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Géopolitique

Constantes et changements dans l'histoire

:~· i·1li1 io11 1 t'\ ut· •· l a11µ.1u1·uli·1 ·

Cartographie : Clémence Chauprade

Aymeric CHAUPRADE
Docteur ès sciences politiques
Du même auteur

• L'esparr économique francoplione, Pour une francophonie intégrale, Paris, Ellipses, 1996
• Histoires d'Égypte, Paris, Les Belles Lettres, 1996
• Beyrouth éttrnelle, Paris, Asa éditions, 1998 (traduit en arabe et en anglais)
• Dictionnaire de géopolitique, avec François Thual, 3e édition, Paris, Ellipses, 2007
• Introduction il l'analyse géopolitique, Paris, Ellipses, 1999 (épuisé)
• Les Balkans, la Guem du Kosovo (en collaboration), Paris/Lausanne, L'Âge d'Homme,
2000
• Géopolitique, Constantes et changements dans l'histoire, Paris, Ellipses, 2003, 2 • éditton,
Prix Renaissance, 2005
Avertissement
L'auteur assume la pleine responsabilité de ses écrits. Ceux-ci ne sauraient
traduire une quelconque "pensée officielle' .
Le lecteur est libre de dialoguer avec l'auœur par courrier électronique :
aymeric .chauprade@caramail.com, ou en adressant du courrier postal aux
éditions Ellipses, 32 rue Bargue, 75015 Paris.

Remerciements
Aux professeurs Jean-PauJ BLED et Jacques FRÉMEAUX (Histoire,
Université Sorbonne, Paris IV), Edmond JOUVE (Science Politique, Unive!'Sité
Paris V), Jacques SOPPEl..SA (Géographie, Université Paris l), Charles
ZORGBIBE (Science politique, Université Paris 1), pour te soutien unanime
qu'ils ont apporté à cet effort de réflexion multidisciplinaire.
Aux Généraux PORCHIER, FLIOiY, JOURNEAU, DE USI, à l'Amiral
TOUBON, aux colonels LALANNE-BERDOUTIQ COMPAIN, LAUZIER, au
C. V JENNER ma gratitude pour leur soutien_

À ma femme Oémence pour ses relectures ses corrections prè:ieuse; et


surtout ses cartes.

À ma famille, toujours attentive.


À mes amis Jean-François FORTIJNATO, Ou:istuphe RÉVEILLARD,
Alexandre ST ARINSKY pour leurs encouragements.
À mon éditeur, Jean-Pierre BÉNÉZET, pour son goût de la hberté.

À mes lecteurs, dont certains ont bien voulu enrichir le conœnu de la 3"
édition par leurs remarques ou corrections d 'inexactitudes.

"De même que le monde est un corps composé de tous les corps, la ~
est une cause composée de toutes les causes"
Marc-Aurèle, Pensées poor moi-même.

À l'ami et au maître, François lHUAL


Sapere nude ! (Ose savoir)

Le plus grand dérèglement de l'esprit consiste à voir les choses telles qu'on le veut et non
pas telles qu'elles sont.
Bossuet

Si vous êtes trop lâr/rr pour regarder ce monde en face afin de le voir tel qu'il est, dituumn
les yeux, fendez les mains à ses chaînes.
Georges Bernanos

Si tu veux que le vrai ne te soit pas cac/1é


Retourne entièrement l'lristoire en son contraire
Les Grecs furent battus, Troie fut victorieuse
Tandis que Pénélope était une catin
L'Arioste
Roland Furieux (XXXV, 26-26)

L'Autn'che-Hongrie est aussi pacifique que la France. La Russie l'est incontestablemmt.


L' Empereur Guillaume a souvent manifesté de façon pratique son attachement à la paix.
Aucune puissance ne rêve le démembrement de /'Empire turc. Toutes se sont concertées pour
éviter de s'entrechoquer s'il surgissait de ce côté des complications imprévues. Autant de
raisons de confiance dans la conservation de la paix. Un Ministre des Affaires étrangères
français qui n'avait pas dQ s'intéresser à la géopolitique dans Le Matin du 12 Mars 1914.
INTRODUCTION GÉNÉRALE

La science historique a large ment progressé dans la recherc he de la vérité des faits.
Qu1il s 1agisse de Phistoire ancienne ou de l'histoire contemporaine, les méthodes
d'analyses du matériau historique, comme le trava il d'archives, et l'ensemble des
travaux spécialisés, sur un thème, une période précise, donnent accès à des
connaissances de plus en plus affinées. Pour autant la trace humaine suffit-elle à
reconstituer une réalité évanouie dans les profondeurs du temps 7

Repousser la causalité unique

L'un des mérites de la recherche historique est d'avoir démonté tous les modèles
explicatifs simples que l'histoire mondiale1 avait bâtis durant des siècles. À Hérodote
qui voulut expliquer les Guerres Médiques par le choc des cultures grecque et perse
Thucydide, dans sa description des Guerres du Péloponnèse, opposa le souci de la
véracité des faits. Toutes les interprétations globa les de l'histoire, tous les modèles
explicatifs ont été invalidés par les progrès dans la connaissance des faits historiques.
Au fond, on est aujourd'hui condui t à se remettre au travail en s'étant, au préalable,
soigneusement lustré de tous ces grands modèles q ue l'Universi té nous a enseignés,
ceux que l'on se répétait par cœur comme s'ils étaient les formules magiques résumant
le monde: l'explication cycliq ue du destin des civilisations et de cultures, les trois âges
de Vico - âge divin, âge des héros, âge humain-, les trois âges d'Auguste Comte -
théologique, métaphysique, positiviste - , des deux phases de Spencer - contrainte
puis liberté - , les deux solidarités successives de Durkheim - extérieure et
intérieure - , les densités croissantes de Levasseur ou de Ratzel, les chaînes de Karl
Marx - société prinutive, esclavagisme, féodalisme, capitalisme, socialisme - , et, plus
près de nous, la Fin de !'Histoire de F. Fukuyama, le choc des civilisations de
S. Huntington ..
Les historiens spécialistes au ront sans doute toujours raison de se moquer des
généra listes, qu'ils soient historiens ou politistes, qui aba issent leur effort
d'interprétation globale à la défense d'une causa lité univoque et systématique. Et il ne
faut pas regretter le naufrage des explications purement "civilisatio1melle", purement
"économiquen ou purement 11 îdéologique" de l'histoire.

Repousser "l'idéologisme"

Dans sa tentative de réhabilitation de la géopolitiq ue dans les années 1980, le


géographe Yves Lacoste s'est attaq ué à un postulat qui avait prévalu dans l'Université
française durant des années, et suivant leq uel tous les problèmes, y compris les

1 L'his1oirc mondiale n'est guère prisée en France et souvent mèmc méprisée par les historiens.
l11trod11ctio11 générale

rival.ités politiques, n'étaient que les conséquences de rivalités économiques 1 . Avant


lui, l'historien Fernand Braudel appelait de ses vœux le renversement des causalités en
convoquant la géographie dans l'expLication de l'économie 2 .
Une tentation mono-causale, et notamment celle qui prévalut durant la période de
Guerre froide entre les deux mondes capitaliste et communiste, a été d'expliquer
l'histoire et les Relations internationales par le choc des idéologies, ce qui revient, si
l'on applique la théorie marxiste, à résumer l'histoire mondiale à la lutte d'un âge "en
avance 11 , le socialisme, contre un âge "en retard 11 , le capitalisme.
Mais peut-on dire que le monde est davantage gouverné par les systèmes d'idées
ou par l'éthique de la foi selon la terminologie de Weber que par l'intérêt des États3 et
des groupes humains?
Si tel était le cas, alors comment justifier le fait que Staline et Hitler aient pu
s'entendre en 1939? Et au contraire, que Franco et Salazar, deux nationalistes
conservateurs n'y soient pas parvenus?" Pourquoi RicheLieu le ca thoLique et le sultan
Turc se sont-ils alliés 73 Pourquoi le messianisme soviéto-russe de l'Internationale
communiste a-t-il tant ressemblé au messianisme slavo-russe de l'époque des tsars, et
la politique extérieure de !'U.R.S.S. à celle de la Russie d'avant 1922 ?6
Du printemps de Prague jusqu'à la guerre en Afghanistan, en passant par les heurts
avec Tito dans les Balkans et l'opposition aux commw1istes grecs, la liste de
l'interventionnisme soviétique est longue. En fait, l'idéologie communiste a permis
d'assurer le maintien de la poLitique étrangère tractitionnelle de la Russie dans ses
grandes composantes.
Pour quelle raison un pays comme la Hongrie a-t-il posé, à l'intérieur du bloc
soviétique, autant de problèmes à Moscou 7 Était-ce parce qu'il aspirait à des réformes
Libérales et à un fonctionnement plus démocratique? Ou n'était-ce pas plutôt parce que
Budapest a le regard tourné vers l'Ouest plutôt que vers l'Est?

l "Lo ngtemps. en effet. on a pensé que des causes très générales - enjeux êconomiqucs. relations de productions et
d'échanges entre les hommes - cond itionnaient les comportements politiques. la YOlonté de puissance des dirigeants et mèmc.
indirectement. le patriotisme des citoyens.", in Y. LACOSTE. Dictionnaire de géopolitiq11e, Paris. Flammarion. 1993, "prêambulc".
p. 2
2 "À supposer qu'il y ait des ent i!és. des zones écono miques à limites relativement fixes, une méthode géographique
d'obsm·ation ne serait-clic pas efficace? Plus que les étapes sociales du capitalisme 1•.. 1 n'y aurait-il pas intérêt à décrire les étapes
géographiques du capitalisme. ou. plus largement. {I promouvoir systématiquement dans nos études d'histoire. des recherches de
géographie économique - en un mot. cl voir comment s'enregistrent dans des espaces économiques donnés. les ondes et les
péripéties de l'histoire? 1..• 1 Exemple : au XVIUC siècle l'économie de la France se détache de la Méditerranée malgré la montée
des trafics pour se tourner vers l'océan: mouvcmcm de torsion entraînant à tnwers routes. marchés et villes. d'importantes
tra11<;fonnmions. 1. .. ] Les perspectives longues de l'histoire suggèrent que la vie économique obéit ii de grands rythmes. Les vil les
glorieuses de l'Italie médiévale dont le xv1c siècle ne marquera pas bmtalcment le décl in établirent leur fortune grâce au profil des
tra115ports routiers et maritimes. Ainsi Asti, ainsi Venise, ai115i Gènes. L'activité marchande suivit. puis l'activité industrielle. Enfin .
oouronnemc:m tardif, l'activité bancaire. Épreuve inverse. le déclin toucl"la successivement. il de très longs imervallcs quelquefois,
- et non sans retours - les transports. le commerce. l'industrie. laissant subsister. longtemps encore. les fonctions bancaires. Au
XVIIIe siècle. Venise et Gênes som toujours des places d'argent.", in F. BRAU DEL, Écritss11r l'hisloire. 1969: Paris. Flanunarion,
198-1-. coll. "Champs". p. 129-130.
3 Qu'on ne doit pas réduire. aprês tout. {I un intérêt cynique. au sens machiavélicn. mais qui est aussi une ét hique de la foi .
4 Mais que pouvait peser la proximité idéologique ent re les deux autoritarismes portugais et espagnol alors même que la seule
préoccupation du Portugal. du traité de Windsor de 1373 jusqu'en 1945 . avait été de s'allier il l'Angleterre pour ne pas être absorbé
par l'Espagne ?
5 Richelieu. pourtm1t catholique:. ne s'opposa-1-il pas au projet de la Comre-Réfom1c défendu par les Habsbourg parce qu'il
défendait la raison d'État française. et non l'idéal catholique? Le Cardinal de Richelieu avait pu affinncr: "l'État n'a pas
d'immortalité. so n salut c'est maintenant ou jamais", pour justifier une politique de défense des princes protcstams cont re la Saimc
Ligue catholique: qui encerclait la Frnncc:.
6 Lors des tmctations qui all:1icn1 déboucher sur le pacte gcnnano-soviétîquc de 1939. Staline insis1a sur la notion de sphère
d'innucncc so'•iétiquc : Finlande, Bulgarie, Turquie avec des bases mLx Dardanelles. Balkans. Ir.ut golfe Persique .
lntroduction générale 9

Aujourd'hui l'idéologie soviétique s'est effondrée. Les intérêts russes dans les
Balkans, dans le Caucase, en Asie centrale ont-ils disparu pour autant? Autour de la
question afghane et de l'Asie centrale, un axe Moscou-Erevan-Téhéran-New Delhi ne
continue-t-il pas, comn1e hier, et en dehors de tout discours de com_munisme
international ou de non-alignement, à se heurter à un axe Washington-lslamabad-
Riyad 7 Les communistes russes d'aujourd'hui ne défendent-ils pas surtout les
permanences de la Russie impériale?
Durant la Guerre froide, nombre de pays du Tiers Monde se sont liés à l'Union
soviétique, sur des motifs apparemment idéologiques. Aujourd'hui, les Russes sont
affaiblis: qui soutient1 Cuba dans son combat plus insulaire que communiste contre le
puissant voisin américain? Réponse: tous ceux qui ont intérêt à ce que l'ensemble du
continent américain ne connaisse pas le sort que lui prédisait le président James
Monroe2; le Vatican par exemple, et d'autres États qui ont une vocation mondiale.
L'Amérique mène-t-elle une politique étrangère volontaire seulement pour imposer
au monde son modèle démocratique et libéral? La politique américaine peut-elle se
résumer à l'exportation d'un idéal?
Après l'isolationnisme précoce du XIXe siècle, les États-Unis sont venus à la
politique mondiale. Deux traditions politiques servent de manière apparemment
contradictoire la présence mondiale des États-Unis: l 1idéalisme wilsonien fondé sur la
volonté d'exporter les valeurs américaines dans le monde ; le pragmatisme rooseveltien
à la recherche de l'équilibre mondial et prenant en compte la réalité des intérêts3. La
politique étrangère des États-Unis est un alliage de ces deux tendances; on peut même
affirmer qu'elle oscille' entre une politique rooseveltieime habillée par un discours
wilsonien et une politique wilsonienne jamais oublieuse des intérêts américains. Pour
en trer dans la Seconde Guerre mondiale qui va donner aux États-Unis la maîtrise des
mers et l'accès à la puissance mondiale, il faut convaincre l'opinion américaine et le
Congrès en usant d'arguments idéalistes. De la même façon, chaque engagement
américain durant la Guerre froide doit être justifié, auprès du Congrès, par ce même
idéalisme. En 1946, le Congrès est convaincu par des argumen ts idéalistes que
l'Amérique doit prendre, en Grèce et en Turquie, le relais de l'influence anglaise, face à
la poussée soviéto-russe vers les mers chaudes.
Faut-il encore croire que l'idéologie commande la rupture entre la Chine et
!' U.R.S.S. en pleine Guerre froide, alors que le communisme devait rassembler les deux
géan ts rouges et non les diviser? Et plus tard, que faut-il penser de cette guerre entre
Khmers rouges soutenus par Pékin et Communistes vietnamiens soutenus par
Moscou?
Faut-il croire, dans les années 1960-1970, que les Américains endiguent le
communisme en Asie ou bien qu'ils contiennent la poussée russe traditionnelle vers les
rivages de l' Eurasie? Faut-il admettre que l'administration Nixon mène une politique
idéaliste lorsqu'elle défend les Droits de l'Homme en U.R.S.S. et qu'elle alimen te en
même temps les troubles à l'intérieur de la Russie soviétique 7 Quant à l'appui
américain au sort des juifs d'Union soviétique ne va-t-il pas dans le sens de l'alliance
avec Israël contre les Soviétiques et leurs alliés arabes? L'Amérique uni versaliste,
idéaliste, en même temps qu'elle parlait sous Reagan de !'U.R.S.S. comme l'Empire du
Mal, n'appuyait-elle pas les fondamentalistes musulmans en Afghanistan ou les
régimes forts en Amérique latine?

l Le mot esl trop fort : au moins. qui ne participe pas de l'iso lationnisme voulu par Washington fi l'encontre de La Ha,'lme?
2 Nous fai sorlS allusion ala doctrine Monroe dont le progmmme se résume ù un slogan "L'Amérique aux Américai1lS".
3 Notamment. 1nais pas seulement. le pétrole.
4 Selon les présidents et les mome nts de leur mandat
10 l11trod11ctio11 générale

Admettre le rôle de l'idéologie

On pourrait multiplier encore les contre-exemples opposables à la thèse du "tout


idéologique". L'idéologie est évidemment un moteur important de l'histoire, mais elle
n'est pas le seuJl. N'est-elle pas un moyen des plus efficaces pour mobiliser les peuples
dans le sens des gouvernements - ou contre eux? Sans être le déterminant essentiel
de l'histoire, l'idéologie joue cependant un rôle important. Mais c'est justement par
l'étude des changements de modè.les idéologiques dominants, à l'intérieur d'un pays,
que l'on est mené souvent à faire le constat du changemen t des données géopolitiques
intérieures. Voyons ainsi nombre de bouleversements dans la politique des pays du
Tiers Monde, après 1990. Les défenseurs de l'idéologie feront remarquer, à juste titre,
que des pays qui ont vu leur régime communiste tomber ont changé de politique
étrangère: c'est par exemple le cas de l'Éthiopie: pro-soviétique elle est devenue pro-
américaine. Faut-il pour autant en conclure qu'il y a un lien direct de cause à effet entre
l'idéologie au pouvoir en Éthiopie et la politique étrangère menée? Non. Ca r il est
nécessaire de prendre en compte une autre dimension, celle des clivages ethniques de
l'Éthiopie et de remarquer que les positions idéologiques des uns et des autres durant
la Guerre froide correspondaient, pour l'essentiel, à des appartenances ethniques. Or, à
partir de 1991, les Tigréens d'Éthiopie ont repris le pouvoir aux Amharas qui s'étaient
appuyés sur les Soviétiques. Le renversement des données extérieures a provoqué le
renversement des données intérieures et par là même de l'idéologie dominante.
li est d'ailleurs notable que ce sont les pays aux données intérieures stables qui
maintiennent w1e certaine permanence dans leur politique étrangère, au moins
régionale et ce malgré les changements idéologiques qu'ils connaissent. Voyons ainsi le
cas de l'Iran de la Révolution islamique: il s'est détourné des États-Unis qui furent le
principal appui du régime du Chah2, mais conserve sa politique régionale et n'hésite
pas, en contradiction avec la logique chiite, à soutenir les Arméniens contre les Azéris3.
Enfin, il faut aussi remarquer que nombre de pays qui restent attachés à leurs
options idéologiques, comme la Corée du Nord ou la Chine peuvent évoluer en
poUtique étrangère, en fonction de leur intérêt et des données mondiales; la
Rea lpolitik n'est évidemment pas inconnue des derniers pays communistes du monde.
En somme, la perpétuelle oscillation entre deux extrémités de l'esprit consistant,
pour l'une à tout réduire à l'idéologie, pour l'autre à tout réduire au cynisme intéressé,
n'a t-elle pas montré ses lintites 7 Entre 1945 et 1990, l'idéologie règne en maîtresse
incontestée dans l'étude des Relations internationales; parler de géopolitique revient à
s'exposer à de vives critiques. À partir de 1990, l'excès inverse s'affirme. On parle de fin
des idéologies et on s'acharne sur celles-ci, comme si on leur reprochait d'avoir profité
à outrance de leur hégémonie sur les esprits. Voilà tout à coup que les idéologies
n'expliquent plus rien; voilà que le mot géopolitique est accueilli à bras ouvert par les
médias. Étrange renversement des attitudes, bien étranger en tout cas à la sérénité
requise à tout effort scientifique.
N'est-il pas temps enfin de rendre aux idées la place qui leur est dûe et à la
géopolitique la sienne? Étant entendu d'ailleurs qu'il n'existe pas de cloison
imperméable entre l'idéologie et la géopolitique. Comme nous le soulignerons souvent,
nombreux sont les systèmes idéologiques construits sur la prise en compte - favorable

l Pour comprendre le rôle essentiel des idéologies au XX: siCclc on se reportera au livre de Dominique VENNER. le siècle de
191./. éditions Pygmalion. 2006
2 Notons qu'aux États-Unis. les réalistes. opposés en cela am: idéalistes. prôncm une polit.iquc de rapprochement pragmatique
avccTChéran.
3 Chiites et turtophoncs.
lntroduction générale 11

ou défavorable - des données géopolitiques. Inversement, l'utilisation de la


géopolitique en tout et pour tout, à l'exclusive d'autres interprétations peut finir par
ressembler à un dogmatisme idéologique. Nous voudrions éviter ce b·avers, lequel
menace tout chercheur nourrissant l'ambition que sa matière ait le dernier mot dans le
débat sur l'explication du monde.
Ne peut-on donc pas sortir de cette éternelle opposition de deux réductions de
l'esprit?

Repousser l'ingérence idéologique


dans la matière scientifique

Pour en sortir, il faut sans doute commencer par éviter toute confusion entre
l'idéologie et la géopolitique, celle-ci étant fondée, comme nous tenterons de le
montrer, sur les réalités de la géographie physique et humaine et sur les détermi-
nismes qui en découlent. Commençons donc par sortir de ce que nous appelerons le
piège du nominalisme.
La récente tentative de Yves Lacoste a buté sur plusieurs écueils rendant possible la
contestation scientifique de la géopolitique qu'il proposait. En érigeant le concept de
représentation au cœur même de la réflexion géopolitique, Yves Lacoste est victime
d'une forme de nominalisme: il ressort en effet de ses principes d'analyse que les idées
- au sens d'illusions, de vues de l'esprit - , mènent le monde. Si l'on voulait bien le
suivre, on devrait alors penser que l'univers se réduit au mot plutôt qu'à la réalité -
c'est là la définition même du nominalisme.
Soutenir que l'objet d'analyse de la géopolitique est le produit de nos
représentations et non d'une réalité objective, c'est en effet assurer le primat de
l'idéologie sur tout déterminisme géographique; il y a là une contradiction
ontologique avec les fondements mêmes de la réflexion géopolitique: car si l'on "fait de
la géopolitique" n'est-ce pas d'abord parce que l'on suppose qu'il existe, à côté des
systèmes idéologiques, des déterminations géographiques jouant un rôle essentiel dans
les choix politiques des sociétés humaines ?
Certes, conm1e nous le rappelions auparavant, Yves Lacoste inaugure sa démarche
géopolitique en soulignant que le monde ne peut être réduit au seul facteur
économique comme le prétendent Libéraux et marxistes. En rejetant le tout
économique, ce géographe nous laisse penser qu'il est nécessaire de prendre en compte
le phénomène identitaire. Mais il n'accorde crédit à celui-ci que sous la forme d'une
représentation, et peut-être est-ce cela qui fait basculer sa géopolitique dans le
nominalisme; au fond, pour Yves Lacoste, l'identité est une illusion, une
représentation, qui certes fait force dans l'histoire, mais une illusion tout de même.
Voilà bien l'aporie fondamentale qui caractérise la démarche du géographe Yves
Lacoste et invalide celle-ci, au point que l' on vient à se demander s'il est légitime de
qualifier son œuvre de géopolitique. On rappeUera que le mathématicien René Thorn
avait coutun1e de différencier 11 l'existence naïve de l1existence scientifique 11 et de
souligner que la réalité naïve est ontologiquement antérieure à la réalité scientifique1 .

1 C'est clans cc sens que René THOM pouvait écrire : "L'existence naî\'C existe bien au niveau de la réalité usuelle. Nous
so mmes des objets. nous parlons. nous avons une conscience tri:s nette que nous sommes dans un univers existant que nous
existons l'un ci l'autre. et que c'est une fonnc assez primitive de l'existence. Vient ensuite la science qui vient nous dire : non. en
réalité, cc bureau est fait d'atomes liés par des relations cl par du vide. El là où nous croyons que c'est plein 1... 1 c'est parfaitement
creux. il y a tri:s peu de choses. Fant-il croire alors que la réalité, telle que nous la dépeint la science, est plus fondamentale que celle
que nous vivons au niveau usuel ? Et cette dernière contie nt les deux ingrCdicnts: la solidi1é de ta matière. et d'autre pan, l'évidence
12 l11trod11ctio11 générale

Or il n'est pas plausible de fonder une science de l'illusion, une science en quelque
sorte attelée à l'étude de conflits opposant des vues de l'esprit. Aristote disait aussi
qu'il y a la matière - la réalité - , et ses mystères - les dimensions éthiques et
es thétiques ; nous pressentons que la géopolitique se préoccupera de la combinaison
de la matière géopolitique - la réalité identitaire - et de ses mystères - les systèmes
d'idées. Fuyant l'idée que l'univers tient au mot et à la représentation, nous refusons le
nominalisme. Dans le même temps, échappant à l'idée qui fut celle des premiers
géopoliticiens, et qui concevait une géopolitique quasiment mathématique car se
déduisant de déterminismes géographiques, nous ne sui vons pas les Pythago riciens.
Yves Lacoste eut certes raison de faire la critique de la première Geopolitik
allen1ande, car ceUe-ci fut trop au service du prince. Mais, voulant s 1inscrire
absolun1ent à l'opposé d'w1 Karl Haushofer1, Yves Lacoste tente de refonder, suivant
une démarche apparemment opposée à celle des géopoliticiens allemands mais
seulement sy métrique, une géopolitique sur des objectifs non plus hégémoniques, mais
démocratiques et citoyens. Or la science n'a d'autre objet que d'être scientifique et elle
doit, en tout état de ca use, refuser les finalités idéologiques. La science citoyenne
n'existe pas plus que la science marxiste et fa sciste, attendu que c'est à la personne
morale du sc ientifique - et non à sa science - que revient le devoir de l'éthique.
Comme Pasteur qui, en entrant dans son laboratoire, affirmait qu'il "laissa it Die u au
vestiaire", le géopoliticien doit se faire l'analyste objectif de la réalité géopolitique. En
conséquence, aucw1 déficit d'image dans les fondations historiques de la géopolitique,
ne sa urait justifier un renou vellement de la science géopolitique sur des bases
idéologiques.
La fond ation idéologique de la géopolitique lacostienne devait logiquement aboutir
11
sur une nouvelle contradiction: en montrant les rapports qui existent entre le
développement de la démocratie et l'apparition de phén omènes spécifiquement
géopolitiquesn2 Yves Lacoste s 1inscrit à l'encontre d'un fait sou vent vérifié en
géopolitique : la persistance de constantes géopolitiques quelle que soit la nature du
régime politique considéré. S'il fallait un seul exemple à apporter ici ce serait la
con tin uité de la rivalité qui oppose les États-Unis et la Russie. En géopolitique n'est-il
pas plus juste de parler de Russie soviétique que d'Union soviétique? C'est de la même
manière la géopolitique qui pourra mettre à bas la fa usseté courante qui consiste à faire
naitre la nation frança ise en 17893. Lec ture purement idéologique, vue de l'esprit qui ne
sait pas voir la ligne continue tracée dans l'histoire de France par la lignée capétienne.
La géopolitique resurgit en France en plein contexte de bipolarité idéologique, à la
faveur des fi ssures ouvertes dans le camp communiste. En 1978, la désillusion fut
grande chez certains uni versitaires français ancrés, depuis les combats menés par jean-
Paul Sartre, à une lec ture binaire et manichéenne des Relations internationales, de
constater que deux pays communistes comme le Cambodge et le Vietnam en étaient
rendu à se faire la guerre au nom d'un contentieux territorial. Après la rupture sino-
soviétique, ce conflit interne au monde comm uniste venait rappeler la primauté de
l'histoire et de la géographie sur les révolutions idéo logiques.

immédiate du psychisme 1... 1Je suis te nté de dire que pour mo i, c'est la réalité n,.1ïYC qui est ontologiquement antérieure il la réalitê
scientifiq ue. Celle-ci est 101\jours constmitc. et son existence vaut cc que valent les constmctions scientifiques: des choses
êmincmmcnt rêvisablcs cl te mporaires. tandis que la réali !ê immêdiatc. on a toutes les misons de penser que la co nception que nous
a\·ons d'un arbre on d'une pierre n'es! pas tellement diffêrc ntc de celle qu'en avaient nos ancêtres du palêolithique." in R. THOM.
Prédire n'est pas expliquer. Paris. Flammario 1l 199 1.
1 Voir la section que nous lui consacrons.
2 Yves LACOSTE, Dir .. Dictio1111aire de géopolitfr;11e , Paris. Flanunarion 1993. préambule. p. 2 1.
3 Erreur répétêc par Yves LACOSTE dans l'il'e la 11atio11 : Y. LACOSTE. l'ive la nation. Paris. Fayard. 346 pages.
lntroduction générale 13

C'est donc à ce moment précis, autour de l'année 1978, que le mot géopolitique
réapparut dans les médias français', vingt-huit ans après avoir été évincé au cours
d'une réunion qui rassemblait, à la Sorbonne, historiens et géographes frança is et
allemands.
La géopolitique revenait à la faveur d'une prise de conscience des effets de l'identité
et de leur persistance dans le contexte idéologique. Mais comme l'identité ne pouvait
être, selon l'idéologie dominante, une réa lité, car il ne devait y avoir d'autre réalité que
celle de la division du monde en classes sociales, alors l'identité devint simple vue de
l'esprit, grossière erreur des foules et des peuples, en d'autres termes, représentation.
Chez Yves Lacoste la représentation identitaire étai t pensée conune substitut à la
réalité identitaire; mais il ne s'agissait pas là d 1Wl compromis entre deux modes
d'explica tion de l'histoire, le réa lisme et l'idéologie; il s'agissait au contraire de
l1ingérence d'Wle idéologie à l1intérieur même de la géopolitique, d'wie conversion
assimilable à celle d'un socialisme dogmatique apprenant les réa lités du marché et se
transformant en un socialisme de marché.
Pour quelle raison devrions-nous emprw1ter un pareil détour de l'esprit ? No us
savons bien que si les géographies physiques et identitaires pèsen t encore tant sur les
destins collectifs c'est parce qu'elles sont des réalités que des millénaires de progrès
scientifique et technique, et d'in ventions idéologiques et politiques n'ont jamais réussi
à effa cer. Acceptons plutôt l'existence de profondes forces déterministes s'exerçant sur
les sociétés humaines mais n'ayant pas forcément le fin mot de l'histoire, cela parce que
11homme, dans son génfo à la fois singuUer et universel, créa teur de science et de sens,
est capable de leur opposer d'autres forces.
Refonder la géopolitique ce n'est donc pas chercher à investir celle-ci d'une
idéologie quelconque pour tenter de faire oublier qu'elle fut hier l'instrument d'une
autre. Cela n'est pas non plus maquiller la réalité du masq ue de l'illusion identitaire,
car rien ne sert de nier l'identité pour combattre Pidentitarisme. C'est au contraire
affirmer la force du réel, des forces profondes de l'histoire, dont l'existence même
donne sens au génie propre que l'homme oppose à la persistance des déterminismes.

Admettre que tout n'est pas géopolitique


Pas plus que nous ne vo ulons substituer à un système monoca usa l d'explication du
monde - qu'il s'agisse de l'économie ou de l'idéologie - un autre système
monocausa l, nous ne voulons défendre la supériorité d'une matière du champ des
sciences humaines sur les autres.
Fernand Braudel faisait remarquer que chaq ue science, en particulier lorsqu'elle es t
jeune, tente de "soulever l'ensemble du social, et de l'expliquer à elle seule" ajoutan t
11 1
qu il y a eu, il y a encore un économisme, un géographisme, un sociologisme, un
historicisme; tous impérialismes assez naïfs d on t les prétentions sont assez naturelles,
vo î_re nécessaires: pendant un certain temps du moins, cette agressivité a eu ses
avantages. Mais peut-être, aujourd'hui, conviendrait-il d y mettre un termen 2 . 1

No us ne cherchons pas à défendre un "géopoliticisme". Tout au contraire


cherchons-nous, en explorant le cha mp d'une matière dont nous tenterons ici de définir

1 Le mot passa l'Atlantique venant des Êtats-Unis qui craignaiem alors un phénomCne uni taire autour du communisme et
avaiem intérêt à l'utiliser contre l'idéologie qui gagnait du te rrain. O n peut établir un pamlkle emrc le réalisme géopo litique opposé
dans les années 70 par les Américains à l'unitarisme communiste, et cc même réalisme géopo litique opposé aujourd'hui à l'idéologie
de l'Europe fédéra le.
2 F. BRAUDEL, É""crils sur /'histoire, 1969 : 1984, Flam mario 1l co ll. "Champs", p. 193.
14 l11trod11ctio11 générale

les fondements méthodiques à participer à ce que Fernand Braudel appelle, le


nécessaire 11 rassemblement des sciences sociales 11 en vue de nous approcher de la vérité,
par la convergence des savoirs. No tre démarche se situe à mille Lieux d'une quelconque
réhabilitation de la géographie contre d'autres chapelles1. fi n' y a pas, de notre point de
vue, supériorité d'une science humaine sur les autres; pour parvenir à se rapprocher
de la vérité des causes, dans leur complexité propre, toutes les sciences sociales doi vent
en effet être, tour à tour auxiliaires les unes des autres et toutes doivent être dominées
par w1 seul impératif: la recherche de la vérité scientifique. Chaque science peut
apporter un modèle d'approximation du vrai et seule l'union de toutes peut permettre
d'affiner les modèles qui nous rapprocherons encore un peu plus de la compréhension
exac te du réel.
Que l'on ne nous fasse donc pas le procès d'a voir prétendu démontrer que la
géopolitique expliquait l'histoire, au point de faire l'économie des moindres déta ils
dévoilés par la science historique, ou d'avoir écarté d'un revers de la main l'immensité
des connaissances acc umulées par l'ensemble des sciences humaines au profit d'une
réduction à la seule ana lyse géo politique.

Ce que nous vo ulons montrer ici est qu'il existe au moins une méthode d'anal yse
des relations politiques entre les sociétés humaines, et qu'une science géopolitique
définie comme étant "l'étude du rapport de l'homme à la géographie - physique et
humaine - dans ses conséquences sur les relations politiques entre les sociétés
humaines" peut prétendre être cette méthode.

Distinguer la matière géopolitique


de son utilisation nationaliste

Quelle est notre démarche pour parvenir à ce but?


Commençons par rappeler que l'honnêteté appelle à distinguer toute science de
l'utilisation qui en est faite. La science atomique n'est pas l'arme atomique. La
puissance atomique n'est pas la volonté de puissance atomique. Le savoir génétique
n'implique pas n'importe quelle manipulation génétique sur l'homme. Si le nazisme a
vou lu se fond er sur w1e fausse biologie cela ne veut dire en aucun cas que la biologie
est nazie. De la même façon, la géo politique est à distinguer de l'utilisation de théories
géopolitiques à des fins de puissance.
Dans les temps où l'Église disposait du monopole de l'autorité morale, il y eut des
tentatives d 1intervention sur l'évolution des connaissances scientifiques2. Bien plus
tard, pour des motifs idéologiques, le nazisme3 et le communisme1 tentèrent d'orienter

l "Il y a la crise gé nérale des scie nces de l'homme : el les sont toutes accablées sous leurs propres progrès. ne se rait-cc qu'en
raison de l'accumulation des connaissances nou\•cllcs et de la nécessité d'un travail collectif. dont l'o rga nisation intell ige nte reste à
meure sur pied : directement 011 ind irectement. tm11cs som touchées, qu'elles le veuillent ou 1101t par les progrès les plus agiles
d'entre clics. mais restent cependant aux prises avec un humanisme rétrograde. insidicllX qui ne peut plus se rvir de cadre. Toutes.
avec plus ou moins de lucidité. se préoccupcm de leur place da ns l'ensemble monstmcux des rec herches anciennes et nouvelles.
dom se devi ne aujourd'hui la convergence nécessaire ." in F. BRAUDEL. t.'crits sur l'histoire. 1969: 1984, Flammarion. co ll.
"Champs". p. 4 l.
2 É''oiu!ion i1 laquelle, par ailleurs. elle a'•aît pris pan très tôt.
3 "Le national-socialisme. c'est la biologie appliquée à la politique". Hans Sc hemnt mini stre bavarois national-socialiste.
"Point de rencontre de la biologie. de l'amhro pologie. de lu psychologie et de la toute naissante éthologie. la doctrine de la race
- Rasscnlchrc - constitua pour le national-socialisme à la fois un but et un moyen." in S. GUÉRO UT. Science el politique sous le
troisième Reich, Paris, Ellipses. 1988. Le régime national-socialiste s'employa à démontre r qu'il existait une "physique alle mande"
Introduction générale 15

la science dans un sens qui confirmait leurs théories. Toutes ces tentatives conduisirent
à la négation de la vérité.
La première partie de cet ouvrage est consacrée à la genèse de la géopolitique de la
fin du XIX" siècle jusqu'à ses développements récents. Son objectif est d'éclairer les
textes essentiels de la géopolitique, et notamment ceux qui nourrissent la contestation à
l'encontre de la matière - école géopolitique allemande.
Commençons par rappeler sur quels motifs le procès de la géopolitique a été
instruit, en France et en Union soviétique durant les décennies qui ont séparé la fin de
la Seconde Guerre mondiale de la chute du Mur de Berlin et du rideau de Fer.
En France, de nombreux universitaires ont reproché à la géographie d'avoir été,
durant le XIXe siècle et jusqu'en 1914, l'instrument essentiel de propagation des
nationalismes français et allemand sous la forme d'une géographie politique
revendicative et agressive.
Les premiers manuels de géographie et d'histoire apparaissent en Prusse après le
Congrès de Vienne de 1815 et sont diffusés dans plusieurs États allemands2. Jusque là,
histoire et géographie sont des matières réservées aux élites dirigeantes des États
allemands . Le changement qui est opéré correspond au mouvement pour l'unité
allemande. En France, un mouvement symétrique se met en place, mais plus
tardivement et en réaction au nationalisme allemand. La défaite de 1870 provoque la
perte de l'Alsace- Lorraine; l'enseignement de l'histoire et de la géographie dès l'école
primaire a pour fonction de redonner à la République une légitimité affaiblie. Le thème
de la Revanche, c'est-à-dire la récupération des territoires français conquis par
l'Allemagne3 , doit restaurer l'identification de la nation à la République.
Faut-il en conclure pour autant que l'histoire et la géographie sont responsables de
la poussée du nationalisme allemand à laquelle la France répondit par le renforcement
du sentiment d'unité nationale ? Certainement pas, ou en tout cas pas plus que d'autres
sciences, puisque c'est l'ensemble des savoirs, qu'il s'agisse des sciences humaines ou
des sciences exactes, qui furent mobilisés, au même titre que l'histoire et la géographie,
au service des nations belligérantes. La géographie se fit guerrière comme la physique
s'attacha à la balistique.
La même critique s'exerce lorsque le nationalisme allemand se déchaîne une
deuxième fois. Comme l'indique Pierre George avec raison, dans son dictionnaire de
géographie, la géopolitique "fut l'un des instruments des propagandes politiques -
des - théoriciens du III• Reich 4 " Et qui voudrait le nier ? La géopolitique allemande a
effectivement servi le discours agressif du national-socialisme à la veille de la Seconde
Guerre mondiale ; mais pas plus que la philosophie de Nietzsche ou de Heidegger, ou
la musique de Wagner ne peuvent êlTe réduites à leurs usages idéologiques, la
géopolitique allemande - et encore moins la géopolitique dans son ensemble - ne

conlJ'e une "physique juive". L'un des rësuhotlS <le ccnc théorie racislc csl que ladite ''physique juive'' donna. la bombe atomique awt
Éiats· Unis e1 non à l'Allemagne !
J Là aussi on tenta, avec la génétique marxiste de Lisscnko, de "rendre bicn-pcnsanlc'' la science.
2 Le géographe de l'Université de Berlin Alexander von Humboldt - 1769-1859 - tient une part importeinte dans la redaction
de ces programmes.
3 Yves Lacoste rappelle que "l'ouvrage de Bruno Giordano Lf! Taurdf! Fram:e /)'Ir de1t:r e11fa11U, Belin. Paris. 1877, rêê:d. 1976,
fin le livre de lec1urc couranle de tous les pctilS français depuis 1880 jusqu'à la guerre de 14-18 et même apris, et sa fonction
géopolitique est évidente, puisqu'il raconte chapitre pur du1pitrc, Io découverte de la France par deux pc1•ts Alsaciens qui ont fui la
province annexée.", in Y . LACOSTE. Dictionnaire de géupolil;q11c, Poris, flommorion, 1993, prénmbulc.
4 La déf'inilion de la première édilion du diclionnairc indique que "La géopoliliquc csl l'~tudc de:s ruppor1s •.mue 1.es facteurs
géog.raphlques el les •ctions ou si1uotions politiques" et ajoute qu'elle fut l"'un des instrumcnl des propugundcs poliliques - des -
lhêoriciens du me Reich", in P. GEORGE, Dklionnaire d e g~ographie, Paris, P.U.F., 1970; nalons que dans l'édi1iun de: l9% du
même dic:tiunmtire, la d~finitîan esl moins négative ; elle ne mcnlionnc plus Je 111 11 Reich mais parle de g6ographcs allemands Cil de
juscificaüon de guetTes de conqut!lc. Ce qui est prop05': 1icn1 donc plù:S du commcinLaire cri1ique que de la déflnilion.
J11trodu&.· lfo111(if1ttral~
11>

peut éO-., réduite à une simple auxiliaire des ambitions nazies. Faudrait-il croire que la
géographie politique est la cause des dl'ux phases dl' déchainements des nationalismes,
en 1914 puis en 1939? Ou bien n'a-t-elle pas plutôt été qu ' une auxiliaire d'un
nationalisme qui mobilisa vers ses buts l'ensemble des matières scientifiques pouvant
lui servir'
Après la Libération, l'Université française prosc rit totalement le mot
"géopolitique"; les géographes françaisL l'occultent. La science politique le refuse au
profit des systèmes d'idées, du poids des idéologies. Un unanimisme s'installe qui fait
bloc contre la résurgence de la matière géopolitique en géographie, en histoire comme
en science politique. En 1950, des universitaires français et allemands réunis à la
Sorbonne décident de son bannissement, au nom de la nécessaire réconciliation entre la
France et l'Allemagne et de la construction européenne. Comme si la géopolitique était
par essence opposée à la bonne entente franco-allemande et au rapprochement des
peuples européens. Comme si la géographie politique du Français Jacques Ancel s'était
rendue coupable d'avoir attisé les haines nationales . ..

Le résultat de cette fermeture de l'esprit à une approche particulière des questions


internationales et nationales, est que la matière des Relations internationales sombra
pour partie dans le manichéisme bipolaire, dans l'opposition de deux blocs
idéologiques qui suffisait à expliquer tous les conflits, toutes les postures
diplomatiques. Certains, qui proposèrent une analyse des Relations internationales
fondée sur la réalité des peuples2 échappèrent toutefois à cette bipolarisation de
l'esprit. Mais, dans l'ensemble, la géopolitique resta écartée par le corps universitaire
français. Dans le Grand Larousse universel de 1989, à la veille pourtant de
l'écroulement de la bipolarité idéologique, on lit encore à l'article "géopolitique": "La
géopolitique exprime la volonté de guider l'action des gouvernements en fonction des
leçons de la géographie" ; mais la volonté de qui ? interroge avec pertinence Yves
Lacostl!, comme si l'on voulait faire croire qu'une sorte de pouvoir supérieur aux gou-
vernements s'attachait à manipuler ceux-ci à l'aide de la géopolitique.
Ce refus idéologique de la matière géopolitique, des débuts de la Guerre froide
jusqu'à l'effondrement soviétique, la France le partage avec un autre grand pays,
l'U.R55. La géopolitique était interdite en Union soviétique pendant que Staline
gouvernail la fédération en opposant à toutes les vélléités identitaires une implacable
et froide stratégie de division et de neutralisation qu'il fondait sur la prise en compte
des réalitês géopolitiques.
Et qu 'était-ce aussi que ce pacte germano-soviétique de 1939 sinon un triomphe de
la géopolitique sur l'idéologie? On dit il ce propos que Staline aurait été séduit par les
thèses du géopoliticien anglais Mackinder, lequel craignait par-dessus tout l'unité de
l'Eurasie de l'Atlantique au Pacifique - le heartland formé par l'union des espaces
allemand et russe.
Face au Tiers Monde socialiste, Staline n'avait-il pas intérêt à gommer les
différences géopolitiques au profit d'une belle unité idéologique "de façade" de la
même façon d'ailleurs que les États-Unis à l'intérieur du bloc atlantique ? Russes et
Améncains ne privil~giaient-ils pas ainsi le partage du monde en deux zones

1 A r1:1:ccp11an loulefoi• d'un un.in nombre de fCu~phn conm~ bcquea Suppc:lsw ou V\'e."i Lth:u•lc .
2 Cc:aa le cas d'Edmond Jouve q1u ptnc: c omme i;cnttmh:. au• n:l•l1011• m1cmaoun11k• Ill nutiun Je peuple L'analy•c J'aborJ
rê.aJi.lk c::&I C'fUUllC ~lb: d'un dl.JCltW" Ld~IDMl'iUC C'ft rncw W:: la difcn.c Ju JroJI Üca pcupJca.
Introduction générale 17

d'influence? Interdire la géopolitique, en U .R.S.S. comme en France c'était interdire la


différence à l'intérieur des blocs1 .
L'oubli de la géopolitique en France durant tant d'années a deux explications
principales; le refus de la matiE>re g•fopolitique obéissait d'une part aux politiques de
puissance de deux supergrands; il était d'autre part le reflet d'une main-mise de
l'idéologie marxiste sur une part significative du corps enseignant français.
Notre effort de redéfinition de la matiE>re géopolitique doit donc être distingué d'un
effort de réhabilitation de tout ce qui put être affirmé antérieurement au nom de la
géopolitique. Nous répétons qu'il ne s'agit pas pour nous de réhabiliter quelques
travaux que ce soit, mais de poser les fondements conceptuels et méthodiques d'une
matiE>re géopolitique renouvelée, afin que celle-ci puisse participer à l'explication du
monde.

Ainsi, notre premiE>re précaution sera-t-elle de distinguer ce qui fut dit et fait au
nom de la géopolitique elle-même, considérée comme matiE>re des sciences humaines.

Poser l'hypothèse de la multiplicité des facteurs


explicatifs

Notre deuxiE>me précaution est de ne vouloir considérer comme acquis aucun


modE>le d 'ex plication monocausal du monde. Contrairement à un Toynbee qui voulut
tout expliquer par la civilisation, à un Marx qui tenta de réduire l'histoire à une
dynamique socio-économique, e t à tant d'autres encore qui analysE>rent l'histoire et les
conflits du présent à l'aune de la seule religion, de la se ule ethnie, de la seule économie,
du seul facteur technique, nous formulons une autre hypothE>se de travail : tous ont
sans doute partiellement eu raison ; mais tous ont eu tort de vouloir clore leur modE>le
sur un facteur explicatif unique .
Notre premiE>re hypothèse de travail est que la tentative d'explication d'une
situation historique ou d'un conflit contemporain intE>gre nécessairement la prise en
compte d 'une multiplicité de facteurs . Nous ne travaillons pas dans le linéaire ou dans
la variable unique, mais voulons rendre compte de la réalité en nous fondant sur la
recherche de multiples paramE>tres.

Insister sur la dualité continu/discontinu

Ensuite, nous formulons une deuxiE>me hypothE>se de travail: deux formes de


causalité peuvent être distinguées qui amènent à classer nos facteurs explicatifs en
deux catégories distinctes :
- une causalité continue ;
- une causalité discontinue.
Il existe des données permanentes dans le rapport de l'homme à l'espace et il existe
des changements. L'histoire se déroule en quelque sorte dans un cadre fixe à l'intérieur
duquel des personnages font irruption, au point de modifier en profondeur les

1 "Dans chaque camp. Ici probltmcs des nations cl de leurs lcniloi~ dcvai.cnt appa111iln: secondaires et ~volus en regard de
l'oppoaition plan&in: de deu~ i d~ologic11 , de deux sysl~mes, de deux mondes eux valeun 1'1111dicalcmcnt difT~rcn~s . " , Y . LACOSTE,
Dictionnaire de glapof/1/qur!. Paris, FJammarion. 1993 , P~ambulc , p. J4 .
18 lntrod11clro11 ginirtalt

structures essentielles du décor. Encore faut-il discemer les changements furtifs et sans
effet sur la dun'e, "ces mouvements de surface" comme les appelaient Fernand
Braudel, des changements durables. L'écume de l'histoire, cette succession
d 'événements sa.ns traces, n'intéressait guère Femand Braudel, pas plus doit-i!lle
intéresser la géopolitique.
Or vouloir remonter les fils continus de l'histoire, empêche de s 'en tenir à une
segmentation courte de l'étude, à un segment fini du temps. Car si les causes sont
profondes et donc andennes, il faut être capable d'aller à leur recherche jusque dans les
temps les plus reculés ; et il faut ensuite les suivre à travers les siècles pour souligner la
récuJTenœ de leurs effets.
Certes nous gardons comme objectif premier la compréhension du monde
contemporain; mais œ n'est pas pour autant qu'il faut se limiter à remonter seulement
un siècle en arrière pour y trouver l'origine des phénomènes contemporains. Qui peut
prétendre que les données contemporaines sont la seule résultante d'un temps
antérieur court, déroulé sur un siècle environ? Nous n 'adhérons pas à l'idée que le
XD« siècle suffit à comprendre le x:xe siècle ; et c'est pourquoi nous ne nous sommes
pas autorisés, dans œt ouvrage, à fixer, a priori, un cadre temporel délimité et fini . Les
perm.tnt'O'K'es, les lignes de fracture civilisationnelles par exemple, s'inscrivent dans le
temps long ; cer1ains conflits identitaires contemporains dits conflits d 'antériorité font
appel à La fixation antique des populations sur un territoire pour justifier un contrôle
territorial. La géopolitique est donc un allez retour permanent sur l'échelle étirée du
temps. avec parfois des stations courtes, souvent des projections dans un lointain
passé. En somme, l'étude des facteurs explicatifs ressemble à l'étude d'une fonction; on
trace La courbe de 0 à l'infini. et lorsque des points de rupture, des brisures
apparaissent. il convient de changer d'échelle de temps pour regarder l'événement à la
loupe.

Choisir l'État comme référentiel d'étude

D ne suffit pas de dire que La géopolitique a pour objet l'étude du rapport de


l'homme à la géographie - physique et humaine - dans ses conséquences sur les
relations politiques entre les sociétés hwnaines, pour pouvoir commencer à travailler.
Toute étude néœssite un référentiel d 'observation, de mesure, de comparaison; un
cadre auquel on re\'ient se référer en permanence. Quel cadre de référence faut-il se
fuœr a priori pour l'étude géopolitique?
Quel autre cadre politique, organisé, ayant capacité de puissance, lie-t-il l'homme
au œrritoire plus que l'État? L'État! n'est-il pas la construction politique la plus
legitimement dotée de l'exercice de la puissance et du monopole de la violence au
service de la maitrise d 'un espace ? N'est-il pas la principale source de puissance dans
le monde. le principal créateur de relations politiques entre les sociétés humaines'
N 'est-il pas alors, de manière ontologique, le cœur même de la réflexion géopolitique,
celui qui donne du sens à celle-ci ?
Oire cela ne veut pas dire que la géopolitique se limite à l'État ; d 'autres acteurs,
non ~tiques, et nous tenterons de montrer lesquels, doivent être intégrés à la réflexion
géopolitique. Mais d'une manière ou d 'une autre, par lui, avec lui ou contre lui, tout

1 Laniqw ....- p.r1c:wu d"Ecaa. ._. ~ dC' tou1a. ln r~ d'Éw. qu'il • '•aiuc de rEa.t-n.lion modcmc ou Je rtw
~ du Moyen-A. dln!lim. ou de rtp d'Or --.tlnma. ~ rifbt::nli~I CSI ulihaable quelqf.IC! IO\I l'epoque ou ""'11 ntMO

p l . - ce qadqK 11111. ~ ~ ~ : Ll -.c,rt: Ill cli"9ftia.C dn moditlca etaûqua pt1ur ne ..: &iruar qu'au nt"cmu ck l'Êlll
~~polittquit llillpèneun'._ ~buaMl.iacaqpabkdcpnâl1n:dusc::1Upot11 iquc~I de laC.-pK.11Cde puiaanœ
Introduction générale 19

tourne autour de l'État, tout y revient. L'État est la forme à la foi9 séculaire et moderne
que les sociétés humaines ont inventée pour produire du politique, à l'intérieur d'elles-
mêmes mais aussi entre elles. Que certains groupes humains contestent leur État
d'appartenance et cherchent à s'en émanciper est un fait qui ne doit pas être confondu
avec une émancipation du cadre étatique. Il nous semble qu'il y a, depuis plusieurs
années, dans le développement de thèses mondialisantes affirmant le dépassement de
l'État, une confusion qui est faite entre la contestation des États en place et la
contestation de l'État lui-même, en tant que construction politique adaptée à une
société humaine. Les groupes humains qui contestent l'État - en dehors de groupes
d'intérl'ts économiques transnationaux - ne rêvent-His pas de construire leur État
propre?
C'est donc parce que, dans le monde, l'essentiel du sens politique et de l'expression
de la puissance est produit par les États, ou par ceux qui les contestent, que nous
devons assumer de manière claire le caractère "stato-centrique" 1 de cet ouvrage.
Autrement dit, l'ensemble des facteurs étudiés, qu'il s'agisse de l'ethnie, de la nation, de
la tribu, de la religion, de la langue, des ressources, de la technique, du transétatique,
est abordé dans le référentiel spatial et temporel de la carte mondiale des États . L'État
n'est donc pas considéré comme un facteur en soi, puisqu'il est le référent ; la carte des
États est posée, c'est elle que nous cherchons en des temps différents à comprendre, et
nous cherchons à comprendre l'agitation puis les transformations qu 'elle connaît en
mobilisant l'ensemble des facteurs explicatifs, et en gardant à l'esprit bien entendu que
ceux-ci ne fournirons qu'un élément partiel d'explication. puisque notre géopolitique
ne prétend aucunement rendre compte en totalité de l'histoire mondiale.
Avec la carte des États posée, sont aussi posées les frontières. Nous considérons
donc les frontières non comme facteur de la géopolitique mais comme faisant partie
intégrante du référentiel. L'existence des frontières, comme d'ailleurs celle des Êtal:9,
devant être expliquée par les facteurs que nous mobiliserons à cet effet. On ne devra
donc pas s'étonner, a priori, de ne pas trouver dans la table des matières de cet ouvrage
une section consacrée à la frontière - et d'ailleurs faudrait-il la considérer comme
facteur permanent ou comme facteur de changement ? Comme l'Etat dont elle est le
bord2, la frontière est placée au cœur de cet ouvrage, étudiée dans de nombreuses
sections - par exemple celles relatives au relief, a l'eau, à la langue - comme
résultante des facteurs et non comme facteur eUe-même. Nous la considérons comme
une paroi d'équilibre - parfois bousculée, puis percée - entre des organismes
différenciés et produisant des poussées inverses. Elle est une ligne de champ,
résultante de forces\ posée sur la géographie, et non une source politique, un facteur
de puissance.
L'origine des frontières d'un État ne peut s'expliquer sans l'étude, à l'échelle du
temps long, des forces de l'ètre et de l'avoir et de leur interaction avec le relief . ethnie,
religion, langue, relief, quète des ressources . . _ L'histoire des Etats faisant alors penser à

1 Cc ion1 ë>.·tdcm.mcnt les râihstcs LIW, ni ~i.uoos 1nlft'l\&Uonala. Otll place l'Etmt et i. ~CRIN'\é IW ~de: lalr n:Rcuon..
Demant Ko11111)' - - ü . KORANY, Anal\13~ du rt'Wi1<>n.r urtenwu1o~re..t. Âpproch.e.i , rnncLpZs .M,...,..n, ~ Cd .. Mmute::ml. ~
Monn, 19111 - a cnhquë c~ Mh: en Lai quahliaa.L Je '"1111~'\..-ntnquc:" cl C"D raaaant R'INll'Q'\ICf l'tmazcncc de nnu"c:aw; oclnlt'lo C'I
de foKC, oon polit1qun . - donc muncia de lii lo11que de sou"'mùncté u1.oaa.Le
.:! rour Amtotr: la forme d'\111 obJct ph)'t11quc CAi quctqLC chus.c i:ormnc fiilMl botd , iw 1C1U ablarui1 ûc l.c1 i.1Cfmu1un de l't'idot .
c'est quelque chose Cpfc:mtnt i:.,:,mmc unr rurmc dans un cspaœ ôlbsuaJL or.va: "°"boni , .wu"9C.U' en ~ \"aU dft ütfmmoo. .;'Qt

prcsc.tuc le ~ mot 1.1i.ac nrr" qui "'eut Wn:' borJ . dcf1n1r ç'e.1 dut" la frtln.~ di!1WIJC'I" lc:s f~

J P1C11"e 1tcnou"1n C'I Jcan-Bep11"1e Dumf.Clle pmrl&lcn1 di:: tOtt:n pmfooda cœdlriom ll"'fnf>i'nquo. lu ITa.lU"c:ntenU
dtmogrmphiqun, les uaus Jt mcnt.ahlC collm1"'e- -- · que 11Mrmtne d"Ê ...1 m poa'<las.I rWsJ1p, - . . '° Ja1HJN cumme: ~ _.
pruJelS. l::n cela lC!I dcw. tpCç1aJ11tc:il db~ llipLornauqut" rqotpiu.cnl la •lin~ Fened 8R.AUDl!L . ld1caUJ" i \:CS rauuv~
IC'f1L~ C1 pllluan3 dr t'h1.io1tt, c1 mé:fWlt .........,. je l'C"VCMmm.1 ~ dr l"DmtnN p RENOll\'IN . J.B OURœELLt:.
/nuuJuctwn ù /'hU1u1r't! Jiu rr1"1Jolltf. -..~. ..1" N Pan-.. ·\mmlW ( ·oha. l '191
20 l11tro<lw:lio11 g11m!ralt

une oscillation permanente entre l'épuisement des poussées contraires le long de lignes
continues el le réveil des poussées qui conduit au contraire à la remise en question des
fronti~ par la guerre_
Mais en même temps que nous posons notre référentiel étatique, nous cherchons à
tester sa validité, en nous interrogeant sur l'influence des facteurs intra-étatiques et
tranH!atiques sur le cadre de l'État. Car si notre réflexion est "stato-centrée", elle n'est
pas pour autant "slat!H!xclusive" et nous ne rejetons pas a priori l'hypothèse d'un
dépassement du cadre étatique du fait de l'émergence de nouveaux facteurs.
Là encore, il s'agit pour nous que la géopolitique échappe à un dualisme exclusif
entre d'un côté un réalisme affirmant l'exclusivité de l'État dans les Relations
internationales, de l'autre les théories de l'économie-monde ou du "monde en réseaux"
qui disqualifient l'État.

Mettre en évidence, à travers une multiplicité


de situations historiques, la force des facteurs géopolitiques

L';;malyse factorielle conduit à l'illustration du rôle de chaque facteur en des temps


histanques ri des théâtres géographiques multiples : temps reculés, ou passé récent,
Eurasie. Afrique ou Amérique. Cet ouvrage balaie donc la totalité de l'échelle des
temps et de l'espace mondial, avec toutefois une place privilégiée pour l'Eurasie, le
monde musulman, et plus spécifiquement encore le facteur religieux, tous sujets situés
au cœur des travaux de recherche de l'auteur_ Le lecteur ne se réfèrera donc pas à la
longueur relative des sous parties pour en déduire une quelconque hiérarchie
d'importance entre elles; il s'en timdra plutôt, pour comprendre notre démarche, à la
!let.lie organisation de l'ouvrage, à la seule logique du plan. Certaines parties sont en
effet trè!; courtes : elles ont pour seule ambition de souligner l'intervention d'un facteur
géopolitique dans une situation rustorique donnée; d'autres au contraire sont
beaucoup plus déYeloppées et mobilisent davantage de connaissances historiques,
géograpruques, ou venant de la science politique. Nous avons pleinement conscience
que ces di~torsions de volume peuvent faire l'objet de critiques, mais nous faisons
rnnarquer d'embl~ que puisque le traitement proposé est général, qu'il s'adresse il
toutes époques, à toutes situations géographiques, qu'il n'a pas la prétention de traiter
de tout. ce qui est l'!videmment impossible, alors il était donné de choisir librement les
exempll!S permettant d'illustrer les facteurs, et li était tout aussi possible de décider en
toute libt.-rté de la quantité d'informations à mobiliser pour traiter des exemples choisis.
En d'autres termes, •i la table des matières, dans son découpage prétend tendre vers
l'achèvement au sens où l'on a tenté de réquisitionner l'ensemble des facteurs et de
traiter pour chacun les traits caractéristiques essentiels, le contenu des exemples est lui,
par définition, inachevé, ar~té ~un moment donné. Il aurait été sans doute possible de
continueT œl ouvrage à l'infini en multipliant les e-xemple" historiques. De ce point de
vue, l'(JUvrage 1!111 à tiroirs. li doit pouvoir Nre augmenté à partir de l'organisation
proposée, l'l'!IS<mlicl pour nous étant que l'organisation constitue une méthode
d'lnYcntaire gl'Opolitique pouvant durablement servir à l'analyse géopolitique.
Notre démarche de recherche s'iru;pire de? l'empirisme organisateur: observer ln
rU!ité danM sa diversité el dans ~ complexité, puis isoler un à un, de l'étude de
nombreux exempll!!I historiques, les facteurs géopolitique explic.1tifs de l'histoim
Souligner Je plus souYenl pœslble, d'une part l'insuffiRonce des explications mono-
c1W1ales, d'autre part la nécesellé de relier le~ facteurfl pour progresRer ver~ ln
lntroducllon gi!n~rolp 21

compréhension des phénomènes. Opposer en permanences des contre-exemples à des


lois générales monocausales et réductrices.

Préciser, avant toute chose, les influences reçues

D'où part notre démarche ? De la prise en compte de l'ensemble des travaux déjà
accomplis dans le domaine des Relations internationales, et dans le domaine de
l'histoire, de la science politique, de la géographie. La bibliographie indique l'ensemble
des travaux dont nous avons pris connaissance pour bàtir notre réflexion. Mais certains
travaux ont exercé sur nous une influence radicale.
Ceux d'abord de l'école réaliste des Relations internationales, qu'il s'agisse des
travaux de Hans Morgenthaul ou de Raymond Aron2 et de ceux des néo-réalistes
comme Kenneth Waltzl aux États-Unis. C'est chez eux qu'il faut trouver notre adhésion
à la cohabitation nécessaire entre le paradigme de l'intérêt" et l'éthique de la
convictions, "au théorème de la centralité de l'État"6, à la notion de rechen:he de
l'équilibre - balance of power _7 ou de rechen:he de la sécurité8.

1 "Le r6-J111mc f"Olitiquc rcpme nins1 cha: MOf'IC'lthau 1111' cinq s-mcipc:s · 11 la po•iDquc al prvcmœ pu la lou objCllCCi"a
qu1 ln>U\ICnl Jeun ori1inca dan.t l'imper{~liondu monde Cl d&ftl la Ml~ de l'honuBe... U ria&bft ell le fS1DCi,pal rifil!nml ck ractiaa
in•cm111onalc, J/ toute lh'°ric de• rt"lations in1CTTlAlionalcs Jo11 tv11cr de ~ en conaidGanon le11 muci.,••liON icWolu.-qua d
ln ~molioru des aclcun, deux Jonnks trop 1ns1abl~ . 41 une politique ~sèn: ol cons~ comme bonne quarw.I elle miaira&sc
les riaquc!ll cl maJümiM! IC! profits, !/ la lcn.•ion C'Tlft les clligmcn du JUCX"ès de r11erion potitiq\11: et ta lois rnorûcs non lcriœs qua
gouvemcnt le monde est inivitablr". J .•J. ROCHE , Tltft>ri~~ tk.• rrlaflo1U irrt~. Puu. Montchnstien. J Cd. 1"9. p . 12.
2 R . ARON, PaL'r. ~1 GurnT rn'"' lu Nœlon.r, ~ âl, Pans, Calmun- L~vy . 1961. "'Qu'~<e qu'me LMcwil: Iles ni..on.
lnlemalion.lcs 1• 1n Rr"'U~ Françotutk,d~ po/Uiqw, \'ol. XXVII . n•s. octobft 1967. ~. IJ7.a61 .
J Voir l• section que nom lu1 comat:rons dam LI pmrrim pmtic dr crt ouvnsc- K WALTZ. 1'-calia. l'houelu llDd Ncmm1bl
ThC"Ory" , ln Jn11rnt1I of /nt,,ncJtlcmai Ajfa1r.r. vol...,, n•1. prin'°"PI 1990 ; T1IC'OC')' of IAtl:lmtional Politia. R.mdina. ~
Wesley , 1979.
4 Lca n!ahslcs 1''•pputmt aur 11 tcule priK en compte p-.r la Émtl œ leur mat\. l'ib:Kli"nlll m ~la dam la lipâ Ji=:
Machiavel et des ut1b1aris1u Ju XVIII' J1b.lc comme O.\tnl Hume - Dt /'ft/10/JINT. 1UI. L'in~ devait 1elun C\U _,,q.œ lipE
de conduilc dans les rcl111ont cnttt Et.ab. Wuhm,1on •"••I 1n·mi dam 1IOA rc:rtamml qu'....:"UDC nabOn ne ,,..,..vllit foc crur &&1-dr:ü
de 111on inl~I Pour 1utan1. se n!fitft • Mm:h11\·el , ne 11i1mfi•il pu dam r~11 de ~iRH comme M.Aynmnd Aron. q\lr la ÉlaB
pounient aair n'impor1l' comment . Crrt~ ~1ohtes per naeu.re. les T\lltiom ~ieM J'lftftllrf m euo.aiMrlltion la intâ'fn COfM:\llftllta
des •u•re~ n•tiOM L'tdk de socnn~ de &'inlirfl • COUr1 tcmw pu un ~ .. , .... pml'il dr 1'1n.tâft ' lona lcnnr dn lt:taas tut nme -
1van1 On trouve cette it1tt notamm1mt chez 1·iunmc:.m Robm Jer'YU : Il JEllVlS.. ~ R'l'imes•. in S.-pbm D. ttnn.a,
lmunnltrmal R~fmr:r, llhk" 1111d Lontlon, l.'nrMll Uniwnity Preu.. 19&.J. p. 112. O. a imMl't"Clll can~~ W nu-. en
l'cnfcnnanl tian• ~ &CUI p11ni.t11gmc ~gou.1c de l'in1ttf1 al..-s l{dC le Pnntt da n!iialllld dcvul ' &. foaa ......a- LI ~• dr rE1at
- donc h.~mr cmnp1c dn c.untintmccs du momml - el Il la ri:m~ pnua lie 111111tift rûoftMblc et ~Uc ... muntial de
l'~ui11t1rc inlC"m9IH1nal et donc de la paix pour tout
5 MH Wt'ber UIJpoK ri&!1htque do I• rnpouabilitt et l'Hliquc de .. C'Oh\"h::tioa
6 C . von CLAtJSl!WITZ, lN- Id.,.,.,,..,..., Pan... UGE. IQf.~ ; Ft ARON. ,,,,_""" Id~. Cla\lllltWitz. Pvi.1. C-l&Lfü111nl. 191'6.
2 lomC!I. C'on1~ le" 1Wurie 1r.nina1ion1hJtrs n ftt1numisr~ en ''UJUC dlAs les rMlrioN 1n""11111unain - . , ta ~ ?O.
Kenneth w ..11.i UJ'Pl!IC un nl!\uftlismc '°"''4! tur un ~tour l 1'autonomie lhl roUttqUe " Ili •• ""~ w r~ ...... la ~
tnletTHCluntleos : ·Lr'I ~tata .9C>nl ln umt61. dunt lm intmactiON n.mai.1 la •trvrhlft dis I),..._ iD....-n.bunam. .. : .... LI rntme
manl6rc que- IC'S konomlslm d•Rnlmmt le rnatth~ en t~ tl'n~ JO difJlnill l• l'DUciura da .. 1a11une .............. m
lcmte'll tJ'Uuua ( . -1 enul lon1tempt que '8 Êl•I• (Wincipau.1t .mt ln K1eun najNn, la stnlt'b.lnl «
LI polii::iqw ~ •
•'•'*cr,_,...
tJl!n1111 rar ttl"f1011 Attull-ci. C"'r une tJl'furie qui lll'\Oft' le r61c caur19 J. tSw ne pournil qa'i ~\lia ....m
oà lu ac1i:u.n nun i1a1lqu111 t1C' n!\~lnalcnl rn tnHure Je concuTftftCft ltt ...,._ pumanc. f'f nan ,.. ~ ~
pul11ance11 tic lt'\.·und ""JI.. , ti:. W1'l Tl. ni..,,., o/ ln"""'111''le0l Pullltt.·.•. R.Nt.hn&. Add~ Wakoy, 1~1'1. p. ~9' tn J.-
J. AOCIU'.. Th~wlt',, ,if., TYlarhNt.t '"'""""';,,,,.,tkJ, l'9riL. Muntdu•tien. .l' ô1. l.,,,...p. ~ .
7 t1 J MOROHNTllAU , ~ltK_, •-MtJr 11111Mtu. n._. ~,,..,,.• . flw f'ta"AYF .-J ~. 6• lfd.. New ''Qrk Alhl K.opC. llJll,.
Il Pour K.nueth W•lta.. ~·ett 111us I• llkurilll! t1Uie Nquilihft' -tut IC'!' l~l&b rn:~. SilN'I ot.nanon • l .,..,~,
pcir1incnlo 1i on l'•p11Uque 1\ I• l'f1llllq.w •miricaine.
22 Introduction ginhllle

Ceux ensuite inspirés par la démarche systémique qui trouve son origine dans la
volonté de dépasser les faits et la description au profit de la modélisation et de
l'explication. Notre démarche consistant à dresser l'inventaire des facteurs explicatifs
de la géopolitique est à rapprocher de celle du bilan des "forces profondes" de Pierre
Renouvin et Jean-Baptiste Durosellel, de même que la volonté de convoquer des
matières différentes dans la modélisation des phénomènes historiques est-elle
largement fécondée chez nous par la lecture de l'école des Annales - Marc Bloch,
Lucien Febvre, et surtout Fernand Braudel 2 .
- l'influence des travaux d'Edmond Jouve3, menés à une époque où l'idéologie
semblait devoir constituer le paradigme essentiel des Relations internationales. Tout en
inscrivant ses travaux dans une perspective militante, celle de la prise en compte du
droit des peuples opposé à "l'injustice de la donne étatique", Edmond Jouve soul.ignail
à quel point les idéologies internationalistes avaient été rattrapées puis
instrumentalisées par la réalité des peuples dans une perspective de souveraineté
retrouvl'e. En cela, il dépassait l'opposition traditionnelle et stérile des écoles réaliste et
idéaliste, au profit de l'établissement d'un lien clair entre les réalités géopolitiques -
les peuples - et les idéologies. En posant le problème de l'adéquation ou de
l'inadéquation du référent étatique et du facteur national ou ethnique, comme étant
l'une des causes essentielles des conflits, notre démarche intersecte pour partie celle
d'Edmond Jouve, ce qui n 'étonnera sans doute pas puisque nous en avons été l'élève.
- la lecture critique des travaux du courant transnational a également été une source
forte d'inspiration. Pouvions-nous ne pas tenir compte de la multiplication des liens
transnationaux dépassant le cadre des frontières, du développement d 'un capitalisme
contestant la primauté de l'État, de l'accroissement des flux immatériels créant une
réalité extérieure aux espaces territoriaux, de l'affirmation croissante de réseaux,
groupes d 'intérêts et lobbys luttant pour le dépassement de l'État-nation tout en
appelant à la création d'un État européen ou mondial? Certes non, et c'est la raison
pour laquelle nous avons lu les travaux des écoles mondialistes, qu 'il s'agisse de l'école
du fonctionnalisme• fondée sur le projet d'intégration europl'enne, des travaux de
Robert O. Keohane et Joseph S. Nyes, de ceux de John W. Burton& qui sans doute avec
raison contestent la frontière nette établie par les réalistes entre politique internationale

1 Deux OU\lragcs nous onl inspiré de cc pom1 de vue : r . RENOUVIN cl J.O. DUROSELLE, fot,.odr.tc:tion à /'/1is1oi,.e da
,.e/ulfomi inrenrationales, rtiris, Annand Colin. 1991 ; J.O. DUROSELLE, To111 '-'mpfre périru. Pari s, Armand Colin, 1992.
2 Le lecleur pourra consl81cr que nous y faisons régulièn:mcnl réCêrcnce.
3 Notamment, E. JOUVE, Rel111ions i111er11ationnle... c/11 1'ier~ Mo11de et Drall dt:!s peuples. Paris. 1979, Berger-Levnult
4 Les fcnctionnalistcs 1cn1èrcn1 de théoriser 11 noticn d'inlér~ls partagés des E1ats dans le but de consb'Uirc des blocs
l!conomiquemenl Cl ,,alitiqucment intégrés. O. MliRANY, A Jf'arkiJJg Pea~t! sys1,en1, Chicago, Quadnlngle Books, 1966. E. HA.AS,
The Uni tlng r1/ E11mpe. Polirkuf, Sociul "nJ Econom1cul Fuu·(!J;_ /fJjll-1957, 2c &J., Londres-S1anford (Ce). Stanford Univcniry
Press : il définit celle approche comme "processus par lequel les oc1curs po•jtiques de plusieurs communautés nationales sont
dêtcnn1nés a rc!oricn1er leuno allé~eantf:s, leur.; aspirations et leurs acli\'ités poliliques vcn; un nouveau cenuc donl les inslitu1ions
P'Ksèdcrn ou dernantJcn1 la juridiction sur les !!tais nalionauw. pré~xisumis . Le J'Csuhal final d'un Ici processus est la crêa1ion d'une
nouvc::llc unilt politique çoifîiml lei; unilés pré~xistanlcs", p. 16.
SR . O . KEOHANE, J. S. NYE, Trarmrotiono/ Reluliom afld War/J Politit'.$, Cambridge. Huvard Universiry Praa. t9n :
e'ctl l'un dt! ouvn1gcs majeurs de l'analyse lre.nsnalionalc dans lequel se trouve, .J~s le début des ann~ 1970 l'ensemble des
argumm.111 qui RViendronl en force après I• fin de la l:tipolarité : socié1é-monde de l'économie. réseaux, monléc en foru des aclCUJ$
non-ttatiquet. problbne se posan1 • l'écheUc de- la piani!:~ comme 1'4!cologie ... Un deW1imic ouvnsc, ddveloppe le conc.epl
•d'inl.Cfdtpendancc complexe": R. O. l(EOHANE. J . S . NYE, Power anJ lnierdepemJance: World Po"1Jcs in Transition, Bosta.n.
L.llMc: Brown. 1977.
6 J. W. Burton me1 l'iu:cenl 11ur let lient tnmsnationuWI et 1ur l'échan(SC plad •u centre des analy&C3. Situan1 rindividu au
uoin: du sy1..mc in1emalional cl non plua )'~Lai. Ourton aou1im1 que l'in11.abiti111! du monde vient de l'inlali1faction des individ1&1; il
rejette donc la di1ûncûon entrc poli1M1ue inicma1ionale et politique intcmc. J. W BURTON, Warld Socidy, Cambridge, Cambridge
Univcnîty Pra5. 1972.
Introduction ~nérale 23

et politique interne - nous soulignons pour notre part la nécessité de penser ensemble
la géopolitique interne et la géopolitique externe des États-, de ceux de l'école de
l'impérialisme! débouchant sur l'économie monde et auxquelles nous reprenons
l'opposition centre-périphérie entre les États pensée non plus seulement en termes
économiques, mais aussi en ternies de puissance.
Même si nous ne partageons pas la conviction de l'école transnationale, à savoir le
dépassement des Étals par le transnational, la méthode d'analyse systémique qu'elle
cherche à développer mérite l'attention à plusieurs égards: elle pousse à sortir de
l'approche descriptive des Relations interétatiques et propose une modélisation des
champs de forces entre les forces d'essence étatiques et les forces d'essence
transnationales. La notion de turbulence provoquée par les paramètres transnationaux
sur les champs de forces classiques du système des États est particulièrement fertile
pour l'esprit géopolitique2 : elle nous fait pencher vers l'idée de déterminisme
chaotique, l'aspect déterministe inspirant notre étude des facteurs permanents, tandis
que l'aspect chaotique inspire la prise en compte de la montée des facteurs de
changement, la science qui bouleverse les données de la puissance, mais aussi
l'ensemble du domaine transnational.
Dans le domaine de la géographie politique, ce sont les travaux de Xavier de
Planhol qui ont eu sur nous l'influence la plus déterminante : ses ouvrages sur l'islam
nous ont convaincu du lien profond des sociétés humaines, dans leurs traits
sociologiques et politiques, avec les caractères de la géographie physique et humaine.
Notre étude du facteur religieux fait souvent référence au manuel de politique
musulmane publié par X. de Planhol en 19933 . On y retrouve les genres de vie de Vidal
de La Blache et une leçon de réalisme sur les États du monde musulman; l'analyse
minoritaire est un antidote puissant contre la théorie des blocs civilisationnels4 el
l'univocité des causes en géopolitique. Xavier de Planhol ramène notre géopolitique
aux déterminismes géographiques en même temps qu'à la sociologie politique. Il
souligne, comme nous le faisons après lui, le poids important des géopolitiques
internes des États sur les postures extérieures. C'est notamment à X. de Planhol que
nous devons d'avoir trouvé une réponse à la question des ruptures de permanences
dans la politique étrangère des États: pour l'essentiel les bouleversements survenus
dans les équilibres de la géopolitique intérieure des Étals, bien plus que les transitions
idéologiques.

Comment l'ouvrage est-il organisé ?

La première partie intitulée Une histoire des idées géopolitiq.,es est consacrée aux
travaux historiques des premiers géopoliticiens allemands, français, anglais et

l ~Les D"Bvaw: de la Commission économique des Neitions pour l'Amérique lalinc dirigée par l'économiste Raoul Pn:bish
ini1ièrmt la lhéorie de l'économie-monde par laquelle la silualion dramatique des pays du Sud s'cxpliqueroit du foi1 de l'e~ploiuuion
dC5 p8)'S de la ptriphéric par un cenlrc capitalislc" J.J. ROCHE, Tht!oric.î Jc.î relations inlernaliorrale.'i. 3c éd., Paris. Monlchn:slicn.
p. 70-71 ; tmmanucl Wallc~u:in économiste américain développa égGlcmcnl l'idée d'une périphérie économique au service d'un
centre capitaliste, thémc de l'échange inégal produÎI de Io hiénirchîc des Etats. Braudel dons son ouvrage de n!fmnce !'lUr La
Mêdilerronù av.llil développé l'idée de syst~me-monde admcltont un centre •utour duquel gravitaient , en une série de cercles
conccnlriques, des ptripheries . Jmmanucl WALL.C::RSTEIN, The Pofit ic.s of Worfd ECONOMY : lhe Stale.<r. the Mov f!ml!nl.s a'1d the
Ci\filîzatirms, Ca.mbndgc, Cambridge UnivcI"Sity P~ss. 1998.

2 J. ROSENAU , Turbulf!nce in World Polilic:r, A theory a/Change ond Continuity, Pnnce1on Un1vcrsi1y Preu, )990.
3 X. de PLANHOL, les nation$ du ProphiHe. Manuel géographiqu,. de politique mu.,ulmant!. Pari~. Fayud, 1993 .
4 Nous rmvoyons â la sechon consacrée a Samuel Hunlingtan.
24 lulrodm:lron gé11éndc

américains. On souligne la disparition de la géopolitique au profit de l'idéologie en


Europe occidentale, durant les années de Guerre froide, puis les conditions de sa
réapparition timide dans l'Université, et on oppose cette situation défavorable à la
place importante toujours occupée par la géopolitique aux États-Unis.
Plus de cent ans après sa naissance véritable, la géopolitique n'a pas encore su
trouver une place unanimement reconnue au sein des sciences humaines et fait encore
l'objet de critiques à la fois idéologiques et épistémologiques issues des matières dans
lesquelles elle puise pour bâtir ses raisonnements : l'histoire, la géographie, la science
politique, et à l'intérieur de cette dernière, les Relations internationales.
Les raisons de ce refus de la géopolitique par l'Université sont nombreuses; une
des critiques les plus recevables met l'accent sur l'existence de plusieurs traditions
géopolitiques fortement différenciées d'un point de vue national, au détriment d'une
analyse géopolitique capable de se placer véritablement sur un plan universel inhérent
à toute science. La plupart des autres critiques trahissent souvent la crainte de voir la
géopolitique aller à l'encontre, du fait de son caractère réaliste et sa propension à
insister sur les forces profondes de l'histoire, de certains projets politiques tels
l'établissement de pouvoirs supranationaux.
La première partie met en lumière le lien profond existant entre la géopolitique et
les écoles nationales d 'appartenance et souligne en même temps les apports critiques et
conceptuels aux Relations internationales.
Les parties deux à quatre du livre sont consacrées aux facteurs permanents de la
géopolitique.
Les politiques extérieures de nombre d'États apparaissent souvent comme
constantes, malgré les inversions et les changements idéologiques, parce que les
gouvernements raisonnent dans un environnement géographique imperméable à la
variable du temps. Les situations d'enclavement, d'insularité traversent les siècles, et
cela, même si les progrès humains permettent de transformer le rapport que l'homme
entretient avec la géographie.
Toute politique étatique est le produit de trois facteurs conserva tifs fondamentaux :
- la réalité géographique, qui fait l'objet de la deuxième partie ;
- la réalité identitaire qui fait l'objet de la troisième partie;
- la quête des ressources qui fait l'objet de la quatrième partie.
La deuxième partie intitulée Pennanence de la carte traite des situations de la
géographie physique. On souligne en premier lieu l'importance de la dualité centre-
périphérie dans le raisonnement géopolitique, avant d'introduire la notion de situation.
Sont ensuite traitées deux situations fondamentales des États : l'enclavement et
l'insularité. Puis on insiste sur la permanence de l'opposition entre la Terre et la Mer,
comme paradigme géopolitique de l'histoire.
Les déterminismes géographiques ne sont pas seulement ceux de la situation
géographique, c'est-à-dire de la situation relative des États, ils sont aussi donnés par la
nature de l'espace et du relief. Nous nommons topologie l'étude géopolitique de la
nature du relief : fonction géopolitique du désert, de la forêt, de la baie, de l'isthme, du
lac et de la mer intérieure, de la montagne, des plateaux, des cols, défilés et passes, du
marais, du fleuve, avant de donner des éléments introductifs à l'analyse toponymique
comme complément de l'analyse topologique, puis de revenir sur la question ancienne
de l'influence des climats en géopolitique.
La troisième partie intitulée Pcn11411c11ce des identités traite de l'innuence des facteurs
identitaires : le dan, l'ethnie, la nation et la territoire, la langue, la religion, le panisme'.
lntroducbon générale 25

la minorité, la catégorie socio-économique, et l'identité abordée dans !la dimension


quantitative, avec l'étude du facteur démographique.
La quatrième partie intitulée Lo quête des ressaurœs : une amstJmte de l'histoire
souligne l'importance de la ressource comme fondement de la puissance, aborde
l'étude de la thalassopolitique, du caractère permanent à travers l'histoire de la
recherche de nouvelles routes maritimes, ou de nouvelles routes terrestres. On insiste
en particulier sur l'importance de l'eau et du pétrole dans le monde contempo1ai11 à
travers deux parties spécifiques consacrées à ces ressources. Le rapport de la
géopolitique à l'économie est limité au domaine des ressources fondamentales, vitales
et énergétiques, mais les stratégies commerciales, industrielles, financières des Éiats ne
sont pas considérées coaune étant du domaine propre de la géopolitique, même si en
bien des points elles peuvent avoir un rapport avec le milieu géographique et si elles
ne sont pas sans conséquence sur la puissance. Nous avons estimé qu'il s'agissait du
champ propre de l'économie.
L'analyse des facteurs conservatifs ou permanents est organisée suivant tme échelle
du temps allant du plus long au plus court. La géographie du relief est généralement
fixe sur une échelle allant du million d'années - montagne.. mer - au millier d'année
- fleuve, forêt .. . ; l'identité, c'est-à-dire la géographie humaine, est beaUCDUp plus
évolutive que la géographie physique, mais elle reste déterminée sur le temps long.
Quant à la quête des ressources, si de tout temps les hommes ont cherché à contrôler la
mer, en revanche, ils se sont mis à courir derrière le pétrole seul~ à partir du
début du xxe siècle. La quête des ressources est une constante depuis la prébistoi:re,
mais la nature des ressources, en revanche, change au cows des siècles.
L'ensemble consacré aux facteurs permanents est le plus développé de l'ouvrage; la
raison est qu'il est le cœur même de l'étude géopolitique : la politique de La géographie,
l'analyse des forces profondes de l'histoire, à partir des permanences qui caractérisenJ:
le rapport de l'homme à l'espace.
On remarquera aussi que nous avons développé particulièrement l'étude du facteur
religieux. La raison en est que le facteur religieux peut être considén? à La fois comme
un trait de la géographie humaine, puisqu'il fait partie intégrante de l'identité des
groupes humains, et à la fois comme touchant au domaine des mentalités. des idées,
voire des idéologies. Or nous n'avons pas intégré l'étude des idéologies et des systèmes
politiques dans l'ouvrage considérant qu'ils n 'étaient pas du domaine du rapport de
l'homme à l'espace. L'étude du facteur religieux est donc d'autant plus importante
qu'elle établit un pont entre la géopolitique et l'étude des systèmes de pensée abordée
d'un point de vue politique, et qu'elle débouche sur le débat du Téalisme et de
l'idéalisme. Nous montrons en effet combien la religion. qui tuuche par essence à
l'idéalisme, peut être en même temps instrumentalisée par les groupes politiques au
point de pouvoir être étudiée "sous un angle réaliste".
Les parties cinq à sept de l'ouvrage sont consacrées au'< factews de changement de
la géopolitique.
On étudie d'abord l'influence des facteurs qui s'inscrivent dans le temps court de
l'histoire : les catastrophes, cataclysmes et tremblements, qui ,.;ennent briser les lignes
de continuité de la géographie jusqu'à changer les données de la puissance ; les
transformations de la géographie produites par la main prométhéenne de l'homme; les
grands décloisonnements géographiques résultats des ~-onquètes de l'histoire ou du
mouvement des Grandes Découvertes.
Le rapport de l'homme à l'espace n 'est pas fait que de constantes, précisément parce
que l'homme n'est pas qu'un "animal politique" selon le mot d 'Aristute. mais qu'il est
également un animal scientifique, un technicien. Les révolutions techniques
bouleversent les données de la géopolitique, et modifient les rapports d~ puissance.
26 lntroductian ghrbol,

Nous nous interrogeons sur le rôle du facteur technique dans l'origine de la suprématie
occidentale sur le monde, sur les conséquences géopolitiques des révolutions de la
navigation maritime, sur celles de la Révolution industrielle, du chemin de fer, sur
l'oubli ottoman de la technique, sur la révolution de l'aviation, le facteur aérien ayant
fait tout à coup irruption dans le couple traditionnel Terre-Mer, sur celle du nucléaire,
de l'espace, ou encore sur la révolution dans les affaires militaires.
Ce qui change les données géopolitiques ne réside pas seulement dans la
technique; une concurrence est faite à l'État en tant que source principale de puissance,
celle du facteur transnational sous toutes ses formes , légales et illégales. L'État est-il en
train de perdre le monopole de la puissance extérieure? Est-il en train de céder celui
de la violence intérieure? Que pèse le système international du crime à côté de celui
des États? L'esquisse d'une géopolitique ck la drogue dans le monde, d'une
géopolitique de la piraterie, des phénomènes sc'ctaires, des cyber-menaces amène à
nous poser la question suivante: qu'est-ce qui est véritablement nouveau: le facteur
transnational ou plutôt la faiblesse de l'État face au transnational?
Le transnational légal, par l'intermédiaire des phénomènes mondialisants et
régionalisants conduit-il finalement à devoir remettre en cause notre hypothèse de
départ, à savoir que l'État reste l'horizon indépassable de la géopolitique? La méthode
géopolitique par l'analyse pluri-factorielle et stato-centrée que nous voulons proposer
ici est-elle à même de répondre à la question : la souveraineté étatique a-t-elle encore
un avenir? Telles sont les questions fondamentales auxquelles nous tentons d'apporter
des éléments de réponse, autour de l'idée centrale que nous défendons tout au long de
ce livre: il existe une méthode d'analyse géopolitique qui peut contribuer, au moins rn partie, à
rendre compte de l'histoire.
PREMIÈHE PARTIE

UNE HISTOIRE
DES IDÉES GÉOPOLITIQUES
INTRODUCTION

La géopolitique trouve ses sources philosophiques, à la fin du XIXe siècle et au


début du xx• siècle, dans le positivisme et le scientisme. Cette époque voit les sciences
humaines profondément marquées par la recherche de déterminismes. La géographie
physique apparaît ainsi comme étant capable de conditionner la politique étrangère
des États et d'orienter leur développement historique.
Le discours scientiste vint fournir des arguments au nationalisme allemand dont le
but était d'apporter une justification scientifique à l'extension voulue par le Reich . C'est
la raison pour laquelle on lit souvent que la géopolitique fut d'abord une science
allemande. L'empreinte originelle d 'une géopolitique teintée de pangermanisme
alimente les préjugés hostiles à l'exercice du raisonnement géopolitique, et ne facilite
guère le renouveau de la géopolitique en France, lors même qu'en Angleterre et aux
États-Unis elle jouit d'un véritable droit de cité.
Cette partie consacrée à la genèse de la géopolitique comme matière de la science
politique, porte sur l'étude des représentations géopolitiques allemande, anglo-
saxonne, française et russe . Elle est une entrée en matière concrète dans fa géopolitique
consacrée successivement à : l'école géopolitique allemande : la puissance
continentale ; l'école géopolitique anglo-saxonne : la maîtrise des mers ; l'école
géopolitique française : réalisme et géographie humaine; l'école géopolitique russe : le
pan-slavisme.
CHAPITRE l

LA PUISSANCE CONTINENTALE:
LEÇON DE GÉOPOLITIQUE ALLEMANDE

L'école géopolitique germanique est centrée sur la puissance continentale. De


l'e mpire des Habsbou rg à la Prusse, et jusqu'au grand f{eic/1 allemand, le
développement de la puissa nce passe par un contrôle absolu de l'Eurasie qui, seul,
peut donner accès à la suprématie mondiale. Nous voyons ensuite, avec l'école anglo-
saxonne, que la puissance s'inscrit n contrario dans la maitrise absolue des mers à partir
d 'une situation insulaire de sécurité, et dans la nécessité constante d'empêcher les
empires continentaux de contrôler les rivages de l'Eurasie.

1. L'invention du mot géopolitique

Le juriste suédois Rudolf Kjellen - 1846-1922 - germanophile, professeur de


sciences politiques et d'histoire, est considéré comme le père du néologisme
"géopolitique" qui naît en 1900.
Kjellen laisse une définition de la géopolitique dans son ouvrage de 1916, L'État
comme forme de i1ie, qui s'inscrit dans la lignée des travaux de Ratzel et annonce ceux de
Karl Haushofer : "La science de l'État en tant qu'organisme géographique, tel qu 'il se
manifeste dans l'espace" 1 . Selon Kjellen, la géopolitique es t une branche de la science
politique distincte de la géographie politique: alors que la géopolitique a pour objet
l'État unifié, la géographie politique observe la planète dans son ensemble et en tant
qu 'habitat des populations humaines.

2. Le déterminisme géopolitique

Friedrich Ratzel occupe une place centrale dans la genèse de la science géopolitique
à plus d'un titre. Précurseur de la matière, il est l'un des premiers géographes à
proposer les concepts fondamentaux d'une Geopolitik allemande.
Ses théories, marquées par le darwinisme, peuvent être considérées comme
centrales dans l'orientation de la politique étrangère allemande, tant dans sa dimension
mondiale - Weltpolitik - qu'européenne.

1 R. KJELLEN , Slalen sum l.ifsform (l'Étol comme Corme de vie), l916.


L'anpirc O)looa·~~~·;:=--------­
aiala.IJei:ootndàlavc.allcdc
. la Pumihc Guanm:=•:_•"'_..,.
_______
~1 la yWg UUl~O
Chapitre 1 . La puissance continentale: leçon de g~opolitiqut!' i\llcmandc 33

2.l. Ratzel, un précurseur de la géopolitique


Cet universitaire allemand - 1844-1904 - qui eut une renommée importante dans
l'Allemagne de Guillaume Il, peut être considéré comme l'un des véritables
précurseurs de la géopolitique, dans la mesure où il lègue à celle-ci des outils de
raisonnement ainsi qu'une méthode .
Carte 1 : L'empire colonial allemand à la veille de la Première Guerre mondiale et les
v isées annexionnistes

2.2. L'influence darwinienne


La formation scientifique et l'influence des thèses darwiniennes et biologisantes,
attestée par la publication en 1869 de Être et det1enir du monde organique, poussèrent le
géographe allemand Ratzel, nommé à la chaire de géographie de l'Université de
Leipzig en 1886, à analyser de manière organique et théorique le rapport entre le
territoire et le politique. Son souci d e l'organicité fit élaborer à Ratzel une géopolitique
souvent qualifiée de déterministe, et dont l'ambiguïté consista dans la légitimation
qu'elle pouvait accorder aux politiques de puissance e t d'expansion. Nonobstant leur
finalité pangermanis te, les textes de Ratzel fournissent un matériau théorique
précieux!.

2.3. Un nationalisme colonialiste


Allemand nationaliste, comme en témoigne son engagement en 1890 dans la Ligue
pangermaniste, ainsi que dans les rangs du parti national-libéral, Ratz el fut aussi Wl
défenseur acharné du colonialisme. Membre fondateur du Ko/onialverein - Comité
colonial - , il s'opposa à la vision exclusivement continentale de Bismarck. Pour lui,
l'Allemagne devait, au même titre que la France ou que l'Angleterre, disposer d'wt
empire colonial, faute de ne pouvoir assurer un rayonnement mondial. Le géographe
contribua à élabore r la carte de l'Afrique, encore mal connue à son époque, et rédigea
de nombreux ouvrages et articles sur la question coloniale allemande, notamment
autour de l'année 1885, au cours de laqu elle le Congrès de Berlin décida du partage de
l'Afrique entre les puissances européennes2 .
Après 1871, la politique coloniale française compense la perte de l'Alsace-Lorraine3.
Bismarck, qui craint la Revanche française, y est plutôt favorable. À partir des années
1880 pourtant, l'Allemagne développe sa propre politique coloniale. La Ligue coloniale
allemande est fondée en 1882, la Société pour la colonisation allemande de Carl Peters
- 1856-1918 - deux ans plus tard . La Conférence de Berlin sur le Congo en 1884-1885
permet à l'Allemagne de faire progresser ses positions, et de profiter de la lutte franco-
anglaise : Sud-Ouest africain, Cameroun, Togo, mers du Sud . ..

1 Les te:11tes de Ratzel où le délcnnini sme bio logiste c.:st le plus tv1denl sonl : Être et d<!''''11ir du monel<! organique, 1869;
L'a,,thrnpogëogrupliie, 1882 ; Ethnologie, 1885- 1888 ; Êtaf e t :roi, 1896 ; Lu .'litr~urio" gr!ogr"plliqut> de /'Allemagm.·.
. 1896 ;
GêQgraphie palitique , 1897 ; Deutst:hland. introduction U une .'Ocience du pays natal, l 89R ; Ri!tr-ospecl ive pnlilicr>-gCogrophique,
1898 ; L 'espau vital, 1901 . Ces textes ont ét~ rassemblés et tnuJu1ts c.J11ns un o uvrugc de fronça is EWALD. La gbJgr-aphie
polilique, Paris. Fayard, 1987 .
2 Les textes de Ratzcl sur la politique mondial e <le l'Allemagne sont les suivonta : Esquisse d'une nouvelle carte de l'Afrique
avec quclqua remarques gém~rales sur les principes de gl!ographie politique, l 88!i ; Per-spectil't!...! de noire pro1ec.·1ura1 en Afrique du
Sud -Oue'1, 1892 ; L'A llemagne el la MCditerranfie, 189J; Êclair-agt!'s sur l'Afrique orientale allemumk. 1894 ; Nutr-e dewlir uu
Transvaal. 1896; Positions et droits de l'Allemagne sur le N;ger, 1897.
3 P. RENOUVIN . 11i.vlnir~ d<!S re/u1/ans lnternationa/e.f, Pans, H•chene, 1954, t. V, Le XJXe siècle.
34

Carte 1 : L'empire colonial allemand à la veille de la Première Guerre mondiale . . ..


vis~es annexionnistes

2.4. L'unité de l'Europe


Ratzel marque son intérêt pour une géopolitique d'États-continents caractérisés par
des étendues démesurées! - démesure dont il prend conscience en voyageant aux
États-Unis en 18732 - ; cela le pousse à souligner la tendance à la formation de vastes
projets politiques et spatiaux, et à regretter la méconnaissance en Europe des grandes
conceptions extra-européennes de l'espace. Il met en coïncidence la géopolitique
allemande avec le projet européen, et invite les hommes politiques du Vieux Continent
à aller prendre conscience en Asie et en Amérique de l'étroitesse des frontières
européennes. Mais à une époque où les nationalismes sont exacerbés, la vision pan-
européenne n'est comprise en Allemagne que comme le triomphe d'un leadership
allemand sur l'ensemble du continent3 .

2.5. Une ambition mondiale pour l'Allemagne


Ce constat de la progression des projets continentaux n'empêche pas Ratzel de
refuser l'enfermement géopolitique de l'Allemagne sur le sol européen . Constatant que
l'Angleterre, État que l'insularité protè ge de toute dissolution identitaire, est devenue
la plus grande puissance mondiale en se proje tant sur tous les océans et sur tous les
continents, et en verrouillant les points clés du commerce mondial4 - Gibraltar, Suez,
Le Cap, Aden, Singapour, Hong Kong .. -, Ratze l préfigure, par ses thèses
géopolitiques, le défi futur que le programme allemand de l'amiral Tirpitz lancera à la
flotte britannique 5 . Ferme partisan du colonialisme, mais néanmoins conscient que
l'Angleterre et la France ont déjà pris de l'a vance dans le partage de la puissance
maritime, Ratzel préconise l'alliance de l'Allemagne avec l'Asie et en particulier
l'Extrême-Orient6. L'Allemagne du XX• siècle confirmera les options ratzéliennes .

2.6. La théorie de l'État organique


Au-delà des analyses des situations géopolitiques de son époque, Friedrich Ratzel
théorise sa pensée géopolitique. Dans son ouvrage essentiel, Géograpliie politique en
1887, le géopoliticien élabore une véritable théorie de l'État qu'il définit comme un
organisme rassemblant une fraction d'humanité sur une fraction de sol, et dont les
propriétés proviennent de celles du peuple et du sol. Il est important de souligner,
compte tenu de la tragique interprétation de la Geopolitik allemande dont se prévaudra
plus tard le régime hitlérien, que Ratzel définit le peuple comme un ensemble politique
de groupes et d'individus qui n'ont besoin d'être liés ni par la race, ni par la langue,
mais dans l'espace, par un sol commun ; c'est cette logique non raciale qui fait contester

J f . RA TZEL. Étude des espaces politiques. 1895 ; Geographie politique, 1897.


2 F. RA TZEL, Tableau.s. de.f villes et d e la ô'Vili.fation nord-amêricaine, 1874 ; La Californie, 1875 ; Les Étals-Unis dll nord
de /'Amérique, 1878- 1880.
3 F . RA TZE L, La situatio n géographiqut! de l'Allemagne. 1896 ; De111sch/o"d. inrrodut."tion â 1Jne science du pays nalal,
J898 ~La Communau1é économique d'Europe centrale. 1904.
4 f . RA TZEL. Jnt,.oduction il la politique mondiale de l'Angleterre, 1895 .
s F. RA TZEL. L'Allemagne et la M'dilerranee, 1893 ; (}alestion de la fl olle et situation dan.'f le monde. l 89R ; LJ mer .,ourTe
de puissC1nU des peuple.s, 1900.
6 F. RA TZEL, Géog,.aphie politique, 1897.
Ch.lpilre 1. La puissa nce conti11l'ntalc : leçon de géopolitique ttllcmande 35

à Ratzel la politique des nationalités, retour selon lui vers une politique non
territoriale, en ce qu 'elle pose la co mmunauté linguistique comme principe de l'État
sans faire réfé rence au sol, et qui pousse le géographe allemand à défendre Je primat
te rritorial sur les mouvements nationaux.
Selon Ratzel, tout espace a sa val eur politique, valorisation qui ne cesse de changer
au cours de l'histoire, et qui doit n o u s pousser à observer l'ordre objectif et immuable
d e très grandes propriétés politico-géographiques - nous dirions aujourd' hui
géopolitiques - , à savoir, dans l'ordre décroissant de leur importance, la situation,
l'é tendue et les fronti è res.
La situation géographique tout d'abord est une constante du sol terrestre qui
traverse le mouvement de l'histoire . Situés en un certain lieu de la terre, peuples et
États en reçoive nt toujours la même e mpreinte. La s uperficie, ensuite, constituerait un
facteur essentiel de la situation géographique; l'une des lois fondamentales dégagée
p ar Ratze l étant qu e la si tuation pondère la surestimation, comme la sous-estimation
de la taille des espaces.
De manière concrète Ratzel analyse plusieurs sortes de situations : position
mondial e, situation périphérique, s ituation m é diane .
Viendraient après la situation, les notions d'éte ndue et de frontière, l'importance du
type et de la forme du sol, d e la végétation, de l'irrigation ; enfin les relations
entretenues avec le reste de la s urface terrestre, mers a tte nantes et terres inhabitées.
À travers l'étude d e la relation d e l'État avec son sol, Ratzel est conduit à distinguer
la géographie politique de l'histoire politique, par la manière que la première a de
p orte r attention aux invariants qui tiennent au sol. Et c'est là, sans doute, qu 'est porté
l'effort essentiel de construction d'une science géopolitique décidée à s'émanciper de
toute contingence au profit de la durée, et cela sans pour autant céder au déterminisme
et au monisme, reproche qui sera souvent fait à Ratzel, par la nouvelle géopolitique de
la deuxième moitié du xxe siècle.
L'État ratzélien peut être organique, il reste un organisme spirituel et moral ; la
géomorphologie peut avoir son importance, elle n'en est pas moins subordonnée à la
volonté du politique. Réduire la pensée ratzélienne à une pensée déterministe dans le
sens où la géographie déterminerait de manière extérieure à l'homme et à sa
construction du politique, les inclinations et les comportements des États, serait en
vérité faire une lecture partie lle e t partiale du géographe allemand . Refusant toute
extériorité des causes géopolitiques - et donc nécessairement toute fatalité - , Ratzel
souligne en effet "l'influence des représentations géographiques, des idées religieuses
et nationales sur la croissance des États"l, idée qui sera reprise par Yves Lacoste
quoique présentée comme originale.
Habité par des représentations produites par ses populations, l'État ratzélien est
aussi un organisme diffé rencié, du fait des différences territoriales et de la répartition
spatiale de la population. L'État aurait ensuite des parties plus vitales que d 'autres, et
cela tiendrait à la géographie. Mais là commence la véritable ambiguîté de la pensée de
Ratzel : on peut voir à travers le constat d 'un État qui serait conduit nécessairement à
se développer vers des régions où les conditions géographiques sont proches, la
légitimation des politiques d'espace vital, politiques, faut-il le rappeler, jamais fondées
chez Ratzel sur les nécessités du sang mais sur celles du sol.
La logique expansionniste sera d'ailleurs poursuivie dans Wl ouvrage paru en
1901 2, portant sur les lois d'expansion spatiale des États, et dans lequel Ratzel énoncera
sept lois universelles :

1 F. RATZEL, L 'e.1opuc1! vital, 1901.


2 Idem
36 Pnrtir 1. Une ltistnire des idées géopOliliquto

- la croissance spatiale des États va de pair avec le développement de leur culture;


- l'étendue des États s'accroît parallèlement au renforcement de diverses autres
manifestations de leur développement, comme la puissance économique et
commerciale nu l'idéologie;
- les États s'étendent en incorporant ou en assimilant les entités politiques de plus
p e tite importance ;
- la frontière est un organe vivant dont l'emplacement matérialise le dynamisme, la
force et les changements territoriaux de l'État;
- une logique géographique prévaut dans tout processus d'expansion spatiale
puisque l'État s'efforce d'absorber les régions importantes pour conforter la viabilité de
son territoire: littoral, bassins fluviaux, plaines et, plus généralement, territoires les
plus richement dotés;
- l'État se trouve naturellement porté à s 'étendre par la présence à sa périphérie
d 'une civilisation inférieure à la sienne ;
- la tendance générale à l'assimilation ou à l'absorption des nations les plus faibles
invite à multiplier les appropriations de territoires dans un mouvement en quelque
sorte auto-alimenté.

2. 7. L'utilisation politique des théories de Ratzel


Ratzel, comme beaucoup de savants, fut influencé par son époque. Il est d 'abord le
reflet d'une Allemagne bismarkienne - 1862-1890 - , et plus encore wilhelmienne
- 1888-1918 -, profondément nietzschéenne, hantée par la volonté de puissance, par
le rêve d'une suprématie européenne sous Bismarck , d'une suprématie mondiale
- We/tpolitik - sous Guillaume Il. Il est ensuite, comme to ut savant du XIXe siècle, Uil
scientiste attaché à faire entrer dans les sciences sociales et humaines, le progrès des
sciences exactes.
Dans Wle époque habitée par l'ambition territoriale, la géopolitique ratzélienne
présentait le risque de donner des arguments scientifiques et légitimes à toute tentation
guerrière. Pourtant, à la fin du XIX• siècle et au début du xxe siècle, les travaux de
Ratzel ne visaient qu'à souligner, auprès des dir ige ants, la nécessité de prendre en
compte les invariants de la géopolitique dans la définition des politiques extérieures.
De ces invariants découle la Realpolitik, cette politique qui, parce qu'elle y voit le but
dernier auquel tend l'État, s'attache à garantir au peuple le sol dont il a besoin pour se
développer, et que Ratzel défend contre une politique "plus politique", qui croit
pouvoir s'élever au-dessus du sol.
Et après tout, que font aujourd'hui les consultants, experts et universitaires qui,
dans les coulisses du pouvoir, et derrière la scène offerte au public sur laquelle se
produit l'affrontement des idéologies, sont appelés à éclairer le prince sur les réalités
géopolitiques, si ce n'est de s'attacher à guider celui-ci sur le chemin de la Realpolitik?

3. L'espace vital théorisé

Principal disciple de Ratzel, le général et professeur Karl Haushofer - 1869-1946 -


eut la malchance d'avoir été géopoliticien en Allemagne entre 1918 et 1945. Ce
monarchiste conservateur, animé de conceptions libérales, est le continuateur des
auteurs scandinaves, allemands et anglo-saxons. Injustement identifié à l'Allemagne
hitlérienne, Haushofer a surtout développé le concept de Pan-Idee que nous reprenons
dans ce livre sous la dénomination de panisme.
Chapitre 1. La puissance continentale: leçon de g~opolitique allemande 37

3.1. La géopolitique "pour libérer" l'Allemagne


Officier et soldat de corps et d'âme, Haushofer quitte l'armée après la Première
Guerre mondiale, traumatisé, comme beaucoup d'hommes de sa génération, par
l'humiliation du Traité de Versailles, et décide de se consacrer à l'étude de la
géopolitique qu'il conçoit d'une manière générale comme la "conscience géographique
de l'État" et, d'une manière plus particulière, comme un moyen pour libérer
l'Allemagne de sa défaite.
C'est en Extrême-Orient, où il séjourne de 1908 à 1910 dans Je cadre d'une mission
diplomatique, que naît la vocation de géopoliticien de Haushofer 1 . Si Ratzel avait été
convaincu de la nécessité d'une géopolitique allemande ambitieuse par ses voyages
aux États-Unis, Haushofer quant à lui prend conscience aux Indes, en Asie orientale,
puis en Sibérie et en Russie, de "l'inconscience de très larges cercles de la société
allemande du danger de leur situation géopolitique". Plus tard, en lisant L'État comme
fom1e de r•ie - 1916 - de Rudolf Kjellen - voir supra - Haushofer est amené à
développer sa pensée articulée notamment autour de la relation organique entre le
territoire et la population vivant dessus2.

3.2. La géopolitique du Lebensraum


Cette idée est appliquée d'abord à la géopolitique de l'Allemagne. L'objectif
d'Haushofer est de raffermir le sentiment d'appartenance des Allemands à une
communauté de civilisation - le Deutschtum -, et de favoriser la création d'un espace
où ils pourraient déployer librement leurs virtualités - le Lebensraum 3 ; les
changements politiques intervenus en 1933 vont permettre la mise en œuvre de cet
objectif, en remettant en question les frontières de l'État existant. L'idée de Grande
Allemagne défendue par Haushofer4 s'insère en fait dans le cadre plus général d'une
pensée favorable, comme le fut d'ailleurs celle de Ratzel, à la création de grands
ensembles politiques à la dimension des continents.

3.3. Les Pan-ldeen


L'apport théorique essentiel de Haushofer est en effet celui des "pan-idées" - Pan-
Ideen - , lesquelles soulignent la centralité de la dimension spatiale dans la réflexion
géopolitique du savant allemand 5 .
Une "pan-idée" a pour objet l'unité géograpruque, ethnique ou civilisationnelle
d'une communauté humaine ; en voici quelques exemples: pan-islamisme, pan-
turquisme, pan-germanisme, pan-européisme, pan-slavisme, pan-américanisme.

1 Dai Nihon, 1912 i=l Orientatiun.\'fomlomenta/e,'O dans le développement gêogrupl1iq11e de l'Empire japunui.J 1ti54-19l9. 1919,
ont pour sujel le Japon . Dans le premier, Kerl Haushofcr esquisse un projet d'ollianec entre J'Allcmegne, 111 Russie et le Japon dans
le but de faire barrage à l'impérialisme anglo-saxon .
2 Les lhêses cl travaux de Karl Haushofcr furent véhiculés pnr Io revue Gi!opvfirlq11<• - Zcitschrit\ f'Ur Geopolîtik - fondée en
1924 qui jouira d'une stature intema1ion11le el dans laquelle colleborcronl de nombreux universitaires curopi-ens. La plupatt des
lutes fondamentaux de Haushofcr seronl publiés dans cenc revue . Ils ont été 1111duîts et rassemblés pllr A. MEYER. De '"
giopufitique, Paris, Fayard, 1986.
) Un essai de définition de l'espace vital o.llemo.nd csl donné dans A. MEYER, Df! lt1 g~opolüiqwe, Paris, Fayard, 1986, chap.
6 "L'espue vitaJ allemand", pp . 193-202.
4 Idem, c:hap. 6 : "Apolois:ie de la gl!opolit1que 1tllemande", pp. 155- 164

S Ibid., ch11p . k : "Le dtplaccmcnt des forces politiques mondi1dcs depuis 1914 et lc!i fronlS interruuionaux des 'Pan-ldée5',
Objcctiflli •long terme des Gnmdes Puissunces". pp. 211 -229 .
38

Selon Haushofer, le monde peut être subdivisé en quatre grandes zones selon un
axe Nord-Sud, chaque zone étant dominée par une puissance dominante :
- l'Allemagne est destinée à dominer la zone pan-européenne incluant l'Afrique;
- les États-Unis sont destinés à dominer la zone pan-américaine ;
- la Russie est destinée à dominer la zone pan-russe incluant l'Asie centrale et le
sous-continent indien ;
- quant au Japon il est destiné à dominer la zone pan-asiatique.
Ces "pan-idées" permettraient de comprendre les grands chocs géopolitiques de la
planète. Le géopoliticien oppose notamment le pan-asiatisme à une idée pan-Pacifique
motivée par les intérêts américains et qui lutterait pour l'ouverture et l'avenir de
l'immense marché chinois. Visionnaire, le géopoliticien allemand souligne l'opposition
irréductible existant entre les géopolitiques russe et américaine : la première mise sur
les idées pan-asiatique et eurasiatique, tandis que la seconde parie sur les idées pan-
américaine - doctrine Monroe - et pan-Pacifique; Haushofer prédit encore que les
idées pan-australienne et pan-indienne contribueront à disloquer l'Empire britannique.
Selon Haushofer, le libéralisme mondialiste américain ne pourrait être ainsi mis en
échec que par les puissances de l'Axe, l'Allemagne et le Japon : le Japon grâce à son
projet de sphère de co-prospérité asiatique et l'Allemagne hitlérienne qui, la première,
a défendu le projet d'une Communauté économique européenne, au sein de laquelle la
Grande Allemagne jouerait un rôle d 'État-pivot. Ratzel avait constaté que l'Angleterre
avait gagné la bataille de la position mondiale grâce à son leadership maritime;
Haushofer, après la Première Guerre mondiale, a compris que, désormais sortis de leur
autarcie, les États-Unis sont en passe de prendre à l'Angleterre le leadership océanique.
La guerre de 1914 n 'aura été faite qu'au profit des Américains et des Japonais,
entraînant le recul des positions anglaise et allemande dans le Pacifique.
Soucieux de contrer le libéralis me anglo-saxon, Haushofer est amené à défendre la
ligne d'un "tiers-mondisme ratzélien" qui seul peut permettre à une Allemagne coincée
dans le continent européen, de rompre la vaste ceinture coloniale allant de l'Afrique à
l'Asie du Sud-Est.

3.4. L'alliance maritime et l'alliance continentale


Haushofer préconise l'alliance de l'Allemagne, puissance terrestre, avec le Japon,
grande puissance navale. Ce sera le pacte anti-Komintern de 19371. "L'idée du pacte
anti-Komintern" écrit-il, "est à l'origine d'une des constructions les plus audacieuses de
la politique mondiale. Ayant pris naissance sous la forme d 'un échafaudage d'acier qui
recouvrait tout l'Ancien monde entre l'Allemagne et le Japon, le pacte anti-Kornintem
n'est devenu une réalité géopolitique que par l'entrée de l'Italie et par la fusion intime
des deux puissances de l'Axe en Europe"2.
Deux ans plus tard, avec le pacte germano-soviétique, l'Allemagne trace l'ébauche
d'une grande unification eurasiatique. La géopolitique de Haushofer rejoint les
hantises de celle de Mackinderl.

1 Ibid.. chap. 9 : "La ge<>politiquc du pacte anti-Komintcm", pp. 229-231 .


2 Idem. p. 229.
3 la géopolitique de Mackinder que l'on étudie plus loin dans le chapitre consacrt à l'«olc anglo-saxonne est fondée sur l'id.ec
que la domination anglo-su.onoc repose sw l'absence d'unitC eun.siatiquc et sur la maitrise mondiale des men.
Chapih"e 1. La puis9artce continentale : Jec;on de géopolitique allemande 39

3.5. La géopolitique est-elle une science allemande ?


La géopolitique de Haushofer est beaucoup moins théorisée que ne l'est la
géographie politique de Ratzel; elle esquisse cependant les grandes problématiques
géopolitiques de notre temps. Mais, science allemande au service de desseins
allemands, hantée par la volonté de puissance, elle refuse l'idée même de statu quo des
frontières. Les États étant des êtres dynamiques en lutte pour un espace vital inscrit
dans un monde fini, ils ont vocation à s'étendre. Les frontières n'ont alors pas plus de
sens que de légitimité juridique et seuls les États faibles peuvent prôner le statu quo. La
pensée de Haushofer pourrait se résumer à l'impératif nietzschéen appliqué à la
géopolitique : "Deviens ce que tu es grâce à la géopolitique qui te montrera le chemin";
en cela même, la science haushoférienne, fondamentalement marquée par l'hunùliation
du Traité de Versailles, apparaît comme étant dangereuse pour la paix.

3.6. L'inspiration de la politique extérieure du IIIe Reich ?


Haushofer fut accusé par les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale d'être
l'inspirateur de la politique extérieure du III• Reich. Durant la guerre, une école
américaine s'était déjà efforcée de prouver que la géopolitique allemande n'était qu'une
opération de propagande visant à justifier scientifiquement les conquêtes hitlériennes.
En vérité, si Haushofer, conformément à ce que laissaient présager ses écrits, approuva
l'A11scl1/uss et le rattachement à l'Allemagne des territoires des Sudètes et de Memel, il
fut cependant en désaccord total avec le projet d'invasion de l'Union soviétique et de
colonisation des peuples slaves. Plus encore, il rejeta le racisme hitlérien dont il eut à
souffrir dans sa vie privée - sa femme était juive - ; la Gestapo, après l'attentat de
juillet 1944 contre Hitler, assassina son fils, et Karl Haushofer fut lui-même interné un
moment à Dachau 1 .
Persécuté par les nazis dès après la défection de son ami personnel Rudolf Hess, et
discrédité auprès des Alliés, Haushofer mit fin à ses jours en compagnie de son épouse
en 1946.
Géopoliticien sous l'Allemagne hitlérienne, bien plus que géopoliticien de
l'Allemagne hitlérienne, Haushofer contribua néanmoins à disqualifier la géopolitique,
et à rendre celle-ci infréquentable, jusqu'à ce qu'elle réapparaisse dans les années 1970,
aux États-Unis d'abord, en France ensuite.
Parce qu'elles s'inscrivent dans le contexte d 'une époque tragique, la vie et l'œuvre
de Karl Haushofer illustrent l'immense incompatibilité entre la démarche géopolitique
destinée à fonder une Realpolitik imperméable aux déviations idéologiques, et la
démarche hitlérienne, produit des préjugés idéologiques du totalitarisme nazi. La
géopolitique d'Haushofer conduit certes à une vision conflictuelle du monde, mais elle
reste avant tout concrète, c'est-à-dire non idéologique et réaliste.

Contexte historique
Des traités de paix de 1918 démembrant les empires austro-hongrois et ottoman à la
géopolitique de 1998, quatre-vingts ans plus tard2 ...
L'achèvement de la Première Guerre mondiale et la défaite des Austro-allemands et
de leurs alliés ottomans fut le prélude à un bouleversement géopolitique majeur en

J A. MEYER, De la Krlopolitique, Paris, Fayard. 1986, introduction "Karl Haushofcr (1869-1946), Une esquisse
biographique", pp . 43 ·93 .
2 J.B. OUROSELLE, Hù;toire di"p/omatiqul! de 1919 ù 110.\· juurs, l lc éd., Paris. Dalloz, 1993, 1018 p. (ire Cd. 19.SJ);
r . RENOUVIN , Jlis11Jir'' dt'.l" r·elatiuns ùuemalicmult•.v, Pur1s, 1-bcheuc, 1957.1. VII, Ll!:o Crises du XXe siii!'cle. de 1914 à 192'i>.
Partie 1. Une Jri~loirt dts idées géopoliHIJ&'PI
40

Europe et au Moyen-Orient. Deux empires, l'Autriche-Hongrie et l'Empire ottoman,


s'écroulaient et étaient démembrés par les traités de paix, tandis que l'Allemagne
connaissait un rétrécissement territorial important.
Le Traité de Versailles du 28 juin 1919 eut pour objet de régler le problème des
frontières de l'Allemagne et des garanties apportées par celle-ci aux vainqueurs de
1918. Les questions autrichienne, bulgare et hongroise quant à elles furent abordées
respectivement par les traités de Saint-Germain en Laye du 19 septembre 1919, de
Neuilly du 27novembre1919 et de Trianon du 2 juin 1920.
L'Autriche abandonnait la Galicie à la Pologne, la Bohême, la Moravie et la Silésie à
la Tchécoslovaquie, la Bucovine à la Roumanie, le Trentin et )'Istrie à l'Italie, la
Slovénie, la Bosnie, !'Herzégovine et la Dalmatie à la Yougoslavie. Signé avec la
Bulgarie, le traité de Neuilly donnait quelques territoires occidentaux à la Yougoslavie.
Surtout, la côte de Thrace occidentale qui constituait le débouché de la Bulgarie sur la
mer Égée était attribuée à la Grèce. Quant i'I la Hongrie, elle devait céder la Croatie à la
Yougoslavie, la Transylvanie à la Roumanie, la Slovaquie et la Ruthénie subcarpatique
à la Tchécoslovaquie.
Ces cessions territoriales constituaient les deux nouveaux États tchécoslovaque -
proclamé à Prague le 28 octobre 1918 par Thomas Ma saryk - et yougoslave - la
Yougoslavie, Royaume des Serbes, des Croates et des Slovénes, e st proclamée en 1918
et repose sur la prépondérance des Serbes. Elles renforçaient par ailleurs l'État roumain
créé en 1878.
Il résultait de ces traités la formation d e deux groupes d'États : les États mécontents
des clauses de paix et des remaniements territoriaux, dits "révisionnistes" : Autriche,
Hongrie, Bulgarie, et les États bénéficiaires de la nouvelle configuration géopolitique
de l'Europe : Tchécoslovaquie, Roumanie, Yougoslavie .
Des mécontentements de la part des peuples alimentaient les velléités
nationalitaires : en Yougoslavie, Croates et Slov énes avaient du abandonner plusieurs
milliers de compatriotes à l'Italie et à l'Autriche. En Bohéme nouvellement
tchécoslovaque, les minorités allemandes des Sudètes coupées des pays
germanophones - près de trois millions de p e rs onnes - nourrissaient une frustration
forte. La Roumanie comportait une importante minorité hongroise.
Quant aux puissances révisionnistes, leurs frustrations étaient immenses. Si les
plébiscites de 1920 et 1922 permirent à l'Autriche de conserver la Carinthie méridionale
au détriment de la Yougoslavie et d'annexer le Burgenland, les Autrichiens,
majoritairement favorables à l'A11scl1/11 ss, se virent interdire le rattachement a
l'Allemagne par le Traité de Versailles. Les Hongrois quant à eux s'opposaient
violemment au traité de Trianon. C'est principalement contre ce révisionnisme, et face
à la menace d'une confédération danubienne et d 'un retour des Habsbourg rétablissant
l'union austro-hongroise, que se forma e n 1921 la Petite Entente entre la
Tchécoslovaquie, la Yougoslavie et la Roumanie, appuyée par la France.
La Petite Entente devait constituer plus tard, aux yeux des Alliés, un dispositif
tampon contre le retour du pan-germanisme et l'expansion nouvelle de l'Union
soviétique vers les Balkans, la Yougoslavie devant en plus faire barrage aux ambitions
italiennes. Du fait même de sa construction interne, l'État yougoslave apparaissait déjà
- Serbe-Monténégrins inclinant vers la Russie et Croato-Slovènes inclinant vers l'aire
austro-allemande - comme une future zone d'affrontement géopolitique entre la
Russie et l'Allemagne, dès lors que les Serbes, dans un contexte d'affaiblissement de la
Russie, perdraient leur prépondérance. .
À l'issue de la Première Guerre mondiale, les Bulgares, qui étaient parvenus a
s 'émanciper de la tutelle ottomane dès 1908, écho~èrent dans leur ob!ectif de voir naître
une Bulgarie des trois mers - mer Noire, mer Egée et mer Adnanque. Leur alhance
Chapitre 1. La pujssance continenti11e : leçon de géopolitique allemande> 41

aux côtés des Empires Centraux leur fit perdre la Macédoine au profit des Serbes et la
Thrace au profit des Grecs. La Bulgarie de 1918 apparaissait alors comme une petite
Bulgarie, tout comme l'Albanie dont le tracé de 1918 laissait un grand nombre
d'Albanais en dehors de ses frontières, en Yougoslavie.
En Europe centrale et orientale, les solutions de 1918 annoncent les
bouleversements futurs en cas de retour de la puissance géopolitique allemande et de
recul de la Russie - chute du Mur de Berlin et fin de l'Union soviétique - : retour des
velléités slovène, croate, bosniaque et albanaise - ces dernières appuyées par la
Turquie pro-américaine contre l'axe serbo-russe.
L'analyse des rapports de force de 1918, inversés après 1991, permet en fait
d'expliquer les bouleversements géopolitiques qui nous sont proches. Les États bâtis
sur un compromis neutralisant les influences allemande et russe étaient, dans le
nouveau contexte géopolitique de 1990, promis à un éclatement, doux pour une
Tchécoslovaquie bâtie sur une simple division ethnique binaire, violent pour la
Yougoslavie mosaïque ethnique inextricable.
On peut donc s'inquiéter de l'idée que 1918 porte encore les germes d'un non-
règlement des questions macédonienne, moldave ou du conflit entre Roumains et
Hongrois à propos de la Transylvanie.
Une confrontation similaire des rapports de forces géopolitiques au Moyen-Orient
dans l'ancienne aire ottomane en 1918 et aujourd'hui mène aux mêmes conclusions.
Poussée russe au Caucase et dans les Balkans, poussée autrichienne également dans
les Balkans, empiétement européen dans le domaine africain: à la fin du xr.xe siècle, de
tous côtés la Turquie avait ployé sous la double pression des velléités nationalistes des
peuples de l'Empire, et des ambitions coloniales des grandes puissances. Multi-
confessionnel et multi-ethnique, l'Empire ottoman avait bien tenté, à de nombreuses
reprises, de jouer de son pouvoir califal pour juguler l'émancipation des peuples arabes
et appeler au djihad contre les puissances capitulaires chrétiennes - France,
Angleterre.
Aucune tentative de réforme ou de redéploiement géopolitique n'empécha l'Empire
de céder du terrain. À l'aube de la Première Guerre mondiale, la Turquie, pénétrée de
)'influence allemande, se rangea aux côtés des Austro-Allemands. L'objectif turc
rejoignait l'ambition allemande de casser la puissance mondiale de l'Angleterre; il
s'agissait en effet d'assurer la conquête du canal de Suez et celle du Caucase, de
s'emparer de Bakou et de son pétrole. Mais les deux opérations échouèrent. Qui plus
est, la Russie parvint à s'enfoncer profondément en Anatolie.
Au traité de Brest-Litovsk de 1918, la paix étant conclue entre l'Allemagne et les
Soviets, la Turquie put récupérer les régions perdues au Caucase et chercher à
s'étendre en direction de l'Azerbaïdjan. La défaite militaire turque provoquée par la
poussée anglaise à partir du Golfe - politique du Bureau anglais des Indes - et de
l'Égypte - politique du Bureau anglais de Londres-, en direction de la Mésopotamie
et de la Palestine, sonna le glas de l'Empire. La fin de la guerre donna en effet le signal
d'un dépeçage généralisé de l'Empire ottoman, conformément aux ambitions et aux
traités secrets des grandes puissances.
Le traité de Sèvres du 11 aout 1920 fut infiniment plus préjudiciable à la Turquie
que ne l'avait été celui de Versailles pour l'Allemagne. La Turquie se résumait
désormais au plateau anatolien. La France et l'Angleterre s'étaient partagées le
domaine arabe : Syrie, Liban, Cilicie pour la première ; Mésopotamie et Palestine pour
la seconde. Les Grecs s'étaient emparés de Smyrne et de sa région; l'Italie d'un
important territoire en Anatolie. L'Arménie et la Géorgie nouvellement indépendantes
émettaient des revendications territoriales conséquentes ; l'existence d'un Kurdistan
indépendant sous le contrôle de Londres se profilait. Non seulement l'Empire ottoman
42 Partir 1. Urrr l1isloirt des idées Kéopolitiques

n'était plus, mais la Turquie risquait elle-même de disparaître. Les excès même de ce
dépeçage territorial provoquèrent une réaction nationaliste sous l'impulsion d'Atatürk.
Mustapha Kemal chassa les Grecs et les Italiens, refoula les Français hors de Cilicie,
repoussa les Arméniens, et parvint finalement à stabiliser les frontières avec les
puissances occidentales. Le traité de Lausanne - 1923 - vint se substituer au traité de
Sèvres du 11 août 1920. Cette stabilisation des frontières ne réglait cependant pas tous
les problèmes. Sur le plan extérieur, et tout en menant une politique de neutralité
régionale et de bons rapports avec l'Union soviétique avec laquelle elle avait réglé le
statut des détroits, la Turquie kémaliste continuait de revendiquer la région de
Mossoul qui avait été annexée par l'Irak anglais, ainsi que la région d'Alexandrette
placée sous la coupe de la Syrie française. L'agitation kurde se perpétuait dans le quart
Sud-Est du pays. Pendant que le nationalisme arabe était dupé par les Européens, le
projet sioniste reconnu légitime par le gouvernement anglais dès le 2novembre1917 -
déclaration Balfour - prenait corps en Palestine. Ce projet, qui se retournerait bientôt
contre la présence britannique en Palestine, laissait présager la création de l'État
d'Israël, solide tête de pont des États-Unis au Proche-Orient et source principale des
guerres modernes du monde arabe.
Parallèlement, dès 1918, Ibn Saoud qui pouvait profiter des rivalités franco-
anglaises et de l'aide américaine poursuivait son projet d'unification des régions du
Hedjaz. Le projet saoudien et le projet israélien, tous deux nés de l'effondrement
ottoman et du recul de l'Angleterre, fourniraient quelques années plus tard - 1932 et
1948 - une deuxième tête de pont américaine dans le monde arabe. Il restait à Londres
à appuyer sa présence en Transjordanie, au Koweït, débouché maritime de la
Mésopotamie, et au Qatar.
L'après 1918 donna aussi lieu à la mise en place des ingrédients de la guerre
libanaise. Lors de l'effondrement de l'Empire ottoman, les régions maronites se
trouvèrent être dans la zone frança ise de partage du Proche-Orient. Trois possibilités
s'offraient à la France mandataire : créer une Grande Syrie avec les régions libanaises ;
créer un Petit Liban correspondant à la zone autonome - Mont-Liban maronite - ;
créer un Grand Liban qui empièterait sur le territoire de la Syrie en intégrant dans le
territoire libanais la vallée de la Bekaa et des régions non maronites. Cette dernière
solution fut retenue par Clemenceau en 1920. Elle contenait pourtant tous les
problèmes qu'allait connaître le Liban: le refus syrien d'accepter cette partition; la
présence dans ce Grand Liban de minorités non maronites - sunnites et orthodoxes
traditionnellement pro-syriens, druzes, chiites - heurtées par la dérive hégémonique
des maronites.
Aujourd'hui, quatre-vingts ans après les traités de paix de la Première Guerre
mondiale, pratiquement tout ce que ceux-ci avaient voulu tracer s'était évanoui. De la
Tchécoslovaquie à la Yougoslavie, du Liban au partage franco-anglais du monde arabe
remplacé par une hégémonie américaine, la revanche géopolitique des humiliés des
traités semble être en passe d'être réalisée : retour de l'influence allemande et turque
dans les Balkans, doublée de l'influence américaine, axe sioniste et américano-saoudien
barrant la route au nationalisme arabe ...
CHAPITRE 2

LA PUISSANCE MARITIME :
LEÇON DE GÉOPOLITIQUE ANGLO-SAXONNE

Alors qut> la tradition géopolitique allemande se concentre sur la puissance


continentale et l'idée d'unité eurasiatique, les Anglais et les Américains soulignent le
caractère déterminant de la puissance maritime dans la quête de la domination
mondiale.

l. La suprématie de la mer sur la terre


La réflexion de l'amiral américain Alfred Mahan - 1840-1914 -, stratège de la mer,
s'inscrit dans un contexte d e plé nitudt> territoriale des États-Unis, et de début
d'ouverture à l'expansion maritime. Mahan, qui a saisi le rôle déterminant de
l'industrie et du blocu s des côtes s udi s tes par le Nord durant la Guerre de Sécession, va
théoriser le Sea Powcr 1 - maîtrise de la mer.

Contexte historique
• 1867 Achat par les États-Unis de l'Alaska à la Russie.
• 1895 Révolte de Cuba soutenue par de nombreux volontaires américains.
• 1898 Les États-Unis mènent une politique impérialiste très active; guerre avec
l'Espagne à propos de Cuba; les États-Unis obtiennent Guam et Porto-Rico, puis
Hawaï et les Phllippines. La doctrine Monroe du pan-américanisme est mise en œuvre
en Amérique centrale et du Sud pour défendre les intérêts économiques de
Washington.
• 1901 Les États-Unis assument la construction du canal de Panama et suscitent, à
partir de la Colombie, la formation d'un État panarnien sous contrôle.
• 1910 Fondation de l'Union panaméricaine.
• 1914 Ouverture du canal de Panama.
Carte 2 : L'expansion des États-Unis à partir de 1867

1 Ses deux ouvrages majeurs sonl Alfred MAHAN . The Influence o/St:u Puwer Upon History , Bos1on, 1890 ~ Th1: int.:resl of
America in Seo Power. Boston, 1897.
"Alftcd Thayer Mahan was bom in West Point. N . Y., Scpternbcr 27, 1840, and dicd in Washington, O. C., Deccmber 1, 1914
He was elected lO the Acadcmy May 13, 1905, Chair 23. He was graduatcd from the Unilcd States Naval Acodemy et Annapolis in
1859. and during the Civil War saw service in the South Atlantic and Gulf Squadrons. He wes president of the Naval War College el
Ncwpon. R. J., from 1886 to 1888 and again in 1892-1893 . He was one of the dclegotcs to lhe Pcacc Conrercnce al The Hague in
1899. His Influence of Sea Power on His•ory; 1660-1783 wa.s published in 1890. His distinct contribution 10 historical science was
ltis dcmonstntion of the dctermining force which maritime Stl'ength has exen:ised upon the course of gencral history . ln 1897 he
was re1lred from the UniLcd Slates Navy and some years later rcccived the nink of Rcar Admirai. Honorory dcgrees were conferrcd
upon bim by Oxford, Cambridge, Harvard, and Yale.", in W.M . SLONE, A Book Of Record Copyri,tlt, The Amcrican Acadcmy of
Aru aod. Lctteni, 1922.
RUSSIE

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- . de 1867
ttacs- Unis à paror
2. L'expansion des --- ·-'·~·-
Chapilre 2. La puissance maritime : leçon de g~opolitique anglo-saxonne 45

1.1. Le contrôle des mers


Les États-Unis, à la fin du XIXe siècle, sont devenus une grande puissance
industrielle, achevée sur le plan terrestre, et dont la puissance mondiale ne dépend
plus désormais que de la maîtrise des mers 1 •
En 1897, dans The i11terest of America i11 Sea Power - "Les intérêts de l'Amérique
dans la maîtrise des mers" -, Mahan définit la doctrine qu'il entend voir défendue par
son pays. Elle recommande de :
- s'associer avec la puissance navale britannique dans le contrôle des mers2 ;
- contenir l'Allemagne dans son rôle continental et s'opposer aux prétentions du
Reich sur les mers ;
- mettre en place une défense coordonnée des Européens et des Américains
destinée à juguler les ambitions asiatiques - après la chute du Mur de Berlin, ce sera à
nouveau la vocation ultime de !'Alliance atlantique.
Carte 2: L'expa,,sion des États-Unis à partir de 1867
Protégés en leur Sud par la doctrine Monroe qui leur assure le leadership sur le
continent américain, les États-Unis constituent, du point de vue géopolitique, une île.
Ce caractère insulaire fournit la sécurité. Comme l'Angleterre hier, qui fonda sa
richesse sur la m a îtrise des mers et la sécurité insulaire, les États-Unis disposent de
tous les atouts pour d e venir la première puissance mondiale. L'immensité de leur
marché intérieur donne en effet aux Américains un atout supplémentaire pour
constituer une économie forte, peu dépendante des aléas internationaux.
À l'inverse d'un Mackinder - voir infra - qui soutient que les puissances
continentales ont vocation à l'emporter sur les puissances maritimes, Mahan prédit la
domination mondiale des États-Unis grâce à la maîtrise stratégique de la mer.

1.2. La puissance par projection


Officier de marine, Alfred Mahan ne se limite pas à un rôle de théoricien de la
géopolitique. Il se veut aussi praticien de la stratégie, et livre une méthode permettant
d 'a tteindre la suprématie. Selon lui, il convient certes de s'assurer des points d'appui -
ports, bases - et des positions solides sur les détroits et les routes de commerce, mais
il faut surtout disposer d'une marine qui flotte, omniprésente et capable de se
transporter rapidement vers les points stratégiques, de manière à assurer la liberté du
commerce des mers et à pratiquer le blocus maritime autour des pays ennemis.
La marine américaine est aujourd'hui cette formidable force de projection sur tous
les continents, dont Mahan rêvait.

1.3. L'exemple de l'Angleterre


Pour Mahan, l'exemple à suivre est celui de l'Angleterre qui, entre le XVJe et le
XX• siècle, a poursuivi, de manière constante, son objectif de contrôle maritime de la
planète, à la différence de la France, laquelle s'est affaiblie en ne cessant d'hésiter entre
le continent - aujourd'hui l'Europe - et la mer - aujourd'hui l'exception française ou
la politique francophone. Grâce à l'action conjuguée du Bureau de Londres et du

l A. ZWANG. Les États-Uni.~ dum Ir! mnude : ruppurts de pui.u unce, IH9H-J998. Paris, Ellipses, 2000.
2 B. COLSON, "Thitoricicns anglo-saxons". in T , de MONTBRIAL, J. KLErN dir., Dictionnairf! dtt Jtratègie, Paris, P.U.F.,
2000, p. 22.
46 Pnrlie 1. Une l1i!otoire de$ idée!' Réopolitiques

Bureau des Indes, la Grande-Bretagne a pu disposer d'un réseau de nœuds


stratégiques : Gibraltar, Le Cap, Suez, Aden, Ormuz, Singapour. . .
Alfred Mahan peut étre considéré comme Je premier annonciateur de la puissance
mondiale américaine.
Carte 3 : L'Empire britannique à la veille de la Première Guerre mondiale

2. Le heartland, pivot stratégique du choc terre-mer

Halford ). Mackinder - 1861-1947 - est un amiral britannique, qui enseigna la


géographie à Oxford, et dirigea la London Sc/100/ of Economies and Politica/ Science. Il est
connu pour avoir développé une pensée géopolitique conforme aux inquiétudes
anglaises face aux prétentions d'hégémonie continentale1 .

2.1. Le pivot géographique de l'histoire


La thèse centrale de Mackinder, défendue dans un article du Geographical Journal de
19042, définit l'épicentre des phénomènes géopolitiques à partir du concept de centre
géographique. C'est autour du pivot, ou cœur du monde - lieartland - , que
s'articulent toutes les dynamiques géopolitiques de la planète.
Ce pivot de la politique mondiale est l'Eurasie, que la puissance maritime ne
parvient pas à atteindre, et son cœur intime en est la Russie "qui occupe dans
l'ensemble du monde la position stratégique centrale qu 'occupe l'Allemagne en
Europe".
Carte 4 : Le /iearllnnd, la théorie du pivot de Mackinder

2.2. Les coastlands pour ceinturer le heartland


Autour de cet épicentre des secousses géopolitiques mondiales, protégé par une
ceinture faite d'obstacles naturels - vide sibérien, Himalaya, désert de Gobi, Tibet -
et que Mackinder appelle Je croissant intérieur - inner crescent - , s'étendent les terres
à rivages - coastlands: Europe de l'Ouest, Moyen-Orient, Asie du Sud et de l'Est.
Au-delà des coastlands, par delà les obstacles marins, deux systèmes insulaires
viennent compléter l'encadrement du heartland: la Grande-Bretagne et le Japon, têtes
de pont d'un croissant plus éloigné auquel les États-Unis appartiennent .

1 B.W . BLOUE.T, l/a/fiJTd MackinJer. Coll..•g" Stutilin : Tr:w.r. A&.M, 19~7 : W .H . PARKF.R, Mucb.,der. Gengraphy as°"
aid Ju stul~croft, Clan:ndon PreH, 1982 .
2 H.J. Mackindcr. le pi1101 géographique J~ l'hi~toire, 1904; cf. Stratégique, Paris, Fondation pout lc!I ~1udcs de dtfensc
nalianalc, 1992-l, SS .
OCÉAN PACIAQUE

lksCovl
Pilcoim

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'7NOUVE!il
'mANDE

Auen.umr
,Styd1tlles
OCÉAN INDIEN
Sa1ntt·Hilittt.

3. L'Empire britannique à la veille de la Première Guerre mondiale


48 Pnrtic 1. Une histoire des idées géopolitiqun

2.3 . Le pivot central contre les coastlands

Mackinder défend l'idée que l'ensemble des phénomènes géopolitiques peut


s'expliquer à partir de la lutte opposant le pivot central - henrtland - aux croissants
concentriques qui entourent celui-ci. Dès lors, "qui tient l'Europe orientale tient la terre
centrale, qui tient la tt>rre centrale domine l'île mondiale, qui domine l'île mondiale
domine Je monde". Toute la hantise du système de pensée de Mackinder concerne
\'hypothétique alliance entre la Russie et l'Allemagne qui créerait l'île mondiale -
World lsla11d. Si une telle hypothèse venait en effet à se réaliser, à de vastes terres
offrant des capacités de défense en profondeur viendraient immanquablement
s'adjoindre d'immenses ressources continentales qui seraient mises au service de la
construction d'une force navale, invincible prélude à la domination de la planète.
À la fin de la Première Guerre mondiale, Mackinder craint plus que jamais l'alliance
germano-russe, alliance d'autant plus possible qu'elle pourrait rassembler une
Allemagne refusant le "diktat de Versailles" à une Russie bolchevique mise au ban des
nations. Mackinder soutient la position française visant à établir un cordon sanitaire
entre Berlin et Moscou . La création en 1921 de la Petite Entente, formée du Royaume
des Serbes, des Croates et des Slovènes, de la Roumanie et de la Tchécos lovaquie, entre
dans la logique du cordon sanitaire.
Cauchemar séculaire de l'Angleterre, de Napoléon à Hitler puis Staline, l'union du
grand continent ne manquerait pas de balayer la puissance maritime de la Grande-
Bretagne. Mais il est intéressant de noter que chez Mackinder, la centralité géopolitique
du lieartland n'est pas un invariant dans le temps ; la centralité est au contraire le
résultat de l'histoire, dans la mesure où c'est la technique d e l'homme - chemin de fer,
voies de communication, exploitation des ressources énergétiques - qui donne la
suprématie stratégique à l'immensité terrestre, au détriment de la maîtrise des océans.
Car il fut un temps, à partir du xve siècle, OÙ les routes terrestres de la soie et des
épices virent leur activité s'éteindre au profit de routes maritimes qui permirent de
tourner l'Afrique pour rejoindre l'Asie extrême, via l'océan Indien. L'Angleterre alors
installa sa puissance mondiale sur sa suprématie maritime. Le XIX• siècle industriel
provoqua une nouvelle révolution géopolitique, en réinstallant la primauté stratégique
du lieartland. Au début du XXI• siècle, se profile la perspective de nouvelles routes
terrestres de la soie liant les mondes russe, chinois, persan et turc. Le caractère
stratégique des grandes voies maritimes de l'Asie-Pacifique sera-t-il alors atténué par
ces projets routiers ?

2.4. Une pensée géo-historique et ses limites


À la différence d 'une géopolitique ratzélienne trop ancrée dans les déterminismes
géographiques pour tenir compte de l'évolution au fil du temps, de l'histoire des
hommes et de leurs grandes découvertes, la pensée de Mackinder peut être considérée
comme une géo-histoire.
Mais, alors même qu'elle installe la compréhension des dynamiques géopolitiques
dans la droite ligne des mutations de l'histoire, elle fait parallèlement abstraction de
l'histoire des États eux-mêmes. Ainsi l'idée centrale de /1eartland, si l'on admet la
puissance gigantesque qu'elle implique, porte à s'interroger sur la possibilité même de
son existence. Y a-t-il eu, en effet, un seul moment de !'Histoire
4. Le heartlanJ, la théorie du pivo[ de Madcindcr
50 1'11rth· ·1. Um• 111..:.lofrr dr!' ;dées géopotltlques

durant lequel, les géopolitiques de l'Allemagne et de la Russie ont pu durablement


- c'est-à-dire plus durablement que l'éphémère pacte germano-soviétique de 1939 -
converger au point de pern1ettre la forn1ation cohérente d'une immensité terrestre,
dont on peut imaginer qu'elk n'aurait pu alors être autre chose qu'un empire allemand
donünant le slavisme, ou qu 1 un empire slave dominant le germanisme, et s'avérer
n'être qu'un épiphénomène dans le temps ? 1

2.5. La pensée réaliste


Avec Drm<lcrntic Jdc11/s and Ren/ity qu'il publie en 1919, Mackinder s'inscrit dans la
lignée de la Realpolilik initiée par Théodore Roosevelt, par opposition à l'idéalisme
wilsonien. L'ouvrage inaugure le clivage profond entre la tradition géopolitique
attachée au réalisme et la tradition idéaliste ou idéologique que l'on retrouvera chez
nombre d'historiens des Relations internationales. "En fait, cette opposition, au regard
de la politique américaine contemporaine doit être interprétée de plus en plus en terme
de complémentarité : une Renlpolitik servie par un discours wilsonien - autrement
formulée, la politique extérieure est géopolitique, la politique de communication est
idéologique"2.
Carte 5: Le rimln11d, l'encerclement par les rivages, Spykman

3. Le rimland, pivot stratégique du choc terre-mer

Le journaliste Nicholas John Spykman - 1893-1943 - qui s'intéressa au Moyen-


Orient et à l'Asie, enseigna également la science politique à l'université de Californie, et
dirigea l'Institut d'Études internationales à l'Université de Yale. JI est surtout connu
pour avoir théorisé la doctrine américaine de l'endiguement - containment -, qui sera
appliquée par les États-Unis au début de la Guerre froide . La filiation parfois décrite
entre la pensée de N .J. Spykman et la doctrine du contninment n'est cependant que
partiellement fondée3.

3.1. Le rimland, cœur de la géopolitique


La géopolitique de Spykman est essentiellement centrée sur le comportement
extérieur des États. Elle se veut critique de la pensée d'Haushofer, trop marquée par le
déterminisme, et de Mackinder à laquelle elle conteste la centralité du heartland comme
cœur des dynamiques géopolitiques.

1 A la fin du XJXC' siêdc, l'opposition entre la Russie Cl l'Autriche-Hongrie dans les Balkans pril la forme idCologique d'une
l1.111c opposant pan-slavismc et pan-gcnnenismc. le soutien de l'Allemagne à l'Aulrichc-Hongrie apparut à Saim-Péterbourg comme
éian.t la preuve d'une unité germanique, J'unc entente entre les Allcmonds et lc:i. Magyars, contre les Slaves. "Au pangcnnanismc de
l'Ouest correspondail le panslavisme de l'Est", in H . HOGDAN, Histoire des puy.. de l'Est, Paris. Perrin, 1990. p . t 72.
2 A. CHAUPRAOE, F. THUAL, Dic1wnrruir11Je1:,fopoli1ù1m!, 2' t:l..I .• Paris. Ellipses, 19519, p. 611 .
J Ses princtpaull C~rits son! : "Géogr.aphic et poliliquc l!tronst:rc", in Americun Politkal Scien,·e Review, 1938; "Objectifs
gt'ographiqucs dans la politique ~trangèrc", in Americu n Pvlitkul Scie11ce ReYkw, 1938; Anrerica 'J ural~g)' in World Politîcs.
1942; Tht! ge"graplty o/:r:poce, 1944.
5. Le rimillnJ, l'encerdcment pac les rivages, Spykman
52 Pt1rlit• T. Uru: lrisloirt• de!' idées géupoJ;tiques

Spykman remarque en effet que la théorie du heartland est infirmée autant par la
réalité de la Première Guerre mondiale durant laquelle Angleterre et Russie se sont
alliées, que par celle du front commun américano-soviétique de la Seconde Guerre
mondiale.
La démarche de Spykman reste cependant assez proche de celle de Mackinder; elle
s'attache à comprendre la géopolitique en donnant à celle-ci une centralité, un cœur,
épicentre de toutes les dynamiques et rivalités géopolitiques. Mais ce cœur n 'est pas le
Jieart/1111d de Mackinder; pour Spykman, la zone pivot de la géopolitique est au
contraire le rim/and, "région intermédiaire entre le heartland et les mers riveraines" .
C'est dans cette zone du ri111/a11d que se jouerait le vrai rapport de forces entre la
puissance continentale et la puissance maritime. Comme Mackinder le fait, Spykman
prend à témoin l'histoire pour appuyer ses thèses, mais il en fait une interprétation au
fond plus symétTique que réellement différente. Le rimland est essentiel car ce serait Je
lieu d'affrontement entre la puissance de la terre - !'U.R.S.S. - et celle de la mer -
Les États-Unis. Spykman estime que "celui qui domine le rimland domine l'Eurasie;
celui qui domine l'Eurasie tient le destin du monde entre ses mains".

3.2. L'exemple du Grand Jeu


Entre Je XIX• siècle et le XX• siècle, le "Grand Jeu" dans lequel s'inscrivirent les
rivalités entre la Grande-Bretagne qui contrôlait les Indes et les océans et la Russie qui
poussait vers les mers chaudes, aurait vu son rapport de force déterminé par la zone-
tampon constituée de la Perse et de l'Afghanistan. Entre la deuxième moitié du
XD« siècle et la Seconde Guerre mondiale, c'est la France qui aurait joué le rôle
essentiel de rimland placé entre les tentatives hégémoniques de l'Allemagne et la
puissance maritime de la Grande-Bretagne. Dans le contexte bipolaire enfin, la zone
hautement stratégique aurait encore été un rimland, l'Europe de l'Ouest, enjeu majeur
de ]'affrontement entre !'Alliance atlantique et le Pacte de Varsovie. La théorie de
l'endiguement de la Guerre froide, n'aurait ainsi été rien d'autre qu'une tentative
d'encerclement du heartland soviétique par un anneau de rivages et de terres
moyennes.

3.3. Géopolitique et Realpolitik


La pensée de Spykman s'inscrit dans la tradition de la Realpolitik américaine
affirmée par Théodore Roosevelt, et qui s'oppose à l'idéalisme wilsonien. Réaliste, cette
géopolitique destinée à inspirer la politique étrangère américaine n'est en rien
conditionnée par l'idéologie ; si elle s'oppose au nazisme puis au communisme, c'est
avant tout parce qu'elle tente d'enrayer les tentatives allemandes et rnsses visant à
unifier l'espace eurasiatique.
On retrouve cette préoccupation de Realpolitik dans les textes de Kissinger,
notamment dans l'ouvrage Diplomatie, paru en 1996 en langue française 1 . Notons
toutefois que dans l'esprit des stratèges américains, Realpolitik et idéologie sont conçues
de manière complémentaire et non antinomique. En fait, la politique étrangère des
États-Unis est guidée par la Realpolitik, autrement dit la géopolitique, mais elle s'habille
d'un discours idéologique fondé sur les impératifs de morale et de messianisme
américains.

1 H. KlSSl'NGER. Diplomati~. Paris. Fayard. 1996, trad de DiplumaC')', New York. Simon and Scbusta. ~994 .
Chapitre 2. Lil puis~nncC' maritime : IC'çnn dl' gl'opolitit]Ut' an~lo-smn>nnc 53

:-t.4. La doctrine du contain.ment


La stratégie américaine du ccmlnin111c11I - ou endiguement - dt'coule de la pensée
de Spykman. Georges Kennan en 1946, et le président Truman en 1947, insistent sur la
fonction d'arrêt du ri111/imd face à un communisme d'abord perçu comme indifférencié,
avant que n apparaissent la distinction entre communisme soviétique et communisme
1

chinois.
Trois alliances militaires mises en place par Washington correspondent aux
secteurs fondamentaux du ri111/a11d:
- l'O.T.A .N. dans la zone côtière européenne et méditerranéenne;
- le Pacte de Bagdad dans la zone désertique monde arabe et Moyen-Orient;
-1'0.T.A.S.E . dans la zone de mousson de l'Asie.
On peut considérer que cette première logique de l'endiguement est une
géopolitique mise au service de l'idéologie : on "endigue" le communisme.
À partir des années 1970, les choses changent: les États-Unis comprennent que,
quelle que soit la nature de son régime, la Chine est éternelle et impériale; sa
géopolitique n 'a au fond que bien peu changé, et elle continue de s'opposer à toutes les
poussées russes, fussent-elles soviétiques. Washington revient alors à une logique
géopolitique plus différenciée et use de la Chine pour affaiblir la Russie. C'est cette
nouvelle politique, et non celle de l'endiguement en As ie, qui s'inscrit dans la ligne de
pensée de Spykman. Le s América ins ajoutent alors le rimland chinois à l'insularité
japonaise, pour tenter de prendre à revers le lrenrtland soviétique.
Carte 6 : 0.T.A.N., pacte de Bagdad et O.T.A.S.E. dans les années 1950, une
application de la theorie du rimland
Carte 7: La progression de l'O.T.A.N . depuis la fin de la Guerre froide

3.5 . La pensée américaine et l'enclavement

Mackinder pensait que l'idéal était la profondeur continentale; Spykrnan pense au


contraire que l'idéal, c'est le continent rivé à la mer; ses thèses permettent donc
d'apporter un éclairage sur l'ensemble des géopolitiques des États enclavés dans les
terres, et ne disposant pas de façades maritimes. Elles expliquent notamment les
tentatives séculaires de poussée vers les mers chaudes de la part de la Russie, et la
volonté chronique de désenclavement d'une Allemagne enserrée par la France et le
monde slave - Communauté européenne, et intégration des pays d'Europe centrale et
orientale.

4. Réalisme, idéalisme et choc des civilisations

Aux États-Unis, le débat autour de la politique étrangère est marqué par trois
grandes tendances: les réalistes qui s'inscrivent dans la continuité de l'analyse
géopolitique classique caractérisée par les rapports de force entre les États, les
idéalistes dont la pensée est le produit du mythe américain, les disciples de
Huntingtont qui résument les Relations internationales à un affrontement
civilisationnel.

1 S.r. HUNTJNGTON. Tlw Clash ,~f Cil•ili!atlmn t1nJ tl1t· rcmalcùrs: "f tlu.• Wortel Ordf!r, New York , Simon and Schuster.
199'1
Partie 1. Une l1istoirc de~ idées géopolitiques
54

4., 1. L'école réaliste américaine

La politique étrangère américaine subit l'influence de réflexions géopolitiques


fondées sur la prééminence, dans les Relations internationales, des rapports de force
entre les États; Kenneth Waltz peut être considéré comme le chef de file de l'école néo-
réaliste, tandis que Zbigniew Brzezinski est sans doute celui qui a le plus contribué à
faire connaitre les théories réalistes aux États-Unis et dans le monde.

4.1.1. Le néo-réalisme de Kenneth W altz


Pour Kenneth Waltz 1 ,
tout État est en droit une unité indépendante et en
compétition avec les autres États; la distinction entre États s'établit en fonction des
potentialités respectives de chacun - pofc11fia/ capa/1i/ifics2.
Ces potentialités seraient d'abord définies par le couple discriminant "position-
ressources". Il y aurait donc prééminence de la géopolitique sur l'idéologie, puisque les
acteurs étatiques n'agiraient pas en fonction de l'idéologie, mais pour leur propre
survie et l'extension de leur influence. Lorsque des États accordent la priorité à
l'idéologie sur leur survie, Waltz constate qu'ils échouent et que leur puissance
diminue. Le géopoliticien cite l'exemple des États-Unis qui, chaque fois qu 'ils lancèrent
une intervention au motif de \'idéologie et non par pur intérêt stratégique, échouèrent
faute de pouvoir mobiliser les ressources nécessaires. La gu e rre menée au Vietnam est,
selon Waltz, l'exemple même d'une guerre qui était plus idéologique que stratégique et
ne pouvait alors mener au succès. De même \'U .R.S.S . n'aurait pas survécu aussi
longtemps si elle avait tenu l'idéal de la Ré volution pour supérieur à l'intérêt d'État.
Selon Waltz, la prééminence de la géopolitique doit nous éloigner de l'idée
répandue selon laquelle la paix globale ne pourra être atteinte que par le triomphe
complet de la démocratie dans le monde3. La démocratie ne saurait en effet être tenue
pour garante de paix ; quant à la transition des ré gimes dictatoriaux vers la démocratie,
elle serait encore moins capable de garantir la stabilité du système international.
Waltz est soutenu dans cette position réaliste par l'un de ses disciples, Christopher
Layne4, qui insiste sur la fréquence des guerres entre démocraties depuis Je XIXe siècle
et réfute Je principe selon lequel "une démocratie n'en affronte jamais une autre";
Layne montre même que la nature du régime politique dépend aussi de la position
internationale de l'État.

1 K. WALTZ, Theo ries of Internatio nal Po/Uic.i , New York, Addison Wes ley. 1979 .
2 On peul assimiler ces po1cmtfol copubifit1es a l'en.semble des éléments que Raymond Aron désigne comme ë1ant la puis.sanc:e
de l'Étac.
3 K. WAL TZ, "The Emerging Strucrurc of International Politics", in The Pui/ ofa"archy, Massachussets, 199.S.
4 C. LAYNE. "Kant or Canl : The myth ofdemocratic pcacc", in /"1ernat1onal Sec urity Fall, l994 .
~ pays communiste
A. pacte de Varsovie (1955) ·
Pologne, Tchécoslova4uic. RDA. Roumanie,
Bulgarie. Hongrie, Albanie et U.R.S.S.

,,
Souvdlc-
7-Bande

I
pays membre de l'O.T.A.N.
(Pacte de l'Atlantique Nord. 1949)
pays membre du Pacte de Bugdad ( 1955)
pays membre de l'O.T.A.S.E.
(Pacte du Sud-Est Pacifique. 1954)
pays protégés par l'O.T.A.S.E.


Â
pays membre de l'A.N.Z.U.S. (traité du Pacifique. 1951)
pays ayant signé un pacte bilatéral avec les Etats-Unis
(la Corée du Sud en 1953. la Chine nauonahstc en 1954.
6. O.T.A.N., pacte de Bagdad et O.T.A.S.E. dans les années 1950,
le lapon en 1961)
wie application de la théorie du rimland
Pilrlie J. Uur hù;toire deB idlt:s Riopolilique1
56

Pur ré'all~te, Walt7.. conçoit les Relation~ internationale~ comme un système de


forc<'S antagonistes cl la paix cnmnw le produit de l'équilibre diplomatico-militaire de
ces forces. li se montre attaché au concept de bipolarité, scion lui préférable, dans le
mainli<'n de l'équilibre global, au système multipolaire qui encourage par nature la
réversibilité des alliances dans ln mesure où les puissances dominantes y sont plus
dépendantes de kurs alliés que <hlns la situation bipolaire . Cette réversibilité et ce
risqu<' de dés(•quilibres plus fréquents dans un monde multipolaire élèveraient la
probnbilité d'une guerre ~Inhale : selnn Wallz, el de mani<"re apparemment paradoxale,
la guerre mondiale n'a jnmais été plus probable que depuis la fin du bloc soviétique.
Waltz distin~uc dans les systèmes d'.illianccs qu 'il étudie, deux attitudes
fondam<•ntales opposées symétriquement :
- une t"ndancc centripète - lm11rl1t"'XX"''i11x -, celle du ralliement à la puissance
don1inante, locnlcn1ent ou nun1d.inll•1nent 1.
- une tendan('e ccntri(u~c - l111l1r11ci11,\! - , qui cunsisll' a contrebalancer la puissance
dominant<• en s'alliant avec d'aulrcs puissan«es plus faibles. Cette attirance vers le pôle
le plus foible - Jlorki118 11> tire 11•ct1ka ,;i1,. - permet notamment aux puissances
1
n1oyennes d évitcr la vassalisation par la supcrpuiss"ncc.
Pour les réalistes améric;iins, Kenneth Waltz en tête, l'<·xplosion d e l'U .R.5.5. a
justement favorisé le bn/111rci11g chez les anciens alliés de la Guerre froide. Un risque
majeur, pour la suprématie américaine, serait le rapprochement de: l'Allemagne ou du
Japon avec une Russie affaiblie . Cette cr.iinte semble unanimement partagée par les
réalistes américains : Stephen Walt, Christopher Layne, Zbigniew Brz.,zinski, Henry
Kissinger. Ce dernier craint '1ins i par-des,;us tout un partage germano-russe de
l'Europe centrale et orientale1 . Contrairement â ce qui est souvent écrit et dit, le Moyen-
Orient occupe aux yeux des réalistes comme Waltz c l Kissinger, une place inférieure à
celle qu'occupe le théâ tre européen et plus largement eurasiatique et ce, dans la mesure
où il est plus regardé comme un lieu de conflits qu 'une source de défi à la domination
américaine .

4·.1.2. Zbignicw Brzezinski, un disciple de Spykman


S'inscrivant de manière évidente dans la lignée d e Mackinder et de Spylanan,
Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller du président Carter, défend la logique
d'endiguement par les États-Unis de la masse eurasiatique : les États-Unis ne pourront
rester la superpuissance unique et globale que s'ils parviennent à isoler la Russie sur
ses marches3.
Le lenders/1ip mondial des États-Unis passerait par une maîtrise américaine des
zones occidentales, méridionales et orientales de l'Eurasie, autour du /rcnrt/1111d.
L'Aiiiance atlantique serait la garantie de contrôle de la zone occidentale. La Turquie,
malgré les incertitudes pesant sur ses orientations, resterait un État-pivot pour
Washington, dans sa stratégie de contrôle de la zone méridionale de l'Eurasie. Quant à
l'influence américaine dans la zone orientale, elle aurait fortement décru en Chine, au
Vietnam et dans les pays de l'Indochine mais resterait forte en Corée du Sud et au
Japon.

J Les mobiles en :llonl 11nalyi-ês Jlftr Stephen Wall, uutn: d1si:1plc de Woltz. cl Rundo.11 Scbwdler.
2 Il. KISSJNGEll , Dtplmr1t111e, Pilris, F;iy:m.1 , l')Q6 .
J z. BRZC:ZINSKI. l t.• Gnmd tdu</llÏl'' ' (/.'tlmi;nt/IW ,., le n·.we 1/11 nu1111/t'), Palis, Hachcnc. 1'997, coll . "Pluriel" ; uud. dr T1t.t
Grt'ul Cllt·.u ·hmml, H(U')1!.'r Collins rublisher, 1997 .
OCÉAN PACIFIQUE

fiJji
Pitcoim

OCÉAN INDIEN

3. L'Empire britannique à la veille de la Premi~re Guerre mondiale


Pnrlit· 1. U11c /1isloire de< idies géopolitiques

~,entrai
· 1. ,,
2 .3. 1.,c p1vo . contre les coastlands

Mackinder défend l'idée que l'ensemble des phénomènes géopolitiques peut


s'expliquer à partir de la lutte opposant le pivot central - /Jeartland - aux croissants
concentriques qui entourent celui-ci. Dès lors, "qui tient l'Europe orientale tient la terre
centrale. qui tient la terre centrale domine l'île mondiale, qui domine l'ile mondiale
domine le monde" . Toute la hantise du système de pensée de Mackinder concerne
l'hypothétique alliance entre la Russie et l'Allemagne qui créerait l'île mondiale -
World l~lo11d . Si une telle hypothèse venait en effet à se réaliser, à de vastes terres
offrant des capacités de défense en profondeur viendraient immanquablement
s'adjoindre d 'immenses ressources continentales qui seraient mises au service de la
construction d 'une force navale, invincible prélude à la domination de la planète,
À la fin de la Première Guerre mondiale, Mackinder craint plus que jamais l'alliance
germano-russe, alliance d'autant plus possible qu'elle pourrait rassembler une
Allemagne refusant le "diktat de Versailles" à une Russie bolchevique mise au ban des
nations. Mackinder soutient la position française visant à établir un cordon sanitaire
entre Berlin et Moscou. La création en 1921 de la Petite Entente, formée du Royaume
des Serbes, des Croates et des Slovènes, de la Roumanie et de la Tchécoslovaquie, entre
dans la logique du cordon sanitaire.
Cauchemar séculaire de l'Angleterre, de Napoléon à Hitler puis Staline, l'union du
grand continent ne manquerait pas de balayer la puissance maritime de la Grande-
Bretagne. Mais il est intéressant de noter que chez Mackinder, la centralité géopolitique
du lleartland n'est pas un invariant dans le temps ; la centralité est au contraire le
résultat de l'histoire, dans la mesure où c'est la technique de l'homme - chemin de fer,
voies de communication, exploitation des ressources énergétiques - qui donne la
suprématie stratégique à l'immensité terrestre, au détriment de la maîtrise des océans.
Car il fut un temps, à partir du XV• siècle, où les routes terrestres de la soie et des
épices virent leur activité s'éteindre au profit de routes maritimes qui permirent de
tourner l'Afrique pour rejoindre l'Asie extrême, via l'océan Indien. L'Angleterre alors
installa sa puissance mondiale sur sa suprématie maritime. Le XIX• siècle industriel
provoqua une nouvelle révolution géopolitique, en réinstallant la primauté stratégique
du lleartland . Au début du XXI• siècle, se profile la perspective de · nouvelles routes
terrestres de la soie liant les mondes russe, chinois, persan et turc. Le caractère
stratégique des grandes voies maritimes de l'Asie-Pacifique sera-t-il alors atténué par
ces projets routiers ?

2.4. Une pensée géo-historique et ses limites


À la différence d'une géopolitique ratzélienne trop ancrée dans les détenninismes
géographiques pour tenir compte de l'évolution au fil du temps, de l'histoire des
hommes et de leurs grandes découvertes, la pensée de Mackinder peut être considérée
comme une géo-histoire.
Mais, alors même qu'elle installe la compréhension des dynamiques géopolitiques
dans la droite ligne des mutations de l'histoire, elle fait parallèlement abstraction de
l'histoire des États eux-mêmes. Ainsi l'idée centrale de heartland, si l'on admet la
puissance gigantesque qu'elle implique, porte à s'interroger sur la possibilité même de
son existence, Y a-t-il eu, en effet, un seul moment de !'Histoire
50 Pnrlit• 1. Une lli!itoirc de~ idée!i géopoliliq14C~

durant lequel. les géopolitiques de l'Allemagne et de la Russie ont pu durablement


- c'est-à-dire plus durablement que l'éphémère pacte germano-soviétique de 1939 -
converger au point de permettre la formation cohérente d'une immensité terrestre,
dont on peut imaginer qu'elle n'aurait pu alors être autre chose qu'un empire allemand
don1inant le slavisme, ou qu 1un empire slave dominant le germanisme, et s'avêrer
n'être qu'un épiphénomène dans le temps ?1

2.5. La pensée réaliste


Avec Dc111ocrntic /dmls and Rcnlity qu'il publie en 1919, Mackinder s'inscrit dans la
lignée de la Rm/p1>/ilik initiée par Théodore Roosevelt, par opposition à l'idéalisme
wilsonien. L'ouvrage inaugure le clivage profond entre la tradition géopolitique
attachée au réalisme et la tradition idéaliste ou idéologique que l'on retrouvera chez
nombre d'historiens des Relations internationales. "En fait, cette opposition, au regard
de la politique américaine contemporaine doit être interpré tée de plus en plus en terme
de complémentarité : une Rcnlpolitik servie par un discours wilsonien - autrement
formulée, la politique extérieure est géopolitique, la politique de communication est
idéologique" 2 .
Carte 5 : Le ri111lm1d, l'encerclernent par les ri v ages, Spykman

3. Le rimland, pivot stratégique du choc terre-mer

Le journaliste Nicholas John Spykman - 1893-1943 - qui s 'inté ressa au Moyen.


Orient et à l'Asie, enseigna égaleme nt la science politique à l'univers ité de Californie, et
dirigea l'Institut d'Études internationales à l'Université de Yale . Il est surtout connu
pour avoir théorisé la doctrine amé ricaine de l'endigue ment - conlainment - , qui sera
appliquée par les États-Unis au d é but de la Guerre fro id e. La filiation parfois décrite
entre la pensée de N.J. Spykman et la doctrine du containment n'es t cependant que
partiellement fondée3.

3.1. Le rimland, cœur de la géopolitique


La géopolitique de Spykman est essentiellement centrée sur le comportement
extérieur des États. Elle se veut critique de la pensée d'Haushofer, trop marquée par le
déternùnisme, et de Mackinder à laquelle elle conteste la centralité du lteartland comme
cœur des dynamiques géopolitiques.

1 A la fin du xrxe siècle , l'opposition enlrc la Russie et l'Autriche-Hongrie dans les Balkans prit la fonne idéologique d'unC'
luttc opposant pan-slavismc el pon-gcnnanismc. Le soutien de l'Allemagne i:l l'Autrichc-Hongric apparut i Saint - Pétefbo~ comme
élan! I• preuve d'une unité germe.nique. d'une entente entre les Allemands et les Magyars, contre les Slaves . "Au plll1gennanisme de
l'Ouest correspondait le panslavisme de l'Est ". in H. OOGDAN. Hi.t foire de.l· pays de /'fü·t, Paris. Perrin, 1990. p. 172 .
2 A . CHAUPRADE, f . THUAL, D ic1io11nuire dt_· g~opolitiqm:, 2e eJ., Paris, Ellipses, 1999, p. 61 L
3 Ses pnnc1paux écrits sont : "Géographie et po litique étrangen:" , in Ame,.icun Politicol Sc iem·e Review, 19)8; "Objectifs
"éographiqucs dnns la poliliquc étrungèrc", in Amt!1fran Polilical Sciencf! Review, 1938; America's strategy ;,1 World Po/ilit:.J.
1942 ; The gl!ography of:.pac e. 1944.
52 P11rlh· ·1. llrr« hisfoirt• des idée~ }{tfopoliliquctJ

Spykman remarque en effet que la théorie du hcnrt/n11d e~t infirmée autant par la
r<'alité de la Première Guerre mondiale durant laquelle Angleterre et Russie se sont
alliées, que par celle du front commun am<'ricano-soviétique de la Seconde Guerre
mondiale.
La démarche de Spykman reste cependant assez proche de celle de Mackinder; elle
s'attache à comprendre la géopolitique en donnant à celle-ci une centralité, un cœur,
épicentre de toutes les dynamiques et rivalités géopolitiques. Mais ce cœur n'est pas le
/1cart/a11d de Mackinder; pour Spykman, la zone pivot de la géopolitique est au
11
contraire le rimlmrd, "région intern1édioire entre le Jtcnrtlnud et les mers riveraines •

C'est dans cette zone du ri111/m1d que se fouernit le vrai rapport de forces entre la
puissance continentale et la puissance maritime. Comme Mackinder le fait, Spykman
prend à témoin l'histoire pour appuyer ses thèses, mais il en fait une interprétation au
fond plus symétrique que réellement différente. Le rimlnnd est essentiel car ce serait le
lieu d'affrontement entre la puissance de la terre - l'U.R.S.S. - et celle de la mer -
Les États-Unis. Spykman estime que "celui qui domine le rimlnnd domine l'Eurasie;
celui qui domine l'Eurasie tient le destin du monde entre ses mains".

3.2. L'exemple du Grand Jeu


Entre le XIX• siècle et le XX• siècle, le "Grand Jeu" dans lequel s'inscrivirent les
rivalités entre la Grande-Bretagne qui contrôlait les Indes et les océans et la Russie qui
poussait vers les mers chaudes, aurait vu son rapport de force déterminé par la zone-
tampon constituée de la Perse et de l'Afghanistan. Entre la deuxième moitié du
XIX• siècle et la Seconde Guerre mondiale, c'est la France qui aurait joué le rôle
essentiel de rim/a11d placé entre les tentatives hégémoniques de l'Allemagne et la
puissance maritime de la Grande-Bretagne. Dans le contexte bipolaire enfin, la zone
hautement stratégique aurait encore été un rimlnnd, l'Europe de l'Ouest, enjeu majeur
de l'affrontement entre !'Alliance atlantique et le Pacte de Varsovie. La théorie de
l'endiguement de la Guerre froide, n'aurait ainsi été rien d 'autre qu'une tentative
d'encerclement du heartland soviétique par un anneau de rivages et de terres
moyennes.

3.3. Géopolitique et Realpolitik


La pensée de Spykman s 'inscrit dans la tradition de la Renlpolitik américaine
affirmée par Théodore Roosevelt, et qui s 'oppose à l'idéalisme wilsonien. Réaliste, cette
géopolitique destinée à inspirer la politique étrangère américaine n'est en rien
conditionnée par l'idéologie ; si elle s'oppose au nazisme puis au communisme, c'est
avant tout parce qu'elle tente d'enrayer les tentatives allemandes et russes visant à
unifier l'espace eurasiatique.
On retrouve cette préoccupation de Realpolitik dans les textes de Kissinger,
notamment dans l'ouvrage Diplomatie, paru en 1996 en langue françaisel. Notons
toutefois que dans l'esprit des stratèges américains, Realpolitik et idéologie sont conçues
de manière complémentaire et non antinomique. En fait, la politique étrangère des
États-Unis est guidée par la Realpolitik, autrement dit la géopolitique, mais elle s'habille
d'un discours idéologique fondé sur les impératifs de morale et de messianisme
américains.

1 li . KISSINGER, Diplwnatil!. Paris, fay111rd, 1'l96; trad. de : Diplomtu~1'. New York, Simon ond Schustor. 1994.
Chilpitre 2 . La pui:iio~i\n ce milritime : leçon de gl'opolitiquc ilnglo-!ilax<mne 53

3.4. La doctrine du containment


La stratégie américaine du co11fnim11e11t - ou endiguement - dl-coule de la pensée
de Spykman. Georges Kennan en 1946, et le président Truman en 1947, insistent sur la
fonction d 'arrêt du rimlnwl face à un communisme d'abord perçu comme indifférencié,
avant que n'apparaissent la distinction entre communisme soviétique et communisme
chinois.
Trois alliances militaires mises en place par Washington correspondent aux
secteurs fondame ntaux du ri111land :
- l'O.T. A.N . dans la zone côtière européenne et méditerranéenne;
- le Pacte de Bagdad dans la zone désertique monde arabe et Moyen-Orient;
-1'0.T.A.S.E. dans la zone de mousson de l'Asie.
On peut con s id é re r que cette première logique de l'endiguement est une
géopolitiqu e mi se au service de l'idéologie : on "endigue" Je communisme.
À partir des années 1970, les choses changent : les États-Unis comprennent que,
que lle que soit la nature de son régime, la Chine est éternelle et impériale ; sa
géopolitique n 'a au fond que bien peu changé, et elle continue de s'opposer à toutes les
po u ssées ru sses, fusse nt-elles soviétiques. Washington revient alors à une logique
géopolitique plus différenciée et use de la Chine pour affaiblir la Russie. C'est cette
nouvelle politique, et non celle d e l'endigu em e nt en Asie, qui s'inscrit dans la ligne de
p ensée de Spykman. Les Amé ricains ajoutent alors le rimland chinois à l'insularité
japonaise, pour te nter de prendre à revers le heartland soviétique.
Carte 6 : O.T.A .N., pacte de Bagdad et O.T.A.S.E. dans les années 1950, une
applicatio n de la théorie du rim/and
Carte 7 : La progression de 1'0 .T.A .N . depuis la fin de la Guerre froide

3.5. La pensée américaine et l'enclavement


Mackinder pensait que l'idéal éta it la profondeur continentale; Spykman pense au
contraire que l'idéal, c'est le continent rivé à la m er; ses thèses permettent donc
d'apporter un écla irage sur l'ensemble d es géopolitiques des États enclavés dans les
terres, et ne disposant pas de façades maritimes. Elles expliquent notamment les
tentatives séculaires de poussée v ers les mers chaudes de la part de la Russie, et la
volonté chronique de désenclavement d 'une Allemagne enserrée par la France et le
monde slave - Communauté européenne, et intégra tion des pays d'Europe centrale et
orientale.

4. Réalisme, idéalisme et choc des civilisations

Aux États-Unis, le débat autour de la politique é trangère es t marqué par trois


grandes tendances : les réalistes qui s 'inscrivent dans la continuité de l'analyse
géopolitique classique caractérisée par les rapports de force entre les États, les
id éalistes dont la pensée est le produit du mythe américain, les disciples de
Huntingtonl qui résument les Relations internationales à un affrontement
civilisa tionnel .

1 S.r . HUNTJNOTON, Th'• C/ush ~f Civilizatlon.f and rhc rcmnlâng of tlir H'orld Ordr:r. New York. Simon end Schus1cr.
199(,.
54 Pnrlic 7. U11c l1i.<>toirc de!> idée!> géopolWquts

4.1. L'école réaliste américaine


La politique étrnngère americaine subit l'influence de réflexions géopolitiques
fondées sur la prééminence, dans les Relations internationales, des rapports de force
entre les Etats; Kenneth Waltz peut être considéré comme le chef de file de l'école néo-
réaliste, tandis que Zbignicw Brzezinski est sans doute celui qui a le plus contribué à
faire connaitre les théories réalistes aux Etats-Unis et dans le monde_

4·.l.l. Le néo-réalisme de Kenneth Waltz


Pour Kenneth Waltzl, tout Etat est en droit une unité indépendante et en
compétition avec les autres Etats; la distinction entre États s'établit en fonction des
potentialités respectives de chacun - potcntinl cal'nbilitics2.
Ces potentialités seraient d'abord définies par le couple discriminant "position-
ressources" . Il y aurait donc prééminence de la géopolitique sur l'idéologie, puisque les
acteurs étatiques n'agiraient pas en fonction de l'idéologie, mais pour leur propre
survie et l'extension de leur influence. Lorsque des Etats accordent la priorité à
l'idéologie sur leur survie, Waltz constate qu'ils échouent et que leur puissance
diminue. Le géopoliticien cite l'exemple des États-Unis qui, chaque fois qu'ils lancèrent
une intervention au motif de l'idéologie et non par pur intérêt stratégique, échouèrent
faute de pouvoir mobiliser les ressources nécessaires. La gu e rre menée au Vietnam est,
selon Waltz, l'exemple même d'une guerre qui était plus idéologique que stratégique et
ne pouvait alors mener au succès. De même !'U.R.S.S. n'aurait pas survécu aussi
longtemps si elle avait tenu l'idéal de la Révolution pour supérieur à l'intérêt d'État.
Selon Waltz, la prééminence de la géopolitique doit nous éloigner de l'idée
répandue selon laquelle la paix globale ne pourra être atteinte que par le triomphe
complet de la démocratie dans le mond e3. La démocratie ne saurait en effet être tenue
pour garante de paix , quant à la transition des régimes dictatoriaux vers la démocratie,
elle serait encore moins capable de garantir la stabilité du système international.
Waltz est soutenu dans cette position réalis te par l'un de ses disciples, Christopher
Layne4, qui insiste sur la fréquence d es guerres entre démocraties depuis le xrxe siècle
et réfute le principe selon lequel "une démocratie n'en affronte jamais une autre" ;
Layne montre même que la nature du régime politique dépend aussi de la position
internationale de l'Etat.

1 K . WALT7. , Tht·arri:.'i oflnœrnaru.muJ />o/mn . New York , Addison W esley. 1979


2 On peul a!is1milcr ces polr:nlioJ copab1ht1t'.,. a J'c-mcmblc des Clémcnb que Raymond Aron dC:liigne comme Ct&nl I• puissance
de l'Ê1a11
J K WALTZ. "The ~mcrg1ni; SU"UcNre o lïn11:ma11onal Poliucs". in Th ~ Prr1I ufunard1y, Ma~chus.sets, l'J\"15

4' C LA YNE, "Kant or Cun1 The myth ofdcmocnnic pcacc" , in lntf!r11atioffal Srcurity FulJ. 1994 .
~ pays communiste
A. pacte de Varsovie ( 1955) :
Pologne, Tchécoslovaquie. RDA. Roumanie.
Bulgarie, Hongrie, Albanie el U.R.S.S.

,,
:-lou•ellt-
Zélaodt

I
pays membre de 1'0.T.A.N.
(Pacte de l'Atlantique Nord, 1949)
pays membre du Pacte de Bugilad ( 1955)
pays membre de l'O.T.A.S .E.
(Pacte du Sud-Est Pacifique. 1954)
pays pm1égés par l'O.T.A.S.E.

6. O.T.A.N., pacte de Bagdad et O.T.A.S.E. dans les années 1950,



Â
pays membre de l'A.N.Z.U.S. (tm.ité du Pacifique. 1951l
pays oyanl signé un pucle bilatéral avec les Etats-Unis
(ln Corec du Sud en 1953. la Chine nationaliste en 1954.
le Japon en 1961 l
une application de la théorie du rimland
56

Pur réaliste, Waltz conçoit les l~elations internationale• comme un système de


forces antagonistes et la paix comme le produit de l'équilibre diplomatico-militaire de
ces forces. JI se montn.• attaché au concept de bipolarité, selon lui préférable, dans le
maintien de l'équilibre global, au système multipolaire qui encourage par nature la
réversibilité des alliances dans la mesure où les puissances dominantes y sont plus
dépendantes de leurs alliés que dans la situation bipolaire. Cette réversibilité et ce
risque de déséquilibres plus fréquents dans un monde multipolaire élèveraient la
probabilité d 'une guerre globale : selon Waltz, et de manière apparemment paradoxale,
la guerre mondiale n'a jamais été plus probable que depuis la fin du bloc soviétique.
Waltz distingue dans les systèmes d'alliances qu'il étudie, deux attitudes
fondamentales opposées symétriquement :
- une tendance centripète - bandwaggoning - , celle du ralliement à la puissance
dominante, localement ou mondialement1 .
- une tendance centrifuge - balancing - , qui consiste à contrebalancer la puissance
dominante en s'alliant avec d'autres puissances plus faibles. Cette attirance vers le pôle
le plus faible - jlocking Io the weaker side - permet notamment aux puissancee .
moyennes d'éviter la vassalisation par la superpuissance.
Pour les réalistes américains, Kenneth Waltz en tête, l'explosion de !'U.R.S.S. a
justement favorisé le balancing chez les anciens alliés de la Guerre froide. Un risque
majeur, pour la suprématie américaine, serait le rapprochement de l'Allemagne ou du
Japon avec une Russie affaiblie. Cette crainte semble unanimement partagée par les
réalistes américains : Stephen Walt, Christopher Layne, Zbigniew Brzezinski, Henry
Kissinger. Ce dernier craint ainsi par-dessus tout un partage germano-russe de
l'Europe centrale et orientale2. Contrairement à ce qui est souvent écrit et dit, le Moyen-
Orient occupe aux yeux des réalistes comme Waltz et Kissinger, une place inférieure à
celle qu'occupe le théâtre européen et plus largement eurasiatique et ce, dans la mesure
où il est plus regardé comme un lieu de conflits qu 'une source de défi à la domination
américaine .

4 . 1.2. Zbigniew Brzezinski, un disciple de Spykman


S'inscrivant de manière évidente dans la lignée de Mackinder et de Spykman,
Zbigniew Brzezins!O, ancien conseiller du président Carter, défend la logique
d'endiguement par les Êtats-Unis de la masse eurasiatique : les Êtats-Unis ne pourront
rester la superpuiss ance unique et globale que s'ils parviennent à isoler la Russie sur
ses marches3.
Le leadership mondial des Êtats-Unis p a sserait par une maîtrise américaine des
zones occidentales, méridionales et orientales de l'Eurasie, autour du heartland.
L'Alliance atlantique serait la garantie de contrôle de la zone occidentale. La Turquie,
malgré les incertitudes pesant sur ses orientations, resterait un État-pivot pour
Washington, dans sa stratégie de contrôle de la zone méridionale de l'Eurasie. Quant â
l'influence américaine dans la zone orientale, elle aurait fortement décru en Chine, au
Vietnam et dans les pays de l'Indochine mais resterait forte en Corée du Sud et au
Japon.

1 Les mobiles en sont analysês par Stephen Wall. autre disciple de W11ll2, cl Randall Schwt!ller.
2 H . KISSINGER, DipJumu1ü.-, raris, Fayard . 1996.
J z. BRZEZINSKJ, le Grand Éd 1iq11ier (L 'Amêriqut• e1 le re~·t~ du monde), Paris, Hachene, 1997, coll. "Pluriel"' ; trad. de 1'lw
Great Ches .,·hoard, H81Jlt:r Collins Publishcr, 1997.
Islande
pay• membre de J'OT AN avant J989
pays membre depur• 1999
pays candidat de J'OT AN
pénétrauon de J'influence de J'OT AN
"-. ancren ride.au de fer

Russu:

mer Médllrrrunù

7. La progression dc l'O. T.A.N. depuis la 6n de la Guenc &oidc


l
12
J
.!
oO
Chapitn.~ 2. Ln pui~Annce nu\rltiml" : 11.."Çon dl~ ~l'upollll llUl' anv;ln-Htumnnt.• 59

Trois perspectives sont li éviter, selon Brzezlnski :


- la reconstitution de la domination russe sur la zone centrnle - autrement dit un
nouvel empire russe - ; hypothèse offrant certes une stabilisation, mais au détriment
de Washington .
- voir le désordre en Asie centrale déboucher sur une explosion généralisée, qui
génerait autant les intérêts américains autour de la Caspienne que ceux des Russes .
- assister à la coalition des n>gllt' sin/es, ces États rebelles à un ordre américain, tels
l'Irak, le Soudan, la Libye ou Cuba'!.
Comme chez les autres réalistes, on retrouve la prééminence chez Brzezinski de
l'importance de l'Asie centrale sur la partie arabe du Moyen-Orient, regardée comme
zone de troubles cycliques plutôt que comme une zone prioritairement stratégique.
L'Iran et la Turquie joueraient un rôle majeur dans la mesure où ils exercent une forte
influence en Asie centrale - continuités culturelles, religieuses, linguistiques. En ce
sens, et contrairement à un idéaliste comme Antony Lake2, Brzezinski préconise une
réhabilitation de l'Iran dans la diplomatie américaine, mais prône un endiguement
absolu de l'lrak3.
En Eurasie, selon la stratégie proposée par Brzezinski, il s'agirait de se concentrer
sur:
- l'Ukraine, que Washington doit chercher à émanciper davantage de Moscou, et
qui coupe l'espace d'influence russe en deux parties isolées, Nord et Sud ;
- la zone Caspienne qui, contrôlée, isole Moscou de ses marches méridionales.
La Guerre du Kosovo de 1999 est l'occasio n pour Brzezinski de justifier
l'intervention alliée d'un point de vue géopolitique: là encore, prendre pied au
Monté négro et au Kosovo s'inscrit dans la logique d'endiguement de la poussée russe
vers les mers chaudes.
La guerre d'Afghanistan de 2001 , après les attentats de septembre 2001 contre New-
York et Washington, a permis aux États-Unis de prendre position dans les Marches de
la Russie et de la Chine, conformément aux souhaits de Brzezinski et des néo-réalistes
américains. Après les Balkans, l'Amérique est en Asie centrale. Ses positions se
renforcent autour des /1eartlands eurasiatiques.

4.2. Le choc des civilisations


Samuel P. Huntington4
récuse les thèses idéalistes en soutenant que le modèle
américain de la démocratie libérale n'est en rien universel et qu'il reflète au contraire
un ensemble de valeurs civilisatiormelles ; il tente de dépasser les thèses réalistes en
soulignant le fait que la lutte classique des États s'inscrit dans un conflit de plus grande
ampleur entre les civilisations. Le premier conflit qui caractériserait les Relations
internationales serait celui qui oppose l'Ouest et le reste - the West and the Rest.

1 En 2000. Je Dêpartcment d'Ëtal amCricain a officiellement remplacé le concept de rugut' s lult> pliT celui de ' 'c.mcern 3ilu,e, Êlot
fa.is.ant problemc. En 2001 , sous l'administration rêpublicaîne. le lennc de rogu~ slati: u élé de nouvcuu employé Cl c.:omplê:li par le
concept d'Axc du Mal 0.rak, Iran . CorCc du Nord).
2 Lake esl en faveur d'un double containmenl des "ÉtaLo;-voyous" lrnk/Jr.n processus rendu possible par le réseau des olliaocc:s
dans les monarchies du Golfe c1 la rivalitê: 1rano-irakîenne O n notera que ln quulificutaun "E1at-voyou " qui rcllc1e un juii:cnuml de
valeur, se raccroche i la vis:ion idt!alislc, t.andis que celle "d'État-rebelle" e~I plutôt d'essence l'faliste. c1 liëe 0 Io nuhon de ttbellion
par ~ni une superpuissance.
3 Z . BRZEZINSKJ , B . SCOWCROFT, R . MURPHY , "Di fferentiatcd cont.aînmenl" 1n Fureign A.ffain S11ntmer. 199 7. Qua.nt â
Kissinger, il soutient la st11bilité interne de l'lrll C1 craint un vide amuégique exploitê: par l'Iran. On nu1e bien qu'il existe donc.: un
dêbal il l'inténcur de l'école rëalistc sur la stnuêgie à adopter . Les vues pcuvcnl se joind~ en terme d'unalyse 9ê:opolilique. mais 11e

disJ01ndrr: quant à la stn~gie à adapter.


4 S .P. KUNTINGTON , Le choc de.c ci\Ji/Uorions, Êd. Odile Jacob. Pa.ris, 1997 .
60 Pa,.fie 1. Une lti!Jlofrc dc6 idt!es gtopolitiqul!1

L'Occident serait en effet l'ennemi principal "du reste" et il existerait un axe islamo-
confucéen ou islamo-chinois qui tenterait de diminuer son importance. À l'échelle
historique, le monde aurait d'abord été marqué par un conflit entre nations dominantes
qui se serait achevé avec la Deuxième Guerre mondiale; serait apparu ensuite un
conflit idéologique entre le libéralisme et le communisme qui se serait éteint avec
l'effondrement soviétique. La fin de la bipolarité serait marquée par la renaissance du
conflit des civilisations.
Contrairement à la caricature qui est souvent faite en France des théories de
Huntington, celui-ci ne prétend pas que les blocs civilisationnels sont homogènes et
soudés. Il soutient l'existence pour chaque civilisation d'un - voire de plusieurs -
État central dominant qui assurerait l'unité et la cohérence stratégiques du bloc: la
Russie pour le bloc orthodoxe, la Chine pour le bloc confucéen, les États-Unis pour
l'Occident. Quant à la maison de l'Islam, celle-ci ne pourrait prétendre à être régentée
par un seul État dominant; plusieurs États peuvent, et ont été durant l'histoire, en
position de domination de la civilisation islamique. Aujourd 'hui, aucun État n'a les
moyens politiques militaires et économiques d 'unifier à lui seul le monde musulman.
D'où le caractère utopique de l'islamisme, comme du nationalisme arabe.
Le bloc civilisationnel musulman serait caractérisé par trois fronts ouverts :
- le front islamo-orthodoxe: conflits bosniaque, tchétchène;
- le front islamo-indien: conflit indo-pakistanais;
- le front islamo-africain pour lequel l'absence d'État central constitue la cause d'une
absence d'unité.
Autour de l'État dominant le bloc civilisationnel, Samuel P. Huntington retrouve la
notion d'État périphérique, caractérisé dans sa posture géopolitique par deux
tendances possibles, déjà soulignées par l'école réaliste : le balancing - ceux qui, au
sein du bloc civilisationnel, s'opposent à l'État dominant: ce pourrait être par exemple
la France dans le bloc occidental - et le bandwaggoning - ceux qui au contraire,
suivent fidèlement la tête du bloc.
Les réalistes répondent à Samuel P. Huntington que la logique des États reste
supérieure à celle des civilisations!.
Carte 9: Le choc des civilisations selo n Samuel P. Hunting ton

4.3. L'alliage des trois tendances


On a souvent coutume, en Europe, d'opposer le réalisme et l'idéalisme américains.
Ceci peut se justifier dans la mesure où il existe un débat réel aux États-Unis entre ces
deux tendances; mais l'opposition revêt un caractère factice lorsque l'on s'intéresse au
fonctionnement de ces deux tendances dans la politique étrangère américaine. De ce
point de vue, il est alors plus justifié de parler de complémentarité que d'opposition.

Certes, le Pentagone est traditionnellement plus réaliste que le Congrès. Pour le


Congrès, la Syrie reste ainsi un État rebelle - rogue state - tandis que le Pentagone est
favorable à un dialogue avec Damas - le rôle joué par la Syrie au Liban s'est fait en
accord avec Washington, en échange de la participation de la Syrie à la Guerre du
Golfe. De même, le Congrès a pu prendre par le passé des décisions qui ont gêné le
Pentagone2.

J Voir la réponse fait.e 8 Samuel P. llunhngton pur S1ephcn Wull (école réolislc), "Building up New Boggcymcn". in Fure-ign
pulic:y, 1997-3.
2 Trots exemples : la Frt'L'dumfmm R~ l1gum.\· Opprt•.u üm Act o indigné les partenaire s orobes des Ëtols-Unis dont l'Êgyp1e ; le
voie du uansfcrt de l'ttmb:issade om~ricainc à Jérus.alem, c'est -à-dire Io rcconnoissencc de la revcndico.üon israt:licnne sur la viHie
Clulp•~ ... L..a ........ -........... - . ••••••C' . •L"\·un ae gropolltJque ang~o--saxonne 61

Mais l'essentiel de la politique américaine recueille l'assentiment des deux écoles,


réaliste et idéaliste. Au Moyen-Orient par exemple, les réalistes justifient l'action de
Washington par la nécessité d'endiguer la puissance centrale en Eurasie et par la
défense des intérêts pétroliers; les idéalistes soulignent la communauté de valeurs
entre le projet des États-Unis d'Amérique et celui de l'État d'lsrat'I. Les mobiles sont
difffrents, mais l'action est la mi\me. Et, au fond, l'idéalisme paré de la défense des
Droits de l'Homme, de la liberté et de la démocratie libérale, fournit aux yeux du
monde - occidental en particulier - un système de valeurs ayant pour fonction de
légitimer la politique américaine et de rendre moins visibles les intérêts de puissance.
Hier l'idéalisme soutenait l'endiguement du communisme, aujourd'hui il défend le
principe de l'expansion démocratique. Hier le réalisme soutenait l'endiguement de la
Russie et l'ancrage de l'Europe de l'Ouest aux États-Unis, aujourd'hui il soutient
l'expansion mondiale de l'hyperpuissance américaine et l'ancrage de l'Europe
occidentale, centrale et orientale à la sphère d'influence euro-atlantique. L'objectif
commun reste la préservation de la suprématie américaine, tant en tenne de puissance
que de modèle, l'un et l'autre fonctionnant de concert. Quant à la théorie de Samuel
P. Huntington, sa fonction première est de convaincre les Européens qu'ils
appartiennent à la même civilisation que les Américains et les Israéliens. Elle consiste
deuxièmement à les convaincre que l'Islam et la Chine sont deux blocs qui les
menacent et qu 'aucune politique d'ouverture méditerranéenne n'est possible pour les
Européens. Les théories géopolitiques sont aussi des annes stratégiques.

daNI tun en1emblc, • 1u.ci14! l'indi1na1ion du mondo anibc : le Pcn111onc a ddcld4! de ne J"ll• meure on œuvre ce vote; •a loi d'Anwl\l
impounl un cmbarao pdlrolier Il l'lrm1 et 6 11 Libye 1 cntravi! Io dialogua umifricano-in:mlcn prônt par 1011 R.tafü11u.
occidentale
latino-américaine
orthodoxe
islamique
africaine
bouddhiste

. ilisa.tion• selon S
: ::'.:.::am~u:e~l~P=·~H~un~tin__:gt~-o~n~~~~--
Le choc des av
9. -----
CHAPITRE 3

ÉQUILIBRER LES EMPIRES


LEÇON DE GÉOPOLITIQUE FRANÇAISE

L'approche géopolitique française, ou au moins de géographie politique, est


beaucoup plus ancienne que l'on a usage de le dire.
En 1748, Montesquieu avec sa théorie des climatsl marque déjà sa préoccupation
pour la géographie. Les lois apparaissent comme étant marquées par le climat, le
terrain, la religion, les mœurs et les manières des nations.
Au XVIII• siècle, l'économie et la géographie se rencontrent en France pour donner
la physiocratie, dont les tenants considèrent la Terre comme l'émanation fondamentale
de la richesse2. Turgot est l'un des disciples de cette théorie. En 1751, il publie Sur la
géographie polifiqrre-1 . Turgot examine le rapport à la géographie politique suivant deux
angles: la diversité des productions et la facilité des communications. Pour lui, les
racines de la géographie politique plongent dans le droit. C'est là une conception toute
française, illustrée dans la géopolitique française par l'importance donnée au droit
international, et au respect des frontières en place.
À l'époque du scientisme, du darwinisme et du positivisme, Charles Maurras4,
Jacques Bainville 5 et l'Action française développent des analyses historiques fortement
marquées par la géographie historique et opposent à l'idéologie républicaine le
réalisme politique des Capétiens, tant en matière de politique intérieure que de
politique extérieure.
Mais bien avant eux, c'est la Monarchie française, portée à son sommet dans le
Testament Politique de Richelieu, qui est marquée par un réalisme en politique
extérieure, que l'on peut qualifier de première géopolitique française. Le paradoxe de
la France, c'est qu'elle est sans doute l'une des premières nations à avoir développé une
pensée géopolitique, sans toutefois avoir utilisé le terme.
Cet esprit est illustré par Joseph de Maistre lorsqu'il écrit:
"Rien ne marche au hasard, mon cher ami; tout a sa règle, et tout est déterrnin~ par
une puissance qui nous dit rarement son secret. Le monde politique est aussi réglé que
le monde physique ; mais comme la liberté de l'homme y joue un certain rôle, nous
finissons par croire qu'elle y fait tout. L'idée de détruire ou de morceler un grand
empire est souvent aussi absurde que celle d'ôter une planète au système planétaire,
quoique nous ne sachions pas pourquoi. Je vous l'ai déjà dit: dans la société des
nations, comme dans celle des individus, il doit y avoir des grands et des petits. La

J Montesquieu , l 'F...tpril de.t loi.\·, 1750.


2 G. WACKERMANN. Géopolitiqu<> de f'e.~pan• mondial (tfrnamlqul!.t et en)t•wi:), Poris. Ellipses. !997. p. 48 .
) Turgot, "Sur la géographie poli1îque" , in G . SCHELLE, Œui,·rt>.t de Turgnr et dot.:irnrenl.t le concernant, lrT Cd. , Puis,
Librairie FCfi;11: Akan, 1913 .
4 C. MAURRAS. Kiel el Tanger, JIW5-1905 (la Répuhliqm.• françai .'ôt! dt•t•,ml l'E1wopt'), Puris. Nouvelle librairie nationale.
1913 .
S J. BAINVILLE, Le.r; conséq11ence.r; pnli1iq11e.r de la paix. Pori~. Fe.yard, 1920. rctd . Nouvelle Libruirie Nationale, 1995;
Hi$foire des de1u peuples. continuée jusqu'à Hitler. Poris, fayard, 1923.
France A toujours tenu, et tiendra longtemps, suivant les apparences, un des premie
rangs dans la société des nations." 1. rs

1 . "K.ie1 c t· T anger " : 1e rca


' 1·11une en po1·1t1que
· , '
etrangere

Rassemblant des analyses parues dans l'Action française 2 entre 1.895 et 1912, Kiel et
Tnnxe•'1 est l'un des ouvrages majeurs de Charles Maurras et sans doute l'un des
ouvrages les plus importants de la pensée géopolitique française s'inscrivant dans une
perspective capétienne. Kiel l'i Tmrg<'r pose la question de la possibilité, en régime
républicain, d 'une politique étrangère française cohérente et continue4 .
Depuis la fin d e la guerre de 1870, la France vit dans l'obsession de la perte de
l'Alsace-Lorraine. Aux yeux de Maurras, la République se montre incapable de réaliser
la Revanche. Le désir de récupérer l'Alsace-Lorraine devient un non-dit, un tabou de la
politique étrangère française~. En même temps, le patriotisme est à son plus haut point
dans Je peuple français. L'armée, symbole de l'unité nationale, apparait comme
l'instrument sacré de la Revanche sur l'Allemagne.
En 1893, la France a rompu son isolement diplomatique par l'alliance franco-russe.
Mais une alliance eurasiatique puissante contre l'Angleterre est en train de se nouer
entTe la Russie et l'Allemagne. La France tente donc le détour par l'Allemagne : "Le 18
juin 1895, les vaisseaux français rencontrent les vaisseaux russes avec les escadres
allemandes dans les eaux de Kiel, à l'entrée d'un canal construit avec l'indemnité de
guerre que paya notre France à l'Allemagne victorieuse. Tandis que le tsar nous
menait, l'empereur d 'Allemagne influençait le tsar. Bien que en ce même 18 juin 1895,
qui était le quatre-vingtième anniversaire de Waterloo, il eût fait hommage d'une
couronne d'or au régiment anglais dont il est colonel, Guillaume caressait déjà le plan
d 'une fédération armée du continent européen contre la reine de la mer : il tll.Ît donc
tout en œuvre pour y ranger la France, que 'l'honnê te courtier russe ' lui amenait"6.
Forte de ce rapprochement, la France se lance à corps perdu dans la bataille
coloniale contre l'Afrique. En accord avec Moscou et Berlin, elle tend des pièges à
Londres: "quelques-uns médiocres, comme en Chine et au Japon. D'autres excellents
comme la mission Congo-Nil"7.

En _189~, l'Angleterre n'est guère qu 'à la moitié de la grande entreprise africaine:


son ob1ect1f est la route Le Cap-Le Caire. Elle avance rapidement ; la France veut
couper sa route. "En s'emparant de ce qui n 'appartenait à personne dans la partie
~oyenne de l'Afrique, la France pouvait espérer joindre sa colonie orientale d'Obock,
0
_u I~ Négus était pour elle, à son vaste domaine de l'Ouest africain : la transversale
amsi menée arrêtait net la route verticale de l'Angleterre, et l'intervention française
passant au sud des ca tarac t es, permettait
· d e rouvrir
· la questmn
· ·
d'Egypte, la question'

.
11
de MAISTRE. /_l ' i .ra;rfr.r dt: Saint-Pét1 rshow1:. IR07 in Du Pape. le.1· St•irt.:es de Saint-Pétc1:vbourg
1
t.'f art~s lt!XIC's.
Pam. J J Pauvcn édilcur. 19.n .

2 J'Jurna/ 1'allrmali.'ih' <'l roralt.r1<·/rnn('nh fondé en l R9'J et cxîstnnt rou jours .


J Le filrc rKacl csr Ki1·/ rt Ta /R9f /9n't J R· · .
r , nRer. ·- ·. A epuhllquc frnnraist• del'nnr / 'Europt.'. Pnris. 2 ... c!d., 1913. 436 p (tdirion
cvuc el augmentée dune préfoc.:c cou\'ran1 le.~ .innéc'i 1905-191 ~ c1 crnnpor1onl de nomhre-ux nppendiccs). .
4 C. MAIJRRAS, Kù•l l't Tan~t·r. p~li1cc de ln tJcuxièmc ~dilion, p . 7.

5 J. BAINVILLE. ln Trrli.üi!n1e Rl!pubtiqw. /RlO- l'JJj ; F. Lnmulnndie, /.a Froncf!. /R9ll- /940, p,uis. Etlip$es. liJ96 .
6 C. MAURRAS. Kù.!I <'I Tanxer.
7/dem.
Chapitre 3. l!quilibrer le~ empiT'e~ : leçon de géopolitil1ue françal~e 65

des Indes, la question de la Méditerranée, et de toutes les autres mers sur lesquelles
régnait jusqu'alors sans conteste Je pavillon de Sa Gracieuse Majesté" 1 .
La mission du Congo-Nil: en juillet 1896, "sous le règne de Félix Faure, la
présidence de Méline et l'administration de M. Hanotaux"2, le commandant Marchand,
à qui avait été suggérée cette grande tâche, débarqua au Congo.
Cette mission est primordiale pour la réussite de l'entreprise coloniale française.
Elle va échouer. Pourquoi? La mission était-elle trop peu nombreuse? Non répond,
avec Marchand, Maurras, mais "l'explorateur n'a pas été vaincu à Fachoda, où la
victoire était possible mais à Paris où elle ne l'était pas". Un événement en effet va
enlever tout moyen à Marchand : l'affaire Dreyfus. Comme l'écrit Charles Maurras,
"dans le mois de novembre 1897, et comme Marchand approche de Fort-Desaix, un
phénomène absolument imprévu du grand public, bien que préparé de longue main
dans un petit monde, éclate tout à coup en France: MM. Ranc, Scheurer-Kestner et
Joseph Reinach lancent la révision du traître Dreyfus. L'Affaire alors commence, les
passions se heurtent et le Gouvernement français, hier assez fort pour dessiner une
offensive contre !'Étranger, se trouve tout à coup réduit à se défendre contre l'ennemi
de l'intérieur. Il lui devient très difficile de continuer sa politique russo-allemande :
l'ambassade allemande est mêlée à l'Affaire." 3 .
On sait que Scheurer-Kestner n'avait pas accepté le détour allemand de la politique
extérieure française. Alsacien, il est un partisan farouche de la Revanche. On imagine
que la politique ;rnti-anglaise favorable à Berlin ne Je satisfait pas. Reinach, quant à lui,
est juif et Maurras l'accuse de privilégier la défense d 'un co-religionnaire sur toute
autre considération.
L'affaire Dreyfus est certes une affaire politique intérieure, mais elle a néanmoins
des répercussions extérieures : elle profite à la politique anglaise et ruine le
rapprochement franco-allemand 4 . Qui plus est, le prestige de !'Armée est atteint.
L'échec de la mission Marchand à Fachoda est ainsi l'une des conséquences de l'affaire
Dreyfus qui désorganise l'État français et la cohérence de sa politique extérieure.
Déséquilibrée, la diplomatie française va logiquement se renverser sous Je ministère
Delcassé. À la coalition de 1895 dont Guillaume II s'était fait le cerveau et le cœur,
Édouard VII, encore simple prince de Galles, rêvait de substituer une coalition
contraire dont Guillaume serait la proie. Mêmes éléments : Russie, Italie, France; rôles
à peu près semblables : Russie immobile, Italie indécise jusqu'au dernier moment et
France combattant cette fois-ci sur terre et non plus sur mer. "Guillaume avait offert le
Nil à M. Hanotaux. Édouard offrirait à M. Delcassé Je Maroc et dans l'averùr une berge
sur le Rhin." 5
Mais en 1905, la France n'a pas mesuré l'affaiblissement de la Russie. Il y avait eu en
effet un bouleversement important en Europe. Il y avait eu "Moukden". Le flanc
oriental de l'Empire allemand était désormais affranchi de toute menace russe.
M. Delcassé, n'ayant rien su la veille de l'ouverture des hostilités russo-japonaises, ne
pouvait estimer l'état réel de la situation.
Le 31 mars 1905, Guillaume Il débarque à Tanger et annule d'un geste toutes les
compensations idéales que les Anglais avaient accordées aux Français en échange de
l'Égypte et de Terre-Neuve. Il déclarait que Je sultan du Maroc était pour lui un

l lhid.
2 lhid.
J Ibid.

4 "Ali momen1 QÙ les nôtres se mettaient en marche pour Fachoda. Paris et la Fronce ont pu se ballre jour et nuit pour M. Zola"
écri1 C. MaurTBs .
5/dem
66
Pnrlie 1. Une histoire des idées géopollti9~

"souverain indépenda.~t" et que ce souverain devait tenir le pays ouvert à la


c~n~urrence paC1~1que de toutes nallons, sans monopole et sans annexion". "L'Empire",
d1sa1t-il encore, a de très gros intérêts au Maroc". Le progrès de son commerce
poursuivait-il ne sera possible "qu 'en considérant comme ayant des droits égaux toute;
les puissances par la souveraineté du Sultan et avec l'indépendance du pays"l . Il
conclut lapidairement : "Ma visite est la reconnaissance de son indépendance".
La réaction de l'Angleterre est vive. Elle resserre ses liens avec le Japon, donne la
paix aux Russes et les appelle dan s sa ligue contre l'Allemagne. Le représentant de
l'Angleterre au Maroc appuie la cause française, tandis que la presse anglaise se
déchaine contre Guillaume Il. Edouard Vil fut net devant l'ambassadeur français qui
en rendit compte à son gouvernement dans une dépêche historique déclarant que, en
présence de l'attitude d e l'Alle magne, "il était autorisé à déclarer que le Gouvernement
anglais était prêt à entrer dans l'e xamen d'un accord de nature à garantir les intérêts
communs des deux nations, s 'ils étaient menacés".
La presse allemande déclara que la France servirait d 'otage à l'Allemagne si
l'Angleterre s'avisait jamais de menacer la flotte <l 'Empire: pour chaque milliard de
perdu sur la mer, on saurait retrouver deux milliards à terre, dût-on aller le demander
jusqu'à Paris. L'Allemagne de manda un acte de la France qui apparut nettement en
opposition avec les faits publics de !'Entente cordiale franco-anglaise dont Guillaume n
se montrait de plus en plus irrité. Pour "calmer le jeu", la France choisit de sacrifier son
ministre des Affaires étrangères.
"La chose unique dans l'histoire eut lieu. L'empereur reçut la victime telle qu'il
l'avait choisie et marquée : le 6 juin 1905, M. Delcassé apporta sa dérnission" 2 •
Le 20 juillet 1909 Clemenceau parlait de la "plus grande humiliation que nous
ayons subie" à la tribune de la Chambre.
Maurras utilise son analyse de politique étrangère pour tenter de démontrer que la
France ne dispose pas du bon régime. L'idée de la démonstration qu'il tente tient en
une phrase : "La France n 'a pas de politique étrangère parce que la République ne peut
en avoir une. 113
Écrivant trois ans après le coup de Tanger, Maurras soutient que la France n'a tiré
aucune leçon de Tanger et de la menace allemande. "Oui, trois ans et sept mois après le
coup de Tanger, trois ans et quatre mois après la démission obligatoire de M . Delcassé,
espace de temps prodigué en stériles luttes intérieures, la République française ne
s'était pas encore 'assurée rnilitairement'" 4 . "Clemenceau constate en 1913 que, depuis
30 ans l'Allemagne a fait un colossal effort [. .. J L'Allemagne a dépensé 2 milliards de
plus que nous pour son matériel de guerre ; la progression des dépenses militaires a
été pour nous de 70 % et pour l'Allemagne de 227 %."5 Or, "M. Clemenceau qui
enregistre des vérités en 1913 était ministre en 1909."6 écrit Maurras. Ainsi écrit Je
philosophe, "la démocratie, c'est l'oubli", et par conséquent il y a absence de continuité
dans la politique extérieure de la République. "On ne trouve pas trace d'idée rù de loi
directrice dans l'attitude d'une diplomatie qui ne sait jamais que subir."
Con:ime elle ne ~eut pas apprendre, selon Maurras, la République ne peut donc pas
plus prevemr : sa diplomatie ne mène pas le jeu, elle le subit; d'où le décalage constant

J lhid.
2 lhid.
3/bid.
4 /bid.
Chapitn- 3 . Equilibrer les empires: leçon de géopolitique française 67

entre son action diplomatique et l'absence de moyens adéquats pour mener la


diplomatie.
Maurras fait ainsi appel à la verve du grand patriote grec Démosthène pour
dénoncer la passivité de la politique française: "Le reproche sanglant qu'il adressait à
ses compatriotes qui, sans même avoir été réellement vaincus par Philippe, se
comportaient en sujets de ce roi, puisque l'initiative guerrière, comme l'impulsion
politique, ne leur venait jamais de leurs conseils, mais de ceux du Macédonien"l .
"Athéniens, il ne faut pas se laisser commander par les événements, mais les prévenir:
comme un général marche à la tête de ses troupes, ainsi de sages politiques doivent
marcher, si j'ose dire, à la tête des événements; en sorte qu'ils n'attendent pas les
événements pour savoir quelle mesure ils ont à prendre, mais les mesures qu'ils ont
prises amènent les é vénements."~
La dénonciation de cet état de fait se retrouve également dans les articles publiés
par le principal porte-parole du gouvernement républicain dans la presse, l'auteur du
Mystèr~ d ' A~ndil', M. André Tardieu. L'un de ses admirateurs, M . René Pinon - du
journal Le Temps - analysant ses écrits écrit : "li y a dans le Mystère d'Agadir, une
phrase qui revient à plusieurs reprises et qui est comme un leitmotiv: "Au lieu de
mener les événements, la diplomatie française se laissa mener par eux"3.
Cette incapacité dénoncée à prévoir débouche alors sur une inévitable inadéquation
des moyens : "Ces républicains démocrates, plus ils élèvent le niveau des devoirs; plus
il leur plairait de voir pratiquer à la France, moins ils s'occupent de savoir si
l'organisation de leur choix est outillée pour les remplir ou même pour en avoir
l'idée. " ~ Ainsi, lorsque la politique extérieure nécessite une marine dissuasive, la France
ne l'a pas : "Trois mois après le départ de Hanotaux en septembre 1898 on découvrit
subitement que nous cherchions la confrontation avec Londres sans qu'on eût pris
aucune des précautions navales qu'impliquait une telle éventualité"; "Un rapport de
l'amiral Fournier déclara textuellement : 'Nous ne sommes pas prêts . .. '"
Septembre 1898 : "notre mission Congo-Nil venait de se heurter à Fachoda contre
l'Angleterre, l'opinion publique découvrit, sans en être d 'ailleurs autrement émue, que
pendant ces quatre ans d'une politique évidemment anti-anglaise, nous n'avions
négligé qu'un élément : nos forces de mer. Nous n'étions dépourvus que d'un organe,
et c'était précisément du seul organe utile, l'unique organe de défense et d'attaque
contre !'Anglais"; "M. Gabriel Hanotaux s'était appliqué à consolider notre situation en
Tunisie, en nous déliant des traités antérieurs : à quoi bon si le passage de la
Méditerranée n 'était pas assuré par une flotte suffisante? La grande ile de Madagascar
avait été proclamée colonie française le 20 juin 1896 : à quoi bon si, de Madagascar à
Marseille, une force étrangère restait facilement maîtresse d'arrêter nos
communications?
Tous ces actes publics devaient nous obliger à veiller sur l'armée navale. À plus
forte raison, cet acte secret, la mission du Congo vers le Nil. Or, c'était folie pure, ou
l'entreprise sous-entendait des armements, des constructions, des approvisionnements
maritimes réguliers et complets. Notre politique d'alors aurait permis, à la rigueur de
négliger les armées de terre, puisqu'elle escomptait le concours de l'armée russe et de
l'armée allemande, mais elle exigeait l'entretien, et au besoin, la réfection de la marine.
Précaution d'autant nécessaire que le concours de la flotte italienne semblait douteux,

! Ibid.
2 Ibid.
l R. PINON, Lr Tt!mp.t, S juillel 1912 .
4 C . MAURRAS, Kicd 111 Tanger.
68
l'ar liC' 1. Llt1l' /JÎ6/uire des idées géopcfitiquu

depuis que l'Angle terre se l'était ass uré par un tmilé plus fort que l'arrangement
triplici<'ll."
"Une forte marine était supposée dans le desse in conçu et poursuivi dès 1895 el
1896 : or nous ne l'a vions pas à l'été de 1898." C'est s eulement à partir de 1898, constate
~aurras, . que le gouve rnc rne nt réagit quant à J1équipe1nent naval de la France; or la
d1plomat1e a d é jù o pé ré un revirem e nt. 1~1 politique de M . De lcassé conduit à une
1nenace continentale el non plus 1naritinu~ . Or personne n 'a songé aJors à se préoccuper
du fonnat de l n rntt.~c de tl'rre. 11 JustenlCnl parce qu 1 il aurait eu tniJJe fois raison s'il avait
1

e xisté, politiqul•nwnt, une France, M . Delcassé avait eu mille fo is tort dans cette carence
dt•s pouvoirs compétents qu 'on appelle la Ré publique. Ayant vu ce gouvernement
négatif t.'t. par systè n1c, inso ucieux d e sn lacune capitale, vi ser é n e rgiquement un but
1nariti1ne L''t d éco uvrir un jour que, loul en Je visnnl, il é tait d é pourvu de marine de
1
guerre, M. Delcassé n '1v ai t pns Il.• droit dl• fann.•r Ja Rl•pubJiquc dans la direction
1
contraire et dt:.• s ex pnser ù la guerre continentale sélns se de1nander s i une armée de
terre ne lui n1anqul•ntit pas con1n1c une année de nu~ r à tianotaux . 111
Le réquisitoire n1aurass ien se pours uit dans une dénonciation des guerres intestines
à la République au d é trime nt d e notre assurance à l'e xté rieur : "En 1899 toujours à
propos d e Drey fus qui venait d 'être recondamné et qu'il s 'agissait de faire absoudre à
tout prix, la lutte s'engageait e ntre l'important Service d es renseigneme nts, organe de
notre défense nationale, et la Sûreté générale, qui ne défe ndait qu e la République". Une
nouvelle fois, la France assiste à la lutte entre les services secrets c hargés des intérêts de
la France, et les re nseignements généraux occupés à la préserva tion de la Ré publique.
"En 1900 Waldeck Roussea u donnait raison aux d é fenseurs d e la République contre
les défense urs de la France: 'Le Bureau d es renseignements n 'existe plus' déclarait-il. ";
"En 1903 et 1904 le ministè re de la G uerre donnait tout son cœ ur à la réhabilitation de
Dreyfus, à la diminution du budge t de la Guerre, au service de deux ans, et lorsque, en
1905, éclata le coup de foudre de Tanger, qui ne fut rien qu 'un Fachoda inte rverti, nous
nous trouvions exactement dans la m ê m e impuissance."2
Face à cette impuissance de la République à dégager les m oyens nécessaires,
Maurras souligne l 'efficaci té de l'Alle magne à réforme r sa marine - avec la
suppression sous Guillaume If d e l 'Oberko111111ando - et des décisions anglaises en
matière navale prises sans que le Parlement ne soit consulté : "De 1905 à 1910 de
manière indépendante des élections, la marine anglais est dirigée par Lord Fisher,
premier lord de l'Antirauté ".3
La Monarchie française sut jadis mettre les moyens adéquats à disposition de la
~olitique extérieure. _Pour les rois, "la renaissance coloniale était subordonnée pour eux
a la renaissance maritime : quand il voulut prendre s a revanche des traités de Paris, le
successeur_ de Louis XV, qui n'était pourtant que Louis XVI, commença par construire
de bons va1sseaux. 11

1
Sur la c'9ute du rang de la marine française, les chiffres sonl effcclivcmcnt implacabJcs · en Jg99 l · fnl ·
:nc,o re le dcu11îème rang mondial ; en 1905, elle Cf<il déj.i cinquii:mc dcrri6rc celle de l 'Anglclc~e de l'A.11 a manne n~a1sc occupe
u •pon . Les mi.~cs • h . • cmagne, des Etnts-Ums el
Cuirassés France en c a.n11c:r comp~r.a'.1vcs en ~909. i.:inq ons avant le déclcachemen1 de la Premi ère G uerre mondiale sonl :
Conl . . 0, Allcm.:ignc JO ; Croiseurs cuirassé~ France 0, Allemagne 3 ; Croiseurs proté •é . F
rc-~tplllcurs . France 17, Allemagne Jfi ; Suus- marins : Frant:"e 0, Allemagne H. . g s . rance O. Allemagne 6 :
2 C MA URRA S. K"•/ ,., T1m}.fer.
J lord Fisher C!il 1 pC . .
itng/ii'C', naguérc .· c rc de~ fumeu x Dreadnoughts JI réurgon1 s11 l'cst:udrc de réserve, désanna les vieux büti
Io.: ln4r" d1sJ)C:rséc doins les men; IU1 coni:cntréi: llDns la mer du Nord - puli11quc d H n mt:nts cl la !lotte
Cuirb ·i ;e angfotisc ô la veille du premier conflil rnondinl , elle cs1 édilinnlc : Nombre: . ....:m_e cet Quani à la progression de
s ·' . 1904 16 . . s 1.n1hmcn1s onHlais d 1904 • 19 0 .
24. 19 10121 .. : 19 1044, Crmsc:un:frrcla'ise : l9041J , 191037 ; rc:1i1scroisc:ursJ 90430 , l JOSX · e . 1 ·
9
· 1°'1>1lkuni : 19Q4 16 ; J9IO HH ; Sous marins 190.C O, J9JO S9 . Source . Le T d . 'Contre lorp1Jlcurs : 1904
. cmps u 27 Janvier 1910.
Chapitre :l . .Ëquilibrer les enipires : leçon de géopolitique française 69

"La République aura changé tout cela. Elle s'est annexée les îles et les presqu'îles,
elle a créé sur tous les rivages des dépôts, des stations, des forts et des bureaux. Les
colonies anciennes comme le Sénégal, se sont agrandies à perte de vue. La Tunisie s'est
ajoutée à l'Algérie. Le groupe de La Réunion, de Nossi-Bé et de Mayotte, s'est accru de
l'immensité de Madagascar. L'Afrique nous a vu remonter les fleuves, cerner les lacs,
envahir les déserts et les marécages. Mais quant aux moyens d 'assurer les
communications de toutes ces contrées avec la mère-patrie, seule capable d'y maintenir
le drapeau, cette affaire primordiale, cette condition de toutes les autres n'a jamais
occupé que secondairement nos hommes d'État. Le cas de M. Hanotaux et de ses
collègues de 1895 n'est pas isolé. On s'est habitué à posséder des colonies sans disposer
11
d'une n1arine.
"Sous la monarchie on posait comme règle que la France devait tenir une marine
supérieure à toutes ensemble, celle de !'Anglais exceptée."1
Selon Maurras, ce ne sont pas tant les choix de la République en matière de
politique étrangère qui sont à mettre en cause - ni les hommes qui font ces choix -
que l'incapacité de ses choix à réussir, dans un contexte d'instabilité permanente.
Maurras soutient ainsi que si l'alliance franco-allemande, destinée à affaiblir dans un
prem.ier temps l'Angleterre, aurait pu être une bonne politique pour la France, celle-ci
devait échouer faute de continuité.
"Le système Hanotaux normalement pratiqué et continué n'eût pas été surpris par
la guerre sud-africaine : l'heure de l'action, d'une action qui pouvait réussir, eût sonné
immanquablement quand les forces anglaises furent immobilisées par le petit peuple
des Boers. La Russie et la France pouvaient alors tout entreprendre contre l'Angleterre
avec la coopération militaire et navale de l'Allemagne, celle-ci essayant d'entraîner ou
de neutraliser l'Italie. L'alliance franco-allemande pouvait être le détour pour obtenir
ou arracher la suprême restitution." ; "Une monarchie aurait pu réussir ce détour. La
Monarchie peut feindre d'ajourner ses meilleurs desseins pour les réaliser en leur
temps. La Monarchie française, dont la tradition fut toujours de chem.iner du côté de
l'Est, aurait pu conclure une alliance provisoire avec l'Allemagne et se réserver l'avenir.
Le plus national des gouvernements aurait pu gouverner d'une manière utile et même
glorieuse en faisant une violence passagère au sentiment national et en formant une
liaison avec les vainqueurs de Sedan : il gouverna ainsi de 1815 à 1848, avec l'amitié
des vainqueurs de Waterloo, contre l'opinion du pays, mais dans l'intérêt du pays, sans
avoir eu à renoncer le moins du monde à l'adoucissement des traités de 1815, puisqu'il
ne cessa de s'en occuper et qu'il était à la veille d'en obtenir de considérables quand les
journées de Juillet vinrent tout annuler par la Révolution."
On touche là au plus profond de la pensée "réaliste" d'un Maurras enfant de la
lignée capétienne, fils d'un Richelieu qui, cardinal catholique sut manier de l'alliance
étrangère avec le protestant contre le catholique espagnol, et avant lui d'un François 1er
qui sut rapprocher la Fille Ainée de l'Église de l'infidèle turc. Richelieu dans son
Testament politique n'eut pas renié un mot de cette phrase de Maurras: "La politique
extérieure n'est pas un sentiment, ni même national : c'est une affaire."2
Enfin, après s'être employé à montrer que la République n'apprend pas, qu'elle est
donc dans l'incapacité d'anticiper, que ses hommes sont souvent lucides mais victimes
des faiblesses même du système, Maurras s'attache aux raisons qui feraient que la
politique étrangère en République ne pourrait être menée sereinement : elle serait
sujette à une déstabilisation permanente par la politique intérieure et notamment par
les échéances électorales et par les "forces de !'Étranger".

1 C. MAURRAS. Kil!/ 1tt Tang1tr.


2/rJ~m .
70
l'urlir J. Ll11r l1i~1u;rr. des idées géopnlltll(Utt

On sait que l'Action français<' ne cessa de s'emnlo A dé .


d ' l'Ét " l . . · ' yer " 1a nondatron des "forces
e ranger c ans la pohtrque français.,, L'historien Jac<iues Bainv'illel l. 11
A L' 1 " ' .
ll' o:me conh•1en e parti de !'Etranger" qu'il fut bourguignon espagnol BOU 1gna u -
b'
anglais avait pesé dans le destin françilis . . ' 'ou ien encore
. "Le gouvernenwnt qui fait vaciller à son gré, je ne dis pas nos armements, mai• la
simple Vt•lléitl' de nous armer. ce gouvernement n'est pas celui de la France. Aucun roi
ne règ1w sur nous à Paris, mais cl'la n'empèche pas qu'on est gouverné par un roi et
que la République affranchie <fo nos C1péticns est en fait, la sujette docile du
Ho/ic,,zollcm. Sous la main de l't•mpereur-roi, notre f~épublique ressemble aux ludion1
qui montent ou descendent dans le bocal selon les coups de pouce imprimés par le
caprice du physkiL•n sur la n1t•n1brane supéricurc". 2
La République t'St également sujelt<' aux rivalités de partis et caractérisée par "•a
nécessité de faire prévaloir lt•s conditions vitales des partis sur les conditions vitales de
la patrie"; d'où un "Etat où chaque intérèt particulier possède ses représentants attitrés,
vivants, militants, mais où l'intérêt gé néral et central / . .. ] n'est pas représenté ( ... J
1
11 existant qu'ù l'état de fiction verbale."
Une autre faibll•sse du régime démocratique dans la menée d'une politique
étrangère continue, tiendrait selon Maurras à la faiblesse offerte à l'adversité lors des
transitions é lectorales : "De par le texte des lois constitutionnelles, un moment critique
approchait. Au plus fort de ces dures crises orientales, que l'Italie avait si savamment
tirées de la Tripolitaine, on devait nous élire un nouveau président. Il aurait mieux
valu l'élire à un autre moment. En monarchie, le mauvais hasard ou le crime peut seul
créer les conditions de cette malignité. En République, la concordance pernicieuse naît
de la loi écrite. La date, parfaitement connue à l'avance, . de nos déménagements et
transferts de pouvoir fournit une indication précieuse à !'Etranger, dont elle autorise,
provoque et facilite les entreprises - comme il est déjà arrivé à la veille de l'élection
Fallières en 1905"3. L'analyse de la politique américaine au Proche-Orient et du jeu
israélien relativement au calendrier électoral américain donnerait aujourd'hui tout son
relief à l'actualité de ces mots. Bien évidemment les calendriers électoraux américains
n'expliquent pas la politique américaine - sans quoi nous ne ferions pas de
géopolitique - mais ils ponctuent celle-ci de moments particulièrement dramatiques
et peuvent être utilisés par les acteurs du Proche-Orient dans leur propre jeu politique.
Le drame est donc selon Maurras que la politique étrangère serait sujette à l'opinion
lors même que le gouvernement devrait pouvoir manœuvrer si besoin était contre
l'opinion.
"Ainsi, dès son premier effort systématique, la diplomatie nouvelle se trouva
induite à prendre conscience de son incompatibilité de fait avec le gouvernement de la
France, lequel était un autre fait. 'Manœuvrons temporairement avec l'Allemagne',
d.1sall .par ~xe~ple une certaine idée de l'intérêt national. 'Manœuvrons en secret'
a1outa1ent l expenence technique et le sens de nos susceptibilités françaises.
'Mais' interrompait alors la sagesse politique, 'si vous manœuvrez en secret contre
le cœu'. et la pensée de la nation pour vous entendre avec ces Prussiens qu'elle traite en
e~em1s mortels, vous serez sans soutien aux premières difficultés qui feront
necessa1rement un éclat dans ce public dont vous dépendez."4

1 J. BA/NVJLLE, llùwm,. de Frmrœ.

2 C MAURRAS, Kiel el fo17xer.


Jldt"m
Chapitre 3 . Equilibrer les ~mpirt:"s : ll-çon de géopolitiqu(" fr<1inçaisc 71

"L'action de Gabriel Hanotaux pouvait bien être patriote dans son intention et dans
son objet : dans sa formule expresse, qui eOt immanquablement révolté le sentiment
national, elle ne pouvait lui être soumise en aucun langage explicite." 1
"Hanotaux ne fut pas le seul à éprouver celte contradiction : lorsque plus tard
M. Delcassé s'engagea dans une manœuvre plus conforme au sentiment national mais
qui était contraire au sentiment de son parti, les mêmes renaissantes nécessités
l'obligèrent à renouveler les procédés du gouvernement personnel, à renier le principe
républicain, à ne tenir aucun compte de l'opinion républicaine."2
Les rois de France allèrent contre l'opinion française majoritairement catholique
lorsqu'ils cherchèrent, aux xv1c et XVII'' siècles, l'alliance avec !'Ottoman et le
Protestant, au XVlllc siècle, l'alliance avec )'Autrichien - car le peuple avait appris
durant des siècles à haïr !'Autrichien - contre l'Angleterre.
Ce phénomène de pesanteur de l'opinion dans la politique étrangère est observé
par Maurras dans le retournement des instituteurs de la me République. Jean Tharaud
a fait un jour la remarque "Il a suffi d'une dizaine d'années pour transformer
radicalement la mentalité de nos maîtres d 'école. De 1870 à 1895 environ, ils ont formé
le groupe patriote peut-être de la nation. On leur avait tant répété, dans leurs écoles
normales, que c'était le maître d'école allemand qui avait vaincu en 1870, qu'ils s'étaient
habitués à se considérer comme les préparateurs, les organisateurs de la revanche
prochaine. Dix ans, vingt ans passèrent ; peu à peu, la guerre cessa d'apparaître comme
possible, comme désirable." Les instituteurs souffraient de la situation subalterne que
leur faisait la société. "Dégoûtés de prêcher la revanche, profondément humiliés et
mécontents, ils étaient tout préparés à recevoir la foi socialiste. C'est vers 1895 que le
mouvement de propagation révolutionnaire commença d'être conduit, parrn.i eux, avec
un peu de vigueur."3
1895 apparaît donc comme une année fatale pour l'opinion publique et
l'attachement de celle-ci à la politique nationale. C'est en 1895 que la Russie et la France
s'étaient unies à l'Allemagne dans un contexte où les Français avaient été dressés
durant des années à la Grande Idée, la Revanche .
Du point de vue géopolitique, l'ouvrage de Maurras reste pertinent. Il manie les
constantes géographiques et souligne le besoin de continuité de toute politique
étrangère fondée sur la prise en compte de ces constantes ; il rappelle l'importance
d 'une Marine française forte dans le rôle mondial de la France4. Fidèle au réalisme
capétien, Maurras fut sans le savoir (il aurait récusé le terme de géopolitique trop
allemand à l'époque), un grand géopoliticien français comme le fut avec lui Jacques
Bairiville.

2. La frontière modelée par l'homme

"Il y a plus d'un demi-siècle que le géographe français Jacques Ance! - 1879-
1943 - a construit, à propos de la 'matière' balkanique et centre-européenne, ce qui
reste le modèle le plus intelligent, le plus sensible et le plus élaboré d 'une 'géographie
des nations'; s'attachant, dans cette complexe mosaïque humaine, à reconnaître les
lignes de force indiquées par la nature et les combinaisons de genres de vie réalisées

l /htJ.
2 !hicl.
J Ibid.
4 Manne condi11on de l'indépendance n111tion11lc el du ruyonncmcnl de la Fmncc dnns le momJc .
72
Parli~ 1. Une histo;re de8 idirs s~opoUti'f'la

dans les territoires des nouveaux États; en prélude à


entités spirituelles qui pouvaient 1 la perception de la vigueur des
. es cimenter ou d
opposaient."!. C'est en ces termes él . es antagonismes qui •'y
"b · og1eux que le géogra h X .
con t n ue à la redécouverte en France d J p e av1er de Planhol
Géo ra h , . . ' e acques Ancel.
dév Io g P
' d e et speciahste
l' de 1 Europe orientale et balk ·
amque, ]acques Ance) a
e _p pe urant entre-deux-guerres, des analyses géopolitiques opposées à celle des
Geopoliflkcr allemands auxquels il reprochait un militantisme pangermaniste, Ses
~incipaux o~vrages_ sont Peuplc_s et nations des Balkans - 1926 - , Géopolitiq~
19~6 - , Gwgrnplue des Jrontieres - 1938 - , Manuel géographique de politique
europeenne - 1936-1945, œuvre monumentale en 3 tomes. Enfin, dans Slaves et Germains
--1 :45 -, Ance! met en application les théories qu'il a développées dans ses ouvrages
generaux.

2.L Les conceptions de la frontière

Le géopoliticien français s'est intéressé en particulier à la question des frontières et


au conditionnement géographique de la formation des nations et du sentiment
national. Pour Ance), la géopolitique est avant tout observation et analyse des relations
entre les sociétés humaines et les territoires sur lesquels elles vivent et se développent
Dans sa Géopolitique - 1936 -, Jacques Ance! engage une réflexion poussée sur le
concept de frontière qu'il poursuit deux ans plus tard dans sa Géog raphie des frontières
- 19382. La frontière, soutient le géopoliticien français, se fonde sur deux conceptions
radicalement différentes3 ; ou bien c'est le sol qui impose des limites : l'État habité par
un peuplement humain est arrêté par des obstacles physique s, et c'est alors la nature
qui crée la frontière ; ou bien ce sont deux groupes humains qui parviennent 4
à un
équilibre : la frontière se modèle donc sur ce "qui s'agite en deçà et au delà" , et elle est
déterminée par l'homme et non par la nature. Penchant plutôt vers la géographie
humaine, Ancel affirme sa préférence pour la seconde conception. Il appuie alors son
propos en étudiant les obstacles naturels, et s'attache à démontrer, à l'aide de
nombreux contre-exemples, que les obstacles naturels ne constituent pas
nécessairement des frontières naturelles :
- la mer que l'on érige souvent au rang de frontière-type, aurait contribué à
rapprocher, plutôt qu'à séparer ; il en serait ainsi de la mer Égée, la Grèce antique
s'articulant autant sur l'Asie mineure que sur la Grèce propre.
- La montagne ne serait pas plus une frontière naturelle : les Carpates, l'Oural
!'Himalaya même, dont le versant Sud serait plus chinois qu'indien, ou encore !'Aurès'
réduit de résistance mais jamais frontière, ne seraient que des obstacles ; ils ne seraien;
pas des frontières naturelles.

1 X . de PLANHOL, Les nations du Prophere. Paris. Fayard. 1986, p. 32.


~ Toujours d_'après Xavier de Planhol, cer1e œuvre qui fui "insolemment répudiêe en particulier par les élucubrations scudo-
mar«51os q"' nons'.a,.nt on franco dans los anneos 1970, domou<e indiscutable et incontournable dans son propos comm ~
mcthodc
idem. p. .32Les
. progres de la gêographic au coun des. dcm1crcs
·· . . penneuent cependant de les c ompléter cl de les caffiner.".
dccennics sa

::.:,:.:~p:,:ir~=1o~~J::~= ~::::,;::~ ,::~:~s~: '::::7::q~::•::::i ::~:i•::: :h:~:: ~:;~;:~.::~:.:.:


En revanche, en 1970 Yves LACOSTE é 0 0

de
ner. c gcograp e est sans doute le principal rcs bl d I' · h
France, cor souciowt do monopoliser Io champ d'invcSligation do conc matiè "J ""."'" .c c cc e< de la geopolitiquc en
r11SOMtmcnl. re, 1 ne 5 appltqua pas à en définir les outils dt

3 M . FOUCHER., Fronts e1fron1ièreJ, "n rourdu monde géopo/uique , Paris, Fayard, f98S réêd 9
4 J ANCEL. Gé<Jgraphic des /rontiereJ', 3t ~d., GaUimard· Paris' 1938 · coll · "G eograp
. h 1e
. • . 1 94.
humain~" .
Chapih"e 3. Équilibrer les empires : le.;on de gcopolitique françai~e 73

- Les fleuves ne seraient pas forcément des frontières naturelles. Le Rhin par
exemple n'est, pour Ance!, ni une barrière ni une fronti~re de civilisation, puisque de
part et d'autre des deux rives, s'étend une civilisation rhénane. Le Danube, sauf en de
petits points déterminés ne constituerait jamais une frontière.
- li n'est guère que les vides d'humanité - déserts, marais, forêt - auxquels l'on
pourrait concéder une fonction de frontière naturelle.
En fait, pour Jacques Ancel, les vraies frontières naturelles sont le produit de faits
humains, comme la dissemblance linguistique par exemple; ce sont en effet les
relations humaines qui détermineraient, par contrastes, par affinités, les liens les plus
solides. Ainsi, à l'image de Lucien Febvre qui écrivait que le cadre importe moins que
le cœur, Jacques Ancel fait de la géopolitique française une géopolitique humanisée,
éloignée des excès de scientificité allemands.

2.2. Humanisme contre déterminisme


Ance] illustre de manière emblématique la différence qui oppose les Geopolitiker
allemands aux géopoliticiens français, souvent plus proches de la géographie politique
- et humaine - que de la géopolitique proprement dite. La controverse entre les deux
écoles est illustrée par les échanges de correspondance entre Karl Haushofer, chantre
d'une nation allemande qui se définit moins par le vouloir vivre ensemble que par des
critères ethniques, et Jacques Ancel, soucieux de défendre une conception de la nation
proche de celle de Renan. li est d'ailleurs très intéressant de rapprocher ces débats de
l'entre-deux-guerres du célèbre échange de correspondance entre Renan et Strauss
durant la guerre franco-prussienne de 1870-1871.
En voulant développer la géopolitique française, Jacques Ance! avait pressenti que
l'œuvre de Ratzel poursuivie par Haushofer, portait en elle les germes d'un double
excès : en cédant trop systématiquement au déterminisme physique, et en épousant les
vues pan-germanistes, elle ne pouvait qu'encourager l'épanchement agressif de
l'impérialisme allemand.

2.3. Comment la géopolitique fut évincée


de l'enseignement en France
Résistant, Jacques Ance! meurt pour la France en 1943. Avec lui disparaît l'ambition
de voir se développer en France l'enseignement de la géopolitique.
À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, le contexte bipolaire de la Guerre froide
propice à l'approche idéologique des Relations internationales, la volonté de
reconstruire l'Europe sur la base de l'amitié franco-allemande, et surtout la conscience
des méfaits de la géopolitique allemande, exigent que la géopolitique soit évincée. C'est
donc à la Sorbonne, en 1950, au cours d'une réunion rassemblant historiens et
géographes français et allemands, que la disparition de la géopolitique de
l'enseignement universitaire est décidée.
74

3 · L a geopo
- 1·1t1que
· française
contre l'impérialisme allemand
La, France
d' de la fin du XIX<' siècle et du premr'e r quar t d u XX e siècle
· est préoccupée
par 1~n 1guement de la puissance allemande. Les préoccupations géopolitiques
françaises se portent sur la manière de maintenir un Empire austro-hongrois puissant
co~tre la montée du pangermanisme, ou bien sur la manière de développer une
alliance franco-russe pour prendre le nationalisme allemand à revers. Après la
Prennère Guerre mondiale et au moment du Traité de Versailles, Mackinder,
géopoliticien anglais, comme Foch, militaire français, prônent l'idée d'un cordon
sanitaire autour de l'Allemagne. L'historien Jacques Bainville rappelle la fonction de
contrepoids de la Russie pour la France : "Depuis qu'il y a une Russie, l'alliance franco-
russe a été tentée et nouée dix fois, tant elle paraissait naturelle à notre besoin de
contrepoids oriental, tant la Russie nous paraissait créée pour répondre à ce besoin."!

3.1. L'essor d'une géopolitique patriotique et républicaine

Paul Vidal de la Blache - 1845-1918 -, historien de formation a signé ce que l'on


peut considérer comme le premier ouvrage de géopolitique en France, La France de l'Est
- 1917. Fondateur de !'École française de géographie, et renommé pour son Tableau de
la géograpltie2 - 1903 -, Paul Vidal de la Blache inscrit sa_ré~exion dans un contexte de
guerre avec l'Allemagne. Ainsi La France de 1' Est peu~-'.l ~tre cons1d_é:é, de m~ère
0
symétrique aux écrits de Haushofer marqués par l hmruhat10n du Traite de Versailles,
comme un ouvrage patriotique dont la finalité est de justifier l'appartenance de l'Alsace
et de la Lorraine à la France. Sa réflexion géopolitique n'est cependant pas française
parce qu'uniquement attachée à des buts français, mais aussi parce que fortement
imprégnée d'un esprit français qui tente de définir une géographie aux contours
humains et éloignée des seuls déterminismes physiques . L'être géographique ne peut
être réduit, chez Vidal de la Blache, au seul produit de la nature ; s'ajoute en effet aux
détennirùsmes de celle-ci, l'activité de l'homme qui multiplie les possibilités
géopolitiquesl.
Lucien Febvre4 pouvait alors parler de possibilisme dans la géographie de Vidal de
la Blache. L'espace y est en effet chargé de potentialités diverses, et l'action humaine a
pour but de révéler certaines de ces potentialités. Jacques Ance!, dans la lignée de Vidal
de la Blache, développera cette idée contraire à la fatalité ratzélienne, en soulignant
qu'un même élément naturel - fleuve, mer - peut être, suivant les situations, un
obstacle imperméable à la fluidité des passages humains ou, au contraire, un lieu
d'échanges. Alors que la géopolitique allemande de Ratzel était une géopolitique de
déterminismes, on peut parler, avec l'école fondée par Vidal de la Blache, de
géopolitique des possibles. Il y a alors place pour la volonté humaine laquelle, à travers
l'expression du vouloir-vivre en commun, incarne si bien l'idée de la France de la
III• République.

1 l BAINVILLE, Les consiquenu.r puliliques de la pafr, Paris, Fayilrd, 1920, rcCd. Nouvelle Librairie Nationale, 1995.

