. En pcnlGnt le l'anudu, ln France pt.·rJi1 un.: ri.ut ,\1nsu.ttr.ahk ~ son ruh..-nhcl J'inOuc:-oœ rnonJlaJc: .
l Un na11on1tlitmtc t}uC~1 ..:v1s s'11..:ti\·è ..:c-1"-·nJ•:uU. men~ rar l'abhC liruub. 1i1't" a P"J'PûS J.! llùsto&rc dt W. Fr-..-c .,, c---.
L GROULX, N rllrt• >:r mfdr m .,.,,,,,,..., l .'.:mp1n: lhlll'tdÎS en Am~riqur Ju ~uni ll 5 J~ - l 7N.} ~ ~S.~~
1 L "~ Il Morttral csi alors en anglais et il faut pr.uiquer l"ani?lais pour rou voir Ctrc cadre Jon s une cnln'prisc ou l1DC'
--...........
2J CHAUSSADE.UC'°"°"7. larUquaJ'ét.:laremen1J'ungrunJpu,.·$, Pans, Elhpses . 1996, p . 7 7-MO.
l Nous rm:IKhom de amn1h1: lbêorlquc. comme le font les isla.mologuC"!li, le dru7.lsmc au chiisme tsmoéhcn, mais il deconsc1llt
~ dft i MD dnl::tt du: Lltml qu"d est musulman ou qu'il est chiite.
4 Let A. CHABR\'. Polittqut ~t minMllD au Proch~-Ortent (/.:.., ruumu J'u11e aplo.rùm), ro.ns , Maisonncuvc-LaroSC', 1987,
p. 9 1 -9~ .
S /Ôf!rff, p. l~I~, X ck PLANHOL, U .r Nu11un:s Ju Prophi!I.:. M"m'd gc1r~grupl1ù1u.: d&! puli11qu~ mm11/mun~. Paru.
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6 L et A. CHA.BRY, PolitJqMe el mlnoritb uu Pr11ch1.•- 0ru.-nr tl~ r'1i.~un..<r d '1111 ..• 1•.xplo.~ wn). Pnri!I, Ma1sonncuvc-Urosc. 1987.
pp . 200-202. K.S SALlBI. TM ModentHUto,,·u/Uhanon . N~- York. Delmar. Carav:an Uooks. 1965. ri J-IK.
1 MICHAUD, POL'JALAT. Cn~pondancrd'Orif!nt, /IJJO - JRJJ. Pans. IH15 . \'Il . p ~50
8 Il faut doubler le factou démograph~uc: . du f&:lcur so:.: iu-économiquc . le 1.:o nn1t cnlrc muronilcs et druzcs est ;1uu1 crlut
qW oppose dc$ paY'&JU i dn féodaux propnlhilin:s des lerres sous l'émir Oéch1r 17HR-1 H40 - qu i nppar11cn1 d Io dynllltie Jn
Cbébab. •une parue des maronites qui. de toU9 1i:mps n'avaîcnl tcé que I~ va.uaux tle11> fCodaux. dru:t.es, avcuent pu OO·enu
psupriétain:a ck t.cm:s confiiquta i dct chef• druztS pu Btehlr L'assiette de l'imp61 •Va.If é1c! rc!formc!c dan~ un sens plus favonbk
aa Oll'fticm d c:au.-ci avaient ccut d'être USUJC111S au port des vêtements qut, en \.'.elle réHJOn. IC!I dîstmguaienl des musulmant Cl
Oapltro 8. Le nombre 515
deux sociétés druze et maronite montrent que les femmes maronites ont plus d'enfants
que les femmes druzes : en 1847, 688 enfanl:!I pour 600 femmes druza, contre
1 317 enfants pour 847 femmes maronites, dans les villages mixtes!. Le peuplement
maronite progresse de manière continue dans le Liban central et dment majoritaire
dans la région du Kesrouane - avec en plus un conflit de type socio-économique entre
les paysans maronites et les grands propriétaires druzes.
Comme souvent face à des dynamiques continues, les peuples débordés réagiasent
avec violence. Les druzes tentent de massacrer en 1860 les maronites qui doivent leur
survie en grande partie à l'expédition décidée par la France, laqueUe les fait placer llOUS
la garantie de sa puissance, dans le cadre d'une province directement rattachff à la
Porte et dont le gouverneur doit être chrétien2 .
A la veille de la création du Grand Liban par la France, la démographie maronite
qui a supplanté la domination des druzes, peut légitimement prétendre prendre la tête
du projet politique libanais. Le maronitisme politique s'installe et dure jusqu'à
l'explosion communautaire et régionale de 1975.
Aujourd'hui, la communauté maronite garde un poids politique et démographique
incontournable au Liban. Sa vitalité nataliste est comparable à celle de la communauté
chiite, laquelle est sans doute la grande "gagnante' de la guerre du Liban. Plus
généralement, la question de la démographle de l'ensemble des communau~
libanaises - il y en a constitutionnellement dix-huit - reste au cœur de la
géopolitique interne du Liban. Du fait même de la constitution de la ~blique du
Llban3, les représentations politiques sont dépendantes du poids des communautés' et
la question de la nationalité libanaise accordable ou non aux dizaines de milliers de
réfugiés palestiniens installés au Liban depuis 1948 n'en est que plus brûlante: un oui
signifierait immédiatement un tremblement de terre dans les équilibres politiques du
pays.
Carte 69 : Les minorités chrétiennes d'Orient
Carte 70 : Les communautés du Llban
liaient la marque d'une infénoritl! de st:11u1 . Ln tension n'nail ~ de crni'M dcpun Clllft les dnllls dêriRm dir: ~ ~
wims privil~gcs. appuyés pur Io Por1c cl Io Grande-Bretagne. et les chretims, den:nm d6::aa+ : t · 1 plm ..........
IDUCtCUli de pn!scrver leu~ g11ms !ilululn1res Cl nvides c.J'mdc!ptndancc.•. lQ L. C1 A. CHABRY. P~ d ..,,....;,,is i:. ,.,......
Orlmr (lrs rai 'fo rtS J 'une cxplm:ùm). rnns , Mn.iso nneuve-Larose. 1987. p. 204.
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Jtd.... p. 190-196
4 D'aptn la Con!'lituuon, le p~1dcn1 ùi: lu République ~t maronne. le PrcmiCT mint.5111: sunnite. et te prisidmt &a Pw:rtana.I
ht:.n.i1 ch111c. Les Doun ont 1\ tel point fH:n.lu leur pf'Hminence de Jlldis qu'ib. ne SODI ~ qur pu des llfti:aisaa. ...
comme les chn!tiens of1hodoxe~ ou le s Arméniens r\ujou.rd'hu1. SJ la ComtiMion dc-vait ndl;pta 6 • Slr'H.1I: rèahlè • i.
di&noJl"lphic - car il c;och11c Aussi des enjeux polittquc!I. cl Cconomiqucs qui JOUiCnl - . le~ dl: bt. ~ou .. lllD9 lm
Pmrun ministre dcvmit éll"C' chine.
5 D cl J. SOURDEL, /Jtctiumwi,-,. hi.,·rm·i41u•• ,/.,,• l'ülum, Pans , P .U f , 19%, p. ~!i , i noltl' que c'est 'P'fs • Pram!rc OuaR
moncü1le, Ion r.Ju mandai franç11i~ sur les lcrri1011n qui formcronl pllL" lard l'État syncn, que \'œ ~ • hppeUaliœ ~
m rcmrlucmcnl de celle Je nm1cfri!I. ..:unnot~ 11t1orativcmen1 par les sunnites
576
Ansariél sous la pression des sunnites seldjoukides qui investissent les plainl'S de
5\'T'ie. Comme souvent avec les hérésies, le nom que cette secte syrienne se donne est
dlfférent de celui qu'on lui accorde. Les alaouites s e nomment eux-mêmes nosaYris ; le
nom fait probablemt!nt référence'' Ibn Nosaîr, théologien de la fin du IXe siècle, mats il
est rapproché aussi dt! Nazan:'ni, du nom d 'une population mentionnée par Plinl' ~
l'ouest d'Apamëe, dans la vallée de l'Oronte2. Durant tout le XIIe siècle, l'expansion
démographique alaouite s'inscrit dans les montagnes de Syrie où les Croisés Il''!
rencontrent3. Au XIXe siècle, ils investissent de nouveau les plaines du Akkar au Sud,
de utakié à l'Ouest. du Gh.'ib à l'Est et contrôlent cette dernière. Les chrétiens et les
sunrutes sont refoulés progressivement vers le plateau du Hama. L' Est reste cependant
entre les mains des sunnites.
u montée en force des idées nationalistes arabes laïcisantes pennet à cette
communauté de passer de l'État autonome des alaouites, sous le mandat français, au
contrôle de l'ensemble de la Syrie après l'indépendance, au prix d'une répression féroce
des velléités sunnites - d 'importants massacres sont perpétrés à Hama, ville contrôlée
par les Frères musulmans au tournant des années 1980.
À bien des égards, la montée en puissance démographique et politique des
alaouites en Syrie est à rapprocher de celle des maronites au Liban ; elle s'en distingue
toutefois sur un point essentiel: le pouvoir alaouite peut dissimuler son particularisme
derrière une idéologie pan-syrienne4 qui transcende les communautés, là où le
maronitisme politique apparaît aux autres communautés libanaises comme la
domination d 'une communauté sur les autres, et l'État libanais comme une
construction au service d 'une communauté. La vérité pouvait être différente, les
représentations primèrent et conduisirent dans le cadre de la déstabilisation
palestinienne à l'effondrement du Liban. En Syrie, la succession alaouite est installée
après la longue présidence de Hafez el Assad - 1970-2000.
3. Immigration et puissance
l Si rmpuflqUnDC'ftt dâ:'ntes par Mu.uno.: Bl!f'T'6; dans son Enquë:1c au pays Ju Lt..,,·anl . Sur l'ongînc cl la doc:tnnt des
a1.ouda : L. et A. CHABRY , Poliuqur t•t m inu r1tè .i "u P n x:htt·Or1r11t ries r m :w tu tl'w"· c.~-rplo:r um) . rans, M;i1~nncu \:c- l.Mœc
1917. p . 97.99
~X . de PLANHOL. W Natimu cN Prup hi-tc.· ,\funmd Jf,1.'0J.:ruphi./t11.• ch• pnlitiqm· mumlmunr. Pans , f a)·anl, 199), p ;ms
l É. de VAUMAS, •Le Djcbd Ansanch, Erudc de gCogroph ic humumc··. RG A . 196 0 , p 2c.JC)
4 Sw rmpgamn1 dca abvwtn d.vis Io partt• P r .s -- fonc..l.ncur Anlo un SuaJc -- cl bi\olh1 s1c, nous œn,·oyoru 0 b KCtiœ
~ • l'-.btsme ~ d L. d A. CHABR Y. PalilU(IW d minu ritt!.1· a u / >rucl1c.•- Orll! trl f h •.1· ruu mrs 1/'Un t! eiplwion), Pau.
Maaunncuvc- 1..&msc. 19111. p. 160-168
5 A.FP. 101111.1 lOOb.
6 •11 faw , m priorisi, ~ noa comp.tnotcs (au Kns ethnique), des gcn~ m•lru iL<o el qua rc!ipcclcnl ln loi, la cuhim n b
Ddîtiam uJioaala•.
Chapllrr 8. U, nombre 577
1 Nolons quo l.;.'I ltmist:"S Je SllUCbc alh:inund\! (BUSS\CJh:rl llRT qu~RI Ù CU'\ pnn.:1palcmcn1 tftuljrt \·~n l'buvpc ~ CLI
'ol0&ne !l.Urtoul 1
578 J>nrt1e 3. Pi!nntmencr do 1dtnr111t
1 0 - lamnees 70 et 80 , lc nom~ de na~sanccs dans la Fédération <le Russ ie osc 1llc cnlJ'c 2 milhons et 2 ,S m11lions. li Rn
daacdiviM: ,...ckm.
avo: 111 fia de l ' Empi~.
2 NOUI rmvoyom i noue section .. 111 t::i\1 1hs.alion russe face à l ' islam 1) don~ la4ucllc Il c-sl nppclC que '"l ' ~manc 1pa1ioa• dt li
fc:amir ~ pm: le bolchtv1smc cons15ta D rendre celle-ci !ilénlc à force de d1 7.nmcs J ' heurc!i pusées SUI'" !.les l.tlClt1n ~
tilloœaimt dea champs de eotoa l.tTOlb de pesticu1e Pan1e "c1.... ihs.o1ion"
} 72 ms p:>tU les fanrna et 59 ans pour les hommeii, so it une d1fTl!-n:ncc de 1} ans unique ou monde
• G.f. DUMONT, Dhnographi~po/11/qul! , le..<r /a i T ck lu ll~"Politlqm• d (•.,- pupulutirm.", Ellipses, 2007.
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8ridiog Pipa. Centre Camq:ic Moe.cou. moUt 1999. n'"8 : tiup .//pub!lo .comcH•C ru
Cluiptn 8. Le nombre
Une question souvent posée dans les enjeux géopolitiques du futur est œlle de
l'aggravation constante du fossé démographique entre le Nord développé et le Sud en
vole de développement. En d'autres termes, la prolifération des pauvres da Sud
menace-t-elle à terme les riches du Nord de poussées migratoires sans pr«édent?
Dans les années 1910, il naît chaque année en Europe - hors Russie -près de 10
millions d'enfants. Ce nombre est aujourd'hui tombé à 6 millions ce qui représen1e à
peine 1/2Qe de l'accroissement annuel mondial. ToU5 les pays européens2 sont frappé
par un recul qui contraste avec les fortes croissances des deux siècles précédents -
XVIIIe et XJXe siècles. L'Allemagne a vu le nombre de ses naiM;ances reculer dès
l'entre-deux-guerres ; l'Italie et l'Espagne sont sévèrement touch.ées3 • En apparence, le
phénomène est moins marqué en France mais il traduit la part détenninante. de
l'immigration extra-européenne dans le renouvellement des naissanœs françaises4.
Dans l'espace méditerranéen, le fossé démographique ne œ&Be de se creuser entre la
rive Nord et la rive Sud. En 1950, la population d'Europe occidentaJe était quatre fois
supérieure à celle du monde arabo-méditerranéen. En 1990, le sud de la Méditernmée a
dépassé le Nord et en 2025, si les indicateurs actuels ne s'infléchissent pas, le Sud
représentera les deux tiers des riverains de la mer Méditerranée. u population des
Quinze de l'U.E. sera alors dépassée à partir de 2015 par celle du monde arabe.
Il ne servirait donc à rien de nier le déclin constant de la natalité européenne durant
le xxe siècle5. La question n'est plus dans la réalité de ce déclin mais dans les solulions
pour y remédier et dans la nature de ses conséquences si rien n'est fait.
1 J.C. CHESNAIS, "Nord-Sud ' le foce-à-fhcc dimognphiquc". in Poliliq,.. . . . . . . - . , . _ 199S. ll"fl9. p. .fU.
2 le recul louche plus gdnbulcmcml les pays dévclopprl!s : llU Japon. il nait deux rois tmÏaJ .,........, l(lli'lu ~•la
Sa:ondc Guerre mondaalc - 1.2 million au lieu de 2.4 million ; dans le taT'itoin:s C1..so\'1111!1iqms.. lit rwwww&:m:::m 6la.il: de
7 millions de naiuanccs à la veille de ln Pre.mitre Guerre mondiale ; iJ est désonnais de 5 millioaL ~ ia farci: m111i11! *:s
populations musulmanes. Les Êtots-Unis sun1 moins touch6s par la baisse car ils DGI aftfisaé-.e ~ tn!s fane mtre 1960
t11990, !Wil plus de 70 millions d'habitants.
l En lcalie, depuis 1984. le nombre annuel des na155IU\ca est lnrdriC'Ur i 600 000 ce q.a ,.__.la~ du. c::blflie d5
ann6ct 1920 ~ en Espagne. alors que l'acc11Jiuemcn1 des na.iSMIK'CI s'\!tail mainlltnll ntour die «ID 000 mmmccs amnlC:lla jmpl'm
dibu1 W:!i rum~ 1970, le chi ffrc est lomM en dasom de 400 000 à pa.rrir de 1990.
4 J.P GOUREVITCH, La Fnmt.._. afrk11inc'. Paris . Pion.. 2000
S "L'Europe 11'C1cinl peu À peu sous nos yeux ~ si elle mamticn1 une apparence de- vilall~ ~ t'e:sl: m vam • 1111
aoîuenœ f'Ultt. de- l'htrilagc de cnp1ta.I humain 111!,uC par les J~tiuns d .. \'&nl•JûCTl'C'. Cm pscc qwc. .ma Aaa ldGbea, ca.ue
pour wie large pmrt luu.s du baby~ln10m, le!i C"ffectirs dcs ~énhons soot mcoft' assez fournis pour que le 8Gimln dr ..-..ca. m
•'cffondœ pl.! cl que celui des li~ rc~h: modéré. O'ki une • tkux dttcnni~ ,;ailcmcot, tclon lc9 pays. t. s:inahoD • rarvenaa;
Io. aênb.tions crcu.at:." i s!!IUC!I du 'hnby L:ml:h' i;;crunt pa.n·cnuc..,. au.' •ses de la parati d ks ~pleines an. .ipl. œ làrW
rnonaliti SI le.a componemrnt.'li aclucls ('Cf'Si1;1cin1. 111 mon l'emroncn. sur Io vie : sur le Vieux COPlimm. le~ dft ~
lornbtra de 6 millions di 4 millionll ; quanl il «-lui Je.c;. d~. au lieu J 'avoumer les ~ millions. il puscn • 6 JlliUiaas. L'acécll:nr des
nailMR«!l(+I million par nn en 1992) ouru lilit plaçe A un d~tlc:it .,,..,.., (-:::: m.illions..~.Jlm68.. .n2G...l0) ;œ~ll . ~
da tombeaux sur les ben:caux." in J C. Ctlli.SNAIS. •NoN-Sud le flCC'-à·fa-e ~·~ ÎD ~ . . . . . . . _ .
A.Ul.OPPIV 11195. n°69, p .. 27--42H .
j Avortements
Stol ou Ensemble
1 pour 1 000 naissances
1 -
; Russie
'
--
.i--~ 1 695
1 451
· f--- 1107
1 Scuœ : WHO, SlatUtischa 81Urde.uam1, 1999, inkl, Bcrlm. repns par Der Sp1cgcl. n°9/ 2001 . Cc Lablcau Jm1 être mltlp"&
-.
m 11:1111r d'effet dt c::am7:bOn sur la dbnognphie, si les ch1fT~ de 1'11vortcmcnc en Europe de t'Esl sont beaucoup plus CIC\~q..l'm
Europe ocadmtalc. c'CS1 noaunmmt du f:l.11 de I• f111blcssc de~ moyens contruc:ept1fs. En fait. "l'cfîcl conll1K'Cp1100· sur li
dimognphJc doit ~ •Jouté • ·rcffet noncmcnt.. pour se ra.ire une 1d« de l'llll1pkur de Io chulc des naissances dans les iœodo
~
l •u phn pand ~~du monde tombera de 144 m.1llion.s d'habitants en 2002 à. 105 millions en 2050. Le Nigrria. lc Caaio.
!'Ethiopie,. peucto01 devant. 11 n'y a plus ni allocauons ramihalcs. ni rcpèn:s, 1u anfrostructutts . M11lyn! 1ou1c so ricbcsu: ~lie.
il n'y ralc que le cM:scspoic. Cc:st le trou noir Uu monde Poutine a di1 Il nous 1UT1..,c une grnmlc cntastrophc · la dCnat.th\t'
Emm:icD S\'CC J.C. CHESNAIS dans ltt: F1xaro du 1.2 aot1t 2002
l •u pmuric dcJmoa f ... ) ~outre les inmativcs, bnsc: les cfTorls et <lésum1e por !'uJlc plus effica·ccmcnt qu'une insuffisanct
de moyens. Awc le ssul du temps, 11 appenûlnl de plus en plllS nettement que l'effondrement frunço1s de 1940 fut avan1 toul lil &l.t
plnlysie caUléc pw le rnaoquc d'houunc:s CunlCÎentc c.Jc J'mcepacllé uù elle se 1ruuvu11 U'cntn::pnmdre une ac1ion ofTnu.i,..: di:
qucaq. mVCl)IUR. la France • rcfule la lune pan:c qu'elle acnloll cunfusëmcnt qu'un nou\·cou Verdun lui Sl:r&.11 faut'. il
A. SAUVY, Riclfau 6 pDP'JaJùm, Paris, Pa)'ot, 1943, p l 13 .
Chapll"' 8. Le nombre
population mondiale n'ont évidemment pas le mbne poids que la f!tat&-Uni.S. Quant à
l'Allemagne, son poids démographique pèse lourdement dans l'architecture de l'Union
européenne et les processus de décision - les Allemands disposent du nombre de voix
le plus important.
Si la technique peut favoriser la loi du petit nombre sur la majorité, lei n'est a;- le
cas lorsque partout, au fil du temps, la logique démocratique s'impose. La loi
démocratique est celle de la majorité, et lorsque les ~tats sont pluri-ethniques, la lai
démocratique peut devenir la loi démographique. L'Afrique du Sud de l'ltptirtheid s'est
effondrée parce qu'une minorité ethnique ne pouvait pas dominer une i!aasanle
majorité dans un cadre démocratique. Le Liban s'est effondré à partir de 19'75 pan:e
que la domination maronite a été remise en question par la montée en force de la
démographie musulmane, qu'elle soit palestinienne ou chiite. Le drame du Kosovo eat
celui d'une minorité serbe ne parvenant plus à conserver Je contrôle, dans le cadre
yougoslave, d'une population très majoritairement albanaise. Quant à la question da
devenir d'lsral!l, elle repose sur l'issue de la compétition démographique entre Juifs et
Palestiniens sur une même terre. Les sionistes avaient cru prendre de l'avance en
expulsant en masse des centaines de milliers de Palestirûens et en faisant venir un
nombre important de colons juifs : ils se sont trompés. Les Palestiniens, privés de tout,
n'ont pas oublié que leur guerre est par essence démographique.
Nous avons dit que l'Europe avait, à la faveur de sa pauvreté démograpmque. pa
s'orienter vers Je développement de l'ingéniosité technique qui allait lui dormer. dès la
Renaissance, la domination mondiale. Aujourd'hui, a contrario, la f.libles5e
démographique devient un handicap pour l'Europe, d'autant que les compélilions
entre les peuples se jouent désormais dans un monde où les frontières sont de plus m.
plus perméablest.
1 J.B. Duroscllc MJUllcnl que la fruntu~re cntn: mvtiïion Cf. 1mm1grahon rau.s1vc est tmDCC • ·mVUJOD Cil un ll:nDC'~ct
unbiau.. qui recouv~ a ussi bien hnnquc rariJc d'un~ ~qui !'1oC mire aplts le piU•• : r.-,.: d"ac' ana« qm pq.c. ,_ k-
maua...tt ou l'hcl11.vaaic du "·oini:u. t'Clobhsscnh':nt de sa propre p:>pulauoo sur les tcna oanqv.ila : ou a:lf111 • lcale_~
d'un peuple qui. au bout Je t.tuelques dl!ccnnt1:s . peut l'~mroncr Cl\ dcnsüë sur la ~ primilivc ou ralCI ~•. ie
lb. DU ROS EL LI!, L ·Euro~. h1.'flmn.· dt· :e&•_,. f't'"l'J,._,, Paris. P~rrin. 1990, rd. Haclw:ne l'tunaL p. 61.
:? Entn:t1cn avcic le .Jl!(nl)arnphc Jacques Dupâq,u1cr. in Lu :\ '0 1.nf!lle Rt>1"W J'H~. a•t , Juillel~Aoir. ~?..
l J.t: CHESNAIS, entretien. l·· f ï x"'n, 11 ooùt100:?
4 Êcril en 1976, M>il p1us Je- 10 uns avanl qus ~ ~ucm.~ Jcs pohbqucs ~ DC
ltandjuur
CGDV1lmCCll( à-.•
582
l'Europe est entrée dans le vieillissement plus tôt que le reste du monde. Vam
l'Union à quinze. avant l'élargissement, la vieillesse est déjà 50 'X. plus présente que la
jeunesse et certains pays, comme l'Allemagne et l'Italie, sont proches de la proportion
de 2 "seniors• pour un jeune. Le vieillissement accélère le déclin démographique de
l'Europe: en valeur relative d'abord, puisque si les Européens formaient à eux S('Uls Ir
quart de la population mondiale en 1900, ils ne représentent désormais que 10 '\de
cette population; en valeur absolue ensuite : l'Europe est la seule région du monde
dont les effectifs vont diminuer durant le premier tiers de ce siècle. L'évolution de
deux grands peuples européens qui se sont massacrés mutuellement à Stalingrad
illustre d'ailleurs œ déclin général : dans vingt-cinq ans le peuple allemand aura fondu
de 10 millions et le peuple russe (deux avortements pour une naissance) de 15 millions.
Sur les vingt<inq pays de l'Union élargie, dix-sept (dont ceux d'Europe centrale)
connaissent des excédents de décès par rapport aux naissances . Avec ses quelques
380 millions d'habitants, l'Union européenne des quinze pays d'avant l'élargissement
de 2004 n'avait pas plus de naissances que les États-Unis avec leurs 295 millions de
citoyens 1
Ce phénomène ne fait que traduire l'effondrement de la volonté de puissance des
Européens: négation de l'idée de civilisation européenne, repentance permanente
s'agissant de l'histoire de l'Occident, culture de mort, féminisation des valeurs
dominantes .. .
Parallèlement à la perte progressive de son substrat ethnique, l'Union européenne
connait, depuis le denùer tiers du xxe siècle, un établissement en masse de
populations d'origine extra-européenne. Des migrants viennent compenser le
dépeuplement européen.
C'est un fait constaté par !' O.C.D.E. : l'Europe (l'Union européenne des 15), est
devenue la première région mondiale d'immigration avec 1,5 million d'entrées légales
annuelles, contre un peu plus d'un million pour le Canada et les États-Unis réunis.
Deux aires géographiques sont cependant à distinguer au sein de l'Union : d'une part,
la nouvelle Europe, celle de l'élargissement, qui se dépeuple à grande vitesse et n'es!
encore que très peu concernée par les flux migratoires extra-européens (mais son
entrée dans le capitalisme mondialisé et l'idéologie des Droits de l'Homme laisse
prédire la formation d'une dynamique migratoire d'origine extra-européenne); d'autre
part, l'Europe occidentale, qui hier colonisa 1' Afrique et lAsie, et qui, aujourd'hw,
connait un mouvement massif de contre-colonisation.
l'accroissement naturel de l'Union européenne (soustraction des décès aux
naissances) n'est, pour quinze pays, que de + 400 000, tandis que le solde migratoire
annuel est de l'ordre de + 1 ,6 millions de personnes . Autrement dit, l'immigration
(l~e) est quatre fois plus importante que l'accroissement naturel des citoyens
européens (qui évidemment ne sont pas uniquement des Européens de souche). 51
l'immigration progresse 4 fois plus vite que l'accroissement naturel (lequel, faul-il
encore le répéter, comptabilise la natalité des immigrés arrivés les années précédentes),
on peut alors en conclure aisément que la population européenne est en passe d'êlre
remplacée, sur un temps historique relativement court, par des populations non
européennes.
Considérons le cas français. Selon l'INSEE, 9 % de la population de la France
métropolitaine est originaire du continent africain et d'Eurasie (Turquie). Or, à eux
seuls, ces 9 % assurent 16 % des naissances en France, soit 110 000 naissances . Le tau>
de fécondité des femmes d'origine immigrée en France (hors continent europé<>n) i.'51
en effet supérieur à celui des femmes de souche européenne : 2,16 enfants par fem111<'
CMpllre 8 . Le nombre 583
contre 1,7 (au détail, 2,57 % pour les Algériennes, 2,97 pour les Marocaines, 3,21 pour
les Turques 1•
Une projection pour 2030 ouvre alors sur la perspective suivante: même en
imaginant la mise en place d'une politique d'immigration 7kro, la France compterait
dans vingt-cinq ans 10 millions de résidants légaux d'origine extra-européenne, ce qui
représenterait 15 % de la population et 30 % des naissances . Autrement dit, au tiers de
ce siècle, un tiers de la "future France" serait d'origine extra-européenne. Une politique
d'immigration zéro décidée aujourd'hui ne suffirait donc pas à empêcher la population
française de souche européenne d'être minoritaire au dêbut du XXJir siècle. Or nous
sommes déjà très loin de la politique d'immigration zéro: 170 000 nouveaux migrants
réguliers extra-européens entrent annuellement sur le territoire, dont 70 000 par le seul
mêcanisme du regroupement familial (êtrangernent, alors que partout en Europe le
nombre total de mariages diminue, le nombre de mariages mixtes, lui, "explœ;e"). Les
Français de souche europêenne qui naissent aujourd'hui mourront dans une France au
profil majoritairement africain et asiatique. Et tel est le sort promis à toute l'Europe
occidentale, de l'Italie à la Belgique, en passant par le Royaume-Uni et I' AUemagne si
un mouvement massif d'inversion des nux migratoires extra-européens n'est pas
engagé rapidement.
Car ces calculs ne prennent pas en compte le phénomène de l'immigration
clandestine, exclusivement extra-européenne et qui ne cesse de s'accroitre. Pour la
seule France, on estime autour de 100 000 le nombre annuel de nouveaux clandestins ;
moins d'un dixième (10 000) sont refoulês. Et une proportion conséquente de ces
nouveaux entrants annuels aura toutes les chances d'être n<gularisêe dans les cinq
années suivantes. De 2002 à 2005, le nombre d'immigrés extra-européens régularisés
seulement pour six pays de l'Union aura été de 220 000 pour la France, 50 000 pour la
Belgique, 720 000 pour la Grèce, 1,5 million pour l'Italie (dont 700 000 pour la seule
annêe 2002 !), 580 000 en Espagne, 240 000 au Portugal, soit un total moyen annuel de
plus de 1 100 000 clandestins supplémentaires pour seulement 6 pays de l'Urùon
europêenne.
Dans l'avenir la pression migratoire extra-européenne ne peut qu'augmenter. Le
taux de départ annuel au Maroc est déjà de 15 % des hommes valides, soit 7.S fois la
moyenne mondiale du taux d'émigration par pays (2 %), dans un pays où le taux de
chômage des jeunes de 15 à 30 ans atteint 60 % (comme en Algérie et en Afrique noire) .
Un sondage effectué en 2003 par une organisation irnmigrationniste2 montrait que sur
600 Marocains de moins de 30 ans, 82 % avaient pour seule ambition de partir
s'installer en Europe. Au Mali ou au Bangladesh, l'immigration vers l'Europe constitue
la principale source de revenu .
La pression migratoire ne se résume pas au seul dêtroit de Gibraltar (fait
médiatisé). La principale plateforme d'immigration clandestine vers l'Union
européenne est la Turquie. Les autorités turques arrêtl"llt chaque année
100 000 illégaux venus d'Asie centrale, du Moyen-Orient et d'Asie. Un effort qui
"compense" leur propension à laisser partir la pauvreté turque vers l'Union. Quant à la
Grèce, elle qui ne compte qu'une dizaine de millions d'habitants a déjà refoulé en
moins de dix ans plus de 2 millions de clandestins, soit l'équivalent d'l/5 de sa
population.
Dans les décennies à venir. la pression migratoire va s'accentuer. Or cette pression
va augmenter à un moment où l'Union européenne prévoit, d'ici 2015, d'accroitre le
1 E1udc llll dCrnoitmrtu: L:1url.'nt Tuull.'.'nuin . /.,. f ï g.1111 . 1-' 11\·nl :!UO."'
.2 L 'Al"AVIC m1 ltS"O~IRlH'lll lie~ :uni " '"'1 fa11111lcs J,_~ \' U:lun~,. Je l ' 11111mi.:l"31h.•n d:Andcstil'IC'.
péimètre de ses frontit'res (par l'intégration des pays balkaniques et de la Turquie)
d'au moins 12 000 km de d~rts. marécages, steppes et forêts .
Le cas de la Méditerranée est à lui seul parlant. La rive Nord (européenne) compte
aujourd'hui environ 180 millions d'habitants tandis que la rive Sud (musulmane) m
compte 24{) million..~ . En 2030, la rive Nord aura perdu 6 millions d'Européens (avec
une saignée pMnoménale d'italiens et d'Espagnols), tandis que la rive Sud gagnera
100 millions d'"exlTa-Européens". atteignant les 300 millions de musulmans. On aun
donc •faœ à faœ", en Méditerranée, deux fois plus de population extra-européenne q~
de population européenne.
Or ce réservoir démographique qui fait face aux rivages méditerranéens de
l'Europe est caractérisé notamment par le plus fort taux d'émigration du monde. Alors
que la moyenne mondiale se situe à 2 % de la population (qui émigre chaque année), le
taux de départ moyen en Méditerranée est de 5 % de la population. Taux supérieur à la
zone Cara\bes et à lAsie. Traduisons cela en données quantitatives : depuis le début
des années 1960. pres de 20 millions des ressortissants des pays de la rive Sud ont
émigré (pas seulement vers l'Europe, mais aussi vers lAmérique du Nord).
Cette propension actuelle de l'Afrique et du Moyen-Orient à immigrer doit êln!
rapprochée des risques géopolitiques qui pèsent dans la région méditerranéenne.
Le premier risque majeur est celui de l'évolution des régimes du monde méditerranéen
Ver.i l'islamisme. Tous les régimes arabes pro-occidentaux ont aujourd'hui une
légitinùté fragile. De plus en plus d' Arabes, séduits par l'islamisme, les accusent de
trahison envers l' islam el de collusion avec l'axe "américano-sioniste". La fragilité de
ces régimes est augmentée par les perspectives sombres de changement climatique en
Afrique du Nord : la chute annoncée de la pluviométrie et l'augmentation de la
sécheresse dans les vingt prochaines années jetterait des centaines de milliers de petits
paysans dans la mist're.
Deuxit'me risque: les conséquences de la révolution économique mondiale causée
par l'émergence de lAsie et notamment de la Chine. Sous pression croissante et pour
rester compétitives, les économies européennes risquent de connaitre un glissement
vers l'économie souterraine. Déjà 10 % du PNB de l'Espagne et 30 % du PNB de l'Italie
ou de la Grèce sont le "fruit" de l'économie parallèle. Les États européens sous la
pression de secteur économiques entiers (bâtiment, agro-alimentaire, textile .. .) ferment
de plus en plus les yeux sur la collusion du capital et de limmigration clandestine.
Des pans entiers des économies européennes risquent donc de recourir à de
l'emploi étranger et clandestin, ou mème légal, dans la mesure où "l'immigré" est
généralement considéré comme moins exigeant en matière de conditions de travail el
de niveau de rémunération: il n'a tout simplement pas le choix . Il y a donc une pompe
aspirante de l'immigration légale et illégale qui est d'essence économique, de
nombreux acteurs de l'économie jugeant que la "mondialisation" les oblige par tous les
moyens à rester compétitifs face au dynanùsme américain et surtout face aux dMis
chinois et indien.
Parmi les multiples conséquences du mondialisme, figure l'aggravation du poids
des mafias ~tatiques. La globalisation financière et la liberté des flux favorisent
les structures ~tatiques illicites. Or l'un des secteurs lucratifs de ces mafias est le
'marché de l'immigration clandestine" . Plus la demande migratoire augmente, plus les
mafias prospèrent, et plus celles-ci prospèrent, plus elles sont en mesure de développer
de nouvelles filières d'immigration clandestine et donc de susciter l'offre.
l'analyse des flux d'immigration clandestine révèle le poids des réseaux albaiws.
yougoslaves, chinois, russes ... Le trafic d'èlTes humains se combine d'ailleurs souvent
avec le trafic de drogue, les immigrés clandestins étant souvent obligés de payer leur
passage en jouant le rôle de revendeurs ou de passeurs.
0..pittt 8 U, nombre 585
200.J .
4. Combiner le facteur dé1nographique avec d'autre~
facteurs géopolitiques
1 N<W,.I.\. aw·ux\S pu Lrts bien traiter de cc ca.'i Wms la s ec-1100 i:onsac..-cc il lu ro m:llon 1iéopohl14uc Ju fleuve, man now '~
- À l'Est, vers l'État indien de Tripura et au Nord-Est vers l'État indien de l'Auam,
où dL•s Bengalis tentent de coloniser des terres indiennes. Les populations de l'Inde
refusent l'afflux de paysans bengalis pou,.Rés par Je manque de terres au Bangladesh.
De plus, le Bangladesh e~t soumis lui-mt'me à une pression démographique
exlérieurc, au sud du pays, dans une région frontalière avec la Birmanie, qui at
stratégique puisqu'elle abrite le port de Chittagong. Une importante minorité bengalie
musulmane qui vit dans la région birmane de l'Arakan, les Rohingya•, tente de fuir la
répression du pouvoir birman en se réfugiant au Bangladesh. Mais la région de
Chittagong, qui se trouve près du delta où la pression démographique est déjà très
forte, n'accepte pas de recevoir une poussée démographique supplémentaire.
Ces pressions démographiques rendent les relations du Bangladesh avec ses voisins
indien et birman très tendues.
Des changements conséquenlo; dans le niveau des eaux et le climat pourraient
déstabiliser définitivement le fragile édifice bengali, et du même coup ses voisins.
Comme Je souligne François Thual2, un pays profite de cette situation, la Chine,
dont le destin épouse décidément celui des démographies élevées. Pour se désenclaver
vers l'océan Indien, la Chine doit traverser le Nord-Est indien, l'Assam, avant de
pouvoir gagner le port de Chittagong où le Bangladesh accorde des facili~ portuaires
à la marine chinoise - toute comme la Birmanie, alliée de la Chine. La jonction
terrestre entre le Yunnan chinois et la zone littorale du goUe du Bengale nécessite un
contrôle de l'Assam3_ Les Chinois comptent sur la déstabilisation de cette région de
l'Inde - leur grand rival - du fait de la pression exercée par les populations du
Bangladesh.
Cette section pourra être rapprochée de celle consacrée au contentieux autour de
l'eau entre l'Inde et le Bangladesh - chapitre portant sur la guerre de l'eau.
C:irte 84 : Les religions e n Inde, au Pakistan et au Bangladesh
Carte 75 : Les minorités chrétiennes et musulmanes de Birmanie
1 Mrm , p 167
! f . THUAL. Cuntrûl.·r ,., nmtr •. ,. (s1r111..1gh'.,. ~·;•'J'k•l111<1•••·s1 , Pan.'i. Elhrscs. ~000. p. l~~ · lL!
J "l>c 1901 Û 1971 . 1'1.1..:..:ru1SSl!llll!ll1de111 roruhmon çn l\~\8 Ctélk J.&~~•'-'ûft~ ••pcW• 1.,0 .... pour kr'Cli&c:Jc rl.ioron.
Cc srci.:111culu10! "boom" J~mogrJ(lh1t.-1m..• !I eu llllll J 'ubord Ji.:s Cl.IUSCS ""'-:onumi\{LIC'S l'unponauoo par les Bnl41Uli.qua. J\.n: n::IAID-
J'n:mm.' hon nutri.:h~ rnur 1rnn11lki- J1111s k.; l'l antn111111s ,h.· the Ll.:s ..:('ntauh."S Je milhcrs .X nuvr.wt.s. J"on~u~ w. . ~ tHmdous
Ju llihilr, lknt!.ah s musulmnns uu hmthl u h•h:s, N i:r11la1 s . .:-11.: 1 ~·y .. u111 r"•t:.n-s:i.l\('ll ~t Ulit.allC").." . m J M R.\.l t:S\: 11:: ..~ ..k L\
OKAN(il:: • .\!mi.IL•.,· r.•h.-lh·.\ , l' Llrl S, M1"h11l.m. ll,ll,lh. l . ::! ...h1 .. · \111_i:hTd•. l'n-.. hr L•I \luw1,...ùt rrnL Ewn•p.·. p. :' .' Il ) JI UD
pht!nllmènc Je " h.:ngnli~util1n nunranh: .lu 1111nt -..·st .1.: l'ln1.k ~
4 1'.11 l •J;\~, Ibn Stu•Ull li d ~J• I ~r<•U ,,. L' 1~4 1\.-mnh:s. 11 \C ille a n'en .;un..wl\-.:r J:&.ma1,,. pllU !.k yuaan: J.:ui ,,. loOll h.&rciu -· Jru.1
11\lbulmun Sc!> humnu:s Je 11111111 hu um.!ncnl r.:~u li O: rcmenl k 1·ru1L .. k 1..-m,,. 1LLU1.L' ..·n .Nltc,. \'IC'f'VO i4su k'S 1ribus.. l'clk- lf\U ol
,h111si ..· occupe 111 • 1uu1ri~nh: plm.·c lounmnll: ,lu 11;11 ..·111 :\u 1111liL U .1....., ;11111 ..-,,:-. -'O. 1.1U .:nlancs ""411 J.c1:& o.:=s 11..4 hoal ,,;ua~litun
0
un E1a1 Jyn1uait111c ltrn11111un ..· 11 1 )\ .l u\cl.: hl 1nuh 11 u n ;u-..1hc •1111 ,,·u1 <\u..• l'hcnt11.:1 Ju unn.: ""'"'un~'~ lhn s....M.ld b.11
1
pays aussi fermement que les partis blllll/1 syrien et irakien hier 1 . L'Arabie SaouJilt
n'est donc pas une nation au sens où nous l'entendons, mais un État familial.
Si l'on y réfl~hit de près, l'accord pétrolier entre les compagnies américaines et 1.,,
princes saoudiens ressemble à une sorte d'impôt de la dhimmitude . L'id~ est la
suivante : "on peut accepter que des chrétiens 'souillent' par leur présence la Terr,
sacrée du Prophète à condition que leur travail dans l'exploitation pétrolière permette
de ne pas travailler nous-mêmes"2; la redevance sur l'exploitation pétrolière est, d'une
certaine manière, une sorte d ' impôt islanùque. Elle perpétue le modèle économique
islamique : non une ~anomie du revenu par le travail, mais un prélèvement sur le
passage ou sur le travail des autres. Tel est le principe fondateur sur lequel repose
l'alliance géopolitique entre l'Arabie Saoudite et les États-Unis. Voyons maintenanl le
poids du facteur démographique sur la mise en œuvre locale du principe.
En 1940, 1' Arabie Saoudite compte environ 3 millions d'habitants répartis sur pl 115
de deux millions de km2 de territoire. Un accord est trouvé entre la population
intéressée par la redevance et les intérêts américains exploitant le pétrole. Mais la
population saoudienne, sous l'effet d'une natalité élevée conjuguée à une baisse
sensible de la mortalité, ne va cesser d'augmenter. La croissance démographique de la
population liée par le sang à la famille royale va donc s ' accélérer. Le pouvoir exige une
hausse du taux des royalties qu'il obtient aisément puisque les profits générés sont
élevés et que l'on ne cesse de découvrir de nouvelles réserves . La création de J'O.P.E.P.
en 1960, puis le premier choc pétrolier en 1973, vont servir la stratégie saoudienne de
croissance de la rente. Entre 1972 et 1974, le prix du baril passe de 1,90 dollar à 2,70
dollar, fomùdable hausse qui arrive au moment de la transition démographique. L'Iran
connait le même phénomène d'augmentation de la rente pétrolière au moment de la
Révolution islamique (deuxième choc pétrolier), ce qui permet la mise en place d'un
État-providence et le financement d'un effort de guerre contre l'Irak.
On voit donc ici l'importance du paramètre démographique dans l'évolution de
lArabie Saoudite. Aujourd'hui, la demande très forte en pétrole (due à l'émergence
rapide de pays asiatiques comme la Chine) maintient un cours élevé. Mais en mème
temps, le régime saoudien doit partager la rente avec un nombre croissant d'acteurs ce
qui freine les investissements nécessaires, d'une part à laccroissement des capacités de
production, d'autre part à la préparation d'une économie saoudienne post-pétrolière.
1 La para1t4!: ctt une force de cohts1on 54111 doulc ~upc!:ricurc à celle de l'idéologie ; A. DRYSDALE. G.11 BLAKE. TN
MtdJ/r &ut anJ North A/rica A Polilical gragraphy. New York · O~for<l . 19H5. p 212 .
2 Or m!me. a+il ttt xcr:pll!: de voir des m1h1a.îrcs occ1dcn1au~ roser le p1cc.J sur cette Terre !;Bcn!c ~ur se rrott,tt i.k rlni.
de Sadd:am Hus.Kin. en 1991
CNpll"' 8. Le nombre 589
1 Dir ,Ynhr-vngswirt.'fc.." lta.fi lk.'f ..f1Ldande'.' i. Bttlîn. IQl7 , .-4/lgrm.t";tw ~JJJ~. l Elcrlia. 1923. EllffiJltrra9 O.•
Lcipzi~ .
Konjlt'fkr.,rlehn.·. IQ:?Q , Stn.iA:1ur 1mJ Rlr.\nrtu.i d<r ltt>/r,,;vt_.._·Jtaft. G~~ ei.wr tWirw.lf'UC~
~nnj1mA.turlt•hfV. Balin. l'Jll , W1rr,,:h1Jfl."f"'/iti.fflh! SmJt«<it· l'on ~n olt.-nt>m G~ ··~àc-~. l""Oil;
ltl.l l , 2 td. H•mhurg, 1943 • .\f,.,u.: hc•n:Hhl uM l'(llle'3c-ltirbnl. Etlffl Ldtrr ~..,,,.km opri~ ~ ~
Ga·bi/Jr. lb.mhuf}C. l 'MM. Ernst Wa~cmann ~t dtttelcur. nant la Seconde G\IC'ITe IDCllldYilc., du. K.00)'\mJau:r tmritm de 8atin : ,.-..
11 débklc •llcm11ndc. il s'cnfu11 au Ch1l1<!t11."IC..:upi: , Jusqu'en 1~5) . une chau'T a rlin1vcni1C de Seociqo ; .J. piblic. en ctpllDOI.. dma
11\tts imponanl!J remarqué ~ por Bruudcl : 1::.. \\' AGEMAN~. L.~ pubioc1e.>11 ,·n .el ~1U.O dr KH pvteblOI.. s-.ao. l'M9.. (La
poflUl.tion cl le Jcst1n Je:; rcuplc,.I . et F.t ·um 1m1&J lfH1nai1l.JI. ~t1qo, 19~2. .l 1~ tL'«aoorrue llMXldililc). le ll'Ui:.cllmc ~
f'ublit i Rcrlin. en 1~5~ . peu 01v11nt su. man t l 9~M : Dil• Zultl .U.rr Dr:fdrw, livrr m.agc comar k ~ F. Bmldrll. . _ -..i
Wagcmann." S~rlllCk t lolmcs s'cnm:licm av~ s.on ami Wa1Son tk ..:h1I~ Jir snatstiqucs. d'œdres de gnndcur O.~~
111 s'&g1'.'sa11 Je l' l'Ujl;.1hlcs •Hl J.._. suspc..: b .
2 F RRAUl>l·.l. . El nlJi ,·ur /'Jt1..'iltnr. ·. raris. Fhunmanun. 1~84 . p. J9~·1Ui .
l tfk,,,, Jl. l 9M .
4 lliuJ . p l IJ4. 200
590 l'tll"liL• .l Pt•MJlllllt' UCt ,,~ ""''"'"'
Peste brune. peste rouge : les deux termes qui désignent les deux idéologies
considérées comme les plus criminelles de l' histoire du XXL' siècle, le nazisme el le
communisme 1, font référence à ces grandes épidémies de peste bubonique qui
désolèrent l'Europe du XIV" siècle et causèrent des saignées monumentales dans sa
démographie : la peste noire enlève 25 millions d'hommes à l'Europe et sans doule
l'équivalent en Asie2. Cet événement constitue un ralentissement brutal porté à la
croissance de l'Europe; l'Ouest du continent ne retrouve le niveau de population
d'avant la Peste noire que vers 1560. Le XVI" siècle est aussi celui de l'expansion de
l'Europe vers le monde, comme si le retour à la pleine démographie correspondait avec
celui de l'élan conquérant.
Il n'existe pas de catastrophe démographique pour un ou plusieurs peuples qui
n'ait pas eu d'importantes conséquences géopolitiques. C'est ce que cette courte section
veut mettre en évidence, sans pouvoir cependant rendre compte de la dimension
humaine des grandes saignées démographiques.
1 Le hvn:' noir du communisme. sow Je d1rccliun de Stcphanc Courtois. o monire <1uc celle idéologie est rcspon.s.Jblt, au
xxc 51ecJc. d'au mouts 80 mtlhons de morts. c'cst -it-d1re le poids démogruph 14uc <le l'Allcmuçnc ioule cnl1~rc .
2 •t.. pe:s,tc noire d~ années IJ47-IJS2 concerne l'cnscmbh: du contmcn1 européen Venu J•A s 1c, cc fl~au 4111 D\'a ÏI ~
l'Europe: pc:.ndatu plus1cun s1Cdcs. y parv1cn1 pll7 ks routu de la soie el des Jn\.Osmns A~siêgés Jons C';iffa, en Crimê-.:, lc-s G~oli
DUNJml CtC lllun; lc-s \;cumn: d'une vtntablc:. guerre bactlriol o gn~uc , leu~ udvcrsuire~ 111 1.ano leur ayant lancé <les cadil\'JCS f" ~ Lnl'
pu-des.sus lrw rnun de la "1111c ".in J. CAR PENTI ER et f LEBRUN. /-11:au ;rc: de · l'E11mp1•. l•nn s, Le Seui l, l'J 1JO, p. 11.>S Le~ rotn
tes plw '°'"bics furent cnsu11.t ~CllC'1'i de Milon eu XVII"' ~itcle . 1.k Londn:s .:n 1655. dc Morsc1lh: en 1720 l.a demie~~
êp1dênuc i.:orutatéc csl celle de Mamlchounc en 191 1.
l C SAUER, WCXJdrau· Bor1.1lr
'4 (.' SAUER. Th~ ~url.1 · Spunul1 Mam, p 65-ft7, cllt pur D .S LANIJl-:. S . R1d10:... .u· et l"""'rc'lt· c/( •.1· 1Jallom·, Pans, Altun Michel
2000
Qui pitre 8. Le nom brc 591
des juifs durant la Seconde Guerre mondiale. La même volonté systématique de tuer
des populations entières y fut appliquée : avortements forcés, massacres des enfants,
suicides provoqués. Pour autant, malgré l'ampleur du massacre, cette colonisation fut
aussi une œuvre civilisatrice qui fit passer les populations autochtones de l'âge du
sacrifice humain à l'âge du christianisme.
1 Il convient nC-anmoins de voir que la lr. ulc des Noi~ commence trës 161 d;ins tlustoire : elle est une pcrmzlDCllCC FDPolitiquc
au mo11\i du IXe sikle jusqu'ou X.X"' siècle "la lrn1tc dl$ Nou-s n ' 11 jamais ccssC depuis les Egypuens Elle es& c:nswlc pmbqUIX: Jm'
les Romains puis par les Anabes . Le cornmcfl:e des c schn:C"S par les Arabes de 800 ;l 1700 aunit poné sur 9.6 m1Uiom de Noin.
tmployes comme guerriers. rra..·aillcurs dans les minr.."S. eunuques cl, pour fcs femmes. rommc savanlc:s ctloo dam les harcna. Il y a
tplcmenl une cmuc vers l'Inde. l'lnsuhndc i:t mêm..- la. Chu\\'.' nvnn1 l"arn"·tt des Eurnpttru..•. 1b P VILLIERS, P. JACQUlN.
P RAGON . Û .t Europ;i:1tt t! f lu mt:r dt.• la dà·m/\·,:rtc.• Li lu cfJl1muutwn 11.J.~.5-ISISOJ Poui.s. Ellipses. 1997. p. 7 1; Cl :Mii'
l'cru.tmblcdc lo. 1railc négrière du xv1c s1i:ck .1 11 :x1xe sit."clc. r 71-102
2 F. BRAUDEL, G,-umnm1n· dc.•s cH·1/t:w1w1t.'f , rèé-d ., rlamm;anon. Pwis. l'NJ . r lftS
3 '"L'Afnquc ('lcni son s.ung pnr Ioules les pure~ " ~c m Ft:mand UrnuJ.e l. hkm
4 D S. LANDES, R1d11·:ut· t.•I 110111·1·c.·h; ,h·." 11u11111t.,. (r.. urquu1 J,._., rh,:lr."" ., P11u,-qu1u il•·~ l"""'''J'\'S ·'1. Pans. Albm :-.tu: tKL 1998.
p. 162 (1raduî1 Je Tltc Wcohh rmd Puvcrty ,1f Not tmns. \\.'hy sonic: :m: m.:h amJ somc- so poorl
~ "Il suggéra que chaque colon fü1 uu1onsé U 1mJ'kmi..· r unl' d1,.1UZJlml' û 'cs.:-la\·cs nv1rs 1.k rao.·-.>n a pouvoir ep.vp>er ln lnd.iau.. ...
m Dnid S. LANDES , R1d1 ..·.,·."~· ..., p111n.,.... ·,~· .ln· mmon•·, Pans . .-\lh1n M11:hd, ~000 . p lti~ . !< :1ppuyant sur RICH. ColOlllll.I
0
Scnlcmc111. 11 )2!, à noter 'lue trés v1t1..·. au X\'oe- s11..·do: 1;1 1ru1h: lies Nu1rs pi.lftu~a1sc s':1ppwi: ~ ur ûcs N~en nu1r.. toc.1'"; b
~•Wltophe de la Truite se fi111 u\'ci..· lu 1..·omplu.;11c de mlll1hrcu."'c-s ~up\aJcs afm:,;uni:s , l'h1!itl•in: de la TniÎtC" IX' peul donc êltC
rkumtc à un choc Blancs con1rc Noirs ''À pnrt1r lie 1450, les Pt1rtuga1 s 0111 rcnon~·é à razzic-r l:i r..-Olc afncatnc pour s'cmpettr dfos
t11.:lnn p~(.;n:ml (;oinmcrccr BV1..'\; les rois lo(;m1x Ils s'1tpp1 11cnl sur les iles alhnuqucs '{U'1ls ,101 sys ~rua1..u-1Uftl"IC'nt r..vJoms.ecs. Les
A(nc•ins sonl demandeurs de mcHou.'(, Je lcJtlilcs , t.l'u\u)(.11 e1 ulc~T11:un.·men1 do: 1.aNc maL,. à l'~•ccpc10D. dt I• gomme et de l'ar, ils
OUI peu i. alTnr •uJt r::uropêens Lia 1m1h: s'uupose d'au1un1 ph.L"" fodlc1nrn1 '{UC les sucië1Cs africalDU sont °P'>W' l-. pllllSI
592 Pari Je J l't•mmnt11Ct dtfl tdntllli•
voyages maritimes aux conditions épouvantables' . Toujours est-il qu'il "valait mil'Ux
encore" étre déport(! par l'Europe que par l'Islam, car les planteurs blancs veillaumt
plus à l'économie de leur main-d'œuvre, le coOt de transport vers l'Amérique Nant
l11rgement supérieur à celui des caravanes musulmanes.
L'esclavage des Noirs dans les plantations de canne à sucre anglo-saxonnes
notamment a sans doute permis le développement du capitalisme industriel anglais ·
culture de la canne à sucre et raffinage intensif à coùt de main-d'oeuvre très bas -
achat d'=laves - ; commerce de sucrt', café, thé, qui enrichit les planteurs; création
d'une riche!'SC qui augmente la demande en biens manufacturés venant d'Angleterre ;
l'augmentation de cette demande permet alors de stimuler l'industrie anglaise -
hausse des salaires, division des tâches , invention de nouveaux procédés économlo;ant
la main-d'œu,'re. Plusieurs travaux de chercheurs américains ont montré le rôle
primordial de l'esclavage - mals pas uniquement - dans le décollage de la
Révolution industrielle anglaise2.
Les deux traites négrières, celle vers l'Islam et celle vers l'Amérique furent un
drame majeur pour l'Afrique3. Pourtant, il faut bien constater avec Fernand Braudel
que s'il existe aujourd'hui des Afriques qui vivent dans le Nouveau Monde, aucune en
revanche n 'a survécu dans le monde musulman ou en Asie4 .
Les raisons du retard de l'Afrique sur les autres civilisations sont nombreuses et
complexes. Mais il est certain que la catastrophe démographique causée sur le
continent africain par l'asservissement dans l'esclavage ne pouvait guère améliorer les
choses.
csclnagit.tcs. •.in P. VILLIERS . r. JACQUJN, P. RAGON . Lt.•.,· Et1nJpt.~( ' n.,· t..•t la mer th · /" tlùo111 ·c!r1._• à la <·o lonuall<m 1f4~.'
.. F BRAUDEL, Grwrimu in- Ûc!.I <iVllU'lJIUHLfi , réèd ., ran s, Fla111mariil n , 1')')J . p. 171 .
SA. BIAl>. Druil 1ntt•muflonul humuni1air..•. Pari31, EU1p!lcS, llJ9f) . p . 9S
b Allx cbl.b de nombre~ liUh"\::S dCponés . re5 isumts de.:.; nullu n:i; Ut.:c upéc:i;, Tr.11!..ancs., opposants rol111qucs 11llcmu.nW
7 .. A la Ycillc de la bMtatllc de Gallipuli. dans Ja nuu du 24 uvnl qui en dc.,.. 1c.m..lro lu llotc c u mntcmunuivc, le coup d'cn\t>t ~
atoocuie e'il donne pti une pran..iètc rafle vlii;ant 8 Jb;upilcr Io nauun : plus de lt5U no1u.bli:s um1611cns de la capitale - 11 y nJ a&in
m 1QuJ pr-n de 1000 - soo1 arrêtes, dqx>nés m Analuhc C'I a.:.i:;as1011ês . 1 . J Un mémc scén11ru1 <le l'horreur se n!pC:tc ..WU 1ou1n ln
L,,.pltn: B. I.A. nombre
Ètats-Unis, ce parallèle n'est pas considéré comme choquant - • pour leA Cambodgiens
massacrés par millions par les Khmers rouges, ou encore pour les ma!lllaCl'es
systématiques au Rwanda en 19941_
La géopolitique n'a pas pour objet de participer à ce débat à la fois philosophique et
juridique, mais doit traduire la spécificité d'un crime de masse dans !les conséquenœs
géOpolitiques.
Le génocide juif a des conséquences géopolitiques immédiates : il réduit
considérablement Je peuplement juif en Europe et accélère le projet sioniste de la
création d'un État spécifiquement juif. La géographie du Moyen-Orient se trouve
bouleversée durablement par l'effet essentiel et fondateur de la Shoah.
L'importance du crime est telle que la création de cet État peut se faire seulement
trois ans après la découverte de l'Holocauste, et sans que l'Occident ne se préoccupe du
devenir du peuple palestinien dépossédé de sa terre dans la foulée. L'Holocauste n'a
pas pour seul effet de créer un État, ce qui est énorme en soi; il devient une donnée à la
fois muette et puissante - une sorte de non-dit d'une force phénoménale - des
politiques étrangères des États européens. L'incompréhension civilisationnelle entre
l'Occident et le monde arabe-musulman - celui-ci déjà échaudé du fait des promesses
non tenues de 1916 avant la Révolte arabe contre les Turcs - se creuse. L'islam arabe,
et les Arabes en général, se représentent une nouvelle enclave de l'Europe à Jérusalem
et le souvenir des États croisés latins est ravivé. Les Arabes reprochent aux
Occidentaux de s'être achetés une bonne conscience sur leur dos.
Carte 91 : Pays d 'origine des Israéliens
Qu'en est-il maintenant des conséquences géopolitiques de l'arrivée des Européens
en Amérique ?
L'Amérique autochtone est en grande partie remplacée dans son peuplement par
des Européens : il y a là encore génocide du point de vue géopolitique.
Si l'on examine le crime du point de vue de ses conséquences géopolitiques, plutOt
que du seul point de vue de son intentionnalité idéologique, la notion de génocide
incorpore l'ensemble des crimes ou des méthodes de persécution mobilisés contre un
peuple pour réduire la puissance et même l'existence de celui-ci. D'une certaine
manière, la géopolitique rejoint alors le Code Pénal français qui donne, depuis 1994, la
définition suivante du génocide : "toute destruction d'un groupe à partir de tout critère
arbitraire" ; suivant cette définition, il y a un génocide des Koulaks en Union
soviétique, et également un génocide vendéen puisque certains textes de la Convention
révolutionnaire parlent d'une Vendée "ethniquement contre-révolutionnaire" et donc
globalement responsable d 'un crime punissable de mort.
L'Union soviétique pratiqua aussi la déportation systématique des jeunes
Ukrainiens vers l'Asie afin de tarir la vitalité démographique de la nation ukrainienne.
Les déportés devaient ensuite, soit rester célibataires. soit se marier avec une personne
non-ukrainienne, l'idée étant de dissoudre peu à peu l'identité de l'Ukraine dans le
magma de l'/Jonro sm•ieticus. Briser les peuples consistait également sous Staline à les
priver de leurs élites culturelles et scientifiques, en déplaçant l'intelligmlsia hors des
frontières. Le génocide pratiqué par le communisme soviétique2, quant il n'était pas
pro\. mecs pcupltts J'Ann.:nic:ns ", m C.- MOl !RADl r\N . /. 'AmJ1.'n i(•, Paris, PU F. 1~5 . coll .. Que s.ais-JC ..... n'!Cil. p. 61-66.
C~re Moul'lk.han m ontre. r.:h11l"rcs et 1i: , 1c ... 111tcni;11 ionau' .à l'.1ppu1. l.Ju'il ) ' :s bien un 'l!fl«'"•tic des A.rmcrucm..
1 1 OESMA.RTIS. M Bf:NJAMJN . "l.._· H."anJil". in Hd<JllOtn u1tt•rn<1111111ul..•.1 r:t -r1,..u1,;g141u'1'..t . l.R.I S., HwC'I'" 19'lr4, 0 ~ 16.
p. 4ll ·5:? .
:! L'a:UVTC de- &\.~ rh·ai n nlS'i.<.'. AlcxnnJ.rc s~' IJ COll S~UC" resh: l'un Jcs. plus grunJs ICm..>ignogcs des .;rimes Ju communlSlllC"
IOHhlQ~ L1..•lffl! u u:r dir-IKl'dnl.f da· l 'L'11ù111 .u iw ..:11q11t' . I.e Si:uil, 1974 ; L 'urr hlf".' I .lu Gnuklg, 1. 1 et Il, 1974 C'I I. llt. 1976 ; ltt
Jn·(;,, dr1 L"Ourug..-. le Seuil, l '17H • .\/l' ' .'i''·"" ,/'l·.HI. Le Semi , 1~7~ ; l 'L'rTl'llr J~ l'On. ·ùk1tl, G nLSSd. 1"'80 . LL-r rllllh l~I"'
Writ~, h)wd, l 'llR2
directement physique. était biologique - bloquer le développement nahJrel d'un
peuple par l'interdictton du mariage interne ou la stC!rilisation - soci,11, culturel,
politique. Tous ces procédés gl>nocidaires rurent utilisC!s en Union soviétique durant
près d<' cinquante ans. Mais le souvenir atroce du génocide perpétrC! par les nazi'
autant que l'aveuglement idéologique de nombreux universitaires, particulieremmt en
France, empêchèrent l.1 ré.llitt:- so\'ié>tique de faire jour il la mesure de son horreur.
1 P CHAVNU, /.u Frunn.·. t lfidr1ir1! dt· fu H'tt.nhilttr• dt.·~ 1--r,mpn~ fi Io Frnnn.•J , l'nns. H.ubcrl Laffnnt , l 11JC2 .
2 /Wm. Le1 chiffrn 50fll ancu:ns m111s IOJ proportion est tic JOO mnf1 s puur 1 vwunt ; lu dcn~11c! d e lombes nu km.2 rn J=rancC' ni
rlus él~· tc-que celle de c1~1hs.a1ioru> ilUSSI a.nc1cnnc!I que Io C hmc ou la Grèce .
J Publiê en 2007 aux éd111uns E llrps ..--s
Lll.lru,... K. t.., nnmhrl'
LA GÉOGRAPHIE IDENTITAIRE,
DEUXIÈME DÉTERMINISME GÉOPOLITIQUE
"Fm·o!-les de bâtir cust•mble ut1c tour cf lu les clrangeras en frères . Mais si tu veux qu 1 î/s se
lrnfs~t'nf, Jette
frur du grui11 ."
Saint-Exupéry
MONOPOLE ET PUISSANCE
Dès le me millénaire av. J.-C., les villes phéniciennes de Tyr1 et Sidon2 surtout3
prospèrent sur le commerce du bois des montagnes du Liban. Celles-ci sont alors
recouvertes d'immenses forêts de grands cèdres. Les Phéniciens exportent ce bois riche
ver.; la Mésopotamie et l'Égypte, deux grands centres de civilisations antiques4 • Le bois
qui part vers l'Égypte emprunte la mer, car les Phéniciens sont de grands marins; celui
qui est dirigé vers la Mésopotamie emprunte l'Oronte en direction de )'Euphrate. À la
fin du II< millénaire, le patrimoine sylvicole du Liban a fait la fortune des commerçants
phéniàens qui règnent SUI la Méditerranée. La thalassocratie phénicienne est née.
Le commerce de bois continue d'enrichir les Phéniciens durant l'Antiquité
hellénistique, puis romaine et byzantine5. Mais à partir du vme siècle, la fixation des
populations maronites6 SUI les versants de la montagne libanaise ouvre une longue
période de déforestation7. Byzance se fournit encore au Liban pour les bois utilisés
dans la fabrication de sa flotte impériale; Jérusalem utilise encore aussi ce bois pour
ses charpentes. Mais lorsque l'Islam domine, les principaux centres d'exportation du
bois de marine ne sont plus libanais; le bois vient surtout de AmanusB et de l'arc
taurique.
l C. BAURAIN, C. BONNET. Les Phén;cien.t, Marins des rrois continents, Paris, Annlll1d Colin, Paris, 1992, colt.
u·. p. 49-70.
"Ci>11Uoôaru
l /<km, p. 70·90 .
J El~ e-.i1tcnt aujourd'hui encore sous le nom de Tyr el SaTda au sein de l'l::1a1 libanais : mcsurnm ici l'incroyable lon1~vi~
• œa cilâ dü Liban que les bombardements isra~liens des demières ann~s n'ont pu arnchées è leur hiJtoire.
-4 t de VAUMAS, U llluJn. étude de géographie plty.rique, Paris, 195.4, p . 268-28S.
3 JI C...L 1'imagioa un paysage de la monta111c libllllaisc qui a aujourd'hui largement dispan.i : de anndct fortb parcounaa de
dlamal d'nploita1ion poW' lelii bûcherons, el dt!coupécs en secleurs de coupes. Il subsiste des inscriplions foratières de l'Cpoquc de
rcmpcmar ronwn Hadrien qui aucstent de cette induslric du bois. X . de PLANHOL, lf!s Na1lmu du Prophi1~. Afonu~I
fi:ovapliiq11t: de politique mu..,ulmane. Paris, Fayard. 1993, p . 158.
6 Sw- la fixai.ioo des maronites dans la montagne : X. de PLANHOL, Minurilt!s en Islam (GéogN1phJe pol"'que " Jocio/rJ.
r.n.. Flanimorion, 1997. p. 59-70
7 M. MIKESELL, T1u! tkforestallon of Mount lebonon , Gùce, 1969, p . 1-28 .
1 Amanui est un haut-mauif montagneWt du nord-ouest de la Syrie. C'est Je funeux d~fill! dea Por1etl de Fer où Aleuodn
lmtitDarius.
PartJl' 4 . L1 qu1~te dt!s n~s!'nurct's Wlt' ccmMautrchl'hiMmrr
l V ROMAN . k llaur-Empir~ mmoln f27 Q\•. J .-C -}Jj a11 J-C), rans. Ellipse,., 199H, coll . "L'Antiquitf unt' htsmU'r'
p 66-67 .
2 Y. PERRIN. T. BAUZOU, ~ faCitlJ ill'Emp1rc, hortni~ J,: Rome. rans, Ellip~et>. 1997. 11· 308
] L . FEBVRE. L 'EurOJH!, grn~,. d'uffc c1wlisatinn. Pan&. Pcmn, 1999, p . 160-167
O..pl~ 1. Monopole et puiMB"""
Comme l'a montre l'historien Henri Pirennel, sous les Barbues, la MéditelTanée re!!llr
la Mare Nostrum ; l'unité méditerranéenne n'est pas bri9ée: GibraltaT échange avec
l'Asie Mineure; Venise, Gênes, Marseille, Barcelone avec Carthage qui n'est pas enœR
Tunis. Pirenne souligne l'importance du commerce mérovingien avec la Méd~.
Mais l'irruption brutale de l'Islam en Méditerranée, sa domination rapide, brisent les
relations commerciales de l'Europe avec l'Orient. L'Empire carolingien au IX~ siècle ne
frappe plus de monnaie en or, et celle-ci disparait du bassin occidental de la
M~iterranée3. L'argent s'installe en Occidentf et remplace l'or dé9onnais ré!lervé aux
seuls banquiers et princes. Puisque l'Empire carolingien ne commerœ plm avec la
M~iterranée, il n'a plus besoin d'or. Byzance en revanche, et les Arabes bien sâr qui
contrOlent désormais les richesses de l'Orient, restent fidèles à l'or. Le dinar et le
mancus qui circulent dans le Levant, le Maghreb, l'Italie du Sud, la Sicile et l'Espagne
sont des monnaies d'or.
On arrive donc à une forme de schisme monétaire entre l'Orient resté â l'or et
l'Occident passé à l'argent.
Mais les communications commerciales entre l'Occident et l'Orient ne œment pas.
Elles passent désormais par l'intermédiaire nordique : de la mer Baltique à la mer
Noire en passant par la Volga. Les Scandinaves. et parmi eux les Normand& - les
Vikings et les Varègues - se chargent de jouer les marchands intl!nnêdiaire enm
l'Orient et l'Occident. L'or que l'Occident essaie d'économiser, en utilisant de l'argent
sur son marché intérieur, continue de s'écouler vers l'Orient en passant par la Baltique.
provoquant du même coup l'essor du monde nordique et nannand - les Normands
vont connaître, à partir du xe siècle, une montée en puissance sur lilquelle nom
revenons à plusieurs reprises dans l'ouvrage. Car l'Occident a toujours besoin d'épices.
de papyrus, de produits fins d'Orient. Et il doit les payer en or. Mais il ne peut
compenser cette hémorragie par l'exportation vers l'Orient de produits finis car il n'a
rien à exporter : jusqu'au )(le siècle au moins, l'Occident ne dispose pas de produils
manufacturés fins à vendre5.
Non seulement durant cette période, allant du rxe siècle au XJe siècle, l'Occident
perd son or par les importations, mais qui plus est. ce qu'il possède encore, il le perd
par le vol et le pillage des Sarrasins et des Normands, ces derniers s'en savant
d'ailleurs pour commercer ensuite avec l'OrienL
L'Occident ne dispose pas de sources d'exbaction d'o~. Il lui faudra atteldre ~
XVI• siècle et la route de 1' Amérique pour cela. L'Occident ne peut décidément compter
que sur lui-même ; il semble menacé, à la fin du XI" siècle, d'un grave déclin.
ùt pénurie lui a cependant appris la gestion7 et une réaction Ir sauvt!: les
Croisades.
1 Dam sa ~ œtMJ~ Mahomet et Charlemagne oia il soutical que c'cs rislmn Cl mm a, ~ ~ . . ....._
[\mjtf m6dia.nnanécnnc du Mue Nosmun roRUltn en liHsant de la Médi~ un t.: SllllRlbJmi. œ qw: piVVOqllif r----. •
n;.,,,p. OW"-dle môme, H. PIRENNE. B. LYON. A. GUIUOU. F. GABRIELL H. Sll'UER. . - . ., ~ ~
t&lawl d lkculrnl clans le Hou1 Moyen-Â1:.:. Jaca Book. 1986..
2 W HEYD, HLttmrr du c:nmnwrc:r Ju l..l•vnl Dlf MoJoe:n·A..ec. ~ IS~~J88(t.. Adoll M. Hû.kc:n.. cd. .~ 191.l.
p. Ill!.
J l . FEBVRE. L 'E11rop.·. 1.-rlWJr d"unr rn ..lisation, Pana.. Penin,. t999. p . 167.
4 OC' quelqu'un dr riche. ne du-on (\llS aujourd'hui en t:umpr occidaualc. •qu·il. Jic: rarsrm· et DCm - . .'il ....... ~
5 L. FEBVRf_ L 'Eumf"f'. ~-'f~ d'"''~ â,"ili..'fnrfon . rari!l.. l'l!Tria. 199'Q. r - 171.
b "Il )' a de l'or f'GJ10UI en l!uropc. ma1~ ~1 fini ~ S~ul J.: ~ud de la ('ll!'nins:uk ib.,.~ offft ~ ~ \.nimeml ~
ta ,,muencs d'ar <lu Tage C1 <lu Guadalquivir n<' sonl r- n~h"9t-k-5 . Cel~ du P\\. du RMlnc. dr î"l"ifsc' in dr: ~~le suai
( .}. Gilet ne 1111pportemnt 1"&5 un C<\Unlnl d"khanpn. ~nomiquc-. ( 1 l.'Occideld do;t s~ qa'il ~ d"m.• . in
J. FAVŒR, Lr.c Gmndl"Ji f>ft.·nNv..·n~ (0 '..flc.m~ .ci Mll!.-.·11<"'~ Pans.. Fay•rd. IQl9l. p. :!t:\.
1 Sauf l'Espagne c:ontrôlft pair )e!; A111N=s. On en '\"eml le t'Csuhal l.lam. l\rril~ ~ dr l\lr' aplllllQI vau lib
Ambiqua au XVI" ,,~1~
Les crotsades affinnent le monopole de Io Chrétienté sur la Médllerranft!1. La
oonquêt'l' du tremplin stratégique de la Sicile par les Normands avait, quelques ann«-s
avant la première croisade - 1098, largemcmt préparé le terrain à la reconqu~te de la
mer par les chrétiens.
Les Croisades pennettent l'augmentation du comntercc entre l'Europe occidentale
et le Levant par voie méditerr;méenne. Au XIII<' sikle, la balance commen:1ale de
l'Occident en Orient s'est brutalement rcdressée2. L 'Europe exporte du blé, du bois, des
toiles, des draps sur les galères qui vont vers le Levant. Les marchands gmol•.
marseillais, florentins, pisans. vénitiens ramènent en Occident de l'or. On frappe de
nouveau des monnaies en or: dès 1227 à Marseille . Le florin - monnaie d'or pur qui
porte le lys florentin - frappé à partir de 1253 va devenir la monnaie du commerCI!
méditerranéen - ; Florence a développé une industrie drapière exportatrice vers
l'Orient ; elle importe beaucoup également e t sa monnaie devient donc très p~nle
dans l'échange méditerranéen. Venise a aussi sa monnaie d'or, le ducat ou son sequ111,
lancé en 1284~.
L'or revient donc en Europe. Ce phénomène est accentué par l'arrivée de l'or noirl,
c'est-à-dire l'or qui remonte d 'Afrique noire, sans doute du cours supérieur du Niger el
près des sources de Gambie et du SénégalS. Au XIVe siècle, les marchands d'Europe
cxddentale échangent à Tunis de l'argent et de nombreus es marchandises et denrées
contre de l'or et d'autres biens ou denrées&. Grâce à cet apport d'or africain, un étalon
or est adopté en Méditerranée occidentale : il règle des monnaies comme le prtmlr
d'oro en Sicile. le mal d'oro à Majorque, l'a/ftmsino en Sardaigne - 1339 -, le florin d'or
m Angon - 13467.
Malgré ce retour de l'or. l'Occident continue de manquer du métal précieux. De
plus, au XV• siècle, un Empire turc puissant s'est installé et contrôle les voies terrestres
et maritimes de la route des Indes ; les Européens sont de plus en plus tributaires de
Venise qui fait de grands profits en tenant un quasi-monopole du commen:e entre
l'Europe et l'Orient8. Le manque de monnaie fragilise l'expansion économique
hr a31lcun.. i cet umant de la n;nuaoo. nous \'Oulon.s soultsncr une R:ahté que des annb:s d '1dcologic IJrn-mondbk o
cWJabillsmitc ont oc:r:uhC.: a l'onJinc. l'OccilJent n'est pt1S nchc Sa richc-s~ . 11 la bâ111 lm-mtmc. :i;.ur sa crêat1.,,·1Le 1cch.o1quc. C'al
li un pnn1 cacnucl qw oow llé'ntoppons dans la panic consa.crt-c llU:it rCvolutio ns. techniques.
1 · u manttt: CD pwss:uw:c des nones de Pise . de G tncs. dc Vcmsc . 3.SSUr.u t Jês le milieu du x1c siklc une ~
111r la MédJlcrnDëe, qui pcnncttn les croisades ci l"~tabhssemcnt en T c rrc SA1n1c Lon; de cclu1 -c1 les TClationt f\'Clt
ct.rêria:ux toealc
t'Ocridcnl s 'clfcctuauat cuent1ctlnnro1 par , ·me rnaritnnc, cl l'absence des mwulmo.ns s ur les c.:aux scrw quasi-cou.le·. m X. de
PLANHOL. L 'U:L.R tt ÛI .aer, (lA 111mqut!>t! ~' /~ maulnt. l"/~ - XJt~ u i!c /~) . Paris. Perrin, 2000. coll '" Hisc o 1~ et dêcadmce•, p. 21.
2 L FEBVRE. L'Ewvp<, gati:s~ J"uTW c n ·iluu11o n . Pans, Pcmn . 1999 , p 171
JJ.... p. 173.
4 ,_.or k! plus procbc. c'est celui de l'Afnque. Au..dclâ du dCsen. c'C'SI l'o r Ju S o udun ains i appcllc·t-an globalmwm. f.-
d'm uvoir plus. ror du baw Sbltpl. du haul N iger. de la Sierra Leo ne. vo ire d e l'actuel Ohnna . 1:1 ce1 or donne 1 MX1JU 1
l"Ocridau..'" , in J FAVIER. Lo Gn:JJtdr.s D kull\'t!'rte.s ( D 'Alaand"'-" iJ Mug dfu ,,J, l'a.ris, Fayord, 1991. r . 214 . A C llAUPRADE.
L 'isll:nuarian dt l'ACnquc oci;uknt&lc" . lfl L 'Afnqm! t'.eelle. n ° 36, t1è 2002
5 L'orisioc de cet or rau largement mystérieuse . les peuplades noires t.1U• l'c"tm ya.u:nt le 1ruqu.a1cn1 contre <les matthaodaia .
l'kbaogie 5C" ûasait.. 1Chm la l~cndc . ·a )'<1-'"·cuglc". Les achcte~ obondo nn 11u:nt les morchandt i;cs en un heu Jonni.': , les NoCn cp
cnipaient SARS dcnnr que ln rruncs soient ~u"· cnc1 , ,;ena1cnt ens uite pnmJrc: le s btcns oppor1~s cl laino1cn1 l'or A partir dr li.
ror v.nsitait oe:n:unemrn1 pat Ir ruyawnc du M;1h. To mbouctou . et lb mules 1r.1.11s.."i.nharicnncs rTmonlant vcn le Maprrti
OS. LANDES. R•ch<.ur t:I pau~Trtr d<'.s nati mu tPuut'quu1 Jc:.'f ru: hc:.'f ' /'1Jur41tm i d1..·~· 1mm·r f.!., "!J, rari1, Albm Michel. 19\ll
(Induit de 1M H'eallh und Pu•'t!rt)" uf Naliom . Why .1u mt: ~I'•' '"·J, ami .rnnu: .w p o ol'), p 1OK .
6 O.S . l.Jt.NOES, /licltcur rt puvvri!li Jrs nuliuru fPu urqtm 1 cl~-" r1d11o.._,. ' P n 11rl/110i Jr..s /HJIH'rrs ''J , rRns, Albm Michel. 19".
(tnduat dr 11w ll'N1h unJ Powrty of Nations. Wh.~- s arm.• al'I: r1 c h u•1cl wm ~ .·w JHHll' I , p . IOt4. /\ry;cnl, mC:lal , rannn. 1u.11JCLcwn.
~fi~ . 0011 rt vin c:ontR gnu4s, rounagc. huilr;s , gni1i; 5e5, semoule. 1mcl. cl ur
l l.... p IOll.
18. DENNASSAR cr J. JACQUART. U XVI' :J i~ dr. 2"' éd , ra.ris . AnnunJ C ul i n , 1990
Qwpilfi" 1. Munupotc ~l rutitMnc'-='
curop~nnc qui débute à la fin du XV" siècle et qui correspond avec le renouveau
Mmogr.1phique. Les Européens ont beau explo1lcr au maximum les mine5 d'argent
J'Europc centrale et du Tyrol, et profiler de l'or que les Portugais ramènent d'Afrique,
l'Islam au centre de ln liaison directe entre l'Occident et les Indes continue de bloquer
la croissance europœnnc .
Ld recherche de l'orl - atteindre l'or du Soudan - autant que la volonté de gagner
les Indes en faisant ainsi sauter le verrou de l'intermédiaire musulman sont les deux
grandes raisons qui motivent la volonté européenne de s'ouvrir de nouvelles routes.
Derriè!re la révolution géopolitique - à laquelle nous consacrons une section dans
la partie consacr(!c aux révolutions géographiques - de la découverte de l'Amérique
ou du dépassement du Cap de Bonne-Espérance cl de l'arrivée des Portugais dans
l'océan Indien, il y il la quête de l'or; elle sera un succès : à partir des années 1520, l'or
des butins de Cortez et Pizarre arrive en Occident.
L'or est bien un facteur de la géopolitique.
Carte 81 . La Gaule mérovingienne
Carte 72 : L'expansion de l'islam au vue siècle
Carte 82 : L, Gaule carolingienne
Carte 85 : Les Croisades et les États croisés du Levant
3. Le poivre portugais
Dans la stratégie d'ouverture de nouvelles routes commerciales, à la fin du
XV• siècle, les Espagnols ont choisi de gagner directement les lndes2 - ils "buteront•
sur l'Amérique - et les Portugais de les atteindre en contournant l'Afrique -
franchissement du Cap de Bonne-Espérance3.
La course au poivre participe du même objectif que celle de l'or : contourner l'Islam,
et se passer de son rôle d'intermédiaire jusqu'alors indispensable. Dans leur avancée en
oc~an Indien et vers les mers de Chine, les Portugais se concentrent sur les points de
contrôle des voies de passage : Malindi et Mombasa sur la côte africaine qui constituent
la base de départ pour l'Inde ; les détroits stratégiques d'Onnuz - entrée du Golfe
arabo-persique - et de Malacca - situé entre Sumatra et la Malaisie qui verrouille le
passage de l'océan Indien à la mer de Chine - , Macao - embouchure de la Rivière des
Perles et entrée sur la Chine du Sud-Est. Leur prise essentielle est Goa, sur la côte
indienne de Malabar, grand comptoir du poivre.
Dans la première moitié du XVI•' siècle, 40 % du poivre importé par l'Europe est
vendu par les Portugais4 . Les Vénitiens sont fortement concurrencl!s dans ce
commerce, m~me si les musulmans qui vendent aux Vénîtiens restent dominants sur le
marché. À partir de 1570, le Portugal renonce à son monopole commercial entre
Lisbonne et Goa et cède ses concessions à des marchands étrangers. Dès la fin du
XVI" siècle, Venise a retrouvé sa première place sur le marché du poi\,-e5 - ce poivre
arrive par voie terrestre dans le Levant où il est à nouveau embarqué sur les galères
v~nitienncs en direction de l'Europe. Mais les succès des Hollanda.is aux Indes
orientales dès 1595 bousculent à nouveau la donne du commerce du poivre. En 1625.
l J. fAVU:R . Lt.'.f Gn11"h·.~ /Nn11w. ·rta·s ({Y.~/,•.-ru1Jtfn.• ,; ,\l,1>:dl.1n1. Pa.nl>.. fa}~rd. l~I. ('. .r:l-kl:.? .
~ r VILLll!ltS . P. JACQUIN. P lt:l\CiON , / .•'·"' 1-:unip·;"''·"' .·1 lt1 mrr· · ,J,,t IJ •.i\.uiwwnt· d /tJ l'l,.JVftu,.,rMNt. (/.tJ.t . /~ôl.1/. hn:a.,
Elh~ 1997, ('I . 21 -:.?H
;\ JJ,n,, p. 9-1 S
.i US 1.ANlll'.S, Rit h1 ·.o .· l'i 11umn·1c=de ·.\ t1 u rit111.~ rl'uu,.,I'"'' ,/,•.• n d1n ' /'u11f'l./IM..'I ·'="-~ (1'11.tlf\'r\'.'I ' }. r:uis.. Alb\n Mk.:hcl. 1~8..
(lradWl Je n.~ Wi-11l1h 11111/ l"un'rh' o{Natifuu , Il"·' ' , ·umc· ,,,.,. •·11 ·h on,/ .ff'"'"' .u • /'111C1rl. Il· l 7X_
5 F UnauJcl u mnnl~ que le cmmncrcc iles Criit:cs .. lie lm.c· 111\·" · VC"ni!.C ~· C".'il mamlnlu :w X\'l'" cc X\"ll'" ~ta.· lft ..., a.:
Pomlpl n'o.\'911 ria lc.1 muycus J\· lulh:r s.:ul cun1n· le 1111uuk nnth.•
608 Partie .. . LA quittt der. rrs!iaurus · ur1~ corrs/ank û ''hWorrr
4. Salpêtre anglais
Dans leurs conqu~ coloniales, les Anglais eurent souvent de la chance. L'une des
ressourœs dont ils disposèrent largement fut le salpêtre.
Le sal~ est cet élément chimique, qui est en fait le nitrate de potassium, et que
l'on utilise dans la composition de la poudre à canon, des explosifs et des artifices. À
l'&t naturel, on le trouve principalement en Inde, à Ceylan et en Égypte. En Inde, les
AngLt.is récupéraient le nitre dans les sols imbibés d'urine donc enrichis en urée. La
forte densité de population en Inde favorisait en effet l'enrichissement des sols en urée .
En France et en Allemagne on chercha à pallier au déficit de salpêtre en créant des
fermes à sal~ ou salpêtrières.
L'Angleterre put compter sur cet avantage stratégique souvent oublié que lui
donnait l'Inde : une fonnidable source d 'approvisionnement en poudre à canon,
élément essentiel de la puissance.
Carte 3 : L'Empire britannique à la veille de la Première Guerre mondiale
Le café, massivement cultivé sur les versants arrosés des montagnes yéménites est
promis à un essor commercial dès le XVIIe siècle lorsque, passant par le Hedjaz et Le
Caire, il arrive à lstanbul. L'Europe le découvre ensuite et commence à l'importer en
grande quantité au XVIIe siècle. Il est exporté à partir des trois grands ports du Yémen,
ceux de Lohayya et Hodai"da vers Suez et l'Empire ottoman; celui de Mokha 2 vers le
Cap de Bonne-F.spérance et l'Europe où les marchands européens l'acheminent, mais
1 La noduJa pol)'mttatl~ IOdl de petJLCa sphèta de quelques cen11rnttrcs de J uimtlrc 'fUI cn nt1mncn1 du n1clld. da
cuivn:. du cabUl. du~ et da; mlDérau:Jl divcn cl qu i tap11ucnl le: rand Je ccrtaine!o réaiu.mio uctomqucs
2 L.M de GRANDPRE, •l:JieKriptioa de Mocka et du t.:ommncc des An1bct. de l'YCmcn", m J't>J'<l.Jle' W l'lnJr, Paris , llOI .
O..pllre 1. Monopol..- cl puill.sancc 609
aussi vers l'Inde et )'Extrême-Orient. Une route te1Testre part du Yémen ven la Perse.
Le café fait la richesse du Yémen et de Mokha en particulier; la ville COllmopolite et
industrieuse dépasse 10 000 habitants au début du XVJnc !liècle et de nombreuse!I
colonies de marchands - Juifs, Arméniens, Indiens, Somalis, Européens!. L'apogée du
commerce du café yéménite se situe entre 1720 el 1740. À partir de la 5eeonde moiti.!
du xvm~ siècle, la culture du caféier est pratiquée dans les plantations des colonies
européennes; l'Europe se met à produire elle-même ce qu'elle achetait auparavant en
masse aux musulmans2.
Le café des Antilles, cultivé sur ces îles dès 1726, est produit en grande quantité
dans des plantations et à un coOt moindre3. Les Ottomans et les Égyptiens eux-mêmes
se mettent à en importer. Le café des Antilles qui supplante le café du Yémen que les
Ottomans fournissaient aux Européens est un nouveau coup porté à la fortune
commerciale de la Porte.
1 X. de PLANHOL, /.r.t Nu,wn..'f du Proplr~h' . Manut'Igtfogrcv,JritfUt' J.. pu/ilUJW mw11/~. hns... f•)'Wd. 1993. p. l l:S.
HATIOX. C:offo: and Coffcc hous~ . The Onp:m~ ofa Social BC\·cragc m the- Media al Ncar EML Sank. Laadra. 19'15. r. :?o.-.!8.
:? Oan.1 la monlJllgnc Scl'llt, sur la mute dC' Sana .. les prnn1cn çaféicn se monlreot à l .k)O •trcs.. et dèl hn ~ al cwqbi
pwb tultura ; 1ou1c..s le.• f'C1'1C?ll. 6 pcnc Lie "'uc sont "·sculadêon par ln cscalien lb cbamps en mTUaC. ~ Urituës. où
JaspolCs le blé cl l'oryc. l'indigo, lC'!it arbrn fruit.en cl surt~1ut le feuillage demc des ah~ (. 1Au--dC"Li. ituu IU"lr .Je~
IGl'll
à pnnc marqœ. climat et relier M: trunsformcnl l'Ouc... t. fllLI., humtdc. C:t:i1l k: p&)' du calè ; l'Est. plm so.: porto ta p&.ala:s
cl'bmpc.•, R. OLl\NCllARO. "l.' Aru.,1c" . m fit :og1·.1plri· · ""iwndk r VIDAL de la BLACHE C1 L 0"1.LOIS dir ... Pwis.
.\nmnd C(Jlln, 1927·19.ltl, l. VIU. A~m; lX:CU.lcntmlc et h11ulc-A1ioic., ,..,~.,. r . 17 ... .
J tl. LAURENS, L'E..rrFdilion ,/'J;KYJ•I<' tl :sv.UJOI). Paru. Annwndt.ohn.. 1989. p. :'iO.
CHAPITRE 2
THALASSOPOLITIQUE ET PUISSANCE
"Ln 11at11re mid1tcrra11éemre, /es ressourœs qu'elle offrait, les relatwns qu'elle a ditnminâs
vu imposées, so11f à /'origi11e de l'c!to11not1te tra11sfonnallm1 psydwlog1que el ttcltmque qui, en peu
dr siècles, a s1 profondtJ111c11f disti11gué les Européens du reste des /wmme:; ... Ce sont les
Méd1terrm1éc11s q11i ont engage! le ge11re humain dans ce/li! ma111irc d' iwenture ertnwrdillSlin que
"ous vivons, don/ 11ul ne peut prévoir les développements."
Paul Valéryl
la mer occupe plus des deux tiers de la surface de la terre. Pour 144 nùllions de
1an2 de surface terrestre, on compte 365 millions de km2 de mer. D'un point de vue
géopolitique pourtant, l'importance de la dimension maritime ne se résume pas à son
importance géographique.
Pour contrôler les ressources, il a souvent faUu contrôler la mer. Nombre de
puissance s'édifièrent sur des situations maritimes; ce furent des thalassocraties qui
menèrent des thalassopolitiques. Fernand Braudel dit que la Phénicie, la Grèce et Rome
sont "filles de la mer", qu'elles sont "des civilisations thalassocratiques•2, que "si
l'Égypte est un don du Nil, elles sont un don de la Méditerranée.[ ... ] Cet assemblage
de vigoureuses civilisations de l'Europe nordique centrées sur la Baltique et la mer du
Nord; sans oublier l'océan Atlantique lui-même et ses civilisations périphériques.
l'essentiel de l'Occident actuel et de ses dépendances n'est-il pas groupé autour de
l'océan ?" 3
Depuis les Phéniciens4, la mer trouve son importance géopolitique dans la plaœ
essentielle qu'elle tient au sein du commerce mondial. La mer est en effet la voie royale
de l'échange, et l'invention de l'avion ne l'a guère marginalisée.
En même temps, la mer n'a de l'importance que parce qu'elle rehe deux rivages
peuplés. La façade atlantique de l'Europe ne décolla+elle pas seulement après la
découverte des Amériques5 ? Après avoir été un infini de perdition, l'océan Atlantique
devint une "grande Méditerranée", et les populations côtières de l'océan purent
développer leur vocation maritime.
Le commerce mondial repose sur la liberté des mers. C'est la raison pour laquelle,
depuis !'Antiquité, les nations ont cherché à assurer la maitrise des mers pour
permettre la circulation de leur commerce. On St' souvient que, durant la Première
Guerre mondiale, les sous-marins allemands, en coulant un tonnage anglais très
A la différence des territoires sur lesquels l'équilibre des forces peut s 'établir, la mer
pousse à l'hégémonie; elle ne se partage pas. L'histoire maritime est une succession de
monopoles.
J Dams.on H is1uiri! J r: Io GMt:rrc du Pélnp01rm~.u. l'h1sloricn gn.:c Thuc )·1.hc.Jc u Jtcril la KUCrTC oppos11n1 A thCndi c:I Spa.nt .
entre431el404 •~ . J . -C . gucrtr qui 1'aa:hh'c sur le dë(111tc des Athénien!' L'cxprnsion .. mollri!ie de la mer"' est cmrlo)'\"c pl)UI b
prcm.iCtt rois dam l'hlina1rc J de ROMJLLY, T11ucydulc et l'imflérialume 1Jtl1J11it!11, Puns , Les Oellc!i Lc11rcs , 1947
Chopltre 2. Thalauopol!Uque et puissance 613
2. La thalassocratie phénicienne
S'installant sur le littoral levantin à la fin du Ill" uùllénaire, les Phénidens y fondent
plusieurs ports dont celui de Tyr5 - d'après Hérodote, en 2750 av. J.-C. L'organisation
J U chute de Canhagc c 'est 11u.ssi l'oricntali s1111on de ''Afrique du Nord rnardéc de phwcun 5'tclcs : '"m 1DI Dl:!icle cc demi. la
silullion médilaftnt!cnnc s'esl rcnvcniéc . Le ba.ssin orient.al cs1 10J'llbe sous \a dêpcndancc politiqu. et 6conomaq. dll t:.ss.A.
ot'C'idcnl.&L entendons de Rome. C.:ncs, 11 a conscn:é une supënoritC de ç1,;lualioa.. mais d'une ch.ili.siwoa qw d'bd~ es& a
IRin de devenir grêco-romainc . L'oricn1.nhsa11un de 111 Mi!ditcmméc: et du n.:>odc occida:nwl s'est trouYëc pour une puoc à: c:e
nmndc ~tudtt de p lw; de huic siklcs jus'4u'3u" conqué-tc-s dC' l'i slam.... in M . LE GU\ Y, Roww G~ ,u JirlO. tk la
aq,.hliquc. PUl,, Perrin, 1989, coll "Histom: cl d~Cldcnce"'. r · .'.'74.
2 •u bamillc tic Trufalgar f .. .] mêntc d'upporuilJ'C co mmr le to~I du ~J anrc Napol~n et l'EURJpC. Eüc ac auv.il s-
ICUJancnt la Graodc Dn::tmgnc d'une •nvas1on, qui nunUI pu pcut-èm: débcu"rassier l'Empr:rrtU des Fnoç:aia du .W maam alon •
4
annca. Elle mfennatt Napoléon dun!!i le con1 inc n1 ; clic le condamna.il • la ronqui1c de l'EW1)pe. tuujoon à ~ ft toufoars
vaine flUCC que, à 1cm\C, la puis.soncc qui ù1!11cm la Jommauon des O\.."ê.iuls - le ~ ·powct - a raiMJo de celle qw ac pœa;6lk: qMe
l'btsânonir sur la 1crrc.". m A LATRC:ILLE. L ·.._\rt• n,,JH~J..ionit!nnc'. Pans, Armand Colin. 1974 . ..:ull. '"Li'". p . 143.
J Le ~aime JcsJ~1ts de )qJ(1 (Montn:ux) auna pourbul \le pnanur l• llbcnC de nav1g•1ioo..
4 P. VILLll!RS, P JACQUIN. P . RAG ON. Lt•.fi E11ru1~e1as d la '"c,. ck la d«ofl~"f!'N• ti /" ..""'Ol,,,,Uolioft rUJ..(.../'"4,, hns.
En,_, 1991. p. 23.
ji C BAURAIN. C . BONNET, lc'.fi Ph~m<1c'n" . .\ldrirts ik.r lro i..fi ('Olf/Ut~m.t . ~ Armand Colm. .....,_ 19'12.. coll.
·ci~ilu.a1ions U'", f1 . 49· 70
614 rartfr ... . Lr .,ui'fr ",.,. n"StotlUrn'S : Jllfl" cum;lant~ "4.· l 'h'510f't
politique est similaire à celle <les peuplades égéennes: il n'existe pas d'État phénicil'll
proprement dit, mais plusieurs cités-États autonomes entretiennent cmlTe elles d ....
rivalités. Au moven de leurs navires, les Phéniciens tissent des relations commerciales
avec leurs voisi;,s et deviennent les courtiers des p<'uples de la Méditerranée1 Les
rapports avec l'Égypte t'n particulier sont bénéfiques. Les Phéniciens vendent du bois
de cèdre utili~ dans la construction de navires et la fabrication de meubles et de
sarcophages. D'autres produits tels que des résines utilisées dans l'embaumement, la
pourpre pour la teinture, les épices, l'huile, les métaux, font également l'objet d 'un
commerce fructueux. Les villes phéniciennes vivent <'Ssentiellement de l'échangc. par
la mer, de produits locaux - bois du Liban, tissus fabriqués et teints sur place,
verreries - ou de produits lointains pour lesquels les Phéniciens ne sont quc des
courtiers -papyrus, étain de Cornouailles, cuivre de Chypre, or et aromates d'Arabie
du Sud.
Durant tout le m• millénaire et le début du second, les Phéniciens constituent la
puissance économique qui relaie la puissance géopolitique égyptienne. L'apogée de ces
relations entTe les peuples égyptiens et phéniciens se trouve sous les pharaons de la
XII• dynastie -1991-1786 av. J.-C.
Les relations bilatérales étruites entre Égyptiens et Phéniciens vont cependant être
violemment bousculées vers la fin du XVJJlc siècle av. J.-C. lorsque des conquérants
venus de Haute Syrie, les Hyksos, envahissent les côtes phéniciennes et le nord de
l'Égypte où ils fondent une nouvelle capitale, Avaris. Ainsi, dès !'Antiquité. la
profondeur géographique syrienne vient-elle, pour la première fois, entraver la mise en
place d'un axe égypto-levantin. La réaction de la puissance égyptienne ne se fait
attendre qu'un siècle et demi. Les Hyksos sont chassés des ports phéniciens par les
pharaons égyptiens : Ahmosis - 1580-1558 - refoule les Hyksos au-delà de la
Palestine, tandis que Thoutmosis J•>r - 1530-1520 - les poursuit jusqu'à !'Euphrate.
Dès lors, l'Égypte ne cesse de renforcer son protectorat sur les principautés
phéniciennes2 . La vassalité phénicienne augmente encore après les victoires de
Megiddo et Qadech, remportées par Thoutmosis III - 1484-1450 - sur Je roi du
Mitanni, ennemi juré des Égyptiens. Les Égyptiens disposent de la puissance navale
phénicienne et accroissent leur puissance par Je rayonnement maritime. Les victoires
que remportent Séthi ('" - 1312-1298 - sur les Hittites qui ont, aux frontières de
l'Empire, succédé aux Mitanniens dans l'organisation des coalitions contre l'Égypte,
puis la demi-victoire de Ramsès n - 1298-1235 - contTe ces mêmes Hittites a
QadechJ, et enfin, face à la menace assyrienne, l'entente égypto-hittite de 1278 av . J.C,
font des cités phéniciennes de véritables protectorats égyptiens, ce dont Crétois puis
Mycéniens profitent largement dans leurs entreprises commerciales. L'époque est aussi
fertile sur le plan culturel, puisque c'est alors qu'apparait à Byblos l'alphabet phénicien.
Le XII• siècle av. J.C, connait une révolution géopolitique majeure. Venus
probablement du Nord de l'Europe, des peuplades européennes rnssemblées par )._..
1 · Qu.t.n1 aw. cités phcnactcnno du linoral méd1!CTr.lnêcn . pt:uplCt..,. Je SCniih:s. clic!. commcm: ...-nt J 'cxpl(ll'Cf li mn tt de
fcn:kr Ir!,~ colonies de C'C qui \'iit deven ir un empire nuri11me et co mmcrc:î;il Hy hltlo; csl en h!lotion gi\·u l'Egyr~. Î}T c1
Stdon le KJnl na: l'AfriqUC' du Nord et la Sicale \'en Io fin du Jcux1èmc m1lh.."Tiu1rr, les PhCmcîcns wnl pcut-<ln' t.!Cp. :11 C...a.ié!
laajourd'bw. C.du.} 5W roctao. ~ Utique en Tunisie. Au IX" si êclc , ils sunl certainement ô\ Chypre, et leu~ noues sillonncn1 l'E,tt
Us fondent Canhagc vers 814 ln oolomcs K mulhphcnl :au VllC' ~îCch: en Sardu1gnc cl en Su.:i\c, UU'- IJ11lêttn:s . sur ki C15itct
d'Afriq= et d'~ juaqu'aw. prcnucn ha"-œs Ju JiltoraJ a1lan1i4uc ( . l lis fonJc:nt . vcr.i 600, le comptoir de M:mrillc.· . IO
J. fAVlER. i.-~ G~ ~ ouw-rrr:r tD'Ah-zundn! 0 Mag.,.l/an}. l"aris, flly11rJ . 1'19 1. p :m En nle!mc tempi. qui.! leur cnrnmnn.
la aan:bmlds pWnKicns de Tyr et SiJon puLS cc&a. Je C hypn: et C• rthugc: 1.hffusc:nt un ulphabc1. nus ou ptuni à llyblos . l'1lflhabrt
g.ltC Jut' &cu..icuq>. l'•lphabct phtnici.:n.
2 N. GRlMAl...., //uro1Tr"M l'i.gyptt! mtt:ir:ruu:, Pans, fayani. l')H8, Le Li\IJC Je Pt~hc: . p . 261 ·:?qo.
] /Jn... p. ))0.}37
tllapttre 2. Thal"980polltlque et puissance 615
Les émirats du Golfe ont pour origine des dynasties bédouines. Furent-ils du moins
des thalassocraties?
Xavier de Planhol soutient que leur construction géopolitique n'est pas comparable
au concept classique d"'État maritime" réalisé par Venise, Gênes, ou même par la
thalassocratie omanaise, qui est essentiellement caractérisé par une "organisation
comportant au-delà des mers des postes commerciaux et des colonies stratégiques unis
par des relations actives et constantes et maintenues par une flotte puissante
permettant le gouvernement commun sans décentralisation excessive"! ; elles ne sont
pas non plus comparables à une "Cité-État" de !'Antiquité grecque dont la surface
territoriale réalisait l'équilibre entre l'autonomie de subsistance et le gouvernement des
citoyens2 • Il soutient que les émirats du Golfe qui vivent essentiellement d'une activité
maritime proche ressemblent davantage au modèle des "Cités portuaires" que l'on
trouvait en mer du Nord et Baltique à l'époque de la Hanse.
Carte 20: Les dynamiques de désenclavement au Moyen-Orient
"Us Vénih·ens surmt mettre sur pied un système bien calculé orl tout s'agençait el
s'imbriquait : l'action politique, les c11oix économiques. les décisions ad1ninistrativcs et ft11n11cières.
Jamais peut-im un gouuernement n'a été comme celui-ci le véritnble conseîl d ndminrstration 1
L'un des aspects les plus étonnants de la conquête arabo-islarnique des VII• et
Vll1• siècles tient sans doute au fait que les Arabes, qui étaient originellement des
nomades du désert, purent s'adapter si rapidement à l'activité navaJe4 qu'ils
s'emparèrent de la Méditerranée.
C'est que les marins de l'Islam ne sont pas les Arabes issus du nomadisme. En
conquérant le littoral de la Syrie et de l'Égypte, l'Islam s'adjuge en effet une longue
étendue de côtes, de nombreux ports et toutes leurs populations de marins. De la
même façon que l'islam des villes sait utiliser le nomadisme au service de la guerre, il
met les marines méditerranéennes du Levant, d'Égypte, d'Afrique puis d'Espagne à
1 X. de PLANHOL. Us Nullons d11 Pruplti!tl!. Manuel 1.:io>eruphlq"e 1/e p11/i1iq11e mu.mlmunr rons. fa)'nnl. l 1J9~. p . 146.
2 f. HEARD·BEY. •Le ~cloppcmcnt d'une C11é Ëlat marilinu: danlio le Golfe : l'citcmplc Je Duboyy", in P HONl'IŒNFANT
d.ir., lu Pbu#UUI~ arabiq~. 1912, L Il. p . S2J-S28; A. BOURGE V, "Kuw11î1", 1n P. BONNENF/\NT Jir., La P~11Jn.tt1le ,m1/i141K.
1982, t. li. p. 417-"IS2 , A. AUBRY, "Bahrem". 1n P . BONN ENFANT d1r .. Lu P1:nin,;11h· uraJ11,1111•, 19M2 , 1 Il, p. 4SJ-' .
l Y. CLOUL\S dir., L'J1al1e dl! la Rl!nalnanc~ (Un niamlt• ('fi nmtutimr, IJ7H-/4'rl4). Paris, r:uyurJ , l 1J90 , p 314
4 B. LEWIS. Us Ar"bu Jun.., /'H1:stuin:, Aubier. rwis. 1993, 262 p . . trud frun~u1se l 9 1H . p. 144 .
CNpitrr 2. Tholusopolitiquc et puissance 617
son service et forme la Méditerranée à l'Europe' . Au 1x~ siècle, l'Empire franc qui est
continental cl ne dispose pas de flotte, n 'a pas d 'autre choix que de se replier vers
l'intérieur des terres. Du golfe du Lion et de la Riviera jusqu'au Tibre, la côte n 'est plus
qu'un désert soumis aux pirates ; les ports et les villes sont abandonnés et cette Europe-
là ne commerce plus avec l'Islam, du moins par la Méditerranée. Une route de
substitution au commerce de l'Orient se crée dans le Nord, par la Baltique en direction
de la mer Noire, puis de Bagdad au IXe siècle, centre du nouvel empire abbasside vers
lequel les routes du commerce asiatiques convergent; les Normands jouent alors le
rôle d'intermédiaire entre l'Europe occidentale et l'Orient musulman2 .
Byzance qui dispose d'une flotte, contrairement à l'Empire carolingien, parvient à
!<i!Uvegarder son empire essentiellement côtier, autour de la Grèce et protège
indirectement une bonne partie de l'Italie . Mais en première ligne face à la pui5sance
de l'Islam, Byzance reste dans une posture de repli prudente.
C'est l'Italie qui, dans le monde chrétien, profite le plus de l'hégémonie musulmane.
Les appétits d'Amalfi - avant que la Sicile ne soit conquise par les musulmans durant
le IX• siècle - , de Gênes et de Pise, qui multiplient les attaques pirates, sont éveillés
par l'appât des riches convois maritimes musulmans. Venise ensuite profite de sa
situation entre l'Empire carolingien et Byzance.
Au début du 1xe siècle, Verùse est alliée à Byzance contre les Carolingiens. En 810,
les Francs conduits par Pépin s'emparent de la cité lacustre et de la côte dalmate, mais
ils en sont chassés par la flotte byzantine3. En 812, les Francs et les Byzantins concluent
une paix qui place Verùse en situation favorable : unie à l'Empire byzantin eUe pourra
profiter de ses réseaux commerciaux en Orient; elle restera autonome car Byzance a
besoin de son soutien militaire contre l'Islam ; Charlemagne lui reconnait le droit de
faire du commerce dans l'Empire franc. Autrement dit, par un simple traité, voilà
Venise placée en situation d'intermédiaire parfaite entre l'Orient et l'Occident. Son
double jeu vis-à-vis de la Chrétienté et de l'Islam va lui assurer un formidable essor :
elle aide Byzance en 840 à Tarente contre la flotte musulmane ; dans le même temps
elle ne respecte pas l'interdiction de Byzance et de la Papauté de commercer avec les
Sarrasins d'Égypte4 et de Syrie et vend même aux musulmans des esclaves chrétiens
slaves de la côte dalmate. À la France qui s'efforce d'endiguer l'Islam espagnol, Venise
a pris le rôle de Marseille et laisse Byz ance s'essouffler dans la guerre chrétienne contre
l'Islam et dans la défense de la Sicile.
En reconquérant la Sicile dans la dernière partie du XJe siècle, les Normands vont
alors de nouveau bouleverser la donne géopolitique en Méditerranée ; les Croisades
approchent. Venise là encore ne fait qu'épouser le mouvement.
Comme l'écrit Fernand Braudel, c'est bien "en Méditerranée que s'est joué le sort
maritime, mondial de l'islam . Là il aura gagné, désespérément combattu et. finalement.
perdu." 5
Carle 72 : L'expansion de l'islam au VII<' siècle
Carte 82 : La Gaule carolingienne
Carle 85 : Les Croisades et les États croises du Levant
1 X Je l'l.ANJIOL.. / . 'itlclm •., /11 m.·r. tJ_,, nh•.•·.,m•,· ,., If" ,,.•.11d .u, i ·rr -X..\., .n"'-· I~>- Pans.. Pcmn. :?000. coll. "Hi.stoirc et
dôcadcncc"
2 •. DRAU OEL , Cin mmw 1n· ''"-" nn /,. , m .111.~ . n..~ ~ "' · · l'.11ns. Flammuion . 1993 , coll. ""Champs'". p. 76., (IR" èd. 1963).
J li PIRJ::NN C!, U l.YON . A . l'ILTILLOU , 1-" . l J/\BRlELI . li . STL:. U ER . .\N~r ~• Clwrl~. ~'DRC'W'. U'- do............
~ I~ llnur Afo_1.._.,,...fg a•, Jncft Llod..:. l ' H"~ . .144 r.
.a C'es1 J'Alc-xnm..lric 4u'unc ll•'1h: de Jtx nnv m.: .., ntrf1".lrh'. en S.:!1 . lu rdtques ck Saint-Man: .,.olfts, am& bate 6 rlm&l dm
llut11au que tJcs Mmmlmnns de la \'Ill.:
Si: DRAUI>EL, G r"m,,wlrr c/r.f l"i1 ·U1.,·.,tic111s, rans.. fllammanon . 14.1~3 . "''Il. '"Champs'", \l,. èd.. 1%}).
618
Dans la péninsule Ibérique, le Portugal occupé par les Arabes au VIII• siècle
- 711 - suit le sort de l'Espagne. En 1097, un prince d 'ascendance capétienne, Henri
de Bourgogne, re<,"Oit de son beuu-père Alphonse VI de Castille et de Léon, le comté de
Portugal. En 1139, le fils d'Henri de Bourgogne, Alphonse 1..r, se nomme roi après la
vk1oi.re d'Ourique. La Rero11q11isld sur les Muures se poursuit jusqu'en 1249. Forgée
dans son ~"Ombat contre l'Islam, la conscience nationale portugaise est consolidée par la
guerre a\"ec les Castillans, battus sévèrement à Aljabarrota - 1385 - et contraints
d'admettre l'indépendance du Portugal - lequel dispose d'une langue proptt
accomplie. Une nouvelle dynastie régne sur le Portugal, les Aviz. Jean!•• - 1385-
14..13 - et son fils. le célébre Henri le Navigateur!, Jean ll - 1481-1495 - et Manuel 1•r
le Fortuné - 1495-1521 - lancent ce pays de marins et de soldats sur la voie de
l'expansion coloniale. L'objectif est double: on met d'abord en valeur le projet religieux
de combattre l'islam, d'achever ainsi la Reconquête et de reconquérir la Terre sainte
avec l'aide du royaume du "Prêtre Jean" en Abyssinie; il s'agit de prendre à revers
l'Islam qui verrouille la M~iterranée. en contournant l'Afrique. On met ensuite en
valeur le projet économique qui vise également l'lslain, et sa situation d'intermédiaire
incontournable du commen:e avec l'Orient. Les Portugais veulent aussi établir des
relations commerciales directes avec les marchés africains et ramener de l'or et des
esclaves!.
La stratégie portugaise de conquête est fondée sur la progression par relais
insulaires - voir le chapitre traitant de l'insularité. Madère est contrôlée en 1419,
l'archipel des Açores en 1431; les iles du Cap-Vert en 1445 et l'embouchure du Congo
en 14823. En 1487, Bartolomé Diaz dépasse le Cap de Bonne-Espérance - pointe de
l'Afrique - et longe les rivages du Natal. Dés la fin du XV" siècle, le Portugal dispose
d'une large avance dans le domaine des trafics extra-européens4. En doublant le Cap
de Bonne-Espérance, les Portugais s'ouvrent la route de l'Inde et des épices. La
navigation dans l'océan Indien n'est pas un mystère : les Arabes la maîtrisent et les
Portugais l'apprendront de leurs ennemis. Entre 1488 et l'arrivée de Vasco de Gama à
Calicut il ne se passe que dix ans; et dix encore seulement entre Calicut - forteresse
en 1512 - et Malacca5. Alors que la connaissance du continent ainéricain nécessite plus
de cinquante ans, les Portugais, guidés par les pilotes arabes et malais, progressent
bien plus vite6. La connaissance du régime des moussons qui commande une bonne
partie de la navigation, et le tracé des principales routes leur sont donnés par les
Orientaux; les Portugais s'en tiennent cependant à l'utilisation de leurs propres outils,
astrolabe et carte nautique?.
Tout ceci explique la rapidité avec laquelle les Portugais édifient leur empire. En
1502,, Vasco de Gama est déjà amiral des Indes; de nombreux relais sont fondés :
1 Hcnn le ~npt.cur - - 1394-1460 ·-- organise lo pmniétt i:colc Je mari n ~ t:l pruJclCc de: tourner oulour de l' Afnquc.
2 P. \'JLll.ERS. P JACQt:IN. P RAGON, Lt'.s Eurupèt'ns t:t lu ml!r dt· lu 1"1<."0IH't!rto! û lu t..•olonua1iu 11 (l.,S5.JIJ60J. Paru.
Elliplcs. 1997. p 7-:!0
J J. 'FA.VIER. U .'> GrrPUks ll«Ol#verteJ fD'Alr:rundrr: li ,\fa>:ellan) , P;ins. Fayon.1, 1q91. p . 416--4111 .
4 B BE.--.,"NA5SAR. J . JACQLi'AkT . Lt-XFfF ~ûdt.'. 2"' ëJ. Pans. Annam) Colm. lt,l90, r 167
S '"Dans rAstc du SuJ-Est. le grand mtrqXn commcn:îol étail Malacca, s ur Io ct\tc ~ud - occuknt:ili:- de lu Molois1c. fond« oiuns:
1403, dmlc Ili t.qw::llc elle appuail dana les MJurces ch1no1~. et ..:cnaincmcnt •('lrts 1370. par un pctil chef local 4ui s'll!1&11 COft\'C"l'tll
rislam. avaJl rasxmbl~ 4W10W de lui une bande Je cor-som:.s Rougis et pns. le 11trc de sultan". in X . tlC' PLANHOL, L'ullllll if loJ
...,._ (l.,a..,.~et/~lflfUlrlot. J.'Jl'-xxr $l~c/eJ. Pans. Pcrrin . llM}O. coll . "H1s101n: cl t!Ccadcncc'", p 1:?:5.
6 H. BENNASSAR. J. JACQUART. Lt'XJ-1~ nr«:lt>. ic éJ .. Pari ~. ArmanJ Colin. 1990, p. 161
7 J. fAVlER. U$ Gnmdes L*ow\'rrln fD'Alri~ndrt! U Magellim>. Pos.ri!l. Fayard, 1991. p . J2:5-l,tl.
L'lwpi...., 2. Thalaosopollllque et pul.!ISOne<: 619
1 Diu ac une pctne ile s11utt au nord-ouest Je:: l' ln..lc Je 38 lm:! seulement Son 1nnw1re ~ pr.>m&p.UJwqu·cn l~;a.wc
1me u11tnUption entre 1670 et 171 7 Juc à une .._~..; 1.1rwthJ n par k~ An1bo.."S Je- !l.l~alc .
~ Crci 9pliquc •WJ.S• le cosmt.>pohusmc J cs m1p...•n11hs1e5 ponuga.i.s ils t'Uœnt peu don..: se mda~t bNucoup en~
dn Es ra~nol s, '{Ul ~ m.= lw,g.!'n:m m uuL'\ .:t oolualSotn:lll .n~....: t"etnm5 rt cafaolL n plut cncœc \la
(ctDnllC'S sw ptac:e . Au ron1rain:
AaaJt>Suons en Aménquc:. Le fa(; lcur ~n10t:,rnph 1'{uc c~iit11.1u.: ~u..; La .;o\o)m~rtun ~ fw Ll plus OJCus.sft~ SlillÎI.
l B. BENNASSAR.. J . JAC QUART, L t·.\Tr· $k!cl~. 2" Cl.l . Pans. AmY.nJ (\1hn. l~. p. I~ .
avec l'Europe - avec les Vénitiens notamment . Les Égyptiens tentent de s'opposer au~
Portugais : leur flotte est anéantie par les Portugais devant Diul . Les Portugais nuisent
donc essentiellement aux Arabes, ceux de Mascate évidemment, qui commerçaient
avec l'Afrique et l'Asie, mais aussi les Égyptiens et tous les Arabes de la mer Rouge.
Qui profite de cet affaiblissement des Arabes ? les Ottomans. Le sultan turc
Sélim 1•r lance ses troupes à la conquète de l'Égypte des Mamelouks - indépendante
de 1250 à 1517 - qui est rfalisée en 1517'2. Les Turcs ne s'arrêtent pas là : ils projettent
de s'emparer de l'Éthiopie, riche bastion chrétien original au nord-est du continent
africain. Les Ottomans sont alliés aux émirats de la mer Rouge. En 1527, l'émir de
Harar - Éthiopie orientale-, Mohammed le Gaucher, s'attaque au haut-plateau
éthiopien - notons bien ici que le particularisme chrétien entouré par un océan
musulman est réfugié en altitude : nous renvoyons à la section portant sur la fonction
géopolitique de la montagne et des plateaux - chapitre traitant de la topologie.
Jusqu'en 1540, l'Éthiopie est dévastée par les raids turco-arabes : une grande partie de
ses richesses accumulées dans ses églises et monastères est pillée et part en direction
des provinces ottomanes. Les Portugais tentent bien d'aider les Éthiopiens : une
expédition dirigée par Christophe de Gama, fils de Vasco, les sauvent en 1540. Mais
l'Éthiopie chrétienne ne se relève pas de sa saignée en richesses et en populations -
nombreux sont œux qui ont été vendus en esclavage, ou qui se sont convertis à l'islam_
L'empire chrétien monophysite d'Éthiopie est entré durablement dans la décadence3.
Pour mettre fin à la puissance portugaise, Constantinople, appuyé par les
revendications des musulmans de mer Rouge, décide de tenter de briser le réseau de
places fortes insulaires et côtières établi par le Portugal dans l'océan Indien pour
protéger ses routes commerciales. Les Vénitiens qui souffrent aussi de la concurrence
introduite par le Portugal et dont les intérêts sont entre les mains de la Sublime Porte.
verraient aussi d'un bon œil l'abaissement des Portugais. Une expédition est lancée par
les Turcs à partir de Suez en 1538, dirigée par Soliman Pacha : 76 bâtiments,
20 000 hommes dont 7 000 janissaires ces soldats d'élite de l'Empire et une artillerie
puissante. Elle échoue à prendre Diu - qui bloque la porte de l'Inde aux Turco-
Arabes - et se replie sur Aden dont elle s'empare que provisoirement. Toutes les
tentatives lancées échouent, comme celles contre Ormuz entre 1551 et 1554 et sont
sanctionnées par de lourdes pertes.
1 ·A. l'imupllon des Vmtticru., qui lui promcnenl J 'C'n,•oycr pw- Alcxondric , por le Nil, et 0 Jos de chameaux ju.squ'a Sua, le
bois n les amtftiauk nCccs.saiirn, le Soudan d'tgyp1c consln111 u11c n one dans ha mer R o uge pour forcer le: blocus ponusoi.s Cmc
cx;adtt est ttrastt dn-aot Diu ci don K nifugier :i Ojeddah . Albuquerque. qui Jans so fureur m éd1tc même un momen1 de dClOUma
le COUR du Nil pour faire de l'Égypte un dê::snt, :maque Aden, grand 1..-ntn:pôt des rruuchandiscs chinoises , abyss ines, mdimacs n
~cm. la mer Rouge. ÎI leur tour les Anbes se ' 'oient pousser au nc7. le Vctn>U ; la mule des Indes cl le commc:rce le pl ut
fnldueux du monde leur son1 inltrdits ; les; Ponugais . v1ctoriau. dan:i; cc que l'on a a ppelé Io rou te du f'OI Vn: , sont désorm11s !es
prnnicn ëptcieft dr l'uni\'en. u fKC du monde a change l'i s lam ~l lu umC C c co up. le rlus gnand poné JU>qu'1c1 • la ruiiYIK'C
ouommc., f~IC'etcummcncc s.a déudcncc."'. m f' MORAND. UJ Rou/"' l lC.'f Jmk.'f , Pans, Arl~a . l'JMQ .
l R. MANTRAN d ir., Hisroirr Je l'Empin ot1un1un, Paris, fayunJ, 1990, p . l 4J · 144 .
J •cnc: beaucoup plus ~u oonJ qw.:, dC.C1~n1 . l' i!d1m1 pé nétra en profondeur 8 l' m1é ncur Ju c onhnc111 (afncom}. k1, 1) y aura
btcn coouwoup des preiuions tuwtgêrn. en l'C"!tpéce celle t.IC"s Oni>mans c1 dc ::t l'onug11i s , qui s 'oppos cn1 nu1our d es Jtbouchb Je 11
mer Rousc. Enninani ..c-s Somalis et w::l AfDrS. un chd h~ ul , Ahm•J O run. s'empare ù panir 1.k 1529 de ln qu1m ·lntali1t de
l'Ethiopie. Dtfait par la Portugais~ au ~oun de la ~hrC11en11: a fru:oinc , mon ou \'.omhul en 1S4J , Gran , le no made, n'aura
pu Ru.si à denwl.1clCf" pour 1oujoun la ctl.aJclle i:oplc de l'Afm~uc t.lu N u n.J· Es1 . 11 l'uurn po11rto111 m g né-c :.:ur s.:s nuu~cs C":u MW\
êpop6e a plusicun cons.ëqucnca de poids elle cnnfinnc ou acc;«:nluc l'isl om is.a11on des bonlurcs ~1h i np1enncs. sun ou1 6 l'c:s1, Jans
Ica ..)'5 dankahs ci somalis : elle met en place . rour plus ta.rd , la cunvcn1on d' une fr11c1ion Ju peuple gall11. pnn i lui aussi .6 l11Wo1ul
d&I plateau abyui.o i I• ml:n-= q,oquc que Gran; elle p~figurc: en un mol les grandes rCddl\'CS, poc1fiqucs o u gueni~res, Je 1'1d1m
du XIXC sib:lr.• . 1n A MIQUEL. L 'l~tcJJn~1 .tu d11ilbu1irm tVJr.xxr :"~ch•J. t•" td ., Pans. Annantl Colm . IQ90, p . 26R
1,."hopltre 2. Thalauopolittque et puissance 621
L'explication est navale : à des bâtiments conçus pour )'Océan, plus légers, les Tura
opposent de très lourds bâtiments conçus pour les combats navals en Méditerranée et
beaucoup plus maniables donc.
La thalassocratie portugaise ne s'effondre pas pour des raisons externes mais pour
des raisons internes. Le 4 aoOt 1578, le roi Sébastien de Portugal, partit se ~111!1" de
conflits de succession au Maroc disparaît à la bataille de Ksar-el-Kébi.r. Est-il mort 1
Cest un mystère de l'histoire portugaise ; nombreux seront ensuite les faux Sébastien
qui reapparaîtront pour réclamer le trône. Le roi espagnol Philippe n profile du
désarroi dynastique du Portugal pour annexer son voisin 1 . Le déclin de l'Empire
portugais est accéléré2.
Carte 87 : Le panturquisme : turcophonie et limites de l'Empire ottoman à"°" apogte
au xv1e siècle
Nous venons de traiter de la formidable expansion des Portugais jusque dans les
mers de Chine et de la construction de leur empire commercial ; l'une des raisons de ce
succès tient à l'absence, à la même époque, d'une politique maritime de la Oûne.
Dès le début du xve siècle, les Chinois développent une thalassopolitique : entre
1405 et 1431, ils entreprennent sept grandes expéditions navales et explorent les
détroits indonésiens, malais, et l'océan Indien3 . L 'idée est de montrer aux Asiatiques la
splendeur et la puissance de l'Empire céleste plutôt que de faire des profits. Les flottes
sont gigantesques et comportent les plus grands vaisseaux jamais bâtis : de hautes
jonques à ponts multiples fonctionnant comme des camps flottants. La flotte de l'amiral
eunuque Zheng He4 compte, en 1405, 317 vaisseaux et 28 000 hommes. La construction
navale chinoise fonctionne à plein, employant les populations des provinces maritimes
de l'Empire. Près de 1 700 navires sont armés de 1404 à 1407 et constituent la plus
grande Armada du monde, qu'aucune grande puissance maritime de l'Europe ne peut
aligner5. Cependant, cette brillante thalassopolitique connait un brutal coup d'arrêt
dans les années 1430.
La menace que font peser les Mongols sur la Chine des Ming pousse l'empereur
Yong-Lo à transférer la capitale de Nankin à Pékin, largement plus au Nord, en 1421.
Par ailleurs, les mandarins dont la pouvoir est essentiellement né de l'administration
d'une agriculture d'État - et de la maîtrise de l'eau permettant l'essor de celle-ci -
craignent qu'une Chine de marins et marchands ne supplante une Chine de paysans
qu'ils dominent.
A partir de 1436, le développement des chantiers navals est bloqué. L'entretien des
flottes publiques et privées décline faute d'ouvriers que l'on oblige à rester paysans; la
piraterie japonaise se met à proliférer au détriment de la maîtrise maritime de la région
par la Chine. A la fin du siècle, toute personne qui construit un vaisseau comportant
plus de deux mâts peut être condamnée à mort; les navires de haute mer sont détruits,
l C'est la Frunce qui aide ha dynasuc Brag•ncc à mon1c:r sur le tronc du ronugal en 1670 Phu wd. ks ~ s~
l'Angleterre et des États-Unis, Mahan préconisait une fusion des deux natlona dan5 une
domination mondiale incontestable par la merl.
Les politiques limitées à la maitrise du sol terrestre sont incomplètes si elles ne
cherchent pas à élargir leur horizon vers les mers. Les grandes puissances, a fartiori les
puissances mondiales, disposent toujours d'une grande politique maritime. Une
pul!ISance qui est un rivage continental se condamne à un déclin certain si elle !le limite
il une politique continentale; dans ce rôle elle sera toujours moins forte que les
puissances centrales du continent, et elle aura abandonné l'atout qui fait différence. Le
géopollticlen allemand Karl Haushofer2 considérait que la France tirait une grande
partie de sa puissance de l'outremer. Le géopoliticien von Lohausen s'étonnait, quant à
lui, que la France ait pu tant négliger le Canada au XVIII• siècle. La France
d'aujourd'hui ne néglige-t-elle pas trop sa marine el son outre-mer au seul profit de 90l1
engagement franco-allemand et continental ?
1 Cul Sc:hmin rappelle ctt1 ·. "Onns un te'.'\lc c.lc: Juillet llJ04. Mahlln ~"Yoquc unt ltwufkatnm ~ib~ de 1'A.n~~ et dn
Êi.ts-Um!I d'Ambiquc. À ~!ii yc:u'.'\. ln rnisnn c..l~h.•nnmnntc d'une 1clle ~nification. C"C n'est J:&' la~ de rw:c-dr: lmp ou
de civilis.hon ( . . ] Ce qui imponc c 'est de moin1c111r I• suritrma1ic ane:lo.KXonnc sur les men du globe et ~la n"C'St pmsaDlc qur
sur une bue in!iiuhme par le moringc c.Jcs llc11'.'\ pu1ssancc-,_ nnglo-unCm.: u1nC'!l. Le monde- ac~. rAQalctare at ~ trup
ciisue. elle n'et1I plus une lie au is.c:n:i;. uu die l'nvnit ci..- .1usl1uc-là . Lc-s Etals -Un" d'J\tntriquc. nt Tn"&bC:M • .son1 11lc pu&itl:lœal
adapltt Ili wn époque L'tlcnduc m~mc de 1.:c puys . 11u1c Mahan. n JU-•4u'ic1 cmflic'hê 4uc C"C fait n'affic~ •la Nnscicott. ( ... ]Le
c&nc~rc insula1n: des füol!i!·Uni .-. pcnnctlrn Lie mom1cni1 d lie llévclt'ppc='r !iiut une ha.se êl.s.rviC' la donumbon des men.. L'Amérique
ni 11 plus &f'lndc lie. 1.:C!llc h partir dl.· lnqucll4..' lu mailril'iL' hrilanni~ur Jc!I mrn ~e ~tutn.. sur WlC' t.'cbcllr pll.IS "-.slle. ~la
fonne d'un condominium 1mmtimc 1msh1-mnt'ncnin .". •n l S(") IMrrT. J'rrrc· "' ,\l,•r. Patis. Le Lahynnlhe. Patis.. JQU..
2 Vnir la 8Celinn cnn~~c à Knrl llau!lhl1frr dnns lu rrcmil-1'1:' partie de rouvragr.
J DcHinilton de Io mer en c.Jrml mtcnin1io1111I " L<'!'I ~tottrnrhC':'I '" dêfimsSC"nl comme- 1·mKmblc- des c:.qMCU d'reu saWc'. ( . )
La dêfinuion juridu1uc mchlf tl'ou1rcs foc1,·urs 1\0 rc-iuud du llWil mtcmnhonal. le!' difftrc'ltl"' ~ d"eau sa~ ne oomitiruirnt la
·mer' qu'i I• condicmn lJU' il• "oient cm commu11u:a1u111 l1hn: Cl 1uttu~llc sur Ioule l'êrcntJut c.Ju ,.1C'bc .· . m N Q . DINH , P. DA1LJ..JER.
A PF.LLL:.I, Drnlt imrn1utitm1d p11M1c ~c- L.~I. . Puri .~ . JQQft "L11 mer .. , fi· HM!\. ain.'I .1undiquc:man. le ma !Y.onr. la ma
Caap1i:nnc, le Orund Lm: Sol~ ne ~ont-ilo;, pn~ c;onitilitrCs. mnl"ré la sal~ de leurs oau.\. 1.'<l1nme une ftJtt'
A l'époque. les puissanœ.s européennes sortent très affaiblies du conflit mondial ;
elles reculent p.irtout dans leurs colonies. Les Étals-Unis regardent d'un lxin œil lt
Vieux Monde p.!rdre ses positions au profit de leur influence. La pou!l!léc des Étal.,.
Unis et du Tiers Monde en faveur d'un nouveau droit n1aritime va dans le m~me !lellS
que la dé«llonisation.
CoO\me il v eut une décolonisation terrestre, il y eut aussi une décolonisalion
maribme. ~les années 1970, les deux poussées conjuguées aboutissent à un effort
de mise en place d'un nouveau droit maritime dans le cadre des Nations unies. U.
conférence de Montego Bay en 19821 débouche sur une convention qui entre en
\'iguew en 1~. codifiant désormais le nouveau droit de la mer.
Les Zones économiques exclusives - Z .E .E. - ont pour but de lerrilorialiser
l'lntéret économique des États en mer.
Un exemple de Z .E.E. d'un grand intérêt stratégique est celui de la zone formée par
les quatre Étdts de la Micronésie américaine. Malgré leur faible superficie territoriale -
2 000 km~ - ces quatre États offrent aux Etats-Unis sept millions de km2 qui leur
permettent de relier, sans discontinuité de souveraineté, la côte Ouest des États-Unis
aux abords de l'Asie du Nord2 .
Par ailleurs, avec le nouveau droit, les eaux archipélagiques3 contribuent à
"territorialiser" davantage les États-archipels.
Toutefois, conformément au droit maritime classique, les libertés essentielles de
navigation sont garanties dans les eaux territoriales comme dans les détroits
internationaux~ . La flotte des États-Unis, la plus puissante du monde, est aujourd'hui à
même d 'asswer ou de bloquer cette circulation des n1ers et des détroits, comme elle
contrôle la souveraineté de ses espaces maritimes irnrnenses5.
Carte 2 : L'expansion des États-Unis à partir de 1867
Carte 31 : Nouvelle Calédonie
Carte 37 . La Méditerranée américaine
Carte 38 : Les Petites Antilles ' rela.is américains, anglais et français
iiolcm&liiwule iCUI art rccoonu alP: naviru li.Ici; Êwu. é trunKCOI h: drui l de ru1s.sagc inoffensif donl. ccpcntlant , l'cllcrt k ~ ne ~l hrr
5UlpCDdu sar W. ÉWil.$ nvaauu" , JJ.!m. p. 1074
, Moo&cp> Bay n'c..1 pu une pn.n1ic aba;oluc de rC11J1C'Ct li.le Io !o.OUvcrainctè Les. moyens nuvuls rc• li:nt le. H~u.l• pn8b
dflaM.'ao de .. Mlll\o'enlnete d'un Étal 1w dc$ ilul5 inh1ab1té• . yCnCrn1cun1 d'csr111ccli murillmc10 hors(.((! proportion avec leur sur«fkw
M.JNJSTÈlt.E DE LA DEFl!NSE, Oru1t. 1nant11ne5 cl dëfcni;c, colluquc, lH-2._. mH.111 1996, p . 4H .
CHAPITRE 3
"Votci, Jlrès de rious, daris le cadre de l'Europe, un systnne iconamique qui i' inscrit dans
quelques lignes et règles générales assez nettes : il se mainltent a peu pris rn plaa du XIV' au
XVIW siècle, dis1ms, 110ur J11Us de sécurité, jusque tiers 1750. Des stic/es durant, l'actiuili
ico11omique dépend de J'OJ'Ulalions démographiquement fragiles (.. 1 Des site/es durant, la
circulatio11 voit le triomphe de l'eau el du n11t1ire, toute épaisseur continentale étant obstacle,
i11feriorité. Les essors curapéens, sauf les exceptions qui confirment la règle - foires de
Clrampagne déjii s11r leur dédi11 au début de la période, au foires de I.Lipzig tw XVII/< siàle - ,
tvus ces essors se situent au long des franges littorales. "1
Lorsque la quête des ressources est fondée sur la puissance maritime, le contrôle
des routes maritimes est essentiel. Nous avons déjà abordé la question des routes, dans
le chapitre précédent, à propos de la thalassopolilique des Portugais.
Le sujet des routes maritimes peut ètre traité, en géopolitique, suivant deux aspects.
• La persistance des routes du commerce maritime, malgré de profonds
changements dans les rapports de puissance : nous traitons ici de la fameuse thèse de
l'historien belge Henri Pirenne qui soutient que les invasions barbares dans l'Empire
romain ne provoquent pas de véritable rupture de l'unité méditerranéenne - l'Empire
romain étant un empire essentiellement méditerranéen - et qu'il faut attendre
l'irruption de l'Islam en Méditerranée pour voir le lac méditerranéen se fermer.
Nous avons aussi la permanence que constitue en soi la recherche de routes
maritimes nouvelles : les États ont, en effet, toujours cherché à s'ouvrir de nouvelles
routes maritimes pour modifier les rapports de puissance en leur faveur, et à en garder
ou s'en disputer le contrôle ; la maritirnisation des échanges mondiaux étant en
augmentation constante du fait de la révolution de la containérisalion et de la
croissance incessante de la demande d'hydrocarbures, la volonté de contrôle des routes
maritimes par les États reste d'actualité. Certaines routes maritimes sont en effet
devenues vitales pour l'économie et la puissance des États.
·Le profond changement, la révolution géopolitique même, qu'implique la
découverte de nouvelles routes maritimes : ainsi, l'ouverture des routes atlantiques par
les Européens de la Renaissance permet le contournement de l'Islam; or, toute la
puissance économique du monde musulman est fondée sur le fait qu'il est un pa&Sllge
obligé entre la demande occidentale et l'offre orientale; ainsi encore, l'ouverture de la
route de Suez au XIXe siècle est une seconde révolution géopolitique et offre aux
Anglais une route moins longue vers les Indes.
Carte 43 : L'isthnw d•• Suez, ouvertul"(' dt' la Méditerranée vers l'océan lnJien
Carte 44 : L'isthme de Suez d a ns t,• "'ntexte rt'ginn.1t
626
Il nous 11 pnru plus judicieux de traiter de ces deux cm• dans la partie de l'ouvrag~
consaC'l'tt aux révolutions géographiques, tant ils "ont impliqul-s dan• une
modification fondamentnle de la pui•sance mondinle. L'ouverture de nouvelles routl'S
l.'!lt d'allleur.; doublement liée à l'idt-e de changement : d'nbord parce qu'elle est rendue
possible par le progrès technique ; ensuite parce qu'elle il des con•l-quenccs
gropolitiques considérables de nature;\ bouleverser les rapports de force .
Les routes maritimes comportent des verrous d'une importance stratégique. Nou!
traltons ici de la fonction géopolitique de ces nœuds de passage que sont détroits et
canaux, parce qu'ils sont, par nature, liés aux permanences de la géographie physique.
Et comme les navires parcourent rarement les routes maritimes d'un trait, les routcs
doivent comporter des étapes. Nous rappelons alors l'importance des îles et réseaux
insulaires en tant que tremplins stratégiques.
Enfin, il existe une autre permanence de la géopolitique des routes : l'insécurité en
mer. U. maritimisation de l'économie a relancé la piraterie qui est devenue un
problème important en Asie et dans les Caraîbes. Le renouveau de la piraterie explique
les efforts consentis par de nombreux pays de la "zone Asie" pour se doter de marines
de guerre pouvant lutter efficacement contre les pirates. La piraterie est un phénomène
à la fois ancien et actuel; il est de nature transnational et non constitutif de la
géopolitique des États - même si, à l'époque de la flibuste, les rapports entre Étals et
flibustiers sont clairement avérés; mais il s'agit là d'un sujet plus vaste, celui du lien
entre l'État et le transnational. Le problème de la piraterie n'est donc pas abordé ici,
mais dans le chapitre traitant de la criminalité internationale.
Le lecteur voudra bien comprendre que certains facteurs de la géopolitique ne
peuvent ~e rangés en bloc dans la permanence ou dans le changement, cette dualité
étant l'une des articulations fondamentales de cette réflexion. Il nous a donc paru
nécessaire de faire des choix.
1 L. fEBVRE. l 'E.urUfW. Grnt'Jr' d 'mu.- t:frili.rulifln . r11ri iJ, Perrin . 19')1.J, p 7f1
2 L'b1stuncn Pi"1'r Chaunu parle du XVI"' .1uèclc comme un s1èdc de c..léscnduvc mcnc rihrnéluirc : "Enirc les 111:1 r"nc1paut
cmlft't de pcuplcrœal humain de I• pluètc eu X~ siècle. le nivcuu des c nmmun icn1111n.'i csl rrc!'quc nul. J'D1 êvnlué cc que fWN',11
flrc le mn.au det khan1es cntn: l'Arr1quc Noire cl le M11ghrch · -· dont l' F.urnpc ~ uu déhul c.Ju XV' :1i~lc cc que J'Or1ml lu
CNrilrc J . L ouvc-rtur1? dCA routce marltJmn
1
6'Z7
C&l'll't..RH !Ul de l'ordre de 50 tonnes ror nn . A la fin du X\' I" .Jikle, le vo1uml' dn l"llmmun~--a110ns CSI de l'ordre- dr ~OO lJ)() tlJlalr;t,
annucUenw:nt entre lc5 cunlincntsj udi!I. s~rnn!.1>. le!" u n i\'crs-11" déscm:: lnb.". in r (.~ HAUN\ J. L'' Frvl'fCW' tHUtuin Ûtt la .t -.,rlNlitr
dtJ Fmnçub,; '" l ;-rnnn•J , r ori!I , Robert LnlTont, 1QM1 • ..:oll " rluricl" .
1 lt <l ROUSSET. Hll11n ,/,• l'hi"'"""'· :ii;" t!-tl .. r1m". Pion . IQh ~
l 11. PIRENNE ~t c11ii. Mult1•m• •t 1•1 Clmrkmu_a,:ri1•. }fr;:11nn · / .. lum 1· r (J..:dJ.•nl Ûtm.... 1..: 11~111- ,\/u_,.,.,..._.tg..•, J.:a. Buck. 1~86. P. 20.
:\Lucien Fch\'re nus:iii h icn 4uc Fcmnml Bmmld l'ont sou li gn~
4 J CA RI' ENTIER , F. LEUttlJN, l/1.~11111 •· ,J,· l'J.:w·u1w. l'ttris . Le- Semi. 19QO, p . 11:?· 1.:!'-'
S Il rlRliNNE, 11. LYON, /\. litlll.LC..H :, F Ur\RRIEl.I . 11 STH t(;R, .\111lt.u"''' ri t.'Jwu/""'«"', 8,-;,_,,.,r.-r i:r/a,,ut Ol."l.-.,.,
1/mu Ir lluul Mm ...11-Â1:1.'. Jm:n Uuok . l 1)Hb. ri Cl.
6/rl~m.p . Q .
jusqu'en Bretagne. Les étoffes precieuses arrivent d'Égypte, tout comme '"" herbe•
pour ascètes. li)' a p.utout des colonics de Syricns. Marscillc est un port i'I moitié 11n..:.
Les Syriens ne sont d'ailleurs pns les seuls cosmopolites: les Juirs, 11e rcgroup<!nl
dans touies les villes ; L'e sont des marins, dcs courtiers, des banquiers. Au VI• siècle,
une forte présenL~ d'Orienh1ux est attestét? dans lc sud de la Gaule: "Au VJ• siècle, IL'!I
Orientaux abondent dans le Sud dc la Gaule. La vie de Saint Césaire, évêque d'Arles
- mort en 542 - dit qu 'il composa pour le peuple des hymnes en grec et en latin. Il y
avait quanti~ aussi dans le Nord, puisque Grégoire de Tours parle des marchands
grecs d'Orléans qui s'•wancent en chantant ,\ la rencontre du roi." 1 À Narbonne, en 589,
on croise des Goths et des Romains, mais aussi des Juifs, des Grecs et des Syriens. Ces
derniers jouent d'ailleurs un rôle important dans l'évangélisation de la Gaule. Pirenne
soutient qu'il y a un prêtre monophysite circulant en Gaule vers 560 et qui L'SI en
rapport avec Saint Nizier, l'évêque de Lyon - mort en 5732. Les influences orientales
en Gaule ne se limitent pas à celles de la Syrie. L'Égypte y prend sa part, et cela
explique la popularité dans le pays de certains saints égyptiens.
1 /h1J. f1 · 44.
:? lbUI., p . .tS
l lbiJ .. p. 46
4/biJ., p 46
s lhiJ . p. 47
Ch11ptln~ J. L'ouverture JL.,. routes marUtme» 629
Comme le souligne Henri Pirenne, "il est impossible d'admettre que les marchands
orientaux, Juifs cl autres, se bornaient .i importer dans le bassin de la meT
Tyrrhi'nienne sans en rien exporter. Leurs bateaux exportaient évidemment du fret de
r~tour'it,
11
un importJ1nt commerce d'<!sclaves e>ostdit sur les c6te:> de la mer
Tyrrht'nienne, et il ne parait pas douteux que les bateaux qui amenaient les épices, la
suie, le papyrus, les exportaient comme fret de retour vers l'Occident"2.
Ce fret de retour était en fait essentiell.,ment composé d'esclaves venus du Nord
barbare et destinés à servir les grands domaines d'Orient.
L'origine nordique des esclaves tient à des raisons essentiellement religieuses. U!s
conciles s'opposant en effet au commerce des e!.elaves lorsque ceux<i sont chrétiens,
on prend alors des Barbares païens. Au VI• siècle, sur le marché des esclaves de
Marseille, sans doute l'un des plus importants de Méditerranée, on trouve beaucoup
d'esclaves anglais et saxons.
Outre des esclaves, la Gaule semble avoir livré à l'Orient des vêtements, des tissus,
du bois de construction. En tous cas, la grande circulation de l'or entre Orient et
Occident pousse, selon Pirenne, à admettre une exportation importante de l'Occident
vers les cités orientales.
I Ibid., p . ·IK .
.:! /f! 14f., 11 _.,,
.1 Jhul • I'· ~o
-t Jhltl .• fi ~K
!> lhid. ri bO
Mil
Après avoir g•udé son /i11ws, les Barbares g"rmains pénètrent l'Empire el le
germanisomt, mais uniqueml!nl par l" sang, car tout ce qui pénètre dans l'Empire iC
romanise, soutient Pirenne. Après tout, l"s phé nomènes de syrianisation, et plus
largement d 'orientalisation de Rome obs.,rvés conlinûml!nl durant toute l'histoire
romaine avant les invasions barbar"s semblent perdurer après celles-ci. Pirenne peul
parler alors de byzantinisation de l'Occident mitigé d'irlandisme et d'anglo-saxonisme :
'Du moment que la Mi!-Oiterranée restait le plus grand véhicule entr" l'Orient et
l'Occident, et elle le restait, la prépondérance du premier sur le second étau
inévitable."1
Malgn'! ses pertes, et mème déplacé de Rome à Constantinopl.,, l'Empire reste la
seule puissance mondiale, comme Constantinople est la grande ville civilisée. Un
empire certes devenu oriental, mais dont la politique s 'étend à tous les peuples, y
compris et surtout aux États germaniques. Quant à l'Empire d'Occident qui s'effondrt
au V• siècle, sa continuité est assurée par celles de l'Église et du romanisme.
Cette Église qui assure la success ion de Rome en Occident ne parvient pas pour
autant à modifier la profonde empreinte laïque d e l'Empire. "Si grand que soit le
respect que l'on professe pour l'Église, et si grande que soit son influence, elle ne
s'intègre pas dans l'Élat."1 Le pouvoir politique des rois, comme hier celui des
empereurs romains, reste purement séculier. Et aucune cérémonie religieuse, si ce n'est
chez les Wisigoths à partir de la fin du VU• siècle, n'est célébrée à l'avènement des rois.
L'établissement des Barbares n 'a donc pas détruit l'Empire, selon H . Pirenne, mais
seulement le gouvernement impérial in partibus occidentis . Pour autant, une grande
nouveauté politique est apparue. Une pluralité d 'États s'est d ésormais substituée en
Occident à l'unité de l'État romain 3 . C'est là un bouleversement majeur qui, s'il ne
louche en rien l'urùté civilisationnelle et économique de la Méditerranée post-romaine,
n'en est pas moins le prélude à la construction d 'États européens modernes.
La thèse de Pirenne va à l'encontre de la thèse classique selon laquelle les invasions
barbares ouvrent une brèche majeure dans l'histoire de Rome et dans celle de la
Méditerranée. Pirenne repousse la fracture jusqu'à l'Islam, en soutenant, comme now
le verrons, que la fin du monde méditerranéen date des conquêtes islamiques el que la
nouvelle religion débouche sur la fermeture de la mer Méditerranée sur elle-même.
Mais Pirenne reconnait tout de mème que les invasions germaines donnent le jour
en Bretagne au moins, à une nouvelle civilisation germanique et nordique : 'Une
civilisation de type nouveau apparait, qu'on peut appeler la civilisation nordique ou
germanique. Elle s'oppose à la civilisation médite rranéenne syncrétiste dans le Bas-
Empire. Ici rien de l'État romain avec son idéal législatif, sa population civile, s.a
religion chrétienne, mais une société qui a conservé entre ses membres le lien du sang.
la communauté familiale avec toutes les conséqu e nces qu'elle entraine dans le droit.
dans la morale, dans l'économie, un paganisme allié à des chants hérol'ques"~ .
Selon l'historien, ce spectacle que présente la Bretagne anglo-saxonne est uniquerl
on le chercherait vainement sur le continent où la Romanie subs iste.
1 Ibid., p. 61 .
llbùl.,p 61.
l Ibid.. p. 6l.
4 /bùl• • . 61 .
L111•pUre 3. l..'ouvurturt! Jce roulL>s marilim~s 631
Les détroit,; sont des passages resserrés entre deux mers. Ils donnent aux pay• qui
les cunlrôltml un for! atout stratégique.
- Le détroit dl.' Gibraltar est la porte de la Méditerranée sur l'Atlantique et
mv.,rscmenl; l'Angleterre a tuujnurs l.'xl!rcé sur lui une &urveillance indispensable à la
maitrise de la Route des Indes.
- Durant la Guerre froide, le Danemark est une pièce clé de l'archiU!cture
européenne et de l'Alliance atlantique par le contrôle qu'il exerce sur les détroits du
Sund et du Bell.
- Les Somalies tirent leur intérêt stratégique du contrôle qu'elles permettent sur le
détroit de Bab el Mandebl, lequel verrouille la sortie de la mer Rouge vers l'océan
Indien et vers le golfe d'Aden.
- Dans le cadre de l'affrontement entre la Grande-Bretagne, puissance maritime, et
la Russie puissance continentale, les détroits du Bosphore et des Dardanelles 1ouérent
un grand rôle. Les détroits du Bosphore et des Dardanelles sont Les deux goulets
d'étranglement qui permettent d'unir, à travers la mer de Marmara et la mer Égée, la
Méditerranée à la mer Noire.
Le statut international de ces détroits 2, régis par la convention de Montreux de
1936, est la résultante du champ de forces entre la Russie et les puissances maritimes
- Grande-Bretagne puis États-Unis - s'appuyant localement sur la Turquie.
Historiquement, la Russie a toujours voulu contrôler ces verrous pour empécher les
puissances maritimes de s'approcher par la mer Noire. Ainsi, au début de la Première
Guerre mondiale, en 1915, des rumeurs en Grande-Bretagne font état du risque de voir
la Russie changer de camp et signer Wle paix sëparèe avec Berlin3. L'Allemagne a en
effet proposé la paix a Saint-Pétersbourg en échange du libre passage des navires de
commerce russes dans les détroits turcs. À Saint-Pétersbourg, le 7 mars 1915, les Russes
présentent aux ambassadeurs français et anglais un mé111orœ1Jum revendiquant
Constantinople, les rives des détroits et de la mer de Marmara, ainsi que l'ile d 'lmbros
et Tenedos à l'entrée des Dardanelles. En intervenant directement dans les Dardanelles,
les Français et les Anglais brisent la logique de chantage russé.
La fonction géopolitique des détroits du Bosphore et des Dardant!lles continue de
s'inscrire dans le cadre de l'affrontement entre la Russie et l'axe américano-turc. La
question du désenclavement des ressources pétrolières et gazières de l'Asie centrale et
du Caucase conduit la Russie à vouloir déverrouiller les détroits pour y faire passer ses
pétroliers et gaziers partant de Novorossysk, tandis que la Turquie tente de fermer les
détroits et d'inscrire les flux de désenclavement sur 1., t"rritoire turc, vers le golfe
d'lskenderun.
1 ~1 . a m..:r ltuugc 11 lu Jimuc d'ulll· h•lllli!Îlk 4u1 s..: v1J~· J11ns l'~<dn lruhcn p.ir Wl i;uulu1. lc J.étro11 Je Sato cl-M.a.rldetl, m ul&bt
'pa.s!>C tic!> 11m1g~s· ' l'hcikll-Su\'11 d 'un ..: 1"1tL!. l'i.•ri111 Je- l'.11111n.· \.'.Ollmll:l.tlJ.:n1 !1..• Jeu,111 ",IO ... MORAND. Ld R,, ..N .J..-~ lnJ..:~ . Pvb.
Ad~a . l'JKQ, 11. 170
2 MF MONl>rll .. "l.:1 pur1c 0:1w11'-'. lh•s1\lt.m.: ..:1 ();ud.:u1dl.:,." m l.•.1 t .~ua.. d.: /'(J,.u:ru. l"N1 . n·' },O . "l.....:11 TwqwC". L' A~1c
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1-"
1 P. \10A1. DE LA BLACHE, L. GALLOIS Jir , G~ioxraplrù.> 11m~·1..' r.n·lle, Puri s. Annnnd Colm . 1. 1x•• Aste tin MOUDOM
ladt, tndodnm, Insulinde. J SION , p. 499-500.
2 C. VE.IU.AQUE. "'Suez : puK Cl ckvcnir tl'L&n canal intcn.>céun1quc", in Alciû1l6'rrum!tr ,\ff!r Ull\~rtl! , Actes Ju coll~Jt
l'opération franco-britannique de Suez, car les routes du pétrole occidental 90nt alors
mises en danger'. Dès 1987, les plus grands pétroliers peuvent empnmter ce canal
Carte43: L'isthme de Suez, ouverture de la Méditerranée vers l'océan Indien
Corte 44 : L'isthme de Suez dans le conle•t" régional
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million~Je tonm•..,.. 1rufo.: C-nuncnimcnl <lc-...1..~uihhre <lu t:iit 1nèm~ lk-s h'.1-·Jro.:~s En IWJ. ~ bydrocarhW"C!o rK" rcprC:Jcmr:D.1
plw que 4fl. ~ "" <l\m lï.lfü: Sud-Nt1nl l.'s tnm.'" la l~Q millhm s d~ 1,mn1..-s, 105 °'•
J'un trafw:- Nord-Sud dr 141 7 .9 M1 . En fa.it. l'lt 1.oanaJ .;Ir
Sue7. n'3 pcnni s Il.' 1nunu que d e 7h 1111lli1111s ..J,• tomu.·s J'hy<lt"l1'."!l.rhll~ l.'\"'1lre ~J pour l'oléudiA.- Slo~tED dont ta ..:llplK~ • ~
FrtdinanJ c.Jr L~~ lés.a Llr numbn:tL' !""='lllS :.u:1mnna.1n:!!o . on J'-'-°••u\·ri1 ~UC' ~ nnmtwna.' pufcmeotaitts A'\"aÎCDI b>udlC des pots
Je \"IR dl!' 111 '"ontpa~nit' pour rro1cgcf" ..:clk-..:1 ol1.-s P,.l'1.r.'UllCS t."f'llank.~ 1.·.:1n1R- elle. c~ fui l"un Jcs grands si.-~ dr La R~
Pnrlfr" .f . 1~1quitr1lt"5 n-ss.-mrC1"!5 · mrr COll§lanlt dt l'ldtlour
Baltique à la mer du Nord. Jusqu'en 1919, son contrôle est exclusivement allemand Le
Trai~ de Ver.;ailles de 1919 conduit à son internationalisation 1 . Pour garantir la libm~
de passage dans le c11nal de Kiel, l'Allemagne doit détruire les fortifications édifii'e\
autour de la voie d'eau . Dénoncto par Hitler en 1936, le régime international esl de
nou\'eau en vigueur sur le canal de Kiel depuis 1945.
La sécurisation des détroit,; contraint beaucoup d'États à développer leur manne de
guerre . c'est le cas d'États comme le Japon, l' Inde, la ThaYlandc, ou la Malaisie.
Aujourd 'hui, l'Asie du Sud et du Sud-est sont marquées par une croissance
spectaculaire du tonnage militaire.
1 DMJ let lllic:ln 380 a )86. D . NGU YEN QIJOC , P DAILLET. A . PEL LET. /Jm11 ;,,r..m a1101mt 11uhlir. ~ "1-. l)rb.
LJ.OJ., hrio, 11196, p. 1 1J5
CHAPITRE 4
Les routes du commerce ne sont pas seulement maritimes; elles furent et restent
terrestres 1. Que l'on songe à l'importance des flux de camions qui sillonnent l'Eurasie
aujourd'hui2 et qui ont remplacé les caravanes et les convois marchands de jadis.
Jacques Ancel voyait l'existence de véritables États-routiers qu'il appelait
dromocraties3 . Fernand Braudel qui accorde une forme de primauté à la circulation
dans l'histoire, note que l'Islam ne se conçoit pas sans "le mouvement des caravanes, à
travers ses vastes 'mers sans eau', les déserts et steppes de son espace; impensable sans
ses navigations en Méditerranée, à travers l'océan Indien, jusqu'à Malacca et jusqu'à la
Chine" 4 . À tel point qu'il fait de l'Islam un continent intermédiaire, un espaœ-
mouvement. Voyons à ce propos le sens des mots: "Moyen-Orient", ce terme européen,
ne désigne-t-il pas un monde défini avant tout par la situation intermédiaire qu'il
occupe entre l'Europe et l'Orient - les Indes et l'Asie extrême?
Comme si ce Moyen-Orient n'était en fait qu'une sorte de réseaux de routes tendues
entre deux extrémités, l'Europe et l'Asie. Et c'est vrai que ces routes caravanières, les
Routes de la soie notamment, firent la richesse des marchands musulmans, que la
civilisation musulmane fut frappée au cœur même de sa puissance lorsque les
Européens de la Renaissance ouvrirent de nouvelles routes maritimes, en dehors de la
Méditerranée.
Durant des siècles, l'or du Soudan5, les esclaves noirs, le commerce du Levant,
transitent par l'Islam vers l'Europe. L'Islam vit de sa rente; pendant ce temps,
l'Occident avance vers le progrès technique, qui va lui permettre de s'ouvrir les
nouvelles routes de l'expansion.
1 "DO la. fin du VIU': siècle tl\' J..c . qunnlilés de dttouvenn rttenœs l'anC'Slcnl. urivmL en plein cootioalL die5 ~
fabnqub do.ns le!'> régions mèdi1cmni!-cnncs, princ1palemen1 en É1rurie. en ha.lie du Nord. et Gfiocc. Palimlml:nl. 5e'S iUTbeolDpes
rccons111uen1 les ncs de cc çommcl"t'c qui suppose sur Je cf:lnuncnl un rracê Je routes. m lcut cas de pisl.cs .~. 10 J.8 . Dt.:ROSELLE.
l 'Eun1/K'. hi~lom: dt• J''·'" />t't1pf,•.f. Pon s. Pcmn. IY90. Cd l lal·hcttc Plund. 1'· .q .
2 Lii Fnmcc, cam::four entre l'l::sr3gnc. l'hnlic, l'..\Hcmagnc t"t le nord de n : urupc. ~1 Je pays J"EuNf'IC' «e1dr:htalr le plus
tnn·c.V par Ici cnmions [lie est, Je cc rc:nnl lie \'UC, un \·éritablc f:lJHOUllL"f No1uns rar J'31'C'O~ . qut c'est CL"l'lt SllUilhOn qui tw
,onRn: l'un des nombres Je morts annuels r.or 11e1:1dcn1 de la rouie I~ plu.s CJc,- ~ J 'F. unlpC \Xc1Jcntale et oon lout :wtn:' facœur
in\·oqnc! par les pom101rs puhlics - d'nuln:s fach:urs L:ommc l'ah.""1'\il l'U la \"ilC-S!C Jliucnt un rùlc l!\·idftlt Jan.1 la monafüC rounm.
rrwi' guère pius que d11n'i h:s l\utn•s pays
J "Dcpms les ç11p11nlc" tiulkouuquc... h.~ l'.mpcn.·u~ Crh êm.: ~ tl•tUl·nt Je conS111..Tt'r le Ulre. JQnl tls ~ p.Y\.""nl. par li ~1on
Je la V1lk - 111è~. de 1.o Ville s:u;n."c. Je Hy1ancc Ils i;ut~ncnt la J(1111innl11..m Je la tv1.1h: ,- c~ Con!\WllUlol.lple ... hcmu1.s pruoordiau.t
tk1 lblk.31\\, qui leur 11/iSUrC"mil 111 mnitrisc ile hm1c la ~ninsuh: de Timu\"O. r.:hcf-hcu hul[lilf'C', ~\\tl\f\."fll dcn'1ètt IC"!' rnssn ai*s
du llolkan. Io \' ll lk~ de ln Muru.:n i·I 111 plamc: ~1c1'rique th~ thmi·c; Je SknrtJc. t.:ar1blc de Ou"4n. ,·~1 la roo1c Jr \ 'IU\l&r f ... i et pm-
le liuural nm1.:Cdunic11 ou 1hmn·. 1:1 fllllll' dl· 1'I ~fr cl lie ... Dê1n11h la ~i..'-•t:tmphiL' f\atUn1que ll'l'\.lle c:n fftl..'fO~ et. en "·alWa
C'Tll:31S\tcs. inahu~éc~ . f1Kili1c \:l'li h~ ml; mn· ~. l:C"i L'S r"'-ll fS. qm ll(l'.Upl' I~ gr4nJ'wuh.~. pht.mn Jc- l'Esl llU ....1, Ju. ccnm. hcnl ta
~mnsuk ('Ise~ p:urlc~ . " . in J. :\Nl 'M. c;,•,,grw1l111• i/1•1 t,.11,1tit'rn , :-' i'<I. r11m•. l l11.tlinu1d, l~_lS. p. hO.
-1 r IJH.AUOEI.. Cin1111mair. · ,/n 1 i1·ili.rn1imu. rffil. l 1 11n~ . fl ammnm•n. IQ4JJ . C\lll . ·chamrs•.
j J FA Vll!R . l.r.r f.irwrdn /)frmn't'rlt"-'f f/>'.'4/c-:tundn· .Z M11~d/1 mJ. Pari•, h~'llrtl 1'9QI, fi. JH-176.
Partir· .J . l..1117uilr ,JI!~ re~ so11,-c1'!' ''"'° 1:om;f11'1fl' ~ l ' hùf111rf
Entre les 11° et le xvc siècles apr . J.-C., les Routes de la soie ouvertes p.u k"'i
marchands chinois relient par voie terrestre l'Europe et l'Asie et véluculent l'esscnllel
des flux de marchandises.
Aux XIX< et xxc siècles, la Route des Indes, à la fois maritime et terrestre, con.~lilue
l'axe d'organisation de l'Empire britannique et justifie les occup;Itions anglaises : Maltt,
Égypte, Somalie, Aden, Baloutchistan, Irak, Jordanie, Palestine, Golfe . Le contrôle de la
route des Indes entraine à la fois une occupation militaire et la formation d'entilt-.
administratives et coloniales dont beaucoup deviennent des États - Jordanie, Oman.
La Jordanie est un cas typique d'État-routel : la Jordanie contrôlait depui.
!'Antiquité les routes entre le Levant et la Mésopotamie. À l'époque des Anglais, la
Jordanie relie la Mésopotamie à la fois à la Palestine, et donc à la Méditerranée, et à la
mer Rouge, c'est à dire à l'océan Indien. La création de l'État d'lsral!l - 1948 - puis les
guerres du Liban - 1975-1991 - ont cependant coupé les Jordaniens de leur voie
traditio1U1elle de désenclavement vers la Méditerranée; pour compenser ce handicap.
la Jordanie a développé le port d'Aqaba sur la mer Rouge.
L'importance géopolitique d'une région comme l'Asie centrale trouve son origine
historique dans le fait que les populations de cette zone furent reliées entre elles, non
par voie d'eau, mais par des pistes caravanières, rayonnant à partir de centres tels que
Tachkent, Boukhara et Samarkand, situés à égale distance de Pékin ou du Caire, de
Kiev ou du golfe du Bengale. Ces populations avaient l'avantage de la "ligne
intérieure"; si elle suivait la route de l'Asie centrale, une armée qui quittait l'Asie
orienta.le atteignait plus rapidement la Perse puis l'Europe que si elle avait emprunte la
voie maritime et dû doubler une succession de caps.
L'une des grandes ambitions géopolitiques de la Russie pour le xxre siècle, est de
restaurer les Routes de la soie et de redevenir ainsi le passage obligé entre l'Europe et
l'Asie-Pacifique2.
Les Grandes Découvertes entrainèrent une v é ritable révolution géopolitique qui
contribua à diminuer l'importance des routes de la soie3. Celles-ci durent affronter la
concurrence des voies mariti.Jnes. Mais elles perdirent la bataille, lorsque le canal de
Suez fut percé au XI.Xe siècle, et que les navires marchands purent alors s'ouvrir la
route de l'océan Indien et des mers de Chine par la mer Rouge.
1 X. de Pl.Ji.NHOL. ~ Nallons du Prophetc ,\/t1m1cf gêo>:r'1pl1111ro.· J ,· p<Jllfh/llt' 11mwlm11t1t.'. Pans, f ;1yard. J'XIJ, P li'
A.M . OOICHON . Joni.Anie ric:Uc, Pilns , 1. JI : 191)7-1972. p 551 -Sb9
2 J.C. ROHMER. Géopolitiq11e di! la R11ss1t!, r ans, Eco nom1ca, 1997, p . 69-HK .
J Voir notœ acc11on consacrtc aux Grundcs d«ouvcncs Jr.1ns la partie ponum o;ur les révulu1ums gCugruphiqucs
Chilpitw4 . L'ouverture dt$ route-9 terre'!l'trrs
ASSOCIATION
DE LIBRE-ÉCHANGE
NORD-AMÉRlCAIN'E
/
, ''
,,
OTAN ~EUIJapon
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1 . 1 JAPON
Route commerciale du Nord
UNJON
EUROPÉENNE
1 1 RUSSIE
Rouse russe
1 1 ASIA-PACIFIC
ECONOMIC
COOPERATION
1 Route1de la soie (Asie ceoua.le)
1
1
1 c~rèr.111011 écunllOIÜ-1\U." ,.\s1c·Pa..· 1fi~uc llU ;\Sltll Piu:tftc b.:-onom1c Ci..-...lp'C'nllll"'1 ( . J Ctèéc 4 l'iniùar.h-c de r .-\mlnlhl:- . . .
conftn:111;c f.li.• C:in~m& en tq~.,. . l'..\ .P .E C reuml le suluna1 de 8NllC'1. la MalaJs1c . l'lndonC!lm:. ln Ph11tpp1ocs.. Slft8lllP'OUI'. la
nunandc-, l':\us1rnlic. la Nt,m·clk·Zdam..k , la r11~'u1L"i 1 ~N~iu\· dk ·G u1ntt . k J&f'O'l.. la Corte- du Sud.. la Cluoc. Tal'A':IP.. Hoag-
Kon~ . lc!iii l~ 1n1s·llms . h: l 'anu,la . k :\h::>..11.Juc C'I h.- C hîh , .,,··~t une lf>m~ Je ntf'Proc:hcmml ré:g1onal rm.s b'ft faibkmcm i~ .
\'lur O. ..:c l"lr\'l"'O!iii noue ~hupim.· t·,1n..:a ..·r.: 3 111 dvnnm1"1UC Je ~l!"!!l'' ru.h~l1('1n
:! Ces so1utmns ont m1tamm1.."Tll ilC exp..ls~ par l'c'f'l..'T1 rus.sr. S . Rog(n-, l("tr.o; d\mc con~ a 11Mtilu.t fnmçaas des
Relations ln1~ mn1mnalL• s l'n l'N7 .
dont elle dispose et qui pourrait foire d'<•lle un lieu de passngc obligé. On se report""
sur œ point .lu ch.:lpitrc consacrl1- à l'or noir.
c~ut~ HH ll~ rouk~ Ju pt~lrute de 1-.l Caspù..•nnl' à l&i n1l'r Noire, par le CauGllO<.'
Carte 102 . L.1 ~,t.tillc dL-s ul~oducs pour la sortie du pél·rnlc el du gaz. Je la Ca!tpimnt·
L<'S projets d" routes russes sont cependant confrontés il des projets cnnrurren1,
sérieux, souvent soutenus par Jc>s États-Unis, dans le but d'empècher la RusS1e d"
s'cnlpa.rer de la suprétnatlc en n1atière de voles de con1n1unications.
Plusieurs projets de roule contournant la Russie sont donc opposés, qui relie-nt
généralem<'nt l'Europ<' à la Chine, vw l'Asie centrale et lc Caucase, sans passer par la
Russie.
- Le proj<'t chinois du K11mkorum Higlmmy, de la route de Karakorum, a pour but de
relier par voie ferroviaire et routière, Islamabad et Istanbul en passant par Alma1y -
Alma-Ata- . Bichkek, Tachkent, et Achkhabad.
- Un autre projet vise à construire une voie ferroviaire entre Urumqi en Chine et
Alma-Ata au Kazakhstan, de manière à relier la mer Caspienne à la mer de Chine.
Le grand combat des routes terrestres, essentiellement défendues par les puissance,
continentales, eurasiatiques, et des routes maritimes, logiquement défendues par '"'
puissances anglo-saxonnes maritimes, ne semble pas prêt de s'achever. C'est là enrorr
une des permanences que la géopolitique doit observer et tenter d'analyser.
Les verrous les plus importants placés sur les routes terrestres furent de tout temps
les frontières des États. Toute géopolitique des routes terrestres doit étudier la
succession des Étals traversés, les alliances et les conflits entre ces derniers . Cechapim,
ne peut évidemment s'y attarder; nous renvoyons à l'étude de la géopolitique de
chaque État1 que nous avons faite, avec le géopoliticien François Thual, dans un
précédent livre.
Un autre point de blocage moins connu que celui de la frontière tient aux droits de
péages, courants dans l'Europe du Moyen-Âge, et dont la complexité constituait une
entrave au commerce et plus généralement aux flux de communication. L'idée de
péages sur les routes, à l'entrée des villes - ce péage n'est-il pas remplacé aujourd'hui
par le péage du stationnement qui fournit des recettes à la ville ? - , sur les fleuves, ou
dans les ports, est vieille comme le monde.
La construction de l'État moderne en France, par la Monarchie, consista notamment
- ce n'est évidemment pas le seul aspect - à éliminer un à un les droits de passag.
qui entravaient la libre circulation sur les routes à l'intérieur du royaume. Colbert
promulgua ainsi de nombreux décrets supprimant les péages. En Angleterre, adepte
précoce de la libre-circulation des biens et des personnes, les péages locaux avaient
disparu dès le XV• siècle. La France suivit le méme chemin contre les féodalilés
remplaçant cependant nombre de péages par des redevances étatiques 2 .
LA GUERRE DE L'EAU
Les Européens ne sont pas toujours conscients du rôle fondamental que tient l'eau
dans la majeure partie du monde. Le climat de l'Europe est en effet pri~ par tm
courant chaud, le Gulf Stream qui prend naissance dans les eaux tropicales d'Afrique,
traverse l'océan Atlantique d'Est en Ouest, passe par les ~ et travene de
nouveau l'océan Atlantique suivant une direction Nord-Est. Les climats qui bénéficient
de ce courant sont à la fois tempérés et arrosés. L'Europe reste marquée par le souvenir
de la disette ou de la famine, non par celui de la pénurie en eatL Le privilège europél!n
en matière d'eau explique sans doute que l'importance de celle-ci est souvent minorœ..
En Otine au contraire, et au Moyen-Orient marqués par l'aridité - à l'exception
des montagnes-, les grands fleuves, le Yang-Tsé, le Nil, !'Euphrate furent le creuset
des premières grandes civilisations agraires et urbaines de l'histoire.. L'eau joua très t6t
un rôle si important qu'il compta dans la forme même que prirent les pouvoirs
politiques. Le pouvoir des maitres trouvait sa source dans l'eau ; l'obéissance des sujets
dans la dépendance de leur agriculture vis-à-vis de l'eau. Et de nombreux auteurs, qu'il
s'agissent de Montesquieu avec sa théorie des climats, de Hegel, ou d'autres encorel,
ont souligné le lien entre le contrôle de l'eau et la nature politique du pouvoir - c'est la
thèse de l'hydropolitique2. Il parut logique à l'entendement humain que là où l'eau
slructurait l'activité sociale et économique des groupes humains, elle pesa sur la nature
des constructions politiques. Mais il serait néanmoins dangereux de céder, ici comme
ailleurs, au monisme; d 'autres facteurs détenrùnèrent en effet très tOt la nature des
constructions politiques, et bien d'autres encore contribuèrent à l'évolution de œlles-ci.
Lier aujourd'hui le despotisme politique observable en Orient au pouvoir de l'eau est
sans doute inexact. Nul doute cependant qu'un dirigeant du Moyen-Orient dont la
politique oublierait l'eau, perdrait une grande partie de sa crédibilité; la Turquie
moderne n'a-t-elle pas appelé son plus grand banage Atatürk comme si elle avait
voulu signifier le lien entre la modernité du régime kémaliste et la maitrise de l'énergie
hydraulique ?
1 K. WJTTFOGEL. Oricnl.111 dupo11sm a co mpans1wc SNdy of tou.I po,..CT ; ni~ s-t D S . LAJ<-"DES. lficltic:sr n ~da
notlom (Pou1Tl11oi de.'i r;dU'.~ ? PcJurquu ; d e!c pavl·n.•.'f ~,_ Paru. Alban MtchC'I. 1098, p. 53. (trwlu11 de n.. ··~ .,.} Po~ of
Notrom, Jl71y som~ un: ric h und .f onrt• ·" " /H1or)
2 F. Bmudcl cüc Io thl:se dC' Winfol!?cl "111. 1;1,·1hsa1ion Ju riz imrhqUC' un S)stèmc tJ"uripriOG 'utaficidlc·. lourd de di.sc1plincs
civiques.. sociale-; Cl pohliqucs l .. J Par Ir n7.. lrs raartcs d' F...xlrl'mr-Ona1t sont liCs â rc:au...~ tub (r0cn-om;I dit l1Ddc
mtrid1onalc ~ dans la plamc mdogansét1quc. au.' puits ou au.' canau.' d'nTiplloo wu.s Jn cuurs d'eau. , dr mll!mc en Chmc..
l'iniplion 1"C\'ll toutes les fonncs elle est h« à la fi.l J' tlUX Ocu\'C:S lnlnquilk5 du SI.Mi { }. &&P. pwb.. aw. canaux dm! le c-r
lmp«lal "t le type ache\· ~ ·- à ln fuis , ·oie de conununu.:allon .:1 systetnc d'irrigation -- . au.." flcu.,·a S8U'"JtCU du Nonl. ._'1XIBllC k
Pel llo ou le l1tl8nN Ho qu'il a fallu endiguer, d<'ntJllcr. ri Joni les n!-,·ohc-s brutales tn°tenl fréquentes. Partuut. aami bien sur les
I~ des rhilippincs l!U Je Ju\ lt o u dans la Chine 1t.•antomusc et au Jaron. 1'1rTiptlllll. 8\"Cll.:. Y)U\'CU.l 'IC!o camm. .ene- de
htunbous, ses ('Ompc" rri1mti\'CS llU m<Kicm1t..'S , 1mphtJUC UOC Jl!iÇTJllinc ~tm, IC' Je inl\'8,JI et d'~. t...,.: dc flDC"icn:llc
Ê1)1'11r, ucinrlc ci ...._,1quc des scrvuuJcs qu'impose l'1m(talitln .'". in f llRAUl>EL ~ 4s: ,·Ml~. ,...._
Flammarion. l 9M? , çoll "Chamr!I". p. 1~~ .
L'eau est un facteur géopolitique dont l'importance rdative est liée au rapport entre
la quantile de ressoun.--e et la démographie : c'est lorsqu'il y a pénurie cl que la
population et les t-esoins sont importants, que l'eau est un t.-njeu potcnlicllemcn1
conflictuel. Nous prë...;sons, dans une première section, les zones géographiques ou le
rapport "res.<0un.-..'S propres en e.m/ démographie" est faible .
Deux situations géographiques différentes. au regard de la disposition de.
ressources par rapport à la disposition des Étals, déterminent deux situation,
géopolitiques distinctes:
- le cas du cours d'eau successü, qui traverse plusieurs États. Se pose alors la
question des ressources en eaux - débit - qui restent aux États situés en aval de
l'État-amont qui a prélevé; la rivalité entre États se fait autour d'une question de débit
prélevé - opposition à la construction de barrages en amont par exemple - ;
- le cas du cours d'eau contigu, faisant office de séparation entre deux États. La
rivalité se fait sur la question de la frontière : celle-ci n'est pas forcément définie par le
bltu>cgl, mais un État peut posséder tout le fleuve et ne pas en laisser l'accès à son
voisin.
Sur cette distinction, nous fondons deux sections distinctes qui précisent les
conceptions juridiques en la matière, et qui sont illustrées par plusieurs exemples : la
guerre de l'amont et de l'aval, illustrëe par des exemples et par un rappel des
principaux traités de droit international en la matière ; eau et frontière. U arrive que ces
deux situations soient combinées : nous consacrons une section spécifique au problème
de l'eau entre les États d'Israël, de la Syrie, du Liban, de la Jordanie et de Palestine.
L'homme ne dispose du conflit comme unique solution à la pénurie de la
ressource; il n'y a pas de déterminisme fataliste de l'eau dans la mesure où la
œch.nique apporte des solutions. Nous aurions pu logiquement inclure la section "Eau
et technique" dans la partie traitant des révolutions techniques, mais, par souci de
cohérence, il nous a paru préférable de la placer dans un panorama général portant sur
l'eau. La section "Eau et technique" aborde le cas de l'Arabie Saoudite et des Émirats,
pays dépourvus de ressources mais qui ont massivement recours au dessalement d'eau
de mer. comme le projet de la "Nouvelle vallée du Nil" en Égypte. Elle rappelle
également que la technique reste un moyen politique avec l'exemple de l'État central
irakien qui, par sa politique d'assèchement des marais, tente de mettre un tenne à la
rébellion séculaire des régions marécageuses - dans le chapitre portant sur la
topologie, voir la section "Le peuple des roseaux en Irak".
Entre la géopolitique et la stratégie, il n'y a qu 'un pas : vitale pour l'homme, l'eau
est une cible en tant de guerre. Nous soulignons, dans une dernière section, le chemin
franchi depuis la Grèce antique jusqu'à la Guerre du Golfe et du Kosovo dans
l'affranchissement de l'éthique humaine quant au caractère sacré de l'eau.
L'ensemble de ce chapitre peut être rapproché de l'étude de la fonction géopolitique
du fleuve déjà abordée dans le chapitre portant sur la topologie.
1 Nolum que nous ai;ona u.bonUc: dans Io 5ect1on trailanl de; la 1Um.:t1un yëopuhlu.1uc Ju llcu\·c --- d1ap1trc: cnmaat • U
IOpOiutll"
O..pllre 5. La guerre d" l'eau 641
Dans le monde, près d'une trentaine d'États sont confrontés à une pénurie d'eau 1•
Le critère de pénurie a été établi par Je professeur Malin Falkenmark: "il s'agit de
t 000 ml d'eau par habitant et par an, soit 2 740 litres par personne et par jour, étant
entendu qu'à 500 ml la situation devient critique el qu'au dessous de 100, il convient de
faire appel à des ressources non traditionnelles telles que Je dessalement de l'eau de
nier[ ... ] ou le recyclage des eaux usécs."2
Le Moyen-Orient est particulièrement touché par la pénurie en eau; celle<i y est
structurelle et aggravée par des sécheresses conjoncturelles.
Quatre groupes de pays peuvent être distingués au Moyen-Orient, du point de vue
des ressources en eau :
- le Liban et la Turquie disposent de ressources renouvelables qui permettent de
subvenir aux besoins de leur développement économique;
- la Syrie et l'Irak disposent d'une disponibilité hydraulique satisfaisante mais
dépendent du bon vouloir de la Turquie située en amont;
- pour lsra!!I, la Jordanie, la Cisjordanie et Gaza, la situation est critique : lsrai!I
dispose de 390 ml d'eau par an el par habitant et les prévisions avancent le chiffre de
258 ml/ an en 2020 ; la Jordanie, de 490 ml/ an, 90 ml/ an en 2020.3
La croissance démographique dans la région du Moyen-Orient est largement
responsable de l'aggravation du problème de l'eau : en Jordanie et en Syrie, les taux de
croissance annuels de la population dépassent 3,5 %. Le doublement de la population
ne s'y fait pas selon la loi de Malthus, c'est-à-dire tous les 25 ans, mais tous les 18 ans.
En lsral!l el en Palestine, à des taux de croissance naturelle élevés, il faut ajouter les
perspectives d'immigration massive : des centaines de milliers de juifs d'ex-U.R.55.
sont venus augmenter notablement la population de l'État hébreu - en 2000, la
population est de 6 millions d'habitants environ - ; un regroupement de la diaspora
palestinienne dans un État palestinien. ferait passer la population palestinienne de 2
millions à 5 millions d'habitants . Ainsi, pour le seul bassin du Jourdain, la population
pourrait avoisiner les 18 millions habitants en 2020.
- Les pays du Golfe sont les plus déficitaires en eau : Koweil, Qatar et Bahreïn
disposent en 1995 de 90 à 120 ml par an et par habitant et entre 35 et 50 ml en 2020,
selon les prévisions; l'Arabie Saoudite disposerait de 160 m3 par an et par habitant,
chiffre ramené à 56 m3 /an en 2020 .~
I lt.ppur1 p.>ur l'Ahmcntnt1on et l ' u~n i.: uhun= - f . A .O J e l'U.S l'. 1QQ.1. l::n l'Nf>. scton J~ues Sirucnwe&&. :?6 pays
RStoopaut rtus tic 2 ;m n11lhun s ~l' h a h1timts lk:m· ~nt ..!tre ,,: 1m s1 J.:n.~ ~..-,1mn~ des pa~~ _. ~u.n:c en eau 1'211:. ".in J. !)(RONSE.Ali.
l '"""· "'""~/ t•11je11 .,·1ruh'Mi1111•' 11wnditll. l'àns , tnnmnu ..-a . l 'Nti. ~ nll ~r!X'hc ~éup..,hliQuc" . p. I"'
21.km , p IK .
J NOl.IJ, f'Cfl\'('lyon!t. rour IOLIS IC!l 1:hiffn:s Jonm.~ SUJ $'e..u .su Mo~~n-Oricut, au h\'lt de: J. SlkO('l.'NE.\lJ. L 'iNll, """'"" Ol/t!IW
Ifralt 1glqlk'nwnJwl, l'ari~ . b.ununu..:a . l'Nh. 1.:nll "(1,>o.:h<' J!.t...'<'trt'ht i quc~ .
4 J SIRONNl:'.AU. /. '• '''"· m•U~'C.·/ ,•r!ir" ,1ru1r1o:iqMt' mnu,/111/, Paina, f.(.-onom1c.a., I~ . œll . .. Poo.:bc> ,top>ht~" . p. 1&.
1--- llmilc du .W.-11
~.....,. ....
95. L'eau au Moyen-Orient, rivières, fleuves et litnites des déserts
Ces déficits sont souvent irréversibles car ils touchent, comme en Arabie Saoudite,
des aquifères fossiles, donc des ressources en eau non renouvelables.
D'autres régions du monde sont frappées par la pénurie d'eau :
- en Afrique, il s'agit essentiellement des zones du Maghreb, le Sahel, l'Afrique Je
l'Est et du Sud ;
- le nord de la Chine est une plaine semi-aride habitée par 200 millions de per·
sonnes - avec notamment les villes de Pékin et Tien-Tsin - ;
- en Amérique, la Californie dispose de peu de ressources en eau ;
- en Europe occidentale, l'Andalousie est une région aride où la pénurie en eau SI/
fait sentir.
<J11!pi'"' 5. U> guerre de l'eau
1 Po ur ce!'i quc !l lmn~ qui ~ c s i1uien1 .:n 1fohnr,o;. J eo ha g~poli1iquc rn.i.t.1~ qui sonl importanta.. OOllS ttnltO)'('ll:ll le Lecll:Ur à.
l'ouvn111c de J SIRONNEAU. / . ·,.,,,,, ''"m·d ._•11;c11 ç tn1t~iqu.- m fmdiul , Paris. Ei.:nnomu:.s. 1'>96. coll '"Poche ttéopahnquc'". p.~~
:!7.
2 ~Criltf'Cs t.Ju lku \·IC' Hllc m utu,nal L.: 1ircmicr c nt ê ~ '-"'St ile nalllrT J10htiquc · .tans leur .."OUrs les. lh:uvc.,. inlemati....,,...
1ouchcn1 •UX 1eni1n1n:s de plus tl'nn l~ trit . Deux 1y ~ s dl" tlem cs 1nternahonaux Jn1vcnt ~h'c JistinttUet. : les llC"UV'n-fmntiba ou
C~nll9us cl le .. n c:u'r.:S s11i.:c ..·!lsl f, ( ·.:rcmla n1 :l \' C:-\' k 1ru11nphc 1lu 1.· up1t111i~m e liheml , un !iCÇ ( \f'td t.:rilit'~ de• TWllUR' k-ono.m.:.u:. !l'y QI.
su~ · cclu• de tn 11Bv i9nt11l i 1 ~ ; retenu pin Il!' C1m~rès dr V u~nnr . il Il i:te- TqW"i~ J'Br 1• (\Ml~tion de 8an:elonr de 1921, atui d
M:Ctntnë .:ell~ conccplion en s 11t'Lo;lltuun1 :\ la dén11nuna1 inn l1'8dillllnn1.•UC' de · neuve intC1"ftanuna.I' i:-rile de 'v01ir t.1'.eaa ~·
11u1 prnm'I J'mgl nhc!r Je!l 11t1111ertl!il nnvi~ahle!'i' '. in N ('H lOC lllNil. r OA.ll.Lf.T. :\. P~U . f!.T, Orn•t i•~ public-, S- ftl
ram. UHJJ, 1994, J'. 11.17 .
1 J, SIRONNF.AIJ. / . '1•m1. 1Fmn•r•/ t•n1r11 ...1r11f<'f:iqrw mn""'81. Paris, t'-1.·onotmca. I~ • .:oll. ·~ .,eopolitiquc•, p. b6.
L'objet de la plupart des contentieux tient au fait que les Etats situés en amont des
fleuves tendent à utiliser cet avantag<• sur les ÉtiltS situés en aval en détournant un.
partie souvent ~œssive du débit à leur profit - à l'itid., de barrage!! ou dr
ramifications d'irrig..ttion ~ denses .
Les exemples de conflits de type .>mont/ .wal que nous donnons sont les suivanb :
le Tigre et !'Euphrate : Turquie, Syne, lrilk; Syr Dill'ia et Amou Dariil en Asie centrale ;
Gange, Brahmapoutre, Indus : Inde, Pakistiln et Bangladesh ; le Nil : Égypte, Soudan,
Éthiopie, et pays d'Afrique noire.
Enfin, nuus rappelons qu'en matière de gestion cornn>une de l'eau des bassir"
fluviaux, le droit international a déjà produit de nombreux accords; la question
géopolitique de l'eau ne déoouche donc pas forcément sur des conflits. Nous donnons
des éléments de droit international sur le pitrtilge des ei\ux, sur les principaux traités l'i
accords.
1 SW' ln~ hydrographiques. voir Ci MUTIN, L '''" " ' '""-' (, . ,,,,m,J..· arali-.·, Pnri s. Ell1psç5, 2000. p. b-l ·hfi.
1 M DAOUDI. •Entre le T1~ et !'Euphrate. une ncgo..:u1t1on en c.aux !roubles" in /.t•_,. Cr1hio.:r$ •'" l'On~111. 1~6 . n"-4-t "La
blWlk de l'or bleu•. p 73-Y.S
3 N. BESCHOH.NER- •Le rôle de l'eau dans \a puhliquc rcgîoNlh: '1.c la Tunimc" m Momie: '1r&Jbt· McJ>:hr~Jt...M"•:ltrr~. «l œc
1992. n°1Jtf, p. -tts-6)
4 Les prumolcW1I du proJct.. Jn ~puruablcs policaqucs Tu ...gut Ozol et Sulcy1mm Dcnu~I ~mm 1oua les dc1.n wwtrucun et
mmpftr:rlls dans D dorm1nn de l'Clecuicné cl de l'hyc.Jrauhquc lla; dé-fondent une vision m0t.Jcm1su1ricc c.Jc lu Turqui~ funJtt ,i.11 Jr
1f1WC1- psvjeb appuya .., la 1eicnce qui se hcuncn1 souvent M l'oppo:minn de 1nth1.?ux fimanc1~n tun.:s inttreub JW Ir
dévcloppcmrol cummeK1al ~le~ Rfflubh~uo lun:o(lhuncs cl Juns l'Uuitm curnpCcnnc.
S G. ML'TIN, L 'N&tdmu /~ nrumk urcJhi:, Pan~. ElhflSCS, 21JOO , p. 73 -74 .
O..pllre 5 La guerre dt" l'eau
devrait alors avoir pour effet, selon les promoteurs turcs du projet, d'apalller les
velléités séparatistes kurdes.
Le gigantesque projet du C.A.P. n'est cependant pas sans conséquences !IUr les ~lats
silués en aval des fleuves ponctionnés : la Syrie et l'Irak .
1 M DAOUDI, .. Entre le Tigre cl l'Euphrnh:. une négociaüon en eau:-i. lroubles'", m L!.i Culti~r.r ~ f'OrilMI, 1'!>90.. n'"4' "U
THllAL. L< ,\fv.-..·n-lJrù•n1 ,., l'.-~u. rarron Ju Cena"t dl: Rc!OC-\iQQ et d'Etude sur
~taille de l'or bleu", p . 73-95; A . DULAIT. f
lc.1nnbltm~ mtcnuUtonauK , Séniu. Jum :!OOU. p. :t.1-t~
2 A. DULAIT. F. THUAL, Le Mo.~·l·n-lJn,·111 ,., /',·au. 1'1lJtJ"Ort Ju Centre Je Rélk:4.iun et d'~ sur lC5 ~Jélhts
intnn11ioniuu, Senat. Jum :?OOU, Jl. 4l-4h.
l O. MUTIN, L '1:au Jun., I~ monde aru~. 1~ans, Ellisuc.11, 2000. r - 72-73
4 O. ROY . W nmwrllr .-üù• 0•11tr11/r-, (ou llJ fàhr1,·a1wn Jr:; llillW1Ld Pans. Le ~ull, lW7 ~Obvier Roy Nppdlt h: r6h: des
druA pands neuves da.n• I• cun.111nu:tum tics stici~tc!s d'Asie \:er\lflllle
rejoindre'" C.E.1 - République de Karakalpakie - et de se jeter, comml! le Syr Daria.
dans la mer d ' Aral .
L1 vallée de Io Fergana baignée par les eaux du Syr Daria est une zone Ires
peuplée ; l..s <>thntt>S s'y sont ancil!nn<>ment agglutinées "utour du fleuve . l'rès de la
moitié du bassio irrigu~ du Syr Daria se trouve dans cette zone. La monoculturl! du
coton draine une grande pcutic de l'eau pornpée .
L'Ouzbékistan <>SI le pays le plus peuplé de la zone; mais il est en aval du Syr Daria
comme de !'Amou Daria. Régulièrement, l 'Ouzbéki s tan, mais "ussi le Tadjikistan cl le
Kazakhstan, reprochent au Kirghi7..stan de trop ponctionner le Syr Daria . Bichkek
profit" en dfet dl!s ressources kirghizes en eau pour produire de l 'électricité en grande
quantité. Par ailleurs, l'Ouzbékistan accuse le Turkn1é nistan de faire baisser forlemenl
le débit de !'Amou Daria, tandis que le Kazakhstan dénonce la pollution du Syr Daria
occasionnée par l'Ouzbékistan' . Ces problèmes qui existaient déjà dans le cadre de
!'U.R.S.S. se s ont aggTavés depuis les indépendances des pays d'Asie centrale . La
souveraineté appelle davantage d'autonomie dans les politiques menées el la
concertation est plus difficile sans le "grand-frère russe" ; autant dire que les notions de
bassin intégt"é et de gestion commune sont difficiles à m e ttre en œuvre.
Les conséquences de ces ponctions de plus en plus élevées sont catastrophiques
pour la mer d'AraP, point d'arrivée de ces fleuves. Cette mer s'étendait sur 69 500 km2
en 1960, sur seulement 30 000 km2 aujourd 'hui. Le niveau d 'eau a baissé de 16 mètres,
la salinité a augmenté à un niveau te l qu'une grande partie des poissons el des
végétaux d'eau douce a disparu. Les ports de Mouïnak et d'Aralsk se trouvenl
désormais à plusieurs kilomètres des rivages de la mer.
La cause première de cette catastrophe écologique est le pompage de près de 60 %
des débits du Syr Daria et de !'Amou Daria. Pour sauver la mer d'Aral, un projel
envi.sage la possibilité de la relier à la mer Caspienne.
Au début du XIXe siècle, le Syr Daria et l'Amou Daria faisaient office de fleuves.
frontières entre les Hordes kazakhs e t les Khanats3. Aujourd'hui, c'est dans leur
dimension amont/aval et bassin intégré que les enjeux autour de l'eau se font en Asie
centrale.
Carte 54 : L'Asie centrale : le monde turc
Cane 53 : L'Asie centrale : le monde ira nien
1 J SIRONNEAU, L '..uu. nt1u v'-·/~1'l ...·u ..1r11w1-: 1q11.• m1111d1u/. l'ar1 s, l'.cunonuc:.. 191Jt1, c;oll "puche KCoroliu .. uc· . r 5~ - ~fl .
.:?. A . UULAIT . f THUAL. W iVrmn:ll.: CU..Jpw1111L' , Puns, ël11pscs, l 'J9H . urt1.:h.: "ln mci-c.l'Aral". f" 51-i
) Ci HENRARO, G~npoluiq" ~ du Tmlj11fislu'1, I.e• no11vt.•t111 xrmrd JL•11 ' '" •bic• rc•111rolr. l' ,1ns. Elhrscs . ..:ull«Uun ·u'ne:'J
poh•i.quc·. r. 125 .
o..ru"' 5. La gu.,rTe d" 1•.,au 647
Grande Mer au sud alimentée par I' Amou Daria et la Petite Mer au nord alimentée par
le Syr Daria 1.
La mer d' Aral est alimentée par deux grands fleuves rescapés de la travesée des
déserts du Karakoum et du Kyzylkoum. Au sud, J' Amou Daria qui parcourt
2400 kilomètres à partir du Pamir (Tadjikistan, !Grghizstan, Afghanistan) et traverse Ir
désert de Karakoum, à cheval entre le Turkménistan et l'Ouzbékistan. Au nord, Je Syr
D;aria, long de 2 500 kilomètres, qui prend sa source au !Grghizstan puis coule en
Ouzbékistan.
Si Je niveau de la mer s'est réduit, ce qui a eu des conséquences sanitaires,
écologiques, économiques et géopolitiques sur l'ensemble du bassin, éest que ces deux
grands fleuves qui l'alimentent ne lui apportent plus assez d'eau . Tout au long du
XX.'sikle, l'eau a été ponctionnée massivement par le développement de l'in"igation
servant à la culture du coton .
L'irresponsabilité des hommes s'est exercée non dans le cadre des États souverains
d'Asie centrale post-soviétiques, mais bien dans le cadre de la gestion commune de
l'eau sous l'empire des Soviets.
La tendance sur les problèmes de l'eau étant aujourd'hui à accuser les égofsmes
nationaux (songeons en effet à la Turquie qui ponctionne les eaux du Tigre et de
('Euphrate, sans égard pour les pays arabes situés en aval), il conviendra. s'agissant de
l'Asie centrale, de garder à l'esprit J' origine supranationale des problèmes
géopolitiques actuels.
Le soviétisme laisse en héritage une catastrophe écologique qui s'est abattue sur tm
écosystème structurellement fragile. La mer d ' Aral, c'est en effet d'abord une immense
usine à évaporation, une gigantesque flaque située en plein désert, avec une
profondeur moyenne d'une dizaine de mètres seulement et, en 1960, une profondeur
maxi.male de 60 mètres. Une flaque peu profonde rendant à l'atmosphère 60 km3 d'eau
par an (cinq fois plus que la Seine) ce qui représente exactement la quantité d'eau
qu'elle reçoit annuellement. Autant dire que la succession d'années de sécheresse
(années 1970, années 1982 à 1986) a contribué à perturber l'équilibre entre apport d'eau
et évaporation, équilibre très fragile qui aurait dû permettre à la mer de maintenir tout
iusle son niveau si l'hornn1e n'était pas intervenu en force.
La fragilité structurelle est aggravée par le fait que la mer d' Aral est une cuvette
coincée dans une dépression qui n'admet aucun débouché sur l'océan mondial Les
produits polluants de l'activité humaine, insecticides et herbicides employés pour
l'agriculture en amont, ne s'échappent donc pas vers l'océan mondial, réceptacle final
de toutes les pollutions. La pollution arrive en mer d ' Aral et y reste. Elle s'y accumule.
1 A. CHAUPRADC:. "G~opoli11que de l ' AsiC' centn.lc· . .\'owwllc> R<'"lll." ,U·li..uo1n.:. ~umëro S Man .-\\-ni 200.J. 8ruao iZ
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ICCtlmpht.hmmts ... tn Pv.'il · So"ft'I Gt'f•~r,q,h_l ""'' E,:o nt or•u4-·~. )Qq~-09 . ,-~-.1 . 3~. n ~ 7. r- _\Qo9--41to . Ruben MN..\TS.'\.K...\.;,lAS. aMtt
J'Anl · h 1~1t1u-e d ' un rlê'l'Wtn: écolll.;iquc" , in L ...• ,\fan.A· .J1plmn.i1iq1.,-. •M'1ntCTC' Je \ \'l-tr~. n"'t'S. !OC"pl-«L.~~ - p.J3 : ~
SALTMARSHE. "c1nl SOCICl)' ond SUY.fninat'llc llc,·dormcnt 1n CC'nrntl A s 1.:i". in l"o1t..-u/ ---h iWT s~n>n·. IOQr(...I.:!. \Ol.15 . Man:q de
\'ILLIC::.RS, L "rm1. Paris, SoJin : Acfc~ sud·Lcmè-m.:. :!000. dwr \'li .. L:ii 1ncr J'Arut·. bib WEl)'o.'iHAL. -Sms of umissaoa
cortWucfini; negoholing sels tn the Ar.il .;eu hasin " . m .lcmrnal •!f l'.: rwinuJntc.•nl .& o._.,.._.h~t . ~OOl - ~003. '-'OLIO. n~l. p..S0-79 ;
S11er. lntcmel (COfllf'Or1lUll à la foi s Je...,; mfonn.:1ltt.•ns \lO..~ I SC'~ ~• Je- nmnbn:u.!M,.--s .;-~) _.,.. dlü.db.\kiapp-..S.'ualiico"
mdt:s. .hlml , ww·w . 11nUu . n~Varulr 111.i.IÎ11_c htm (l imh:J nalmns cn\·in,nmcnt prùtl:nun) . www euni.s.aanet.Of"I/",, lsi~ d.'~
1tnlnl •ur l'As ie centrnle) ; "' " '\\- klcn- ' ..·tl11g . Jc. \.k11 - rc-nhc~- s1 .\. .. ms. di:L:ul pbr ·!acmp1a1e_.Kl•l367Aqua)'-ld-0 ; 'lw"W'W.monde-
diplomaliquc . frlcartcs.lasîecenh~n\ :!000; (cane- f'l'l.•tiliquc Ju hassrn Je la mtt J " Ar-.1 C'I ew de l.:i poUUtwft) .
Mois l'homo-sovieticus n'a pas seulement pollue la mer d ' Aral, il .1 pnnclionnè a
outranl"'t! snn t!'au, pour les l~soins de son dg:r1culh1rc inlcnsiv~. le coton cl le riz
Certes, pour N"re juste, on rappellera •1ue l' ulilisdtion de l'eau à des fins agricoles dan>
~-ette reg1on remonte à plus de 5 llOU ans; mais c'est bien la colonisallnn rus§e
Intensifiée sous l'ère soviétique qui a mndiîié le destin hydraulique de la région La
produchon d~ coton fut t?ncourag~ par 1~ gouvernen1ent russe dès la deuxiênu~ moiti('
du XIX• siècle, après la colonisati•m de la région . Outre l'un des grands classiqul.'s de la
gêopoliûque russe, la pouss~ vers les mers chaudes, l'au Ire motivation de la
colonisation de la région, était ce coton qui faisait défaut aux usines russes demi les
approvisionnements en matières premii'>res avaient cessé, à partir de 1861, à cause de la
Guerre de S.."-'eSSion américaine.
Cependant, avant la Première Guerre Mondiale, la taille des terres irriguées n'avait
pas augmenté de maniere conséquente. On peut donc considérer que l'action de la
Russie tsariste eut peu d'incidence sur l'écosy s teme du bassin de la mer d' Aral . Daru;
les années 1960 en revanche, les planificateurs soviétiques assignèrent à lAsie centrale
le rôle de fournisseur de matières premières de !'U.R .S.S., et en particulier de colon.
L'Asie centrale fut lors intégrée à une économie soviétique qui augmenta la
spécialisation agricole et industrielle de chaque république, tendance renforcée sous
Brejnev par la politique d'unification économique nationale . Comme l'Ukraine était au
blé, l'Ouzbékistan devait être entièrement dévoué au coton.
Compte tenu du climat désertique de la région, l'irrigation s'imposait et la mer
d'Aral et ses affluents semblaient une source inépuisable. Le développement de
l'irrigation dans la partie soviétique de la mer d' Aral fut donc spectaculaire, sa
superficie passant d ' environ 4,5 millions d'hectares en 1960 à près de 7 millions
d'hectares en 1980. LI population locale doubla quasiment pendant la même période,
passant de 14 millions à 27 millions . Les prélèvements en eau doublèrent également
Dès 1983, la production de coton ouzbek égala la production américaine .
Tout ceci se solda par ce que les experts des ressources en eau appellent la "rupture
de l'équilibre hydrique établi''. Une fois l'équilibre entre les apports et l'évaporation
largement rompu, la mer entama sa phase de rétraction.
Les statistiques montrent clairement la situation de surexploitation en Asie centrale.
Alors que la moyenne mondiaJe de l'usage de l'eau par secteur est de 70 % pour
l'agriculture, 22 % pour l'industrie et 8 % pour la consommation domestique, l'Asie
œntrale donne 87 % de son eau à l'agriculture, 10 % à l' industrie, et seulement 3 % à la
consommation domestique. Le canal de Karakoum, au Turkménistan, est le symbole de
cette surexploitation agricole. Construit en 1956, il est le plus long et le plus large des
canaux d ' irrigation de !'U.R.S.S. el contribue largement à la diminution du débit de
!'Amou Daria. Reliant sur 1 300 km la rivière au désert de Karakoum, au
Turkménistan, il a permis d'augmenter considérablement la superficie des terres
irriguées.
La consommation est d'autant plus forte que le système de ponction fuit. La moitié
de l'eau détournée pour l'irrigation est perdue dans les canaux ou dans les champs
avant d' atteindre les cultures. Selon des scientifiques kirghizes, plus de 20 % de l'eau
captée est directement perdue dans les champs, tandis que 30 à 35 % du total n' est pas
véritablement productif. Au Turkménistan, 51 % de l'eau captée seraient perdus ou
inutilisables. Malgré le fait que l'eau devienne de plus en plus rare en aval des riv1èM,
les quantités d'eau parvenant dans les champs dépassent généralement, de 50 a 100 \,
les nonnes prévues par le plan. Dans les parties basses des rivières, l'eau conhent sels,
herbicides, insecticides, fertilisants, rejets industriels et domestiques . Plus la quanhlé
de iels est grande, et plus le volume d'eau nécessaire pour obtenir la même récolte csl
élevé. L'allocation en eau est devenue de plus en plus inefficace. Sur huit pays qu'ils
649
étudièrent nu début des années 1990 (dont la Turquie, le Paki11tan, Les État&-Unis,
l'Êgypte) une équipe de scientifique montra que c'est en Ouzbékistan qu'il fallait la
plus grande quantité d'eau par hectare de coton cultivé.
Les cinq r6publiques n'ont pas les moyens financiers nécessaires pour amélioreT
leur système d'irrigation. La situation est même pire qu'à l'ère soviétique car
l'cntrt'tien du réseau d'irrigation est négligé et les réparations sont faites
irrégulièrement.
La crise de la mer d' Aral affecte l'ensemble du Bassin de la mer d' Aral; celle-ci fait
en elfet partie intégrante d'un système écologique immense et très complexe Les
conséquences sont si graves qu'il faut bien parler de catastrophe écologique de grande
ampleur.
Le climat dans la région a changé et ce n'est pas seulement du au réchauffement de
la planète. Depuis des millénaires, la mer d' Aral sert de barrière de protection contre
les vents froids du nord et a une influence adoucissante. Avec la réduction de la
superficie de la mer d' Aral, le climat a changé, devenant plus continental avec des étés
plus courts, plus chauds et sans pluie et des hivers plus longs, plus froids et sans neige.
L.1 période de végétation ne dure plus, en moyenne, que 170 jours par an . Les tempêtes
de sable sont apparues pour la première fois en 1975 et font rage pendant plus de 90
jours par an. La durée de la période sans gelée a fortement diminué et pourrait devenir
critique pour la culture du coton .
La mer d' Aral qui servait autrefois de réservoir où s'accumulait le sel est désormais
une source de dispersion du sel sur les cultures. En effet, le vent transporte poussières
et sels qui proviennent du fond de la mer asséchée ainsi que des deltas des deux
rivières où la chute du niveau de l'eau associée à l'évaporation sont à l'origine de
l'accumulation de sels. C'est cette poussière chargée de sels qui se dépose sur les
plantations provoquant une chute des rendements et entrainant la stérilité des surfaces
irriguées. Un nouveau désert est même apparu autour de la mer. Des sels de la mer
d' Aral ont même été retrouvés sur les pentes du Pamir provoquant une fonte anormale
des glaciers, dans le Pacifique et dans l'océan Arctique, ainsi que dans le Gange et le
Brahmapoutre.
Le rétrécissement de la mer d' Aral ainsi que la réduction du débit des rivières et la
disparition des crues du printemps ont des effets particulièrement dévastateurs sur
leurs deltas, composés à l'origine de dizaines de lacs naturels dont la surface diminue
jusqu'à disparaitre. Ces espaces naturels ont vu s'effacer leurs oasis particulièrement
riches en faune et en flore et lieux de frai pour les poissons. Ainsi si l'on comptait
173 espèces d'animaux vivant dans ces milieux dans les années 1960, seulement
38 espèces peuvent ètre dénombrées aujourd'hui. La population animale et végétale se
transforme en favorisant les espèces plus adaptées à la sécheresse et au sel. Ces espaces
étaient aussi des réserves naturelles de pâture pour le cheptel et des réserves de
roseaux récoltés par les industries.
Il est évident que ces dégradations écologiques et climatiques, ayant incidence sur
l'agriculture, pèseront à terme sur les équilibres géopolitiques fragiles des États d'Asie
centrale. Où l'écologie apparait alors comme un facteur surdéterminant aux situations
géopolitiques ...
Le facteur écologique pèse lui-mênw sur le facteur socio-t'conomique. Les eaux de
la mer d' Aral fournissaient aux péchl"it•s l<Kales des prises annuelles de 45 000 à
50000 tonnes de poisson; plus de 3 000 p••rsonnes etaient occupées par le secteur de la
pêche. Depuis 1982, il n'y a plus dt• pfrhe l·ommerciale et l'économie locale est
dévastée. Les captures sont aujourd'hui né~li~cables t>t dt>s communautés t>ntières de
pêcheurs sont maintenant sans travail. Des villages et des villes, autrefois en bord de
mer, sont m11intenanl à 70 km du littoral. L.l principale ville de cette région, Aral•k, qui
fut 11utrefois un porl important se relrouv., à plus de IOll km de la mer.
Les autorilés locales sont en îait confrontées à un dilemme
environnemenl/éo.."Onnmie qui les cmpë<:he de proct'der à la réorienlalion de leur
agriculture. C'esl en effet la culture du coton qui emploie la majeure partie Je la main
d'oeu\'Tt'! et rapparie le plus d•• devises étrangères. Dans un pays comme l'Ouzbéki•lan
où la croissance démographique est importante, ce facteur est capital. La culture du
coton emploie trente fois plus dt' main d'oeuvre que la culture des céréales, qualrc lm•
plus que la culture des légumes, trois fois plus que la culture dt's fruits . Le colon rcsle
avec l'or et l'énergie la principale recette à l'exportation; en 2000, il représenlail 40 \
des exportations de l'Ouzbékistan .
Rien n 'indique donc que les pays qui contribuent à la disparition du système
hydrographique du bassin de la mer d' Aral changeront radicalement leur polilique
dans les prochaines années. Comment le pourraient ils d'ailleurs, sans des
déstabilisations économiques et donc politiques majeures ?
Nous sommes dans un cercle vicieux. La structure même des économies d'Asie
centrale contribue à aggraver le problème de l' eau, et plus celui-ci s'aggrave, plus
fortes sont les tensions économiques à l'intérieur des États et plus fortes sont les
lensions politiques entre les États.
Le problème du partage de l'eau se pose de plus en plus entre les Etats. En effel,
plus que les précipitations, c'est l'eau des principaux fleuves qui est cruciale pour une
région où le désert prédonùne hormis, dans les zones montagneuses du Tadjikistan el
du Kirghizstan. Les ressources en eau sont très inégalement réparties. Le Tadjikislan et
le Kirghizstan sont a priori nettement privilégiés puisque c'est dans ces deux Etats que
se forment les deux fleuves, soit plus des trois quarts des ressources en eau du bassin
de la mer d'Aral. L'inégalité des ressources est d ' autant plus manifeste que ce sont les
pays situés en aval qui consomment le plus d'eau . Le Turkménistan et l'Ouzbékistan
consomment en effet plus de 80 % des ressources en eau du bassin alors que seulement
10 % de ces mêmes ressources se forment sur le territoire de ces deux Etats.
Premier type de contentieux géopolitique autour de l'eau: les intérêts divergents
entre pays d'amont et pays d'aval. Les pays situés en amont détiennent l'eau, mais ne
possèdent pas de ressources fossiles . Ils voudraient donc développer l'hydroélectricité
pour combler leur manque d'énergie. Mais la production d'hydroélectricité nècessile
des lâchés d'eau en hiver; ceci nuit aux cultures d ' irrigation dans les pays d'aval,
lesquels ont besoin de l'eau au printemps et en êté. Pour permettre aux pays d'aval
d'engranger de bonnes récoltes, les pays d'amont doivent stocker l'eau en hiver mais la
relâcher en été, ce qui ne leur permet pas d'accumuler beaucoup d'hydroélectricilé. Ll's
intéréb; entre les pays situés en amont, Tadjikistan et Kirghizstan divergent donc
totalement de ceux des pays situés en aval, Ouzbékistan et Turkménistan.
Dès 1992, le Kirghizstan, qui possède l'eau mais qui est confronté à des pénuries
d'énergies est passé du "mode irrigation" au "mode énergie". Il s'est mis à effectuer des
lâchés d'eau en hiver ce qui a pénalisé l'Ouzbékistan .
Sous l'ère soviétique, la production de coton pour l'Empire était privilégiée. Les
besoins énergétiques des Kirghizes passaient au seco nd plan. Mais la souverainetc a
amené chaque peuple à considérer son intérêt propre, ce qui, somme toute, est praliqu~
par tous les grands pays. De fait, les tensions autour du partage de l'eau ont augmenté.
Là encore, on ne soulignera jamais assez le fait que les tensions d'aujourd'hui ne
seraient pas aussi exacerbées si le communisme n'avait a ce point spécialiSt'
économiquement les nations (point commun entre le communisme et l'idéologie Je la
gouvernance mondiale) et donc pollué le bassin.
Chapitre 5 . L'I gut?rrl! JL• l'euu 651
Il se trouve donc que les pays ne possédant pas les ressources en eau possèdent des
ressources fossiles. L'Ouzbékistan possede du gaz et le Kazakhstan du charbon. Avec
le Jeveloppement de l'agriculture intensive, le pouvoir soviétique avait mis en place
un système de compensation des ressources, sorte de troc énergie/eau. Ce systi!me
reste en vigueur depuis les indépendances, mais les nouvelles républiques ont parfois
la tentation d'utiliser leur ressource comme un moyen de pression sur leurs voisins. A
titre d'exemple, les livraisons de l'hiver 2000 de charbon kazakh au Kirghiz&tan
n'ayant pas été honorées, le Kirghizstan a réduit, l'été suivant, ses fournitures d'eau et
d'énergie hydroélectrique a son voisin, lequel a répliqué en faisant obstacle au trafic
routier.
Plus graves sont les tensions entre l'Ouzbékistan et le Kirghizstan. L'Ouzbékistan
suspend régulièrement ses livraisons de gaz au Kirghizstan qui le prive d'eau par
mesure de rétorsion. Durant l'hiver 1998-99, par mesure de représailles à la décision
ouzbèk de couper les approvisionnements en gaz, en ouvrant brutalement et
volontairement un réservoir, les Kirghizes ont inondé la majorité des champs de
cultures ouzbeks. Ils ont en plus limité le volume d'eau durant l'été, détruisant ainsi
une bonne partie des cultures.
Les contentieux ne se limitent pas aux seules républiques ex-soviétiques d'Asie
centrale. L'Afghanistan est aussi partie prenante dans les contentieux autour de l'eau.
Il contribue à hauteur de 8 % au débit de I' Amou Daria et est également un pays
d'amont. Ses rivières, la Murgab et la Kotcha alimentent !'Amou Daria. Sous l'ère
soviétique ni l'Afghanistan ni l'Iran ne furent associés à la gestion des eaux des deux
grands fleuves que les Russes considéraient comme uniquement soviétiques.
L'Afghanistan, en se développant aura besoin de produire de l'électricité. Il sera tenté
de faire appel à l'hydroélectricité. Prenant les devants d'une telle perspective,
l'Ouzbékistan a renoué au second semestre 2002 avec l'Afghanistan d'Hamid Karzaï,
lui proposant l'exportation de gaz ouzbek et la fourniture d'électricité. Méme réaction
du Turkménistan qui serait prêt à fournir en électricité la province de Fariab, au nord
de l'Afghanistan.
Lors de la conférence internationale d'aide pour l'Afghanistan, en janvier 2002 à
Tokyo, des scientifiques japonais et américains ont proposé de diviser le volume d'eau
de la mer d'Aral en trois et d'accorder l'équivalent d'un tiers à l'Afgharùstan par une
ponction équivalente sur I' Amou Daria. Ce projet soutenu par les Américains n'a
d'autre intention que d'affoler les pays d'Asie centrale comme le Kazakhstan
(prorusse) et de pousser ceux-ci à faire des efforts conséquents pour financer la
reconstruction de l'Afghanistan. Le chantage fonctionne puisque le Kazakhstan a
proposé de fournir une part de ses récoltes agricoles en contrepartie de l'eau non
utilisée.
Malgré ces contentieux, les États d'Asie centrale sont conscients du Bien commun
que représente l'eau de l'Asie centrale. L'U.R.5.5. avait déjà pris conscience du
problème dans les années 1980 et fixé des limites strictes pour les prélèvements en eau .
Un projet de détournement d'une rivière sibérienne vers l'Asie centrale avait même été
conçu. Après la chute de !'U.R.S.S., la CEi déclara le problème de I' Aral comme étant
d'intérêt publique.
La crise de la mer d ' Ar,11 et de son bassin est maintenant entre les mains des cinq
nations d'Asie centrale. Les Anuvemements ont créé en 1992 le "Conseil des Présidents
des Républiques d'Asie centrale et du K,1zakhstan", aiin de coordonner l.i gestion des
ressource~ dans le bassin. Des rêunions st.• tiennent regulièren,ent au plus haut niveau
afin de conclure certains accords. Les ditïenmce:< de debit d 'eau suivant les saisons, ou
méme annuellement, requièrent une coordination entre les différentes republiques
652
pour pouvoir sh.'ICker certaines réserves d'eau, ceci afin d'assurer un débit continu cl
regulier.
La signature de plusieurs accords au début de lannée 2003 semble signifier que lcs
acteurs de la région font des efforts pour faire taire les diffl'\rends. Les Kazakhs et I"
Kirghizes ont signé en janvier 2000 un accord pour les bassins des rivières Tchou"! ct
Talas, situ~s au Kirghizstan, accord valable pour une durée de cinq ans el
reconductible tacitement. L'élément important réside dans le fait que le Kazakhstan a
accepté de contribuer financièrement au fonctionnement et aux réparations des
installations de ces deux bassins. Pour la première fois depuis l'indépendance, un État
en avol a acœpté ce principe d'exploitation en commun des ressources .
Les autorités essaient de limiter les gaspillages en introduisant des droits sur l'eau,
et en infligeant des amendes à ceux qui utilisent des quantités d'eau dépassant les
seuils fixés pour les exploitations agricoles. Les agriculteurs choisissent eux-mêmes les
plantes à cultiver sur les périmètres d ' irrigation. En conséquence, les plantes cultivées
qui ont de gros besoins d'eau (riz kazakh, coton ouzbek et turkmène) onl élê
partiellement remplacées par d'autres cultures exigeant moins d'eau . Ces changemcnls
peuvent conduire à une réduction des prélèvements en eau mais rendre plus difficiles
la planification et la surveillance de la distribution d'eau .
On tente, avec déjà quelques bons résultats, d ' utiliser de plus grandes quantités
d'eaux de drainage et d'eaux usées agricoles et d'introduire des plantes tolérant miewc
le sel. Environ 6 km3 par an d'eaux de drainage ou d'eaux usées agricoles sonl
directement réutilisées pour l'irrigation et environ 37 km3 par an retournent dans les
dépressions naturelles ou des fleuves où, mélangés à de leau douce, elles peuvent être
réutilisées pour l'irrigation ou à d'autres fins. Bien que ces améliorations aienl permis
de pour.;uivre le développement de l'irrigation, elles sont considérées comme non
durables.
Des signes prometteurs sont par ailleurs signalés dans le delta de I' Amou Daria.
Depuis 1989, un projet en Ouzbékistan utilise le réseau de drainage pour apporter plus
d'eau dans le delta. Cette eau, associée à l'eau douce, a rempli les lacs peu profonds, a
permis la régénération de la flore et de la faune sauvages dans les zones abandonnées
et a stoppê l'érosion éolienne sur le fond du lac exposé.
Ces initiatives prises par des États souverains, lorsqu'ils font preuve d'esprit de
responsabilité, s'avèrent en réalité bien plus efficaces que les multiples initiatives de la
'communauté internationale". Ni le Programme du bassin de la mer d'Aral de la
Banque mondiale, ni le programme WARMAP (Water Resources Managemenl
Program) de l'Union européenne, ni le programme EPIC de l'agence d'aide américaine
n'ont permis d'apporter des solutions. Les approches régionales voulues par les
Nations unies ou l'Europe ont échoué. En Asie centrale comme ailleurs l'approche
"grand régionaliste" et multilatérale échoue sur la diversité des intérêts. Seuls les
coopérations bilatérales parviennent à générer des accords réels. Seule la prise en
compte des intérêts spécifiques de chacun et le sens de la responsabilité d'Étals
souverains conscients du Bien commun que constitue la "ressource eau" peuvenl
apporter demain des solutions durables aux peuples d'Asie centrale. Il en ira de mème
au Moyen-Orient entre la Turquie, la Syrie et l'Irak ou bien e ncore entre Palestiniens ct
Israéliens. Avec, en réalité, un point commun entre les situations centre-asiatique,
proche-orientale, turque : les colonisations russe de l'Asie centrale, israélienne de la
Palestine, turque du Kurdistan ont toutes les trois reposé sur une prise de pouvoir
hydraulique
Chapitre 5. Lo sucrrc de L'eau
Nous allons traiter de cette seule question du partage des eaux (question
géopolitique), mais il faut avoir à l'esprit que l'eau soulève aussi dans la région une
question stratégique de première importance. En 1965 en effet, l'Inde n'a pas hési~ à
utiliser le facteur hydrique comme arme de guerre contre le Pakistan en retenant l'eau
des barrages sur plusieurs rivières et en détruisant les berges de canaux, ce qui a
provoqué l'immobilisation des forces blindées pakistanaises dans la région de Khem
Karan. L'issue d'une bataille a résulté de l'inondation volontaire d'immenses swfaœs7_
Sur la seule question du partage des eaux (outre l'arme stratégique potentielle que
représente le facteur hydrique), l'Inde possède un avantage géopolitique considérable
1 Je rentcR1c le g~ntnll Alain Lamballi:. 5péciahs1c de l'Asie du Sud qu• m 'a procuré unr large doc--=nlablm ....- râbgtt
mie pu1ie. Je me sui5 très lmrgcmcnt inspm~ de so n article trt's cC1mplc1 in1itulë . .. l'eau. saun:ic de oooJbts en Asie du Sud"', pua
dans li rc.rnc Gut·,.11.•.f mmuliuh•.o,; et c ml}llf.t co"f("l1fJ1f'rnin.... n ~ 19~. 2000. r:aris
2 J SIRONNEAU, /. 'i.·u11. nmm:I t"l!Jt:U .f tru1t!1: iqu1· mmuliul, Pons. Economn:.a.. 1996. coU '"Podlc Jiëopohlique·. p. ' '
} L'lndus n1i1 dnns le plalcuu 1ibé1ain. ~ur le \'Cr.iilm Nord Je l ' Hunal~ya . Il coule" sur 3180 km C1 nwrx wa.."n."li''ClllCDI k
Cachcrmrc indien, f'UI A le P11ku1un nù il dminc le Pcnj u'1 (p11)',; dn cinq n\'itrn, I~ ofUuents de 11ndu:sl ~ la rCsion déwr:nique &.