2 Oui fair partie ftomC" 1) del• monumcn1ale hislom: de Fr.1ncc de Emesl LA VISSE .
. J Principales <ru\lfes dC' Paul VJDAL D!: LA BLACHE : "Lo géographie poli1ique". in Annal~s de giographit!, 1898 (i pro~
~es ~nlS dC' ~alzcJ) ; "Tableau de la gfographie de la France" m Ernest LAVISSE, Hbuo;re de Fram·e. Pa.ris, Hachene, 1903. t. l .;
L IS/<JIT~ el g~ogropl11r otla.r gent!rul. 190.S ; La Frant'e dl! l'füï. lnrroim:~ Vo.tges, Al.'ôace, 1919 ; Principes dt! géognJPlt~
"IJ'Mine, 1922.

4 1. FEBVRE. La Terre el l'Êro/11tion humaine, Paris. 1922.


Chapitre 3. Equilibrer les empires : leçon de géopolitique françai~e 75

Mais la géopolitique de Vidal de la Blache illustre également une autre tradition


issue de la géographie française : la propension à la micro-géographie, la tendance à
définir des unités minimales géographiques, la région, le pays - une petite patrie aux
horizons multiformes, où Je paysage monotone encadre en tous ses recoins des œuvres
humaines similaires - , sortes de cellules de civilisation, que Vidal de la Blache appelle
les "genres de vie". Cette tendance "atomistique" tend à surestimer la réalité
géopolitique des régions au détriment des nations et des espaces plus vastes - ces
derniers intéressant au contraire les Gcopolitikcr allemands. Il est frappant de constater
que, tandis que les écoles de géopolitique allemande et américaine soulignent l'essor
des panismes voués à étirer l'espace - conception continentale, voire impériale-, les
géographes français de la première moitié du xxc siècle, quoique républicains,
construisent une géopolitique des féodalités .

3.2. André Chéradame face au pangermanisme


André Chéradame, professeur à )'École Libre des Sciences Politiques, traça dans ses
écrits' les grandes lignes d'une géopolitique française destinée à faire barrage aux
ambitions allemandes en Europe centrale lesquelles s'appuieraient sur le mouvement
des nationalités de l'Empire austro-hongrois. Dans L'Allemagne, la France et la question
d'A11triclie, 1902, André Chéradame souligne les risques pour la France d'un
démembrement de l'Autriche-Hongrie par l'Allemagne. L'Empire austro-hongrois
apparait en effet au géopoliticien français comme capable de barrer la route au
pangermanisme 2 . Souhaitant le maintien d'une Autriche unie dans laquelle les
nationalités non-germaniques disposeraient d'un poids plus important, Chéradarne
propose une alliance entre la France, la Russie et l'Angleterre.
Les leçons d'André Chéradame furent-elles écoutées comme le croit Karl
Haushofer? Toujours est-il qu'un peu plus tard !'Entente Cordiale puis la Triple
Entente se mirent en place.
Également journaliste, André Chéradame mène des campagnes de presse
virulentes en France contre les projets d'emprunt hongrois de 1909 et austro-hongrois
de 1911, campagnes qui feront reculer le Ministre des Affaires Étrangères français 3 de
l'époque : celui-ci, en effet, ne semblait pas voir le danger d'emprunts qui auraient
servis à renforcer les armements de l'Autriche-Hongrie à la veille de la Première
Guerre mondiale4.

1 A. CHÈRADAME. l'Allemugnc:. lu Ft"un,·e el lu que.-.1ion û'Aulrkhe, Paris, 1902 ; Le plan pungermunislt! J~nta.squt!. le
rl!duuwble p1i-ge de lu partie nulle:. Paris, J 916 ; lire êgalemcm à propo~ tl' AndrC ChêroJam-= c-.: que K. Haushofer êcrit en 193 1. d .
ltaduc:llon françaist: '. 01! lu gt!o1wlilltjUI!, raris , Fayard. 1986.
2 "Afin de maintenir la pai.11., je préconisais l'évolu1ion interne lie l"Autrichc~Hongrii: dons un sens félléral d libi!rnl qui c:Ùl
pemus de donner a st:s populations slaves cl la1incs des droits proponionnels à leur nombre. L'Empire des Habsbowg se fut :unst
modernisé sans que ses frontîf:res fussent louchées. Dans ces conditions, 14 mort de François Joseph n'cûl pas nécessairement
dêunmné la d1sloca1ion de son Empire c:1 par conséquen1 l'intervention aUcmande qui, comme on le croyait génerolemc:nt, d.evait en
êU"c la conséquence", A. CHÉRAOAME, La dt:/ ûu monde et lu vic.:lulre. New York. Ed. de la Maison Française. 1942. p . 96. Le
proJCI de Chéradamc renconua â droile l'opposi1ion dt: milicUA ca1hoh4ues hostiles awi. Sla ... cs orthodo:tes el souc1cWL avanl 1out de
m.a..iotenir J'influence de Rome dans la région .
3 Le fameWL M . Pîchoo qui avait écru. â trob mois de J'êchuement de la gue~. que la paix eum bien inslallee. Voir notre
citation en exer&ue de l'ouvrage.
4 "Si dans les années qui préctdCrent ces guerres. c'esH~ ~ d1re de 1909 t 1911. l'Auuiche-Hongne avai1 ob1enu les moyens de
n:a..li5er pour un rrulliard el demi d'armemenlS, qui pou1'"1'Bit assurer que les guerres balkaniques de 1912 cl de 191) auraîcnl lown,.
comme eUe& l'oal fait., il la confusion de Vienne et de BeThn ?" écril André Chéadame dans La Clef du Monde et la Viclolre, New
Yorlt., Ê.d. de la Maimn Fn.nça.ise, ouvrage de résistance paru en 1942 awi Etats-Unis et destin'• convaincre les Am~ricaias de
&'engager contre le plan de domiruuion mondiale du pangermanisme sans plus tarder.
76 p",.tir 1. llnt• /Ji~lnîrr dt'~ idf.e!f; gt!opoliriqu~s

En 1942, André Chérndame est aux États-Unis. JI publie un ultime avertissement


contre l~ pt1ngern1nnislne destiné à convaincre les Américains de s'engager dans la
guerre. Sun ouvrage résume l'ensemble des thèses qu'il défendit en France, à la veille
d<> la Premil'rc Gut•rre mondiale puis entre les deux guerres, mais qui ne suffirent pas à
convaincre la majorité des hommes politiques du danger. Les principales idées
soutenues par Chéradame sont les suivantes :
• depuis 1895, l'Etat major allemand a bâti un plan de domination de l'Europe puis
du monde dont les étapes sont connues 1 ; Hitler n 'a pas inventé le pangermanisme; il
entre dans !'Histoire allemande comme le produit de celui-ci. Par conséquent, il était
possible de se prémunir très télt du nazisme.
• L'Europe centrale et les Balkans sont la clé du monde. L'expédition de Salonique
engagée en 1915 et qui déboucha sur les victoires des armées d'Orient de septembre et
octobre 191R fut le principal événement de la guerre qui détermina l'Allemagne à
demander l'a rmistice. L'erreur du gouvernement de Clemenceau fut alors d'accepter de
signer cet armistice au lieu de laisser le général Franchet d'Espérey remonter jusqu'en
Allemagne - par la Bavière - comme il le demanda lui-même 2 .
L'épisode de Salonique démontra en tout cas que la domination allemande était
mise en échec lorsque l'Allemagne était privée de "la clef du monde" .
• La victoire résulte d'une diffé rence positive dans "les comptes de la guerre, en
hommes, en argent, en territoires". En 1916, en publiant Le plnn pn11gem1aniste démasqué.
Le redo11tnblc piège berli11ois de ln pnrtie 11111/e, André Chéradame soutient que la victoire
des Alliées en 1918 ne fut que virtuelle. La Première Guerre m o ndiale ne fut donc
qu' une "partie nulle" qui laissait la porte ouverte à un retour rapid e de la puissance
allemande: "La France a perdu plus d'hommes que l'Allemagne, proportionnellement
à la population respective des deux pays. En outre, environ deux millions de civils
français ont subi le joug allemand pendant quatre ans. La santé d'un grand nombre
d 'entre eux a été ruinée par leurs dures épreuves. Le taux des naissances françaises est
inférieur d'environ un tiers à celui de l'Allemagne; l'Allemagne réparera donc ses
pertes en hommes beaucoup plus vite que la France. Cet état des populations
respectives suffirait à rendre impossible une victoire réelle et définitive de la France, si
les conditions de paix que les alliés imposeront à l'Allemagne ne déterminent pas une
reconstruction de l'Europe telle que l'Allemagne ne puisse plus profiter de sa
supériorité numérique pour écraser la France. En outre, au moment de l'armistice, la
France se trouve, au point de vue économique, en état d'infériorité considérable par
rapport à l'Allemagne. Les plus riches parties de la France ont été dévastées; elles ne

1 Chéra.dame les publiera à de nombreuses reprises


2 "La vérilé s'1r l'expédition de Salonique et ses conséquences est encore fort mal connue . La principale ra ison en est que- ln
hommes de l'Euu-major cl le s poli1icicns lrès nombreux et fort mnucnts qui. en France, combauircnl ceuc cJtpêdnion pendant des
annêes, onl usé de toUle leur innucncc sur les joumaux pour qu'on parldl le moins possible de Salonique. Comme ils a\•aicnl étë ln
partir.ans de cc qu'on apl"'clait, alors le fronl principal, c'cst-;1-dirc le fronl fran co-ollcmond ;1 l'oucsl , ils o nt foü leur possible pour
empécherqu'on sache que la victoire de 191R c!lt, en rénlilc! , venue par le front d'Orient ( ... ) Ceci est poummt attesté par le mattdtal
Hindenburg qu i écnl le J octobre 19JM : ror sui lc de \'écroulcmcnl du front de Macédoine c-t de Io diminulit'ln de résct"·cs qui en ~I

rl!sul1Ce pour Je fronl occidcn1al .. 13 situBtion dev1c-111 Ue jour en jour rlus critique . .. Dons ces conditions. il \'GUI mieux c~r 11
lune. 1-.. ) Ces p:uolcs d'Ui ndcnburg ~1abli ssc n1 ncllcmcn1 que \'nnnistit:e du 11 noveml:irc 191 R. mslnmm..:-nt demande par les
Allcm311ds . a c1c une ..:ons~qucncc des v1c1oirc!o. en "-cr1cmhrc cl oc1uhrc l 91R, des année!! alliées d'Oncnl pnr1ics de Salonique. {.. . f
S1 au lieu <l'avoir orré1é les hn:mlités, 6 ln demunde des Allemands, les chngcnnts a lliêi; avnicnl lois.."ê li=11rs annCc-s d'Orient continuer
la pnur.;u11e c.fo l'ennemi par Budnpcst, Vienne , rruGUC , en mcnui.,'utu dm:c1cmcn1 Berlin. rar la Bohème. le front allemand, à l'ouc:s.1.
se scruu écroulé d'un hloc Lo lutte ne M: 3era11 pas h:nninée por un annisticc qui U i"'Cmtis aux Allemands , d'•bord, de tt cons1dl!ttr
comme n'o1yan1 pas é1é vaincus c1 , ensuite, de prépon:r la guerre ac1udlc. On es t donc fondé à penser que Io \'1c1oinc n.4c!lc cl
i.:amplCle qui f'OU\IOil venir par Solomquc eut vroimcnl o"suré uu monùc uuc longue pCnode de paix .", A . CHERADAME.
"chapirrc VI : Le plan Salonaquc-Eururx: ('en1r11le n cmpêchl l'A lkmognc de s'emparer de Io clef du monde. lors de la PRmi~
Ouerre mood1ulc" in l111 ·l1:f1/u mm1dl' t•t 111 i·ic/llirl!, New York. Éd . de la Moison Fnmi;ai,e, l 'M:! . p. 161 -2 10.
Chapitre 3. Ë.quilibrcr les t?nlpircs : leçon d~ gl!opoliliquc frnnçaisl.? 77

seront pas restaurées avant longtemps, même si Berlin paye toutes les dépenses
rendues indispensables par son agression. Par contre, l'Allemagne, intacte, peut
reprendre sa pleine activité dl>s la paix.
On ne veut faire réparer par l'Allemagne que les dommages directs causés par son
agression, sans tenir compte des dommages indirects infiniment plus grands que celle-
ci a déterminés. Ces dommages matériels indirects résultent des dépenses de guerre
auxquelles l'agression allemande a contraint la France. Or ces dommages indirects sont
immenses.
Les dépenses de guerre ont été beaucoup plus lourdes pour la France que pour
l'Allemagne. Un obus français fait avec du charbon anglais et de l'acier américain a été
beaucoup plus onéreux qu 'un obus allemand fabriqué avec du minerai volé au bassin
de Briey et du charbon saisi chez les Belges. Il en a été de même non seulement de
presque tous les éléments du matériel de guerre mais encore des vivres. La France a du
en importer beaucoup alors que les Allemands se sont nourris en partie avec ce qu'ils
ont saisi dans les pays envahis.
Le mot "ré parations" s'appliquant seulement aux dommages directs, il résulte des
dommages matériels indirects causés par la guerre à la France que celle-ci, au moment
de l'armistice, supporte un fardeau financier infiniment plus lourd que celui de
l'Allemagne .
L'armistice ne donne donc à la France et par conséquent aussi à ses Alliés et
associés qu'une victoire virtuelle. Si les conditions de paix ne détruisent pas la
différence qui existe dans la situation respective de la France et de l'Allemagne, quant
aux pertes en hommes et en argent, il n'y aura pas de victoire réelle de la France sur
l'Allemagne." 1
La thèse d'André Chéradame est en contradiction totale avec l'idée selon laquelle
l'émergence du nazisme trouve ses sources dans les "humiliations" du Traité de
Versailles de 1919 - les All iés auraient en quelque sorte été trop durs avec le peuple
allemand et il en aurait résulté la réaction national-socialiste. Chéradame affirme au
contraire que les Alliés se sont fait apprivoiser, cédant notamment au chantage
permanent du danger bolchévique inversement proportionnel à la puissance
allemande, chantage dont Berlin usa pour assouplir sans cesse le montant des
réparations 2 .
• Selon Chéradame, le plus grand allié du pangermanisme fut le pacifisme, tant à la
veille de la Premil>re Guerre mondiale, qu'au seuil de la Deuxième. Ce qu 'il écrit à
propos du pacifisme mérite réflexion : "Depuis un quart de siècle surtout, le monde
souffre de deux grands maux. Le pangermanisme et le pacifisme. Les deux sont des
formes de la folie . La seconde est plus dangereuse que la premil>re parce qu'elle est
moins visible. En réalité, Je plan allemand de domination universelle est manifestement
si insensé que sa réalisation aurait pu et dO être arrêtée dl>s les premil>res tentatives de
Berlin. S'il n'en a pas été ainsi, les pacifistes en sont responsables. Ils n'ont pas voulu
comprendre la signification des armements croissants de l'Allemagne et le danger de la
propagande pangermaniste. Pour n'avoir voulu ni voir, ni entendre, ni agir en temps
utile, les pacifistes sont les principaux responsables de la guerre. Ils le sont aussi de sa
prolongation. Ce sont eux qui, lors de la conférence de Stockholm, truc grossier de
l'État-major allemand, ont voulu conclure avec l'Allemagne une paix prématurée qui
eüt assuré le triomphe de Berlin. Ce sont les pacifistes encore qui voulaient une paix
séparée avec l'Autriche-Hongrie, laquelle était le point faible de la combinaison dirigée

1 A CHÊRAOAMF. , la clc/dr1 mnnd~ t:t la victnire. New Vork. l!:d. de Io Ma1~nn Frnnç11isc. 194:2, p. :223
2 La politique du "chanlagc eu bolch~vismc" pratiquée par l'Allemagne de l'cntre-<ieux~guel'T'CS pourni1t d'aîlleun; être!
rapprochée de celle du ch1ITon rouge D@iléc por les Étals-Unis. dumnl la Guerre frmJc, rtaur s'nsi;un:r de l'uhl!:ncmenl des nlliik
curn~ns de l'ouest à sa palitiquc étrangCre .
711
P1rrti1• 1. Une hitilnire des /dére Rlopolitlqun

par Berlin. Ainsi h~s ~,acifisles ont contribué longtemps à empêcher l'attaque par
Salomque. Par suite, 1effort de la guerre a été concentré sur le front ouest où lew
Allemands étaient ll•s plus forts. Les pacifistes ont, ainsi, fait sacrifier des millions
d'hommes.
Dominés par leurs lubies, les pacifistes ne peuvent voir les choses telles qu'elles
sont. Sir Edward Grey est considéré comme ayant fait son possible pour éviter la
guerre de 1914, alors qu'en réalité son attitude hésitante a incité Berlin à la déclarer.
Même une fois celle-ci déclenchée, Sir Edward Grey s'est généralement opposé à
l'action faite en temps utile. En septembre 1915, les Bulgares se préparaient
manifestement à envahir la Serbie. Les représentants de ce pays à Londres dirent à Sir
Edward Grey : "Nous allons attaquer la Bulgarie avant qu'elle ait achevée la
concentration de ses troupes. C'est l'unique moyen d'empêcher l'invasion de notre
pays." Sir Edward interdit formellement aux Serbes d'attaquer les Bulgares. Il prétendit
que ceux-ci mobilisaient pour se joindre à !'Entente !
Cette faute de jugement, incompréhensible mais certaine, a rendu possible
l'invasion de la Serbie. Elle a permis à l'Allemagne d 'effectuer sa jonction avec les
Bulgares et les Turcs. Il en a résulté une énorme prolongation de la guerre." 1
• Le projet des États-Unis d'Europe lancé officiellement en 1929 par les dirigeanbi
de l'Allemagne est, selon André Chéradame, un produit du pangermanisme. Il vise
notamment à créer suivant le principe du Zollverein un marché commun d'Europe
centrale autour de l'Allemagne2. Plusieurs sociétés créées sous l'égide de l'Allemagne
encouragent ce projet: L'Union paneuropéenne, la Fédération allemande pour les
intérêts européens, l' Union douanière européenne, la Ligue allemande pour la
civilisation. L'objectif, selon André Chéradame, est de provoquer la révision du Traité
de Versailles en re ndant caduques les nouvelles frontières de 19193 .

A posteriori, les écrits de Chéradame apparaissent comme violemment anti-


germaniques. Ils doivent pourtant, au vu des événements de l'époque, faire réfléchir,
mème si Chéradame sous-estime l' importance de l'humiliation allemande dans la
réussite du nazisme en Allemagne. On peut parfaitement concilier, en effet, le poids de
l'humiliation allemande et les conséquences terribles des réparations imposées au
peuple allemand4, à une volonté allemande de faire l'unité de l'Europe par la force.

Terminons sur ce texte d ' André Chéradame écrit en janvier 1935 - Le Français
réaliste, n°87 - :
"Les usines de guerre travaillent autant qu'il est possible en Allemagne, en Hongrie
et en Italie, parce que ces trois pays sont associés en vue d'opérations dont on peut
décomposer l'exécution probable en la déduisant des actes qui décèlent sa préparation.
1. L'Allemagne - 65 millions d'habitants -, après avoir récupéré, par un
plébiscite, sa pleine souveraineté sur le territoire de la Sarre - 1 million d'habitants -
cherchera à réaliser, au moyen d'un plébiscite analogue, l'annexion - Anschluss - de
l'Autriche - 7 millions d'habitants.

1 /J,·m, p. 236
2 DC.~ 1M97. c.Ja.ns une brochure publiée par le Doct1;ur Hasse. prêsit.lcn1 de l'Union pangcm1ilnis1e. cl inlitulëe La politiq~
allemande uni\lcrscllc, il est êct11 : "Le Zollvcn:m a supprimé les obstacles qui gênaient le commer<:c et \'inJustric ~ il est la ca~
prcmi~rc du sui.:cCs des dcm1èrcs annCcs. L'expérience a élabli que la voie était bonne . li fout donc simplement rcprend.n: l'idëe de
l'êi.:onommc List, c'cst-à-c..l1rc étendre le Zollverein à toute l'Europe centrale. Une immense ~tendue du com incnl S<:rail as.surf.: 41.1
cornmcn;c allc-~11d cl s:. puissance de rayonnement extérieur s'accroit roll tians des proportions énom1es."
l Nous renvoyons à la sci..:tion consacrée ô la politique des minorités et à lu rég1an111lisation cu.ropécnnc, dans la septième~
de 1'01.1v1111ic.

4 Dorruniquc VENNER, Le J." iCcl~ Je /<J/4, Pygmalion, 2006.


Chapiltl' 3. Êquilibrcr le~ l!'mpin•s: IL•çon de géopoliliq1w fr01nçaise 79

2. En ca5 de réussite, l'Allemagne serait portée à 73 millions d'habitant~ . Sa force


étant ainsi considérablement accrue, elle s'autori5era des deux précédents plébiscites
pour en réclamer un nouveau au sujet des 3 millions d'Allemands ex-Autrichiens qui
vivent en Tchécoslovaquie.
3. Comme la Tchécoslovaquie se refusera à une amputation de son territoire, une
action militaire serait déclenchée contre elle, par l'Allemagne, la Hongrie et peut-être,
la Pologne.
4. En même temps que cette action, l'Italie attaquerait la Yougoslavie dont le
démembrement est prévu au profit de l'Italie, du Reich étendu de l'Autriche, de la
Hongrie et de la Bulgarie.
S. Ensuite, l'Allemagne et la Pologne attaqueraient la Russie. L'objectif essentiel de
l'Allemagne est de s'emparer des États baltes et d'une partie de l'Ukraine, dont le reste
irait à la Pologne.
6. La France, privée de ses alliances de l'Europe centrale par les opérations
précédentes, s erait attaquée par l'Allemagne et l'Italie. La France perdrait ses colonies.
Nice, la Corse, la Savoie, la Tunisie passeraient à l'Italie qui, en outre exercerait une
influence prépondérante sur l'Algérie et sur le Maroc. L'Allemagne s'emparerait de
l'Alsace-Lorraine, des Flandres et des territoires stratégiques( ... ).
7. Cet étal de choses permettrait de réaliser aisément les acquisitions
pangermanistes prévues aux dépens de la Belgique, de la Hollande et du Danemark."1
Très tôt, dès 1902, l'œuvre d 'André Chéradame avait impressionné le géopoliticien
allemand Karl Haushofer. Celui-ci avait exprimé sa crainte que les politiciens français
ne mettent en application les thèses du géopoliticien français visant à jouer la carte,
contre le projet d 'union des Autrichiens avec les Allemands, d'une fédéralisation de
l'Empire austro-hongrois donnant plus de poids aux nationalités non germaniques.
Mais ses craintes furent vaines, car si la géopolitique allemande fut écoutée à Berlin,
pour le plus grand malheur des peuples européens - y compris évidemment du
peuple allemand - , la géopolitique française ne le fut pas à Paris2 •

\ Connincu de la menace imminente et de l'urgence qu'il y u à adopter une politique de fenneré à l'ég:u·d de l'Allemagne.
Chéndame décide d'écrire en j uin !935 aux 932 parlementaires rrançais en joignant à sa lenre des documenl4lions précises. À
l'êpoque, 11 a déj:i publié de nombreux livres el cs1 co nnu du public. li ne reçoit pourtant en retour qu'une \'Îngta inc d'accu.ses de
rêception pol is . Seul un député , Louis Nicolle. député du Nord, se montre aler1é ; "Ce qui l'avail .!mu dans ma lettre" écrit
Chéradame "était celle phrose : Les députês perdraient lcun circonscriplions c11r, dans le régime réservé i la France. il n'y aurail plus
de circonscriptions . En conséquence, il me demandait des renseigncmcnls s ur cc point particulièrement grave.", A. CHÊRADAME,
La clef du monde et la viclUire, New York. Ed. de la Ma.ison Française. 1942, p. 335 .
2 Chéradamc soulignait que l'une des forces de l'Allemagne fui d'o\'oir mobilisC le:i: sciences poliliques au service de ses buts ;
selon lui , les sciences politiques étaient fonnées de I• géographie, de l'cthno1nphie, de l'tconomie poli1ique. de la psycholoaie
nit1onale . Sans parler de la demi~rc des disciplines citc!es. aujourd'hui disparue - il en reste des bribes dans les enseignements de
relations in1ercuhurelles servant aux décideurs économiques - . on •ura no1é que les trois premiâes mati~res sont aujourd'hu.i ~
ron recul dans l'Universi.~ fnmçaise, et placées sous le feu d'une idéologie a.nti-réaliste. 1ou1e-puiss.an1e depuis 1945. et qui a
largement survécue à la tTansition post-So\'ic!tique.
CHAPITRE 4

LA PUISSANCE EURASIATIQUE:
LEÇON DE GÉOPOLITIQUE RUSSE

La Russie n 'a pas de tradition géopolitique comme l'Allemagne, l'Angleterre, les


États-Unis ou même la France; le communisme a combattu la notion de géopolitique,
comme nous avons pu le rappeler dans l'introduction de cet ouvrage. Mais
l'effondrement de !'U.R.S.S. et la conscience pour nombre de géographes et d'hommes
politiques russes que le destin de la Russie est le produit d'une situation géographique
d'enclavement entre l'Occident et l'Asiel ont réveillé la géopolitique russe.

1. La géopolitique interdite en Union soviétique


De Staline à la fin de !'U.R.S.S., un seul ouvrage portant véritablement sur la
géopolitique est publié à Moscou : c'est la géopolitique au service des aventures
militaires; encore est-il attaché à la critique sévère de cette discipline et de sa filiation
allemande et anglo-saxonne2.
Le Dichomwirc encyclopédique militaire paru à Moscou en 1983 et réédité en 19863,
dénonce dans la géopolitique, des "conceptions réactionnaires et anti-scientifiques sur
le déclenchement et la nature des guerres dont la thèse principale consiste à soutenir
que la cause des conflits armés n 'est pas la lutte des classes mais le facteur
géographique et l'inégalité des races"4 . La géopolitique est accusée par le communisme
de servir essentiellement à la légitimation des buts de puissance américains et
israéliens, comme si le communisme soviétique n'avait pas aussi ses propres buts de
puissance. Au déterminisme de la géographie, les communistes opposent Je
déterminisme historique du marxisme. Cela pourrait prêter à sourire si un certains
nombre de pays européens, dont la France, n'avaient été victimes, après la Seconde
Guerre mondiale, des mêmes systématismes idéologiques contraires à la réalité même
des phénomènes naturels. Aujourd'hui encore, le concept même de déterminisme
semble faire frémir une large part des intellectuels français, lors même que la sociologie
continue de reposer sur le postulat de classes sociales différenciées et de déterminismes
sociaux et politiques qui en résulteraient. Le déterminisme semble donc acceptable
lorsqu'il est social, inacceptable lorsqu'il est ethnique ou national.
En réalité les Soviétiques, et Staline le premier lorsqu'il s'attacha à brider les
nationalités par de cyniques déplacements de populations, par des créations d'enclaves
et des fabrications identitaires - linguistiques notamment - destinées à entraver le
développement des peuples, ne cessèrent jamais de faire de la géopolitique. Le

1 M . HELLER, Hi.flnire de Io Ru.u il! et de son Empire , Paris, Pion, JQ97 ; G. Sokoloff. La P11i,\',.,;nncc po11vNt, une hi.HOIN' de
la Ru.uie de IR/5 Q no..,.;aur.\-. Paris, Fayard, l 99J .

2 F. THUAL. l e dbir de rerritoire, Paris, Ellipses, 1999, pp. 177~1 Rl, "Le mentisme el Io géopctlit1quc".
3 J.C. ROMER, Géopolitique de la R1.1.rsie, Paris, Economica. 1999. coll. "Poche G~opolit1quc", p. 25 .
4 J.C. ROM ER, Geopnlitiqul! dt• la Ru.~.v ie, Paris, Economica, 1999. p. 25.
82
Pnrlic 1. Une histoire des idi~ glopo/itktutt.

soviétisme fonctionna comme une machine géop n· h ·. .


l 'E uras1e
· l ' o 1 •que attac ée à l'unification de
sous a coupe russe· à cet égard / les é l"t " · 1
d ,. . . . . ' g opo i 1c1ens ang o-saxons Tif
ecnv1rent 1ama1s autre chose que la réalité, tout en s'efforçant d 'en déduire d
stratégies salvatrices!. ""
La_constitution même de la sphère d 'influence soviétique peut être perçue comme
le fnut de la v1e11Je conception panslaviste russe qui fait de la Russie le protecteur
naturel des peuples slaves. La Russie est un impérialisme géopolitique et le
communisme fut un facteur de mobilisation d'une grande énergie au service de cet
i m péri a lis me.

2. Panslavisme et eurasisme

La Russie n'échappe pas à la règle ; ce sont souvent ceux qui croient en la nation, et
plus particulièrement en leur nation qui s'attachent au raisonnement géopolitique. Ce
qui est vrai pour l'Allemagne, l'Angleterre ou les États-Unis l'est aussi pour la Russie.
Alexandre Dougine qui appelle à une redécouverte de la spécificité slavophile de 1!11
Russie est aussi un combattant acharné d'un Occident qu'il juge corrompu et
décadent2. C'est encore le cas de Vladimir Jirinovskii dont le programme de retour de
la Russie à ses frontières impériales peut se décliner de la manière suivante ;
- réintégration de la Moldavie, de la Biélorussie, de l'Ukraine et des pays Baltes
dans la Russie, à trois exceptions près toutefois ; Tallinn et de Kaunas resteraient des
"villes-État libres"; la Pologne recouvrerait la Galicie ukrainienne autour de Lvov, ce
qui aurait pour conséquence à la fois de soulager les Russes de la pression d'un fort
indépendantisme ukrainien et d e compenser les Polonais d'un transfert de la Silésie et
de la Kachabie polonaises à l'Allemagne.
- la région de Kaliningrad-Konigsberg reviendrait à l 'Allemagne.
- la Russie déborderait même de ses frontières impériales pour se projeter plus
encore, à la fois vers l'Ouest européen et vers la Méditerranée ; Autriche, Bohême-
Moravie, Slovénie; dans l'ensemble slave, on assisterait à la formation d'une Grande
Bulgarie qui détiendrait l'ensemble de la Thrace ainsi que les trois Macédoine : bulgare,
grecque et ex-yougoslave ; quant au reste de la Yougoslavie, il se verrait partagé entre
Serbes et Croates.
Ce qui frappe dans le programme géopolitique de Jirinovskii3, est le bénéfice
important réservé à l'Allemagne, qui laisse présager dans l'esprit du nationaliste russe
la volonté d'une forte union germano-russe, que l'on sait être le cauchemar de tous les
pays à façade atlantique. La Russie regagnerait son empire, augmenté de la Slovaquie,
mais l'Allemagne quant à elle retrouverait l'ensemble des territoires revendiqués par la
Ligue pangermaniste du xrxc siècle.
Jirinovskii, . peut ,être ~angé dans le camp de ceux qui ont une conception
européenne, bien qu impériale, de la Russie ; s'il soutient la bonne entente avec les
m~sulmans d'Asie centrale, c'est pour s'assurer d'une alliance contre l'influence
chmoise dans la partie centre et est-asiatique de la Russie.
Se~ positions traduisent une représentation historique d'une Russie doublement
europeenne, .de par sa population slave - Pologne, Bohême, Serbie _ mais aussi de
par ses premières implantations varègues - populations scandinaves _, d'une Russie

1 f~ l.LOkCA, /J" lu llu~:t"/e à l'l/ R.•\'..\'. , l'JOfl-/r;JJ'. ruris, !:;Uip:u::s, 1998.


2 A . l>OUGJNE. Pri11d/H!.f Jf! géopahliq11e, Puris, l'Âgc d'Hommc, 1997.
J J.C'. ROMER , G~"Jln/;ttqut• Je'" Run·;,,., P:1ris. Economico, 1999, p. J f.J2 .
113

qui <'tendit le christianisnw jusqu'à la Sibéril' et constiluil un rempart pour l'Occident


contre la Turquie n1usuln1anc 1.
Dans lc-s anni,t".S qui suivirent l'cffondrl'n1cnt du con11nunisrnL', les occidcntalistes
- ="J'"d"iki - se firent l'ntendrt• . Ils soutinrent que lil Russie s'était tenue trop
J0ngten1ps ,i l'l"'cart des grandes ëH.-tivit(·s cultun:". llcs des sociétés de l'Europe
occidentale le droit ron1ain, l'âge dl.-.S cathédrnlcs, lél Renaissance, la Réfornu:o, le siècle
des Lun1it.'res, ou bi c:-n L'ncorc Je n1ouvcn1ent ro111antique . lis prônèrent le
rapprClchement avec l'Ouest et les États-Unis en particulier. Mais les progrcs de
l'influence êUllL"rkainc dt1ns lil p ér iphérie ex-soviétiqut-=•, le d é n1antèle1ncnt de la
YClui::osla,·ic au pn1fit de l'Allemagne el des États-Unis, provoqu è rent le retour d 'u n
sentin1cnt \·i,·en1ent anti-occidental. Les slavophiles - ~lrrz•im1o_/1f_11 - firent de nouveau
parler d 'eux et certains n1ên1 f' con1n1enci'rent (i parler d 'u n nécessaire rapproc hen1ent
a,·ec la Chine .

1 L. FEBVRE. L 'Eurnp<'. geni-.n:' d ',,,w 1.:iwli.,.orum. raris. r~rrin . 1999. Tcxlc~ de nmfércnccs dt1nnCci. rar Luç1en f-'cb..,rc c:I
tasscmbll!5 par Pcmn.
LE RETOUR DE L'ANALYSE
GÉOPOLITIQUE DANS L'ÉTUDE
DES RELATIONS INTERNATIONALES

La mise en place de la Guerre froide à la sortie de la Seconde Guerre mondiale


contribua à confondre l'idéologie et les Relations internationales 1. La lecture de celles-ci
fut dès lors rivée au clivage entre le bloc occidental et le bloc socialiste. Le "partage" du
monde de l'après-guerre entre les deux blocs maquillait, à l'intérieur même de ces
blocs, de sérieux contentieux géopolitiques. La peur de la bombe semblait geler toute
velléité de micro-conflit géopolitique.
La coexistence pacifique - 1955-19682 - est une période de recul du choc frontal
qui avait menacé d'éclater durant la Guerre froide. Les deux superpuissances
nucléaires, les États-Unis et l'Union soviétique, s'observent et s'organisent. Elles
affirment chacune leur suprématie sur leur camp - répression soviétique de
l'insurrection hongroise en 1956 et, la même année, arrêt par les États-Unis, de concert
avec l'Union soviétique, de l'opération franco-anglaise visant à reprendre le contrôle
du canal de Suez. Mis à part la contestation de la France du général de Gaulle, le bloc
occidental est parfaitement aligné derrière Washington, de même en est-il pour le bloc
socialiste derrière Moscou .
La polarisation idéologique du monde est alors symbolisée par la crise de Berlin de
1961: l'Allemagne, en contradiction avec la géopolitique, est coupée en deux par
l'idéologie. On put alors dire que l'idéologie l'emportait sur la géopolitique dans
l'analyse des Relations internationales. Très vite cependant, des failles apparurent dans
les blocs, révélant de profondes fractures géopolitiques à l'intérieur de ces derniers.
Carte 10 : La polarisation du monde durant la Guerre froide

1 E. JOUVE. Relalirm!O inlernalionale.'i, Paris. P.U.F., 1992 cl Relation.\' in":marmnalc.•J du Til"r.'î·Mmrde, Paris. Bc'l!cr-
Lemult. 1972 : J. SOPPELSA, Giopolitiq11• de 1945 à n0.<jn11,..1, Paris, Sirey. 1993; J.B. DUROSELLE, Hi.110ir. diplnmotique de
1919 Q r!OlJOUrs , 11' éd .• Paris, Dalloz. 199); P. MOREAU-DEFARGES, Relat;on,iç inrcrnarionnlt.f, Paris, Seuil, 1993 .
2 "Le rapprochement avec !'U.R.S.S. fut rendu possible par lroîs concessions majeures de lit R.F.A.. l'adhésion au 1raité de non
proliréntion nucléaire -2H novembre 1969 - ·. l'acccp1ntion <le la réalité étaliquc de la R.D A. cl la rcconnn1ssnnc1: du carac1~rc
'inviolable' - c'cst-8-d1rc non modifiable par la force - des frontières de 1945.". in M. DRA!N, ''Les a1outs slratégiqucs de
''Allemagne dans la C.E.I.", in Relations intenwrinnalt>s et stratégiquc.î, Pans. I.R.I.S., Pnntcmps 1992, n°S. p. 158.
"iJ
0

10. Lapolariaaûon du monde durant la Guerre froide


Chapilre 5. Le r~lour de l'analyse gél•politiyue dan~ l'~tude Jer; relationfi inlernationalc8 87

1. Des fis!lures dans la lecture~ id~ologique


des Relu Lions internationales

Ce sont les fissures dans les blocs idéologiques qui mettent en évidence l'existence
de déterminants géopolitiques dans les conflits.

.1.1. Les fissurns tlu1111 le camp occidental


La Franc·e n'entend pas être ".itlantiséc•"; die se retire des commandements intégrés
de 1'0.T.A.N . en 1966. De G,rnllc• parll' d ' une Europe de l'Atlantique à l'Oural. Il se rend
en U.R.S.S. , en Pok1gne, en Roumanie. li reaffirme une sorte de jeu russe traditionnel
de la France, tout c•n rejetant l'idéologie communiste. Autre dimension géopolitique
traditionnelle de la Fr.mec : la méfiance vis-à-vis de l'Angleterre. De Gaulle s'oppose à
l'entrée de celle-ci, qualifiée de "cheval de Troie" des États-Unis dans la Communauté
européenne.
À partir de 1970, l'Allemagne de l'Ouest, sans pour autant se détourner des États-
Unis, lance l'Os ll'<'iitik, une politique d 'o uverture vers le bloc de l'Est et dialogue avec
l'Allemagne de l'Es t. En 1972 est s igné le traité fondamental entre les deux Allemagne
qui rétablit des relations normales entre les deux États. Ce traité annonce ce que 1990
confirmera : la priorité de l'unification pour l'Allemagne, priorité géopolitique s'il en
est.

1.2. Les fissure s dans le camp socialiste


La déstalinisation après 1953 provoque un retour timide de la géopolitique en
Europe de l'Est.
En 1956, en Hongrie, la rébellion anti-soviétique doit ê tre matée par les chars.
Quelques années plus ta rd, en 1968, les troupes soviétiques occupent la
Tchécoslovaquie pour imposer la doctrine Brejnev sur le "socialisme à visage humain".
En 1959, c'est la rupture sino-soviétique. Chine et U.R.S.S. qui, du point de vue
géopolitique, se sont to ujours affrontées pour la domination de l'Eurasie, vont engager
une bataille pour la prise de lendership dans le Tiers Monde.
En dehors des deux camps, e n 1961, le mouvement des Non-alignés, créé à
Belgrade et regroupant vingt-cinq États, rejette la Logique bipolaire. De grands États
comme l'Inde tiennent à affirmer, derrière le discours des Non-alignés, leurs intérêts
géopolitiques.

1.3. Le retour de la géopolitique après la guerre du Vietnam


Le terme de géopolitique a commencé à réapparaître dans les médias occidentaux,
non pas durant la Guerre de Corée, ni durant la Guerre d'Indochine, lorsque l'Est et
l'Ouest s'affrontaient durement, mais seulement à partir de 1978-1979, lors du conflit
Cambodge-Vietnam.
Pour la première fois, et de manière éclatante, un litige frontalier et des droits
historiques sur un territoire l'emportaient sur la lutte du communjsme international
contre "l'impérialisme". Ce nouveau conflit démontrait qu'au sein du bloc communiste
RH

les rivalités territoriales pouvaient etre plus importantes 1• La guerre qui éclata entre les
Khmers rouges et les communistes vietnamiens pour le contrôle d'une partie d~ ~elta
du Mékong eontribua fortement il la réapparition du mot géopolitique pour designer
des antilgonisn1t:.'S benucnup n1nins idéologiques que territoriaux .

Co11texte lristoriq11e
Au Cunbodge, en avril 1975, les Khmers rouges prennent Phnom-Pehn. Le
nouveau régime est pro-chinois. Au printemps 1978, un conflit frontalier - bec du
canard - éclate entre le Cambodge et le Vietnam , Hanoi étant soutenu par Moscou. En
janvier 1979, se produit une attaque vietnamienne massive. Un mois plus tard, les
Chinois contre-attaquent en territoire vietnamien et occupent la capitale provinciale de
Laocia2.

2. La fin de la bipolarité et le "triomphe" de la


géopolitique

Entre 1977 et 1989, le système bipolaire ne cesse de se décomposer. La


normalisation entre l'Est et l'Ouest qui s'était d éveloppée autour du processus S.A.L.T.
- Strntegic Arms Limitntion Tnlks -, de !'Ostpolitik - politique de rapprochement des
deux Allemagne - et de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe -
C.S.C.E. - trouve rapidement ses limites, déterminées par l'évolution constante du
rapport des forces militaires entre les deux systèmes3 _
La fin des années 70 et le début des années BO vont être marquées par les
campagnes pacifistes lancées en Europe contre la "bombe à neutrons" et les
euromissiles. Ensuite, ce sera Je lancement d'un programme américain dont les
conséquences sur l'équilibre mondial seront considérables: la "Guerre des étoiles".

Contexte historique
•Re/niions nméricmw-russes. À Helsinki en 1969-1970 débutent les pourparlers
américano-russes pour arrêter la course aux armements. En 1978 des négociations ont
lieu pour ne pas fabriquer la bombe à neutrons. En 1981 ont lieu des négociations
portant sur les euromissiles. En 1983, Je président Reagan lance le programme "Guerre
des étoiles".
•Re/niions germano-soviétiques. En décembre 1972, Je "Traité fondamental" est signé
à Berlin-Est; l'Allemagne fédérale reconnaît l'existence juridique de la R.D.A. En
octobre 1988 a lieu la première visite du chancelier Kohl en U .R.S.S.

2.1. Aperçu des causes de l'effondrement de }'U.R.S.S.


Plusieurs facteurs déterminent l'effondrement s oviétique :
- l'échec économique ;
- le programme "Guerre des étoiles" - "Initiative de Défense stratégique", I.D.S. -
des Américains;
- l'enlisement afghan;

1 y 1.ACOSTE. Vil twmwire 1/e >:•'opo/itiqm•, raris. FhunmBrion, 1'J9J. prénmbul!! . p. 14.
2 J l:J. OUROSf.LLr::. l/istmn • d1plom1111111wcJ,, IYl'Jti "mjtmr.fi, 11~ é<l .• rams. Oalh 1z. 19'1JJ. ( lrT ~tl. 19SJ).
J J. SOPPl'.LSA. Génpo/itùftW tlt• llJ4 .i ci nm· 11mr\·, Puris. Sirey. 1992.
ChnpHre 5. Le retour dt" l'analyst..~ géopolitique dnn!' l'~tude de!" rclnttomJ lnternntlonilfcs 89

- l'émancipation des satellites d'Europe centrale et orientale.

2.1.1. L'échec économique


L'effondrement soviétique est d'abord l'échec d'un système économique et politique
fondé sur l'idéologie communiste. Planification et collectivisation ont abouti à une
faillite économique majeure. La bureaucratie a étouffé le fonctionnement de l'État . Un
pays disposant de ressources humaines et énergétiques formidables ne parvient pas à
se développer par la faute d'un système économique utopique. Une idéologie oubliant
l'épanouisse ment personnel était compromise d'emblée et condamnée à une mort
collec tive .

2.1.2 . Le programme Guerre des étoiles des Américains


Le programme Initiative de Défense stratégique lancé par Reagan en 1983 est
certainement le dern.ier point marqué par l'Ouest dans la lutte idéologique avant que la
géopolitique n e re prenne ses droits. Plus que de créer un bouclier américain
imperméable, 1'1.D.S. a pour o bjectif principal de mettre l'économie soviétique à
genoux. Reagan et ses conseillers stratégiques savent que, d'un point de vue
idéologique, pour te nir ses positions et sa crédibilité dans le monde, l'Union soviétique
doit rester dans la course militairement ; Moscou est donc contraint de suivre les États-
Unis sur la voie d es rec herches s patiales. Or, économ.iquement, les Russes sont à bout
de souffle.
Force e st de constater que le défi économique constitué par l'I.D.S. a contribué à
accélérer l'effondre ment de l'Union soviétique. De nombreux analystes des Relations
internationales pensent aujourd 'hui que !'I.D.S . fut même un gigantesque "coup de
bluff" lancé par l'administration Reagan pour mettre les Soviétiques face à la réalité de
leur échec é conomique 1•

2.1.3. L'enlisement afghan


L'enlisement de l'intervention soviétique en Afghanistan en décembre 1979
contribue également à l'e ffondrement soviétique.
Les motifs fondame ntaux de cette inte rve ntion sont géopolitiques mais deux
théories s 'opposent à ce sujet : une première théorie voit dans l'invasion la reprise par
le régime soviétique du vieux dispositif géopolitique russe mû par l'ambition d'avancer
en direction de l'océan Indien et du Golfe. En s'installant en Afghanistan, il devenait
possible pour Moscou de déstabiliser l'Iran et le Pakistan. Une seconde théorie voit
dans l'invasion soviétique une action préventive de Moscou destinée à empêcher un
dépeçage de l'Afghanistan par l'Iran et le Pakistan.
L'intervention contribue cependant à ternir un peu plus l'image de l'Union
soviétique dans le Tiers Monde. Nombreux sont les pays qui, en 1980, votent aux
Nations unies une résolution condamnant cette intervention.
Par ailleurs, les pertes humaines importantes et l'enlisement militaire face à la
rébellion afghane nourrissent un malaise profond dans la société soviétique. Un
syndrome de type guerre du Vietnam se développe en U .R.S.S .
La preuve que le problème afghan fut géopolitique avant d'être idéologique tient
dans la poursuite de la guerre civile après le retrait soviétique de 1989. L'arrivée au

1 J.C. ROM ER. Le monde en L-ri.ft> dt!pW.\" 1971, Pari s . Ellipses. 19q,7, p R7 -88 .
90 Pnrlic 1. Utte hi•loire des idées 11kpolill!fUee

pouvoir des Talibans soutenus par l'axe paki•tano-américain signifia un recul


géopolitique de la Russie en Afghanistan.
Zone d'enjeu entre la Russie et la puissance maritime anglaise au XIXe siècle,
l'Afghanistan du XXI 0 siècle reste naturellement une zone d 'enjeu entre la Russie et le
successeur de l'Angleterre dans le rôle de puissance maritime mondiale, les États-Unis.

Corrtexte l1istoriq1œ
• juillet 1973 La monarchie afghane est abattue et la république proclamée.
• Avril 1978 Un gouvernement favorable à !'U.R.S.S. se met en place.

2.1 A. L'1~mancipalio11 des salcllitcs d'Europe centrale


Avant méme que ne se produise l'effondrement soviétique, les fissures dans le bloc
de l'Est marquent la pertinence de l'annlyse géopolitique en Europe centrale et
l'essoufnement de l'analyse idéologique. En effet, nu lendemain de la Seconde Guerre
mondiale, l'imposition du modèle soviétique en Europe centrale ne se fait pas sans
oppositions: rupture yougoslave en 1948; crises de Berlin en 1953, de Budapest et de
Varsovie en 1956; intervention des forces du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie en
1968. Ces difficultés rencontrées par l'Union soviétique traduisent le tropisme
traditionnel des Hongrois et des Tchèques vers l'Allemagne, et cela au détriment des
Russes. Les Occidentaux, qui se sont mis à parler d'Europe de l'Est, sous-estiment alors
le fait que cette Europe géographiquement médinne reste marquée par la puissance
centrale allemande, qu'elle est, et reste, l'Europe centrale plus qu'une Europe de l'Est
marquée par un Est russe.
À la fin des années 1970, le sentiment national émerge de nouveau de manière
sensible à la faveur de l'affaiblissement du régime soviétique. Deux États
historiquement anti-russes sont à la pointe de ce combat : la Pologne et la Hongrie -
traditionnellement anti-slave et pro-allemande. Tant que l'Union soviétique tient en
l'état les autres pays d'Europe de l'Est, la Tchécoslovaquie, la Bulgarie et la Roumanie,
alliés géopolitiques traditionnels de la Russie, ne cherchent guère à se distinguer.
La tendance centrifuge s'accentue à partir de 1985, lorsque Gorbatchev essaie de
s'inspirer des expériences polonaise et hongroise pour sa Perestroika. En fait, dès le
début des années 1980, le phénomène d'émancipation de l'aire soviétique est largement
avancé en Europe centrale. S'il l'est moins en Europe orientale, c'est parce que celle-ci
est toujours restée traditionnellement proche des Russes, et qu 'elle n'a jamais attendu le
soviétisme pour entretenir des liens étroits avec Moscou.
Le fait que Je Mur de Berlin tombe avant que !'U.R.S.S. ne s'effondre marque Je
triomphe de la géopolitique. L'Allemagne se redresse la première, puis restaure son
influence en Europe centrale et, ce faisant, fait exploser le bloc de l'Est.
L'affaiblissement de la Russie correspond exactement au retour de l'Allemagne à la
puissance.

2.2. Le retour des conflits régionaux


Dans le Tiers Monde, au début des années 1980, émergent des conflits régionaux
qui dépassent le seul affrontement bipolaire. Alors que depuis le début de la Guerre
froide les allégeances idéologiques aux deux blocs occidental et soviétique, étaient
Chapitre 5. Le retour de l'analy~e géopolltiquE' dans l'étude de~ rclationR internationnre!J 91

prépondérantes, on voit de nouveau surgir les fractures régionales; deux exemples


sont frappants à cet égard : la révolution islamique en Iran ; la guerre Irak-Iran.

2.2.1. La révolution islamique en Iran


En 1978, la Révolution islamique en Iran se fait hors de l'allégeance à l'un ou l'autre
des deux blocs. Le régime des ayatollahs s'affirme nettement anti-américain et rejette
l'U.R.S.S . Le nationalisme iranien veut s'élever au-dessus d'une quelconque
appartenance à l'un ou l'autre des camps.
Le véritable sens de la révolution islamiste iranienne est qu'un processus
révolutionnaire, pour la première fois depuis 1945, échappe à l'influence des deux
superpuissances, tant dans sa phase initiale que dans son développement. Le facteur
religieux représente dès lors une donnée nouve lle du jeu international qui ne cessera
de se développer au Moyen-Orient, et au-delà même.
Le nouveau contexte en Iran est une donnée géopolitique majeure. Loin d 'être une
nouveauté, il sou ligne au contraire le retour de l'Iran à une volonté d'indépendance
forte, à un souci de sanctuarisation, et à un antagonisme séculaire de la Perse avec
l'Occident.

2.2.2. La guerre Iran-Irak


La guerre Iran-Irak -1980-1988 - est la conséquence d'un contentieux
géopolitique autour du Chatt el Arab 1 . Bagdad avait l'ambition d'annexer la riche
région pétrolière du Khouzistan, région irani enne peuplée d 'Arabes - et que les
Irakiens appellent Arabistan - , et de mettre un terme au soutien traditionnel de l'Iran
aux Kurdes d'Irak. Le vieil antagonisme perso-mésopotamien resurgit avec vigueur à
la faveur de la confrontation de deux régimes en recherche de puissance. Dans ce
conflit, ce sont les deux blocs soviétique et occidental qui sont instrumentalisés, et non
l'inverse. Les États-Unis, par p eu r de l'Iran, se trouvent même contraints d 'aider un
régime nationaliste arabe, ce qui est contraire à la logique de leur politique étrangère
moyen-orientale. Quant aux Soviétiques, pourtant alliés du nationalisme arabe, ils
finissent par choisir de soutenir l'Iran .

2.3. Le retour de la géopolitique en Europe


L'année 1989 peut être considérée comme "l'année géopolitique" par excellence. Le
9 novembre 1989, une brèche est ouverte dans le Mur de Berlin. À partir de ce moment,
la désagrégation du monde bipolaire s'accélère, jusqu'à la disparition de l'U.R.S.S.,
deux ans plus tard .

La fin du bloc de l'Est s'opère en deux temps :


- d'abord la fin d e "l'Europe de l'Est" et le retour de l'Europe centrale.
- ensuite l'effondrement de l'Union soviétique.

1 Le Chan e' Anib est la confluence des neuves Tiare et Euphrate ; il fait ln fronti~re en~ l'Irak ct l'lnm à l'appmchc du golfe
Anbo-pc~îque dans lequel il se jette.
92
Partie 1. Une hi!'lloire des idée!'! géopalltlque9

2.3.1. L1• rntour de la géopolitique en Europe <le l'ERt


Fort logiquement, en Europe de l'Est, ce sont les deux pays qui ont été les plus
remuants durant l'ère b1polatre qui s'émancipent en 1989. Ces deux pays sont ceux qui
regardent le plus vers l'Ouest durant l'ère bipolaire:
- c'est en Hongrie que le Rideau de fer craque d'abord, au printemps 1989, à la
frontière austro-hongroise, avant même l'Allemagne de l'Est. La chute du Mur de
Berlin est une conséquence directe du retour de la Hongrie vers l'Ouest germanique;
- en Pologne, Jaruzelski, qui a maté en 1981 les volontés de démocratisation
polonaise, engage les réformes pour sortir du communisme. Comme la Hongrie, la
Pologne n'est déjà plus communiste lorsque la chute du Mur intervient.
L'année de la chute du Mur, n e peut être dissociée de l'année 1961 qui vit sa
construction. Ce sont en effet les mêmes causes - départ massif de ressortissants est-
allemands vers l'Ouest - qui provoquent des effets inverses. La chute du Mur est la
conséquence directe de l'ouverture d e la frontière austro-hongroise. À cela s'ajoute la
pression de Gorbatchev sur un pouvoir est-allemand réticent aux réformes.
La chute du Mur entraîne les autres pays du Pacte de Varsovie sur la voie des
réformes: Bulgarie, Tchécoslovaquie, Roumanie. Fin décembre 1989 tous les pays du
Pacte de Varsovie ont renve rsé les pouvoirs en place depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale. L'U. R.5.5. de Gorbatchev, qui a poussé les pays de l'Est à la réforme, est
alors rattrapée par l'ironie de l'histoire et ne résiste pas au processus qu'elle a initié. À
la pointe du mouvement dès 1985, Moscou se trouve tout à coup en retrait. Le Pacte de
Varsovie est condamné à disparaître. Dès la fin de 1989, les Tchèques, suivis des
Hongrois, puis des Polonais, demandent leur retrait et dénoncent les traités d'arrùtié,
de coopération e t d 'assistance mutuelle.
Pour comprendre ces événements et leur importance géopolitique, il convient de
distinguer le cas de l'Europe centrale de celui de l'Europe balkanique.
• Le retour de l'Europe centrale
Toute une partie de ce que l'on appelait l'Europe de l'Est parce qu'elle regardait,
durant la bipolarité, vers l'Union soviétique se tourne désormais vers l'Ouest et, ce
faisant, vers la grande puissance centrale du continent, l'Allemagne. C'est la raison
pour laquelle on peut de nouveau parler d'Europe centrale. Très rapidement, les pays
d'Europe centrale, Hongrie, Pologne et Tchécoslovaquie - puis, à partir de 1993, la
République tchèque et la Slovaquie - s'ancrent dans un espace démocratique de type
occidental, et retrouvent leurs références historiques et culturelles qui les rattachaient
traditionnellement à leurs voisins de l'Ouest, et notamment à l'Allemagne.
• L'Europe balkanique en crise
La crise s'explique du fait de deux dimensions :
- économique: durant l'ère bipolaire, les pays d'Europe du Sud-est ou Europe
balkanique, sont restés plus proches de l'Union soviétique que ceux d'Europe centrale.
L'Albanie, la Bulgarie et la Roumanie ont tardé à mettre en œuvre les réformes
politiques et économiques. Pour ces pays, un retard important a été pris qui explique
en partie les crises postérieures à l'effondrement soviétique;
- identitaire: l'Etat de Yougoslavie regarde dans deux directions, la Croatie et la
Slovénie vers l'Ouest allemand et italien, la Serbie vers l'Est orthodoxe. Il se fissure à la
faveur du changement des rapports de force sur le continent européen à partir de 1990.
L'émergence de la Bosnie et les troubles en Albanie soulignent l'importance de
l'héritage ottoman dans la région et le choc de celui-ci avec l'héritage chrétien -
catholique et orthodoxe. Le conflit du Kosovo de 1999 peut faire penser à l'histoire de
la région en 1389, date à laquelle les Serbes sont contraints de quitter leurs terres sous
l'avance de l'islam.
Chapitœ 5 . Le rc+tour de Jlanaly!'lt.' géopolitique danN 11<-tudt! t.1c!'I rl•h1tlons inlt-?ro;.tionale~

2.3.2. Le retour de la gP.opolitiqu" dam-1 l'e!!pace rm1~e


Lorsque Gorbatchev arrive au pouvoir en 1985, il a la ferme intention de réformer le
régime en profondeur; il est en effet clair que !'U .R.S.S. est en train de perdre pied
économiquement et que le pays n'est plus à la hauteur de ses ambitions géopolitiques.
Mais la Percslroikt1 que le nouveau président russe lance profite d'abord à
l'émancipation des pays du bloc qui regardent vers l'Ouest : la Hongrie et la Pologne.
Les régimes communistes en place dans les pays d'Europe centrale son peu enclins à se
réformer car ils sont conscients que l'ouverture signifie à terme une nouvelle position
vers l'Ouest allemand auquel ils ne résisteront pas.
Dans l'espace soviétique, la Pcrl'slroika réveille aussi la géopolitique. En minant les
dogmes de l'idéologie soviétique, la Glasnost provoque le retour des nationalités. Les
velléités séparatistes s'éveillent; la crise tchétchène est annoncée.
Les Soviétiques perdent les rivages baltes : les pays Baltes, Estonie, Lituanie et
Lettonie, encouragés par l'Allemagne, ont affiché dès 1988 leur volonté d'être
indépendants. En 1990, ils proclament leur indépendance. L'Occident retrouve ses
rivages baltes. La Russie est rejetée à l'intérieur du continent eurasiatique.
Dans le Caucase et en Asie centrale, des guerres tribales éclatent dès 1989. Affaiblie
dans ces régions, la Russie peut s'attendre, à partir de 1990, à voir les États-Unis et
l'Allemagne y conforter leur influence.
L'empire soviétique n'éclate pas par sa périphérie, mais du fait des Russes eux-
mêmes. Après les Baltes, la première république à s'engager sur la voie de
l'indépendance est en effet, e n 1990, la République socialiste fédérative. Dès lors, la
Russie de Boris Eltsine affronte !'U.R.S.S. de Gorbatchev. En 1991, la Communauté des
États Indépendants vient remplacer l'Empire soviétique, moins les pays Baltes qui
jouent l'Union européenne. Le retour de la géopolitique dans l'espace russe est non
seulement marqué par le conflit en Tchétchénie mais aussi par de nombreux
séparatismes.
Il est e n fait erroné d'opposer nationalisme russe et impérialisme soviétique, dans la
mesure où d 'une part le soviétisme, nonobstant le modèle politique, s'inscrit, au plan
géopolitique au moins, dans la continuité d e l'histoire impériale russe, et où d'autre
part, le nationalisme russe se confond intimement avec l'impérialisme russe. La Russie
est en effet une nation aux contours jamais définis et marquée fondamentalement par
des dynamiques de percées territoriales non repues.

2.3.3. Le retour géopolitique de l'Allemagne


Au moins géopolitiquement, l'Allemagne est le principal bénéficiaire de
l'effondrement soviétique.
La faiblesse croissante de l'Union soviétique dans les années 1980 a pu rendre
possible la réunification de l'Allemagne. Le 3 octobre 1990, l'Allemagne est réunie et
souveraine. Ce succès pour Berlin a toutefois un prix. Les Allemands ont dù accepter
définitivement la reconnaissance des frontières de 1945 par la signature, le 14
novembre 1990, d'un traité germano-polonais sur la frontière Oder-Neisse, confirmant
ceux de 1950 et 1970, et qui entérine le recul du territoire de la Grande Allemagne -
Deutschland, la terre de tous les Allemands - de plus de 200 000 km2. Ils ont ainsi dû
accepter une autre conception de l 'État, étrangère à leur tradition, qui ne confond plus
exactement l'État allemand avec l'aire d 'extension du peuple allemand et de sa langue.
La réunification bouleverse les données géopolitiques de l'Europe et ramène au
contexte géopolitique précédant la Seconde Guerre mondiale.
94 Parlie J. Une hi•loire des idées géopolitiquto

La nouvelle Allemagne, géant de quatre-vingts millions d'habitants, reste enracinée


à l'Ouest, tournée à la fois vers l'Union européenne et !'Alliance atlantique. L'axe
rhénan est son poumon économique. Elle a recomposé son espace géopolitique
traditionnel ; alors qu'elle n'était que l'extrême Est d 'une alliance militaire, l'O.T.A.N.,
et de la construction européenne, elle est désormais le cœur de l'Europe, la puissance
centrale l'i incontournable de la grande Europe en formation .

2.4. L~ voilr. de l'idéologie


La bipolarité avait, en quelque sorte, gelé les conflits géopolitiques. Deux blocs
idéologiques relativement cohérents s'affrontaient par guerres interposées, en général
dans les pays d'un Tiers Monde que la fragilité économique et politique rendait facile à
instrument~liser. Si l'on redécouvre la géopolitique dès la guerre Cambodge-Vietnam,
l'effondrement soviétique, quant à lui, a pour conséquence de placer la géopolitique au
premier plan des Relations internationales. Désormais, l'Europe opère non seulement
un retour géopolitique dans le monde, mais elle doit aussi gérer le retour du facteur
géopolitique sur le continent, facteur qui signifie le retour des conflits historiques en
son sein.
Hier, l'affrontement idéologique entre deux superpuissances faisait oublier les
réalités géopolitiques. Aujourd'hui, une nouvelle bipolarité idéologique remplacerait
l'affrontement entre Soviétiques et Occidentaux. Il s'agirait des défenseurs du modèle
démocratique et libéral opposés à tous les autres . Là encore cette dualité souvent
reprise par les médias, tend à voiler les intérêts géopolitiques et la Realpolitik des États.
Perso!Ule - ou presque - ne se risque aujourd'hui à faire de la géopolitique "à
découvert", comme le faisaient Friedrich Ratzel ou André Chéradame; pourtant, à
partir du moment où des empires, des États, ou des principautés existent, l'analyse
géopolitique n'est-elle pas la meilleure façon de comprendre le monde? C'est ce que
nous voulons démontrer dans ce livre.
CONCLUSION

Ce bref aperçu sur les principales traditions géopolitiques met en lumière un fait
commun lié à la nature même de la discipline géopolitique : la géopolitique est à la fois
un champ de la science et un outil de l'action politique. Une théorie géopolitique est
aussi une arme géopolitique, ce qui débouche sur l'inévitable dilemme de l'œuf et de la
poule. Les Américains endiguent-ils la Russie parce qu'ils se la représentent comme
étant un '1cart/1111d potentiellement dangereux, ou bien est-ce parce que la Russie est par
essence expansionniste que la théorie du henrtland est intrinsèquement vraie?
Nous ne perdrons jamais de vue que le géopoliticien est "instrumentalisable" par la
récupération politique de ses propres théories et qu'il ne faut donc pas qu'il s'étonne,
comme Haushofer put le faire devant le dévoiement de ses travaux par Hitler, que sa
science ne se situe pas seulement en aval de la réalité historique, mais aussi en amont;
qu'elle soit une force motrice de l'histoire. La géopolitique n'est pas la stratégie, mais
elle est un outil de la stratégie. C'est en cela qu 'elle reste une science humaine.
Si nous avons choisi de placer ce panorama des écoles géopolitiques au début de
l'ouvrage et non à la fin, c'est justement pour souligner le fait que les travaux
géopolitiques ne contribuent pas seulement à expliquer l'histoire, mais qu'ils la
déterminent aussi par l'influence qu'ils peuvent exercer sur les gouvernements des
États.
C'est la raison pour laqu elle, nous pouvons appliquer sans hésitation ce qu'écrit
Joseph de Maistre à tout livre qui connaît dans la matière géopolitique un destin
médiatisé :
Cr que Sé11 èq11c" dit des ho111111es est encore plus vrai peut-être des monuments de leur esprit.
Les 1111s ont ln re11a1111111!r et ifs n<1/res la méritent. Si les livres parnissenl dans des circonstances
fnvornbles, s'ils cnrcssmt de grandes passions, s'ils ont pour eux le fanatisme prosélyte d'une secte
nombreuse et actiI>e, 011, ce q11i passe tout, la faveur d'une nation puissante, leur fortune est faite;
la réputatio11 des livres, si /'011 excepte peut-être ceux des mathématiciens, dépend bien moins de
leur mérite i11tri11sèque q<1e de ces circonstances étrangères à ln tête desquelles je pince, comme je
viens de vous le dire, ln puissance de la nation qui a produit l'auteur.1

J J. de MAlSTRE, les soirées de Sainr-Pbersbourg. 1807 in Du Pape, Les Soir~es de Saint-Pétersbourg et outres textes, Paris,
I.J . Pauvert bfüeur, 1957, p. 269.A l'époque, de Meistre faisait ellusion à la pénélration des OU\lrages du philosophe anglais Locke
qui con1ribuèren1 aux idées révolu1ionnaires sous Louis XVL Des intér~1s anglais favorisèrent cene diffusion et les livres de Locke
furent des armes politiques tournées contre la Monarchie française.
l•t l \lt \lt •. 'h11•

P E 1( \ 1 \ \ I·. \ t 1-. 1, L 1 \ t \ 1t 11·~


JNTHODUCTION

L'ÉCHELLE DE TEMPS
DE LA GÉOPOLITIQUE

Comme nous l'av ons vu e n introduction en nou s proposant de nous munir d 'une
~éfinition provisoire, la géopolitique est l'étude de la relation entre la politique des
Etats et leur géographie.
La multiplicité d es é vénements dans le monde laisse croire que les changements de
régimes po litiques détermine nt des changements profonds dans la politique intérieure
et dans la politique é trangère des États. Alors que l'étude des Relations internationales
insiste plutôt sur les événements, les crises, les ruptures, la géopolitique souligne les
dynamiques de continuité. La continuité inhérente à la science géopolitique trouve son
origine dans le caractère stable des caractéristiques géographiques.
Les politiques extérieures de nombre d 'États apparaissent souvent comme
constantes, malgré les inversions et les changements idéologiques, parce que les
gouvernements raisonnent dans un environnement géographique relativement
imperméable à la variable du temps. Les situations d'enclavement, d 'insularité
traversent les siècles, et cela m ême si les progrès humains permettent de transformer le
rapport que l'homme entretient avec la géographie.
L'étude des facteurs conservatifs nécessite préalablement de préciser l'échelle du
temps employée.
Conventionnellement, le temps long 1 est celui courant de la préhistoire à nos jours.
De -10 millions d'années à -1 million d'années avant notre ère, on situe une période de
pré-hominisation - pré-Australopithèques - allant jusqu 'à !'Homo Erectus qui est le
premier accès au monde technique, avec la première véritable culture à l'échelle
industrielle. De -1 million d'années à -100 000 ans av. J.-C. - période joignant !'Homo
Erectus à l'Homo Sapiens (Moustérien) - on assiste au développement de cultures
industrielles améliorées et de l'abstraction technique - feu . Entre
-100 000 et -10 000, entre Homo Sapien s et Homo Sapiens Sapiens, il y a développement de
la culture et des instruments conceptuels - religion, art, sépultures. À partir de -
10 000, notre planète se réchauffe - on peut considérer que l'on est très proche du
climat actuel et l'homme entre dans l'ère de la production - et non plus seulement de
la prédation - qui correspond au Néolithique.
Le temps moyen dit proto-historique2 commence aux environs de -10 000 av. J.-C. à
nos jours. Entre -10 000 et -7 000, les techniques de production se développent avec
l'agriculture et l'élevage. On retrouve dans ce livre, à travers plusieurs exemples,
l'influence de ces différences - notamment à travers l'étude de la dichotomie nomade-
sédentaire qui a un sens géopolitique. Entre -7 000 et -4 000 sont développées des

1 Celle scclicm s'inspire de l'iéchcllc é1ubllc pur BERTIN. NÊPOTE, Allu~· hi.1·1oriq11•• 1mi1•ersel, Genève, 19%, ~d Mincrvu.
2 "Scion 1.1 i.:onceplion 1r..iJi1îunncllc, on d1s1m11u11ît l ' h i~to i rc de fo préfostoirc eu cc ~uc lu première s'upphquc il <les s oci ~1ts
l.'onna1~nl l'écrllure cl Io st:condc d dc1; socitrts un1érîcures R l1écri1u rc. Or rour les p~ri od cs im"'l!Llio1cmcn1 nnl~icurcs R l'écruun:,
le divcloppcrncnl de rarchéologte cl l'oflim..:1ncnt extra-ordinaire dc!i cunnaissunccs tlUÎ en on t n!sullé, dun1 J ' nrcheologu~ loliale
- de Lauum --· offre un ma11nifiquc exemple , ont rendu nécessaire /'1ntroduc1io11 ll'un nouveau concept celui de rmuohistoin:.", m
A Grandaa1 , Lajùmlaticm de Romt!, Rilflc.xltm~ .r nr /'hi.otloire, raris , Les Belles Lcures, 191Jl
100 Partie 2. l'ermanence dt la carlt

techniques qui permettent de s'affranchir davantage des contraintes naturelles et


d'anticiper sur le temps : capacité de stockage, aménagement des terroirs - irrigation
et drainage - , domestication du cheval - l'espace solide - , développement des
marines - l'espace liquide. Dès -4 000, on voit apparaître l'écriture, la maîtrise de
l'espace et du temps humain - mémoire, capacité d'administration - , des faits de
capitalisation culturelle et économique et des techniques métalliques - stockage et
réutilisation. Autour de -1 000 se produisent des révolutions de la pensée et
l'émergence des concepts modernes, avec la notion <l'Homme, de raison, <l'Empire,
d'État.. .
On peut alors considérer que l'on entre dans le temps court et dans l'histoire
moderne. Évidemment, cette échelle est relative et un historien moderne considérera
que son champ d'étude remonte au maximum au XVI" siècle. On considérera ici que les
facteurs conservatifs étudiés s'inscrivent dans Je temps moyen et le temps court tels
que définis précédemment. La géographie du relief est généralement fixe sur wte
échelle allant du million d'années - montagne, mer - au millier d'années - fleuve,
forêt... - ; l'identité, c'est-à-dire la géographie humaine, est certes plus évolutive que
la géographie physique; elle est déterminée sur un temps moyen et court. Les
exemples abordés dans cet ouvrage peuvent autant se situer dans )'Antiquité, époque
durant laquelle de nombreuses permanences étatiques et civilisationnelles se mettent
en place, que dans les Temps modernes.
On a choisi d'aborder la quête des ressources à l'intérieur des facteurs permanents,
car la quête des éléments vitaux - et l'eau est sans doute le plus essentiel - et
énergétiques - de la guerre du feu jusqu'à celle du pétrole - est vieille comme le
monde. Certes, le contrôle du bois de la Méditerranée durant ('Antiquité présente des
caractéristiques différentes de celle du pétrole au XX" siècle, mais dans les deux cas,
des peuples cherchent à alimenter leurs logiques politiques par un contrôle des
ressources économiques fondamentales. L'exemple de l'eau est de ce point de vue très
frappant: peu de choses ont en effet changé dans les dynamiques de maîtrise de l'eau
au Moyen-Orient, des civilisations mésopotamiennes jusqu'à l'affrontement israélo-
arabe.
L'étude n'est limitée à aucun segment fini de temps car une telle délimitation aurait
fait perdre son sens à la définition de la géopolitique que l'on propose ici. L'auteur a
conscience de la mode actuelle des ouvrages d'histoire : ils sont parfois bornés dans un
intervalle de temps dérisoire - quelques années au maximum - et souvent confinés à
un espace géographique infinitésimal - village voir même, quartier de village. Ce
parti-pris nous paraît être insuffisant à la compréhension des phénomènes historiques.
Nous privilégions une approche systémique des Relations internationales et insistons
sur la continuité des dynamiques géopolitiques.
CHAPITRE

LA SITUATION GÉOGRAPHIQUE;
CENTRE ET PÉRIPHÉRIE

Le comportement régional et international des États est régi en premier lieu par
deu x données fondamentales de la géographie : la situation des États, et leur relief. Il y
a donc une dimens ion d'ordre relatif - la situation d 'un État par rapport aux autres -
et une dimension d'ordre absolu - les caractéristiques du relief de l'État considéré.
Pour bien comprendre l'aspect relatif, on regarde d'abord dans quel référentiel
géographique mondial on se trouve : il s'agit d'examiner les données fondamentales de
la géographie mondiale. Puis on aborde le raisonnement géopolitique fondé sur la
dialectique centre- périphérie - raisonnement relatif par excellence - puis le
raisonnement géopolitique fond é sur la situation géographique de l'État, lequel est
illus tré par les deux s ituations géopolitiques fondamentales : l'enclavement terrestre et
en quelque sorte son pendant symétrique, l'insularité, que l'on pourrait d'ailleurs
appeler l'enclavement maritime s'il n'é tait pas une situation favorable.
Ensuite, on entre dans la dimension d'ordre absolu: les profils topologiques
mettent en évidence l'importance du relief qui caractérise un État. On étudie alors :
- la fonction géopolitique du désert ;
- la fonction géopolitique de la forêt ou des végétations à couvert ;
- la fonction géopolitique des isthmes ;
- la fonction géopolitique des lacs;
- la fonction géopolitique de la montagne ;
- la fonction géopolitique du marais ;
- la fonction géopolitique du fleuve.
L'étude est complétée par deux sections consacrées, pour l'une à la toponymie, pour
l'autre à la climato logie.

1. Les données fondamentales de la géographie mondiale

La terre se découpe en deux hémisphères : un hémisphère Nord qui concentre les


masses de terre et un hémisphère austral avec des mers qui entourent le pôle Sud.
On a donc d'une part, une concentration continentale au Nord, d 'autre part une
absence de terre, au Sud.
Les continents de la planète s 'élargissent tous vers le Nord. Les trois quarts de la
masse continentale sont situés au-dessus de l'Équateur ; s'y trouvent presque tous les
pays de la zone tempérée.
La géographie divise le monde en cinq continents!. En géopolitique, la séparation
maritime est essentielle ; elle fonde la discontinuité des territoires. C'est pourquoi on

1 P. GEORGE, F. VERG ER . D ù:tfonna;re dt! /11 G~ngrapl1ie, 6e éd ., Paris, P.U.F., IQ96 .


102 Pnrtic 2. Pennanence de la c.m

peut considérer qu'il n'existe, du point de vue géopolitique, que trois continents:
l'Amérique, l'Afrique-Eurasie, et l'Antarctique. Seules ces trois surfaces terrestres sont
séparées entre elles par des océans et constituent des iles-continents.
La densité de puissance est concentrée sur deux de ces trois îles-continents, le Vieux
monde et le Nouveau monde.
Pour le Nouveau monde, l'Amérique est le pôle central de puissance, tandis que
l'Amérique latine constitue son débouché naturel. La mer des Caraîbes joue le rôle de
mer Méditerranée de ce continent.
Pour le Vieux monde, les centres de puissance sont multiples. En Eurasie, nous
avons l'Europe de l'Ouest, la Russie, la Chine, l'Inde. Ces centres de puissances se
"périphérisent" en Afrique et dans les archipels malais . Les mers médianes sont la mer
Méditerranée et la mer de Chine.
Les points les plus importants de la puissance mondiale sont tous situés entre le 40°
et le 60° degré Nord de latitude : Washington, Moscou, Pékin, Tokyo, Berlin, Paris. Les
clés géopolitiques du globe se trouvent donc en Amérique du Nord et en Eurasie.
Carte 11 : L'échelle de latitude de la puissance géopolitique
La pensée naît de la contradiction et de la différence, et non de l'unanimité et de
l'uniformité. Le raisonnement géopolitique se bâtit aussi sur la dualité. On voit que
l'une des dualités fondamentales de la géopolitique est la dualité terre-mer. L'autre
dualité opératoire est la dualité centre-périphérie.

2. Définition du centre et de la périphérie

On défirùt le centre d'un État comme étant la zone géographique à partir de


laquelle l'État exerce sa puissance sur l'ensemble du territoire et en direction des
voisins. Le centre politique est généralement la capitale de l'État, tandis que le centre
économique est souvent une région. Comme exemples de régions-centres, nous
trouvons le Latium en Italie, l'ile de France, le Grand Duché de Moscou, Berne en
Suisse, la partie Nord du Yémen. Une fois le centre défini, la notion de périphérie en
découle. La périphérie est défirùe, par opposition au centre, comme la zone extérieure
au centre, qui reçoit ou subit l'effort de puissance exercé par le centrel.

3. Du centre omeyyade au centre abbasside

Dans un État, qu'il s'agisse d 'un État-nation ou d'un Empire, il existe un ou


plusieurs centres de pouvoir. Le déplacement du centre révèle généralement un
changement de la géopolitique intérieure de l'État: changement d'ethnie dorrùnante,
de dynastie, de clan ...

1 À no1er que dans le domaine de la s11111égic, Clau~cwilz a défini le centre de gmvili comme ~tant "un ccn~ de puissance et
:te mouvcmcnl dont lout dépend". Il a pr~comsé de JliCÎndcr lu guerre en au1an1 c.Jc guerres que de cenfres de grovitC chez l'ennemi;
f . WJDEMANN . "Cenlre de gra..,i1é", in T . de MONTBRIAL, J. KLEIN dir., Dlt:1iunnairt! dt! .\·trat~Rie, Paris, P.U.F .. 2000, p. 77.
11. L' &:belle de latitude de l a p uissance géopolitique
104
PnrliC! 2. PumnnenC'e dt'" Cllrf#

Le passage du califat omeyyade au calif t .


déplacement de la capitale de D;:mrns à Bagd l ,a L abbasside se traduit ainsi par le
da 1 ' ' ' ac · e transfert eut des ff t ·
ns a mesure où Je centre de gravité :! . l'É · e e s rmportani.
:~dr·nitterrantéennde à la Mésopotamie' conti~=ntal~t ::i7::;;:~~~~";:r7g~~:sqa~i ~= :;0~~:iiet
ersec ion e nombreuses ro t · J · É
• t 't dé . u es commerc1a es. Ancien lat byzantin le califat
e a1 sorma1s un empire · Jd · '
d . moyen-orienta ans lequel les mfluences perses jouaient
ésormars un _rôle capital 2 . Bien évidl•mment, on se garde de limiter Je changement de
nature du califat à une différence de centre de gravité. La période des Omeyyades
-;-- 660-750 - est caractérisée par la domination d 'un Empire arabe; l'intégration a
1 empire des provinces conquises est une arabisation 3 - adoption de l'islam et
rattachement à une tribu arabe par un lien de clientèle. En revanc he, la période des
Abbassides, après 750, est plutôt caractérisée par une disparition des privilèges arabes
et par l'apparition d'un État mu s ulmiln et supra-ethnique. À partir de la deuxième
époque de cet empire, la distinction opérée entre arabophones et ethnie arabe est
maximale et la qualification ilr<lbe s 'applique presq ue exclusivement aux Bédouins•.
Carte 72: L'expùnsion dP l i.s lan1 au VJIL' siècle
1

4. D'un centre romain à un centre européen

Les empires peuvent changer d e centre, mais la nature d'un centre peut aussi
changer avec celle de l'e mpire dominant. Un exemple cité par l'historien Marc Ferro
dans sa préface à un recu ei l de conférences sur l'Europe de Lucien Febvre, est celui de
Lugdunum qui va connaître e ntre les IX• et XIV• siècles une mutation extraordinaire.
Au IXe siècle, un habitant de Lyon peut tou t aussi bien se trouver chez lui, à Carthage,
Alep ou Antioche, dans les milieux cultivés romains. Au-delà du Rhin, il entre dans un
monde qui lui est inconnu, celui d es Barbares. Cinq siècles plus tard, Je Lyonnais se
sentira chez lui au Nord, et non plus au Sud en Méditerranée, à Trèves, à Magdebourg
où il s 'exprimera en latin . Il est en revanche devenu un é tranger à Alep, cité arabisée,
ou à Ravenne, Athènes et Constantinople peuplées de schismatiquess.
On pourrait raconter la même histoire pour de nombreuses autres villes dans le
monde, dont l'histoire a é té bouleversée par les renverse ments d'orientation des
empires successifs.
Carte 82 : la Gaule carolingienne

5. La dialectique centre-périphérie
détermine la géopolitique intérieure d'un État
La notion de
. centre est fondamental e pour comprendre la construction
· · · ·
geopohtique
interne d'un Etat. François ThuaJ6 développe Je conce t d
p
1 · ti' · t
e co orusa on m eme, pour

f A. MIQUEL, l.'l:flantel .fo,:i11ili.wt;o,,. Paris, Armand Colin, 1977,


2 B LEWIS, Le.r Art1he.r dam l'lli.floire, Paris, Aubier 199] · ·
uabo-musulman abbasside 0 I" . M RODI • 'p. I0.5 . Sur Io <l11f~rence enlrr l'Élat arabe omeyyade cl l'Etml
J . . n 1raauss1 . NSON, l.esArahe:r, Paris. P.U .F., 1979, 182 p.
M. RODINSON, le.r Arul1,..r, Peri!!, P.U.f", 197Y, p. 2H .
4 Idem , p . 211.
$ M FERRO prfü . L FEDVRE 'E
6 F .THU ' c~ a . ·, L urope. gen éte cl'11ne t'i1•ili.tntion, Paris, Penin 1999 p 11.
· AL, Ledê.rir deter,itoire, Pari.•, Ellip.• es, 1999. ' ' .
Chapitre 1. Ln situntion géngrnphil)Ul? ; ccntr~ ~l· périphérie 105

illustrer l'idée selon laquelle une région l'emporte sur les autres pour construire une
nation; il prend l'exemple du développement du capitalisme dans les îles britanniques,
à partir du XVI• siècle. L'unification par l'État anglais a transformé les trois régions
périphériques celtes, l'Écosse, le pays de Galles et l'Irlande, en pré-colonies internes, du
fait de la division du travail qui assigna it à ces Celtes, sur le long terme, un statut
inférieur1 . Le réveil national de ces régions périphériques trouve son origine dans la
réaction à l'exploitation économique et à la domination sociale et politique.
D'autres exemples qui se rattachent à la dualité classique centre-périphérie peuvent
être donnés :
- en Espagne, où la Castille a traditionnellement dominé la Catalogne, le pays
Basque, l'Andalousie et la Galice2;
- dans la T chécoslovaquie de l'entre-deux-guerres, où les Tchèques avaient un
poids politique e t économique prépondérant sur les Slovaques et les RuthènesJ;
- le Royaume de Hongrie a longtemps dominé ses périphéries slaves et
roun1aines4 ;
Carte 51 : Pe upl.,s et États en Europe centrale
- l'Empire ottoman domina les régions arabes du Moyen-Orient, du XVI• au
XIX• siècJe5 ;
- l'Empire russe a traditionnellement cherché à dominer les périphérie s balte,
ukrainienne, polonaise, et ses colonies d 'Asie centrale6;
- la Chine a toujours tenté de dominer le Tibet, le Xinjiang, et la Mongolie7 ;
- la rivalité qui opposa les Habsbourg aux Bourbon durant trois cents ans illustre la
dualité centre-pé riphérie. Les rêves de domination du monde par la puissante
monarchie germano-hispanique se heurtèrent en effet à la résistance de la royauté
française. La France fut longtemps encerclée, mais ni Vienne, Madrid, Milan, ou
Bruxelles, ne purent s 'emparer de Paris qui bénéficiait d 'une situation assez centrale
sur le territoire françaisB.
Carte 83 : La France face aux Habsbourg et l'alliance avec les princes protestants et les
Turcs
Cette situation française de carre four central explique que, de François J• r à de
Gaulle, toute tentative d'unifier l'Europe contre la volonté de la France ait échoué.

1 P. VIDA L DE LA lJLACHE. L . GALLOIS d ir., GJog rnpliiL• 1mi w.:r.!iL'llL', raris, Am1ond Col in. 1927· l938. t. I :
A. DEMANGEON, Îles britanniques, 1927
2 P. VIDA L DE LA BLACHE, L . GALLO IS dir., G~11grllph h• 1111i~·~r.'\ t' lh·, Poris, Annund Colin, 1927· 19.lH, t 1 : M . SO RRE,
fapugne. Por1uguJ. Métliterrum'L', Pêninsulcs méditerranéennes, 1934 .
) H . BO G DAN , lli.wuirL• tle.î payl· de l'Est. Des origilw.t ,; 110 .\· iour.\·, Pnri s, Perrin. 1990 : P. VIDAL DE LA BLA C HE .
L GALLOIS d1r , Géogruph ie univc1 :1;el/e, P:.tris , Armond Colin, 1927· l 938 , 1. IV : E . de Mannnne, Europe ccntrDlc, 1910.
4/dem .
SR . MANTRAN dir., l/Wo irn de / 'Empin• 01tmnn11 , Poris , Fayard , 1989; J.- r . Roux, Jli.flUire d el· Turc:i; , Paris. Fayard, 1984 .
6 M . HELLER, Hiswire de lu Ru.,.\"itt el de sf>n empire, Pu.ris, Flammarion, 1997.
7 A . CHAUPRADE, F. THUAL, Dicliun11uire Je gf!opulitlque, Paris, Elliriscs, 1999 : ortich: "Chine".
K J. BAINVI L LE, llütoire dtt Frunn:, Paris, Foyard, 12c t!d ., 572 p. ( 1re éd., 1924); M . PERONNET, Le XJIF siic:lt:. 1491·
1610. Paris, Hachclle supérieur, 1992.
106 Partie 2. Permnnenc~ dt lR Cl'lt~

6. L'Iran le centre est un plateau chiite et persan,


la périphérie est une plaine sunnite

La géopolitique intérieure de l'lran 1 peut être résumée à un État central persan et


chiite, perché sur un plateau qui domine des périphéries kurdes, baloutches et
turkmènes, essentiellement sunnites, et vivant sur les plaines entourant le plateau
central. Nous étudions ici les périphéries baloutches et turkmènes, le problème kurde
étant abordé plus globalement dans le long chapitre consacré à la religion comme
facteur de la géopolitique.
Carte 53; L Asic c~ntrak~: le monde iranien
1

6.1. La périphérie haloutche


Les Balo utches sont localisés à l'extrémité Sud-est du Zagros ; ils sont très éloignés,
du point de vue culturel. des autres populatio n s iraniennes, parlant une langue
différente du farsi ; leu r s ituation géographique origine ll e serait proche de la mer
Caspienne ou du Khorassan . Des invasions turqu es m édiévales auraient poussé ces
populations au sud du Grand Kavir 2 ; elles fu s ionnè rent ensuite à la fois avec des
populations autochtones et des popula tion s arabes issues des conquêtes musulmanes_
Au XIII• siècle, Marco Polo signalait dans la région une langue que les Persans du
plateau ne comprenaient pas et qui é tai t sans doute le baloutche.
Les Baloutches sont des nomades chameliers . Leur mobilité les conduit à s'étendre
vers l'Est, au Sind, entre le XIV• et le XV• s iècle, dans le s ud du Pendjab au XV• siècle.
Au XVII" siècle, les Baloutches sont repou ssés vers l'Ouest et se s tabilisent dans la
province actuelle du Baloutchistan, au Pakistan3 . li s maintienne nt leur indépendance4,
coincés entre les Iraniens et les Moghols jusqu 'à l'arrivée des Britanniques; dans la
partie occidentale, les Balo utches tombent sous la domination théorique des Iraniens"
- deuxièm e moitié du XIX• siècle - qui devient ré e lle sou s les Pahlavis dans le
second quart du XX• siècle. Aujourd 'hui les Bal ou tc h es restent divisés entre le Pakistan
- pour leur majorité- , l'Iran du Sud-est e t l'Afghan istan du Sud-ouest6.
Sunnites et nomades, plutôt pillards que sédentaires, les Balo utches ont tout pour
s'opposer au chiisme safavide. Les relations e ntre le centre persan et la périphérie
baloutche furent donc longtemps caractérisées par de v iolents conflits. En 1850, une
garnison est enfin établie à Bampou r - principale seigneurie de la région _ et les
Baloutches doivent payer tribut. Pourtant, la véritable pacification n 'inte rvient que
sous le règne de Rezâ Châh entre 1928 et 1935 7 . La r e latio n centre-périphé rie s'améliore
à partir des années 1950, Téhéran manifestant sa v o lonté de développer la région
pauvre des Baloutches. Le rôle stratégique du Baloutchis ta n iranien augmente dans les
années 1970 à la faveur du déclin britannique dans le Golfe - indépendance des

1 X de PLANHOL, Les naltonJ Ju Pmphi•f(". Paris. Fayard, 1993 . chtt.11. V I : " L'Iran , l'hellénisme et les inva..-.ion.o;. turquc.s• n
char VII : "f.mpirc. na1ionalités ci na11on e n Iran". pp. 479_5q2 .
2 X. de PLANHOL, /.l'.,. nuliom· d11 prophi!le. Pans. fuytml . 1993, p . 548 : sur l'cthn ogénè se : 9 . Spooncr. Belutchistvi. E"K.
IR Ill. J9R9, I l : Gl'oxrapliy. H1 ...1ury and Eth11uKruphy . p . 59K-td2 .
J rlus prtcrsémcnt dans le Khanal de Kalal qui consti tue un véritable foye r politique.
'Il R. Spooncr. Balutchistan. ENC. Ill Ill , 1989. t . 1 : Geng1·aphy. Histnry ami E1lmography. p . 610 .
.S Idem, p. 611.
6 f . TM UA L, AhrPs:C ReoprJli1iq11t' dt1 Go({'", Pons, Ellipses , 1996 .
7 H. PoT..dcna. "Maknn das rOkstlnd1gs1e Gebict lnms", in Erdkut1dt", 197M, 2~. p. 52 -59; B. Spooner. Batu1chistan, 6N(' la.
m. 1989. t 1 : Crography Hu'IOry and Etlrnography, p. 59M-fl32
Chapilre 1. La !\Îtuatinn géographiqur ; nmlre et périph~rif'.' 107

Émirats arabes et d'Oman -, et du basculement de l'Afghanistan vers le communisme


pro-rus~e en 1978 qui accentue la poussée russe vers les mers chaudes!.
L'administration persane a contribué à la sédentarisation et au contrôle des Baloutches,
mais la région reste une périphérie culturellement éloignée du centre, lequel continue
de mépriser les "brigands baloutchis".

6.2. La périphérie turkmène


L'ethnie turque des Turkmènes localisée à l'extrémité Nord-Est de l'Iran, fut
historiquement considérée par les Persans habitant le plateau iranien, comme plus
dangereuse encore pour la cohésion de l'État que celle des Baloutches. Élément ultra-
conservateur de la famille turque, les Turkmènes affirmèrent durant des siècles leur
identité nomade avec une forte agressivité à l'égard de leurs voisins sédentaires2.
Sunnites, ces nomades n'hésitèrent pas, pendant longtemps, à transgresser
l'interdiction de faire de la traite d'esclaves avec d'autres musulmans; durant
des siècles, ils razzièrent les populations persanes chiites et les vendirent en esclavage
sur les marchés de Boukhara et de Samarcande. Les Russes mirent fin à leurs exactions
avec la soumission de Merv en 1884. Les steppes situées au sud de l'Atrak après la
délimitation de la frontière russo-iranienne - traité de Téhéran de 1881 - restèrent
cependant longtemps rétives à toute autorité centrale, du moins jusqu'à la pacification
sous Rezâ Châh, à partir de 1928.

7. Le phénomène de la commune en Europe

L'Orient comme l'Occident connurent tôt le phénomène de la cité. L'origine de


celle-ci repose essentiellement sur la production de surplus agricoles permettant de
nourrir une nouvelle population non créatrice de produits alimentaires - des cadres
administratifs et leurs dirigeants, des soldats, des artisans, des marchands. En
revanche, la notion de commune comme système de gouvernement de marchands, par
les marchands et pour les marchands, est propre à la civilisation d'Europe occidentale.
Ces communes se caractérisèrent, à la différence des cités orientales centres ou
périphéries d'Empire, par leur capacité à garantir à leurs habitants une liberté sociale et
politique élevée, qui instaura une compétition avec les liens féodaux 3 . Au Moyen-Âge
en effet, les sociétés européennes sont agraires et féodales, et la majorité de la
population est tenue par un lien fort l'unissant à un seigneur local. La commune jouera
face à ce lien féodal, une fonction d'affranchissement - la ville rend libre, Stadtluft
mac/it frei, dit le dicton germanique médiéval. Cette liberté fit de la ville un pôle
d'attraction et les mouvements de migration des campagnes vers la ville s'accélérèrent;
la croissance démographique des villes fut cependant longtemps limitée par une
mortalité élevée - la ville est un formidable foyer de contagion et l'insalubrité qui y
règne est plus élevée qu'à la campagne. Ce mouvement fut appuyé par les souverains
- comme en France - qui purent compter sur la puissance marchande pour affermir

1 H. POZDENA, "Makran das rilkstandigslc Gcbiet lrans", in Erdlnmde. 1978, 29. p. 12 · 15 .


2 X . dt PLANHOL, Lt's na tia ns du Proph; tc, Manuel gl!og,.aphiq11c de politique mus11/n1orre, Paris. Fayard. 1993 , p. 553 .
3 G . DUBY. R. MANDROU , Histoire de la civUisotion frarrçaife, Moycn·Âge-XY~ siêcle, Puis, Annand ('olin. 1968 ;
G . DUBY , Hi.~toire de France , dl!.t origines â /J48, Paris. Larousse. 1987.
108
Pnrfle 2 . Pr!rmanenc~ dt LA CRrle

leur pouvoir et affaiblir l'aristocratie terrienne' L


occidentale, un rôle ma1·eur dans la constructi'on · é a commune joua donc en Europe
g opolit" . '
sans doute en grande partie grâce à elle que s d •que intérieure des États; c'est
qu'ailleurs, le modèle de l'État-nation moderne Le éveloi:'pa en Occident, plus tôt
. . . a géopohttque d t d
1tmtter à la localisation des centres elle doit en . ne ot one P 311 se
' exammer la nature et la fonction
11istoriques.

8. L'islam civilisation urbaine : le rôle majeur des villes

L'islam est une religion souvent décrite comme bédouine. On se souvient des textes
de Renan à ce sujet qui décrivent l'islam comme un monothéisme produit du désert.
Cette croyance ne correspond cependant pas à la réalité. C'est en effet d'abord dans les
villes syriennes que Mahomet a fréquenté les milieux judaïsants qui l'on amené à sa
révélation2 ; la lecture des prescriptions coraniques indique nettement que celles-ci
sont "faites" pour le milieu urbain . Dans le premier is~am, tous les centres de foi sont
des villes. et comme en Occident chrétien au Moyen-Age, l'infidèle c'est le paysan, le
paganu s, le païenJ. En Islam, les Bédouins et plus tard les peuples nomades4 jouent un
rôle certes majeur dans la mesure où ils apparaissent comme les forces combattantes de
l'Islam . Mais pour autant, re ligion portée par le commerce citadin, l'islam est d'abord
une religion urbaine . Comme l'écrit Braudel, "Le rôle des tribus arabes attire l'attention
sur la façon dont l'is la m, ce tte civilisation qui se ra bientôt si raffinée, a appuyé
successivement presque toutes ses réussites s ur les forces vives de 'cultures'
batailleuses. de peuples primitifs, qu'il a à chaque fois assimilés et 'civilisés'
rapidement . "~. Ainsi, les peuples primitivement nomades finissent-ils souvent par
adopter la vie urbaine toute-puissante d e l'islam.
Carte 72: L'expansion de l'islam au Vile siècle

9. L'importance du choix de la capitale

La situation géographique de la capitale d'un pays revêt une signification


géopolitique. Pour illustrer ce fait, on donne deux exemples :
- l'Empire des Habsbourg eut à souffrir du choix de Vienne corn.me capitale6 ;
- Je glissement de la capitale turque d'Istanbul vers Ankara, sous Atatürk, permit à
la Turquie de se doter d'un centre politique mieux protégé 7 .

J J BAINVILLE. flüroire de Frcmœ, 120: Cd ., Paris, Fayard, 572 p. ( 10: Cd .. 19 24) . : E. W ~ b er, A Modern Hisrory of E 11 ,.0
Men. Cultures and Soâ~ties/rnm the Renau·.tcmcr tu thf:' Prt!.t1:11I,. Nèw Y ork . W .W . Norton , 1971 . ~.
2 M. RODINSON . Mahomet. Pa ris. Le Scull , 1975 ( J~ éd. 1961 ): M.H .H. YAYINLARI . lt! Prophète de l'islam
Ankara/Beyroulh. 1975. 2 vols. '

3 R. KALJ SKY, l 'islam, Belgique, Marabout, 1987, (première Cdilion, 1967). ; F. BRAUDEL. Grammaire des civilisnriom
Pans, Flammarion. 1993. coll . "Champs", p. MJ . '
4 Qu'il s'agisse des lribus arabes du premier siCclc, des moncagnards d'Afrique du Nord, des Berb~res . des Turco-Mo 1
nomades d'Asi~ centrale ; R. MANTRAN. L 't':rpunsimr musulmane. 111~-X~ siëde. Paris, P.U .f .. 1969. ngo s er
S F. BRAUDEL, Grammmrf! d~.<; C'i111/ü·u11oru-. Paris, Flammarion, 1993, coll. "Champs ", p . 86.
6 J.P. BLED. Hùluirf! df! Vif!nnf!, Paris, Fayard, 1998.
1 J. FREEL Y , Istanbul. The tmpf!riul dry, London . Penguin Books, 1998, (première éd . Viking 1996) · J p Rowt Hüt · ·'-
rwC".s, Paris, Fayard. 1994. ' ' ' • · • Otl't! ~
Chapitre 1. La situation ~t"oographique; cl'ntrl.! et pt-riphéric 109

9.1. Vienne, une mauvaise capitale pour l'Empire des Habsbourg?


L'un des grands problèmes géopolitiques de l'Empire des Habsbourg fut le choix de
sa capitale1 . Avant Vienne, les empereurs avaient gouverné à partir de points
cardinaux variables : Aix-la-Chapelle, Palerme, Prague, Augsbourg, Innsbruck, Graz,
Gand, Madrid. La position de Vienne, à la périphérie de l'Allemagne, laissait augurer
des replis de la Bourgogne, des Pays-Bas, de Milan et de l'Alsace, et finalement de la fin
de la suprématie de l'Empire. Vienne était située entre l'Empire et les pays danubiens;
sa province naturelle se limitait à la Moravie et à la Basse Autriche.
Face à elle, Paris dominait sans difficulté plus des deux tiers de la France, Berlin
tout le nord-est de l'Allemagne, Munich toutes les pré-Alpes au-delà des frontières de
la Bavière.
Le conflit entre la Prusse et l'Autriche était géopolitiquement favorable aux
Prussiens. Berlin dominait tout le nord-est de l'Allemagne et, en comparaison de
!'Empereur installé à Vienne, la Prusse avait de courtes distances à parcourir pour
contrôler la Saxe, la Silésie, et le nord de la Bohême. En perdant les trois millions
d'Allemands de Bohême, l'Empire d'Autriche perdit beaucoup.
La Bavière bénéficiait aussi d'une situation favorable pour s'émanciper de l'Empire
des Habsbourg, grâce à la position de sa capitale Munich dominant toutes les pré-
Alpes au-delà des frontières bavaroises.
Quant au redoutable adversaire de l'Empire des Habsbourg qu'était la France, il
pouvait compter sur la situation de sa capitale Paris, centrale et proche du Rhin, pour
affaiblir l'influence de l'Empire en Allemagne.
Il est probable que si le centre de l'Empire des Habsbourg avait été Prague, la
situation géopolitique eût été plus favorable pour les Habsbourg. Car
immanquablement, le déplacement de la capitale à Vienne devait favoriser l'émergence
d'une deuxième et troisième capitale dans l'ouest et le nord de l'Allemagne.

9.2. D'Istanbul à Ankara


L'histoire a montré à plusieurs reprises qu'une capitale située trop près d'une
frontière fait courir un danger à son État. Ce risque est aggravé de surcroît si la capitale
est un nœud de circulation important.
Lorsque les Turcs dominaient la Hongrie et les Balkans, Istanbul était le cœur de
l'Empire ottoman et cette position justifiait sa position de capitale 2 . Le recul de l'Empire
ottoman au XIXe siècle en Europe, contraignit les Turcs à retrouver une autre capitale.
Kemal Atatürk choisit d 'abandonner Istanbul au profit d'Ankara parce qu'un centre
stratégique situé sur le Bosphore était susceptible, en cas de coup de force dans les
Détroits, de tomber immédiatement dans les mains de l'étranger3.
Carte 87: Le panturquisme: turcophonie et limites de l'Empire ottoman

l J. van LOHAUSEN , le.,· Empirt!s et la pui.,·.mnce. Paris. Le Lnbyrinlhc, JQ85 .


2 R. MANTRAN dir., Hi.woire de l'Emttire fJ/lnman, Paris, Fayard, 1989
3 J.P. ROUX, /li,\"loire des Tun·.,·, P1:1.ris. Fuyard. 19H4.
RÙIJIUQUE
ObtOC11A11QUE
DllCOHGo

ANOOU

12. Deux capitales au bord d'un fleuve : Brazzaville et Kinshasa

9.3. Généralités
En Afrique 1,
on constate que nombre de capitales sont placées au bord de la mer ou
sur les voies fluviales.
Carte 19 : L'Afrique francophone enclavée
Carte 12 : Deux capitales au bord d'un fleuve : Brazzaville et Kinshasa

9.4. La position de la capi,tale


peut traduire la posture diplomatique d'un Etat
L'exemple de Moscou montre que la Russie regarde vers l'Ouest avant de regarder
vers l'Est. La capitale russe est en effet à mille kilomètres de Kônigsberg, de Lemberg
- Lvov - ou d 'Odessa, et à mille cinq cents kilomètres de !'Oder-Neisse, alors que
plus de six mille kilomètres séparent Moscou de Vladivostok2. Ce choix d'une capitale
excentrée vers l'Ouest traduit la traditionnelle inclination russe pour l'Atlantique.

1 A.M. FRÊROT dir . Li:s grundes vr/le:i d'Afrique, Paris, Ell1psc::s, 1999; O. Tribout. P. Vootb.ron. llt!.s gnJ1Tde.I VIiies
u 'Afr1qu•. Pori>, Ellip><>. l 9Y~ .
l P. VIDAL DE LA BLACHE. L GALLOIS dir .. Giogruphi1t unit1en·elle, Paris, Annand Colin. 1927-1938, l. V:
P CAMENA D'AlMEIDA. Rusj·1~. 193:!.
ChApitl'l' t . l....."\ ~ituation géographique ; centre e t périphérie 111

10. Le raisonnement géopolitique


à partir du concept de situation

En mécanique, pour décrire le mouvement d'un objet, il est nécessaire de


s'intéresser à son centre de gravité, de connaitre sa situation, ou sa position, et les
forces qui s'exercent sur lui. Par essence, la notion de situation est relative et permet de
comprendre la géopolitique extérieure d 'un État. Pour mieux appréhender cette notion
de situation, nous nous proposon s de répondre à deux questions simples: pourquoi
certains pavs attaquent-ils toujours les premiers? Pourquoi les villes se sont-elles
développées là où elles sont ?

10 .1. Pourquoi certains pays attaquent-ils toujours leurs voisins


les premiers ?
On pourrait répondre a priori qu'il existe des cultures intrinsèquement belliqueuses,
qui pousseraient les habitants de ces pays à déclencher des guerres. Cela n'est pas
nécessairement faux : certains États ont incontestablement une culture de guerre là où
d'autres ont plutôt te nté, à travers l'histoire, de maintenir des relations pacifiques avec
leurs voisins . Mais, de la m ê me façon qu'il existe des individus de tempérament
sanguin et d 'autres de tempérament lymphatique, certains États ne sont pas "aidés par
la nature". Prenons ai nsi l'exemple de l'État d'lsraëP . Sa représentation géopolitique est
celle d'un petit État e nto uré de pays qui lui sont hostiles. Il n'existe pas de point d'Israël
qui ne soit situé à plus de cent kilomètres d'un poste frontière arabe. Par conséquent,
les stratèges israélie n s ont toujours estimé que s'ils n'étaient pas les premiers à lancer
les divisions blindées à l'assaut, ils seraient écrasés. Cette observation d'ordre
purement stratégique ne clôt cependant pas le débat autour de la légitimité des guerres
israéliennes, car on notera bien que chaque guerre déclenchée par Israël a été suivie
d'une conquête de nouveaux territoires au profit de l'État hébreu. Il faut donc se
demander si la stratégie militaire israélienne n 'est pas le paravent d'une stratégie
géopolitique bea u coup plus profonde visant à la création progressive du Grand Israël
sous un prétexte de guerre préventive.
Carte 20 : Les dynamiques de d ésenclavement au Moyen-Orient
Un autre s ituation stratégiquement défavorable en cas de guerre est celle de
l'Allemagne qu 'un nombre élevé d 'États limitrophes entoure et qui, contrairement à la
Russie, dispose de peu de possibilités de repli dans les terres intérieures, du fait de
l'étroitesse de son territoire et de la densité élevée de sa population.
Les situations israélienne et allemande peuvent contribuer à expliquer des
représentations géopolitiques agressives; elles ne les excusent pas pour autant et nous
répétons qu'une stratégie militaire agressive qui découle d'une situation géopolitique
défavorable n 'est en rien exclusive d 'une stratégie géopolitique faite d'ambitions
territoriales.
Au contraire, la situation insulaire pousse à la posture défensive. Si nous voulions
poursuivre l'analogie entre l'État et un objet mécanique, nous pourrions classer les
États par ordre croissant de liberté d'action en fonction de leur situation géographique,
du voisinage de tous côtés jusqu'à l'isolement insulaire absolu : Allemagne/État
central, France/État disposant de littoraux, Espagne/péninsule, Angleterre/insularité.

1 H. LAUR.ENS , Le Grond Jt!u. Or;enl orobe t!f rivaliti-s internalio11oles, Po.ris , Armand Colin. 1q91 ; G. CORM. Le PrCK'he-
Ori1m1 ldaté, 1956-1991 , Paris, La Découverte, 19HJ .
112

Pnrtic 2. Pcrmnrttmct h la c.rll


Si l'on considère l'histoire de ,
1
1 a 1emen t t r è s rarement dé 1Angleterrel
fn h . que
' on peut être frappé par le fait ' Il e a
d . l" l' c enc é de
mon ta 1ste a cependant guerres la première ; son tempérament
. souvent d . .
économiquement notamm t con u1t à vouloir étouffer ses ennemis
. ' en en gagn t 1 . ..
voies terrestres et en an a suprématie du commerce maritime et des
' poussant ain 51
-· d .
la guerre. On peut constater ses a. ~ersa1res dans leur dernier retranchement:
est en appa déf . que la géopohhque américaine fonctionne de la sorte : elle
rence ens1ve Io A , • bl
• rs mccme quelle travaille à marginaliser - OCu•,
emb argo, mesures d'éto ff · ·
. . . . u ement économique - ses ennemis et à les conduire à de.
c h 01x desesperes - Irak2, Iran ...

10.2. Pourquoi les villes sont-ell~s .. . là où elles sont?


Les mythes tendent souvent à faire croire que la réponse à cette question tient du
hasard : les héros ou les démiurges choisirent d e se reposer ou bien de s'unir en un
point précis consacré par le mythe, donnant ensuite naissance à une ville. La réalité est
bien sûr plus prosaïque: la naissance, le développement et la mort des villes, c'est
d'abord une affaire de situation géographique relativement à un contexte historique
donné. Citons ici l'exemple de trois villes arabes : Le Caire, Bagdad, Tunis.
Le Caire3 est à la pointe d'un delta, idéalement placée dans un endroit du Nil,
fleuve nourricier de l'Égypte, à un point reliant obligatoirement l'est et l'ouest de
l'Égypte, et où convergent les chemins venant d'Asie. Cette situation est le produit du
glissement vers le Nord d'environ trente kilomètres de l'ancienne capitale pharaonique,
Memphis, localisée à la pointe du delta du Nil.
Carte 20: Les dynamiques de désenclavement au Moyen-Orient
Bagdad4 se situe dans la zone de franchissement le plus aisé du Tigre et de
)'Euphrate, et réunit donc l'est et l'ouest du bassin mésopotamien, au nord des marais
de la basse cuvette qui coupent le pays en deux. Autour de Bagdad fondée en 762 par
le calife Al Mançour, et hier de toutes les capitales de la Mésopotamie, Babylone,
Séleucie, Ctésiphon, les zones inondables sont réduites au maximum car, ainsi que
l'écrit le géographe Xavier de Planhol, "le vaste cône de d é jections de la Diyâlâ fournit
une route à pied sec entre les montagnes et Je cours du Tigre, qu'il a d'autre part rejeté
jusqu 'à une quarantaine de kilomè tres seulement de ('Euphrate et des terrains fermes
du désert de Syrie. À cette hauteur s'ouvre également une voie importante de traversée
du Zagros, entre Hamadân et Khânaqîn, par Kermânchâh, donnant accès au haut
plateau iranien. Le passage entre le Tigre et l'E uph.rate enfin, est facilité par l'existence
de nombreux canaux effluents de ('Euphrate, conformément à la pente de la plaine
dans ce secteur et qui, plus ou moins rectifiés par l'homme pour les besoins de
l'irrigation, parviennent jusqu 'aux faubourgs de Bagdad et offrent une voie navigable
que de petits navires à vapeur ont pu emprunter pour passer d 'un fleuve à l'autre•S.
C'est dans cette situation si favorable à la réunification de deux logiques fluviales
souvent antagonistes, qu'il faut chercher l'origine du choix, après la Première Guerre
mond iale, de Bagdad comme capitale d'un État fondé sur le bassin inférieur des deux
fleuves.
Carte 74 : Irak : situation des populations. d ensités, zones d'exclusion

1 A MAUROIS, /li:rfnire ck l'AnRll'terrl', Pnns. F:tyard, l 97R .


2 D . ARTAUD. A KASPl, lli.Ttmr" dc.f Étal.~- Unü·, P1uis, Amiand Colin, 19R:\ .
) X. de PLANJjOl. / .C'J norinn,,· d11 Prophi>lt>, Moml<'I 1:êngmphiqui' de p nlitiq111· nm:ql/nmnr. Paris. fayard, 1993, p. 271 .
4 Jdrm. p. 292 .
s /hid.. p. 292 .
Chapitn.' 1. La situation géographique; centre l!t périphéri<• 113

Un troisième exemple de l'importance de la situation géographique, est illustré par


la capitale de la Tunisie1 • juchée sur une butte entre la lagune et un marécage, la ville
se défend bien de la mer et co mmande des voies de communication aisées vers
l'intérieur, placées à égale distance de la vallée de la Medjerda et de celle de Miliane. Sa
situation centrale lui a permis, durant l'histoire, de rayonner sur l'intérieur des terres et
de se protéger du danger chrétien en provenance de la mer - Tunis fut l'une des
capitales turques de la Course2 .

10.3. Un exemple d'cnj1fü i;cntre périphérie: la Guerre de Sécession"


Lorsque le processus de désunion entre États américains commence en décembre
1860, lAngleterre, ancit•nne pui ssa nce coloniale, et la France qui, un siècle plus tôt
soutenait, contre Londres, l'indépendance américaine, en subissent rapidement les
conséquences éco nomiques et sociales. En établissant en effet un blocus devant les
ports sudistes, les Nordistes empêchent les producteurs américains d'exporter le coton
brut vers l'Europe. Privées tout à coup de le ur so urce première de ravitaillement en
matière première pour leur industrie textile, lAngleterre et la France doivent
restreindre leur prod uction et voient leur chômage progresser brutalement. Dans le
Lancashire, poumon de l' industrie cotonnière anglaise qui importait avant 1860 plus de
70 % de son coton des Éta ts-Unis, e n quelques mois, près de 250 000 ouvriers perdent
leur emploi et 170 000 sont frappés de chômage partiel. En France, ce sont
350 000 ouvriers qui sont victimes de la disette du coton. "Notre industrie souffre
horrible ment" écrit le 13 mars 1862 Thouvenel, ministre français des Affaires
étrangères.
Non seulement les Nordistes enfreignent le principe de liberté des mers cher à
Londres mais le gouve rnement confédéré, qui a compris combien les Européens sont
tributaires du libre-échange avec leurs États, a choisi lui-même de restreindre le
volume des exportations de coton brut de manière à contraindre ses partenaires à
soutenir politiquement sa cause. À court terme, pour des raisons économiques, et à
plus long terme pour des raison s géopolitiques, les puissances anglaise et française ont
intérêt à voir la dés union l'emporter; naturellement, ils inclinent donc vers la cause
des Confédérés avec lesquels ils vivent en système de libre-échange économique.
Mais c'est en réalité l'évolution au coup par coup des rapports de force entre les
Fédéraux et les Confédérés, bien plus que toute autre considération, qui conditionne
les positions diplomatiques de l'Angleterre et, par voie de conséquence, celles de la
France. En effet, Paris, dès le début de la crise, a choisi de ne pas se démarquer de
Londres avec lequel le gouvernement français a établi un traité de libre-échange et
qu' il continue de craindre depuis l' avènement de l'Europe de 1815. Or les milieux
financiers et politiques anglais sont divisés entre le Nord e t le Sud, et la diplomatie
tentée de suivre le camp qui possède l'avantage au gré des péripé ties de la guerre,
tandis que la France qui opterait bien pour le Sud n ' ose le faire franchement de peur
d'en subir les conséquences en cas de victoire de l' Union. Il est vrai que les forces en
présence sont très déséquilibrées : seulement neuf millions de Sudistes dont plus de
40 % d'esclaves font sécession face au Nord et à une grande partie de l'Ouest qui
pèsent plus de vingt-trois millions d'habitants. En outre, le Nord industriel peut
compter sur des moyens financiers et industriels largement supérieurs à ceux de son

1 lhid., p. 363.
2 B. BENN ASSAR, J. JACQUA RT. L.:Xvr· .üèc:le, Puri5, Armund Colin, 1912 .
l D'11prCs un aniclc publié duns lu Nn1111e//I! H1.•1•u e d"Hi.~ltlin• .
114
Partir. 2. Permanmce dL 111 C11rk

adversaire. Dans ces conditions, prendre ouvertement parti pour le Sud contre le Nord
est un pari risqué.
Lorsque, durant l'été 1861 , le gouvernement des Confédérés tente d'obtenir une
reconnaissance des puissances européennes, le cabinet anglais oppose son refus ce qui
provoque un maintien de la France dans la neutralité . Quelques mois plus tard,
\'incident dit du Trent , qui voit un navire marchand anglais transportant des envoyés
du gouvernement sudiste être arraisonné par un navire de guerre nordiste, ne suffit
pas à changer la position de Londres. Mais, durant l'année 1862, les déboires militaires
du Nord amènent tout de même le gouvernement de Napoléon III à écouter Slidell,
l'envoyé sudiste. La banque Erlanger de Paris prête à_ celui-;i 15 millions de dollars
garantis par des bons sur 540 000 balles de coton sudiste. ~emprunt sert à payer la
mise sur cale à Nantes et Bordeaux de bâtiments pour la manne confédérée. Voyant les
Nordistes reprendre le dessus, !'Empereur interdit c~pend.ant de livrer les navires. La
France rêve bien d'une victoire du Sud mais elle n ose s en donner les moyens, pas
plus d'ailleurs que lAngleterre qui, elle aussi, permet dans ses arsenaux la production
de quelques navires pour la marine confédérée.
La politique française de neutralité est d'.autant plus. étrange ~ue, _profitant du gel
de la Doctrine Monroe (c'est-à-dire le controle du continent amencam par les États--
Unis) provoqué par la Guerre de Sécession, Pa;is la_n~e l'expédition du Mexique en
1863 dans le but de créer, en contrep01ds de 1 Amenque du Nord anglophone, un
Empire latin, catholique et francophile . Le Me~ique possède' par ai.lieurs d ' importantes
ressources minières dont seul Je désordre politique entrave 1 explo1tahon. En soutenant
l'établissement d ' un gouvernement monarchique profrançais au Mexique, Napoléon
rêve non pas de colonisation, mais d'une zone d'influence sur le continent américain.
Pour porter au pouvoir larchiduc d'Autriche Maximilien, la France engage un corps
expéditionnaire de 30 000 hommes, effort important dans un contexte de montée des
périls (Prusse) sur le continent européen. Paris n ' ignore sans doute pas que le succès
durable de son opération mexicaine est conditionné à la victoire de la Sécession. Alors,
dans ces conditions, pourquoi le gouvernement français ne choisit-il pas d'appuyer
militairement le Sud? Napoléon III n'a-t-il pas hésité à envoyer une escadre française à
la Nouvelle-Orléans percer le blocus nordiste ? Les données sont en réalité complexes.
Car les puissances continental es, Prusse et Russie, semblent incliner vers le Nord
tandis que lAngleterre reste susceptible, dans le but d'isoler la France et de prendre s~
revanche sur l'indépendance américaine jadis soutenue par Paris, d'opter pour le Nord
dès le moment où Paris romprait avec la neutralité. Le risque est trop grand alors pour
la France de se retrouver coupée des États-Unis d'Amérique et isolée en Europe en cas
d ' unification par Je Nord.
La victoire du Nord, en 1865, déclenche un processus d'inversion de la puissance
entre le Vieux Continent et le Nouveau monde, et plus précisément, entre les Ëtats-
Unis d'une part, et les puissances maritimes française et anglaise d'autre part, ceci au
profit des puissances continentales russe et prussienne.
L'Union américaine relance la Doctrine Monroe d'expansion des États-Unis vers le
sud du continent, au détriment de la France au Mexique. Le corps expéditionnaire
français doit plier bagage. C'est l'échec complet. Pour affaiblir l'Angleterre, la Russie
choisit de céder lAlaska aux États-Unis, en 1867, soit deux ans après l'issue de la
Guerre civile américaine. La formation du Dominion du Canada la même année, sous
l' impulsion de Londres résulte directement de cette cession car lAngleterre craint
désormais son éviction complète d'Amérique du Nord. En 1871, le président américain
Ulysse S. Grand envoie un télégramme de félicitations à !'Empereur d'Allemagne qui
vient d ' être proclamé à Versailles sur les ruines de l'Empire français . Les hésitations de
Paris à soutenir le Sud autant que l'aventurisme extracontinental sont donc payés
Chnpltn.- 1. LA situahon ~éogn1phiq11" ; nmtrl' el périphé'ric- 115

chèrement par la France. Désormais, de manière constante, la politique étrangère des


États-Unis jouera en défaveur de la France, et notamment de sa dimension mondiale.
La victoire du Nord est aussi celle des financiers internationaux américains qui ont
accumulé, grâce au blocus, des profits importants. Les campagnes militaires du Nord
ont en effet obligé Lincoln à s'adresser aux grands banquiers et ceux-ci pèsent
désormais beaucoup plus qu'auparavant sur le système politique américain . La
corruption financière étend sur toile sur la démocratie américaine et les médias et elle
n'a jamais cessé de se renforcer depuis l'unité de 1865. Un pas important est franchi en
direction de l'unification capitalistiquc des États-Unis grâce à la création d'une banque
centrale qui interviendra sous Wilson, à la veille de l'éclatement de la Première Guerre
mondiale.
En même temps qu'il s'unifie par l'Union, le capital américain peut désormais se
mettre au service d'une économie industrielle qui va grandir par le protectionnisme et
l'importance du marché intérieur. Car la victoire de l'Union sur la Sécession est bien
celle du grand marché industriel protégé et la fin d'une périphérie américaine (le Sud)
vivant en situation de libre-échange au crochet des centres industriels européens.
Imposé par lAngleterre dominante du XIXe siècle, le libre-échange meurt avec le Sud.
L'Amérique, à son tour, l'imposera lorsqu'elle sera devenue, sur les ruines de l'Europe
de 1945, le nouveau moteur de la mondialisation. Garant des intérêts de la grande
industrie naissante du Nord et issu de ces Whigs qui réclamaient avant la tentative de
Sécession, bien plus que l'esclavage, le protectionnisme contre les libre-échangistes du
Sud, le Parti républicain s'assure pour cinquante ans une position dominante. Le
Congrès édifie de hautes barrières tarifaires et la production industrielle décolle
vertigineusement : 14 millions de tonnes produites en 1860, 100 millions en 1884. La
première usine d ' acier est construite dans l'État de New York en 1865, année de la
victoire du Nord . Acier, charbon, pétrole, cuivre, croissance du ferroviaire ... Comme
l'écrira Andrew Carnegie en 1886 "Les vieilles nations avancent à une allure d'escargot.
La République, elle, passe dans un grondement de tonnerre à la vitesse d ' un express".
C'est bien l'issue de la Guerre civile qui a permis cette concentration capitalistique et
industrielle consolidée par le protectionnisme. La guerre, elle-même, a été industrielle
et a permis de former les noyaux d ' un futur complexe militaro-industriel si intimement
lié aujourd'hui à la construction politique américaine. Pour la première fois, le chemin
de fer, les armes rayées à longue portée et cadence de tir élevée, les navires à vapeur
cuirassés et les sous marins ont m o ntré les ravages de la guerre de masse. La Guerre de
Sécession est le premier conflit de l'histoire de l'humanité dans lequel les pertes dues
aux armes blanches ont été inférieures à celles provoquées par les armes à feu. Les
630 000 morts de cette guerre civile dépassent les pertes additionnées des États-Unis
depuis qu ' ils sont n és, dans toutes les guerres étrangères. Les bombardements massifs
des cités sudistes par le Nord annoncent Dresde et Hiroshima. La guerre égalitaire,
totale, sans distinction entre civils et militaires, si loin des guerres chevaleresques que
les vieilles sociétés européennes pratiquaient avant la Révolution française .
Mais, au-delà de l'unification politique du territoire américain qui permettra la
poursuite de la Doctrine Monroe et, à partir de 1898 (guerre contre l'Espagne à Cuba),
la projection vers l'Eurasie, au-delà encore de la constitution d'une puissant
capitalisme indus triel à partir d'un fort protectionnisme, la mondialisation américaine
que nous connaissons aujourd'hui ne peut s'expliquer que parce que 1865 est aussi
l'unification idéologique des États-Unis, la victoire d ' un modèle de société sur un
autre.
Le Sud, aristocratique et hiérarchisé, avec ses grands planteurs, ses cavaliers et ses
élégantes à crinolines, était une certaine Amérique, qui reproduisait une tradition
européenne enracinée. Il était donc en contradiction radicale avec l'idéal de la
116 Partie 2. 1'1!rmn1'rnt t' dt la rnrtt

Révolution libérale et démocratique dl'S Pères fondateurs, lesquels, pour deR rai~ons
religieuses, avaient rompu avec l'Europl' du XVW siècle. L'achèvement sanglant de
1865 réalise la victoire des descendants des Puritains du Mayflower, des communautés
de Plymouth ou de Salem, sur les descendants des colons de Virginie, plus proches en
réalité des colons des Caraïbes ou des Conquistadors d'Amérique du Sud . JI accomplit
le triomphe de la mentalité des classes moyennes urbaines sur laristocratie terrienne et
provoque aussi le basculement dans la société multiraciale et la rupture avec
l'exclusivité anglo-protestante de l'identité américaine. Car dès 1863, confrontée ades
difficultés militaires, l'Union, non sans devoir surmonter elle-même ses propres débats
raciaux, décide de recruter massivement des Noirs; jusqu' en 1865, plus de
200 000 anci1ms esclaves serviront sous l'uniforme du Nord se retrouvant souvent face
à des soldats sudistes également noirs et restés fidèles à leurs maîtres planteurs du
Sud. Certes, après 1865 Je Sud conserve les traits caractéristiques de sa culture, y
compris la ségrégation (jusque dans les années 1960), mais l' unification idéologique
des États-Unis est néanmoins réalisée. Le messianisme des colons religieux est bel el
bien devenu la culture dominante de l'Amérique laquelle va porter l'expansion du
capitalisme américain, et partant, projeter la puissance diplomatique el militaire
américaine dans le monde entier. Si le projet d'Amérique monde prend pied sur le
continent américain avec les premiers colons venus des iles britanniques, il ne peut
effectivement entamer la réalisation de son programme qu'à partir de l'unité
idéologique sortie de 1865.
La Guerre de Sécession est donc bien le point de départ du renversement de la
~érarchie mondiale des puissances. Après 1815, 1865 est sans doute la date la plus
un portante du XIX• siècle.
CHAPITRE 2

LA SITUATION GÉOGRAPHIQUE·
L'ENCLAVEMENT

La situation d'enclavement est d'une importance majeure en géopolitique car elle


est historiquement éphémère et à l'origine de nombreux chocs entre les peuples.
Souvenons-nous du sort de ces États croisés latins d'Orient, enclavés dans un Orient
massivement musulman et qui se maintinrent presque miraculeusement, à la force des
bras croisés, sur le continent asiatique de 1098 à 12911 . Les enclaves qui ne s'ouvrent
pas finissent asphyxiées. Les Israéliens qui l'ont compris sauveront leur État d'une
survie épisodique à l'échelle de l'histoire et il en est de même des habitants de Ceuta et
Melilla attachés à la mère espagnole, mais enclavés dans la géopolitique marocaine2.
Cette Dantzig largement germanisée que l'Allemagne ne voulait pas donner à la
Pologne donnait un accès maritime à celle-ci.

1. Définition

Un État enclavé est un État qui ne dispose d 'aucune façade maritime.

2. Conséquence

Un État enclavé n 'a pas d'accès maritime direct. Il peut disposer au mieux d'accès
fluviaux, mais ceux-ci sont généralement insuffisants et leur navigabilité est soumise
au passage chez les voisins. Ses communications économiques avec le monde
dépendent en grande partie de ses relations politiques avec ses voisins. Certes, la voie
aérienne a contribué à rendre moins dramatique la situation d'enclavement, mais la
solution reste mineure au regard du handicap géographique.
L'enclavement entraîne souvent une situation de dépendance à l'égard des voisins
qui ont un accès maritime.
Si un État est enclavé, alors l'enclavement est sa donnée géopolitique majeure,
supérieure à toutes les autres. L'ambition première d'un tel État est de sortir de
l'enclavement. Cette situation provoque souvent des contentieux géopolitiques sérieux

1 L'tlistoire de ces États la1ins d'Oncnl csl 8 lire dans Io volumineuse H;:r:roire de.ç Croi.wde.t de R. Grousset. Paris. Perrin.
1991, J vols. , on pourra aussi consullcr B. LEWIS. Le.If Arahe.'i d<tn.'f f'Hütoirf', Pnri.-., Aubier. 1993 , p. IR4 et F. GABRlELI .
Chronique.<; arubf!s de:.~ t:roi.wtle.'i, Pari!ii, Sindbad, 1977.
2 Ma1ume Rodinson donne la définition suivante du monde nrnbe : "Il s'agit de l'ensemble des Étais où domine l1e1hnie arabe,
oU iaa langue csl celle de l'Étal cl des cadre~ Œdminîstrslifs qui proclamenl leur arohilc!:. Cet ensemble forme une zone i1éographique
coh,rente oU font figure d'encloves désarabiaée. le petil Étal d'lsru~I el les deux villes marocames h1spani~s depuis plus de
qualrc siècles, de Ceuta cl tic Melilla ·- en arabe Sahlu et Ma/ilu .", in M. RODINSON. le.<: Arabe.<:. Paris, P.lJ .F., 1979. p. 54.
llH Partie 2. Permant.llc:< de 14 '11rle

entre l'Etat endavé et son voisinage.


Une autre situation observée est celle d'États qui disposent d'une façade maritime
sur une mer ou un océan, mais qui souhaitent s'ouvrir une deuxième façade maritime.
Lorsqu'il v a désir d'ouverture d'une façade maritime sur un autre Océan, on parle de
recherche de la bi-océanité; sur une autre mer, on parle de bi-maritimité.
Enfin. une troisième cause observée de dynamique de désenclavement tient aux
Etats qui cherchent à élargir la longueur de leur littoral.

3. Exemples de dynamiques de désenclavement

Il existe une quarantaine d'États enclavés dans le monde. On en cite ici quelques-
uns. Par ailleurs, on donne des exemples de pays continentaux qui disposent d'une
façade maritime mais recherchent la bi-maritimité ou la bi-océanité.

OCtU/I
Pacifique

ociun lnditn

13. L'enclavement du Népal


1
1

'
CHIN~:

INDE

0<.·t!a11 /11dien

14. L'enclavement du Bhoutan

•Mos.cou

RUSSlr.

CHINE

>,-,~~:-_:r;: :j-
.
1. Kaz.akha1an
2. Kir1hiz.ie
) . T.tjdti~ran
4. AfsJ>anisaui
,_ PakiatD.n oclan lndi~n
6. Twtun&i...,.
1.
8.
.......-;...
Amélie
9. ~

15. L'enclavement de l'Ouzbêkistan


o«iUll
Pacifiqiu
. ., ___....
'--" ,
KAZAKHSTAN ·-:
:.:i
,-·
·- .. .. -.. ,, .. .. , ... - ..i'

INDE me, th Chin' MüHü,...Je


oci-
Pacijiqu

16. L'enclavement de la Mongolie

CHINE

w~.â
-.~
-_/--- 1. Vietnam
2. c~
] . Thmlamle
4. Binnank
S. a .. atadcsh

17. L'enclavement du Laos


Chapitre 2. L1. situation géographi(iue : l'enclavement 121

3.1. Situations d'enclavement en Europe


L'éclatement yougoslave a enclavé la Serbie. Historiquement, la sortie de la Serbie
sur l'Adriatique se faisait en pénétrant le littoral dalmate tenu par la Croatie et la
Bosnie. Depuis 1999 et la Guerre du Kosovo, la Serbie est coupée de son principal port
monténégrin et est obligée de refluer au nord du Kosovo!. L'indépendance du
Monténégro en 2006 aggrave encore la situation. Désormais, la Serbie est un État
complètement enclavé qui a engagé la liquidation de sa marine.
Carte 7: La progression de 1'0 .T .A .N . depuis la fin d e la Guerre froide jusqu'à la
Guerre du Kos nvo
Un exemple frappant de recherche de bi-maritimité dans l'histoire de l'Europe est
celui du Portugal 2 qui, tourné vers l'Atlantique, tenta de sortir de sa situation de mono-
maritimité par le rêve d 'une Afrique portugaise allant d'Est en Ouest et reliant les deux
océans Atlantique et Pacifique ; le rêve fut entravé par la politique britannique en
Afrique australe.

If Sofia

pa~ de l'ancienne Ft'Mr.at1on yous:o~lave


(Îu5qu"tn juin l9911
uyanl xcedé à l"inMpcnda1u.:c

rron1i~n:i' 1k la République (~dén1h: d~ Youso!iilavic.


compotér: des ,q,ubllq~ de Sabie et dll Monttnégru

R'publique du MQnttnégro. vcl1éi1és de dCc;x:hcrncnt


ou volontf de rc~t'inhinn des lien~ avec l:ri ~rbi.ce:
un KD!li plus coniédéraJ
cllan1

province sert.se' du Kosovo. risqut"1 dt Mlachcmcn1

18. La dynamique d'enclavement de la Serbie à partir de 1990

1 Coefëdë,-atiorr ptme11ropécnne. Les Ballwns, La guerre du K"s ovo. actes du colloque du 29 novembre l999, S6nat, Paris,
l'Âgc d'Ho mmc. 2000.
2 A. CHAUPRADE. F. THUAL. Diclionnaire de géopolitique, 2" éd .• Paris, Ellipses, J999 : article "Porh.lgal ".
122 Partie 2. Permanence de la catit

3.2. Situations <l't~nclavement en Asie


- Le Bhoutanl et le Nép111 2 sont tous deux colncl>s entre la Chine et l'inde;
- la Mongolie3 fait aussi figure d'État-tampon <•ntrl' la Chine• et la RusRie;
- le Laos4 est enclavé entn• ln l'hliw, I<• Vlt•lnnm, 11• c 'an1b0Jg.• t·t la Tha'llandc;
- le grand pr<>hli'nw H.:'1>polltlq11l' dt• l'l >1.1zb(•kiHla11'' ""'· Hon Joubl<• enclavement
puisqu il doit trnvPrSt'r dt'llX pnys souvt'ruin,.. pour ~a).;1tt•r la ffi(•r.
1

:t:i. Sit.11atio11s d'1!11davcmcnt en Afri11u~

Certains p.ws très pauvres appartiennent à la catégorie de pays de l'O. N.U. appelée
"Payg en dt"veloppement sans littoral". Ils bénéficient à ce titre d'une aide au
développement spécifique; le Lesotho fait ainsi partie de cette catégorie6.
l 'ère coloniale avait développé en Afrique des infrastructures de communication
portuaires permettant l'évacuation des matières premières vers les métropoles
européennes. Dans le contexte des indépendances et des rivalités inter-étatiques,
l't"conomie des pays enclavés se trouve handicapée par cette situation dans la mesure
où les communications de l'intérieur des terres vers les littoraux ne sont plus forcément
assurées7 .
- Le Burkina-Faso trouve son débouché économique et maritime par la Côte
d'ivoire; la partition de celle-ci a donc des conséquences géopolitiques importantes
pour le Burkina-Faso.
- la Guinée équatoriale est un micro-État quasi-enclavé entre le Gabon et le
Cameroun;
- la partie continentale de la Guinée-Bissau est une enclave entre le Sénégal et la
Guinée ;
- le Congo démocratique - ex-Zaïre - est un État certes immense, mais néanmoins
placé dans une situation de quasi enclavement: il ne dispose que d'une quarantaine de
kilomètres de côtes sur la façade de l'océan Atlantique;
- la République de Centrafrique tenta lors de son indépendance de fusionner avec le
Congo et le Tchad pour remédier à son enclavement mais la tentative échoua.
Un exemple de tentative de désenclavement océanique en Afrique du Nord est
celui de l'AlgérieB qui soutient le front Polisario dans le Sahara pour s'ouvrir une
façade atlantique au détriment du Maroc.
Carte 41 : Le litige territorial du Sahara occidental

1 Idem : article "Bhoutan"


2 Ibid.: article "Ni!pal" .
J Ibid. : article "Mongolie".

4 Ibid. : article "Laos" .


.SA. DULAIT, f_ THUAL. La rrouve/le Co..pienne, Paris. Ellip~cs, 199K.
6 E. JOUVE, Le droit des peuple.V, 2~ éd., Paris, P.U .F .. 1992. co ll_ "Que sais-je?". n"2315.
7G. WACKERMANN, Géographie humaine des linoraw: maritimes, Paris, Ellipses. 1998. P· 124 : "La dépendance littorale
:tes ~tais enclavés, exemple de l'Afrique noi~ francophone".
8 CP\. R. AGÉRON. Histoire de /'Algl!r-ie contemporaine, Paris, P.U .F., 1966.
O..pitre 2. La situation géographique : l'endav.,,,._.t 113

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19. L'Afrique francophone enclavée

3.4. Situations d'enclavement en Amérique latine


Nombre d'États sud-américains ont mené des guerres pour gagner un accès
maritime et échapper à l'enclavement1 .
- La Bolivie a perdu sa façade sur le Pacifique à la fin du XlXe siècle. Elle se retrouve
enclavée dans le pays andin ;
- le Guatemala a cherché à élargir son horizon géopolitique sur l'Atlantique, au
détriment du Honduras et sur le Pacifique, au détriment du Salvador;
- aujourd'hui, certains accords économiques régionaux comme le Mercosur sont le
moyen pour les pays d'Amérique latine enclavés d'accéder à la mer2.
Par ailleurs, L'Amérique centrale et l'Amérique latine offrent de nombreux
exemples d 'États en quête de la bi-océartité:

1 F. THUAL, GbJpoflllque de l'Amt!rique La1ine. Paris, Economie•. 1996.


2 F. KHAVAND, Le fWUvel ordre ~ommerclal mondial, Paris. Nalhan. 1995 .
Dl

-fArgl'ntine, si elle s'ouvrait sur l'autre océan, pourrait ainsi raffermir son l'Ôll' ~
puis5aŒ:e regionale ;
- k Nicaragua trouve son importance stratégique dans Je fait qu'il est un Étll œ.
aoéanique- La bi-<>Céani.Œ renforcée d'un réseau de lacs et de fleuves penmt
d'envisager au Nicaragua le percement d'un nouveau canal reliant les deux océans a
qui doublerait ainsi celui de Panama_
Enfin. Je Hondwas tente d'élargir ses côtes sur le Pacifique qu'il juge trop réduill's_
Les relations entre le Honduras et le Nicaragua sont ainsi déterminées par l'appétit de
litton! du Honduras_
Carte 48 : Les fleuves en Ameriq ue latine

3.5. Situations d'enclavernent au Moyen-Orient


- L'Irak tend à vouloir élargir sa façade golfique par le Koweïtl ;
- la Jordanie2 est vouée à se désenclaver économiquement par l'Irak ;
- la Syrie3 tente de contrôler son "littoral naturel", le Liban;
- l'Iran a traclitionneUement tenté de s'ouvrir un débouché vers la Méditerranée en
passant par la Mésopotamie4; le soutien au Hezbollah libanais (parti chiite islamo.. .
nationaliste) s'inscri.t également dans cette course à la Méditerranée de l'Iran. . ':\l
- un exemple d'Etat non enclavé, mais qui cherche à s'ouvrir une deuxième façac»
maritime, est celui de l'Arabie Saoudite5 qui lutte contre l'unité yéménite dans l'espoir
d'obtenir une fenêtre sur l'océan Indien.
Carte 20 : Les dynamiques de désenclavement au Moyen-Orient
Carte 74 : Irak : situation des populations, densites, zones d'exclusion
Carte 95 : L'eau au Moyen-Orient, rivières, fleuves et limites des déserts
Carte 96: L'eau au Liban
Carte 53 · L'Asie centrale : le monde iranien

4. La poussée vers les mers chaudes


des grandes puissances continentales, Russie et Allemagne

En Europe, l'Allemagne6 et la Russie7 sont les deux puissances qui ont


traditionnellement cherché à se désenclaver de l'intérieur des terres européennes el
eurasiatiques pour s'aménager des débouchés mantunes, non seulement
septentrionaux - Baltique - mais aussi méridionaux, et notamment méditerranéens.
La We//-politik de Guillaume 11 présente ainsi une dimension méditerranéenne et on
peut dire que le démantèlement de la Yougoslavie facilite de nouveau la projection

1 C. SAINT-PROT. H'5toire de l'Irak , Paris, Ellipses, 1998 ; A. DULAIT, F . THUAL, Bagdad ZOOO, L'avenir gêopoliliqw dl
l'lnd. Pari&, Ellip5a. 1999.
2 F. THUAL Abrëgt gœpo/itÜfMe du Golfe, Paris, Ellipses, 1997.
1 H. L\MMENS. La Syrie, prici.J historique. Beyrouth, Dar Lahad K.hate..-, l 92J ; G. CORM, Le Proche- Orient k/Ol.t. /9J6-
'991. Puu. t. lWE.ouvau, 1983 ; G. CORM. Géopolitique du con/Ut libanais, Paris, La Df!couverte, 1986.
-4 Y. RICHARD, .. L'lrao au XX"si.èclc" in HU1oriem et géographes, juio 1992 ~ Y. RlCHARD, L'islam chii1'!, Puis, F1yri
1991 .
'A . RIHANl.Aroufldtlre eoruu of Art1bia, New York. Dclmai-, 1983; A. RIHANI, lhn Saoud of Arabia, His people and Irai.
New York, Oehnu.1911; P. BONNENFANT dir., Lo péninsule arabique d'aujourd'hui, Patis, CN .R .S ., 1982.
6 A. CHAUPRADE. f. THUAL, Dictionnaire de gkpo/itique, 2e Cd .• Paris, Ellipses, 1999 : article " Allemagn~n .
7 M. tŒLLEll Hilloir~ tM fa RuuJe et de.1nn ~mpiT~. Paris, Pion, 1997.
Ota.pitre 2. La situation géographique : l'enclavement 125

allemande en Adriatique. La Russie a quant à elle entamé depuis la tsarine Catherine II


un effort de poussée vers les mers chaudes, Méditerranée et océan Indien' .

TuRQUŒ

'"""

ETHtOl'IE

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• AddH· A~

océan Indien
Atabù S.oiultu
1. ven, Oman à travers t'irNUnOM ibadise Jo"'-11
2. wn Oman à tn~ le Uhoru
J. ven le sud du Yernen ,,... 9. VEft ~ pilfe PeBique l lnl~ l'Irak

4. vcR lc nonl du Ycmen JO. pour ll!:largir sa raçade sur le aolre


S. \lert la M~irenan« Persique
l lrilvc~ a. Jonlanic cl la Palestine à ln.vas le Kowcil
6. - . J~ dos ém;..,,.,..... uni• t1hiopi,_
1. vcn le Koweil 11 . "'ers la mer ltou1e: à travers l°&ythn!e
S1rll 12. ven l"odan Indien à 1ravers la
1. pour flarJir sa raç.ide aur la Mfditenanole Somalie
• 1n1..... 1c Liboa

20. Les dynamiques de désenclavement au Moyen-Orient

1 A. CHAUPRAOE, F. THUAL, Dic tio nnair e! de géopo/il;qm! , 20:: éd .• Pari.s, Ellipses. 1999 : "Russie" .
Sowr<: Dictionnaire de geopoliriq11e , A. Chnupradc el F. Thual, 2e éd . 1999, Ellipses .

A: lmpirt des lndts E: Empirt olloman


A' : Mllaisir anglaise F: Siam
1 : lndo<hioe lnnçlise G: Empire dr Chi""
c:Afg!wiiston H : Empire russe
D: llnpi,. prrsr

lzîeulllllf

0: les dHroils luro ri Conslantinoplr


1 : l• ùuase ri la l'llrs1ino \'Ïa l'Analolie
2 : ûuwe +.\zrrbaidjon + Pene en dirtction du Golfe
l : Êmi,.ll d'.\sio crn!ralr
2 dl devirnnml 2' et l' vers Ir golfe Ponique
rt l'ochn Indien
4:Lrsro~afilians
5 : Sin Kiang ou Turlœslan chinois
': 1t<1
7:Mongoli•
1 : Manddlouie

1: Himallyi en dirtdion du Tibel


Il : l'ouutt rn dirmion de la Chine du S.d ri cenlrale,
plline de Yang-15' jwqu'à l'omn Pacifique
Ill: Apiilin, booclier seplenlrional
de l'empirt des Indes
IV : Ptne du SUd
IV' : Perw en dirtctioo de la Mésopolanlie
V : Colft Penique

E: lmpirtohornan
F:Siam
C : lmpirt de Chine
H:lmpi,._

21. Le Grand Jeu au XIXe siècle entre la Russie et l'Angleterre


Chapitre 2. La situation géographique : l'enclavement 127

Source: Dic1iunnuir~ J, 11lopnli1iqr1«!. A.Chouprodo cl P.Thual, 2c ed. 1999, ed. l:.ïllp.tu

• Pays" pro-rusoe" ~ • P•ys "alli~1" de Washington


lJ
-
1 - Iran
2 -Arménie
3 - Kazakhstan
~A
:::,,.,;: B
C
- Allemagne
- Turquie
- Pakisran
4 - Kirgnizsran
5 - Biélorussie
6 - Roumanie
7 - Bulgarie

• Zone d'influence occident•le marquée


a -Pologne
b - Pays Baltes
c - Ouzbékisran

•Zone d'affrontement des deu11 a11es


1- Ukraine IV - Turkménistan
Il - Géorgie (guerre) V - Tadjikistan (guerre)
Ill - Azerbaïdjan (guerre) VI - Afg•nistan (guerre)

22. Le Grand Jeu au xxe siècle entre la Russie et les États-Unis

4.1. La Russie
Ce tropisme de la politique étrangère russe est l'une des grandes constantes de la
géopolitique, dont les conséquences à l'échelle mondiale sont majeures. Depuis plus de
deuK siècles la Russie, grand État continental, s'efforce d 'accéder aux mers chaudes,
Méditerranée et océan Indien, susceptibles de lui donner une dimension mondiale.
Au XVII• siècle, la mer Noire est un lac musulman coincé entre le Khanat de
Crimée et la poussée de l'Empire ottoman. Un siècle plus tard, les Russes arrivent dans
la zone. lis souhaitent en finir avec l'Empire ottoman, récupérer Constantinople,
désenclaver les Détroits turcs, rivaliser avec la France et l'Angleterre et peser ainsi sur
p,,rt•f' 2. P~nnaurnCY dt- Io COrfr

le rows Je 1'6urope, s'installer omfin en Palestine. Contrôler la mer Noire e.I l•


prftlable o~.
Cute 21: LeGl"lllld Jeu au XIX" siècle entre la Russie et l'Angleterre

·&..2. L' AllPmagnr


1'Uissanœ œntrale. ne disposant pas d'accès aux mers chaudes, l'Allemagne connut,
dans son histoire. une phase active de désenclavement. Grâce à son domaine colonial,
l'empire africain allemand eut pour rôle de faire de l'Allemagne une puissance
méditemlnéenne.
François Thual 1 montre que si l'Allemagne avait gagné la guerre contre la France en
1918, elle ne se serait pas contentée de devenir, avec son allié austro-hongrois, la
grande puissance hégémonique du continent européen - voire eurasiatique-, mais
elle aurait acœdé du même coup au rang de puissance mondiale et aurait pu prétendre
à supplanter la Grande-Bretagne dans le rôle de puissance maritime mondiale.

5. Le problème du désenclavement du pétrole et du gaz


de la mer Caspienne: un exemple de mer enclavée

On mettra cette section en perspective avec le chapitre consacré à l'or noir où l'on
étudie les enjeux autour des nouvelles routes d'Asie centrale.
Cute 54 : L'Asie centrale: le monde turc
Carte 1111 : Le statut juridique de la mer Caspienne
Calte 101 : Les routes du pétrole, de la Caspienne à la mer Noire, par le Caucase
Carte 102: La bataille des oléoducs pour la sortie du pétrole de la Caspienne.
Dar.ml: la Guerre froide, la zone Caspienne est un territoire d'affrontement entre le
bloc soviétique et le bloc occidental2. L'Union soviétique a transformé la Caspienne en
tm lac soviétique, mais l'engagement de l'Iran du Shah derrière les Américains fait de
la région une zone d'observation majeure des deux blocs~ .
Dans les années 1990, la Caspienne fait un retour en force sur la scène mondiale; la
région promet d'ètre un "nouveau Golfe" disposant de réserves colossales en
hydrocarbures. Parallèlement, le contexte politique est marqué par la fragmentation
des intérêts.
U! problème de la Caspienne n'est pas seulement celui de l'exploitation des
gisements de gaz et de pétrole, mais celui de leur évacuation. La mer Caspienne est en
effrt une mer fermée qui doit, afin de rejoindre les océans par lesquels se font les
échanges mondiaux, se désenclaver vers J'Europe, le Golfe ou l'Asie.
Pour atteindre leur futur destinataire, les richesses que se partagent les cinq pays
riverains de la Caspienne doivent franchir plusieurs périphéries 4 : la première esl celle
formée par· les cinq pays riverains de la Caspienne: la Russie, l'Azerbaïdjan. lt
Kazakhstan, le Turkménistan et l'Iran; le deuxième cercle concerne les pays de IJ
~qui sont sll&Ceptibles de voir transiter les oléoducs et les gazoducs; il s'agit de la
Turquie, de l'Iran, de l'Arménie, de la Géorgie, de l'Afghanistan, du Pakistan. de

1 f . ntUAL . UrJi:sirM10T11olrr . Pan•. Ellipsa, 1999


2 A. DULArT. F nruAL, UJ "°"""'Il' C.'a.tp1m111\ Pan!'. [!:Uip!ICS, l 'J9M.
3 H. LA!JRENS. u GmNJJ..,, Pon&. Amwod Colin. 1991
.. A.DULMT, F TlfUAL. La nau\~llr GuplPnnr. Paris, f..lhpsc11;,
1
l'>'JH; OBSERVATOIRE DE.'\ F.'TATS fOS
scrvŒnQl1f.s. De fU .R...5.S. a Ili C .E.J., 12 Êlau m q~ J 'identi~. rani. 1! llipac11/Lolnyues'O, 1997
Châlpitn.• 2. LJ ." lituation gtoographiquc : l'enclavement 129

l'Ouzbékistan et de la Chine ; le troisième cercle esl formé par les mer& su'ICeptible& de
relier les gisements caspiens aux centres de l'économie mondiale la mer Noire, le
Golfe persique, la mer Méditerranée, l'océan Indien et la mer de Chine.
Dans la région, un axe proche de Mo!Kou - Arménie, Iran, Kazakhstan - afhonte
un axe proche de Washington - Turquie, Afghanistan, Pakistan.
La position de l'Ouzbékistan oscille entre les deux axes et pourrait être
déterminante.

6. Représentations de l'enclavement et de l'encerclement

L'enclavement est à la fois une situation objective du point de vue territorial, et un


sentiment subjectif qui peut agir de manière déterminante sur le comportement
politique des peuples se représentant comme enclavés et vivant un véritable complexe
d'obsidionalité. On n'est pas seulement enclavé, on se sent enclavé et assiégé. Ce
sentiment d'étouffement géopolitique détermine des velléités de poussées de la part
des États qui se révèlent souvent déstabilisantes pour les voisins.

6. l. Quelques exemples de territoires-enclaves


Les nationalistes espagnols ont traditionnellement considéré le Portugal comme
une enclave anglaise dans la péninsule ibérique destinée, à l'aide de œtte autre enclave
que serait Gibraltar, à encercler l'Espagne 1
Le Togo est regardé par les pays anglophones qui l'entourent comme une enclave
francophone au cœur de l'Afrique occidentale anglophone2.
Carte 49 : L'Afrique des États
La Moldavie est vue par les Roumains et par les Ukrainiens comme une enclave sur
leur territoire3.
Carte 51 Peuples et Etats en Europe central"

6.2. L'enclave russe de Kaliningrad


Kaliningrad est l'ancienne Kônigsberg. capitale de l'ex·Prusse orientale. Le territo~
fait 15 000 km2 et compte environ 900 000 habitants. Il fut attribué à l'U.R55. à la
Conférence de Postdam en 1945. L 'enclave occupe deux fonctions d'une importance
majeure pour la Russie : une fonction économique puisque le territoire founùt 90 's. de
la production mondiale d'ambre et que Moscou nourrit à son sujet l'ambition d 'en faire
le "Hongkong" de la Baltique ; une fonction de base russe sur la Baltique dont
l'importance strategique g'est accrue depuis la perte par Moscou des pays Balte. perte
qui a entraine pour la flotte russe de la Baltique. la fermeture de six bases militaiJ"es-1
Dans la perspective de l'élargissement de l'O.T .A.N. aux pays Balll!s, Kaliningrad
constituerait une enclave ru,;,;e plantée dans le dos de l'Alliance atlantique. On
comprend dès lors le souci que les Ru,;ses ont de conserver l'encl;ave. Moscou peut en
effet jouer sur le fait qu 'un abandon russe soulèverait Je problème du statut de

1 A CllAUPRADF. . F . Tlfl ' ·'\I .. /l1 ct r1•1t,,.1i~ ,le· >:i-t 1pc1/i111.4ut'. :C ...~ .• Paris.. Ellipses. I~ ltticlcs ~·a-isp.pc• .

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4 J C ROHMER, Giv11t•lrl1if~~ · '1.: Io.......,,..._ Ecunomic:.1.. IY'Q:"
kil~ et de J'f"'hlble. rivwli~ ~ntre l'Allemagne, l<t Pologne et la Lituanie, trois
f'&\'!lqntotmment DV\>ir dl'!! droit.. historiqu<>s sur le territoire .
C.11\> ~t : ~lpll'S ri IÔ!ll"' t'fl Fun•p•• <""tmtrnl<•
\ ·art\> 2~ l "'"'-""'"'" J,• KalininMT.>d

1. D4~mArk
2. N~e
J. Suàlc:
4. Finlande
' R"'°'ltlique 1cMque
6. Slovaquie
1. Aulril:he
8. Honp;e
9. Roumanie
10. Moldavie
11 . Ukraine

RUSSIE

...
ALU.\IAGNE \ POLOGNE

,- ,'J· ......

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___ .. J•'

23. L'enclave de Kaliningrad

6.3. Le complexe d'ohsidioualité


A partir des an:nées 1960, la Otine s'est senti encerclée par l'U.R.S.S., l'Inde, el le
Vmnam'. Ce sentiment d 'encerclement de plus en plus aigu a précipité le
rapprochement entre Pfkin et Islamabad. Quant à l'Inde, elle se méfie de plus en plus
d'unt coalition qui ~grouperait la Chine et les pays musulmans .
Un autre exemple de complexe d'obsidionalité, ce "sentiment" qu'a un peuple d'être
89iégé. l!!St <"r que François Thual appelle Je "mythe du serpent vert" : un serpent
mmu1rnan qui comprendrait la Turquie, la Grande Albanie, la Macédoine peu à peu
albani5ft, et qui inquiète les populations orthodoxes de la zone 2 . L'inquiétude grecque

l .\.('11..U.ftAOE. f . TifliA1., Dlcl~~ lfiopollrlqu,., 2• ~ . rari~ . Ellipse~ . 1999 : 1nticle "Chine'"


?I 1"UAL.'""""lrifwdr/_,r, Pari•. Ounod. J9'1J .
Charllre l . U. ollui\tlon Rt'ograrhtque : l'enclav...,,mt tJt

pousse Athènes;\ se rapprocher du "bloc orthodoxe" pour faire khec à la prog1P.18ian


de l'étendard vert de l'islaml.
Carre 52 : Peuples el Étal~ dans le11 Balk.Jn~
Carte 68 : Le~ 11ccord~ de Dayton : la ~ation <li! l'État booniaque
Carte 59 : Le peuple albani'li~ à cheval ~ur le!! États
Carte 18 : La dynamique d'enclavement de la S.."J'bie à partir de 1990

1 S GANGLOFF. •ta Turquie" Janj le r'-" balkanique'". in Rr'4th»u "*'nllti ra/a " .~. l lll.S_ ~
1994. nau. p. f\J-7fi
CllAl'ITHE J

LA SITUATION GÉOGRAPHIQUE:
L'INSULARITÉ

Alors que l'enclavement est un isolement dans les terres, la situation d'insularité est
un isolement dans la mer. La situation d'insularité est donc symétrique à celle de
l'enclavement. Mais si l'enclavement est un handicap du point de vue géopolitique, la
situation d'insularité apparait, quant à elle, comme étant une force.

l. Définition

L'île est un territoire bordé d'eau.


On parle de situation insulaire en présence d'un État constitué sur la totalité ou sur
une partie d'une ile.

2. Avantage stratégique de l'insularité

Si l'Angleterre n'a plus connu d'invasion de son territoire depuis Guillaume le


Conquérant!, elle le doit avant tout à sa situation insulaire. C'est bien à partir de sa
base insulaire que l'Angleterre put développer une domination mondiale sur les mers,
et qu'il lui fut possible de vaincre l'Espagne, la Hollande, l'Allemagne. Jamais
l'Angleterre ne se trouva sans allié car, régnant sur les voies maritimes, elle n'eut
aucune peine à rassembler des intérêts convergents dans les guerres qu'elle a menées.
Les nations qui dépendaient des arrivages commerciaux d'outre-mer devaient en effet
arrimer leur politique à celle de l'Angleterre, la protectrice des mers.
De la même manière, c'est à partir d'une stratégie de reconquête insulaire en
Méditerranée que l'Occident put engager son grand mouvement de refoulement de
l'Asie, grâce aux Croisades 2. Tour à tour vandales, byzantines et arabes, la Sardaigne et
la Sicile furent respectivement reprises aux Sarrasins en 1022 par les Pisans et en 1058
par les Normands - Robert Guiscard et son frère Roger-'. En 1091. vint le tour de la
Corse qui avait été conquise par les Vandales puis les Byzantins. Ainsi, cinq ans avant
le départ de la première croisade en 1096, les chrétiens étaient-ils assurés de trois bases
d'opérations essentielles pour la conquNc de l'Orient'. On oublie trop souvent que

1 A MAUROIS, llutum·~/'..fn1:l•·1,• m · . r1ns. h.)'arJ. 1~111

2 H.. <iH.OUSSET. /. t•.~ 1·n1i.\01lt·.' · n.~l. l'iar1~. Pl i I· 1~'14 , ,,111 '"Qu.Jntic"


J 11. ll'AUDf: , J.c.1rrnpîrvs11urm11n,fi· J'Orirnr . ran11, 1•~mn , l'NI.

.. L. fEUVRE. J. 'E11n•/tt'. g.-11ttt' â'unt ,·frilü11tù111, l'ana. Pcn'in. 1m, p l,_..


134

l'aVl!ll!W'I! des Croisades de l'CX...:ident en Orient ne fut rendue possible que par I•
'lmquète préaldble des iles de la M~it'erranée.

3. Le sentiment d'exception

Lt situation d'insularité développe un sentiment traditionnel d'isolement et


d'~n ·
-de la politique du ·splendide isolement" jusqu'à l'originalité de son engagement
dans la 'vnstruction euro~e, et sa volonté en particulier de ne pas négliger l'outre-
lnl!J' au seul profit des .illiances .:ontinentales, l'Angleterre marque son souci
pennment de n5ter une nation souveraine, originale! , poursuivant ses propres
in~. à la croisft de la vision européenne et de la vision atlantique ;
- la résistanœ de Cuba à l'influence régionale des États-Unis d'Amérique fournit un
mtre t!:'œmple de ténacité i.nsulaire2. Les rapports entre Washington et La Havane sont
>auvent décrits sous le ressort de l'idéologie. En réalité, l'opposition est plus profonde,
elle s'enracine dans l'inquiétude géopolitique de l'ile d'ètre un jour avalée par le
puSult voisin continental.
Qmane la montagne, l'ile est une forme géopolitique de refuge. Certaines minori~
s·y rétugimt tels les dùiœs duodécimains établis sur l'ile de Bahre'inJ.

4. Les logiques de proximité insulaire

Les n!latians fortl!S qui existent entre le Japon et la Grande-Bretagne, au moins


Jll!lllll'en l9'21l. peuvent êtl1! analysées à l'aune de l'insularité commune de ces deux
États. l'Angl~ occupe vi5-à-vis de l'Europe une position comparable à celle du
Japon vis-a-v"is de l'Asie. Tous les deux regardent avec méfiance le continent voisin et
équiliblBtt leur rapport av1:C ce dernier en se tournant de l'autre côté, vers les États..
Unis.
Une hantise partagée du continent et un souci de projection mondiale encouragent
la mnv~ des intérêts géopolitiques japonais et anglais. Aujourd'hui encore, la
Gœide-Bmagne se montre parfois plus intéressée par Je Japon que par l'Europe.

5. L'ouverture maritime

L"lll5Ularité cultive la volonté d'indépendance, mais ne signifie pas pour autant le


œpli. Durant des siècles, l'Ile anglaise a disposé de la suprématie maritime mondiale.
nulaawEiil griœ à des marines de guerre et marchande exceptionnelles.
u iœr est une &ontière sûre, en même temps qu'elle ouvre au monde et appelle le
~oppmient des États insulaires, leur expansion loin des terres originelles.

1 A. MAUllOIS.-J'A~. Pori>, f sywd. 197M.


2 P. WE1,..UIDU, H~ M .Élau· Utm. lll/JJ. /9fM . P..U, NalhBn·IJniven i1c!:oi. 1996 . C OELMAS. C:11.rê.• il Culu,
-id.~199) .

J U . BD&EBY. W Go/fr P~ Paria. P.yoc. 19,9 . S. AL· JABIR AL SABAH, Lt:.Y Êrnlruts ,Ju G,,/fi-, llutmrr J'va
,....,. ,.._, f:trml. IN oC. ZDRCiBIBE. Gftlpol/,,,,,,. ' ' lrbtalrr ~ Golf~. Pari•. P U . F . 1991 .
Chaplin> 3. u slluath>n géographlqu~ · 1'1Nularit6' 135

6. Stratégies insulaires de l'Islam en Méditerranée

On sait que l'Islam dans sa splendeur sut conquérir la Syrie, l'Égypte, la Perse,
l'Afrique du Nord et l'Espilgne, s'emparant ainsi d 'une grande partie du monde
méditerranéen• . Mais l'on oublie souvent de remarquer que la fragilité hi.~torique de
ses conquètes tient en premier lieu à l'échec que connurent les musulmans dam leurs
tentatives de contrôle des iles de la Méditerranée, notamment en Méditerranée
orientale. Installés en Crète en 825, les musu lmans en furent délogés par les Byzantins2,
lesquels récupérèrent cet avant-poste essentiel en 961 tout en se maintenant à Chypre
et Rhodes, clefs des routes conduisant en mer Égée. Byzance conservait autour de la
péninsule des Balkans, la mer Noire et l'Adriatique, "ce chemin d 'Italie que va utiliser
la première fortune modeste, de Venise: celle de transporteur de bois, de sel, de blé, au
service de la richissime Byzance"3, comme l'écrit Fernand Braudel. Cependant, s'ilil
échouèrent en Méditerranée orientale, faute d'un réseau insulaire suffisant, les
musulmans réussirent en Méditerranée occidentale. De 827 à 902, les Tunisiens ~ient
installés en Sicile "cœur vivant de la Méditerranée sarrasine''4; ils parvinrent également
à contrôler divers points de Corse et de Sardaigne.
L'Islam ottoman tentera de la mème façon de contrôler la Méditerranée et en
particulier l'île de Malte, située au sud-est de la Sicile, en face des côtes de la Tunisie et
de la Libye, et qui commande le passage entre les bassins occidental et oriental de la
mer Méditerranée. Les épisodes du siège de Malte par les Ottomans sont nombreux5 .
Ainsi en 1565, une gigantesque Armada turque se présenta-t~lle devant me dans le but
ultime de s'empare r de cette bas e d'opérations de premier ordre vers l'Italie, la Sicile, la
MédJterranée occidentale. Deux cents galères et vingt-cinq mille hommes pan"inrent à
prendre l'ile qui ne fut sauvée de l'occupation que par une autre ile voisine, la Sicile, et
grâce à la volonté de son vice-roi espagnol. Don Garcia de Toledo lequel avait
reconstitué une flotte importante à Djerba.
L'histoire de l'Islam reste marquée par son échec insuiaire6.
Carte 24 : Malte, un exemple de relais insulaire

i. Relais insulaires

Située sur la Route des Indes, l'ile de Madagascar servit aux Anglais de relais
stratégique avant le percement du canal de Suez. De la mème façon, Zanzibar fit office
de relais aux sultans d'Oman qui venaient chercher des esclaves en Afrique.
D'un continent à un autre, la projection stratégique est rarement directe. Il faut
donc posséder les iles voisines du continent sur lequel on veut se projeter. Elles sont en
effet des bases de projection idéales. La valeur stratégique d'une ne proche d'un
continent tient ensuite beaucoup plus à sa situation de promontoire vers le continent
qu'à son étendue ou à ses éventuelles ressources propres.

1 R. MANTRAN . /.'cV" ' " s uut m11:mlm1mf.'. lï~ -.\"/"' .m;, .lr-. r :m s. P L? .F . IQf.4. :\ . MtQUEL. L 'i.tldfl « so .:1~ .....
.Airmmnd Colin, 1q 77
2 J.J . NOR WICH . /li:rtr>irc· d1.• B l-:mwt·. .f.fo. / -1 ~.I . f':in.~ . r .."TTln . J"i"W . al. onpoalc laodra. 1981.
1 F. URAUDIH... . GrtJnimuirrdc.." ..·1n li.f'6t i c11 a...:. 1%) P.m,., t'l:.amnwnon. IQl9), 6).4p.• wU. ~·.p. 81 .

-4/it~ . p . HH
'J GODl;.C: HOT, Hisro1rr<k Mulrc . P:ari!'. r U.f .. 1YS2.
6 X. de PIJ.t'olHOL. L 'i.:du-. ~1 /o lftrr, L., IJU.&.!,.,.M --......-.. nr ..\'..\'' S'•'-· Pm-. hrrin. 2000.
13li

• L'hiilllin! a montre que les lies J., '" Manche, .::omnw les iles Ioniennes, funmt J"5
lit\&l ,i'insécurité pour lrs ~-untinents.
· Ll Gran.li'-Bretagne prit soin Je i:onscrver les ilt's ilnglo-normandL-s aprl's '"
g\ll!m'!S rontn! la Fr.ince 1.
·Le lai""' dl"Vint la i;ranJe puissance du Pacifique Nord en récupérilnt, en 1914, I~
•'-llonies allemandes de œtte région : iles 1\-lilriilnnes, Marshall et Carolines ; il di•puta,
quelques annm plus t.mt. .-ette suprematie aux États-Uni s 2 .
Ciute 1: l' Emp~rokmial ;iU.mwnd .l la veille dl· la Pr,•mière Gucrrc mondiale
·les ~t.-ts-lJNS disf'OS"nt, grâce au Japon, .u1x Philippines, aux Étals de Micronésie
"à un noml:>N important d'autres réseaux insul,~ires el archipélagiques, de bases de
prqectiun ~ pemwttant d'unir leur côte Ouest à l'Asie. Durant la Seconde Guerre
~' la proj«tion de l'Am~rique sur le continent européen fut rendue possible
flil l'vtimalioo Je l'Angleterre comme base de regroupement des forces .
- LI Chilw Jispose au moins de Singapour comme relais maritime potentieP.
- Dans "'1 str.itégie de controle de l'ocëan Indien, l'Inde dispose au moins du relais
mauricien.
-u Fra.nœ s'appuie sur Djibouti, situé entre la r.~de de Toulon et le golfe Arabo-
pei'Slq~ .

·u GranJ.e..Bretagne put s'appuyer quant à elle, sur les iles d'Ascension lors de la
guerre drs Malouines. On voit cette situation sur la carte coTL'>acrée aux iles de
f Atlantique Sud
- L·art~l de Chagos, dans l'océan Indien, et plus prëcisëment dans le Britr!h
m.lwli lÀWn Tn-ntory - 8./.0.T. - a été louë par Londres à Washington pour )"
insaller la b.l5e de Diego Garcia. Cette base joue un rôle très important dans la
stialégiedes États-Unis, comme a pu le montrer la seconde Guerre du Golfe, en 1991.
L'essentiel des forces américaines en provenance de Californie et d 'Hawai, firent en
eifet escale à Diego Garcia avant de se projeter en Arabie Saoudite.
- Autre réseau insulaire jouant un rôle stratëgique iznportant pour Washington : les
états de Miaonêsie-1 . Quatre micro-États forment la Micronésie amëricaine qui occupe
la quasi-lotllité du Pacifique Nord : l'État des Marshall, la Communauté des Mariannes
du Nord qui regroupe les anciennes iles Mariannes allemandes à l'exception de Palau,
l'Etat de Palau, et les États Fédérës de Micronésie qui sont les anciennes Carolines.
Indépendants dans les années 1980, ces États restent fermement ancrés dans l';iÏI'\!
d'inftuenœ des ÉtatrUnis et permettent à ces derniers de faire du Pacifique Nord un
lac américain. Les avantages stratégiques pour les États-Unis tiennent d'abord au fail
que, malgré 1.,ur faible superficie territoriale - 2000 km2 - , les quatre États
constitumt une Zone Économique Exclusive de plus de 7 millions de km~. Us
pennet11!ot ensuite aux ÉtatrUnis, de relier sans discontinuité de souveraineté, la côte
Oue5t aux abords de l'Asie du Nord. Dans un contexte de déplacement du centre de
gravib!' gmpoli.tique des États-Unis de l'Atlantique vers le Pacifique, cette poussière
d'ilots que c.oœtitue la Micronésie, contrôlée, dans une indifférence générale, par
l'annéeamériaine, est devenue un facteur de puissance pour Washlngton.

1 A. MAUit.OLS, Hafllllr".ilw/dan. Pwia, F•yvd. 1971.


2J. Hf.n-l.a t~ . IJ.U a Ir PŒJfllf'W. hutoirr J'uni! fronllàwt, Paris . Albin Mu:h.:I, 19'>~ . y H NOUAJLHAT. U-J
t..1J,,;,11M . . . . .-XX' 1ikl,, P.w\s. Anmad Colnt, IY97
JY . 1.Al'OS'Œllir. , llàd...-irr.dr~/ltif11C', Pllria, Flammariun. 1993 . Hniclc~ "C:hmc .. cl '"Sm11&.11pour'' .
.&A. CKAUPIADE. I". TffUAJ... ~tl#Vldi~ • fl'lopo/Jtiqur. 2"' &I., Paris, l!lhpiie!f. l ..t"19 11111clc "' È rnL'4 Je Mu: ~c·
Chaplt"' J . U. oituntlon gl!of!Taphiqu<' l'inoularlt• 131

24. Malte, un exemple de relais i.nsulaitt

8. Bahreïn, État-archipel et relais insulaire

Situé dans le secteur supérieur du golfe Arabo-persique, l'archipel de Bahreln1 est


fonné d'une ile principale longue de près de quarante kilomètres sur une largeur
maximale d'une quinzaine de kilomètres, entourée de trenœ-six iles et Dots, le tout
s'étalant sur six cent vingt-deux kilomètres carrés.
L'archipel jouit historiquement d 'une situation favorable d'escale placée sur la route
maritime allant du fond du Golfe au bassin de !'Indus. Les textes ~babyloniens -
Dilmoun - et gréco-latins - Tylos - indiquent qu'il exista toujour.; à Bahrein une
agglomération importante, et que dans l'islam médiéval. Bahrein é1ait une ci~ de
commerce et de pèche active - perles2.
Cette situation géographique favorable en fit un relais insulaire convoité par les
Européens d'abord - les Portugais dominèrent de 1521 à 1602 -. les Pases ensuite,
lesquels contrôlèrent Bahrem durant deux siècles tout en rencontrant l'opposition des
Omanais - notamment au xvm~ siècle. En 1783. une dynastie bédouine contrôlait l'ile
mais se heurtait aux convoitises iraniennes, exacerbées au moment des traités de 1861
et 1871 établissant le protectorat britannique et lorsque les Turcs s'emparèrent du
Hâsa3.

l Le tC'rmc s1tr.nilic '"lo:s Jeu!\ n...:rs'"' . X Je PLA'.'rl.HOL.


IPIWMlm~nt•, Pan~. Fayard. l'.i~J .
L•·-~ ncz11v1u J. P'nlp/Wtr• ...._., gù;:g; ......
p 1-10 . E. A . S:\KHLEY . B"hru111. Pulüicul CltteMtlapwwn1 (,,., -"'-*""=Ùll'
.,w
~. L~
cJI ~

M:u..t . 1~7fl . :\ _ .·\UBRY. " [).;1hnm" . Jans fl' . e..,nn.:fantd1r .. lu Pi,,in.n,J.-.rabiqwtt. I~.:! . F~ 1983. l ll. p.-&~.'-'7&.

2 Si1uCc Il la plai.:~ Je l'a~ tudh: o.:.1r11~h.· Je ~l:anàma . .JU nonJ..C'St Je l'ile principale. '{u.i coatr6le le ~c w:n nk- de
\lckam.q
l E. M. MALEK. L,· ...:oJ/i.- f'r'~lf/V .. ~ /e._( (/~s Ji· B&1llruùt. Pans. 19~ . F ADAMlYAl". lldltttùt ~ ~ ....... l95.S;
ÎadJbakhchc, '"La qu'"~uon li~ iles e.b&da". ~ Gti1tterszk ~ /'.Wvrr /rr~ l"llllbr. hril,, l'rtuu.\."àlc: ...._ 1. 19'0
LI . . . . ~i!te pemnt de protéger l'émirat des prétention!' angla1"-"\
~depuis 197'1. Bahreîn est .1ujourd'hui ,;ous l.1 prot.,ction d~~ Ét.u.... L'ni,

81...,,.
d .~ 'f"I ant ttabli le .:ommandement de la cinquièm" flotte dans l'llc 1. Peupf~
~ dailes mais dirig1' p.ir une dynastie arabe ,;unnitc, l'État de Bahr<'ln
~dam Li sphh-e d' influence porentielle de l'Iran .
C-3> : Ln d\-n.mtque de d-.iclav.,mcnl .iu Moyen-Orient

9. L'île convoite l'île

À r~ de Li Gnnde-Bretagne. les États insulaires progressent par projechon.1


~sur d'autres lies, souvent petites, où ils établissent des bases, et s'assurent
âlÀ de Li INftri5e de océans .
· Vmisit. qui fut une cité-État quasiment insulaire, procéda de la sorte pour bâtir un
~ muitnnr ; les Vftlitiens s'implantèrent en effet dans les îles nombreuses de fa
ft!!I' Adriatique et de Li mer Ionienne.
· Tokyo l'l!'Vmdique auprès de 5'!oul les iles Takeschu cl menace d'étendre sa Zone
&:u .... uqar E.ulusi•·e au détnment des Sud-Coréens.
~ 25 . La l'l'Ymdiation du Japon sur le iles Tilke,;chu

- ~ 17 cMamm 20'.l2. suite .l un jugement de la Cour intcmationale de Justice de


La Hlye. Li ~Waisie a hérité de deux ilots, Sipadan et Lig1tan, situés sur la côte nord
et de~ et que 11ndonésie lui disputait. Ces deux îlots faisaient l 'objet d 'un litige
drpais 1969 et les dnix vo15ins avaient décidé de le porter, en 1996, devant la Cour de
Laft.yr
·LI Nounlle-l.élande tient à son réseau insulaire qui forme une sorte de
c--.ith néo-u!landais.
~JI : Nouvelle-Cal~onie ; nmes d 'influence el zones économiques exclusives de
tAmlnbe. dé ttal!rUnis. de la Nouvelle-Zélande et du Rovaurne-Uni dans le
PllCfique •

JO. La valeur stratégique des États-insulaires


est la cause de leur instabilité
Le â.ts contmentaux ou insulaires importants se sont souvent disputés la maitrise
de lie mais. Ainsi Héligoland, la Corse, la Sicile ou bien encore les iles Ioniennes
paBèm!t diln5 des mains différentes au gré de l'histoire.
L'analyw d'une situation insulaire conflictuelle amènera donc à se demander si la
aœr da conflit ne ré!ide pas dans la valeur stratégique de l'ile considérée. En général.
le dééquilibre idmtitaires intérieurs à l'île sont instrumentalisés par les puissances
rtgion;lle et globllles, qui usent de la fragilité des constructions géopolitiques pour
&ndtt lair mlluence.
Ch;>pl~ 3. La oltualton gi!Dgraphlqur ' l'iMul..-11• 139

llUSSIB

CHOŒ

:t
..·.·

25. La revendiciition du Japon sur IH iles Takeschu

11. Une insularité partagée est cause de tensions


li existe de nombreuses situations de partage d'un territoire, d'une même île. Dans
ce type de configurations étatiques, il est rare qu'il n 'y ait pas au moins refus, par l'un
des États considérés, de la partition de l'ile et revendication de l'unité insulaire à son
profit.
- Le nationalisme irlandais revendique l'épanouissement de l'État irlandais sur la
totalité de l'ilel . Ce refus de la présence britannique au nord de l'ile a historiquement
conduit l'Irlande à faire contrepoids à l'Angleterre par l'alliance avec le continent -
avec la France ou l'Allemagne.
- Le partage de l'ile de Chypre2 suivant une ligne de fracture gréco--turque illustre
aussi le cas d 'une insularité divisée. L'État chypriote et l'ensemble de la communauté
internationale considèrent comme artificielle cette partition im~ par les troupes
turques et condamnée par les Nations unies .
- L'ile de Nouvelle-Guinée..1 est partagée entre l' État de Papouasie-NouveUe-Guinée
dans sa partie orientale et l'Indonésie dans l'autre partie. L'État papouan considère
l'e>ttension indonésienne sur l'ile de Nouvelle-Guinée comme contraire à ses droits
historiques. La tension augmente ces dernières années et la sécession est désormais
possible.
Carte 26 : L'ile de Nouvelle-Guinl!e : une insularité partagée entre deux États

1 W. JIUNTCU INSON. L..1 .,,,..,.,;,.,, 1 rf~ndt1111'. ran!li, ElhpM"S. 199M


2 A. CtlAUPRADE , F TfllJ/\l .. /JrC"lirmnm,... ~ 1<rnpolit1'1"~" 2c td . Paru. Elhr'-'ft. 1999 · a11tc:lc "Chypre"
J ldtm, •niclc ·r.poue11e-Nuuve1le-Gu1n«·
- lïlo! dl' llomeo 1 ~t. qu.mt à clic. p<>rt<1gN- ._.ntre lil Millilisie. Brunei <.•t l'lndon~it•
u iu.inde Mterog,,;1~i~ ethnique de Bornéo donne <=<-'pendant peu Je fore._. aux
dt::lroWl' umtdires dan.• l'île.
C.ut\• '!i : L'it\" Jt.~ fk.mk> . une insularit~ parta~é-t.· ~ntrc troi~ Étilts

Ulll . .,.,,,. PunfJIJ9I

26. l'ile de la Nouvelle-Guinée: une insularité partagée entre deux États

""'""'
Malaittc
lndanbic

'Il. L~i.le de Bornéo : une insularité partagée entre trois États

12. Les États continentaux convoitf'nl aussi les îles


lzconflit qui a éclaté en 1995 entre l'Érythrée et le Yémen autour des iles Hanisch
i?rdant le détroit du Bab el Mandeb en mer Rouge, témoigne de l'importance
stralég;ique de Ct!i iles pour deux États disposant pourtant d._. façades maritimes .
Chiirî1n.• 3 La !lituallon gl-ogr.iphiquc . l'm!luforilé 141

AAA81E SAOUDfTf.

, . . ------ ~ -·1.- -­

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· - - - .... 4'.. - - - ... ___ " ) , - .....

28. Les îles Hanish du Yémen, gardiennes du d~it du Bilb el Mandeb


et convoitées pM l'Érythrée;
situiltion générale : sortie de lii mer Rouge sur l'océan Indien.

Les émirats du Qatar et du Bahreïn, États-archipel, se sont longtemps disputés les


iles Hawar attribuées par Londres au Bahreïn en 1939 mais proches du Qatar. Ce litige
est demeuré, jusqu'en 2001, un facteur de tension important. En 2001 en effet, la Cour
internationale de Justice de La Haye a mis fin au conflit en confirmant l.a souveraineté
de Bahreïn sur les iles Hawar. La Qatar a accepté ce jugement et, depuis, les deux pays
accélèrent leur coopération économique. Ils ont signé en 2006 un accord pour la
construction d'un pont digue de 40 km reliant les deux États. Qatar perd les iles HawiU"
mais gagne la perspective de devenir le premier fournisseur en gaz, par gazoduc, de
Bahreïn.

De même, Qatar entretient-il des relations médiocres avec Abu Dhabi, en raison de
litiges territoriaux concernant des iles dans le Golfe 1 .

L'Argentine2 revendique les Malouines et un réseau insulaire de l'Atlantique Sud


- Géorgie, Orcades, Sandwich, Shetland du Sud - au détriment de la Grande--
Bretagne et est allée jusqu'à affronter celle dernière à ce sujet. La guerre des Malouines
- rappelons que pour les Anglais, il s'agit de l'archipel des Falkland - entre deux
grandes puissances a rappelé, une fois de plus, l'importance des territoires.

1 F TllUAL . .-4hn'>:é gc:111'11h1ù1111 · .111 t ;,,Jf,·. l111ns.. Fllitt~ . l'W7


2 f 'TllUAl.. Cié11polmq1.11· 1k /'.~m.·11"/10 · /1uinr. Paria, b."Ull~•nu..:::. . I~
1'2

Dans un moutdre degré d'ambition tt>rritoriale, l'Afrique du Sud considi!re que lc.
périphérie5 insulaires qui s'étendent des S..ycht>lles à La l~éunion, en passant par
t.~. formt'nt son flanc oriental et font partie intégrantt> de son p(>rimi.>tre de
Sl!curi!Pl .

13. Le contentieux des Kourilr.s


entre la Russie et le Japon

En 1945, le Japon capitule. L'Union soviétique obtient l'archipel des Kouriles situé
m mer d'Okhotsk.. conformément aux engagements de Washington. Depuis le
XVJJJ~siède, les Kouriles avaient été alternativement possession japonaise ou msse2
Sur la Iola.litt' de l'archipel. le Japon revendique quatre îles: Kunashiri el
Etorofuiturup qui forment les Grandes Kouriles, Shikotan et les îles Habomaï qui
forment les Petites Kouriles.
La dénomination de ces iles est importante car elle est en soi une prise de position.
Pow Mascou, les iles revendiquées par le Japon sont en effet les Kourilt>s du Sud et
font ~e de l'archipel attribué légalement à l'Union soviétique. Pour Tokyo, il n'y a
pas vraunent contestation de la décision de 1945, mais de la définition des Kouriles; les
iles conteslt'es ne font pas partie de l'archipel mais sont au contraire une extension
tn-ntoriale de l'ile japonaise d'Hokkaido.

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ocian Pacifiqr_r~

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·:•·' .,,-·- - mne de aouveninclf! j.mponailc

19. L'archipel dea Kouriles: contentieux géopolitique entre la Russie et le Japon

l lt l.(AZEJtAJtrl, Giop.Jllt'4fw Jt /'tll("rtJn 1"'1"'"· Pari1, C 11 .C:. /\ M .. 1994 .


2 J.l" ALJMEI. <il:opmlJiqw Jtt lu R11.me. ~omica. 199Y. l"I' 47 -SO
,
1

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30. l'Argentine et les relais insulaires de l'Atlantique Sud


Le liliF géopolitique a l'ail l'objet de nombreuses lentatives diplomatiques, de part
et d'autre.. depuis les années 1950, mais elles sont restées vaines 1.
l'inté.rft géopolitique des Kouriles pour les Russes est évident: la présence russe
sur tolitl.'s les lies de l'archipel permet à la Russie de faire de la mer d 'Okhotsk un
>'éritablfo 'la.: rus.w" et une zone de patrouille sécurisée pour ses sous-marins
nucléaire$. °'1ns une perspecllve plus général.-, on n.- tarderait pas à contester aux
RlüSl5 leur souveraineté sur l'enclave de Kaliningrad coincée entre la Pologne et la
Lituanie, s'ils cédaient sur le contentieux d~ Kouriles2.

14. Un séparatisme sous influence étrangère:


géopolitique de la Nouvelle-Calédonie

lm5que l'malyse géopolitio:jue s'attarde sur le cas de la Nouvelle-Calédonie, elle se


heurte rapidement a une question : comment expliquer qu'une partie de la population
calédonil!nne, qui s'est maintenue à l'écart de la modernisation de l'archipel, ait pu
réus6ir à modifia- l'ilvenir français de la Calédonie ?
û n'est certes pas le rapport des forces géopolitiques internes à l'archipel qui
permet de répondre à cette qu1!'51ion. Les Mélanésiens et les Canaques n'e><cèdent pas
4.2,; de la population d sont. de surcroit, éloignés des thèses séparatistes dans leur
ÎDllnmSiL! majarilé. La &eule ethnie majoritaire en Calédonie est celle des métis, lesquels
sœ1t d'ailleurs pas reconnus comme une catégorie particulière de la population.
l"lf'
L'ardùpel est une mosarque ethnique qui comprend près de 40 'Yo d'Européens
d 'origiœ - les Caldoches - , dont les deux tiers sont nés sur le terri toire3 .
La thèsr !léparahsU' n'a pas fait son chemin seule; elle a été nourrie par les intéréts
géopolitiques de puissanœs voisines défavorables à la présence française dans le
Pacifiqw-'.
u France est présa1le en Nouvelle-Calédonie depuis 1853, année qui vit l'amiral
Febvrier-Despointrs, il!ors mandaté par Napoléon lll, planter le drapeau français sur la
Grande-Terre et conclure avec les autorités indigènes un accord qui plaçait la
Nouvelle-Calédonie sous la souveraineté franc;aise5. Depuis cette époque, et malgré
son éloignement de la métropole - 20 000 km - , la terre calédonienne formée par un
archipel de 19110 km2 - la Grande Terre couvre, à elle seule, une superficie de

1 Y 80YB. I. FA~ dir_ 1A ,..,.,_*~dt'" RMSsw, Pans. Ellipsa/F R S., 2.0CKl. pp 199-201
............... " Rdu11oru

2 O. rlNEYE. --..i,... : - ..-._m Cllln\oie s-- ~ 11n•. 1n Rdolion.t ;,u,maflonal's ~' :r1ra1~g1q111!1 ,
Lall ....... G'" 1992. ..... p ~14-211 .
JO..•~ d'........_..
_ _ __ .__ cdmlqmr f':m::w.r: m
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~ ôr b l="rancc, en Nou\lcllc-C:aledon1c comme cullcun.. le
~ cmnmunauct ~lanés1cnn c - - kanaks -
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~ __ .,..._ • 6 - . -i.·~ ck Walhaia• et Fu1unicns à Sam1-Lou1~ rcmomc uUA années 19.SO
................ IH6'1• "9lc . . . . . . .. rAwc Msa.i pna1mni ck Nouméa. b m i"ion ulhohquc de Sarnt-Lou1s • 11utons.C
f .......... IWfr ~ dr ....iln ~ Cii faauniau1a tur ..:a laTta .... a:: 1'1u:corJ c.lit~ Milunih1cns. Cl.U-int!mu
wcmm • ~ ..... • .. ~ lCITC', lllllri:I,., la~ dn ltcu.J.. Lea dcia r.:ummun.au~s uni ~rantJ1 c1 vCcu en
........- IWilll ~ ~-- ~ .. ...tss llO. WaHWcus el Fuwnu:ns.. en majori1t anl..ind~peru.Janlist~ se
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4""-' - i:-* . . . ~ ck Ill Not.ndle.-CMi!donac. "°''
l'o.ullrn1c QJ'ftlribu1ion Je 1.1" l><>UMl: NGI-:. dans
~ '"\.a~ es .. .....si~ a1 Nouvdlc-Cal6doruc•, 19ff,.2J1 , n" J7 . JK, •1n1u que '"l..11 Nou'\'cllc·
~.•Ll~4'r--*'l9&4 . Pn.~Liru1i10"Mlb..IW'

'G KAMJTAUX. A MAJtlJNE.AU dw.. llhloi,, da! t:.DI011kr /r~";..u2 11 tk /'r.z.pü1U,on Ji: lu l"runL r -""u /,.. numJr.
l'lnf. _... • ~ ........ r\oil..1 VI : Le PsYfmq_. fnniçm1, d•p. IH, •u Nouvcllc-Cailédunic et sn dilpcndan..:c11'"
Cha.pitre 3. La situation géogr.iphiqu<• l ' in~ularil~ 145

16 920 km2, soit environ deux fois la Corse - n'a cessé de se développer, puisant dans
l'exploitation du minerai de nickel sa principale ressource économique. Aujourd'hui
troisième producteur mondial de nickel, le territoire calédonien constitue l'un des plus
grands gisements du monde, mais il est confronté à la concurrence croissante de la
Russie, du Canada, des Philippines et de l'Indonésie.
L'intérêt économique de la terre calédonienne est renforcé par son intérêt
stratégique. Durant la Seconde Guerre mondiale, la Nouvelle-Calédonie occupa une
fonction d'avant-poste dans la défense du continent austn11ien, puis de plate-forme sur
laquelle les Américains purent s'appuyer pour reconquérir le Pacifique au détriment
des Japonais. Située au carrefour des routes maritimes qui lient l'Australie et la
Nouvelle-Zélande aux États-Unis el au Japon, la Nouvelle-Calédonie est assise sur une
position géopolitique privilégiée pour observer le trafic maritime intercontinental et
pour contrôler les communications entre le Pacifique et l'océan Indien.
Autour de la Nouvelle-Calédonie, la France contrôle 1 740 000 km2 - elle en
contrôle 5 millions en Polynésie française et 300 000 autour de Wallis et Futuna1 . C'est
grâce à ses territoires d'autre-mer que la France est encore la troisième puissance
maritime du monde et qu'elle a la possibilité d'exercer son contrôle sur plusieurs Zones
Économiques Exclusives riches en ressources biologiques et minières2 .
On comprend dès lors pourquoi les grandes puissances riveraines du Pacifique qui,
à l'exception des États-Unis, ne disposent pas de domaine maritime comparable à celui
de la France, ne souhaitent pas voir la France rester dans le Pacifique. C'est notamment
le cas de l'Australie qui voudrait asseoir sa puissance sur l'ensemble des an:hipels de
l'Océanie insulaire. Canberra soutient ouvertement l'action du séparatisme canaque et
utilise plusieurs relais d'influence.
L'Australie peut d'abord compter sur la géopolitique du fait religieux. Les grandes
confréries protestantes œu,·rent en effet à créer un axe Vancouver-Sydney arrimant
l'ensemble des États insulaires océaniens à "l'action civilisatrice" de l'Australie et de
l'Amérique du Nord 3 . Elles jouent en Calédonie un rôle d'aiguillon du projet
séparatiste. On voit ainsi l'Église évangélique de Calédonie entretenir des liens avec les
urùversités de Suva - Fidji - et de Port Moresby - Papouasie-Nouvelle-Guinée".
L'activisme séparatiste se nourrit aussi des appuis venant des andermes
possessions britanniques et australiennes qui constituent autant de relais anti-&ançais.
Le soutien à l'Australie des pays mélanésiens - Papouasie-Nouvelle-Guinée, Salomon.
Vanuatu et Fidji - ou d 'ethnies polynésiennes - Samoa occidentales, iles Cook.
Kiribati, Nauru, Tonga, Tuvalu el Niue - s'explique par la forte dépendance
économique de ces États à l'égard de Canberra. En effet, alors que la Nouvelle-
Calédonie jouit du revenu moyen le plus élevé de la région après l'Australie et la
Nouvelle-Zélande, les voisins mélanésiens sont, eux, très pauvres : Fidji est quatre fois
plus pauvre que la Calédonie, Vanuatu et la Papouasie-Nouvelle-Guinée dix fois plus.

1 A. ('HAUPRADE. F. TllUAL , /Jù-tmnnum· J1· g~optilit1'1u.- , 2ir Cd, rwu. Elhr-s- JQCW · m-.c:lc "F~·

z •Aua lcrrnc:5 de Io ('unvc1u1un Jel'i Nutnm~ unies sur le dn>1c de le mer~ 191.Z. les 119ys c:OUcn pcuvau W"i~ lilDC'
c111cns1on de leur pla.lcnu conlmc11tul 1..h: 20(l milles nuulit111L-s - )70 km - 4 JSO milles nau1iqua. - 6SO km Au 1oc:aL G"C:llll:-Ci:nq
Ël41J; sont C'andidats a ccl êlnrp:i!iiscmcnl de lu .!>Ou\·crumclê nunihmc, Joni Io Frantt. qw ~ t. plw. ~ mnr ~
c1dU11\·C - 2UH3 nulltons Je km~ · · urrb; les Ëtuts-Unis" . "l.:I Frant..-r dl!-1.i.assc son ur h\cu•. k F"i/:'fU'O. 4 •\-ni :?002 . Dmu.1 avril
2002. U F1xuru D\'Cr11~sull le publk que le ~l1m· cntcmcn1 Je l''-"p.-.qui:- ne- fusa11 pra.!"'<' d'aucun lnttm l"OW" cet Clugissnnr:nl qui
~nlltil pour la 1:nmcc 1'C.:,1ul\·ulc111 de la 'lUpcrtk1c de la mi!-1rorok "oil .'i.!iiO 000 k.m! ! l 'lll'rick wuhgm.it h: J'D'CldÎC!l tk
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hlis.. EIJ1p~ ~OIH


françubrlk 1:1'11ptJlltiq11r, numl!ru 1, 1° lnmcl'lln: 200:\ . J1r A . CHAUPltADE.
l'arlie 2. Ptrmanma de Io r.rt.

Autant dire que l'aide économique australienne et néo-zélandaise est conditionnée par
un appui politique sans faille de la part de ces États.
Renforcé par le prcisélytisme religieux, le pan-mélanésianisme constitue ainsi l'arme
prinl'ipale emplovœ par l'Australie et la Nouvelle-Zélande pour œuvrer contre la
N1lurelle-Calédoni1' française . Le Forum du Pacifique Sud, qui rassemble treize pays
de la zone, coalise toutes les velléités de lutte contre la présence française. À Suva, en
19Sb, le Forum a ainsi demandé à l'O.N.U. l'inscription de la Nouvelle-Calédonie sur la
liste des pa1·s à décoloniser. L'offensive étilit renforcée par les efforts visant à faire
mt>ttre à l'indt>x la puissance nucléaire française dilns le Pacifique. Le contexte bipolaire
de l'époque poussait également !'U.R.S.S. et la Libye à alimenter les thèses marxistes
cht>z les Canaques. Toutes ces tentatives anti-françaises ont conduit à la mise en place
d'une coalition onusienne hostile à la France, et au vote d 'une résolution de
l'Assemblee générale favorable à l'inscription de la Nouvelle-Calédonie sur la liste de-;
pavs à decoloniser.
Étrange paradoxe que d'entendre l'Australie, qui en son temps fut très peu
soucieuse du sort de ses aborigènes, donner des leçons de droit des peuples a
l'autodétermination! N'est-il pas tout aussi é trange d 'entendre les mêmes leçons de la
part d'un pays comme l'Indonésie qui a rejoint la coalition anti-française, et Cl'lhl-
réprimé sévèrement les velléités d 'indépendance de deux de ses territoires, Tim<lfl9
et l'lrian Jaya ?
Comme de recevoir aussi les leçons d'États comme Fidji qui, plus de vingt ans après
son indépendance, n'a toujours pas réglé le conflit violent entre les méthodistes
mélanesiens et les hindouistes, ou comme Vanuatu qui, dans les années 1980, réprimait
violemment, avec l'aide de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles francophones et
catholiques de Santo et Tana? Quant à l'État de Papouasie-Nouvelle-Guinée, û est le
prototype d'wi État sans unité, scindé entre un monde mélanésien et un monde papou,
lui-même atomisé par la multiplicité de ses langues - plus de quatre cents dans la
partie orientale. Par ailleurs la France n'a-t-elle pas constarrunent aidé ses partenaires
frappés de cyclones ou de diverses catastrophes naturelles, corrune à Vanuatu en 1987?
La Nouvelle-Calédonie occupe un rôle clé dans le dispositif maritime français.
L'attachement de l'île à la France permet aux Calédoniens de disposer d'un revenu
économique supérieur à tous leurs voisins. Dans ces conditions, l'indépendance de l'ile
ne servirait que les puissances étrangères du Pacifique et constituerait un recul de la
puissance maritime et mondiale de la France.
Le gouvernement français n'a donc pas montré ces dernières années une
compréhension légitime des aspirations locales de la population, mais une capitulation
progressive face aux puissances régionales.
On a parlé ici de pan-mélanésianisme ; dans le chapitre consacré aux panismes, on
pourra se souvenir de cet exemple de panisme dirigé contre l'influence française dans
le Pacifique.
Carte 31 : Nouv~lle-Calédonie ; zones d'influence et zones économiques exclusives de
l'Australie, des Etats-Unis, de la France, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni
dans le Pacifique
Carte 32: Les ensembles mélanésiens, micronésiens et polynésiens
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1. Vanu.oru ' l'Awtralie, des États-Unis, de la France, de la nouvdle-Zélande et du Royaume-Uni
(fr. indtpt.'tldant dcpui• 1980) dans le Pacifique
Chapitre 3. La situation g~ographiqm· : l'insularll(' 149

l S. Logique d'archipel contre logique insulaire

Plusieurs États se sont formés sur une logique de fédération d'iles, souvent
rassemblées dans le' cadre g,:,ogrnphiquc d'un archipel. On constate que certains de ces
Etats-archipels, ou États .irchipélagiqucs, sont secoués par des séparatismes insulaires,
une ou plusit:'urs iles tentant de s'émanciper de la fédération pour former un nouvel
État indépendant.
- Les Philippines et l'Indonésie sont deux exemples de vastes États-archipels dont
l'unité est menacée.
La puissance de tutelle hollandaise essaya longtemps d'empêcher l'unité de
l'lndonésie 1 en jouant sur les séparatismes îliens. La logique archipélagique de
l'Indonésie consista à récupérer l'ensemble du domaine hollandais à partir d'un
dispositif d'origine centré sur Java et Sumatra. L'Indonésie connut, en 1999, une
internationalisation du conflit du Timor-oriental; ce conflit est traité dans le chapitre
consacré au facteur religieux. On peut en effet considérer que le facteur religieux -
particularisme chrétien dans un ensemble très majoritairement musulman-,
constitue, à côté de l'affrontement "île contre archipel", l'un des tous premiers
détenninants du conflit.
Carte 40: Logique archipélagique de l'Indonésie
Les Philippines2, État archipélagique formé de plus de sept mille iles et disposant
de vingt-six mille kilomètres de côtes, accèdent ainsi à une dimension maritime
exceptionnelle. Ce type d'État est menacé par l'insularité qui nourrit le séparatisme.
Pour visualiser la situation, on se reportera à la carte du sécessionnisme des
Musulmans Mores aux Philippines. Ces musulmans se sont fait connaître des opirùons
publiques occidentales par des prises d'otage de touristes occidentaux.
Carte 71 : Le sêcessionnisme des musulmans Moros aux Philippines
- L'unité comorienne3 est remise en cause par les séparatismes îliens. L'île
d'Anjouan en particulier a montré à plusieurs reprises son souhait de sortir de
l'allégeance comorienne pour rejoindre la France. Pour tenter de remédier à cette
instabilité'. une nouvelle constitution a été adoptée en 2001 ; elle institue l'Union des
Comores à la place de la République fédérale islarrùque des Comores ainsi qu'une
présidence tournante entre les îles. En 2006, c'est Anjouan qui préside l'Union.
Carte 33: Les Comores dans l'océan Indien
Carte 34: Détail de l'archipel des Comores
- L'unité de Trinidad et Tobago5 est menacée par ce type de séparatisme, l'île de
Tobago ayant en effet manifesté à plusieurs reprises le souhait de se séparer de
Trinidad.
Carte 38: Les Petites Antilles : relais nn1éricains, anglais et français

1 A. CHAUPRADë, F. TllUAL . /Jictu11mawt· clt' J:•:"JJoli1iq111'. 2•· ~J., ruis. Ellipses, 1991:1; nrticlc "lndonësic" . :
Y LACOSTE. dir., Dic.·tiounuit·e t/,• >:t;opulitiq11t•, P1tri:-;, Flummnriun. li:>OJ : arti1.:lc ' 'lndoné.~ic" .
2 A. CHAUPRADE. F. THUAL , m ctùmnüi,.,. t/1• >:,;,,1wli1iqt1t· . 2c éd., Pnris. F:llipsc~. 1~99 : ottlcle "rhi.lippines".;
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J A. CHAUPRAOE, F. THUAL , Dit·lwmmirt• (le g.!opo litiq11'" Puris. EUip.,.cs, 1999 : uT1iclc "C'omon:s"; V . LACOSTE dir..
Diclwnnaire d~ giopolitif.Jrte. roris. Flomm11rion . 1993 : urticlc "Comores" .

4 Oq>1.11s l'm<lépcnd11ncc en 197S. une ving1oint.: Je coups \l'Êt•ll ou 1cnuuivcs et sérlc de conmts enn~ pouvoin loceu:it des
troi!. îles. ont eu heu.
5 A. CHAUPRADE , F. THUAL . Dil-lumnair'° dt• g~opo/itiqu''• 2,.. ~d . , Paris, Ellipses. 1999: ar1iclc ''Trinidad el Tobago".
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ocian Indien

33. Les Comores dans l'océan Indien

océan Indien

RÉPUBLIQUE
DES COMORES

GRANDE COMORE
Muu11111~

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MOHâ..J ANJOUAN

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MA YOlTI (Fr.)

34. Détail de l'archipel des Comores


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35. L'archipel des Spratleys : les relais insulaires des puissances

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1
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1

+ t + i •'
+

+
Chine

Taïwan
Vic1n111n
Malaisie
Philiprinu

36. L'archipel des Spratleys : détail


tr.>.TS·UfollS D'AMERIQUE

ucéan Atlantiqw

odan Paâfiqu~
,t. ··
r~ '• 8R(511.

J 1 --'
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1. llBiu
2. Gu.aic..11

4. ,...... ! J
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S. HicmllUI
6. c-Ricl
1. ~
I. lfllli
9. Sainl-Dorninpc
10. ~Rico (~· U)
' - Jimilc de la M~ilemlllle IUlll!rîaine

37. La Méditerranée américaine


Qtapitre 3. la situation géographique : l'insularité 157

\'"'\ DoMINIQUE
\J 19'71

ST·VINn"""
1979 1r.uc-.
0
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" c;n,,.~.11

'
.()GRENADE
1914 ll~U CoM.

l'•tNIDAD llT TOIACO


1961 lf·U Co...

J Com. : CommonwcoJth

38. Les Petites Antilles : relais américains, anglais et français

Nombre d'États archipélagiques - au moins une dizaine comme on le voit - sont


donc menacés d'éclatement. Après recension, il ne nous semble pas exagéré de soutenir
qu'une trentaine d'États ou zones autonomisées pourraient potentiellement voir le jour
à la place de cette dizaine d'États-archipels. La tendance à l'éclatement est illustrée par
le devenir de la Micronésie, de la Mélanésie et de la Polynésie, dont les cohérences
tissulaires se déchirent peu à peu au profit des singularités insulaires. Ce phénomène
de balkanisation des États dans les Caraïbes, l'océan Indien et le Pacifique soulève la
question de la viabilité des nouveaux États susceptibles d'apparaître, États qui seraient
promis à une satellisation politique et économique plus forte encore que celle qu'ils
connaissent à l'heure actuelle. Néanmoins, certaines iles souhaitent le rattachement à
des ensembles plus grands et plus puissants, comme la France. C'est le cas d 'Anjouan
1
S\''IUS dominalit.ln nmulrit"nllt>l . Il est not•1ble de constater qu un certain nombre de
f'l't'Uples dt.~ n~s tner~ prét'~rt.1 nt dé-sonnr.is le rL~tour:. une tutelle européenne, commf." ils
la ,·onnur~nt sous l'l'r<' n1lllnialc, à la tutelle d'autres populations locales plu,
puissanl<'S. Après ,\\'oir comp.uè, les Anjou.l11ais comme les Timorais optent pour le-.
Europ&.'ns au détriment des Comoriens et des Indonésiens . C'est là sans doute, bi~n
qu.e tu~ ~Il (\:ci<knt pour des raisons cvidentes, l'une des principales raisons qui
expliqut'nt la nu>ntéc en puissance des sépilratisme s ethniques dans les États
an:hipélagiqu.es.

17. La situation de péninsularitr

Bien qu.e distincte de la situation d 'ins ulilrité, nou s cons idérons la situation de
péninsularité comme étant un cas particulie r d e l'ins ularité . C'est la raison pour
laquelle cette section est intégrée au cas général de l'insularité.
Une presqu'ile est un promontoire relié au continent par une bande de terre étroite.
Une péninsule est une grande presqu 'ile.
li existe quatre péninsules européennes: l'ibérique, l'italienne, la balkanique et, au
nord de l'Europe, la péninsule du Jutland . En Asie, l 'Indochine constitue une péninsule
qui offre un tremplin vers l'Australie en passant par l'archipel malais .
les péninsules sont des têtes de pont permettant d'accéder aux continents, à l'image
de l'Espagne, de la Sicile, des Balkans.
l'historien Fernand Braudel considère que l'Europe est une péninsule asiatique, "un
petit cap d 'Asie"2.
Un autre exemple de péninsule est celui de l'État arabe de Qatar. li s'agit en effet
d'une péninsule de cent cinquante kilomètres de long, du Sud au Nord, sur cinquante a
quatre-vingts kilomètres de large3 . Cette péninsule a longtemps entretenu un
contentieux frontalier avec l' Arabie Saoudite (à propos de 60 km longeant la mer)
lequel déboucha même en 1992 à une confrontation militaire. En mars 2001 l'Arabie
Saoudite et le Qatar ont signé à Doha un traité rég lant d é finitivement le contentieu'
frontalier entre les deux pays.

J Pour l'heure l' ensemble reste uni grâce à une no uve lle constitutio n (2001) qui rééquilihrc lc:! s, pouvoi rs o:n(tt ln ilrs
lprêsidcncc tournanic).
2 f . BRAUDEL. Grmnmair<: J e.r 1·ivili.wtiom·, P;iris, Flammarion 19CJJ , coti . "C'hAmps' '. 1u:: ~d . 196) ., p. J48 : " L'Europt tsl

wic pCninsuh: as1at1quc iJ'oU sa double vocal ion : al sa liilÎ !ion vers l'Es t avec un espace con1 inen1al dl· plus en plus abo ndant. lilit:itJfl
difficile jadis, lrilnsfom1éc , hier, par le dCvcloppcmcnt des "Y oics fcm:cs , aujourd' hu i pa i- s a 1.: in:uh11i o n <1C:ricn nc:: ; t:.r sa h•is-:>n. ~
1outts ks directions, avec les s cpl mer!; du monde. L'Euro pe , c'es t, po ur une p <l n css c ntidh: , d e~ n11v ircs, des con vois , dts v1..:1C1un.
surl'immens11ê:Jcs eau,.s1lécs ."
J X. de PlANHOL, l rt-~ Nu1w 11., c//r /'n1pl1t•tt•. Mam wl )!.é1>J.!n 1phir11w d1· l'" l11 iq11e ""'·" "' "'"m·. P11.ri:-<. Fayurd. 199.1 . p. l·O ·
~[Qatarl doit son ClUStcm:c, comme Bohrc\"n, R un dOmc u111idinul méridien q u i , :l q uch;iuc s dizaines de kiloinè1rcs J~ l'arcllipd.
introduit dans le s c:iu,. du Gorre, un au1rc 11ccil1c111 géogrnphiquc nmjcur "
.
39. Les pémnsu les europe, ennes et les pom
. ts de contact
ocian Pacifique

Ponulnlk
"fr,. BORNÉO ·-t::i
~gk:·"'.-.-t.
"\\J. Q '\.-0
Bclirung

mtrdt Java
mtrdt Bonda •I ~ï1m""'
'· mu de Florès c::;:> , ·.{J'!lrs Tummbor

9.0e:bi C:;;:;::!J:rJ~V' .... - . ,)

Bali Sumbawa C'--...Flores imor


Lombok Sumba '-..J • ;, upang mtr d'Arafura

mtrdt Timnr

ndan l'acijiqwt

.
40. La 1agi.que arch1"pélAOiquc
~- de l'Indonésie
CHAPITHE 4

UNE CONSTANTE:
LE CHOC TERRE-MER

"l.es tensio11s entre la Russie et l'A11gleterre étnient 1•olo1ttiers considérées comme la lutte
e1ttre l'ours et la baleine: celle-ci étnit le Uvinthn1t, grnnd poisson mythique[ ... ]; l'ours, l'une
des nombreuses représentations symboliques de ln faune terrestre. Selon les interprétations des
cabbalistes médié!'aux, l'lristoirr du mo11de est 1111 combat entre la puissante baleine, le Léuiatl1an,
et le non moins puissant Be/1emot/1. animal terrien que l'on imagi11ait sous les traits d'un éléphant
ou d'un taureau."

Carl Schmitt, Terre et Mer1

"Q11els furent les maitre~ des pays et des desti11s méditerranéens ? Les peuples continentaux,
les Perses puis les Macédonien,;, 1111is les Romains, puis les Arabes ; au XVI' siècle encore, les
Castillans el les Turcs. L'l1istoire des terre,; a toujours commandé politiquement, en Méditerranée,
l'histoire des mers. C'est si vrai que Venise, t•ille de mer, dut s'envelopper d'une couverture de
terres protectrices et se créer un do111ai11e terrestre et co1ttinentnl. Sans terre ferme, Venise
périssait. / ... Voyez] par contre, Gênes, Gênes tassée, avec ses hautes maisons aristocratiques, aux
fenêtre grillagées, aux portes étroites, des maisons-fortes contre les coups de mer, des coffres-forts
bien protégés [... ]. En Espag11e I' Arngiln /'a emporté contre sa bande littorale, la Catalogne; en
Italie péninsulaire, c'est Flore11ce la con linentnle qui a soumis Pise la maritime ; c'est le
continental Piémont et non pas l'Italie côtière, qui n fait l'unité de l'Italie."

Lucien Febvre, L'Europe, gencse d'1111e civilisatio112

Sans tomber dans le dualisme résumant l'histoire à un choc systématique entre la


terre et la mer, ou en affirmant la supériorité de l'une sur l'autre - Lucien Febvre
affirme celle de la terre, mais les historiens anglo-saxons affirmeraient plutôt celle de la
mer-, il nous paraît important de souligner l'opposition souvent rencontrée entre des
puissances maritimes et continentales et le sens géopolitique que revêt une telle
opposition.
Les Guerres Médiques jouent un rôle particulier dans les représentations
européennes de l'histoire ; dans le conflit qui opposa la Grèce à la Perse, on trouve une
quadruple opposition, quasiment un idéal-type : la nation contre l'Empire, la liberté
contre la tyrannie, l'Europe contre l'Orient, la mer contre la terre ; une nation
démocratique maritime et européenne, Athènes, aurait affronté un empire tyrannique
continental et oriental, la Perse.
Nous traitons ensuite de la destinée géopolitique de la France, nation qui ne cessa
de lutter contre les impérialismes maritimes et continentaux et qui trouva toujours son

1 C SCHMITT. Terre et Mer. Paris, Editions du Labyrinthe, 1985.

2 L. FEBVRE, l'EurCJpe, gf!nt-.u! d'unf! civilisulion, Paris, Perrin. 1999 - l&x\cs de conférences donn~cs par L . Febvn cl
.....mblh par l'edileur - . p. 7S.
162 1'11rt1e 2 _ Pcnr11J11t>1JCt' Jrla et1'1r

equillbre m~ la terre et la mer, entre une vocation européenn~· et une vocation


l'llOllClille.

1. Guerres Médiques, Guerres du Péloponnèse,


Terre et Mer, Orient et Europe

Le ~ grec fut profondément divisé et divers. Au VJc siècle, la ligue


pélapanné!;ienne. sous l'hégémonie de Sparte, la plus grande puissance militaire de la
~~il à unifier une partie des territoires grecs. Mais jusqu'à l'émergence de la
mmaœ perse. le monde grec resta un monde éclaté du point de vue géopolitique, un
monde pol)•œntrique au sein duquel s 'affrontèrent des thalassocraties rivales. Athènes
jouera un rôle de fédérateur du monde grec face à l'avancée du monde oriental perse.
Au cours du 11• nùllénaire, des tribus indo-européennes arrivèrent sur le plaleau
iranien, semblables à celles qui étaient arrivées en Anatolie et en Grèce. Grâce à leur
supftimité en armements et en mobilité - cheval - , Mèdes et Perses menaçaient les
pniples de Mésopotamie et l'ensemble des peuplades sémites. Mais leurs divisions,
notamment la ,;,·alité qu.i opposait Perses et Mèdes, contint leur expansion pendanl
dessiècles. Vers 550 av. J.-C. cependant, une dynastie perse enracinée en Élam au
début du VIJ• sièclr, permet aux Perses un essor fulgurant . L'expansion perse ver.;
l'Ouest et le Sud-Ouest débuta avec Cyrus qui, en 546, battit les Lydiens et annexa leur
b!l:rilDire ainsi que plusieurs colonies grecques. Après avoir soumis des peuplades du
non:l-est de l'Iran. Cyrus se tourna en 540 vers l'empire babylonien. Cambyse qui
suro!da à Cyrus en 530 occupa l'Égypte et la côte de Cyrénaïque. L 'Empire perse étail
alœsenpleine expansion et menaçait d'assujettir l'Occident grec comme l'ensemble du
monde sémite. Darius - 522-486 -. dut reconquérir une partie des États révoltés
~lui: Babylonie. Élam, Médie. U agrandit l'Empire en annexant le Pendjab et la
Thrace.
A l'origine des Guerres Médiques, il y eut d'abord une révolle identitaire: les cités
grecques de la côte occidentale se sentaient menacées dans leur identité culturelle par
les Perses et, 'sous l'impulsion d'Aristagoras, tyran de Milet, elles se soulèvent (...]
sollicitent l'aide des cités de Grèce propre: seules Athènes et, à un moindre degn>,
Érétrie, répondent à cet appel"'·
Les années perses de Darius avaient conquis une grande partie des terres grecques
lanqae s'ouvrit Je VI~ siècle : la Carie, la Lydie, la Mysie, la Phrygie, la Thrace. Les
Penes avaient aUSlsi vas"Salisé la Macédoine. Darius avait d'abord vaincu les Ioniens
avant de se tourner vers ceux qui les avaient soutenus : Athènes et Érétrie. En 490.
Érétrie fut détruite et ses habitants déportés. Les Perses étaient désormais proches
d'Albènes. L'union des Grecs permit le sursaut vital à Marathon la même année.
L'annèeath&ùmne et ses allié, menée par Miltiade, poussa l'armée perse à la retraite.
La llotœ penr se replia alors sur l'Asie Mineure. Cette victoire sur les Perses
jusqu'alan invaincus, fit d'Athènes la grande puissance grecque. Ce rôle est d'autant
plus notable, qu'Athènes n'avait jusqu'alors jamais fait partie des États les plus
importants de la Grèce archaique et qu'elle n'avait jamais participé aux périodes de
mlonisation, à la différ~ de Sparte, qui fut la première puissance militaire de la

1GA PAlJLIAT . M. PAl.'LJAT. CMIDalimu pwcqu~ ~' rnmum,·. Pans, t:lh~. lt.J97 . p . 21 .
C1111pittt 4 . Une comtante : le choc tene--rner 163

Grke, et de Corinthe. qui fut la première puissance konomiquel .


Les Perses contre-attaquèrent dix ans plus tard et parvinrent à dévasœr en 480 la
Béotie, l'Atnque et à briller Athènes. La même année cependant. le Spartiate Eurybiaœ
conduisit les Grecs à la victoire à Salamine et, appliquant le plan de Thémistocle,
empêcha la flotte perse de se déployer dans le détroit contre ln navires grecs. L'a~
suivante, il mit fin aux Guerres Médiques - victoire grecque de Pla~. En 477, fut
créée la première Ligue marinme athénienne contre le danger perse. Délo9 était le s i •
de cette Ligue qui prit ensuite Je nom de Ligue de Délos. L'alliance conforta le rOle
premier d 'Athènes dans le monde grec. Désormais, la suprématie économique et
stratégique appartenait aux Athéniens, ce qui provoqua la jalousie de la vieille cité
Sparte.
À bien des égards, les Guerres Médiques occupent une place importante dans
l'histoire géopolitique des relations entre l'Occident et l'Orient
Leurs victoires permirent aux Grecs d 'inventer de nouvelles stratégies militaires, la
pratique normale étant jusqu'alors fondée sur la défense du territoire, et non !l1D' le
siège ou sur la combinaison d'opérations terrestres et maritimes. L'homme clé de 1a
construction de la flotte navale athénienne fut Thémistocle. Par lui, Athènes inaugura
une grande tradition thallassocratique. Convient-il d'établir un parallèle entre œtœ
Athènes, épigone de la liberté démocratique qui trouvera sa puissance par la maltri9e
des mers - en tout cas de la mer Égée - et les puissances libres des XIXe et
xxe siècles. France, Angleterre et Êtats-Unis opposées aux autocraties continentales
allemande et russe? Toujours est-il que la liberté est souvent venue des mers et
l'autoritarisme des empires continentaux. Il y a là, dans !'Histoire, une continuité
notable.
Ensuite, l'opposition Orient-Europe se fit autour de la maitrise de la mer É~.
L'enjeu fut essentiellement maritime, et c'est surtout la Grèce maritime, plus que la
Grèce continentale, qui affronta l'Empire perse : lors de la guerre du Péloponnèse,
Sparte la continentale eut recours à la Perse contre l'hégémonie maritime athénienne, et
bien plus tard encore, au ive siècle - 395 - , lorsque Sparte devint la plus grande
puissance maritime grecque, c 'est Athènes cette fois-ci qui n'hésita pas. avec Corinthe
et Thèbes à ses côtés, à ras sembler une coalition appuyée par les Per.;es.
Les Guerres Médiques revêtent une dimension fondamentale dans la mémoire
européenne et eurent des conséquences géopolitiques portant sur le très long terme.
Elles furent rapportées par Diodore de Sicile dans les Livres X et X1 et par le
dramaturge Eschyle, mais c'est surtout par Hérodote qu'un récit très circonstancié des
Guerres Médiques nous est accessible. Cependant, le récit d'Hérodote reste très
partisan et permet difficilement à l'historien de replacer dans leur vraie perspective des
événements qui se déroulent au ye siècle av. J.-C. Nous touchons à l'un des aspects
essentiels de la géopolitique : la représentation de l'Histoi.re compte au moins autant
que la vérité factuelle, laquelle se perd dans la nuit des tl'mps et s 'efface devant la
mémoire et les traumatis mes hérités par les peuples. Quelle que soit en effft leur
importance réelle, les Guerres Médiques constituèrent un événement de première
ampleur pour les Grecs et donc pour la mémoire des Européens. Pour la première fois,
les Grecs avaient su s 'unir contre un envahisseur, avec la conscience d 'appartenir à une
civilisation commune qui transcendait les divisions et les rivalités étatiques. Comme le
remarque ains i Olivier Picard2, ce furent les Grecs et non les Cités victorieuses qui
dédièrent à Delphes une offrande faite avec la Dime du butin de Salamine. L'érection

1 J.-N . CORVISIER. L..•, G rtt."' à J '~poqu~ u":h.ûvu•· . P•ru.. l:lhpscs.. 1996. p. IJS . Sur l'ûfinmam dl!: .. ~
at.htnicnnc. à l"nccu1on de."' VucnH MêchqUC"'. \'oir c~:i kmc"nl Je J . N. COR VISlEk. U --*' ~ .-,.,_. "-1s. ~
p IJO
:? O. PICARD. L ..·.-1 (i rTcJ .fatt Ill la"'~~ ptrn ~. P'ari&. l..,_
161 _ .. . . - ~ .... .-.:nriau~m.-~ ~ ÙI Cllrtt

d'une statue de Zeus à Olympie, de Poséidon à l'isthme, et l'offrande d'un trépieds d'or
à Delphes, portant le nom des trente-et-une Cités présentes à Platées ou sur mer,
manlm\t bien aussi celle notion d 'unité. La division étatique avait bel et bien éU!
d~ au profit d'une unité du monde grec . L'alliance s'était faite entre Athéniens,
SpaJtiates. Eubéens. Béotiens et Thessaliens.
Cesl dans les Guerres Mediques que l'opposition entre le Grec et le barbare,
ftalmnte a l'époque classique, trouve son origine. Cette opposition est prolong~ par
celle de la liberté face à liJ tyrannie. "La postérité va célébrer à l'envi les combattants de
Marathon. les 'marathonomaques', champions de la liberté contre la barbarie' !
D'aillC?Urs, le vamqueur lui-même, l'athénien Miltiade, qui fut par la suite soupçonné
d'aspirer à la ~Tannic. fut écarté de la cité grecque.
Ainsi, dans la mémoire des Européens, les Guerres Médiques restent-elles comme
la synecdoque de l'agression de la civilisation européenne par la barbarie orientale. Des
générabons d'élèves bercées aux humanités grecques seront désormais marquées par
œch<x: \~oient entre un premier Occident libre et un premier Orient despotique. Par la
suib!. le thème de l'union des Grecs face à l'ennemi héréditaire sera courant. Qu'ils
rtJCOuvrmt les puissances chrétiennes à Lépante, le monde libre contre la barbarie
nippo-allemande, les puissances atlantiques coalisées contre l'Union soviétique pu1S
contre l'Irak. les Allies puisent la force de la représentation géopolitique dans la vieille
alliance du monde grec européen contre le monde barbare oriental. de la liberté contre
~ d15pobSme, cliche s'il en est, mais dont la force parvient jusqu 'à nous, au point de
réveiller dans les opinions publiques le réflexe vital de Marathon ou de Lépante. Peu
imparti! au fond la réalité des rapports de force . La géopolitique puise aussi dans la
folt'e des représentatioflS. des idéologies, des lieux communs comme des lieux de
mémoire.
La réalité géopolitique de l'époque était pourtant différente . Pour les Perses, l'échec
en G.-Ke ne fut guère important comparativement à la taille de leur empire, et ce
d'autant qu'ils restaient les maitres en Ionie. Après tout, la Grèce n 'étaient que bien peu
de choses aux yeux des Perses : une péninsule au bout du monde, dont le contrôle était
bien moins recherché que celui de la riche Mésopotamie. Conformément à l'idéologie
royale achémérude, les Perses restaient convaincus que les Grecs paieraient tribut un
jour ou l'autre, et qu'ils reconnaitraient leur autorité. Mais les Perses ne comprirent pas
qu'un empire, à défaut de s'étendre sans cesse, est condamné à périr. L'éternel dilemme
impérial rst celui de l'étendue territoriale. Si l'empire ne s 'étend pas, il épuise sa propre
dynamique vilalisle, source de sa légitimité politique, et est menacé en son sein par les
!ll!d.itions et Je réveil des peuples. Preuve en est le fait que chaque vic toire grecque
provoqua une revolte de la Mésopotamie conlTe le joug perse. Si au contraire l'empire
s'émut, il est tôt au tard dilué par l'immensité g é ographique et affaibli par la difficulté
structurelle qu'il a d'administrer les territoires conquis.
L'échec face aux Grecs marque les limites de la dynamique impériale perse et, par
li\ mbne, condamne celle-ci à l'échec. Inversement, la victoire grecque signifie le réveil
de l'impérialisme athénien . À vaincre un empire, on se voit capable de vaincre un jour
en tant qu'empire. La géopolitique interne du monde grec e s t modifiée par la victoire
face aux Penes. Jusqu'aux Guerres Médiques, Sparte resta le plus puissant État de
Grèce et domina le Péloponnèse. La cité avait même pris la direction de la coalition. En
~portant la victoire de Marathon, Athènes remporta une victoire au sein du monde
grec. Les Athéniens jouèrent désormais un rôle déterminant dans le congres de
l'isthme. L'historiographie des Guerres Médiques montre qu'Hérodote n 'est pas
11e11lnnenl pro-grec. mais qu'il est également pro-athénien. Hérodote est aux origint'S

1GA PAULIAT. M . PAULI.AT. Cwrlu.&1tta1U llTft'IJlr ' ' """o'""· Pans , Ell1pi&Cjl, 1Y97 , p . 22 .
Chaptttt 4 . Une torutanle: Je choc tttre-m~ 11!i5

de l'athéno-centrisme de mise chez tous les historiens du monde grec el ce, au


détriment de Sparte. C'est bien dans les Guerres Médiques que l'opposition qui aura
court entre Athènes et Sparte trouve ses sources1 •
Des victoires contre les Perses, naquit une division géopolitique majeure au sein du
monde gTec: la lutte entre Athènes et Sparte. Cette rivalité entre Athènes, détruite
pendant les Guerres Médiques, rebâtie el à nouveau fortifiée, - !IDn rayonnement fut
véritablement atteint entre 478 el 431, date du début de la Guerre du Péloponnèlle, el
dans la seconde moitié du ve siècle, Périclès proclama que sa patrie était l'~ole de la
Grèce - et Sparte, les deux cités les plus puissantes du monde grec, fut en réalité une
course au leadership sur le monde gTec . Tout opposait les deux cités. D'abord l'identi~
ethnique : les Spartiates étaient des Doriens et les Athéniens des Ioniens; ensuite la
nature du régime politique : démocratie contre aristocratie. Mais ce qui prime sur le
tout tient à la nature de leur impérialisme. maritime pour Athènes, continental pour
Sparte.
Une fois les Perses refoulés, les Athéniens constituèrent la Ligue de Délos,
confédération dont le but était de ravager les territoires du monde perse en guise de
représailles. La Ligue fut dotée d'un trésor commun, déposé dans l'ile de Délos el
alimenté par un tribut que devaient payer les alliés ne participant pas à la campagne.
Dans cette Ligue, Athènes détenait l'hégémonie et assurait sa prépondérance sur les
peuples qui se groupaient autour d'elle; peu à peu, la cité se plaça à la t~ d'un
empire. Le nouveau régime démocratique, entraîné dans son obligation de répondre
aux besoins de tous, "ne peut d 'ailleurs se concevoir que dans une Athènes
hégémonique, ce qui peut se traduire par l'instauration d'un empire athénien. "2 À
propos de l'empire athénien "rien ne serait plus faux que de voir dans l'empire
d'Athènes, l'équivalent de l'empire colonial anglais du XIXe, comme on l'a évoqué
parfois. Athènes n'a pas cherché à s'assurer des débouchés commerciaux, conception
tout à fait étrangère aux cités gTecques dans lesquelles [ . .. ) l'activi~ commerciale est en
grande partie entre les mains des étrangers ( ... ) Athènes a d'abord cherché à s'assurer
la maîtrise de la route du Pont-Euxin par laquelle lui parvient l'essentiel du blé
indispensable à la population. Mais il ne semble pas qu'elle ait voulu la garder pour
son propre usage, sinon pendant la Guerre du Péloponnèse. D s'agit aussi d'assurer le
libre accès aux matières premières pour la construction navale: bois, poix, chanvre.
L'expédition d'Égypte répond peut-être au mi!me désir."3_
En 454, le trésor fédéral de la Ligue fut transféré de Délos jusqu'à Athènes et la
confédération essentiellement maritime - puisqu'à l'exception d'Athènes, aucune cité
de la Grèce continentale n'y participa - se transforma en "'11pire athénien.
À l'hégémonie d'Athènes sur la mer Égée, s 'opposa l'hé~morue spartiate sur le
continent, chacun des deux États s'appuyant sur sa Ligue. Sous Périclès, Athènes
consolida ses acquis et ne tenta guère d'expéditions aventureuses. Mais en 431, éclata la
Guerre du Péloponnèse. Trois événements géopolitiques sont la cause du
déclenchement. Athènes et Corinthe se heurtèrent autour de deux colonies
corinthiennes - Corcyre et Potidée - puis Athènes ferma son marché économique à
l'une des cités de la Ligue du Péloponnèse dirigée par Sparte. Mégare.
Les premières années de guerre, la Ligue du Péloponnèse prit le dessus - guerre

1 N COR.VlSIER. Lt>3 Grn.·.• ci l'tfpoc~ arcltarqw 1rntliru du J.\'•$1ft:lr ù 41~ ""· J-CJ. hris.. EUipsn.. 1996. coll.
'"CapellA1~phan" , r IR~ c1 M .C AMOURE'Til. f RUZË. L'" ,,w,.ar .~ tDllJffW. Paru.. HKhcftc Supl!nNr. 19'0. coll .
'"H1tlou~ Un1ven11C"', p. 1~6
20.A . PAULIAT. M PAULIAT. Cü-ilisatrvru grrrqu.- r1 l'VINI•,..,
P'aris. Ellif-s. 1997. p.24. ~ M.C AMOURETTI.
F R.UZE. ûmon« 1:rn· anl1ym!, Paris , H.cheur Supenau, 1990, coll •Histoire UnlvcniW.•, p. 141.
l MC'. AMOUllElTI . f ~UZE. L" rnonôt- R'T'C' ""'iqut'. Puis. Hachette Supfnc'ur. t9'QIC). c-oll. •ffimKft- Uniwniti-'", p 1.a.s.
146
d'Archidamos 432-4:?. De nombreux rebondissements marquent les événements du
PélopoMfseoù s'illustra !'Athénien Alcibiade dont la trahison puis le retour à la patrie
!<Ont restés célèbl'l.'S. En 404, Athènes fut défaite et la Ligue de Délos dissoute. L'empire
•thénien sort.il exsangue du conflit tnndis que Sparte gardait les traces d'un recours à
l'argent du roi perse.
IA Guerre du Péloponnèse reste, dans la consdence des Européens, la guerre intra.
l'llmpo!enne par excellence, celle de la fracture d'une unité grecque idi"alisée par la lutte
contre l'Orient perse. Mais à l'intérieur de la représentation géopolitique qui est donnée
du conflit fratricide, un processus manichéen a permis de légitimer la fracture. Dans
l'imagerie occidentale post-Révolution française, Athènes reste la cité de la liberté
o~ à la Sparte aristocratique, condamnée de surcroit pour avoir osé collaborer
avec le Perse.
Pourtant. le conflit entre Athènes et Sparte, tant de fois repris en guise de
métaphore aux XIX• et XX• siècles par les démocrates français opposant la France
rqmblicaine à l'Allemagne autoritaire, reflète la réalité des divisions étatiques et
nationales. Dorienne et continentale par essence, Sparte est une nation, comme l'est la
nation athbtienne ionienne et maritime. Ces réalités sont irréductibles et n'effacent
d'olillrurs en rien la communauté grecque qui existe entre elles. Et de la mème façon
que. dessiècles plus tard, les rivalités européennes s'alimenteront d'alliances
orimtales, Spartiates et Athéniens surent aussi, pour épuiser jusqu'à son terme le
cunh!ntieu" géopolitique existant entre les Cités, user de "l'alliance orientale contre
nalllft', celle que François)"' el Richelieu manièrent bien plus tard pour protéger la
Fmiœ de la Ligue des Habsbourg. Aux partisans du choc des civilisations que défend
Samuel Huntington, et qui trouveraient l'idéal-type historique dans l'unité grecque des
Guerres Médiques, il faudra sans cesse rappeler la réalité de la Guerre du Péloponnèse,
guerre des réalités nationales.

2. La France. entre terre et mer


Depuis l'Antiquitê, la géopolitique, prise dans sa dimension globale, semble
pouvoir se résumer à l'affrontement entre la terre et la mer, entre la puissance
continmtale el la puissance maritime. L'wte comme l'autre cherche à étendre leur
influence sur les rivages terrestres. C'était hier l'Angleterre qui, ayant constitué un
empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais, repoussait les percées russes vers les
mer.; chaudes!; ce sont auiourd'hui les États-Unis qui, s'inscrivant sur les contours du
continmt eurasiatique, transforment leur suprématie maritime en une suprématie
mondiale?.
Comme les empires maritimes, les empires continentaux, la Russie, l'Allemagne,
s'dforcmt de se désenclaver vers les rivages du continent eurasiatique. C'est à cette
tmtative double d'enracinement sur les rivages européens que la France s'est heurtée
durant Ioule son lûstoire. Plaque toumante du continent, entre l'Espagne el
l'Allemagne, mtre l'Italie et l'Angleterre, mais aussi plaque tournante océanique entre
Medilerranée, Jll"r du Nord et océan Atlantique, la France a en effet traditionnellement
refoul~ la double hégémonie maritime et terrestre, anglo-saxonne et allemande.
Comme l'êail l'historien Jacques Bainville "Près de mille ans d'une histoire qui n'est
pas fmieseront partages entre la mer et la terre, entre l'Angleterre et I' Allemagne."J
Avec le traité de Westphalie de 1648 qui libère les Franç.lis de la pression

1 .... MAUIOIS, Hi.uoUT t:r'A,,.t~,,n~. P•n'- hyud. 11.nti.


20. AITAliD, A. KA.Vr. Umovwda i1au-Unu. Pan•. Amuml Colm, lllJJO
1 J. BAIJrrl\.llLE . HWlt'JJlrt"' Fr-.·~.'"""· fayard. l 2c td .. ~12 r ( I '" <t<l .• 11'2-4)
Chopitn? 4. Uni.! constante le choc terre-mer 167

germanique, et le traité des Pyrénées de 1659 qui abaisse la ml!llilce espagnole, la


France triomphe de la maison des Habsbourg et efface du mème coup les visées de
l'alliance germano-atlantique du moment! _
Désormais puissante sur les mer!I el sur le continent, grâce à une politique fondée
sur l'équilibre enlTe la mer et la terre - équilibre magnifiquement illustré par l'égale
longueur de ses rivages maritimes el de ses frontières terrestres-. la France devient la
première puissance mondiale durant la seconde moitié du XVII• siècle et ;au
XVIII• siècle.
La Révolution, puis l'épanchement continental issu des guerres napoléoniennes,
brisent l'équilibre géopolitique français2. Le XJX0 siècle est le siècle de l'hégémonie
maritime anglaise, prolongée, à l'issue des terribles guerres mondiales du XX• siècle,
par la superpuissance américaine.
Avec l'effondrement de la bipolarité, après la chute du Mur de Berlin puis du
communisme soviétique, naissent de nouveaux rapports de forces mondiaux,.
caractérisés d 'une part par l'affaiblissement de l'Empire russe, d 'autre part par l'alliance
entre la puissance bi-océanique américaine et la puissance continentale réunifiée
allemande.
Le monde revient alors à la situation du XVI• siècle caractérisée par la
prépondérance d'une superpuissance à la fois continentale et atlantique - la maison
des Habsbourg : alliance de l'Autriche et de l'Espagne. La convergence des intérft:s
financiers et économiques mondiaux rapproche les objectifs de la superpuissanœ
maritime américaine et de la superpuissance continentale allemande. Les rôles sont
répartis : à Washington un rôle mondial appuyé par l'assentiment de Berlin; à Berlin,
un rôle continental el une mission d'ancrage atlantique de l'unité européenne en
formation. Un adversaire commun : la Russie et ses tentations de contrôle des
immenses ressources d'Asie centrale. Un "empêcheur de tourner en rond commun"
pour la géopolitique germano-américaine : le rivage français avec ses traditionnelles
prétentions mondiales.
Depuis 1991, toutes les évolutions sur le continent européen ont contribué à
renforcer la position de l'axe germano-américain : indépendances des pays Baltes. de la
Croatie3, et de la Slovénie qui offrent à Berlin des rivages baltiques et adriatiques,
émergence bosniaque prolongeant Je rivage turc sur lequel s'appuie Washington,
réunification de l'Allemagne et, en 1999, prise de contrôle des "rivages" serbes au
Monténégro et au Kosovo, cœur de la résistance anti-germanique.
La géopolitique "germano-américaine", de Tallin jusqu'à Tirana, contrôle désormais
le rivage européen et enserre la Russie à l'intérieur du continent eurasiatique.
Le devenir géopolitique de la France repose aujourd'hui sur ses relations avec trois
puissances: la superpuissance maritime que sont les États-Unis, l'Allemagne et la
Russie.
Une politique manltme sans politique continentale viserait à laisser la
p~pondérance à l'Allemagne ; une politique continentale - européenne - sans
politique maritime, contribuerait à laisser l'hégémonie mondiale aux États-Unis. Le
rôle de la France, qui cherche à s 'appuyer sur l'Organisation des Nations wùes est,

1 F. OLUCllL:: . l.JJ<:111mnui,..- .lu lir-u11.J fit\d... Pans.. f11y1m1. I~ . .an1dC' •wa1phaJic-'". p 16.24.
21\. LA TREILL E, L ·.-, •. "''""'"'"''' "'" " Pori~. Am\3nJ Ctihn. 1~7-t ; J. Eb.in,illc . N3rolft>n. Pmi~ &.Uaad. 1~~ . coll '"U
Nadu'". 11t aJ li.Il 1.
l Sur la n:conn.a1b&nCC' unil111tnslc Je.. mJ~p:-oJ;tnc:c• ..:ni.:.tc Cl :do ... mc:- pat fAI~ ien 14"1 · ~i l'Al~ •l·
clic ma- autanl de ~ i 1 1i 1111iun llMn ~ !Mln in111at1\~ ._. p,,u"luui :a - l ·~ ll t' Jt\:k.K Jir 'bouKu.lcr -=s pnoc,..u.' panimurn.. y c::ntGpfU la
t&ab·Unit iit le ~C\:~tai n.• 1!'~11.!ral Je l'O N l.1 ~u1 ...·un:rt.iJêru1~1 1..~llC' n:aumaas.JaDR" pn!Dalwft et ~~ dr ~
l'ntCNH.m tJu -:~nnil à J 'aulR":'I r-nin Je la Yuu.,:ti~J a\· h~ '.''". 1• LLTlll:ttNt:.Aü. '"LA poli"'tue: n~ al~ d. le: coalbt Je
l'u-Yuuasotla\·ie'", in RC"!ntmn.' r'1rtt·m,11ic11111I...•.• .-t ·'""""-Nt«.J, Pan!\. 1 K.l.S ., n"' IQ, A\dUl'llnt' 19'9~ . p. 81 .
lb!!

li.ln.' le c.iJre Je S<'S allianœs europé1!nne et atlantique, d'équilibrer les jeux de.. lro"
puis.s.tnœs anu!ricaine, allemande et russe. La l'r.1ncc sail qu'historiqucmcnt
l'Allemagne Jispose Je J.,u .. options radicalemenl opposées pour devenir une
superpuis.sanœ mondiale: l'alliance avec les États-Unis pour contenir la Russie <1
amwr ~construire un espace économique el politique euro-atlantique dont le pilier
sur le rontincnt européen serait l'Allemagne; l'alliance avec l,1 Russie pour constituer
un bloc l?urasiatiqu" superpuissant; ce scénilrio était la hantise du géopoliticicn
M•ckinJerl .
Emp«hcr la réalisation de ce scénario, car chacun d'eux signifierait une
margmalisation Je la Franœ et une augmentation des risques de conflit, passe par une
politique triple : américaine, russe et allemande . L'erreur de nombre de commentateurs
Je la politiqu<' inlemalionale est de raisonner de manière univoque et de proposer des
solutions aussi insatisfaisantes les unes que les autres, tel l'atlantisme absolu ou l'anh·
am.!ricanisme atlsolu.

A l'image Je sa geopolitique, la politique étrangère française est une politique


J'equilibre; une politique européenne et une politique mondiale doivent pouvoir étn
menœs de front. La politique européenne est une politique d'intérêts communs aux
Européens ; la politique mondiale de la France est une politique d'exception française
- Ou!n'-mer, Francophonie, rôle privilégiê en Afrique . Le défi de la politique
étrangère française est donc de réussir à rendre compatibles une politique d'intèrèt
commun - Politique étrangère et de Sécuritê commune, P.E.S.C. - et une polilique
d'exception - une majorité de pays de l'U.E. n'ont jamais eu, et ne veulent pas avoir,
\'ocation à s'intéresser aux pays du Sud ou à la politique maritime .

Conformément à sa geopolitique, le rôle de la France est donc un rôle d'arbitrage


entre les puissances.
En 1915, au plus fort de la Grande Guerre, Anglais et Français pensent au partage
futur de l'Empire ottoman en décomposition et à l'attribution de zones d'influence. La
France renonce trop rapidement à jouer un rôle en Palestine car elle pense pouvoir
obtenir lil rive gauche du Rhin . La politique mondiale est alors négligée au profit de la
pobtique eurupéenne2.

1Jt MALklNDER.. LI plKJI llf'llF•'P'"'I~' J..· l 'hu1u;r1!, l ':llM .


l J PK-HO,_, &,.,,w,p IAtPrvcM..(Jnlnt. Pan•. J Peyronnet cl cu111ra.yn1c- ëJ. , l '1.lN ..ltl:! .r
CHAPITRE 5

LA TOPOLOGIE:
FONCTION GÉOPOLITIQUE DU RELIEF

Les situations géographiques. l'enclavement ou l'insularité, déterminent largement,


comme on l'a vu, la politique des États, le comportement et les représentations des
peuples. Mais la situation n'est pas le seul facteur géographique; il en est un lié à la
nature du relief, de la végétation, qui contribue grandement à modeler le réel et à
constTuire l'imaginaire des peuples. Nous avons choisi de regrouper sous le terme
"topologie", l'étude du rapport de l'homme à son espace d'habitation.

l. Définition

Topos, le lieu et logos, la raison ; dans cette acception, la topologie serait la logique
du lieu. Le terme de topologie utilisé en mathématiques pour désigner l'étude des
propriétés de l'espace du point de vue qualitatif - et non quantitatif-. en se référant
notamment aux notions de déformation, de continuité et de discontinuité. amène à une
définition de ce que pourrait étre une topologie en géopolitique: l'étude des logiques
géopolitiques en fonction des caractéristiques des espaces, notamment celles tenant de
la déformation et de la discontinuité de l'espace terrestre. En d'autres IE!rmf!S. les
accidents, les singularités terrestres, déterminent-ils des accidents humains, des
ruptures géopolitiques '

2. L'importance de la topologie en géopolitique


dépend du temps historique considéré

Les progrès en matière de voies de communication entre les hommes ont conduit à
diminuer la fonction séparatrice de certains espaces dont le caractère hostile ou vide
faisait des frontières naturelles entre États. Dès lors, la pertinence des obstacles
naturels comme iacteurs geopolitiques t$t de moins en moins vraie à l'échelle
mondiale. Les mers et les déserts ne séparent plus les hommes comme autrefois. Les
espaces vides sont vaincus plus facilement. Les satellites font penétrw la vision et
l'examen de l'homme dans la moindre parcelle inhabiree de la planète. L'homme voit
désormais toute sa planète nourricière et peut s'affranchir de tous les obstacles.
Pourtant, nous tenterons de montrer que :
1. La topologie a contribué à forger historiquement le rapport et la représentation
entre les États et les peuples, ainsi que la g~politique intérieure des États; rapport et
représentation sur lesquelles nous vivons ~ncore largement, malgré les progrès de la
techniqul'.
2 A l'échelle locale, dans les pays développes et plus encore dans les pays en voie
de d~t. l'ob!itacle naturel continue de modeler les rapports entre Élats
misins. L'ao:aoissement des liaisons et des khanges mondiaux est concentré sur l<?s
Dn!S "8phiques coMl"C'tfts entre elles, et de nombreux espaces vides ou enscrr(-s
J'll' des reliefs restent éloignés des phénomènes d'accroissement mondialisé des nux.
Lts mers du Sud demeurent vides, comme les déserts et nombre de régions forestièr<?s
ou montagneuses. Le géopoliticien se doit donc d 'étudier les fonctions géopolitiques
qu'occupent ces 'régions déformées et discontinues" qui contribuent à fixer les limill'S
Je Êtlts. tant il est vrai que l'expansion d'un peuple peut se heurter à un fleuve, une
montagne. un manis ou bien encore se diluer et s'éteindre dans les confins d'un désert.
La topologie reste géopolitiquement, et donc stratégiquement. une réalité
incontournable
Dans ce chapitre, on aborde ces facteurs géopolitiques déterminants que furent, et
que~ dans bien des cas, Je désert, la forêt, l'isthme, le lac, le marais, la montagne.