Sind: pu1J il se JC:llc enfin Jon!i 13 met tJ 'Onmn . à Knmch1 , l'une des y:randC'S m~ln'rcio'" Ju Pù.\Sbn.
-4 Le grond fic1..1vc 5t\L'.~ 1.k l"lndc •1ui n11i1 Jnn'I l"llunnl•yn et >1m.1:i.c l\~na.rh. AlltthaNJ et hm.a •\...U<kx~dazt., le CA'1fc
du Omple rarun \/Ute dclto . Sn lon11ueur l!~l Je ::?700 lm , 11 lnl\'Cf':'C' AUCC'C'1UÎ \TTT1CT\I l'lnJC' et le 8anftadct.h
S Nt! .u Tibet qu'il lmvcr..c t1·r::,.1 en Oue!lt (smL'I le ntim 1lr TMn(l Pol. Ir 8rahm11rou1tt draine l"lock orienœ.le (AJMml et \C'
lbnaladcsh où il confond lion dclll• n vc~ t:clu; 1.lu O•nflt' dan!C Ir Cit,lft du fknt1nlc St'f'I CClun C51 de~ qi()() bn. dool 1 )OO mal
na\·1pblrs
6 ~11i!I 11ndU!C ne ro11~Jc sur le p11n:uuri. c hmui!l qu 'un fa ible Jê-hil • ltA Jeu' 1.:<"U"' d 'e:t.u par a111cun; nr îftY'C!ncTll sur k
ltniloire cluno" que des n!t1it1ns peu rcurltcs
7 Alain Lambnllc "lc1' cours d 'i:nu , nn1urel• ou 1u1iflcicl5. J't'll\'COI Jtiucr un n.'lle .:b.n!'i les combals. Uaru tow lfl eu.. ib
1.·urM.lilionnenl en Atie tin Sud. sunnut DU l"nnjah et nu U1m~lad~h . Il\ m1!lr en .ZU\'rc d~ fo!T'Cs "'"'unNhanla.. en ,ta.na ou fac1h1.Ut
le. dlpl1ecmcn111.lc.1 unit"!I n
~ur ses voisins (Pakistan et Bangladesh) dans sa !lituntion d'Étal amont, cl avec de.
ressources s'élcvanl ;\quelques 1 550 km~ .
En 1996, un accord de trente ans sur le partage des eaux du Gange est signé, mais ni
le Bangladesh, ni les forces nationalistes et religieu!le!J indiennes (le Gange étant
considéré comme le fleuvé sacré de l'Inde) ne s'en contentent.
Les eaux du Brahmapoutre restent également sous-utilisées par le Bangladesh au
regard de ses besoins, lors même que son débit est supérieur à celui du Gange.
la relation entre les deux pays, Inde et Bangladesh, souffre aussi d'un manque de
concerlation à propos des risques de crues; l'Inde tend à conserver pour elle des
données qu'elles jugent stratégiques mais qui pourraient pourtant servir i\ la
prévention de catastrophes humaines 1 . L'Inde a cependant proposé de régler le débit
des deux fleuves, Gange et Brahmapoutre, en construisant un lien par canal2. Un tel
canal pourrait permettre le désenvasement du port de Calcutta. Mais le Bangladesh sy
oppose car la largeur du canal serait telle (800 m) que le pays serait coupé de sa partie
nord .
Dans la relation entre les deux voisins, il existe également une conjugaison des
facteurs eau et identité.
À la fin des années 1950-1960, la réalisation de l'ouvrage hydroélectrique de Kaptai
sur la rivière Karnafuli, dans les Chittagong Hill Tracts, a provoqué l'exode de
populations tribales bouddhistes, les Chakmas, en direction du nord-est indien3. Une
nouvelle vague de migration de Chakmas a été engendrée par la poussée musulmane
concomitante à la construction de barrages dans la région, après 1971 . Au problème
des Chakmans, dont nombreux ont été naturalisés par l'Inde, s'est ajouté le problème
de la pression migratoire clandestine musulmane dans les États du nord-est de l'Inde.
New Delhi, face à cette pression, a alors soutenu un sécessionnisme anti-Bangladesh
dans les Chittagong Hill Tracts. Depuis 1997, un accord a théoriquement mis fin à ce
contentieux identitaire, sur fond d'enjeux hydrauliques'.
1 L' Inde co MidC re notnmmcnt comme c nnfidcnt1clle$ les infonnatio n"So 1ou..:N.ri1 3 r ;\rurmclu.l Pndcsh. Ub tCTnloift C1J111CS11è
('IU'bCh1nc
::? Cnna.1 de '.\24 km d1mt 1:? R s ur le kmllll f'C llu Unn!!l•u k sh .
J L' Anma.: hl11 l'r.ul (':O;h
.4 I.e l[.!ntml Al n1n l.11mllnllc l\Jl•Uh.· ~~ !.:C pruhli.1-mc h"-·:il lcs r;i 1~l n s d ' wu: nlfotiancc plw globale 1iw-dclai du probtftnc de- l' eau
tl Jn lm•mns 11J c nt11111~..: ) c ntn" l'ln1\(' et le: Rnn!o! la..1...' s h : " La. pr~i."(' .k tmup:-s in1•.hCflncs wr ~ Ucs ~au~ dr
b rninti(K mnrilnnc mul i n~c ~"ln .. lluuh: rmr ln ('f1Unlc J 'y V1Hr !i ")' În!il.llOcr Jcs CICTilC11ls Je- l'UT1'C't: dûnotx r.."Oflll:QC sur &es ita
((l(o i llf'IJlOf1cnnnl uu Myannmr c n1rc111:n1 uu lfonslm.J"h un sc numcnt d tffu." J ' alo..."1..'ttlcmca1 par l"lndr ~le sur ln trois ciMCs
•~trr!ll et 11our le quotnènu: 1,:1'i h.~ tnRnlimc "
~Cnics 'llll r.l\1119C'nl llim:c css l'lrcnh:m le T ...1nu nc ru\uis. l' ll uur l'nulcsh. IC' li1har et k lkugalc occu.Jrrual.
'J Le COUl'l' d 'eau JOUc le rttle de frun11i.':f'C' c111n- les dem. poy~. sauf J.J.n• sa J".fhC' ~-
l'a«ord ;mglo-~lals de 1816, et le traité de 1920 donnant possibilité à Londres d•
CON1tniire un barTage au sud de la frontière, l'Inde débuta ses travaux d'irrigation d• la
Mahakali dè 1971 . En 1988, l'Inde achevait sur son territoire, à Tanakpur, la
canstruction d'un barrage. Le Népal obtenait alors, quatre ans plus tard, la
l'l!négoci•tion de l'accord afin d'obtenir en retour une foumiture d'électricité pluo
importante. En 1996, un traité indo-népalais incluant les barrages de Sarda et Tanakpur
et Je projet de Pancheshwar était signé. Mais les mao'lstcs népalais, opposés à cette
"'1tn>te qu'ils jugeaient trop favorable à New Delhi, déclenchèrent une guerre )oc.ale
La question n'est toujours pas réglée car Je Népal. sous pression des forces
nati~istrs et mao'lstes, peine à s'entendre avec l'Inde.
L "enjeu écologique
Alain Lamballe souligne la nécessité d'une coopération multinationale entre l'Inde,
le Bangladesh, le Népal et le Bhoutan, faute de catastrophes à venir :
"Un n,u;Ubrc doit itrr trou~ entre la totalr indépntdatrcc des É.lnls et une ~uwromtli
lerrltorialt! l"1rilh su,. le$ rcs!"Ource-s en t!au, entre Je5 prry~ nmont cl les pays aval . Le!> petits f>'l1J!
,.,,,ctmtTmt dl gnmdes dif!icultC!< po11r fain: 1'•~1dre t"1I com11te par l'Inde /11 sntisfacho11 dt lnin
bauin..•. (. .. )La roop.;rahon s'i"'P""" de plus en plus pour éviter les catnslroplres icol0Riq11ts. u
déjorestllhDn ÎI gnmlk tchelle dans les rigions n1ontagncuses récluit ln capncrté de!> sols a rttmir
,...,,, de p/Mie. U. "'4immtalion pnmO<fuéc par ln défareslntion pose en particulier d 'rnomra
problèmes 11u 81inglas1Lsh qui empi,-.,ronl si rien n 'es t fart. Les inondations, de plus en plus RTllVrS,
mpdrrront une immigration clandestine plu s massivl! vers l'Inde. Seule la coopération des PllYS
tn amont (Inde, Népal el Bitou tan) el leur corrcert11tion avec le Banglades/1 peuvent pmnmrt /JJ
réali.SRtian d'un ambitieux programme de rcl>oise1nenl . La survie du Bnngladcsl1 en dépend commt
tlle dq,cnd aussi de la protection contre le~ raz de marée . "1
1 Alain Lunbllllc.. L'e1u. IOUl1:0 de COIJOill m A1i~ du Sud, 1n u <iucncs momhulci. el co11n1t1 cv111cm(l0rnin1 "· n° 19S, 100J
Chnpltre 5. L.i gul'rrc dl' l'eau 651
Ht'>rodolc
Pour cette section consacrée aux conflits autour des eaux du Nil, nous renvoyons
au prt'>alable à la lecture de la section "Géopolitique des cataractr9" - dall!I "La fonction
géopolitique du fleuve" - qui est un rappel des étapes historiques de la conquête du
Nd par les Égyptiens, des pharaons à nos jours.
Nous suivons le cours du fleuve 1 , en partant de ses sources, pour comprendre le
rivalit«!s qui opposent les différents pays riverains.
Système généti<fUC du Nil, Nil blanc, Nil bleu, Nil, pays riverains
Le Nil est la rencontre du Nil blanc originaire des Grands Lacs d'Afrique centrale et
du Nil bleu formé en Éthiopie.
La source du Nil blanc se trouve près du lac Kivu, entre le Rwanda et le Congo-
Z1Ire. Un réseau complexe court de la source du Nil jusqu'à la Kagera rivière qui se
jelte dans le lac Victoria ; le Nil Victoria ressort de ce lac et court vers le lac Albert;
parlant ensuite vers le Nord, le Nil Albert devient le Nil blanc.
On peut estimer que l'ensemble des sources du Nil blanc est issu du système
complexe des Grands Lacs2 - les rivières affluentes ainsi que les lacs eux-mêmes -
autour desquels gravitent six pays d'Afrique centrale : le Burundi, le Rwanda, le
Congo-Zaîre, la Tanzanie, le Kenya et l'Ouganda. Venu des Grands Lacs, le Nil blanc se
dirige vers le Nord ; il traverse l'Ouganda puis le Soudan.
A Khartoum, le Nil bleu venu d'Éthiopie converge avec le Nil blanc pour former le
Nil bientôt rejoint par un autre affluent éthiopien important: la rivil!Te Atbara.
Le Nil s'engage en Égypte au rùveau de la deuxième cataracte - nous renvoyons à
la section intitulée "Géopolitique des cataractes". Après Assouan - le débit d'arrivée
du Nil à Assouan est de 84 milliards de m3/an - où un grand barrage permet de
réguler les crues périodiques, le Nil s'encaisse dans des déserts et creuse une vallée
ferlile grâce au limon déposé lors de la crue d'été. La vallée du Nil est large de 10 à
25 km . Un delta, immense et formé de marécages, débute au niveau du Caire jusqu'à la
Méditerranée, au terme d'un périple de 6 671 km dont 3 000 km à travers le Sahara
- où il forrne la plus grande oasis du monde.
L'essentiel du débit du Nil, plus de 85 %, vient des montagnes éthiopiermes où se
forment le Nil bleu et l'Atbara.
On imagine donc logiquement que le contentieux entre les États en aval de l'Égypte
el du Soudan se fait essentiellement avec l'État-amont éthiopien plutôt qu'avec les États
en amont d'Afrique noire - Nil blanc. Cependant, les pompages sur le Nil blanc sont
aussi un motif d'inquiétude de Khartoum et du Caire.
1 .. I.e rlm Ion~ lh:uvc tl11 m11mk dmin l! 'i llr 'C<i t'lh71 km un mm~1 ~ h11,.., in J7U 000 lmt= - . panaat dt~ ioCplc eu~
1fllf P"Y" llu ~ ml 1111 nunJ. il tra\ Cr!>'' s 111.: n · ,.:o.1\ "·m t· n1 1n11' J:mml,. d l•rnamc ' c hm11t1qult'~ Io zonC' cquatorialc: en Atnque oric:ntak.
'1 111nc irorm:nlc •Wl'\.' !<o il d11uhl c \ "IUllmlc lmmult• ri s~· hc "°' le dt~Jt ~h.1ricn lti\'UU de ~ Jeter dalt. la Mtd\tcnaDèC'."". io
ï . M U TIN , / . '••1t111/mn /1• m r1nd1· 11101/lc·. Pnn .-.. Elhro;'-' !<o , ::!IKM.l, 11 41-·17 .
~ A. . IJUl.AIT, t· T l Il 1AI . /.,. .\lm·,·" -0,.ù 111 d /',·,w , n1ppur1 du l 'entre Jr: R i! flcAlOn C'l d'Êrude "w l..:s prob~
n1cmati111U&ll), , S~nol. Juin 2000, p. 1~- -'.:!
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__ ,.llÉ~UBLIQUE ------,,
DÉMOCRATIQUE
DL: CONGO
'-. cataractes
c=.;m barrages
...... A canal de JongJci
..._. B canal de Touchka
• .. • marais 96 . Le bassin du Nil
659
Le bassin du Nil concerne les 100 millions d 'habitants des pays d'Afrique des
Grands Lacs, du Soudan, de l'Éthiopie, et de l'Égypte et s'étend sur 3 millions de km2,
soit 1/10'' de la surface de l'Afrique où les enjeux autour de l'eau sont considérablesl.
1 G .A LEBOS . "La va llée du Nil" in L t!.\ C"l1i11r.'> d <· l'Orient. 1996, n° 44 : "La bataille de l'or bl eu", p. 85 - 10.S ; H. AYES.
"U vallée du Nil. un grand axe géop o litique '' in Mom/C' uruht• Ma>:/,,.C'h A-lachn•k, ocl. dCccmbrc 199 2. n" IJR .
2 A DULAIT. F . THUAL. Le Aluy1'11-0rit'11t <'f l't:uu. rapport du Ccn1rc de RCncx1on et d'I:tuüc s ur les pro bl è-mcs
1nt~-mat1onaux .
Sénat, Jum 2000, p . 2 J.
3 !dl!m. p. 17-20.
4 A. CHAUPRADE. f . THUAL, D1àimmail't: "'' géupuliriqtte, 2.: éd .. Pads. Ellipses, 1999 : artich:s "Ë1hiopic:''. "Egypte"_
s'est faite sur la hase d'un .1ccnrd entre Tel-Aviv et Addis-Abeba autorisanl
l'immigration des populations foladMs - populations d'Éthiopie considérée• comme
Juives - en lsral'l en •'change de l'aide isrdélicnnc pour la construction de barrage. •ur
lt! Nt1 bleu et Sl."S .ltfluents.
Le Caire et Add1s-Al~b" .1ppment leur position respective sur deux mterprétallnns
du droit international 'lui s'opposent : pour Le Caire, le Nil est un neuve international,
••U il est oavignble sur de larges portions de son territoire national; le droit
intemallon.il n..'t:'ontnlanderait donc une gestion conce rté e des ressources en amont
l 'Ethiopie au contraire, considérant que le Nil n'est pas un fleuve navigable car il ne
l'est pas sur une très large portion de son cours - et notamment le Nil bleu en
Éthiopie - s'estime en droit de procéder aux aménagements qu'elle estime d'intér~t
national.
Refusant l'idee de gestion commune, l'Éthiopie a dénoncé l'accord de 1959 sur le
partage des eaux du Nil, entre le Soudan et l'Égypte• .
Ce n'est pas toujours dans une rivalité entre un État amont et un État-aval que <e
noue le contentieux géopolitique autour de l'eau . En effet, nombreux sont les fleuves
contigus - internationaux ou non - qui font office de frontière entre deux États. La
volonté de contrôle de l'eau peut alors déboucher sur un conflit frontalierl .
1 E.a 1916, Ja&:ql.IC'S Anccl â0Ul1~1 1'1mporunc.: ûu flcuvc-frun1 1i:rc Jans. les ..:onl111s J'ArnCrique li1l1nc : - 1.c!\ flcu\·n M>08dea
~dit pnptwds ln11~ Sur IC'U15 riYC$. dans l'Amérique Ju Sud. la bntallh: CSI t:nl.li!nm-1uc Les frontière!\ J 'f:tn.1s rcrroJuiind
ln liautn admmiltnllYn dC"S VKe-ruyautês npagnolc-s , Nuuvclh:-Gn:nJ.dc. l'.!ro u . lu J•lulU . Cc!I J1., i§mn!I d111cn1 J 'un 1cmrs uu J'C'fl
1e pMaJt ck cartes pn!cis.cs. Les ncu ... cs cux -mêm.:s sont mMublcs . le cuurs cn vunc. s cion les ~u1s1 1ns . les wmièn; . n ·oo ces
COOLc:StatiŒJj (nmlahc:n=s, dunl l'rnumtra11on est mstnu.:ti ••t: : Ar~cntîn c- lhC s 1l . IH 1>1 ; Culomh1c-VCnt:;ru~fo. IJC9.\ lkihH"'
Pan,gu.)·. IM9S : \'C'DC'zucla-Guyarlc' Ulgb.LSC , IK'il7 . Br~s1l-( i uy unc lrarn;;u sc, IH. 1}11 . Buh v ic · P~nm ·llnh·Ar1ic111mc , IYO~ , Hri'lll·
&linc. 1903 ; 8rU1J.(juymw &nj:l..l.e. IY04, Uoh,,.1c-l•trou , l'J04J . ,_.-4uatcur-Pému. 1924 , Bré~il-J urnMu11 y,
1
19~7 . Uoh\K·
Pwa&uay, 19)2 ; Boli"·1c- ..Crou d C.'olombic-Ptrou. llJB L'É4u.1tcur cl le P é rou se d1srrn1cnl lu li1c.tnc du Mun.mon lUf'ltnNI.
l'A.mal.oDc', apft de muJ11pln. prUWt:ola -- 1 KJ0-19 l(J . . 4u1 ne flUr"'o' lnFClll r as 1\ lhcr hl llHllC de rrulagc c.h:1' C'lllUo Le l'&rqlU) c1
rArvœWw te qurrellcnl wr ln coun du Pilconwyu . afTI~nl du Puruguuy ; les 1r11irés 1H7<1· I K7K ne mcnli1Mmcn1 qiK k
P1k4.ml8yu. qui • &kw. br.mcho. Yns s"'cifia 1.Aqucllc La Ouyum: frJm;uisc cl le Hr61l rurcnl vugucmcnt Jtluni1H 41..1 1r.i11c
Chapll"' 5. U. gu.,rre de l'eau
d'\Jtttchl de 1713. Les alluvions de t'Amnzonc, Ill violence du nux Rndcnt a.~ Uuabk. ks cmboudturcs dam...- les 1111
~ Cl les lacs inti!ricur.l mobile~ . Dan!< son 1n~moirc de 1899, l'c~pcn fnmçm~ Vidal de a. Blllcbc. dl!:moalra qw .. TmSe
Vîncml-Pinron' du trnilt! avoil ~I~ o hl&tn1ée rar cc trav11.il d 'ancniucmcTll. Cependant la décWoa arl>ttnJc du C~1 Rd&!nl millie
fiu 11 fruntit:re d l'Oyapuk. é. 350 km uu Nunl . Une smuliluJc de num.. llf'PUfft RU Jcs ~ mctenDCS et amprêcm:s. !G"Yit. de
bae à l'artiitroicc de 1900 '', in J ANCE L. GétJ/t.t1/11iqm·. Pari!>, Odq:n1,c. l~.\f\, r . 7~-7t>
1 24 1.Klobrc h\4H .
2 Tr9ili! de Vic:nnc du 9 jum 1R1 S
3 P. VIDAL DE LA ULACllE , L. G1\LLOIS d tr-. U .."t1>:1UJ•h11· u11n ...·r'.'dk, Puu. Arm&Dd Colia.. 1027-lliUS P CAMtiNA
D'ALMEJOA. 1. V : Ê'"'-.: oh• Io H'1ltiqu1·. Rw s1c. IQ.\:?
<I Jtkm. J . SION , t JX• · .·h l.- Jr:' i\h•N.umu C hute. J.ip.,11. l~lS .
J "La Chan cl Arah n!9ultc do ln conflucncr du Till.ri:= n de rE_.,...,et<'OU\r sur 2~~ lr:m l uawn•~dlta ~~
Aputir d\m poinl stlu~ D. une dtzame ùc kilum~lt'C,. :au ruud air ~. li tier1 de- supp.111 à .. ~ _. YnC" ccmaiDe dl:
Entre 1658 et 1913, les Ottomans ne parviennent pas à s'entendre avec la Pel"S<' à cc
prof><>$. En 1913 toutefois, un accord est signé qui donne avantage à l'Irak quant i'I IJ
fixation de la frontière : on n'utilise pas la technique du talweg, mais celle des bas5e9
eaux du ro~ persan. L'Irak obtient alors le contrôle de la navigation. En juillet 1937,
l'Irak progresse encore : la frontière est repoussée au terme d'un "pacte d 'amitié" à la
rive iraniennel . L'Irak dispose alors de la voie d'eau et peut percevoir des redevances
sur la navigation. En 1959, le Shah d'Iran rejette unilatéralement le traité de 1937 et
demandl' un nouvel accord conforme au principe comn1un du droit international, la
détennination de la frontière par la méthode du tnlweg2.
Au début des années 1970, des troubles dans le Kurdistan irakien gênent le pouvoir
de Bagdad. L'Iran saisit l'occasion pour occuper trois îlots du détroit d'Ormuz et oblige
l'Irak à signer en position de faiblesse les accords d ' Alger, le 6 mars 1975. L'Irak accepte
la délimitation par le tnltt>eg et perd les ilots d'Orrnuz.
En 1979, la Révolution islamique en Iran contribue à dégrader sérieusement les
relations des deux pays. Dès 1980, l'armée irakienne se lance à la reconquête des ilots
d 'Onnuz et du Cl\att el Arab.
La guerre Iran-Irak dure quatre ans et cause des pertes énormes de part et d'autres
- 1,5 million de mort pour chaque pays3 . Nous avons pu souligner, dans la première
partie de l'ouvrage, que cette guerre sortait du cadre clas sique de la Guerre froide; elle
exprime en premier lieu la rivalité ancestrale de deux peuples qui s 'opposèrent
toujours ; le Chatt el Arab étant un élément, parmi d'autres de la rivalité irak~
iranienne; la question de la déstabilisation de l'Irak par le chiisme et de sa
contamination par la Révolution islamique - plus de la moitié de la population
irakienne est chiite - pesèrent au moins autant dans la balance que le Chatt el Arab
lul-mème-'; de même l'Irak souhaitait récupérer la province arabe du Khouzistan
conquise par les Perses.
À l'issue du conflit, les armées doivent se retirer sur une frontière
internationalement reconnue. La résolution 598 du Conseil de Sécurité des Nations
unies détermine un partage équitable des eaux du Chatt-el A.rab. Aucun des deux États
ne doit chercher à prendre le contrôle stratégique du fleuve .
L'Irak n'a donc guère eu plus de chance dans la question du Chatt el Arab que dans
celle du débit des eaux du Tigre et de !'Euphrate sérieusement diminués par les
politiques turque et syrienne.
Carte 74 : Irak : situation des populations, densités, zones d'exclusion
k:ilomèln:s. Sa iargcur tnOyCDnC' C'5t de SOO m. :iu dn>il de Buroh.". ln M . FOUCHER , Frmru e l fnmtJère.f . un '°'" Ju ...,,.,t
"'-'"-· r ed.. ....... fayard, 1994. p. lS9
1 /dnlt. p. )60. pour rhistoriqu.c complet du pn::abl~e du Chan el Arnb
2 J . SJRON'NEA U. t·~uu. nnuwl l!nJeu Jtrot~g1que mon.Jiu/. P 11ris. Ec unomu:a . IQ96. coll " Poc he gcopol it1quc-'" . p ]~
3 D CHEV"1.LIER. A . MIQUEL dir.. Lc1 A,.ah.!:1 (du m enuJlt' u l'hi w uir d. Pa.ri s. Fay nnl, 1'>95 . p 5 H ~S3 1 )
4 Il nr: Cau1 ccpcndanl pas pcnstt que le C hAn el Ar.ab ~I la c:0&us c un1qu~ Ju co nl111 . les conh:nt1eu.~ sont muhiph:s . ·A~
~ bypoe:bë::M: Knll ne RtCDU' que da l'actcun ...·alablcs  une ~ uh: êc:hdlc C et Ckmcnr cs1 h icn rirëscnl J.3.ru. la J«w,Jn &
~ l91JO. ftllUJ I• ~cndîc:a1 ion lCTritorialc fut :ibandonnëe :irrc::!I m a t 1QM:! lor"Jquc le!! lmrucn! cunm1 ~pns AbaJ.atd
K.hofnm:lbahr et ~YT"ê lrtU trrntmn:. 11 C"lill eg.nlcmcnl éUlbli que les t11rigca nts 1.k ~11gtfall sauh11îtoien1 Ch>uITcr f.bns l'i%Uf imt
rtvo!Ul&OD p>litJco-ttlÎISJeu5e qui aunut pu srf'fir de mudé- lc auJl l.: hHla 1rak1cns muJunlom~ ~ · ', IJL·m . p . )61 U cncon:: Jmi Io
c-..es ~ cetcr ~noua aurorw 10in de combinc-r plusieurs f11c1cuB . le litige frun t111i.:r oaulour Ju neuve c1 le ..:h1ttnw llllftl rJNi
~; il& Dt IODI S-- les scul.5.
Chopilre 5. L'1 guerr<' d" 1·.,au
Le "facteur eau" occupe une situation curieuse dans les analy5e!I ayant trait au
conflit entre lsral:!I et les États arabes voisins. Soit que ces analyses aient complètement
occulté ou minoré son rôle, surestimant l'aspect idéologique du conflit - sionisme
contre arabisme - ; soit au contraire que les analyses aient fait de l'eau le principal,
voire même l'unique, déterminant des frontières d'lsrat'L
D'un côté se trouvent ceux qui affirment que la logique de construction d'Israi!J
obéit au réve théologique et idéologique d'Eretz lsraél, lequel contient ses propres
projections frontalières; de l'autre, et comme dans un dialogue de sourds, sont ceux
qui soutiennent qu'lsrat'I n'avance que pour prendre de l'eau. En somme, à l'idéologie
pure s'oppose une sorte de mono-déterminisme géopolitique.
À ces deux lectures monistes nous opposons ici une autre interprétation de la
construction d'lsrat'l et de son rapport à l'eau, à partir de quelques évidences logiques.
D'abord, qu'est-ce que le sionisme sinon une expérience de construction étatique à
partir d'un processus continu de colonisation de peuplement?
Ensuite, se pourrait-il qu'un peuplement s'établisse sans disposer de ressources
suffisantes en eau ?
Le sionisme 1 est une soif de territoire et de démographie, un projet d'expansion
démographique épousant un grandisme territoriaJ2_ L'eau répond à cette soif.
11 n'est donc pas étonnant qu'à une stratégie d'expansion b!rritoriale et
démographique corresponde une stratégie de l'eau. Israël a besoin de gagner de l'eau,
parce qu'il veut gagner des territoires et des hommes. Cela n'est donc pas pan:e
qu'lsral!I manque d'eau qu'il a une logique de conquête territoriale et qu'il repousse ses
frontières, mais, tout au contraire, c'est parce qu'lsraél est, en lui-même, une logique de
conquête, qu'il a toujours soif de davantage d'eau. Cette dynamique ne peut ètre
qu'aggravée par la perception qu'ont les Arabes d'Israël car c'est aUS5i parce qu'lsraêl
est une logique de conquête, que ses voisins arabes ne l'acceptent pas; et parce que les
Arabes refusent lsral!I. lsral:!l ne peut accepter de voir son alimentation en eaa
dépendre du bon vouloir de ses voisins ; les Israéliens trouvent alors davantage de
raison à mener ce que l'on pourrait appeler une hydropolitique hégémonique; c'est-à-
dire une volonté de gagner toute l'eau, de conquérir les sources, la plupart desquelles
se trouvent, comme nous le verrons, en dehors du territoire donné par le plan de
partage de 19473.
Pour aller plus loin dans l'analyse du rapport entre le sionisme et l'eau. posons
nous la question suivante - en mathématiques. ce type de raisonnement par l'absurde
permet d'aboutir à des résultats féconds - : et si l'État d'lsra!'I de 1948 avait disposé de
ressources en eau abondantes lui permettant d'augmenter fortement sa population
dans les frontières que le plan de partage lui avait données? Imaginons un instant que
les Arabes aient été moins riches en eau. dès le départ, que les Juifs. Alors les Israéliens
n'auraient pu invoquer l'argument sécuritaire appliqué à l'eau pour justifier leurs
conquêtes territoriales - ils auraient dù se contenter de l'argument stratégique :
1Voir1~ ongm..:' Jo s 1001sn'I<: H LAl ; RESS , L.· rrtvur' J.:_,,. ...,ilot.~ tl.M -~·p.Jwl1J Pi.li~1~Jr f&Wti /_f19:'J. ,..._Robert
l..affont. 1998. p 51-Hl
2 Y_ LACOSTE i.lir, Oi..iuum.z1r.: cl.: t.:if'f""luiqw. Pans, Fl11nunmion. \lN_\ U'bc'ic!. "bnill'", ~ l.lni!f'" (fDinmliaa
lftT11on3le1
l p _ LEMARC11.-\NO l. K ·\l>L 1.. m."' l - P.1Jn1irr..· 41/u..,. rrr.upor,:o.f.. 9,na.,ciks. Comple:u. IQ46. F· 1. la C.-.r du plm dt
PArtu1e pmpôSê pnr 1'0 N l ' . li . L...\l iRENS. L.· n.·11111r ,J.:.., .-.ulc.;., i l.1 i11tk· pwa- J.J Przl61aec.Jr UCô~ll /"971.. '-ns. ..,,._. L..aa8l.
1998. p. t.J()...M5
l'attaque comme défense - ; el l'e;iu n'aurait pu fonctionner comme un facteur
légitimant du sionisme, au moins auprès des diplomaties occidentales. Dans ces
conditions, lsra!!l serait-il parvenu à habiller avec la même efficacité sa volontl!
d'expansion territoriale et démographique par une doctrine de sécurité - attaque
pré111!1'llive. L"'Onlrôle de l'eau pour la sécurité vitale d'lsrat!l ? Le sionisme aurait-il
avancé avec autant d'efficacité vers ses buts propres? Nous n'avons évidemment pas
de réponse à ces questions. Nous pensons en premier lieu que la légitimité première de
l'État d'lsral!l aux yeux des diplomaties occidentales est la catastrophe de !'Holocauste
durant la Seconde Guerre mondialel. En même temps, l'importance de l'eau dans les
négociations de paix proche-orientales est devenue telle, qu'elle semble jouer au
bénéfice d'lsra!!l un rôle d'une sorte de verrou de sécurité posé sur les acquisitions
territoriales israéliennes depuis 1949.
Aussi n'est-il sans doute pas déraisonnable de se poser la question suivante : le
manque d'eau d'lsral!l en 1948 n'a-t-il pas été l'une des grandes chances du sionisme?
Car après tout. l'État le plus faible de la région, le Liban, n'est-il pas aussi le plus riche
en eau?
Afin de comprendre le rôle précis que tient l'eau dans le conflit régional autour de
la question de l'État d'lsral!l, nous adoptons une démarche systémique.
Le système étudié est celui des ressources en eau de la région. À partir de cc
système nous examinons les conflits existants entre les États et tout particulièrement le
rapport entre la dynamique sioniste et la quête de l'eau ; nous traitons
successivement du système des ressources en eau et de leur distribution entre les
États; des conquêtes sionistes et des conquêtes de l'eau ; de la logique de construction
d'un État palestinien par rapport à l'eau.
1 •.[)b la fla de la Seconde G~ mondiale. le dossier p11h..~hnicn n:vicnl ou premier r.ang de l'm:luohli. l..il dtcuu,·cnc du
Poc:idejuîrcRc un vutc scnumcnt de culpab11ilé dans l'upmiun pubhquc mond1ulc: Cc scnlimcnl s'c1ttc!Tiorisc peu dans lcsJibW
Ulié:ncuft del pnncîpaux P8Y! coneemés où l'on p~R-rc meure en a.vont I~ sa1.:..-ificcs des ~!ili.lanl!i de 1our onJ~ . En re\W1che, 1&DC
sa1C de u.nsrc:n s'opèn: et les rtpan.llons à accordC'I' aux vicumcs de l'holocuustc, ami surv1v11nt.1 avan1 toul., pusent pu le" htn
accêa i Ja PalcsUoc. Cette pRoccupa1ion est amrmtc cummc ëutnt d'ordre humanitafrc sans que l'on rn:nnc en hgnc Je complt' la
cam6qa.c:ncct polniqucs d'un tel chun1.'", Idem , p. 60S . U Laurens cite, à l'oppu1 Je sn thèse, plus ieurs documents J1plomat1quca..
dont la lcttn" du prêlidcn1 Truman adressée le ) 1 ao6t 1945 au rrcm1cr mmistre de GrJ111..lc- Brctugnc. dcmnmlant !\cc dcm1cr de
(a,'OriK'I" l'imiption mus1vc dc:J Juirs d'Europe vers la f'alC'!lllinc ~ extraits · "Sur Io hase de ces renseignement~ cl d'•11ttt1 qui rrw:
&ont pan'e'Dll9 , je suU d'accord pour pensc:r qu'il n'cxi1tc pH d'i&utn: queslion au.-.."il impor1antc. pnur ceux qui ont connu les honcun
da cmnp1 de concentration pend.Ani plus de dill ans, que 1'11vcnir des p<Hsih1lité~ d'immi~rutiun en Paleshne . f ... ) Comme Je \\JUS
l'ai dit 6 Poudam. Je peuple amtm:am, dans wn ensemble. cru11 fonncnu:nt c.iuc l'immil'ntion en Polcslinc ne dcYn1l ~ M
tnlcrlœJpuc et qu'un nombft n1M1nnablc de Ju1f1 pcrsCculb IJ'Europc dcvrnicnt, conformément (\ h:urs vœux, ~ln: au1orisél a''
Rimt.al1C1' Je uls que vuus ttes d'accord i;ur l'1dtç que l'nvcnir de lu poix en Europe dépcm.Jm . dan!ii une l11r9c mesutt, du nui qur
noua aurons lroUv~ des solu11ona aaincs •u111 prublèmn c.unccmant les y;roupct> de pcr.mnncs dCflontes et .n1focumnen1
~. -.lbid. ,p.601 .
2 X . de PIJ\NHOL, La Nutimu Ju Prophi!ll!. Mu11uf!I grlo11ruphiq114! de.• poliflq"'' 11111.mlnumt!. f'oris, Fnyanl , 19113, p 2U.
Qlapilno 5. Lo gu...n de r ..au
Litani et le Jourdain fournissent ensemble près de 12 fois moins d'eau que le Tigre et
!'Euphrate n'en apportent ensemble à la cuvette mésopotamienne.
Nous devons donc garder à l'esprit que les enjeux en volume d'eau dans le système
Palestine mandataire-Syrie-Liban-Jordanie sont très faibles au regard de ceux entre
l'Irak, la Syrie et la Turquie, ou ceux de la vallée du Nil.
Or le niveau de conflictualité est au moins aussi élevé dan5 le premier système que
dans les deux autres, voire même plus élevé. Ceci montre bien que c'est la quantité
d'eau relative aux besoins des uns et des autres, et non la quantité absolue qui
détermine l'intensité de la rivalité.
Nous étudions la distribution des ressources par rapport aux territoires de la
Palestine historique - Palestine mandataire - et de ses divisions originelles - âat
juif et État arabe créés par le plan de partage de l'O.N.U. de 1947 - , de la Syrie et du
Liban dans leurs frontières reconnues par le droit international.
Ce système régional des ressources peut être découpé en plll!lieurs som-sy5tànl!s
plus ou moins indépendants du point de vue de leur alimentation en eau ;
- les fleuves du Liban qui courent vers la Syrie ;
- un fleuve libanais important qui ne court qu'au Liban;
- le bassin du Jourdain - affluents, Jourdain lui-même et lac de Tibériade - ;
- les nappes aquifères de Gsjordanie et Gaza.
1 J KOLARS. "Les rn.sourccs en eau Ju Liban"'. R~Vtt' .\~~,,._ ,\lac-llrd.:. Puti. U ~ ~ oct.4ic. am.
n•nti. p. 11-2s .
2 Remarque · 1 hml= 1 m1lhon de m l .
l La si1ua11on s'cs1 lcnd\le' en raisun du projet syrien drc- cocuauire 1.&11 bNfttt SW' le :o\6i.o et un ~ 6 ~ - pNI. dt
Hama - sur l'Oronle. li csl pf'6Yu de prêlcvcr ju...;qu'à l)U tunJ du Afrin m Syrie pour l"ilriplioo.. Lcsl70 bmf 1a91111qui-.:raa1
m T""luic pown1enl 9C n!v~lcr in.sutlisants pour ha pupul&ll.un d" Al~ el*• rqpaa_ "*-.
4 G .A. LEBBOS. '"Le L1lAm au co:ur du conflit i:in!él~"' in La ~ • I~ llJ96.. a'"'44 : ,_.. ~ • rc.
bleu", p . J 1-16.
Partir 4 . LA quètc 1/c."?O rr~so11n:'t's unr. n11r!flt11rlr d~ l'lri!llo,,,
Le bassin du Jourdain
Le Jourdain! s'écoule sur 360 km du Nord au Sud et se jette dans la mer Morte . il
naît de la confluence du Hasbani, qui prend sa source au Liban, du Banias qui prend'sa
source en Syrie, et du Dan2 totalement israélien.
- La rivière Hasbani qui prend naissance dans le mont Hermon au Liban court sur
Je sud du territoire du Liban - une partie importante du cours est inclue sur la zone
de sécurité établie par lsrat!l sur le sud du territoire libanais jusqu'en juin 2000 _ ; elle
apporte environ 140 millions de m 3 /an de débit au Jourdain.
- Le Banias dont les sources sont alimentées également par le mont Hermon court
sur Je Golan, en Syrie; il déverse 120 millions de m 3 /an. Le contrôle du Golan permet
de contrôler le!! sources du Banias3 .
_Le Dan coule entièrement dans les frontières d'lsrat!I et apporte 245 millions de
m3 /an au Jourdain.
. Ces trois branches en confluant, forment le Jourdain qui alimente le lac de
Tibériade ; celui-ci sert de réservoir naturel pour les hautes eaux du Jourdain . Son
~ 8 . d'AJlMAIU.Ê , '"'Le bauin du JounJaic"' in StrafjKll/U(', 199H, n"70· 71, p. 14S - 1'7J .
2 "1.a tribu de Dm. cU'MfuiCfnc detl douze rH• de Jacob, s'N11 . 8J1f~!I m•inlu trihulalinn!I, tnlUGJltc prb dc11 JIOUn;.cs du Jmuda1n
c:1 •vait nbmp.iK O... I• VJllc de l..ak:h .. , ldt!m , p 148.
) J. KOLARS. •La ~ m eau du LitNln'.. 1n R (! v11e M111(hr1.•h · MfK'hrelc, Paris. 1-n documcnu111on fnnç111se, oc1 -Jk
l!:VJ2, n• JJI
(ll.opllre 5 . l..."l gucrrl! de l'eau
équilibre est frngile, menacé par la sécheresse et les eaux salées depuis de nombreu!les
années.
- A 10 km en aval du lac Tibériade, où s'accumulent l'essentiel des eaux du fleu"e.
Je Jourdain est rejoint par son principal affluent, le Yannouk, qui prend sa source en
Syrie, et déverse 450 millions de m 3 d'eau .
- Ensuite, environ 275 millions de m3 restant viennent de divers cours, surtout dt
l'Est, et alimentent encore le débit du Jourdain.
- Le débit du fleuve Jourdain à l'arrivée dans la mer Morte est de 1,3 milliards de m3
mer Méditerranée
ISRAËL
suc.ci•
m
jusqu'en JUÎn 2000 lllndofl
Golan. conquis en juin 1967
cl unnc1u~ rmT 1srai.H en t QI' l
~ zonr- dfmiliUUi'6: en Ju:ilfd 19'9
fronhtn= dr J9.2~
0 <:olomcs 1sruéhcnnc~
fermes de Shnlln.
bande i.Jes dix mtt..cs
(nvcs du lac de Tibfti.i.:)
La question des liens hydrologiques entre le Litani el l'alimentation dcH sources <lu
Jourdain est discrère mais né.inmoins import,mte
Pour le Dnn - qui couic sur le territoire d'lsratH de 1948 - comme pour le
Hnsbani, la presque totnlit6 des eaux sortent de sourcl's abondantes :
- la source de Dnn pour le Dan; elle est située en lsral!l ;
- les deux sources de Wazani et de Hasbayn situées sur Il' territoire du Liban ...
L'origine de l'alimentation dl' ces sources pose problème. Leur débit est en effet
bien plus important que ne le justificmt l'étendue de le ur bassin versant et les précipita-
tions qu'on y relève . La source du Dan reçoit pratiquement toute son eau de l'extérieur
de son propre bassin sans qu'on en ait identifié l'origine; il en est de même pour les
sources du Hasbani - Wazani et H.1sbayn - pour près de 90 'X, de leur débit.
n faut sans doute chercher l'explication sous la vallée du Litani où se situeraient les
réservoirs naturels des sources du Hasbani et du Dan, eux-mêmes alimenté!O par l'eau
du Litnni 1 ; on a en effet constaté que 100 hm 3 /an disparaissent du cours inférieur du
Litani - Qasmiyeh - sans que l'on puisse l'expliquer par les préli'vemcnts ou
l'irrigation; cette quantité correspond au débit inexpliqué des sources de Wazani et
Hasbaya .
Autrement dit, il existerait un lien entre le débit du Litani et les sources Nord du
Jourdain . Cette réalité géologique a des conséquences hydropolitiques : la manière
dont le Liban gère les eaux du Lltani n 'est pas sans répercussion sur le bassin du
Jourdain. Un prélèvement trop élevé du Litani peut conduire à tarir irréversiblement
les sources nord du Jourdain.
1 '"°"·.,.
23-2-4 .
O..pilre 5. lA gu..rre d" l'eau
• l/119uiflu1 mnnlt1-n~ux
1 H.I. SHUVAL. ""Le rrohll-mc llu partaac de l'eau en~ l~I et ksPalaliaicm. À lanx::lteldlt.r..c ................•il
Alolttk AraM Muxhn-b .M u ..·hra.·k . Pans. La Duc.:umcnta1ton hnçaue.. ort.~ 1992- n•ua. p. ?9-.lü.
2 G . MUTIN. L ·.,·uu Jum h· "'°"'''". (JriJ~ . P~11. . Ellipses. :?000. p. 92·~
J H.I . SHUVAL. " Le problème ùu pa~c de l'e.wu mOT: bnlJ et la P'l.lesùniaD;", in ll'11W .~~...._La
0«-umœlatiOR rtanÇfUIC, OCl .•dti:. l99J, n•lJS.. p . 27•J7.
672
JORDANIE
barrag.c
barrage en proJcl
canal du Gho.-
NEGUEV
conduit nn11onal israélien
nappe de CisJonhmic
lign~ de partage dc.o;. eaux
sens de l'écoulement des eau" soulcrraines
nnppc du l111onl
fronu~rii::s in1crnat1onales
l Il . LAUkENS . L1~ n•/11ur jJ.•.\ ..._,i/,•_\. rla lur~ DfJt1r la P'11c.·.'l.l ittt.• J..· IS611J 111 J~1j, PMU. Rubcrl l.aihal.. 'Q9&.p.. SI~
674
adl't!99e en 1920 uni.' lettre au premier ministre anglais Lloyd George, dans laquelle il
affirme .
"le!; frontièl"l.'S du Foyer national juif ne sauraient être tracées exclusivement 9Ur la
base des limites historiques - c'est-à-dire bibliques - ; nos prétentions vers le Nord
sont imp;!rativement décidées par les nécessités de la vie économique moderne'; il
ajoute : 'Tout l'avenir de la Palestine dépend de son approvisionnement en eau pour
l'lrrigalion et la production d'électricité ; l'alimentation en eau doit provenir des pentes
du Mont Hermon, des sources du Jourdain et du fleuve Litani. Nous considérons qu'il
est essentiel que la frontière Nord de la Palestine englobe la vallée du Litani sur une
distance de 25 miles ainsi que sur les flancs Ouest et Sud du Mont Hermon." 1
Weizman suggère donc que les frontières de la Palestine soient détenninées à partir
de considérations hydrauliques. Il insiste sur l'importance considérable du Litani pour
la Palestine : "Même si la totalité du Jourdain et du Yarmouk se trouvaient inclus dans
la Palestine, il n'y aurait pas assez d'eau pour satisfaire nos besoins. L'irrigation de la
Haute Galilée et l'énergie nécessaire, fOt-ce à une activité industrielle rC91Teinte,
doivent provenir du Litani. Si la Palestine se trouvait coupée du Litani, du Haut
Jourdain et du Yarmouk, elle ne pourrait être indépendante au plan économique." Ces
volontés sont relayées partout dans le monde par le lobby sioniste2.
La conférence de San Remo de 192(}' donne aux Anglais mandat sur une Palestine
qui comprend les deux rives du Jourdain; les Français ont abandonné leur idée
d'internationaliser la Palestine et cédé Mossoul aux Anglais; ils cèdent aussi sur le
terrain de l'eau aux Anglais: la convention franco-anglaise du 23 décembre 1920,
rétroœde à la Palestine une grande poche englobant toute la région du lac Houleh,
avec Metallah et Safed, en laissant Banias et Kuneitra à la Syrie. La France garde les
vallées du Yannouk et du Litani, avec le Safa, mais abandonne Irbid . Les sionistes sont
cependant déçus des accords franco-anglais : la Palestine n'a pas obtenu le Litani, ni le
contrôle des sources du Jourdain.
Le mémorandum Churchill de 1922 exclut la Transjordanie du champ d'application
de la déclaration Balfour. Les sionistes considèrent cette mesure comme intolérable
mais se rangent cependant progressivement à l'idée d'une Palestine mandataire
comprise entre la Méditerranée et le Jourdain4.
Les puissances mandataires sont soucieuses d'une gestion transfrontalière de l'eau ;
en 1926, la France et l'Angleterre passent un accord de bon voisinage : les populations
frontalières syriennes peuvent utiliser les eaux du Jourdain, de ses affluents et du lac
de Tibériade situés du côté palestinien. Les frontaliers passent librement la frontière ; la
gestion de l'eau s'efforce d'être transfrontalière, au service des différentes
communautés.
Pendant ce temps, dans les colonies juives en plein essor et chez les responsables
sionistes, c'est une autre vision qui prévaut : celle d'une captation complète des
1 Cili dm! G. MUUN. L '~au doru 1~ mamk aroh~. Puis. Ellipses. 2000 "lnCgnl f'llll1ugc dJms le bassi n du Jourt11m•. p. 11 ·
19.
l: En 1922. rkrinin juif •mklc.-in HorH MIRCALINE. çonclu1 duns un livre Ju<lu1sni 11ni..I the mtcm oliunol poli11c1, pubhé A
Londra ca 1922, "'the palnlinian ecanomy. the numbcr of people 1ha1 couhJ hc os!'limilnrc<.I ant.I the cnuntry'!I cul1ural !'IU1nd1n9 aod
tcllOll&I ordcr lhould dcpmd on thcU" production copabihllc". wh1ch 111 11~ lum , • ~ tlcpcm.I on dcclricol power ln rolcstinc. thc prc:wn1
lt8f1t of .t.tonic contrai on powCT 11 nul limita:I tu water Wa1cr u• drrcctly relutcd 10 border 1s-.ucs in gcm:ml nnt.1 1hc Nor1hcm harder
ta pmnîc-ular The flllWT: oflhc Paln11m1n s11tc m iu cn1î1y lie~ m the band s nf lhc Jcwi:oi.h stnle wJuch cnn1mllll lhc Li1ani . Yumoul
..s me otbeT rivert.•
) J.8 . DUR.OSELLE. llJ1toire t.liplom11tiquc dC' 19111 à nrna jours. l lc td .. f•arilll, f>ollo:I' , l'Jl.I.' . p '.\6 , Il . l-/\URENS. U "'""
de• r1.llb (Lu lti11tr po11r la Pulr.tlin~ Jr /116Yâ /fJ9 7J, Puns. Robert Laffuni , l 'W k , p 2H2 · 2H7 .
4 H. LAUR.ENS, l 'Orlrnr tn'ulw. urahl.fme rf i,t lomluru• J,. /79H ti /'J4 .~ . Pnns. /\nnnnd Culin. 199,1, coll. '"U. JliSIOI"
....-.paniDc", p. 217-2J6.
Qioptir. 5. L4 guerrc> de l'eflu
ressources en eau vers les but11 11ionl11tes. Plu11leul'll oblectifll se dépgent dt!ll plana
d'utilisation des ressources en eau qui 11ont proposés dan!I les annfe9192D 1 1940 per
des sionistes et par des experts am~icains qui leur llOl\t BOuvent proche~ le Litant
rette un but, à côté de l'utilisation de l'eau du bae!lln du Jourdain; le lnlnaport de reau
vers le Sud - Néguev - et entre la Méditerranée et la mer Morte est ll1J99i envise?-
Nt le plan Mavromatls de 1922, ni le rapport Henriques de 1928 ne 11'i11ti!Teuent .t
une meilleure utilisation des res!IOurces en eau pour les communautés exisrana; ils ee
consacrent au projet d'expansion démographique du Foyer natùmlll juif. · Ain1t
l'hydrologiste américain Walter Lowderrnllk propose-t-11 en 1944 la crfatton d'ilne
fordnn Vnllf!)I AutlrorihJ dans la perspective d'une Implantation juive de 4 milll11119 de
personnes - le plan comprend l'utilisation des eaux du Lltani, l'irrigation du d&ett du
N4!guev, la construction d'un tunnel Méditerranée/mer Morte, la production de phl9
d'l milliard de kWh/an d'électricitél .
Deux visions se heurtent :
- Les Anglais Imaginent un découpage territorial qui rend Interdépendants
Palestiniens et Juifs du point de vue de l'eau: le plan anglat!I de 19'3? propœe W1 État
fuif constitué de la Galilée et de la plaine côtière jU!lqu'au sud de Tel-Aviv et un état
arabe formé sur la réunion des monts de Judée et de Samarie, du d&ert du ~ l!t
de la Transjordanie. Quant à la région de Jérusalem, elle serait reliée à la mer par W1
corridor restant sous contrôle britannique.
Dans cette vision qui esquisse le plan de partage de 194?, il est happant de
constater deux choses: d'abord l'État juif proposé ne comprend pu le cœur Identitaire
d'Erelz: Isrnël, la Judée et la Samarie; ensuite il laisse la majeure partie de l'eau awc
Arabes.
Mais c'est un projet fixiste, de bonne entente entre deux communautés obligées par
la disposition même des territoires de gérer ensemble des ressources en eau, et· sans
doute aussi, de s'en remettre à l'arbitrage anglais.
- Pour les Israéliens au contraire, soutenus par des experts américains, il ne s'agit
nullement d 'un projet fixiste, mais clairement expansU, dftrlographlquemeirt.
territorialement et du point de vue de la maitrise progressive de J'e90un:es en eau de
la Palestine mandataire et du sud du Liban.
En 1947, l'O.N.U. propose un plan de partage : c'est la resolutian 181 du
29 novembre 1947: les colons juifs qui occupent alors 7 % des terres et reprfsentent
32 % de la population disposeraient dans le cadre d'un État juif, de 55 % du œrritoire
de la Palestine mandataire; le cours supérieur du Jourdain serait rompri!I di111!1 ce
territoire.
En même temps qu'il avantage territorialement les Juifs, le projet du plan de
partage choisit l'établissement juif en Galilée plutôt qu'en Judtt--Samarie, centre d'Errtz
lsrnël, et organise l'interdépendance entre l'État arabe, l'État juif, et la zoné
internationale de Jérusalem; aucun de ces trois territoires n'est en effet viable 5l'UI; à la
fois politiquement et économiquement ; par ailleurs les repartitions dftrlographiques
promettent des tensions à venir importantes2 .
1 U d'ARMAll.Lf:. "le bo...,sin tJu Jourdain" in Strur~~iqu t'. llJ9tc , n°70.. 71. p. l~l~l:H
2 Les chiffres en l'l47 wnt 1~ su1\·11n1~ : rour rl:tal ju1f. .&\ltl 000 Juifs ci 407 OOU ru.bc'5 : SJO'll' rÊau &rMe. 10000 Jui.11 e
72S 000 Arobes ; f'K'JUr Jl!ru!Uth:m, t OO 000 Juifs t't 1O~ 000 Arahts . On vuit dai~mml que 1.."CS J."rtlPCldioe ~t n.blia mivmt ~
vh1lon 1tatiqut . le~ ~inni!llC!'. n'c-nlendC'nt r"-"' \'111r Io mmlit Je la ropul111ion dt l'État juif non juitt : ils nnlwpnl rllwemmt dr:
m1vcner let iqullib~ et d'affinncr la !lur~1TU11ir 1ui,·r 11ur leur F:tal. Pl'ur Ben Gourion. lt m impcm.11* d'Poir dit è• juûet ftlr'I
qu'evtc 60 "'•Lit lu porulatiun juive; H LAURENS. Lf· Gron4' .lr'fl. Ori•nl °"'~., rivalllfb Wrr'fffll~ Pmk.. ~COÜA.
19'11. • · 73
U.S sionistes qui ne sont pas satisfaits du découpage et des ~uilibrrs
conununautaires résultant du plan de partage acceptent néanmoim1 celui-ci car leur
priorité est de disposer d'un État.
Les Palestiniens. S<'Us la direction du mufti de Jérusalem, sont abandonnés par le
Anglais à la Jordanie d'Abdallah. laquelle entend bien prendre le contrôle de l'Élal
arabe. Dans ces L'Onditions, la révolte palestinienne contre le plan de partage est lancee
dans l'hiver 1947. Elle provoque Wlt' réaction massive des sionistes qui déclt!nchent
une politique de terreur et de purification ethnique 1 en Palestine visant à faire fuir une
grande partie de la population palestinienne : les équilibres démographiques qui
avantageaient encore les Arabes en 1947 sont renversés en 1948. Le départ d~'S autorité
britanrùques et l'exode massif des Palestiniens signifient le triomphe des sionistes qui
proclament l'État d'Israi!l Je 14 mai 1948, la veille du retrait des Anglais de la Palestine
mandataire prévu par le plan de partage le 15.
La proclamation de l'État juif la veille de la date donnée par le plan de partage esl
lourde de signification: les sionistes entendent ainsi montrer que l'État juif n'est pas
donné par 1'0.N.U.; qu'il est bien le résultat de la lutte sioniste; il est donc déjà évidmt
que cet État ne se contentera pas des frontières du plan de partage, qu'il mettra en
œuvre les plans du sionisme défendus de longue date et de manière continue.
Après l'exode massif des Palestiniens qui commence dès avril 1948, la donne
démographique qui était celle de la Palestine où moment où 1'0.N.U. présentait son
plan de partage, est bouleversée. La proclamation du 14 mai 1948 ne crée pas l'État
d'lsrai!I : elle ouvre le chantier de construction sioniste.
1 "'On peul parler de pohtiqu.c d'c-.pulsion pn:méJuCc cl cuurtlunnCc pur h.""1i princ1puux c~nuu de t..ltc1sion s.1un111c:s·. l~ ~
DalC'I cooucn1 les Npn du prvccuus de purilii.:auun c1hniquc /U,·m
2 H_ l.J\UR.ENS , ~ ,etuur d<s ~xU.!s fla lun.- Jl(1ur /" 1'11/t'."fll"': Jr 1861J u /Y97J , ruris , kubcrt LaŒ.int. l'NM, p 6-lj-"'9.
) Au départ. ck l'on:IR de 24 000 Arabes cunln: 30 000 hu1aChcm1 . un meilleur cntmincmcnl chu. les At11bc!i. nuis. nip.Jamm
Lm .rmcracnl laracmcul 'uptncw cba les !llDntSlC5, Il LAURENS, Lr Grurul Jeu, Orient flrflh•· t'I rJ\•flhlC.'f intrmU1/1>ftO!cJ, hN.
Annaod Cobn. l 991, p. 8 l.
4 H. LAURENS, U rr1uur des ~x•l's (LcJ lum· puur 111 Pa/..:r1i11.: c/,• /Hf)Y ,; JVYlJ , l"tms, Ruhcrt LofTunl, 199M, p b71-696
Chapl""' 5. La guerre de l'eau
juillet 1949, se contenteront de fixer des lignes de position mllitalrs mals fan\1118
d'enlériner des frontières politiques.
Les objectifs de guerre arabes recoupent les ambitions dea différenlll États Mit
l'hérit11ge anglais de la Palestine mandataire : les Syriens attaquent le nord et tenœnt de
sécuriser les rives du Jourdain ; les Jordaniens Investissent la Cùljordanie et occupent
Jérusalem Est le 28 mai 1948 ; les Irakiens ne peuvent agir qu'élolgn& des Syriens : Os
attaquent par le sud de la Cisjordanie - Jenin, Naplouse, Tulkanmn - quant aux
Égyptiens ils veulent empêcher lsraêl de contrôler le Néguev, de daœndre ven·la me.-
Rouge, et ils souhaitent contrôler la poche palestinienne de Gaza et la ~ qu'y
peut s'y établir - le mufti de Jérusalem est ~fugié à Gaz.a, tandla qu'une partie de la
bourgeoisie aisée palestinienne a choisi Amman et l'option économique d'union entre
la Cisjordanie et la Transjordanie.
Pour les Juifs, les ambitions les plus sérieuses à contrer sont œUes de la Jordanie
qui, si elles se réalisaient, aboutiraient à entériner le plan de partage mnservant cl-.
des mains arabes une partie conséquente de la Palestine mandatail'e; ce tlOnt amiri le
ambitions égyptiennes qui entravent les rêves d'un lsra!!l qui serait dolé d'~
espaces désertiques rendus colonisables par l'irrigation - projets sur le Néguev-,
débouchant sur Suez et la mer Rouge - c'est-à-dire du point de vue gll!opolilique, -
ouverture sur l'océan mondial et non une limitation à la dimension-mM!b!rran&itne.
Quant au projet de Grande Syrie qui menace la Palestine, il pounail etJ1! dêsamorœ
par le démantèlement communautaire du Liban qui. en créant un État llY10l1ite allié
d'lsra!!I. affaiblirait du même coup le flanc méditerranttn de la Syrie et donœrait aux
Juifs le contrôle du Litani et des sources du Jourdain.
Pourquoi I sraiil peut-il gagner contrr 1ous ?
En apparence, lsra!!l est seul contre tous ses volSlllS ligués. En appiln!llC1!
seulement : il est en effet rare qu'un État seul contre tous parvierme à réalisa ses
ambitions géopolitiques. En réalité, lsra!!l dispose d'atouts importanls :
- l'appui des États-Unis, dont l'influence est grand.issante dans la région -c'est le
début de la Guerre froide ; les Américains comme les Russes savent qu'il faudra san&
doute bientôt disposer d'alliés solides au Moyen-Orient - au détriment du r6le
traditionnel de la Grande-Bretagne ; ainsi, par exemple, Ben Gourion choisit-il
d'attaquer l'Égypte en octobre 1948 pour récupérer le Néguev, à une daœ procN! des
élections américaines, espérant, à juste titre, que Truman s 'opposera au vote par Ir
Conseil de Sécurité de sanctions contre Isra!!l pour avoir violé le œssez-le feu des
Nations urùest .
1 H . LAURliN S . l .•• G twkl_l t'H t<lr1r111 mut--.-1 ....nvl1M.,; ,~ . . . . . IN..'l.. ...... ~ -Cotin..1V9l . p.. IS.
2 H. LAURENS , Lr r " luw 16'.s ~'('/~$(La /Mit•• /"-Hl" 41 ~· lllWô 1991'- hria. lt.~ L.alllm&. •M..p. ~
Bernadotte est d'ailleurs assassiné le 17 septembre 1948 par le groupe Stern pour le
compte d'lsrai!l. Ce qu'il propose ressemble en effet trop, aux yeux des Israéliens, à un
retour au plan de partage de 1947; or, ce que les sionistes ont accepté du plan d~
partage en 1947, c'est l'État juif et non les limites de l'État juif.
Un mois plus tard, le 15 octobre 1948, lorsqu ' lsral!l décide de prendre le Néguev
par la force - le comte Bernadotte avait préconisé son maintien sous contrôle arabe -
et attaque l'Égypte, la Jordanie profite de nouveau des malheurs de son parh:nairt
égyptien pour faire voter, le 1er novembre 1948, par une assemblée de notables
palestiniens, l'union entre la Transjordanie et la Cisjordanie.
Quant à la Syrie, elle poursuit également un jeu qui lui est propre, quille à trahir la
cause arabe. L'été 1949, lorsqu'lsrael discute avec les Syriens des conditions d'un
armistice, après avoir signé séparément avec l'Égypte dès janvier, puis le Liban, puis la
Jordanie, le nouveau chef de la Syrie, Husni Zaïm, proche des États-Unis, propo!le un
traité de paix avec Israel avec échange d'ambassadeurs et des relations étroites, le tout
en échange de l'intégration à la Syrie de la bande de territoire pales tinien contrôlée par
les militaires syriens. Les Israéliens qui ne perdent pas de vue leur objectif premier,
l'intégration dans l'État d'lsrael de l'intégralité de la Palestine mandataire, refusent et
exigent un retrait syrien sur la frontière internationale.
Une des forces d'lsrai!l réside donc dans le fait que chacun de ses voisins arabes est
~à échanger la paix contre la satisfaction de ses ainbitions sur la Palestine, en même
temps que la paix n 'est pas l'objectif d'lsrai!I tant que l'intégralité de la Palestine ne lui
est pas acquise. Un seul des pays arabes participant au conflit israélo-arabe parait
dénué d'ambitions territoriales sur la Palestine, et pour cause, il n'es t pas voisin de
celle-ci: il s'agit de l'Irak. L'Irak peut jouer la cause arabe parce qu 'il n'a rien à attendre
du territoire de la Palestine, et la cause palestinienne parce qu'il ne verrait pas d'un bon
œil l'apparition d'une grande Syrie et d 'une Grande Jordanie, nées des dépouilles de la
Palestine. Parce qu'il est l'État qui, depuis 1949, a le plus intérêt à voir un État
palestinien, l'Irak est sans doute le plus grand ennemi de l'État d 'lsral!I et de la logique
sioniste ; la forte alliance plus tard entre Bagdad et 1'0.L.P., avant et pendant la Guerre
du GoUe de 1990 le prouvera, autant que la volonté de Saddam Hussein d'impliquer
Israel dans cette guerre.
Les intérêts arabes sont donc divergents quant au drame palestinien et à la création
d'lsrai!I. Les Israéliens le savent et ne se priveront pas de jouer sur ces divergences. On
voit ainsi la doctrine de la négociation séparée à l'œuvre dans les négociations des
armistices de 19491 ouvertes à Rhodes ; on parlera d'ailleurs de "formule de Rhodes"
pour traduire ce mélange subtil entre négociation pluripartite et négociation bipartite.
- Un autre atout des Israéliens est la réduction, très tôt, de la résistance
palestinienne et sa division entre une tendance "politique" soutenue par l'Égypte - le
mufti se réfugie à Gaza où un gouvernement de la Palestine est établi - et une
tendance "économique" soutenue par la Jordanie, celle de notables aisés réfugiés ~
Amman et qui sont favorables à la réunion de la Transjordanie et de la Cisjordanie.
- Les succès géopolitiques rapides d'lsral!I trouvent aussi leur origine dans la
tft"rible efficacité de leur programme de purification ethnique. Sans la fuite en masse
des populations civiles sous la terreur2 , Israel aurait été gêné dans sa guerre contre les
voisins arabes.
1 Amutlic:c 1.sr.el-ttypU:. le 24 rtvricr J949 . l1n1!l -Liban le 23 murit 194'> . him<!l - Jordnn1c, le 3 11\l ril. lsnlfl -S)nt. k'
20juillcl1949.
:2 '"Lm n:pabSGn9 ~utf"enl profondément les Anabes GcorgH Ahochc. 'tUi ttnil ttudumt di Beyrouth qwrind u funilk fui
d-...6D de Lod. devint plu. lard le leader d'une dn tendances ln plu• radicale~ de l'O .L .r ". in U LAUR F.NS, IJ> rrlou,..M.t ..:u.it•
(Lui,,,_ fJ011Y Io Palathwt# 1869 à /9'J1). P1ris, Robert Laffont, 199R, p. 6M 1.
Chapitre 5. Lll guerTe de l'rau 679
Dès avril 1948. l'expulsion des Palestiniens est devenue systématique ; à toua les
échelons, les dirigeants sionistes font en sorte de supprimer la présence arabe dans les
territoires contrôlés. Les agglomérations arabes sont détruites - 350 villages-. les
terres agricoles confisquées et les activités arabes suppnmées1 . A partir de juillet 1948,
des programmes massifs d 'expulsion viennent renforcer les effets d'un exode provoqué
par la peur et les discriminations. Entre 1948 et 1950, plus de 750 000 Arabes,
Palestiniens dans leur immense majorité, fuient la Palestine et se rMugient chez les
voisins arabes, Jordaniens et Libanais essentiellement. Outre l'immense drame de
l'exode d'un peuple privé de sa terre, des milliers de Palestiniens, pour la plupart
faibles - vieillards, enfants, femmes - meurent sur les routes de l'exil - notamment
en juillet 1948, lorsque, sur ordre de Ben Gourion, les 70 000 habitants des villes
palestiniennes de Lydda et Ram.leh sont expulsés et doivent fuir à pied sous le soleil.
Cette politique d'épuration ethnique des territoires pré5ente deux avantage aux
yeux des sionistes : remplir le vide lais!lé par les Palestiniens et donc colonii;er
rapidement par inversion des données démographiques ; embarrasser les voisin5
arabes de centaines de milliers de réfugiés qu'ils se partageront - d'où augmentation
des enjeux de négociations et des motifs de dispute entre les Arabes - et qui
formeront des poches de déstabilisation pour les États d'accueil - ce sera notamment
Je cas du Liban où le choc entre Palestiniens et chrétiens maronites ira dans le !len5
souhaité par lsrat!l : voir le particularisme maronite se soulever contre la cause arabiste.
Après les armistices de 1949, quel esl le bilan lerrilorial?
La surface du territoire d'lsrat!I est passée de 14 000 km2 à 21 000 km2 - soit un
accroissement d'exactement 50 %. Il a achevé le contrôle de la GaWée, pris notamment
Nazareth, rétréci la Cisjordanie arabe, enlevé la moitié de Jérusalem. conquis
Beersheba. Le reste de la Cisjordanie est annexé à la Jordanie; Gaza, mince bande
territoriale, est occupé par les Égyptiens.
L'accroissement n'est pas seulement territorial. il est aussi démographique.
En 1880, 25 000 Juifs vivaient en Palestine ottomane; en 1947. ils y sont 610 000 face
à 1 250 000 Arabes soit environ 30 %. En 1949, il reste environ 400 000 Arabes dans
toute la Palestine mandataire ; les Arabes constituent désormais 40 % de la population.
les Juifs 60 % et la colonisation juive va en s'accélérant.
Par ailleurs, des contentieux territoriaux importants demeurent dans les conditions
d'armistices de 1949 ; ils annoncent les prochaines guerres d 'Israël et ses
accroissements territoriaux à venir :
- les troupes syriennes, bénéficiant de l'avantage stratégique que leur confère le
plateau du Golan, avaient pu "descendre" sur le territoire de la Palestine mandataire et
s'y installer; l'armistice de 1949 prévoit une évacuation de la zone et une
démilitarisation ; mais on peut s'attendre à ce qu'une colonisation future de cette zone
pousse lsrat!l à remilitariser cette dernière. Or, remilitariser cette zone signifie s 'exposer
aux bombardements des Syriens qui, du Golan, surplombent la GaWée ; pour des
raisons stratégiques, on ne peut donc remilitariser la zone démilitarisée par l'armistice
sans s'emparer du plateau du Golan - lequel surplombe aussi la plaine svrienne, à
seulement 40 km de Damas. L'occupation du Golan de 1967 est déjà contenue dans
l'annistice de 1949 ; elle est. d'une certaine façon, une conséquence inéluctable du
processus de colonisation juive poussé sur l'ensemble de la Galilée ;
- en mettant la main sur le Néguev et le golfe d 'Aqaba, Israel s'est donne un accès
en mer Rouge ; l'Égypte ne peut accepter un tel parta11:e de puissance sur la mer Rouge.
L'armistice de 1949 porte en germe les guerres de l956 à propos de Suez et de 1967
avec la poussée israélienne dans le Sinar.
1 tl . l.AllRENS . / .t• (irw1il ir11 ({ Jnt•nt uruha· ffl rj'111/i1.... ,. inlrnJalllf.tWl~.J •""!*'-' /fMj>, Pvu•. A.rmmd Colia. 1991 , p. 87.
680
Apri>.• '"• nrmislÏtf'..• "" 19,#9, qm•I ""' lt1 hi/ma tl11 /'nÎnl rlr ' ''"' tir '"""' ?
La comparai!IOn entre le!! frontières <l'lsrnl!l issues du plan de portage de 1947 rt
œlles issues des armistices de 1949 ;:imène à une observation : en 1947, on ne peul pa•
amener de l'eau du !ne de Tibérinde ou plus généralement du cours supérieur du
bassin du Jourdain jusqu'au désert du Néguev : le chemin est b;:irré par une parlie de la
Galilée inclut' dnns l'~tat arabe ct par les territoires autour de Gaza qui sont relik à la
Clsjordnnle. En revanche, après la premiè're gut'rre israélo-arabe de 1949, il est devenu
possible d'irriguer le Néguev - conquis par lsral!I - à partir du lac Tibériade. Or on a
vu pttc«iemment que dès les années 20 et plus encore avec le proiet de fnrdmr Valley
Aulhority de Lowdermilk en 1944, les sionistes ont imaginé d'irriguer le Néguev à
partir de l'eau du Nord.
La première guerre israélo-arabe de 1948-1949 a rendu possible le développement à
grande khelle des proje15 d'irrigation du territoire d'lsral!l, de la Galilée ;:iu Néguev, a
partir des eaux du Jourdain, et indépendamment de toute coopération étatique.
La rinli.•ntiora de.• projels isrnilirras sur l'ca11.j11squ'<l lu gficrrr de 1967
A partir de 1951, en violation de l'armistice de 1949 - constatée et condamnée par
1'0.N.U . -, les Israéliens implantent des colons juifs dans la zone démililariséc du
Jourdain et commencent à expulser les habitants des villages arabes situés le long du
Jourdain. En 1953, lsral!I entame des travaux de détournement des eaux du Jourdain,
entre le lac Huleh et le lac Tibériade. Ces travaux ont pour but ultime l'irrigation du
Néguev, dans le cadre d'un vaste programme appelé National Water Carrier.
Le 30 octobre 1953, lsral!l dénonce l'accord de bon voisinage de 1926 entre les deux
puissances mandataires - France et Angleterre - , et qui permettait jusqu'alors aux
Syriens de disposer des mêmes droits en matière de pêche et d'irrigation sur le lac
TlbtTiade. La situation se détériore ; les Israéliens lancent des raids aériens sur les
villages syriens proches du lac qui sont condamnés par le Conseil de sécurité en 1956 el
1962; à partir des années 1960, depuis les hauteurs du Golan, les Syriens bombardenl
les positions israéliennes existant dans la zone théoriquement démilitarisée.
Jordaniens et Syriens ne restent pas indifférents aux travaux israéliens de
dérivation de l'eau du lac Tibériade et du Jourdain. Plusieurs plans établis avec l'aide
américaine ou celle de l'O.N.U . - plan MacDonald en 1950, plan Burger en 1952 -
visent à stocker les eaux du Yarrnouk, affluent du Jourdainl . Le Yannouk coule en
Syrie, mais les Syriens acceptent l'idée de dériver une grande partie de l'eau de œ
fleuve en direction des Jordaniens en échange de 75 % de l'électricité produite.
Les Américain& sont convaincus qu 'un accord sur l'eau est si vital au
développement de chacune des parties du conflit, que la résolution de ce seul dossier
peut c:rffr les conditions d'une paix durable entre les Israéliens et les Arabes. Le
pragmatisme économique des Américains en matière de Relations internationales esl
tri qu'il établit un lien direct entre une solution à l'exploitation du bassin du Jourdain
et la paix. Or, pour Washington, gagner la paix au Moyen-Orient, c'est épargner à
celui-ci une polarisation entre pro-américains et pro-soviétiques; c'est alors garanlir
l'ancrage américain d'un Moyen-Orient conçu à la fois comme zone d'endiguement dt
la RU&Sie et comme zone de ressources pétrolières. Dans les années 1950, les
Américains peuvent déjà compter sur la majeure partie des pays du Moyen-Orien! :
Irak - pacte de Bagdad de 1955 -, Liban, Jordanie, Arabie Saoudite, Turquie, lsra~I.
Les dangers de basculement vers les Soviétiques viennent surtout de la Syrie el do
l'~gypte et reposent sur l'évolution du conflit avec lsral!I.
L'ambassadeur américain Johnson est chargé en 1953 de trouver un accord, sur Io
modèle de la Tennessee Valley Authority, pour le Jourdain .
En 1955, Io premièrP version du pion Johnson est le plan Main : Il IN! conœnln! nir la
gestion commune du ba11sln du Jourdain, excluant le Lltanl. li donne 1/3 de l'eau du
bassin aux lsrnéliens, le reste allant aux Arobes - Cisjordanie, Syrie, Jordanie.
Les lsrnéliens refusent ce plan : ils veulent 50 % de l'eau du Jourdain et
revendiquent l'utilisation du Litani libanais.
Les AméricalnB persévèrent : ils parviennent à démontrer qu'en gérant mieuic l'eau
- amélioration de l'irrigation - les besoins ll(lnt 11atlsfalts pour chacune des partie;
laralll abandonne sa revendication, au moins officiellement, sur le Lltani, tandis que
Syriens et Jordaniens acceptent que l'eau utilisée par les Israéliens llCl'Ve au Néguev.
Le plan Johnson est en passe de réussir quand surgit l'oppot1itlon de Na~, chef de
la Ligue arobe : un partage accepté et une gestion commune Impliquent lh foctO la
reconnaissance de 1•i;;tat d'lsral!l ; les Arabes ne peuvent l'accepter.
lsral!I continue sa politique d'exploitation des eaux du Jourdain aeuL De 1955 à 1964
est bâti le N11tio1111t Water Carrier, ce grand conduit national de diversion des eaux du
Jourdain qui irrigue la Galilée et se dirige vers le Néguev. lsral!I connait alonJ un e550r
agricole Important qui favorise l'accélération de la colonisation.
Les Jordaniens construisent à partir de 1958 une importante dérivation du
Jourdain : le canal de Ghor.
Le Jourdain étant de plus en plus pompé par les Israéliens, les Arabes décident de
réagir en dérivant à leur bénéfice les sources du Jourdain qu 'ils contrtllent : à partir de
janvier 1965, alors que le National Water Carrier vient de s'achever, Syriens et Jordaniens
décident d'entamer des travaux de détournement des rivières Hasbanl - affluent du
Jourdain qui coule au Liban - et Banias, vers le Yannouk, de l'autre cOté du Golan. Si
ces travaux aboutissent, toute la politique de colonisation massive de la Galilée par le
développement de l'agriculture s'effondrera : en avril 1965, les Israéliens bombardent
les chantiers de dérivation.
Les causes de la guerre de 1967 cl IPs noiwr.lles u~quisïrions israil~nna
Ces rivalités sont favorisées par le contexte international1. Depuis 1957, les
Américains ont entrepris de redéfinir leur rôle au Moyen-Orient pour tenter d'y contrer
l'influence grandiss ante des Soviétiques et pour combler le vide stratégique laissé par
les puissances mandataires - vide confirmé par l'affaire de Suez de 1956 oü Français et
Anglais comprennent que la solidarité américaine dans le cadre de l'Alliance atlantique
ne joue qu'en Europe2.
En 1957, l'influence américaine est forte au Liban, en Jordanie, en Arabie Saoudite
el en Irak. Mais l'Égypte et la Syrie prennent de plus en plus leurs distances vis-à-vis
de Washington tout en se rapprochant dans le cadre à la fois politique de la
République Ambe Unie et idéologique du nationalisme arabe et du neutralisme.
En 1964, !'Organisation de Libération de la Palestine est créée3; la résistance
palestinienne, longtemps affaiblie par les intérets des États arabes, relève la tête et
passe à l'attaque contre lsral!I.
Le choix de la prl'mière cible de !'O.L.P. souligne clairement le n'lle que joue l'eau
dans le conflit israélo-arabl' : Il' 31 décembre 1964, un commando pa!PStinien frappe
une station de pompage isrnélienne s ur le Jourdain.
L'O.L.P. mènera ensuite, entre 1965 el 1%7, près de 300 opérations de résistance
contre lsra~I.
L'année 1965 est celle de la radicalisation au Moven-Orient dans un con~ de
bipolarité. Le prësident Johnson fait pencher netteme~t la polittqm? américaine du ~
1 Il. L/\\HU~ NS , / .1• r r<lflll,. , ft•.,· 1•.\il1•_,. t l .ti l11lh' /tflUr /11 l'1'1r.u l1w ok IA&V 1t JW?, , Puu. Robrrt Laffonl. l'NI, P. ~1-\12.ol.
2 /llr-m. 1'· H20 - N~~ -
:t /hltl.. (1 . ~tll - H\10 .
682
de l'État hébreu en annonçant - en mars 1965 - qu'il est pr~t à armer massivement
lsnll!l. L'israélien Eshkol affirme devant le Parlement que la VI" flotte américaine C!!ll t.
ré9erve stratégique d'lsral!l; pour la prenùère fois, Nasser, qui jusque là avait opie
pour le neutralisme et s'était montré distant de !'U.R.S.S., accepte que des bâtiments
sovi~ques mouillent à Alexandrie - juillet 1965.
En 1966, un pouvoir nationaliste syrien contrôlé par les alaouites 1 s'installe à
Damas. Le fossé qui se creuse entre le Baatlt irakien et le Néo-Baatli syrien favorise le
rapprochement entre Égyptiens et Syriens - lesquels s'étaient éloignés un moment du
Caire après l'échec de la République Arabe Unie en 1961 .
En appuyant la résistance palestinienne, et la formation d'une alliance syro-
égyptienne "anti-impérialiste", Moscou conforte son influence au Moyen-Orient ;
l'objectif pour les Russes est de rendre l'Égypte de Nasser, jusque là plutôt récalcitrante
au communisme, plus dépendante de son aide nùlitaire et d'obtenir en échange des
facilités navales en Méditerranée et en mer Rouge.
Les commandos palestiniens qui opèrent à partir du Liban ainsi que l'il?INe
syrienne depuis le Golan multiplient les frappes sur l'occupation israélienne de la zone
théoriquement démilitarisée par les armistices de 1949. Le 7 avril 1967, lsrai!l attaque
des positions syriennes sur le lac Tibériade.
Face à cette montée de la violence, l'Égypte n'a guère d'autre choix que de soutenir
la Syriel; l'armée égyptienne prend position dans le Sinaï mais Nasser a conscience
que son pays ne peut mener une guerre contre Israi!l : une grande partie de ses fortes
est occupée par le conflit du Yémen et aucun plan d 'attaque contre lsrai!l n'existe.
~t qu'lsrai!I n'attaquera pas le prenùer, l'Égypte accepte la médiation américaine
et conforte ses alliances politico-militaires - en mai 1967, pacte avec la Jordanie, puis
I'lralc..
La France qui est encore, à la veille de la Guerre des Six Jours déclenchée en juin
1967, le principal soutien extérieur d'lsrai!l, déclare qu'elle ne soutiendra pas celui qui
emploiera la force le premier; de Gaulle décide d'imposer le 3 juin 1967 un embargo
sur les armes à destination du Moyen-Orient où Israi!l est le seul client de la France.
lsrai!l comprend qu'il ne pourra désormais plus compter que sur les États-Unis comme
véritable allié.
Le 5 juin 1967, lsrai!I lance son attaque surprise sur l'Égypte.
La deuxième phase d'expansion territoriale se fait très rapidement grâce à une
domination israélienne par l'aviation : en six jours le territoire de la Palestine
mandataire est recouvert, et au-delà. Les Jordaniens n'ont pu tenir la Cisjordanie et la
partie arabe de Jérusalem ; les Syriens ont dtl céder le Golan ; quant aux Égyptiens qui
avaient tout fait pour éviter cette guerre et qui savaient qu'ils la perdraient vite, ils sont
repoussés en trois jours de l'autre côté du canal de Suez.
lsrai!I a atteint de nouveaux objectifs sionistes : le 27 juin 1967, la Jérusalem arabe
est intégrée à la Jérusalem juive - les Nations unies ne reconnaissent pas cette
ttunion - ; la bande de Gaza, la Cisjordanie sont occupées ainsi que les rives du
Jourdain; le Golan est lui aussi occupé : 120 000 Syriens doivent fuir - les 7 000 druzl5
sur lesquels les Israéliens comptent comme alliés sont maintenus - ; lsrai!I a retabli
son accès au golfe d'Aqaba et au canal de Suez.
Quel esr le bilan de la gue"" dt' 1967 du point de vue de l'eau ?
Au moment de la guerre de 1967, lsral!I consomme la totalité des ressourœs
hydrauliques que lui donnent ses frontières originelles - plan de partage de 1947 - et
1 Vuir ~ eenioo c:omacrêc aux alaouua, ce chiites de Syrie - chapilre portonl sur 111 religion ; voir i!plcmcnl 18 llC('llOI
~ l I• mom6c co pul&Mllu dr la dll!:mogmph1c alaoutlc en Sync - chupitrc purtanl ~ur le numhft .
2 H. LAURENS. U mour'du esl/'~ (Lu lu,,~ pour la Piil~.rtlnt! Je 11169 U /'1JV1) , Pari?t , Robert LafTont, 19911, p. 9J6-9J.4.
Chnrttw 5. La guerre de l'eau
les acquisitions de 1949, soit environ 1 600-1 650 mlllioru< de m3 d'eau par an. Le
développement de la colonisation en Galilée el dans le reste du territoire israélien est
compromis si de nouvelles ressources en eau ne sont pas trouvén · la Cisjordanie l!9t à
elle seule une promes se de 850 millions de m3 d'..-au, dont 650 facilement ..-xploitables,
el Gaz.a de 80 millions.
Après la guerre de 1967, le bilan de la guerre pour l'eau est le suivant '.
La guerre a permis de sécuriser el d 'amplifier l'..-xploitation du baMin du Jourdain
(a) . Elle a offert à lsral!I de nouvelles ressources en eau, celles de aquifttes de
Osjordanie et de Gaza (b) .
a. En contrôlant le Golan, lsral!I surplombe désormais la Syrie et a sécurisé la zone
déntilitarisée qu'elle occupait sur le territoire de la Palestine mandataire. Les lsraéliem
ont mis un terme au projet de dérivation des sources du Jourdain - Ha9bani et
Banias - vers le Yarmouk qui menaçait le NationJJI Water Carrier. Us contrôlent
désormais:
- toute la rive Ouest du Jourdain ;
- une nouvelle source du Jourdain : le Banias;
- le triangle du Yarmouk - territoire compris entre l'arrivée du Yarmouk sur le
Jourdain el le Jourdain lui-même, à proximité du lac Tibériade - ;
- le lac Tibériade est devenu une mer intérieure ;
- la jonction entre le Yarmouk et le canal du Ghor - dérivation vers la Jordanie.
(b). Dès août 1967, le gouvernement israélien donne par ordonnance - n"92 du 15
aoQt 1967 - le contrôle absolu de l'eau aux autorités israéliennes des Territoires
occupés - les permis de forage sont accordés par l'autorité israélienne qui détrrmine
la profondeur des puits ; les Palestiniens n'obtiendront quasiment aucune autorisation.
Alors que le mandat considérait l'eau comme propriété privée, les Israéliens la
déclarent, en Cisjordanie et à Gaza, propriété collective dont ils assureront 5e'Uls la
gestion1 .
J/ers le dernier objectif sioniste en "iatièrr d'eau:/,. Litani
Désormais, les seules revendications sionistes sur l'eau qui restent insatisfaites
portent sur le Litani, toujours sous souveraineté libanaise.
Déstabilisé par la question palestinienne et les divergences profondes qu'elle suscite
à l'intérieur du Pacte communautaire, le Liban plonge dans la guerre civile en avril
1975, après une multiplication d'incidents entre Phalangistes chrétiens et combattants
palestiniens. La Syrie s'implique dans le conflit, un an après. Lobjectif pour Damas est
double : il s 'agit premièrement d'empêcher les Palestiniens de prendre le contrôle du
Liban ; deuxièmement de désamorcer la montée en puissance des Swmites : leur arabo-
islamisme tend en effet à menacer les pouvoirs tenus à Beyrouth comme à Damas par
des ntinorités religieuses - chrétiens maronites au Liban. chiites alaouiles en Syrie.
Pour Isral!I, la guerre civile libanaise est une aubaine. Le sionisme entretient au
Liban deux rêves2 : s 'emparer des réserves en eau du bassin du litani ; recomposer Je
Liban - et la Syrie - s uivant un schéma communautaire et arriver notamment à la
création d'un État maronite allié - c'est le rêve de Ben Gounon.
Le 14 mars 1978, après d e nouvelles actions contre la Galilée menées par des
commandos palestinie ns à partir du sud du Liban, les Israéliens lancent l'opération
"Litani", occupant les territoires libanais du Sud jusqu 'au fleuve Lltani, Deux mille cinq
cents P.1lestiniens et Libanais s ont tués ; 250 000 personnes doivent se réfugier au-delà
du fleuve . Des n.wettes maritimes isr<1éliennes organisent le transport de miliciens
maronites qui leur sont i.ivor.1bles du centre du Liban \lers le Sud ; leur regroupemenl
1 t.lw:m. p . .177 .
1 /buJ., p . 299 .
Chapitre 5. U. guerre de l'eou 685
(avornble à la Syrie : les maronites du Nord dirigés par la famille Prangié qui entretient
de bonnes relations avec les chefs alaouites de Syrie.
En 1980, les Israéliens distinguent Béchir Gemayel et les Forces libanal.!es pourftn!
leur nllié contre la Syrie et les Palestiniens.
La vnlonté d'expansion territoriale israélienne marque une nouvelle étape le 14
décembre 1981 lorsque Bégin décide de l'annexion par lsra!I du Golm. Cest la
première annexion en dehors même du territoire de la Palestine mandataire. Les
Israéliens attendent désormais le moment pour envahir le Liban, en finir avec la
résistance palestirtlenne, installer l'État chrétien allié des Forces libanaises contre la
Syrie et contrôler le château d'eau libanais.
Le 3 juin 1982, l'ambassadeur israélien à Londres est assassiné. Les responsables
sont issus du groupe palestinien Abou Nidal, ennemi de l'O.LP. et soutenu par l'Irak.
Or l'Irak qui est en pleine guerre contre l'Iran islamo-chiite soutenu par la Syrie a
intérêt à voir la Syrie affaiblie par une attaque israélienne; l'Irak est alors également
soutenu par les États-Unis contre l'Iran.
JI semble qu'lsrai!l ait obtenu l'accord tacite de Washington pour tenter d'en finir
avec !'O.L .P . et la Syrie - eux-mêmes en conflit - sur le territoire libanais. Le 6 juin
1982, l'opération "Paix pour la Galilée" est déclenchée : près de 100 000 soldats
israéliens bien entrainés et équipés, bénéficiant d'une imposante couv~ aérienne,
sont lancés à l'assaut des quelque 15 000 combattants palestiniens.
L'invasion conduit les Israéliens à Beyrouth. Avec leurs alliés des Forces libanaises,
les Israéliens exercent une répression terrible sur les Palestiniens. La répn!ssion .fait
près de 20 000 morts chez les Libanais et les Palestllùens, pour la plupart des vidimes
civiles1 . Le chef de l'O.L.P., Yasser Arafat est sauvé du bourbier de Beyrouth par
l'armée française .
Confrontés à une résistance arabe et islamique qui cause de lourdes pertes dans les
rangs de l'armée israélienne - combats de rue, guérillas-, les Israéliens d~ de
se retirer du Liban en janvier 1985, tout en conservant une zone d'occupation de 10 à
20 km de profondeur où ils maintiennent une milice libanaise a'1Xilian, !'Année du
Liban Sud. Les eaux du Litartl et l'affluent du Jourdain. Hasbani,. restent donc sous leul'
contrôle.
Quel est le bilan sur l 'eau pour Israël en 1985?
En 1985, les Israéliens ont conquis la suprématie sur l'eau :
- dans le territoire de la Palestine mandataire : État juil de 1948 et Territoires
occupés de 1948 et 1967, Gaza et Cisjordanie;
- le contrôle de toutes les sources du Jourdain;
- l'accès au Jourdain des sources jusqu'à la mer Morte;
- le contrôle du Lltani.
En 1985, lsra!!l a toute l'eau: il peut continuer son développement colonial : le
nombre de colons en Gsjordarùe-Gaza passe de plus de 50 OCXl en 198.5 à pl'15 de
150 000 en 19952.
1 Ll• gCn~ral S hmnm joua un n.l lc i:cn\1111 Jans ces mas.~c..·tt'!t. notammnlt C'ltlu1 des Campi~ de~· Ill~-~ · ·..
l'hom:ur nttcillml sun comhk. Comm ..·111 1111..•r 1"a\"ltm1in:shlc \·o kmte ~daitt dit saldats ~)tais qW D........_ (!9.ll ....._: . ·,: ·
les rt'mmcs cn..:cmlc:S L'I 1\ h.·!'> n.1;.;a .... 111.;r ü\ ' Cl" IC"lll"S tu:1u~ ·.• El C.'. tl mmcnl iolC1'pffter le Sllcocc da m6diG ~ ~ ~ -....
.~.-
une 11mndc partie tic ces h o n"Curs ".'
2 N. PICALJDOU . /.•'·"' Pulrif~,,1-.S... 1Ht d.k/r ,/'hi.v t••l~. lhu:..clles.. Cumplcu. 19Y7, p. JI ...
686
Malgré ses avancœs tl'rritoriales, ses succès militaires et son appui américain, lsra~I
n'a pas réussi à faire disparaitre le nationalisme palestinien et la résistance d'un P"uplc
Le 15 novembre 1988, le Conseil national palestinien réuni à Alger proclame l'Élal
indépendant de Palestine. En décembre, un dialogue américano-palestinien s'ouvre a
Tunis.
1 C llA UZli. l 'lllam tk· l'Ocodent (Lu q111: .ft1u11 tk l'l.'ô/um d11nf lu t 'tlll .fl" t1 •11n· m ndn1tnl1•J. l'.m!tio , An.:01111.:re, l'>llll. r l.U, '
prnpm de la c:.awc pWcs1in1imne ~ dc.s C'nranb martyr..
2 N l"ICAUOOü, L-.• Pu/rJt1'11rm. u11 ""'' lt• tl'liis1oirl'. Uruxclh..'"!'>, C umrlcxc , l IJ 1J7. p ::! 19
)!dan. p. l l •
Chapitre 5. La guerre d(" l 1eau
1 lhld . p . :!4to.
Dans la zont• A, l'Autorit•' palestinienne détient les pouvoirs civils et dl? poliœ, !laUf
à Héhron où les soldats israéliens sont toujours n•sponsables du contrôll? de• colon~
juifs. Un at"-"Ord dit d'Hébron signé entre Gaza l?t lsra!!l en 1997 prévoit Il' passagc Je
80 % de la ville d'Hébron en Z<>ne A. L'application de cet accord l?St sans c~
repoussée par lsr.1N.
- La zone 8 comprend h1 quasi-totalité des 450 villages palestiniens et repr~nte
2."l % de la superficie de la Cisjordanie. Dans cette zone, ks Palestiniens détiennent les
pouvoirs civils et une partie st•ulemt•nt des pouvoirs de police, tandis qui? l'armée
israélic1me conservt> le contrôlt• de l.1 sécurité et un droit permanent et unilatéral
d'intervention.
- La zone C represente les 73 % restant de la Cisjordanie ; elle reste sous contrôle
exclusif, avec les colonies juives, de l'État d'lsrat<I.
La souverainett' de l'O.L.P. reste aujourd'hui plus municipale que nationale et l'ÉLlt
d'lsraO!I continue de s'opposer à ce qu'un État palestinien véritablement souverain voit
le jour. La Palestine est une identité nationale, une administration, un territoire
fragmenté mais elle est encore loin d'ètre un véritable État.
L'mu dt- l'f:tat polt>stini~11
L'une des questions qui a trait à la viabilité d'un État palestinien est celle de l'eau.
Conformément à leur foi dans la dépendance du politique à l'égard de l'économiquP,
les Américains pensent, depuis les années 1950 - on se souvient des solutions qu'ils
proposèrent pour l'eau - que le règlement de la question de l'eau entre Israéliens et
Palestiniens est le plus à mème d 'apporter les conditions d'établissement d'une paix
durable.
Or, le problème de l'eau n'est pas réglé par les accords d'Oslo : quelques article; y
soulignent bien la nécessité d'une utilisation équitable, mais aucun système de partagp
n'est proposé- L'accord du Caire du 4 mai 1994 prévoit simplement des comités dp
suivi mixtes pour la gestion de l'eau qui pourront faire des propositions.
En théorie, un futur État palestinien disposerait du réservoir aquifère montagneux.
Le volume de cette couche souterraine provient en effet des eaux de pluie tombant sur
la Cisjordanie; les Palestiniens revendiquent donc la souveraineté sur les ressources dP
l'aquifère.
Mais aujourd'hui, cet aquifère est exploité presque totalement à partir de puits
creusés dans les Territoires occupés et dans la plaine israélienne par les colons juifs -
les Palestiniens n'ayant jamais eu le droit de creuser de puits, à quelques exceptions
près. À peine 10 % de l'eau exploitée dans cet aquifère l'est par les Palestiniens.
Les Palestiniens font observer que lorsque les Israéliens ont mis en œuvre des
projets d'alimentation en eau dans les Territoires occupés pouvant bénéficiPr
également aux populations palestiniennes, ils ont d'une part rationné l'eau utilisable
par les Palestiniens, et d'autre part gardé le contrôle exclusif des réservoirs régionaux,
vannes, stations d'observation, placés systématiquement à l'intérieur des implantations
israéliennes. Même dans le cadre de l'autonomie pales tinienne, l'eau reste sous
domination israélienne 1•
Si la gestion de l'eau de l'aquifère n'est pas rééquilibrée, les Palestiniens ne pourronl
pas répondre dans dix ans aux besoins de leur population et bien avant si la diaspora
palestinienne venait à se réinstaller.
À l'opposé, Israël affirme son droit d'antériorité d'usage sur l'exploitalion d~
l'aquifère de Cisjordanie; ce sont les colons juifs en 1930 qui, les premiers, ont en dfot
1 H 1. SUUVAL , ~Le pro blemr du partngc de l'eau cnlrc lsruel cl les P11l~s11nicn s " , in A/mule• ; lr11lu• J{1Jghr.-b· .\t.:Jt·htT4. l'-"t
dt< 199!. n' IJ•. p. 27-3 7
Chapllr" 5 La gucrr" 1.fo l'eau 689
En 1992. apri's un prenuer processus 1.h.' paix engagé entre les deux faction• ti
conclu par les ,ll.'Cords de BiccssC, une scl.'.'ondc guerre civile éclata à l'initiative Ji:
l'U .N.l.T .A. qui cherchait'' unifier le pays '1 son avilntage. L'intensité des affrontl!ml!nt•
entre les dt!UX 1nouven1ents s'explique pnr les enjeux de lil crisL• angol.iisc. L'Angola l-SI
en effet un pays disposant d'importilntes ressources pétrolil"res cl diamantirèrl!S. Au
lnrge de l'Angola, les fonds marins ;1britenl d., fabuleuses réserves pétrolières.
Cette montée en puissance du potentiel économique de l'Angola explique
l'inserhon de ce pays dans le gr;ind jeu ;ifric;iin où Pnris et Washington s'affrontl'nt
pour le contrôle des matières premières . Démarrée par la crise tutsie, l'onde de choc
s'est propagée au Z;iïre et ntteint mnintenant l' Angola. La lutte entre Dos Santos et
Savimbi s'articuln sur la crise du Zaïre et du Congo. Savimbi bénéficiant du soutien de
Mobutu, le président angolais Dos Santos appuya l'offensive de Kabiln .
la fracture géopolitique entre la bande côtière européanisée et métissée, qui
contrôle les ressources pétrolières des gisements offshores, et l'Angola intérieur.
africaniste, contrôlé par l'ethnie Ovimbundu, et qui cherche à accéder aux richesses
pétrolières, reste béante.
l'Angola doit son unité à la colonisation portugaise, qui avait obtenu à partir de la
côte, le contrôle de l'intérieur des terres. La d éco lonisation et le contexte bipolaire avait
déjà failli faire exploser l'unité angolaise; c'est aujourd'hui la perspective d'énormes
richesses pétrolières conjuguée au nouveau contexte africain qui pourrait conduire a la
scission de ce pays situé au carrefour de l'Afrique centrale et de l'Afrique australe, sur
une base essentiellement ethnique. Cependant, malgré ses fragilités structurelles,
l'Angola pourrait jouer un rôle important sous peu. Avec ses réserves pétrolières
énormes et en s'appuyant sur Paris, l'Angola de Dos Santos pourrait se poser en ltadn
de la façade atlantique de l'Afrique centrale et contenir ainsi deux expansionnismes qui
opèrent une montée de puissance : celui du Nigeria et surtout celui de l'Afrique du
Sud. Le rôle joué par Luanda à l'occasion de la crise du Congo en 1997 est un indice de
la mise en place de ce nouveau dispositif géopolitique.
En 1998, l'Angola a renforcé son rôle de puissance régionale en intervenant au
Congo ex-Za'lre pour soutenir Kabila. L'intervention angolaise a visé d'une part .i
élinùner l'U .N .LT.A de Jonas Savimbi de maniè r e à empêcher une nouvelle guerre
civile de briser l'unité du pays, d'autre part à régler le sort de la dissidence armee qui
émane de l'enclave du Cabinda. Ainsi, l'hégémonie régionale dont réve Lua nda a pour
fonction de renforcer l'État angolais et de lui permettre la mise en valeur des <"normes
réserves de pétrole situées sur le littoral atlantique du pays . Luanda peut compter
aujourd'hui sur le renforcement de son alliance avec l'ex-ZaYre et la Namibie, alors
même que ses relations avec la Zrunbie se d étériorent sensiblement.
la Zambie : l'ex-Rhodésie du Nord, est issue, comme le Zimbabwe, ex-Rhodésie du
Sud, de la Britisli 5011111 Africa Company créée par Cecil Rhodes dans les années 1890.
L'implantation britannique sur ce territoire situé au nord du fleuve Zambèze permit
de consolider l'axe le Caire-Le Cap qui fut l'épi ne dorsale de la colonisation anglai~
en Afrique. Elle permit aussi d'évincer les Portugais qui cherchaient à unifier les zones
intermédiaires entre l'Angola et le Mozambiqu e, et de stopper la poussée allemande en
Afrique australe.
En 1924, Londres créa les deux Rhodésies, séparées par le fleuve Zambèze. De 19:>1
à 1963, les deux Rhodésies furent fédérées avec le Nyasaland en vue de pn!pa"'r
l'indépendance. Ce bloc austral ne résista pas <lUX divergences d'intérêts économiquL"
et se scinda en trois.
la Rhodésie indépendante devenait un pays enclnvé et isolé par h1 sécession de I•
Rhodésie du Sud. Repliée sur sa seule richesse miniè re, elle devint en même temps un
pays de la Ligue, activement engagé contre le régime sud-afric<iin. Entouré de pay~ •n
OuipUrc 5 . La guene de I'niu
6. Eau et technique
Cette Sà"tion est •-c>nsacrée à la dimension évolutive du facteur eau . Car si l'eau joue
un rôle important dans nombre de conflits, comme nous pensons l'avoir souligné
preœdemment, les États ne sont pas programmés pour s 'affronter autour de l'eau. Les
États souffrant d'un manque d 'eau ne sont pas condanltlés au sous-développement et à
la guerre pour s'emparer des ressources du voisin.
Nous rappelons d'abord les différents progrès que la techrtique permet de réaliser
dans le sens d'un abaissement du facteur eau comme facteur de conflit. Nous
développons ensuite l'exemple d'un grand projet susceptible de modifier en
profondeur la géographie de l'eau en Égypte et d'introduire une rupture majeure avec
cette constante géopolitique multintillénaire qu'est la construction de l'Égypte autour
du Nil.
1 F.n 2000. k cbd du Ngami land, rtgion du llo~wwunu où ~c trou ve le <ldl.i. de l"Ok u vun~u • .i <lcmuniJC:- le du'"scmenc Ju &klu
..u patnmuinc d..: l'Uumannt J'llf l'U N E.S.C O . pour tçnlcr Je cumn:i.:arn:r h>Ul projct û ';111u.'.'n11gcmcn1 en umum .
1 J. SIRONNEAU . L '~ou. nouvel ett}ni. stra1ë1:h1uf! m1mJiul. rans.. Ecuno micu , 1996, coll "Pochc gCc1pollli'tuc", p ,U.
Clwplln• 5. U. 11u~rr<: de l'eau
1 J, SIRONNEAU . L Cou. 'IOUl't!I c:njru st,.utéKiqUI! mund1ul. Pun5 , Ec1>nomica , 1996, coll . "Poche 9topol11iquc:", p 1).
C!wpit,,_. 5. l.A KU""" d .. l'enu
'M?rment amphyctionlque" li fut interdit à chacune des dt& de priver une autre de -
sources d'eau, de chercher à les empoisonner, ou de les détourner à son profit.
L'historien Lucien Febvre rappelle que Rome avait un grenier, l'Afrique du Nord et
que lorsque les Vandales s'abattirent sur les blés africains, ils fJappètarl l'Empire
romain au cœur de ses ressources vitales1 •
S'il l'on voulait établir un parallèle historique, nous pourrions dire que le grenier de
l'Occident aujourd'hui, c'est le Golfe et son pétrole.
L'Europe domine le monde jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale. Elle
fonde alors sa puissance sur l'acier et son indépendanœ sur le charbon. Mais dès 1917,
la guerre devient celle du pétrole contre le charbon. L'essor de la puis5anœ américaine
correspond au miracle pétrolier.
Le pétrole provoque une révolution stratégique, rendant aux voies de
commurùcation leur importance el à la guerre une mobilité qu'elle avait perdue dans
les tranchées de 1914. À la fin de la Grande Guerre, les puissances centrales n'atrivent
plus à rivaliser avec les Alliés qui utilisent le pétrole pour accroitre leur mobilité
stratégique.
Les Anglais ont compris très tôt l'atout que représentait. en terme de puissanœ. la
capacité à contrôler les ressources pétrolières du Moyen-Orient Sils attachent une si
grande importance à la Perse, c'est pour contrôler le Golfe, garantir leur
approvisionnement pétrolier et protéger l'Empire des Indes. En 1917, il appmait de
plus en plus que l'expansion germano-turque pourrait se deployt!I" de la Transcaucasie
jusqu'à l'Asie centrale via la Perse et l'Afgharùstan et venir menaœr les frontières Nord
de l'Empire des lndes2 . La France craint également la possibilité de voir se former une
ligue des peuples musulmans de race turque, de la Russie méridionale, du Cauase, du
Turkestan, de la Perse, qui mettrait en danger les Indes. la Clûne, le Japon et ouvrirait à
la "Mittcle11ropa" une autosuffisance énergétique.
Après la Première Guerre - accord de mai 1919 - , les Anglais récupèrent la région
de Mossoul qui avait été abandonnée à la France en 1916 dans le souci de faire tampon
avec la zone russe du Nord-Est anatolien. Paris conserve néarunoins 25 ~des bêné6œs
de l'exploitation pétrolière.
La Deuxième Guen-e mondiale confirme la prepondbanct! de la puissanœ
pétrolière. Les victoires de l'Amérique et de la Russie apparaissent comme celles de la
mobilité tactique rendue possible par le contrôle des ressourœs pétrolièn5. La réœnte
guerre en Serbie a monttt la forœ d'un blocus militaire menant une armée jusqu'à
l'~puisement de ses soun.-es de carburant.
Premiers consommateurs de pétrole au monde, les États-Urùs d'Amérique sont à la
fois le premier importatl•ur et le troisil!me producteur ; ils sont ain.c;i le seul grand pays
au monde où la politique pétrolii!re est li la fois une question de politique-intérieure et
1L f EltVR ~. l'f.'m1~·. .icrn,\~ir. 1'1111t• â,·i/1 .<î,lll cm . l,_n~. rcmn. l~. p. 108,(lcuaadt"~~p.-L . ~•
ruscmblé!I rar râlitcut).
2 N. PICAlJl>OU. l.11.ll'< ·o•onie 4•i ~Ir~<"'-• 11•14 · 1~1.11. en...u...c-'""'°· l\192.p. 9J.
iOO
L'Arabie Saoudite est née de la rencontre de deux révoltes : la famille des Saoud et
le courant réformiste musulman wahhabite - voir la section que nous avons consacrée
aux écoles juridiques du sunnisme. Avant de trouver dans sa principale raison d'être et
sa stabilité, le pétrole, l'Arabie Saoudite est d'abord le fruit d'une dynastie et d'une
légitimité islamique
1 l>èsunmus. l'onnCc s1muJicnne s.:rn L·,1u11.,.,_"I.:' et ..·mruim."\:' J'lU' l'~mk.~ :\menauM. LL"S \'Cftl:C!\ d'o.1,uipolDCllll uW1lllirc lb. ÊllD6
lJ ms à l'An1btc S1muJilc se- cluffn:nt. ;·, flU uulluuû.~ Je Jo1141n ctutc' !~ :' cl llNI. a JO mllhudscnn IWl cl ~l
~X . Je Pl.AN I IOL . /., ..,.. \'.11iom d11 1•n'11h~"1 .•\"11NNJ ,i.:t.:.1x~1t1tn' 14" 1'4>/11*",,,., 1N11.nJ.-.-·. l"ans. t:ayurd. IWJ. p. 71.
702
J X. tk PLANHOL , /,,c.r N'1t;oru Ju Prophi 1e. Afu11u,•I g iln1.:r uphlqt11' tif!I'"/;,;,,,,,. mu.mJmmlt'. ro.n'i. fa)'Md , l«N l, r 1.?
2 t.t:. FOUCHER. Fro,,u i!tfro"tiere..s, un tmsr du m n ndt> g t opulitlq111·. r éd ., Pnns, fayarJ . 11Jfi14 , p H2 -Hl .
) X. de PLAN'HOL. leJ Natlm u Ju Prophil'' Munut!I >:~ogrnpl1ü1m· 1/r- polllilJ"' ' m11.r nlmune. Pori•. FayanL \1}9) , p 7!
41""-. p . 71
Ch1lpUre 6 U. qu~tc d<' l'ur noir
1 G . CORM , LL l'mch,·OrJ~nl t'dull' (/'iJj{j./99/J , P11ris. (i1ilhmnrû, l 1) 1J 1. t:n11. "f:u\111 lu sloirc", f'J :??J-2114 .
2 H . LAURENS . t.. Gru11Jje11 f<Jrit!nf ura he et ri1 ·ulité.'I intcrnatm"ult•.'f d •.,,,,;,- /fJ4 .~J. l't1rii.;, J\nnond C'nlin. 11.)QI, r ~1 1
Olilp•trc 6 La qu~te de l'or noir 705
Quelles sont enfin les positions des Américains el des Européens quant au pétrole?
Les Américains sont à la fois producteurs et importateurs; la production
américaine étant coûteuse, un prix du baril trop bas chez les Arabes lui enlèverait touœ
compétitivité. En même temps. les majors américaines qui exploitent essentiellement
du pétrole saoudien ont intérêt à ce que ce pétrole smt mis sur le man:hë à un prix
élevé - le pétrole nationalisé des pnys nationalistes arabes ne leur rapporte rien.
L'opli11111111 est donc compris entre l'intérèt des producteurs de pétrole américain et celui
des Saoudiens : ni trop haut; ni trop bas; et surtout du petrole saoudien. Lorsque le
prix du baril est b,1s, l'Amérique conserve ses r~erves et achète du baril saoudien;
lorsqu'il est haut elle cnnsomme une partie de ses reserves.
1 ,,,,."'· p. 2~~
:? JI s.'ogil d'un sRlx1tnitc Ju F.P.Lr . de (i('ol'fllcs llal'\aclw . mu1mcmnu palestin1im, 1,• .lOra&i 19169 desDni • smctÎm:llla' ..
rolilil.f,\IC' tteciJclllulc t.h." !!Ulllll."ll A J.s111et.
Quant à l'Europe. elle dispose de peu de pétrole et cherche une offre importante et
peu chère. Ceci étant, les intérêts des groupes pétroliers européens ne sont pa•
négligeables et les pays européens préféreraient que soient favorisés les pay 5
exportateurs où sont installées leurs majors.
En 1973, le roi d'Arabie Saoudite. Fayçal , avertit les Américains que s'ils ne mènm1
pas une politique plus favorable au camp arabe, face à Jsral!I, les Ara~
n'augmenteront pas leur production et laisseront les prix s'envoler.