3. La fonction géopolitique du désert

L'histonen Fernand Braudel nous rappelle que l'islam, c'est le désert, un ensemble
de diserts situé entre deux navigations - deux étendues d'eau salée-, la
~ et l'océan Indien, et entre trois masses de densité humaine, l'Europe,
l'Afrique noitt et l'Extreme-Orient 1. Et ce caractère en quelque sorte désertique de
l'islmi fait de œlui<i une sorte de continent intennédiaire. Pourrait-on alors encore
!Olltmir que~ désert ne fut en rien un déterminant fondamental de l'histoire, lorsqu'il
est si intimement lié à l'émergence de la réalité islamique?

3. l. Le désert est un vide topologique


Ledéseft est un territoin inhabité qui tient sa fonction géopolitique de l'importance
de SUD étmdue et de la faible densité de son peuplement.
La dMinition géopolitique du désert est moins restrictive que sa définition
géographique, laquelle prend en compte des critères géophysiques liés à l'aridité en
eau ri il la sécheresse de l'air. Toutefois, le critère d 'aridité n'est pas n é gligeable dans la
~où il détermine le problème de la géopolitique de l'eau .

3.2. Le désert est une zone de séparation, une 1ner de s able


Espace vide, le désert est souvent représenté comme une zone de séparation entre
dl!Uxaires g&ipolitiques distinctes, voire comme une zone d 'affrontement.
L'historien Lucien Febvre fait remarquer que le Maghreb est "une clé entre deux
iœn, la M~ll!rranée et le Sahara" et qu'entre ces deux mers de nature bien différente,
la plus inhandüssablr fut longtemps le Sahara. "Quant la romanité se dissout" écrit-il,
'Il! Maghreb est entre deux mers. L'une, hier facile à franchir devient difficile : c'est la
Médilerranée. l'1nsécurité, la piraterie, la décadence maritime . L'autre, hier difficile,
devialtfacile, grâce au chameau : c'esl le Sahara ... Et donc l'Afrique du Nord se soude

l f . 81.AUDEL., Gr.-n _, cnffiMJliutU . Pana, flanananun , 19'13, 6)0 p, fi 'll . " Avnnl tout . l' l)lum est un '"con11nc111
__...._.,li....._ as naa rq.- cmrr cJlca . EwMlcmmc:nt. Je l'At)amu1uc o Io forêt ~1ht!ncnue cl il 111 l.1nm: du Nunl 11 ) .l

.,_, d Mlat : D ....,. dmadt du SuJ. IC dialÙ1JUCfll Jcs dt..m• (n11'1i. du NnnJ , -.:cu• · ~I en ~ru ~. 1one Ju chamuu 6 Jnla
.._, __ le ~c:e..- -. c.ea,a..1'.4ormiacctu dtomlldan~ . Une lipc llrée da: Io. Cus ricnnc;, l'c1nh<•u1.:hurt! Je- l' lnJw ~ i
,.. fdi&..., np.. ~ · Pmw m11m1 , nom montrcrOU que. et de façon pMradm1:nlc, 1'111lam. ~·c s l uu!t~i I• "·1llc
aisément au bloc africain. L'Afrique du Nord se coupe radicalement de l'Europe."1. On
reparlera du chameau, véritable pont tendu sur le désert entre l'Afrique du Nord et
l'Afrique noire.
Le Sahara est une zone de séparation et d'affrontement entre l'Afrique du Nord et
l'Afrique noire2. Parmi les dix États construits sur des étendues sahariennes - six sont
arabes et quatre appartiennent à l'Afrique noire - , ceux qui se trouvent sur les franges
du Sahara, comme le Mali et le Niger, sont bâtis sur une opposition Nord-Sud; les
pasteurs nomades arabisés s'y opposent aux populations africaines.
D'une manière générale, l'Afrique noire est soumise à la poussée historique des
populations maghrébines et islamisées à travers le Sahara. Un tropisme sahélien
pousse l'ensemble des pays arabes du Maghreb - Mauritanie, Algérie, Maroc,
Tunisie - vers l'Afrique selon des lignes de pénétration très anciennes et qui
correspondent notamment aux poussées de l'islam dans la profondeur du continent
africain, le long des routes de l'or3.
Carte 67 : Populations arabes et noires sur le continent africain et frontière
christianisme-islam
Appuyée par l'Union soviétique dans les années 1980, la Libye nourrit un rêve
africain. La restitution en 1994 de la bande d'Aozou au Tchad marque peut-ëtn! la fin
provisoire de la poussée libyenne vers les confins africains du Sahara.

3.3. Le désert repousse les frontières


Dans bien des cas, Je désert engendre un mythe unitaire qui tend à remettre en
question les frontières établies des États. Un exemple de mythe unitaire relatif au
Sahara, et que les Français connaissent bien à travers le conflit du Tchad, tient au rêve
du colonel Kadhafi de voir s'édifier un jour des États-Unis du Sahara-'.
Par nature extensif, le désert fascine les hommes et nowrit chez eux des forces de
poussée. Ce caractère inhérent aux étendues désertiques est en contradiction avec l'idée
de fixation des frontières et constitue donc un facteur de conflictualité. Il est en effet
difficile de matérialiser les frontières sur l'espace fluctuant des vides spatiaux et.
lorsque deux États se rencontrent dans le désert. un conflit portant sur la définition de
la frontière peut alors apparaître.
On peut multiplier les exemples de litiges ou de conflits frontaliers dans des
étendues désertiques :
- Le Yémen et l'Arabie Saoudite-~ entretiennent un litige frontalier important dans
une zone désertique dont l'enjeu géopolitique est augmenté par la présence de champs
pétrolifères.
Carte 42: Les litiges frontaliers de l'Arabie Saoudite avec le Yémen
- Les frontières récentes du Sahara, héritage français de la compétition des troupes
de marine - pour l'Afrique noire - et des ca\'aliers - qui descendirent vers le Sud à
partir de l'Algérie - continuent de poser problème et d'apparaître comme étant
artificielles.
- L'Algérie 6 , qui dispose du territoire saharien le plus important, conteste au~

1 l 1-·Elt\'RE. l . 'l:::u'°îlf"t'. ~t·m.·.n- d'amr> <frilisuri'"'· Paris. hnin. 199'1. p. IW.


? A BERNARD. •Al"nquit scrtc:nlnonalC' C'l «cidmtalc·. 1n (i~ir ,.,,;~.XI

J f MAlJRf.Til:: . '"Afrique ~qu.&&lllri ... lc ~1ncnta.k et ausb'1l.lt"'. ln Gc"'l~ ~W. Xll .


.a. Y LACOSTE. Jir . /)u:tion1111in• 11..• g.V.,po/i1u110'. ~s. . Flamn"lnoa. l "9.'. anidc ·ub)~·
'P. bUNNENfA1'T. lu /,.;mn.rnfr -.Jrah"I""" ""l<''"ûhM1 . .Pan..o;.,. C N R.S.• 19&l.
6 Ch.R . AOERON , Hùtcmt' Je: f'.°'l1tà1~ t•onl,•"VJIH'Uin..:, Pani. P.lJ f 19ti6.
l'a«qui~itmn en 1975 dP l'<'x-S.1h;ir,1 esp.1~nol c>t soutient la lutte du Fronl Polisario pour
la ~n'alion tt'une R~publiqu<' du Sahar;1 indépendante. Le Marne, avec le Sahara
o.xidrnt.11. tlt'\.-UI"' urw 'upcr(icio.' dl.' (>59 000 km2 ;iu lieu de 450 000 km 2 . Dès lors, c'est
loure l'1mf'<'r1anœ gtt.1polihqul! du Maroc qut est modifiée par la question sahrnouic 1

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41. Le litige territorial du Sahara occidental

3.4. L'importance stratégique du déserl dans la guerre 1nodcrnc

La rapidité d'avancée sur les étendues désertiques dans le cadre des guerres
modem.-; - blind.;s -, donne au désert une importance stratégique majeure. Les
guerres isrdel<>-arabes ont en effet montré l'avantage que prenait l'armée qui déferlait l.1
prenuère dans le Sma1.

Le désert occupa une autre fonction stratégique aprés la fin de la Seconde Guerre
mondiale, lorsque les puissances mirent au point leur arme nucléaire . Dans Le Désir dt'
ltmlorrt. François Thual souligne ainsi l'importance qu'occupa le Sahara français2.

1 ... OIAL'PRAUf C1 f THUAL. /Jir:111'"""",..,. J,• "•'u1•,/111q11' " ~~ tJ , l'art ... Elliri.cs, J 1J'>•>. ;11111,;h: "l\lari,..:··
:"'C.a.qa&odiffw:ll"'21'11. pacJfiC-Wdl'crnn'U . [e\ ticn1tu1n...., cJu ~11J al,,;:L~ri<::n h C11J-•it.. u:r..:111 1k..,, 1'>11~ d'lm ...1:11u1 .'\dn1111\ \ 1n.11I
.-.,i wiw f'sulorî\C' dM PJU'nncv ,.tntnl dt 1'1\lgtnc. k\ qualfc tcnuom:..,, d'.'\•11 S.::fr:1. tk ( ihard.1i.1. de l"ou~guun L"I de S:sl.ih
,...._ farUna1 k ~ !r~u. r=n 19~JJ. ~a (.41MlllC l1CTT1lo1rc' .ic .. mrcnc 1h:u .'l l: dcrartcn1cni... 1:.. Siut111;i .:1 IL" .. l >;•,;1s (. c ... .:nu rc ..
~n llC'"lfot.plllll pu~ le~ fnn,.111 qui~ rcpan1 .... 1111 .. 11r I'/\ Cl I; L"l l'J\ L 1· :1111 .. 1 'l"·au \1 :111°'" 1,.·1 ..:n Turu!>1c
a-.~ ln la'1l1.1an lilhuticG• de la l.1b)·c iJu '\;ah;ara c:i.f1;1Hnul l>1nl1.:ilcrnL"nl fr omdus ..uhk ;t\ ant '""""' \1.: 1k•!f> , ·u1tur,· ;, et Je-..
r:1

1nœ:t tt 'ioltlsa f~ tt.i1. ~1 ficntrc·«ux·(UICTTn. 1k-111nt à a.....uir~r une f1)nl..l1011 dL'" J•llH: 1im1 1..·nlrl' l:t mtln,p.•11.:. l.1
3.5. Le Sahara est-il devenu une base arrière
de l'i11lamisme radical ?
Tout commence avec un document salafiste trouvé dans les bagages de
Mohammed Alta, le chef présumi; du commando du premier avion dei tours, qui
accrédite la thèse d'une collusion entre la nébuleuse de l' Algérien Hassan Hattab, le
GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) et le réseau Al Qaida.
Dans une vaste zone débordant largement du Sud de l'Algérie vers le Tchad, le
Mali, le Niger et la Mauritanie, le GSPC a largement fait parler de lui depuis 2002:
enlèvement en février 2003 de 32 touristes européens dans le Sud algérien ; risque
d'attentat islamiste sur l'étape du rallye Paris Dakar traversant le Mali début janvier
2004 ; interception début février 2004 dans la zone frontalière algéro-malienne, par
l'année algérienne, d'un convoi du GSPC transportant un arsenal d'armes de guerre
volées dans des casernes maliennes et payées avec l'argent de la rançon des touristes
européens enlevés auparavant; autour du 15 mars dernier enfin, le numéro 2 du
GSPC, Abderazak El Para, échappe à la mort, lors de combats dans le Tibesti (Tchad) et
s'enfuie en direction du Sahara algérien.
Les faits sont là : le GSPC aura été traqué, au-delà del' Algérie, au moins dans trois
pays d'Afrique sub-saharienne.
Mais les faits ne s'arrêtent pas là; ils vont au-delà du cas du GSPC À la mi-janvier
2004, les services de sécurité mauritaniens arrêtent Baba Ould Mohamed Bakhili,.
membre actif du Front Polisario, pour son implication dans le vol (à Zérouate, dans les
dépôts de la Société Nationale mauritanienne d'industrie minière) d'une grande
quantité d'explosifs (150 bouteilles contenant un produit très inflammable) et de
milliers de mètres de fils servant à télécommander à distance des explosions. Quelle
pouvait bien être la finalité de ces explosifs et de ces fils de télécommande?
Certainement pas la guérilla face à une armée conventionnelle. Ces matériels devaient
typiquement servir à commettre des attentats terroristes contre des populations civiles.
Le Polisario avait-il l'intention alors de commettre lui-même ces attentats ou bien était-
il chargé de fournir à un autre groupe terroriste ces explosifs ?
Qu'observons-nous aujourd'hui sur l'ensemble du continent eurasiatique et du
continent africain ? Que l'islamisme radical est en train de devenir la nouvelle
idéologie radicale de contestation du capitalisme occidental et des gouvernements qui

Mtd1tmanie, l'AIJ;'tne c;611i:fto et l'Afrique f'rança1sr formC-c Or l'A .0 .F. d dir fA .E.F. - Sur k plC\ ~ Cftll:lm qp1b.. i
commencc:r pu le Gmhal de G:11ullc. êt11im1 pcnuod.es qu·cn Clll de DOU\'Clle gunn:. ~sera.il k Sahani dl nnon r.k: r~
qui formcnul IC' bastion d'une fu1ure rCsl!IWICC. bien plus qut les IY~-S du Pwb@.tlftb. Apft:s le ~c &Jp1n r.:1 k: rabut brCIDD. .:'91 le
Salwa qui de\·3j1 devenir ·r11 c.a.s de mnlhcw·. L1. zone ~fuse pi:iur La F~. Le GénCnJ Jt Gaal1k all&a1 JUSi.f1la puict d'1.111 p..csibk
s.inctua.1n: R.lllorul. semblable a '"C' qu'nail cté- les Bau~C".\ p.lut le ruy~ lk. Frmicc u "toycn-A~c ""bu.Doc mo.rufMbk.. Sur
le pl~ ttonomiquc, la pn!-scncc de J"('trolC' C'I de g'.GT. 3,·:i1t CIC' Ç'\'lnfirtnC-c et le'!' tlCmnlls dùnc f\ltun: npk.•11aZJgfl , ·rtuml mi5 en
rlace progres,s1\·cmcn1. A1n.c;i, Jan~ les anntts 50. le S.~r.) 'f"p&ni~q1t <:ummc une des rond1110RS d'\m a"'enir "'111an pma" la
Fr1nee LA seconde partie d~ llftnfts 50 :1mnu1 Wl(' n<'IU\"C'll(' moJJ.fiii."2lion de Ls fonction du $ahan.. En effet. tt dctu «il pc!'ft'
J'Al9nic, cornc1dri ]11US ou mouu nec le <Uhut de ru1ihsa11on du Sahar::I rour l.:i mue au pctmt de la foret Πrnppc ~ ~
aiu1 rualJ nuclta1ra. et pour ht mise au pumt de~ pollttquc- sp:auale, la zone dc,·maot W1C bbr Je lanta:ncm: polll" les ri.DCa.. Ces
r1.&S&s.11rtcs Ju Sahara. é1a1cnt n:cuptrecs au.' A~"->n:s po"llé.i.tSCS. l'.un,·tt Je la\..- RCpubhque Jc,.;ut ~ k nHc \M.I S&bua
.11u w:1n Ju J1spos111f fnsn~a•' Ams1. lln compn:nd mtC'U' PJUl'\IU\11 pcudant W1 ..."ft'Wn ~ Jt rlC1flf'So. Jro.:ant l'•5$19~âlon Jr 1a
iilUQlion en Alg~ric , r11ns Cn'"l!i-atl:ea de scin~kr l't!'Spa1,.~ &ltJC-ntn en Jeu.,. 3n."Utdant 1'1nJEprnJ.an..'"t' 3U.\ tntis Jrrpu1cmcnu cUtief1 C't
rons.rnanl le Sahal'9. A ccl ~ont. un ~rihcmtrc- ministtrt- du S3hata f\a1 1i."rtt dont le ntulaift' fui \t:u ltjl:uoil:=. c..-. sohmon ~
J'lftition du Saihanl qui se "i:ra11 ft'tf\1u,•ê' rncln~ rarmi lc-s pa~ nouvc-Ucmcul 1nc:lépmdmb if Afriquir et du ~ rut
•baildonntt dc,,·a.nl le rdus du goU\'C"l'nC'1n.:-nt f1m\·1sl'lll"C ai.l~nm lors des ntp:...c:ioas d'En.n. En tdt.ap Je t\lahsaliœ des .Qœs
tfcua1!1 nudtaua. et balis11quC"S cl Je 111 pan1'"1ro1u1n frun\•i'C il I• mise en nleur dei; ~-es m h~ Je la rqpa. te
Sahar.a fut 1nch1.§.. en ,,.cnu des a ..·.:unl.' J'11u.ICp=11J111ncr. Jan., le- t.:ml'''f'C" Je- la nou\·cllc rrpubl~ut J'AIFnc- AllW rAlFnc prcm.l
PIJ'llCUIOn d'une 1mmC'n.M: ft'S,ion, l:i ~,.:. n'a\'lucnl JllU~IS ~ne m \otll..-,; Je la 1,.'\}lc ru ~'CS Jt r~\IC OllOallDc.· . r. THVAL u
JiJir Jt tc-rritoirt, Paris, t-:ll1pscs . I~. Jl ?l.l-.81 .
174 Pt1rln· 2 . l'cnr•n11crtet 1lt Io carlt

inscnvent leur Mveloppemenl dans le sillage de celui-ci. Durant la Guerre froide cl


jusqu'à l'effondrement de l'Empire soviétique, le ciment transnillional de celle
multitude de mouvements identitaires en lutte contre les Étills alliés aux
gouvenwment!' oc'Cidentilux fut l'idéologie m11ndste . Cette époque est révolue.
L'idéologie ~,·olutionnilire dominante n'est plus le marxisme : dans une large partie
du monde, c'est l'islamisme r01dic01l qui le remplilcc. Et c'est cette idéologie radicale qui,
dèsonnais, affmnlt> les États-Unis, Israel. et l'ensemble des alliés ou "complices passifs•
deceux<i.
Dans l'ensemble du monde musulman (Eurasie, Asie, Afrique) il fout donc
m.tlheureusement nous attendre à la récupération des "Mouvements de Libération
nationale·. vestiges de la Guerre froide, par l'islamisme radical, dynamique de nature
lransnationale el tra~tatique comme le fut l'internationalisme marxiste . Le
phftiomhte est d~à avéré en Tchetchénie, aux Philippines (Front Moros), ou en
Pillestine (faute d'avotr su trouver une solution aux revendications légitimes du peuple
palestinien. le radicalisme l'emporte partout en Palestine et les mouvements islamiques
radicaux sont en train de remplacer les nationalistes laïques) et on peut donc s'y
attendre dans le Sahara avec le Polisario comme avec des éléments résiduels de
mouvements rebelles touaregs .
Tant pis si les conflits sont de nature différente, tantôt réels enjeux de
dkolonL<i!tion (cas de la Palestine). tantôt créations artificielles, extérieures au théâtre
gé:>graphique (cas du Polisario) ; l'islamisme s'empare de lensemble des plaies encore
ouvme en rene musulmane et les instrumentalise. La frustration, l'amertume apr~
des anme sans solution ni portes de sortie des crises, l'ont emporté sur la raison.
l'!usietm raisons expliquent l'alliage détonant du nouveau problème global
(l'isWnistne) et des nombreux problèmes locaux :
1/ d'abord, selon le fameux adage du "penser global. agir local", le succès d'une
dynamique transnationale repose sur sa capacité à "s'incarner" localement. Qui peut.
m effet. apporlt!T aux réseaux islamistes internationaux, formés pour l'essentiel de
militants apatrides et déracinés (souvent produits d'une immigy-ation ratée en
Oradent) un meilleur appui de terrain que ceux qui connaissent ce terrain, c'est-à-dire
lts membres d'organisations locales clandestines ?
2/ Nombreux sont les mouvements identitaires en perte de vitesse depuis
reffondrement de !'U.R.S.S., et qui, orphelins d'un discours révolutionnaire
mobilisateur autant que de subsides financiers, cherchent de nouveaux parrains. Or
rislamisme apport!! idéologie et argent. Que Khadafi se lasse du Front moros aux
Philippines, l'islanusme est là pour prendre le relais. Que demain l'Algérie se lasse du
Polisario, l'islamisme sera là pour donner au mouvement une deuxième vie.
L'Afrique subsaharienne (plus précisément l'interface entre le Maghreb arabe et
rAfrique noire) est un terrain particulièrement fertile pour qu'une telle synthèse se
produise.
Sur le temps long de l'histoire, l'islam noir africain n'a jamais eu de réelle
aulOllOmie. Il a vku au rythme de deux compétitions. D ' abord, la compétition
d'influence anci1mne entre le monde occidental (christianisme puis modemM
occidentalel et les principaux œntTes de puissance du monde musulman (arabes, perse
el indien). Ensuite, la compétition d'influence entre les différents centres islami,1ues
eux-mftne!I. Aussi bien les États (Maroc, Libye, Arabie Saoudite, Soudiln, Iran ... ) que
la Mies 1uridiques (chaféisme, malékisme, hanbalismc . .. ) se disputent la din-ction di'
l'islam m Afrique noire. Cela a toujours été et il y a donc toutes les raisons de penser
que si les centres de l'islamisme radical en ont la volonté, ils n'auronl .~ucunc diHicultt'
à s'implantl!r en Afrique noire, du Nigeria au Mali . La fragilité des Êt11ts musulman•
d'Afrique noire est un facteur supplémentaire qui s' iljou te aux constantes d<• l'histoin•
Chapitre 5. La topologie : fonction géopolitique du relief 175

Les États malien, nigérien, ou tchadien ont une faible maitrise de leur territoire. La
corruption et la misère (qui vont de paire) y sont élevées. Un réseau islamiste riche
n'aura aucun mal il recruter sur le lit de la misère et de la frustration . L'étude des
filières d'immigration clandestine montre par ailleurs la porosité des frontières de ces
États et de leur interface avec les États du Maghreb. Si des immigrants clandestins
venus d'Inde, du Pakistan, et du Sri Lanka peuvent arriver dans le Sahara occidental et
repartir ensuite vers l'Europe, on voit mal par quel miracle des islamistes venus
d' Afghanistan ne pourraient pas emprunter le même chemin.
Dans la région, nous disposons déjà au moins d'un exemple de reconveTsion d'un
centre séparatiste en centre islamiste : la ville de Kidal au Mali . Cet ancien fid de la
rébellion touareg au Mali, plaque tournante des trafics d'armes, de véhicules volés,
d'immigration clandestine, est aujourd'hui un haut lieu de prosélytisme islamiste. Les
échoppes y sont tapissées de photographies d'Oussama Ben uden, qui jouit d'ailleurs
de la même aura à El Khalil, ville plus nord et proche des frontières de l'Algérie.
Les services occidentaux estiment que près de six cents combattants islamistes d' Al
Qaida se sont réfugiés, après la chute des Talibans, dans le Sahara. Ces militants trans-
nationaux ont fait le lien avec les rebelles locaux. Du GSPC comme du Polisario.
Combien parmi les quelques derniers milliers de combattants armés du Polisario
encore soutenus par Alger, croient encore à l'idéologie révolutionnaire marxiste qui
accompagna leur "lutte contre l'impérialisme" pendant la Guerre froide? Très peu sans
doute. Car !'U.R.S.S. s ' est effondrée, il y a près de quinze ans maintEnanL Et tous les
chefs historiques du mouvement sont ralliés à la cause marocaine. les denùer.; sont les
enfants qui ont grandi coincé côté Algérie dans les camps du Polisario. qui pour les
leaders ont étudié dans les universités algériennes et qui en ont rapporté des
convictions islamistes.
Dépourvue de base populaire, l'existence de ce mouvement est désormais
conditionnée à la "Realpolitik" algérienne. Le jour où Alger fera le diagnostic que ses
intérêts passent par la réconciliation avec le Maroc. par le Maghreb uni et "l'entenb!
cordiale" entre les deux pays. alors les vestiges de ce mouvement artificiel,
originellement monté de toutes pièces par les Libyens et récupéré par Alger (pour
tenter de s'ouvrir un débouché sahraoui sur lAtlantique). disparaitront d'un coup.
Mais seulement voilà. entre temps. l'islamisme radical peut avoir donne une
nouvelle vie au Polisario.
Il apparaît de plus en plus clairement donc que l'islamisme radical cherche à
s'appuyer sur le Sahara et l'Afrique subsaharienne musulmane pour déstabiliser les
États maghrébins qui sont sur la voie de la modernisation. et se projeter. à travers ceux-
ci vers l'Europe . Le Sahara peut devenir la base arrière de cellules islamistes opérant
sur les territoires du Maroc et de l'Union européenne (Espagne puis France).
Sans base arrière territoriale, les réseaux terroristes transnationaux n'ont aucun
avenir. Il leur faut des zones où les États sont faibles, voire inexistant!: : des zones
tribales entre Afghanistan et Pakistan. les zones désertiques du Xinjiang aux confins de
la Chine continentale ou le désert du Sahara. Toutes ces zones où lautorité de l'État est
absente et l'économie criminelle triomphe sont les meilleures alliées des terroristes.
C'est la raison pour Iaqu.,.lle les pays occidentaux et les pays de la zone saharienne
augmentent leur coopération en matière de sécurité. Avec un prognunme baptisé
"Initiative Pan Sahel" les États-Unis, non sans arrière pensée (renforcer leur influence et
celle de l'O.T.A.N . dans des zones traditionnellement francophones) ont établi une
coopération milit<1irl' et policière dans tous les pays sahariens : Mali. Niger, Algérie,
Maurilanie, Tunisie, Marc><: et Libyt>. En Mauritanie et au Mali, des militaires
américains forment dt>s gardes-frontio'res. Dans la région de Tamanra.."51et. au cœur du
désert <1lgérien. Washington implante un.- b.isc d'koute de la NSA (Agence de Sécurité
176 P11rh1• 2. J>,•nrr1111tUft dr la uUlt

Nationale) dans le but d'intercepter et d'analyser les communications par téll!phunc.


Internet et radio.

3.6. La poussée de la clé1nogrupliic vers les régions \'idck


La nature a horreur du vide, c'est bien connu. C't'st la raison pour laquelle nombre
d'espaces désertiques sont sujets au déversement de trop-pleins démographique•.
L'Égypte du Nil est surpeuplée; elle jouxte un Est libyen sous- peuplé et semi·
désertique. Confrontée à une situation démographique préoccupante, l'Égypte aimerait
créer un deuxième delta du Nil qui lui permettrait d'évacuer en direction de la Lib)·c
son b'Op-plein de population. Historiquement dos par le désert libyque, le territoire
égyptien tend à déborder peu à peu vers celui-ci, poussé p<ir sa démographie 1 .
Carte 97 : Le bassin du Nil

d<!sen
attilude de r>lus de 3000 mèlrcs
lOnç revendiquée pnr l'Arabie snoudJtc nu Ycmcn

42. Les litiges frontaliers de l'Arabie Saoudite avec le Yémen

- Le Tibet s'interpose entre les populations chinoises de l'Est et les population;


hindoues du Sud - environ 800 000 km 2 de désert. Suivant ln m(•mc idée, les dè!l<'rls
ne protègent-ils pas encore l'Asie centrale du réservoir démographique chinnis?
Carte 47: Les h~ul• platc~ux du Tibet dominant la plain<• chinois<'

1 New.. uaiLonJ du problhnr de l'eau n1 i::1yp1e, 1:1 nulumnu.-111 Ju pr11Jcl r>h111ao11H111c lie lu 11011\•.:lli: Vallt,·. J•n1. le du~lrt
~' .. 1ucne de rau
Chopllre 5. La lopologlc : (onction g<'opulitique du r<'ll"( 117

- La Sibérie fut aussi un dévidoir démographique; Ivan IV le Terrible l'occupa, à


défaut de pouvoir occuper l'Europe.

3. 7. Géopolitique des steppes


L'histoire de l'empire de Gengis Khan 1
montre la similarité existant entre
l'impérialisme des steppes et celui des mers. Selon la logique impériale steppique, des
pâturages illimités permettent le développement d'un élevage de masse, lequel nourrit
un nombre important de guerriers qui agissent dans le but d'accroître encore le
domaine des conquêtes et celui de l'élevage. Par ailleurs, comme la mer. espace par
nature non limité par des obstacles naturels, la steppe ne se partage pas. Elle appelle
l'hégémonie. C'est ainsi que la logique impériale de l'Empire mongol de Gengis Khan
peut être comparée il celle de la thalassocratie britannique. La steppe est à la fois
refuge, point de départ et de retour, terre nourricière. Aucune force armée de
sédentaires ne s'aventure à poursuivre les conquérants des steppes sur leur propre
terrain car les nomades y connaissent une liberté d'action égale à celle des Peuples de
la Mer.
Fort heureusement, le projet de Gengis Khan, qui était de transformer le monde en
un vaste pâturage au service de sa dynamique de conquête, échoua. Les Mongols se
perdirent en voulant approcher à tout prix les mers chaudes pour s'emparer de lews
rivages. Semblables à des marins renonçant à l'océan, les Mongols oublièrent que leur
puissance puisait sa source dans le contrôle des steppes. L'arc qu'ils avaient tendu, de
la Hongrie à la Corée, se rompit aux profit des princes moscovites. Travaillant pour le
compte du tsar, les Cosaques s'emparèrent de l'héritage de Gengis Khan et firent de la
Russie la nouvelle grande puissance eurasiatique:?.
Cependant, à l'exception des rares fois où, dans l'histoire européenne,
l'impérialisme des steppes se réveilla, la péninsule européenne, c'est-à-dire l'Europe de
l'Ouest, fut plutôt protégée en son Est par les steppes désertiques. On peut même
penser que l'ascension de l'Europe de l'Ouest vers la domination mondiale, à partir du
Moyen-Âge fut rendue possible du point de vue géopolitique par ce voisinage qui lui
assurait quasiment les avantages de l'insularité. Jusqu'en 12.U, l'Europe fut certes
exposée aux attaques venant des steppes, lesquelles refluaient toujours rapidement,
mais elle était en même temps protégée de la menace des puissances sédentaires de
l'Est. Après le XIII" siècle, lorsque l'espace compris entre les Carpates et le fleuve
Amour se mit à se combler démographiquement, l'Europe de l'Ouest put commencer à
craindre son Est3.
Carte 54 : L'Asie centrale : le monde turc

3.8. La pertinence de l'étendue en géopolitique


En de nombreux points de la planète. des peuples s 'affrontent encore pour le
contrôle d'espaces desertiques qui ne sont pas necessairement rkhes en pétn>le. en gaz
ou en mati<'!res premières. Des hommes !'4' battent pour le sol, dans son strict
dénuement. pour la m.litrise de l'etendue. À l'heure où nombre d'analystes soulignent
la primauté absolue des analyses de type socio-«onomiques dans les dynamiques
d'affrontement, les "ambitions désertiques ou steppiques" appellent à méditer sur la
pl11cc centrale qu'occupe encore le territoire. qud qu'il soit. dans sa nature comme dans

1 H. CiROUSSl:T . L,· n""l'"'ro111 1h, "''"''''' 11 ·,. . •J..· c;,.,,g1..., · Klt<1n J. P'an:i. Allttn MK-hrl. 1~
l M l IELLER, Hi.rloir.· U.· /,, Ru.:.•·1,· ,., ,/,· ,\utt l'"Y'l""· l'an' . .. ,.,'Il, l o.w-r
.\ J CARrl ;NTŒR. F LEUM.l.IN, l/uwrn.· .• 1·1:.· ..,"1"'· rv.!io. Le SC'\l1I. I ~.
178 Parlii• 2 Pcn111111t,,u dt Io nut1

son érendue, dans l'origine des dynamiques géopolitiques. Le "désir de territoire", dont
François Thual a décortiqué les méocanismesl, reste une donnée fondamentale du
monde contemporain que l'ilnalyse géopolitique ne peut, ni ne doit, sous-estimer, au
risque Je se tromper de stratégie.

4. La fonction géopolitique de la forêt


et des végétations à couvert

Pourquoi l'Europe mit-elle tant de temps à se dé_veloppcr, des milliers d'années


apres les civilisations sumérienne ou t-gyptienne? A cause des forêts de feuillus.
Edmond Burke souligne à ce propos que les Indiens furent certes colonisés par les
Anglais, mais qu'ils élaient civilisés depuis des siècles quand leur futur colonisateur
vivait encore dans les bois_ Il fallut attendre l'apparition d'outils tranchants en fer, au
premier millénaire de notr-e ère, pour que les peuplades européennes puissent déboiser
les plaines. Comme le fait remarquer l'historien américain David S. Landes2, les
peuplements originels en Europe se firent autour des lacs - cités lacustres - et de
zones herbeuses qui n'étaient pas forcément les plus riches mais qui restaient
néanmoins praticables à une époque où l'on ignorait le fer. La production d'une
quantité de nourriture suffisante à l'accroissement des populations, de surplus
permettant le développement de centres urbains, nécessita le recul des forêts qui
rouvraient l'Europe.
Les forêts qui recouvraient l'Europe antique alimentèrent la diversité culturelle en
"procurant l'isolement nécessaire au surgissement d'une identité de langage. de
coutumes, de divinités, de traditions, de styles" 3 . Car si Lawrence d'Arabie disait du
d~ qu'il était un monde sans nuances, de contraste cru entre la lumière et
l'obscurité, on peut affinner que la forêt, au contraire, est faite de nuances, qu'elle
brouille toutes les oppositions.
Les Grecs, les premiers, déboisèrent largement_ Platon, au [Ve siècle av . J.-C., se
souvient avec nostalgie du temps où les forêts couvraient !'Attique. Rome s'attaqua à
ces forêts qui constituaient des obstacles à la conquête, à l'hégémonie, l
l'homogénéisation. Après Rome, dans les siècles d'invasions barbares et de menace
islamique, la fo~t regagna de l'étendue sur la civilisation .
Le christianisme qui s'implanta en Europe assimila alors la forêt au monde de la
confusion morale, à un lieu de perdition de l'âme et de débauche, coupé de la grâce
salvatricr.
La forêt contribue largement à la construction de l'imaginaire occidentals. Elle esl
de ce point de vue un trait commun aux imaginaires européens et donc un trait de
civilisation européenne outre le fait qu'elle permet, dans les contextes de famine et de
disette, de fournir aux populations une nourriture de substitution - noix, bail'S,
clùta1gnes ...

1 r. THUAL Z...dalrdl1trn1olu, Pans. Etli111tt. l'JC:i'J


l D.S l.AHDfS, ltiElwu.- d ~1.- Jcr na11ofU f/'ourqum J r.'f rldw'lf 'Prmrr11ml 1/1•<; pmn-n·.• ?) , rari.,. ;\ltitn Mi.:hc!I. IW~.
T_ _,...., dr,.,,, WMlth altd Po~,,,. r1f Nations, .,.,,,_... •om.- dTI' ruh """ _.,,,,, .. .'W rmnr). r- 43

l ll. flAIUUSON. Forlb, UUJiJ1~rl't'"'1Xina,,c>1~·1 ;J.-n10/, rami, fla1111nBr1n11 , l 1Jl>'2 , p. ~h-N7

4 Oe taRIUYC "8C: flS'I' de I• forft ibn.' W /Jn11rr1· Cmn,·J/1· Je l>anlc , ha forèf y c~I fc domo1nc 1cinrnrd 1m\·C de lo11 lutmtn:

j I . HAIUU!l)l'C, Fnrlu E~a1 "" nntD1IltMJlrr uccl1kntt1I, Paris, Flunmoriu n. 1992 Voynrn 1'1mror11ancc Je l• JimtNk~
~ dlm la ccaa et lqcndn curuptcna, iqu'il t'•1111ie du />~tu Pvu1.·,1, ou de l"'m' c•t Gr~11d.
Ch•pilre S. Lo lopologi" : !onction géopolitiqu~ du r"hef 119

Encouragée par le christianisme à partir du XIV• siècle, la d~oretation qui fut


massive dans le bassin méditerranéen et l'Angleterre, extermina les loups et li~a des
terres pour l'agriculture et l'élevage des bêtes.
Les forêts ne furent sauvées de ce vaste mouvement de déforestations f~ales que
par la construction de monarchies modernes qui leur donnèrent une catégorie
juridique et les protégèrent.
Le Moyen-Âge européen est caractérisé notamment par l'importance croissante du
cheval, d'un cheval plus grand et plus fort que celui d'autres régions - le poney
mongol est minuscule en comparaison des chevaux ouest-européens. Surmonté de son
guerrier en armure, le lourd destrier européen laissait préfigurer la supériorité de
l'Europe en force mécanique. Les Arabes furent arrétés à Poitiers par cette force
constituée de chevaliers. On voit donc le lien existant entre le recul de la foré! et la
montée en puissance de l'Europe. sans que celle-ci n 'oublie cependant ce qu'elle devait
à son passé forestier.
En Afrique 1 , conune en Europe, la forêt est un déterminant géographique essentiel.
L'existence de celle-d est évidemment en interrelation avec le climat - le climat
détermine la végétation et celle-ci a une incidence sur le climat.
A l'Ouest, l'eau des pluies équatoriales a permis la formation de forêts vierges
immenses - semblables aux forêts d 'Amazonie ou d'Indonésie, lesqueUes s'étalent sur
les mêmes latitudes 2 • Hostiles à l'homme et à la communication - sauf à utiliser les
rivières la traversant - , la forêt vierge a entretenu des communautés humaines
précaires, telles les Pygmées, destinées à se maintenir dans le sous-développernentl.
C'est autour de ces forêts équatoriales impénétrables, dans des forêts plus sèches, ou
des savanes boisées, le long des cours d'eau, ou dans les steppes, que l'homme a pu
tenter de se développer. Mais le climat autant que les cultures autochtones restèrent de
toute façon rétives à tout développement et il fallut attendre la période coloniale pour
voir l'Afrique noire commencer à se tourner vers la modernité.
L'importance géopolitique des forêts qui furent des frontières naturelles a
considérablement décru . Si le géopoliticien français Jacques Ance! pouvait joliment
remarquer, à propos de la frontière franco-allemande, qu'elle suivait la "cognëe
bûcheronne"4, force est de constater que ce type d'analyse n'est plus d 'actualité. Le rôle
frontière de la forêt a diminué.
Pour autant, la fonction géopolitique des végétations à couvert n'est pas nulle.
Celles-ci constituent dans le monde un refuge pour nombre de guérillas ou de reseaux
du crime organisé. Des exemples tristement d'actualité viennent à l'esprit : le
terrorisme corse sur l'ile de Beauté, le terrorisme islamiste en Algérie, le maquis Karen
en Birmanie, les trafiquants de drogue de toutes sortes en Asie5, ou en Amérique latine.
Carte 75 : Les minorités chrétiennes et rnu$ulmanes de Birmanie
Carte 103 : Les grandes zones de pruduction et les principaux nux de la drogue

5. La fonction géopolitique de la baie

Échancrure d'un littoral, la baie offre une situ.ation souvent favorable <\
l'établissement humain. L'État kowertien doit son e"istenœ d'abord au fait qu'il est une

1 F HRAUOEI., arumm. ril"c" de·.• l in/i'f11f11•n.• . 1%.t . Pari!'. Flammanon.. ICN) cul1 ~·. J'- t:q
l f MAURl:.Til:: . '" Athqm.. i!qu111on11I ..- l•ncnLalc:- c1 .iustnlc:"' in c_;,;"S'~ -mtr:J1t.•lltt. XU
.\O. NANTl:.ï . JJ1,· t1 11 n 11~U'\ ' , /'h1..•tu i r1 · •'I c.h.· , ·1'1IU•flWll• ~-"'""-'·'• r.tu.. l.M\MIDC, l..W.
4 J. ANC'l:: L . C.1.·oxrU/1h,. · ,/,.,, lnm 1t.; r.~• . l'an!>.. li•llmwJ.. ,..,_\l".
'Nmu tnulons du hcn cntn:" te llOH\.'l,..ltalh.. cl k~ ~~nllas .Jans lc chiap111ft cocaMCR.a. ...'TÛlat' '8........-l
111() f'nrliC' 2. Penunnenu IÛ la at1t

baie qui offre une rade prot~gée. d'une profondeur de trente kilomètres, située au fond
du Golre et surtout non loin du Chatt el Arabi. Ce sont les Portugais qui s'installl'nt
d'abord Jan.< œttc baie puis, en 1756, la dynastie bédouine Anézé qui y règne enco~
aurouni'hui2.

6. La fonction géopolitique de l'isthme

L'isthme est une bande étroite de terre située entre deux mers ou deux golfes et qui
réunit deux terres. Notons bien que le détroit unit au contraire deux mers.
- l'isthme de Suez sépare l'Afrique du continent asiatique - en ouvrant sur le
dé!ert du Sinal" Ua donné lieu au creusement du canal de Suez au XJXe siècle, lequel a
provoqué un bouleversement géopolitique à l'échelle mondiale .

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43. L'isthme de Suez, de la Méditerranée à l 'océan Indien

- L'Asie dispose de deux autres isthmes qui la rattachent à 1'Ouest : le Caucase et les
DardaneUes.
- L'isthme de Panama a donné lieu également au percement d'un canal qui permet
de rrlier les océans Pacifique et Atlantique.
L'isthme est un enjeu stratégique. n permet de verrouiller ou d'ouvrir un passage
entre dewt aires géopolitiques distinctes. Nous renvoyons à la question des détroits et
des canaux. et en particulier au cas de Suez.

1U0.S-al-Anb s anc t1111c J'aM fU11111tc par I• .:;onnucncc du Tigre cl Je 1'[.uphn:111c .... uni qu'il!' ne !6C JCtlCTll daru IC"& IHll\
•Golfe Zoar:dt comnuu,aunn t1 LDM pétrolif"n-e. cctlc rt1Km n'a c:e111M! d't1rc une rnmmc de c.hsc11rtlc entre rt:·mr•rT ottoman rf
l'lllllP'R Pl'IC- pua awre rtral Cl l'Iran."' dem1tr ,.,.. up•rN'I à crt l!lrc nvcn.irt, •lnr"!IL que 1'1'9k n'a eu de ccue dt Rp.tw..wr ln
" - lt ,,... ~ ..,...-.1c ck li m·r onn1&9lr dru ncu\tc f-= TlltJAL. Ahn4..:it J:~ripolftlqu1· rh1 (;r1/fr . P•ns. Mii~ 1°""!
p.. llJ. ftlll";plarait, t.· 5AINT ·PAOT. Jlu1u1t'r Ja- l'lrdt. ran•. EU1pta, IWI\.
lHl..1 DIC:K50N, XllW'1tilNihnM1.llbaurr, Landon, l'nli
Chapitre 5. LA topologie-. fonction géopollhque du relief lin

44. L'isthme de Suez dans le contexte régional

?. ----
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......_
c-a.a
.._

45. L'isthme de Pan~

7. La fonction g~opolitiqut> du lac ou dt> la mn int~rieure

Cette ~rand•• <'l<' ndu..- ••nd.l\'•"-' .\ l'mterieur d...,. tt.>~ pt'Ut tenu Lieu Je inmllère
n.iturc>lle c>ntrt.> d<-,; Etats. L•• 1.K est un•' ~r.tndt.> n.1ppt.> J 'e.. u n.itu..,Ut.> 5t.tgrwntt.> qw. ..
la différence de l.1 mer lerm.-.:,, •'SI il>rme.• d"<•.iu d<'U•Y
182 p,,,.t11• 2 . P~·nnauC'nc.T dr la curr~

7.1. Le contrôle total par une puissance


D"lanr m.mièn' plus imagtt. on peut appliquer le terme de lac - ou lac intérieur -
'1 lllW mer. I015qllt! œllo?-<:i est totall!ml!nl contrôl~ par une puissance. Ainsi. à l'époque
où 11 pu~ maritime .inglai~ iut hégémonique, on put parler de lac intérieur
~.\propos Je l'o..Wfl lnJio?n. De même, on oppose traditionnellement les célèbres
llw- de Henri Pin"Nll! "t de Maurice Lombard à propos de l'islamisation de la
Me.litrmno!e. ~'·mul! lac musulm.rn, la Méditerranée fut-elle une mer fermée au
Clllftlllel'Ce min! l'Orimt et l'On."ident comml! le prétendit Henri Pirennel, ou bien au
,-onlr>lire. un~ d'échang>'S intense comme le souligna Maurice Lombard 2 ?

i.2. Ce golfe Arabo-persique qui fut un lac persan


L"Golie•rai»-persique fut longtemps un golfe exclusivement persique3 et donc un
lac~~· Cerre;, dès le Ul• siècle avant notre ère, le Golfe pennit l'accès v..rs
~ de l'Eurasie et mit en relation la Mésopotamie avec l'Inde. Mais les
Achéménides, ~on de la civilisation du plateau iranien, intégrèrent le Littoral à
lmr empin! qui s·~ait sur l'ensemble du Moyen-Orient. Le Golfe devint alors
poniqœ et œ nom iltœsté chez Strabon fut repris par les géographes arabes. Une
callm't! marilim<' irani<'llne régna en maitresse sur le Golfe4 , corrune en témoigne
d'ùlears ilujourd'hui l'origine persane de la plus large partie du vocabulaire maritime
IPbe. À l'epoque du califat abbasside, le grand commerce à destination de l'Extrème-
Orimt parlilil des côtes iraniennes et une thalassocratie située dans l'ile d'OnnuzS
dolnilYit le commerce de l'océan Indien, lorsque les premiers navigateurs européens
~èrmt .uns la région au début du XVI• siècle6. Puis, probablement du fait de la
dmninalian progressive de dynasties turco-mongoles issues des steppes, l'Iran
ibaridonna la mrr. De lac intérieur perse, le Golfe devint un espace en partage.

7 .3. Lac et frontière


Un lac peut~ international s'il est placé sur la frontière de deux ou plusieurs
Êtm.
~ Élals en Afrique - Grands Lacs - sont ainsi construits suivant une
lagjqœd'a<rl!s à un lac qu'ils partagent avec d'autres États.
L8 eiranples de lacs falSiUlt office de frontière sont nombreux dans le monde :
- le la: Uman entre la France et la Suisse7 ;
-les Grands lacs nord-américains entre le Canada et les États-Unis ;
- les Gnnds lacs africains, Victoria, Tanganyika et Malawi situés entre une dizain•

: Il .,.L'~E. 8 l'\"O~ . A CililLLOU . F GABRIELI. H STl..:UER . Mulmm1.·1 , ., C/,,,,.1,·nmJ.:nt'. /ly:onu. /.1/JM ~

~.. . kn..~-- .. .... Jm:aBoolL.19"6 . J.Mp.


lM UJMIL\aD. L'•"-illba WP"'""''""randnJr. l'Jfl'· XI' ,,.,,.r,.. rarn; , l; fommur111n , 11171 .
) X • PIA.'fttOL La •....,,..• PrTJfJltitik "'6inwl 6ivft(f'apluq11~ d..• 1111/#liqut' musul1'1un..•. Pan•. f111yunJ , llJ9) p. 117
•{j JBIAA'D. ,_,.._,..._-...1.n1cs1amU'liqucsatahiel.'". 1924, inJA CC..:/Vp . l'H-257 .
SA.CJIDIE'.ll&E.. LV.-rtM:I b.troU dll GPl/r. P'mi•. td PC1Jp1H du monde. l~O . 128 p .
,f.M.'90l. ..,,..,.,_#IJnmr •lliil:b.d.•XVr•ikW'" in Mo,tt l~•o-llfdrc-um JI, 197) , p . 77-179
7 P. V1:DA1. l>l LA lflAC:HE. L. (jAU.OfS dtr., ~oplti~ 111u.,rrs~ll1.•, P•ri•, ,4.rm*"ld C"hn, IQ27-J9lH, 1. IV f:. dl'
-'-(-19)0
Chaplll1' 5. La topologie : fonction géopolitique du l1'1ief 183

de pays, de part et d'autre de la crête Congo-Nil et de la vallée du Rift 1•


Cori<' 97 : Le bassin du Nil
Paradoxalement, lorsque le lac e<:t une frontière, c'est aussi parce qu'il est un bassin
commun de ressources - eau douce, pêche - autour duquel se sont fill~ des groupes
humains différents, et qu 'il suscite des convoitises communes. C'est la raison pour
laquelle, à moins d'un coup de force ou d'un rapport de forces très déséquilibré, il est
rare de trouver un lac frontalier complètement intégré à un État, au détriment de son
voisin. Le contre-exemple important à cette règle logique, sur lequel nous revenons
dans le chapitre consacré à la géopolitique de l'eau est celui du lac de Tibériade
qu'lsral!I s'est entièrement adjugé au détriment de la Syrie2.
Carle 98 : Problème de l'eau entre lsral!l et ses voisins Liban-Syrie : le bassin du
Jourdain
Le droit international donne aussi l'exemple de conventions ou de traités réglant la
gestion commune du lac :
- le statut du lac Léman est fixé par les différentes conventions franco-helvétiques
que les deux pays ont signées entre 1953 et 19803;
- la convention du 22 mai 1964 entre le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad a
pour objet la mise en valeur commune des ressources en eair.
Le droit international laisse des questions en suspens qui ne sont pas forcément
conflictuelles, comme celle du lac de Constance qui n'a jamais fait l'objet d'un accord de
délimitation entre les riverains suisse, allemand et autrichien5 .

8. La fonction géopolitique de la montagne


La montagne a ses peuples6 aux rudes identités, qui se sont souvent opposés à ceux
des plaines, impérialistes et conquérants. Dans cette opposition à la domination d'une
ethnie ou d'une religion, ou bien des deux à la fois, la montagne a été le refuge des
minorités el des hérésies. Des Étals montagnards se sont même construits en
opposition aux États ou aux empires des plaines.

8.1. Ces turbulents montagnards basques


Le Basque "aîné des races de l'Occident, immuable au coin des Pyrénées, a vu
toutes les nations passer devant lui ; Carthaginois, Celtes, Romains, Goths et Sarrasins.
Nos jeunes Antiquités lui font pitié. Un Montmorency disait à l'un d'eux : ''Savez-vous
que nous datons de mille ans ? Et nous dit le Basque, nous ne datons plus"7 écrit
Michelet. Les Basques ont failli posséder l'Aquitaine à laquelle ils laissèrent le nom de
Gascogne. Refoulés en Espagne au rxe siècle, ils fondèrent le royaume de Navarre et

1 r . VIDAL DE LA BLACHE. L GALLOIS dir., Gft'!f"UPlt'r" M,,n,..nr/Jc', P'at'U.. Armand C'oli.n. 192 7·1Q~fl., L ."{ll
F. MAURETTE, Afriqur éq11utor"zl~ .,r;t.•n1alc' ~l OU3trol"·· l~)l' .
.? P U :'. MARCllAND , L. RAOI. 1.~mil- P1.1lc-1tinr". '41/'" pn&.•/H'·t~f. Bru..ulle5o. Comp1C"~c. 19%.
) CunvC"ntion du 2S fl!:vncr 19~3 ~u i fixe la fronu~re • le hgne mal.1&nC'. l."'Ol'Dplêtéc CD l 062 wr le lu1111: C'ODft la poUurioq_ a\
1976 sur le rtylemcnt Je la. na.v1tJ11l)on , en 191'10 "ur la pkhC". N QUO<.' DINH. P DAILLET. A PELLET. C'Jn,it ;~
{'llhllc . S' l!:d, Poris, LGDJ . JI 1146.

"'"'·'"
S Son slalul 11c1m:I. <tui csl t~s complc.u . fe1t l'ub1c1 <l'une fiu,hun pan1cl1C" J'&I' IC' traite ~rmuu-bc-h~..: du. 1,. JWD (Q7)

l.km, JI. 1147.


(t Pour un r11nomn,11 y;énénd . \."Olr "Populutiuns Cl ~11rlcUl!Cllb JC'S ~-IODi Jto ~ .... A. SIMON, PP· a9-7.. m
G. WAl'KERMANN tdirKl1on), U ., nmm..,~n,·s. uhJc't.• gt."i>~Nill/Jffl""·~ · rlllls. Ellipen.. !OOl.
1 J. MJCUE.LET. HL•t111n dt> Fmnn:!, Lausanne. tt.dibUN Renr:llni.n:.. Le Mo~rn-A.-~ L l, .. 86 p.• p. li~
1'11,.t1c 2 . l't.•r1111mc1u:t• ri~ la cnrlr

OC'CUJ'lèft'nl. m l'espace Je deux cents ilns, tous lt!s trônl!s chrétil!ns d'Espagne
-G41iœ, Asturil.'!l et Uon. Aragon, Castille. Ils les perdirent tous. "Enfermé<! en dfet
dans S..'!i montagnes par des ~uples puissants, rongée pour ilinsi dire par les pt!uples
Je l'Espagne et de la Franœ, la Navarrl! implora m<lmc les musulmilns d'Afrique et
finit par se donner aux Français" 1.
À cheval sur deux 1'tats, la France cl l'Espilgne, le pilys Bilsqul!, pilys des Pyrénées,
et l'exemple d'une identi~ montagnarde domptée pilr deux logiqul!s de plaines cl
deux d)'l\ilnuques de civilisation. "Les vieilles races pures, les Celtes et les Bilsques, la
Brelllgne et la Navarre, devaient céder aux races mixtes, la frontière au centre, la nature
à~ ovilis.abon.' écrivait encore Michdet2. Il annonçait par ces n1ots ce que serait un
jour le sep.vatisme basque - semblable en cela '' son cousin breton - : l'exprt!ssion
ftluùque Ju combat Je la nature contre les civilisations centrales. Roland de
Roncevaux ne fut-il la première victime française de I' identitarisme basque ? 3

8.2. La montagne qui résiste à la plaine


l'npansion tun{ue frappe par sa rapidité dans les plaines et pilr sa lenteur dans les
montagnes. La cavalerie turque mit peu de temps à soumettre la plaine bulgare, les
luges vallées du Vardar, de la Martisa, de la Morave, de la Thessalie, tout cela avant la
fin du XJV• siècle. En comparaison, l'implantation dans les montagnes s 'avéra bien
plus langue ; c'est seulement dans la deuxième moitié du xvc siècle que les Turcs
s'u;urerent du contrôle de la Morée, de la Bosnie, de l'Albanie. Ils ne mirent ensuite
que drux ~à conqumr la Syrie et l'Égypte. Le terrain ne fit pas tout. Il y eut, face aux
~turques, des sociétés montagnardes incontestablement plus indépendantes que
celles des plaines, plus robustes aussi~ _
MaisWle fois que l'on a constaté cette différence de vitesse dans la conquête, encore
faut-il souligner que celle-ci fut beaucoup plus efficace dans la montagne turque que
dans la montagne arabe.
En comparant la conquête dans les domaines d'Asie Mineure et des Balkans à celle
dans le domaine arabe, le géographe Xavier de Planhol arrive aux conclusions
suivantes :
- la limit" supérieure de l'habitat pennanent hivernal est largement inférieure dans
le ~mier domaine à celui des montagnes arabes 5 • Par conséquent, le conquérant turc
dut monh!r beaucoup plus haut pour contrôler les montagnards arabes que pour
a:intr6ler les montagnes balkaniques et d'Asie Mineure .
. La densité de population est plus faible dans les montagnes turques que dans les

,_
montagnes du monde arabe, fortement peuplées6 .

! /.IOI_ r· 116.
J la....._ .Jml &.r .,MJc najonll. se coru1dCrnu f~nç.a.1s

.& B BËNASSAJL J. JACQUAKT. Lr XFr' 11itlf', 2,. b:I., Put ~. ArmanJ Co lm . 19 110.

SUmN ... 1.tciDlcnllddt:tAmlol1e J IOOma11p1cJ Ju Cal D<lgct tlu Ya1• gui tfag en Lyr.:1c , SUU métres >ur l.:1 lai;aJc SuJ ·
O.- du 5-kM dit. ISO mi:uc Wnnmt rn boulW'C 'llULl-oncntalc Je la mérnc ni11111ai;nr.: .:. 1'1· .. 1 Je la p lil mc r.:ùtit~ J.t
ita,apz_ b R\-..die. - t. cblit &yJo-hbu\lillof' · l 400- 1 300 mctrcs ct po ur 1cs plu ~ g r u .. villa~c:o. hban i:u ... cnuc 1 IOU 111 el
1 lœa \'w È.. de \ 'AUMAS , /~ r~ptvti1ic>11 de- Ill pop"lt.1111m 1111 L1hun, JJSGI : .XX VJ . l lJ51 , l'J . '.'i · 7:<; ( ·11..! rur X . Je l'I ANll(ll .,
l,,, ...-..., âProplttik Abn.tl~ropltiqu~ Je po/,tJ.iuc- 111u.ndnwn1·. Pan ~ . FayarJ . l 'J'IJ . r ~..i

10.. lc dam&im ~e. les dtru11ê• ,onl de 22 ~u km:? dans Je M:is,.1f t.:a! 111r;1I Ju ll 11 u1 A1lnio J 'arn:s le
, _ _ de 19)j. OJlESCll. ~" ' "' J~.f x~nrrs ,,.. W(' "" mtmlu1tm · 1lt1U 'f ,,. Ala... ~· ;r ( ·,.,,,,.,,, ,,,, fir11ml ~1J1u , Tuun .
,,.._..,,de f1lllual dn M&lkS mada marocaines XXXV , 1941 - 11ull dcn si ld:c. c:u;..:p1umncllc!<i cur.u;lémrnnt c i.:nntn!i mnss1 f~.
~t..ITJ•kWdt-r~del~ucnGrandc Kabylie en 19$4 · - DESrOI S, llJ60 ·· Io lfll nu km J rnurl~
L.illm-~wmb:lw .. Uau lur.klamon1aw,ne 1l11UUilc - VAlJMAS. 1'11b0.
Chapitre 5. La topologie ; foncllon géopolitique du relief 185

Le monde arabe de la montagne a, en fait, largement résisté à la bédouinisation


turque, contrairement aux montagnes d'Asie Mineure et des Balkans. L'Atlas saharien
d'Algérie, le Haut Atlas marocain, les Aurès d'Afrique du Nord, les massifs du Yémen,
d'Oman, les monts du Liban, la montagne alaouite de Syrie, ont, d'une manière ou
d'une autre, résisté à la domination de la plaine, soit en conservant leurs modes de vie,
soit en accueillant des populations de la plaine fuyant la domination turque sunnite.

8.3. Des conditions géographiques


favorablcR à l'établissement sédentaire et politique
Au Moyen-Orient, au nord de la péninsule Arabique, Je désert de Syrie est séparé
de la Méditerranée par une importante barrière de montagnes 1 ; en descendant du
Nord vers le Sud, on rencontre successivement : l'Amanus turc (2 294 m), le Cassius
également turc - qui culmine à 1 759 m au Djebel Akra - , le Djebel Ansarié (1 585 m),
Je Liban (3 086 m) avec son appendice de la Galilée (1 208 m), les montagnes de
Palestine (1 016 m), le Negueb (1 006 m). Derrière cette ligne de montagnes, après un
sillon longitudinal constitué de dépressions - fleuve Oronte, plaine de la Bekaa,
fleuve Jourdain et vallée de l'Araba qui débouche sur le golfe d'Aqaba en Jordanie -
on retrouve des montagnes : !'Anti-Liban (2659m), le mont Hermon (2814m), le
Djebel druze (1 735 m) qui domine le Hauran, les chaînes de la Palmyrène (1 391 m)
dans Je prolongement de l'Anti-Liban 2 .
Ces montagnes sont arrosées par d'abondantes précipitations et donc propices à la
culture des céréales, laquelle est favorable à l'établissement sédentaire. De forœs
sociétés montagnardes disposaient donc de conditions favorables pour s'y développer.
Ces montagnes ne forment pas une barrière continue entre le Golfe et la
Méditerranée : des passages existent-3, qui facilitent la liaison Méditerranée/Golfe
arabo-persique - la situation générale de ce Moyen-Orient est en effet celle d'un
isthme placé entre la Méditerranée et Je golfe Arabe-persique - et favorisent par
conséquent l'établissement de villes côtières placées au commandement de ce
commerce transcontinental : Antioche d'abord, Alep ensuite qui commande la route du
Nord par le bas Oronte, le Djeziré puis ('Euphrate, Palmyre, tète des caravanes de
('Antiquité qui traversaient le désert et Jérusalem - passage du Jourdain à la mer
Morte. D'autres villes se sont développées. sur le rebord intérieur des montagnes
littorales: Damas, Homs, Hama en Syrie.
Ces villes ont réussi à contrôler les plaines environnantes, mais elles se sont
toujours heurtées à de fortes résistances de la part des montagnes.
Le Liban est l'exemple de ces massifs littoraux qui ont permis des constructions
politiques solides. Ses conditions géographiques sont optimales: c'est le plus élevé des
massifs - il dépasse 3 000 m - ' le plus favorisé par les rrecipitations et par la richesse
de sa végétation~ . Les forêts de cèdres ont fait la fortune des Phéniciens de l'Antiquitê
qui vendirent le bois de cèdre pour la construction de flottes5 . Les précipitations de

1 P VIDAL DE LA UlACitE. L. GALLOIS d1r .. Üt~>."'J"ilPltir 11m\'l'n~lk . Pans.. r\nmnd Colm.. 192'1· 1')8., l VlD
M.. BLANCHARD, Asii: n~c1Jcn10.lr. 1•nq.
2 X. Je PLANUOL, l1·.~ .''t/1111um J11 Pmphht· Manu.-/ ~-N>grurh1y11 .- dt· ,....,litiqtw """"''-- PmU., f•yanl. 199). p. 15.:t.
3 P. VIDAL DE LA llLA.Cll[, 1. GALLOIS J1r., Gn1.~ruphi«' ..,,,i\,.·n~/I,.. Pans.. AnNod Colin. 19:?'?· 1~'11. l VOi :
R. bLANCHARD . .·hi.- oc"1lt'nt<llt>. 1~29; cn1re l'Amonu!' cl 1-.• ('a..,..,.1us. IC' nnt..'t œ r...\.rnouk où muJr lie- a....on-;
!'ensellement 1huns-Tripoli entre le Ojchcl Ansa.rit et lc L1h11n Jom1nt par le Krak des Chc ..-.Jicn . Cil Galiliif Cl r.laliDt. le œ:bd
se rédt.ul O. Jc!li collines
4 ~ de- VAUMAS, L.:..~ ··cmduirms 1141111rr/k,; J..• l'vn·llpfJllOllJiu._,1,.,.. dt. L1han, ."-.0 .• 19-&&. p. "'°""9.
'C UAURAIN, C PON NET. L..-.î P/J1•wd~m . Paris,, A.._t Colin. llN:! .
181i P11rlu.' 2 . Pcnr1t11t~t1n• de Io cnrtr

l'lùvl!r sont conservées pu1S restituées l'été au plus grand bénéfice de l'agriculture.
Enfin. il s'agit d'une montagne qui débouche sur la mer et donc sur le monde.

8.4. Le refuge des hérésies, le sanctuaire des réLcllioru;


On mettra œtte section en parallèle avec le chapitre consacré à la géopolitique des
religions.
Dans l'histoire, les Etats musulmans se sont montrés particulièrement intolérants à
l'égard des hhésies de l'islam. La raison première en est qu'aucune secte musulmane
ne s'est n!\•fltt passive ou tolérante• ; chaque fois que le rapport de forces s'y prêtait,
les sectes chm:hèrent à déstabiliser, voire à renverser le pouvoir sunnite, soit à faire
~n. L'intolérance du pouvoir central califal sunnite fut donc toujours
~ble de l'intoleranœ sectaire. C'est ce qui explique que les hérésies de l'islam
aiettdù trouver refuge dans les montagnes, à l'abri des plaines souvent contrôlées par
!il inajoritê sunnite ; c'est aussi ce qui explique que ces hérésies en fuite aient fonné en
DIOlltagne des constructions politiques fermées, sectaires, intolérantes. Les
particularismes duétiens (aussi singuliers par rapport à l'orthodoxie chrétienne que ne
le sont les hérésies islamiques par rapport à l'orthodoxie sunnite) ont aussi trouvé dans
les montagnes, les fondements d'une construction politique autonome et protégée2.
Au Moyen-Orient, les exemples de sectes qui trouvèrent refuge dans la montagne
sont nombreux :
-115 chrétiens maronites - région du Mont-Liban - , les druzes - région du
Cllouf -, ou encore les chiites duodécimairlS - région du Kesrouan - au Libanl;
Cartr69 : U.S minorités chrétiennes d 'Orient
Gme 7ll : U.S mmmunaulés du Liban
- les duites zaydites du Yémen4 ;
Cartr 79 · Lr zaydisme yéménite
-115 alaouites du Djebel Ansarié en Syrie5 ;
- les ymdis du Kwclistan6.
Cartt ;) : l'Asie ren!rale : le monde iranien
-au Maroc. les montagnes du monde Chleuh - Haut-Atlas et Anti-Atlas - ont
toujDurs ~difficiles à contrôler - tant sous les Almoravides aux Xl"-XII" siècles, que
sous les Almohades aux XIl•-xm• siècles et les Saadiens aux XV"-XVll" siècles7. li faut
atœndre 1920, l!'I la conquête française pour que la montagne fasse véritablement
allég&ulœ au makhz.en8.

t X. dr Pl.A.."'lfOL l.LJ .\:atit>M dJJ Propltrse .\tonu~/ geogr~pluqfü• de /H1fi1iqt1t:' mu.wlmum:. P:m~ . Foyard . 1q93, p !'6-'7
~ x_ dr ~ltOL wo.;.,,ru ~n ulum. 1'""1l'apliir rlitiquc• ,., wcit1ho, r;.im;, Flammanon. 1997
3 K... S. UUBL Jlw \bJrm lrutor:t· vf ~banrm . NC"W Yortc Dchn,u. L ar-.a\'.:in Book.e. . 19hS . D AMMOUN . /lu1oir1· .ill
u . . . -.hril. fwyri ....... 19"7
.tO nJ SOlllEL lJ1e1innNuu lru.Jurr'fW' ck l 'iJ/um . P;1m;, PU 1: .. M96 ;, rt1clc~ " J'...ayt.l1 s mc " . J'I · IUi S . .. Yémen",
0 r US ;
J . 1llliAL ~dit c/uuMt, Pam, Artca. 1'19S, ISh p : t.:hap XII. '' Le Yémen duuc'', p IO) - IOtl ; X . de PLl\NllOL.
~d n-. lt!fll"•lf'IU<t polit111w ri JUUU/~. Puu, flammanl>n . r ;m s. 1997. r - 109
JD.ctJ.SOL1lVELDwtùA11Wire1"s1unq11.-Jr: l'o/am. r~m• . r .U J· .. 19'H•, un1clc ''/\luou11c"' . p . S~, un,clc '"Sync " fi 711 ,
X.• PL.A..1'HOL,. ~,.,, ut...._ xiograph1t pofuiyur r1 ltx:"'I"·· f'am . l·lammanon . 1997 . P' 10 .
61J. dJ ~"IJ>ELD"'11~Ji i1for1q1.1~ .lt· l'U/um. P<1m.. PUI·. l'J'Jh . ar1 idc ··vc1:uJ1s'', p . H57
1 J. BEJt0CE.A•6piw!l,Sci.wi.-a lfc1pcrn, l':ilSl, p JS'i-417
•c--. i rt.. ..._ '"""6<
Chaplmo 5 . La topologie : fonction géopolitique du relief 187

Ce phmomène de la montagne-refuge n'est évidemment pas propre au Moyen-


Orient. Ainsi, au Vietnam, l'ethnie minoritaire des Thaïs 1 a du 5e réfugier dans les
montagnes pour fuir les persécutions.
Au-delà du fait minoritaire du point de vue religieux et ethnique. la montagne est
un sanctuaire de rébellion, de contestation de l'autorité centrale des !ôtats. En
Afghanistan, c'est à partir des montagnes que les Moudjahidins purent mener leur
guérilla contre les Soviétiques; les Aurès algériens qui furent hier hautement
problématiques pour la France, abritent, aujourd'hui encore, des maquis rebelles au
pouvoir central. Dans les montagnes du Kosovo, les séparatistes albanais du Kosovo
affrontent le pouvoir yougoslave. Sur les monts erure1gés du Cachemire, l'Inde s"efforœ
d'affirmer sa souveraineté face à des rebelles Cachemiris appuyés par le Pakistan.
Carte 57 : U. conflit identitaire du Kosovo
Carte 84 : U.s religions en Inde, PakJstan, Bangla-Desh

8.5. La montagne frontière : une barrière et une source d'eau


Une montagne est plus difficile à contrôler qu'à traverser. Refuge et sanctnaire. elle
n'est pas une barrière infranchissable. Depuis !'Antiquité, les grandes chaines de
montagnes comme les Alpes. ou !'Aurès sont traversées par des voies de
communication : dans les Alpes, les voies romaines suivaient le Brenner, le col de
Resia, le Saint Bernard 2 ; dans I' Aurès romain, de nombreux postes permettaient de
suiveiUer la Numidie ; les Pyrénées, l'Oural ont été franchis; dans !'Himalaya, des
passes et rivières ont permis d'aller fonder des États comme le Bhoutan et le NépaP.
La frontière par la montagne se fait souvent sur un criœre de ressource, celui de
l'eau. Il existe en effet un lien fondamental entre la montagne, l'eau et la frontière :
lorsque des frontières se font en montagne, elles se font souvent suivant la ligne de
partage des eaux.
Pour bien comprendre ce fait&, nous rappelons qu'il est convenu de diffén!ncier
deux manières d'établir une frontière relativement à la question de l'eau :
- le système du talweg5 consiste à choisir la ligne de plus grande pente d'une vallée,
celle suivant laquelle s'écoulent les eaux: il s'agit d'une frontière par Je fleuve et. plus
exactement de la ligne la plus profonde du lit du fleuve; notons bien que celle-ci ne
co1Tespond pas forcément avec la ligne médiane du fleuve, car œlui-ci n'est pas
nécessairement uniformément navigable. Cet aspect est développé dans l'étude de la
fonction géopolitique du fleuve;
- le système de la ligne de crête ou ligne de partage des eaux ; plus simplement il
s'agit de revenir à la source, en montagne où se séparent les eaux de ruissellement. les
unes courant sur un versant, les autres sur l'autre.

1 Y LACOSTE. Dktionnair-r de .~1poll11qw. Pans. Flunmanoo. 199.)_an1cla -n..b .. ~l 9\'i.ca.n•.


2 J. HEURGON. R1mu.· .-t lt1 Mr'ditr:-rra1..V ,,,...,,..;J,n1al~ Ju.s~'au:t ~ pu,uqun. Paris.. P.li.F. J%9 . C . stroLET. /l..w n
faeonq11i1r du mondt' mMi1~rrunlt<rn , Pans, P.U F, tomrs 1 et li , 19'7S
l r. VIDAL DE LA HLAC'HE, L GALLOIS dtr.. G.:t~rarh1c- '"mvnc-/1~. Paris, "'1lmD1 Colin. 1~2'7-1933. t. L~·· J. SION.
INh. lndochin~. lnsu/inçk, '"Les ch.mines sqwtcnrrionlil.lrs·. 19.?9
4 Nou.9 tcn'lo'DytlM Ir lecteur rlus lmn dans 1..'C' chap1tn:., .â la srct1on rmtanl :mr lA r.:-:tian ~..... du fll:aw:. aillli . . . m
auW chapme ponant sur la 1èopoliuquc die l'eau
5 En 9topphle le talwca c::tt "I• lisne jolgMlll tes pa1111s 1ti1 phll5 t.s J"\aac' '-.!Mc. O..S YDt wlNc drUlft. le . . . . . le lm
duc...,.d"eau•. P. GEORGE. f . VERGER. o;,·ti-·è~i<-. •• tJ. Puis. P.U.F .. 1-.p. 44'1.
11111 Pn,.til.' 2 . Pt•n1u111l!f1ct de la rorlt

l.rs frontières tracées suivant ce critère représentent 35 % de celles de l'Asie -


Himalaya - ri'\, de œlles de l'Amérique - les Andes notilmment - , 21 % de celle•
de l'Europe et 13 '\,pour l'Afrique, la moyenne mondiille étant à 24 % 1 .
Cam, 411 : l..L'S fleuves en Am~riqu., latine
Cam, 96 : le b.issin du Nil
le traœ juridique des frontières sui\•ant les lignes de partilge des eaux est d 'essence
française. Au XVJil•siMe, Philippe Buache qui étilit Je géographe de Louis XV définit
!. relief comme un S}~tème hiérarchisé en fonction du principe premier de
l'koulement des eaux vers la mer. Les ruisseaux fonnent des rivières qui forment des
Oem-es, cet enchaînement étant déterminé par un système de pentes qui forme une
CU\'elte, le bassùt du fleuve. Les bassins forment de véritables régions naturelles, que la
urtogr.aphie de l'époque représentait délimitées par des montagnes - on en exagérait
d'ailleurs La hauteur dans la representation : en effet, les lignes de pente sont parfois
douces.
La représentation des frontières françaises restera largement influencée par la
nation de frontières naturelles issues des montagnes et des lignes du partage des eaux.
Elle aura des con.séquences. nol3mment sur le tracé des frontières des États africains : à
la fin du XIX.•sikle, au moment de la Conférence de Berlin en 1885, l'Afrique est
dMte en lame de 'cuvette du Niger" ou de "bassin du Congo" plutôt qu'en terme de
dhisions ethniques!. On pourrait dire assez simplement que les tracés de frontières en
Afnque furent plus souvent définis en fonction de la ligne de partage des eaux qu'en
fmction de La ligne de partage ethnique.
Nous ne devons cependant pas retenir que les montagnes sont nécessairement des
frontières. Cert.tins peuples s'y arrêtèrent et les choisirent pour barrière naturelle;
d'autres choisittnt de se développer des deux côtés des versants, et ce fut le cas de~
Basques. Ces derniers eurent toujours du mal à édifier un État et ils devinrent souvent
la périphérie d'États bâtis en plaine : les Basques sont schématiquement la double
périphérie de la France et de l'Espagne.

Il rxiste des États conslruits de part et d'autre d'une montagne : c'est le cas de la
~ bàtie autour du massif des Carpates. La coupure d 'un État par une
montigroe n'est cependant pas toujours une réussite géopolitique. Le royaume de
Savoie, à cheval sur les Alpes. était bicéphale; il admettait deux capitales : Chambéry
ri Turin1. Son manque d'unité géopolitique ajouté à son faible poids politique joua en
daaveur de l'indépendance savoisienne face aux unités française et italienne. Un autre
exemple de construction difficile autour d'une montagne est celui de l'Afghanistan. Au
coun des siècles, le centre afghan s'assura du contrôle des oasis des plateaux mais il lui
fui toujoun difficile de réaliser celui des hauteurs4 . Certes, la grande instabilité de
l'Afghanistan; tient d'abord à un conflit identitaire - des ethnies s'affrontent pour
prendre Ir contrôle de l'État - mais celui-ci est favorisé par hi topologie.
Ajoutons quelques idées simples à propos de la géopolitique des montagnes :
-il n'est pas vrai qu'une barrière de montagnes freine d 'autant mieux les invasions
qu'elle est haute: les Pyrénées sont moins élevées que les Alpes, mais elles onl
CDllllÎtué unebarrière plus efficace contre les envahisseurs car ses cols sont plus élevés.

1 M. FOt.iCHfJl. Pn:llllU a {rotrtlira. ,.,.. .., Fmyud. l '191.


2M •~.Lr~drtAfr'qlll!' fl~fJ...1914), P•n•. Dieno.!I, coll . "l.'u'Vcntnrc col,111111k de la h11n1..c"', 111~6.
JH. llUIDEAUX..-.rahywd. 11'41.
4 X.• ft..AJ!IHOL l..o HallnlU &Ai Prophit~ Manurl MhJ<Rrophlqur '"' politl1/Ui" 1nF1.mftt1111w , l'Rn!'ii , Fuy;m.I. 1•..-n. J'I '9)
)0. IOY. Ül~•h'I Crntrok. ,.,,t, l.t' !kuil. 1997. A . AKKAM. JIJ.•t•tlr1• de ln >l'"',.rc •l'Af1<li11nbtmt. Pan~. ll•UanJ.
-.1...
Chapitre 5. La lopologic : fonction gropolitiquc du ..,lirf 189

Ce qui compte donc, c'est le nombre, et la hauteur de cols, et non la hauteur des
chaines de montagne.
- Comme le fit remarquer le géopoliticien allemand Friedrich Ratzell, sur de vastes
espaces, les obstacles fondés sur l'altitude diminuent proportionnellement aux
distances; ainsi, à l'échelle d'un État-continent comme les États-Unis, les barrières
naturelles que sont les montagnes tendent à voir leur fonction d'obstacle diminuer.
- Il est important de tenir compte du contraste entre les versants intérieur et
extérieur des montagnes ; tous les versants ne sont pas équivalents. On se !IOUviendra
des notions géographiques d'adret et d'ubac: l'adret est le versant d'une montagne
exposé au soleil, l'ubac, celui qui se trouve à l'ombrel.
- De l'importance stratégique de posséder un glacis: le terme de glacis vient de la
science des fortifications; il désigne un champ de tir dégagé qui n'offre aucun couvert
à l'ennemi. Mais au sens large, on entend par glacis, une zone dégagée qui se trouve
aux confins immédiats de la frontière de l'État et qui a pour fonction principale, dans
une posture défensive, de détecter puis de ralentir l'approche de l'ennemi, et dans une
posture offensive, de disposer d'un espace de déploiement des forces d'attaque. Pour
les États entourés de montagnes, il est donc d'un grand intérêt stratégique de posséder
un tel glacis. L'addition "glacis + montagne" apparait comme idéale dans le domaine
de la défense continentale, el tend à donner une sorte de dimension insulaire à l'État
qui possède cette propriété.

9. La fonction géopolitique des hauts plateaux


Plusieurs États protégés par des hauts plateaux se sont imposés sur les plaines
avoisinantes. C'est le cas des Aztèques dans des temps reculés. C'est. plus près de nous,
le cas de l'ethnie Amhara en Étlùopie établie sur ces hauts plateaux d'Abyssinie
dominant les provinces périphériques3; c'est aussi le cas de la Castille en Espagne'.
Pour nombre d'États, posséder des plateaux qui dominent la plaine d'un État voisin
est d'un intérêt stratégique majeur:
- L'Alsace a longtemps revètu pour les Français - outre leur attachement
sentimental pour cette région - une dimension stratégique car les hau~
alsaciennes défendaient les Vosges et constituaient une base o~ve vers la plaine
rMnane5.
- La Chine occupe le Tibet6 situé en son flanc Ouest, de manière à empêcher toute
tentative étrangère de s'établir sur le toit du monde avec l'aide des Tibétains. Car celui
qui tient le Tibet peut déferler sur la Chine, l'Inde, le Sinkiang et la Mongolie
intérieure. Au-delà donc des problèmes médiatisés liés aux entorses aux droits de
l'homme dans la région, il faut bien comprendre les raisons géopolitiques de la
présence chinoise au Tibet.

1 Nous renvoyons à la r~mî~re partie de l'ouvnF cul\MCfft •U.'


écolo popohnqucs . Ralzft vo,.... ma E-.u.m •a. fiD
dn ennm 1R70 et lùl rrnpp! par son t'rndue et $On importance ,mpahnquc:.
2 P. OEORGl:., F. VC!RGF.R , Dlctlm,,.uiPT ~ ln Clogmplelt'. 6• &L hris. P.U.F .• 1"6 : .air k:3 cdc'lm "'mini•. p. S et
"ubo<". r 474 .
1 •Schim11ittt1cmen1, la nMJntnanc i.:hnHicrmc ~1h1nr1rnn.:- . Jitrntntt dt- rc.... es1 mr:cn:lft par dea paJ' ai.be et
nr.uuhmns*, f-:. TllUAL , "l~ spacn. titht"ricn:t• 111 CnntnJ/,,. "' a1n1TTr. f'ans., Ellipmes. 2000. p. 1'1.
4 P. VlllAL DF. LA DLAl'llE, L GALLUIS fü ., Gro•""""''' ...1.....U., Pu;,., A - Colm. 19ZT-19.I&. LVII :
M. SORRE. MthlUrt"ro"h·. ,Wniru11lt'.r mrJm.•rn,,nilf'nn.·J, l::.11pi11J11t, JQ}4 ,
' I.!. RAAS, Slluatl1m Jr l'.·41.wn•. StrosbonrJ. Schmau. 19-1$
6A CllAUrRAOI::, F. TltUAL. D1oim1not,..- Jr •rop.,lllHfw. 1' H. . Pwis. El~ 19"1, uûri:k -chiot•, pp.92~HJO ;
Y 1..AC."OSTE. dir .• IJktlalfn,llrr dr Jl~opoliti'lw • Paris. Flamnanun. 1-W'.l. antclc <Pfit.et•, pp. 14'9l~ISOL
46. LM hauts plateaux du Tibet dominant la plaine chinoise

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47. Le plateau du Golan


Chapitre 5. Lo topologie: fonction géopoliUque du relief 191

- Le plateau du Golan 1 - 1 000 m d'altitude - est occupé depui!l 1967 par Israel, au
détriment de Damas - la capitale syrienne est située à seulement 40 km de hauteurs
du plateau -, pour des raisons stratégiques; il donne aux Israéliens la maitrise de
l'eau dans la région et le contrôle de la Galilée - voir à ce propos notre chapitre
consacré à la guerre de l'eau . l!iral!I a annexé ce plateau en 1981, mais la communauté
internationale n'a pas reconnu cette annexion faite au d~ment des frontières
internationales de la Syrie.
- L'Iran a toujours Né régi à partir du haut plateau, et plus précisément de sa
bordure Nord. C'est sur ce plateau que se situe le fondement m~e de l'État iranien2.
Carte 53: L'Asie centrale, le monde iranien

10. La fonction géopolitique des cols,


des défilés et des passes

En montagne, les cols, les défilés, le5 passes, occupent une fonction stratégique
majeure illustrée dans l'histoire par la construction de positions militaires fortifiées .
C'est la raison pour laquelle les États affichent à leur encontre des ambitions
géopolitiques fortes.
Un État comme l'Autrich~ s'est développé â partir des cols et des débordements
fluviaux. Les territoires acquis par les Babenberg, puis les Habsbourg, occupaient tous
les accès au Sud-Est européen et une grande partie des accès à l'Italie. Adossée aux
Alpes, l'Autriche pouvait pénétrer en Allemagne, en Italie, en Hongrie et en Pologne.

11. La fonction géopolitique du marais

Le marais est généralement une région basse formée d 'eaux stagnantes envahies
par la végétation. Difficile à traverser, le marais s'est toujours montré une frontière
sûre. Mais pour les mêmes raisons, les régions de marécages furent difficilement
contrôlées par le centre politique. Atout en géopolitique extérieure, le marais est an
handicap dans la géopolitique interne des États.

11.l. Une frontière sûre


Par ses caractéristiques physiques, le marais illustre le danger d'enlisement
géopolitique. Il est sans doute, pour l'envahisseur, un obstacle pire que le Beuve ou la
montagne. Voilà en effet un espace sur lequel les flux conquérants rntent de
s'épancher au risque d'y être absorbés.
- En Pologne, la région de la Polésie4 s'étend sur près de neuf millions d'hectares
d'un sol bourbeux arrosé par le fleuve Prypec et affiche une densi~ de peuplement très
faible; elle fut une frontière très solide entre la Pologne et la Russie.

1 V . LACOSTE d1r, lJ1t:11ur1nain.• ~ g~upu/11iq11~. Pu.ris.. Fhunmu-iQG,, 1993, UllClc .lsntL fTonwet m.-.:.,•, p. 812.
2 X. Je PU\NHOL. U-1 N&11ilm.,· du Pruph~.: .\/an11~I ~lltuphiqw- M po/""1- ~.hm.. Faymd. 1993, p. ~l.
l J. ANCEL, Man11~I ~gropltiqtw d ..· pvh1'qw ~pttNW, t. l , .. L'Emupe cmtn1o•.. Pmls,. o.a..aft.. hN. IU6.
•t·1"atnchc'". chapitft Il, "l..a rronti~ Jcs Aires·. pp. 4l-65.
"J. ANCEL, •Le nw..1• in Cit.i.upulirrqw, hri1,. Dolqn.vi:, 19311, p.~-
-Les marais de Bourtange1. sinu~s entre l'Allemagne et les Pays-Bas et qui sonl
imprabcables, permirent aux Hollandais de fortifier leur indépendance.

11.2. Une région où l'exercice de la souveraineté est difficile


- le Brésil éprouve des difficultés à contrôler l' Amazonie et ses peuplades.
-Avant d'~lre asséchées, les Landes françaises furent un repère de bandits qui
~t l'autori~ de l'Étatl.

- le pou\'OÎr soudanais de Khartoum 3 - qui s'appuie sur les parties du Nord el


musulmanes du pays - pan;ent difficilement à contrôler le sud du Soudan, région
baigrW par la cuvette du haut Nil blanc, très marécageuse et où les hommes du
colonelJohnGarang. chrétiens et animistes, entretiennent avec le soutien de l'Ouganda
- et longtemps celui de l'Éthiopie - une rébellion contre le pouvoir central.
Cam '17 . Le bassin du Nil
-Le pou\•oir central irakien a du mal à exercer son autorité sur les zones
~du Bas Irak où vivent des chiites duodécimains4 .

11.3. Le peuple des roseaux en Irak


Les pays duites du Bas Irak sont envahis de marécages. Le milieu est caractérisé
pu des Lacs profonds, stables, et des marais peu profonds. Leur origine commune tient
aux variations de niveau des deux grands fleuves. Dans l'Antiquité, la mise en place
d'un~ de contrôle des eaux permit dans un premier temps de faire reculer les
mmis peu profonds. Mais en 629 après J.-C., les digues du Tigre et de ]'Euphrate se
rompirent et la basse Mésopotamie fut en grande partie inondée. Autour des lacs se
~des marais peu profonds que la progression du contrôle des eaux ne permit
gmre de faire reculer. Une population se constitua dans ce milieu pourtant accueillant :
115 Maadin. Cette population est très hétérogène5 et se compose d'éleveurs de buffles
semi-noDudes et surtout de réfugiés divers qui tentèrent, à différentes époques,
d'è:bapper à la domination centrale, comme les esclaves noirs révoltés à l'époque
abbmide, de populations exclues de la vie bédouine après la perte de leurs
lmupUUX. des populations d'origine iranienne, tels les Bakhtiyàri et les Kurdes,
atminels et aventuriers. Un chiisme local recouvrit à peu près ces différences, tandis
qurdans le viUes de la région s'implantèrent des chrétiens sabéens.
Ce peuple des roseaux. les Maadân, est longtemps resté à l'écart du développement
konoml.que et s'est montré, prolégé qu'il était par son "insularité marécageuse", retif à

1 -.
JJ. CASTA&fDE.. llllfofn'tlt la IAJ'C'l'Slle'~I dl la (/œJlflgn.:. r~ns. t-·runc.:-J:mp1rc. 19'>7.
1 V. IACOSTE.~Jtrpopoi1lil/ll~. PW.fl.unmarion, JCJ'JJ , on11dc .. SouJun". rr l·U0-1426
n . llDLARD,LW..,loiilt,htu, fly.nl.1991.
jl. 'lr1LfllD. ~ .Wdmot llWlb dlt-cl&tn uf Soulhftn Iraq'", rn JtJumol of tlw Royal Crntr"I .·l.mm l'udrry, 1~'4. P·"°
U ; -nar ....... of...a.:ntlœ(.in GJ. IYS-4.p. 27~2RI; ~ mnnh Aml'r.i'". LumJrc~. l'Jt""' . W . EUGEN, /.iJttdirlwlft•iU
16a:t•,..,.._-.,ilGO'etr,,,U. MiJ1~,J11ngrn,J,,,<;,•t11(r11phi.uht·11 G1·.wll.'f1 ·hufl ln l/umhurx. llJ~~. J1 7-70 , M Ga,•n . .f
W.W. t,. dlP Wiltd, Lm:mla::a. J9'7 Uraduit11aa frM{llLSC lr pt'ufih· iJn rn'f1·11m·, J'uri!IP, 1•J<,1 J ~ J l>nnphm. "'l.cs M.1'dan de'
m. ............ • AG. 1960, p. J.4-19.~ S.M Manh. f.h:rllt!r.1 of th,, Euphratt·.,· tir/ta. J.unJnn School or r-:.:onomic.
W-....rlacilll~, n, l..ondrea.19';2 - nui de 1yn1hbc ~ur .:~s 1mv1111-. 1lun~ X . ile l'l.ANllOI., /,, ft•ltdtfl'WTIP
................ ~.ru•. Paril, 1%1. P- 9l.-9j_ StU I• r~vnlrc dca C?tdovc~ nOU''% , VOU /\ l'orovic . '· ~· ZmJJ. '" ,.;w./1'
*9 ~ p "'1t • IX' •IÎrl#. Jt1M~ d'f;..ludn •alamique1. t,, f'•n•. 1tJ7(1 l "cite têvoUc çitn .. lilu• un fcenf'Oll dt
-~"-=*'n:llllk•pGll"ottC'Cftlnl
duipltre S. Lll topologle ; fonction géopolitique du relief 193

l'autorité durable d'un pouvoir central. L'installation du régime baath à Bagdad a


cependant contribué à augmenter le degré d'intégration d'une région qui continue de
dormir à la périphérie d'un État sunnite dominant.
Carte 74 : Irak : situation des populations, densités, zones d'exclwoion

12. La fonction géopolitique du fleuve

"Et sans tomber da11s l'étonnt!menl naif de Bernardin de Saint-Piurr qui s'imnMllllit de
voir draque grande ville lraversû par un grand fleuve, on ne peul pas ivitLr dL noter œ mu
majeur joué par le Tibre dans le surgissemnit et le divtloppemenl dL la dli û Rmnulw",
Alexandre Grandnzzi, La Fondation de Rome1 •

C'est autour du fleuve Jaune2 que se construisit la civilisation chinoise, de l'lndus3


la civilisation pré-indienne, de !'Euphrate et du Tigre celle de Sumer-', de Babylone et
de l'Assyrie, autour du Nil, celle d'Égypte5. Qui peut dire que le fleuve n'a pas été,
depuis la préhistoire, le lieu de regroupement puis d'édification de communautés
humaines, la ligne de concentration des densités humaines ? Rome se construisit le
long du Tibre6, Lutèce au bord de la Seine7 , et des États s'édifièrent à partir de œs
centres. La dynastie française se fit entre la Seine et la Loire. Oiez les Slaves, on a
longtemps parlé de gens de la Volga, de la Morave, du Timok.
Le fleuve peut être frontière, comme le Danube qui fut une barrière pour les Russes,
les Turcs ou les Slaves 8 •
Le fleuve peut être noyau de construction des États. D est aus.si axe de pénétration
des grandes conquêtes : les Français sont entrés en Oùne par le Mékong9, et en A&ique
en remontant le fleuve Nigerto. Quant aux Anglais, ils ont remonté le Nil jusqu'à ses
sources pour biltir leur empire africain.
On a choisi ici de développer deux conquêtes fluviales bien plus anciennes :

1 A. GRANDA2Zt. La Fondatîa" dt Ram~. Pe.ns. Les Belles Lcftres. 1991


2 J. SION, "Chine~ J11pon" dans Gt-c>grapllir uni'V'n':ft!llr, IX, Asie des rnauaaas.
l J. SION , "'lnde-lndoçhme-lnsuhnde" dans G'ogrupllir amfr~nrllr. IX. Asie des~

4 L. DELAPORTE, "Les anciens pcuptC5 de l'Orient• dans E Petit. M. All:UD.. A.. Gmi:m &br.• lrutairY ,.,,~ 4is /flllllJ:S «
du Pft1p/r3, Libmirie Arislide Quillet , Pa.ris, 1913. t. 1, pp. 99·ll2.
5 X. de PLANHOL. Lu NtJtior&s du Propltètr. ,\ftmurl gr"t~iqw • po/iritqw ............... Pun.. F•)'md. 1911), p. 257
•r1w que jamais l'Égyple c'n1 le: Nil . Cc mondc plcm ft"ltc m-oucmmt ~ refcnni sw Jul-all!me. En~ dr lui.. ta dietaa
l!:l)lltims nc !IOnt au m1cW1: qu'cspacn rnarainaux, au pis t~ d'ill..slon •
6 "Au-dcum d'une boucle du l"ib~. au milieu du fleuve, nt accrochtt une lie carnmc un bul:aa l h:Dcft : c'mil. Ir -..1
endnut sur Jcs lulo~tra oU le neuve pou,11il ~~ •isemm.1 fiwKtt1 . U • dre:sail UllC' colline- qui dnsi• ~ cêWbft : Ir:
rolahn. C:.-csl t• tlLIC commence le'°"'' de Tite-Live, au V1llc st«le a"-.nt JS..Christ.•, C. Hibbat. Hmoft "1t ,,.__, ~
J'unr 1·lllr. rayo1, 1918, fi. 11 ~ nd. de Rome, Tltr hiull"~·~f" C'if:'·. Vikifta,. Londra.. 19&S. Mamoliai fit m:tifier ... ~·
Forlt, u ("IRJvinte natale, de raçan 6 «'que cell~i fut armstt 111.1S:Si par le T~ : tOl"t'C symboltqR du flcvw • Îll Mlcbd Sdâ.h:a..
•Le Tibre• , U F'1t"m• 2:! aoOI 2002
7 M. RAVAL, l/bwlrr ,(r rm·b. 1'11n1., r .U .f. Pari.&.. IQ.41, 121t p •Les voic::1 nAViphlcs ant aJon PoW1 T6k- ~ dies
uaurm1 6 la rois Io 111b1,~1antt des hom~ cl lcw pmtcc1ion. Il m. rut aiMi du Tibft rcu- RDmr. de Ill Spr6eo ,_. Blrtia. df aa
tamuc pour Lundra. dr 111 Seine p.1ur r.ri1 .• , p 7.
8 En 117J., dan1 ton n ..i de liet-.•Jt""l'hl~ ,"""illqw rublid à Tunn.. le coa.1 Suva.i «rillU: • ,rapm. du l:Jrmèe : 9t.e
Donubc Cii donc la f.r1UldC ~ da loulc-i. Ica uplnlions. qu'elle qu'en IU\I ia d1nctioD. œ mfmc '1"'- Uipe .......... ..,
accllcm:c, •ri••• n:poua.•cr 1ou1c 111taquc, lie '\UCLltuc cndruit. qu'clk- tep~~-- -·

ljlO. llANOTAUX. A. MARTINEAU dir. , Hhlf'ir"f' •·• t ·olu1d&1., _/J'un\.,..,_ n • , •.......,. • ... F~ cD.- W --'r.
ft'ltia.a«li .. dc l'IUatuin: n.lîun.ah:. rlon, t . V : L'lni.leo. L'lll\lnchmc, 1912.
10 hkt<tt, l. IV : '1{rlq1111 ot'"C.ftknt~I~ ~tw. Afhqgo ~uaton•I~ fran\'"ade. Le c'6tc: Jn Som&ln.. 19JI .
194 Pari•~ 2. Ptnnanmct dt t. an

l'Égypte à la conqu4!te des cataractes du Nil, les Normands, ou Vikings!, fai5an


inuption par la Seine dans la géopolitique de l'Europe.
L'histoire du Nil et des Égyptiens anciens, celle encore de la Seine et ~
conquérants Normands, montrent que le fleuve est un axe de pénétTation &,,
conquétes humaines ; que par lui arrivent les grandes révolutions géopolitiques
n nous a paru utile de préciser ensuite des éléments de droit international quant a
la navigabilité des fleuves, notamment en rappelant les traités fondamentaux qui
furent signés en la matière.
Enfin cette section pourra être mise en rapport avec le chapitre consacré à la guem
de l'eau; alors que nous abordons ici le fleuve en tant que frontière politique ou
support de navigation, la partie consacrée à l'eau traite du fleuve en tant que ressource.
Carte 96 : Le bassin du Nil
Carte 98 Problème de l'eau entre lsra~l et ses voisins Liban-Syrie : le bassin du
jourd~

12 .1. Le fleuve frontière


Il convient de différencier deux manières d'établir une frontière quant à l'eau :
- le sys~e du talweg~ consiste à choisir la ligne de plus grande penle d'une vall~.
celle suivant laquelle s'écoulent les eaux; plus simplement, il s'agit d'une frontière par
le fleuve et exactement de la ligne la plus profonde du lit du fleuve; notons bien qur
celle-ci ne correspond par forcément avec la ligne médiane du fleuve, car celui<i n'est
pas nécessairement uniformément navigable .
Le géographe Michel Foucher3 a montré que 52 % des tracés frontaliers en
Ammque latine con-espondent à des fleuves, rivières et lacs, 34 % en Afrique - Lacs
Malawi et Tanganyika, 25 % en Europe et 23 % en Asie - Mékong - , soit une
moyenne mondiale de 32 %. Retenons qu'environ 1/3 des frontières dans le monde
épouse le tracé de fleuves.
Carte 48 : Les fleuves en Amérique latine
- le système de la ligne de crête ou ligne de partage des eaux ; plus simplement il
s'agit de revenir a la source, en montagne où se séparent les eaux de ruissellement, les
unes courant sur wt versant, les autres sur l'autre.
Les frontières tracées suivant ce critère représentent 35 % de celles de l'Asie -
Himalaya-, V% de ceUes de l'Amérique - les Andes notamment-, 21 % de celles
de l'Europe et seulement 13 % pour l'Afrique, la moyenne mondiale étant à 24 %.

Nombreux sont donc les cas où les frontières épousent les fleuves : ainsi en est-il du
Rhin entre la France et l'Allemagne, ou du Rio Grande entre le Mexique el les États.-
Unis. Sur le Rhin, on a souvent opposé la conception française qui fait du Rhin ww
frontière natureUe, à la conception allemande qui fait du fleuve un bassin
~grapltique cohérent et non une ligne de séparation. La conception française dècoul•

1 "'VtkV., \'tC'll. de Vik ou Vic. on n:lmUvc u mot dans Bruns\&1'1ck, Schlc!lwig ou encon:: Lundcnw1c c ' tsl ·•~i~ l..olda Ca
U.a,c ~ il e:aiuc 170 ta"RI de bcu en vie VII' vient de we1chcn , "heu aü l'on se rc11~'" nu1i• auui oü la ICn'e œdr Y
,._ i. r - · . J.8, 0Uk0Sf.LL2.. L 'Etm'f#. hUtuirr ~ .t#$ fWJtp/u , Purn1, Perrin. 1990. ~d . JlachctlC rluncl, 11· 167.
2 En.....,.. le l&lwq CM ·a. Jipc 1uigrun1 le~ r->1n1.a les plu• b"• d 'une valh!e. Dan• une va?lh dnuntt. le &al•q at k- li
4wCGWScf'mu•, 1a P CiFDRGE, F VERGER, DktJnnnuirr dK lu G'o11,.uplrl#:, 6~ tJ , Pari•. P . U .1-'. , 1996, p. 449
l M. fOUCHi.R_ Fr"f1/l'IJJ ~lfrontlàrs, Pan1. Fayard, 1992. c1tl pa.r J SIRONNEAU, l 'ruu nnu,·rl ..njn1 strol'Nill•~
,.._ &anna.a, JY96, p. 1
Ch.ilpiln.• 5 Ll topologie : fom:tmn ,.;éopolllique du rehrl 195

du droit romain qui limite chaque pays sur sa propre rive - Rhenu5 a una ripa Gall1ae,
et fait du fleuve lui-même une zone neutre - res nullius.
,•x a/lem Ger111m1ir1e -

tnL, du Cannllw.1

ocian Pacifiqur

---,.. -
1----- .
48. Les fleuves en Am~rique latine

Les deux conceptions s'affrontèrent durant l'histoire. À l.i fm de la Gut:rre de Trente


Ans, par l'un des traités l k Westph.llit• 1, la France .ittemt le Rhin : la hmite de
souver.iinetc est le talweg du l>ra> principal du Rhin. Mais la défil.ltt! Je la France
196

napoléonienne en 1815 donne de nouveau les deux rives aux Allemands•. L'khcc 1
Sedan en 1870 fait reculer encore la France qui perd sa frontière rhénane avec l'Alwc.
Le Traité de Versailles de 1919 restaure la limite de souveraineté par Je talweg Qu 1
plus est, il assure la liberté de navigation non seulement sur le Rhin mais aussi ~ur
l'Elbe, l'Oder, la Moselle et le Danube.
Concernant les frontil'res constituées par le fleuve, la règle la plus courantr dt
démarcation est celle de la ligne de talweg explicitée plus haut. Certains traite.
étendent pourtant la frontière à la rive opposée de l'État ; ce type d 'accord tr.dui1
souvent l'état d'infêriorité de l'État qui est acculé à sa rive. Dans le chapitre consacrti
111 guerre de l'eau nous traitons ainsi du conflit entre l'Irak et l'Iran autour du Chan d
Arab. Avant la guerre Irak-Iran de 1980, l'Irak avait concédé à l'Iran l'ensemble du
Oiatt el Arab ; Bagdad déclencha les hostilités pour remettre en question un accord
passé qui ne lui paraissait pas équitable.
Carte 74 : Irak · s1tuahon des populations, densités, zones d 'exclusion
On pourrait multiplier les exemples de frontières fondées sur des fleuves :
- la Russie dans sa partie sibérienne et la Chine dans sa partie mandchoue son1
séparées par les fleuves Amour2 et OussouriJ - affluent de l'Amour - ;
- la fameuse ligne Oder-Neisse entre la Pologne et l'Allemagne n'est rien d'au!rf
que la frontière formée par l'Oder et le Neisse et choisie en 1945 pour séparer le.
territoires de l'Allemagne de l'Est et de la Pologne - Conférence de Berlin du 2 aoul
1945. Cette ligne qui était aussi la frontière de l'O.T.A.N . ne l'est plus depuis 1999 . en
intégrant la Pologne, !'Alliance atlantique a franchi !'Oder-Neisse - qui fait alors
figure de Rubicon pour la Russie.

12.2. Du fleuve naquit l'État


Le fleuve est le point de départ de nombre de constructions urbanistiques puis
étatiques :
- la Birmanie est bàtie autour de l'lrriwady4 ;
- la lballande autour du Ménam5 ;
- le laDS autour de l'axe du Mékong'>;
- le Vietnam autour du Fleuve Rouge7;
- le Pakistan autour du couloir fluvial de l'lndus8 ;
- l'État du Paraguay contrôle les bassins des fleuves Paraguay, Uruguay et Pa!WN
et s'assure de leur désenclavement vers l'Atlantique9 ;
- la formation territoriale de l'État du Niger est issue d'un compromis entre les
colonisateur.; français et anglais qui portait sur le contrôle du fleuve Niger. À partir de

1Trai&tckV1cœcdu9Jll14 1115.
l P. CAMENA PA1..ME1DA. ·Raauac·. in P. VJDAL DE LA DLAC tlE , L GALLOIS d1r, Gt!ogroplur u"o~n~ll~. PP.
~Colm. J9Z7-J9ll,L V : Ê1aLI de: le H•luquc. Rua.sic. 1932.
l P. \'IDALDE LA BLACHE. L GAU.OIS dir , Ctu11,aphie 11niwrsellt:. Paris , Amwntl Colm . l'J27-1 91R . J SIO~ l L.;'
AaK *' ~ Cbi:nc. Jepaft. 1'128 et t. 1x•• As1~ Je, M ow :MfU. /t1Ji:, /11Joclum·. /n,mhnJ~. J4'2fil

4 -C--- Il: Smn cale psyt du Mtnam. 11 Binnan1c e.I le pays de l'lraouadJi. dont IC'I Nu.1ns mlb1nan c1 le- drlla rd
r.- ~La c.1n:s ck t0a dtvcl~I historique .... tn P VIDAL D E LA DLACIU:. L GALLOIS dir. c;.A~

,,....
~.r.... Anmod Cqhn. 1917- 19Jll J. SION 1. 1x•• A.ue J,., ,\fou.umu . lmA•-/m/odrl,,,•./ttmlinJ.t , 19~9. ri .U.S

6/till
11""'.

""*'
9 P VIDAL DE LA BLACHE.. L. GALLOIS dir., G'u11.ruplti~ u111..,,r.tdl~ . Paris, ArmanJ Colm. 1q27- 19.1K : r Ucnu.. I X\
....,,,_. s-1, 19?7 ~ F. THUAL Giapul111qu1 Je l'Amülq111 /tmn~. r•r111. 1='.cunum1u. IY'Jfl
ce dernier, le territoire de l'État nigérien fut ensuite agrandi de bandes sahéliennewl ;
- sans le Nil, l'Égypte n'existe pas. L'Égypte nait du Nil et pour le Nil

12.3. Embouchures et deltas


L'embouchure est l'aire d'enlTée du fleuve dans la mer. Son importance est donc de
nature stratégique puisqu'elle est liée au commandement de la liaison ll'lilritime et
fluviale d'un État. La Gambie est ainsi un territoire en fol'TN! de doigt qui s'enfonœ à
l'intérieur du Sénégal pour contrôler l'embouchure du fleuve Gambie2.
Le delta est la zone triangulaire où les alluvions se sont accumulées, à l'arrivie du
fleuve dans la mer. Cette richesse en alluvions rend les deltas fertiles, favorables à la
culture, et par là même à la concentration démographique. Ainsi, les deltas de l'Asie
des moussonsl, ou le delta du Nil sont-ils d'une grande importance géopolitique. En
même temps, parce qu'ils se trouvent à la merci des avancées brutales des eaux de la
mer, les deltas doivent être protégés par des digues. Cette faiblesse fait de certains
deltas des cibles en temps de guerre. Durant la guerre du Vietnam, les Américains
s'attachèrent à détruire les digues du Fleuve Rouge pour mettre en péril les
populations qui étaient concentrées autour.

12.4. Géopolitique des cataractes


L'histoire de l'Égypte épouse celle de la progression de la domination égyptienne en
direction des sources du Nil, étape par étape, c'est-à-dire, cataracte par c:ataractr4. On a
donné le nom de cataractes aux six rapides situés entre Khartoum et Assouan Notons
bien que ces cataractes, qui sont des chutes d'eau, sont des obstacles naturels à la
progression des bateaux; ils ferment donc la progression ftuviale et favorisent
l'appropriation par des États indépendants, de segments du Nil bornés par les
cataractes.
Sous la IV• dynastie, les Pharaons étendirent leur domination au-delà de la 1"'
cataracte. Au Moyen-Empire, l'Égypte avança jusqu'à la 2" c:ataracœ. Sous le Nouvel
Empire, et le pharaon Toutrnosis III, la frontièœ fut repoussée à la 4" cataracte;
Ramsès 11 le Grand fit progresser l'Égypte jusqu'à la ~ cataracte et donna ainsi à l'État
égyptien le contrôle de la Nubie. Mais, à la fin de la dynastie - 1100 av. J..C. -, tm
royaume indépendant centré sur la 4• cataracte s'y constitua. Awt vm~VD" sikles
avant notre ère, une dynastie éthiopienne, c'est-à-dire nubienne. régna sur l'Égypœ
sans que rien n'y paraisse tant l'œuvre d'égyptianisation des différerlœs cataractes avait
été poussée Join. Il fallut l'arrivée de peuples nordiques, Per.;es, Gn!C5 et Romains, pour
provoquer une rupture profonde de l'Égypte conquise avec les pays de la ~ cataracte
où la civilisation pharaonique indigène trouva d'ailleurs refuge. Le royaume de Mttoé
qui était soudanais opposa aux Lagides puis aux Romains un ~lllt indépendanl
Christianisé à partir de l'Abyssinie au VI• sikle après J,-C., œl État constitua un
rempart solide à la conqu~te musulmane. Au Soudan. l'islamisation et l'arabisation -
qui vont de pair - progressèrent tardivement, A partir du IX• siècle par le biais de

1 /\ Cll/\UPRADE. F. THUAL, Di<li""""irr « gNpv/inqw, :" ~. Poris. Ell..-.. 1 -. oni<J. "Niaa" .... -.291
2 ,. _LACOSTE dir.. IJl<rlun..,.lrr « ~o/it"I""· Paria, Flommorion. 199), lllUCI< ~·.p. 6.59.
l P. VID/\L DE LA DLACllE. L. GALLOIS dlr.. ~' """-'"· l'lris, /\mmod l'olio.. 1'1:!'1· 19)11 · J. SION
1. tx•• : hl~dr~ .\fwu.nHU. ,,..._/,,.J.14·1t1,....1,,nd1-'t. ICJ29

~ N ORIMAL. /lutoirr •Ir ff:J(l•ptr """'''""'-Pans, Fa1·oud. l~MM . : l'.M. HOLT. 711< - · ~ 19'!0.,. P.liol. llOLT.
A. KS l.AMDTON. O. LP.WIS dlr . Tli. C_h,._., ,fü,..,.,."'""-
Cunbrtd.-. t 11. Pr· )lî·.'44~111...--~
1'l8 Partie 2. Pen11aJ1~11u lk Io riult

populations arabes en quête d'or. Les cataractes constituèrent un véritable obstacle A la


progression de l'islam. La première principauté musulmane au sud de la 1"' cataraclc
- les 8ani Kaiu - fut formée au début du XIe si~le; le cours supérieur du fleuve ne
fut atteint qu'au XIV•siède. Le dernier royaume chrétien sur le fleuve - royaume
d'Aloua - fut remplacé par le royaume musulman de Sennâr; l'islamisation définitive
de l'Égypte fut parachevée au début du xv1c siècle.
À partir de 1820, Méhémet Ali se lance à la conquête du Soudan et de ses riches!le!i,
l'or. l~voire. la gomme et bien sW', les esclaves. Des routes caravanières permirent de
briser l'obstacle millénaire que constituaient les cataractes du Nil.
Au XX• slkle, le Soudan et l'Égypte parvinrent à se mettre d'accord sur le partage
des l'ilux du Nil . L'Égypte, désormais assurée. avec la construction du barrage
d'Assouan et par ses accords avec le Soudan, de pouvoir bénéficier en toute quiétude
d'un débit ronstant du Nil, n'affiche plus d'ambitions agressives sur le cours supérieur
du fleuve. Ll guerre des cataractes s'est achevée, au moins provisoirementl.

12.5. Conséquences des invasions normandes en France


L'objet n'est pas ici de retracer les épisodes. souvent dramatiques des agressions
normandes à l'intérieur de la France du 1xe siècle, le long de la Seine, de la Loire, ou
bien encore de l'Escaut, mais d'en souligner les conséquences dans la géopolitique
inll!rne d'une Fnnœ en construction2.
Les ÎllCUJ1iÎons viking qui terrorisèrent les populations vivant en bordure des
fieaves et affluents, et parfois même très à l'intérieur des terres, favorisèrent
l'instUYtîon d'un puissant système féodal au détriment de la toute puissance du clergé.
Le clergé. qui avait acquis, sous les Mérovingiens, puis les Carolingiens, une position
clé dans la construction centrée de la France autour de son souverain et qui s'était posé
Wgitimement en héritier de la centralité romaine, se montra, corrune on pouvait s'y
allendft, impuissant à protéger les populations de la terreur des Northmans. Les
évàples furt'l'lt donc contraints de résigner en partie leur pouvoir temporel à des mains
plus capables de défendre. Cest ainsi que le système féodal vit le jour3. L'organisation
féodale porta ses fruits; elle étaH un modèle de décentralisation et donc de réaction
rapida! f'aœ à des raids imprévisibles, et en face desquels une organisation trop
a:ntralié aurait sans doute révélé son inefficacité. À une époque où la menace
musulmane ne cessait de grandir au Sud, les Francs devaient impérativement faire
œsser la menaœ viking au Nord4. Les Northmans finirent par se lasser de la résistance
CJPPO!ft. Mieux, ils acreptèrent de se faire les auxiliaires des Francs dans la
coMtruction de la France. Instruments des luttes internes, ils servirent Pépin5 contre

1 A DVLAIT. F. TlfUAL. LI Uo~n.-Ori~1 ~1 l'~du. Rappor1 du CR1pi· Stn11 , POJris, Juin 2000.
2 E.G 1.EoHAJlD. HU'lalrr <'1r la /Varmandie, Pm116, P U .f, 194H, l 2R p. ; G DURY. !lluolr1· Jr /,, Franc~·. ,k .'f '"'&fl'llU .i
114'.l'lriLi..-Pau. 1911.
JJ. MK.1Œl.ET.Hl.doft•F"11'"'· t...m.umc., êd1tiona ltcn,unc~. l. l ·Le MfJJIC'lr·Âxr. I"· 2'12 ; G D U O'\', ·Qu'a.1-<e q~ 11
,...._.,&11Jr~•1aF,.,.,,,,, ddon6Jnaô/Jfa.Paru . LArou11c, 1987, p . lft7
4 ~ t.t.a daoW:rm le Nan&. 1and.11 C11W la SUTUlru 1nfe1Laimt le Mtd i , je ne donncrui P"-" ici Jq mono1onc hiHon de
"-1, aaftlmll. U .... •rfn d'm duliasun b Lroi. p&;odtl principales celle J~ IRCUf'J'ion!ll proprement Jitc~ . ..:elle Jn il•fn)ftt.,

5l:lr da~ lb.a. Lo IUbml del Northman 4! .. icnl Ktntralcmen' dnn!I ÛC'l'J lies Il l'embouchure Je l'i.= scom, ~C' l• St-lnr
e1œ .. L..ciim-: cdlc . . s.na.im i Fruinc"I - · l&Crat"lk •rra1•ne1 ·-· m Pm"cm:C' cl A Sain1 -Mauncc-cn -Vnlo1•. lclle tui1 l'•uJ.M:"
• as pirma • tan ll'llmc da Alpet, 11111 dtfllN aU te cn:tiKnl le!' flrincip•lca roUIH t.lr l'f::urnpc Lclll SmTutn• n'cum'll
cUrrH' • ...-caau qu'en Siak La Nonrun.ru, plUli diK1phnahlu, finirent JNlr udnplcr le chmtllDn;1me, al s 'il!LahlirCTn t.\d
,_....,.._.b f.-.z. plll1IR.liamw:m dana k pay1 ..,.-wlil! de leur nom. Numumdnt ", m J MICllELET , llùt1Jlf"t' 1k ,..·,.,..r.
i-u-..1 ,u"°"""J,..,.uz.
SQlll.. . . _,...,_..._~ad bDa •• .-,...un;:r leur 1a:oun an •donnl lcura dieu•"· Jd~m . p :?~
Chapitre 5. L.:i topologie : fonction gl!opolillque du relief 199

Charles le Chauve. Avec le centre franc, ils frappèrent le Sud encore insoumis1• Comme
les Sal'Tilsins, les Normands se retrouvèrent instrumentalisés par les luttes internes à la
France. Enfin, ils s'établirentl, la France ayant passé un accord avec eux pour sécuriser
la Loire et la Seine face à d'autres Normands qui menaçaient. Eux qui, hier,
terrorisaient la France par la Loire et la Seine, en devinrent les fidèles gardiens au
profit d'une construction politique française qui continuait de progresser par
l'intelligence de ses alliances et de ses assimilations.
Notons qu'un phénomène analogue d 'invasions par les fleuves se produit aussi sur
les côtes orientales et méridionales de la Baltique : les Svear ou Suédois, abordèrent sur
ces côtes où ils multiplièrent les comptoirs avant de remonter les fleuves baltes et
russes3 •

12.6. Désenclavement fluvial


Le fleuve est un atout géopolitique pour les pays enclavés qui n'ont pas d'autre
possibilité pour accéder à la mer :
- l'objectif des guerres paraguayennes fut d 'assurer la possibilité de sortie par le
fleuve Paraguay, vers l'Atlantiqu..-';
- le Danube fut l'axe de construction de l'Empire d'Autriche5, lequel envisageait
encore en 1914 de conquérir la Roumanie afin de se désenclaver sur la mer Noire,
comme il voulut conquérir la Serbie pour sortir sur la mer Égée.

12.7. Fluvialité et Union européenne


À l'époque contemporaine, le concept de fluvialité n'a pas perdu de sa pertinence
géopolitique. Il est remis en valeur dans les représentations géopolitiques de la
construction européenne. Une nouvelle géographie de l'Europe suivant des logiques
fluviales, et non plus seulement étatiques, tend à être promue par certains géographes.
On parle ainsi de dorsale européenne ou de mégalopole articulée autour de l'axe
rhénan qui constituerait le poumon financier et directionnel de l'Europe et ouvrirait
son espace à l'Europe centrale et balkanique grâce au canal Rhin-Danube'>. À côté de
l'axe rhénan, il faudrait considérer des axes secondaires, Seine, Rhône, Elbe. L'axe

l ·us pnrml les rcauboUJBS de T ouloust~ p1l1Cftn1 D"tJ1s fois BunJc::au..,. sacca~t Bayonne: Cf. 4~ "·iUa aa pied des
~. To1.1tcfois les montagnes. l~s tom:nL-. du Midi les dé\.~t de bonne heure - Jcpws ~ . Les ncu,1cs J Aqui~ ~
Loi~. da.ns lta Stinc. Jans rE.s:Q1.n fC dilns n:1t.t• tbiJ_
lnar p:nncna1cnt ra.-. dC" remonter ;i1!0iCmmt comme- ils le faiS3.iim1 dan."' l.u
P- 266.
2 ln Nonhmnns de la Loire. s.i tr:nibl.:s sous le- ..;C'if U.uung.s 't\Jt les ftlC'NI jusqu·cn TOKmte. '°"'repoussa d'Ang~ ps
lt roi AJflftl. ( ... }ils l li intent mH~ux s'&bliT nw France. ~W" la be-lie L::iifto. Ils poss.M.r:nt Chartra... Toun ~ Blois.. Leur dtief11.eobald.
lilC' de la m11son de Diois e t <."hampoiinc . rcrrnc la Lo i !'('~'" m-..as1un.--. n04.l,•ellcs. \;Oavnc tout â l'bcwT RAl1bolfuu R.ollca" ICnmr
i•
LI Seine iW laquelle ~·ttahht (911 ), Ju cunscnlcmcnt J~ ru1 Jr f1wu.~. Chwlcs le Si~lc oui le Soc.. Il a'ftait ~ s.a 9Dl p:iunam de
t'ilt&achn ces Nonhm.uns , et JC' kur tJonner l\lnCrnLSc- ,ouzcnun~IC' Je h1 lhnagM". t.jUI JC',-~t ~ BRtorw i=t r.;loH1bnan:s.. la uns s-r
les 1u1rcs", JMJ. p . :?h 7
J "rat Jn J'CIMll.~C"S . il!f> li~t f\3--UC' k'urs Jnil.luus \~l'S k s dlU.\. 1n~utatr'C"lo Je 13 f1'ICT' N..,i.n: et. tout ('n ...-onunc~t ,.- ~

pau.a1e. 1h olleiw,nircnt R y ran\'.ie et ks f'OY!'> musulmans Ju P'ruchc·Oricn l. L.c gr:&nd t."ORU'DCT\."C ...~ ..~Ju 1 Jr la founutt ( . 1a.-i ~
dl! l'•rnbn:, 14 cm~ . le miel. I~ Cpt-es .:1 tes c:u.ira.<L~ . et füu.lcmcn1 J~ ...~b'· ~ ~b"'cs "°"' IC'"J mu..whn&ru .- . in J.B. DUltOSEl.LE.
l .'f:urvl'•·" ltl<J1t1frc' .A> h".t p..·11pl~·.f, Pan!'I. l"cmn, 11.Wtl. c.'d. lt11oehdtc PlunlC'I. p . lb7
~ r rltU:\L, (i11.;• '1JCJliu-1u~· ./1· l >fmi-r1q11r: l .uJ1 t111.'. Pans . t-.t:1,,1n ..~in1t.' "- I~

\ J. ANlT.I.. "L 'flol.I outn..:hicn~ 1n l '. l'eut , M Allam. 1\ (illn'('m du. U1.•t11.•if·y Ulfl'~c-11, ~ p.r:.·$ "'Je.- pt'Vf/111~ . Libn.&ric
A.mtiJt Qu111ct , rari". l""D 1 VI . rr .\ . Mol
fi 0 nouROf.LIN. M Lillbiun, Ll•· 1·~.. Nf"t.· ...._, <..iu111Z&' .t 1'6""'11'' 11."'Pltluwnl, Paris. l:llJS--- 1996.. dMp.? '. "L"ellp*-.~
........... J'P2Cl-70
Seine-Rhône est l'Axe majeur de développement de la France ; il relie les dimensions
océanique el m~llt'rrani'enne . Depuis 1990, l'axe de !'Elbe a, quant à lui, retrouvé sa
\'ocation nah1relle avec l'effondrement du bloc socialiste. Hambourg est redevenu le
débouché de l'Europe l"entrale. Le retour à Berlin de la capitale de l'Allemagne
n!un1fü!e, la m."Onsl?Uction des cinq nouveaux Liirid<'r, la reconstitution du triangle
austro-hongroi~ Prague-Vienne-Budapest portent la renaissance de l'Europe centrale
autour de l'axe de l'Elbe et du Danube• .
Le Rhin offre l'exemple d'un fleuve qui fut frontière, limes sous l'Empire romain2, et
dont le rôle de frontière naturelle s'est progressivement estompé au cours de l'histoire.
au profil de ,-eJui de voie de communication. La navigabilité de ce fleuve encourage en
effet la communication commerciale sur de longues distances .
li est probable qu'~ l'avenir, la dimension relationnelle de la fluvialité ne cessera
d'augmenter au détriment de la dimension frontalière . Inter-étatique, s'insérant dans
des logiques souvent plus régionales que nationales, le fleuve restera, dans le cadre des
dynamiques regionales, un facteur géopolitique important. La question de l'eau, qui
touche a nolle des fleuves, au Moyen-Orient en particulier, pousse en effet les Étals à
des discussions régionales et à réfléchir sur la notion de bassin partagé . La question de
l'eau - en Mt'sopotamie, mais aussi au Proche-Orient - est abordée dans le chapitre
traiWlt de la guerre de l'eau.

12.8. Principes essentiels de droit international


concernant la navigabilité des fleuves'
On donne dans cette section les principales évolutions en matière de droit fluvial,
au regard de la question de liberté de navigation. L'autre question importante en droit
flu\'ial est celle du partage des eaux: elle est traitée dans le chapitre consacré à la
guerre de l'eau.
-Au XVIll• siècle, la pratique ignore tout du principe de liberté de navigation sur
les fleuves internationaux. Les États peuvent à leur guise instituer des péages. L'un des
trai~ de Westphalie, signé le 30 janvier 1648, reconnaît aux Pays-Bas le droit de
fermer l'Escaut, droit confirmé par le traité de Fontainebleau de 1785.
- L'idée de liberté de navigation s'affinne sous la Révolution française : en 1792, les
armêes françaises doivent rétablir la liberté de navigation sur l'Escaut et la Meuse .
- La liber1é de navigation pour la Meuse, l'Escaut et le Rhin est instaurée lors du
traité du 16 mai 1795 entre la France et la république batave, et réaffirmée par le traité
de Paris en ce qui concerne le Rhin, en 1804.
- La liberté de navigation pour tous les fleuves internationaux est proclamée par
('Acte final du Congrès de Vienne de 1815 - art. 108 à 117.
- Les principes de base du droit fluvial sont affirmés par la Convention sur le
Danube de 1856.
- Dans les années 1920, divers textes, conventions, protocoles font avancer le
principe de liberté de navigation.
- En 1936. l'Allemagne national-socialiste remet en question le principe de liberté de
navigation. La période de tension est favorable dans ce domaine à une réaffirmation
des principes de souveraineté territoriale.
- Les principes de liberté de navigation sont restaurés à partir de 1945.

J G "-'ACK.E.Jl.MAHN, La "°"~y//~ CurofH' c:~n1rolt. P•n•. t:nir!les, 1997


?J A~Cll . ~ ~ltJqw . Paru. , Oe:Jagra.ve, PHii "'Le lime!! eum,,Ccn ", pp . 14-B .
JCdlZ'MâMa pmM: datl:I D. NGUYEN QUOC. r DAILLfff. A flt:LLET, Vmit Jma11u1fo11 a J /'''"'"°· !\., ~d . Pom. llclu.
LJDJ .1996- •t...ibatidcnav1p1ion·. p. l llM· l 140
(hapllr• 5. La lopologle' fonclion géopolitique du relief 2D1

D'une manière générale, ici comme dans d'autres domaines, le droit intetnational
avance essentiellement par jurisprudence, en tentant d'apporter des 50lutians
juridiques à des contentieux géopolitiques particuliers; de nombreux régimes spéciaux
découlent ainsi du traitement juridique des contentieux géopolitiques ayant trait aux
fleuves:
- le traité de Paris de 1856 pour le Danube;
-le Traité de Versailles de 1919 pour l'internationalisation du Rhin;
- en ce qui concerne le Saint-Laurent et les Grands Lacs américains, la liberté de
navigation instaurée par le traité anglo-américain du 8 mai 1871 est réaffirmée par le
trailé du 11janvier1909 sur le régime des eaux limitrophes entre Je Canada et les États--
Unis. Ce traité régit également le cas du fleuve Columbia entre les deux pays; il est
complété par un traité de 1961 sur le partage des ressources hydrauliques.
- Le bassin amazonien comprend huit États d'Amérique latine. La partie navigable
du fleuve est entièrement incluse dans Je territoire du Brésil qui l'a cependant ouverte à
la navigation internationale en 1866. Le pacte amazonien signé à Brasilia en 1'178
prévoit la coopération entre les États du bassin amazonien.
- Le bassin du Rio de la Plata est fonné du Rio de la Plata et des fleuves Parana ~
Uruguay. La liberté de navigation y est reconnue depuis le milieu du XIX• siècle.
- L'accord du 29 décembre 1954 conclu entre les États d'Indochine après leur
indépendance reconnaît et organise la liberté de navigation sur le Mékong - les
principaux riverains étant le Laos, le Cambodge, le Vietnam et la Thaïlande.
- Le régime du fleuve Niger est défini par l'acte de Berlin de 1885 signé par seize
puissances : il est fondé sur la liberté de navigation et l'égalité de traitement des
usagers. Ces principes ont été confirmés en 1919 par la convention de Saint~; à
partir de 1963, ce sont les nouveaux États africains indépendants qui se sont entendus
pour maintenir les accords en vigueur.
- En revanche, si le régime du fleuve Congo avait lui aussi été défini par la
Conférence de Berlin et confirmé ensuite en 1919, les deux États indépendants du Zaïre
- puis Congo-Zaïre - et du Congo n'ont pas réussi à s'entendre sur le régime du
fleuve.

13. La toponymie en renfort de la topologie

De topos, le lieu, et 01111ma, le nom, la toponymie est l'étude linguistique du nom des
lieux. Cette science intéresse le géopoliticien, car elle fournît des renseignements
précieux sur le rapport historique des populations au lieu. On constate par exemple
que dans l'aire islamique, le nom des villes et celui des régions alentour.; sont les
mêmes, comme si le centre de pouvoir était parfaitement identifié à l'aire d'extension
de ce pouvoir. Au contraire. on a assisté dans !"aire musulmane à l'effacement de
dkignations régionales lorsque les villes disparaissaient, notamment après des
invasions de nomades turcs ou arabes. Le géographe Xavier de Planhol cite ainsi
l'exemple de l'Iran où de nombreux noms de pays qui étaient san.~ doute d'angine
urbaine disparurent du langagt' lors des bédouinisations au Moyen-Âge. On parlera
plus tard d'un Turkestan - pays des Tun.'S - ou d'un Kurdistan - pays des Kurde.; 1 .
Carle 53 : L'Asil• cenlT'11c: le ntonde 1c.lnicn
l02 l'arlil' 2. l'cnu11nr-11rr Jt Io c11ttt

Un autre e~emple frappent donné par Xavier de Planhol est celui de li\ toponymie
des ,,Iles ~ues et tuniuL'!I en Anatolie 1.
l..t9 ,;lies gra-ques situées en Anatolie i\Vant l'invasion turque étaient pcrch~ sur
des collines. ~ur alimentation en eau se faisait par des citernes et des aqueducs
L.vsque les nomades turcs arrivèrent, leur souci fut de trouver des prairies proches de
pointe< d'~u pour leurs troup.•aux . Ils ne virent donc aucun intérêt dans ces villes
situm en hauteur, et "firent redescendre" celles-ci dans les vallées. Ils conservèrent les
noms qu'ils adaptèrent néanmoins à la phonétique turque, mais établirent leurs villes
nou\-elles parfois loin des villes originelles lesquelles entrèrent en déliquescence. Cette
rupture - contrairement à l'aire moyen-orientale où les Turcs s'établirent dans les
villes préexistantes et en subirent fortement l'influence - est l'une des raisons
e!lS!mtielles qui e.xpliquent la formation d'un foyer national turc territorialisé en
Anltolie. En effet. les villes nouvelles s'édifièrent avec la langue turque, avec une
culture écrite d'ongine iranienne et arabe2 , mais en dehors de toute influence grecque.
On poumait donc affirmer, en simplifiant, que c'est parce que les Grecs avaient perché
ll!IU5 villes, que leur influence disparut d'Anatolie lorsque l'heure turque sonna.

14. L'interaction de la climatologie et de la topologie

On nous reprochera peut~tre, en traitant de climatologie, d'accentuer encore le


c:aractUe déterministe de cet ouvrage. Car nous parlons ici de véritables déterminismes
naturels qui conditionnent les modes de vie des sociétés. Nous répondrons que
l'homme est un être libre de ses choix mais qu'il est néanmoins raisonnable; par
~uent, ses choix reposent sur la prise en compte des contraintes du milieu, et ils
sont doru: en gnnde partie déterminés par les données naturelles d'environnement. La
philasophie p@Ut toujours décréter que l'homme échappe aux déterm..inismes de la
Nature; seule la science y fait vraiment quelque chose. Seule la science émancipe
l'homme des contraintes d'espace et de climat, et le protège des maladies qui se
dloveloppent dans des climats hostiles.
Le monde est fait de climats variables, d'une large gamme de températures qui
dépendent du lieu, de l'altitude el de l'inclinaison du soleil. Les différences thermiques
affecœnt toutes les espèces vivantes, l'homme compris3.
À ces climats sont associés des conditions de vie plus ou moins favorables pour
l'homme, pour son travail et son développement, pour l'agriculture et l'élevage. Ces
conditions ont contribué a déterminer le développement géopolitique des sociétés.

14.l. Chaleur, maladies tropicales, esclavage et limite de


l'islamisntion
~ tripanosomi.ase, oùeux connue sous le nom de la maladie du sommeil est un

,,. . . , p.t'JO
l l.a...,_, du~ t la luipr crccqut sonl Qft'S en i;omporuison Je t.:cus; uu pers an .
J M.. soa.Jt.E. Ln 6asa l>i<Aotil/Uf"·' dC" lu K~"uplur humulm•. (F..ssu l c/'11m· 11n rloJ:i1• dL· l 'lwnm11•J, l'uri s, AnnanJ Culin
w..u.J..im ~. ~ n..mn.: en la.ni qur machiRC" Vl\IOl\IC. Circ htolUMl 'IUC :iocn .. 1hlc m 1 fruu.J cl il U d utl.K.I. a •• JUC"Uh'IA

----lt-dc
~mallin* . mm ~San OU\.~COmfllC 1ro111 pa.rh~ 1 les col.Ires c..lc la ~t!11~nirl111! rh~sU\\IC- , Il . Lu c 3J~1,k

Il . . . . . . . . lie. Ill la c.dla: die La popphu: dn rnalMlu:•• 1nfrct11:u.~s Sonc m o nlrl.' 'IUC l' homme , ~lf"t' h1olo11iquc . \."'$1 wn
c:cmir 1811pf .... la rMJJll!:I du mi11cu qu'il chachc pourtanl • JomplC'r. U11 chopilrc cs1 t:on<r;nctt 1\ l'nccl1111ulDlllln du Ul111n.:i JAp.

Il colooiMtion . /Jntt. p. 96 - 106.


Chapitre 5. La topologie ; fonction g~opolltlque du relief

néou qui touche l'Afrique tropicale!. Avant les découvertes de la pharmacologie


tropicale, tout développement humain et tout élevage de bétail étaient impossibles
dans des ~gions entières de l'Afrique où les densités de mouches l!lé-lsé étaient très
élevk!s. Le transport des marchandises à dos de bêtes était impensable. Les pires
solutlons de facilité furent ainsi privilégiées dans ces régions: l'esclavage permit à ceux
qui le pratiquaient, à partir de razzias et en entretenant l'insécurité dans les villages, de
développer le transport à dos d'hommesl. L'esclavage se développa donc dans des
contrêes où la chaleur était insupportable3, où la bête ne pouvait vivre, et où le but
premier de l'homme qui voulait survivre était de ne pas travailler lui-même.
Un lien existe également entre la présence de la mouche tsé-tsé et le fait religieux.
Les pasteurs peuls musulmans, venus du Nord et qui descendaient vers l'intérieur de
l'Afrique noire, furent arrêtés par la mouche. C'est la raison pour laquelle la frontière
de l'islam en Afrique noire correspond - grosso modo - avec celle de la maladie
tropicale...

14.2. Les climats de Gengis Khan et de Mahomet


En Haute Asie centrale caractérisée par une steppe continentale à pluies d'été, la
saison des cultures dans les montagnes est la même que celle durant laquelle il faut
faire pâturer les troupeaux en hauteur<!. Par conséquent, les nomades ont monopolisé
les hauteurs qui auraient permis un développement agricole et ont empêché le
développement de sociétés sédentaires agricoles.
Au contraire, dans les régions du sud-ouest de l'Asie centrale, le climat est très
diff&ent : les hivers sont doux et les étés sont secs. En été, les nomades doivent faire
paturer leurs troupeaux très haut. Cela rend possible la culture pluviale et donc un
développement agricole sédentaire important.
Cette dissociation est également vraie dans la péninsule Arabique : les nomades
cherchent leurs pâturages estivaux, cette foi.s<i non pas en montagne, mais dans les
steppes du Nord, en bordure du Croissant Fertile. Une importante vie sédentaire a
donc pu se développer dans le Hedjâz à côté de la vie des nomades.
Ceci explique5 qu'en Haute Asie - déserts froids à pluies d'été - les nomades
aient développé des sociétés autonomes à l'égard des États sédentaires, au contraire de
l'Orient arabe - déserts chauds à pluies d'hiver - , où les sociétés sédentaires se sont
affirmées sur les sociétés nomades.
Cette prépondérance est renforcée par le fait que le milieu écologique est pauvre
dans les déserts chauds. La densité de nourriture possible est faible et ne permet pas
des concentrations nomades élevées. Les bédouins forment donc de "petites structures"
communautaires si on les compare aux sociétés nomades des déserts froids de Haute

1 P VIDAL DE LA BLACHE. L OALLOIS d1r., Gtt>grvplu~ 1111i~rull.-. Paris.. Anmnd Colm. 19'.?7.19ll F. MAUltETTE.
l XII Afrlqw ~11atorlolr. oriental~ Cl 11lUtn1lc. 1938.
2 D. S LANDES, Ridu~s.u ..-1 ptJIH' rt!t,f lks nafjom (Puu"l"''; tks ridrn ., Pouryuui .Jn ,,..,.,,~·' ."'J. PuU., ,o\lbi.o htidliel.
1998. ~ · JO

) Scion Mnimilicn Som:. le parvnt1rc thermique csl l'un do pl'" impot1Ants Ju miltaL. cdw qW pêw ait plu:s AU'

rorpni11.1ion des •ot:ic!tls hum.aînC4' . Le C:Ol'fl!I humam nt une" n.clt.1nco hotnc!o&hcrm1~uc qui aft. ou dftrui1 de la chaJcw' ~a.
(onct!M de la ltmp!ni.1~ c:Udricwc. Il C':tl Cf'Uleur de .:haleur ju.squ'u~ en'\'Î.rURS de 16 a. ~ICW au-del.6 dl: ?J•\ '"acu.a'e• nMft
en ~ &emptta1urn. Cos d1tr,nmccs ant des 4..-0RM.'qucnC'C'S sur la nat\lft humaine et K111 mcb.vilê M.. SORJlE.. Ler btaNs
lt/tJ/ogiqMCJ ~lu 1..•1:rvplllt' lrumuirw. t&~u• .,..,,,,. '°"·ologi..- J .. J'ltmmn..-1 Paris. t\Jll'aUld OJtiD..
4 r. VIDAL DE LA BLACHE, L GALLOIS 1.hr . Gi.,1groplr11• wnw..-ndlr, Pans. Anuand Col.Ut.. l'J).21-l'illlll: F. O.Jl.ENAR.D.
LVIII llaMlr--ÂJlr!, •929 .
S D'•prâ X. • Pl.J\NttOL. l~-~ .Yo1111n..• Ju PruplWi. ,,,,.,,,,_., ~~AW,W- • ,,muw,e. ~. hns., Fa)'Wd. 199l.
r . 4J.
Asie Cl!lltrale. C'C!St puurquoi. dans la steppe continentale à pluie d'été où le milieu C!SI
plus rit:he du point Je vul! écolo>,'1que, des nmcentrations humaines beaucoup plus
éle\'~ et des stnu:tures politiques importantes, lar~cment supérieures au clan
bedouin et plus solides qul' les L-onfédérahons de clans observables dans les sociétés
bi!douinœ a111bes. ont pu se constituer•.
Cel donc bien à partir - mais pas seulement - d'une différence de climat qui
d~ une Jifférenœ dl!' milieu, qu'il faut expliquer l'originalité de l'empire des
sftoppl!'S l'i Il!' ronœpt de khan étranger aux Bédouins arabesl. En Orient arabe, les
Ndouins ~ ionnent que de petits clans, désorganisés; leur cheikh est faible en
<'011tparaison du khan des steppes d'Asie centrale, et leur clan pèse peu face à la
prfoponJmnœ citadine.

14.3. Cha1neau turc, dro1nadairc arabe:


dl'ux nnimanx sons deux climats et deux modes de conquête
L'Islam a ~h! propagé par deux grandes familles de peuples nomades durant le
MO\·en-Âge : les Arabes et les Tur-cs3 . Leurs conquêtes ne se firent pas dans les mêmes
relit'fs eswntiellemenl parce que leur arùmal de transport n'avait pas les mêmes
mgenœs bioclimatiques.
Carte 72 · L'expansion Je l'islam au vne siècle,
À l'origine. les Turcs sont des nomades issus de steppes froides et de montagnes
continentales d'Asie centrale; ils utilisent pour se déplacer le chameau de Bactriane,
aractêrisé par ses deux bosses-'.
Les Arabes sont originellement des nomades des déserts chauds qui utilisent
romml! animal de transport le dromadaire5.
A\'ant d'aborder les différences, voyons le trait commun. Comme les deux animaux
~ o;upportaient guère une humidité importante. laquelle est favorable aux parasites,
les Turcs. comme les Arabes, évitèrent la forêt. Celle-ci constitua donc la limite de
l'expansion nomade.
L'expansion turque se heurta en Anatolie aux bois des chaînes pontiques et aux
ll\llSSifs de la Phrygie, en face des steppes de l'Anatolie intérieure. Grâce aux forèls, les
Grecs purent conserver la Carie; l'Empire de Trébizonde put quant à lui se maintenir
dans le Nord-Est jusque dans la seconde moitié du xve siècle, grâce aux forêts très
denses des basses terres pontiques. les Turcs furent aussi arrêtés en Iran dans 11!'5
basses œrres humides, couvertes de forèts6 . Dans le monde arabo-berbère, la

1 a. MO.,ïAC,7"E. Wci\:iluar'°" du Jiu". Pari1. 194ti. p. '1·SH. 0 VLAOIMIRTSOV, /.,. rt!J.:ilnt~ wn"I J,•.i Mi111g.Jû. lt
~-- ~PuU.lll-IR.

? L 0..\DEJL "'QllnQlyam and the ~inntni, of Mon1ol Kin~hip'" m CC'mrul A'ftUli<" Jm1rm1l. l 1H5 - ~6. 1. r 17-H.
J R. ltAWln". l",,,_ lkllJ'IU<. Manbout. 1"87
4 P. VIDAL DE LA BLACHE , L GAUOIS d.lr., Glot;ruphi~ unjverJ~l/c, Puns:. Armum.1 Col111. l'J27 - 19JH 1:. GRC:NARD
LVID o- 1 9 2 9.
! P. VIDAL Di LA 81.Af...lU:... L GALLOIS d1r., G''"Jf"'Qphic 11ntvttrs~ll..·. Pans, Am1nnd Culin. 1\127-lql"
a.lll..ANCHAkl>. L YW A.w~t!, 1'129.
6k.• PL\H'HOL U::J Ntllltoltl t4t Pl"Opltiu~ Mœtuc/ #â>graplriqiu• Jr 1mli11q1"' uru.~11Jmm1r:. rAn•. f-'11.yanl , l'i>Y.l. r ~! ·
1..* Pl.A!olROL ,,_ n.-la la~ et la fort1 en AnalDlic'". in G1·t1Kruphm·lw b•rl:H"hr-1(/i , 196~. r . lfH - 116, X dt
Pl.AJClK)L. -i,c '-'d'pondlt U. le Pn>cbc 0naU cl rAfriquc du Nunl'", lfl Jùumul uf 1lt1! EnuwnrJL '"'d Snd11/ llnl1U":'" ~r'thr
Orimr.XJl, 19M-b,p. 291-):::!I.
pénétration du dromadaire put se faire dans les forêts suffisamment sèche91 mais
s'a~ta d~ qu'il s'agit de forêts humides2.
Les différences entre les deux animaux sont liées aux capacités de ~ation dans
les reliers. Le chameau de Bactriane résiste au froid grâce à son épai55e toison ; grand
mais allongé et trapu plutôt que haut, il est adapté à la montagne et aux reliefs
escarpés. Ce n'est pas le cas du dromadaire, haut sur pattes, et aux pieds fragiles}, qui
souffre du froid et craint la montagne. La conséquence de ces différences est !limple :
les Turcs ont conquis les montagnes, à l'inverse de Arabes qui les ont contournées et
peu islamisées. On retrouve ici, fort logiquement, ce qui a déjà été souligné dans la
section consacrée à la fonction géopolitique de la montagne et aux hérésies de l'islam
arabe qui se réfugièrent en montagne pour échapper à la domination arabo-swmite des
plaines. Comme l'écrit Xavier de Planhol, "les Turcs sont des nomades d'altitude, de
hautes terres et de steppes froides. Les Arabes restent des nomades de plaines et de
déserts chauds"4. Il est frappant de constater qu'il existe une stratification d'altitude
entre les Turcs en haut, les Persans au milieu - gens des plateaux, œ qui est donc
logique - et les Arabes en bas. Ajoutons que les Turcs créèrent par métis&age du
chameau de Bactriane màle et du dromadaire femelle, un chameau utilisable en
montagne comme en plaine5.

14.4. Du changement de climat


L'historien E. Huntington6 soutenait que la destruction du premier empire des
Mayas trouvait sa cause dans un changement brutal de climat en Amérique latine. Ùl
question du changement de climat n'est pas nouvelle et il existe de nombreux exemples
de changements climatiques, au moins conjoncturels, qui eurent des conséquences
importantes sur les sociétés humaines : avancées et reculs des glaciers des Alpes, retrait
de la banquise arctique depuis la fin du XD(e siècle, le long des rivages russes et
sibériens. Les Soviets fondèrent d'ailleurs leur politique dans la région sur un
hypothétique réchauffement arctique. Fernand Braudel s'interroge sur le changement
des conditions climatiques en Basse-Toscane, vers la fin du XVJe siècle7. ll pose très tôt
la question du changement climatique dans ses conséquences sur les modes de vie des
sociétés humaines8.

1 La confâtll!ration berbtn:: marocaine des Zemmou:r pana.il ~ t'bfvcT •u d6alt du XJC"i siklc O...,. '4 jolft
"11 cléta
IUWU tk la Mœnoro ou Nord tk /lrJbat, voir M. LESNE. E•..,,unon
d'un . , _ i bcrbà< : les Zcmmour. - 19"1. "La
MuNn est une fol'll sà:hc., 1vec 400 à. 4SOmm de pluies annuelles"'. in X.. dr PUNHOL Les .'Valions " ' ~ ~
rft>gn:phlqw J• polltiqu• m,,,.,Jmano. Paris. Faymd. 199), p . 52.
2 Les fortu hwnidcs du Tell n'ont l"'li ~té pbi~tn!a par les nomades. La lamit< d'emploi du drorakft.., Aliiquo dll - ..,
situeni1 1m environs de .l'isohytte de SOO mm. Dans les zunes trup hwnidc$. les ~ IOlllt ~ des wms .- CIDlpal.-
lol lryputosomiu<s. J. DESPOIS, Sur Io limite Nord do l'<lllploi du - i r e du Mqhr<b. AG. 1962. p. 211-219;
Y CHARNOT..., propos de l'kologu: tJcs camilidl!:s•, tn B11/111U. •la~"" dr:s .Sdl'rk"let llDIWTllo ~ ~itpo dlr ~.
19S9. p. 29-19.
} Il ad~ neutmoins dans l'Astr, l'Hadnimaout nu le HoUat. dC!fi n.cc::s locales dt dromadaires plm lldaplbts li la......-.
4 X. de PLANHOL. Les Natioo.< o/u Pmpl.;1r. M'"""'' ~=rhlqw Jt: poli"'ll<f' -.ui-m.. hriL Foyvd. 199J. p. Sl .
! X. de PLANHOL. /..,. fnndem•nL< gml(,.,,,.hlqw.< Je l'huml,... •k l'i.si- Pans. Fhunmonon, 1'1\13. p. 4J-44.
6 Ane pu cunfondtt 11vcc Samuel Huntingum, lhNricien actuel du cho..· JC$ c1 ..·thsarions.
7 F. URAUDlil. Êcrlts ·'"" l'hL•toirr. réal , Puis. flammanon . 19tu. coU •0aunps•, p. 169. l1usloncn ~ q1111
tqricuhurc cal Nindc par dn lnnndations.
1 ·u c:linwt dulllacniil-1l 1om no.' )'Cl.Ill. '! La 1.1u~1iun esl de celles qui J.owcnl lout dr ....m. 1n1âailcf h:s l'i~ o& lm
Pe>tnJ'he1. Cate \'&n•tion du chmat, si \·iuiahun Il )' a, ne rcmcnr.1t~Uc !&"' en cauac lOWI ta problèmes. mm ks orm., 1IMll lm
jquollbm de Io vie?". l<hw1, p. 168.
Pr1r/11· l l'a11111111·111 ·1• r/1• lri uJr/1·

Aus.si, le Mliat sur lt n\hauffomenl de la ll'rrc - l'i l'une dl' Sl'S causes probabll's,
1

MM JeSt m• - l'Sl·il à inscrirr dans 1,\ suitl' dl' ces réflexions


1
CONCLLSION

LA GEOGRAPHIE PHYSIQUE,
PREMIER DÉTERMINISME
GÉOPOLITIQUE

La géographie physique constitue la donnée constante qui fonde la continuité de la


politique étrangère des États. Les données historiques changent - mondialisation des
flux économiques et de l'information, progrès technique - mais la situation
géographique des États reste la même. Au XJe comme au XXIe siècle, l'Angleterre est
une île et sa politique étrangère est définie à partir de cette donnée irréductible au
temps. C'est la raison pour laquelle la géopolitique accorde la primauté aux
caractéristiques d'enc:lavement, d'insularité, aux données du relief - montagne, désert,
isthme, marais - qui sont elles-mêmes indissociables des données climatiques, pour
expliquer la politique des États, leur comportement régional et international, leur.;
ambitions avouées et inavouées. La géographie physique dans toutes ses composantes
est donc bien le premier déterminisme géopolitique ; c'est celui qui a placé les peuples
là où ils sont, qui a rendu possible la construction d'États sédentaires, ou au contraire
des mouvements nomades, c'est aussi lui qui a abrité les particularismes religieux et
ethniques. Mais ce déterminisme n'est ni seul à agir sur les groupes humains, ni
parfaitement irrésistible ...
1., HO 1S 1 I~~ M E PA B T 1 E

PERMANENCE
DES IDENTITÉS
INTRODUCTION

COMMUNAUTÉS LIGNAGÈRES,
LINGUISTIQUES, RELIGIEUSES

"L'homme est /'rnnemi du genr. humain"


Paul Valéry

La réalité de la géographie physique, de la situation des États et de leur relief


constitue le premier volet de l'analyse géopolitique.
Le second volet a rapport avec les hommes et leur identité. L'identité est en
interaction intime avec la géographie physique; les peuples sont enracinés par
l'histoire dans des territoires déterminés. Il est donc nécessaire de souligner dans cet
ouvrage, le lien fondamental existant entre le territoire et l'identité, tâche à laquelle le
géopoliticien François Thual s'attèlel depuis une dizaine d'années.
Nous entamons notre étude du fait identitaire en partant du groupement basique
de la géopolitique, qui est aussi le plus anciennement connu, celui qui remonte à l'aube
des temps : le clan. Le clan, la tribu, la dynastie, sont les lignages fondamentaux qui
préludent à la construction d'ethnies, à celle de nations ou d'empire multiethniques.
C'est du dan que jaillit le rapport de l'homme au territoire, de la politique à la
géographie.
Les logiques de clans vont parfois se superposer exactement à une logique ethnique
puis nationale - c'est l'exemple de la lignée capétienne dont l'action fonde
ethniquement2 et territorialement la nation française - , parfois dépasser les logiques
ethniques dans des logiques d'empires - empires nomades fondés par des
confédérations de tribus et multiethniques - ; elles vont parfois aussi se révéler
incapables de dépasser la dimension clanique, infra-ethnique - féodalités du Liban,
clans en Afrique, ou factionnalisme en Asie centrale-\ par exemple.
L'histoire des peuples emprunte les couloirs dynastiques. Et ce sont les logiques
dynastiques qui conduisent aux grands modes de contrôle du territoire, allant du
contrôle lâche et mouvant des tribus nomades au contrôle borné par les frontières des
États, qu'ils soient nationaux ou impériaux. Des modes de contrôle des territoires
naissent les rapports de force.
L'ethnie est l'une des composantes fondamentales de l'identité. Que certains
idéologues la contestent - balayant ainsi d'un revers de la main l'ensemble des sa\•oirs
produits par l'ethnologie - est une chose, que les constructions politiques humaines
continuent pour la plupart à se représenter en tant que groupes ethniques en est une
autre". Comment l'analyse géopolitique pourrait-elle contourner le fait ethnique dCUlS

J Fninçoîs Thual Q m1"' l'nC1,,'cnt !UH l'idcntilê ilnns ?1.cs lnt\'3 U., · }-" Tllt!AL, I..·.,· ninl1i1.,· ul..·n111m,, ·.~. !'ans.. EUrpsn.. 1"'95 : Lr
Jh.lrlk lrrt'Uuln·. rnn~. Eth]1'1iCS, l•)~lJ: ( "•mlnil.•r .·1 . ·m1tro•r (Str,11,>,:; .. , .l.;• :f '/"tlit1quo ) . l'un~. l:lh]1!ool."S, ~000 .
2 U lo1i1quc Jyna!lliquc cupCtiennc ..:ondu11 11u rnsscmhlemrn1 pn1~"TC'ssif et il Ill c~1mptnttnhnn dn n:hn10 lflll prufdcnl lei~
r:1rri, fon'1an1•1n11111.:cllcs·ç11:11 une n~nu: 1111tinn fn'"i,:11i5e .

JO ROY , "La. rom11111on d'u n nouvel 1.~p1u:c s1r.ih.1!!n1m· l"U -\ .. 11,; ,,.·.,·111fulc· 111 H..·lo.11i<NL• i1ttr~onalr:t .,, ~ .
Ut. l.S , prinfcmp1 l~Ql , n"!li, p. ll6-144 .
'4 ~ 1~hl1cien Jai:qun Ancel • mon1tt- le rn:1111cr l'intp:MtanOG de le. ~ntal•ilft
ru Partir J . PL•rmntlt."ttcr dn idAlll~

le cas de l'Afnque. des Balkans ou de l'espace ex-soviétique ? Comment étudier l'islam


SUIS passer par le fait ethnique ' L'historien Fernand Braude JI nous rappelle que le fa11
ethnique imprègne les différents stades de l'histoire islamique. Le premier cycle de
ronqu~ de l'isl•m fut en effet arabe. Les Arabes créèrent un empire, un Élal qui
n'élalt ~ encore au stade de civilisation. Puis arriva le temps des Abbassides au
milieu du ~ si«le. le nouveau califat glissa vers l'Est, s'éloignant de la Méditerrantt
pour se rapprucher du monde iranien; la capitale se transporta de Damas à Bagdad.
C'est la revanche des ~tes soumises par le premier califat contre les "vrais Arabes" .

Aprè; avoir souligné le caractère fondateur des logiques lignagères familiales,


dynastiques ou claniques. nous posons donc les définitions de l'ethnie, de la nation
- et du peuple - que la géopolitique peut considérer comme opératoires, et nous
!IJU!ignons le r.apport essentiel de l'ethnie au territoire tant dans sa dimension présente
- y a-t-il ad~ation entre le peuplement eûmique et les frontières des États ? - que
dans sa dimension passée - les peuples ont la mémoire des territoires. leurs
ambitions présentes se nourrissent du souvenir des conquêtes territoriales passées.

~ facœur de la langue interfère largement avec la dimension ethnique - la langue


est un critère de defutition de l'ethnie - mais ne lui est pas réductible. La dimension
linguistique fait donc l'objet d'un chapitre propre. On étudie la langue comme outil de
dëfinibon identitaire, comme outil de construction d'un projet national, et comme
instrument de puissance et d'influence.

La n!ligion est une composante fondamentale de l'identité ; nous la distinguons


œpendant de l'ethnie, bien plus encore que la langue; la religion ne fonde jamais
rcthnie. elle s'y superpose et se trouve souvent irtst:rumentalisée par les logiques
ethniques ou nationales. Dans certains cas, minoritaires néanmoins, l'identité d'un
groupe politique peut être religieuse en première instance2. JI s 'agit alors d'un clan
construit à partir d'un sous-groupe d'une ethnie, ou de plusieurs ethnies, et qui s'est
diffirencié par la religion. Au XVJne siècle, on parlait de nation maronite; aujourd 'hw.
an parlera de communauté maronite inclue dans une nation libanaise - la notion de
nation libanaise étant elle-même discutable.
Lr rôle de la religion fut sous-estimé lors des décennies pendant lesquelles
l'idéologie marxiste régna sans partage dans les milieux intellectuels françaisJ. Nous
entrndons 1éil11:égœr ici la religion à sa juste place, c'est-à-dire celle d'un facteur
géopolitique opératnire, parmi d'autres.
l..'edmie, la langue, la religion, voilà trois facteurs identitaires qui déterminent ou
~tendent ces représentations essentielles de la géopolitique que sont les panismes,
à savoir des idées unitaires fondées sur la communauté d'ethnie, de langue, de religion,
ou SID' l'appartenance commune à une région du monde, à un continent. C'est aussi à
partir des trois grands oitères d'identité que sont l'ethnie, la langue, et la religion. que
la notion de minorité peut être introduite et que l'importance de la situation
minaritlitt dans la ~politique des États peut être soulignée. Les minorités viennent
en contradiction avec l'idée unitaire et homogénéisatrice portée par les panismes. Mais
la dispersion rêve aussi de rassemblement dans un foyer national ou de rattachement à
une pairie mère. Les minorités sont non seulement des acteurs géopolitiques il part

\ F 81.AUDEL ~~*' cmluarttms, re6d .• Peri•. Flammanon , 1991. coll "C " hump~"
! .... ~ dt "'M~- C"1êêle C"fl VDUIJDSl•vic Cl l'tdcnlll~ bochn iaquc pUl!t - · p., sli&1cn1cn1 Vman1iquc -

~.-- .........lei.
) l ..-. ....,._ œllc '1~ •pmaiot.c• 1ou1 •U•!ti systt!rrw11quc fondt!c lliUr lc!I nnncs du man111mr à pt111r .tVlt
Cllfl dftonnut,
cio...-~ km'd....._ mmni.cnd la râlu& uipiwh1tc'9 ç,e;,1 cenc '"pen!JCr.. que J'on &1u»l1fic 110uvcnt Je pe~ uniqlM'
Introduction. Communautés lignagères, lingui•tiqul!!I, religieuses 213

entière à l'intérieur des États, mais elles sont !louvent aussi le!i relais d'influence de
puissances étrangères. En ce sens, le phénomène de diaspora comme celui
d'immigration, constituent des facteurs identitaires de grande importance que l'analyse
g~politique ne doit pas négliger.
L'étude des facteurs identitaires classiquement abordés en géopolitique - ethnie,
langue, religion - doit être complétée par l'analyse des grandes dualités dite!!
sociologiques, que nous appellerorui plus simplement modes de vie fondamentaux :
ville et campagne, vie nomade ou vie sédentaire, et que Vidal de la Blache1 aurait
appelés les "genres de vie". Il s'agit là encore de critères identitaires essentiels, qui
rejoignent peu ou prou celui introduit au début de cette partie: le clan.
Enfin, parce que l'histoire sommeille en chacun de nous, l'identité ne saurait oublier
la mémoire des civilisations et des grands chocs civilis.ationnels. Nous consacrons un
chapitre à l'étude des fractures civilisationnelles qui se superposent à la carte des États.
Si nous interrogeons un individu situé à un endroit quelconque de la planète sur la
nature de son identité, celui-ci nous donnera une réponse combinant et hiérarchisant,
chaque fois de manière originale, les critères géopolitiques que nous étudions ici : clan,
tribu, ethnie, nation, langue, religion, ensemble continental, ville, campagne, nomade,
sédentaire. C'est en cela que sa réponse nous fera avancer vers la lecture des ligne
continues de la politique des États expliquées par l'identité. Mais la réponse du
singulier n'aurait pas de sens si elle n'était complétée par celle du pluriel : le nombre
des hommes a un sens en géopolitique. La démographie est un grand critère
géopolitique. Elle est l'une des composantes objectives - et influe également sur la
formation des mentalités - de l'identité, formée autant par le ratio de l'homme à la
terre que par le poids total des populations en jeu. Le dernier chapitre de cette partie
est consacré au nombre.

1 P VlnAt. OE l.A Hl . AC.JI(~ . ,.,.lm ;~.t ~Ir.· 1:,;...•>:ru/•lu.- ,.,,,,.,,,.,,.. hria. l'il~.:!
CHAPITRE l

LE CLAN, L'ETHNIE, LA NATION


ET LE TERRITOIRE

"D~cidt•, a111i. 011 cl1oisi/ so11 père plus souvent q11 '011 ne le pense. Décide lequel des deux lu
prtjl!res l1ufr."

Marguerite Yourcenar!

Nous l!tudions successivement : le rôle joui! par les clans, dynasties et lignées dans
le contrôle des territoires; le sens géopolitique des concepts d'ethnie et de nation; la
manière dont les ethnies et nations font le roman de leur histoire, tant dans le but de se
différencier de leurs voisins que de légitimer l'occupation de territoires - il s'agit de la
section intitulée "Le roman national" - ; !'uchronie, forme d'utopie territoriale en
dehors du temps - il s'agit de la section intitulée "Les uchronies" - ; le problème de
l'hétl!rogl!nl!itl! identitaire des États.

1. Le clan, la dynastie, la lignée

L'étude de la formation du territoire français met en lwnière le lien direct qui existe
entre les ruptures dans les successions héréditaires et les découpages de territoire. La
"déterritorialisation" de l'Église due à son refus de se la:iciser - elle pratiquait le
mariage et l'hérédité des charges - pennit à la royauté française du XI• siècle
d'entamer un processus de reconquête souveraine sur des territoires originellement
possédés par l'Église2. La Monarchie française fut une grande recupératrice de terres :
celles de l'Église, mais aussi celles des féodalités qui s'éteignaient au gré des impasses
de l'hérédité. La formation de la souveraineté territoriale est certes une vision
politique; elle est tout autant la guerre d'un clan contre l'hérédité d'autres clans.
Comme la lignée capétienne façonna le territoire français et fit bouillonner le
creuset français dans lequel allaient se fondre les ethnies du prkarré, l'Empire de
Charles Quint fut lui aussi un jeu de construction dynastiqueJ. Dans les siècles reculés,
certains mariages et divorces n'eurent pas pour seules conséquences d'unir ou de
séparer un homme et une femme; leurs conséquences furent territoriales : d'un couple,
d'une lignée en marche, dépendait une conü•inaison territoriale. Du hasard d'une
incapacité sénùnale pouvait dépendre l'orientation future d'immenses espaces.

1 M. YOURCENAR, tt,·a"· "" /" dwh· if,._, '"'u•1t1•'-"· ~.: p11m1..-, :001.: I\. tryl:u.l'-' j On:-std
21 HAIN\'ILLE. flr... tmrr' dr- Fr1t11h'. 12.: ~J., l't.1ns . t-'.;1yunl, ( I ,.. ~J. 1'1~-U

3 B. YENNASSAR. J JACQUA.H.T, Lt' .\"l'f" :ril~'i.: I..·. l\.u1 s, AnuanJ Colm, l~ i' .:! .
21~

Qu'il~ ~·a~i!'.<l'nl,fl'S emri"'s de l'âge d'or musulman 1 ou de l'Arabie Saoudite,(.,,


Éla~ i~l.1miqul'5 uni toujnurs été des com•lructions claniques ••t dynastiques, méti,sanl
parfot~ lt"!' t•lhnies.
C"est au!<ii \Tiit des •'ntpil"l's des steppes qui se sonl bâtis à partir de vastes
<'(>nf<-Jeralion.< tnl>i!les.

l. l. Hérédité et formation territoriale françaii;c:


de Chnrlcmagrw à la veille Je!; Croii;a<les
L'umlé française ne pou\'ail se construire avec des Gi1ulois qui ne cessaient, par la
loi de sucression égale, de partager les territoires qu'ils contrôlaient, favorisant ainsi la
di\'lsion politique. le Celle a l'amour de l'égalité, mais cet amour là fait et défait sans
•"PSSe les domaines. di\'isant les familles et entretenant la guerre2.
Par opposition, les Germains amenèrent à la France les bienfaits du droit d'ainesse
qui seul pou\·ail permettre l'agrégation de territoires par héritage et qui préluda à la
construction d'États-nations
M.us l'époque rendait la construction de la France encore très hypothétique, sujetle
atL• hasards de l'hérédité et surtout, frappée par l'épuisement dynastique. L'extinction
héridilar~' ne cessait de menacer de replacer les futurs territoires français dans l'orbite
alll!tllande. l 'empire de Charlemagne qui connut un premier partage lors du Traité de
Verdun de 643 poursui\'it son éclatement: ce n'étaient pas seulement les différents
roraumes qui constituaient l'Empire qui se séparaient, mais aussi les duchés, les
coml~ el m~mes de simples seigneuries. En 877, année de sa mort, Charles le Chauve-'
signa l'héredilé des comtés; celle des fiefs existait déjà . Les comtes devinrent des
souverains h4!réditaires qui se firent construire des châteaux. L'émergence de cette
feodalilé purs.sanie fui doublement favorisée : par les querelles dynastiques des
Carolingiens, par la menace que constituaient les Normands 5 Les clans étaient très
puissants le premier des féodaux 6 , Boson, roi de Provence - ou Bourgogne cisjurane,
879 - offrait une puissante barrière française contre les Sarrasins ; la famille d 'Hunald
et de Guaifer; rétablit le duché de Gascogne; l'Aquitaine était dominée par les

l D §OCIUlEl.. Hurot,. ck:I ..frabic:i, Pans. r U F .. 1976 . R.. MANTRA.N. L ·.. ·"'/'IHL"''"'• 1ri11wlnr11m·. ' 'Jr-Xr- .u ix-lt', ru11.
Pl'.F .. 1%9
:? *[dt&' tor ait sutena1on i'p)e. qu'ils 1ppellcn1 le ,LU1ba1lcinc, cl que les Sa~uns uni pns J\:mc ,.u r1ûul drtns le p;a)s Je Knl1
•. P''rikmd - ·. ·~ i chaque gentn11an WIC nttcsulê de p1rugc . "' c.hungc à dutquc ln 'i l3.nl l';is11c1.: I cJc 111 rrornc•t LoN.J,ue le
pmM"DCUI' ~t l tritrr. ciJlh,n. 1mChom, Ja mDrt l'cmrortc, 1.hvuc, houlc .., cr<;c. Cl c'cs1 encore ~·1 rccumincm:cr Le rina(!C
C11.mt11 frwn:a'tOG if'um inl'in1t.i de hainH t"I Je Jispu1c1 A1n.s1 c:cnee ln1 de -.u c-.: c ssw n ~~;,k \.jUL dan .. une soc1ch: mi;rc et Q.!.11-.t .
flll uJ(Udllw .. ttout~ tl u. rOl"U de nain: Fnncc. c'~Lmil. chc1: le~ r10rulat10ns barhurc .. . Uf'IC i.:a\l:'ioC 1.on11nudlc Je lruuhln . un
...__. ÎIW\DC'l"blr au ~ . u. m-olurion ~cmcllc: . U..-s IC'~ qui y etn1cnt snum1.,l.!s s ont n:sl~C!li> ù Jcuu inc11t1u 111:1 m
~ •.1n J MIC1tEU:.,, llulurrTtkFrancr. U.i.u.annc, Ê:Jihons Rcrn:o ntrc , 1 1 Le Mnycn - Àuc. p . l~l
) L 'u1lé\.,.W~ dr tn.11 mnn. I• mort J'lftmaturft de !'Ill rou. prouvent ns~:1. les dC~ênérnt1<1nl" Je ci:ue nu:c elle finit
d'rp.aucnrnt UXIUIW: celle dfti Mtnn1ngin:1..1 u brar1chc rr.uu;a1sc C"SI cHi:in tc • Io 1-r·:.111..c LJ..!Jmt,tnc J 'uhé1r p lu s l11ni;1cm1"1!. d li
t.n.iw 1lll::nmdt- llwin lt {jJtK rsl Jtpost a la ,,httc de Tnbur èll l!H1 •·• If) J Ml( . llELEl. f/1 .\IOIH' rk , •.,.,,, ..... l.aw.:snrtt .
E..111&.t Ri:ncucdtt. 1 1 U .\layr11 - .~1ll' , '1 · !72 Charln Ill le (1ms co;I empereur 1l'Ckt. 1JC"nl c11trc HMI cl MH1, nu Je: GcflTUmt
lA2 ·U"'.' . 101de11 frw.ncta o..·rntnuali!. · - RM · Atli7 cl rih Je l.ou1~ le OC'nnamquc
.a t'tmlC'l 111< l'hlûVC'CSI rv1 Je rr3m"< - P.40-R77 - , cinpc:n:ur d'Occ1dcnt M7'.'i - M77
~On it ck}i ttud.1111: dmt1 uttc V"Ctton curu.1111::~ ta la stu1'"'1l111quc Ju ncu\.c, h! rùlc 1ks 1111.:ursmn~ 11on11omlcs llilll!. ln fomu1111n
dir La fe.Jdahtl fnnl;mw l.IC' ffodaw. tngn11 Jn foru Cl d~ d1llCllU' dons le!- JtlilC"' tics IU llltli,~ll CS Cl rn.~ s Je ~ rll'i!'CS t h.•s ncu\\.~.

cunm61.&ta uu1 lnpilnu<lt!i de l11opul••K•c: fnnço1s..c ·-· \.'c'll r le ~hDfHlrc L:unsucrc à lu l1•p•1l11~11..• l .u frollul1tt 1.tu111ni1 li ses llt'tou11
UDt \ëntali\r lidhk1un p.lf!Ulain: n UllC lf111im11t rntmc i uptncuJC D celle de "" r.us Lo:s w,c..;tc 'i ropulnir.:" de liérunl Je H.t•us•.. 111•11
av Jr Rm&Md m 11an~ .
fi ec.u.rrtn- dit llwin le Ch1uH
~ Qw ltM dmitff 11 uat.i .. m dC' konccV1ua
O..ptln! 1. LI! dan. l'ethnle, I• l1llllon el Ir t..rrltDÎJ'I! 217

puissantes familles de GothJel, de Poitiers et de Toulouse qui s'étaient laiUfes de fortes


lfgitlmltés dans la lutte contre les Sarrasins. A l'Est, le comte de Hainaut, Reinier,
disputait la LDrraine aux Allemands2. Une puissante féodalité bretonne à la fois en
lutte contre les Northmans et Charles le Oiauve se mit également en place; quant au
Nord, il se défendait contre les Belges et les Allemands par les forestiers de Flandre et
lescomles de Vermandois.
Les Northmans furent arr~és par la féodalité. Les légitimités politiques se
gagnaient dans cette lutte: Eudes, fils du comte d'Anjou Robert le Fort3, défendit Paris
contre les Normands en 885. Étranger à la dynastie carolingienne, il fut le premier à
recevoir le titre de roi de France en 888. Candidat national contre la légitimité
carolingienne, son règne entama l'exclusion de l'emprise de la "race germanique• sur la
France. A partir de ce moment, plusieurs clans s'affrontèrent : le clan français dont
l'espace territorial était compris entre la Seine et la Loire - Royaume de France-,
appuyé de manière plus ou moins fiable par le clan normand, s'opposait au clan
allemand appuyé par les clans vassaux lorrains et flamands. Le clan français et le clan
allemand étaient deux clans ethniquement francs. Mais le premier tendait déjà vers la
formation d'un nouveau creuset, français, tandis que l'autre était attitt par la
Germanie. Quant aux Normands, ils constituaient bien une nouvelle ethnie qui avait
lait irruption. dès le IX"' siècle, sur l'espace territorial français. En faisant "la bascule"
entre le clan français et le clan allemand, le clan normand joua un rOle délermi:nant4.
Les derniers Carolingiens résistèrent, soutenus par l'intervention germanique:
O!arles le Simple reprit ses droits en 898. tenta de s'assurer l'alliance normande et
passa logiquement une alliance avec le roi de Germanie, Othon. L'homme le plus
puissant du clan français était Hugues le Grand, dont le fils ainé deviendrait bientôt
notre Hugues Capet. Son succès sera de parvenir à l'alliance avec le duché de
Normandie. En 946, Othon échoua à la tête d'une coalition germanique5 destinée à
briser l'alliance franco-normande. En 987. avec l'avènement d'Hugues Capet,. notre
histoire devint véritablement nationale. Il ne s 'agit plus de suivre l'histoire de
populations en confrontation pour la maitrise d'un territoire, mais l'histoire d'une
royauté nationale légitime qui préluda à la construction du pI"é-carre". Le chemin à
parcourir était cependant encore long : les provinces éloignées étaient encore loin de
reconnaitre cette légitimité royale, les seigneurs de Gascogne. du Languedoc:. de
Provence encore si puissants face à ce "roitelet" qui avait peine à contrôler la Seine.
A ses débuts. la royauté n'avait guère plus de force qu'un duché ordinaire. Mais la
royauté était cependant sortie de la tutelle de l'archevêque de Reims. Les Capet allaient
entamer une lutte aussi difficile que constante pour l'abaissement des grands vassaux.
Leur stratégie territoriale fut patiente : à chaque avènement d'un nouveau duc ou

1 Narbonne, Roussillon. Barcelone.


1 L'appMilion Rc1nier-Sw;n1ibe.ld. fils du rot de Gcnnanic. nt roputanstt par le Rl'lman de Ramrd Ramcr-Rmmd oppmr la
l'1dlr &mçaiE ' ,. lourdrur gcnnen1quc de s"',nnbald- y scngrin .

l Qui a pâi en comhlittanl les Nonhman." • BnSK'ftc tn tl66. Robni le Fon ni le prcmi« llQI..~ coanu de .. bnm:œ Capn
dont l'origane est un clan s.bon •u scn.·iCC" de l"harln le C"hau,·c- -:t qui s'c:s1 con...<;a"'tt à la der~ des pays ...-ompns m f t •sa. al
11 loO't . Noton.s que 11 fulun: dynas11c qui montera sw k trône- "9'Ang:IC'lnft. -..""elle- Jrs PtanlagC!lfts.. csr all5SI origmaae d'Aajou..
Michtltt la f•il remonter à un Tcrtullr brrh.in qUC' Charles Ir c: hauvc; 11.nit liut n<'nmln ~ et qui cw JJi'>UI' fils \Ill . . . . _ .
If.Anjou.. Son pc111-fila.. ln1clgcr. a pour ~-endants lts (amc-u" Fmdqucs. cnnt..-nuio Je l• Nonœndic: et iJr la 8n:1q1X.
4 Cts cllD.I sont ê"·1demmcn1 C'\Lll-mèmcs canc1Crisé" par de.<;; J1..-1s1\Xb anu:mcs <Tl'hT famiUa .
S Othon •Ili~ princ1palcmcnt B\"CC IC' pu1~nl i."Onue JC' Hont.ln: .
6 "'L'•\Tncmcnl dC' la ln:nsu~mc ru..:e cs1 . Jans m•lrc h1s1mn: nalnmole. d\mc' tt1m •ulft î~"C ~ celw de- la ~;

t"c•t 6 proprnnml perler. Io tin du r\:'~nc lh:s l-'nmls .:1 I• ~u~tilul~ d\aoe l'O)-.ulC Ml.tonale au ~ f"uatii- s-z- '9
cœquftc. Db lors, nutR: h1s1mn: d..:v1en1 "llnpl.: ; l· ·c~t lmajoun; le mtmc- pcupk. qu"on suit et qu'œ. ro:oaaah -lsR' lei
~ta qui 1ununnem .Jans lt:'!i ·~un cl I• i;n ili"8tilm. L'idc:cn•1ë oa1ionùo CSI le foodc:mt'lll sur kquitl nrpme.. diepMS 11m11

de**ks. l\uutt de dynasue.'", 1n J. MlCHE.LliT, Hûtmn.· •'*' 1-·Nlkv, La\dMDC.. Êdlnom Renconlft, L l: U .~p. 284.
1111

l'Dlllk!, la royaule acqut\mit dl>s titres nouveaux pour d~Jomm•igcmcnl Je ln couronne


qu'elle nt' pl'l!n81I p.is elle-mème. Dan~ .:elle slrul~gie, elle se trouva une alli~ cl une
~tlimite solide : rq;lise• . Constituant désormais un frdn ,, ln SOllV.,ri.linct~ nnllunale.
bien qu'11U.• el'll joué jm•qu'alnt'!' un vérltnblc rempart ..:onlre le,. grandes inva11ion~. la
ftodallh' jo.'1111 néanmoins un !'()le important dilns l'cnrncmt'menl <.'t l'altacht'1tll.'nt .1u sol
.tu pt.'llple franç;iis en fum1dtion.
Le pou\'oir Je ln dynastie reposait sur un" légitimité' solide. La monarchie
c.tpeMnoo chen:ha à St' Jifh'rencicr Ju passé go.>rnlilniqu<.• de la dynasti., préc:édentc. La
~ilimlh!. c'est le pils.~. Nous touchons\,\ •\ un thènw géopolitique importilnt : <'elu1 de
~ m:herche de l'11ntt'rforitè fondant ln lcgitimité~. Hugues Capet demanda lil mmn
d'une plincc.->Se Je Constantinople pour son fils; son petit-fils Henri 1er épOUSil la fille
du Czar Je Russie, princeSS<! byz.11nline par une de ses aïeules qui ilppartl!nait à la
MAison mattJoni1.'nne. la volonté capétienne était l'ilncrnge de lil dynilstie dans la
~Umih! d'AleunJre le Grand . le nom de Philippe·' entra .~msi dans 1., lignage
œ~ien.
Les mariages jouèrent un ..Oie ~ntiel dans la conquête territoriale : le fils
d'Hugues Capet, lt> roi Robert, épousa Berthe, veuve d'Eudes Jcr de Blois~ . Comme
Berthe etait l'héritim de la Bourgogne, possession de l' Empire, les Capétiens purent
commenœr à affirmer leur prétention sur le pays bourguignon.
Mai~ les bénédictiofL~ comme les excommunications des mariages sont aussi des
a.."1es politiques : en e><communiant Robert pour avoir refusé de quitter à sa demande
Berthe, le pape Grégoire V se plaçait dans le camp de l'Empire contre la France.

La Maison de France pouvait compter sur plusieurs Maisons alliées - on emploie


id Ir renne de Maison. mais il signifie bien clan, lignee : la Ma ison de Champagné,
œlles des Normands de Blois, des Normands de Normandie, celle d'Anjou6 qui allait
nêarunoins poser des problèmes à partir de la conquête de l'Angleterre par les
NonNnds. Les deux Maisons d'Anjou et de Blois se lièrent en effet aux Normands qui
conquirent l'Angleterre. D'abord occupë par la Maison de Blois, le trône d'Angletel'?l'
fut l'Kupé!'r par la maison d'Anjou qui le garda du Xlle au XIII" siècles sous le nom de
Plantapt. La France se trouvait alors menacée sur son littoral de la Flandre aux
Pyrènâ!s. Elle restait faible face à la puissance angevine, bourguignonne et normande.
Elle ne dooùnait pas le Midi lequel exerçait même une influence sur le Nord par le
biais des mariages7 .

1 -i.a ro,....at ~ nec la lroUltmr rw:.t, comme .O. lo' C C la sn:unc.Je . 11a..- une fa.mi Ile c.lc ~r.1111.ls rmpn~~irn . ;unu: Jr:
rr.,-. LA~ et rE&auc. la rmc et Dieu. Vlltla les b~ profondes sur lcs "'l1.10:lh: s IJ1 nurn a rdu..: <Jou si: n:ploccr pour f'CH\n
« f!'tluU. IJmm. p. .?U
:? O.. Lo """"110 idr.,&UirY:r, FraDPJÎ.I Thual • an•lylt les ç '3nnil.S J ' anl~riuntC en munuunt ' 'l mntclH cJcs uroupc.s humauu
dm::ilrall I Rlllllmld WUJOU" plu& knn d.im le puK dans fc but de ltgiltmcr l.:urs omb11ions h:rruon11lc:oi tr•ns, Ell1p~s . J'i9S)
) Q111ranoic1 P de Mdiomc. J. MJCltE.Lt:.T. Hutu U'l' ,/~ F,.mu·1•. Laus unno.! , 1·~ chtmn.,; M.cnl·untn:o , 1. 1 · L~ .\lvyW""11 - ~ ~
p.16' .
'la~ te divUcm cmre ccu.. dr I• Normandie proprement c.Jnc. et cc1Pt cl1.· ülni'i . Je Tn1.1n cl tic C:hanru . Ctu\ l.k
~«dit 8loll llOlaanllS11 IDDI en connit.
S La Clllmplc- a'al pu ni::~ ; eUc n~ d1tpo1C donc que de peu d' ur~umcnt s ('ll •Ur s 'or,m~cr 1\ Io M111s un i.Je Frwncc \\m&.nr
w.i.. ... r>dtlc.
• E~ œ'IW-C i Cii bretonne c-lle 1'orro1e: •u m)'ut.mu: Jr.: Urc1a.:nc. nu• N urnmnJs de lt\ois d ,\~eu• tic Nonnaod K" .
...... dil "*""*la tcmlDua de Tounutc et du Maine
1~ fille du cotllllr de Toulumc. "1J,nc lOW le C apc!hen H.obcrt "{UI m e urt en lu.\ I . l'rn1r rrolonytt su doinm•llun. t lk
....-. * ' e u te W.C aon MCDa.d fila.. Robnt. •u pftju!l1cc: de l'uinC. llo.!un . 1 -' l" Mh~c se ili!-dur..: .:cru~ mlo11n1 f"'"' l 'AI~ ln
~· Su&üom, Anutn1, ikau\.·a1t, ChalufH, Tn•yie,;. cl l. ; 1n~rc s n ~s 1"'h.:n1 au "'m.: r.: d '1 h:nn . o.in"'1 11uc lc.1o 1~
h--. LMla,
• ~ tt cl. J'odo.I. Le dut de Nonnandlc rro16yc le C:t.1pehien 1Jcnri cl li;ir1..·1.! 1.: ,;1ukt il ~c COnll'111fr Ju Jucht Jr:
(bopUre 1. Le dan. l'elhnle, la nation el le l""ltolre 219

En n!ollté, jusqu'à la croisade, les Capétiens pesèrent peu. Leur lutte n'appartenait
pos encore aux grands événements qui bouleversaient l'Europe : le choc de l'Empire et
Je l'~gllse et la formidable expansion normande vers la Sicile et l'Angleterre, soutrnue
par 1•eg11se.
Deux facteurs permirent au clan capétien de l'emporter dans leur géopolitique
intérieure - contre les grands féodaux - comme dans leur géopolitique extérieure -
li s'agit di: s'émanciper de la suprématie européenne du Saint Empire - : la croisade
qui affaiblit les féodaux en les projetant à l'e:dérieur du pré carré et l'alliance avec
l'Église.
Carte 82 : La Gaule carolingienne

l.2. Spiritualii;ation et déterritorialisation de l'Église


au profit de la lignée capétienne
À partir du IX• siècle, l'insécurité nonnande et sarrasine avait conduit à la création
de féodalités puissantes, au détriment de l'Église qui s'était alors révélée impuissante
dans la défense des populations. Le monde s'était alors considérablement territorialisé,
enraàné1• Le droit d'ainesse venu des Germains - et qui avait effacé le principe
d'égalité des Celtes - assurait l'indivisibilité du fief; il fondait la continuité territoriale
et souveraine de la féodalité - les filles et les puinés n'avaient rien. Au cadet, il restait
l'Église, qui allait d'ailleurs largement l'accueillir. Ce faisant, l'Église devint peu à peu
f~ale, au détriment de sa dimension spirituelle. Les seigneurs faisaient élire par leurs
serfs, leurs fils cadets depuis leur plus jeune âge. Très tôt, ces cadets gouvemalent une
province ecclésiastique de concert avec le féodal. Devenus évêques, ils prenaient
lemme et se consacraient à leurs revanches territoriales. Ils firent des enfants, et
l'élection se transforma en succession héréditaire. La femme hérita parfoisl.
C'est contre cette matérialisation progressive que l'Eglise réagit au Xfe siècle par
une violente réforme anti-temporelle, anti-laïque, qui ne pouvait venir que d'un moine.
Le réformateur fut le moine de Cluny : Hildebrand 3 . TI convainquit le pape Léon IX de
renoncer à la désignation pontificale par l'empereur' et de se soumettre à l'élection du
peuple. Il prônait le retour du prêtre au célibat et de violentes persécutions débutèrent
La femme fut honnie.
Les conséquences de cette réforme, outre l'ouverture d'une lutte violente entre la
Papauté et l'Empire allemand, s'avérèrent bénéfiques pour la construction territoriale
française. La féodalité et l'inféodation de l'Eglise à celle-ci reculèrent, au profit de la
Monarchie. La spiritualité renaissante permit le déclenchement des Croisades, exporta
les seigneurs, ouvrant à la Maison de France des siècles de recouvrement de sa
souvl'raineté sur les fiefs.
L'avantage décisif que le clan capétien allait prendre sur les autres dans du pré
carré ne peut être compris qu'à la lumière de la déterritorialisation autant que du recul

Row1ojl"IC' Mmis le Num111nJ foi• p•ycr 8 Hcnn sun a iJc Il obu..:nt le \ ·..::un C'l s'C'tut>ht ams1 rrrs de Pan:!I.. pesant Ja"'Ol.11~ CDroR'
wrltcmtrc .
1 "L 'humme s'nt lllU1che Q 1111~~. 11 tt rm s ru..:mc Wuls le ruoi.:hcr uù 5'C-l.!''c s.u lUW" Nulle terre~ SC•&Jk'W'. al.li ~smn
1arr. L'bonm~ 8()JN1r1H;n1 4 un lieu ; 11 ..:~1.1uyC M:lon 41ù1n l"C'UI ,,hn:- Lfu'il cst r,k· h~ut uu dC' bu lieu.". Lfl J. MICHELET. HUtui" fk
f~~. UW>lll\nC', Ê'111 ion.., lh:ncontn:, t 1 1.~· .\lm..-n-.-i~·· · p.-''"
2 ~1 · E 8 1t.sc 1muc ID ri!oll.uli1c cl ltl JO:rus1'1 ... Plu:. J 'unc !\las dl ..• fil pi1r1 au.' lilli:s. Wk' filk .:1.1t en du4: uo ,,h-à:.hé . la femme: dll
~ rrian:ht prts t.IC' lui i:. l"atu1C'I, \"elle de l'~pou."'c J1:o;ru11.: k ru:i; d l'cpuUS< Ju ..:~•Ull~ . ~. /Ji:,.. , r · .\75 .
J bien que p.>nan1 un nont u~rmdn1qu~ . 11 .:st italii:n el es• v1uklnfl\Cf\I ""~-..!'à l'limpin: .
4 b noniinatinn de• paros~' l'cmpeA"Uf uva1t liC la Papeutè a l'Emritt.
de la ~ali~ ri de œlul des ln""S dans l'l~~llsc, celle den1ière s'éloignant du système
aridot.ntiqur ~pl!ICt'lpnl qu'elle t!mlt en trnin de devenir, pour revenir à une monarchie
pMtifl('l\le nfflrmc!e.

l.3. Le Saint Empire romnin gcrmnniquc de Churlc11 Quint :


unr. construction dynastique
C't>!lt à une époque où l'horizon humain s'élargit considérablement par les Grandes
Déo.."Ou~ 1 • qu'a,·he\•a de se fom1er un ensemble politique, non plus seulement
Nm~ mais mondial.
En 1519. un prinœ de la Maison de Habsbourg, Charles ter d'Espagne, fut !'lu
em~r sous le nom de Charles Quint. li regroupait les héritages territoriaux dr
l'Al1l(IOO. dt' la Ca!illlle, de la Bourgogne et des Habsbourg. Cet empire n'était pourtant
p115 un super-Êlllt ft<:ièral qui aurait laissé une large autonomie à ses provinces, encore
moins un super-Êtat œntrali~ régi par les mêmes lois ; c'était un jeu de constTuction
dynastiquel, produit de mariages concertés et de morts prématurées, et complété par
dP.S ronquétes.
La sif18Ularih! de chaque État de l'Empire était préservée : lois, institutions,
monnaies, ann~. frontières, barrières douanières, privilèges et franchises . L'empereur
ftaitcelui qui rassemblait œs Êtats à l'Empire.

t:Mns l'Empire. il convient de distinguer les territoires appartenant à la famille des


Habsbourg des terres d'empire :
- ll!rritoires appartenant à la famille des Habsbourg : royaume de Castille, de
Grenade - 1492 -, Amériques; royaume d 'Aragon, royaume de Naples, Nava~.
pour la partie espagnole ; Pays-Bas, Artois, Flandre, Autriche, Styrie, Canùole,
Carinthie. Bourgogne, Alsace, Franche-Comté et, après 1526, Bohême, Moravie, Silésie ;
- lrm!S d'Empire : presque tous les États allemands, l'Italie du Nord sauf Venise, la
Confédération helvétique, l;a Provence et le Dauphiné - pour lesquels le roi de France
est vas&al de l'empereur - ; le Milanais conquis à partir de 1525, les Présides espagnols
conquis en Afrique du Nord - Ceuta, Melilla, Penon de Velez, Mers el Kebir, Oran -
et en Toscane, les Philippines.

L'immensité de œt empire rendait son contrôle difficile : le premier ennemi de


l'empereur était le rapport distance-temps 3 . Sa discontinuité territoriale en gênait la
mhtrence et son contrôle fut, de ce point de vue - mais cela n 'est pas la seule
rai&on -, moins aisé que celui de l'Empire ottoman. Le Milanais était séparé des autres

1 Dqma\I le' pmnOa- \'O)"lp *Colomb m 14'92. c1 1Sil oil NùnC"Z tJc Balboa red~ c n u vrc les m~~ du SuJ - - c'c.n· 6-d1œ le
~ -. ta limita du WIOnlk- ainau ont cons1dh'ab1cmmt recul~ . Les contoun de l' A.fnquc ~ ont dc!l!Uné!Ç , l'oc,an lndiCTI ts1

dObllpl · - M.a.n. c.- Ul 1- l'Adanrique a lté tnl\'nsl plu., icurt fois c1 te bordu re am~r ic alnc . Ju golfe t.lu M..:1uquc •la ba;c dt
llio _. ClllDK. ~ MDfa plua uni.. IC' tour du monde commencé rar M•1clla.n "'nchèvc lo~uc ln Ponu1a1 " a11cîndrœl
m ~ - " .. cuoqufk tcrrilaria1c de' 1' Amtrique dlbule
18 BEHWASSA.Jt. J JACQUAAT. LtXYr .nid~ . Paris, Armand Col in. IQ72
l -U• ~rapide rntGUt 15 JOUR de Bruull~ • Grenade en été cl 1 K JOU rs en lnvc r \I COi 1 son ' 7 i\ " J<ll U'T- en t1t Jt
~ i ....... m 1516 d 'ÎG'ft de BruHlle& t\ Innsbruck , 24 Jours en ~l é cl 2 7 en h iver Je Rnml! Ill M11dnd pair LyOJ1 Cn
m- ~ per le rNuv• i" remp1 ou l'tnac!curit.! d'une roule . Quont Oi Io hn1~nn l!nln: l't:sr•rnc tl ln
CIDSriln flGll''Uatl
....-... -*ic:t.mL dk n'tiUil a.m'6t que dn.i• foi1 par an grtcc au• dCWl ~ndc~ flnnc!> : encore les nnuvcllcti Oc cft1&11"
~4'oiplfsspll'WD&ienl•Ua qu'vnc (011 pu an, ou mfmc une foi• lou• les dcuJI ans.". /tit.'m, p . 123
Cllapllre 1. Le clan. l'ethnie, la nation et le terr11olre 221

~rrllolre9 italiens de l'Empire. La Franche-Comté était coupée dee Pays-Billl par la


Bourgogne que Chorles Quint s'efforçait de reprendre à la Franc:e1 •
L'Empire eut aussi du mal à contrôler ce poumon économique de l'Europe qu'~t
l'llelle - ovec: les Pays-Bas - • laquelle était éclatée en une vingtaine d'États
souvenilns1 qui n'obéissaient que moyennement au Saint Empire romain germanique.
Quant à Venise. elle était parfaitement indépendante.
L'Empire ne survécut pas à Charles Quint ; il fut partagé entre son fils et aon frère,
Philippe et Ferdinand, et offre l'exemple d'une de ces nombreuaes c:onstructions
dynastiques dont le destin territorial et politique dépendit des aléilll du sang.

1.4. Dynastie, tribus, confédérations tribales, en terre d'islam


Comme nous le verrons dans notre chapitre consacré à la religion, l'islam est une
àvillsation sédentaire urbaine qui a trouvé sa force militaire dans les sociétés nomades
Wdoulnes et par là même, sa capacité de renouvellement dynastique. Son idéal
politique est l'État urbain et cet État est créé par une dynastie. laquelle dispose d'un
cenb'e - d'une capitaie3. Dès que le pouvoir urbain est trop affaibli, la relève vient du
monde instable des tribus :
- au Muoc, les dynasties, telles les Almoravides, sortirent du désert et s'emparèrent
des plaines du makhzen et de la région de Fès ;
- presque toutes les dynasties iraniennes, avant celle des Pahlavis au XX" siècle4
furent à l'origine nomades et turcophones ;
- l'origine des principautés turques d 'Anatolie au XJVe siècle, puis de l'Empire
ottoman, est aussi nomade ;
- à la fin du XVIII" siècle, ce sont les tribus nomades Dourr.\ni et GhilzaJ qui
fondèrent l'État afghan, alors que les populations étaient majoritairement paysannes et
montagnudes ;
- c'est aussi l'origine de l'État saoudien dont la construction est un modèle de
pouvoir lignager poussé à son extrémité. L'Arabie Saoudite, c'est d'abord la prolificité
incroyable d'Ibn Saoud5. En 1980, on évaluait les membres de la famille royale entre
2000 et 3 000 personnes6 et ce dan familial tient le pays aussi fermement que les partis
baal/1 syrien et irakien7 • L'Arabie Saoudite n'est donc pas une nation au sens où nous
l'entendons, mais un État familial.

1 C"e:..t le n:n de France Loui!ô Xt qui ttcupéra te duché de Bowgoe;nc .u Mtrime111 lk ChaJ1n le T~re - qui est l'anac
pllld-phe de Charles Quin1.
J Des "'r'lubliques, comme Florence, Sienne, Lucques. ~es.. Vent~ ~ des ducMs comme lll S."·o ie.. Manroue.,, F«na"e.
Minndale. Milan ; des muquisa.ll comme Massa. S•luzo. Mon1fc-n-at. Les C"lftll Étals lrs plus importants. tarnurialcmenl et
poliliqucmmL. 90nl : le roy.umc de Naples, le duch~ de Milan, IC1i rêJlubhquet de flo~ et de Venise. ~lat pon.11fical .
l Cesc4-di~. comme l'krit X. de PLANHOL. •une ville où le prince peul faire dàtt en son nom 8 LI grande mmquü la~

du. vœdrNï .•, Le Nations du Pmph~tr. Matrurl ~graplrlq11r dr J'lnlitiqw """""''"'"'*'· Pari~ f•)"'1. 1993. r . •17.
4 Mais clic acre b•layh pAr la kll!voluhon isl11m1quc pnur avoir '"'I' .:ombanu le chusmr.
5 En 1912, Ibn Saoud a dll!jà c!pousé tft"4 fcm~ . il veille à n'en con...o;en-er jamalS plu.s de qutrc dlim !IOft Mftm - ckoil
murulman. Set hommes de ma•n lui aM~nent ttgulittemcnt Ir fnut Uc tcun rauias en johe!l ':iergc:s dans lts IT'ibwi.. CcUc qui na
choisie DC'CUf"e la qu1himc rtecc - ·· loumanlc - du harem Au mihcu des 1.1\nk~ 40. 1.'.\0 a1ftlnts S10nl dtj • Ms : i1s \ 'Obi C'Oftlbruct
1111 Êtal dyn.,t1quc. Rompant en 1'913 avec 1a tndi1ion an.M qu1 \'COI que l"h.~ ti cr du trt\M' !W)it un pua'lt Act· IN ~ li.ic
pnxll.IMT IOn "11 aku! rtrincc h6riliCf.
f. X de PLANHOL, lr.• Nn,,rtn.• d11 Prnpltitr. A.fantHI gN~tt.plt;qew ttN politiq- "'""('",...,,_.· Paris. Fayanl 199)9 p. 93.
7 La Jltrsnlf es1 une fon:o de cohUion aa.na doute "upêrieure • cclh de l'ioe,.llllgir : A. DRYSDALE.. O .H . BLAKE. ~
lllddlrEa.11und.Vnr'tlt.l(frJca A Poltttrol~R'W'lry, New \'ork ~ O:dbnL lt&S p. 21:'..
9
N&nmoins ce type de pouvoir n'est pas sans défaut dans la durée : l'historien
&IMricain David S. Landes fnit remarquer qu'à long terme les aléas de l'hérédité et la
question de la SUCC'l!SSion due à l'inflation de prétendants, posent de graves problèmes
Les Turcs avaient un remède bien cruel au fléau de la succession : ils étranglaienl
prévwllivement les pretendants potentiels et leurs mères 1 avec une corde de soie ,
quant à l'héritier pttsomptif, il devait attendre son tour enfermé, à l'abri de toute
mau\'llise influence, œ qui n'allait pas sans provoquer l'érosion débilitante de ses
capKités à gouverner. Ceci explique qu'à partir du XVII" siècle, le sultan était décrit
comme un personnage pâle, effacé derrière l'administration d'État et ne gouvernant
plus..
Au Moyen-Orient. les États musulmans furent donc des États sédentaires issus de
tribus nomades. Or ces dynasties nomades qui fondèrent des États en se sédentarisant
furent toujours confrontées à une dure loi : la menace à leur pouvoir viendrait
paradoxalement des b'ibus nomades. En d'autres termes, les nomades créent un État
dyn11Stique sédentarisé avant d'être renversés par d'autres nomades qui créeront à leur
tour un Étal
Dompter les b'ibus, tel fut toujours la mission première de l'État islamiquel. Les
hrys turcs d'Alger menaient ainsi régulièrement des expéditions punitives ou des
ampagnes de levée d'impôt dans les territoires habités par les tribus de l'intérieurl.
Une gradation existait dans les degrés d'allégeance des tribus à l'égard du pouvoir
certral : indépendance franche, autonomie moyennant un impôt, soumission voire
esclavage - tribus dite aul dans l'Algérie turque - , et enfin service de l'État - c'est là
la notion importante de tribus makhzen devenues auxiliaires de l'État et chargées de
imœr les autres-4. Une véritable stratégie des tribus était donc mise sur pied par l'État
central qui n!compensait ses alliées par l'octroi de terres, et punissait la rébellion par
~lion ven; des terres hostiless. Politique dont l'un des principes premiers.
univel5ellement partagé d'ailleurs, était Je divide ut imperes.
Dans le monde turco-iranien, à la différence du monde arabe, se mirent en place de
grandes confédêrations de tribus. Le pouvoir central, qui parvenait difficilement à
contrôler directement les nombreux groupes nomades, par ailleurs denses en
populations car s'appuyant sur les ressources de montagnes bien arrosées et fertiles -
par opposition au désert arabe pauvre en nourriture et qui ne permet pas des
regroupements nomades importants - , avait intérét à voir se former une structure
supra-tribale organisant et hiérarchisant les relations entre les tribus. leur occupation
des territoires, et la consommation des ressources. Ainsi le pouvoir central acceptait-il,
fauœ de pouvoir exercer lui-mème l'administration d'espaces trop reculés, trop vastes
et trop blrbulents, de voir se créer de vastes États dans l'État: les confédérations
tribales'>.
Ces organisations jouèrent un rôle détenn.inant dans l'histoire du monde turco-
iranien et ce, jusqu'à une époque récente. Dans le Zagros, les Bakhtiyâri, les Qachqâ et
les Khamsé étaient de grandes confédérations tribales, souvent multiethniques - les
Khamsé fédéraient des bibus turques, persanes et arabes. L'organisation rn
confédération tribale était donc supérieure à la seule dimension ethnique, et explique

J En6:mD dmia m uc et JC1b dans le 809pho~ . O .S . LANDES. Rtdte.uf! ,_,, pm1vrt!I(; J(., nuli11ns (Pourquoi J~.J ricltu •
hwyllof • pmrwn "J. hril. Albin Michel, 1998, p 516
2 X.* "-ANHOL, Lt.J~nu eh>groph1q11e.r de /'huffli"' J.: l'ulmn , Puns. Flamnumon . l IJ6M. p . JS-JH
J P .BOYER. L,,J ,.iltfUrMldiLrtMOAlg~r. 0 Io veill~ Je /"1m~r..·1:nlionfrun~uu 1: , Pans. 196:\, (1 . 13'>- J4h.
'1<. .t. p IOI.
!> CCIR pohlique fui a111 biiea ~ •u M•nx qu'en fran cl en Asu: centrale
'Le CODCCpt de pade: cœf~IOP •été c~ par B1111h, X . de PLAN•IOL. /.t.'.' jim1/enr.:111.t Ri!"S:'"''"'"'"'·' Jr. l'hü1otrr.k
rw... ,.., Flmnmlrioe, 1961, p. 292.232_
Clwpitte 1. LA.• don, l'ethnie, ln nation et le terri luire 223

l'origine parfois mulli-ethnique de plus ieurs dynasties du monde turco-iranien. C'est


p;ir l'intcm1édiaire de ces trois grandes confédérations que l'État iranien, installé sur
son plateau, contrôlait la haute chaine de montagne du Zagros qui le !lépare des
ploines mésopotamiennes1 •
Dans le monde arabe, les rassemblements de tribus observés dans le désert arabo-
syrien, furent toujours plus modestes et m o ins structurés.
Les dynasties, les lignées, les clans, les confédérations claniques et tribales, ont
longtemps constitué, et continuent parfois de constituer, un facteur géopolitique de
tout premier plan - là où les nations ne sont pas achevées, là aussi où elles se défont
sous l'influence de puissantes forces extérieures combinées aux rivalités ancestrales
intérieures. C'est souvent en combinant ce critère à ceux que nous allons maintenant
aborder, l'ethnie et la nation, que nous parvenons à éclairer davantage le théâtre des
passions humaines.

2. L'ethnie et la nation

Les définitions de l'ethnie, de la nation, du peuple font l'objet d 'un débat.


Rappelons que la science politique est une science humaine : il n 'existe donc pas de
défirtition universellement admise pour chacun des concepts qu'elle manie. Nous
sommes au cœur même de la faiblesse des sciences hwnaines : il est encore possible de
raisonner uniquement à partir de fondements étrangers à la réalité, puisque les
fondements eux-mêmes n'admettent pas de vérité uruque et font l'objet d'un débat.
C'est ce qui explique que nous puissions être convaincus par la lecture de deux livres
portant sur un même sujet mais aboutissant à des conclusions contradictoires. La seule
méthode que nous puissions appliquer en sciences humaines pour remédier à ceci,
consiste à remettre en cau se les fondements du raisonnement si les chemins de
réflexion empruntés ont mené à une impasse de l'esprit.
Toutefois, il est nécessaire de formuler des définitions de l'ethnie el de La nation qui
seront opératoires en géopolitique et perme ttront de raisonner sur des bases claires.
C'est l'objet de notre première section.
Nous traitons ensuite de la pertinence de la lecture ethnique des conflits dans le
monde, hier comme aujourd'hui . Comment comprendre l'Afrique, sans y regarder les
grandes fractures ethniques ? Comment compre ndre l'histoire de l'Islam en ignorant
les différences arabe, turque ou persane ? À ce propos nous donnons une lecture
géopolitique du concept orientaliste de 0111 ' 1>11/!iyya, qui recouvre les tentatives
fomentées par les peuples islamisés et non arat>es pour déposséder les Arabes de la
direction de l'Islam. Nous soulignons ensuite comment les Croisés eux-mêmes surent
tirer parti des divisions ethniques de l'Is la m .
Le principal facteur contemporain de conflit tie nt à la fréquence de l'inadéquation
entre État et ethnie. Il y a aujourd'hui plus d e conflits à l'intèrieur des États, du fait de
la contestation par certaines ethnies d e la place qu 'elles occupent à l'intérieur des
frontières étatiques, que de conflits entre États . 11 semble donc, qu'à la lutte entre
ethnies incarnées dans des Etats succède peu a peu la lutte ethnique pour accéder au
rang d'État. Pre nons garde c ependant au fait que les d eux phénomènes coexistent. Le
premier se transforme en conflits d 'intf:•rè ts dt• basse intensité, du fait des menaces liées
à l'armement moderne; les Etats réflèch iss,•nt plus aujourd'hui aux conséquences
avant d'engager leurs troupes dans la guerre ; les rivalités entre États sont plu!
90\lrdes, souvent dBéguées aux services spéciaux. En revanche, les conflits ethniqun
les sfpuatismes et les llftdentismes de toutes sortes s'expriment dans un degré d1
violence limit.! aux armes conventionnelles classiques, et même parfois aux arme!
individuelles.

2.1. Définitions "à but géopolitique"


L'ethnie - de dhnos, peuple - est un groupement de familles qui possède une
structure familiale, économique et sociale homogène et dont l'unité repose sur une
langue. une culture. et une conscience de groupe commune. Le Dictionnaire dt' science
politilfMt1 précise: "contrairement à la race, l'ethnie ne se caractérise pas par référence à
des critàes biologiques, auxquels sont généralement préférés des critères de type
culturel - langue, histoire, croyances, habitudes de vie et surtout sentiment de
romrnune appartenance." Définition pour le moins étrange, car elle ne prend pas en
rompre la dimension de reproduction close que revêt justement toute réalité ethnique.
Par ethnie nous posons ici une communauté humaine :
- qui a pour origine un groupement de familles ou un clan ;
- qui paztage une même langue, ou dialecte ;
- qui dispose d'un tronc commun en matière de culture - système de croyances, de
valelm, d'idées - ;
-qui a traversé les âges en se reproduisant davantage par croisements internes que
par croisements externes - faiblesse des apports ethniques extérieurs.
Le caractère génétiquement clos de l'ethnie ne signifie pas que celle-<:i soit
imperméable aux variations exogènes et aux variations endogènes - les combinaisons
et les mutations générant en effet des évolutions2.
Cest l'idée de nation qui suscite le plus de définitions différentes. Rappelons
l'opposition qui est classiquement faite entre les conceptions du philosophe allemand
du xvm~ si«le Herder' et du philosophe français du XIXe siècle Renan•.
Pour Herder, la providence a admirablement séparé les nations, non seulement par
des forêts et des montagnes mais surtout par les langues, les goûts et les caractères.
Cllaque nation fait donc figure d'organisme disposant d'une histoire propre qui se
transmet en hmtage ;
Renan. un siècle plus tard, dans Qu'est-ce qu'une nation ?, soutient qu'une nation ne
dépend ni d'une race particulière5, ni d'une langue, ni d'une religion, ni d'intérêts

1 G. tŒJlMET. 8 . BADŒ. P BLRNBAUM, P. BR.AUD, D1c1ionna i ~e de lu .<it.' 1r..·nc~ polmqt1L' cl de.t m .mt11t1oru polrtlquu.
Paria. AnDmd ColmiMa.-i., 1994 . uticlc ·cthn.ic11ë'".

--.w 2 La ~ Dm.li anap qu'une •n.c.c"' qui ne '"ropin:" pas gënéttqucm1:nt cs1 aussi fcrmcm.:n1 conWunnèt i i.
wir k pM::nomtnc de coru.anau1n11e: qui fnppc ccn:unC9 familles. - qu'une " race" qui se croLSe f~~uqucmad
nec: fc::llâlnr. ED 1a11t. i.1 a1 qllalian dr mesure.
) Ui . HEIU>ER.. PllilœopJu~ dl l1ri.Jloire ik l'lruman11j . ; J P . BLED. "La conception ollcmandc de la na11on", m Co11P1u
...U.AalDiame..hiva- 1997, n•1. p . l74S
4 E. R.ENAN, Qi.'at~ qu'UIW nali.on "'• 1117. 1n réêd. Qu'et/, ce qu'un.: nutitm t' / <mire.If 1•,·ritx. prt!scnl.!c par Raoul Girudcl.
Pft. lmprilœrie ..........
J '"CR la l"IClt, dimlt pW1:icw1 nec ua\ll'Wlee. Les divi11ons •niftcicllC9, résultant de Io f~odolit~. i.lcs mariages pnnctm. da
ca.,& dl cüptamma., IDDl aduqua. c.e qw rate ferme et fixe. c'c.sl la race dc5 popula1ion11 . Voilt\ cc qui conlllluc un drtWI, W'lt
~ u fa:u11c pnnamquc.. par eacmplc, aclon la thé.one ql.U! j'CXJ>OSC. o le c.lrou c.lc reprendre lei mcmbm (pin dl.I
. . , _ . , mâm CfUIDd CQ rmmbtn l\C dnn&ndcnl pas .i. SC t'CjOlndf'e . Le droit du aennanismc llUr lcl\e province CSI JllU' fon ~
lc.drotl des labnaDlll de œat plOYincc 1w e:w: -mtme'!I. On cr&: airai une sonc Je droi\ pnmorJ11\I amLlo.iuc li celui Jcs roll Je i.111111
dft• ; illl priDcTpc dn n11iam oa M&htt1h1t: ,clui de l'ethnnpphic C'esl 10 une lrë~ grand~ c1Tcur. qui , ~i clic tkvcnni1 Jnm1n.mnu.
padrml t. Qwiliatiua carop6mnc. Auaant le priKlpc des nation11 est juste et légitime , aulonr cch11 llu dmit rrim,,nJinl Jcs ~\."'O ni
CNpllre 1. Lr clan, l'"thnl", la nntlon el I" territoire 225

konomiques partagés, ni encore de la géographie ; la nation est "une âme, un principe


spirituel" qui suppose un passé mais nécessite dans le présent un consentement el Je
désir clairement exprimé de continuer la vie commune. "L'existence d'une nation est un
plébiscite de tous les jours". C'est la conception républicaine française, qui !lOus-erttend
d'ailleurs que si le désir clairement exprimé de continuer la vie commune disparaissait
par abandon de la souveraineté, la nation disparaitrait alors avec l'absence de
plébiscite.
Cette opposition est presque devenue un paradigme1 ; en réalité, en France comme
en Allemagne, on trouve des partisans des deux modèles. Il serait plus juste de
remarquer que l'on a d'un côté une conception républicaine de la nation, que l'on
retrouve tout autant chez Renan que chez le géographe Jacques AnceJ2, le sociologue
Marcel Mauss3 ou le constitutionnaliste Maurice Hauriou 4, mais qui n'est pas
représentative de la manière dont la majorité des hommes de la planète regardent
l'appartenance nationale, et de l'autre une conception orgartique, largement majoritaire
dans le monde, y compris parfois dans des régimes d'inspiration marxiste. Pour
Staline, "la nation est en effet une communauté stable, historiquement constituée, de
langue, de territoire, de vie économique et de formation psychique se traduisant par
l'unité de culture" 5 . La politique des nationalités de Staline sera fondée sur le principe
"une ethnie, un territoire", le critère déterminant de l'ethnie étant pour Staline la
langue; le critère religieux est, quant à lui, banrti du mode de différenciation identitaire
pour une raison que l'on explique aisément : la religion particularise, mais elle
universalise tout autant. Aux yeux des marxistes, elle peut donc apparaitre comme un
système de valeurs concurrent de la révolution marxiste. En d'autres termes, Staline
veut fabriquer des nationalistes à l'intérieur de l'U.R.55. qui travailleront ensuite au
dépassement des nationalités et à la fondation d'un homo sovieticus. D'autre part, une
partie de !'U.R.S.S. empiète sur le monde musulman. Il y a un véritable danger aux
yeux de Staline de voir se constituer une urtité de pensée islanùque qui ferait le terreau
de l'anticolonialisme russe-soviétique dans le Caucase et en Asie centrale.6
La conception de la nation la plus courante dans Je monde repose donc sur des
critères observables : ethnie, langue. Mais elle repose aussi sur un sentiment
d'adhésion, c'est-à-dire un sentiment national qui, lorsqu'il revêt un corpus doctrinal,
est un nationalisme.
L'étude de l'histoire de France permet d'y apercevoir très tôt, au coUIS du Bas
Moyen-Âge, la formation d'un sentiment nationaF. La plupart des médiévistes sont
d'accord pour dire que ce sentiment d'appartenir à un même ensemble, qui dépasse le
fief, et prend réalité dans la royauté nationale, est contemporain de la con.;titution

ntoi1 tl plein de dani:cr pour le \/Cn1ablc prugrcs .". m E RENAN. (ht 'L".'1-.-.- ., .. ·unt!' "-Jlio" • 18~7' . ~ QM 'nt-.r."I' i[U'llUW ..anun rt
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1916

) Pour Mnn:d Mauss. une l\31lon "~ s • un~ soc1C1C 1nacCncllrmcnt ci n\C\n1kmcn1 1n1Cgrft. il puu\OLI ~"fttcra.I s&abJc. permmcaL.
i frontières JC1crnii11écs, ;, rd a111.~ un11C moralr.:. mcnt3lc ,,u 1.: ullurdk •. h:s hab11anb ~u1 ~I n>n.sc1<mtt1C11t â l'lta1. cl â .!CS

lots." in M . MAUS~ . "l::a nal ion'', 111 / _ '.·lnm•... .~odrolo1g1&111•·. J\l5;\ - l4~ ~ ... . ;\c scric . p ?'- ()!(
-1 Pour Maurice 1 lauriuu , li: s. n"trnno;. sonl "J1..•s !,;rnur-:mcnls Ji; p.1 rulau~m fix~ •Y ~l che.z qll.i un hœ .k ~ spirlrl.lcllc.
Jé'llcloppc: ID ~nséc de l'unnê 1lu grnupcmcn1 lui -1111.:m.:-". in M . 11..\l 'RIOL f'r"' u- .k Jn•1t ."""On..'11111JW1Utirl. Puis.. 1913. p. V . Oa
no1cm hicn '" 11ot1nn i.Jc rm~nlé ~ririmcllc r ••r l \ f'('ll'"ltlll ll .i ~dk J e rari:n11..• 1lu san~.
~ OCfimllon donnée: pur S111l111i: 1..·11 1'>1 ."\ .1 ST.·\l IN L /.,· ,,,,,,.,11·m, · , ., /,1 o,/M&·.ctrol'I HUli..vt.Jic', traJ. fnu11.-a1s..-. Pan.~ . 1~1 3 .

ft A . DENNl(iSF.N. C. Lf.Ml·: MC'IEM. -(,,)lll·. l .(.)UtJAY, L ",,_d..,m "" ( ·,mm 1·1wi.;rif/1W. Puis.. Payoa.. 19'18.
l L. l\ëAl fNF , Noi.'f.\·cm1 ··· do•/,, 11,1tii••1 /-"n m 1·c'. Paris. (.;..Jhn\o!if\I , l\llS :\, '--0. t-""1fül.
,'Ohéft'l'lre d'un l'l"rritolre national. Cl•rtains diront que du XIII" siècle date l'apparillor
dl'~lll!lttin\lmt . D'au~ pourront rep<>u~r encore \'appnrition du sentiment natlona
dall.'O les proklOdeurs dl' l'histoire. Car ilpres tout, ne peut-on pas penser que li
Ntron.lisn'IE' franc du VU• sikle mérovingien est la source premi~re de notre
1111tiona.llllml' français ?

N,>Us '"' h-nms pas de diiforenœ, en géopolitique du moins, entre les notions de
peuple et de n.ttion 1. Par nation, nous entendons de manière imagée un corps et une
Ùl'K' qui dkirent vivre libre.
- Un l'Ol"pS l'OnstilUé par une ethnie ou un rassemblement d'ethnies qui formaient le
peuplftllent originel au moment où ils prirent conscience ensemble d'un destin
commun;
-une Ame: un sentiment commun qui s'est forgé à l'épreuve de l'histoire et par la
volonté d'un sys~me politique renouvelé ;
- dont l'objectif de maturité est le stade d'État-nation souverain, c 'est-à-dire la prise
en INin de son propre destin coUectif.
C<1m1I1e une personne, la nation a conscience de son être, de ses caractéristiques
propres. Elle est un être communautaire doté d'une âme; elle vise normalement à l'état
de libertl!.

En géopolitique, l'ethnie et la nation ne font sens que dans leur rapport à l'État
L'État peut être national. multinational, ou multi-ethnique.
- État-nation : une nation est rassemblée sur un seul et même territoire étatique. Ce
type d'Êl:.it ne peut être concentré que sur son développement. La France est un État-
nation au moins depuis la fondation capétienne.
- l'État multinational, multi-ethnique est un État qui inclut des ensembles humains
multiples aux solidarités culturelles, linguistiques ou même ethniques qui peuvent être
tournées ver.; l'extérieur des frontières de l'État lui-même. Cet État est donc
pomitiellement divisible sous l'influence de puissances extérieures.
L'État yougoslavel est un modèle dramatique d'État multinational, de société multi-
ethnique; son éclatement s'explique par les contradictions fortes de ses identités
plurielles et par les actions exercées par des puissances étrangères dans le but
d'exacerber les divisions entre les p_euples yougoslaves3. D'autres exemples sont
fournis par le continent africain où les Etats sont bien souvent mu 1ti-ethniq ues.
L'immigration est une réalité géopolitique que l'on peut définir comme un
phénomène de territorialisation elttra-ethnique sur un territoire initialement homogène
du point de vue ethnique. La France, originellement peuplée par l'ethnie française-!,
cnnnaît ainsi aujourd'hui un important phénomène de territorialisation d'ethnies extra-

1 Le Oiroom:-.iR: dr K9Cna politique dr: MM Hennc1. Badtc. Bimbuum n'en Jonn.: pus une 1.hHinillon doirc : li parle•
~ bt mip*"dc dihip&at une collcct1viti sodalc do~ Je caracl.éris11qucs communes !f.uffi~ammc:nt signifü.:'111\n p:u
lil:a'llllirr1m iû"au mawaa iJ"urutê cl d'a&Uunom1c ".in G . H E RMë.T, 8 . BADI E. r HUlNBAlJM, t'. URAUD, Dü:rw"'r.,m•JrLJ
Jrim:r po/Uiqw~., inltilUtUJIU pobriqws. 'J:C al . Pvis, Armand Colin, l 996, coll "Cursus" ontc:lc "na.lion", p. 179.
2 8 . LORY. L'f..wv/# bolluur;qu~ dl 194.f iJ na.rpmr1, Paris. Ellipses. 199(1
1-i."bisaotrc .,_. lflPRDd qu'uacun État (depourvu d'umtê çuhurellc) n'a JUtnu is pcrdurê en lunl ~uc sociit1~ cuhtrtolr Lo
t:-.um.. s'ib •vmml u.oe plw..htê dr c1v1h,,.tions, ne serilicnl plus les États-Ums, m ens les Naltons unia·, U\
§,. 11\JNTINGTON. Lt '1\oc del 1:;v;/Ualiatu , PW. 0 Jacob. 1997, p. ) ) ai , pour lu trutluction fnançaiî sc . f lun11ny1on •JUUIC rMnt
qu'm 191JS. k psvœuu de pu.s. en Bosnie cl eu Cl"Oltu: fui "f.c.ilitê par le ncllOYQKC c1hnîquc qui uvon é1é accompli" . likm. p. 1)2
4 L'1mtoft du c.cmtinan europ6m c:s1 rnarqu&, à l't!c.hcllc du temps lon.i, p1.1r d.: nt>mbn;ux phll!nomitnC's m igru1ou-rs. ~
t~ tilft•... dm Ccha rq1rlseo1.e la ph11 grande migration de l'h1s1om: européenne . J .B DUROS E LL~ . L'Euru~ Ai.Jk!MT"
•-_,ia.l'ull.Pmin. 1990.Cd. Hochcue Plunel, p . 60.
Clulplttt 1. Le dan, l'ethnle, la nation el le temtolre

européennes en pasae de modifier en profondeur sa culture 1• Le développement récent


de conceptions communautaristes qui révèle l'échec d'une assimilation de populationa
numériquement trop importantes ouvre la voie au passage d'une France État-nation -
avec sa capacité d'absorption d'éléments étrangers minoritaires au fil des époques - à
une France pluri-ethnique voire pluri-claniquesl.
Par opposition à la nation, l'empire est un État dirigé par une dynastie et une
administration mono-ethnique ou pluri-ethnique qui exercent leur pouvoir sur un
territoire comprenant d'autres clans, ethnies, nations, ou communautés religieuses, se
trouvant dans un rang inférieur.
Dans l'Empire ottoman3 , la dynastie était ottomane, majoritairement turque du ·
point de vue ethnique, mais néanmoins non réductible à l'ethnie turque.
L'administration d'empire s'exerçait au détriment des communautés dhimmis non
musulmanes - des chrétiens et des juüs, mais aussi des hérésies de l'islam réfugiées à
!'kart des villes de l'Empire, et des nationalismes en formation dans les Balkans ou le
monde arabe.

D'où vient cette opposition entre la nation et l'empire 7 Du fond des àges. De
l'opposition enb'e la Grèce et l'Iran4. Dès le Ill" millénaire avant nob'e ère, apparurent
des empires édifiés par l'Égypte, Babylone, l'Assyrie. Toutefois, l'expression impériale
la plus achevée fut celle des Achéménides : un empire pluri-ethnique posant un État
au-dessus d'ethnies. A ce prototype de l'empire qu'est l'Iran s'oppose, à l'époque des
Guerres Médiques, l'idée nationale défendue par les Grecs.
L'une des conséquences b'agiques de la conception impériale, à l'échelle de
l'histoire, est que les réalités ethniques peuvent èb'e balayées, déportées selon les
intérêts de la logique impériale. L'Iran, de )'Antiquité jusqu'à nos jours n'a cessé de
pratiquer le déplacement de population, c'est-à-dire la déportations. Les souverains
sassanides déportèrent des populations de l'intérieur de l'Empire vers les frontières et
cette politique est restée une caractéristique du mode de gouvernement iranien6. Les
Kurdes et les Azéris habitant les frontières occidentales de l'Iran furent déplacés aux
xvne et XVJne siècles vers le Khorassan afin de défendre la frontiére orientale des
attaques ouzbeks7 . En mélangeant de force, en permanence, les populations peuplant

1 G NOIR1EL, LI! Cnwel frunru1s , HUtoirr ck /'immiKftJWJn OM .\LX"'-.~ siiiclr. Puu. ScWI, 1988 ; M . ..\MAR 11!1
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lrrPn6rn rn France. Paris. Larousse, 1992 ~ J .-P GOURÉVrTCH. ûi Fra11u ~- PQris.. Le Pri aa.aK. Ckra.. :000.• œil
"Essais".
l On peul comidtn:r l'apparition de clans muJti--ethniqucs - iOUChc a&ic:aiae noire: ft ~ C'l'.lllllbaWc à des acme.tl
rn.nçai.t dr souche - en napturc avec l"Etat de droit et les valeun foDc:lamc:nWcs ~..,-une amjaritit dc F~ cotmn1: les
1Cf1PC1 d'uac IJUC'ITC civile. laqueUe fait dlj6 plu.s de 10 000 hies.Ms rec:itmCs aunu.elkmcnt dam • police- C'C via:âma dc ocs
pbmomtncs ~ \loir les chiffres du 4001 qui c:s1 une grille classan1 co 107 rubriques les crimes n ~lits coasDlês pw k:s. senices de
smlicc cl de aendarmcric 9W' le 1nri1oil"C'. Bilan pubh' chaque ennêe pu la Docwnentation fnnçaise. A. BAUEll ~ X. llAUFEJl.
YiokMu rt üuêcurit' urboina. Paris. P.U.F .• 1998 ; C. JELEN, l..d~~ Jet: rw.s. Pam., Ploa.. •~. Les Cmmaa ctiuUqYCScllm
les bilntieuc:s rraru;1aiscs en 2005 confinncnt la gr.vil~ des di-n'l•CS idcnotaires m Fnncc.
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6 J.· P. DIGARO, U f'111 ~thniq"~ en lr"n ei en .'4fxltun&st"'1, Puis.. 1Q88 ; l. DILLEMANN. •t1a.u.1c Mé:1opo1armc anmak et
s-ys aLIJaccnts. Contribution ù la 9éogr.phie h1s1orique de la n!gion tlu \"C siklc avant l'tft c~ Ml vr "Si«~ de- llOlln' . .~.
Pans, ln /11.t1U111 J:-4n.·lt~•ln~it: 1/t• 8.·.1·rt11dh IJ1Mi1•11tt;vu.- ... n;ht"Ofo,tthllH' rt lli.Hur"l»r:, LXXll, 19'C p. 9S ; V. BÊRAaD.
Rn.,,tution.T dr la Pers~- Pari s, \1~10 . p . ~S.
7 J. PERRY. R. JOHN , "f'on:cd migNlioa Ùl llu duri"- lhc sc-vcnlecalh ILlllll ciahfoenlb C'mlWtCls·. U. ,,,,,._ ..s:r...tlcs. l9l5,
VIII . p 1911-21S.
h'S t~'ft' '''"'I'"~ t~\ln.' tl' c,,ucas'-' ~t l'lndus. Ill MC~npnlilntic l'l l'Oxu!'t 1, la
C~U1'' <'II.• (;.1li.- J'l'l'll.lqU•' · l'lr,m ,\ l•lf>\Cl\\Cnl l'Olllribu{• i\ etnpèdwr l'('meri;enn! dt•
~ht\ltS. 1\cUhll~lll~ ,t"ns ,....,s n'gions . Ct'S dt'portntinns, "''n111u~ l appui i't la forn1atu'n lit•
1

~t\l1'-:< •'\ll\lt\lt'r,\hl\n~ tnl't.\ll'S multi·l.'lhniqu,•s diln" le Zil~ros, pcrnurenl i'I lil loi;14u~
in•r<'ri·•I.· .i.. l'lnm d1• lt\Wt•r.<•'I' (,• h•mps ,., d'nccupcr une pl.11·c centra Il• dans l.1 rl'i;inn .
l.'"' J~An\t.~ du \\'' slt'"le t'1\ Eur"'l~ .Sfl111 -..ouvt'- nt dé\..·rits ...~ llll\llll'" Il'" pruJuit dt";
t\,)rillMh'n''~ t't l~lr L't.'tlS~ue.>nl dt.'S nahon$. Pourtant, •' l'origin1.."!' des gue~
n\l>11<hal1'S. l'\l'I IT\>\l\'l' d 'unl' pari la qu1-;:1lon b,1lkantque qui est l'elJ<.? des deux f;rands
itftlf'ÎT\~ -.ustn..... hnn~rols ('\ nttntnfln. '-'l d .\ulrl~ part lt:I question de l 1 1n1périalisrne
1

.111<-m.ulll. :\m·unl' d•'!' n.11tons st.\bilisl'<.>s ,fans leurs frontières depuis longtemps, qu'il
··~~·Je l.t Fran'" ou dt• l'An~lt.'lt.'rn:' nt' iut rt•spons.1blt• de ces gut'rres. On accuse
l''"''i" un ,·ap1tnlisnw illl~lo-saxon qui aurait !'.'touffe l'Allemagne : il ne faisait pourtant
que jl.\Ut'r Il' j.>u millénaire de la com~~lition ~onomique mondiale, dans toute sa
Jun.>te : ,,n a1'\."U!'t' la Frotnœ .t',woir cherché i'I humilier l'Allemagne depuis le Traité de
\ .'t•!'.<aillt..,.. c\'SI 1,\ en..."Ott le jt.>u millén.1ire de,. vainqut'ur,. et de,. perdants. Ceux qui
d-e.:leno:lh'rent J,1 gllt'fr\' iurent ct.>ux qui ,1vail'lll une autre idée de la carte dt'~
tmn~'S . unl' autre idée du sort des nationalités el de leur place. Ce furent 1.,s
impo'ri.sux
'L'hist,,ir.• qui admire le temps où chacune des fonctions sociales était remplie par
Je; hom~ d 'une œrtaine nationalité - dans l'Empire ottoman par exemple - oublie
qU\" ,vite ht."tl'ni~enèitè ètait le rèsultat de conquêtes militaires et qu'elle excluait de la
l"'libqu.- la maj,•ure J>olrlie de!< populations. Renier la nation moderne, c'est rejeter le
transfert à la pt'litiqu.. de la revend ka lion eten1elle d'égalité ", écrit Raymond Aron2.
Au ser.·ke d'elle-mèmt.>, une dynastie construit un en1pire; au service d'une ethnie,
elle edifie uOt.' nation qu 'elle stabilise dans un territoire. L'une des permanences
frarpan"-"' dt> !'Histoire, est celle du combat plurimillénaires entre l'empire et la nation,
enl:lt" lt>s Etats au ser.·iœ des conquêtes avides d'un clan et les États au service de la
grandeur des peuples3.
L'histoire fut marquee par deux sortes de dynasties : celles qui servirent les autres
- roru:truL<ant alors des nations - et celles qui se servirent des autres - construisant
alors d'éphémères empires. Souvenons-nous des mariages mixtes forcés sous
Ale,andre le Gr.ind 4 : le Macédonien rêvait d'un empire cosmopolite qui ferait de lui
un Dieu, il mourut d 'épuisement à vingt-trois ans après avoir ruiné d 'autres empires
- le perse en particulier - , son empire disparut avec lui. En comparaison, nos
prudents Capétiens apparaissent bien pâles; leur grilndeur ne fut pas dans leurs
aploits - ils en eurent tout de même - , mais dan,. l'œuvre qu'ils laissèrent5 : au
XVIII• siècle, la France était la première puissance mondiale , elle était plus prospère
que ses \•oisins et le niveau de vie y était le plus élevé d'Europe . C'est d 'ailleurs ce qui

\La~ CU"IQP'\~ m~ 1.:--; dc:i.l.' gr.mds Ocu\"~~ d' .~su: c..:n1rnk. le Sy.- Dana l!l l'Atnv u D ;ma . ..:si aprd~ ..• Tran~.n1.l.IM"
.! k AJOS. Pau C'I ~"Wm' ,.·n1rr I..·.• n<Juu1u, 2r eJ . Paris . Ca.lmann-LCv y, IYt"IK , r ~Y 1 > (I"' 11,..'U. l~ll:?) Oan.\ !rillll l'1c-"
~. L ·1.wupr n t'On.rn1 . le pohhsll: hbuuus <ic~r~~ l'orTTI cnt1qui.: l'c\1nw:cn1nsmc Je Aron, qu'il ~uahfic Je "ctw11rr
~ llk .. cuftl•füc ~ -· . m G CORM, L'Europ~ t.'I /'CJnr!ttr t(h• /~ lialku111.•H1liu n 11 lu li1''1m.r14lim1. hi.louy,(""'"

~ a&"\-cmpiW' Pmts.. La Decou..,~. 1991


J L-~yiwe Chartes 5au:lt-Proc consiatc la permanence Ju choc; de s ic.h!c,. t.lc n ;,110n et d\:mrm: d11ns l'h1shJ 1~ Je 11rU.
(' S.Al:\T-PR.OT. li&JIOll'"I' ik rJ'1A. Dt- ~umt'r Li 5..J"41"m llu..u.:m. Paris, Elhp.!>c S, 199'l
.. 9lD 12-4, .. Slat.. il (AJua.odr~J q.olbe Ro11.anc, rillc du rc:rsc, 0:11.y11".:~ . 1,,!1 fo1t 1:ékhu:r lk urnnhrc:u:c. lllüOO!ll'-" tnlrc :VJIJ.lt1
~et fcvunn 1rvumnn. puw- m1cua umr ln t.lc:ull c1"'1'1sutiu11!'> .... tl 1\ et tvt PAULIAT . C:11· rll.( &Jfi111Lt _.:,..•• .,.,,. • '

,......., Pw-6.. EUryan. 19Y1. p. J~ .

S J--.,ua Baia\1UC", rnonl.IC" que: les ruu, de fnncc: ne- \ "UOl H:Uêrc ia \".._\•c111un: · Ù l°cxc.:.:rtwn pcut - ~tn: t..lc::o. l(Utm!i J 'luhc "'-""''
~VIII- et qu'ib ,·~loimt i umfie avec 1ntc:lht1c:ncc: le: lnritom;: t..lu mynum.: Je Fnuu::c ; J . Hl'\IN\'11.l.E. Httt.11•,...l·
fnatc<r , IZCnl..Paru..fa)"IJ'd.ll"'ed, 11,1124).
Choplll@ 1. 1.., clan. !'ethnie. I• nation ri le terrttntre 229

expliqul! œ faible taux d'expatriation qui causa à la France la perte de l'Amérique et lut
pou problème, au siècle 11ulvant, face à l'Angleterre.

2.2. L'islam contre l'ethnie arabe: de la chu'oubiyya aux Croisades


L'Empire omeyyade fut un État arabel, dominé par l'ethnie arabe. A la fin de la
pêriodl! omeyyade, certains peuples non arabes, les Perses notamment, contestèrent de
plus en plus le monopole arabe du pouvoir. Cette opposition à l'État arabe que l'on
appelle clw'oubiyya fut autant politique - l'idée étant de remplacer l'arabité par
l'islamité - qu'économique.
Pendant la période abbasside - 750-1258 - la vague de "chu'oubisme" fut porttt à
son apogée. Les Arabes étaient regardés comme des Bédouins non inslruits et mMI!
d«adents2 •
Le résultat de ce mouvement, distillé en partie par les milieux persans, fut le
remplacement à la tête de l'islam de l'ethnie arabe par l'ethnie turque. Jusqu'à la chute
de Bagdad en 1258 - ce sont les Mongols qui s'emparèrent de la ville - , l'État arabe
musulman connut trois phases : le premier État arabe fut celui formé par Mahomet et
les quatre premiers califes ; son centre était en Arabie. Le deuxième État, celui des
Omeyyades - 660-750 - , était centré à Damas. Le dernier État arabe, déjà forteimnt
influencé par le monde persan était quant à lui centré à Bagdad. La montée en
puissance et le déclin arabe commencèrent bien avant la prise de Bagdad par les
Mongols en 1258, laquelle signifia la fin officielle de l'Empire abbasside. Au milieu du
XI' siècle, les Arabes furent en effet remplacés, dans la direction de l'Asie musulmane,
par l'ethnie turque qui donna un nouvel élan à la guerre sainte islamique. La tribu des
Seldjoukides qui venait des steppes du Turkestan3 soumit l'Iran puis s 'attaqua à l'Irak.
Le chef Toghrul-Beg' s'imposa comme vicaire temporel au calife de Bagdad à partir de
1055. Le califat arabe se doubla d'un sultanat turc. En réalité. les Turcs &îent déjà
pratiquement les nouveaux maitres. Ce sont eux qui reprirent le flambeau de la lutte
contre les Byzantins, et donc contre la Chrétienté. Le monde sémitique et l'Empire des
steppes se liguèrent contre l'Europe. L'heure des Croisades approchait, d'autant qu'à la
lin du XJe siècle, les Arabes semblaient sur le point de prendre pied en Europe. La
conséquence géopolitique du relais arabe aux Turcs fut de rendre l'islam plus
menaçant encore pour l'Europe par rapprochement du centre de gravité. L'Asie
Mineure était en grande partie occupée par les Seldjoukides5. Les ports de la mer Égée,
Smyrne el Éphèse, étaient aux mains des émirs turcs, tout comme l'était Nicée. Le
danger n'avait jamais été aussi grand pour la Chrétienté : derrière les Turcs islamisés
d'Anatolie, l'énorme masse des nomades turco-mongols de la Haute-Asie - de la
Mongolie à la Caspienne - menaçait de déferler sur l'isthme de l'Iran, le pont de l'Asie
Mineure jusqu'au dôme de Sainte-Sophie6.

1 A MIQUEL, L 'islam rt 3a rl\'U1..tarion, Pari~ Armand Cohn. 1977. Livft 1 : '"L~,;~dc des ARbes CDe Mêorcnct 111 müiBl
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l A.A . et DOURI. Lrs ruc1nrs hi.~,-1uri11ui:.f JM <.'hu'••t1bu1JW. pp. 9 à 11 .:1 ~~

.l i:llc s'C'SC fid't' aux• sit<dc A l'cmbouchun:i Ju Syr Daria. A . MIQL=EL, L 'ulOM C'I s.i n1•il~ hns.. Al1-t Col:ID... 19TI,
pp. l~l · HU& ; J.P. ROUX. //uuurr 11.-s Turcc tVt·u.' ruiJI.· "'a.-.: Ju 1'.x- ~lit111.- ,; /IJ .\l.:.Jik,..,.onùJ. Puts.. f.yvd. 1991, cMp. Vt : •t.a
C'Ull\'Cn1on A l' 1slam1imc~ . Pfl 1:l1 - 15~

~ IOJV-1 0!>3. /km


S J J NOR.WIC:H. l/Î.Jlt•irt' 1lt· Hy -:oJn,·... J.flJ - /4 .~ .t . l';ir1:i;, Perrin. IWV : Lnd.. ~ (LIXlJfn.. \'*iQe, IVU, pmll' r....
unain.alc}. pp. 274·281 .
bR. OROUSSET. Bildntlt> /'lt~· toJrr&. Pvii1.. Ph>n, 19-16.
L.;i ~de Constantinople en 1453 était déjà possible à la fin du XI" !tiède l!t au
dfbut du XII• sikle. 0..-ux événements firent recu Ier la catastrophe :
- la division musulmane tout d'abord : le sultan scldjoukidc Malik châh mourut en
1092 ; ses demain~ furent partagèsl _ Cette division de l'Empire scldjouk1dc fut
augmmlée par le fait que l'Égypte était encore aux mains des hérétiques fahmidl.,,
L'Jslam de crtte époque n 'était donc p.:is un bloc politique uni ; bien au contrnire;
- la croisade ensuite qui fut justement rendue possible par la division musulman~ ­
~ Français - ou Francs - qui menèrent la croisade eurent l'intelligence de jouer
la division ethnique!. Ils savaient que les maitres de la Syrie musulmane étaient des
Tun:s sunnites, les Seldjoukides, tandis que les maîtres de l'Égypte étaient des Ara~
chiites, les Fatimides. Les Croisés choisirent de jouer l'alliance fatimide contre les
Seldjoukid~- Exactement comme Napoléon le ferait en 17983, ils s'allii>rent aux
Égyptiens contre les Twcs.
La croisade attaqua les Turcs à Antioche tandis que les Égyptiens reprirent
JBusalem aux Turcs. Une fois Antioche conquise et les Turcs battus, les Croisés se
moumèrent contre les Fatimides et leur reprirent la ville sainte, le 15 juillet 1099_
Avec ce succès de la première Croisade, l'Europe venait d'inaugurer une longue
politique d'utilisation des différences ethniques et nationales dans le monde
musulman. La France était au premier rang de cette politique; elle inaugurait une
longue politique arabe contre une politique califale sunnite et une politique
d'implantation littorale au Moyen-Orient plutôt que de conquête intérieure.
Quant à l'Europe, elle était encore à l'abri de l'islam pour trois siècles encore, et cela
gràœ au mouvement des Croisades. Ce faisant, elle put se consacrer à la construction
d'États modernes, ce qu'elle n'aurait pu faire dans un contexte de grandes invasions el
d'insécurité. Souvenons-nous que l'origine première de la féodalité, contre laquelle la
monarchie devrait ensuite lutter pour édifier des États rnodemes était l'insécurité née
des incul'sions sarrasines et vikings".
Carte 88 - La repré5entation du panisme arabiste: la nation arabe de l'Atlantique au
Golfe

2.3. Aperçu des grands groupes ethniques africains


L'Afrique est un continent noir, sauf en son Nord, au-delà du Sahara qui constitue
une cloison relativement étanche et qui s'impose conune la limite du monde noir, et en
son Sud où une Afrique blanche s'est constituée, enrichie par l'exploitation des mines
de diamants, d'or et par sa propre industrie.
L'Afrique noire est habitée par quatre grands groupes de populations noires - les
Mélano-Africains - : les deux groupes les plus importants sont les Bantous qui vivent
de l'Éthiopie à l'Afrique australe, et les Soudanais qui peuplent les régions allant de
Dakar à l'Éthiopie; ces deux groupes sont caractérisables par une assez forte unilo
culturelle et linguistique. Les Bantous sont originaires des Grands Lacs; ils se sont peu
mélangés aux populations venues du monde sémite ; les Soudanais en revanche se sont
beaucoup métissés avec les populations islamo-sérnites - Maures, Peuls berbères

1 Sa fib w pu1a1:rn1 la Perse, jC'\; nc:veu.1 1:1. Syrie - Ali:p et D11mn.• c:1 un L:Ull"ln rCgm: sur !'Anatolie t1m.1u(' : Il t1

J. SOUJUlfJ.. , DJcdrNJnolr~ Jrü,1()rl11uc tk l'islam. P.ians , P .U .f ., l 9'Jf1, a.rtu.: lc ''Sclc.Jj ouki.Jcs". llf'I 74'0-?4'.\ .
lfLOROUSSET, Hl.Jtolre da Ctv~, ~ . f'aris , Perrin , 1991 , 1 1 · /.'un11rd1h! mruulmunc• 1•1 la ""11111rd1h' frartl(IA.
(19)1)

JH L.AUJŒNS, LOpid111ond'Eup11l'. 17911~ /lllJ/ , Pitria. Annand Colm, J9K9.


4 P. GAXOTTE. •1..c1 NonnandJ• m Hlslr,I" tk., l ' r"nful:r , Pari5, Flummarion . 11JS 1. t . l, pp. 212 -214 : "Le ttilliit1m: 11tclc C'll
~le plu. 11t'Ooc de notR his101n: . Tuul cc qu' on O\'nll vu il Io d1ulc 1fo Home cl pcndnnl l'11y;u111c de~ MCrunn111cn1 flA
....-1 1roccan lppor1C' li f-"n.ncc un rnnemi rthu lcrrihlc c1u:ure (que le SUFTil!'linl. le Nnrmnnd,.
Cl>optln! 1. U.clan, l'cthnl.,, Io nation ri le lnTiloire Dl

islamisés, pasteurs qui se sédentarisent de plus en plus. Un troisième groupe est celui
des Pygmées qui sont "un reliquat arriéré, ensauvagé"l ; un quatrième est formé par les
petits groupes archaïques des Khoi-Khoi - Hottentots - et des San - Bushmen -
qui peuplent la bordure du désert de Kalahari.
A l'intérieur de ces groupes, les ethnies sont nombreuses et souvent antagonistes.
Madagascar constitue une singularité à placer hors de l'Afrique par la nature de 901\
peuplement. Sa population est formée de Noirs Bantous venus du continent proche, et
de tribus malaises venues de l'Est en plusieurs vagues. Ces deux groupes forts
dilférents ont connu un mélange, mais restent distincts du point de vue territorial : la
partie occidentale de l'ile est plutôt bantoue, l'orientale plutôt malaise2.
Carte 49 : L'Afrique des États
Carte 50: L'Afrique des ethnies

2.4. Le problème de l'inadéquation ethnie-nation avec les États


La grande majorité des conflits se situent là où la carte des États ne correspond pas
à celle des ethnies ou des nations. Nous avons choisi d'illustrer ce fait uniquement par
des cartes situant les peuples et les États, en Afrique, dans les Balkans, en Europe
centrale, en Asie centrale3.
Carte 49: L'Afrique des États
Carte 50 : L'Afrique des ethnies
Carte 51 : Peuples et États en Europe centrale
Carte 52: Peuples et États dans les Balkans
Carte 53 : L'Asie centrale : le monde iranien
Carte 54 : L'Asie centrale: le monde turc

l f . ORAUDl!L. Grllmmoin: ,J..-., < n•1hH1twm, rê\"d ., Po.ns. Flam11W1on. l993. ct'll . '"Champs'", p. 160.
2 Lll majorit~ tics lypcs i;croil méli!'s1.'c . Dans ce mClangc clhnique. lmlonés1en.s et A.hica.ms S1.,..jca1 dans la~ de 1 à
2, !"élément arncnln l'cmportom.
) "Le dko1.1pagc rio ti1 iquc de tuuh: t'AsiC' ccutrulc- n~ ""'rTC'sponJ p&."i • Io riftart11ioo de!. groupes, clhruqun.. l ' lnm d
l'A(1thanislo.n '§ofll cux -ml!mc!i Jcs f-:1nt~ inulli-L·1hn1qm.·s lu \èuns t11u11un 1.rEt11s -na1jon.,s sur Jcs. ~ C'hnlqucs. dans l"e.lf.-U.R..S.S.
ri1quc d't'llCTCCT sur lcu!"l' gnmpcs minori tni~s uu c!li:t ...r.tnr.iit:tmn ln\"CTSC"mc-nt. la sohdanœ clhn.iqUiC JllC'lll Jaaacr t C'CI Ê19b.
auaqucl1 11 faut pjouter ln Turquie. un moyen J 'ol·lînn pour în1cn·c-nir L'll As.1(' 1.:cntralC'.". U1 O . kOY. ·t.a IVnnation d\ua nuuvd
ttpacc 1tra11!:91quc en Asie centrale". in R..J.1rim&..~ '",.,,.,..,ffMa/~.~ ,., .11r m,:x i41uc'.'. l.R.I S .. Printcmps 19'9::, n°~. p. IJ6.
,,.~, Médi1~rrané~

Sao Torno! el Principe '

océan Atlantique
ocian lnditn

49. L'Afrique des États


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50. L'Afrique des ethnies


- Eolamcm
ulll.1IUml
Lmom
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Rima
Pol<NB

"ll<moads
H'"""°'s
U\r.lilumi
Tc:hàpa<s
Slovaques

,,,,, No,,t

51. Peuples et États en Europe caitnlc


Croarcs Slovènes
Serbes Bulgares
Monlc!lru!grins Tun.:s
Albanais Grecs
Bosniaques Mact:don5c:ns
Slovaques Allcmllflds
Russes et Ukrainien.~ Vllluques
Rounwm: Pomoks
Hongrois (hulga"3phoncs musulmans)

52. Peuples et États dan,, les Balkan..


Groupe irenien

Kurdes
Talcch"
Guilams

Lors
Brahoui>
l'lo;htouns
Hauns
Aimab
Group•:.~~nes

Bolou1da
Ouzbeks
KirJhjz.cs
Tadjib
. l7":0J
Tadjiks Aurres ~Arabes
du Pamir ci Pnnurii 53. l'Asie centrale: le monde inn.icn
Russie

Chine
Ku.a.khs
OuzbW
OWghoun
Rwes
Ukninicm
Allanands
KirJ)nZ<s
Tadjil<s

....
... K=k;iJp.Ju
Turtrno:ncs
c. Con!irns
T Taran

54. l'Asie cenrrale : le monde turc


!!.5. LR IU,jllltion rit• l'('lhnirismf". fnrlf'Ur ch· ronnit!ol tm Afriqm·
l\'m lrs l'unlf'('<•ns. l'Afri<lll<' ilhordt'c par I' Atlilntiqu" fut d'ilbord une route ver•
le.; ln<1l'S ; puis ,.n,. fut un" s111.:n..,.sion d'établissement d'lliers · cc furent, avant
l'ftl:l(llilil'n <ltlo:i<lt'e p.1r 1..s peupl,•s l'uropl'cns l!ux-m~mes. J., commerce des e'IC"laves qui
<'lln~isti.il t'n la venlt' pitr um• pnrtil' de l'Afrique noire d'une autre F'artie de l'Afrique
not"'. L'importance dl• la saignl'e opé~ pnr la traite européenne doit cependant être
nnnenk A ses jusres proportions l-Ommc nous le rappelle Bernard Luganl : elle fut
quanhl1tivemen1 fniblc nu regard dc la tr,1ite musulmane; elle fut ensuite négligeable
au re~rd de la de!mogn1phie .zlob11lc de 1' Afrique ; enfin, contrairement à ce que
l'historiographie m11rxiste pretend, ne compta en rien d'un point de vue économique
dam; la Rt'volution industril'll<' ••uropé(mne.
Oans la -.'(lndl' partie du XIX< siècle. la dynamique de colonisation soutenue par la
l°'Omf"'tition d'int<o~ts entre les nations européennes fit entrer les aventuriers, les
m~ionnain.-s, les mnrchands, les militaires puis les cadres d'administration à
l'ln~rieur du continent afncain. Qu'<'llc fut alors la réalité géopolitique à laquelle se
heurta le colonisateur? Celle d'une mosa'îque ethnique complexe, parfois organisée en
l'<'<.,é~ politiques structun'.les - royaumes, empires -, souvent livrée aux seules
logiques tribales et à l'anomie politique. Le contraire, en tout cas, d'un concert des États
équilibrés con1parable à celui qui existait en Europe: des constructions politiques
puissantes jouxtaient des déserts politiques, des ethnies dominantes voisinaient avec
deo!ô ethnies dominées; •"eS dernières vivaient dans l'insécurité permanente des razzias
opertts par les premières.
Deux grands tvpes de conmt caractérisaient la vie de l'Afrique selon la latitude où
l'on se plaçait.
Si le colonisateur faisait irruption dans des territoires qui avaient été atteint avant
lui, soit à partir de l'Afrique du Nord arabo-berbère par la poussée vers le Sud des
populations blanches islamisées, soit à partir des rives orientales de l'océan Indien par
la poussée de l'impérialisme omanais, il constatait un choc des races - populations
bLilnches arabophones et islamisées contre populations négroïdes animistes. La
pou9Sée la plus forte était celle de l'islam. Le colonisateur pouvait alors trouver sa
place rn s'opposant à la poussée musulmane, dominatrice et esclavagiste, aux côtés des
plus faibles. les Noirs. Dans cette situation, la colonisation européenne fut un frein
apporté à l'excès de puissance des populations nordistes et à leurs trafics d'esclaves
noirs. Au Haut Sénégal et au Niger par exemple, la France se heurta à des chefs
eschwagistes, Maures, Touaregs, Peuls, Arabes, tels Samory et Mahmadou-Lamine qui,
sous le prétexte de guerre sainte, cherchaient à préserver leurs trafics . Quant aux côtes
tanz.aniennes et à Zanzibar, si le sultanat s'y évapora si facilement dès l'arrivée des
Allemands et des Anglais, c'est que les populations noires comprirent l'intérêt d'une
nouvelle suprematie blanche qui allait les libérer de la pression esclavagiste arabe.
Si le colonisateur explorait des latitudes moins élevées, ou s'enfonçait dans
l'Afrique profonde, celle des Grands Lacs par exemple, où les Arabes n'avaient osé
s'aventurer, il découvrait une toute autre réalité géopolitique. Là encore, des
hierarchies de puissance existaient entre pouvoirs adverses, mais cette fois-ci
organisél!S sur des bases ethniques opposant les populations négroïdes.
Pour s'imposer. le colonisateur choisit, soit de confirmer une suprématie politique
lorsqu'il constatait un avantage clair en matière de développement politique d'une
rlhnie sur les autres, soit de renverser le rapport de force ou de l'annuler en fonction

1 Sur k .;c. dl: fnnpect r6cl di: la rn11& cacla't'Bg1atc en Afnquc nom: 11 LUGAN, Afriqu'-" l .'1/1.' itou.., ii l't•111fn1i1 . (laru.
......... 199'9. l'llMibcln 1996 ; Afrilfw_ lulan J#> la J;m/o,.iJullf1fl. Pari!6, rcrrin. 1q91, rttd11ion 1li'Jh • .·lr/u.~· /1 i ~111riy11• · ,/.,_, l'A.f,-,qllt'.
'*2.a~ 11//fOfjo,,,,.., Pari•. U Rocher. 2001
Qio('ttre 1. le dAn, l'l!thnie, la nation l!I '"territoire

des propres alliances ethniques qu'il avait contractées. Dans tous les cas, la stratégie
roloninle fut en priorité diplomatique et en demiei- rasort militaire, et ce parce que
l'éloignement du continent européen commandait l'économie des troupe. Les ..tfectifs
de la colonisation furent donc modestes face aux populations locales. Il fallut toujours
s'appuyer sur des alliances locales et des tTaités en bonne et due forme . Trop heuTeUSe9
de pouvoir échapper à la traite musulmane, nombre d'ethnies s'en remirent à l'alliance
européenne. Ainsi, sur la Gold Coast, les Anglais s'appuyèrent-ils sur les Fantis contre
les féroces Achantis; ainsi les Français libérèrent-ils nombre d'ethnies du Dahomey de
l'oppression d'un roi Glé-Glé. Ainsi le Français de Brazza donna+il à la France une
Afrique équatoriale, pour l'essentiel grâce à son habileté diplomatique consistant à
faire de la présence française un protectorat pour les populations locales.
Les mots de "pacification" et "protectorat" ne sont pas pure langue de bois inventée
par nos ancêtTes de la me République. Certes, l'idéologie des Lumières est passée par
là; mais ces mots ne sont pas l'unique reflet d'une phraséologie républicaine; ils
dêcrivent une réalité géopolitique : la pénétration des Européens éteignit le feu des
conflits esclavagistes, lutta contre le cannibalisme, et accorda sa protection à nombre de
populations dominées ; en cela, elle contribua à instaurer une paix dmable sur le
continent africain. La période de colonisation fut donc bien, tout à la fois protl!ctarat et
pocificationl. Les conflits ne disparurent pas totalement, mais ils furent de très môle
intensité : flambées ethniques ou tribales brutales rapidement éteintes par le
colonisateur. Arbitre, ce dernier avait intérêt au calme des zones administrées; il savait
ce calme précaire, et les divisions latentes, toujours promptes à réapparaftre ; ses
officiers des affaires indigènes s'attelaient à prévenir les éclatements... remarquons
d'ailleurs que ce que la France sut faire en Afrique noire durant l'ère coloniale, elle ne
sait plus le faire aujourd'hui dans les micro-territoires ethniques qu'elle a laissés
s'organiser sur son propre sol. ..
Durant la période coloniale, le génocide d'une ethnie par une autre était rendu
impossible. Par conséquent, jusqu'aux indépendances. les dommages humains furent
très limités dans cette partie de monde.
Alors que la colonisation fut une ère de glaciation des rivalités, force est de
constater que la décolonisation fut au contraire une ère de dégel des forces
antagonistes qui plongea l'Afrique dans un chaos meurtrier.
Aucun État d'Afrique noire n'est aujourd'hui entré dans une véritable ère de
stabilité géopolitique ; l'intensité des conflits est certes variable selon les théâtres
considérés, allant de simples querelles ethniques caractérisées par des poussées de
violence lim.itées, jusqu'à de véritables guerres génocidaires causant des dommages
humains considérables et pulvérisant les structures étatiques.
Une première série de conflits contemporains tTouve son origine dans la fracture
A&:ique blanche-Afrique noire causée par la traite islamo-arabe de populations noires
avec la complicité d'autres populations noires. Cette fracture se retrouve aujourd'hui
dans la géopolitique intérieure des États africains sub-sahariens situés grosso-modo
entre les latitudes 10° et 20° Nord, sous la forme d'une opposition raciale Blancs -
arabo-musulmans - contre Noirs et polarisée de façon Nord-Sud.
Le problème touareg qui agite les Etats du Mali et du Niger en est l'exemple
typique. L'affrontement intérieur entre des pouvoirs centraux noirs et des rébellions
louaregs se double d'une influence d'États extérieurs : l'action de la Libye en faveur des
populations blanches arabophones et musulmanes, au Mali, au Niger, mais surtout au
Tchad, s'inscrit dans la continuité de la poussee islamique de l'Afrique du Nord vers

1 On IJ\C'9Urc donc, faL-c au pmJs des f9il.o;. Clabh3 pilr k s h1 sturicns.. la pression Ji: l'iJéolOHic dr i. rqx:a~ dom KIDI
pnwmnicft de nomb~u.'11: iiou\·cmum,; en fNQCllrl. On M: ~,u,.· u:-n1 en cflè1 que. soumis i orne ~oa.. le 1......- • moisi *
mwncer CTI 200S •Kin objectif Je rr.. t 1 1 . . _ .... erHc·1.,:nt:n'M!nt i..."Qu1hbrt de a. Dllltlode dc 1a ce>klltt111bon..
l'inteneur de L.\iriquc noin•. la cuntn.~poussét• opposé~· pm· P'1ris à l'idét! d ' Élat.!1-Uni,
du Sahara !loutcnuc par Tripoli s'inscrit elle dans la continuilc de l'action colonial1:
lnlnQlisc Ct!Tte;, 1.. prohlèml• tounreg est u1w carte pcrm..,ttant à Paris de continuer a
s-r !'Ur Niamey et Bamako, mms, globalement. l'action françaisl' en AfriqU<·
occidl!l'ltak> n pour effet d'ao;.o;urer la pérennité des pouvoirs noirs face aux populatiuns
Maul"l!S, Peuls. Touarogs ...
La question touareg "u Niger et au Mali a des effets contaminants sur la
penphft'le · 1.. Mauritanie et le Burkina-Faso abritent des dizaines de milliers de
ttfugit!s touareg. donc les bases arrières de la ré bellion, ce qui dést"bilise leur propre
geopolitique inteneure et compliqut' les relations avec les États voisins . Les pertes
humaine; restent cependant linlitées compte tenu de la faiblesse des moyens militaires
engages et surtout des densités humaines en ieu ; rien à voir avec le nombre de mort~
du Liberia. du Sierra Leone ou des Grands Lacs.
Un au~ exemple typique de cette opposition raciale est donné par la guerre qui
oppose. au Soudan. il' régime central dt> Khartoum à une rébellion sudiste. Le Nord.
arabophone. totalement islamisé et contrôlé par un régime idéologiquement islamiste.
domine l'ensemble du pays et réprime les velléités sécessionnistes d'un Sud moins
peuplé. où cohabitent une multiplicité de populations négro-africaines - Dinka, Nuer.
Shillouk .. Rien qu'entre 1955 et 1972, la première guerre civile dans ce pays causa la
mort de 700 000 personnes. Qui pourrait soutenir sérieusement qu'en plusieurs siècles,
la traitt> esclavagiste, fui-elle musulmane et donc bien plus importante que la traile
européenne. fut plus meurtrière que la guerre civile du Soudan dont les pertes se
comptent aujourd'hui en plusieurs millions de morts ? Hier, le colonisateur, par une
présence politique et militaire explicite, stabilisait les tensions; jusqu ' au début de
années 2000, l'action de John Garang 1 et des Sudistes fut attisée par les appuis de
l'Ouganda, du Tchad. du Kenya, de l'Égypte, d'Israël et des États-Unis, de l'Arabie
Saoudite - laquelle déteste la concurrence islamique que lui fait le Soudan - tandis
que le régime de Khartoum pouvait compter sur l'Iran . Des stratégies d 'influence
extérieUJ1!5 qui amplifient les tensions locales ont succédé à une présence coloniale
directe qui calmait le jeu des forces intérieures. Et ceci n'es t pas seulement vrai pour le
Soudan. mais aussi pour la quasi-totalité des États africains secoués par l'instabilite
politique ou des guerres civiles. L'Ouganda a ainsi plongé dans la guerre civile entre
1967 et 1986 sous l'effet de l'antagonisme entre le Nord et le Sud, de part et d'autre du
cours du Nil et des marécages du lac Kyoaga . Les ethnies bantoues du Sud -
Bagandais. Banrankoles. Taros ... - dotées de structures politiques anciennes -
royaumes - constituèrent le point d 'appui du colonisateur britannique soucieux de
bloquer la progression des populations nilotiques, nilo-couchitiques animistes ou
musu.lmaitts du Nord. À l'indépendance, commença alors un mouvement de bascule
entre pouvoir du Sud et pouvoir du Nord. Le colonisateur n'était plus là pour
équilibrer la balance, tout au plus s 'achame-t-il aujourd'hui par son influence -
anglaise mais aussi américaine - à assurer au Sud la mainmise sur la pouvoir dont il
a besoin contre le Soudan islamiste, dangereux voisin du nord , mais aussi l'influence
françai&e dans les Grands Lacs et au Zaùe - la pouss ée tutsie des Grands Lacs qui a
déstabilisé Rwanda, Burundi puis Zaïre, est largement partie de l'appui ougandais el
anglCHiaXon.
Daru; les cas du Soudan, du Mali ou du Niger, l'opposition raciale es t renforcée de
l'opposition religieuse entre islam d 'une part, christianisme et animisme d'autre pari,
mais ce n'est pas toujours le cas. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des Maurilaniell5
sont musubnans. Pourtant la géopolitique intérieure de la Mauritanie est marquée par

1 Mln1 O... Mn aa:Ulcm d"hil11;oplCrc en 200S 11pn:.s ovo1r rnlhc le pou voir dl! Khunoum P•lllr y rm:111Jrc lu v 1i.:t·-prt•iJ.;n.::c
CNpttn.• 1. le clan. l'ethnh:?. Ja na1tinn el I~ territoire 2A1

~, même opposition entre populations de souche arabo-berbère et populations


nègTOîdes - les Toucouleurs, les Sarakolés. À plusieurs reprises, dans l'h:istoire de la
Maurimnie indépendante, et notamment en 1989, les Maures ont massacré les Noirs.
Au Sénégal, le pays est aussi largement musulman - moins tout de même que la
Mauritanie puisque nous sommes plus au Sud - et l'opposition raciale prime encore.
Réfléchissons un instant sur la place du facteur religieux. Une idée répandue
soutient que l'Afrique est ravagée par une guerre civilisationnelle, islam contre
christianisme. Cette idée n'est pas exacte : on confond la présence du fait religieux, son
rOle rnl!me dans certains conflits, avec sa responsabilité première.
Dons les États de la frange sub-saharienne, les tensions et conflits ne sont d'essence
religieuse mais bien raciale.
Dans certains cas - dans les États traversés par la ligne d'arrêt de l'islam - le fait
religieux vient renforcer l'opposition raciale: nous l'avons vu au Soudan, au Mali, au
Niger Cette logique prévaut aussi dans le cas du Nigeria : un clivage de nature
géographique et religieuse oppose un Nord musulman et politiquement dominant à un
Sud chrétien et animiste, et économiquement plus prospère ; trois grandes ethnies
s'affrontent, les Big-Three: Foulanis-Haoussas du Nord de confession musulmane,
Yorubas du Sud-Ouest, de diverses appartenances religieuses, Ibos du Sud-Est, en
grande partie christianisés. Ici encore agit l'héritage des razzias de la majorité
Haoussas-Peuls contre la minorité non musulmane Ibos. L'isl.anùsme contemporain.
qui, sous la forme de sectes, prolifère est la continuité "moderne" des dynamiques de
djihad des siècles passés et en même temps la poursuite de l'influence d'États arabo-
musulmans, ou musulmans non arabes comme l'Iran - avant l'Iran contemporain, les
Perses de Chiraz s'étaient répandus sur les côtes de l'Afrique orientale; la nouveauté
aujourd'hui, c'est l'influence iranienne en Afrique occidentale.
Dans d 'autres États, nul besoin de fracture religieuse : la guerre des races suffit à
enflammer la société.
Descendons maintenant en latitude, dans des États où cohabitent uniquement - ou
essentiellement - des ethnies noires. L'islam arabo-musulman n'est pas arrivé jusque
Là; pourtant, les conflits y font rage : au Llbéria, au Sierra Leone par exemple. Point de
guerre des races - au sens Blanc arabophone contre Noir bantous - , mais une guerre
des ethnies au sein de la race noire, qui s'inscrit dans des luttes multiséculai.res et dans
l'héritage de l'esclavagisme : certaines ethnies noires vendirent en effet d'autres ethnies
noires aux traites musulmane ou européenne. Arrêtons-nous sur les deux conflits
jumeaux du Libéria et du Sierra Leone, nés d'une même idée généreuse de l'Amérique:
ramener sur le continent noir les esclaves affranchis d 'Amérique du Nord et des
Caral:bes. Le Llbéria est la plus vieille république indépendante d'A&:ique, fondée en
1847 par le pouvoir d'une oligarchie américano-liberienne - settlcrs - sur des ethnies
autochtones - nntives. On comprend qu'il y a là une revanche de l'histoire: les
descendants des esclaves se retrouvent les maîtres. tandis que les descendants des
marchands d'esclaves noirs, se retrouvent dominés. L'Afrique américaine contre
l'Afrique autochtone, le tout s'enfonçant, à partir de 1980, dans l'une des guerres civiles
les plus sanglantes de l'Afrique - plus de 10 % des 3 millions d'habitants
disparaissent - lorsque les nntit•e~ renversent le pouvoir des ;etllt'Ts. Trois grandes
eÛUlies s'affrontent alors, Krahns, contre Manos et Gios. Et comme la carte des ethnies
chevauche en permanence les frontières étatiques, tout conflit éclatant dans un Etat, est
structurellement lié aux États voisins. D'où implication du Nigeria - pro-Doe - et de
la Côte d'ivoire - pro-Taylor. Ainsi, par exemple, le clivage liberien entre Krahns et
Gios se retrouve-t-il en Côt~· d'lvoirt' sous forn1e de rivalité latente entre les cousins
respectifs des Krahns et des Gios, à savoir les Guérès et les Dans. Et puis, comme si œla
ne suffisait pos, s 'ajoute le poids des intérèts de sociétés occidentales ou arabes
242

- libanllÎ!rS - qui, pour conserver ou améliorer leur position d'exploitation, sont


conduites à finanœr les chefs de guerre, contribuant ainsi, sur le long tcrmt-, a
l'alimentation du conflit. Cette situation n'existait pas durant la colonisation, qui
pretWt œrteos en compte les intérêts konomiques privés mais qui les régulait el I~
arbitrait au proftt d'une stabilité politique d'ensemble . Au Sierril Leone, l;i
problématique du conflit est similaire : héntage de l'esclavage entre ethnies noir<?S - le
f.utll'ux royaume esclavagiste temnè ;iu XVIII" siècle - . continuité des affrontements
pre-rolon1ilux entre celles-ci.
Ces guerres du Libéria et de la S1err01 Leone ont aussi un effet contaminant sur les
~phéries étatiques : la Guinée a sur son territoire 500 000 réfugiés venus du L1béna,
300(0) venus de Sierra Leone qui ajoutent encore à 101 complexité ethnique intrinsèque
de C'el Étal
La rivalité entre ethnies noires conditionne aussi la géopolitique intérieure de
nombreux autres Etats. Le Cameroun est fait d'une mosaïque comptant près de deux
Cl!l'lts groupes ethniques et tribaux et plus de cents langues vernaculaires. À cheval sur
l'Angola, le bîre - Congo démocratique aujourd'hui-, et le Congo, plane le
souvenir du puissant royaume ethnique des Kongos - royaume précolonial que les
Européens rencontrèrent à partir du XVI" siècle - , qui, additionné à bien d'autres
combmaisons ethniques et à des convoitises de ressources - richesses minières I"!
pétrolières - ruine l'équilibre de ces États. Et bien d'autres pays africains ayant accédé
à l'indêpendancesont tiraillés par leurs divisions ethniques.
Le fait géopolitique majeur de l'Afrique reste l'ethnie et ses sub-divisions - clans et
tribus. Bien sür, on ne peut réduire les conflits au seul facteur ethnique. Bien d'autres
déterminants agissent : ceux de la géographie physique lorsque l'on rencontre des
discontinuités, ou des enclaves territoriales - Casamance, bande de Caprivi . .. ; les
res-scun:es économiques, carburant du pouvoir - en Angola, pétrole pour un clan,
diamant pour l'autre; des divisions socio-économiques - citadins/ruraux ;
pastew5/agriculteurs; nomades/sédentaires ... ; le rôle des puissances extérieures qw
clientélisent les divisions internes des Étals africains ; le rôle des pouvoirs économiques
transnationaux - firmes multinationales. La résultante de ces facteurs, au premier
rang desquels l'inadéquation de la carte des ethnies et de celle des États, fait de
l'Afrique noire post<oloniale une région instable du fait même de ses données
~politique intrinsèques. Les conditions d'émergence d'un Bien commun national
su~eur aux divisions ethniques ne sont pas rassemblées. Dans ces conditions.
l'implantation de la démocratie ne pouvait qu'échouer et provoquer davantage de
conflits violents. En Afrique, la démocratie n'est souvent qu'un nouveau pouvoir
d'oppression ethnique, fondé, non plus sur les hiérarchies naturelles entre ethnies
héritées de l'histoire, mais sur la simple loi du nombre . Les partis étant ethniques - a
vernis idéologique-, le jeu parlementaire est en réalité le choc de stratégies ethniques
séculaires visant au contrôle solitaire de l'État.
On dit souvent que le Blancs ont construit des États ilUX frontières artificielles, des
États qui chevauchent la carte des ethnies; on ajoute que cela était prémédité dans le
seul but de pouvoir, après la décolonisation, continuer à diviser pour mieux régner. En
réalité, les constructions étatiques d'Afrique ont été pensées dans la cadre de la tutelle
coloniale, el non dans l'idée, qu'un jour, le colonisateur s'en irait : elles sont la
résultante des rapports de force el des compromis, d'une part entre les coloniau'
Français, Anglais, Belges, Allemands ... eux-mêmes, d'autre part entre le colonisateur cl
l'autochlone; elle sont donc le produit des équilibres de puissance du momenl.
Rappelons que, lors de l'arrivée des Européens, de puissants royaumes ou empires co-
existaient à cô~ de vides de puissance. Rappelons également que cert;iins Etats.
comme le Rwanda, sont des constructions étatiques très anciennes dont les contou~
O..pil~ I . Le clan, l'ethnie, la nation et le terntoiJY 243

n'ont rien d'artificiel et que le colonisateur, à peu de choses près, n'a fait que reprendre.
Avanl son effondrement des années 1990, on pouvait considérer le Rwanda comme un
véritable État-nation multiséculaire dont les deux priru:ipales composantes humaines,
les Tutsis et les Hutus, parlaient une méme langue et avaient la conscience d'appartenir
~une seule nation . Comme l'a montré Bernard Lugan dans son Histoire du Rwanda1, le
Rwanda est une création politique tutsie dans laquelle la vache - les Tutsis -
dominait la houe - les Hutus - et ceci, suivant des m~nismes de complémentarité
plus que d'opposition. La colonisation belge n'a pas créé d'État artificiel.
L'effondrement est récent : il date de l'arrivée des idées socialistes décidées a imposer
le triomphe du nombre, c'est-à-dire les 80 % d'Hutus sur les 20 % de Tutsis. Plus tard
vinrent les Américains qui agirent pour déséquilibrer l'influence francophone en jouant
la carte de la revanche des seigneurs tutsis. L'effondrement rwandais, est un curieux
mélange d'erreur de l'utopie démocratique de gauche et de realpolitik anglo-saxonne.
L'histoire fait avec Je matériau dont elle dispose. Au moment des indépendances, la
carte des constructions politiques était multi....thnique. On ne pouvait décréter, comme
par enchantement, une carte des États mono-ethnique, d'autant que les Européens ne
contrôlaient pas la nature des mouvements indépendantistes, lesquels, dans leur large
majorité, affirmaient la conservation des frontières mises en place par la colonisation.
D'ailleurs, cette carte était impossible à réaliser tant les inégalités de puissance entre les
États formés de la sorte auraient été criantes. Des milliers de petites ethnies se seraient
vues ravalées au rang de sous-principautés. La seule chance pour ces ethnies, au
contraire, était que des identités nationales se fassent par-dessus les grandes ethnies. D
esl donc absurde de parler de responsabilité de la colonisation sur les conflits
contemporains que connaît l'Afrique. La colonisation avait gelé les conflits inb:r-
africains, faisant chuter considérablement la mortalité des populations civiles, et ce
d'autant que, dans le même temps, elle répandait la médecine européenne. Force est de
constater que le bilan géopolitique de l'Afrique noire post-coloniale est, quant à lui.
catastrophlque : des millions de morts, en Angola, au Soudan, un génocide dans les
Grands Lacs - durant la seule année 1994, on estime que la population du Rwanda est
passée de 7,8 nùllions à 5,5 millions d 'habitants; la même année, selon l'O.N.U., Je
conflit angolais faisait plus de 1 000 morts par jour, des guerres civiles ab'oces au
Libéria, au Sierra Leone, et partout l'instabilité politique, les coups d'État, l'insécurité
alimentaire, le recul de l'hygiène, le développement des persécutions racistes contre les
Blancs au Zimbabwe, comme en Afrique du Sud. Les ex-États colonisateurs, lassés sans
doute du gâchis énorme, s'éloignent de l'Afrique noire; la France en particulier, parce
qu'elle ne rêve plus que d'Europe fédérale et toW'Tle le dos à sa vocation mondiale ;
mais aussi l'Angleterre qui ne dit mot face à la tyrannie de Mugabe. Et plus les ex-
colonisateurs s'éloignent, plus l'Afrique s'enfonce en continuant, aveugle. de jeter tous
les maux sur le dos des Blancs - méme le SIDA est taxé d'invention eurupéenne en
Afrique du Sud - , allant jusqu'à la révision complète de l'histoire : africano-centrisme,
négation du rôle déterminant de l'esclavagisme noir, exagération de l'importance
économique et démographique de la traite européenne ser\·ant à justifier des
demandes de compensations financières.
Carte 49 : L'Afrique des Etats
Carl" 50 : L'Afrique des ethni.-s
l'nrti" J . l'tnmrnt1•U dt'1 idmlrrh

3. Le roman national

Nombreux sont les groupes ethniques à la recherche de leurs liens généalogiques,


et qui chrn:henl à re-écrire leur "roman national" 1 _
t. rechen:he d'~tres obéit à trois objectifs principaux : la valorisation du groupe
national ; la mi.se à distance de groupes voisins et la volonté de s'en différencier ; la
l~timation de l'occupation d 'un territoire .

3.1. La valorisation du groupe par des ancêtres prestigieux


Pour n!mplacer le passé islamique prestigieux de l'Empire ottoman, le nationalisme
turc d'Atatftrlc2, taJc, eut n!COUrs à l'héritage des fameux Hittites de l'Antiquité.
En Iran. le pouvoir moderniste et lare des Pahlavis chercha à revenir plusieurs
mil1énaùe en arrière, à la période pre.chiite des Aryens. Lorsque les Ayatollah prirent
le pouvoir, ils détruisirent les efforts d'aryanisation de l'histoire et du passé perse
entrepris par la dynastie des Pahlavis, au profit de l'exaltation du chiisme iranien3.

3.2. La mise à distance de groupes voisins


et la volonté de s'en différencier
Les populations chrétiennes assyro-chaldéennes d 'Irak et d'Iran se présentent
souvent comme les descendants des fameux Assyriens de l'Antiquité4 , pour se
difftn!ncier des musulmans arabisés.
Certains milieux chrétiens maronites du Liban soutiennent qu 'ils descendent des
Pbéniciens5 et qu'ils ne sont donc pas arabes; une autre thèse apparue au XVII• siècle6
et aujourd'hui écartée est celle qui fait des maronites des descendants des Marda:lt1!S,
'peuple monlagnard d'origine iranienne - Mède ou Perse - installé vers le ive siècle
au Liban. pendant les guerres romano-parthes, converti au christianisme et célèbre
pour avoir fourni à Byzance des troupes redoutables qui, semant la terreur de
Jérusalem au nord de la Syrie, lui permirent de résister à l'invasion arabe"7. Cette mise
à distance de l'arabité permit de justifier un tropisme pro-occidental et anti-arabiste
durant la Gul!!TTr froide.
Les milieux ult:Ia-protestants d 'Irlande du Nord8 , pour se démarquer de l'Irlande
catholique, se réclament d'une origine non celte, les Cu tins, peuple pré-celtique venu
des régions de l'actuelle Écosse.
Les Szeklers de Transylvanie9 sont une population d 'origine turque mais
magy~. qui vit au nord de la Transylvanie roumaine. Ils accompagnèrent les

lf . lllUAL.la~""°'"..,...· PuU. Elhpsco.1995 . 192 p .


2R.MAlinAH, H-.dolaT...,W, Paris, P.U.f, 1952, 12 • p
J S. J\lOIA\'I. /td1PJn and Polu;c.s 111 Contrrrrpora')' lrCJ,, . Cl~rgy-Stutr H1:/u1ian.t "' thr P n ltlav1 PuJuJ. Albe.ny. Sun,.
-19!0 .
.& L. a k CHABltY. Po1iu4uc ~1 tw itt0rtt1.~s uu Pruchc>-Or1rnt. Porn.. M•1s onncu vc - Lnrusc , l 9K7 , p . 2 72
'lb .... JllM1AD1 atm-& IW Liban ~ 1vcmc1u . •u v mr si«lc •prCs J -C
•A. AHQUEJU.,..DUPERJitON . '"Migralion des Mudes - MordaHn - " i n M c•n u ,,rc•_,. J1· /' •f rfld r mll· tJ,.,, buaip11,,,., , ,
J,tllol.drra - Xlf'nL - . P•u. 17l'Jc1180H
7 L a A CHABRY, Pollti./MI t'f n1Urarit1.'J uu PnJt:l1~- 0f'if!nl , P :anli , Maili unncu\.c - l . ..;no1' c . 1'> K7.11 10.5
1 J LOŒS. L.a..iqw d'lrislovt ~I * c"iv1IUa111m i r lunJuw..•.r , P•ris . Ell1pse10 , 1C)IJ•J, 240 11·
9 J. ANCEL.. l 'Ell"Opt c~ntralr. P..U.. !kl1gravc. 19)6. 1. 1 M a n11t•I 1-:r o1i:rapltiq11'' Je l'"Ji1iq11~ ,.,,,.u~~nnc, '"hap \'Ill ·u
.....-Urpll.iquit. au dit LI lQ'ft nNnYmc·, Pl'· 199-229 .
Clwipllre 1 LL" clan~ l'ethnie, la nation el Je lerriloi.re 245

Hongrois dans cette rlogion et servaient de garde-frontière des cols transylvains. Ils
sont ass1mi1"5 aux Hongrois mais tiennent à s'en diomarquer en affirmant qu'ils
dl'SCend.,nt des tribus khazars qui ont refusé la conversion au judaîsme du roi Bulan au
Moyen-Age et quittlo les rlogions de )'actuelle Ukraine pour s'établir dans les Carpates.
'Cette micro-mythologie s'avère être valorisante pour ses diofenseurs, puisqu'elle
s'articule sur le thème religieux du refus du judaîsme dans une région, la Transylvanie,
qui a toujours étlo fortement marquloe par l'antisémitisme, tant des Hongrois que des
Romains" 1.
Carle 52: Peuples et États dans les Balkans
Carte 55 : Le conflit identitaire de Transylvanie
En Maclodoine, en 1945, Tito vouJut affaiblir le pan-serbisme en fédéralisant la
Yougoslavie et en crloanl une République flodérale de Macédoine2. À cet effet, il
entretint l'idée que les Macédoniens fonnaient un peuple à part, qui s'était très tôt
mélangé avec des populations pré-slaves, les Thraces.

3.3. La légitimation de l'occupation territoriale


Légitimer l'occupation d'un territoire, c'est tout simplement faire la démonstration
que l'on était là le premier ; en remontant le plus loin possible dans le temps, cette
volonté d'apporter la preuve que l'on était là le premier débouche sur ce que l'on peul
appeler un conflit d'antériorité. Le plus grave conflit d'antériorité de la planète est sans
doute celui lié à la création d'lsraëP qui déstabilise l'ensemble de la zone orientale et
admet des répercussions mondiales, tant du fait de l'importance stratégique d'Israi!l
aux yeux des États-Unis, que du fait de l'importance de la diaspora juive dans le
monde4. Palestiniens et Juifs se disputent une même terre qu'ils dominèrent à des
étapes différentes de l'histoire. Un observateur extérieur de bon sens estimerait qu'il
devrait y avoir sur ces terres une place équitable pour les deux peuples, mais la logique
sioniste autant que la rigidité islamiste ou nationaliste arabe refusent la possibilité d'un
compromis sur une cause qui leur paraît indivisible.
Au-delà de ce conflit proche-oriental qui est sans doute l'un des plus conflictuels de
la planète, il existe plusieurs autres conflits d'antériorité: l'affrontement, en
Transylvanie, des Roumains et des Hongrois à travers le mythe d'antériorité des
Daces5; l'affrontement entre Serbes et Albanais au Kosovo, à travers le mythe
d'antériorité des rllyriens 6 ; l'affrontement entre Azéris et Arméniens au Haut-
Karabakh à travers le mythe d'antériorité des Albans7 . Il est important de préciser que

l F THUAL, Le:r<uflflil:; iJ~nfllairr.s. Pans. Elhps~. 19115. p. ~4

l B. LORY. L'Europ.! hal~n1q111· J,· 1945 ci nrn.1oun·. Pans. Elhps.rs.. 19Wt


J Sur la ~tnHc du Foyer JUlf en rulC":!'tinc. la na1ss.11.1h:C' d'l~I ci lc-s dC\·rlupprmrob du conOît isnel~. \'oit
lllcttUl\'C'~I : N PICAUDOU, Lu 1/tiù' 'mi1' qui 1:hru"lu k Bru.,cllcs. C-oraplc..c. 1~2.
Mo_t'f"n·Or1t•nt_ 1914-19:.J,
H. LAURENS. U rrtrJu~dt!.'O 1·.u/b. U1luttt·1H•11~ 1'1 Pd/,•.'ftùrC" r.A· /.'Ut9 il l'iHr. Puu.. RC1ha1 Lafînnt, 19Q8 : L" GrunJJn1. Onrn1
an.tltc d rnuluà u111•mo1lun1Jl1·!;, Pori~. A.nnand Culin. 1QQ l .
4 CompU11l1\'ClTif:'ll uu~ papuhmons au s ein dc-squdks ils st fondent. IC"!ii. Juifs l(.1nt ~u' cnl partie des, diin poliliqua..
ml!duanques C'I lîn11ru.:11!:re.o; Leur m,·cuu ..:ul1un.·I C'l 1.."\."0nom1quc c:;.1 l'un d~ plu~ c:lc-\·1.."s Ju monJic La J•loiasic- uu la b.auM'
-- anllsim1u~mc -- quC" le!!> Juirs ont ru sus-.:itcr Jurun1 l'h1sh.Hn•. Ju IUit Je: leur 1mpon~ se>o.- ~o-- ...'\:'onomiqw:. c.tpliqur pow- UIJC'

lu];t pan IC'S pcrsicuhDll"" Jrumal1qu ...~ QUI les rn1p~r'C'nl li Je: 11(lntt>n:~ R'rns.c.~ C'l c:n Je m..>nlhR'U.'\ J'HYS
~, ANCEL, ·"""''··/ ~·'c1gm1•lriq11,· .k p.•/Jtiq1w 4'1JFP/h.'t''lt11·. rtlnli-. Dclognl\'1..". ]"1.l.t>. 1. 1 L"EMrv,...· ..·,·nrrvlr. pp :10-::?1~.

"ldctrt. ftl '~mi,1uitC suJs.111\ ..:'". r . :N7 .


7 j el /\ . SELLIER . :4tln.~ ,IC-.\' f"""{'lcs 11't Jric111 . .'1<11·1·11- f ,,. ,..,,,_ ( 'oul'cl.""o.'. .-f.iou· 1·t'ntralc- . Prin..~ La ~'l."ft'tt . I~.?;

(" MOURADIAN. l ~-fm1rni.-. p ...;,;_ r .tu:. lr.,)Q;'i et " ' Tmns1.·o\h: ;t..;i~" 111 l 'l:1.1t Jll ,,.,,_.. !IKKJ. Paris. la Dtccuvcnc. 1'99.
Ml· .'1t.-5QU : '"EUILi\ Cl n1111ons en Trunsc11m;as11..·" . in l'rr•NënH·.~ /lt•füil/IU'.• d .wdu&.1.l. Paris. LM. Documentation inançai.s.c. n°C? :
pour aucun dl' l"'l'$ trois mythes d'antériorité le débat historique n'est clos. Ll•s myth"'
peuwnt N:re histoire, comme ils peuvent êlre légcmfo.

Eu Tran.syh·anir.
Les Roumains soutiennent que la rt<gion n 'est pas vide lorsqu" les Hongroi~
arri\'ent en Transvh•anie au X• siède : des populations daces y auraient fusionné aVl'C
d~ Roumains. L'~n:héologie dispose de peu d 'élé ments pour tranc her le débat.

Au Haut-Karabakh
Les historiens azéris soutiennent la thèse suivante :
- le peuple des Azéris s'est formé par la fusion progressive d'un peuple du Caucase,
les Albans, et de tribus turcophones venues d'Asie centrale ;
- le Haut-Karab.,kh était inclus à l'époque dans l'espace politique des Albans qui
étaient des chrétiens monophysites ;
- le Haut-Karabakh était peuplé d'Albans qui ont été armé nis és de force . Les
Arméniens sont arrivés au XIX• siècle à la suite d'un accord entre le Shah de Perse et
l'empereur russe ;
-par suite, les Arméniens du Karabakh sont en fait des Albans ;
- ils ont donc les mêmes ancêtres que les Azéris, et sont en fait des Azéris qui
sïgnorent ;
- il en découle que le Karabakh est une terre azérie .
Les Arméniens contestent ces thèses azéries, faisant re marquer que l'on dispose de
peu d'éléments sur les Albans et que l'arménisation des Albans de l'Ouest n'est pa 5
démontrée. ns affirment de plus que les Albans avaient déjà été exterminés pas des
populations turkmènes lorsque les Arméniens sont arrivés.

SS. Le conflit identitaire de Transylvanie

IL BERTON· HOOGE. M.A. CRCJSNll:Jt d1r . Arm;niL'. A : l!rhuidji.m , <it>d r~ 1c. l'un I' J1 •., 11ul11Jt'1Jdw1n·.' · ri.m s. L"" 1Àl('umcnu111•n
frmça.ttc, 1996 , T. SWtETOCUOWSKI . R11.JJ1cJn· .-f~ rrhu1djw1 , New York , C. nlumhu.i lln1 vc o. 11r l"rc s )I. 1'>11.'i
(.1'ap11rr 1. Le d•n, l'l!thnlc, la nation et I~ territoire 247

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56. Le conflit identitaire du Haut-Karabakh

Au Kosovo
La thèse serbe soutient que la région du Kosovo1 fit partie intégrante de l'Empire
serbe au Moyen-Âge et fut le siège du pou\'oir politique et religieux de cette époque,
que l'albanisation s'est opérée récemment, à l'occasion de la grande migration serbe du
XVII• siècle qui a laissé des terres vides, rapidement peuplées par les Albanais venus
d'Albanie. En plus du départ des Serbes s'est ajoutée, bien sûr, une forte démographie
albanaise à l'époque contemporaine2.
Face à la thèse serbe, la thèse albanaise s'est forgée au XJXe siècle avec l'appw
d'historiens autrichiens; elle soutient que de !'Antiquité jusqu'au vue siècle, daœ
d'arrivée des Serbes dans la région, était installé au Kosovo le peuple des Illyriens ; que
les Albanais ont pour origine les Illyriens; que le Kosovo est donc, à quelques périodes
pres, historiquement albanais3.
Ce qw est certain c'est que le Kosovo est serbe depuis plus de mille ans, mais qu'il a
peu de chance de le reste du fait des réalités démographiques (voir notre partie
consacrée à l'importance du fait démographique) .

1 A. c tJ Sl:.LLU: R • ..ft/,,., Jn Jlt.'411 ' 11·• ,/'f.-111"/ '' ' 1. •1lr1tl..·. f~"'-"'-.1 . Pan s. L.i l>êülU\C'n.:-. l>Nl'i . p. lt--4
1F. 11n1AL . L,· ,k.~11 · J, · ,•.,..,.,,,,,,.., .. 11:11 1:<o . i:111p ... ~· .... 1•1<-11..t
J À OOIC'r que le-. Llcu.~ pn:nufrc s l\s:.:cn1,1ns nt• s1•111 111u11•ur.. r11:. prou.,,·c!oa pt1r IC'S h1!ilont·n:.. umt IC"S rft\SCigDtmftllS C'~
I~ lll~Tlnu. ~ni r.in:>
-•Adnoaiqw

57. Le conflit identitaire du Kosovo

4. Les uchronies
l'analyse du rapport entre l'identité et le territoire amène à la représentation que les
~uples se font du tenitoire. L'identité sacralise le territoire et le territoire sanctuarise
l'identité. Cette démarche est universelle; elle s'est généralisée au xxc siècle avec le
modèle d'État-nation véhiculé par le monde occidental. À des degrés divers et avec des
intensités variables, le besoin de territoire, la "libido territoriale"l, nourrie par
l'imagination identitaire, constitue l'une des bases de la géopolitique. Tout
géopoliticien doit donc s'attacher à cerner les représentations humaines nées des désirs
territoriaux.
Le géopoliticien François Thual distingue les utopies des u ch ronies2 . Les utopies
sont en dehors de la géopolitique; ce sont les idéologies, par définition détachées du
rapport au lopos, au lieu, à la géographie. On a vu qu'on pouvait opposer une lecture
idéologique des relations entre les communautés humaines à une lecture géopolitique
de ces relations. Les uchronies sont, au contraire, en dehors du temps et rivées à la
continuité historique qu'impose le terrain géogTaphique.

On distingue trois grands types d 'uchronie : les pilnismes; les grnndismes; I~


mythes de l'âge d'or .
L'étude des panismes nécessite au préalable l'analyse de k1 fonction g<"opolitiqu~ de
la langue et de la religion; nous avons donc choisi de ne pils traiter des panismcs dan.'
cette section, mais d'y consacrer un chapitre spécifique.

1 F. THUA1..W CVfl/1/u ukruiralra, Pans. ElhpM:"t. 1995.


2 DN.' ~ inttoduib par fnnçoii TlfUAL dan-. L'• ,/t:...,,. th• tf!rrllnir.-. 1~11ri" . Ell ips es . l 1J 11lJ
L1,.ipit~ 1. le dan. l'ethnie, la n.11ion «.·t le lcrrit01re 249

4.1. Lc11 grandir:imes


us grandismes sont les projelo; politiques de rassemblement de toutes les terres
qui, à un moment ou un ilUtre de l'histoire, ont appartenu a un peuple. Citons en
quelques exemples: Grande Serbie, Grande Grèce, Grande Albanie. Grande Bulgarie1,
Grand lsra!!l2.
Les grandismcs sont en dehors de la réalité du temps présent. Ce sont des
uchronies. Leur utopie n'est pas celle d'un avenir meilleur, mais celle de plusieurs
passés glorieux.
Lorsqu'en 1919, l'Italie revendiqua le littoral dalmate3, elle put s'appuyer sur
l'histoire, mais la démographie était à l'avantage des Slaves. Le projet italien était
extérieur à la réalité du temps ; il s'ancrait dans un passé révolu.
Les grandismes sont d'ailleurs souvent en contradiction avec les phénomènes de
mutations démographiques des territoires :

Aulrlch•
: .

\ , .,,
('-------'
....,
/
(
_....
'
Ho.p1c -.:n11tllc
liDUlacklaGtadc . . . . . . . . 1914
ma;ar;rir mq)'~
ronc '"'~ llllSJ~

58. La Grande Hongrie

1 A.'-'' J Sl:LLll:N • .-11/m ,/1·1 l''"''l'J,-, .r1-:",-,'f'•' .,.,,,,.,11,·. r..•..~ - l':in :-. l.J [À'ù>ll'-~'-'. 1-NS : 8 LORY . l '1:."urv~ bcl/i:A.uth/,..,._
JL li.JI~ .J m1.1jn11n . rouis, l: ll1rscs, J •)•)41
1 r l.:\C:O"l l: drr .. Ou-1wm11lf1 l· d,· .i:.1:1•/ '"''' ' "'4"··· l'.1n ~. fl.11111noir1l•ll. l 'N:t . an1~k ·1~tl"" t.>U •t::n:lZ br.sil" ll"i.-'ma1t\)fl
1cm1on11lc J' 1. r 1t 1-*
J I'. RENOLl\'IN , lliHPlf"•" .Ir-.\ ,.,·/,ir ù m .• """"'""""'"'~/t:.\", Pan ... lla..111.:llc, 1115~ . 1. VII L ..~ L"rLJL".\" ,1u .l..\'"' wn:l.t. /_ llt: '"''" u:
l.._!IJ. Il :?K-4-:!H~ .
i-<:

- - -
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__ .... 1 - ....... _ , - '

59. Le peuple albanais à cheval sur les États

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--~,-~~-~),_
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--•ll-u191J

- - • 191la,..-apre. 1911
.,,..,.. ....... . - ....... 1211-1241

60. La Grande Bulgarie


O..ptln! 1. Le den, l'rthnle, la nalion ct le lnrltoire

·En 1848, Bratislava, ex-Pressburg ou Pos:wny en hongrois, était une ville hongroise
en plein processus de slovaquisation, du fait de son développement économique; que
pouvaient les revendications hongroises face aux réalités démographiques qui
s'affirmaient 71
- En 1848, Prague2 était encore à prédominance allemande ; la ville se "tchéquisa"
rapld~ment ensuite, lors de son développement économique. Là encore, les
revendications allemandes entraient en décalage avec leur temps.
·Vilnius fut une ville polonaise avant d'étre "lituanlsée" dans son développement3.
Comme l'écrit François Thual, "dans le cas des grandismes, une foi.li l'objectif fixé
par rerérence à une période du passé, plus aucune analyse ne saurait perturber le bi~
fondé des ambitions territoriales ainsi définies, que ce soit la mutation démographique,
les réalités géographiques, l'insertion desdites régions dans d'autres cultures
politiques. Rien ne peut avoir prise sur la revendication, seule compte la rKomposition
li l'identique d'une époque plus ou moins fantasmtt par un groupe politique. Comme
dans le cas des panismes, les grandismes sont hermétiques à tout dialogue avec Je réel
Engoncés dans une schizophrénie historique, il5 ne peuvent que déboucher sur une
paranola de comportement qui justifie de telles récupérations et se revèle en général
agressive."4
Carte 58 : La Grande Hongrie
Carte 59 : Le peuple albanais à cheval sur les ~tais
Carte 60 : La Grande Bulgarie

4.2. Les mythes de l'âge d'or


Il y a des périodes de l'histoire qui fécondent particulièrement l'identité des
peuples ; leur splendeur est parfois telle, en comparaison de la situation présentl!, qae
certains peuples nourrissent la nostalgie du retour à l'âge d'or.
L'islamisme magnifie ainsi l'époque de la prédication de Mahomet, dite époque de
Médine et du premier islam, qu'il qualifie d'âge d'or islamique5.
Les partis hindouistes ultra-nationalistes de l'lnde6, regroupés sous le nom de
vague sahan, magnifient l'époque védique qui succéda à l'invasion aryenne de l'Inde, il
y a plusieurs millénaires. La restauration du système des castes, les mythes de la
pureté de la terre indienne, le rejet des autres religions - bouddhisme, islam,
christianisme - sont proclamés au nom du retour à l'hindouisme_ La volonté de retour
à l'âge d'or abrite souvent une volonté de purification : elle génère alors une violence
sans mesure - un piétinement - à l'encontre de tout ce qu'elle estime souillure de sa
propre identité idéelle.

1 J. ANCEL, .. L'Éuat aulnchicn'•, 1n E. PETlT. M . ALLAIN . A . GANEM Andft du .• HistoUT LJ~JJ. i/l..oTr ,._ psp d
él'tftlPlu . Paris, Lîbrwiric Aristide Qudlct.. 1913, l. VI : U~ nlvol1111o#u fWl10#HJla -
/ll41l-lllJP - . pp. 41..$9.
l IJ<M
l A. TIBAL. •t..a ~tav. balltqurs... i n E . PETIT, M . ALLAIN, A . GANEM d1r . Hi.~,.,;,.., l.11tivwr.rftll Il~ Jo 1'fl!U • . ,
ptttpln, Pau, Lib,.inc AMidc: Quillet. l'illl, t. VIII : /.'Eump~ t•r ntrulr -Ln
boa baJll!.'f, pp. :S2S-S41 .
4 f . THUAL u . ,,,de IUritaln·. r.ns. ~U î psc!". J 9 QC)
SO. ROY. L 'kh« tk l'/J lam poli11q11t'. Pano;. Le Seui l. 1992 ; M .S. A.L-ASHMAWY . L 'rSS-,,ù.w CSMW nn... Le
Oft.auveftcflll -mu. Paris. Le C eitt, l llMlJ
6 M.l! MARTY. R.S. APPLEUY . l-"u1"'°"'91ttulL.,_, Olfd tlH• Sluh'. R~ ,,_,l~s. EeoltOl'flo . ..d Mlllfatitw. Olicaeo G
l.ondon, ChiC910 Prest., 198 4, chur 11 : " thndu ft.mcllmenut..h s m amJ thc- 'Jmlenual slabihty orJndie•. pp. 2l~2:56 .
Parti~ 3. P~nuartt"IJC&! dn 1dmtilt!

S. Le problème de l'hétérogénéité identitaire

L'homogénéité identitaire suppose la continuité identitaire sur le territoire. Or, les


n11tionalismes modernes ont parfois eu tendance à considérer l'hétérogénéité ethnico-
nationale ou ethnic<>-n!ligieuse comme une menace et une atteinte à l'unité de !'Étal Si
l'on compl)re ainsi le modèle de la royauté française à celui de la république jacobine, il
convient de constater que le nationalisme du second est plus homogénéisateur que
celui du pn!mier1, la royauté tolérant mieux la différence régionale à condition que
celle<i ne se transfonni'lt pas en féodalité anti-royale. Il y a en effet un pas entre la
dkentralisation et le respect d'identités régionales et le séparatisme pur et simple. Le
lien existe; il n'est cependant pas systématique2.
Certains auteurs ont voulu montrer que l'empire, par essence multi-communautaire
et pluri~thnique, supportait mieux le phénomène rninoritaire3. Pourtant, aucun
empire dans l'histoire. de l'Empire romain à l'Empire austro-hongrois et plus près de
nous, l'Empire soviétique, n'a échappé à une crise violente des nationalités4. Au
contraire, le territoire impérial apparaît toujours comme étant une construction
purement artificielle, éphémère, et destinée à affronter, un jour ou l'autre, le réveil de5
nations. Alors que dans le cadre national, une minorité ne peut guère prétendre à une
autonomie absolue du politique, dans le cadre impérial, minorité signifie assez vite
nationalité puis émancipation.
Pour rétablir l'homogénéité et la parfaite continuité du territoire de l'État-nation, le5
formes exacerWes du nationalisme moderne peuvent aller jusqu'à mettre en œuVTe des
stratégies de 'purification ethnique", en procédant soit par extermination, soit par
expulsion - crises yougoslaves, relations gréco-turques de 1920, Sudètes de
Tchécoslovaquie en 1946. D'une marùère générale, ce type de crise dramatique se
produit lorsqu'une minorité tend démographiquement à se transfonner en une
majorité et à modifier ainsi lourdement le profil politique de la région considérée.

6. Ancienneté des haines ethniques :


Arabes, Grecs, Juifs et Perses

Les conflits observk dans le monde contemporain entre Arabes et Israéliens'.


l'alliance traditionnelle entre la Grèce et les pays arabistes, ou la complaisance6 de
l'lrm à l'égard d'lsrai!I, longtemps encore après la Révolution de 1979 (puisque

1 On p;iunait mftnt du~ que Je mtionalismc apparu il avec: la Révoluuon françousc _4, vanl <.· 'est un scn11men1 rwuno1 1quc qu 11r
f.... lm dllcbaDm1profond6 UD pay!io d une fid&!lilé 8 un roi .
2 O.. le eu dt Il Frutt 10uu:fo1s, Il Km.bic bien que les 5Cp111'11IÎ!'imcs hLLtoque, breton Cl co~c u1cnl JUU~ de 111 1oltnna
~dt rÊlal républicain i l'q.rd des cultures n:igionalcs
l Ci C.OAAt, L 'ElllVp&' t>I l'On~nf. Je la /Jaltanuatlun D la lihoniwtum. hi.\·fmrt• J'u,,.: mr1Jcn1UI l nurcmnpllt>, Pans. U
D6twwnc.. 1991. Oa '1 retrou\'c une: caui1nc no1ialyic d~ empires communautaires d on1 le s vertus pnc11iquc!'i sont orJlOSil!rn 4 lk!i
mai-ca .-1en1cnL. ldon cd auLaar, pu C't!'<nc;:c bclliqucujft.
4Y. PEJUUN . T BAUZOU , IK la Csfi U 1'1:."rnpirc · hi.flotrc dt• Rumt·. ruris. Flhpsçs, l'J~J7 , J Uf:HENCiER. C-4umc~
~ /llJ..191&, Paria. Amand Colin, 191M . Ccpe111.1an1 l'Empin: ou1111m-hunaro is e u t Io venu <le foin:- couislcr de rc111cs
- . . . fla Ull lppâilJ. ck pWuana. voistns. •llc:rnaml c:I russe. M. HEL LER . 111.ftuirt• J-.• /~ Ruufr 1.•t 1/~ smt ~mpir"· Paru.
- 1 9 9 7.
SN. PlCAUDOU. La Poleitlnlms, un sJ;cJr cl'hls111lrr , IJnntcllcs. Cumplc•c, l 1J 1'7 _

6 A CHAUPRADE, F THUAL, D1ctlonnolrf! J~ 1:,c!npa/mqm.' . 2• ~d , rnnlli . fllllpscs. 1"9 1J · nn1dc "Grttc" ; tire 'ptcmcrL&.
aa rmùlll mtrr: les onbodo1• 1R" ir:t le- m11on11ha1n. on1bca, G . MAT.lNëfF , L ..• C:11r11,•t ur111>1.-. n!c!c.I. Pari•, L11 T•blc Rron.k.
11171. La"""" Vcnrulloo. • -. 2l0 p
O..pllre 1. l.c!dan, l'ethnle, I• natton et le termon"

derrière la virulence du discours idéologique de la Révolution islamjque, lsral!I


soutenait Téhéran durant la guerre Irak-Iran), ne peuvent s'expliquer sans rechercher
leur origine dans les profondeurs de l'histoire ancterme.

6.1. Sources de l'alliance judéo-perse contre les Sémites arabes


Au vc siècle, l'Orient est marqué par l'affaiblissement du monde !lémitique, qu'il
soit suméro-babylonien, assyrien, phénicien ou égyptien. Ce sont les peuplades indo-
européennes, grecques ou perses, qui s'affirment et qui, du même coup, annoncent
l'essor de l'Occident en Méditerranée. Au sein ~me du monde sémite, un peuple va
cependant connaitre un destin singulier.
Après l'exode d'Égypte de 1250 av. J.-C., et la réunion vers 1200 des douze tnbus
autour de l'adoration d'un même Dieu, plusieurs royaumes juifs se succèdent jusque
ver.; 700 av. J.-C. En 722, avec la destruction de la Samarie par Sargon II et la
d~portalion de nombreux Juifs vers la Médie et la Mésopotamie, Israel devient une
province assyriennel . Le phénomène diasporique s'accentue avec les victoires de
Nabuchodonosor Il. En 587, la prise et la destruction de Jérusalem provoquent la
dispersion de l'ensemble des populations de Juda et d'lsrael. Mais à Babylone, les Juifs
se font. pour la plupart d'entre eux, les auxiliaires de la pénétration perse. Cyrus
permet aux Juifs de regagner Jérusalem dont ils avaient été chassés par les
Babyloniens2.
La restauration israélienne est rendue possible par la conquête du nouvel empire
babylonien par Cyrus II, la Palestine faisant alors partie du grand Empire perse.
Partout dans le monde sémite, futur monde arabe, on assiste à une alliance
géopolitique forte entre Perses et Juifs. Au ve siècle, la communauté juive
d'Eléphantine est ainsi la plus sûre alliée des Perses en Égypte.
La méfiance du monde arabe à l'égard des Juifs admet ainsi des soun:es bien
antérieures au conflit palestinien. L'émergence du peuple juif au sein du monde sémite
lient en effet à l'alliance de revers que les Juifs ont passée avec le monde perse au
détriment des Arabes.
Cependant, l' élimination du nationalisme arabe (effondrement de l'hak baathiste
en 2003 et victoire du Hamas en Palestine en 2005) a contribué à la radicalisation
id~logique de l'Iran à l'égard d'Is raël. Plus que jamais, l'Iran veut apparaître comme
un héraut de la cause de l'islam face à l'État sioniste. Or le pôle chiite se voit opposer la
concurrence forte du radicalisme islamique sunnite. Le double jeu avec lsrail!l n'a alors
plus lieu d'être. Il s'agit moins "d'équilibrer les Arabes par lsral!l" que de mobiliser
l'islam autour de l'Iran grâce à Israël. Dès lors, Israël devient réellement une cible pour
le régime de Téhéran.

6.2. Archéologie des "joutes" entre les Grecs. les Perses. les
Phéniciens. les Égyptiens et les Juifs
La révolte mésopotamienne contre les Perses se fait sentir presque dès Cyrus, sous
Darius - 521-486J. Les défaites perses face aux Grecs en 492 et 490 n 'ont fait
qu'amplifier les velléités nationales des Mésopotamiens face au joug per.;e. Une

1 W. tllLGEMANN. H. KJNDER, .'4tla.~ h U torlqm~ ( l>t> l'upparrt1on J.- /'~ .nv lt1 ~ d /'b? aloMiqw,I. Puis..~
~ 1997, JI. lJ, (U'ld. Ji: Atlas zur Wt"llge!tc hk htr. Deuucht"r Tasc henbuch Verlq. G .M.B.H. et Co. K.G. Mwatc:ll. 1964)_
1 /o.km.p . JJ .
1 ~ -C. AMOURETTI , .-. RUZE . L~ mondit- grn:- '"''"Ill(", P1.1ris, H•chene. IY90
insurrection à Bah~·lt>ne est scv~rement réprimée et Darius ne se fait guerc d'1llus10n
sur la solidit\' dl' son empire <'n Mésopotamie puisqu'il fonde une capitale impériale
loin de •'t:'llt><i. au cœur de l'Iran, dans une ville nouvelle nommée Persépolis 1
L'•lcho d•'S \•ictoii<>s gn.>cques st' traduit par la révolte "YMémati<jue de,
Mt!sopotamiens cxm~ la domination perse . Ainsi, lorsque Xerxès essuie les revers de
Salamine en 480 et de Plo tee en 479, on assiste au rétablissement de l'indépendance d~
Babyloniens. Au lcmle d'un lung si~gc, Babylone est cependant de nuuvcau domptœ.
En 430, le \'Oyageur grec Hérodote, en visite à Babylone, témoigne des riches~
fabuleusei: de la \'ill<!, mème dominée .
Au v~siècle, dans la guerre qui les oppose aux Perses, les Grecs trouvent des alliés
dans le monde proto-arabe - un monde qui épouse les contours du futur mondl'
arabe. Faœ à c-ette alliance, une tribu sémite qui était jusque-là restée à l'écart du
développement, de la richesse et de la puissance, saisit l'occasion de sa revanchl' <'n
devenant l'auxiliaire de l'impérialisme perse. En Égypte par exemple, la communaulé
jui\•e d'Éléphantine est l'alliée la plus sûre des Perses ; la communauté juive veille à
faire obstruction au retour de l'indépendance égyptienne2. Au contraire, en s'opposanl
à l'hégémonie perse. l'Égypte bénéficie de l'alliance avec les Grecs : la flotte égyptienne
peut ainsi compter sur la puissante flotte grecque pour combattre à ses côtés.
La renaissanœ de la puissance égyptienne pousse un n1oment les Grecs à se tourner
vers l'ennemi perse. mais la méfiance viscérale reprend bien vite le dessus et fait
échouer une allianœ contre-nature ; l'Égypte est sauvée vers 370 .
Pour les Phéniciens attachés à leur indépendance\ la conquête de Babylone par
Cyrus, en 539, ne fait que remplacer une hégémonie par une autre. La cité de Tyr qui
est épu~ suit d'abord Sidon dans son alliance avec les nouveaux maîtres du pays
dont les sentiments anti-helléniques peuvent, pense-t-elle, servir ses intérêts
commerciaux. Il y a en effet une importante rivalité économique entre Phéniciens et
G~ pour le contrôle commercial de la Méditerranée ; si Grecs et Perses s'affronlent
en mer Égée, il est établi que les Phéniciens sont gênés quant à eux par le commerce
grec en Méditerranée. Cependant, lorsqu'ils constatent que leur pui ssance maritime est
en perte de vitesse, les Phéniciens renversent leurs alliances. Certains dynastes des
cités phèniciennes cherchent à se rapprocher des Grecs, et ce d'autant que les Perses
font montre de faiblesse . Sidon se révolte en 351 contre Artaxerxès Ill, mais est détruite
par les Per.;es qui font périr ses habitants dans l'incendie de la ville.
Lorsque qu'Alexandre le Grand arrive en Phénicie, il est accueilli en libérateur. Cela
n'empëche pas le Macédonien de massacrer les Tyriens qui en d'autres temps - en
480 - avaient su mettre leur flotte à la disposition des Perses pour incendier Athènes.
Avec les Juifs, les Phéniciens sont les seuls Sémites à avoir joué l'alliance avec les
Prr.;es. Faut-il rapprocher cette exception antique de l'alliance des chiites du Sud du
Liban a\·ec l'Iran chiite"? Ou bien des réserves que le Liban a toujours affiché face au
nationalisme arabe et de sa volonté de mener une politique étrangère originale, à l'abn
des puissants voisins, qu'il s'agisse des voisins arabes ou juifs ?
Dès !'Antiquité, de solides constantes géopolitiques sont en place. L'alliance dl's
Mésopotamiens et des Grecs au temps des Guerres Médiques annonce l'alliance
contemporaine d 'Athènes avec le nationalisme arabe dans le but de contrer l'allianc~
turco-israélienne et l'innuence de l'Iran.

1 L OB.APORTE. ·w ucirn1, peuJllC's d'One!nt " cl Ci LI\ FLIZF . " l.;1 <irccc um.:u:nuc". 111 1: 1•F Il f. M ALL,\1\ .
A (jA.~EM dir., /fu101fY 1.:n;,·1•ru:J/r 11/u.flf'à• Jt:.f pu_r t _.t 1A•.1 Jlc.' llJll.:.1. 1'.1ns , l.1hra111c A11 stu.k C)1nlk1 , 1 ~1 1l . 1 1

l N. GRIMAL , HulOirr ik l'tKJpl&.' u11c1~nn1:, ..:hiari. XV. " Pcrxcs c' C..rcc:s"' . pp 4 72-4 H•J
J C BAURAJN , ç HONNET. U.-i 1-Ji~;n1c 1nu . m11ruu 1lt•1 rroi., · nmluu-111.,·. l 111 n s. Arnm111I ( 'uhn. t 1t 1J:! . ::!~t• ri
4 \* RICHARD. L 'i1lgm clt111•·. hm.. h'.filrd. 1991 .
7. Dynamiques d'expansion ethnique :
impérialisme et colonisation
L'impérialisme est la dynamique d'expansion territoriale d'une ethnie ou d'un
rusemblement de communautés ethniques à partir d'un État. La colonisation est la
dynamlque d'implantation sur les territoires nouvellement conquis et leur exploitation.
Impérialisme et colonialisme sont depuis toujours des ph~omènes indiallociables
de la vie des peuples. La recherche des ressources, eau, terrains de chasse, ou abris -
cavernes - poussa très tôt des groupes humains à s'emparer, au détriment d'autres
groupes humains, de territoires et à mettre ceux-ci en valeur à leur profiL
En premier lieu, nous verrons en quoi impérialisme et colonisation sont des
dynamiques essentiellement géopolitiques. Nous donnerons ensuite deux exemples de
dynamiques colonisatrices anciennes, bien antérieures à la colonisation européenne à
laquelle nous avons parfois coutume de résumer le phénomène de la colonisation: la
colonisation grecque de la Méditerranée antique ; les poussées impérialistes des
Barbares qui conduisirent à l'ébranlement de la pu rcmuma.

7 .1. Permanence du fait impérialiste et colonisateur


Le mancisme affirma que l'impérialisme et le colonialisme étaient le stade suprême
du capitalisme, comme le soutint aussi Lénine1 . Suivant ce raisonnement, les empires
d'~gypte, d'Assyrie, de Perse, ou de Rome2, la dynamique du Dnmg nach Ostrn, c'est--à-
dire la poussée des Teutons vers l'Est au détriment des Slaves3, la poussée des Vikings
vers l'Angleterre' et l'ouest de la France, l'expansion des Han en CJüne5, les conquêtes
insulaires des Japonais6, l'expansion arabe7, ou bien encore, plus près de nous.
l'impérialisme révolutionnaire français8 et l'Empire soviétique lui-même, étaient
d'essence capitalistique. ..
En réalité, les déterminants de l'impérialisme et de la colonisation sont tout
simplement l'avidité de richesse et la volonté de puissance, appuyées par la poussée
démographique ; ils sont aussi vieux que Je monde. L'impérialisme n'est ni one
invention du capitalisme, ni Wle invention de l'Occident. Quant au communisme, son
inefficacité productive était telle, qu'il ne pouvait qu'augmenter l'impérialisme. N'était-
il pas devenu indispensable de prendre ailleurs ce que l'on ne savait pas faire soi-
même 7
La force idéologique de la notion d'impérialisme est telle qu'elle débouche parfois
sur une confusion entre la domination et l'impérialisme, dynamique s'appuyant sur la
construction d'un empire dans le but de dominer l'immensité des territoires conquis.

1 LENINE. L"impblt1llmw• .ratk ,.,,,,r1_ dso e"l'llalW.... M......,... 1917.


2 J. GADRll!L·Ll!ROUX, Lo p,..mihv ellrililt1tlotu de lt1 Mrdi-.....h. Ill' o!d., Paris. P.U.F., 1983. Qao ..C..je?. o•J7.
J W lllLGEMANN, H. KINDER. Atlo.t ltutoriqow f~ l'apparittt>" de~,,,,. ltl ,_..à /'IN - . , e l . PWis. Pmm.
~. 1997. p. 141 . (ITDd. de Atlas zur Weltacschichte. Dcuts<hcrTaschcab..ctl Vcrlq. G .M.B.H. <1 Co. K.G. Mllllich. 1964i
~J. BOUNIOL. E. NOUVEL, "'L'Anale1....·.'" E. PETIT. M . ALLAIN. A . GANEM dir .• Histow UrtiwrM//e - .....
pt1pcrdu pdlpla. Paris. Libmiria Aristide Quille1 , 19IJ. t. Il : U Mv.vir~e. pp. 2J2-2l4.
SE. MESTRE. in E. PETIT, M . ALLAIN. A. GANEM dit. . Hist<>ll"<' U"1wrull• i/l,..,irtt '*- - et .... Jlft{lla. hril.
Lilniric AriJlldc Quillcl, l9ll. 1. l. : L'AnliquÎI" chinoise, pp. lll-171 .
6 W. lllLOEMANN, Il . KINDBR. Atlœ ltutonq"" (D. l'upporltllNI de ,._ _ ""' ltl , _ l i l"IN _.,.,.) . .e.L. Poril,
Parin. 1997, p. 173· 174. (trad. do Atlu zur Weltgcschichtc. Deu1scher TudlOltbuc:h von.. G .M.8.H. ot Co. K.G. Mlmi<h. l'IM~
7R. MANTitAN, L'UJldlUh»t rnu."'lman,-, Jlll'-XJir ,' Cik/r:, P•ris. P.U.F .• 1~9 .

IC. Pl!LLETAN. "Lo Ro!volulion" . in E. PETIT. M . ALLAIN. A GANEM dir., Hütow U"l-le l/hu_ . . _ . . , . .
,..,,i... Poril. Libnirio Ari1tidc Quillet, 191J. t. IV.
l'arlie J . Penr1onmc~ dn idmtiliie

Le États.-Unis Ju Jt!but du XXl~ siècle. première puissance du monde ne sont pa•


imp«i.iliste;, ils sont domtna.leurs : leur superpuissance leur permet de prl!tmdre
,....rœr sur le monde une influmœ prépondérante. dans le sens de leur intl!ri!t; le
Amêriralns ne sont donc pa.s plus impérialistes que ne l'étaient les Français du
Gnnd siècle qui ambitionnaient de conforter l'influence prépondérante de la France en
li~- Si les peuples européens décidaient d'opposer à la volonté de domination
mWriclline une volonté de domination égale en intensité, le faux problème de
l'im~ américain cesserait alors de se poser.
La colonisation européenne conduisit à l'exploitation économique des territoires
oa:upés au profit des Européens; elle fut aussi un réel apport civilisationnel au•
populations d'Afrique et d'Asie, notamment dans le domaine des infrastructures, de
l'éillOl.tion et de la santé. En 1900, l'Inde possède un réseau ferré trente-cinq fois plus
~u - soit 23 627 miles - que ne l'est celui de la Chine - 665 miles - , pourtant
resttt independitnte 1 • La France laisse aussi en Afrique les bienfaits de l'hygiène et de
la santé publiques et la pratique de l'administration étatique.
Li cvlonisation fut~e la catastrophe qui empêcha nombre de pays du Timi
Monde de se développer comme l'ont prétendu des historiens ? La réponse à cette
question est complexe : s'il est clair que l'Afrique souffrit de la saignée terrible de
l'esclavage, on peut trouver des exemples de pays qui connurent une période de
colonisltion dure comme la Corée et Taiwan dominées. exploitées et maltraitées par le
Japon. et qui néanmoins retrouvèrent rapidement le chemin de l'expansion
économique et du développement 2 . Il est difficile de penser qu'il existe un
dltenninisme fatal de la colonisation qui enracine dans le sous-développement. La
question qui mérite d'être posée est la suivante : les idéologies socialistes et utopiques
qui ont so~é à la décolonisation n'ont-elles pas une part de responsabilité plus
importante dans le retard économique des pays du Sud que le fait colonial?

7.2. La colonisation grecque de la Méditerranée des Anciens


Les civilisations orimtales, mésopotamienne. phénicienne et égyptienne occupent
le devant de la scène géopolitique jusqu'aux environs de la moitié du premier
millénaire avant Jésus-Otrist3. À ce moment, le monde grec commence à s'affirmer. Il
est de coutume de distinguer une civilisation crétoise et une civilisation mycénienne.
Pourtant. malgré un décalage chronologique. ces deux civilisations ont coexisté et se
sont affrontées. "L'une s'organisait autour de l'ile de Crète, l'autre avait son centre dans
le Péloponnèse, plus particulièrement en Argolide"~.

L'européisation du monde grec


Les civilisations de la mer Égée se forment entre 2500 et 1850 av . J.-C., période
considtrft comme l'époque primitive pré-hellénique. La seconde époque p~
helllnique qui s'étale de 1850 à 1600 est, quant à elle, marquée par l'invasion des tribus

l IŒJ.Jl. QJIOllJlll,.. ONI Tttltrrnl~cal Cltmcc. p. tiJJ.94, c11~ ruu D S LANDF.S , Richc\".1't' rt pu1wrrtr Jr.t 11121Ni1U

~ tlaridttU ' POMAfual iM3 pawru ~).Paris, Albin Michel. 191JH, 11r11du1t c1c The Wcnlth ond Povcrty of N•tions.. "-11y
- aft rida md IQrœ. IO poof).
2 M.R.. PEAmE. •JapmiicK Ania.des 1oward1 colofualitm, IN9!\· 194:-i". in Jr1fmfft!:u.· Colomul Enipin.•, Mye" and l'alflk.
19'4, w-e1Z7. Sur ces doMia Cl la cames pan1cuhha du d4!veloppcmcn1 en C"on!c cl 1\ Tatwon voir M.S. Al.AM.
~-Dec:a&mi.lllionand Growtb R.alm : ThCIDI')' and f..mpincal l:videncc", 1n <.:nmhndye J . of ~çon , IK. f'lp. 2l~·l'7 .
) J. CiABIUEL·LEROUX, /.a prrm1rrr1 dt11/Ut1l"11U d4! lcJ Mtlditrnunt!~. IOC' ~d • 1'on11, r .U. F., JIJM1 , c.ill ·0ue U""J(' "".
indo-européennes, les proto-Grecs, Ioniens et Éoliens - Achéens. Les petits groupes
qui ~ètrmt lentrment l'aire pré-hellénique se mélangent peu à peu avec la
population primitive méditerranéenne pour former une population pré-hellénique 1.
Du point de vue géopolitique, l'extension de l'aire pré-hellénique à l'Asie Mineme
- Milet - ' Milo et à la Crète se fait au xv~ !lü!cle av. J.-C. On relève alors des
ftlbllssements en Crète, à Rhodes et à Chypre2. Cette extension ne s'arrête pas là. Très
IOt le monde grec, que l'on peut considérer comme notre premier ~ occidental,
lait preuve d'un activisme géographique important. Les qualités expéditionnaires de la
thalassocratie minoenne sont vantées par l'historien Thucydide lm-mime. Dans la
tradition grecque du temps de Thucydide, le souvenir des Critois !lillannant la mer à
haute époque est vivace ; "Nous avons affaire à UN! civilisatiDn ouverte sm
l'extérieur''l. Aux XVIe et XV" siècles, les Crétois entretiennent des relations avec
l'Ouest. les îles Lipari et la Sicile ; ils envoient des ambassades en Égypte. La Crèœ est
un vmtable phare de la Méditerranée; elle n'est pas seule. Traie, Otypre et Santorin se
taillent également une renommée : "Les Crétois pratiquent un commerce mari~
important avec Cythère et les côtes du Péloponnèse, et plus loin, avec la Mésopc>tami2,
la Palestine el surtout l'Égypte."• L'effondrement définitif de la Crète se sitw! vers 1450
'vraisemblablement à la suite d'une invasion mycénienne"s. Mais dès 16Œ> av.J.~
après une nouvelle vague de conquérants indo-européens - les Achéens - , une
civilisation rivale s'était constituée en Argolide. La légende veut que Danaos qui
s'installa à Argos, ait eu pour descendants les Danéens, nom que Homère donnait aux
Grecs. La civilisation des Danéens, à la fois plus austère et plus guerrière que œlle des
Ctttois, s'organisa autour de la ville de Mycènes et, à partir de 1500, colllm!RÇll à
prospérer el se répandre dans le monde méditerranéen : Thessalie, Béotie, Attique, à
Pylos en Messenie, en Laconie. L'extension géopolitique se fit aussi en dehors de la
Grece. Les Achéens colonisèrent Rhodes, Chypre, les côtes de Syrie, de Phénicie et
d'Anatolie et, vers l'Ouest, parvinrent vraisemblablement jusqu'en Sicile et aux Iles
Llpari6. L'Iliade et L'Odyssée de Homère 7 nous fournissent de nombreuses informations
sur l'aire de colonisation mycénienne. La Tradition en atteste au moins par deux récits
l~daires.
- La légende de Jasons qui part à la conquête de la Toison d'Or avec les Argonautes.
Le héros s'empare de la Toison - symbole de la richesse lointaine - qui se trouve en
Colchide, à l'extrémité orientale de la mer Noire et après diverses aventures i.. rapporte
en Grèce. La légende souligne la fascination des Grecs pour les richesses orientales.
- La guerre de Troie: les motifs qu'en donnent les Anciens à la suite d'Homère sont
légendaires. Les Achéens auraient mené une expédition contre Troie pour reprendre
Hélène, épouse de Mélénas, enlevée par Pâris ; le siège de la ville aurait duré dix ans et
se serait terminé par la prise et l'incendie de la cité. L'épisode de la guerre de Troie est
riche en leçons à bien des égards. Tout d'abord, les causes de la guerre de Troie, qui est

1 M.C. AMOURETTl . f . RUZÉ. U ,,.,,.. ,:rT'C' an1"-J11~. Puis.. Hacbcnc.. 19'90. 3:?0 p.
2 W. HlLGEMANN. H. KINDER. .<tla.s ~is-- (CH /'appan""" Jr l'l•o•••- ·' "' la·~ a l''n . - . . 1. ré6ol... .......
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l M.C. AMOURETrl Cl F RUZÊ. L• _,nJ.t I<"«" an1iqw. Pans. Ha.:hcttc, 1990. p . )).

Holr... p. ll.
SO...\. et M. PAULIAT, Ci"t/Uu1;0,..,, ttl"f"C'q"~" 1"Umoi11e, Paris., Elhpscs.. 1997. p. 1.
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.hlG'~rtdnpnpla. hria. Libnnric Amn1dc Qu1l1~1. 191). t . 1., pp 40S· 52l.
l HOMÊR[!, /lladr. Pari•. L~ Belli:~ Lcrtft!l, l'ilJS C't Odys.~. hris.. Les Bellel Lcara.. 19)S.
RJ. DESAUTELS. Dlru.<" ..._,,,,.,,_, <k la G<ftv ""''-""· ~ . ......... cl< l"UN-..b! cl< La.al. !Ml : "La Ns-x lk
Juan ri ICI Arsanaut••. pp. 1R1~ l BJ.
l'"rtu• .1. l't>mrnn~nrr dr.11 idimtr1n

un.• n.'olhtt hist1"ri\jU<' t•t non "implement une épop~ légendaire, sont d 'ordre
gok>p<>htiqu...
Lo ll'I"~ de Troie trou•·e son origine dons la volonté d'expansion des Grecs au
nord Je l.i m"r E~. •-olonté qui se heurta aux Troyens lesquels leur interdis.aient
l'a.."l'è: à l'Helle;pont. L'on vit ollors la constitution d'une Ligue achéenne, dirigée par
ApDW'mnon. dédd°"" à attaquer une autre ligue formée des peuples vassaux d'Asie
Mi~ure alliés à Tn.,ie. La conqu~te de Troie vers 1180. confirmée par l'archéologie et
les îouil~ de Schliemann au XIX" siècle, allait donner naissance aux épopées
~riques . Ce iut sans doute le dernier haut fait des Achéens, car les historiens
!'ttuerll l'.lpo~ du monde mycénien entre 1400 <'t 1200; c'est durant cette période que
la thalassocratie myC\!nienne s'est épancht'e sur tout le pourtour méditerranéen .
le mondt? mMiterranéen connait aux XIII" et XII" siècles av. J.-C. une révolution
gt!opolitiqu" majeure 1. les cités mycéniennes sont frappées par une vague de
destruction. les caus..>s de ce bouleversenlent restent mal connues2.
Toujours t?St·il que l'on observe d'importants mouvements de population. Venus
des tegions danubiennes, les Doriens investissent l'espace grec. La Tradition présente
l'im·asion dorienne comme le retour des Héraclides. "Les descendants d'Héraclè
seraient revenus pour rentrer en possession de leur royaume dont Eurysthée, le roi de
Myœnes. les a•·aient spoliés" 3 . À côté de l'invasion dorienne, la Tradition parle d'autres
mouvem"'1ts de populations causés par l'irruption des Peuples de la Mer et qui agitent
l'aire mediterTanéenne en modifiant considérablement son profil démographique et
ethnique. Nombreux sont les témoignages en Égypte et en Palestine notamment. des
incur!<ions ,;olentes de ces Peuples de la Mer. Ainsi, une stèle du règne de
Mmerptahen - 1230 -. l'autre du règne de Ramsès !Il en 1191 énumèrent la liste des
populations qui auraient attaqué le delta . Elles mentionnent les Akamash parfois
identifiés avec les Achéens et les Peles ou Philistins qui s 'implantent en Palestine-!.
La venue des Peuples de la Mer ébranle l'ordre en place au point de provoquer la
chute de l'empire hittite. Toutefois les historiens continuent de s'interroger sur les
causes prédses de la révolution géopolitique des XJIJC et XIIe siècles. PlusielU';
h~-pothèses sont mises en avant, outre l'apparition brutale d'envahisseurs extérieurs.
Certains avancent la possibilité d'une crise intérieure économique du système-monde
méditerranéen provoquée par la chute des empires orientaux ; d'autres font reposer le
bouleversement de la géopolitique méditerranéenne sur une variation brutale des
conditions climatiques et sur de violents séismes conune l'éruption de Santorin.
La révolution géopolitique des XIIIe et XI" siècles provoque l'écroulement du
monde mycénien, et il est certain que l'irruption dorienne a joué un rôle majeur dans
œt effondiement5.
A cette époque, la densité de peuplement diminue et certaines régions se voient
désertées. On passe ainsi de trois cent vingt sites connus au Xlll" siècle à cent trente
pour Je XII• et quarante pour le XI•. Les régions les plus touchées sont la Laconie et La
Messénie ; en revanche dans les régions épargnées. des réfugiés apparaissent : en

t \1 C A~L'1lET11. F Rlizf.. IL rrtn"'Je grrc u"'"lu'-·· Poris , Hachcuc . Pons . 1990


1 Le x1r-.wc~ cSI ob!cv.t en~ Io s1C.:lcs obscurs Ses c111uutrophc:s en chaine soni· cllc:oi; companlbles a la chute de Rorm•
\fC" nâ;k ., Oa l'a ~ De \Dllll: (açoa.ovnn1 ces ataslrnphcs , c '~u11 la lum i ~rc depuis la mrr lonu~nnc Jusqu'à l'Ep"J"C' Cl•
f'l:IZ&': cà,i Procbc..()ncnl. A.~c:c le )(JI"' !.1Cclc . la nu1 l s'1ns1.allc
\.'Tl gro11 pour un <.lc1n1-m1llé n1un: /\uss1 bien. pu dr comparmœ
~ m1r1: Lt. ftn de Romi: qW n'aun n~ qu'un coup de hnchc cl ccuc obscunt~ mulu~ulatrc qui cn\ûu •out", im
f . &RALLIEL da- ÜJ MolitanJntt. L ~poce ~t l'hi.Jtnirr. Pans, flamm.onon. coll . '"(. hamps ", 198S, p 98 , t 1917 pour ta praMl1'
- )
J G.A. et M. PAULIAT. Cn·Uuu rlOIU gn:cque el romulnr, Pans. Ellipses. 1997, p. 1O.
4 N GIUMAL. Huk>Vf' J1 l'ig>pt~unc11!1t111!. Pana . Foyord, 191UI , Le L11.-rc Lie ruche .

j/-
Llllpll"' 1. Leclan. l'.,lhnl.,, la Mtion "' '" terrltnlre 2S9

Eul>tt à Chios, 1m Attique à Chypre ; la côte de l'Asie Mineure et d"" tle voit l'arrivée,
lffilt', de populations grecques après 1050. Les nouveaux arrivants fondent de centres.
Sparte nu voisinage d'Amyclées, Argos près de Mycènes, Thèbes près d'Orchomène, et
les Achéens se dispersent en Méditerranée. Béotiens et Thessaliens se dirigent vers la
côte Nord de l'Asie Mineure, tandis que les Ioniens 90Us la direction de Athéniens se
fixent en Eubée, dans les Cyclades el dans la région centrale de l'Asie Mineure
ultérieurement appelée Ionie. Enfin, certains Doriens émigrent : Théra Rhodes, la Crète
et les comptoirs du sud de l'Asie Mineure.
Inversement, si le XII" siècle est le siècle de la destruction de Troie et des palais
mycéniens, il est aussi le siècle de l'essor du Moyen Empire assyrien, des cités
phéniciennes el de l'émergence des Etrusques en ltaliel .
Cette période de mutations importantes est en fait marquée par l'européisation du
monde gréco--méditerranéen. La religion grecque se met d'ailleurs en place par
synthèse du fond méditerranéen - Déesse de la Fécondité et Déesse Mère - et des
Dieux indo--européens2.
Ainsi le monde grec émerge-t-il par l'Europe, sur les vestiges des civilisations
mycéniennes et crétoises. Méditerranéenne, la Grèce va apparaitre dès lors comme la
première civilisation européenne car sans l'Europe, la Grèce n'aurait pu s'affirmer face
aux civilisations orientales3_ C'est l'Europe qui fait entrer la Grèce dans l'âge de fer, aux
)(]•et xe siècles. De la même façon que la Grèce va s'imposer comme étant la première
ligure civilisationnelle de l'Europe, il est possible d'affirmer que la période de
grécisation de l'Orient qui s'ouvre marque également la première incursion de l'Europe
en Orient.

La Grèce trait d'union entre l'Orient et l'Occident


Si l'Europe colonise la Grèce, la Grèce va bientôt s'attacher à développer ses
colonies en Orient. "Entre le XJe et le 1xe siècles, des Grecs s'installèrent dans les iles qui
jouxtent la côte d 'Asie Mineure et sur la côte elle-même. Ils s 'y maintinrent
durablement et transformèrent le littoral et son arrière-pays en un monde grec ou
partiellement heUénisé"4 • Une civilisation grecque d'Orient voit le jour. À la fin de la
période archaïque, le tissu urbain dans l'Orient grec est étendu. Sur les côtes, on
compte une ville tous les quinze à vingt kilomètres "5 .
les Grecs d 'Orient se heurtent d'abord aux Cinunériens, un peuple d 'Eluope
centrale passé de Scythie en Asie et établi probablement au XII• siècle dans l'arrière
pays de la future Sinope, suc le littoral Sud du Pont-Euxin6 ; son territoire allait
jusqu'en Arménie ; les Cinunériens connurent une période de grande puissance dans la
deuxième moitié du VIIIe siècle, et s'attaquèrent sans succès aux Assyriens à la fin
du siècle. Au VII• siècle, les Grecs \•ivent sous la double menace des Lydiens et des
Cimmériens.

1 W HILGEMANN. lt Kl"NDER ..<trhu " i..{/U/"l'/IH' tO..· l"•'('f'CUIÛH1 1 J.• l'lu.>mm~ ~11r lu rotnv- ,j l'i-IY oltolft"(W' I . reCd., Paris..
........ 1997, p . 43
2 J OESAUTELS. D1•"1D.' .. , mytlt~s , /1.· lu Grin· on..· 1f"fl'1t... Quë~-. ~ ~ IUm'<tn'.H~ Lk LnAl.. l9tal. A . Cl f . ~
lai.qui' û'mto 1r' t l .~ c 11'11i.•1.Uion ,:n.-r:qt1•·-•·. F-.:an!'. f.lhl'~"S. 1~
l R GROUSSET , B i ltJn Ji.· /"h u ro m.' . l'Ano; . Ploln , l ~h
.a J -N. COAVISI E R. Lt-.t c;,.,.o ,; l'~f'lf""I"• " urc·lttJ r..,,,•• , P.:ari?!I. Elhps...."'!. l~ .

~M C A!\10 URFTTI . F Rll7.E: . L,· f9'11mlr' _cn·~ · •"''''lut·. Pari s. Uachcnc . 1~. • c ir la duunolug1c Jin pnnc tpalcs (~
colo1111lcs p. 71)...71 . J.N . {'O R\' IS lt:N. . L•'·' , ;,,.,-_, ,; 1·,;1 ... "110 · .1n.·h ul-1ur-. Panll.. 1:11•P'lo-"S. \~. ,•01r ln. ~ tabhs.scnx-nf 8fec:5 en (lnml,
r 170 En Onmt a~ . le• Jeu.' pnm: 1rau.x Eiru s M\.aux sont Samos et Milet.'""'-· p. l ~4-175 .
6HfROOOTE, /htw in.•.,·. ran s. Le~ lkollcs Lc t1rcs. l<IS 5 . ::?l.Mr . l. IV . 11 - 1~ .. pn:m~ eJi11,"1C1 1<.145
1...1 Gn.'\..,,. Jt' la Mt'..litcrr.int'c du VIII'' .rn VI" siècle ...st le trnit d'union entre Ori1mt et
Qo.iJ~nt . l...I \.·•uloniSi\lllll\ gn.~que crêc li.!s hases nécl.•ssain?S i.\ la naÎSti&lJ1Cl! J UJ1 1

s.•nhmenl Jt' ''"mmunilutt' lwllénique. En Ionie. Milet est la cité prédominant"


ptllillquen,ent cl culturellcnwnl ; ellc esl la metropole de quatre vingt il1x
ttabl1~mt'nts sur la mer Nom~ cl le gr.1nd centre de tr.ifîc pour l'Orient. Le~ caus•'S en
S<llll le Je\'<'lopp•m1enl Ju comm••n:e maritime el de l'•1rlisanal qui permct un
•1o.'\.-ruis.....:-nwnl dt' l,1 pc>pul.itiun•. L'exp.1nsion se fait d 'aillcurs autant en direcllon de
l'Orient qut• de l'01o...:idcnl. Campamc, Sicile, Italie méridionale. Caule mériiliunale
t-onsllluenl I~ premièr.>s r~gions dc colonisation grecque, tandis que la Mt'dilerran('C
oo:iilentall' t>SI domaine cdrthaginois - Cyrène et Naucratis sur la côte africaine sont
dl'S centn.>s commerciaux importants2.
l'~nonue de l.1 Méditerranée repose alors pour une 1.uge part sur le dynamisme
commt'n:ial dt.,. Gra-s. Les Gr.-.:s voyagent en quête de métaux . Dans le Pt'loponnèse,
le cap Malc!oe .,,;t nche en fer tandis que, au moins au VI•' siècle, !'Anatolie et la côte Sud
Ju Pont-Euxin fournissent l'Asie grc.:que. L'or et l'argent sont importés de Lydw, de
Th.isos et de Thra1o.-e, dt! l'Adriatique, d'Espagne et de Caule. L'ile de Siphnos est riche
t'n argent et Il' prou\'e en 525 en offrant à Delphes un trésor. Quant aux élt'ments
ronstitutili: du bronz... le cuivre et l'étain, ils sont aussi âprement recherchés par les
1o.-ommen;ants grecs. Chypre et Al Mina. !'Étrurie. l'Espagne et la Caule fournissent le
cuh•re, alors qu'il foui voyager plus loin à la recherche de l'étain. jusqu'en Cornouailles
surtout. qui en restt'ra longtemps le principal fournisseur . En Occident, les routes
terrestres restent jalonnées de trouvailles grecques ou imitées du grec et la fondation
de Marseille a peut-être pour origine la quête de ce métal.
L'econom1e du monde grec étend ses ran1ifications partout. Le commerce des
C'èrêal..s p.ir exemple se fait aussi bien en Grande Grèce qu 'en Sicile, en Égypte, ou au
Pont-Euxin, et les produits de luxe. les épices, les ivoires vont se chercher en Orient3.
u ci\•ilisation grecque se trouve donc imprégnée par l'Orient et les influences du
monde onental s'y font sentir à tous niveaux . Dès la première moitié du VIII" siècle, on
trouve ainsi de la céramique grecque à Chypre, en Syrie - Al Mina - , en Palestine, et
vers l'intérieur jusqu'à Hama ou Samarie. Vers 750 av . J.-C.. les artistes grecs
corinthiens et athéniens tentent d'imiter les motifs et les formes de l'art syrien4. Le
VII• siècle est le triomphe du style orientalisant et sur les décors figurent des cortèges
d'animaux, des représentations fantastiques . On y discerne l'influence des villes
phéniciennes et des pnncipaulés néo-hittites de la Syrie du Nord - apogée vers 750 -
ou encore de la région de !'Ourartou, située entre la Haute Mésopotamie et le Caucase,
el célèbre pour ses chaudrons et trépieds imités dans le monde grec. Par ailleurs, les
Grecs d'Asie s'organisent après 675 pour leur commerce déjà ancien avec l'Égypte.
Leur comptoir de Naucratis reçoit un statut définitif sous le pharaon Amasis, au
VJ• siècle.
u Grèce échange avec l'Orient et elle irradie l'Occident des trouvailles de so
ci\'ilisation brillante. Dans la seconde moitié du VIII" siècle. !'Étrurie dispose de vases
géométriques provenant de Corinthe et des Cyclades. La céramique de Corinthe l ' J
d'ailleurs dominer ensuite tout le Vll 0 siècle, alors même qu'elle se trouve confrontée à
la montée en puissance de la céramique étrusque. Ces productions ;itteindront ensuite
le monde celtique par Marseille et les comptoirs d'Adria et de Spina, au fond de lil m~r

1 \li' HILI.iEMA1'"1'ii. H KJNOER . Allœ hu1or1qu< rlJe J'appuruüm dL· l 'Jurmm.· "". Io Jt •rr.• ,, l'.·re· ''''""''lu•·J . P•n• . r('l'Tl fl.
ril!d.. 1'91 , p ~7 (tiwl. ~Allai Nr Wch1cw:h1chti:, Ocut.-v;hcr Tuschenbul."h VcrlaH (i .M B 11 cl l."o , K <i Munit..h , l'IMI

l/.... p. -46
J M.C AMOUtu.TTI, f . RL.:ZE , l.r mundc grc-t· ""'"l"t:· Pans. Huchcuc Sup~m: ur. 1") 111>. i.:ull "'lhscu1rc Un"·c~111:·. fi 77.
4 k . PAPAIOANNUU, Lacivi1Uu11un et l'url dr: Jü Gri-n· ""'-' Îl"mw. fluri'i , L1b MuLcnut, 1~72 , Livre tle l'ochc, IY~l
Chlplll'l' 1. Le rl•n, l'elhnlC!, la no lion el le 1""11otre 2.61

Adrlollque. En Gaule, comme en Espagne et en Conie, les Phocfens prennent le relais


Jes Rhodiens ou des ~trusques. Au VI• siècle, la plupart des importatiOJ111 provient
d'Asie Mineure. Une route de commerce directe existe certainement entre l'Orient et
l'Occident, par le détroit de Messine.
L'évolution économique et démographique provoque des changements politiques
1NjeUr51 . En effet, aux vue et VT• siècles, favorisés par l'usage de la monnaie, le
khanges commerciaux s'accroissent de manière importante. Les villes 9e développent
en proportion autant en Asie Mineure - Milet en Eubée, ~rétrie et Chalcis - qu'en
Gttce proprement dite, Mégare, Corinthe, ~gine et un peu plus tard Athènes. Les
classes pauvres augmentent numériquement, provoquant ainsi le renversement des
oligarclùes et des aristocraties au profit de la tyrannie qui constitue une alliance entn!
un roi-tyran et des humbles. Régime non répandu chez les lnd~Européens plutbt
tournés vers les régimes aristocratiques, "la tyrannie est née en Asie Mïneure"2. Elle a
pour but essentiel d 'abaisser l'aristocratie et de relever les plus humbles, suivant ta
m~me logique qui prévaudra dans la construction d 'une France capétienne moderne
alliant un roi à son peuple contre les intérêts féodaux. Les transformations
lconomiques et l'augmentation de la démographie amèneront les Grecs, durant
les siècles suivants, à se tourner vers des régimes de pouvoir de masse, démocratie et
tyrannie. L'exemple marquant est celui d'Athènes, ville fondée selon ta Tradition. au
X•siècle, par Thésée3. Monarchie à l'origine, la ville adopte un régime aristocratique
vers 750 avant d'évoluer vers la tyrannie - vers 561 se met en place la tyrannie des
Pisislralides, Pisistrate, Hipparque, Hippia.54. La période tyrannique a55ure la
prospt!rité et le développement. "Les Pisistratides eurent à cœur d'accroitre le prestige
de la cité : constructions publiques - dont le grand temple d'Athéna sur !'Acropole- ,
mk~at - naissance de la grande sculpture attique, édition des poèmes orphiques et
des poèmes homériques - exaltation des dieux divinités qui patronneront la religion
athmienne, Athéna et Dionysos."5 En 507, Oisthène ouvrira la voie à la démocratie et
dotera surtout la cité de "l'isonomie, égalité par la loi et devant la loi"6, mais il faudra
attendre le siècle de Pl!ridès pour qu 'Athènes entre dans la démocratie proprement
dite.
Si le monde grec est unifié économiquement et si l'on peut parler pour cette époque
d'économie-monde de la Méditerranée 7 , il n'en est cependant pas de même du point de
vue politique. Dès le Vlll• siècle, se sont installés dans le monde grec, des États au
~gime stable. À la royauté de règle dans la civilisation mycénienne a sucœdé
l'aristocratie, au sein de laquelle les fonctions publiques essentielles sont à la charge
d'un ou de plusieurs magistrats - prytanes, archontes, dikastai - élus par un Conseil
d'Andens, la Gérousia. À mille lieues de la conception orientale des empires
cosmopolites et pachydenniques, les cités-États grecques fournis.sent l'archétype du
futur État-nation moderne qui verra le jour en Europe, et dont la France founùt le
modèle le plus ancien . L'européisation du monde grec est donc non seulement
ethnique, elle est éminemment politique. Mais inversement. des reg;,mes comme la

1 M.C. AMOURElTJ, F RUZ(. L~ n w n ,lt· ~rn: anl1j/U(". Pans. Uacl'lc'nc;. 1990 ..l20 p.
l G.A. rt M. PAULIAT, 0 111/isa11uru grrC'f./W' .-1 ,..,....,,nw-. Pans. ElhpM"S. 1*7. p . 14.
l J. DESAUTELS, Di~1.u .-1 m.•·tlrr" Jr- /u G"rft·t· 11n1.· ~,.. . {Jt1c'M-. P'n=5sc5 dt: l'Unl'''C1311ê' de Laval. 1918.
... C'1 . l.A FLIZE. '"Histoire de la Gn!\:c and mnr· . 1n E. PETIT. M ALLAIN . A . GANEM -~du .. Hi:sloirT U,.;.,,,._,/Jr
illutrh ,lu paJ'!I i-1 di!.( pn'f'/r.'f, l-ari s . L1br.uric Aristide- Quillr1 . l Q 1J . 1. 1.• rP· -1 0~-5!..\
S OA . rt M. PAU LIAT, Cwifuo tw ru >ft"l.- r1111r rt n 11r'fClirw. Pans. fü hpea.. 1"97. r . lb.
6 1.Jrtm
7 f . BRAUDEL, W HIJit~rranh. L 'e.Jpt«l" ' ' l'lt isfoi""'· Paris, Fl•mmarioft. coll "'l.' hunpt.•. 191.S. 2.)0p. (19n pour '-a
pmntfft &Utionl
Pnrlie 3. /lcf1t1a11~nu dtt iûnlrllt

tyrannie viennent d 'Orient. li y a bien imprégnation profonde entre l'Orient et le


monde grec, du point de vue tant économique que politique.
RMé Grousset parle de miracle grec reposant sur l'héritage ou la préparation des
civilisations prt!-hl?llimiques de la Crète - apogée entre 2400 et 1400 -, la riche
civilisation mycénienne - 1600-1200 - et finalement, à travers le Moyen-âge dorien -
Xll"-Vlll•' siècle -, la "renaissance hellénique" du septième-sixième siècles 1 • Miracle,
car les quelques mille années de classicisme gréco-romain, sans compter nos propres
renaissances, nos propres classicismes, et finalement toute la civilisation occidentale,
toute la scienœ moderne, ont vécu sur les valeurs créées par l'hellénisme entre le début
des Guerres Médiques et l'établissement de l'hégémonie romaine - 480-200 av. j.-C.l
Mais en amont de cet héritage grec dans la civilisation occidentale, il y a l'héritage
oriental dans la civilisation grecque ; "Les Grecs eux-mêmes se sont plus à se
reconnaitre les élèves des vieilles cultures de l'Égypte et de la Mésopotamie. Qu'est-ce
qui les a distingués de leurs maitres ? Ceci que le génie grec représente dans tous les
domaine!< et pour la première fois, la libération de l'esprit humain . Des recettes
empiriques de l'Égypte et de Babylone, il a, dès les premiers philosophes iraniens,
dégilgé la science pure ; des antiques secrets transmis par les collèges sacerdotaux à des
fins toujours plus ou moins thaumaturgiques, il a fait sortir la spéculation
désin~.·3 Ainsi la Grèce apparait bien comme le trait d'union fondamental entre
les ci\-ilisations d'Orient et d'Occident.

7.3. Les poussées barbares sur Rome


Cest l'ethnie des Germains qui, dans ses différentes peuplad es, commence à
bousculer l'ordre romain en Occident!. Une aire de poussées impérialistes et
démographiques de l'Est vers l'Ouest s'ouvre alors sur le continent eurasiatique qui
balaie l'équilibre fragile que l'Empire romain s'était efforcé durant des siècles de
préserver.
c.ute 61 Les invasions barbares au V" siècle

La première poussée de l'Est vers l'Ouest de l'Europe : la germanité


Rome meurt de la lente germination de la germanité dans le fruit romain.
Apparus à la fin du Néolithlque parmi les peuplad es qui viennent de l'Est, et qui
relèvent de la civilisation des mégalithes, des gobelets à zones et à cordes, et des haches
de combat, les Germains font partie de la famille linguistique des Indo-Européens'. Le
peuplement originel est localisé au sud de la Scandinavie, du Danemark et du Sles\'ig.
Le nom de Germains est employé pour la première fois par Pos idonios - vers 90 av. J.-
C - et introduit dans la littérature romaine par l'empereur César. On trouve des
renseignements précieux sur les peuplades germaines dans l'Historin 11nh1rn/is de Pline
l'Ancien - mort en 79 apr. ).-C. - ainsi que dans la G em1n11in de Tacite - 98 apr. ).-
C. - et dans la Géographie de Ptolémée.

1 G. LA FLIZE. " H1~ft de la Cirttc anamnc•.. in E f'l!TIT . M . A L LAIN, A G ANEM dir .. Hm11 irr Unin:rI~ll.- illu rlrT'f'
tlio/J/llS''S" dt3pn1p/r.J , Puu. Libn.ane Amt1dc Qu illn. 1913 . l. 1.. pp 40S- 52 3
2 R.. ûROUSSET. Bilan Jur l'Huro,rr. Pans, Pion. 1946.
l ldno
4 J. BO L'NIOL '"Ln tn\.UIOM barbaro", in E PETIT , M ALLAIN , A . GAN EM J i r . //i~ tnir1 · U n i\ ·r.r,Ttlr 11111.fl,..;,. ,Jr, fV\ 1
~tda pnpio. Pmu. Librairie An1t1de QuillcL, 1911. 1. I l . La G aule Romu1nc , l"I"' J J-45
S Nouvelle Êc:ob:. '"La lndo-.E.un:rpêrns" . 1~7 . n• 49 . J 8 . DUROSELLE . J_'Europ r. J,;.~ wlrr d i• .lfc•.t l"'"P'~ ' . r.ri\.. rcml\.
19'0, ed. Hllehfttc Plurit:I, p. 4K-50.
Trois groupes de Germains sont généralement à distinguer1 ;
- les Germains du Nord, tribus demeurées en Scandinavie;
- les Germains de l'Est, proches des précédents et qui ~igrent de Scandinavie dan11
la ~on à l'est de )'Elbe - Vandales, Burgondes, Goths, Ruges;
- les Germains de l'Ouest - Rhin Weser et Elbe - répartis par Pline en trois
groupes, non pas ethniques, mais civilisationnels : lngaevones - mer du Nord-,
1st1evones - Rhin - , Henniones - à l'intérieur des terres, qui tireraient leurs nolll5
de trois fils de Mannus. C'est à ces groupes qu'appartiennent les Chérusques, les
Ubiens, les Bataves, les Chattes, les Fraru:s, les Chauques, les Frisons, les Saxons, la
Suèves, les Sernnons, les Hennondures, les Lombards, les Marcomans, les Quades, etc.

Pour René Grousset2, le suicide de Rome trouve incontestablement ses origines


dans la germanisation de l'Empire ; "Il y a pis que Je Barbare aux portes de la cité" écrit-
iL 'c'est le barbare dans la cité. Pour lutter contre la dépopulation dei; campagnes et
assurer des bras à l'agriculture, l'Empire avait en effet dû établir en masse comme
colons dans toutes les provinces frontières, en Gaule, en Wyrie, en Mésie, des bandes
entières d'immigrants ou de prisonniers germains. La Rhénanie, les régions
danubiennes en étaient saturées. Cette pénétration pacifique atteignait les marches du
trône ; les chefs de l'armée romaine étaient des Vandales ou des Francs. La grande
invasion de 406 ne fera qu'accélérer le mouvement.''3 L'Empire est donc germanisé bien
avant son écroulement sous l'effet de la ruée des Germains.
Très tôt, les Germains exercent de fortes pressions sur la frontière Rhin-Danube de
l'Empire. Entre 230 et 200 av. J.-C., Bastarnes - peuple qui s 'étendait, au ne siècle, de la
haute Vistule au bas Danube - et Skires marchent vers la mer Noire. En 102 av. J.-C., à
Aix. et un an plus tard à Verceil, le général romain Marius - 15lH:l6 -, oncle par
alliance de Jules César et chef du parti populaire, arrête Teutons et Ombres. En 58
av. J...C., c'est au tour de César de vaincre les Suèves d'Arioviste.
Auguste enregistre de beaux succès contre les Germains mais ceux-ci sont ruinés
par le désastre de l'an 9 apr. J.-C. lorsque Varns, général de l'empereur Auguste, est
attiré par Arminius, chef des Germains, dans une embuscade oû il périt avec trois
ltgions.
Les Romains n'avaient pas éprouvé un tel revers depuis la défaite de Crassus par
les Parthes. Malgré la terrible défaite de Varus, les Romains parviennent. au I"" siècle, à
contenir les Germains et à consolider le limes par la conquêt.. de nouveaux œrritoires
entre le Danube et le Haut-Rhln4.
Mais au ne siècle, la pression germaine se fait à nouveau sentir. Les Mart:omans
passent à l'attaque entre 166 et 180, les Chattes en 171, les Alamans à partir de 213, les
Goths de 236 - depuis le début du 1er siècle, les Goths5 sont installés à l'embouchure
de la Vistule; au ne siècle, ils émigrent vers le Sud-Est et se cÜ\'Ïsent en Wisigoths ou
Goths de l'Ouest, et en Ostrogoths ou Goths de l'Est - et les Francs de '157. Le limes
rhétien et le Haut Rhin sont abandonnés par les Romains en 260 tandis que les
AlaDWlS progressent sur le Rhln. Après l'abandon de la province de Dacie en 270, les
Goths attaquent la frontière danubienne. Face à ces reculs de plus en plus marqués, les
Romains sont contraints de trouver des alliés. Au rve siècle, ils établissent les Germains

1 W HILGEMANN, H. KJNDER. A1/ru hi.J.tur11/Mt> rO..· /'opptJririon ,,J.. l'hi.Hrt9k .~lu 1.rm· .z l'~rr ~Jy rm:t.. ~
-..1997. r . 105.
:? R. GROUSSET. Bilan n11 · l'His1cm·t>. Pari!'i. Ph1n. l ~fi
)/-
• ,. PERJUN. T HAUZOU. D1· Je1 citr" l't:n1p1ri-. Paris. Elhpscs.. Puis. •997 . M. LE GLAY, Ro.w. G,...._.~--.. f,,

fiJufbJ"fW.Pans, Perrin. lfll'IQ, Cllll "H1SIL'll"C' Cl d1.~•Ûenc~ "


SJ.8. DUROSELLE. L 'ENr'T>pe. IU.r1e1irf' ck -~t",\'.J~"J'h""· Pan$. PC1'rio_ 1990. ôd. Hacheur PluriC'I. o . 111-l IQ
Part•~ J Pm1Ja11tnt't dt:t 1Jmlillt

•'1mme alliè\ ~ur ll-s frontières et IC'ur v"'rsent une solde annuelle pour la défen!IC de
-~11,-;1 ,
En J7S. ll-s grandC'S invasions marquent le début de l'effondrement de l'Empire
rom;iinl. les Wisigoths, pourtant étal:>hs par traité dans l'Empire, se soulèvent en 376,
sov.s le ~me de V.llenœ - 375-378. Écrasé par les Goths à la bataille d'Andrinople,
Valenœ nwurt en 378·'.
La dire.:hon bképhale de l'Empir<' romain, d'Orient et d 'Occident, s'affirme de plus
en plus ; pour l'heure cependant, il n'existe encore qu'un cmpen~ur, doublé d'un co-
empereur. Mais l'heure approche du sacre de deux empereurs héritier.; de Rome, l'un
héritant de l'Orient, l'autre de l'Occident. En 379, Théodose l"• est nommé cc-empereur
pour l'Orient p.ir Gratien. Il établit les Ostrogoths en Pannonie et les Wisigoths m
Mac'édoine en 38?1.
En 380, par l'êdit de ThesSillonique, l'arianisme est interdit en Orient et, !IOus
l'influence d'Athanase, le catholicisme devient religion d'État.
La di\'1sion bipolaire de l'Empire romain est consacrée après la mort de Théodose le
Grand - 394-395. L'Empire se scinde en deux, divisé entTe les deux fils : Arcadius
dev'if'nt ~mpereur d'Orient, Honorius d 'Occident. C'est la fin de l'unité impériale ;
l'Empire d'Orient suit dl$ormais sa propre route, tandis que celui d'Occident entame
son declin, après un exil de quatre vingt ans à Ravenne - établissement de l'Empire
d'Occident à Ravenne en 404.
&>us Alaric, qui prend le titre de roi, les Wisigoths cherchent de nouveaux
teniloires; après une expédition de pillage à travers les Balkans et le Péloponnèse,
Alaric de\'lenl magi~tcr milih1m pcr 11/yricum. En 401-402, les Wisigoths mènent une
expédition en Italie. Alaric est battu par Stilicon à Pollenza - 402 - et Vérone
- 403 - , il assiège Rome après la mort de son vainqueur en 408, et pille Rome en 410.
Alaric passe ensuite en Afrique et meurt à Cosenza en Italie du Sud5.
En 410-415. Athaulf, beau-fTère et successeur d'Alaric épouse la demi-sœur
d'Honorius, Galla Placidia, sa prisonnière. Après sa mort, son frère Wallia fonde le
ro~·aume toulousain des Wisigoths.
En 476, Odoacre dépose Romulus Augustulus, le dernier empereur romain
d'Occidenl Ainsi, de 375, date à laquelle la pression des Huns à l'Est provoque le
début des poussées germaniques vers l'intérieur de l'Empire romain, jusqu'à 568 avec
l'établissement des Lombards d'Italie, les Germains orientaux auront été les acteurs df'S
grandes migrations européennes et les responsables de la chute de Rome6.
Des royaumes germaniques remplacent désormais l'Empire d 'Occident.

1 J BOL"SlOl. ·les 1n.,.as1oru. barbaus", 1n E rETIT. M ALLAIN , A. G,\Nl :M J1r . //1dm ra• L.ùm ·1·r.H· ll~ 11/uJtrt.' I' ikJ /"1)'
rrli::Jpt"MPICJ , hru, L1MirieAnn1clcQu11lc1 , l913 , 1 Il l.11Gr111le/lomuo r. ', pp .n~s
! J 8 DUROSEUE . L 'E11w~. lti1to•rr J1· .rn pn1ple.t , ftans. Pcmn . 1990, CJ . ll .1chc uc Pl und. p 1i 7- 1~-'
) 'r'. PEJUU~ . T 8Al.iZOU. lk lu Cite' iJ l'l::nrp,rc-, rJn \ , l!lhrscs, 1~97 , 44H p
.,....
' \\' HLL(iEMA~~ - .. KIN DER. Allû'f hutoriyut.' rD 1• /'r1ppu ritm n d t• 1'11111nm1· w r /, t ln n · ,; l'i-r i• rllrmitqurl , rttJ .. l'uu.
Pann..1997. p 111-11 2.
6J BOL~JOL . '" La 1a v ~lUMbArilun '" . in [ PETIT. M ALLAIN, A GANEM Jir, //;.~t111t''' lJm,"Crr,•/I,· 1 1/wtri-c-Jit.J~,
ndo ,,.,a. Pam , Libmnc Ati.ludc Qu11lc1. 191l, 1. Il . . /.a üault.• Nonrnuw. pp . JJ-45
Clwpll~ t . Le clan.. l'ethnie,. la nation et Ir lcnitoire 265

La deuxième poussée de l'Est vers l'Ouest de l'Europe:


l'Eurm1ie ou la première géopolitique des 11teppes
L'Eurasie septentrionale est couverte de peuples de cavaliers 1. De l'Europe de l'Est
- Pologne - à l'Asie orientale - mer jaune - , les steppes herbeuses 90nt l'habitat de
pcupl<?S de cavaliers dont l'économie est dominée par la propriété collective des
troupeaux . Ce ne sont ni le sang, ni le sol, mais les intérêts communs qui transforment
ces familles dont le centre est le pater familias, en communautés puis en tribus et en
hordes. Ces cavaliers nomades ont tous la même civilisation et les mêmes conceptions
de vie. Les peuples sont dominants, bons organisateurs, capables de dresser des plans
à échéance lointaine et de former des États mondiaux sur une base fédérative. Tout
ennemi vaincu devient un ami - il n'existe aucun préjugé racial - dès lors qu'il
s'identifie aux intérêts de la horde2.
Ces peuples sont habités par une conception purement impériale et universelle
forgée par la géographie des steppes. La seule possibilité d'orientation dans l'étendue
11\finie de la steppe est en effet le ciel. "Tout tourne autour de l'étoile polaire - l'axe du
monde - sous lequel siège le dominateur mondial mongol - nombril du monde -
d'oû la confusion d'un centre géographique et humain". La tâche est alors claire : il
s'agit de soumettre et de pacifier tous les peuples des "quatre coins" - les quatre
régions du cieJ"l.

Les Huns sont chassés de Chine aprës la destruction du deuxième empire hun du
Turkestan et de Djoungarie - 36-35 av. J.-C. - et pénètrent dans la steppe de la Russie
du Sud. En 441-453, Attila est monarque. Il attaque Byzance puis se dirige vers l'Ouest.
En 451, il est arrêté aux Champs Catalaurùques ; vaincu, il se retire après une incursion
dans la plaine du Pô, jusqu'au centre de son empire - plaine de Tisz.a4.

Les royaumes germains


Les Romains ont sans doute commis l'erreur de vouloir faire des Germains leurs
alliés . Avaient-ils une autre solution? C'est peu probable. Toujours est-il que les
Gennains acquièrent par concession des Romains, de nombreux territoires dans les
régions romanisées, si bien qu'une fusion se produit entre Germains et peuples
romanisés - d'où les peuples romans.
Rapidement, les Germains outrepassent leur statut de fédérés et fondent des
royaumes souverains sur le sol de l'Empire. L'antagonisme entre les Romains et les
Germains est doublé d'une opposition religieuse entre les Germains, ariens. d'une part
et les populations conquises par l'Empire, catholiques romaines, d'autre part5.

\ r . \'tOAL DE LA OLAClll:. l Ci .• \LLOIS J1r.. G,;,1grul'h1~ tmn't·r.<rd/1._ P.. ns . .\mw.nJ Cuhn. 19:!7-lll~tl. l Viti
R. lllr\NCllAKD. F GRENARO. Arn• •0iT11lt•,,ft1f.-. ll11ul~· · Asu~. 19.::!I)
:? X de: PLANHOL. Lc·.<r .\·,111nn.or d11 l'n,11111··r.· .\1"1w.·I /:';.,,'K'"''l'Jr"iu•· Jr 1•11/11111111· m1.1.q1/1ft4J1tt.·. Paris. filyant lqo,,J.l _
~ J.P . ROUX. Jlu111in• ,J,., n,,, ·.~. r"ans. F11y;uJ. 1llK-1.
~ J. SCHMIDT, J.ll' "'""'""'•' 11·i.o .1:1nh J,· Tcmfllu .... -. Pano;, , Perno. 1o.>Y~. r . 5.l
~ p CllUVIN, ( "llnm1y11,· ,/,•.• ch•r111,., , /'<Ût'll.I' 1l..:1 J1.~r1trlll• >tt ·"· l"'t...-:.Jm.•lft•' ~1u l'E"'I''"" ro'"um, .iM ~edl Co.it;tlGlll11ta
rr/wlJirJu.mnt.-nJ . 2cftJ. raris. lrs Belles Lc:ttfi:s..' Fnyuni . 1'ill.ll , .:u11 ·tt1:(h.>ire"'
G•mtalM fll/U1 ""'1111 ••r k Jo/ rollMlln
ri l•un tampa1nt1...,.. IV· V• llile/n

Goths
Wisigoths
Osrrogoths
Vandales
Jures
Sue•cs
Lombard.~

Francs
Burgondes
Alamans
Angles
sa~ons

fronlièrcs de l'Empire romain


.. _ frontière enlre l'Empire U'Ül\:idtnl ~I l'Emr1r~ ,rorr~n1 j rartir de _Ill~

61. La invaaioru barbues au vc tiède 0 .!1;1hlisscmi:nl Jc1o Gcrmo11n" 11\';1nl fl' UI l'IHn.'1.· , ,.r k ..:l1l 1\'IHi.llfl
c."hlrttn! 1. Le clan. l'ethnie, la nation et le teTritoire

/.f'!C '·andalP....
Sous la pression des Goths, les Vandales 1 s'établissent en Slovaquie et en
Tr~ns\•lvanie. Avec les Quades, les Suèves et les Alains, ils franchissent en 406 la
fn'ntiére du Rhin, et atteignent l'Espagne via la Gaule en 409. Puis, commandés par
Genséric - 428-477 -, les Vandales passent en Afrique en 429 et y fondent leur
~waume -429-5342.
· Après la prise d'Hippone - mort d'Augustin pendant le siège en 430 - et celle de
(Arthage en 439, les Romains reconnaissent l'État vandale comme souverain - 442.
('est le premier royaume germanique en Empire d'Occident. La flotte vandale domine
la Méditerranée occidentale: elle exerce une pression sur Rome qui a besoin du blé
.i·Afrique. En 455, les Vandales prennent Rome et, contrairement à la légende, ne
Jétruisent pas les œuvres d'art mais les Barbares pillent tout de même la capitale de
l'Empire. En 474, l'empereur d'Orient, Zénon, recoru1aît la conquête de la province
ron1aine d'Afrique~.
En 534-535, Bélisaire détruit le royaume des Vandales; l'Afrique du Nord est
reoccupée.
Lr ro_\·aumr wisigoth dt' Toulort.sf> - 419-507
Les Wisigoths reçoivent en Aquitaine<, dont la capitale est alors Toulouse, 2/3 de la
propriété foncière, libre de tout impôt, à charge de protéger le pays avec leur armée et
Jeur roi devient gouverneur impérial. Le royaume wisigoth connaît son apogée sous
furie - 466-484 -, lequel fonde la domination des Wisigoths5 en Espagne. En 484-507,
Alaric II tombe devant les Francs de Clovis à Vouillé, lesquels avancent jusqu'aux
Pnénées.
· Le royaume espagnol des Wisigoths - 507-711 - dure jusqu'aux conquêtes arabes,
non sans traverser de graves périls. En 551, les Byzantins qui sont appelés, conquièrent
Je sud du pays. Entre 568 et 586, Léovigild fait de Tolède sa capitale, repousse les
Bl'zantins, et conquiert en 575 le royaume des Suèves, lesquels s'étaient installés en
~pagne en 409. Entre 586 et 601, Récarède 1°' devient catholique. L'Église, alliée à la
haute noblesse germanique, exerce alors une grande influence. En 633, les Wisigoths
d'Espagne optent pour la monarchie élective.
Mais en 711, la victoire des Arabes sur Rodrigue - Rodéric - marque la fin de
l'ère wisigothique en Espagne et le commencement de l'ère arabe6 .

1J.B. DUROSELLE, L'Europe, hÎ.\'loire de ses p (.'Upfe.,·. Pul"is, Pe rrin . 1990, êd. Hochcne Pluriel, p. 118.
2 W HILGEMANN, H. KlNDER, Atla.t historiqul! (De l'appaririu11 de J'Jwmme .-.·11r lu fera· à l'ilre <llomiq11e), rééd ., Pllris,

Pmin. 1997. p. H 1.
! Y. PERRIN, T . BAUZOU , De lu c:i1C a l'Empire, Paris , Ellipses, 1997.
4 ~L'installation de ces anciens nomades dans des villes dont l'organisation Cl les struc1urcs symbolisent la sédcntarisalion fut
raie, aruccption des très grandes cités comme Bordeaux. cl Toulouse CO\pables d'accueillir des conlingcnts de Wisigoths et de les
ICI@~ dans des casemes, ainsi que de pourvoir au logement de Ioule la cour du roi ; le brnssagc des habitonl s, on dirait aujourd'hui
dn communaul.Cs, ne fut pa.s exempt de friction. Si les petites gens restèrent sur place. si les commerçents étrangers. en paniculier
da Syriens d'An1iochc. des médecins juifs et grecs, ?ISsimilêrent sens mPI ce qui constituait pour eux une nouvelle cliemtle. les
Pfopnétaires de l'aristocratie foncière pr-éférèrenl regagner Jcur rcrre ( . .. ). Malgré tout, les Gallo-Romains rcsttr-enl toujours
rn.joritaires dans les villes d'Aquitaine.", in J. Schmidl, Le royaume w;sigorh de Toulouse, Paris, Pen'in, 1992, p. 35 .
5 J.8 . DUROSELLE, L 'Europ1t, hi."lfoire de .1:e.s peuples. Paris, Perrin . 1990, c!d . Hachette Pluriel, p. 119.
6 J. BOUNIOL. "Les invasions barbares", in E. PETIT, M. ALLAIN, A . GANEM dir-. , Hi."ltoire Uni11t:r.w: lle ill11s1rt!t! des pays
"ÛJpeup/es, Pari,, Libntirie Aristide Quillcl, 1913 , t. Il . La Gaule Romalne, pp. 33-45.
r... rtn'tWnl~ ,,,._. Ro~nn.1.. ~

En 44'.\, •~ Bmll'>n•lt'sl - 44-1-534 - s 'él'ilblissl•nl sur ll' Rlu'\ne et la Saône pour


prott'gl•r lt'.'S dt'lilês ,1,.,, Alpes el pour fonder un roynumc. lnstnllés par A1•1iu!I, pri's du
l11t: ,le Gen\ln•. les Bu~ondl'S ngrandisstmt ll•ur r1•yaume vers le Rhône el l.1 Sm'\ne.
L'•'f"~ du royautn<' se ITouve snus Gondeb.,ud - 480-516 - ciui fait rédiger un
'"'"h' bur~nnde l.••s francs parviennent '' conquérir Il> roynume burgond<' gr<lcl' à la
\'khlin• d'Autun en 5342 _
l.r nt\11Unlt> fl:tfn~Dth

Ll-s Huns dc!tmist•nt le royaunu~ ostrogoth de la mer Noire. Après la mort d'i\llila,
ll'S Ostrogoths-' s'installent en Ptmnonie. TI1éodoric. d'abord élevé- comme olage à la
rour dP l'Empi"' d 'Oril'nt. devient Théodoric le Grand, fond.,teur du royaume
ostrogoth d 'Italie. Entn' en lt"lie en 488, il triomphe d'Odoacre que les mercenaire<1
fl'!rmains ;waicnt fait roi en 476, et qui avait conquis la Dalmatie et '" Sicile tout l'n
détruisant le royaume des Ruges sur le Danube. Il prend Rnvenne en 493 et Fond!' le
royaume 051Togoth qui durera jusqu'en 553 . Théodoric rève d'une confédération
germanique erigée contre l'Empire d 'Orient.
La séparation entre Romains et Goths reste claire : les mariages mixtes son\
interdits; les Goths reçoivent un tiers de la propriété foncière en règlement de leurs
sen•ices guerriers tendis que les Romains conservent l'administration civile et
l'économie. Les oppositions religieuses entre ariens goths et catholiques romains
emp@chent tC1ut rapprochement"' .
lbéodoric meurt à Ravenne en 526 et la guerre éclate entre les Goths et Justinien,~
partir de 535.
l~~ "':""llUmr drs Lonabrrrtl.c - .'i6R~ïï-I

Venus de Scandinavie jusque sur le cours inférieur de l'Elbe, les Lombards5 passent
en Moravie et fondent un premier royaume en Pannonie. En 568, ils envahissent l'Italie
et s.'établissent dans la plaine du Pô, mais aussi en Toscane du Nord en Ombrie, à
Spolète et à Bfaévent6.
Les Byzantins conservent l'exarchat de Ravenne, le duché de Rome, l' lstrie, le duché
de Naples, le sud de l'Italie et la Sicile 7 .
L'Italie est donc divisée en deux parties : l'une lombarde, l'aulTe byzantine _ plus
tard normande et papale. La restauration de la royauté met fin aux duchés en 584 .
Autharis, roi des Lombards - 584-590 - se marie avec Théodelinde fille du duc de
Bavière et inaugure d 'excellentes relations avec la Bavière. li est par ailleurs vassal du
royaume franc auquel il paie tribut. EnlTe 590 et 615, Agilulf rétablit la paix avec les
Francs et signe un arm.istice avec les Byzantins.
Depuis 600, les Lombards adoptent peu à peu le catholicisme.
Grimoald I"', entre 661 et 671, absorbe le duché de Bénévent et mène des comb.ats
victorieux contre les Francs, les Byzantins, les Avars et les Slaves. Entre 712 el 744.
Liutprand cherche à unifier l'Italie en soumettant les ducs de Spolète et de Bénévent et

1 J.8 . DlJRO§ELLE. L'E11mpo1. J.ürmrrdc- u:s p l'11pl<'''· Pari li , rcrnn, 19 1)() , éd lln r.; hcllc- Phmcl . p 122
2 ( 1 . de TOUR~ . /(;s1oirc dr1 FranC'.f , rttd Pans . L~ Hell e ~ lc11r.:!'-. Pans , 1996
) J fi DUROSELLE. L 'E11roJK. huJ1Jir-c J1· ·'~'·' p1·11pl..•.,, Poms, Pl!rnn . l 9'JO. cJ l la1.:hcnc Pluncl . r 1:? 1
'J ROl.:NIOt. ~Ln invasions barbues"', 1n [ PC:: IIT. M. ALLAIN , A <iANH•·1 du , lli'flmrt· Utri \ '1'r.<e1.' 1f,· 11/mtrf'1· 14·.1 fVl'

~·J PftJplr..1 . hns. Libninc Ansud~ Quillet. 1913. 1 Il . /."<,',ml..• Humulm ·. rP :n ..i~
~ J.B DUROSEl_LE, L 'Euro~. "Utnru '''" w .• pt• upl~.1 . P11n ~ . Pcmn . 1990 . Cd . l l11chl!ll c Pluriel. r 12:\
lt y,; HU .<Jf_\.t.A~"N. U KINOER, Atlas h1~1,,ru1uc: . f/J• • l '11pp11rUfrm J e• l'l11mmt•· .un· Io lr"1r1 · u / '11r1 · 'u"'""'"'"'· r.Jn\ , PtTTVI.
fti6d . 1991.p. 11~
1
7 JJ. NOJtWlCH . ll111uir1·d" Bv=anct'. JJO- UJ.1. Pan!ll . Penin, 19 19 , CV1k111p: , l .nndrc.;. l'JHMI
Chlpltre 1. l.t! chu\. l'ethnie, I• natton at le lerrllotre

en attaquant Ravenne et Rome. En 751, Astolf prend Ravenne. C'eet la fin de l'eurcha.t
de Ravenne et de Io domination byzantine en Italie centrale.
Entre 773 et 774, Charlemagne conquiert le royaume des Lombards et prend P;avle;
le royaume est urù à celu i des Francs mals le duché de ~évent reste indépendantl .

Lt royoumf! dl!A Frant:• .•011.11 Ir~ MlroVÏ."lfÎ'-n!I


Les Francs - Saliens, ripuaires - s'étendent vers le Sud-Ouet à partir de ta
frontière du Rhin2. Au V" siècle, ils atteignent la Somme. L'unification de roitelets
francs par Clovis se produit entre 482 et 511. En 496, c'est la fameuse victoire de Tolbiac
sur les Alamans protégés par Théodoric. L'épouse catholique de Oavis, Ootilde, a
converti Oovis au cours de la bataille. A Nol!I 497, Oovis est baptisé à Reims par Saint
Rémi 3.
L'une des grandes réussites de Clovis, à la différence de !'Ostrogoth Théodoric, est
de parvenir à créer un État commun aux deux peuples romain et germain.
Vers 500, les Francs l'emportent à Dijon sur les Burgondes. Sept ans plus tard, à
Vouillé, Clovis bénéficie de l'aide des Burgondes, et conquiert le royaume wisigoth
jusqu'aux Pyrénées. Mais l'intervention de Théodoric l'empêche d'atteindre la
Méditerranée, la Septimarùe demeurant sous le contrôle des Wisigoths'.
À la mort de Clovis, ses fils se partagent le royaume. Entre 558 el 561, Ootaire I""
réunifie le royaume franc mais de nouvelles divisions interviennent à sa mDrL Les
conflils entre le roi et l'aristocratie locale débutent ; ils seront le lot de toute l'histoire de
la Monarchie française . Le royaume est divisé en trois parties : !'Austrasie -
Champagne, Pays de la Meuse et de la Moselle, capitale Reims - . la Neustrie - tout
l'Ouest entre l'Escaut et la Loire, capitale Paris - , la Bourgogne - pays de la Lofu! et
du Rhône, capitale Orléanss.
Entre 613 et 629, Clotaire Il est parvenu à wûfier tout le royaume en ralliant à sa
couronne l'aristocratie de la Bourgogne et de la Neustrie dirigée par Arrrulf de Metz
- 614-629 - et Pépin i"' de Landen mort en 640, mais au prix de l'~t de 614.
Désonnais le roi doit choisir les comtes - fonctionnaires royaux - parmi les
propriétaires terriens des comtés. Le fonctionnariat dépendant du souverain est donc
supprimé et Je pouvoir abandonné à la noblesse terrienne. Les trois pays, Austrasie,
Neustrie et Bourgogne conservent une certaine indépendance sous un maire du paJais
qui est à la tête de l'administration royale et est ainsi le chef de la noblesse.
Entre 629 et 639, Dagobert Jer unifie encore une fois le royaume.
Mais à sa mort, le pouvoir mérovingien décline ; c 'est le début des maires du
palais6.

Traces de romani.talion
Ainsi, les royaumes germains viennent-ils esquisser les nations eW"Opéennes
futures el succèdent-ils à l'unité romaine d 'Occident. Pour autant, la vague germaine
qui couvre l'Europe de l'Ouest n'efface pas les traces de Rome. Comme le souligne
Grousset: "Quel que soit l'intermédiaire, nous retrouvons à la base de toutes les
nations européennes, le fait romain. L'immense avantage de notre pays, c'est d'avoir

1 r . RtCHf.. Les Ca1"01/11gien". unr /umitl~ 'I'""' l'E11nJ1W. Pori$. tl:.chcne. 19U. 191f7, cc:tll '"'Pluriel·. pp. 111- r 1.4.
l G. dt TOURS . /{;_,tu i rr> J r.t f"rum·.... lttd .. fan s. l~ Be lles Lcn.n-s.. P"a.ri..' 19'9t'I
J M. ROUCHE. Clul·i.t , rans. fayllt'd. l~ h. char . IX . "Lie mariage Je Clntikk-. pp. ?.2Q...2..<J .
-1 /Jrm. chaf' XI : " LC'ducl nec Théollom:'", pp. :?1J7- .l:? L
.S Jdtm. chq . Xll · "'La cons1n1c:11 un in•chc...-tc". pp. _1 ~ 2 - J4S .

fi G. de TOURS, llhldil'~ ci1•.t Frt11f(."4, N6cl, Paris. l~ BC!lles LdlRIS.. IV%.


Partir .1. Pt"nnanrnn" J~ ;dtftlil/,

fff romaniw dtreetemc.>nt et huit siècl~ av;mt les Allemagnes . Cette avance d'
huit s1kles que la Gaule a prt~ dans la voie de l'ordre romain, aucun progr~ matmel
lardi( ne de\"illt ~rTn<.>ttre au gt?rmanisme de la regagner"' · La civilisation esl
inconteblblemft\t romaine et marqutt par l'empreinte de l'hellénisme. Et d 'ailleurs ce
dernier n'a pas agi sur les Barban!S du Nord . On oublie trop que l'action de
l'hellénisme ne s'est fall sentir que dans les pays de vieille culture : "Asie Mineure,
Syrie. Égypte. Italie, lran. Inde bouddhique. Mais sur les peuples du Nord, l'empreinte
de l.a dvili.s.ation grecque se re.Juit a bien peu de choses : l'exemple des Scythes, des
Illyriens, des Thraœs est caracténstique à cet égard"2.
~ consoéquence géopolitique des invasions barbares est décrite par Michelet3.

7.4. Ce que le Maghreb doit à la colonisation punique


l 'Afrique du Nord lut fécondée par trois grandes civilisations méditerranéennes ·
la phénicienne, la grecque et la romainé ; c'est à ces trois dominations que le Maghreb
doit !leS (ormes supérieures d'organisation politique.
~Grèce, tout d'abord, colonisa la CyrénaYque à partir du VII" siècle, situé face à la
Crète et au Péloponnèse. la région se mit alors à prospérer dans les domaines agricole
et pastoral grâce à l'exploitation des ressources du pays ; le silphium considéré comme
une panacée, était exporté en masse.

Mais le Maghreb doit à la colonisation punique plus encore qu'à la Grèce. Marins et
commerçanlS, les Phéniciens fondèrent des comptoirs tout le long du littoral d 'Afrique

l Il. GllOUSSET, IJU-« 1 -. Paris. Pion, 1946.


Hn•.
JJ MlCHElET. Huloin'de Fruwr, Lawannc. Ediuons Renc.antft", 1. 1 . L~ Mo} 'f!n· Âgc. p . 168 . " L'invasion[ . . . ] es1 rue
~ c:ocntidlnnaH puncb. loc:w&. momcruanêç . Une bande .,,, ... 1.111. en gtn'-T.11 lrés peu nombn:usc , les pllll puuw.nies.
czlla 4pa am foadt do ruyumcs.. la t.ndc dr Clov1~ par cumplc, '1 da1cn1 gut""' que de cmq à si" mille hommes ; ta MIUXI
1

mlitR des Bourp.ipmm De dipnsalt pu mi1anlr rrullC' hommes . Elle p.1rco Wl'I Î1 rapidement un 1CTTi101rc ctroll. r.a.vagca 11 ~
dillrïd_ .a.qmit \lllr ville. cl iant6t te n:'linul t:nUTrRU!I s.on butin. tantôt s'ttabhssa1t quelque p;ir1 , soigncur.c 1.Jc ne pa.s lftJP ~
d:Upawf [ . ). (Ca in\'"lllllCllDJ diëtruiYiml · 1• toute ctm'C:Spondancc ttgulu:rc, hGbitucllc, f::1.1;;1h: enrn: d1vCT"'SCS parties du lcmtoLR .
r llD!.- ti6cwltr. 1au1e ~ive d'nmir elles bns.aicnt les liens qui uni ssent entre eux les habilants d 'un mlmr Jl:IY'I, la
ftlCftmllU d'lmC mhnc Y'tC ~ elles uolmml 1115 hommes, et pour cMquc homme. les Joumto . En beaucoup de hclJ.1.. pmdun
-.... ct....._ l.MpCIC'I du~ pvt: RSkr le mlme; 1n11is l'organ isation sociale êtail ;maqulf:c. une \l iJlc Ctoil pilltc. un c.hmua
ftDlhl mpnbcabk, Yrl pont rompu ; telle ou telle commumc.a1ion ccswi11. la cuhurc dt!-; ICTTCs dcvcnau 1mpos.s1blc daru tel ou 1.c:I
discrid . m w mot, Ji..tnwruc orpwquc.. l'acti\·1~ gtnbalc du corps soc ial élôl1cn1 choque Jnur cnlravcics , troubltct. : chaque JOUt 1&
dillollllioa a 11 san.Jytie fauucril quelques nouvc:aw; rirogrCs . 1 .] ToU5 cc10 lien s iior lcsqucb R ome é111i1 parvenue, epR:s 1.1111
d'cffc:rna. Ai 1111ir catn: elln la d1vnM;S put11:s du monde , ce grand sys1itmc û ';uJminis1m1iun, J'1mpô1s . de recrutcmcnl. de tnYlui
pablia. de nan, ac put le mmnlanr. Il n'en rata que cc qui pou v1111 s ubs1s1cr 1solémcnl , loca.lcmcm , c' csl-à ·dire IC1 débrn du
ftPmi: llUllC'isal La babHmb se rmfcrmih-mt dans ln v1llC'!I ; là 115 con11nuèrcn1 à se régir comme il!i l'ovo1cnt rait jadis, an:c I~
blllrnel ....._ S*" lem mflnn ima:iruûons Mille cin:cmstanca ptou"Vcnl ccuc cunccn1ra11on de la ~oc1été dens IC31 e uh ; en \'Oic1 l.Dt
.,-an • pa ~ IOUI l'ada:unislnlion roman>e : ce sonl le guuvemeuD de province. les consulaira , les conu1eun. k:r.
~.,; maapml la tcinc et r'C'Vlmncnl u:ru c.cuc: dam ln lu i~ c:I l'h1Slo1n: ; dans le V 1c iuèch: . leur nom devient bciumup

pha. raK . m vozt bim imcort da duc.a, des comics eu.xquels al confit le gouvcmc1m: n1 Lies pmvm cc5 • Ju roi!i barhan-s. , ·c1Torun1
~ ck tactrninistr-.1ian rom&iac. de aanln la mfmc1 cmplo)'t,., de faire couler leur rmuvrnf" Jun!i lu ml!mcs c 11n.au• . mau 11•
o'y fâauiMc1rl qaie rari inc:omplëkmmL. a\'CC sr.and dé.ordre • lcun duc \. s nn 1 plu1 ô 1 des chcf11t m il 11 n1rc10 qu.: des edm1n111raln1B .
~ ka aou\"crncun de provmcc n'ont p)u1 la m~mc 1mr10r1am:c , ne Juucnl plus le même rOlc ; cc r;onl le~ ttfl u\·cmt un lk
vilk q"lll rfttPftQC111 l'hil1oift , la plupart !ln cumlc' dç Ch1lpém.:. Je Ci un1rnn , de ThCo dcbcr1 . tlnn l ( 1rc!:gou c de Tuut':\ nconlt k'I
a.:UGD&. Md dn ~de: v1llr. t\abli111 ~H 1'1ntmc.·1..ir dt leurs nmr.io . ô &:6 tt d e leur i! vêttuc . Il y uurm l J e l'.:,111tni1 inn 6. du-c- que
la pnninm 1 dupaN, mai.J elle est d&.organ1Kc. Ynw con.oçistancc , prt:111quc ":\ns ré:1.h1é Lu v1lh.-. rtltm i.:111 rmmiur du monde
runaar&. "'1"\il ~ KU.le • .. Ni ne·.

C J GABRJEL-LEAOUX. Ut f"rrrtlrl'T$ cfrllualmm J" /cJ MéJm•rr'm,;•'. Pnr.i• , r .li F ., 11141. 1211 p . . X. Je Pl.ANllOL. l.r 1
/\'uJJOnJ .Al Pn:Jllltir~-
'4onwl 1tW.,.V,,hl'lur dr l"' lltiquc ntlUUlnton4!, l'aria. 1-".11)'&f"d, l IJ 1'1 , (1 . l26
(b8pltre 1. Ledan.. l'elhnle. la naUon el Je tenilulrc 271

du Nord, Il partir des cités mères du Levant ou de Carthage dès 800 av. J.-c.1 . Ces
nombreux comptoirs2 s'étalaient depuis la Tripolitaine - trois villes : Sabratha, Oea
ancêtre de Tripoli, Leptis Magna ancêtre de Homs et dépendance de Carthage -
Ju5qu'à Io façade atlantique du Maroc-'.
Le développement urbain du littoral d'Afrique du Nord est l'héritage direct de la
colonisation punique; cette colonisation pénétrait même à l'intérieur de l'Allas, dans
les sociétés berbères, où elle apporta l'l'.:tat là où persistaient les solidarités primitives.

1C. OAURAIN. C. BONNEl'. Lr." rh, 1nidrn.<c. ·"",."'·"dt. .,. rn1i.J cun11nents, P~ Armand Colin. 1Q92
l X. de PLANHOI.. Le." N.itlc>nt '"' l'n,J•h••te• .\,lllnut"/ g~f,t~roplriqJW tlr poNtk/tw •MSUI,,.,,,... ~ Faymd. 199). p. J:.:!1
J Ea Slouire. Sale - Sal~ -- c1 l .1:\u,o ·-· L4mcbc.
-
CHAPITRE 2

LA LANGUE

La langue est l'une des composantes fondamentales de l'identité des peuples et des
ethnies. Elle est l'un de leur caractère différenciateur les plus évidents, et en cela peut-
être, leur principal caractère de définition identitaire. On étudie donc en premier lieu la
langue comme élément fondamental de définition identitaire et de construction des
projets nationaux. li s'agit là d'une dimension de géopolitique interne des États. La
langue admet aussi une dimension de géopolitique externe, en tant que facteur de
puissance et d'influence pour les peuples. La seconde section est alors consacrée à la
langue comme facteur d 'hégémonie. On étudie donc successivement la langue dans
l'État et la langue facteur de puissance extérieure des États.

1. La langue dans l'État

La langue est sans doute la propriété fondamentale d'un peuple, son bien le plus
précieux. Un peuple qui perd sa langue, perd non seulement son âme, mais aussi sa
qualité de peuple différencié. La langue est un élément fondamental de définition
identitaire. Mais le chemin de l'ethnie au peuple puis à l'État-nation est long. Il passe
par l'adoption d'une langue commune par l'ensemble des populations qui vivent à
l'intérieur des frontières de l'État. La langue est donc aussi un outil de construction des
projets nationaux.

1.1. Un élément fondamental de définition identitaire


Pour un peuple, une langue est une sorte de génome oral. La phonologie et la
lexicologie permettent de retracer l'histoire géographique des populations. On sait
combien la science linguistique est précieuse dans la connaissance du passé des
peuples. Nombre de savants ont par exemple montré, grâce aux travaux en
linguistique, d'une part la communauté de passé des peuples sémites, d 'autre part celle
des peuples indo-européens. Les langues indo-européennes possèdent des traits
phonologiques, morphologiques, syntaxiques et lexicologiques communs qu'on ne
retrouve nulle part ailleurs. Il est admis que vers le troisième millénaire avant notre
ère, existait un peuple - ou un groupe de peuples - parlant une langue sinon unifiée,
dont les parlers étaient du moins assez proches les uns des autres.
L'Europe carolingienne du Moyen-Âge s'était donné le latin comme langue
communel . Mais la force des particularismes linguistiques portait les nations en
construction. Au moment où les dépouilles de l'Empire de Charlemagne sont disputées
entre ses quatre fils, deux d'L•ntre t'ux, Charles et Louis, tentent une alliance à

1 P KICllET. lt>.t C" rolmgit:ru. l h 1t· /im1 ilh· 'I'" fit /'Er•,.'OJ't'. l'uris. llm.' hclh:. l'ltO. PN7, 1:oll. ''Pluriel"
<;1r,,st><mri;. l\1ur y 111tt'rcs.,l'r les peuples, ils <ioivent leur pilrk•r, non en lillin, langu"
Jl.. l'l!gliS('. en us.t1gl.. J,1ns les trait~s et les conciles, n1ais L'll langues populaires, ct~lle~
pratiquèt.~ en Gttul.L~ et en G_e rn1nnic . Le _ro~ des Allcn1ands Louis fait senncnt t.'11 lan,.;uc
ronutne. ou frt1nça1sc ; cchu des Français Jure ~n langul~ gcrmL1nique. L~ tout ~c passe
sur 1<' Rhin. linHll' des deux peuples . Cel acte solennel, contm<-• l'é!cril Mic helet , t!SI "Il'
pfl?micr monun1ent Je leur n.1tionalit~' 11 C 't•s t un acll' d'affirn1;itinn linguistique.
C.1rre 8:! : L..1 G.1ul~ carolingiennt..'
Le contenu 111èn11! d 'unL' langue, le retour aux s ources linguistiques caracté r ise de
nombreu~ projets gropohtiques. At.1IUrk purifie ln langue turque de s es mols arabe' et
l'll''"''"~l ; les Roumain~ apurent leur langue des mots s li\ves il fin de s e rnpprochcr d..,
Jeurs origines l~tines-'.
Aujourd'hui comme hier, noml'>reux sont le s peuples qui veulent construire un
Jestin autonome à partir d'une originalité linguis tique . C'est le cas du Québec qui foil
de sa qualih' de francophone, un véritable facteur de définition national sus ceptible de
déboucher un jour sur l'indépendilncé.
La langue est le chemin qui conduit à l'indépe ndilnce . Les séparatiste s régio naux
français l'ont compris qui, par l'affirmation de leur langue5, gagneront peut-être leur
guerre so!culaire contre l'État-nation français .

1.2. La langue unificalricc


Nombreux sont les États dont l'unité s 'est bâtie en partie sur les processus
d'unification linguistique .
• En France, l'ordonnance royale d e Villers-Co tterêts promulguée en 1539 par
François ter impose le français à la place du latin dans les actes judiciaires et notariés. JI
s'agit là d'un acte fondamental de spécificité et d'unité nationale6. Un siècle plus tard,
dans une France où parlers régionaux et patois domine nt encore largement, Richelieu
crée l'Académie française7. L'unité français e se fonde peu à peu sur la suprématie du
parler d'o't1, sur le parler d'oc, et s ur l'abaissement des la ngues régionales, lesquelles
entretiennent les velléités féodales et les allégeances à l'étrange r . Après la Révolution,
la République accentue encore Je processus d 'unification linguis tique en s'appuyant sur
l'école et l'année. Jusqu'à sa fin récente, le service militaire français aura été un lieu
d'apprentissage de la langue française, notamment pour de je unes s oldats des
territoires d'outre-mer ou pour ceux de la métropole qui avaient rompu très tô t a vec les
études.

J J. MICHELET, /li.Jroirrlk Franu. t.awannc . Ed11tons Ren contre , t 1, '-'-' M rJ.l'l' ll· Â,.:.·. p ::?5 5.
i "'Lom de 1oa1lnt'IC'fll red«omnr une langue Cl une cullurc trac.111ionncll cs. l'i nlclhgcn1 s 1a na110n;,ll s1~ s' t1llach c il ' l'in,·cnuon'
d\mr Laq:ue nou\·clle- qui .so11 • ID fois le symbok c1 le vcclcur Ji: la n :u s!lo m:c d' une nuho n _ C \~s t Juns 111 pr ~sc J e!' Jeun«
Onomms "IUC se forge auu1 le fW'C' modnnc. d1tTén:n1 du turc popu la ire parlt: m ;.u s uus~ i tlc l'os m unh . lu hmgu..: Ju pouvoir. mtlani;c
saphlS&lquii!: de: uur, d'ara.br C1 de pcn.an, ~ri l en car.u: t è ~s 11rJbcs" 1n N PI C A U O OU, L a <l et.·.._·1111u: •JIJI ,: /l r cmfu f,· M o.n : n·Or w111
/9J.1 .J'/l J , Bnu.cll~ . C.Omplcxc. 1992.
J f THUAL, U .J .:of!/1•tJ uk·n 1;1011Ts, Pari s. l: llipscs. l 99S .
4 L GROULX ..\ ·01ritgramû-u1•c-nlurc , Qucbec. ll Q . 199 U, F1J t!s, llJ5 k .
sQui ot polllnll SC raite !W\i ruulis.auun de: ,.. C har1c europée nne tlcs lil ll i;llCS rC~iu u.1lc s C'..:s t ÜOll L: l' U nion c urop<c nnc qw
est l'if\SU'\11nml prt01icr de la l(UCfTC dc.s sépMDtismes .
6 •L'ordonnance de \'11len-Conc-rtu ( I SJY) J 6 .: 1Jc ~ uc h:s acte.; juJ1L.rn1rc s .;cro tll llt!Minn ;u s " p runum.. c,., c1m.'G1'.\trti t l
dtli\.TCS au. pan10 c-n langa1c: matcmel françu is cl no n 'autrc mcnl ' À l'heure oU h: h1 ~c; 111 ll i:v u: 11t 1.1 lnn ~ u c th: Ru m c cl tiu l.urhtr
u.dWt Ls Bible en un allemand accessible à tous, 1.in phé n o mène du m émc o rJ rc c l J 'C t;.1l t: c rn 1séq uc 11t.:c 'c pro 1h111 J u ot.: c: n f ranc:c:
1~ ffaD\41ll Je Puù d de la Loitt. subnhué au latin dans les tri hunoux . dc \/ 1c 111 la lunguc n a ll n ual ~ ". iu Ci O U B Y. /lntmn· J. · Io•
1-Tuncr. dit ! Uli â JIU], Pans. La1\lussc. l'JK7 . fi 10 1J.
7 f . ULUCHE d1r .• D i ..·ti.o ,,ru:urr:dt1 Grand sii-cfe, Pari s, F11 yurd , 1990 : a nicl c "A c 11dé m1 L· fr.an c; ais c ", pp 34 - 16
(jllpllrr 2. u langu" 275

praque .,.....,...., .......... le rronçD


p1 . . de la moi~ de la - - .......... .,.. .., , . _ . .
uae rmtc miDmill! ac p.tc a- rnlaÇma

des-• vil._ ... pmlcnl .... . . . _


inoa:sde .......
..,... par1cn1 rnaçois

62. L'étendue de la langue française dans la France de 1850

_Pendant des siècles, la grande réussite politique et commerciale de l'islam dans le


monde repose sur son unité linguistique1 . Comme il y a aujourd'hui une
mondialisation fondée sur la langue américaine, il y eut une mondialisation arabe,
fondée sur l'usage d'une langue des élites marchandes et politiques, savante, littéraire,
issue du Coran et des poésies traditionnelles, comparable au latin de la Gu-étienté, et
qui fut l'idiome commun à tous les pays islanlises2_

\ ·Aw.s1 bien in longue uabc s'ëtau-cllc d'aN>N 1mp...,~· comme w1c lilnguc ~hgi1.""us.= et liturgique de- \-aleur mcornpmable
b rtv'l!lauon av~1I .:tC ITll11sm1sc .:n omhc ( . . . ] s an ~ qu'aucune traduct ion ne IÙI en pnncip: crnisat,.'"C'C' . la pcrfcc1.ioo. styli:lbquc- du
Ûltlll ttai1 cons1derêc co mme inumli'hh: cl Clms titumt lu pn:u, ·c mCm'-' de l 'oulhcnll..: i u~ Uc :.on message. De ...-c fail. Id~ qui
&\lll:nl row Pbjccllf dC' liure comrrcndre h.• lC.'\IC n~ \ '-' li: , Je 1'1t1l~l"Jm~lc r. Je lc i:"Ommentcr ~I J'Clab.Jn:T , J'unc pan UDC doicutoc-
rcJii!tu.SC cl. de l'auln: un code j ur iJ1quc et cult 111.·I. nc rou,·a 1..:n1 s e servir qu1.· d1: l'anb< Mais l'u.tbc Ctant en. oum:: la langur des
prmum mailn.-s de l'Empire am .. i \.)UC Je lem ai..11111n1 .;1r.111 o n . b pruJuc 1ürn hth.."T81n: de h1ulc DWWl:'. pn>fànc aussi bien que
"l1giauc. ne flOU \'ml qu'y O\ "lllr re\.·nur.; S i.t s upn.!m;aliC" cc11n1111.· , .. ~ hin1h.· Je pcn.~ fui d 'ahon.I unanimrmcot reconnue et ua :.:a"ant
d'ong1nc iramcnne Ici t{U'"l · Birùn1 , 4ui \·.._•... ut au XI ._.,. ,,:. ...-!..:. l·n \ :. una u ...·nüm:· l'ut1lnt" pow I~ di'\"~loppcmau de la S.."1<Gei:

llnl\"tntlli:.", in O . SOl.IRDEL. lliMc•irt.• ,J,·, A r11I•,·.... l'un s . Pl: F. ( l.)7t>, pp. t>5~~ .

~ "Avn: l'unité hnguis114uc. C-11111 ..:r...;c le n.;h1cule tm.J1s pc..·ns.ubl...• au\ 1..-.:hangc.o; mtdlc'Ctucls. aiu. 11f'fam:s,,. au gou~ â.
l'llln11mstrut1on" kT11. â rroros de l' ;u;1h1.". F BRAUDEL. Gn1m111,11r,· d,~.•· t"i.-ih~c.lllUM, Paris. flan.unanoa... 1993.
P11rti1· .1 . l't•nunut'11n: 11~1' ul~lilh

• LL'S pruples d(' l'Empin' soviétiqu('' furent soumis à un apprentissage ma•sif de la


1.lngu<> ru!S<'. à une cradication de< langues autochtones et le russe fut impoHé ,, u titn•
dr langage n•volutinnn.tire
Avonl 1'11ï. la plupart d.,,. peuples de !'U .R.S.S . parlaient leur langue qui avait l!t<•
trans..-ril1' d.in.• di•'('"' ;llphobt!ho : cyrillique, latin, arabe, ou encore des alphabets
particuliers du Cauca~. Mais Staline. afin d 'unifier langues et cultures dans le moule
SO\'iériqu.,, imposa un m•'m" alphallt!I. A la fin des années 1920, il exigea d'al:>ord <JUe
Jl"!< Jangu•"' qui n'utilis.iil•nl pas J'.ilphabct «yrilhquc - celui de la langue ru6se _
adoptent l'alphabet lalin, et imposa l'alphabet cy rillique dans un deuxième temps, en
193'1. S..-ule!; les l.mgues géorgi.,nne, .uménitmnc et baltes ..;chappèrcnt à cette réforme
Utilis.>nt d'un hout à l'ilutr" de l'espace soviétique le même alph;ibet, les Soviétiques
éuient pr&à l'apprentissage généralisé du russ\! ; le monde musulman d'U .R.S.S. était
coupt quant,\ lui du !"('Sie de l'Islam qui uhlisait l'alph;ibct arabe.
Lo""lue l'Union soviétique disparut en 1990, les peuples redevenus indépendanis
rejetèrent l';slphabet cyrillique qui leur avait été imposé : la Moldavie revint à l'a lphabet
latin"' rapprochant ainsi de la Roumanie ; l'Ouzbékistan rêva un moment de restaurer
l'alphabet arabe mais l'élite l'avait trop oublié ; Tachkent se résolut alors à adopter
J'alpharet latin comme l'avaient fait les Turcs. La mème chose se passa en Azerba'fdjan
et au Turkménistan. Mais le phénomène de résurgence linguistiqu e ne s'arrète pas aux
fronri~res "1<1erielll"('S de la Fédération de Russie. La Tchétchénie rebelle a adopté un
alphat>et latm comme elle a rétabli un droit mus ulman ; et le Tatarstan2 a opté pour un
alphabet tatar sur la b.lse de caractères latins 1 . Les liens entre les Russes et les Tatars
remontent au XVI• siècle lorsque la capitale d'un puissant État, Kaan, fut conquise par
les Ru!IS<.'S ; un nombrl' important de Russes s'es t fixé dans la République tatare d"puis
cetre époque. au point d'y représenter la moitié de la population totale. En rompant
avec l'alphabet cyrillique, les Tatars se rapprochent des musulmans d'Asie centrale et
du Moven-Orient. C'est donc désonnais à l'intérieur même de la Fédération de Russie
que l'~té par l'alphabet est brisée.

On voit combien le facteur linguistique pèse actuellement sur le devenir de la


géopolitique interne russe comme il pesa hier sur celui des peuples s oumis dans
l'ensemble soviétique.
- Le géopolitioen français Jacques Ance! fit remarquer que, dans l'Europe du
)([l(• siècle, la langue joua un rôle détenninant dans la construction des jeunes nations'.
Ce lut par exemple Je cas de l'Albanie située à la confluence des aires latine, grecque el
turque, et qui fonda son particularisme national sur une langue albanaise originale.

1 M. ltULE.ll. /luluir~ tk la Rif.Vir t'I dr wn t'trr('/f'r, Panit, Pion. t-"lommnrion. 1r197 .

21.ui•~l999 .

.) U ptrM.k ~ lr&nfilion du eynlhquc au Jarin a commc-m:é en 2001 c l Joi1 !!.'achever en 20 1 1


4J . ANC~l . ~J B~>hiqw Jr pnlllfym· t'"tlmpét•n11c , ()clugrnvc , 111:\(1. 1. 1. l.'l·'. m•1rc ccrurulc ; (ifop1li1u11J(.
lJrtlapin, 19.,W.
llwplltt 2. La longue 277

~lan Arlanilqur

pays francophone!
pays arabophone
pays anglophone
puys lusophone!

63. L'Afrique francophone et anglophone

- Le géopoliticic n allemand Ki! rl Hau s h o for a ssoc i.t lui-mèm<' le domaine allemand
à l'aire d'extension de la langue allcn1andc 1•
• Lorsque des boulev ers ernents \.Ü1ns l i.1 c~1rh..• des Êtclts c urt."nt lie u , b ien sc1uvent on
privilégia les cohé rencc•s lingui s tiquL'S .n1 dt' lrinwnt d t• tnut .1u tre critè re : l'Italie dut
ainsi renoncer à la Savoil.· et '"' Ni '-~\. ta ndis qu\'lh' n 'put de cesse de rt?-unir Trit"5te et
Trcnle, deux vill es it111ophnnt•s. T vpiqut• .n1 ~:-.; i l:'~ l l't._•,t_•niplt• m <1~ y ar, fond e n1e nt du
nolion~lisme hongro is . Apr e· ~ I<• trait{• d,, Tri .1nnn d,• lll1 8 , l'Eti!t m.l g var fut .imputé de
toutes les provinc l'S où la lan~u P dt• l.1 n 1.1jt lrik• n 'l 1t.11t p.:-is le n1a~yar.:! _

1 Nulll rcn\"\\)"011~ . J nn s lu rr,· m i L'f l' 11a rl 11.: tk l",H J\ 1; 1 ~l" . :1 I\ ·.. · ·k t k ~ ù• )l•l lilhj th.- :i ll1.·11 \<1lh l1.• t' I ''"' IT." •ILl !lt. J..- t\. .nl ll a u... Jktlèr.
2 A ( 'llAl Jrlt.Al>I : , I; . Tll l ' Al . f 111·11 m 11 i.1111 · , /, .1:1 ·••/ •< •1111,1111· . .::· ..·d .. l' :u1 ... l ·lli pii<..· ...: . l<N'> 1111 1<.:lc:ii 'I ta lie ~ ... t l ongn~M ;

f' RENOll\'JN , // u 1111n· , /,•,1 rdt1timu m1 1-r ~1.111 , ,.,,, /, · 1 . 1':1 11 ... lladll'llC. ! •):' ., . 1 \ ' Il / , ,. , .,..., ,., , /u \ .\""'".,:le ., 1 lk Jiii_. 4 l'I~ ,

"l.t r~ii l cment tic ln p11i'.\" , Pl"'· 15..f - 1'.,)I


Partir .l . Pnmrmnttt do itlttntit"'

.on.ms 'états mutti-ettmiques t!Dnt confrontés au problème de l'éparpillement


~uc. C'c!st le cas poir C>."t'mple de la Papouasit.~Nouvellc-Guinée, scindée entre
le~ m6lanœieon et k' mcindc.- papou et qui compte dans la partie orientale de l'ile
;plus ·de quatre ..:-mts lanpges di...nncts 1 .
CaM li> : l.'!lc> œ Nr!uW'lle-Guin«- . une insulari~ partagtoe entre deux États
- FAœ à l~llfo.nwnt lingui..'<tique. une langue intemationaJe érigée en langue
diidel~ d'l:tat permet de sortir du cas.qe-~te des parlers tribaux. Ainsi en est-il en
Afrique. CIO} la langue df' l'l!'l<-<Olonisa~. que ce soit le français ou l'anglais, tient
~t lieu de dment national face à la multiplicité des dialectes ethniques; elle
mraye les ~onarniques tribales qui menacent d'éclatement la carte des 'Ëtats d'Afrique2.
ùrte4CI : L'~ ~ âa~
Carte 50 : L '.~ d"" ethnies
c.nr 63 :l.'Airiqur fran.."Ophone ..t anglophone
·Cen'etpas un hasard si les 1::1ats multilingues sont aussi souvent confrontés à de
·~ problèmes d'unité. Les d~ linguistiques à l'intérieur d'un même État,
.Illois~ ou multinational, accusent généralement les incompréhensiOil!I et
les lM!fiMDeS réciproques. L'État belge, bilingue. est menacé d'éclatement identitaire
grne-'.

1.3. Des Northmans aux immigrés : langue et: intégration


~ue la Giiule4 et l'Angleterre5 connurent les grandes invasions germaniques
.arc J\'• et V'l•siècles, les barbares de l'époque ne se contentèrent pas de dominer
politiquement et économiquement : ils ùnposèrent leur langue.
nn'ai fut ~ de même des Normands qui arrivèrent trois siècles plus tard6. Les
nMies ainqu«ants, bi81. loin d'imposer leur langue, adoptèrent au contraire la langue
pmtée par les peuples chez lesquels ils s'établissaient. Leurs rois, Rou, de Russie et de
Fr.mœ - Ru-Rik,. Rollon - n'introduisirent pas l'idiome germanique dans leur patrie
.noaveDe. ~cinq cents ans. fondue dans la masse normande, la colonie des
Suons de Bavem< conserva sa propre 1angue.
Pourquoi. cette différenœ dans les deux invasions barbare et normande ? La
~ tient à la femme_ Les premières invasions eurent lieu par la terre : des
guerriers vînrent, suivis de leurs femmes et de leurs enfants ; vainqueurs, ils ne se
mèlàoent guère aux vaincus par des mariages mixtes. Ils conservèrent ainsi davantage
la "pureté" de leur ethnie et de leur langue. Les Normands au contraire vinrent par la
~Les dœkkars étaient remplis d'exilés, de bannis, bref d'hommes sans feaunes et
sans mfants7 - au moins les avaient-ils laissés au pays natal. Ils prirent femme sur
plaœ et se firent adopœr par la culture locale plus qu'ils n'imposèrent la leur.
Cest par un phénomène comparable, à partir des politiques de regroupement
familial~ dans les pays européens durant les années 1970, que l'assimilation ou
l'inlégntion des immigrés commença à ne plus fonctionner. Venu généralement seul, à

1 V. UCOSTE dir.• Dictit...air-r dr gi!opnllnque, Paris.. flammanan , 1993 · anicl~ "Papou.Hic-Nouvclle-Ciu1Me'", p. 11"7·
ll!IOa..__..... ._...,• . p. 1199.
: 8. N.Un"ET. Lbct~ "1rislolrr d ck civûûutions qfncoine.s, Paria, 1.....arous.sc. t 999, 24R p .
3 IL OIAUPllADE. F. TIIUAL. DlalomvUn! dl gbJpolltiqur, 2c dd., Paris, ElhpK5, l 999 . aniclc "Dclaiquc"'.
'4C . JUU..lA)l, Hinoft·dt/aC..k., hri&, Hachette. •920- 1926 ; réed . Hachette, 1993, 2 vo)s. .
5 A. MAUltOIS. H-.d'Aowf........ Pori .. Fa)/Ud. 19711, "Les angines". r>P· 13-62.
6 M. • llOUdll, GtnU... k COftl[WranJ. Plria. P .U.f" .. 1958, c.oll. "'Que uia-jc 1-. n"799 ; E .G . LÊONARD, l/U1olrr Jt
•~P.U.f .. IMl. J21p .. c:oll."Quca.il-jc?*",f1. 127.
7 J. RENAUD. La JIÜUlp et lu c.dta, ~ . 6dnions Ouest-France Univcni1C , 1992
o.ir1'"' 2. Lll laneur

I• n.ocherche d'un travail, l'ltalien du début du siècle adoptait la langue .françallle et


prenait femme sur place1 . Il IMait aseimilé. Venu en famille, l'immigré africain n'a
gënl!ralement pas pu s'intégrer. Au contraire, le regroupement de familles africaine92
en Pnince a provoqué la floraison des langues communautaires immigrée!l3, au
détriment de l'assimilation dans le creuset français par la langue française . L'école et la
langue française étant indissociables, ce phénomène devait provoquer quelque
générations plus tard un échec scolaire important parmi les populations immigrées et
le développement parmi celles-ci d'un sentiment d'exclusion. Cette exclusion fut aUll!Ji
une auto-exclusion, celle de cultures qui choisirent de se transporter plutôt que de se
transformer".

1.4. La langue, outil de fabrication identitaire


Dans les années 1920, les Soviétiques fabriquèrent une identité ouïghoure fondée
sur une langue spécifique, dans le but d'émanciper le Xinjiang de la Otine. Des
élmients ouzbeks furent alors apportés aux parlers autochtones5 .
Les musulmans du Xinjiang6 constituent 1D1 groupe qui rassemble plusieurs
ethnies : une majorité de Ouïghours, turcophones et sédentaires, des Chinois : les Hui,
des Kazakhs el des Kirghizes qui ont fui l'Asie centrale au moment de la soviétisation.
Les Ouîghours sont établis en Kachgarie ainsi qu'au nord et au sud du désert de
Taklamakan jusqu'au Tourfan et à Ununqi, la capitale du Xinjiang. La langue
ouYghoure, unifiée progressivement durant l'entre-deux-guerres par les Soviétiques, est
proche de l'ouzbek. Pour autant, les Ouïghours ne constituent pas une nation.
Les ethnologues soviétiques entreprirent de transformer Je particularisme ouïghour
en une réalité nationale, dans le but de détacher les Ouîghours des Oünois et de se les
rallier. Cette entreprise devait servir à l'annexion future de l'ensemble du Turkestan
chinois et de ses richesses en matières premières et en pétrole. Les Soviétiques
tentèrent donc d'unifier les dialectes divers parlés par les Ouîghours, unification qui
prit la forme d'une ouzbékisation7.
Ces tentatives de fabrication linguistique ne s'arrêtèrent pas aux Ourghours; elles
s'appliquèrent également à l'État de Tannou-TouvaB, territoire de 170 000 Jcm2 situé
entre la Mongolie et )'U.R.S.S., comptant près de 300 000 habitants et qui fut chinois
durant des siècles9.

1 D'•utant que l• proximllé cultun:llc et n::hgieu.sc ne pou\.·ai1 que fac11i1er la ticbc.


2 Par Ahiain noL1S entendons une ~nne ong1noin: d 'Afnquc du Nord ou cl' Afilquc lllDIR'.
3 L'1utonsa1ion d~ f'll.dtos libres au dCbut de:s anntts 19MO a pcrlTll!'i J'êmagencc de raibœ. oommunau.aaitts qui cntn:ti4!'DDl:nl
tusagt des l•ngucs ~nuns~res 11ur le u~rri101tt mmonal
4 Depuis l'aube des lcmps.. la xênophob1e fondtt s ur la peur de l'ahên.C cslSlc ; cl~ a 1ou_j(\un frappe les personnes~
qw vcnzuml s'~tabl ir dans un village ou une ville . On ne peul donç exphquer l'Cichec .cruel de l'in1Cpation par la Uoopbobic- des
autochtone1. L'~xphça11on est qu'on tntègrc des (\CNnnncs. pas des communau1és.. cnco~ mouts si cellcM:1 sont ~ de
IOciologu::s majoriunrcs - islam sunnite -- J"Hlf opf'Ositmn aux mincmtes d"Onnit - juifs. chrehcns d'Onent. druus.. ch: . - ~u1
drpulS des siècles ont vC:cu en :si1Uauon de mtnoritn1n.o.s, et dont 1ou1 k monde Q.11, mèmc s 1 l'on fc:mt ~vc:m Je ne JIL"' su·ou.
qu"dlcs ne pnM:nt pas de prnbl~mc d'in1C~m1iion

~ F THUAL. U • dé:nrtk tr:>rrittJÎIT. Pans. C:lhr~. JQQQ "La tftbncat;on de:.o; t.")uî!!-h<'Ur'SA, rr. 14.?o - 149
6 F. GRENARO, .. Le Turk~tan ch1nn1s , (Stn-kinnglw . in P VIDAL [)[ L.'\ BLA.CHt::. l.. GALLOIS dir .. G..;~ruplt;..

tmiwrul/t', Pans, Annnnd ( \"llin, 19~7 - I 'Hl<. 1. VI Il l/a"1c·-.'4." r.· . 1~~Q , pp . ~K7-.\ ~:
7 F THUAL-. /.A· Jéfirth- tt!rrllui n-. Pari s . E lhr-se-s. J '1c.JQ " La i11ibncu1ion Jcs Ouîghows", rr ?4;\-149.
H/dem."Tannu-Touvo." . ('lp. l!i~-1 $7.

9 f GRENARO, "La Mongolie''. m r . VIDAL D l: 1.A RLACU E. L. GAL.LOIS d1r., <i~ltW _;,.,.rw/k. Pwiis... AnmDd
Colin, 1~27-19JK, t . VIII : Hatllt"-ÂSl f!, 1929, pp :?.aH-2M7.
D'origine n11>ngol0Yde, les Tou\•iniens sont culturl'llcment mon~olisés, prntiquent 11!
bouddh•sm~ lama.l'stl'. ~t parlent une- lanHue turqut.•. Pour contrôler o ..• territoirl! richl•
en gisements durifèn.~ et argentifères. les Soviétiques L•ncouragèrcnt la furmalio!1 d 'une
nou\'elle idcntitt' "démong..>loYs.!e" et "turquifiée" du point de vue lmguistique. A partir
de 1930. l'kritun.• touvimenne fut laliniséè "'' lil religion violemment comballue. A
l'is.;i;uc d'une nt.luvdlc torn1ation idenlitltirc 1n1pos~ par les Soviétiques, Tannou-Touva
fut AAnexée par Moscou en 1944, l'écriture toovinienne cyrillisée, à l'inst·ar de tous les
peupll'S d'U.R.S.5., à l'exception toutefois des Baltes, des Arméniens et des Géorgiens.
C..m 54 L'Asi" centrale. le monde lurc

l.5. La langue, outil de ré,;islancc nationale


L'un des plus beaux exemples de résistance à l'assimi1.1tion par la conservation de
la langue est celui de l'lran 1 .
À l'époque sassanide, le Farsi fut élevé au rang de langue officielle et tendit à
remplacer à partir du me siècle le parthe, ancienne langue impériale des Arasacides.
Paradoulement. c'est à l'époque islamique que le Fars évolua en un néo-persan l!t
acheva de conquérir tout le nord-est du plateau iranien, notan1ment le Khorassan,
domaine propre du parthe encore au me siècle, ainsi que la Basse Asie centrale où il
avait pratiquement éliminé le sogdien2.
La conquête de l'Iran par les Arabes lors de l'expansion arabe du VII" siècle, donna
lieu à un processus d'islamisation et à une tentative d'assimilation linguistique3. Les
armées de l'islam occupèrent le plateau de l'Iran après la bataille de Nehàvand
- 642 - mais le zoroastrisme offrit une résistance forte à l'islamisation, notamment
dans les régions montagneuses. La nouvelle foi mit deux cents ans à triompher. Il n'en
fut pas de mème de la langue arabe4 . Malgré les efforts de l'administration d'empire
qui tenta d'en faire le véhicule exclusif de la pensée, la culture persane résista. Elle fut
aidée dans sa résistance par le mouvement de c/111 'oub1yya 5 que nous avons décrit dans
le chapitre consacré à l'ethni.e . Au x~ siècle, la prose persane était florissante et au
XI• siècle, la littérature de langue nationale atteignit sa pleine maturité.
Le développement d'un sentiment national en Iran fut inséparable de la langue
persane, qui non seulement résista à l'arabisation mais continua de se développer.
Xavier de Planhol 6 soutient à cet égard que la culture persane homogène qui apparait
au XJ• siècle entre le Zagros, l'Asie centrale et le bassin de !'Indus est le produit de la
réaction nationale à la conquête arabo-musulmane.
Cette même résistance s'observera contre les Turco-Mongols, et la langue persane
exercera une influence sur tous les envahisseurs de l'Iran.
Carte 72 · L'expansion de l'islam au VII" siècle,
Carte 53 : L'Asie centrale : le monde iranien

t X. de PLANHOL. L4J NaJiDM du Prophi-le. Manuel gên1-:rophtq111• dt! prl/ittr/lll.' nm.wluw111•. Paris. Fay"rJ, 1'>'13 , ri. 502
2 G. LAZ.A.tu>. Palrlaw. Pdf"JI. Dort. li.:~ laflguc.•• dt! l 'lrun d 'uprt'-' lhn ul -."111t11~UU. m " lh1swur1h lrnn ant.1 1st11111", l'J71 . p )'1t..
1711.
J R. MM'TkAN. L 'E.ipunsion mwulm~m~ (VJl"-X/" ,.·1i!-c/eJ. 4" êd ., Put1!1o , 1~ . u .F • l9l) 1 . ..:oll. "m1uydh: Cho" . ('IP 1 l'J-146.
'Cuotn.uanmt. r.Ëuypk. \ "Ît:ll empire' 4u1 ;idoptc i.:cpcndilnl la lunguc urabc .
5 l.o dn1·uu.hilcs pn.i"mt ~rc cona1dtrn comme de~ !1otpa111111sh•.'"!i" p;,ir ruppon à la langue Lie l'empire .
6X ck PLANlfOL, la Natwns du Pruplli.•te. J.tanut!I gC01vupl11q11c tle /HJ/;IÙ/Uf! 11111H1immw, Pom s , FuyurJ , llJ<.I;\, p . :'illl
(hlpllre l. La langu" 281

2. La langue, un instrument de puissance

L'histoire des civilisations est aussi celle des langues qui se succèdent dans leur rOle
hégémonique.
- Le grec 1 et le latin sont grâce à la Grèce et à Rome, les grandes langues mondiales
de l'ère antique.
-Au VII" siècle, les Arabes entendent imposer, avec leur religion et leur langue,
l'hégémonie sur le monde. li parviennent à conquérir tout le Moyen-Orient, l'Afrique
du Nord et le sud de la péninsule européenne.
- Au XVIe siècle, âge des Grandes Découvertes extra-européennes, l'hégémonie
semble devoir se partager entre le portugais et l'espagnoJ2.
·Le XVIIe siècle est le siècle du russe et du françaïs3.
- L'anglais entame son ascension à partir du XVIJJe siècle. U est le parler
hégémonique du xxe siècle".

2.1. Langue mondiale et puissance mondiale


La langue sert la volonté de puissance des États; elle est instrumentalisée pour
justifier les conquêtes et les impérialismes :
• Le pangermanisme comme le pan-slavisme se sont appuyés sur la communauté
linguistique dans leurs tentatives impériales.
·Le pan-arabisme5 s'appuie sur la langue arabe pour justifier le caractère unitaire
du peuple arabe, lequel formerait ainsi, malgré ses différences régionales, une nation
arabe. C'est l'unité même de la langue qui fait récuser aux nationalistes arabes la
légitimité des États en place au Moyen-Orient, lesquels sont considérés comme étant
des articles d'importation occidentaux. n est un fait que les Arabes doivent leur âge
d'or, non seulement à l'unité religieuse autour du Prophète et du Coran, mais aussi à la
formidable diffusion de leur langue.
Carte 88: La représentation du panisme arabiste: la nation arabe de !"Atlantique au
Golfe
- L'Angleterre fut la plus grande puissance mondiale du XIXe siècle: elle dut sa
puissance à l'intégration des Indes, de la Birmanie, de Ceylan et d'une grande partie du
continent africain dans un vaste empire britannique6; aujourd'hui, elle doit le maintien
de sa puissance en partie à la conquête de l'Amérique du Nord et au choix de la langue
anglaise que firent les migrants .
Carte 3 : L'Empire britannique à la veille de la Première Guerre mondiale

1 La langue ~ disparait avec la puissance grecque et l'Empi..tt romain d'Oriall . ·oes le '\le. siècle. la langue ~ n·~
plu connue en Espagne, m On::tagne ni en Irlande : [ .. ] en Afrique. la cou,:u1tt cç1 marqutt par I• conquëtr vandale ( .. .) m Gaule
elle se sirue 11u 1ouman1 du VC el du vie siècle ; en Italie. la dcmi<èrc génetarioQ qui sache le ~ est celle de Boèce - mun Cl1
S2S - fl de Cassiodore - mort environ en 570 - cl • Rome mèmc, •wc. envuons de de 600. on ne ht phu ~ ~ lfta les pb
dlllSllt:I.". in J.B. DUROSl!LLE, L 'E11mpc, histnir.:- ,/,_. .,;es fHN/'l~s. rlJ.f'is.. Penin. l 990. êd. Hachette Pluriel , p. 93.
2 M. PERONNET, Le XVr :ri~de. 1492-16~0. Pori!!ô. Hechcltr:. 1992. J)ft p .
l C HAGÈGë, Ltt français r!I IL*.,; sir.dl•.,;, Paris, Odile Jacoh. JQ87 ~ J.L. Tnner, His10i~ de la laftWW _fi-aNraitt, Puis.
Ellips<s, 1999.
4 A. CHAUPRADE, L'rspare ùonomiqrtt'ff.u11~oplrm11·. Pans. Ellipsn, 1QQ6; O. NOGlTEZ. Lu L-o/onisasiaft ~ - .fft. la
l~françaü~ , , Paris, éd. du Rocher, IQ\oll.
S K.S. Al-HUSRY , OrtRim o.f '1u>Jrr11 arul> Pf1l1tù"'(1/ 1hcruxh1. l'~ltô. New Y1.1rk, Delmar. 1\110: C. SAIHT-PROT. U
111Jt10oo/iJmc" orohc-, Paris. Ellipses. l~li. "lfousri rn1pC\:ü! un.: J~lim1ion de la n.auon anitic- pnvtljpanl l\!lément cW1ulel. er:
1mpillique", p ,0,
6 P. RENOUVIN. Hittt>lnt tk.s nlmlon." 1111~nru1;unula, Paria. Hai;hette, l9.S4, 1. V : IA XIX' sià·k. l. De IBIS à 117L
P11rtle J . Pr!nmurl"llCl" ile~ idtt1litrs

- Inversement et à propos de ln France, Œrtains historiens font valoir que l'échec de


la revendicntion française au pouvoir mondiill ne trouve pas ses origines dans le repli
de la GmnJe Armée en 1812 1, mais bien avant, dans lil Guerre de Sept Ans2, lorsque
Paris se ronœntrn exclusivement sur la question allemande et abandonna à
l'Angleterre ses pos.<;CSSions nord-américilines .
- les occasions ratées par la langue allemande expliquent sans doute en grande
partie le fait que l'Allemagne a été reléguée au seul rôle continental, néanmoins de
taille.

2.2. De l'échec de l'allemand comme langue mondiale


L'échec de la germanité linguistique remonte loin dans l'histoire, lorsque les
gnndes tribus germaniques, franque - France - , varègue - Russie - et normande,
abandonnèrent leurs langues au profit de celle de leurs sujets3.
Le druxième échec enregistré par la langue allemande se situe au XVIIe siècle. En
s'abstenant d'aider la Hollande durant la Guerre de Trente Ans - 1618-1648 -•
l'Ernp~ des Habsbourg permet à la prépondérance franco-suédoise de triompher. ~
traités de Westphalie5 autorisent la naissance d'une seconde langue écrite, le bas-
allemand - outre le haut-allemand - qui coOte cher aux Allemands et contribue à les
éloigner des rivages d'Europe de l'Ouest.
Le troisième échec allemand serait, selon certains historiens allemands, l'occasion
nttt par l'Allemagne de voir sa langue adoptée par les Américains6 . En 1794, un vote
aurait eu lieu à Philadelphie, qui aurait décidé, entre l'anglais et l'allemand, de la
langue de l'administration et de l'enseignement. L'anglais l'aurait emporté à une seule
voix de majorité, la voix manquante étant celle du fameux Mühlenberg. président
allemand de la Olllmbre des députés de Philadelphie. Cette théorie a pour origine
l'historien allemand Franz Loher qui soutient en 1847 qu'un tel vote aurait eu lieu . Elle
fut reprise en 1931 par l'allemand Otto Lohr. Les historiens arné-ricains7 soutiennent
qumt à eux, sur la base de recherches effectuées par le département des archives
historiques du Congrès des États-Unis, qu'il s'agit d'une rumeur. Cette rumeur aurait
été colportée par les milieux pan-germanistes puis nazis en Allemagne.
Ces occasions manquées de la germanité hantent le pan-germanisme et ses
représentations traditionnelles. Les pan-germanistes soutiennent en effet que si les
Francs à l'Ouest. et les Varègues à l'Est avaient maintenu leur langue dans les
territoires conquis et que, par ailleurs, si la voix de Mülhenberg en avait décidé

t A LATR.Ell.l.E. L'bt- ~ioniOllH", Paris. Amm:nd Colm. 1974 · '"La catastrophe de Ru~sic" . pp 28'4 -297
l Ek cippaa dt 1756 i 1763 la Fnmcc cl l'AutnchlC' ÏI l'AnsletCrTC et â Io Prusse . Son ongmc tu:nt il Io nvalnC coloniale
~a• la rivali1il! emlro-pnlSSlcnnc quant• la Silé!r.ic. L'Anglctc-rn: mena Io guerre sur mer et dan5 IC5 colonies . La
. . . . . llllllliriqJc u.sJ,aac mtmimi la déf111\e de Mon&calm au Ca.nodn - 1760 - cl de Lully-Tollcdal aux Indes - 1761. P11tlt
cnid: dr: hru du 10 rnna lï6l . Louu XV céda le Canada. la Loui1ianc. dc!i iles an11lloi1":s et une snandc por11c dC"S possns1ans
~ m lnik. L'~ fOIJca grXc â ca tcmtoi.rcs M>n emp ire mon<.li11l J . RÉRENC;ER. J MEY E R . /.,a Fn.m<:f! dmu lt
--'r- a X11lr •-«Il.Pmu... Sedel. 1993 chap VIII, .. LI gut.-rtt de Se-pt AM.. , pp 203°2 .1 7 . ''A in~i é•mt tournée une P'lll!:C ck
ftmluirT lllJr'Ô.«nalc::a.n.:. la sou\·aametC sur k Canada appancn.ai1 au passé , 1nu1 comme l'aventure columolc en Inde ."
JM.HfJ.J..ER.,HùtoUYMlaRws1rrtdrJm1t•mp1rr . rari5, flamrnnnun. I~. coll "'l'J1umps··. Pfl IH -23, (1raU de l$IOnJ•
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6 Sar Clt' IUjft.. jt rancrcte le Majm William E Colhpn de l'omnéc des l'::toLo;-Unili U'Amtriquc, unc1cn él~ve de IT:...:olc Jr
G.:rn: i PW. dr m'nOO fomni de nambrcwo 5oOUJ'Cn

7 A.B fAl!ST . T1w G'-'""'UI E/t'mrn1 '" th r.- Un,ll!J S/uti'.t, New York, Stcuhcn Sncicly o f Amcnco. 1l'27, vol 2 pp. ftn-'i5 .1 .
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(haipiltt 2. La longue 283

.utrement, alors l'Eurasie comme l'Amérique seraient uniformément germaniques de


l'Allanlique au Pacifique. Ce type de raisonnement, sans doute empreint de simplisme,
met néanmoins en lumière l'importance fondamentale de la langue dans les
dynamiques de puissance.

2.3. Francophonie, hispanidad, lusopbonie ...


La langue conforte les influences culturelles ou politiques'.
La francophonie, l'hispanophonie - ltispanidad, communauté de langue
espagnole-, la lusophonie - communauté de langue portugaise - sont autant
d'exemples, plus ou moins organisés, qui peuvent servir la France. l'Espagne et le
Portugal au maintien de leur influence politique dans nombre d'ex-colonies2.

La Francophonie est un espace culturel, politique et économique de poids qui


s'étend sur cinq continents, rassemble 53 États et gouvernements membres ainsi que 10
observateurs3 ce qui représente plus de dix pour cent de la population mondiale -
moins de 1 % de la population mondiale est français. Les pays membres appartiennent
aux cinq continents du globe et se réunissent tous les deux ans au Sommet de la
Francophorùe. Au sein de cette conférence siègent d 'abord des États souverains; à côté
d'eux se trouvent aussi des communautés régionales : Nouveau-Brunswick, Québec,
Val d'Aoste, communauté française de Belgique.
Les raisons qui conduisent un État ou une région à appartenir à la Francophonie
sont diverses. Certains États font partie de la Conférence dans le but d'affirmer leur
intérêt à l'égard de leurs minorités francophones constitutionnelles - cas du Canada,
de la Suisse, du Royaume de Belgique - , d'autres ont le souci de leurs nationaux
parlant français et qui ne disposeraient pas systématiquement de statut officiel ou qui
ne représenteraient pas nécessairement de force politique réelle - c'est le cas du
Vietnam, de la Bulgarie, de l'Égypte.
Les 53 États ou communautés représentés à la Conférence des pays ayant en
commun l'usage du français sont répartis sur les cinq continents et leurs statuts sont
fort diversifiés4 :
- En Europe occidentale, la Francophonie compte 6 membres et 2 membres
associés : la France, le Royaume de Belgique, la communauté française de Belgique-
Wallonie-Bruxelles, la Suisse, le Luxembourg, Monaco, la région autonome du Val
d'Aoste et l'État souverain d'Andorre qui sont membres as..«o..-iés.
La Belgique, État fédéral, est composée de trois communautés linguistiques.
flamande, française et germanophone, et de trois régions autonomes: la Wallonie
francophone, Bruxelles, ville bilingue, et la Flandre en majorité néerlandophone. La
Belgique est doublement représentée au Sommet a\"ec d'une part, le Royaume de
Belgique, et d 'autre part, la Communauté française de \Vallonie-Bruxelles.
La Suisse comprend vingt-trois cantons, six d'entn> eux forment à l'Ouest ce que
l'on a coutume d'appeler la Suisse romande - Genève, Vaud, Neuchâtel, Jura.. Valais
et Fribourg - ; les quatre premiers sont t>xclusivement francophones, les deux derniers
ont une partie francophone et une partie gem1anophone. En outre, le canton
germanophone de Berne contil•nt une importante minorité de francophones .

1 A. CllAUrRADl:, l.'c•.\p11n · L~COll(lnll'flr1 " /r tJm ·1 •1 •i1.mc , l'llrl '. l: ll•p'-C:.. r an s. \~~. IM.l p.
2 J.M. LË<JER, Lu f 'rimn i11lrv11ù·. ~nmtl .h·.,·s111, >:r.111.I.· .1m fl 1_..:111k. :\h11ureal. Hunulio1sl". l\J.SS.
l l:n 200fl sc\un le ~•le officu:I de l'Off (0rl!-nnis.all\• ll lnt...•mnlh.,nulc \k h1 Franr.; , 1ptk\1U~

4 A CHAUPRAOE, /. '•'l/JQCt' t<Ymomiflue fr•tnl ·.,l'lmflt', l'llnS.. EJhpsn.. ~~%. pp .::~ -.10 .
1'11rt11· .i f'rnmmrnu tk!i icleulili''>

Au Luxl'mhourg. <JUatre po!~nnes sur cinq parlent le français qui esl la langue de
l'administration.
lntrnmontain.•1ux confins de la France, aggloméré Il l'Italie en 1861, le Val d'Ao~te
bt'néfiete d'un !,'OU\'l'm<'m<•nt .1utonomc en raison de sa francité et le français Y jouit
depuis l'MS d'une parité officielle avf'C l'italien. La population vald6tainc compte
env1ron 75 ·~de fr,mcophones 1.
- En Eunlpe œntmle et orientale, la Francophonie est représentée par la Roumanie,
la Bulgarie. la Mold11v1e, sont membres associés : l'Albanie, la Macédoine, la Grèce,
sont obst.>rvateurs. lAutriche, la Croatie, la Hongrie, la Lituanie, la Pologne, la
TcMqui.,, la Slo\•aquie, la Slovénie.
Il v aurait aujourd'hui près de 30 'X. de francophones en Roumanie. En Bulgarie, ce
poun.~ntage est plus iaiblt> - autour de 5 •)(, - mais la tradition francophone est
malgré tout constante.

- En Amérique du Nord, sont membres : le Canada, le Canada-Québec, le Canada-


Nouveau Brunswick, et la France représentée dans la région par Saint-Pierre-et-
Miquelon. La Louisiane et la Nouvelle-Angleterre ont été associées en 1995.
Le Canada est officiellement bilingue - français et anglais - mais le statut de la
langue française diffère au sein de ses dix provinces. Au Québec qui compte plus de
80 't de francophones, le français est seule langue officielle; au Nouveau Brunswick,
où vit la majorité des Acadiens, le bilinguisme est officiel ; dans les autres provinces,
comme dans l'Ontano qui est voisin du Québec et qui compte une importante minorité
francophone, l'anglais est langue officielle.
La Louisiane. découverte en 1682 par Cavelier de la Salle, prit son nom en
l'honneur de Louis Le Grand. Colonie de la Couronne de France en 17312, la Louisiane
accueillit nombre d'Acad1ens à la suite de leur déportation en 1755, après qu'en 1713
!'Acadie dût être cédée à l'Angleterre par la France3 . De 1840 à 1939, de nombreux
Quêbécois émigrèrent vers la Nouvelle-Angleterre afin de trouver du travail4.
- Dans les Caraïbes, la Francophonie dénombre quatre membres : la France -
Martinique, Guadeloupe, Guyane - , Haïti, Sainte Lucie et la Dominique.
- En Afrique subsaharienne francophone, vingt pays sont présents aux Sommets de
la Francophonie: ce sont le Bénin, le Burkina-Faso, le Burundi, le Cameroun, Cap-Vert,
la Centrafrique, le Congo, la Côte d'ivoire, Djibouti, le Gabon, la Guinée, la Guinée-
Bissau, la Guinée équatoriale, le Mali, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, le Tchad, le
Togo, le Zaïre5. En outre, Saint-Thomas et Prince est membre depuis le Sommet de
Cotonou tenu de décembre 1995.
Ces pays sont nés des anciennes colonies européennes, particulièrement de la
France, mais aussi de la Belgique, du Portugal - Cap-Vert, Guinée-Bissau -, de
l'Espagne - Gtùnée équatoriale. Dans la grande majorité de ces pays, la langue

1 L 'auiœr • ttlSC!gDt une ann« à Aosle Jans le ~at.lœ d'une coopc!n111on en ire l'LJ01,,.crsi1C de lu Surlmnnc et l'Umvc."ntlC du
Val d' ÂDllt . li a p.i .:oru.uiia q~ 1:11 maJontc de se.'" ttud1an1s avaient <le$ noms fral1filll~ : ccr1omcs fomîJlc~ uvmcnt chot!U de leur
dmmc:r da préovms 11ahc:ns. d'autres restaient lidêlcs il l'origine Sur l"l11stoirc <le lu ,,.11Jc <l "Anstc nn hra Joseph-(i11bncl
RIVOUN', W wllt' d'..fuJh'. Mi.t$uma:1 E.ducur, 1995. Aoste ; Louis-Roger DèMJISEY, /.c, ''alléf • tl'AtHI<-' pt>mJ,,,,, le j,i.,cù1'1<t.
~ Arti Graficbs: Duc.. 19li7 qui rnonU'c ln ctforu. cntrcpns pilt Mussohm pour 1tuhu111!>Cr la rég1un au Jé1rîmcm du frunçu1s.

:.? E. LaunlèrC", ..La. Luwsi.a.oc", 111 li. HANOTAUX, A MAH.'rINf.AU Ju· , 1/1.~tuùL' d1•., n1/11111t'\ Jrm1çm.H.' ,. 1•1,/,• l'o:pcirulun
Je lu f"ranc-e &bu Ir-"'°"""'· Paru. soc1Ch! de l'UisloU"c ruJIJUnalc. Pion, 1 l / . •,,.1,,,,_;rit1m·. l 1>2 1>. PP - 26J- .l 7 "i .
JI~ . •1•A.::~1c·,pp . 1111 -24-1
4 Ci H.ANOTAIJX. A MARTINF.AU dir .. l/;.JJtOIT€' c.k., calom1.·s fra11, t1isc.\· L'I dt• l'o.·.,1m1n·imr de• '" 1--rmrn· 1/1J1JJ /.: m1111J..·.
PW. kX:IC:tt ck l'rhst.oa~ .baUon&lc , Pion, 1. 1 /. 'A,,11!-riq11t!. 11)29, voir J TramomJ, "Le Cunudn ~\litè's k Tronc! d'lJ1~..:h1. 1.111 p.:rh!'
du c:..a.dm·. Cl Ê. l..11.u\Tlèrc .• La Li..nu.a.U111C•, PP- 1SJ-190 .
'Cong&J dhnocrmi.quc dC"pu11 l'i97 qui o;1 a1Ur1i de la Fram;:uphon1C" uvum d'y .:ntrcr dC" nouvi:uu.
t'lwpltru 2. l...iJ langue 285

officielle est le français, mais s'y ajoutent l'arabe - Djibouti, Tchad -, l'anglais
Cam.,roun -, le kirundi - Burundi - et le kinyarwanda - Rwanda . C'est le
partugats qui est langue officielle au Cap-Vert.
La situation de la langue française dans ces pays d'Afrique est particulière, puisque
.:'est la langue de l'administration, de l'enseignement et de la communication
internationale.
- Dans l'océan Indien, on compte 4 membres : les Comores, Madagascar. Maurice,
les Seychelles (île initialement française avant d'avoir été donnée aux Anglais).
- En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, sont membres le Liban, le Maroc, la
Mauritanie, la Tunisie et l'Égypte (où la proportion de francophones reste cependant
faible) . L'Algérie pourtant très largement francophone n'appartient pas à
('Organisation pour des raisons idéologiques liées à une décolonisation mal assumée.
- Dans le Caucase, sont observateurs lArménie et la Géorgie.
- En Asie, sont membres le Cambodge, le Laos et le Vietnam (les trois pays de l'ex
Indochine).
- Enfin dans le Pacifique, Vanuatu est membre.

L'espace francophone, qui s'étend sur cinq continents, est de plus un espace en voie
constante d'élargissement.
En 1995, la population des États francophones s'élevait à 485 millions de personnes.
En l'an 2000, cet espace représente près de 10 % de la population mondiale, ce qui n'a
rien de négligeabJet .
Mais l'espace francophone est aussi une réalité macro-économique de poids. En
1995, le P.N.B. cumulé des membres de l'espace ne représentait certes que
15 000 milliards de francs soit respectivement 2,3 fois moins que ['A.LE.NA
- 35 000 milliards de FF ou 7 000 milliards de dollars - et 2,6 fois moins que !'Espace
économique européen - 40 000 milliards de FF soit 8 000 milliards de dollars. Bien sûr,
ces deux blocs régionaux pèsent beaucoup plus, mais le rapport n'est pas si écrasant
que l'on aurait pu le penser a priori. La richesse économique de cet espace est certes
concentrée à 90 % sur quatre pays - France, Canada, Suisse, Belgique - , mais la
dimension macro-économique de la Francophorûe apparaît bel et bien comme une
réalité : 10 % de la population mondiale, 12 % de la production mondiale, et près de
17 % des échanges commerciaux intemationaux2.
Le projet francophone, parce qu'il est éclaté sur cinq continents, est parfois opposé
aux dynamiques de régionalisation et de formation de blocs continentaux intégrés. La
question de l'avenir des relations privilégiées entre les pays francophones est en effet
liée à la forme politique que prendront l'Union européenne, !'Accord de Libre-échange
nord-américain, !'Association des Nations du Sud-est Asiatique, ou bien encore la
Commission de l'océan Indien.
Du point de vue géopolitique, on constate que nombre de pays, notamment en
Europe centrale, orientale et en Asie, aspirent à intégrer la Francophorûe ; ils le font
dans une perspective de contrepoids à un voisin plus puissant. Il s'agit là de la vieille
politique des équilibres pratiquée par les États depuis l'aube des temps.
En France, le projet francophone est défendu par les partisans d ' une France
puissance mondiale et d'équilibre . Citons notamment Michel Guillou qui a la pensée la
plus aboutie sur le sujet :

l/Jt.,,,,
2 Ces Jonnëes sont url~inuk~ û l':n1h:ur. d.ms A ( 'HAUJIK.AL>L /:o p .1u- .:,wwmi11u,, ''""':opllmh.:. Pul.i. Ellipsts. 11196,
"Gf'alldH l('ndanccs macru-êconomiquL·s". pp ·' ·' ··' ' ·
OCÙN PACIFIQUF. OCtA/I PAClf/QUE
\

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64. L'espace politique de la Fran~ophonie
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65. L'espace politique de l'anglopbonie: le Commonwealth
/l11rtu· 3 . Pen11m11·uff ,,,.~ rdnrtitO

""'i.':'dlll"l' t"Mn~._.,,,,,._ Id Fnmn· t~f 11u~~ 1 1u11..• 1•11i!"'s1111n• dt.• di1m: n s im1 11w111/inle Or Ja
Fntnll..,,._111X- l."!'r uu dr:; 1'rl1t·~ dr ct"ttc Frm1L·c· 111t11rdra/t•. A11jourd 'l1111 t'ncorc nc.'xl•)(ét• 11ar /Q
fnmtY. /aJ Fnn10lJ,,ldU1t" l~~ pt'llrtaul '"' /Jt•ft'ut1c•/ .~é1•111•l1lùflf1.'. écmwmiqr": t.'I cult1ur/
rnJixrnu rlfr 1"!'t ,,, tn1d1ldlltll 1it' l 'idt.;111 11'1111 rmmdt• m11lli11o l111rt.', n cl1c! rlc! ~· 1/wcr~1tr
,~11.,rrilt tl 1''l"'fi4:'4nl /1~ /tc_~i1mmil~.
Et J l'hc"fHY oti J.1 Fn.ml'l· iloult• 1/'dfr. c.Jrl /11 etm~tructwn t.'1u-011ë..·11111: trnvl'"r~· une 11rofcmdt
,...,.;~ J'ulrntitt', ,,,;
A."1Ulll.'UP ~·ml1.'rT\l,~1.•11f !.' 11r lt.• s..· n~ ,/,· la lll<'ll1liol1!' fltio11 , 11 t·.~t lt•mt'~ qut lrs
a;~ fnmÇlli..~ c~.....-t,.rt ,tt ~1unn· /1lrN/111· /'ou p1rrk 1/t.• Frm1...-11plw111t•" 1.

~rie M : L-.'5paœ politique d e la Francophonie


CirtebS : L'espaœ politique de l'anglophom.,, le Commonwealth

2.4. Les lignes de partage linguistique au sein des États


Certains États connaissent des frontières linguistiques intérieures. C'est en
particulier le cas d'États membres du Comnw11we11/t11 ou de la Francophonie, sur le
continent africain.
-Au Cameroun. l'enclave anglophone c onstituée par l'Ouest articulé autour de
Douala conteste la prëpondérance francophone et fragilise ainsi la construction
politique camerounaise2.
- À Maurice, l'indianil:é anglophone s'oppose à une rrtinorité blanche francophone
et franco-mauricienne3.
L'analyse de la géopolitique interne des États s 'attache donc à mettre en évidence
ces lignes de partage identitaire, et à cerner les frontières linguistiques intérieures.

2.5. L'unité linguistique, une condition nécess aire


mais non suffisante
La langue est un facteur identitaire intérieur et un outil de puissance extérieure.
L'tmile linguistique est souvent nécessaire à un État pour a sseoir sa stabilité et
ravormer dans le monde. Mais malgré son importance, la langue n'est pa s le seul
fadeur géopolitique. En Yougoslavie, avant 1990, le serbo-croate semblait donner une
tmité à l'État fédéraJ4. Cette unité n'était cependant qu 'un trompe- l'œil ; des tensions
identitaires plus profondes liées aux différences ethniques et religieuses, agitaient le
pays et provoquèrent son éclatement.
On ne mettra jamais assez en garde contre la tentation de vouloir tout expliquer par
un seul facteur, qu'il s'agisse de la langue, de la religion, ou de l'économie. La
géopolitique, matière interdisciplinaire, doit refus er le monisme; ses réflexions doivent
intégrer l'ensemble des données en jeu et des facteurs déterminants. L'addition de ces
facteur.; ne suffit pas ; encore faut-il savoir les hié rarch iser selon l'originalité propre a
chaque situation étudiée.

1 O. lin l"caaidc Michel GUILLOU, FrtJlf(.'opJuum..·-pui..u uun.· . ..:nll. "Ré fCrc.ncc gCopol1l1lJUC... E llip se ~. 200~ .

2 A. CHAUPllADE., f . TIIUAL, D ictiunnu1r1· dl" J:l!VJltJlil1'(1t1•. 2i: èd ., Pan s, E llir.,cs. 1') 1J1J ;imdc "'Cameroun·
Y. LACOSTEdir.. Dic11arrnavl!tkg1Ylp<Jlilique. Pan s. Flamm11mrn . 191).l ur11c lc ··c·ar nc ri lun", l"P .lC1l -.1<1.1
3 A. ClfAUPR.AOE, F nfUAL. Ditt10,,,ro1re 1k R''npülitiquc!. 2c Cd . . raris. Ellipse ...,, l 9 1JLJ . 1111u:: lc "Mnuru:c" ; y 1.AC"OSTf.
dit . Diaia'llltlW'r~ giopolû'fW, Paru. Flammanon, 199.l u.n1ch: " mnun c iennc (Répuhl iquc )", pp. 'J K..t
4 P. GAI.DE. Vi.r t't """''*la Yougo1/ai.u, Paris , Fay.rd. 19112 , J. KRULI C . l/ l.'ô fo ;r1• d e• la )'rmnn.d11\lio• ,J,. /IJol!ô 1i " " ' l"''"·
-~ . 199)
CHAPITRE 3

LA RELIGION

"011111eurt pour u11c cathédrale, 11on pour des pierres•

Saint-Exupéry

"011 ne saurait trap insister sur une maxime aussi certaine qu'une proposition de
11U1/l1ématiq11es : famais un gra11d peuple 11e peut être gouverné par le gou"OeTllD1le1lt. J'entends
pnr le gouvememe11t seul. Celui-ci a toujours besoin de quelque supplément qui le décharge d'une
grande partie de la besog11e. Co111111ent la Turquie est-elle gourJemtt? Par /'Alcman. C'est lui qur,
da11s ce moment, inspire encore, après onze siècles, de sr grands efjùrts à une nation décripite ; et
sarrs lui le trône ottoman disparaîtrait en un clin d'œil.

ûmrme la GJine est-elle gouvernée ? Par les maximes, par les lois, par la rdigion de
û111f11dus, dont l'esprit est le véritable souverain qui gouverne depuis deux mille cinq œnts ans,
qui a fait de ce peuple 11ne espèce de 111ac/1inc dans la main de l'empereur, et dont la farce est telle
que, de nos jours encore, nous avons vu u11e famille entièTe condamnée à mort, pllTCe que son chef
11t1aitécrit le 110111 d11 souverain en lettres minuscules. "I

Joseph de Maistre

"L'a11ticléricalis111c et l'incroyance ont leurs bigots tout comme /'arthodo:rie"

Julien Green2

Avant même que ne surgissent les grandes religions monothéistes, les religions
ancieMes sont un culte de la géographie3 : les Celtes adorent les arbres', les sourœs5,
les pierres6 ; les Dieux habitent les collines et les montagnes d'où ils dominent te
monde profane; la Nature toute entière est la demeure des âmes des ancêtres. Le Ciel
est soutenu au-dessus des hommes par la cime d 'un arbre géant.

1J.dc MAISTRE, S11r la Rw.fi~. in Du ro,,.e. lt·.t Soi1\•~ dt· Sumt- P~1er.rfto1trg ~t 1.1ut1'\·.t tt•.t/t•.o; , Pllri!l. JJ Pau\m 01.iœw.
1m, r. 121
2 J GRr:EN, Jo11rnt1/, 23 ju1llc1 1q45_
l J. dt VRIES, /.11 ra·li,.:ifm tle.\· Ct'l11·s. runs, Payo1. l 9ti_l .
4 A\'C( une h1~mrd1ic duns l'odomliun Ji:s orbrcs : le ch~ nc é 1u11 Il' symbole 1..'Chtquc tk Z11.-us . l'if ~w restt , .cr1 c1C- 1..-onu:nc
hintCtai1 le symbole de 1'101monahtC Ju monJe et fai sait l·nun· À l'u istcm."t.' d'un arbre ~éan1, YggJrasil cht-l les G.."fTDIJn.~. qui
'°lntnln Je mondt des.a cime ~ J. de VRIES. IA1 n : l i>:,wn "•'·" ,.,..Jt,·,. P:m~ . Payut. 1%3 ; F LE ROliX . C.J Gl!,'ON\'ARCH, Û .5
°'""'*-'· Rennes, td. Oucs1-Francc-Univcrsité, IQMb "l.11.· chC1h.' , le s,1 rfoi:-r et h.• ~(lui.Jncr .. ; ''l'if d le p.mtmicr·, pp. 152- tS i .
11.in.. pr. 161 - 114 .
61.ft rnmhin cl le!' dolmcn!I en O~gnc tênn1ig11cnt ,1c cc-s cul1e1.
Vlt'fJ l11t1Wn1 ou iu'"r tn" nnprri"1r rdJ~
lrl:1ntk Ju Nord
i::x -You.J01li1'W IC
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16. Bali tlndo""'1cl
17. Bomeo. Moluqoo. ctlil>es
(tndonésoc:J
18. Tinllr-Onenr:il
19. (nan fay::1 i lodonès1t)
20. Mind;inoo 1PhihJll"mJ
!I Sn·Luib

-
22 Al~nc
2l Égypcc
litige fron talier
!• SOi<pJ
mouvement mdépenJantiste ! 5. Nlg(na
26 Tdlod

.•
0 vives tl!nsrons 1nt(neures
!7 SuJ-Souda
guerre "'vile ! S. Come <le !'.;\fnqoo
conflit international 1Emiopc.~~
66. Les conft.iu daru le monde, avec ou non présence du fait religieux 2'1 ~
L'imprégnation sm:rée du mili"u géographique est telle en Occident, mais aussi en
L1rienl, que le christianisme qui progressait devait tenir compte de la sacralité des lieux
l'i chcn:her à intt>grer plutôt qu'effacer. De nombreuses églises sont bâties sur des lieux
dt' (Ulh.\s po1~ 1 th('istcs, l'c11u et la for~t pénètrent la symbolique el ~ 1 architeclure
d 1 ~tienne 1 .
L<l n'ligion est d'abord un culte rendu à une ou plusieurs divinités. Alors que la
!l"''f'<llitique motive chez l'homme des ambitions territoriales, la religion motive un
;Jt'al spirituel. A priori, la géopolitique est d'essence temporelle, là où la religion est
,\'essence spirituelle. On conçoit dès lors que religion et géopolitique ne peuvent se
rencontrer que dans deux cas :
- lorsque la géopolitique utilise des croynnces spirituelles pour parvenir à ses fins;
- lorsque la religion déploie des ambitions temporelles.
On voit se dégager, à travers ces deux hypothèses, deux questions:
- Comment les États utilisent-ils le fait religieux?
· Les religions déploient-elles, de manière autonome aux États, des ambitions
gropolitiques? Ou bien encore, les religions ont-elles une politique géographique?
Ce chapitre consacré à la religion comme facteur de la géopolitique, appuie ses
conclusions théoriques sur l'observ<ll"ion de nombreux champs de forces où la religion
intervient. Ces champs de forces ont parfois développé des conflits guerriers, mais cela
n'est pas toujours le cas. La géopolitique commence avec les rivalités d'intérêts, et la
guerre n'est que la continuation d 'une politique géographique que la diplomatie exerce
en premier lieu .
La première section est consacrée à l'observation quasi-exhaustive de la diversité
des champs de forces géopolitiques où le religieux intervient; c'est un tour du monde
des fractures religieuses : à l'intérieur du christianisme; entre le christianisme et
l'islam; à l'intérieur de l'islam ; en Asie plus particulièrement, entre bouddhisme,
hindouisme, islam et christianisme.
Ce tour du monde amène il repousser l'idée selon laquelle certaines religions sont
plus conflictuelles que d'autres. li n'y a pas de loi en la matière, puisque dans le monde
on trouve toutes les configurations d'affrontements inter-religieux possibles.
Dans une deuxième section, on examine de quelle manière les religions s'inscrivent
dans la géographie et sont territorialisées. En d'autres termes, les religions ne sont pas,
selon leur nature, territorialisées n'importe où. L'inscription dans une géographie
particulière revêt un sens poli tique précis, et c'est en cela même que le fait religieux est
une donnée de la géopolitique.
La troisième section traite de la fonction du religieux dans la géopolitique interne
des États. Trois directions d'étude sont suivies: la religion nationale; la religion
sécessionniste; l'inféodation du fait religieux au fait national.
Après la dimension interne, vient la dimension externe du religieux. La quatrième
section étudie la fonction du religieux dans la géopolitique externe des États. Il s'agit en
particulier du rôle de la religion comme outil de la Renlpolitik des États.
Enfin, la cinquième et dernière section aborde la question des dynamiques
religieuses autonomes des logiques étatiques. Existe-t-il au fond une géopolitique
transnationale des religions ?
Carte 66 : Les conflits dans le inonde, avec ou non présence du fait religieux

1 I'. WALTER. My1hn/ngie drrëtieime, Rites<'' mythe.If cl11 Moye,,·ÂgL'. Paris, Éd . Enlcnlc, 1992 : R. BOYER. Lt' Chrirt Je.~
llurbure1, U mondt• ntJrtliq1n·. /)."'-X/Ir sii!cle, roris. Ccrr, 1987.
1. Des frR('tnres rl'ligiem•<·s de Horne à l'émcrgen1:1~
cle l'islam

Rome croil prend"' l'Onent mais est investi par lui 1 . Ce sont les religions orientale-.
qui font trembler le ,;ocle de la tradition rom;line et de sa domination sur la civilisalion
mt!diterranéenne. Le refus juif de l'helll'.!nisme traduit une révolte profonde de l'Orient
rontre !(\:\.;dent-2. Le christianisme universalise cette révolte qui s'empare de l'Empire.
f1L<qu 'à l'effondrement previsible de celui-<:i. Rome n'est-il pas tombé davantage de se.
ré\·olutions religieuses intérieures que Jes coups de boutoirs des barbares européens?

1.1. L'échec de l'hellénis1ne et la réaction orientale


lorsque l..s Romains arnvent en Orient, ils pensent trouver un monde grec. En
surface, on ne saurait les désavouer. Et pourtant, l'Orient romain est davantage
asiatique que grec-'. Sous le vernis gréco-oriental, dorment les religions orientales dont
le réveil .rnnonœ le glas de la civilisation méditerranéenne4 .
Tout commence lorsque les Romains écrasent les Séleucides, et leur chef Antiochus
le Grand. L'hellénisme politique est défait. Les Romains ont beau jeu de se vanter
d'avoir ''aincu dans la personne d'Antiochus, Darius ou Xerxès. Ils n'ont fait qu 'écraser
l'héntage d'Alexandre le Grand et compromettre gravement l'ceuvre macédonienne
Les véritabl..s bénéficiaires de la défaite séleucide sont les Parthes qui, durant
des siècles, vont menacer l'hégémonie romaine'. Cependant, il reste en Orient, parm 1
les populations araméennes en particulier, l'éducation hellénique qui fut le programme
d'Antiochus Epiphane, fils d'Antiochus le Grand . En persécutant les Juifs, Antiochus
Épiphane crut pouvoir vaincre le génie sémite du désert et faire triompher l'éducahon
athénienne. les légions romaines font s'effondrer ce réve6 .

1.2. L'ess or des cultes orientaux


Depuis l'intégration du Panthéon grec dans la foi romaine jusqu'au triomphe du
monothéisme chrétien, les Romains n'ont pas cessé de montrer leur grande capacité de
syncrétisme religieux7 .
En Italie, les religions d 'Orient sont certes connues depuis l'époque archaïque
L'hen:ule du forum boarium n'a-t-il pas pris la place du Melqart phénicien? Mais
jusqu'à la période où l'impérialisme atteint son apogée, Rome est restée une cité vouée
à ses dieux. Force est de constater que l'intensification des relations avec l'Orient
change le contexte du tout au tout. Les opérations militaires, la diplomatie, les voyages
des ntgociatores ou des prêtres en l'Orient et Rome, les flux d'esclaves, font découvrir à

J V PEJtR.11' , T BAUZOU. Ek la .:r1~a l 'Empi~ : hi!>1u 1re Je- Rome . Pnn~ . E llirscs. J '1 117
?Jdon.
l R.. GROUSSET, BilDll ik l'hinair'c. Paris, Pion, 19<i6
4 ,ttrnqi: ..ai d'un pu.si mdln...uc-. \ 'tr1w.1li1t de tuutc notre Eumrc", ltJ•.,,,
S/,,_
6 •La dtCaitc- d°tpiphanc marqua le" inomphc Je la rè<1c11un us 1L11H.. 11e s ur l'hcllé n1 .,.111c . rr:ai.:1mn sé1111tit1ue cn P • lcsunc: l'll LI
m6acnlie JWW: remporta. râct1on antumnc-;. l'Est ou les l"u.rthes. en l 2'J u\· J -<· , d1:1~ s crcn1 JCfim11 11 ~mcn1 le s SClcuctdt':\ dt b
Me.op:aaue. rtKuon ~ m S)TIC mtmc uu, CTI K4 , lu dcm1cn Séleucie.les furcfll JctrùnCs cl ou se pmtluir.111 une fttCm1èn:
m6knticm lt'lbc.". m lt. GROUSSET. Btlun sur l'l1111u1r.-. Pari~ . l'lun. 1946.
7 P. ŒUVIN . Clvo1H4wdu dnmcn puff'm, Pans, Le~ Oc lies Lettres . F1.1yartl. l 'J~ l
Chorith! :l. L•• rdlgion

l'Italie les cultes orientaux. Les Romains défenseurs de la tradition s'inquiètent peu à
peu de cet orientalisme religieux à Rome. Cicéron se plaint de cette tJ:luna supcsititio
qui menace l'identité même de la Cité .

Deux catégories de divinités orientales sont alors à distinguer' :


- une première catégorie de divinités vient d'Asie: c'est la cas de Cybèle, de Mà -
introduite en 92 - dont les fanatiques se livrent à des excès redoutables, de la Dea
Syria de Hiérapolis - sanctuaire du Trastevere - et de bien d'autres - Baal, Adonis.
En 67, avec l'installation par Pompée des pirates siciliens officiers de Mithridate en
Italie du Sud, apparaît peu à peu, dans toute la péninsule, l'une des plus gJandes
divinités de l'ère impériale: Mithra;
- une deuxième catégorie vient d'Égypte et d'Alexandrie, dominée par Sérapis et
[sis, divinités gréco-égyptiennes wliverselles honorées dans les ports et les villes
grecques de la Méditerranée - Le Pirée, Délos, Sicile. Dès la fin du fi• siècle, les deux
divinités ont des sanctuaires, en Campanie, à Ostie. La confrérie des fidèles d'Isis est
fondée à Rome à l'époque de Sylla, avec un temple érigé sur le Capitole.
Ces religions présentent des traits communs qui font leur succès: liturgies
spectaculaires, rites solennels et émotionnels ...
Face à cette montée en puissance des cultes orientaux, le pouvoir romain ne dispose
d'aucune politique religieuse. Tel un État laïque, il tolère tous les cultes, pourvu que
ceux-ci ne soient pas violents ou identitaristes. Les deux religions les plus étroiœment
surveillées par les Romains, officiellement à cause de la pratique du sacrifice humain.
mais en réalité par souci d'empêcher le réveil des identitarismes gaulois et égyptien,
sont le druidisme en pays celte et l'antique religion égyptienne.
Rome tolère donc la différence religieuse, mais a condition que celle-ci puisse servir
à appuyer les identitarismes sécessionnistes. Le facteur religieux joue du point de vue
géopolitique comme un facteur de résistance particulariste face au rouleau
compresseur impérial. En Orient, la religion est une expression de révolte identitaire
contre l'État impérial romain, d'essence laïque.
Dans l'ensemble de l'Empire, la diversité religieuse est forte. Les paganismes
celtique, ibérique, africain ou oriental font preuve d'une vitalité en rien altérée par le
joug romain. En Gaule, on compte près de quatre cents divinités2. En Afrique, domine
un grand dieu que Rome assimile à Saturne mais qui est en réalité proche du dieu
punico-berbère, BaaP. En Orient, se distinguent Artémis d'Êphèse, déesse mère, Zeus
en Carie, Men en Cappadoce, Baal en Syrie, les dieux égyptie~.
L'interprÉtatio - interprétation - permet à Rome d'afficher une unité religieuse de
façade . Rome donne en effet un nom romain aux divinités indigènes - in~ttatio
romana - tandis que les indigènes assimilent leurs dieux aux dieux romains -
i11/erprttatio ga/licn, ibericn, africa11a, graeca5. Ce procédé, dont on perçoit l'importance
politique pour l'Empire, a pour but de donner aux dominants, comme aux dominés, le
sentiment qu'ils honorent les mêmes dieux, et que l'unité de l'Empire est donc bien une
réalité civilisationnelle. Les ferments de sédition identitaires sont ainsi affaiblis. De
plus en plus d'historiens estiment aujourd'hui que l'i11terprtta/i.> ne fondionna pas, que
la réalité fut toute autre : les milieux dominants et romanisés adoptèrent le paganisme

1 \' ra::RRIN. T . Ur\LI Z l >li . p,. Io dt.;,, l 'l-."m1•ir1 · · his tj,_•iri: Je Rl•n-.:. P:uis. l~ lh~. l'N7 . '"La vu:· n:li~1eusc~ . pp BJ....\38 .
2C' JULLIAN , /li ~ toirt • dt• /., t ;a11/,·, Um: hcu ..:-. tQ::!O-lQ::!t-. f'\."Cd1th1n . ran!<o.. 19'l~ . l. ::! . Lt'\·~\l , "L.a ...·wdlSaliun püo-
n1m1unc'" , 1.hap. I. "Li:sJictL, .. . Pl' l.'J. - lt--& .
J Sur le Dieu Hunl <·. llAlJROIN . l ' BON N FT . / .n /'lrnun , ,,.. "'' ' '""' ~ .k·.c: rn1i."' '"''"1111nttt . Plan ~ Anna:DLI C'oCin. l'iNl
thllf'. V. "La n:li~ion ''. pr 1~1 - .:!0.l

4 N . GRIMAL . Jlntmrt• tic· rf.:.i:y11r,· . m.·11·u11,·. l"un11o. hlyan.I . 11,1sx ..: har Il , "Rrligion ct hlSlolJ"(''", pp ~~b..'\ .
:\Y PERRIN , T UAUZOLJ. lk '", ,,.. ,; l'lùft'"-'" '• : lfi'fl"trr '"' R·'"'~ ·. l'un ~. t:llirscs-. 199'7 . '"la VlC f'Clig_ll('UX·. pp.. Jl)..J.J8
11tt.:ti-mmain trnditlonnel tandis 4ue les milieux dominés restèrent fidèles aux cuit....,
locaux ••n le!Oqu<'I• ils \'irent une sorte d'instrument de résistance spirituelle <1
identit,\il'(' ront"' l'F.mpirei .
Cl• Jont n1i c~t stlrl quf'iqu'il en soit, est qu 'a u fil des sièclcsl les religion-. oncntak"\
!x'ntlt~rent dl' plus <'11 plus l~>s sphères du pouvoir et qu'elles s'infiltrèrent parmi le-,
élites. Certain.~ historiens expliquent cette réussite par Je contenu même de r...,.
religions orientales. sembll'-t-il apprécié pour les réponses qu'il apportait aux besoins
.Ûh.'Clifs et métaph~·siqucs - origine du monde, promesse d'éternité, morale . Cett~
thè!ic mérite cl'Nre nunncée. Les cultes orientaux ont d'abord été le fait d'orientaux
imnù~ qui s'en sont fait les promoteurs . A contrario, les milieux dominants romains
ont plutllt tenté de f.,,iner les religions nouvelles . Avant Caracalla avec Is is, aucun dieu
orient.~! n'avait reçu à Rome le stntut officiel de dieu de l'État romain. Il est probable
qui' les cléplncemenr.; de militaires et de fonctionnaires de l'Empire en Orient
enrouragèrent à Rome ln diffusion des cultes de Mithra, de Jupiter Dolichenus - nom
is.•u de Doliché qui se trouve dans l'actuelle Turquie - , de Jupiter Héliopolitain -
Baalt.....:kl.
les principaux dieux orientaux célébrés à Rome furent : Isis et Sérapis, dont le
culte. d'abord per.;écuté sous Auguste, connut un succès croissant durant le Haut
Empire; Cvbèle, établie sur le Palatin depuis la deuxième Guerre Punique; Mithra.
dieu d'origine iranienne. dont le culte se développe lentement et qui connaît son
apogée au Ill• siècle. C'est un dieu du Bien que les hommes doivent aider dans sa lutte
rontre le Mal el qui impose une morale et une discipline sévères. Pour autant, le culte
de Mithra apparait aussi comme une forme de franc-maçonnerie paîenne compatible
a\·ec la religion romaine3.

1.3. L'origine de l'affirrnation identitaire juin


Peuple sémite, le peuple juif occupe une place à part dans Je monde sémite, prom15
à devenir le monde arabe. Très lot, par leur alliance avec les Perses, les Juifs deviennent
aux yeux des autres peuples sémites. les "renégats" de la cause sémite'. Cette
perception s'enracinera dans le temps .
État<Lient de Rome depuis Pompée, en 64 av . J .-C., la Judée est gouvernée de 37 a
-4 av. J.-C. par un roi juif, Hérode, qui se montre plus hellène que juif. Son royaume est
partagè à sa mort entre ses fils et des troubles provoquent l'entremise de Rome. En 6
apr. J.-C., la Judée devient une province romaine mais les Juifs ne l'acceptent pas5. Dès
cette époque. un clivage important existe entre les Juifs eux-mêmes. Jusqu'en 70 apr. J.-
C. il convient en effet de distinguer les Juifs établis en Palestine et ceux de la diaspora.
La diaspora juive qui trouve sa source dans la déportation de Babylone en 586a\'
J.-C.• s'est répandue à Alexandrie, Carthage et Rome. Elle compte plus de Juifs qu'en
Palestine même. Respectant les rites juifs dans les synagogues, elle est cependant
établie chez les païens depuis des siècles et son esprit est plus ouvert que celui des Juifs
de Palestine. Le Juif Philon d ' Alexandrie incarne cette judaïté ouverte à l'hellénisme et

'"""'·
l A.. ŒAUPAADE.. T RJ:"'NAUT . lk) ·routh 1..:1emdf", Parif./Bcyruuth , éd . Asa. l 'J9 H. 91 p
J \ ". PERRl'S . T. BAlJZOl'. lk/ac:it~â l'Empu·c> llis1nirl' tic Nm'1C' , rari s. E llips e s, l"><.11, p JKO.
4 L OEL\PORTE. •1..a UICICN peupl~ de l'Oncnt~ . m E. rETIT. M ALI.AIN . A . liANEM André dîr.. l/i.ttuirr L'11frrrvU1
1"'611rftdo ~ ndl:rprtMplcs, raru. Ltbniîrie Anstîdc 0U1Uct, l'.I Il. 1. Il · Ln Guulc Rt1mn1nc. pp. 119-240.
!il". PEIUUN . T BAUZOlJ , De- la d1; .i l'êmp1rl" . l-f1'>lmrc= de Rome , rnns.. Ell1J'scs. 1997. p J36 .
611.C . pt,'f.CH dir . HUJOi~dn tYliti:iom , nXd , Galhm.atd . 1999, coll . "Folio cs'iuui". t. 1• : "Ln n:h111un J'hntfl. d~ 11t1f1M

a La • n l i de Babylooe'"", pp. JS9~ I .


Chapitre 3. La rellglon 295

au monde romain . Au contraire, existent en Judée des sectes juives très fermées,
imperméables à la culture gréco-romaine el qui développent un esprit nationali!lte
opposé à la tradition diasporique. li faut voir par là - et très tôt dans l'histoire du
peuple juif - , s'affronter deux conceptions opposées de la judaîté, l'une cosmopolite et
diasporique, l'autre nationaliste, ethno-religieuse et annonçant le sionisme et le retour
au Foyer national juif.
En Judée quatre sectes sont à distinguer 1 :
- les Sadducéens forment une aristocratie sacerdotale et interprètent la loi à la lettre.
lis tolèrent Rome qui maintient l'ordre;
- les Pharisiens sont des savants laîcs issus du peuple qui tolèrent Rome mais
joueront un rôle ambigu dans la révolte ;
- les Ésseniens sont connus par les manuscrits de la mer Morte. Ils forment une
communauté monastique qui attend le triomphe sur "les ténèbres";
- les Zélotes sont "ceux qui brOlent de zèle" et veulent chasser l'intrus étranger. Ce
sont les Juifs extrémistes, à l'origine du soulèvement de 66 apr. J.-C. et qui sont décidés
à éradiquer toute trace d'hellénisme.
Rome est confronté à l'identitarisme juif du fait de l'exclusivisme de la religion jt.ùve
qui ne reconnaît qu'un seul dieu, Yahvé2. Le monothéisme et Je lien profond entre le
religieux et le politique existant sont contraires à la laîcité romaine. Rome est contraint,
en Judée, de s'appuyer sur des institutions d'essence juives : un grand prêtre dont la
nomination est contrôlée par Rome, un conseil - sanhédrin - qui veille à l'application
de la loi de Moïse et qui est considéré comme détenteur de l'autorité nationale. n s'agit
là d'une tolérance exceptionnelle que Rome accorde aux Juifs . César avait déjà reconnu
la religion juive comme religio licita et il est admis que les Juifs vivent selon leurs règles..
Malgré cette tolérance, la majorité des Juifs de Judée refusent la présence romaine et
rêvent d'un État. En 66 apr. J.-C., une grave révolte éclate en Judée.
Commandant des armées d'Orient, Vespasien est fait empereur à Alexandrie le 1""
tuillet 69 apr. J.-C. Il se place sous la protection du dieu égyptien Sérapis. D'Orient, il
marche sur Rome. Avec lui commence la dynastie des Flaviens3 .
Désormais un empereur romain peut être fait en Orient mais il peut de plus être
placé sous la protection de dieux orientaux. Rome s'abandonne peu à peu à l'Orient en
oubliant ses dieux traditionnels.
Vespasien doit mâter une révolte juive en Judée et reprendre Jérusalem4. En 73,
Massada, la forteresse juive qui deviendra l'un des symboles forts du judaïsme puis du
sionisme, tombe dans le sang. Les Juifs qui y étaient retranchés ont préféré se suicider,
hommes, femmes et enfants, plutôt que de tomber entre les mains des Romains et de
subir leurs terribles représailles.
La Judée est ruinée, ses institutions traditionnelles sont décapitées et elle se voit
réduite au statut de province prétorienne. Vespasien a rétabli l'ordre romain, celui qu'il
applique partout dans l'Empire avec une main de fer et un souci constant
d'homogénéisation et d'intégration . En 74, l'empereur romain donne le droit latin à
l'Espagne, tandis qu 'en Orient, nombreux sont les notables qui reçoivent le droit de
citoyenneté. De nouvelles colonies sont fondées dans les régions danubiennes et en
Gaule. Vespasien, empereur fait en Orient, aura cependant travaillé à approfondir la
romanisation de l'empire.

1 ltft•m , I" .117 • l l.l l•t l\·,l l I l11r . J/1.• f1•u1 · do 1 r /1~ 1 ,"u . n:'.'l'l.i .. t;:tllm\.;.ln.I . 1~ . ..: o il ~ Foin• c:S.SIU:-'" . 1. JI• '"le fl.ll.làlsmt de -
~M7 O. DM" . flfl 1 14-1 t-14
:? hJ,·m. I'· J .n .
) Dynn~uc "!UI sm.:~ "'°dc nU'lo; Julln-<..' lnuJ1\,' ll)o T1hcrl· ·· l.J -.H . l"~lt~ulJ •".' -tl - • Çlnudf - "1-5-i - · . Strœ ·-· ~
Avre Ni.!run ~'Ch:- anc ln dynnsu ..• cl c,1mml.!ncC' en t.~-h.., um.· rCT'h., .Jt Jr 11\llJ.bl'°"
.. Y rERH.IN . T llAU7..0 ll. /J1• lu ..,,,; à f'l-.'m1•1rt· llùk>lrt' .-k R\Mrh·. P.1.ris.. Elhp:-o;.. tW? ~ "\"~ico" . pp. ~IS- 1lU.
Partit" 3. PermnHmcr alrit ulnrt1~

Mais l'affaire juive n'est en rien terminée. Trajan 1 est confronté à une nouveti.,
révolte juive. cette fois·.:Ï en Méditerranée occidentale. La répression est majeure. Ovin
Cassius parle de 220 000 morts en Cyrénilïque et de 240 000 en Égypte. Hadrim'
affronte quant à lui la révolte menée pilr Bar Kochba en 132-135 qui fait massacrer J.,
Romains à Jérusalem. Jérusalem est alors interdite aux Juifs et rebapti9"e Aeti.i
Capitalonia. Apres la première grande diaspora consécutive à la fuite de Babylone""
596 o1v . ) ...C., Hadrien provoque la deuxième grande diaspora; les Juifs se dispenen1
\'ers l'Occident el l'Orient. Jusqu'à la création de l'État d'lsra~l en 1948, les Juifs~
disposeront plus de base rerritoriale propre.