La guerre du Kippour va conduire au pren,ier choc pétrolier qui sera à l'angine
d'une crise économique profonde dans les pays industrialisés, en Europe en particulier.
Le 17 octobre 1973, les pays arabes pétroliers décident d'une réduction mensuelle
de 5 % de la production de pétrole jusqu'à ce que les Territoires occupés de Palestine
soient évacués et que les droits des Palestiniens soient reconnus ; les pays favorables
aux thèses arabes sont exemptés de cette diminution.
Les Saoudiens pensent-ils alors que ces mesures remplacent un arsenal militaire et
suffisent à infléchir la politique américaine de soutien total à Isra~l ? Les Israéliens fonl
en sorte de radicaliser la situation pour ne plus laisser de choix à Washington : ils
franchissent le canal de Suez et publient le montant de l'aide m.ilitaire américaine qu'ils
reçoivent, soit 2,2 milliards de dollars.
Fayçal décide alors - le 20 octobre 1973 - un embargo total sur les livraisons
destinées aux États-Unis ainsi qu'à la Hollande, laquelle d'une part est pro-sioniste,
d'autre part dispose du grand port d'entrée du pétrole en Europe, Rotterdam.
La production mondiale ne baisse en réalité que de 7,5 %, mais le marché s'affole et
les prix s'envolent de manière disproportionnéel.
A partir de ce moment, les États-Unis ont compris la nécessité impérieuse de briser
le lien entre la question pétrolière du Golfe et le conflit israélo-arabe. Us tentent d'abord
d'organiser un cartel de pays consommateurs en face de 1'0.P.E.P. La France qui est
engagée dans une politique d'indépendance énergétique grâce à la filière nucléaire
peut s'opposer à cette politique dans laquelle elle voit la volonté américaine de la faire
réintégrer les rangs de !'Alliance atlantique2.
Washington affirme alors qu'il est prêt, s'il le faut, à une occupation militaire des
zones pétrolifères. L'Arabie Saoudite comprend que l'arme pétrolière a ses limites. Dès
1974, elle est favorable à une baisse des prix du pétrole, d'autant qu'une hausse
prolongée est contraire à sa politique de rente sur Je long terme.
Ses revenus sont si élevés qu 'ils dépassent les capacités d'absorption des banques
régionales; comment, dans ces conditions, se brouiller avec l'Occident? Par ailleurs,
l'Arabie Saoudite a beau être riche, elle n'a pas la démographie suffisante ni une
cohésion assez forte - rivalités tribales importantes - pour pouvoir disposer d'une
armée qui ferait d'elle une puissance capable d'assurer seul e sa sécurité stratégique.
Premier pays arabe exportateur. l'Arabie Saoudite comprend qu'elle dépend au
moins autant de ses clients que ceux-ci ne dépendent d'elle; l'arme pétrolière peul
avoir un effet "boomerang" .
Dans ces conditions, Ryad préfère soutenir les États-Unis dans leur effort de
détourner des pays arabes comme l'Égypte et la Syrie de l' Union soviétique, grâce à la
légitimité religieuse qu'elle tient de son rôle de gardienne des Lieux Saints. L'Arabie
Saoudite aide Sadate à se détourner de )'U . R.S.S. vers les États-Unis. Elle tend, par
l'aide financière qu'elle propose, à "mercenariser" les armées arabes les plus
importantes.
1 Pru. du baril en 1970 1.8 S ~ é1t l97J J.07 S ; oclo bn:: 73 1fi S ; Jéc . rciuur .. p.-èll Jf!c1smn de 1·0.r E.r. à 11.M S.
2 H. LAURENS. U Grand}~ (Ori~nt arnhr l.'I ri\•allte.r Jnu•r11111hmuh•... <l1•1n1h /'J./JJ. Pnnl'I . Annqnd Cnlm, 19QI. p. ::?7-t-~î~
Chaplt"' b Li> quètc Je l'or noir
1 Il 1. :\l J Rl ~ NS . J 1' c;,, m,/ 1,·11 10n,·11t ,Jt,,,,,, ··t r n -.1/u,·, : •11 ~·rn.1 ti. ..-.ifn .kl"'"' /!M _fJ . P'-4in,,_ :\nn.nd l'lllin. l~I. p ).14.
l I. Hl .IN . J ,. ,";rrolc· ' ''' <i.1/f,·. l':m :-.. M.:s1,,11meuH:· l..-r\l~e-. 1~
Le choc p<'trolier d" 1973, qui volt Io multiplication par quatre du prix du baril de
bmt, est pnwoqué essentiellement par les Iraniens et les Saoudiens, tous deux alli~
des Élat!'-Unis .
Deux ans après la Révolution islamique iranienne de 1979, la guerre Iran-Irak
neutralise l'offn.> irakienne . Dans ce conflit, les États-Unis appuient officiellement le!<
Irakiens comme rempart du monde arabe majoritairement sunnite et de leur alli~
sooudien en particulier; en sous-main, avec lsra!!l, des ponts sont entretenus avec
Téhéran - affaire de l'lrn11g11te.
À portir de 1988, le chiisme islamiste cesse de constituer une menace forte pour le
monde arabe, et en particulier pour les régimes pétroliers pro-américains.
Pour les Américains, le problème reste l'Irak et son nationalisme arabe, Washinglon
craignant que l'extension de l'idéologie arabiste ne débouche sur l'unité des Arabes et
la prise en main de leurs intérêts pétroliers. Aux yeux des Américains, un succès de
!'arabisme aurait deux conséquences majeures :
- cela provoquerait une baisse du prix du baril par augmentation de l'offre arabe.
Les réserves prouvées de l'Irak s'élèvent à 112 milliards de barils et les réserves ultimes
à 215 milliards de bari!sl. Il s'agit du deuxième rang mondial, derrière l'Arabie
Saoudite. Mais surtout, le prix d'extraction du pétrole irakien étant faible puisqu'il
admet un coût de revient inférieur de quatre fois à celui du pétrole saoudien, l'Irak
profiterait de cette situation, tandis qu'au contraire, l'Arabie Saoudite en souffrirait.
- Une unité arabe menacerait l'existence de l'État d'lsra!!l.
Jusqu'à la Guerre du Golfe, l'Irak exerce une tension à la baisse du prix du baril qui
est contraire à la stratégie américaine fondée sur l'optimisation des revenus kowelti>-
saoudiens.
En 1990, l'Irak accuse le Koweît de ne pas honorer ses engagements passés quant au
remboursement de l'effort de guerre irakien pendant la guerre contre l'Iran; le moment
est venu pour Bagdad de mettre fin à l'indépendance de ce qu'il considère depuis
toujours comme une province de l'Irak. Ce faisant, en mettant la main sur le pétrole du
Kowen, l'Irak peut encore renforcer son poids pétrolier et mettre en péril son voisin
saoudien.
Mais le contexte mondial est défavorable à l'Irak : 1990 est l'année de l'éclatement
de !'U.R.S.S. Bagdad ne peut donc guère espérer un soutien soviétique pour faire
contrepoids aux États-Unis.
La Guerre du Golfe permet à Washington de mettre l'Irak à l'écart du marche
pétrolier. Tant que le potentiel irakien reste inutilisé, l'Arabie Saoudite contrôle le
marché du pétrole, fixe le prix du baril et profite des quote-parts de production
irakiens, récupérés en 1990 avec l'assentiment américain. Dans l'optique saoudi>-
américaine, il n'y a pas de place pour le pétrole irakien, à moins d'une chute des cours
en dessous de 10 dollars par baril, chute qui signifierait la fin du régime saoudien.
L'implication des États-Unis dans la Guerre du Golfe a montré que Washington
entendait contrôler, par les rapports de puissance, l'équilibre du marché pt'trolicr
mondial . En cela, et parce qu'il n'obéit pas au seul jeu des équilibres économiques, mais
que son prix est régulé par le rapport de puissance, le pétrole est véritablement un
facteur géopolitique.
Durant dix ans, les États-Unis et leur allié anglais maintiennent la pression sur
l'Irak par le biais d'un embargo et de frappes militaires incessantes, tentant ainsi dt'
provoquer la chute du régime de Saddam Hussein : en vain, l'Irak résiste et nmhnur
de constituer un obstacle aux projets géopolitiques américains.
2002
! ,\\"tt IC'S n:hus de commun1,.·:1.tH>0 ~Ut.' l\1n .:l1nn:Ut d3n...; I~ media... l"-"C1Jmt:iu.'
J Fai ...ons confiancc 0 t'aJ111~C' f"Ç'rul :un: .. b Fr:int.."'C' n 'a f\3-"' Jc rC'trnk m.u:; clic .a Jcs 1~ ~ . h F~ 3tr.l~'lr.ll! les~-=
clic n'a ceuc.' de s c n:mcttre en q111: ..1ion . :m nM.1in!l> JUS-qu'à noJtre ~ur puLSQu'C"lk 'iC'mblr h'\UI .i. .:cop ...- rigndans.XS.~
1ô6olog1qucs
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nt de: .n o oon k.Jn:? et son "''"C':llu sr ~1tuc .1. rrn1an-s ~!'l m en JC"S.,u us J.N. 1ri-3.n..., L.1 n'IC'r \.·.i.."'r'amr :a UM hÎ$tuirc ~~
nul.able En cni-1. en ll.J~7. sn s uf"C'r1h: 1c Cuut Je .t~:! UOO km:: et m l"ili'to clk n'ccrn l'IUS ~l.l'e ..k ~~t<i 0(1() t:at.:. Ceur~« la
tRaue aqualiquc s'c'.11.rHq\tc rM une- n.... is~ du ni,C':lu '!'Ur l!iquC'lk ''" ~ p:N m ~'".recrurn - mv.taDOD c~ ~ Jtill
Jlb1t de lo Vol~n 4u1 dt\ l't"SC .\\Mt m1lh;\nl.;. Je hl~ tt°CftU c h3.qE.:S J'11IU\"I Df\."- de En IQCM. k: ni\ HU f'5l ~~dl
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moim \'tntU·cinq mhn!5 . "IU'c o S.:'f'3·1·•1 Jl('llr lc-s ;mnm :i ""C'tut nou"C'llC' ~""l'\M'. sùihg\M>Q .;M.a puunwtr *Ill~ ·~ C -
\ ma1111n l."\tnS\an1l" rus"· tk !!"'" l."S l'h•Mè-nK' ' 1~•ur IC""' m~ talla.tu,n!\ c'"•C'tt'S "' 3~1 puw !c.~ furunet rlalcs-fonacs ~ -
,\ l'~ur M>\ il.•1 i,1u1.· . lu t ";,!!O ricnfü· ~11ut 1d1"'" r-r b \ 1:1lt:t!I • la mn l\altiqlk C'l au.'l autrft n-=n "''~ la_.
k>\1t!11quC' ~· rrut.~tlail ~ ,lc-s C''lSllts de h1ul1.•, s1.mt-,. l.a i:.11nahs-110n Je la Votva •'-e11 i\S5."lol Yl'IC Qà ......... ~
~onunucioh: . l.nn~\1.·mp:- ranùlilU~ !o!n1W \a Ru~:-11.". pm :- rl ". R.S.S "'t l'Iran. l11 ("aspicru~ C'UIO l.ic\~UC' WI. LI....__~
710
D'aboTd les C!ltimeriom• du potentiel pétrolier de la zone ont été revues;\ la bai!IO<•
ces demJèTes années ; les conAits inter-ethniques ensuite <.>t la proximité de la pul9unce
russe ne facHitent guère le contrôle des ressources par le" État,.-Unis ; cc d'autan! quo
de bonnC!I relations entre Washington et l'Afghanl,.tan et l'Iran volRlns ne !!Ont P'"
assurées ; enfin les droits de passage dans le réseau d'États du Caucase et de l'A~I•
centrale risquent d'être élevés.
Dès l'indépendance des pays caspiens, Washington s'e"t investi en Asie centrale~
au Caucase, notamment par le biais des compagnies pétrolières américaine~ attachtt.a
la mi"" en valeur des importants gisements caspiens. De nombreux lngéninir.
américains ont été envoyés en Azerbardjan, au Kazakhstan, au Turkménistan et en
Ouzbékistan.
L'arrivée des Américains dans la zone, au début de la décennie 1990, est un d~fi
pour les Russes. Avec la fin de l'U.R.S.S., la Caspienne a cessé en effet d'être un lac
!IOViétique et la Russie dispose d'une façade réduite constituée principalement par
l'immense delta de la Volga et par un littoral caspien moitié russe et moitié kalmouk-
daghestana.is. Outre la présence de l'Iran, la Russie a vu naitre trois États succes9"Un
de !'U.R.S.S. - Kazakhstan, Turkménistan, Azerbaîdjan - aux velléités centrifuges qui
rendent problématique le contrôle russe sur la Caspie nne .
Un premier problème est celui de l'exploitation du pétrole de la mer par les pays
riverains.
Après la signature, en septembre 1994, d'un prerrtier contrat entre l'Azerbaldjan et
un consorhum de compagnies étrangères, émerge le débat sur la nécessité i\ revoir le
régime juridique de la Caspienne. L'Iran, la Russie et, dans une moindre mesure, le
Turkménistan défendent le statut de la Caspienne dans son statut de lac et sonl
favorables a une exploitation en commun des richesses. En revanche, l'Azerbaldjan et
le Kazakhstan qui disposent de 90 % des réserves connues défendent l'idée d 'un statut
de mer fermée, ce qui implique la reconnaissance d'une Zone Économique Exclusive
sur le plateau continental. conformément a la Convention des Nations unies de 1982
portant sur le droit de la mer. En même temps, le Kazakhstan cherche à éviter
)'affrontement avec Moscou. En 1998, les Russes et les Kazakhs se mettent d'accord sur
le principe que la surface de la mer est a tous mais que les fonds marins doivent étre
partagés en revanche par secteurs nationaux et selon le principe de l'équidistance. Les
cinq pays riverains s'acherrtinent donc vers une solution à l'exploitation des ressources
pétrolières de la Caspienne.
AuJOURl'hur, la Ruutc ne d1•pos.c: plus quo d'un liu ora l réduit uvcc ia .wnc del111lt1110 . 111 Vol11n cl lt!ll cn~mhln puft\lam"'tpi
& •
Turkminio'8n
Iran
Russie
Azerbaïdjan
1 "La ma No1ft' nrpornlt m cette fin de 1W.:lc oommc k debouché ~l h: '\.e cl'cq•mci1f B ~ dr la~
cup~ . Mais ln mer Nmtt mit •U.'-"' 1!~ un p1qrc. un van.xa. le ftanc.hassa1xut dLI ~ âw w ckl'dll At du;; •
l'l'xportation des hydn.w:arh~. mais un~ 'clcl' (n11Ji~ . Lo dieu.' rh"nams ~ tant en ~ . . . - d n:...q.a. ,._.
nrter• lieur Wn~li~ Io nu.~ ~tmlin'!' cl (l&ZIC'r$ w:nw d'Azerhaldjan.du K..aDllbss.C1du~etta.~-
mct NoiR- ver.a Io. mer Mt-...titcm11ntt , afin qu'ils accèdrnt à l"Oc:'ftn moadaal. La Rusur IDIÎ:9r sm ~Pl" œ ~ P'M •
f'ITIJetrr \'Ï8 les Balkans ·· ~ Ru,~anc . Crttcc- dons la mCT 'Êgff et la~- La Tuirqma ~ UIÜim' ll . . . .
maritime de la G~lr((iC, ~ml pour ~c 11r.'i'e1u ,-en le-s MUtiits t\a'\."'S. 'llOd. pGm" bi~ • trll\"Cft dit fAllllDlik. \US S . .
d'l1tenJcnm . La mer Nain- t'!'1 ll,1nc lu surfDcc m.ri1unc 'obhsft' du de9enc.la.Yftllftlt dt t. mer( ·~- TOMll ,..-~ooin(flC la
di!IC'1min81Îon ne !te foto pas 'ur Je'- i.· rilé~ dr .:oùl m•1s :aussi i .,_mr Jit \~~et~,.._ ...
dcu.,.; pinles. la RU."i~ri: Cl le hh"K.' 1urn.. 1.1 nlhli;a111 s..mha1tan1 cmpèc:b« l"aulne de Jâ'cl" le ~ pètrolCr e1,.aa..... m . . . . .
mtuirc I• puiU11nce gtopohuquc ri' ale.
La cowwe à 11 mC'T Nuire ~·in111CrU dan.~ UM lutre plus '~pour '9 ~ • ta......._ ......._. • ""'4,i.a..s.& :
UU.1ne, Caucue, Asir centrait. \..'ClimWt qui prut ~ pmlongëoc riai- r A~ ls hli:la.a.. rtn.le fi r..-•i. C'lliM.
Pnrtic 4 . Ln qu i!te des ressources : uni! con!Jtantt! de I~~.. .
1
Méditerranée e t d 1e mpêcher que les intérêts occid e ntaux n irnposent une voie turco--
pakistanaise.
La voie russe i1nplique une n1 o dernisatio n des oléoducs à laque11e les compagnïei.
de la C . E. I. sont dis p osées à s'associer. Un tracé v in le Kazakhstan ou l'A zerbaî djan ver"°
Je nord de la mer Caspienne et de là, par l'ex trê m e n o rd du Ca ucase ver s la mer Noire,
- Novorossysk - serait une solution. À N ovo r ossysk, Moscou doit e n cor e éviter la
Turquie et l'Ukraine, ce dernie r pays é ta nt tro p peu s ûr quant à son avenir
géopolitique, puis franchir la m er Noire e n direction d 'un pays m a l d esservi , la
Bulgarie, puis, de la Bulga ri e, sortir par un a utre pa ys pro-américain mai s n éa nm o ins
anti-turc, la G rèce.
~- - RUSSJE
-.. .... · --··-~ .
... /'-._
)~··
TURQUŒ
-- ol~uc s
1. A bkh<1 z11:
Adjnnc IRAN
J. thsttic du Sud
4. O~sétie du No rd
5. H2Ul-Kar.lbagh
6. Dapc-scan
Tch1!1cht!nic
K. Ka.b:lnfino-83.lk:lrie
9. Kar.uchoï5· Tchcriu.:s3'Cs
10. K3lmoulnc
Dnns ce vaste jeu d'cnccrclcmcnl et de contre-cnccrc lc m cnl, la mer Noi re, comme d ébouché de Io Caspienne. joue- \W n\le
cemral, sur le pian économique comme su r le plan géopo litique .". in A . DULAIT, F. THUAL, lu nouwllf! Ccupif!ntte. P'Ml:>.
Ellipses, J 998, p. 57-51!1.
102. La bataille des oléoducs pour la sortie du pétrole de la Caspienne
RUSSIE
KAZAKHSTAN
IRAQ
CHINE
olfuducs en projcl
Les projets occidentaux font obstacle aux ambitions russes . Un oléoduc dl' 941J km
en direction du port géorgien de Soupsa est construit ; le pétrole S<!rail cn:.uilt
traru;porté par bateau à travers le Bosphore - se pose tout de méme le probl~nw du
transit du pétrole par les détroits soulevé par les Turcs - jusyu'au port roumain dt
Constança puis acheminé par oléoduc vers l'Europe occid.,ntale; la Roumanil' p1mcht
cependant pour la voie russe . Une autre option est qu'un oléoduc suit cunti\ru1t a
travers le territoire turc jusqu'au port de Ceyhan sur la Médikrr.mée. Les l:ta\ll-U11i5
privilégient cette voie car elle repose sur ses alliés - Tun.1uie et une Gcorgil' plutot
anti-ru~ - ; elle implique cependant une st:curisation des régions kurdes, ce qui ne
peut être acquis que par une pris<' de contrôle de l'Irak . Mais ce projet pose aw;si de
nombreux problèmes, compte tenu notamm.,1lt de l'abs.,nce de frontière commune
entre l'Azerba\djan et la Turquie, sinon par le Nakhitchevan qui est une enclavl' azérie
en Arménie. D 'autres options sont offertes dans cette voie occidentale : soit passer par
l'Arménie, mais Bakou s'y oppose en raison du conflit du Haut-Karabakh - et de plus
l'Arménie penche vers Moscou - ; soit passer par l'Iran, mais les compagniL-s
américaines sont soumises à la loi Kennedy-d'Amato. En 1997 cependant, Washington
affinne que la loi d'Amato ne serait pas violée par l'existence d ' un tel oléoduc passant
par l'Iran. En tout état de cause, l'intérêt pétrolier américain dans la région pousse a
renouer avec l'Iran. La solution turque étant complexe du fait du conflit turco-kurde et
arméno-azéri.
"Si nous voyons que l'Allemagne est en train de gagner, nous devons aider la
Russie. Si nous voyons que la Russie est en train de gagner, nous devons aider
l'Allemagne. Dans les deux cas, nous devons les laisser se tuer le plus possible"
déclarait Truman au New York Times un mois après que l'Allemagne national-socialiste
eût lancé son opération "Barbarossa" contre l'Union soviétique. Quatre ans plus tard,
Truman était président des États-Unis d 'Amérique. L'Allemagne était brisée. Un autre
débat s'engageait alors outre-Atlantique. Fallait-il tenter immédiatement de refouler -
roll-back - la Russie soviétique dans ses frontières de 1939 et déclencher ainsi une
troisième guerre mondiale ou se contenter d 'endiguer - containment - sa progression
en entrant dans une longue guerre des nerfs ? Georges Kennan et ses partisans
l'emportèrent et les États-Unis, à l'issue d'une Guerre froide de quarante ans, obtinrent
le refoulement géopolitique de la Russie et l'effondrement de son instrument
idéologique, le communisme. Pour arriver à ses fü1s, l'Amérique avait déployé une
stratégie d'une intelligence redoutable : encercle1nent du lienrtla11d soviétique par
1'0.T.A.N. à l'Ouest, le Pacte de Bagdad au Moyen-Orient - jusqu'à ce que les SUL"Cés
des nationalistes arabes et iraniens Je brisent - , l'O.T.A.S.E. en Extrême-Orient.
utilisation des leviers islamique - anti-communiste - et chinois - anti-russe -
contre Moscou; course aux armements et à la supériorité technique - projet "Guem
des étoiles" - qu'une économie socialiste ne pouvait pas gagner; discours manicheen
des "droits de l'homme" visant à diaboliser l'adversaire.
Un siècle après la sortie de son isolationnisme, soixante ans après le début de Io
Seconde guerre mondiale, l'Amérique a écarté deux tentatives d'unification
eurai;iatique, l'allemande et la russe, qui menaçaient son hégémonie mondiale . Lr
'Ce tcJUc rqm:nd l'~scnncJ de l'urtidc !lilH-JIC p11r l 'uu1cur dun~ lü NmH'l!lfL• R c: l'lt•• d 'J/iMmn·. n°:?. sep! ·UCI .:?OO:?
Chapitre 6 . La quéle de l'or non
exportent aujourd'hui 60 % de leur production vers la seule zone Asie, on estime que
ce chiffn! passera à 90 % en 2015 . L'interdépendance énergétique pourrait donc
logiquement favoriser le rapprochement politique entre la Chine el les pays pl'!troliers
du Moven-Orient Pour ecarter cette éventualité, les États-Unis devront donc, dans Il"
prochaines années, compléter leur mainmise sur l'Arabie Saoudite et le Kowen, par la
prise de contrùle de l'Irak et l'Iran! . S 'ils y parviennent, ils contrôleront la pompe
énergétique qui alimente la croissance asiatique et en particulier la croissance chinoise.
Déjà, grâce à leur intervention en Afghanistan en novembre 2001, les Américaill5 onl
coupé la route de la mer Caspienne à la Chine, compliquant ainsi l'accês chinois à une
source d'approvisionnement alternative au Golfe arabo-persique - quoique bien plus
modeste ; ils ont aussi profité de la nouvelle donne anti-terroriste pour faire accepter
aux Russes leur projet de bouclier anti-missiles - rupture du traité A .B.M . de 1972 -
et la poursuite commune du désarmement nucléaire quantitatif!, tout en s'entendant
avec Moscou sur l'avenir du pétrole russe. L'objectif des Américains est que la Russie,
dont la capacité de production a atteint en 2001 celle de l'Arabie Saoudite, déverse ses
hydrocarbures - pétrole et gaz - en Occident et non en Asie. Quelles solutions
d'approvisionnement hors du contrôle stratégique américain s'offriront alors à la Chine
si l'Amérique atteint ses objectifs en Irak, puis en Iran ? Le remplacement de Saddam
Hussein par une équipe favorable aux intérêts américains et la fin du régime chiite
radical en place en Iran sont des priorités absolues de Washington . La marge de
manœuvre des Américains, bien que quelque peu affaiblie par les réticences
européennes et le droit international, sort néanmoins renforcée des événements du
11 septembre 2001 . En 1898, l'explosion suspecte du cuirassé Maine à la Havane servit
de prétexte au déclenchement de la guerre contre l'Espagne. En 1964, l'incident du
Golfe du Tonkin touchant deux destroyers américains fut inventé de toutes pièces pour
que le Congrès autorise le président à entrer dans la guerre du Vietnam . La lutte contre
Al Qaida servira-t-elle alors de prétexte pour en finir avec les "États voyous" - Rogue
States ?
Dans moins de cinq ans, il est possible que les États- Unis en aient te rminé avec le
régime nationaliste arabe en place à Bagdad et, qu'après y avoir installé un régime pro-
arnéricain, ils se soient intéressés au cas iranien selon un agenda programmé par la
course au nucléaire engagée par Téhéran. L'Iran pourrait avoir renoué avec le tropisme
pro-américain qui prévalait avant la Révolution islamique chiite, conséquence de
l'effondrement du régime ou plus simplement d'une normalisation Washington·
Téhéran conforme aux vœux affirmés depuis plusieurs années par les néo-réalistes
américains comme par les "modernistes" iraniens, convaincus des bienfaits de la
realpolitik, mais bloqués pour l'heure par les lignes idéologiques de le ur pays. Ce qui
s'appelait en 1955 le Pacte de Bagdad, et qui comprenait notamment la Turquie, l'Irak et
l'Iran, pourrait ainsi avoir été reconstruit sur les ruines des révolutions baathisle el
chiite, tandis que la Syrie et le Liban auraient éclaté en États communautaires -
maronite, alaouite ... - selon les rêves d'lsraE!l ; dan s le même temps, les anciens allies
1 En France. utu.ms. sans Joule par soud clun1;muh1ê u111vcrs11um: . ment l'ur1;umcn1 r é 1rolicr l'uurtunl , AmJn!- ~&-'fll .
lpê\.:1aJistc des Étab-Unis. lu1 -nlêmc füvoruhlc au-. up11om; géopuli11qucs amén c u incs, Cent "l'.:n rëu1pêrunt le pt!lrolc irui.1cn et ni )
aJOUlnnl. Je cas échbnt , le pCtrulc: du C1uc.u..: ~1 d e l'A s ie ccnlrnlc , les Améru:ums cJi sr oscr.11c111 donc c.J'un Jok e r Jlliur diimcr le' r111n
i l'Anabic Si&OUdilc.• , A . KA.SPI , /~ F'1gum. 12 11.oût 2001
2 U 24 mai 2002, au Kremlin. les pr-hidcnu ru s~c V . rnuunc et omëricain ( j W Hu'ih ont si gm! un trui1ë Je ~s.o.nfl('mml
n1.11:l('a1re vi~r;, mcnre fin a l a G~ froide . Les cJcux vuys !OC ito nt cntcmlu !i> rour r ëduirc leurs 1u·,;cnuua nuclC111n:s i un n1,uu
mu im.al Jr 2 200 ow.vo; i l'huri:r.on 2011. conm: 6 000 UUJouriJ'hu1. l.'ubjcct 1f rrcnm!r Je 111 Ru s.~ 1c es! Je se rrJrr s~r
Cconom1quemcnt . c ..-la pane par une bonnè entente avec; les Êl.Dls· Unt!!i, d'uu l'ufTinnuti nn ô M os..:ou Je 1.n Clm vc rw;~11cc amênon•>
ruuc dam la gw:rTe ou 1cnuri1me
Chapillt' 6 La quêle de l'or noir 717
Leur politique sera donc certainement plus complexe qu'un simple alignement ~ur Il"!
intérêts américains .
Mais la course à la puiss.·ince militaire que les États-Unis ont enga11ée VJst> a
diminuer la liberté d 'action de ces n.itions millénaires, de sorte qu'elles jug<.'rlt que le
choix le plus rationnel consiste à opter pour l'Amérique contre la Chine.
L'Amérique est, de loin, la première puissance nucléaire el conventionnelle de la
planète. Le budget qu'elle consacre à la défense équivaut à la somme de tous les
budge~ militaires du monde! Pourtant, son formidable av<tntage conventionnel, et
donc sa capacité d'ingérence, sont freinés par la menace nucléaire que lui opposent
d'autres puissances. L'Amérique a donc entrepris de rompre l'équilibre de la
dissuasion nucléaire entre les Grands. Elle développe un bouclier anli-missiles qui
devrait être capable de protéger son territoire du feu nucléaire adverse - le N.M .D. ou
National Missile Defe11ce. Ce projet affectera peu les puissances disposant d'une grande
quantité de missiles à tête nucléaire, comme la Russie. Tel n'est pas le cas de la Chine.
Pour ne pas s'épuiser économiquement comme !'U.R.S.S. durant la Guerre froide, la
Otine ne s'est pas lancée dans la course aux armements. Elle ne dispose donc
aujourd'hui que d'une trentaine de missiles intercontinentaux à tête nucléaire et suit
avec inquiétude les projets américains. D'autant que tes États-Unis envisagent de
fournir des boucliers anti-missiles - des défenses anti-missiles de théâtre, nrealcr
Missile Defence - à leurs principaux alliés, comme Taiwan ou Israël. Que pèserait une
Otine disposant d'une armée forte en nombre et privée de sa dissuasion nucléaire face
au bloc américain ?
Dépendante énergétiquement de zones contrôlées par Washington, affaiblie
stratégiquement par un cordon sanitaire d'États puissants et par son déficit militaire -
nucléaire et conventionnel-, Je vieil Empire han pourra-t-il alors résister au plus
puissant rouJeau compresseur idéologique jamais utilisé dans )'Histoire des hommes
pour briser l'unité intérieure des États : "les droits de l'homme" ? Durant des siècles, les
lettrés confucéens des empires han, garants d'un ordre politique holiste, se sont
opposés aux dynasties étrangères - souvent turco-mongoles - et ont combattu les
religions de l'extérieur, du bouddhisme à la secte Falugong, en passant par les
christianismes nestorien, catholique ou protestant. Ils se sont opposés à
l'instrumentalisation politique des ethnies périphériques de l'Empire - aujourd 'hui les
Tibétains et les Ouïghours - par leurs ennerrtls. Ils ont conservé leur civilisation en
sinisant leurs propres envahisseurs, leur idée nationale dans la philosophie
confucéenne et leur capacité à endurer les épreuves par ce stoïcisme asiatique qu'est le
taoïsme. Mais leur isolationnisme séculaire et leur incapacité à penser la géopolitique
chinoise au-delà de l'Asie fait la force de leur adversaire. La Chine laisse l'Amérique
avancer au Moyen-Orient et en Asie centrale sans réagir.
En attendant, la mondialisation américaine n 'a pas l'intention de laisser à l'écart de
ses appétits économiques cet immense marché potentiel, celui qu'en des temps reculés,
un autre Empire mondialisateur, Rome, avait nommé Je pays de la Soie, Serica, c'est.a.
dire Chine.
Les guerres menées par les ltats-U11is depuis 111 chute tic /' U .J< .S .S . sont ta11Jc.,;; sur 111 nnilr'
tirs olioducs et des gazuducs1
1 H de GROSSOUVRF.., Panr. Ht!rlln, Mo.u ·rm. lu \'"'·" J e l'intltf1wm/1uw1• t•t d1· lt1 p11ix. P11ns. l.'Àlfl" ll'llmnmc . :!OO! . r Jt1
O..pllre 6 . r.... qutte de l'or noir 719
1 ..Aujourd'hui. il ot •bsolument n4!cc:ssaln:' de pn:ntir la sa.lritili dr .. Mec:édoine et !Oii emrt!ie dlm P'O..'tAN. Miii . _
l"tslCIDllSccruinrrncnt longt~s afin aussi de pnnlir la 96:urilf ds c:mridan ~ .p .....,.. .. ..,._• G6llbl
Michael J.:Uon, commandant de la Kfor en Mecédoine puis •u K.olcm:a. in SoR 24 ~ -qUUlidic:m .a.-. - l 919. "dll
i'ntbits vilau.. sonl en jru dans les Balkans. Cil puticuha dilm ta Rpoa m.. Kcm:wo Cl œ .. ~ .. - - .-ail
Dknlaiquc où se croisent les seules voies de communicattan ~ et Est-Oruclt. cm ~ la r.-s • a. ~
intnul iOMle de CIPft'ltCS, de dro(tUe et d'armes.. OÙ Sor trouve le poml dr pmDge de l'1llms ft ... . . _ _ . . . _ . d,. - - .
d'oUod\ICS, nowmment tout prh de Tetovo, le projet <foWoduc ~ ~ pon bul~ dr - et k port..._.*
Vkft.. ......
offodue pout'Tait •cheminer le hrut de la C'&.TfUettne que Wahl,...,., veut tHloarncr du roGll'6lr ~ La - - ~ .. s.tJia •
donc eu pour but de ~i nstalla 1~ troupes des Eiat>-Un.is dms unr ,_,;., des BaDmm cpa'ib ~ ~ ......... •,
C. SAINT-PROT ... lA IJllCfre contre la Setbtc ct le nouvel onft mondâal"', m Gmnm J.n Je! . . . . . . lllir06iiiml,.,.........
GALLOIS , Pans, t::llipscs, 2001, l'I· 19 7
2 Le 2 r~vner 2000, devant la cammÎSSIOft Je n:nse11ncrnce1 du S...l amiricain. M. Georp J. T - . ..._.dit la CL\.
d6cl1re, • propos du C auc MC et de l'A sie centrale . .. C hechnyto e l"° bu sip.ificanC'e for W C..:.- _. C.-.1 Asia,. a pmt oldae
a-orld lhlil has the potcn11al tu llrcome more Vt"lauh: as 11 beca rncs more i....,.,.m to tk Umtl:d S..S. As yaa, btow, dtc U1llllll
S11te1 hu C'-pcTtded 1rea1 cfTC1rt to iiup)"K>rt 11ipclim:s th.at ~·m brin1 the Cupim's ctlCTIY ~ • W---. ~ O.. ail
pi~hne u Clllp«'lcd to ,,..H thrau1'h GC('lrfli• and A zet"Nidjan Wcstem ~ ~ 1r)'\al D c'OllllrVa • . . pÎptÜllt . . . . . W
l'Uf'lian See frum Turkmeni~tan lhmugh A nrba1Jllll and CieoJ"Bia en rouw 1o ~ -·
J •Qlopolhique de l' Cnefllic''. R~''Vfl F~ • ,,ropullliqw, dirillle pw A. ~ 1111~ ....... hdl. lOB.
ElliRllltion (allo par Pui;eil Renanlet
Or aux besoins croissants dt.>s pays dévt.>loppés (États-Unis, Union 1.mropeennt,
japon) s'ajoutent lt!S bt."Soins de l'Asit.> Pacifiqut.>, t.>1 notammenl de la Chinl!, don l la
hausse constante résultt.> d'une croissanc" économique forte et continut.>.
À l'exception de la Russie, dont lt.>s r"ssoun:"s propr"s n" font guèrt.> craindre l"
monopole américain, et qui pourra jouer du potentiel d 'approvisionnt.>menl qu'cll"
représente pour le monde occidental comme pour la Chine, 1.,s aulres grandes
puissanœs. la Franc.-, la Chine ou l'lnd" seront d" plus en plus dépendantes dt.> rone.
pétrolières contrôlées par les Améric.lins (contrôle économiqu" par le biais d~
compagrues mais aussi contrôle stratégique par l'armée) .
Dans dix ans, les énergies renouvelables seront très loin encore de pouvoir
représenter un contrepoids aux énergies non renouvelables. L'économie du monde
dépendra donc encore très largement de l'accès libre à des ressources én.,rgéliques qui,
entre temps, auront été placées sous contrôle américain.
C'est dans ce contexte général que le poids du pétrole et du gaz africains doit étrc
év1dué.
Le continent africain recèle près de lU % des réserves de pétrole connu"s ce qui n'a
rien de négligeable . Par comparaison, la mer Caspienne, à propos de laquelle on parlait
en 1997 de nouvel eldorado pétrolier, ne représente que 2,5 % des réserves prouvées
d'huile. Si la France maintient son influence sur le continent africain, elle pourra
diminuer le poids de sa dépendance énergétique à l'égard de la puissance dominante.
Si au contraire les États-Unis continuent de progresser en Afrique, alors c'est la
dépendance stratégique du monde entier qui va encore augmenter.
aUontistes (Italiens el Espagnols) et pourraient tue tentés par des condominw.ma avec
les Américains.
Avec l'Algérie, l'Afrique du Nord n'est pas seulement riche m pétrole (0,9 % des
réserves mondiales) elle l'est aussi en gaz (2,9 % des réserves mondiales). A elle seule,
l'Algérie produit 70 % du gaz africain (l'Égypte suit avec seulement 13 % ce qui est dljà
reaucoup) et concentre 36 % des réserves de l'Afrique soit, à elle seule, l'équivalent des
réserves de gaz américaines. L'Algérie produit à faible cou.t du gaz que ses
infrastructures permettent d'envoyer vers l'Europe à l'étal gazeux (gazoduc Tranemed
et GME) comme à l'état liquéfié. Fin 2000, les compagnies britanniques BP, espagnole
Gas Natural et française Gaz de France se sont intéressées au projet de nouveau
gawduc sous marin entre l'Algérie el l'Espagne. Déjà l'Espagne a86ure, gr.ke à
l'Algérie, 75 % de ses approvisionnements en gaz naturel, le Portugal 100 % et l'Italie
55 %. Au total, 90 % des exportations de pétrole et gaz partent ver.; les dienls
européens de l'Algérie.
Prenant conscience d'un renforcement des relations algéro-espagnoles qui résulte à
la fois de l'opposition maroco-espagnole et de la relation économique croissante entre
les deux pays, la France tentera sans doute dans les années à venir de solidifier ses
positions culturelles, politiques et économiques en AJgérie.
Les hydrocarbures représentent 97 % des recettes des exportations algériennes, un
quart du PIB, et près de 60 % des recettes budgétaires de l'Etat. Il s'agit dooc d'une
véritable rente pour le régime algérien, peu vulnérable aux pressions éventuelles de
pays européens lesquels dépendent des approvisionnements algériens.
La géopolitique intérieure de l'Algérie menace peu la production pétrolière. Le
principal champ de pétrole algérien est Hassi Messaoud situé au centre du par.; et qui
représente à lui seul 70 % des réserves du pays. D'autres champs sont exploités, comme
celui de Rhourde el Baguel au nord-est de Hassi Messaoud. La compétition est ouverte
entre de nombreuses nationalités : française, américaine, italienne, espagnole,
britannique, mais aussi canadienne, vietnamienne, norvégienne.
À l'écart des zones traditionnelles de guerre civile, les ressources algériennes
pourraient presque être considérées comme du "off shore saharien".
Malgré la manne pétrolière et gazière, l'Algérie compte plus de 30 % de chômews
et le pays ne présente pas de signes de développement comparables à ceux du Maroc et
de la Tunisie, deux pays qui ne disposent pas de telles ressources éne!'~ues. Le
Maroc a d'ailleurs nourri l'espoir de devenir un pays pétrolier lorsqu'une prospection
américaine a mis à jour le gisement on shore de Talsit, près de la frontière algérienne,
en aoat 2000. Mais le potentiel est en réalité faible . Le Maroc a accordé de très
nombreux permis de prospection off shore à des compagnies américaines ou &ançaise,
tout le long de ses côtes, de l'Atlantique conune de Méditerranée. Au large des côtes du
Sahara occidental, dans une zone off shore qui est potentiellement riche en pétrole,
Rabat a accordé des concessions à deux pays dont il attend le soutien dans sa lutte
contre les revendications du Front Polisario : la France avec TotalFinaElf (zone de
Dakhla) et les États-Unis avec Keer-ML"Gee. Les contentieux entre Marocains et
Espagnols portent aussi sur l'attribution de zones de prospections pétrolières : en 2002..
le Maroc a protesté contr<.> l'attribution par Madrid à la soci~té Repsol de zones de
prospection situées dans ses eaux territoriales, au large des iles Canaries et au nord de
la région de Tarfaya au Maroc. Comme le Maroc, la Tunisie est un très modeste
producteur de pétrole mais sa production couvre d~ormais SO!S besoins et il
ambitionne d<.> devenir un jour exportateur d'huile, lorsque les nombreuse5
prospections off shore entreprises auront porté leurs fruits .
Après, dans l'ordre, la Libye, le Nigeri.1 et l'Algérie, l'Egypte arrive au quatrième
rang des producteurs de pétrole du continent africain (troisième donc pour l'Afrique
722
6.3. L'or noir d'Afrique noire. or des terres. loin des ethnies
Après l'Afrique du Nord, l'Afrique de l'ouest et l'Afrique centrale offrent ensemble
la deuxième capacité de production de pétrole du continent : Nigeria, Gabon, Congo,
Guinée équatoriale, Carnerou.n, et, plus à l'Est, Tchad et Soudan exportent du pétrole.
tandis que l'Afrique australe arrive en troisième position grâce à l'Angola (Se rang pow
le continent).
Géant pétrolier d'Afrique noire, le Nigeria rivalise avec la Libye au premier rang de
la production pétrolière africaine (68 millions de t en 2002). Viennent ensuite l'Angola
~ rang africain), la Guinée équatoriale qui est en pleine ascension et se classe en 2002
au 6e rang africain devant les "émirats" d'Afrique centrale, le Congo et le Gabon tous
deux très proches en production.
Treizième exportateur mondial de pétrole (mais loin derrière les pays du Colle
arabo-persique), le Nigeria est la locomotive pétrolière de toute l'Afrique de l'ouest. Ses
perspectives sont bonnes : trente ans de production au rythme de deux millions de
barils par jour, la production de 2000 renouvelée par les découvertes de l'année en
cours à hauteur de 43 % pou.r l'huile et de 1 400 % pour le gaz. À partir de 2005. le
Nigeria se hissera au premier rang des producteurs africains grâce à la nùse en
exploitation par TotalFinaElf du nouveau champ d'Akpo dont la taille semble
équivalente .\ celle de Girassol (Angola), le plus gros champ pétrolier en eau profonde
du monde! En 2020, le Nigeria aura doublé sa production. D'immenses réserves
prouvées de gaz (3 500 milliards de m3) viennent compléter ce potentiel pétrolier.
Au Nigeria, les compagnies anglo-saxonnes sont très puissantes. Un premier joù1I
umtMrr réunit SheU et la compagnie nationale nigeriane; il représente la moitié de la
production du pays. Un second réunit la compagnie nationale nigeriane (60 % des
parts) avec deux compagnies américaines (ExxonMobil, ChevronTexaco), une italienne
ENI/ Agip et la française TotalFinaElf. Le poids de la compagnie française augmentera
dans les années à venir grâce au champ d'Akpo et le Nigeria sera alors une source
d'approvisionnement non négligeable pour la France. Pour l'heure, à eux seuls, les
États-Unis absorbent la moitié de la production nigeriane.
L'État nigerian est très largement partie prenante des recettes de l'exploitation
(comme d'ailleurs dans tous les pays du continent africain) qui constituent plus des
3/4 des recettes du gouvernement fédéral et 97 % des recettes d 'exportation.
Après le Nigeria, le second producteur pétrolier d'Afrique noire est en Afrique
australe : l'Angola.
Grace au champ de Girassol, le plus important champ pétrolier du monde en eau
profonde (1 350 m), mis en production par TotalFinaElf, l'Angola pourrait devenir,
dans quelques années, le premier producteur d'huile en Afrique noire ; il relèguerait
;ilors le Nigeria à la deuxième place. L'essentiel (les 2/3) de la production •ngolaiseest
off shore et se trouve dans l'enclave de Cabinda. On y retrouve là encore la
(oncurrence entre la française TotalFinalElf (près du quart de la production angolaise,
proportion qui augmente sensiblement avec l'exploitation d<' GiraS!IOI) et les anglo-
saxonnes Chevron, Ranger Oil Texas, Exxon, B.P., Amoco. Depul~ 1980, m une
vingtaine d 'années, la production angolaise a augmenté en volume de 600 ~ Pour
l'heure, les États- Unis absorbent la moitié de la production du pays qui !le situait en
2001 au neuvième rang des fournisseurs du pétrole aml!ricain.
Ln Guinée l!quatoriale est le nouvel eldorado pétrolier du Golfe de Gu~. Entre
2000 et 2001, la production pétrolière y a doubll!, passant de 6 millions de t :t 12 Depuis
2002. le pays s'est hissé au 6" rang dépassant le Gabon et le Congo. Très peu developpé,
le pays ne consomme quasiment rien et exporte donc toute sa production. Le
principaux champs d'hydrocarbures exploités, Zafiro et Jade pour le pétrole, Alba pour
le gaz sont largement sous exploitation anglo-saxonne. La Guinl!e est le fief des
compagnies américaines. Mobil exploite plus de 70 % du champ de Zafiro, tandis que
Oœan Energy et Triton, des compagnies texanes, exploitent en eau profonde le champ
de Ceiba et que CMS Nomeco (Michigan) détient plus de la moitié du champ d'Alba.
Tota!FinaElf se contente pour l'instant de chercher de nouveaux gisements. mais ses
perspectives sont sûres. Là encore, comme au Nigeria, la compagnie frano;ai5e est en
concurrence directe (y compris dans les associations) avec les intérêts anglo-saxons.
Alors que les productions pétrolières pour l'Angola et de la Guinée équatoriale,
gazières pour le Nigeria, ne cesseront de s'accroitre, la production du Congo mgnera
elle, au moins jusqu'en 2005. Libreville fonde ses espoirs sur des champs pétroliers m
partage avec l'Angola (accords inter étatiques de 2001). Avec une douzaine de champs
dont Nkossa (qui fut le plus gros investissement mondial de Bf) TotaIFinaElf est le
plus important opérateur au Congo.
Les perspectives du Gabon sont encore moins favorables que celles du Congo. La
production pétrolière gabonaise baisse de façon continue. Le champ off slwœ de Rabi
Kounga (160 km de Port Gentil), l'un des plus importants d'Afrique subsaharienne el
qui est opéré par la compagnie Shell se tarit. Principalement opéré par TotaIFinaElf, le
Gabon n'a pas les perspectives de la Guinée équatoriale. Pas plus d'ailleurs que le
Cameroun, aujourd'hui opéré à hauteur de 75 % de la production par TotalfinaElf el
dont la production est sur le déclin. La part du pétrole camerounais dans le Pll!
n'excède pas 5 % et les réserves récupérables ne dépassent pas 7 années de production.
Conscients de cette situation les autorités encouragent la venue d'investisseur.; dans le
cadre de projets offshore en eau profonde.
Les pays pétroliers tenus largement par la France, Gabon, Congo et Cameroun sont
donc en déclin de production. La France devra donc se battre fermement, avec
TotalFinaElf pour se tailler une place importante dans des pays où les compagnies
américaines sont fortes : Angola, Nigeria, Guinée équatoriale.
En 2020, l'Angola pourrait avoir multiplié sa production par 5, le Nigeria par 2. la
Guinée équatoriale par 3. Des gisements off shore auront peut-ètre étl! découverts au
large de pays jusqu'à présent mineurs dans le domaine du pétrole comme le Benin, le
Ghana et le Togo qui ont accordé des droits d'exploration. Ainsi, la Côte d'ivoire n'a+
elle pas encore attribué à l'exploration la moitié des 22 blocs de son bas..'iin
sédimentaire. Dans le même temps. des pays comme le Gabon et le Congo peinent à
renouveller leur potl'ntid pétrolier.
Dans 20 ans, l.1 hit'rarchie des États pétroliers en Afrique noire aura changé.
Découvert dans des eaux de plus l'n plus profondes, le pétrole d'Afrique noire pourra
ètre exploité à l'écart des conflits. Si le chaos ethnique s'installe partout en Afrique, le
pétrole l'Ontinuera de couler car les Occidl'ntaux, prévoyants auront sécurisé lcun
activités maritimes.
L ·., """.t. 1·..i...i
Des gisenwnts importants ont été dée<>uv••rts dans I•• nord du lac Tchad et ~urloul
au sud du p.rvs. Av<"l' 900 millions de barils soit L'nvirl'n 150 millions de 1, le bassin Je
D<>ba .tu sud du Tchad L'St l'un dl's 300 ch.1mps de la planl'te dits géants (un champ ~I
géant si son P'"tentiel est compris entre 70 et 700 millions dl' t).
L'e"ploitatil'n on shore o~n.'e p.u le consortium américain (Exxon Mobil, Chevron)
et malaisien (Petronas) implique la construction d'un oléoduc qui reliera Doba (Tchad)
à Kribi (Sud de Douala au Cameroun) pour déboucher sur le Golfe de Guink>.
L'investissement est colossal pour l'Afrique (3,7 milliards de dollars avec un~
implication forte de la Banque mondiale). La perspective est tout aussi colossale: le
Tchad peut ètre le -l~ producteur de pétrole d'Afrique subsaharienne en 2010, après
l'Angola, le Nigeria, la Guinée équatoriale et devilnt le Gilbon et le Congo. Mais la
faiblesse est elle aussi colossale : cette fois-ci, à la différence de la Guinée équatoriale, le
pétrole est on shore; il iaut le désenclaver par voie terrestre. Un oléoduc doit traverser
la géopolitique régionale. Sur les 1 000 km d'oléoduc, il faut faire le pari que les
équilibres ethniques tiennent. Rien de moins évident en Afrique noire.
Liés politiquement à la France, le Tchad et le Cameroun vont donc dépendre de
plus en plus d'un système d'intérêts pétroliers contrôlé par les Américains. Si ceux-<:i
veulent sécuriser leur dispositif pétrolier, ils doivent faire le choix entre deux options.
soit s'appuyer sur l'influence française dans la région (le tchadien ldriss Déby et EU onl
imposé que le tracé de l'oléoduc soit rallongé pour traverser les zones francophones du
Cameroun); soit tenter d'évincer la France et de se substituer à elle. La première option
a fait ses preuves. La deuxième parait périlleuse et coûteuse. Il nous parait qu'ici
l'intérêt des Américains serait de ne pas bousculer l'équilibre francophone.
Le cas Tchad Cameroun est très différente de celui des autres États pétroliers de la
région où le pétrole est off shore. Dans le cas off shore en effet, il est indifférent pour
les compagnies américaines d'avoir des souverainetés africaines affaiblies par des
conflits ethniques puisque les zones maritimes d'exploitation peuvent être sécurisées et
isolées du chaos terrestre. Au contraire, dans le cas on shore, "le colonial" doit pénétrer
les terres et y imposer si besoin un ordre.
Une autre zone pétrolière on shore importante est le Soudan. Même si l'acti\'ité
originelle y fut off shore, en Mer Rouge (découverte par Chevron, au milieu des années
1970, du gisement de gaz de Suakin), l'essentiel du pétrole soudanais exploité
aujourd'hui est localisé au Sud, dans la zone en rebellion contre l'État central, autour
des villes de Bentiu, Malakal et Muglad. Le régime de Khartoum y exploite le pétrole
en association avec des compagnies pétrolières canadienne (Arakis Energy), chinoise el
malaise sur des concessions abandonnées par Chevron en 1985. Tota!FinaElf a
suspendu ses activités d'exploration à cause de la guerre entre rebelles cl
gouvernement central.
Les États-Unis verraient d'un bon oeil une sécession du Sud-Soudan, transformé en
un petit État pétrolier pro-américain. Au contraire, Chinois et Malais qui trou\'ent ou
Soudan une source d'approvisionnement non tournée vers l'Occident ont tout intérêt
au maintien de l'unité soudanaise dirigée par le Nord .
C'est donc la géopolitique intérieure du Soudan qui déterminera la destination
future du pétrole on shore soudanais.
lA• um6i1&.otu umhlcain~a •ur I~ pltro/,. afrir:nin
Le 12 juin 2002, dans son rapport soumis à la Commission de )'Énergie et du
Commerce de la Chambre des représentants intitulé "Le pétrole africain : une priorité
Ch.irlln• 6 L, qul!tc de l'or noir :ns
1 A cc sujcl, tm p o un u s '-' r'-"('l\lrtcr i\ l'11n1dc ".,,. t'aut.:ur ('\dN J.uu liJ ,\'1JM\.,,/k lt~·- J'lliumn..·. ILUIJlléro :?. srpl-0.'1CibR- ~
mlilull! ..Counncnl l'Améri1.1uc v..:ul 'V&lh&ll"C la Chine"' .
726
inutiles aux communautés ethniques, de l'autre édifie des murailles électrifiées autour
de ses quartiers luxueux !
Plfrol- ,. dit•lor11 ..m ..n1
Contrairement à une idée reçue, les pays africains sont largement associ~s au,
profits pétroliers. Les condominiums d'exploitation sont constitués à chaque fois avec
des compagnies nationales qui disposent de 50 à 60 'X. des parts, el ceci alors ml'me que
l'essentiel de la technologie et des investissements est fourni par les compagml'\
occidentales.
Malheureusement, le produit des intérêts pétroliers africains ne sert pas les
Africains, mais certains Africains. Les clans ethniques au pouvoir dans les États.
Économie industrielle pour les Occidentaux, l'économie du pétrole est une &onomie
de rente pour les Africains. Elle sert à se servir, elle ne sert pas à la modemisahon
industrielle.
D'ailleurs, si les Africains utilisaient l'argent de leur pétrole pour se dévelopl"'r,
alors l'industrialisation et la croissance se mettraient à consommer du travail el du
pétrole. Les Africains devraient alors moins exporter et plus utiliser leur propre pétrole
pour leur propre développement. Cela signifierait que la rente financière diminuerait
pour les dirigeants africains et qu'ils pourraient moins s'enrichir.
Au Nigeria, premier pétrolier d'Afrique subsaharienne, les pénuries de carburant
sont très fréquentes. Les pays producteurs ont beaucoup de pétrole, peu d'essence car
peu de capacités de raffinage, puisque peu industrialisés. Ces capacités appartiennent
aux pays africains les plus industrialisés comme l'Afrique du Sud.
Une autre idée reçue, courante dans la littérature de la culpabilité occidentale est
que les compagnies occidentales font régner la teneur sur les populations locales.
Les clichés sur l'esclavagisme sont transposés au domaine de l'exploitation
pétrolière. L'homme blanc esclavagiste est remplacé, dans l'imaginaire des culpabilisés
blancs d'Occident comme dans celui des culpabilisateurs noirs d'Afrique, par
l'exploitant pétrolier sans scrupules.
Pourtant, quelle est la réalité? Au Nigeria, l'incapacité des autorités régionales et
l'activité prédatrice de bandes criminelles, laisse les populations dans le besoin et
l'insécurité. C'est alors vers les majors pétrolières que se tourne la population. Ce sont
d'abord ces compagnies qui fournissent l'emploi, et qui, à travers le cadre de l'emploi
assurent Je cadre sanitaire. Ce sont ces majors qui, constatant l'incurie des autorités
locales et de l'État fédéral, paient à la population des générateurs pour s'éclairer, des
&oies et des dispensaires médicaux. À Port Harbour par exemple, Shell qui extrait a
elle seule la moitié de la production de brut nigerian a déboursé sur l'année 2002,
30 millions de dollars pour Je seul développement social de sa région pétrolière. Qu'a
fait l'Ëtat nigerian lui ?
Les compagnies pétrolières doivent faire face à une économie criminelle parasitaire
Dans le Delta du Niger, des commandos de jeunes Ijaws (l'ethnie majoritaire) prennent
régulièrement en otage expatriés et stations de pompage et font chanter la compagnie
Texaco.
Si les dirigeants de Texaco poussaient la loi de l'intérêt jusqu'au bout, il leur
reviendrait moins cher d'organiser la sécession du Sud-Est du Delta, d'en faire un petit
émirat sécurisé et d'assurer à la population de ce petit eldorado pétrolier des hôpitau\,
des écoles et de l'essence dans les pompes, que de devoir céder sans cesse au chantage
des bandes criminelles et de l'Ëtat fédéral.
Hier, les esclaves africains furent volés à l'Afrique par des Africains pour des BI.mes
ou des Arabes; aujourd'hui, l'argent du pétrole est volé aux Africains par d 'a uln'>
Africains. De l'Algérie jusqu'au Nigeria, les peuples d'Afrique sont victimes de la
prédation de leurs propres élites, non de celles de compagnies d'intérèts privés qui
Chapitre 6 Li qu~te de l'or noir 7ZI
cèd1?nt des parts importantes de leurs profits légitimes à des États incapables en
échange d'assurer la sécurité des intérêts et le développement des populations.
Qui prendra la défense des Pygmées des forêts camerounaises qui se trouvent mr
la route de l'oléoduc Doba-Kribi ? Les autres ethnies africaine-; intéressées au projet?
Certainement pas. La pression vient des O.N .G. (autrefois c'étaient les sociétés et ligues
occidentales anti-esclavagistes), elle s'exerce sur les intérêts blancs et, in fine, ce sont
ces intérêts qui paient.
De la même façon que l'esclavage fut aboli par l'homme blanc lui-même, les excès
(les effets écologiques notamment) de l'industrie pétrolière en Afrique ne sont
combattus que par l'homme blanc : l'horrune blanc idéaliste (O.N.G .. opinions
publiques), l'homme blanc pragmatique (qui achète le calme et la stabilib!). Mais
l'homme blanc. Que cette vérité soit dite à ceux qui sans cesse brandissent la caricature
des multinationales pétrolières pillant l'Afrique.
Enfin, si l'Occident n'était pas développé, à qui l'Afrique noire vendrait-elle son
pétrole?
les :ones stratégiques oita/es
~~
1:::~:'f:l~ I zonc:s de grand~ rêserv0irs ~nergétiquC'.'
....
. ·· ..
zones de Jé'pi."fldJrKc ~erg~iquc:
,,
l~E ·\ ~ ()l_J l~1'IONS
,,
l_,'·El)G
. -, R_-\'PHIQl~ES
. . . ._
INTRODUCTION
BOULEVERSEMENTS
GÉOGRAPHIQUES
Comme les trois parties qui précèdent ont tenté de le montrer, les facteurs
géographiques tendent à inscrire l'histoire des hommes dans la permanence. Pourtant,
il est arrivé que les données de la géographie, du fait de phénomènes naturels ou par la
volonté des hommes, aient été modifiées suffisamment en profondeur, et dans la
durée, pour entraîner une variation des conditions géopolitiques.
"Voici, sentinelle au milieu de la mer, le Stromboli et ses Jumies au nord des iüs l.iptni
Chaque nuit, il éclaire de ses projectiles incandescents le ciel et la mrr aooisi71Jmœ. Voici le
Vésuve, menaçant toujours bien que, depuis quelques ann«s, 11 ail a:ssi d'e?mtT son ptzMdrde
fumée en arrière de Naples. Mais, après p/11sieurs si~cles de silence, il a bel d bim l1S5llS6Îné
Herculanum el Pompéi, en 79 après f.-C."1
1 F. BRAUDEL dir., Lo Méd;1t.·rrat1it>. L 'e:rpau ~t l'hi.ttoire. n.LH. . Pans. flammarioa. 198S, p. IS.lfJ.
2 "Ccuc explosion de Thérn il enseveli lu Ctt1c sou.-; des cendres brù.lan1cs. qut les fouilles mrouvcat et qui anr blgtaapl
in1crdi1 les cultures. Sc:s nuogc!li pestilentiels ont-ils anc:int la Syrie et 1'Êgyrtr? L'exode pute: d\mc: DU.ir œrrifilaa: de trui!i jams
donl les Juifs . alors prisonniers du phnrnon. profit&!:n:nt pour s'aifwr. Faut-il ranac:ha' o:t ~1 au voku de 1Mn..'". iD
F BRAUDEL d1r., La i\/~clit«rrunch". L 't•sptk.'e d l'histu1re, re..'d. . Paris. Flaawarion. 1915, p. 19 , si tel eu le: Çti.., an apcrça>i!.. dr la
foire d'Egypte J\ Io crCnlion d 'lsrol!I . la ronéc formiJ11blc Uc l'C\.'incmcnt fondateur. Une ~urn:- ronscqucnœ em"i.Ag« .i N a
dcsuuclion Jes pnluis crétoi s. " Au milii.?u <lu XVT s1ètlc. tous les polws erilo1s. sauf Knossos.. sont brutakmcn.1 dttruns, d nie SCNat
réoccupé" que très sporadiquement. On avml rcnsé d des rau.Ls Je M)\."Cntcns.. à une prise Je p;>U\·oir œ K.nossm. On J"e'\-mt cmu.ilO i.
une hypolh~sc ~m i se pur S. M:uitanns dè~ IQ:l4 : l'érurt10n , ·okaniqu'" de 1'ile de ThCru aurait cntraiDe wi '~ ru-de-imrCic. (. . t
Oct m:hcrcht."!li; nucnlÎ\'CS <lnns la v11li:: J 'Akmtiri , cnsevehc sou.~ IC' \'t.1lcan.. 001 pemtis de dkcler dal.\ temps : rabudoo m. la vdJc
np~s les signes unnnnciutcurs , et l'~rup11un ellc-mè mc L~ Jcmièrn <lntath.'RS au carbone 14 Sll\lell.lctlt au Xlf Y«lc fêrupboo da
Tlu!r. ; elle m: senut dom: pus n:srunsuhk de ln ,ll,:s1ructmn d..:s raluis cri1ois de Mallta.. Zakro. Pbail105. •, ln M.C. AMOURETil,
F. RUZÊ, Lt.• monclt• gn•, · "''"''"'" Pnris, llnchcttc Suri:ricur. IQW. p W.
J L'c~filos1on est d'une 1elle f1Uis~anc1! que- dc:s navires et ~ loccmw;,tins ~I projetm au.Jesius dr maisoos de pluaiaos
ë..ges. Elle est :m1vie d'un ru-dc: - m1m.~c gigantesque.
marée - qui se seraient succédés à cette époque reculée et dont l'ampleur aurait été
telle qu'ils auraient pu causer la disparition de cités nléditerranéennes.
U.-s changements de la nature peuvent être plus lents mais néanmoins tout aussi
efficaces. La progression des déserts ou désertification - le Sahara en Afrique- ,
phénomène combinant à la fois des déterminants naturels et des déterminant.!
humains, conduit à modifier le peuplement, à raréfier les ressources et à augmenter les
risques de conflit. D'autres questions font débat, comme celle de l'effet de serre qui
pourrait entrainer des variations climatiques provoquant l'accélération de la fonte de la
calotte glacière du Pôle Nord et l'élévation du niveau des mers. Nombre de pays
littoraux verraient alors leur superficie habitable diminuer de manière sensible. On
peut imaginer que les conséquences de ces transformations du milieu naturel seraient
dramatiques pour un pays comme le Bangladesh. Ce pays est déjà victime de cyclones
violents qui viennent régulièrement ôter la vie à des dizaines de milliers d'habitants. Le
cyclone qui frappa le Bangladesh en 1970 tua ainsi 500 000 personnes et en chassa un
million de leurs foyers.
1 M .C . ~MOURElll , f RUZE. /.r morrdt.• grl.!t.. untrquc•. r11.ns. l la\:hcth: Su('lérjcur, l lJlJU, p. 4-.1-4<•
2 G.A. PAULIAT et M. PAULIAT, Ch·t/ucmmu Hreo 11u· e t romuim:, l 1 ar1~ . Fi lip>cs . l9'J7. p Ill .
31"-'"· • · 10.
Owiplln 1. BoulevenemenlA géographiques
Eubée à Chios, en Attique à Chypre; après 1050, la côte de l'A!lie Mineure et quelques
lies voient l'arrivée lente de populations grecques. Les nouveaux arrivanlB fondent des
centres, Sparte au voisinage d'Amyclées, Argos près de Mycènes, Thàbes près
d'Orchomène, et les Achéens se dispersent en Méditerranée. Béotiens et Theiealiens se
dirigent vers la côte Nord de l'Asie Mineure, tandis que les Ioniens, sous la direction
des Athéniens, se fixent en Eubée, dans les Cyclades et dans la région centrale de l'Asie
Mineure ultérieurement appelée Ionie. Enfin, certains Doriens émigrent: Théra
Rhodes, la Crète et les comptoirs du sud de l'Asie Mineure.
1 G . KHOURY , "8eyrou1h. h1s1nirr d'une ville : lg()O a\I J .•(' -t•ns· tn L.o C..Awn J! /Urflf'll, ..r rrilmc:sft- 199)...t•
tnmntrc 199... p. 59-6K.
2 A . CHAUPRAOE. "'Chroniqueurs, romantiques cl \Uicn1al111IDS fr.nçais Sut lt n:MllC dD Libma• ia E-. X>lo'VE dM.. -~.
IÙllM« col/oq11r ln/ernatiunul frwHvpltone Ju C&1nron d ..• Puyru.. · .,., .Ju J>u.n cJr (lwrn·. l "97, pp. J07·ll•.
l S. STÉTIÊ. Llbanpluri~I. Beyrouth. Naufol, l<194. lQl p.
4 A. CHAUPRADE, Be)'""~tlr 'lerndl~. Pan!i, AH HiltOia&. l94R. % Jt
S X. de PLANllOL, lr.c Nation.' dM Proplt.}1r. ,,..,_., . . . . . . t t • pu/U'iqw ~ ..... r.,,.,.s. l9tl . p. tA
1.3. 1815, l'année de Waterloo et de ... Tambora
le volcan du mont Tambora situé à l'est de Java - à l'époque, on appelait cette
région !'Insulinde-, dans la presqu'ile de Sanggar, donnait depuis de très longues
:années lorsque, en avril 1815, se produisit l'explosion la plus forte qu'ait jamais COMUI
la Terre depuÏ.!I plus de dix mille ansl. Près de quatre-vingt-dix mille âmes périrmt
dans l'explosion du volcan. Des colonnes de flammes montèrent jusqu'à 50 km
d'altitude. La masse supérieure de la montagne fut littéralement liquéfiée, et le sommet
s'effondra de 4 300 m à 2 850 m.
La quantité de matière projetée en altitude fut telle qu'elle provoqua une bai5se
significative de la radiation solaire sur l'ensemble de la planète. En 1816, la
température moyenne - pour les seules régions où elle était enregistrée, Europe,
Amérique et Inde - perdit un demi degré Celcius sur l'année, ce qui est considérable.
1816 fut l'année sans été. La dégradation climatique eut des conséquenet!!I
économiques terribles. "En Occident, les vendanges de 1816 sont les plus tardives
connues depuis le début des séries viticoles annuelJes, élaborées de 1484 à nos jours"2.
l..a production agricole en Europe s'effondra. Les prix, le chômage, la disette,
montèrent. Les naissances et les mariages diminuèrent de façon significative en 1816-
1817, tandis que la mortalité auginentait sensiblement3. L'émigration européenne ver.;
les États-Unis d'Amérique s'accéléra. C'est seulement à partir de 1819, que le choc
démographique et économique causé par la variation climatique - elle même causée
donc par une révolution géographique - s'estompa.
Une catastrophe géographique peut donc peser sur le climat - on pourra se
reporter à la section consacrée aux effets géopolitiques des dégradations écologiques
de la planète - et induire des variations sur la démographie. On retiendra ici
l'influence démontrée sur un véritable phénomène géopolitique, l'émigration massive
vers les États-Unis.
Les caprices de la nature, dans leurs manifestations spectaculaires, ne sont pas seuls
à modifier de façon brutale les données de la géographie. L'homme modèle aussi, de sa
main prométhéenne, les données fondamentales de la géographie. Nous avons choisi
de traiter des conséquences du creusement du canal de Suez pour illustrer en quoi
l'intervention de l'homme sur la géographie peut avoir des conséquences géopolitiques
importantes.
1 Cat • l"htltonca amlfricalfl John D. Post , que l'on do1l l'étude des con•~ucnccK climotiqucl'I. soc1•les, 6c::onom5quo t1
démopwphiqucl de l'o.pio.ion du mont Tambon. L'htstorien fr•nçai9 Emmanuel I.e Roy LRduric, en a tiri une bnllantc s)"ftlWs
dam/A FlflOTO {11tepCcmhR2002)en1cnian1 un parallèle a..,cc le choc du 11 ~tcmbrc 2001 aur 1·1conom1c mondiale.
2 E. LE ROY 1.ADURJE. •L'dfroyablc CJ1.plotfon du mont Tambona ...''.Le Flguru, 1 1 11eptembre 2002 .
3 De 10 % dmm ccna.inca ~giom hollandai.es juaqu'à 40 '1a en Su1uc et en Autriche
Olapltre l . Boulevenementa g~phiqua
d'Assouan {1902/. USSt!pS et Wi/cocb encadrent m rffet Cramer. 1/1 le porlmt cmrr1fll! i.
ltcl1110/ogie portl! /'impirinlisme du lemps. ool
Depuis qu'ils avaient établi des empires coloniaux en Asie, à partir du XVI• sittle,
les Européens gagnaient l'Inde par la mer en contournant le Cap de Bonne-Espérance
plutôt qu'en emprWltant les routes anciennes du Moyen-Orient2 . Toutes les t.rntalivee
pour réactiver les routes terrestres du monde à partir de la Méditerranée .avaient
échou~. Le grand empire musulman des Ottomans bloquait le chemin de l'Orient aux
Européens.
A la fin du xvme siècle, l'expédition de Bonaparte en Égypte réveilla de nouveau
l'intérêt des Européens pour une route plus directe vers l'océan Indien. Au XIX• si«le,
le progrès technique apportant la navigation à vapeur, il devenait dès lors pœsib1e de
s'afhanchir des questions de vents périodiques dans les mers orientales. Ce que de&
navires européens venant d'Inde n'avaient fait qu'occasionnellement durant des siêclel
- venir déposer des marchandises à Bassora dans le Golfe Arabo-penique, ou à
Djedda et Suez en mer Rouge - semblait pouvoir 5e réaliser à grande échelle grtœ ;m
progrès technique.
Le percement de l'isthme de Suez, permettait aux navires marchands de pas&e1' d2
la Méditerranée à la mer Rouge et gagner ensuite l'océan Indien.
L'ouverture du canal de Suez en 1869" provoqua une révolution géopolitique en
Méditerranée en doublant la seule ouverture de Gibraltar. Après la révolution
atlantique du xvre siècle qui s'était faite au détriment de la Méditerranée et notamu1lmt
des grandes puissances méditerranéennes comme VeniseS, voici que 5e produisait une
nouvelle révolution géopolitique.
La France ne contrôla guère longtemps le nœud stratégique de la cin:ulation
mondiale. Les Anglais s'en emparèrent en même temps que l'Égypte à partir des
années 1880.
Durant la Première Guerre mondiale, les Ottomans menés par Djeme1 Pacha
tentèrent de s'emparer du canal de Suez à deux reprises: en février 1915 et en août
19166 . Les Anglais ne mobilisèrent pas moins de 250 000 hommes jusqu'à la fin de la
guerre pour assurer la protection de cette clé des routes impériales vers l'Inde. L'idée
même de la Révolte arabe vint pour partie de la volonté de Londres de créer une
attaque de diversion contre les Turcs afin de protéger l'Égypte7_
Devant un tel effort on pense aux paroles de Lamartine : "L'Angleterre acœptera
un siècle de guerres sur la Méditerranée plutôt que de concéder les clés de Suez. (...]
Suez étant aujourd'hui et dans l'avenir la porte de son immense empire indien. elle ne
peut pas laisser fermer cette porte sans la défendre jusqu'à l'extinction de ses forces.
[ ... ) Si une puissance voulait interposer une barnère entre l'Algérie et nous, nous
combattrions jusqu'à la mort: que ne fera donc pas l'Angleterre pour le plus vasœ et le
plus nche empire que la politique ait jamais conquis [ .. . ]. L'Égypte c'e11t Suez, Su<>z
c'est les Indes, les Indes c"est l'Angleœrrc ."1
ûrw 43 : L'iathme de Su.,z, ouverture de la Méditerranée vers l'océon Indien
Carte 44 : L'i•thme de Suez d.,ns le contexte régional
L'essor de Basra
Basra est le principal port de l'lrak5 ; c'est aussi de sa situation géographique que
cette ville tire l'origine de son développement. Établie sur le fleuve Chatt el Arab6, en
aval donc de la confluence des fleuves Tigre et Euphrate, elle est un débouché sur le
Golfe des roules mésopotamiennes allant à la fois vers l'Iran et le Levant syrien. La
ville est d'abord un camp militaire fondé en 639 apr. J.-C. ; elle se développe sous les
dynasties omeyyades et abbassides où elle occupe alors à la fois une position de liaison
entre l'Iran et la Mésopotamie et une fonction de débouché du commerce
méditerranéen. Mais sous les Ottomans, elle redevient une ville périphérique, une ville
1 A. de LAMARTINE. Saln'rnin', lmpre..ul mu. pen.,~l!!J et pay.,agc..T fWIJdant un vn_v agf! f!n Or"!ltt, (JllJJ.JllJJ). p.,,_
Libraaricdeawrta Gos.Khn. 1834 . 3 'o'ols.
2 '"C'csl La s11.1111tion qui apliquc la ville. Entre Amanu• cl Cassius, un cn~llcmcnt dan ~ Io sénc de ~ ma.nifs hnoniu ~ ln-..nbm.
œcupes par Le ba coun de l'Oronlc, ouvre vcn le coude de !'Euphrate la vu1c Io plu<;, d1rcclc de p11..<osagc de Io. Mtditcrninh \'Tn LI
Mi:lopal.amie. et cttl d'11utanl plu."I que k rclè'vcmenl des prCcipu•mons vcn le Nord du cU~rt i1yricn et ta pbw!t1'2111oa fJ11 ttac:
triche del effluva man'llmc:I rani régner dc!i cOf\t.liuon.s de s1cppes c:uhrv3hlcs ju!'qu'uu VOlllll'\OgC du neuve". X . de PL't.NHOI - La
Nariom ,Jw Prophitr. .Alarrwd Kiogrophique d e politique mHs11/munc, Pans . fayanl . 199), p . 194 .
J U 'fille est çq>a1datll dêcrmte rar la petite 0 plu.•icun rcpnsn . 120 000 mo n'" en 1 SS~ d ' apr~ un 11nonymc vâûlica :
100 000 c:a 16Nil d'.,..CS le chevah~ d'Arvicu11. , cr. E WIRTU cl H . GAUBE. 19H4, Alcppo 1 vol + 1 ollu Wiesbaden, p. 107·
109 , cdt pu X. de: PLANHOL, /.1s Natiuns du Proph~t~. Man11f!I géo1<raphlq"c Je fH'li1u1uc mu:u1lmonet. Paria, fa)1ltd, 199}.
p. JIM.
4 A. A.BOEL NOUR , Jn1rochlctlan à l 'hUtoirc urbulnt! dt! la SyrJc nttomane (XVl"-XV/11' ''"' 1') , Beymu1h , PubllcaltoM ck:
nJ.L, tcCÛOD da et\Mkl his&oriquc:s, XXV, 1982. pp. 66-72 .
5 1 SOOOOO habti.nta en 1977 . X de PLANltOL, l.A.!5 NatJon:i du Prnph~t ~ Mntmt'I g~nwr1phù1ur tk polltJqu.- mwul'*1N.
Pmis, fayard. 1993. p. 291.
6 Votr notrc: section~., conu:ndeu• Irak-Iron autour du Chatt ol A rab dans le chapilrc tn1ilonl de la prrc lier~
Owapltre 1. Boul.,,,.,,..,menta géogr•phlqun
frontim à cheval sur un fleuve qui sépare l'Iran de l'lrak1 . C'nt l'ouverture du canal de
Suez qui redonne vie à Basra. La cité va devenir le grand port de l'Irak pour .an
commerce d'importation et d'exportation, à l'exception du pétrole - port de Fao.
Ces deux exemple!! montrent que l'ouverture du canal de Suez· eut de
conséquences géopolitiques multiples; non !lelllement dam les rapporta ·e nti'e
puissances et les projections mondiales de celle9-ci, mal!I auHI dan. l'eMOr 011 au
contraire le déclin de villes du Moyen-Orient.
1 Il esl probable que Ba!ôna n'm pltL'\ .11ut-re qu'une vin9tamc de millicn d'babitams dans la flU"ODdc moittci da XIX9 liidc.
Z D cl J. SOURDEL, Oh'tw1111oirt! hù1u,.iqu1.• ck l'ulum. Pans, P.U .F .• 1996. pl41.
) .. La vieille •tonnuz.. uclivc et commerçcanle, Slluée- '"'le connneat C1 vW.lic •dcllll rcpnscs pw ~'°'°'CD 1272 et IM.
a\11111 Ctil! abtindonnitc ou ùêbu1 ùu Xlllc siècle, pour ca11.9e d"iMôcwitéi. au profit J'llftC nmaJUtion pan.ire 19icla. ~ l- .. )
Cette nouvelle ville. pt1niculi~rcmcn1 prospère pendant trois sikles p&cc.i .s.::rivltél lml"t'hmdls ( ... J,-...-.1:a l!i01, -
mum del Portup1s pour leur servir de basrioa ronift6.'", in O. ~ J SOVRDEL Dkttonrtofrr ~-~ â# r.n.... P'1rit. P\U . f'~ -
1996, p 141.
4 X . de PLANHOL, Lc•.<r Natiora." du Prophlt~ Alant#tll ~Kt'*'*' poliliq• ~- hriL Faymd.: 1993, p. .$'9 ..
SC. ISSAWI. "The Tebri1: ·'fmb.r.on Tra.lie, 1830°1900 : Rix iand DrcliM' of• Route". ,.,,,,,.,,.,,"1*M .Jovnul of ...... &.I
SNdJe.<r. J, 1970, pll-27 .
6 '"Le trafic du can•I de Suez cs1 pour parttc con"lp054! de p!trohcn .ctt.mimot da ~ 99111 ""-* - - ~
t'•pprov1sionner dans le Golfe" ; 1n~1ue lrs :tlUpcT· pi!U'DliCD - trop sros pow . , . . _ lit~ - , _ _ • ·'-:
~c . ib• ajoulcnl une quinza ine de 1uun à leur trajet lb peuvent au.'l.11 dikhU'Ff leur~•~ d"A.19 ....... t
JO km au sud de Suez où elle est 1u:heminèc !'Mir un ni~ tcrrct.~ j~u'6i
11
a. c'6le taôdAcu
~
'
l-
dis ~ L ~ û
r"tro/f! du Gu/fr (G•~rrc et pui• '"' Muyo?n - l Jrienl) . Paris. i'!J. MaLqmncm~- lartMC. 1~. p .......
7 J,P. DUPUV. Po"r "" c-ntu.1trophi.'llrt1r kl~ -..~ba:ùque. 2002.
'-"OOS&Jé~ à tr.ivcrs SêS situations - ~n...-lavt?1ncnt, insularité ... -, sa topologie
- natuœ ..tu ~li~f - , ou la distribution de ses ressources essentielles - c-au,
pêlr\11..:- .. . -, t.'St en \nt~rdl' lÎt.lll &\va· lil geogrnphie idt!nlilairc - disposition des clans,
des "'lhnit.~ (\1 dt$ 1'\C\lions plL1r r.1pporl à la disposition des Étc"lts; lracture!i
lmgul!'hqut's, n.-ligit'uscs ... L" progrès des sciences et des techniques contribue, •1uan1
à lui,. .\ m<•<iif1e1· lil n.llure de l'inter.lction entre ces deux géographies cl fonde ilins1 les
inégalités d,• pu1s>'<lOC<'. En usant de ses moyens techniques, l'homme modifie les
"-"t\.~ys~mt>s: il provoqut> ou a,·célère les dyna1niques de transformation dl! la
g"'1gmph1<• phys1qu<'. lo.:alemenl par des dégradations ponctuelles, globalemenl par
les clfots de Id modenlité sur les grands cycles de noir" planète - cycle de l'eau cl
cycle ~imt>nla1rc. cyd.-s de l'hydrogène, du carbone, de l'oxygène, de l'azote, du
phosphore t!t du soufre.
Premièrement. il existe deux faits géopolitiques principaux, le recul des forêts -
Jérorestation - et la .:enlTalité énergétique du pétrole, qui, parce qu'ils constituent
l'essentiel de la consommation d'énergie fossile, donc de l'aggravation de l'effet de
serre naturel et d'un possible changement climatique de la planète, constituenl un
risque écologique global ; deuxièmement, ce changement climatique global, résultant
de rejets de la consommation d'énergie fossile et de la déforestation, pourrait demain
.mgendrer à son tour de nouveaux conflits géopolitiques. Il y aurait, en quelque sorle,
une spirale infernale de la relation géopolitique/ écologie, certains enjeux géopolitiques
générant du risque écologique, ce dernier augnlentant à son tour les risques
géopolitiques.
1/dem , p. 111
1 "O.: pc1i1cs nuctwu ions au commcn..:.:-1ncm lk la \' l~ du syst ~1nc pt.:u\ t:nl w: lnlun~r ~hfiecs et lui Juaœc um: Juccuoa
puf•itcmcnt contingente et rcut ê ln= c ntas1m ph1stc mais "ui. de l'tn1éncw s'apf"l'ft'ltt â wa ~ - , J.P Dl'Pl1'f . P,,.,~ •
caJœ1ropldsrtw .Jdu1rt'. Poly1cchniqui:. :?OO:? .
.1 LU'C .. cc p nipos 1·essn1 l r~s d oc 11n 1c n h.' d e ll 1.n mn1'1u~ \ ' IL: IL . t:..·c,/1 1gr,· dt,·/ '.ip· ~·.U-.µ.·<". L ·~ po.'lll-ll •'tr" UM1W . Pans.,
Elllpsn. 2006.
4 D FLEMING, The" Enmumi1-.'f o f 1i1img C11r1• A 14 1-:~ -,-, 1"•'t i1m ,1,. Tlw Pnrn.11111~· P,u14.:1.pk, i.. 1~ pu J P. DUPt.t\ ', Poar
1m nUlulrophism ~ i-l.: lull"I!, Volytcchmqu ..•. !Oll .!
S Le CO , est prCs ic:nt j l'é'uu t k tr >l~· c ,l;m ' 1'.11m ,1i. 51 h ~ r c 10.lU.' ·~ .. J'-' l'a.id .:..: o.lU• tc'pn.~ntc <:11\UUD .,~ O 1n1lh&1ds. rJc \&JallCS dl
Ql'bonc J1ms .l'a1mm;phèn: . Il mms n11:1 l'~~ ..·-mi\?l de l'en.:rv 1c ro1 )\'lm« p.:ar le Sok:1l mu.li Abi;.xbc uai.:: rnctioo. beaucoup plu!
importanle Ile la raJ111t1on intru -nlll~\! . ..:d Lc qui ml. m.lWe pw Ill Tc.tn: l!I tcu1e di: rqlll.fÙI \.1:~ l'~b.n ccb um.t. ~ CU2 •
wi sa.t à clTel ûe serre .
Cette houS9e prévue de ln production de gaz à effet de serre est call!e sur 11.'5
prévision.~ de la dcmnnde énergétique au cours des trente prochaines annéc!I. 1...1
demande énergétique devrait augmenter des 2/3 de ce qu'elle e!ll aujourd'hui.
L'origine de a!lte augmentation lient à :
- la croissance des pays développés - 60 'X. - ;
• Io croissance des pays en voie de développement• ;
- la consommation nouvelle des populations raccordées à l'électricité - encore
1,6 milliard d'individus sont privés d'électricité dans le monde. Notons que ce
raccordement est nécessaire et sera bénéfique quant au recul de la déforestation - bois
de chauffage. etc. Mais, en même temps, comme l'origine de cette électricité sera très
faiblement nucléaire, davantage d'énergie fossile sera utilisée pour la produire.
les énergies fossiles les plus polluantes, pétrole, gaz et charbon répondront à 90 %
à la nouvelle demande énergétique, en particulier le charbon en Inde et en Chine. la
progression relative des énergies renouvelables - 1,6 % à 4,4 % de la production
mondiale d'électricité, et aux trois quarts dans les pays industrialisés -ne compensera
pas la baisse du poids du nucléaire dont le poids devrait être divisé par deux pour
passer de 17 % à 9 % - notamment si des pays comme la Belgique, et l'Allemagne,
mais aussi les pays de l'Est entrés dans l'Union européenne, cessent leur activit~
nucléaire.
C'est donc bien à une "recarbonisation du système énergétique mondia("2 qu'il faut
s'attendre.
_____
1 Afrique
·--
_ ___ ___ _
et Moyen-Orient '.
~- ---.---------n-:--.
__1_~~-
- _ , -- -- -- --
- __l___ ~~~o_____ ~~~~;
1 244 1 1 744
--- - - -- ---- -
+ 40,2 %
-,
-1
1
!
1 Amérique dont États- ; 6 429 j 7 654 + 19,1 % 1
, Unis ! 5 496 6 398 + 16,4 % j
L
1
· et Canada ' 1 \
- - - - ----1------~
'
; Asie et Océanie
_ _ _ _ _j - - - - - - -
: Europe de l'Ouest
1
'
5 343
3 390 3453- ·----:;-1 ,9 %
+ --
6 677 1 + 25 % !
1
1 Lon d'un colloque IUI l'lncrgie orpiu.i • Pi:kin en 2002 , le nun111re 1,;hîno1• de l'Encry1c i.J~clara : RNou• nou.• tom.s
cnpasél •UJ"Ùdu peuple & lui fournir HtAnl d 'éner~c qu·.:i un Euro~cn en 2010 nu 21115 ''
2 ~Ion Robat Pndle, A1cnce Jntana1îunah::: de l'Ener11r, septembre 2002 .
Chapitre 1. lloulevcrsemc-nt• f!~graphlqu""
CCNUCC (Convention cadre des Nations uni"' sur le changement climatique) lanœ
alors celle année là le processus qui prendra en 1997 le nom de protocole de Kyoto.
L'objet du protocole est d'imposer aux pay5 industrialisés de diminuer de 5,2 'li.
leurs émissions de GES sur la période 2008 à 2012, ceci par rapport au niveau de
référence de 1990.
Pour entrer en vigueur, le texte devait être ratifié par au moins 55 l<tats qui
représentaient au moins 55 % des émissions des pays industnaliaés. Les État5-Unis
refusant de le ratifier, ce fut la Russie qui, en février 2005, perm.it l'entrée en vigueur
du prolocole.
En 2005, le texte était ratifié par 150 pays parmi lesquels 30 pays industrialisés qui
ensemble représentent plus de 60 % des émissions!.
La part des différents pays dans les émissions de GES est évidemment varia~; il
convient d'en connaitre un ordre de grandeur2:
- États-Unis : 25 %.
- Chine : 13,8 % des émissions du seul gaz CC>i (chiffre AIE de 1996).
- Fédération de Russie: 17,4 % .
-Japon : 8 ,5 %.
- Au sein de l'Union européenne : 7,4 % pour J' Allemagne, 4,3 'lO pour le Royaurrll!
Uni, 3 % pour la Pologne et seulement 2,7 % pour la France (chiffre peu élevé en
proportion du niveau d'industrialisation et qui s' explique par le choix du nucléaire).
- Canada : 3,3 % .
- Australie : 2,1 %.
Dans l'Union européenne, trois pays se trouvent en dessous des limites fixées à
Kyoto : la France, la Finlande et la Suède.
Le protocole de Kyoto est loin de faire l'unanimité parmi les États. S'il vise au Bien
commun de la planète par l'effort engagé dans la réduction globale des émissions de
GES, on ne peut faire abstration des conséquences qu'il peut avoir dans les jeux de
puissance.
Principal contributeur aux émissions de GES, les États-Unis ont décidé en 2001 de
quiller le protocole. Les trois raisons invoquées par le gouvernement américain sont :
l'inefficacité du processus; les conséquences de ce processus sur l'économie
américaine (frein à la croissance et perte considérable d'emplois); lïnjustice qu'il y a à
s'appliquer une contrainte (réduction des émissions de GES) à laquelle les pays en voie
de développement (Chine et Inde notamment) ne sont pas soumis par le protocole.
L' Australie a signé le protocole en 1998 mais refuse de le ratifier au motif qu'il n'est
pas contraignant pour la Chine et l'Inde, deux sérieux compétiteurs économiques de
l'Australie.
La Russie a longtemps résisté au protocole, mais elle a décidé de le ratifier en 2005.
Elle a ainsi permis au texte d'entrer en vigueur et a démontré une nouvelle fois le
caractère incontournable de la Russie dans les Relations internationales.
L'importance de la part russe dans les émissions de GES a pour raison pnncipale le
mode d'industrialisation sous le régime soviétique. En dix ans, entre 1990 et 2000. les
fermetures des usines les plus polluantes ont permis un recul des èm1SSions dl" près de
40 %3
1 Caroline TOL ITAIN . L1.·' ,/4·l'f··>:f,·m,·111.• ,k /,11•l1mt·r.·, l'a.""· ll'S~cnu<I'° Mihan. !OO~. p44.
:?ldr:m. r ~o .
l -1 .a Rwsic a perdu entre ~O \'.'I -'~ n• lie !lion pan: mdu~tm:l . ,rui1 la d1niinWk>n proJ11KUK Llil: ta captc111c' dC' ~ - LA
ronn.W.hlc t.lilninu1ion lie." ~m1s!l.lnns. russes lh.• GF.S t'!o l thlnl.'. un .. clll-1 ,;ufülltrnl,. JC' l'clT~ du ntaiaw ..w~ t ... ) La
Bnufv à la puUutmn 'Ill 'clll le rnum:olc \ n lm fl"!'Om:lln:· lh,• nulnna:- ..·1 st-s Jruitr' Je p:.lluriM sur lt' nlAn:.bt tn~ l . t ia.
Jran-Michcl VALENTIN , Aft11u1.·r,. ' li"'"'"I"•'-~ s u,. r()n/r•• ....,,,HJi.,f. 1.'d l1gn..·!oo lk ~ ?005. p ..\tl.
Partie S. Révc1lullP11• gilJRrvph.,.,.
La RuMie acœph.- de stabiliser mais non de réduire ses émissions d'ici à 2012, eu
"lie est engagée, <'\imme d'ailleurs les pays asiatiques, dans une phase de crol85al1CC.'.
Elle fait valoir l'importance de ses forêts pouvant piéger le carbone. Par ailleu,-,,
M09COu relance un pnigramme nucléaire de grande ampleur dont le but est d'assurer
la satisfaction de 25 % des besoins russes en 2020.
Elles aussi t!l\gagées dans le protocole de Kyoto, la Chine et l'Inde, sont néanmoins
exempti!es des contraintes que se sont imposées les Européens. La politique
énergétique de la Chine, pour s'affranchir de sa dépendance vis-à-vis du charbon et du
pi!trole est volontaire. Un grand programme de construction de centrales nucléaires est
êgalement lancé, ainsi que des projets hydrauliques (barrage des Trois Gorges) et
solaires (utilisation des vastes surfaces désertiques)1 .
En mar.; 2005, sept États de l'O.P.E.P. (Arabie Saoudite, Émirats arabes uni.s,
Indonésie, Nigeria, Qatar, Venezuela) ont rejoint le protocole de Kyoto. Mais ces pays
s'appuient sur le contenu des textes (articles 4 .8 et 4.9 de la CCNUCC et l'article 23 du
protocole) pour demander aux pays industrialisés (donc essentiellement l'Europe qui a
si~) de financer les études portant sur l'emprisonnement du C02 rejeté par les
installations pétrolières et gazières pour le transporter par pipeline jusqu'à des sites de
séquestration (dans les couches géopologiques)2.
li existe une initiative écologique alternative au protocole de Kyoto : "le Partenariat
sur le développement propre et le climat" qui regroupe six pays, les États-Unis et
l'Australie (lesquels n'ont pas ratifié le protocole), le Japon, la Chine, l'lndonésie et la
Coret? du Sud. En 2006, le Canada, de plus en plus critique sur le protocole de Kyoto
(parce qu'il n' inclut pas les principaux pays émetteurs) a émis son souhait de rejoindre
ce Partenariat.
1 L'auteur• IW-mbne pu Cotllil8ter en Chine. en 2002 , l' impon.ancc c..le ce1 effort pour foin: de I• Chine de dcm.in un rmdtlr
ôcolopqK. Pour l 'IDllM'I Mdc:nuncn1 oow en sommes loin_
2 0a comuh.cn sur ln quc-st1oru du protocole de Kyo to . Yves Sl' IAMA . Lt! âumgcnl(•nt diniuliqul!, Ur1e '1Dl/\'f"ll1• ir-rswla
Tcrft, l..arouur, 200ji ; Jeui-M1chel VALENTIN, Mena€cs c/imatiqu~, .mr / 'Ordre n1rmdù1l. c..louicr 01pl om•1ic nwgufoc. 2005.
l J.P. DUPUY. POIU 11n catastropJu..Jme ~c/tJJr~. Ecole Po1ytcchmque. 2002, p . 21 .
4 En phy1a4tat, l'id.6e ck forçage d'un sy11l:me non lînb i ~. AfTol~ par une varia1îon brusque , le sysfl:mc "c~" ou (111 pnnt'
d\m ~t uaaUC"Ddu.
S Il faul b~ comprendre que le& paramtln:'I des cycles fonddmentoux et de l'fqui1îhrc climauquc qu• en ~u\le IUlll Iris
aombnw. . La ·ron:c:un clima1KJUC9" ne se rûumcnt pu ili l'elTet de !HlrTe. Les vu;alion• de l'axe de ro1a1ion de la T~, I• dl!ri''t
da~ . voft . . vviationa de l'interuiilt tolaiR inluhwnlCS au tolcil lui•mfme, •onl des parum~IRS CJllrfmtmenl imporUDb
et via-6-ril daqucll l'hommc n'• •ucune '"culpab11ill &kolo11quc" •avoir.
Chapitre 1. Bouleversements géographJqucs 745
CH.4 pouvant aussi piéger la chnleur - prlh!u par les projections démographiques et
économiques, devrait provoquer un réchauffement moyen allant de t•c .li s•c d'ici à
2100. Le minimum de cette projection signifie un réchauffement de 1°C sur cent ans
soit dix fois plus rapide que le taux moyen de changement de température de la Terre
depuis la fin de la dernière période glaciaire jusqu'.li l'actuelle période interglaciaire. La
fourchette haute - 5°C - s ignifie un changement climatique cinquante fois plm
rapide que les conditions durables naturelles moyennes. Noml>Teuses seraient alon Les
espèces animales capables de s'adapter en si peu de temps, et qui disparaitraient ou
migreraient, déréglant dans le même temps les chaines alimentairl!9. Quant à
l'humllllité, dont plus de la moitié reste tributaire par son mode de vie local des
conditions géographiques locales, elle serait aussi largement déstabilisée.
L'humnnité vit une époque climatiquement stable de 10 000 ans .li l'intérieur de l'ère
quaternaire. La question soulevée par de nombreux scientifiques aujourd'hui est de
savoir si l'accélération de l'activité humaine, depuis la Révolution industrielle, et plus
encore ces dernières déceruties, n 'a pas déséquilibré cette stabilité climatique. Les
hommes ont, en effet, extrait et libéré des combustibles fossiles sur une durée très
inférieure à celle qu'avait pris la formation de ces mêmes combustibles.
De nombreuses hypothèses sont avancées, parfois contradictoires, sur les effds
possibles d'un forçage climatique provoqué par l'augmentation abrupte de l'effet de
serre. On souligne par exemple la nouveauté du phénomène dit El NiM - surnommé
l'enfant car il arrive, tel l'enfant Jésus, autour de N<M!I -, un récent changement de
l'organisation des vents, responsable de plusieurs dérèglements climatiques, comme
des pluies torrentielles et des inondations sévères au Pérou, et d'une sécheresae
extrême en Australie et en Nouvelle-Guinée provoquant des incendies de grande
ampleur. Bien d'autres phénomènes sont observés. Les neiges du Kilimandjaro fondent
à grande vitesse. Depuis 1962, les glaciers de cette montagne africaine ont perdu 17 m
d'épaisseur et à ce rythme, les glaciers du sommet tanzanien pourraient avoir disparu
autour de 20201 • Le réchauffement climatique qui en est responsable peut cependant
aussi bien résulter d'un cycle normal de réchauffement que d'une accélération du
réchauffement conséquence de l'effet de serre.
Les scientifiques s'appuient sur l'étude de phénomènes historiques de variations
climatiques sous l'effet d'une variation brutale des conditions dans l'écosystème. La
plus importante irruption climatique du XX• siècle, celle du Pinatubo aux Philippines,
en juin 1991, avait conduit à un abaissement de la température moyenne mondiale sous
l'effet de concentration d 'aérosols volcaniques dans l'atmosphère. Paradoxalement -
au premier degré seulement - , le phénomène de refroidissement observé en
l'occasion a permis de valider la théorie du réchauffement climatique sous l'effet de gaz
à effet de serre2.
1 DUiDWoa de la dCfon:slanon "'supp~sion complclc tlcs for~1s existantes et leur rcmpl.u.ccmcnt rar t~'uum:s fomE3.
d\IU.lisa1ioa du aol", Man PALO. Jyrtci SALMI, Ckfortt.:rtmirJu r.md Di:velopnll'UI m the Third Wurld, Helsinki. Fmnah f<i~
llc:licucb IBAÏW&C.. 1987. p. :5S
2 G_W. WOODEWELL, "le pmbl~me du gaz carbonique". Pu"r lu 5':1tmc ·r, l'J7H. n ° ~. 11 18
) lt.ppckml qu'wa quart de lbwnan1lë ne dispose pas d'Ckctric ité Sclun une étude r~uhsCc par l'Agcm.:c m1cma1innak ik
l'Éacriie - aamcc Ulelli'C de l'Orgaa.iution de coopér.mon el de dêvcluppcincnl économique -- en 2010. le c;:hiffn: pownil
aDCOR'- tlR de 17 "Ye toit 1,4 m.llliacd de pcnonncs . KO"/• de ces populu11on.-. Vl\'c1ll en Arri<1uc sL1bsah.:ir1cnnc Cl en lnJc . S&m
ékancdé, la majQlllé de ces popuJauoruo a recow-s à la bmnuassc S1 on y 11Juutc ceux qui ont l'êh:cnici1C: nw1!11 1.1u1 n.xuum:DI
~ pour parue à la b1omauc. on coruudërc qu'un licrs Je lu rxiriulutmn mu11d1ule ·- sou 2.~ anilliunb J e pcnonncs.. tn
200.:! - utilwe de l'énaJ.ac i.w.ue &!: la cumbwtion de boitt, des rêsiJus uyracvh:s ou du rum1cr. Pl•ur cui:i.mer et :i.ç ch:u1ffc1 (<
cbJfIR dc-t'rall ~tinua- Ill Ml&DlCDlC,. t:I llltcmdrc 2 ,6 milhurds Cil 2020
4 M .C. SMOUTS, f(NiU rrupicullb·, 1u11gle uuctrnutimwli:, Paris. Pn:sscs lie Sctcncc ... ru . ~OU 1, )5~ p.
S La del~ la plwi rapide Cil m Alic~Paciftquc. En Afnquc, lu Uéforcstut1un \.IUUl41lll; suuh.:nuc cst rlu.s lcn1e. [l~....,.
Zalrc. ; .ur 1.1m M.lpCl'fidc Utique d.: 23S m1llioru d' hccUU'~. la IOrêt rcrul!scuh.: l 70 milltmu,; . C haque W111Cc ccl E~ pcN
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1 A llltc J\:~cim(lll! dans te sud ~h: Sum.mu. let~.,...._ .._.~Rt tJ.il pa:.....ec Je prÔi Jç: 1U ~ Ju. "'1 ~ œ.>Àlb de :!U '!'r..
2 M. LAM\', /11tn>eh" ·1im1 a /',~ ·,11.i.~i~· hw11, ,;n.,·. Pv-. ........._ :!oOl , p.. ~I ~
Pa,.tu• S . IUuofohott~ ~ropliUpu,
Les groupes armés qui s'opposent au pouvoir central sont tout aussi responsables
de la déforestation. Au même titre que la drogue, le bois de notre planète est un
carburant de la guerre. En Birmanie, dans une région montagneuse située près du
Tibet et d'où descend le grand neuve birman, l'lrriwady, la Kachin Jndcpe11da11cc Anny
qui s'oppose aux troupes de Rangoon et contrôle plus de 40 000 km 2 - soit 75 % dl! la
superficie administrative de l'État kachin et Je tiers de sa population, accélère
dangereusement le déboisement du haut bassin de l'lrriwady en vendant de grandes
quillltités de bois à son alliée, la Chine. La déforestation birmane risque de dérégler -
sécheresse, inondations - le cours d 'un neuve qui baigne les plaines birmanes et Je
delta situé en aval et dont dépend toute la construction géopolitique de l'État birman.
De manière analogue awc Kachins, les Khnlers rouges ont financé - en partie -
leur guérilla par le trafic de bois entre le Cambodge et la Tha\lande.
Sur le continent africain, le même phénomène est observé. Les milieux du bois du
Llbèria sont impliqués dans le trafic d'armes avec le Sierra Leone où s'est déroulée ces
dernières années l'une des pires guerres de décomposition étatique. La réalité du
problème écologique n'exclue pas sa récupération à des fins géopolitiques : les intérêts
américains, via des organisations non gouvernementales anglo-saxonnes, ont récupéré
habilement la situation pour discréditer Charles Taylor, qui fut président du Libéria
jusqu'en aoùt 20031 . En 2000, après un rapport de Global Witness, les États-Unis et la
Grande-Bretagne réclament un embargo sur le bois libérien aux Nations unies. Nouvel
exemple de realpolilik déguisée sous le masque de l'écologisme international, el
d'autant plus efficace que la disparition de la moitié de la forêt libérienne originelle est
un fait incontestable.
La déforestation humaine, qu'elle résulte des dynamiques géopolitiques internes
d'États ou, au contraire d'oppositions périphériques aux centres étatiques, constitue un
risque écologique à effet global pour notre planète. Certes, le phénomène de
déforestation n'est pas totalement humain. Depuis 1997, les incendies sont la cause
première de la déforestation en Asie et en Amérique latine: 2 millions d'hectares de
forêts détruits en 1998 au Brésil; quasiment la même surface en Indonésie l'année
précédente; durant les vingt dernières arUlées, la moitié des forêts indonésiennes ont
brùlé, soit 20 millions d'hectares . En apparence rien d'humain dans tout cela, sauf s'il
était démontré un jour que le développement des incendies dans le monde tropical
n' est que la résultante des troubles climatiques occasionnés par l'activité humaine dans
le monde. Où l'on voit encore que tout est lié ...
La déforestation a des conséquences sur le cycle de l'eau. Rappelons que le transfert
de l'eau vers l'atmosphère s'opère suivant deux dynamiques : l'évaporation de l'eau
des océans - surtout - , des lacs et des continents, et la transpiration des végétaux.
Dans ces conditions, la réduction massive des forêts modifie le rythme de l'évapo-
transpiration; tous les grands équilibres sont alors modifiés 2 . L'un des effets, outre la
baisse de l'absorption du dioxyde de carbone - dans la photosynthèse des plantes et
des arbres - est d'augmenter le ruissellement des eaux de pluies à la surface des
continents et de provoquer alors des inondations. Comme l'écrit Stephan H . Schneider.
"le contrôle des inondations est l'un des services de l'écosystème assuré gratuitement
I Qumarz..e md de BUO'f'C civile ont rrappe cc p3~ . Fin :?OOS, Madame Sirlcuf, ex-cadre â Io Banque monJ11tlc c1 sou1cnut: p.u
Wm.hlogtoo.. a. m Clue- prawkntc . Il s';sgll de la première tCmmc: chef d"l':11111 en Afri4uc
2 Le tnm.fcrt de l'eau ven l';atmœ,phCrc résul!J: donc tic l'évapo1r.ansp1ru1ion -· ~vaporalmn + 1nmsr11m1mn - . 111 conJcn.YJlllll
d lJ fonnauoo de aiourtdcn.c-. ~voquent c1u.u11c lt: retour de l'eou sous fonnc Ji: prêcip 111111ons _ Cdli:s -ci c nlmincnl le llansputtdt
ma..tb1awl dd CUDIÎnetts .,,.en les men : le i:yclc sédimentaire csl inJu11 pur le L:yclc de l'cou Il comprcmJ l'érosion, Ir tn.n.lfk>" cb
é~u. nu.tri.tif•. ta form.mt1on dt sédiments. Enfin . cycle de )'cou cl cycle s ~<luncntnm: sunl m!iiCpurahlcs t.le 6 autres C)'dct
impartantt lrydrusëne, carbone, oxygùlc, az.otc, phosphore el ?toufre . le!i 6 mui.:rnélémcnls nutnufs co111ti1ua111 à eux seuls plus de
9j ~de r.ous Sa orp:nismn vivanL'\.
Owpltre 1. BoulcVcJ"Rmcl\l.9 gfogr.aphiqu~ 749
1 S. H. SC HN E ID E R. L'-1 1i~rn• mt•nact>t·. t1t1 /u/'tcJrumire: " ru1111I'.~. Pans , Haod)C'Rc l1UcnJ.uru. 1999.
~Voir la pnnic sr Cdfolue L:otbaL.: n.t.c au füc 1cu r rêt wh ..·r Jan..,; lit. r ame 1n t 11ul~ ~ 1 ·..,..noir·
J Mou. ptlT un .. hns urJ" m ulhclltcU:i1: l'uur Pëkm 1.'l h 1.'uh:U.\ l'l\.•\U W.\.~ hing. tu n . l'lnlCf'<n'hM'I ~...me œ Afgh.ia:tsWt. i. •
1-.nc JC"S ancnluls du 11 !i>C'f1lcmhn: :?OO 1 '-'. Onlrc le !!> l~ lt, lS·lJn i~ . a M(~ \h.1 l.& mute J e l'As1.: i>cGll'&Jc à la Lbun::. CC'llt'-1.:i ..-oil ses
projccliom1 ~.:r.; 111 régmn cn!iipi.:nn1.• et . plus luin . H ' r.o l'Union curop.'cnnc. 1.. rii:mcnl ~1.l1npromin.
4 B. WIESENFELD. L'atumr> c!cologiqut·. EDP ~i~ · l....
750 Pnrl;t! 5 . Rtvoluliontt srosntplriqs.h
peut utiliser le gaz naturel puisqu'il est beaucoup moins polluant que les autre&
combustibles fossiles."!
La question de l'énergie nucléaire est bien une question géopolitique, et ce, à double
litre : d'abord parce qu'elle remettrait en question la donne en puissance du monde,
augmentant l'indépendance de nombreux pays européens à l'égard des États-Unis;
ensuite parce que le nucléaire civil n'est pas exclusif du nucléaire militaire : si la
technique nucléaire était généralisée à la planète, c'en serait fini de la suprématie du
club des puissances nucléaires. Le nucléaire militaire se banaliserait, ce qui serait peut-
être aussi un moyen de bannir définitivement les "armes du pauvre", chimiqul!S et
bactétiologiques . ..
Le recul de la forêt
Ce sont les végétaux qui, avec les océans, permettent à l' eau de circuler entre la
surface du globe et l'atmosphère : moins de forêts cela signifie un cycle de /'ea11 modifié
et donc davantage d'eaux ruisselantes, c ' est-à-dire plus d'inondations . Mais ce sont
aussi les végétaux qui fixent le dioxyde de carbone et rejettent de l' oxygène : moins de
forëts cela signifie alors un déséquilibre du cycle du carbone qui s'ajoute à celui causé
par les émissions résultant de la formidable croissance de la consonunation d'énergie
fossile depuis la Révolution industrielle. Chaque année, sur les quelques 6 milliards de
tonnes de CO:z rejetées par l'Humanité, 3 milliards vont directement amplifier l'effet de
serre dans l' atmosphère et l'autre moitié est fixée par les forêts ... du moins tant
qu'elles existent encore ...
Car après l'effondrement de la couverture forestière de l'Europe entre les X< et
XJXe siècle, c'est au tour des grandes forêts tropicales d ' être menacées de disparition :
autour de 2020 pour l'Afrique et lAsie équatoriales, de 2040 pour lAmazonie. Les
responsables : la main de l'homme (agriculture locale, culture sur brûlis, fronts
pionniers de dé&ichage soutenus par les États, multinationales exploitant le bois rare,
trafics de bois développés par des guérillas en rébellion ... ) allié e aux incendies de plus
en plus fréquents et intenses qui eux-mêmes résultent du changement climatique!
Depuis 1997, en Asie et en Amérique latine ces incendies sont la cause première du
recul des forêts d'Asie. Et, durant les vingt dernières années, la moitié des forêts
d ' Indonésie est ainsi partie en fumée .
Quelles conséquences? À l'échelle globale, le dérèglement climatique bien sùr,
lequel amplifie lui-même la déforestation (incendies ) mais aussi à l'échelle locale la
destruction programmée des États concernés. Paradoxe : la construction de la
souveraineté des États forestiers comme le Brésil, la Malaisie, les Philippines ou la
Birmanie aura passé durant des décennies par l'avanc ée d e s fronts pionniers de la
déforestation ; mais à mesure que la jungle fore stière recule, croissent les jungles
urbaines où viennent s'entasser des populations d é raciné es et exclues du
développement. Pendant que l'Amazonie perd 2 à 3 millions hectares par an le Brésil
"gagne" lui dans ses villes des centaine s de millie rs de nouveaux pauvres . La
déforestation des États forestiers prépare les guerres civiles de demain.
1 J MAURITS LA RIVIERE. " l.'cun en rcnl ". P1•m 111 So,·1ru . !i.f"C'1J1l .( i.:-n:1 laphu...;.•1c'", n ~ l-4~ . nu\·. l919.p.. ~ -
2 Le U1m~l1uh:sh m:cusc l' lmh: 1..h.• le "''YL'r :-''lL" k JCh~t Ju li"'hmoq"H1tre cl au .:-ontnu~ Je tarit ~ ~1 du. C'll&D&C- \'œ la
r.c:ithon canucrCc 1\ 111 ~èopnl11i11uc ûc l'cuu .