1.4. La christianisation. de l'Empire romain


Probablement né en -4, la dernière année du règne d'Hérode, Jésus-Christ précht
\'el'S30 des idées nou\•elles3: croyance en la résurrection et promesse d'une ,,,
éternelle. Il est condamné et exécuté par le gouverneur Ponce Pilate; au moment où d
se produit, et aussi incroyable que cela puisse paraître, l'événement reste inaperçu a
Rome. Cest en effet seulement vers 64 que les chrétiens apparaissent aux yeux des
Romains comme une communauté distincte. La diffusion de la foi est alors lenœ -
l'Occident n'est atteint qu'au ne siècle - et se li.utile aux viJles. Contrairement à l'idee
reçue suivant laquelle la nouvelle foi aurait gagné d'abord les plus humbles, les
historiens s'accordent aujourd'hui à penser que ce sont les catégories moyennes, les
soldats et quelques aristocrates qui furent séduits par la nouvelle religion 4 •
À l'époque de la dynastie des SévèresS - à partir de la fin du Il• siècle-, les
communautés chrétiennes sont nombreuses en Orient, dans la partie hellénophone de
l'Empire. li existe au moins une église dans chaque cité. En Occident latinophone
cependant. les églises restent encore rares. Il en existe d'importantes à Rome et
Carthage. Sous Marc-Aurèle, l'église de Lyon en Gaule, qui est de langue grecque.
réunit surtout les Orientaux installés dans la capitale des Gaules. Lutèce est
é\'angélisée au milieu du me siècle par un missionnaire oriental, Dionysos - Samt-
Denis -, qui est l'envoyé de l'évêque de Rome. Jusqu'au IV• siècle, en Gaule et plus
généralement en Occident, les chrétiens restent désignés du nom de Syriens.
Jusque la moitié du m• siècle, les chrétiens sont persécutés . Gallien, à partir de 260.
abolit l'édit de persécution et édicte des mesures de tolérance. Livres, édifiœs,
cimetières sont restitués aux chrétiens. C'est la petite paix de l'Église de 260 à 302. La
politique de tolérance de Rome est sans doute l'ultime tentative menée pour garder
l'Orient dans le camp de l'Empire. Les empereurs mesurent avec inquiétude le poids
croissant du christianisme en Orient. Au début du ive siècle, Rome comprend que la
petite paix de l'Église a pennis aux communautés chrétiennes de se renforcer, de
pénétrer tous les milieux et surtout de progresser en Occident. Dioclétien décide
d'endiguer la progression en reprenant la persécution. En vain. La religion ne cesse de
progresser se répandant avec une célérité toujours pl us forte.
L'empereur Constantin change de stratégie. Il décide de légaliser le christianisme
dans l'Empire, de le récupérer même afin de raffermir son propre régime. Il y par\'tenl

l /Jor., ÏnJaa~. pp 22S-226 el "L'expansionnisme de TrnJan". p. 234 , \lou- égakmcnt Je Mnrgucnte YOURCE1'AR. '"
~tfHid-t~ Pvts. Ga111DMl1i.. 1974.
2 /ânt, pp. !26-2~7
3 H .C PUECH drr .• Hü1oirr dn n!lil(Jons, n!éd , Gallimard , 1999, coll "Folio C'!i<;.U1s" , t . JI• "Le chrisliamsmc des m~
ac;œakdc wictt·. PP· llS-361
4 Y. PEJUUN. T. BAUZOU, ~la cil~ a l"Emp1rr . Hutnirt> Jr Rume. Paris. Elhf'scs. 1997 .
S "'-."La d,._..dco S<vaa". pp. JS3·16l .
o.aru"' 3. La religion

dans une certaine mesure, puisqu'au Moyen-Âge il !lel"a vl!nl!ré comme un uint et
qu'aujourd'hui C?ncore il est considêré comme le premier empereur véritablement
chrétien! - mais Philippe l'Arabe ne l'a-t-il pas été avant lui? Il est probable que,
politique avant tout, Constantin ait joué un double jeu religieux, restant d'une part trS
proche de ses troupes encore largement acquises au paganisme et au calte de Sol
lnvictus, et se faisant passer dans le même temps pour le protecteur de la ~ligion
nouvelle. Constantin rêunit le concile de Nicée en 3252, premier concile œcuménique
mondial destiné à trancher la querelle de l'arianisme et à donner un credo officiel à
l'ensemble des chrêtiens. En effet, dès 318, Arius prêtre d'Alexandrie s'était am à
precher une doctrine qui dissociait le Fils du Père, le Père étant le 5'!'Lll véritable Dieu
incréé. Cette nouvelle docbine entrait en contradiction avec le dogme de la Trini~
selon lequel trois personnes coexistent en un dieu unique. U! concile de Nicée fixe le
dogme orthodoxe : le Fils est Dieu, né de Dieu lumière nêe de la lumière, vrai Dieu né
du vrai Dieu engendré et non pas créé de même nature que le Père. Pour autant
l'arianisme ne désarme pas3.
Oirétien, Constantin peut être aussi considéré comme un empereur oriental, car
son action vise sans conteste à rééquilibrer l'empire au profit de l'Orient conunie le
montre la fondation de Constantinople. Il restaure et agrandit la vieille cité grecque de
Byzance située au passage du Bosphore, là où l'Europe se rapproche le plus de l'Asie.
Située en un point stratégique, la cité de Byzance avait été au cœur des affrontements
entre Orientaux et Occidentaux au sein de l'Empire romain. En y installant un
deuxième sênat, Constantin consacre la division bipolaire de l'Empire. En 330, Byzance
devient la capitale chrétienne de l'Empire, sous le nom de Constantinople'.
A la mort de Constantin le Grand, Constantin Il - 337-360 - impose l'arianisme
comme religion obligatoire. Une dernière réaction romaine surgit après Constantin IL
celle de Julien dit l'Apostat5.
Julien l'Apostat - 360-363 - s'efforce de restaurer le paganisme et de ressoun:er
Rome dans la Tradition primordiale. Se proclamant parent du Soleil, l'empereur Julien
veut refonder une religion d'État, l'hellénisme, tout en s'inspirant de l'organisation

1 f<km, pp. 402-403


2 H C. PUECH dit .• Hi.:uom! dl!s r~ligirm.• . reêd.. Pa.ris.. GaUimard.. 1999. coll 7olio c:ssms". Lu• . .. Le chrisùmllml: cb
origines au concile de N1t:tt" , pp J53-J56 ... Les pan1c1pants semblent noir ê"lé un::aUmcs tikm \mr admirmcm êpadgc: pms-
Constantm. protcclcur des Ep.liscs"
l '"Lc concile de Nich. qui s'ou1oTit le 20 mai J~S. rCunil de deux Œ"nt cinqlmmc li. 11tJa, ana~~ ,_.ms Cplt
Jusquc--là. La plupart des chers d"Êgl1sc:s as.sembles venaient d'Asie Mi:ncurc-. d"Êf;},,et et: clr S~P'alc:Kinc.. Les pl'OY1aa:s pa:qlllCS
d'Europe avaient des dCll!ga11ons bcnucoup plus ttduitcs. Toules lec. auD'1:5 grandes ~de f'Empitc êtaimt ~ ps •
ou pufois deux Cvlque5. i l'exception de la Bretagne et des provinces d.nubinmes: ~ildmlùes . L'CW:que Je lt.cmlê mil: ~
dcûx. prëtn:s., qui s'ajoutèn::nt à un C":èquc de Calabre pour rq>réscntc:r 11talu:.. Les Èg.hsa de l'Oric:m GlJO romain ëtaima ~
r-r l'év!quc du royaume du Bos phon:. celui de Pityontc dans le Caucase, deu,., ~"âplcs du ~"sun:te' d'A.rménic et: tlQ di:: Paw. ( ... }
Le conc1lc cnlrqint ùonc d'Clabon:r. s ur la ba..<'oe de la 4.'.:C.lnfcssKSn baprisrnak de ("~ de Palc:sant. un 'syn:illo)c-. ~ •
chnslologic onhodolltc. Au..' htn:s de ' Dieu Je Dieu. lumière de twruen-·. on ~JOUb. en pam..."'Ulttt C"Clui de ·~1 m Nire- .
1n H.C FUECll dir., Jluroirr d~.~ ~liJ:inn.,· , reéd., Paris. G•llim:ud, 199'1. coll. •Fi>IW,\ essais· . l. JI• •t.c dtristimn:aR do ariciDct
au concile de Nlcéc", r 354 .
4 Y. rERRIN. T . BAUZOU. Dt· lu 011· à l'E,,qnre : Hi...-;1c»ifY ,J..· R1•"k'. rariio.. Ellipses... l'N -:" · ·u faadanmt d'une llOdlilldlc
carui.alc. Con!IUITIUnopk." p . 40J
S fi. CllUVIN, Clmuuy111· ,J~·-~ .lani,·rs pcJfr,..<. Pari~. Les Bcll('S Lcnrc:-. 'Fa'.lt--;ud. l':NI •tes 1n("nttn.ks du)\• Qtc:Jie"'. pp. .1).
S?. L'empcttur Julien. l.cltn::i. , Dl'"'-'('IUr.> Je Juhcn C~ . OiSiroun. de Juhcn l'Empcn:'Ur, su.,; ltc:llc:s LC"lln::S.. .,·oUectioa a.Ir:. En r..L
au ddA ~me Je la réU.C'\ll)ll rnt~nnc Ji:- Julu:n. li..· (l<lp-nnismt \.'UC"ltlnui:. '""lUC~ llpn!:s. Con....tantin. de buu'"cr ~ dlnl
l'F.mpm: rom1:un : "du dêh111 du riê'ltnc de Julien l lti 1) JUSQu'aJM""è':. •~ rrnn1t'rc5 ntirml"n prise-!. en <."k.""Cldnft pm Gr.aca ~

l"innucncc Je Saint-AmbnH ~ c (1M.:?). 1~ pnkns 1mt .iüm J'unc lit-oc-ni!' '1c .. uhc qix Io loG lk C\llrulllnclr nr k\111" 1wua:t1. calOYS
jmquc--là que quelques unnks. Parudo~ulcn"-."fll, alor.; que. nu~ ;i pan Julu:n . mtin te ::?t> JlWI 3fL.l et~~• o.;...

l?R aqttcmbrc .'Mi-27 nuu Jfl6). les Cnlf'CF'C"Urs sont '-· hn.~t ic n. .. 1:1 n:-li(l1,,11 lr.\Ji1hltln.:"llc ""Ol'I~ • ~ict da.. ~dr rÈlllc:t
• n!gler, par ses lëlcs , le i:uu~ Ju lcmp..' ". p h 1
1non..tialt- des chrétiuns. Mois l'Orient refusf.:! avec vinlt!nLc la t~nlativc de retour •u
paganisme. Des étnt!utes é.:latent partout contre les nouvt?aux prNrcs paren~ auxiliair<.,,
de l'Empire l~"1u1-ci e~t menacé d'une véntablt! guerre de rt?ligion, phénumcnc '"'"'
precMent Jans tout:" l'Anliquité et qui, sans doute, annonce déjà l'cxclu6ivi~rnt
religil"ux du Moyen-Ag>! puis de la Renaissance.
La réaction de Julien n 'est qu'un ultime soubresaut, qu'une éphémère tentative dt
retour à l'Empire originel. Ce ne sont P•lS tes Barbares qui ont tué l'Empire romain,
mais les religions orientales, les cultes orientaux d'abord, puis le chri!ltianisme.
La prenuère grande défaitt' dt' l'Europe contre l'Orient sémite est celle du
paganisme romain contre le christianisme. C'est déjà une guerre de religion, sourde
mais détennin.mte . Pourquoi Je mondialisme chrétien a-t-il triomphé de la mondiahl~
romaine? C'est à cette question qu'il s'agit maintenant de répondre.

l.5. L'universalisme chrétien à la place de la rnondialité romaine


Au Ill• siècle, la représentation géopolitique qui prévalait jusqu'alors connait une
révolution majeure . Jusqu'aux Antonins, l'histoire semblait avoir encore un sens, Io
sens d'unt' progression croissante et linéaire de Rome, de la cabane de Romulus à
l'empire mondial. Soudain, l'Empire stagnait, mis en éc hec par l'Asie et les Barbares
européens. Certes, Trajan était parvenu à franchir le Danube, le Jourdain et l'Euphralt,
mais les Romairis découvraient l'immensité des espaces insoumis. À la cour d'Antonin
Je Pieux, des commerçants se présentant comme Romains, mais qui étaient sans doute
des levantins, venaient parler de la cour de Chine et d'un Extrême-Orient aux
richesses fabuleuses que Rome n'atteignait pas. À la même époque, Ptolémée publiait
une geographie bouleversant la représentation du monde qui avait eu cours sous
Auguste et Ératosthène. L'Empire romain n'était plus sur la carte qu'une petite partie
de la Terre habitée, et l'immensité des étendues insoumises blessait profondémenl
l'orgueil des empereurs romains.
Comme si Je bouleversement de la représentation géopolitique ne suffisait pas, Je
Ill• siècle sonna le réveil des peuples. En Occident, Alamans et bientôt Francs,
menaçaient Je limes, tandis que les légions se massaient sur le Danube pour faire face
aux Goths 1. En Orient, les Parthes cédaient la place aux Perses sassa nides plus
conquérants que leurs prédécesseurs.
Dans un tel contexte géopolitique extérieur, et face à un tel bouleversement des
mentalités, il n'est pas étonnant que le doute ait conduit des populations de plus en
plus importantes de l'Empire à croire à la nouvelle religion n1essianique qui annonçail,
dans celte atmosphère de fin d'Empire aux portes duquel étaient les Barbares, Je
Jugement Dernier. Bossuet eut raison de décrire une his toire ron1aine convergeant vers
le christianisme2; mais Rome n'appelait pas le c hris tianisme, c'est le christianism" qui
se répandit grâce à la pax Romana, sur tout le pourtour méditerranéen, minant dans le
même temps les fondements même de l'Empire. Ce rtes, l'Évangile appelle il l'universel
Pour autant, du point de vue géopolitique, la victoire de l'Évangile dans l'Empiœ
romain est bien une victoire de la pensée orit'ntale sur la pL•nsée grecque puis romain"

'J ~ U NIUL , ·1..a mvuion. batbares .. , m E PETIT. M .l\U.l\IN . A . <.rANl :M. Ili.Huin· ,,,,,,.,.r.w /11· c1.,., l'".n tl .!-.
pn4p/e.J. Pari~ . L1blalne AnJ.tJdc: Quillet. 191 J, l. IJ Ll Gaule M.u mu i m:. p(1 33 - o.I ~ .
2 '"Le IJ\R: rumau1 '1c dc(cnsur çn.·1L11ln1 va ~uut passer .;nu. êvè4lu.: ..,; l>llllS lu ~tiv1!>1011 dt:~ Jî u1.Csc~ ct:\.'.U,i1t.alll1Uû ~uhu"IC

c:dk da ~ unp!nuu L'un1vct'S1lé 1mpc!ri11lc est Jl!o1ru1lc. nwis l'u111vc rs:a l11~ \."Ulhuh~uc 11111m111il la pri1nnt1c de "-'"""
~ i pumdR c.on.fwc C1 oMcurc. le mc.mc.lc c.Ju Muy cn A1i1c !oc maunu:mlra cl s'onloimcru 11ilr l'l:yh:W ; s.a h1(r&11;h.<

~al un~ .w lcqiacl lout ~ plM.:c o u &e: muc.Ji:lc.", 111 J. MICI ll :LEl, J/urm r~· J1 · /.,-,,,,. •'. luu .o;aunc, l~ Jum~ Rmc: .."'ln'.
1 l : lc:Mo)'Cll ·Âgc:, p 124.
Chopllrl' 3. La r"ll11lon 299

1.6. Lu c111et1tion d'Orir.nt dt•vient plus religiP.U11e


Avec le ralliement de Constantin, le christianisme triomphe à partir de 3251. C'en
L~I désormais fini de celte "laVcilé" romaine - supériorité du politique sur le religieux,
En matière de religion, Rome avait lutté contre l'exclusivisme et favorisé l'éclectisme. A
partir de 595, l'Empire romain qui est désormais l'empire byzantin d'Orient, revtt un
cilractè!re strictement confessionnel. Romanité devient synonyme d'orthodoxie
chrétienne. La guerre entre l'Empire by7.anlin et la Perse sassanide se double d'une
guerre religieuse entre ia foi chrétienne et la foi mazdéenne qui est la religion des
Perses depuis la restauration sassanide de 224. La fracture religieuse entre l'Orient et
Jes héritiers de la civilisation gréco-romaine s'aggrave donc par le clivage religieux.
Situation que l'islam radicalisera encore davantage. Comme l'écrit René Grousset, "la
question d 'Orient, jusque là une question simplement ethnique et culturelle, était
devenue une question re ligieu se "2.
Le même René Grousset souligne que la réaction de l'Orient contre la domination
gréco-romaine ne se limite pas à l'opposition iranienne au christianisme; qu'elle se
manifeste au sein même du christianisme par la dissidence des Églises orientales. En
effet, à partir du V" s iè cle, on voit se propager en Syrie el en Mésopotamie les hérésies
nestoriennes et monophysites qui se donnent des Églises indépendantes de rite
syriaque. Une nouvelle fois, l'hellénisme recule en Orient, et cela deux siècles avant le
coup final qui lui sera porté : l'apparition et le développement rapide de l'is!aml.
Sans renoncer à leur mazdéisme intransigeant, les Sassanides protègent l'hérésie
nestorienne chez leurs sujets syriaques - surtout à partir de 489 quand le
nestorianisme est proscrit dans l'Empire byzantin<.
L'hellénis me continue de reculer avec la montée en puissance des Perses. Khosroès
Parviz redonne à son peuple ce qu 'Alexandre le Grand lui avait enlevé. En 613, la Syrie
es t arrachée aux Byzantins, la Palestine l'est un an plus tard. Les Perses poussent en
Égypte, e t tra versent l'Asie Mineure, établissant sur le Bosphore le blocus de
Constantinople.
Une guerre sainte s'engag e entre l'empereur Héraclius monté sur le trône de
Constantinople, e t le Roi d es Rois, Khosroès5 . En 630. Héraclius, s 'emparant de
Jérusalem, se fait rendre la Croix et la rapporte au Saint-Sépulcre. Cest la première
croisade, la première grande guerre de re ligion. À l'ombre de celle-ci, grandit un
nouveau danger p o ur l'O ccide nt, l'is lam . Byzance sort épuisée de cette croisade.
Lorsque l'islam nait, l'hellénisme a déjà perdu, épuisé par les Perses qui viennent
d'ouvrir - sans le sav oir - la voie à l'expansion arabe. Les tribus étaient d 'ailleurs
infiltrées d e puis longte mps en Baby lonie et e n Damas.."ène.
L'œuvre de Mahome t fut d e donner un drapeau aux Arabes : l'islam 0 ; pour tous les
Orientaux, elle permit avec l'hérita ge "d'lskander le Roumi" qui avait assuré aux Grecs,

l 11 .C. P UEC ll J )r. . //utoff1· ,J.:., 1-.·lt>:totU. l'arts., <ia lhmanl. I •~ . 1..-oll • t:ulm CS.1..'.lb·, l t1• . ·le ..:hru..!Ulllbmr Ja Of'l.8.IDC!l
o.u cu111:1k tic Nicêc ". 1' · .\ 55.
~ R . G H. O l JSSET , I ll/un , /4• /'hi."' ' ' ""•·. •'•m"-. l'l•ttl , l ..... h .
J Lt mriJ ni! tic l\; XllU.l\!'olUI\ 1shu111.111c 111: 111 a u li.ni ~ LM.' k h:rnun 1..• Lllu J..:1a l qc·m cnl ~cilcmsa:.
-1 Il (" )'LJ El ' 11 d1r. . llL1t 1•tr1• ( A '.1' r d1Jt: m •L'. r un i. . f.. iaHunun1, l~. 1,."1.lll • f o lh> ~1s• , t . IJ••. pp. ll74-.."7" ,
~ J J. NOR\\' ll 11 , /lùt11,,·1· , /, · Hi·: .. ,,, ., • .1311- 1.J " ; , r :m ~. 111.". l'Tin . \~ . p.•ur l'cJ.1tiun fr.lft\""&LC, rip. l : l - ll-1

h ('\ •si en cc "cm; que le P ê1 " l.lmmu:u:- J1s.;11 1 que 1'1:1.h1m1.. mc Je \l:1ho.mKI ~tall Wl ~1:11uc , H. LAMMENS. l 'hlam.
' f\IYDllCCS cl ins lÎluliuns , lk y nml h, lmpn m~.:ri ....· \' Oi ll hl hqu ....•• I~.\ •k m.ml l .1.•\0ol) )l()UUC'fl( .raal\cun que rôpm.'it«I Je- r\Jlam 11!'!.l
1.h~.. J 1.:"dli: Jr '" nnhu n •m~· · .. ..\ l'ori~ uh: . I'"·' gr.uu lc-s 1.·1.,nqu~11.~ 11\" ù'll'hl~ n.."1\1 J"<ll-' unr c~OD dit' ris1am.. fl'IAIS dt '8 G&lioll
11ru.bc. po u.,io;i.'c pair ln prr.ts iun 1.lc- li1 ~11rp••rul ut ll.'ll 1.lan'.'1 -. rêft111,uk nala k ~·1 \°\.W'llTaJD~ de: Cl\lUv.:t' un. c-~u1ut1t dam ~ conll'Ocs:
\·uui ncs .", in Il. l .E\VIS , / . c ·.~ .·lr.11'.·.• ,/, H,. l'l11 •lt>1• 1·. r.n.._ A..tr.a . I~' 1'-'111" l\'1.11ow1 ~. p . 7 1
puis aux Romains et aux Byzantins. la domination du vieux monde pendant plus de
millran:s1•
Les musulmans rappellent souvent. afin de souligner la supériorité de leur religrnn,
avec quelle facilité les conquètes arabes se firent. C'est qu'il y eut une complicité
immense des peuples orientaux. Persécutées par les Byzantins. les chrétiente,
monophysites (de rite syriaque ou copte). aidèrent les musulmans à jeter l'hellénisme a
la mer?. La chute d'Alexandrie. son éclipse sous l'islamisation. illustre la défaite de la
civilisation gréco-latine en Orient.
Alexandrie qui avait été la capitale de la pensée européenne - des néo-
plalDniciens - et wt pOle de rayonnement de l'Église. fut balayée par l'islam, dont la
vague déferlante vint à la fois de déserts arabes et de steppes d'Asie centrale. le
christianisme se réfugia alors à Constantinople.

2. Pélage contre Augustin


ou la nouvelle fracture Orient-Occident

Au V"sikle. en France. le christianisme ne s'est pas répandu partout. Saint-Martin


a encore de nombreuses populations à convertir. Quant à l'Église gauloise, elle doit
~ le combat des controverses religieuses. Les sectes gnostiques et manichéenne.
-..Jent obliger le Christ à composer avec le mal - Ahriman et Satan - tandis que leo
platoniciens voient dans la création du monde l'œuvre d'un Dieu inférieur et que leun
disciples, les Ariens, voient dans le Fils un être dépendant du Père3. Saint Irénée écrit
~ /'Unitr! du Gout.>ernement du Monde. au Ille siècle pour s'opposer aux thèses
gnostiques. Saint Hilaire de Poitiers défend au IVe siècle la consubstantialité du Fils et
d11 Père'.
Une doctrine menaça particulièrement l'Église gauloise : le pélagianisme. Les Grec;
avaient fondé les Églises de Lyon et d'Irlande et avaient légué à celles-ci leur langue
Lem goüt de l'individualité y était venu rencontrer celui cultivé par les Celtes. C'est ce
goiit pour la liberté individuelle qui fut à l'origine de la doctrine de Pélage5 - du grec
l'tbigio; - : l'Armoricain, c'est-à-dire l'homme des rivages.
Entre Pélage d'un côté, Saint Augustin de l'autre, deux conceptions du péché et ce
faisant du christianisme s'opposent radicalement. Pour l'Africain Saint-Augustin, le
péché est héréditaire et se transmet de génération en génération par le désir sexuel. n
eWllie un gouffre à franchir entre le Créateur et sa création, qui sépare le Bien du Mal,

1 a. GROUSSET, Bu.tde/'1Qllo1rr. P'u"ls. Pion. 1946


z~ Je .. Pa1estiDc et de la Syrie: : ·comme cctlc de l'lnaq cr de Io P~nc . ceru: conquête est duc, â t'onsmc, à une ICIJGl
lacak plDlmrp.: 19" )a mumhnam. Elle ~ ~ facilit.êc par la fa1blosc de l'Empin: byzantin. foihlc5sc Bccruc par les ~Un
~ qiti ~t le1 Syriens, a:i roa1onté monaphy!utc:s cl ;o.i;obit~. dc5 Grec~
Je Ayzo.ncc. onhoJoxt!S ie1 ~lk1te1.. Ces
*miaa. ISri'» lew YldDi.rE wr "5 Su•n.uks. avaicn1 pcnécuté IC"lll munophysiln. t;oupablc~ <l'avoir
.11ccuc1lli ravorablcmml la
~ . ca. pasëc:œ.ions coadw.t:i.rau les Synens .à ne pas appuyrr In Byzant1n!il dnn:i;i lcuf'!'I ~ombat.s conlrc ln. mu.sulm:mi.. •. m

R.. M.A,VI'RAS, L'~1'W1111Mane, 1-71'·Kr -'iec:'4.•. P~ns. P.U f., Pans. p 101.
J J. MICHELET llutu1rule Francr, UUâannc. Editions Rcn~on1rc. 1 1 l.f! A.-to_,.,~,,.,.jge. p 1:!S-127
-' '"'Saim JCrDmc n'a pu UIC'l. d'éloaes pour soainl f lila1rc n lrouvc en lui la gnicc hellénique et ln '' haulcur du codturm
~ D fappdlc "le RJa,6Qe ~la langue lalinc" . '"L'Eghsc chrét1cnoc, d1t-1I cncor-c, a grandi et 1.:rG à ~·ombre de deux artrra. i.aa

Ki~ a l8ÎDI Cyprien - la Gaule et l'A&iquc '", Ibid.• p . 126-127.


5 Qui at cc Pttaae? '"Ua ~du rra lointain et obscur royaume de Thulé: \lcnu des connécs les plus éloisnôcs des tml\aatl
foyaw de~ auuaumt clil.. IW.1 ycu.w. da ftJJmaill&. de l'au1n::: bout du momie. lé oU ..cule rcgn1.: Io mer infinie ... Cc breton eu et
m JS' - . 4a ~qui. IOWtllaO apfta Céaal" a la domîn111ion de Rome. 11i'é101cn1 vu impm,er uprèA Io. ~1v1huuon romaine. la
ràip:m dfttiamc.. Emn: 382 et 409. PClqic cat • RDmc. et s'cnfuJt IDlllqUC le11 Wi111gu1hs d'Alu.ric ~·emparent de Rome . S llUNKE.
ÛI wuWnllfÎtM de l'EMropr. Le Ubynnlbe, 198~, p . 19.
Chaplm. J . La "'llgion 301

la grâce du péché, l'empire des cieux des pui!lynces du bas monde, l'amour du désir,
la prédestination de la liberté. Suivant cette optique, la liberté appaTalt comme une
offense à Dieu. Le salut et la Rédemption des hommes perdus depui!I la chute d'Adam
viennent de l'élection et du rachat.
Pour Pélage au contraire, la dépravation et le déclin de la foi ont pour origine la
doctrine de la nature pécheresse de l'humanité, qui entrainerait un manque de
responsabilité. Pélage refuse le péché, soutient que l'homme est libre de Sl'9 choix; qu'il
est alors responsable de ses actes. L'homme a reçu la grâce de Dieu lors de la criation ;
à lui de la garder.
La doctrine pélagienne exprime une mentalité européenne face à la pensée orientale
et africaine, plutôt fataliste et manichéenne, de Saint-Paul et de Saint-Augustin. Mais
elle constitue pour l'Église une hérésie nécessairement mortelle au chri!ltiani!lme; en
effot, si l'homme n'est pas coupable, que devient le mystère de la Croix? Jésus n'a-t-il
pas racheté l'homme sur la Croix ? Dans ces conditions, la perfection et le salut ne
peuvent-ils pas exister sans le Christ et son Église ?
En niant le péché originel, c'est-à-dire l'essentiel, Pélage bien que se plaçant
apparemment en son sein, nie le christianisme. n développe donc wte hérésie que
l'Église doit détruire faute de disparaitre à terme.
Au départ, Rome n'a pas vu le danger et soutient Pélage. Après tout. l'opposition
Pélage-Augustin ne s'inscrit-elle pas dans la continuité de l'affrontement Carthage-
Rome; contre Augustin le Carthaginois, n'est-il pas logique que Rome soutienne
Pélage le Breton ?
À la fin du rvc siècle et au début du ve, le pélagianisme a fait des progrès notables:
on le voit solidement implanté dans le nord de l'Italie, la Vénétie, la Dahnatie dans le
Picénum, Rome, la Campanie, !'Apulie, la Sicile, l'ancienne Grande Grèce, la Gaule
wisigothique - plus particulièrement l'Aquitaine et la région d 'Arles! -. la ville de
Massilia, régions si marquées par le pélagianisme que celui-ci semble parfois sur le
point de triompher. À partir de 418, l'Église redouble de vigueur dans son combat
contre les idées de Pélage. Les conciles se succèdent d'Éphèse jusqu'au pays de Galles.
Vers 450, le danger semble étouffé. D'autant plus qu'il vaut mieux prêcher aux
conquérants germains de l'Empire la dépendance et la toute-puissance de l'homme
plutôt qu'une liberté arrogante et turbulente2.
L'Allemagne restera fortement marquée par l'esprit de la predestination de Saint-
Augustin. Un moine saxon, Gotteschalk y prêcha sa doctrine qui annonçait celle du
Saxon Luther. Un Celte, un Irlandais, dit Jean le Scot le combattit en reprenant
l'inspiration de Pélage: pour lui religion et ptûlosophie se rejoignent; il éleva le gérue
celtique de la liberté individuelle contre le mysticisme de Saint-Augustin défendu par
le futur protestantisme allemand3.

3. La diversité des champs de forces religieux

Dans cette section liée à l'observahon empirique des conflits et des rivalite; où la
religion intervient, on aborde successivement : les conflits à l'intérieur du monde
chrétien; les conflits entre l'islam et le christianisme ; les confljts à l'interieur du monde
musulman ; les conflits des monothéismes et des religions d 'Asie .

l Un compmmi1' s·c~I tU.it en Prv\·cncc entre W. lillcn.: huroamc et l.a p-dil:~ ..iJYH1C' · t:a\OAl5.. C\~ ..k- R~ ID ~
d'Arles, le muna1nCrc de: l.trins .
2 J MIC:HELf.T //l:rru1n• ch• J."r.mn·. l.ausunnc , l~J1hon..,; M.cnc(1nlrc. 1. 1 : L.: \fo~cn- ..\gc. p. ~::">.
l lt/1·m . p ::ti~ .
3.1. Les conflits à l'intérieur du monde chrétieii
"Ri$k ~Yrttrale. Toutt!< lt:< ~trs ont dc11:r noms : 1' 1111 qu 'elles se don11c11/, d /'aulrtir1,...,
ltvr dorme. Airisi 1,.,, E'.gli""" plroticrmrs qui s'ap1>ellc11t ellcs-mémes ortliodoxes, son/ nonrnirr..
loJr' or dru e//i!<, SdU..<matll("t:', grrcques 011 orie11ta/cs, mots syno11ymes, StUIS qu'on 9'en li>rilt.
Lts pmnimi refum1111"1rs s'irrtitulènrnt """ moirrs courage11semcrrt ronngi'liques, d 1~ .J<r:Oodo
rl{orrnts : rmri:; tout cr qui 11'tsl ptL~ l'U.T les 1101111rre lu tlrérirtts t!I calvinistes. Les anglicans, cann..,
"""5 l'lll'Om "'" rssaimt de s'11p,.c1u a110stoliquc..<; mois toute l'Europe en rira et mhN""'
,..rfilde l'Angletrrrt {. .. /, le 01tlroliquc seul est a1111elé commerrl il s'appelle, et n'a qu'un"""'
,,,,.., 11>11s les hommes.

Ctlui l("i n'acrordnail auctme valeur à cette observatio11, aurait peu médité le prtmin
cMpitrrdûll mitapl1ysique pn!mièrr, celui des rroms."

Joseph de Maisln!1

Le christianisme occidental a été la composante majeure de la pensée européenne, y


compris. comme le fait remarquer Fernand Braudel, de la pensée rationaliste qui s'est
bltie contre lui 2•
Religion officielle de l'Empire romain après l'édit de Constantin de 313, le
christianisme mit seulement trois siècles à se diffuser très largement dans le monde
à~. c'est-à-dire le monde méditerranéen et quelques pays en marge de l'olivier et
de la vigne3.
Le monde chrétien. catholique, protestant et orthodoxe, présente de nombreuses
fractures héritées d'une histoire faite de schismes et de guerres4 .
n existe une première coupure historique Est-Ouest, l'Ouest regardant vers Rome,
l'Est vers Constantinople; ce sont les évangélisations de Saint Méthode et de Saint
Cyrille qui modèlent l'avenir du monde orthodoxe dès le IX" siècle.
Cette fracture profonde entre les Latins et les Orientaux est sans doute responsable
de la chute de Constantinople face à l'islam, en 1453. Braudel prétend que l'Église
orthodoxe a préféré la soumission aux Turcs plutôt que l'union aux Latins; c'est
l'exemple de l'un de ces grands choix historiques qui précipitent une civilisation à t.
ruiné.
Une deuxième coupure intervient, cette fois entre le Nord et le Sud, avec t.
naissance du protestantisme&. Braudel observe que cette frontière entre catholiques et
protestants correspond à l'ancien limes romain. L'Empire romain s'était étendu vm
l'Ouest jusqu'aux iles britanniques dont il ne tint - et mal - que le bassin londotùen,
vers le Nord jusqu'au Rhin et au Danube. N'était-il pas logique que le catholicisme ne
résistllt que là où Rome avait fécondé les mentalités? Au-delà du limes, la nouvelle

1 J. deMAJS11l.E. Du hpc, La So1,-hs tk Saint-P~trnbourg et autr,•:-r texte.T. Pons. J J Pouvcrt éditeur. 19S7, p. 12.
2 ~ chnlbla:imr oa:icienml • at. il raie la composan1c majeure de Io pensée européenne, mi!mc de la pcnstt rarioulim
. . l'Cll ~ CIJlltR bal. el am.si• putir de lui . Oc bout en bout de l'histo1rc de l'Occident, al reste o.u cttur d'une ci\'ili:alm
qll'it llllimc, mimi: q~ il se laiuc rmportcr ou dll!fonner par elle, et qu'il englobe . mèmc Jon;4u'cllc s'crrort"c de fuj échapper. r.
Jlt9CI' a:mD"e qudqu'uo.. c'at re:&let dans son orb11c", m F . BRAUDEL, Grmnmmrc· r/1..·,· 1.: h·ilnwriuns, Paris, Flamm&rioa. 199.•.
p.1'4.
l r.I V.Atry IOUÜpad &es liem du christianisme avec la terre, le pain. le vin, le blé et la vigne cl mlmc' l'huile - - .
~ cmamdlcsck lli ci"1l'-ûon médilenan6cnnc.
OLC PUECHdlr.• Hinoirr du ,../JgloM. Paris. Galhmard. 1999. coll. "Folio e ssa is", t Il ... pp. 907-1405
S f . BRAUDEL. GrmrlflMl1nda cfr1/Ua11ons. Pans. Flarnmanon. t99J, coll "C.:ha.mrs", p. 61 .
6"1.c XVI' liibcle, c'est le Rttle de la Rl!forme, de la pndc coururc, du schisme , tu tunique ums coulure lfkhirtt m dm\
.. J Da kD. cdk ''lCllk notwn de ctuêticn~ apphq~c unit.111rcmcn1 à la 1ornhtC des populnttons d'Occident profes1i9l k
~ •'al plus pmsibk. •. m L FEBVRE , L 'Europe, g~n~.s~ d'une cn·ilisatwn, rans, rcmn. 1999 (le" tes de coniêrc8m
~ ,_ L fdrttt d RIKll\hM. pu l't!d1tcur). p 198.
Chapitre J lA religion

Europe, jeune, frafchement christianisée ne devait-elle pas à un moment ou un autrr


s'émanciper de la tutelle romaine ? 1
Ainsi, avec le XVI• siècle et la Réfonne, la Chrétienté se divisa-t-elle. Comme l'krit
Lucien Febvre, les chrétiens "divorcent" . Et les nations s 'affirmèrent davantage encore,
par-dessus l'idéal de Chrétienté rassemblée. On parla alors d 'Europe, mot neutrr, i\ la
place de la Chrétienté pour désigner à la fois "les tenants du Pape et les tenants de
Luther, les sujets du Très Chrétien roi de France, du Très catholique roi d'Espagne et
les sujets du schismatique roi d 'Angleterre, des princes d 'Allemagne passés à l'hérésie,
des cantons suisses passés eux aussi à l'hérésie''2.
Que reste-t-il de ces fracturations chrétiennes au plan géopolitique?

3.1.1. Catholiques et protestants


Nous traitons ici de trois conflits identitaires qui opposent des catholiques et des
protestants, en nous demandant dans quelle mesure le facteur religieux intervient dans
le conflit : le conflit en Irlande du Nord ; le conflit entre le nationalisme québécois et le
fédéralisme canadien ; le conflit entre Tchèques et Slovaques.
L~ conflit ~n lrlandP du Nord
Depuis la Réforme, l'Irlande, en raison de sa fidélité au catholicisme romain, a
toujours été perçue par la Grande-Bretagne, comme un territoire susceptible de la
menacer3. C'est dans ce cadre géopolitique général qu'il faut replacer les problèmes de
la colonisation anglaise de l'Irlande et de la lutte religieuse devenue, au XIX• siècle, une
lutte nationale4 . Tous les ennemis de la Grande-Bretagne ou presque cherchèrent à
utiliser le particularisme identitaire et religieux de l'Irlande, pour menacer Londres en
se servant de l'Irlande comme tète de pont : ce furent successivement l'Espagne aux
XVJ• et XVII• siècles, la France napoléonienne aux XVIII• et XIX• siècles, l'Allemagne
au XX• siècle. Corollairement, le contrôle de l'Irlande impliqua toujours pour Londres
un abaissement du catholicisme soupçonné de pouvoir passer des alliances avec
d'autres puissances, a fortiori si celles-ci étaient catholiques.
En Irlande du Nord, on est catholique ou protestant, même si l'on est athée. Il s'agit
avant tout d 'une guerre identitaire5, liée à l'idée nationale irlandaise ; la Ntion
irlandaise épouse l'insularité. La religion y apparaît comme un trait de différenciation ;
le motif premier n'est pas la guerre de religion, personne ne cherchant en effet à
convertir l'autre.
Le maintien du particularisme de !'Ulster est néanmoins favorisé par le fait que le
nord-est de l'ile est isolé du reste de l'Irlande par une zone marécageuse qui entrave les
communications6 , alors même que le canal Saint-Georges qui sépare !'Ulster de la
Grande-Bretagne est facilement franchissable.
Depuis 1998, les Irlandais du Nord s 'orientent vers la neutralisation du conflit et
une dynamique d'autonomie se met en place; Dublin et Londres qui utilisaient
auparavant la religion pour défendre leur projet géopolitique respectif, estiment

l F. BRAUDEL. (jr~mm. u r.· ,/1•.f , 1nl Lh1t m m . rttd.. . l'an~ Hamnurion. l 'N.l, cuU. ·a.mp.'". p. J9.:? .
~ L Fl::.BVME. L 'Euro/k'. Gr"nc'.\'1· J '1m1• n ,·;/L.(ution . Pans. Perrin. 1W9. p . 191.
J Il LITTO N , ln" h lfrf>..Jlimu. / .. Yif- /Y/~ . l>uhlin. Wo lfhound Pn:ss. 199M : D HARJO.'ESS. 1""'°"1d U. dtr ~
C~nllif'.\' · D i ,•tik , / blt1nd, Lo nJrcs . MacnuUan, I~

4 W HUTC HIN S ON , Lo •l"•' (/11J n rr/ml&.mL', Pari!l, l:lh~ . l'N7. 160 p.


5 Y LACOST F. c.hr .. /)1, ·11, 1nmm·1· ./1· gà•f >f'litrqu.-. Pari!!., Fhunmanon. l~J articles '"Irlande'" . '"lrt.sndir dr.i N~. pp. 801 -
)406 . E ( iAU DIN . "(, · :1 1h 1 1h~rn: :- i:t rw•i:sta nt"' en lrhan\k du N1.1nJ... m Hc-rvdv rt:. 1990, n°S6. pp l:!IJ- 146.
6 A . D f.M:\ N liH >N . " lrl.;uhk " . m I' VIDAL D E LA 8LAC" HE. L G ALLOIS Jar .• G~ ~- hris.. Arlm9d
C.:uhn, 19:?7- 19.lK. t 1 ile"' tui1.1U1mlluh. 1'1:?7 . pp. 9J-117
désormais que les intérêts "un>p~ns doiv.,nl l'en1portcr et s'emploient à réduir,
l'armlt\,~ repuhhC"ainc irl.ind.11SC' et lt"S unionis tes .
(ht~i.• n1rl1aliqu"·" ,., Cnnmli1•rr .. prt>lt•..;10111 . .

le .-onnit du Quéhec 1 est moins exacerbé que celui qui oppose catholiquL"S <1
prote..tants en Irlande du Nord . Mais l.'1 "ncore, mèn1e si la pr.1tiquc rcligocusc a
bo,aucoup diminut:', l'o1ppartenance religieuse des Québécois francophones entre en jeu
le premier facteur de différenciation es t s.1ns doute la langue. On se reportera a et
sujet ilU chapitre consacré à la langue comme facteur géopolitique .
La n'"ligion ioue un rôle dans une di1ncnsion plus socio-économique que
proprement spirituelle. Le souverainisme qué bécois critique l'éthique protestante dan.
une perspective souvent proche de la lutte des classes<'! reprend à son compte la thèse
du sociologue Weber2 qui parlait de l'alliance du capitalisme et du protestantisme. ~
Canadiens anglophones sont ainsi identifiés à la classe dominante par opposition au,
catholiques francophones dominés. Une opposition du n1ême type existe d'ailleu"
dans le confüt irlandais, où les protestants sont considérés comme les alliés du
capitalisme anglais sur l'ile.
Tda'qu,.:c rifurmi.<o ri .Sforoyu ..... nrllwli'l'"'-"
En 1918, les Alliés crecnt la Tchécoslovaquie avec l'idée de réduire les ambitions
traditionnelles des Allemands et des Hongrois . La géopolitique intérieure du nouvel
État fait étal d'une prépondérance nette des Tchèques sur les Slovaques 3 .
Les deux peuples sont différenciés du point de vue religieux : les Slovaques sonl
catholiques, el leur catholicité compte pour beaucoup - comme en Pologne -, dans la
définition de leur identité nationale; les Tchèques sont protestants_
L'État tchécoslovaque est caractérisé, non pas par de véritables tensions
géopolitiques entre Tchèques et Slovaques, mais par des différences économiques
importantes : la Tchéquie est plutôt industrielle et riche tandis que la Slovaquie esl
rurale et pauvre~ _
Les rivalités entre Tchèques et Slovaques dans la Tchécoslovaquie sont donc plus
économiques que religieuses5. les Slovaques choisirent de se séparer des Tchèques
pour prendre en main leur propre dé ve loppement économique. Contrairement au cas
de l'Italie, où le sécessionnisme est "riche" - une frange de l'opinion du Nord souhaile
se "débarrasser" du Mezzogiorno-, ce sont les "pauvres" de Tchécoslovaquie qui
poussèrent au divorce.
À propos de la séparation de 1990, on parle de "divorce de velours" car la rupture
n'entraina pas de guerre entre les deux nations . La raison essentielle est la
territorialisation homogène des deux peuples slovaque et tchèque - à l'inverse de la
configuration yougoslave.
Les Tchèques regardent vers l'Ouest, vers l'Union européenne et l'Allemagne rn
particulier; ils sont également liés à "l'Amérique protestante" et entrèrent dans

1 Pour l'h11o101rr des C.anadicns rnnçais : Ci HANOTAUX, A . MARTINEAU tlir" . lhMmn· <11•.\ · ,·o /m1it·ç fr.mr; 1m.-, ,., J.·
tnpamion M lu f"rancr "'"·' le ,,,,,nJl·, roms, ~1C1C de l'U1s1uire nuuunilic, Pl un. ! lJ:?lJ. 1. 1 /. :-lm1 ;'."I"' '
2 M WEBER. L 'ttluquc pmlr!JIDnl~ et l'espril J11 ("Upitul1.~·mt', 1901
:J ·1.e 14 nu·•innbn: 1919 , une Assnnbt« Naut>nal l! rrov 1smre se n!uni1 i\ Pml'uc . Elle- étnu 1.:nmros1.'c de :?01 d~put~ lt: ~IX"t
et de VI dqM:h •lo\·... un tttru1ës par cooptation En fo1t , sculli les c.lëputcs tchèLlllC!<. t!tiucnl rc prcscntntif." 1 . j Qu.vn iu'
69dépnts •lav.qua. Ili •vaicnt é1~ JOignb d'une façon tuul ,j, fa11 ürb11n11rc Je fo._:on A favurbcr li: '7ournnl unilüuc au.\. Jrp:'ll.\ 11-,
~- p · tn H BOGDAN, llistnir~ ilt!.1 p11p d~· /"/::d (l>c •J.- rir1,;m,-.11 ri uu.11pmnJ, l't1ris, Pcnm , rèi!c.I .. lc,190 , r 241 .
4 G. WAC KERMANN , La Norn·.-11': Europr n.·mruk, r1.ui s , Elhpsc,. , 11..l'J(> , rP- 160-1 Mi .
~C MERU~ . ïchécoslovaqu1c! .. , in Rtdatm111· ùu1•r11.111011r1h·,· ,., \ln1/1 ;J.:U/t1t•.' t, 1 H.. l.S ., 1•JtJJ, n"':!. p . 111 - 13'.'i
Chapitre J. Ln rellglon

1'0.T.A.N . en 1999. L'atlantisme entre dans une stratégie ancienne de recherche de


contrepoids à la Russie et à l'Allemagnel.
Les Slovaques luttent contre la magyarisation - Hongrie - et regardent plutôt
vers le bloc orthodoxe : point de solidarité catholique donc. L'opinion publique est
dans une large majorité défavorable à l'entrée dans l'Alliance atlantique. Mais, sur le
dossier de 1'0.T.A.N ., l'isolement de la Slovaquie est tel par rapport à ses voisins,
qu'une intégration prochaine est probable.
Carte 51 : Peuples el États en Europe centrale

Conclusion
Les trois exemples précédents mettent en évidence la persistance de clivages entre
catholiques et protestants. La seconde grande phase schismatique de l'histoire du
christianisme, la Réforme du XVI• siècle, laisse encore des traces, mais celles-ci sont
moins marquées que celles qui perdurent après le premier schisme de 1054.
Pour autant, dans aucun des trois cas examinés il n'est possible de parler de guerre
de religion. Bien au contraire, c'est le nationalisme et les représentations socio-
économiques qui sont détenninants, la religion venant a posteriori appuyer l'effet de œs
facteurs.

3.1.2. Catholiques, protestants et orthodoxes


Trois exemples de conflits identitaires sont abordés : Croates catholiques et Serbes
orthodoxes ; uniatisme biélorusse et ukrainien; catholiques et protestants face à
l'orthodoxie, dans les pays Baltes.
Croates catholiques el Serbes onhodoxe5
Au moment où la guerre éclate en Yougoslavie, après l'indépendance auto-
proclamée des Croates, la pratique religieuse en Croatie et en Serbie est au plus bas; le
communisme a entraîné, sous l'effet des persécutions. une désaHection de la
fréquentation des églises 2 . Une seule religion est en progression sur le territoire
yougoslave : l'islam. Pour comprendre la réactivation du conflit entre Croates
catholiques et Serbes orthodoxes, il est nécessaire de faire un détour rapide par l'islam..
Les données sur la pratique religieuse en ex-Yougoslavie sont les suivantes3:
- en 1931, seulement 0, 1 % de la population yougoslave se déclare sans affiliation
religieuse, contre 31,6 % en 1987. Les différences sont sensibles selon les régions : 6,5 %
au Kosovo, 54 % au Monténégro ;
- ce sont surtout les orthodoxes qui affichent leur non-affiliation religieuse;
- en 1971, en Bosnie-Herzégo,"ine, une nationalité "Musulman" est créée'. Cette
création correspond à un réveil islamique à Sarajevo;
- d'après les recensements, entre 1953 et 1987, les musulmans déclarés de Bosnie et
du Kosovo sont les seuls dont Je pourcentage augmente; partout ailleurs, y compris en

l A CtlAUPRAOE. F THUAL Vi. - 11u11n.i1r~· d.· !:•·01-ol m'lu..· . .:: c nt., Paris.. Elhpscs.. I~ . :1roclc:s. ïo;biqwc'" . "'Sknoequic'"'.
:? Cependant. c ompan11a1 ..·t:nu:n1 11ux auLrcs n!gimc= ~ M>1." 1ah s 1~ de.· l't:st. la pas6.."UUOll ~IJ.gieu:s< ~ TillO • ttC .. ~.. ~

J'F.glist par c~cmrtc . a hcauçoup plus souffert Jres pcrsêcuhl.KU r.:roaacs dunutl la ~ Ouorr lllllUdl&lir qas œ cclb dll
liClbr.

communisme yougosla\·c ; "T11t1's hrc.sk w1th the ~wu: t Unmn m 1 :oi~tl and J.e\ckJpo-=:iJl uf bcncr rda.uoaa v.iab &bit Waa lmd. m
grulcr 1olt:mncc C'lf rch.::ion und an 1mpro\-1..'ll situauon for the chun:h. Sc,·cnhelcs.s. S&abclc fonus uf pcno..'llliaa coalilMaiod.. "-ilh dM:
go\·emmtnl !iurpcirlmg 1:11 s~· hi :-. m w 11hin th.: Scrh1:m OrthodoA ChWTh'" , m R .û . ROBERTSON. ,._. EoslOYf c.illrifn.- c~Ala. .,
t.r;1·f .,11n,:r , R<1mc . Oricmata ( 'lm~Honn . )QQ;'\, r t-.::
) J .F. MAYëR . lfrli~imJ...'i •. , h;,, ·urü,; m1~n1c.11111lfol1 ·. l:krnc. Oilk"C ..."C!llttal Je Oél°* .su.i.uc. ~mbre 199.5...
.a H. UOGDAN . /lh1u1rt' ~pm·., Jt.. 1·1:.· ~1. L1, ..\ ••rigin.·.- r" nus,~,.~ . Paris. hntn. 19S2. p. 501.
f\4ttl'\"t.k•l1w. IP pouT\.'l'nt,1).t1t'!' des n1usuhnans décl""1rés est en recul. Quilnl ·11J-
l"'lll\.'-'l\t,1t:,'-'~ dt..•s l\llhlllh.1ut..•s t'I orthodoxes déclaré~. ils snnt· partout t.•n régrcs'.'iion
Au llt'hut 1.ft•s 1Ul1\l't•s 1'-1~0. •lll K<.lSt"tVO, l.1 tension 11u,_:;nH.:onh.• t._•nlf·L' Scrhc!i et /\Jb.ln.th
musuhn.111s 1 1.11nt•n,1...·t• d . .• 101 r..:'..•sur~l'lll.'L' (orle du .,.(•pi1ri.1lisn1P albaniliH au Ko~ovo -
l'
,,lfü.' u1w "'"'l'Ml"\.' plus glt,bnll.• dt._• J ' i~l.1111 d.1ns les Balkans - , région consjdl•rl't.' par
Ill~ ~·rlx""S çl,1111\H' lt• l~n.· . .·au de l'orthodoxie serbe, rl•veille le nationali~mc Sl'th.:·.
Sui\'~1nt rnw ~.ll" hllll l'll d1i1inc dassiquL', le réveil du nationnlisrnc serbe entraine un
surs.1ut ..tu n,\tù.111t1hs1ne croah..'.
Lt' dt'-·h,1îne1nt.'nt dl.'~ natinnalilt..~s en Yougoslavie csl rendu possible par '"'
,·h,\11),'1.'lll~nts ""'opolitiques majt•urs qui se produisent n partir de 1990, à l'échelle du
<'Onhnl'nt L.1 reunification allem.,ndc et l'effondrement soviétique favorisent en ellc1
un retour en force dL' l'Allemagne en Europe centrale et orientale, tandis que la Ru5'if
<'<t aifoiM1e~ _ Berlin et le Vatican tirent les bénéfices de la fin de la Yougoslavie el d...,
intiépenJ,1n'-~ slovène C't croate.
Si l'on \'\'Ut comprendre l'éclatement de la Yougoslavie par l'approche du lait
religieux, on rnnstate alors que c'est bien la peur de l'islam chez les Serbes - le
"'uwnir dt'S conquêtes ottomanes est encore fort dans les contrées serbes - qui est a
l.i ~;oun."'e dt:' 1.1 ri.lthcalisation serbe, laquelle augmente la rivalité croato-scrbc - sans
comp!l.'r que les Croates, encouragés par la nouvelle Allemagne, n 'ont guère attendu
les Serbt.'S p.1ur mettre en avant Jeurs velléités d'émancipation .
Une fois le conflit a\•éré, se produit alors un processus d'entrée du religieux dam la
polihque et de sacralisation de la catholicité et de l'orthodoxie que l'on peut décrire de
la manière suivante :
- on ajoute dt>S attributs sacralisants aux concepts politiques clés: Croatie sacrée,
Serbie celeste ;
- on revient toujours plus loin en arrière dans l'histoire pour prouver que les
communautés rivales sont inconciliables: phénomène d'ontologisalion des différences ;
- on pratique un manichéisme forcené : un camp apparaît comme une
persormification angélique du Bien, tandis que l'autre est une incarnation diabolique
du Mal;
- on réinterprète l'histoire en termes de mnrtyrologic sacrée.
Le conflit entre Croates et Serbes est un conflit nationaliste à donùnante religieuse.
L'enjeu n'est pas de convertir l'autre, mais de s'emparer de son territoire. Les Églises
participent peu à la fabrication des idéologies de combat, mais la cause nationale est
souvent mise au service de la cause religieuse qui la transcende.
Carte 52: Peuples et États dans les Balkans
Carte 18 : La dynamique d'enclavement de la Serbie à partir d e 1990
Carte 68 : Les ~ccords de Dayton: création et partage de J'État bosniaque
Carte 59 : Le peuple albanais à cheval sur plusieurs États
Carte 57 : Le conflit identitaire du Kosovo

'U facteur dbnog.raph1quc que nous abonluns p1u" lom . c s l plu-. JCtcn11in ;mt q ue le (," lclcur rdigicu1l "A \"cc un LI U \ dt:
naraW dr 40J pour mille rn 11165 - JS. I pour mille en JQHS · et c1c mnnnl11 é tic 10.9 pour mille .... t.,7 rnur nulle - - lt
Kmuw, comnK: rAlbanl<' \'01sine d'•1lln1r.i. , conisuruc une cxtrnnrdinnirc c11:ccp110n 'Inn.-; k 1ahlc ;iu d~ mngmrhiquc d 'une f;un."î't"
\irithi.mat: . Certt popul.ltion trèil Jamc reste a"Cnticllcmcnt rumlc. car le~ villes du Kosovo ne pcuvcnl 1'11h!'lorbcr cl les ~utm

œmn:t isbaam de- Yaugml.avu~ l"liC' rcnne1.ICT11 pa! de rc1rouvC!r un milieu nnlimml nlhunms (. 1- En cuns~ucncc. 111 J cmi1t Jt."
JIUPlbtioa de cc tcrrito1~ de 10900 km2 est p~c de 7Sh!km2 en 1961 ta 1 HOhlkm2 en J 9 1) I ." . in Il l .()ftY , /. 'EuTtlpc' b, 1/1,,""IW
d,,J~jo1101 juW'3 , Pans,[lliP>CJ . l996,p 131
2 '" Le IJ'IDU\"etnmt { ) n'• pu u rourcc Wm!'i les Rolkans c u.x-rm!me!'I . c'est h: recul clc 1'111.~gl!munic .;uvi~lhlUc-. d&1Lk 1

M~mhrw:. qur le mid pou1ble.'", /ckm, p. 139.


C..118pllre :\. 1-" r~llg1on

/,'u11irlli11111" l1il.l11r1111A,. ri "hrt1i11i,.n


L'histoire de la Bléloru!lsie est celle de l'affrontement "1tre dt!Ux pou!l9ées
g~politiques séculaire!! : la polono-catholique et la ru>1so-orthodmce. l..a !lpkifidté
biélorusse se constitue à partir de l'éclatement de la Ru!lsie d(J à la conquére mongole
du XIII" siècle. A celte époque, les éléments proto-bit'loru&Se!I s'incorporent au Grand
Duché de Lituanie qui fu!lionne peu de temps après avec la Pologne 1.
Cette rivalité polono-rus..e prend, outre les ambitions territoriales sur le !IOI de la
Biélorussie, la forme d'un affrontement religieux entre le catholicisme et l'orthodoxie.
Cette situation originale de face à face fait apparaitre, dans le cadre de la Contre-
Réforme en 1596, une "composante de compromis", l'uniati"me, caractérisé par la
reconnaissance de l'autoritt' papale en échange du maintien de la foi et des traditions
orthodoxes.
La Biélorussie offre ainsi l'exemple d'un affrontement entre une aire catholique -
Pologne et Lituanie - et une poussée orthodoxe russe. L'uniatisme est un compromis
religieux qui révèle un compromis géopolitique et qui constitue un facteur de
différenciation nationale : être différent, c'est être ni tout à fait orthodoxe, ni tout à fait
catholique.
Dans les conflits internes à l'orthodoxie, on étudie les Églises autocéphales
d'Ukraine2. A ces Églises autocéphales qui jouent un rôle très important parmi le
caractéristiques géopolitiques de l'Ukraine, s'ajoute l'uniatisme.

Les uniates sont des Ukrainiens catholiques de rite byzantin. unis a Rome en 1596,
au moment du Concile de Brest-Litovsk. On les trouve surtout en Galicie et en
Transcarpathie ; ils furent toujours de fervents nationalistes ukrainiens, anti-russes.
Soutenus par le pape, leurs relations sont très tendues avec l~glise orthodoxe du
patriarcat de Moscou 3 ; elles ne sont guère meilleures avec les autocéphales : les uniates
partagent avec ces derniers l'esprit nationaliste ukrainien. Certains mouvements
autocéphales se méfient des wùates qu'ils assimilent à des agents polonais du fait de
leur caractère catholique. Les ultra-orthodoxes accusent les uniates de vouloir établir
une Petite Pologne en Galicie. À cette accusation, les uniates répondent que les efforts
des orthodoxes à implanter des églises dans les régions traditionnellement catholiques
d'Ukraine ont été soutenus sous l'ère soviétique par le KG.B.
En Ukraine, une orientation nationaliste commune n'empêche pas les divergences
religieuses de s'exprimer. Au sein même du projet national ukrainien, la tendance
autocéphale orthodoxe et la tendance catholique uniate s'affrontent duremenL Et il est
difficile de savoir lequel du nationalisme ou de la religion est un facteur prépondérant.
Carte 51 : Peuples et États en Europe central"
Catlanli'lues ri protrstt111/_o; fuf'f' à l'orthodoxif'. dn11s ff's pa_,·s Ba/1,~

En Estonie~. les protestants font face à l'orthodoxie. Depuis le XVI• siècle, les rerres
estoniennes situées au nord des deux autres pay s Baltes ont changé plusieurs fois de
propriétaires, chevaliers Porte-Glaives et Teutonique, Danois, Suédois, avant d'être
absorbées par Pierre Le Grand dans l'Empire russe en expansion, qui avait réussi à
atteindre la Baltique et à y installer sa nouvelle capitale, Saint-Pétersbourg. La politique
de Pierre Le Gr<lnd consistait à cette epoque à repous ser la puissance suédoise de façon

1 A CllAUPRAnr. 1 rlll 1.\l . p,, 11. >1111.11r. · J.· ~~rft•pului'/IH'. ~c ..<J .. Paris. EU~ l'f'N. &rhdc -e.~- ; A..d
J SELLll:R. .41/wi ,/,·_\ 1w111•l1 • .rJ:"n•po· •.,.,,,,.. ,/,·. l'.in:-.. La Ik"t:ou,·cnc. rcCd l~!\ . p. bQ_
2 R.<i. tlOltEH.TSt >N. / h,· b L\"1<"1"11, h r u-111111 ' hurd,,•.i.:, '' htrff:f."fVT\'n._ R('ln'IC'. l"")ncoœla ( 'hn!>tian&. 1'195, p. 107 .

J lJC'M . p ~)-~~

4 A. C'HA U PRADE , F . THUAL. D;, ·110nn'"''' d,· g.;·~tpnlitiqtw • .r M . Puis., t:llr~ IQllW . ~lt "Esaooic'".
-- P11rfir .1. Prnnanmœ do,.,,,,.,,
à iesurt!r .au nl.lximum le L-untrok• des n"ltes dL• la Baltique et du littoral l!nvironnant t.
°"1'1''llÜl' capihlle. Coll•~ et chrlstianis~s par des seigneur,. all.,mands, IL'S P~.
Glaive'. les p.ipulations .iutu.:htoncs t.>stunienncs, d'origine Cino-ougrienne, furem
Nduites Jurant le M<,~n-Àt,>e à l'Nat de servitude par l'aristocratie allemande . Ga~
"lft\D'lo:' leur.< !'e~curs ,,llcmnnds pnr la Réfonni>, les Estoniens devinrent luthériens
P.n la •ui~. le joug ni!'!le p<!sa sur l'Estonie. Le réveil national estonien fut
lanll\'emC'nt nw~ par les pasteurs qui s'opposaient à une russification croissan"
toudllt.nt la fo.;aJe baltique Je l'Empi~ et dont l'aristocratie allemande intégrfe a
1'4'p&n!il Li\'il <'l militaire de l'Empire russ e, s'était faite la cheville ouvrif're.
lndt'po>nJani., en l920, l'Estonie fut réannexée par !'U.R.S.S . en 1940 et corlllut un
phéno~ de russification. Elle redevint indépendante en 1990. Des tensions eltistent
aujourd'hui en Estonie à propos d'importantes populations russes auxquelles on ref115e
le droit A la citoyenneté estonienne.
L'Estonie fournit l'exemple d'un choc entre un protestantisme pro-allemand et Wlf
orthodoxie pro-russe.
En lituani~. en revanche, le choc oppose des catholiques à des orthodoxesl.
Au X\"' siècle, la Lituanie formait un État très étendu qui allait de la Baltique~ t.
mer Noire. Ethniquement hétérogène, cet État était dominé par une minorih'
lituanienne, fraichement convertie au catholicisme4 et qui dominait les populationo
slaves-orthodoxes.
Le Grand Duché de Lituanie s'allia, au travers d 'une union dynastique, puis d'une
union politique, avec le royaume de Pologne, et donna naissance à un État Ires
important d 'Europe orientale. La Lituanie suivit désormais la Pologne dans son destin
et dans sa chute.
Le catholicisme lituanien est vivace mais il se méfie du catholicisme polonais, tout
•"ORUlle l'orthodoxie russe. La méfiance historique des Lituaniens vis-à-vis de la
Pologne fait de la soi-disant alliance catholique polono-lituanienne une fiction.
Le cas de la Lettonie recoupe les deux cas précédents : catholiques et protestants se
trouvent face aux Russes orthodoxes.
LDngtemps doaùnée par une aristocratie foncière allemande issue de la
s«ularisation luthérienne de l'ordre des chevaliers Porte-Glaive, la Lettonie5 fit l'objet
d'une intense rivalité au XVIIe siècle entre la Suède, la Pologne et la Russie.
Au XVIIIe sil!de, l'ensemble des terres lettones finit par être incorporé à la Russie
dans le cadre de sa poussée séculaire vers la mer Baltique. Le réveil national letton fut
initié. au XIXe sil!de, par les Églises luthériennes et catholiques - la partie orientale de
la Lettonie qui avait été polonisée était restée catholique.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la Lettonie indépendante subit le même sort
que les autres pays Baltes: annexion soviétique en 1940, libération par les Allemands

J "'C'ot ron:n aUcmmd ms Chevaliers ponc-gla1vc qui. au XIIIe sicclc • conquis, convcni 11u christianisme et coloauê b
Lcaallic et l"Esiaail:. De ccnc tpoqw: da.le la fonc mOucncc allemande qui ma"que encore ces pays [ .. J- Pendant tou1c b pénodt di:
a-~ • rEmptR naue, les soc;~tC! de Lcnomc cl d'Estonie fuœm <lnminéi.:s par une noblcs.-.c 1enimnr 6anpm
~ - \es butlM bûtes. Les villes. sou1o·mt fondées par des Allrmands y ~to1 enl fortement gcnnanisns . La lansuc allcmmi'
y aa ratic' d't...,.: ofliael [ . .. ) ~ vcn 11190.·. m M . DRAIN, '" Les atouts suv.lCgiqucs de l'Allemagne dans la C.Er. il
...._...... 'ad.s~ . Pnntcmpsl992 . n° S , p . 148 .

2 A. CHAL'l'll.ADE. F. TI-IUAL. Dic1iunna1re Je géupoli11q u1._•, 2e éd .. P11ri s , Ellipses , l 9')9, iinidr "L11uwnc ..
] S... rc:aŒ de la Lituuuc iw Moyco-Àac, et la menace qu'elle conslituc sur la Russu: à. crue tpoq_ur : M . UELLER. UùllJITt
• • ._...,,,,..,,,.&rp;ry, tlarmlU.non. 1997, p. 115· 121 .
.. En r A.a mil. la dl:rtticnlC: CSI p.-csquc n!:aJ.iM!e ~ "St l'on met i pan Io Reconqut<>la C'-'llp.agnoh: (pounun:ie Jusqu"i la fWa dl
X\,.. s*Jc). li dy ..... phu que la Prusse (llll XIIIe siècle) el lm Lina.ante (ou XV., s1«lc) pour cnt~r dAns le Christiana Rcspubl:-.::1
. . ..... in H..C PUECH dit .• HU1orrr~ nllgmrt:r, Pans, Gallimard, 1999, coll .. Folm CSSJtlS .. . t. 11••. p M08 .
5 A.. OfAUPllADE. F nfUAL, DtctivttNlirr Je 1tttlpo/itique, 2c êd ., Paris, Ellipses, llJ9'1J, ur1u;: lc " Lcnomc" .
en 1941, el guerre a leurs côtn contre l'Union !OOVtêtique, puis retour 110viftique et
violente!! représaille!'I en 1944.
L'identité lettone aura donc, au xx~ !!liècle, do !l'affirmer contre les AUemands de
Lettonie - les "Barone baltes" qui quittèrent le pays après 1941 - et l'Allemagne, ainsi
que contre l'Union soviétique qui s'attacha a ru95ifler le pay•.
Carte St : Peuplt!8 et e1a1s en Europe centrale
Carte 23 : L'enclave de Kaliningrad

3. l.3. Le!! connits au sein du monde orthodoxe


Les lignes de partage religieuses ne correspondent pas uniquement aux contours
extérieurs des grandes religions. Elles pénètrent en leur !lein; on doit consicltter qu'il
existe des conflits à l'intérieur de chacune des trois composantes du christianisme.
Nous aurions pu choisir d'étudier les rivalités au sein du monde catholique, au du
monde protestant. Sans doute ne sont-elles pas négligeables, mais, en Europe tout du
moins, elles ne sont responsables d'aucun conflit. En revanche, l'orthodoxie rév& des
contrastes et des conflits internes marqués 1 .
!As ~slises aulociphalu en UkraiTal!
Au xxe siècle, chaque pulsion indépendantiste de l'Ukraine s'accompagne de la
création d'une Église orthodoxe autocéphale qui est accueillie avec irritation par le
patriarcat de Moscou. Kiev est en effet le berceau du christianisme 1US11e l!t l'identité
même de l'Ukraine n'est pas un fait historiquement reconnu par les Russes.
Le patriarcat de Moscou est établi en 1598 mais il est déjà séparé de Constimtinople
depuis le xve siècle. L'orthodoxie ukrainienne demeure dans la juridiction de
Constantinople jusqu'en 1686, date à laquelle elle passe sous le patriarcat de MOllCOU.
L'Ukraine est intégrée dans !'U.R.S.S. en 1922 Dès 1917, Kiev demande à Mœcou
l'ukrainisation et l'autocéphalie de l'Église; et en 1920 l'autocéphalie est proclamél!.
Pour affaiblir l'Église orthodoxe russe face au pouvoir communiste, Lénine
encourage sa division et favorise les mouvements religieux nationaux. Staline ne
poursuit pas la politique de Lénine, dont il perçoit le danger pour la Russie. ll n'enœnd
pas laisser les particularismes religieux être instrumentalisés par les nationalismes
contre l'unité soviétique, et combat au contraire les tendances religieuses qui veulent
faire sécession avec le patriarcat de Moscou - ce faisant. il est dans la lignée des
politiques successives menées par les tsars. En 1929, Staline supprime l'Église
autocéphale ukrainienne, mais en 1942. l'occupation allemande la remet sur pied.
Après la reconquête soviétique de l'Ukraine, Staline utilise l'Église orthodoxe russe
comme moyen de russification.
Les mouvements autocéphalites resurgissent en 1989, toujours tournés vers Ankara.
au détriment de Moscou.
L'orthodoxie ukrainienne est aujourd'hui divisée en quatre groupes:
- l'Église orthodoxe d'Ukraine qui est autonome tout en restant liée a Moscou.%; elle
dispose d'un statut d'indépendance interne mais elle n'est pas autocéphale pour
autant;

1 "Dcpuas dcu:.. ccnls a.n.....;, le roiJ.s géupohtiquc de la ~ligion l.')rth\-Xu.e pe-sc sur l'aspert c0Ucct1r Je l"orrlabl.e ~ ~

NUtorud sow toutes '-·es fonm."":> La n:l1~1on . 'lan~ l'espace '11'\hoc.!..>~c . ~t WJ Jes op:runan prmcri-a, de • &lln::mioD dm
oalions.". in F TlUlAL. GCupolitiquc Uc l'onhoc.h.l'\ic. r:ins.. Dunod.. 1994. p . 11a.
:? ïhc OnhoJo:.. Chun:h m Clm.unc thus wa~ pan of 1hoe Russian OnhoJo., Cbun:h Wdil the ~c ul UbUK . , .
drc:Jattd 1n the chno11c s1twt1wn folJ,n,; in~ WL1rht W.:ir 1 .1.nù the Rllii1.ut n:,·olu11..i:a 'Tiic goYU'lllDClll of titis DC'W ~ S-..S •
IH1 allO\,,ng for the cstahlL"ihnu:m o.Jf lln :iu1occrh11lou.."i Uk.rainian Orthodoll Chun:h th 1919.• . in R.G ROBER.TSON. n.. ~
t'ltru1i1111 clrurrh~. a hrif!f.n,n'e!_,.. Rome. Ori.:ontaho \'.'hns111ana. 14N5. r 1 tu
.ltll

- l'Églis.> urth<l<ioxc ukrainienne est li&, uu putriarcal de Kiev; elle jou" un r~J,
,lmbigu.
- l'É~lisc orthodoxe ukminienne uutocéphille;
- les group!'.'S autocéphalites de l'exterieur sont liés uu piltriurcat de Constantinopl••
Cartl"' 51 : P'-'"uplL"!' C't Étilts en Europe centr,1le

l ..f'-" .\fol1lu..,•'.f>
sunl rui11ré.;; 1•11lr1• Ir"" Uu~·"''·" 1•t /, .... Uoum11irr-.

L1 ;\lold,l\'ie <'SI tir.i1ll~ <·ntre deux forces d'attr.1cho11 : la russe el la roumain" 1~,
divisions Je son dcrgé orthodoxt:' illustrent ces deux forces polaires :
- une hiéran:hie fidéle au patriarcat de Moscou, qui joue la carte de l'indépcndarq
mold.wc;
- une hii'ran:hu.• mise en pluce par Bucarest et qui joue la carte de la réintégration de
la R<•umame.
Carte 51 . Pcupl"s el États d 'E urope centrJll!

3.2. Les conflits enl re l'islan1 el le cliristianisni~

Tout comme le christianisme est indi ssoc iable de Jésus-Christ, l' islam est
indissociable de la prédication, de la vie et des guerres d'un homme, le Prophei,,
Mahomet - 570-6322 . Le temps musulman débute 622 ans après le temps chrétien.
Mais à cette heure, le christianisme est loin d'avoir fini son expansion . L'Angleterre, la
Saxe. la Germ;mie, la Bavière et le nord de l'Espabrne ne sont pas encore évangéllSèsl
Alors que l'islam est déjà prêt à franchir le détroit sépurnnt l'Afrique du Nord qui \'ienl
d'abandonner le christianisme de l'Espagne chrétienne, l'Occide nt est encore couvert
d'immenses clairières païennes4 .
Entre les deux grandes religions en expansion rapide, le choc ne peut être que
terrible. Ses séquelles sont immenses .
Carte n ·L'expansion de l'islam au v11c siècle
Sujets traités: histoire géopolitique de l ' is lamisation en Afrique noire ; le
christianisme ancien face à l'islamisation : les Coptes d 'Égy pte, les Chrétiens d'Érythrét
et d 'Éthiopie; fractures islamo-chrétie nnes du Caucase et des Balkans; pourquoi
l'Afrique du Nord n'est-elle plus chrétienne?; les minorités chrétiennes d'Orient ; les
chrétiens d'Asie face à l'islam.

3.2.1. Histoire géopolitique de l'i slami>;atio11 de l'Afrique noire


L'Afrique noire islamisée que nous connaissons aujourd 'hui est l'addition d 'Érats
sahéliens - Mali, Burkina-Faso, Niger, Tchad et Soudan - , d'États côtiers atlantiques
- Sénégal. Gambie, Guinée, Guinée Biss au, Sierr,1 LL'<111e, Libéria, Côte d'l\'Oll\',
Ghana, Togo, Bénin, Nigeria, Cameroun-, et d ' État~ d'Afrique orientale - Érythrœ,
Djibouti, Éthiopie, Somalie, Kenya, Ouganda, Tanzanie, MozC1mbique. Malawi. Au
nord, cette aire géographique débute légèrement en dessous du Tropique du Cancer .
elle descend, à l'O uest du continent, presque jusqu ',1 l' Équatc•ur, il l' Est jusqu',1u
Tropique du Capricorne, en Afrique australe. Prè•s ti<.' 2llll millmns de• Noirs musulmon.<
y vivent, c'est-à-dire 15 % de l'islam mondial.

1 La dwput.1 ukr.umcnnc cs1 1mpunan1~ au:it 1'. 1 ~us -U n i.. cl ;111 ( :111; 1da "Tho.: l l l..1 a 1111.111 <>rclu ~ t. 1~ l hurd1 11.1_.. ,, .;.1~ n 11 ~ ..:
prcvncc 1n 1hc Ji;npora. ail ufY.hlCh 1~ nu w unJcl" lhc jur1 ... t.1u.. t1un 111 1h1..· l'.11nah hl· ul l ·111i-.1.111hn11pli:" . Jol,·m . 1' 11 ~

1 M ROJllNSUS . .Huhum,·1 , Pan!>, I.e Seuil . l 'Jhl


l P SESAC. l '11nog.- J1• l'trulrt.'. hi11mrt• d t' l 'V c d1/,•11t m1 =11t1 ~ \ 'lll fi11 ·, · 11 / '1.\ /11111 , l' ; u1~ l · la 11111m r111 n l'JH"\ , p I'

"'"'~'"·fi n
Chapitre 3 . La religion 311

/,, 'i.sl11n1i.•ulio11 de l'Afrit/UP orit'nlal~

Bien avant le siècle de !'Hégire, des navigateurs et commerçants arabe! établirent


des comptoirs sur les côtes d'Afrique orientalel. D'après la tradition de l'islam, au
premier siècle de !'Hégire - VII" siècle chrétien - , les premiers disciples du propMte
Mahomet se réfugièrent sur les côtes d'Érythrée. Ce fut alors le point de départ d'une
des grandes permanences de l'histoire islamique: l'Afrique devenait le refuge de
nombreux musulmans considérés comme hérétiques dans l'aire arabo-islamique;
l'Afrique abritait les particularismes de l'oppression d'un sunnisme arabe
intransigeant.
Dès le VII" siècle, le littoral de la mer Rouge - correspondant à l'actuelle Érythrée
et au territoire de Djibouti - et les basses terres de la côte des Somalis qui ceinturent la
Come de l'Afrique - l'actuelle Somalie - furent islamisés par l'apport de populations
imnùgrées venues d'Oman - autour de 695, des révoltés contre le calife ommeyyade
de Damas, Abd al-Malik - , du Yémen - autour de 735, des chiites zaydites - ou en
provenance de l'aire arabo-musulmane et fuyant les persécutions abbassides.
Géographiquement, ces immigrés débarquaient sur des basses terres du littoral,
peuplées par des ethnies africaines autochtones : Bejas, Afars et les multiples tribus
somaliennes. Une deuxième constante de l'histoire africaine se mettait alors en pl.ace:
l'islam allait se répandre par des poussées successives de populations étrangères
progressant sur un relief plat et arrêtés - au moins provisoirement - par le relief ou
la forêt.
Sous l'afflux donc de marchands arabes et perses2, naissaient, entre la deuxième
moitié du Vil" siècle et le X" siècle, des côtes de Somalie à celle des États actuels du
Kenya et de Tanzanie, des comptoirs qui furent rapidement transformés en dté-Élats3
gouvernées par des dynasties i.mmigrées4: Mogadisci<>5, Zanzibaz6, Kilva 7, Mombasa
etPembaB.
Ce premier islam était un islam de commerçant qui s'assimilait et ne convertissait
guère9 . La priorité étant le commerce des esclaves noirs, les man:hands immigrés
n'avaient pas intérêt à faire entrer "leur marchandise" dans l'islam. la conversion
pouvant alors entraîner l'affranchissement. C'était aussi l'islam des "hérétiques• des
grands empires arabo-islamiques dominants : les Zaydites qui peuplaient les rivages
de la mer Rouge et la côte des Somalis étaient des Otiites yéménites tandis que les
Ibadites qui s'établissaient Je long des côtes africaines de l'océan Indien étaient des

1 0 et J SOUROEL. Du: wmuLlirt hui.>r1qu...• ~ l'islam. Paris.. P.l! f .. 1996• .an:icle • ..\lhqur mntt- aslmmqur"". p.. J9;
c w 1Ji...,u1mn . Pan...;.. Armand Colin. 1990. p . :?J-4.
A MIQUEL, L 'i.!rlam t!l ."a
2 Les "Chiraz1" qut font le 1.:ommcn:C' <le l'or. de 1'1\· oi~ cl des cscla'-'CS. ia. f . BRALfl>EL G~..,. mildanoilu. Pans.,
Flammanon. 1993, coll . "Ch:imps" . r 1(')5
) 8 LUGAN. Atlas hiu<Jrll/U•' .IL· l 'ArT1o1u ...•• Paris.. Le Rochet', 2001. ·L.2. côcc d'.-\fnquc oncolalc (VII~. ~siCdc:f.): ·A cet11:
(poque~ les Arabo-musulmans ct;ucnl maitres Je la loahtc du httoral est afric:un. depuis la Sama11e au m.d juaqu'i Soi:ala m Sad.
De: Sofola ju.o;qu'a Mogod1s.:10. J.:-s v1lks .:ümmt!"f\' 3llll.."S s.: panage:ucnl le IinuraJ. A~ momco1 elles ac~ ua Etm
undiC ou mt!:mc homogène:- lnJO:~nd3nh..~ h."'S unes des :iuCl"c'S. clics a\·mcru des lic:ns dincts avec les ~om d'Arabie: ou œ ~
Pns1quc d'où Cui1cn1 onginain..-s leur~ dingcanK ". p . ~7

~ R. L MOREAli, Afi-in lin." ,,llL.'tulm.m.... Pans-AbiJ111n . Pre~·rle'T afncai.nc:lnaJcs ediDon. 198!.


5 On donne J~ do.les J1fférenh.·~ r".)Uf b ..:n:at1on dt.· cette pl~--.:- , J.m: '-l;i~ha. a ... ao.t la fm du Vtr' ,_.Je. ou œ 861)..
b t-·(lndtt en 739 par J~ s. Arabe~ Ju s uJ Je l;.1 pcninsuk
7 A.Ucmte ieo 95 7

M fonJ1."='s aulour ûc •>~U par une cxJ')\.-J111.-.n \ 'C'C'IUC Ju Golli:- arnbo-pcr.;.1que sous tn œdrn de Hasan ibn Ah. 6b da sulaa œ
l'lnnLl'IP.:~)

~ D t.•1 J SOURDl::l.. /lt, ,,, ,,,,,, ,,,.... Ju..,.ltn1qurt <k l'i.'ffœrt. ~ P.L'.F, 1996. IU"Ociit '"'Afrique: noin- ~- . p. )9 ;

A . MIQUEL. L'ufom t.•t .m · ·n ·t/i..,."/Ju,,. Pan!!.. AnnanJ Colm. 19QO. p ~ .'W


312 P11rl1t· 3 . l'rnmrnntct 1/n idnJtdft

Kharidjites d'Oman. "L'orthodoxie sunnite" ' s'intéressait cependant aussi au


mouvement marchand : des musulmans sunnites yéménites, se rattachant à l'école
juridique du chaféismc. commerçaient aussi dans l<t région .
A la fin du XV< siècle, une révolution géopolitique se produisit dans la région En
franchissant le Cap de Bonne-Espérance, les Portugais qui voulaient aller direclcmen1 ;a
l'or \'t au poivre, toumi!rent l'islam et son rôle d'intermédiaire du commerce entre
l'Extremc-Oricnt et l'Europe. Malindi el Mombasa, su r la côte africaine, devinrent dt,.
relais strah!giqu~-s de la route maritime des Indes.
Le détournement d'une grande partie du comn1erce d'Extrême-Oricnl par les
Portugais provoqua la décadence économique puis politique de l'Égypte2, qui par la
mer Rouge, jouait un rôle fructueux d'intermédiaire avec l'Europe - Vénitiens. la
Portugais nuisirent donc surtout aux Arabes, ceux de Mascate évidemment qui
conunerçaient avec l'Afrique et l'Asie. Qui profita alors de cet affaiblissement des
Arabes' Les Ottomans. Le sultan turc Sélim 1~r lança ses troupes à la conquête de
l'Égypte des Mamelouks - achevée en 1517. Les Turcs ne s'arrètèrent pas là: ils
projetèrent de s 'emparer de l'Éthiopie, riche bastion chrétien situé au nord-est du
conbnent africain. Les Ottomans s 'allièrent aux ém.irats islam.iques de la mer Rouge. En
1527, l'émir de Harar - Éthiopie orientale-, Mohammed le Gaucher, s'attaquait au
haut-plateau éthiopien. jusqu'en 1540, l'Éthiopie fut dévastée par des raids turc1>-
arabes : une grande partie de ses richesses accumulées dans ses églises et ses
monastères fut pillée et partit en direction des provinces ottomanes. L'Éthiopie
chrétienne ne se releva pas de sa saignée en richesses et en populations; nombreux
sont ceux qui furent vendus en esclavage ou qui se convertirent à l'islam. Ainsi,
l'empire chrétien monophysite d'Éthiopie entra- t-il durablement en décadence, usé par
les poussées musulmanes exercées à partir de deux points d'entrée: le littoral de la mer
Rouge et la côte des Somalis.
L'entrée de l'islam dans les profondeurs africaines de l'Afrique orientale fut donc Je
contrecoup des pressions étrangères, ottomanes et portugaises. À la différence du
premier islam marchand des comptoirs côtiers, il était bien un islam de conquérants.
Les bordures éthiopiennes, autour du plateau central chrétien qui résista, furenl
islamisées, surtout à l'est, dans les pays dankalis et somalis. Une partie du peuple Galla
fut aussi convertie qui, au milieu du xv1e siècle, partit à l 'assaut du plateau abyssin.l
Tandis que la côte Sud de l'Afrique orientale restait sous influence arabe - surtoul
omanaise- , la côte Nord, par le biais des Yéménites - vassaux de l'Empire

1 LA tuanwnc. le chnsmc d le k.handJ1!imC wni I~ 1rois gnnd~ bron c hes de 1'1slum Elles sont le produ11 Je 1füuiom
Aa\'c:nuc::t ion de qurrella Je su..:cess1on cahfalc. Le sunmsmc est 1'1-. lam onltot..lo:\c rra111.1 uë pnr H.5 °,~ des musulmans du nl'.llldi::
conlanpanul, le chimnc rqyrëscnwi1 k'> l '.'i '%,, rcslanl!'i, 1and1s que: le kharidJl'mH: a prnt1qucmcm t.h s pun1. l'lbadamc onun.au t11
danf Wll' da dcnuC:rcs man1fesw1ons . H1stunqucmcnt. Jans la q"1cr..:llc <le suc..:c.;s 1on. k~ p11rtisans de Mu11~1ya - fuf\D\
~ - donnëTcn1 RA1uancc ilU sunnismc. con1rc eux le s partisans t.l'All uo Alic.Jcs 4u1 se Ûi\'1 sernn1 li noU\'Oll c1

doaDcroat D&l.Ssantt au
chusme et au khandJiSmc
La pruJqUC du sunnm11e vanc clle-mëme suwant 4 Ccolcs ;urid1quL"S reconnues le clmfê1 s mc, le hünnfi s mc . le m3ICkumr C1 k
mni.Jamr En w:hemaJ1san1 , un re1umdra que la prcm1èn: c..:ulc o réuss i Unn' l'm:i!..in lm.heu et en A -.1e. la dcuu~ml.' lbn' 1'r 1
Empuc oUomaa -- y wmpns Sync cl Irak -- . la lro1 s îé mc: en Afnque tlu N o rd , cl li1 llllDlnè mc llans lu pénm,ulc ura.hiqUt' - - k
.,..'Vthab1sme:
ftl ~I l'c•prtuton saoudicnM _ Les <ltfTércn cc s cnlrc c e s qualrc .!1...nlc!> llcnnc fll rmlllnimcnl R l'lm(1Ur1;:rn..:c rdllt\ r

qu'C'tln aicœrdcnt •wi uo1s roupporu fnnd:i.n\\."111D.u:.. de 1'1!!.lam. le Coron la KC-,..Cln1u1n 1:111c par Dic11 nu Proph~ll.' l".11ihomr1 -- . Li
Swo. - 1• pn11quc Je Mahomet. clam ~in CQnlc:llh: h1sta r1quc - -·cl lcs l lnd11h-. - · Les dtls du rrnphètc - · cc qui dCOOuchc 'ur,Jc..
lrcturu phu ou moins n1auttusc de la vie rcliJ!rcusc du mu..,ulman . r11r exemple. le: hun hulismc -- 1:1 le w11hhnh1!1on1C' Jnnc - ~
1'nprcuioa i. plm lnd.111ooahstc d ÔJionsu: de l'u\am 1unm1c. turnJi~ que le hunoli s mc. r~pnmJu en J.-.k . c:n Syrie uu •u L1lwi f'\!
bcaucwp plm •tOUplc•
2 B BENASSAR. J JACQUART. Le XY~ .flfrle. 2c Cd ., Pon!!> , A.rm1md l"ulm , 1990, p. 1bit .
l A. MJQUEL,L'blam rlia1·1wli.Jutùm - l'/l'"-Xr· .'li.•d.: - . 6" ~tJ .• Pnril'. Annoru.J Colin. l 'il99. !"'· 261'
Chapitre 3. Lo religion 313

ottoman! -, fut "ottomanisée" au xv11e siècle. L'iBlam sunnite de tendance hanafite


entrait donc en Afrique orientale et venait s 'ajouter au sunnisme chaféite - et aux
"hérésies" zaydite et ibadite.
La dynamique de progression de ces islams s'appuya alors sur le développement
combiné des réseaux commerciaux et des canaux confrériques. Le long des côtes de la
met Rouge et de l'océan Indien, dominait la Qadiriya, une confrérie soufie qui
appliquait un sunnisme chaféite et était liée aux marchands yéménites de
l'Hadramaout 2 ., ainsi que l'Idrisiya-Ahmadiya3.
Après l'enracinement des sunnismes chaféite et hanafite, la région connut, au
XIX• siècle, un nouvel apport islamique, le sunnisme malékite, qui entra par le biais
des expéditions lancées depuis l'Égypte par le khédive lsmai1 pour pousser les
Ottomans dehors. Vers la fin du XIX• siècle, un second empire du djihad, le mahdisme
soudanais s'appuyant sur la confrérie des Salihiya, elle-même issue de l'ldrisiya-
Al1111adiya4 ., affronta la confrérie Qadiriya dans la Come de l'Afrique.
Au travers de la compétition entre mouvances islamiques, plusieurs centres de
puissances politiques - Égypte, Soudan nilotique, Sultanat omanais sur les côtes
d'Afrique orientale - s'affrontaient en réalité, notamment dans le but de contrôler la
traite d 'esclaves noirs. Un système de commerce des esclaves existait en effet en mer
Rouge et au Soudan nilotique; Wl autre, la traite orientale, s'était développé à partir du
sultanat de Mascate transféré à Zanzibar à partir de 18405. Nourri par la logique de
contrôle des ressources - les esclaves-, le facteur ethno-politique instrumentalisait
donc les dynamiques religieuses. Loin de commander l'histoire, la religion musulmane
servait les intérêts de peuples traditionnellement opposés.
La colonisation européenne supprima la traite orientale et stabilisa les conflits. En
Afrique orientale anglaise, un phénomène de circulation des islams entre les morceaux
d'empire anglais se produisit et vint ajouter une nouvelle strate islamique à la région.
À la fin du XJXc siècle, des musulmans immigrés d'origine indienne vinrent s'établir
sur les territoires de l'actuel État du Kenya. Ils étaient parfois chiites, d'autre fois
ismaéliens, appartenant à la secte des Nizaris, tels les Klw1as disciples de l'Aga Khan, ou
à celle des Bo/roras, vieille communauté d'obédience fatimide.
Ainsi, l'analyse géopolitique contemporaine, projetée aussi bien sur l'aire de
civilisation swahili - "mosaïque arabe, perse, indienne et africaine, s'étendant de la
Somalie au nord jusqu'à l'île de Mozambique au sud" -6, que sur les territoires
nilotiques orientaux fait-elle apparaitre une réalité islamique plurielle :
- "plusieurs islams" : sunnisme, chiisme - zaydisme - , kharidjisme
- ibadisme - ;
- "plusieurs sunnismes", dans l'ordre d 'apparition historique, le chaféisme -
dominant-, l'hanafisme, et le malékisme;
- des mouvements confreriques traditionnels tels la Qadiriya et l'ldri;; rya-Mmadiyya,
ainsi qu'un mouvement puissant, le mahdisme d 'origine soudanaise.
Nous verrons plus loin, après avoir aborde l'histoire de l'islamisation ouest-
africaine, que c'est sur cet islam complexe d'Afrique orientale que sont venues, très

l Les hem; ecunonuqucs s'rntcns11icn1 i..•ntre 11..."S r'"'ru $4.'tnalis Cl la n.'1uon ~: cmet·n1c- de: l'H~ .
2 Cel ordre mystique mu~ulman J ou .. on nom u Abd al·V•Llir a l-Jil.oni, uu rrcd":ale\U' hantwlilt n:n>mmê - X:Vlr 5*.lc à
Uagdnd ln D c l J. SOUR[)l'. L. /li1 ·11um1,1Jn.' h1:ooriq111..' dc.· l'u/'6m, Pan s. P l ~ . f-'. , 19%, amdc ..Q.dm),...
J FonJCc llU Jéb\H llU x1x..: s1êdc rnr AhmaJ 1hn ldns.
4 Muh11mn1od lhn Abd AllAh 111';6-l-l~lO). chef somali . '-"!"' 11.• ~lais l~al Ju mahdis.rne s.oudan&i" et ~hquir tm cbaffisme
ngoun:u11t .
5 Il. LUGAN. Athu /11-'fto1 ·i,11,.· d~· l'At1 ·1q1tt-, l':m s. l c Ro... hi:r. :001. "b-s U'Oi.'i plies de la lnl~ musu.lmmc ... p. HW. Le
tiois1rmc lll'lc Cto.nt l'Afrit1u1.· tk l'mu:st suhl!hcunc
h /J~·m
l'nrlit• .l . l'crmrml'm:c dN 111<nl1tn
314

~ni. se déposer les influences du chiisme rndical irnnien et du wahhabisme


saC1udien - un sunnisme hanbalite.
J,'i.slomiJe1t1on dr l'Afriquf' OffÏ«lt>nffll1•
En Afrique occidentale, la pénNr,1tion de l'islam n'es t guère plus tardive qu'en
Afrique orientale Le S.1hara, prolongé par le désert nubien, a beau être une mer
autrement plus infranchis.<able que la mer Rouge qui sépare le monde nrabc de la
Come africaine, des relations entre l'Afrique du Nord et l'Afrique noire exislnienl bien
a\'anl l'islam. Depuis l'époque romaine, des échnnges e ntre les populntions noires sub-
sahariennes et les populations Berbères d'Afrique du Nord sont attestés. Au début de
l'ère chrétienne, les Berbères Sanhajn ou Touareg disposaient déjà largement du
dromadaire.
L'islam. cependant, accéléra considêrablemenl le phénomène el transforma des
relations 1usque-là irrégulières en Aux commerciaux réguliers. Deux raison.,
essentielles expliquent cette accélération : la civilisation islamique apportait les oasis
dans Je Sahara du Vlll< siècle; "la vitalité des échanges transsahariens dut beaucoup au
pèlerinage annuel vers La Mecque et à l'échange sel/ mil"'·
Comme en Afrique orientale, l'islam entra donc en Afrique occidentale par le
commerce. Comme en Afrique orientale, c'était un islam h é rétique, surtout kharidjite
La raison en était que, jusqu'au XIII• siècle, l'Afrique du Nord musulmane ne fut pas
ralliée complètement au sunnisme el resta divisée en obédiences rivales. Au Vl[)C siè'c)e
par exemple, la ville algérienne de Tahert était la capitale d'un imamat kharidjite el
communiquait avec la ville de Gao. Les premiers musulmans qui furent en contact
avec des Noirs furent sans doute ibadites el donc bien peu "orthodoxes"-
L'islam ne fit pas irruption dans un vide politique. "Dans la zone sahélienne, Je
royaume du Ghana2 avait été fondé en 8003 par l'ethnie Mandingue, au débouché de la
piste transsaharienne occidentale4 dont le point de départ, au nord du Sahara était
Sijilmassa. Des commerçants de Fès et Tlemcen partaient en caravane jusqu'à
Tijilmassa et prenaient alors la transsaharienne qui d é bouchait sur le royaume du
Ghana5. (... ) Toul le Sud du Maroc s'enrichissait à partir de Sijilmassa. Le fret
caravanier venu du sud consistait en or produit au Bambouk, à proximité du fleuve
Sénégal, au Bouré sur le Niger el au Lobi sur la Volta. Mais l'or n'était pas le seul
produit fourni par le sud . L'ambre gris, la gomme arabique, les peaux d'oryx deshnées
à la fabrication de boucliers, les peaux de léopard, de fennec, les esclaves alimenlaient
également le commerce transsaharien.% "Authentiquement nègre" comme l'écrit
Bernard Lugan, le Ghana affrontait le royaume berbère d'Aoudaghosl qu'il pan•int j
conquérir vers 990.

1 B. NANTET, Dictinnna1rc d 'hiJICJlr.! f!I de CIVll1.rn1wn,· ufr1nûm.•_,·, ran .... Lartlll:">M:, J lJl)IJ, ar11clc "Cunm1crcc lrnns.~~·

p. 69-10
~~cc ~me portait le nom d'une ville aujourd'hui tli!iparuc illcnliricc avc1.: le s1 1c tk Kumh1 S.1hh m 1x confin., Ju SuJ -bl.J:
l'actuelle ripubliqUC' de M:mnlanic [ ... ! Lu. célêbrilC qui s'11Uachai1 JU'iqt1\1 nu.., jours au :-;ou\·cuir lie cc myaumc mcJ1tul fu: i

fongux du oom ck- Rtpubhquc du Ghana adoplC par l'cx-~ulumc bmo11111a1u1.: J..: la <ioltl l ')""' au nmmcnl Je son a.;:c~,~11 .a 1
rindtpendmcc en 19j7 • 1n D . ~I J SOURDEL, D1cttonna1r'-' hh1n,.,1111t· d~ /'n/w,. , l)11n ... 11 1 l I· , l •>11'1. ;art1d..: "Clhnna"
) 8 . NANTET. Dictmnnafn.- ÜhllffJlr'C l'i dl' cn·ilu.-1111m1.'> 1~fru·1111w.1·. P11n,, l .ar1111 s.,.l.', l 'J')'J, 11 1.'.:!11·I.'.:!1 . Sa C'1J'113k ol K un~

s.Jdl. situft 1 11 frun1ib1: du Sah1u;11. au nord de Humaku, Ci . llAH.DY, "l.'Afru1ul.' llu \'" ou XVIe si1,,~dc" , 111 l.. l'rllf
M ALLAIN.A . (iANEM dir, llU1t1irr' 1mi1·,•rwllr d1•.1 p11y1t'Id1.·1· 11•·1111l1·s. l'un:-. , 1.illrn1nt! An-.1ulc t.)u1llct , Jl,)l.\. 1. 11. p t> :'~ ·f'"

4-u GbaRa •'orp1ma en 1uyaumc autt1UJ dc!I murch~'I sahariens avmu l';a rnvCc 11i.: ... r1111 s11l111nn'i C-rran~cr .. cl ''"'' St,mnl~ ...
au&nl<tll la wmmcn:1•liWiun mtém:urc et cnlcmluicnl f.lUri.Jc:r ln muiln'.'>c <l..:s 1k:h1111du.! '.'>". m H. 1. MllHl ·...\1 :. trP1,.;•'·
.....~. Paru·Ab1dJ111. l'rtscncc alhc.111ncilrwJcs éd111un, l tJHZ.
_,, D. LUCiA.N.Ada' hu1uf'/qut'd1• l'Afriqul', Pmris, Le R111.:hcr. p. 11
6 /dl,,., p 7)
0..pltrr 3. La religion 315

Mais jusqu'au milieu du xre siècle, Je monde noir ne fut en contact qu'avec l'islam
des marchands arabes et berbères, le plus souvent kharidjites. "Les premien agents de
l'islamisation africaine ne sont pas venus en foules comme les tri~ nomade en
recherche de terre ; ils se déplaçaient en caravanes pour échanger Je sel contre l'or et les
esclaves" comme l'écrit R. L. Moreau 1 • Des marchands noirs choi!lirent, pour des
raisons commerciales, d'apprendre l'arabe et de se faire musulmans. Mais là encore -
et comme en Afrique orientale- , au début, il n'y eut pas d 'intérêt il une convenion
massive des Noirs - utilisés dans la traite des esclaves - dorte pas de djihad.
Le djihad pourtant ne tarda pas. C'est encore un trait commun avec l'Afrique
orientale : il arriva "dans les fourgons" de l'islamisation pacifique. Grande con!ltante de
l'histoire générale de l'islam, c'est "l'orthodoxie sunnite" qui le pratique et qui vient
s'attaquer il l'islam hérétique des kharidjites. Le mouvement almoravide, né chez les
Berbères Lamtûna, vers 1040, sous l'impulsion de Abd Allah Ibn Yasin qui voulait
prêcher la vraie foi, le suruùsme, et le vrai droit islamique, le maléltisme, constitua sur
la côte atlantique, près du fleuve Sénégal, une ligue religieuse et guerrière. Engagé par
Abu Bakr, le djihad commença par l'Aoudaghost berbère - relais saharien du Sud -
en 1054, remonta jusqu'à Sijilmassa en 1055 et conquit le royaume de Ghana en 1CT762.
Ainsi, la première construction politique d'Afrique noire occidentale tombait-elle entre
les mains de l'islam sunnite malékite, au moment d 'ailleurs où, en Médi~
occidentale, les Musulmans commençaient à refluer sous les coups des royaumes
normands .
Sans parvenir à éradiquer le kharidjisme, le sunnisme malékite des Almoravides se
laissa influencer par celui-ci en adoptant le principe du marabout3 - chef
charismatique - qu'il légua ainsi aux Noirs convertis.
Au xre siècle profitant du déclin du royaume du Ghana, un autre empiœ
mandingue se développa à partir de Tombouctou. le long de la boude du Niger :
l'empire du Mali 4 • Au contact de l'islam et dans l'intérét du commerce, ses souverains
se firent musulmans à partir du XIIIe siècle et effectuèrent le pèlerinage à la Mecque. À
son apogée, au XIVe siècle, le territoire de l'empire correspondait à l'addition de l'actuel
État du Mali avec des morceaux des États modernes du Sénégal, de la Gambie et du
Niger.
L'islam et le développement de relations commerciales avec la Cyrénaique firent
aussi la prospérité, au xve siècle. de l'empire Songhai'5 constitué dès le vne siècle -
empire de l'ethnie Songhaï - et qui devint l'Empire de Gao à partir du xie siède. À la
fin du XIVe siècle, Tombouctou était devenue le principal port commercial de la région.
Les grands empires urbanisés et islamisés - l'islam étant une civilisation urbaine par
excellence6 - de la frange subsaharienne suivirent les débouches transsahariens. "Ils
s'y succédèrent, déplaçant leur cœur depuis le fleuve Sénégal il l'ouest jusqu'à l'est de
la boucle du Niger", comme l'écrit Bernard Lugan qui parle "d'àge d'Or du Sahel".
Géographiquement, la grande zone des savanes que designait au Moyen-Âge le nom

1 R. L MOREAU . .-f.fi-1 cnin.or mu:or11/mt1"-"· Pans -.-\b1djan. ~~i: a.fn c:tinc lnadcs Cditlon.. 19'C.
:? U FISH CR. " Le Soudnn ,x:,;i ll i:n1al et i:i:ntr.1.I"' . m P . ~I . HO L T . A. K.S L\...\t'9TOX . B . LEWIS Jir., F.1".."ld~ g.;.irak

·"' /'u/dm , s.1.r: 0 . l'Jl" J . p ~7 0 -.:1 1

J l i.! ITilll rn.3ru~lUI 1,•Sl llltL' lr..1.n s ..·nr11,111 Lk .\J - ~IW-.t b1IUR . " .-\JmN ''l:l \j J'-'$.. h.~ucl !!{Uldc œns Je Jjib9d C'Oatre k::s CllDCIJli5 dt
D 1~ u d cnnln: les (ll\S'\i,lns huma1n"'·s i.:1 1m~ud i: s1 Juc un~ smc1c ohds..~I! ln R . l MOREAL'. ffrk.uuu ~ P'lft6..
Abu.IJan, ~scncc Q.fn.:o.in i:-- l n~1J c s ..•J th llll . l "'1S .::!
~B . Nl\NTF.T. 0 1t rt11111i. m ,· , t /11.\l c•w,· ,., J,·, il 1/1 ,.0 1;,,,.,"' ~li-il'Uin&".\", Paris.. l..MuUS5C. I~. p. 177.
SM1•,,,. r . :?D -:?l-I
b Def1a-"-"""'Ill ~ ,1 111m,fü: tu.' n rcrmancnt4:" ~nm: 1!'t:11n L·1vihsah(ll\ urbaine- ou i~am e1vi~tion non.tr - seloo 6t:t ~ - .
nous l<lUtmnn.111. l'tc.h.l.c ~UC l'u,lam cet._.. civiliYuon ur~tinc QUI n'a cesW dr puj.scT SCS t0rca JucrriCl"es et de l'ftldl\Wletuau: dlat,
le mont.le 11011\lldc
Partie· .1 p,.nnaumu dn idatlillt

du Soudan N qui correspond au cours supérieur du Niger se trouva alors islam~ .


Stro11!giquemcnt. les empires sahéliens défendaient les carrefours eaharieru..
à-onomlquem..nt, ils tenai .. nt l" monopole du commerce entre l'Afrique du Nord et 1.
Sahel. romm<'rœ d'c.,;claves, d'or, noix de cola ... Un âge d'Or islamique existai! bel .i
h!l'n. !'Outenu par l'argent des riches négociants musulmans ; dei; mosqul!'tS
imrortantes furent édifiées et les villes communiquaient avec les universillO,
islnmiqut'$ prestigieuses de Fès et du Caire. On pourrait d'ailleurs comparer le rOle
•">tt!f\."(o nu Moyen-Âge par l'argent des riches négociants islamisés au rôle tenu
aujourd'hui. par les fortunes des chiisme libanais et wahhabisme saoudien. AUtrt
.:ontinuire des influences exercées sur l'islam africain ...
Ainsi, dès le XJc siècle, l'islam était-il entré massivement dans l'Afrique sul>-
sruunienne. le long des routes cmnmerciales qu'il avait su ouvrir ou déplacer par le
diihod. progressant vers le Sud jusqu'à la barrière des forêts mais sans encore atteindre
les masses paysannes. Si la traite des esclaves fut en soi contraire aux intérêts de
l'islamisation des ethnies noires, il n'en reste pas moins que les esclaves noirs eux.
mêmes, ramenés en Afrique du Nord, s'islantisèrent au contact de leurs maitres Arabes
ou ·Berbères. tandis que les enfants de fernrnes esclaves noires et nés de père musulman
naissaient musulman par la loi islamiquel .
L'entrée en scène du Portugal le long du littoral d'Afrique de l'Ouest, au début du
xv~ siècle. provoqua une révolution géopolitique - conune il en provoqua une autre
en Afrique orientale, un peu plus tard. lorsqu'il eut contourné le continent africain par
1.. Cap de Bonne-Espérance et remonté jusqu'à Mombasa ... C'est, selon l'expression de
l'historien portugais M . Godinho, "les caravelles contre les caravanes"2 qui entrainent Je
déclin du commerce transsaharien au détriment du Maroc . L'or de l'Afrique noire est
détourné ; il ne remonte plus vers la Méditen-anée au profit des Arabo-Berbères, mai..
descend vers le Golfe de Guinée au profit direct des Portugais3. Quant au trafic
transsaharien, il subsiste mais se déplace logiquement vers l'Est.
La chute de l'Empire des Songhaï, au XVIe siècle, autant que le développement des
comptoir.; européens sur les côtes sénégalaises et du Golfe du Guinée étouffèrent le
commerce entre les "deux rives" du désert et contribuèrent, au xvne siècle, à inverser
du nord vers le sud le commerce avec la forêt .
Au début du xvne siècle, les grandes constructions politiques de la frange
subsaharienne islamisée s'étaient effondrées. L 'Afrique occidentale était en proie a
l'émiettement politique. Mais l'islam conservait à la région son potentiel d'unification
par les djihad qu'il était capable de susciter.
À partir de la seconde moitié du XVIIl" siècle, et tout au long du XIXe siècle, de;
chefs de tribus utilisèrent l'islam pour fédérer les ethnies et recréer de grand<
~bles . Parmi les ethnies motrices qui prenaient part aux djihads d'Afrique de
l'Ouest, Peuh;, Toucouleurs et Haoussas jouèrent un grand rôle . Les chefs de tribœ;.
dans le cadre de leur djihad, favorisaient leur confrérie d'appartenance, qui, elles-
mêmes, faisaient jouer leurs réseaux en faveur de leur protecteur. Dans l'Ouest africain.
trois grandes confréries jouèrent un rôle essentiel dans l'islamisation des zones dt
savanes herbeuses sub-sahariennes ;

1 Nocom qur l'C5cla\l•gc non ramené en Afrique du Nnrtl fui un hu.: 1c ur no n négli1;c111hlc de m1!:11sse8c ncW cbu r
~ Juabr>ikrbèia donuNLOles. cc qui C'Kpliquc la d1vcrNilé des types ph y siques et de" cnulcuN de f'ICllU olm:nTt
oujaunfbuo doms le Magllt<I>.
.2 8 . LUGAl'i:. AJ/Ol-hu1orJq11.: Je l'A/nquc . des onyJncs ia nosJOUl'ti . l"arii. , CJ. Le J.loi:hc.-. 2001 . P· 91
JCi. tlAJC.DY. •L'Afnquc du yc au XVI~ •iklc ... in E . PETIT , M ALLAIN . A . GANEM tlu., Jlî.•tr1ir1· unfrrnrllf' drJ rsmr
._. prupit::J. , Pari•. l-ïbn.inc Aristide Ou11lc1 . 1913 , t . 11. p . fJ5lJ . (•61J
Chaplin. 3 . La religion 317

- La ·Qudir1ya, grande confrérie d'origine arabo-musulmane1 et d 'inspiration sunnite


hanbalite qui se répandit chez les J'euls.
- La Tijaniya, d'origine nord-africaine qui atteignit aUSlli les Peul& - voit "UI
confrérie Tijaniya et ses héritières" .
- Le mouridisme, fondé en 1886 au Sénég11l par Ahmadou Bamba, lu1·mlme
membre de la Qadiriya2 et qui laisse une empreinte profonde dans le Sénégal
d'aujourd'hui puisqu'un tiers de la population se rattache à cette confrérie.
La confrérie Tija11iya et ses héritières
A la suite d'une vision - en état de veille - du Prophète survenue dans une oasis
algérienne et qui lui intime l'ordre de fonder une nouvelle voie - tariqa - , Je mystique
Ahmad al-Tijani - 1737-1815 - 3 organise une confrérie'. Celle-ci se répand de
l'Algérie au Maroc où elle se place sous la protection de la dynastie alaouide, et
traverse le Sahara par l'intermédiaire de Muhanunad al-Hafiz, savant des Idaw, tribu
influente de Mauritanie convertie à l'ordre en 18305. La médiation maure ouvre la
route du Sénégal et de la Guinée . Un savant peul du Fauta Djallon initie al-Hadj Omar
probablement vers 1820, lequel met les réseaux confrériques au serviœ d'un djihad
lancé en 1852 aux confins de la Guinée, du Sénégal et du Mali actuels et qui affronte les
réseaux de la confrérie rivale, la Qadiriya. Si la stratégie de collaboration avec le
colonisateur français nuit a la confrérie Tijaniya au Maghreb - où elle perd pœsque
toute influence - , elle lui profite en revanche au Sud du Sahara. Descendant de la
Tija11iya, plusieurs branches héritières se distinguent en Afrique occidentale :
- une chaîne confrérique héritière du djihad d'al-Hadj Omar implantée dans la vallée
du fleuve Sénégal, dans l'ethnie des Toucouleurs ; c'est aujourd'hui la confrérie tidjane
du Sénégal qui représente la moitié de la population du pays;
- une chaîne confrérique diffusée par al-Hall Malik Sy - 1855-1922 -. protecteur
d'un descendant d'al-Hadj Omar, dans Je monde wolof;
- une chaîne confrérique incarnée par Abdoulaye Niasse - 1840-1922 - et son fils
lbrahima - 1902-1975 - qui œuvrent dans le Sud du Sénégal mais dont l'mpnisation
est aujourd'hui forte dans le Nord du Nigeria - Kano - et jusqu'au Soudan.
- la chaîne confrérique du hamallisme - ou liamalliya -, tentative de réforme de la
Tijaniya mère6.et fondée au début du xxe siècle par le chérif Hamallah - Sud-est de la
Mauritanie, famille commerçante de Nioro . Sorte d'hérésie issue de la Tijaniyu qui
prèchait par exemple l'égalité des hommes et des femmes, elle fut ardemment
combattue par la maison-mère avec Je concours de la République française - qui opta
donc pour l'ordre traditionnel incarné par la Tijaniya':'. Diffusée le long des fleuves
Sénégal et Niger, le hamallisme fait encore partie de la réalité des islams sénégalais,
malien, ivoirien mais aussi et surtout burkinabé".

1 Nec il Rogdnd uu XVJI" Si\.~IL!'

1 En arubc. "murid" siynifü: ncw1cc .:t i.:1:111 cmpluyê- dAns l'A.nda.Ju.... du Xlre siâ:k pour dêoi1@Jltt ~ KMlfis.. ·Le fo~ du
moondlsmc s'C11i1 dëclnn: chaqi:é (lUr l'ullF-L" G11bnel 'Jihnl d~ f't!flcwtT l'L"' l:1n1 au ~ m c:.u.ltmnl DOblnmmL au cuanmtt de
bcluf:Our d'1utn:.~ mystiques. la \'Ulcur du tr.i""atl manuel St.m tombeau.. ii T,H1ha.. cs1 l'ob}'C:t d'un~~ Mn11CI ~tft',._
tou.~ 1~ mourids.", O . J SOURDEL . Vic limmdirr- lu.'ftnr1q1"" J.· /'i.•l1nn. P11n':i. r .L•.F . 1996. mt1dc '"maundismic''".

;\Sun 1nmbcau i1 ... k est un 111.:111.k pdenms,;c n:pulC' .


4 Il. cl J. SOURDl: l. n1tt111m1air, · hiu.1ru111· · , /, · rultJm . Pzsn,.. Jl l " 1: . !~~ antdc- '"T1j1UU~<1.~
:i; "U T iJliniyyu, un.: t.: llllln!-riL· 1mL..,ulm•uu: pu:- 1- onuHl' le:- :.1UU'C... ·.•", 111 J L TRl.\llD. D ROBINSON . Lu T:-(~:--u. (.:..,.
lVn/nTii• m11.wJnmm· û '" c wu111ét1 · 1/1 • l'.·l.friqul'. Kanh;i.lü , JL.1tis . :?000. :. 1.:: r
t. R.l .. MORb\l 1, ,.(Jt ·11.: m1L<> nm.mlmttm . t•nn ~·.-\hîtlJllll , l>ttscni..'C' alm:il1fh.•'104Jc:s Cd:itiœ. 1~82 .
7 f-1111nalla.h lui i.JC1wnc en 1\ !~cm: cl nmonu rn ... rnn..:r Lku.' an!ri. pllL'• 1.11n.J
K J L . TklAUD. D . IH.>t\INSON. Lu Tyâniyrn . Une L"1/rùw m11.11dwwn.· u lu~'*' 1:..-,nqw. K.aRMla. Paris. 2000.
$12 fi.
3111

Lorsque 1.- n>lonis..~tcur français dédda, vers 1880, de conquérir l'intl!riror de


l'Afrique de l'Ouest sa progre.-sion S•' heurta il de grands empires islamiques n(-s de
l'expdnsiCln d'ethnk-s de man:hnnds et do> pasteurs :
• ••mpire P.,ul-Haous."a de Sokoto : fondé par le 1/jilurd d'Osman dan Fodio au début
du XIX'< si&ll' - dans le nord de l'État actuel du Nigeria; les autochtones Haou•sa•
s'appuyant sur la Tijnniy.1 tandis que les conquérants Peuls venus de l'Ouest sont
m..-mbn.-s dt> la Q.i11iri.11a ;
• ~mpil"l' TClu.--ouleur d'al-Hadj Omar s'appuy.int sur la Tijnniyn et combattu par le
djilwd peul Je Shekku Ahmadu, dans la vallée moyenne du Niger;
·empire de Samori fondé ,1utour de la localité de Kong par un Mandingue
Clriginaire de Guinée, Samori Touré.
L'année française dut combattre ces féroces empires qui opposèrent une forte
rkistanœ à la colonisation. tandis que les populations noires animistes et forestières
des franges littorales de l'Afrique de l'Ouest et sur lesquelles s'exerçait depuis
plusieurs siècles la ponction de la traite musuln1ane, accueillirent le colonisateur et.
avec lui, le christianisme, en libérateurs.
Dans une Afrique de l'Ouest pacifiée, la dynamique d ' islamisation ne s'arrêta pas
pour dulant. Les transformations sociales et politiques engendrées par la colomsation
- essor des villes, UnmigTation, amélioration des transports, abaissement des obstacles
~aplùques traditionnels - favorisèrent la diffusion de l'islam à travers la barrière
dAfensive que constituait la grande forêt africaine. L'islam atteignit le nord des futurs
États littoraux d'Afrique de l'Ouest - Bénin, Togo, Ghana, Côte d'ivoire, Libéria, Sierra
Leone, Guinée-Bissao. Après la Première Guerre mondiale, la confrérie Ahmadiya - on
a,,. qu'elle avait joué un rôle important en Afrique orientale - , se développa dans les
régions côtières méridionales: à Lagos et chez les Yorubas du Nigeria, mais aussi dans
les États contemporains du Ghana, du Sierra Leone ou bien encore de la Côte d'ivoire.
En mélangeant davantage les populations, la colonisation avait accéléré la diffusion de
l'islam au-delà des aires historiques de conquête.
Ainsi donc à la veille des indépendances, la carte de l'is lam en Afrique noire éta1t-
elle quasiment achevée. Les États africains d'Afrique occidentale et orientale allaient
prendre leur indépendance avec des frontières forgées par la colonisation et traversées
par des clivages ethniques et religieux.
La Jraclurr l\.ord-Sud à l'in1iril'1tr d f!s États
Pratiquement tous les États africains qui se situent e ntre les latitudes 10° Nord et
20" Nord sont caractérisês, dans leur construction géopolitique interne, par une
fracture Nord-Sud qui traduit une opposition entre le tropisme arabe - arabisation
d'un point de vue ethnique et religieux - et le tropisme africain. Celte opposition
Nord-Sud n'est pas nécessairement une opposition des musulmans contre les
chrétiens; elle est avant tout une opposition ethnique entre les populations blanches -
arabisées - et les populations noires . Au Mali 1 où les chrétiens forment une minorite
infime, la véritable opposition est celle des Blancs - Maures et Touaregs -
effectivement musulmans, et des ethnies africaines noires, plutôt animistes. Li
rébellion est nordiste et touareg . La Mauritanie 2 , largement musulmane, est
caractérisée par une opposition entre Blancs et Noirs, Arabo-Berbères d'aillcu"

1 M. DElAFOSSE , "Afnquc occidnnalc fnuu.;01sc"' . in G llANOTA UX. A . M/\RilNl:J\U llir . llutoin.· .k., .·f)(,-r
fnJ-."UJMJ ~t
dt r~pwuion ck la Fruncr dan:r Ir rt1ondt.•. P.:.ins, société Je l'llistu 1r<: nullnnalc. Plnn , IQ., I . 1. I\' . p !~.._:, :
A. CHAllPRADE. f TI le AL. Dii:t111nrsa1rt•,/r g<'v1mh1i11m·. 2e &J.. Pans . Ell1('1 S\!~, 1•J•Jl) _ ;in ide "Mali"
2 M UELAF0$SE . •AfnqUie ~ciJcnlalc françarse ... in G . 1-fANOTAUX . A . MARTINEAU Jir . llumir~· ,Jr.. no!·.u. ~
~ n dE / 'apaNIOll tk la F~ncr dum IL• monJr. Paris. sCK.:iê1é J1: l'lll~loirc nulmnalc. [•Inn, l'JJI. 1 IV. p 25"-~ .1~
.1\. at.At.J'PRAOE. F ntUAl. , lJi<fiunnalrt' dt! gb>puliriqu~. 2" CJ .. Paris . Ell1ri°'.;s , l 1) 1J 1 ~. uni..:lc "Ma.11rilunJ1..
0
"
Ch.ipltre 3. La religion 319

souvent métissés de Noirs, et populations négro-africaine!! - ethnieoi Toucouleul'9,


Sarakolés, Wolofs et Peuls. Le Nigcr 1 e!lt un pays à plus de 80 % musulman où 11!9
ethnies africaines Djermas et Haous!la!I S<' partagent le pouvoir ; dans la partie Nord du
Niger, la Libye el l'Algérie exercent une forte influence en cherchant à manipuln
l'ethnie Touareg.
Avant d 'être religieux, les clivages des Étal'i de l'Afrique contemporaine !!Ont donc
d'abord ethniques2. Ils opposent soit les populations blanches et noires, soit des ethnies
distinctes à l'intérieur du groupe négro-africain. La religion intervient, maill en quelque
sorte mobilisée par les dynamiques ethniques. Pour nombre de ces États d 'Afrique
occidentale, la fracture islamo<hrétienne n'est sans doute pas le premier faœur
capable de rendre compte de la géopolitique interne.
Cependant, lorsque les fractures religieuses épousent les fracture!! ethniques, le
facteur "choc des civilisations" devient plus pertinent dans l'explication. En suivant la
ligne de 10° de latitude Nord, au Ghana, au Nigeria, au Cameroun, au Tchad, au
Soudan et, en redescendant vers les Grands Lacs et l'Équateur, en Ougandal, on trouve
des États caractérisés par des oppositions ethniques sur lesquelles viennent s'ajouter les
oppositions religieuses.
UGleona
Le territoire de cette colonie britannique fut progressivement formé par l'adjonction
aux comptoirs du littoral de la région habitée par l'ethnie Achanti et des terntoires du
Nord fortement islamisés. Le Ghana connait une unité précaire du fait du clivage
profond qui existe entre le Nord musulman et Je Sud animiste et chrétien.
1..,eCom~l"OUll

Le Cameroun est formé d'un Nord de plaines et plateaux qui appartiennent aux
franges de l'islam africain et peuplés de populations peuls - Foulbé au CameroWl -,
opposé à un Sud bantou chrétien et animiste, couvert de forêts et de reliefs
montagneux.
LA Soudan
Les royaumes chrétiens de Nubie qui échappèrent dans un premier temps aux
conquêtes arabes, fin irent par s'arabiser et s'islamiser au XVI~ siècle. De cette époque
date une structuration géopolitique interne marquée par une fr.acture religieuse entre
le Nord et Je Sud.
Voie naturelle d 'expansion vers Je Sud pour l'Égypte, en direction des somces du
Nil et de l'Afrique, construit autour de l'axe du Nil, contrôlant au Nord-Est le littoral
de la mer Rouge, le Soudan connait depuis son indépendance une guerre civile
incessante opposant le Nord arabo-musulman au Sud peuplé d'ethnies bantoues,
chrétiennes et animistes.
t'OutJanda
L'Ouganda fut conquis par Londres, à partir du Kenya, en vue de s'assurer le
contrôle des sources du Nil - protectorat d 'Ouganda institué en 1894. L'Ouganda est
une construction territoriale qui s'est stn.Icturée autour de deux a.'<es : l'un. Nord-Sud.

1 Y LACOSTE J1r., J>11 ·1imm11irt· .11· g ..~ ,,,.,/11 iq 111· . Paris.. F IOJnmunon , 1""'-'· p. l 107-1 lOQ
211 ~f rc.:reuablc ~ll l! Unn ~ l' lt n1·n:N11C fmrn;:1is.:. Je uvmh~u.\. untn:r..1to11n::s.. r->ur JQ ~ ~ l1!fl.-. ~
réahli! e thnique que ui:r.:utJ Hcmunl Logan C'I 4\11 c ..1 pllUr1:ln l .l\: U.j'tè1! J.1ns la pNpmt des aulla \.~ saaanllqucs dia
monde~

J M. 01.::LA ... OSSE, "Afm.1uc •.~1.: iJC'nl;.ih: l "r..u1~a1:M.':~. Ul l i HA l'OT -\ l! X. :\ . MARTINEAU du . His*-" JtU ~
frtJnçullo!..( t'I dc.• l 't·.~1'C11uum J,• t.1 1-'rm" ··· ,/.Jiu I.· mma.k, i"arl.ll., s°'·11,::h: Je l' ll1s1ou.: m1KmAlc,, Pk>a, 1!11.ll , 1. IV A.nid•~•
ln ~Lotscilt.s in A . CllAUPRADl·:. F 1 lt U AL. Jl11.·licMIMirwdle ~,..1i1t1<.1"•' · l e CJ. , l»atis.. ~ 19Q9-
320 Pdrlù..• .1 r•cnnaneucc 1ft~ ultnlitiJ

""' dt'\-eloppl' du Ntl vers les Grands Lacs et l'autre, E,t-Ouest, des Grands Lacs <'11
direction de la ,-uwtre du Congo
Du point de vue des populatic>ns. l'espace ougandais est fortem e nt hétérogène et
h!gl'OUpl' tn'i~ familles ethniques : les Nilohqucs et les Soudanais au Nord, l<'s Bantou,
.iu Sud. ave.: notamment l'ancien royaume du Buganda qui servit de modèle au•
Britanruques pour édifil'r un pôle ougandais chrétien e<tpablc de leur assurer la
maitri.~ des sour.""eS du Nil et de faire barrage à l'impérialisme égyptien et musulman
Historiquement. on peut consid<-rer que le dispositif géopolitique ougandais a
d'abord privilégié la situation de périphérie du monde arabe. Tel n 'est plus le cas, en
particulier depuis que les "régimes nilotiques" - !di Amin Dada, Obote - se sont
effondres pour faire la place en 1986 à Yoweri Museveni. sudiste formé en Tanzanie et
au Mozambique.
L'Ouganda est donc marqué par un affrontement Nord-Sud d'essence ethnique et
amplifié par le choc des religions. Selon que le rapport de force est dominé par le Nord
ou par le Sud. la géopolitique de l'Ouganda peut changer ses orientations extérieures
en profondeur.
Le problème de la fracture islamo-chrétienne des États d'Afrique noire est aggravé
aujourd 'hw par le nouveau profil de l'islam africain. et ceci pour deux raisons
prinàpales :
- au plan quantitatif. parce que le pourcentage des musulmans dans les États à
majorité ou minorité musulmanes n'a jamais cessé d'augmenter par rapport aux autres
rommunautés ;
- au plan qualitatif. parce que de nouvelles tendances islamistes ont fait leur entrée
en forœ en Afrique noire depuis une vingtaine d'années et qu 'elles progressent
rapidement. en se heurtant parfois à l'islam autochtone enraciné dans les confréries.
La powsi. df' l'islomismf' ~n Afriqu~ noir~

Dans le monde sunnite, une poussée réformiste de te ndance sunnite hanbalite -


souvent néo-wahhabite et donc anti-soufie - stigmatise le sunnisme malékite des
ronfréries de l'islam noir traditionnel. Cette opposition wahhabisme contre confréries
soufies est d'ailleurs analogue à celle rencontrée dans les Balkans et le Caucase où
l'islam autochtone est traditionnellement sous l'emprise de puissantes confréries
soufies.
Toutes les grandes sources de l'islamisme radical s ont aujourd'hui fortement
présenœs en Afrique noire.
Lo iiJ]irmln coM,,_aAln u/amU.,..s prl~~"''!t f!'n A fnq,,,. noir,.
• Les sources sunnites tout d 'abord :
- la tendance des Frères musulmans - héritage de al - Banna - , d'essence arabo-
mnsulmane. présente dans l'ensemble des pays arabes qui n e l'ont pas violemment
combattue comme le firent la Syrie et l'Irak, deux régime nationa li s tes arabes donc
laïcisants et violemment anti-islamistes. Des prédicateurs marocains ou égyptiens sont
en action en Afrique noire ;
-la tendance de l'islamisme indo-musulman de al-Maududi - l'homologue indien
de l'Égyptien al-Banna - propagée par les relais pakistana is ;
- la tendance néo-wahhabite - un sunnis me h a nba lite opposé au soufisme -
propagée par les relais saoudiens dans l'ensemble de l'Afrique n o ire c omme d 'ailleurs
dans le reste du monde;
-la œndance mahdiste soutenue par le Soudan et qui s 'exprime à travL•rs la
confrérie soufie ldrissiya-Ahmadiyya présente au ssi bi e n d a ns la C ornt• de l' Afriqm• qm·
9ur les littoraux du Golfe de Guinée. Notons que le S o ud,tn est dirigé. depuis sa
révolution islamique. par la branche soudanaise du mouvement transn'1tion.1l dL-.
Chaplltt 3. U. religion 321

Frères musulmans, lequel est devenu autonome et a intégré largement la spécificité


soudanaise du mahdisme.

• Une source chiite ensuite : le fondamentalisme chiite soutenu par l'Iran et les
milieux chiites libanais proches du Hc:zbollal1 .

Ces nouvelles forces, de nature transétatique, mais en même temps récupéTées et


pilotées par les États moteurs de l'islamisme - Arabie Saoudite, Pakistan, Iran,
Soudan - interagissent avec les forces islamiques autochtones - les confréries - et
ceci de manière propre à chaque pays noir-africain. En apparence nouvelles, elles ne
sont que la traduction contemporaine du combat que se livrent en Afrique noire,
depuis des siècles, les puissances occidentales et les aires civilisationnelles arabe, perse
et indienne. Aujourd'hui, l'lran, le Pakistan, l'Arabie Saoudite, le Soudan ou encore la
Libye, tentent d'évincer ce qui reste d'Occident en Afrique noire pour y reconquérir le
terrain économique et politique qu'ils tenaient avant le début de la colonisation
européenne.
Force est de constater que l'islam du djihad, sous l'impulsion de ses multiples
centres de commande, marque des points. Mais on peut parier qu'il se heurtera au
nouvel acteur africain : la Chine.
f/i.Jlnmi~mr ~f.' rrn/ora•·l· il dans p/1.1.!JÙ!Urs Élals d 'AfrÜJut! noirr?

Dans les pays africains très majoritairement musulmans, une tendance s'affirme
nettement depuis au moins dix ans : le basculement progressif vers des régimes de
nature islamique. En Gambie, le président a promis le passage prochain à un régime de
république islamique appliquant la cllllria. À propos du Sénégal, Magassouba Monba
pouvait écrire en 1985 que "l'instauration d'une république islamique était inscrite dans
le futur de la République du Sénégal" 1 . Au référendum constitutionnel de février 2001,
des groupes de pression sénégalais puissants ont élevé la voix pour demander la
suppression de la laïcité et l'instauration de la charia. Le rayonnement des instituts
islamiques arabes est également croissant1 . Le grand État fédéral du Nigeria. au-delà
des manifestations favorables à Oussama Ben Laden - Kano, octobre 2001 - ou de la
condallUlation à mort par lapidation d 'une femme, mère d'un nourrisson et accusée
d'adultère3, est en train de basculer, État après État, dans le régime de la charia. En
2002, sur les trente-six États de la Constitution de 1999, onze sont dtjà islamiques. Les
réformes démocratiques qui sont approfondies à chaque aménagement constitutionnel
profitent en fait à l'islamisme, et ceci du fait de la démographie musulman~. Si les
islamistes sont - au moins conjoncturellement - en faveur de la démocratisation du
système c'est que celle-ci ferait mathématiquement du Nigeria un État islamique. En
Afrique, comme ailleurs, la géopolitique rattrape la science politique : on savait déjà
que la démographie ethnique commandait la démocratie africaine - un pluripartisme
s'organisant en pluri-ethnisrne- ; on pourrait bien voir demain la démographie ethn~
musulmane commander nombre de démocraties africaines.

t M. MORIBA. L '1.~lum "" Shtt~~.,/. dt•ni.lin lrs .U"l/ulu ·~ . K.anhala. lQll5 . p . Q


2 Le cheikh Ahmcd Ttdinnc Ttlllrê'. "lu; a lt,ng!t·mr~ sCjoumC en Algtnc- et mrrcricn1 des nippons &'itt Id Ftift::& ~

tl)Tl11ens est n:n1~ au Stn~y,al p ..'~u y Jcmnmkr l'm1aunuion d'un Ètal lSl.:t.miquc . t·:ii~"alollah c:h1ite dr JC..olack. el Had;I Abmed
Khahfo Niasse. membre- de ln .,.· el~hn: fanulle llttJanc. l.kf~"nd le moJ.!lc tr.uucn. Il ~I suulenu ps:r la Libye.
J Les cas ~ mullirficnt 'lu' r.1rrn~hcn1 h: N1~cna Je l'Arahir SaouJuc ampu.m.uon des mams.. sC90C'C' Jt COUP5 Jt fOuct.
l)'Tl(h;:ige en ruhhc . A111s1 en Jllllkt ::!tHll . un .111,.·u111..· homme dc Sokow, couf8hh: J'un ,·o l dc~bC-.in:. a eu la IDIUll drouc~pm­
ch1ru~1c t:t sous onc1uhCs1c . Le g1111vcmcmc n1 local lui l;l tlffcn 500 lkl llars p_'W '"bim rcparo.r dam la vie;'"
4 S1 en 1%~. un rccc n,.cnh..'nt ,1cmnn11 -"' •' .. Je.• mu:o1-ulmans.. .\~•.,de chrè1tms c-1 19 % d'anu:nisacs. "'!.kruicr n:u:mcmma *
19111 ne donnait rlus de ch1ffn:-s par rchy.u.m . Mi.u s d· ap~ le Con..~11 Suprëm.: des as:socl&ri\llllS ~ les ~
"l'~l11icn1 uujourJ'hui prts de 70 "'-de la populatttm ,lu Ni~ena.
322 Pnrlfr .l f'rn'1aurncc ,/~ 1J,,.IJl1'1

1"'.1 i.iJn"' 1 Ju .\ï~"""


Comme h..•.rncoup d'fü,1ts d'Afrique• de l'ouest. sur le plan religieux, le Nigeri.1 ,.,,
nlarqu~ p~r unt> opposition entn..' un nord 1nusuln1an - politiquement dominant - t1
un sud chn1!.tif•n/anin1h~tl' - ét_~nnon1iqu1:.'n1enl plus in1portilnt. Mait; ccllc-c1 ne p<..'UI
l'\'ndrt:' ù1n1ptl' dt..• la g~opohlit..]Ut.' intérieure du pays. Le Nigeria est caractérisé par un
systènu~ ethnico~géogrnphique t!Sscntiellemcnt ternaire, les "Big Threc" : Il~
Peuls/H.1oussas au Nord, les Yorubas au Sud-Ouest, les Ibos à l'Est. Notons qua
chaque grnnde ethnie nigériane correspond d'ailleurs une culture économique
dominante: arachide pour les Haoussas, cacao pour les Yorubas, huile de palme pour
11.'S lros. À œs blocs qui représentent chacun entre quinze et vingt millions de
personnes, il convient d 'ajouter environ 250 petites ethnies.
Li communauté chrétienne est formée principalen1ent des Ibos, mais aussi
d'ethnies ires minoritaires comme les Katafs ou les Biroms qui vivent à côté de la
grande ethnie musulmane des Haoussas et sont régulièrement persécutées par celle-ci.
La communauté musulmane est caractérisée principalement par le clivage ethnique
entre les Peuls/Haoussasl, héritiers des deux en1pires islamiques pré-coloniaux, le
califat de Sokoto et l'empire de Borna et les Yorubas, islamisés plus tard sous
l'influence de la confrérie Almradiyya et d'une autre confrérie plus autochtone, la
MaJ1Jiyyat - fondée en 1941 en pays yoruba par Muhammad Jumat Imam qui se
proclame tout à la fois /\.1alidi des musulmans et Messie des chrétiens.
Au-delà de ces lignes de fractures ethniques et confrériques traversant l'islam
nigérian, la tendance wahhabite saoudienne est représentée au Nigeria par le
phénomène brlat. L'lzalat - /a111a'at Izalat al-Bida wa lqarnat al-Su1111a - est la Société
pour l'éradication des innovations maléfiques et le rétablissement de l'orthodoxie
fondée en 1978 par cheikh Abubakar Gumi. Les deux principales confréries sont visées
par l'/zalat, la Tijaniya beaucoup plus cependant que la Qadiriya, laquelle porte
l'héntage prestigieux du djihad de Dan Fodio. Depuis la fondation de l'lza/at, les heurts
violents opposent régulièrement les militants wahhabites avec les partisans des
confréries traditionnelles - notamment dans l'État de Kaduna. Cette violente
opposition illustre cette constante de l'histoire islamique en Afrique noire: l'islam
arabo-musulman tente, depuis des siècles, et à travers divers mouvements, de mâter
les tendances africanistes et soufies des confréries locales.
Outre les wahhabites, la tendance mahdiste exerce aussi un poids important au
Nigeria . Elle est l'héritière de plusieurs djilrads menés contre les Britanniques et les
français dans le nord du Nigeria, à la fin du XIX• siècle: Hayatu Bin Said à la frontière
du Cameroun entre 1883 et 1898, Malarn Jibril dans l'émirat de Gornbe de 1885 à 1902
et son allié Rabeh dans le Bomo, près du Tchad, vaincu par les Français en 1900. Plus
près de nous, en 1980, le terrible soulèvement de la secte mahdiste Maitatsine - du
Prophète Muhammad Marwa - fit, lors d'une répression par le pouvoir, plus de
4000morts. Tout au long des années 1980, et encore en 1999, les poussées de fiè\'re
mahdistes ont fait plus de 2 000 morts à Kaduna, Gombe ou Funtua.
Enfin, le chiisme pro-iranien est lui aussi représe nté au Nigeria par le biais du
groupuscule chiite de cheikh Ibrahim el-Zakzaky actif à Kano, du M11s/i111 Studcnt;
Society animé par des Yorubas à Lagos et par l'lsla111ic M ovc111e11t à Katsina. En octobre
2001, le mouvement chlite de Kano manifestait son soutien à Oussarna Ben Laden œ
qui montre que ce chiisme. minoritaire au sein d'un sunnisme tout puissant, considère
le djihad unitaire comme devant primer sur toute autre co nsidération.

1 Le i:li\·a~ Pcul ·llaaua.ssa se retroU\'e lui -même danj 111 ri\'oli1C des Jeu~ gram.les t..onfréri cs Qndiriy11 -TiJllfllY:t cl~ fl"troull

daru les gruxb putu; poluique:!i du Nord 111ns1 le N .P .C'. - Nonhcm Pcoplc's Cnngrcss ·- rcpr-Cscnte lc=s Peuls de S.1!...:~ :

mcmbra de LI Qadiny• 1.aOdi.s que: la NEPU - Nonhem F-le1m:nts Progrcsst\le Union - rcp r~scn1c le s llunussus mcmbl"C'S Je li
Tipai)'
Chapitre 3. La religion

L'islamisation du Nigeria, illustrée par les chiffre!! - il existe, en 2000,


650 mosquées à Kano contre 12 en 1900 -, est donc doublée du fait que la société
nigériane est soumise à une pression d'un islamisme parfois plus radical contre l'islam
traditionnel que contre le christianisme.
En mars 2002, la haute Cour fédérale a officiellement déclaré illégale l'instauration
de la clrarin dans les États du Nord . La décision n 'a pas été suivie d'effet. Combien de
temps la Constitution laîque de l'État fédéral du Nigeria tiendra-t-elle encore?
/.'ulumi•nu• 1111-dr.lia ''" rtH ni11~riu11

Outre le Sénégal, la Gambie, la Guinée ou le Nigena, le Tchad est aussi travaillé par
de puissants courants islamistes. Des prédicateurs soudanais - mahdisme - ont
investi les écoles coraniques tchadiennes. Au sein du Frolinat - parti iruitrument de
)'ethnie nordiste des Tedas - , à côté d'un courant marxiste et laîcisant, se développe
une aile islamique et arabisantel .
L'Afrique orientale n'est pas épargnée par l'essor de l'islamisme. Au Kenya, l'lslamic
Party of Kenya fondé en 1992 par le cheikh Khalid Balalal, et très vite interdit, est lié aux
islamistes du Moyen-Orient et probablement impliqué dans l'attentat contre
)'ambassade américaine de Nairobi. Ses bases jouxtent celles des islamistes somaliens
de Al Iti/rad, le long de la frontière kenyane au nord-ouest du pays.
En Érythrée, les islamistes sont de plus en plus puissants au sein du Front de
Libération de l'Érythrée - F.LE. Créé dans la partie occidentale de l'Érythrée en 1958
au sein de l'ethnie des Beni-Amer - pasteurs semi-nomades et musulmans - ce parti
est l'un des moteurs historiques du nationalisme érythréen en lutte contre l'Éthiopie et
il est alors soutenu par plusieurs États arabes - Yémen, Arabie Saoudite, Émirats du
Golfe. En 1970, le Front Populaire de Libération de l'Érythrée - F.P .L.E - est fondé à
Damas par des érythréens chrétiens qui reprochent au F.L.E. son caractère musulman.
Depuis l'indépendance de l'Érythrée, c 'est la bureaucratie et les forces militaires du
F.P.L.E. qui dirigent le nouvel État - comme en Éthiopie, c'est une ethnie chrétienne
qui est dominante au sein de l'État. L'obédience islamique du F.L.E. entre alors en lutte
contre Asmara soutenue par Khartoum, au moins jusqu'à 2000 - rapprochement
Soudan/Érythrée contre l'Éthiopie. Asmara doit aussi affronter les islamistes du
M.E.J.I. - Mouvement érythréen du Djihad Islamique - tout aussi anti-chrétien. Mais
la realpolitik des États prime cependant sur les logiques religieuses : l'Arabie Saoudite
wahhabite soutient le pouvoir érythréen - chrétiens et musulmans modérés - contre
les rebelles islamistes qui reçurent l'appui, sous Mengistu, de l'Éthiopie chrétienne
avant de pouvoir compter, jusqu'en 2000, sur le Soudan.
En 2006, les islamistes se sont emparés du pouvoir en Somalie. Le Cheikh Hassan
Dahir Aweys, qui fut jusqu'en 2005 l'un des principaux dirigeants d'al ltihaad al-
Jslaami, mouvement djihadiste jugé comme proche d' Al Qaida, et qui est considéré
comme terroriste par les États-Unis d'Amérique a été nommé à la tète des tribunaux
islamiques lesquels contrôlent une large partie du pays. L' installation en Somalie d'un
foyer islamiste peut avoir des répercussions majeures pour toute lAfrique de
l'Est (Ethiopie, Djibouti, Kenya, Tanzanie) et jusqu' au Yémen et en Arabie Saoudite,
sans oublier les archipels de l'océan Indien. conune les Comores où le traditionalisme
islamique est très puissant. Ce foyer peut être une menace pour la sécurite des routes
commerciales de l'océan Indien.

Profondément marquéL' par s es fractures ethniques anciennes, l'aire musulmane


d'Afrique noire connait unL' nouvt'lle p<lUS.<;~ des islams arabo-musulmans. C~
pou~'>t.'e pctrtictp<' - ,t\'l"l~ ••f.1utn. .~ tach. .•ur~ - ,\ l ..1 déslilbilbi\lion des équ1hbres cthno-n·l1 .
hÏ1!UX l~gutC.S par l.1 çril<'1lt!C>ati0n L'l ~·l·fforce de f ..1ire rLo.culer k·~ rcsl<..•s d'ninul·nce •Kci
dentalt•.
~1.alg~ les appan.•nc~~ l'l l.1 vitahté des n1ouvan..._-es, 1'1dénlogle isla111istl.' l.'~t loin
d'avoir conqui~ lt.• nionde .1r.,lx•. ~1 ti'-111c ~i IL• filctcur "choc des civilis.1tion~" est incnn
ll"staM~mt.•nt n.... nfon:é d~puis lt.• ll St."ptcn1hn.' :!001 .. Il..' bloc ,1rabo-n1usuln1an n'cx1sh~ p;1'i
._... t le pn.."":"-tJgc du naticin,11i~n1t:.• aral"t.• inc.1rnt.;. pi\r la rê:.:01~tnncc irakienne aux Élal..-Uni'i
reste fort d;tns kt nie .nabc

67. Populations arabes et nofres sur le continent africain


et frontière christianisme-islam

L'Afnque noire musulmane, en revanche, semble plus fragile face il l'islamisme.'-'"'


forces islamistes sont aujourd'hui puissantes en Somalil', en Érythrée, au Teh.id, .1u
Chapllre 3. l..a religion 325

Soudnn, nu Nigeria, au Sénégnl, en Gambie ... A-t-on imaginé l'effet que le basculement
de ln Gnmbie pourrait nvoir sur le Sénégal ? Ou celui du Nigeria sur sea voi5tns? Le
monde occidental se désintéresse année après année de l'Afrique; tel n'est pa9 le cas de
l'islam politique. C'est donc par l'Afrique noire et pas nécessairement par le Moyen-
Orient, que l'islamisme pourrait bien surprendre le monde dans les années à venir.
Carte 49: L'Afrique d"" ~tais
Carte 50' L'Afrique des ethnies
Carte 67: Populations arabes et noires sur le continent africain et frontim
christianisme-islam

3.2.2. Le christianisme ancien face à l'islamisation : les coptes


d'Égypte, les chrétiens d'Érythrée et d'Éthiopie
L,. ~apl~s d'Égypte
Historiquement, les coptes sont les descendants des Égyptiens de l'Antiquitél, des
autochtones présents sur le sol égyptien avant l'afflux des populations anbes en 641.
Lorsque les Arabes arrivèrent dans la vallée du Nil, ils y trouvèrent un peuple
chrétien dans son immense majorité'!. Doté d'un sens originellement ethnique, le mot
copte revêt aujourd'hui une signification reLigieuse : les coptes sont définis comme
étant les Égyptiens chrétiens, non-arabes et arabes.
Église originelle, l'Église copte est monophysite et rattachée à l'évêque
d'Alexandrie, lequel possède, depuis le (Ve siècle, le titre de patriarche3.
On compte plus de trois millions cinq cent mille coptes dans le monde.
A noter qu'il existe une Église copte orthodoxe d'Éthiopie, l'Église d'Abyssinie, que
les spécialistes ne rangent cependant pas pa.rm.i les coptes.
Carte 69 : Les minorités chrétiennes d'Orient
L'Étliiapie
Au milieu du XI.Xe siècle, le royaume d'Éthiopie, centré sur ses populations
chrétiennes montagnardes, se lança dans une conquête des régions périphériques dont
la plupart étaient musulmanes4 _ Grosso modo, jusqu'à la fin du communisme, l'Éthiopie
pluri-ethnique et pluri-religieuse, vivait sous la domination des Amharas chrétiens.
L'après-communisme est marqué par la mainmise des Tigréens sur l'appareil politique.
La domination tigréenne - mais toujours chrétienne - qui s'est substituée à l'ancienne
domination des Amharas, ne maîtrise pas les forces centrifuges qui opposent
musulmans - Oromos - et chrétiens - Amharas et Tigréens 5 .
Les Tigréens ont autant de peine à contrôler les Amharas, déchus de leur ancien
pouvoir et avides de reconquête, que les Oromos - 35 % de la population - <JUÎ. par
des velléités sécessionnistes, continuent de menacer directement l'unité de l'Etat. Le
très vieux pays éthiopien est confronté au mythe du bastion chrétien encerclé par

1 '"'The ltmn Cupt - <lcn\·nh\c of tlu.: (Ïn.:ck wonl Ai~yf'tiM . menmn!,! t:g\'J'llut, mJd dcli\-a.I from lhc hweroglypluc;: 'Het..JIJ
Puh' · Tcmrle of Ptuh's spiril \...-as arplicd h1 nll f:l(YJ1tian!'ii hcfon: th(' Mu.,.hm iU"llb coltl(~• m b-11 :\ D. Aftcor the Ml'-'lim ruk,
Cort mcnnt tho!i.C l!gyptiirno;. \\.)111 d1tl th1l cmhniü• Is lam nnd contrnu . ..J
. tu pml' ln.:c Chn"-tuuury ~. 1n L> HIRO . OtctJ~ \')f lbc
Middlc·Easl. New York. Snmt Marlln's l'n:ss, 19Q1;1, r . r.!. ; li C. PUl:Tll J1r l/i..11t1in· ok.~ rrlig;oru. P:ins.. G&lhrmrd. 19911, coll.
•fClfiOC!.q"ll~ ... I JI**. J1 H.9---KlJ/'I,
2 fi. Ju ROUH.CiUET, l-.·_,. ru11 t1 · ._ Pan~. r .t q : . l'IK~ . p . 19
_, /r/rm, p. '.\h-47, "Le pnlriotn:h-..· ù1rtc 1l'Ak,11mlnc!' _ fort du J"IOU'\"t•lf r'~rcC par lm SUT l:a 'piatnc dies rn.nncs'. JOWSSlll d\m
('lrcs1111e rn~~nlé Jan~ le mtindc Lhrd1t•n ~I 11t11i1 hu:nlt\I pn ,. k lltrc Je 'paf""' Il c-sl cn..""01"1:' .Je~ juurs le~ prtl111 ~ile
!liOOtt '',in L cl A (ïlARK \', /'1•li1ù1111 · , ., """unit;.~"" /'111t lt4· -l>r1 ,•,,t. P;,m.; . Mai,.onncuvc-.LanlK', 19di, p. !..,te.

4 A. C'llAUl'RAllE. F. TllUAl .. Di..tum1111m· 1k ~·;"J"'""'I''"'· .::·· 1.·J. Pan.~ . f.lh~. 19'N, .utJdc ·l:lh.iop1c·
S Y 1.ACOSTL: dir, Où·1iwmafft" , ,,. K1 ;11p(ll1tiqw..-, l'lln~. l-'l11nun.uin1Jn \ <.11.1 .~. r ~I S
l'i!llam 1_ 11 y :i donc bien un affrontement islamo-chréticn qui n'empêche pas ccpend~n1
Io roncurrenœ des deux ethnies chrétil•nnes, Amharas et Tigréens _ Une hypothèse d•
plu• en plus probable est celle du rapprochement entre l'Éthiopie et le Soudan, qu 1
apporte une preU\·e supplémentaire, s'il en faut, que l'i ntérêt des États peut pa~ser au .
.-le!'..<US J..,. l--Ohérenet.'S religieuses.

1:~r11hm
P.iys pluri-t>thnique, l'Érythrre est peuplée pour moitié de chrétiens d'obédi.,nce
al'iy~~me viv.1nt dan~ les n1onti.lg:nes, ~·t pour n1oitié de 1nusulmans vivant sur la plaine
côtière. L'effondrement du communisme e n U .R.S.S . et en Éthiopie pemut au,
Érythréens de se libérer de l'Éthiopie2. Les musulmans jouèrent un rôle majeur dan,
cette lutte. mais il~ furent finalement évincés par les chrétiens hgréens marx1Sles,
lesquels récupérèrent le projet nation<1l érythréen. En fait, les deux États d'Éthiopie el
d'Êrythree sont dirigés aujourd'hui par les Tigréens chrétiens, ex-marxistes, el
répriment ensemble les Afars et les fronts islamiques.
L'Éthiopie et l'Érythrée fournissent l'exemple de deux États dont la géopolitique
interne et externe est conditionnée par la prépondérance des ethnies chrétiennes sur les
ethnies musulmanes.

3.2.3. Les fractures isla1no- chrétienncs du Caucase et des Balkans


On aborde successivement le conflit du Haut-Karabakh entre Arméniens et Azéris ,
la crise yougoslave et le problème de l'islam bosniaque; la crise albanaise et le
problème des musulmans du Kosovo.
Ces trois crises sont parmi les plus iinportantes de l'époque contemporaine, el
portent les germes d'une déstabilisation régionale majeure. li est donc d'une
importance capitale d 'en comprendre les tenants et les aboutissants.

u ranjlit du llaut·Kambak/1
Ce conflit3 oppose les Arméniens, chrétiens l'une des plus vieilles Églises! - am
Azéris, des turcophones chiites5_
L'Azerbaidjan est situé en Transcaucasie, sur la rive occidentale de la mer
Caspienne. La zone a construnment été une terre d'affrontements entre l'Empire perse
et l'Empire ottoman6_ Les Arméniens et les Azéris s'y sont toujours affrontés pour des
raisons ethniques, religieuses et territoriales, et se disputent notamment la région du
Haut-Karabakh. Le conflit du Haut-Karabakh est un exemple typique de conflit
d'antériorité qui voit chacun des protagonistes revendiquer une région en vertu d'une

1 ·1..e chnsuani.lmt fU1 mlnxhnl en Êlh1op1c, dans le roy aume d ' A)ltoum. ver~ k m1hcu <lu l\.,ç -.i~k sous le r~gnc Ju roi E.œu
1wa-s Hll) 1 ] Rqct6c au boui de ta du~1rn1C . empCchce, à pan1r de l':urivée de l'1 ~ l il m. de co rmnum4ucr commodll!mcn1 :a'« lie-
~ œ mande chrcucn. même avec 11: gypte l.lunt clk fui plu'i c.l 'unc fi.u s ..:oupcc par ks l\r.ib1.."S du Smu.hm . l'È1hrnp1c s'nt CTtt-:
um: ÉJlltir tre. p:irttc:uhèn'. Elle C!il en (111l ~oun·mCc rar le palnarchc cl le NCgus. personnage consacré d on t un <.les rôln.. s.clon LI.
CODllillUuan. acrudk. bCnLICft des trad111aw. ancnlrnlC"S, est. 'd 'ë1rc le c.JC(cnscur c.k la 'ia1n1c foi onhoc.Jox\! fond~c ~ u r les ilocuu:it'I
dt ani.-Man:' d"AIQ&JKfnc"" . in 11.C PUECll du·.• llistu1r1· J1:,· re hximt.,, Puns. Gnllnnard, l lJ'llJ. coll " l·uho essais" , 1. 11•• . p ~#

""°-1 o\. CHAUPRADE. f . THUAL. D1c1/mrnulr~ 1/t> xéop111i11qm·. 2c éc.I . Paris. l: lhpscs, 1Q•)CJ , urt 1dc "Ery1hrt-c· . 0 ri

J. SOl!RDEL DicfJ011""i'ehi:J1orique dr l ';.,/um, l>uri s. P .U 1--' . l'J'I(), p . 2<1'1-270


) '"Truun1M::U1e" Ul L 'iltJI Ju monde. lmnëe 2000. l'un~ . La Oêcouvcrtc . l 4CJ'J. 1). !Ofl-59(J; C . MOURADIA.N , L'.fr.iifV<'.
P..u.. f'.U.F .• 199S. p. 97-100.
'H C:. PUECll dir .. llütoirrdnrdlginns. l'o.ns. c;alhf1Vlrd. l 9 9 'J . cull 'Tulm c"'"'ms"' . 1 11•• . fi HHS- HHQ
5 O. e'I J. SOURDEL, fJictlom1tJ1rr' liutoril/ llt.' d e /'i)'/1m1, r ons. r U f-" ., 1CJW1 ;1r11i::lc "A.,.crhnldjun", p 12.1-1 :'5
6k. MANTR.AN du. lfütt•irc ilr! l'Empir.: ouonum, Pur1s, Fnyurd, l'JHtJ, fi 142 - 14 .\ , JS0 - 15 1, 157, 1(1'.! , ! .17. :':'~2J1
T. SWIETOCf-10\\'SKl, A:nhafJ1u11 u burd.-rlarril in trmuUlon. ColumlJ1 11 Un1vcrs1ty, l 'Jll~
Olnpllre J . l..a rcllglon l'Zl

implantation antérieure 1• La guerre pour le Haut-Karabakh avait déja été la cause de


l'éclatement de la FédéTation de Transcaucasie. Peuplée d'Annéniens mais situtt en
plein cœur de l'Azerba'idjan, la région est revendiquée par les Azéri!! en tant que
berceau historique de la nation azérie.
Deux peuples de religion différente s 'affrontent; mais le conflit est-il pour autant
réductible à une guerre de religion ?
L'Église arménienne a été totalement anéantie dans la région du Karabakh dès les
années 1930; les cent églises qui s'y trouvaient avaient toutes été fermées par Staline2
- tandis qu'une certaine vie religieuse avait pu se maintenir en Arménie proprenumt
dite. La zone a donc été déchristianisée très tôt soœi les coups de boutoir de l'athéisme
d'État; dans ces conditions, il est difficile de soutenir que ce sont les églises
arméniennes locales qui ont alimenté le nationalisme. Par ailleurs, les plus hautes
autorités spirituelles de l'Arménie comme de l'Azerbaîdjan ont signé en 1993 à Moscou,
avec le patriarche Alexis II, une déclaration appelant a cesser les hostilités; un œ511eZ-
le-feu informel se maintient depuis 1994.
La religion occupe cependant une place si importante dans l'identité arménienne,
qu'il est difficile de la négliger. Elle conhibue à sacraliser le territoire du Karabakh et à
augmenter davantage la valeur de l'enjeu guerrier.
Carte 56 : Le conflit identitaire du Haut-Karabakh
La rrise yougoslave et le problème de l'islam bosnia.quf'
Peuplée de Slaves du Sud qui parlent tous la même langue, la Bosnie est
caractérisée par la cohabitation de trois religions : une dominante musulmane dans les
villes issues des descendants de Slaves islamisés - populations slaves qui
collaborèrent avec les Ottomans ou qui furent islamisées - ; une population orthodoxe
qui se définit comme étant serbe ; et une population catholique qui se définit comme
étant croate3.
L'indépendance de la République de Bosnie pose trois problèmes : celui des
frontières; celui du rapport des communautés entre elles; celui de la légitimité mème
d'un État souverain de Bosnie-Herzégovine, puisque les milieux serbes nationalistes de
Belgrade considèrent que les Bosniaques musulmans sont des Serbes islamisés, tandis
qu'à Zagreb, les nationalistes croates considèrent que les Bosniaques musulmans sont
des Croates islamisés. Les populations serbes vivant en Bosnie-Herzégovine
demandent, par ailleurs, leur rattachement à la Serbi~.
La répartition de la population de Bosnie-Herzégovine était, en 1991 : 43 3 de
musulmans ; 31 % d'orthodoxes ; 17 % de catholiques.
Le développement économique a entraîné un brassage des populations et il est
difficile de procéder à une territorialisation homogène des identités. De cette situation
d'hétérogénéité, deux guerres sont nées : une guerre bosno-serbe, au cours de laquelle
les populations bosniaques - en fait musulmanes - purent compter sur l'aide de la
Croatie et de ses alliés - Allemagne, États-Unis - et une guerre croato-bosniaque5.

1 I;. TllUAL. L.·.t nmflt1.\ 1;.krr111.m,·.\. Puris. Uhpst.s.. 19'.15, p ..i 1.~ J

::! "Une grumJc rJ[lrtlC Ju ...-1 ...-r!l...~ a Jisraru P'=nd.:lnt les mass.a..~s en Tlln.IWC. L'.au.1R' , .• ~ aoêutJC par les pc::rs«UDlllD6 JCI
bi;1lchc\'lh en ~m:rrc ..:ontn.: l'opnun ,lu rcupl.: ·· . in l ". MOL' RADIAN./. 'Arnlc."'l'lt". P.l :.1-·. 1*5. p. W.
j A . et J SELLJEM. .. -41/,H ,/,·s l'""J'/1•.,- d'f."11111/"-' n.•mr,U.:. P:tns. La tX;.,:l•U\.ertC. l9'ill, p. l:'O-l.S 1J.
-4 T. MUDRY. //L<iMir1· ,/i- t.1 H11s11u•· lln.;1~m·ùr,· Faif., _.t 1·111rtnn..,f"!\",._.,._ Pans.. Eltipsoes. 1~ r- I~"·:!~~. F THllAL ~
m~flllf 1ci1·1t1itulrr.,·, Pans. E11ipst.·"'· 111'1'.", r J .\ - ~-1 .

.S /11.:m. p . :?15-:?.\7
Apres une atroce guerre civile opposant toutes les parties el menée en dépit de la
présence des forces d'interposition des Nations unies, un accord de paix a été 91gné a
Dayton. en 1995, sous la pression américaine! .
Selon les rennes des accords de Dayton2, la Bosnie-Herzégovine est maintenue
comme État indépendant ma.is comprend d-'sormais deux entités: une fédération
croato-bosniaqu._. et une république serbe de Bosnie.
Imposés par les grandes puissances, les accords de Dayton masquent mal l'en~
géopolitique réel du conflit bosniaque : le partage, sous une forme ou une autre, de la
Bosnie-Herzégovine entre la Croatie et la Serbie. Cet accord demeure précaire dans I•
mesure où il ne sahsfait personne. Une nouvelle crise balkanique autour de la quesbon
bosniaque est donc à prévoir.
En attendant. l'existence d'un État bosniaque constitue une avancée de l'axe
Washinton-Ankara-Berlin dans la région des Balkans et un recul pour la Russie et Sl'5
'alliés orthodoxes"3.
Le cas de la Bosnie montre que la religion peut parfois apparaitre comme un facteur
géopolitique pl'1!mier. L'islam n 'est-il pas au fond le premier critère de définition d'une
identih! bosniaque? Le concept de Bosniaque n'est-il pas l'exemple même d'une
nationalité définie par la religion et en opposition avec les religions voisines ~
La cause bosniaque elle-même est une cause qui attire plus d'islamistes que de
nationalistes. Depuis 1992. elle draine l'équi,•alent de ce que constitua l'Afghanistan
des années 1990 : volontaires du djihad, Afghans, Pakis tanais, Soudanais. Koweniens,
Jordaniens, Turcs et même, de manière plus exceptionnelle, Français d'origine
maghrébine. Le président lzetbegovic ne s'était pas caché de vouloir instaurer la cllllria
en Bosnie; c 'est dans ce sens qu'il avait rendu obligatoire l'enseignement de l'islam
dans les écoles de Bosnie, qu'il avait intégré les Moudjahiddins dans les troupes de
Bosnie, E."t qu'il avait demandé l'arabisation des programmes. Un récent ouvrage paru
en Allemagne offre les preuves les plus complètes de l'implication des réseaw.
djihadistes dans le mouvement en faveur d'une Bos nie musulmane indépendante
L'ouvrage montre même que la genèse du mouvement Al Qaida doit beaucoup aw.
djihadistes bosniaques a.idés par des sociétés militaires privées américaines agissant
pour le compte du Département d'État.
Si les Serbes et les Croates instrumentalisent l'orthodoxie et le catholicisme à des
fins nationales, il est en revanche clair que le nationalisme bosniaque trouve sa sourœ
dans la défense de l'islam et de l'islamisme. Et comment pourrait-il en être autrement
puisque l'identité bosniaque n 'existe que par l'appartenance à la "maison de l'islam"?
Carte 52 : Peuples et États dans les Balkans
Carte 68 · Les accords de Dayton : la création el le partage de l'Éta t bosniaque
La criM albanai..:u vu l'orthodo:deface ù une 11ouvf! ll e pou..."ist•e i.dcunit1u.e
Divisés en deux grands ensembles ethno-cullUiels, les Guègues au nord de Li
rivière Skumbi, et les Tosques au Sud, les Albanais sont majoritairement musulmans ,
une minorité d 'entre eux est cependant chrétienne, catholique au Nord et orthodoxe au
Sud; ces minorités rappellent le passé pré-ottoman d'une Albanie située sur la ligne de

1 ·cœ1f~1 au soulu11 de W:ash1ng1on, le conrl u lo1ss.a 1t c.Jé sonrn.11~ fo cc·fl · focc une G..-am.lc Croatie . J o ni J;a ~·Ntnl~
co&10-rnwulmaŒ n'était. il loul pRndn: qu'un oppc:nd1cc . .:1 un..: Gronde Serbie rnnu:n6..· O. des dimensions 'n11sonn111bln". 11."Ud
dma à IE'I pri:s d'tpJc fon:c C't lcrntonali:mcnt r.u.sasu!:cs La poi~ pouvoil donc s'm!!ii lnurcr F.llc fui nCgt)1.:1Cc nu cours Ju m:>tt .X
00\I~ t995 ' 0.ytoo. Ohio. et ngnCc le 14 décembn!' li Puris por les rm!:sidcnts Miluscv1c.TudJm.:1n cl b..ctbcgovu:. •. 10
p 2)7.
2 •L'&COC'd a ëtc signt para que les Atnericams c1. ô leur sunc. les Européen~ one su 'nJnulcr lu yucrn i 1.11 gia:rrt·
P. GAR.Di::.. •&Lr1:Ual a\'CC Paul GarJe. 1prCs Dayton '!". in l,u filll/tJt! 111tttr11i1111mult'. été l 996, n " 72, p 145
J A. CKAUPRADE, F TIIUAL. Du:lwnnu"'' dr gr11po litiq1w. 2c éJ , Pan~. J.:'.lhpscs, l9'J'J : onu;lc "Yougoil11.\·ic•.
4 Y. WRY . L 'EufTJIN b.i/Aoniquc-. W l'J-45 u n11s juurs . Pans. Ellipses. 199(1, p . l 27· l 2 H
Chaplin•] L-1 n._•liginn J29

fractuœ entre le ciltholicismc et l'orthodoxie, mai" que quatre sii!cles de domination


ottoman•• finirent par rendr" mil1oritaircment musulmane Une telle situation géopoll-
t1quc i'l l.1 conrlucnce des aire9 latine, grecque et turco-musulmane, explique que le par-
ticul.uismc illbanais s'cst fondé sur une communauté ethnolingui.stiquel .
Ce qui pose problème n'est pas l'État albanais en tant que tel, mais les populations
albanaises i'I l'extérieur de l'Albanie2 .

SERBIE

mer Atlriatiq"t!

hmicc des nuas l>CL,curs Je la Force de sub1lisalJ.on (SRlRJ


ligne de dt:hn111il11on des cnmb agrttc:S à Dayton 0
Fédérati o n ~roa.10-mu~ulm:inc

gwns rem toneiu:.. de !:a Ft<ltr.mon cromo-musulmmic


p:ir rnp~an O?id:t posmon.'i à la. fin de hi 1ucrre

Rtpubhquc: serbe Je B os mc
giu ns 1cm1oriDulli. ~rtJ.e s p.:iir rap!"'(\n aus. pœ1IHMU à la fin de La JUtl'ft"

1 üriJodc nordique :? UrigoJc rus.se 3 BnrDdc ft"Qnc.""O-~ur


4 Bri.adc c ~ pa.gnolc ~ Bnl!!O-k turque:
A Secteur Sud ·Ouest-1.: omrnanJc m c ni t;.ntonnique B Sâ.-.cur SuJ ·E""-comrnandemm1 hmçan
C Scc1cur Nonl -c omm:inJc mc:nl amérk;un

68. Les accords de Dayton : création et partage de l'État bosniaque

Le cas de l'AlbaniL• L'St d '.1bL>rd lrès diife n•nt de .:elui de la Bosnie. Il~· a une idenbre
nationale nlbanai Sl' fo nd t'e s ur un p.1rticula rlsn1L• ~·thnolinguishque. Le pays se vit

1 .-\ tllA l lJ ' f.l. ,\I JF r 11 11 · \ I , ,,.,,, .,,,, . .,.\· .J.· \: "•';' .".!' ""! ' " . ; ·· ~·,I . 1'-1.n • t l hr"'...-~ . \ .Jo.N ~i ~ lc · -\1~ ·
.\.'10

L"\llnmc ~hlnt ,\ l,1 crois...~· Jl'S trois \lires, l.ltint.', urthudoxp et turque, cl non corntnl.' éla111
défini P•\f la religion# ._ ,,n,nll.' les Bnsniaqul"S.
4

Copendi.lnt, la llU~stion du Kosovoi t.•st i\ difléon!ncier quL•llJUP peu de la quL•slion


albnn,liSL'. ~' qut.'Stion ~ligiL'Use t•st véCUL" plus fortl.'lllL'nt par les trois 1nillinn.i;
d'Alb.u\,\is Ju Kosov .., que p,1r les Alban,1is d'Albani~. Pour les Serbes, le Kosovo esl lt·
l'"t1.'Uf idL'ntit,1in.• de la Serbil\ t.indis que la dé111ugTaphie actu~lle Ues rnusulmans
pous.st:" l'CUX~i à vouloir l .n1tonon1iser. voir,\ le dêl,H.::hcr de La Serbie pour se rappro-
1

cher J~ l'Alb.1nie voisine. t_,,ngtemps méfiante, celle-d devient de plus en plus favo-
rable- t\ l arm~ dL.. Libération du Kos .. lvo. L,1 question t.]UÎ se pose est de savoir si une
1

stratq;ie isl.1mique n'L>st pas en tr.1in de se développer dans la région y compris avl'c
l'Albanie,.\ partir dL'S foyers bosniaques o>t kosovars.
Il faut noter toutefois que, durant le conflit du Kosovo de 1999, certaines minorités
musulmanes de Serbie, comme les Turcs, restèrent fidèles à Belgradt>, comme le mufti
Je Belgr.1dc qm soutint clairement le pouvoir en place contre l'intervention de
l'O.T.A.N.

.·--··. .....
·--.

·,~-·._ ......
/
(.
~.
...
/
~~---- ... -·
··-~\
. ...:·

1 ls c:oi:us reprit.entem . selon le!. e1Lima1.ions, entre 7 Cl 12% de la population égyptienne


2 ?..S"l- ck la population v1vanl en lnael csl chrétienne
). œ C5l.imc l UD peu plus de 5%, la proportJOn de Palc~tinicns chrétiens vivant dans les Territoires
.C. 10 • IS"li de• Palcsuniens de Jordanie qui reprtscntent plus de de Io moi111! de la populauon
jonlaotenœ appartiennent a.ux dJffl!reniei Églises chr~aienncs orientales
S le dr:nUcr rttememen1 officiel de la population libamusc remontant à 19)2, les cstimalions ac1uelles
dorment p'à dr 40':I> de c:hn!:bcos au Liban . dont 25~ de maronnes
6 b. Syrie compet: 10'*. de chrtucru, dont 4% d'orthodoxes
7 )Ill: des lrù.iens sont c.:hri:1icns . chaldéens ou assynem~

69. Les minorités chrétiennes d'Orient


a .. pllrel . u. re1t111on

La guerre menée par 1'0.T.A.N. en 1999 a permis aux Albanais musulman11 du


Kosovo de conforter leur pouvoir sur la région au détriment de Belgrade. Un exode de
population serbe a suivi le reflux des troupes serbes. L'avenir du Kœovo est
maintenant entre les mains des "Alliés". Une partition implicite du Kosovo semble se
dessiner avec les zones occidentale e t russe .
En 2001, la question albanaise s'est propagée du KO!IOvo à l'ouest de la Macédoine
où les séparatistes de l'U .C .K. ont affronté les troupes macédoniennes. Ce nouveau
foyer confirme la dynamique nationaliste albanaise dans la région, laquelle a largement
profilé de l'engagement contre Belgrade deux ans auparavant.
Carte 59 : Le peuple albanais à cheval sur plusieurs États

3.2.4. Pourquoi l'Afrique du Nord n'est-elle plus chrétienne?


Très romanisée, l'Afrique du Nord fut un élément économique essentiel de l'Empire
romain, l'un de ses greniers les plus riches . EUe fut aussi latinisée, et donc fortement
cluétienne : Saint-Augustin1 .
Comment expliquer ce que Lucien Febvre considère comme la plus grande trahison
jamais causée à l'unité de la civilisation méditerranéenne, le passage de l'Asie Mineure,
si rapide, si intégral, à l'islam, de 641 à 711 ? Trahison dont la Méditerranée en tant que
monde uni ne se remettra jamais. Que reste-t-il en effet du christianisme primordW
dans le Maghreb, sinon quelques motifs décoratifs caractéristiques de l'art berbère?
A cette question Lucien Febvre répond par la force des permanences géopolitiques :
l'affrontement jamais terminé entre Rome et Carthage2, la victoire différée de Carthage
des siècles après sa destruction et la victoire hég~onique de Rome sur le lac
méditerranéen . Car qu'y a - t-il avant Rome dans le Maghreb, sinon Carthage? Carthage
qui haïssait tant Rome fut détruite mais ses traditions furent maintenues au Maghreb3.
En se détachant de la Romanie, l'Afrique du Nord brisa l'unité de la Méditerranée,
et ce faisant, créa l'Europe.
L'islamisation fut telle que le christianisme y fut quasiment éradiqué ; il n'y revint
sur le sol d 'Afrique du Nord qu'avec la colonisation européenne pour y représenter
encore la marque ancestrale de Rome. JI est notable que si, au Macluek, les liens entre
Arabes chrétiens et Arabes musulmans sont souvent fortst, ceci est mal admis au
Maglueb, beaucoup moins tolérant à l'égard des chrétîens5. Comme le souligne
Georges Conn, le Maghreb est amnésique quant au rôle essentiel joué par les Arabes
cluétiens dans la renaissance arabe du Xl)(e siècle - naluia6.

1 Luc-1cn Fcbvn: rait n:marquc..- que Sa.101+."uiwu:in s 'y CSI: annst~ m laltn sur les malbcW5 dr: Didon. L. FEBVJlE.. L 'EMrop..
Grnb~ d'un~ c-n1ilt.sCJtiu n , Paris . Pemn. l 999. p . H3 .
2 Y. PERRIN , T . DAUZOU , /Je/u Cit~àl'Ewrpir'f' · lt1.1tv1r~ JtrRunw Pu.ru. Elh~ 1997, p. 66--71.
J '"Cette C111th11sc J o ni les luabitanb purta1cnt I• tumquc luugue. \."OflUnc nos 1Dd.iFon d" Alacric pœ1C'Dl i. ~ . ~

Carthag.:: donl les h11b1tnms por1ni c nt la c.n lo uc moulant le aine . \.- U ITUUC nos 1 ndl~ d"Al@G'ac pi.llWQI I~ (u ; ...-cuc-C~ûant

ln habilants poruucnt h.· nuantcau . rt~n~la.. c u i.:tcmi.:nt sanbl•blc au bumuus. \.-Crtc Carthage doa.l Ici h..1.blaan. ponaM:m D
thc\'CU:l couru o u m.s~ s sous lu ~ulu t k . la barbe longue et lcinlc, b fa ce 11\114u11i« comme liXU\ ~w ~ >rt mcncm W bmDe
.:1 Liu khô l ". in L 1: EO V RE . L 'f:11n. •1u·. (.i,•11ht· ..ron~ n\·ili.sution . P:m :.. Pcmn, 1999. r K) .
4L .:1 A . CHAOR,.. l'"lmqu c· ,., ,,,,,,.,r;,_;_.; u11 l'rc-.:h1··0ri.-nt , Pan~. Ma1 ~ ~u,·e-.t...oarnw . l~M7 . p. 19.:! ~

5 G. ("OkM . l 'Jù1rop• · •'I l '!Jri<'m. ./, · l .1 f><1/k,ml ."fU Ci1m ,; I~ flh.Nt i..fUIH>n. IH.Jtuirr .r--.: __.,_,,r. ilan.~. Pmnt.. t..
Oécuun~r1c , lliJ'Jll. p 272
6 Pour le colonel Kadh1llÎ par ~ .u· mplr . l\.""S Anal:mcs J Ul\'Cnl èu it.~
mw.ulmiuu ; il} • ~lCa&lwl cnlR' Wami&C et~ m
Lib)'c, rc qui n'csl pa.1 ~· n1i J a n .. h..·!O> 1.·1.mccp1.ion1i1 n•l1onahsh.•s arabe.< de: la .Sync « L'lr.t ~ O . COllM, L ", &,op/ d Jv.;.... .• •
"'114.unùuUun à lu llbanirntwn. hi,111u-r .r,,.. ..,..,.,_,,.; llk1t.nt1t1pJu:-. Puu . L. Dl!\.'Ob\"cftC, 1991. p. 27.\ .
• urm• .l . 1't•n11rmrnu 1lr~ ;1/n1fi1;,

3.2.5. Les n1inorités chrétien111!M d'Orient

l :ntt in1rvd11rlio11 fi ln ~lupoli1iq1u• tlu J.. il>ntt


Sous l'Empire ottoman. ~"Omme jadis sous l'Empire ro1nain, l'immense province <li•
!>\'lie réunissait k-s œrritoin.-s actuels des Ëtats modernes du Liban et de Syrie, à
l'~xc.-ption de la montagne lib.1naisc. le fomeux Mont Liban. zone d'autonomie de l.1
ron\munauté chrétienne maronite.
L'islam sunnite, c'est-o,·dirc l'isl.1m miljoritaire (85 % des musulmans du monde
sont sunnires tandis que 15 ~. seulement sont chiites) dominait illors les plaines !!I les
rivages. rommc dans le reste des territoires islamisés, et tolérilit dilns les villes un
christianisme oriental qui ne s'était pas rallié ilUX Croisés et qui ilssumait son arabil~
davantage que Il! christianisme latin. Si nos orientillistes français du XIXe siècle, de
Lamartine à Barres parl~rent de rivilges syriens à propos de Beyrouth ou de Saîda (qui
fut la Sidon des Phéniciens), c'est que les populations des plaines et des rivages qu'ils
renrontraient ne faisaient pas de distinction entre la Syrie et le Liban . Car depuis
l'Antiquitc grecque jusqu'.lU mandat français de 1920, le Liban désignait la seule
montagne autour de laquelle. à l'est comme à l'ouest. s'étalait la Syrie.
L'origine d'un Liban conçu comme construction politique autonome ou
indépendante est très ancienne, mais elle est confinée à la montagne. parmi des
populations tantôt chrétiennes latines (maronites). tantôt musulmanes "hérétiques·
(druzes et chiites), maintenues dans les hauteurs par la crainte des persécutions venant
des majorités islamiques (sunnites) et chrétiennes (orthodoxes) .
C'est donc dans ces communautés marorùtes, dru zes et chiites que l'attachement il
l'idée d'un Liban souverain restera le plus fort. A co11tmrio, les partisans de la fusion
des États modernes du Liban et de Syrie (nationalisme pan syrien), ceux de !'arabisme
(nationalisme pan arabe) ou ceux de l'islamisme, se recruteront majoritairement parmi
les "commwiautés de la plaine et des villes", les chrétiens orientaux et les musulmans
sunnites.
Tout au long des XIX• et XX• siècle. les migrations des communautés de la
montagne vers les villes littorales ou vers les plaines agricoles contribuèrent à élargir le
territoire de "l'idée libanaise". La montagne s'inventa une capitale, Beyrouth. Les
Maronites raccrochèrent leur passé à celui des antiques Phéniciens des littoraux,
mariant ainsi la montagne et la plaine dans une seule et même origine, mythe
fondateur préalable à l'invention d'un Grand Liban souverain.
Au moment de l'effondrement de l'Empire ottoman, à la sortie de la Première
Guerre mondiale, les provinces autonomes de Syrie et du Mont Liban furent placées
sous l'autorité de la France mandataire . Trois possibilités s'offrirent alors à Paris: créer
une Grande Syrie qui aurait vu la spécificité montagnarde niée ; créer un Petit Liban
correspondant au Mont Liban maronite; ou enfin créer un Grand Liban qui empiète
sur le territoire de la Syrie en intégrant la vallée de la Bekaa et des régions non
maronites. La dernière solution fut retenue, inspirée de l'époque glorieuse de l'émir
libanais Fakhr el Din lequel avait régné sur un grand Liban au XVl 0 siècle. Les
frontières du Grand Liban, tracées par le très laïque Clemenceau avec l'aide du
patriarche maronite, Monseigneur Hayek, et la place centrale accordée à la
communauté maronite dans l'édifice politique, engendraient de fait une double
fracture: Damas n'acceptera jamais la partition; les communautés musulmanes ~t
orthodoxes n'accepteront jamais la prépondérance maronite .
LA! fragile équilibre communautaire confirmé à l'indépendilnce en 1943 dur.l
jusqu'en 1975. Mais la construction libanaise ne rés is ta pas à l'irruption du confül
israélo-arabe à l'intérieur de son territoire. La "cause palestinienne" fut l'occ.1sion pour
les composantes arabistes, nassériennes ou pro-syriennes, de rompre avec Ir
Chnpilre 3 . U. religion

moronitisme dominant et le Liban s'enfonça dallll dix sept années de guerre civile au
cours desquelles les acteurs extérieurs (Israël, Syrie, pui5flance!I internationales) purent
instrumentaliser, au gré de leurs intérêts, les oppositions intérieures.
La géopolitique intérieure du Liban reste fragile. Le système politique repose
toujours, après plus de dix années d'apaisement, sur un ordre confessionnel. Mai!I les
représentations ne correspondent plus à la réalité. Le Pacte de 1943 (président de la
République chrétien maronite, premier ministre musulman sunnite, président du
Parlement chiite) qui traduit implicitement une hiérarchie communautaire, après avoir
mis au tout premier plan la communauté maronite, a été modifié par les accorda de
Taëf de 1989 (voulus par la Syrie) qui rééquilibrent les pouvoirs au profit de&
musulmans sunnites. Aujourd'hui, on estime que sur dix Libanais, trois sont chiill!S,
trois sunnites, sept druzes et quatre chrétiens (tous rites confondus). Non seulemenl la
réalité confessionnelle du Liban est majoritairement musulmane, mais qui plus est la
proportion des chiites a sensiblement augmenté ces dernières années.
Ce découplage entre la réalité confessionnelle et la représenlation politique est
aggravé par le poids des réfugiés palestiniens au Liban.
Sur environ 3,5 millions d'habitants (non compris la population de travailleurs
syriens), le Liban compte près de 500 000 Palestiniens (soit près de 15 % de la
population) . La majorité est musulmane. Le Liban a toujours refusé de les intégrer en
leur accordant la nationalité car il en résulterait une modification sensible des
équilibres communautaires, et ceci de nouveau au détriment des chrétiens. En 2002. le
Parlement libanais a même adopté une loi privant les Palestiniens, y compris œux
mariés à des Libanaises, du droit à la propriété. Cette loi qui vise officiellement à
soutenir la logique du droit au retour (revendication clé de la 'cause palestinierme")
est, en même temps, une digue établie contre l'intégration des Palestiniens. Les
Palestiniens du Liban sont aujourd'hui "coincés" entre un probable abandon du droit
au retour par les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza si un accord de règlement
intervenait avec Israël, et un refus des clans libanais traditionnels qui se partagent le
pouvoir depuis des décennies d'accepter de nouveaux représentants politiques
d'origine palestinienne (lesquels feraient, de fait, diminuer le nombre de places
accordées à chaque communauté confessionnelle).
Cet État dans l'État que constituent les camps palestiniens du Liban restera sans
doute encore longtemps une poudrière installée au cœur de la géopolitique lfüanaise.
La complexité de la géopolitique intérieure du Liban et la diversitê des in~ts
communautaires qui en découle, détermine pour large partie l'orienlation extérieure
des différents clans. Au Liban, comme d'ailleurs dans l'ensemble des pays multi-
communautaires, géopolitique interne et géopolitique externe sont intimement liées.
L'effondrement de la prépondérance maronite à l'intérieur du Liban, au sortir des
guerres successives, entre 1975 et 1990, a débouché en effet sur un changement de
l'orientation extérieure. La Syrie qui, dans un premier temps, en 1976. avait empêché
les Palestiniens de s'emparer du Liban avec leurs alliés sunrutes libanais, a ensuite
contribué à réinstaller un ordre communautaire au sein duquel une majoritê des dans
a intl-rêt au maintien de la tutelle syrit•nne. Mème si la Syrie s'est officiellement retirée
du Liban en 2005, elle y conserve une forte influence sur le jeu politique.
Pour beaucoup de chrétiens du Liban, orthodoxes, mais aussi maronites compte
tenu des nouveaux rapports de force dérnob'Taphiques, la Syrie est un rempart contre
l'islam sunnite (susceptible de verser dans l'islamisme et donc dans la persécution des
chrétiens) autant que contre l'islam chiite (très majoritaire et donc capable d'inslaurer
une République islamique sur le modèle iranien). De plus, chez beaucoup de
musulmans sunnites et de chrétiens orthodoxes. l'idee de grande Syrie a plus de force
que l'idée de Liban souv.,r,lin . À Beyrouth notamment, une large partie des habitants
Pari•~ 3 . Ptn,,mrertu! dn idnrh~

estd'~ne !ry'Tienne.
Bien avant la guerre de 1975, nombreux furent le& Syriens, richei,
~ ~uqués. fuyant la revolut10n baasiste à Damas et les Syro-Libanais refoulb
d'Égypte ar~ 1956, à venir s' installer à Beyrouth, contribuant ainsi à l't.>Ssor de la
capitale.
Le Liban moderne n' a jamais profité d'une souveraineté pleine et entière. au sens
~la capaci~ à définir par lui-même, et sans 1' ingérence étrangère, son ordre politique
A~-ant 1990, les presidents libanais furent toujours cooptés par des puissance1;
l"tgioMles ou internationales, qu'il s'agisse d'Israël, de la Syrie, de l'Égypte, de la
France, de la Grande-Bretagne ou des États-Unis. Depuis 1990 et l'échec de la "guerre
de libération" lancée par les troupes du Général Michel Aoun, la souveraineté effoctive
du Liban n'est plus limitée que par un seul acteur, Damas. Quant à la souveraineté
tbeoorique, elle reste entière, comme elle l'a d'ailleurs toujours été depuis la fin du
mandat français. Beyrouth et Damas sont liés depuis 1991 par un traité de fraternité et
de cooperabon.
La Syne et le Llban font front commun face à l'État d'Israël. L'occupation
israélienne des zones chiites a été le point de départ, à partir de 1980, d'une montée en
puis:siUlœ de la communauté chiite sur la scène libanaise, soutenue par l'lran de la
Révolution islamique. Le Hezbollah est aujourd'hui le seul parti politique
officiellement anné au Liban; c' est un État dans l'État, plus puissant encore que la
composante palestinienne. Ne pouvant se permettre un duel direct d ' État à État.
Damas et lle)'TOUth ont laissé le Hezbollah s'arroger un quasi monopole de la
résistanœ nationale et islamique face à l'État d'Israël, dans le double combat pour la
'cause palestinienne" et pour la "cause libanaise" (les territoires occupés du Sud jusqu'a
2000). Le Hezbollah est le seul acteur anti-israélien à pouvoir se prévaloir d 'une
\'Îctoire faœ à lsra!!l : vingt-deux ans de lutte armée ont finalement débouché sur un
:retrait effectif de l'armée israélienne du Sud du Liban. Tsahal continue cependant
d'oa:uper, e:n territoire libanais, un secteur (dit des "fermes de Sheeba"), stratégique
pour le contrôle de certaines sources du Jourdain (les sources de ce fleuve qui offre à
lsral!l une part conséquente de ses ressources en eau se trouvent en effet dans les
hauteurs du plateau du Golan et de la montagne de J' Anti-Liban, territoires
appartenant. selon le droit international, au Liban et à la Syrie).
En 1990, les États-Unis, soucieux de voir la Syrie entrer dans la coalition contre
l'Irak. avaient laissé à Damas les mains libres au Liban. Mais en 2003 l'Irak baasiste
s'est effondré, et la pression américaine s ' est retournée contre la Syrie et l'Iran.
L'épreuve de force entre d ' une part Israël et les États-Unis, d'autre part la S)'Tie el
l'Iran passent notamment par la radicalisation des résistances en Palestine (Hamas) el
au Liban (Hezbollah).
L'offensive israélienne lancée à l'été 2006 contre le Liban visant officiellement à la
destruction du Hezbollah apparaitra sans doute comme le début de la confrontation
directE entre Je camp américano-sioniste et le camp islamo-nationaliste (nationalistes
ir.miens et arabes).

Orrilien• du Maghreb •t c/arétiens du Muclm:k


Le Maghreb et le Machrek admettent bien des contrastes géopolitiques. L'un d'eu'
tient à l'existence ou non de minorités chrétiennes .
Au-delà du désert libyque, en allant vers l'Oues t, les minorités chrétiennes avaient
disparu, au moins jusqu'à la colonisation européenne qui s 'accompagna d'un rcveil -
Chaplttt 3 La religion

provisoire cependant - du christianisme. Même les Mré!lies mu~ IOnt rares!,


perdues dans les confins désertiques .
A l'inverse, le Moyen.Orient est caractéri8é par une divenrité religieuse
remarquable. De nombreuses communautés chrétienne& originales y ont pour origine
la prolifération schismatique et hérétique du V" 11iècle2 et la rencontre de œli..d avec
des communautés linguistiques - grecque, araméenne, armérllenne - établies dans le
Croissant Fertile et en Égypte3. De nouvelles séparations interviennent plus
tardivement, lorsque certaines communautés se rattachent à Rome'. Quant à !'miam. il
admet également de nombreuses variétés, que l'on introduit dans une section
spécifique consacrée aux fractures internes du monde musulman.
La réalité chrétienne la plus importante est sans doute libanaise. NOWI soulignonll
id le rôle central que joue la communauté maronite au Liban. Les difficuhés
rencontrées par celle-ci illustrent plus généralement le sort des chrétiens du monde
moyen-oriental, arabe et turc.
Carte 69 : Les minorités chrétiennes d'Orient

Chrétien• libanais
Au Liban comme en Syrie, en Irak, ou en Palestine, il n'existe pas de conflit islaDX>-
chrétien ouvert. Les régimes en place ne sont pas de nature traditionaliate islauUque. et
les minorités chrétiennes n'y sont pas persécutées5. Toutefois, un rapport de forces
entre musulmans et chrétiens existe ; la guerre du Liban a montré que la dimension
religieuse est au cœur des dynamiques identitaires au Moyen-Orient, même si la
guerre civile libanaise apparaît comme une guerre de clans exacerbée par des intérêts
régionaux et mondiaux. Les chrétiens du Liban sont eux-mêmes divisés. Les inlérêts de
la communauté orthodoxe et de la communauté maronite6 sont divergents, et il est
même parfois difficile de cerner une unité dans les engagements des maroniœs,
certains ayant choisi Isral!L d'autres la Syrie, tandis qu'une troisième composante
restait fidèle à l'idée nationale libanaise.
À la fin du vne siècle, l'expansion islanùque poussa de nombreuses communautés
chrétiennes à chercher refuge en dehors des plaines ou des grandes cités marchandes ;
la montagne devint un refuge de prédilection où les sectes religieuses abondèrenll'. Les
maronites, qui s'étaient d'abord rassemblés dans les plaines de !'Oronte et autour de

1 On signale plus tom. dans une section consacn:c a1Jt fractures i:nlemcl du moodr: llllllU.lmm, a raidla de ~;

in~mtaJR des mmorités n:lig1cusr:s dans A PRENANT, 8 . SEMMOUO, .~ n .~ C1p1CO o ...............


Ellipses. 1997. p . 19-20.
2 H.C. PUECH dir . /li.ft1 Jirr.· th·.,· ~ligiuns. Paris.. Gallun&rd, l~. coll -Folio caais... t. u•• ~- ......_ _...
onhodoxes". p. 869·906 .
l X. de PLANHOL. Lt!."' N utums du Pn.1f'h:..u Manu!(/ gwgrapluqw Ûlt politi.fw"-'-'. P'lriL Ftiywd. 1993. p. SI ; Let
A. CHABRY, Pulitiqu< « l murori11~ aM Pmc.·ht'-Or1 ..·n1. Pans. ~1a1soanam.~-~ 1987, p.. !'J'9..10:S.
4 H.C PUECH dir .. Hl.f:1oin: d~-" rellf:lnn..t. Paris. G&l1unard. 19'N. roll . "'Foho essais•, t n- · 9!.'i,l.Île' ..,._..
!i D AMMO UN. Hutoin · .-hi Liban , ·unrcmpt•ru1.n. IH(t()..JWJ. Pvt.s. fa)'aftl 1997 . F L BOUSTANY, ........_ .i
l'ltU1oirr pulitiqµt• d11 Lrht.m nmclt'rn1· Bcymulh, 1-".M A . . 19'.IJ .
b L. cl 1\ . CHABRY . P"lttu1ut· t'l nlimJrité.Y "'' Pn,..-Jr,.(fr,""'· P..ms.. i\~~ 1917 : •u s-ri ~ . .
maronilC'S cl Io cri se lill4tnu1 ~ L·" , p :\05-."l::?O . Sur le lien cn1re marurUmzni: .:1 ~· a.pc<I diji abordié. \-air X. dr: Pl.ANHOl..
.\ljnorUi-.\" ('n U/Unl , Gc.; fl~r"Cl/ t/111' / k •filtqllc.' c•r .\f)("IU/C: . f"'a.ris , flunrnaOUO , l~~n . p b0-70.

1 Nous ~n\· ,1yo1t!'> ~ ln ~ l"'\:tlon ...-vn.s.o.u.'" rtt a h1 foncliPn g~lu.i~uc Je- la ~ - ~lft Topolopo. \"a&r E. dr:
VAUMAS. •Lu ni-pan11iun confcasionncllc au Liban t!' l'iéqwlibtt de fÉtat libanais•, RGA. 1~~. p. SI t-604.
l'flrlœ .J f',·nmml'1Ut drt .,V,,l1lri

Homs. gagnèrent lt's S<.'Cteun; de la montagne du Liban septcnlrional 1 ; et en partkulll1'


t.1 vnllœ de la Qadichil2 .
L<.'S maronites furent bientôt rejoints par une secte n1usulmane issue, au XI• .it<k,
du chiisme ismaélien: les druzes. Le druzisme soutient que Dieu s'est incarné"" 4
personne du califo fatimide l-lfikim; la chute des Fatimides en Égypte provoqua 4
dispersion des druzes en divers points du Moyen-Orien!, dont le principal est le rwxl
Hermon. L'histoire du Liban ensuite fut en grande partie faite du rapport ronflictud
entre maronites et druzes qui se disputèrent la souveraineté sur la montagne hban.ii!-t,
et plus tard sur un État libanais1 .
Les maronites se rattachèrent à Ron1e dès l'époque des Croisades - 1182 -, l'C%<11
des œlations maritimes favorisant cet attache1nent, confirmé au XVI• siècle rar
l'ouverture d'un séminaire maronite à Ron1e (1584)''.
Dominant la lutte contre les maronites jusqu'à la fin du XIX" siccle, les scigneun
druzes furent vaincus par leur propre recul démographique et par l'implantation der.
France au Liban qui favorisa l'essor de leurs enne1nis séculaires.
Un État du Liban dans ses frontières actuelles fut créé en 1920 à la sortie de Lo
Première Guerre mondiale, avec l'éclatement de l'Empire ottoman, en 1920, et rlac.
sous mandat françaisS. Toutes les con1munautés y participèrent, mais les maronite. y
étaient considérés comme dominants, tant par les druzes dont le poids politique ro,
cessait de faiblir, que par les musulmans sunnites et chiites et les chrétiens orthodoxei
- qui, pour l'essentiel, peuplaient les villes libanaises de la côte.

~r Miditl!rran~c-

70. Les communautés du Liban

l Les maromlcs, adeptes J'unc foi rnonothéhtc ont d'uhord éh! pcro;ct: uk .. p11r l'Empire hyzan1n1 Ils n~ 1'KIU'·a11m1 &.......: f.r':
tu'e unplant.b dlru les villes où sont restés en rcvam:hc une hunm.: part des dm,:llcno.; urthnthn:cs
2 L'Eghse maronile d'Ehdcn csl or~anisCc en 741)

) K S 5ALIOI. Tire MoJt'm lm•lof)' ofL:lwmm. Dclnmr, New Yu..-k , l>clmar. 11>6'."i . p 1~ * 13

-4 M HAYEK. Lilurxie muru11ik lhvtoù·._· '-'' tt·_-r/t_·_,. cm ·lrari.\·liqm '.\ , Tours . l 964 .
S K_S SALIDI. Tht! Afodt·nr hurt1n· ofl.dmmm. DclmoT, New York, ltJh:Ci "Lu fonnu1in11 tlu Hr.im.I L1banR, fi· 111 · '-' 7
OYplln! 3 . lA n!llglon

La guerre du Liban mit d'abord face à face un maronitl&me polltlque largement


attaché au projet national libanais, et des Palestinlena arabistes - et non pas lalarrmem.
Pour mener leur guerre nationale contre lsral!I, les Pale9tin~ voulurent utlllaer le
Liban comme base de résistance contre les lllraéllena. Dans le m~ lemP-, nomm de
pays arabes n'étaient pas mécontents que le seul paya arabe dirigé par des chtttiena
puisse être déstabilisél .
L'absence d'unité nationale et Je communautarisme favorisèrent l'slatement du
Liban. Les communautés politico-religieu&eS - au nombre de dix-sept - enlrftt!nt en
conflit d'intérêts et d'allégeances - Occident pour les uns, U.RSS. ou Iran pour les
1
autres.
L'éruption du facteur chiite et le jeu de l'Iran radicalisèrent la question d'un point
de vue religieux, car le chiisme2 supplantait, dans la lutte contre lsral!I, !'arabisme
palestinien d'essence plus lalque. Mais même après le9années1982-1983, la guerre du
Uban ne peut être résumée à une guerre religieuse, dans la mesure où les facteurs
syrien et israélien favorisent l'émergence de la dimension nation.ale.. On voit
aujourd'hui une tendance encourageant l'alliance objective des maronites nationalisœs
- ceux du général Aoun - et des chiites du Hezbollah, contre l'hégémonie~ et
ses alliés chrétiens pro-syriens d'une part - une partie des maronill!s et surtout des
orthodoxes - , et contre la montée du fondamentalisme swuùte d'autre part..
Quel avenir pour les chrélüm.s d'O..Um ?
Même si au Liban, les chrétiens, grâce à leur politique nouvelle d'alliance avec la
minorité alaouite au pouvoir en Syrie3, connais&ent une situation relativement
favorable 4 , partout ailleurs dans Je monde arabo-musulman, les chrétiens d'Orient sont
menacés.
L'érosion rapide de la présence chrétienne au Proche-Orient est un phmomène
territorial majeur. Le poids des communautés chrétiennes, en campe.raison à celui des
musul.Jnans, ne cesse de diminuer, compte tenu du taux d'aa:roi515e1J1ent rapide en
terre d'islam. Dans les pays arabes, les chrétiens ont joué un rôle important dans la
défense des idées arabistes et laïques5. Le recul de ces idées, et la progression de
l'islamisme, comme du national-islamisme, menacent aujourd'hui ces communautés..
Dans nombre d'États, les chrétiens voient leur autmwmi.e communautaire
statutairement remise en cause.
Dans l'est de la Turquie, les chrétiens sont pris en tenaille entre le P .KK.. - Parti
sécessionniste kurde - , les islamistes, les milices villageoises et les forces a.nntts
turques6. Dans les années 1930, soixante-dix mille chrétiens de tradition syriaque

J A. CHAUPRADE. Bc-yrou1h ,_;1t·rnell~. Pans. Asa édinoo.s.. 1998- p. 19


2 F. THUAL. G;upoli11qu(' du <hil<im.•. Puis. A.rtea.. 199S. p . 126.-133.
l l. et A . CHABRY, Pulitt'lut: t!t "'ûrtoritâ au ProcM· Oriou, Paris.. Manomm.n~Larmc. 1'937, p. l~~-191 ; X. de
PLANHOL. AlinorUt!s t!n u/am, Gi'r.~i~ poJi1j,,q'IN l!I soci4/e, Pans..~ 1997. p. 370.Jal.
4 Le mol "favorable" cs1 ambigu : il y a une CrvsJoa dânograpb.iquc ~dies~ du t...a.L ·u ...mn: cli:t ~
fut 1oujours si êlcvê au Mont Liban que le 21 mai J2SO, k roi de Frutt LDuis lX. dit Saillll Lou&. rmmcuil J8' ~ "l'Émirdla
maronites' pour l'envoi de .2S 000 hommes en mmn venus n:nfon:cr 1cs Cl"OiMS. À .:car époque. les dnDem ~
1'cs.scnllcl de la populauon En 1944. d'aprC-5 les csurm1iuns offkk:-Ucs. rÊIM dia Libm dla:s sa fraaUàa Ktmla ~
S.C8 l87 musulmans ou ass1nul6; cl 734 542 chrê1.1ms. Soit 57 ""•Je la pupùatiœ pom oadcrmcn.. AlljDmd'IM.. ---~ac
pcmw:1 de se faire une idtt exacte du rapport .Je force nwn!nque CDtft 1cs Jiflëradc5 rep=rmmctés l..a pt....--., pmic::lll .._
muamum lk 4S 0,r. de c hrtlicns. Les scn·1ccs du 'muphti' pl&u bawc d.tpilê ~ suaaillC a l.J1-L ~ lit dliil!R •
l7 ~- - · .i n A CHEVALÈRlAS, .. La mon lente do chRûcns .Ju Lit.a.•, ia Polüiti~ inHntol:ionak. Pnmcmpa 1996..a"ll, p. JS9.
S C SA.JNT-PROT, l~ na1umoli-rmt.• ar&Jft.e. Pw..ri.s.. Ellip!iCS. 1996.
6 Sur le c;onlllt 1urco-k.unJc. \ 'Otr Let A. CHABRY , /"Oliritq~ n MUaWilês ~ Praclw~ Paris.. ~
1987, p 271-272 . X de PLANHOL. L_, ,v.,,;.,,.. J.. ~ ,""-</ ~"" "'~ - · Plis. fa:r-1, I~
p. 712-737.
vivaient d.ms le sud-est du pays; il n'en reste aujourd'hui que quelques millien. ();,
mille chretiens sunt désomtais établis à Istanbul et une large partie d'entre eux chercho,
à émigrer vi:rs l'Europe Je l'truest.
lA.'S chretiens p111estiniens 1 sont nombreux ; ils s'inquiètent toutefois de 1.
radicalisation de 111 tension av<.>c IsraN qui profite aux islamistes du Hamas. Tant qu'un
nationalisme p.tlestinien de type lare et hériti"•r de 1'0. L. P. dominera, les chrétiens qu 1
habitent au ~in d'une population arnbc majoritairement musulmane, en lsral!I et ~ur k
territoire de !'Autorité palestiniomne, ne craindront rien; si le radicalisme islamique
de\'ait s'imposer. il faudrnit alors s'attendre à une émigration massive de chrétrl'l\I
palestiniens. Dans la région, les chrétiens sont toutefois menacés au moins autant par
l'extn'.misme juif que par l'extrémisme musulman; ils se sentent d'abord Palestiniens tl
soliJail"t'5 de la lutte nationale palestinienne, aux côtés des musulmans. Les difficultè;
que l'Etat hébreu a opposées à la célébration par !'Autorité palestinienne du deux
millié~ anniversaire de la naissance du Christ, et la bienveillance ambigul! entretenue
à l'égard de tous les projets de construction de mosquées se trouvant en zone
chrétienne, témoignent de l'intolérance des Israéliens à l'égard du christianisme, et de
la \•olonté des gouvernements israéliens de s'attirer la sympathie des opinions
publiques occidentales en dressant dos à dos musulmans et chrétiens de manière a
apparaitre comme les défenseurs des derniers contre l'intolérance des premiers.
En Irak, la nature même du régime baathiste, dont l'idéologue est le chrétien syrien
Michel Aflak, assure la tranquillité aux chrétiens2. Celle-ci n'a pas été remise en
question par les difficultés importantes rencontrées par l'Irak depuis le début de la
Guerre du Golfe en 1990.
La communauté chrétienne représente environ six pour cent de la populahon
totale, soit près de un million de personnes : 600 000 chaldéens ; 250 000 nestoriens;
100000 syriaques et catholiques; 30 000 Arméniens; le reste regroupe les grecs-
catholiques, les latins et les protestants.
En Égypte, et particulièrement dans le sud de l'État, les coptes sont confrontés à la
montée d'un islamisme militant qui en fait les cibles privilégiées des groupes armés. n
reste en Égypte environ quatre à huit millions d'habitants chrétiens sur un total de
soixante millions.
Au Moyen-Orient, les guerres et une évolution démographique ralentie <'li
comparaison de celle des musulmans, ont contribué à une baisse des effectifs chrétiens.
Ceux-ci représentent aujourd'hui sept pour cent de la population, contre vingt pour
cent au début du siécle. Au Moyen-Orient, et dans le monde sunnite en particulier,
l'avenir des chrétiens est donc incertain.
Urte 69; Les minorités chrétiennes d'Orient

3.2.6. Les chrétiens d'Asie face à l'islam


Des clivages religieux importants existent aussi
en Asie, entre chrétiens et
musulmans3. Cependant, contrairement au Moyen-Orient, les chrétiens d'Asie ne sonl
pas forcément minoritaires. C'est parfois l'inverse qui se produit: ainsi, aux

J Sw nmaoin: dna:nabquc du peuple palnlinicn çon1rc l'occuputmn 1srn~hennc Je Io Palestine, lire N PICAUOOU. Lo
Palatmtcm., un tiède- d1tulom:, Bnu.ellcs, Complexe, 1997 ; H LAURENS. Le n•1011r '"-"-" ,·.:tilé.'f. U1 lr1m• pour lu Pala11M "".
ld6PO 1997. hna. Roba1 l..affon.1, l99M
2C. SAINT-f'ROT. 5'ddam HKDrtn. un gu11/li5mc.• urcJb< --'. Pari!'>. Albin Machel, Jl,IHM ; llùtoirt• 1/i· l 'lrul.. lk Su-1 J

Sa.ü.. HMDdn. Psi&. Ell•PIC'· 199K, p. 193-196.


J HJ. deGRAAF .• L'i11am en A11e du Sud-1:.st JU~u·ou XVJtlc s1èclt:" ..:t W R ROIT. "L'Jsham Ju SuJ-Est woi111i4ue a1;1 C"(W,#\

du X!X' AHiclir:"ca HJ. BENDA. '"L'islam du Sud- Est ai;1a11que au cours du xx ~· s1èçlc" , in P.M. llOLT, A K S. L.\MOTO~

B. LEWIS dir .. EN:)·•:Jup;d1t• ~ru!rül~ d~ J'iJ/41"'· S l .E .D. 19H4, p 2J5 -.l3 I


Chaplltt 3. La rellgton

Phllipplnes. la minorité des musulmans Moros• veut s'émanciper d'un ~central trt9
majoritairement catholique.
L 'lcl11IP.mtt11I in11ulflÏTP. r.t /P char rrligiPUX 1111.x Philippin"•
Le caractère asiatique des Philippines est sans doute parmi les moins avérés d'Asie.
L'État philippin est doté d'une structure sociale et d'un syst~e politique mcore
largement marqués par l'héritage de la colonisation espagnole.
Le caractère insulaire des Philippines est exac.er~ : plus de sept mille nes forment
l'ensemble philippin. Luçon est l'île la plus importante qui compte la moitié de la
population philippine. La deuxième ile en importance est Mindanao qui compte un
cinquième de la population totale.
Ces conditions d'éclatement insulaire constituent sans doute le premier facteur de
fragilité géopolitique des Philippines2.
Le sud des Philippines marque la limite orientale de l'expansion de l'ialam en Asie
du Sud-Est3 qui fut stoppée par l'implantation des Espagnols au XVI~ siècle'. Le
catholicisme fait partie intégrante de l'identité nationale des Philippines : quatre-vingt
cinq pour cent des Philippins sont catholiques, cinq pour cent seulement sont
musulmans.

71. Le sécessionnisme des musulmans Moros aux Philippines

1 Y . LACOSTE ûtr., D1aiun11"ir""' Ji· g t!upc•litiqut·. Pans. J-1 .ammarioo. Jq.c)3-. p. l.:?20..1:.2.'\ .
2 Jekn1
JO. el J. SOllRDt=L. /)1t ,, ,,,.,1u rr~· lu..w11riqw .A· /'i.,·/wn , Pltll!'. PU F . I~ : aroclc •Pbitipp~'" . p. 66l4-66'I
-' ~[L..:s Phtlirpin..:-sl Les Espa~1htl :-. a.:..:~"dèr..:nl à ..:es ÎI C"S Ju P..1..:11iqu.: à pitniT du Mo~ en 1564. Da ~ }'
lr.t\.' 111ll~n::n1<l~ s 111 prcnn~n: h~urc ~ pui s \ inn:n1 l ~ !<i fruncisclilns 1..-n 1 .( 1 ~ . 1-=-sJésullcs i:n 1581C1lesdomimcains.en1~17 .\pis
v1ng• ans d'occupa.üon csrugtw k· lin i.:tlntpuu1 ,ICJ:' 4ua1rc 1....:nt mille nëoph)·tn et, tpDd les Jommicams foadènln ~
Saml· TlhlmA.!i ù f\fanlllc . .:-n 1h1.i. l"cnsemhk Je:- 1.- p..l[nih1111..·m . ~ ~•ut~ :i plu.' d\m mâUioo. avatt aJberi au doist~. lJn di:rnt-
"èck aven sum pour tlbt..:nir ...·..: rCsultat ~u i lut i.turubl..: ~r.i.:~ .:iu dc-J8.C l<'Cli . ... m H.C PUECH Jir_ Hc.H.li,. 4*:r IWÜl'ÎllnL h:ri!I.
Gallim.onl. )QQ(), coll . "h1hu ..: ss.J is'', t. ll . . , p . 11~"'.I'
Pnrlir 3 l't•n11a11tna• ,Jn idnrtit;,

Bien que très minoritaire•, l'islam philippin un sunnisrne de type chaféil.? - l..,I
actif el perçu par ln m1lJOrité de la population comme la survivance d'une ligne de front
agressive. li est concentre dans le Sud philippin, sur les iles de Mindanao, ttasilan, Joie,
et Tawi-Taw1~. Mais les musulmans ne sont majoritaires - à plus de quatre-vingt dix
pour cent - que dans une petite partie de l'ile de Mindanao et dans les archipels de
Sulu et de Tawi-Taw1.
L'enjeu identitaire est renforcé par les ressources de Mindanao qui participent •u
développement philippin. La rébellion musulmane estime que le gouvernement ccntul
utilise les ressources de Mindanao mais ne développe pas l'i1e4. Elle entrevoit au
contraire la formation d'un pôle de croissance éconon~ique entre Mindanao, le Sabah
en Malaisie, et le nord de Sulawesi.

Sur le plan regional. la constitution, en 1963, de la Fédération de Malaysia qui


rassemblait autour de la Fédération de Malaisie créée en 1957, Singapour, le Sarawak et
le Sabah, fut à l'origine d'une forte contestation territoriale de la part des Philippines.
S'opposant en effet au projet de Grande Malaisie initié par Kuala-Lumpur et
revendiquant un droit historique sur l'ensemble de l'ile de Bornéo, Manille souhaitait
rt!cupérer le sultanat du Sabah dans la partie Nord-Est de l'ile . La tentative tourna
court mais laissa des séquelles importantes dans les relations entre les deux pays.
Depuis œtte époque, le sultan de Sabah apporte un soutien constant à la révolte
musulmane de l'ile de Mindanao. Depuis trente ans, cette île est à la fois la proie d'une
insurrection de type marxiste-léniniste renforcée par la structure sociale de l'ile, el
d'une insurrection islamiste visant Manille. Traditionnellement appuyée par divers
pays musulmans, dont la Libye, l'insurrection demeure endémique malgré les
nombreuses tentatives de paix5.
Un cessez-le-feu est signé en 1993 entre le gouvernement et les indépendantistes du
Front Moro de Libération nationale. Les négociations prévoient la création d'une zone
autonome musulmane dans le sud de l'archipel.
Carte 93: Les détroits malais
Carte 35: L'an:hipel des Spratleys : les relais insulaires des puissances

3.3. Les conflits à l'intérieur du monde musulman

L'islam s'étendit de manière fulgurante à partir du vne siècle apr. J.-C. Li


civilisation islamique connut son apogée entre 800 et 12006 environ. Un art uniforme

t •Les musulmans rrprêscn1cn1 quelque M% Iole J.11 population philippine cc qui les placent lom dcm~rc les cathi:.hqw:s qui
comt1tua11 llS ~~del• populauon.· . m J.M . BALENCIE. A. . de la GRANGE . .A.-fond~·., r.-11.:lfrs, Pons , M1chalon, p;i196. 1 2, p. ~tt9
2 D . e1 J. SOURDEL. D 1c11onnurre ITrslonqutt Je l'ulant, Paris. P U .F ., 199(, , artk:lc "Clmfë1!o.mc ", p 19-4 lmplanu11«1
DOtalr1lmnt m lndaoê:sic, C'll Alle du Sud~s• IO\ltc ~uiè~ et en Afnquc noire nrîcnlolc
3 ·Les musulrrwu ne sont ma1or'ila1rcs - plu!> Je 90 ~'O --- que Jans une rtct1h: partie f.Jc l'ile de MimJanoo. - pronncn dt
Lmao del Sur c1 de M111ndaruw - et dans les archipels de Sulu cl Je Taw1-Taw1 Ailleurs. ils rcprCscnlcnl enlte .5 % cl -m•;, Œb
popula.llco ~ commWU1ulés musulmanes sonl ëgalenu:nl implantée~ :i Pala w ;m, Jans !es V1SO)'ll.'" cl a Manille·. 1.'1

J.M . BA.ID-lCIE. A . de 1.a GRANGE. Mcmd.:.i r.:hdlt!..~. Pans, M1d1ulun, 1 '>'U• , 1 2, p. :!90.
4 •[t..e Sud phlhppin) 11 pan1ci):lenli• pour 4uclque 20 ~'a uu r l .ll Ju puys [ . 1 il c;ii.1.,1c un trmnglc de cro1nance tcunoru~
C1lltt Ml.odanmJ. lc s.ba.h - Malaisie - el le nurd de Sulowcs1 - Jndoné!i lC ." . /Jt•m . p 2 1JO
.S /b.J., p 29) .}06 , W K. Che MAN, ,,lusl1n1 .iu:parurism, the A-loro.~ 1~l So111lrt•r11 l'luhp1mw.,· und 1111• /i/o/1n·., CJ/ So111Wrr.
71to110lld. Oxford UW'l'cnaty Prras, 1990 . G .R . JONES, Red RcwJ/wwu, ün·1di.· tlw Philip11m1• Gm·rillu Alt1''t:'n1a-nt, Uou)Jo.
Wcd\'W:W Pl"cu.., 1989.
6f BRAUDEL ,G,.wnMui""~' d"l/ua1iam·. Paris, Flammarion, 19R7. r 109
Chapitre 3 . Loi religion 341

des mosquées!, une poésie empruntant les mêmes procédés, une philO!IOphie
- falsnfa - s'inspirant de la pensée aristotélicienne2 et péripatéticienne, enveloppaient
l'ensemble des régions de l'islam, de l'Espagne au monde arabe en passant par le
monde turco-iranienl.
Carte 72 : L'expansion de l'islam au Vil~ siècle,
Au xe siècle cependant, l'Empire musulman éclata en plusieurs morceaux. Le
particularismes se réaffirrnèTent. "Une géographie différentielle se dessine alors (et)
cette opposition [universalité et régionalisme) se retrouvera à travers tout l'islam : que
l'on songe à ces cas extrêmes que furent l'Inde musulmane, l'Indonésie musulmane,
l'Afrique noire, pétrie par l'islam et qui, cependant, reste prodigieusement elle-même."
écrit Braudel dans sa Grammaire des civilisations4 .
Malgré cette forte diversité, il est frappant de constater que les Européens, et plus
largement les Occidentaux, développent une représentation unitaire du monde
musulman. Ils en tirent une vision menaçante de l'islam, que la démographie accuse.
Cette vision est pourtant erronée. Les Croisés Je savaient, eux qui purent tenir des
positions en Orient durant deux cents ans en jouant sur les divisions profondes du
monde musulman.
Du point de vue théologique, il existe incontestablement un islam, comme il existe
une religion chrétienne, ou une religion bouddhiste. Mais l'unité des fondem21rts
n'empêche pas l'existence de grandes lignes de partage à l'intérieur du monde
musu1man5. Du point de vue géopolitique, c'est bien la dimension plurielle de l'islam
qui prime sur la dimension unitaire. De la même façon que l'on étlldie les
géopolitiques contrastées des chrétientés latine, protestante et orthodoxe, il convient de
différencier les géopolitiques de l'islam sunnite, du chiisme et des autres expressions
de l'islam, et de souligner à quel point la diversité géographique et identitaire joua
dans l'évolution de l'islam vers la diversité. Des dynasties rivales, issues de groupes
identitaires distincts, défendirent leurs propres ambitions historiques, qu'elles
incarnèrent dans des États distincts - omeyyade6, abbasside7. Dans l'histoire
islamique, l'autorité du calife ne cessa d'être confrontée à la réalité des particularismes
géopolitiques.
L'étude géopolitique de l'Islam nécessite donc à la fois la connaissance des
fondements théologiques de la religion islamique, et celle de la diversité identitaire des
groupes humains islamisés, lesquels admettent des contradictions politiques
importantes que la communauté de religion islamique ne saurait résoudre. Il est par
exemple impossible de considérer que l'islam dominé par l'élément arabe est
équivalent à l'islam dominé par l'élément turc .
On examine successivement ici : les fondements théologiques et la dimension
unitaire de l'islam ; les grandes lignes de partage de l'islam ; le choc de l'islam
majoritaire et des islams minoritaires; une géopolitique du sunnisme.

1 G MARCAIS . '- '"'"' ,,llL<11lm"n. P;;in!' . P l' .F. l~a:! .

:! Il CORBIN . /h..:to1r.· 1h • /, , f'l11 /1>..-vph1t.• 1sh1m1tJ1"-, l'ans. Gallunan.1. IQfM


J () Cl J SOUROEL, L11 L11 î11 ..:<1t11m ,J,• /'1.1·/.Jm d1L..:...oq111·. P:ins . ·\nhauJ. (QgJ

4 F BRAUDEL. G rt111uH111r, · J .·.. : nnl1s.Jt1mu. n.~ . P:ins. Flammanoo. l-N3 , .:ulL ~ ..

5 "C'on1mc mute ~ra m.h: n=ligion . 1'1sl:11n cClnnu1 Io mulhplu.:11c J,·s ..!..:oies. JC's Ùl\o' 1ston:I.. J.es SC\."'t:cs '* scb~ L'Cculc.. c'ess:
le maJûhab, lu J1 v 1 ~ 1un, k lr.hilnf . l;.i sl.'~h:. l.i lin.1:J . Ct• th.·mi""f 1cml\' {'<('Uffiltl (\l:llcmcnt ~ t:r.:IJwR" pu- ' 5".b&smt' Mais 11 iart...,.
3Us!uh\l qu'il ''°''ruant en 11mN- k .;,en" l~J11ruhl de ·~'i:tc' t •u · ~h1 :o;mc' \bns 1\.-·s bn~~ ~et 'IUÏI ~ ~l bi
·rnictiu111.h.• tnbu'. h.· \; hm' ·· . 111 L ll .-\RD E T . l..·.~ h1 •mmd .J.. l'i ~lunt <.Jl'Pn. ... Jtr .;.,._,. ~,111Jlit1•..s. Bru.\.clks.. Complu.c. 1117".". p. L~7
fo J\ ~llQUl.!l. l . 'i.\/um ,., ''' on"/is 11lilm. rnrL.,., Ann.at\\l l° l'hn , Io.NO . r 70-%
7 /d~nr . p . 97 - 115
SAHARA

Grudts bœoillts
1. 624 Badr
2. 625 Uhud Mahomet
l 616 Yannouk
4. 637 Qad1S1yya Abou Bakr (6l2-6J4J
5. 642 Nchmod
Umar (634-644)
6. 656 Bo1aille du Chamcou
7. 651 Siffin U1hman ibn Affan (644-656)
!. 683 Tahuda
conqoitts onreyyadts (661-750)
9. 732 Po1llC1>
10. 749 Balllille du Grnod z.b
I l. 751 8111aillcduîaJ;15
_..A avancée musuhru111'

La rap1dn~ de l'expansion musulmane 11u VIIe .~ièclc o miuqué profonUé1m.:n1


la consc1cncc h1s1onquc des peuples européens et détcnnmc la n:pnhcn-
c.auon un11~ir? de: l'isl;1m ~uc cc:u1.-ci conlmU1.'fll d'cnlrclc:mr.
72. L'ap1L11Sioa de l'islam au Vil• ùècle
/'nrtfo 3 . Permnn~nC'~ tlr.1 identltlç

À 1."'Ô~ ,11...' la doctrine ishunique et de la Loi, il y a le droit musulman, le fiqh1, qui '''"t
la fe('he~he de solutions juridiques et la traduction de la Loi.
Sur les granJs traits de la Loi, et sur deux points en particulier, existe là encore un
accotd à pt'U ptts gl'néral: le culte, en ari\be ilJridrît; la vie sociale, en arabe muiirnaliil .
L...• culœ 1.1st fondt' sur cinq piliers - d'ilpr~s les hadiths - qui sont des obligaticm~
individuelles: la confession de foi ou cl111/111da ; la prière; l 'aû mone légale ; le jeûne; Jr.-
pèlerinagl'.
Un sh: i~nw pilier exish.•, le djilrac1 2 qui n'est pas une obligation individuelle, mais
collt'\.'lÎVt.'.
L,•s c hiites cljoutt.•nt une obligation: le d évo uen1enl" à l'égard de l'imam visible ou
""·a...-h~. ,~nl..'4.lrt' appelé it1"1fly11.
Dans I~ domaine de la vie sociale, l'islan1 défend l'idée d'un statut des personne">
diffen•ndé entre n1usulnrnns e t non-n1us ulmans . Sous les califats, les chrétiens, )(·s
juifs. el les zoroastriens furent ainsi soun1is au régime des tributaires . Ce statut
discriminatoire n'a plus cours dans les régimes laïcisants, mais il reste d 'actualité dans
d'autres pays arabes où l'adn,inistration reste interdite nux non-musulmans .
1
Dans l histoire, la civilisation européenne fut menacée par l'expansion foudroyante
de l'islam omeyyade-1 . Les peuples d'Europe gardent au fond de leur "i nconscient
historique" la crainte de voir se former à nouveau un islam de conquête qui menacerait
lt."S fondements chrétiens de le ur civilisation. Ces peurs ne sont pas sans fondement,
1
dans la mesure où des groupes islamistes s attachent, avec le sou tien de certains États,
à reLTéer un choc des civilisations-1; elles sont toute fois exagérées parce que J' islamîsme
reste encore marginal dans l islam 5 : les musuln1ans préféreraîent dans leur majorité
1

ressemhler aux Occidentaux et disposer de leur niveau d e progrès matériel que de s'en
tenir strictement à la Tradition musulmane. On peut penser - mais il est vrai que c'est
W'l point de vue occidental, dans le sens où il est ,,plus n1atéria1iste que spirituel 01 _ que
c'est la haine et la jalousie de l'Occident, plus qu 'une véritab le adhésion à un islam
politique porté à son aboutissement, qui poussent la majorité des militants islamistes
dans lew- engagement6. Cette adhésion négative, fondée s ur le seul ressentiment rend
ces mouvements d'autant plus violents, l'idée étant plu s de détruire que de construire.

au5ulmaon ainsi que l'objet tsse(Jticl des sciences rc !i.._icuscs is lamiques:·. in D a.:I J . SOURDE L , Di<'tio nnaire historiqur do>
f'ulam, Pin~ P.U.F .. 1996. p. 216.
l /Mm,p. 297 .
2 -Djtbad, ct1 arabe jihâd. 'guerre sain1c· ou plus cxa c tcmcm 'gue rre l~ga k '. pui squ'il s 'ai;.i l de la guerre ou de 'l'eft'ort de- gu~·.
le~ êtymulug1que du iennc. pr~crit par la Lo i contre les fnlidèlc s Jhidem, p . 4)5 -4~6 . Le: \'Crset de Coran Je- plw.
0
s.eloo ',

imparw1t àce propos es1 '"Combattez ceox qui ne c roient p<1s en Dic:u ni au Dernier JmJT, 4ui ne- dêdarert1 pas illicite ce que Dieu ~1
~ Eft..·oye on1 dedué 1\liciu:, qui ne pratiqucnl point la religion de véri1ë, parm i les dé1enteu!"'S de l'Écrinin:. jusqu'à cc quïh
paynit b jizya. eo co mpensation de cc bienfai1 et en r;;iison tic leur in l(: rh~rit..:·· . t'tHan. IX . 29. c ité par D . et J . SOURDEL

Dictwnnuirr hi.floriqi.e cirl l'islüm. Paris. P.U .F .. 1996. Signalons que le c h risti;m ism..: ..:ommc le: juJaïsmc ont aussi des injon....""rion:>
wmblJ\&ntn dans kun textes sacrCs. Voir 3 cc propos, O . CHEVALLI E R, A . G UE L LOUZ. A. MIQUEL. l.:s ArubcJi. /'Lt;;Jwn c1
l'E.wope. P.n~ Flammarion , 199 1 . ~ Autour du Corann. p. 3 9-67 .

3 O. SOliRDEL . Hmo rre des Arabt!.f. Paris. P .U .F .• 1976. p . 19 - 31 .


4 8 . fTIESNE.L 'islumi.Jml' r"cJic"I. Pans, M<Kht:Ue, 19 87 . p . 1<>7-277.
5 ·Avec le recul. d apparait que raclion politique des islamistes, loin d '11b(lutir ù la mise en p lace d'Etmts uu de sociokl:::I
islamtqut:'I. ~ltouve ou bien la logique de !'Et.al - Iran - , ou bicJl la scgmerua1ion 1md îtion nclle. m~me ne-cotnpOSlêe --
Afglw:u~ . Quoiqu'm disn'lt les ac1eun. toute action politique e s t crë1uion aulllll'Vlli<tuo: d'un l!Sp111c c de tard1ê , o u re1vw- d~
W&l"ftJWÎun traditionnelle. Cela marque la limi1c de la p o lilisa1io n d 'un!! relis ion. Je 1uu1c religion.", iu O . RUY· L ·.;...·hec Jtl r-,;m.
polir1q..e, Pans, ~ Suil, 1992. La thè5'.: d'Oliv ier Roy 1fes1 pas éloign~c Je lu nù1rc qui souligne la ri~minenl!.:- J.1..-,. 1~
Mll8UhCJn. aationah:s cl idcnci1.11in:s, SW" les logiques religieuses trnns nuliunu\c!li. Ln religion. en séorcithi11u1.:, •o:nn,nc: en _ .q~
sone wn 1.!hemLn di&n.s 1'1nstrumenuihsa11on Ctalu~uc .

6/di:m. p. U - \J9.
majorité i.;unnue
ma1orité chiile
kharidjite.<
fone minorité musulmane
(a u moins 15 %)
m1nori1é mu~ulmanc significative
l au mo1n< 5%)

Lieux raints de /'islom sunnile


1. La Mecque
2. Médine
3. Jérusalem
lieux sain11 tle l'islam thiil.t
A. Karbala
B. Nadjef
C.Qom
D. Mached

uc:étm Indien

ocian A1lamrq11t

73. Les grandes lignes de partage du monde musulman : sunnitu, chiites, kharidjites
~ 1'11rl1r .1. P~nuo11t1ta.Y d~ 1tkn111n

On peul a contrario imaginer que œrtains combattantl!i islamistes '°111


d'aulhenliquts '""vaincus pou$és par un idéal spirituel qui ne souffre aucun
roinpromis lempon!l.

:t3.2. Les gmndt-s lig1ws cle partage de l'isl11n1


Les divisions ,il' l'islan1 sont ex,)min~s à deux niveaux :
1. La hac1ure entre l'i"1am m11joritaire et les islams minoritaires.
<.:- 7'.\ · ls granJ"" lisn"" d•• partage du monde musulman : sunnites, chiites
khaliJjites

2. ll'S difÎéftlnll< Cl.'urants de pensée à l'intérieur de l'islam majoritaire.

1. l'islam majoritaire est l'islam sunnite•. Le sunnisme est en effet la plu.


impornmre dl'S doctrines musulmanes. Ceux qui la défendent se présentent comme les
•ulhl'llthJlles partisans de la s111111a et de l'union communautaire. Ils revendiquent la
noijoil discu~ d'orthodoxie et s'opposent aux chiites et aux autres sectes de l'islam
pu le mie qu'ils ao..--ordent à la communauté et à sa tradition, tradition à laquelle ils
rerourent pour compléter l'enseignement du Coran et du hadith comme bases de la loi.

AcOh! de l'islilill majoritaire, il existe un islam dit sectaire : l'islam des minorités et
des --tes dont les expressions sont regroupées dans deux branches, le chiisme2 et le
kharidjisme-l. Ces deux branches de l'islam sont en désaccord avec les sunnites sw
l'interprétation et l'expression du corps unitaire de la doctrine islamique.
• l 'Wam chiite est lui-même divisé en trois branches~ qui s'incarnent chacune en
des réalités géopolitiques distinctes :
- le chiisme duodécimain 5 est le chiisme courant ; par a bus de langage, lorsque l'on
parlera de chiisme, il s'agira de l'espèce duodécimaine ;
- l'ismaèlisme6, branche dans laquelle est classée la communauté druze qui joue un
i(lle important au Moyen-Orient ;
-le zaydisme7, dont l'une des expressions contemporaines importantes est local~
au Yémen.
•le kharidjisme8 est une branche pratiquement éteinte de l'islam. L'islamologie
~ue en fait la troisième branche de l'islam derrière le sunnisme et le chiisme.
Aujourd'hui. le kharidjisme ne subsiste que sous la forme de l'ibadisme9 et il esl
counmtque kharidjisme et ibadisme soient confondus; en théorie pourtant, l'ibadisme
n'est qu'une catégorie du kharidjisme.

1 D.aJ. souaDEL. DidÜJllltailT ltisrorique ch /'u/(JJJI. Paris. P.U .F. 1996, p . 275 .
2-P-201-2113.
l - p.470
4LGARDET, La~ M lil/Olft. Complexe, Hachette , 1977 . "Les mnndcs shi'nes'', p. 226-2.-6 , fi . LAOUST, La
- - / ' i " - , r é à l ., l'uil. Payut. 198J, p. lS·lS
!ll.C. PUECHdiJ., HUtairr rliu rrll,r10.ru. Paria, Gallimard , 1999, coll. "Folio rs1'oi1.", t. Ill ... p. ll12-16l .
6"-,p. 163· 161.
1-.p.159-162
1l.GA.RDET.1A ~ rk l'id4Mn, Complexe. Hachcnc, 1977 "Le kh.4r ijilimi:. ses glo ires Cl si:s; occultat1ona•, p. 209-
226: H. l.AOU&T,l.a~ "-' l'lll_,, réU., Pari1, Payo1, l9Ml , p . J6--47
90. rtJ. SOUl.DEL,lMcflOMalt'I' Ju:..1ariqsw ik l'i.Jlam, Pa.rii;. r U .F . 1996, p . l .1119-lhO
:?. Le deuxième aspect de la division de l'i.~lam <]Ui intéreMe l'appmche ~llltque
est celui des écoles de pensœ différentes qui s'affrontent a l'intérieur même de l'Islam
majorlt.~ir<', l'islam sunnite.
Cet affrnntement est de nature juridico-théologlqua - le droit et la théologie etmt
liés dans l'islam puisqu'il n'y a pas Je séparation entre les dimeneiona rellgil!uR,
politique et juridique-, mais il a des conséquences importantes du point de vue de
fractures gl!opolitiques du mon<lc musulman.
Quatre écoles de pensée juridlquL'S différencient le monde sunnite1 l'école
malékite; l'école hanafite; l'école hanbalite; l'école chaféite.
li est important d'ajouter à l'étude de ces quatre école11 fondamentall!ll un
mouvement de type mystique, le soufisme, dont les e><presslons jouent ~lemimt un
rôle géopolitique.

3 . 3.3. Le choc cle l'islam majoritaire et des islam11 minoritaire&


L'islam non-sunnite présente de nombreuses sectes. Aujourd'hui, toutes ne sont pas
des réalités géopolitiques. Nous écartons donc de l'analyse les formes éteintes ou
épiphénomé nilles des sectes de l'islam, pour nous concenlTer sur le chiisme qui joue un
rôle très important, ainsi que sur l'ibadisme, forme résiduelle du kharidjisme.
Le klmridjisme
Les kharidjites~ se réclament de l'héritage de partisans d'Ali qui abandonnèrent
celui-ci en 657, après la bataille de Siflin, dans le contexte d'affrontement des Alides et
de Muawiya - les sunnites - et à la suite de la décision d'AJi d'accepter un arbitnoge
politique, sans s'attacher à défendre par les armes ses droits au califat. Les kharidjites
soutiennent que seul Dieu aurait pu trancher la question de la légitimité, et qu'il aurait
donc fallu laisser parler les armes plutôt que de recourir à un arbitrage humain. Ali
sera assassiné par un kharidjite.

Le croyant musulman ne conserve sa qualité de musulman que s'il observe


strictement les préceptes coraniques; si l'on voulait faire un rapprochement avec une
branche du christianisme, on pourrait soutenir que le kharidjisme est une forme de
quiétisme. Chez les kharidjites, qui fait la moindre entorse aux pn!ceptes coraniques, si
petite soit-elle, doit être exclu de la communauté puis éliminé : c'est le meurtre
religieux ou is tirâd .
Cette forme de croyance admet une conséquence politique importante ; le chef n'est
pas désigné par l'hérédité dynastique mais par le fait qu'il est le meilleur musulman.
On comprend dès lors pourquoi le kharidjisme constituait une tonne sécessionniste et
insurrectionnelle forte par rapport à la légitimité califale, et qu'il se divisa lui-mème en
clans.
La forme de kharidjisme qui perdure est t-elle de l'ibadisme. li s'agit d 'une brandie
modérée qui n'enlève la qualité de musulman que dans le cas de ré<-idive et qui a
abandonné la pratiqut' du meurtre religieux.

\ 1. CIAftUt.:.T. /.• ·s /111 m n1o ·.~ .!.• /'n:/, ,,,,, l\111\f'k\\'.', Ha.:.hclh:. 1~ 71 "l..1 ~la ntcnt.alitcsi1U11Di1CS•. P- ,?.16..~
2 l.. UAkllF r. / . L'.\' hmfll"'"' J.· 1'1., /mu . Compl-.:\\.'. }la, h.:u.: . l'P l ~l.:' LhinJλllr. ~ v,lum cil~ tA"t..w..no..'". p..~

l 11 l .AMMl:NS . l . '/.1/,1n11C. ·,11_..,,,,, ....., ,·t im1itul1 t>ru l, .\ .. o!:J .• lk'.111\.'Uth. lmrnll*'.'TK' c•t~~ .. ~ l1Ji0,.p. lti-117.
Les iba<titœ St! troU\'t'nl d'unti part dan9 lt' Maghrt'b 1, en Algérit', - Ouargla 11
Mza. <t'oll l'appellation .t..s moz11bites souvent appliquée - . en Tuni!lk• !lur l'ile dt
Dj<>rt\11. airuli qu'•m Liby<'. d'aulr•• pari <'Il 0n1'ln et sur quelques points JI.' la côtt
orientale afrk..line. On étudie Il' c11s ib,~dite plus loin, dans la section con~acr~ a la
lenitt>1i11hMtion des nlinorites r.-ligit'uses. Les ibadites sont en effet localisés dan.• 11,.
montagnes 01' ils ont trou\'é reiuge pour échapper aux répression" de l'islam
majwit.iire.
l• <11;;. ....
...........
les adeptes .tu chiisme inscrivent leur foi dans la succession de ceux qui rclusèrent
d'admettre la l~itimitè des califes issus des dynasties omeyyades et abbassides, et qui
~·r\'èrent la di~tinn dt:' la •·ommunauté musuhnane à Ali et à ses descendants, IL-.
Alides ou imams alidesl.
l'origine du chiisme est donc d'abord politique avant d'être doctrinale1 . C'est apr~
la fracture politique que des doctrines philosophico-théologiques furent élaborées.
·P~i..

Deux directions de différenciation se mettent en place :


- une différenciation théologique par rapport au sunnisme;
- une différenciation à l'intérieur du chiisme en trois branches : la branche la plus
importante est œlle du chiisme duodécimain ou imamisme duodécimain~; le
zaydlsme; l'ismaélisme.
Deux de œs trois branches comptent parmi elles certaines formes de chiismes
extrémistes - gl11ilar: en arabe, littéralement ceux qui exagèrent, car ils divinisent les
imams. On citera notamment des sous-groupes de la branche des ismaéliens, les
nizaris, les druzes5 , ou du chiisme duodécimain, les nosaïris6 . À noter que ces formes
ont intéressé les orientalistes français et allemands du XIX" siècle 7 .
• l..nJùaliH .. rut. rlim~rophi9ur

Sur les quelque un milliard deux cent millions de musulmans dans le monde - qui
seront près de deux milliards vers 2020 - environ douze pour cent sont chiites, soit
pres de œnt quarante-cinq millions de chiites dans le monde 8 .
Les chiites, duodécimains dans leur irnrnense majorité, sont essentiellement
localisés dans le sud du Liban9, au PakistantO, au Tadjikistanll, en Irak•2, dans les
émirats du Golfe1 .

1 Lar ~tamaucn dam le Magh.n::b profita no\Antmcm de Io dislocu1u.m du pou,,.·011 umcyyutlc dans ln sc:c:undc mo11.C da
V1ll" S1kk.. U: caift du c:a.hfat abballidc, Bagdad élail encore plu!\ éloigné Vou· X . <le PLANl-IOL, Le.f N111io11S du !'rop lti11
."'-«l~iqiwdr poli11qut!' muiu/1F1une. Pans, Fayard. 1993, pUl4
2 \" . RICHARD, L'i.sl"1'1t<hiUe, P•n~. Fayard , 1991 : .. Une sainte fonullc ks imuins". p . ::?Q-hl) .

11-...p. 17-24.
4Smlcdtiism:~main H . CORBIN, En 1slum iru11iL•n, Poris , G1tl11mun..l. 1971 . 1. 1 Le shi'i!>mi: t.luodécinlilln, p. )9 - 1~
l D ctJ . SOURDEL. D1etioff1Wil"t!lruwr1qut> dt! l'i.Tlum, Paris. P U .F. 199h, p . 253 -2 5<1 .
6 H.C. Pt.JE.CH dir , Hutmrr deJ rd1gwn..1. Paris. Galhmard. 1999, coll "Folio C!>'>tll!io", 1. JIJ••. p . l69- 170
7 Syl~ de Saq pour les d.ruu:s ; Ma.wtcc Uarrt:s duns son Euqm! t .. '"' Pay.1· c/11 / _,•nmt s'est 1n1ér.:!l.s~ uu~ lsmnllicm
1 Y. RJC.lfAllD, L 'u/am chiit&'. Fayard, 1991 '"Le ch1111mc en .:hiffrcs". p . 14-1 7 ; J: . Tl IUAL , Cc.'o1wllliqu1· 1lu 1·hiumt', Pm1..
~ 199j, p. lll-IS2.
9 Y. RJOIARD, L'ularn chlil&', Pari.i. Foyard, 1991. fl 156-177.
IOlJooo.p.111-lll! .
11 F. TlJIJAL, Giopo/uiqMt" du chiUmt", Pans. Arll!a, 191JS. p . 7'J-H3 .
121..... p. 143-IS2
Chapllro 3. La rcllKion

Le fait géopolitique chiite majeur se situe en Iran et autour du golfe Arilbo-


perslque. Soixante dix pour cent des populations des deux rives du Golfe est chüte:
- le sud de l'Irak compte treize millions de chiilea, et représente plu• de cinquanll!
pour cent de la population;
- en Arabie Saoudite, le:oi chiites peuplent la région du Hasa où se concentrent les
ressources pétrolières; avec cinq cent mille personnea, le chiisme saoudien repréllenti!
2,5 % de la population totale du pays ;
- ]'Émirat du Bahreîn compte trois cent cinquante mille chiitea;
- les Émirats arabes unis comptent trois cent mille chiites, 50il plus de douze pour
cent de la population;
- le Qatar compte cinquante mille chiites.
Carte 73 : Les grandes lignes de partage du monde musulman . sunnites, chiites,
kharidjites
Carle 20 : Les dynamiques de désenclavement au Moyen-Orient
Carle 70 : Les communautés du Liban

Pendant longtemps, l'Iran, comme le reste du monde musulman fut dominé par le
sunnisme. Le chiisme n'y fut que minoritaire, mais plusieurs éléments rendirent son
développement possible2. Certains historiens soutiennent d'abord que HU96ein, fils de
Ali, aurait épousé la fille du dernier roi sassanide qui fut faite prisonnière au coUB de
la conquête de la Perse3. Les imams alides disposeraient ainsi de l'hérédité prophétique
et du principe de filiation royale de droit divirr'. Dès les premières génération&, après la
conquête arabe, les Alides trouvèrent de larges soutiens en Iran, et des bastions du
chiisme se formèrent sur le territoire de l'Iran conquis'. avec une triple origine: des
Arabes chiites qui fuyaient les Omeyyades - Qom-, des clients - mamuïli -
iraniens des Arabes chiites d'Irak - surtout ceux de Koufa -, enfin des Iraniens qui se
convertissaient par souci d'indépendance vis-à-vis du pouvoir califal sunnite6.
En 818, Ali Rêza qui avait été proclamé huitième imam deux ans auparavant,. à
Merv, est martyrisé. Sa mort solidifia l'association du chiisme et de l'Iran. Au X" sœch!,
la dynastie chiite des Bouyides qui avait émergé sur le plateau central irani.en,
s'empara de Bagdad. Le chiisme duodécimain marqua encore des progrès et tira
avantage de l'extrémisme de la branche ismaélienne.
Aux XI• et XII" siècles, alors que dominaient les Twcs seldjoukides7, le chü5me
duodécimain était déjà solidement établi en Iran : le plateau central, à Ray, Qom.
Kâchân et Qazvin; le Khorassan, à Sabzavàr, Tous et Nichapour; les provinces
caspiennes à Mâzandarân et au GorgânB.
Il fallut attendre cependant Je xv1e siècle pour que la majorité de la population
devienne chiite sous l'impulsion de la dynastie des Séfévides• qui firent du chiisme
duodécimain la religion officielle de l'Iran. À partir de cette époque, le chiismo- devint
indissociable du sentiment national iranien.

1 /huüm , p IS'.' · 155


2 X Je PLANI l<H•• L.-... Nu11u1u Ju Pmphi!tr Al<t111&1~l ..~rolf1't111w .M pol,,..,_ •a.nJ-..w. Pmu., f.yu:d. l':NJ . p "8J .
3 En f,]7. h:s Cil\ 11h1 s M:ur..i 11ru~s c:nlfC'nl 4 C'1~1rhlWI. ~• ;.uni nlôÛU'f:5 die La Piene en 6"12:. A p.rur di. .;;i: ~ k P9)'t \ ..
appartenir uu.11. cmp1n:s umC)')' UJ1.· puas ol'obas.sidc
4 U . MASSÈ . Ld C1w/U4Jllut1 IUJIUL'nnc.', Pans, l'iJ52, p 175-176.
S X de PLANUOL . / ., .., l\'111tm1.' Jr1 Pru.p hi.·11• .\f,u1wl ~,,gr'1plt~~ .A• pt>/1114/W ~ l'wU,. Fa,-.nl 11.WJ. p.. ~-
6 Y . RICllARD , Le· _,/u 'iHru: ~- ,, Jr,111. P11ris. 1:11)01rd. l~SO . p J5
7J .r ROUX,l/i.w11in-dt'.v lUn·.!!.·.P11ns. hl)'iUJ . l"1 N ~.p l:q . J75
fi X . de rLANllOL, /.•'$"'"'" ''-".lu l'ro1•hi!1 ..·. .UlJ1111d l-f""~r. 11Ju~,., ,J.· 1K>IUA1w ~- fl'lll'Uro. ••,.N.. 1~3 . p. SQl..
9 Stf~\'ia.IL~ 1 ~111 - 17 ~~ J) .:t J S.t>UltllEL. JJit·1r1.on1kw-. · lm11•l'iq10· .k fui.-.. Pais. P L:.f . 19Wt. p. 7H~7)1 .
Au sein d'un islam majoritairement sunnite et d'un monde arabe égalcmen1
majoritairement sunnite, le chiisme constitue en effet un facteur de dirfércnci•IJon
important pour les Iraniens.
L'lmn .-omptc plus de cinquante-dn•1 millions d'habitants qui sont chiites à quatrp.
vingt dix-huit pour cent.
0.-puis 1979, la République islamique a remplacé la monarchie des Pahlavis. Alor.
1
que la nlonan:hil', soudt'use d encourager la la'icisation du pays, avait tenté de mcltrc
en \•aleur l'identité perse pr{,-chiite - fêtes de Persépolis - , la Révolution islamique a
au contraire exacerbé le facteur chiite et développé un national-chiisme extrémiste• .
Y a-t-il une politique étrangère iranienne chiite ? Malgré les discours enflammé• de
l'idéologie de la Révolution islamique, on aurait tort de croire que l'Iran favorise
systématiquement les chiites de l'extérieur. Le contre-exemple le plus évident tient a la
politique iranienne dans le Caucase; l'Iran s'entend avec l'Arménie et la Russie
chrétiennes, au détriment de l'Azerbaïdjan, pays essentiellement peuplé de
turcophones chiites, lesquels se se ntent plutôt proches de la Turquie pro-américaine.
En Asie centrale, au Tadjikistan qui est un pays persanophone, l'Iran soutient
égaleml!llt la politique russe-2.
La proximité chüte joue cependant dans plusieurs autres cas. En Afghanistan,
Téhéran affirme son influence sur la communauté chiite des Hazaras, et tente de fa11e
contrepoids aux islamistes sunnites, les Talibans, soutenus par le Pakistan. La structure
de l'Afghanistan est fondée sur la domination des tribus pachtounes sur les autres
ethnies - Tadjiks, Ouzbeks, Baloutches, Turkmènes et minorités montagnardes
Hazaras chütes. Au Liban, après avoir été proches des chiites irakiens, les chiites
libanais du Hezbollah constituent une force de résistance aux velléités israéliennes sur le
sud du pays; ils peuvent compter sur l'appui de Téhéran. L'influence iranienne en Iran
est un levier d'action, non seulement contre Israël mais aussi contre la Syrie.
Carte 53 : L'Asie centrale : le monde iranien
Carte 5.f : L'Asie centrale : le monde turc
Carte 70 : Les communautés du Liban
• l..a ràir~ fl'AJPanUlon : ln H~ra~

Les chiites afghans appartiennent pour l'essentiel à la communauté des Hazarasl.


Us sont le produit de mélanges complexes, pour partie encore mystérieux, qui se sont
opérés dans les hautes terres centrales du pays4. Les Hazaras parlent un dialecte nro-
per.;an qui a intégré de nombreux mots d'origine turque et mongole5. La conversion au
chiisme remonte sans doute à l'occupation par les Séfévides, sous Chah Abbâs 1.r
- 1587-16296.
La pratique religieuse des Hazaras, bien qu'officiellement rattachée à celle de l'Iran,
se distingue cependant du chiisme duodécimain classique ; elle tend vers une religion
populaire7, comme celle des alaouites du Djebel Ansarié ou de Turquie.

1 A. ŒAVPRADE. F THUAL, Dicflmrnaira• Lie K1!0~1llt1q11c . 2e éd ., Purîs, l ~ llqittcs . oniclc "lmn"


2 F. lltUAL. GNJpoli1tqw Ju duiJmr. Parili , Arlë-a , l 119 S, p . 43-S.l
l \ ". RICKARD, L'Ulam chiue. Pane . Fayard. 11191 . p 17H- I KO .
4 P SNOY , Die Kafir~n. f'Ormr" . , . WtN$cllufi und J{t'ts/ÎJ.Wll K11ltt1r, 01s\:uso,; Frunk furt! M11111 . l 1Jf,S

'X. de '1.ANHOL, ~ Nationi du Prvphi:t~ Munm•I l(.!o;:ruphu111L' de • po/itlq111• mwmlmunc ·. l'nris, FityouJ, l'>1J.l . fi . WS

6 M.N. SHAH.RANI, .Î/tJ/1! building ami s0<:ial frc1grmmlut1<m in .-t.f1:lumi,,·1u11. A hifforh "' I"'' ·'1'''rtfrt•, I 'IH6. r 11.
7 Cœafu.a.iaa ~ muaquC:n r1 u.k)'~ ktuinC uU ~·ac(.:omphsS<::nl Jcs cén~mun1cs J11 mohumun 1\ lu ml!nmire Je llulKln ·
eoncœuatioo de lit. dé'vulion MU' lcw rMU&Ofêes de pC'BURna8CS p1CUll Cl ignorance de Ju lrOLtillOfl :«:riplllnlUC.-, \-'Uir (.'01.1' tt
UDDtE, Sh1 'is"'4MCl'~'6/ Prute.11, New-Haven. 19H6. P- 204 .
Quipltre 3. l..a religion 351

Cette différence entre le chiisme des Hazaras afghan.~ et da Jraniem ne doit pas
@Ire négligée : la majorité des Hazaras a mal accepté la Révolution islamique iranienne,
laquelle s'est efforcée d'imposer sa conception religieuse et sociale.
Pour autant, les Hazaras restent une carte importante de l'Iran dans la géopolitique
afghane!, d'autant qu'ils forment l'immense majorité des 10 à 15 % de chiites afghans.
Carte 53 : L'Asie centrale : le monde iranien

Une erreur couramment répandue est de tenir pour acquis le fait que certaines
populations arabes seraient devenues chiites sous l'influence des Perses. Or, dts le
Haut Moyen-Âge, le chiisme est arabe, et l'Iran adopte le chiisme comme religion
nationale au xv1c siècle, sous les Séfévides.
Le chiisme arabe revêt une double importance :
- pour la majorité des Arabes sunnites, il représente un particularisme souvent
ressenti cornrne potentiellement anti-arabe2;
- pour l'Iran, il est considéré comme un instrument de déstabilisation et de
projection dans le monde arabe.

- !A. c/Wtu d7ralr


Les populations irakiennes chiites sont parfois rangées dans le camp de l'Iran; il
s'agit là d'une simplification démentie par l'histoire récente de l'Irak. Durant la guerre
Iran-Irak, les chiites d'Irak sont restés fidèles à Bagdad ; de la même manière, les
populations arabes du I<houzistan iranien, que Bagdad espérait retourner, sont
demeurées dans le camp de Téhéran. Dans ce cas précis, ni la proximité religieuse, ni la
proximité ethnique, ne l'ont emporté sur l'allégeance nationalel.
Cependant, d'un point de vue régional et international, la guerre Iran-Irai< a pu
apparaître comme opposant chiites et sunnites. Les régimes du Golfe considérèrent
l'Irak comme un rempart au chiisme irarùen4 . Plus tard, !'Irai< fit valoir qu'il avait
mené, au profit de tous les pays arabes et sunnites, une guerre sainte contre "l'hérésie
chiite", et accusa l'Arabie Saoudite et le Koweil de ne pas avoir tenu leurs promesses
d'aides financières . Ce différend est en partie responsable de la seconde Guerre du
Golfe, arabo-arabe cette fois .

1 " Lo foKimmon cxcn:Cc rnr l' Iran sur le !' d1;· 1 t.:~ of~hans rcs.stmblc :i \!'clk que l'on.>. 1.'Ul\Sl&We au La.a · la n:h1iaa Jmmc: •
UOC lnlnC'lntC cthnu)Ut: - le" l lut::lm Ull prut""IC:-Ut C'ltriC: UI rui.-.Mt.nt flUUI" «'rnpcnsc1' .U J19U\'ft'tit et 'IOb l lOlcmroc dm:n \:a
communau1t nn11onule .", an\' . M.ll ' llr\H.U , 1. 'n/,in1 •'"""· l'an:", fa!l·anl 1~1. f' · Ill'
2 i: Tl IUAL . Ahrt",.:•: 1-:1..,,•/"''""I"•" .h, C;,,//,· l'1111s. Hhp~c .... l '-N ' .1nu:le ·c1t11smc·. p. 1K-~ .
J /d~rrt, p. 6h· 14
4 R llEl.l'OtUlE , /.n "';,.,,,.,,,; .-t la "''°''''"Ki"~'/., W(k w ·r1flc.._1,,.-r.11<1 1h·. r;ans. Le:- S),·ornon::. 191.\. p. 6.'\..76.
74. lm : situilllion des populalionli, densités, zones d'exclusion

•• 1~11• chiiic1e 1lu lltu4' 11•uniJi.,,.


En AraWe Saoudite, les chiites vivent pour l'essentiel dans le nord-est du pays, dans
la pro\•lnœ du Hasa 1,
en continuité avec les chiites du sud de l'lrak2 et, comme eux, à
l'abri dans une région de marécages .
Leureifoctif était estimé, en 1985, à 6 % de la population totale de l'Arabie Saoudite,
après avoir accusê une décroissance très forte'. L'origine de ce recul tient à la
çonsttuction de l'État saoudien qui n'a pas accepté l'existence d'une forte communautt'
chütl! sur son territoire, pour des raisons tenant à la fois à ses dogmes sunnites
traditionalistes, et à la présence stratégique de pétrole dans le Hasa .
L'Arabie Saoudite revendique son rôle de gardien du sunnisme le plus pur et le
wahhabisme!, l'école de pensée sunnite la plus traditionaliste, constitue le pivol

1 P..~ J. SOVJWE.L. ~ llulDrUfML· ~ l'UlcJm, Paria, P. U .F.. J99h, p ..NO .


J L'. . . .lllborll ~dale ~li p.q,oiwtr.m.c c..lu ch11sm.: Jans l'E.1111 c..li:s Houyu.lc~ · - X" · XI ~ si« le.•
)PMl&fe:S ~~ M.IDI Ulla"\·~ . A CHAUPRAOE . f TtlllAL. 1>k1l11mroir1· ~, •01mh1u1u1 -, 2c ~M .. Parit, FllÎf*'-
l~ : anO:le"ll>I."

.tD. ctJ . SOli~L. DliCUIJnnuin IWtunque ,i;f l'ulum , l'anll, p U .F., 1•> 1J(,, 1•. ~47 . l l. LAOlJST, /.f,.!.\ .fChumc.i Jim.i IW.-.
"""'l'o)..., 19'.l. p.J21 ·Jll.
Chapitra 3. La '"lllli<>n

idéologique du régime. Vénérant dl!!! tombes et dn mausolilft de aalnt6; 18 dllltw tont


regardés par les wahhablte11 aunnile11 comme dea hhéllques niant l'unicité de OlorQl.
La première domination wahhabite dans le nord-est de l'Arabie et le •ud de-1'1'11k a
couBé la destruction des tombes chiitei; vt.nérées el de Karbâla, lieu saint du chüame
imêmlte. La politique saoudienne est depuis resté" fidèle à l'intolérancl!! du prrmier
empire. Le gouvernement saoudien a en effet fait détTuire tes damlit!n vestiges dliital A·
La Mecque.
Carle 73 : U.s grand"s lignes dt' partage du monde mu8ulman : aunnltn, dllt•,
kharldjileti - pour visualiser les Lieux Saint~ notammenL

.. i.... drUi.• J. lfaltr•Dt


A Bahre'in, le clivage religieux épouse un clivage soclologiquel.
Les citadins de Manâma et Moharraq, qui appuient la dynastie, sont inumites; la
majorité d'entre eux sont de rite malékite, mals l'influence ~aoudienne se fait !ll!ntir par
l'intermédiaire d'une minorité sunnite de rite hanbalite-1 - influence wahhabiu.
Les ruraux sont en revanche chiites. Ces derniers representent au moins 60 'X. de la
population4 - certaines estimations donnent 80 %.
Les chiites de Bahreïn se nomment Balirâna - au singulier Ba/mini - et prélrndent
représenter le peuplement originel, par opposition aux Arabes bédouins qui diriFPt Je
pays, et en filiation directe avec l'Iran. Xavier de Planhol souligne que leur origine
exacte n'est pas iranienn~, mais qu'elle remonte à l'État des Bouyides" aux~ siècle, qui
s'étendait sur l'Irak du Sud et l'Arabie du Nord-Est - Hai;a_ La domination iranienne
tardive des xvne et xvme siècles a vu au contraire les mollahs persans emprunter oilW<
cheikhs de Bahreïn des éléments de la culture arabe.
Cette revendication d'antériorité vise en fait à justifier l'expansionnisme de Téhéran
suc le pays. L'Iran des Pahlavis, comme celui de la République ialamique a taujoun1
convoité le Bahreïn. L'expansionnisme iranien à l'égard de Bahrein est œrœa demeuri
verbal, mais sa menace a suffi à pousser Bahrein à passer des accorda militaires avec le
États-Unis - la 5" flotte américaine a son commandement dans l'ile - et l'Anlbie
Saoudite - en 1981 . Les trente-trois iles de l'archipel de Bahreïn sont dé&ormais ~
au continent et à l'Arabie Saoudite par un pont.
La fragilité de Bahreïn, due au chiisme, longtemps renforcée par des contentieux
géopolitiques avec Qatar7 , a conduit à une satellisation croissante de l'émirat par Ryad.

••L..dtil.l.. dut; ....

1 X. de Pl...ANllOL , L.,,,., Nuliwu du PnJphè1t1. Alunwl ~rruplt~ . . polUllf* .....aJ~. hri•. fa)'Wd. 1993, p. 89
2 "Los Arabes qui l'h•t.Uen1 à i:cilC lie "luolqucs colonJa inntall'lm C1 indaenna •°)' ~· mlN 11111111• tl dmrtil (.. ) ....

p~micn [ ... J wnl IOUJUUn r~té.\ .,uupéfi JAna les viUes e1 c'eil • ew. qu'.pp.n~ Ica IDlfDbla ~li tamilk rc:pa.- ~ a
soconds. 6Quvent 11y,ricuhcurs . .. ".ln O. cl J . SOURl>l!L, l>u.'IHMlllllJlrv ~w.J.; 1\.1"-• P'arii. P.l'-f . IVPh : *""a. ..........
r. ll6 .
l l.c.s sunnitodc Aalhruln iKlnl "udcptcsJcs .!col~ junJiqoc=a, du banNlîunc cl 1u.rto&H ._...al~'". ,.._ _ ,.._ llb.
4 JSOOOOchltt~ »ur600 000 hu.bmUlLS, ~lun f . TIIUAL, tï./vpo/iritpwc.A.dai~, ~ M~ lt9'· P· 1~1 .
S X. de PLANltOL. L,•.t Natwru 1lu Pn~111t.11..~. Mn11111.•I ~J:~~ dti poluifl•• •w:ratl...w, Pana.. f~...U. '90. p. l.C.
(1"1.cs. Uouy\dc1 '>4~·1ll."i;'\, ,1,·nu...-.i1i.: J 'è1nin ifall.11.:ru l1rigm.ail""C$ ik Da)·Lun ~m . NUt"' danNrul '1.lvl»ft !:'A~
bn&n..:hcs fami hulus aux 1c:rrih1m.•s ,1,~tim:b • .:,'1m ·cmtnml. ~" flllm Ju ...-;aUlè.,. l'mtf14rc trON.""i"'4m'QlW .:~ 1 ~
offlc-icllcmcnl l'itulClnlc Jcs AhN1sli1dc'i. ", in ll . cl J. S0tlkl1H.. D1\ ·t11JJ1..wr~ illtt.,,.AifW .:Ar N.tk-. ....... P.l l.f ~ IQ96: ~
•onnyit!cs'". pltin.
'l!n ~001 ID l "O\.lf lnl~mlllhlllllh.· ''"' .ln~lh.....• ,k L.\ U.ayç ... mi:1 frn •U Ç(\l\ll1t ttt '"'""'"-'."dito.MM ta $~ft'&lAC'të ÙiO e•~JQ.tUl; le:I
lie' thawDr l.a QRl•r 11 oc ...·crt"' n.~ .1u~c:nh:nt .,.,, ,tcpu1'1à. lt-lli Jeu•~ .ic...-t~Rnt l'N11.:~lat Ô."11~ · lb. lW .ti._. •
~
un 11c1.:uul fk'U' I" con111n1..-:tion ,1 · u11 ('k'nt ltÎS,uC" ,te ~O km r<"liam lc-s .t.r:u.." E'tats . Qlmr panl ' - llN ltl~ m.iil . . . . Wi ~
do .Jcvcmr lt1 1uumior fcmnu"s"ur en YtlL, P4f 11unduc.. ~ tlabn:(R.
Au Liban. c'est la démographie chiitc qui a changé en profondeur un profil
politique du p.t~• s hlndé sur l'équilibre des communautés. La prédominance de la
btlU'b'OOi~te beyrouthinl' sunmtc a été remise en question par l'essor démographiqu~
deschiite>1.
11 n'y pas "u de ra--ensemcnl .1u Liban depuis 1932. On ne dispose donc que d 'une
estimation des proportions relatives des communautés libanaises. Selon cette
estimatillll. lt•s ~hiites et'nslitucraienl dl'sormais environ 50 ')(, de la population, 1..,..
sunnites 1111~ dN.iles rt'unis, 25 'X. el les chrétiens 25 % .
Les ,-hntes du Liban sont localisés principalement dans le sud du Liban el a la
periphént> de lk-vrouth où ils vinrent se réfugier à partir de 1978, et surtout de 1982,
lorsquo> les lsraélit>t\S attaquèrent le Liban . Le Hal•t>l/a/1, parti de la résistance islamiqu•
à lsra!!I .....:rute essentiellement, à l'intérieur de la comn1unauté chiite, des paysans du
Sud qui vivent à proximité d'lsral!I et ont connu l'occupation de 1978 à 2000. Une zone
lil>anai5e - dite des fem1es de Shaba - reste cependant occupée par Isral!I.
Corte 7ll : LI.-s ,.,,unmunautés du Liban

••Le• n/nouire•. ot"• ~ • chHre• d e Syrie


La secte des alaouites - les sectateurs d'Ali - s'établit au x1e siècle dans les
montagnes du Djebel Ansarié de Syrie 1 . Elle se donne le nom de Nosaïris 2 , qui provient
sans doute de Ibn Nosa:tr, théologien de la fin du 1xe siècle3. li est probable que
l'histoire de cette communauté mystérieuse mélange des éléments paYens, chrétiens el
musulmans dont elle a produit une synthèse sous la forme d'un culte qui divinise la
personne d'Alr.
Durant le xue siècle, les alaouites, sous la double pression des Croisés établis dans
le sud du Djebel Ansarié, et des sunnites de la plaine, continuèrent leur développement
montagnard>. A partir du Xl)(e siècle - de manière parallèle aux maronites du Liban
qui Ïn\'eslissaient en partie Beyrouth -, les alaouites commencèrent à descendre des
monl3gnes et s'établirent dans les plaines du Akkar du Sud, de Latakié à l'Ouest, Ghâb
a l'Est. Ayant créé, à partir de 1860, de nombreux villages, ils prirent le contrôle de la
S~'Tie. Les chrétiens et les sunnites furent refoulés vers le plateau de Hama. Les
alaouites s'arrêtèrent cependant sur la rive gauche de !'Oronte et laissèrent les sunnites
s'enfermer dans les bastions de l'Est.

1 La liCICzt: ~·i:::a1 rip&odul: dam. la S)nt:: du Nord c:1 dans les Etats Jes Cm1rs ha1m.lonidcs t.l'Alcp - 905 à 1004 - pull Jfs
~ - lo:?.1-1019- d'ob6dimcc chiite . C'est rrrobablcment 111 réaction sunnih:: ~nu s lç!i S c ldjoukuJcs - en Syrie Je I018 •
llll - c:1 lcs ù:akida - xucuk:Je- qui pmü..'iC à gagner la monta&nc. à panir du dernier quan du x1c si~lc . On a L! im

Cll:l:llplic de~ qu.i a ttouvC dans la montagne un refuge: â ta m11téc montante sunnnc . Voir notre section cof\YC'fte l LI
__.,...m
.....,,.,._ X . dE PLANHOL, W Na1ioni du Proplri-lt!'. Manuel g éugruphlqm..• d t.• politique nm:wlmant!. Po.ris, fayud, 19'11.
p. !OS
~ n es m:ipcm1Ul de ne pu coofondœ ntn.aln et nîzan : IK nizarî11 son1 des l!tmnélicns, tuujoun r~cnts en S~TIC'. qw
~ d'im ~a.u 1c:n:1C< dur~ V1CUA de la Montagne, H.ash1d al· Dîn Smàn , h:<1ucl ava11 bâu un pu1ua.n1 Etal entre la
,......... ~ ck la pi'UICipMlli' d'Anltoebc cl du comté de Tripoli d'une part , cl les royoume:1o mu :io uhnuns Je Nilr al -Oin, ru• .~ Or
5.ùldiD. d"illl&R J811 . l...a. bommc:a du \'iau de La MunlAgnc sonl nucu:ll 1.:onnu s sous le nom tl'A.,.sus!<omS. Quunl aux Ntu.a.rn~ 1l!.
~ksNi.z:am..

1 Ph,œ ~ uac populalion dC!I; Naz:an:n1, •iluéc il l'uuc5l U'ApamCc W.m .. ha vulh!c Je l'Omnlc X Je l"LANllOl ... L~
.~ Ji,r Pnpl!llW. "4MtMtJ g«.gruplnqw dt: pulilU/Uf! mwulmu11c:, Puns, Fay1m.I, 19 9.1, 1>- 20S ; Il Cl J. SOURDl:L. IJ1c1ù.,vwir-r
~w~ru/Olft,Puu,f' . Uf . , IY96,p. b21
4 de V1itC rdi&iau, La rwclé da. fh..1:6quC:c-i c,.c nocablc ; cc S-Ont ~ pclll~
Du~ ~pctwurc'" - - :.u yilna -- que l'on uuu\·c ~
\AQl:ltWptd'Plo'~ da.pcnuoo.ap .ainb, qui fonl uffiçe de l tt:UJll. t.lc cul1cs.

S l . dr\'AUMAS. "Le Djebel Am.arich : f.1udc de 11Wgraphic hunuunc" in RGA. 1960, p . 299 .
Cluipllre 3. U. r<!ltglon

Au xxc siècle, la conjonction de l'idéologie natlonali~te arabe et laJclsante et de la


logique communautaire aboutit à l'instauration de l'actuel r~me syrien•,
principalement contrôlé par les alaouites, et ce au prix de l'écrasement sanglant de111
velléités sunnites.
'·""'l'"' 1/ca c:ulifi•ls r.l1iitf"I ri 111111.nil" 11'uffronlaienl
Le monde arabe n'a pas toujours été ce qu'il est aujourd'hui : un monde largement
sunnite parsemé de minorités chiites singulières. À partir de 969, s'établit en Égypte un
califat dissident du califat sunnite abbasside, reconnu dans presque tout le monde
musulman . Comme l'écrit René Grousset, entre les deux califats, "le fossé confessionnel
était aussi profond que celui qui, dans le monde chrétien, séparait Byzance de la
Papauté"2, L'apogée des Fatimides d'Égypte tient au règne du calife al Mustarurir
- 1036-1094 - dont l'empire englobait l'Afrique du Nord, la Sicile, l'Égypte, la Syrie et
l'Arabie occidentale3. Ces chiites dissidents établirent des relations fructueu5"9 avec les
Européens - notamment entre la Tunisie et les républiques italiennes, Amalfi, Pille et
Venise - et les Indiens. Les deux principaux ports des Fatimides étaient Alexandrie
d'Égypte et Tripoli de Syrie, à partir desquels des bateaux partaient ven l'Italie et
l'Espagne.
Les Croisés surent tirer parti des divisions de l'islam; ils jouèrent un IIUJIIl61t les
Fatimides contre le califat sunnite"'.

3.3.4. Une géopolitique du sunnisme


Le suruùsme est l'islam majoritaire que l'on assiJni.le à l'islam de référence ou islam
orthodoxe. Un musulman suruùte se représente comme un vrai musulman, les autres
branches de l'islam faisant figure d'hérésie5.
Le suruùsme n'est pas un bloc uniforme. Il rassemble des écoles de pensée
différentes. Quatre grandes écoles juridiques en forment l'assise6: l'école hanbalite;
l'école chaféite ; l'école hanafite ; l'école malékite.
Le hanbalisme
Ahmad Ibn Hanbal, fonda ce courant de pensée sous l'Irak abbasside, dans la
seconde moitié du JXe sièc)e7.
Le hanbalisme est la tendance littéraliste et traditionaliste de l'islam sunnite; elle
fut active à Bagdad jusqu'à la fin du califat au XIII" siècle, puis en Syrie, mais dklina
avec la conquête ottomane au XVI" siècle. C'est l'essor du wahhabismeB qui la réactiva
au XVII" siècle, avec l'implantation de ce courant en Arabie Saoudite. Le wahhabisme
se donnait pour objectif l'établissement d 'un État sunniœ9.
Les traits forts du wahhabisme sont la toute puissance de Dieu dans le Bien et le
Mal, la prédétermination - pas de libre-arbitre-, le caractère incréé de la Parole
divine, l'obéissance inconditionnelle au chef de la communauté musulmane, et œà

1 M . FLORY, B KORANY , R . MANTRAN . M . CAMAU. P. AGATE. U. ...,,,_, puJu..,_. ..-.. 1"lns. P.U.f . 1 -.
p . 106-110.
2 R GROUSSET. Bi/1111 ik l'hi:rtoiN.·. Paris. Plun, 19"'6.
l D SOUROEL, lli.umrc.· 4/,•.r ..trubc.·.~. Pan~ P U .F .• tQ7f\, r- 57
4 \'on noire 5\Xlion ..:Clruau:rtt aux C'"'t:oaJcs et rlus romrl~11:mc111 R. GROUSSET. Lc.J ~-~. n!!iOd.. hm. P l' .F_ 1994.
S l GARDt:.T. L,·:r hu mm,..:1 .J~ l'i.'ihlm. Jl'pnxlk- t4-s """"''''""·t· Complue. llol'7. c..Mp. I\' . '"U '*Ica t-1*- ~..
p . 246-2b0.
6 o. et J . SOUkDEL. o ;..·11om1uin · hi..m •ri'/ML' .11· 1'1.\l.m1 , l'ans, r.l l .. . f'. n~- 1"1b..
7 M~m. p 335.
R 11 LAMMENS. L 'b l11m t( 'n 1 1 ·c11u · ,·.~ ... , m.ttittdiUASJ , _l• o..'J. ~ymul.h. hnprimc:ric! ~dea.,T1*111.,, 19"l3. p. 2~.

11 p cl J . SOURl>~L . Dù·1ic,,,,,,,,,.... hü·rctr..,w • I'-',,_,,· Puis.. P l1.I·· . l~ r . ~7 .


...

mêaw s'il l16t impit". Les wahhabites affichent une opposition violente à l'encontre du
,'hilsine et du bl.ut1, une tendance qui. à l'intérieur de l'islam sunnite, vise à introdu11e
la lÙIOI\ humaine pour discuter de la foi.
Cette- <'<:\>le juridique J., l'islam sunnite est le véritable foyer du traditionalisllll'
islamique en.'C're appel<' L.'<lamisme, c'est-à-dire d'un islam <lui accorde une importante
toute ~re .iux hadiths, à la Tradition formée par la swma - actes et paroles du
~-
Selon œrtains orientalistes. le wahhabisme est une rupture avec l'islam classique
c'est notamment l'avis de l'historien libanais Georges Corm1.
,,...._Ji._
Cette- école juridique fut fond~ au Vlll" siècle par Abù Hanifa2. Peu rigoriste, Abû
Hanila pr()nait l'usage de la réflexion personnelle et une certaine souplesse dans
l'inlft'pn!bltion des textes. L'école est donc sévèrement critiquée par les partisans du
hadith.
Abù Hanifa autorisait par exemple la consommation modérée du vin de datte; il
proposait des subterfuges pour permettre le prêt à intérêt ; il fut le promoteur du
principe de l'i..<J1tih..""11 ou "recherche de la meilleure solution".
l'école hanafite fait montre de sympathie pour les écoles théologiques
rationali.o;antes, et affiche une inclination particulière pour Ali, se trouvant ainsi
quelques points de convergence avec les chiites. Cette convergence autour de l'imam
Ali explique que nombre de hanafites furent proches de la dynastie chiite des
Fatimides, et que les druzes du Liban se reconnaissent aujourd'hui dans le système
hanafite.
Du point de vue géopolitique, l'école hanafite est l'école turque par excellence; elle
sera l'école officielle de l'Empire ottoman. Son origine est pourtant localisée en Irak où
elle nsle forte.
l'école hanafite est répandue en Syrie, en Transoxiane, au Khorassan et en Inde,
régions où l'islam est relativement souple dans son expression. Cette souplesse permet
de mieux comprendre pourquoi c'est en Syrie et en Irak que chiites et sunnites arrivent
le uueu.x à s'entendre, à l'inverse de pays imprégnés par la mentalité hanbalite, comme
l'Arabie Saoudiœ.

Le malikisme
Cette école juridique se réclame de Malik Ibn Anas3 et s 'appuie sur une pratique
medinoise jugée supérieure aux hadiths. Elle se répandit à partir de Médine en
direction de l'Irak, de l'Égypte, du Maghreb où les Almoravides la favorisent au
XI• siècle.
l'école malékite se trouve aujourd'hui essentiellement au Maghreb et en Afrique
œnlrale, occidentale et orientale.

1 1°Dlll a.amc- k ........... al en ru~ druuquc :.vec le judnJsmc 1ndüionncl dc:<1 rubbans Jcs ghcuos ou mu:u.ll encore eau
de S.-X cm..::a:ta - ~ dcpw• des rrullina.t~ -"llr I• lCrTC promHc, le w11hhuh1!';mc c!ll une c:uupurc d'avec l'Wam
~. . . ic:ulic:f, ~iqucs taft'"lnfts, ;my1111f IOUJOUl"!'I mtégni: toul )'hénLBgc pcr.;c. SR:.: W1C:u:n cl byznnun . ~
_....,..ka mm1n ...aa.o. ta h~ia 10Caal1:9 complcAa l~gilimécs p~nout .:n Orient :trabe pur Jc.s 1raûi1ion.s di,,cn1fim C'I
. . . . _ . . l"ltlmlDlll!f an .,...ics ClVllisarioos mbopuramu:nncs an11qu~ et ' IUC lu c 1vih!ialiun de l'1sh11n d1LM1que n&l'I
~- Ea niaült. W wabl:labilml: YOUdicn qui s'inalallc Wmlli l'ordre politique au xxc- Cllil une ttpuJ1duun ahst•luc Je: l'u.lm
~a cele dia fait dr ,.._ ~ ~h.Jq~ . Ntt dan!i. le U6lcn Je lu ..::1vi li!iation i!dum1quc. i l l'a en cnèt 11~i..&lcmcnl
qlllillt i-s s'Ulllllilliia ~
le. p.nd. œ:nlla wbaina Ju Muyen·Orîcnl, lu::ux m1lléna1n:~ Je c1" il i~uliun, h1en ll\'UOI les Gin-...
~ Cl lies~- id G . CORM. L 'Eluo~ d l'Ori~"' (c/e lu hullwni.vution ù lu /lbmris"tion, hutoîr,• J'un.• trtoJuruk
~J ...... l.aDm:uuw:ne.1991 . p . UU,

20. ctl SOUAOl!l..IJ~hUturlqJ1C•l'Ulam, Paris, P.U . F., JI · JJ4- l .1 S .


lt-.p.n•
Owiplltt 3. La ..,llglon

L. r/ueftli.•m~

Cette école juridique se réclame d'un juriste du début du (Xe 5iècle, al-5hafti1 . Il
introduit Je raisonnement logique et le principe de l'analogie pour faire des déductions
à partir de textes fondamentaux, et défend l'équilibre entre le Coran et la Sunna. Le
chaféisme est une réaction contre le malékisme et le hanafüime qui fai9aient trop
souvent, selon al-Shafii, appel à la réflexion personnelle; la Sunna exc:lut la tradition
vivante de la communauté et s'en tient à la sunna de Mahomet. On peut donc:
considérer le chaféisme comme plus rigoureux que les écoles malékite et hanafite.
L'islam chaféite s'implanta en Mésopotamie et en Syrie, mais les mamelouks de
l'éc:ole hanafite lui firent perdre sa prépondérance en Égypte et c'est d'une manière
générale l'islam turc qui provoqua son recul dans le monde arabe.
Aujourd'hui, le chaféisme caractérise l'islam en Indonésie, en Asie du Sud-Est et
aussi en Afrique noire orientale.
En dehors de ces différentes écoles juridiques du sunnisme qui mod~lent beaucoup
le profil des États musulmans, il faut connaitre le soufisme. un effort mystique qui est
aussi source de particularismes géopolitiques.

L••ou}ume
Le soufisme2 est un mouvement mystique né très tôt dans Je monde musulman et
qui a pris des formes diverses. On le compare parfois, du fajt des formes de confréries
initiatiques, à la franc-maçonnerie occidentale. Il en est pourtant très différent.
Il s'est heurté à la doctrine définie par les théologiens sunnites, surtout les
hanbalites car il prétend unir l'homme à Dieu - comme tout mysticisme - lors ml!me
que dans la théologie sunnite, Dieu est absolument transcendant et l'homme
absolument temporel. Il se caractérise par une forme de renoncement aux biens du
monde - piétisme - • une volonté de recherche de l'extase qui est proche de la vie
érémitique des chrétiens ou des communautés bouddhistes d'Asie centrale.
Le soufisme s'est surtout implanté dans les régions tardivement converties à
l'isJam3. Jusqu'au XV• siècle, on Je trouve surtout en Asie centrale et en Inde où il fut
l'un des fers de lance de l'islainisation, ainsi que dans Je monde turc.
Les confréries soufies, jugées de connivence avec Je chiisme, furent per.iécutée5 par
l'islam sunnite. Le wahhabisme est de nos jours un fervent ennemi du soafisme et
s'emploie à réduire son influence dans le monde musulman. D faut din. que le
soufisme fut un instrument de sortie du sunnisme dominant. Ainsi en Pene. c:'est d'une
dynastie soufie que naquit la dynastie des Séfévides.
Au xrxe siècle, la réaction anti-oc:cidentale provoqua un renouveau du soufisme
qui se développa au Maghreb et en Afriqué . Les formes persistantrs de soufisme sont
observées aujourd'hui en Afrique et Inde.

1 Jb iden1, p . 747 ,
! •Le soufis me. nl-ta..~wwu f. '-"SI Wlc voie s pll'itut:llc 1shuniquc. d plus ~iKmœl une "Ote èm&aiqm: Cl imcmDqi.c - aum
duons une \.-oi e cl non la voie c ar 11 l!:ot1s1c en 1s lun d"aulr'r'!I: ...-ounants cs..neriqucs d mitiariqua.. 1."'CllDlm: ri ~. C1 ifllC: r°"
trouve par 11illcUJ"!t dc!l v oi~ :içp1ntucllcs - td!O l'L"Cl!tismc - qui n'ont pu ces. canctha.. C'e:.U une voie e.c:i:riqae. J9'Œ lfD'il
•'ordonne o.utour d'une doctrine sdon ~ucllc toute n!:tl irt cmnponc un :df'C'CI utCncur ~ -- au ~ -:allo' --· « tm
upcrct tntèneur i.: n ch~ - - o u C sutêm.~uc . ba.t in - . Cl le :-:uuti.sn~ ~ pR:xn1c lw·mêmc cummc ra.poct 1.-;,cur d ~ *:
l'Ulam. ". m C . IJONA lJ D . L.· S. H~/i:rmL' . ,1/- lu.,·mn,·ut ~·1 J.., ,\p1r1111uli1., uiumll/Jn'. ~ 1\tamaa-MU.~lnm- .:ka ~
:anbe. l'Nl.p li
.l O. cl J SOUROEL. l.>lt'ti1u muin· lu ..-11•r tqH1· .Ir l'u lom . Pv.n!t. P . l~ . F . l'Nto. r . ~~ 7"'."I
4 '"Au 'iri-dc J.c nucr . pnucipulcmcnt en :\ fm~uc k :. nm î~ ...~ J nt ..k..,,h,~-~ llDC ~ d villë ~ œricutt. La~'~
de œne u11vi1C, ho111lc au proll.~ s Jp; la ('Cn~tnlt'l'' ' ~wur<'c'nltie .•.:1111 . pur .:-mttt. proft..t & 5a ~ ,~Jm. llti......._
noir•, 1n H . L.AMMENS, L '/.dun1 tO".nwr..·t·.ç l 'i ;n..mruti 1J1u1• .1'-' c:d. Bc:o"roWh. 1~ ~dit~ I.,__ l..~
p 171
-
En Libye, la dynastie des Sénoussisl offre un exemple de soufisme important du
point de vue gropolitique. Les Sénoussis forment un ordre mystique musulman de
type 50ufi n1ttachê à Muhanunad ibn Ali al-_S,müsi - 1787-1859 - lequel représentait
Wll?de; ~s des ldri.<iy11 à l'origine de l'Etat de Libye .
L'influeno..-e des Sénoussis se foit sentir au Sahara, dans le Soudan sahélien, et
l'implantation principale en est localisée 1fans le golfe des Syrtes - au nord de la
Libye.

3.3.5. Nmnndisme et réforine religieuse en islam


Dan.~ la S«tion col\Silcrée au clan, on a signalé le rôle primordial du nomadisme
dans l'islam: les nomades ont fourni des dynasties qui se sont sédentarisées; c'est
ensuite à partir de villes qu'ils exercèrent le contrôle de leurs États ou de leurs califats,
a\'ant d'Mre supplantés par d'autres nomades. Rien cependant n'aurait été possible
sans la religion. Xavier de Planhol foit remarquer qu'il fallut "à l'agressivité des
nomades, la sanction de la religion pour qu'ils puissent s'imposer et pour que les
fragiles émirats de pasteurs atteignent le niveau d'États organisés"2. S'enflammant
fac:ile.ment. coutumiers du pouvoir charismatique, les nomades furent toujours un
champ fertile pour les reformateurs, les illuminés, les guides spirituels - mnlrdî. Qu'il
s'agisse des Wahhabites, des Almoravides, des Séfévides ou bien encore des Sénoussis,
on retrouve toujours l'êquation nomade-mouvement sectaire-rigoriste ou orthodoxe3 et
certains historiens ont montré l'importance du fait sectaire dans les origines même de
l'Empire ottoman~ .
Cest la raison pour laquelle le monde musulman doit être regardé non pas comme
un bloc wù, mais comme un ensemble très hétérogène dont les singularités religieuses
ont toujours été une source de fractures géopolitiques.

3.3.6. Bilan géopolitique de l'islam par grande zone géographique


Afriqur noi,..
L'islam a pénétré !'Afrique occidentale et centrale sous la poussée transsaharienne
des populations berbères arabisées du Maghreb, l'Afrique orientale par le commerce
des navigateurs arabes, perses et indiens de l'océan Indien . Depuis, l' Afrique noire n'a
jamais cessé d'être le réceptacle d'influences islamiques venues du Magltreb (Maroc,
Libye), d'Égypte et du Soudan, d'Arabie Saoudite ou d'Iran, toutes concourrant à
l'islamisation du continent en même temps qu'elles sont rivales. Puisque la
colonisation européenne avait été dans la deuxième moitié du XIXe siècle, un frein au
développement de l'islam, christianisant suivant le profil du colonisateur (catholicisme
pour la France, anglicanisme ou luthéranisme pour les autres), le reflux colonial de la
deuxième moitié du xx• siècle, a logiquement entraîné un regain de la prédication
islamique, laquelle se heurte, depuis la fin de la Guerre f~oide, au développement d'un
évan~lisme radical accompagnant l'entrée en scène des Etats-Unis dans la région.
Pour plusieurs États africains se situant entre les latitudes 10° et 20 ° Nord, à
l'opposition rada.le entre des populations arabo-berbères du Nord et des populations

t D Cl J. SOL;'"RDEL. Dk.liofflfUin· hiJmrit/"*' "4.· l'i.sium, Puns , 1•.U .F .• ''''"'· p 7 -\4


:z )(_de: PL.ANHOL. Ln .V a1luns Jr1 Pr'1pl1~tr!. Atonud K•!ui.:rupl1iq11t• d '-· f'Ulit iq1u· mu.ullmu"'-'· l'uri s , F11yun.I, l 9 1) .\ . p. ~M

}/llM.p.47,
4f. WP'llÜLÛ, Laaripncs di: I ' ~•~ ottoman, Pana, 1'1)5. cité pnr X de l LANllOL. /.•".\' Nt1llmu ''" l"ruphèh·. /.fum,wl
1

~ • pa/ltÏiflH lffUSMlmurv, Paris, fD)'•nJ, 199) ; R . r . LINlJNER, Nu,,,ud' uml uuommu ln n1tt1lil!•'1 1I Araatul-1.
e~ IDdi.lu Uaivcniry Uralic and Alonc §crics, l •JKJ, I' · 1.. 4 .
Chopltre 3. U. religion

noires du Sud, s'ajoute la fracture des religions. Le choc des civilisations y augmente
pour deux raisons : premièrement parce que l'islam progresse démographiquement
partout et que les minorités chrétiennes pèsent de moins en moins dans les ~tais à
majorité musulmane. Deuxièmement, parce que l'islam dérive vers l' islamisme. Toutes
les grandes sources de radicalisme islamique sont aujourd'hui représentées : aussi bien
le fondamentalisme chiite soutenu par l'Iran et certains milieux chiite!! libanais proche
du Hezbollah que, chez les sunnites, les Frères musulmans d'origine arabe, les
wahhabites d'origine saoudienne, la tendance indienne de l'islamisme, la tendance
soudanaise (le mahdisme) . Et l'islamisme tantôt se heurte violemment à l'islam
traditionnel des confréries, tantôt parvient, par l'argent déversé, à se développer par le
biais des canaux initiatiques. Partout comme au Nigeria ou au Soudan, où l'islam
flambe, la guerre fait rage autant entre chrétiens el musulmans qu' entre tendances
opposées de l' islam.

Nigeria : Dans ce pays musulman à 70 %, déjà 12 États de la Fédération sur 36


appliquent la charia. Le 6e producteur mondial de pétrole est au bord de l'explosion
ethno-religieuse. Dans les montagnes du Nord-est du pays, près de la frontière
camerounaise, des miliciens islamistes dits Talibans, qui terrorisent les villageois et
défient les troupes gouvernementales, veulent établir une république islamique.

Soudan : le pouvoir islamique de Khartoum soutient deux fronts : un front anti-


chrétien dans le Sud et une dissidence islamiste dure dans le Darfour. Le cas da
Soudan illustre l'évolution inquiétante de l'Afrique vers des conflits religieux entre
musulmans et chrétiens d'une pari, à l' intérieur de l'islam (islam traditionnel contre
islarrùstes, mais aussi tendances radicales de l' islam entre elles) d'autre part.
Afrique du Nord
En Afrique du Nord, l' islamisme s'est structuré autour de deux œndances qui
constituent la matrice intellectuelle d ' une multiplicité de groupes politiques et armés :
le traditionalisme sunnite du salafisme (il s'agit de suivre la voie des ancêtres, les
salafis) sur lequel l' influence du wahhabisme d'origine saoudienne est
particulièrement forte ; l'islam social et révolutionnaire des Frères musulmans (né à
une époque où le marxisme était puissant partout) radicalisé par les écrits de Sayyed
Qotb (on parlera parfois de qotbistes pour les adeptes de cette tendance). La tendance
des Frères musulmans s'étend depuis l'Egypte sur le reste du Maghreb dans les années
1970, puis elle renco ntre le wahhabisme saoudien et la bienveillance ammcaîne en
Afghanistan face aux Soviétiques. L'eclatement du problème islamiste en Afrique du
Nord correspond durant les années 1980, à la stratégie américaine d'alliance avec
toutes les forces anticommunis tes. militairement au début des années 1990, au retour
des "vétérans" islamistes d'Afghanistan dans leur pays d'origine.
En Égypte, la mouvance des Frères mus ulmans. responsable de plus d'un nùllier de
victimes depuis le milieu des années 1970, mais pri,·ee de role politique légal et
confinée au terrain social (où elle travaille à .1sseoir son influe.nœ) entretient des liens
avL'c le Comité du Djihad, ce n.'seau international initié par Ben Laden en Afghanistan.
En Tunisie, le principal mouvement islamiste né de la mouvance des Frères
musulmans. très affaibli tt la fois par la r.?pression du pouvoir et par les succè> socio-
&:onomiqu es de ce lui-ci, S<' trouve .1ussi entraîné dans la dérive du terrorisme
intL'rnational. En Algerie, l.1 dynamique du d~but des années 1990 qui conduisit à la
victoire éh.-ctorale d,• 1991 l' , 1U S <' de la guerre civile. et rencontre de deux courants
idéologiques pui ss.1 nts (Il' ,.,11,lfisme. ltmdance transnatiolldliste et le djazairisme,
tendance islamo-nationaliste) a ètè très largement brisée par le pouvoir. De près. de-
30 000 combattants en 1994, les Groupes islamiques armé!ô (GIA) !'Ont passés à moins
d.unt (Wlliùne aujourd' hui. Mais le GSPC (Group .. salafistc pour la prédication et le
('(lmlwt)· qui opènl d.ans 1t' Sud de I' Algérit> jusqu' à la frontière malienne entretient
l' în$tabili~ .ru" confins lt"9 pays sahari ..ns. Ses membres font le lien entre le réseau
il\~matiOOlll (Al Qaida) et les rébdlions locnles en mal d ' arnws, d'argent l't
d'ideolngie. Au Ma~ les ôlulorités C<lrnbattent l'islan' politique armé (répression fo~
.iprèl lo!5..ittenlats Je mai 2003 à CnSilbhmca) en même temps qu ' ils en tolèrent, dans le
rnamp !é!t.tl, utw version limitée.- à la critique de l'importation de la modemitf
oo:iJentale.
L·nnrloi ~ la io!TI! a donc très larg.. ment réduit l'islamisme anné dam le
~hn.~; mais l'tdrologie reste attractive pour de nombreux esprits, indignés tout à la
k!i:> del ~uili~ avec l'Occident (Palestine, lrak) et de l'occidentalisation de leur
~

-~.;...iu ·'"d-E..,
I'~ oriental de la projection historique d" l' islam, l'Asie du Sud-Est n ' échappe
~à b tlamt.ét> islamiste dont la principale caus e est l'alliance nouée (dans les années
lWI en AJghanistan) entre l'internationale islamique de Ben Laden et la Jemaah
lslmniyya 01) qui fonne comme proj"t géopolitique un État islamique du Sud-e1t
.isi;ati.:j~ reurùfiant le Brunei, le Cambodge, l'Lndonésie, la Malaisie, les Philippines,
Singapour <'I la Thaitande.
Ouin- les Occidentaux (attentats de Bali en 2002, de l'hôtel Mariotl el de
ramba."5ade J·Australie à Jakarta en 2003 et 2004), les chrétiens des archipels
Indonésiens. faib!Pment protégés par le pouvoir central constituent la cible pri\•ilégife
dei groupe!' radicau:< : 5 000 morts et plus de 700 000 déplacés dans les Moluques
~ t9'19. 5N1s la pression internationale. la Malaisie qui avait accueilli le fondateur
de- 14 Il fuyant la rëpression de Suharto, tente aujourd'hui de se débarrasser du réseau
is!Amish>. Mais celui-ci étend ses ramifications jusqu' à un pays majoritairement
Qtholique, les Philippines. où il s'est accouplé avec le groupe séparatiste Abbou Sayya!
islw de la minorité musulmane et connu pour ses enlèvements avec rançon. Le
Nntnge d ' un ferry qui avait fait 130 morts en février 2004 dans la baie de Manille était
en fait un attentat islamiste. Même la Thaïlande, pays majoritairement bouddhiste, fait
faœ. dans ses trois provinces du Sud à majorité musulmane, au réveil, sous la pression
.tr l'islamisme global. d'un séparatisme musulman ancien qui a fait au moins six cents
morts tddats. policiers. moines bouddhistes, enfants même, égorgés ou décapités,
eco1rs incendii!es ... ) depuis le début de l'année 2004.
c.....-
Oulft la continuité de conflits identitaires et territoriaux entre peuples voisins
(lllinoritéo; ablchaz.e et ossète soutenues par les Russes contre la Géorgie, Arméniens et
~ . .. ),le Caucase connait, depuis la fin de la Guerre froide, une flambée
islamisl'e \isanl 3 refouler la Russie autant des terres musulmanes qu'elles a colonisées
au XD.• ~iècle que de son "étranger proche". En Tchétchénie, un séparatisme ancien et
n!\.-unent dont l'ongin.- du réveil est à chercher en Afghanistan dans les annees 1980,
rallie à IW,. part.. biais de l'argent et des réseaux wahhabites, de nombreux partisans
du djihad mondial. Toute la région s'en trouve déstabilisée, Daghestan, lngouchie,
~du l'l:ord (massacre des enfants de Beslan 1.. 3 septembre 2004), au-delà même
ruisqu<' les Rus....,,; ont démantelé des réseaux wahhabit e s dans les régions de Penza
{œntre) Oulianovsk (Volga), Orenbourg et Sverdlovsk (Oural) et que les Géorgiens ont
fait app!'I atu forces spéciales améncaines pour traquer des groupes tchétchènes dans
la val.ltt du Pankissi. Mais force est de constater qu .. l'islamisme dans le Caucase
muche Surtout les zones d'influence russe et qu' il délaisse des territoires qui se sont
orientés Ya'5 les États-Unis. c<>mme la Géorgie et I' Azerbaïd;an ; sa fonction reste donc
Ch&rlt"' 3. U. l"t!llglon 361

anti-russe et fait directement l'affaire de lArabie Saoudite qui redoulr l'aacension de la


Russie sur ln scl!ne pétrolil!re mondiale. Quant à l'alliance de Moscou et de Washlngion
rontre le fondamentalisme, pèse-t-ellc vraiment plus que l'enjeu de l'intégration du
Caucase, étranger proche de Moscou, dans l'O.T .A.N . ?
Bnlknn~

La décomposition de l'ex-Yougoslavie, à partir de la fin de la Guerre froide, a élf


l'occasion pour l'islamisme de se développer dans les Balkans et de venir concurrencer
un islam très enraciné dans les traditions locales et les confréries soufies. Au début des
années 1990, la Bosnie est devenue le nouveau djihad des vétérans d'Afghanistan qui
ont formé de nouvelles brigades mtemationales (plus de 20 000 homme9 en 1998)
tandis que des États comme l'Iran, lArabie Saoudite ou le Pakistan sont apparus, une
fois de plus, comme les pôles de soutien de la cause islamique. Si la greffe du
wahhabisme n'a pas pris sur un islam balkanique dont les élites citadines restent dans
l'ensemble sécularisées et tournées vers le dialogue avec l'Europe. del œntaiœs
d' Arabes islamistes se sont néanmoins fondus dans la masse en obtenant la nationalité
bosniaque. Leur présence dans les Balkans offre aujourd'hui à l'internationale islamisœ
un tremplin idéal vers l'Union européenne. À cela s'ajoutent de puissants réseaux
maffieux turco albanais qui contrôlent les routes de l'héroîne el de la traite humaine et
peuvent aussi fournir un support logistique aux acti\•istes islamistes.
Face à ce risque toujours latent que les implants wahhabites font pe5<!I' sur la
région, mais aussi compte tenu de l'expansion démographique de l'islam (Albanie,.
Bosnie, Kosovo, Macédoine. minorités turques de Grèce .. .) et à la perspective d'une
Turquie dans 1' Union européenne devenant le pôle de référence et de cohésion de tout
l'islam balkarùque. l'avenir de la Chrétienté balkanique parait plus que jamais
incertain.
Asie centrale
Les confréries musulmanes traditionnelles, marquées par le soufisme. avaient
toujours joué un rôle central dans la résistance à la colonisation russe. Le n!Elux
soviétique de 1' Afghanistan voisin et l'effondrement du soviétisme ilo la fin des années
80, ont donc offert à l'islam une place centrale dans la construction des idenlilés
nationales des nouveaux États souverains de la région. Dans le même temps, plusieurs
grandes puissances musulmanes comme la Turquie, lArabie Saoudite, le Pakistan ou
l'Iran ont cherché à augmenter leur influence sur ces nouveaux États (dont certain5
disposent de richesses pétrolières et gazières importantes) en IJ\Strumentalis.int
l'islamisme. Islam traditionnel, sunnite de tendance hanafite et soufie et islam importt,
souvent wahhabite, sont entrés en rivalité dans la lutte commune pour le reflux de
l'influence russe. Aprt!s le 11 s"ptembre 2001. les États-Unis ont pu profiter de cette
situation pour acc roitre leur présence en Ouzbékistan et au Kirghizstan sur le motif de
la guerre contre l'Afghanistan des Talibans, principale base arrière des nwuvements
islamistes actifs en As ie centrale. Tandis que les autocrahes post-so\'iètiques au
pouvoir dans les capitales centre a s iatiques justifiaient le maintien de kur
autoritarisme par la lutte contre le terrorisme. Russes et Américains faisaient une
priorité de la s tabilité dans une région vois ine Je l'Iran et de l'Afghanistan. les
mouvements islamistes les plus \' iolents, tel le Mouvement islamiqu" d'Ouzbo!kistan
qui fait de la vallée du Ferghana 1.. cœur dt.> sor projet de grand c-alifat islamique. ;;ont
aujourd'hui très affaiblis par la conjugaison de la répression p<.'litique et d..s frappe!>
militaires américaines . Mais leur faiblesse conjoncturelle ne peut masquer la
dynamique de réislamisation radicale. haMfite (par l.,,; confréries) ou néo-hanbalite
(par le wahhabisme) d"s sodétés musulmanes . La .:ramie J., la radicalisa~ est telle
qu' un État comme le Turkménistan a dé<'idé réc"mment de fermer son terntoire .\toute
1'11rl1r .l Prrmnncun· d1·~ 1Jn11tt.tt

influence islamique edéneure et de former ses imains exclusiven1ent sur le !;OJ


national.
G.olf• aral»-p•r<iqu•
L'engagement américain en Irak en 2003, première étape d'une stratégie de rdonte
du Grand Moyen Orient, de 1' Asie centrale jusqu'à la Corne de 1' Afrique, iWL'C le Golfe
et la Palestine comme centres névralgiques, et qui vise d'une part à assurer il lsral'I un
règlement fa\'orable, d'autre part à contrôler la dépendance énergétique des pôle-.
économiques émergents (Chine) pour le siècle à venir, a provoqué un déchainement
des forces islamistes dans toute la région. En Irak, les troupes américaines et le
gouvernement qu'elles ont installé doivent affronter une résistance rassemblant des
composantes nahonalistes et islamistes, essentiellement sunnites, qui disposent de
probables soutiens extérieurs. Pas plus la Syrie, que l'Iran, ou mème lArabie Saoudite
n'ont en effet intérêt à l'édification d'une "vitrine démocratique" dans la région,
d'autant qu' un regime à dominante chiite (la démocratie c'est le nombre, or les chiites
sont majoritaires) ne ferait l'affaire ni des Arabes sunnites voisins, ni des mollahs
iraniens qui pourraient alors être contestés par un nouveau pôle de référence religieux
controlant en plus les lieux saints du chiisme.
Après l'Afghanistan, puis la Bosnie et la Tchétchénie, l'Irak constitue donc un
nouveau motif de mobilisation pour la "cause islamique". Mais le foyer déborde
maintenant sur des pays, telle lArabie Saoudite, qui ont pourtant été, durant les trente
dernières années, les plus actifs soutiens de la cause islamiste sunnite. Riyad affronte
aujourd'hui, sur son propre territoire, la colère de composantes rebelles du
wahhabisme qui reprochent à la Couronne le maintien de son alliance avec les intérêts
occidentaux. Des expatriés d'Occident ont même été assassinés durant les années 2003
et 2004 dans leurs complexes résidentiels.
Pourtant, paradoxalement, l'activité de "basse intensité" des réseaux islamistes dans
les pays du Golfe et la répression qu'elle appelle, constituent pour les monarchies
sunnites de la région la meilleure garantie de statut quo politique. Ces pays, dont les
fondements reposent sur une dynastie arabe swulite mais dont la population est tres
majoritairement (jusqu'aux deux tiers) constituée d'immigrants, pourraient en effet ne
pas survivre aux processus de réformes démocratiques engagés sous la pression de
l'Occidenl Avant sa mort, cheikh Zayed, n'affirmait-il pas que le principal defi
géopolitique de son pays était le déséquilibre démographique croissant entre la
population émiratie de souche (seulement 15 %) et la population immigrée venue
principalement d'Asie (85 %) ? Dans ces conditions, tant qu'il y aura de l'islamisme
dans la région, et que les monarchies du Golfe s'emploieront à démontrer aux Étais.
Unis qu'elles sont des alliés dans la lutte contre le "terrorisme international", la région
sera preservée (à l'image des régimes autocratiques d'Asie centrale) de "l'ingérence
démocratique" occidentale; et tant que la stabilité de ces régimes sera assuro!e,
Washington n'aura pas à faire face à des régimes plus représentatifs d'une rue arabe
anti-américaine dont le cœur bat au rythme de Jénine (Palestine) ou de Fallujah (Irak)
Car en réalité, et malheureusement pour les dogmes occidentaux, partout où la
démocratie progresse, l'islam sunnite se radicalise, au Koweït où les islamistes sonl
majoritaires au Parlement, à Bahreïn où la pression croissante de la majorité chiite sur
la dynastie regnante provoque une aggravation des prêches sunnites anti-chiitcs
Cette radicalisation des sociétés islamiques du Golfe, au moment où l'identitc d°'
populations de la région amène celle-ci à tourner progressivement le dos au Proche
Orient méditerranéen et à offrir ses formidables ressources énergétiques (deux ti"rs d"'
réserves mondiales de pétrole) au développement de l'Asie, conslitue un dans"' r.-.•I
pour le monde occidental.
Chapitre J . l..a religion 363

3.4. Le conflit <les monothéiRmeR et <le8 religions d'Asie


Pour comprendre la violence du choc entre les monothéismes - christianisme et
islam-, on introduit l'étude par deux exemples historiques : l'histoire tragique de la
déchristianisation du Japon au XVII" siècle, et les contradictions des Anglais dans leur
politique impériale du fait de l'affrontement entre l'hindouisme et l'islam. Sont eruiuite
abordés : Je conflit des monothéistes et des bouddhistes en Binnanie; la crise du Sri-
Lanka qui oppose des bouddhistes et des hindouistes.

3.4. l. Lorsque le Japon faillit devenir chrétien


Le Japon doit l'arrivée du catholicisme à un saint français, Saint François-Xavier
- 1505-1552 -, modèle du zèle missionnaire et du don total à Dieu.
Muni du titre de nonce apostolique, le fameux jésuite arrive à Goa, en lnde1, en
1542. Quelques années plus tard, lors d'un voyage à Malacca, Je missionnaire rencontre
des Japonais et lui vient alors l'idée de se rendre au Japon ou il débarque le 15 ao(it
1549. L'expansion du catholicisme au Japon 2 commence.
L'activité forte des missionnaires catholiques portugais et espagnols au Japon porte
ses fruits. La nouvelle foi fait de nombreux adeptes au sein des élites COIJ\IJle dans le
"petit" peuple qui n'a guère de quoi espérer3 . Les rai.sons des conversions sont
multiples : de nombreux daimyo - chefs de han - et samurai - aristocratie
guerrière - le font par conviction profonde; des marchands le font en revanche pour
faciliter leurs affaires avec les Européens et pour profiter de leurs apports œchn.iques.
D'importants chefs japonais4 adoptent aussi la nouvelle religion.
Mais les vieilles religions japonaises - bouddhistes et confucianistes - finissent
par considérer le christianisme conune une menace majeure. Os sont aidés en cela par
les insinual:lons des ennemis du catholicisme espagnol et portugais, les protestants
hollandaisS .
Le christianisme est interdit au Japon en 1612; les effectifs de la nouvelle religion
sont alors compris entre 300 000 et 700 000 personnes sur 18 nùllions d'habitants. La
répression est terrible : abjurations publiques, tortures, bûchers. décapitations; ceux
qui tentent de résister sont impitoyablement massacrés, enfants compris. À Shimabara,
en 1637, cent mille guerriers affrontent trente-sept mille chrétiens qui sont exterminés
jusqu'au dernier. En 1671, le gouvernement de Togkugawa - ou Bafuku - constate
qu'il n'y a plus aucune naissance enregistrée sous la religion catholique6.
Cette politique anti-chrétienne se combine bientôt avec une politique de fermeture
du Japon aux intérêts commerciaux étrangers. L'entrée dt'S ports autres que Nagasaki
et Hirado est interdite en 1616 à tous les navires marchands étrangers à l'exception

1 Le roi Jean Ill de l•ortui;11I dcmandc J1.."'S missionn.:urrs o.u Pape Paut Ill ~ sa.int l!flXC' Je- L o~t'I~ dtslpic ~• ftwmÇo'5
Xa\'tCf.

2 H C . rur::c11d1r .. 1-/uunrL· d ..·." rl'li~ium» raris . GalHmani. IQ'Xl. \'.°OU . pfC'lho ~1~·. l. 11··. p. 1159
3 "Le chirTrc 1011.tl des t.u(lh!>ë:oo. au faptln se monta il Jeu:" cent milk en 1:"~7 Il attci~u 1ruls 1..-rnt m.ilk cm-uori ai J."ii,17.
qu1n<lCcl:11.a une vive cl !'o.1 mglanh: rcrs'-;~u 11011 . ". /i.J«m. r . l lftO.
.i Odü Nuhanuga ·-· 4u1 d ununi.: Je 15Moi it 1 5X~ - · 1..· t T\>y,Htmu H1dcy0Ju -. 15~1 ~~~ . O.S. LA!'DES. RK~d~
nd,. ..,. :' l 'o ur'/11111 ,/,·.\ JkHl\T\.'.\ .'J. ran$, Albm ~hchcl . l'NS. r . ~b5
de.fnallmu tl'n11n111•u dt•.\

s On ts toutcfui s ai:cus~ l\U'i!OI t.h.•s IUOf"\:hlmU.... c:>.rat:nol'i 1.f;n llir 11\CR3Lt° IC') ~utontët. JaJ'lllOalSC'S œ ~lies u Lm pbQa
chargé d'ut Cl ~ui a\'Uil Ctê n1nfht.tln~. Il\.' lt:ur .:\;u\ ('la.;. h:UJu. 4ll•lh.{U' d .:n ~iJiL d :ocmblC' hK'TI "IUllC' !..'le 'Sol.oit UQC qucn:lk C11tl"C Jio
inttT~IS (OIUntCn.:ÎillL'C. curop-:-t:n s t.."l l' EIOll JUllt.HtalS ljlll :0,111 _, l \1r1~11h: J,. la ~rs«UIMD du 1,;;11\holKi.smc.. ~ Jib, 1on t"OGmllC qs:Gl
d'infihrnt1on (\lruj'lCl.!n .
(, /Jt•rn, p. "bS . l>a\>·1J S . L111mJ.cs rcm11n.1u..: ~U(" i..~ rosutroa. unt lllU!> Cl( ~,111SCT\n · 1b i.."'OIWltuml 1'. pa:u'loe de \a ,Wtbqw
c.l'êrutfü.:pllon "'iolc-ntc du i.:hristiumsm..: mi;nCc uu Je(llll\., • ccn.: ~
Pnrlit• J . l'crmn11mct Jn idmrtlh

toult>fois des bateaux chinois. Les Euro~ns doivent se contenter d ' Edo - qui
.!evimdra Tokvo -. Kyoto et Sakai. Les Espagnols sont interdits d'entrée en 1624 ; 1...,
Portugais en 1639. Les Anglais boudent le Japon ; seuls les Hollandai!I maintienn('tlt
leurs visih!s.
La rermeture ~fait dans les deux sens. À partir de 1636, aucun navire japonais ne
pt'Ul qwtter I~ ea~ l>'nitorialcs. Un an plus tard, le pays entre en autarcie complète,
tandis que le; dizama; de milliers d'expatriés japonais des Philippines et d'Asie du
Sud-Est doivent s'instaUer définitivement hors du Japon . Au moment de l'écrasemmt
des dtrétims à Shimabara, seuls les Coréens dans l'îlot de Honshu, les Hollandais et les
Oùnois sur l'Ue de Deshima dans la baie de Nagasaki entretiennent encore des
rrlati(Jl\S a\·ec les Japonais .
Au XVI!• siècle. le Japon. après avoir rejeté avec violence le christianisme, se coupa
ilins1 du monde extérieur. Curieusement, son autarcie n'eut pas les mêmes
conséquenœs que celle de la Oùne. La Chine se figea ; le Japon, quant à lui, devait
connaitre plus tard un fort essor industriel - ère Meiji.

3_4.2- La politique impériale anglaise, e ntre islam et: hindouisme


Au début du XX• siècle, les Anglais sont solidement installés en Inde! .
~t. ils tentent de conforter leur influence dans le monde arabe en s'attirant
les sympathies du chérif Hussein et du nationalisme arabe à ses débuts. Mais, au sein
des milieux dirigeants anglais, des conceptions concurrentes font jour autour de la
question de l'Irak.
Le Gouvernement des Indes, installé à Simla, considère que l'Irak est "un bastion
avma! de la défense des Indes''2 et, qu'à ce titre, il devrait ëtre incorporé à l'Empire
britannique. Le projet du vice-roi est l'annexion par l'Angleterre du vilayet de Basra et
l'élablissmlent d'un protectorat sur le reste du pays ; celui que le secrétariat politique
de l'lndia Offia à Londres propose en 1915, est encore plus poussé : il soutient
l'annexion des trois vilayets irakiens - moins les zones kurdes de Mossoul - et
l'étlblis&ement de paysans indiens du Pendjab et du Sind dans les vallées
misopolamiennes. Les intéréts anglo-indiens s'appuient sur la diversité ethnir
religieuse de l'Irak - Kurdes du Nord, clùites du Sud - qui ne justifie pas un contrôle
deœ pays par les Arabo-sunnites du chérif Hussein .
Mm en même œmps, le Foreign Office et le Bureau anglais du Caire entendent
mettre sur pied une politique arabo-islarnique pour contrecarrer l'ennemi ottoman qui
disposr de la l.égitinùté califale3. Les Anglais comptent sur les tribus arabes de chérif

1 M. CHAUFFOUR. -i..'.lnde'". m E. PETIT. M ALLAIN , A . GA N E M dir .• H;.<r1o1r1! um11.:rst-fle dt!s pa.vs el d~ peupla, P.ans..
Li1nml: ArillO QwiUa. 191l, t VI. p . 281 -307. "'Aim1 pabcmmcnl. inlass.ublcmcnt.. l.1.1 G randc-Brcl.llgnc • 1J11vailll. pendml
..a-: ... & twalir lOUI -*'W dr: rl.ndt un ria.eau dt dérnises avancées '. le DCloutchîsum est presque une pos.sc:uion. qlliC
........ la lODC' d"~ m Penc ; l'Afgb.anl.Slall, rétif cncun:. est Ju moins . par 1ro1té. m1crd1t 0 la Russie ; Tch1~l et k
~Md dD ~ ; k Tibet at fcnnê il Luul le monde • les Ê 1a.ts chuins flanquen t Io Uimlo.me. elle- même 5aill&nt dt
n.dt dlal lt llXIDdr ;..-: ; La z.oac d'Ulllu.cacc daru le Siam. enfin le pro1 ec1om1 dLo.s Êuus malais termincn1 1'1mmcn54:' h&nt dt
~ · "Not:R poliuquir. dit Lyall. C'5t ck ddirndrc conlrc toute po:iisibllhé d'intrusion les abords de l' Inde cl d '•vol.J', cnllt
--.ksckladr ..... tct.~ . p. 100

2 Pi: . PICAL'DOU . JAJ .Ji:u:Niillfllt r/Nanla 1.- Moyen -Orient ( /914 - 1923), Brux.ell es, Cornplcac. 1992 , 11 90
J -ne. rorip:ic. da&a pulniqua c.cluniak s'opposen1 le goùvèmcmcnc des Indes .-este ullach~ di une vision 1m~na.Ju1t
..........,,, a ~ ~ paicmahaar L'I au&orit.au-e uswant les intéréls économiques brilunmqucs au num de la honDt
~ dll:s i.ad.lge:aa. Sa profa.uonnds 5'oppoKRI a ha ligne avancée pur l'équipc d'amateurs du Cuire : un g.ou\·cmcf!X!ll

. . _ , p i f le~ de CIDDk1ilen umodu&b ia.u sein de la hiérarchie adm1111stmhvc lucuh: en lhéonc uuconomc Celle v1s1uc1 pcnnt'
dr ~ tmt adMlD -apk IOV'tcnt yra aucun suppon JUndiquc . c·c11 c e1tc hgnc qui est su1v1c uupr"ts deis 1tachtmi te-1 (c
- la plllblOms ao W: wnin et la lu.na tdeolog1ques du connit mondial lui - même qui umêncron1 le triomphe de la lipt
Ch1pltre J . La religion

Hussein pour mener à bien une Révolte arabe qui !ICrvirait les intérêts anglais au
Moyen-Orient. Le projet anglo-indien vise à imposer des cadres hindoui11tes sur des
musulmans : il apparait à Sykes, ainsi qu'au Foreign Office, comme dangereux pour la
politique anglaise au Moyen-Orient. Londres optera pour un contrôle arabe de l'Irak.
Carte 3 : L'Empire britannique~ la veille de la Première Guerre mondiale

3.4.3. Le conflit des monothéi11tes et des bouddhiste!! en Birmanie


Dans l'histoire contemporaine de la Birmanie, le bouddhisme apparait. par
opposition au christianisme, comme un ferment de la décolonisation et de la
reconstruction de l'identité birmane 1 .
La Birmanie cet formée d'un noyau ethnique birman entouré de minorités
ethniques dont les principales2 sont :
- les Arakanais qui sont musulmans et vivent sur la côte de l'océan Indien ;
- les Karens de l'Est, qui ont été convertis au protestantisme par les missions
anglaises, et qui furent favorables au colonisateur.
Dans sa lutte contre les musulmans du Sud et les baptistes de l'Est, Rangoon
bénéficie de l'appui du clergé bouddhiste. Le bouddhisme d'État se montre trës
intolérant à l'égard des chrétiens et des musulmans.
Carte 3 ; L'Empire britannique à la veille de la Première Guerre mondiale
Carte 77 ; Les religions en Asie
L'identité birmane est identifiée au bouddhisme, tandis que les deux monothéismes
minoritaires font figure de religions étrangères, et sont jugés coupables de toutes les
trahisons 3 .

tmucnne ", in H LAURENS , /. ·o,.""n1 urc1bt·. 11rahumt• ,., u/œrus,,., ik / '.'9,lt J /W.fi, Paris. Anr.antl Colin. l CNJ. coll .. U HbloU"C
conlemponiinc" , p . 166
1 Le bouddhisme es 1 anwnë i:n U1mu111ic pu des miss1onm11rcs li.: Açob - -273, -:!H .1\. , J.-e..· ··· cmpcra8' qu.1 fü r1.m1tr JI:.
l'Inde el sorte Je Constanlm Ju b o u<lJh1smc -- 11 ..:om·Ol.tu~ t-galcrn..."111 un sr.nJ coo.::ilc ~ui pcnnctDll :iUWi ~ l"qpk la prupapuan
de la religiun bouddJuquc ; le bouddhisme lk\' 11..-nl rehg1on uffü:idk du pa)S binoan uu XI~ s1ikk Je noqi::: en:. H. AR\'ON. U
lioudJJrisme, Pans. P.U .F .• p 84 cl IJ2; VUll'" au:..s1 11.C PUECH Ju . Jlutm~ .leJ r.:ltgwru , Paru. Galhmani J'H9 . .:oil. ·folHi
r~1s" .1 . 111•. p. no-:u 1.
2 J SION , '"Inde. lndoclunc. lnsuhnJL·". in E l' ETl'I . M AU. AIN. A. lïASE.'-1 J.,. . Jlvuoirc Wll''C ~lk 1.fN l'V)f cl ""1:t
~u11l~s . Pans. l1bromc Arnauk Oulllct, llJI .1, 1 IX · /. 'A .111· 1k·s AluuH <'m , r 4Ml-&7 ~
l c.1=. KEY ES , "Uuddhuu liconomic!t u.nJ lluddlual t"UDLbunc:nlllhsm in Uum\a aDd Tll&l&u..r . lb M. l:i. MAI.T'Y cir:
R.S. APPLEHY , F111rck1n1entalurtu and lh~ .\'tut<. /(~tAUAi• ~- i. L'VllhllfU~'· J"-/ nu/U<'*.·~. p . lôl~IO.
0
- - - frunli~n: de I• Birmnnic
- fron1itrc Jea éAU -:wtonom1u·
1. é.im Chin
2 Illat Koch1n
) IË!m Chon
.a é.1111 Kayah
~ Êla1 Kmn:n
6 F..Lltil Mon

A Bin11a.ru cl Arukanai• dominant.a


l ma.10n1t ch.vt (Jûchin . ~

mAjorilt ru11chin

K~n

OUn

Rohinsy'1S

m1DOricCs musulrn.incs

75. Les minorités chrétiennes et musulmanes en Birmanie

3.4.4. La crise du Sri-Lanka : bouddhistes contre hindouistes


Sur l'ile de Ceylan - le Sri-Lanka - les Cinghalais de religion bouddhisle 1
s·opposent aux Tamouls hindouistes. Le clergé bouddhiste a lancé à plusieurs reprises
de \~olentes exhortations contre les Tamouls2. Ces derniers, qui avaient émigré à
Ceylan dès le Moyen-Âge, renforcèrent leur présence à fa fin de la période esclavagisle,
lorsque les Anglais eurent besoin de faire venir des populations immigrées pour leurs
plantations.

Venus du sud de l'Inde et pratiquant la religion hindouiste, les Tamouls'


s'installèrent sur la partie Nord-Ouest de l'ile.
Au débul des années 1970, une forte réaction identitaire face à l'afnux de
populabons immigrées tamoules poussa les Cinghalais à récupérer les terres contrôlées
par les Tamouls. Des troubles sanglants éclatèrent sur l'ile. La Reco11q111st11 cinghalaise

1 La carncn1cm dt lik ranonle au tn1heu c.Ju llr ~1Cclc a" J C , 11 C . l'IJl:CI 1 tht , l/u-11111 ·1· ,,.., rl'llJ.!tmu. P;m,., ü;illmwiJ..
l'f!W. coll ·r.,iw C'Uil.llJ". 1. m•. p HO. i.:enc COO\"CJ .. lllfl R-sullC" Je l'ui.:110111 de l'cmr~crcm mc.hcn A,_:11k11, Il •\R\'ON. ,,.
bot.:J/Jru~. l'aru, P ü .F . 19.51 , p 91·92

ZSJ TAMlHAIJ. ·ul.WJ.dhitm., J'oliun and V1oli!'nt:~ 1n Sri·l.&1nkoi". 111 M .I . MAl<TY cl I< S . Al•l'l.EUY. F1111./,u11011.1/11~ ·
~ IW Slu11 . k~mu!1ftll Polilin. f'<cmmrm.·.r. u11d mtlitum 1'. p ~K'J · ll 1'J.

J p VIUAL DE LA ULACHE. L <iAl.LOIS <hr., C11•t,J.:rrJ!'lt11' 1mn-1•f :H ·ll1', l'11r1s. Armiuul l "ulm. 1'1:!7.J>.1.H .
A. Ul:..\tAShE.OS. 1. I flu bntanmques. 1927 ; J SION.1 rx /.'A .m · 1/1 ·., 11F1m.uml\" lmh·n /mlrwlii1w, /11\·ullm/,· .
ctwpllre :l. L1 "'lii;lon '367

Nait soutenue par les moines bouddhistes qui soulignaient à travers l'hindouisme
t.unoul la menace qui pesait sur l'identitt'.! du Sri-Lank.1 .
Le contexte de la Guerre froide favorisa le glissement du sécessionnisme tamoul
vt!rs le marxisme-léninismel.

T~an-'-*­

T_da_
·....--
c-...-
ocian lruli~n ...-...--... ..... ..,.._._
76. Le sécessionnisme tamoul au Sri-unka

3.5. La religion composante de l'altérité


On voit à travers ce tour du monde - incomplet - des conflits ou le facteur
religieux intervient, que ce sont surtout des différences locales, plus que des religions
globales, qui s'affrontent. Ce ne sont pas des religions indifférentes aux lieux et aux
ethnies, qui se combattent, mais bien au contTaire des ethnies territorialisées qui
utilisent la religion comme composante différenciatri..:e et sacrale dans le cadre de leurs
conflits. li faut examiner alors de quelle manii'n:> les religions s'inscrivent dans la
géographie.

1
4-. Lt't"; n·ligions :" Ïn:"crin:- nt dans la géograplùe

Le point de vue idcologique pns tult• 4m· les ;;\·stèmes d '1dees philosophiques ou
politiques transcendent les pl~uplcs <'l k-s territoires. C'<-st là toute l'erreur d'un point de
vue hérité du marxism~' et qui fait dt' l.1 lutte des classes, pour l'ensemble des f"'Uples
et quel que soit lt.:- tt~ rrituire Cllns\dCrC, le n1oteur de l hü;toin.'. éch~ 0:-vêlé, au moins 1

dnns le don1aint., des Rt'l.:1 tit1ns intcrnatÎllllcllt.•s, par l 'affrunlt'lll~nt entre la Russie

l Y l.AC OSTI : \hr , Jl,. ·fi 11111111i1·, · . i1 · .i;• '• '/'""''-1111'. l'.i11~ . l·"la.11uuo11"h'U l-N\ ..n1... lc ·sn-t..snU·. p. 1-'.\1·14;\:\ C1 utidr
~r .. moulc"tlnnttucl. p l4h;\ - 1-lfJ
sovil!tiqul't'I la Chint• populai~ . Les deux communismes aur<1ient dû s'entendre, ils nC'
le purent, c.u les reah~ gropolitiques l'l'mporl.-rent sur l<1 communauté idéologiqu~ .
Er d'ailleu~. l'tdéologil' marxiste p.u-vint-elll' vt'rit;:iblcmcnt, ù un c1uekonquc moml'nf
de l'histoire son~tiqu<' , à dét.1cher la Russie soviétique de l'into'.•ret russe ?
Comme le; id~logies, les rchgions ne conquièrent pns des dmes détndtécs de l'his-
toil'l' •" d" l.1 gt."1gr.1phie Elle~ influ<'nt Mtr d,•s hommes enracinés à des identités l'i a
de; tenitom.'S : elles s'inscri\'l'Ot dans la géographie. C'est pourquoi l'expression d'un
~me mntenu religieu'.\ diffère <'n fonction des lieux et des hommes .

~ ,'
~
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shintolsmt

~
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~ Bonglodcsh
Népal
p'llld vfhicul• Il Curé~ Ju Sud
Roui han
petir Tthoculc: 4 Rinn.11n6e 12 Cor~c du Nonl
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W.. 8 V1c1mun c T1mur -l:..'1
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10 Twww1 E XinJHlllJ::

77. Les religions en Asie


Chapitre 3. Lo religion

4.1 Influence de ln géobrraphic 1mr la nature de!! religion!!


On souligne successivement les facteurs géographiques qui peuvent expliquer la
réussite du bouddhisme en Asie et que les religions ont un mode de diffusion
historique propre.
On rappelle par ailleurs ce qui a déjà été souligné dans la section consacrée à la
fonclion géopolitique de la montagne, à savmr que la montagne est une zone-refuge
des hérésies .

4.1.l. Comment expliquer la réussite géographique


du bouddhisme en Asie ?
Le bouddhisme est un mouvement réformateur dirigé contre la prédominance du
brahmanisme, religion ancienne de l'Inde.
Carte 77 : Les religfons en Asie
Lrs .!Ource~ bral11ut111i.q1iri~

Les deux pôles essentiels de la pensée bralunaniquel sont :


- Âtr11a11-Brâhman qui identifie l'âme individuelle et l'âme utùverseUe, B.-âhman étant
la grande puissance cosmique et Âtnran, le Soi intime de chaque créature;
- Samsâra est la source de la transmigration des âmes, doctrine issue des croyances
populaires.
Le complément indispensable au Samsâra - la transmigration des âmes - est le
knmra qui explique pour quelle raison l'homme est condamné à l'enfer des renaissances
successives. La position particulière de l'homme dépend des actions dans les vies
anlérieures ; les récompenses et les peines ne sont plus concentrées sur une seule vie -
problème des religions occidentales - mais sur plusieurs.
Dans la pensée brahmanique, Dieu est en chaque ètre, à tel point que chaque i!tre
est de nature divine. Les Brahmanes concilient le Âh11an-Brâl1man et le Sam.<âm, la
connaissance de l'identité de l'âme individuelle avec l'âme universelle réservée à leur
caste. En vertu du Samsâra, les castes inférieures sont contraintes de parcourir de
nombreuses réincarnations avant de naitre également comme brahmanes.
En quoi Ir lm11tifl11is n1r .' i'ilo igru•et•il rlu bruhmanismf'?
Contrairement à la pensée brahmanique, le Bouddha affirme que, loin d 'apporter
une solution au problème de la réincarnation, l'identification de l'âme individuelle et
de l'âme cosmique, d é tourne l'homme du chemin de la délivrance. En effet, puisque le
salut de l'être humain dépend de son kamra, il est inutile, et même néfaste, de se livrer à
des spéculations métaphysiques. Seules les expériences faites par les sens révelent le
kan1111. On le voit, le bouddhisme fait preuve de matérialisme et d'athéisme, là où le
brahmanisme tend vers la métaphysique.
li n'y a pas d'Ètre supr1'm e dans le bouddhisme, pas plus que de révélation ou de
mystique; le bouddhisme rejette la tradition sacrée, ce qui dispense le Bouddha et ses
disciples de tout sac rement cl de tout sacrifice. Son but unique ~'St l.i ddinance.
L'ambition est moindre qu~' celle d'une religion; il s'agit d 'une d1sdpline .
Pour le bouddhiste, le monde est irréel, vain, et seule la méditation permet
d'anéantir tout vouloir vivre . Lors que toute passion est éteinte. le Nin•1i1111 - c'est-à-

\ J. VARl '. NNI:. " Lo id ig inn vC,Jtquc", in llu 1m·r,· o/t".l rl'li1i:11•m. l. r Y7 .' ·b~ 5: A.M. l:.SNO U L~ ~l1uaduuL..mc".......
r YK9 - )lllS, Il. ARVON , /.c· Ho 11rMliirn1t·. IN(' C<l .• 1' 1m ~. l' .l l f . P,.\1 1, 1:,111 . ~Qlk.· ~i-J~<' '" o · -lft,.'( 11~51 1 pJUI la pn:a&itrc
tdi1mn) "L'Inde 11rébo111JJhi1.1uc". p 7-2·'-
1'11rlit• J l'rr1111mrm:~ tll'!i idl'1Jl11j,

Jin1 pré<istmc!nl l'e\linclmn - <'SI olltc!intc. Il n'y alors plus dt' réincarnation •·I le
l..,..,ltthisk t"Sl Jcfinitiwmenl dt<l1vr<' .
1'1>ur •ppniclwr Il' N111>à1111, Il' bouddhiste pratique Il' Yox11. <Jui n't'st pas une
mc'ttK"'-ft' l."Olllt~mplahvc . 1n,•is au conlrairt! une discipline pratique faite d'cxcrcJcl-s
ph,·s14u<'>
1.., (loucidh• S..k)·nrnum L"SI un pt>rsnnna~<' qui a rél'llen1cnt existé . Les indianisll-s
oilut>nl sa vil' enln> 560 et 480 "" J.-C Les qualre-vingts ans de sa vie sont extrémcmenl
import4nlS c.u ils sonl l'illustration la plus pdrfoite de sa doctrin<' . Le Bouddha n'esl m
un prophNe, ni un dtêu, nMis un h"lnun~ qui, grâct.> à d~s effort~ intellectuels et n1oraux
e\<t!ptionnels, • pen:l" lc! lll)'Stèrc! Je l.1 destinée humaine .
Coru4f11tnf'f~ ,.1opol11iq11••5
Cest intrinsèquement la naturc mèmc du bouddhisme qui contient le succt<o
g<'Opulitique Je œlui-c1 . Car une disciplint' s'accorde aisément de n'importe quel cadre
religieux, ellt> s'insère dans le tissu religieux préexistant. Nombre de spécialistes du
boudJlùsmt'exphquenl la prodigieust' extension du bouddhisme par ce fait .
Un •utre lacleur de sucë~s est l'impression de profond pacifisme que semble révéler
la discipline bouddhiste On imagine que les premiers bouddhistes ne devaient guère
eveiller la méfi,mœ. Le pacifisme intrinsèque du bouddhisme est une idée courante en
O..udenl. Elle esl trompeuse, car les conflits religieux autour du bouddhisn1e sont tou1
~ussi violen15 que ceux liés a d'aulres religions. Dans le mêtne temps, le bouddhisme
peul.., n!véler insatisfaisant du point de vue spirituel, notan1ment parce qu'il laisse en
suspens Ioules les questions métaphysiques qui sont extérieures au problème pratique
Ju Salul.
Celle insatisfaction métaphysique susceptible d'être engendrée par le bouddhisme
pouvail finir par faire reculer le bouddhisme dans certaines régions . En Inde où il est
né et a atœint son apogée au v• siècle, le bouddhisme a d 'abord reflué devant la
tradition brahmanique avant de disparaitre . Il faut en chercher la raison dans les
évolutions de la doclrine bouddhique qui, au fur et à n1esure de son implantation,
assimiliut les croyances populaires, et se rapprochait ainsi de l' hindouisme, religion
primordiale des Indiens. La fusion aurait très bien pu se faire au bénéfice du
bouddhlsme, comme dans le cas du christianisme par rapport au paganisme, si
l'lùndouisme ne s'étatl pas appuyé, d'une part sur l'organisation sociale de l'Inde - le
sysleme des castes- , d'autre part sur l'autorité des Vedas, e t si , par ailleurs, le
bouddhisme n'avait pas autant négligé la tradition sacrée de l'Inde.
Lorsque l'islam arriva en lnde1 , suivant une vague déferlante de conquêtes,
l'hindouisme, religion nationale de l'Inde, était mieux armé 2 pour résister que le
bouddhisme, considéré comme un apport étranger . À la fin du XIIe siècle apr. J.-C., le
bouddhismt> avait disparu en Inde. Voir cependant la territorialis ation des minorilés
bouddhistes dans le monde indien .
Carte 84 : Les religions en Inde, Pakistan, Banglades h

11> C1 J SlJUROl;L. DKllOflft.Qir-'f' hi..lfnr-1qri.: J,, l'ulom , raris. ru F, 19 1)6, Qr11dc " Inde ''. r Ji.,io.:w2
"! "lmlîlChM: ~1an , p~UU' cmrunc toutes ~ dcv11m:iêrcs, sur uu fonJ 1mlcn11,:111 ;ihl..: J'h1nduu1s m.: f 1 llu"' Jcs
bulM.SU Je l"Jndu. d du Bc-oplc. J ' 1 ~ Wn csl. J'unc fu..;jm uu <l'une autre . 1111 plu.:no mcm; Je .:J11 ,.s c" pn v 1ICg.11:1.:s pnnc..::.. Mil.IJ1s.
1~1JuNYltU , ~onuDCJÇAPU. 1J ne mnrd JM-'. profonJêm~nt . 1rn1.S!t1vc111.:111, J 1m s le ll...:uplc 1n J1c11 ...: ra111p111111.:- a sn r...:l1itl•UI, .:1.:mclk
~.une ctc.TtVlk n~c de miiCrr l"1n.'1lcmcnl , dum1 CC sys tème J'llll"'!<.1111111\Clll slrm:tu rC 4u't!li1ll l'huk , l'1s [un1 no: pu1
u-whu qu'en ~1 •• m 4 . MIQUl::.L. /.'hfum ,., J11 ,·n ·1lt.\"ll l11m tYtr- X .\ .. .~û· d.· i h o: i!d , l'am. , Ammnd Col i n , l'J 1>tl. p 11>:! ·
.,.... ~V)aa. in rinlcT"4ll lClf"I profuedc mule le ra..:tcur rcl1K1cu:11. cl le fo c 1cur so t: 10 - ci.:on111nh1uc 11uc 1111us 1nu1uns plus loin.
Owlpitre 3. La reli,pon J'7J

Ailleurs, la doctrine bouddhique, par son carac~e incomplet du point de vue


m~physique, a favorisé les schismes. Dès le Ill•' siècle av. J.-C., dix-huit écoles de
bouddhisme différentes coexistent. Finalement trois branches essentielles vont se
distinguer.
La division du bouddhisme
Le bouddhisme admet trois branches essentielles 1 ·
- le Petit Véhicule - Hi11ayâ11a : Yâna signifie véhicule;
- le Grand Véhicule - Malrâyâna;
- le Véhicule tantrique - Vajrâ11yâ11a .
Grâce à un véhicule symbolique qu'il emprunte, le bouddhiste traverse le fleuve de
la réincarnation et arrive aux rivages du Niroâna.
Les bouddhistes du Petit Véhicule s'en tiennent à la lettre d'une doctrine qu'ils
n'entendent pas élargir vers une dimension religieuse. Leur nom leur a été donné par
les adeptes du Grand Véhicule. Le Véhicule tantrique fait, quant a lw, entrer en compte
la magie.
IA l~rritoria/Uation d~& bouddhiam.aJ
Le Petit Véhicule correspond au bouddhisme d'Asie du Sud ; il est répandu à
Ceylan, en Birmanie, en Tha11.ande2. En Indonésie, le bouddhisme fut chas&é par l'islam
et le brahmanisme aux XVe et XVI" siècles.
Le Grand Véhicule est le bouddhisme du Nord répandu au Vietnam, en Oùne, en
Corée et au Japon3.
Le Véhicule tantrique correspond aux régions mystérieuses du Ti.œt4 et de la
Mongolie extérieure.
L'aspect de ces trois véhicules est tributaire des caractères de la gëograpbœ
humaine et des traits culturels. À un bouddhisme du Sud "plus souriant", on a
coutume d'opposer le caractère guerrier du bouddhisme du Nord et la rudesse du
bouddhisme tibétain. Mais il s'agit, là encore de catégories générales à considérer et
manier avec prudence.
Carte 77 : Les religions en Asie

4.1.2. Les religions ont un mode de diffusion propre


On différencie ici deux modes de diffusion : la progression par domination: les
conquêtes de l'islam originel en fournissent un exemple ; la progression par
intégration : ce fut plutôt le mode de propagation du christianisme et du bouddhisme.
li est bien évident que chacune de ces catégories est un idéal-type. Comme l'islam le
fit en permanence, le christianisme progressa aussi, à certaines phases de son lùstoire,
par conquête et domination. En Espagne, avec la Reconqui:;ta, le christianisme eut à
reconquérir son territoire en faisant usage de la force . Inversement aujourd'hui, autant
par le fait d'une volonté d'expansion assumée que par l'alternative claire qu'il offre à
un monde où "l'argent et le sexe" régneraient en maîtres, l'islam n'a plus besoin d 'user
de la force pour gagner de nouveaux adeptes; en Occident, l'islam convertit sur le
dégoflt que peut inspirer la "dérive matérialiste" du monde occidental.

1 H . AR VON . le> Bom/Jlri.t """ 18 "' c..'J , Pi.arts,. P.U .f' . l'W7 . 118p .. t.•oll. -Qur ~·Jt: ·••. n=·.aog_ l l~~I puW" lia pn;mië:R-
:diuon 1.p. t.1-K4 .
2 IJ..·nt, p. 91-94
J 11,;J~m,p . 1IJ-l17 .
.. lhhJ,•m. p . 9S-IO l
Pdrtir. .J . Penunmmce dn ltltr11ith

IAI r~iOll pt1r t#o'"iruuion .· pouryuui l'idnrn ."funrailfP ,. 10-1-il 1u111 tin ,,cfritt1bl11 rlttrJ(tf?
Mahomet csl un pmphl'le qui est aussi un chef politique et un chef de guerre!,
l'expansion de l'islnm <'!ôt d'nhord le ~sultat de la consHtution rapide d'un empirez.
L'islam ~·imp<>s.I par la conquNc militaire\ puis il mit en place, sur les lerrC11
i'Onqui.<;eS. un sysl~mc d'imposition fiscale s'appuyant sur les structures el les
fonctillnn.iln-s pn..,..~islanls - notamment ceux de l'Empire byzantin. L'islamisation se
fil par '" 1lii/1111I, la gu<'rn.• sainte~. La progression religieuse ne fut pas l'œuvre d'un
clergé. mais œllt' d'un" politique d'extension géographique menée par les califes, chef•
de l'llmnw - 111 commum1uté musulmane - et de l'armée de l'islams.
Il par.ilt naturel dans œs conditions que l'islam orthodoxe - l'islam sunnite - ne
dispose pas de cll'rgé. l'i que la distinction de la sphère religieuse et de la sphère
politique n'ait p.is lieu d'être.
CArte 72 : L'expansion de l'islam au vue siècle,
Carte 73 ' Les grandes lignes de partage du monde musulman : sunnites, chiites,
kharidiites
IA pf"Ol.n.s.."ion par inli~ratiort
le christianisme'> et le bouddhisme7 sont deux religions bâties sur l'œuvre d'un
clergé. Au cours des premiers siècles de l'histoire du christianisme, le clergé chrétien
s'est montre habile à 'récupérer" les mythes et les rites païens et à les rechristianiserA.
les moines bouddhistes ont, quant à eux, superposé leur discipline sur des croyances
primordiales.
la force syncrétique du christianisme - notamment la récupération par le culte des
saints de la symbolique polythéiste en Orient comme en Occident - et du bouddhisme
ont permis à ces religions d'effectuer ce que l'on pourrait appeler des compromis
locaux avec les puissances politiques, et souvent de lier leurs dynamiques de conqui!tes
à celles de formation des États-nations. Ainsi, il n'est pas étonnant que ce soit sur le sol
de l'Europe chrétienne et de l'Asie bouddhiste que se sont établis les plus anciens États-
nations. Dans les pays du Petit Véhicule, le nationalisme se fonde en grande partie sur

1 )i.l IOOISSOS . -~'· Pans. Le Seuil, 1975. coll . '"Points- , (première êdifion, 1961 ).
:! ~ Daoobrn f&k deu.a consaats CllCl"lltels : " I . la d1ffus1on c..lc l'i s lam ne fui pas comme celle du chrisciamsmc, ua
_..-mima tan d ICllllX. d'mfiltnt.ion cl de sape 3. l'antéric:ur d'un empire qu'on d1sa11 ne pa:.. vouloir 1ouchcr ; elle fui cUc-mnnc
. . . . - . Elit ftal 111 prc:alahk unt v.olc:noc. une conque1c des 1cna et des hommes ~ 2 la conquête et Io migration llr.lbcl rtlmll
ctw.1 ' 5 1 • dlstinocs c-1 dD1"\'cn1 ltR" logiquement d1s1ingu4!cs .", in C DECOBERT. Le mendiant e t le comba1ia-
(L._._ * ruia.,, . ....._Le
Seuil, 1991. p. S1
) Cd& a'Cll ,_ iCUJam:DI \ftl bon do tariioucs arabes. mals dC:s Je début., à l'intérieur mêmes c..les u:mloircs nnbcs . ·c(lnft
lcia arilm ~ qwc k:un motifs fUS5Chl n:hg1au.: ou non. Aboù Bakr Il employé sons c..lêlai Io manière rortc 11 1mport&J1 dt
refaire Qlpdtmmi l\m.1ii di: rAnbtc d d'affirmer la suprématie de l'islam.". in R . MANTRAN. L 'Ertpan..'ffun mwulmune (f71'-
XI didr). ..f' éd. . f'lri&.. P.U.f. 1991, coll . '"Nou\.·ellc Clio'" p . 91 .
.U.P. CIL\llNAY. ~ sau1tt", in T . de MONTBRIAL. J. KLEIN d1r., D1cliomwin: dt· .litratégîe , raris. PU F. 2000 .
.. -JOI.
5 R. M.Ah,-itAN. L"ûpœuWn "'usulmonr (Yll'-X? s f~de). 4• éd ., Paris. P .U. F .. 1991 . coll "Nouvelle Clin'", p 96-1 IR.
fi, La lrQllll pw:ndls pba5el des pran1cn s1klcs chrclicns wn1 les suiv11nlcs . expansion et ém11ncip11tion rapide riar nppon a1.1

~ - dt }O i l.!:5 CD\"llOD - • umufonnauon de la pclitc secte en Église - -- di: l 2S i:. 2SO environ - ; 1ro.nsfonnat1on du
~ai i:.ctc:ur polmquc de pn:nun plan , pamcuhèf"cmcnt dans \'Empire romo.m - 2SO à 32S . ll .C PUFCl·I d1r, Hu mtn
Ja "°'CUU· hnt. Ci&llimud. 1999, 1.:oll. "Fohocs!&is", l. 11••. p 183-1 HS
1 •u, ~t - Ynsha --te constîluc iJonc du vivcant de Bouddha. C 'est une c;onfrc!rii: de moinc..,.-mcndumlS qui
a'aaam ...c:m ~ imu qW, ,..- l'exemple de leur vie, cnsc1gncnt le chemin du sui ut ", m H AR VON, L~· BouJJhiJtN.
' M..,...... P.U.F , 1997, coll. "Que ui.-jc ~· . n"46B. (1951 pour ID pttmiè ..-c t!dltinn). p SO
1 Dès Ir\• llèclc. ca Occident. te ~hri•uaniime venu du Moyen-Orien• t.loit ~e cnmnrum: contre le pua:11nismc 'lui l'o rrtt<Jc-
d .a llOI-..... anrini dam les pruplu curop6m.&. Une mytholo111c médié,.,ole se dCvclo1111e ~ur les rcs1cs c.Ju p111tanismc -
œ111qm pour rcuaDcl - que k cbnnianume ne peul conl.r61c..- qu'en l~s ouimilont ; r . WALTER , A/1 11holu>:I~ d1réli••n11r. R1uJ
n_,d.oJ.i Afa:.-...Âp. Puu., Ed. Eawn1r. 1992.
Chapitre 3 . La religion

le bouddhisme; celui-cl n'a guère cherché à développer un pr09élytisme bouddhiste


transnational et s'est concentré sur la construction nationale. lnveT'Sement, et compœ
tenu de ce que nous avons écrit auparavant sur l'Islam, il n'est pas étonnant non plus
de constater la fragilité de l'État-nation dans le monde musulman.
li est également certain que la religion a joué un rôle essentiel dans la formation des
nations européennes les plus anciennes. L'histoire de France fournit l'exemple d'un
processus d'inféodation du fait religieux au fait national1 ; et l'anglicanisme, autant que
le gallicanisme en France, apparait comme un mouvement de nationalisation du fait
religieux en Angleterre.
Contrairement au christianisme et au bouddhisme, ou même au chiisme
duodécimain - on voit combien l'identité iranienne moderne a intégré le chiisme dans
son processus national - , l'islam sunnite n'a pas eu à développer de force !l}'ncrétique;
un État calüal puissant était chargé de la réussite de la religion musulmane.
Carte 77 : Les religions en Asie
Carte 73 : Les grandes lignes de partage du monde mll!lulman : sunnita, chiita,
kharidjites
Carte 69 : Les minorités chrétiennes d'Orient

4.1.3. La montagne est une zone-refuge pour les hérésies


Le phénomène de la montagne/zone-refuge des minorités est notamment
observable au Moyen-Orient. Pour échapper à la domination sunnite, les sectes
musulmanes se sont réfugiées dans les montagnes.
Lu ibadites d 'Oman
Peu de temps après les débuts de l'islamisation, la sécession sdùsmatique des
kharidjites 2 fut contrainte d'échapper à la persécution de la majorité de l'islam. Oman
est situé à la périphérie de l'étendue isla.misée3. Une partie des kharidjites put donc s'y
réfugier. Ils s'y enracinèrent et évoluèrent vers une forme plus modérée du kharidjisme
qui reconnaît la nécessité d'un gouvernement et d'une organisation sociale pour la
conununauté : l'ibadisme4.

En 751 - période de transition entre les Omevvades et les Abbassides- , le 0

premier imam ibadite élu se révolta contre Je califat. Le particularisme fut clairement
affirmé contre la majorité sunnite de l'islam5; il conduit à une autonomie à l'égaxd de
Bagdad - vers 850 - puis à l'indépendance - à la fin du siècle. xe

1 Lire A cc propos. les nn11il y s1..-s hist~'"qucs de rhisloncn Jacques Baimo1Uc. m J B..ti.lN\'ILI.E. His«Hn .. F,.,.._·~. l~c âL
Paris, Faymd, S72 p . ( 1~ ~d . , 1924)
2 En "56, une pnrtic ùcs pan is.nns d'Ah en gucm: i:onuc MNVr>;ya. R"fwc de w1H-c Ah JmD son aa:cplaDOn d'lll1 ut:Na.p
lctnpol"l'l Le clan 11.hdc se ~~!"-"ln:' en <leu:.. cclu. qui le qumml fonncrocn les K.handjitcs : .:eu.' qw ~ f'M:klc:s i Ali. ._ chilla.
L'intRnsigeancc des Khaml111cs \.."SI c~akn'K!nl anïf'TllCc pu le n:fus de- ..tonner un goü\cmcn\IC'nl et une~ soaù: i •
société, sur te khandJismc : 11. LAMMENS . L 'h/i.Jnr tCn.1y'1'"-'c'.S ~' im11t111101UI . ~-· N, Beyrouth. lmpnmcnc ..'alhuliqur de
Bc)roulh, 1'>43. p . MS-8 7; 0 et J. SOLIRDCL . l>u·11u 1111uu-c' hutvri'I"'' Je /'i.JIUlll. hns. r .L'. F.. p. ~ID-4 7 1
J La bande littorJ.lc O\lt&muncuc. l'k.:1.: llr"-;.,_. a ~:; u~ IÎ\' ll~S. iJc ..:ommcrC'C maritunc. C'S1 l.~ Jr l'lNcnall' da ~ O. Cl
l SOURDEL. D1c1unmu1r"' hl.dPt'"I'" ' ,/l· 1'1s l.1111. Pans , r .L1.f .. p. b .l~ .
-1 X. de PLANHOL. L,._,. Su1101J..' ,/,4 p,...,,phi:tt' . .\fumH•I K•"'~rtJl•h1'11'c' .ië p.Jlil"f1Ht -.s"""""".
f'uU. t"llyu1.l l'WJ , p. Ill. La
lbai.Ji1cs GC'l..'C"plCnl l'élechon J 'un 1mKm 'lUI gl.uJc les. ..:h•yants. .
~ r . \VEN DELL, Vm1m . , , h1..; tury , New '\'1J1k, l%"1' . n!rnnt Ek)'TUUtb.. IQ'7l. p. g...12
78. L'ibadisme en Oman

l..J nature de l'ibadisme ne pesa pas seulement sur la géopolitique extérieure


d'Oman - indépendante par rapport au califat - ; elle contribua à la maturalion
interne d'Oman, à sa cohésion sociale. L'égalitarisme inhérent à tout kharidjisme
favorisa en effet l'intégration des populations arabes bédouines qui vivaient sur place
avant l'arrivée des kharidjitesl .
Au XVTIJ• siècle, l'empire d'Oman s'étendait des côtes de l'Afrique orientale
jusqu'au Baloutchistan et contrôlait les côtes de Somalie, du Kenya ainsi que l'ile de
Zanzibarl. Il était fondé sur le commerce des épices, des esclaves et des armes, el
disposait de l'appui de Londres 3 . Au milieu du XJXc siècle, se produisit une scission
entre le sultanat d 'Oman - capitale Masca te - et le sultanat de Zanzibar'.
L'importance du sultanat d'Oman ne tient pas au pétroles lui-même - produclion
modesle - mais à sa fonction stratégique de contrôle du détroit d'Ormuz et de sortie
sur le goUe d 'Oman, qui est le débouché du golfe arabo-persique sur l'océan Indien'
Celle fonction 1ustifie l'appui des Anglais et des Américains à Oman.

1 J.C. \\'llKlNSU~. lfotrtr 1.mJ 1r1luJI Jellll'ml'11f "' Soulh·l::a.w Arr1bio tl \' IW(~ · 11/ t /J t' Ajlcij of ( )uum O :d nn.J, 11'76. p. 1.\11-
144.
11~ pi-\M: wus contnile ul'T\ilna1s en 17 ~0 . grâc.:c uu c ommcr~c du coprah cl du dou tic ~1rol1c , O nmn 11.-cr.1 Je l"<'ll<
poMICllWP., UllC ochn~ 111U'llm1C.

l A Il. tio du XIX' siC-:lr:. les t'rani;ais tlispu1c nl nux Anttlui,. une 1nl111c1u.. c sur Oman C· LE ('OlJf{ CiRANl>MAISOS.
PrrsntffJ/11.Hf du J41fl011UI J 'Oman. 1n P HONNENfANT 1hr . La p1 ;11i11.ud1 · r1r11hiq111• d'r1111rmrd'h111 . ~ t.ln i on..; J11 < N R S . 1 Il.
p. 171J
4Jl MJH.i l:. •L'Oman .:1 l'Afnquc orienl.11.lc uu XIXrsiè'-·lc.:°' . in P fU>NNENl · ANT 1tir . /11 /h :11wwlo· ,,,,11'1y11:
trojoun/'IDJi, h:jit10l'U duc N M. s 1 JI . p. 29J.JOf1
1.Mfmc t1 l'éc.unum1c urnoma1>< repose elle en premier lu:u ..;ur I'-· pé 1ruh: fi 1 J: ( 'CH JH <iHl\NOMAISfJN . " l . \~· \ ..... umr

OOlilnaltc,1?1"· 19*0... m P HONNl'. Nl:ANT J1r .. /,,,, p1'nl11mft• 11r11hiq1w d 't111jrmn/'hul, ~ti1111 111 ~ 1111 r· N .H S. 1 11 . Il . '~ 1
IJ 1. <iRAl, l..a (Jnwnü, nuuvcaux iµarJh:ns du Ciolfc. Puri .. . Alhm Mid1cJ, J 1H 1 ; lt . 1>l · l.C '( IHIH '.,
1 /.11 11· 1 rm h ' 1·1 /r1 '1111ro"y1:

Ji.n.J lt' G"uJj,.ur<Jbtr·pi'r:Ut.1111·, Pans, 1..c Syco111u1c. l'JHJ, p . 111-27


Chapitre 3 . La religion

La sécession de l'imam ibadite s'explique pa.r l'alliance du particubriame it.dite et


des Saoudiens contre le sultan de Mascate1 . La cri.e iti.dite fut précédée psr une
première tentative d'expansionnisme saoudien appelée la criM de Buraimi2.
La crise de Buraimi a pour origine l'expansionnÎMN! saoudien. En 1949, l'Arabie
Saoudite, qui était soutenue par la compagrùe américaine Aramco, revendiqua l'ouie
située aux confins du sultanat d'Abu Dhabi. En 1952, l'oasis fut occupée par les
Saoudiens. Les unités anglaises, avec l'aide de détachements abudhabiem et omanais
expulsèrent les Saoudiens. Les frontières avec l'Arabie Saoudite furent défuliee m 1966
pour Abu Dhabi, en 1974 pour Oman3.
L'lbadisme omanais est à l'origine du conflit entre le sultan de Mascate qui règne
sur la côte, et l'imam ibadite qui contrôle la montagne'.
A l'approche de la Seconde Guerre mondiale, convaincus de la pr&enc.e de pétEole
dans la montagne ibadite, les Anglais encouragèrent le sultan à affirmer son autorité
sur l'imam. Malgré les différences majeures qui existent entre l'ibad.îsme et le &UDllisme
wahhabite5, l'Arabie Saoudite n 'hésita pas à soutenir l'imam ibadile. L'allianœ
américano-saoudo-ibadite projeta de créer un mini-État pétrolier pro-saoudien. au
détriment du sultan de Mascate et des Anglais. Ce conflit fut à l'origine du surprenant
et éphémère rapprochement entre les Égyptiens de Nasser et les Saoudiens, par
hostilité à Londres. Toutes les interventions britanniques furent un succès. Depuis
1959, le problème sécessionniste ibadite ne se pose plus.
Il est important de souligner que si l'ibadisme a historiquement trouvé r~ daœ
la montagne pour échapper au sunnisme, l'importanœ da; enjeux géopolitiques a pu
pousser récemment les wahhabites saoudiens à unir leurs forces avec œ qu'ils
considèrent pourtant comme une hérésie dangereuse.
Carte 20 : Les dynamiques de désenclavement au Moyen-C>tiall
Carte 42 : Les litiges frontaliers de l'Arabie S..oudite avec le Yémen. Oman et les
Émirats Arabes unis
LP.s :aydites du Yémen
La révolte de Zaïd, arrière petit-fils d 'Hussein. en 740, conduit à unr sdssioo à
l'intérieur du chiisme à partir du cinquième imam6 • Contrairement au chiisme
duodécimain, qui est uniquement légitimiste. le mouvement zaydite résl!ne le titre
d'imam à un descendant d'Ali que ses qualités propres - science et piété -

1 •mstoriquemcnt~ l'Ornan e 1oujours ét~ forme ck deux ~ l'Ulr tourn6c- '"Cft ~et. r.arr . . . - na~
divis.ion qui appaR.issait ~ltcm..:nt dans le nom que \c pcys parti jusqu"cn 1910. 'Muilcll e1 0 -'. C.dlC' .,....... •
conupondtin pu i des frontières géographaques rmcs.. mais ~ pllmliiil des 1imill:s - - - . JlfOIWl=I â cz . . aa
hlbitucllcmml fUfini comme 'L'lnt&iew" d c:rttr aulOllOClale ~ qm dtcau.iû (, *5 ~ • •
l'L10lcmcnl tlu noyau montagneux . se dêfinissa1t pu une Cconomlc pli.a ou 1111MRS ~. -.r .....- ~ pm:ii:lliiim -
div11ion en deux factions, H1niwi Cl Ghlfiri - Cl llDC ickok>gic m~ct ~qua tu.dl:i'I prV1ft : ~ ( .. . } '~
- Muqat - . de son c6tt!, n 'avait ncn d~ ces ~ . 1e11il&w AtJcmen• li tr s.du.&it ooam11t w arn:mi.. • .a ,,,._ .._.
d'6chanaes maritime& . Son cx1sh:ncc 1cna1l •~ conta.-u êGbllS a'« k mondle u.œncut. e11 . . SW'>"ir .._... . - ...., . .
boMCS n:lations qu' il cntrcccna1t avec l~s pu.~ ~ que ..iC' "lks qw le IWCDI au,._... loml Mimi ..._... ..
1e1 p~un; comme f°'On s in1c=rnat1onaus. , Q.hllt C't Subir. or: (~t 'lu'\me s-tJe dt CltllE f..-.k ~ ~ wa

t'u1éneur ; l'oulR tti111 ~-onstilutt pa.r- le détroi1 J"Honnuz. J"nnponanl."C' Slrali'gtf.1uc. p.>ur '-='~~ ............_ ..... A ..
fou les pu1ssom:cs lo..·alcs et Cl nmgC ~ ... m J .C WILKINSON. "'C~nl et. cuntmwli cc o..n·. ID P. BONN~'fAJ'l.'T dU...,.
L4Jpbtin.ml~ &Jruhi~m · d 'u1~jou,.c rhw . C'J1h1.ms Ju C .N .R.S. t . Il . r . .NJ
2 Y LACOSTE 1.hr .. Via ·1iori1,.11r.· ,J..· ~~ >p.11il-.1u&·. Pans. Flammanun. lWJ . art.._"ic -oa:.m·
) M . fOlJC ltER. 1-'n111b t•I frouti.~n ·.\ . 1111 tuur- .lu lft<•n.k J;t;upo/llt111«, 2e cd. Pans.. ... •)ri l\N.4. p. J.S.>-J.S5 .
.. F. TIIUAL . Ahri-~1 1 ~ i...'ofk'l111<.1u• · ,Ju li·•(f i.·. P1ms. EU1ps.: ~ l9'17. p. Y!'- UU.
5 Rap('CIOns que l'1bu:d1snk.' ...·:-t un..:- l:a r.11h.·h.: Ju ~tL.&nJj 1smc· cc nt ~. Cft ant 'I*' td.k. ~ ~ - .,.._..
dangnculôC' par le 11.mnisnh:. a ft., r11ûn , pur le sunnu;nM.· wahhahalo:
6 U J. OUERMEY~tt. "La (1,lntlU.lioo do l'lmllmol C't Je l'ëlal 4"I \'tmcn - blilm ~ .;Wturc polttiqw:". m P'. llONNENFANI
d1r., Lu pJntn.,.de ar11bi41m· ,r"'~''""lrlnM, ......,._du C. N R.S . 1. U. r ..ll .... 7.
distinguent des autn.-s : il combine donc légitimisme et mérite personnel1. Plusicur\
mouvements zaydites naquirent d'abord dans la région de la Caspienne ; le lieu de
fixation fut cependant, et fort logiquement, l'une des marges de l'étendue islamillée · le
Y~. En 8'l8, le chef spirituel Yahyâ ibn Hosseïn al-Rassï installa à Sa ad a le premu-r
Cftltrt' de pouvoir zaydite et inaugura ainsi une très longue lignée d'imams yéménitesl.
Xavier de Planhol souligne l'opposition géogrnphiquc au Yémen entre les zayd1te~
installés dans les hautes terres - on retrouve là la fonction refuge de la montagne pour
les hérésies - et les b.tsses terres de la périphérie yéménite qui restent sunnites - de
rite ~ite. les z.wdites ne sont d'ailleurs pas les seuls à s'ètre réfugiés dans les
hautes terres on y trouvait jusqu'en 1948 des juifs• - ils émig..èrent massivement lors
de la création d'lsrai!I - , et des ismaéliensS. Une fois de plus, les hérésies les plus
diverses se concentrent en hauteur pour échapper à l'islam majoritaire. Celui-ci règne
en maitre sur les plaines côtières et sur la capitale du Sud, Aden6.
A partir des hauts plateaux du Yémen, l'imamat zaydite tenta de dominer
l'l!nSl!'lllble des pays yéménites, mais il ne parvint jamais à régner sur la totalité d'entre
l!UJ<.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le contrôle britannique s'appuyait sur Aden
suivant une logique de partage anglo-ottoman ; aux Ottomans le Nord, aux
Britanruques le Sud. Mais autant les seconds purent contrôler le Sud, autant les
Ottomans ne parvinrent jamais à dominer la montagne zaydite qui incarnait l'idée
n.tionale yéménite7.
Le zayd.isme est le fondement de cette idée nationale yéménite ; il n'a cessé de
s'opposer au skessionnisme du Sud, sunnite et traditionnellement appuyé par les
frères suruùtes d'Arabie Saoudite.
En 1962 était créé un Yémen du Nord; en 1967, un Yémen du Sud . Aujourd'hui,
malgré quelques crises comme celle de 1994, le Yémen est réunifié; il reste néanmoins
contrôlé par des hommes du Nord et marqué par le clivage zaydites/sunnites
chaféites8.
Carte 20 : Les dynamiques de désenclavement au Moyen-Orient
Carte .U : Les litiges fronlaliers de l'Arabie Saoudite avec le Yémen, Oman et les
~ts Arabes unis

J D. d J. SOl.'RDEL.LacR-Uballon dt l'islam duuiqut!, Po.ris . Anhaud. 196H . p . ISO ~ X . clc PLANUOL, Mùruruê."i ~n /,/am
·~cpo/ll'iqw,1sociakJ , Paris..Flunma.non.1997,p 109
2 ~nt fui que"°' bi dcu.ubm moitit du IXe s1êclc que la doclnnc zuyt.hk lil son appunt1on au NurJ-Yemm •. tn

GJ. OBEliŒYEJl, ·u (omatioa de l'lrnlrm.1 et de l'Êtot au YCmcn Is lam et i:ullurc poht1quc" . m P . BUNNENf"ANT dir., u,
........,."""""".r......,r1au.oodmocuduCN.R.S . 1. 11.p. 33
J u y ca . . . KlllUDCc-<mq jwqu'C"l'I 1948 ; E RENAUD, "H1sto1rc de Io pens ée n!lig1cu sc .:u1 YCmcn". 1n J CHELllOO Jir .
L'AnlhAt ~ s-J.. ltUfo~ n .:wiJuatlun. Paris.. Maisonneuve La.rose. l 9M4 . t 2 Ln soc i êtC y émo!nilc de l' llt!g1rc aux 1dtolo~~

.......... p S7.6l
-4 J. C'HEUiOD. •Let Juifs da Ytmcn•. in J. C'HELHOD d1r. L '..-4,.tJluc t/11 ~111/. /11... 1111n· 4:1 1·n·11ftatùm, Pnd s . Mn1s.onnru~1:
l..aulc. 1914. t? . l.a~)"tmtnii.! de rHq.irrau"' itJWlog1cs m udcmcs. p 115- 141 .
'- U.prtlc:Dc:t ITUlOft1C au QJOU\'cma)l c.arma1hc 3U IXe: "'iëclc, il s i.on1 :\ ttul!s. p o ur l\:..,scntid . ;111 Sml-Ouci.t lie Sana.a. W.ru
Jorq... .... l>)do<IHutr.
6 •t.a clef de 11.i&stuire géopolitique du Yëmc:n csl a m!iÎ Jani. ccl <1ffrunlcmcn1 n11llC11111n: cnlrc un flOllVOir :ruytlirc c.J...·s lhult"S
ÎU!ft WJYê MU' dn ~ nombrnt.scJ, mais indodlcli 0<0c1lli:m1 cnlrc Jcs puls1n 11.,. J y n.uniqu..:: .. et une a nurchic 1mrui .. sun1c . cl Jn
œmres cfKUoa ~. cf'orimtations divngcntes . U1ns con1inuité , in1rm s èqucmL'nl inc :1r11hk s tl'é 1cmlrc h..· ur cuntrMc i.ut •~

c:am dl pla&a;u.'". m X . Je YLANHOL . U.J Natiuttv du f>,-uplu! I•". Afm1111d 1:1 1 o~rupl11qtw 1!. · 1'"''"""'' ""'"''"'""•·. flnn "-, 1: a ~· 31J.

IWJ. p. IU
7 Tbàc ~ IOUlldU Charles SAINT-PROT . L 'Arohle lt1.•t1rt.•u.u•. tir l'Antufui tt! ,; Ali A l1dallah .\ .,,/, •lt , r.-.ri,,,. Elhrsu . l~Q 7

li LC'J _...... chafêt1o ~ita n'hbîknl donc p•~ il ~·entendre uvcc Ici. s u111111c .. lumhulncs · - w11hlmh1 ~mc - · J ' Ar.sibK
s..mdi&r, maue '"J'héft»c chiite moncllc"
"-nopnR." "'· L..O rcug1on

79. Le zaydisme yéménite

L~s tlruzes du Liban


Les druzes du Liban sont adeptes d'une doctrine chiite extrémiste1, dérivée de
l'ismaélisme2 et finalement très éloignée de l'islam, qui apparut sous les Fatimides au
début du Xie siècle et resta implantée en Syrie du Sud. Caractérisés par une doctrine
ésotérique, les Fatimides s'organisèrent autour du calife al-Hâkim. La mort du calife fit
disparaître d'Égypte le mouvement qui se fixa alors en Syrie.
Les druzes sont aujourd'hui implantés dans les montagnes du Liban3 - la région
du Chouf - et en Israël.
Carte 70 : Les communautés du Liban

4.2. Les points sacrés de la géographie: les Lieux Saints


La territorialisation des conflits où la dimension religieuse joue un rôle important
admet des points nodaux ; ce sont les points où les champs de forces convergent. Ainsi,
l'un des points religieux les plus conflictuels dans le monde est Jérusalem, lieu sacré
des trois religions du Livre.
Carte BO : Jérusalem, ville sainte
Carte 73 : Les grandes lignes de partage du monde musulman : sunnites, chiites,
kharidjites, y figurent les Lieux saints de l'islam. sunnite et clùite.

1 J cl D. SOUH.lll '. l., /)1oim111arn · liiwHnq11l· d l· 1'1,·J"m , l' ;m .~ . Pt : F. 1'196. p . .:'. .\ ·' ·
::? "Lo rcnséc is111ù'îh1c.·. "m un: msulli... 11 111111" 111 c"l\rlt1réc . ..·~ 1 J'11nc unrru:n.-.c
ne~. F.lle se fonde- s.w Ir Jupn: Jt b di-vunti
de runàm 11.•11.h.• 'i-llll mfo1lhtt1l11C et 1111r1•du11 ,!<1m k <"i1nm 1..' l l,1 lui 1s btm'llù..' l\"Pr'l.\11100 mt:re le W1b interne ·- hi.un ·- - et le !il:m
Cllcrnc ·- ldhir · et l'i nfini ..• lr;insi.: ,.·mlafü"'' du prcmi ..·r :<>11r k ""'"ùllht.• in H C PUF.Cll dir.. Histoire- ~J ~l;,rcHU . Pana.
G11ll 11nonl, l'N~. \:oil . "Fohu '"ss<11 .; " . 1 Ill .. . p lt~

1 Les i[run<l1:s fünulks Jm.tc ... ' ''" ll'U\' un rùl11.• lîC''i 11n(".•111mt ,b.11... l.i. ~i:n<sc- Je !'Etal hb&nau.. f _L. f'Ol'STANY. l111n.Jwttoa
ri J'hi.ll1•irt' politù/11t' .J11 llhw1 mod 1·r-r11 ' \1 Jr .11itl\~lt' «â /W.f. licyh•Uth, l- ~I.A .. l\JQ_l.
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2 Grand Mona.sli::f"C Grec


3 Pat.nan.:a1 le.tin
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5 Khnn c op1c
6 . fl-11on.1s1C:rc Banal
mur d'cnceinK'. 7 Êghsc S:mu-S:iu vcur
princ'ipalc:s rues K Églrsc du Chnsr A s -Serian
9 Égh~ Sainr-Th o ma.s.
limilC de la z:onc cnnfisqufe en 1%8
ru Morn1. . 1è:~ ::inntnien
pllCC du mur des L.amcnunlon..; 1 J Couve nt U c:- 011\·u:n
(cz..qua:niet mamconndl!1ruit en 1967) 12 Église d~ l'Jmrnacuh..~ Com." Cpllon
fouilles israt.licnno 1J Église S amrc - Annc
14 Monas tCroe Al - Addn..~
D massons anbcs saisies entre 1978 cl 1990
l 5 Hos p1 ù! auuü .. h1cn
lunnd

80. Jérusalem, ville sainte

L'histoll1' des con nits autour de Jérusalem est ilncienne ; el le précède les Croisildes• .
À l'époque contemporaine, tout conune nce ~n 1947 avec Je refus de l'internationalisa-
tion de la ville préconisée pilr l'Assemblée générnlc d e l'O.N . U. ; en ] 949, Jé rusillem esl
partagée entre la Jordanie et lsrai:!I ; puis, vingt ans plus tard , à ILJ !'louite de la guerre de
1967, la partie arabe de la ville Sainte est absorbée il s on tour par l'Étilt hébreu. La

l J d 0 \Ol' llUl l. fJ-:1 r...~ur llu t<>•"'l<flll' J, l"u/11- . t'a r1~ . l'I J f p -l ~IJ -4 l :!
Chapitre 3 . U. ,..,ugfon 379

colonisation juive commence, avec pour objectif final une judaîsation totale de la ville.
Jérusalem mériterait une géopolitique propre, tant les enjeux touchant aux fractures
internes de la ville, à ses districts, sont importants'. Les Israéliens ont fait de Jéru!lalem,
ville par essence ouverte aux trois religions, la capitale éternelle de leur ~lat; les
Palestiniens entendent, quant à eux, recouvrir la partie arabe de la ville et en faire la
capitale d'un État palestinien . La question de Jérusalem est sans doute la plus délicate à
resoudre parmi les contentieux qui opposent Israéliens et Palestiniens, Israéliens et
Arabes, et même l'État hébreu au Vatican.
La question des Lieux Saints touche également à la question chiite. la chiitisation
de l'Iran n'est pas réductible à la seule action des Séfévides; les lieux de pèlerinages
jouèrent le rôle de point d'ancrage du mouvement, de 'dynamiques foyers
théologiques"2_ Les grands Lieux Saints du chiisme sont d'abord situés en Irak:
KarbaJâ3 - mausolée de Hussein - , Nadjaf, Sâmarrâ et Kâdhimiyya. Au XVI• siècle,
l'lran fut séfévide; l'Irak se trouvait au contraire sous la coupe ottomane, sunnite. Les
Séfévides encouragèrent donc l'implantation de centres de pèlerinage en lran : le
tombeau du huitième imam situé à Machhad devint un lieu important de pèlerinage,
puis ce fut le tour du tombeau de la sœur de l'imam Rezâ - morte en 816 - à Qom~, et
de celui du cheikh Safi à Ardabil. Mahchad, Qom et Ardabil sont les trois principaux
centres religieux d'Iran.

5. La fonction du religieux
dans la géopolitique interne des États
Le facteur religieux est tantôt un facteur d'unité dans la géopolitique interne des
États, tantôt un facteur de sécession.
On étudie donc la religion nationale, puis la religion sécessionniste.

5.1. La religion nationale


On compte de nombreux exemples de formation d'une identité nationale où la
religion joua une place essentielle.
- Le catholicisme est indissociable de la construction de la France : l'alliance des
Francs avec l'Église est fondatrice ; des siècles de légitimité catholique donnent eœ;uite
à la Fille aînée de l'Église la force de l'indépendance nationale face à Rome et à toutes
les tentatives impériales d 'inféodation de la France. Contrairement à ce que l'idéologie

1 À propos de Jérusalem, "une différence d':ipprochc, de rc'lo·cndicarions et d'argummwion ~ lsniriims et. Pa.lcsOxbcm..
Lts pn:mien; c:n1endcn1 hmitc:r les pourp11tlus à la seule dimension ~ltgicusc du problème et C1!1:0ft5iCT1ft' ~ débu. à b quc:s1ioa *m

Licu:c. samLs. la s11uotion pohtîque ëtan1 prëscntôe comme non négociable. ..\us; ~ des t~l('ftS., leur lliJU'lo"l:Di:aclt dud
s'appliquer a l'ensemble de Io ville c.o.r Jeun droits s ur celle-a sont supCneun • ttu.'t. dn •utn:s COIDf1IUllmlliê ( .. 1. Les hndiam
1rJUC11l de l'anlinorÜé: de leur p~sCnCC li JCJUsalc:m Cl de sa qualne de' seule Ylllc Sr.amlc du peuple JWf & CB\.'Cn ~ il'!$; ds
minimisent Io ponéc des c:JUgcnccs Jcs nutn:s ror11c ~ en rappelant que IC" c:enln:' de l:a chrcum1i ITSlC Rome- et ~lit tu.Lam n·~
qu'une place de tmmèuiç rnnt:. â r\l· Qo<ls, dcm~n= la M1.:cque e1 Miêdmc . Bien ern.kmruent. lt"i .-\ratlcs en~ Cl b P'ak:so4ic:m
c:n parttcuher n!fotcn! celle logu~uc tians laquelle 1b refusent de S4: b.1s.scT rnfrrmcr ...\ l'e,u."'C'J'non des OlDU\Cltlc:DL" t~ qw.
continuent d 'c"-hortcr lc.c. l°aJ~lcs Ù l:t ~lh,·m: SAUllc rour I• "'hbénlUon lot.ale"' de JC:N.s&Jem.. I~ f't\ ~h."1WM ('SI ~s putlCÜI: d
porte sur I• seule port1c onentilk Je la nlk. d fort JK'un.:en13ge Je porul•tit:JM arabc-s.· . m S . POM~llER. A. LEV..\.Ll.OIS.
•u1usalem, le mur des nègo.:111thms". in l"oli11111u· ,,,,,.,.,,.uùm"I•'. Aulor1Vl1: 1~5 . n "to~ . p . :':14.:
2 X . de rLANHOL , Lt.•.,. :\111l1t11L\. 1h1 J•r1•Jllit'h ' .\lunu,·l .i.:;cJ~tt1ph iq 11 ..• J,· f"VllllqUil' "'...s11hnall.-. Paru.. Fayard. 19'JJ, p. 5-05.
) Sur Io N.taille de Korbàl11 : Y . RICHARD, L'u·/1Jm du '.r,· f<. 'ro.1"'K•~ç <t 11.kt.>kr1:1C$J, Pans.. hyard. J'HI, p. +l.
~ M BAZIN, "Qom \' tllc de pëknnuigr et cimtni Raional". R.G.E . XIII.. 1~7:\ . r · H · lltio.
latque affirme, la France ne s'est pas construite contre l'Église : elle a grandi avec ell~, tt
c'est en E'lle qu'elle a trouvl' la force de l'affranchissement.
-Que serait le nationalisme polonais sans le catholicisme?
Carte.' 51 : Pl'uples et États en Europe centrale
- Le millet dans l'Empire ottoman et le lien entre l'appartenance religieuse l'i
l'appartenance nationale.
Carre 87 : Le panturquisme : turcophonie et limites de l'Empire ottoman à ~on apogb,
au xv1• siècle
- De l'absence de religion unitaire à l'absence d'État, ou la faiblesse du mond~
berbère face à l'islamisation.
- L'islam dans l'identité nationale algérienne : le schéma khaldounien et la source d~
l'islamisme.
- L'islam dans le projet national pakistanais.
- Le mahdisme dans l'identité nationale soudanaise.
- Le sênoussisme dans l'identité nationale libyenne.
Tels sont les exemples que nous étudions ici . On aurait pu également rappeler la
centralité de l'uniatisme dans le processus de différenciation de l'identité biélorusse•
bien encore traiter de \'orthodoxie autocéphale et de l'uniatisme dans le nationa(ÎSl!lf
ukrainien et anti-russe. Ces cas ont été traités dans la section consacrée aux divisions
internes du monde chrétien. On aurait également pu aborder le cas du maronitisme qui
;oue un rôle central dans l'idée nationale libanaise; cette qu estion a été entrevue dans
la section consacrée aux particularismes montagnards. L'exemple de l'Arabie Saoudite
fondée sur le wahhabisme a déjà été abordé dans la partie consacrée aux "divisions" de
l'islam sunnite. C'est la raison pour laquelle nous n'y reviendrons pas. Mais il existe
encore de nombreux autres exemples où le religieux se met au service de la définition
nationale.

5.1.1. Le rôle de l'Église catholique dans la formation de la France


L'idée selon laquelle la France s 'est faite en s' émancipant de la religion, sous la
monarchie déjà - en opposition au pape - et plus encore ensuite, à partir de la
Révolution, est courante. Elle est cependant partie llement inexacte car elle passe sous
silence les périodes précédant l'affirmation monarchique contre l'empire
ecclésiastique : en remontant jusqu'aux fondations de la France, il apparaît que celle-<i
n'a été rendue possible que par le travail continu et actif de l'Église. Philippe Auguste
n'aurait pas été possible sans Oovis. En ce sens, le catholicisme apparaît bien conune la
religion nationale de la France, et la laïcité le résultat d 'un processus d'émancipation,
mais en aucun cas un fondement historique de la France. Une lecture idéologique de
l'histoire consiste en général à projeter, ou à rechercher, dans le passé ce que l'on
défend dans le présent. C'est là un travers que nous voulons éviter. On peut défendre
la laïcité et reconnaître dans le même temps que la religion catholique fait partie des
fondements de la nation française; inversement, on peut défendre l'identité catholique
de la France et admettre que la laïcité fait partie intégrante du processus de
construction identitaire de la France.
~
royaume franc en 482

m
limites du royaume franc en 511
régions t0nlevées aux Wisigoths par Clovis
annexions dès Ostrogoths
royaume wisigothique
1 Sa..ons V . VI~ siècles
2. Brelon5. Ve siècle

81. La Gaule mérovingienne


P11rl1c J. JJ~nm11umr~dnidlnlrlh

l'" ,..,,....,. f!f/1ni9u•far:om6/r. à lu 1li,,,cipli11" ''" l'É.'gli~"


Fra.r~e n'est pas la Celtie; elle n'est pas non plus l'addition de GerrruiiruJ t1 <k
La
Romains. Michelet r.ippelle que la France est le mélange de plusieurs races 1 : d'aborJ
les Gaels, bruyants, désordonnés, s'enflammant vite pour se détourner plus vite
encore. L'élément œltique ensuite n profondément marqué la France; il a pcr~i&lé dalb
la lllllgue, dans les mœurs, dans la pensec. Puis les Romains donnèrent aux éhres leur
languc2. Dans le Midi. de manière plus marginale, l'imprégnation sémitique C5I le
premier apport oriental à l'identité française - des colonies phéniciennes d'aborJ, J~
Sarrasins ensuite, et puis des Juifs - et des éléments grecs3.
Viennent ensuite les éléments germains, "l'obéissance allemande" comme l'écril
Michelet, dont l'Église avait besoin pour discipliner le turbulent monde celteoi. Ce !iOnl
ces barbares dociles qui vont servir d'auxiliaires à l'Église dans son œuvre d'unitt
nationale'.
Carte 61 · Les invasions barbares au ye siècle
Carte 81 : La Gaule mérovingienne

l ·o.,·as S.)'S~1oes. uni etc apphquès 11ux ungine:s ùe Io t:runcc . Les uns mcnl l'innucncc étrangèn:; ds ne: vculcnl pouuqac b
F......-c do4'\"'C rien:.\ bi langue. à la littmrun: des peuples qui l'un conquise. Que d i!-1-j c '?S'il ne lcnait qu'O eux, on rc1tOUVft'alldiAi.
111)1arigincs les ongioc$ du 8CQfC hwnaio. [ . . ) D'•uan:s cspnb. moins ch1mf!ri.qucs pcut-ètrc, muis placés de m~mc dans un poa ds.
,.._ aduUf et sysrèmaùquc. cherchent tout ùans la tnJ1uon, duns I~ 1mponations diverses du conuncn:e ou dç la C"onqu.!k. POIS
au. DOCre ~ fnmçai.sc C5' wx i:om.i.ption Ju tau.n, nolrl: droit une Jégrudution du <lroit ron~m ou gcnnaniquc, nos 1rwJll.10m i .
lilapk Ocho dei tnd.itions C1ranaC:rcs. Ils. donnenl la moitié de Io Fr.mec ù. l'Allemagne, l'autn: aux Romains( .. ). Appucm..mcm, e:a
_...u ~ cduq~ doot parle la.nt l'Anllquitl!, c 'ébut une: nu;:c s i abandonnée:, si déshéritée d e Io muurc, qu'elle aura~

~ lalllCI bW:'c. Cette Gaule, qui arma cinq cenl nulle homm i--s contre Cesar. et qui parait encore si pcuplêc sous 1 ' ~. die :a
disparu IOlW: ~. elle .s'CIJ. fondue par le: mClangc de quelques légions romaines ou d es bandes de Clovis. Tow; lu fl'mlÇl.B
~dei. A.llcmmKk. quoiqu'il y ail si peu û'allcmand dans leur langue . Ln Gaule o péri , c o rps ct biens, co mme l'Adaoodc
Toua les Cehrs 001 pén, cl s'il en rcslc. ils n'êchappcronl pas OWI. tr.:nts tic lu c riuque mode rne ." in J MICH ELl=.I, HiJttJtre dt
F~. Uwiannc, Ê.dluom Renconttt, l . 1 L~ Moyen-Age, p 130-13 1
? Toute la Gaule ne parle pas latin comme 'e remarque Mlchclcl ''Si nous en croyons les Ro mains. leur langue prê"loalw. dam b
GaWc. comme dans 1out l'Emp~. Les VWDt'US étaicnc censés a."toir pcrtlu leur lanb'UC, en m ême temps que leurs dieux. Les Romua
Ille voulatc:r:r.t pas Yvoir s' il existait d'W&tn: langu..: que la. leur . Li:urS magistral.s. n:ponda1enl aux. Grec s en li!.On . C'csl en l&tia.. dn le
Digc:sle. que les prâl:W'5 do1vcat intcqm:1cr les lois. A1ns1 les Romains. n'entendant plus que leur lungut: dons les rnbunaw.., la
primil1:s et les basiliques., s'1mag.inèra-u avoir Ctcml \'1diomc desv ain~u..c; Touc~fo1 s plwm:ur-; f111ts mdiqucni cc que l'on Jou pcam-
dc cale: pRccnduC' wlivcr..11..htC de ta langue launc. Les Lyc ien.s rebelles ayant i;:nvoyé un des le urs. qui êtait c ilo)·cn romam., P'llm
dcmalldc:r gricc.. il se U"OU"'& quci le citoyen ne savaic pas 1111 Langue de la C itè:. C haude s.'upcn;u1 qu' il ovail donne!: h: gouvcmcmc:o1 dt
li Gstcc. une place st tmi.nente, à un homme qui ne savoir pas le latin. S u-abon rcma n{uc que;: h:s 1r:ibus de Io Béttque, que la plup.t
dt œUcs de Gaule mtridionalc. av•1cnc odop1é la lo.ngue la1u1c ; la chose n 't!ta.11 dune pos si cummune, puisqu'il prenc.1 la pcmc de I&
ranarquer". in J . MICHELET. HLflofre de FrcJrlCt! , t. 1, p . IJS. "Qwwd â la mas.se du peuple, je parle sunoul des G aulo1utu Nonl. il
eM djO""kiJc lk iUppOICI'" que les Romains aient en.,,.a.hi la Goule en a.ssc:.c grand numbn: pour lui roirc abandonner l'idiome oaclOUil.I. •.
i-.p. 136.
) •Vert l'an 600 avant notre ère, des Gn:<:s dCborquêrcnl à l' emplocem cnt de Marseille. Ils vcnn icnt Lie Phoc", •oillC" JA.w
MiDc:utt, fOAdôc pu-da colons 11théniens." . 1n P. GAXOTTE. Hi.'ftuirtt des Frun(,·a is. :! v ul ., Puri s. Flumnw.rion. 195 1, 1. 1.. p. l1 .
Micbdd soubgm: ccpcod&al qu"il m; foui pas eJtngéter ces 11pporb "On s'est C:vidcnune ul e " ngéré l'inOucm:c de Mursc1llC'. EUe p.i
iDDodwR quclq~ mob gr~ Wms l'1d1omc ccluquc ; les Gaulois. fou te d'c...~d1urc nationale, purent dans les cx:c~ions. solcwxllc.
ClllpNtller les c.aiu~ pa:.s. mats le g~nic h~Jlcmque ét11it trop déduig.ncux J es b orburcs puur gllJ;tncr sur cwt W\C intlUCllC'C" rcdk.
Peu no~. b'lll\'cnant le- pays ttvcc Lléfian..:c cl sculcmcnl pour les beso ins <le: h:ur c o mmerce, les Gn."Cs J1fkr.11cnt cn..,, dn
GaWois., de nec et. de lllllgut, ils leur éta1en1 trop Sllpéricur.. pour s 'unir limidcment uvcc CUX . 1• • f C 'est OSSCZ ION, Cl :iUl1oul J'\11' la
plailmophje, part. n:haion. ~uc le Grè~c o mnuc s ur 111 Chaule. t:lk a u1dC Pé la ge. 11111 is sc u lcmcm à fo n uulcr cc qui ëtu1t lkJi Jam J.:
Pte aauona.I. Puis Ica buban:5 wnl vcous, Cl 11 il fallu Lie" sitcles flOUt que lu Cinule rcs:;usc ih.': c . s e souvî nl cn~orc de la lirt..:< ... 111
J . MICHELET. Hi.rwtnde Front·~ . t. 1 Le Muy 1!1t-À ge. p . 135 .
4 "Les Cellet tuucm uop 111Joc1li:s li l't:KD.td de l'Ég lise. 11 folluil que èc llc -ci n\'uncc en s'uppuyam NUt l'ob(~(
aUcmmde ·, ltkm, p . 114.
' ·courbe la lite. doux. Sicunbn: . . L.c: C.:ehe indocile 11'11 p us vo ulu lu f.:<H1rbc r-. Ces b nrh 1.1 rcs, 4u1 sc111'1111kn1 f'l l'ib ; h>U
éaucr, il• dcvicnocnt, qu'il.a le sacbcnl ou non, lcti dociles îmurumcnls de l' E iehsc . l!llc cmrlu1 c m leurs Jcu1u.:s tinL' puw r\•r!(<'I k
lie:n d'acier qui VIII llDir 111 !OCiété ntudern.t! . Le nu11·tcuu genmmiquc Je T hur .._., de C hnrlcs Mund v n scr'\' 1r 1i inam:lcr, .Ion~ .
discipliner le . .11111 rdJaUc de l'Occ1dcnl.", lhidem , p 134 .
Chapltrv 3 . u rcligaon

L'alliance""'"' lu Franc."' l'Ésliu


•Dieu de Clotilde, si tu me domies /11 victoin, je - frrllÏ chritien"

Clovis
L'unité française se forge très tôt, sous le royawne des Frana,~ l'alliance i!Vll!:
l'Église. Lorsque l'on étudie les Croisades, on constate la place œn!rale oœupée paJ,' le
catholicisme français dans la poussée européenne vers l'Orient. Or cette cent;raliti CllC
ancienne : eUe trouve son origine dans la formation de l'État n*ovingi&!n et " -
l'appui privilégié que le clergé apporte aux Francs contre les autre& nationa.
Personne ne crut que les Francs pouvaient devenir puissant&, et c'est la rai&on pDQC
laquelle on les laissa dominer. Les Francs ne sont pas un peuple, mai& une f~tion
de peuples composée des Germains les plus diven, qui servent les meilleurs CQJllll dies
armées de l'empereur; la fonction géopolitique de cette population franque qui.oa:upe
les espaces compris entre la Germanie insoumise et l'Empire romain, est de servir de
bouclier contre d'autres invasions venues des profondews de l'Europe. Servant. Rome,
les Francs s'opposent à l'invasion des Bourguignons - Burgondes-, des Suèves, del
Vandales, en 406; ils combattent les troupes d'Attila qui déferlent 5Ul' l'ouefit de
l'Europe. Sous Clovis, les Francs ferment le Rhin aux Allemands, près de Cologne.
Le chef franc Clovis 1 - 482-511 - acquiert tout l'espace tenu par Rome~ battant
Syagrius en 486, c'est-à-dire tous les territoires compris entre la Somme et la Loire. ~
496, c'est la victoire de Tolbiac sur les Alamans; Clotilde qui est catholique convertit
son mari Clovis au cours de la bataille. A NOi!.1 497 ou 498, Clovis est baptisé à ReiJqa
par Saint Rémi . L'État franc de Oovis inaugure une fusion entre Germains et RoJnair11!.
Le baptême de Clovis n'est pas seulement Wte victoire de l'Église. c'est la victoiR
des Francs qui s'appuient sur le clergé pour prendre le contrôle du futur territoire
national. Grégoire de Tours écrivit que tout réussissait à Oovis parœ qu'il marchait "le
cœur devant Dieu".
Flottants, comme l'écrit Michelet, sur les frontières, les Frani;s constituent une
population mixte prête "à toute idée, à toute influence, à toute religion' 2, et ce à la
différence des autres nationalités barbares fermement enracinées dans l'ariani&~l
comme les Wisigoths4 , dans le paganisme comme les Saxons, ou bien encore au Sud,.
dans l'islam pour les Sarrasins. Ainsi. face aux Saxons, aux Wisigvths et aux Sarra&ins..
les trois puissances qui peuvent s'emparer de la France, les Frani;s saot le seul gœad
allié de l'Église5.
A la mort de Clovis en 511, les quatre fils du roi franc se trouvent c:h;icun à la~
d'une des lignes militaires que les campements des Francs avaient IOnnées sm la
Gaule. Theuderic réside à Metz ; ses guerriers s'établis.sent dans la Fnnœ orienlaJ,e ou
Austrasie et dans l'Auvergne. Clotaire réside à Soissons, OùldeberU Paris. Oodomir à
Orléans; ces trois frères se partagent en outre les citésd'Aquilai.ne.
Outre l'alliance fondatrice de l'Église et de la pui.ssanœ ~e. une autw
constante géopolitique se met très tôt en plaœ : le choc entre les Fran;:$ et les Saxœiè.
lequel annonce la lutte de la France contre les puissances anglaise et allemande.
La mort de Theudebert, et la désastreuse expédition d'Italie - les Fnuv;;ais ~
toujours échoué en Italie - . mettent un tenne au progrès des francs. BientOt envaNe
par les Lombards, l'Italie se ferme à la progression des Francs qui échouent aUl!lii du

1 M . ROllCll E, <.. ït,,.,_.., Paris. t-·ayani. t~ ; G. iJo TOUR.. Hwa.int-*s Frmt::1. Pans. Lu&eu.Lcarw.1996.
2 J. Ml(. UEl.L:.T. Jlbt1..11rt: 11..· Frunn..·. LawanPe. Editioo-. R.c:ar.xiolnt..L 1 : i..tclfq-...A,ac.p. l64.
J .. To1.1." h..•s uutrcs b~uburos à ~~ne .:~llQ~ ~Wcul anem. Tuu& ~ • '* ....,"-•- ..._........._..,_.,
4 J SC.:HMIUT. L.r '"'".\"°''"'~ -..·ui$('11t Jr T~. Pans. Paria. •"'2. 204p.
5 J MIC'tltiUff. ffl.""I"' Je ~·....,..-c. 1. 1 : le Moy.,.À&c- p. loS.
Parh1• .3. ~nnanmœ ,/f!'!. idmhtb

~ de l'Espagne. Les Saxons ne tardent pas à rompre une alliance sans profit et
refusent le tribut de anq cents vaches qu'ils avaient bien voulu payer. Clotaire, qui
l'exige. l'St battu par eux.
L'opposition dL'S Fran,-s et des Saxons ne va cesser de s'accroître. Les Saxons,
auxquels les Francs ferment désom,ais la terre du côté de l'Occident, tandis qu'ils sont
poussés à l'Orient par les Slaves. se tournent vers l'Océ.in; associés de plus en plus aux
hommes du Nord, ils .:ourent les .:ôtes de France, et fortifient leurs colonies
d'Angleterre.
Ootaire - 558-561 -, par la mort de ses trois frères, est devenu roi de Gaule.
Comme son père, il laisse quatre fils : Sigebert hérite du royaume d'Austrasie, c'est-à-
dire de l'Est - cela correspond à la Champagne, aux pays de la Meuse et de la Moselle,
la capitale officielle étant Reims - ; il s'installe à Metz et sa puissance bénéficie de la
proximité de tribus germaniques; Chilpéric que l'on va appeler roi de Soissons, hérite
de la Neustrie - qui .:orrespond à tout l'Ouest entre l'Escaut et la Loire, et dont la
capitale est Paris - , Gontran hérite de la Bourgogne - qui correspond à l'époque aux
pays de la Loire et du Rhône et dont la capitale est Orléans - et s ' installe à Chalon-sur-
Saône1 .
On peut considérer que l'affrontement entre !'Austrasie, la Neustrie, et la
Bourgogne annonce celui de l'Allemagne - Austrasie - , et de la France - la Neustrie
est le véritable noyau de l'unité française - , la Bourgogne, riche province longtemps
indépendante, étant un objet de convoitise pour les deux autres puissances.
La premirn alliance de la Bourgogne et de la Neustrie, contre !'Austrasie, c'est-à-
dire au fond de la Gaule contre la Germanie, est le combat de l'Église et de la
civilisation contre les Barbares. Mais, puissance plus indépendante que vassale, la
Bourgogne est fluctuante dans ses alliances. Elle n'est d'ailleurs pas seule dans sa
versatilité. Nombreuses sont les villes qui jouent de l'opposition entre !'Austrasie et la
Neustrie, et qui opèrent des renversements d'alliance. Ainsi, Poitiers, qui, par rivalité
avec la ville vmsine, Tours, préfère reconnaitre !'Austrasie.
La Neustrie, c'est-à-dire le noyau de la France, souffre également très tôt du jeu
indépendant mené dans le Midi par les Aquitains et les Provençaux. Ces derniers, pour
affaiblir la famille mérovingienne, tentent de se faire un "roi sur mesure"2.
Mais la Neustrie dispose du soutien sans failles de l'Église.
L'Église n'a cessé de se fortifier : elle a hérité du gouvernement municipal ; elle s'est
posée en arbitre entre les Barbares et les vaincus ; elle est sortie des villes et se déploie
dans les campagnes, y créant des évêchés. Elle est devenue un asile pour tous les
vaincus, Romains et serfs3.
Cette influence grandissante sur le territoire national s'exerce à partir de plusieurs
centres. Les centres romains du Midi - Arles, Vienne, Lyon, Bourges-, trop
métropolitains, "rhéteurs et raisonneurs" 4 comme l'écrit Michelet ont désormais peu
d'influence sur les Barbares. De nouveaux centres d'influence du christianisme
s'affirment : Reims, Tours. L'évêque Saint Martin de Tours est "l'oracle des barbares, ce

11.... p. )76
2 Ils .ppcllœl de Conuam.inoplc un Goodovald qui se prttend iss u des rois francs Grég o ire Je Tou rs rJ. COf'lll! cette 1cnl3 llH
qu.L CDtrUœ l'knl Mlchclct. ·eai1 coanailn: Io grands du Midt de I• Gaule, les Mununolc, les Gontrnn-lloson, gens c!qu1 voqucs et

doubks d'oriaine cl de politique. moitie Roma.im. moihC bari>U'C'S . cl leurs ha1 su n~ avec les enn e mi~ d e lu Ouur1::ognc cl de la
Ncuwic, •\U le. Gnx.s b)'Dnl i ~ et les Allemands d'Oslrutc ." 10 J. MI C H EL ET , Hutmrt• J._. F ru ncf! , Luu~11nnc, Êd11tons
RcncGntn::. L 1 · Le Moym ~Âgc. p IK-4 .
l/U... , P· •~s
'1b"'-r, p. 196.
Chapl.,.., 3 U. rellg1on 385

que Delphes était pour la Grèce, l'ombilicus terrarum" 1 . li garantit les traités et est
regulièrement consulté par les rois.
Ces centres de Tours et de Reims possèdent beaucoup de terres, jusqu'en
Aquitaine ; ils en gagnent en échangeant le pardon aux crimes des rois barbares contre
de nouvelles possessions. Michelet affirrne méme qu'il existe une connivence entre les
populations locales romanisées et le clergé au détriment des barbare5 pour user de la
nal'Veté de ceux-ci quant aux fautes commi!IC!S et aux réparations à y apporter en dons
de terresl.
L'Église soutient les Francs et obtient en échange une implantation territoriale
importante; la puissance de l'Église augmente par absorptionl.
Lf' ~ou1ie11 rcnorivc/•1 dP. l'Églist! 11ux Curoli11gien11
La dynastie des Carolingiens4 est une dynastie ecclésiastique5 ce qui explique sa
proximité forte avec le pape et son attachement à ('Ordre de Saint-Benoit. Leur
dimension épiscopale permet aux Carolingiens - qui sont Austrasiens - d 'obtenir
l'appui d'une Église jusqu'ici plus attachée à la Neustrie qu'à ('Austrasie, mais qui s'est
éloignée d'un pouvoir neustrien d'Ebroin de plus en plus laïque et de moins en moins
favorable au clergé.
Tenus en échec par les Saxons, les Austrasiens font appel à Carl, surnommé
Marteau; son origine est paîenne - "marteau" fait allusion au marteau de Thor - et il
est souillé du sang du martyr Saint Lambert, évêque de Liège. Mais c'est justement
parce qu'il est paîen et que nombreux sont les Barbares qui croient qu'en suivant Carl
ils pourront profiter des biens de l'Église, que les années austrasienne:s abondent de
nouveau de soldats et peuvent redorer le blason des Austrasiens face à la double
menace des Saxons et des Sarrasins. L'Église prouve une nouvelle fois sa capacité
d'intégration en faisant de ceux qui étaient venus en Austrasie pour piller les biens
ecclésiastiques, des chrétiens serviteurs des futures armées de Charlemagne.
À Vincy, Charles Martel bat les Neustriens alliés aux Aquitains du duc Eudes. Mais
un danger plus grand menace l'ensemble des peuples qui vivent sur le territoiœ

1 Ibid. p. 196.
2 Chaque crime drs ro1 s barbares ''UUt :l l' Êg lisc qudqu~ danntlon.s étnncllcs. Toul le mande dbin: lttt dmmé à l'Église .
c'est une sorte d 'mrTranchtsscmcnl Les é\'èqucs ne se font nul scrupule de pro\·oqua. d'Ct:cndrc: rm- cks fiiaudcs pieu.sa b
concessions des rois . Le témo1g n'1ge des gens du pays les soutiendra. s'il le raut. Tous au besoin. anes1eroo1 que- ccuc terre. oe
vinage onl éu! JAd1s donnes 11ar C lovis. par le hon Gontr::in , .11u monas1ère, li l'é\·iêcht \·oism. lequc1 o'm a Cli dépowllè qae ps UDt
\·1olcnce impie . Choque JOur la conm\'cncc des prètres et du pcup1e dc"·u.1t am.si cnlc"·cr quelque chose au barbilrc. cl profucr de .u.
~ulité , de sa dévol1Dn . de ses rcmor&. Sous Dago bert.. les concessions rcmon1cn1 à Clo\·is . sous P('p1n le B~f:i D:a.Jabcn.. Cclu.i·
c1 donne en une .KUlc fois vin~t -s cpt bourgodes 1\ l'abboyc J~ Samt-Dt:n1s. Son fils. J11 t'hormètc St@C'bcn de Crcmbioun.. fonda
douu monas1èn:s et donna~ Soin1 RCmaclc. Cvêq11c de Tongres. Jouzc- hcucs de b.rge d4ru la fori1: d'Ardenne• m J. MICHELET.

His1oirr Je France. Lausunnc. E:t1 i11ons Rc-ncontn:. 1. 1 Le .\fCJJ'c.'n -.-ig,'. p . 196.


J Absor1)tion qui ne va pas "'ans poser probl-:mc ··Aussi toul fa\•oriso.ü 1'1tbsorplion de la soortC pu l"Egl$-. aout y cn1n.1t.
Romains et borbu.n:s, serfs et libres, hommes et 1erre,.,, lo ut se rHug1:u1 nu sein malcmct L'Eglise ~hon.at toul cr qu'elle ~-ait
du dchc~ ; mois elle ne rouvoit le fom: ~n~ se d~1Crion:r ,.r01u1oint cllc-llll...'m< A\-cc les ni.:hcucs.. rcsprit du monde cntr.ut Jam le
clcrgl, a\'cc la pui?'lsoncc , ln burb<mc qui en C1a.11 nlors i n~r111rahlc . Les serfs de,·mus pritrcs pnb.icnt ks \"l'C'CS Je serfs.. b

dis.simul1tnon. Io lâcheté Les lil s <le bnrb~rc s J cvcnus évêques rcslluent SUU\"Cnt barb:lrn Un ...<>spnl Je ,-1olena."C et Je grossin-nê
cn't'1thisult l'Eglise. Les Ccolcs monnst rques Je Ll!-nns. Je S mnt-Mn1'.\cnt. Je Ré-cime. Je rilc 8atbc ~\ïUC'Tlt pentu leur C\::LJ1 : Io
ê-coln q,i1cop11lcs d'Autun. Je Vienne. tl c P n 11tcn. tic U uur~cs . d' Au'<ctTC suhs1Ma1cn1 s1l(rk:lnism1CTll. LC'S conciln dc'-Yn&.1m1 die
plus en plus rares S4 au v1r !'>1èdc. 20 11u vue. 7 "iculcmcnl Jon'i. la pn:-nutrc: mo111t du \'IW s1à:k.. /Jnn . p . 200
4 r RICHE . ü•., Cc,mfmgù:n' (Um· fi.mu/I,• 11111 .lit l 't. 11mJ1d. P:iris, llachcth: Pluncl. l'>'l7
S "La 11gc Je celte dcmu~rc fanullc c s l l'é\"êqu c Je Me11:. Amulr. qu i a st•n IÏl!i C hloJuli pour s. u...~r Jam 1;ci C-\·a:hi.: . Le
frtn: d'Amulf c111 obbi! l1c Uuhtlm : son rct11-ti1s c s1 snmt-\\'anJnlk Tome c ...·u<' liumlk· cs1 C-1ro1tcmcnl unie an:~ s.a.m1 lê:gcr Le
frère de Ptpm le Hrcf. Cnrlomun. si: full nu1inc nu M ,1nt-Ca.'i."i m : ~C"i aulres fr(I'\.~ Sll01 lirc h~\·('qllC'S Je Rui.n:n. aN>t Jc Saint·Dnm..
Ln co~ ins tic C hurlcmngnc, A<lull111nl , W~ln . Ucm11nl . so nt m1.11 m."'S lin frère Je Ll1u1s k o.!klnnsm:. f)(irgl1n , C'SI ~·~ ùc Meu..
trois au1rcs de sc11 frères son1 muin cs uu dc-n:<0. Le yr.mJ s.uml Ju t.h1.li . s.nm1-Gu1llo.\lm<' J e Tuult1u.s.c. est ~·uu.<>1:1a t1 tuk'W du fils ;sin(
Ile Chnrlemagnc." . in J . M ICl·IELET. lli.um1-.· ,,,. 1-"r1111< t.'. LouHnnc , f.<l iuons Rcn..:untn:, 1. 1 · L,· .\1'11-.·n-.('"*'' · p . ~11.
0
J>11rtrc• J. Per1wmr11ct' d~:; id~11l1lé1

national: les Sal'TllSins. Ces derniers, déjà maitres de l'Espagne se sont empari~s du
Languedoc. La force de leur cavalerie les fnit avancer rapidement 1 . Les Aquitains sonl
défaits et doivenl s'en remettre aux Francs.
En 7322, près de Poitiers, les lourds bataillons francs stoppent les rapides cavaliers
arabes. La victoire de Charles Martel est courte: il fout déjà se retourner vers le Nord
menaœ par les Frisons, les Saxons, et les Allemands. Michelet souligne que Charles
Martel récompense les succès de ses soldats des biens des églises de Neustrie et de
Bourgogne; c'est probablement vrai tant son armée semble trouver facilité à recruter.
En méme temps, Charles Martel devient l'ami des papes; la Germanie se divise en une
partie palenne et une partie chrétienne qui sera le bras armé de Charles Martel, Pépin
et Olarlemagne.
La christianisation d'une partie de la Germanie est l'œuvre de Winfried3 -
Boniface - et de l'Église anglo-saxonne à laquelle il appartenait, romaine d'esprit,
germanique de langue, et fondamentalement opposée à l'esprit anti-hiérarchique et
individualiste qui régnait sur l'Église celtique4.
En 752. à Soissons, Boniface sacre Pépin roi - en l'oignant d'huile sainte, chose
nouvelle chez les Francs -, au nom du pape de Rome, et accorde ainsi la couronne à
une nouvelle dynastie. L'alliance avec l'Église est totale, et sans failles : les ennemis des
Francs carolingiens sont ceux de l'Église, qu'il s'agisse des païens saxons ou des
Lombards ennemis du pape.
Le fils de Pépin, Charlemagne - 768-814 - poursuit la politique chrétienne de son
père. U mène une guerre impitoyable aux Saxons païens. En 772, Eresbourg est prise et
l'arbre sacré d'lrminsul brùlé. La noblesse saxonne se fait baptiser en masse et accepte
l'annexion au royaume des Francs. La lutte des païens devient une lutte populaire: les
paysans sont menés par le fameux Witukind - 779-780; les combats se terminent par
un massacre généralisé des paiens et un triomphe de l'Église. En 785, Witukind et
Charlemagne font la paix et le Saxon se fait baptiser. La réconciliation se fait au prix de
déportations réciproques de Francs et de Saxons sur les territoires allemands et
français. La christianisation l'emporte finalement dans les évêchés de Brême, Verden,
Minden, Munster, Paderborn et Osnabrück qui sont suffragants des provinces
ecclésiastiques de Mayence et de Cologne, fondées par Charlemagne5.
Notons bien que des siècles plus tard, les provinces allemandes qui ne restent pas
fidèles à Rome sont celles qui ont défendu le paganisme contre Charlemagne, c'est-à-
dire celles qui ne furent pas daris la Germanie chrétienne avant le JXe siècle. Il y a là

J "'De la ville romamc: et gothique Ile Narbonne. occupée pa.r au.. h:ur innombrable cavalerie se lança11 audnc1cuscmcn1 vers le
Nord, J~u·cn Poitou, .rwqu'cn Bourgogne. confiante dans sa légCreté. et dans la vigueur infarigoblc de s es chcvamt ofnco.ins. La
oélCritC prodigieuse de CCI bnpnds. qui ,,.o1tigeaicnt panuut.,. semblait les multiplier ; ils commcnç1:ucn1 a passer en J1lus grand
nomtn on cn.ipa.11 que. Klon leur usage, aprU avoir fa11 un dcscn d 'une pllltic des con1rêcs ùu Midi. ils ne 11msscnl pllt s'y
àabhr.",/Jem,p . .214
2 La dalc Clî1 pR:scn1Ce QlmlDC déc11i1,·c par Gibbon Jans Je combat entre 1slom cl 1.:hns11omt>mc ; plusieurs h1s1uncns onl
mootté dq:luili que c.cu.e ~taliond'un choc cnt~ chrC1icns et musulmans é.rait onachrumttuc " 732 1s lhc Jute of the famous
dd"c::&I of the An.bJi b)" Charles Mancl. which Gibbon ovcr-su-rs....ci..I as dec1!>1Vc . an order tu 1ca1"C the 1hculogions ur OltforJ abou1
lhett escape from 1ntcrpraiog the Qw.o , but it d1d so happcn lh111 aftcr that darc thcrc was no sçrious no11hwun.J proscculmn or
dJebad.. or holy vi.·ar"', tn N. DANIEL, The AruW ~nd .\led1r1•al Eurupe. London und New York. Lungmall, 197~. p (12 .
J "Le Colomb ou le Conn du mundc gcnnamquc" C'esl lui 4u1 clcvu l'Êgllsc de M1.1ycncc , ét;hsc Je l'Empire. et Cologne,
eg!i..: des rchqua
4 SaUu Buru.facc fut un mnemi, achamr de l'Eglise celtique
5 W . IHWEMANN. H KJNDER , Atlas hururtquc (/)t' l'appuritwn de l 'hommL' $Ur lu lt•rre iJ /'1!1 ·.: 11/om;qm•J, Pans, l'crnn,
réât. l91iJ7, p . 119 . lnld. de Al..l.M 7J.U Wcltgc.chichlc, Deutscher Tascht:nbuch \/aley . G M.U.li. cl Co. K .G . Munich, 1964.
Ouipitrc 3. Lo religion

matière à réfléchir eur les fondements historiques de la frontière entre le catholicisme et


le protestantisme en Allemagne1 .
Avec la conquête du royaume des Lombards - 773-'n4 - Charlemagne continue
son combat en faveur de l'Église : il renouvelle le don de son père des provinces
italiennes au pape et assure les États de l'Ëglise de sa protection. En 800, il est couronné
empereur par Léon Ill et devient ainsi lmpcrator R.omanoru ; en 812. par Je traité d'Aix-
la-Chapelle, Charlemagne est reconnu empereur d'Occident par l'empereur d'Orient
Michel 1c•, en échange de la cession de la Vénétie, de )'Istrie et de la Dalmatie.
Charlemagne meurt en 814 ; Louis le Pieux est couronné deux ans plus tard par le
pape Étienne IV à Reims. Une fois de plus, la légitimité franque est celle de l'Ëglise.
Louis le Pieux a trois fils: l'ainé Lothaire, Pépin et Louis le Germanique. En théorie,
Lothaire doit être le futur empereur - il est couronné régent par le pape en 830 -,
tandis que Pépin doit recevoir l' Aquitaine et Louis le Germanique la Bavière. Mais
Louis le Pieux contrevient à ces dispositions en attribuant en 829 un troisième
territoire, l'Alamanie, à Charles le Chauve, fils de sa seconde épouse Judith.
Cette décision provoque une révolte des trois fils en 830. Charles le Chauve et Louis
le Pieux se retrouvent donc alliés.
Trois ans plus tard, Louis le Pieux retire l'Aquitaine à son fils Pépin. L'Empereur est
déposé puis rétabli par les deux fils cadets qui veulent limiter le pouvoir de l'ainé
Lothaire. En 838, à la mort de Pépin, Charles le Chauve reç01t l'Aquitaine. En 841,
l'alliance de Louis le Germanique et de Charles le Chauve triomphe de Lothaire à la
bataille de Fontenoy - près d'Auxerre. Le Serment de Strasbourg en 842, qui est le
premier texte en vieil haut-allemand et en vieux français, confirme l'alliance de Louis le
Germanique et de Charles le Chauve.
Dans toutes ces guerres, l'Église a joué un rôle décisif. Elle n'a apporté de soutien, ni
à Lothaire, ni à Pépin, l'un et l'autre n'ayant pas hésité à s'appuyer sur les Saxons et les
5arrasins2.
Au contraire, Charles le Chauve a été l'homme des évêques, et en particulier
d'Hincmar, le grand archevêque de Reims. C'est au nom de l'Église qu'il fait la guerre à
Lothaire et à Pépin alliés à des païens. Hincmar est d 'ailleurs comme l'écrit Michelet.
"le vrai roi, le vrai pape de France"; c'est sans doute lui qui empêche Louis le
Germanique de s'établir en Neustrie et en Aquitaine. C'est lui qui gouverne la Neustrie
pendant l'intermède carolingien.
Pendant que les Grands se divisent, l'idée de l'unité française est conservée dans les
grands sièges ecclésiastiques : Tours sur la Loire, Reims dans le Nord. Petit à petit. il
apparait clairement à ce clergé qui défend l'idée française contre les ambitions des
puissances frontalières, que l'unité doit surgir du centre, de l'ancienne Neustrie.
Mais le temps est au danger viking. De ce danger sortira la féodalité, sorte de
décentralisation défensive avant l'heure. Le clergé va continuer son œuvre d'unité en
s'alliant alors avec le roi.

1 fl:'mund. lln1\ldcl souhsnc le lu:n Lk hl fr.1~· 1ul"C' l·ntn• Kc11n.: ~· 1 li.· pa~:Jn1 .. mr" 1.l"ww pi1n. le cad\(.\JklilUC et le~
J 'uu1n: ror1 : Cirmum11irc· , /o n 11hH1tion.• . l'Olri:- FJ;unm;&n llU , l'N.l , l'••ll RChaltlp:°'R ' tenu '!:tu f"hi.,troi"' . Pwu., Flunmanua. 1984,
coll . "Chomrs" ,
::! J. MICHELET. lli.. tc,,r.· tl1· , .-,., ,,,,.,. t om~nn< . tidarionA Mcac.mm:. t 1 1 •' .um ...·.n-....~.. Jl 2S6..
+ •+ • frontières Uc J'empire de C'harlcm11gnc
panage de 84~ (A. B . Cl
A. pan <le Charles le Chauv~
B. pan de Ln1hairc (Lotharingie)
an de :-ouis le Germanique

i Etals va."iisaux
États de l'Église
pays occupé par les Arahe s
invasions arabes du Vl11t..~

invasions arabes du IXe s1èdc


siècle

11ays occupé pu.r le." Normands


invasions normandes

sièges archiépi scopau:i1.

82.. La Gaule carolingienne


389

Nous avons traité, dans une section consacrée au facteur dynastique et clanique, de
1~ formation territoriale française, de Charlemagne jusqu'à la veille des Croisades.
Nous renvoyons à la lecture de cette section, ainsi qu'à celle consacrée aux agressions
rionnandes - voir la section portant sur la fonction géopolitique du fleuve dans le
chapitre portant sur la topologie -, pour poursuivre l'étude du facteur religieux dans
la <-onstruction française . Insistons sur le fait que ces époques lient profondément la
direction de la France et sa construction dynastique et territoriale à la légitimité
religieuse donnée par l'Église catholique. C'est en effet plus tard que le fait religieux,
d'un rôle de gouvernement de la légitimité politique, passe à un rôle d'inféodation au
politique. Nous abordons maintenant cette période.
J. ., procP.1"fl;US d'i,,frodurion rlu Jirir rt•/i~ir1u:: nu fait 111ttio11ul
La formation de la France sous l'œuvre des Capétiensl se fait très tôt suivant deux
3:\:e5 :
- La lutte contre la féodalité et les clans au profit de la construction d'un État
centré2 ;
- La lutte de l'État sécularisé contre la théocratie dans le but de refuser le pouvoir
excessif du clergé et des papesJ.
Dans l'histoire de France, le fait religieux apparaît donc très tôt comme une arme
politique maniée, selon les cas, contre Je roi ou par lui . L'un des premiers rois à utiliser
la religion est Philippe Auguste, lequel s'emploie à mettre la force morale de l'Église de
son côté : le pape Innocent Ill , qui est un fervent adversaire de l'Empire germanique,
est son meilleur allié européen. Philippe Augu s te poursuit ainsi Je pacte conclu entre la
Papauté, Pépin et Charlemagne. En même temps, Philippe Auguste, s'il laisse le pape
faire et défaire les empereurs en Allemagne, ne souffre aucune atteinte à
l'indépendance de la France. Avec ce roi naît une tradition de la politique étrangère
française qui perdurera jusqu'à aujourd'hui : avec le pape si possible, contre lui si
l'intérêt national le commande.
La question religieuse apparaît aussi sous Philippe Auguste comme une question
de géopolitique intérieure. L'hérésie albigeoise entend purifier le christianisme.
Comme plus tard la Réforme, l'hérésie cathare, territorialisée car enracinée dans le
Languedoc et les Cévennes, e s t une révolte contre la hiérarchie ecclésiastique. La
croisade de Simon de Montfort, lancée pour mâter les Albigeois, est souvent
interprétée comme la lutte du Nord capétien contre la féodalité toulousaine,
l'adversaire étant le comte de Toulouse au moins autant que l'hérésie elle-même. Le
Capétien a néanmoins l'habileté, tout en ayant suscité la croisade, de ne pas assumer la
sévérité de la répression, ce qui eût gâté les chances de la monarchie dans la France
méridionale .

J J_UAINVILLE. lli.o;luin: tl'-' Frum:e , l 2c ëc.I., Paris, h yanJ, 572 p. (l'e éd., 1924).

2 "Avec Louîi. VI commence la pèriudc d'uclivitC de la monarchie cu11éticnnc - 1 IOtl :"Il cntrcpril des opênmons de police
m1li1.ai1c décidées à ncnoycr le: puys : c'é1ait le programme que son pCrc lui avait indiqué quand )1 lui momrai1 le donjon de
Montlhéry comme le premier obs ladc â ren verse r. L'ambition Ju roi Je 1:rom.::c . au cummcnccmcnl i.Ju xuc s iècle, élait d'allcr sans
encombre de Pans a Orleans.". in J. DAINVI L LE, //u1<1irt• "" Fm1tn '. Püris, Fuynrd, 12c &.! .. 572 p. ( I"° éd., 1924), p. 49.
J "Dcruis plus de scpl s i& lcs. missionnaires et évongélis1ueurs de Ioules origines ont solidement plant~ en pays franc un
chrisuanisme auquel n'échappcnl plus que quelques 'parcns' arriérés des pnys basques Cl gascons, tics colons nonnantls amenés par
Rollot! cl ses compagnons. cl tic petits groupes de juif." lolérés encore tiens quelques villes du Midi . Le prcs1igc du pmpe est
1mmcn$C, mais loint.ain . Les véritables chefs d'une Ëg lisc qui se dil toujours 'des üuules' .sont les êvêques, IQUS é1abhs dans les
anciennes cités romaines, le plus souvent issus de familles puiss.ntes et nobles, doJK; en pouiquc déj• cns11gés d11ns les liens féodawt
( ... ) Ils JOUisscnl d'immunité qui leur pennctlcnl d'll!chappcr ô la jus11ce com111le c\ royale" , irl P. GOUBERT, lni1iofio11 a J'hiJtuV~
JeFrunc.1:, Paris , Hachenc rturicl. 1984, p . 23 .
390 Parti~ J . Pnnran.t?•« Û1t ~

Saint-Louis Louis [)( - doruu~ à ln royauté française une dimension spiritudlol.


Michelet fait d 'ailleurs remarquer à son propos que s'il n'y avait pas eu Sainl·l.ou~
Philippe le Bel n'edt peut-être pns osé entrer en lutte avec le pape. La ferv.,ur reli~
qui l'entrakte aux CroiSildes est assez nouvelle chez les Capl!tiens, mais fait J7m'drt,
Ion de la dernière croisade, des risques inconsidérés à la France, puisque le roi est bit
prisonnier. Pourtant, Saint-Louis a beau être pieux, il n'obéit pas pour autant au~
et n!fuse de faire de la France une théocratie.
Sous Philippe le Bel, les rapports entre la France et la religion s'enveniment que!qur
peu. La fran..."'e, pour lutter contre l'Angleterre, a besoin de contrôler la Flandre. Or
Boniface VIII prend fait et cause pour le comte de Flandre. Le pape, chef suprt!me dtia
Cllretienté qui a su s'affirmer sur les empereurs germaniques, trouve naturel dt
contrOler les gouvernements. C'est ce que Philippe Le Bel n'accepte pas. Conn la
Papauté, il défend en 1302 les droits de la Couronne et l'indépendance de l'État
français, et ne veut reconnaître point de supérieur sur la terre2. Men.c.i
d'excommunication, et craignant que les Templiers n'hésitent à le suivre et à doniwr
tort à la Papauté, Philippe Le Bel envoie en 1303 Guillaume de Nogaret à Rome pour !t
saisir du pape. lequel meurt d'émotion. L'Europe est surprise par l'audace fra~.
d'autant plus qu'elle avait vu un César germanique s 'humilier à Canossa devari
Grégoire Vll. Le roi de France triomphe. n a osé faire violence au pontife sans roml'ft
le mariage des fleurs de lys avec la Papauté. Les bulles de Boniface VIII sont aMulées,
et durant soixante-quinze ans les papes sont installés à Avignon. Philippe Le Bel""
contraint aussi d'affirmer à l'intérieur l'autorité de l'État. Les Templiers sont de plus en
plus puissants et peuvent déstabiliser la royauté. Le procès en inquisition mené par
Philippe Le Bel est un bel exemple d'instrumentalisation de la religion au service de la
Raison d'État.
François 1er va plus loin. N'obéissant qu'au seul intérêt national, et confron~ au
danger que constitue, pour la France, l'Europe catholique des Habsbourg, il met en
place une alliance double3 : avec d'une part les princes protestants allemands ; il\ll:
d'autre part, les Turcs de Soliman Pacha en 15264 . "Les Turcs occupent l'Empereuret

1 "'-'Lucien F~ Satnt-Louis iocamc au plus haut point la convagcncc de l'idée cupéticnne cl de l'td6c c~ ;'\d
lvml êœ le mie joui m1 ltttDC:me s1êdc par l'idée capétienne et chn!ticnnc dont la plus pW'C' mcamallon av;ut Ctt Sallll-1.aa
Amnar dt CIClle ldtt-ame, les ligistcs avaic:al commencë le ~mblcmcnt de la terre française. Par clic, la Fnoct .,,.. •
pnmièK fois mcqws m Occtdcnt une primalllé n:connuc birn lom de ses frnnt iCrcs, puisque. i:n 1253, S\U les bords de La voa,...
des pcms.lils dr Gengis-Khan, la s ignalait à son interlocutr:ur le franciscain Rubrouck.. Rayormcmcnt oU Ill force .spirimellc: ......_
d'mllmn au1m1 dt,_.,que la gloiœ des armes, car c'est à sa ha utCW" morale autont qu'aux fleurs de lys que le sa.mi roi dnnti..
....tmœ cormne arbi~ mtR: la cour de Londra d les baron5 anglais . On ovait pu mcsu~r le presugc du cop!tien lonquc.•aa
* ..Crots.le d'É~ on avait YU SC grouper sponlanëmcnt autour de lui tous les pnnccs de roncnt latin. de Villc!mdaam•
Morêt au Lusignan de Oiyprc et aux lbclin de Jaffa . ~bordant les l!tro1tes lim ites du royaume , l'idt!c capétienne dLSCiplinaitdijila
FmDCIC ~ - "in L . FEBVRE.L'Europe, genêst!' J'une civ;/isat1on, textes '-'c c o nférences données par L. FebVl1! et rusmMiD
J* rldiœar. Paris. Pnrin. 1999. p. 56 .
2 •ta c:aaoaistes ponllficawt.. après la disparition de l'Empercur FrCdC ric Il - 1250 - , s e mirent 6. soutenir hanlnnm1q11tll
Papa d&maimt, OUb"C ua C'\>Jdmt pouvou spirituel sur la chn!'lienl~ , le pouvoir bcBucoup plus temporel de juger les rou.,dr~

dipcm:r. t l'oca:tian de disposer de Jeun royawnc. Sainl-Loui:5 n'await 1o m o1s accepté- de telles prétention s ~ Phihppt I\', -
ICDCUl'e.. sunaus lonqu'il tmuv. face à lui l'inuaruigcan1 Boniroc c VIII .", 1n P . G O UBERT. /n;1iation â l'histarrr lk Fn:.trc. ,_
-Plunel.19M.p. SS.
) •a.tes (Quint). au cUbul de 1536. jouit d'un trts grand prestige · il est l'cmpcn:ur c h~tien qui 11 va1ncu les iD6'm
Pourtml. c'CSI le raoman où.. pour antter c.euc man:hc 6 la 'monan:hic universelle'. Frunço1s 1~. Henri VUJ, IC'S pnnces protts1m
de la Jipe de Scmllr.aJdc et SoJiman le M-gnifiquc • 'accordent cnll'C eux . ou scandale du l'C!ltc de hl chn!1ienté restiic (mie i
::::mrtcs.•. in M. PERONNET. UXYJ' ~iit:I~. 1492-1620. Paris, H•chcu.c »upéricur. 1992, p. 169.
4 "Cctœ ami~ du Ro1 Três Chtttien •YCC le Grand Turc provoqua un immcnM:: itcandalc quond les 1•lhcl ~s

fteeolàea1 dnanl Nice - IS4} - et h1vem~rcnl à Toulon .". J .P. ROUX . Hi:rtnirr cle."i Turc.• (Deux mille am du Paciflllfllil
(~). Puis , F.yard, 1991 ; l'•uteur pose plus loin lu question du dc9tin de Io France sons l'olhancc oppmu:ne ..-~
wa : ·Que n'aurait pu fait Charles Quint sans let1 Tures? Lu conquC:le espagnole i.e !M:r&Ît pourauivic au-dc1' de Gibnlwd\:I
Chapllft l . La religion

font la sQreté de tous les princes", dit François rer aux Vénfüenal. Il va phu loin en
lançant les pirates d'Alger contre ses ennemis. De son cOté, Charles Qutnt ne le prive
pas non plus de violer les alliances ctu-étûmnn: ~ catholique, il n'h&ite pM à
faire s.accager Rome2.
Plus que jamais au XVI" siècle, la Rai.8on d'État instrumentall8e le fait religieux. Un
lien fort est noué à travers la religion entre les problànes de gfopoUtiqu.e tntf1ieuntl' et
de géopolitique extérieure.
En France, la montée en pui88ance du protestanti5me français et de _.
revendications soulève la question de la traditionnelle alliance française avec les
princes protestants contre l'Empire des Habsbourg3.
Pour des raisons de politique extérieure', François 1er se montre plutbt indulpnt à
l'égard de la Réforme en France; mais le pays est majoritairement cathotique5; a
l'exception de la noblesse, le protestantisme perce peu. L'allianœ proteaaante à
l'extérieur est mal comprise. Un commencement de guerre religïeuae à l'intérieur gêne
la politique étrangère du roi de France.
À partir de 1538, la politique étrangère française est fluctuante ce qui s'explique par
les contraintes intérieures. Pour vaincre Olarles-Quint,. la Franœ a be!loin d'une part
d'une alliance avec !'Anglais Henri VIII, alors en quenoUe avec Rome, d'autre part d'une
alliance avec les protestants allemands. Le Roi de France ne peut œpendant appaudbE
à l'intérieur comme trop proche de la Réforme.
À noter qu'en Angleterre, la question religieuse joue aussi an rOle primordial dan&
la formation nationale anglaise6. La monarchie anglaise n'est pas stabilisfe avant
Henri VIU qui s'impose comme seul chef de l'Église d'Angleterre - acte de supaéuwtie
de 1534 - , son conflit avec Rome aboutissant à la création de l'Église angticiane. D faut
voir dans le processus d'émancipation religieuse de l'Angletene tm proœssus
géopolitique d'affirmation nationale.
Le conflit entre le protestantisme et le catholicisme est une faille majeure dans
l'unité géopolitique française . La fracture est d'abord sociale". Deux grands camps
s'affrontent, celui des Guise - Maison de Lorraine - qui défend le catholicisme. et
celui des protestants de Coligny, mené par le roi de Navarre, Antoine de Bourbon. ou
le Condé. La Monarchie française, à travers l'action de réconciliation de Oarles IX, et
celle de Henri IV, place l'intérêt national au-dessus de la division religieuse. Voyons.la

ftonrià'es de l'Espagne aunûcnt Clé scion le vcru cflsabdk 18 CaàlOl:iqac ai md de la Mldillcrrmi6t. fnllipDà.,. ..-:-if ràillf: ÎI ID
enocm.is? Que sera.it devenue la France du XV~ siècle? NOln: bc:lk Fnna:dcs dllœlm:z. de la ~1 •
1 François ICT "•ffectait de confêrtt A soc allimlce na: la~ le~ tftm.,...... .---.. • ~ '. ICl:i:s
au Saint...StpulC'T'C. sk:urite des ~lerios, P'°'cctioa du~ ftaçais. Cl lllll!me ~ -=rri1x:t ma.~• Talillk Oa
se uouvail séparé par Jeui conccpt1oa.s : la nmtÎ.DDllhli pour François 18 et ~~ puar C'mb Qm&'", ,._lem. n.iirilurilll
èc:laire cnc;o~ de manière limpide le sens de r.tlmncc onomanc de la Frana: . '"U Rai ~~~-=a b't paur joml"
a.vcc les mu.sulma.ns sans mctt~ la Frulcc en pCril  la -drirC. il ne: cm~• pha • l'OŒxlmL S. ~ hli f"w ~
1ou1cfois Charles tant. non sans éclaL son Nic de- vican-e Lcmpon:J du Chnst. U a'n~ÎI daillass sas ~ ~ À l"illl!CIK dt -
compc!litcur. ses convictions rejoignaient son .:tian.'". in J .F. CHIAPPE. Unir üaofho •la
Fnar:r. "-il. Pana. 199?. p. 161 l i
166.
2 M . PERONNET, k XYr slkl~. l401.J6JO. Paris.. Hachdlcsupâicm. 199.2. p. 1~166..

3 J . BAINVILLE. HUralrrr .k F~. Paris,, hyatd. t2• 6J..., S72 p. li .. Cd.. lSl24). p. 127
4 Notamment . mai9 pas seulement ; nomb~ sont aussi œ\1)1. qW AUluu.I" dr lai. teUe Mmgocrilc de Nnmrc. am& m.
symp1nhic.s paur la Rl.!fonnc
S Contn1.1rcmcn1 ô l.~ que l'on dit parfoL'- les peouples SOD.t plus ~ ca ~die rw1ipDa ou dD .........._ ~ aNS.
qui IC9 gouvuncnl ; voyons lk norrc ~~uc le cas du c;vnft.lt en~ Juifs ce.~
f, A . MAUROIS, llisuim· ,/,· l'.-111.~h-trf'Tlt' , Paris., h)'anl, 1963, tMd. \qi7'8, p. '.!..25-2)1l.
7 "'U ~fonna.1inn n'est pas "lu'unc rCvnltc n:ligieUllC', nwù .._un bcMallom !llDl:ial •, in P. GAXOlTli. ~ •
FNJrt1,:uLI. Pari!'. Fla.mmarion.. \951. t. 1.• p . !'31 .
392 Pn,.111• .J. Penmmeiru Jn ;~1 1 .n

phrase fameu~ de Charles IX : "Messieurs de Guise l.!t de Châtillon se sont ballu• 1~


m'en lave les mains"
Les protestants sont massacres en masse lors de la Saint-Barthélémy - 1572. t.1
protest.mtisme est décapité mais est privé de ses élén1ents conservateurs cl se met a
développer des tendances révolutionnaires . S'il s'éteint dans une partil.! de la Franc•. 11
se n!fugie dans l'Ouest, .'I la Rochelle, et dans le Midi, autour de ces Cévt'llllC§. La
guerre civile n'est pas finie, tandis que se termine la tentative dc Charlt'!I IX dé
collaborer au sommet de l'État avec les calvinistes. À ce stade, contre l'avi• de la
Royauté, la France n 'a pas voulu accepter la Réforme, et l'influence des réformés •ur ~
gouvernement! .
La France n'est pas devenue protestante, mais les ultra-catholiques pcrçoiv<!llt la
possibilité qu'elle le devienne par le biais de la monarchie héréditaire . En C?ffc-t.
Charles IX n 'a pas eu de fils, et Henri Ill, du fait de sa réputation, ne semble pas devoi•
~ avoir. C'est de cette menace que nait le parti catholique qui affirme préférer u!*
république catholique à une monarchie protestante.
La question religieuse française est instrumentalisée de l'extérieur. A travers le5
partis catholique et protestant, les pays étrangers tentent de conforter leur influence en
France et d'affaiblir la Monarchie française . Élisabeth, reine d'Angleterre, soutient le'\
protestants tandis que Philippe Il d'Espagne soutient la Ligue catholique. L'Espagne et
l'Angleterre continuent en France la lutte qu'elles se livrent depuis longtemps, et cela
au détriment de l'unité de la France.
Dans ce contexte de mise à l'écart de la monarchie, Henri Ill doit faire assassiner le
duc de Guise et ses principaux lieutenants. Seul cet acte peut perrneU.e la transmission
des Valois aux Bourbons et sauver la France de l'anarchie. Henri III est assassiné à 50l1
tour en 1589 par le moine fanatisé Jacques Clément. Henri Ill est mort pour une idée.
ceUe de l'État, de la monarchie, de l'unité nationale. Avec Henri IV, l'homme aux deux
religions, la France retrouve la paix intérieure conversion de Henri IV au
catholicisme, à Saint-Denis en 1593.
Dans sa défaite, la Ligue reste victorieuse : elle a arraché l'État français au
protestantisme. Elle a détruit la chance qu'a eue un moment la cause calviniste, et qui
avait voulu que la prince héritier de la Couronne fût un protestant. Mais la Ligue a
négligé l'attachement de la France d'alors à sa monarchie de caractère héréditaire et
national.
Henri IV a fort à faire pour réduire les féodalités qui ont profité de l'anarchie2 -
Richelieu continuera cette œuvre - et pour abaisser les tendances ligueuses soutenues
par l'Espagne de Philippe IL
Géopolitiques extérieure et intérieure françaises sont intimement liées par le facteur
religieux. La paix de Vervins est signée entre la France et l'Espagne, presque en même
temps que l'Édit de Nantes3 - 13 avril 1598. Les protestants français sont contraints de
diminuer leurs prétentions quant ils voient que la France se réconcilie avec l'Espagne et
qu 'ils sont pris entre deux feux.
L'Édit de Nantes n'est pas un cadeau du Roi de France au protestantisme. Chacun
de ses articles a fait l'objet d'un vif débat. Henri IV a é té obligé, faute de compromis.
d'accepter des entorses à l'unité du territoire. Car l'Édit de Nantes est loin de se limilèr
à la liberté de conscience; il est un édit géopolitique qui donne une réalité territoria.lè
au calvinisme en France: plus de cent villes, dont quelques-unes sont capables dè

1 P OOUBERT. /,.i/lulion u /'h is11Jirc.• 1/c• Frunn! , Puns. ltachcllc Pluriel. l •JH4, p 12H- l 5U.
2/<hm, p 144- 14S
J 11..tmet l'nis1encc et le droit de s'cacrccr de la rchg1on protc~uunlc en Fram.: c tuul en !iuuhgnnnt t111c " l'uki1r f'C's te la rchp c
c:lthofique. aculc vn11c n:liJC,ltJn , F ULUCHE, L>1ctfrm11uirt! ' '" Grcm,/ .vièdt:, l'un s , foy11rd , 1990 . 11Miclc "bfü Je Nanlcs'" .
Chaplln.".1 La "'llglon 393

soutenir un si~ge, comme La Rochelle, Saumur, Montauban, ou Montpellirr, tlOnt


acceptées comme places fortes du protestantisme. Le peuple et le Parlement ont du rnal
;\ accepter que ces ilots extérieurs à la souveraineté du Rni soient par ailleurs
entretenus par le Trésor français. Une souveraineté religieuse pTOtestante sur le eol
français naît avec !'Édit de Nantes.
L'habileté politique des rois de France a été de mener de front une politique
intérieure à prépondérance catholique qui ménageait néanmoins les protestanl!I pour
assurer l'unité du pays, et à l'extérieur une politique étrangère anti-Habsbourg -
Maison d'Autriche - donc anti-catholique, soutenant les princes protestants
d'Allemagne. L'extrémiste Ravaillac, en assassinant Henri IV en 1610, n'avait pas perçu
l'intelligence de la politique d'équilibre française.
Louis XIII et Richelieu sont confrontés au même problème!. Pour combattre la
Maison d'Aubiche, il faut des alliés protestants2 . princes allemands, Pays-Bas,
Angleterre ; ces alliances continuent d'offusquer le parti catholique et encouragent le
parti protestant du Midi. Richelieu doit faire le si~e de la Rochelle contre le
protestants. En 1629, Richelieu est parvenu à empêcher le protestantisme de d~enir un
État dans l'État. En 1635, aux côtés du bloc protestant - princes allemands, 5uêde -.
la France fait la guerre contre la Maison catholique.
La paix de Westphalie de 16483 est, pour plus de cent cinquante ans, la charte de
l'Europe. La politique française y reçoit sa consécration : celle des libeTœs germaruqaes
contre la Maison d'Aubiche. Plus de trois cent quarante États allemands indépendants,
de toutes tailles et de toutes sortes, maitres de leurs mouvements et de leurs alliances,
se voient livrés à la diplomatie française . Cette Allemagne émiettée, donc facil~t
contrôlée par la France, fait le désespoir de l'Aubiche et prot~ la France de tout
danger à l'Est.
La France est désormais suffisamment forte à l'extérieur pour réaffirmer sa
souveraineté absolue à l'intérieur. Plus que le fruit d'une décision de nature
idéologique de Louis XIV, la révocation de !'Édit de Nantes', est une conséquence
intérieure de la géopolitique extérieure. L'Europe connaît alors un conœxte général
d 'affirmation politique des États face à tous les particularismes religieux :
En Angleterre, c'est la déclaration des droits de l'Église anglicane en 1682 Les
Anglais restent marqués par la Conspiration des Poudres et regardent les papistes
comme des traitres ;
- Dans les pays protestants du Nord, on supprime par la persécution, les restes du
catholicisme.

1 En Eun1rc. au J.!tt\11 llu XV'lr ~ 1Cclc. li:- r.appon Je fo~,. C'ntn:: ..:..UJl<'lliqlJ,,('1; et protc:sl;inb nt m "·a-on 6U '- ..-onaT .W'- cc
Wms un c Eun•rc J'c1w1run ~O nu11iun." J'hah1lanL" Jont IS r-:'4..lr la fr.inc..-.,; cl nw1mn la mien~ .: ~ puw- les Ftus alknands.. ED
rmm:c, \11\ C:. lllllC ta Cll\tnlO :'i 0
.. I" poin \k la J'ldpul:lll\)n rê fo n~c Jam la j"lt\.'Ol~ trlùÎtk! Ju xv1r nCdc. ~· Bll'CHE..
1Jw1 1mmtJir1·.J11 (j,·,,,,,/ .\·ti'f..·J, .. 11Jn:.. l:"yarJ. ll.,lt.Jt.J W1idc ·Proc1...,.lanUMnc'"
.! les h u~ uc n u ls lum:nt il.uns \a rm:mu!n· p.;ir1lc Ju XVJf Mkk pour rrc:..cr.-i:T \Oi &"l(Ub .Je rE.dJt. NQOlcl . ils) s-r'.-m
en grunt.lc f'llr11 C ~nk1.• i1 la rol111~m· '-"-'tCn cun: Je la f-·~·e-.

.l J,f... ,,,, ;1 J1id1.· " \\'c:.1ph:llh:"


.. (lcl11hn: 1f.K ~ l .lHll 'i. :XI\· 4111 11 JllrL' t.•n lo ~..a . lt1rs .t'-' ,;un '"k.' n." à M.!!llDS J "exllqk'f ~ .~ llu royawnrw J1êrcnJ la poli~

J'"unc foi. une h•i. un Roi " IMJ.. ilniclc ~M.Cvu.:atum '"
lim1te5 du Sa.ni Empn romain aamaniquc

83. La France face aw: Hahsbowg el l'alliance


avec les princes proleslanl5 et lc:s TlltC5
395

La polilique de Louis XIV affronte également le pape Innocent XI, lequel a pris des
""'""''' contre les prolcstants. La politique du Roi de France contre la religion
rn'lt'stante réformée n'est donc pas Mriclt1-S<"llSll une politique anti-prolestante, mals
l•i<'ll plul<'lt une politique d'absolutisme face à toutes les tentatives d'affirmation hors
de l't!:tat . Elle déclenche néanmoins, par sa violence, une forte émigration protestante,
rhMom~ne géopolitique qui prive la France de plus de deux cent mille personnes
~néralement induslrieuses. Le phénomène religieux admet donc des conséquences à
la f<>is c'cl1nomiques' et géopolitiques - on connaît le rôle de la diaspora protestante
française dans lit Révolution française.
La situation de la France reste favorable tant que l'Angleterre reste proche d'elle.
Louis XIV écrit dans ses Mémoires qu'il entretient à la fois le fragile roi Charles Il, les
restes de la faction de Cromwell et le parti catholique anglais.
Lorsque Guillaume d'Orange prend le pouvoir en Hollande, renverse les Stuart en
Anglt'terre et devient roi d'Angleterre en 1689, la situation géopolitique n'est plus
favorable à la France. L'Angleterre va désormais affronter la France dans le cadre d'une
triple alliance anglo-hollando-suédoise. La coalition anti-française joue l'argument anti-
catholique, et l'empereur, de son côté, souligne auprès des pays catholiques que
Louis XIV est un allié de l'infidèle Turc et qu'il est brouillé avec le pape Innocent XI.
Ce changement géopolitique en Europe produit la Ligue d'Augsbourg2. L'Europe
dans sa quasi-totalité est liguée contre la France : l'Empire, l'Angleterre, la Hollande, la
Savoie, l'Espagne. Le but des coalisés est d'annuler les agrandissements réalisés par
Louis XIV et de ramener la France aux limites des traités de Westphalie et des
Pyrénées.
Ainsi, au moins jusqu'au Grand siècle, le fait religieux occupe une place de première
importance dans la géopolitique française. L'État se construit à l'intérieur contre les
particularismes religieux, lesquels sont souvent instruments de l'étranger, et développe
une politique étrangère d'essence réaliste qui utilise le fait religieux comme un facteur
de puissance géopolitique.
Carte 83 : La France face aux Habsbourg et l'alliance avec les princes protestants et les
Turcs

5.1.2. Que serait le nationalisme polonais sans le catholicisme ?


Le combat mené en Pologne à partir des années 1970, notamment par Solidarité, ne
fut pas seulement un combat contre Je communisme soviétique, mais également un
combat pour l'idée nationale, pour la polonité3.
Avant les partages de la fin du XVIIIe siècle, la Pologne est un État muln-
confessionnel et multi-ethnique qui oscille déjà entre l'Ouest confronté au germanisme,
et l'Est confronté au monde russe.
Les partages entre les empires d'Autriche et de Russie, et le royaume de Prusse,
mettent un terme provisoire à cette oscillation.
Mais au début du XIX• siècle commence une nouvelle forme de messianisme
polonais : la nation est alors sacralisée et identifiée au catholicisme. Les nationalistes
polonais parlent des souffrances rédemptrices de la Pologne et pratiquent

1 Que l'on a 1cndllncc à c:Hgércr : 200 000 huguenots choisissent de s'exiler et n:joignc:n1 Les Pmvinccs· Unieli, l'AnJIClcm:,
l'Allemagne, la Suisse. etc . "Beaucoup sont dc:s gens de métier qui C:nlf'Onc:nt a11c:c eux IC'\lB 1cchniqucs, leur argent.. leur volonlé. Ils
cnrichisun1 les pa.)IS du Refuge, sans vraiment .arr11ibl îr l'économie d'un royown.c dont ils rcprésc:nlcnt la ccnli~mc panic." /b;d.,
aJ"\iclc MRévocalicn'" .

2 Ibid., amdc "Guern: de la Li&uc dc Augsbourg"'.


) F. THUAL, Le!s t:onjlit.t ldenlitairl!.t, Peris. Ellipses, 1995, p. fi7 .
l'ideatiflœtton christique•. Michelet lui-méme parlera d'une Pologne, "Chriat d..
nattons•.
R<!Slaufte après la ~mière Guerre mondiale, la Pologne 11'enfenne dana un
nationalisme fort. Sous le communisme, l'Église catholique incarne la rétli.etance2. Pout
l'agli9e catholique. il ne s'agit plus seulement de mener un combat contre les Prwem.
rélonMs ou les RU98e!I orthodoxes, mais bien de sauvegarder l'identité polonala.
Aujourd'hui. même si la Pologne affiche une désaffection de BOn tgU.e. lt
catholidame reste l'un des caractères essentiels de l'idée nationale polonalae.
Carte 51 : huplei et ~tata en Europe centrale

5.1.3. Du millet à la natioq


Dans l'Empire ottoman', le millet est un regroupement religieux de nm.
musulmans ou dhimmis, reconnu officiellement'. La communauté religieuse peut
exercer librement sa religion, dispose d'une grande marge d'autonomie !IOciale, due
propn!S lois et de ses tribunaux ainsi que d'institutions religieuses et cultuttlle
propres. Ce qui apparait parfois aux Européens comme un régime de privilège - car il
codifie le fait qu'une religion majoritaire, l'islam sunnite accepte l'existenœ dt
minoritâ religjeuses - n'en est pas moins un régime d'inégalités entre chrétiem fi
musul.man95.
L'appartenance communautaire apparall ètre la première des appartrnanœ.
IU~ à celle de l'Empitt, à tel point que très tôt, certaines "sectes" tombent 90UI ta
proh!ction de pouvoirs étrangers : la France protège les maronites du Liban", la R-.
les gncs-orthodoxes, l'Autriche-Hongrie et l'Italie les catholiques romainll, l'Anglrlimt
les druus et les protestants?.
Ce c:vmmW111ularisme exacerbé auquel s'ajoute une influence rwopfe1a1r de p.
en phu marquée, menace l'Empire ottoman de désinti'gration au XIX• sikir. Lt
consensus qui avait fait le ciment de l'Empire est en voie de diaparition. À putir da
annft5 1820, un proceuWI de réformes visant à dl'manteler progre-.iwmmt Ir
commlDlautarisme est entamé. En 1839, la réorgani.iation - ta11zimat - ~ l'Empituoc
proclamée: tous les sujets ottomans disf'O"C"t désorm<li" <l'un<' é~alitt jundlqu.. Pb
tard, le dernM!r 9ultan, Abdel Hamid qui gera dfyo,.{, t•n !'lll'J p.u l.i Rtvolubon dot
Jeune Turcs, continue les réfonnes tout en lcn.~nt ,·omplt· du ri"<.fUl" de voir les Anhe
de l'Empire rkupérer la bannière du djil1ad au détriment dt... Ottornansl'.

1.W...p.61.
l-U 9 ~ 1990. le o6Wft flilDlilleew de Soldmc191C, Loch W•k114 . P"' "·~I . fut cfu ~ • ...........
~dt l8\lmllll:a .•. Sol~ 1'nt tou;ow, ~ flll' ft~ llh"C' 1.: 01thc•l1quc- J,.n.... ,n t;11,.,._I ~..aT .. ~
18.DUaOSEl.J..E,HU~~·J9/9Q,.,.t}tNW.t. 1 l"OaJ .• ran!I, O•U111 , l'JIH . l ),.. ~,I 1""11,p llf>.121
) 0. a pG11r 1mp dr di9n la foadldion d. l"f:mpire Oftoman de ta pn"<' de' Cun•t11nlU'IOJllot r-r lu ruro m 14j) ; m ftlllt .:r
fui: _. la ....me. dt rEmpirc da Sc!ldjoukwle'll. dltruit rn l l9l. qu"Ckman 1" 1~• 1~• fondrmrnt• Ji. la pu1MMR - . . •
1199 ; J.P. ROUX. llldo4IY . . T11n:.1 fl>na ,,.J/k ""' "" P«l/fqtw d lr1 WJitr,...,.,m'r >. ran!I . F a,..rd . 1Ql9 I
_. H. LAURENS. U ~ ""J#rt•lhl,. Lo F~,, la~-.,.. 1/N '""'"""" 11r.1,,,.. . Pan!I. J\rm.nd Cohn. 14'90. p. 1J
'AdD du colloque . . CMA. u, ~'""",,.. ""'wff#tdr '"",,,,, rr"'hl•·"WlllltU<t: <Whwll.-c , ,.,.i,M.•J. Pari•.............. t..mm.
1917, p. 116.
6 K..S. SALJBI. 1M Madrnl ltütpry r1/Lirhuni»t, Nt"* Yorll. <.·•u•'-·•n HtlOlit•. lliclmar . r M0 - 10, .
7 H. LAURENS. L. ~ ~ibW Il_.,, FNttc.·• ~t Io llf'M1r ,111 mtmdr orul>t'I . r•an!t, Annllnd C'olfn. l990. p 1'
llA:.....,..-.ieal 1CScor..tllmt mllbes · •wt •fT•i,...
rehsH:uM!il. Ahm•· •I ll1tda C'l'll -')'TM'l't: lna•-Pachll"' Mafl'•'
...... ~· la ,qiaM ...._ tm.r.tel f'ltff'e la !liyric et l'A,.btc fonl l'oh_jc1 cfAHftthnn\ll parOcuOftw r~ ~
r " - • cblmia dr f« et OU\'cr1Un: de la h p 0.mu Mldinc en l IJOK. t,/rm
OlaplM 3. La rellpn

Les réformes n'empêchent pas l'Empire de sombrer! . Les ca1Ue11 du d6din IOflt
nombreuses. L'abaenœ d'industrie et le contr'6le de l'économie par det Cll!llb"el de
dkiaion étrangers y sont pour beaucoup. Mais les causes identitaires ont - daullr
joué un rôle plus important encore, à travers la montée en puisunœ de l'MUie
nationale. Dans un empire ITès hétérogène du point de vue lingumique et religieux. et
au contact de l'Occident, les idées nationales ont germé au !lein des communaul&, des
millets. Elles ont touché d'abord les populations chrétiennes des BaJkan82, Serbes,
Roumains, CrecsJ et Bulgares, avant de gagner à elles les Tun:s4 et enfin les Alaba5.
L'émergence du nationalisme se fait donc à partir des œmmunaulés, des mllletB, et
en même temps contre Je modèle communautariste de l'Empire. Les chrétiens de
l'Empire sont évidemment largement favorables aux idées nationalistes qui m>da1t à
laidser le politique et à leur donner des droits égaux à œ\1X des musu1Jnan&41.
0 est souvent dit que le nationalisme arabe et, d'une manim génâate, tous les
nationalismes qui émergent dans l'aire ottomane, sont une réaction à li! religian; cela
n'est pas exact : il s'agit d'idéologies bâties dans Je discours sur une œrtaine affirmation
laTque7, mais dont la source est la volonté de résisanœ de communautés
religieusement différenciées à l'oppression d'une~ religion. l'isWn sunnite.
L'origine même du mot nation en terre d'islam est indiCMciahle du hit religieux.
Les termes qui désignent la nation sont empruntés au lexique relig;eux : le plus ancien
et l'arabe mil/a qui, dans le Coran, prend le sens de "mot" et qui en araméen traduit le
mot grec logos. Milin a pris le sens de "groupe de geni; qui m:::œpbeul un mot ou un livre
rfvélé", et est ainsi passé en turc sous la forme millet définie aupanvanL Le mot prend
au XIX• siècle un sens plus politique, et il est notable qur "millet" est utiliaé poar
traduire le mot français •nation" qui n'existe pas encore cbns hire musulmane. En
1826, on parle d'une millet serbe, et en 1839, li! vol~ d'a!M!r vers une "nation
ottomane• fait qu'on parle de millet ottomane - qui groupenüt tous les citoyens de
l'Empire sans distinction de religion8. L'éovolution, parfois contradktoire, du
vocabulaire montre que le concept de nation ne s'affinne pas de ll'llll1Ïè1! évidentr dans
le monde musulman. La nation arabe est tantôt 8S90Ciéoe au mot d'U...- qui. dans le
Coran, dé!lign<.> la Communauté des Croyants, tantôt au mot plus récent de.,..,.,'" qui a
le !M?l\.'I origind d<.> "peuple, tribu, fraction·, proche du latin ufio et qui fait réfêrenœ à
l'ethnie plus qu'à l'appart<.>nance religieuse. A partir de""°""' a ~forgé de manim
analogue à Vo/ksl1m1, le mot qaiJumiyya parfois rendu en frani;;als par nation ou par
natlonalité9.

1 P. DUMONT. ""l..a pl!nndc Jn Tanmnat C1M~9·117Rr m R. MANlllAN dir.• ,,,,,.... • ~ . . . . . .. ..... ...,...,.
l -. p. 4l,..Hl .
l/tkwi.p . .11, -.n n
.1 rr.;J .• p. 4-U .
•ltrk/ . '"l.c-aJcunn-Tun.·"·-r ~t.'l-'.'12

'.' ·A n.u..ul i" Wllbt 1r•nd1aw.nh: t.:1'"u~ la dominaof'ln NrqUC' et i I• dt'famncr mVfn ~ œ~ ~ chlrt Ol:alkml
*""Il' "Vinrent •'• jouter l'idée eumpfenne de natmn.htt C'I I• rmallMftC'C de la . . _ . c. ck .. Dilllurc ianba • m 8 . L.EMS. ~
Aroh.r~ "'1n.t l'if;,,.,,"'· Aubier . r1"""· 1~ .\ . tBd f f"R"'-"81V l~ .l .• r. 211 .
6 /.Jnrt. fi .? ll
7 l.e mue lald tt: . tl'~rKr et.111.~nr . c:"•I à m.nM't -""r\.' ~"r dllft.l d'..,.. ~du.....-_

ft X Je rl .ANltOI .. /.~ · ,\',,,,,,,,, ·"' r •._.,w,,. ·"''""''' 1:t<. ~,,.;,,.,,w ... ('lrlilj,qlN ~. Pans. F•yri 199l. p. 2-' .
'J lrJtr,,., r 24 . J Cl 11 St\u1tk:I ""'"hJlnnll l"•mhi 1ml1f ~ '"'~"""' CllfrC' Mhon t"t i.llm'I .... le . . . . - - - - , ....... •
r onaine J.t'll mou \' irmnl1'1 in~tt.An11 ...1r" '4"' n'\~lnml Jan• l'n J I\ ~ pa)'11 Ja MpeCU IG8"91. ~ .. llUll\- -
phrtnomi6nc 1fttkml ~U 'tlft ArJl'rlllC' l'tn•1 I ''"" Nt,.IC\ah'*'- ~ qu1 rat dffin1•inft :ù"l'fllWli' • hdlm. ft à • ~ ...
cnmmun•ulf ( .. 1 MRi• tum rn por1"111 la ma,...r dWw &n~ t~ 1ninalc.. YCllUt • 1"0c<i6aM ~ .._ ~
fMnlrn1a1 iun1 na1;nnal i •h~• . n'irn fun.•·m r-• ~un&. ~ . . . . ~ f"fopWln!-. ,,.~r c:11 r-!f'!l twt: • ...-Wa ~'*~dit~
urie i6m1it~ rm1•ulm111nr mftla1·tt. 11<' ""rtc 1.fu"1I y~.............,,, _ c."ftrft' lrll n.a1mna1t ..... e'I ~ *" ~tMa4'1l._,..ft •
Même si de manière courante, on fait référence à la dualité idl!al-typr
islamisme/nationalisme arabe, la géopolitique doit adopter la plus grande prudcnc•
quant au rapport religion/nation dans le monde musulman .
c.ute 87 : Le panturquisme: turcophonie et limites de l'Empire ottoman~ son opog;-.
au XVl"•iède
Carte88 : Ll représentation du panismc .irabistc : la nation arabe de l'Atlanliqueau
eo1re

5.l.4. De l'absence de religion unitaire à l'absencP- d'État.


ou la faiblesse du monde berbère face à l'islamisation
Avant l'arrivée des Arabes, le monde berbère est constitué d'un peuplement
autochtone qui descend directement de populations proto-rnéditerranéennes install~
au Maghreb à partir du VIII• millénaire avant Jésus-Christ 1 et dont la poussée vers le
Sahara, entre Je JV< et Je me
millénaire, provoque le refoulement de populations
négroïdes ver.; l'intérieur de l'Afrique.
Réticents à l'encontre de tout pouvoir extérieur et a fortiori de tout impôt2, les
Berbères entendent n'être dominés par personne ; le paradoxe est qu'ils ne se donnent
guère le moyen de leur indépendance, ne parvenant pas à bâtir des États solides. Que
peuvent faire en effet les fragiles royaumes numides et maures contre les solides État>
carthaginois et romain3? Ibn Khaldoun fut frappé lors de ses voyages par l'état de
division et l'esprit d'improvisation des Maghrébins. Au Moyen-Âge, alors que l'islam
s'est répandu dans le Maghreb, les États n'y existent pas : seules coexistent des bibu.
qui se partagent des territoires fluctuants4 . Pour dés igner les populations locales, les
Arabes conquérants parlent de Kabyles - ce qui signifie "tribus", terme on ne peut
plus flou - ou de 01J10uia - bergers - dans !'Aurès; aucun de ces termes ne lai1
référeru:e à un territoire précis ou à une dynastie5. Il y a donc à la fois absence de
œrritorialisation et de continuité, deux critères essentiels à la construction étatique.
Plusieurs raisons expliquent cette absence d'État chez les Berbères ; d 'abord, comme
l'écrit Xavier de Planhol, "une contrepartie des institutions démocratiques ou
oligarchiques, à savoir l'absence de règles établies et consensuelles de transmission du
pouvoir"6 • l'absence d'hérédité patrilinéaire conduit au morcellement des territoiresei
à des conflits de légitimité permanents . Mais une autre raison explique la faiblesse d15
constructions politiques : l'absence d'une foi commune qui cimenterait la société. À la
différence du Moyen-Orient qui trouve dans la richesse de ses sectes et religions, le
fondement des constructions politiques, l'Afrique du Nord est freinée par un stade
inférieur de la religion et piétine dans les croyances paysannes sonunaires du
maraboutisme7. U est notable qu'au Maghreb, la seule construction étatique qui aJI
duré et qui soit issue du milieu berbère n1ontagnard et sédentaire, soit l'empire

rmftftaJ'lml mutw:l9, tn J et O. SOURDEL, Dlctio nnmn: l11:•flonq11c ,J,. r,.r /um . Pan -;. r.U.F., 1996 11n1dc "N111cnuJÎlmlS 0

p.6J6
1 G. CAMPS. La B~rhi!r~. tMmuin·et ukntité , p 13- 107.
2J. DESPOJS. Giogrdphi' t!I ll;.ttr1/re en A/rîq11e du N o rd, p 1 H7 -1 9 4 . d a ns i-:n·ntail de l 'hiHmr,• 1•11'111111• l/nmmax ~ o.1 Û..llf
Fr/nu, 1. h:rU. 1953

) G CAMPS. la &rbirr.J, m;,,,vlrr t'I lden1itt'. Pari~. éd F..nnncc, l 9M7 , p 1 OM - 1:tn


4 G. CAMPS. l..u BerlWus. A1a llklfXU th l'hl.,tnlre , Toulo u!"e, 19HO, p 126
~X . de Pl~NHOL. Lo ."ia1"1nt Ju PMpht'te Alu111u..'I l(fiOJ(r11plmf1W 1h• pollf1q11t' """"lm11m• , Pa ris. l·aynrd, 199J, fi .!06
6/~m.p . J06

70 C!llJ SOUkDEL, lJk'tiu,,141lrr:huJoriyut:ù1..• l'i.flom. l't1 r1s, P . U .F, l'J'Ut. f1 5 .1 4


Ch4pitre J . U. rcliginn

Ahnohadel fondé au milieu du XIIe siècle, à partir du réformateur Ibn Toumert et au


nom de l'unicité de Dieu2.
Xavier de Planhol voit dans cette pauvreté religieuse du Maghreb l'une des raillOllS
expliquant "le caractère quasi-total de l'islamisation et la disparition complète de la
11!1igion chrétienne contrastant avec la per,.istance au Moyen-Orient !IOUS la forme
d'importantes minorités" 3 . Dans la section consacrée aux conflits entre le monde
musulman et le monde chrétien, on a eu l'occasion de !IOUligner cette extraordinaire
éradication du christianisme par l'islam dans le Maghreb et de l'opposer au cas da
Moyen-Orient. Il est intéressant d 'en aborder la cause et notamment le caractère
acéphale des sociétés montagnardes berbères". Au Moyen-Orient, des communautés
clairement hiérarchisées purent traiter avec le conquérant, obtenir des concessions, un
statut. Dans le Maghreb, les chrétiens n'étaient protégés par aucune autorité
responsable. Ils durent se convertir ou mourir.
Pour autant, bien qu'islamisé, le monde maghrébin conserva son caractère
largement anarchique et insoumis. Dès les premiers siècles de l'islam, le Maghreb
constitua une terre d'accueil favorable au développement du kharidjisme, hérésie
égalitariste et hostile à la légitimité du califat.
Le monde berbère et le Maghreb apportent l'exemple d'une absence de religion qui
peut contribuer à une absence d'État et d'identité nationale. L'instabilité de l'Algérie, sa
difficulté à construire un État stable autrement que par affirmation négative et
agressive - à l'égard de la France notamment - prouve la continuité de ce caractère
religieusement immature du Maghreb.

5.1.5. Abdel Khader: l'islam poUI fonder un État


Dans les années 1830, la société algérienne se divise de la façon suivante :
- Les ruraux forment la majorité de la population: il s'agit d'Arabes nomades ou
paysans - on les appelle Arabes khaldouniens parce qu'Ibn Khaldoun a décrit, au
cours de ses voyages, les caractères propres de ces populations qui revendiquent une
généalogie les reliant aux habitants de la péninsule Arabique, de Berbères5 et de
Kabyles 6 .
- La population citadine est à la fois issue de l'Espagne musulmane' et de mariages
entre Turcs et autochtones - koulouglris - ; elle comprend aussi de nombreux juifs8.
Les Français appellent ces citadins les Maures, tandis que le nom arabe qui leur est
donné est /radar.

1 /\ MIQUEL , L '/:rlllftl L0( .'ltZ dnhrnlirin rnr-X\'C' .'fti!clt.». 6C' ~ .. Pans. Armand Cotin. I~. p 199--201
2 Mrn!chonl. pour l'csscn1id le retour au:\ sources en mat1t'rc de d(~mc l't l'un1tc absolue dr Dieu - c'est du nom d°al-
muwahhid celui qui confesse une telle unilé. qu"· "'lent no1rc mol 'almohaJc' Ibn Tùmart en uri'l.-.it à ttpudicr rauioriti cks ècolcs
déjà. fond~ cl à préconiser, pour dê.fcndrc un cttJn fondamcn1alemcn1 in.~1ri dd di\-'n'Sn tc:rWanccs dl1 S\lDlliunc. te~ &u.

pcnonnogc fondnmcnu1lem.:n1 chi'ih:. lui. du Mahdi. li.Cul intcrttrCte de 1:1. LOI ..... de b tnldJhoo. .. ; la doctrine s:c dn:uall coalR'
l'ensemble de l'islam insti1ut. ,\ c;ommciu;.:r p:u le mahk1smc. in:\ . MIQUEL L'Islam 1,•1.~ .:frifüut10" O'Jr ..n• n~cl~). b" Cd..
ra.ris, Armand Colin, l '190, p 1'1~
J X de PLANI IOL . /. t•.,· riat1111L" tl11 Pr,,ph1•1t·. Paris. Faynnl. l~.1 . r . .'.'Ot-.
4 G MARC' AIS, Lt1 B1•rhéru- m11,·ufm1111t· , ., l'c>r;,.,,, ~" .\1.,1 ..·n-Ag.·. hns , IQ.46.
s On u souhgné, d11ns ln SC'Cll\111 rm.'ù.•.kntc . •Ill•' h· .. O\:r~n·s ~·.ml I~ h.J.1'ü.: mls lk l"Afnquc Ju SouJ. Jcpoi.s b . pttfu.stolft qui
!le n!partis!'lcnt uu Maroc 11ln111c.• 1tu "it1us •\nh· r\1los. tluul-Atlos. Moy(!n 1\lla.s. Rif - . ea Al~ - IC.al'iylic. Maa!>. A~
Sah1n' · . au Sml·Est de.· lu Tu111s1c C'l en 1 1'1yc. lh luR'nl .iuJ,..l'sCs cl "·hns11o.ni!>~ . R\DL!i l'Cll.paQS,ion arabe du \"IF iltck les Loùamisa
\R'A mnjnnuurcmcnt (,_ l'AMl'S, /.L·.,- H.·1'1>~·1-..·.\ , m.:m,111-..· ~·1 tdc•n1ir,:, P:sns, Cd. l:'.ITlUKc, l~~i'. r . 13.2-142.
6 Le:oi Knbylcs !'ôn111 <IC-" 1 -krh~l'l:'!ii q111 P'-"uplc.-111 plu·mmrio choin...-s du Tell ol~~rien . On di!'ltinl_(UC' m gënftDJ la (imnde K.ab~· ltc­
fumuic J'unc dudnc i.:c\111~r ... cl Ju 1110.'l"U r llU lljun.1.iunt C'I l.a rel ile K:1lty hc fom'"-'C Je ht .;-haine d~ Babors Cl .Jcs lt1ban."I. OOenlaUA
1 A. ('LOT. l 'f:...p11,i.:111· m11.rn/mrm1 · rl'llr' -XI• .ür!'l.· /1•J. Pari:t. l'~mn , JQqQ , p. JIO<Hti
M/rlt•m,p :\17·-'IH
400 l't1rli~ .1 Penmmn1n Jr.. ulmtttJt

L'Algérie est devenu" une dépendanc., de l'Empire ottoman au XVI~ stècl<?1, et oflr.
à c...,lui<i une base J., <.-Orsaires qui ~umcnl la Méditerranée. En 1830, la Fra""'
s'empare d'Alger'!; commence alors la conquète de l'Algérie par les Français et u,.,.
politique françni.., osdllant o?ntre l'affirmation d ' un nationalisme arabe civili!!é et
favonible à ses in~ts - voulue par Napoléon Ill sur le modèle égyptien de Méhémet
Ali - t!t une politique de colorusation3. Les élites urbaines algériennes sont favorable!
à œ modèle nationalisre français. On trouve, dans les textes des Maures, les tdéeo de
dvilisation et d'arabisme• défendues par Paris . Les Français cherchent un f~érateur
local dont Ils pourraient se faire l'allié l!t qui dirigerait l'Algérie en leur faveur. Ils
voient en la personne d'Abdel Khader, un nouveau Méhémet Ali .
La France propose en 1837 un projet inspiré du modèle égyptien: un royaume
arabe qui reconnaitrait la souveraineté de la France et qui introduirait la civilisation a
l'intérieur du pays. C'est le traité de Tafna que Bugeaud conclut avec l'émir Abdel
Kl'lolder. Mais si les Français ont raison de voir en Abdel Khader un unificateur, ils ont
IOrt de ne pas voir en lui le défenseur d'un projet islamique radical. L'émir ne
respectera pas les accords passés5.
Cest au nom de l'islam et du djilrad contre les envahisseurs que l'émir, grand chef
de confrerie, unifie les tribus et fait régner la terreur de la loi islanùque sur 11!5
tenitoires qu'il contrôle. Abdel Khader est bien u.n héros civilisateur, mais dans la
f"l5Pl!Clive khaldounienne, non dans celle des Lumières françaises6. Le titre califal
permet à \'Algérien non de construire un État civilisé favorable à la France, mais au
contraire d'appeler à l'union de tous les musulmans de la Régence contre les Français.
L'opinion publique européenne devant laquelle l'émir avait plaidé a été trompée';
dans la pure veine bonapartiste - le souvenir de l'expédition d'Égypte de 1791!8 - elle
est restée dans sa vision favorable à l'émancipation nationalitaire des Arabes contre le
joug impérial turc.. Or ni les écrits d'Abdel Khader9 , ni son action ne manifestent le
moindre intérêt pour la régénération d'une nation arabe toumée vers le progrès; au
mnlraire, l'essentiel est la référence au passé, à la tradition et à l'Âge d'or islamiques.
Dès lors, les intérêts financiers français n'ont guère de mal à faire abandonner au
gouverneJJœnt français l'idée de civilisation arabe au profit de celle de colonisation et

t !Mdc qai est cdui dt r~ onrtmane . R . MAN'iftf\.N , dir.• Hütni,.e d~ l'Empiri.· ntrnman. Pari!.. Fa)'3JIL 1990. p. IMJ .
A. BEllMA.JlD. L.'A..Jprie MJU5 le Turcs'". m G. HANOTAUX. A. MARTINEAU dar. Hi.~tolre des colontn frœw;alla n '1
r~,J,rJaFIVlfttt-.Okmondr.Pmi.s...Sodir~J,·/'/futni,-r n<-1lùmal..•• Pion. l. Il : L 'Algt!rie, 19JO, p JS-6fi .
2A.. BERNARD. •L'Alpric taUS les Tura"'. in G . HANOTAUX. A . MARTrNEAU t.hr .• lli:rtmre tk.J co/onl~_frortçaisnn

•r~•IoFrottotdam l~lftOftdl. PariJ, Socièce'de l"J-h!ltoin: nataonalc, Pion. L 11 L'Algénc. 1930,p. IOl-161
lJ. ru.MEAUX..LDFranudl'lslœrrdqnW /189. Pilns. P. U.F. t991. p. 55-72
4 H. IJJ.JllE''S. U TOJ~ i..,.,uiblt! (Lu FrOIH..'t! ''Io l(t!M.o! dr1 monde arahe). Paris, Annan<I Colm. 1990. p. 58. \'œ
-trH.tlldam IOIOdjat. m 18l4, "Le Minur. apc'TÇU hi51orique t!1 ..tol1'.'>l1quc su.- la Régence d'A1KCT" qui appelle la Fraa1
............ rnpfrimce' tgyptimnc d • nr pu chen:hcr li adm1ni~ direc1emen1 l'A l~ér1c
'"'Abd cl-~ c.hoiiri1 dr ripond~ par une ofT1..'Tl!s:ive g~nénlle â l'in1tia11vc françai ....e. T:!CJ"'èrc-1-il lircT profit M raaan:.
pm* ma ~iaftll d'Onœt., Jugc·t-t1 que s.a lcg11imit~ nXmc de défcn,cur de~ muirnlmRn!l 111amcn!l l'obli,.: i rtap
~~Ne pem-il CKOmpkr rappui dn Turc" cl des Anglai!l. uu:icqucl!l il pmrn~ ulun un rorrrochcmcnt '1 Tou,taan nM!
qwia Fnaçall te lnJU\lmtenpgtl dam une guerK ûiffic1le ." . in J. FRE!MEAUX. l.u Frunu.· cl /'l.'lium Jepui.• J7N9. P.ir11, PL' f .
19111 . p.U
6 H. LAUIP.E"'5. Lt 'OJ'OVllW ;,,,,.,.,,/blr. Io Francr ri I~ Rf'n~.~e du monde 11rab1.•. Pon!lll . J\rnumd Colin, 1Q90, p 62-M.
7 .Abd et ICada". r ...... d1bnJum Pacha a ..u utiliser Io VÎ!lion occ idcrnalc de l'h1p,;1orrc dCA Ar11he~ ann Uc rlaukr u Qlm'

*"'• ropean pubüqur europ6tnnc rmî• ( . . J au fond de lui-m!-me, il i:s1 rn1é dons la lngiquc de "D !!lncÎ~I" rncnrt 1nmtamtl' s-
~: • ~ d'bm utiliaut tialmn comme doc1..nnc un;fic;atricc et lclll lribuM urubciJ comme in,.tru1-.nt de roun...,.-
/.....,,p....
IH. l..Al,-ll..NS.L'bpU/11lortt:l"ÉJDpl1!/l'llJ'J .. /HIJJJ. Pua , Armand Cohn, 19H'J.
~A . El..rlOtADER.Êcriuspirlt~û . Pari1 , Seuil . J1J"l2 llrnductionJ .
Olopllr'I! 3. l.11 n!llglon

d'administration directel. L'épisode d'Abd el Khader est fondamental: il montre que


l'identité nationale algérienne est toute entière fondée par l'islam et par le rejet viscéral
de l'Occident; il explique le conflit entre l'islamisme qui s'appuie sur des Arabes
kholdouniens ruraux en opposition aux élites éclairées des villes; il éclaire l'échec du
projet national algérien.

5.1.6. L'islam darui le projet national pakistanais


C'est l'islam qui détermine la création du Pakistan en 19472. L'Empire des Indes
anglais se trouve divisé par une formidable poussée de la logique religieuse.
La division qui intervient ensuite, en 1971, entre le Pakistan et le Bangladesh. est au
contraire la revanche du fait territorial3 sur le fait religieux.

La construction politique pakistanaise repose sur l'hé~onie des pendjabis qui


contrôlent les régions et les ethnies de la périphérie : Baloutches" jadis poussés au
séparatisme par Moscou, Sindis qui bénéficieraient, selon Islamabad, du soutien de
l'Inde, Pachtounes5 vivant dans les confins afghans6.
À ces poussées de nationalités parfois séparatistes, s'ajouœnt les questions dn
Cachemire et des tensions dans le sud du pays entre les populations Mo;ahiris, qui sont
des musulmans venus d'Inde au moment de la partition. et les populations indigètes;
des tensions existent entre les minorités chiites et la majorité sunnite.
Du point de vue religieux, le Pakistan sunnite a deux ennemis principaux : l'Inde
lùndouiste et l'Iran chiite7.
Le BangladeshB correspond à l'ancien Pakistan oriental qui s'était formé au moment
de la partition de l'Inde - 1947 - entre hindous et musulmans.
La religion musulmane tonnait le seul trait d'union entre un Pakistan de l'Ouest et
un Pakistan oriental ; éloignée de plus de 2 500 km, la partie orientale était contrôlée
par les fonctionnaires pendjabis du Pakistan occidental qui mirent Je pays en coupe
réglée et rognèrent progressivement l'identité culturelle bengalie au profit de la culture
ourdoue du Pendjab. Cette situation aboutit à la révolte anti-pakistanaise de 1971; les
populations bengalaises reçoivent l'appui de New Delhi et de Moscou dans leur lutte
contre le Pakistan, soutenu par la Chine et les États-Unis.

i Sous le gouvrm~nt ~ublicnin d~ Gwzot momphe l'u:Wc de colorusation et de ~des -nca·. f*' ~ •
reve de Nttpo1ieon Ill L'Empire avait donc cncouragl! un dëvcloppement ~ la IUplbltque cokla:i:lir . . . Ctats ~na: mw
fenneli toute jacobine.
2 "'En juillet 1946, euren1 heu dC5 l!lecuons de n:pn!scmana pn:wmciaux pour ceac ADmJbWie.. O.:. nAde ~
le"pani du congrta• de Nehru obllnl 209 aii!-gcs, la Ligue" musuhn•nc 15, d'aulrcs pctib partis.. '"" - Le- pmti &a Caqris... ippl1Jlltt mr
cc point par Lord Wavell, souh•ilail le mainlicn de l'unit~ indienne. La Ligur mmulmuc n!dmm.il la ~ d'ml. ~
ind6pcndant.", in J .O . DUROSELLE. lll.Jtni"JiplQMatiqw • 1919à tto.!jOMn. 11 1 ëd., Paris.. 199l. (1 .. "1. 1953). p. 5'.M.
J "'On se n1ppelle qu'en 1947 Ica Bri1anniqun et les lnchms a'dtaicm. rêsisnés •une s-nirion du sub-cvatiacm.. À~ de rlndc..
&.1 laTc, to cnlait un É1a1 musulman, le rak151af\. Celui-<:i •vait une conftpn.tion ~. Il &.it divm. en dtm... a . . .
fAllcmmanc de 1919 ~•la dltrll!rcncc de ccllc...ci, cc n'ftmit ,..s vn conldor. mais une mae- &Ir 17001un. de- territorre lDdiea qu.i
Jlpera.11 Ici PaklJtan oçc:idcmtnl - c.st11na1ion Je 7b,!i million& ca 197R, d1: ~ princ1pmlc:mmt urdu et pundjabt - cba hlldml
oriental, A l'llAI de Calcuua - Cflüma11on t.le 80 milli<ll\I en 1978. de lanfUC prtncis-lmtimt benpHe."'. /._, p. 7~ l.
4 J. et A. SULLlER. Alla.• 1h>.c pn1µl~s d'OrlMr (Mt.i)'t'ft·Urif'ftt. Cauna.w• .<t.ri~ ttnrrahJ. rvu... La OC'Couvertc, 1994.,. P- 141·
14l.
""""·p. 132-140.
6 A. AKRAM, HL"ftulrr Je ln Jllff'rn" 1l'A.~l.trrut, raris. Balland. IQ96
1 f\ . CllAUl'RADE, t: . THUAL. Vlt"lionlfalno die ~liriqut>, 2~ itd .• Paris. ë.111..-. l~. utic:hs "1'û:illm•.
R /dnn, article •eanal•dcsh"".
84. Les religions en Inde, Paki.twi, Bangladesh

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région m:J.jonlau~menl musulJNœ
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foocsm1non1ts musulmal'l(s

rtgion majorila1remen1 ~ hréucnne

foncs rrunori1ts chrtttcnACs


q1on 11\ll)Ont:urcmctn booddh1 ~ 1e

m1nont6 huudJhiS(Cs
C1'iMfnditn
403

La création du Bangladesh contribue à n1ettre à mal le fondement Identitaire du


J'~ki stan, à savoir celui d'un État fond é sur le projet islamique1 . On peut ainsi
,.,,nsidérer que si la crl'ation du Pakis tan illustre le triomphe du facteur religieux, la
l"'rtition d e 1971 illustre quant à elle la prééminence du facteur géographique sur le
f,1it religie ux.
Seul pays mus ulman de la zone, le Bangladesh tente de mener une géopolitique
,:l't<quilibre entre New Delhi et Pékin. Peu à peu cependant, la progression des idées
islamistes le fait se rapprocher du Pakis tan . S'achemine-t-on vers un retour de l'idée
,iriginellc d'un grand Pakistan uni par l'is lam ?
Cilrte 53 : L'Asie centrale : le monde iranien
Carle 84 : Les religions en Inde, Pakistan, Bangladesh

5.1. 7. Le mahdisme au Soudan


Christianisée au VI'' siècle, la Nubie est peu à peu conquise par les Arabes . Au
XVI• siècle, les te rritoires nubie n s sont partiellement islamisés et di v isés en plusieurs
·i::1ats - rora ume du Da rfour et du Kordofan - qui vivent du trafic d'esclaves. En
1820, les Égy ptie ns conquièrent le Soudan.
Entre 1881 e t 1898, la révo lte messianique et millé nariste du 11rn/1di2 donne naissance
~ un État qui s'oppose fortement à la d o uble volonté, ég)'ptienne et anglaise, de
,:lominer le Soudan.3 Il s'agit alors p o ur les Britanniques de mieux contrôler la vallée du
Nil et de consolider l'axe Le Caire-Le Cap, é pine dorsa le de la colonisation anglaise de
l'Afrique .•
La prédication mahdiste et son emprise politique et militaire sur une large portion
Ju Soudan traduise nt le re fu s de la domination des Égyptiens et de leurs alliés
,mglais5. Plus tard, lo rs d e la fo rmatio n d ' un co11do111 i11i11111 anglo-égyptien sur le
Soudan, puis à l' approche de l'indépenda n ce après la Deuxième Guerre mondiale, les
régions et les confréries mahd is tes n 'ont de cesse de s'opposer à l'annexion du Soudan
par l'Égypte, soutenu e par la confrérie Khatimya - confrérie rivale de la confrérie
mahdiste.
Dans les années 1950, il ex iste deux courants politiques au Soudan ; l'un est
favorable à la fusion avec l'Égy pte représenté par la confrérie Khatimra. l'a utre est
partisan de la stric te indépendance du Soudan. Entre te m ps, Londres, qui craint
l'expansionnisme égyp tien d e Nasser, change de camp e t soutient les mahdistes que les
Anglais ont pourtant contribué à détruire soixa nte ans avant. Ce changement de

1 A.E . MAYE R. "The Funllamcnta lÎ!il lmp:1c1 on L;iw, Pnluics. and Const icution in lruu . PnkislUn unJ lhc Sudan" . in
E. MARTY , 1Ui. APPLElJY. Tl1t· F wul"'m•11r(Jfü llf rm}t'('f. ( l 11ca110 nm.I London. The University of Ch icago Press, 1984. t. J :
Fund(Jm l't11<1li.~nu mul lhc .''ilote fRcn wkm): f'o/üit.'.(, Ecmmmie.~. t1ntl ,\,/ilitu11n•}. p. 110 -15 2,
2 Mahdi de l'arabe al -Mahdi , "le lm!ll guuJ~" es1 li! nom que l'o n don ne dons les pays mwrnlm1m 10 i\ celui qui "'iCTit rci;toun:r la
religion et la j u.~licc avant la fin tlu monde . La notion de mahdi ...~ 1 à t.li/Tl!rcncicr cn1rc sunn11c!!; et c hi nes. Che~ lelli: s unnite:ii. ln venue
du mahdi e!il privuc pour la fin du rnonJc: cc J'U!rsmmagc ayanl alors pnur mission d'nülcr Jë .~ u s à luth."f cnnlrc l'An1éc hri s1.
Cqtendanl , plusieurs ca\i (cs - o mcyylKlcs - · fü rcnl quo \i liés d e mohd is pan:c qu'il!> rë111 blissaicnt Io justice. Les chii(cs utilisent cc
1ermc dans une au1rc accep tion : le Mahdi csl l"iman caché. le X II ~ in111m c hez les duodécirn11ins. dont on oucnd le rciour. Plu.s
Kénëra lcml!"nt. dans 1·1 11s1oîn: ck l'i ~ hun . plusieurs chers c huismu1iquc:. ou rérormo1 curs ,;c qualifi èrent ou rurcn1 qualifïts de mahdi.
Le tenne de mal1d1smc c!lt ré scrvê Îl un mo u vcmcnl bien préci s : lu révolutiun qui ugi1c IL' IJnut-Nil à ln lin !.lu XIX~ siCclc lancCc
iOUS l'impulsion de Mutwmmat.I Ahnu1d ibn' Abd Alfoh u u encore MuhHmn10LI ol-Mohdi . Il. et J. SOURDEL , Dictlcmttuirr
huttm q114! d1• fj,,·fum. r•... ris, r .U.f ., 1996: Hr1 iclcs "Mahdi ", " ut Mohd1 " , "Mohd.is1m.:''.

J <.:eue rCvohc C!'; I écrasée pn.r l'annêc de Ki tchener, prCs de Khnnu um. c 11 1H9H .
4 F. T HUAL, CmrtriHer et n mlr4!r, J•a ri s, Ellipses, 21100, I'· 94 .
S Il . W Ë.<iSELI NG. I.e p11rt<1>(C' ,/,. l'Afriqrœ (JliHfJ. f9/4J. Paris, r>ennt!I, coll. " L'n\'cn1un: cnl nni ~lc de la f,.ncc" , 1996, p. flft.
9H . (•rad de Vc.•nJccl e n Hccn; de dcliny: ..,an Afrik.o., 1MRO-1914, l)c n Bakkcr. Am-;1crdam, 1992).
Parlic 3 Pnnwwna dtJ 14oililh

stratégie est perceptible lors de la Première Guerre mondiale quand Londres utiliJe le.
mahdistes contre les infiltrations turques.
Depuis son indépendance en 1956. la vie politique soudanaise n'a cessé dt
s'organiser autour de l'héritage mahdiste. En ce sens, et comme le soutient Françou
Thual 'l'épopée mahdiste a bel et bien constitué un pré-nationalisme"t .
L'Etat soudanais se sert de cette identité mahdiste pour forger son propre
expansionnisme vers les régions du Sud où il affronte animistes et chrétieN au prix
d'une guerre civile meurtrière2.
L'opposition séculaire entre ces deux grandes confréries musulmanes finit pat
aCC'Oucher d'une nouvelle "nation" arabe : le Soudan. De manière rétrospective. le
mahdisme peut être regardé comme la religion nationale du Soudan.
Carte 66 ; Les conflits dans le monde. avec ou non présence du fait religieux
Carte 49: L'Afrique des États
Carte 50 : L'Afrique des ethnies
Carte 67: Populations arabes et noires sur le continent africain et frontière
christianislllé-islam
Carte 96 : Le bassin du Nil

5.1.8. Les Sénoussis en Libye


La contestation sénoussie3 s'exprime à travers les zaouias qui formaient les cellules
de base de la confrérie. comparables à des loges maçonniques. et qui essaimèrent sur la
c6te de Cyrénaique et de la Tripolitaine ainsi que le long des routes caravanières du
SahMa4. À la fin du XIX" siècle, la carte des zaouïas sénoussies correspond à celle de la
Libye actuelle et de ses lignes d'expansion géopolitique.
Confrontés à la colorùsation italienne consécutive à la guerre italo-turque de 1912.
les Sé:noussis ne peuvent constituer un État; ils se transforment toutefois en
mouvement de résistance à la présence italienne.
Durant la Première Guerre mondiale, la confrérie est soutenue par les serviœs
secrets turcs et allemands afin de déstabiliser les forces italiennes et de s'infiltrer dans
Je Sahara français. Après la guerre, le régime fasciste italien réussit au prix d'une
répression sanglante à briser le système sénoussi. Ce dernier survit clandestinemenl À
l'approche de la Deuxième Guerre mondiale, les services anglais stationnés en ~gyple
et qui craignent une poussée des forces de l'Axe en direction du canal de Suez,~
mettent à appuyer les Sénoussis5.
Les Sénoussis fournissent une aide importante aux forces britanniques durant le
conflit, tant et si bien qu'après 1945, Londres s'appuie sur la Sénoussia pour cn!er un
nouveau pays arabe, la Libye. Le premier et seuJ roi de Libye, Idriss as-Sanusi, est le
neveu du fondateur de la confrérie sénoussie.

J F. TlfUAL, CowtnJlw a contru, Pmu., Ellipses, 2000. p. 94.


J J.M_BALENCŒ. A. die I._.\ GRANGE, Monda nbrlla (acflUr.1, conj1Jt3 el vle1lence..., politiqua), Pana. M1chaioa. ltM.
L l : ~ ~. Prwlw d Moyrn-Onrnr. EllF'O~. p. 41<>-184 ; S .J\ . BABIKER. "Soudan : l'cffondœmen1 du rhe ua.....•,a
....,,_ "*"'°"1oltll/d $/""'1llqua, LR..l.S .• Hiver 1994, n°16, p . 114~119 .
J IA c:aa1rft IOUfic des Sâlauu1• ou SWIO..iye c.l un ordre mY11liquc musulman mHach~ 6 Muhammad ibn 'Ali d-s-9
- lm~IH9 ; teur tn.,laaUidon orisincltc m le aolfc des Syrtai. Ln Sl!noussi11 rcfuacn1 la mwilquc. h1 danw et p6rft1 •
~ IMocntiqur de la c:ommunaul~ ....,.ulm11.ne. O . cl J . SOURDEL, Dlcrlnnnt1fre h/31orlq11c th /'Ulam , Perla. PU f ~
1996, p. 744.
4 L$ (oadalmr al..s.na.i al 91-6"im ; il suhU l'inOucncc du (onda1eur dc11 ldriHiya et •'dl•blil en Cyn!n.11quc vcn IM), j
pa'lir•~dcl..ibycleldc Koufra, il euahne .,,.en l'Afnquc: noire .
J D. a J, SOUJlDEL. D•ctJl.Hfnalrr lrlstorlque dr l'ulam, Pan•. P . U .F ., 1996, p . 744.
ChaPll"' 3. La rellglon 405

De l'indépendance en 1951, jusqu'à l'arrivée au pouvoir du colonel Khadafi en 1969,


IP confrérie sénoussie implantée en Cyrénaîque contrôle la Libye! . Par la suite, le
laJcisme républicain du colonel Khadafi lui porte un coup fatal, d'autant plus que le
centre de gravité politique libyen se déplace vers la Tripolitaine2.
Depuis le milieu des années 1990, la Cyrénaïque qui abrite les principales réserves
pétrolières du pays est la proie d'une forte agitation islamiste, dont le socle semble bien
être les anciens réseaux sénoussis.
Bien qu'il n'y ait jamais eu d'État sénoussi, la formation identitaire de la L&Dye
s'articule depuis un siècle autour de la confrérie, dans la rivalité entre les Sénoussis à
l'Est et le monde urbain de l'Ouest, la Tripolitaine3.
Carte 49 : L'Afrique des Ét01ts
Carte 73 : Les grandes lignes de partage du monde musulman : sunnites, chiites,
kharidjites

5.2. La religion sécessionniste


Après l'affrontement avec les musulmans et la création du Pakistan, l'Inde se trouve
confrontée au problème des sikhs" et à la vague safran - hindouisme politique
extrême. Aux Philippines, le séparatisme des musulmans MorosS menace l'unité de
l'archipel, tandis qu'en Géorgie, les Abkhazes musulmans6 nourrissent un
sécessionnisme virulent.
On étudie le cas du sikhisme indien et de la vague safran. Pour le cas des Maros, on
renvoie à la section consacrée aux conflits entre les monothéismes et les religions
asiatiques.

5.2.1. Le sikhisme indien


Né à la toute fin du xve siècle de la volonté de synthèse entre l'islam et
l'hindouisme7, le sikhisme a pu, dans la première période de son histoire, se constituer
en État indépendant. Plus tard, dans le cadre de la conquête anglaise, les sikhs sont
incorporés à l'Empire des Indes; leur destin devient tragique lors de la partition de
l'Inde et de la création du Pakistan en 1947. À cette époque, l'essentiel de la
communauté sikh se trouve sur le territoire du futur Etat pakistanais. La montée en
puissance du fanatisme pakistanais la contraint à fuir le Pakistan et à se réfugier en
Inde.

1 F BURGAT. A . L.ARONDE. La Lih.n.~. raris, P .U.F . 1996. coll -Que sats-jc ..,... , p. 50-60
2 /J~,,, . p. 6G.RO.
3 F THUAL, Cumrtil~r ~I cumn.•r . P11ns . Ellipses. 2000. p . % .
4 "Le f'cndjah. C1ymolo~iqucmcnt. li: "pays dM cinq riv1éf'C'S·. al un ..u Ùt' pàl.!tralion rndiboancl en d:lftlCbOn dl.~
de l'ln<le, rel11u11 les bassins Ou\'Ulll:\ Je l'lmlus cl du Gani:;e. Cc tCTTi101n: bluni nitre leo> prcm.ien C"Df'llrC'f'Ol'IS de l'Himllayai Cl le
dCscTI de Thor, a servi de mnn:he·rronlÎ!!re i:n1rc mC1ndc musulman ci h1 Niou 1..~ 1c. Ce n"cst dorlc pu i.m huard SJ. a1 X\"" s~idc. le
sikhisme, n:hg1on sync~1i11ue mélangeant is lam e1 h1m:k1umnc y nt le JCK.lr"'. in J M BA.LENOE . A. de LA GRANGE. -~
~~11~.J ( uc1,11r.1 , cvn_fli1.~ rt 1•ù,/c-,h'c'S pol1t1qu.·.fl . ran s. M1d1akm. I~. 1. 2 ..à.sic. ,\faghr-rlJ. """'-.._ ~ ·''°·'~· é~.
r. JR.
5 Nous avo ns JCj à 1.:onsm.·u~ tml· "'"' 11un ;\ (C r f\i bknl< g\."4.'fk'lmquc
6 Le~ Abkhlll.C'S nrrortu:-mu:nl n1 1 J!niurc ..:1Hn~s1e11. ils~"' IMLallk C1\UC' lc Caucase et la mer Non~ . J. et A. SELLIER. .-t1W
JC".f pituplr.i J'Or1t'lfl (.\fu.n ·n - Or-frnt Cau,.u..h' _ :-4.u1.· cc-ntroft•J, Pa.ns. La {)Cçuu\o·CTU, I~ . p. Q_l,
71.t• ~1kht!'illlC esl fontlC l'n 14Qo> r:ir N nnak. un t:ourou lJ.lll 4.:hC'n:-ht. i de~ îopposibcn nn:rc islam et hlodiowsme m
su1.11cnonl 1111''1 c., 1sk un srul Dieu !lolmr t1..HI)>. m hindou ni musulman. l.~ Sikhs d1s~t d"'luw: \atgur. ~ Pt:nJjabi. Lic i.kllllCI' cb
dix 11uumw, fiobtnd Singh ..:.m.;011 cn lb~Q lt.-s ~llii'.h.<i i.:omme êum1 ww- communautt dic puis ; Q~ un siil!clc phn tard. m
1199, un trht1n~rc cmr11t ";l:h c:st 1i.1h1ll!- y _ l.Al'OSll~ dir .. /Ju·ti~'"'h.JÎP'\.' tM -~""!"""· ~ flunnmrion. 1'19J, p. 1..aoo.
Les sikhs sont aujourd'hui principalement installés au Pendjab et entretiennent le
projet d'un Khalistan indépendant!.
ùrte 114: Les religions en Inde, Pakistnn, Bangladesh
La \•olonti! de st'cesslon des sikhs n'est pas uniquement un phénomène natiDNI,
d&n9 l1 mesure où Il n'y a pas d'ethnie sikh. La communauté sikh est structurée autOUJ
d'une reltglon persécutée par les hindous et les musulmans. La revendication sikh n'est
pu non plus une revendication ttonomique : pourtant bien intégrés dans l'Union
Indienne et pouvant disposer de postes importants, les sikhs se sentent mal à
dans l'~tat indien.
la crise sikh ~ lourd dans les différends qui opposent le Pakistan et l'Inde, New
l'-
Delhi accusant en effet Islamabad de soutenir les sikhs2.

5.2.2. L'intégrisme hindouiste ou la vague safran


L'Union indienne est créée en 1946. Conçue comme un État non religieux, l'Union
reconnaît les différentes religions présentes sur le territoire : hindouisme, bouddhisme,
islam, sikhisme, jalnisme et Églises chrétiennes. Pour réussir leur construction
politique, les dirigeants ont joué la carte du fédéralisme. A partir des années 1911()
pourtant. le modèle indien est nùs à mal par la montée de l'hindouisme. Pour la
intégristes hindous, le fondement de l'indianité ne saurait être autre que l'hindouisme1.
De la même fac;on que les islamistes rêvent d'un retour à l'âge d'or du califal, les
intégristes hindous exaltent l'âge d'or des Aryens qui envahirent le nord de l'Inde il
l'époque védiqu..... En fait, les nationalistes hindous cherchent à reproduire, au nom œ
l'hindouisme, le schéma de définition du Pakistan. Le contexte d'une Inde de plus en
plus soumise à la pression de l'islam et des sikhs, favorise la pénétration des idé15
hindouistes. En 1998, pour la première fois dans l'Union indienne, le parti nationalisle
hindou - Le B./.P. ou Bliaratiya /anata Party - accède au pouvoir, mais dans un
gouvernement de coalition, ce qui le pousse à modérer ses objectifs.
Si l'on veut découper schématiquement l'Inde selon les zones d'implantation des
grandes œndances politiques indiennes, on attribue le nord de l'Union aux
nationalistes hindous, le centre au parti de la Conférence nationale - favorable .\ la
ronœption laïque et multi-ethnique de l'Inde - et le sud à l'opposition violente .l
l'hindouisme. Le sud de l'Inde est formé des régions tamoules ou dravidiennes
hindouisèes mais ethrùquement non aryennes; les nationalistes hindouistes
n'accordent pas la qualité d'indiens à ces populations dont le passé est extérieur .i
l'aryanilé5.

Les intégristes lûndous posent donc deux problèmes :


- la radicalisation du choc entre musulmans, sikhs et hindouistes;
- la radicalisation du clivage Nord-Sud entre les hindous et les tamouls.
Cartr 77 : Les religions en Asie

1 t· THUAL.U..,,...q, "*"'"°""'· Poria. Eltipoea. 199S, p 111-112.


lH.OBEaOL -Sik.b F~iam : lnlnSl&ung hiatory
into theory". 1n E.M.MARTY ., k.S . APPLEBY.,.,
F~ Projecl., a.M::aco
and London. The Univcnnty of Chicago Pn:ss. 1984, 1. J · F1mJamentuli.nru aaJ JJw S..
,........ l'oJuia. Uoaatrtin. œtd Mililana!J, p. 2'6-288.
)-p.llJ-114.
4 .1.. E. fllYIC.BNBBO. •Hiadu fundmnentalian ud the :1tructunl stmbiliry of lndia'". in E.M. MARTY .. R..S. APPL!l"i
D. F ' lrÜbtt .Pro}«l. Chicaso &Gd Loodon. T1IC Unin·nity of Chicago Press, 1984, L J : FundolnurtaJWns ~---
~--O#d1JU;1on<~) . p. 2)J.:z56.
5 l...M. 8.Al..&NC1.li. A. de LA ORANGE, JJonJu r'•btU/u (acln1n, canflit.7 f!I t1lale~s politiqua), Puu., Micbalo&. lOM.
Ll ..... ........,.,,.......,M.,y•••-<>.Vn<.Ewup<.p.17-79.
QuoptllT 3. La religion

Carte 84 : Les religiOll!I en Inde, Pakistan, Bangladesh


Carte 76 : Le sécessionnisme tamoul au Sri-Lanka

6. Le religieux, instrument de Realpoliiik des États

L'un des paradoxes de l'histoire de France est que la France monarchique, ~


chrétienne, a souvent mené une politique étrangère "laYque"l - a.llianœs avec le&
princes protestants, avec le Grand Turc - tandis que la France républicaine a parfois
mené une politique extérieure catholique2. Gambetta, interrogé sur la politique
française des missions catholiques au Moyen-Orient, en Chine, en Afrique, n'avait-il
pas déclaré en ce sens que l'anticléricalisme "n'était pas un article d'exportatiori" ?
Les logiques d'intérêt étatique utilisent parfois le facteur religïrux pour parvenir à
leurs fins. Pour illustrer ce phénomène, on étudie les exemples suivants :
- Quelle Realpolitik y avait-il derrière l'idéal défendu par les Croisades ?
- Quels motifs religieux furent avancés pour justifier la logique d'expansion et les
Grandes Découvertes au XVIe siècle ?
- Pourquoi les Européens entretinrent-ils des stratégies de clientèles religieuses au
Moyen-Orient ?
- Quelles furent les politiques religieuses de l'Union soviétique et des États-Unis en
Amérique latine, durant la Guerre froide ? De l'usage de la théologie de la Libération et
du contre-usage de l'évangélisme protestant ;
- Comment les États-Unis utilisèrent-ils l'islamisme sunnite contre l'Union
soviétique ?
- La politique islamique de l'Angleterre ;
- L'utilisation de l'arme islamique par l'Allemagne de Guillaume D pour déstabiliser
l'Empire anglais des Indes ;
- La politique juive de l'Angleterre: les raisons du soutien au sionisme.