Seizie parmi les vingt plus importantes mégalopoles sont au bord de lil mer. Des
tibats insulaires et archipélagiques (Seychelles, Maurice, Maldives, lies MilAh.ill,
Tuvalu. Sao Tomé .. .) dispar.ittraient alors; le Bangladesh serait très largement
submefgé et ses populations fuiraient vers l'Inde, provoquant de graves tenaion.~; une
~ partit- des rotes d'Afrique du Sud, d'Espagne el du Portugal seraient
su~ ; des villes seraient quasiment menacées de disparition : en Afrique,
Dakar. Lagos et Alexandrie; en Asie, Shanghai, Bomb.,y, Tokyo el Bangkok; en
Europe, L~res et Rotterdam, en Amérique, Buenos Aires, Boston, New York ... On
construirait des digues, mais elles seraient balayées par des tem~tes de plus en plus
violentes Cl'Nnt des raz de marée, comme au Pays-Bas qui seraient peul..ftre
définiti\'ement rayës de Io carte, ou en Californie où les digues auraient peu de c~
de résister au déreglement climatique. La France pourrait perdre d'ici à 2100 plus de
20 ':iti. de son patrimoine littoral, alors même que ses rivages sont déjà 2,5 fois plus
peuplés que son territoire intérieur. Sans compter que la remontée des eaux sa)~ dans
les deltas des grands t1euves (Gange. Nil ... ) déstabiliserait les agricultures vivrières en
s'infiltrant dans les nappes phréatiques. La montée des eaux provoquerait dl!!I
migrations humaines gigantesques, sans doute de plus de 200 millions d'habitants
annt 2030. peut~tre un départ massif des populations néerlandaises ou anglaises vers
r Amérique ou lAustralie, et une fuite vers l'intérieur des terres de classes aisées
abandonnant des mégalopoles littorales devenues trop dangereuses.
Sécheresse
Après 2010, l'affaiblissement du Gulf Sl:Team pourrait provoquer une chute
dramatique des précipitations en Europe du Nord et y causer de" périodes fortes de
skhere6e mettant en péril les ressources agricoles du continent. Le même phénomène
se produirait en Europe méridionale et en Afrique du Nord, provoquant l'exode de
millions de paysans. En Chine (où 20 % de la population mondiale ne dispose que de
7 'Ir. des terres cultivables), la réduction de la mousson déstabiliserait la production
rizicole tandis que l'avancée des déserts (le désert de Gobi menace Pékin), accentuerait
l'effondrement agricole. Que deviendrait cette Asie des moussons (Chine et Indochine)
où près de 2 milliards d'être humains vivent aujourd'hui autour de la culture intensive
du riz?
CNrllro 1. Boul"v.,.....,m.,nhl 11oographlqu""
Énergie
Le Cüi a augmenté de près de 30 % dans l'air au cours des 150 dernières illtl1tts.
Pour la production de l'ensemble des gaz à effet de sen-e, une augmentation de 70 ~
est attendue d'ici 2030, résultat direct de hausse spectaculaire de la demande
énergétique dans les vingt-cinq prochaines années.
À partir de 2015 le pic de production pétrolière sera atteint: on produira moins de
pétrole que l'on en demandera . La compétition entre les pays s'exacerbera brutalement
el ne se limitera plus au phénomène de la hausse du baril Implantés militairement au
Moyen-Orient (Arabie Saoudite, Irak ... ), les États-Unis contrOlent désormais l'accès de
leurs adversaires et concurrents au pétrole. D'ici 20 ans, une guene navale sirMr
américaine pour l'accès au pétrole est possible. Mais pas plus que la Clùne, le Japon et
l'Europe ne sont assurés de leurs approvisionnements ~ Leur avenir
dépendra de leur relation avec la Russie, second réservoir pétrolier (après le Golfe) et
premier réservoir gazier du monde. li y a peu de chances pour que le monde ait le
temps de compenser la pénurie en pétrole par les énergies altr:matives. On
consommera en masse du charbon et la pollution s'aggravera. Unr ~des États vers
le nucléaire civil se produira également, qui aura comme conséquence une
prolifération aggravée du nucléaire militaire. Dans un monde de plus en plus
dangereux et où les ressources se seront raréfiées, l'arme atomique saa regardée
comme une protection indispensable. Les traités de non prolifération auront volé en
éclats. Face à la pénurie. des ressources énergétiques comme des ressources aquiftores
ou agricoles, les mécanismes de survie se radicaliseront.
DÉCLOISONNEMENTS
GÉOGRAPHIQUES
1 "En 32S, d fonde une nuuvcnc Ali:umlne sur l'lnJu....,.... J. h\ VlEM.. hs üNflllâs !lrliinHn'&!Ffs.f ID~~ a ·w.-'bu.
1'11u, hyanl, 19'1 I , p. 30.
Hi A. PAULIAT cl M. PAlll.IAT. C11·ilirtMMNuFW<"111r•lmm.11••·. p.,;,. Elh...... 111117, p. H .
Manithon et Salamine, est de plus menacé d'un dilettantisme mortel, à l'image de la
figure trouble d'Alcibiade. René Grousset remarque fort justement que : "Ce peuple §i
bien doué et qut gardait une conscience Je sa supériorité intellectuelle !!Ur le reste du
monde, ne peul jamais, chose incroyable, s'élever jusqu'à la notion de la commune
patrie. Li patrie l'l'Sta pour lui réduite aux limites de la cité, et les trois cités principales,
Athènes, Sparte et Thèbes, passèrent leur temps à se combaltre."'
Cette folie de la désunion est d'autant plus mortelle que le péril pour la civilisation
grecque ne saurait étre limité aux Perses. En Grèce d'Occident, les Carthaginoi5
prennent pied en Sicile et s'emparent d'Agrigente. En 406, Denys de Syracuse se fait
attribuer le plems pouvoirs et pendant quarante ans, jusqu'en 367, il règne sur
Syracuse. devenant, pour les Anciens, le type même du tyran haï et redouté2.
~ ltkm. p. 240
O..pltre :z. D«lolJKJnnemcnt.~ grographlqoes
domination de l'Asie. Alexandre Ill, dit le Grand, n'a que vingt anA IOBqu'il et acrlamé
roi par l'année. Il sera l'un des plus grands conquérants de l'histoire de l'Humanité.
Mais à mesure qu'il conquiert l' Asie, Alexandre orientalise son projet g~politique.
Après s'être emparé des richesses du Grand Roi. et s'être déclaré successeur des
Achéménides, Alexandre peut se passer de l'argent des Grecs el des Macédoniens; il
peut rendre son empire autonome de son centre européen. Déjà. sans chercher.\ mettre
en place l'administration nécessaire à la survie de tout empire, le conquérant. plus
aventurier militaire que visionnaire géopoliticien. s'enfonce dans les profondeurs
asiatiques. En 329, celui qui apparait de plus en plus comme un souverain oriental - il
1 lhltkm , p. 241
2 R. OROUSS6T, BJluu '14! l'hbtoirt·. ~r "L P•ria. Pkm, 1%2.
758 Parli• S. Rh>oluti.,,.. }l<l:>grapluqun
impoge la prosternation devant lui - franchit !'Indus. Arrivés sur les rivl!9 de
l'Hyphase. les soldats d'Alexandre, effrayés par la démesure de leur chef, cesseront de
le sui-.-,,,. Une flotte est bâti .. qui descendril !'Indus jusqu'à la mer. Par mer, Néarque
SW\Ta les ~-ôtes de l'océan Indien et du golfe Persique jusqu'à l'embouchure de
!'Euphrate et du Tigre. En 326. Alexandre fait demi-tour vers l'Occident. A Babylone
qui l'a subjugué, le géni.il conquérant fixe la capitale de son empire. À trente-trois ans,
Alexandre meurt sur les bords de !'Euphrate. li meurt en chef macédonien, contesté par
ses propre« troupes de s'être tant abandonné à l'Asie, d'avoir voulu à tout pnx
fusionner les aristocraties macédonienne et asiatique. Les soldats d'Alexandre
supportent mal les costumes orientaux de leur chef, l'entourage orientalisé, la volonté
d'imposer la prosternation à l'image des Perses, les mariages forcés de Susel . Et il est
vrai qu'Alexandre aura été peu soucieux de la prospérité de la Grèce, qu'il se sera p1115
intéressé à son domaine oriental et que sa politique de fusion des races se sera faite au
détriment des Grecs.
La mort de la grécité
Nous avons vu que les Macédoniens étaient parvenus, sous Philippe, à conquérir la
Grèce en jouant habilement sur les divisions des Grecs. La défaite grecque de Chéronée
en 338 avait marqué l'affaissement des États indépendants grecs, contrainls de
s'intégrer de force dans une communauté grecque commune - Ligue de Corinthe -
contrôlée par les Macédoniens. Dès lors, il fallait parler d'unité hellène et non plus
d'unité grecque, puisque, au sens que Démosthène donnait au mot barbare, les
Macédoniens appartenaient au monde barbare bien qu'utilisant la langue grecque.
Dès la mort d'Alexandre en 323, des révoltes éclatent dans l'empire. Les Athéniens
qui furent la grande puissance grecque jusqu'à l'arrivée des Macédoniens, tentent de
nouveau de relever la tête sous l'impulsion du chef de file des patriotes. Démosthène.
Mais la rébellion est mâtée et Démosthène est contraint de se suicider. Après la guerre
lamiaque durant laquelle une confédération de peuples et de cités autonomes s'était
1 M .C AMOUR.1:.TTI, F KUZE. Le 11wndr 1trec.· untique, Pans , Hachenc Supéneui-. 1990, p . 245 . Voir sunoul les 1c,1e:s Je
O!.udurr: dC' Sicclc. d'Amcn ·- Anabuc - . ci la Vte d'Alc11i111dn: de Pluu.rque.
O>opltre 2. Dfcloisonnem..,.ta ~phlqu""
constituée autour des Athéniens et des Étoliens pour lutter contre l'~
macédonien. un dernier effort grec - guerre dite chttmonidéenne - est tien~ VftS '1117
contre 1..,, Macédorûens, mais il se solde par un échec cuisant. La nation ~
disparait en même temps que la démocratie athénienne. Elle ne rq>araftra plus. L'une
des conséquences géopolitiques du règne d'Alexandre fut donc la fin de la grfcillt au
profit de l'hellénisme. projet d'une civilisation univenelle cosmopoliœ et unie par
l'usage commun de la langue grecque. Géographiquement, I~ occupe mw
place importante dans l'histoire des relations entre l'Europe et l'Orient n.édi1ti1mié&o.
Ses effets s'inscrivent en effet dans les dynamiques d'unification de l'Occident et de
l'Orient, et non dans des dynamiques de césure comme lors des grandes césun!I
religieuses qui interviendront à l'orée du Moyen-Âge européen. 0 s'agit bien. enbT
l'Europe et l'Orient, d'un phénomène attracteur et non d'un p~ répulsif
comme les grandes fractures religieuses.
L'hellénisation de l'Asie
Si, de son vivant. Alexandre n'a guère donné à la Grèce les bénéfices de .oes
conquêtes, il a cependant contribué à répandre l'hellénisme, tout en l'ouvrant
largement à l'asiatisation. Il aura donné à cet hellénisme les rivages de la Médiberranée
orientale, Syrie et Égypte. c'est-à-dire la façade européenne de l'Asie. tenituiJes qui
resteront durablement rivés à l'Europe. Après lui, l'Égypte et la Syrie resteront preqoe
mille ans aux mains de ! 'hellénisme, l' Anatolie occidentale seize siècles et demi Tandis
qu'au contraire, "à l 'est de !'Euphrate, sur le plateau de l'Iran soumis ensuite par
Alexandre, l'hellénisme ne maintiendra. son pouvoir que deux siècles à peine. Et ce fat
là que le Macédorûen pour les huit années qui lui restaient à vivre, COIJUl1l!nÇll à 2
dénationaliser. "1
réwli111 sur sa per.ionne trois fonctions : roi des Perses en Asie, hégémon de la Ligue
corinthienne en Gl"èce et roi de Macédoine.
Sur le plan économique, un véritable espace économique commun fut créé. Si la
séparation des pouvolr.1 civils et militaires fut bien de règle dans les satrapies, une
administration financière de type impérial fut mise en place. Une monnaie unique, la
devise attique, fondtt sur l'argent, remplaça les monnaies des États. Tout fut prêt pour
cn!er •un immense et unique domaine économique" tandis que le grec devenait partout
langue véhiculaire - koinè.
Pourtant l'unité de l'empire hellénique eut exactement la même durée de vie que
son créateur. C'est là où le Macédonien se dénationalisa le plus, où il fit le plus d'efforts
pour fondre l'identité des Perses dans le cosmopolitisme, que la réaction identitaire fut
la plus rapide et que l'hellénisme s'évanouit, beaucoup plus vite que dans le futur
awnde arabe, syrien ou égyptien, où il allait se maintenir encore durant plus de neuf
cents ans.
"lA chose Ill plus gnmde depuis la Niation du monde, si l'on excepte l'lncamntion t!I la mari
de Olui qui l'a crtt, tst la dé~e dts Indes. •1
Au xve siècle, l'Europe occidentale ne connait que !'Afrique du Nord et une partie
de l'Asie; la majorité des terres reste inexplorée. Les nécessités économiques poussent
les Européens à trouver de nouvelles routes directes vers les Indes et à rompre leur
dépendance à l'égard du Moyen-OrienL
Les Grandes Découvertes se font dans un contexte géopolitique précis :
·le conflit anglo-français est apaisé, tout comme celui de la Papauté et de l'Empire;
- l'arrêt des grandes épidémies qui avaient dépeuplé l'Europe occidentale et la
reprise d'une forte croissance démographique;
- la pacification interne et la solidification des unités étatiques en Europe ;
- le poids de plus en plus pesant de l'Empire ottoman qui a pris Constantinople en
1453, dernier vestige de l'Empire romain.
A la croissance de la richesse interne de l'Europe, à sa stabilisation doit répondre
Wlrl!! croissance externe. Les Grandes Découvertes répondent à ce besoin d'élan vital des
Européens. L'impulsion ne peut venir que des façades atlantiques et non du monde
médlterranl!@n immobilisé par le bloc musulman qui lui barre la route de l'Orient. Ce
que le monde méditerranéen peut apporter à la dynamique des découvertes, c'est
l'expérience des hommes, des marins, génois comme Christophe Colomb2, ou florentin
comme Ameriga Vespucci3.
Le dkloisonnement mondial se fait à partir de l'Europe suivant deux axes : le
contournement de l'Afrique pour gagner les Indes; le franchissement de l'Atlantique
qui vise également les Indes mais qui va "buter" sur la découverte d'un continent
inconnu - ou au moins oublié depuis le temps reculé des Vikings - , l'Amérique.
J F. WPEZ DE OOMAkA , HJ.rtory o/ IM lntlla cil6 par O.S. LANDES, RIL"l1r$.te ri puu vrrt~ tlc.t nutlmu fPourqunl du
ridta "! Put1rq110I du ptnlll"'U 'I) , Pans, Albin Michel. 1998
2 J. f AVŒR. Lu Gruntlr:J Dlcouvertr.t fD'A(rz.a,,Jrr ri M11Ji(ellun) . Pari!I , FuyorJ, J991, p 4 .l 9-470
J •1..c preaucr à pulet d'un Nouveau Monde, cal en cffel Atnériif:O Vc1pucc1 dons une lettre LJc rclntion de voyo.ic ndrcutt •
.1..-m dt Mddic'if tt publi6e en UO:l .", P. VILLIERS, P. JAC.:QUJN, P. RAGON, Lt1$ EuruM111U dl la m1..•r : 11• la "'~uuwn- ô Io
colOlfSMllHln(l'JJ· IK60J, Parit, Elliptet, 1'197, p 2S.
Chaplin! 2 . Dk'lolM>nn~menls géographlqul""!I 761
1 hf,,m . fl · 17 - lli .
2 lhttl , f' · :?1 -11
r11rr1~ 5 . R.!volulrOnA JfkRrrq1lu'fUt1
Le royaume portugais. dans la seconde moitié des années 1480, a déjà largement
progiesst le long des côtes africaines; il préfère poursuivre dans une logique qui
fonctionne plutôt que de faire le pari hasardeux d'une traversée de l'Océan. C'est la
rai9on pour laquelle Ouistophe Colomb s'adresse à l'Espagne d'Isabelle de Cashlle. Il
faut six ans de négociations et de controverses entre les savants, et surtout l'état
d'ivn!sse messianique qui succède à la chute de Grenade en 1492, pour décider enfin le
royaume à tenter l'aventure de l'Atlantique. La chance de l'emporter semble si faible à
l'Espagne que Colomb. jouant sur les risques immenses de l'équipée, parvient à
anacher à la Couronne d'Espagne des privilèges exorbitants en cas de succès : il est
amiral, vice-roi des Indes, et bénéficiera de 10 % des richesses à venirl .
Le 12 octobre 1492. Colomb croit avoir atteint l'archipel du Japon : il est en réalité à
San Salvador. Après deux mois de navigation dans les Petites Antilles - Hispanola,
Saint-Domingue, Cuba - , Colomb rentre en Europe, sans avoir mis la main sur les
riche5ses immenses de l'Asie que Marco Polo avait tant vantées . L'amiral accomplit
e1Suiœ trois nouveaux voyages . En 1494, la géographie des Antilles est précisée ; en
1498, l'amiral touche les côtes du Venezuela avant de se fixer à Saint-Domingue. EnlTe
1502 et 1504, toujours en quête de la Route des Indes, il longe l'isthme américain et ne
~toujours pas qu'il côtoie un monde nouveau .
Les découvertes de Colomb sont poursu iv ies par celles du navigateur florentin
Amerigo Vespucci qui longe en 1499 les côtes de l'Amérique centrale jusqu'au nord du
Bré;iL Vespucci est désonnais convaincu que les terres que Chris tophe Colomb et lui-
même ont découvertes sont celles d 'un nouveau continent, et non les Indes comme
ravait pensé son prédécesseur. De retour en Europe, il annonce en France, à Limoges,
la découverte d 'un nouveau monde que !'Allemand Waldseemüller, dans sa
Cosmograplrial! introducto - 1507 -, nomme Amérique.
Un accès aux Indes est cherché au nord-oues t de l 'Amérique par les navigateurs
occidentaux. En 1497, les Anglais abordent au Labrador2 ; en 1500, les Portugais
découvrent Terre-Neuve ; en 1535, l'expédition française menée par Jacques Cartier
ttmante le Saint-Laurent et installe la France au Canada.
Entre temps, en 1498, Vasco de Gama, pour les Portugais, montre la Route des
Indes par le contournement de l'Afrique. Les Espagnols n'abandonnent pas le projet de
rallier les Indes par l'Ouest, en contournant cette fois-ci l 'Amérique. En 1519, Magellan
appa:reiUe avec cinq navires ; il navigue de l'Espagne à Rio de Janeiro, longe la côte
américaine vers le Sud et atteint l'actuel détroit de Magellan. Il pénètre dans un nouvel
océan auquel il donne le nom de Pacifique puis, virant vers le Nord-Ouest, atteint les
Philippines. De là, il remet le cap sur l'Espagne, après avoir relâché aux Moluques,
passé Le Cap et longé les côtes occidentales d ' Afrique.
1 Dmn• f"mterpftlll:IOll ck l"ht.'toift nous sommes coujoun dan!li la tcn!liion cnlrc Io log ique concmue et détennmi !lilC c l 1'1nupoon
du 1-d et de lti n6-.c:sa1t.f. Les Grandes déco u1"ertes ont !o<>uh gné le r(1lc d u hasard . c :ittCricur il nu uc analyse géopolitique, mais
aoas .vous prit; soin de le pn:ndn: en IOUies c in:onslan4:.CS en considérat ion · "Co lo mb n'aura it pa!li lrouvt!: une tcm: inco nnue dam
roue11 Se 12 oi:::tobre 1492 Ill les Roi1 c:alholiqucs n'éia1c1n pas entré• dans G rena de le 2 Jan vlcr. Mai !li suno ut que l"Espaanc n'aurai!
pmi imethgul rocc!an d'oû mfl.lnul un flltlu.Jeu1r cmpi~ . s1 l'irTcmpla.ç.ablc G éno is -- q ut ~v1m de !lcrv1r le roi du Ponu1•l - ne lui
n.,. propos.t ses aenio:s m ~i1' de couse. parce que les L usi1aniens n '.uv 1u cn1 r as besoi n t.lc lu t", m f R élLEC, '"Loa1qued
pandaus de l'expansion m6:hicrranecrtnc a u ccmps des D écou vertes" in A , .,,._.. du <o llo que d l· Afur.\'c•illt•. 2 1-:n scpt.:mbrc 1 99~ .
M6d.î~ mt1 ouvcnc. L 1, du xvr~ a u xv m ~ ~ ·èclc . J' ) fft}-4 00 . N"cm p é..:hc . SI C o ln mh ne l' uvu11 flll !\ roil, un oulrc l'ounul r1i1
,
les rnaycnt lcdtniqua poussant de loulc faço n dans le s.cns J u d éscncluvcmc nt pl :m é1a 1rc
2 P V illien:, P Jacquin c1 P Ragon insfStcnr s ur le ri> lc 1n, u s1c m c n 1 méco nnu de lu péchc don!> le!\ g rnnJcs dtcnuvcnc:s.
-,.ombrcwt sont les p!eheurs frança i1 -- b.squ~ ou brelo n s - n u ung la 1s <1ui , n la lin du M oyen -À g c , s'11vcn111ren1 11u larac dt
rJrla:ndc . tncn 6 J°QOQl du pt.lcau continental , prati quant ainio h1 naiv 1g;ih o n ocConiquc r . J O n l'o ublie 1rur souvcn1, la R"<hcrthc
dt novveauz. ~ ~ pfchc en un moteur •uut pu1uan1 de l'c xplo rat in n ... uc la rec herche J e l'or o u d e n ouvc:llc!ll lcrtts r o" u 9ab,
Fnnçau et Anglaia y joum1 un r61c es1en1icl . su1 v a. ullén c uremenl pur les llnll11ndui 1> " , P . VILLIER S, P . JA CO U IN , P RAOON.
/A~ Etl1"tlpttN t!l Io Mn" . lk Io Jkou~n~ 0 la rn lrm Lsul itm f/ 4.S5 - / HiSIJJ . 1•aris. Hl1ps c ti, 19'J7 , p . S 1
Oiapltre2 Dêcloisonnemenllll géographlqu"" 763
En 1520, le monde est décloisonné: l'Europe sait aller aux Indes en contournant
l'Afrique; elle a découvert un nouveau continent, l'Amérique, et sa.il aller aux Indes en
contournant ce continent et en traversant le Pacifique. Portugais et Espagnols en
progressant les uns vers l'Est, les autres vers l'Ouest, se rejoignent, et donnent au
monde, et aux Européens en particulier, une représentation nouvelle de la Terre.
1 8 BENNASSAk. J JA( :QUART. L1..· XI '!' Ti,Ô( ·lt·. ram.. A.nnand l 'uhl'. l'Wll. J"· ~l!i.
2 Le myaumi: hnf!iidc de Turus.. le S1l11ghay lk C.i1uo. l'Fmrir<' J'l:th1t-r1c :au let~ Je LM& Y~ ·- 1.&.\ol-1'*8-. le!
royaumes noir1' du Monomotnpa et du <. ·unyn.
l R. et M CORNEV1N. l/ümir~· dr l'Aji-iqfü· c/c·.,· •"iJt:rnt'.t Q-.• jPMr.\ , hn~. rietitC' ttihltoe.hèquc h~ lw..&. P. 192.
• Les é\:hru1ges enlr" les fom\es ,ie vie des deux biosphères, ccll" de l'Ancien Mond"
et dn N"u\•oou Monde sont non moins déterminants.
L•• cacao, Il' mo~. la pomme de terre passent d'Amériqu .. en Europe, ainsi que dl'
nouvelles formes de drogues, 1.. tabac, la cocal . Les habitudes illimcntain.,,
t'uropéem1t?S sont considérablenwnt modifiées : le 1na1·s entre dans les cuisines llillienoe
••t balkanique ; la pomme de tl!rrc devient la pre1nière source de féculent e n Europe du
Nord et son rc\lt.' ~t tel que certains historiens lui .\ltribuent un rôle essentld d.ins
l'essor démographique en Europe occidentale, au XIXe sièdt.'.
L'Europ.- e xport<• vers l'Amériqu•• la canne à sucre, des céréales, le cheval. certains
bovidés ou bien encore le mouton. Conséquence géopolitique? Le cheval sera, eo
Amérique, l'instrument de conquête du monde blanc sur les peuplades amérindicnnC!i,
le vecteur principal de la colonisation. Quant à l'élevage des bovidés en masse il sera
l'une des causes premières de l'élimination du peuplement autochtone, dont la liberté
reposait sur la maîtrise d'espac~ de chasse inlmenses.
Une autre consét1uence de l'échange des biosphères fut celle de l'exportation des
maladies européennes et airicaines en Amérique : virus de la variole et de la rougeole,
fiè\•re jaune, protozoaire de la malaria, bacille de la diphtérie, typhus, bacille de la
tuberculose et bien d'autres microbes et virus qui arrivèrent en m ê me temps et
décimèrent des populations autochtones dont l'immunité n'était en rien préparée à
subir de tels as.sauts.
- La catastroph<' pour le monde mus ulman : en attendant Suez ...
Ce qui fait essentiellement la puissance du Moyen-Orient musulman au XVI• siècle,
c'est sa situation géopolitique d'intermédiaire exclusif du commerce entre l'Europe el
l'Orient. En dépassant, le 17 mai 1498, le Cap de Bonne-Espérance, le navigateur Vasco
dl' Gam.1 ouvre à l'Europe une voie vers les Indes plus sûre et moins chère que
l'ancienne empruntant le Moyen-Orient. Le coup s'aggrave lorsque les puissances
commerçantes de l'Europe deviennent aussi des puissances territoriales en Orient. Les
Mamelouks tentent bien de s 'opposer aux Portugais, avec l'appui des Vénitiens qui
comprennent que leur commerce est en grand p é ril, mais ils échouent devant la
supëriorité technique des navires portugais, construits pour le vent et les flots de
l'Atlantique, maniables, rapides, disposant d'une grande puissa nce de feu . Les escadres
égyptiennes sont envoyées par Je fond et les navires marchands arabes n'arrivent
même plus à pënétrer dans le Golfe arabo-persique2 . L'Europe dispose des routes et de
la supëriorité technique. Comme l'écrit Bernard Lewis "le Proche-Orient arabe avait éle
contourné. Il ne devait pas retrouver son importance commerciale avant le
XIXe siècle" ~ .
- L'ouverture de l'Iran aux Relations internationales
jusqu'au XIX• siècle, l'Iran est un pays qui reste relativement inaccessible. Protégé
par ses escarpements montagneux, le plateau iranien n'est guère visité par les
l ·n • lallu atl~o&hc ICJi Gr.mdc.s Dé:cuuvcrh:• pour que l'Ancum Momie rct,:m vc le ma ï~. ln pumnu: de h:nc, ht 1utalc. k
maniuc. l'arucb1de, l'ananas.. le cacuu, le 1abuc, et pour que le Nouvcuu m o nde c ultive Jc hl~ . le n .-:, l'u rKc . l'uvmnc . la canne i )OC'IC.
)d ~ fMÛCR lcnlpi~s , fc i;afëln , t:Jtvc Jc bumf, hi chèvn:, lie muulo n , le pur\.'. , le: ..:J1C\·UI . l'inc ,
l'u:.aye Je le TOlltcl Ju
ll[lJUCRRC
rrr l.'UiOICIPC'IU ~1quc du continent amêricam ia élit rC11poruubl~ de lu non· 1.:om111u111cotinn <les plalllc~ cull1vta ci des amm.11.n
t.ionJCtotHi~ qlli urH élii énumir~ . Lt-5 gnmds <k:éunit uni J o m:: c1u:rc t un1.: l'une oçti un J 'umlcmcnl Jm14u'uua Jccu1wcrtc.s uwillnw:')
des >CV' d XVIe 1.1à:I~ . Le pro~ de5 tcchmquca ll lium\Onté cet uh~mad c . ", 11 O O UROU , J~o,,r "'"~ gtlnyrnph i~ /m,,11111tt •, l'&lU
Flanun.m.rh>n, lrr7J . p. 12~ · 1lù .
1 X. tlc rLANHO L , L ..·.r N. m ma.r Ju /'ruphi'tt• . .\lum11:I g~gruplu11w Ji.• puli1iq11~ mww..1.-.w, PuU.. fa)-at\l 19!0, p. 5~'1 .
l l '11mbu.iooal.h: Je Sc n::cy pa r1 lie T o ul o n le J O iuwc rub n:: Utl 9 cl \OO)~ pat la 1~ dl.l Nonl. T~ cc Tlbrti ; dif
ani vc •Ispahan le S ovni IM.io . L'umbussuih: de {.i,1b mc:su qmllc M:usci llo:. le 12 ~'l;u Ill.SS. ~brou.ac:ilu.s..lpcrai..cn
C1 l'(lllh.n cl A.mvc A Têhéram ~n juillc:I IK ~~ Il fa ut Hn:. à ..:c JlN J"):i. Ju L"olRl&C de Sl:RCE\'. liac ~ ~
Pcnc CR l lB9-lllol0, rru-bi. llJ2 K, cl d u ..:nmti: ile CiODIN EAU. Tmta YU)"'ltV~ t'ü Alic. l"ivu.. U1.4ili . 10 Œ.'\,IYl'~1i ~
0111inianJ, Yi b lio lhfq uc La P lë inJ.::
l X do PLANHOL. /. t•J.· N m imu- du / ~rop4è~. •~~iqu.: ,4. /H•lu111* ~...._Paria.. h);ud. l~} . p , SS.,
-4 ltkm, p . ,5j9.
SlXIl~ME PAHTIE
RÉVOLUTIONS TECHNIQUES
INTRODUCTION
"Les gra11dcs p11issa'1œs du XX• sii!c/e, so'1t toutes leB puissat1ces pio'1nières en maHèrc
d'él«tricité, d'électro'1ique, d'électrodynamique, d'aviation, de radiophonie puis de systèmes de
rommunicatio'1, de co,,quête spatiale.
La suprématie de la puissance américaine n'est pas seulemmt celle du dollar; elle est celle de
la combinaison de troi,; composantes: un fart patriotisme teinté d'universalisme moralisateur, le
pari de la teclmique, l'appui du dollar roi."
Fernand Braudel, Grammaire des civilisations
l L. DELAPORTE. "Les Perses" in E. PETIT, M. ALLAIN. A . GANEM dir., Histoire Univtnelle illuswk du pays et du
flftlJ'la, Paris, Librairie Arislide Quillet, 1913 . t. 1, p. 224-240.
2 x. de PLANHOL, Les Notîon.s du Prophète. Manuel gêographique de politique musulmane, Paris, fayard. 1993. p. 481 .
)Idem, p. 481.
4 J.P. DJGARD , Hisloire el omhropologie des sociétés nomades : le cas d'une tribu d'Iran, Paris, A.E.S.C .. 1973, p. 142l-
14JS, et Le: fait ethnique en Iran cl en Afghanistan, Paris, Fayard, 1988.
s N'oublions surtoul pas la M~sopot.amic qui fut aussi un centre majeur des techniques d'irrigation . "'Grt.ce • son systtme de
CllWDI qui ~tend la v~g,tation autant qu'ils s'4.~:tendent
cwc-memcs, la M'sopotamie fut un grenier pour l'Ancien Monde. E1Je
produimit l'orge, alors le grain par ex.cellence [ ... ].On a suppose! que la Mt!sopotunie a"c! la patrie orifPnaire des cfrâlcs. Sur la
fatililé du &01, on a le ~moignage d'Hérodotc s'abstenant de donner les chiffrca du ~dcment. de cr11iate de n·e~ pu cru ;
ralimalion moyenne est de 40 pour J", in G. CONTENAU, "Mi!:sopotamic et p•ys voisins" in M. OAUMASdir., Hlslolrr6hWralt
do rechnlques. t. 1, Lu o~lgines de la c/vi/Jsation technique, Paris, P.U.F., 1962, p. 129.
Nature; c'est par elle qu'il a bouleversé ses représentations géographiques. Cl'ci est
vrai des révolutions de la navigation maritime qui pcrmirl'nt l'ouverture des roull'S
mondiales du commerce et changèrent les rapports de puissance jusqu'à la domination
mondiale des États-Unis, au début du XXI~. domination qui repose sur l'avance
technologique - amlement, satellite, espace.
Nous voyons ici sucœssivement: l'essor des puissances européennes et leur
domination mondiale s'est faite largement grâce aux ingénieurs et à l'importance que
l'Europe sut très tôt leur donner; que le facteur technique fut souvent en conflit awc le
facteur religieux, exemple idéal-type d'opposition entre un facteur conservatif de la
géopolitique et un facteur de changement ; que le progrès des techniques dans le
domaine de la navigation maritime joua un rôle clé dans l'établissement d'une nouvelle
donne mondiale ; que la montée en puissance des Anglo-Saxons au XIXe siècle trouve
en grande partie son origine dans la Révolution industrielle.
LA CRÉATIVITÉ TECHNIQUE,
FONDEMENT DE LA PUISSANCE
EUROPÉENNE
"La grandeur historique de l'Ocddmt n'a de sens lfUL pour un nomlrrt de~ limlti
Oiarlemagne est un assez mince empereur à roté de Gengis Khan, â côti de Timour qui possida fQ
moitié de l'Asie, et dont les troupes dnlaienl écrtJSl!T m dna 1ours l'ami& turqi.L, qui pourl1ml
venait à Nicopolis de battre les Chréhens comme plâtre. l.Drsqiu Mmœ Polo trmn:rr m Orirre wœ
ville de plus de un million d'habitants, il n 'a pas u~ très hautL idtt de Vmisr. lw XW siidt,
qu'est-ce que la cour des Valois en comparaison de cellL des rois de PtJY. des anpnrurs de Orint
et du fapon ? Paris est encore une confusion de ruelles quand les imhita:œs per511115 lnlant la
grandes avenues d' Ispallan à quatre rangll5 d'arbres, dessinmt la plaœ Royale aMssi grmdr ~
celle de la Concorde, Versailles même est un assez petit tnroail m faa de la ~ inlmli2 ù
Pékin. Seulement en cent ans, tout duznge. Pourquoi ?
Parce quel' Occident a découvert que la fonction la plus ejJiau:e de l'lntrlligma n'ibril pas rie
conquérir les lwmmcs, ruais de conquérir les choses. [... ] L'Occident n'a pas inutnti Ill tvlan dL
l'ordre, il a inventé la valeur fondamrntak de l'ack qui inlassablanent IL rrwdifo!. û qu m.is
appelez sa grandeur historique c'est à cela qu'il IL doit: à œ que l'objet du combtlf puur l'hommt•
cessé d'être seull.'lnrnt l'homme, à œ qu'il a mis l'inginieur au-dessus du soldat[ .. .]. •I
1 A. MALRAUX. Ocçùlt:'nl ._., Ori('nf. C'.\trutt d'wl discours pf()[k)fl\."i k -4 no,· ~ l"B5 .
2 M. DAUMAS d1r., Hi:lilotrt' ,:àt..:.ruk Qe_,. ,(."'-"hnii.tW'-'. L 1. L,·3: l•ri~"''·-~ .ic-L.t ..· i,"illsdl11tNt~.Paris.l'l1 . F ... llJIC.p.'fS..
1().1
plus exilcte que œlle de Ptolémée? Lucien Febvre soutient que durant des si~les,
l'Occident" été à l'kole de l'Orient, "à l'école des Sarrasins" écrit-il 1 .
Mais si l'héritage oriental est important, il ne faudrait pas en conclure pour autant
que l'Europe du Moyen-Âge fui un désert de la science, comme l'ont fait trop
hâtivement ceux qui avaient intéret à discréditer d'une part tout ce qui s'était pa•sé
avant le Révolution française, d'autre part l'Occident par rapport au Tiers Monde en
vue de l'émancipation de celui-ci. La vérité historique ne résiste pas à ces clichés
manichéens. Car le Moyen-Âge européen ne fut pas cet oubli de !'Antiquité et cette ère
de l'obscurantisme que des générations d'histoire républicaine ont voulu dl'!crire. Le
médiéviste Jacques Heers en France2, et de nombreux autres historiens dans le monde,
notamment aux États-Unis, ont montré que l'Europe du Moyen-Âge avait au contraire
été l'une des sociétés les plus ingénieuses que l'histoire ait connue, une époque où les
inventions se succédèrent et préparèrent l'expansion du siècle des Grandes
Découvertes.
4 '°""·p.S2S-SJS.
5/bid.. p SIL
6J. GIMP~L. TM Mf'dieval AWchlnf', p 14 .
7 Au Xv-' 11tdc. florençe cc \lc:n1" rabriqucnt des milli1..:rs de luncuei;.
8 D.S IJ\NOES, R'drU1f' f'I pou1Jr-~li des nut,on.'f (Pourquo i de.'f riche.\· '.J Pu11rq11ni Jr.'> /lllllvrL'!f !), Puns, Albin M1c1u:I, 1991,
p n ; ·0n Ni\ quie la tuneita avaient é14! invc111ûs, ou introduites, en Europe occiden1.alc düns I• ticc.:ondc moitie du Xlll' 11~k
Cwn 121.S erwuvn) Elln furent d'-.bord en crin.al de ruche 1a1llé. pui• elles seront en vcrTC lonqu'on 1tura decouvcrt le mu)"" ik
fabriquer ua \.'cm: aucz tnn5p;ucnl . Elleti ne "'a.J.rC'li1>111cnt d'a1llcun; 1nilu1lc1111::nl qu'uu11. prc!lb)'l&.:!liô Cl aux hypcnnétropcs '. les \'Crrt\
Chapitre 1. LI> crénllvllé IL'Chnlque, londemrnt de la puluance europttnne 773
Alors même que les autres civilisations se !IOnt concentrées sur l'habileté de
l'artisanat, l'Europe développe la reproduction en série, la production de masse. Tout
c<?la est logique au fond. Pauvre démographiquement, l'Europe doit reproduire le
miracle de Jésus: la reproduction des pains; l'industrie, qui fabrique en série, réalise ce
miracle. L'Orient, riche en hommes, reste concentré sur une production à l'unité,
artisanale, dont la quantité n'est que le résultat de la quantité de producteun humains.
d1't'crycn1s pour- myuf1cS ne pnru1ss cn1 pus anli!ncur.i; ou XVt .. s1èc;-lc: -. in M. DAUMAS dsr .. Hütu;n- rJMn* Ja ~. L l..
U .f prrmJ1\r1•,r; ert1111·.o; ,/,, mudmn.wm:, P1ms , r .U F . 19f\5. p 69.
1 M DAUMAS Jir., //i.çwfrt• J.:t:111 'rctlC' tic•.{ ti.'l'h11iqu1•.f, 1 :?. Les pNMk!rr.t Jtapu dM .w« ..UIU...., r.tn. P U.F .• 196J. p. Jl9..
110.
2 Lc1\ misons du succès ne sunt ('IRS cotalcmcm '•ablics ·~1 - i!ttt le iU\·clOflPC"IW'dl Jr: Lill ~ cii..d:iM ~U 1 ....
oppamlcrc ccnains hcsvin s 11Uxl1ucls 0111 ~ni.lu lc-s prcmi~n:-s horfo,cs d'nlifitt. li est rtus '~de- pcDllC'l'"qK cdDci.
qui donnaient 1011Joun non sculcmcm des ind1catiuns homîn."5 ponc:ruks f'lil'" des tonnerics tt ....,._ntJoo d'....,,....._ - _.
cCTtnincs imfü:11tiuns m1tmnumiques C'I de c•lcndricrs. \11\t (të cC11U1~ttct 1,:omrrc des '1b]dS dt ~ crt dct ~ *
riches~ ( . . ) La rivnli1é de pn.'"Stigc cntn: 1-=!ll d1k cxpliqucmi1 I• mullirlkatton r.ptJr ûc:l hortdp:I qu.i • ,.._..... .._._...
utilil~ pmu4uc.". Mo·m. p . 2'>0 .
l'artic..• 6 . R.èvol11Uo11s ltclm"l""
714
5. L'invention de l'imprimerie:
diffusion de la connaissance, et nl.aÎtrisc de l'inforrnation
L'imprimerie est inventee en Chine au IX" siècle; en Europe, son utilisation massive
ne se fera que quelques siècles plus tardl. Gutenberg public le premier livre occidl'nlal
à caractères mobiles: une Bible - 1452-1455. La production d'incunables - ce sont les
premiers livres imprimés depuis Gutenberg jusqu'en 1500 - sc chiffre à plusieurs
millions dont deux pour l'Italie.
L'Islam refuse l'imprimerie - au motif qu'il est inacceptable d'impriml!r le
Coran - qui sera contrôlée, dans le monde musulman, par les chrétiens et les juifs. Il
en va de même en Inde où la première presse n'est installée qu'au XIX• si~lc.
Inversement le christianisme sut tirer parti d'une invention qui lui permit d'imprimer
des millions d'ouvrages saints et religieux servant à l'évangélisation du monde. Il est
d'ailleurs notable que, dans l'histoire, l'Église n'a jamais raté aucune révolution de
l'information~, ni celle de l'imprimerie, ni celle d'Internet au début du XXI" siècle.
L'histoire prouva en tout cas que l'imprimerie servit l'Occident et desservit ceux qui
avaient voulu s'en passer. Peut-être y a-t-il là une leçon à tirer quant à la révolution
d'Internet, nouveau réseau mondial d'information et de communi-<:ations.
691
2 ·u raison en at que Ir: chn'\tumismc. n:liamn Je lu rnédm11on. hi!'ritt.!rc pm1r panic <lu Lnl(o~ grec et Je ID Juns(tt\JJct'Jt,."<
rormurw:, n'o pu que placer le J1scuun; comme chJCU c rucia l Ju p o uV1)1f culkc11r. Prm.lu1rc l'ordre . les tc-nncs <lu thscd11~ ci les
moyens de comm11ml:1lliun. c'L"'!il riroJu1n: les rmnm..~ hcnn~ncut1quc~ <le l'u..lcn111C \,.olkc.:11 vc cl Je son nnlrc poli1111ue llnnunr alm
qui ins111uc le 5CnS et s·rn faille garanl''. f' l:OIHiET. " lnfum1atinn" . m Th t.k MONTIHtl/\L et J KLl : IN 1.hr . nri 1wmrnir1· ok
1trut'1f1r. Puu. PU F .. :?000, p l 17.
) La poud~ ~t '"onnuc p.ar le~ Pc-nans sous le nutn Je "sel c hinu1s" lmllhs 'lue les Arnhc.; l'nppcllcnt "nd~c 1.hinu11"C~ .au
XJJlr 1îklc, ui M . DAUMAS Jir, //uwrn· J.:4!11,>ru/,• dn 11•<ht11t/l"'·' · 1. 1. /., ..,. u,.i~i111 · ,· d. · Io nwlhulw11 1nl1111q111'. f'1m s. Pl ~ r
1962.p. 106
4 "Curutruc1ion1 dt 'drw.goru Je feu', S< Jérla..,anl .. ous 1'.&1.ctiuu Je l';ur dmml et 1uo1c1;1111 Je lu lumCc cl Je., Ounm11:, Jc:-11ntti0
• tariricr l'mnicm1. •• ldt>m, p . 306
'•i_•onne il rn pona1ivc fo1t wn üppürilîon 1.1u X Vic s1C.Clc cl elle se p..:rlCc1io nnc knic:m..:nt nvcc le pos.•;..ny:c Je l'aniucbuK JU
mowqu~. m aUcndanl d'NTl\ICf au hu1I don1 le Ccu ~ lruu.,·c l.louhl~ Ll'unc puissuiu::c l.lc ~hue et Je prutL'.:ti lllt 1t\'CC I• b.ml.inncnt
pcrfa:Uonnéc ,_ Vaubut au t.oumanl l.lu XV Ille ~ti:dc . " , m lt COUTAU-llÊCiAIUC:, " Feu", m Th J e MONTURIAI.. J t\.Ll:tS
dir•• OlcliCNtnOirc ~ Jtrulixi~. Panl. r U .F., 2000, r> 23~
o.apltre J. La cn!ativilé technique. fonde"""'! de la puÛMNlrv:e europttnnr 715
l E. SJ\ÎD, L 'Or,,..•utuli.tmt!. Pans. L'llllJ'TNlUan . 1117~: dans M>ll ~ly. dt l'Wllm ~ b pemitc.~ Albat lloanai
11;rilique les lht,.e!li ~UU(lhficatriccs Uro E. Surù : .. M SalJ a c.ht quc l\mcnaallSIDC' n.1 llD l'l'Ok Je pm$tt ')piquaD:DlOŒidc:Daû ..a,
11 s1mplitle lrop lanqu"1I !11-0us~ntctuJ 4uc cc moJe <l.: ~\...CC- \.-Sl 1nelltnc•bkunau l~ t l'M:ke de dDmlmDao. Cl. CD. liiiL.ca ~ U
te peut que Io. capecih! de n:JiPlinl.::r le munJc.· ~hffërcmnumt ait J'1ilh ck l;a .."URÎ....r'M.."O q~ l'Eumpc ~~ linit lk ra,.... dt
...un rouvoir mihlairc et <le ~on i:onuncn:-...:", m .•\ . llOUM.ANl, 1. 'uJ""" ,4J4, Ja.~~. llcl)nmab. S-.fal. IWj, p. 101.
2 Braudel Rl\~UC (llllf c~cmplc ~u'n•nt l'i&mvêc- doà F.urop.!icn..'- ft ~ . . ~ rA. . . . al . . . .
impcnnt-ablc à la roue, • t'anatr'C', a\ la W. clit _ , . , à l'O:mv~ mlmo. saW • 8amop.. : f . WlAUDliL, ~ da
d1#Uurinm, Pari•. Flam1nnrmn . l'N:i. p . 161.
776 Partite 6 . Rlr10lution11 lttlm"f'U'J
1 Cc qui M veut pu ditt qu'il n'existe pa.s de moyen de conlrcbalunccr la suftt:rpu1ssancc mmêric111nc .
2 ·u .._... gc d'un climal relativement ckllud et sec , de tc1Tcs ambles peu profomJcs, Je for!ls rabougnn qui s.c ftatntrrnl
wmcitematl, . da. Ccrn::s lolltda et grasses •• des riv1trcs bien foumic!'i , à de!'i forêts loulTuc<t c' riches en be•tu 1u-tna, ne p<IU\'ajl
se raire ,.,. modiricatîou ~Ut.Cs de l'ensemble des lcchn1qucs I· ) Lc'li différences de rn<tourccs cntninaiml donc da
modifie.liant lCChniqun L'Antiqui" clasa1quc fut , poumnl-on din= , une c1Yiltsotion d 'agricullure !>~chc-, de picrTr, de bn::llut, dt
ta.Dia vtattaua, tandis que l'Occident mtd1eval connut une agncuhurc humide. se servit pnncipalemen1 lie bois, de fer. Je cu11. dr
iuala de provmance animale". in M DAUMAS dir., H l.rwirr g~nùulr: de.~ t~d1mqr1t'."• 1. 1, U..·s 11rl ginrJ dt• /tJ '°;,;/U..P
1ulirrlqw, Pui1, P U.F, 1%2. p 43 l-4H .
('hepitfto l. La ~tivtté technique, fondement dl"' la pui....,.nc~ t-Ur~ m
Tandis que le monde musulman méprisait le travail qu'il ré5ervait aux aclave9 -
<-omme le firent aussi les Grecs - , le monde ix:cidental labourait la ll!'l'R, mo.Wlait les
formes, en même temps qu'il faisait la guerre. Certes, partout la guerre était plwt noble
que n'importe quelle activité ; mais peu à peu, en Europe, l'ingmieur et le ll!dmXieft
prenaient une importance équivalente au guerrier. Le guerrier occidental d'aujourd'hui
n'est-il pas devenu un guerrier-technicien voire un guerrier ingmieur1 ?
En Europe, chaque fois que la religion voulut s'élever contre les progds de la.
science, la puissance s'en trouva affectée . A la fin du XV• siècle, le Portugal dWpo!lait
de techniques de navigation de pointe ; cette avance œchnique qui lui pennettait de
lancer sa formidable dynamique mondiale, il la devait pour beau.coup à des yvanta
étrangers, italiens ou juifs. Mais dès 1492, le Portugal !le mit à contraindre les juifs à la
conversion au christianisme. Des campagnes de penécutions antisémites furent
lancées. En 1506, un pogrom à Lisbonne provoque le massacre de deux mille juifs
convertis. Le passage du Portugal sous la coupe de l'Espagne - Philippe 0 - db:h8fnl?
l'inquisition portugaise2. A partir de ce moment, le Portugal se retourne sur le ~et
le développement scientifique s'arrête. De nombreux savants juif!I, dont Abraham
Zacut, quittent le pays, emportant avec eux, science, argent et réseau. D ne faut pm
s'étonner dès lors que le Portugal, qui avait colonisé si vite, en Afrique, en AmBique,
en Asie, connaisse un déclin de puissance rapide. Le Portugal a cessé d'inventer, de
penser, ce que les diplomates européens du xvne siècle en pœtr à Lisbonne 50Ulignent
à de nombreuses reprises dans leurs correspondances3.
On est alors rendu à ce paradoxe : alors que le chris~ a valorillé le travail.
favorisé l'innovation, les excès de l'inquisition provoquent au contraire un a~
du travail, un culte de l'Or, tant en Espagne qui s'endort sur les riche!l!lf!9 qu'elle
ramène du Nouveau Monde et n'entreprend plus rien, qu'au Portugal qui ne gagne
rien à passer sous la domination espagnole.
Grâce à l'or de ('Amérique, les Espagnols sont riches ; ils ~hftrt achell!r et ne
produisent presque rien, semblables en cela aux Arabes qui les avaient ciomiré
auparavant. Pourtant, si les Arabes n'avaient pas produits, ils avaient au moins
commercé ; les Espagnols, quant à eux, ne feront rien d'autre que de profilrr de la
luxure que leur permettent les richesses immenses qu'ils ramènent de lems pillages;
Les Espagnols méprisent le travail : ils ne commercent pas comme le feront les·
Français, les Hollandais, les Italiens, les Anglais, s'estimant au-dessu5 des antre
nations chrétiennes et employant comme travailleurs iaunigris des Français qui
amassent en Espagne, en peu de temps, des fortunes immenses. Mais au mili4'll du
xvne siècle, l'afflux d'or cesse. La Couronne espagnole, coutumière des banqueroutes,
entame un long déclin. La revanche de l'histoire fera que la pauvreté poussera
trois siècles plus tard de nombreux Espagnols à immigrer vers la France pour y
travailler, cette fois-ci sans y faire fortune ...
On peut imaginer ce qui arrivera aux pays arabes du Golfe lorsque l'or noir aura
cessé de couler : cela sera comparable aux déclins espagnols d portugais du
xvne siècle. Le XX" siècle pétrolier ressemble en effet pour le Golfe arabe à ce siècle
d'Or de l'Espagne où l'or facile permit de s'acheter les compétences et lt!S services
l Raprcluns 4.1u'cn Fra.nec. les «:ulcs nulnaires .:omm.: t'&.:ok Polyicc.baiquc. l'E..-olc ~--.~lie rA&t ou. ~T
M.>nl. rJu poin\ de ..·uc 1.h: to fomwliun :o.eu:nufi~uc cl 1c...:hm'luc. t.k 1."ên&abla..:t.:ulad'~.
2 Jnquu1uon lout autuut tuum ...-.: contre le11 pruh:s&anl.5 et la; cnonsqucs ~uc OJGlrtl "'=" Jw:6. IL CAARASL'U. L ..._., ..
PltJ/ip~ Il. rr1ri.(. Ellipses. \QQQ , J'I 11-1.2
.l I'>t1v1J S Luuks ruppmt...- '-IU'au JCbut Ju XVII"' siC.:lc. ~ dipJuJQIJOI lll.ÎpnMÏl&lad '"la ~"riW et,...._.*~
de notre nu1um f\4.lOUJcl: aU s~" 1anJ1:-. qui: ... mnci~ Pany. plènipo11:nhall'e ~il Lilbc:amo• 16JO,. . . . . . . q11e••---•'"9
cuncw. l.{U.: 1:hw.:un ne ~·• q~ ..:c 4ui lui ~• stri~1cmcn1 nb.~n:'" . i.o D. S. LANDa ~.,,,_.,,,....._ ~ ,........._
.Ws ru: h.:.'î :· />uurqMC>• ck.• JldUl ' rL·.'•i :• ), r.ar1!l, Albtn Ml~hol. l'Nlll . p. IK:?
d'autres nations - les Arabes du Golfo paient des Asiatiques et des Libanais - et de
ne rien apprendre par soi-même.
Dans les années 1960, le revenu moyen des pays pétroliers du Golfe était
compcuablc à celui des pays émergents de l'Asie. Aujourd'hui les pays travailleurs de
l'Asie ont un revenu 2,5 fois supérieur à celui des pays du Golfe . Le Moyen.Orien!
n'attire plus que 3 % des investissements mondiaux contre près de 60 % pour l'A8ie dt
l'Est. L'é<.-onomic de rente est condamnée d'avance, c'est une loi de l'histoire jamais
démentie.
L'Angleterre et la France eurent une chance formidable : celle de bâtir des empires
sans or et sans argent. Il fallut alors travailler, fonder ses richesses sur des récoltes sans
cesse à renouveller, sur la construction d'une indust:rie, préparer la Révolution
indusbielle.
N'est-il pas frappant de constater que les deux puissances qui furent un moment
noyées sous l'argent facile du Nouveau Monde, l'Espagne et le Portugal, plongèrent
dans le sous-développement et oublièrent de faire leur Révolution indust:Tielle?
L'exaltation du travail et des valeurs de l'entreprise se prolonge dans la division du
christiarùsme entre le catholicisme et le protestantisme. En 1905, Max Weber publie
L't!tl1iq11e du prolt!slarrtisme et l'esprit du capitalisme, soutenant que le protestantisme, sous
sa forme calviniste a favorisé l'essor du capitalisme moderne. La clé du capitalisme
protestant tiendrait dans la doctrine de la prédestination selon laquelle la foi et les
œuvres de charité ne suffiraient pas à assurer le salut chrétien de l'homme. Cette
docbine aurait pu entraîner un fatalisme débouchant sur la luxure et l'abandon des
valeurs; elle encouragea au contraire le culte de travail, de l'honnêteté, de la rigueur
morale et la volonté de réussir par l'argent afin de démontrer son élection.
Cette thèse est cependant discutable. L'Italie du Nord et la France, restées fidèles au
catholicisme, furent ainsi très tôt des puissances où les valeurs du travail et de
l'entreprise comptèrent, et les recherches actuelles menées sur l'histoire de l'enlTeprise
montrent que le modèle capitaliste anglo-saxon puisa énormément dans celui de la
monarchie indusbieuse française. S'il est possible d'opposer un protestantisme
travailleur à )'Inquisition catholique espagnole débouchant sur la ruine de l'Espagne, il
n'est pas fondé de maintenir cette opposition entre une monarchie française moderne
et capitaliste, qui se hlssa jusqu'à la Révolution de 1789 au rang de première grande
puissance économique1 tout en restant fidèle au catholicisme, et les puissances
protestantes qu'il s'agisse de l'Allemagne ou de l'Angleterre.
1 Ure• cc JIT'Opol le brillant ouvrngc de François Crouzc1 : F . C"ROUZET, D ..· la wpériorifé tl~ /'Anglt!lf!rrl! .mr lu''""""
(L 'ttonomlqur er l'i""1g,,,o;re, Xl' lf'-X.xr slèch..-), Pans. Pcmn. 19K5 Duns ln prtfaL·c de celle cornpnrn1!".on sur trois siklrs m~ ln
dcw. pujumK'cs, qu1 analyse le9 cauacs du déchn fmnça1s. Pierre C:hounu mppclk quelque s données " Au XVI~ sitclc. quand iC
prodaut le désenclavcmcn' plam!t1u~ auquel le couple Fmncc -Angletcrrc po.rt1c1r"! rcu , le .'> t.lcu:it É1ot'\ se s11ucn1 dans le ra.ppm.
vaditionncl sur 1ous les md1ccs . de 4 à 1, Fronce, An81ctcrrc 1 ( . J Quand on compnri: l'ét;11 Je la Frant.:c e t de l'Anglclcm ou wn11
de la pn:m1Ctt pandc gucnc modcmt , la success ion <l'Es pagne , 11 fout bien rc1.:onn ai1rc '-1'11! l'nvunc i: uct1111sc en 1~40 cl~ lftH>.I
1690. êl~ plcînnnenl consohdte r .]. A Io fin de l'Ancien RCg1mc, nprè'i le rééqmhbrngc de la guerre d'null!pcmlo.ncc D~Ulnt.
mtmc si l'AnglC'lcn-e i;.onioCT\lc une avanu qualitative, rien n'cmpéchc de ~uppu~c.- 4uc, pn r sa mas~e. Io Frnncc finiuc f'Nlr l'cq:iona
1 .J. Le d«Wsemen1 de la Frnncc CSI la c onstqucncc de lu décennie songlonlc : en hu1c on", l.k l 7Q2 Q 1HOO 10\11 esl giupillt. Une
é1udc récente (L'E''"'fH' 0 la fin du XV/11"" .m.•clc, S.1.:.0 .t:: .s .• l'iKS) étuhlit li 1 o:i;o (lU() k IHVCRU Jcs pertes loi.ales en bull am
(JuaTC Ctnn1etc Cl 1ë:nocidc vmdCcn), sans pmrJcr de l'ém1wa11un Lo pum:1iun ~ ur l'm1cll1gcncc cl ln cormcil~ crCatm:c de la frari.:t
rut 1m!rnhiJ•blc en cc moment db=i!lllf de la mu1a11u11, en l'in!iWlll dum.: Je ln plus grumJc trug1h1é . J1 rupor1101111cllcmcn1. cc ni,·nu
cllcêdccclut des pc11CI fn.nça1KS de 1914 4 l 91M .", 111 I' . CHAUNU, Prélucc, in I·. C: IUJUZET. l>t• I" rnpt'rlorllt; tir! l'A11gl1•t.-"~ rw
lu Frmu:.~ (L 'jccmomlqur! ~' 1'1m0Kinuire, XV/l'-X.\~· .ui..•1.: ll!J, Puns. l'crrm. 19H5, p . 11 1
CHAPITRE 2
LES RÉVOLUTIONS
DE LA NAVIGATION MARITIME
Jusqu'au XVIe siècle, le monde méditerranéen est presque clos 9111' lllÏ-mêllW;
l'Ouest atlantique, la mer océane appartient encore au mystère, celai de l'A~œ
de la limite d'un monde s'effondrant dans le gouffre du néant Les Vikinp1 90nt 51111
doute ceux qui ont poussé l'exploration de la mer sepœntrionale le plus loin; lDl1ÎI les
sociétés occidentales de la fin du xve siècle ignorent presque tout de œ Couchant que
les Celtes et les Danois vénéraient. Au XIVe siècle, des navigatmn beqae et
portugais se sont bien aventurés jusqu'aux Açores, jusqu'à l'archipel de Madàt!,
jusqu'aux îles Canaries; mais le grand large reste infranchissable. Cest que la
navigation, c'est-à-dire les bateaux eux-mêmes et la manière de se repérer en pleine
mer, ne le permettent pas.
1 Sur les 1echmqucs navn1cs nordiqUC"S ·cc ~ni ces na\·i~ qw ont ilitlumcê pn>fcBlélDml 10UltS les~ .....a.:..c
l'Europe occidentale ovant de rêndre-r. 11u Xl~ siklc. dans la MCditiemott.•. ia M. DAUMAS dir_ lliltatn- ,,,,,__ "6
tt1..•hnlqu<'J, t. 1. Lt•.f origines &k la cn ·ilisulion 1ed1niqw, Pari!l.. P U.F . 1%2. p. 448
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3 Pierre: Chaunu, Jâa1s s.o 1hèsc suc SC"·allc et l'AtlanllqUC". pute: ifunc "n1"a.noo
i wik::s 10Ult ~ . _ - pilÊ
mtd1tcnanécn" in f . BRAUDEL. E,·rib swr l'histofrl:. Pi.ni.. Flammarioo, IYM. p. ISJ •.t\llq'l'en 1400. d saf&ts delplilm . .
nous COMltUcmns en M~1tcrnnCc . la n&\'lgBtion déprnd des \ "c:nb fG\'\XablC'S ; pool" lt aon1 de l'E-.: il a'o.Ïslc-Jm d'iaiimim
qu'on y ail tmun~· Jcs nunn:!'ô ay::mt p•us d'Wl mit. (.-est~ la \:OÎk cantt, R.cspmdlx • uar-.... ~ Cl'li ta. le t1111
moyen de propulsion. ne p:mK'ltonl pas de rcmtmtcir te \:enl", in M DAUMAS Jit.• #l&IJoitt ,._,.. '*' ......,_ Plàt.. P.lJ.f...
196S, 1 2 , Lt!." pr.-rnl.:ras ;111pr." Jw 11tuc:hi11umc, p. 3616.
Pa,.tic 6. Hhx•l11ti0115 lcd111iqun
1 •t.a dcnUè'c: tnnaform111on. c'C!it la substituhon du \/aisseau ùc •i~m: 3 Io ~alCn: L 'éclatante bntn1llc de Lépante (7 octobre
IS71) a lie .. rcncootn: monstrueuse de 500 iµleres 1urques et chrClicnncs, 250 d n n s choque camp" in F BRAUDEL dir , La
Mh/irt:rrœth. L 'npace et l'histoire, Paris, Flammano n, 19K5, p . 7 l
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Altr 4JUWT1~. A&.1cs du colloque de ManiC1Jle 21-23 septembre 1995, t . 1, Du X Vr uu .\'V/If' s1àl1.·. p. 239-25°' . L'oulcur soulipc 111;
quel pomt les manns buqucs, bi.scaycns, bayonruais ont é:lé des précu~urs de la motkm11~ nuvalc "Tanl que les MCd11cmmt-cm
n'avllitol pu eu à confronter les qwalilés de leurs navires Je commcn:c à. i:cllcs Jcs billimcnti> <lu Golfe cl de~ mers étroites, l'mlktl
de leur spU:îfü.~. ulu1 du Kouvemail u.11111 ou du JVéémcnl carré par exemple, m.: lcur puru1 pas mJ1s pcnsohlc . Snum•'i dam leun
caaD, à la ÇOOCWTcncr active de ba1eau11: plus pc:rfumwn~ . leur nécessité !<o'étu it c:n rc vnn L: hc ré\"éléc pl us urgente ", p 25J
l M . DAUMAS dlr.• lluto rrr! IJ~nùülede.J tt.·chniqm!J', 1. 2, Lt.•.'f premlert!.r l!tupt•.,.; ' '" '"'" l1111i.rmt•, Pnrlli , r .U.r., 19(15, r· J90
4 Elk pcnni1 de v11ncrr ICI vcnlS contn1ra cl de prendre une route de rcwur en louvoyont contre le vent ; cc raisom elle
diminua fortcmml LA peur de ne jam.ata pouvoir revaur ; M . DAUMAS d1r., H iswlre gé11.!r11h· di:.'f 11..•drnlqm:.'f, 1. 2. LcJ p~m1(NJ
11.apadtltrtOCltinWM, Paria. P.U.F .. ltJ6S , p. 370· 373
Chapitre 2. Les révoluUorut dl' ln navigation maritime 181
La boussole fixe dérivée de l'aiguille aimantée apparait au XIU• siède1 ; elle permet.
grâce à sa rose des vents, d'orienter la navigation.
Les navigateurs prennent en compte la déclinaison, qui est variable !!elon les lieux.
en usant de tables fruits des calculs des astronomes et des ob!iervations de marins ; ils
utilisent des portulans, qui sont des cartes marquant les lignes à suivre pour se rendre
d'un port l'autre .
Durant les XIVe et xvc siècles, des astronomes arabes et juifs installés en Espagne et
au Portugal établissent des tables pratiques de déclinaison pour les navigateunl. lR
calcul de la latitude est un progrès considérable, qui permet sans doute aux PortugaiS
de réussir leurs explorations. La connaissance de sa position Nord·Sud permet. si ran
connait la latitude de sa destination, de s'y rendre en suivant le parallèle
correspondant. Ainsi, en 1488, Bartolomeu Dias rapporte la coordonnée de la pointir
australe de l'Afrique; désormais les Portugais peuvent atteindre le Cap de Bonne-
Espérance à partir de n 'importe quel point de l'Atlantique Sud. Os ne sont plus obligés
de longer l'Afrique de l'Ouest.
La projection de Mercator est inventée vers 15703. On évite désormais mieux les
dérives énormes dues à une mauvaise représentation de la terre et la non prise en
compte de sa rotondité.
Pour le calcul de la longitude, il faudra attendre le XIX• siècle.
Nous avons déjà traité de ces conséquences dans le chapitre consacré aux nouvelles
routes maritimes aussi nous les rappelons ici brièvement.
Ce que les découvertes des XV• et XVT• siècles ont impliqué en matière de
géopolitique est immense : le monde n'a désormais plus pour œntre de gravité la
Méditerranée, mais l'Atlantique; les routes terrestres de la soie déclinent. L'Europe de
l'Ouest sort du Moyen-Âge et entre dans une phase d 'expansion continue ; le Moyerr
Orient, qui tirait sa splendeur de sa situation intermédiaire entre l'Europe et l'Asie
décline, tout comme Venise, formidable thalassocrahe du Moyen-Âge qui va tout de
même parvenir à maintenir son importance jusqu'au XVIIIe siècle. Ce qui tue Venise, œ
n'est pas le retard technique ; au contraire, son avance sur l'Empire turc lui permet de
tenir. Elle emporte des victoires comme à Lépante. Mais comme le dit Braudel. ses
victoires sont sans lendemain, car sa défaite est géopolitique:
"Ce qui a eu raison de Venise, ce sont les routes du monde qui se déplaœnt
lentement de la Méditerranée à l' Atlantique ; ce sont les États nations qui grandissent
1 l.'n1111ou11 naturel i:t s a pu•pn..!11: traum.:r le fer sont ~o nn11:i. ('fi C h an.:~ k mr Mède 3' . J ·C : b 1'omlolc: al tdllmi'I! .18 lit
XIIIe ~1è..:-lc p nr k s mnrin s ll1H!'l• lln1m" ~I l> :\l l ~l ,\S dir . 1/1.' "'"'' .t:•irWrult· .11•• t"-·Jtn"'iw' . l 1. ~ ~"-"" Jp "1 â •'tl,,.,.,,,.
,,.c1in;q1"'. l'11ri s. 1•. t 1 ... . 1 9t.~ . r ·'~7
:! ()es 101 h lc s lh: LILLdimu son Liu s11lcil snnl nnprmu."'-..,; l."11 14X.l li \'c:n i ~ : M OA\ t'i.AS dn' .• HUlollf' ~..,. ,......._,
1. 2. /_,.,.,. r•rc •mi,•rL'.'f t :ltlJ ... ." clu "' '" ' hini~nt. • , rn ns , I" l : I· , 11.Jt-.~. 1' ~t>
Dès le XVI• siècle, Venise se heurte à ces cor-ps épais : l'Espagne, la France" 1 . C'en 1!9l
fini de cette belle supériorité italienne des siècles du Moyen-Âge sur la Méditerranœ2.
Au XVI• siècle, alors que l'E.~pagne et le Portugal croient pouvoir se partager le
monde avec la bénédiction de la Papauté, les souverainetés française et anglaise se
lèvent. Les corsaires français jouent un rôle primordial dans l'abaissement de la
domination espagnole: Jean de Fleury capture des galions de Cortez en 1522; Jacques
Cartier do!couvre le Canada, et offre la Nouvelle France au Roi. Le XVII• siècle français
est un siècle d 'expansion maritime et d'affirmation du royaume de France sur les mers .
L'Angleterre doit encore attendre avant de pouvoir s'imposer sur les mers. Mais déjà
ses corsaires sont à pied d'œuvre.
Français, Anglais et Hollandais vont, de 1550 à 1713 - début de l'affirmation des
puissances protestantes contre l'hégémonie des empires, jusqu'au traité d'Utrecht -
affaiblir, grâce à leurs corsaires et leurs flottes de guerre, l'hégémonisme des
Habsbourg.
"L'arrit>ée des E11ropéms modifia les rapports des peuples asiatiques. [ .. . / Ln 11avigatio11 à
vapeur, et dans une bien moindre mesure, /es cl1emins de fer, ont pen11is les transports par masses
L'lntk peut se nro1tai//er en Bin11anie, si la récolte manque, et les Pllilippines à Saigon . Surtout lt
Tapon s'est crtt en Asie un réseau de rt!lah"ons semblables à celui qui unit l'Anglclerrc aux pays
11eufs. •4
1 f . BRAUDEL. G DUBY dir ., La M~ditt!rrunêe, Lc.s homm,•.f t!t l'h~ritag1-. Pnns. Flamm.inon. 19~6. p. Ul.J .
2 •t cmp1rc colonial vbiillcn cl l'empire colonial si:nois
1
~gncml sur le Levant. Fncc nu Ture, le s copitatnes de Saint-Marc
uwmcn1 mqmfiqucmcnl le rûlc de dér~SCLl.1'$ de Io Chn:ttcnté, et l'hérolsmc de Drn~udm rappelle au monde commenl G« 1'1'»1t
un s-inc1m tllKlll au Livre d'Or u.11 mourir Ce que fut 1'1lcll énc llc la Belle Ê poquc, cc que 1' Anglo-Sa.x.on sera un jou.r, l'ILl.l1e11
l'esa mamlcnanl,. Wl i!trc d'une rsxncc supéncurc, sur-homme ou dem1-D1cu , qu i mnrchc lihr-cmcnl o;ur- terre cl su.r lo mer ;a\·n;
l'Lfttune orgueil de ne pu s.r connaitre de parcil!tR , ttn1 R GH.OUSSET D propos de ces s1~c\cs 11olu:ns ' IUI précèdcnl 111 rholulion
allant1quc tn Bilan J~ l 'lriJtOIU, s• td ., rarü. , rlon, Le Mont.Je en 1O· JM. 1962.
l P. MORAND,LaRauteJc!.1 lnd1!:1 , Paris, Arl~a . 19K9. p. 211.
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Colan. 1927- 1938, 1. IX. p. SIS
j Sur les premitra l!uipcs vcn la machine à vapeur-. voir M . DAUMAS dir., lli.Hmrr: ~<.•m] ruh· 1/1• T 1t•c ·/11111111t'.~. l'am. r li F .
196S. t. 2, Ut pnmiircs r1upe1 du muchmistnt!, p . 4S 1-471 , Sur Jouffroy d ' Abbun!t : M DAUMAS t.lir. l/uw1n.· 1-:i-11àult' ' °'
ttthniquu. Pari1, P.U.F.. 19fitl. 1. J, L 'expull!Ûun J11 mud1l11u·mr:, p. 29M .
6 Il faudrail ttudicr le rôle des oorporalismcs et de,. ~yndîcalismcs dans les retards cuusés uux nvtmcécs scientifiques tl
tcduuquca il est immense
Chapitre 2. Les ~olutlon9 de la navigation maritime
basculer cette chance dans le camp anglo-saxon. En 1803, l'américain Fulton1 reallle le
premier Stenm-boat.
La vapeur est le point de départ d'une nouvelle révolution de la navigation qui
développe de manière considérable les relations maritimes.
Les conséquences géopolitiques sont nombreuses; nous en évoquons ici quelque-
unes.
1 M . DAUMAS dir .. Hl.'murr ~btér.1/1• ,k .'f t~h"'lluf!'.'f, Paris.. P U .F , 1%~. L ~Les~ i,,..s .. ~. p. ICJ':'.
1-
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mignuus cum~ns coun:nl dcn11! n: le rêve amëncain.
:\ D S. LANDES , Rr. ·'11· \,\ •' ,·1 p.uffr•·1t..; ,;.,._, trutw ' u rP"urq~1 ~$n..',....J ' Pmuv_.,.m,,..,....,, 1
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i11 NC1119c::t é.se. documattatrcs. Pan•. l'r71 , n° ) 797 -37'1tl ; J.L. MJ fi O E. /..e M11rrx: ri l'l::11rup«>, raria, 1960- 1'Jttl . Il . p 17M-lllJ
LHAt'ITHJ!; 3
LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE
La dynamique de sélection entre les puissances qui avait commencé très tbt dans
)'histoire, dès le Moyen-Âge, qui s'était accentuée durant l'époque des Grandes
!)écouvertes, connut une nouvelle phase : la Révolution industril!lle, nouvelle
révolution de la puissance.
Alors que l'Espagne et le Portugal avaient eu le malheur de s'enridiir d'an or facile.
les nations comme l'Angleterre, la France ou la Hollande profitèrent de la décoavertl!
de nouveaux mondes pour développer de nouveaux commerces et poursuivre lmr
progrèS des sciences et des techniques.
1. Le progrès industriel
Au xvme siècle, l'Angleterre favorise l'essor d'IDl nouveau mode de production par
le système de l'usine2. À la différence de la manufacture qui est aussi tme unilé de
production en série rassemblant des ouvriers sous un ~ système de conlrOle,
l'usine se caractérise par l'utilisation d'une source d'énergie centrale et inanimftol_
Le progrès dans le secteur de l'industrie peut se résumer à trois apports esmtiels :
- la force et la dextérité de l'homme sont remplacées par œlles de la machine qui est
tout à la fois "rapide, régulière, prectse et infatigable"': haut-foumeauS en 1735; ~
fondu en 1740; machine à vapeur en 1768; filature en 1770; métier à tisser oé;;mique
en 17866 ;
- les sources d'énergie animées sont remplacées par des sourœs d'~
inanimées ; les machines pennettent la transformation de la chaleur en travaif7 ;
- de nouvelles matières premières sont utilisées, d'origine min&'ale commr le
charbon.
Ces progrès entraînent un accroissement de la productivité et du reYe1U par tête;
pour la première fois, l'augmentation démographique rendue possible par les progrts
de le science n'est pas anéantie par la pénurie; la croissanœ de l'konomie suit la
Dans les années 1780, l'Angleterre n'il gul're d'avance sur la France dans le domaine
des sciences et des techniques appliquées aux processus industriels. Nous avons vu
que la France était sur le point même d'être la première à lancer la navigation à vapeur.
Mais la Révolution française plonge l'Europe dans le chaos, à la fin du
XVIJJe siède1. Elle intern1mpt les communications entre le continent et l'Angleterre, et
donc la diffusion des inventions 2 ; les Anglais communiquent en revanche avec
l'Amérique qui bénéficie de leur révolution industrielle. C'est seulement à partir de
1815 que les pays d'Europe continentale peuvent tenter de rattraper l'Angleterre; mais,
pendant vingt-cinq ans. les ressources de l'Europe ont été gaspillées, les entreprises et
le commerce retardés par rapport à l'Angleterre. L'idéologie révolutionnaire française a
eu beau mettre en avant la science contre les Humanités - Monge et Carnot fondent
l'école polytechnique en 1794 - ; son résultat est d'avoir fait perdre à une France plus
riche que l'Angleterre en 1789, le leadership naturel ciu'elle aurait dü occuper dans le
domaine de la Révolution industrielle, et par voie de conséciuence a ouvert la voie du
déclin de la puissance française.
1 Nouamwoyons ii l'!Mudc comparnt1vc Francc- Anglet1."1Tc de l'..~conunu sl c fruni;ni~ Cro uzel , 1: _C ROUZEL DL· l11.'fu11c'nunri
Jr l'Anglt!lrrnsur Io Fronce (L'Jcanumlque t'I /'1m1.1glnu1rc. XVJr-X>."' .fiêcle), Pans , Pcmn . 19H5
2 •A1.1 marnent ~me où les poy11 du conunenl prennent conscu!rH::c Ju rùlc mnh~ ur juu..! pur l'Angl ctcne cl rCulisc-nl leur
prantcT propft dans le 5eelcur cruct.ul de l'industrie colonnsCn:, l'Europe connu• une pénmlc Je 1rnublcs polit1t1ucs l:\"n.'. Li.
R.é--'o lUIJ.oa (~1oe qui 111terromp1t les commumco.t1on~" 111 D .S LANDES. /t1â11·.u1• l'i 1m m •n•r-.; 1h•.f trulimr.'f fPm1rq11111 .N.1
rlch.!f ? Pm1rquoiJupaulTU 1). Pouis, Albin Michel, 199K, p J34.
J ALOCROf-1, Ewo~·s 11iird World, p . 2 . Voir auas1 P BAIROC ll . Mum 1hmtb in Nation'1f t :nmmruc /)ispclrltir~
OuipthT 3 . La ~vnlulion lntJutttrit:•lh~
Pour quelles raisons l'Islam qui était puissant depuis le VU• siècle connut-il une
telle décadence face à la civilisation européenne? Les raisons sont sans doute multiples
et, une fois de plus, nous éviterons le piège de la monocausalité. Braudel soutient que
le vrai déclin de l'Islam date du XVIII" siècle. lorsque l'Empire ottoman rate le virage
de la Révolution industrielle' ; il conteste l'idée suivant laquelle le déclin du monde
musulman daterait du XIII" siècle et remarque que si l'Islam perd s.i position
dominante au XIII" siècle, il reste néanmoins vigoureux.
En fait, à partir du XVl0 siècle, l'écart technique entre Européens et Ottomans !K!
creuse. Ainsi, dans le domaine naval, la différence en matière de puissance de feu et de
maniabilité des navires porte de plus en plus préjudice aux Ottomans. Lorsqu'en 1593,
l'historien ottoman Selaniki Mustafa Efendi décrit l'arrivée en Turquie d'un vaisseau
anglais à bord duquel est embarqué le nouvel ambassadeur anglais auprès de la
Sublime Porte, il compare les bouches à feu des canons en fer de la marine britannique
à des porcs. image symbolique qui illustre à quel point le rejet ottoman du progrès
technique de l'Europe puise ses sources dans des réflexes civilisationnelst .
En vérité les Ottomans ont bien tenté de se moderniser. Mais le processus de
modernisation que l'Empire ottoman lance dès le début du XIX 0 siècle est
"opportunisre"; les musulmans prennent conscience de la supériorité des performances
de leurs ennemis et découvrent la modernité européenne. Bernard Lewis parle à
propos du processus engagé dans l'Empire ottoman, à la fin du XVIIIe siècle, de
modernisation par emprunt à l'Occident2 . Un emprunt qui se limite au domaine de la
force pure, à celui des techniques militaires et qui n e réforme guère les structures
politiques et juridiques ; les sultans qui se succèdent à partir de Salim Ill - 1789-
1807 - commettent l'erreur de penser que le retard technique sur les nations
européennes est rattrapable dans les structures archal'ques de l'Empire et de ses millets.
Or la modernisation ne fonctionne que là où existe la volonté de fonder ou de réveiller
une nation, en Égypte par exemple, sous l'impulsion de la France et de Méhémet Ali. Et
il est notable qu'il n 'y eut de progrès technique véritable en Europe, durant le Moyen-
Âge, qu'avec la construction des États modernes européens et la montée en puissance
du politique à côté de l'ordre religieux. Mais les Turcs mesurent trop tard l'erreur qu'ils
ont comnùse en abandonnant durant des siècles le monopole de la connaissance el des
techniques au millet chrétien, el qu'il leur faut désormais briser les cloisons des
communautés de l'Empire pour pouvoir progresser dans le doma ine technique . Par la
protection qu'ils exercent sur les communautés chrétiennes en Orient, et qui sont
autant d'ingérences dans les affaires de l'Empire, les Européens mettent à bas les efforts
des sultans dans leurs réformes; grâce à leur puiss ante influence en Orient, ils font
échouer la réforme de 1839 qui doit supprimer les millets ; en forçant l'Empire ottoman
à rester un empire, ils font avorter les efforts turcs pour sortir du retard el
s'occidentaliser; ce faisant, ils conservent leur avantage sur un monde musulman qui
les avait si longtemps menacé. Si l'Angleterre l'avait voulu, l'Empire ottoman serait
mort dès la fin du XVIIl 0 siècle ; le vieil homme malade n 'aurait pas survécu plus
longtemps, un siècle encore; mais les Anglais misèrent sur le maintien - alors que la
France à partir de l'expédition d'Égypte commença à joue r sur le ré veil des peuples
vivant sous le joug ottoman - d'un Empire qu'ils jugeaient stabilisant pour l'Empire
anglais des Indes.
A la fin du XIX0 siècle, l'échec de la modernisation par mimé tisme de l'Occident
favorise l'éclosion des thèses islamistes. Puisque copier les Occidentaux ne sert à rien, il
faut désormais inventer une modernité spécifique à l'islam. De ce temps date
l'opposition entre un nationalisme arabe visant à re dresser la tê te par la construction
d'une nation moderne bâtie sur le modèle européen et de l'islamisme qui rejette tout
t O.S . LANDES, Rir:has~ i!t puuvreté de.• n11tlt11u (Po r1rquai dt•.'f ricl1e:r ? P o 11r q1w1 ~'•'·" p c.u "'n'.<r "J. P•n!'I, Alhin Michel . 199S,
p. 51 8 , 1ou1tfo1a, il (,;C)Ov1cn1 de ne pu cugtn:T l'imJ10n.ancc de l'anccdo Lc ; l'E mJ'J irc tcnh: ùc m odcmi1'cr !iR noue en inttgran1 ln
dcnuba ltthruqucs. M1111 le déchn s~n.I de l'admînn.uo1ion uuuinanc ne lui renne! p 1u• <Je rényu i\ la mesure dc !i CRJC'Ult Xa \1CT
de Planbol KJUbgnc q~ l'mfCriontê de l'l•lam sur mer est une conslantc c.Jc l'h1 ~11 o irc m ê me au tcmp ~ Je la s rlcndcur des OmcyyaJn
ctdca Ahbaudc:a. ûmc in(énori1t 1tructurellc e st l'une des raisons majeures de l'écltp!'lc J e l'l slpm e n 111 nt que '1lll!I SllOCC' mooJ1•k
X. de PLANHOL. L'islam et lu mer, (ÜJ mosqu'c et le ma telo t, Vir-XX" .'fiCd~J . Pans, rcrrin , 20 00, p. 47K-4 79 .
2 B. BADIE, l..1$ Jau t1au f Pn11t1afr t!I :m c lJlé .tn O&:cidcnt c!f e11 terre J 'l.'flnmJ, run11., FayorJ. l 9'l7 . 11 · MS
O..pitre 3 l...a révolution indu!lltriellc
modèle occidental autant que la notion de nation considérée comme étant impor1ie
d'Europe, au profit d'un retour<\ un âge d'or islamique.
La question du facteur technique en g~politique est donc aUS5i lift, à une question
de science politique car, comme l'écrit Bertrand Badie, "L'ordre politique s'est construit,
en Islam, sur des bases non seulement différentes, mais à l'inverse de celles qui
marquent l'histoire occidentale. La modernité s 'est confondue, en Europe. avec un lent
processus d'émancipation de l'ordre impérial, alors que la politique s'mt
progressivement définie en monde musulman, en fonction de l'obligation de créer un
empire, lié à la définition d'une nouvelle foi et aux conditions de 50l1 univ~wr.
l M.·m.p. 41.
l.HAt'tTHt; 't
LA RÉVOLUTION DE L'AVIATION
ET DE L'ESPACE
Par l'importance croissante qu'elle joue dans les conflits contemporains, l'aviation1
modifie les données de la puissance et Je rapport de l'homme au territoire.
Comme les nations européennes qui disposèrent à partir du XVI• siècle de la
mobilité maritime de leurs forces et d'une puissance de feu supérieure, les nations
occidentales qui disposent aujourd'hui de la supériorité aérienne - complémentaire
du potentiel militaire, maritime et terrestre - ont un avantage en puissance
considérable sur leurs adversaires potentiels ou déclarés. Cet avantage en puissance
pose la question de la pertinence ou non des concepts d'aéropolitique et d'aérocratie.
Par ailleurs, en s'élevant dans les airs, l'homme s'est affranchi des obstacles posés
par le relief, par la topologie. Le rapport de l'homme à la nature s'en trouve modifié en
profondeur et les déterminismes essentiels de la géographie physique sont d'autant
atténués dans Jeurs effets.
Mais l'irruption soudaine d'un nouveau facteur dans l'histoire ne signifie pas
l'élimination des facteurs préexistants. L'air ne diminue pas l'importance de la mer et
de la terre. Et ce sont trois dimensions qui doivent désormais être pensées dans leur
interaction et qui participent d'une dynamique de globalisation des relations
économiques, politiques, militaires entre les peuples.
La technique spatiaJe2 ouvre Je chemin de l'exploration de l'Univers et débouche
sur la perspective - encore lointaine - d'une colonisation par l'homme d'autres
planètes que la Terre, colonisation qui serait la rupture tant rê\•ée par la science fiction,
entre Prométhée et sa planète nourricière, et peut-être aussi la fin de l'histoire
terrestre3.
Plus qu'une révolution de la distance et de la vitesse, l'aventure spatiale est une
révolution du temps. Car regarder loin dans l'espace, c'est sonder le passé et remonter
le temps vers l'origine du monde4.
Mais si la conquête spatiale, commencée au milieu du XX• siècle, est en premier lieu
la grande aventure de l'Humanité, c'est aussi le fruit de la compétition des intérêts de
puissance en vue de se donner des moyens nouveaux permettant de faire progresser
les logiques terrestres de domination.
1 Sur les premières tlnpc:s lie l'nérnslnllon · ~-t OAUMAS dir., Hi.'(t11if\' g~n..·ruJ,· dt:J tf'c: ltntljMt'.t , Pans.. P.C.F . 1%1. l. J.
l 'upom1011 du mm:l1;m.t nœ, p. 41 J-41 t) _
2 Nou~ pré(éron~ rc lcnnc "lci.:hniquc .. i\ L'Clll1 de " lc~hnolo~1c" tlUI ~l un anglicisrr.:-.
) F.1 Io continuit.!- de l'histoire hunminc ou, du n'Klms. de l'his1ui~ U'un è~ \·i\llnl Joué de rus.on. mau, ~ aw. ptut-&t p:niu
baiucoup de son humanilc!: s'il contumc uinst sur lo \'Ote d'un n\lll~riahsmc scu:ntifi"luc imrnortl ~ pm- Allâlu:s ~le-)· dms
Kin Meilleur des inondes.
4 Lo lumière o une vitesse : lon.t1uc l'on règnnh: llÜn tians \'\ Jill\ l!rs a VC\.' un ttlês&.:opc :oipalial, ta lunuàt qw oous p.in"M'DU !!li
tn111e 11 y trts longtemps -·- un nombre unponum d\urncc10- lunuè~ · · : l'his101n: 4u ·~11c dtroult dl:\'aDl noCR «ra d'oblcnuic:m
cJ1 celle <l'un p1!1sc!: loinlhin.
Comme une part immense des connaissances scientifiques, la conquête de l'c~pacc
est le produit du progres d,-s h.."Chniques de guerre, en particulier des avancées
techniques de la Seconde Guerre mondiale puis de la Guerre froide dans les domamc.
balistiques et électroniques.
Li Guerre du Golfe t'n 1991, comme celle du Kosovo en 1999, ont montré que les
capacités spatiales, combinées à l'usage de la stratégie aérienne, sont un indéniable
facteur de supériorité militaire et qu'elles donnent naissance à un nouveau
"paradigme" dans l'art de la guerre• : le Bnttlcfil'ld 11wnrc11t•ss, c'est-à-dire l'utilisation, au
plus bas du champ de bataille, d'informations provenant des moyens spatiaux et qui
permet une communication étroite entre le satellite et le soldat.
Nous voyons d'abord que l'accès à l'espace ne se fait pas à partir de n'importe quel
site terrestre. qu'il existe un lien entre le potentiel spatial et la situation géographique.
même si les progrès tendent là encore à fragiliser ce lien.
L'espace ensuite est l'apanage de quelques grandes puissances; il n'y a pas de
puissance spatiale sans puissance économique. Les États-Unis sont la plus grande
puissance spatiale; nous voulons montrer ici que sa supériorité dans ce domaine est
bien l'un des ressorts fondamentaux de sa puissance, de son avance technique sur les
autres nations.
L'Aménque n'est évidemment pas seule dans l'espace. La Russie conserve un grand
potentiel spatial, notamment dans le domaine du lancement et dispose de ses propres
capacités d'observation stratégique de la Terre. La France aussi, avec Ariane, mais aussi
avec son satellite de télédétection Spot, et sa place dans le domaine du satellite de
pointe est une grande puissance spatiale.
Les satellites d'observation et de télécommunications creusent encore le fossé de la
puissance : un monde de voyants maîtrisant l'air et l'espace affronte désormais un
monde de "rampants" aveugles - pas d'information satellitaire - autant que muets -
infériorité en télécommunications satellitaires. Derrière de nouveaux idéaux comme la
surveillance écologique de la Terre se dissimule le leadership des États-Unis et la
supériorité de quelques puissances sur le reste du monde.
1. Aéropolitique et aérocratie
1 X . rA.SC.:0. '"Ln pcnpcc::1 ivcs d'évolutmn de l'cspnc::c milluurc" in /,1'.'i Cuhl1•r., dt• A/un, 1n lnmc!'.lrc 21KM). Colltat
lnl~ Je Dtfmac .
Charitre 4. L.., révolution de l'aviation ~l de l'~"9pacc
possibilités que lui donne la puissance de son aviation, et de la multiplicité de ses bues
de projection aériennes.
L'importance stratégique d'iles relais des océans Atlanhque et Pacifique ou de la
Méditerranée - comme Mal tel - a dépendu dans l'histoire du XXP 5iècle de progrès
de l'autonomie des avions . Les avions à long rayon d'action comme le ravitaillement en
vol font que les puissances aériennes se contentent de plus en plus de leur État
sanctuaire comme base de départ des actions militaires.
Comment en effet ne pas se poser la question, dans le cas des État.Unis
notamment, d'une philosophie de la puissance aérienne qui déterminerait une vision
du monde el une politique étrangère 7 La possibilité même des guerres du Golfe et du
Kosovo et donc la politique de puissance américaine au Moyen-Orient et dans les
Balkans pourrait-elle exister si les États-Unis ne disposaient pas d'une écrasanœ
supériorité en matière d'aviation, d'information satellitaire et de télécommunications?
Certains experts soutiennent la fameuse thèse de la révolution militaire 9elon
laquelle c'est le militaire, à travers ses révolutions successives, qui détermine la nature
de la politique des États et l'organisation de ceux-ci. Les États-Unis seraient donc des
'aérocraties", à la manière des thalassocraties athénienne, phénicienne ou vénitienne
qui tiraient l'essence même de leur puissance de la mer. U y a lieu d'en débattre car si
l'air est incontestablement devenu - la mer le reste aussi - un élément de puissanœ
essentiel des États-Unis d'Amérique, la puissance américaine ne saurait se résumer à œ
seul élément. Une fois encore, nous soulignons le danger de touœ interprétation
monocausale de l'histoire et l'importance des facteurs multiples.
On oppose ici la Guerre du Golfe qui offrait aux avions des cibles à ll!rTilin
découvert, à la guerre du Vietnam dans laquelle, face à des terrains couverts, l'aviation
montra rapidement ses limites. L'élément aérien se montre, d 'une manière générale,
plus efficace contre des armées classiques en progression en plaine ou dans le désert
que face à des guérillas menées en milieu montagneux ou à végétation dense. Dans ce
dernier cas l'hélicoptère est plus efficace que l'avion. Toutefois, l'évolution technique -
observation satellitaire, détection par la chaleur ... - tend à rendre possible la vision
en tous milieux; il devient dès lors de plus en plus difficile d'utiliser le relief pour se
cacher. On peut donc soutenir que l'aviation abaisse les \•aleurs de défense de certains
reliefs, comme la montagne ou la forêt - nous renvoyons aux sections con..<aa1ies aax
fonctions géopolitiques de la forêt et de la montagne, dans le chapitre portant sur la
topologie.
Se transportant dans l<l profondeur des États et capable de toucher. par des
bombarden1ents mass if>'. ses pote ntiels d é mogr.1ph.ique. t'<'onomique et nùlitaire,
l'aviation délocalise la gucrrL~ et affaiblit les lignes de fronts .
Pour nutnnt, St'uk\, l',1vi ..1th.'n ne pe ut par\'~nir ..\ lx)ut d'un terntoire. On dispose
ainsi d e nombre ux exemplt>s de pa~· s qui, hien que ne disposant plus de leur
souveraineté aérienn<'. continuent d 'exist<'r t'n t,mt que tt.>rrito1re et ne sont pas investis
Partit 6. Rlvululw111 ltchru1111"
t Comme œlui IUI' WI abri hu:mani1&1n: de 1'0.N .IJ dans le vitluiJC de Conru1, en 191Jft . lllli Inn fllU!I d ' 11nc i.:cn1amC! de rcmmt'I<'
ctcalila1li d qw at . . en.me cantre l'humanilf! t:n 200<• un pilonnuw;c in1c111uf de l 'enscmhlc 1111 l.1h1m rur l' nrn1eC' 1m1~hrnnc.
ru.am plua d·un mtllia m v1cume11 civil-.• rnnnln!: li cncurc lc11 limitc!I de Io ~~uh: .iucm: R~ncnn.:
2 B. CLOUET, 11w .11nry 11/ Mnltu , London. PmHrc•A Prc~s. l9 1Jl .
O...plln! 4. La ttvolution de l'avi.atlon ..t d~ l'espac.r
1 L'C5.iCDUcl des lanceurs américains appanîcnt aux familles Atlas, Dclln et T11an . De mèmc qu'en Rus!IJc, les Soyouz dé-n\·m1
dil"C'C1Cmml des miss.i les intnconlînmlaWl sovu~hqucs , en revanche, le lanceur russe Prolon ne ûCnvc p~ s du m1!'is1lc b:ihsuqiu:.
2 "'La navcnc coüLc 5 mil!Jll11h de dollnrs p.a.r an en a.hsorbanl environ J!i o/o Liu budgcl annuel de la NASA 1ou1 en nr
pmnettuu qw: sqn i huit lancements par œn. ( .. ) Ln lanceurs américains ne sont rt::is comr.!ti11rs par roppon :iu~ l1nccun
CVwipn et OC' prmncnt d~ pam de man:hé que puec que les lanceurs CtrnngcB aclucls cunnn1sscn1 une phiasc de saturahun Cl qur
la chcnltlc œmrncrd•Le cnint la na1uanc:c- d'un monopole De nouvcauJL uctcuno ~1rung,crs u ni in'lfC!ll i le marché avec des l&nC'C'\1.116
des pn• encan: plus c.onCWTCnlicb."' m AM MALA VIALLE . X. PASCO. 1 SOURBES- VëkOER , E,,pm c d puiuo"ce, P11u,
fondal1un JIOur la n:chcn:hc •lr.tigiquci[:lliflSCS. 1999, ('l . 53 .
l AccOfd du 26J.3.llVÎl:'r 1989 aun: la Chine et les f:.usb · Unis; accuriJ entre h:s l~t :u ... tJnis et 11.1 M.uss1 c du 2 scptC'mbrc 199) i
\'ana>U'\'cr . men l995 nouvel a&.:c.ord ave&: la Chmc; décembre 1'J9S , .:u:con..I a vc..: l'l Jkr:iilll!' Pour k ctlnh:nu rr«•" de ces 11ccurJ~
voir A .M MALA VIALLE , X . PASCO , J SOURBÈS·VE RG E R. E.< pm (' ,., pt1in-m1t 1·. l';ari .... hn11Jnho11 pour la r«!hc::rcht
stnLtg.iquriE.Utpsc:s. 1999
4 En .aill :?OO:?. AtW 5 la nou'l.·cllc c-oncurn:nlc amém:amc d' Ariane S n réusi.i !>Ull <lt.!hut ùc carrière en mcttanl r.ur nrb111: un
..tcllit.c de commw11ca1jon européen. L'Allas 5 est le dcmicr· nê i.Jumt la furmlle de lilnccurs lourds ùc LockhcctJ Manin 11 , ..
pnncipalcmcn1 n:mplac.cr lu v1cillc1 f~ Ti1an. uüh..tes par les min.aires amtr1cu111s puur meure ..:11 orb11c lc:ri utdllln C'SJllOOi.
&in.si que la.in engins de communication.
Chapltft' 4 . La rovolution de l'.lvi."ltion et de 1·1.~pacc
1 A M . MAl.A\ 'l ,\Ll .E, X l'AS<. () . 1. SOllKlU :S -\T IUil-' R . l:'- f''u' t" I ruus"11k·~ . Pan.>. F ~'OtSobN J'UW' I& r«brl'ctw
1tnli911quc.1:'. ll1p ~ c~. 1')~~ . Jl Kh· 'll
2 ltl~m. p. JUS
P11rlft' 6 . RévotulwtH ftchttlq&1r'
Dons ce domaine comme dans beaucoup d'autTl!ll, les AmmcaiNI prOUYent leur
capacité à conjuguer privatisation et défense, intérêt commercial ri intb'êt national,
leur point fort étant justement de posséder un "Y"tème de renseignement extrêmement
infiltre dans le réseau économique el capable de le !lécuriser.
1 X . RAUFl!R dir., Dictitmnair,· t11.·•:hmt1u~ c·t o.: r t tiq~•· ,"1.·.~ ~'vl/a ~ ~ P.1.LF .• 199&.p. 231 .
~ D1pcisé S .O .S . U .S .
.\Au Brêsil. le proan1mmc S .l .V .A .M . ne dans les~ 19QO. pnmct ~ COU'Olc •
un:o-traOa all!ricna.. marit1m~ ou lcnatrw ..U a"Y cWluulcnt.
M.sia----•----
800 Pnrlic 6. Révolr11lo11s lecl""'l"N
industrielle et financière mais aussi des résultats qu'ils ont obtenu dans le
développement d'l .D.S. - Initiative de Défense stratégique - à jouer la carte de la
libéralisation; contrairement à la conception française opposant marché et sécurité
nationale, les Américains ont indu la notion de renseignement dans le marché et l'idée
que le man::hé se domine essentiellement par le renseignement.
Les risques de la libéralisation en matière de sécurité que prennent les États-Unis
sont donc moins Importants que les gains estimés à la fois du point de vue commercial
et en matière de renseignement stratégique.
précision peut être dégradée par le Pentagone. Au début de'l années 1990, la précision
militaire était de l'ordre de la dizaine de mètres, la précision civile - d~adée - de
l'ordre de la centainel. Le 2 mai 2000, les États-Unis, conscients du défi pœé par le
projet de concurrence européenne en la matière, ont décidé d'abandonner le principe
de la dégradation de la précision ci vile, laquelle est désormais de l'ordre de la dizaine.
En mars 2002, l'Union européenne a décidé de lancer le projet concurrent au G.P .S.
baptisé Galileo.
L'une des grandes différences avec le programme américain est que Gdlilm est un
programme civil contrôlé par le civil - qui n'exclue pas toutefois des utillsal:ians
strat~giques. Les États-Unis, pesant sur les pays les plus aUantistes de l'Union
européenne - le Royaume-Uni et les Pays-Bas - ont bien tenté de barrer la rouir au
projet Galileo. Dans le contexte post-11 septembre, en décembre 2001, Paul Wolfawitz
- Oêparternent américain de la Défense - a écrit à ses homologues européens en les
avertissant que Galileo produirait de dangereuses interférences avec le G.P.S. œ qui
risquait de peser sur la fiabilité du système de sécurité collective. Le Pentagone a alors
affirmé qu'il mettrait en service le G.P.S. de deuxième génération en 2008, l'année
même où Galileo devrait être opérationnel.
Le premier satellite test du système Galileo a été lancé avec succès en décembre
2005. Les quatre premiers satellites opérationnels doivent entrer en fonction fin 2008 et
la totalité des 30 satellites prévus doivent être en orbite en 2010, le démarrage de
services commerciaux étant prévu en 2011. Le GPS fonctionne. quant à lui, depuis
vingt ans.
Au-delà de l'enjeu économique, Galileo est bien un enjeu d'indépendance
stratégique pour les pays européens. Indiens et Chinois, intéressés par le projet ont
compris cet enjeu.
' Le rrincipc 1cchnu.1u.: CSI k suivum h.~ ~1.:\hlit !I> N<t\'Star ..- m~~nt à INI l'tord ~ bortups ~ limll. lai~
est tJe l'un.Ire <lu nullutnJi~mc lie sct:orn.k L ..·"° "1gnau~ ""'""-"'Y'C"!O par ..~ ho.>rlugn. sont~.,... i-= .llAbon Ml*. et"'*'
tm.1 par ontlcs rudm pllr chacun des sa1cll i 1l· ~ - L "uhh_..., iol uu ~ n'lrf. f'r\."'011 ces mn5:llfCS hara1"S et ~ lllllar pml"
Ml
dCtenniner 111 J'(l'."1t1nn Je.." !t&tl!lhtcs sur h:ur l•rbuc , porU~, ..... dc 1-quclk il pa.i.tJNl.aan: la~lc~Jusueu:.a
CHAPITRE 5
LA RÉVOLUTION DU NUCLÉAIRE
Chaque fois qu'une révolution technique arriva, les hommes pensèrent qu'elle
signifiait la fin de l'histoire et l'éradication des logiques du passé.
L'apparition de la technique nucléaire est une révolution dont les effets
géopolitiques sont nombreux, tant du fait de l'arme atomique que de celui de l'énergie
atomique. Pour autant, si le nucléaire a pesé sur les Relations internationales depuis
l "Hans Bethe a dirigé la section théorique du projet 'Manhattan' de 1943 é 1946. D'origine juive ollemandc, il avail fui
l'Europe quelques annêes auparavant. 'C'esl un des plus grands cadeaux de l'Allemagne nnzie aux Étals-Unis' disai1-on de lui. Avant
la gun-re déJti, on le classait parmi les meilleurs physiciens nuclé11 ires [ ... ] Robert Oppenheimer: Les vic1oîrcs allemandes, les
cunps d'exlenninati.on des Juifs stimulenl el dynamisent l'équipe de Los Alamos. Sur le plan mornl, \a süuation est limpide . L'heure
n'm pas awt hésiLatîons et aux scrupules. li faul faire la bombe." , H. REEVES, L 'heure de .t'enivrer, l'univers a-r-il 11n sens, Paris,
Seuil. 1986, p. 32 .
2 "La bombe ... a permettre aux Anglo-S11xons de cadcnosser l'invulnérabilité de leur situation insulaire, d'éliminer la guem: de
front c.cmme le souhailail Liddell Hart et d'acquérir à l'éc helle de la planète une cnpncité de dominntion sans précédent fondée sur
une au.hnostructw"e industrielle moderne qui a repris le rôle de l'nnciennc cavalerie aristocratique et de ses effets terrifianls sur la
piélaille", in 8 . COLSON, "Théoriciens anglo-saxons, Les théoriciens du monopole nlomiquc", in Th . de MONTBRlAL. J. KLEIN
dir., Dicriunnuire de stratégie, P.U.F., Paris, 2000, p. 2 3 .
804
1 J.8 . DUROSELLE. /lu101~ cl1ploma1U,11~ J~ 1919 ù nM juur.'r, Dalloz. 11 11 éd. 199). p. 634-640 ; G . ROBIN, "CnK dt:
Cuba- , in Dictianrtai" tk stNl~KI~ . 1n Th . de MONTBRIAL . J KLEIN diT., PU F ., P11.ns. :?OOO , ji . IOJ-10.5 ; E ABEL. 1Jtr
,,.wua ofO<:lobrr. Londtts. M..: G,bbon uMl Ktt, 1966 ; R.F. KENNEDY , Thlrtun DaJ's a Mcmuir uf1h~ C11hœ1 Mi.ut/~ Cri.tu,
New Yo~ Nnr Amenc:an Library. 1969.
2 91.'affaîn= des m1niles M Cul:M tendit à con,:am~ le! dirigeants aml!ric11ins de 111 \• oluJu~ de leur nouvelle stn&tJIC
nuclaarc Celle-ci , Claboftc dès 1961 par le 1ccrtta1rc 6 la dtrense Robert McNomara. a reçu le nom de 'dis..\uas1on gndub:... i.n
J.8 . DUROSELLE. Hutoirr Jiplo'"atiqur M /VJO â ncJ.,jo11r.1, Dallo7., 11" td., 1993, p. 6SJ
3 Autour IJc l'a.u1 de fr.tMj:Ui FUKUYAMA . F r:UKUYAMA , Wur und C l1anl(t" in lntt.·rnatiorwl Pr11it1t".t , Cambndac. Comcll
Univenity Prnt., 1981
.& Le J novembre 1qsq. WJWI la rotonde Gabriel, 4 l'Êcole Militam:, le gtntto.I de Cloulle ro11 la i..lklo1111ion sui\·antc -11 raul
que la direnK de la France wit fr11nçaii&e ( }. un pays comme la Fronce . A'il lui onlve de raire la gucrTC, 11 rau1 que tt Kti1 s.a
1 ~ . 11 raul qur AOf'I' effon IOll aon efTon s•n en thail autrcmcnl , nutrc l"'•Y• 'enii1 en c:on1md1ction avec tout cc qu'il en cJc:ruis 1n
ori&ino. a\.·cc 10n r61e, 111\/CC 1""1ime 'lu'1l a de lu1-mlmc. O\/CC ~n 4mc . N111un:-llcmcn1. to dé(cnAe frençnillic sc111i1 . le eu «Mant.
l.l>lpiltt 5. la r*Yolutlon du nucléaire
~rme du "faible au fort"I, une arme qui libère la France de la loi du nombre · avec la
bombe atomique, il n'est plus nécessaire d'avoir une force équivalmte a celle œ IOl'I
.dversaire.
Dans l'éventualité de la guerre nucléaire, c'est-à-dire dam l'éventualité d'unir
apocalypse géographique - humaine et terrestTe - , la géopolitique ''efface.
Des pays comme la France ou la Corée du Nord qui se !Ont dotés de l'arme
nucléaire très tôt ont eu une vision géopolitique : ils ont compri9 que, pour compter
face aux deux blocs, il fallait renverser les données classiques de la puiBanœ et sortir
de la seule logique nucléaire bipolaire qui pouvait menacer leur pa~ de devenir lei
'terrains de jeu" nucléaires des deux blocs.
La possession de l'arme nucléaire par l'État d'lsrai!l est aWl5i une inversion da
données de la puissance démographique et conventionnelle : les Arabes sont
300 millions, les Israéliens 3 millions, mais les seconds ont la bombe quand les
premiers ne l'ont pas. On a pu constater avec la Guerre du Golfe que ni les~ ni
les Américains n'étaient disposés à laisser une puissance arabe acdder à la puilAnœ
nucléaire.
La volonté de l'Iran de devenir une puissance nucléaire (officiellement ~
dans le domaine civil), qui débouche en 2005-2006 sur une crise ave<: l'Occident.
montre à quel point le nucléaire reste un enjeu de puissance fondamental .
Le nucléaire est une arme idéale pour les États-Unis de 1945 à 1949 car œux-<i en
ont le monopole. Elle est acceptable jusqu'à la fin des années 1950 tant que le ll!rritoift
américain reste hors de portée des missiles soviétiques et qu'un éventuel cooftil
nucléaire entre les deux blocs ne peut se dérouler que sur le théâtre europém; en 1957
cependant, les Soviétiques envoient Spoutnik dans l'espace; ils testent leur premier
missile intercontinental. Désormais Moscou peut riposter à Washirigton par l'envui de
missiles nucléaires sur le sol américain2 . À partir des années 1960, les Américains, s'ils
confortent leur puissance nucléaire, imaginent néanmoins de sortir de la logique de
neutralisation nucléaire. Quel avantage y a-t-il en effet à ètre une suJ11!fPUisMnte
conventionnelle lorsque d'autres pays, par le nucléaire, ruinent cet avantaF? ~
nouveau concept de riposte graduée de Mac Namara, secrétaire d'État à i.. Déœnse·de
1960 à 1968, doit permettre de libérer les États-Unis et plus globalement l'Allianœ
atlantique d'une dépendance trop forte à l'égard des annes nucléaires: il s'agit de
pouvoir apporter une réponse conventionnelle à une attaque conventionnelle limilà!..
Le 9 mai 1967, la stratégie de riposte graduée est adoptée par l'O.T.A.N.
CUllJ~ avec: celle d'auD'CS pmys [ . _ ) ma.JS 11 est indu.pensable qu'dlr nous soit prvp"C. que .. FtwSC s ~ ..- ~
peu- ell~mi!rnc Cl A Y façon l-.. ). La co~ucna:. c 'est qu' il IÎWl n-~ ~ DUU8 ~mm pum'Wllil.. .. am. a.
pnKhaincs ann«s.. d'unoe force cnpablc notre compte. Je ...-.:: ~u·un 01 c:u:t.\'cn.& ir...-=ia '"Ullc farw..tic fnntt:" ~
J ' aa1r pll\lr
• IC Jqtloyer il loul moment et n ' importe ~1û . ll ''a Jr
so1 que la baK Je ~ tenu ~ ~ .cmc::mcni ~ -- - ~ . - - .
appam:rur. Et puisqu'on ()CUI détn.11~ b France C-'•C"lltucllrmcnt à partir .:le a ·1mp.>nc "'ud f"o>llft Ju ~ . il &Mt que ..as lliin:1um.
faite pour agar où que cc ~il sur Io ltf'T'C'... c1tl par Paul MlltlC' de ln ~c. -SC.~ ~ cr ~~ -.......ia·. ,.
P. PASCALLON, (.'lMi!ll~ ,_)Uti'i"'' de• J1.'.{t01Ut' ,lOur lu Fnm~'W' Q t'auJ,., '61 Xl1' sitt/~ "'- A1.."1CI • ~ ~ L,.._,,,
1000. p. 395 .
1 Th ck MONTBRJAL. '"D1ssuas1un'" . in Tb ûc- ~IONTHRlAL, J. IU..EIN ..tir .• ~ .. ~ Pll'a. P.ti.f.• .38a_
p 1'-'I.
2 La rcprëacnt.atiun du munJc de!> .·\.1nC:n...: .ons csc b..1u)c,,cn« pwMtYC ~ le ~ ~ ei'Olll , . . •
"&Dlttu.utt. 9 . COLSON , '' ll'lëan~tcru :s.n~l.,...~l.>DS. l~ ~tCTls Jw ~ atmmip•. ID TL dr ~IOJ'lcl'Ba.IA\.. J.KJ,..E.at
Jir .. D1cm11tn1Jin.· Jr .Jtruf~JlU" . Pan!>.. P .U . F .. 2000. D . ~.5 .