6.1. Croisades et Realpolirik


"À l'époque des Croisades, /'Eu~, malgre sa barbarie, lttzit rdatiuonttnt plus p """'*
l'Eu~ officielle d'aujourd'hui. Elle combattait puur IL trimnp/1L de Id Cn>ir sur IL Croissmù d
marchAit en ennemie déclarée conf"' un ennemi loyaJ•3

Sous le commandement de Alp Arslan, qui succède à Toghrul-Beg coun:mné à


Bagdad comme calife en 1055, les Turcs seldjoukides enlèvent aux Fatimides la ville
sainte de Jérusalem ainsi que la Syrie, puis écrasent les Byzantins à Mantzilcert. en
10714. Dès 1074, le pape Grégoire VII projette de venir en aide aux chrétiens d'Orient;.
de délivrer le Saint-Sépulcre et les territoires contrlllés par les Seldjoulcides5. I.e 26
novembre 1095, lors du Concile de Clermont, au cours d'\J.ne prédication ~

1 J. BAINVllLE. Hi:Jtol~Je Franc..·r. l:?-'iëd.. , hns. Fayard. (I"' éd.. 1924).


2 Sur la dcscnption f.lu rôle ~ Congrigat.iom rcliaicmc:s en favwr di: rint'lueD;;c de la FTUli.'lt aa ~ : M. BA&ltÈS. U...
~Wlea:w:"t"paJUJv Let,.anl. Paris, Pion. 19:?_\, ~ "'ol .

l R. BEY. Lu failJitJt morulr dJt> fu pul1tiqw oo.·~ rtn Orind, Tunis, OIL e.o.---. P- 17; me 'lll&ÏOA ~ dD
-~cl J'an.h-occidcnWil&ttlit ~ nl&is t1Ut c:n. illt IOQ& sur I'~ du. . . . . ~ â ~ ~ ~
caatcmpomae.
4 J.P. ROUX. Hi.stoittt:la Turcs ([}eu, mille ans du Plll:i~uc •la Méi:bll:n:aalie:). ........_F~p. 15.J--••·
SC MORRlSSON. 1.43 Crau°""". P.U.F ., Paris, 1 -. co41. "Que~"?". o•U7. p. 17. c_...... - - 1 • • ·-
~, 11 •"agi ....t plw d'un.: cxpëcfüi->a .w ~-- ~h~ d'f.lnau quclfllllC ,,.........~
fomeus.-, le pape Urbain Il parvient à convaincre la chevalerie occidentale, tt
principalement française, Je se croiser et de partir pour Jérusalem 1 .
Depuis l'an lllOO, la Papauté rêve d'unir la chevalerie européenne au-dessus dt• 9("
querelles partisanes et d'abaisser dans le même ten1ps l'Empire romain germanique qui
{ail de plus en plus concurrence à sa supériorité spirituelle. "L'Europe ne pouvait -e
croi~ une qu'en se voyant en face de l'Asie"2, écrit Michelet .
l.L-s Croisades ne peuvent ètre réduites ,\ une politique cynique et machiavéliqu•
des Euro~ns, mue uniquement par des ambitions personnelles, politiques l!1
c'conomiqucs. L.1 foi de ceux qui s'enrôlent joue un rôle in1mensc' et ne doit pas ~t
sous-estim~ . Nombreux sont en effet les pèlerins qui partent vers la Terre sainte sam
arrière-pensée, poussés pilr l'intensité de leur foi ; en 1096, une foule menée par Pie11e
l'Ermite prend le chemin de Jérusalem ; elle emprunte la route du Danube que Michelet
appelle la route d 'Attila, "la grande route du genre hun1ain"5 mais est anéantie par les
Bulgares el les Seldjoukides.
L'idéalisme est pourtant souvent victime des intérêts cyniques. En 1212, des million
d'enfants - croisade des enfants - s'en1barquent à Marseille s ur la route de Dieu. La
cruauté des armateurs les livre en pâture aux marchands d'esclaves d'Alexandrie.
L'histoire des Croisades mêle donc la Rcalpolitik à l'idéalisme sincère et à la foi
religieuse.
Carte 72 : L'expansion de l'islam au VII~ siècle,
Carte 85: Les Croisades et les Étals croisés du Levant

6.1.1. L'intérêt du pape et de la France


La croisade défend en premier lieu l'intérêt de la Papauté dont la suprématie sur
l'Europe est menacée par l'affirmation des puissances temporelles.
Au XI• siècle, dans sa grande diversité, le monde garde un trait commun : la
religion. En encourageant la croisade, Rome tire parti de cette formidable force de
mobilisation des nobles et des populations, de la "mystique collective créée par le
pape", de cette "idée-force qui allait soulever le monde" 6 .
L'intérêt premier de la croisade est donc romain ; n1ais il est aussi français. Car si
Rome peut difficilement s'appuyer sur un Empire qui lui fait concurrence, elle peut en
re\•anche compter sur un pays, la France, dont la construction mème repose sur
l'alliance avec le clergé catholique 7 . C'est un pape français, Gerbert", qui écrivit aux
princes chrétiens au nom de Jérusalem; c'est à Urbain Il, Français comme Gerbert, quo

1 R... GROUSSET. Lei CroilatJc.J. rttd.. P.uis , P. U F, 1994, coll. "Quadngc " . p . 1K~ lt>
2 J. MICHELET HUl°'n: ,,k Frema. Lausanne. EJ1tîoru: Rcnconln:. t . 1 : Le Mo y cn~Âgc . p. J58
) jTbt Cru:Ydesl a spmwai mo\lemenl. wh1ch t r.ms la1cd &L~lf into the objective funn of u. sp1ri1ual inscmmon... m S.:
T ARNOLD, A. GUIL.LAUME, 71rr l.c-goC)' 1Jjnl,;un. Odunl. The Clarc:ndor Press. 1931. ,,. 41 .
4 Jkné Gt'DUYd dam u monumcnlalc Huto1f'f! Jr.'t Cro;..,udcs ri ,/u l"u_niuni.· fr tm c de Jc!na(l/rm o mo nlrt la puas.nu dn
prCdiauonl d dos;~ Ulc.UeS 1ruerprctés comme au1an1 d'cncuuragemcnlS à la crn1saJc .
S Idem . p. 40S .
6R. GROUSSET. Biian dd'hisUJ irt". Pans, Pion . 1946 . p . 211.
7 Pans La MCUOO in111ulh ·u religion na11on.:.lc", nous ovons voulu montrer que S<Jn" l'Égh ~ c. il n'y aur:ul pas eu Je F~ .
raJ!Jangc da Fnmn d dr rtgh.c est fondatrice: . elle inaugure Ur1c longue quétc de IR ll!g1lintité royale A 1r.t\.'CJ"S la ligitmr.t
ca1hol iquc .
8 Gerbert cal le pranier pzrc: fnu1ça1s . Aulaur de l'on 1000, t l csl le premier ::\ rêver de cn11sadr Sa lettre oû 11 appelle 11)1.a) .ln
princn au nom dt la CilC Yinte précède d'un siklc les pn!d1c:o1lons Ùe P1crTc l'E:'nnite. I.e pnssC de c c pore ~1 naarqut flr'S' ,X,
rdatJODJ 1roublcs •"·cc le monde arabe:. D'abord momc a Aunlh•c . il csl chcafiitu~ et !ic rCfn,Kir d li1m:.dom: ; puis 11 se dtfruq~ '1 ra-.,
twdta la knn:I et l'a.lpbrc à Cordoue. Sa conna111.5ancc dn chiffres .11rube5 et de l'rilgèbrc , il rrélcnd lu 1en1r du cnscigr11m1cna.iil:
diable. L'ldcntificatiDh du diable d dü Samuin ne pourra 4uc le: condu ire Il combutlrc J'itdom . G.:rbct1 csl uus.s1 l'alli4! dn C"•~
qui taidcn:ml i ~r:nir ardacvfquc.
OYpltre 3. La n!llglon

la gloire de la croisade revint. Décidée en France, à Oermont, prêchft par le Prançais


Pierre l'Ermite, les Croi8Bdes, "gesta del par Francos" sont essentil!l.lement l'œuvre de
chevaliers françaia. "Godefroy de Bouillon lee ouvre; Saint-Louis le!I ferme"1 . Elles
inaugurent une politique extérieure française à la fois mondiale et européenne; œuvre
européenne dirigée par la France, ellea projettent en l!ffet les Européena au Moyen-
Orient.
Qui sont ces chevaliers qui forment les troupes de la premièrl! croillade?
Essentiellement des Français du Royaume et de Lotharingie, des Nomumds de
Normandie et des Deux-SiciJes2. Les Nonnands appuient depuis longtemps l'Églile.
Eux, dont les incursions au lX" siècle terrifiaient encore le clergé dl! France, 9e sont
établis et sont devenus les fidèles alliés de la France et de l'Égli-1. Les Capétiens sont
encore faibles au XJc siècle, tandis que la terrible épée normande repou59e cf'P
l'empereur germanique des murs de Rome, qu'elle chasse les Grecs et le!I 5aiTa5ÏBI
d'Italie et de Sicile, qu'elle abaisse les Saxons dissidents en Angleterre'.
L'armée croisée de 1095 est composée de corps français, italiens et alll!IIIBJ1ds - en
fait essentiellement lorrains et flamands - , mais les chefs des corps italiens et
allemands sont des Français de langue : Godefroy de Bouillon, duc de Basee-Lonaine
et son frère Baudouin, comte de Boulogne dirigent les Allemands, tandis que ce sont
des Normands de Sicile - Bohémond de Tarente et son neveu Tanaède, tous deux
petits-fils du fameux Tancrède de Hauteville - qui commandent les Italiens. Quant
aux corps français proprement dits, ils sont commandés par Robert de Normandie
pour les Français du Nord, et Raymond de Toulouse pour les Français du Sud. Notons
bien que la Papauté a pris de soin du contrôle intégral de la chevalerie, puisque
Henri IV d'Allemagne comme Philippe 1er de France sont excommuniés et ne peuvent
participer à l'aventures.
Cette hégémorûe française, on la retrouve jusqu'à la 4" croisade avec les seigneuries
franques de Grèce : la "princée" de Morée sous la dynastie des Villl!bardouin, le duché
d'Athènes sous la maison de la Roche sont, au XIll" siècle, de brillants foyers de
civilisation française6. Jusqu'au XV" siècle, le royaume de Lusignan à Cltypr!! maintient
également l'influence française sur la route des Croisades.
Ainsi, cette idée croisée jaillie du Concile de Germont, que René Grousset compare
à l'idée pan-hellérûque née du congrès de Corinthe en 336 av. J.-C. et qui avait lancé
Alexandre le Grand et toute la Grèce à l'assaut de l'Asi~. est-elle largement dominée
par des intérêts français.

1 J. MICHELET. Hiltoirr de Fruno:, La'1Sallfte. Editions R~. U Moyat-Âtc- L 1. p. 15&.


2 R.. GROUSSET. Bilan sur l 'flutoll"I..·. Paris. Pion. 1946. p . 210.
l Sur la monléc en puissance des Normands en Eurt>pie. P. AUBÊ.. L~ n11pro ,,_.~ tl'Oritml t.Yl'·~.'r11r ~; . ...._
H.:heuc, Pluncl, t99S .
4 J. MICHELCT. llistolrr ,w Franc1·. Lausanne, Ê.ditiom. Rcnconb'C,.Lr Moym· À.F· t. 1. p. 171 .
S C"cst une bonne chose pour le roi Jr Fnm..:~ 4u1 peut profiter de l'll!:lo1incmrn1 des féodaliri's pcair ~idcf la roy..r · ·aa
tournant ln tnerJ:iCS et k!!I go\ats ba1•1llc~ "'en une C'flD'CpfUC rcllgtcuse et. idmhslt. Urbain Il et h:m: l'Enmlie readiln& •
immense KrVicc • 111 jeune royautë . Si le pnp: eut uni'.' idée pol i1iquc, ..-He visast prubabh:mc1n l'AI~ &'Re 'laqucUe Il êlllil t:D
con01L ToUIC ta Chttlicntll!: Cl 1~ rlus fidèles J'Bllisam de rrmrcn:ur germanique oMiSSllDl à .. \"CM~ du punrik- . c'élut lmr y1ctDift
du S1""9occ sur l'Empi~ Cependant le Ca(M!1icn que sa mudcsltc 1mai1 à l'ô::u'e .:le <"C'S ~ quen:Ucs. ~ ~
Jlp\accmcn1 de. forte.! que lit Jéh,·rmc-c: Je ID Tcm: ~lnlc alla11 causc=r." . m J BAINVILLE. Jli.J.llHn. • " '""""· 1?- id.... Puis,
Fayonl, CJNtd.1924),p 47.
6R. OROUSSEl', llilcm.m,../'Hi.,to1rr. P•ns, Pion. 1Q..ltii, p. 210.
7/J.wa , p. 211 .
85. La Croiladcs et les ttats croiaa da Levant

-~ roules des premières croisades Elaa laliAs d 'Ori~111


--+ axe des croisades maritimes (XIIe siècle) l. royuumc Je Jôru•lllem ( 1099-1187)
---+ anaqucs normandes, vers 1150 ' comté de Tnpoh ( ll0~- 11-16\
- + offensives chréuenncs en Esp11gne ~- pnncipuutc d'An1iod"' 1lll'l8-I Z68l
- 1vancée <les chréuens en Espognc. vers 11 OO -t . \.'l)IU1C d'J:.d<'S.."-=' \ lOQ~-l \J6)
411

6.1.2. La domination française:


une première politique arabe de la France
La prédication de 1095 a déclenché l'impérialisme territorial de la féodalité
c:apétienne et lotharingiennel. La prise de Jérusalem en 1099 débouche sur la création
d'États chrétiens féodalisés essentiellement francs ou normands2 :
- Le royaume de Jérusalem dirigé par Godefroy de Bouillon qui a le titre de
'protecteur du Saint-Sépulcre" ; son frère Baudouin lui succède et prend le titre de roi
- 1100-1118. Mais en 1187, le royaume s'effondre du fait de graves divisions internes;
- La principauté d'Antioche;
- Le comté d'Édesse ;
- Le comté de Tripoli .
Par ailleurs, Antioche et Jérusalem deviennent le siège de patriarcats.
L'implantation franque est côtière - Syrie occidentale, Palestine - ; elle ne pénètre
guère à l'intérieur des terres et laisse Alep, Hama, Homs et Damas aux mains des
musulmans. La politique franque est donc toujours menacée d'être rejetée vers la mer;
elle inaugure une longue tradition d'implantation française sur les côtes de la Syrie et
du Liban, au détriment de l'intérieur.
La monarchie franque de Baudouin 1•r de Jérusalem qui n'est formée que de
quelques forteresses et de liaisons littorales avec l'Europe, peut tenir grâce à l'anarchie
musulmane : de nombreux émirats turco-arabes l'encerclent mais sont divisés; les
Francs jouent de plus sur l'antagonisme entre Seldjoukides et Fatimides.
La force première des Francs de Baudouin est l'intelligence de leur politique
musulmane. Elle annonce celle de Lyautey. Comme l'écrit René Grousset, Baudouin "a
su comprendre la société musulmane, s'en faire estimer, parce que, dès son avènement,
il a substitué à l'intransigeance religieuse une politique musulmane intelligente•J et fait
figure de grand émir chrétien, à l'image de son rival Tancrède4.
Les Croisés prennent racine et se mêlent parfois à la population. En 1125, Foucher
de Chartres écrit: "l'italien ou Je Français d'hier est devenu transplanté, un Galiléen ou
un Palestinien. L'homme de Reims ou de Charl:res s'est transformé en Syrien ou en
citoyen d'Antioche. Déjà nous avons oublié nos lieux d'origine. Pourquoi reviendrons-
nous en Occident, puisque l'Orient comble nos vœux ?"5. Les Templiers s'initient même
parfois à la religion musulmane.
L'État musulman d'Alep dirigé par l'atâbeg d'Alep, le Turc Zengî - 1128-1146 -,
puis par son fils NoOr el-Dîn - 1146-1174 -, menace la monarchie franque6. Foulques
se lait alors protecteur du petit émirat de Damas contre Alep7 . Ce type d'alliance est
cependant provisoire. À la mort du roi Foulques, l'alâbeg d'Alep, Zengî, profite de
l'aifaiblissement de la monarchie franque dO à la minorité de Baudouin Ill, pour
s'emparer du comté d'Édesse en 1144; son successeur, Noûr el-Din double son
lerritoire en annexant le royaume rival de Damas qui était l'allié des Francs - 1154.
La prise d ' Édesse pousse la Chrétienté à lancer une deuxième croisade - 1147-
1149 - dirigée par Conrad III de Hohenstaufen et Louis VII de France qui revêtent la

1 lbirlem. p. 211 .
2 C, MORRISSON. Les Croisades, P.U .F .. Paris , 1994, 12~ p., coll. "Que sais-je?"'. n°1S7 , p. 32-JJ .
1/d~m.p . 214 .

4 JI faut du"C que les Normands de Sicile onl une forte lnldition de poliliquc mu~ulrtlllnc .

' Ç1tl par R. Grousset.

61...cs rois sonl Foulques d'Anjou - J 131 - J J43 - , B•udouin Ill - l l44-l 162 - cl AmaW)' I" - 1162-1174.

7 Daru l'histoi~ de la Syrie:. la rivalil~ cnlre Damas et Alep C!l trà: ancie'l'lne ; elle marque aussi l'hiSloirc modcmc de œ PIYI
'"a.il&eurs, la c;ordialih! des rcla1io nio rni.nco-danw.cC:nes 11:51 111tes1tt par le l"l!cil laisK pu l'&mbassadcurdarnucmcOuuAma.
412

croix sous l'influenœ de Saint Bernard. La croisade échoue il la fois pour de! raison.
liées à la m~nrente franco-allemande - Le Français Louis VII s'allie avec le Nonmnd
Roger Il de Sicile ~-antre les Byzantins. tandis que Conrad Ill joue l'alliance avec Miclirl
Comnène le Byzantin - et à l'incompréhension entre les colons francs et les nouveau•
amvants - les nouveaux Croi~ regardent avec méfiance ces Europ~ns accllnulk,
qu'ils soupçonnent d'étre devenus des Levantins 1• Ces mésententes vont coûter cher
aux Francs car à Io Syrie franque fait désormais face une Syrie musulmane unifiée.
L'affrontement de ces deux Syrie ne peut se résoudre sans l'ouverture de la
question d'Égypte. Il est d'ailleurs notable. du point de vue géopolitique, que la Syrie ri
l'Égypte eurent souvent leur destin lié .
Au Caire. les Fatimides sont en décadence . Ils préfèrent le protectorat d'Amaury l".
nouveau roi de Jérusalem, à celui de Noùr el-Oin. L'Égypte accepte le protectorat frarv:
en 1167. Notons que du point de vue religieux cela signifie l'alliance du chrétien el du
chiite contre le sunnite. Mais en voulant remplacer son protectorat sur le delta égyptien
par une annexion, le Franc commet l'erreur de pousser les Égyptiens dans les bras de;
musulmans de Syrie. Le lieutenant de Noùr el-Oin au Caire n'est autre que Saladin. Il
succède à son maitre à Damas en 1174 et à Alep en 1183, et réalise l'uruté égypto-arabe
L'État de Saladin préfigure les essais d'union syro-égyptienne, que ce soit celui dt
Méhémet Ali2 au XD<" siècle ou celui de la République Arabe Unie sous Nasser D
étrangle la Syrie franque qui ne peut plus tenir.
Le 4 1uillet 1187, la chevalerie franque menée par Guy de Lusignan est défaite A
Hattin. Les Francs doivent désormais défendre Jérusalem . La ville sainte tombe aUJ1
mains des Infidèles en octobre 11873.
L'échec n'est pas seulement chrétien, il est français . Au sein de la troisième croisade
qui est lancée entre 1189 et 1192, la participation française n'est plus prépondérante.
Les Croisés sont menés par l'empereur Frédéric 1er Barberousse ; mais celui-<1 se noit
dans le Sélef en juin 1190_ Son fils, le duc Frédéric de Souabe, conduit les CroisèS
devant Saint-Jean-d'Acre. Le roi de France Philippe Auguste et le roi d'Angletem
Richard Cœur de Lion s 'emparent de Saint-Jean-d'Acre en 1191 . Mais Saint-Jean-d'Acre
n'est pas Jérusalem.. Les Croisés signent la paix et se contentent d'un cordon de ville;
côtières entre Tyr et Jaffa et d'une autorisation de pèlerinage à Jérusalem ~
musulmans contrôlent désormais Jérusalem et tout l'arrière-pays. La France enregistre
un l"'CUI lorsque Richard Cœur de Lion enlève à Guy de Lusignan l'ile de Chypre pour
la donner à Saladin_
L'obtectif religieux de Jérusalem semble donc être devenu moins important pour 115
Européens que la volonté de préserver une frange côtière assurant les liaisons
commerciales entre le Levant et l'Europe_ Au début du XIII" siècle, les bases de Syrit
ont une importance plus économique que religieuse ; elles sont le principal entrepôt du
LevanL

1 Rent Gruuaad rappelle qu'Cl'l Ol.-cidcot. on •JITICllC ces Fr•ncs · c ril!oli!l.b"' des r n u ta1n.\ et qu'on les u:cUM d'i!tn: ~
pmr rubm . c'C'A ü un tt.crncl prnbli-rnr qw: l'on rrt.ruu\' C'nt bien plus tartJ dons l'htslnne Jr la culon isauon fr.inçauc ..On rru' &r.
que JluAotrc dl: l'Oncn1 lahn teni celle de la sounk uppo~1uun C'I Jrs ancc s sonu. con1rnun1s cnl~ 1 ' 1~ Je crou.aJr c1 lir: flll
coianial . ~"°'°'d'ajouter \IYll: Io dcu.a po1nlS de v ue"< c omplttcronl Sans l'Cl a n s r11ri1uel (.!c la cro1,..Jc. uru \a ftl)Wlll'Sd.:i
concrk de Clnmont. Il n'y 11uni1t Junai!l eu en Syrie de colo n1C"S frunqnc~ Et ~ns le r~ 11hsmc c o lon111I d'un Daudou.Ut r". J't:rw\ft' •
la crot-.dc n·c<n s-s duit dis. ana"". m M.. GROUSSl:.ï, U .t C n 1butlrJ , Pan " , P .U F . 19'1-I , coll "On•drisc·, p. :?.:'.

2 C R!ZK. brtrr l'u.lu.t ri / 'arubi•m~. u, Aruba 1u.•q 1t't•n /Y-IJ . rar1!11 . ,\lbin M1chd . l ~JMJ , p 11:?· l .lM
) ·ee ti.n un I01r d '~ 11 H7 Ln dcnncn; tlCfcnKun. de Jtru!r.Olcm \·cnmicnl de i.:a1111ulcr Oc\11lnl ,·amqucun d ,....,._
ran1b m.ilDUI' de la fnDlqlltt d'Oman. Saledin fic oballtt Io annde croix. J 'ur Joni le5 Frnn1.:s n\l"aicnl coumnn~ le il6mr Jit râltfa
Qaad dJe &olnba. nom d11 la dvvniqur arw.bc, 11 a'tlc..,a dn t1UIP dC$ deua 11nntcii une clameur 1ellc q~ I• t~ en fus cœm
~.in R. GROUSSl:.'T, 81f1Mmrl'llL11nirr. Pans. Pion. llMh. p . 219
Chaplin! 3. U. R!Ugjon 413

6.1.3. Le8 épieu plutôt que la religion


•z- Croisade• po11nole11t s'inlefJirétrr comme Ullt' /u/le pour la INlilri« dl utlL p;.te llllinlL
du rommerct'; Marco Polo l!I Sir faim Mandmlle n'l!Urent qu'à la suivn car elle n'nmt jomaif
œssé d'llrt t!ll """Il"",
Pa11/ Morand.•

OH le xur siècle, de riches colonies V~tiennes, génoises, piaanes, maneillaiBa et


barcelonailles se sont établln à Tyr el à Saint-Jean-d'Acre et expor1ent les épiœs, lei
tissus, les bijoux provenant du monde musulman, de l'Inde et d'Ext:rême-Orient vas
l'Europe. René Grousset affinne que si, en 1099, le royaume de Jérusalem avait été ctH
par la foi, on tenta de le maintenir au XIII• siècle pour le commerœ de~·
Bernard Lewis soutient que l'effet durable des Croi8ades et éamamique : les
échanges entre l'Orient et l'Occident ont considérablement augment'3. Les colorües de
IJ\nrchands occidentaux établies dans les ports du Levant ont !!IUrvêcu à la reconquête
musulmane. Saladin lui-même en 1174 écrit au calife de Bagdad pour jmtifier la
continuité de ses échanges : il insiste sur le fait que les Italiens - Vénitiens, Pi5ana,
Génois - importent d'Occident des armes et du matériel de gunn!et soutiennent ainsi
la lutte de l'Islam contre la Chrétienté. Rome a beau user de l'excmmnunicatian contre
les marchands, rien n'y fait : le commerce illicitr continue et augmente la puïManœ
musulmane et la richesse italienne.
L'applt du gain est tel chez les Italiens, qu'ils imaginent même un moment cuoper
court aux Croisades vers Jérusalem en captant chez eux les pèlerinages wn l'Oril!nt;
des galères pisanes ramènent en Italie de la terre sainte prise en Jud& pour l'italer sur
le Campo Santo de Pise. Le marché de la religion est déjà en pl.ace. Cd appH da gain
anime aussi nombre de pèlerins miséreux qui n'ont rien à perdre en Europe et pement
trouver la richesse dans le royaume de Terre sainte. Ainsi, la foi n'est pas leseal Eacœar
mobilisateur dans l'aventure de la croisade; l'appat du gain joue un r6le impœtaul:.
L'intérêt commercial apparait sans fard dans l'épisode de la quatrième craisade.
L'Europe est de plus en plus convaincue que l'Égypte est le point d'emfe au
Moyen.Qrient. Il est vrai que la Palestine est perdue par l'unité musulmane de la Syrie
et de l'Égypte. Le pape Innocent m - 1198-1216 - veut 1eco1M{'Jélir j&usalem. n
pense que le chemin de la Terre sainte passe par l'Égypte. la qaatrimwe croisade
- 1202-1204 - s'ébranle. Le transport des Croisés est assuré par les Vénitiens. L'intérft
commercial triomphe à tel point que la aoisade est détournée de SD11 bat par des
Vénitiens qui rêvent d'étendre leur empire méditerranéen au détriment de leur grand
ennemi commercial et politique, Byzanœ4. Les Croisés latins s'attaquent: non à
Jérusalem mais à Constantinople qu'ils prennent et pillent. y créant. en 120ol. un
Empire latin. René Grousset estime d'ailleurs que ce dftuumement est fatal pour les
colonies chrétiennes de Terre sainte et plus généralement pour la Syrie &ilnque5.
En 1212,. l'appât du gain l'emporte de la manière la plus hideuse avec le
détournement de milliers de jeunes filles et garçons qui avaient embarqœ à Marseille
dans le but de contribuer à la délivrance de la Tene sainte et qui finissent: vmdus
comme esclaves en Égypte.

t P MORAND, L.1 R11Nlr JeJ 1""1u, Pans. Arlk 1989.


2/dnw,p. 220.
3 B. LliWIS, L~s ANM." dan.• l'lli:rtolrY, A.ulMn. Pll1u. 1991.
4C. MORRISSON.U-• Crois ......., P.U.F .• l'ano.1994.128p.coll. "Qmaio-1<!"",a'IH. .... 5.}..JI.
s 'llndbpenan1 .rA.,... • CanoW1rinorl• l'etroo dos - il . . - d . _ ... _ _ ..,Tllotw _ . o
pan ~ que l'Cyl~màc C"'f'i~ la11n inlc:n.'q\111 au. mummt ciiikWf LI vie dl: .. S)'llC ~-. • 1.. OkOUSSET, . . . . ai
/~uiolrr, l'uis. Pion, 1946. p 221.
414 Partit 3. P~antncr é Wnohri,

6.1.4. Une nouvelle preuve de lu légitimité c11thoU.1ue


de la Frunce : Saint-Louis
La reaction politique est une nouvelle fois française : le roi de Jérusalem, Amaury
1er, avait soutenu que l'État franc d e vait s'appuyer sur l'Égypte. En 1218, la cinqu~
croisade menée par Jean de Brienne débarque dans le delta du Nil et s'empare de
Damlettel. Mais les chefs Croisés qui ignorent le comportement du neuve-roi et de 1e1
crues, échouent en 1221 .
En 1228, Frédéric Il inaugure la diplomatie islamique de l'Allemagne. Le souverain
qui a éveillé ses sympathies pour l'islam dans sa jeunesse sicilienne traite avec le sul1an
d'Égypte El-Kamil et obtient, en 1229, la restitution d'une partie de la Palestine dont
JéJusalem. la ville sainte devient un rondomirrium confessionnel où les deux cullesllO!d
autorisés ; les musulmans conservent la mosquée d'Osman et les chrétiens recouVRnt
le Saint-sépulcre. Le climat de concorde religieuse entre l'islam et le christianisme nr
dure cependant guère longtemps. En 1244, Jérusalem est retombé aux maÎl\5 des
musulmans et. quatre ans plus tard, Saint Louis entame la sixième croisade, fq>n!Nnt
l'idée égyptienne d'Amaury 1er et de Jean de Brienne qui devient une constante de la
politique étrangère française.
Damiette est prise dès le débarquement, le 6 juin 1249, mais l'armée croisée est
battue à Mansourah et Saint-Louis est fait prisonnier. Libéré contre une rançon élev!JP,
Saint-Louis fait fortifier Saint-Jean-d'Acre et rentre en France en 1254. 11 n'abandonnr
pas l'idée de li~ la Terre sainte et embarque pour Tunis en 1270; il y meurt, COIJll!lf
une bonne partie de l'ost franque, frappé par la peste. Ses tentatives laissent un.
grande impression dans le monde islamique2. Saint-Louis incarne en Orient une Fnnœ
trts catholique, protectrice des chrétiens. Avec constance, sous la Monarchie, puisSOll!
la République !arque, la France jouera du crédit acquis sous Saint-Louis, notammentn
Liban, auprès des chrétiens maronites proches de Rome. On ne peut comprendœ Il
politique arabe de la France, compréhensive à l'égard de l'islam, favorable au progrè
et au développement du monde arabe, en négligeant son pendant, souvert
contradictoire, mais néanmoins tout aussi fondamental, sa politique catholique m
Orient, pour laquelle Saint-Louis reste une figure emblématique.

6.1.5. L'échec du projet d'alliance entre les Mongolo-nestorieru


et les Francs: l'exemple d'une absence d'unité chrétienne
et le triomphe de la "Realpolitik" latint
Les Mongols commencent leur expansion en 1196, lorsqu'une grande assembl~ de
peuples mongols, turcs et tatars distingue un chef de tribus parmi d'autres et le nonum
Gengis Khan - le très haut souverain. Au début du xmc siècle, les Mongols
s'épanchent vers le monde chinois3, l'Asie centrale", puis vers l'Europe de l'Est5 et~
monde russe qui est asphyxié6. Monghal, petit-fils et troisième successeur de Gengis

1 C. MORIUSSON,Lel CroiMldn , P.U .F ., Pans, 1994, coU . "Que s.;us-JC ?", n " J.S7 , p . 64
2 Sdaa amt Grouact, 9Jc 11raaquillc ta.!lobmc qu'il monDU devant les mcnocc!I die: mor1 des MarmlCK&b•, ïlll:èl:9
cbla:ial• œ rv1 ck Frmœ impuau un "prnrond rapcc1 i l'islam'". "En depu de son ëchcc mili&a.m:, 111. cmiadc de l..mmL'(nM •
_..,_,.. ma-..avltdepnsi.11e"' R. GROUSSET.BI/an de l 'hlslaJ~. Pans. Pion, 1946, p 221 .
JC.aaqallrdu~dl:Si-Hacn llOS-1209 ; de l'cmp1n= Ki n en 1211-121.S
4~del'Entp;redeK!wamcn 1219-1225.
S Ea9elDl!llt cks eu1...-.K.am1 en 12J6. chu&c de Kiev en 1240 ; car6"'füion• en Valachie cl en Polop . dE&ilt •li
....... allmmldc Cl pol...- • Liqnitz en 1241 ~ ct.!fa1LC c.1ca Hongro1• de PCla IV• Sajo en 1241 . Mait. i 11 rmrt•Oml
~- ~.... replimL
e la Harde d'Or de- O.SOU pille la Ruuie en 12' 1 d coupe celle-ci de lu Dalliquc et cJc l'Europe - aauf N~
Clwplln! J. U. ndiglon 415

Khan esl maitre de la Haute-Asie et de 1' Asie centrale, de la moitié de la Chine et de 18


Perse, tandis qu'un de ses cou!lin!I règne sur les steppe!! rU!l!ll!S.
L'immense marée mongole entre en collision avec l'islam .
Or les Mongols et les francs ont un allié commun2: l'Arménie chrétienne. la
Maisons franques et arméniennes s'unissent beaucoup par le mariage et la filmille
royole de Jérusalem est une dynastie de plus en plus franco-arménienne. A la cour
d'Arménie, les seigneurs utilisent la langue françai!le. Le roi d'Arménie Héthoum 1er -
les Francs écrivaient Haython - qui e11t l'allié des baron.. franal, nourrit un projet
d'alliance de l'ensemble de la Chrétienté avec les Mongols contre l'lsJaml. La
pénétration des chrétiens nestoriens chez les Mongols fadlite ce projet. Hffhoum Jd 1e
rend en 1254 dans la capitale de l'Empire mongol, Qaraqoroum, et •'UllUl'e de l'allanœ
avec le grand khan, Mongha.
Les Mongols s'attaquent au califat abbasside; Bagdad tombe le 10 février 1258. La
chute de l'immense cité sonne le glas de la civilisation arabo-i!ilamiqur. Comme l'écrit
René Grousset, l'événement achève 647 ans de domination anbe. Deux ans apr5 la
chute de Bagdad, c'est au tour de la Syrie franque de tomber. L'alliance des Mongols -
commandés par le khan Haegu - , des Annéniens - commandés par le roi
Héthoum - et des Francs - commandés par le prince Bohémond d'Antioche -
s'empare d'Alep, puis de Damas - enlevée par l'armée mongole du général Kitboug;t
qui est chrétien nestorien. Damas est rechristianisée, les mosqu~ remplacées par des
~glises.
Mais l'alliance mongolo-tranque échoue la même année devant le refus des Francs
de Saint-Jean-d'Acre qui rejettent la main tendue par le Mongol et ~t jouer
l'alliance avec les Mamelouks musulmans d'Égypte>.
Les Francs de Saint-Jean-d'Acre ne jouent donc pas la même ~ que œux
d 'Antioche. Ils craignent que les conquêtes mongoles qui prennent partout de
l'ampleur ne continuent de s'étendre. Le 3 sepœmbre U60, la compUcil2 franque
permet aux Mamelouks d'Égypte de venir écraser les Mongols de Galilée et de les
rejeter au-delà de !'Euphrate.
Le choix des Francs est fatal. Les Mamelouks se retournent contre eux. Menés entre
1260 et 1277 par le Turc BaYbars, un ancien esclave de la steppe russe. ils font tomber
les denùères places fortes franques : Jaffa et Antioche sont prises en 1268, le fameux
Crac des Chevaliers en 1271 . En 1287, la Syrie franque est réduite à Saint-Jean-d'Acre et
Tripoli.
Une dernière chance s'offre aux chrétiens et aux Mongols de s'unir pour en finir
avec la domination islamique. Une ambassade mongole6 propose à Rome puis à Paris
et Londres une nouvelle alliance contre le sultanat mamelouk : les Latins débarqueront
par Saint-Jean-d'Acre tandis que les Mongols attaqueront l'l~:~ à partir de Damas.
Mais ni la France de Philippe le Bel et ni l'Angleterre d'Édouard)"". de plus en plus
soumises à des difficultés intérieures, ne veulent prendre le risque de s'affaiblir en

111 ft-Bnccntn: llSI c• 1259 el dispose d'\ll'IC arm6e d\an demi·ra:iUton d"hanlmcs.
2 R. OROUSSET, L'", CroUuJr.1. raris. r U F, 199-1. cvll . '"Quadrip:•. p. 6'-6ji .
) ~apcCT l'tnom11~ fon;c monso1c. I• unahsn au profit de la cn1lisahoa cbttticnnc m la a,.... CDllft l"is.a.m.. flitt œ.
tnnbla Tartares J~ pc111~-lib Ju ConquCnuu dll Monde, les saU\"t'Un dr l'Onc:a1 la1m. · - in R. GROUSSET. &'-' JI n.a.ft.
Puu., Pion. 1946. p . ~24 - 22'
o4 A . MIQUEL L 'J,/am e.•t .•a C'i\'J/uatim• fl/J~->..."\~ iWrlrJ. 6• td .• Pans. AnnmU Colin. 1990.. p. !07-:?0L
SR. GROUSSET, l/Ulo l~ J~ cn•b4'lk.t n Ju "'-"a""*' frO#C Jr .Nrraokwt. rHd... hm. P1mm. lfl'N. l ln . .t. .....ditir
mauullfHmf' n l '11#1an:hif'frctrtq1te". r-6\l~ - 70!' .

6 L'ambauallc CSI men~ p.r Rahhan C"•LUUA. p~lal ~I . - nt pris ÔC' M.iD. dm& ~ &mille llllrqlilt ~ - d
Muca, pamarchc ncAluncn de la cour 1non11alc ûc Pnw.
416 Parfit" 3 . flt"rmnnmct dn 1dm111,;

tentant une nouvelle aventure en Orient. Les États latins sont abandonnês et l'alliance
mongole dédaignl-e.
Tripoli tombe en avril 1289, Saint-Jean-d'Acre en mai 1291. Pendant un siècle mcorc
le royaume arménien de Cilicie continue de résister et offre un débarcadère chrétien
sur I~ continent, avant de s'écrouler sous les coups des Mamelouks en 1375.
Ainsi, Je roi arménien Héthoum avait imaginé qu'un empire mongol s'(!lendant
jusqu 'en Égypte protégerait les royaumes chrétiens d'Arménie et de Jérusalem ; il avait
espéré que la diffusion progressive du nestorianisme chez les Mongols aurait tôt ou
tard conduit à la christiarùsation de leur empire!, et ainsi à une victoire complète du
christianisme sur l'islam au Moyen-Orient. Mais. une fois de plus, le rêve unitaire de la
religion s'est heurté aux divisions internes du christianisme et aux intérêts de
puissance.

6.1.6. L'implantation catholique rornaine reste insulaire


La Syrie franque, littorale et palestinienne aura duré de 1098 à 1291, tandis que
l'Empire latin de Romarùe destiné à concurrencer Byzance et qui aura relayé un
moment les Grecs dans la "Garde des détroits" a duré de 1204 à 1261.
Les territoires des Croisés latins. largement français au début des conquêtes le sont
rarement à partir du XJVe siècle. Au XIIIe siècle. la Grèce compte encore de nombreuses
seigneuries franques; la dynastie des Villehardouin règne à Morée, la maison de la
Roche sur le duché d'Athènes, le royaume de Lusignan sur Chypre. René Groll55el
affirme qu'on parle alors dans cette Grèce propre et dans les îles aussi bon français qu'a
Paris2. Au début du XJV• siècle, l'hégémonie française est rompue. La principauté de
Villehardouin en Morée est passée en 1278 sous la tutelle des Angevins de Naples qui
l'italianisent avant que les Byzantins, en 1430, ne chassent à leur tour les seigneurs
italiens. Le duché français d'Athènes est conquis par les Catalans en 1311 et passe dans
les mains des Florentins en 1387. Les empires maritimes vénitien et génois se partagent
les iles grecques. En 1489, l'héritage latin et français des Lusignan est chassé de Chypre
par Venise.
En Méditerranée orientale, la France, affaiblie par la Guerre de Cent ans qui
compromet sa géopolitique intérieure, est remplacé e par l'Italie.
Le XIVe siècle est le siècle de la montée en puissance des Turcs ottomans, dans les
Bal.kans et en Méditerranée orientale. La défense de cette dernière est désormais enlJ?
les mains du grand ordre de Chevalerie retranché à Rhodes puis à Ma!te3. Les nations
se construisent ; l'heure n'est plus à l'idéal chrétien transnational confié à l'Ordre de
Saint-Jean.

6.1. 7. Principales conséquences des Croisades


Les Croisades ont été un forrrùdable mouvement d'expansion europée!Ule \'cr.;
l'Orient. Vers 1118, les frontières de l'Europe s'étendent, comme sous la splendeur
romaine, jusqu'à Édesse et Mossoul, en Mésopotamie. En 1529, la pression ottomane i.,,
fait reculer jusqu'aux portes de Vienne.

1 Les Mongol,. tell ecs BllJ'ban:s d'Eurure gagné!! pur 1c chmnîun1smc rnmum , ont largement mtèg.rt la rd1g1N'I de lc-.:"i
Yaim::ul l 'anp~ fl'KXIBOI ck Chine nt devenu boWdh1!1tC ; le khan11t mongol Liu Turkcstun csl devenu mu~u lmw1 On ('Ji'IU\"J ll Jtn
IOJllqlEJJIClll ~01rquc l'fmpm: rnoneol de l'OuNI dc"'icndru11 syri•t.1UC .
2 R.. GROUSSET. 81/an ik l'lli•tol1'1!. Po.os. Pion, 1946. p. 232 .
3 Vorr notre acc1ion c~ 6. la gtorolniquc l.lc Malte
Chapitre 3 . La ,..,llgion 417

L'histoire des Croisades ne se limite cependant pas à la beauté du geste, à la


grandeur de l'épopée. On a souvent minoré les conséquence ~litiques de
Croisades. Elles sont pourtant immeruies.
Les Croisades sont, comme le soutient René Grousset,. la première expansion
coloniale de l'Occidentl .
Du point de vue économique d'abord, les Croisades développent les relai5
commerciaux de l'Europe au Levant. Les ports de toute 11talie et de la France
méridionale connaissent un essor sans précédent. L'économie monétaire s'étend gr.1ce à
l'afflux d'or et le niveau de vie augmente du fait de l'abondance des produits orientaux.
La royauté française et la construction du pré carré tirent profit des Croisades qui
ont éloigné les féodaux les plus turbulents, rendu puissante la bourgeoisie et rappr~
celle-ci de la monarchie. La France en tire en même temps un grand prestige religieux
qui lui permet de nûeux s'affirmer contre l'empi:re temporel de Rome.
Paradoxalement, la Papauté ne sort guère grandie des Croisades - notamml!nl à
cause de la deuxième croisade - et elle cède de son emprise sur des États européens
qui s'émancipent de plus en plus.
Dans Je même temps, la Chrétienté a mesuré l'importance de ses divisions cruelles
et les Croisades révèlent la fracture entre les Byzantins et les Latins, W>e fracture sms
doute aussi profonde que celle qui sépare les musulmans des chrétiens.
L'Europe sait aussi désormais qu'elle pourra compter en Orient sur des clientèles
religieuses2. À cet égard, il est frappant de constater Je poids des Croisades dans la
politique ottomane des Européens au XIX" siècle, ou dans les conflits CDIJUllUJlaUtilin!s
du Liban au XX" siècle.
La blessure des Croisades entre Européens et musulmans d'une part, entre
musulmans et chrétiens d'Orient - essentiellement latins - d'autre part, n'~ pas
refermée.
Prêchées sur des motifs religieux idéalistes, les Croisades se sont bel et bien
révélées être de formidables outils de Realpolitik, au moins pour la France et les villes
maritimes italiennes.
Plus globalement, et comme le souligne René Grousset. les Croisades retardent la
chute de Constantinople et la marée turque de 350 ans. Endiguant le péril musulman.
elles permettent à l'Europe de préparer sa sortie du Moyen-Âge, conscienb! d'une
certaine unité de civilisation chrétienne. La chute des colonies commerciales franques
de Syrie, en donnant aux musulmans d'Égypte le monopole du commerce de l'océan
Indien, pousse l'Extrême-Occident à rechercher la route directe des Indes.
Une fois leur Reconqui,;;ta achevée, Portugais et Espagnols vont pouvoir se lancer
dans l'aventure des Grandes Découvertes qui clôture avec une belle logique celle des
Croisades méditerranéennes.
L'historien Lucien Febvre voit dans les Croisades l'un des premier.; actes
d'unification européenn~. Elles sont incontestablement un acte de civilisation

1 ·0u XII"' au xrv~ SH~'Clc. les f'C'UJ'llô IXCh.l~tAUX . en par11cul in les Fr:i!'IÇ'3.L... cc les hahr:m.. •\'WftH rokmisC lit l..t\o... c'cR-
l-dirc dans l'Clnlrc chronn1ogiquc:. la S'.\'TlC' m:mtunc C1 1.3. P:1~~tinc ·- 109~-l:?'»l - • Ch)'l'ft -- 1191-1.S".'I - . {'~
- 1204-1::?61 - . AthCncs - 1205-1-&~S -- . le PCloponnèsc- - 1:?06-1-1.lO - ~ lies Hc:s ~ - Xlll"'-X'1"'Mc:la.. Lem
1nnumcc a\'aU même. dans une i.."Cnamc 1nc-surc. laumsë le royaume amlCrncn de: Ohc>e - 1oq~13~~ - ... mk. GROL'S:SET. La
CmUwk.s, raris , r U F .• 19Q.&, coll "Qu.atlrigc"' . p 11::?
~ On cons11ctt une s ..."'Ctilln .:i l'étude Jt.~ chC'nt~lcs . L "his hx1cn de la pttmtctt ..:ro1sadc, Guilla&tmc de T~T ~ ~
couragcu5c faite rar h.-,; c hr~l11.."ns d 'Onl!nt .iux C rut.sn. Lc:5 chréhc'ft...; ck S:-nc .:ontribucru aUw ~ S&aXts Jes Ctoisi!:s. A\t"GI màac
de ~lm m Sync , ü':" d.:nucr.,.;; 4\111 n,:g~u.t ll\"C'C I~ ~°'C"$ chrdlens. !OC.su.'\.. c'e:s1-.li..Jirc a\'o.; les m.rcaicm .tu libm ipù S.-
1110 6 la ttnC\\ntll." J .... l'amn: .... ~ hrCtîcnnc et qui lui sct'\'t'nt Je gu1dt mur C'~ut'nr lA ~ - c c.~HEN. LA J)·rw ià .........
JI 21.:!
) "La cnusa.dc ttligiow.c: hV.\'8Hle o.u prulÏI d"unC" unlfK'9tiun ...u.n~ -.ui n'esi: pu....._.~ poliliquit. ·*Oil
l&tJC'mc'nl l:::lh: est êconom~ . Elle ...~s-1 rnllutt!IC" . La cruisedc csl creatn ..."'C oo ttnowa.tncc ,Jr. puiSSMll ~ de- ft1'i::. lA
41R Pnrtfr .1. f'crmtmtlfet' t/r.4 1JtnlilN

commune; <'li<' ont cependant très tôt marqué, et même accentué, dl.'!I réalitk
europécnnf'5 au détrim.,nt d'une réalité européenne. On a aussi attribué aux Cro1sad..
une part important<' de responsabilité dans la Renaissance et le passage de l'Europe à
la modernité politique et technique. Cette thèse fait l'objet d ' un débat d'historien•• .

6.2. PoliLiqm' el religion dans l'Europe du XVI• siècle


Les motivations des Gmndes Découvertes, qu'elles soient politiques ou
économiques, sont liées à la volonté de contourner et de contrebalancer le poids
écrasant de l'islam dominé par les Ottomans2.
Deux pays mènent cette nouvelle dynamique d'expansion maritime européenne : le
Portugal el l'Espagne. Or que sont ces deux pays 7 Certes deux puissances maritimes à
façade atlanttque ; mais aussi, comme le font remarquer Bartolomé Bennassar et Jean
Jacquart, deux "États qui se sont constitués dans la lutte contre les royaumes
islamiques, qui savent la menace que peuvent faire peser sur eux les grands Étals
musulmans d 'Afrique, et au-delà, l'Empire turc en expansion" 3 •
Les Grandes Découvertes ne fuient pas l'islam qui contrôle désormais une bonne
partie de la Méditerranée : elles vont à sa rencontre, elle cherchent leur revanche.
L'achèvement de la Rcco11q1lista a donné de nouvelles ambitions aux Espagnols et au•
Portugais dans leur combat de résistance nationale contre l'islam. On rêve alors de
donner de nouvelles terres au christiarusme et même de rejoindre, en Inde et en
Afrique onentale, des foyers anciens de christianisme dont le souvenir est entretenu
par les récits de Marco Polo et d'autres voyageurs. L'islam apparait alors non
seulement comme un ennemi, mais aussi comme un immense barrage formé entre
l'Europe et un monde des Indes où les richesses côtoient le christiarusme primordial.
Dès 1493, soit un an après la découverte de l'Amérique, les Espagnols obtiennent
d'Alexandre VI un édit par lequel le pape, fort de son autorité apostolique, offre au roi
de Casttlle et de Léon, ainsi qu'à ses héritiers, les Indes occidentales, récemment
découvertes, comme fief séculier de l'Église'.
Par la bulle Inter coeteras du 4 mai 1493, Alexandre VI détermine wie ligne de
démarcation méridienne5 courant du pôle Nord au pôle Sud, qui passe à 100 lieues,\
l'ouest des Açores : les terres découvertes ou à découvrir, à gauche de la ligne, en
regardant vers le Nord, seront à l'Espagne, celles à droite, au Portugal. La bulle justifie
ce partage par le droit de premier occupant de l'Espagne à l'Ouest, du Portugal à l'Est
et par l'engagement pris par les souverains espagnol et portugais de convertir les terres
conquises.

ao;..se. en donn&nl wi DOU"-1:1 es.or 11u frvfic maritime. est çrtalncc <le m~lh oc.Jc.o; OllUvcllcs, 1n1cma1ionalcs. l.a cmtsadc. Cii
m!icaail.an\ dn •"an.co. de- fonds coos1Jërablcs csl générulricc Je cop1lolhsmc m1cmat1onal ". m L FEnVRE. L 'Europt". G~
J'v'W'cfrt/Uu/i°", Puii, Pcmn. 1'199. p 137
J tma1 Bartcr. fll"D(C!tKut JC' s.c1cncc pohllquc à C.:ambndgc cnntc~lc ceci cl suu1icn1 ~u c . mCmc :o;11n!IO les Cruu..ki.
l'O«idcnl se kBÎt dll!:vcluppc, que son comfnft'Cc orienta l n'avait J'l8..'I bcl'ioin Je bnsc" nu Lcvnnl " Il "'' tiuld have "ough11n nuibh\h
nsc:lf at lhc tnrmru of 1hc Eastern C.u.van mut.es on the nnnh cna.'11 nf the lllAck Seu, whcrc ÎI m1cl11 louc h 1hc roule 1ha1 wcnt Nafth
ofW Cup&m'll and Wcti o f lhc Aral Sea ln Bokh1m1 :i.nd Samarc11 nJ , ur ugnm. in lhc Syrn111 puns fn1111 wh1ch 11 n11llhl ~:.ch p,nu
llnd lhc Pmla Gulr. and su wuch the "ta·roulc thllt lcd flOitl lnd111 10 C h in n", Unkcr r - ~J . m T ARNO LD . A GUILLAUME . n,,,
Lqcan· of /,/tMn. <hfonJ. The: Cl1rcndon l'n:n. 1QJ1 , lbrk..:r sou1 icnt 4uc l'lsl11m ..:n E'.'pagnc cl en Sicile u rlus mor4ué J'Oco&al
que le phCnomè'nc dn Crou•dc~ .
2 J fAVU:R . /..cJ G,.""d,-s /..k(·u u Yo:rte.1 tD'Alrnmr/,.1.• U McJHd"m), run'.', Fnynul, l 1Jl> I
J 1:1 ltENNASSAR. J JACQUARl . /.1.·XI'/,.. !tli!dc, 2,,. cd .• l'ori!I , l\mmnc.I C nlm , 19C>O, r ::w
.. J FA \'l l:R. /. L'J (irunJ,-.1 Ort:mwl'rft'.' (f)'A lrxanJn• ti 1\ldf:t'l/1111}. P11n i1. Fuy1ml, l 1J1J 1. p 511."i.
'P GEORGE, F VERGER. D1c1fo,mui,.r Jr lu G1.luw·fJ/1lm'. 6~ c!d., P1m!i, PU F ., 1996, amcl~ "L 1~11 c i.Jc dl!marn111<!'l·.
p 269.
Chapitre 3. L,., religion 419

Peu de temps après, le traité de Tordesillas signé sous l'égide de la Papauté le 7 juin
1494, entre l'Espagne et le Portugal, repousse la ligne de démarcation séparant les
possessions des deux pays de 270 lieues à l'Ouest : la ligne est donc désormail fixée à
370 lieues à l'ouest des Açores. Ceci se fait au bénéfice du Portugal qui peut aloi"!!
annexer le Brésil. La terre étant ronde, fixer une ligne de partage méridien ne suffit
pas; il faut un anti-méridien - sinon où s'arrête-t-on de l'autre côté? - ; de multiple!I
réunions de juristes et cosmographes portugais et espagnols, en 152A, 1526, 1570 et
1586, tentent alors de définir l'antiméridien. Le flou persiste et, à la faveur de celui-<i,
les Espagnols colonisent les Philippines.
La ligne de Tordesillas inaugure un nouvel ordre mondial produit de la légitimité
papale. Pendant plus de cent ans, Portugais et Espagnols, se rendent sur les
concessions du pape, pour refuser aux Français, aux Anglais et aux Hollandais touœ
prétention mondiale.
Les autres puissances ne s 'estiment cependant pas liées par les accords Espagne-
Portugal-Papauté. La lutte pour la possession du Nouveau Monde devient aloi"!! une
lutte entre la Réforme et la Contre-Réforme, entre le catholicisme mondial des
Espagnols et le protestantisme mondial des huguenots, des Néerlandais et des Anglais.
Les Français, eux, qui craignent la Réforme à l'intérieur, n 'hésitent pas à pactiser avec
elle à l'extérieur afin de lutter contre l'impérialisme catholique.
L'opposition initiale catholicisme-protestantisme se transforme en opposition
jésuitisme-calvinisme.
Le calvinisme devient la religion des Huguenots, des partisans de la b'bert.é
hollandaise et des puritains anglais. Son esprit est tourné vers la liberté des éléments
marins et ce n'est pas un hasard si le calvinisme est la religion du Grand Prinœ-
Électeur de Brandebourg, l'un des rares princes allemands à avoir la fibre maritime et
coloniale.
La mentalité du luthérianisme allemand correspond plutôt à l'esprit continental. Le
déclin de la Hanse et de la puissance allemande en mer Baltique est d'aill~
contemporain, en Allemagne de l'éclosion du luthëranisme, de même que la percée
maritime de la Hollande et le choix décisif de Cromwell soulignent l'émergence du
calvinisme.
En Allemagne, les princes des États luthériens, et notamment le Prince-Électeur de
Saxe, restent fidèles à leur empereur catholique. Mais tandis que les catholiques créent
la Ligue, du côté des calvinistes est créée l'Union, une ligue de combat des États
évangéliques. La haine entre luthériens et calvinistes est exa.:erbée. Du point de vue
géopolitique, le calvinisme marin s'oppose au luthérianisme continental' .
Carte 83 : La France face aux Habsbourg et l'alliance avec [e$ Princes prott!Slants et les
Turcs

6.3. Les clientèles religit"uses des Occidentaux


dans l'Empire ottoman
Les jésuites sont installés en Syrie et au Liban depuis 1625 ; ils cèdent leur place aux
lazaristes en 17732 après la suppression de l'ordre j~suitc mais n!\'iennent en 1831 pour
poursuivre l'œuvre français~ d' instruction .
L'Égypte et la Syrie vivent alors sous l'influenœ modernLo;atrice de Méhémet Ali et
de son ms Ibrahim Pacha. Dès 1820 des missionn.:iin.'S américains presbytériens

1 c_ SCltMll"T,1 t!1n· ..·t .\fa, Pans . L\! Lat->-nn1hc. l~l"~ . p. 711- 71.
2 r . COM.l'K.El', J..:..,· J.41.:arü·r,•" 1..· t /,•,, /il/1.·.i ..A: lu l "hwu,; J11 Pn>i.·Jl, .. (>ri.-wL r .U-IWJJ. MabUn ..- ~ ~.
19KJ
420 Pnrfie J P~nnnutnn rln idnrtiU,

s'wtaUent en Syrie. En 1834. plusieurs événements marquent la rivalité franc<>-


américaine <>n Syrie' . Les lazaristes ouvrent un important collège de garçons au Liban,
A Antoura; la mission américaine d'imprimerie - Amencan mission's printrng-prct>& -
est transfétte de Malte à Beyrouth ; Ibrahim Pacha initie en Syrie un programme
d'édu.::ation primaire sur le modèle de celui nùs en place par son père en Égypte; le
docteur Clot - connu sous le nom de Clot Bey - joue un rôle important au Liban : il
rontribue à développer, dans le cadre de ce programme scolaire, et dans l'intérét de la
France, un sentiment national arabe2.
Les jésuites fondent des écoles à Beyrouth - 1839 - , Ghazir - 1843 -. Zahleh
- 1844 -. Damas - 1872 - et Alep - 1873. L'école de Ghazir est transférée a
Beyrouth en 1875 pour devenir l'Université Saint-Joseph.
Les missionnaires américains impriment des livres en arabe pour développer
l'usage de l'arabe et fondent en 1866 le collège protestant syrien de Beyrouth.
La politique de missions religieuses est l'exemple même d'une politique d'influence
menée par les États sous couvert d'influence culturelle ou religieuse3 . Elle n'est en rien
limitée à la France et aux États-Unis ; au xixe siècle, nombre de puissances occidentales
mènent une politique de clientèle dans l'Empire ottoman4. Le Vatican entretient des
contacts avec les catholiques maronites du Liban depuis le XVIe siècle ; il dispute cette
influence à la France qui protège l'ensemble des chrétiens latins d'Orient5, ceux du
Llban comme ceux de Jérusalem - maronites et melchites - . tandis que l'Autriche.
Hongrie se préoccupe surtout des catholiques des Balkans - les Croates. La RusSJe
protège les Slaves orthodoxes. Pour faire contrepoids à l'influence française. les Anglais
s'appuient sur des minorités n'appartenant à aucun des grands groupes religieux de
l'Europe non réform{,c et de la Russie6 : syro-chaldéens de Mésopotamie et de Perse,
coptes ~tiens, druzes du Liban. Quant aux Prussiens qui se sont rapprochés de
l'Empire ottoman dès 1835, ils llln.itent leur influence cornrnunautaire à la protection
des Lieux Saints de Jérusalem par le biais de l'évêché anglo-prussien de Jérusalem.
Le reste de la population de l'Empire ottoman, c'est-à-dire la grande majorité
musulmane, reste à peu près vierge de toute influence occidentale7 .
L'Occident entre, politiquement et idéologiquement, dans l'Empire ottoman par les
minoritaires. Cette politique est ancienne: elle date des Capitulations qui. à partir de
1569 - jusqu'en 1923, date de leur abolition -, visent à régler le statut des chrétiens
étrangers: pèlerins, marchands, missionnaires8 . Les Européens étendent ces
protections consulaires à de nombreux chrétiens ottomans. Au XIXe siècle, en ajoutant

1 G _A1-i'TON"IUS, ~ Arab m...-dhning, lhe .11ory• of tlrl! Arah nallonal mo~ment, London, Hamish Hamilton, 19311, 471 p.
p. 37 .
:'.! 1....r niik du daru:ur Clot est souhgnê dans plus1cws texte d'orientalistes français. dont celui de M BARRES, Unr #!nqWlr~
pay. dtl Û!'WIN, Paru. Plan. 1923. 2 '\lol .• 240 p.
J ·u ~ion culturelle curopèmnc fU1 d'abord es!ICnlu:llcmcnt n::ligicu!ic · elle cm pour agcnlS les mmon1c!s chrâlcnoadr
la rQJan .·. io B. LEWIS.Lt!s Arabadan., /'Hutoire. Aubier, Pans. 199~. p . 21tl
4 J HA.IJAR.. l'Euro~ et ln datlnü.r du Proche-Orient - 11'1J-IH4H, 1970
5 U p-esugt: de la Fruncc chez les catholiques date des Cn:nsadc.i; , il C!il confinnC snus la Ré'pubhquc qui ne l"Dmpl pl.l &\'el:
J'Writap: monm~luqur. Au L1hao. depuis l'écla1cmcnt de 1975, les chréticni. mnromtcs se sont éloignês de I• Fr.nec. k p
clic:rdlli:ac die cctle-o est en effet enai en contradiction avec une tnadition rrnnça1sc t.Jc politique uabc non moms antJC:l1D(
-111Dbalsade de Haroun 111 Rachid s.ow. Charlemagne
6G CORM.L'Eumpe*'tl'Orlrnt, Paris, Lu 0CcouYcr1c. 1989. r H7 .
1 ïbe panicular (ncnds or France wcn: thc M•ronncs in the Lcbonon and lhc Melchllcs. whilc Russim hmll hcr pan1s:un m tht
Onhodo1. c:onunwuty and En11h1nd mnona; hCT" old fnends lhe Druzes . the rcst or the populutmns, thal 1s 10 sa.y, the Moslnru "'"''
ronncd lhc va.si rm1onry, hlid ttmllmed pracucally untouchcd by forc1gn polit1cul inllucncc", an Ci. ANTONllJS. 1N .f ...i..~
,..,.,.,,.'"1'· 1hrstory1Jfth~Arab National Mm•C'mC'nf, London, Homi1h Homil1on. 19'.\M, p ISJ
H MIT HOMS V, /..Je.~ Cap11uloJ1atH rr la pmtt!Ctirm da clm!llt!n• nu Prncltr'-0Tlt!l1/ (uux XJ'r. Xt'lr t'I XV/If" 3jirJvl, i~ Si
Paul , Han~. Liban, t9~6
C..pltre 3. La .,,ug1on

à la protection consulaire une politique d'instruction culturelle, Ü8 augmentent leur


influence sur les dhimm1s de l'Empire ottoman et contribuent ainsi à mina
intérieurement ce dernier1. C'est dans ce réseau dense d'écoles modernes que le
sentiment de différence entre chrétiens et musulmans se crewiel, que les idées arabistes
à la fois anti-turques et anti-islamiques se développent. Les missionnain!s ont installE
de nombreuses imprimeries arabes ; de nouveaux livres3 redonnent au:oc Ara'- leur
littérature classique et traduisent des ouvrages occidentaux fondamentaux'. Des
générations d'Arabes sont éveillées; la diffusion culturelle et religieuse occidentale
contribue à la Nadha, au réveil arabe, qu'il ne faut cependant pas réduire à wi
phénomène chrétien - de nombreux swmites y participent, mus par une idée
nationale arabe anti-turque compatible avec l'islam5.
Les Européens laissent au sein des communautés religieuses de forts 5entimenl5
d'allégeance à des puissances étrangères : au Moyen-Orient. à partir du XIX• siecle, on
tend à être francophile, anglophile, américanophile, germanophile ou lU860phile; et à
ce sentiment d'allégeance à une puis&ance occidentale, correspond souvent une
affiliation idéologique: royauté, république, communisme, démocratie parlementaire.
C'est ainsi que les maronites du Liban longtemps appuyés par la ~ françaiale
se sentent peu attirés par la République la:tque; que les sentiments pro-50Viétiques
chez les orthodoxes de Syrie et du Liban furent courants durant la Guene &oide; que
les milieux sunnites de Beyrouth fortement éduqués par les missions piobestaides
entretiennent un rapport ambigu à l'égard des États-Unis, mêlant un anti-
occidentalisme propre à l'islam à la fierté de leur éducation américaine; que l'Autriche
garde un prestige important auprès des catholiques et maronites libanais.
Pour les Occidentaux, le clientélisme religieux est très tôt mie arme de politique
étrangère en Orient. Mais il est important de constater que les politiques religieuses
furent et restent différentes : si les Français œntent de concilier l'héritage de la
protection des catholiques avec l'encouragement de !'arabisme, et que la Russie garde
son influence sur les orthodoxes orientaux. les Anglais puis les Am~, constatant
sans doute le faible enracinement du prutestantisme en Orient,. lui préfèrent
l'islamisme et le sionisme.
Carte 87 : Le panturquisme : t:un:oph~ et limites de l'Empire ottoman à son apogée
au XVIe siècle
Carte 70 : Les communautés du Llban

1 •La pnLliquc d'une langvc él:nlngërc cl le pnviJê:gc de I~ • m. culwn: occidadak s · . . . - MEL bCadica des~
aJnSUlalres pour dunntt aux non-mu.o;;ulmans Je srnumeru de leur difftti:ott. "'ttitt la axn"'iL"ticm dt km ~- Cc --. la
«oies do mtss1ons chré1icnncs qui ou,TCnt loi. minoritair=. ~ i.nnUICllC'n C'1.l.lnm:lles ~ - A bi veine de msucm:.. plm dt

anq ccnu i!a>lcs religieuses fnmçaise$ scolarisent ff.7 000 clê'\-cs ckns l'cmcmblc oamnm. daat 000 m S:wric . seu.b. 8.7 ' d'~
eux sont mt1$Ulmans. 430 écoles prol~tantcs amft'1C'8..inc-s encadrl:nt 2..'\ 500 ël~ don1 UllC' funr ~ d'.~ ~ o!Mllft
Jlobcn Collcgc d'lsua.nbul scolan!li~ en t'Mt."C P!'tllnnma ~ '- d'if~'1:!S tnuSWmmts.. · . in jtro; _ PICAL'DOU. La....,._.-;....., Ir
l.kr)int--Orlrn1 (/IJl4-J9~.'fJ . Rru.1tdlcs. Complexe. 1992. r-.!.l.
2 G CORM. L "E11'1>J1il4." ~1 /'Orin11 t.lt· lu Nlluni.wrH.tn u la llitonu.Jl111n . lu.uuin.: U'-.: ~ mJJC1.v.pbcJ. hl'iL La.
~verte , 1991.r H9
J La publication dt.- J'Encydoptùi(' nrabc diln...,. IC"!'o annëc$ unu. il Bc~TI.'Ulh cl sous lll iil:n:ctKm l.k 8oulrœ el-aou... a&:•
hiocmeot i mp:~l . A llUlîRANI , /. 'as/1rrn claras 4' Jl'l!"Ur.• t:Mrop.Nn~. ~ Naaîal.. 19'5. p. ~J . '"'l'~~
1ymbohae une ouvcnurc dt la langue a.rab.• 11u monJ.: n\oJcmc... cc une "'1''nt\ln' .X ln ~U1: du m:mJc moda-De 1i&a. IWmal ..,_
c1 isl•mi~ucsR. ldt'm , r ~ -'~ '
-1 H . LE\\'IS . L''·' Ar''"''-~ 1/1m• l'lit.wuirt., Aubit"r. rari s. 1\f'OJ. p . :!IU
S K.S AL · HUSRI, Ori1-:in." <1} modt1rn." .·frai> po/iun~J 1~lr1 . Ne'\'· Yllri... Can..._. 8oolts.. Ddmm. 1980. t16 P. 1l11U).
bA. Théologit• dr ln Libération t•t évnngélil'llll•~ prolPAlnut
ru An11'-rilp1e lutine iwndanl la Guerre froi1fo
En Amt.'rique L"ntrale et du Sud. un phénomène géopolitique d'essence rdigicu!!<' a
j<lUt! un grand rolL• dans le cadre de l'affrontement bipolilire : lil Théologie de la
lil'oérntion .
l.\ Th&>logie dt• la Libération est un vaste mouvement social qui. à partir dl':!
~ 1%0. touche essentiellemt'nt les ciltholiques largement majoritaires en
Amérique l.1tinet . Sont conœm~ une partie de l'Église, des mouvements religieux
laîques et des n'se.tux pastoraux. La Théologie de la Libération est largement
influt'.'nc~ par la ~volution cubaine et les mou\•ances gauchistes - prêtres ouvriers,
paysans partisans de l'action violente et révolutionnaire. Des organisations telles le.
Prètres pt'ur le Tiers Monde - Argentine, 1966 - !'Organisation nationale pour
l'intégrahon sociale - Pérou, 1968 - , le Groupe Golconda - Colombie, 1968, font
partie de ce mou\•ement social et politique.
Fa~-e à cette Théologie de la Libération favorable à la Révolution et aux intérêts
soviétiques, le Vatican et les États-Unis tentent de conserver leur influence dans la
zone :
- le Vatican et la majeure partie de la hiérarchie ecclésiastique - Conseil de.
év~ues - dénoncent le remplacement du pauvre de la tradition chrétienne par le
prolétaire révolutionnaire des marxistes2.
- les États-Unis. sous l'impulsion du président Reagan, prennent ouvertement
l'initiative de réduire l'influence de la Théologie de la Libération - les déclarations de
Santa Fé de 1980 et 1988 dénoncent le caractère plus communiste que chrétien de la
Théologie de la Libération3.

6.4.1. Les points d'ancrage de la Théologie de la Libération


Au Brésil<, les militaires prennent le pouvoir en 1964 pour barrer la route aux
communistes. Ils sont soutenus par la Conférence des é vêques dans leur lutte anti-
bolchévique. À gauche, une dissidence chrétienne se manifeste de manière virulente
Dès 1967, les dominicains soutiennent la guérilla communiste. Mais en 1970, les dérives
quant à l'usage de la torture. poussent le Vatican à prendre ses distances vis-à-vis de la
hiérarchie en place. Les chrétiens de gauche s'emparent de l'Église. En 1995, dans le
nouveau contexte démocratique, Jean-Paul li décide de reprendre pied au Brésil. les
évêques de gauche sont mis en minorité.
Au Nicaragua5, entre 1%8 - à partir de la conférence épiscopale de Medellin - el
1979. une alliance se dessine entre la guérilla sandiniste et l'Église catholique qui esl
pénétrée par la théologie de la Libération. Des communautés comme les capucins, le.
jésuites, ou les assomptioruùstes, sont marquées par l'idéologie marxiste. En 1969, la
communauté de San Pablo à Managua crée un mouvement de la jeunesse chrétienne
qui rejoint le Front sandiniste de libération nationale fondé par Carlos Fonseca el
Tomas Borge. Le franciscain Urie! Molina et Je jésuite Fernando Cardenal apparaisst'nt
également comme des figures de proue du gauchisme chrétien.

1 M. LÔY..""r'. La pt"Tn' M s dieux I Rr lifllwn rt pohtlff~ o! t'" ~ lmùiy1œ liJtmt•) . ru ns, EJ_Ju Félin. 199M, Hrndu1t de l ';ui91.ui~
çoll ·HWa1rc"'. p . .53
1 E . L.EBEC. llu11Jirè S«rilt! dte /11 drplumulir i,.·utù:ane, Pans , J\lb1n Michel. 1997. p. 2Jb-246.
l M. LÔWY. Us P""' ~ Jie1n fRr Jinrun el politique 1.•n Amùiq11e lolineJ , Pon s , Éd . Ju Féhn , l 'J9R, (lrodu1t de l'&e!JW~l
coll. "'H1ao111~·- . p 1SS-171
~/dmt , p. 1.?1-J]f)

'lbiJ.. p. IJ7·"'
Chlpll"' 3. Lo religion 423

En 1978, de nombreux mouvemen~ chrétiens ont rompu avec l'Église et ont rejoint
la guérilla contre le pouvoir de Somoza. Un an après, les sandiniste l'emportent;
l'Église officielle est désormais éclipsée et des prêtres révolutionnaire entrent au
gouvernement - Ernesto et Fernando Cardenal l!1 Miguel d'Escoto. Très vite
cependant, des dissensions voient le jour che:i les sandinistes et permettent l'émergl!nce
des modérés - Violetta Chamorro en 1980. L'Église et le Vatican opèrent un retour en
force . L'Église officielle soutient l'alternance. Le pape suspend en 1984 les ministres
prêtres de leur sacerdoce ; en 1985, le nouveau cardinal nommé par Rome se solidarise
avec la Contra, guérilla anti-sandiniste soutenue par les États-Unis. Violetta Olamorro
qui bénéficie de l'appui de Washington arrive au pouvoir en 1990. Le contexte est alors
celui de l'effondrement soviétique.
Au Salvador•, c'est également à partir de la conférence épiscopale de 1968 que le
gauchisme chrétien prend son envol. La figure centrale en est le pere Rutilio Grande.
Les chrétiens radicaux s'allient au Front Fara/nmdo Marti qui est communiste, et lutœnt
à ses côtés contre le pouvoir jusqu'en 1979, année où les militaires eux-mhnes décident
d'en finir avec la dictature du général Romero. Mais le gouvernement de coalition
social-démocrate prend fin en 1980; une guerre civile éclate, provoquée par la guérilla
de Farab1mdo Marti. En 1995, le Vatican reprend l'Église en main. par le biais
notamment de l'Opus Dei.

6.4.2. La contre-offensive de l'évangélisme protestant


Durant la Guerre froide, les protestants d'Amérique latine, largement minoritaires,
se sont rarement trouvés du côté de la Théologie de la Llbération. Leur position était au
contraire conservatrice et pro-américaine. Washington sut canaliser cette inclination
contre-révolutionnaire pour faire barrage au marxisme. À noœr que les Églises de type
évangéliste et pentecôtiste se distinguent des Églises protestantes classiques par leur
interprétation littérale de la Bible, et par le fait qu 'elles mettent l'accent sW" le salut
personnel, les pratiques magiques et l'emploi du té.lé-<?vangélisme.
On observe aujourd'hui en Amérique latine un déclin statistique du catholicisme au
profit des Église évangéliques pentecôtistes. En 1984, les évêques catholiques réunis à
la Conférence de Bogota purent constater que l'Amérique latine devenait protestan.tr
plus rapidement que l'Europe centrale au XVl• siècle. Alors qu'on estilru? à dix pour
cent environ la proportion de chrétiens non catholiques en Amérique latine, le
protestantisme au Brésil avoisine les vingt pour cent, et dépasse les vingt-cinq pour
cent au Chili et au Guatemala.
Les Églises évangéliques ont soutenu les régimes forts au Chili, au Brésil, et au
Guatemala ; elles ont participé au soutien des Contras au Nicaragua et au Honduras et
constitué un solide relais du renseignement américain en Amérique latine.
Toutefois, depuis la fin de la menace soviétique, les États-Unis prennent du recul
avec ces sectes difficiles à contrôler.
Quelques facteurs expliquent le succès de l'évange.lisrne en Amérique latine :
- la stratégie de survie : dans les pires moments de la Guerre froide, le catholique
était souvent apparenté au marxiste ; il de\'enait de fait une cible idéale pour les
escadrons de la mort ;
- l'éthique puritaine des Églis es évangéliques ..i incontestablement marqué des
points dans l'améliora tion de la ' ' ie quotidienne chez les pauvres. ~évangélistes ont
lutté plus efficace ment que l'Église catholique contre le jeu, l'alcool La prostitution et

t Ibid.. p . ll7 - l "i"i


ont améliore la condition des femmes; celles-ci ont d 'ailleurs contribué a gro•~ir le-.
rangi; des fido.'les évangélistes.
Au1ourd'hui. dans le contexte post-bipolaire, le Vatican et les États-Unis, qui hier
~aient des alli~ communs face au communisme, se disputent de plus en plus
l'influence sur l'Amérique latine. L'inquiétude du pape face à l'évangélisation
protl!'Stanh.> pousse le Vntican à modifier son attitude à l'égard de Cuba .

6.5. L'ulilisalion a1néricaine de l'arme ifllami8lc


durant la Guerre froide
On l!Xaminc la nature de la convergence des intérêts américains et islamistes durant
la Guerre froidi!, el on se demande s'il y a continuité de cette politique dans le contexte
post-Gul!rro froide, au moins jusqu'au 11 septembre 2001, date où le territoire
améncain est directement attaqué par un groupe terroriste désigné sous le nom d'AI
Qaid~ malS dont les ressorts restent mystérieux .
En 1957, la doctrine Eisenhower! justifie l'implication américaine au Moyen-Orient
par l'importance des Lieux Saints qui ne peuvent être contrôlés par une puissance
athée, l'Union soviétique.
Carte 73 : Les grandes lignes de partage du monde musulman : sunnites, chiites et
kharidjites ; y figurent les Lieux saints de l'islam .
Deux autres raisoTIS, extérieures à notre propos, sont également invoquées:
l'importance stratégique du Moyen-Orient et son importance pétrolière.
Les Soviétiques tentent quant à eux de montrer aux musulmans du Moyen-Orient
qu'il n'y a pas de contradiction entre l'islam et le socialisme scientifique2; on envoie
des musulmans de l'Empire soviétique pour dénoncer l'impérialisme américain; 1"5
religieux orthodoxes russes sont eux aussi mis à contribution pour tenter d'exercer leur
influence chez les chrétieT1S orthodoxes de Syrie ou les coptes d'Égypte".
La bataille de la Guerre froide au Moyen-Orient se joue aussi sur le terrain de
l'interaction entre l'idéologie et le religieux.
Pour combattre les Soviétiques, les États-Unis optent pour la carte de l'islamisme
sunnite:
- l'islamisme condamnait le matérialisme marxiste. Il pouvait donc être un ferment
d'opposition à l'influence soviétique dans le monde musulman. L'appui américain aux
Moudjahiddins d'Afghanistan en est une illustration ;
- l'islamisme sunnite lutte énergiquement contre les "hérésies" de l'islam4, et
notamment celle du chiisme. Il pouvait donc être un allié des États-Unis dans la lutte
d'endiguement de la révolution islamique iranienne, dont le chiisme extrémiste
montrait ses effets dévastateurs dans les années 1980, en Iran et au Liban - attentat
sanglant contre les soldats américains ;
1 •Lç ~ )til\.ur l'i1S7, lit prë:sadau prupou ;au Cong.r6. le \IOIC J 'unc r.:.solutiun c.:011Joi111c sur le MoyC'n-Oricnl, connu.: ww le
nom iJe 'd.>c&rint' EISCnbown' . C.:uc rn<>luuon Jcmm111 au pn.."lli1Jcnt . 1" le puuvo1r U'i111crvcn1r i=n cas J'auaqu'"· cummumslc 't.bm:tc'
~ un Jll)'1o du Mo)·m--Onc:nL :? .. le droit Je di~tnbui=r aull pays ;1rahcs qui a1.:..:crHcr:ucn1 Io Jm.:1ri11c Eisenhower. un.c illlk
~de 200 mill.om de S.· . in J Hl 01.iROSELLE , flüwirL· dif'hl'"""'I"'' ~ le · I fJ/Y e1 ma pmr:i:. l 1c- ~J . , P;ins, Dallo1~ 199~.
(l~td.. 19~ _\J,fl.61~ -

! L'tJ .R.S S., et la llUüte lsarirtc 11.vant .:lie . a tnujuun cu uni: JMlh tiquc j,.Jomiquc . 1oun1èc en pn:rmcr l11:u vcn k s inm.uhrwu
de rE.mpm: \'oar. it.:c prvpois. O ROY, La nuU\'t'llc! ,•hic r entrai&!. (ou lu Jiil•ric11titm 1il'\ 1w1ùm.d, 1•uns, le Seuil. ICJ97 .
) Il. LAURENS. Lr Grundj~ (Ork!nl "'uh.t- c:t rfruli ll'.• b1te,.nutltmalc.'.' dt•1mi.,· IV./."i), P:iris. Annuml Colin, 1'19\. p 16\ .
L. Cl A. CllAHR Y. Pulitiqw ~t '"'nonth a11 Prc>t.:h••- Oricnr (/.:.~ rui.n11t' d'mlf' 1•x11'0.,·i1mJ , !•ans, M .-11 ..t,Olh! UVC·Lnm... t. 1q1r:•. p. ~0~­
0

)04 .: C . KAMINSKY ci S KRUK. La s1rot~g1r Jul·i~tiqut.• uu .\fo_,·<'n-Orit''11 , f"'••no.;. Pli 1: .• llJKH , ~uB "l'ol111411c tl'uujuunlblll
p. Sl~-

4 U •'3llhaln:mx t.aoUJjcn en putlcullcr


O..pilrc 3. La ttllgion

- l'islamisme sunnite est radicalement opposé à l'idéologie progressisœ et lalcisantl!


du nationalisme arabe1 . Or, de Nasser à Saddam Hu95ein, le nationalisme arabe n'a
cessé de représenter pour les États-Unis une menace 9ériewie pe9at1t, d'Wle part sm 111!9
intérêts pétroliers2 dans la zone, d'autre part sur son allié traditionnel isra~.
Durant la Guerre froide, Washington a pu compter 5111' deux points d'appui
essentiels : le Pakistan et l'Arabie Saoudite.
Ces deux États ont montré de fortes complaisances pour les mouvances
fondamentalistes islamiques.
Y a-t-il pérennité de l'utilisation des mouvements islamiques après la Guerre
froide?
Certains auteurs4 soutiennent la thèse selon laquelle il y a pérennité de l'alliance.
Bien que parfois difficile à contrôler - voir l'attentat du World Traik CmtLr, ou les
actions du milliardaire saoudien Ben Laden - la "stratégie de complaisance"
présenterait, aux yeux de ces auteurs, beaucoup plus d'avantages que d'inconvénients.
Elle permettrait encore aux États-Unis de ceinturer la Russie à l'aide de deux axes
musulmans, l'un "modéré", l'axe Turquie-Albanie-Kosovo-Bosnie5 dans les Balkans,
l'autre radical, l'axe Afghanistan-Pakistan et ses influences en Asie centrale.
Ce genre de thèse est excessif, même si des convergences sont vérifiées. Les États-
Unis subissent les conséquences aussi, comme d'autres pays occidentaux, du
terrorisme islamiste ; par ailleurs, la thèse de l'alliance entre Washlngton et l'islamisme
n'est pas vérifiée en Afrique où les Américains s'appuient sur des États plu!Ot
chrétiens : ainsi l'Ouganda de Museveni appu.ie-t-il la rébellion chrétienne et animistl!
au sud du Soudan. Dans la Come de l'Afrique, les États-Unis peuvent aussi compter
sur l'Érythrée et l'Éthiopie tenues par les chrétiens Tigréens. Addis-Abeba tend
cependant à se rapprocher du Soudan au détriment de l'Érythrée. Enfin, l'islamisme
sunnite n'est pas une réalité compacte, homogène, dont les "interlocuteurs" seraient
clairement identifiés ; elle est une galaxie groupusculaire, mal contrOlée, tiraillée par
des oppositions internes radicales. Les liens des mouvements islamistes avec les États
les plus islamiques comme l'Arabie Saoudite ou le Pakistan sont également très mal
définis.

I C KA.MINSK Y e1 S . K.RUK.. /..tJ :ur111;g;~ ~ol·i;tU/llr' au Mo_l~"-Orir11t. Paris. P.U.F_ 1988. coll •Politiquic cr~·.
p. 149-242
2 F. NOHRA. Stro1...'g11.•.'f amàù:omes pcJUr lt! Mo_1't!11·0rien1. ik')TOUth.. Al Bounq. 1999, p. 107-108.
J M~rn. p. J4-40ct l09- 120.
4 En France Charles Sa.in1-Pro1 (C. SAINT-PROT, L~ niitiortûlumi> iNtthr, all.CTnall\'t' i ri:nœpiJmc.. Paris. E11ip1c.. 1996)
wulicnl qu'elle t'SI l11UTT1c 11n11-na1ionali~h= iuabc par C:olccllcncc JC"S An~lo--Sa."'n-~ : \XttC lbelc es1 ~ car ~~ i ime
ronfigumtiun gëopolil1quc ponclud\c En tc\.·1mchc. A l c.~andn:- Jc:I \'a.lie. CA Jcl \ ' .;dk. blumWntr n Èlal.'f-ltnu, ~ ullldllC'r cvntn
/'éuro~. Pans. L'Âgc d'Homme. 11197 , J:?tl p . l qui ~uticm l'a.lhani:c g.loba..lc des Ètats.--Ua~ et dr rWanusmc • fédldlc plm.:taitc
n'apporte gubl:: de ditmonstr.ilion i ses affirmauons . Alcu.ndrc Jcl V.illc tcpn..Jw1 en France les ~ ~ ~ s.n-1
Hunlmgton i. la Jiflmncc plts. llU'ù. l'atTrontemcnl 1s?atno--<J!.."\:1dcn1.al Je Hun11n~1on.. 11 sutablut un ûfnmtadc1d. cmrc d'uœ imt
l'Europe -qui c..'1 poslultt en tan1 ~uc rc11l11c •· - cr d'11u1~ p;1rT les Ëtats-Un1s alliés <1m ~ .Ju monde nllic:r. La ~
d"Alci:11ndrc del Valle répond en fou :i IR fois n un !O.UU.:1 mlJ1a11que ·- Furopc. sttur1ti ülsrafl - C1 au pam ambaatcs - iùan.
hqfmon1c i;;ulturcllc nmtrii.:nim: L 'e~~• J'lt'kmi~uc putihi! en :oo~ tm~•n." 'iCimtifiqLI&': qur jmnait) et innl:Uk Le tulaldari..mE
islamique montre que l'cnscmbl.: J.: b " th6c" dch':ahcnnc cs.t msp1rtt po.r un seul mobile le saoais.nx . L' ..\DXriquc n'CSI pha
111pc:ndiëc . bien ou con1ra1re, 1.: ·c~ 1 lu ~"Ons11tution ,run hhll: 1ul<Jf11i!t1C anti-musulmOl.n. d'une oll~ \\"~-Bnu.cllo-Mclll:vu­
Jtru..ulcm qm est clnin=mcnt nr(l('lé1.· de s ''l!'I' J'Alc.\ andrc del Valle
~"I.e gou\·cmcm~nt lmL o dê,·ch1rp.: um: actl\·e dtpl1.1ma11e pour ,;:onnmCTt' ta curnmuna~ imrmational.: d'ildlcl'V'CDU en
Homic-1 lcrlcgnvmc La TUt\IUIC ., 1.IL"'- lim." à ph1s1cu~ rcrri~ ttrc prête :i 1.:11ntribUCT nûlillirtmcnt ~ la ("Ot'l$bmDOD d\slc ba-
1nlcmationalc pour mtcnrn1r llans 1.' c conflu i:t mh!n·i1.·nt régulièren11:nl J3n.,. ln d1ffercnts orpn~mcs intemaJ.ioeaau d ~

dont elle C31 mctnhre, ntitn1111ncn1 l'O T A . N et 1'01');3111s.al1on ,te la (\:mf~""C i!tlanuquc'". in S. GANGLOFF. '"U TUrquie dlm •
rbca:u ltalkn.n1quc". in Rc•lmimu ;m..,.niit1on.1l•'.' ,., .<>tn.Jo'~k1u1 ·.-r. Ut l . ~ .• :\uw1rnnc 19Q.&, n"l:S. p 71
411> Partir .1. Pemtnnn1C'~ lin i""'hth

Cette complexité ne doit ct'pendant pas masquer les convergences réelle!! ; l'itl'IT'll'
ialamlet.- rait bim parti!? de la panoplie de ln C.I.A .; difficilement controlablr
œpmdant, t'lle <'lit utili~ de foc;on ponctuelle, et est en permanence 11usceptible d'Hre
ml8e en !IOmmeil.
L'origine dr la politique i!llomlque des Étals-Unis - qui ne doit pas être confondue
avrc une illlianc:t• Islamique - tire se!I origines des profondeurs h.istoriqua de la
politique anglaise au Moyen -Orient. et cc avant m~mc l'arrivée des Américains dans la
reglon.
C.trh! 10 · Ld polllrisnUon du monde durant la Gul!rrc froide

6.6. L~11 origines histori<1ues de la politique islamii111e


des Anglo-Snxoru
Au XVIII• sikle. la France et l'Angleterre s'affrontent en Méditerranée1 . L'influence
frnnçalse dans la mer centrale g~ne Io route des Anglais vers leur Empire des lndes2. La
R~olution R jeté la France en guerre contre l'Angleterre alliée à l'Europe:! et Bonaparte
n!ve de brisl?r l'AnglC?terre en s'emparant de son empire. La première étape est
l'Égypte. L'ex~ition d'Égypte de Bonaparte est lancée en 1798.
En décidant de cette expédition, le Directoire rompt avec une longul? tradition
monarchique d'cntl?nle avec les Ottomans4. Les Anglais qui, depuis longtemps, vculent
!M!t"uriser la Route de!! Indes ont désormois la voie libre pour s'entendre avec les
Ottomans. L'Empire ottoman contrôle les détroits et la Méditerranée orientale: il peut
gorantir la &kurité de la Route des Indes.
Lo stra~gie anglaise doit répondre à deux impérotifs ; elle vise à court terme à briser
l'action fronçai... en M~ilerranée et à moyen terme, lorsque l'impérialisme
napoléonien auro été écarté au profit à la fois des Anglais et des Russes, à endiguer les
ambitions ru59e5 sur l'espace ottomon en voie de décomposition et à bloquer sa
descente vers les mers chaudes qui ne manquerait pas de rencontrer la route anglaise
des Indes. Cette stratégie qui doit fonctionner comme un fusil à deux coups, repose sur
l'ldâ> colirale, défendue d 'ailleurs par les Ottomans dès 17705. À Bagdad, Halford
Jones, comme :t Constantinople, Spencer Smith, ont pris conscience de l'efficacité de la
propagande i9lamÎ!lte de la Porte menée depuis l'automne 1798. Ils imaginent le califat
romme une sorte de papauté islamique et voudraient en établir l'hégémonie sur la
Route des Indes; ils peuvent compter sur l'aide du sultan turc Sélim Ill qui tente
d'infléchir la politique du sulton de Mysore6, Tippo Sahib - 1784-1799 - défavorable
aux Anglais et aidé par les Français, en lui faisant croire que la Révolution française fait
peser un danger immen!te sur les Lieux Saints de l'islam.

1 J. BEJU:."NGl:k. J MEYER. 1.. 1 FNIM·c> dœu Ir' mmt•lr..· 1111 ,\T/lr .u i-t:/.-, rur-is. S('Jc11, 199] , p . 17.l , p . 228 -.D:? .
2 La l\1C11'1:1 Jt Sept Ml••.: ~ I~ Ff1ll1trais d'A~nt.f.Ue du Non! - - l 7hJ • ln Gul!'~ J'lnt.l.!(lCndancc di:s Ètats.Urus ~ ~
a. r-t dit rAna~ m An~quc , ln Antillc10 \'Unt J~mi.a 1 s t.ICpcndn: Jcs l~ luts - Uni" . Fmn\'.a1s. cl Anglais :wnl Jonc.. J\mr
~ i11t'OQ. ~ vcn. I• ll1CT ~n:11n1lc, la Mb.h\crnnêc

~ "'lA relanct ,_,. k U1ra."t1>11'C' .rune pul111t.1uc d 'cxpans1u11 u.Jô.llt1i;1quc l!t h:m1mualc L''il Jau .,. lu lugi1.1uc Ju ~hLli.\ Je- fru..~
La .-no ~ en ~knl din:clcmC'nl . Dan~ 1.·. c1 auhJmm: J "'Q7 . Utmu.rnrh: luunul le s~UKWI pohl•'-tUC Jétinw.91. '"
~ 'La lifwnde f\aUOn .'-. 1n U LAllkl!NS . /. 'bpc'dmo11 d 'i:_),"1
.. J'I" ( J 7,,·Y-IJWJ J. Puns. J\nnunJ (.'ohn, 1QH'I. p. IM
-4 (hplomut&! .;k: &..'\M'ID'Cpl-.b à l'unptn•hami: .;ormncn!Jil.I '-tUI n:tuonlc au XVIe s tè..:h: . è l'u.lhun.;c Je- f"rDJ)\:Ulll 1.,. Cl Je S1,ih~
1..'1dftla.~'-~ puliuqur di.."11 ("ap11ulauons prot.étccarll lc1> ~hcn1èlcs chRueunc.s cl les i.:mnn.:~u. ~· lk
l'Empi:rc ~qui •'.,.;:1"11 dllm la &:.onunu1\i' Je l'1mplanu111Un frunquc en M1..l ducnunCc Jb le XII e s1b.:lc ; /JrM , p . IJ .
'N PIÇAUOOlJ . LM"'°""'tr f/fl• rhn11tlu /,· .\ luy..·n · Urlf: 'ft IJY/-1 - IY}J J, H~cllc:t . Complexe. lW2 . p . 176.
e. v111c de rlndc. 11Aaa te .m du Dftbn
Chopttn. 3. U. "'liglon

Pour les Anglais, le califat doit être restauré dans tous le œrritoil'1!S de ~'i51mn
9 unnite, qu'il s'agisse de ceux du monde arabe, de l'Afghanistan nu des Étal9 du SOWl-
continent indien. Telle est l'opinion qui prévaut à Londres; mai.a il faut comprendre
que la politique étrangère anglaise est la resultante de différentes impulsions !IOUVent
contradictoires - Bureau de Constantinople, Bureau de Bagdad, Bureau des Indes -
et d'un arbiU-age, Londres. Notons bien que plus tard, lorsque les Français auront été
évincés d'Égypte, viendra s'ajouter le Bureau du Caire.
A Constantinople, Spencer Smith défend une politique d'alliance ottomanit forte
visant à la restauration claire des structures internes de l'Empire. D joue la carte turco-
sunn.ite, le contrôle de l'Afghanistan sunnite, et le maintien à distance de la Per.ie chüle.
A Bagdad, Halford Jones est favorable au renforcement des Mamelouks de
Suleiman le Grand, déjà plus autonomes vis-à-vis de la Porte que ceux d'Égyptr; œla
aboutirait à un affaiblissement de l'Empire ottoman. Cette politique ~gure la
politique arabe de l'Angleterre qui reprendra un siècle plus tard l'idée cali.fale aux
Ottomans pour la défendre chez les Arabes. Pour l'heure, Halford Jones ~ range IDut
de même derrière l'unité ottomane.
Les Anglais de l'Inde ne partagent pas la vision des Bureaux de Constantinople et
de Bagdad. Sans doute pris dans le piège des querelles ethniques entre sunnites
d'Afghanistan et sunnites des Indes, ils considèrent que l'Afghanistan en un a1™ de la
France et qu'il convient de jouer l'alliance avec la Perse chiite. n est possible de se
risquer ici à un parallèle frappant : les Anglo-Saxons soulierUleOI aujourd'hui le
Pakistan - sunnites d'Inde - comme ils soutinrent avant 2001 un AfghuUstan
contrôlé par l'ethnie pachtoun alliée à Islamabad et qui s'opposait aux Tadjib du
commandant Massoud . Depuis l'intervention américaine en Afghanistan en 2001
(déclenchée sur le prétexte des attentats du 11 septembre 2001 sur le tariloire
américain), il existe en Afghanistan, de fait, un partage d'influence entre RllSlol!ll et
Américains. Contraints d'éliminer d'anciens clients, les Talibans, les Américai11!1 n'ont
pu remplacer ceux-ci par un pouvoir totalement pachtoun et donc totalement acquis ;
œtte situation a favorisé le retour d'influence des Russes. Sur ce théâtre. les vmtables
perdants sont, depuis 2001. les Chinoisl.
La Perse chiite est ennemie des Ottomans ; les Anglais de ConstanllllOple -
Spencer Smith - et de Bagdad - Halford Jones - tentent d'obtenir l'alliance de
l'Afghanistan contre une éventuelle invasion française; dans le même temps. les
Anglais de l'Inde cherchent à obtenir l'alliance de la Perse conlr@ l'Afghanistan
présenté comme l'allié de la France2. Londres arbitre : Constantinople et la soluti011
islamo-sunnite l'emportent en 1800. Une alliance de droit avait d'ailleurs été signée
sous l'impulsion de Spencer Smith entre l'Angleterre. l'Empire ottoman et la Russie en
janvier 1799; il s'agissait pour Londres que ce traité triangulaire contre la France ne
comprenne aucune faiblesse.
Au tout début du XIXe siècle donc. l'Angleterre joue la carte de l'unite de l'Empire
ottoman qu'elle entend maintenir griice à la mobilisation islamique derrière l'idée
califale; le traité d'alliance de 1799 liant Anglais et Ottomans promet d'ailleurs à ces
derniers la réintégration de l'Égypte.
Pour compléter leur dispositif destiné à bloquer toute tentative française d 'aller
s'emparer des Indes. les Anglais ne comptent pas seulemènl sur lt!'S Ottomans et
l'Afghanistan. lis V<•rmuillent tout départ possible des Français par Suez en direction
de l'océan Indien en contrôlant la mer Rouge - o..-....upation de l'ile de Perim. Par

1 Tuwcfor!'i. Jcpul!'i .!O<M . eu As u;: l.-.:nln..I.:. l' i ntlu.:n~~ amc'fll.:.:UDC f'('\;Uk. <.Jrn po.t JM"ICll'• ..,. k kJQ& ta.. ._ la-..,
p111uanL"C11 fût1i:i en A51c ~cntnak w-runt 111 Rus.sic- cl la 1...'hinc .
2 N . PICAUDOU. W 11tkvnn1c fi'" éhruril.1 Ir- .\llJ,.,,...,lrt&'ftl tlVJ.4.!IJ:J;, HNMlfllla.. Conripkac. IW:!, p. P7
4211 Pnrlic J. P~nm111t"11cr tin idml1lh

ailleurs, prevo~·ant une occupntion française de la Syrie à partir de l'Égypte - SCéllilnn


des demi~res croisades franques -, l'Angleterre augmente son effort de ~urveillance
du golfe Arabo-persique au détriment de ln maitrise du Pacifiquc 1 • Les Espagnol~
profitent de l'aubaine pour récup6rer, à partir de Manille, une partie du commerce
avec la Chine.
La politique islamique anglaise se révèle efficace contre Bonaparte. Celui<i a
pourtant bien tenh'.I une politique islamique, l'idée étant de rallier autour de lui, tel un
nouvel Alexandre le Grond 2, l'ensemble des musulmans. L'anti-christianisme de la
Révolution est instrumentalisé3 : on veut d 'abord faire croire que l'idéologie
n!volutionnaire est compatible avec l'islam, religion révolutionnaire ; on tente ensuile
le parallèle entre l'émancipation du Tiers-État et l'émancipation de la masse arabe
dominée par l'aristocratie ottomane•. Mais que peut peser au sein des populations
musulmanes la légitimité importée de Bonaparte face à la légitimité califale de l'Empire
ottoman ? Il faut bien encore ici oppose r le réalisme anglais à l'idéologie française de la
Révolution, laquelle rompt avec neuf siècles de r é alisme monarchique.
La France a semé en Égypte les germes d'une pol itique anti-califale. Méhémet Alil
est d'abord un général ottoman qui combat l'expédition française en 1798 ; reconnu
pacha par le Sultan en 1804, Méhémet Ali s 'autonomise de plus en plus et évince les
Mamelouks en 1811. Reprenant les idées françaises - le progrès par les sciences-, il
modernise l'Égypte. Entre 1831 et 1839, M é hémet Ali affronte l'Empire ottoman et lui
prend la Syrie, encouragé discrètement dans s es ambitions par la France6. Pour
protéger l'État ottoman, Londres impose à M é hémet Ali le retrait égyptien, au prix du
bombardement de Beyrouth et du blocus maritime d'Alexandrie7 . L'équilibre égypt<>-
britaruùque est ainsi rétabli et l'influence française contenue.
L'Empire ottoman a clairement montré qu'il ne pouvait se maintenir seul. Dès cette
époque, il apparait clairement que la survie du "vieil homme malade" trouve sa clé
dans les rapports de force européens.
L'Angleterre continue de jouer la carte du maintie n califat. Mais sa présence directe
dans le monde arabe fait des progrès de plus e n plus notables. À la fin du premier tiers

I Abaodon des colorucs hollandaises et fnnçaises du Pacifique e t d e l'ocCan Indien .


2 Plus ~lC'IDall. l'Anglrtcrrc:. puis.sana: commcre iBle et maritime esl 11ss1m1léc il C anhagc. la France à: Rome cl Napolb !
SCpwm f Afm :aJD.. H. LAURENS, L'E.sp;Jmo n d 'Égypte (/ 789- 1110 / ), Pnris, Arma nd Co lm . 19tl9 . p 34.
J An n1 de ck:barqucr en Egypte. Bonaparte cnlC"Jc Ille Q l'Ordrc , la F rance rêcupl': re par Io. fo~e cc que la Convco11on a pad.i
,_,.la faute die l'idéol ogie . un •Ili~ precicux q U1 "Jcrrou 11lc leo M 00.1tcrr.mé cs occu.1cnla lc et orienlllk ci const ilue un rTl:us c:umlW
du commna: fnnçais mêditcrnnécn. La prise de Malle est c ruu i1e Ir.ms formé e e n aç 1c: tlc publ icué an1i-chrC11cnnc de Bonaputc: CD
diRC'l1on des musulmans de l'Empuc ottoman. '"La chu te de l'OnJre de M a lle "o'l. sc n ·i r Io polillquc is lamique de Bona.pane.· . m
H. LAUR.ENS. L'Espn/ition J'ËgJplr (1 7R9- UJO/), Pa n s, Armand C olin . 19Rq. p 37 D'une m Pm Crc géné,..le, lit politup:
Hlanuquc de Bonaparte puise ses sources dan_" les Lumières " La r>'!TSO nnahtC ùu P ro phète a beaucoup mlércsst le siklc del
Li.muCra. Volt111R a jou.&: un gn.nd nllc dons la vulpnsauon de son h istom: .". m 11 LA U REN S, Le:; ung i,,rJ m1e/le.·1wlla dt
l'U(N'dilion J'ig;yp,r. L'urinr1aluml! islumlscJJfl l!n France, /d 'JH. J 79H, ls tanbul·Pam., Isis, 19 H7 , p 22. Au ~o ntr.a..irc., des
Montesquieu. dans L'Esprit dtS Lc1s. l"F.mpirc o llo mon c.o;I perçu en Fru.n.:: c c omme l'incnma u o n de ces cmp1n:o; oritnbu.'
dcspatiqucs t.nm par les G ~ .:t les Ronuins .
.a Ces tmtaUVC'5 vont eMUÎle Co,10Jucr vers le T i c~ · mo ndi .o; mc do nt le vm:nb nl n irc mêm.: n:po1'e s ur l'ulcn11fica t1on pa$Nltt
mttt le Ticrs-Êt.11 de repoquc de ID RC-..-o lu1ion fr.1nç<1isc e t un T ie rs M o nde "c llplo ilé par l',' \nsto crulie des pays nd1cs".
' "· LAURENS , L 'Orit'nl uruhr . urahlstnr •. , i.dumJ.o m • J,. 179N à I S/4 5, Pon s . /\nnnml Colin. Jq9.1 . coll "U. ll i~h• m

cortleft1>0ninc". p. SJ~ .
6 La RCl'l.luntion rt"!llC cq>CTldont prudente A l'ég.ud d 'u n régnnc '""'r1ré rmr le tio n urnrt1 s rm: cl servi pnr nomhtt dC" f rv>Ç..m
qw n'a va1ml pu K 1TmbarquCT nu momc n l oU Oo nnpo.rtc ~·e s t échnpré d 'Ei;yp1c . \ L..~ Mnmclu uks rmnça1s que C hatcnuhn:md Jc\.Tlt
s1 blC'fl llaits "(linb';a1rc de Pans • Jérusale m " encadrent k ll régi ments de Méhémcl Al i cl son t la J'orig me d e ~ \ 1\:l('l1tn
A. CHAUPRADE, //u m1n~ J'Êgyp le , Paris. Les Oclle!l Lcllrc5, 19'itt. p 17S- 177
7 •P.1lmcntnn ne disaH·il pu rn!frn:r 'ces bons 'lieux l'uro' 1111J11 (~ M)' rllcn s lro l" liés 1\ 111 c 1vi li!1ntion m&.!1l c nunttn~ et i U
culrutt (rança uc ~·. in N. PICAUDOU, W Jéc~nnli! q111 lhrnnln fo M"-"''n- tJri,•111 t J 9 1 " - 1 YJ JJ, Hru x cllc~ . Co mplu~. 19q2_J'I . ·t'7
Chapitre 3 . La religion

du XJXc siècle, les Anglais dominent les eaux du Golfe 1 . En 1835, le Bureau des Indes
impose des trêves maritimes aux cheikhs de la côte des Pirates; en 1853, il signe avec
eux une paix perpétuelle. L'Angleterre lutte contre le trafic d'esclaves et d'armes et
s'empare du monopole du commerce du Golfe, lequel remonte jusqu'à Basra et parfois
Bagdad sur les bateaux de la Compagnie de navigation Lynch. De nombreux traités
d'assistance passés avec les émirs locaux assurent la suprématie anglaise dans la
région, à l'image de celui passé avec le cheikh Mubarak al-Sabah du Kowett en 1899
qui interdit à l'émirat tout accord politique avec une autre puissanœ que l'Angletene et
toute cession de territoire2.
Pour Londres, le danger français sur la Route des Indes et ses contrecoups -
Méhémet Ali - sont écartés. Mais une menace fait jour: la poussée russe vers les mers
chaudes qui s'exerce en direction des Balkans, de la mer Noire, de la Transcaucasie, et
de l'Asie centrale. L'Empire ottoman - et c'est le deuxième coup du fusil que nous
évoquions au début de cette section - peut encore faire barrage contre ces ambitions.
Le tsar Nicolas Jer rêve de dépecer l'Empire ottoman et propose à l'Angletene de
partager avec elle les restes du "vieil homme malade" . Le Grand Jeu entre l'Angleterre
et la Russie est engagé. Entre 1854 et 1855, la Guerre de Crimée oppose la Russie à un
Empire ottoman aidé par Londres et Paris - prise de Sébastopol et traité de Paris de
1856. La flotte russe de la mer Noire et l'arsenal de Sébastopol sont détruits. Mais la
pression russe ne cède pas. Une nouvelle guerre oppose Turcs et Russes en 1877, et les
Anglais croient de moins en moins au maintien de l'Empire ottoman. Ils craignent à la
fois la poursuite de l'expansion russe, le retour de la France en Méditerranée et la
montée en force de la puissance maritime de l'Allemagne3.
Les intérêts britanniques se déplacent alor.; dans les années 1880 de Constantinople
vers Le Caire, et ce d'autant que l'ouverture du canal de Suez en 1869 - construit et
inauguré par la France - a provoqué une révolution géopolitique: la Roure des Indes
peut désormais "se faufiler" par la mer Rouge; de plus en plus menacée par
l'Allemagne et la Russie, la zone eurasiatique centrale perd son statut de Route des
Indes sécurisée. Les Anglais se concentrent sur le Sud et occupent l'Égypte en 1882
Dans les années 1890, l'Empire ottoman se rapproche de l'Allemagne de
Guillaume II qui reprend à son compte la politique califale ottomane pour tenter de
dresser les musulmans de l'Empire britannique contre leur dominateur.
En février 1914, à la veille de la Grande Guerre, les Anglais hésitent encore à
abandonner la voie de Constantinople. Kitchener est alors agent en Égypte; Abdullah..
l'un des fils du chérif arabe de la Mecque, Hussein, lui fait part des mauvaises relations
turco-arabes et de l'éventualité d'une révolte arabe dans le Hedjaz: Kitchener répond

1 C. ZORGBIBE. G.fop.,h11qu<· et hurr.11n.· J&I Golfe. :?:e M . Paris. P.L' F .. IWS. "Que ~ ·- . n~16JQ. f.1991 pour 111
première êd1t10n). p. 2.'.\-:!S .
1 En 1903, le Vice RC'll d~ lnd~ Lord Curz:on qui etTccrue Une! \ÏS11e dans Ir Gol~ ~ ~ diicbrcr ~ dal travail dit
l'Angleterre : " Nou.o; étions u.:1 aunt 101.llC autre PutSSIUKC [ . . }.Nous 8\'0QS auuvC ~ dësurdft C( nom aYOllS aft rarm •· -1 u
grand empire de l'Inde. qu'il e<>.t de not1TdC'\·01tdeJiCfiend.rc s'ê1cndp~UC'il \QIS)X'f1C!o I . J~<N:in'.Jklmpa~œiillk:k
d'entrqmsc coûteuse et triomrhante [ . -1 La (l3L't de t.:cs cuu.' Jott ërtt m:unl.t."'n~ . vOCJT 1~e Jo11 C'OIUinua :l ètrc ~
Cl le gou'\·crncmcnt doit conSCTH'I" ~ pn~mmcnce", cite dnn.~ N. PIC:\VDOL'. LJ d«r1111ie ., .. ,- J/frwù.a k .Wu.~>riOlf 1J'1Jl4-
llJJJJ, Bru:\cllcs, Complc~c . l'N~ . r-6 .\ .
3 "Je suis convamcu 1 J que \11 \·1c1lle polil1quc - sage .:n son temps - - ik Jêfcndrc ln IDI~ bntanPiqucs en~ la
dyno.sttc otlomanc es1 devenu.: unpn.liCJ.bll' c-1 JC pense QUC' le tcmrs ~1 \·mu de- ..k~ lts 10tên.'t.._ q1D.l.s dit fmçun plm JilUllc
par quelque r-Camémit:cmcnt tcnitl)ntll J'u1 peur que- lorsquc- ne-us- li t1aos quc&qucs ~ l'\m dt o.'U 41N.,
CT\ \ ·1cnJr\."ln;

~ ..·encnum1s se sc:ra rrudui1 ou htcn la Fr.me\'.' aun1 retrou\·c- sa pûSlhl"'1 c1 KT1I jaJUUie l.k 11.lük ntcnsion dt DIJllh:' pt.>u."oà en
MCJ11crmnC\.•. ou l' ,.\lll.':m;.1~111.· scrn (k\·cnuc un puu,·oir tru1mi11JC L'une ou h~ die 1i..--cs coajuacturo rcaira dtfficik puuc 1D1S lm
puuih1htê Je IWUS a'\Slm:r un p1.:J-l-ICfT\.· à 1:. plet.:c- JC' .;chu QUC 00U.S. pcn:irunli 1nfai11ib~l â C~ · , dkt.re Lad
Salisbury, secn:1u1n: d'Etat au f1in:ign Ollicc. dl~ par N PlCAlJDOl'. lu d«nllli' .,.; dn.1A/a lw ~~ f/9/4-/Ul.t.J,
Bnu.cllcs. Comrkxc, 1992. p . -'K.
que l'Angleterre n'y est guère fovorable, qu'elle entretient de bonnes relations avtoe le.
Tu~• Ronald Skln"S - One11t11/ 1't'cn·tnry à la British A81mcy - tient le même discoun.
Pourtant Kitchener sait que le Moyen-Orient est structuré par l'islam; il en a pris
con.cicience lor.; de la révolte indienne de 1857-1859 et au moment du mahdisme
soudanais2. Il a assisté à l'avancée du Bn,-.rrlntllm/111 et à l'installation de l'Allemagne~
Constanhnople. Kitchener pense à plusieurs solutions : détacher la partie Sud dl? la
Syrie - Halla, Acre et Beyrouth, jusqu'au Golfe d'Aqaba dans la mer Rouge - et la
placer sous contrôle direct anglais; ou bien encourager les provinces arabl?s à
s'organiser soit en plusieurs États alliés s'étendant de la Méditerranée, à l'Ouest,
jusqu'à la frontière Est de la Perse, soit en un seul État arabe-~.
Le 7 novembre 1914, le c/reik/J ni is/11111, chef de la hiérarchie religieuse de l'Empire
ottoman lance une fah1>a - consultation juridique - appelant à l'union contre les
ennemis de l'islam. Français, Britanniques et Russes4. li est encouragé par l'Allemagne
dans son entreprise de déstabilisation de l'Égypte, des lndes anglaises, de l'Afrique du
Nord française, de l'Asie centrale russe et même de la Libye italienne. L'islam contrôlé
par !'Entente doit basculer. Le 11 novembre 1914, le sultan appelle à la libération de
l'islam de l'esclavage allié; le 23, un manifeste du monde islamique est signé par le
c:hnlch a/-L<lam et par vingt-huit autres dignitaires religieux. Des tonnes de pamphlets,
de revues et d'actes de propagandes sont déversées sur l'Égypte, le Soudan, l'Inde,
l'Afghanistan, la Perse. Il s'agit de gagner à la guerre sainte toutes les populations
musulmanes et principalement celles qui vivent sous contrôle alliés. L'Arabe Hussein
affirme au sultan qu'il soutiendra la guerre sainte mais qu'il ne s'engagera pas
militairement contre les Anglais car il ne dispose pas des forces suffisantes ; en réalité il
prépare la Révolte arabe contre les Turcs. Ceux-ci font imprimer à Damas et Bagdad de
nombreux journaux pour faire croire à un ralliement au djilrad de Abdallah et Hussein•.
Pourtant. les Arabes vont "trahir" les Turcs.
L'hypothèse d'un soulèvement musulman généralisé dans le cadre d'une guerre
sainte est terrifiante pour l'Angleterre et même pour tous les alliés : il s'agirait de
mener deux guerres, "lbe War and the Holy War", une guerre sainte contre 70 millions
de musulmans en Inde, 16 millions en Égypte et au Soudan, 20 millions en Afrique.
Face à cette politique islamo-turque, les Anglais répondent par la même arme : ils
entendent lancer un contre appel à la guerre sainte et montrer leur volonté d'assurer la
sécurité des lieux de pèlerinage musulmans.
Londres réplique à l'islam par l'islam, arabe cette fois-ci . En septembre 1914, Sir
Edward Grey donne instruction à l'ensemble des Bureaux orientaux d 'encourager les
Arabes à prendre possession de l'Arabie et des Lieux Saints.
Comme toujours dans l'islam, le changement repose sur l'émergence de nouvelles
forces vives bédouines qui bousculent l'ordre établi. Du point de vue géopolitique,
deux pôles arabes nomades sont à distinguer : d'un côté le chérif Hussein - 1856-
1931 - qui règne sur le Hedjaz et domine la Mecque; de l'autre l'émir du Nadjd, Ibn
Saoud ; les deux grands pôles citadins sont Damas et Bagdad. Dans l'histoire de l'islam,
toute tentative califale est partie de la rencontre d'une volonté non1ade et de la richesse

1 G. ANTONIUS. '11w "''"" •.ft'l'Okrning. thr slmy tJf lhr Ar11h Nu11unal ,\fm'L' mt•lll . Lom.Jon. 1 lanus h lllm1il1t1n , 1'11K, p. 1:! 7
2 N. Pl<.:AUOOU . 1.AJkr-nnirq111 6!/lrunlu h · t.lrl,·c:n-Ortt.'tJI (1914 · 1Y2JJ . Om:i1:cllcs . l omrlcxc. l•)lJ:! , p 5lJ G 1\NTONIUS,
TJw .4rob .4""olo."'Ut~ rM Jtury• rif thr <fruh Nattmwl Afrw t'mt'nl. London. lh1mis h ll11111 ihun. 19.lK. ri :! H- 12'l · ce s •: •:nnpa~n~ au
Soudan. en lndr, m Afahanutan •haJ dcvcloped m h1m u kccn scnsc u( lhc poliucul 11nponuncc ,,f lhc rdii;u•us b.1nJ in islam·
J Crtc'r ·a.a Anslo-anb dam 10 st.cm the tun:o-"cnrum t1dc " , G . ANTONIUS, Tiil' .·lrt1h ·lwoJ...·111111-:. ,,,,• .Hory· 1•f llfL· .fr.JI>
\ 'atkNtol H .n'ffllml. London. lla.misJ1 l(amilton. 19JK , p . 1JO.
<4 N. PICAUOOU.LuJ;.aruuw!qui .Jbrunlul~ Mu_1 ·~'1·Uri&·u1 (/Yl./·IY}JJ, Uruxcllcs , Cum11lc :11.1.:. l 1N:! , J'I ~9 .
.5 G. A.l'llTONIUS. T1w Arab Awui~nmg, 1hw! SWf')' of th~ Aru/J Nutimtul Alul'f.'111L•m. Lom.Jon. lhumsh Humrhon , 1qJM. p 1~~ -

6 /'*-', p 147
Chapitre 3. Lo n?ligion

civilisotionnelle des villes orientales. Les Anglais peuvent donc compter sur le
nomadisme arabe pour renverser la légitimité califale ottomane. Avec les deux
interlocuteurs anglais, le Bureau du Caire - qui a remplacé celui de Constantinople -
et le Bureau des Indesl, correspondent deux interlocuteurs arabes : le chérif HU98ein -
il a deux fils qui vont jouer un rôle important : Fayçal et Abdallah - traite avec Le
Dire; l'émir Saoud avec le Bureau des Indes.
En janvier 1915, le capitaine anglais W.I . Shakespear, agent politique au Kowen,
tente d 'obtenir le soutien de Saoud à une expédition britannique en Mésopotamie : la
mission de l'émir du Nadjd étant de neul:Taliser son voisin, Ibn Rashid, allié des Tun:s,
et de renforcer le blocus économique que les Anglais appliquent aux Ottomans à partir
du Koweït. Shakespear est partisan d'une alliance de l'Angleterre avec Saoud, lequel
est encore plus favorable que Hussein à t:Tavailler avec les Anglais. En cela, il
représente la politique du Bureau des Indes qui signe un accord avec Saoud le 26
décembre 1915.
Le vice-roi des Indes estime que les musulmans des Indes demeurent loyaux au
calife ottoman. li est donc opposé à l'idée de Kitchener - Le Caire - de susciter un
conl:Te appel à la guerre sainte, lequel ne manquerait pas de diviser l'islam et de
comprometl:Te l'équilibre dans l'Empire britann.ique2. Sa politique est de soutenir, non
pas le chérif de la Mecque, Hussein, mais Ibn Saoud et le cheikh Sabah du Kowe'lt.
En mars 1915, Fayçal - qui représente son père - rencontre à Damas le
représentant turc, Ahrned Jemal Pacha, du Comité Union et Progrès qui tente de le
convaincre de jouer la carte ottomane3. En fait, durant son passage à Damas, Fayça] est
surtout initié au nationalisme arabe ; mais il reste méfiant à cause de l'influence des
clientèles chrétiennes au sein des sphères nationalistes arabes, clientèles que les Arabes
musulmans tendent à identifier aux intérêts européens (français, anglais, italiens et
russes) 4 •
À cette époque, l'idée du califat arabe continue de progresser à Londres.
L'ambassadeur anglais en poste à Paris appelle de ses vœux, au mois de mars 1915, la
formation d'une "unité mu s ulmane indépendante"'· La déclaration publique de Mac-
Mahon en juin 1915 officialise l'idée califale arabe : les Anglais font la promesse que
lorsque la paix s era revenue, la péninsule arabe sera reconnue comme un État
indépendant disposant de la souveraineté sur les Lieux Saints de l'islam. Une intense
propagande de cette affirmation est faite en Égypte, au Soudan, en Syrie, à Yambo et
Jedda . Par cette promesse, les Anglais espèrent déclencher la Révolte arabe contre les
Turcs; en repoussant l'idée de l'indépendance à la fin de la guerre, ils entretiennent
l'ambiguïté sur leurs intentions réelles quant à un État arabe indépendant. Que
Londres joue la carte du califat arabe ne signifie pas nécessairement qu'il souhaite
l'établissement d'un État islamique arabe.

1 Le V tce· Roi J cs Indes c sl in s tnllt à S1 ml:i 3\"Ci:' son gou,·crncn.:n t ; suu achon es1 rclayO: par le 1Ddla Office• Londra. La
pnnc1fialc pttoccupuuon du V1c..: -Roi ~t J 'assun::f" lu swbili11.• Jcs m us ulnia ns J e l"lnJ.:. ~ ha s1b.YJ1on al en I~ JiR.c1 ncc la
JC'"·1s1ons du burcnu Ju C 1un:
2 N PICA U D O U . l .u ,Jtlt·t•""''· q ur d•ran/11 le· .\h•. ~ "· "- Onn1 t 1/ Y/./. / V_..3 1. BN-,clh:!io. (\lmrk:u . l'N:? . p . 6J
J Il es t mini s.ln: d e 111 Marine J uns. k catl incl \)llu m..:in cl 1..hamp1 ...-n Je l"b loun : u pp...~ oiu peJ>-luunrustne, 11 profcs.c- Wl
ruunmaltsmc lltlnmun fo nJé sur lu soliJa.ritc 1 s lum1~uc . O n le J o plutùl tran...·orhilc C"l a..uez peu ~le. Il Qn&lC' .Je
nnmb rcusc .. co ~pt.11nh1nl'. -.• ,. cnln:- .'\hma.1 Jcmnl 1'Ad 1u cl llu., ..rin li . AN TONll!S. ~ fruit .h u 1.kni""- 1lw ~· uf m.r .~
N 1Jt1w 1u l M m -. ·n1t•n1 . l .u 11tfon. tl anush lluru illu n . l~ .\t< , p 150 - 1."i\
4 Jik n1, p . 15"3
5 "QmmJ '" Tufl.{uÎc 1,h !>pum i1m d e l 'o n ,.lunlllu'fik ..:1 J cs llttnn 1s. Il dc\1n . J&As fintéftt ~l'islam. y a vuit UDC .U~ poliDquc
mui.ulm11nc 1ndércnWm11..· .ullc u rs Snu 1..cnui: ~· r.ut 1uu1 na1u rdlcmcn1 le-A bnL' Wnls Cl d mclurait l'An.bic. mail;,... t1'=a p.1; à
n uu~ de fi~er c c qui )' scru11 indus ll'uu lf'C"". 1.'.llr poar N Pl l'AlJf>Oll. Lu di..T,.,V. qui ;1wun1o /~ ~~~ t/914-19.J.Jj.
Rnuclles. Comph:xc , l l)'l:! . r ~ ~.
P11rtu· .l . l'rn111mr11ce iles idt•rit1tN

La com.-spondanœ entre Mac-Mahon et Hussein comprend dix lettres échangées


entre le 14 juillt.'t 1915 et le tomai 1916'; elle est extrêmement importante puisqu'ell!'
porte les ~mtes dl'S conflits futurs entre l'Angleterre et les Arabes.
Ce qul! les Anglais veulent c'est une légitimité islamique arabe qui maintiendrait la
majorilt' des musulmans dans leur camp; ce que Hussein veut en échange de son
inten•ention. c'est un État arabe indépendant étendant sa souveraineté sur tous les
pays arabe!; de l'Ask du Sud-Ouest, à l'exception d'Aden, c'est-à-dire sur )'Arabi<',
l'Irak. la S\'Ti.,, le Yémen, d la Palestine jusqu'à Gaza. Les Anglais mentent aux Arabes
car ils ne veulent pas d'un royaume arabe unifié après la guerre; leur mensonge est Il'
passage obligé pour obtenir la Révolte arabe. Certaines précautions sont cependant
clairement explicit~s par Londres . Dans les notes de Mac-Mahon, la Palestine est
exclue du royaume arabe2; par ailleurs, les Anglais revendiquent un contrôle
administratif sur les vilayets de Bagdad et Basra; ils excluent également du futur État
arabe. les districts de Mersin et Alexandrette et les portions de Syrie qui s'étendent il
l'ouest des districts de Damas, Homs, Hama et Alep 3 .
Les réserves anglaises s'expliquent par le fait que parallèlement les Anglais et les
Français réfléchissent au partage du Moyen-Orient à la fin de la guerre. C'est François-
Georges Picot - il a été consul général à Beyrouth avant la Grande guerre - qui, dès
novembre 1915, négocie avec son homologue anglais Sir Mark Sykes - qui est, dit-on,
catholique, francophone et francophile - les zones respectives de l'Empire ottoman
qui reviendront aux deux puissances alliées mais rivales. La France revendique la Syrie
géographique avec l'objectif minimal d'obtenir la Cilicie et la Syrie côtière, c'est-à-dire
le Liban, et une influence sur l'intérieur. Un accord secret, le fameux accord Sykes-Picot
établit au printemps 1916 le partage envisagé: la zone rouge britannique comprend les
régions de Bagdad et Basra et équilibre la zone bleue française qui recouvre la Cilicie et
le littoral de la Syrie. Une zone française intérieure qui englobe Mossoul équilibre la
zone intérieure britannique des confins steppiques du Croissant fertile et de la
péninsule Arabique. Concernant la Palestine, le comprontis laisse les Anglais frustrés :
le nord de la Galilée est accordé aux Français tandis que les ports d'Acre et d'Haïfa sont
donnés à la Grande-Bretagne; la Palestine centrale et les Lieux Saints doivent
bénéficier d'un statut international. Les deux grandes frustrations anglaises sont
Mossoul et la Palestine".
Les négociations ont été menées parallèlement avec la Russie qui n'est pas oubliée
dans le partage futur des dépouilles de l'Empire ottoman : Moscou recevrait
Constantinople avec quelques nùles d'liinterland de chaque côté du Bosphore ainsi que
de larges parties de !'Anatolie de l'Est comprenant la quasi-totalité des vilayets proches
de la frontière turco-russe.
L'essenhel à retenir de l'accord Sykes-Picot, d'après Georges Antonius, est qu'il
accorde l'indépendance aux Arabes les moins développés, les bédouins, tandis qu'il
garde sous tutelle les plus développés, l'Orient arabe citadin.
Le chérif Hussein n'est pas exempt d'ambiguïté non plus : il joue encore longtemps
double jeu a\•ec les Turcs, avant de se décider à invoquer le droit de se rebeller contre
un sultan qui s'est écarté, à ses yeux, de la loi .

1 Les tata c:k co IC1U'CS figuœnl dms J.C ltUM.L! WITZ . Tlu.• MiddlL· C1t.H 11111/ Nurlli .-U1wa in WorJ./ Jlohrù·'i , ••ul Ill, p . ~~
,..
1 •por1 1ans ofSyru ly111g 10 lhc v.·cs1 oflhc diitnct s ofllüma.o;cus . l·loms . 1Jnmu anc..I Alr.:11110 wo.=h: ht h~ .:11.duc..lcJ frn1111hc: :lrt.J
of Anb mdcpcndance", in Ci ANTONIUS. 111~ Aruf1 .·lwflke11t11;:. th,• .\f1wy ,~f 1h,: Ani/> N 1111011<1/ ,\11w~ ·n,. · 11t , LunJon . llonmh
HmulWD. 1'131L p. 17" · 119
) S PICAUOOU . LaiHunnù:quit;hrunlu Il' Moyc.·11 ·0r1cm (/\114-/Y~lJ . Unuc.cllci., Cnmpll! ~ c . l 1J'J.2 , 11 74 .

-1 /dinrt. p 69
Chopitre 3. Le religion 433

Les Anglais préparent activement la Révolte arabe grâce à l'infiltration de leur


célèbre agent, T .E. Lawrence, passé à la postérité sous le nom de Lawrence d'Arabie Sa
mission consiste à instrumentaliser le mécontentement des Arabes de l'Asir pour
attaquer les Turcs et à leur fournir des armes. Dès janvier 1916, !'Ame anglaise de la
Révolte arabe écrit dans un document secret: le mouvement arabe va "dans le sens de
nos buts immédiats : le démembrement du bloc islamique, la défaite et le morcellement
de l'Empire ottoman. Que les États qu'il instaurera pour remplacer les Turcs, seront
aussi inoffensifs pour nous que ne l'était la Turquie avant qu'elle ne devienne un jouet
entre les mains des Allemands. Les Arabes sont encore moins stables que les Turcs:
convenablement rrianiés, ils doivent demeurer dans un État de mosaJque politique, un
tissu de petites principautés jalouses, incapables de cohésion"1 .
Le 10 juin 1916 enfin, Hussein se décide à déclencher la Révolte arabe après l'envoi
par son fils Fayçal d'un dernier avertissement au Turc GarnaJ Pacha. Les Anglais
l'attendent mais ils tiennent compte des divergences avec le Bureau des Indes: rien
n'est fait en Irak pour que les musulmans s'associent à cette Révolte. En revanche, dans
la péninsule Arabique, l'ensemble des chefs arabes s'associe à la révolte d'Hussein -
réunion du 20 novembre 1916 tenue à Koweït - et Ibn Saoud s'enthousiasme de
l'alliance arabo-anglaise2.
Pour les Anglais, l'effet de la révolte est très positif en Égypte et au Soudan. En
effet, depuis des mois, les Anglais affrontent al Sanussi3 sur le flanc Ouest de l'Égypte,
et Ali Dinar, sultan de Darfour, sur la frontière Ouest du Soudan. qui, aidés par les
Allemands - sous-marins opérant près des côtes - , répondent à l'appel au djihad du
sultan ottorrian. En soulevant les masses musulmanes égyptiennes aux côtés des
Anglais, la Révolte arabe et Je contre appel à la guerre sainte contnbuent à atténuer les
attaques menées contre l'Égypte.
Les discours de légitimité islamique font rage. Au moment où il avait lancé la
Révolte arabe, Hussein avait dénoncé dans un communiqué la politique du
gouvernement ottoman qui avait écarté la langue arabe. Les Arabes du chérif de ~
Mecque dénoncent les pratiques anti-musulmanes des Jeunes Turcs tandis que les
Turcs critiquent l'alliance impie du chérif avec des puissances chrétiennes'.
Le malentendu entre Anglais et Arabes se creuse : Je chérif Hussein se proclame roi
du Royaume arabe le 2 novembre 1916; dans une note commune, Anglais et Français,
embarrassés, lui accordent le titre de roi du Hedjaz - 3 janvier 1917 - ce qui est
nettement plus restreint. Par ailleurs, les Alliés profitent durant toute l'année 1917 du
nom du roi Hussein et de la liberté arabe qu'il représente dans des zones qu'ils n'ont
pas prévues de donner à un royaume arabe : la Palestine et la Syrie à l'exception
toutefois du Liban où le nom de Hussein n'est jamais cité dans la propagande
française5.
L'un des coups les plus durs portés par l'Angleterre aux aspirations arabes est la
déclaration Balfour du 2 novembre 1917 qui preconise l'établissement d'un Foyer
national juif en Palestine" et ouvre la voie à moyen terme au développement du

I le tex.te originul ~ tn1uvc dans D STE\\' ART. tht· .\tuidlt· E..i5t t.•rnplt• of JumtJ , pp. !W-:?IO. Plus~ sar
de Sukurum ~lOUSS.r\. S<11tgt.• .:1 lttt.'1LHmJ.il'...: Je.• L~· rrtlt( ' f.'
LawR"ncc, '\'l1ir

::? G ANTONIUS, Tlu.· Arul> Awt.tkt.·11ing. rire .v/4Jn· r.Jfthc .·frah .\ 'atii"llll :\lv,~t. Londun. Hamnb Hmnihoc. ltl..\S.. p. :0..'
'.\ La dynn.st1c Jes Sénou~s1s offne- un c.u mrk 1mrortant du r61c ~-.politiq~ Ju soufismr dam. l"1llam. vl,lr .i œ propos natrc
'C'Ction -.:onsacrt-c. Jans ks t.11,·ismns mli:m.:~ Je l'islam. .:1u...' Sênvu.ssi.s. Je Libye
4 M.-nr.p. 207.
:li Jh11lf:lrf, p 22..,.
6 l .c rmjc1 ..:uurunnc les effort!' Je lllhbymg juif m11iê par 1e pett fondateur Ju SIOlll.SIDC. Tbcodof' Hcnl - lll:ti0-1904- qui.
en 13q7, uri;uniSD il U4t...~ le rn:micr co1111ri."S sMIH!'tc Lin aume -:-untf:rès rtun1 l L\JOdrcs m 1"'65 ~laal il la crêMJoo d\m: ~
êtnmgtn: for1c" a.OUC' de l'lkçiJcnl ('I QUI IS\llcra1l l'une Je l'auft l'Al'1quc el l'A....ic rnusubnaoes.
wnisme. Ce projet est un coup de poignard porté aux nationalistes arabes palestinien'
n"riels et irakiens. Il ~t notable de constater qu 'i l n'affecte cependant que peu le ch('Tif
de la "'lecque et les Arabes du désertl . Les choses évolueront par la suite, et le sionistn(:
sen unanimement ,-ombattu par les Arabes.
En 1918. quel bilan les Alliés peuvent-ils tirer de l'utilisation de la [{évolte arabe
fundtt sur une nouvelle lègitinulé islamique ?
La revolre a barre la route de la mer Rouge el de l'océan Indien; elle a stoppé
l'expoumon gennano-turque vers le Sud. Avec Ibn Saoud allié à Londres, les Allik ont
pu opposer aux Germano-Turcs une ceinture arabe s'étendant de la mer Rouge au
Goltt arabo-persique. La Révolte a préservé ces deux routes maritimes . Par ailleurs,
elle a empêche l'unification de l'Islam contre les Alliés, ce qui eût Né terrible comple
lenu du nombre de musulmans dans les territoires contrôlés par les Alliés. Une fois de
plus. comme au moment des Croisades, l'Occident a su jouer des divisions de l'islam,
id celles opposant la turcité et l'arabité. Une fois de plus l'islam a su lui aussi utiliser
les divisions européennes .
l'après-guerre confirme les ambitions françaises et anglaises au détriment de
l'mdépendance arabe. 1920 est l'année de la catastrophe pour les Arabes - Amal
Nakl:ro - : la conference de San Remo a entraîné l'occupation de la Syrie par la France.
la consolidation du contrôle anglais sur l'Irak et le développement sioniste en Palestine
En Irak. les Anglais sont de nouveau confrontés au problème de la guerre sainte
les duites se soulèvent et défendent une légitimité califale propre2. Les Anglais ont
beaucoup de pertes; ils se décident à réduire leur pouvoir direct au profit de Fayçal
qu'ils souhaiœnt voir monter sur le trône d'Irak, tandis qu'Abdallah est promis à la
Transjordanie Les Français n'ont guère moins de difficultés avec la Syrie3.
Par ailleurs, la conquête du Hedjaz et de La Mecque par Saoud provoque une
nouvelle donne dans l'islam : c'est désormais l'école rigoriste du wahhabisme qui est
chargtt de la garde des Lieux Saints.
A la !IOrtie de la Grande Guerre, les Anglais qui avaient utilisé l'arme califale sont
dé9cmnais soucirux de maintenir la division du monde arabe et de mettre en place des
régimes qui leur seront favorables.
L'arme islamique est bien une arrne de circonstances. Ce fut vrai pour l'Angleterre
du début do XX• siècle, c'est encore vrai des États-Unis du début du XXIe siècle.
Carte 3: L'Empire britannique à la veille de la Première Guerre mondiale
ùrte 21 ·Le Grand Jeu au XIX• siècle enlTe la Russie et l'Angleterre
Carte73 : Les grandes lignes de partage du monde mu s ulman : sunnites, chiites,
kharidjites
Carte 88: La représentation du panisme arabistc : la nation arnbc de l'Atlantique au
Golfe

1J1.oqcfea1916. Huuetn ni. peu cunvamcu par les nntionall .. 1cs ;1r.1hc:-. le .. l\r.1ln_·.., ul;ulin ~ d.! v clopp~ s -- · , l:C ~·nt '-C', f1h .
fayç;a] et Abd.il~ . 'fUl k con\'trliHcnl peu i peu à 1'1dCc ar.1hc Voir il cc prorms ( L 1) J\ \VN, From nlh11mm1~m tu anih1\m
nsa,"Clll dirar1fin ofarab nal.lonalism. Ch1U1go.' Lollt.lon, lJn1vcrs11y of lllm111 .. l'rc-;.,, l 'J7 "\. Jl (1 1'
2 G A..'iTOS(US. 11w Aroh AM·akrnilrg. Jlw .tfOI)' of tlw ~ rr"" .'V,,,,,~,,,,, '"'".,.""'Ill, l .undon, l l11111ish l lamiltun. l'>.lH. r. )l-4
JI!
J Lc JI IMJU1 1920. un d&:rcl J.u gl-ntral CiouriluJ crêc: J"r':t111 Jn Cir.11111 1 ih1111 . ( ·eue \.Jé,1111111 prive ln S)IJI\." Je !liCS 1:0tn lt
~ ronnik pu le Gn..t Liban , le lj:IJUVemcmml tic l...an.iqmê cl le Sunjitq 11"t\ h::i.::111tlrcllc C•HIJle 111 Syrie nrnhc ile ln ln<r. die
cnprtdR' un ltncknfiune C"I un ~NC11l1mcnl anu-(nnçilt!> prufotu.I dJll'- Ill Syric mlértcLnc 1:11 l 'J2:'"> •k J.!rm. c!t MmlCvc1lJl.•111s 1•nl l1ru
Cft 5yrire C0111R k n:11Nlat (rsnça". GPKgn Antuniut suulignc que l'erreur pn:nuCrc Je J;1 t· 11111\.·\.- 1lnn s snn ;1J1111m .. u1uiun ile lm S)l"'

Cllll d'~r vDUh.i plaqurr un ou!iU.19e mnu1I (flUIÇAlti:. d'avoir 11am1p•P1'4! 1111 liYNlèn1c d 'C,lm.: u11t111 c11 11\:11 p1111r l' Afm111c Ju N111ll 1..:i Ir"'
~ NIClll muint ~vanc.:ft:.s et qui 'hmmait la lan.i;uc nrnhc _ /,/t•m , 11 · J74 .
C)wpllre 3. La religion

6.7. L'utilisation de l'arme i11lamique par l'Allemagne de


Guillaume II
"Nos consuls en Turquie et aux lnd"5 doivent enflammer d'une ardeur sauvage tout
le monde de l'islam contTe cet odieux peuple de boutiquiers, menteur rt sans conscienœ.
Car si nous devons périr, il faut que l'Angleterre perde au moin5 l'Empire des Indes",
Guillaume 11•

Cette section est à rapprocher de la précédente.


A partir de 1870, la puissance allemande s'affirme de plus en plus en Europe et ne
lasse pas d'inquiéter l'Angleterre qui craint pour sa suprématie mondiale. Le Kaiser
Guillaume Il lance sa We/tpo/itik en 1890. En 1898, il voyage dans l'Empire ottoman. À
Damas, il appelle à "l'amitié de trois cent millions de Mahométans"2 tandis qu'à
Jérusalem il condamne le protectorat de la France sur les catholiques d'Orient
- protectorat que le pape Léon XIII avait solennellement réaffirmé en 1888.

Guillaume Il tente également de déstabiliser son ennemi anglais dans son Empire
des Indes - qui correspond aux États actuels de l'Inde, Pakistan, Bangladesh, Ceylan,
Népal, Birrnanie3.
L'objectif de la coalition gerrnano-turque est alors, non seulement de dresser la
Perse et l'Afghanistan contre la Russie et l'Angleterre, mais aussi de provoquer le
soulèvement des musulmans de l'Inde et la conquéte de l'Empire anglais. Secondés par
les Turcs dont le sultan et aussi Je calife, les services secrets allemands diffusent l'idée
que Guillaume Il s'est discrètement converti à l'islam.
La Première Guerre mondiale débouche sur le Traité de Versailles du 28 juin 1919,
désastreux en bien des points pour l'Allemagne. Berlin n 'a désormais plus aucun droit
de mener la moindre politique islamique ou arabe . L'humiliation de l'Allemagne n'est
pas seulement européenne, elle est aussi orientale. L'Allemagne renonce en faveur des
puissances alliées à tous ses droits et titres sur ses possessions d'Outre-mer (article
119); elle abandonne tous ses droits et revendications sur les territoires ottomans,
notamment en Égypte - articles 141 et 154 - , sur le canal de Suez - articles 152 et
182 - ; l'article 246 stipule en outre que l'Allemagne doit restituer au roi du Hedjaz.
dans les six mois, le Coran original ayant appartenu au calife Osman et qui avait éœ
enlevé de Médine par les Turcs pour être offert au /Glis..•r Guillaume IJ4 .
Durant la Seconde Guerre mondiale. les nazis reactivent de nouveau le projet de
prendre position en Inde, en s'appuyant à la fois sur l'alliance japonaise et sur l'anne
islamique. L'utilisation du levier identitaire de l'islam pour faire aboutir ces objectifs
est d'une grande efficacité ; le mufti de Jérusalem lui-même lance un appel en faveur
de l'Allemagne nazie; la Syrie française n'a guère de difficultés à être tenue par les
!Taupes vichystes.

1 Annulnhon de Ch111l1rnm\! Il sur un r:1rr-m 'lU'-" lm :1 cnH-.y(o. le ) U j u1llc1 IQI..&. 1~ (:'t:Unll" ~ Puunalês. ~~à
Saml-l'tlc~huurg . "'lié rur J l'l(. ·11< lN . J.•. , .. ,rr.r~,· "" /'t"• >t li.•- (}rjrm. r .m!o, J ri:yn"lflncl C1 ("~ E~1..•Qi;., l9JS. p. 5.
:! N. PI C'AUl>Ol• , / .•11/t•, .,.,,,,,,. "''' d• r. mf,, h · \/,,\'\'•1-0 n .·m (/ 'l/4 - /V."'3J t\ru,l:"lle:.., Çumpkx('. 1~1 .

\ I.e Unrun Von \\'on!!d11..·1m. ;1 mh ;L""" '"kur ,l '.\ll ..: 111"1~11 .: :1 Co11MwUUK' r1.,,. ~br.111 ~ JCkl de la IYCTft' .i M. M~
amhnsMNlcur th:s l~ 1nt~·lln1 s " l .•1 Tut,11111..• dh.·- m c'.'1111..• m: O•l U S imr'4.mc s:um . L• ltn'!(..'ie ;ai&ul:, t:'C'Sl t. pi:ap.&lation ~ 51
nou1 rwu"\·cnnn!C il. ln <l~!i..."cr l·11nlh.' !..·l'i ·\n.:1111.;. .:t les Russô . Mllli."' pll\.munit ,..t-1~,. \."C'\l:\.· C1 à faire la pUA· . ia H. MORG6!1.THAU.
,\fànoin·.~ ' 'iHJ.:l·.•h' mm.\' •'" f,,,-,,,,;,-, l';m.._ , 1•:ty\u , l~l<I . J). 141.l d1C rat J. PICHON. Lt puTt~ ... Pn:tt.·ilar-Cktnl. Puà.
J. 1'cyrum1cl cl C'nmpn1ii:in~ 1\t111t111~. pns.
4 lrll'm ; J rh::lh'ln nn:1lys1.· k tmi1ol de V...Uta.
Mais l'éloignement g;!ographique de ce front secondair<' qu'est l'Empire des Indes
cum~ D\'ee I• fun."\! ,fo l'empris.. britannique. font échou<'r les ambitions gcnnanc.-
turques et j.lpon.aises.
On peut voir dans la politique allemande menée aujourd' hui dans les Balkans,
fa»or&ble •ux mdt!penda.ntistes albanais du Kosovo, aux Bosniaques musulmans, aux
Albenais <.>t. d'une manière ~néralc au monde turc, une forme de continuité de
l'utilis.ttion par l'Allemagne de l'arme islamique.
Cartr t : L'Empire t..."Ulonial ,11l~n1and à 1.-. veill~ J~ la Prt!mière Guerre mondiale
Cam 3 : L'Emp1n! brit,mnique 11 la veille de la Première Guerre mondiale
Cane 52 : P,,upll'S et États dans les Balkans
Cam 59 : Le p<'Uple albanais il cheval sur plusieurs États
Cane 57 : Le conflit idenbtaire du Kosovo

6.8. Sources de la sympathie anglo-saxonne pour Israël:


la politique juive de l'Angleterre
•E.n "4Jt'ftnlwr JS06, Jam~ Grt."t""n. L-vw:;ul gént•ral de 511 Majr:FotrJ bn·1a11nique 'dnns loults ln
rn'-~tm...ç ~ l'Emporur du Marve' , e11tn.71rit une dbrrarclre pou,. le 1'1oins i11l1abitutlle. À Li
rrqWlr d'un groupr <IL /mfe lk Gtbralta•. sujets de Sa Majesté britannique, il demanda au sultan
·,u mYnir sur une Jin.çiorr au..r lcnnes de: l11quelle Sn MRjes té u11périnle i11tcrdisait à Jout.t
pcr511fl"" professœit la rrli~"'1011 Jre"braique! d'npparaitre dans ses pos sess ion s vêtues à
/'ftlropttnru ' "1

Cette section est à rapprocher de celle consacrée aux sources de la politique


islamique des Anglo-Saxons.
En mars 1915, le général Barrow, responsable de l'Indin Office, réve d'un Empire
britannique englobant l'Égypte. la Palestine, la Mésopotamie, parcouru d'une ligne
continue de chl!min de fer anglais allant de Acre ou Haïfa jusqu'à Bagdad et au Golfe,
en passant par Damas, et connectée avec le chemin de fer égyptien2. Les Anglais
souhaitent de plus en plus une continuité territoriale entre l'Égypte et l'Irak.
A partir de 1917, cette idée de continuité territoriale rencontre l'idée sioniste.
Le projet d'un Foyer national juif rencontre de fortes sympathies en Angleterre au
moins depuis les années 1830-1840 lorsque Palmerston défendait une Palestine juive
faisant obst.cle aux ambitions françaises et russes . Le protestantisme puritain de
l'Angleterre ne voit pas d'un mauvais œil cette idée messianique du retour des Juifs en
Tl!m! sainte. Ce mème arrière-plan religieux explique aujourd'hui les sympathies
américaines à l'égard d'lsrai!I. notamment dans certains milieux protestanls
traditionalistes - avec en plus le parallèle entre ces deux Terres promises que son!
l'Amérique pour les colons qui fuient le catholicisme d e la vieille Europe et la Palestine
pom les colons juifs.
En Europe, lorsque s'ouvre l'année 1917, la guerre s 'éternise; les pertes sont
terribles. Les États-Unis hésitent à entTer en guerre ; la Russie, en pleine tourmente
bolchevique s'apprête à en sortir. Le pacifisme progress e partout.
Le gouvernement anglais est de plus en plus convaincu qu'il est possible d'utiliser
la communauté juive d 'Amérique pour pousser celle-ci à entrer en guerre contre
l'Allemagne, et ceci quitte à proposer aux États-Unis de s'associer au parrainage d'une

1 ~ Lcwia dhdoppc l'hi.ftoin: de 11.:es Juifs: Je. Gibraltar t1u1 offrent le premier c11tcmplc i:unnu , J1m~ l'h1stoin: ~­

d'mc~jtuve m .-)"I
rDUIUlman v1vMC IOWi une Mlm1n1stra1 i on c uroptcnnc , c:1fü1sunc11rpcl uu g u u v ememau tUtoptftl
s--...aicws MID tdt. 8 . LEWIS, Juif• rn fOTt! J"ulam , Pans, C almaun -L t! vy , IYKh , t: ull " Urnspum" , truJucuo n de The Jt:'IU "'
-.a-. Priitc:clœ,Prmcaon Un1vcn11y Prna, 19M, p 119-21ti
lN. PICAUDOU. Lo dtu,111ie 9111 tbronla l e A/Q,-1m-Orlerrt f/9/4 - 19.!JJ , Uruxcllc~ . C omplexe, 1992
Chapitre 3 . U. ndlgton

Palestine slonlstel . Les Anglais sont aussi convaincue de pouvoir utili9er les milieux
juifs russes pour tenter de maintenir la Russie à leurs côtés.
Ln politique anglaise du levier juif présente donc tous les avantages : eDe crée un
~lat client au Moyen-Orient assurant la continuité des territoires impériaux et permet
aux f:itats-Unis et à la Russie de s'impliquer dans la guerre.
Mols désormais, en Allemagne comme dans d 'autres pays d'Europe centrale, les
Juifs seront souvent assimilés à des "agents de l'Ouest• . L'antisémitisme, qui a d'autres
couses encore, se déchaînera dans l'Allemagne des années 1930-1940 ainsi que dans la
Russie communiste.
L'appui de l'Angleterre au sionisme, durant la Première Guerre mondiale, annonce
celui des États-Unis à Isra!!I, après la "décolonisation" anglaise.
Quant à la France, elle est plutôt hostile à l'idée sioniste. Un texte du ministm des
Affaires Étrangères du 4 juin 1917, exclut l'idée d'une entité politique sioniste en
Palestine, notamment dans le périmètre des Lieux Saints et réaffirme I'~ de
Paris au projet de condominium international.
Après la Seconde Guerre mondiale, les Anglais sont débordés par le sionisme; ils
pensaient pouvoir concilier celui-ci à leur politique arabe favorable à la Transjordanie.
Ils se sont trompés. Le terrorisme sioniste les déborde; l'État d'lsra!!I est proclamé le
14 mai 1948; les Anglais aident la Légion arabe jordanienne contre les troupes sionisœs
durant la première guerre israélo-arabe de 1948. L'État d'lsrai!l fait alors de la France de
la JVe République son alliée et son principal fournisseur d'armes et ce, jusqu'au relais
américain, à partir de 1%7. Mais en condamnant la guerre lancée par les Israéliens
contre les Arabes, en juin 1967, de Gaulle ouvre l'ère d'une alliance forœ entre!.!§ États-
Unis d'Amérique et lsrai!l2.
A partir de cette époque, les sionistes sont conscients de la nécessité vitale d'une
orientation des États-Unis d'Amérique qui leur sera favorable. À cet effet, ils organisent
aux États-Unis un puissant lobby électoral pro-sioniste capable de peser suffisamment
sur le Congrès américain pour garantir que celui-ci ne votera pas de décisions
contraires à l'intérêt d'Israi!l. Les questions de l'aide économique et militaire à Israi!l
sont tout particulièrement surveillées. Durant la Guerre froide, l'argument anli-
soviétique est utilisé par le lobby juif pour que les intérëts stratégiques américains
s'alignent sur ceux d'Israi!l.
Comme l'écrit Henri Laurens, "un véritable quadrillage du système politique sem
mis en place : les interventions de chaque membre du Congrès dans les débats
concernant le Moyen-Orient seront systématiquement analysées et tout parh!mentaire,
trouvé trop hostile ou même simplement tiède, verra ses adversaires, lors de l'élection
suivante, financièrement et politiquement soutenus tandis que l'ami d'lsrai!I recevra
une aide conséquente. Cette influence grandissante du lobby sioniste s'exercera parfois
en dehors des questions concernant directeme_nt le soutien accordé à Israel: les pays
désireux d'obtenir telle ou telle faveur des Etats-Unis sauront rapidement que les
décisions du Congrès s ont souvent conditionnées par leur propre attitude envers l'État
hébreu."3
La puissance du lobby pro-israélien n'a pas faibli après la disparition de l'Empire
soviétique. Les principaux financiers du parti démocrate américain ont la nationalité
israélienne et le parti républicain est également fortement soumis au lvbbying israélien.

1 l*nr. P- RS-R6
2 Dani les annil!u 19ti~. h; t.li."dw.incm.:nl a n11-1s.ru~ hcn de !'U.R.S .S. ne: "'• ccpcndmJI ,.s smm pmcr des lamons Sile d'\m
cô1e le grumJ fttn:- suviCtiquc. Je l'omln: lu T chc.i.cos Lo \'uquic -- il e:ii:i."'IC' une puiS11111tr ~ jui~ à l'n,auc. et a PftS1111Ct est
fone Jans les mUDMC~ d.:- 1'1'.:.1.u.1 ··- Cl 111 Noumaniit ·. '-"CS Llitu.' ('Qys du. bloc iJc rEst ODll en Cfti:C fi:>mD.i la.el CD ...a ..... 11).q.
l Il . L\URl!NS. r.~· G rim.l.11·u (0rrrnt t.Vlllbt.- ,., n ·mlit~., i"t•·rflklti<"klk'! dqriMU /04jJ, Paru., Armlmd Culio... 199t. p.?•'·
D.ins les .mn~-s 1~50. I.,,; Etats-Unis disposaient encor., dans k• monde arnbc. <1
Jam te lïe~ ~1on,i~ en particulil!r, d ' une aura favorable : les Anu~·ricains avaient l•l(• I{"'\
rromoh.'Urs du dru1t llL'S peuples à disposer d'eux-mèn1es et les puurfcmku'" ifu
,"Uluniali.'<ltte Je l.1 ,-ieille Eurupt'. Le communisme repoussait la grande majoril~ Je.
Arnb.!s. ,-nwan~ et n·ius.rnt l'idée d•' matérialisme athée. Jusqu".1u présiclenl Kenm-Jy
- ""5ol..«Srn.' en ll\wemtire 1%.'\ - , les Etats-Unis maintiend1·ont une ligne d '~ uilibre
""'"'les Ar-.il:ies .-1 les .l uiis au Moyen-Orient ; i\ partir de 1964 et du président Juhruon.
le t..sculement de f,1 politique américaine en faveur de l'État d 'lsrat!I, officiellemmt
moh\'t' par les imp.'ratifs de lutte anti-soviétique, est explicite et le restera .
Sans le soutien ferme de \Vashington, lsra~I n'aurait sans doute pas pu devenir une
grande puissanœ Ju Moyen-Orient et atteindre les buts du sionisme, à savoir coloniser
l'ensemble Ju territoire de la Palestine mandataire. Sans l'appui sa ns foilles Je.
Amo!ricains, lsrai'I n'.mrait pu. à Jeu." reprises au moins, en 1996, et dix ans plus tard,
en 2006, d~truire en toute impunité les infrastructures éconon1iques de son voisin
lit..nais et provoquer la morl de centaines de civils innocents.
Carte 3 · L'Empire britannique à la veille de la Pren1ièrc Guerre mondiale

î. Les religions admettent-elles une géopolitique propre?

Les États utilisent la religion. lis semblent donc au-dessus d'elle du point de vue
géopolitique La question que nous posons ici est celle de la réciproque : les religions
sont~lles d 'une certaine manière également au-dess us des réalités étatiques ;
autrement dit, les religions ont-elles une politique géographique qui leur est propre?
On tente d'esquisser une réponse à travers deux exemples : la diplomatie vaticane,
entre idéalisme religieux et réalisme étatique; les dynamiques islamiques
transnationales.

7.L La diplomatie vaticane,


entre idéalisme religie ux et réalis me étatique
L'Empire romain était un État: il en possédait toutes les caractéristiques, c'est~­
dire "un territoire fixe et délimité, des institutions centrales, des institutions locales.
une force armée, une force financière " et même "un lot commun d'idées sans quoi il n'y
a pas d'État viable"! . La Chrétienté fut jadis une foi, un idéal et un langage commun.
Si l'Église romaine n 'est pas un État correspondant au territoire de son influence,
elle a nfanrnoins su, de tous temps, superposer à la carte des États temporels, des
institutioris, un réseau d'évêchés, d'archevêchés et d'étiiblissements monastiques.
L'abbaye de Cluny à partir de laquelle se propagea au XI" siècle un grand mouvement
de spiritualité qui s'étendit à toute la Chrétienté fut la deuxième capitale du mond•
chrétien après Rome2. Au début du XIIe siècle, l'ordre clunisien qui compte pres d•
1 2DO rnaisoris coristitue un formidable réseau supranational 3 .
Le pape eut longtemps à sa disposition l'arme politique de l'exco mmunication dont
la puissance était redoutable sur les pouvoirs temporels. Aujourd'hui, cette arme

1 LfEB\'R.LLbn-p. Gnta~J'UIWCfflluuJlon . runs , Perno . l? 1J'J. 11 IJ4


l J.C. ptjE(.lt du. llwo1re Je rrhf(.IVn.J . ùalhmard, l'J9fl . f>Hll 'Tu lm c.,.!);\Ï !<i ", t 11• • . p Kl) J. 1Wt1
Cl\apllre 3. U. religion

n'existe plus, mais le Vatican est un Étatl qui dispose de représentations


diplomatiques, de services secrets el qui mène une véritable politique étrangère.
L'ambiguYlé fondamentale du Vatican tient au fait qu'il est à la fois une autorité
religieuse et un pouvoir souverain, c'est-à-dire un État qui n'est pas l'Église catholique
romaine2. Un double impératif l'anime : défendre les valeurs morales et spirituelles du
catholicisme romain et entretenir de bonnes relations diplomatiques avec tous les États,
y compris ceux qui ne répondent pas aux critères chrétiens, ni dans leur identité
religieuse ni dans leur système politique.
Le Vatican est donc nécessairement à mi-chemin entre l'idéalisme et la Realpolitik,
entre la défense de la foi et la géopolitique, le second objectif n'étant pas une fin en soi
mals un moyen d 'atteindre le premier3.

7.1.1. Une politique de réconciliation européenne


Après la Seconde Guerre mondiale, le pape Pie XII travaille à l'idée de la
réconciliation en Europe, et veut éviter que l'Allemagne et l'Italie, deux pui.ssana!s
défaites, ne soient mises à l'écart de la reconstruction européenne. En 1948, le Vatican
approuve l'entrée de l'Italie dans 1'0.T.A.N . et fait du chancelier allemand Adenauer,
catholique convaincu, une référence pour l'Europe'. Lorsque le Mur de Berlin est
construit en 1961, le Vatican ne donne à Berlin qu'un seul et même archevêque pour
ignorer la division, et œuvre à la réconciliation franco-allemande. Le traité de 1957
instituant la C.E.E . est signé à Rome. Le choix du lieu est hautement symbolique: il
révèle à la fois la marque civilisationnelle chrétienne et le poids de la démocratie
chrétienne dans le projet de C.E.E. Trois ans plus tôt, la Papauté a déploré le rejet par la
France de la C .E.D.5
La politique du Vatican à l'égard de la construction européenne a parfois été
qualifiée de fédéraliste. Si on se place du point de vue gallican et dans une certaine
b'adition française d'opposition à Rome, elle le parait en effet. Pourtant, nombreux sont
les papes, au premier rang desquels Jean-Paul II, qui ont exprimé leur attachement à la

1 "'L"Églisc calholiquc, orgarusa1ion transnational~ .:oaf~Uc.. poua1c une .slnktlltc biaudlasêie qw


c)cs Êghso 'nn.lion.alts' ICI i lcw @Gra.ntrr une certaine îndCpc:ndaocc: "-u-ai-"i.s des .ar.a:omés c!labqoc:. Son ~ - mlftlon
raJCmDc â..,...
pohuquc, :iujourd'hu1 religieuse Cl murale - justifie Y particapaticm aw.- ttlabcns ~ sur un pal d'~ nec Ici
~Lats . 111 rcc.onna1ssancc dC' son s1a 1u1 sp...1.cifiquc pat plusieurs Elal.S unpun.ants h.u pcnnct dr J'C'\'cocbqUCI' unc: c:cftillDC 'oppoabildt'
mlCmal1onelc quasi-objecti,,·e Fondamentalement. elle mu une orpruœ1on ~c. U Sum-S~ en ant que
gouvcmcmcnl de l'Église ca1holîquc, est au sommet de ccne hiCnudûe Cl bCneficic.. pour 8SIW'Cr la ca:m:muar: de w:m aaiœ.. de
moyens comparables a ceux d\m ·m1cru-1':1a1· [ . . ] L: D'111é' puhtiquc de 192'9 (Ici KaJnb de L.urm] ~la=,.,.,...,_.,
par 1'11..ahc de l'outo ntê cxclus 1vc et dbsoluc du Samt-Si.Cge sur la Cite du Vancaa.. un tcrriklirr œ -14 ba:lma [à compma- aap

40000 lun:? des Êtats pontificawt Ui: 1870 ]" . 1n D NGUYEN QUOC. P DAIU..ET. A. PELLET. Dmtt ~ t-bJic.
s' êd. , Paris. Dcllll. LJ .DJ ., 1996. p . 440.
2 •Etant souverain , le Soint-S iCge JOUll du droit de lep.non. passif et actif. En d'autn:::s 1nmcs.. il peur l"t'CC'\vtr del
ambe.ssadcurs el en accrêd11er lu1-mnnc auf)rb des gou,,·C"fTK'mtt.lt.s. Au total . le corps diplomaliqix prO Ir Saiar.-Sqc axapœ 1"6
ambtisodcs. auxquelles s'ajo \ltc la TCf'~"'lllali on de I• F~botl ~ Ru.s..s1c.- . in P POUPARD. U 1-Utk·'°"'· :!~Cd . Paris.. P.U.F ..
1994, coll •Que sais-Je .,-, n°1913 . <rrcm1m édi1ion. l"IHI ), p. 57
) '"Lcs dcuit sou vCTlltncik . sp1ntudl ~ ci 1C"n\f10tclk du Saint -S;(-g11: n·on1 Jamais ~ ~onJOf\di.lt$ . Oum• œaic ~ caaglblie
dan.s la tt.Ktio n d~ f.IOIS tlUI llnl ..:onllnU\.;. à enln:lcnir ~ ttldtion1' J1plomallques li.\'« le \'sJ.K.m Cllft UrU et llJ2'J. sig:nmm dir
nombfl:Ull c o n'-'.onb.t,, , cl dans le \.".:ls Je l' lta hC'. propol&llt un traict @:u.ntissaat rutral'C'l'Tit....,.Jiit 1 1 les ubj«:Dom lldlnwcs â
l'Egh!K' ne manquèn'nt pll.." ' P,.lUr cr111quer l'cx1s1cncc m!me J\anc- dipl~lk UlK1U'IC. us fuis qur li& dilllr:lmUll spi:ria.dk dr
l'~glisc eut pns k pas sur 11! IC'mporcl Côi obj.:-cuuns de\·inn:nt part11."Uliffnncnc: Ôl!mC'I ~Vatican IL-, 111 G DESCOTU.S.. '"t...

Jiplommllc du Sa int· S•CMC . thCulugic et polniq~ ... m Rdatwns inl.e~ic.ulû {c·.s, , ULl.S .. Ptmcemp5 LW3. n""'I. p. 53.
4 '" Le ICi JUin 14"5 1. Adm"Utt c :<i 1 ttÇU par P1c- XII en \·1sitC' oftk1cllc. l a romplK."ld CDtre les dcu:ll homms e!ll ~­
li Li:R EC , l/utOJl"I" :r."f. ·n. 1 1~ · d1 · fa ,J1phu nul1t' \'Ollù.m,·. J'&nli. Albin Mkhcl. 1991.
' le rcj.:t de- Io CE D (\llr lu Fnmi.: c . i;:o n 1954 . est &kpl\.ltt piU k p:&pe f . LB:ll::(.'. HisR1Jn' .f.ft"rrtk dt!! ftA ~.cran..

Pnri~. Alb m M ichel. IQQ 7. p 137


440

souverninett! d••s nations. Comme toutes les politiques étrang~rcs, celle du Vatican l"I
en foil lrnversée par des couranhl divers el il serait imprudent de la réduire à une '<'ule
orientation.

7.l.2. L'uetivisnic du Vatican ù l'est Je l'Europe


Au XVI•" siècle, l'Ukraine dépend, du point de vue religieux, de Constantinople el
oon de Moscou. En 1595, contre l'avis des Polonais, catholiques de rite latin, 1..
Ukrainiens sont reconnus dans leur droit d'être catholiques de rite orientnl1. Une union
avec Rome est ratifiée à Brest-Litovsk en 1596. La partie indépendante de l'Ukraine ne
sun'it pas ~ son alliance avec le Tsar qui date de 1614. Elle est effacée en 1786 et Io
servage est institué .
En 1945, les Soviétiques emprisonnent le chef de l'Église ukrainienne2. Le Vatican
œuvre pour sa libération en 1962, laquelle intervient à condition d'un e><il hors
d'Ukrainel. En même temps, la politique du Vatican - sous Jean XXIII en
particulier - consiste à rester le plus neutre possible vis-à-vis du communisme
soviétique, et ceci pour mieu>< garder prise à l'Est et agir en Ukraine et en Pologne. En
effet. le pape considère que la Rcnlpolitik vis-à-vis des Soviétiques peut lui permettre de
moderer l'action de ces demiers4.
Le Vatican participe à la Conférence d'Helsinki de 19755, laquelle est voulue par les
Soviétiques et pemlet à ceux-ci, moyennant quelques promesses sur les Droits de
l'Homme, de réaffirmer les frontières en place et la coupure Est-Ouest, et de refuser
toute ingl!rence intérieure. Le Vatican signe l'Acte final avec trente-cinq pays.
Le pape jean-Paul Il se montre beaucoup plus engagé dans la lutte directe contre le
soviétisme que ses prédécesseurs. Il soutient explicitement la liberté polonaise et le
mouvement Solidarité". Ses réseaux en Europe de l'Est participent à la déstabilisation
~éraie du bloc soviétique. On a en effet beaucoup soutenu que la diplomatie
catholique avait joué un rôle dans la décomposition de la Yougoslavie, en soutenant
notamment l'émancipation des Croates.
En posant ironiquement la question "Le Vatican, combien de divisions?", Staline
avait tort de sous-estimer la Papauté. n commettait l' une des erreurs fondamentales du
communisme, la négation de !'Histoire. Le soviétisme est tombé sans avoir utilisé ses
divisions blindées et le Vatican l'y a aidé sans aucune armée.

l -cet. UDlTG'I artbodmc se ferme d'aulanl plus qu'il subit les assauts de Io Conlrc-Réfunne. Rcnonçanl à tout d11lopc na- 1;11
pied d'iplilt. Jl,OQIC: ~ i fatR" n:culC'I'" l'orthodoxu:: par la conuuinlc du br-Js si::.:.ulu:r cl 111 consllluhon d'Égh.scs uni.SUS", ID
H.C P\JCCH dit ... HWaurdel rrllgioru . Paris. Gallimard, 1999, coll . "Folio Cs!'ous", l 11••, p. 1027
2 IJ. Ft.oRlOl. Alcurou cl I~ Var1cun. France-Empire. Paris. 1979.
J G.. Df.SCOTILS. •ta dtplomauc du S1un1·S1êgc thc!ologrc cl puhuquc'", in Rdalmm inlerna11onald e1 Jtratt'fJqw:t.
Prmlmipl 199J, n"'9, p. 3.J-76. ·.1can XXIII s' in1CTcss.ai1 a l'évolulion du régime c o mmunisle cl O. l'homme qui le dingcn {- 1
Soaciaa dt faft' vaùr *5 trique au concile des ~vCques baltes. il cnl.Jlmc des JC:marchcs Uiplomouques, en dCpir de l'uribliœ à!
acrêarial ft.t.a ~ ds cardinaw. améncams. Il ob1icn1 satis'8chon ainsi que pour les évèqucs des pays m1c1Hti:s qui suniTrll
MmcDa. DO ce mornnu les chc-fs communistes vont se succéder en v1s1tcs officielle!ll il. Rome Gromyko - qui rcnccnlR Paul \'1 i
ro.N.U. -. ~en 1967, Tno en 1971 De son cô1t le Vat1c11n dCsignc un umbassoJc.:ul' uinCranl pour l'l::':st, Mer Cu.aroli".
p.67.
4 E. L..EBEC, HUtoln •«ritr ~lu J;p/umot1e vcmcane, P11ris, Albin Michel, 1997. p . 146~ 1f>I.
'J.B. Dl!ROSELLE, Jlutuire diplomat1qur dt! 1919 il no.Y jm1r:r, l lc éd . . P11ris. Da.llo7.. 1993. ( 1~ tJ . 1qSll, p _80} - ~ ~
putird'Hdaab, La quc:stioa del Droits de l'Homme, h11b1lcmcn1 maniée . notommcnl par k Vol1con, vu commencer• cmroU('ft'I.."'
n.LRS.S ~u-pri:nctpat rftuUat d'Helsinki se vhdie à l'inttricur des roys du bloc Je l'Esl D'mnomhmblcs comilc!-11 de "'""'dl.nx
desaaardsd'Hdliaki ..edtcucnt il D'&\'t n ln pys communastcs, Cl rnl!mt!' en U . R .S .S. f . ) Les grourcs les ritus aclifs nc~JW
d'abord b Q.lhoüqucs. ll'Unt ln Juirs, qui rCclamcnt de pouvoir aller en hmatl.", in E . LEBEC, Jlfatoir(' .ft!tri!tl' dJ: lu ilipJo-n
~.Pan., Albin Michel, l991 , p 203

6 ,.,,,. p 227-228
('hoplltt 3. La rellglon 441

Corte 10: La polarisation du monde durant la Guerre froide

7.1.3. Géopolitique des minorités au Moy1m-Orient


Au Liban, après avoir longtemps soutenu !IBnB réserve la politique maronite, le
Vatican entérine au début des années 1990 le résultat de la nouvelle donne politique
dans la zone Liban-Syrie1 • L'objectif est de ne pas se limiter à la 9eUle défenae du
christianisme maronite et d'élargir l'influence romaine auprès des chrétiens de Syrie et
d'Irak.
Jean-Paul Il rapproche le Vatican des Arabes catholiques de rite oriental, lesquels
furent longtemps pénétrés des idées du nationalisme arabe, comme en Irak et en Syrie.
En 1991, lorsque la Guerre du Golfe éclate2, le pape rejette l'intervention occidentale
contre l'Irak. Dix ans après, dans le contexte difficile de l'embargo, le pape projette an
voyage en lrak3, geste hautement symbolique.
Pour le Vatican, la défaite de l'Irak apparaît comme la défaite du pan-arabisme,
courant de pensée à caractère laïque et donc favorable aux chrétiens; dans un monde
majoritairement musulman, et où le wahhabisme !IBoudien exerœ une forte influence,
la papauté voit dans le recul des idées laïcisantes un danger pour les minorités.
Au Liban, le Vatican n'a guère suivi l'aventure du général Aoun; plutôt qu'un État
chrétien isolé dans le monde musulman, Rome privilégie l'intégration des minorités
chrétiennes dans des États majoritairement musulmans et lutte pour la défense de leur
condition.
Carte 69 : Les nùnorités chrétiennes d'Orient
Carte 70: Les communautés du Liban
Carte 80 : Jérusalem, ville sainte

7.1.4. Jean-Paul II, un bilan géopolitique


Si Staline avait connu Jean-Paul II aurait-il laru:é sa fameuse question ô combien
démentie par les événements de la fin du xxe siècle: "Le Vatican, combien de
divisions?". Mais il n'aura pas connu celui qui, dès 1984, confiait au cardinal Secrétaire
d'État la tutelle du Vatican pour mieux se concentrer sur ses seules charge spirituelle et
diplomatique, celui qui aura parcouru le monde et ses plaies plus qu'aucun autre pape
(cent quatre voyages apostoliques et plus de cent trente pays), signant au total presque
une centaine d'accords internationaux tandis que sa diplomatie assumait la
participation annuelle, en moyenne, à plus de cinq cents conférences internationales.
Ce ne serait là que chiffres, s'il n'y avait derrière un extraordinaire bilan géopolitique.
Lorsque le 16 octobre 1978, Son éaùnence le cardinal Karol Wojtyl.a, an:hevèque de
Cracovie, est élu pape, le premier secrétaire du PC polonais, Gierek, lucide, déclare:
"C'est un honneur pour la Pologne, mais nous allons avoir des problèmes". En effet.
dès son prenùer voyage dans sa patrie, en juin 1979, l'évêque de Rome entame le

1 Les accords de T ocf consacrent l'occupation synconc du Liblln. LA rommunauO: uitcmMioaù: .tm.lmmc le SCDâal ~ i
sa luuc p0f1ulairc et nationolc en faveur de l'indtpcnJancc du Liban. Seul~ l'Irak.. l'O.L.P. et te VaticaD mainucnDan IC$ râHlom
a.-vcc Aoun. G . CORM, 1.t! Prurltt·-Orh•nt ,tc/111r 0056- JPVJ>. Paris. Gallimanl. 19QI. roll. '"Folio hb-iol~~ . p. l3'1 TouzcfQD.. t.
pohliquc du ~duit chn!11'.:n n'csl pas f;Cllc du Vatu;an tlU Moycn·Oncnt • le Sainl·Siqc ne m.·c pas d\an E1111 thn!tic:o ~ IU
mUicu du monde musulmnn nw1s ftrivtltgie la vie de communaut~ chn:1icnnes in~ et respectées il rindl'il:w de ~
majori1-ircmcnt musulmans ; c'est cc 4.1u1 c:c:pliquc lc d«aloac en~ le Saint-Sièwc d ~ rtw:s manmdes. 6 . LEB&C. 11i::rftNn
srcrttr <h la dlplomali~ vut,nun.'. Pnns, Alhin Michel. 1997, p. 2~9-:!61 .
2 0 . COkM. le Prr>t:ht"-Orir.111.;d.,1-.• f}Y.ih-HYJ), P11ris, Ciulhmard. IQ91. 560 p., coll 9Folio histoifo•. p. l-~36.."';, m 1991,
le bilrm o.u Moyi:n-Oncnt CSI le
SUl\' Dnt ln Polc:slim:. le Liban el enfin l"lrnk soo1 ·• ~·; lar-. ~rilplc - l'qp.llD dl:I
1lli~ isruélicn et qoudicn.

J Ajuumé en 2000.
442 I'artu· . ~ . l'cnumr~"u dN ulnH1lit

travail de sape de l'État socialiste et de la division artificielle de l'Europe imposée par


Slaline à Y.alta . Le grand combat de l'Église catholique contre le communisme e~t
ouvertement latn, au moment m~me où, la nouvelle An1érique reaganiennc se d{'(iJ~
elle aussi à rompre avec la fatalité du p.irtage bipolaire. S'amorce alors, dix an• dlia
avant la chute de l'U .R.S.S., la compétition entre le wilsonisme américain tt
l'universalisme catholique. Compétition face au communisme d'Europe de l'Est, dans
des teJTes où l'Église peut marquer des points au détriment d'une orthodoxie souvent
piSSin; rompétition encore en Amérique latine où le Saint-Siège affronte le double
défi de la Théologie de la Libération, déviation marxiste de la passion chrétienne pour
les pauvres, et d'une évangélisation protestante qu'accompagne parfois la CIA.
L'hmtage géopolitique de Jean-Paul li est d'abord celui-là: le soulèvement de
l'espérance chrétienne, de la Pologne aux Pays Baltes, en passant par la Hongrie, contre
le totalitarisme muge. L'U.R.S.S. ne pouvait-elle pas durer encore des décennies si les
réseaux de la diplomatie vaticane ne s'étaient pas employés à miner durant dix ans ses
satellites 7 Il est permis d'affirmer que Jean-Paul Il, davantage que Reagan aura
rontribué à la chute du Rideau de Fer.
Mais le combat ne s'arrête pas en 1990 sur les ruines du communisme. Partout se
poursuit la même lutte contre les pouvoirs nuisibles à la dignité de la personne
humaine comme à la souveraineté des nations : "Veillez, par tous les moyens à votre
disposition, sur cette souveraineté fondamentale que possède chaque Nation en vertu
de s. propre culture" lançait le pape polonais au début de son pontificat. Ce trio
homme/nation/droit international, base constante de la diplomatie vaticane sous Jean-
Paul Il, est à !'oeuvre, au sortir de la Guerre Froide, dans la crise yougoslave.
Autodétermination des nations croate et slovène, soutenue en janvier 1992 par le
Vatican, avant même la recorulaissance officielle de l'Union européenne et consolidée
six ans plus tard par la béatification du cardinal Stepinac, résistant croate catholique a
lïto. ™fense de la personne humaine en Bosnie dans le cadre du droit international
(O.N.U.), face à l'action de Belgrade dans laquelle Jean-Paul Il, profondément marqué
par le communisme, voit les traces de la barbarie totalitaire. Défense des nations de
nouveau, lorsqu'en 1999, le pape condamne une guerre de l' O .T.A.N. contre la Serbie,
illégale au regard du droit international, exprimant implicitement une solidarité
catholico-orthodoxe visiolllaire face à la progression de l'islam dans les marches de
l'Europe (Kosovo).
La cohérence de l'action vaticane en ex Yougoslavie révèle la vision européenne du
pape. Écartant très tôt la frilosité matérialiste de l'Europe de l'Ouest, Jean-Paul li ne
cessa jamais de soutenir l'unité géographique, historique et culturelle d'une grande
Europe des nations. Cest le sens, dès le début de son pontificat, de la proclamation des
saints Cyrille et M~ode comme co-patrons de l'Europe aux côtés de saint Benoit, et
des "racines communes chrétierules" rappelées dès 1979 lors d'une allocution à
l'Abbaye du Mont Cassin; éest le sens aussi de ses mains tendues, à plusieurs reprises,
l!ll direction des patriarcats orthodoxes, de sa première visite en 1979 au patriarcat
orthodoxe de Constantinople jusqu' à ses visites en 2001 et 2002 en Ukraine et Russie,
lesquelles ne suscitèrent pourtant que méfiance et repli obsidional. C'est encore le s.ns
des critiques sans cesse renouvelées d ' une construction européenne si peu naturelle car
uniquement centrée sur l'économie . Le Saint Père savait qu ' il ne pourrait y avoir
d'Europe puissance, c'est à dire de pôle géopolitique européen, sans une affirmation
d'une identité culturelle et religieuse commune. Face à cette vision géopolitique fondé<
sur la réunification des deux poumons chrétiens (catholique et orthodoxe) de la grand<'
famille des nations européennes, s'avance aujourd'hui Je mondialisme américain et son
axe transatlantique étendu à l'Eurasie turcophone .
a.apittt 3. La religion

Mais, en même temps, cette cohérence civilisationnelle pour la géopolitique


européenne s'accompagna toujours d'un grand combat contre le choc des civilisations,
idée instrumentalisée par la diplomatie américaine dès la sortie de la Guerre froide. Le
combat de Jean-Paul Il pour l'autodétermination des peuples du Moyen-Orient en
témoigne: accord avec Isral!l en 1993 mais, dans le même temps, soutien de la
souveraineté palestinienne (rencontre avec Yasser Arafat en 1994) et d'un statut
international pour Jérusalem, ville des trois religions. Prise sous le feu israélien au Noi!l
2002, l'Église de la Nativité à Bethléem, vint rappeler au monde entier que le
catholicisme restait l'incontournable clé de la paix en Palestine.
La défense de la souveraineté irakienne dès 1991, réaffirmée avec vigueur et
courage, en 2003, à la veille de la guerre américaine, témoigna autant du souci de Jean-
Paul II de soutenir la légalité internationale (donc la souveraineté des nations) que de
son réalisme une fois de plus visionnaire quant au sort des Chrétiens d'Irak autrefois
protégés par l'arabisme du régime baathiste et désormais broyés entre le marteau
sunnite et l'enclume chiite.
En vérité, sagesse d'un pape soucieux de tenir les hommes le plus loin à l'écart du
combat entre sectes apocalyptiques (chrétiens sionistes et évangélistes protestants
contre islamistes) si étranger à la nature du catholicisme romain.
Si jean-Paul Il s'est déplacé davantage dans des pays puissants que dans des pays
pauvres (ce qui lui a parfois été reproché), ce n'est certes pas parce qu'il a eu moins le
souci des pauvres que ses prédécesseurs. C'est parce qu'il a compris que pom
améliorer le sort des miséreux et atténuer les déséquilibres, il fallait parler aux
puissants. Ce n ' est pas un hasard en effet si, sur plus de cent trente nations, le
troisième pays le plus visité par jean U, après la Pologne (signe d'enracinement) et la
France (qui reste tout de même la Fille ainée de l'Église), sont les États-Unis
d'Amérique. Peser face à !'Amérique c'était aussi peser en Amérique, ou oser poser le
pied dans le Cuba castriste (1998). Et Jean-Paul li savait que pour l'Église catholique, la
transformation de l'identité américaine, avec la montée démographique des
hispaniques catholiques, serait un enjeu dominant dans les décennies à venir. Le
potentiel catholique aux États-Unis est en effet énorme, mais il est menacé par
l'influence de la mentalité anglo-protestante constitutive du nationalisme américain; la
protestantisation du catholicisme américain fait peser le risque d'une cassure avec le
Vatican, parallèlement au défi de la montée en Amérique latine d'un évangélisme
protestant se substituant purement et simplement au catholicisme.
L'esprit de dialogue avec les religions et la politique de la main tendue ont
cependant des limites évidentes qu'il faut intégrer dans le bilan géopolitique. Le
pontificat de Jean-Paul II n'aura pas permis d'enrayer le déclin des minorités
chrétiennes d'Orient ou d'améliorer le statut des chrétiens dans de nombreux pays
islamiques, du Soudan jusqu'à l' Indonésie. Le recul de l'influence occidentale en
Afrique noire aura, au contraire, favorisé les progrès de l'islam au détriment du
christianisme, plus spécifiquement, du catholicisme (en comparaison du dynamisme
de l'évangélisme protestant). Le sort des Chrétiens d'Inde se sera également
considérablement dégradé face aux violences hindouistes. Pas plus le Vatican n'aura-i-
il réussi à amorce r une politique de rechristianisation de la Chine.
Bien sOr les puissances occidentales sont davantage responsables de cette situation
que le pape, mais !'oecuménis me religieux au coeur de la politique extérieure du Saint-
Siège, depuis Vatican Il, y est aussi largement pour quelque chose.
Mais il y a, enfin, au moins une dernière raison pour laquelle on peut qualifier jean-
Paul II de "visionnaire géopolitique". En ne cédant pas. pour des raisons morales, sur
l'avortement et en choisissant la défense résolue des politiques de vie, le message que
i.. s.ünt-~ie 111-'U!l l~th' s'oppose. par voi" de conséqu<'nce, au risqu<' de confronbtmn
~porte. pour l'Huu\4lùte, le vieillissem<'nt des populations.

';'. l.5. Les (1uutrf" grmuls défis g~opolitique!:I du pontificat


<le Benoit XVI
le P~"r défi gt'opolitique que la diplomatie du Saint-Siège va devoir affrontl'r
est la ~taJ~'' dt',; plusieurs cultures nationales à l'influence de l'Église catholique
Dan:; i.. nwnde européen orthodoxe conune en Asie, le catholicisme reste en effet
flvt\>lno!nt a.-.soci" à l'impérialisme occidental, et à cet égard, le récent et nouvel
;affid•ag.." des États-Unis auprès du Vatican n'a pu que renforcer cette perception.
O..U.x fractures historiques fortes explique nt cette résistance. Pour le monde
lllihodoxe, au Xle sièocle, le schisme religieux Rome/ Byzance et la première croisade
Pour l'Asie. à partir du XVIe si~le et de l'ouverture des grandes routes maritimes, les
tientatives de çolonisation t>uropèenne.
la C(Vltn--Réfonne. à la fois pour endiguer le processus d ' éclatement de la
~tt' et reconstituer l'influence de l'Églis e catholique en Europe orientale et au
Proch<-Ori.,nt. lance une stratégie d ' unification des Églises orientales à Rome. Elle
parvient à reprendre à !'Orthodoxie une partie des fidèles : là est l'origine des Église<;
uniates. Aujourd'hui, les orthodoxes ukrainiens, russ es et roumains considèrent que
ces églises ont été el sont encore l'instrument des peuples catholiques, Polonais,
Autrichiens el Hongrois, tandis que les catholiques uniates (unis à Rome mais de rire
orienlBl) reprochent aux patriarcats orthodoxes d ' avoir profité de l'ère communiste
pour s'emparer d" leurs biens et de leurs églises. Sortis de la clandestinité depuis 1990,
les Uniates roumains demandent ainsi à récupérer les quelques deux mille lieux de
culœ- ronfisqu~ par les communistes au profit du clergé orthodoxe et sur le nombre
desquels. en quinze ans, seuls cent soixante ont été res titués . La visite du Pape Jean-
Paul U en Roumanie en 1999 avait ravivé l'espoir uniate mais les chiffres sont
implacables : au début du communisme, il y avait 2,5 millions d ' uniates en Roumanie
soli en\•iron un dixième de la population ; il en reste aujourd' hui (recensement de
2003), moins de 200 000. La politique de la main tendue du pape Jean- Paul Il au
patriarcat orthodoxe de Bucarest n'aura pas porté ses fruits . En Ukraine en revanche,
l'Église uniate, laquelle revendique 5,5 millions de fidèles sur une population de
quaranœ huit millions d'habitants (uniates auxquels il faut ajouter le demi million de
catholiques latins à l'ouest du pays), est parvenue à reprendre le contrôle des deu.•
mille cinq cents églises incorporées sur ordre de Staline, en 1946, dans !'Orthodoxie.
Les relations entre le Saint-Siège et les patriarcats autocéphales de Kiev (berceau de
rorthodoxie russe visité en 2001 par le pape) et de Moscou en subissent donc les
~uences, et ce d'autant qu'à la fois uniatis me et catholicis me latin d'Ukraine sont
i""'ÇUS en Russie conune le coeur du tropisme occidental de l'Ukraine . En optant pour
le volontarisme plutôt que la repentance, l'Église c atholique a en partie reconstitué ses
divisions en Ukraine. Au-delà du cas uniate, Rome e s t perçue par le monde orthodoxe
(plus encore par le pôle russo-slave de !'Orthodoxie qu e le pôle hellène) comme un
instrument de donùnation qui n'a pour seul but qu e de s upprimer son indépendance.
L' hostilité du patriarcat russe a été manifeste ces dernières années lors que Jean-Paul 11
a tenlé d' organiser la communauté catholique de Ru s sie qui représente 1,5 million Jo
croyants. La guerre des Balkans ces dernières années, avec les indépendances croate et
slovft>e et le rôle joué par le Saint-Siège dans cette affirmation, n'ont fait qu'aggraver!•
crise. Rome va donc devoir s' employer, pour progresser en Russie, à s e démarquer Je
l'image d'outil de l'impérialisme occidental qu' un pape polonais acteur essentiel de I•
Guerre froide ne pouvait que renforcer à ses yeux .
Chapitre 3. l..l religion

En Asie, pourtant loin d ' avoir été oubliée par Jean-Paul Il (quinze pays visités
durant le pontifical), c'est encore l'association de l'Église à l'histoire de l'impérialisme
occidental qui explique largement les difficulta de Rome à consolider ou élaTgir 110n
influence. Pour l'ensemble des pays asiatiques, à l'exception des Philippines où il
affiche une pleine santé, le catholicisme est extérieur à la culture nationale dominante,
laquelle s'identifie soit au bouddhisme, soit à l'hindouisme, soit â l'islam.
L'Inde compte seulement 0,3 % de catholiques contre 80 % d ' hindous, le reste étant
musulman. L'accès des catholiques aux administrations étatiques est fortement entravé
el les mouvements radicaux hindouistes proches du Bharuti_va Jana1a Party (parti
nationaliste de gouvernement) s'attaquent régulièrement aux chrétiens. En Inde,
l'évangélisation est assimilée à une forme de continuité de l'impérialisme européen.
On se souvient qu'en 1986, lors de la visite du pape à Trichur, siège épiscopal syro-
malabar el capitale culturelle de l'État de Kérala (les chrétiens y constituent le quart de
la population), les radicaux hindouistes avaient demandé des excuses pour les
conversions au catholicisme, oeuvre en particulier du cardinal Toppo, chef de l'Église
syriaque de Malabar.
Au-delà de la spécificité communiste, le problème du catholicisme chinois est
comparable à celui du catholicisme indien: un fort sentiment national doublé d'Wll!
méfiance pour une religion "occidentale". Sur 1,2 milliards d'habitants, la 01ine
compte environ 5 millions de catholiques regroupés et contrôlés au sein de
!'Organisation patriotique officielle (qui n'entretient aucune relation avec le Saint-
Siège) auxquels on doit ajouter entre S à 10 millions de catholiques "clandestins",
membres d'une Église dite du "silence" qui parvient à entretenir, de manière distendue,
des liens avec Rome. Au regard de l'identité chinoise, confucéenne et bouddhiste,
avant d'être communiste, le christianisme, nestorien hier, catholique ou protestant
aujourd'hui, représente une sorte de "parti de l'étranger". Et méme si cela n'est pas
historiquement exact, les Chinois vous rappellent qu·effort des missionnaires et élan
du colonialisme furent inséparables. Là est le principal obstacle à l'évangélisation
romaine, laquelle doit en plus affronter la "concurrence" de l'évangélisme protestant.
La reconnaissance de Taiwan par l'État du Vatican n'arrange rien à la situation. Deux
jours avant la mort du pape, le cardinal Danneels s'était rendu à Pékin où il avait
rencontré des responsables de l'Église officielle chinoise et le vice-premier ministre
chinois. L'évêque de Hong-Kong avait même annoncé que le Saint-Siège était pret à
abandonner la reconnaissance officielle de Taiwan pour rétablir avec Pékin des
relations suspendues depuis 1951. Mais au-delà du différend autour de Taiwan. reste
l'enjeu central pour l'Église romaine: se faire accepter en tant qu'acteur extérieur à tout
impérialisme temporel el pouvoir nommer librement les évêques chinois. Même enjeu
au Vietnam, qui compte huit millions de catholiques, la seule communauté catholique
d'Asie, avec celle de Chine continentale, à n' .woir jamais pu recevoir la visite d'un
pape. En 2003, le Vietnam reprochait à Rome d'avoir nommé sans le consulter le
cardinal archevêque de Saigon. Là encore, le deii pl>Ur le nouveau pontifical sera de
faire comprendre aux autorités vietnamiennes la compatibilité entre l'évangélisation
catholique et la souveraineté étatique.
Comment développer le catholidsmto> dans un Pakistan où l'islam est le coeur de la
construction nationale, l'origine même de la p.utition de l'Empire des Indes
britannique au moment dl' l.l décolonis.1tion ? l'a.:e à <l!' ..., de musulmans, les 2
millions de chrétiens (et environ autant d'hindouistes) .:atholiques et protestants
pèsent peu, el leur souci premier .•want l'évangélisation. c'est la survie à l'assaut
double du fanatisme musulman l'i d ' un État islamique qui procède par étouffement
progressif (nationalisati<>n des ('cales, <>bstacle à la réparatton et a fortiori à la
construction des églises ... ). Même refus de l'évangoHisation chretienne t-n Malaisie. où
l't1rlii• .1 1'1~rma11r11cr.1lr-. ilknltli1

islam et 1dL>ntité national" sont intimement liés. Quelle peut ètrc la marge de
manoeuvre d" '"-"" chr(,ti••ns qui rcprésl'ntent 8 % de la population de la partie
malaisienne de Bornéo et gouvernent l'État de Sabilh face ilux parti!i islamiqu~w; de
Kuala Lumpur !
Survivre d"abord, évangéliser ensuite, telle est aussi la préoccupation de cc million
de .:-hn'tiens du Sri L~nk.a qui a fait souche chez les Cinghalais comme che'- lrs
Tamouls, et que le bouddhisme de l'État central tolère d'autant moins que le pape avail
rappelé le .:-ar.1ctère athœ du bouddhisme lors de sa visite de 1995.
Très souvent donc, en Asie, le catholicisme se heurte à lil résistance de la cullure
nationale. Mais le problème est encore aggrilvé dans les pays asiatiques où
l'é\•angélisation, dès le départ, n'a pu se faire qu'au sein de minorités ethniques tcnurs
à l'écart des pouvoirs centraux. Là, l'Église est presque structurellement bloquée daru
son effort d'évangélisation. C'est le cas en Indonésie où la diffic ulté de la
christianisation due à un nationalisme islamique est renforcée par le fait minontaire
Ces catholiques des Célèbes et des Moluques qui constituent la majorité des 10 % de
chrétiens vivant dans des archipels indonésiens éloignés du centre géopolitique, Java.
n'appartiennent pas aux ethnies dominantes Oavanais, Sondanais, Madurais el
Balina1s) mats à des minorités marginales (Batak, Dayak, Moluques ... ). De même; daru
la partie indonésienne de l'ile de Nouvelle Guinée, les catholiques (et protestants)
papous s'opposent à la colonisation (appelée transmigration) venue des iles du centre.
le drame du catholicisme en Indonésie, c ' est qu'il est, aux yeux de l'État
indonésien, et l'histoire du T~or oriental en témoigne, un potentiel de sécession, un
facteur de séparatisme. De même en Birmanie, État fédéral multiethnique, où le
christianisme a pris souche seulement chez quelques ethnies, les Karen par exemple
(5 % de la population dont 20 % sont chrétiens) qui comme d'autres ethnies de la forét
ou de la montagne partiellement évangélisées, sont extérieures au coeur identitaire de
la Birmanie, ethniquement birman et religieusement bouddhiste. Même phénomène en
Thailande où les conversions sont pratiquement inexistantes chez les Thais
bouddhistes, et ne concernent que quelques minorités ethniques marginales, ce qui ne
donne au total que 300 000 catholiques.
Perçu tantôt comme parti de l'étranger, tantôt comme facteur de séparatisme (ou
les deux à la fois), en Europe orientale cornrne en Asie, l'Église catholique va devoir, au
cours du prochain pontificat, apporter une réponse à ce premier défi géopolitique.
Comment faire pour que l'effort d'évangélisation soit admis par les États comme
compatible avec identité et souveraineté nationales ?
le deuxième défi géopolitique n'est autre que la face religieuse de la
mondialisation du libéralisme américain, phénomène qui a pris son accélération à la fin
de la Guerre froide. Il s'agit du formidable mouvement, parfois insidieux, parfois
éclatant, de pénétration de l'individualisme dans le christianisme. Ce phénomène se
traduit de deux manières: soit par la "protestantisation" du catholicisme, soit par
l'essor fulgurant des nouvelles formes d'évangélisn1e protestant, notamment le
pentecôtisme. Ici, ce ne sont plus l'Europe orientale et l'Asie qui sont concernées (cJr
autant l'orthodoxie que les cultures nationales asiatiques résistent assez bien .1
l'individualisme d'essence anglo-saxonne), mais l'Europe occidentale, les Etats-Unis
d'Amérique, lAmérique latine ou encore J' Afrique.
En Europe occidentale, le protestantisme a prépar(• la sortie du religieux. le tau\ de
pratique religieuse dans les pays protestants d ' Europe atteint des records inég.1lrs ·
dans le Danemark luthérien, 2 % des personnes assistent chaqul' semnine à un office
contre 65 % dans la très catholique Irlande. Seuls 38 % des Suédois .:-roicnt en Dil'u
contre 81 % des Italiens. Pire encore, comme l'a très bien analysé Samuel Huntington,
les catholiques européens qui appartiennent aux sociétés majoritairement protestantes
Chapitre 3. la religion 447

(Allemagne, Suisse, Pays-Bas ... ) se sont progressivement protestantisés comme l'atteste


leur nffinnation progressiste et libérale. Un catholique hollandais d'aujourd'hui
ressemble bien plus à un calviniste de l'Église réformée hollandaise qu'à un catholique
ilalien ou français tellement sa messe tend vers l'austérité et Je dénuement. Et ce
catholicisme des pays protestants du Nord, si souvent cité en exemple par les médias
pour son progressisme, n'à guère plus que de catholique que sa seule subordination à
l'autorité romaine.
Le cas des États-Unis est plus complexe. On peut tout d'abord affirmer que le
catholicisme américain (déjà démographiquement important: 62 millions de personnes
ce qui n'est pas loin du quart de la population et 150 élus catholiques au Congrès sur
535 parlementaires ce qui en fait la confession la mieux représentée devant les baptistes
et les méthodistes) va jouer un rôle central dans l'avenir de l'identité nationale et dans
la cohésion future de la première puissance mondiale. Dans l'identité: les États-Unis
sont une nation en voie d'hispanisation donc de catholicisation; il y a déjà une majorité
d'hispaniques dans dix États américains et sur les quelques 62 millions de catholiques
déjà 24 sont hispaniques. Dans la cohésion: l'Église catholique américaine est la seule
église qui échappe à 1' ethnicisation du religieux. Depuis le début des années 80, plus de
trois cent soixante quinze églises protestantes ou orthodoxes se sont formées sur une
base ethnique; baptistes ou méthodistes se retrouvent dans des églises distinctes selon
qu'ils sont African American ou Anglo American; il y a maintenant des églises
évangéliques indépendantes pour les immigrants venus de Corée ou d'Amérique
centrale ... Bien au contraire, il faut aller à la messe pour rencontrer côte à côte des
Angle Américains, des Mexicains, des Philippins, des Vietnamiens; dans Je diocèse de
New York, l'Évangile est lu en trente langues différentes y compris le chinois, le coréen
et l'arabe. C'est un aspect peu souvent souligné : lorsque l'Amérique affrontera la crise
de sa société multiculturelle, l'Église catholique apparaitra comme un facteur d'unité
nationale. Il est possible que le président Bush, qui offre, comme réponse au défi de la
fragmentation communautariste, le nouvel ennemi dont l'Amérique a besoin pour
sauver sa cohésion (le terrorisme international après le communisme). ait compris la
place stratégique que le catholicisme américain va occuper dans les années à venir.
Mais c'est justement ce rôle stratégique qui risque d'amplifier ce que le catholicisme
américain vit au moins depuis la Première Guerre mondiale : son intégration dans
l'identité nationale est en même temps une protestantisation. Parce qu'en effet les
valeurs anglo-protestantes forment Je noyau historique de la culture américaine, en
devenant de véritables américains les catholiques américains entrent dans l'esprit du
protestantisme. Preuve en est la synthèse originale que les prélats catholiques
américains ont effectué entre l'universalisme américain et la Destinée manifeste des
États-Unis, sa dimension de nation élue appelée par Dieu à évangéliser aussi bien
politiquement que religieusement, le monde entier. "Nous sommes forcés de croire, a
dit l'archevêque lreland en 1905, qu'une mission particulière a été assignée à
1' Amérique ( ... ) celle d'engendrer un nouvel ordre social et politique (... ) Avec le
triomphe de l'Église en Amérique, la vérite catholique, portée par les ailes de
l'influence américaine, se répandra dans l'univers entier.". L'Église catholique intègre
de plus en plus "l'Eglise Amérique", motrice depuis 1945 de la mondialisation. Cette
"protestantisation" du catholicismt' américain ne passe pas seulement par un ralliement
à un messianisme d't>ssenCl' puritaine, il se traduit concrètement dans la pratique du
catholicisme: aussi bien l'aH,libltssement progrl'Ssiî du rôle de la messe et du clergé au
profit de petites communautés catholiqt1e•s ''autc>gerres" que la participation croissante
de catholiques '' dl·s llHict•s p"nkct"•tistes (const'quence logiqut' de ('oecuménisme
prôné depuis Y.ltican Il) l'll tl•moignent. Lt• pht'.-nomène de perte de l'authenticité de la
messe est accentul' p.u la présenn• croissanlt' tk ceux que l'on appelle aux États-Unis
les "seekers", œs chercheurs qui. dans ce grand "marché" américain du religicu<.
viennent glaner ici un peu de catholicisme, ailleurs un peu d'évangéli•me ou de
religion onentale.
De pnme abord donc le Saint-Siè ge peut regarder sous un jour favorable
l'lùspantsation des États-Unis d ' Amérique, c' est à dire de l'augmentation croissante
des catholiques dans la population américaine ; mais il doit néanmoins s 'attendre à ce
que la prote;tantis.:ition du catholicisme ait des cons<>quences sur le clergé. La
médiatisatton importan~ des affaires de p é dophilie dont se sont rendus coupables de1
membres du clergt'.' catholique traduit en effet bien plus que la catharsis d ' une
indignation légitime : elle vise à provoquer un mouvement favorable au mariage des
prêtres chez les catholiques américains (comme en Europe occidentale d ' ailleurs) . Une
telle mutation ne serait pas anecdotique : à la Curie romaine, le catholicisme américain
est le mieux représenté après le catholicisme italien : onze cardinaux en àge de voter
L'enjeu du Rome sera donc bien d'assumer demain la centralité du catholicisme dans
l'identité américaine sans y perdre son âme.
La dimension du "défi protestant", c'est le formidable essor des nouvelles formes
du protestantisme. Aujourd' hui si la moitié des chrétiens dans le monde sont des
catholiques, déjà le quart est pentecôtiste ou membre d ' églises évangéliques
indépendantes. Le pentecôtisme s'est développé à une vitesse fulgurante, passant de
presque zéro à environ trois cents millions de pratiquants en moins d ' un siècle,
presque la moitié à lui seul du protestantisme• . li a atteint un effectif double de
l'orthodoxie, et si rien de change, en 2025, les catholiques représ enteront moins du tiers
des chrétiens. Comme l'ensemble des mouvances issue de la dissidence du
protestantisme européen et qui ont prospéré à partir de la fondation des États-Unis
(baptisme, méthodisme, piétisme, évangélisme), le pentecôtisme se caractérise par La
relation directe de l'individu avec Dieu, par la supériorité de la Bible comme source
unique de la parole divine, par l'expérience rénovatrice de la "seconde naissance• (le
président Bush est l'exemple même de c es "barn again"), par une responsabilité
personnelle de prosélytisme et de témoignage qui écarte d 'emblée toute idée de cierge
spécifique. C'est bien dans le fait que chacun devient en lui-même une Église autogérée
que l'on doit voir le triomphe de l'idéologie individualiste et libérale.
En Afrique, les sectes évangéliques et en particulier le pentecôtisme sont en plein
essor. Au Nigeria, pays qui compte vingt million s d e catholiques sur cent vingt
millions d' habitants, le président élu en 1999 est baptis te . En Afrique du Sud, déjà 80 '.\
des chrétiens noirs appartiennent au pentecôtisme. En Côte d ' ivoire, le pentecôtisme
exerce wte influence très forte sur le pouvoir du président Gbagbo.
L'Amérique latine, bastion traditionnel de la ferveur catholique, est aujourd' hui
confrontée au déh des Églises évangéliques venues des États-Unis . La Théologie de la
prospérité défendue par les pentecôtistes a remplacé la Thé ologie de la Libération quo
sévis!iait durant la Guerre froide : elle bâtit des temples, investit des universités et des
chaines de télévision et exploite la d é tresse produite par les catas trophes naturelles
(cydones, glissements de terrain et tremblement de te rre ont durement frappé les pays
d'Amérique centrale ces trente dernières années). Les plus fortes progression sonl
enregistrées au Guatemala (30 % des chrétiens sont désormais évangélistes contre 18 '\,
il y a 25 ans), au Salvador et au Brésil (la plu s importante communauté pentecôtiste du
monde avec 15 millions de fidèles revendiqués), pays qui au début du siècle étaienl ~
cent pour cent catholique. L' impact est visible au sommet de l'État. Le premier
président de la république pentecôtiste est arrivé au pouvoir en 1982 au Guatem,1la . Au

1 li y a Ul'rlton 700 m1lhoru de p1111csumu. pcn1.«üus1cs IJUO n11Jhon:>), hap11stc!i ( 125 1mll1onsJ, ks anij,hCi\ns ( 70 null~t.

Ica calvm.U&cs (liO rmlliom}, les luthtnms f(.0 m1ll1un.s), le... mëthotli slcs (40 n11lt1u n s) lc re ~ l c r.:prêscntc 100 rn1llwn ~ lmul1 iph~
de pdilcs aa:Ll!:I. adt1c:ntistn. quahn. .. )
Chapitre 3. i.., religion

P~rou, au début des années 1990, Alberto Fujimori était l'lu avec le soutien
pentecôtis te. On estime qu'en Amérique latine, huit cent personnes quittent chaque
jour l'Église catholique pour rejoindre le pentecôtismel. L' hémorragie est évidente, et
la stratégie du dialogue choisie par Rome n'a apporté aucun remède. L'Église
catholique a récemment demandé pardon aux pentecôtistes par la voie de Kilian
McDoruiell, bénédictin américain qui dirige l'Institut oecuménique de l'Université de
Collegeville dans le Minnesota : "Je confesse que par ignorance coupable, beaucoup de
catholiques ont identifié les pentecôtistes à une secte" a dit-il déclaré Est-<e bien là la
solution pour stopper la déferlante pentecôtiste ? Partout dans le monde, et fait
exceptionnel, y compris dans le terreau musulman, des villages de la montagne kabyle
en Algérie jusqu'en Ouzbékistan, des conversions au pentecôtisme sont enregistrées, la
vague religieuse coîncidant avec la vague géopolitique américaine. On ne peut alors
s'emp~her de faire le parallèle entre le formidable mouvement d'évangélisation
catholique accompagnant, à partir du XVI• siècle, la projection mondiale des
puissances européennes (Espagne, France, Portugal...) et l'évangélisation pentecôtiste
résultant de la planétarisation de la puissance et des valeurs (individualistes)
américaines.
À cette mondialisation du libéralisme américain et son pendant religieux, la
religiosité individualiste, l'islam tente de résister, prenant parfois des formes radicales,
sunnites ou chiites. La vigueur de l'islam est, à bien des égards, un défi pour Je
catholicisme, notre troisième grand défi pour l'Église catholique du XXI• siècle. Dans le
Moyen-Orient en majorité islamisé, comme en Afrique subsaharienne et jusque dans
les finistères asiatiques du grand mouvement de christianisation initié au XVI• siècle
par les nations européennes, le catholicisme minoritaire recule, sous la pression double
des États musulmans et des mouvements islamistes.
Les chrétiens du monde arabe d ' abord (12 millions sur plus de 300 millions
d' Arabes) connaissent un phénomène d ' érosion constant depuis le début du XX• siècle.
En 1998, les patriarches, chefs et responsables des Églises chrétiennes des quatre
familles (catholique, orthodoxe, orthodoxe orientale, évangélique) publièrent une lettre
pastorale à Chypre mettant en garde les chrétiens contre la tentation de l'exil vers
l'Occident. Pour l'Église catholique en particulier, l'enjeu est de conserver ce que les
missions latines avaient pu "récupérer", durant les siècles passés, quelques morceaux
cassés de la Chrétienté. Il s 'agit en effet de sauver les restes du christianisme nestorien2
ramenés dans Rome au XVIe siècle sous l'action missionnaire des dominicains et
franciscains, et qui forment aujourd' hui les Assyro-chaldéens d'Irak. Autre enjeu: le
sort des descendants des orthodoxes qui s'étaient placés sous l'autorité du pape au
XVII• siècle, ces Arabes melkites du Liban. de Syrie, de Palestine, d'Irak, qui ont tant
contribué au XIXe siècle au mouvement de la Nad/ra (renaissance arabe), à la formation
d'un sentiment d ' arabité distinct de l'islam. On peut s' interroger encore sur l'avenir
des Jacobites. Coptes et Arméniens qui s'étaient séparés de Byzance au V• siècle (après
le concile de Chalcédoine) et que les missions latines firent rentrer dans l'Église au
XVIIe siècle3. Sauver enfin ces sept cent mille maronites libanais, unis depuis toujours à
Rome, confrontés au d é fi de la montée d é mographique du chiisme et de la
radicalisation d'une partie dl"s sunnites . Alors que les baasismes irakien et syrien

1 Vo ir Wllhcr J . Hollcnw cgcr. •i L..: J'k.' n1L-...· l\11 s m c. i\\'~nlr ('1 13 n~l ;nre du 1.·. hnsti3nism..: ... m Li1.~ icr. Çhc:l i ~"nY·PooL G..'opolùk(uc
,111 r hri.'< li.m1.n111.•, Elh (lscs. 2001 .
::! Au Moycn_Àgc , h: s C~h..,cs 11..:s tun1..·nm·s ti..1n rnu cnt u ne ~ 011.: d ï mmcn.~ n1ult1ir ...·hrit1cn Je la S:-Tie Cl J.:- la~ :x1Ucllc
JU.\14u ' ft Io Chmc, le Tibc1 cl l ' ln ,.nlimk L. ' 1m us 1lm n\<m g,111.· 11\;11t J.,:Ouu n k ur ._t ~h sc et à l' ~uc n11.'<.!cmc 11 ne n:swt que .Jeu..'
i:omnumaulCs . l'une 1lnn:i- 1'1Khtd K.urJ1 ~ m n 1rnku..· 11 . ln ..;cü1111.k 1.·11 lnJ<.: . .. u r la ....,'-C' ..k~ Mal.iNr..:.
J lco;; pnncipaic:!iii ~glisc'.> unmlcs 111\1m1phys îh.~ !"Clnt l'C~hs c "-yn 1-,:ath11lh1uc, rCghsc 1.' 1ptc uthol)l.\U..' d ' E&!'lllC' et n~g.lisc
a.rm'nicnnc '"thohquc
offTaicnl un n.mpart .1ux chrétiens (1,2 million en Syrie, moins de 800 000 mainl"'1.lnt
en lr.ik et plus d" 250 000 qui ont émigré vers l'Occident à pilrtir de l9'.11), de qu~ll~
protection c~ux<i pourraient disposer dans un nouveau Moyen-Orient "démocratiqot·
qui les forait disparai!Te sous les marées sunnites ou chiites 7 Quant aux AM)ro
O.aldéens syriaqu~-s de Turquie, ils ont quasiment disparu; il en reste cnvirc_m 2500'.I
alors qu' ils étaient plusieurs centaines de milliers au début du siècle. L'Etat turc,
pretendument larque, leur ferme les portes de l'administration, les empêche de
conserver leur.; écoles, de restaurer et a fortiori de construire dl!s églises; lente
extinction dans l'indifférence genérale de l'Union européenne' . Enfin le cas dt
Jérusalem, de la PalL-stine et d'lsral!I n'est-il pas au fond le plus représentatif du drarrw
que vivent les catholiques et uniates du Proche-Orient, de leur situation d 'otage du
conflit atroce entre nationalisme arabe et nationalisme juif? Souvenons-nous de
l'Église de la Nativité prise sous le feu de l'armée israélienne à Nol!l 2002, l'vénement
qui masque une rl'alilé plus profonde encorl!: d'une part "l'israélisation" de Jérusalem
est aussi sa déchristianisation progressive ; d'autre part, une radicalisation du combat
nationaliste dans l'islamisme (Hamas) qui provoque l'érosion du christianisme
palestinien.
En AfTique subsaharienne, les fractures ethniques qui rendent instables les Étals
sont sou\'ent aggravées par la fracture entre musulmans et chrétiens. Niger, Côte
d'ivoire, Nigeria sont secoués par des conflits ethno religieux, tout comme le Soudan
où, depuis l'indépendance, les chrétiens noirs du Sud s'opposent aux populatioru
arabes et musulmanes du Nord . Le pape Jean-Paul Il n 'a d'ailleurs jamais oublié les
chrétiens soudanais: au plus fort de la guerre civile, en 1993, et alors que l'Église
perdait des fidèles au profit de l'islam et du protestanhsme, il s'est rendu à Khartoum ;
sept ans après, en canonisant Joséphine Bakhita, il donnait au Soudan sa première
sainte, et en élevant l'évêque de Khartoum, son premier cardinal.
A l'époque de la colonisation, l'évangélisation catholique était plus simple au
moins pour trois raisons: 1/ un prêtre blanc avait moins de difficulté à tTanscender les
clivages ethniques qu'un prêtre noir aujourd'hui ; 2/ la puissance européenne
soutenait le mouvement d'êvangélisation et faisait refluer les influences araOO.
musulmanes venues du Nord, tandis qu'a ujourd'hui les anciennes puissances
coloniales ne cessent de perdre en influence; 3/ il n'y avait pas le puissant élan du
pentecôtisme soutenu par la mondialisation américaine . Aujourd'hui, et ne l'oublioru
pas car c'est une des causes fondamentales de ses difficu 1tés, le catholicisme souffre du
manque d'une grande puissance temporelle qui le soutienne; plus de Fille ainée de
l'Église, de Monarchie catholique universelle espagnole, de Portugal.. . pour le soutenu.
Pour pénétrer un pays et diffuser ses dogmes, il ne dispose que de sa propre force dr
persuasion, qui est certes immense, mais qui ne s'appuie sur aucune réalité dr
puissance temporelle. Faut-il le rappeler, la puissance des formes de protestantisme.
c'est la puissance de lAmérique, comme la puissance de l'islan1 peut s'appuyer sur
celles de l'Arabie Saoudite, du Pakistan, du Maroc, de la Turquie, de l'Iran ...
Il découle de la solitude de l'Église catholique dan s son a ction évangélisatrice, un
risque : adapter davantage ses dogmes aux cultures qu e les cultures à ses dogmes.
Le quatrième défi géopolitique de l'Église est bien là, il est celui de sa propre unilt
géopolitique.
En 1959 et 1%2, les TuL~is qui s'étaient réfugiés dans les églises avaient eu lil ,.;,
sauve. Trente ans après, c'est en affluant e n ma sse, par centaines de milliers d.ms Il'>
églises pour échapper à leurs bourreaux, qu ' ils ont couru à leur perle. En 19'».

1 Pnur pn:uve, lc rappon d .Abdclf•ltah Arnor, Ju 25 uclobrc 2000, ;li5" !tC!'ô!'l lon lie 1'1\!!oscmhll1C ~ênCmk J( Hl N.U .à f"'î'"'
lie 11 hbcrt.e de religion et de: convicuon c:n Turquie ( A ,"551:!HO: AJtl 1. 7 ~ I" ).
Olapllft! 3. Le rwllglon

personne n'a respecté les églises, à commencer par de nombreux hommes d'égll9e
rwandais qui ont trempé eux-mêmes dans le génocide. L'essentiel du glnoclde a été
commis à l'intérieur des églises. Nous avons évidemment ici l'exemple d'un
dérèglement Identitaire, mais en même temps, darui cet atroce triomphe du Mal. la
preuve de la profondeur de la déchristianisation africaine. Tous les ob9ervalieurs du
christianisme africain confirmeront le retour en force de l'animisme qui condalt à
l'émergence d'une double pratique. La messe au Zarre s'est transfonnff largement en
un rituel de danses traditionnelles. Le phénomène n'est pas qu'africain. Dqxris le
milieu des années 1970, il existe en Inde une tendance forte qui reclame une dés
occidentalisation du catholicisme ; en Thaîlande, au Cambodge ou bien encore à
Taiwan, des foyers d'études chrétiennes s'attachent à concilier bouddhisme et
christianisme; en Corée du Sud, puissances de la Nature et chamanisme reviennent en
force chez les catholiques; au Vietnam, c'est une religion de plus en plus syncrétique
associant au clergé des devins, des géomanciens. confondant culte des saints et cultes
tutélaires villageois, qui se développe. Et nous ne reviendrons pas sur la
protestantisation du catholicisme américain, autre expression, de la victoin! lente des
cultures sur le dogme romain. Bien sQr, le catholicisme est inscrit depuis les origines
dans le temps et dans l'espace; son combat est dans le monde et non hors du monde, et
c'est en cela qu'il n'est pas un fondamentalisme. Mais des forces centrifuges trop fOl1l!5
et un pluralisme excessif peuvent conduire à un éclatement du centralisme romain et
un effacement des dogmes fondamentaux de l'Église.
N'oublions pas que la Chrétienté n'a cessé de se balkaniser davantage au cours
des siècles et que la dynamique de l'Église a au contraire toujours été celle d'une
volonté unitaire (d'où la stratégie uniate dont nous avons parlé). François Thual parle à
cet égard de "Dieu fragmenté'"· En 1900, il y avait déjà dans le monde
1 500 dénominations d'églises; aujourd'hui, il y en a plus de 15 001). Faœ au défi de la
fragmentation, le catholicisme est incontestablement la forme du christianisme la plus
unie et la plus universelle du point de vue de la doctrine. comme du point de vur de
l'organisation. Son unité géopolitique reste le fruit d'un équihlire subtil entre
centralisme romain et capacité d'adaptation locale. Mais deax logiques nouvelles
introduites par Vatican II ont ouvert la voie à un possible renversement du centralisme
romain. Premièrement, le libéralisme (dracun peut agir selon sa cororcience) affaiblit le
rôle du clergé et prépare le terrain à un basculement dans une religiosité individualisle
issue du protestantisme (le pentecôtisme par exemple); deuxièmement, !'oecuménisme
(on peul se sauver dans toutes les religionr) donne d'autant plus de légitimité aux cultun!s
locales pour transformer le dogme et affaiblir le centre romain.
On le voit, les défis géopolitiques du prochain pontificat sont de taille. Pour
continuer son rayonnement, le catholicisme romain devra convaincre nombre de
nations que sa puissance spirituelle n'affaiblit en rien leur puissance temporelle .; il
devra combattre, sans faiblir (la repentance est toujows une impasse face à la culture
de la force), la vigueur de l'islam; enfin, il lui faudra enrayer la pandémie de
l'individualisme religieux et éviter l'écueil du syncrétisme mondial.

7 .2. L'islam par-dessus les natiolltl


"Ce qui pnnioq11n la Disrorde •larrs toutr son .11rrpli1>11k. crr _fut l'llppdritiun d'sme frwot
mntmire à œltt~ étrol11tio11, une forœ d'outsiders I~ minorihlire. œlle des .,,,uni. 1."Y:S ltomnws cpii
""n'c/amaicrrt ilu Qumrr, 1l'1me réforme isl"miq1u. L ' tlut, l'iwlubon Mla Y<Jriitt, le~
l1istorique, rt11it•11t nmtrnrië!" p11r une crrtninc lecturt" lk I' is~ mdU."Gk et littiral.istr. L'islam~
ha.Ir (\lfftlftt' fi•n.'l' dt '"'mtt'"!'hiticm~ .14: srdn.'t"~iou : c 1 e-st I' iruJugumtiou d' u11 pl11.;,1omèt1e qui vo k
l'f\ltbllrt '* ,,.-..nh!rt m:11rrmtt" fUS/ll'à tl0$ .ÏOU~. Et toid ct!lal parce qui•, ii J'ongim•. méntt, lt
prirrt.iftt ,Je l' Êt11l ihJd ~bt.lnlonné au principe rit! tn1u.scr!11.tnr1n• religicust.• 11 •

L.l fitna, c'est la grande dispute de l'islam, sa grande fracture : elle est triple : un
islam radical et violent, les q11rm; un islam historique et légitimiste, celui d'Ali; un
islam politique et aristocratique, cdui de Mucrwiya2 .
l'isl.mt qui agit politiquement par lui-même, en dehors des États, c'est l'islamisme,
l'e! ide.il politique \'isant à dépasser les divisions étatiques du monde musulman et à
instaurer un califat étendant progressivement son empire sur le monde. Cet islam-là
refuse les frontières et les pouvoirs en place. li peut aller jusqu'à pratiquer le terrorisme
et les méthodes les plus sanguinaires, croyant agir au nom de Dieu - quant il n'est pas
tout simplement identifiable à la crapulerie régnant par la terreur et l'impôt islamique,
c'est~-dire le racket - ; cette légitinùté divine auto-proclamée justifie à ses yeux 11'5
pires méthodes.
Les islamologues 3• parfois emportés par l'enthousiasme du sujet lui accordent les
àrronstanœs atténuantes de la misère économique et sociale sur laquelle il recrute. Et
pourtant quelles circonstances atténuantes faudrait-il accorder à ceux pour lesquels la
vie d'un enfant ou d'une femme ne mérite que la lame du couteau?
Carte 73 . Les grandes lignes de partage du monde musulman : sunnites, chiites,
kharidjiœs

7.2.L De la secte des Assassins à l'islamisme


le phénomène historique des Assassins, cette secte fanatique qui terrorisa le
Moyen-Âge musulman en assassinant califes et sultans, a passionné l'Occident et 11'5

1 H.. DJAfT. La G,...,. Disc:orrle (Rd1gion et politiqw dtuu l'l!rlam clt!s or11;m~:r;), Pans. Oallîmani, 1989. coll. ~rr.
~dcsH-".p. 409 .

? "*-.p. -'10 H. D:Pb- 9jOlllC o:ne ~uc de Hegel qui dtsan q~ SI la form.auon de l'islo.m Clalt la "Rvohmon Je rOnai&,
Ma la F - fid unc lftoM:Nm dans la ri'volLll.lon ...
3 Powfn11Ç01S8wpa. - F BIJRGAT. L'i:llamismrenfuct!. P;ms. La Dêcot.a'-'cnc. 199.5, "Le FIS malgrè toul"", m Rrla11C1U
~ t.r ~. l.R..l.S .. Hiver 1994. n°J6, p 88-95. la pousser 1s lamish! m.:imfC'!lltc bien autn: chose que cc •miM"
• ..... ; Bmpt at fmaa-Kepd. puisque Gilles Kcpcl - O . K..EPEL, Y RICHARD. lnrellectu('/.., t:t mrlitunt:i J~ l"ul-.
~· P.n.. Le Sem]. 1990 - otime au conlr.liTe que l'islarmsmc ~t l'impasse dans laquelle son1 venues se foun°O)U la
riail:ms * la madcm..tslban. -o.m les J'9)'S musulmans. du bu.sin médî1erninCen et de ses environs, lrs mouvcmcnu dr
............... ~ ia SUÎllC ~des groupes rnarxi..'llCS dans la con1csta11on des vulcun. fondotnccs de l'ordre S«ul".
mG. l.EPELl.A~ ,;l,DW.. duTtU!1U.JUif;r et musulman.• ti lu reconqut.•te du m11nd1..•, Pons, Le Scut), 1991 , p. 27 - suries
~ DmUllc:I dam le manœ nauulman. un lira, M . RODINSON, A-lurxL'imt· el munde m1urtlmun, Paris, Le Seuil, 197?.

hu' ()ij\-m Cani. la dynamiqw ~ ri:Ulamisauon n'est pas réduc11blc à !'ôa façad.: "ré4Clionna1n:"; elle n'cs1 Jonc JmS
~ iXp1r.1c - O. CARRE. RuJi,a/Umr..t 1$/amiquc.J. Pmrn. L'Hannan.an. l lJJ<5 François Burgat a le ménte de fanT i.onn
ril&mmlopc cb ophca1îom rnoaÏl1cs de 1ypc soc1o-écunom1quc cl qui con.!liislcnr à .-édturc J'i!'llomi•moi:: P un pht!nonM:ne produit pu
a ~ ICICiak a éœoo~ La gtopohuquc ne peut K contcnlC't" de cc typoi:: U'cxphcu11on monocausnlc. Pour Butpt, b
. . . _ mn le rnorwk muaalman est d"csscncc oc:i.::idcnLale. tout comme ln laîc11é . "chcv3J de Troie" de J'1mph1.1liunt
~ . L..a madcrmalloa 1:ea11 en fnni;.ai• ou en angl:u., bien rlu:s qu' en an11bc St.:olunsut1on maslCivc obliy;c. tl ,.,. y .ii,œ

...., .. Mqlnb. YIDgf Ml aprD les indêpmJanccs, dix rois plu• de rroncuphoncs pénéirl!s tlc f'.lhllu!4oph1c occ1Jcnlilk 4UC 1.kl
..... ck la coloailluoG.. JI y aun SO\J6 Nuacr plY:t de hvrcs r.nuJuiL'I d 'une des lo.ny:ucs oci.::1dcnLDlcs ~u'au cours de tOUIC' 1:1 pmlldt
~ • • 1n F. BURGAT. L'islamumt!enfuce, Paris. Lil ~ouverte , l~9S, p . 74 ~ Burgo1 ajoute que les 1nllépcm.lonccs 1wll ptw
~ rasliun~ ne r. blC t. coloni&&Lion . EnC&n, Burpl nie '(UC l'islumiamc sml un dTon de 11or1ic <le Ill moJcmiti, l.Jt..
p. 229. La 1bQa de B4M"pl lrpPDJ1.Cnl de vênlabln critiques 1ur les am1lyse1 dass1qucs cl "méJ111.tiqucs" pan.ont sur l'1slam1fmC' ; n
mtmt ..... cl.la nb.tMmt le ~raur <W:;• ~~ hier che:z ceux t1Ui •nal)'!:J~rcnt le communisme : une fiulinn dons ~ lhl!u1'
idtdJc et..- cataQI mu. d'une téaliti cnmineUe . C&T partout oU 1'1slami11mc t~gnc , Io. terreur ciu üc mi1c et les progrb SOfll ~
p1r Y riolmœ: c'Cll Ui ~ r6alilt • t.quelh: •UC\JlllC analyse lhtorrque ne: n!a1a1c .
Olapltre 3. La religion

orientalistesl. Des récits croisés qui témoignent de l'effroyable fanatisme suicidaire des
Assassins2, jusqu'aux écrits de Maurice Barrkl retraçant l'histoire du Vieux de la
Montagne et de la forteresse d'Alamut, l'Europe considère le phénomène des Assa5sins
à la fois comme partie intégrante du mystère de l'Orient et comme emblématique du
fossé qui sépare de manière irréductible l'Orient de l'Occident.
Les Assassins sont issus de la secte des ismaéliens laquelle trouve son origine dans
le califat chiite fatimide du Caire en lutte contre les Abbassides. Ils mènent une guerre
terroriste contre le calife de Bagdad. Leur chef Hassan al-Sabbah s'installe en 1090 dans
la forteresse d'Alarnut perchée au plus haut des montagnes de Perse. Michelet
soupçonne sous le masque du fatémisme, un secret objectif d'arriver à la ruine de toute
religion4 • L'assassinat est l'activité principale de la secte : s'y exerçant de manière
rituelle, elle parvient à entretenir un climat d'instabilité permanente visant à briser
toute puissance temporelle en terre d'islams.
En 1332, un moine germanique nommé Brocardus, adresse une lettre au roi de
France, Philippe VI, qui se prépare à lancer sa croisade. II entend avertir le monarque
du danger que fait courir sur les Croisés la secte fanatique : "Panni ces dangers, je cite
les Haschischins, que chacun doit maudire et éviter. Ce sont des vendus, des assoüUs
de sang humain qui se font payer pour tuer des innocents ... •6

1 ..De rous les groupes terroristes. le plus cél~brc éta11 une s.a;:tr cf~ duites. pdlk mais u:npanmnc. dom la die& de
file éta1mt basés en Iran et qui avait une branche en Sync dtpws le XJIC sià:Jc•. in B . LEWIS. L.ïdcmm! du:ilc"'. ia W- a
politiqll~ au Proche-Orient uu1ourdhu1, Gallimard. Le Débat.. p . 62 Banard l..zwis 50Uticor. que cc praaiu puapc œrrm:im
cootribuza • forger en Occident une rcp~ntauon de l'LSlam cmpn:iou:: ck r-nsmc ~ L: ~est~ tes cromës flln::nl pm vlléJ
par des Assusins donl le bue p~icr C1a1t de dCm.iin: l'Ëur sunn11c
2 Le comle de Tripoli. Rnymond de Sam1-GîJles est assassiné par l'un dom..
3 ·u Vieux de le montagne, Le voyage aux chàlcaux des Assassins• in M.. BARRÊS. f.JM ~~ aia pays dM llvmd, ,_..
Pion. 1923. p . 172-288 .
4 '"Les fetemilcs rondèrcnt au Caire la loge ou maison de la sagesse ~ immense et u:n&rcm. .adia' de fmaisme Cl de s::icnac.
de n:ligion cr d'o.th~ismc . La seule doctrine cenaine de ces protecs de rts~ c'dm:c rohéissaaoe pure. n n'y avail qa'â a . _ .
~ ; ils vous mcrunent par neuf degrés de la rclig100 au mystu:u:me. du mystJclSmC • .. pbilœoptnc. m doaœ. i r.t.alae
lDdifTtn::ncc. Leurs rrus.s1onnaircs pcnëtr.:m:nt dans roule l'Asi~ et Jusqt.E' dans ~ ~ de Bagdmd. iDaadml ~ c:aWia m
Abbas.sidcs de ce dissoh·an1 destructif A vanl Kannath. a'"·ant Moihomet. sous tes dcnûcrs ~des seitUires a...-ucat sftdlt: a
communauté des biens Cl des femmes , Cl l"mdiffên:ncc du juste Cl de rmjmac. ( . . } Ccm: documc DC parU1 10U1 51:111. fnU:I qur: ~
elle fut rcplactt d4ns les montngnc=-s de la vieille Perse, vcn Casb1n. [ .. . ] Cr ~tismr ~ pmœ m m:ilim. ck ce
populations intrépides. s'y associa. av« le gbl1e de la ri:sisumce naoonaJe et leur mscigna un c:u!:cnblc hërvtmE cr.s.-. Ce fat
d'abord un certain Hassan-bcn-S11beh-Homa:in , n:je1ë des Abba.s.sidcs et des Fak'mltc:s.. qui s'empu-. a1 1090 dr la ~
4Alamut - c'est-à-dire le repaire des Vautours - ~ 11 )'appela. dans son audat1:. la Do:m:wc de • Formac. U y -... mir
1.UOC1atioa doot le fal~mismc êtait le masque. mals doot La sccrëte pcnsCc semble avoir Clë la rwDC dit touat Jdip:m. Ccœ
corporauon avait, comme la loge du Caire. ses sn'l.·ants. ~ ml.SS~ Alamul et.ït plan di: ~ C't d'imlrummt:J
mathématiques. Les arts y êta.1cnt cuhivés ; les sccto11'C'i pënCtn.icn1 panoul sous mille dquiscmmls ... •. 111 J. MJCHELET. Hi.salft
tk France, Lausanne. Editions Rcnconrn:. 1. 1 : Le Moyen-Âge• ..&86 p
5 "L'ut qu'ils exerçaient le plus, c'é1ail l'a.s.sa.s.s1nat. Ces hommes 1erribks se priscnwcnt un .i un pour poigmrnkr un sull:m. Ull
caltfc, et se succedaicm sans f"CUT, san s dêco urngcn'!nll. à ll"lr'Suœ qu'on les t:1ilbut en p1Ccrs. On assmc que. pour ÎDSplft:r t t c;::our.gr
furi~. le chef les foscina11 psr d1.."'!' bn:uvag1..-,; cnivrant~. les ronaü endormis dans des l i N.~ de dC:I~ c.: lrœ' ~ cmuilr
qu'ils avaient goQté IC3 prémkcs du p.:iraJ1s promis aux hommes Mvouk. Sans douJ.c 3 1..-,: rn;,mcn1 SC' J0i~1 le '1.'ieÎI bCroi5me
moruagnanl qui a fait de- celle conutt le tk.-.i:cau d~ v1ctL' libief"atnan. de la Perse. et œlui del modaMs W&bbabita. Co.- Il
Spar1c, le<s mères se vantaient de: leurs fils num~. et ne rlcun1rn1 que les ,·ivanu.. Le i:hcf Jcs ~ pn::nail pour otft celui m:
schc1ck de la montagne • c 'était Je m~me cl!'lul ~~ c:hel~ 1nJ1gièncs qui avaient leur.. forts sw l' a~ \.~ lk La~ cbaiac. Cet
HUS&Jn qui pc::ndAot 35 ans nc !'\1"11 po...,; une fois. J'Alamut na Jcw. fois IJe sa dumtbR". n'en .:CC'Ddit pas moins sa~ sur ta
plupan des. ctu1tcau11: et lieux fons des m<'lnU1gn~~ cmn: la Ca..spicnnc et l.:1 MCdncrT1lntt ; §CS Assu.si.n.s tnSpirw.CDI UD i~
effroi. Le' rnni:cs ~ummés Je h vn:r leu~ fort.:-n=s.-.es n'u."i.llirnl m h:s 1..--.."Jcr ni l<""S ganler: lb les ~~l Il n'y •'tUt plm. dr
sùrcte pour les ro1!i Chucun pouvait ,·oir ù i:huquc mstnnt du mitin1 dc s.cs rlu..."( fidèlC'S SC"tViltun s'daaaT \Dl tneUrtncr Un su.lia
qu1 pcnkuta.11 les Asu.s.<1in.._ vuil Ir molm, li son Nvcil. un poignard rl;sntê 1.-n IUTC, • detu. doi&G de sa lêtc il k'lll s-ya ll'ibul. et
les ncmpt.a de 1out 1mpôt, de 1ou1 pêogc.". h/1~nr .

6 A OOUST ANY, Hu1olrt! dt·.~ / >t.1rtN/i., tU'lfJkkb. llrogw.t "-.· pati.t:: <I drogwa • ~~ Pvia.. Hacbcat Pbaicl,. 1993.
p. IOt.
PHrlrr .1. l'erm11111·11cc dt!t i""11lrti1

Certt.'5 les As..i;.as.sins 5ont des lsn1aéh~ns, c'cst-~-dirc une catégorie du chiisme. on
l\l" saurait "ionc IC"s confondre .1vt."C les islarnistcs actuels <-1ui appartiennent au.-
œnda1l<.-e,; rad1cal<'S du sumusme, tels les Frères musulnrnns . Toutefois les AsMas.in•
incam~nt une tt.'ndtlllCC' rrofonde de l'islntn selon laquelle aucun pouvoir tcmporl:'I n'a
de ll'gitinnt(•, car St.'UI Dieu confl>re légitimité; contrairement au christianisme qui a
~pa~ Dieu et C~'s.u, et donc rendu possible la légitimité temporelle et politique,
l'islam ne ~pare pas le politique du religieux ; la question de la légitimité du politique
<'SI alors s..1ns ,·esse posée. et des voix peuvent toujours s'élever, se réclamant de Dieu,
pour contester un pouvoir temporel en place; les Assassins frappant les puissants
symbolisent de manière extrême la tentation permanente de l'islam de nier la légitimité
du pouvoir h!mporel. On retrouve chez les islamistes d'aujourd'hui le même mépris
des pou\•oirs en plaœ et le même goût pour le terrorisme .
Un dt!l:>at existe sur l'origine du mot Assassin' ; une des explications serait qu'il
provient du mot Haschisch car les hommes de Hassan al Sabbah agissaient sans doute
sous l'effet de la drogue. Ceci nous rappelle la pern1anence séculaire de la drogue dans
les conflits moyen-orientaux et plus largement orientaux2. Nous reviendrons, dans le
chapitre cons.1cré au crime international, sur ce phénomène.

7 . 2.2 . Les héritiers des Assassins


L'association des Frères musulmans est constituée en 1928, en Égypte, par Hasan Al
Bannal. Les Frères Musulmans s'implantent ensuite en Syrie, en Jordanie, au Liban, en
Irak, ainsi qu'au Soudan, et entrent rapidement en conflit avec le nationalisme arabe
lequel inspire les régimes de Nasser en Égypte, Hafez-el-Assad en Syrie, Saddam
Hussein en Irak. L..?ur doctrine est traditionaliste : "L'islam est dogme et culte, patrie et
nationalité, religion et État, spiritualité et action, Coran et sabre" . Leur volonté est de
créer un califat sunnite traditionaliste.
L'islamisme peut être considéré comme l'extension, à l'ensemble du monde
musulman. du mouvement des Frères musulmans qui est né au Proche-Orient. Il milite
souvent violemment pour l'application stricte de la clinriat, et pour la guerre sainte
menée contre des gouvernants occidentalisés qu'il juge corrompus par les valeurs
séculières répandues dans le monde musulman. II défend la création d'un
gouvernement composé d'hommes de religion et de juristes.
Ses principaux ennemis sont les pays se réclamant du nationalisme arabe, et de
manière spécifique, les pays européens qui peuvent les soutenir. Plusieurs pays arabes
tels l'Algérie sont menacés par de fortes tendances islamistes - Front islamique du
Salut qui semblerait cependant se rapprocher du pouvoir algérien, Groupe islamique
armê - , le Yémen - 1'/s/n/J - , le futur État palestinien - le Hnmns cherche ;i
supplanter )'Organisation de libération de la Palestine.
L'Arabie Saoudite fait partie des pays qui défendent une ligne dure de l'islam. Elle
se montre même plus intransigeante que les Frère s Musulmans qui acceptent
notamment de regarder le chiisme comme une cinquième école juridique de l'islam, et
non comme une hérésie mortelle - fntwas de 1927 et 1992 des dignitaires religieux
saoudiens contre le chiisme.
L'islamisme dispose d'un fort réseau institutionne l qui se ramifie jusque dans dos
organisations telles la Ligue islamique mondiale, le Conseil suprême international do>s

1 Volfa« propo>. U. Ll:W fS, û,•.t Arr1be.1 chmf l'/fim11rc·. Aubi e r. Pu ns . l 1J 11J . 1niJ. fru1u,:a1 s ..: 1q•J)
l A. ooL:STANY_ HU1mrr d~.f parUL/u urli{inc•lf . /JTl lJ:llC'.f ,,, . / UI U ,., .Jrt1J,:tll..'.\ "" ,l!llt.• , .,.. .. run.;, 11111.:hcue rlund. I~ '
A.nlOUX Oo\ut.ar1y imct ù.- prnJanl de ~riC"USC""S lnlCrTOHallOH !<t ..li ... l'u!<.:1gc lie 1.1 drnHlh! Jli!r cette- SCCI"" cl sç d C1111n"qUC' Ju lhtt Jn
"'cn-c1llrl muaru d'Alamou1 cl qui c•pllquc le fanatn•rnc: pa i-111 conso111111u11011 d e l'opnun .
.) C RJZK.. Entr~ J'ulam ~1 f'urol1i.1mL·. l.t•.s Aruht!.~ JUHfll 'L•'1 /94.f . f';in s , l\lh1n M1d1cl, l 9H .' . p . :?lo<~ · :?•l:?
Chapll"' 3. La r~flglon

mosquées, ou encore la Banque islamique de développement ou même dans la


n~buleuse des organisations non gouvernementales comme l'!ntemational ~lamie Relief
Orga11iz11tion . On connait par ailleurs l'implication de l'ancien homme d'affaires
saoudien Osman Ben Laden dans la mise en place des réseaux afghans. L'islamisme
trouve sa main-d'œuvre essentiellement en Égypte, en Jordanie, au Liban, au Kowen et
au Pakistan.
Parfois orienté par la C.I.A. contre les Soviétiques ou contre le radicalisme iranien
durant la Guerre froide, l'islamisme est plus que jamais devenu incontrôlable. Après
l'attentat du World Trade Center en 1995, les sanglants attentats de 1998 contre les
ambassades américaines des États-Unis en Tanzanie et au Kenya et surtout les attentats
du 11 septembre 2001 contre le peuple américain, montrent que l'islamisme est une
arme d'apprenti sorcier.

7 .2.3. L ·islamisme nouvelle idéologie tiers-mondiste anti-


occidentale
Le monde musulman doit être considéré dans sa grande diversité. L'islam a
d'abord été le drapeau de l'affirmation arabe, puis il s'est étendu à de nombreux
peuples (Turcs, Perses, Javanais, Malais, ethnies des Indes ou d ' Afrique noire . .. ) dont
les cultures et les langues étaient différenciées depuis longtemps, lorsqu'au début du
VU• siècle, Mahomet fit sa prédicatioJL Certes, durant des siècles, de nombreux
peuples musulmans cherchèrent à réunifier l'islam, dans des califats sur lesquels ils
s'efforcèrent de conserver la prééminence (empires omeyyade, abbasside, seldjoukide,
fatimide, ottoman ..); mais il n'y parvinrent jamais; et l'islam ne fut réellement uni que
sous les quatre premiers califes. Le monde musulman contemporain, loin d'être un
pouvoir politique réunifié, est donc un ensemble complexe d'acteurs, États,
mouvements rebelles au sein des États, réseaux transnationaux qui interagissent avec
le reste du monde, plus souvent suivant des critères d'intérêt que de religion. L'Iran
par exemple, bien que sous l'empire d'une république islamique chüte, s'entend mieux
avec 1' Arménie chrétienne et la Russie qu'avec lAzerbaïdjan chüte. Le Maroc a de
meilleures relations avec la France, ex-puissance de tutelle appartenant au monde
chrétien, qu'avec son voisin algérien pourtant musulman. D'une manière générale, les
relations entre États musulmans sont davantage caractérisées par l'affrontement
multiséculaire entre des peuples de culture et d'intérêts stratégiques et économiques
différents que par la solidarité islamique.
L'islam un ma11dr plw·irl

À la fracturation politique du monde musulman, s'ajoute une fracturation


théologique : chiites contre sunnites, et à l'intérieur du monde sunnite plusieurs écoles
juridiques déterminent des pratiques de l'islam variées d'une aire géographique à une
autre, de telle sorte d ' ailleurs que de la nature du terreau islamique dépend la nature
des idéologies politiques qui y prennent pied. On n'imagine pas l'idéologie nationaliste
arabe, à tendance laïcisante, prendre souche sur un terrain wahhabite rigoriste. Il y a
donc une géographie politique et culturelle de l'islam qui va à l'encontre. à bien des
égards, du lieu commun d'un hklC musulman opposé à d'autres blocs de ci\-ilisation.
Pourtant, qui pourrait nier que l'idée unitaire est en train Je gagner du terrain dans
le monde musulman? L'islamisme, cette idéologie politique fondée précisément sur le
rêve d'unification, avance à grand pas. Les islamistes refusent à l'islam son histoire,
c'est-il-dire le fait qu'il se soit fracturé politiquement et théologiquement à mesure que
l" temps passait. Ce qu ' ils veulent, c'est transporter lïslam en arrière, à son "âge d'or",
celui du premier siècle où il était "pur et uni" avant que les peuples, leurs traditions
456

(comme les ~-onfréries ou Afrique ou dans le Caucase par exemple), leurs intérêt•, leuu
frontières nnœstrales n'adaptent le message un iversel de l'islam à la mod" locale.
1. 'iN.tnu.vfM" nfJNrrlltt i'~ir m1ilf1Î" f't ""Nl·mnn1li~r ..

Ainsi donc, à mesure que l'islamisme gagtw dans l'islam, la carte <le la géographrc
musulmane et de ses points de contact avec les autres civilisations s'embrase. Afrique,
Caucase, Asie centrale, Maghreb, Moyen-Orient, s ous -continent ind ien, Asie du Sud-
Est, jusqu'aux sols américain et europ<'.!en . .. rares s ont le s te rritoires qui échappent à
l'affirmation de œ qu'il faut bien appeler la nouvelle idéologie anti-occidentale et tiers-
mondiste. Souvenons-nous de la Guerre froide et de l'Empire soviétique. À l'époque,
c'est-à-dire avant 1990, le communisme était le ciment transnational de tous les
mouvements identitaires qui s'opposaie nt à l' Occident. Puis l'U .R.5.5 . envahit
l'Afghanistan . Agres~ par le communisme, l'is lam sunnite s'alliait à I' Aml'.?rique pour
résister Au méme moment, l'islam chiite iranien venait attester qu'une voie
révolutionnaire anti-occidentale était possible en dehors du socialisme . Puis le
communisme s'effondra au début des années 1990. Deux ans plu s tard seulement,
l'islamisme sunnite se retournait contre les États -Unis. Nous sommes, depuis, entrés
dans l'ère d' un l'islamisme sunnite aussi mondial que radical. . . L'ère d ' une nouvelle
idéologie de contestation de l'impérialisme "croisé et juif" américain et israélien (au
Moyen-Orient) ou Russe (en Asie centrale et dans le Caucase). Dès lors, il se passe dans
le monde musulman ce qui se passait durant la Guerre froide dans l'ensemble des pays
du Tiers-monde. Une logique globale s implificatrice récupère et instrumentalise tous
les abcès locaux. Du moment qu ' ils sont musulmans, séparatistes (en Tchétchénie, au
Kosovo ou aux Philippines) et nationalistes (Palestine), intègrent la "cause supérieure'
de la révolution islamique mondiale. La complémentarité entre local et global est de
mise. Qui, en effet, peut apporter à ces réseaux islamistes internationaux grouillant de
militants déracinés et apatrides issus d ' une immigration ratée, un meilleur appui de
terrain qu' une guérilla locale? Inversement, alors que, faute de parrainage soviétique,
la plupart des mouvements de libération nationale sont en perte de vitesse depuis la
fin de la Guerre froide, qui mieux que l'i s lamisme global peut donner à ceux-ci un
second souffle, à la fois révolutionnaire et financier?
À côté d'un alter-mondialisme stérile, car privé de moteur de puissance pour le
soutenir, l'islamisme apparait bel et bien comme le seul véritable internationalisme
révolutionnaire capable de porter des coups à "l'ennemi israélo-américain". Or cette
nouvelle forme de bipolarité entre un nouveau "monde libre", celui de la démocratie à
l'occidentale, et un nouvel "Empire du Mal", le "te rrorisme international et l'Axe du
Mal " qui le soutiendrait, pour reprendre la phraséologie américaine, est d'autant plus
explosive qu'elle n'est pas seulement une c onstru c tion idéologique. Elle es! la
traduction contemporaine d'une constante de l'histoire: le choc des civilisations
chrétienne et islamique.