On pl'lul cpnsidérer que dèti cette .!poque deux dynamiques sonl dévt!loppéei;
p11rallèloment par Washington : d'abord endiguer la prolifération probable du
1111cléairc - dans l'histoire, tout procédt! technique finit par b'universalisllr; ensuite
1ravaillt!r au dépassement tL>chnique dt> la logique de dissuasion nudéaire.
1 M.4:flhanc'c pour ccino ww-partii: : Owrgn-lbnri SOUTOIJ, l.11 Citwrre tk cl1''l'"mt.- am· (lc.•!1 rd111lmu 1::,1-Uw•.(/ /fUJ-
ltrlilJJ, 1:ayud, 20CU ; voir auM11 T. ck MONTDklAL. J _ IC.L!!IN (1ou• 111 tlir .), l.Jkllmmuu-e clt! .ftr1111'glL•, PUI', 21>00 . Je.11n-Bap11~1c
OU MON.ELLE, /(iJtoJre di11lm•11llÛJUf' de J ~/'1 a HUW jr>11r111; , Dallui.. 11 c 1.h..lnion, l 'JIJ} .
(hapilrv S. La rOvoluUon du nucléaJrc
F.M.I .) Ill la création d'une organisation mondiale de &écurité (future O.N.U de 1'.145),
d'autre part, programmait la dei>truction des empires britannique et franr,;ru; en
n!dffirmant les principes wilsonienll de droit des peupU... a di!ipœer d'eux-mhne!I. li
avall fallu enlluite que WaHhington fasse admettre !iOn projet dt! gouvenwment
mondial à l'allié soviétique. À la confénmce de Yalt.a (du 4 au 11 février 1945), i.
rune
aé•tion de l'O.N . U. avait été, avec l'entrée en guerre de J'U R.55. contrto le Japon,
des deux priorités de Roosevelt. En échange, les Américains avaient iibandonné à
Staline, provisoirement pensaient-ils, l'avenir de l' Europe de l'Est. Peu de temps apœs,
à la conférence de San Francisco, au début de l'été 45, la Charte des NatUmi unies éta1l
adoptée. Mais le rêve du gouvernement mondial en sortait bien amoindri : les
Soviétiques imposaient le veto pour les membres permanenta du Coruieil de Sécurité et,
soucieux de conserver la chaine de traités bilatéraux conclus depuis 1943 (PolDgne,
France, Yougoslavie), faisaient échec à la volonté américaine de soumettre a un accnrd
préalable de l'O.N.U. toute entente bilatérale entre deux pays
Cest seulement en 1947, lorsque les Américains comrnenc.èrent à cumprendJ"e qu'i.15
ne parviendraient pas à entrainer les Soviétiques dans leur mondialisme libéral, qu'ils
54! résignèrent à rétrécir géographiquement leur projet : l'atlantisme remplayi al.on; le
mondialisme, les accords du G . A .T.T. de 1948 ne s'étendant qu'a une partie seulement
de l'économie mondiale. On entra alors dans la Guerre hoide et une quarantaine
d'années passèrent jusqu'à ce qu'en 1989, le "Nouvel Ordre mondial' du président
Bush ne vienne donner une nouvelle jeunesse aux idées de la Charte atlantique de
1941 . Disparu, le mondialisme soviétique laissait au mondialisme améril::ain de
grandes perspectives d'élargissement ...
Donc en 1945, il est crucial de comprendre que le rêve d'une mmidialisation
emmenée par l'Amérique déterminait, vis à vis de l'U.R55., œ que l'histarlen
Georges-Henri Soulou appelle un "convergencisme", c'est-à-dire une solide volonté
d'édifier, de concert avec l'allié soviétique, un nouvel ordre mondial, l'entrée dans
l'àge atomique ne faisant en réalité que consolider cet ophmisme "convergencish!"
À Postdam, la bombe (expérimentée la veille à Alamogordo) ne changea rien entre
les Alliés sur le plan géopolitique ; elle ne fit au contraire, chez les Ambicains,
qu'aggraver la sous-estimation de la dimension profondément idéologique du
communisme stalinien et la menace que celui-ci faisait peser, non seuli!ment sur
l'Europe de l'Est, mais aussi, par Je biais des partis communistes français, italien et
belge, sur l'Europe occidentale. Ce sentiment de supériorité américain, appuyé sur la
réalité économique (lAmérique en 1945 c'était la moitié de la production moruiiale) et
sur la bombe, ne faisait que renforcer l'utopie d'une future entente soviétcraméricaine
dans le but d'accélérer la sortie de l'ère des nations et lavènement d'une Humanité
réunifiée.
Et c'est ainsi que, bien Join de chercher à profiter de leur monopole nucléaire
(forcément provisoire) dans un cadre de compétition géopolitique classique, les
Américains cherchèrent au contraire à accélérer, par le nucléaire, leur t!squiseie dA!
gouvernement mondial. Encouragée par de nombreux savants cosmopolites, comme
Einstein, cette idée déboucha t>n 1946, à 1'0.N .U ., sur le plan Baruch. du nom d'un
financier fameux qui avait eté const>iller intime des présidents Wilson et ROODeVelt.
Pour la première fois dans l' histoire de l'Humanité, on proposait que la pos6e5Sion
d'une source essentielle de Id puissance industrielle et militaire é.:hapP<' à la
souveraineté des nations . Une .iutorilé internationale devait disposer du monopole de
J'arme et du contrôle de l.i non-prolifération. Le tout se ferait par étape;, les
Américaim; ne livrant que pro~ressivement leur savoir ,\tomique, avant. enfin, de céder
leurs bombes. Et, nouve"u coup p<>rte .:i 1,1 souv<•r.linetè etatique, les cinq Grands
n'auraient pas de droit de "vt>to nudédirt.>" ... Les Soviétiques virent dans le plan Baruch
801! l'arllr 6 /(i'T.Jolulwnti trdmtqut~
1 Cc souhait n 'est pas spécifique awi: Étals-Urus ; il Cil s-:rUgl! s-- la memtift:s. dD cWii ~ l'tlilmmn . - " - •
G 8. de l'O.S .C .E .• de la Confo!rcncc de Gcœvc sw le-.......-_ ... Comcil do~ do IO.N.U - ...... Io ........
ssolî.finuoo pour la paix du mancie. La lune con~ la~ n'ai di-= s- ......._. ... ~•ru.TA.X. . . •
- réalfün.e, dans les paragmp""5 30 a 35 du communiqai do 5cJmlœl do W - - dll lA - .__......,....
l:llDivcnain: de l'O.T.A..N _ - IDUtulê " Une allumcc pour le xxr-
~.lm . . . ~~--.--.~-
1 D. COLA RD , "Causes poliliqucs .:t formes juridiques Ju b locage du désanni:mcnt". p. 97-101, in P. PASCALLON. Qudk
poliliquede dêfense pour fa Frema ù /'1111he du XXr' sii!eh• ?, Actes Je colloq ue. SênaL. L'Hannauan. 2000.
2 Du 13 janvier 1993 .
3 Cc mëme s i d'autres facteurs, tel l'iutCrêt pëtrolicr jouCrcnt un rôle détcrrnimull .
4 E. LUTIWAK, "An Emcq;ing posl Nuclcar Eroi" in The Washington Quutcrly, 1988. p. 5-Ht
S Li:s peuples d'Europe occidcnlalc, nulanuncnt les français, les Anglai s et les Allc1mmds. le sont tout 11.utant mais n'acceptent
plus d'invest ir de' sommes imponamcs dans leurs défenses propres .
puissani.:i: nudéa1rt Œnnuc ou reconnue
1 J C Romor aouricnt l'évenn.aalite d'un coup de hlutT des Amëricoins QUoru à I.D.S . durui le but de faire chuter les Soviétiqua,
•boui de IOUffic 6conomiq~emcn1 . la ~lan.:e 1tUJounl'hu1 du N .M .D. remc1 en cause cçtl~ 1LIC:c. Nous pensons plu16t q~ fct
Amtnca1rn Oftl pow- doc1nne d'lve 1ouJ011r.1 en •vancc U'w1c annc sur le.s autres , voir J .C . ROM E R. Le monde en cnsc dtpw1
191) , Pans, EUipse:l, 1997
2 ·Face â la rrulffb'allon de5 urnes Je Jcstru.:tion fNl55ivc el notamment des missiles huhs1iqucs , les Ëlats-Ums ont dk1dC en
1499 d '8Cf.."TDhn::: sipuficatw~nl le bu.Jgct consacré à. la défense an1i-miuilcs du ~rritoirc . Le rirojct envisagé campane dau.
phun o
- \a rRnu~ Contlil.Slcruil • déployer, vcr5 2003, une centaine d'intercepteurs en Alaska pour faire face • un tir limilê m
provenance de la C°'* du Nord, dont la dëlccllon se rcnail au moyen de radon au !iol ;
· Il ICCORde (von lOI 1-20121 verraj1 le déploiement d'environ 100 inti:rccplciuB supplt mcnui.irc:s sur un dcuxlCmc site et de
captcun dans l'e.pecc ; le 5}'!îltèrm: Kn1i1 desnnt i arR1er au maximum quelques tl izainC$ J e 1é1c& ucco mp11gntc:s d'ALAP (111Jes • 11
pêneualion) on JUOYOnancc d'A1ic du Nord· Etil ou du Moycn-Oricnl". Bruno Tcrtrais, Charue de nussion ouprès du Directeur de 11
D .A.5 ., Minisa!ft de la Def~ fra.nçal!i , "U.s enjeux S ITHh~giqucs du ptogJUmmc N .M .D ." . m P . PASCALLON. Q11e/le p o ftllqur
drdifen.Iepoiu lu FrarN:t> à J'tJulw du.XX~ ~lëdc :1 , Actes de co lJoquc-, SCru11, L'Hannauon , 2000, p . 242
3 MDKou pouvait cepc:nd.ilnl 1Mtaller un syslCmc défensirpour la v1lli: Je Mosco u, buptis~ Golo1>h .
4 L'amind Muul Duval. nnctcn prisidcnt du Comilé d'f.1udca de r>Uensc Natio ntah: écril '. " L'urknal de lu ltussie cumpR"nd
mfin des anncs nucleairn llhl i- miJoS1IC!i balistiquC1i, qu'elle nt s eule il possécJer moi s qui rrotèucnl un seul silc (Moscou) ce qui n'es1
pu corunurc au trailé A. B.M . conclu llYQ! Ici f.tal.l·Unhi en 1972. ulor.s qu'il n'en scro11 pn.~ ôc mëmc du sy:Hèmc nouonal de defmiot
anli-mu..ila bah1tiqueti 1N.M D )•, Marcd Du\·ol, in JI. PASCALLON , Q11el/c JJfJ/i//1111t• 1/t• dtffi..·11.w..• pour'" Fl"fmn· a /'1111111! .1&1
.'tt:XI' •itt:lr ?. Aclet. de: colloque, S~ual , L'llannullan, 2000, p. 304
5 C'nt nutamm.:n1 la puthiun de: llrunu Tc11roi ii Je ltt 0 A .S Din:clu>n des Afhurc~ S1rn1éyi4uc!1 du Mmi:ilèn! tk Io Odfcni.t
a~ncuin dcmcurcnut en cnC-1 vulnérublc fucc uuK Lapu c i 1~s nl!iliCH m~mc i.Jon1' le &cénanu le
français qui aoutien& qliC '"le lerritoirt:
plu1 dëfavurablc" . 8 . TI:.R.TR.AIS, "Le~ c:njeu1t ~lratégique du pruJt:I N M .D. " in I' . PASCALLON . {}tudh• tmlul'fllt' ,/,• d.fft:tu1' f"'"'
la 1-"runL"I<' a f'uube du XXI' .dldl' ,, Acln de collnquc, Sénol, L' llunnnllllll , :?OUU . E n h llll éuu tic CUU!oiC, ln J=rum:o:: RW.flJUC !Min
aU&L:hem.:nt au nuunlicn du rnil~ A U.M . de l!J72 -· - intcrvcntiun du rcprésc11111n1 de lu Frnnc c 1) ha C uufércm:c 1mr le Jésummncnt
de GenCve, le 28 f~vrier 199M, .:11..k par D•nicl COLA HD , "CO.UliC:lii po li111.1ucl!i cl limnc!I jumli<111c:-1 Ju hJm: uyc Ju clé:umncmC'nt, i11
I' PASCALLON, Q11ell,. pfl/tflqul! dl! Jéfl'tu e fHJllr lt1 J··rmw1• à /'mtlit• ' '" X.'{JF ,-;Cdi• /, Actcli tic cullm1uc, Sémn, L'lfunnatt.1n.
2000, p. 91-101 -- p1~ anguh1i~ Je l'tquilibrc 11re11!9ique ruaiio·om~rlcai11 . En fOll , h1 vl!Ti1uble 11ucstion n''°.. ' pu "Alt M cl les
Rwl~" IJUlil IC" "Quid de la d1uuuion nuclitaire chinoise l"iu::e ou N .M .D . um~ricuin 'J" .
CliApilni 5. l..o révululinn <lu nudéair" 813
I""' données !M\tellitoii""' d'alerte•, des déclarations conjointes des présidente GcorgC!I
Bush et Boris Elt,.inc en 1992 ;'\ propoA d'un sy,.tème anti-mlssile planétaire2 , d'un Acte
fnndoteur signé avec la Rus.qie en 1997 dont l'objectif e!lt de développer une logique
conjointe anti-pmlifér,,tion et de défense contre les ·missiles de théâtre-'.
La str<1~gie Je sortie de la dissuasion réciproque considère donc deux typl!!I de
"zones ~-ouverres" : la première est la protection des alliés directs sous leur propre
parapluie en vue de solidifier la dépendance géopolitique de ces alliés ; la seconde est
plus largement la défonsc du monde capitaliste contre celui qui résiste à la logique
démocratique et li!X!ralc - Chine, Corée du Nord, Cuba, Irak, Iran ... La première
logique explique IL"S propositions américaines faites à lsra!!l4, à la Turquic5, à l'Union
européenne, à la Corée du Sud, à Taiwan ou encore au Japon ; la seconde explique les
propositions faites aux pays du Golfe6 ou à la Russie.
En miline temps qu'ils cherchent à dépasser l'équilibre nucléaire classique par le
développement de défenses anti-missiles, les États-Unis évoluent de plus en plus vel'!I
une doctrine de l'utilisation de l'arme nucléaire contre des puissances seulement
conventionnelles. En janvier 2002, le département de la Défense et le département
d'État publiaient ainsi une étude intitulée Nue/car Postur Review et réalisée à la
demande du Congrès. Parmi les circonstances où l'arme nucléaire américaine pouvait
~ employée, figuraient "une attaque irakienne contre lsral!I et ses voisins; une
attaque nord-coréenne sur la Corée du Sud ; ou un affrontement militaire sur le statut
de Taiwan." Plusieurs pays non nucléaires tels la Syrie, l'Irak, l'Iran, la Libye ou la
Coree du Nord étaient désignés explicitement comme des cibles nucléaires potentielles.
Autrement dit, l'Amérique disait ouvertement qu'elle pouvait faire usage d'armes
nucléaires préventivement contre des puissances seulement conventionnelles7 .
1 Le dem&n~1cmenl de 11.J.R S.S a po5': des: probltmcs ;i, ln Russie qucint li son rtscou d'alerte car des msllllalions importanlti
1etruuvwern en B~lonlSllC:. en Ukn1ne. au K.taakh.~tAn n1ns1 qu'en A.zcrbotd1111n. En Lettonie , les mst~llotions ont étt dtmantel,et..
En 199Q, la AméricaUIS ont propose leur aide pour la consuuction d'un rad•r en Stbénc et ln modernisation d'un aulrc en
-ldjM.
2 À œne èpoquc son sur les Krans iunmuins - cl donc mondiaux - un film consat..n: â l'cffon conJomt dc!I Rll.UC'I et da
Aml!nc:ams en vue de ô!tnun:, à l'aide de m1l.Sllcs nucltuin:s, une m~téon•c géonlc qut menace de foire cxplo!\Cr la Tcm. On est
dl!:lormaJs loin de la saga de lJ Gucrtt des Éroilcs des années 1970 et 1980 qui met en scCnc l'affmntcmcnc de l'Alli11ncc - l'Empirr:
du Bien - ~Je l'Empire du Mal .. No~ poumons monln:r. par de nombn:uJ; c"cmplcs , que Ucputs 1945 , le cinéma aménaun csl
plw. qu'un ra11 cuhun:l. il es1 une arme gêopohtique. un in"Lrumenl de mcxJclogc des rcpréscntouons gêopoht1qucs du monde . U
5QIÛe du film Pearl Hiubo\a en JUin 2001 - C1 dont la production 3 bénéficié llc 1'3.•dc :Jctivc de la Marine amfric3.mc- corncide
.UU1 exactement l\'CC le campagne de promolion du bouclier anti-mi~s1lcs engagée par Washington oup~s dc.'l opinion! publiques
occidcntala cc long-mttn.gc !pCCW:U11..1~ vient rappcllcr, nu moment propice, qu'une attnquc surprise massive de la pan d'un pays
vt0lanl les fttl~ intana1ionalc.s - une sorte d'Él•t·p•ria - est toujours possible . .
) T. GAACtN. 1n P. PASCALLON, Quelle politique J~ Jefe1ue pour la Frutrce ù /'uubt• d11 X:<r .ciètlt! ?. Actes de colloque,
s<na~ L'Honnattan. 2000
4 Outre le mc.mde anbe, la c1pac11é nuciêai~ d'lsTBel couvre une wnc se déroulunl <lu Caucuse PU;it BAikans -périphttle
stnltégique de 1.1 Russie Depuis 1990. Améncains et Israéliens développent cnsi::mhli:: un missile :111li·miss1lc, l'Arrow - flkhc en
111aJai• - ou llctz en hébn:u
S Ëqu1péc de mis.sil~ aoti·m1sailcs Patnot : prutoc:olc d'accord da1on1 de l 99R pour un "Y~lèmc Je 1mssilcs 1tnli·m1ssilcs sur le
modèle du Hrti: isroélirn.
6 Lo Am<ncaom propos<nl une couvcnure anto-balosliquc avec ttttphonc rouge T. (iARCIN, in P. PAS( ALLON, Qutllr
po/i1Ujog ri<: def<>1sr pour lu Franu a /'uuhc du XXr S1h l< ?, Actc'S de colloque, Stnal, L't lannauan , 2000
7 www.dtf..,..link..miVoewa/Jan2002il01092002 10I09npr.h1ml
<.1lllrll"' 5 . Lo ~olullon du nucléaire 815
Pour l'heure, le Fronce rl!!ltc sur une conception de dtuua9ion nucléaire' '. cette
arme ne peut être employée qu'en dernier recours, dans te cas extr~ O(a le ll!n'lloire
n11ttonal est menacé. Encore faut-il, pour que la logique de dill!lua9ton soit efficace, que
l'ennemi potentiel •mit convaincu de la solidité morale de !!On adver!UÙJ'e. Or, da1111 de
nombreux États du Sud, les peuples tendent de plu• à plus à 1e convaincre de la
décadence morale de l'Occident et de son incapacité à accepter le llKrifiœs de la
guerre. Même s i la réalité des peuples occident.aux n'e!lt en réalité pas confomw Il oelW
représentation, il faut bien admettre que les médias, les mode! el ln supporta culturels
des pays développés confortent cette image négative de l'Occident.
Lo logique américaine n'est pas celle du suicide collectif comme 1auvetagie de la
liberté, du dilemme entre l'anéantissement et l'asserviasement ; elle est œlle de l'arme
d'avance sur ses adversaires qui seule peut permettre de détruire l'ennemi Nnt être
détruit, et par voie de conséquence, de conserver la liberté et la vie.
L'Amérique choisit ses menaces - les États-voyous !!Ont surtout des taaœ qui
refusent d 'obtempér er à l'ordre américain - et les imposent à - alliés. Ceux-<i
peuvent discuter et refuser ce choix. Mais ce qui est indiscutable, c'est qu'aucune anne
n'e9t indépassable. Ceux qui rêvent toujours de dépasser ce que les autres ont atœint.
sont les vainqueurs de demain ; ceux qui s 'installent sur le s!Atu-quo sont d'ores et~
vaincus. N'oublions pas que les grandes révolutions de la puissance sont toujoan
venues des révolutions techniques et des renaissances morales et !pirituella.
3 . Le bouclier anti-missiles
dans la stratégie de domination globale des États-Unis
Entre 1945 et 1990, le monde connut une bipolarité qui était la problématique
centrale des Relations internationales, opposant les États-Urùs et leurs alliés au bloc de
l'U.R.5.5 .. Cette opposition reposait sur un socle dual, à la fois géopolitique - deux
super-États, la Russie et les États-Unis - et idéologique, deux idéologies
transnationales mobilisatrices, la démocratie libérale et le commwlisme.
Depuis 1990, une nouvelle bipolarité, qui est aussi la problématique centrale des
Relations internationales, est en train de prendre forme, là encore liée à l'opposition
géopolitique de deux grands États, les États-Unis et, contre eux, non plus la Russie
soviétique mais la Chine. Elle voit encore deux modèles idéologiques s'opposer ; mai9
désormais, l'opposition idéologique ne se superpose plus à l'opposition géopolitique :
une nouvelle idéologie transnationale portée par l'islanùsme sunnite parvient à
recycler l'anci e nne idéologie a nti-impéraliste, commurùste ou tier7mondisœ de la
Guerre froide : elle grandit sur le rejet, dans le monde arabe et plus largement. dans le
monde mus ulman, de la politique américaine d'alliance inconditionnelle avec Israel et
de tentative de contrôle total des ressources pétrolières du Moyen-Orient - double
endiguement de l' Irak et de l'Iran, contrôle des monarchies du Golfe.
L'événement marquant du 11 septembre 2001 intervient, dans la dynamique
engagé e depuis la fin de la Gue rre froide, comme un facteur d 'accéléralion de la
bipolarisation du monde. Contrairement à ce que prétendent bon nombre de
. "Au m o ment où IR rn1\i f~rJt1 o n hu n i.on1.1k ûes armes Nl ist1qucs et des ogiW'5 \.-tù:mil:paies. ~ ......._ ~ i. _.
il appnmh pou r le moi ns ino pronun. voire inconte:ru. de= menn: en question la ptn:naitl! dt: "9 potiliqs . _ . . . dit
dissuasum nuclll!-airc. f ace à cc l1e fo nnc:- de miliWiMt ion et."CCICTtt J'un mcnk tnoa.m.. à qudlt' ~ ....qpr • ~
pu I• c r..1n1e d'insuprortahlc.>t rcrm!~ille!i ~· ..... nimct11't un pa)'11 cocmm .. FJMœ!"', Ut P.M. GAU.OIS.. 9Dlllll : ' " - -
du nuc h!aire'", in Relatlon.11 i11t1·,..m 11111""'t".11 .-t ................ l.R.1 S .. ~ t iê 14192, n-6. p.15
816
L'un des premiers buts géopolitiques des États-Unis est la constitution d'un bloc
économique, politique et stratégique euro-atlantique commandé par Washington avec,
comme tête de pont au Moyen-Orient, l'allié israélien, l'ensemble étant placé sous un
parapluie anti-missiles américain. Les États-Unis ont toutes les chances de parvenir à
ce but : qui peut sérieusement croire, en effet, que l'Europe des 25 prend le chemin
d'une politique étrangère et de sécurité commune indépendante - c'est-à-dire
divergente si nécessaire, de celle des États-Unis - et d'une architecture de défense qui
n'est pas liée aux États-Unis? Qui contestera le fait qu'un nombre largement
majoritaire d'États au sein de cette Europe élargie, souhaitent la construction des États.
Unis d'Occident plutôt que celle des États-Unis d'Europe? Et qui contestera le fait que
cette réalité d'opinion sera consacrée par le mécanisme de décision majoritaire -
majorité qualifiée - voulu par les traités de Maastricht, Amsterdam et Nice?
En renforçant encore la représentation civilisationnelle d'un Occident judéo-
chrétien opposé à l'islam, l'événement du 11 septembre 2001 sert objectivement le
projet américain d'un bloc politique, économique et stratégique euro-israélo-américain.
Le deuxième but géopolitique des États-Unis est le contrôle stratégique de la
croissance économique de l'Asie2 par la prise de contrôle des hydrocarbures du
Moyen-Orient et de la Caspienne.
La dépendance énergétique de l'Asie à l'égard du Moyen-Orient ne fait que croitre :
- en 1993, la Chine est devenue importateur net de pétrole. Sa dépendance
pétrolière vis-à-vis du Golfe est donc de plus en plus forte. Pékin ambitionnait de
pondérer cette dépendance par des projections sur la Caspienne mais l'intervention
américaine en Asie centrale coupe la route à ces projections; la présence américaine en
Irak depuis 2003 confirme davantage la prise de contrôle américaine de la dépendance
énergétique chinoise.
-en 1994, la consommation totale de pétrole des pays de la région Asie-Pacifique
est devenue équivalente à celle des États-Unis;
- l'Asie importe déjà 70 % de son pétrole du Moyen-Orient, et celui-ci exporte 60 ".;,
de sa production vers l'Asie . Cette dernière proportion pourrait être de 90 % en 2015
L'interdépendance énergétique Asie/ Moyen-Orient est donc un phénomène
d'importance historique.
Pour conforter leur suprématie mondiale face à l'émergence économique e!
géopolitique de la Chine, les États- Unis doivent contrôler la pompe de l'Asie, c'esl-à-
dire le Moyen-Orient. Au contraire, la Chine a intérêt à voir les Étals du Moyen-Orien!
devenir moins tributaires des États-Unis et c'est la raison pour laquelle elle participe à
la prolifération - au moins balistique - vers le Moyen-Orient et le Maghreb: Iran,
Arabie Saoudite, Irak jusqu'en 2003, Syrie, Libye jusqu'au retournement pro-américain
1 M. Hubert Vêdrinc. 11DCicn mmîsirc français des Afî;;urcs etrungCrcs Jéd11rai1, le 19 murs 2002, dcvunl l'lnst11u1 niplo~
"Je aepcmc pas que l'on ail changé de monde le 11 !teptcmbrcn .
2 Vou i œ 1uje1 Je chapnn: rons.ac;ri li la quête de l'or noir, scchun "L'enjeu 1rak1cn dnns Io 1'ilrut~y1c aml!nçunt dt
-dclaCb111e•
Owpih"e S. Li1 N!!voluUon du nucléaire 817
dl' 2005. lnvl'rsement, les Américains, pour solidjfier leur emprise !Rlr la région
pétrolière luttent contre la prolifération balistique et nucléaire.
Les Américains ont laissé le Pakistan acquérir la première bombe islamique. Dès le9
ann~ 1950, le Pakistan est une pièce maitresse du front anti-comm~ li est
ml'mbre du C.E.N.T.O. et de l'O.T.A.S.E . Son statut d'allié stratégique des âats-Unis
est renforcé par l'invasion soviétique de l'Afghanistan. C'est l'époque où les âats-Unis
considèrent que l'islamisme soutenu largement par le Pakistan et l'Arabie Saoudite est
un allié objectif contre le bloc communiste, les nationalistes arabes et les Non-alignés
comme l'Inde. Grâce à ce statut d 'allié, le Pakistan bénéficie dans le domaine nuclmire,
de dérogations à l'appareil législatif américain qui lutte contre la proliUration. Olaque
année, l'éxécutif américain certifiera que le Pakistan ne mène aucune activité
proliférante. Mais dès que le dentier soldat soviétique aura quitté le sol afghan. le
Pakistan n 'obtiendra plus sa certification. En octobre 1990, les sanctions prévues par
l'amendement Pressier seront appliquées. Durant dix ans, les relations entre
Washington et Islamabad se dégraderont; trop tard cependant pour Washington : la
coopération sino-pakistanaise débouche sur la bombe atomique ~
Aujourd'hui le Pakistan coopère de plus en plus avec l'Arabie Saoudite - visite des
installations nucléaires pakistanaises par le ministre de la défense SilOUdien en mai
1999 - et la Syrie - accord de coopération mutuelle de 1996 - dans le domaine
balistique 1 . D'autre part, le Pakistan soutient de façon soull!rraine l'effort iranien alors
que l'Inde semble choisir le camp américain..
Les États-Unis ont laissé un pays non démocratique disposer de la bombe. Leur
politique sélective en matière nucléaire n'a donc rien à voir avec la question de la
nature du régime politique mais elle est étroitement liée au degré de contrDle du
régi.me par Washington.
Ce dont Washington ne voulait pas, c'était de la première bombe arabo-pétrolîi!.
Or le successeur de l'Arabie Saoudite en matière de pétrole s"appellait l'Irak. Si un tel
pays avait échappé au contrôle américain en se sanctuarisant par l'accès à l'amie
nucléaire, ou à une capacité balistique significative, alors le déséquilibre majeur -
conventionnel et nucléaire - entre le couple États-Unis/Israël et les Arabes aurait ëtr
brisé et l'Irak aurait pu franchement choisir l'alliance avec Pékin. la même
problématique se pose pour l'Iran. Les États-Unis ne veulent pas d'un Iran nucléaire
parce que l'avantage décisif israélien serait brisé (or Israa n'a pas l'avantage du
nombre face au monde islamique) et qu' un allié nucléaire (et par ailleurs géant
énergétique) de Pékin narguerait l'Amérique en plein Moyen-Orient.
La prise de contrôle du pétrole irakien par les États-Unis était conditionnée en 2003
à la liquidation du régime irakien avant que relui-ci ne pan""ienne à l'arme nucléaire ou
à une capacité balistique significative.
Comme au moment de la Guerre du Golfe en 1991, tout fut donc fait dans les pays
occidentaux, en 2002, pour convaincre le monde que l'Irak menaçait la planète d 'une
capacité nucléaire, chimique et bactériologique et qu"il fallait l'attaquer2 d'urgenœ.
L'objectif fut alors de présenter une opération d'agression et de prise de contrôle
politique d'un pays en opération de prevention de la menace. Comme en 199(), laœ à la
multiplicité des "messagers de Washington" investis de chroniques regulières dans les
quotidiens français, il fut difficile de faire entendre auprès du grand public qu'il était
totalement illogique qu'un État eut déddé de se s uicider en attaquant le premier un
autre avec des armes de destruction mass ive.
l U même ~c de diabobsation de l'odvcnai~ fondée sur de fausses allégations avait déjà été cmployec m 1999 pom
jua.ificrune guetR eomrc: la Serbie. Les opinions publiques occ1dcnta.lcs furent ulors 1nformêcs qu'une épunation ethnique pe:rpkr6r
~les Serbes con~ la K.osovus Ctait ~pensable de l'c•odc m&Ssif de plusieurs centaines de millicn de ~onnes vcn l'Albamc.
En rtaliti, cet aodc massif fut dêclcnché pu l' offen s ive cl les bombardements massifs de l' OTAN Fun log:iqucmmt tes
papulaJ.ions chercbarnt à fi.ur en masse les zones de confron1a1ion entre )"armée serbe e t l' OTAN
2 "'Les saviccs de renseignement américains , et aussi israéliens . conllnuc n1 à affirmer que l'Iran ess:ayc d'acquern
clandntincment cc qui lui manque ( . .. ]régulièrement leur presse- onnonce que le!. l~ tal">- Uni s ont fuil pression sur ln Russie ou su: la
Cbiac pour anptthcr l'cxportanon d'équipcmen1s sensibles à dc~tinotion de l' lrnn . À plus1cut"!'i n:pri!ies , l'AIEA s'Clli:I n:t1due sur Io
Utes IUlpCCt5 db1gnès rar les Etats-Unis saru Jamais y trouve.- la moindre lrot: c t.1'<1c t1 v 11é 1llici1c. Une commÎS!UOn du Conpt,
}WésidCc s-i- Donald Ruimfcld, l'acrucl secrétaire .é. la Défense, n'en a pa.s muins con du en l 99K que, dès 2005 , l'Iran con.t.tilucnrt
une mcnacc nuclCain: pour les Etata-Unil>, cc qui , ovet: la même mcnucc venant d e 111 ( ·orée Ju Non.J. JUSlifiai t l'urgence Je mcllrt Cii
pboc: un 9bou.:hcr anl1·miss11es· Amiral Morcel DUVAL , " Faut-JI u "'utr peur J e l'Iran "!" 111 lkfonsc nn1ionolc:. moi 2002, p. 12(
Plus lom •pout" le momcnl , la memi.~ de l'emplo i d 'anncs de Jeslruclmn mas s ive pur l'Jrnn n'c sl c f"édiblc qu'avec Jn anrn
chinuq~ C1 sur le pla.o ré~i onal seulemcnl À moyen 1cnnc, celte mem1cc ne pmuT1111 viser plu" lnm qu'nvcc une atdc 1cchnolog}q!it
lri:s acu..-e de la RLU.Sic ou de la Chine. cl clic prcndn:m alors une dimension intem1111on11lc. Elle ne puu1T1ii1 devenir nuclbilT qu'•
écbèance de du. ou quinze ans, cc qui Cil d'ailleurs confonnc oux cs11ma 1im1M omén c uincs, quanti c dlc!'l-c 1 ne !lnnl f'M dn11nta i LJ
propagande. Quant ÎI la prnpcctivc que cette menace: Jeviennc intercontmcnlnlc, il fout ~c ntppelcr t111c WB.llhinston c'I tli 10000ll9
deTéhbml., port.te qu'ont 5C'Ul s réu.ui & ancfnJrc Jusqu'à p...Csent les miio; iles américa i nl'I , m!ise~ ou chinoi11o."
Chapitre 5. Lo rc!volutlon du nud~alrc 819
1 Sur le buuch..:r w111-n11!>s1I..·:-- 1"1crn: .. ASCALLllS Jtr .. l.t· BcHKll!V' ~ ~ ~ C ........,. .A. I
1o.·p11·mh,-.· ](HJJ :•,Pans, L'lt11nu11nan. :!OO:?. l76n..
820
1 Leur r<Lllion ""Jiaiquc .., n!guléc par dn accord> bil11mux . .. 19HK, l 9'1 I - - cl ln Ji!clnrnl1on Je Laho,. de 199'1 . let
_,, drnvmt cbonnaiJ tue nolifiés au pR&i1blc
Owpttre 5 . 1.... ~volutlon du nuclc.'alr" 1121
1 lc projetGmlTC dca l~to;Jcs ~teil un buu1.:licr ~ptttiol Jc sliné à arrêter les lrnppci 11mss1vcs.
possible à cause du non-alignement indien. L'Inde, par ailleuB, voulait la bombe et les
Américains étaient partisans de la non prolifération.
Le voyage de Cllnlon en Inde aura-t-il été le point de départ d'un réaJ1gnement
strillégique de même importance que celui qui succéda au voyage du président Nixon
à Pékin 7 Difficile là encore d'être catégorique, maie on peul souligner les avantages de
l'Inde aux yeux de Washington :
- l'Inde et la Chine sont en opposition nette. Des mlliSile& nucléaires tactique&
chinois sont déployés au Tibet. Un affrontement avec l'Inde dan6 )'Himalaya est
possible. Pékin ne reconnait pas la ligne Mac-Mahon tracée par le colonisateur
britannique. La Chine contrôle la région de l'Aksa Chin - 38 000 km2 - dti>uis la
guerre de 1962 et une partie du Cachemire - 5 200 km2 - cédée par le Paki6tiln en
1963. Elle revendique une partie de )' Arunashal Pradesh - 90 000 km2 - et n'a pilli
reconnu l'annexion du Sikkim en 1975;
- l'Inde serait pour Washington a la fois un allié démocratique en Asie et 1J11e fortr
puissance conventionnelle et nucléaire;
- l'Inde et les États-Unis ont un intérêt convergent contre l'islalllÎlime;
- la puissance navale indienne bloque la route de la Chine aux approvisionnemenl5
pétroliers du Golfe ;
- les États-Unis se sont beaucoup éloignés du Pakistan durant les dix dernières
années. L'axe pakistano-chinois sera-t-il opposé demain a l'axe ind~américain?
- l'Inde et Israt!l coopèrent beaucoup dans le domaine de la défense anti-mis6iles -
ainsi que dans la lutte anti-terroristel - ; par ailleurs, depuis les essais de 1998, l'Inde
a augmenté ses relations avec le Japon et la France. Le fait que l'Inde soit proche
d'lsrat!l et du Japon est positif pour Washington. Au contraire, les liens du Pakistan
avec la Chine et les États du Moyen-Orient inquiètent les Américains;
- enfin la relation Russie-Inde est stable et solide et a survécu à la Guerre froide :
alliance objective contre la Chine depuis le milieu des années 1950, traité de paix.
d'amitié et de coopération datant de 1971 . Partenariat stratégique conclu entre la Russie
et l'Inde en octobre 2000.
Un axe Inde-Russie anti-chinois et proche de Washington serait utile aux
Américains; ajouté au dispositif classique, Corée du Sud-Taiwan-Japon-Philippines-
Thaîlande, il isolerait Pékin et vaudrait largement le sacrifice du Pakistan. Par ailleun,
dans l'hypothèse d'un N .M.D., même un Pakistan ouvertement islamiste ferait moins
peur, et l'Inde, le cas échéant ferait le tampon, avant même que les États-Unis eux-
mêmes soient menacés.
Remarquons enfin que ni les États-Unis, ni l'Inde, ru IsraE'I n'ont signé le T.1.C.E. -
Traité d'interdiction complète des essais nucléaires - et œd, à la diffmnce par
exemple, de la Chine ou de la Franœ.
Que pourra faire la Chine ,frnMin, sinon plier et s'ou\Tir face â un .ue ras.semblant
derrière les États-Unis, le Japon, T.1iwan, l'Asie du Sud-Est. une seule Corée réunifiée
par le Sud après la chute d'un rl>gime nord-coréen devenu incapable de nuire aux
États-Unis du fait du N.M.D . et d.-s T.M.D . / lnd~lsraE'l ? Comment. en cas de tension.
la Chine pourrait-elle se développer cnergétiquement après que l'Irak ait êté contrôlé.
comme le reste du pl'troll' du Moy1m-Oril•nt. par les Américains et que la Russie ait
P11,.lir 6. Rtl11al11tlnn1 lttlmJJfU~
""f"~ - <"i1r soudeuse de flnnnœr Ron propre dèvt!loppement por l'Out!st - de tencln.o
la main Il Pt'kln 1 ?
J La llllllÙt • annmcnc:i i pcrdR: J million d'h11bitanl6 ~l se ~riph~ric uialiquc se sinise à gronde vilcuc. elle aMPI
l'opm.siaa ~de la Chinr.
chi1plln~ 5 l...u révulullnn du nm. · Jto1tJr~
LA RÉVOLUTION
DANS LES AFFAIRES MILITAIRES
Le xxe siècle aura vu se dérouler trois guerres qui se sont toutes achevées par la
promotion de nouveaux matériels1 . La Première Guerre mondiale a vu la promotion de
l'avion et du char; la deuxième, celle du missile et de l'atome; la Guerre froide a
débouché sur la numérisation de la bataille et l'utilisation de l'observation et des
télécommunications spatiales comme bases du contrôle stratégique de la planète2.
Cette révolution est la synthèse des avancées techniques dans trois domaines :
l'électronique, l'informatique, les télécommunications ; elle repose sur la télédétection
de la menace, la vitesse et la furtivité de la réponse apportée à cette menace.
Selon l'expert suisse Bernard Wicht : "La R.M.A.3 - Révolution dans les Affaires
Militaires - peut se définir sommairement comme la surveillance, 24 h sur 24 et par
tous les temps, du champ de bataille et, à partir de là, la destruction des objectifs par
des frappes précises à longue distance au moyen de munitions intelligentes" 4.
Grâce aux nouvelles technologies de l'information - N.T.I. - , les satellites, les
avions radars, les drones et autres appareils de reconnaissance sont en mesure de
fournir, en temps réel, les coordonnées nécessaires pour le tir des armes à longue
portée - missiles de croisière, armes stand-off, munitions auto-guidées. Le but de la
R.M.A. est de frapper rapidement et même instantanément un nombre important de
cibles stratégiques de l'ennemi - défenses anti-aériennes, radars, aérodromes,
centrales de télécommunications - et de paralyser ses mouvements sur le champ de
bataille.
Quatre principes stratégiques s'imposent en matière de R.M.A. : la supériorité dans
les moyens d'information, la synergie entre les différentes armes - terre, air, mer - , le
combat sans contact, à distance, et enfin la nécessité pour l'armée de rattraper le retard
sur le civil - entreprises - en matière de management de l'information et des
performances informatiquess.
1 Scion Alvin et Heidi Tomer. l'histoire humaine est marquée par quatre phases successives de guerre: les guerres agrain:s.
a.prës l'époque néolîlhîque, les guerres industrielles après la Révolution industrielle, la guerre électronique et aujourd'hui la guerrt:
mfonnationnelle.
2 F. THUAL, "L'adieu â Foch", Communication présentée au colloque "L'adieu à Gutenberg" organisé per le président
Maurice Blin au Sénat Je 2 1 jnnvicr 2000.
3 Il est important de préciser que le concept de révolution dans les nffaires militaires est d'abord soviétique avant d'être repris
par les Américains. L'un des chapiLres du rapport du Ccnter for Stratcgic and lntcmalionnl Studies de 1991 ponant sur la guerre du
Golre, s'intitule d'ailleurs "La révolution mililaire". A . JOXE, "Révolution dans les afTaires militaires (Concept américain de)", in
Th . de MONTBRJAL, J. KLEIN dir., Dictionnaire de strtJtégie, Paris, P.U. F., 2000, p. 448-455 .
4 B. WICHT, L 'Oran attaque, Georg éditions, Genève, 1999 ; sur la R.M .A., voir aussi Th. DELPECH, la grœrre parfaite,
Paris, Flammarion 1998, p. 29; M . NAJMAN, "Les Américains préparent les armes du XXIe siècle" in Le Monde dlp/omat;que.
février 1998, n°527, p. 4.
S A. JOXE, "Révolution dans les affaires militaires (Concept américain de)", in Th. de MONTBRIAL, J. KLEIN dir.,
Dktionnuire Je strutégie. Paris, P.U.F., 2000, p . 451.
828
1 Suivant ln principes des anni.c1r:u111 Ju physicien PrigogCnc. in D . RU ELL E, Hnsurd el choos , Pons, Odi1c Jacob, 1991 ,
M. MAZZAR, 71rr Rn'OllllÏtJff in Mj/11ary Affain. A Framework for Defe11.fe Pla numg SS!, Vth C onfercnce on Strate-gy, C'.Mhslt
Bmnc:kJ (Pmn.). •vn11994 ; nomb~ux sont les uperts qui affirment que les Étnts- Uni !i !lont désormais la seule puiuance capKik
de n.:nc:r une guenr de: 1rn1&ièmc gé nc!:ralion - info worfurc - land&s que leurs alliés scraicnl restés ou niveau de la parc
~die; O.E. JENSEN (colonel USAF ), "Infomwtion Wwfarc : Pnnc1ple!o! of Th ird Wavc Won", in Airprnvrr Journnl. hl\a
1994, vol.8. n•4.
2 Sur les progrès 1eehmquc.5 dans le domamc mililllirc e t leurs con!iéqucncc s s ur le profil des 11nnéc s cl l'm de la gurrrr.
P. MASSON. L HENNlNGER. · Revo1utions induslm:lle cl m i liLairc au XIXe i,;iCc le ". in Th . <le M O NTBRlAL. J. KLEIN du .
Dic1ionnaire de Jlrutjg1r . Pma. P.U .F., 2000. p. 462~70 .
l G. PARK.ER. Lo rivalution militaire : la g mu-Tr t.'I l'e.f.rnr de l'Oc cidl•nt / 5 00-IHOO. Po.m&, Gollim11rd , 1993. p. 17, lrad -k
11w Mihlary Rnofution · Mllltary lnnovulion and the Ru«! of the Wit"sl 1S00-1 HOO, 2~ cr.J ré v ., C ombnr.Jgc. <..:ambridge U m\-mi~
Pneu, 1996 ; CJ ROOERS, 'l'ire Mi/uary Rit"mlutùm D c hulc . Rttudings on tire Mlli1ur)" Tnm:ifnrmaowr flf E,rr~• · J.lo.Jflm E""'f"·
Boulder, WCll\' ICW ~ •• 1995.
4 C MAKJENKO. "Le complexe m1ht..-o-mduslricl à l'heure des ~fonncs" in Y . BOYER, 1. FA CON Uir., W pü/illflw.Jt
skurité th /a Rwsfr. rnlr~ w ntinmté r:t rupture. Pans, Ell1pscs/FRS, 2000, p 1 l )-132 .
Chapitre 6. L.t r~olution dans les affaires militail'l"I 829
TECHNIQUE ET VOLONTÉ DE
PUISSANCE
1 Cité par C .M. ANDREW, The climax of french imperial expansion, p. 163 . Allusion au contingent sénégalais envoyé par la
France en Palestine; voir N . PICAUDOU, La déc·t•nnie qui ehronla le Mnyen -Orient (1914-1913), Bruxelles, Complexe, 1992 .
2 "L"histoirc des navires n'est pas une histoire en soi. Elle est à rcsituer entre les autres hisloircs qui l'entourcn1 cl la
MJuliennent. Ainsi, la vérité, sans se refuser, se d~rnbc une fois de plus devant nous .", F. BRAUDEL, Êcrils sur l'his1o;re , 1969 ;
1984, Flammarion, p. 28 .
SEPTJÈME PARTIE
L'ÉTAT CONCURRENCÉ
INTRODUCTION
"le IJt~ ,_.,,_..t' JlflS qin· /a formule soc iét~ i1~ter11ntio 1tnle_o~t, d~ 1.Jréférc1~cc, mo~d inle, .cnns litu e_im
11
péritalr/c concept . Elit' dési~nc sa ns ln decnrc u11e totnl1te qr" mc~urmt tou t a la fors le s~!s teme
iu tcrélatiquc, h• svst1..., 1"t' t..~cmw111iq11c, les mouvemen ts tran snntwnnux cf les formes dnierses
d 'éd1t111 ~1._·_..: - de C~l mm crct•, nu Sl'll S lnr~c du XVIII(' siècle - de sodélés civiles nsociétés civilt:'s,
k~ ins tÙution s srtprm111ti01ralcs. Pt•ut-0 11 appeler société cette sorte de totalité qui ne garde presque
1
1wc:"'r des fl'ait s can1cftirishqu cs d'un e société, quelle qu'elle soi t ? Peut-on parler d un système
i11tt•n1atiorn1l ? f'cu douft·. •d
Les poussées d e la m o ndiali sa tion des économies et des cultures force nt les nations
à repenser le sen s d e leur ex is te nce et de le urs alliances, e t contraignent les ho mmes à
remettre e n je u le sen s d e le ur lien communautaire. L'éc hiquier plané taire semble
t>ouleversé par l'apparitio n d e nouvea ux pouvoirs supranationaux et capitalistiques,
dont l'exercice tend à faire tremble r les structures que l'histoire avait mis des siècles à
edifier. Les États sont-ils e n train de disparaître au profit d'autres formes politiques?
La réponse que n o u s te ntons d'apporter ici se r ésume de la manière suivante : ce n'est
pas la forme é tatique e n e lle-m ê me qui est remise e n cause, mais l'existence de certains
Etats, que la faiblesse r e nd victime d'une forme d e "sélection naturelle" opérant à trois
niveaux : la remise e n ques ti o n du monopole de la puissance extérieure -
conséquence s ur la géopolitique extérieure des États et la remise en question du
monopole de la v iol ence intérieure : les conséquences géopolitiques de la
communautarisation d e la puissance; le système international du crime, ou la mise en
place d 'un monde parallè le au systè m e international des États; la remise en question
des attributs de la souveraine té : mondialisation e t r égionalisation.
LA LÉGITIMITÉ ÉTATIQUE
DE L'EXERCICE DE LA PUISSANCE
CONTESTÉE
La Rochefoucauld
Oscar Wilde
li est avéré que les médias, dans les pays occidentaux, manient souvent le concept
d'opinion internationale ou de conscience internationale. Le défaut inhérent à ces deux
concepts tient d'abord au fait qu'ils ne sont pas définis d'un point de vue scientifique.
L'opinion n'est qu'une expression médiatée1 : elle résulte d'une médiation car elle
est produite à la fois par les médias qui lui donnent une dimension collective et par IC?S
acteur.; eux-m~mes qui l'assument et se l'approprient dans le discours et dans la
pratiquel. Les médias produisent de l'opinion en diffusant des images, des discours,
des représentations qui seront repris en majorité par ces réceptacles d 'idée dominante
que sont la majorité des téléspectateurs, des auditeurs, ou même des lecteurs ou des
internautes.
La science politique pose le problème de la définition de l'opinion publique et bute
sur un paradoxe. Car, d'une part, la mesure de l'opinion publique3 est fondamentale
pour le bon fonctionnement des démocraties - il faut bien mesurer l'opinion, puisque
l'idée démocratique est que la vérité sort de la majorité - , et d'autre part, la
construction de l'opinion publique reste fragile, car sujette aux influences de puissants
groupes d'intérêt, plus ou moins transparents, et dépendante de l'objectivité de
l'information.
L'opinion publique est d'abord une "fiction juridique" 4 parce que les textes qui la
proclament présupposent que chaque individu, confronté à différentes alternatives, se
prononcera nécessairement en faveur d'une solution qui prône le bien commun. Or
plusieurs décennies de démocratie nous ont appris qu'un tel point de vue était naïf.
Dans les faits, les démocraties donnent le spec tacle d ' une multiplicité de groupes qui
s 'affrontent et cherchent à faire prévaloir leur intérêt ; les décisions prises par les
gouvernants reflètent parfois davantage le poids relatif des groupes plutôt que l'inlérél
commun5 .
L'opinion publique est ensuite une fiction statistique : certes, les outils
mathématiques et statistiques des fabricants de sondage sont scientifiques; ce qui est
contestable en revanche tient à la formulation et à l'orientation des questions
l 8 . LAM1ZET. A SILEM. Dictinnnf.Ji rt.• cnC)•c-lupt!diqm: d f..• t;; .'rCt f!n Ct'.f dt • /'i11ft• r mr11m11 L'I d t.· Io comm1micnt iu n , r111n ~. EllÎJ"n.
J '197. Article •0pinion" . Ln n:lais d'opinion sont 1~ mtdiolll , lc!'i n u toblcs et actcur!'i ;n!lilitultonncls. lc!i c.11.pcr1s. les ~W•
indiriduaililél de: l"opinion . Sur les mediu "'Il" arKaniM:n1 la diffusion de l'opin ion !ielon l:a c..lîffMion de l'informnl10n dont îlJ ni
pGllC'1n ; c'at, m que1qur IOftc". l'1nrorma1ion qui nt &\ la foia lu mCdiut ion et le support de l'opinion . Le!i meduu (Ol\llJuital
fopinioa CD dJffmanl l'iafonm;lion qui ra.çonnc les rcp~scnlnlionS Cl IC!il 1tJCc~ dnnt ~ ont )'K1neun )C.9 OCICUrs. c.Jc )'C!patc publte U
1'asit ph• que d'une simple fouchon de médiaÜon : JI l'i'Mgll d ' une fonnc c.J'apprc nliSl'iDMC, d 'éc.JueallUR. rar o.iUcurs, les m!dw
concourrnt à la n.abeliution a 6 la rtgulation de l'opinion en crTet , ill'i foumll'il\Cnt <le!' rcpré!4cntnltuM, de:ii di~cours , do idk:! . qw
pcuvrat acrvir de modtlcs, de nonnes. pour J'~laboroti on de l'o pinion ." . p 41 K
2 P. CHAMPAGNE. FaiTe /'upi nifJn, le n o u,•euu poli1it1m-. P"ris. f d . de Mmu it. l 1J90 .
l B LAMrZET. A. SILEM, Dictionnaire enc_J:d np t!Jiqm• d e.If ·'·c-1 1 ~11, ·c.11 J ,. l'it~/i>rmutùm ~ · t de la n u11m1min 1tlo n , raris, ElhpK:t.
1997, Artkle •optnîon publique• : •oaru Io phi1011011hic dc11 Lumières l'nr inion fllll'tliquc ~1nil conçue cumm~ l 'c">p~s..~i nn Je r1Mtttc
pnml", p. 421.
4/ikm. p. 422.
' L..c m6diolope RtJP• Dcbny pente que let mtdias sont Jé!llunmiiM le premier pouvoir -- au 11cnfii Lie JltlU\.'Oir ll'influtntt l'1
d'auLDritt tpinrueUe 1elle que puuwir retrc l'Église: dans Ica aitclH putM.+11 en France.
Q\apttre l . La ll'britimilé étatique de l'exercice de la pu1~Mncc contettt
constitutives des sondages. On suppose en premier lieu que tout le monde est
également informé pour émettre un avis; on sous-estime ensuite le pouvoir directif du
sondeur, enfin on additionne toutes les opinions sans tenir compte de leur degré de
solidité.
Si l'opinion publique pour un seul État est un concept flou, on imagine alors ce que
vaut la notion d 'opinion internationale!, pourtant tellement invoquée pour justifier des
décisions de politique étrangère.
Rudyard Kipling
Toutes les guerres ont eu leur propagande, et la propagande moderne est sans
doute née avec la radio et les actualités du cinéma durant la Seconde Guerre mondiale.
Les guerres récentes, celle du Golfe en 1991, et plus encore celles du Kosovo en 1999 et
d'Irak en 2003, ont vu la montée en force de l'idée de guerre des Justes soutenue par
l'opinion internationale; il ne s'agit alors plus de mobiliser sa propre opinion publique.
mais de valoriser Je soutien d'une "opinion internationale".
L'opinion internationale est devenue un outil de légitimité en matière de politique
étrangère. Dans ces conditions, une autre guerre que celle du tenain apparait
stratégiquement primordiale : la guerre de l'information, c'est-à-dire de la
désinformation. La Guerre du Kosovo a montré l'utilisation à haute dose. par les deux
protagonistes, de la désinformation. L'aspect stratégique de l'information est
clairement mis en valeur à travers les cibles choisies par l'O.T.A.N. : émetll!urs serbe et
siège de la télévision, blocage de la retransmission satellitaire sur le bouquet européen;
importance des images et du choix des témoignages.
En matière d 'orientation de l'information. la Guerre du Golfe avait déjà servi de
répétition de grande ampleur à la Guerre du Kosovo.
La couverture médiatique de la Guerre du Golfe par les autorités américaines a eu
pour but principal de contrôler les réactions de l'opinion publique des pays
occidentaux. Le président Bush père ne voulant pas d 'une repétition du sœnarii>-
catastrophe de la guerre du Vietnam, la manipulation améncaine de l'information a
donc été importante ; l'affaire des couveuses de Koweil prétendument mises en dangu
par les agiss ements de Saddarn Hussein illustre à quel point il était stratégique de
"faire pleurer dans les chaumit>res" . En France, Je relais médiatique s'est largement
appuyé sur les images an1éricaines, et certains journalistes français ont reconnu,
quelques années aprt>s, avoir été h1rgement manipulés. Dans la Guerre d'Irak menée en
2003 par les États- Unis et une .:-oahtion de quelques pays, les mêmes mécanismes de
désinformation ont été activés. On se souvient des mensonges dl!S gouvernements
américain et britanniques sur les pretendues armes de destruction massive détenues
par l'Irak. Cette désinformati,,n .1 été soutenue en France par les chroniquews des
Relations internationales qui avaient déjà menti sans vergogne à propos des guerres
précédomtes (Irak en l 991. Serbie en 1999) .
t fui -ce rur c!\.cmpk l'u p11m1n lll>lj,1n1nin• !iu:-c "-' 111\M..: Je ~ deu.1t.1~r ~te ttKJndrt. dr·H wl ~ 1'1m(fCS '*dl:&~ tilmt Slll"
Je" ..:nfant.s ·! F1u11-1l Io ,·,ml o ndf'\' ~1'1.."I.: une ll\\h ~ 1m1 ...,n mu:mauonale coeft0.1n( · ~El dans œ ~ "(ueUe p11htiqs: ~~
ré!iullc Je celle m1ti~mttlll n 1i: onMc1un.usllc ·~ Nuus ,. ~,~ un s tou~n comb1C'O le \.'OIK'qlt ra.te Oou.
Parti~ 7 . L' t1al eotJCurmuJ
Mnis les aveux qui suivent les guerres n'ont que peu d'importance; les gucrrC!I !il'
suivent et tout recommenœ de la mi!me manière. Les journalistes sont oublieux et ll'!I
Émis le savent.
L'objectif de la desinformatîon est de prouver à l'opinion que l'ennemi est l'ami du
Mal, qu'il cultive les charniers, comme au Rwanda, à Timisoara, en Bosnie, au Kosovo,
en Tchétchénie ...
6 •t.a dttu1oru de l 'As~mbléC' générale sur les qucstums 1mpor1nntcs !lont pris es 1\ ln m111ont~ de~ dcu 11t tien dn rncmhts
prâcnt!. et votants. Sonl considtrécs comme questions 1mporhmlcs les rccnm1nn0tJntil)ns rc:hmvcs uu ma.1n11cn de la f'IÎ~ et dr La
..!curiti in1.Cm&.1ionale:s, l'tlecuon des membres non pcrm11ncn11' du Con5c1I Uc Sécurilt . . " , llud . p . R9
1 Arriclc 24 de l.2i Charte "afin d'assurer l'aclmn rapide et cnicacc t.lc: l'Orgnmsnllun, SC!l mcmhrci.; cnnfnml au C1"11Ut1\ de
S&:uriti la ~b1htt principale du maintien de la pe ix et de Io sku mé in1cm11tion11lcs et rcconnoi!!i!ICTII qu'en 1'acqui1tant .ln
devoin que lui impolc' cette rnponsabtHtll!. le Conseil de Sitçurilit 11gi1 en leur nom ." ; 11 y 11 9 membres Jain1 cc conwil, dœl:
.S penaantDta : la franicc, la Grandc-Bret.lilgnc. la; Élllls-Un111 , ln Russie, la Chmc .
Olapllre 1 . Le léglllmllé étatique de l'""'"clce de l.t pui ... nc'" cnnlaltt 1141
1 Ou bien encore. nue.un paroUèlc n'a Cii!: Ct&bh mttt la siU&atian des ~fug:jes pùcsrifticmdr IMl~S-111 fiDa:eaŒU
du Kosovo · '"le ch1ffn:: lotal du 11.C.R . à 111 lin .Je la ._"UCITC est :à pl"U près le nX:::mc ope: k nombn: dr ~qui: mur. km
l'IYS ou onl êlé cxpulsis en 1948, un autre problème pohuqix qui rcstc tout i fait: d'~ njOliSd'1lm.. Dlm. œ ..._.. ~ •
romritait 7.SO 000 n!-fugill!:s. soit RS "!"o de la popularioo r-Jntini~. l""tt ptm dr .tQO vitt.gcs r..:. et . s gr.-k nolalcc. LA
compamilKm n'a pas l:1ê ignon."c par ha pft:5SC' 1srnêticnnC". qui a ..iëcTit ~ K'*"O cmmœ b ~de 1948 pai. a,.__.,•
l"t':ismn (Gideon Len) Ancl Sharon , m1mslt'C Jn. _.\tlai~ C"lrmlgttc"S au mcftEnl dr ta~~ ll~v.. a rta11 pam-,.. pmt
que SI 'l'aps.smn de rO.T .A N .' était 14!-gihmè-c, l'étape st.uvanlC SCftd pcw<trc la rn~ de~• J.a ~
'°" rattachemcnl à l'Aumrité palestinienne - '"""elle °tjahltt !K>US·flC'UIP~· (lni.q Haa.'Cl. c'aa+.dlrc oU il a'y •,a .ma:*
Jw.b d
d..
uop d'Anbes." . N . CHOMSKY, L~ nou'"-'I ltumunu"h!' •u/t16'ÙY IL.r('OlfS dil- l:'*lrVJ , ~. Ed. '-F ...... 29DQ. p. l.al. nd.
de Tltt Nrw AlilirtJ'J' Hum"nitm · le'.DCHLtfw A:cucn'O, ll .S .A .. Common cour..- Press.. 1999.
2 L ' .0 T .A N . csl une Of\lanisnhon dont le":( dklsloru. doi\"eftl ève pnticS. t. l'anuimitt TD!.D -.éto r.t•œ ....-C pm& donc •
bloquer l'acrion.
) Sfbatien Dazi11.110 ~·imcnusc sur le!i- buts tunrl!rit.~ns quan1 i.1'0.N.U. dam un eua1 ClltillaW F~,..........,.. /'(t.'t".(.'. '.'.
EllipKS , 2006. L'Amt!riquc 'lui• snutenu 1niualemcnl la d)-namk,tuc do l 'O .NC. y \Vil~-.__.._ • ..,_ dll
10u\· cnmcté~ ~a1iquc1o L'tmlrc le mnndaaH~me a~ncatn .
Pnrtrt' 7. L •ltat """'"'mti
J 871dcm.. arpnis&l100 unClienne de ~fcru.e des Drmu de l'Homme 11Cc11!lc Tsahul - l'ormtc 1!lraélicnnc ~de cnllEI di:
.,.att : eomtrucbOD de coJonaa. dc:struc11on de rrm.iaons palcstimcnoes. dépon.a11ons , entraves à Io liberté de circul11ion et. p11:
masaan sywûmatiqua de ciwtb, uùhsacion de civ1ll palalin1cns corrunc bouchers humams . Tous ces cnmes sonl defmu par Il
ÜJO•mboa de: ~c et devnu:nl normalement appeler une saoction de la. p::in de la "Communnu1C 1ntcm1111nrulc'" Or tl r "'
mccmca&ablcmml. une c:acqtlMJn llirathcnnc au rapcct du dtuil 1n1cma1ionul , l11quclle C1'Ccptiun mmc lu crt«..llbthté de cc dro11, 111
~des,_,., muaulrmm c:t. plw ~l. des pey5 du Sud. Elle C!it A l'origine du f1 > s~t tl'1n..:11mpréhcrunon qui lfMd11 OllR'll:
Nord d k SUd.. Source : Libbo/Jon, vmd.Rdi 16 aoQt 2002 .
2 X. RAVFER dir, DtctionMi,.e tttlrnlqur r:t critique du nouvelle.•-' nrenuc t'.s, Puns, P.U f., l 1)'.llC , fi. 2h ,
Owpl~ 1 . Ln l~Umltfo étatique de l'exercice de lit puiMance contetée
l /dNrt, fl. 29
l M O U ILLON. N . S 7.TO KM A N , G1':.t1J:r ap/111· m t1 n.ltdl€ Jt· la populoJlmrr. Pans. Eth~ ~. !S-4 P- çoil. · t.WYGWllS
a6olnphic", fi. 1 1 1- 1:\ 7
J J.M . HAl.f.NC IE, ,\ th.· LA <i RAN(il:. ,\ fund1·s ,-,:1"·1/1'.• {"'·tcur"J . l .. 111Jlm r r n o/1-,.·r1 pvlit..,..-:1 1. P"llris.. \41e..-_ lM..
1 1. ArMrit1uc 1, Afnquc , r . 11 ~- 1 2 -4
4 Fo nde! en 1974 ('l i11' Ahdnlh1h Ocn la ; ~un hui C'!i1 de fo nder un f .1at kunk 1ndêpeod:anl tccndu sur la Twquir. nr.L \a Syftc d
l'lrut , J.M . Bl\LF.NC U! . A. etc LA Cl RANGE. ,\lr. m1 h ·' n'h.-llt'.< f <Krt-un. c:t.llt/ 111:1 t-t nolr1•:~.J JN!i,,,,,_.1. Pva. '~ 19916..
1. 2, Asie , Mna:hn:h . Pnw: hc c 1 M ny1m-Oric n1 . Euro ~ . r .,iQ1.
Pnrlie 7 L'ttntroucur-rmcl
1 C LÉVY . Liu m1nvri1b dh"'qua uui ltats -Um s, Pans. E lhpscs. 1997 . cnll . " Les cssc nllcl s Lie civ1hsa11on anglo-s.uomx".
p. I0-85 , le mou\.·c:mcat de Manin Luther K.mg scna vite dépa.sst par les m o u ... cmcn1 s v 1olcn1 s comme les Dia.dt Pllnthcn. m pcm
c:oalrC' le ·pouvoer blanc· . Le\lt 11mon du monde csl ce lle d 'une guerre. à l'é chelle mumJ1ah:. cnlrc les "mecs blanches et noires•
2 L'un do modC:les mditanlS est Malcom X et les Black Mushms ; Muh:om X csl un rcpn ~ Je JU!lll1cc - \'Dl et tn(ai> «
drocuc - rcconvcn1 dam Je ·combat pour l'islam .. ; Jd,•m , p. 102
3 X. RAUFE.R du .. D1c tumno1r,. tt'chn1q11t! ,., crinqu~ Je~ nn1111elle., m enuet'-"· Pnri s, r UT , l 9'>H , p 42 .
4 Plus de 10 000 v8ucuJes prives mis 1 fou par les émcuucrs pour lu s eule onnéc 2005 , s:m !ll co mplcr les autres dtgjli
S L'cnclavcmau est Illat~ par l'cllialC'ncc de pnv1lêycs fi1eaux gccord~s aux entreprises s'11n11lan1an1 d&M ses z:ono tUU\tl'Tn
!coaomiquemmt , man. Io a.v1mta1cs fiKDWl ne s uffisenl pH une entrepri se cherche d 'ubon.1 la ~c unlt .
CHAPITRE 2
Ce/11i q11i ti ' a pas 1111 po11vorr suffisant pour protéger c/wque mnnbre du pn1pk contu un
autre 11 'a pas le droit 11011 plus de lui donuer des ordres.
Kant
" Lt·s 11rd1 él1/og1lt'~ et lc..•s risilt'urs clc.• fo .:iltiddl,· dt• Bwdb..·ck. a u l\t'lff .it· lc1 plain~ Ji. /11 Btimi.
au Libmi , t' I qui élml co11s1cléréc.• L"OlllUU.' /,,.· sn·nic.·r ,,t. R1.HUt', Jlt'Ut\' Uf .iJmrn·r J.IJL) 16 ~-ulpturr.;
Parti~ 7. L' f.tnl ccmct4"tnrl
fincmc•nt de 11 telée5 qui ornent le 11ourtour du xrand po,-tnil du temple de Bacchus la rtpétilion
·,,,;rnculcw•c de!' trois 11lnnle!l: am épi de bfé, urr'' :<rappc de• rn;sin et 11ne tête de pITTJof.111
Nous voyons ici successivement : une idée du poids économique de la drogue dan.•
le monde ; en quoi la drogue ali11:1ente les guérillas locales, les séparatismes et la
déstabilisation civile de nombreux Etats ; en quoi le contrôle des zones de production
par ces guérillas est lié à l'existence d'organisations criminelles transnationales et de
mafias chargées de la commercialisation des produits illicites; les effets de la drogue
sur la géopolitique des États occidentaux qui sont les plus touchés par Je commerce
illicite de stupéfiants.
Carte 104 : Les grandes zones de production de la drogue dans le monde .
l A. BOUST ANY, Histoire des paradi!i ar-tific iels. (Drogues de paix et drogues de guerre), Paris. Hachette, 199J , ~-.>U
"Pluriel" .
2 X . RAUFER dir., Dictionnaire tec..'hnique et critique des nouvelles m enaces. Pnris, P.U.F., 1998, p. 69. Ce chiffre pèSr: p~
que les industries américaines du fer, de l'acier, du cuivre et de l'aluminium réunies ensemble.
3 F. CHESNAIS, "Blanchiment de l'argent sale et mondialisation linonci~rc ", Relatio1L'f internatfonales et strTJttT,iq!#t"S-
J.R.l.S., hiver 1995, n"20, p. 144-1 53 ; P. KOPP, "Analyse économique des orgonisations criminelles", in Relalioru inlrf'TklJ~
el stratégiques, I.R .I.S., Hiver 1995, n°20, p. 139-143.
plaques IOW'NDICS
~ pnocipaics routa
,,....._del•~
/ PorU1• 7. L'f.lnf n,11,urrfftcl
r61c de la drogue sur let nulicea libanaiKs; lire awis1 : Ob:§cnoamirc gêopoh1u1uc c.l!.!'i Jmgucs, Atl1u momlwl tltJ JnJllll'.
raon&re le
Pmil, P U.F.. 1996, p. l37-1-4Q.
6 J.C . RUFJN, "L'konomie de guénlla cl les lnfics", Relultmu ù11c.•nru11omJh·.~ ,., ,\·rmt1.:;:iq111•.r;. 1 k .l.S., lhvct 19Q~ . a•:O
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7 Obm'wloft géapoliûque des drogurt, Atla1 mnndiul dt!., dro,,,:111!.f, l111ns, P.U F ., 1996, ~· l 59-l(J2 .
c1 .. pltre 2. Lu d~fl Ju crime lnl••rnallonal
- Le Croissant d'Or est formé par I' Afghanistan5, le Pakistan• et l'Iran.. trois pays qui
abritent d'importantes zones de production de l'opium.
- En Eurasie ex-soviétique, les Républiques d'Asie centrale7 voient également la
production et Je commerce de la drogue connaitre un fort développement
1 J .M . BAL E N C IE. A . Je LA GkANGE . .\fonJc•s r..•b.ell<.v lo.JtNt.Jn . n >nfl10 ._., \·i°"""*:C":S poJihtplr.11 . Pans. Mïdmlm. 199b.
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AN dans le l 'nu.ngk J 'Or". p 1:!X - 1.'\b
J X H..oauli:r, dir , D k t1 u 11UU1r.· kdtmqU•' a.·1 ' rlfil/lff' J&f N11o...Jlr.J #M'lklf."'C.) , Puu... P.Li.f .• 199K. p.. :!JS.
4 hkm, p 24 b .
s ObKn· ~1u1rc g Cupolî114ul! Jes ûrugucs • ... r/us n1111'4ii ol J..·s Jro;:Wll'.f, Pans., P Ll f .. t~. p. tS: - 153
6 lrkm, Pak1 :;.1an, le pavu1 Jans Ji.: d1slm:1 J.c 01r. p l lb· 117 . l'1nJu.stnc r.k t"bi:tolhc. p. 1S-1-I SS.
7/htd.. p . IHl-IKS
85(1 P11rl11~ 7. L ' t111I mncurrrnrl
1 lbuL. p . 1~ 14S
2 lbtd., p . 146-149
3 Ibid., p. 6J )ùw1cr Raurer ~"lluc les ~·cnus des F A .R.C à 3.1 milliards de franc:-; dont 2 rmur le ~ul na.rco -1rafü:.
4 2..2 m.illianb dt francli . Source . X . Raufcr . d1r. Dicrionnuire œrlmiqtü! c.•1 c:ritit/tu· dc.•,o;; 11o tn·l!llc.'f ""'nul't!.r. PanJ, Pli F .
1998, p. 64 .
S ·cc ,_1, a produit - en 1997 - 610 000 banlsiju ur.;; de pétrole brui, dont 177 000 banl Vjour s't:coulcnt par l'imporw1
pipd.inc Canc\-Ltmon-Coveau - un pon sur la côte caralbe du pays - lo ng tlc H60 km Or ..:c r•relinc- lm.verse une iont de
momacnca Cl de Jungln. pour l"oscnllcl contrôlée par l'Annte de hbéra1ion n1uion11lc , E LN, guCrillo 4ui a fait du "r-.ckc1 pllroht,-
• priKJpalc soun:e de rmanccmcnt . Depuis son ouverture en l 9Hf1, le p ipeline 11 ;ii nsi él~ ~mh4.11~ plus de 500 fo1.1 , don! ·U
d)1aamltaacs en 1996 et 38 pour le tieUI pR'mÎtt sen1C'ltre de 1997 " X Rau(cr, dir , D1r tionnuln.· tt•r hnlqu~ d c rit/11111• , /r.• nnll'l'l"llr.J
tnaraea, Paris, P.U .F.• 19911, P- 144.
6 670 m.illiom sur 2.2 milliard&..
1 X. RAUFER. LA~ mafim alban.zûa. P•ri• , Mtchalon, 2000
1 C ChicW:t. ..Histom: aecrtt.c de l'U C K ." 1n Mondi! JJplmrtati q1u!, " MenîCrc d..: voir.. . n" 45
O..plln: 2. U, dHI du crim" lnt<?matloruol
Nous voyons ici les caractéristiques essentielles du crime organisé et ses principales
composantes.
1 M•i 19QJ : dcu."" pol ic1cn. s crhcs 1ues O (i \ C"O~o\a1.· : « tuhn: l~J . me~ J\&n <" mc KTlt~"-.r mrmbftda..,,."lCCS~
yougoslHc~ ; a"Til 1995, aucnto'll 1.'.llnnY u n e ('Mlltnu i lli:- Je gardt--M:mnttcs )'uugusla."'e§ . 30Ù.1 1"il9S. ~ CErnJrilll: "'~ k
ccmm1ssaria1 de ra1icc de la \' i1k Ji: O«nn1 : 11 fr ,,;cr ,QQf., ancnt11l.'I\ à I• ~ dan:s 5 ~ ~ ~ atioc:s œ .. ~ ~
1vril 1996. deux policier-. !lt:rtw:'s sonl crH:lln: a...;s.:i..._.;1né-s . t'ano« 1"W7 C'\'fV\a.ÎI une ~ fonc iàl ~ ko..rn:r :
14 attentats IC1T0n .~tc-s nu Kosovtl, t en M1u.: ~do inc . LA rolihquc tcm.lf1.5tcdc- la LCK Jc,ml klf.iqw::mmt~imrpotiliquc-Jie
riprcuion yougmi la,·c c l 1\ une cs caloJ.:- san-. lin Je la "1ok·Tu..: c.'" m IJ..·'"·
2 T<M.tJours scion k s ~nquètc s mcnec..... [lllr L"hns tt,phc c.. ' h k lt't rorrun«s l.lans SC$ aroda du ,\Alniir ~
J En deccmbre IQ~7 . la lk"hcc pnn s1i:nnl.! . lo r.-i. J 'unc Jcsl."<'f\lc J.sa1!i k ~uutttr pu\slC'D dia ScN:lcf. ~ i a n:.., de
ralülca f•ctun:s qui ~sè<lc des mnufn:olio ns en Allemagne et en ltalu.: .
4 tmes o nt 1!1' d•ircme nt ~n onc~c s ror X. RAUf'Ek, criminc-1,'\puc .:-1 ~ 1alulic dm O.C.T.
~2
1 ObKrY1ldire séoP<>lnlquc des dropes, .41/as trumdlal th~ drogut!.oi, Pans , P U.F . 199r1, p H7-116.
2 Oroupa dr tuhercllc cl Jr "'Oc1liun CHftns~ "' 1ic11r /lt U l'lum:on lfHJO, Nom ·~ ·u11x cl1~/i.i ,., uo1t1't'Ultt moyt'ns. scpcnnbn
199S. OüA CHEAt. Sous la din:lc1ion de Xavier !Uufcr
)/dao, p. li-Il .
~ A. WALLON, •t'appu'ilàoo de 11 grande crimmaliti orpni~t!c aua f.tgts-Unis -·- PH0-1 9 ~0", Rr:lmimts in1tma1itlnalrJ t'
,,,......,.,_,I.R.I.S.• Hiver 1995. o'20, p. !19-112.
(hopiln 2. Lr dffl du crlnt4' lnl.4'r.,..tiof18l
LM mafitJ• iJnlUnri4'•
Elles sont présentes dans une quarantaine d'~hllll de la pJill11ètel :
- la Casa Nustra de Slcll~ est une famille forml!e par de vietll"" famille - 130 m
1994 - ; dont les membres sont estimés entre 40 et 50 000 personnes. La ramltlati.oN
"°nt jusqu'en Amérique du Nord - lien avec l'immigration italif!TIM .aux ttat:e-Uni9 et
au ùnada - et du Sud, en Allemagne, en Turquie et ~en nu.~;
- la NdraP1gheta de Calabre groupe 150 familles et 5 500 soldats et cadree en 1994;
- la CRmorra - Naples et Campanie - compte environ 110 famUlee et entre 6 000 et
7 000 camorristes. Elle dispose de relais criminels dafUI le eud-est ~la France;
-1• Sacra CoroP1a U11itn - Pouilles - compte 32 famllle11, 2 500 eoldai. et cadres.
Les mafias italiennes sont essentiellement impliquées dans le trafic de l'hhovne
produite dans le Croissant d'Or, comme le sont les mafias turco-kurde et albanaiaes.
f,a mafin ruu,.J
Elle est formée par une constellation d'environ 5 000 cla09 chapocn par une
centaine de groupes permanents - 20 000 soldats et 700 cadres - qui dispo.sent de
relais d'influence dans le monde . Les bandes années du Caucase, celles des Annénierw,
des Azéris, des Daghestanais, des Géorgiens, et des Tchétchènes jouent un rOle
important.
Leurs activités criminelles sont le marché noir, le pillage des entrepOts d'État, le
trafic de stupéfiants, en particulier l'héroîne et la cocaîne, le trafic d'annes4 - Caucase5,
ex-Yougoslavie, Algérie - , la prostitution. On estime que ces organisations criminelJc:s
sont responsables de la moitié au moins des 30 000 meurtres annuels recensés en
Russie, qu'elles sont très implantées dans l'ex-Bloc de l'Est6 et même, en terme de
blanchiment de l'argent sale dans certains réseaux financiers français. Les connections
avec la mafia turque sont nombreuses7 . Le trafic de matières nucléaires est un autre
rïsque8.
La majta lur11ue
Il existe une dizaine de grands clans criminels turco-kurde qui sont diri~ par des
parrains bénéficiant de solides appuis politiques. Ces clans qui sont les héritien des
groupes de contrebandiers de la période ottomane sont essentiellement implantés en
Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse et en Espagne. Leurs activités criminelles sont li!
1 Obscrvaloirc g(l!:opoli1iquc des drogues, Atlas mondial Jn drogua, Paris. P lJ..F., 1996 · •liimloiR del mdiu ~.
p. 69-IO
2 M PAOOVANI , .. Le mod~lc Cos11 Nostn", m Rr:larium 1nttrna1iOltd11!$ d s~. lll.LS.. Hn-cr t99S. •"lD. p. J1>
llS.
l "Scion un nppon récent du CenlTC: de rn:hcn:bcs Uu.cnwionalcs stracép;rua (W. . . . . . . . ~ Ill -r. COlill"6kmil e11 . _ .
dcwl tins de l'èconom1c et pn:ndrall - de gré uu Je fon:e - de maruèTc synbnabquc UDe s-tic:rpmioa œmprilc ~ 1 JO~ •et
dans la 1fW1dCS sociélt• cl bonquc-s commcrc111.lcs pnvali~ . Ses dotnalDe$ de prêdilec:tioa K::raU k ntic-dc ~ otdW:am..
D'1ub1:1 sources parlmt de l'ochot rar Io nualiu russe de 40 000 soc1ëté:5 de R\.W.ie (dont S50 bmquai •. E. SK'A·Ka:Zl.OWSICJ.
A. TOUMARKINE. G-.1up4i/1ti q11e d~ lu mer .Voi" (Turqu1~ r!t pays dt! 1·~.:r· U R S.SJ , Pans. K.anhala. 2000, p. 61
4 •Les sociétis officielles ulri.r.una~nnes Je i:ommcrcc des armes cffC\.-tumt 20 '19 de: r~ des uma m ~ LI:
rate Krall Wuu les mains de s1rui.::1un.-s de l'ombre" . ld~m . p 66
5 "Les Cosaque~ semblent progn:ss1,·cmcn1 m1.1csur le trafic .Jcs llftDCS, so11 i. leurs pn:ipres fllM. - pour des rcpo..
...tplntislcs COS1111Ues. pour 11hmcn1er les Cos.at.tucs de C:nmte tlU dt Tran1druC"S01C - IOll pow de C3&lld mdircc1cs (. . J ClMnlDe ..
rtJu,m léparoh~tc ubkluiz.: ". Un.I.• fi · f, 7
6 En Ukf1linc en JMU1Îc ulicr /h1'1.. fi 63
1 lhld. p . 60 .
1 Ibid.. p. 67 · pons Je Muunnw1sk cl Suuil · l 1 ~h.~rsbov.fv ; La Turqwc est un P9Y" Je tnctt11 • Jcw. ru.dD . 'la~ pu:llml
de Ruuic. YI• l'Uknunc, h1. MulJav1c {.. . }et la Kuun~.uic se 1.hnaicrau Yen l'OUC51 , la~ NUb:~dk.,...dlMa.ioe.
V'-1 notamment l'Ukr.mt' et l'Aî~rb.hij11n. gagncru.11 lu Twqu1c pow- rejuioJR ir:mu.ile 1- BalbDI.. l'Ewupc ~ '\ /.lriiiG..
p. 67-68 ~voir le .U1.a1l tlc:9 pnsrs J'unuüum rum;hi par lco d1;0.aancs u.k..rauneoDCl d ~
tr.\tk d 'hènl\)\l' .tu Cnliss.int d 'Or, nutmnment "ntre l'Asie centrale el l'Europe, la
,"'{lntreb.m<h.' de nMlériel électmniqu" et vidéo, la contrefaçon <fo documents oHicli!ls,
l<.'S Î""'" dandl'Slins. le racket, la pro.~tilution, le piratage de milrchés public!! .
IA-4 rrinJ",.. rllin.aâ.s~'
- ,\Hong Kong : Su11 Y1't' 011, H .K. l'édérntion Wo ;
- A Taiwan : f\.\ml>ou Uni. Bande des 4 mers ;
- en Chine pt.'pul.lire. le Gr.md Cercle.
Activitt'-s criminelles : le trilfic de l'héroYne du triangle d'Or, d'armes, d'émigrants
chinois clandestin.«, de véhicules volés, les piratages audio, video, les jeux illicites, le
ra.::kt'l. l'usure. la prostitution, la pornographie.
I.«< Ylll"llZll.< jllf'<'"""'
Plus de DÛ 000 Y11ku=as initiés sont réunis en 3 500 clans eux-mèmes fédérés par de
grandes organisations du crime dont les trois plus importantes sont :
- Yamaguchi Gumi ;
- lnagawa Kai ;
- Sumiyoshl Kai.
leurs activités criminelles portent sur le trafic d 'amphétamines, le racket, le
piratage de marchés publics, la contrebande d'armes, les jeux illégaux, l'usure. Elles
sont implantées en Corée du Sud, aux États-Unis - Hawaï, Côte Ouest-, aux
Philippines et en Australie.
1 ObicTvakJttt: aêopol111que des drogues. Atlu.r mu ncl1ul dc 'f d rug m .·• . P a n o;. P .U f .. l9Q6 , " tl isl01rc de TnadH ch1no1K1·,
p. 97- 106.
2 Uruted Naion1 Drug prognunmc, WcJrfJ Dmg Pru h/cm :Summil , 7 juin 11)9M
3 ûbtcn"'alDlre geopuliliquc dd druxucs . Atlat m tmJtfll d r.• '""K" ~·' · Pu.ri". P l J. F . IQ<J<,, p l 7_t; . l 7 ft .
4 '"On pan 1égit.11N:m~rn se demander , 1 le trumèmc m1llt1a1rc n e scru r'NL"' !!iyn1hé11quc. <''c'll c c IYJlC Je produil4 41.u rêpond k
aUaa aw. défaiUanccs dt natn: soc1tli Ils ont un ospcc.:1 u1ilit..1rc et s ukilcnl un e polyloAil·o manic qui réfMmd à 1nulli IC'.' 1!1muli.
del ptw immCdial.A -- donnir. se réveiller. avoir Je l'apptllt - a u;11. pl u!!ll .._·u mplcxc~ lliC scnru- nmoun:u• . en forme , dy1111miq11c.
Ea OUlft, laa ~ avec let mtdiamcnu en f•n un pruduit btinuh~ . tant en rennes û'u'l11gc - commen1 un cad1e1 pir:u1 -1l
étft ....i daop:rro• qu 'une' hpie de cocaJ~ ou une IRJtclion d'héruînc ., - · que de trorïc . lh1 sont roujoun lilhriqu~ i prmlmitt dn
man:bCs ~. u qw pamct de 111Ccourcir ln filiftu au minimum . On comprend. d~!I Ion, que le!I ntJ11iat 1"\'Nliur111
mauivanml. dam le •ynlhCtlquc et que, ' ~ du ntgocc dC'S drogu~ "cla.•11iquc!i". celui dc!I f'!lychotmrc!I ne c~te de M
Ch.Jpllnr 2. Le dlfl du crtm" lnlernallonal
Qu111lflées à tort de "drogue douce" - certains partiJJ polltiqun prbnlmt mlme leur
ll!gallsatlon• - des substances telles que le cannabis llOOI dlffu.ées en nutMe Rll' le
tt!rrltolre français, et sur celui de la plupart des pays d'Europe de l'Ouest. Des rnqueta
indiquent qu'un jeune sur deux appartenant Il la classe d'.age compn.e entre 15 et 2S
ans a touché au moins une fois au cannabis.
Toutes les drogues, qu'il s'agisse du cannabis ou de la cocaJne, conduilent, .à œnne
el A des degrés divers, vers l'abaissement du lien social et du respect de la di~
humaine. Les récits rapportés de guerres civiles où les drogues - y compris
'douces" - furent diffusées dans les rangs des combattants - comme au üban. aa
Tadjikistan, en Afghanistan, et dans la majorité des guerres civiles ~ -
montrent tous le lien direct entre la bestialité des comportements et la consommation
de la drogue, entre la gratuité insensée du crime et la dépendance à la drogue.
dfn::loppa"'. A . LABROUSSE . M . KOUTOUZIS. "'Narro--ua(ic . une sucrn- pcnmc. d'S\~ .., 8 POÜlitftlttt Jm: h 4
AUUJmnc 1996, n•7J , p . 322
1 les mouvement-;; ft'.oloii1stcs J'IUC &:~cmplc- ; on a pu voir un min~ f'rmlç1iis ar pm. 1r ca:bcr" d'n·Ofl <"mlllOlmm du~
Plm&C\ln hommn roliuque:-; Je cc moU\"Cmcnt appdlent ~f:Uh~mC"D.1 i la dCp!na.h:alW)Q du~ et du twc::ftidl. Cc: ........
ils deviennent airu.1 l'W1 d~ malllon!'ô de Io longue chaine de la crimtnalifl!o tnnsnatic:mdc
2 Il existe h1cn d'au•~ co.u:rocs , qul! la drogue. qui afTaibliacru Lli robé:s:ioa soc-iak dea Ë-as diêvdopipcs , tllmC dm c-.cs la
plus aravcs est l'înactivüé cl le dé"clop~t d~ s.ocill!tc! us~ ~ Le- Cœar m RChadir .,._. r...... d
l'obsen"ation des condition!'! de vie (CITdoc) a public! k :?:Ili maJ IQO~ un~ Q.11' T-'-t de m Frmi..'C· mm licqmd il~ qm
I] milhons de' pcnonn~ - - soit rlu~ o.lc 22 "!.de la Plf"Ulation du J19Y5 - - ae ,,~ qur pkie ..._ tlll1Ùlm ~· f .. } .:a
culus de la SUC"iil!lé de conwmma-tion ont tcndar\CC'. Jam. la rr-1iquc-. .l _.~dam. da~~ qm&&i:s dt
'dHavon5~' qui deviennent dn lc'fTitoi~ Il\ ri11t1~ Mm.Ani f'rU l f'C'U « l'HptK't admlni.stri 1""""'9<p ' ' wat. CCIL'\<:I • . - -
rn Ynctuaire pour le!' Jëhnt.1unn1,. tir 1ou1 ftt:ntiil . tnafü.· anl:oi dr dn-.,:uc- ~ •~ malicu.' n • ~ m . _ ..,.-.-. ili
P COSAERT, L" Fr.nrc•· ,1.uu /,· ,,,,,,.,Jr rf fr""'"'"' ,,,n.• /,,F,..,,,,...,,
r.ris, l:lhp:1c·-s... IQ196_ p. 9-s
1 Mfmc •• IA Jmyuc n'cs l r"s SC'Ulcmcnl 1..'<•n ~ mnft , 0\lllS •tLS.."1 J1fl'u..Woc. à l'inriêri~ Je milfta.....O.
.. "Le.• fili~tC!l tn\Sl!'!IO en rlm..'1:" h"lUI au Inn" lll!' noU'C' lloi('dc rar ~ m11ft.as - · 1talicnDc:s ou ~ . .• Ci ~ .,....., .... - lies
annêet .... nt de !lC fondre Jnnll re..:,1n,unil' fonndk . PriSl'Yllnl.tl'n ..k kurs :muchll'CS ~~ (1 ..k kw' ~sur llD
puduil ou un mDl"'f:hC unique: . elles''"' d\l nunmcn1,."Cr rur :11.."'7 u1nulcr Ju .:ap1~I •'..nt ck ,....~'*" ia'rC:Stll' m., liDt ~ ~
Aujourd'hui. lea nouvellr~ Oli~rTs 'post-J1ov1C1u111~· et ..-elles qui ~~1y;C'1\I Jan" tes Pl~ ÂI ........._à n...rdcaoqmimQam
criminellc-s utD1iqucl6, m~1cn1 d'cmbl~ le fom1c-1 c1 l"infonncl . les l'n.~fits R1•f'll" du n& dr ~ _.. · ..._.. f
Pnrtie 7. L' ~lai •:"ucurrrnci
La cotTtJption indirecte touche les esprits qui pensent que pour éliminer
l'empoisonneur il faut légaliser son poison. Xavier R.-iufer répond à cet argument ;
"hérolhe glamour vendue pure. donc fumable ou 'sniffable' sans la déplaisante
injection intra-veineuse. ampht'tamines .tcs1gn, drogue camélt'on désormais mutante et
attrayante · c'est ici qu'apparait la limite d'une fausse bonne idée. libéraliser la
consommation de certains stupt'fiants. Car si cet interdit est levé sans qu'auparavimt
les grands cartels de la drogue n'aient été démantelés, ces derniers n'auront qu'à mettre
sur le man:hé des produits m11rkd111g destint's à un public jeune, versatile. vite blasé des
produits légaux. juste un peu plus puissants.
La légalisation des drogues aurait un effet de banalisation des produits chimiques
et déboucherait, d'une façon générale. sur une absence totale de méfiance des jeunes
sur ce qu'ils absorbent dans les soirées. Déjà, une nouvelle drogue, dite 'drogue des
violeurs', versée dans le verre des jeunes femmes à leur insu, sévit depuis peu dans les
~rlir.;' .
Cette revendication est d'autant plus surprenante que nombre de pays du Sud
essaient de lutter contre la culture de consommation des drogues douces. Ainsi le
Y~ qui s'efforce d'éradiquer la tradition ancestrale de consommation du qât,
véritable fléau de l'énergie humaine, qui démobilise une économie entière2.
le hasch est libéré ? Les cartels inonderont le marché de 'super herbe' ; elle existe
déjà : créée par génie génétique néerlandais - le sk1mk - elle contient au mini-mum
30 % de substance intoxicante - le tétrahydrocannabinol - au lieu des 3 % du
cannabis naturel. L'ecstasy est tolérée ? Les narcos proposeront des hyperpilules de
l'amour rose f1uo ou orange pailleté, farcies d'amphétamines. "3.
Non seulement la libéralisation de certaines drogues ne produirait pas l'effet
escompté car le marketing-produit des narco-traficants aurait bien vite fait de la
déjouer, mais elle serait un encouragement apporté à la consommation des drogues,
suivant ce vieux principe que la banalisation des petits crimes provoque à terme celle
des grands crimes.
La corruption directe4 est celle causée dans les administrations publiques de
nombreux pays dans Je monde par les organisations criminelles transnationales qui,
pour protéger leurs trafics, cherchent à acheter des fonctionnaires, des ho mmes
politiques ou des entrepreneurs5 . On estime ainsi qu'en Inde, au Pakistan comme au
a faYCŒ do pnvamabOGS YU~-.gcs qu'unpos.e le modéle Cconomiquc dominant. Au cop1tnlis mc d 'Etat s uccèdent des s1rucrwa
potiùa>-milnaira maficmcs qui, gencn.lcmcnt. se ~oupenL On observe ce phênomênc ilussi b ie n en C E .J. q u'en T urquie : lt!i
n:afas nipprop;mt les n::ssourccs de t'Êtal. au momdn= pnx, ajouun1 a leurs bénCfices une in nuc m:e pol itique mespCrée.", in
A LABllOUSSE. M. tc.OUTOUZIS. "NaraHrafic · UM" gunM prnJue d'a"·anc;e ".°'" , Pnl111q11e imt.·nwtionale. Automne 1996, n"7J ,
p. 319.
1 U: G.Jt.B. - pmnm huydrobutyratc - i:st une p:tutln: moc.Jo n.: et sans saveur, qui annihile to u1c volonté et toulc mtmmn:
Entre 1999 Cl 2001 . plut <k 140 cas ck sounrisslon chimique ont étt complab1h sés en frJncc. Le Figam , 12JU1ltct 2002 .
2 -i.e qti est encira UQC pl::a.nl!: euphorisante qui procW'I;: à son coruK>mm:1teur l'1llus 1un d 'un b1cn-é1re générnl il la m11n1èn: da
rcWllc:i de COQ. Co~ i a::llc du bttcl s.on a.Jrc de distnbut iun ~ crnbl e h1cn rnu1ns 1mpunanu::. Mais po ur cc qui est de l'ampleur
clr "-F. k q6t sen.il aawi pn;>foodèmcnt ancré dans les mŒurs ~uc son c.."qu1valcnt mdu::n 1 .. ) 1":1 "·oguc c x tr~ mc 1... J w
~. la auioritês loc:a.lcs en sont tmua et ln or~n11mc ~ mtcm:uiuna ux lu t at:r.;urdc nt une aucnhun vigîlonlc::: ", m
J. OŒLHOD, •l.aMX-'tt ybnftutrd l~qai·. in J C IJ ELHOO '-" ulii, L ',Jruhu· d 11 ."ù1cl. Jm·tmrc· '-'' t 11•111.wtion, 1 J, p 2~'1-275
J X. RAUFER dir , D111.tionnain-. 1~chnrq~ c:1 c rù1quc 1k'i rnJ uvclh•.( mt.'""cc:., , Pan s , 1• U . r .. 11.liJM , p J 4K . U:s umphttuminc:::s
c.cmsûwmt pour ln narco-112ficanu du Tnanglc d'Or un 1mpono.mr nwrché lu i.:al et rCgiunu l T lmïhmc.Jc. U1m1on ic , V1c1nam,
t:ambodgc . ~ . avca: des débouchés sur les Philippmo 1.."t le Jap on poir lç bi;iis tics Yai<u.1.n .;. • les c.11.pcn.-. llliiis ClilllTKnl i
20 milliards de ftaDCJ le poick de cc nouveau marché des amphctaminca pour l'Asie c.Ju S ud -l:st en 1997 . Le s prm.lu11s ch\m1quc,
~tant ac~cn Chine du Sud, au Pakuaan et en Inde c:t dc.-s lohoratoircs sonl inst;lllé!'> d:.ins le fr i11n~l c d'Or.
4 Obler\-alOUC IJCopohûquc det drogua. A tlus mund1ul Je., JroKUC:.'i , Pans , P.U .F ., J lJlJl>, p . 211 1J-224 .
S J. CARTIEJl-BRESSON. •ta n~un de paa11&MC de Io ~rruption blund1c â ln i;orrup11 on no1re en 1-'runcc". Hrlatio1u
inlaaau0ftllllae1slrrl/Jatq110, l...R..l.S. Hiver 1995, ll'-20, p. 1:54-J M,
Oaplh'e 2. ~ dl!fl du crime ln1""'8tlon.1
1 ·0n C1JJ111DcnCC 6 uutlscr la drogue comme outil drplomatiquc·. in A . LABROUSSE, M . KOUTOUZIS , "NIUCo-lrafic · une
pcnc padœ d'l\..ncc ?•, Poliriqr.1~ intanulional~ . AUl011UlC 1996, n°73 . p. 314 .
2 Elle 1 moblliiè 26 000 hommes et d<s unith lounlcs
3 •t'l:pprofoadiDcmc:nt du rôle de l'armée amé:nc:a1nc depuis la prb 1dcncc Bush a ~tt cumparC n une n ouv~Ue vc:nion dt 11
dœtrine Monroe et à un. moyen de renforcer la dépendance des Èuats du continent lotinu- aménc;ain v1s·:l·v1s de leur pui"sont voi.91n.
Soa canctère idéologique ne pc:ut êtR sous-<StirM. Le scclit.ain: i la DHc:nsc Drck Cheney devait ainsi déclarer en 1990que 11
di!u:icb.on et la cksouc:bon de la productmn cl du 1rafic de drogue e51 une prcm1crc priunté c.Jcs m;ssions de s écunl~ nat ionale"'. 1n
A... CARTO~ . •u 1r.11ic antema11onal de la drogue une menace militaire pour l~s Etats-Unis ., .. , m R..tawm., intenmlimwlr.1 tl
nrœ<gu,..... l.RJ.S.. AU101Mc 1992. n°7 . p. 176.
4 EDc.ott faut-il pn!ctscr que l'iru.ervenuon rua&e c:n Tchétchén1e n'est pa.s c..lu <lomomc de l'mi:cén:ncc mnis de Io sêcunll
tDlinewt" d'un Etat tou\·cnin. wic nuance qui est sou\·cnt occuhéc en Occident .
S Vw I< rôle dt: la Coune m Mtditemtnée : noWI rm•oyons à Io géopollliquc de Molle lroitée duno <e li>rc et · J. MUSCAT,
"Tho Maliae Cono' io Atidi1'rrDAk m.r ouwr1', Acte1 du colloque de Mor.;eille, 21-23 scrtcmbrc l'l'JS , l. I, Du XVI' 1u
xvur n;c1c.p 191-208.
O..rl•tt 2. Lo d~O du crlm<" lnlcmallonal
Mols que pèsera Je piraterie classique sur le monde dans cinquante ans faœ à une
nouvelle fonne de piraterie, celle des hackers, les pirates de l'informatique qui
naviguent sur l'océan mondial du web? Nous traitons de cette nouvelle fonne de
piraterie dans la section consacrée à la cybercriminalité.
• Sur les bo.rba~squcs, von X de Pl.ANHOL , /.·a.dam ~t lu mrr. tLn ~ ~' 1~ Miil~«. nr--.\."'\"" ,ik{~J. Psis.~
1000,p. l~O·IRJ .
2 B. OENNASSAR cl J . JA C"QUART. /.t· XJ'r' .'f lt~ · h· . rnns , Armand Culin. 1990.
) "Bo.rbcroussc n'est en fait qu'un de..'!. n:rtt!'Cenlant~. le rtlL.. iU\L~~ san.\ doute. dt touœ llM' ~ dhoimma de met '{UI
marqucot une mutation n11pide des formes Je l'ncuon n1tvalc. Corsau'C's dans kun jeunes ....ca.. ~ ,.,._ l -· ·l '--dia..:
el._
aptricncc de la vie nautique. pui!iô la praHttuc des cmn:priscs ind1viducllc.s. 11s ''Ob' 9ChewT kur urritN cl.ftl ta œdrm. Ici
pl11.1 haul.I poMH, de la yr.ndc Onuc onomnnc". X de PLANHOL. L'if/°'" l!t lu ,...,,,_ tLa ~"' Ir...-.,_ t'U'~ ""1dd.
rana. rerrin, 2000. r '"" ·
Pllrtie 7 L' ltnl 1.-.mcurrrnn'
Alc•tz..\l\lUi'·ir - un prétendant évincé en 1578 : la bataille des Trois Rois dans laquelll'
disparnissenl trois sou\'crains - Sébastien de Portugal, son protégé et le roi du
Maroc_ inaugure le regne prestigieux d'AI Manc;our - 1578-1603.
L'.lllinnce discrete des Marocains avec les Espagnols se fait au détriment des
Portugais ; te Maroc reste aussi à l'écart du duel en Méditerranée entre les Turcs et les
E..;pngnols : il se consacre à sa politique atlantique et africaine, et lance la conquête du
Soudan en 1591 . L'Afrique commence alors à se vider en hommes, du fait de la saignée
de l'escl•wagc et voit son or s't'pancher au profit des Européens et des Musulmans.
Au XVl• siècle, le phénomène de piraterie en Méditerranée ne peut pas être séparé
de la politique des Êtats.
La situation géopolîtique est la suivante : les Turcs contrôlent l'essentiel de la
Méditerranée orientale tandis que les Espagnols tentent avec difficulté de régner sur la
Méditerranée occidentale, le détroit de Sicile constituant la frontière entre les deux
zones d'influence. En Méditerranée occidentale, les Turcs peuvent compter sur la
piraterie barbaresque pour affaiblir l'Espagne. D'autant que les Espagnols craignent de
''otr l<?S corsaires d'Alger et de Tunis venir donner la main aux morisques de Grenade
et du Levant qui sont restés musulmans de cœur.
Dans ce contexte d'affrontement bipolaire entre deux empires, l'Empire catholique
fruit de l'alliance entre les Espagnols et les Allemands, et l'Empire turco-musulman,
des puissances méditerranéennes comme la France et Venise jouent un jeu d'équilibre.
La France compte sur son alliance avec !'Ottoman pour deserrer l'étau
habsbourgeois hispano-germanique; Venise 1, puissance de la Méditerranée orientale
- elle possède Chypre jusqu'en 1573 -, qui est préoccupée par le maintien de ses
intérêts commerciaux et qui accuse le coup de la perte du commerce des épices en
Orient depuis que les Portugais ont dépassé le Cap de Bonne-Espérance, ménage les
Turcs afin que ceux-ci n'attaquent pas ses convois commerciaux.
Tout au long du XVJe siècle, les rapports de force en Méditerranée fluctuent autour
de cette confrontation stratégique bipolaire compliquée par les intérêts d'autres
puissances méditerranéennes.
Jusqu'à la fin du XV< siècle, la Méditerranée est restée un lac chrétien. Dans la
première partie du XVI< siècle, les Turcs progressent en Méditerranée : la prise de
Rhodes en 1522 chasse les chevaliers de !'Ordre de Saint Jean - qui vont s'établir à
Malte : ce sera !'Ordre de Malte2 qui constituera, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, un
verrou chrétien entre la Méditerranée orientale et la Méditerranée occidentale - ; la
montée en puissance de Barberousse aux côtés des Turcs entre 1535 et 1545 donne la
suprématie sur la Méditerranée aux musulmans3. Les puissances chrétiennes tentent
bien de s'unir : le pape. les Vénitiens et les Gênois alignent leurs bateaux aux côtés de
ceu>: de Charles Quint: mais la coalition, trop divisée par des intérêts particuliers,
échoue à Prevesa en 1538. En 1541, Charles Quint est défait lui-même devant Alger
qu'il ne parvient à prendre. En 1543 et 1544, la flotte turque passe l'hiver à Toulon
après s'être emparée de Nice. En 1551 Tripoli, prise par les Espagnols en 1510 et confiée
aux chevaliers de Malte, est reprise par les Turcs. En 1552, les côtes de Sicile sont
razziées; en 1553, c'est au tour de l'ile d'Elbe . C'est ensuite la période d'apogée de la
puissance barbaresque : prise du Penon de Velez en 1554, de Bougie en 1555 : échec en
1558 d'Wle incursion espagnole à partir d 'Oran qui coûte à l'Espagne
1 r CltAUNU, L '.-fmc.ôrry11-.·. p . 11 ::\ ,cite p ar D .S LA NDES. Rtdtt•.u r et paul'rl!'le tks l'klfiolU fPuurqwi ck.s ~ ., ~
rkspuu,·rr-t 7) , Pons. Albin Michel , 19~H . p . lfoO .
2 M. VCRGé.- fRANC ESC' l li . C hroruqu,· mur 11tm1· d.· Ici Fnmc·r- , f.4n c11·11 Rq: 11n1·. P&n!i. St: OES . 199?i. r !-03 - ~07 .
J Philippe V renonça.il à lu 1.:ouronnc Je Fnuu:1.· . Loui s XI\' n."\'\•1mn1ss.u1t la sut.'CC"SS\\10 prul.:S\antr J'Ang~ ec rÉlm:lcw de
Orandcbuura comme rm de rruii;sc ; il abunJonna1it plur.n: un plai n:~ - Tuumi11 , \prn ·-· a\L' PTu\U\lo.'Cft-.Uwn rt.1'AllM~
rccc-vail d'impononte!t ba!lcs mantun~ comme G 1h,..l1ur. Mrn~'nfuC . Tcm:-Ncu' cet r .\1.-. adtç
4 X . RAU FER . dir. , D1ctmmll1irr trchn i'lllf! r i critiq ue- ,k., nollW:ila ~-r.s , Pans. P L1 F . 1~~ . fi· :?13 .
862
se développe dans le Golfe arabo-persique 1 jusqu'à ce que les Anglais ne décident d'y
mettre un terme. Les traités successifs de 1820, 1835 et 1853 transforment la fameuse
"Côte des Pirates" située à l'ouest de la péninsule de Mosandam en Trucial Coast, c'e~t
à-dire en "Côte de la Foi Jurée'" ·
J "Ce s populatio ns maritimes, entre la m er c l les d êsen s coi n cCes. n 'ont trouvé de ressources et de salut qu'en labouranl les
flots verts. (ls onl été marins et p êcheurs, pirates et tra fiquants d 'escl aves. contrebandiers d 'arme s et plongeurs de pnlcs..
successivement et en mè mc temps. Ils sont devenu s les nomades de la m e r. demanda nt au Golfe, leur patrie ado ptive, tout cc que le
c ruel désert leur refusait .H. in J.J . BE RREBY . L e Goljl! pers ique, m e r d e lëgende. rt!.~ervo ir d e p étrole, Paris, Payo t, 1959, p . 17.
2 X . de PLANHOL, Les Nations du Proplrê te . Manu e l géographique d e p o li1iq11e mus ulma ne , Pari s, Fayard, 1993, p. 1)9, f'I
M. BARTLEIT, The Pîrats of Trucial Oman , Londres, 196 6 .
3 X . RAUFER dir., Dictionnaire technique e t critique des n o u velle.\· m e nace.,·, Pari s, P.U .F ., 1998, p. 209.
4 AFP . 2110712006 .
S Libüation, 13 août 2002 .
6 Toutefois, en 2006 , la montée en force des tribunaux is lamiques (mouvement islamiste radical proche d' Al Qaida) somble
devoir être un frein à cette piraterie . En aoOl 2006, les tribunaux islamiques ont pris le c ontrôle de la ville cfüière de Har.dc.R. dlDS
te centre de la Somal ie, et annoncé qu' ils allaient protéger la population contre les pirates.
Caraïbes et nord de l'Amérique latine ~ 111. La piraterie internationale
( 19 attaques)
Les attaques, peu repandues mais brutales, se
caractérisent par l'abordage de navJTes ~
transportant des passagers ou des bateaux de ~~
plaisance (yachts ou voiliers). Le Skipper Peter ~"o~d,.8\_
Blake a été tué lors d'une de ces attaques en
décembre 2001 , à )'embouchure de l'Amazone l
1JJff)'-r-!.
V . ri~
\:J -· :
Asie du Sud-Est
(223 attaques)
Il s'agit de la zone la plus dangereuse au monde avec
des attaques parfois accompagnées d'enlèvements. Les
eaux indonésiennes, avec 91 acres de pirateries en
2001, arrivent en première position. Viennent ensuite
l'Inde, le Bangladesh et enfin le détroit de Malacca
Façade atlantique africaine passage obligé pour les navires à destination du Japon.
(65 attaques)
Le nombre d' actes de piraterie violents ne cesse Corne de l'Afrique
d'augmenter, souvent accompagnés d'assassinat. Ils (27 attaques)
ont lieu avant tout au Nigeria, mais les pirates La spécialité des pirates som:iliens, tan·
sevissent dans toute la région, du Sénégal alAngola zoniens ou yéménites esl le rapt avec rançon
P"rlrc 7 L ' Êfa/(U'1Cllrrt•Hct
ch•que jour Le détroit de Malacca longe d'une part un archipel indonésien, constitué
de 7 000 tll'S qui sont autant de repaires de pirates incontrôlables, et débouche sur
l'archipel philippin qui compte 13 000 iles et ilots . L'ethnie malaise qui peuple pour
partie ces regions a une grande tradition de piraterie, mais les pirates se recrutent au•si
chez les Philippins, les Indonésiens, les Thaïlandais. Bien que le secteur indonésien soit
le plus dangereux, ces dernières années la piraterie a explosé surtout autour du
Bangladesh (notamment dans le port de Chittagong).
Outre les eaux de l'Indonésie, de l'Inde, du Bangladesh ou de la Somalie, juglu
parmi les plus dangereuses en la matière, le Golfe de Guinée constitue également une
zone d'essor de La piraterie.
l'ère coloniale avait quasiment aboli la piraterie, car les Français et les Anglais
contribuèrent à sécuriser largement les routes maritimes asiatiques . Mais à partir des
années 1970, le drame des b"11t-peoplc vietnamiens offrit des proies faciles aux pirates en
sommeil. Entre 1970 et 1990, les pirates se contentèrent d'attaquer les frêles esquifs de
fuyards, de les piller du peu qu'ils emportaient avec eux puis de les massacrer.
Outre le danger qu'elle fait peser sur la vie des hommes de la marine marchande et
sur des intérêts économiques, la piraterie maritime augmente au point d'être devenue
un facteur de risque écologique - l'attaque d'un pétrolier peut à tout moment se
solder par une marée noire!.
Enfin. un dernier facteur peut se combiner à la piraterie : le terrorisme. La jonction
entre réseaux islamistes et réseaux pirates est possible en Indonésie et aux Philippines.
En juillet 2002. la Thaïlande affirmait d'ailleurs que des membres d'Al Qaida avaient
tenté de se procurer des matériaux radioactifs sur des navires empruntant le détroit de
Malacca.
• t 'obscurantisme séduit de plus eu plus certains esprits rebutés par la complexité~ réalîtis
tedmologiques nouvelles, choqués par l'irrntionnellc horreur économique. 2 11
En 1930, )'écrivain Thomas Mann3 mettait en garde son époque contre la montée en
puissance des idéologies de l'irrationnel, des sectes et des pratiques
parapsychologiques.
- Les sectes ne sont pas un facteur nouveau de la géopolitique, mais leur emprise
sur les sociétés européennes est nouvelle .
- Certaines sectes ont été ou sont un outil de politique étrangère des États : nous
traitons id de l'exemple de la secte Moon au service des intérêts américains durant la
Guerre froide .
l P. CHALK. Curtlt!mpur1Jri· marilim-.• pirur:y in Soutlrcol·t A.f'" • Univcnity ofQuccnslond, New York ; S1ud1es in conflict ~
ICmlNm. Dnsbanc, Amtnhc, 1997 .
2 1. RAMONET, Giittpolit141ue du chaos, Pans, Gali lée, 1997, 1(>4 p ., Jl. •J.3
) O.U uoc nouvclk mutul~ Mano cl les tJ'Ulgic1cns
4 H.C . PUECH dir , Hi.slom~ d~:J rt'ligtom , Gallimard. 1999, coll . "Folio cssois''.
Chlplln! 2. Lr défi du crime international
peser des dangeB sur la paix des sociétés humaines. Sedies sacrificielles eoaa les
Romains et les premiers chrétiens, Assassins d'Orient dont les pratiqua ~
les Croisés!, Ordre mystique des Ternpliers2, sociétés secrètes d'Occident aux pratiqul!9
occultes, réseaux initiatiques divers et variés: le phénomène sectaire ellt l'alliage de
trois constantes humaines : goùt du pouvoir absolu, amour du secret et du rilie,
inclination vers l'irrationnel.
En Asie et en Amérique, le phénomène sectaire n 'a rien de neuf. L'Aiiie p<l<9ède ane
vieille tradition de religions secrètes et puissantes. Quant à l'Amérique, eDe s'at faiœ
sur la défense de l'hérésie religieuse face à l'intolérance du Vieux Continent. Un pays
comme les États-Unis, enraciné dans le pluralisme religieux et fondé par de membres
des diverses communautés minoritaires persécutées en Europe par les ~
dominantes, n'a pas la même approche du phénomène sectaire qu'an pays comme la
France qui hérite à la fois d'une tradition catholique peu tolérante à l'égard de groapes
religieux dissidents et d'une tradition laïque qui, par hostilité à la domination
traditionnelle du catholicisme, a constamment cherché à lui oppœer d'autres culb!93.
En réalité, les sectes d'aujourd'hui ne sont ni plus originales ni plus épouvantables
que celles d'hier, mais leur puissance géopolitique en Europe occidentaœ est plm
grande que celle d'hier, et ceci pour au moins quatre raisons:
- la tolérance des sociétés démocratiques occidentales qui !End à mettre sur le même
plan religion et croyance ;
- l'amélioration de la communication transnationale qui favorise le développaumt
des réseaux et leur emprise sur les sociétés - utilisation d'Inœmet par les sectes - ;
- l'affaiblissement, au moins conjoncturel, du christianisme en Europe au profit
d'un synchrétisme irrationnel et de la pénétration de ouyances ou de philœophies
asiatiques comme le bouddhisme ;
- le déclin du sentiment d'appartenance à \Dle communauté nationale qui favorise le
remplacement par un sentiment d'affiliation à des communautés d'idées ou de
pratiques de nature transnationale.
Si les sectes constituent toutes une menace pour l'intégrité morale, spirituelle,
physique et financière des individus, elles sont aussi souvent une menace poar les
États, à l'image de Wacco aux États-Unis ou d'Aum au Japon.
La secte japonaise Aum Sinrikyo s'est rendue célèbre dans le monde entier en 1995,
par un attentat au gaz sarin perpétré dans le métro de Tokyo et qui fit U maris et
5 500 blessés ; si l'aérosol devant pulvériser Je gaz avait fonctionné, l'attattat amait pu
faire des dizaines de milliers de morts dans Tokyo.
Le procès des criminels sectaires révéla que la secte Aum disposait d'une armée, et
d'un laboratoire chimique et bactériologique; qu'elle avait envoyé au bâre, en 1992 et
sous une couverture humanitaire, une uùssion chargée de collecter des échantillans du
virus Ebola ; qu'entre 1993 et 1994, elle avait commencé à tester son projet d'apocalypse
provoquée en gazant des troupeaux de moutons dans un nmdi isolé de l'Australie
occidentale et qu'elle devait faire un attentat au gaz sarin aux États-Unis en 1996. Les
Japonais, s'ils ont poursuivi les auteurs de ces crimes, n'ont cependant pas enron!
dissous la secte.
1 Nous tt11îlons de ccUc secte dans p1u.si.CU('S sections du chapiett oooac:ré m. r.cti:m' ~ : du paial. dr ..._ de
l'"lanusmc ; du pçiml de \'UC Ju ..:hoc des c1v1lisatiocu et die I• pcn-q>Cion que tOccidtnt peul•~ dr: l'islmL
2 rhil1ppe Le Bel dc!lru1sit l'onlrc Ju Ternr1c en France . C-es1. un o.cmpk hffinmtiaa de rË111 Sllt le pDIMWft naa..:.œ
d'u.K soctélé sccttlc mitietu.{uc.
J f . LENOIR. •contnwcrscs à ("ropos des :s«tcs" 1n Le~ dipl~ "Mmifte de"""'"'· BO emln " e 19'S.
a.•48, p. 81 ~ E. BARKl:.R dir., Religiou..' Akn~'"'""3 a Pnsplh.·tiw {rN L'~. The &:lwm Mellm P-. l"'9 YM
Toronto. J9S2 .
866 P"rlit• 7. 1. ttnl
1
CONCUNt'1f('
Le problème des sectes suscite débat dans toutes les démocraties car il met en jeu
lrs notions de liberté et de responsabilité individuelle; les sectes elles-mêmes, comme
l'Église de scientologie en France, s'appuient sur une législation privilégiant les libertés
sur les menace,; collectives. Les sectes sont aussi vieilles que la manipulation mentale el
l'escroquerie ; ce qui est nouveau, c'est la tolérance dont les sociétés occidentales font
preuve à leur égard ; c'est cette tolérance qui rend les sectes puissantes ; c'est elle qui
fait des sectes un véritable facteur de changement des données géopolitiques.
~ J.F. BOYER c1 A . ALEM , "L'm1cma110n•lc M oon" m Le Munile Ji11lrm111tù1m·, "MuniCn: Je vuu·" , n"4 M, p. Hl Moon et
c.... -nom de l'lntcmauonalc arni-<ommum11c fondtc en 1980 à Nc:w York par le révtrcml Moon -- ont uffcn 4 milhom de
dollan .ua. pu&acba.t• de 19al0 cl daM Ica mu1s rmivanl6, SO OOU hvrcs Je l'Ëg llsc de sdcnto logic uni ~tC achcmin~ J'Un.iauay l LI
Pu s-r l'US Air Force
a..pltre 2. Le dMI du crime International
4. Cyber-menaces: de la cyher-violence
sur l'homme au cyber-terrorisme
contre les États et les économies
• Qui nt loin de concerner tout le monde : "'En 1WS. le nombre d"ontin..~ pcTSOll.DCb en m.a&'C' dlm:s ~ i:DDDdc ctait
d'environ l KO mllhons, pour une ropulalion glubolC' de prcsq~ b nulhanls J"mdi:ndu.s.. l..& pos.ubititie ~ i lDœmel' ftUI d.:a:
limi1Cc 6 l % de pcn.onncs. En l'NS . seul un petit nom1'n: de pa~~ ri~hft. ~&ant mvirœ 15' Je la pqMlllliaa moadâak.
.........
J'OISâ.lo1cn1 environ lc!j trois quan.s Jcs pnnciP41C'S lign1..-s 1('lq,hl)n1qlJC'$.. sans lcsquc:Ucs oo oc pcUI Jamais M..~• Pfm
do l9 moiûé de la planè'c ne s'Ctail ju.mais scr.-ic tJ'un tèlephune"'. l. RAMONET, Gftlpo/1a4tw dit o'lrcms. Plril. a.liJR. 1997,
r· t47 .
:? Abominalion nommée "tourname".
868 J'nrt1r 7 L'lt11I con'11rrmri
1 X. RAUFER. du., Dictionnaire trchniq11e d <rillque dt!.1 n o uvelles mem:Jt.'e.,·. Pons, P U .F., 199H , p 79
u.1.... p. 81.
l K.. K.ELL Y, OuJ of contrai : the new brology of machines, soc:tul Jy.fit~ms und the econrunlc world, Ét.at1-Uni1, AddllOD"
Walcy pübhlben , I~, D. HERSKOVITZ. '"Killing them i.ofily ncw clcctronic worforc uppltcation" m Joum•I of clcctnm:
tkf.cmc. vDI. 16. n"8
Ouipitre 2. LI! d4'fl du crime inll!TNltlonal 869
proliférera lui aussi - comme la technique nucléaire - et tombera dans des mains mal
intentionnées.
Un combat mené entre plusieurs États par usage de ce type d'armes se révèlerait
l'Xtr~mement destructeur pour les infrastructures des pays touchés.
CHAPITRE 3
L'ÉTAT ET LA MONDIALISATION
"Sur /es routes intcnninab/es et uides du Sud algérien, entre Laghouat et Ghardaiil, j'ai gardé
Ir souvenir de ce d1auffe11r arabe qui, aux heures prescrites, bloquant son autocar, abandonnait ses
11as~n~~t..·r:-: à leurs pensées et accomplissait, à quelques mètres d'eux, ses prières rituelles. 11 1
Il convient au préalable de souligner que la grande majorité des États gardent leurs
prérogatives de souveraineté : frontières, armée, monnaie, justice, politique étrangère,
politique économique ... La remise en question des attributs de souveraineté dans Je
cadre régional ne concerne en fait qu'une partie minoritaire des États du monde ; en
revanche, la question de la souveraineté se pose de manière générale quant aux
dynamiques d e globalisation économique.
Nous posons ici le problème d'une mondialisation souvent postulée comme étant
une dynamique spécifiquement contemporaine et qui serait de nature à marginaliser le
rôle des facteurs géopolitiques traditionnels. Nous soulevons aussi le problème de la
régionalisation, en gardant à l'esprit que mondialisation et régionalisation sont deux
dynamiques liées à bien des égards.
On peut définir la mondialisation comme étant l'échange généralisé entre les
différentes parties de la planète, l'espace mondial étant alors conçu comme un espace
libre de transaction et de circulation des hommes, des capitaux et des marchandises.
Dès 900 av. J.-C., les Phéniciens3 développent une dynamique de mondialisation,
dans le cadre d'un système-monde qui est la Méditerranée. Ils installent Jeurs
comptoirs sur Je pourtour méditerranéen et répandent un alphabet commun qui leur
•En pmniu jt crois rn /'Ernpire britannique, et en second lieu je crois en ln race britarmiqut.
f• crois qut la ract britannique est /a plus grande des racts impériales que le monde ait cormues. /t
dis ctla 11011 comme u11t vaine vantardise, mais comme une clwse prouvée à l'évider1ce par les
surets que nous avons remporlés en ndministrant les vastes possessions reliées à ces petites ;'les, ~t
je crois donc qu'il n'existe pas de limite à son avenir. 0
Dans cette partie nous montrons la constance à travers les siècles de l'effort de
mondialisation des idées et du commerce :
- la recherche de l'Empire universel de Dieu et de l'or au XVIe siècle;
(!>lpttre 3. L'i!!Jllt et la mondlallaahon
l À. panu J'un unu.:lc tlc l ' uuh:ur puMiê Û41.\N lu. Su1t\'l' llc.· Hc.• \ 'U t! .l ' llf..\·tu•~. n J7. ju.illc-1--.xl.1.1003.
2 Jean-Michel Sallnut.nn, GW:opfJ/ith/~•· ,h,, .\Tr' .vi*'-:k . J4W.).. /(I/ .~ . PomL.,. Se1.1il • .?003 .
Plfrtit' 7. L' Êtal coucunruci
technologie se firent par le fait de renégats passés au service des musulmans ou des
asiatiques, ou tout simplement par les résultats des rralpoliliks notionales, divulguant
les secrets de leur propre supériorité technique. Au début du XXIe siècle, le problème
reste enher avec la dissémination progressive dans le monde musulman et en Asie des
procédés de fabrication d'armes de destruction massives. Là encore, permanence de
l'homme occidental, tout à la fois ingénieur et transfuge. Le flot hémorragique des
transferts de tedmolog1<> et des brevets cédés ou piratés continue de couler d'Occident
vers l'Orient. la plupart des combattants islamistes dotés de compétences techniques
ont été iormë5 en Occident. Et si la Chine devient demain une puissance spatiale, elle le
de\'Tll à un apport massif d'ingénieurs russes.
L'un des enseignements centraux du livre de Salln1ann, est que, non seulement la
logique civilisatiorutelle fut l'instrument de logiques nationales, mais les logiques
nationales elle-mèmes furent rattrapées par le poids des fractures civilisationnelles. Au
X'Vl• siècle, la France est confrontée à deux grandes questions : à l'extérieur, l'Empire, à
l'intérieur, le protestantisme. L'opposition à l'Empire permet d'évacuer les divisions
internes qui menacent d'implosion le Royaume. Étrange permanence de l'histoire en
vérité. Au début du xx1e siècle, la France affronte deux défis géopolitiques de grande
ilmpleur: à l'extérieur, l'Empire euro-atlantique qui la prive d'espace d'influence, à
l'intérieur, l'islam. À cet égard, qui pourrait assurer que l'affaiblissement prévisible de
la cohésion interne de la France, dans les années à venir, sous le poids excessif de
l'immigration musulmane, ne sera pas un facteur d'opposition croissante au reste du
monde occidental ?
Face à de telles contradictions religieuses, et dès le XVIe siècle, les pouvoirs
s'attachent à des lignes politiques qui dépassent le confessionnalisme. "Le parti des
politiques" fait floraison partout, dans l'a.ire chrétienne comme dans l'a.ire musulmane.
Chez le Français comme chez le Moghol lequel, pour installer l'islam en Inde, compose
avec l'hindouisme. Inversement, le parti des idéologues se brise sur les réalités . Les
tentatives d'évangélisation chrétienne de l'Inde, du Japon et de la Chi.ne sont un échec
faute de sens politique et de capacité à intégrer les cultures nationales. Ce que le
christianisme sut faire dans les premiers siècles face au polythéisme européen, il ne
semble plus savoir le faire dans l'Asie du xv1e siècle.
Au XVIe siècle, l'essor en puissance appartient aussi aux systèmes politiques qui
ont réglé le problème de la succession. Les monarchies héréditaires européerutes
garantissent la permanence du territoire et la légitimité politique, conditions
nécessaires à une croissance durable. A contrario, le système électif polonais conduit à
l'échec. Quant au monde musulman, il reste fondamentalement fragile, faute de
légitimité politique assurée dans la succession. La multiplication des épouses y
entraine la multiplication des prétendants. La mort du sultan ouvre une période de
crises et de guerres où le plus puissant doit l'emporter comme dans une sorte de
jugement de Dieu. Voyons encore aujourd'hui en terre d'islam, l'islamisme se nourrir
de la faiblesse des légitimités politiques, et la dureté du gouvernement de l'incertitude
constante du pouvoir. Le xvie siècle de Sallmann annonce que la démocratie n'est pas
pour le monde musulman.
Cest donc au XVI• siècle que se mettent en place de grandes constantes
géopolitiques. L'histoire mondiale est une pièce qui déroule l'affrontement de trois
civilisations : l'Occident, l'islam et l'Asie, en même temps que la compétition en
puissance d'une multiplicité de nations. Les Grandes Découvertes, la supériorité
maritime et technique de l'Occident, ont freiné le potentiel mondialiste de l'islam. Mais
malgré la domination occidentale continue depuis le XVI" siècle, et mise à part la perte
de Grenade, l'islam n'a jamais cédé un pouce du terrain conquis. Quant à l'Asie (Chine
et Japon surtout), elle s'est protégée en refusant le cosmopolitisme et l'immigration de
(Nplt"' 3 L'~tal el la mondiallsotJon 877
masse. Alors vient l'ultime question : à partir du XVfe siècle, et-ce le mande qui a
commencê à se diluer dans la civilisation européenne ou bien est-ce le contraire? U!s
technologies s'acquièrent. La souveraineté et le pouvoir se reprennent. L'identi~ elle ne
se répare pas. C'est la raison pour laquelle si les Européens ne ~t pas le combat de
l'identité nationale et civilisationnelle, un siècle au plus suffira à l'Orient pour m finir
définitivement avec l'Occident.
1 Notammcn1 t.lc!ii lrD\'811X angltMwuo ns : O'ltourk~ ci \\'ilhamsun ; BahJu.·in et Ma111n en JCW9. VW k rappxt :s.ur la
auuvcmant:c mondmlc riubhê à lu lJocumcnu11i~'" fnança1!'1." en 1001
2 Pour le "'olumc du sttX"k d ' or nuin<liol, si l ' on tkinm.· ù l"anm.."c- 1~00 l "tnd1cc 1. 1 sJ1l'llte ltlO() est• .a.s. ISOll• 1000 et l91• i
2800.
) Wiener Frcir Prc!ii!iiC , 24 dèccmhr..: 1'~1:!
1178 l'urtrc· 7 L ' l.111t cn11ct1n't"IUi
permanente de l'Home Fleet (toujours équilibrer les deux flottes euro~es suivants
additionnées1 ).
Mais l'Allemagne a raté plusieurs rendez-vous de l'histoire. u Pru59e eoit ~à
cOU! de la Californie que proposait de lui vendre le Mexique en 1842, du Texas qu'elle
aurait pu coloniser, de la réconciliation avec la France (l'Alsace-Lorraine est le pas de
trop de l'unité allemande au détriment de l'unité européenne), d'un axe "Paris Berlin
Moscou" que Londres redoutait au point d'aller jusqu'à !'Entente Cordiale (1904), pour
s'assurer contre lAllemagne autant que pour détourner Paris de Moscou.
Le monde en 1914, c'est aussi la récolte des nationalismes semés un sikle
auparavant par les bottes des armées de Napoléon. Ce que Madame de 5tai!J 90Ulignait
en 1804, l'absence d'esprit national en Allemagne, n'est déjà plus vrai en 1815. Partout,
l'amour raisonné des vieilles patries si cher aux hommes de la Restauration &ançsueet
au chancelier autrichien Mettemich, cède la place au culte exalté de l'État-nation
souverain, dont la centralisation est favorisée par des voies ferrées qui relient les
capitales aux périphéries. L'affaire de la dépêche d'Ems qui, exagérée par la presse,
dkhaîne les masses françaises et allemandes et conduit à la guerre de 1870, révèle Je
poids nouveau des opinions publiques. Les armées de conscription et le service
militaire obligatoire (dès 1870, de la Belgique aux Balkans) font apparaitre des haines
inexpiables entre nations, bien pires que les vieilles querelles d'intérêt et d'honneur de
l'ancien monde aristocratique.
Dans l'ébullition nationalitaire du XIX" siècle, les Balkans jouent un rôle
déterminant. C'est en effet le projet défendu depuis 1903 par les Serbes d'an
regroupement national de tous les Slaves du sud (Yougoslaves) et la p-ression
panslaviste de la Russie qui conduiront Vienne à déclencher le mécanisme de mise à
feu de l'Europe. Car c'est bien de la survie du vieil État austro-hongrois dont il s'agit
en 1914.
Par ailleurs, l'effondrement annoncé des deux empires centre-européen et œntre-
asiatique (Empire ottoman) ne peut que susciter l'appétit des grandes puissances
européennes. Les alliances en place en 1914 sont alors la résultante des ambitions
gropolitiques des uns et des autres. En s'alliant avec !'Autriche-Hongrie, !'Allemagne
fait le choix du maintien du vieil Empire confronté aux ambitions russes. Berlin calme
les revendications autrichiennes de Rome en l'intégrant dans l'alliance (Triplice en
1882). En face, la Triple Entente additionne l'alliance franco-russe et !'Entente Cordiale
franco-anglaise.
Dans chaque camp cependant, l'évaluation des rapports de force est faussée, de
telle sorte que chacun de deux blocs pense qu'il est plus fort que l'autre. Le double jeu
italien est largement responsable de cette situation. Bien que membre de la Triplice,
l'Italie, qui n'oublie pas ses irrédentismes en Autriche, se rapproche seoètement de la
France (1902 : neutralité de Rome en cas d'attaque de Berlin contre Paris) et de la
Russie (1909: au détriment de Vienne, Rome favorisera les intérêts de Moscou dans les
détroits). La République française croit non seulement à son invincibilité face à
"l'ennemi héréditaire" grâce au réservoir démographique russe, mais estime en plus
que les rouages de la Triplice sont grippés. Quant à Berlin, qui se sent au sommet de sa
préparation militaire et Vienne, convaincue que plus elle attendra plus lAutriche-
Hongrie augmentera ses chances de disparaitre, elles ont assisté à l'humiliation de
Moscou par le Japon, à Tsushima en 1905, et connaissent la fragilité du régime tsariste
secoué par la montée des revendications révolutionnaires. Sans doute aussi
lAllemagne a-t-elle conscience de sa supériorité numérique sur la France et de sa
1 L ' cnt~c en guerre de s États -l lnis uux 1,;~tCs de la Gr.nJc-BrTtaanc en 1917 se ICn& d'rullcun pn.IK' . . . . . . . . sr taqucslio9
navale a.llcmnndc. La gucm: sou s-11UU"1nc à outran(c dCchm..lte rar Berl in le let" fé,-ncr IQl7 ~rDOt en a.r.me la ti~ sur lm aas•
le commcn:c maritime amtrii..·nm
p,,,.,,r 7 . L · ltal cr1u cu,,.rucr
Et puis il y avait une nouvelle force tral\9nationale, Je •ioniame, lequel, •ptts avoir
ten~ d'obh?nlr un parrainage allemand et turc s'était finalement fiu, juste à la veille de
l'explosion européenne, aux États-UnL't, balM! idêale à partir de laquelle il allait pouvoir
œuvrer, parmi tant d'autres forces, à la reconliguration de l'Europe dane un 5ft1S qui
mènerait à la destruction du vieux Yiddi.!lh land chevauchant les terT"" alJemandea,
austro-hongroises et russes et à son remplacement par un foyer national en Pal8tine.
Enfin, combinêe à l'héritage romantique du XIX• siècle, les progrès de la !ldence
tant en physique qu'en biologie avaient largement convaincu les gouvernaiu. de
l'avant Première Guerre mondiale que !'Histoire êtait d~inée par des force
matérielles et identitaires qui surpassaient les hommes et les entrainaient dans des
courants qu'ils ne pouvaient maitriser. On ne compte pas les déclaration. et les éoilll
de l'époque montrant à quel point tous étaient convaillCWI d'un embrasement
généralisé de l'Europe. D'une certaine façon, bien que salutairement rêalillte, la pensé
déterministe engendre aussi un fatalisme destructeur.
Mais comme la portée des progrès scientifiques n'est souvent que partiellement
mesurée, peu nombreux étaient ceux qul avaient mesuré les conséqu~ prévisihles
du retard des conceptions stratégiques et tactiques sur la puissan.:e de feu (la
nùtrailleuse moderne, capable de cadences de tir incroyablement meurtriàls, est au
point en 1889), de sorte que lorsque la guerre éclata en 1914. beaucoup pensaient
qu'elle serait semblable à ce que les nations européennes avaient déjà affronté tant de
fois et dont elles s'étaient toujours relevées. Mais, empruntant à la Guerre de Séœssion
américaine son caractère de guerre totale (630 000 morts entre 1860 et 1865, soit les
pertes militaires additionnées des États-Unis depuis leur naissance, y compris
l'ensemble des guerres du xxe sièclel), la Guerre 14-18 y ajoutera des progrès
terrifiants dans la puissance de feu. Et des ruines de cette guerre civile là qm
accouchaient à la fois de la mondialisation américaine et des nihilismes socialistes
(communisme et nazisme), l'Europe ne devait jamais se remettre.
1 El ln pn:nu~re gUtlTC dt: rh,SICtlrt' ou les. P':nCS dUl.."S • ramr blanctk: tsabre C'( bùonadlr:) SOOl i:aJëricura l c:dJa
provoquêcs pu les armes à feu.
882
En 1914 deux systèmes d'nlliances se sont rués l'un sur l'autre. D'un côté !'Entent<',
synthèse de l'Enlente mrdinle franco-anglnisc et de I' alli.-mce franco-rus,.e, à laquelle 11
faut ajouter deux pt!tites puissances, la Belgique cl la Serbie. Au total, 238 milliom
d'Europc.'ens sans compter bien sür les colonies extra-européennes. En face, les Empires
centraux. lAllemagne et l'Autriche-Hongrie, qui comptabilisent ensemble seulement
1111 millions d'habitants Sans conséquence en 1914, une telle disproportion numérique
se fait sentir deux ans plus tard, après les cruelles saignées de l'année 1915, lorsque le
maintien des effectifs devient problématique. À ce handicap s'ajoute la faible cohésion
géopolitique intérieure de l'Empire austro-hongrois. Car si l'Empire allemand affiche
une unité patriotique forte (les minorités, Polonais de Prusse, Danois du Slesvig du
Nord et Alsaciens Lorrains ne représentant que 7 % de la population totale de l'Empire
allemand), il n'en est pas de même de 1' Autriche-Hongrie minée par sa structure
multinationale. Les Slaves, Polonais, Ruthènes en Galicie, Tchèques de Bohème,
Slovaques des confins septentrionaux de la Hongrie, Slovènes en Istrie et Styrie,
Croates et Serbes de Hongrie méridionale y représentent en effet près de la moitié de la
population de la Double Monarchie auxquels il faut ajouter 3 millions de Roumains de
Transylvanie et 700 000 Italiens du Trentin, d'lstrie et du littoral dalmate qui regardent
respectivement vers la Roumanie et l'Italie, deux pays encore neutres en 1914.
Deux ans après le début de la guerre, l'arrivée de nouveaux belligérants a fait
cependant évoluer les rapports de force démographiques. Fin 1916, restent pays
neutres en Europe. que les trois États scandinaves (Danemark, Suède, Norvège), la
Hollande, l'Espagne et la Suisse. Pour s'assurer de nouveaux alliés, les deux camps
leur ont fait de nombreuses promesses quant à leurs aspirations géopolitiques. Pour
entrer du côté de !'Entente (déclaration de guerre contre 1' Autriche-Hongrie en mai
1915, contre l'Allemagne en août 1916), l'Italie s'est vue promettre en cas de victoire
tous les territoires de la Double Monarchie où les populations parlent italien, mais
aussi la vallée du Haut-Adige peuplée d' Allemands, une partie de l'lstrie dont le
peuplement est slave et une moitié de la côte dalmate. Pour Rome, plus encore que la
perspective de récupérer ses nationaux, c'est la perspective de prendre une position
prépondérante en Adriatique (!'Autriche-Hongrie ne pouvait évidemment pas lui
promettre l'autre rive) qui a fait pencher la balance du côté des Alliés.
Les États balkaniques, qui jouent un rôle secondaire dans la lutte écononùque entre
d'une part la puissance industrielle montante qu'est lAllemagne, d'autre part le
capitalisme ocàdental, constituent néanmoins un renfort en effectifs non négligeable.
Là encore, les engagements se font après de nombreux calculs et un examen attentif
par les capitales du rapport de force entre !'Entente et les Empires centraux. La
Bulgarie, vaincue en 1913 entretient l'espoir d'enlever aux Serbes une partie de la
Macédoine. Or l'Autriche-Hongrie, trois jours exactement après la déclaration de
guerre italienne, offre cette perspective à Sofia. S'ajoute à cela la possibilité d'arracher
Andrinople et la partie de la Thrace perdue en 1913 à la Turquie. Malgré des
oppositions internes, Sofia, confiance en la capacité des Empires centraux de
l'emporter, n'ayant plus peur de la Russie depuis l'été 1915, choisit à l'automne de les
rejoindre.
la Grèce, elle, n'aura guère le choix. Bien que son roi penche naturellement (lien
dynastique) vers la Prusse, un national-républicanisme montant s ' oppose à la revanche
bulgare et cherche à réaliser la Grande Idée grecque : reconstitution en mer Égée et en
Asie Mineure de l'Empire antique, contrôle des Dardanelles et de Constantinople
même; il est soutenu par la poussée franco-britannique de 1915 dans les Dardanelles.
Offiàel!ement la Grèce reste neutre. En réalité à l'automne 1916 le gouvernement
nationaliste grec est appuyé par Londres et Paris et le pays soumis à un blocus.
O..pll"' 3. L'lltal el la mondloli98Hcm 883
J 1 200 cil.'il" meurent ùuns la 1..: 01;:as trnphc . J~\rll ~18 Am.!nC'2Ub. L ' Amëriquie: ~ tm pn:mw:r ~.,.~ l
l ' Allnm1gnc. M111s d~ ~nncs d ' omhrc cntuUf\.' nl C(" ÙramC' . Nolammc:-nt le:- ra11 que- k:s ~n n '...m pas ltr ....rrtu au drpst
d ' Amtnquc dc!I risques t"ncouru.. 11lm~ mèrnc que l ' Allcme~nc 11 ..·a i1 pubhl! quelques jO&IJS au.puavud des bu.lletim d.~
alanmstcs quanl 0 1'ac:t1vité lie se:. 'ous-marins.
am1es, des munitions, dt's dt'nrécs, du pétrole et toutes sortes de matières premières.
L!s bl\nqul'S font pression sur le gouvcrmmtcnt américain pour ouvrir un crédit aux
bl>lligéront>;. Or le blocus fmnco-britmutique empêche rapidement les Empires centraux
d'étre clients. Devenus fournisseurs et pr<!teurs du camp allié, les États-Unis ont, au
risqut> sinon de mettre leurs sy,.tèmcs industriel et financier en péril, de plus en plus
intérêt à la victoire de l'Ent-cnte. Deuxième raison : les torpillages allemands frappent
dl' plus en plus Il• tonnage .tméricain cl la liberté sur les mers est gravement remise en
cause. Certt's l.t guerre sous-marine 10111/r (quel que soit le pavillon) ne sera décidée par
les Allemands qu'au début janvier 1917 (avec alors une accélération vertigineuse des
navire.. CllUI~ qui provoquera la congestion des ports antéricains d'exportation), mais
dêjà en octobre 1916, et tandis que Wilson reste sur une ligne isolationniste et promet
au peuple américain que les États-Unis ne feront jamais la guerre ("He kept us out of
wnr" fut le slogan de campagne de ses partisans à la réélection), la perte moyenne du
tonnage allié est de 350 000 tonneaux et le contnterce international est
ronsidérablemenl géné.
Un troisième facteur vient. durant l'année 1916, s'ajouter à la balance : le sionisme,
idéologie alors émergente dans les Relations internationales et qui ne cessera d'y
prendre une place croissante tout au long du xxc siècle.
À la fin du XIX~ siècle, les chefs sionistes avaient tenté de convaincre !' Empereur
Guillaume Il de soutenir l'établissement d'un protectorat juif près du Canal de Suez
pour bloquer la Route des Indes aux Anglais; le Sultan ottoman s'y était opposé. Le
projet de l'État juif était revenu en 1902 du côté de Londres sous la forme d ' un
protectorat allié gardant la Route des Indes. Nouvel échec. Puis avec la Révolution des
JewteS Turcs chez les Ottomans, l'espoir sioniste était repassé du côté germano-
ottoman. Mais en 1914, quelques mois après la déclaration de guerre, les chefs
sionistes, jusque là plutôt germanophiles, s'établissent à Copenhague et New York.
Désormais l'essentiel va se jouer en Amérique. Le sionisme gagne à sa cause une partie
significative du monde fmancier américain et inspire très largement à Wilson son droit
des peuples à disposer d'eux-mêmes (c'est-à-dire d'un État). Voilà le nationalisme juif,
lui-m~me produit de la dynamique nationalitaire et romantique du XIX• siècle
européen, devenu un facteur de poids dans la géopolitique mondiale.
Ce sont alors deux conseillers proches du président Wilson (le colonel House et
Justice Louis Brandeis, Président du comité provisoire sioniste en 1914 et élu Juge à la
Cour suprême des États-Unis deux ans plus tard,) qui font comprendre à Londres que
parmi les raisons qui peuvent pousser les États-Unis vers l'engagement militaire, un
choix explicite de l'Angleterre en faveur du Foyer national juif figure en bonne place.
Nous ronnaissons la suite : entrée en guerre des États-Unis Je 6 avril 1917, publication
par lord Balfour de la fameuse lettre adressée à Lord Rothschild et entrée dans
l'histoire sous le nom de déclaration Balfour 1 Je 2 novembre de la même armée. Le
drame du Proche-Orient se met en place puisque, la même année 1916, pour s 'assurer
de la Révolte arabe contre les Ottomans les Anglais font des promesses aux Arabes qui
sont incompatibles avec ce qu'ils promettent à la fois aux Français (accords Sykes-Picot
de mai 1916) et aux chefs sionistes.
En 1916 des millions d'Européens sont déjà morts dans les boucheries de Verdun
ou sur les fronts de l'Est, et ceux qui ont survécu ignorent sans doute encore que, pour
la première fois dans sa longue histoire, la civilisation européenne voit son propre
destin lui échapper. La géopolitique des nations européennes s'insère désormais très
largement dans la logique d'un capitalisme globalisé face auquel plusieurs
l LI: 16 oaobn: 1917. pnk\K M. JKqucs Soustelle, "•w- l'intcnicnt1on Lie OrandciN , le colonel llou1tc , conlidcn1 du prb.ulall
Wmo... .aépboa.I. à Lx:tdra le préaidcnt dca Euts-Unili rucssalt le gouvcmcmcnc angl•j., tic prendre enfin position" Jacques,
Sau:Adk., La •onauc man::bed'lu.!I, Paru. 1968, p . RI .
Qloptin. 3. L't!tat el la mondlnlisation 885
1chappatoires tragiques vont être tentés: le nazisme et le bolchévisme. Tous les deux
unuvent largement leur origine dans le re!l!lentiment de peuples convaincu5 que
l'origine de leurs tragédies trouve sa source dans l'alliance entre la "finance juive" et le
capitalisme anglo-saxon . Ce même sentiment s'est transporté aujourd'hui de l'Europe
(Allemagne, Europe centrale, Russie) au monde islamique.
L'unité des trois Grands contre lAllemagne masque, de 1941 jwiqu'à la conférenœ
de Yalta (4 au 11 février 1945), une réelle divergence des ob;ectifs géopolitiques et
idéologiques de chacun.
Les Anglais attendent de la victoire la possibilité de maintenir leur empire
(désormais baptisé Commonwealth), de rétablir les fondements de leur économie
mondiale (notamment la livre sterling), de conserver leur influence stratégique en
Méditerranée orientale et leur protectorat au Moyen-Orient lequel couvre rue
impérial vers lAsie et assure la suprématie sur le pétrole. Cet là une vision
gMpolitique classique, fondée sur le maintien de blocs d'influence exclusive.
Les Américains poursuivent un objectif bien plus idéologique. Dans la ligme du
mondialisme wilsonien de 1918, Roosevelt a arraché à ClmrchiJL à Terre-Neuve, en
1941, la Charte de l'Atlantique qui pose les fondements d'une mandialisation
démocratique et libérale : un monde sans empire colonial (droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes), gouverné par une organisation internationale de sécurité (O.N.U.) et
une organisation monétaire internationale (F.MI. créé par les accords de Bretton
Woods de 1944). Les États-Unis ne se battent donc pas seulement pour vaincre
l'Allemagne : ils entendent édifier sur les ruines de celle-ci une sorte de gouvernement
mondial régulant un monde économiquement ouvert et sans bloc de puissance_ Ce
mondialisme, ils sont prêts à en assumer la direction aux côtés des Soviétiques, au sein
de 1'0.N.U .. Leur puissance économique (la moitié de la production mondiale),
militaire et bientôt nucléaire, autant que leur conviction d'incarner un modèle politique
à portée universelle, font qu'ils regardent le communisme soviétique davantage
comme une phase préparatoire à l' intégration dans le grand marché mondial que
comme une véritable menace. Un an avant Yalta, le secrétaire d'État américain au
Trésor, Morgenthau, n ' envisage-t-il pas d'accorder à la Russie un pdt de dix milliards
de dollars sur trente ans à un taux d'intérêt dérisoire (2 %) ?
Les buts de guerre soviétiques sont pourtant bien différents de œox des
Américains. Staline est en guerre contre lensemble du monde capitaliste, dont. à ses
yeux, font partie autant lAllemagne nazie que les Alliés de l'Ouest. Depuis 19'33 et
jusqu'au pacte germano-soviétique de 1939, sa politique n'a eu de cesse que
d'empêcher la formation d ' une coalition capitaliste menée par Hitler contre l'État
prolétarien. Le but du pacte avec lAllemagne a été, non seulement de faire échec à wte
alliance de l'Ouest, qu'il a craint un moment, mais de permettre à Berlin. couverte à
l'Est, de mettre à exécution son programme pangermaniste et de provoquer ainsi la
guerre entre puissances capitalistes. La nouvelle alliance de Staline avec Londres et
Washington (et le retournement des partis communistes européens qui en découle)
n'est donc que de circonstance, participant de ce mouvement dialectique ver.; la
révolution communiste mondiale et de l' exploitation de ce que le Comité central du
PCUS avait appeli' en 1925 "les contradictions internes du capitalisme•.
L'expansion idéologique du communisme à partir de l'État révolutionnaire
s'accompagne cependant d'une strategie geopolitique visant à ~"Onsolider les objectifs
l'arlù: 7 . f. • f.tal tuncurrrua!
remtoriaux de la Russie soviétiqu" En 1939 et 1940, Stalin" s ' était entendu avec Hitler
pour dépt.'C'er la Pologne. l.i Fmlande, les P"YS Baltes et la Bessarabie. A Yalta, Stalint! a
donc logiquement pour objectif de reconstituer les fronti~res de 1941. cellL.,. de
l'U.R.SS. d'avant la nouvt!llt> "march" vers l'Esl" allemand.,. o., même, l' U .RS.S.
retruuve-t-elle l'objectif de 1940 d ' atteindre les d é troits turcs et de s'c!tendre, par la
Twquie et l'Iran, jusqu'au Golfe Persique pour y défier la suprématie anglo-saxonne
sur le pétrole moyen-oriental. Mais plus que cela : à la veille de la conférence, l'objectif
géopolitique premier de Staline est d'éliminer purement et simplement la puissanœ
allemande de l'échiquier européen et de foire du même coup, de l' U .R.5 .5 ., la
princip.o.le puissance européenne. Pour éliminer Berlin il faut à Moscou une
capitulation et non un armistice. Staline redoute en effet de voir se reproduire la
situation italienne : en 1943. les Alliés de l'Ouest, sans le consulter, avaient conclu un
amùstice avec l'Italie. sauvant celle-ci d'une communisation probable compte tenu du
poids du Parti communiste italien. Staline savait aussi que, durant les années 1943 et
1944, des tractations entre éléments des se rvices secrets américain, britannique et
allemand avaient abordé la possibilité de renoncer à la capitulation sans condition du
Reich en échange de la mise à l'écart d'Hitler par la Wehrmacht, avec l'arrière pensée
sans doute de faire échec au communisme. Mais ces efforts échouèrent pour de
multiples raisons. les plus importantes étant la loyauté des Allemands à leur chef ainsi
qu' une réelle convergence soviéto-américaine au détriment de la Grande-Bretagne.
Au début du mois de février 1945 et donc à la veille de la conférence de Yalta, des
trois Grands, (' U.R.S.S. est la mieux placée pour atteindre ses objectifs.
D'abord, à la différence des États-Unis et, dans une moindre mesure, de la Grande-
Bretagne qui se méfie de Moscou, les élites soviétiques voient au-delà de la guerre avec
l'Allemagne : elles sont, depuis la fondation même de l'U.R.S.S., en guerre contre
toutes les puissances non communistes. Au contraire, en 1945, malgré l'effondrement
allemand, Anglais et Français restent dominés par la peur de 1' Allemagne ; comme en
1919 on craint un redressement rapide et une volonté de revanche après la défaite. li
faudra attendre encore longtemps chez les Occidentaux, début 47 pour les Américains,
et seulement 1948 pour les Britanniques et les Français. pour que l'U .R.S.S. ne se
substitue au problème allemand; et deux ans encore, jusqu'à la Guerre de Corée en
1950, pour qu'enfin les Occidentaux n'abandonnent l'espoir de diriger le monde de
concert avec les Soviétiques.
Le second avantage soviétique à Yalta, outre le fait que "dans les tètes" ils sont déjà
en guerre contre l'Occident, c'est la situation militaire du moment. Au début du mois
de février 1945, l'armée Rouge n'est qu'à 80 km de Berlin, tandis que les Alliés
occidentaux, retardés par les Allemands dans les Ardennes n'atteindront le Rhin
qu'après la conférence de Yalta, au milieu du mois de mars. Cet avantage militaire
détermine un avantage géopolitique et diplomatique. Bien avant l'ouverture de la
conférence, J'U.R.5.5. a opéré de profonds remaniements territoriaux qui lui donnent
des frontières directes avec la Hongrie et la Tchécoslovaquie. L' accès direct à la
frontière hongroise est réalisé par le rattachement à l'automne 44 de l'Ukraine
subcarpatique qui appartenait auparavant à la Tchécoslovaquie ; celui à la frontière
tchécoslovaque est le fait de l'annexion de la Galicie polonaise (acceptée par les Anglais
et les Américains à la conférence de Téhéran de 1943). Au moment de Yalta donc,
l'U.R.5.5. s'est étendue jusqu'aux frontières de quatre pays, la Pologne, la
Tchécoslovaquie, la Hongrie et la Roumanie ce qui donne déjà cohérence au dessin
d'un futur bloc géopolitique centré sur Moscou . Ensuite, Staline a conclu une série
d'armistices avec d'anciens alliés de l'Allemagne entre septembre 1944 (Finlande) et
janvier 1945 (Hongrie), profitant de cette nouvelle donne pour renforcer partout le rôle
Chlplln! 3. L' ~tal "' la mondialisation
des forces communistes locales. Certains de ces armistices se 90nt déjà traNfonnb en
alllonce diplomatique, tel le pacte soviéto-tchèque de décembre 1943.
Troisiême avantage soviétique à la veille des discuesions. u communlAtion de
l'Europe et le morcellement de l'Allemagne sont les objectifs prioritai:res de Mole.ou
alors que Washington a pour priorité l'adoption de l'O.N.U. par les Soviétique9 et leur
entrée en guerre contre le Japon. Dans ces conditions, l'objectif anglais de remettre au
pouvoir en Pologne le gouvernement légal exilé à Londres et plWI largement d'a.urer
des élections libres en Europe centrale et orientale apparait bien secondaire à
Roosevelt, d'autant que celui-ci n'a aucune envie d'aider son allié anglais à recorwlituer
l'influence qui était la sienne avant 194-0. Londres n'a-t-il pas déjà, en 19'1 et 19'2
essayé de susciter deux confédérations en Europe de l'Est: Pologne, Tchécolllavaquie,
Hongrie et Roumanie d ' une part, Yougoslavie, Grèce, Bulgarie, Turquie d'autre part?
Toujours est-il que l'on se méfie de "l'impérialisme anglais" à Washington et qu'il y a
réelle convergence soviéto-américaine pour faire échec à toute tentative de pôles
géopolitiques solides en Europe.
Enfin, dernier avantage au moins de Moscou sur Londres et Washington : le réseau
communiste en Europe de l'Ouest. Les partis communistes aux ordres de Mœcoa font
partie de la nouvelle donne politique en France et en Italie et ils se sont renforcés
partout en Europe, sauf en Allemagne où des millions de soldats qui ont affronté
directement l'U.R.S.S. ont pu ouvrir les yeux sur le mythe de "la patrie des
travailleurs". Si Staline a dissous le Komintern en 1943, organisation transnaWmale du
communisme mondial, c'est parce qu'il veut rendre bilatéral le lien entre le Parti
communiste d'Union soviétique et chaque parti communiste européen. de mani2n! à
régler l'intensité de l'action révolutionnaire de chacun de ces partis en fonction des
espoirs de communisation déterminés par J' avancée sur le terrain de 1'Armée Rouge.
En France, Italie, Grèce, les partis communistes sont bridés par Moscou de manière à
ne pas risquer l'échec de la communisation de la périphérie soviétique considérée
comme stade prioritaire dans l'avancée vers la révolution mondiale. Au poids des
partis alliés de Moscou, s'ajoute la politique de la France. En concluant avec Staline en
décembre 1944 un pacte d'alliance franco-soviétique contre Berlin (mais indirectement
aussi contre Londres et Washington), le général de Gaulle espère obtenir le soutien des
Soviétiques dans sa volonté d'arracher au Reich vaincu la Ruhr, la Rhénanie et la Sarre,
ce qui est lourd de conséquences puisque Paris sacrifie le gouvernement légal polonais
au profit du Comité de Lublin s outenu par Moscou . F.spoir vain car Staline, confiant
dans sa capacité à emporter toute l'Allemagne dans le camp conununisœ, n'est pas prêt
à faire reculer les frontières allemandes de l'Ouest.
À Yalta les trois Grands s ' entendent principalement du fait de la convergence
soviéto-américaine. Rassurés sur l'avenir de l'O.N .U . et sur l' entrée en guerre
soviétique contre le Japon, Roosevelt retient du bras Oturchill sur l'Europe. u Pologne
est abandonnée au Comité de Lublin, ce qui implique la communisation. Le principe
de la division de l' Allemagne en zone d'occupation est adopté, sans plan précis de
démembrement car Staline espère, grâce à la poussée de t' Armée Rouge. emporter
l'ensemble. Une zone d ' occupation françai se en Allemagne est obtenue par Churchill
qui redoute, en cas de retrait américain, de se retrouver seul face au.:< Soviétique;.
L' épuration ethnique des Allemands de l'Est est programmée par le glissement des
frontières allemande s de l'Es t jusqu' à la Neisse (les Occidentaux souhaitent armer le
reflux à la Neisse orie ntale, les Soviétiques veulent eux un recul jusqu'à la Neisse
occidentale) . Roosevelt et Churchill parviennent néanmoins à arracher une déclaration
sur l' Europe libérée prévoy ant l' o rganisation d'élections démocratiques en Europe
centrale el orientale e t dont il sortira bientô t ... les démocraties populaires.
l'nrlic,• 7 V (1111 , ·o m·urrrucl
"fl tsl unpossiblc dt dLslingucr les clUJngemenls de la géograplnc pllys1que et politique et œur
d.t /si giograplue économique el fi11a11ciire . la géograpllie économique est en fait, des trois, la plus
malléable. U5 richrsses, et les centres de production des rid1esses, se déplncc11t fncilemc11t dans le
œmps el dans I'espaa et, avec eux, les forh1nes de cultures et de civi/ù;ations enlii!rcs . .. 3
La mondialisation dont on parle aujourd'hui n'est pas différente dans son essence
de celle d'hier, mais elle admet toutefois des caractéristiques économiques propres et
des con.séquences géopolitiques nouvelles .
Les grands traits de la mondialisation contemporaine peuvent être décrits de la
manière suivante' '
l & tc::lmnce de IOD eatr6E m guctft contre le Japon elle a ob1enu on débouch~ ~ur le.., ile-. K o unlc.., cl le sud de Sakh&linc-.
limi qu·m Clwk. Port Anlwr d la chemms de fer de MDJtdchourie. c c qui rétahht so 1mue11o n d ·:1vant lu guerre ru"Ml ·J&JK>na11oe de
1904-1905
2c;œ.., JCllO 1..A.LOY dam Ya/1a, hirr. oujou,.d'lru1, dt'mum , Pam•. Robert Laffont . l 9HH. p fr~ .
) R. OBRJES. ïbc End of Geopaphy. Tbc lmp9c:t of Ta:hnology and Cap11ol Flow" in Thr Anrrx Duni.: Rcvit'w, l 7 (SJ, mai
1990, p. l·' ·
'Jpaao Ramooet.. mm W)C formule JOhmcru trouvh: , parle de Sys•èmc PPll : "Qu'cSl·CC que k i.ysrtmc rr11 '! Celui qui
lli-.dc: ~ la llC'liV11b (fmaoc.tr-ca. commi:n:1al~. CYhurcllcs, mièdu1l1qucsl uyant qu111rc quahtCs pf"inci p"lc" : plane1a1rc- .
(l>lpltnr 3. L'a1a1 et la mondlollaallon
"Sur les cent plus for~ puissanus éconumiqu.es du monde, cinsfwmu et une ne _,f"""' "'5
États-11ations, mais iks multinationJJles ; les 200 prUu:iptzwt fITOllpG moruWuu: ~à aa
seuls près de 30 % ik l'activiti économique planétaire; la 500 prmriar; groupa nrandillJa
rrpréselltent 70 % du commerce morrdial"1.
p:nnanmt. immt!di•l cc 1nun.tâicl. Quattt caractênst'iqucs qui l"af'IPC'llcot ks quMl'C pnuap.au. .a:ribllls dr Dicm ......_•.
1. RAMONET. Gtopoli,,qur 1/11 chuns. Pans. Gahlk. l llQ7. p . f.~
1 X. R.AUFER , dir., D i<"timmairr t«hnit"'"' ~' rn"titrW Jrs rkl#'\'f!'llf":C ~""r.' . Pan~. P l 1.f_, 1991' ettam R.. K.APL~"lil . ·w•
democnc}' JUSt a mom~l ?"'in The• .·Hl""'"' "'''"tir/\', dc!cftnhrc 1qiq-:r.
l ·u nolion de ~11caux c!<1 moh\'k rmr l'1Jéc. c1'lrimcmcn1 i"'f'IC'rtantc-. de la mulh-appan~. Ln rod:i\·idm nr w:w: phis
JCUlcmmt m mfmc prindrolcmcnt citC1ycn!«I d'un l~ u•t·nation , dc plu.~ nl plu.~. ils sont SUJd:S d\m Ê.tat--naticm. tullt m ~
r-nll~lcmcn1 Ili tnul un cn~hlc dc l"ê9cau"( Or «'U~-ci ntntl ~lcmcnt tauœ l~quc ~- L~'1du C9t den:
doublftncnt 1itu' dan11 le monde palihquc contc1"rt"rain. Il e st situe- 1..."'1'ri1orial1C'mtnl. du fait dr ta s.a.a"\' IC' tk ~ rriaDon ~ :
il est ~lcment situ~ aoci•tcmC1U, r-r M"ln •rrancnanC'c a de- muUiplc-s n:scaiu rai s\~ l"h~ qw fan s'oncalllâl ven. _.
1i1mtia11 de 'vola1iiit~ idenritaltt' C"'~t·à--d1~ que ~1on 1<"!' s1ruau i.'n !I et I~ m~ . l'indl,.idu tc.5 6 modifwr .. ~ dt -=s
•pp&rtcnanees d de Mil. n!f6nmcn 1dcntilal~ . rl•çanl lanl\\I l"iJentllé' C'll~~ •U ~ -SS . . . _.a I f - . ~
d'identil6. Cc nouvel ordro qui !Unvc dr cette \ 'OlatihtC n:lari""UIC W,,,-ërcnlrnt la notKm dr œmlroltr et~ mrrimridc.. • ia
- il faut s'at14.:-her .\ L'tudier. plutôt qu" les États, l"s coll.,cttvités locales el J.,.
"-'s•ons relk!t.-s p.lr des t+.ie;iux 1t.1nsmttiondUl\ .'I l'archipel mégalopolitain mondial, à
un su~p.:i..""e trame de rest.'.lux •
- dan:i re nouvl'>llu mond.-. d1.lsporas m.in:handes, organisations intemationak'5,
.:-rime org<Ulisé. t>ulles fil'l.lncières, Internet, et autres rése,1ux seraient ).,.. nouveau•
p<>uv(>m géopolitiques, les nouvelles puissances, tandis qu" les chancelleries et ll'5
Élol15-majws ne ..,..,.ienl plus que des instrum.-nts soumis aux options trans-nationales.
a. BADlE. ·~~et uwabihtc moDWa.lc". Ul RdiJlloru inJ.:rn,Jt;o nulc!.• er sn·uu.•,;iqut'.'• l.R.I S, hiver l99j, a•20,
p. 17 ; ·~ dr ~ aa&hropoioaiquc et de ~Lion 1cehnulog1quc Ju m o nJc. le résuu ubli thc lnTIIDLICI d
...___ pob&aque ea lmloiR. Sounw. i s.oa rtgunc, l'an1un miln.ain: ikv1cn1 Il ~n tour un nwc.Jc purt1culicr de I• d.i11tahJ.lfeœ
. . . . . . et k lllÜ&l:luR, raacaa foactwnnel de la sùrctC umCic lb n!:ii;caWl de lu Technique plnnCtaîn:: . Auss i le tcch~1trutat W
~il au ~anaqc. • , ID P FORGET, "Rbcau". ID Th . dl: MONTBH..lAL, J KLEIN Jir., D1c1wm1u1re d e Jtralir,1r, hN.
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1 "L.t ~ lf'Ea. (ammc::unJ '4ui ~La co 1367, l'•c;h.al Je l'A laska il 111 kw;s 1c JUSl1fiat1 um!!ll la dépense "Dbormw
rG,..C. k ~ai. puliuque ck l'Europe . dwunueronl d'1mpol'Wlcc . &amha que l'oc..!an Puc1fiquc, s c1 nv~. K:li lies, t1 la
....._ Rpocal vtuil:a au--drià ._.~ni ~ lbtA1R princi~I des ev~ncmenbl Ju iJrull.c..110.ic 11vc:tt1r Ju 1nuntie". Tn:nlc: uu plw &ild.
~ que. •Y« ~ cuoqr.étc da Plulippusca iur l'Eapagnc, la secunde pu~CC' X mc:t cn plu..:..:., le 1m~.'mlc:n1 Thtuc..lorc Rouacvck üalR
.,_ "tcn: de l'AiLmliquc:: ( .J aura bimlbl épu~ lu reuoun:.n 41,1'cllc: çunlrôlc: {cl que) l'ère du 1'11cifü.1uc, dduntt a lin: b pl11t
. - - ..Se loc&lca,, ml.JI.Die a'°" •wun:.", 111 M .F. DURAND, J. LEVY,[) RETAILL E. L1..• 111u11dt!, ,•_1'/XJ1..'o: e1 .ry.i 1~m,•s, P&rÎ..I, Prc:Na
llk a.•-~ u&Wuk de Kaœca. p.>htiquca/Oalluz, 1991, p . 263 .
(hoplln! :l. L'l!lot et la momllollaatlon
l .. Le F.M .I. ne se conlcn1c pu..• J'éngcr en Jag1uc h1 natinnalnie ...~onunuqur pn\-k. 11 optn: \b cboU. et Ul\'ft'K les aëmcnls
lie l'orgaruuhon des structun.:s étaüqui:s {. ). Si l'un peut parler Uc 'rrv.)ct pohuquc' • p-op:aa. du f .M..I ., cclw-c1 n'a pu bi arGclle
tJ'un d1tcow-s comtru11 et vulont1urc fi.•ndé sur une hiinc Jm:-:1n . :c sans Cailles (""~1 rlutôt i ll"D\'<Cn un cmcmblc d'ana.l)"lll5. pufod
pu dUau1 ou par 4Jt!<luc1ion, t11.1'1I füut ..:-o nsmtcr quC' k fm1Js agu Ja.it.S Wl t"ertain c~ • .,;,clun un i!i:hêtmi on.bodoAr n!fioaJant ;i La
conccplion dc.!l ('llYS dominants L' ~tudc de s flmgrummcs uu Cl'-" par \'.as et IC'w rbullantr sur le rlan global ft"ndenl N...,U- Je t."'CCIC'
rêlht~ . ·. in J M . SORËL, "Y n-t-il \m rn1JCI rx1h11qu1..· ,tcmtl"C' les 1ntcn·cntion.s du f .M.I. .... in R.rlwiom in~IOlflOlcr ~t
Jtru1igiqu.:.t . l R .I S , lhvcr l'lYJ , n"t:!, p . S2-b2 l~ll Nobel d'«:Clnom.c :?OUI , Joseph Sli&htz CSLn:œ que le F. M l. ohë;1 am.
mttrits dt W11111ll Strccl cl l'u.h."·ulu.:1c lihi:mlL· munJuah~tL' au' rntierèts J~s tLats-llms m L,· Fll(lPl•. L"Cndred1 9 .....,1)1 !001
2 t". A . KllAVAND. L.· nnm·•·I unh··· c·omm,·n. i11f mondiill, P11ns. N111111hAn, 19"5 . Y LF. l>IASl""ORN. O. BLONDEL. ü
naun•&1u l/eJur.Jn..• -.•n11wmil1ue nwnd1ul ri.,• ' ""l"'"''-" ''H' 4-' f .ft•.,· , ·r&.W.T I, raris, 1::.llî~. \9QS. p . l .. ·.22
l O . ltUN. L'u1xu11.Uu1lcm nu1t1.Jl"it' d1.1 1·on11nrn·.-. ran.s. lilli~ 11199. 1t,'Oll . "Miso au po1Q1· ; A. KIUl:GtiR-K..RYNtcK.l.
L'o,.mùarlfllr nmffdlalc- ''" C'1Jt1ut11·n·1·, P\&ns., VuibL•rt, 1 llQ'1 , ..:Lill "(lc.111ion mlcmalll\Nlh:"
892 Purfir 7 l~ 'f.tnl C'OnC"urret1<J
6. Mondialisation. et souveraineté
1 F. FORGET, G. POLYCARPE, LI! rbeau ~' l'inj;,1;, E.u ai d'a111hropnfogh• phrln.wplrrtflll! t..'I .\·fmléKiq1tt', Poris. faonnm1u,
1998.
Qlaplltt3. L'~I et la mondl.alL~tlon
Que disent les travaux américains ou français qui soutiennent l'icUe de la fin des
souverainetés - c'est à dire, en somme, ceux qui s'opposent â l'école r~ de liai.
Morgenthau, ou néo-réaliste de Kenneth Waltz, qu'il s'agi!lle de l'école mondiamte de
Robert Burton ou de Norbert Elias, celle du changement !l}'Stémique de James Rmmaaa.
ou en France de Bertrand Badie à l'Institut d'Études politiques de Paris et au CJ;Jtf..l. ?
D'abord, qu'il existe deux mondes par essence opposables, •un monde .de l'État,
codifié, ritualisé, formé d'un nombre fini d'acteurs, connus et plus ou moins
prévisibles" et "un monde 'multicentré', constitué d'un nombre ~esque infini de
participants dont on ne peut que constater qu'ils ont une capacité d'action
internationale plus ou moins autonome de l'État dont ils sont censés relever."2 Que
•cette dualité des mondes s'accompagne d'une dualité des dynamiques: le maode des
Étals agit dans le système international en vue de conforter et de légitimer son
existence. Le monde 'multicentré' vise, quant à lui, à élargir son autonomie par apport
aux États, donc à banaliser la remise en eau.se des &onlières et d"5 souveraindés
étatiques" .
L'idée centrale est donc que le monde multi-centré est en passe de l'emportrr - ou
l'a déjà emporté - sur le monde de l'État; bref que le fait transnational, sous toutes !les
Connes, va marginaliser le fait étatique.
contre les logiques étatiques. Or en bonne lngique, lorsque l'on constitue un ensemble,
on fonde celui-ci sur au moins un crito"re commun aux éléments de cet ensemble; ici le
~"li~re d'appartenanœ commun c'est d'agir par rapport - en dehorn, au-delà,
ron!Te .. . - à l'Etat. Par cons&.1uent, le monde du transnational n'a de validit~
tht!orique qu'en tant qu'il se définit par rapport à la réalité des Étilts. Ceci peut paraitre
un peu abstrait. mais il est nécessaire de comprendre cette chose simple qui nous parait
être le prkuppo.."<' ernmé des théories transnationalistes : on ne peut pas opposer un
monde transnational à un monde l>tatique et dire que l'un Vil supplanter l'autre, tout
simplement parce que le fait transnational et le fait l>tatique sont consubstantiels.
De cette erreur premio"re dl>coulent des conclusions fausses :
1/ on confond la crise de la carte des États avec la crise de l'État en tant que forme
politique dominante, et unitl> fondamentale des Relations internationales. Or cela n'est
pas parce que de nombreux États sont remis en question dans leur unit{>, dans leurs
prérogatives de souveraine!{>, que tous le sont, et que l'État, en tant que fonne politique
dominante, est rondamnl>.
li faudrait ainsi expliquer pour quelles raisons le nombre des États n'a jamais cessé
d'augmenter - une quarantaine en 1900, plus de 180 aujourd'hui; pour quels motifs
les séparatismes qui dl>chirent certains États visent-ils à l>difier de nouveaux États.
En realitl>, la carte des Etats est - c'est un phl>nomène constant à l'l>chelle de
l'histoire - en perpl>tuel processus de destruction et de crl>ation d'États, et connait
successivement des phases d'l>quilibre et de dl>sl>quilibre. Tout part des États, tout y
revient toujours.
2/ L'idl>e dl>fendue par Bertrand Badie - notamment mais pas seulement -
suivant laquelle l'État n'est pas universel est contestable; les travaux de B. Badie sur les
deux États 1 - en Occident et en terre d'Islam - montrent certes qu'il existe une
définition occidentale de l'État qui, elle, n 'est pas urùverselle ; mais Bertrand Badie
parle des deux États: c'est donc que l'État est partout, et que si le contenu des États
diffère - relatif donc à la géographie - , la notion d'État elle, est urùverselle; c'est bien
l'expression politique que prend l'État qui est variable selon que l'on se trouve en
Oa::ident - et même à l'intérieur de l'Occident où l'on peut opposer des modèles
centralisés à des modèles dl>centralisl>s -, dans le monde arabe, en Iran, en Chine ou
en Afrique.
La notion d'État telle que la dl>finit Max Weber "une entreprise politique de
caractère institutionnel dont la direction admirùstrative revendique avec succès, dans
l'application des règlements, le monopole de la contrainte physique" est un bien
commun unissant les mondes civilisés, en dehors cependant des sociétl>s archaîques,
dl>pourvues d'État ou de capacité à en avoir un propre mais ne pesant en rien sur les
Relations internationales; l'analyse de science politique portant sur les systèmes
compares des États est certes riche en enseignements du point de vue de la stratégie
des acteurs étatiques, mais elle ne saurait être première; suivant la différenciation bien
connue en analyse systémique, on ne saurait confondre strucht re et processus ...
3/ On oppose à tort la réalité des États aux forces de dislocation ethniques,
religieuses, konomiques - intérêts des multinationales ou intérêts illicites - comme
si ces forces n'étaient pas elles-mêmes fondatrices de la carte des États du monde.
Celle-ci ne serait-i!lle largement, et à tout moment de l'histoire, le produit de logiques
ethnico-nationales, religieuses et l>conomiques? En même temps ne serait-ce pas
l'inadl>quation État-i!thnie, !'instrumentalisation des différences linguistiques,
religieuses, socio-konomiques qui participerait de la remise en cause de certains
États? Hier, comme aujourd'hui, certains États disparaissent ou sont déstabilisés
CNpilre 3. L'~t.at l!I la mondio1Usation
1/ De la ~me façon qu'il n'existe pas de crise universelle de l'Etat, il n'e><iste pa•
de ('riseunivenielle de la souveraineté; la souveraineté est en crise là où l'Etat est en
<TiR, c'est..j-dire là oil l'on considère que l'Etat n'a plus lieu d'être. Si des chercheun
aussi influents que Bertrand Badie peuvent écrire "Pourquoi les acteurs publics ou
prl\oés concourent-ils à entretenir cette fiction d'un ordre interétatique ?" 1, il est alon
probable que lesdits acteurs publics ou privés finissent par se convaincre que la réalit~
des Etats n'est qu'un<' fiction et qu'ils agissent alors en conséquence.
2/ Lo souveraineté d'un peuple signifie l'indépendance de son État; or
l'indépendance d'un Étnt est fundée sur une capacité de puissance susceptible de
conserver l'ordre géopolitique interne et d'appuyer une politique étrangère. La
problématique de la souveraineté ramène donc à celle de la distribution de puissance
entre les États.
3/ Ce que l'on observe aujourd'hui est une distribution de la puissanœ
particulièrement inégale; le temps est à l'hégémonie.
Faisons d'abord une observation sur la nature de la puissance. Les critères sont
nombreux ; ils interagissent. li y a les critères géographiques classiques, comme
l'étendue du territoire et la démographie qui sont souvent à lier au critère économique:
un grand territoire très peuplé, c'est un marché économique intérieur puissant avéré -
l'une des sources fondamentales de la puissance américaine - ou potentiel - Chine,
Russie, Inde .. . Les critères traditionnels de la puissance sont évidemment pondérés par
le développement technique, militaire, comme par le degré de cohésion nationale.
Quoiqu'on en dise, l'étendue et la démographie restent deux critères de puissance
importants. Or la prolifération étatique, en multipliant le nombre d'États, diminue
d'autant la superficie moyenne des États et leur démographie - démantèlement de
!'U.R.S.S., de la Yougoslavie, des États archipélagiques comme l'Indonésie, les
Philippines, les Comores tiraillés par les séparatismes insulaires .. . La prolifération
étatique confirme bien la domination de l'État comme unité de base des Relations
internationales mais elle affaiblit dans le même temps la puissance moyenne de l'État
dans le monde. Plus l'inégalité de puissance est forte, plus les équilibres de puissance
sont difficiles à réaliser.
4/ Il existe une hyperpuissance politique et économique qui dispose d'une
souveraineté maximale. Sa très grande puissance politique fondée sur sa puissance
économique, technique, démographique, comme sur sa situation d'ile-continent, est
indissociable d'une logique de souveraineté totale :
- les États-Unis n'appartiennent à aucun organisme supra-national travaillant à la
règle de la majorité absolue ou qualifiée : partout où ils sont, ils peuvent exercer leur
véto;
- les États-Unis sont à l'origine de nombreuses dynamiques de droit international,
traités et conventions débouchant sur une limitation de souveraineté des signataires;
on les retrouve cependant rarement au rendez-vous de la ratification ou de
l'application effective. Cest particulièrement vrai dans le domaine du nucléaire2 où les
Américains entretiennent une dialectique prolifération/ contre-prolifération visant d'un
part à maintenir un leadership nucléaire, partagé provisoirement avec quelques
"grands" jusqu'à la mise en place d'un bouclier anti-missiles, d'autre part à limiter la
recherche de la puissance par le nucléaire ou par le chimique et le bactériologique -
arme du pauvre - des États qualifiés de parias. En 1999, le Sénat américain a refusé
de ratifier le traité d'interdiction des essais nucléaires; par ailleurs, en relançant l'idtt
1 B BADIE.. M.C SMotm, U n•1u11mnntnl Ju mum:k. Suc:mlvgie •k '" J;cimi: imanuuunu/t", J111ns, Prl:HH de KirnctS f"O.
199S.p. 121
2 VoU DOft Malon coaMC:T'ic au fait nuclt.ia
l:hlf"lr" l . L'lltnt et la monJlallHntlon
1 Oms un auvrqe- Maai c!lèbrc que le Polibcs unong Nalions de Hans Morxcn1hau, Kenneth WallZ critiquan1 tous tel
~a 1~ a d1ffuution : K.cnnctb WALTZ. TJwory of lnlernationol Politic.s. Rcudmg {Mass.), Addason-Wcslcy. 1979,
chmp. J d S ~la llnlCZUrc d'unS)'JU:mc poliUque se ré:suml: à ·1·uge1u;:emcnt de ses composantes" sous lrois aspects . les pnnapa
~da .,...anc (cocxlSlc:Dl:e d'umtb iégolst.cs œmposant un systtmc de façon sponlon~e. sans le vouloir, dan.s ) GJW'[hie rt
0
le cbcua pour soi, de la mi.me ~ que les opl1'te\ln. «:onom1ques composent un marché économique); lu nalurt des urulhl
polibqœs (m bon n!alisat. KlDDitlb W•la comi~ que les Éuits sont les W11tê5 de bu.: dont les interac1ions forment la strucfllf't du
syaà:nt iall:r'UDœ.J et qm cc.t. va dura) ~ I• distn"'bulion des éléments de puissance (pour Kenneth W11l1Z, la puiuance se IMllft
m ~ lt putmtid rcspcichf des wmb composant le systtme, 1eul c!ltment de ditTn-cnc1u1ion mue les umlés 10\dn
~ •)'Ull Ses m!mm bue. n ranphuanl fes mtmc. fonc:11ons) . Sur Kenneth Wall7., on rourm se n:porter à la p~mitR putic
de t«N"Q.F. dam lit cblipalft' comacrt i la 9éopolitiquc anglo-saxonne .
2 TnllUftGllottal k/o:tiofl.J und World Pa/Ilia , Cambrid1c, Mau Harvard University Press, 1972
CHAPITRE 4
L'ÉTAT ET LA RÉGIONALISATION
1. Définition de la régionalisation
Le principe économique qui motive les rapprochements régionaux est œlui des
économies d'échelles réalisées par des économies nationales qui élargissent leur
marché à leur voisinage. C'est le principe simple de "l'union fait la force". Faœ à des
blocs de plus en plus concurrentiels, les Européens tentent de faire converger leurs
intérêts économiques pour produire moins cher, et disposer d'une capitalisation plus
forte. D'où les rapprochements industriels et capitalistique" et les fu,.ions qui sont
ob!le~ depuis plusieurs ann~-s. au plan européen, dans de nombreux secteur.i
économiques.
Lit dynamique K-onomique de régionalisation est i'I différencier du
multila~lisme: par opposition en effet au libre-échange multilatéral encouragé par
l'AC\."Ont gë~ral sur l~-s Tarifs et le Commerce puis, depuis 1995, par l'Organisation
mon-diale du Conunerce. la régionalisation est une pratique des échanges dirlg~.
l'article 24 du G.A.T. T autorise la dérogation au principe du multilatéralisme
prki.<ément dans le cadre de regmupements régionaux . Mais les États-Unis sont de
plus en plus enclins i'I engager le combat avec l'Union européenne devant les instances
de l'O.M.C. pour entrave aux règles du libre-échange multilatéral et pour
protectionnisme régional.
La fonction géopolitique des regroupements régionaux est complexe. Pour les pays
qui sont les initiateurs, il est possible de discerner à l'int&ieur de ceux-ci une logique
de suprématie. Pour ceux qui y adhèrent, il y a souvent la peur de la marginalisation
qui impose le suivisme, mêlée à des intérêts réels à pa.rl:ilger.
Les États-Urus qui furent favorables d'abord au seul multilatéralisme, à la sortie de
la Seconde Guerre mondiale, se sont progressivement townés vers la logique
régionale, sans pour autant abandonner l'idée de faire émerger une Organisation
mondiale du Commerce venant compléter le Fonds Monétaire international et la
Banque mondiale2.
Les États-Urus formèrent d'abord une zone de libre-échange avec le Canada en
1988, et proclamèrent ensuite, en 1990, l'lrùtiative pour les Amériques visant à créer un
hémisphère de libre-échange allant de l'Alaska à la Terre de Feu. Os signèrent enfin
!'Accord de libre-échange nord-américain en 19923 . Ce développement économique à
l'échelle continentale peut apparaitre comme une conséquence de la doctrine Monroe.
D'une manière générale, les États-Unis ont traditionnellement lié - suivant la
théorie dite du linkage - les relations êcononùques à leurs objectifs géopolitiques.
Favorisant les relations économiques avec leurs alliés géopolitiques - accord de hôre-
khange avec Isra~I en 1985 - , les États-Unis adoptent de manière symétrique des
mesures de rétorsion fortes, allant jusqu'à l'embargo, vis-à-vis de leurs ennemis
géopolitiques - Libye, Cuba, Irak, Iran, Yougoslavie.
1 E. SIECA-KOZLOWSKI, A TOU~1t\RKlNE. G.fopuli1tqu,· cN /<J nwr .\ 'o in.· (T11rq111r ,., ~ dr /'o. - V .lf.S.S.). '-ris.
K.anhala, 2000, r 49-60 • p. 121-1 JO.
2 M. DUROUSSET. La mr.mJltJU."utlrm r/r / 't'n.11H.11'ri1:. Pn.ns, Ellipses. l Q9S, p. 101· l 15.
l f .A. KHAVAND, LrnouwlorJrr. ..·omm.-n;iulmumfiul, Paris. Nathan., 1995,p. I~ .
Partit' 7. L.' t1111 °'"'""rrJCI
1 O. SCHLACTIŒR dir, '!t1e3tiu1u J'/;,'uro~. Le dibut /HJl11Jqu~ et .!nmrm1iqur! , Puns . Ellipses, 199K ; voir ln u UVJllQ Je
l'aayille P.M. CoCncaw qui 1tOUt1mnm1 qu'il existe un n!Ji<IUC de voir l'Europe lCl:nnanistc ; PM C OÛTEAUX, /_ 'fun>/H' '"n IJ
pon, f'un. Micbaloo., 1997
(lwpilro 4. L'i:tat el la r~gioruilisatlon
oeia.n Pacifil(tl~
6. De la régionalisation au régionalisme
107. Les différents modes d'organisation géopolitique des États d'Europe occidentale
Durant le XII• ~iède, sous les HohL"Jlstnufen - qui rêvent d'un empire unlve1"9CI el
luttent contre ~lui du pape - la colonisation s'implante dans quatre régiom
principales :
- le pays de !'Oder et la Silésie ;
- les Alpè! Orientales ;
-la Bohême;
- la Transylvanie en Hongrie .
Le processus n'a rien d'un mouvement désordonné 1 • JI résulte parfois de la
d""1ande des royaumes est-européens, comme en Hongrie au XII• siècle2. Au
XIV• siècle, la communauté allemande de Hongrie compte 250 000 personnes ; elle est
protégtt par une charte des libertés et privilèges qui lui accorde une forme
d'autonomie'.'. La Hongrie qui a permis l'établissement d'une puissance militaire
allemande sur son territoire, l'Ordre des Chevaliers Teutoniques4 , doit chasser celul-<:i.
L'Ordre Teutonique vient alors s'implanter dans les régions allant de la Pru119e
orientale à la Livonie en passant par la Courlande, prenant ainsi le relais des chevalien
Porte-Glaives5 qui avaient déjà joué un rôle important dans la germanisation des terres
baltiques. Les Teutoniques s'appuient sur les villes des côtes et ouvrent le lac baltique
au commerce allemand. Jusqu'à la fameuse bataille de Tannenberg de 1410, !'Ordre
Teutonique encourage le mouvement de colonisation germanique en Prusse:
1 400 villages et plus de 90 villes sont créés pour plus de 500 000 Allemands.
Dès le milieu du XIV• siècle cependant, plusieurs événements viennent ralentir de
manière forte Je mouvement de marche vers l'Est du germanisme: la Grande Peste
noire, les guerres résultant de la Réforme ou celles menées par l'impérialisme de
Otaries Quint à l'Ouest, et surtout la Guerre de Trente Ans qui divise le chiffre de la
population allemande par deux6.
Les terres germanisées au Moyen-Âge restent souvent autonomes sous les empires
qui les recouvrent, du XVI• siècle au XVIII" siècle. Ainsi les Allemands de Transylvanie
qui se trouvent concentrés autour de huit villes - Hermannstadt, Broos, Mtilbach,
Reussmarkt, Leschkirch, Schenk Reps et Sch:i.ssburg - disposent-ils de leur autonomie
sous forme d'assemblées, tant sous le règne ottoman - milieu du XVI• siècle jusqu'aux
années 1690 - que sous le règne autrichien qui lui succède. Dans son combat contre les
1 Au douziânc ~c. l...o&bain: de Supphobo~ place Je mou ... cmcnt sow; l'ilgide de crniB familles princiè~ les AK&nicm,
k:a Wcaio. le5 Sduluenbomg. Comme l'«rit Piene HiUacd, "Ioules ces familles et leurs dcsccndanLS, de man1en: qWl5i ~
~ • dn ~ militain:5, suivies d'un peuplement ordonné . Le nux de ces colons, provenant de: Wcstpbahe. ck
Ulani;k, de RandR:, du Brunswick où la prcs5ion cUmogrnph1qu.e devenait lrop forte, fait absolumL-nl détcnnitunt dam Il:
pmp1cmm1 ~que en Europe de rEst. était c:a.nelilé par un ra:ruccur, qui dans les documents la1ins, C9t désigné sous le terme
de localnr. Le plut souwn1 chevalier- et a.u service de son pnncc. il 1ouait le: r61c d'un intc:nd11n1, c'cs1-é.--di~ qu'il se charia,jt di:
tDl*9 lm cWnmi:ha. du ~ de cc:-s rnisraiw 1usqu'• leur destination finale. L'arrivée sur CC9 tcrriloiJ"CS donnait lieu i 11
dÎlll"ÜllUIÎm'I de nooveUc:ii 1ell8 et • I• c:n!ation de nou.veau-. villages. Parfois, même.. ila Cu.îcnt créés d pan1r d'anciens ullqa
~par &c:a Slna.•, P. HILLARD, Milwl'ith .:t l'êgwnalismes dans l'Eul'upc f i dérale dt1 rés:imu, Paris, X. de Guibcn, 2000,
p. 23.
2 Le royaaarv ck Hoopic: qui ruhcn:hait des défricheur$ cl des comba.tltm lS fil oppel en 11 SO à SOO fom11l~ allcm.tOdcl.
G. GRIMM es K.. ZACH, Die Deutsc h~n m Os1mi1tel urtd SiliMnteuropa, Munic h. Vcrlug SUUos ldcul.Schat Kullurwierk. \"OI . 1 C1 2.
1995. p. 17.
)/don, p. 18
4 Cet: ardR:. fondl m 1190 6 Saio1.Jcan d'Acn:, lull• contre la Tar1nrc &dans le nord de la Trunsylvanic à ha Jcmnndc du ro1œ
HOfllric" lui·ID!bne ED 122) , un Élit daN l'ÉLal hongru11 C1.11i1 ne : um.: prév61é 1cu1onlquc: n'ubéisson1 qu'à Rome et ânanciptc de
flUIOriti du roi de Hoapic. Ce nouvel Ét.lc cherchail à s'~mdrc du Danube 4 ln mer ND1rc el n:préscntail donc untl menACC diftC11:
pOW' la royau!J honatv1tC. P HILLARD. Mino ~ills '-'' ~égwnafüm f!.f dun.r l'El1m(H! fédè~u/i: de.o; rJKicms , Paul s, X Je Guibnt , 2~.
p 23 .
5 Onh foodl par Th6odonc en 1202
6 P. HJL.LAJU>. Minonth et rfgiona/Umes dota /'E,,ropr f'Jtrul.: drs ~glun.rr , Pan s, X de Guibert , 2000, p 27.
O..pttrr 4. L'Élal el la r~glonall.oalion
Turcs, l'Empire autrichien encourage l'apport de nouveaux coloni; allemands 9UJ' dea
œrrltoires 1 qui constituent les lignes de front face aux Turcal. Ces colons affron1ent le
plus souvent la mort. L'ensemble de cette colonisation tout au long du XVDI• liècle
amena en Hongrie 150 000 nouveaux Allemandsl. D'autres terres dr l'Empire auatro-
hongrois connurent un afflux de populations grrmaniquea: la Galicie
15 000 Allemands - et la Bucovine - 5 000. La germanisation du monde a~
hongrois fut donc le résultat d'une volonté impériale faœ à la puiManCJI! turque. Le
même souhait de la part de la Russie fut à l'origine d'un vute mouvrment de
germanisation des terres russes. Dès 1549, un rapport de voyage publié à Virnne
signale l'existence de mercenaires allemands au service des inttrêb rua.es*. A la
périphérie de Moscou - dans ce que l'on appelera la "Deutsche VOl"lltadt' -, UJW
communauté allemande se développe dans la deuxième partie du XVW sièdr. La
dynastie des Romanov fondée en 1613 mène une politique favorable à UN!
modernisation de la Russie s'appuyant sur les élile5 allemande&. Pi.rrn Le Grand
- 1689-1725 - , tsar qui fonda Saint-Pétersbourg. et qui étudia à koenisberg. favoriaa
les liens entre les grandes familles russes et allemandes.
Durant le XVIIIe siècle, et environ jusqu'aux années 1820, les tenes dr RUMie
connurent un phénomène marqué de colonisation allemande. Comme dans le cas de
l'Autriche, cette colonisation se fit à la faveur de la guerre con!re les Otlomana. Le
peuple allemand fournissait ainsi aux Russes œ qu'il avait fourni aux Austrc>
Hongrois : des bras courageux pour peupler les marches avancées de l'Empire et pom
lutter contre )'ennemis.
Le peuplement allemand en Russie se fit pour l'essentiel dans les~ suivants:
- autour de la Volga6;
- autour de la Neva - Saint Pétersbourg et ses environs;
- autour de la mer Noire - Ukraine, Russie, Crimée;
- en Transcaucasie ;
- en Volhynie;
- en Asie centrale.
La communauté allemande de Russie constitua ainsi wt relais puissant de
l'influence économique et politique de l'Allemagne à l'Est7.
do Dnic-pr cl donc d'ae\:êder • la met" Noi~. 11 fut jUi\."1 du O""aili Je Jtiay en 1792 'fui lui doam us~ ~lllllt ~ .. ai. Cl
le Dnicsu Du fa11 du nmachcmcnt 4 ln Russie Je vastes 1crril01ttS bord.an! la mer Notre. de~ vi.llet U.. cr-....--.
ChCTSQn ( 1779), Sébas1opul l 1783). OJc-ssu ( 17~) néc:c:ssi.1.a1u un peuplnnen1 pow- Lancu la ""ic ~~.""-..p. J6.
640000 AUcmands au11.>ur Ji: IH~O. plus J.:: lbO 000 au1our Je 1850. H HECk.ER.,~~-,_.Uciller..._ • •
SuwjC'tunion und ihrcn Nui::hfulgc~tau1cn. Colo.tinc, Vcrlag WlSK:ll.kbaîl UDIS Polnâ., vot 2 , 1994. p. ""-'
7 '"Le n:lala du acmwmi:iomc Jan." 1uu1 l'Empire'", conuoc l'â.711 Pian: HilJud. P HD.LA.RD. ............ Cf,....,_..._
f'Eumpr f~rul~ tk:J n'gîwu, l'aris, X Je Gu.1bc~. 2000. p. J6.
910 Pnrlh' 7 L'ttnl l'Olfrnrrnrd
1 Chitfrs iHus dt J.P BLED. Rf!Vltr d'Allt'mogne ~1 d~f puy.1 de limg1Je 111/t!ntuncle, Jon..,1cr·Mar.\ l 9Wl, 1. 2K, n°1, p. 12
2 ~Ide IR97. P. HILl..J\RD, Mùmnlt!s et n!Ktonoli.fmt·.~ dum; l'Eurn1u fédà·al"' J1•,,· n~~wu... , rans, X Je Gu1bat,
2000, p. 6S .
J "Il"• de tnrn po~ par l % d'AJIC'fnaftds en Bcssorabic, 19,4 % por 6,H % ô. Chc:n.on, JH,.l % pnr 8,8 ~- d'AllcnRDdi
•u Tau:nas et 1S ,. par !ii,4 "•à lekatttinoslav". P HJLLARD. Mtnorité.t et rew1onul1:m11..•.f rlans l'F.uruf"' fùltlruf,. dt."' regiuru, Paru.
X de Guibert. 2000, p. 64 .
4 Face à AmuruUt. Nous a\1ona dtj• évoqué dam cel ouv111gc l'h~ritagc du limes romnm D propos d~ Io fnu:1urco CnlR' I•
Mronne el Rome. On ail que le rw.îooa.li1mc rn.nçi:aili de la fin du XIXe s~èclc. celui de ~tnumas ou de Jluinv1lle. ren~nd1quait
l'bhiup du ct.uici.mc ptco-ronuiin qu'il opposai! à I• borbanc oUemandc:
O..plttt4. L 0 e1a1 et la réglonall"8tlon 911
1 "Daru un monde allemand sans un11é pohhqui:. sans ti5IK tcrnroriak: se ~ ....-iNcrrrrc w ~
hngu1st1quc de la na11o n qai peu à peu se tnmsformcn m ~ C1hwquc se fDDiiaal 5111" Ndft: de ~Je ~·.
f . G . DREYFUS, L'u1111~ allt·mundt!, '3ans. Pl!F. l9QS , 1.."0ll. "Que-sais-je~. p 11.
2 "Su wcit Yic dcuts.chc Spmchc LU hOrrn 1s1", citt pu P . Hll.L.\R.D, .\f'UWJnnÏ3 N ~ ~ r~ ~ •
régron..r. Plll'is, X de Guibcn, 2000. p . 43 .
J De h\ dkuulc le non recunna1s.uncc, en Fl"B!l«, du C'Qnl.."'e'pt lk mmonlê clhno-.l~.
4 FICHTE, DUC"o11n il lu ftUtwn ullewtanJr (lS07 - /IJOIJJ ; \"Oll U.. BOURGEOlS.. Fldm. ~ Btifm::s. ~ ccan.. .,..._.
Philœophcs ...
S fricdnch LIST. S).·:;tlml· lkJtionul U-1tewt<.1. . 1.·politiqw
6 '"Les Êl&lS européens dans lcw lutahtC seront ublîgés de fàift. '-'8USC Ql.)llllDolDC pour ~ • hllli:- da~~
cwopden contre le syst~me ant.:ncam R, Gustav Schmoller c11C pac J NURDIN. L~ ~ . _ •,,.... . . - . . . , .d
l'ipoqu.: bbman:klr1uw, Bnnc, Cd . Peter l.a.ng. 198U. p. .UH..
7 O.R. T A.NNENBERG. (iru..1_,;,/t!t1Ltchland (Gn.rdt . 41~nd.
91:?
donner une volonté une, une pensée une, en politique ou en religion, celle force
admirable - peut-être ln plus gTande qui ait jamais existé - n'eQt pas été gaspillée par
un individualisme insensl>. Le mouvement aurait uni à la force de l'Islam la t~nacité
S"nllllnique' li n'y aurait plus ni Ronlans ni Slaves, si toutes les tribus allemandea
existaient aujourd'hui et avaient la force des Bas-Saxons. Les frontières de l'Europe
seraient les frontières de l'Allemagne en Europe."
Pour comprendre davantage le pangermanisme, nous renvoyons aux sections
consacrées aux géopoliticiens allemands, Ratzel et Haushofer - première partie de
l'ouvrage, chapitre sur la gropolitique allemande - ainsi qu'à la petite section
introductive que nous lui avons consacré dans le chapitre traitant des panismes.
Le pangermanisme fut un but constant de la politique étrangère allemande, depu15
la construction du premier Reiclr allemand au XIXe siècle. André Chéradame - voir le
chapitre traitant de la géopolitique française dans la première partie de l'ouvrage -
montra que quel soit le régime allemand - démocratique, impérial ou totalitaire - ce
but ne varia pas et que seules les stratégies déployées pour y parvenir furent
d~rentes. Lorsque l'Allemagne disposa d'une force largement supérieure, la guerre
fut la continuation de sa politique : elle envahit les terres germanisées, les annexa et les
réunifia à l'intérieur d'un grand Reidr. Hitler fut l'illustrateur le plus violent de l'option
guerrière du pangermanisme. Lorsqu'au contraire, les forces de l'Allemagne furent
insuffisantes, voire inférieures, à celles de ses principaux rivaux, une autre stratégie
que ceUe de l'agression directe fut employée : la politique des minorités. Le Chancelier
Stresemann porta à merveille cet habit diplomatique du pangermanisme, usant de la
politique des minorités comme d'un pangermanisme des temps de paix.
Nous ne nous intéressons pas ici à la prentlère stratégie, celle des conquêtes directes
visant à l'unification des populations germaniques et qui furent l'objectif premier des
trois guerres menées par le Reic/r allemand en 1870, 1914 et 1938, mais à la politique des
minorités.
1 Nou' n"n\loyons ici ir. Io !'.cction ponant !Ur l'ulllisutîon de l'urme 1slnn11tll•C f'Ulr l'Allcmui:tnc. Jun ... le ch•tutn: conYi.."Ttlb
religion .
2 J. NURDJN, l.'irlü J'F.urope Jum lu p1m.u'1.· 11/lr:mrmd1• ù l't.ipuqm• f,1 _0 ,,m·d:lrm11 •. Hem.:. ~d l'clcr 1.unll, 11.J~O . r· IJli · H~
ci~ par P HILLARD, Minorltt!J (! / r~ionull.1me.~ Jun'I l'Et1ro1u• fér/1lntlt• d1•_,. r1igitm ~ . l 1 ttris, X Je (iuibcn, 2000, p. :'il
3 L'idee de BISMARCK ~tait en effet de donner Io prmrit~ à un l~ lut ullcmuntl puissnnt sur une nnt1on nllcnuuulc Cl•m(ll~C'TfftJ
reumfih En cela. B11marck n'a.pporo11 pas co mme un vérituhlc pongcmmniHlc ; il c~I en lnul en" élrung~r ft lu lnadilion rorn&tltJI?
allemand<
O..plln! 4. L'état et la ttglonallution
1 Le 28 juin l 9 l 9 un traité des minonlC:s csa ~ i VcnaiDcs pu- a Polopt.. La Jai6 d'~ c.: ;a.:•_. ....
dans la l'MKoon de~ b'aitê co mme l"a monttt la thèse de N.t.a Fc:inba'g- Laquc::moadc:s .....-:S.à .. c~•1a.-.
de 1919·1920 et l'act1on JUlVc en fav eur de- la protection ""'*'
·w1c Ja miniaria:L Tbi:a de ck'oiL. hri&.. a.--.. 19!t. La
Confércncc sioniste de r~vriCT 1919 à. Londn::s.. puis le Cœarté des ~jaiva qui X . . à,,_,__ ..... smwd..-
dibouchC sur un mémorandum enrcgist:tt m n.a1 au ~ de la Cœali!renec de i. PaD... Cc . . _ _ . . _ ~ mdlk *
pour le traiti du 21\juin 1919 signè par la Polap.c. lcqud .tenVll •-..,..de
modèle poarlcstniËS_. .. pnm:::nmdcs-.....&
sign&, par la Tchkoslovaquic, la Grêcc,. la Rownmuc c1 ta Y~'ic:.
2 Poids des m1nori1~ allcrnandcs dans r~ suern:s - ~ de 1m i 1930- : dlDfn:s 1ilD *
P. HILLARD. Mïnori1Q r1 rt!gi o nali.ono ~ l"E~ ./iiJtirak dtt:s rTgaom. Paris. X de Gmbcft. l!OCIJ.
•Pays baltes . 30000 AUcmands en l.idl\IUUC -soit 1•..-, •la papù&bon - : 70('0) ~ ca Lc9mle - d
J.9't.-. 18 000 Allemands en Estonie - soit l .ï ' -
.. Pologne : l million J'Allcrnands wklD b Polanai:l - Dt 3.8% - . 1.3 milhoa.,a.1ia ~
œux-ci puissent de nouveau jouer le rôle de levier de la politique allemande vers l'Est
et abattre les nouvelles frontières étatiques que l'Allemagne ne peut admellTc.
Candidate à la S.D.N. qu'elle intègre en 1926, l'Allemagne de Stresemann se voue à la
défense du droit des minori~s, qu'elles soient allemandes ou nonl, dans l'espoir que
cette politique débouche un jour sur ln révision du Traité de Versailles. Selon Pierre
Hillard, si Hitler n'était pas venu remplacer la politique juridique de Stresemann par
une politique nùlitaire, alors l'Allemngne aurait perdu beaucoup moins de temps pour
réasseoir sa puissance sur l'ensemble de l'Europe.
L'échec des projets hitlériens - atteindre par la voie militaire les buts du
pangermanisme - débouche en 1946 sur l'une des plus grandes épurations ethniques
de l'histoire: les minorl~s allemandes d'Europe de l'Est sont largement massacrées par
la progression de l'Armée Rouge2 avant de connaitre les expulsions aussi massives que
brutales décidées par les gouvernements qui s'installent dans les pays de l'Est. Face à
ces drames humains, les Alliés décident "d'organiser" le transfert des populations, avec
le souci de minimiser les souffrances allemandes. En cinq ans, entre 1945 et 1950, près
de 12 millions d'Allemands sur les 16,5 millions vivant dans les territoires orientaux du
Grand Reid1 allemandl ainsi qu'en Europe centrale et orientale4 sont expulsés de leur
Heimat - le pays de leurs racines - tandis que 2,1 ntlllions d'Allemands perdent la vie
dans l'une des décolonisations les plus rapides et les plus sanglantes de l'histoire
mondiale. Comme l'écrit Pierre Hillard : "La disparition de la présence germanique
dans tout l'Est européen met fin à prés de mille ans d'histoire dans cette région et à l'un
des plus vastes mouvements de colonisation du monde" . Quant aux 2 millions
d'Allemands de Russie, ils connaissent le triste sort des minorités mal-aimées de
Staline avec son lot de massacres et de déportations de la partie européenne de la
Russie en direction de la Sibérie et de l'Asie centrales.
1 Le rôle dei minorilb •u tetV'icc de l'Allemagne est cxpnmé dans un rappon secret rédigé par Stresemann en 1925 cl mbtuJé
La. o6catitt en polniquc c:nbt~ d'un ttglcmcnt du droit des minorités à l'iméricUT du Reich correspondant aux besoins des
aunarues allmmndcs en Europe · •po(iliquemcn1 comme in1cn;:C$5Cur de la politique d'un Etat étranger, elles seront appclCcs i.
mfluencer la pohtaque de cet Eœt dans un C5pril favorable au Reich allemand ; culturellement, clics servironl comme tnlenntdilir"c
nt pom )'es;ll:DS'lœ et la compr6Jcnsiou. de la culture allemande et de la pensée allemande auprès du peuple de leur Ê~t ,
6c:anm:niquaomt. clics oe seront pas seulement des débouchês pour les produits de l'indu.stne allemande cl des llCUJ.
d'mpprovuioDDanmt m n:w:ièrcs pn:mièm nécc&.saircs à l'Allemagne, mais en mëme temps des points d'appui de valeur, ravon.blcs
l la ftpund:ioo de l'kanamie allemande i. l'C'trmger.''; Stresemann conch.1.c ainsi son mémoire : "La création d'un État dont la
&ontitœ politique compœndrau toutes les composantes du peuple ollemnnd v1vont :.i l'inténcur de tcrTiloires de peuplcmcnl
lllkmand en Ewvpc ccotnalc et qlU $0Uha.Ïlrr'll l'annexion au Reich, est le but lointain des e spérances ollemo.ndcs : la révision
pro&RSSive, politique et ttonorruquc, des clauses frontaliêres indércnd.ablcs du Dikt.nl - corndor polonais, Haute-Silésie--- est 1~
but premier de la polibqut: extérieure aJJcmande. Le ~lange des nationalités en Europe centrale o pour résultat qu'aucun de ces
objectifs proches ou lointmim ne peul se rb.liscr sans qu'à côté de nos prop~ compatriotes, se joignent des indiv1dus de narionalilb
ar.npra sous sou~ allemande. Il est tvi~t que lc:s obstacles à une révision du Diktat se n!v~Jcraicnt, de ce f•il. comme
llllœUB, WK: fo1i que l'opm•on publique mondiale et les individus oppancnanl à une minorilC étrnngCrc, inclus lor.; de l'onncAion. st
-=tinJ.c:nJ convainc:ua que taule minorité na11onalc à l'inlbieur des frontie~s du Reu;::h, !le vott gunanl1e et occordée, de rau la phu
10tlJc libcné cultu:râle" Cili pm- P. HlLLARD, Mtnorilb et r'giwiallsmes Juns l'Europe/édùule Jes réglons, Paris, X de Guibert,
2000,p . 99
2 U bl;rbmW de I'~ Rouge sur ln populatiQTl.li civiles allemandes de l'Est c!lt symbolisée par le martyre du village ck
Neauncndœf où fCl'PtDet et c:nr.nbl furent cloub 1ur les pones dca maisons avant d'être tous atrocement massacrC9.
3 S1L&ic, Pnmc orientale:. Pomi!nmie orien1ah::. Brandebourg oriental.
4 Pays balles, Tch6cotlovaquie, Pologne, Dantzig, Memel, Roumanie, Hongrie. Yougoslavie.
S Dam Je5 annb 1920, 32 "• dn Allemands de Russie sonl en Ukraîm:. SS% dons la Rc!publiquc de Volga . Dan' les aMttl
1970, 1e11l1 l % del AIJCITWlda. de Ru.111e se 1rouven1 encore en Ukraine et 19 % dans le9 ou1res régions européennes de 11 Rus,ic
En~. 24 'Y.da Allcmandaaont en SiWric. 47 % au Kamk.hstan. Au total, on est passé d'une s1tuo1ion R0/20 IXJUf le npporl
Europc/Asie dam la années J920 i une auua1ion 20/RO. H . HECKER, Die Deut5chen lm n1ssisc,,~11 Reich, in der Sowjctumon und
ibraJ NllCbrolpstaaLen, Cologne, Verl•R W1.-no;r.hnn 11nrl P .... 10.;l. · ·~• ., •nnA - ,..,
Lll.lpltre 4. L'état et la réglonallNUon 915
1 P lllLLARD, A/munit:,, , ., n·J.:mnu/i.~mt'.,. ,Je.ut.'' l'Eurvpt:}t!VértJlr '-'rs ~IWLt. Paris. X Jc-Gu.ibat. :?000.
2 Union Eurof'l.lschcr v~-11.:s~rur~n - - f" .U E. V . - 'lUI s tètr.C ii Flensburg dans le Schlc:s'Wi1 Holskta.
J Frison - Pnys-Bns · . Allemand du Schle.swîg Ju Nord - · Daumut - . Tyrolien du Sud - halie - , Dllllloit •
Schl~swig du Sud - Allcmo.gni..~ ·- . Slovtae - Autnchc- ··· ·• Brrton · - l-Î'UK'C - . RJlèu>.Rommds -- Suisse . P. Hll...l.AllD
Aluwritê.f l!I réglonollsmt'S ' '"" \" l'FuruTW>.........., dr.:i neion:c. l'aris.. X de Guibert. 2000. p. 144
916
reparntions pour les minorités allemandes - mais pas seulement - ch.uekt de lalr
Hei11111/ lors des épurutions ethnlques 1•
• Les résultats obtenus par l'Allemagne concernant les minorilés allemande:
- L'Allemagne a murqué son intérêt pour la cause des r~fugièl allemands et la
pn>tection des minorités allemandes par le biaii< de tTois résolutions2 du 81mdntag et
par le soutien du B.M.1. - Ministère de l'lntérieur - au 8.d. V. - Bureau de11 Réfugiés
Allemands.
- Dès 1991, la Hongrie, la Croatie et les trois pays Baltes ont volé des lois visant à
Indemniser les Allemands victimes de spoliation et à leur restituer leurs tilres de
propriété. La résolution du But1destag de 1998 invitait explicitement la Pologne et la
Tchéquie à prendre la même orientation, compte-tenu de leur candidature à
l'élargissement dans l'Union européenne. - S'agissant de la République Tchèque, dèl
1961, la revue E11ropa Etht1ica de l'U.F.C.E. avait pris des positions claires en faveur des
Allemands des Sudètes.
Le 15 avril 1999, sur proposition des députés de la CSU bavaroise, le Parlement
européen vote une résolution concernant "les progrès de la République tchèque sur la
voie de l'intégration", accompagnant le rapport d'évaluation annuel sur la possibilité
d'admission de la République tchèque à l'Union européenne. Le Parlement y "invite le
gouvernement tchèque ( ... ) à abroger les lois et décrets de 1945 et 1946 qui sont
toujours en vigueur, dans la mesure où ils concernent le déplacement forcé de groupes
ethniques de l'ancienne Tchécoslovaquie".
En septembre 2001 le Parlement européen réaffirme le lien entre le problème des
décrets Benes et l'adhésion à l'Union européenne3. En octobre 2001, c'est le Parlement
autrichien qui appuie cette dynantique.
En 2002, des tensions tchéco-allemandes et tchéco-autrichienru!S naissent à propos
des Sudètes. Le Premier ministre tchèque Milos Zeman (social-démocrate) reprend le
thème des Allemands des Sudètes "cinquième colonne' de lAllemagne œ qui
provoque !'annulation de la visite à Prague du chancelier Schroder. La même année la
réunion des Premiers ministres du Groupe de Visegrad est annulée et la coopération
régionale en souffre. La France prend alors position en faveur de 1'Allemagne et contre
les décrets Benes4.
En mai 2002, Edmond Stoiber, président de la Bavière pose comme condition à
l'adhésion européenne, l'abrogation des décrets Benes, considérés comme
discriminants pour la minorité allemand et parle de 200 000 victimes lors de l'exode de
1945 (alors que la commission officielle gennano-tchèque n'en compte que 25 000).
Mais la Commission européenne finit par conclure (octobre 2002) que le droit européen
ne peut avoir d'effet rétroactif sur les décrets Benes.
1 L'avocal omtric11in Cyrus Vance s'est spb;lahsé dans la q\ICSboll de rCpanUoa eduuque dl: 1945 0 a pubtit phaiiiam
ouvrogcs sur le ùomainc . Netm1·s;s "' Po.uJum, T7fl· .-trrgif._... ~aru d""1 dtie E:rptd.nom af Gnraolu. ÙDaZIC: CdîrMms ca uac-l
m\R' 1978 cl 1997 ; Annt(!rlunRc'n =ur J-°C"rtr-Tihung trad : A tenibl~'T'\~. T1wE1ltn1e ClramUtgafrlwESZlt~~
19-14- 1950
2 23 mo.i 1994. 2~ févricf 1997 • .!9 mai 1998. /«lft, p . .!17
J Rbolutnm du rarlcmcnt européen conccmnnl lëtat J ' :1\'3.nccmeTll Je la RtopubliqUC' ~dam~~ 1f~
4 le 19 D\TÏI 2002 , une Decl1.1m11un du ponc-porolc du mmls1èn= des AOGucs èl:rl.ngCTcs du 19/04l!OO.? '"'I la Jêa'cD Bma
font panic d'un ensemble d~ dCc1 s1uns pnses dans h: 1.."Unlutc Jc la fin dr la Dcwuèmc: GUftl'C' IDDllLlialc.. U •'acit 6 - péri.* œ
l'hi11oirc que Io conslruCU<'n curof'C..ennc s'1..-s1 fix« pout obj«tif Je J~ 2. Ces ~-n:u... ain.s1 que les Jnpaàbom prilics pom
leur applicnt1on, 5dTI1 iaméricul'% uu lru11C 1.k Rl\nl.: !.!I , a funiuri . i la prochain~ ....~ Je. .. RtpublMp.lc T~ ~ ru...
curo~nnc D~s Ion, ils s1.:m1 sons mpron l!l ne ('C'UVcnt mtierlCrrr a\·« la pourswi-: Ci r~ des ~illlc:ms ~
de cc pays. J . Lo ll&larouon ~..:m1uno-h:h ..'1u..: s i~ni!I.' en ICN7 ..:ons111uc dans cc ..:cin1ui.: \Ille~ et~qw. s'a⁡bc'
tl~f'llUC'r les t::antenliCUk h1shiri4u ..-s pOUC SC IUunlCr \'Cf'S l°.4\ ..:nLr. .4 C°C'!U Jans le tuftnt iispril ~·ni CODip& le ~
d'~ha.ryisacmcnt, demi l'ob1cc1if est rréc1sCmcn1 de conso..:n:r. Jans la pal.' et La smbali.C-, t. fturu.f~ W C'OOliacm mmp6an.. ll n
~soi que les (l4r.t canJic..hals., ..:n adhétDJ.U. l'Union cu.rupCC:nnC'. se- cun.fonnC"nl à 1'91."\IUlS i.~- '"
9111 Parllt' 7, L'lldl CIJncunrnci
1 On ROU.'i dit qu'il fnudrnil défiia-~r lies ~tnminis~ d'une gl!orol1tique da.uiquc IDCIÛ ....... ~ . . t-. ~ a
semble parfu is que cela smt pou'" m1cu:111. lais~ placr à d"au~ di!terrrunistn('S ~liriqucs .
2 "'À l'époque où 111 Yougos lm..-îc existait nicol"C', I• Slo'\·l!n1t c1" lat."'~ éuicn1 mnabft9 ait •"CUI:~ Jr trM'lli.l.. d
(. J cllC'S l'onlu1ilis~ J'l)ut 5e <lotct d'une ccnainc lég11inut~ sw k plan lotn-natic;toal u1Ud d'an.rua :i la~ de la
YolJ905lavic . Cet lpi!U.'ldc pennc1 de micu.'\ cl"mprt!ndre la nüsan pour t.quelk- Ires gou"lo"Cl'1llllZICDD ~ aie.-
pm& ~
cnthou!liutn dC\'lll\1 1a f1on1ciratrnn dt: leurs rtg1ons i:t de- lrurs. pi'\."l\·1nr.,~ à des ~ ~·. N S(11M1Tt, 9l.c
(~ruliame suisse aujounJ'hui · entre ~nnitiun et gl,lbatiuti<Jel• . in Actes du n1lloqur f~ et V-~ ~
de Neuchltcl , oct . 1999. p . JI.
Pori/~ 7. L'Etat""'"'""'"
Conclusion
A partir du Moyen-Âge, l'Europe centrale et orientale ainsi que la périphérie russe
et le monde baltique ont été bouleversé par la dynanùque de colonisation du peuple
allemand. La révolution des nationalités et l'ébranlement des Empires en Europe ont
débouché sur la formation d'États-nations, lesquels sont entrés en contradiction avec la
réalité de peuplement ethnique des Allemands. Ce choc a été à l'origine d'un des plus
vastes mouvements de décolonisation jamais rencontrés dans l'histoire. Contrairement
à l'idée reçue, le peuple allemand fut un peuple colonial, mais, à la différence des
peuples Anglais ou Français, son espace de colonisation ne fut pas l'outre-mer - sauf
au moment de la Weltpolitik; il fut l'espace eurasien, jusqu'en Asie centrale.
Le pangermanisme est né de cette décolonisation jamais acceptée par l'Allemagne.
A plusieurs reprises, Berlin chercha à recouvrir, dans les frontières d'un Reich
reconstruit, les territoires peuplés par des Allemands. Le long de cette ligne continue
de la politique allemande, depuis le milieu du XIXe siècle, environ, Hitler appanll
1 PomC:nnia -gcnnano-tu6So-polonais-, 1995, 30 848 km 2, 2,9 m1lhons d'ha.b ; Pro Europa Vtt.dnna - ~
polonad - , 1991, 10 675 k:zn2, 760 000 hab. ; Sprft: Nciuc-Bobcr - gcnnano-polona~s - . 1993, 7941 krnl , 800000 hab . . Miss
-~\ono-u:hi:quc-. 1991, 11291 km2. 1,6 million d'hab . ; Clbe- Labc - i1cnnano-1ch~uc-, 1992, Ss.411lJI.!.
19' rmlboa d'bab.; Engdticgr - gcrmano-tchèqu.e - , 1992 , 5339 1c.m2, 0,895 million d'h ; Eg.TC"nsi1 - gennano-.lehèquc-. 199~.
20 000 km" , 2 million d'hab. Source A.R.F.E. Cit4 p11r P. HILLARO, Minorités el rég1onufo·me.s Jan.s l'Eurv~flt:N,rJlr Ja,.,.P...
Paria, X de Guibert. 2000. p. 249.
? V. BOLLMANN, La batalll~ du lungues ~n Europe, Pans. Bn.rtillat , 2001
} Chna&Dph Pan ck: l'U .f .C.E. et de la revue Ewopa Ethnico a publu!: un ouvrage - Die Volk..sgruppcn ln Europa. [a
Haadbuich (Livn: de poche da cthnin CW"OpêennC6) - daru; lequel il SOUllCnl que l'AllcmoHRC est pcuplœ de 90,8 ~~ d'AlkmlialL
de KU.lcmen1 O.l % ~ ounoritâ nalionalc:a, Landi5 que les 9 "/• rcstanls sont dcli l!tnt.nKcr.;
4 Dam LI clef, Atlal cthni>-linaiui11ique, paru en 1998 • Niçc Cl difTust dans les milieux ~gionali4lCI Cl r~ ~
lablcau de la compmiuon ethnique de la France donne IC6 chiffres suivants . S9 % de Fnmç1111s et scpl clhnics Occiwu i10...' ·· ~
Al.Mc1em-Motellam (2.5 •t.), Buqun (200 000), Bretons (l,S %), Concs (300 000), Flamand. (ISO 000), Calalam \)OOCD.l1
viammJ d'aaues eduuce: 8crbè1'a (2,1 .,...,, Anbet (2.S IYe), Ponugais ( l.S 'Y.). Juifs (S40 000), Arro-An11Uus jQJOOl.
~ 1300 000), T1ipna (270 000), An•tolima ( 160 000), Eat-A!li•liquc. ( 120 000), Afrkains noiR ( 120 000), Aurra J.t '
S Cbnaoph Pan U,6 -,,. de fqnçais , le reste et.nt çonal11w! de 7 minorittli !
Qwip<lre 4. L'~l et la ttglonal;.abOn
D 2 - Tchéquie
3 - Slovénie
5 - Croatie
6 - Pologne
Zone de rivalité :
m8 13 - Pays Baltes (Lituanie, Lettonie) 1 5 - Slovaquie
llU 14 - Ukraine 16 - Bosnie
Jamais, depuis le xvrc siècle, la puissance des forces transnationales n'a été aussi
f,irte face à celle des États.
Dans certains États, notamment occidentaux, l'argument démocratique est
instrumentalisé par les communautarismes comme par les forces transnationales -
lidtes ou illicites - de manière à limiter l'action politique de l'État. L'abaissement
rartiel et partial des notions de bien commun - le devoir du politique est de défendre
ce bien commun face aux intérêts particuliers et communautaires - et de vérité-Une -
foi dans la vérité scientifique, comme dans la vérité spirituelle - expliquent sans
doute largement l'arrogance des logiques transnationales, criminelles et sectaires, face
aux États.
Dans d'autres États, la faiblesse de la légitimité politique ou de l'adhésion populaire
au gouvernement de l'État, sont autant d'arguments qui contribuent à fortifier les
logiques transnationales, lesquelles se parent alors de vertus démocratiques.
Rien de tout cela pourtant n'assure le triomphe définitif du transnational.
Légitimité politique et bien commun sont des notions nées de la plus profonde
antiquité des hommes. Elles peuv ent connaître certes des éclipses; leur retour est
néanmoins probable.
L'avenir appartient aux peuples qui croient dans l'État-nation et dans leur
civilisation.
CONCLUSION GÉNÉRALE
La science n'abolit donc pas la géographie ; pas plus n'abolit-elle l'État, en tant que
mode principal d'organisation politique d.:-s sociétés humaines ; ce que la science offre
aux groupes en guerre contre les btats en place, ce sont de nouveaux outils de combat.
Dans ces conditions, consid<.'rer <lU<:' le inonde du transnational est en train de
l'emporter sur celui des États n 'est pas exact.
li convient d'abord de distinguer le 'transnational' menant une lutte à but
véritablement transnational - certains grands groupes capitalistiqucs ou des
organisations criminelles transnationales - du 'transnational' qui cherche à se doter
d'un État.
Les logiques transnationales ont toujours existé aux côtés des États, et elles ont
toujours perdu la guerre contre ceux-ci. Certes, certaines firmes transnationales sont
aujourd'hui plus puissantes que nombre d 'États : mais, premièrement, elles sont elles-
mèmes l'émanation de la puissance de grands États ; deuxièmement, elles sont
éphémères, amenées à mourir tôt ou tard de la concurrence économique, à s 'effacer
tandis que les États qu'elles "dominent" aujourd'hui leur survivront. Quant au crime
organisé, il n 'est en rien nouveau ; ce qui l'est en revanche, c'est la faible résistance que
lui opposent les États modernes.
Que faut-il penser alors du reste du transnational, c 'est-à-dire non pas de
l'écononùque, mais du politique qui conteste les États ? Sans doute qu'il refuse de subir
l'autorité des États en place, qu'il rêve de disposer de ses propres États, qu'il s'agisse de
l'État califal des islamistes ou de l'État des séparatistes régionalistes. Ces contestations
sont-elles d'ailleurs nouvelles? Non, ce qui est nouveau, est que les régionalistes de la
Médib!rranée puissent s'entretenir via Internet avec ceux de l'Atlantique, ceux de Corse
avec ceux du pays Basque ou de Bretagne, que des réseaux de communication puissent
se tisser à l'intérieur du monde de la contestation des États, et de manière concurrente
aux réseaux interétatiques classiques. En somme, ce qui est nouveau, ce n'est pas le
transnational, mais les possibilités qui sont offertes à ce dernier et les moyens dont il
dispose pour déstabiliser le monopole de puissance de l'État.
D'aucuns ont fait remarquer, à juste titre, que les guerres se faisaient de moins en
moins entre les États eux-mêmes - conflits interétatiques classiques - et de plus en
plus à l'intérieur des États ; ils ont déduit de leurs observations la preuve que l'État
était en voie de disparition. Nous faisons deux critiques à ceci ; d'abord sur
l'observation elle-même: sur quelle période de l'histoire cette comparaison entre Ja
situation du monde actuel et le passé est-elle faite? Si l'on compare l'an 2000 avec les
situations de 1815, 1870, 1914, 1939, l'observation est juste. En revanche, la période de
la fin de l'Empire romain, caractérisée par la décadence intérieure de l'État impérial
romain sur ses territoires, est elle aussi "balkanisée", comme notre monde
contemporain. Deuxième critique, sur la conclusion cette fois-ci : aurait-on oublié que
les contestations intérieures aux États visent à créer d 'autres États?
Non seulement l'État ne disparait pas, mais qui plus est, il prolifère. Depuis
des siècles, et malgré des phases d'oscillations caractérisées par la formation de vastes
empires, le nombre des États n'a jamais cessé d'augmenter dans le monde. C'est vrai en
Europe, de la première et ancienne génération d'États représentée par la France,
l'Angleterre, l'Espagne ou bien encore la Russie, jusqu'à la constitution tardive des
États italien et allemand. C'est vrai sur le continent américain, de la constitution des
États-Unis à la fin du XVIfie siècle jusqu'à celle des États d 'Amérique latine résultant de
la fin de l'Empire espagnol. Au xxe siècle, le processus s'accélère encore. En 1900, on
comptait à peine une quarantaine d'États dont un peu plus du tiers étaient issus de la
décolonisation de l'Amérique latine. On en compte aujourd'hui plus de 180. Cette
prolifération des États s'est opérée par vague et, dans la plupart des cas, résulte de la
dissolution des empires. L'éclatement des empires ottoman et austro-hongrois au
C-.lwolon générDIC!
Une fois que l'on a distingué ces deux types d'équilibre, il faut les combiner pour
r,pliquer l'éclatement des conflits.
Tout d'abord, et avant d'aller plus loin, répétons que les conflits ne secouent pa5
n'importe quels États aussi bien du point de vue de leur géopolitique interne que du
point de vue de leur situation géographique sur la carte du monde. De plus, ils ne
frappent pas n'importe quand .
La première observation signifie que les États touché!! sont des systèmes aux
équilibres internes par nature précaires. Cette fragilité peut s 'analy!lel' méthodiquement
selon notre géopolitique factorielle, laquelle isole, les unes après les autres, les fractures
de la géographie physique et identitaire. Nombre de situations instables à l'intérieur
d'États sont le résultat de l'affrontement entre ethnies pour la prise de contrôle de
l'État, cet affrontement étant fondé sur l'ensemble des paramètres identitaires -
langue, religion, panisme. L'affrontement identitaire est d'autant plus accentué qu'il
s'inscrit dans des différences géographiques : par exemple, l'État est amstruit sur un
archipel, et une minorité séparatiste a concentré son peuplement sur l'une des iles. Ou
bien encore, un État contrôle ses plaines, mais difficilement ses montagnes ou ses
forêts, domaine-refuge des contestations. Cette fragilité peut encore ètre augmentée
par la présence de ressources économiques de type rentière, - pétrole, or, diamant -
ou criminelle - drogue- , qui suscitent la convoitise des acteurs en présence. On voit
bien que les peuples riverains de la Caspienne sont intéressés par le potentiel pétrolier,
ou bien qu'en Angola, les deux parties qui s'affrontent s'appuient l'une sur le pétrole,
l'autre sur le diamant. Les clivages socio-économiques peuvent aussi ajouter à la
fracture entre les peuples; dans Je cas de la séparation de la Tchécoslovaquie, il y avait
d'un côté une nation tchèque industrialisée, de l'autre un peuple slovaque resté rural .
Une fragilité intrinsèque caractérise donc les systèmes frappés par les conflits.
La deuxième observation nous dit que les systèmes touchés par les conflits
présentent également un intérêt extrinsèque, d'ordre stratégique ou économique, qu'ils
intéressent leurs voisins ou des puissances plus extérieures encore.
Les Balkans sont ainsi une zone stratégique pour les État!F-Unis, dans le cadre de
leur stratégie de blocage des poussées russes vers les mers chaudes. Souvenons-nous
que même dans le système de la bipolarité, la Yougoslavie de Tito fut relativement
neutralisée. Le Caucase et l'Asie Centrale sont aussi des zones de containment de la
puissance russe. Lorsque s'ajoute à cet impératif stratégique, l'impératif économique de
contrôle du pétrole, comme au Moyen-Orient ou dans la région Caspienne, alors
s'exercent sur les systèmes précaires des forces extérieures qui peuvent les déstabiliser
de manière décisive.
Quand alors éclatent les conflits ? Lorsque les systèmes précaires - qui reposaient
donc sur des équilibres instables - sont déséquilibrés par la modification des grands
équilibres de puissance. Ainsi les crises "balkaniques" sont-elles observables après que
de grands bouleversements mondiaux soient intervenus : près de nous, 1918, 1940,
1945, 1990. Ce sont ces bouleversements qui ont construit des États précaires comme la
Tchécoslovaquie ou la Yougoslavie et qui les ont défaits, lorsque le rapport des
grandes puissances s'es t modifié. À partir de 1990, œ sont le reflux russe et
l'hyperpuissance américaine d ' une part, le retour à la puissance allemande d'autre part,
qui ont contribué à renverser les petits équilibres.
L'analyse factorielle combinatoire, dans le cadre d 'une pensée systémique, voilà
bien la direction que nous souhaitons donner à la matière géopolitique.
Notre ouvrage aura voulu contribuer à préciser les facteurs constants de la
géopolitique et les facteurs de c hangement. En considérant successivement de
multiples systèmes politiques, e n les observant sur le temps long de l'histoire, nous
avons cherché à souligner le rôle de chaque facteur de la géopolitique, laissant de côté
'--"" .......... ao ,, ~.., . ,_._ ••
volontairement les autres. Ce lrutg travail d 'isolement des facteurs à l'intérieur d'une
multiplici~ de systèmes historiques aura pu parfois ressembler à un inventaire. NoW!
~ œ que nous avions annoncé en introduction ; l'essentiel de ce nous sou tenon.•
lient dans la méthode d 'analyse géopolitique factorielle proposée par le plan de
l'ouvrage, le contenu n 'étant ensuite que l'effort empirique de validation dei;
hypothèses par l'étude des situations historiques précises.
La méthode géopolitique qui peut ressortir de ce livre est la suivante : pour chaque
situation étudiée, il convient non seulement de mettre en avant les facteurs
cléœnninants, mais auSS1 de les agencer entre eux, d'étudier leurs interactions, de les
ordonner en importance - leur force déterminante n'est pas nécessairement d'inte11Bité
égale - et enfin de proposer, à l'intérieur du système étudié, un système des forces
intérieures et extérieures agissantes. La construction de modèles d'explication par les
facteurs de la géopolitique serait alors l'ultime but de l'analyse géopolitique.
Les facteurs qui déterminent les forces, les équilibres intérieurs et extérieurs, leur
int!!œclion mutuelle, voilà quels seraient les maîtres mots d'une analyse géopolitique
rigoureuse, laquelle permettrait enfin d'échapper aux tentations monocausales,
SUDplificatrices et instrumentalisées, qui firent toujours le malheur de la géopolitique,
et surtout celui des peuples qui en subirent les conséquences.
Nous avions pu parler en introduction de retour à une prise en compte du
dêtennînisme, tout en nous empressant de souligner que celui-ci ne constituait
aucunement l'horizon indépassable de l'histoire. Ce que nous voulions dire, c'est que la
géopolitique doit assumer sa part de déterminisme et souligner en même temps ce que
l'intelligence humaine est capable d'opposer aux forces profondes. Bergson oppoSillt
inœlligence et instinct. La géopolitique prend en compte l'instinct de l'histoire, la
pesanteur de ses constantes géographiques, mais elle prend aussi en compte la force du
jaillissement humain, srut génie créateur capable autant de renverser les données de la
puissance au profit du particulier que de renverser les particularismes au profit de
l'universel.
De quelle géopolitique avons-nous tenté ici d'esquisser les contours? Peut~tre une
fanruo de déterminisme chaotique alliant la prise en compte de lignes de forces
continues dans l'histoire et des inflexions, bifurcations, ruptures nées du cerveau de
l'homme. Certains éloignements des courbes déterminées sont provisoires : telle la
pïeae lancée, finalement vaincue par les lois de la gravitation et retombant sur la terre ;
d'autres jaillissements sont si puissants, qu'ils rompent avec la courbe de pesanteur,
telle la fusée échappant à la gravitation terrestre.
Quel regard cette analyse géopolitique a-t-elle porté sur l'histoire? Elle a considéré
l'histoire comme une profusion d'événements qui, de prime abord, se succèdent de
manière chaotique, mais qui, en réalité, obéissent à des déterminations.
Mais l'on ne dira jamais assez combien la géopolitique doit rester humble face à la
science historique : elle la pille pour alimenter ses analyses sans jamais pouvoir réussir
à en rendre compte autrement que partiellement. Car, l'histoire est profondément
humaine ; aussi est-elle remplie des surprises de l'aléatoire, de l'irrationnel et de la
oontradiction. Devant elle la géopolitique reste caricaturale, schématique, engoncée
dans ses déterminismes, muette aussi face à la question du hasard : si Lénine avait été
tué par ce tramway qui faillit l'écraser à Montparnasse, si Adolf Hitler avait été gaU
dans les plaines du nord de la France en 1916, que se serait-il passé ?
Mais la géopolitique admet aussi sa revanche, celle des permanences. L'histoire
bifurque? Les idéologies semblent contredire la réalité ? La géopolitique attend, car
elle a fait le pari du temps long et compte sur le retour des permanences, sur la réalité
des peuples qui finit par balayer toutes les constructions impériales, toutes les utopies
territoriales. E11e sait que l'histoire bégaie souvent, progrès des sciences ou non, m~me
Cundldlon Htnémle
1.1 bibliographie est organisée de manière à pouvoir retrouver une référence gojt par
""hrrrhc thématiqut> - relativement aux fac teurs géopolitiques étud iés-, soit par recherche
i!l'<Waphiqu.,. Elle met en évidence, dans son découpage, les disciplines fondamentales qui ont
~Jimrnté notre réflexion :
. atlas/ géopolitique/ Relations internationales/ stratégie/ droit international/ science
r1litique/ sociologie politique/ histoire générale/ histoire ancienne/ Grèce antique/ Rome/
i!l'<'graphie générale/ histoire et géographie de la France / zones géographiques : Europe
:.:cidentale, construction européenne, Europe centrale, Europe orientale, Russie, Asie centrale,
Caucase, États-Urùs, Amérique du Nord, Amérique latine, Afrique, Extrême-Orient, Proche et
~loven-Orient, océan Indien/ insularité / langue/ généralités sur la religion/ islam,
,hnstianisme/ ressources : pétrole, eau/ démographie/ mondialisation/ économie/
lt'Chnique/ transnational illicite / essais, littérature, mémoires, sciences exactes.
An.AS
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O. l'ère atomique), Paris, Perrin, rééd . 1997, 688 p .; trad . de Atlas zur Weltgesc/1icltte, Deutscher
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1998, 200 p . Cartographie : Anne Le Fur.
SERRYN Pierre, Atlas historiqu e, Paris, Bordas, 1985, 172 p .
GÉOPOLITIQUE
Figurent dans cette rubrique :
- les ouvrages généraux revendiquant explicitement le ur appartenance à la pensée
géopolitique comme ceux de MM . Haushofer, Ance!, ou encore Mackinder ;
- les ouvrages faisant partie du domaine historique de la géographie politique mais étant
couramment rattachés à la matière géopolitique, comme ceux de M. Ratzel par exemple.
Ne figurent pas dans cette rubrique bien que se rattachant à la géopolitique :
- les ouvrages de géopolitique non généraux, qui portent sur un domaine géographique
particulier : üs figurent dans les rubriques organisées e n zones géographiques. Ainsi par
exemple faut-il aller chercher dans la rubrique Balkans, l'ouvrage de géographie politique
balkanique de M. Ance! et dans la rubrique Proche et Moyen-Orient, les ouvrages de
géographie politique de X. de Planhol ;
- les ouvrages de Relations internationales qui inspirent la pensée géopolitique tels ceux des
réalistes américains . Ils figurent dans la rubrique s uivante consacrée aux Relations
internationales.
Bibliogropiu,
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RELATIONS INTERNATIONALES
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tithiopie · 10, 189, 230, 310, 312. 323, 325, 326, évangélisation · 449, 873, 876
425. 620, 657, 659, 660. 661, 696. 761 évangélis me · 423, 448
ethnie · 211, 223, 224, 273, 464. 478. 480, 488, 521, Évangile · 298
1144. 895, am. 907, 911 , 912. 915, 916 ExecuhW" Outcomcs · 842
Étienne IV · 387 Exode · 673
Éloliens · 759 Exb'ême-Ocddent · 417
Etnrofuiturup · 142 Exb'l!me-Orient · 37, 298, 413, 473, 530, 604, 609,
fbier ·771 619
Étrurie · 260 Eytan ·689
Étrusques · 261
EuWe · 735
F
Eudes · 217, 385, 461
Eude I• · 218 F.A .R.C. · 850
Eugène · 613 F.l.N.U .L. · 684
Euloge · 464 F.M.I. · 807, 885, 891
Euphrate · 112. 185, 192. 193, 298, 415, 603, 614, F.M.N. · 898
639, 643, 644, 645, 663, 666, 673, 738, 753, 758 F.NLA . · 691
Eurasie · 59, 87, 265, 283, 499, 509, 557, 566, 591, F.P.L.P. · 6116
635, 755, 849, 902 Fac hoda · 65
Euric ·'1JJ7 factionnalisme · 211
euromissiles · 88 Fakhr el Oin · 332
E11ropa Ellmiai 917 Fakhredine · 574
Europe · 178, 179, 188, 194, 199. 228, 229, 230, Falkenmark · 641
259, 273, 176, 344, 390, 395, 408, 413, 414. 416, fal safa 341
417. 418, 4'1JJ, 439, 453, 463, 467, 471, 478, 484, Falugong 718
498, 500, 503, 505, 507. 514. 522, 533, 534, 541, Fantis 239
544, 555, 556, 557, 558, 559, 561. 567. 568, 569, Fao · 739
573. 574. 579, 581, 582,. 585, 589, 590. 592, 593, Farnbuudo Marti · 423
604, 608, 617, 636, 639, (HJ, 706, 738, 739, 746, Faraka · 662
750. 753, 755, 763, 764, m . m , m, m. 781 , Fariab · 651
·-
......... ~
Forces armi!e9 rtovolutlonnal,_ ·&50
n. ll\J Forcea Ubanaiaes · 684
.... ~ Forrign Office · 364
- - ·lJ0.313, 336. 355. 356, 377, 407, 412. fortl · 178, 204, 316, 318, 319, 446, !Bl, 560, 573,
~ !\ll,506,531 740, 744, 746, 747, 750, 753, J<Tl, 931
". l.\l Formose · 818
-u Pori Polk. · 844
Forum de Coopéralion Asle-Paafique · 900
- ·~
"'"' ut w . '34, 4'11. 526. 706 Forum du Pacifique Sud · 146
«-tt ·22. n,n, l(M, 161, 170, 303, 331, 417, Foucher · 194
- . 471, 505, 62/J, 1119, m Foucher de Chartres · 411
~... ·144 foulage · 772
..-w .569, 571. 518 Foulanis · 241
Foulbé · 319
- - 574
......_ .406 Foulques · 411
~da IWugiés allemands · 916 Foula Djallon · 317
- . 278, 424, 575 Foyer national juif · 295, 884
...-w.t · 198, 216, 218, 8n. 907 Français · 193, 256, 281 , 411,419, 4611, 512, 573,
." """°"41 U d' Angon · 585 594, 631, 774, 777, 782. 787, 861, 864, 872. lffl
~MS France · 17, 40, 76, 79, 87, 113, 136, 144, 163, 166,
~ 361,552 167, 182, 184, 194, 195, 198. n6, 211. 225, 226.
"'ZZl.316 228, 230, 238, 256, 274, 282, 283, 284, 285, 336,
_,... 497, 911 379, 380, 384, 389, 390, 392. 396, 400, 41.17, 408,
~ · H5, 150, 151, 153, 522 414, 417, 420, 426, 428, 429, 432. 437, 443, 453.
""'"Jlune 764 465, 469, 470, 471 , 474, 498, 500, 502. 503, 505.
:,.m 507, 509, 513, 531, 532, 555, 556, 557, 567, 568,
;:.r- 7B5 571, 573, 575, 577, 579, 580, 582. 583, 594, 608,
;:. oi<l"Hislo1re · 7, 804 613, 617, 623, 626, 638, 662, 663, 674. 680. 682..
~· ·886,918 699, 706, 707, 720, 723, 737, 752. 762. 763, 778,
~ 500 782, 785, 786, 788, 792. 795, 799, 805, 815, 825•
...,,. '"
Fs-5 multinltiDNles · 898
837, 844, 848, 855, 860, 865, 867, 872.. 874. 876,
877, 878, 880, 881, 887, 891, 902. 907. 912.. 918
France mandataire · 332
'""' m
P.-.dre ·217. 218, 220, 283, 390 Francfort · 878
nta)• 782 Franc he-Comtl!o · 220, 221
~~ . 73. 187, 193, 200, 560. 586, 626, 640, 643, Franchet d 'Espérey · 76
oBJ.i.53,657, 661, 662. 663, 667, 752 franciscains · 449
!lnmt mlemltional · 661 franc·maçonnerie · 357 496 6
~ ·-
683, 685
Gold Cout · 239 Grigoire de Toun · 3113, 6211
Golfe · 362. 436, 514, 533, 567, 601, 616, 626, 636, Grtgalre V · 211
689,694, 699,7DD, 704,7D9,739,765,777,778, Grigoire VII · 390, 4Ql
792. 793, 797, 810, 814, 828. 839, 897 Gn.nade · 221>, 515, 531. 515, 614,, 1'1,. 7611, 1611
Golfe arabo-pen1ique · 585 Grey·430
Golfed'Aden · 862 Grimoald 1- · 268
Golfed'Aqaba · 430 grippr . 5IJO
Golfe de Guinée · 316, 540, 709, 723, 724 Groenland ·151
Golfe de Riga · 558 Gronau · 916
Golfe du Mexique · 725 Groupe de Shmg;d · 717
Golfe persique · 129, 182, 18.5, 22B Groupe iaLomique umé 454
Goliath . 776 Groupe~ poarla pmiic6m.tle .......
Combe · 322 · 173
Gondebaud · 268 Gruw.set 262. 263. 2HJ, 299. 'ID. Cl'I, 411. '1l,
Gontran · 384 415. 416, 47'.I, 529, 534. i)I}, 6'Z1, :156. '1'S1
Gorbatchev · 90, 93 G5PC · 173, 3'iO
Gorgm · 349 Guadeloupe · 284
Gothie · 217 G.Jaftr . 216
Goths . 263, 298. 462. 628 Guam · 43
Gotteschalk . 301 c.mm.i. ·m . 4D. 4-18, llOO
gou vemail · 780 Gœgt"'5 . 328
gouvernement mondial · 806, 878, 885 Gusé · 241
Grand jeu · 52, 429. 525, 551 gumllas . m. 695, '193, 79'J, K3.. &H.1!45. 1146.
Grand Moyen-Orient · 558 848.. 849, 850, 1155, 862
Grand siècle français · 568 Guered' lnk ·1!39
Grand Véhicule · 371 G_.,,deC:.enhns ·416
Grande · 423 Guerre de Corft · 17
Grande Allemagne · 37 Guerre de Skes&i<wt · 113, 881
Grande Guene · 877 Guerre de Sept Aœ · 2112
Grande Muraille · 541 ~de Sua::ssian d'Fspmgnr · llfal
Grande-Bretagne · 46, 52. 134, 136, 303, 473, 51:17, Guerre de Ttalllt An5 · 195. 5IJIJ, 66l. 9œ
556, 612. 631, 677, 702. 704, 831 . 841, 881, 9<Tl Guerre des étoiles · 88. 714
Grandes Découvertes · 220, 407, 417, 418, 636. Gu~desSixjours ·682
755, 760, 763. 765, 785, 798, 872. 873, 876 Guare d'lnduhinr · tri
grandisme · 249, 487, 497. 665 G~duGolfr ·3.111.617. 1139
Grands LAcs · 201, 230. 2.'\8. 243. 319, 501, 522. GUftTe du ICaoovo · 83'1
657, 695, 903 Guerre du PtkJponn!ole · lh), 1116
Gratien 2b4 G~ froide · S. 174. 367, 4111', 4?3, Ol."31. Œ
GraubUnden · 919 631. t>..'\4. 6.59. 66-l. 677. 091. ""13, i7'. m 795,
Graz · 109 808. SIS. W. SU s.12.. Sill. 661>. 'lll2
Grec · 756 guerre SOU9-111UillL' 88'
Grèce · 9, 161. 227, 249, 252. 259, 260, 270, 281 . Guenes du Pék>poNlèsir ·7
301 . 335 .38.5, 409, 477.481, 505, 533, 543.SSb. Guene hWdiqua 7, 16l.163. m. 254 J6?
1000
Hl?,695,696, 700,702.704,705, 707,708,716, laral!I · 9, 61, ttl.183, 191, 240. 245. 249,m,296,
n9. 738. 739, 749, 794, 8to, 815, 818, 820, 840, 333, 334, 335, 337, 331, :lM,:JQ. :m•• m. :m,
IMl.11711,897 436, 437, 438, 443, 450, 459, 491, 492. 514, 520,
INn 10, 59, 91, 106, 124, 12!1, 162, 191, 196, 201, 522, 535, 546, 581, r.l&, 6tl, (l!ilJ, 660, 661, 6'S,
204. '127, 229, 240, 241, 244, 253, 254, 280, 321, 668, 671, 673. 677, 678, 67'1. 680,6112,.684,616,.
337. 349, 350, 351. 353, 361, 362, 379, 401, 455, 689, 695, 696, 704. 105, 106, 709, 715, 718, 1')t.
458, 477, 489, 502.. 513, 534, 5811, 651 , 661, 664, 799, 805, l!O'J, 1110, 812. 813,814, IJIS,123,IMO,
6115, 'lfO, 708. 710, 716, 719, 738, 739, 759, 764, 841, 842. 850, 897, 901
765. 769, 805, 809, 810, 812, 815, 817, 820, 849, J!Rlléliens · 252. 337, l38, 354, m. m, 520, 666.
1158, 886, 894, 901 673, 675, 680, 683, 6115, W1, 706, 1115
lnnlm> -525 .....,., ·509, 757
Irbid -674 l.otanbul · lŒI, 338, 574,(108, 63&, 731, 7117
lrlvt Jaya -146, 746 i9thme -180. m
irlandais - 522 urinid ·347
Irlande -105, 139, 244, 300, 303, 446 Istrie · 40, 387, 882
irntionnel · 864 Italie · 40, U, 78, 191, 2211, 249, 21611. 2'8,277,292.
irftdmlisme · 515 293, 301, 355, 383, 396, 409, 4U. 416,, 417, 01,
iJrigation · 560, 769 467, 473, ':Dl, 531, 555, 564.565.579, Slll.~.
lmwady ·196, 748 617, 628, 763, 7T2. 774. 778. ?!Il, 8152. 812.•
Isabelle de Castille · 762 902. 9ffl, 916, 918, 930
Isabelle la Catholique · 585 llaliens ·413. 467, 738. m. 794..859
r!lililL<ân 356 Ivan IV le Terrible · 177
Isis · 293, 294 rve~ - 4.Tl
Iskenderun 631, 667 ivoire · &IK, fiZJ, 761
'""" 454 1""'11 · 322
islam · 108,170, 174, 221,229,230,241,275,299, l=tbegovic . 32!
302. 305, 310, 311, 315, 318, 319, 326, 328, 331,
335, 339, 340, 343, 344, 355, 356, 370, 371, 372,
J
373, 377, 380, 383, 396, 397, 400, 403, 406, 414,.
416, 418, 426, 427, 428, 430, 431, 435, 449, 452.
jacobin · 545
454, 455, 460, 463, 477, 479, 488, 495, 498, 525,
Jade · 151
526, 529, 534, 538, 542. 543, 546, 548, 551, 553,
Jaffa . 412. 415, 787
555,574, 593,620, 700,872,874,876, 930
jaînismr 406
~lam · 60,135,204, 413,415, 460,464,465, 472,
Jakarta . 360
479,530, 531,533,555,566,56ï, 585,591,592.
JunaJque · 150
603, 605, 607, 612. 616, 617, 618, 627, 630, 635,
660,763,773,774,780,787. 789,890,894,912
Japon - 38, 66, 134. 136, 142. 150, 1.53, 361, :m.
540, 541, 557, 563, 632. fi34. (119, ""· 717. ?Cl.
Islamabad · 9, 401, 406, 427, 563, 638
749, 751, 753. 762. 795, 8ID, 806, 812. 813, 818,
l>lamic Mwnn.,11 · 322
819, 852. 857. 862. 865, 8'!6, 1119, 895. fJlO
i.slami•me · 173, 241, 251, 323, 337, 340, 344,. 356,
Japonais · 541. 632. 696, 865
359. 360, 361, 407, 424, 425, 452. 454, 455, 456,
Jaruzielski · 92
458, 488, 492, 502., 527, 585, 683, 717, 788, 815,
823, 876
Jason · 257
Islande -634 Jaspen 480
Jaune 193, 560
ismai!llen · 313, 336, 376, 453, 494, 575, 930
umai!lisme · 346, 377 Ja"a · 149, 446. 736, 746
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Isocrate 756
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Ispahan · 765 Jean In ·618
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407. 408, .Ul. 412. 414. 415, 416, 420, 435. 443, Kodlu>fi -171
"50, 469, 593. 603. 675. 676, 677. 679, 682. 687, Klodhimiyy" · 379
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Jén&salrm-Est · bll4 Kaduru• 322
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Jés....chnst 256, 296. 310. 398, ~ 735 Kais<:ri -787
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1 - 1 · 671 Kalimantan · 151
Jhelum · 654 Kaliningrad · 82, 129, 144, 5511
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Johnson ' 438, 680, 681 Kampala -659
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Jones -4216 Karabakh 245, 326
Jongli · 660. 695 Karaclu -843
Jordanie 124, 185, 378, 45-l 480, 514. 636. 641, Karakalpakie 646
676, 677, 678, 680, 681, 70<l l<arakoum 525, 647
Jordaniens · 32B, 680 Karb.:lla · 353
Jouffroy d'Ab~ · 782 Karbalà · 379
Jourdain 185, 298, 33-1, 641, 667. 668. 671. 672, Karen '179, 446
673, 674, 675, 676, 680, 683, 684, 685, 753 Karens -365
Juda -253 l<argil -818
judaïsme -245, 481 kâriz -769
Judée - 294. 295, 413, 671, 675 Karlsruhe - 918
Judith · 387 kun11a · 369
juifs 774 Karol Wojtyla · 441
Juifs ' 9, 245, 253. 254, 292. 294, 295, 338, 344, 376, Karput · 787
382. 433, 436. 437, 478, 481, 482, 492. 514. 535, l<assaba - 787
5.l8, 566, 581, 591, 592. 593, 609, 628, 629, 665, l<atafs - 322
675. 677, 679, 7Tl. 803. 910, 913 Kawakibl · 496
Julia 735 Kazakhs ' 279, 554, 646
Julien ' 298, 537 Ka:.akhstan · 128, 489, 638, 645, 651. 710. 795
Julien !'Apostat · 297 Kelhourr ·477
Jupiter · 294 Kemal -42
Jura -283 kémalisme · 544
Juste Cause · 858 Kennan -53, 714
Justinien · '80 Kennedy - 438, 714
Jutland · 158 Kenya · 240, 310, 311, 313, 319, 323, 374, 455, 6.57,
659
K Keohane · 22, 898
Kcsrouan · 1116
K.G.B. ·307 Kesrouane · 575
Kaan · 276 Khabarovsk · 578
Kabila · 692 Khadafi · 405
IJ>.Mli!<> .-165 KoWU. · 5'n
l.N!LStout 406, IM9 Kaurila 142. 150, 540. -.11.. ""
~ · 222 Kourou ·195
~n 415 Kowdt ·42.12A. 351 , 429, 431. e&. 6t1.e, 7m.
tJ>onal 127 708. 716, ?!Tl, 810, IB'J, MO. Ml'
IJw\.ala 6'6 kowenien 179
IJwldjisme ·313. 315. 346, 347, 373, 374, 399 Krahna · 2H
l.lioridjites · 312. 315, 347, 373, 513 Krabtau · 733
~um ·192. 197, 240, 323, 657. 659, &60, 695, Krupp · 786
i'GlMll Kaar-..1-Kéblr · 611, 1159
l.h&urs . 24.5. 509 Kulll-Lwnpur · 340
Kheyreddm ·859 Kwnanavo ·794
KJunen . 5ü. 748. 849 KW>Uhili · 142
Khmer.> rouges · 9. 88, 593 Kuneitn 674
Khod)ilS ·525 KUOIDintang · 153
lJq.ti ·313 Ku.des ·91. 192. 364. 475. 513, 515. 6",.&
IOIOr;&5Sall · 106, 227. 280, 349, 356, 481. 483 Kunhotan 41. 186, :zm. Ul, 66t. 719, Ml
IOIOcnmshahr · 702 Kw;iije!em · 819
!(hasroèo Parviz · 299, 480 Kyoap · 240
IQlouzistan 91 , 351, 664 Kyota 364
lùJai 175 Kyzylkoum · 647
kJtl .64. 6.33
~V 309, 444. 636
L
KiWnandjaJO . 745
IUlva 311 la Plata 662
l(unbundu · 691 la Réunion . 69, 1-ll
Kinda · 479 La Rochelle · 3'J3
Kipling . S51. 839, 878 la Valetre · 470, -173
KippoW' . 684, 706 Labrador · 762
Kirghizes . 279. 650 lac · 181 , 1112. 183
Klrghizslan . 361. 489, 645, 647 L...conie 258, 734
Kiribati · 145, 150 Ladakh ·656
Kissinger · 52 Lagide · 197
Kitbouga · 415 lagos . 318. 752
Kilchener · 429, 431 l...aklunides . 479. 481
Kivu ·657 Lamartine . 737
Kjellw 31, 37 laminage ·m
Kleist . 497 L.amkin · 592
Koeni5berg · 909 Lanc:ashin! . 113
Kohl ·88 Lindn' . 9'17, 918
f{Dlon1Aluc!m11 · 33 landes · 192
Komintern · 38, 887 landsat 7V1
Kong 318 Landstat · 753
Kongos 242. 691 langue · 273. 288, 469, m. 483, 4!l'l. 872. ll!n, 901
KOnigsberg · 82, 110. 129. 558 911 , 912. 918. 920. \Gl
Kordofan · 403 \ill\gue lrançaioe 51>11
Kosl · b55 Langu..<Ioc 217, -... 3811. 1159
Lanoux · ~
Kosovars · 851
Ko•ovo · 59. 92, 121, 167, 187, 245. 3\15, 32&. 3..lO. l..aos · 122. 196. 201, 849
331, 425. 436. 581. 792. 793. 794, 797. 839. 840. L..anche . 615, 784
l..ds VO!g"5 · IL52
tl50. 895, 897. 929
1006
'""'
Latakié :154, 576 Libye · 59, l'.15. 171 . 171•, 2..19, 31 '1,321 . J.10,343,
latins · 275, :.\38, 420, 481 3511, 404, 430, 695, 7115. 720, 757. 76Q, RIO, "13,
Latins ·302. 415 820
latitude · 102. 781, 7'95 l..iL"Chlem•h.~in · 'Jltt
Latium 102 Li~11c · 916
Lausanne · 42. 475 Lieux Saint• · •120. 42-1. 426. 431. 432. 434. 437,
Laval · 507 493, 700. 7116
L.owrenœ d'Arabie · 178, 433 Llgi tan · 138
Layne · 54, 717 ligne de pnrtage des eaux · 187
lazaristes · 419 Ligue · 392
Le Caire 64, 112. 403, 429, 431, 502. 608, 659, Ligue arabe · 676, 681
692. 738 Ligue de Corinthe · 758
Le Cap · 34, 46, 64, 403, 474, 692. 761, 762 Ligue de Délos 165
Le Pitte . 293 Ligue de l.:1 Jcuncst1c arabe · 496
Le Roy Ladune · 569, 572 Ligue de lil Patrie ouilbc · 496
l...d>tn.mium · 37 Ligue des Habsbourg · 166
Légion arabe · 437 Ligue hellénique · 758
légitimi~ . 897 Ligue islamique mondiiJle · 454
Legrand · 861 Ligue Savoi,,ienne · 916
Léman · 182. 183 Ligurie · 859
Lemberg · 110 Lima · 843
Lénine · 255, 309, 880, 932 limes · 505, 910
léninisme · 848 Limoges · 762
Léon · 184, 418, 618 Lincoln · 115
Léon ID · 387 linguistique · 478, 895
Léon IX · 219 Lion · 617
Léovigild . 267 Lipari · 257, 733
Lépante · 164, 457, 470, 532. 543, 780, 781, 874 LisbolUle ·607, 693, 761, 771
Leptis Magna . 271 List ·911
Lesbos · 755 Litani . 667, 670, 673, 674, 675, 677, 681. 683. 685.
Leschkin:h . 908 690
Lesotho · 122 Lituanie · 93, 130, 307, 308, 913
Lesseps · 737 Lituaniens · 499, 500, 509
Lettonie · 93, 308 Li vingslone · 690
Lettons · 499, 500 Livonie · 908
Levant · 271, 412, 470, 472, 473, 525, 533, 574, Lixus · 615
605, 608, 636, 738, 860 Lloyd George · 674
Levasseur · 861 lobby . 437, 674, 878
Léviathan · 161 l.ohayya · 608
Lewis ·788 Loher · 282
Liban . 41, 42, 124, 185, 211, 244, 332, 333, 337, Lohr · 282
354, 356, 377, 396, 441, 449, 497, 514, 523, 543, Loire ·193, 198, 199,217,269,383,384, 387
574, 576, 581, 603, 615. 636, 641. 666, 667, 676, Lombard · 182
735, 794, 840, 841, 848, 855, 895 Lombardie · 555, 919, 920
Libanais 676, 778 Lombards · 263, 264, 268, 383, 387, 462
Liber Paler · 735 Lombok · 632
Libéria . 241, 310, 318, 748, 848, 849 Londres · 303, 319, 364, 374, 403. 429, 431 , 472.
liberté de navigation · 200, 201 473, 494, 497, 613, 622. 685, 690. 69l 737. 752.
libre<in:ulation · 900 794
libre-échange 115, 891, 900 longitude · 781
Lorraine · 74, 217, 391
lCIO'T
l'hillpl"' lt.! Bel . 390, 415 Pologne ·40, 79. Ill. 90. 92.. 130. 191. 1116. JIM.
l'hlllpl"' VI 453 307. 308. 395, 442.. 443. 509. 556. 557. 558. 661.
Phlllppines 43. 13b, 149, 152, 153, 220, 3311, 340, 850, 886, 887, 900, 913, 917, 920
J60. 364. 405. -119• .us. 523, 623, 632, 745, 746. Polorwla · 440, 444, 509, 882
7SO. 762. 8411, llSol. 862. 896 Polynésie · 1"5. 157
l'hlllpplrui . 585, 864 polytechnique 786
Phlllstms · 258, 73-1 Poméranie 500
l'hocolS · 538 pomme de ierre · 764
Phocffns . 261 Pompée 293. 294. 536. 735
phosphore · 740 Pompéi · 733
pholosynthèse · 748 Ponce Pilate 296
l'hryg.e · 162. 2IM Pont-Ewtin · 259, 260
physiciens · 803 pornop-iiphie · 867
phy•loaatie · 63 Port Arthur · 806
Pkot ·432 Port Harl>our · 72h
Pie V · 532. 533 Port Moresby · 145
Pie Xll 439 Porte · 426, 488, 494, 532. 575, 620. 773, 788
l'itmonl.als 506 porte-avions · 79t
pitmonlaise · 507 porte-conteneun · 862
Piene Le Grand · 307, 552, 909 Porte-Glaives · 3'11. 908
Pi.one l'Ermite · 408, 409 Porto-RkD · "3
piétisme · 448 Port-SaJd · 632
Pilsudski · 508 portugais . 281. 363. 780
l'inatubo · 745 Portugais · 137, 180, 312. 30l, 417. ·'18. 419. fDJ,
Pinto 471 612. 619. 632. 692. 761. 7fi2. 763, 774. 780. 781.
piralage . 852 783, 859. 860. 873
piraterie · 468,470, 626, 845, 858. 860, 861. 862 Portugal · 121, 129, 2113, 2114. 316, 418, 419, 556.
pirates · 703, 859. 864 &Ul. 613. 618, 619, 6Z2.. 662. 691, 752. 761. Tn.
Pirenne · 182,463, 478,551,605, 627. 629, 630 781. 782. 785, 874, 902
Pisans 413 portulans . 7B1
Pise 355. 617 Poséidon · 164. 735
Pisistratides · 261 Posidoruas · 262
Pizarre . 607 Posnanie · 913
pl.une . 793. 931 Postdam · 806
Plonification · 89 poudre · 774
Plantagenêls · 218 Pouilles · 853
plateaux · 189 Poutine · 576
Platée · 254 Prague · 109, 200. 251. 886
Platées 163 p~estination · 778
Platon 178, 746 p~ererminabon · 355
Pline · 262. 263, 576 , 60-I, 628 préhistoi.N · 99, 933
ro · 265. 268 Première Guerre mondiale 76
Poitiers · 179, 217. 384. 457. 460, 53 3. 567 Pretoria · 691 , 693
poi\'TC 312, 601 , 604, 607, 619, 761 Pn!tre Jean · 618
Pole N o rd 734 P~vesa 860
Rltlfno." .400 Rhin · 73, 194, 199, 200. 201. 263, '1h7, 274, 302.
Rls'ohn'S barbaresques · 1159 506. 555. 663. 910
~on 906 Rhodes 135, 251, 259, 416, 469, 543, 678. tR1..
rfsionoll..,tlon 893, 897, H99, 900, 902. 906 735, 860
•nollsrn., ·9JO Rhodésie · 523, 690, b91 , El12
,..,. frontalièns · 918 Rhodien9 261
• n s lransfrontalièrcs · 918 RhON! · 199, 268. 384, 461 , 555
"llJUU1"'rneri1 familial 583, 844 Rh"""'ne · 757
Jlndo ·911, 912. 920 Richard Cœur de Lion 4U
Reims 21 7• 269, 383, 384. 387 Richelieu 8, 63, flil, 166, 274, 392. 393, 866
Relations lnternationnl"" 16, 99, 894 Rida · 496
rt1~1 ·100 Rideau de fer · '12
roligWuse,, . 895 Rift · 1113
rrbgion 289, 291, 474, 535, 777, 931 rimland · 52. 53
Rrnaissnnc,, 418, 581, 635, 763, 843 Rio de Janeiro · 762. M3
Renan · 108, 224, 497 Rio de la Plata · 201
Rmouvin 22 Rio de Oro · 761
""11e 588, 726 Rio Grande · 194, 662. 663
...,.lions · 77 Rio Martin · 784
"Pftsenlalions . 838 raque écologique · 740
~ - 908 Riviera · 617
Rtpublique 64, 4l4, 421 • 907 rivièe · 643
Rtpublique Arabe Unie · 412 495 682 Riyad · 9
République de Centrafrique : 122' riz . 560, 648, 752
Rtpublique française . 509, 571, 881 Robert de Normandie · 409
République islnmique · 350, 353 Robert le Fort · Zl 7
réseaux ·892 Roche · 409. 416
rêserves mondiales . 719 Rodinson · 492
Reslaur.ltion . 879 Rodrigue · 2b7
relroaction . 741 Rodriguez · 151
Rtunification · 915, 920 Roger · 468
Reussmark1 . 908 Rogtt Il · 412
Reuh!r · 787 Roger n de Sicile · m
Revanche 15, 64 rogue •lai• · 59, 60
Révolle arabe 365, 430, 431 , 432, 433, 496, 526, Rohingya · 587
593, 737, 884 Rois catholiques · 873
Rèvolution · 167, 274, 380, 426, 428, 471 , 4'Tl, 572, romain · 187
880 Romains · 161. 197. 245, 263, 265, N2.. 293, 296,
Révolulion dans les Affoircs MilitalTl.."5 827 2911, 382. 463. 467, 480, 482. 50&. 628, 735. 746,
Rèvolution des berceaux 574 805
Revolution française 200, 395, 426, 459, 495, Remanie · 331 , 416
569, 577, 'Tl2. 782, 786, 911 Romanov · 909
Rl!volution industrielle · 2..'8, 569, 592, 745. 763. R<>mans · 912
770, 773, 778, 785, 786, 787, 872. 878 Rome 178. 193, 255, 262. W.™· 268. 281. 292.
Revolution islamiqu" · IO, 91, 253, 351 , 502. 664, 293. 294, 295. 296, m. 301, 302.. l."11. 336, m .
708 383. 391, 408, 414, 438. 439, 441, 403. -l.07. 477.
rkolutlon militaire · 793 47!1. 481, 505, scn. 531, .5..'\3, 536. sss. 565. 574,
Révolution militaire 1128 604, 611. 613, .;29, 6'19. 735. m . !151. s7'J. 882.
Rez.A · 379 890, 910. 915
Rez.A Chah · 106 Romen> 423
Rh~nanle 263 Roms · 918
1018
So<tJlra ·619
Sl<om-&ool ·'1113
Sof1l1 ·619
steppe · 177, 204, 265, 300, 556
Sofla ·882
oœppee · 205
SogJlanr 757
51'"11 · 678
.... (>(M, 629
~~ · 735
Soi"""' 383, 386 Stockholm · 77, 742
Sot.Dio · ll 8, 322
Stoiber ·917
..1 :\4 Slorn · 430
Sol.Du 913
Strabon . 182, 604
SoliJ.uilf . 395, 440
Strasbourg · 387, 916
Sollmon 470, 543 Stresemann · 912, 913, 918
Sollman racha . 390, 620 Stromboli · 733
Soljenitoyne · 867
Stuart 395
Solution Finale · 592 stu~ts . 845, 846, 850, 852
SomaUo ·310, 311, 374, 631, 636, 841, 848, 862 Styrie . 220, 918
SouWis . 311, 609
Sud · 579
Somme 383 Su<iMe · 39, 40, 252, 513, 913
Sommet de Rio · 742, 747 Sudiste · 113
Somoza ~23
Suède · 308. 393, 556. 1182.. 902
Sonde · 539, 733 Su~ois . 199, 'JUT, 506
Songhal 315, 316 Suèves · 263, 267, 383, 461
Sorobes 918
Suez · 34, 46, 180. 4D4. 427. 429, 4.35, 473, - ·
Sorbonne · 13, 73 620, 627, 632, 633, 636. 637, 677, 679, 681, 6112,
Soudan · 59, 192, 197, 240, 241, 243, 310, 313, 316, 704, 706, 712, 736, 737, 739, 764, 7112, 783. 884
317, 319, 320, 321, 326, 358, 359, 403, 425, 430, Suisse · 182. 283. 285, 555, 850, 851, 853, 882. 918,
4ll. 433, 454, Wl. 635, 657, 659, 660, 661, 662, 919
695. 722. n4. 848, B60 Sulawesi 340
Souda.rais · 230, 320, 328 Suleirnan le Grand · 427
soufisme · 357, 361 Sulu -340
soufre ·740 Sumatra · 149, 6C17, 619. 632, 746
Soupsa ·n4 Sumer · 193
Soulou · 807 Sund · 631
souveraineté · 215, 643, 644, 663, 793, 795, 809, sunno · 343. 346. 356
837, 840, 871, 889, 892, 893, 896, 897, 899 s unnisme · 311, 313, 315, 346, 352. 355, 454. 4!13,
souverainisme · 304, 574 502. 574. 700, 7ID
Soviétiques · 279, 424, 440, 455, 681 , 803, BOS. sunnite · 186, 336, 346, 347, 354. 357. 372. 373,
81J7, BB5 376, 424, 425, 427, 455, 524, 526, 683
soviélisme · 647 superficie · 35
Sparte · 162, 163, 164, 166, 259, 612, 735. 755. 756 Surinam · 857
Spartiates 755, 757 Suse · 757. 758
Spengler · 532 Sutlej · 654
Spolèlo 268 Svear · 199
Sporades · 545 Sykes · 365, 432
Spol 797 S ykes-Picot · 884
Spoufuik 805 Sylla · 293
Spralleys ·152. 153. 540 synthèse · 854
Spykman · 52, 53 Syr Daria · 644, 1>45, 646, 647, 753
Sri Lanka · 151 , 363, 366, 367, 849, 868 Syracuse · 756
Staline · 8, 16, 81 , 225, 276. 309, 440, 441, 444, 508, syriaque · 337
521 , 524. 553, 593, 806. 885, 914 Syrie · 41, 60, 104. 124. 135, 183, 184. 185, 186.
ST ART li . ·897 230. 244. 260, 293, 299, 332. 333, :ns. l50. 355.
1022
356, 357, 362. 377, 407, 411, 412. 413, 416, 417, tn11qiyyri . 574
41 9 . 420, 424, 428, 430, 431, 432. 434, 435, 441, Tilrdlcu 67
449• 454, 465, 468, 479, 480, 481 , 482. 492. 497, Tanmlc 617
51 3. 515, 526, 537, 543, 576, 614, 615. 616, 617, lnriqd · 317
626, 627, 641. 644, 645, ""6, 672, 677, 678, 681, Tartcs~o!' · 615
Tnuule1thmlic 91ll 543, 5H, 553, 5115, 5\13, 606, 612. 613. 619, •lit
Troruo.m,-.t · n 1 714, 7:17, 7Hll, H51>, 1160, HT.l, 91l'J
transmigration · 3611, 74t>, 747 Turgul O.l
rransnational · 22. 84.5. 114t>. 86S. 116f,, 889, fl91. T urin JKH
119..'. 897. 11911 l"urh'Stun · 201, 229, 265, 279, 411H, 4H9, 69'J
Tran:i0Xi6ln~ · :\56 TurkL~tan chinois 5.44. 56H
transport . 8911 Turkl!st.\n rus ~ · 553, 568
Transylv.mie · ·Ul, 2-H. 245. 267, 513. 52.1, 557, Turkmèn''S lll7, :150, 5!>-1
8113, 90ll Turkménistan 128, 276, 361 , 4119, 525. 552. f>IS,
Tn!bi.zand<• · :?().&, 739, 76S 710
trcn\tilemcnts de terre 73..1 turque · 184, 202, 274, 356, 699
Trente · 277, 920 Turquie · 9, 41, 59, 108, 128, 130, 2119. 337, JStl,
Trentin 40 361, 425, 433, 450, 474, 475, 477, 488, -189, 491,
Trèws 104 494. 500, 502. 513, 543, 544, 545, 552, 583, 631,
trêves · 5411 639, 641, 643, 6-M. 667, 673, 680, 712. 714, 788,
Triade ·11119 8H, 84U, 114..1, 853, 1157, 882. llH6. 895, 897, 901
Triangle d 'Or · &19 Tutsis · 240, 243, 450, 522
Tnanon 40, 2J7 Tu\•alu · 145, 150, 752
bibunaux islamiques · 3.23 typhus · 764
tribus 211, 221, 265, 525 Tyr · 254, 412, 603, 613, 615, 757
Trieste · 277 tyrannie · 261
trigonométrie · 771 Tyrol · 607, 919
Trinidad 149, 153 Tziganes · 592
Trinité · 2'Tl
Triple Entonte · 75, 879 u
Triplice · 879
Tripoli · 240, 271, 355, 411, 416, 469, 470, 1159, 860 U .C.K. · 331, 851
Tripolitaine · 271, 404 U.E. · 579, 900
Tripura · 587 U .F.C.E. 915, 917
Troie · 257 U .N .I.T.A. 691
Trois Gorges · 744 U .R.S.S . · 8, 9, 16, 87. 129, 130, 225, 276, 279, 308,
Tromelin · 151 326, 337. 489, 513, 578, 641, 646, 648, 682. 710,
Tropique du Cancer 310 806, 809, 812, 813, 815, 886, 896, 915
Tropique du Capricorne · 310 ubac · 189
Truman · 53, 677, 714, 806 Ubiens 263
tsarisme · 881 uchronie · 248, 487
Tsiganes · 514 Ukraine · 59, 79, 82, 245, 307, 309, 440, 442. #1,
Tsushima · 879 509. 515, 543, 557, 593, 712, 809, 857, 909, 910
luberculoae · 764 Ukrainiens · 305, 380, 440, 593
Tulhann · 687 Ulster · 303
Tulkarem 677 Ummn · 372, 397, 502
Tunis 112. 414, 532. 606, 615, 686, 859, 860 unialL""S · 444
Tunisie 69. 113, 135, 171, 348, 355, 359, 721 uniatisme · 305, 307, 380, 500
turcilé ·434 Union des KossovaB ·916
Turco-Mongols 280 mmm Joumufrt! 900
turcophones · 326 Union douanll)rc et économique de 11 Afrique
Turcs · 184, 201, 2112. :zo.a, 205, 222, 229, 230, 302, cent rale · 900, 902
328, 330, 349, 357, 390, 395, 397, 399, 407, 411, Union du Maghreb arabe · 903
415, 416, 429, 430, 431, 432, 433, 435, 455, 465, Union e uropéenne ·J04, 469, 544, 555, 581, 5112.
469, 470, 488, 506, 509, 514, 525, 531, 532. 542, 637, 743, 801, H13. 814, 1119, 893, 897, 900, 902.
917, 918
1025
l 11\k"W1 ~ih'allale des Communautés Ethnlqun v ..ru...1311, 161, 220, 355, 416, 463, 472. 532. !13a.
Wro~- 915 557, 605. 606, &Ul, 612, 613, 616, 617, TS1, 7"3,
Union •lovtne . 916 781. 860. 875, 890
LloionoovitUqu" · 89. 128.142. ln, 276. 309. Vénitiens · 413, 532. 61.17, 620, 764. 779, 11"'1
1111, 523, S51. 593, 594. 706. 714. 8U3. 901, 930 Voénua · 735
.W..,...llsnie "Jll Verden · 386
UN-.asitf 24 Verdun · D6, 884
Uni>-...114! S.tnt-Jooeph · 420 verre& carTecteun · 712
Urboudl ·-IOll verrous 638
url>onlMlion · M3 Versa.ill"" 912
liN~y · 196, 201 , 861>, 900 Vervins · 392
UN""!• . 2'9. 6311 v...puien 295
..w ·7115 V espw:ci 7tJO. 762
usines 'ilT1 Vésuve · 733
\Jbqu• 615 veto · 8Cfl
Utncht ·7112. 861 Vico · 7
Uttar Pradesh · 655 Victoria 182. 657, 690, 6!M
Vidal de la Blache · 74. D3
V Vidal de L1o Bla.che · 23
vieillissement 582
v.rdw ·243 Vienne · 109. 200. 364. 416. 509. 556, 1179, 90'J, 911
''üihnaVisme · 481 Vietnam · 12. 54, 87. 122. 130, 153, 187, 196, 197,
Vol! d'Aoste · 2113 201 . 283. 371 . 445, 451, &96. 792. 818, 821, 839
V.i.chie 5'13 Vietnamiens 541
V.Jais 2113 Vieux de la Montagne 4.53
V..tmce 264 Vieux Monde · 62-l
Valby 535 Vikings · 194. 198, 255, 557, 605. 779
V.Jais ·392.m vilayet · 364, 432. 475
V.anrouver · 552 Villehardouin · 409. 416
Von.laies 133, 263, 267, 383. 699 Villers-Cotterêt · 274
V.muatu · 145, 153, 285 VtlniUS 251
vapeur · 737, 780, 783, 785, 786 vins · 627
Vardar 184 viol · 867
valègue ·282 violence 867
Valègues · 282. 499, 557, 605 Virginie · 116
vuiole · 590, 764 virus · 764. 868
VUWi 263 Visegrad 558. 900
Vosco de Gama 618, 873 Vistule 263, 558
1·....,lilé · SOS Vladivostok · 110. 552
\latnlllnds/1td · 911 voile · 4t>O, 779, 78...l
Vallcan 9, 306, 379, 420, 422, 424, 439, 440, 441 vokan · 736
Vilican Il · 451 Volga 193. 3ti0. 489, Sol2. 552. 605. 710. 909
Vaud · 283 Volh~· ni.~ 909
Ve.los ·370 \'t•lk . 911
1·1!dique ol06 \.·\ ,lksbt4ml qto
Véhicule !onirique · 371 \/oll.s:<n'J'pt.'11 · QlS
\'md~ 569, 593 \'1.1lks tuui · Jlfl
Vmt!tie · 301, 387, 919 Volta · 314
Venezuela · 153. 744, 762, 850 Voltain.- 495
von Lohausen · 507. 557. 623, 921
Vosg.,. 189
1026
Xinjiang · 105, 175, 279. 539, 544, 568, 656 Zollvrrei11 · 78, 911
Zone de Coopération c!conomique de la mer
Noire · 901
y
w11c de 1ibrt-écl1a11ge. 900
Zone &onomique E•clusive · 136, 710
Yahvé 295
zone grise · 843
Yahyà ibn Hosseln al-Rassi · 376
Zones &onomiques E•clu•ivcs · 624
Yakuzas · 852, 854
zoroastriens · 344
Yalta · 442, 564, 807, 885
zoroastrisme · 280
Yambo · 431
Zurich · 912
Yang-Tsé · 560, 561, 639
Yarmouk · 645, 669, 674, 680, 681, 683, 689
TABLE DES CARTES
1. L empire colonial nllenland .-. la veille de la Premi~re Guerre mondiale et les visées
1
93. Les détroits malais ..... .......... ...... ........ .. ... ....... ............. ................. ... .. ... ...................... ................... 633
94. Les nouv~He~ 1·outt."s de la soie russes, selon Rogov ......... ......... ...... ........ ............ .................... 637
95. L'eau au Moyen-Orient, rivières, fleuv es et limites des déserts ......................... .. ......... ......... 642
96. Le bassin du Nil ... ... .......... .. ..... ............ ........ ........ .. ...... ... .... ....................... ... ...... ....................... ... 658
97. L'e,1u .1u Liban .... .................... ...... ..... ........ .... ......................................... ..... .. ... .. .. ......................... 668
98. Pn1bléme de l'eau entre lsral!I et ses voisins : le bass in du Jourdain ......... ............................ 669
99. Problème de l'eau entre Palestiniens et Israélie ns : aquifères et canaux ........................... .. .. 672
100. Le s tatut juridique de la mer Caspienne ........... ...................... ................. .................................. 711
101 . Les routes du pétrole, de la Caspienne à la mer Noire, par le Caucase ................................ 712
102. La bataille des oléoducs pour la sortie du pétrole de la Caspienne ............. ............ ..... ......... 713
103. Les puissances nucléaires ............ ............ ........ ................................... ......................... .. .............. 811
104. Les grandes z ones de produc tion et les principaux flux de la drogue dans le monde ....... 847
105. Les pôles régionaux dans le monde ........ .................... ......................................................... .. .... 904
106. Trois grands pôles de régionalisation : Union européenne, A.L.E.N .A., A .S.E.A .N .. ......... 905
107. Les différents modes d 'organisation géopolitique des États d'Europe occidentale ............. 906
108. Les euro- régions des frontières est-allemandes ........................................... .. ........... ......... ....... 919
109. La nouvelle Ostpolitik de l'Allemagne ........ .......................................... ................................... 922
110. L'enjeu du contrôle par les États -Unis de la dépendance énergétique .................................. 728
111. La piraterie internationale ....................................... ................... ................................................. 863
112. L'Europe des r égions .......................... ......................................... ................................................. 923
TABLE DES MATIÈRES
PREMIÈRE P ARTIE
UNE HISTOIRE DES IDÉES GÉOPOLITIQUES
In troductio u ... ... ..... .................................... ...... ......... .... .. ..... .... ...... .... .... ...... ......... 29
Chapitre 1
La puissance continentale : leçon de géopolitique allemande .••.•......•......••.•......•..... 31
1. L'iuventiou du mot géopolitique ....................................... .... ..... ............................................. 31
2. Le d éternli.n is rne géopolitiqu e ................................................................................................. 31
2. 1. Ra/.;,eJ, 111t précurseur de fa géopofit.ù111e ............................................. .................. .. ................ 33
2 .2. L'i11fl11e11cedonvi11ie1111e ... .. .... .. .. ... ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. .... .... ... ... ..... .. ... ..... .. ... 33
2.3. U 11 1u1Iio1wlisme cofo11iali.ste ............................................................................................. 33
1
2 .4.. L u11ilé de l'Europe .. . 34
2.5. U 11e ombition 111011dùdepo11rl'Affemag11e ............................................................................. 3,i
2.6 . La théorie de l'État Off:.,TC111Ïtjll e . • • • 34
2. 7. L'utilisation 1wlitique des théories de Rat;,e/. ........................................................................... 36
3 .5. L" géopolitû111e est.-elle une science (11/cmamle? .. .. ... .. ... .. ... .. ...... . ... .. ... .. ... .. ... .. . . -- --- --- -- - 39
3 .6. l 'i11spirat.ûm de la pofitù111eextêric11re du 11 / e Reich ? .. - --- 39
Chap itre 2
La puissance mru·itime : leçon de géopoliticrue anglo-saxonne ................................ 43
1. La suprématie de la mer s ur la terre. ---------------------------------- - ------------------------------------43
1.1. Le co111rôle cles mers . ......................................................•............................................ 45
1.2. ln puissance par projec/.io11 ........•. ...............................................•.........•. ........•.........•....... 45
J .3. l e;"1:emple de l'A11gleterre . .. ... ... .... ... ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. ... ... . ... ... .. .. ... ... .. ... .. . .. 45
1
Cha pitre 3
Équililn·e1· les em pires : leçon de géopolitique française ••..•.••.•....•.•..•......•..•...•.••.•... 63
1. "Kiel et T a uger": le réalism e en po li tiq ue étra ngère ................................................................ 6 •~
2. La fronti èr e mod elée par l'homm e ........................ . -------------------------------------------------71
2 .1. Les co11ccp/.io11s de hrfro111ière .. . .. .. . ï2
2.2. l:l u11w11is11wco11tre détermi11isme ........................................................................................ 73
2 .3 . Com me11t Io 1:,·•éopolitù111ef11t é1ii11cée de l'e11seig11eme11t en France . .. .... .. ... .. ... .. ... .. .... .. .. .. .... .. ... ... .. 73
3. La géopolitique frau ça ise co utre l'im périalisme allem and ........................................................ i4
3. 1 . l 'essord'1uwgéopofilique JX•trioüqn eet rép11blicr:1ùw ................. .. ............................................. 74
3 .2. AmlréChérmlame face anpa11germa11isme .... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. . .. .. .... .. ... ... .. .. ... ... .. ... ... .. ... .. ... 75
Chap itre 4
La puissance e urasiatique : leçon de géopolitique russe .•....••.•....•.••••......••.•......•..... 81
1. La géopoli6que interd ite e n Union soviét iqu e ........................................................................ 81
2. Pan s lavisn1 e et euras isn.l e ....................................................................................................... 82
Table des matières 1035
Chapitre 5
Le retotu- de l'analyse géopolitique daus l'étude des Relations iuteruatiouales ..•.••.. 85
). Des tissures dan s lu lecture idéo logique des Relations internationales ..................................... 87
1 ..1. Les fissures dans le ca111p occidental .... ....... ... .. ... .. ... ....... ... ........................................... .. ..... 87
1.2. L es jïss 11res!l1111sleca111p socù1lisle ...................................................................................... 87
1.3. Le rclour de la géopofit.ù11ie après la guerre du V iel1wm .. .. .................. ... ....... ... ........................ .. 87
2. La fin de la bipolarité et le "triomphe" de la géopoli tiqu e ... ..88
2. 1 . Aperçu d es ctw scs de l 'ejfo11dremc11l de l'U. R .S.S . . . .... . .... . ...... . ....... . ......... .. ........ .. ......... . ......... 88
'.:! . 1. 1. L'éd1cct.:Cono mique .. .... ..... ...... ..... .... .... ....... ... ...... .... ..... ..... ..... ..... ..... ... ........... ..... .... ...... .... ...... .... ...... ..... ..... .... 89
2. 1.2. Le progrnnuue G uer re des l~ l o ik-s des Amér ie11i11s .. .. ..... ..... ..... ..... ..... ......... ..... .... ..... ...... ... ...... ...... ... ...... ... ...... 89
2. 1.3. L'e nliseme nt afg han ......................................................................................................................................... 89
2. 1.4. L'é manc ipa i ion <k-ss111 clli1 cs d'Eu ropcccnl.rale ... .... ..... ..... ..... ....... ... .... ..... ...... ..... ..... ..... ..... .... ...... ......... ...... .... 90
Conclu sion .... .......... .... .... .. .............. ... .. ....... .... .. ........... .. ... ... ...... ........ .. .... ..... ....... 95
DEUXIÈME PARTIE
PERMANENCE DE LA CARTE
Chapitre 1
La situation géographique; centre et 1>édphé..ïe •••••••••••••.••••••••••••••••••••••••••••••••••••• lOl
l. Les d onnées fondam enta les de la géographie mond iale .......................................................... 101
2. Définition du centre et. de la périph éri e .... ...... .... 102
3. Du centre omeyyad e au cen tre abbassid e................ ..... . . ....... 102
4. D'un centre roumi.11 à un centre europée n .. . ............. .. 104
S. La d ial ectiqu e centre-périph ér ie détermin e la géopolitiqu e intérieure d'1u1 État. ................. 104
6. L' I ran : le centre est un plateau chiite et persan , la périph éri e es t un e pl a in e sunni te ........... 106
6. 1. Lt1 périphérie lmloutche .. . . .. ..106
6.2. Lli périphérie lurkmè11e ................................................................................................... 107
Chapitre 2
La situation géograpbi1p1e : l'cnclavcment •..•.•....•.••.•....•..•....•......•..•......•..•......•..• 117
1. Définition .. . ........... 117
4. La poussée vers les mers ch audes des gra nd es pui ssances continenta les,
Ru ssie et A llcn1agn e ................................................................................................................. 124
1/.. 1. La Russ ie ................................................................................................................... 127
4.2. L 'A ffe111ag11e ................................................................................................................128
Chap itre 3
La s ituatiou géograpb.i(rue : l'ius1tlarité ............................................................... 133
1. Défi ni t ion ..... ....................................................................................................................... 133
2. Avan t age stratégiqu e de l'in sularité ...................................................................................... 133
3. Le senti1.n en t d'exception ............................ ... .... ........ ..... ........... . ... ...... 134
4. Les logiqu es de prox imi té insulaire ....................................................................................... 134
5. L'o uvert ure 1naritiln e ........................................................................................................... 134
6. Stratégies in sul a ires d e l'I s la m en Méd iterran ée ...... ........ .......... .... ...... .. .................... .. .......... 1.35
7. Rela is insula ires .................................................................................................................... 135
8. Bahreïn, É ta l-archipel et rel ais in s ul a ire ................... .............. ............ ................................ 137
9. L'îl e co nvoite l'île ..... ... ..................................... ........................... ...... .... ................................ 138
10. La va leur stratégiqu e des États- insulaires est la cau se d e leur in stabilité ........ .................... 138
11. Une ins ula rité partagée est cause d e t ensions ...................................................................... 139
12. L es Éta ts continenta ux convoiten t au ssi les îles .............. ........ .. .......... ..... ... ......... ........ ... ... 140
13. Le con tentieux des Kouriles en tre la Ru ssie et le J apon ...................................................... 142
14. U n séparatism e sous influ ence étrangère : géop oli üq ue d e la NOll\'CUe-Ca lédouie ................ 144
15. L ogique d'archipel coutre logiq ue in s uJa ir e .. . ...................................................................... 149
Table des matières 1037
Chap itre 4
Une constante : le eboc Lerœ-mer ...•..•......•..•...•.••.•....•.•. ....•..•......•..•......•..•......•.•• 161
). Guerres Méd iq ues, G uerres d u Péloponn èse, T erre et Mer, Orient el E urope ......................... 162
2. La France, entre t erre et 1.n er ................................................................................................ 166
Chap itre 5
La topologie : fo nction géopolitique du relief •••••.••••••...•••..•••••••••••••••••..•.••••••..•.•••• 169
1. Défu.1.iti on ................. .... ........................................................................................................ 169
2. L'importan ce J e la topo logie en géopoli tique dépend
du temps lüsto riqu e cousid éré .................................................................................................. 169
3. La fo nction géopoli t iqu e du désert
3 .1. Le iléserl est un 11ù/e lopologiq ue ................................................. ... . .... .......................... 170
3 .2. Le désert est 1111e;:;o11e <le séparatio11, une mer de S(lb/e .. ... .. ... .. .. ... .. . .• . .. ..... .. 170
3 .3. Le désert. repousse les fro 111Jères ...... ... .............. .............................. ..... ... .. ......... ...... .171
3.4.. L 'impor/(ll1ce slratégù111e dn désert <h111s la guerre moderne ... .. ... .. .. .... .. . .... .. ... .. ... .. .... .. ... ..... .. ... .. l 72
3.5. Le S alwra esl.- il dei e11u. 1111ebt1se arrière de l.'i-slam isme radiclll ? ............................ .... ........... .... 173
1
3 .6. L" poussée de fo démographie vers les régions m'des .. ... .. ... .. ... .. ... .. . .. .... • . .. .. ... ..176
3. 7. Géopolitique des slefl/H!S .................................................................................................. .1 77
3.8. l ,a perti11e11ce de l'éle11d11e en géopolitù11w . ..... .. ... ..... .. . .. ... .. .... ... .... .. ... .. ... ... .. ... ... .... ... ... ..... .. .. 177
4. La fo nct ion géopo li tique de la forêt et des végétation s à co uvert: ............................... ............ 178
5. La fo uet.ion géopo l.itiq ue de la baie.. . . .... .... 179
6. La fo uet.ion géopo l.i t iq ue de l'isthm e ... .. .......................... ................ .... 180
7. La fo uet.ion géopo li t iqu e du lac ou de la mer intéri eure ... ........................... 181
7. 1. Le ronlrôle Io/al par une p11issa11ce ..................................................................................... 182
7.2. CegJlfeA rabo-persiq11e qu1'.ful 1111 foc persa11 .. . . .. ... .. 182
7.3. Lac etfro111.ière ......................................................................... .......... .......... ................ 182
12.4. Cêopolitù111e des clll<1rac1es .. ... .. ... ... ... . .... .. ... .. ... .. ... •• . . ... .. ... .. ... .. ... ... .. .. ... ... .. ... ... .. . . 197
12.5. ûmséq11e11œs des Î11l!asio11s 1wrmamle.~ en France .. . .. . ..... ... . 198
12.6. Dése11cfmieme11tfl11 vüd .. .. .... ..... ..... ..... ..... .. ... ..... .. ... .. ... .. ... .... .... .. ...... .... .. .... ..... .. ... .. ... .. .. 199
12.7. Fl1wialitéet U 11ioneuropée111ie. . . ... 199
J2 .8. Principes essc111.i els d e droù ù1 tem(lfiom1l 0011ccmc111t la 1urnig(lbilité des jlcm'es ... .. ... .. 200
Conclus ion
La géogra phie ph ysi11ue, p1·emier déterminisme géopol itiq ne ...•••.•...•......••.•......•.•. 207
TROISIÈME PARTIE
PERMANENCE DES IDENTITÉS
In trod u ctio n
Communa utés lignagères, linguistiques, religieuses .•............•..•...•..•....•.•..•......•.•• 211
Chap itre 1
Le clan, l'cth.uic, la naliou cl le Lc1Titoi.1·c ............................................................. 215
1. Le clan , la d ynastie, la lignée ................................................................................................ 215
1. J. Hér&.lité el.Jormatù:m territorùilefram;<J ise:
de C/wrfe11wg11eà la l'eiffe des Crois<U/es .................................................................................... 216
1 .2. S piritiwlisa tion et dé1errilorûd1~~otion de l'Église
au profit <le la lignée C<1/>élie1111e . . .... . 219
J .3. Le Sai11t Empire romaingemm11û111ede Charles Q11i11t:
u1w co11sl.rucl. io11 dy11as1iq11e .................................................................................................. 220
1.4. Dynastie, trilms, co11fédératio11$ tribales, e11 terre d'islam.. . ..................... .. 221
7. Dyn amiqu es d'ex paus io u et lmique : impér ia lisme et colonisation ......................................... 255
7.1. P emw11e11ce du fait impérialiste el t:olonisaieur .. .. ... .. ... .. ... .. .... . .. . ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .... .. .. ... .. 255
7.2. /.,a colo11islltio11 grect1ue de fo 1\iléditerm11t..'e des A 11cie11s . ... .. ... .. ... .. .. . ... .. .... . ... .. ... . ... .. .... . .... . .... .. 256
L'c u ropéisa1 ion d11 mond e grec . .... ... ...... .... .......... ................. ........ ....... .. ..... ..... ... .. ...... ........ ..... ... .......... ....... 256
La G rèce 1rai1 d'unio n cutrc l'Oricnl cl l'Occidc nl .................................................................................................... 259
Cha pitre 2
La langue •.•............••.•....•.••.•....•.•.••....•.•.••.•....•.••......•.••..•.••.•..•...••.•....•.•..••.....•.•• 273
1. La la ng ue dans lrÉ ta l ................................................... . ....................... .. ...... ........................ 273
1 .1. U n éléme11t.J(m<lame11/al <le défi11ilio11 i<ie11litaire ................................................................... 273
1 .2. La lang ue 1111ijï.catrice ............................................................... . .... . .... . ......... . ................ 274
1. 3. Des N orllmw ns rlltx imm ig rés: ln11g ue et i11tégmti011 ............................................................... 278
1 .4. la la11g 11e, outil <ie fabric<llion ùle11tilflire ....... ............................................... . ...................... 279
1 .5. la la11g 11c, outil de résisla11ce 1wl io11ale . .............................................................................. 280
Chap itre 3
La religion ..............•..•....•.••.•......•..•......•..•.•...••......•....•..•..•......•..•......•..•......•.••... 289
l. Des fractures reli gieuses de Home à l'émergcuce de l'islam .. .. ···· ·· ·· 292
1.1 . L 'écliec rle l'hellé11ism cetla r&1ctionorie11t11 /e ........................................................................ 292
1 .2 . l 'ess or<ies cultes orie11 /aux .............................................................................................. 292
1 .3. L 'orig ine <le /'affirmation i<ie11litaire jui11e . .......................................................................... . 294
1 .4. ln c/1ristù111 is ati011 de /.'Empire romain .............................................................................. . 296
1. 5. L'1111irersalismechrétie11 à la place de la mom/ialité romaùie ..................................................... 298
1 .6. la quesl.ion d 'Orie11t <ie11ie11t plus relig ieuse .......................................................................... . 299
3 .2. l es conflits e11/re l 'islam et le cl1ris tù1111'.s m e ........ .. .. ........ .. .... ............. ....... . ........ .... ....... ... .. . 310
3.!?. I. His to ire gl'Opo lî1i<p1c de l'isla misa \ io n de l'Afri(111c 11o ire ..... ..... ...... ....... ......... .. ..... ...... ..... ..... ..... ..... .... ..... ..... .. 3 10
1040 Table des matières
3.2.2. Le cl 1ris ti a nî s m 1.1 ancie n face 11 l'islamisal io n : les çoptcs d'Ég y pte.
les c hn~ lî e ns <l'l~ry lhréc el d'Éthiopi e .... ... ..... .. ..... .... ....... ... ..... ..... ..... ..... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... ..... .... ..... .... ...... ..... .... .... 325
3.2.3. Les frnclurcs is lamo-d1ré l icuncs du Caucase e l des Balkans ............................................ ....................... ........ 326
3.2A. Pourquoi l'Afriq ue d u No rd n'es l-clle plus c hrélic1111c? .............................. .................... ......................... 33 1
3.2.5. Les mi11o ri1 és ch rétie11111.'8 d'ûrie nl ..... ..... ..... ... ..... ..... ..... ..... ....... ... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... .... ...... ..... ..... .... .... ..... .... 332
3.2.6. Les cl1ré l icus d'A sie face 11 l'islam ............................. ................................................................ ....... ................ 338
3.4. Le co11jlù des mo1wlhéi.smes el des religions d 'Asie .. . .. ..... .. .. .... .... .. .... ...... .... ...... .... . .... 363
3.4. 1. Lorsc1uc le J upo n foillil dcve11ir c hré l ien ..... ... ... ... ..... ..... ...... .... .... ......... ..... ...... ..... ..... ..... ... ....... ... ..... ...... .... .... 363
3.4 ..'.!. La politique impériale anglaise. t nlrc is la m e1 hindo uis111c ............................................................................. 364
3.4 .3. Le conllit d(.'S mo no l héis t.::s t'.1 1 des bo11cldl1is1 es eu llir mu nic ... ..... ..... ....... ... ..... ..... ..... ..... .... ...... ..... ..... ..... ... .... 36.5
3.4.4. L<t crise du S ri~Lanka: bo u{ldliîs tcs con tre hind o uist es ................................................................................... 366
6 .3. J_,es clie11tèles religieuses des Occidc11/a11x tians l'Emp1:re olloman ... .. . .. ... .. ... .. .... . ... .. .... . .... .. ... .. ... . .419
6.4. Théologie de Io /_, ibémtion el é1•<111gélisme protes/a11t en A mùû11w foli11e pc11da11t hi Guerre/ro ide .. .. . ... .422
Table des matières 1041
6.4. 1. Les po int s d'ancrage de la Théologie de la Libérn1io11 ....... ... .... ...... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... ..... ..... .... ...... ... ..... ....... .. 422
6A.2. La con lrc-offcns i\'e d e l'évangélis me pro teslant ...... .... .. .................................. ..... ........................................ ... 1 ~23
6.5. L 'utilisation américt1i11e de l'arme is/amist.e d11ra11 /. la Cuerrefroùle ............................................ .424
6.6. Les origines hislorù111es de la politù111e islamique des A 11glo- Saxo11s ........................................ . 426
6. 7. L 'ut.ilisatio11 de l'arme islamique parl'Allemag11e de C11illaume l I .... ......................................... .435
6.8. Sources de la symp<1lh ie r111glo- s(lxo1111e pour I smël: la politique jufre de /.'A 11glelerre ...................... .436
7. Les relig ions adm ettent-elles un e géopolitiqu e pro pre"? . ...... .... 438
7.1. La d1j1/omaliet•atica11e, e11/re ùl&.ilisme religieux el rétlfisme étatique .................................. ... ...... 438
ï . 1. 1. Une polit ique d e réconciliac ion europl-t:1111e.. ..... ..... ... ..... ....... ........ ..... .. .. ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... .... ...... .. 439
ï .1.2. L'acti \'Îsme dn \' a1icu11 à l'est d e l'Europe .... ... ..... ...... ... ...... ... ..... .... ... ..... .. ..... .... ..... ....... .. ..... .... ...... .... .... 440
ï. 1.3. Gl-opo lil i<1uc <l es mi norit és au 1\ loye n-Oricnt .. ............................. ... ................................................................ 44 1
ï. 1.4. J ea n- Pau l Il . un bilan gfo politique .. .... ....... ..... .... ...... ... ........... .... .... ... .. .... ...... ..... ...... ............... ... .... .......... .... 44 1
ï. 1.5. Les<pm1reg rnnds dé fis géo politiqucs du po nl ifical d e Be noît X VI ................................................................. 444
8. Qu elques réflexio ns à propos du choc des civilisati ons 1nusuln:rnn e et chréti enn e. . .... .... .. .. .. 460
8 .1. Lt1 Ra ilpolitiJ.; sous les ûiroli11gie11s .. .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. ... .. .. .... .. ... .. ... .. ... .. .... .... ... ... .. ... .. . .46 1
8. 2 . J\i/alwmcl el. Cliarlc111ag11e .............. .......... ...... ........ ..... ... .. .. ............................... .......... ..... 463
8.3. Les rcprése11lalio11s de l'i slam dans l'Occide11l médié1•al .. .. ... ... .. .... .... .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. .. .... .. .. ... . .46t/.
9. L'Ordre de i\ Jalte, un e puissance maritim e trans nationale au service de ta Cb.réti enté ........... 466
9. 1. Le rôle sl mlégiqiœ de J\llalle dès l'A ntiquilé .......................................................................... .4-67
9.2. J\l/alle mi cœur d1t choc entre le cliristù111is me et l'islam ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. ... ...• ... . .. ..... .. ... .. 46 7
9.3. L 'Ordreii J\ilal/.e ........................................................................ .......... .......................... 469
9.4-. L 'A 11glelerre ii J\llalte : une leçon de géopolitU1ue insulaire . . .. . .472
10. De la l.rnn sceudauce du fact eur religieux sur l'histoire ...................................... ................... 474
11. Facteurs explicatifs de l'émergence et. du développement de l'lslnr.n :
au moius quatre facteurs géo poli t iqu es à combin er .. ... .. .... 477
11 .1. La montée en puÏSS(111ce des A robes s'appuie sur l'épuL<>eme11t de l'hellé11Lm1e
en Orient, résufl<f/ cle la fuite cle Byzance co ntre les Perses . . . ....... 479
11 .2. l e recul clu grec comme l<t11g11e unijtcalrice att JV/oye11-0rie11t et la clii1isio11 li11g11i.stiq11e t1ui en rés ulte
ffworise11t f'émerge11ce ll 1111e 1w1wefle la 11g 11e commerciale fédératrice . . .. .. .... .. ... .. .... .... .. .... .... ... ..... .. ... .. 480
1
Chap itre 4
L' idculilé el la cru·tc eu action: les pa u is1.nes ...•.••.•....•.••..•.•..•....•.•......•..•......•..•... •l87
1. Déliuition gén érale ............................................................................................................. 487
2. Les pan.is1nes et:huo- lin guist.iqu es .......................................................................................... 488
2.1. Le pan-lurq11is11ie ................................................................ ......................................... . 488
2.2. Le pa11~ cirnbis11ie ........................................................................................................... 492
2. 3. Le pan-geruu111is111e ....................................................................................... ................ 499
2.4. Le /KI1t-sla11ù111c .......................................................................................................... .. 500
2 .5. Deux panismes q11 i 11c so11jfre111 guère la Fm nec, le pan-Wtsi.smeet le pon-méla11ésù111isme ................ 501
Chapitre 5
La miuol'ilé ....•.....•.••.•......•..•......•..•......•..•.•....•..•.•....•.••..•....•......•..•......•..•......•..• 511
1. Définiti on du fait: mino ritaire .. .................................................... 5ll
2. Les t y pes de mino rités .. ··-·······-·-······-··-·- SU
Lcsd ias porns ........................................................................................................................................................... 5 14
Les peuples d iasporiqucs .......................................................................................................................................... 5 1 1 ~
3. Les m inorités sont so urces de tensiou eutre deux ou plu sienrs pa ys ... ················ 515
4. La min o rité morisque espag nole daus le l\taghreb .. . ...... 515
Ch a pitre 6
La catégorie socio ~éco n o1ni(111e ......•......•..•......•.••.•....•.••.•..••.•....•.•. .•......•. .•......•.•. 519
1. Le concept de "géoécouomie" es t une erreur .......................................................................... 519
2. Ce qui res te du domaine propre de la politiqu e, de la sociolog ie,
de l'éco uo n1i e et. .. de l'hist olre .................................................................................................. 521
3. l\lodes de vie et d ivisions socio-écon om.iqu es par l'exemple .................................................... 522
4. Du nomadisme et d es citadins dans l'islam ................................................... .............. .......... 525
Chap itre 7
La civilisation ...•.•......••.•....•.•..•......•..•......•..•.•.•.••......•.••..•.••••....•.••.•....•.••••......•.•• 529
1. Puissan ce et civiJi sati ou ........................................................................................................ 529
2. E t Lépante '? Du cboc des civi lisations .................................................................................. 532
2 .1 . Byzm1ce, le tlestin mortel d'un emt>ire à cl1e1ml s ur d eu.\: ci11ilisatio11s . ... . .. .... ... .. ... .. ... .. . .. .. ... .. ... .. .. .535
2 .2. Co11sla11les tle la ci11ilisation chinoise ... . .... ..... . ..... ..... . .. ....... . ... ...... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. ... ..... . 538
2 .3 . CilliUsation européenne contre ci11 ilis atio1t 11ur11œ: trois mille <
111s d'op1>0sitio11 ... ... .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. 542
2A. La guerre de la ci!! ilisation is fomiqu c co ntre la J\11()(/emité occidentale ... . .. .......... .... .. ... . ... .. .... .. .. .. .. 546
2 .5. L t1 ci11ilisatùm russe fa ce à l'islam. . .... .. . .... .. .. .. .... ... .. .... ......... ... .... . 551
2 .6. Lo q11es1io11 des f ro111ières de la ci11ilisatio11 e11ropée1111e .... .... ...... ......... . ... . ..... . ... . .... .. ..... ... .. ... ... . 555
Chap itre 8
Le noml>re ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••.•• ••••••••••••••••••••••••••••••••••• 559
1. L'orig ine du 1101.nbre . ............................................................................................................ 559
1.1 . Pourquoi: Ili Chine est-elle 11ombreuse? .. ........ ..... ..... ... .. ..... ... .. .. .... .. ..... ... ... .......... ..... ..... . ... .. 559
1. 2. Pourquoi la civihsation e11ropée1111e a /- elle progressé plus l/llC /e._ça11tres? ... .. .. .. ...... . ... ... .... ..... ... .. .. 561
2.2. Croître par le nombre et. accroître sa puissance, décroîlre et décliner .. ..... .. ... ..... .. ... .. ... .. ... .. ... ..... .. .. 564
2.2.1 . Cro issance c l d l"elîn d e Home : tuJC l ~o n po ur l' Euro pe cont cmpo ra iuc ...... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ....... 56.5
2.2.2. Pourcp1oî l'Islam a-1-il é té 610ppé? ... ...... ..... ... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... .... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... .... ...... ..... ... .... 566
Table des matières 1043
2.2.3. Comment so11111u)s-11011s passés du Grand sii:!d e fran çais an sii:!cle anglais
(X I X• siècle) pui ~ amé ricain (XX• sii:!clc) ? Bévolu1.io11 françai se e l coït us in1 erruptus .. ..... ..... ..... .... .... ....... ..... ..... .. 568
2.2.4. Et commenl la Frnuce. après a voir laissé la d émographie anglo-sa xo nne
trnnsformer le monde, l;-issa la dé mographie allemande boul<:ve rser !" Europe . ... .... ........ ...... .......... .. ... .. ......... ....... .. Si l
4. Combiner le facteur démographique avec d'autres facteltrS géopo litiqu es ... . ...... .... 586
4.. 1. Facteur démogmpliù11w et facteur li_ydrù11ie: l'exemple du Bangladesh .. .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. .. .• ... ..... .. 586
4. 2 . Démogmphie et écxmomie de la rente pétrolière: l'e:xemple de L'A rabic Sao utlite ......... .. .............. ..... . 58ï
t/.. 3. La démogmphie <létermine-1.-elfe l'économie ? OJmme11Laires de Brawlef s11rles lm1•<11ix
de IVage111a1111. ................................................................................................................... .589
6. Conclus ion : lm e réflexion sur la démograph ie des morts et: l'apport essenti el
des trava ux de G.F Dumont à la géopolitiq ue des popu lations .............................. 59 1~
Conclusio n
La géograph ie ide ntitaire, de ux ième détenni uisme géopolitique ......•......•. .•......•.•• 597
QUATRIÈME PARTIE
LA QUÊTE DES RESSOURCES :
UNE CONSTANTE DE L'HISTOIRE
Introduction
Ap1·ès l'être . .. l'avoir .••.•......•. .•......•.••......•......•.••.•....•... ..•.••.•......••.•......•..•......•.•• 601
Chap itre 1
Monopole et puissance .•••.•••.•.....•••••••••..••••..••••••••......••••.••.••••••••••••••••••••••••.•....•.•• 603
1. Le bois d es Pliénicieus .......................................................................................................... 603
2. L'or eutre Orieut et Occid ent., et le partage de la pLüssauce ................................................... 604
3. Le poivre portugais .............................................................................................................. 607
4. Sa lpêtre auglai s .................................................................................................................... 608
1044 Table des matières
Chap itre 2
Tbalassopolitique et puissance •......•..•......•..•......•.••.•............•. .•...•..•......•..•......•.•• 611
) . La ni er n e se partage pas ...................................................................................................... 612
2. La thalassocrati e phéni cienn e ............................................................. . . ....................... 613
3. Ces émirats du Go lfe nés de la mer ........................................................................................ 616
4. Lorsqu e la Méditerranée éta it un lac musu lm an, et lorsqu e Venise s'envolait
vers la puissan ce ....................................................................................................................... 616
5. T halassopoli tiqu e portu gaise : Portugais et Arabes ............................................................... 618
6. Le d ésas treux refu s chinois de la mer .................................................................................... 621
Chap itre 3
L'ouvc1'l1u·c des routes 1na1·iti.1nes ...•..•.•....•..•......•.••...•.••..•.•. .•....•.••.•....•.••.•......•.•• 625
1. Bref rappel des grand es routes maritim es .............................................................................. 626
2. Routes du conuncrce et. maiut.ien de \'1111.ité méditerran éeuu c
après les in vas ious barbares : réfl exions sur la thèse de Henri Pirenn e ...................................... 627
2. 1. /.,es Sy riens rouliers de la 111.er ........................................................................................... 627
2 .2 . Des mnrcliamlises venues d 'Orie11t .. ... ... . .... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. . .... . ... .. .... . ... ... ... . ... ... ... .. ... .. .. 628
2.3. L e commerce d 'Occident 1;ers l'Orien t. : les esclm 1es ................................................................... 629
2.4.. /., '1111i1é monétaire de la iWé<literrmrée . . .. . .. .. 629
2.5. Lei co11 /Ù1.11ùé c11lturelle ................................ ...... ...... . . . ...... ....... ............................... ...... .. 629
2.6. /.,t11101wea11téest politU111e . .. . .. 630
3. Le coutrôl e d es dét roits et des canaux , uœ u<ls stratégiques des routes .. ····· 63 1
4. Îles et résea ux in sulaires, positions stratégiqu es s ur les routes maritim es ........................... 63 4
Chapitre 4
L'ouvcrt1u·e des routes terrcslTcs ....•....•.••.•.•....•.••......•.••.••.•......•. .•......••.•......•...... 635
1. Des ro utes de la so ie à la route des Ind es ............................................................................... 636
2. L'ambition russe des nouve lles ro ut es d e la soie .................................................................... 636
3. A propos d es verrous des routes terres tres ..................................................................... .... .... 638
Chap itre 5
La Guene de l'eau ..••••••••.•••.•.....•••••••••..••••..••••••••......••••.••••••••••••••••••••••••......•.••.•• 639
1. R esso urces eu ea u et dén1og raphie ........................................................................................ 640
2. La guerre de l'amout et de l'aval ........................................................................................... 643
2 .1. Le Tigre et l'Euphrnte: Turqu ie, Syrie, I mh ... .......... .......... .. ....... . ......... . ......... .. ........ .. ........ . 644
Le G.1\ . P. "Grea1 A11a lo li uu Projec1" ....................................................................................................................... 644
Oépe11danc1..'S syrie nne c l irakienne de l'eau lur<pic et menaces de réa c l io ns cn chaîne .... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... .. 645
Le cont cuticux Ind e/Pa kis tan ...... ..... .... .... ..... ..... ...... ...... ... ..... ..... .... ...... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... ... ....... .... ...... ... ..... ....... .. 654
Le cont cutie ux Ind e/ Bangh1desh ................................................................. ............................................................ 654
U cont entieux Ind e/ Népal .... ..... ..... ..... .... ..... ..... .... ..... ..... ..... ..... ...... ... ...... ... ...... ..... ..... ..... ..... ..... ..... .... ..... ..... .... .... 655
(,"enj eu l-cologiqne ... ..... ..... ..... .... .... ....... .... .... ....... .... .... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ... ...... ..... ..... ..... .... ...... ..... .... .... ....... ... .... 656
Le Tibe t e t l'ea 11 comme levier de poli li<1ne chinoise................................................................................................. 6.56
2.5. Le N il : Égypte, So uda11, É thiopie el fKtys d 'Afrù111e 11oire ... ...... .......... .... .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. ... ... .. 657
Système g61é1iq11e du Nil, N il blanc. N il bleu. Nil. pa ys ri ve rains ..... ..... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... ..... .... .... ..... ...... ...... ... .... 65i
Le pompage en aruo nt d 11 Nil blune : Ougmidu. T m1zunie. Kenyu ............................................................................ 659
Les projels de l' Éthiopie : u.ne menace pour l ' l~gy p t c ................................... .. .......................................................... 659
Lu rivalité entre le Soudan e t l'Éthiopie ..... .... ....... ... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... ..... ... ....... .... .... ...... .... .... 660
Uueg11erre d 11 Nil ? .... ... .... ..... ... ..... .... ...... .. ... .. .... ..... ...... ... ...... ... ..... .... ... .. ... ..... ..... .... .... ....... ... .... .... ...... .... .... 66 1
2.6 . Éléments detlroit ù1tenwtio11al sur le parll1ge des e<rnx ; principaux Imités et accords ..... .. ..... ..... ..... .. 661
4. Qu el rôle l'eau joue-t- ell e dan s le conflit entre l sraél.iens et. Arabes'? ........... ... ... .......... .......... 665
4. 1 . Le système régiotwl des ressources en t'<llL . . .... . .... . .... . .... . ........ . ... .. .... . .... . .... . .... . .... . .... . .... . .... . . 666
Le premier gran d giscmen l cle ressources en em1csl le Liban. pa rco 11ru par de 110111 bre11ses ri vières ............... .... .... 66i
Le bassin d11 J o11rdain ... ..... ..... ..... .... ...... ..... .... ..... .... ....... ... ..... ...... ...... ... .... ... .. .... ...... ..... ..... ..... .... ..... ...... .... ..... .... .... 668
Quelc1ucs renmr<1ucs d'ord re sl rn tégiquc q1m nl aux donnl-es de resso urces ................................................................ 670
l.,t,-s gisement s en eau 11 l'in térie ur de la Palc!itinc his lorique .... ..... ..... ..... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... ..... .... ..... ...... ... ...... .... .... 670
Bil;u.1 sur l;1 dis tribut ion de l'ea u p;1r rn pporl 11 la donne éta1i<pic de l 948 .. ... ... .. .... .... ..... .. . .. .. ....... ...... 672
1-.2. Co m111êtes sio11 i.sles et co11q11êle <le l'ea u .. .... ...... ............ ........ ........ ..... ..... ............. ................. 673
1890- 1948: le ré\'e rl 'nn É1a1 ab reuvé .... .... .... ....... .... .... ...... .... ...... .... ..... ..... .. .. .... ...... ..... ..... ... ... .... ..... .... .... ...... ..... ... 6i3
1949- 1935: l.1 co 11qué1e de la suprémat ie sur l'ea u .... ..... ..... ..... ..... ...... .... ..... ... ...... ..... ..... ..... ..... ..... .... ..... ..... ...... ... .... 676
La li u tic la Guerre fro ide cl ses co11sl'.-.:p1euccs sur lu polil i(111e d' Israël ... .... ......... .. ..... ..... ..... ...... ... .... ..... ... ..... ... .. ... 686
S. Ne pas t out exp li qu er pa r l'ea u ; a berrati on territo riale, conflits ethniqu es,
et logiqu e de l'ea u : l'exemple de la band e de Capri vi en Afriqu e ........................... .. ............... 690
L'o rigi11e du tcrriloirc de Capt i\'i .............................................................................................................................. 690
Ch a pitre 6
La 11uêle de 1' m· uoi1· ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••.••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 699
1. L'esso r d'uu É ta t. sur la resso urce pét:rol.i ère : l'Ara bi e Sao ud ite ...................... ........... .... .... .... 700
1 .1 . É tat lig1wge r et légitimité des Lieux S aints .................................. .. ........ .. ........ .. ........ .. ......... 700
1.2 . Le rôle<l11 pétroleda11s la délimitatùmdes fro11l.ièrcs de l'A mbie S ao1ulite .. . .. .. . .. .. . .. .. ... . . .. .. .. .. ... ... . . 701
Ara bie-Sao udil c e1 l n1k ..... ..... .... ..... ..... ..... .... ...... .... ..... ..... ..... ..... .... ...... ..... ..... .... ...... ... ..... ..... ..... ..... .... .... ...... ... .... i02
Ara bie Suoudi te el Koweït ....................................................................................................................................... iO'.!
Ara bie Saoud it e et Yémen ...... .... ...... ..... ..... ... ....... .... .... ..... ..... ..... ..... ..... ..... .. .. ..... ..... ..... ...... ......... ..... ..... .... ...... ..... .. i02
Ara bie Saoud it e. Oman cr Yémeu: au x eoufins tin Dhofar ..... ..... ..... ..... ..... ... ...... ..... ..... ..... ..... .... ...... .... ...... ..... ... .... i03
Fro111 ièrcs oricnl;1[cs de 1'1\rnbie S11011di1 c uvt-c Ab u Oh;ibi et Onnui : crise de Hurnim i cl crise ibad it e. .................... i03
l .3. Péiroleet 111011/éeen p11issa11ce de l'A rabie Sao11di'.le .. .. ... .. ... .. ... .. ...... .. .. .. . ... . . .. . . .... . .. . .. .. ... .. . .. .. . . 704
1046 Table des matières
CINQUIÈME PARTIE
RÉVOLUTIONS GÉOGRAPHIQUES
Introduc tion ...... .... .... ...... .. .................. .. ... .. .. ... ........ ............. .... ............. .... ..... ... . 731
Chap itre 1
Bouleversements géographiques ..•..•......•..•.•....•.••......•.•...•.•..•......•..•......•..•......•.•• 733
1. La pLtissance des éléments et ses conséqu ences géopo li t iqu es ................................................. 733
1.1 . Catacly smes en l\!léditerra née. ............................................................................................ ï34
1.2. Le lrembleme11/ de. terrequidétrui.sit B~'routh ........................................................................ ï35
1 .3. 181 5, l'a1111ée de IVoterloo et. de ... Tambom .................................. .... ........ .. ........................... ï36
3. Le li en rétroactif en tre les transformatio ns éco logiqu es et les processus géopo litiques ... .. .. .. 739
3. 1. Réflc:âon fimùw ire sur fo cù;i/i.sat.ion teclmicie1111e et ses progrès ................................................ ï40
3 .2 . Le constat: l't1ggmmt.io11 du. lt111x des gi:. à effet de serre .. .................. ... ...... ... ................. 741
3.3. L e protocole tle Kyoto dans les enjeux de p u.i.sstwce .................................................................. 742
3.4. Leseflets - di.sc11tés-surfeclimt1/. ........................... ...................................................... ï44
3.5. La déforesla lio11 freùw fo réduction 1mt.11 reffe des ga:; à effet <le serre ............................................. 746
3.6. Lt1 ce11lmli1é é11erb'fftù111e du pélrole aggmlie fo protluctùm des b~i:; à effet de serre ........................... ï49
3. ï . Co11séq11e11ces géopolitiques possibles d'1111e 1;ariution globale d11 cli11ml .......................................... ï50
Le recul Je la forêl ... ..... .......... ..... .... ...... ..... ..... .... ..... .... ..... ..... .... ...... .... .......... ..... ..... .... ..... ....... ... ...... ..... ..... .... ..... ... ï50
L.<1 fou l e de~ gl<1u :s : vers une i\l édi1 erran l:e r 11sso-;1 111l: ricui11 e? .. ............... ... .... 75 1
La mo ut.l-e d es eu ux ................................................................................................................................................ 75 1
Te m pê t e~ . chakurs et froid s C:'l: lrê mes ... .... ....... ..... ... ....... ... ..... .......... ..... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... ..... .... ..... ..... ..... ...... ... .... ï 52
Sl'<.: hercssc .. . ... .. ... . ... .. .. .. . ... .. .. .. . .. .. . ..... .. .. . .... . .. . .. .. .. . .. . .. .... . .. . .. .. . .. ... .. ... ...... . .. .. .... .. .. .. .. . ... .. ... .. ... .... ... ..... .... . .. . .. .... . .. . .. . ï 52
l~ n e rgi e .................................................................................................................................................................... 753
3 .8. l 11slrume11lllli..w1 Lio11du1/ième écologique ..... ..... .. ... .. ... .. ... .. ... .• ..... .. ... .. ... .. ... ... ... ..... .. ... ..... .. .. 753
Chap itre 2
Décloisouuements géographiciues ••••••••••••••••••••••••••·••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 755
l. Alexandre le Gra nd, ou l'E u.rope à la couquête de l'O rient .................................................... 755
/. J. Le décli 11 de la Grèce propre 011. le re11de:;-1•ous ma11q11é m•ec la JXIlrie ..... .. ... .. ... .. ... ... .. ... ..... • ... .. ... .. 755
1. 2. Le monde 11wcédo11ie11 à la co11q11i:le de la Grèce . .. .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. .... .. .... .... ... ... .......... ..... ..... .. 756
Table des matières 1047
J .3 . L 'hellénisme à fo co11q11êtede l'Orient .... ..... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. ... .. ... ... ... .... .... . .... .. .. .. 757
1.4. L'héritagegéopoli1iq11e d'Alexandre : fin de la grécité, pére1111ilé de l.'liellé11isme . .... .... .. .. ... ... .. ... .. ... .. 758
La mo rt de la gréci l.é ................................................................................................................................................ 758
L'hcllénisa1io n {le [',\ sic ............................................................................................................................................ 759
L'o uvcrl ure {Ill mo nd e mi'..J i1 c rra11 l-c n Il l'A sie .......... ... ......... ..... ..... ........ .... .. .. ..... ....... ..... ..... .......... ... ...... ..... ..... ... .... 759
Le protoi ype d e l'c111pirc cosmopoli 1c ..................................................................................................................... 759
2. Les Grandes Découvertes ou le déseucla ve1neut maritime de l' Europe .... ..... ··· ···· 760
2. 1. Le co11loume111e11t de l'Afrique en direction <les l mies ............................................................... 761
2 .2. Ln déco1werle de l'Amérùpte puis le passage dt111S le Pncifü111e .................................................... 761
2.3. Co11séq1œ11ces géopolùiq11es des Grandes Décom erles ................................................................ 763
0
Introdu c tion ... ... .................... ......... ... ... ... .......... ..... .. .... .. .... ... .. ................ .......... . 769
Chap itre 1
La créativité Leclmi<1ue, fondement de la puissance em·opéenue •......•..•......•......•..• 771
1. L'hér itage o ri eutal de l' Europe en matière scientHique et techniqu e ... ·· ··· ...... 771
2. L'invention de l'énergie arti fi ciell e .. .. .......... .. .. 772
3. L'in veution de l'iudu str ie de précision .. . .................... 772
4. L'in ventio11 de l'h orl oge méca niqu e : dé fi au temps religieux,
et invention de la produ ctivité .......................................................................................... 773
5. L'in vention de l'imprimer ie : diffu sion de la connaissance, et maîtrise de l'information .......... 774
6. La poudre au service de la puissance des E uropéens ......................................................... 774
7. La civilisation de la science et des in génieurs ........................................................................ 775
8. Christian isme et travai.1 au servi ce du progrès technique;
responsabilité du fanatisme religieux dans les <lécl.in s en pui ssance ........................................... 776
Chap itre 2
Les 1·évolutious de la uavigatiou 1uru·itime ........................................................... 779
l. De la Méditerrauée à l'At.la11t.ique: de la rame à la voi.le ........................................ ............... 779
2. Les progrès dan s le cal cul de la positio n géograp hique ... . ...... 781
Chap itre 3
La révolution industrielle .................................................................................... 785
1. Le progrès industriel ............................................................................................................. 785
2. Révo lution fran çaise contre Révo lu tio n iudustrielle ............................................................. 786
3. Le creusement des éca rts de pu issauce à partir de la révolution iudustriel.l e .......................... 786
1048 Table des matières
5. Ce q u i arriva aux Ottomans q ui néglî gèreuL les progrès de la science et des techn iq ues .......... 787
Chap itre 4
La révolution de l'av ia tion et de l'espace ..•..•......•.••.•...•. ....•..•......•..•......•..•...•.••.•. 791
). Aéropoli tiq ue et aérocraUe ................................................................................................... ·79z
2. Aéropoli t.ique e l topologie géopolitique ................................................................................. 793
3. Le facteur aérien, la terre e l la 1ner ....................................................................................... 793
4. Potentiel spatia l et situation géographique ........................................................................... 795
5. De la s tratégie s patia le d es États-Un is .................................................................................. 795
5. 1. Leaders/u:p spatUildes Ét!lls- U 11 is ...................................................................................... 796
5.2. L!I cap<1cité tle fo11ceme11t tlc..<o  mérict1ù1s ............................................................................. 796
5 .3. L es S!lleflites d'obsen •atio11 mdil11ire l1111érict1ù1s ..................................................................... 797
5.4. L 'ém ergence tle l'obsen1ation ciriile de fo T erre et les problèmes de sécurité 11atiom1/e <11li en découlent ...... 797
5.5. L es iloystèmes rmforaméricai11s, commerci<ilistdio11 el sécurité ..................................................... 798
5.6. L es spectro-image11rs ...................................................................................................... 798
5. 7. Systèm es d'obsen•!llion à haute résolution ............................................................................. 798
5.8. Sun;eillance écologù111e et s11r1·eillt111ce stmtégique . .................................................................. 799
5.9. Pourquoi lesA111érict1i11s e11co11ragc11t-ils fo fibémlisatùmdu. domaine des images Slllelfitaires
à lurnle résolution ? ........ . ... . . .. .... .. .. ... ... .. .. ... ... .. ... .. ... .. ... .. ... . .. . ... .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. ... .. ... ..... .. 799
Chap itre 5
La révolutio n d u nucléai1·e •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 803
1. Effet d u nucléa i.re su r la géopol.i tiq ue ............... ..................................................................... 803
1 .1. L e 1111clét1ire n'a pas aboli/a gi'Opoliliq11e .............................................................................. 804
1. 2. J\llais dll11s les données de la puissance, le 11ucléoirea atténué le fact eurtlu 1wmbre .... . ...................... 804
3. Le bo ucl ier anli- missil es dans la stratégie d e dom ination g lobale des États- Unis . 815
l~ l ém c11 t s clc cléveloppc111e11t rl-çcnt s du N.i\l. D ..... ... ..... ............... .... ..... .. .... .. ... ..... .... .... ..... ..... ....... ........ ..... ..... ........ 824
La n)action russe: u n effo rt de défense supplémentaire .. .......... ........... ..... ... .. .... ... .... ....... ..... .... ..... .... ...... ..... ... ...... ... 824
Chap itre 6
La révolution clans les a ffa ires m ilita ires ..•..•.....•••••••....•.....••••••.••..•••••......••••..•...• 827
Co n cl usio n
Technic1ue et volonté de puissauce ••••••••••••••••••••••••••••••••• ·••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 831
Table des matières 1049
SEPTIÈME PARTIE
L'ÉTAT CONCURRENCÉ
I ntrod uctio n ...... ....... .... ........ .... ...... ... ......... ...... ......................... .......... ... ............ .. 835
Chap itre 1
La légitimité éta ticrue de l'exercice de la 11uissauce contestée ................................ 837
l. In t érêt naüonal et Droits d e l'Homme .................................................................................. 837
2. Usage de la not ion d'opinion pub liqu e .................................................................................. 838
3. "L'op in ion in ternationa le" est un outi l de puissa nce .............................................................. 839
4. L'O.N.·u., réa li té de p ui ssance'? ............................................................................................ 840
4. 1. Pri11.cipesfo1ula111e11la11x de l'0.1V. U ................................................................................... 840
4.2. L e poùls de fo puissance sur l'applimlion d11 droit i111eriw1ùmal ................................................. 840
lf..3. Le droit. i11ternatio11al conduit par la puissa 11ce el l'exception israélie1111e
au respect clu. droit i11tematio11al . . . . . . .... ..... 841
Chap itre 2
[,e défi du crhne internationa l ....................................... ...................................... 845
l. La drogue, Lm facteur géopolitiqu e coutre l' Homm e, les peup les et les États ...................... . . 845
1.1. Aperçu (le l'éco nomie de fo drogue<lan s le momie .................................................................... 846
1. 2. Drog11eetco11Jlits ............................. .......... ..... ..... ...... .... .................................. .......... .... 81J8
1.2. 1. L:i <.!rogue da ns les eo11flil s africains ............................................................................................................... 848
1.2.2. La d rogue dans les coHflil s asia1ic1m:8 ... ..... ...... .... ..... .......... ...... ..... .... .. .. ..... ..... ..... ...... .... ..... .... ...... ... ..... ...... ... 8<~9
1.2.3. La drogue dans les coufli ls d'Amérique la 1iue ................................................................................................. 850
1.2.4. La drogue clans le co11 fl i1 du Kosovo ... ..... .... ... ..... ..... ..... ..... ....... ... ..... ... ...... ..... ..... .... ... ... .... ...... ... ....... ..... ... .... 850
1. 3 . Organisatùms crimi11elles lm 11s11atio11ale..<1 - O.C. T. - et mafo1s ...... .. ... .. ..... .. ... .. .... .. ... . ... .. ... .. 851
1.3.1. Définition s et car<1cl é ris1iq 11cs ........................................................................................................................ 85 1
1.3.2 . Les gra ndes O.C.'I'. c1 m aria~ .. ...... 852
1A. U 11e guerre co11tre l'l-lomme el. contre la solidité des sociétés occide111ales ... .. ... .. ... .. ... .. .... .. ... ..... .. ... .. 854
I A. I. L<t d1.-s1r11c lio11 d e l'l-l o mme poir l'11lié11a1ion.. . .... ....... 854
1.4.2. Lu des l r11clio11 1lu lien social clans l ' l~la t . ..................................................................................... 855
1.4 .3. La di.-sl m c lio n <le l ' l~ lat par la corruption mo mie et éco11omicp1e .................................................................... 855
l .4A. Drogue e l command os-s uicides? ...... ...... ..... .... ..... .... ..... ..... .......... ..... .. .. ..... ..... .. .... ..... ..... ........ ..... .......... ........ 85i
1.4.5. Lu l l e cou1 rc l;1 drogue. o u docl rine i\ lonroc '? ................................................................................................. 858
Chap itre 3
L'État et la mondialisation .....•..•...•..•......•.••......•.••.•............•..•......•..•......•..•...•.•• 871
1. La mondialisation, c'est v ie ux comm e le mond e .................................................................... 871
2. Les lu t.tes pour le contrôle de la mond ia lisation dans l' hj sto irc : quelq ues exempl es .............. 872
2. 1. Nlmmrchie 1111iverselle et mo11dialisalio11 marclu111de (llt XVl r s iècle ............................................ 873
2.2. L 'éclateme11/ de 1914 el fa /ulte pour /eco11trôle d c la mondialis ation ........ . ................................... 877
2.3. Le rôle du. s io11isme dans fe basculcme11/ de l916 .................................................................... 881
2.4. }'"all<1 et la concurrence des mondialismes soviétÙJllC el américain .................................... 88.5
Chap itre 4
L'État et la i·égioual isatiou ...•..•......•. .•.•....•.••.•....•.••.•....•....... .. .•......•..•......•..•......• 899
1. Définitiou de la régio nali sation ..................... ....... ............... .......... ...................................... .. 899
2. Le principe moteu_r de la régio nali sation ............................................................................... 899
3. Les différents degrés d'intég ratiou régionale ......................................................................... 900
4. La logique de rég ionali sation 1nasque- t- ell e des logiques de suprématie étatique"? ................ 901
5. La rég ioua lisat.ion est-ell e Lm e réalité géo po l.i tique ou une utopi e"? .. ............................... 902
6. De la régionali sation au régiona lism e. .. .... 906
7. Des guerres de décoloaisat:ion a Uemaud e en E urnpe à l'Europe fédérale des région s :
le destin li é de la géopoli tique a llema nd e et de la géopolitiqu e européenn e. .. . .... .. .. 907
7.1. La colo11i.sation affematule de l 'Est e11ropée11 ......................................................................... . 907
7.2. Aperçu d es sources idéolog i<11ws du pa111"-smegemu111i<111e - 011. pr111germa11 isme ............... . 91 0
7.3. La sig11ific(l/iongéopofitiq11 e de fo politù111e (/es mi110rilés ......................................................... 912
7.4. L(I politù111e des mùwrilés dan s le cadre de fa co11slruclio11 c11ropée1111e ......................................... . 915