Car même si le jeu des nations interdit de résumer l'histoire mondiale au choc des
civilisations, qui peut nier que, de façon constante, durant des siècles, un bloc chrétien
a affronté un bloc islamique, chacun de ces deux blocs ne représentant d'ailleurs à
chaque fois qu' une partie seulement de l'Occide nt chré tien et de l'Orie nt mu sulman?
Qui peut contester que des deux côtés, chrétien et musulman, il y eut une volonll!
constante de s'emparer de l'Empire du monde au nom de la Vérité unique? Bien sûr,
chrétienté et islam ont toujours été des idl'.?es forces, des instruments de mobilisation
avec lesquels les États ont pu jouer pour former des coalitions et d<'.?fcndre leurs
intérêts. Mais, au-delà de la compétition des États et de !'ins trumentalisation du
religieux par ceux-ci, la continuité du choc des civilisations ne fait aucun doute. Nou~
Chapll"' 3. La religion

avons grandi dans l'écho sourd de chocs titanesques, de Poitiers à Navarin, en paYant
par les Croisades, Lépante et la chute de Constantinople. Une telle profondeur
historique ne peut être évacuée par la négation des faits, sur le prétexte de l'intégration
en Europe des immigrés musulmans ou de la Turquie .. .
L'islamisme qui ronge l'islam, la nouvelle idéologie révolutionnaire anti-
occidentale, le retour dans les tétes du choc des civilisations .. . Tels semblent être les
chemins qu'emprunte l'histoire. Il nous faut maintenant en connail:Te les raisons.
La première erreur, celle commise par beaucoup d' enl:Te nous, consiste à penser que
tous ces drames viennent exclusivement de nos "propres fautes", c'est-à-dire de nos
actions en matière de politique extérieure. L'islamisme serait alors le résultat de ru>s
péchés d'lsrai!I. Cette attitude, déviation de la notion centrale de culpabilité dans le
christianisme, amène certains à l'inversion des rôles entre la victime et le bourreau;
Nous observons souvent ce phénomène dans les médias français, autant en matière de
d~linquance immigrée qu'à la suite des attentats du 11 septembre 2001 sur le sol
américain ou du massacre en 2004 des enfants de Beslan, en Ossétie russe. Or cette
posture culpabilisatrice n'est pas seulement dangereuse pour le monde occidental, elle
est contraire à la vérité. Car la maladie que traverse l'islam est génétique. Elle est, en
effet, potentiellement contenue dans sa propre docbine religieuse.
L'Ulnmismf!, produir rlr. l'isl111n
Dans la Tradition islamique indiscutée, deux aires géographlques sont à
considérer : la Maison de l'islam et le monde des Infidèles. Soit encore, la géographie
de la Vérité et la géographie des erreurs. Tant que la "Vérité" n'aura pas triomphé des
erreurs, les deux mondes seront en guerre. C'est la raison pour laquelle la tradition
islamique nomme le monde des Infidèles, la Maison de la Guerre. L'objectif de la
Tradition islamique est alors double: consolider la géographie sounùse (islam signifie
soumission) et élargir au reste de la Terre la soumission. Le Coran contient un certain
nombre de références et d'occurrences portant sur la nécessité de mener un combat
chez les Infidèles d'une part, à l'intérieur de Soi d'autre part. La guerre sainte ou
guerre légale est bien une obligation pour lensemble de la communauté musulmane
au moins jusqu'au moment où, à défaut d'être convertis, les Infidèles paieront un
impôt spécifique faisant d'eux des tributaires. Un bon musulman se conforme donc à
l'obligation de guerre sainte, aussi bien à l'intérieur de lui-même, qu'à l'extérieur, en
portant le glaive contre les Infidèles. Un bon gouvernement est celui qui, d'une part
aide le musulman à être musulman (dans la Maison de l'Islam), d 'autre part contribue
à reculer les limites de la Maison de l'Islam.
La doctrine classique de l'Islam affirme donc très clairement que l'action armée
visant au triomphe de la Vérité, même temperée, n'en est pas moins obligatoire. Avec
les États non musulmans, seules des trêves temporaires sont possibles ; en aucun cas
des traités de paix définitifs. Le droit international classique com,"U par les nations
chrétiennes et repris par la civilis ation occidentale moderne est donc illégitime au
regard de la Tradition islamique conu11c le sont les gouvernements musulmans impies
qui s'y conforment en ayant ,ll'•andCltu'<' tout effort d'expansion d<' l'Islam. Autrement
dit, la doctrine classique de l'islam Cllntient potentiellement la gut'rre avec nous. Si les
islamistes sont forts, c'est d".ll•ord p.ltcc que pt•rsonne n'est en mesure d'établir
clairement que ce qu'ils discnt d font est contrairt• .'I l'islam. Preuve en est qu'aucune
autorité islan1ique, au-delt\ de 1<1 \'.'ondanlnation, n~ l('"s a jc.1n'1c1is exclus fortneUen1ent de
l'Oumn1a, de la con1n1un<1utë dl.•s "-"fll,Yilnts.
Deuxièmement, k•s islamistes sont cL1ut ,1nt plus forts que ceux qui tiennent
(~gaiement le pouvoir tcmp<lJ't'I sont foiblement lt'gitin1cs. En terre islamique, où
presque rien n'a été rendu à Cés ar, sans . .:t.•ssl' n.·111•~ en caus~. le puuvoir temporel doit
prouver qu'il agit conformcnwnt ,; (,1 Tr,1dition. S' il ne le fait p.1s, les hadiths (les dits
du Prophète Mohomet) et les vC!rsets du Cornn sont là, très nombreux, qui autori'i<'ront
111 l'fvolte contre le souvC!rain et son assassinat. L'insurgé, le juste devient l'ombre de
Dieu sur Terre. 11utorisé à éliminer le Prince impie. Car Mahomet est mort sam laiss.,r
de Fils. Or, à la différence de Jésus-Christ, il était un chef à la fois religieux cl politique
li a donc donné à l'Orient une légitimité religieuse, mnis il n'a pas légué de légitimité
politique.
Dans un monde où Io légitimité politique est déjà structurdlement faible, si les
dingeants sont en plus incapables de développer économiquement leur pays, de se
débarrasser de la corruption ou s'ils appar.üssent comme des jouets de l'Occ1d.,n1,
alors l'islomisme apparait nu peuple comme une porte de snlut. Or Nasser ou Saddarn
Hussein qui soutenaient autoritairement le repli de l'autorité religieuse derrière
l'autorité politique et l'occidentalisation du statut de la femme, ont été brisés par
Woshington parce que leur projet géopolitique de nation arabe était incompatible avec
le développement territorial d'lsra~I, donc sa sécurité. Le double échec
(développement et geopolitique) des modernistes du monde arabe a alors logiquement
cédé la place à un nouvel outil révolutionnaire, l'islam politique.
Le développement de l'islamisme est aussi le résultat de !'instrumentalisation qui
en a été faite par de nombreux États musulmans durant la Guerre froide et après. Pour
se débarrasser des islamistes les plus radicaux chez eux, ou pour déstabiliser leurs
voisins, ces États n'ont pas hésité à financer, former et armer des combattants du
djihad qu'ils ont envoyés se battre sur tous les fronts islamiques ou commettre des
attentats dans des capitales voisines. L'Arabie Saoudite et le Pakistan, forts du souhtm
américain à l'époque de la menace soviétique, portent une lourde responsabilité dans
le développement de mouvements islamistes radicaux partout dans le monde. L'Iran
de la Révolution islamique chiite a contribué, pour asseoir sa propre influence, à la
radicalisation des communautés chiites libanaise et irakienne. Le Soudan ou la Lib}'e
n'ont pas h~ité à soutenir des mouvements islamistes en Afrique subsaharienne
Méme des régimes nationalistes arabes, à tendance laïcisante à l'intérieur, comme la
Syrie et l'Irak baathistes, ont manipulé l'islamisme contre leurs adversaires, en même
temps qu'ils réprimaient cette mouvance chez eux. L ' Indonésie, nationalisme
musulman modéré et démocratie, n'a pas hésité à utiliser les islamistes les plus
radicaux pour réprimer dans le sang les tendances séparatistes des Chrétiens du
Timor, des Moluques ou des Célèbes.
Les États du monde musulman portent donc, collectivement, une part de
responsabilité dans l'essor de l'islam.isme car ils ont essayé de détourner l'énergie
radicale de l'islam de la critique de leurs propres fautes, vers leurs adversaires
musulmans ou occidentaux. De cette "realpolitik" de courte vue, l'islamisme a retiré de
l'argent, un savoir-faire, des réseaux, des armes et l<1 conviction renforcée de la
décadence des États musulmans.
Le grand malheur de l'islam, c'est aussi que les versions les plus rigoristes el
djihadiques de l'islam sunnite se trouvent dans le cœur pétrolier du monde. Nous
l'avons souligné, l'islam est divers et varié. Mais l'une des formes les plus extrémistes
de l'islam, le wahhabisme (sorte de protestantisme de l'islam issu d'une réforme du
sunnisme) est aussi l'une des plus riches grâce au pétrole de l'Arabie Saoudite <'l ,\Io
gestion des Lieux saints (La Mecque et Médine) .
En d'autres termes, en islam, l'intégriste est riche, ce qui n'est pas le c.1s Jan~ I""
autres civilisations.
On le voit, l'islamisme est donc d'abord un produit de l'i~lam, de son contenu, d<
ses échecs, de son lien avec l'économie rentière du pétrole . Il découle de cd.1
qu'angélisme et repentance occidentales (surtout européenne d ' ailleurs) ne pcu\'col
qu'être mortifères.
Ch.op11re 3. La religion

Cependant, si l'islamisme pousse si vite depuis la fin de la Guerre froide, il est


pcnnis de se demander si l'unique raison tient dans le fait qu'il est un enfant de 1'151.am..
1. ·1.Janu'.1mt', rlponH d l"Of'ridl"nl

L'islamisme est aussi Je produit de ce que les puissances occidentales ont fait à
l'intérieur du monde musulman, et en particulier du monde arabe. Ces puissanœ5 ont
créé Jsral!I, traumatisme majeur qui reste le cœur nucléaire du ressentiment islamique
contre l'Occident. Et surtout, en plus de cinquante-cinq ans, elles n'ont jamais su (ou
pu) trouver de solution au problème palestinien, c'est-à-dire un véritable État, autre
chose qu'un morceau tacheté d'enclaves. Le lien inconditionnel. à la fois stratégique et
idéologique (peul-être même religieux) entre les États-Unis et lsral!I en est la cause
première, bien au-delà des divisions arabes et des incohérences palestiniennes. Durant
toute le Guerre froide, en même temps qu'ils faisaient échec aux nationalismes arabe et
palestinien, les États-Unis d'Amérique soutenaient les mouvements islamise pour
faire obstacle à J'influence soviétique. En plein processus d'Oslo, au début des années
1990, l'État d'lsral!I favorisait l'implantation du Hamas en Cisjordanie pour faire
contrepoids à l'OLP de Yasser Arafat 1 . Autrement dit, pendant que l'on discutait avec
ceux qui étaient prêts à renoncer à la reconquête de la Palestine entière et â accepter un
petit État (Cisjordanie et Gaza), on faisait le jeu de ceux qui, non seulement restaient
fidèles à la ligne originelle de la résistance palestinienne, mais, plus grave encore,
intégraient celle-ci dans la cause mondiale de l'islam. Le coup de grâce donné à l'État
irakien baathiste en 2003, après une première guerre en 1991 puis dix années
d'embargo, est l'aboutissement de cinquante années de politique israélo-américaine au
Moyen-Orient qui auront mené à la destruction du projet d ' unité arabe et au
renforcement du sentiment d'unité islamique. Il suffit d'entendre ce que dit la rue
musulmane : nous avons le choix entre ceux pour lesquels l'islamisme est le produit
instrumentalisé des politiques israélienne et américaine, et ceux qui soutiennent que
l'islamisme est la réaction à ces deux "impérialismes". Et si les deux avaient
simultanément raison? Cet ennemi islamiste que l'armée américaine traque partout
dans le monde n'est-il pas en même temps un puissant allié objectif sur le plan
géopolitique? Après tout, depuis le 11 septembre 2001, les Américains n'ont-ils pas
tout à la fois, unilatéralement déchiré le traité ABM interdisant le déploiement de
défenses anti-missiles puis envahi l'Irak, pris pied en Asie centrale aux portes de la
Russie et de la Chine et renforcé l'atlantisme de l'Europe par l'élargissement 7 Que
pèsent alors les quelques milliers de destin personnels anéantis par le terrorisme,
quand, dans le même tenlps, vous augmentez votre sécurité énergétique ; vous ruinez
le projet d'Europe-puissance indépendante ; vous projetez les frontières de l'O.T A.N.
jusqu'à la Russie et la Chine (seule puissance capable de remettre en cause votre
suprématie au cours de ce siècle) ; vous dopez les secteurs innovants de votre
économie en relançant celle-ci par la guerre ; vous restaurez la cohésion patriotique de
votre pays confronté au dHi des fractures ethniques (asiatisation et latinisation des
États-Unis) ; vous faîtes le jeu d'lsrat!l qui ne veut pas d'État palestinien?
Après tout, ce ne serait pas la première fois dans l'histoire que lïs.lam se trouverait
instrumentalisé par une puissance chrétienne! Pour débarquer en Égypte en 1798,
Bonaparte proclama à l'adresse des musulmans que la Révolution française était leur
amie . .. et !'ennemie du christianisme. Malte, bastion chretien sur la route de l'Égypte,
en fit les frais. À la fin du XIX•' .-iècle. lAllemagne impériale aidée de ses alliés turcs

1 On se S\lU\ îcnl o.1u ·n ln tin tk .;,m u~~th: . h'US h:s 111'!J1as ........, h.knt:au..' J1:o;.a.k:nt J..: Ya.,~ r Anafat ~u ·11 tb.it le pnoc1pal ~le
li la rai11. dans ln re~mn. qu ' il Jc\·.;ut ,11sr•u~ntn..· ,,... la s.:ê no.: l"'liu~Ul'. Araf•t CSI n'M.'r1 . 11 n ' y
3. J'l&S J ' Élal palcstituC'll. k Hama est au

(k)U\'Olf en r11lc!ltmc o..:t.:u~c . la fra.;ture entre d 'un .:t\1(- lsnt.~I ~t IN l:tnls-l ' ni'i.. Je- ' ' :sultC .,·,\11: l'Iran, lu S)"rit. ~ Libm (•'"« k
llt'zt'if.111Ah}s't'S1C~U!'>L.>t.'
l 1arlit• .l Pcnuarrr11u da idt11l1lh

chercha à faire croire aux musulmans d'Inde dont elle souhaitait le soul~vement contr~
l'Angleterre, que Guillaume Il s'était secrètement converti à l'islam .. .
LA Mut"' d'an" '"..flnlnt.. "' inj1ur,. .., /,. mfprù ,l'•m• ·1-~ 11rop,. imnwrulr"
Le reniement de soi-même propre à !'Européen est aussi l'une des causes
expliquant la progression de l'islamisme dans l'islam. L'islam s'éloigne del' Amérique
car il la trouve injuste, mais il s'éloigne aussi de l'Europe car il la trouve immorale. La
promotion en Europe de l'homosexualité (mariage et adoption) inspire plus que du
mépris chez les musulmans: une horreur qui confine à la perception d ' un objet
satanique. D'un côté, il y a la Malaisie, où un ancien premier ministre a fait six ans de
prison parce qu'il avait corrompu son entourage pour dissimuler son homosexualité.
de rautre, l'Union européenne qui décrète !'Inquisition contre un commissaire
européen "coupable de cathobcisme traditionneJ"l . En réalité, la vieille Europe
n'inspire plus assez de respect pour que les musulmans aient, en majorité, envie de s'y
assimiler. Ses État:rprovidence distribuent, mais ils n ' assimilent plus. li suffit de
regarder les chaines arabes et musulmanes pour le comprendre. On s' y déchaine
autant contre l'impérialisme américain, que contre le la"fcisme français (qualifié
d'idéologie athée) ou contre la dérive généralisée des mœurs. Dans ces conditions, la
résurgence du voile doit être comprise, non seulement comme un symptôme de réveil
géopolitique (ce qu'elle est), mais aussi comme un symptôme de résistance morale. Qui
plus est. le fait que dix hommes ceinturés d'explosifs aient pu, par leur capacité de
sacrifice, changer d'un coup le gouvernement et la politique étrangère de l'Espagne, la
seule nation dans le monde qui se soit rechristianisée après avoir été durablement
envahie par l'islam (Reconquista), est perçu dans le monde musulman comme la
marque d'une réelle fatigue de l'Europe.
Dans trente ans, la rive Nord des pays chrétiens de la Méditerranée aura gagné six
millions d'habitants. Dans le même temps, la rive sud des pays musulmans en aura
gagné œnl 0 y aura alors 340 millions de musulmans jeunes autour de la Méditerranée
et seulement 170 millions d'Européens (mais âgés). D'ici là, si l'Occident et ses alliés
modérés du monde musulman ne réussissent pas à faire échec à l'islam politique,
l'Europe ne vivra plus en paix.

8. Quelques réflexions à propos du choc des civilisations


musulmane et chrétienne

•L'Orient i!SI l'Oritnt et l'Occidmt est l'Occidet1t, l!t les deux ne SL' rcuco11trcro11t jamais"

Rudyard Kipling2

"~ Muslims were a ll1reat Io Westent 01riste11dom long l11!forc tlley lJccnme n problem" 3

"L 'idil! qut l'Occide11t ~fait de l 'islam lt• met tro11 rnrct7wnl L'IJ situnliou de ttinloguc"4

En France, la représentation courante du choc des civilisations entre l'Islam et la


Chrétienté fait appel à Charles Martel et à la bataille d e Poitiers. On imagine alors la
Chrétienté coalisée toute entière derrière Charlemagne, arrêtant l'immense marée

1 L"•fT•lrc "Rocco Busi1honc •• en 2004 . Cc cumm1ssairc européen de n.o.1 ;011111i 1t.? 11.ahcnnc avo11 puhh~ucmcnl afJicM sa
rtprotmlum mDr31C m J'hufnOSCJl&&all lt
2 "'Eut i1 &Il and Wal &a Wnl, and ncvcr the 1wain ioholl mccl" .
l J. SCHACHT. C.E. BOSWORTH . nr~ l~sm:y CJ/IJ/ani . Odord, Oxfon.I Umvcnlilly l'n:!$N, l 1J79, p. 1} .
4 J HERQUE, L'Islam aM t.:mp• Ju mm1dr, rari11, SmJbad , l'JK4 , p. 227
CNpltre 3. La r•liglon 461

musulmane qui menace d'investir toute l'Europe. La réalité historique est toute autre :
nous tenterons de mettre en lumière ici la Realpo/itik menée par les Carolingiens dans
un contexte de construction uni ta ire de la France.
Cirt" 9 : Le choc des civilis.ations SC!lon Huntington

8.1. La Realpolitik sous les Carolingiens


Contrairement à la représentation courante, les années 20-30 du VIII" siècle
n'opposent pas un bloc chrétien à un bloc musulman mais mettent en scène des
puissances différenciées: Francs, Aquitains, musulmans sécessionnistes du nord de
l'Espagne, Cordoue.
Carte 82 : La Gaule carolingienne
En 720, les Arabes d'Espagne ont passé les Pyrénées; ils possèdent Narbonne et
siègent devant Toulouse. Les Francs ne sont pas encore là pour les arrêter; ce sont les
Aquitains de Eudes qui le font. En 721, Eudes les bat à Toulouse et les refouL!
d'Aquitaine. Les Arabes continuent à exercer une forte pression : en les Sarrasins ns
s'emparent de Carcassonne et occupent par traité toute la région jusqu'à Nimes; ils
remontent ensuite la vallée du Rhône et pillent Autun avant de retourner en Espagne
avec leur butin1 . Eudes se sent menacé par les Francs : il traite avec les musulmans.
L'émir Munuza qui s'est rendu indépendant dans le nord de l'Espagne à l'ég;lrd des
lieutenants du calife omeyyade se trouve en fait dans la même position qu'Eudes vis-à-
vis de Charles Martel2. La situation géopolitique est la suivante: le nord de l'Espagne
musulmane en dissidence par rapport à Cordoue s'allie a•·ec l'Aquitaine, le premier
pour résister à Cordoue, le second pour résister aux Francs. Eudes doIUle même sa fille
en mariage à l'émir. On a là un premier contre-exemple au choc dvilisationnel: il s'agit
bien de Rea/politik.
L'étude des textes de l'époque met en lumière le fait que la menace sarrasine n 'est
pas différenciée des autres menaces qui pèsent sur la Gaule, qu'il s'agisse des Saxons,
des Normands ou des Suèves. Philippe Sénac3 a montré que les Annales carolingimnes,
en 793, mettent encore sur le même plan deux graves épreuves pour les Francs : la
révolte saxonne et les menées sarrasines en Septimanie'. Dans les documents de la
première moitié du VIIIe siècle, les Sarrasins sont Gentem perfidam sarmanorum - la
nation perfide des Sarrasins - : on fait donc référence à l'altérité ethnique et non à
l'altérité religieuse.
En 732, le gouverneur d 'Espagne. Abd al-Rahman a soumis la sécession du Nord ; il
traverse les Pyrénées, assiège Bordeaux, bat Eudes au passage de la Garo=~- Celui-<.;
n'a plus le choix : il faut appeler le Franc à l'aide. Charles Martel aide Eudes à
repousser le musulman à Poitiers en 732. L'Aquitaine vient de perdre beaucoup de son
indépendance: elle a montré qu'elle avait besoin du Nord. Charles Marre! s'affirme sur
le Midi, venant de Bourgogne puis de Lyon . En 735, à la mort d'Eudes, Charles

1 H. PIRENNE, U LYON . /\. liUILLOU. 1: lrABRIELI . tl Sl-ElJt::R . .\luhumt•I .,., ç 1w.1,.;.7rkl)......_. ~~~- uÛlltt rt Orci"""'1
Wru 1.: h1Ju1 .Hc•l't'n -..f,i:l·. Jnc.a lhxk. l 9l"h . I' 1o~ .
2 J. MICIŒLET. Hi"tu in.• dl· fhmn ·. 1 1 L..: Moy1.·n-.-\.~1..· . p ~ 1 0
l P SÉNAC. l 'inwg1· 1k l :iutrt·. //1 ...1111rr. J..· l'l"-·1·1J..,11 màli.:n~l fût.·•: u lhlum. Puu.. Flammanon.. l~ . p. !4.
~ 14"nal1•s Rq:m Fmn c.in11~1 . ni . Kune l lomwn= , 1~N5 . r . q..a _Cué par Phihrrii:- SÊNAC
' "Celle •IHrmcc p ;'lhtiquc Cl 1mr1c lnuma fon mol. ~tu.nnz• fui n:"S.'\Cl'Ti ..b.n!I- Uft(' fonC""rn.'W' ru ANkr·R.ah.llllll. liculftlel dLI
...ahrc, ci n'C\ llD la CD('ll\'llé que f'llr lt1 mon Il S'-" rn..;.,.· 1p110 Lill hau t J'un n.-Mr La J'llUvtT fmn~;aisc f\&l m\»o,.·tt au tCnil ..tu..:alife
de 01nw.. Les Arabes fm.nch1ren1 les Pyren~es : Emies lul bauu 1."0nln'I< !kl('I ~ - .\lais. k=- FrmK"S ctP.·rnimcs se rt'GDU"ml • lw.

rt lbules Moncl l'aiûa. à les rcp.lu.,,scr il 11,uttcrs ~ · 1:-:. L' Aq1.1iLal11t, ~"-\OYUncuir J"irnpwssark-c.. >C tn'IUYa Jam WtC' sanie de
dipmd&ncC"d l'él(•nl 1.ks Fn:11m;s ." , 111 J MICllf.LEl" . Hi.'flvin.· ,1.· 1-'rt1nn·. 1 1 l.c M1.1)-cn-Age. p. ::?O.
462 1•11,.lw .1 l 1rnHn,,n1n• tir"!' i1/tulitr.

s'cmJ><lre de l'Aquitaine; Il occupe les villes d'Aquitaine mais ne '"' préoccupe pas cfo~
Arabes qui o..-.."Upcnt le~ régions de Narbonne et d'Arles. Pendanl au moins quatrl' an~.
les côte< du Golfe du Lion sont coup<!es par l'Islam• . Dnns les zones occupées <le la
Gaule méridionale, peu de traces de révoltes sont recensées cont-re l'occupant
musulman; l'administration musulnumc conserve aux chrélicns leur eu Ile. Narbonne
re.•re ,, la téte d 'un siè~ archiépiscopal qui regroupe plusieurs c'.!vèchés de la rl>i;ion,
comme Bt'ziers, Carcassonne ou Maguelone. Contrnircment ,1ux terres pc'.!riphériquL'S
qui sont uniquement razziées, la Septimanie connaît comme l'Espagne la civilisation
musulman~.
En 741, le fils d'Eudes, Hunald relève le défi de la lutte anti-franque contre Pl>pin le
Bref; il tente de s'attirer l'appui de tous les ennemis possibles des Francs, Saxons,
Bavarois ... Les Francs brùlent le Berry, et rejettent Hunald derrière la Loire. La guerre
centrale semble bien ètre celle des Francs et des Aquitnins. En 760, la dynastie
omeyyade ne tient plus Damas mais depuis 756 Abd al-Rahman a fondé l'émirat de
Cordoue - qui deviendra un califat au x~ siècle. Alfonse le catholique relève la
monarchie des Goths dans les Asturies; en Septimanje les populations locales
commencent à s'agiter contre les Sarrasins qui se retranchent dans Narbonne. Les
Goths ont repris Nîmes, Maguelonne, Agde et Béziers; ils appellent les Francs en
renfort pour reprendre Narbonne. En réussissant à libérer Narbonne, les Francs
exercent maintenant une pression supplémentaire sur leurs ennemis aquitains : par
l'Est.
Les Francs d'Ostrasie - c'est-à-dire les Carolingiens, tandis que la Neustrie qui
triomphait sous les Mérovingiens n'est plus grand-chose - confirment leur alliance
avec l'Église en restaurant partout chez les Aquitains les biens de celle-ci3.
Ces Carolingiens qui mènent la lutte pour l'unité française et d'endiguement de
l'islam espagnol dans le sud du pays, pratiquent aussi la Realpolitik en matière
religieuse. Opposés à Cordoue et bientôt à Byzance, ils s'allient avec les musulmans
clissidenls du nord de l'Espagne et le califat abbasside de Bagdad4. Dès 768, Pépin le
Bref a reçu des ambassades du calife abbasside ; en 777, le gouverneur de Saragosse
s'est rendu auprès de Otarlemagne pour inviter celui-ci à se rendre en Espagne. En
802. le calife Harun al-Rachid dépêche à la cour de Charlemagne deux ambassadeurs
pour demander une alliance militaire5. La tradition franco-abbasside sera renouvelée
durant tout le l)(" siècle par Louis le Pieux et Charles le Chauve. li n'existe donc pas de
politique anti-islamique des Carolingiens.
Les Carolingiens sont en fait plus concentrés sur la lutte contre les Lombards et
Byzance que sur celle contre l'Islam, d'autant, faut-il le répéter, que celui-ci n'est pas un
bloc mais une diversité de puissances - comme l'Espagne ou les Abbassides de
Bagdad notamment. Entre le début du lXe siècle et 812, Lombards6 et Byzantins
l H. PtRENSE.., 8 LYON. A . GUILLOU. F GABRŒLI . H ST~UER. Mu/111mt'l 1·1 Clwrlcmt1,;11c.·, llJ·wr1n· u/am ,., lknJau
i:bu-U ha:u1 .,loym·Â1r. Jaca Bock.. 1986. p 108
2 P SENAC, L 'ùrwge Je: /'At#re, Huw1~ 1/f' l'Occ1Jt'ut m.;Jiél.'uljc1e:t! ll l 'ulom . Pan'.'i, f"lamm arion. 19R:l, p. 42-13
J On•~ dans cc hvn: une sccuon i l'allumcc ronda1ncc: pour 1,., J-"rancc tJcs Fram:s cl de l"r°:gh'il.' catholique
4 M . TALBI, .4ndolwian Dipfotnalic Rela1ion:1 "'itlt W~.rft'rn l::flrufJt! Juri11;: 1Jœ Unw) :,·ud 1•c•riu1I. Rcm11 , 1970, p lKO
S Httoun al-Jlachid •fit. dn~n. offrir 6. Charlemagne. cn1rc au1rcs choses . le s der.. tlu Smnl·SCrmkn:. pri!'scnt fort honorubk.
dont~ le roi do fr-nQ ne pouvaJI abuser. On répondit que le chef des infid~tc .. U\1011 tr.111 :rn11s à C harlcmognc Io sOU\-crainC1r

de Jtnaalcm. Une horloac sonnante, un singe:, un élq,hanl ll!lonntrcnt fort le s hommes de \'Oucs1 Il ne tient qu'O. nous Je cro1n: qut
le c:ar aipolClqUC 'tUC l'on moo~ 6. Al&-la-C:hapcllc est une dent de cet él..:phoni .", J Mll'lll '. LET. /11.,·tum· 1/c f'mnn.'. t 1 lt
MO)'C"-Àtc. p llS . Il CSl i11lb"cuanl de constater que la lét1ilîm1té Je la f"r:111cc i.ur le c ;uhuhc1s m .: 1l'Onc111 r111s.c ~s iwun:e1 lmn
awn1lesCrou.aidcs.
6 La l..ornt.rdi 9001d'onlPJIC1cnnan1quc : ils s'~abhsacnl en ltulic UU VIe s1i:c)c Cl fonJcnt 1111 (tnl pu1s1iulll Jmll l.3 Ul'Hllk
_. Pavie. Da ducMs lombards indtp:ndmns 50n1 cons1i1ut1 à Spnlé1c en 570 cl Uénévc111 en 5141> U1mus rrn Churlcm.ogne. ln
l..anbard.l ma.i.n1icnncn1 une dynutic • Ben~vent jusqu' en 1047.
Chapitre 3. La religion

affrontent l'Empire carolingien et empêchent celui-ci d'affirmer ses ambitions


marltlmL'S en Méditerranée. Une paix <.>st signée en 812 dont le grand vainqueur n'est ni
l'Empire carolingien ni l'Empire by7.anlin mais Venise . Venise avait été prise par Pépin
le Bref en 810; Charlemagne la livre à Byzance; ce faisant, il renonce à ses ambitions
sur le mer. L'union à l'Empire byzantin offre aux Vénitiens l'expansion vers l'Orient ;
Otarlemagne, quant à lui, offre aux Vénitiens le droit de faire du commerce dans
l'Empire franc au détriment des Lombards. Dès lors, Venise va connaitre un e9llOJ"
commercial formidable et jouer un rôle important dans la lutte byzantine contre l'Islam
- ce qui ne l'cmp&he pas, dans le méme temps, de trafiquer avec les musulmans. Les
Byzantins ont eu beau interdire le commerce avec les Sarrasins de Syrie et d'Égypte, les
Vénitiens n'en ont cure ; ils guerroient contre le musulman et font affaire avec lai. Cest
ainsi qu'en 827, une flotte de dix navires vénitiens rapporte d'Alexandrie les reliques
de Saint-Marc volées à l'insu des chrétiens et des musulmans.
Ces éléments historiques contribuent â nous éloigner de la thèse du choc des
civilisations. Pour autant, la vérité ne semble pas si tranchée, ni du côté de la Rea/politilt,
ni du côté du choc des civilisations : l'historien Henri Pirenne soutient que sans
Mahomet il n'y aurait pas eu Charlemagne et qu'il y a bien une réaction chrétienne à
l'expansion de l'islam.

8.2. Mahomet et Charlemagne


Selon la célèbre thèse d'Henri Pirenne, l'islam ferme la Méditerranée et constitue la
véritable cassure de l'unité méditerranéenne - et non les invasions barbares comme
l'on a coutume de le penser. Car en brisant la Méditerranée, l'islam crée l'Europe, une
Europe nordique, forcément carolingienne - les Mérovingiens ont en effet un
commerce tourné vers la Méditerranée1 .
Rome s'était contentée de défendre un limes syrien et n'avait jamais vraiment connu
d'ennemi arabe; par ailleurs, l'expansion de l'islam était le produit d'un hasard,
'l'épuisement des deux empires riverains de l'Arabie, le Perse et le Romain". Pour ces
deux raisons, Henri Pirenne soutient que le choc de la foudroyante conquête arabo-
islamique sur la conscience européenne ne pouvait être que terrible2. Cest non
seulement la célérité du choc qu'il importe de souligner selon H. Pirenne mais aussi
l'inassimilabilité des musulmans. Le Germain s'est romanisé dès qu'il est entré dans la
Romania; le Romain, au contraire s'arabise dès qu'il est conquis par l'islaml. Cest là

111 . rlRENNE, B. LYON. A . GLllLLOU . F GABRIELI . H . STEliER. \f.ih<1m._. ,._. ,(ï1.irkmu-~ "c" ~=one,·. ulam~C3-.Yi.lrM

'1uu Ir hallt Moycn -ÂJ:t.'. Joco:. Rock. 19Mt1. p 67. \'oir Cgalcmcn1 W Hf.YO. lluruir.: .111 l·ommacc' d.I lA"lGtr"" ."°:'ov11-~.
Lc1pz1g. IRR5 · 1AM6, Adolf M . lfakkcn. éd . Amsterdam. IQ~) . r . K~ Rll "-"'Pn:ul entn: 1:1 Fr.uxc mè'T\....rÎft@l!lnllX' et ln ...'"'iln!licm
J'Eo111c ci Je S)T1C un lralîc 1rCs rtac1ir'. Il existe un ''UYragc nnportnnl Llui h.•nJ 3 cormb.>f'CT b 1hèsc de- f»in:nac lOUI Cil Dt.lmlÇID3l
ccllc,1, m se plaçanl i;ur le f k'U nt de \ 'UC des pn:u\'i.."S an:h ...~logi qucs R HODlil::': S, D WlllTEHOt:SE. .Uo#tœnlflJOi.. CNrl~

anJ lhl' nriguu of Eurofk' (:frd1m.-olog,y mu/ tire Pirt·mr.· tlh·.u .' 1. Duc: k.wo nh. l 9SJ. Ut! l'· .,lhc n ·.m..4\lf"l'mllOO o f lhc Mcdttcrnocc
..';li wcll 1ukancct.I hcfon: 1hc first Amh lnCUTShm" . r 1"'" ; l'i "'>km~.-n• Jr.; C;irolmgu:n .. Je la ~h."WtC'ITilPtt en bten n::.:1 . les
Carohng1cns \ionl profiler en rcvnm: hc :rn nnrJ tl'imf".lnD.nl cs ~u :mllh.""' J"3~1,,"1tt d~ AbN.--t"i i~ 1mrurt..-S dc-s ~ bo:h"lucs . ·ey
acN.nwmg mïJnufo.cturcû guo<ls for s 11\·cr. lu: Uf11.UCd . Charl ...· n...,, ~n ...• :mJ l;ucr . Lo u is Llblôlin-ed th..: ....-..:ahh .:ssc"ntlal roi- ~clopIDJ the
primlll\'C carohr1g11m t.'\:nnom)"' . p . 171 - 172
l "À cùtC de 1."CHC ll"nlplilltl, que Stntl l.:!oi l ·,tn41n: to.: i. i.1 l ttll~h,' lnfli. am!lt"C:. l.'.1 " ' peu \" IOk"flh.~ dc:îo Ü~ qw aprês
Jtu1ttlcs, n'ont ri!u.u i llu'd mngL' r le honl Je- 1.a. H.oman1a ''" · 1n H . PlRF.NNE . R . l YO!' . A CiUlLLOU. 1- GABRIELI.
H. STl!UF.R. Afahtim L't 1•1 Chm·/,•m111-!11,•. R.\-=•m,·1• 1"111111 ,., O, ·cid1·111 , /uns k h11u1 .l lu.n•n-..f~~·. J3i..'.";1 ~k. 1986, p. 68 .
.l -roml1s que lt.~ (icmuuns 11'1ml ncn il upf't• ... cr 11u dm slltl.llÎ smc Je l'Etnpi~ . ''"~ Arab...-s S1.mt e.ulllé's p.r UPC: fo1 oouvd&c.
C'csl cela. cl cela seul qui les n:nU inus .. mtilatllc s <..'ur f"4.'Ur le 1"1..-,,h..•. Hs n 'o nt fl&S rllü Je ~'· c-noons quC' Ms Germains cooai: le
nv1hu11on de ..:cu!l qu' ils ont conquis Au Clm1ra1rc, ils se l ' u.s..~irml.:111 .tn"(' WM: ètonnanlC' rapu.liu: : en s..."ica.'C. i1s se mcann à
rtcolc des G~,;. en 11r1, a ccllC' dc!'O C.n..-cs cl Uc" Pcr!le!ô. lla ne sunl mè:mc rœ fan.lll11q~ ~ J:u mu1ns au dêbu1. ~ o'aucadmt pa
Pn,.tic- 3 . P~ranma dn idmlilil

une question essentielle que celle de l'inassimilabilité qui est au cœur même du choc
des civilisations et qui se pose aujourd'hui de la même manière dans les questiona
ayant trait à l'immigmtion musulmane.
La thèse de Pirenne soulève plusieurs remarques. Elle postule l'existence d'une
Europe et d'une conscience chrétienne européenne ; or, au moment où l'Islam va
franchir le détroit de Gibraltar pour gagner l'Espagne, l'Occident chrétien n'est "qu'une
réalité théorique, presque fictive, où d'importantes clairières païennes subsistent
encore"1 . Le chnstianisme est encore mal diffusé en Europe. Le paganisme reste la
religion de toute l'Europe du Nord . En réalité, seules les populations qui se trouvent au
contact de l'Islam, sont mises brutalement au fait de ce qu'est cette nouvelle
civilisation. L'image première est conflictuelle, brutale, c'est un choc ethnique pl111
qu'un choc religieux. Jusqu'à la fin du XJe siècle, le monde latin ne différencie guèn.
l'islam du paganismel. Pour les Croisés encore, Allah est souvent considéré comme
une idole et non comme le Dieu transcendant.
En revanche, il parait plus plausible de parler de choc des civilisations religieU)( à
partir du moment où une véritable représentation - faussée ou non - de l'islam se
répand à travers les populations christianisées : on peut considérer que le XJie siècle en
est le véritable point de départ.
Carte 72 : L'expansion de l'islam au vne siècle
Carte 81 : La Gaule mérovingienne
Carte 82 : La Gaule carolingienne

8.3. Les représentations de l'Islam dans l'Occident médiéval


"Alors que les Quatre cavaliers de l'Apocalypse et les grandes peurs qui les
accompagnaient paraissent s'effacer dans la nuit des temps, un cinquième cavalier - le
spectre de l'Orient - , hante l'Europe"3

Les conquêtes arabes sont d'abord perçues à l'époque c arolingienne comme un choc
ethnique et non comme un choc religieux; le passage de l'ethnique au religieux s'opère
par l'Espagne. Au milieu du JXe siècle, le clerc mozarabe Euloge4 joue un rôle dans
cette mutation. Issu d'une famille aisée de la région de Cordoue, il est aidé par un riche
chrétien d'origine juive, nommé Alvare, dans sa tentative de cristalliser l'opposition
religi~ de tous les chrétiens contre la domination mus ulmane. En 850, un prêtre
accusé d'avoir injurié Mahomet est exécuté : une révolte chrétienne éclate autour de
Cordoue. La répression de l'émir Abd al- Rahman II est terrible : de nombreux moines
et des nonnes sont martyrisés. Le bruit de cette opposition à la religion des occupants

mnwatir Lean sujdS. Mail ill vculcnl les faire oMfr au seul dieu, Alluh, â ~on prophète Mohomct , et , pu1squ'1I t1.ai' ~. A
fArabK. Leur religion univcncUc cs1 en mème temps nationale
[ . . 1 Le oou"·c:au aaltœ ne pcnncr plus que dans le rayon oü il domine o n puisse ét: huppcl" nu droit m usulnuin. a sa langue. [ 1
Avec r&11am. i;'c:st w nouveau monde qui s' introduil aur ca nvage.s m&.lilc1'1'9nCc ns, o il Rumc ov1u1 répamJu le synchri1isme dt la
avildalian. Une dâ::huurc k fait qui durna JUSQU'A nos jour." Aux bord-. du mo.-c N oslrum ~' é t endent désormais dcu11: Cl\'ilissbœs
dlffb'ma a hostiles El 5i de: nos JOUrs l ' Euro~nnc s'Clll subordonnCc l'A s1u1iquc. elle ne l'o pas assim1hk Ln mcr qm &VI.Il N
JUlqUC là 1r CCllD1: dc: Ili dft11m&e en dcvienl la fronuèrc L'umt C mOOitcrronCcnnc est bri~c . ", in H PIR ENNE. B l YOK
A. OUILLOU, F. GABRIELI . H ~UER , Mahomrr ri Churll!mus:ne. By-:an« L'. i:r l11m 1•1 On.'u/1.-·m tlam h· haut Alo.t'CfP-Âgr. JIQ
llod<. 1986. p. - .
1 P . SÊNAC. L 'iltta&~ dit l'Au1rr, HUto ;rc de l'OccuJrnt m Cd it'va/ fun: ù l'i!d u m , rnns, Flum mnnon . IQKJ , 191 p., r 11
2 •La noUom populauu du monde latin sur l'islam semblent avolr été fun peu cxuctcs ju.!l.qu'à la fin Ju XI~ i;iklc pu1~«'
c.auchcl moool~ M>fll 1bltralcmm1 conliidb1!s comme des pulcns", m M T J 'AI. VERNY . J.u <·mmu1.f...•w n1·1• <Ir l'is/U/lfl .!Al
r<J«idnu ,Mdli\u/, VanoNm, 1994, p . J62
J c. UAUZU. L 'i.rlœn ~' l'<kcûkn1. An:uuere, Paris. 19119. p. 8 .
'P. SÉNAC. L ''"'CC' de l'A1mv. l/Lstuire de POcxlllent médiévut fiJce 0 l'i.\'/um. Puri!i. Flomnut.rion, 1Q~J. p. 27· 21!1.
Chapitre 3. La religion

de l'Espagne passe les Pyrénées. Charles le 01.auve fait compœer un martyrmog-


pour les v1ctimes de la persécution. Euloge, devenu chef de la communauté chrétieinie
de Tolède, est exécuté à son tour en 859. L'opposition s'éteint alors en Espagne, mais de
nombreux évêques espagnols se sont réfugiés en France et vont contribuer à noircir
l'image de l'Islam. De Byzance, des échos négatifs parviennent aussi jusqu'à la Franœ1 .
On peut considérer qu'au début du xe siècle, les populations de France se reprèientelll
un ennemi musulman et plus seulement arabe. Dès cette époque, les motifs des églises
romaines associent le thème de !'Apocalypse au combat des forces du Bien contre les
forces du Mal représentées par l'Islam.
Au début du xne siècle, commencent à se répandre en Occident des poèmes et
chroniques portant sur la "biographie" de Mahomet. Les attaques portent plus sur le
'personnage Mahomet" que sur les musulmans eux-mêmes, et s'attardent sur les points
suivants2 : les portraits soulignent la déficience physique et mentale d'un homme
victime de crises épileptiques ; ils critiquent la licence de sa vie privée que l'idëal
coranique d'un paradis rempli de jouissances charnelles confirmerait; la vision
prophétique est contestée au profit de celle d'tm chamelier ignorant devenu le jouet de
juifs et de chrétiens hérétiques, nestoriens, jacobites ou ariens.
L'histoire est souvent relatée de la manière suivante, d'après un episode que l'on
trouve dans la plus ancienne biographie admise par la tradition orthodoxe JDDSUlmane.
celle d'Ibn Hishâm qui rapporte le récit d'Ibn lshâq.
Mahomet voyage en Syrie et rencontre un moine chrétien qui lui predit une haute
destinée ; il rédige le Coran pour Mahomet ; une autre variante parle de la rencontre
d'un moine exilé pour ses erreurs qui se lie avec Mahomet alors en service chez une
riche veuve plus âgée que lui : Khadija. Le jeune homme aurait des crises d'épilepsie
que le moine fait passer pour des signes d'inspiration céleste. Giez Guibert de Nogent
dans Gesta Dei per Francos, il s'agit des méfaits d'tm ermite qui, empêché d'être élu
patriarche d'Alexandrie se venge en passant une alliance avec le diable : de sa
vengeance serait sorti l 'Islam.
Philippe Sénac a étudié les représentations iconographiques de 11slam en Occident
et en tire plusieurs conclusions : le Sarrasin est toujours un guerrier; l'Islam est associé
à la violence ; il est toujours laid et hirsute ; l'Islam est aussi associé à l'œuvre du
diable3.
À partir du x111e siècle, le musulman d'Espagne devient noir. a est vrai qu'en
Espagne s'affirment les dynasties musulmanes venues d 'Afrique. les Almoravides et
les Almohades. Petit à petit, deux types d'ennemis sont distingnés, le Tun: qui reste
blanc dans l'iconographie, et le Maure qui est noir.
L'Islam conserve dans la représentation des Européens une image négative. Cette
permanence fonde la réalité incontestable d'un choc civilisationnel au moins culturel et
religieux. Mais en même temps, l'Europe dialogue très tôt et pratique la Realpolitilc avec
l'Islam. Pour nous représenter à quel point la politique religieuse fut très tôt
dépendante des réalités de puissance, songeons à ceci : les Carolingiens luttaient contre
l'adoration des images et combattaient ainsi l'idolâtrie païenne. car le paganisme restait
un ennemi puissant. Dans le mème temps. l'Orient chrétien honorait les images. en

1 Dès 11 pn:mi~~ moitiC: du VIII" s.ikk. k tnt1tc de kan Dama..-..."-ènc. Oc Hacrcsibw. -- Dr l'herêttqUt ··-· B'il4Ùlc rtslam i ..
rnotl""C111all hën!t1'1UC' rn.1ehc de l 'anam~mc .
:? M .T . d'AL \'ERNY . Lu cimnai..~.mfl l'l' de: l'i~ lwn 11.ztL" /'(lcv:1Ckn' m..•.Ji&."'\·tJ/, \ 'an..xum,, tQq.t, p . ltt1.
3 "l'csthéuquc ~ m~lc tt.:t LI r aiffam..• à Angoultmc. il se ioni de tJoWrNr : .à Oloran il IJlllMIC'C' ; • Em:u.. Ll s'mlllidi&
davant&F · .es u111Lo;, sont ~f\1ss u:rs. ~"'!-> i.:he't.!\L'\ hns utt.-s, ses l<è"-n::s ~ ~ a ClanwJ•n·FcnanJ. ~ommc à (]mua..._ te v....rJ
Je la calhâint.lc l>U re~ plcnJll 1'11dnu1'1lhlc lcgcnJc Jr Chal~. ln 1..-orDh9nams sanasms out le .-r: ...... l'aliJ. obKul' dies
rapKm en quch:auc sonl..' . L'islam QOOll)TnC W: lalJcur:· t• . .SËNAC. L 'i...,, dt> l'A•tnt. H1.ou1n dr I~ -*'iii'tivJ ~ ô
l'üklln, rans. Flammarion. IOJll. - " 1
Ptrrtir 3 Pnmanmu dn idmtilh

haine des Arabes qui les brisaient. Le pape, qui était d'accord sur le fond avec 1~
chretiens d'Orient, laissa pourtant faire Charlemagne. Il se montra également prudent
lor.;que 1•i;glise> de France, à l'imitation de celle de l'Espagne, ajouta au symbole de
Nictt que le Saint-Esprit proœde aussi du Fils.
Cetes. l'Islam affronte le christianisme, mais en même temps, comme le fait
remarquer Lucien Febvre, le Gd Campéador a servi sept ans l'émir de Saragosse tandis
que le grand vizir Al-Mansour a saccagé Compostelle avec des soldats chrétiens et que
le Nonnand Robert Guiscard rétablira le pape sur son trône avec des soldab
musulmans'.
Enfin. il est couramment admis en Occident que l'Islam aurait été plus tolérant à
l'égard des chrétiens que les Européens à l'égard de l'Islam. En réalité les deux postures
sont comparables : comme il y eut toujours des chrétiens dans le monde arabe - ils
disparurent cependant complètement du Maghreb - il y eut longtemps des
musulmans en terre chrétienne. En Espagne avec les mozarabes jusqu'en 1609 et en
France, à Narbonne en particulier jusqu'en 1612, des communautés résiduelles se
maintinrentl. Si ces communautés disparaissent au xvue siècle c'est en réalité plus du
fait de la Contre-Réforme et de l'impératif de préservation du catholicisme contre le
protestantisme, que par le fait d'une politique anti-islarnique. C'est encore la Realpolihl
qui prévaut.

9. L'Ordre de Malte, une puissance maritime


transnationale au service de la Chrétienté

'For all of its appearanœ of a late development, no tradition of the HospitaUers is


mo"' ancient !han their link with the sea ... 3

On pourra mettre cette section en parallèle avec le chapitre consacré à la situation


d'insularité, car toute l'histoire de Malte est marquée du caractère ilien et de la position
stratégique en Méditerranée.
La géographie physique unit l'archipel maltais à la Sicile : Malte est séparée de la
Sicile par des hauts fonds d'une profondeur maximale de 200 m, tandis qu'au contraire
vers l'Est. la plateforme tombe sur des fonds allant de 2 000 à 3 000 m ; vers l'Ouest, le
socle ilien descend en pente douce jusqu'à 600 m de fonds".
La géographie humaine de l'archipel est marquée par la densité. Avec plus de trois
œnt mille habitants aujourd'hui, la densité de l'archipel atteint les 950 hab/km2, œ qui
est comparable aux plus fortes densités de population d' Asie 5 .

l L FEBVR.f.. L•EMrvpr. Gntat J'1111tcivi/1.Jation . PuiiS, Perrin. 1999, p . 129.


~ Arcbi\·e1ôe la ville deNubonnc. 1612, Folio JSS V .
J HJ.A. SIR.E...,.,,, Kniglw of Mm1a , Loodon, Yale Uni,·cnny Press. 11,194, p. 8 5 .
.i J OODECHOT, Hi1toirc tk Malte, Pans. P.U.F., 1952. p S· 11 . B. BLOU ET . Th e Story ,~f Malta, Londun, Progrcs:s PTeu.
l!l'll. p. 11-21
S L'ie:a.k de la dêmograph1e de Molle owuit pu faire l'objet d'une ~cti an dnns no ire i.:hop1ln:" con...acré •u fkln.a
dtrœpçfuq~ . L'ca:pam1on Mmopphiquc de cette ile ol 1c llc en effet , qu'elle cntruinu un vaste mo u vement d'émignmnn durant
la dcuzltmc moitié du XIXctiCclc . •1n 1800, the populatton WH lcss thon 100 000 and the popul.111lon Jcn sn:y orpm'.llimalitl)· KOO
per lllfM'C • k. [n 1"42. the dcrlsity had riKn to 960 pt:T" sq~ mile ond in 1931 when lhc total population WtL'i nearly a quann ~i
1 milhon dcmll)' c:acccded on •Yerat:C 2,()(M} penons for cach square mile of 1hc island..,. _" A la tin du XIX" -'•klc. 11 y a\.. i1 dt)à
50000 Mallim qui vivaicn' IW' la riYllFI de la M6diu:Tnnéc, es_'$Cntiellemcnt en Algt!ric. à Tunis , à Tripoh ~I en ÉS)11te. Quclqua
sroupcs 1''-blarmt ama.i en Slcile, A Smyrne, C omtanlino plc ou cncor-c Gibmltar R . Hl.OUET, Th,• .ftory • 1 ~r Maf1n , Loodon.
.....,_,,_ 1993 , p. 170.
0..pitre 3. U. religion

Avant de montrer en quoi la religion domine la géopolitique de Malte, nous


rappelons le rôle précoce de l'archipel maltais du point de vue stratégique.
Carte 2.4 : Malte, un exemple de relais insulaire

9.1. Le rôle stratégique de Malte dès l'Antiquité


Malte a appartenu à tous les peuples qui ont dominé la Médi:Œ!Tanée : Phéniciens,
Grecs. Carthaginois, Romains 1 ; il résulte de la succession des dominations, un
métissage original de la population2. Chaque peuple dominateur de la Méditerranée
qui prit son essor maritiJne chercha à s'emparer de Malte, car l'archipel étajt l'un des
centres essentiels de toute thalassocratie méditerranéenne. Le caractère incontournable
de l'archipel provient de sa position centrale en Méditerranée - un relais entre
l'Europe et l'Afrique. entre l'Orient et l'Occident - et de l'excellenœ de 9eS ports
naturels qui ont Wle valeur offensive et défensive de premier ordre3.
Pour les Phéniciens4, Malte se trouve sur les routes du cuivre d'Espagne; au
[)(•siècle av. J.-C., les marins phéniciens créent Carthage puis des postes en 5irile et à
Malte. U est probable que la langue maltaise, d'origine sémitique, dérive du pbénicienS.
Plusieurs thèses se sont affrontées autour de l'origine de cette langue: les Anglais
cherchèrent, au XJXe siècle, à mettre en valeur le particularisme phénicien ; les Italiens
tentèrent, au contraire, de montrer qu'il existe Wle similitude de race et de langue entre
l'Italie et Malte et que l'arabe ne s'imposa accidenteUement qu'aux rxe et xesiècles
aprèsJ.-C.
Du v• siècle jusqu'en 218 av. J.-C., Malte est une base précieuse pour les
Carthaginois, contre les Romains. Elle permet de contrôler la Sicile et tout le bassin
ocàdental de la Méditerranée. En s'en emparant.. Rome menace l'influence de
Carthage, son ennenti mortel en Méditerranée : la possession de Malte facili1e
l'expédition de Scipion en Afrique, en 204 av. J.-C., puis les opérations qui amèoent la
ruine de Carthage en 146 av. J.-C.6.

9.2. Malte au cœur du choc entre le christianisme et l'islam


En 58, Paul de Tarse, Saint-Paul, fait naufrage à proximité de Malte. Recueilli par
des pêcheurs et des paysans, il accomplit selon la tradition plusieurs nùracles. Son
séjour à Malte dure trois mois, mais son passage marque durablement l'an:hipel et
enracine en lui l'empreinte profonde de la christianisation 7 . La période romaine se clôt
en 870 avec l'arrivée des Arabes.

l /ckm. P- :?2-:\5 ; J . GODECHOT, Hino1n.- dt.• i\tdllt.>. Pans. P.l 1.F .• 19:'i2.. p. l.:!-.::1.
2 •J\.tallc a connu tous les cnvùns..c;;curs . les hcu.11;. }' portent des ao~ tlK'-"S, anl:c::s.. ~"BIS.. 1iallllClllS.. cspllllmb.. ..pus..
comme la mer y rune: 1ou1es les formes de barques . depuis La gonJ..tlie il .Jal~ et l~ r'douqucs jU5t1U'aw.: ian.re am. ooms dit slliaC5 et
a11.1. t.rqu-=s de Jtb.:hc omCcs. i::om1n,• il l\'?tn1.\·c k s _1unqul!:s chmo1si..~ J')ni.' pemu;'" , in P \Kl R..Al'D. l ..1 Rml• Jn J~ Pwt5.
Arlta. 19K9, p. :l:?
3 J. GOOECllOT. Jlu1, nn..· J,· .H11l1c-, Pu.ris, Pl'~ . 1~5'~ . p . .Zi-'.'5
4( ' BAllR .- 'IN. C l:JONNET . L,·s I'h. ;n;,-,..,u Af,,,-,,,, ,J..·.~

·cinhsalion.." U ..
; J GOOECllOT. H i.cr,,,,.,. 1/1· .\f, ,/t, ·. Pan:o .1' t :. F. 1-.1:..::. p . I~

0 '"""- p 16-17
1 lli1d,.,,. , r IR-:?O
Depuis près de deux siècles, Arabes et Byzantins luttent pour la domination do
œtre m<'r. La prise de Malte par les Arabes! scelle la domination des musulmans sur la
M~itl'rranée, laquelle va durer environ deux siècles sans être contestée.
La conqu~te arabe bouleverse une nouvelle fois l'identité maltaise. La plupart des
Maltais se convertissent à l'islam2. Un petit nombre d'Arabes et surtout de Berbèrn, 1e
Axe dans l'archipel .
Au XI• siècle, les esclaves manquent sur les places méditerranéennes; les Arabes
transforment alors Malte en un nid de corsaires. De Malte, ils rayonnent vers le5 côtes
des pays chrétiens, font des razzias, et ramènent de nombreux captifs dans l'ile .

Malte s'installe alors dans un rôle qu'elle conserve mille ans: une base de la Course
et un centre d'esclavage.
En 1090. l'ile est conquise par les Normands du comte Roger3. Son père, Tancrède
de 1-lautl'viUe, revenant d'un pèlerinage en Palestine a conquis avant lui l'Italie du Sud.
Depuis 1085, Roger est maitre de la Sicile.
La conquête normande est un fait majeur de l'histoire de la Méditerranée : elle rend
Maire au christianisme et donne aux chrétiens le contrôle d'une Méditerranée qui,.
depui& deux cents ans, était un lac musulman. Grâce à Malte et aux postes normands
de la côte d'Afrique du Nord, les chrétiens coupent les communications entre les États
arabes de l'Est - Empire fatimide4 d'Égypte et de Syrie - et ceux de l'Ouest - Empire
a.lmoravide5 du Maroc et d'Espagne.
Fort de œ contrôle maritime, les chrétiens peuvent se lancer dans l'aventure des
Croisades'>.
Carte 85 : Les Croisades et les États croisés du Levant
Pendant tout le Moyen-Âge, entre le XIIIe et le XVIe siècle, les États chrétiens sont
les nouveaux maîtres de la Méditerranée. L'archipel maltais suit le destin de la Sicile et
est soumis à des dominations variées : après les Normands, les empereurs souabes,
dont le dernier descendant est Conradin qui cesse de régner en 1266, puis Charles
d'Anjou, frère de Saint-Louis. Mais en 1282, lors des vêpres siciliennes, les Français
sont massacrés en Sicile7 ; ils se maintiennent cependant à Malle, avant d'y ~
supplantés par les Espagnols durant deux cent cinquante ans : les Aragonais jusqu'en
1410, puis les souverains de Castille jusqu'à la donation des iles à !'Ordre de Malte, par
Charles Quint en 1530.
Pendant tout ce temps, Malte continue à vivre de la Course, c 'est-à-dire d'une forme
de piraterie!'. Contrairement aux idées reçues, les Maures ne sont pas les seuls pirates

1 •M..t.1c tien occupi!r uoc pn:mi~~ fois enl~ 820 et 827 , puis détini11vcm.:n1 . avant 870, et 1otalemcn1 anbls.tc ~lit
da&a 5*.:b de dominatioo des Mu.ulmans.• , m X . de PLANHOL, /. 'islum t:I lu ,,..._.r, (Lu ,,m~qut:e! ~r le mute/u t. nr-.\.'\"' ,,,,m.,
Parv.. Pana. 2000, coll. "H111oire c:t décadence·, p. 28 .
2 J. 000&.liOT, Hutoirr dr Mult~. Paru, P. U .F. 19S2. p . 2 l-21t. Notons cep.:nd1m1. qu'au dcpan , 1~ familles cb:ri1iicmct
M1111.plua6l c!ublic:a a GoZD qu·• Malte un recensement de 1241 Lionne é Muhc 47 furn1llcs chrtticnncs, 6tll fam1lla ~, i
Gazo, 201 Wml.la ~ . IS!j: fanulles mLüulmancs. an H. BLOUET, Th.- .\ ·tory· nf Malta, London. Prog:rcu PT'C'U. 199J. p. l~
J P AUBE. La nrtpi'~~ nonnm.ds d'Orun1 fXl'-XJ/f'" iit!1: le), Pans , Uachcllc Pluriel, l 91:i15, p 'i 1-99.
4 A. MIQUEL. L '/1/um rt su C"frilualion (V/l'-XX"' ûi!ch•J, be ed ., Paris, Anmmd Colin. 1990, p 174- 176.
Sl"-,p. 191.
6R. GJtOUSSET . û~ CruuuJ.a , Pari5. P U.t· . 1994. coll .. Quadngc"
7 B. BLOUET. 71k-~IW)'Of Mo/ru. London, Pro~ Press , 1993, p 40
1 N'um tni1om du problème dC' 11 p1,.terie dans le ch•p11rc consacré au L:rime inlemollonal en signalant c....-pcnd&.Dt ~- •
que~ de. fOl'lnn DOUVrllrs. la pinucnc manllmc est une pcmumcncc: d..: l' h1stolre . "Jusqu'au XIX" sib:k . la cowv a•°""'~
fil. en M~. la; f.Mk compaa.nc du commerce Pour ln lies elle Cluil souvcn1 une nCccssiu~. unC' quC"Stion Je \ W•• ..k
mort d fallad M' nou.nir Les Malla15 onl p,.hqu~ la pinr.tcrie comme les a.utrcs nveraios Je lu Médilcrnntt ."', in J. GOOfClkn.
H&.IOindtt Maire, Paru. P.U.f. 19S2. p . JO .
duipilft 3. La ftligion

de la Méditerranée; les Maltais razzient sur les cOtes tuniiriennes, ou à Tripoli; les
Génois et les Vénitiens ne sont pas en reste.
L'Ue de Malte est petite et son sol est stérile; il ne peut y avoir de ric1- agria>le
puis à partir de celle-ci, formation d'une noblesse terrienne. Les grands seigneurs à
Malte sont corsaires ou pirates, les riches bourgeois sont armaœun et CIOUllllerçanW -
nous avons là l'exemple d'une détermination de la l!IOCiologie par les caractéristique
fondamentales de la géographie ; sur cette question, nous ttnvoyon11 au chapiùe
consacré à la fonction géopolitique de la catégorie socio-«:onomique.

9.3. L'Ordre à Malte


En 1453, les Turcs, déjà maitres des Balkans, s'emparent de Constantinople1. ~
début du XVI" siècle, les Turcs occupent la Syrie et l'Égypte. En 1522,. l'Ue de Rhodes,
puissant bastion de la Chrétienté en Méditerranée orientale. défendue par les
Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, tombe sous leurs coups.
Malte se trouve alors privée de protection : l'Espagne se demande de quelle façon
elle doit défendre l'archipel déjà menacé par plusieurs attaques entre 1488 et 1526.
L'empereur Charles Qui.nt, roi d'Espagne et de Sicile, résout la question : il cède Malte
aux Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui ont été chassés de Rhodes2.
L'Ordre de Saint-Jean prend ses origines vers 1050, lorsque des marchands italiens,
d'Arnalfi et de Salerne obtiennent du calife d'Égypte l'autorisation de construire à
Jérusalem une hôtellerie et un hospice pour recevoir les pèlerins. Le passage d'un ordre
hospitalier à un ordre militaire s 'effectue au moment des Croisades. Les chevaliers de
Saint-Jean s'établissent successivement à Jérusalem, Saint-Jean d'Acre,. Cliypre,
Rhodes3, puis à Malte.
L'Ordre constitue une véritable puissance multinationale, voire transnationale, au
service de la Otrétienté, et recrute parmi les familles catholiques d'Europe les plus
nobles : huit quartiers de noblesse sont exigés pour les Français, seize pour les
Allemands . ..
Malte est une puissance chrétienne, européenne, et sa géopolitique interne,
complexe, révèle les conflits inter-étatiques en Europe. En cela, sa géopolitique peut
être rapprochée de celle de l'Uruon européenne, rassemblement d'États européens au
service d'une "cause supérieure", l'Europe, mais elle-même rattrapée en permanence
par les intérêts de puissance particuliers.
L'Ordre de Malte est divisé en huit langues qui correspondent aux natianalliés
européennes du xme siècle•:
• trois langues "françaises" : Provence, Auvergne, France5; le premier organisatew-
de ('Ordre est le provençal Gérard de Martigues. Ces trois langues sont majoritain5
dans !'Ordre, et le poids de la France est prépond~rant. On peut considérer donc que
!'Ordre de Malte, du moins à ses débuts, est un outil de puissance français;
- deux langues espagnoles : Aragon et Castille'> ;

1 ~L'Empire romain d'Oricn1 fut fondit par ConSlaou.a le Gmnd 1.111 lundi l l IDILI. :nu. il pri1 fm m t-tl ?t-. J'4.SJ. 0-..
ca m1llr cent vmgt -tro1s années Cl d1:\ - hw1 J01.U"'!'. qua.tte-.\ingt-hwt bumiD:::5 ~1 femmes ocaap!ftDI. te- ll1lm l!llpil:ilr~ a
JJ NORWICH. Histuirt' dr B_,-:,mn! (.JJU-/4J.3J. Pa.ris. Pnrin. r~. p. -03 .
2 A SUTIIERLAND. The '"-hir,·vmc-nb u/tlttc- Kn(ll.ht." o.f.\J.Jltu, Malta.. 19Q1. p. 7-IO
3 Pour l'lus1om: de l"Onirr Ju.squ'i Rh1,;1c.h:s, H.m H .J.A . SIRI::. 'I'1k- K,.,~ uf .'611.w. ~Yale \Jnivcnd)· Ph:a.. 1994.,
p. J-73 .
4 J. GOOECHOT. Jlurum: ,J.: .\fi.llr.-. Pans, P .L .F. llJS:?. p. "7-39
S HJ.A . SIRE. The J\.11 i1thlJ. uj .\'4.AJtu, Lo1uJun, ' ' ale t..:nl'"crsll)· P'rc-:u. )9'W, p. 11 S-1 .ll.
6l*"'·P· 139-1!-Y.
- l'Italie dispo..<1.• d'une seule langue t ;
-jusqu'au XVIII•" il existe une langue anglais~; mais l'Angleterre étant de plus en
plus prore.tante, celre langue "devient", en 1784, anglo-bavilroise, et son foyer de
rattachement est l'Allt>magne du Sud ;
- l'Allemngnc a une langue'.
le Grand llidtir..• a les attributs de la souveraineté et possède des droits régaliens.
On l'apf"'lle éminence : il bat monnaie, entretient la diplomatie auprès des souverains
de Fran,~. d'Espagne, d 'Angleterre et d'Autriche. L'influence prépondérante de la
France ..si soulignée p.ir un signe évident de vassalité: le Grand Maître est tenu
d'appder le Roi de France. "Mon Souverain Seigneur" et par le nombre de Grands
Maitres français dans l'histoire de l'Ordre : 44 sur 68.
l'Ordre est agité par les soubresauts du conflit qui oppose Charles Quint el
François t•r : les Chevaliers de Malte ne peuvent théoriquement combattre un État
~tien, or la France s'est alliée à Soliman pour faire contrepoids au poids de l'Empire
catholique5. Entre 1536 et 1553, l'Ordre est dirigé par un Espagnol el s'est rangé
demère Charles Quint pour combattre les Ottomans.
Carte 83 ; La France face aux Habsbourg et l'alliance avec les princes protestants et les
Turcs
L'épisode de la perte de Tripoli par l'Ordre de Malte illustre la querelle vive qui
déchire les chevahers français el espagnols, les seconds accusant les prerrtiers de trahir
la cause chrétienne et de ménager les Ottomans dans le but de servir la France.
En 1559, la paix est rétablie entre la France et l 'Espagne. L'Ordre est de nouveau
ronln'ilé par les Français - La Valette est le nouveau Grand Maître - ; il remporte des
\'ictoires brillantes à Malte en 1565 et à Lépante en 15716 .
Dans le derniers tiers du XVIe siècle, la Méditerranée cesse d'être un théâtre
d'affrontement ma1eur_ Les conflits se déplacent vers l'océan Atlantique et opposent
l'Angleterre, les Pays-Bas, la France et l'Espagne . L 'importance de la flotte maltaise
décline7.
Durant les XVII• et XVIIIe siècles, Malte se concentre sur la Course qui continue de
lui apporter de confortables revenus; !'Ordre prélève dix pour cent des prises. Le trafic
d 'esclaves reste florissant. Mais la piraterie est codifiée et ne doit pas s'attaquer aux
bàtiments chrétiens. Les Turcs, victimes de la piraterie maltaise ont pour habitude de
se venger sur les pavillons européens qui fournissent des chevaliers à l'Ordre . les
Anglais, qui restent à l'extérieur de l'organisation multinationale européenne sonl
épargnés par les représailles turques et leur commerce en Méditerranée profite
grandement de cette situation. Au contraire, le commerce français qui est très
développé vers le Levant - grâce au système des CapitulationsB - est gêné par les
représailles•.

1 /bfJ., p. 160-1 n;
'!/Md... p. li6-191
J ftiiJ.p 192-lOlt
-1 A Sl.'llfER.l.AND , T1tr Aclut'n.'m t!nlJ of 1/1t.> Kniglth t1f Mullu , Mallu, llJ 1J7 . le db.:nup11~c de"' 1.:hup1lrc!lo ti c cc du~1q.x ..k
'1:uslotn:dtMalki.wl lac.hronolo@~ dn ~nd.s Malt.-e'I . J <iODl:CllOT , ll1.t 111ir1.· dt• Mallt'. Pnris , r li f .. 19 5~ . r - 19-11 .
! Naos •\UH ru rOCQ.1.1on dtjà de JUl'llfiCT c~ l1c 3Jl11mcc fran~;UI~ dans une sec, io n rrCcCdt:ntc
6 O. BLOUET, Pw u ury· of .\taira. l.A>ndon. Progrns rrcn, lfJQJ , fl . 47 -<.R.
7 J. GODEOtOT. llu1a1n-tkAfolr.-. hns. PU f .. 195:? , p. S5
1 Mp HOMSV, Ln (lJt11tulatwru ~1 lu prY1fu1111n J1.•Ji d1re11,•1u 1111 Pnwht •- Ori,·m fou:r XVf' . .\ï··tr ,., .\'J · I/~ .fifr /,·.fJ , 1mr St.
ha.il, 11.Uu. Ubaa, l'i156.
'il Dam im ouvrage rtina1quabh: 1ur le l'rochc -Oncnt , Jean Pichon suull"nc que hu:-n plus lnnJ , l'uhondun r ur la franc.-.: Je\
~ - · confcrmcc dt Monlmll de 1916 ·-· rn:m ..fucr-J la fin de" pnv1lcgcs fmnçnii;. \Ill Lc..,orn cl un tl."'CU! J'1nnucn:"
ID8jcur J. PICHON. U partu1:rdu Prtw.·h1:-0rlrm , Pans. J l'cyronncl cl Compagmc l ~d1twn"". l'>JH. r :::!.45
1
Chapitre 3 . La religion 471

Or jusqu'en 1680 l'influence espagnole reste très forte au sein de l'Ordre: l'Espagne
a des Grands maitres et elle règne sur le blé de Sicile qui nourrit Malte. Ennemie de la
France au XVII" siècle, l'Espagne pousse Malte à attaquer les Turcs en sachant que le
commerce français est la principale cible des représailles turques!.
A partir de 1680, l'influence espagnole sur !'Ordre décline au profit de celle de la
France. Au XVlll• siècle, les Français pèsent de manière prépondérante sur l'Ordre2: à
la veille de la Révolution, les deux tiers des chevaliers sont français et la moitié des
revenus de !'Ordre proviennent de la France; la Sicile est contrôlée par des Bourbons,
parents du roi de France et l'alimentation de Malte échappe donc à l'Espagne3.
Le commerce français en Méditerranée est très important. À la demande du roi de
France, Pinto, le Grand Maitre Portugais, défend à !'Ordre de se livrer à la Course dans
l'archipel. Désormais, les bâtiments français sont en sécurité dans la Méditerranée
orientale. La France qui est en guerre contre l'Angleterre de 1744 à 1748, de 1756 à 1763
et de 1778 à 1783 peut profiter des ports de Malte pour abriter ses convois.
Maltais et Français sont étroitement associés dans le commerce méditerranéen. En
1765, le roi de France décide même que les habitants des iles sous la domination de
l'Ordre de Malte "seraient tenus pour régnicoles dans le royaume de France, qu'ils
pourraient s'y établir, y acquérir des immeubles, et en disposer, tant entre vifs que par
testaments ... "4
On s'oriente de plus en plus vers l'assimilation des conditions légales des Maltais et
des Français. Nombreux sont les chevaliers de Malte que le "Grand Maitre" prèle au roi
de France pour servir dans ses vaisseaux, à l'image du bailli de Suffren.
Malte est le grand centre du conunerce français en Méditerranée dans la seconde
moitié du XVIII• siècle et la France est alors la première puissance commerciale de la
Méditerranée. Vers 1770 plus de 65 % des bâtiments qui ont mouillé à Malte sont
français 5 .
En 1786, un mémoire du Ministère des Affaires étrangères français expose que
"Malte rend à la France plus de services que si elle était une colonie et coûte moins cher
à garder" 6 .
Mais la Révolution française fait basculer ce magnifique équilibre franco-maltais.
Enivrés par les idées révolutionnaires, les bourgeois maltais reprochent à !'Ordre de
leur rendre impossible l'accès à de hauts postes, notamment à ceux de chevaliers. Les
revendications maltaises sont en plus attisées par des intérêts étrangers qui veulent
évincer la France de l'archipel.
La Russie de Catherine Il, dans le cadre de sa dynamique de poussée vers les mers
chaudes7 , s'emploie à jouer un rôle à Malte. En 1770, une escadre russe qui avait
pénétré en mer Égée, avait détruit la flotte turque. Les Russes ont tissé des liens

1 Sur la Course - li: Corso - : H .J A SIRE. Th,• Knights of .\laltll. London. Yale Una,.·cnity Press.. 1994. p. 89.
:?. J. GODECHOT, Histuln.· ,/,• ,\Juil,., Pans. P U .F., 195:?. p .."tN .

) lcl~m . p 61
4 /bid . p . ~I.

~ No1o ns tc1, en nous cfTon;anl de nlllL" t,.•n sou,cnir lon;quc nnU.'li ahcirùcrl•ns IC' fac:lC'ur IC"Chntqur. que- r1mport110C'C' ~~

dr Molle /, cc:ne Crtm,J\IC csl htt uu:o1. c11nu:1Cns114uc:o Je la Tiii\ igation '"Pt.1u~uo1 l'Cnc- 1mpoftlUK'C de Mali\:' ..lmLl le commerce
m«l11cmanécn. cl singulièrcmcni duns le i.:\1mnu.:rcc fronço1s llU. LC\"Ull ., D'ab..nd fNU'\."e o,{UC. du~ de 1.3 rm.vip1~ à "Voile. les
\'0)11gn ia lravcrs la Mtditcrronéc rcs1cn1 lents et dttlkiles. Il n')' 11 guèn- eu Je proM,Tès Ju X\'lc- SJè\:lc au XVILI" s.aédc Di: Sroymc!
.i Molle on met SllUV~nl un mol'.\, purfo1s trms m~li" lk Mahc o. Tnp.1h de Barbarie. 1.. ln.\·crséc ,,.anc dt si'\ G di.' ,ours.. Il n.'mr J*:
rvc ~e rcm;ontn:r J~ bd1imrms qui ~uu n.•s.h.' "' ~uu1rc ou ..:1no.1 .l'-'un. ~n rncr. pour fran..:bir le .JC'U\>tl de Sicllc-. entre Mal.lie et
S)-111.CWic Dan~t::~s con<liliuns., l'c!>C'lllC J..; Mull..; l.'SI prcc1cus.e .", m J. l.iOL>ELHOT , llUl111n! da: .Uulta: , 1'ru, P L1 f. l'l!'Z.. p. bl
6 hlt!m, p. til
7 A. C11AlJrkADJ:: . F . TUUAL. l>ù·tiumtuin * xftl1Jnliti<1m·. 2'" Cd. Part1>. Ellipses,.. aruclc '"Rmsic'".
472 l'trrlit· ."l Pt•nmm<'HCC! rit'~ 11lr11fllk

diplomatiques avec l'Ordre mais, dnns le ml?me temps, ils jouent la carie des
revendications maltaises.
Quant à l'Angleterre qui a perdu Minorque en 1783, elle cherche à s'nssurer d'un
nouvel appui slrdlégique en Méditerranée• . Nelson considère que les ports de Malle
sont 1:-ien meilleurs que ceux de Gibraltar et de Minorque et qu'un archipel maltais
anglais signifie la maitrise du commerce avec le golfe de Venise, Constantinople,
l'Égypte, el le Levant. Comprenant que les tourments de la Révolution française vont
affaiblir durablement la politique étrangère de la France, l'Angleterre envoie ses agents
dans l'archipel dans le but d'y discréditer à ln fois la politique de l'Ordre et celle de la
France.
Mais ce qui achève le travail de sape de l'influence française à Malte, ce sont les
décisions prises par la France révolutionnaire. En décidant de traiter les biens de
l'Ordre comme ceux du clergé français, la France perd l'amitié de l'Ordre2. Les
chambres de Commerce - Marseille notamment - avaient pourtant prévenu Paris : la
puissance commerciale française en Méditerranée dépend des bons rapports avec
Malte ; des députés de la Constituante avaient prédit que la nationalisation des biens
de l'Ordre obligerait la France à conquérir Malte pour la conserver.
L'idéologie l'emporte sur le réalisme géopolitique. En 1791, un décret prononce
même la déchéance de la nationalité française à tout membre d'un ordre chevalier.
Autant dire que la France abolit d'elle-même son influence dans !'Ordre de Malle. Les
changements d'attitude dans l'archipel maltais ne se font guère attendre : en 1797, pour
la première fois, l'Ordre élit à sa tête un Allemand. La France étant en guerre contre
l'Autriche, le geste est clair.
D ne reste plus à Bonaparte, en route vers l'Égypte, qu'à reconquérir Malle3. La
victoire française sur Malte est présentée aux musulmans d'Égypte comme un succès
des Lumières contre le catholicisme et un geste d'amitié à l'égard de l'Islam -
Bonaparte récupère les Lumières comme un instrument de Rcnlpolitik en terre d'islam'.
Cesl donc cette France qui a connu tant de succès en Méditerranée sous la
Monarchie, grâce à l'Ordre, qui, d'elle-même, dépose !'Ordre de Malte et met fin à
268 ans de domination de la chevalerie de Saint-Jean.

9.4. L'Angleterre à Malte : une leçon de géopolitique insulaire


L'intermède révolutionnaire français à Malte ne dure que deux anss. En 1800, la
garnison française se rend aux Anglais.
Que font alors les Anglais? Ils commencent par rendre Malte à l'Ordre, mais non
sans changer la dmme géopolitique : une langue maltaise est instituée dans l'Ord"'
tandis que la langue française est supprimée.
Malte passe à nouveau dans les mains du maître de la Méditerranée. C'est le lot de
son histoire. Une fois de plus, l'archipel rend de précieux services à son maître dans les
batailles méditerranéennes . Il permet à Londres de maintenir sa flotte présente au
centre de la Méditerranée et d'empêcher les Français de débarquer en Sicile. À partir de

I J ATIARD. BntumanJ .\folto. n11:Mt1T)· of un t:ra . Malla, l'JHH . Jl . 5


2 J. GOOECHOT. //Ur11irc dc Mufle, Pan!!.. P U .f. 1'152 . p flK · 7:! .
3 H. LAURENS. L"Uphlitmn J 'Êif:yp11· (J 7N9-/IW I J. Purn1. Armund <. '01111 , 19,W, p 1~~.lK "llunm l l'é1e 17~7. Uun:ar-V1i: nT11

pkwCWl fol& •U 01rt:eio1rc et à l'iallcyrand :\Ur lii nêccH1lé c.1'.: s'cmpurcr c.k Malte , h11.o;c c!'iscn11cllc d'u11~mt1u11s d1111!1 lc l .c,·:inl •

4 ·u dwi.t de l'Ordrc c.lc Mille"" !ICO'lr la poli11quc 1slnnuq11c dl.!' Uormpar1c. Il .:n av1 s 1..• Ir ~ c1111!'iu ls cl' Alger , Tunis~• fnJ'l•l 1.
chMJ~ d"annonctT la bonne nouvelle ŒUll hcys de i;~ province~ aulmmmcs ." Jdi•m. p 31
) "'On 24 AUIU'I 1791! , the Mall~ hu<l h:amc1l 1ha1 lhc Frcm.:h llc-..:1 l1ad hccn llcfcalctl 111 Ahnuk ir Buy hy !lu: Mllyilf N~'~ .wr..I
tbat tbt Mala pmwn had bec-Orne 1cnuous'", H. OLOUET. 71w .don• o{ft,ft1/l11 , J.nndun , rroMn.:s~ l"rc ..,,. , l'JIJ.l . p . l 1J
Chapitre 3. Lo reltgion 473

Malte, les Anglais lancent en 1809 des expéditions dans l'Adriatique contre 11!11 iles
Ioniennes qu'ils occupent; c'est aussi grâce à Malte que les Anglais peuvent débarquer
en Albanie et aider le pacha albanais contre les Français1 •
La Course reprend, mais cette fois-ci se sont les bâtiments français qui en ll01lt
victimes.
C'est surtout le blocus continental qui contribue à la prospérité de l'archipel,, lequel
sert d'entrepôt aux marchandises britanniques envoyées sur le continent.
Malte revêt tant d'importance économique et stratégique que les Anglais assurent
'qu'aucune paix ne serait concevable à Londres qui ferait changer MaJœ de mains". On
peut d'ailleurs comprendre cette importance géopolitique à la lecture d'wte imcriplion
anglaise figurant en latin sur la façade du palais magistral à La Valetlle: "Magnae et
invictae Britanniae Europae vox et Melitensium amor has insu1as confirmat' : •A
l'Angleterre grande et invaincue, la voix de l'Europe et l'amour des Maltais confirment
la possession de ces îles."
Le traité de Paris du 30 mars 1814Z stipule sèchement dans son article 7: 'L'Ile de
Malte et ses dépendances appartiendront, en toute propriété et souveraineté à Sa
Majesté Britannique."
Pour les Anglais, la valeur stratégique et économique de Malte augmente encore
dans la seconde moitié du XIXe siècle lorsque le canal de Suez3 est percé. La
Méditerranée devient alors, pour l'Europe occidentale et méridionale, la route la plm
rapide vers les Indes.
Malte qui était jusqu'alors l'escale obligée pour le Levant,. devient aussi une escale
incontournable sur la route de l'Extrême-Orient4. Jusqu'en 1936, les Anglais
considèrent l'archipel comme la plus importante des bases jalonnant la Route des Indes
par la Méditerranée et le canal de Suez, les autres positions étant Gibraltar, Cltypœ.
Alexandrie, AdenS.
Durant la guerre 1914-1918, Malte est une base de départ des opérations militains
en Adriatique6 contre l'Autriche, et un relais pour les opérations du Proche-Orient;
c'est à partir de Malte que sont tentés le forcement des Dardanelles, l'expédition de
Salonique, et l'offensive de Macédoine7.
À partir de 1935, les Anglais doivent prendre en compte une nouvelle donnée
géopolitique : l'Italie fasciste est pro-allemande et sa proximité rend son aviation
dangereuse pour l'archipel. La menace du facteur aérien élève le prix de la défense de
Malte.
En Angleterre, deux écoles géopolitiques s'affrontent alors: l'école du Cap et l'école
de la Méditerranées.
Pour l'école du Cap, la Grande-Bretagne doit abandonner, en cas de guerre, la roub!
de la Méditerranée, et se contenter d'en verrouiller les dewt porte;, Gibraltar et Aden,.
consacrer ses ressources à fortifier la route du Cap qui, malgré sa plus grande longueur
- de Londres à Alexandrie, il y a 20 894 km par le Cap et S 574 par la Mêdill!rranée -
sera la plus sûre. .,

1 J. GODECHOT, Htsloin" tlt' Malt~ . Pa.ris.. P U .F. lliJS2. p 91.


2 P M.ENOUVIN d1r.• Hi4lt>i~ck.,· n-lutfr,,u tntt'f"7'kltio"'4J/r.t, Paris. H.cbenc. A FUGJER.t.IV W~.~­

l'Empm• napolttini1.•n, 1954, r- JOJ.J04 .


J Now cons.ouons une section â c~ boulcvcnrmcnt gtt.politLQllr daM li! ~ U'llllmlt- dm ~m..- ~

- ch..p•IR.'.! Boulcvcrscm~ts gé<>grophiqucs.


4 J AITARD, Rriluin ""'l Mu/M . Tht".filll~-1~{0.m E.n.1. Ma.Ha. 198&.p. Ql-le>Z.
S P. MOR.AND, Lu Remit' ._/(•.fi lmh·s. Paris. Arica. 1989.
tt J. <10Dl!CHOT. JILY1r>1r•· d ..· .\l.1J1t·. r1m')o. l' .li .F , 19S~ . r - 110
1 J AITARO, Britum 1.mcl ,\ lu/tu. The ,,.,m:-· •!fd" Eru. Malta. 1988..p. 102-111 .
R J. GODECHOT, Hldoltt ~ l.lahtl. Parù- r.U .F. IQ5.:?. J'I . 111· 112.
1'11rl1t• 3 . Pcnnmrrncr dc6 1dnJlilk

L'école de la Méditerranée soutient au contraire que la mer intérieure est essentidle


au contnlle de l'Empire des Indes. Son abandon poserait le problème du contrôle de la
Turquie. de la Palestine. de l'Arabie, et donc celui du pétrole. Cette école insiste sur le
fait qu'un convoi maritime met trois mois en passant par Le Cap, alors qu'il met
seulement trois semaines en suivant la route de la Médit••rrnnée.
En 1936, l'école de la Méditerranée soutenue par Churchill impose ses vues. Durant
la Seconde Guerre mondiale, Malte joue le rôle de porte-avions de la chasse anglaise et
assure la défense des convois qui doivent emprunter le détroit de Sicile. L'Allemagne
bombarde violemment Malte, mais ne parvient p<1s à avoir raison de la ténacité des
Maltais qui ont résisté à tant de sièges dans leur histoire• .
Si Malte était tombé dès juillet 1940, il est prob<1ble que les Anglais n'auraient pu
tenir la Méditerranée. Les convois de l'Axe auraient rencontré moins de difficulté à
rallier l'Afrique, et quand on connait l'importance qu'a eu l'Afrique du Nord dans le
retournement de la guerre en faveur des Alliés, on mesure alors la valeur stratégique
de l'archipel maltais.

10. De la transcendance du facteur religieux sur l'histoire

Celui qui défend la transcendance du facteur religieux sur l'hlstoire dira que la
Réforme bouleverse les données géopolitiques du monde; celui qui, au contraire.
soutient l'idée que la religion est un moyen du politique, lui répondra que la Réforme
est le produit de logiques politiques divergentes. Pourquoi s'opposer lorsque l'on a
raison ensemble? Pourquoi penser la religion et le politique de manière autonome lors
même qu'ils forment un même système où se mêlent les valeurs, la foi et les intérêts?
Luther prêche au moment où Charles, roi d'Espagne, prend le pouvoir sur l'Empire. Sa
prédication n'a pas pour seule conséquence la division de l'Europe chrétienne, elle
divise aussi l'Empire. L'Espagne se mêle alors des affaires religieuses de l'Allemagne ;
la France, bien que catholique, profite de cette conjoncture d'affaiblissement de
l'Empire par le protestantisme pour consolider sa souveraineté; et les Ottomans
poussent leur avantage en Europe centrale.
La religion n'explique donc pas l'histoire à la place du politique; pas plus qu'elle ne
doit ètre réduite à un simple instrument du polihque.
Qu'en est-il alors de la thèse d'un choc global des grandes religions?
L'inventaire des conflits où le religieux intervient montre que toutes les
configurations d'affrontement entre religions sont possibles ; qui plus est, le degré de
conflit entre deux religions données est très variable d'une situation identitaire à une
autre. Les cas triangulaires infirment la théorie d'un affrontement systématiqu.,ment
dual entre les religions; les "alliances" entre deux religions contre une troisième
infirment la thèse que les religions s'nffrontent entre elles, une à une, de manière
systématique.
On ne peut donc mettre en évidence les symptômes d'affrontement civilisationnel
cohérent et global, les contre-exemples mettant à bas toute tentative de systématisation.
Ce qui, en revanche, peut être avancé, est que la religion est un facteur aggravant dt'
tension, et ceci quelque soit la configuration religieuse considérée. Ce constat tend
d'ailleurs à démontrer qu'il y a supériorité du religieux conçu comme facl~ur
identitaire. sur le religieux conçu comme messnge spirituel. Pour autant, ne pt:irdons
pas de vue la dimension de la personne humaine : des hommes très croy.rnts l'i

11 ATIARD. IJntainunJMullu . Tlw flon · nftm f.:m, Maha , l~JHK, Jl 141 - IMl
Chapitre 3 . La religion 475

interprétant leur foi dans un sens pacifique, œuvrent à abaisser le niveau de violence
dans les querelles géopolitiques.
Le religieux possède une dimension géopolitique intrtnsèque. On a tenté d'illustrer
le lien fort qui existe entre la religion et la géographie; on a étudié ensuite les
phénomènes de territorialisation du religieux.
La religion peut participer à la construction étatique en affirmant une idmtité et
une différence dans des frontières, mais la religion peut aussi activer les
sécessionnismes qui affaiblissent le pouvoir central des États.
Finalement, pas plus que durant l'ère bipolaire où l'affrontement entre les États-
Unis et la Russie soviétique ne pouvait se réduire à une guerre entre Je capitalisme et Je
communisme, les conflits géopolitiques d'aujourd'hui ne peuvent être ramenés au seul
choc global des civilisations - au sens de grands ensembles religieux. Hier,
capitalisme et communisme étaient instrumentalisés en tant que repnsentations
géopolitiques; aujourd'hui, des vérités religieuses sont brandies pour sacraliser des
causes d'affrontement identitaires et nationalitaires, mais il y a une interpénétration
profonde de l'identité et du religieux.
On voit que des États peuvent, en politique étrangère, utiliser le levier religieux
pour faire avancer leurs intérêts, et cela mème s'ils ne sont pas de nature théocratique.
Enfin, il existe une dernière dimension, celle de l'existence de politiques des
religions qui sont détachées des réalités étatiques, qui disposent de leur propre
logique, et que l'on peut qualifier de transnationales.
Le fait religieux obéit à des dynamiques géopolitiques d 'ordre identitaire et
national plutôt qu'à des lois générales de conflictualité; toutefois, des dynamiques
globales viennent s'insérer dans le jeu local pour accentuer la dimension religieuse de
l'affrontement identitaire, et jouer le rôle de catalyseur.
Nous insistons sur notre conviction qu'il n'existe pas de loi génera.Ie de supériorité
d'un facteur géopolitique sur un autre; pour tenter d'effacer l'impression que l'érode
consacrée au facteur religieux peut laisser au lecteur, nous proposons de revenir sur le
problème kurde afin d'y constater la prééminence du facteur ethnique sur Je facteur
religieux.
Le non règlement de la question kurde remonte au traité de Sèvres du 10 août
19201. L'article 62 prévoit une autonomie locale qui ouvre la voie à l'indépendance des
Kurdes d'Anatolie orientale, tandis que l'article 64 précise que les Kurdes du vilayet de
Mossoul devront se rattacher à cet État2. Le Comité national turc ne l'entend œpendant
pas de cette oreille et revendique le maintien dans les frontières de la Turquie moderne
de l'intégralité des provinces kurdes. Après le traité de Lausanne du 24 juin 1923, une
ligne de démarcation provisoire dite "ligne de Bruxelles" - 29 octobre 1923 - sépare
en deux les Kurdes, entre une zone sous contrôle turc et une zone sous contrôle anglais

1 J.U. l>UROSELL. E. /11.-.101r. · ,J;1,/c •trWllt/W ,k /Y/Y ti ,,,,.., /t ii.r:.·. l lc- cJ .. ~. o.lloz. 199l. (l~ cd. 195.l). p. J).~

l C.J . t:DMONDS . l(11 rd ... Twr!.<i ,,mJ ...,...... /"oJ4Ut..·.1, rr.uv/ "'""' R.-., ......,n·lt i..- Sonlt-Lu.Mn. lrrMI 19 19-19.n . l'~S7 , p. U6-l 17
~ô-:.
TURQUIE

... M~;;~~~
Ki}~u •Téhéran

~ \.:........:J_:=::==:::t./
~ .
IRAN

~ llagdad

peuplement kurde quasi-e.clusif


les Kurdes représenienl mmns Je ~ de la population 1otale
frontières du "Grand Kurdimn" proposc'cs en 1920

86. Les Kurdes


Chirpilrc 3. La religion 477

- CL>rrespondant au futur État irakien. La plus grande partie des Kurdes préfère le
mandat britannique au régime turc 1 • Le traité d'Ankara du 5 juin 1926 confirme la
"lignl' dl' Bruxelles" et laisse ainsi à l'Irak la province de Mossoul. Les Kurdes ont
,-.,pendant accepté les Anglais, pas les Arabes d'Irak. Avant même la fin du Mandat
llritannique sur l'Irak - 1932 - ils se soulèvent, refusant la domination des Arabes de
l,1 plaine. Les Kurdes sont pourtant sunnites comme les Arabes de la plaine irakienne,
L'I comme les Turcs qu'ils combattront aussi2. La solidarité sunnite ne l'a donc pas
l'mporté sur la différence ethnique.
Les Kurdes sont une ethnie iranienne3. Les populations kurdes qui peuplent le
Kurdistan iranien ne constituèrent jamais de foyer de rébellion à l'État iranien, au
moins jusqu'à la révolution islamique de 1979. Ils accédèrent même au trône impérial à
la fin du XVIlle siècle par le biais de la dynastie Zand d'origine kurde. Plusieurs tribus
combattirent aux côtés des Séfévides : les grands groupes des Moukri, des Beni
Ardelàn, des Djâff et des Kelhourr4 et la révolte d'lsmaïl Simko en 1922 fut une
extension à l'Iran du mouvement d'autonomie des Kurdes de Turquie et d'Irak.
L'allégeance ethnique des Kurdes iraniens est cependant compromise par la
Révolution islamique de 1979. Le Parti démocratique du Kurdistan aux bases laïques
supporte mal l'intégrisme chiite. À partir de 1985, les choses rentrent dans l'ordre.

11. Facteurs explicatifs de l'émergence et du


développement de l'Islam : au moins quatre facteurs
géopolitiques à combiner

Du III• millénaire av . J.-C. à l'apparition de l'islam, il existe une civilisation


méditerranéenne, s'appuyant sur les modes socio-économiques, culturels et politiques
communs d'ensembles géographiquement et ethniquement différenciés5. Cette unité
n'empêche pas une polarité Orient-Occident intégrée très tôt dans les cadres de pensée
du pourtour méditerranéen. Alors que les mondes mésopotamien, phénicien, égyptien,
ou perse apparaissent comme clairement orientaux, le monde grec est mi-occidental,
mi--0riental. La Grèce apparaîtra bien plus tard corrune la première figure
civilisationnelle de l'Europe, lorsque ce lle-ci commencera à se représenter comme une
réalité historique et géographique. Pour l'heure, jusqu'à Rome au moins, la Grèce ne
peut en rien ètre rapprochée d'un monde européen en genèse. Elle est un monde en soi,
intégré dans le système méditerranéen, et s'affrontant à des Barbares qui sont, pour
l'essentiel, orientaux.
Rome unifie politiquement la Méditerranée, en récupérant l'héritage de la Grèce, et
en y ajoutant un Occident barbare conquis puis intégré. L'Empire est méditerranéen, et
non européen, corrune l'a écrit Lucien Febvre; il est latin en Occident, et hellène en

\ J. et A. SELLIER, Atlas d es peuples d'Orient ( Muy en-Orient, C oru: as e. As it' n mtra/e) . P:r.ris, La Découvcnc, 1994.
2 J. WEULERSSE , Probli mes d'Irak. AG. p. 49 · 75 . 1934 : X . de PLANHOL Lt•s Nutions du Pruph~ re .Wonuel g'1ugraph1q~
~pol11ique musulmune. Paris. Fayard, 1993, p. 282 .
J "Les Kurdes des cendent de tribus de langue iranienne ins tallées li.ans l'actuel Kurdis1en plusieurs siklcs a ... mnl J.-C.", m J. cl
A SELLIER. Atlas dl!s peupl.:s d'Orient (Moyen-Orient. Ca ut.:1.ue. A.cir c entrult'), Paris, La O«OU\lenc. 1994 , p. 126 ; Le<
A. CHABRY . Pul i11que e t m ino r ités au Proc he- Orient (les rai.Jo ns d 'une f!Jf.plosio n), Paris. MoîsonnetJvc-Larose. 1987. p. 25 1-272
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5 f . BRAUDEL dir., la Méditerranée, L 'espace t!I l'his1oire, Paris, Flammarion, coll. "Champs·•, 198S. (1977 poW' la pranib'e
td1uon) : f . BRAUDEL, G . DUBY ùir.. la Médilerrani:e. Le.l· humm.:.f el l'hérituge, Paris, Flammarion. 1986, coll. "Champs".
1'11rl1t' J. l't•r•111mcn~ 11~ ulnttili!.

Onentl. La polarité s'a•"\:use, maLo; en même temps, l'hellenisme apparait à nombre


d'Onentau.'<. reis les Perses et les Juifs, ...-onune occidental, étranger à la nature même Je
l'Orient. La querelle Orient-0.."Cident et ... n realitë une duillité double.
Tandis qu'en Occident. tout._..., qui n'est pas latin, apparait comme étranger, onental
et ~me asiatique, en Orient. l'hellénisme conservé par les Romains après avoir été
implanté par Alexandre le Grand, apparaît comn>e de plus en plus occidental.
A tel point que se fait jour, trois pôles et non plus un seul : un Occident - av«
pour ,-entre légitime de l'impériafümw. Rome - et deux Orient, l'un hellénistique
- avec pour centre legitime de l'impérialisme, Byzance - , l'autre asiatique .
les trois pôles essentiels de la résistance anti-hellène en Orient asiatique sont. dans
un premier temps. les Juifs et les Perses ; dans un deuxième temps, les Arabes.
Les Arabes sont d'abord clients de Rome, à la marge de son empire, el contrepoids
efth:aœ au danger perse ou même au nationalisme juif.
'L'h~-perpuissanœ" 2 romaine tient à la prépondérance du pôle occidental sur le pôle
hellène. Lorsque l'empire s'orientalise, lorsqu'il intègre le christianisme, la polarité
entre un Occident romain resté massivement païen et un Orient romain en voie rapide
de conversion s'accuse et aggrave la fracture au sein de l'Empire.
t ·Empire romain voit son unité affaiblie par le développement en son sein de
religions venues d 'Orient. et l'important écho que celles-ci trouvent auprès de l'élite
romaine.
L'unité de la Méditerranée est fissurée puis brisée par deux faits historiques
majeurs: les invasions barbares; l'irruption de l'Islam.
les invasions barbares ont pour effet de germaniser l'Occident romain, et de
préparer le œrrain à une nouvelle représentation civilisationnelle, l'Europe. Pour
autant. et comme l'a montré l'historien Pirenne, la germanisation n'a pas brisé l'unité
miéditeo:anéennel. Dans la plupart des cas, les envahisseurs ont même plutôt été
absorbés par le cadre méditerranéen et romain, plus qu'ils n'ont proposé de nouveaux
cadres politiques. Sous les Mérovingiens, le commerce avec l'Orient ne décline pas. La
Méditenanée reste un espace de commerce ouvert. Il faut attendre en fait l'expansion
de l'lslam pour voir la Méditerranée se fermer au commerce entre l'Orient et l'Occident
Les raisons de l'émergence d 'une civilisation arabo-islamique sont à la fois d'ordres
endogène et exogène.
Ces raisons sont d'abord propres au Moyen-Orient et en particulier au foyer
géographique de l'islam, la péninsule Arabique. Nous traitons ici des facteur.;
endogènes - ethnique, linguistique, religieux, socio-économique - suivant la
typologie de facteurs géopolitiques que nous proposons dans cette partie consacrée à
l'identité :
- facteur ethnique : la montée en puissance des Arabes fondée sur l'épuisement de
la lutte entre Byzance el les Perses ;
- facteur linguistique : le recul du grec comme langue unificatrice du Moyen-Orient
et héritage de la puissance politique romaine; au début du VII" siècle, le Moyen-Orient
atœnd une nouvelle langue d 'unification politique et économique;
- facteur religieux: le Moyen-Orient du début du VII" siècle est profondément
divisé du point de vue religieux; là encore le besoin d'unification religieuse se fait
sentir ;

1 L FEBVllE. L'Ewuitw. ~


d'111t1t c:"lluoliot1. P•n1. Penin. 1Y99.
2 ra. ,..._n 1.111 ta"me comcmporain qgj a~ choisi puur dhiper ka Êtats·Unis d · An~rique dan' l'~te pos1~\IUT'f

) H. Pli.DINE. B. LYON. A. GUIU.OU, F GABRIELI . H . STEUER. Mahomi!t l!I C:ltarlt!mugnl!. IJy:an,·e. /1/nm '' 0.:ciJntl
"""'11"-,..,,....,/11"· Joca 11ao*. 19M
Chapitre 3. t.... reliKl<•n

- facteur socio-économique et sa combinaison avec le facteur religieux : la nouvelle


religion doit être pilotée par les bourgeoisies citadines qui contrôlent le systeme
économique du Moyen-Orient - nous voyons le lien entre la cité et l'agriculture et la
domination d'un capitalisme de commerce et de rente du sol, mais non d'entreprise;
- la combinaison du facteur ethnique et religieu>< fait de l'islam la religion nationale
des Arabes.
Ces facteurs qui déterminent l'émergence de l'islam sont augmentés au moins par
deu>< facteurs surdéterminants favorisant d'autant mieu>< l'expansion de l'islam: le
système de conversion de l'islam et la complicité des Églises orientales dans le
développement de la nouvelle religion.
Les raisons d'émergence de l'islam sont ensuite liées au contexte géopolitique
global de la Méditerranée. Il existe un débat historique sur le maintien de l'unité
méditerranéenne jusqu'aux Arabes, débat qui débouche sur la question de la naissanœ
de l'idée de civilisation européenne comme contrecoup a l'expansion de l'islam vers
l'Occident. L'idée d'un bloc européen face à un bloc islamique, qui est celle que l'on
retrouve de nos jours sous la forme du choc des civilisations, n'est-elle pas soulignée
par l'historien médiéviste Henri Pirenne qui soutient que 01arlemagne est le produit
de Mahomet?

11.1. La montée en puissance des Arabes s'appuie


sur l'épuisement de l'hellénisme en Orient,
résultat de la lutte de Byzance contre les Perses
La syrianisation de Rome sous les Sévères et même l'arabisation de l'Empire avec
Philippe l'Arabe 1 ne laissent-ils pas présager très tôt, du recul en Orient de
l'hellénisme ? Dès sa naissance, l'Empire romain d'Orient est asiatisé et l'hellénisme
menacé. Comme l'écrit René Grousset : "Perses ou Parthes, Arlléménides, Arasacides
ou Sassanides, tous les vaincus des vieilles guerres, tour à tour mis en fuite par la
phalange ou les légions obtenaient maintenant au palais sacré de Constantinople une
insultante revanche posthume. C'était bien leur esprit qui. sous la pourpre impériale,
commandait désormais aux arrière-neveux de Péricles ou d'Auguste. L'hmtier
d 'Auguste n'était plus, comme les Darius et les Xerxès tant méprisés de jadis, qu'un
'Grand Roi' : les Grecs ne s'y trompaient point qui lui donnaient eux-mêmes ce titre de
basi!eus." 2
L'unité de la civilisation grecque méditerranéenne est désormais bien loin. En
Arabie septentrionale, l'expérience du royaume de Kinda 3 - fin ve, début
Vl 0 siècles - annonce l'expansion postérieure de l'islam•.
Le long phénomène d'infiltration des Arabes en Orient grec. en Syrie, notamment, a
commencé bien avant l'Islam, comme l'a montré Dominique Sourde! : "à partir du
111° siècle de notre ère environ, le mouvement connut encore plus d'ampleur, favorisé
qu'il fut par les luttes existant alors entre l'Iran et l'Empire romain d'Orient. De
nouveaux groupes entrèrent en scène. Ce furent d'abord les Lakhmides qui résidaient à
Hira, en Mésopotamie, et qui réussirent à dominer presque tout le désert syrien ; leur
appartenait sans doute ce personnage nommé lmru al-Q'1ys, dont une inscription
funéraire datant de 329, où il se prétend.lit 'roi de tous les Arabes' a été retrouvée dans
le Hauran. De leur côté les L1khmidl'S, convertis au christianisme nestorien. étaient

1 Y rERRIN, T UAUZOU, Vt· /,, ( '11é.1 /·1;·m l'1r,· h1.w, 1irt· J .. Ro>n1t·. rllno;.. f.lli~"'- 1~7. coll "'lJrui."Cni1Cs·. p. \~.2-191

l R GROUSSET. Hl/1111 cl.· J'Jii.,.t111r-.·, Puns, l"lun. l~fl

) () ('t J. SOUH.DEL, /Jl c ti1111n~lirr hhwri•/IJ•' <k 1"1.'f/,1111, l'ari.s , PU f. I~ . p. 4K~ .

4 l:J. Ll:!WlS, /.,..,. Ari1ht's dcJ1u l'l/Ltloin·. Aubic?r. P:iris , l'N.1, r . 40.
480 f'11rl1t• J . 1'1•rr11n11...·1rre 11~ îJt"nhli1

devenus des nlliés des S.1ssnnides dont ils protégeaient les Frontière!! occidentales. Cc
fut pour leur faire face que les Byz.,ntins, vers 500, choisirent de favoriser une aulrc
famille arabe, celle de Ghass<'ln, dont un des chefs al-Hàrith ibn Djabnla, fut nommé par
Justinien 'phylarque et patrice' après sa victoire sur un des rois lakhmides de Hira .
Ces Ghassanides, qui {>tnienl eux aussi des chrétiens, monophysites, occupaient
surtout la Jordanie, mais ilVilicnt pour mission de protéger tout l'ancien limes romain de
Syrie; l'exp('dition sassanide contre ln Palestine en 613-6"14 les dispersa pratiquement.
Lakhmides et Ghassanides participaient en tout cas à une mème culture plus évolul'e
que celle des tribus nomddes de l'Arabie.'' 1
L'émergence de l'ethnie arabe est favorisée par le duel mortel que se livrenl les
Byzantins hellénisés, et les Perses 2 , lesquels n 'ont jamais accepté l'hellénisation du
Moyen-Orient. Hier, les Romains trouvaient en les Arabes des tribus alliées contre les
Perses. Aujourd'hui, l'effondrement romain se traduit par la d é bâcle du monde grec en
Orient el par l'affirmation des populations irano-sémitiques, Perses et Arabes, ccrles
ennemis de longue date, mais tout à coup rassemblés dans la grande lutte conlrc
l'~ce hellène bâti par lskandar le Roumi, édifice qui avait assuré pour plus de mille
ans aux Grecs, puis aux Romains et aux Byzantins, la domination du Vieux Monde.
Bien après qu'Alexandre, en soumettant les Perses de )'Hellespont à !'Indus, eûl
hellmisé l'Orient, Khosroès Parviz rend aux Perses - pour vingt ans - loul cc
qu'Alexandre leur avait enlevé. En 613, il arrache aux Byzantins ln Syrie, en 614, la
Palestine. Une de ses armées pénètre en Égypte, l'autre, traversant de part en pari
l'Asie Mineure, va sur le Bosphore établir le blocus de Constantinople, en liaison avec
la horde mongole des Avars qui assiège de côté la Thrace "la Ville gardée de Dieu". À
Byzance, la reaction ne se fait pas attendre. L'empereur Héraclius, monté sur le trône
de Constantinople laisse les Perses et les Avars encercler sa capitale et va menacer à
revers, par le Caucase, le Roi des rois en son paradis de Zagros. Khosroès succombe
dans la lutte et Héraclius récupère tout le terrain perdu.
"Ce qui nous importe c'est le caractère qu'avait revêtu des deux côt~s ce
gigantesque duel : l'aspect d'une guerre sainte", écrit Grousset. "En s'emparant de
Jérusalem, les Perses avaient enlevé la vraie Croix . En 630, Héraclius vainqueur se fil
rendre la Croix et la rapporta solennellement au Saint Sépulcre : déjà une croisade
Mais la victoire laissait Byzance aussi épuisée que la P e rse à l'heure où grandissait du
côté du Sud, en menace à l'une et à l'autre, l'arbre immense de l'Islnm."3

11.2. Le recul du grec commr. langue unificatrice au Moycn-Oritml


et la divi s ion linguistique qui en résultr
favorisent l'émergence d'une nouvell<' langue commcrciulr
tëdératrirr

Karl Jaspers appelle l'âge axial - de -800 à -200 - cette époque où furent formul~
les plus grands motifs des principales traditions lettrées pré modernes qui allaient
dominer ultérieurement toutes les régions culturelles centrales de l'ancien hémisphère.
à savoir la tradition chinoise en Extrême-Orient, la tradition indienne nu sud de
!'Himalaya, la tradition hellénique ou européenne dans les péninsules anatolienne,
grecque et italienne, el la tradition irano-sémitique post-cunéiforme entre le Nil ri

1 o. SOURDEL 111.•lulrr Je, Aroht-.• . 4t> éLI ' Pan:"I, r li F • 1CJ()1. 1z" p . i..:1111 "()Ill! ~uti .'\· JL' ., .. . n " 1 r.21 . p 1~
l JJ NORWJl'H. lhfl1Jirrdf' Hy:11nn· rJJ0 -14.'ill. P11n", f'crrin , l 1)(J9. (lmJ11...: l1tm ile /\ Sl111n l l1 ,.111t)' 11f lly11m11um. LI.wifr'.
VikinJ. IYll). p 94·120
J R.OP.OUSSf.T, Ill/on ,,k l'hin11lrc. P•ri•, l'ion, 11/4(1
Chsplm. 3. l.1 religion 481

l'Oxus, de la Syrie au Khorassan - nord-est des hauts plateaU11 iranien!!. Cet àge axial
C!lt l'âge de Confucius, de Bouddha, de Socrate, de Zoroastre et d'lsafe.
L'historien américain Marshall G-5. Hodgson, dans un ouvrage qui alimente
largement notre réflexion géopolitique sur l'lslam 1, souligne l'importance de cette
époque axiale où se sont édifiées de grandes aires culturelles fondées au moins sur la
langue.
Plusieurs langues jouent un rôle essentiel. Le grec d'abord, incontesté dans les
péninsules européennes, de !'Anatolie à l'Italie, tandis que le latin occupe un rllle
secondaire, d'imitation. Le sanskrit ensuite, incontesté dans les plaines du nord de
l'Inde; le chinois est également incontesté dans l'étendue de l'Empire des Han. En~
Nil et Oxus, cependant, aucune langue n'est incontestable. Si bien que le Moyen-Orient
est le lieu d'une diversité linguistique qui apparaît comme une faiblesse par rapport
aux grandes aires culturelles de langue.
L'araméen est la langue sémitique du Croissant Fertile. Elle va donner plusieurs
variantes littéraires aux chrétiens jacobites, aux chrétiens nestoriens, ou bien encore
aux juifs. L'iranien moyen est parlé par les Parthes et les Perses. n n'existe donc pas de
langue unificatrice pour les différentes allégeances religieuses monothéistes. Bien avant
le début de l'islam, une langue nouvelle est née, l'arabe qui se répand par
l'intermédiaire des Lakhmides2 et des Sassanides3 .

11.3. Contrairement aux grandes aires civilisationnelles d'Enrope,


d'Asie et d'Extrême-Orient, le Moyen-Orient souffre
d'une grande dh,;sioo religieuse
L'hellénisme avait préparé le monde aux grands empires régionaux: Rome, les
Maurya el leurs successeurs en Inde, les Han en Oùne. Le développement de ces
empires fraya la voie à l'essor de grandes religions universelles : christianisme.
hindouisme, bouddhisme ... Comme l'écrit Hodgson. "ces religions apparurent soit
sous la forme de fois créées dans cet esprit dès le départ. comme le christianisme et le
bouddhisme mahâyâna, soit sous la forme d'anciennes fois transformt.es, comme le
judaïsme rabbinique et, apparemment, le shaivisme et le vaishnavisme hindous. Elles
se répandirent à partir des cités pour s'imposer partout à la population. Dès le début
du premier millénaire de l'ère chrétienne, dans toute la zone afro.eurasienne, l'une ou

1 MG S HOllGSON. L '/t:lum OOno; l'hi.,toJir•• m01uJi11/t>. Pans. . At.~ SuJ. Smdbod. IQ98 . 300 p . . tr..l_ de RC'thinkin@: Wortd
llis1ory, Euu.1·.,- on ElltvpC'. !.rlnnr, .,,•.; IJ"ur/cl llurmy. C1U"T1hriJ[1.c. Cambridge Uni\'CT'!llf)' Preu. 19J'.\.
2 La cap;1alc de l'Emp1n: L...okhnrn.lc fui nl-llin . site ruiné r..-b Jic. t'ai.:1ucl Najaf. n ~111 a..-.i1 di: la "·illc b pbas i~ dt la
~gion uuis ~t~lcs 1wont l'appnrith1n de l'islam . D ct J SOUROFL. 1Jri·1ù111n.1irr hurur~ tir ru1,.,. , Pari._ r .C.F .. 1""
J '"À la vrilll! tk l'apf'"nlion lie l'blmn, une m•u\·t.•llc êcrilurT. 1'1.~ritu~ J1rabc, .1un1i1 étt ulih!oéc Jan.._ da milieu.' qui leur
11unicnt été plus ou 1nom~ liC-s 1. ..·:ia t~moi~nug("s ~uc l'on peul tn\~Un ~ ,,.·.:1 qr::m.1~~I1."Cl1C!I il~~ diD
prol~rohc~ une in:1..:ripti,1n ..-h~t1cnnc lrihnguc Je !i 12 INU\'C'c û ZaboJ en Syrie Ju NonJ : une aufrc' ~ Je: ~ pN~

de llnm1n, ù11n~ 1a n:.~1011 Ju lhtunm. 1.,•t ,~voqu::m1 111 ""'nnHru.:1inn J'un nui.rt)Tium ; wu~ 1rurcripliQn du O)abal t·u~ à f"rsl œ o.n...
Ja1tt de :'i2K cl m\."nl111nna11t h.• ph~·l11t1quc- t1ha.'\.'4lnnk nl-11.i.rith. S l04urllc 11 faut p:ul-èln:: •jouh:r !lm'~ DDll dsltt d'Utnm
al-l>jin\1111, 110 •ml J.; Hma:L Il'-'"' 1nu1..-li.1ts ..·1..•nmn tJu"11u \'I'" ~''-'-' lt' tk nt•ltt m C'lalCTll tittli.J.è:s.. co S~M <'I en J~. Jee ~
prucht''I lie ..:cu' 4t1l" l"un uppcllcna cn,.11it ..• :uuhc..·s. d1ffl'f\."nt)I. cn ll,U.'I ..;-s... dt .."<u.' qu'('llll ~foyatl •u tNbut JM IV"' sëlr. dllb i.
rné'mc· n"'}tion . l~nrre l'C" lieu:\ ~·n1>tl<!!i se- s1miern11 Jt•nt: l'tn"c-nuoo de- l'-êairurr ~ -· ouJ'8I' tnmti:lrrrmlim'I
~ ~

prugn:-,.'11\'C d'&:riturr.; anh~ri.:urcs ... , li..· rhCm1mC11r aumil rns pltM;'-· tbl.n!i rnritotn:s f'êsi.'t r-r la I~ et lcr
~

OhousanitlCll, !i.af\.<; tillC' rmu.s ru1s..... 11111 .. l"'\'"'"'"C'f 1•lus ll•lll '""S UWC'Sliplttlft!i ni s.t.1folr si C'Cttt C..rihft M \'TllÎmcot' c~ i:n
M~w.nnmic canunc- IC' veulent li:• lii ... 1unc-n.; :.ml~ Jl'••uCnieur;i . n,·an1JeSC'~enSynco,11:'11 JOl'dmnir C'l m A.table J11VPft111CDf
Jitc l'UtlJUUN C'~HI \.)U'à ln 1fCilk tic- l'11rr..·u i h~ll1 l~ l' n1h11111 l'n.-ril\LJ"C' $JI ptaljq~ JMtt des ,,11a ~ 111ell" ~ .. ~*- · · In
o_SOUROl·.L, 111.•tmn: 1lt'.\" .·lro1/o.·.\ • .. .. L'd • 1~1\n.... r.u F .. l~I • ._-,.111. "'t._l~ ..ai~·.IC . ... n• tt.27. r. 1~
P,1rt1e J . Pnnummc.c JL5 iclnwhtn

l'autre obtenait le pouvoir politique et tentait d 'acquérir une reconnaissance exclusive


pour elle-méme."1 Dans ces régions les paganismes avaient été jugulés.
En Orient cependant. le rejet de l'hellénisme causa une fracture dans le
dlristianisme qui aurait pu étn! la grande religion unificatrice du Moyen-Orient. l.t
dissidence des Eglises orientales à l'égard de Byzance augmenta la division religieuse
dans la région. En œ sens. nombre d'historiens ont souligné la responsabilité des
hérésies nestoriennes~ et monophysiœs3 dans la naissance de l'islatn.
"En effet. quand la Syrie et la Mésopotamie romaine eurent accepté le baptême,
elles profitèrent. à partir du v~ siècle. de la propagation des hérésies nestoriennes et
monophysites. pour se donner des Églises indépendantes de rite syriaque, gTâce
au....quelles leur pensée et leur littérature échappèrent à l'hellénisme. Cette
déshellénisation. L-ette renlontée en surface du vieux fonds sémitique, c'est encore une
nouvelle annonce de la grande marée musulmane qui. au vne siècle, achèvera de
détruire en Syrie l'œu'-re d'Alexandre le Grand et des Romains. "-l
les querelles religieuses entre chrétiens furent instrumentalisées par les Perses a
leur profit. Tout en campant sur un mazdéisme intransigeant, les Sassanides, tolérèrent
et mème protégèrent les Nestoriens, surtout à partir de 489 - date de la proscription
du nestorianisme par l'Empire byzantin - face aux Byzantins.
Plus tard. la facilité des conquêtes arabes de Syrie et d'Égypte, entre 634 et 6435 ne
pouna ètre expliquée que par la collusion entre les Arabes et les populations
chrétiennes orientales émancipées de Byzance. Comme l'écrit René Grousset, "A
Antioche, comme à Alexandrie, les chrétientés monophysites, de rite syriaque ou copte,
que l'orthodoxie byzantine persécutait, se firent les complices de l'invasion. C'était le
début d'une longue alliance entre !'arabisme et les chrétientés d'Orient, lesquelles
venaient de choisir le camp des Arabes contre Byzance et l'Occident, et qu'elles ne
quitteraient désormais plus jamais. Ce faisant, elles permirent à l'islam de jeter
l'hellénisme à la mer et de le recouvrir d'une nouvelle culture."6
Alors même que l'Orient était le théâtre d'une grande division religieuse, favorable
aux P~ puis aux Arabes, et défavorable à l'héritage d'Alexandre le Grand, partout
ailleurs, "l'idée d'une religion universelle obligeant la population à lui faire allégeance
était considérée comme allant de soi. "ï
L'Orient arabe et perse attendait donc naturellement cette grande religion et ceci,
d'emblo!e dans un espace géographique qui dépassait largement La Mecque et
s'éœndait entre le Nil et l'Oxus_
Par ailleurs, la religion attendue devait nécessairement faire la synthèse des
divisions religieuses locales- De grands débats entre chrétiens et juifs trouvaient cour.;
à la Mecque et à Médine, alors méme qu'une majorité de la population restait paJenne.
Cest en ce sens que Hodgson remarque "qu'il est possible d'interpréter la plus grande
partie du Coran comme une tentative de remonter au-delà de ces discussions à un
él.ément de base commun, à savoir la foi d'Abraham. qui était antérieure aux juifs et
aux Clirétiens."8

) M..G..S. HODGSON. L'W111n dan$ l'IJuto1rr mvnd1ule. Pons. Actes Sud . Smdbod. 199K. 300 p ; 1111d. de Rcth1nlwl1 WorlJ
Hilllary. u-rp Oii Ewvpr, blatrt. fJl.d World llmmy. Cambodge, Cambndgc Uni\li:r.;ity Pn:ss, 1993. p 49 .
2 H.C. PUECH dll' . IWIDirrdarTligion.s, Pari!I , Ga.Jlîmud, 1999, coll . " Folio essais... t. 11••, p . !!17~1iKO

) l 't,,lü.,-i. pu-cumpl• · fdnn. p. 8fl0.8H5 .


• R. GROl!SSET. Bilan AU' l'HUtoin. Pans. P U.F . 1946.
5 Il. MANTR.A.N. L '~ionmus11/m1Jnr (V//' -X/' stec/eJ. 4c t!d .• P.:ins . PU F . 1991. c;ull . "Nouvelle Clio", p QK-10)
61l..GR.OUSSET, 81/mtsurl'Hu101rr. Paris. P.U.f .. 1946.
7 M.G.5. HODGSO.N. L 'J.1/awr. Jans /'hulmn m1HU/1ulr. Pans, Actes Sud, S1ndbod. 1998, p . 4Y t1r.1d . de Reth1nluna ""'..U
t:tmary.~ Gllfl E~. /.dam. und Wur/d llu1ury, CambndHe, C.:ambndaic Um..,cnity Pn:H. 1993 ) .
•,..,,.49
Chopll"' 3. La religion

Beaucoup se sont étonnés du fait que presque immédiatement aprè9 la mort de


Muhammad en 632, sa communauté se soit rendue maitresse de toute la région du Nil
à l'Oxus. C'est que l'espace compris entre ces deux fleuves était à prendre par une
grande religion universelle capable de réconcilier les divergences apparues d'une
même source abrahamique.
Dès qu'il fit irruption, l'islam prétendit représenter l'apogée de la religion
univer.;elle el posa un vrai défi aux autres civilisations, à tel point que l'effet
d'unification de l'islam induisit un effet contre-unificateur en Ewope et en Inde.

11.4. La situation de carrefour du commerce mondial du Moyen-


Orient appelle la formation d'une grande religion unificatrice.
à vocation mondiale et gouvernée par les bourgeoisies citadines
"la ville, source de preshg• et de pouvoir dans l'ls/Jlm. Par ses origm.es d par ;on u1iJJ1.
l'Islam est une religion citadine. Il est né dans un milieu urbain, œ/ui des oille; du Haljiiz, 1.11
Mecque et Médine. "1

Le Moyen-Orient occupa très tôt un rôle de carrefour du commerce mondial. Il


n'existait dans aucune autre région du monde, une telle concentration de goulots du
commerce lointain. Nichapour et Balkh dans le Khorassan - au nord-est de l'Iran -
étaient des villes carrefour. Chine, Inde, Méditerranée y convergeaientZ. Le Croissant
Fertile était une autre zone de convergence commerciale3. Les seules grandes aires
culturelles du monde en contact avec toutes les autres étaient donc sémite-iraniennes;
cette situation centrale faisait des pays sémite-iraniens le centre da commerœ mondial,
de la mondialisation marchande.
Au sein de cet ensemble, la ville de la Mecque dépendait pour son existence de ses
liens commerciaux avec le Croissant Fertile. Les marchands locaux étaient donc
conscients de l'équilibre des forces politiques dans la région considérée comme un tout
L'importance de cette situation géographique pour le commerce mondial ne
pouvait que favoriser la montée en puissance du commerce irano-sémitique. Les
premiers siècles de notre ère s'étaient traduits par l'affirmation des populations
iraniennes et sémites au plan commercial. Dans ce contexte, le grec, langue du
commerce mondial utilisée notamment dans le large réseau de routes comrnen:iales
reliant l'Inde à la Méditerranée, avait perdu du terrain, au bénéfice de l'iranien4.

l X. de PLANHOL. Lt.•s .\'u1irut.Y Ju ProphC·h· .\f<Jnud J:t.'i•gruphiq111· Jt. ~ _,...,_._._ Pwîs.. fa}..-d. 1Wl. p. 1-6.
~ cnR La ~edi11:r'1'8Dtt' cl"lln a.k. et fh:. .: ou la OllllC..
2 Let \'illes ccnlmlc!I de l'Iran occ1dcn1nl dr.11na.icnt le cuim:nen:r:
de l'autre, une grande pan du commcn:c entre les ~rs ~dionak:s et le .,.,~ ~ la Casptenne et tes roula ~ f t f t la
rig1oru de la Volga c1 de l'lrotych ". m M G S UOOGSON. L'Islam~ l'lruto"-' ...-Jia/~. Paris.. Actes Sud. Sa.a.d. t991l.. p . N
(trad. de Rc1h1nking World Hi!uory . Es. fa.1·s un Eu"'f"C· lslœn, a,.J H'orlJ Histor:o·. C ambnJgc. C~!JC linn:a~~ ~ t993 l
J '"Dans le Crois.sont fertile. enfin. ou 4 1111 porte Q c-ôtC en Ëgyptc. cunvn'g'C'aionlt rlUS«Un des 1VUlcS tan:sZra ~ci·
ckuus, ainsi que toutes le! roulC'S entre les loint1uncs men mrridionales et L:i. ttt:•on de 111 Màl.itrnmJét. aVtt son Mllelœ pm)'S
nonhque- curoptcn - - m.o.1s aussi les 114ys soudena1s 'e" le sud.'". f.Jot.. p. IQ .
4 "Ce n'ttaH ras .;culm1c111 ~ntrc 1~ Nil Cl l'O"u.~ ~UC" le ~'Ttt Ctlut C't'I ttain o.k cCdcr ~· mn1 ptus~ ~ ~ .
dam; le rC~cau plu.'I lari;c q111 rcho.11 l'Inde :iu ~~in me,JitcmmCcn. il J1C'Td:lit sa ~Uoa 1,.~ÙC'. et l"'in.aft. et plm
paniruhl!~menl le!'! grau!""-~ .:;émi1uiucs. p.as..<>;111 au rrcnucr rLm. Au ~me moment ou le- Jf'C': cenait d"kœ utdde dli:m; l'tnde

occ1dcnualc. des colonies 1ui,·cs cr c:hn:1u:nnc-..; . \1u1 aUo.ucn1 phL"i 1:mJ èrn: rc-i"intts J'llr les ~ se fcnmiatl mr ta C.-.
n~Jimm: 1.h.1 Sud·OUC""!'il. En dirc1.'.ltlm l'f'("t1sCl! . t'iu."TI "tUC" k ~n.~ ~ fùt f\tl'.'i du.s..~ dC' son ~ dam le Bassin ~ on
CtHllmcnçail d prrndl'l! les cmnmcn;a111.; Jans k:. rè~1t'ns .le tt '-'l."1:1tcrr.mC'\." U\.·.:itknUIC' pour Jcs 'Syrinis' nu der. JUI&. Ea E.-
C'C11ln11c, l'in0ucnce lndlCftM élail égülenU!nl n>ni:WTelk.~ .-r Jic..., gn1upcs ~ Le C'GllllDCl'œ a~ rE:sa atticaiB Ctait
lplcmcnt dominé par du Sémiti:s qui ~nuent des hou a\'O.: I• S~nc L'"'r-nslOft de la a.llllft ~...- • ..,... simi
rnnuncricC •1uclquC5 temps .,,11111 Muhummail n. /111.._, p. '17.
Partie .l. Pc,.mmrem:c des tdmlith

li est logique que cette situation gropolitique favorable au commerce mondial ail
favori~ la prépondérance politique au Moyen-Orient de bourgeoisies marchandes.
Tout d'abord, il faut souligner les déterminismes géographiques forts de la région.
Hoc:lgson considère en effet les régions comprises entre le Nil et l'Oxus qui sont arides
par rapport aux régions des péninsules méditerranéennes et des plaines du nord de
l'Inde. Cette aridité favorise l'insécurité de n'importe quel système d'aristocratie agraire
puisqu'à la différence de l'Europe, il apparaît difficile d'enraciner la paysannerie et de
la lier à une seigneurie. La région est donc plus favorable aux nomades, éleveurs de
chevaux dans le Nord, chameliers dans le Sud . Hodgson souligne ensuite qu'une
"dasse privilégiée de pasteurs en vint à constituer une alternative permanente à la
classe agraire". Avantage en réalité est donné aux marchandsl . La tendance marchande
de la région ne cessa de s'accuser, expliquant la montée des forces des valeur.;
égalitaires et cosmopolites2.
Logiquement donc, le triomphe de l'Islam est celui des intérêts commerciaux de la
région3 . Et notamment, au départ ceux de la Mecque - une dynastie marchande en
particulier, les Omeyyades - et de ses routes comn1erciales4 .
Le triomphe de l'islam n'est donc pas seulement celui des Arabes. Il va <Hre, pour
plusieurs sièdes celui d'un mercantilisme moral où l'on verra les marchands soutenir la
chariot et les ulémas5 sortir le plus souvent des ntilieux marchands. Dans les
premiers siècles de l'Islam. suffisanunent forts, les marchands musu Imans n'eurent pas
à favoriser la construction d 'États puissants les protégeant. L'impérialisme de l'Islam
favorisait l'essor du commerce mondial, et l'unification des routes commerciales. Le cas
du Moyen-Orient semble donc très différent, voire contraire, à celui de l'Europe du
Moyen Âge où une puissante aristocratie agraire s'appuie sur le système féodal pour
ralentir l'ascension bourgeoise, laquelle apporte son soutien à l'édification de royautés
centralisées - la France par exemple.
Au fond lorsque les milieux marchands s ont assez forts, ils "mondialisent" de
manière autonome; lorsqu'ils ne le sont pas assez, qu 'ils sont bloqués par des
aristocraties traditionnelles ou enracinées, ils favorisent au contraire la formation de
structures étatiques qui cassent ces féodalités et servent de cadre intermédiaire à la

1 ·Akn que la leo~ de la petite ooblcs.sc agnire étatl en moyenne moins s üre que J ons les autres n!gions ccnltlles. la
posabOD des cluisc:s ~ était en n:vanchc 1CT1 moyenne éco no miquc:menl plus sùre. pnrce que: cellcs·c i d1spos.:uen1 d'11outs
tp6<-".Jb ...... p. 71.
2 •R.cjct dc!l linu hîCnicluqucs ou a.nstocrallqucs, dévalo m::uiu n c.lcs sy mbo hsmcs lo coux liés à lu matun: que: l'on rcnou\1~n
pm' .. mile dam riconaphobic de l'blam."' Jhidrm, I"' · 81 .
l "'A.uni b6ai la nouvelle rr:hgion que la nouvelle polllique et !les conquê1cs furent lnrgcmenl l'œuvn: de mArt:hands IU.\ \UG
scmnupohln.. lni11t par un nmn:hmKI dans une: ville mon;hundc mdl!pendentc cngugéc dom; le cuinmcn:c lnmtoin, l'Islam dc\·int Ir
cmlftck nJliemml d\m muuvnnml politique usez complexe.''. /hJJem , p . Al .
4' 9\Jn da ramrta de ce mouvement ~lllil l'c.,.;lcns1on c.l'un S)"1'lième puhtiquc et éconmmque que les Mecquo i.s 11Y11m1 dt,t
Mùh ..,... conu6k1' ln routa cntf'c I• Syne Cl le Yémen Lo prospérité de Io Mec:que !tcmble o vu ir iété fondée avec l'a11k ak ln""
..._.Wa le kln& de 11 route de Syrie. lnqucllct, il l'tpoquc de Muhamm11d. ~lotcnt dons ln sphère d 'mnucncc byzantine. Mw La
Mmcqur: ~·&Il fortifié'C en •'efforçant de maintenir mtrc Ici UOl!i centre~ du po u voir o~mîrc qut cn1ouroicnt l'Arabie bidoull'lt
rhû.. la 5)TW, lc Yânm.. Lonquc Muhammad pnl la suilc du sy !l lCme nu:equois de c u nlncts lribuux , 11 s e lil un Jc\'Olf' J'ns.ayttlf)
ailmorbcr ks tribcu 11tu6cs i l'allimilè syrimnc de Ja roull.! wmmc rci 11Jc tic l'oues t Ile I' Arub1c, 1rihm1 4u1 ovoicm fon'M un rbtr\·~
-~~ pour la Byzanhnl. El quand w:s siM:ccncuno v111nqu1rcn1 lïnislcmcnt ..:es lnbus , Ioule lu Syrie capitule tl çoc:Jfi'n
loyalcmcnl. ce qui~· pouiblt la .Ulft'I conqu~IC$ . Le n!~ultDI rut \IUe l'empire 111us ultn1.1.n rut goov cnu!. à portir iJc la Syne, ,....
la flllllillt rmn:h&adc: dirisnntc de I• Mecque - Ici Omcyyado; ··-, une r111n1llc qui avnil été 11pl!einlcmcn1 cngaatt ilan' I<
"""""""'oyrim.". '"""""·p.
83
S La uub!lmu IOrll lc:s doc:leun ck la Loi , au~• de "1péc1oli51Cs de Io 1c1cnce rcligicu5c: , Jnns 1'1slom aunmtr en ·,..,,a.· dr
riillmJ w fonmnt ,_ w. a1fJIS orpnili et hiCn:rchia.t, au IC'flS de clcrgl! . En revanche, dama l'1shun chhtc. 1.:cs suvanlJ qui p.>nCftl k
œm de mollM. COMl.ltucat J'ii!quinlcul d'un clerg~
C"'1pittt 3. [.., religion

mondialisation du commerce 1 • Puis lorsque ces États représentent à leur tour un


obstacle au libre-échange, les intérêts marchands entreprennent de casser à leur tour
les États, soit pour bâtir des ensembles régionaux plus grands, soit pour mettre en
place des systèmes transnationaux au sein desquels s'épanouiront plus librement
encore les flux commerciaux et financiers .
Il existe, outre le facteur socio-économique, un facteur géographique pur qui
contribue à expliquer l'absence d'États étendus, dans le monde arabe de l'époque: les
cités-États sont en effet accessibles, par les étendues désertiques, il des campagnes
militaires de grande échelle ; elles ont donc intérêt à se limiter à leur propre dêfen!le
plutôt qu'il celle d'un territoire étendu.
La thèse d'Hodgson souligne l'importance du facteur socio-«onomique dans la
genèse de l'islam ; elle montre l'imbrication qui existe entre les déterminants de
l'histoire ; elle présente le mérite de ne pas être moniste, intégrant la géographie
physique - relief, situation - et identitaire - ethnie, langue - aux analyses de type
économique. Nous sommes donc loin de l'analyse marxiste qui aurait réduit le fait
islamique à un nouvel épisode de la lutte des classes.

1 L'analyse d1.• 1101..l~son l'cu\ 11~1rfn11cmclll ~lte trattip<l)oc...'C i.ian.' h: 1.•adft fniO\'U.."' la~ JfiJiUC tm n\k u.jau ~ b
CUh!itmcuon de l1'.:toHUSlHHI lnm.,,,·u1s nn'f.lcn.c ~à rann J-=- I~~- Jc?<o in~ tnan:hands pou::u:all 4Ll decloUiunocmmc Jet; pmm.D

é1~1iqucs • le' Êlllb SC 1RlU\ cm tH_\tL'ioCUIH.


CHAPITHE 4

L'IDENTITÉ ET LA CARTE EN ACTION :


LES P ANISMES

Avant d'aborder Je facteur linguistique, et plus longuement, Je facteur religieux, on


•pu distinguer trois grands types d'uchronie : les grandismes, les mythes de l'âge d'or
étudiés dans le chapitre consacré à l'ethnie et à la nation, et les panismes, que l'on se
propose d'étudier dans ce chapitre.
Les panismes mette nt en jeu trois facteurs géographiques fondamentaux : la langue,
la religion, l'appartenance à un même continent.
Après avoir donné une d é finition du concept de panisme, on étudie ici
successivement : les panismes ethno-linguistiques; les panismes religieux ; les points
communs existant entre les panismes ethno-linguistiques et les panismes religieux - à
cet égard, l'étude du nationalisme arabe soulève la question du rapport entre l'arabité
et l'islarnité - ; les panismes continentaux; les liens entre panisme et impérialisme.

1. Définition générale

On appelle panisme, ou pan-idée, une représentation géopolitique fondée sur une


communauté d 'ordre ethnique, religieuse, régionale ou continentale. Le "ou" ici n'étant
pas exclusif. Le conce pt forgé d ès les années 1930 p a r la géopolitique allemande de
Karl Haushofer sous le vocable Pan-ldee1, est repris et développé par François Thual
dans les années 19902 . La d é finition que le géopoliticien français en donne est la
suivante:
"Les panismes sont des mouvements politico-idéologiques où Je regroupement de
tous les membres d'une communauté éparse devient l'objectif fondamental des
dispositifs géopolitiques. Ces mouve ments sont de deux sortes: soit ils se fondent sur
des critères ethno-linguistiques, comme par exemple Je pan-turquisme, Je pan-
mongolisme, le pan-germanisme ; soit sur des critères géographiques : le pan-
américanis me, ou des regroupe ments plus vastes encore comme le pan-arabisme; soit
encore sur des critères re ligieux comme la pan-orthodoxie. Dans tous les cas, il s'agit de
mouvements de rassemblement, d'unification et de fusion qui ont tous les mêmes
caractéristiques. 113

1 Voir n otre section consacrée à Kad lfaushufcr, géopolilicilm allcmaml


2 f . TH UAL, Mé1hoJel· Je la gt!upu/Wquc . Paris. Ellipses. 1996 ; F THUAL, A. Cl-IA UPRADE. Dù.·1immairc.• de
gêopo/iuque, zc éd ., Paris, Ellipses, 1999, :inicle "penismc" ; François TH UAL Llans le clêsir dt! ten·itoil'e. Pnris. Elhpscs. 1999,
donoc une definition de )"'uchronie" p . 1 13. du "pan·mongolis mc::" p . 159· 168. du ''pan1urquism~" p. 173-179.
J F. THUAL , le dë.'îir de territoire, Paris , Ellipsc::s. 1999, p . 113 .
p,,,.,,... .J. Pent111nC"m:~ Jtt idmhtlt

2. Les panism~s ethno-linguistiques

Ce premier groupe de représentations est fondé sur le mythe d'un territoire


hi.."'°rique nwximal sur lequel se serait épanoui, A un âge d'or, un groupe ettmo.
lillguistique.
Nombreux sont les peuples qui, à un moment donné de leur histoire, ont dévelo~
un panisme, l!t pour lesquels les vestiges Je ces représentations géopolitiquei
conlinuent de peser. On peut citer ainsi, de manière non-exhaustive, le pan-turquisme,
le J141hU'Bbisme, le pan-germanisme ou le pan-finnisme - peuples finnois. On traite ici
des Irais premiers.

2.1. Le pan-turqui.sme
'Que re.tait-il .~Turcs qui drpws 2 000 a11s uvaie"t fait tant de bmit? Après tnJOir rigniil
A~. à Tunis. J Tnpolr. "" ea;...,, à Ade11, à LI Mecque, /ùusalern, il Damas, à Alep, à Ispahan, 4
s.......mmd, à Kachgluu. à Kaza11 et à A..<traklrarr, à Sarny. à Constantinople, à Kabul, à Delhi, à
BijllpUT. >"Vr le Tarirn et l'Otük.m, à Pe1cin, ils n 'avaient plus entre les mams une seule graruù
t~Ut. p/11.5 un~ pt!tit État. La Turquie ? Avait-elle existi puisqu'en Anatolie mime un parlarl
d'un "'!I""""' grrc. d'un royaume arménien, kurde ? L'Empire ottoman ? En un demi-millinarrr.
il ,.•...,.,;t m difinitif ni turquisé, rrr islamisé. A P"" de chuses près, le mcmde réapparaiSS11it ltl
qa'il 111111it ifi OZ>1111t qu'il nr sr constituât. Le chiisme qui avait été so11 ennemi au seirr de l'islam,
..;1 swWcu. Le dtristian~ élmt intact. .. 1

Le nationalisme turc est une idée née essentiellement des ruines de l'Empire
ottomanZ. Au xv• siècle. après Tamerlan3, on assiste certes au développement du
tx:bagalay comme langue littéraire"' ; mais la prise de Constantinople en 1453 efface
l'idi!e tmque au profit de l'idée dynastique ottomane qui reprend, dans la succession
dei Arabes, le drapeau de l'islam5 . Jusqu'au XIX• siècle, le terme de Turquie a disparu
du vocabalaire de l'adntinistration ottomane. Ainsi, en 1803, Halet Efendi6,
iUDbassadeur de la Porte à Paris, est choqué de se voir désigné comme turc. Le concept
de bm:it2 est à l'origine occidental, car il fait référence à une pensée nationale. On
renvoie à la section consacrée à la dynastie - chapitre portant sur le dan, l'ethnie, et la
nation - soulignant le fait que les Ottomans semblaient accorder plus de crédit à la
légitimité dynastique et islamique qu'à la nation turque 7 . Paradoxalement, le terme de
Twquie revient chez les Turcs par l'étranger, par la forme persane "Turkestan" et Li
forme arabe "Türkiye" autour des années 192CJ8. L'ottomanisme et le pan-islamisme ont
~p!lé pendant des siècles l'idée de pan-turquisme.

l l.P. 1100X. Hu-n: du T""". Puu. fayonl. 19114.


2 R.MAHT'llAN, H.ùtaur&W la TurquA.e, 1"' Oil., Paru, P.U .f ., l993, coll. "Que sais-Je'.>"~ n° S39. p . 102 - 117.
J J;p. ROUX. HJ.:aoin "- T11ra flJmu. milœ œu dM Pacijiqu~ Q la Mldlterranë~J. Pan.!. Fayanl. 1991. p 2:?.S-246.
40....C'cmPRaoumamnJ'AJiChirNavtr- 1441-tSOI . X . W: PLANHO~ L1!3 Nutiun.s du PnJphi-1e . .WunwJ~
.,.,.,,,_ _ _ hri&,Foyoni, 199J , p. 27.

5 Il MANTJlAN dit.• Hùla;rr fk J'Empirr ouomun. Paris. Foyard. 1990. p H1-1J6


6W-.p.OM39.
; U ~ dir: ces IO!Jiques dyna51:1quo sur lout auln: lien J 'ullégcancc 11. l1C souli1itn~ par X de Planhol duu 1·~
* llN: GVVJWF sm l'lalam. X.. de PLANHOL Us Nu11un.s Ju Prophl!te. Munue/ gruKruphiq11t! ~ politiqiu mwul....,. Pva.
F.,...i.1!191.
1-t~ dM edmie9 et
~pla Ulriu mc:1 sus priKS les donnée• obJecl1vca et une coruw::iencc n.ationale r()f'll:ndl

~ ( .. ) Lm TQrb ~ flUtc centrale au toponyme poéliquc de Tou.run (Turan) ei. partAnl Je 1~


~et~-. samcnt da:m CCUC rqion leur pmlrie d"oril(inc.", m C et R. CHOUKOUROV. Pftlp/a .l'bi# ~·
r.n..s,n.. 1994,p 26.
Chapitre 4. LïdentUé ~t la carte en action : ln paniames

Une remarque cependant : le fait que l'Empire lui-même ait officiellement ~ la


tureité l't se soit pré~enté conune ottoman. cosmopolite et musulman. ne permet pas de
répondre à la question complexe et qui continue de faire débat : l'Empire ottoman était-
il un empire turc, c'est-à-dire essentiellement dominé par l'ethnie turque, ou autre
chose? Après tout, la réalité du pouvoir pouvait bien ètre turque et l'idéologie officielle
cosmopolite1 . N 'est-il pas plus facile en effet de dominer d'aulrefl peuples en les
associant à leur propre domination plutôt qu'en les confrontant à la réalité de leur
soumission ? L'empire c'est, au fond, soit la domination d 'une ethnie sur d!autres, !IOit
la domination d 'w1e dynastie et d 'une administration cosmopolite sur des territoitts et
des peuples différenciés. Nous n'entendons pas résoudre ici la question complexe de la
nature de l'Empire ottoman, mais simplement souligner la nature de ses
représentations idéologiques.
L'idéologie pantouranienne ou panturque est définie par les dirigeants du Comilé
Union et Progrès en 19182 qui veulent rassembler sous la houlette ottomane les peuples
turcs s'étalant sur le continent eurasiatique, du Bosphore à I' Allal, et de la Méditerranée
jusqu'à la Chine.
Le panturquisme touche directement les zones de contrôle et d'influence des
Russes, des Chinois, de l'Iran et de l'Afghanistan3.
L'idéologie panturque inspire la politique de l'Empire ottoman durant la Premièft>
Guerre mondiale puis lors de la révolution bolchevique avec des tentatives d'Enver
Pacha4 de soulever les peuples turcs d'Asie centrale. Enver Pacha caresse sans doute
l'idée de recréer un empire touranien des steppes, dans un "mouvement 'inver.;e de
celui qui avait jadis conduit les nomades turcophones des confins de la Mongolie
Jusqu'aux rives du Bosphore". Il meurt en 1922. émir du Turkestan en défendant
Boukhara contre l'armée Rouge5. L'expansion soviétique a mis fin en Asie centrale au
rève panturc.
Durant l'ère soviétique, les peuples turcs du Caucase, de l'Asie centrale, de la Volga
et de la Sibérie, sont maintenus sous la coupe de Moscou par le biais d'une forte
administration politique.
À partir de l'effondrement de l'U .RS.S., se pose la question de la nouvelle
orientation des républiques turcophones d'Asie centrale - Kazakhstan.. Ouzbékistan,
Turkménistan, Kirghizstan - et, dans le Caucase. celle de l'Azerbalcijan. Ces pays
vont-ils se tourner vers la Turquie ?

1 L'bisturicn J P. Kou." inlc!gn: l't:111rin: ..monWl.n .;,munc w1 1.."Jn...~ ~ha 1onauc hiaiJ.oên • T\11\."':IL.
.? R. MANTRAN . Hütvin.· Je· lu l"ut(/~h' . -;i c 1..-J .• P-.t.n,.. P.l: .t" .. l'l'H . .,:,1U. -<.,)uic.sa~-)1: ?" ; -a"'~)q, p l~.

•\ f-". THUAL. Lli' J&;:ûr J.· 1c·rriw1r 1.: . t•u.n!I>. E lhr.~~ l'-N'Y. 1l. 1"J\ . t -'7 .
.f R. MANTRAN llir .• Histmn: de· n-.·''V''"-' '°',._...._. ~ fll) N'\J.. l "NO. p. ta..1-+6.l!'-.
~ N. PlCt\UIX)l) , Lu J,;cvnn i' .,," dtrruffu k .~lrk-•t t"f!J,'.J. / oJ:.l ~. fbu.,cl-. C'Omplo.c. 199:!. , _~ .
... ~

a-.,.. ..
1imitoi1<r,,,..,.n-
XV1emto
1. Aml>oidjlo
2. lm
LAzba
b. ICldlkai
J. Turkméliislm
4. Ooub4isu.
S. KazKi-
6. Ruaie
c. Îllln
d. lladlkin
e. TcllooMdlel
f. Kbobls<s
1· Alllîem
h. Touvinimo
i. Kanidllil, e.a-
7. Kirghizie
8. Tldjili-
9. Qim: (Clalprs)
10. Mcogolie
11. Uknilll: (T-. de Crim!c)
12. Bulpric (minorill!s naqœs)
Il Maœdoinc (llliaariœi llllqlla)
14. Moldovie (Glpomzs)

ocian Jnditn

87. Le panturquisme: turcophonie et limites de l'.Empire OCIDIDall


Ctt11rttre 4. L'identité et la carte en action : les panlsmes 491

L'ambition de la Turquie est de redevenir le leader culturel, économ.lque et politique


Ju monde turc. Pour ce faire, Ankara peutl rl-activer le panturquisme, sans chercher
toutefois à territorialiser celui-ci.
Les caractl-ristiques gl-opolitiques du nouveau panturquisme sont les suivantes:
- le pan-turquisme s'insère dans un vaste dispositif régional : Ankara peut compter
sur l'appui des États-Unis et d'lsrat!l - importants accords d'assistance militaire
mutuelle depuis 1996 - pour contrer l'axe nationaliste arabe. La Turquie affronte
également l'influence iranienne en s'appuyant sur la Géorgie alors que Téhéran
s'appuie sur Erevan2 ;
- le pan-turquisme - sans volonté d'absorption territoriale - étend son influence
vers les Balkans : Albanie, Macédoine, Bosnie-Herzégovine3, partie Nord de Chypre4;
- la question des républiques turcophones d'Asie centrale est essentielle pour
Ankara. L'objectif pour la Turquie est de devenir le principal débouché des richesses en
hydrocarbures de l'Asie centrale, en partenariat avec les Américains, et d'empêcher la
Russie ou l'Iran de tenir ce rôle5. Jusqu'à l'automne 2001, une donnée importante gênait
toutefois le rapprochement d es républiques turcophones avec l'axe turco-américain : le
devenir de l'Afghanis tan.
En soutenant les Talibans is lamistes6, le Pakistan, également allié de Washington en
Asie centrale, effrayait les r épubliques d'Asie centrale lesquelles préféraient rester
proches de Moscou. L'éviction des Talibans du pouvoir central afghan a rendu à
nouveau possible dans les années post-2001 un rapprochement Turquie/Républiques
d'Asie centrale au profit de Washington et au détriment de Moscou. Mais depuis 2005,
les Américains perdent à nouv eau du terrain dans les pays d 'Asie centrale dont les
régimes se méfient des "révolutions colorées" pro-américaines.
Carte 87 : Le pan-turquisme : la turcophonie et les limites de l'Empire ottoman à son
apogée au XVI• siècle
Carte 92 : Les détro its turcs
Carte 54 : L'Asie centrale : le monde turc

1 Nous sommes en eITet dans le d o maine prospecti[ " La Turquie. Ê tat post-impérial qui est e ncore en train de Rdéfinir soo
HicnbtC.. peut prendre trois orientalio n s : les modernistes souhaiteraient la voir devenir un État europêen et regardent en direction de
l'Occident ; les îslamisles. favorables à une communauté mus ulmane, se tournent vers le sud et le Moyen-Orien!, tandis que les
ruuioo.alistes sont plutôt attirés par l'Est.". in Z. BRZEZJNSKI, Le Grand Échiquier (L'Amérique el le reste du mo,,Je), Paris.
Hachette Pluriel. 1997, p. 175-176 (trad. de Th e Grand Chessbourd, H arper Collins Publis her, 1997)
2 A . CHAUPRADE, F . THUAL, Dic:tionnaire de géopo/i1;qm~, zc éd ., Paris, Ellipses. 1999. article "Turquie" .
3 T . MUDRY . Histoire de la Bosnie-Herzégovine (Fa its e l c ontroverses), Paris, Ellipses, 1999, coll. "L'Orient politique'". Peur
k passé otto man de la Bosnie. p. 43 - I02 ~ pour la po litique actuelle de la Turquie en direction de la Bosnie. p. 360-362. T . MUDRY
dêsamon;:e la thèse de la politique néo-otto mane et islamiste - et d'ailleurs il faut choisir entre les deux - soutenue par Alexandre
del Valle. Thierry Mudry souligne que la politique turque dans les Balkans est surtout sagement alignée sur celle de 1'0.T.A.N. cl
des États-Unis en particulie r. et que. enserrée dans ce cadre rigide. elle ne cherche pas à renouer avec l'ottomanisme, mais plutôt à
~fidèle â la doctrine nationaliste de Mustapha Kemal hostile à un tel débordement territorial de la Turquie.
4 "LA Turquie a érigé la partie Nord - environ 35 % de la superficie de l'ile - . en une république turque de Chypre du Nord.
Soulenue financ ièrement et militairement par Ankara qui a installé des colons venus d'Anatolie, la n!publique de Chypre du Nord
n'est 50Ulenue par aucun pays du monde.", in A. CHAUPRADE. F. THUAL. Diclionnaü·e de gëopo/Wque. 2c éd., Paris. Ellipses,
)999. article "Chypre" , p . 100-IOI.
5 A . DULAIT. F. THUAL, La nouvelle Caspienne, les enjeux post-sol.'iétiques, Paris, Ellipses. 1997. p. 82-83.
6 Voir A . A.K.RAM. Hi~·toire de la guerre d'Afghanistan, Paris, Balland, 1996, coll. "Le Nadir". à propos du rôle du Pakisu.n
daos l'émergence des Talibans : "le mouvement a bénéficié à ses débuls du soutien du gouvcmement Bcnazir Bhutto", p . 452 ;
L<CpCDdaot., li encore, il faul nuancer : comme dans toute politique orientale, les États contrôlenl assez mal les mouvcmenls qu'ils
IOUbaitent manipuler. "de même que les Soviétiques ne sont jamais pnrve nus à contrôler totalement leurs crCatures khalqies el
puchami~. de me.me que l'JSI pakistanais n'a jamais réussi à dominer totalement des groupes - tels que le Hezb ou le Jamial -
qu'il a targement favorisés, de même que l'Iran n'a pas n!ussi à imposer son autorité A la plupart des groupes chiites, l'l!quipe Bhuuo,
qui a favoriaé l'énu:rgencc des Talibans, a de t:rès grandes difficultés à communiquer avec leurs chefs el à leur imposer ses vues ... ".
p. 455 ; les cho6Cll n'ont guëre chang6 depuis que les Talibans ont le pouvoir en Afghanistan. Le Pakistan les soutieru MDS
réellcmcnt lu contrôlCT.
492 Parlir J. 1'rnmmn1œ dn idm11tn

Cartc 59 : Le peuple 11lbannis à dwvnl sur plusieurs États


Cartl' 57 : Le conflit iJcntil.~irc du Kosovo
C;irll" M : Le~ ill."\.'l"ln:t~ dt~ Dilytnn : 1,1 c~ntlon de l'~tnl hosniélquc

2.2. Le pnn-arnhi@mr
L't!'rude du pan-arRbismc est une question géopolitique par excellence : elle
souligne. à travl•rs l'<1ffrontement du nationalismc arabe et du panislamisme. le combat
de l'l•thnie et dt> la religion .
La qul'Stion de l'arabisme est d'abord celle de la définition de l'ara bité.
Un texte du roi assyrien Salmanasar Ill indique une victoire à Qanqur en Syrie en
853 a'·· J.-C. d 'un .. coalition de rois de Syrie et d'lsra~l sur mille chameliers venus du
pays d'Arab.\il . Selon Hérodote, l'Arabie est la d e rnière des terres habitt!'es du côté du
Sud. La première inscription en langue arabe connue est celle de la pierre tombale du
roi lmru Qays qui meurt en 328 après Jésus-Christ à Nemâra, à la limite des désc!rts de
Syrie et qui se dit "Roi de tous les Arabes" . Mais ce n'est qu'à partir du VJ• siècle ap~
J.-C. que la pœsic pré-islamique en langue arabe dés igne des tribus ayant une m~me
culture et unt> même langue, par opposition à d'autres t!ilt!'ments ethniques. Le mot
arabe fait souvent référence au mode de vie du pasteur nomade bédouin.
Avant Mahomet donc, les Arabes existent, ils sont paYens, chrétiens ou juifsl. Leur
facteur essentiel de différenciation est la langue arabe. La langue précède donc l'islam.
Maxime Rodinson a tenté de dégager les critères de l'arabité. Il critique la définition de
l'arabité donnée par l'éminent historien britannique H.A.R. Gibb3, selon laquelle les
Arabes "sont tous ceux pour qui l'événement central de l'histoire est la mission de
Mahomet et la mémoire de l'Empire arabe, et qui, en outre, chérissent la langue arabe
et son héritage culturel comme commune possession", définition qui entraine une
négation de l'arabité pré-islamique en même temps que celle des chrétiens arabesl.
Selon Maxime Rodinson, nous pouvons considérer "comme appartenant à l'ethnie,
peuple ou nationalité arabe" ceux qui :
"[I] parlent une variante de la langue arabe et, en même temps, considèrent que
c'est une langue 'naturelle', celle qu'ils doivent parler, ou bien sans parler, la
considèn'llt comme telle ;
[2] regardent comme leur patrimoine l'histoire et les traits culturels du peuple qui
s'est appelé lui-même et que les autres ont appelé Arabes, ces traits culturels englobant
depuis le VTJ• siècle, l'adhésion massive à la religion musulmane - qui est loin d'elre
exclusivité - ;
[3] ce qui revient au même, revendiquent l'identité arabe et ont une conscience
d 'arabité."5

C'est donc sur ces trois critères d'arabité, langue, culture et histoire, et conscience de
l'arabité, que !'arabisme sera fondé . Quant au monde arabe, Rodinson le définit de la
fa~on suivante : "il s'agit de l'ensemble des États où domine l'ethnie arabe, où la langue
est celle de l'État et des cadres administratifs qui proclament leur arabité. Cet ensemble

1 \Il. RAOU F. Nuuw!a11 rrxarJ :sur Jt> narwnafümr araM Ruth t.'I na.ueri.'imt·. Pons, L'Honn:1ttnn . ICJ84 , p. 20
Z 8 . LEWIS , Ln ArulH.·s da'Lt l 'H1-t11Jln.•. P:1ns. Aub1er. 199), p . 29-47
3 L'idêc que l'aslam est la rc-hgion na1ionafo d~ Arubcs es t rni!·cocc . Gobmeou wut1cnt J11lf exemple que l'islam aun 11 ~mi
par lli racx uabe parce qut: ccllc-<:1 ne pou ..·a1t s'mtCgrc-r d.Ans lct0 auttc1' c1vilisutinns . A . llOURANI , E11n1p..· ""'' '"~ ,\ft.MJ~ f.llJJ.
London. The Macmdlan Pttu, 19H.O, p 61.
4 M RODtNSON , U-.1 Aruba, Pam1 , P U .F .• 1979. p. 18· 19.

""'"'·p.SG-51
Cll•rltK- 4. l.'ldentlttl ct ln c-arte t:'n ocllon · I~ pRnt•~ 493

forme une zone géographique cohérente où font ftgur" d'enclav8 'd~l'llbl*"' Je petit
1!101 d'l•ral!I et les deux villes marocaine9, hi9pani~ depui• plu• de qu11tre si~da, de
Ceuln cl de Melilla - en arabe Sabla el Mallla." 1 .

88. La ri.présentation du panisme i11'abi11le: la nation arabe de l'Albntiqae au Gal&

On voit bien dans la complexité mème de cette définition, qu" le facteur islamique
reste suffisamment fort pour empêcher le musulman arabe de se r"Pfésenter comme
Arabe plutôt que comme musulman . C'est sans doute la raison pour laquelle la prise
de conscience de la suprématie de l'arabité sur l'islamitê, se fera :
- naturellement plus facilemenl chez les chrétiens orientaux qui verront en l'arabilé
un contrepoids à la domination majoritaire de l'islam sunnite ;
- sous l'influence de conceptions de la nation étrangères à l'Orient musulman;
- seulement chez une partie des Arabes, nombre d 'entre eux restant attachés à la
primauté de l'islam sur le politique et rejetanl la conception national" importëe
d'Europe;
- en prise directe avec l'histoire des patries arabes - lesquelles constilUeraienl
ensemble la grande nation arabe.
L'histoire du nationalisme arabe, c 'est d'abord l'hisloue de La réaction arabe contre
la domination ottomane 2 . Deux événements v préludent, proches dans leurs buts mai5
opposables dans leur nature tant les gennes idéologiques qu'ils déposent sunt
différents : le wahhabisme et l'expédition d'Egypte.
Abdul Wahhab esl un prédicateur musulman qui dt'nonœ la corruption d,.
l'Empire ottoman; en 1749, il se réfugie .iuprès d 'un chef bédouin du Nadjd.
Mohammed Ibn Saoud . Ce dernier devient l'épt'e du wahhabi.<m.,J, sunnisme ngorisœ,
en Arabie centrale. Le fils de Saoud. Abdul Aziz el surtoul le petit-fils Saoud le Grand•,
chassent les Ottomans des Lieux Saints el menacenl Damas et Bagdad. les capitales des

1 /lmJ . r .H
2 A . MIQlŒL. L '/.rWnr ,., .rn, i 1tluut1"" 1 IH' -. \~\ ... ~r4··, -/d . ~" nl . Paris. Annandl.ohn. ''"°-P·
)~.~ -

3 O. Cl J SOUHOEl.. D1f'lifHUWI'•' J11.1f"';""1· oie: rJ.f!t.Jm. Pvu, r .L' F. 1""'1ti. r . ll•P-MS.


~ J llF-NOIST-MEClllN . Um S1·ouJ.. Lt• 10141 l!l l~ l~ •f>tu.I . ~m. Alhrn \1KhC'I. I~~~ . p "'9-!C-4.
l'it,.til!' J. Pt•rmn11ntrt!' Jn illlf1kitN

ancien.~ califats ill'abes. L'épopée wahhabite contre la Porte ouvre la voie à un nouvel
i.'lamisole arabe.
Parallèlement, un autn• événement survient en Égypte. C'est l'expédition de
Bonaparte en 1798 1 •
Byzanlint' t't chrétiennt'. l'Egypte connait la conquête arabe et l'islamisation à partir
de 640. Jusqu'en~. die est h.'ur à tour dominée par les Omeyyades à partir de Damas
puis les Abbas..~ides à partir de Bagdad. Indépendante entre 969 et 1171, elle est le siége
d'un califat chiite ismaélien2, avant d'être à nouveau soumise: les Ayyubides règnent
sur l'ÉS)1'te et la Syrie entre nn et 1250-'. Commence alors la longue domination des
Mamelouk.~~ durant laquelle l'arabisation entre en léthargie. Débarquant en Égypte en
1798, Bonaparte5 décide de restaurer le sentiment national égyptien contre les
Mamelouks. Les germes qu'il dépose en Égypte contribuent à l'essor du nationalisme
arabe au-delà même du patriotisme égyptien. Après le départ de Bonaparte, Méhémet
Ali. qui a servi un temps les Ottomans - c'est lui qui a arrêté les Wahhabites-,
reprend à partir d'Égypte le projet d'un grand État arabe indépendant et moderne,
éclairé par l'idéologie française des Lumières". Avec son fils Ibrahim Pacha qui agit en
Syrie, il entreprend dans les années 1820-1830 des campagnes visant à instaurer un État
fondé sur la communauté de langue de la Syrie, de l'Égypte et de l'Arabie. Il est arrêté
dans son projet par Londres pour qui aucun roi arabe, quelle que soit sa puissance, ne
peut être plus capable que la Turquie de préserver le chenùn conduisant aux Indes7.
L'arabisme de Méhémet Ali n'échoue pas du seul fait de l'Angleterre comme les tenants
de l'idéologie nationale arabe ont souvent beau jeu de le dire; un autre facteur le
compromet; les réalités des patries, et notamment le refus de la Syrie de se voir

L\URENS.L ~1"""J'Eg11p1e
0

l H.. (1789-/llOJ). Paris. Armand Colin. 1989.


:? Lcsfatimidca · A. 11.tlQUEL, L '/sium t:l 'UI C'iv1luu1ti:m (VJfC'.XX" ~1i!c/eJ. 6e Cd .• Pans. Armand Colin, 1990, p . 174-l?S

J ta Ayyubtdcs S011t d"abon.t les vas.saUA kurdes de la dynnslic des Zcngidcs. eux-mèmes origmoin::s de Mos.soul et
~ d'cscbu.a twa qu.i fun:nt au savicc des SclJuq1dcs. Les Ayyubides sont 1llu.strés p1u Saladin ; ils orri\·ent en Egyptr
''en le milieu du vr--xuc sàèck, appelês â l"atdr par les fa.:1ions du califiu futimide Idem. p 190.

4 Les Mamtlouts rtgncoc. m Egyprc de 1250 à ISl7 et co Syrie Je 1.:!:60 0 1516. O . ci J SOURDEL. D1c1lotinairt: huloriqw
.:lrl'i.1-"-. Pans.. P.U.F., 1996.. p. 5lO.S21.
S Bonspatr s'est pu5IOllDé tré:s tôt pour l'OnenL Dans sa JCuncs.sc, il a lu el pri!i des notes sur- les ouvT11gcs l.lc: Maripy-
Hi..Jtui~ Jn A~ - et du buva dt: Tou - ..Wimoirrs $Ur le.s Turc..'f el les Tartares -
; 11 a êcnt u.vant la Rc.!volunon un Conie, Le
~ cba Prupbè1r racoolanl "l'haswire autbeobquc d'un hcrnme qui, pcu.ssé par un c.J~sir"
de gloire s'est fait pa.s.scr pour W1 cnvD}-e
de Diai en uriliamt diftërcmcs rormc:s d"tmp0stun: .". in H . LAURENS, L'E.:cpt.."ditia11 d'Égyptr! (17Jl.9 ./HO/), Paris, Armand Colin.
1919, p. 19 Il &iM; crolrc qut: 8oaapar1e' CSI ra.semé par l'UlihYlÎ.On de la religion Ô. des fins. de gloire pcrsonncJlc CC politique. Sa
poliliquc rdiginmc: en Oriau stn. un modCle d"opponumsme. h.-qucl s'illustre d' abord uvcc ln prise de Malle - voir nette S«t.ion
~à Ma.br - qui. vUc à fl.attc:r l'lslam. Quan1 a l'Égyp1e. l'idêc vicn1 plutdl de Tnlleyrund qui la soumc .d Bon11par1e apri:s
r...'Qll' fui-mi!me rcpise de lDui5 XIV, Jckm. p 22. Mws Volney a\'a1t pn:venu dès 1788 que [K>Ur s'étoblir en Égypte, il faudran
....a ln)IS guaRS : la ..,eaUèrt' coottc l'Angtctr:rn::. la s~onde c:ontn: la Ponc. et la lro1s1èmc. la plus difficile, c:onm les
~ ~ lmqincns alon u.cae synthèse pouibk encre les 1décs rCvolulionmurcs fronçaiscs cl l'islnm. Hcnn l...awœs
1Dmlll'e rCicbec de OCGlt' wopic . l~ Musuhna~ ne- s.eront pas dupes et rcslcront hosulcs à hi France . /df!m . p. 94 . Jacques frimcaw
pane li.mi que les popu1auGns ne se son1 pas lat~ con\'alJlCTc "Elles ne se sont pas la1ssCes convaincre pnr 111 seule propagandr
des. FlmlÇais. qœ ccm.-<i aicnl Jout la ciU'te de la dêfcnsc de l'islam. celle de lu Rcruus.sancc de la notianohtC égyptienne. ou de la
~ ..ix:. C~t aun.ît-il pu en ~ aulR'mcfll. db lors qu'ils opparaisso1cn1 comme tlcs conqu~ranL'i é1rangcn .110.

DlllDCI el aux ,..icur. de t'Oneal nwsulman du temp& '? L"c•péricnce a démonlré, cependant. que la !iupénonté m1h1nire f...nçaist
f'CDiL i. la klllpic. Ica Rsll:umccs imoutcnabl~ - C'est l'opposition des grandes pu1s!!lanCf.-S - Cl, d"obord , celle de l"Angl~1mc-­
Qllti a fa.u de resp6diuoo wi ëcbcc .•, iD J. FREMEAUX, La Francr e1 l'lslt.1m Je11uü· J 78t;, PW"is. r .U.f . 1991 . p. 4tfi .
6 '"Ccac eauqiri~ :IUSC'llC bcaueoup d'inlêrit en France. [- -1 Pour bcaucuup Je França1~. comme pour beaucoup d"OcciJcru1u\
déja por:œs à aous.-c:al.IDCf la capac1lé d auwuom1c dC"S Oricnt.uu.-. l'Egyp1c nouvelle est uni.: crculion du 'w,CnH." franço.u ."', 1u
0

J. fRÉMEA\JX,lAFrancrell'l~lmrtJept1b /7N9. Pans. r .U F .• 1991. p 53·54 .


7 G. ANTONIUS. 7M Arub Awukrnmg. lino tl<Jry· uf the Aruh Nutùma/ Mu1't!mL•fll. London, 1lumi.;h H111111l1un , 1qJtc, p )1-l .'
À pNJlllm de la poliûcz- ualaisc. on pou.mi se rcpor1er • l'Ctudc du facteur relig1cu.x · uoc !'ICCllon y C!il c:nnsocrte tl la pohl"llil'
tllamiqwe de l'A.nglclcm:. NOUll y expliquons ptua .:n détails pourquoi cc notionuli~mc arabe de la prc1n1èrc mu1t1C Ju XtXc 1î«len1
~il.uadoa .
Chapitre 4. L'tdentll~ et la carte en action ' 1.,,. paniilm"5

domin~ par Ibrahim et les Égyptiens. Ce même refus se renouvellera bien plus lard,
50us Nasser, avec l'expérience ratée de la République Arabe Unie entre l'Égypte et la
Svrie.
· L'un des pionniers du nationalisme égyptien est Rifâ àh al Tahtâwfl - 1801-1873 -
qui est marqué par son expérience en France entre 1826 et 1831 et 9es lectures de
Voltaire, Rousseau et Montesquieu. Il entend allier les principes de la Révolution
française à une renaissance nationale qui ferait la synthèse entre le pharaoni5me et
l'arabo-islamisme et reprendrait l'opposition classique que la Révolution franc;ai9e
chercha à exporter en Orient : les Arabes contre les Turcs sont les Gaulois contre les
Germains. Mais son nationalisme révèle aussi un mépris de la vieille nation égyptienne
pour l'Arabe bédouin et une méfiance à l'égard des émigrés arabes syriens qui
foisonnent en Égypte dans le commerce, le journalisme, la bureaucratie2. La pensée de
Tahtàw1 jouera aussi bien contre les Turcs que contre les Britanniques à partir de 1882.
Teint~ de la nostalgie d'Alexandrie, la ville grecque, la pensée d'un autre égyptien.
Taha Hussein3, éloigne encore l'égyptianisme de !'arabisme pour le rapprocher
davantage de l'Europe. Tahtàwî et Hussein annoncent la révolution de 1919 menée par
Saad Zaghloul, leader du parti nationaliste et populaire égyptien de l'entre-deux
guerres4 .
11 faut comprendre que le fossé qui se creuse de plus en plus, à partir des années
1880, entre la pensée nationaliste égyptienne et les Syriens a des raisons géopolitiques:
la domination n'est pas la même pour les Égyptiens - Britanniques - que pour les
Syriens - Ottomans. Les Égyptiens reprochent aux Svriens et aux Libanais émigrés en
Égypte, de collaborer avec l'occupant anglais; ils rej~ent le mouvement arabiste du
chérif Hussein anné en 1916 par Londres contre l'Empire ottoman.
À la même époque, une autre pensée s'engage sur la voie du réformisme religieux
avec l'iranien al Afghanis - 1839-1897 - et le cheikh égyptien Mohammed Abduh6
- 1849-1905 - qui, tout en prônant une réforme de l'islam, rejettent l'idéologie
nationale qu'ils estiment importée d'Occident et contraire à l'islam7 . À l'État-nation
euro~n, Abduh oppose le califat musulman, seul susceptible de restaurer la
splendeur arabe. Ses écrits dans le journal Al-Ahram ouvrent la voie à la création en
Égypte de la société secrète des Frères musulmans.
La Naluia - renaissance en arabe - , ce grand mouvement de renouveau de
l'arabitê au XJXe siècle est surtout le fait de penseurs syriens, chrétiens ou musulmans.
Nasif Yazêji - 1800-1871 - et Butros Buslani - 1819-1883 -, tous deux libanais et

1 H . LAURENS, L 'Or1~11t aruh<-, 41ruhum..- et 1..'i/umurnr.> Je /7"08 j /Q./.<, Pans. Armmd Colin. 1993, calL -U. ~

conl.CmpOrainc". p. S6.
2 N. PICAUDOU, La dùen,,;.: 'lu' ;t>ran/" /t• ,\tu.1·e1r-Or1t?nt //YJ./ -1913J , Bru,.ellcs.. Complo.c. 199!, p. 36.
3 Taha Hwsein "êcri..,oin illus1n:, chamruon Ju libcnh.sh'k' buw-gcvb ct J\w hu..mmi.mJc ~- êl;rll
J. BERQUE, L'/Jlam uu œnip:r; c/11 rmmJ•·. Pnn~ SmJhild. l~S4. p. lb'I . T HLS.SE.IN. ·\u-dicl4 Ju Sd (lul!:S dkllS:i:s et~
par J_ Bnquc), Paris, Gallimard'lJnesco . 1977, coll . ''C'o11nu.1ssam:·.: J~ l"Oncnr·
4 H . LAURENS. l'Oria•m urohc. 11rabi.HPit' ..., r..dwmsm.· •'-' /"''A'< 1.1 11145. Pllns. -~ Coiin. l~J. Q)JJ. "l1• H~
contemporuinc"'. p. 1 1b-1 1K
5 ltkm, p. 90-93 .
6 lh1J.• p. l:J-1-9"
7 J. MARLOWE , Arab nationali,,;m anû hnüsh 1mr-criah !<ot11 , p 1.l v.::ri l!tSO. I.e 1..'\XD'MI: rétbrnu.~ p>libC'O-rdipaL~

d'Afgharn tl de Abl.Juh "i:sl DppclC li Jc'l.-\!'lllr k IHL1m L0 mL·m pn11wrJ1al dL· la R<.>t1 .... 1,;..~-e LS~lllC [ ... 1orce11t \'Î.SiOD ~formaaicc

c:11 fondk sur des rmhui .'is.~suh!.olumcn1 Llpp\. •!<i L~S au' p1-,:m1 s:-. i:~ "1(":-. l.111rnà\.·~ 11 fau1 .1lkr \"Cl5 phu di: nelig1on rt nora ~ wn
inouu de rcl1w,1on'" , 111 Il . DJAIT, "la f""n sb.- .st11h..,...musulm.anc ri Io l.unm,"n"':io ... m li ALG :\R. H. DJ.~ tffalu. l:Jk..l/tpolit::i.fw
C1M P'rr.l!f.:h~Orili"I uujuunJ'hui. Pans, Gttlhnw.rJ. l't)\11. çull. ·u~ J,tbal"'. p . .\:!-:\ .! L' rttc- "'Uioa ~la çr"ilu.abaa. mudClmc.
'"c1wihsalion de yucrrc cl d'avid11~". IJ.tm.
chréliet\S, donunent la vie intellt!Ctuelle de leur époque 1• Yilzéji écrit sur la grammaire,
la logique, 1-a rhét..>rique et la prose arabes et contribue à remettre en valeur le
patrim<\ine ,·ulturel arat>e. Butros Bust.uü dirig<-' une encyclopédie arabe. A Beyrouth,
l'association des lettres et des sciences d'inspiration protestante américaine et
l'a.'<SOCiation orientale dt.'S ~res jésuiws sont des foyers de pensée d'où émergent les
prémisses du nationalisme arabe el en même temps de l'idée chrétienne libanaise.
MaJ.S !'arabisme n'est pas nl'cessairement attiré par l'Occident, laïcisant et modeml.'.
Chez les penseurs musulmans, la forme d'un califat arabe supplantant le califat turc est
SOU\'eflt défundue. Aif\Si Abd ar-Rahm.1n al Kawâk.ibi - 1849-1903 - , musulman
syrien exilé en f:g_vpre. publie au Caire en 1901, Umm 11/-Qurâ - "La mère des cités",
c'l!Sl-à-dire La Mecque - dans Je..1uel il exalte la supériorité des Arabes sur les Turcs2
Cette position est encore plus radicale chez Rachid Rida - 1865-1935 - qui développe
dans A/ KW.fat - ''Le Califat" - l'idée de califat parfait - c'est-à-dire le califat arabe -
et con..tjdère l'Empire ottoman comme nécessité califale provisoire. Contrairement à
t<awakibi. Rida rejette avec fermeté la laïcité qu'il juge inspirée par la franc-
~rie.
À la veille de la Première Guerre mondiale, largement influencé par le nationalism"
maurrassien français, le nationalisme arabe développe ses organisatiof\S et ses réseaux:
chrétien libanais francophile, Néguib Azoury3 publie en français à Paris, en 1904, Le
'"1ftl de la nation "~; en 1907, sur le modèle des ligues patriotiques françaises, il crée
La Ugue de la Patrie arabe. En 1911, toujours à Paris, c'est la Ligue de la Jeunesse arabe
qui est à son tour formée, mieux connue sous le nom du Fatat-1 . C'est encore dans la
capitale française que se tient, le 17 juin 1913, le Congrès arabe qui expose
officiellement ses premières revendications contre l'Empire ottoman. Durant la
Première Guerre mondiale, des sociétés secrètes ou officielles implantées à Damas,
Beyrouth et Bagdad disposant de relais parisief\S, jouent un grand rôle dans la Révolte
arabe du chérif Hussein.
L'arabisme prend une nouvelle dimension, plus cohérente, plus forte, avec Sati al-
Husri, musulman swuùte d'origine syrienne, né au Yémen et élevé à Istanbul.
L'homme est d'abord favorable à l'Empire ottomans. Après la Première Guerre

l G. A..'~IUS. 1lll!- :f.,ab A"·akenmg. lht:! Jlory· of 1he A rob ,\ 'ational Mo v o!nll:'rll, London. H11m1s h ll:1milton. 19J8, r . "6.
Sur le r6k del cbn:licm dam la Nùida.. \'OU' aussi G . CORM . L 'Eurupe et J'Oricm (de lu bullcani..<iut1on ci la hbuniJat1011. hiJtouv

"""1r ..........,,. ~W), Paru, La Dêcouvene, 19'11 , p. 2JO..:ns:. noi..ammcnl pour KhaHI Gibran. Mkkan Noua'1mc, Amia tl
&.ibmi. A.lbc'1 Hounmi.. 8ustani. Yu1tti. Ch1J1:w: Sur l'cngugemcnt des chrclicns dans le natJOnalismc arut>c. G Corm «rie
'"L' E.qiiR OUocmo JispanL lrs U11cUcctuch chR:lJcns engages en poliuque - - dont les rnaronitcs bon tc1n1 tel Ammc et Rthani. ou
k:s toptcs 41:l)"ptll: - n':wnat l!'IWl:r'C \·uJe que le n.auor'l4hsmc urabc, ou le fl4l.Uon111i s mc syncn ou égyplicn , ou h: n.o.11onalumc d'un
Grmd Libm ~ d:am. la cunununaute Un pn:miers ar.ihd Je l' Empire ouoma.n. communauté consacrCC' en 19"'4 (Mlt La mue sw
pied de ta LtJUt anbc. i · .} Ea d6dü11·~ . .,-onunc le font beaucoup. sunuu1 p•rml les un1vcrs11a1rcs o.:cidcntaux_ que le rul11oni.lasrœ
...œ a i une lO'\'"ctllKJO ~des chrCticru. d"OnC"nl. 1nflucnn•s l'lilJ' h.-s i<lCcs curo pCcnnc!:o d.ons li: vain cspuir d'échopper à li
~ IPductlbk d'un syt\ftne politique islanuquc. c"c s l non scutcm1."fll faire rnsullc 1\ toute l'intclhgcnL'\13 musulmane lk

ripoquir, - c'eel -.s1. tir plus~ l'afrrnat a la Conn&15$&11CC hi•lonquc du mouvement <le pcns~ orubc• , lckrtt. P- 2J9 .
2 M.. llOOINSON. Les ..traba. Paris_ P.U F .• 1979. KawiJub1 o 'iubi au:l!ti l' mnucncc du p<X:tc briqnniquc W.S Dlun• -
l~l9!2 - . imti-rolomalistt:. p.antsan de l'tntkpc:nûancc Cgyptlcn~ cl qui a voit pub hé d~ 1881. The Future of t!llam. Il n'est pu
_,. ~ la IOUticm bntMDaqUO aillent suu"'mt vns 1'1alum arabe plutôt \JUC vcl"'!'i l"arub1smc Voir à cc ~ujcl. no•n: KCtion
~à la pulJUqUc ~qw: de l"Angh:ltn'c' C. SAINT- PRUT, Wans l.L' 11utw 11u/ümt.' 11rubc, (l•uns. Ellipses, 19-lbJ pr«~.p
~\ltüibi ~ pgw- uac pufailc .tphlê entre les n:hg1ons cl pour le rcs pc..·t t1c croyunccs , Wms LIJ 11i11t1n: Ju dl!Sf'HliJnr~ puNti

°" CuiN!"" UJ90, li 1ppCllc mu.u..lmans et i:lu-Ct1cru. ;i 'f'l'w'rc en ham1unic Juns uuc rn~mc Cl o;cuk 11a11un nt11bc.
) li.. LALJkENS. L'Orlcrrt urub.:. ''"'""'""" t!I is/umum'' 4'<! 17911 ~ JY4J , Pans, AnnwuJ Colm. 199), cull. '"U. lh"mtt
~'"'. p 104-JOS_ L'idcc est de sé'par'er. Wuis l'nitCrêl die l'islam et de la nauon 111.mbc, le puuYUlt 1;1Yil J'aYC"C le poul"\Mf
..lipua.
-4C. SA1NT-PROT. l..6na11ortu/Qml!aru#w (ult~rnuûvr~ l ''"tfi:g,.-Jsmf.'), Parili. (;Jlipsocs, IY9b, p 16.
$ W.L.. CLEVELAND. 711e l9041ng of un Arab nollum1/l.s1 0Uumani$m u,,J druhUm ln rlw /if~ """ thnuplrt of Sati 11/-Jltori.
Priuœlon. PnAcdlm Univcn.ity PreM, pn1. p . 176-177 Sur l'analyse Lie lu pcns..."c Je Suli ul· llusri, lire C . SAINT· PROT. U
Chapitre <6. L'ld<'111116 el la carte en ..ctlon : le9 panlamea

fl\Ondiale, Il devient un ardent défenseur du nationalisme arabe, participe · au


i;ouvernement de Fayc;al à Damas en 1919-1920, el part avec lul en exil à Bagdad'. D
reste fidèle à Fayc;al, combat ensuite Nouri Sald, homme-lige de Londres en Irak, paie
revient dans ce pays à l'arrivée au pouvoir du parti nationaliste arabe B1111th, en 1968.
Sati al-Husrl pose clairement le problème de la patrie particulière - watan al lchaSll - et
de la patrie générale - wt1t1m al amm2. Contrairement à Azoury - influencé par
Maurras, Barrès et Renan - , Husri pense que l'exemple du nationalisme allemand est
plus proche de celui du nationalisme arabe. Ses textes subissent l'influence de Arndt.
Herder, Kleist, Fichte3.
Avec le projet grand-syrien de Antoun Saadé4, le panisme arabe se rétrécit en un
grandisme syrien5. Fondateur, en 1932, du P.5.N.5. - Parti syrien national 90dal -
plus connu sous le vocable de P.P.S. - Parti populaire syrien-, ce chrétien né dans
les montagnes du Liban œuvre à la réunification de la Syrie côtière - Le Liban - et de
la Syrie intérieure en une grande Syrie. Son ouvrage majeur, La gmise des nations,
marque l'ancrage des idées de Saadé dans la réalité de la géopolitique. Pour Anlolm
Saadé, "la géopolitique est bien le facteur déterminant de l'identité des nations"' et la
cohésion politique des groupes hUirulÎllS découle des déterminismes de la géographie.
L'Assyrie est donc cette réalité géographique qu'il appelle de loU!I ses vœux et qu'il
juge plus naturelle et réaliste qu'une vaste unité arabe de langue et de cultwe allant du
Maroc à l'Irak. L'Assyrie ne saurait se confondre avec les déserts d'Arabie et le
Maghreb. Les limites de la Syrie de Saadé vont de la Méditerranée à l'Eupivaœ,
d'Antioche au canal de Suez, autrement dit la petite Syrie de 1918, à laquelle s'ajoutent
le Liban, la Palestine et la Jordanie.
Entre le panisme arabe visant à l'unification de l'Atlantique au Golfe et l'idéalisme
islamique, Saadé oppose une vision géopolitique. Ses écrits font de lui un géopoliticien
arabe.
La pensée de Michel Aflak, né chrétien orthodoxe en 1912 à Damas, est SUIS
conteste l'aboutissement de la pensée nationaliste arabe. Philosophe du Bamh. parti
politique à propos duquel !'écrivain Jacques Benoist-Méchin disait qu'il était une
'victoire de l'intelligence" et que "cette intelligence" portait 'un nom : Michel Aflak.07• Il
est encore l'un de ces nationalistes arabes dont la formation politique et scientifiqœ
s'est faite à Paris où il étudie à la Sorbonne dans les années 1930, lisant aussi bien
Maurras que Proudhon ou Marx. L'idéologie qu'il développe est influencée aulant par
le nationalisme français que par l'anti-capitalisme socialiste; elle rejette néanmoins Je
matérialisme marxiste et accorde une place importante à la religion qu'elle soumet au

1ttJ1io1t11lisme arabe, Po.ris, Ellipses. 1996; K S. AL-HUSRY. Of"iguu oJ ~ ..fratlt pviltrcvl ......,, New \ 'Qd... C~
Boob.Oclmar. 1980, 176 p. (1923)
1 G . ANTON IUS, T1tr A rab A·wuAening. th<e story of tlw .4n:JJ NaJNMUI .~•TmW,.t, Loaklo.. Hamish ~ 1!»&.p. Il
2 L'1df!e uniWrc se forae dans le conccp1 de qawnuyya. "'~• de: p:nstt et: d'~11oa qw vm â lbCœ\sa es ~ ~
QOUon de ntilion appliqutt A t1,Jut le monde arabe. è tous les Arabc:5. O.,,,S, - . ~ tClllp5.. '"~ cotml ~dia: di5 bo--=-

d'IC\Jon dans la mouvucc syrienne entre 1910 ci 19.:?0. Pws. après rO:::b« dt la 'rriohc anbe'. il tc COIWc:rtÎI: m ~
mklllcrucllc, soil chez. Wl lhdori~ien i:wlé 1cl Sati a l- Hw;ri, Mut penni .les intrl~ls s~hbanais - IM:méa ..-.. ft a.le'. Dlm
ln annfts 40, d y eut une mutation UCcnm·r &\'rc la thikM"IC' cl Ir r-n'
!.Ir Buh. • la fol.$ ri'flc.'1i00 n!novet et kUOIL. et dlm ._
ano6cs SO, la pcnKc de la qawmiyya füt odopu~.: par NUK'f'', in l l DJAfT , -Cultutt et polinqac œa, lco 1lli.1lldr an11e•, Îll
H. ALGAR, H. DJA[T cl alh. l.clum <'I po/lti41111• "~' Pn:>..·ltc--Orù•fft ut1j1JIUJ"huJ·. Paris.. GaUnnard. 1991, roll. '"1..c oct.a•, p. lfa.
J C. SAINT-PROT. L.: r1u11.,rtalismt' an11t..·, PW"is.. Elhpsn.... 19 %, p. 50
~ C. RlZK... E11trr l'i.dum et 1'11robL'flPK', LC"s AnJht~,· j u.o;qw ·,·11 N../.~ . Paru.. Albin Mlchc:l, 19'l, p. l02...J07 .
S Vu1J noltt JeC:Uon conucrec 11ullt. grnnd.i:mlCs Jllns le:- -=hapini: p..:inan1 sw k d-. l'etbaic et la .aaa.
6 C . SAINT·PROT, L~ naliong/i...fma> ~"'-" PvU, lillipscs. l~. r- .LO.
7 J . BENOIST-MÊCJilN, Un print~m1u ........_Put.. A.lbin Mtchol, IQ7-t.
Partie J. 1',•nu'4m..,1cr dn i..V11titt,

politiquel . En foisant J.., l'islam la religi•in nationale d<.>s Arabes, Michel Aflak souligne
l'irtdissociahilire .te l'nmh1té et de l'islamité mais subordonne en même temps le
religieux du politique et garantit aux chréti.,ns d'Orient un statut d'équité avec les
mu..-.ulman.~.
ld f..,nJabon du parti tlaath "n 19-l7 est le point dt! départ d'une action pohtique
wr.·ie par ~ philosophie politique. Cette syn.,rgie débouche sur l'installation des
idées nationalis~ arabes en Syrie et en Irak. Toutefois, Michel Aflak opte pour l'Irak et
dénon..-.., "la h\ÙÙ..'l<ln de l'idéal hathiste" par le régime syrien de Hafez el Assad.
Apœ,; l'tcht><: du nassérisme, le hathisme reste le porte-drapeau des idées
na~malisres dans le monde arabe.
Ce panisme arabe est-11 un vrai nationalisme, fondé sur une réalité cohérente. la
nation arabe, malgré sa grande diversité géographique - et notamment le contr;ute
fort entre le Maghr.!b et le Machrek - ? Exprime-t-il une synthèse entre une logique
ethnolinguistique - d 'ailleurs plus linguistique qu'ethnique compte tenu, là encore,
des contrastes entre le Golfe arabo-persique et l'Atlantique - et le panisme
musulmilll? Est-il un avatar d'idéologies européennes aussi différentes que le
nationalisme et le socialisme ? Ne peut-on pas considérer, notamment à !Tavers
l'originalité de la pensèe de Michel Aflak, que bien que fécondé par des influences
européennes, le nationalisme arabe est un vrai produit arabe ?
La question que la géopolitique pose quant au nationalisme arabe est ceUe du
rapport entre un projet qui a toujours échoué dans sa finalité et les réalités étatiques. li
semble que les déterminismes des vieux États mésopotamien, syrien, égyptien aient été
ju..~u'à présent plus forts que le panisme arabe. Quant au rapport de l'Occident et du
nationalisme arabe. il est marqué, chez les Arabes, par le souvenir amer des promesses
non tenues de la Première Guerre mondiale2.
Le géographe Xavier de Planhol résume le nationalisme arabe du point de vue
géopolitique à une dynamique anti-turque3, anti-européenne qui resterait en premier
lieu musulmane mais affirmerait une identité arabe permettant d'attirer les chrétie~.
Mais qu'est-<:e que l'Europe pour les Arabes ? En effet, si la France a plutôt favorisé le
nationalisme arabe, l'Angleterre et les États-Unis lui ont toujours préféré l'idée
islamique. Quant à la question du rapport entre l'islam et l'arabité dans le nationalisme
arabe. personne n'en détient la clé ; elle reste un mystère, à l'image du secret que
Michel Aflak a emporté dans sa tombe : le philosophe du nationalisme arabe, né
chrétien.. s'est-il vraiment converti à l'islam à la fin de sa vie? Toute la différence entre
le "oui" à cette question et le doute qui plane est peut-être ce qui sépare le nationalisme
arabe des projets tslamiques : c'est-à-dire à la fois l'infini et l'infinitésimal.
Carte 88 : La représentation du panisme arabiste : la nation arabe de l'Atlantique au
Golfe

1 Pl\JlTI BA-ni AJtABt-: 1:1 SOCIALISTE. C ltui.r Je ft•:rt.:v dt· lu p1•n.•u!1· du _ti 111da 1t·11r du Pt1rti Bu 'th , M AOok. Mlldnd.
1917. 19'! p.
=: ~t.uimc Rodinaoa. dam La Aruh.!t. patlc J'un .. sentiment Je fru.scrn1ivn et Je ~ulêm: 4ui n:m.ht p11rt1cuht n:mcn1 AL·ha.rntti
ln tUllCa puur rmdtpmd;mcc C1 l'uni\C' W: I• pénut.k su1van1c cl "4UI mart1uc Je ~11 tonul11ê jus4u'û nos juur.;; 1"11JCulo.i1c n1J.1t1.>na.luu
_ . .. ~ur ln luaa pow r1~e. lt.n: M . MODINSON, /.t?.• A rubcv. Pan!t, P l J. F , 197Q , p . llf<l - 100
) Il c.on·o~t tout c.lr mbnt ck ra1n: une dJ.ffén:m:c, en 191 S. entre les natiunolis1ies sy ncns , iJénlo~:,it1u c rncn1 anti·tun:s. et la
Anba. du Hc:..ija.I: qu.i !onncnl eva:: lea Aogl•6, une alhonce d&: c1n:oru1ancc c onlrc les Turcs. J. PIC"llON. /.,. pe1rlfll(r! 1/u f'n,.·Jw.
Vrir!lfl , Pvu. J. Pcyroond et C:umpqi:uc tdiuons . 19)~ . p K0-81 .

.e X. de PLANHOL, L~s N111101U "'6 Pruphi!t~. MU11ud 11~01Jruphiq1111 J,• p11llt111u.: nruyu/,,,unu. Pieris, Fuyu.nJ. IQ<JJ , p . .?7.
(hapllre ..&. L'ldentlt~ et ln carte en actton '. IH paniJ1tme

2.3. Lf' pan-germanil!lme


Dans le chapitre consacré à la fonction géopolitique de la langue, nou!I aVOll!I
<"Jl9ilcré une section aux échecs linguistiques de la culture allemande, à traven
l'histoire. Nous proposons de mettre en parallèle la lecture des deux sections.
Le pangermanisme a pour but de rassembler les populations de langue afiemande
dans un espace vital maximal s'étendant au-delà des frontières de l'État allemand, sur
le territoire extensif de la germanité'.
La représentation du pangermanisme trouve sa sowce dans une frustration
identitaire née de l'échec de la germanité face à la latinisation de l'Occident. L'adoption
par trois tribus germaniques, les Francs et les Normands à l'Ouest, les Varègues à l'Est,
de la langue de leurs sujets, ne laisse en effet à la germanité occidentale, qu'une étroite
tête de pont comprise entre la Scandinavie et les Alpes. Sans aucune violence, par le
simple abandon d'une langue, les deux flancs de la germanité continentale s'écroulent
entre les ve et xe siècles2.
Pour les pan-germanistes, le monde aurait été germain et donc allemand, si les
francs - Frank-Reicli signifie royaume des Francs - et les Varègues - futws
Russes - avaient maintenu leur langue dans les territoires conquis par la force.
L'actuelle Eurasie aurait pu être uniformément germanique du Pacifique à l'Atlantique,
et l'Ewope await fait l'économie de ses divisions historiques avant d'arriver à un
processus d'unification nécessairement centré sur l'Allemagne. Dans ces conditions, le
pan-slavisme n'aurait jamais vu le jour; les Lettons et les Litaniens seraient demeurés
une minorité centrale.
L'idée pan-allemande ou pan-germaniste est une idée d'unification continentale.
Elle fut en passe de l'emporter à plusieurs reprises dans l'histoire, non seulement par le
résultat du pacte germano-soviétique de la Seconde Guerre mondiale, mais dès la
Première Guerre mondiale. François ThuaJ3 souligne que si l'Empire austro-hongrois
avait gagné la Grande Guerre au côté de l'Allemagne. alors l'Autriche-Hongrie aurait
été probablement satellisée par Berlin. ce qui aurait entrainé de fait un contrôle
hégémorùque de l'Allemagne sur une grande partie de l'Europe. En 1917 ajoute
François Thual, la défaite russe, la défaite roumaine et le recul italien pouvaient laisser
penser que l'Autriche Hongrie allait gagner la guerre et ce jusqu'en juin 1918', c'est-à-
dire jusqu'à l'échec de la grande offensive allemande contre la France>.

1 K. von HAUSHOFER, Dt> la gtfupolit1q•~. textes trachuts Ci ras.scmblCs par A. MEYER. Paris.. F.,.anl 1986. ~61 p. Li=1
all"lit.s du tote de Ha.whofcr qui SUl'\'C"nl. en dlSCO.t long sur la ftusttarion allftmndco dam rEu:ropc qa.i. sui! k bilé dt Y~ dr
1919 · '"Nous ne pouv,ons pAS prCvoir en 1919 que cela dev1~t llUS.'\i m&u""IL1SquC" ..~c-u . Carpcnorme dac:z DOia• ~
nec l'aide \IOlontam: qu~ beaucoup J'Allcmaruls l -·] ont foum.i au dnnembre:mcnt de- l'c.spaœ .,;w aJlct:ma1 { . \ rupGaR"di:cc
Jthc;al m«1uusmc d'horlogerie Qu'~t la Houlc ·S 1IL"su~ [ .. ) acceptauon Ju "ul Jr Mc:'IDC'I [ .t mutil&lioo ih.i BurgcnJ:ami ( . J pu:tma-
b cuit~ alhmuuulc ùu Tyrol du Sud ( .. ) qui J>(lUVa1t se OOultt qu'EUJ'l('n cl :'\la.i.mi:1J'.!- figurcnuC"DI au nombft' des rçcs ICt"h.lDriMa
impossibles ai di g~ttr ( . ] cuurnsc d~ élCmcnls c..lc langue bas-allcma.ade. nuac1nk Jub le :t0l ilurmld 1 ] qui «fmdtt pcMnWI
prb·o1r que la fuile ~ 900 000 !'\llcn1A11d., du pi~~ dr' la Vistulc prft1ll..lnln J'8l' son amrfau la quarriànc p9c1: des ~

uugntions .Je Io terre aprÇs I• guerTC, ap'" le g1'1lftd JC,,l~t huntain de Mandchounc. la~~ dr le MalaDic pi1t les '--:1
f1 l'Cchana1e de populul\un y.n..'-1.~turquc ... ". p l9-l.l"IS

2 J \'un LOHAUSEN . l1:.,· 1:.·m/"n>s o!I lu 1'"i..<r.:rt1n..'t.· rL.1 _i:.:-.1111r.,J111'41M! JMJ<>11n.IlluiJ. ra.'d. . Pans. Êdat"'*S du Labyriotbc.. 1990 ~
tnJ. Je .lhll zur Alul·ht 0,.,.4 •• ,. ;,. A.'1m/111c·,,11 ·11. t\.urt \'owmi:Lcl. fkrg am S...-..:. l "7~
l F TllUAL. L•· dé.-.;ir J,. 11.·1·r11u,,-. ·. Pan.,, Uhp:-1....... 14~ .

"'Jusqu'à l'enlAA• en ~ucrn.• ..1c ... l::. 1nt :-· l 1 n1 ~. P . H..l· Nl lt ' \lS ,hr , flr.\11•1ro..· .le.• ,.._./1Jtb.wu i~<"'. Paru.. Ha..:~ 1"5"'.
t. VU. Lot.s aL'"' ''"X.\•' _,.,,-.,..fL•. de 1•11..a ;'1 I"':!~ . I'· .\"'.t.~

S Puurnoltc pan O\~U.< pcmH1n-; 4uc h.• 1uumanc de 111 GnmJc llu~rn· ..c iitue- en l"lf>. Nou:stta~yœ:sà Ill pu1M: 1.~• la
~>pUlîliquc auu~nnc ~n 1o.»1 t> ilirn.o; lai J'ftrlÎC' t' Mondiall.sat1''" .... <.. "1.-sl i ""° n1'nuenl ft1 eflet qUI:' les~ J'unc- JDXld&aj&s.liol
Jinp par l'allianct:entre •~ mo11J11il1s.mc Ji\1
500

Si l'année allemande l'avait emporté sur la France durant l'été 1918, un armistice
aurait été conclu à l'Ouest; Allemands et Austro-Hongrois auraient alors eu les main,
libres pour régler à leur manière la question balkanique et contrôler le continenl
européen.
Clrte 1 : L·Empire colonial allemand à la veille de la Première Guerre mondiale
Clrte 51 : Peuples et États en Europe centrale
Clrte 108 : Le< euro-n!gions aux frontii'res est-allemandes

2.4. Le pan-!llavisme
L'objectif du pan-slavisme est de réunir tous les peuples slaves. Ce mythe a souvent
été manipulé par Moscou, sous les tsars. comme sous les soviets, pour satisfai~
l'impérialisme russel .
La réalité gMpolitique du monde slave fait pourtant pièce au pan-slavisme. Si l'on
considère en effet la diversité religieuse - orthodoxie, catholicisme, uniatisme,
protestantisme-, la diversité linguistique, les différences de mode de vie, les
occupations et influences étrangères contrastées - turque, autrichienne, hongroise,
allemande, russe-, les rivalités entre les États - rivalité polono-russe ou serbo-
bulgare-, il est difficile de soutenir qu'il existe une quelconque unité du monde slave.
En 1855, dans le journal de la Neue Oderzeihmg, Karl Marx écrivait: "Le pan-
slavisme est un mouvement qui ne peut aboutir sans rayer de la carte la Turquie. la
Hongrie et la moitié de l'Allemagne et qui, s'il devait atteindre son but, ne pourrait se
maintenir qu'en asservissant l'Europe."
Trois grands obstacles faits de peuples non-slaves se dressent en effet sur la route
du pan-slavisme, lequel, du point de vue géopolitique, a toujours cherché à relier la
masse ~eure de l'Eurasie aux côtes européennes :
- axe reliant Finnois, Baltes - les trois peuples baltes sont les Estoniens, les Lettons
et les Lituaniens qui peuplent les rivages de la mer Baltique -, Allemands, Hongrois,
Roumains;
- axe reliant Allemands, Scandinaves, Italiens ;
- axe reliant Anglais, Français, Espagnols.
Ces trois axes relient entre eux des peuples habitant les côtes de l'Europe, et
coupent le slavisme du Nord de celui du Sud. Du Danube à la Baltique, l'accès aux
mers et aux estuaires est verrouillé. L'Allemagne occupe une place particulièrement
centrale dans le dispositif qui barre la route au pan-slavisme2. Les régions de
l'Allemagne correspondant a la Prusse orientale ont en effet une fonction stratégique.
Si les Russes parvenaient à faire refluer les Allemands de Poméranie et de Silésie, ce
qu'ils ont tenté à plusieurs reprises, ils supprimeraient alors les tenailles qui les
menacent et isoleraient les Baltes de l'Europe occidentale.
Le lecteur pourra se reporter, dans la première partie de ce livre, au chapitre
consacré à l'école géopolitique russe; la question du pan-slavisme y est abordée. En
Russie, comme en Allemagne, deux nations d'essence impériale, les géopoliticiens ont
en effet traditionnellement considéré comme naturelles et vitales la dynamique de
panisrne. À tel point que les idéologies sœurs du communisme soviétique et du
national-socialisme allemand ont échoué dans leur tentative de rapprochement sur la
rivalité des frères ennemis, le pan-slavisme et le pan-germanisme exerçant l'un sur
l'autre de puissantes forces de tiraillement. L'Europe fut donc sauvée de la fusion des

1 M. HELLER. HUtolr~ die la Jluu;e el de son e"'plre , Pllll!I, Flammurion. 19CJCJ , coll . ..Champ!" . lnu.1 . de lsloriJ• Roui1&lq
Ïllclni.
1 A. CHAUPRADE. f . THUAL. Dkliannal~e tk gllopn/ltique, 2~ t!d., Paria. Elhf'l~S. 1999. •rliclc "Allemagne".
OYptlre 4. L'ldtmtil~ et la C"arte en ilction · I~ pant "' me~ 5171

totalitarismes européens par ses impérialismes séculaires et enlevée par la permanence


de l'histoire à un futur qui promettait la Barbarie.
Carte 21 : Le Grand Jeu au xrx~ siècle entre la Ru,.,.ie et l'AngletnTe
Carte 4 : Le '1earlland : la théorie du pivot de Mackinder
Ctrte 22 : Le Grand jeu au xxe siècle entre la Rus•ie et les État&-U~
Carte 52 : Peuples et États dans les Balkans

89. Le pan-tutsisme en Afrique

2.5. Deux panismes qui ne souffrent guère la France,


le pan-tutsismi- rt le pan-mélanésianisme
Nous citons ici deux exemples de panismes qui œu\'rent au recul de l'influence
française : le pan-tutsisme en Afrique centrale et des Grands Lacs, et le pan-
mélanésianisme dans le Pacifique
- En misant sur la grandeur pa s~ëe d:t.~ l'Entpire tuts1 d',tvant la colonisation. certams
milieux anglo-saxons ont crél' un puiss.ant n1ouvt.~ntent identitaire qui menace 1'ed.ifice
précaire de la décolonisation ..,uropéenne. Ll s<ltisia.:tion Ju tutsisme entrainerait de
fait une remise en cause d es frontio'.'rPs dt' l'Afrique centrale. La guerre des Grands
Lacs, et les bouleverse ments du Congo-Z,ùre dans lt's années 1990 trouvent leur
502

origine dans ce puis.o;.1nt panisme, qui sert des intérêts extra-ilfricilins, pour l'c•scnliol
anglais et américains.
Carte b..1 : L'Afriqu~ fran ...,,phonc ~t dnglnphonl.~

~Quant dU pan~m~lan ésianisnte, il vi s e à créer chez le~ Mélanésiens une con!K"it!ncl•


ethnique unitaire qui irait à l't!ncontrc des possessions françaises cl du d&:oupagt.'
territorial actuel du Pacifique. L'Australie cl la Nouvelle-Zélande appuient le pan-
mélanêsianisme en Nouvelle-Calédonie cl d.1ns la zone, dilns 1.- but avoué d 'évincer la
France du Pacifique. Pour mieux comprendre les mécilnismcs du pan-mêlanésianisme
et ses soutiens, on se reportera à lil section con s acrée à l'étude de la géopolitique
calédonienne.
Carte 31 : Nouvelle-Calédonie
Carte 32 : Les ensembles nu?lanésiens, micronésie ns et polynl-sicns

3. Les panisrnes religieux

Un exemple actif de panisme religie ux dans Je monde contemporain est celui du


panislamisme, plus couramment appelé islami s me. Ce mouvement a pour objectif de
reconstruire l'unit<! du monde musulman ; contrairen1ent à ('arabisme de tradition
laïcisante, l'islamisme rejette toute référence au contenu ethnique d e l'arabité et
privilégie la communauté religieuse - l'U111111a - au détriment de tout autre critère.
On renvoie ici à l'étude du fact e ur religieux o ù les stratégies islamistes sont
abordées ainsi qu'à la section consacrée au panarabis me où l'on oppose celui-ci a
l'islamisme.
Pour visualiser l'étendue du panisme islamiste :
Carte 72. : L'expansion de l 1islan1 au vue siècle - â g e d 'or islamique
Carte 73 : Les grandes lignes de partage du mond e musulman : sunnites, chiites,
kharidjites

4. Trait commun des panisrnes ethn.o-linguistiqucs


et religieux

Les deux panismes fonctionnent suivant des logiques impériales à partir d 'un ou
plusieurs centres moteurs, c'est-à-dire d'un ou plusieurs États qui nourrissent des
ambitions hégémoniques.
La Turquie est l'État de référence du pan-turquisnu:; l'Alle magne celui du
pangermanisme. Dans les logiques islamiques, il existe plusieurs États centres
moteurs : il y eut les centres des califats, Damas puis Cordoue pour les Omeyyades,
Bagdad pour les Abbassides, Le Caire pour les Fatimides, Constantino ple pour le
califat ottoman. Aujourd'hui, l'Iran de la Ré volution islamique se pose en centre
moteur du panisme chiite dans le mondl' l'i l'Ara bie S aoudite Wilhh.1bite, qui dispose
de la légitimité des Lieux saints, en centre moteur du sunnisrnc. Plusieurs éco les du
sunnisme - Frères musulmans notammenl - se di s putent la référe nce centrale.
Dans la logique du pan-orlhndoxismc, la Russie, trois ième Rom<', ,,
traditionnellement voulu jouer un rôle dominant, mais 1.. peuple serbe qui servit de
bouclier au monde orthodoxe, et plus généralement chr<:ticn, fncL' ,\ l'isl.1m o\toman,
tend aussi à se vivre comme un porte-étendards du pnn-nrlhodoxisme .
Carte 9 : Le! choc des civilisations selon 1 Juntington
Chapitre 4. L'ldcntilO et la carte en ac lion · les p01n111me11 sœ

5. LeR panismeR continentaux

Nos contemporains ne semblent pas prendre conscience des progr~ chaque jour
plus grands du plus puissant et du plus ancien des panismes continentaux : l'idée
europ~nne. Les élites françaises peuvent certes soutenir qu'une Europe fédérale
apportera plus de bonheur matériel aux habitants du territoire français; le débat sur
celle question est un débat d'opinion argumenté par l'économie et la philosophie; il
n'est pas du ressort de cet ouvrage. Ce que l'analyse géopolitique peut constater m
revanche n'est pas du domaine de l'opinion mais est fondé par l'ensemble des travaux
historiques français, qu'ils soient le fait d'historiens républicains ou monarchistes, de
gauche ou de droite : l'histoire de la construction de la France, c'est l'histoitt d'un
combat multi-séculaire contre l'idée d'un empire européen. L'idée française, en tant que
nation indépendante s'est bâtie durant mille cinq cents ans par opposition aux
tentatives impériales, souvent venues de l'Est, qui voulaient absorber le territoire
historique de la Gaule .
On ne nous fera pas ici le faux procès scientifique de l'opinion. qui veut confondre
l'objectivité avec l'omission, le travail impartial avec l'oubli de ce qui fâche, l'objet de la
polémique - l'Europe - avec le contenu même de la polémique. Car nous ne prenons
pas parti ici sur le bien-fondé de la construction européenne et de ses ~olutions. nous
énonçons, à travers l'analyse du panisme européen, le fait que ce dernier est en
contradiction millénaire avec l'idée française.
Derrière le paravent de vaines discussions politiques, la division réelle des Français
apparaît aujourd'hui entre ceux qui optent pour la permanence de la réalité française et
ceux qui voient un avenir meilleur dans un nouvel État européen qui remplacerait les
États-nations.
Les opinions peuvent être discutables et discutées qu'à la condition qu'elles soient
clairement explicitées et assumées, par les uns et les autres. Si nous voulons "dire", c'est
parce que nous voulons être "réfutable", c'est-à-dire "scientifique" selon le critère
poppérien.
La question de l'Europe est au cœur même du débat autour de la matière
géopolitique ; aurait-on oublié que l'enseignement de la géopolitique en France a
disparu de l'Université dans les années 1950 préci.<;ément au motif de la réconciliation
franco-allemande et de la construction européenne, comme si la matière géopolitique
mettait le doigt sur des choses réelles et de nature à fâcher l'idéologie ?I Ne sont-ce pas
aujourd'hui ceux là mêmes qui critiquent la géopolitique. et la jugent dangereusement
déterministe, qui font l'éloge du processus de construction fédéraliste? Nous
rappelons ici ce que nous voulons montrer dans l'ensemble de cet ouvrage : la
géopolitique tend vers la science expérimentale car elle refuse d'@tre une idéologie et
qu'elle oppose à toutes les idéologies un réalisme implacable, celui des faits, des
permanences de l'histoire ; qu'elle répond aux illusions par les inté~. aux
totalitarismes uniformisateurs par l'l,bser-Yation de la diffl>rence, au prophétisl11E' par
l'empirisme. La géopolitique allemande fut plus persécutée par Hitler qu'elle ne le
servit2; le soviétisnw interdit la géopolitique, mais il en utilisa cyniquement les
conclusions dans s<1 politique des peuples d'Union soviéhque-3; l'idéologie de la

1 Ce rPit mt~tts .. unt \"<til 1nrrt·I.: pat y, es L\\ ·ns n : \.l:sns Il:' rn!11mllulc Ju /);1·1uurn1.11"· ,;.. ~'P."'1twr-· .... LACOSTE dar ..
/Jh.·11unni11n.• ,J.- J.:é1111111it1•/ll•'. l';u1•-, Flrrnm111n1•11 l lJ<J \
:? Nnu~ renvn)• tin~ 1d 1\ lt1 Sl'l.'.t1t111 1,:t• ll~h· rl' c= :\ t\.:u 1 l laush\_•1Cr. m.1u i01 c1~1 :.t1o."\.· u.~ ,ra,·ou ec:c 1111 1a&a:tatau Ju n&1imnt, don
qu'il rul un blCll clOS!IUlllt' ODllllllUlisll' nlkm1md

.1 L'i•uvr-.ge d 'Olivier KU\'. / ., , "'"""""·· . f.\h" 1'•'""""'


··~ 1,, ,,,,.,,,,.-''"'.,., ....~ ...tft,,.,,, taontrc i ~ roUst s..tmc et MS
1urcnuul"'.\ Ol\I ,;u ulill~cr les ~111t1..:-s de ln lll!'opt1ti.11qu(' dans unr ~\·irn..'\" fa1tC' Je """"nbma.i.sons n.,:hd\.-èhq~ 'lui 1i'\Jaac:al iil
l'arl11• .1. 1'1•m1u11m,·• Jn id,,,l1lh

mondli11isation l'i!fuh! la géopolitique car celle-d s'11ppuie sur l'analyse d<!9 inlhl!ts
c!tallqut!ll ; )'ldl\ologlc de l'Europe ln repnulilll' t•ncnrt~ parce qu 'l'lle oppose à une Eumpr
fédéral1• JlU!ltulk', dt>S di\•ergences fondament.1les en matière de polili<JUC Nrangèn• -
RMpolltique l'Xlèrleure - ou d'orgnnlsatlon du territoire - géopolitique intérieure.

5.1. Délinition et exernpli!H


Lo panisme continental obéit il la représentation géographique unitaire d'un
ronllnent. Il postule que tout continent est par définition voué à passer d'une
multiplkllé d'États, il une réelle unité politique et économique.
L'Orgftnlsatlon de l'Uniti! africaine - O.U .A . - souligne, dans sa charte
constitutive, l'existence de l'unité du continent africain et s'efforce de foire taire les
divisions éh1tiques au profit du myùie unitaire.
LA doctrine Monroe el le pan-américanisme• consistent en une unité du continent
américain derrière les États-Unis d'Amérique. L'unité est clairement placée derrière
l'intérêt d'un État.
LA construction européenne se fonde elle aussi sur un panisme de type continental.
Elle postule qu'après s'être affrontés historiquement, les États européens doivent
fondre leurs destins respectifs dans une communauté d'intérêts économiques el
politiques~. L'une des questions essentielles de ce panisme est de savoir s'il peut servir
tou11 les peuples qui s'y associent ou si certains peuples y trouvent un "avantage
comparatif" supérieur aux aunes.
Cartr 49 : L'Afrique des États
Carte 50 : L'Afrique des ethnies
Carte 1011 : Trois grands pôles de la régionalisation : Union européenne, Accord de
Ubre-&:hange nord-américain, Association des Nations du Sud-Est asiatique

~ \OOk ltnllri\·e na1ionale hMlllc i l'în1ttt1 n1ssc . L ' id~olostc s oviC1iquc n'a rèuss i a dominer les ro~cs ccn1nru1n de

11.1.R SJ; que pun qu'elle. mimi! une rohtiquc fondée sur la pn~ en COOlfllC, f'IUIS ln mun1pulo1ion. des ri.11h1étl gtoprifüiqta .
O.. ROY , ÛlfllOll\wi/~"'W ('f:lfllale, (CHJ luja#rriastion Jet Mlinn.r), Pari!f. le Seuil, 1997 .
1 •En~ 1111.?l, pourdéfmdœ l'indépendance des colonies csroynolcs d'Amtnquc . le r~sidcnt James Monroe- - 1817·
11.2 ' --. ~ IU1 dl5'0\lrti _, C"onSJêl, défend le principe Je nan-mi;ércncc des 1':1u1:.- Un1s en Europe cl ln nnn-inlcr"W'enllon da
brup6ma 1ur Io contiœnt unl.ncam. Ot'Ji, dan• les &nn"ll 18SO-J H60, Io 'D<M.·1rinc' c~I rCinh:rp1C1éc comme ICy111man1 ln tu.u,.
Uo.\à C'D clef~ de l'Amtrique lOUt mti~~- ", in A. ZWANG , /.,•.,. i1u1.,·. LJ111.~ dml<r lt' mm1clt· ruppflrl~ dr 11uismn<~, raru.
fllipia, 1000, p. Il. ; J SOPl'El.SA. Oi• mythe$ pour l 'Am~ri~uc. run!i, Elli11sc. .. 19'1K, p I H-l-'9
1 Chmlaphc RC\-a.UanJ dam un cuai sohdc:mtn1 argumenté f•il l'analyse de." gnmd"' m y1hcs fundulcurs -- et uc1udt - Je U.
OOf'lllNdw:in c:umpirnne ; C . RÈVEILLARD. S11r qu,1qllf!..f m.)'lh!!. ~ J._. l 'E1Jru1~ 1 t>n1nmt11w11ur ,•. rons . r: -X th: Ciuihcr1 , 1998. roll
•c-llftlbau pour la libaV•. Ln mytbn, auxque ls 9'auoque C . Rd"·c11lard p..:uvcnt ~lrc i.:t1n s1dé rC!i co mme les 1t..lk" fokc du panlimt
tunlpllm : lm ~ Condltc:un ~ la sauvqudc dn fllllioru tians une Eurorc fédérale . Io pu1!l pllf l'Eumpc f6.Nr11 le . l'l~ wtlfW
~pu la Fldlralion, ln natîona ewupMnnL"S devenue. ÔC31 pui10!1i.Rnct:5 mnycnnl!s ou rrlliducllcs incapahles d'qir iCUla .

Il )' .unn une nation ~h>fi6enAi: ; il y OW11it un sens dC' 1'1-ll!i:mm: r1 n ::uropc unie en fcrui1 JlGMIC , lu F.!dc!nmon de l ' Euro~ .aai1
WDc inltUÇU.bls-. Tc.uc:a lo!CI q,œauons pal\'enC fa1rc l'objet d 'un t..ltbüt duquel la gtopohuquc peul opfKJMCr des Ol)lumcnu, ..m
doul• dkiai11.
l."hapltR' 4 . l..'h.lentllé t.•I ltt carte en .1ctinn · h•" pitni•mes

5.2. Du pnni1:1mc curopf;en, du Suint-Empire et de l'Allemagne


L'idc!c d'Europel n'est pa9 neuve. Chez IC11 Grecs2, elle n 'est pas un concept humain
- c'est l'hellénisme qui est une notion humaine opératoire - maia coemograplUquel.
Pour les Anciens, le monde est une sphère et le!t terres se répartissent néceseairement
de façon symétrique à la surface de cette sphère. li y a deux ma55e5, l'une onentale,
l'Asie, le pays de l'Est, le pays du soleil levant, l'autre occidentale, l'Europe - Europj
ou Euro1111 en dorien, et ce que les Phéniciens appellent Eub, Oreb, Erab, l'ln~ des
Grecs, le Glinrb des Arabes-, c'est-à-dire le pays du soir tombant. Pour les Grecs
cependant, l'Europe, ce pays froid couvert de forêts de feuillus, de frimas glaciaux,
dépourvu d'acropoles et de temples de marbre-', n'est pas leur réalité: la réalité
grecque, c'est la Méditerranée. Le monde grec n'est pas un monde européen: plwi de la
moitié des cités coloniales grecques se trouvent sur les côtes d'Asie, sur le pourtow de
l'Asie Mineure et en Afrique5. Et lorsque la grécité s'étend dans l'hellénisme, Alexandre
projette la Grèce jusqu'à !'Indus, en Asie centrale à Samarkand, en Mésopotamie à
Babylone, en pays iranien à Persépolis, et d'Alexandrie jusqu'à syrœ en ligypte6.
Rome c'est encore l'unité méditerranéenne; les saignées romaines vers l'intérirw de
l'Europe occidentale et du Nord laissent les traces d'un limes, d'une fracture
civilisationnelle au cceur même de l'Europe géographique. Comme le fait remarquer
Grousset, la différence fondamentale entre la France et une bonne partie de
l'Allemagne, c'est que la première est romanisée, c'est-à-dire civilisée, et que l'autre ne
l'est pas; cette différence conduit à des siècles de civilisation d'avance pour la France
sur sa voisine7 . La fracture se retrouve dans la séparation brutale de la Réforme, au
XVI• siècle : le catholicisme romain a tenu partout où Rome s'était enracinée
fermementl'.
Lucien Febvre soutient que l'Europe est une création du Moyen-Âge qui lui apporte
ses traits communs : la seigneurie, la vassalité, les villes médiévales, l'art gotlUque, les
églises Notre Dame qui peuplent les villes d'Europe ... Le fameux texte de Commynes
datant du xmc siècle révèle pour la première fois une fierté européenne opposée aux
civilisations asiatiques, et le sentiment de l'appartenance à la Chrétienté, à la foi du

1 ·Le mol Europe •rpomil dans IB longue grcc<1uc. Mais il CSI CRC(ll"C' 11.bscn1 JC's cCJè~ Cpoptn ucribuëcs. H~ : rnlodiit

- gunTC t.le Tmic - cl - rrlour nmw.·cntcn1C tle l'un des chefs gn:cs dr Troie, Ulyue.. 'll'C'ft • ,.zrw hbiiq..:. O'.,.U
l'Otlys~c
llb1odc - fin du tx• siècle ou VIII& si~lc - . Io dcm1-dét."'Ssc Eumpc ~· sent l'une des Lfü. nul~ filles œ rc>réln Dt. pMOt. ..
fille du roi de Phtnic1c - actuelle ct\te de: lu Sync. du L1hon c1 de la Palestine. Agcnor. e1: a. sœur de Cadl:mb.. C"'ftai1 d.:D: ~
uiatique •,in J.O. DU ROSELLE . L'Europt·. hiftoirc.· ck ,,.,..f ~upl~·'· Paris. Parin. 1990. ~ - Hechdk P\W1Cl. p. !2.
2 Par un cxlnaonlm11Îl"C' ..n:houdagc" de 1'histoirr. l'LiJCc curupëcnnc. panic de Grttc, a fini pu sc rCapp-opncr la Grb ldDme
dans la CE f: en 19HI . c'c..,;1 cc qu'exprime Sonur Amin qui -refuse. d.iaM son osai SW' t'eunxcntnszm le •voi'" de lli OtCtt ..,.1cs
Europ6cm, ou dC1nmcn1 Orient.au:< ; "L'annc:oon tic la Gnh:c à l'F.umpe, Jb..-n!tCc une pttm.ièn:: fotS pw les srtiSks et~
d~

lk 11 Rmaiuancc, puis oubliée- pendant li:!-> t.li:u" stti:lcs Oc l'urums1on onomanr ~ui su1\•C1\J , ~A no&l\-..U. i-r B)TOI\ a Hvp
1t.'cnf1111 grct:) au mumenl où. avec le rellu;.i; de 'l'homme malade' , se JC11Sinc I• pel"Sf'C'.'1'1\-C du ,.naac de 9CI dêpouaUa ,_ 8
1~ismes montantll, csl finalcmcnl coumnnc!c pnr Io dêc1s1on dC' I• C.E.E . con1empon.ine .X fuR d'Albtaa.. \a 'C"apllale

rulrurcllc' de l'Europ<.". in S AMIN , L'curu..:c-ntn s nw. cnfü.ju ...• 1.l'unc id.!-oklg1c . hru . Anthmpos Ea:inonDC&. l9ttM., p. 6;\.
l L FEBVME:, L'F.rtf'fJ('4.'. c;_.,,;_._,,.(. 11'1rnr âwli.mtinu. Pan:i. Pcmn . I~ . r-5h.
.-1Jrm, p . l:?I .
'Ibid.. p. 62 . De Contua~i: 1\ N11m:m11~ Ja.n!ti la: 1.kha du Nil . 1.k l'hu!tiClîi en L)·i.:u:- Il Ptl)\.l.W' en ColchUk. au pal!J. ..h.I C.wc.aaic. ~
<:St-elle cctlc Grt\:c curopècnnc Jmu les lum.lutcu rs du rruJct i:uru['Crn 11t'"-' IMirlcnr san:> i.:csse .,
6 MC. AMOUIU: l,l. != . RUZÜ , Ll' "'""''•' .i.:n•, · '"'''""'"'• Para>. llai.:h..:th: SupCncur. l>JQU, ..:ull. "H.aa.\n: t.:ni._.cn.atc-... Na.
rcn"fU)"Onl IWI. J1fftrcnt..-s sc.ctiuns u~·111Lms 11\·01111 uu11C Ju monJc g1Cl.:, nuumuncnl i.bns. !ioo1 J.m~.ns.ton manlitDt i.:oltJaialc. '°'
7 K. GM.OUSSET, Bihm J" 1"111.~1turt..'. s·· .:J . l'un~. Pion. 11>01 .
11 ldic dtrcndue i I• feus par Reni Unn.L'i..'H!I e1 F~m11nJ Bnsuûel dans sa (j"""'"'u' .. 11b '"·i/lwfiiolu, Pari6. Fi.aan.nao. 199).
toU '"Cl\amr'9", ( 1fc c!:d. 196.l l.
PnrUc 3. P~m1antnct dtt idttwtilb

Dieu VT'llil . A partir de cette époque, !'Européen semble se sentir autre chose qu'un
du'élien humble et grossier qui n'a longtemps été qu'un barbare face à Byzance, aux
Omeyyades, aux Abbassides ou aux Fatimides.
L'idée européenne s'affinne par la Papauté et par le Saint Empire romain
germanique qui lui fait concurrence et qui tente d'étouffer la formation du royaume de
France.
Les historiens ont souvent décrit l'histoire des peuples comme l'affrontement
perpétuel entre l'empire et la nation - Perses et Grecs, Romains et Gaulois, Saint-
Empire et France. La lutte soutenue par le peuple français dans sa construction
nationale, face à l'hégémonisme des Habsbourg est là pour illustrer cette dynamique
d'affrontement.
Les Habsbourg s'efforcèrent toujours d'intégrer la France à une Europe unie sous
leur pouvoir ; pour ce faire, ils exercèrent une pression par l'Est et par le Sud -
Espagne?. L'histoire de l'Autriche se résuma longtemps, jusqu'au renversement
d'alliances sous Louis XV, à une guerre contre les alliés de la France : Bavarois
Prussiens, Suédois, Turcs. Hongrnis, Piémontais, Russes et Serbes.
Les géopoliticiens allemands en tirent la conclusion que la résistance française à
l'intégration dans l'Europe gennanique des Habsbourg épuisa la France au profit de
l'émergence anglaise3. La presqu'Ue européenne céda en effet au XIXe siècle son
hégémonie à l'île anglaise.
Voici confirmé par un géopoliticien germaniste, ce que nombre d'historiens
français, de Michelet à Bainville n'avaient cessé de clamer, la lutte de la nation
française contre l'empire allemand . On voit donc qu'il ne s'agit pas d'une
représentation géopolitique ou même idéologique française mais bien d'une analyse
partagée de part et d'autre du Rhin. Lorsque les Allemands occupent Paris en 1940, ils

lL FEB\-"RE,L~. ~~du~nw/Uanon . Pwi 5. Perrin, 1999. p . 179


2 Le xvr s:ik:1e ~en puticulier. est mcnac~ par cet 1mpêna lis me qui pl'Cnd les tr.uts de Charles Qu int.
l C'cm. l'~ du. gëopohacicn w.tncb.icn Jordi.s "'OO Lohauscn lequel. non sans un ctrtam humow soutinu que si h fl'XllCC
nad br: ~ mspua pour accepter la dorntnarioo gaman1quc. elle mu.rait pu s'opposer ~ la domination mondu.le deot
A.aP>Saam- C'aa ctrccu..'aDCDI. cc que pc:nsêrcm les c.ollabon.tcurs français de 1942 • l'h1sloire - de l'1ndëpend.ancc uuo!We -
dr:nm. crpmdml rma.. il a:m: qw avaicnl lnivcnC ta Manche .
?ami la p1i:s1aDc:a di'll::DeS qw. tour i. IDut, affn>nlCrol:ll l'Empire des Habsbourg, la France deVlml. de plus en plus i putu
de Laais XL rime dit la n!bdhoD.. St la royaulé ~ avait les mtmcs origines que l'cmpin: allemand. la Fnmcc cta.il par IWlK.
r~ COUlllllC' FIS~ le rdk!: de tœneUI' s' émposa..il ' elle. Quinteas.encc de l'OccJdent. elle SC 5Uffisa11 i. cllr-m!mc.
•'avaii blsai:a de rica d'auat:. et mnour. pm d'un ~d'Allemagne aux côtes du roi de France . Cclu1~c1 pointa11 son ~ u
ls larimira i ~ ~ : pgoet' le Rhm. brûler le Pala1m11t. pn:ndrc Milan Le reste ne l'1n1ercssa11 pas ce n'ëwt qu'un
glKi&. tbêlrŒ d"affroalcmena mm: pruplcs et pnncipa.utb ennemis. Qu'un cmpaeor régnât sur ceuc mosafq~ de Pl)"' -
r~ la Bobbzw:. nta1..1e. les ~Ba - voit.à qui tbit intoltrablc. Tout comme l'idée qu'il put y a"'mr un ~mp1n:: à ta fw
1&1111.dtanaÏ'D.

L~ ck Ramie. c'iaut la FrmKe, sa COUT, !Dn Éi.at.. son adnunistr.:illon, sa c1v1llsa11on So r.uson aussi, inC211Jêc d:mn.
Ven.i.l)a.. dam la pynmidc.. d'ac scric:lc géomtmc. de sa soc:Jâ.C.
0-. œae Juar cb nm et des CT!lpllCRWS, Ica pn:micn èta1ent en l'OSÎt1on de fon:c 1(5 ctaicnl maitres ehe-.t Cln el leur~.,,

mir ane mDœ compK1C Lca C1DpC'ft'Unammt. ccnn . l'avantage d'une pos111on périphérique D. l'E ~ t. ils pouvaient conqucnr iœc
ll:rft: tpà )'a.lft ; la France, elle oc pouvait rc:pow.SCT de mtrnc sc=!I fron1 i er~ . quuu..I Louis prenait Rc..ançon ou Ldle. l'E!TlpC'mA'
s'cmpuau de tDuK' la Crou.ic. de la Hoagrie ou de 111 Tnnsylvanic QuAnd Id F~ço1s obtcna1cn1 des l~mbcau.. Je l"N',""'·
ln
AUcmmdl ~ 1111 royaume Mals ce que la France pl'CTUIÎI, die le gorda11 rour IOUJours . Acqutra.11 -ellc qucl1.1uc pan un
t.,... ck ~ il dr:YCDl.ll une panic de la France . Les rëg1on5 rup1demcnt conquiKs dan11 l'E.~t de l'Eururc cl en h~hc
a·~ pu • rAlknagni: un KUI pouce de lem: au1och1one. Toul cet ensemble n'a"'.llit pu la robustesse J"un ~k
llmlrd. ~ Bd.,..tc à BnacUcs, l'Empue rq:K>Mit 11ur la pcunte do ~pecs . non 1ur 111 puissance que confèR l'uni1é lin1Uu.Uqut:. Il!
J. ~ LOHAUSEN. La E"'flÎTU d la puLUanc~ fl.a géupolllique aujourd'hui), Paris, Editions du Labyrinlhc:. rtll!d. 19%, uw1 Je
,,., ZllT Uocld. ~Ut~~ . K.wt Vowmc k.cl . Ber& 11m Sec. 1'179 .
Ouariln: 4. L'identité et ln carte <."n action : lt.>s panismes

recrutent surtout des socialistes européensl, des communistes, des pacifistes, et bien
entendu ceux qui font passer leur racisme ou leur opportunisme cynique devant toute
pensée politique; ce qu'ils traquent le plus est la tradition de ce nationalisme français
opposé à l'impérialisme allemand . C'est la raison pour laquelle, très tôt, ils s'emparent
du siège du Journal d'Actio11 Frn11çaise et de ses archives et que celles-ci ne sont µimai.5
revenues de Berlin. Leur triomphe est que certains penseurs français, pourtant formés
au nationalisme de Maurras, franchissent le Rubicon européen et s'engagent dans la
voie du collaborationnisme européen - c'est notamment le cas de !'écrivain Robert
Brasillach. L'Allemagne hitlérienne et Laval ne reprochent-ils pas à P~in son
"nationalisme étriqué" qu'ils opposent à la construction d'une Europe urue derrière le
moteur allemand et que symbolisent les légions de volontaires S.S. fédérant des corps
de troupes européens ?
Le pangermanisme n'a cessé de s'identifier au panisme européen. La vision urutaire
de l'Europe est développée par les géopoliticiens allemands de la première moitié du
XX• siècle. Ratzel comme Haushofer2 se sont élevés contre la politique d'équilibre des
États défendue traditionnellement par la France et l'Angleterre, qu'ils concevaient
comme une politique d'affaiblissement progressif de l'ensemble des Européens et qui
devait rendre possible l'émergence des États-Unis. Dans les années 1970, le
géopoliticien autrichien Jordis von Lohausen reproche encore a l'Angleterre d'être
responsable du déclassement de la puissance européenne au profit des États-Unis faute
de n'avoir pas suffisamment adllUré l'hégémorue espagnole, française ou allemande.
On peut se demander tout de méme en vertu de quoi il aurait fallu que les Anglais
supportent une quelconque hégémonie.
Dans la vision géopolitique pan-germaniste, l'hégémonie est nécessaire pour
atteindre l'unité, elle en est d'ailleurs la première étape. Les géopoliticiens allemands
font remarquer que l'empire de la Méditerranée est né de la souveraineté étendue de
Rome, que l'unité chrétienne européenne est le produit de la domination des Francs,
que l'unité de l'Espagne est le résultat de l'hégémonie castillane, celle de la Grande-
Bretagne de l'hégémonie anglaise, et celle de l'Italie de l'hégémonie piémontaise. 0
n'existe donc pas d'unité possible, de convergence complète des intérêts, qui ne soient
pas le produit d'une hégémonie. Tout ceci est parfaitement juste, mais n'enlève ru le
dmit ru le devoir aux peuples de refuser une hégémonie extérieure.
Les géopoliticiens allemands regrettent donc que la puissance maritime anglo-
saxonne ait toujours empéché l'unité européenne en faisant échec à toutes les tentatives
unitaires : les Habsbourg d'Espagne, la France de Napoléon, l'Allemagne du XX• siècle.
Pour la géopolitique allemande, l'unité européenne repose sur deux sous
dynamiques unitaires fondamentales :
- le noyau de construction germano-franc;ais. L'Allemagne acœde à la mer, à
l'océan, par son alliance à l'Ouest avec la France.
La volonté d'unité franco-allemande trouve ses références historiques dans le
souvenir de l'unité franque : l'Empire carolingien couvrait l'espace naturel compris
entre les Pyrénées, la mer du Nord et la forét de Bohème'. Faisons remarquer toutefois

1 I' ORtfU Lr\ ROC'llELLE, .Journal. lYJ IJ-llJ.J 5. P;.ms , li11lhm.miN R _t·. JIN~ . ~ ~lie bclk~0il.U1JU1D~c-e1 ~

ffaJcr a r.U~ ii tru\."Cf"S IOUie l'l:urorc" . r 417 Dm:u la R'...:hdk. J'11borJ ..:omnlWlL<,IO: . .;nsu.Îtc naliunal-~ a.al\.Stc. IÏart. .l\-:m'l

l'uh1mc "UICldC, par ..ouhailCT la "ICh.llTC' de '.\h1S\."\)U ~llS f't•ût ;lUUIU tc'l.ctur :&lJ ..:umn'IWll~rŒ q..a ï l qu.ahtk ~ 4 ...iadK ..lie
troÎSUll(.c"' ~ur un ~~;u rps 'a111 .. - l:l Rus.:"ic , "Mo~c.,m 1'0:m lu R11n\C fm;i'1:~ . JJ.:m . p . ..a 1~ lt .::en..: pfvuc J. mcd.llft'. :n man 194.).
un :i.n a,,·a.n1 la r~lntc Je" illu.;h10:-. J e Drieu " Il y <1 ,t.:m.' Io: rh1h•s1w1.:11 ... 11ll.· Jc-s. !=a.ulh)h.~ ~udque c~ de profaod. O'abGrd
1'eictnrllc ternJ.anc.c Je ]a (· rune:.: à lra\a1Hcr i,: Unlfl'.' l'l-.11rup...~ '-1.U<uul l.: C' n · ~· :> l ~"die '-1.Ui la fan -. Cl ._"ftSU.lh:• b. pn:ifo~JrJcM:i.tutiun

k• bou1gro1,, .". p :l92 .


1 Voir le!. commcnla iR--s s ur- leurs Ccn1 i1 don.... 111 ph:mu:·rc panu.· Ju h~n-

.\ P H.l('HE. L~1 Cnru/u1s1c.·m f( .'nc-/Umill~· "'" -';' /"l:.umpt·j , Pana.. Hefi;.bertc. Pluncl. loN-:'
Par'ti~ 3 . Pennan~m:r da "'nrhlts

que la Franœ quasi-entière appartint à cet espace historique, tandis qu'un tiens de
l'Allemagne seulement s'y trouva.
Pour les géopoliticiens allemands, la France, du fait de sa situation géographique,
puit d'une li~ d'action que n'eurent jamais ni l'Espagne, ni l'Italie, ni l'Allemagne.
Historiquement, ces trois pays ont dll faire face directement aux Sarrasins, aux Slaves
et au" Magyars. Ils ne pouvaient agir que par rapport à des nécessités. La France, elle,
eut la liberté de choisir réellement sa politique, de proclamer les Croisades et les Droits
de l'Homme. L'union avec la France donnerait donc à l'Allemagne une liberté de choix
géopolitique dont elle ne dispose pas dans l'espace étroit de ses frontières.
- l'alliance de l'Allemagne et de la Russie. Elle est la seule condition à la réussite de
l'unification eurasiatique; par celle-ci, l'Allemagne se projette jusqu'au Pacifique à l'Est
La Russie. quant à elle, ne peut accéder au grand large que par l'Allemagne.
l'Allemagne et la Russie voient donc converger leurs intérêts d'accès au monde entier
par les océans. n faut donc noter que la géopolitique allemande rejette la vision
d'Hitler. lequel a voulu faire triompher son idéologie raciste sur la logique géopolitique
allemandel . Dostoîevski écrivait que les Allemands et les Russes étaient les deux
peuples destinés à changer la face du monde par leur union. L'Allemagne écrivait-il, a
besoin d'une alliance étroite avec nous. Son domaine est le monde occidental, elle nous
laisse l'Est.

Les Gropolikers allemands soutiennent donc la v1s1on d'une grande alliance


continentale gennano-russe à l'Est et germano-française à l'Ouest comme préalable à
une unification eurasiatique seule capable de briser la puissance maritime des
thalassocraties anglo-saxonnes. L'Allemagne serait évidemment Je cœur, au moins
économique, de ce processus unitaire.
La thèse de l'alliance germano-russe n'a rien d'extravagant. L'histoire a déjà montré
sa possible mise en œuvre : accords de Rapallo en 19222 ; accord avec Pilsudski en
19343; pacte avec Staline en 19394; Accords avec Brejnev et Ostpolitik.

1 la p-. ,am =riPa COlllll1IC Haushafet ilaicru sansfa1t5 du ~ @erman~sot.1Cuquc, ils s'opposèra\1 en n:vancbc a
r'w:zaqllc pu Hitler d'llD monde div.: qu.'ib oc s;;atuaimt pas dam l'espace \'1tal allemand. A noter que ccnc gé:opolibquc allcm&Nk.,
al c:œftnœc . a cana.rio, JW les peurs de la géopolinquc angl~suonnc de ,.-oir l' Eurasie unilitt L'Alh:mapc rlvc d'\miV:
~Cl a=~ est un cauchemar miglo-améric:am.
::! '"Le 16 &\-ril (19"1-2). Tdutchtnnc Cl Raa:bcnau K rcncontt'tn:nt prês de Gên~. à Rapallo, et sign~rcnt ..m accord. La drm
pmys rmançaield simu!mnëmca1 GD. dcnes dir gucr1T et aux n!pantions pour dommage5 mihtan~ qu' ils pouw1cnt se dc\'Oir
_.JanaH. ( .. ] C'éaaU l'mmut.J:ion dtf'mi~ du tnlité: de 81"CS1·Litovsk. la nn de l'isolement 50VtéUque IUI" le plan 6conormqar
et politique·. J.B DUROSEU..E. Hutoft dlplornanqur M 1919 à no.f" jours, 11":; éd., Pans, Dalloz. 1993, 1031 p (lft M. 19Sll
p. 68 Sur la flOl•bqW all~ \-15 i. ris ~ Soviétiques dan..~ les anniees 20 "Par ccnc "pohlJquc de hl.lance'" -
Sdm•:tpol•ik - ~ l'Ea:l et r0uc:.&. l'Allemagne gagnait une apprttiablc marge de mamru~ diplom&11que . fJle a
pn!:maa:iaai1 COlllR une nxonaimbon de l'allianœ franco-russe que gâlai.t ~nnais ha restauration de l'rndq.c.ndancc polonaast
- I'.....- D"Dp loin en flYCUr de nJnian sovietique afin d'4!vi1e-r de meure en danger~ propre stabilité en favorisuu les propa
&i CDllllDdlll1llt alkrmnd. Qunt i. la Russie - puis Union - sov1ttiquc, elle pan•enait ili rompre son isolement db la rencontre dr
a.no. Elk poava.rt pu la Rilc dcrnandtt i. l'Allcmapc de la soutenir sur le plan in1ema1ion.I - comme lors de sa dcmll*
d'8llllil!uaD au pMSe Bnad--k.cUog. Elle amtbœ11i1 enfin ses pcnpc:cuves de d~veloppcmcn1 êt:onom1quc sans 1ericr oum: mmR le
~ COflUNIDllk, d'aillaln mobih~Jmqu'rn 1914 dans la •une: contn: le u·aué de Versailles -- c'cin 11ins1. par aemple. qu'•

LI fui dr 1933 Ir Parti camrm.m.islr tr.nça.u contcsratl cncarT: le retour de l'Alucc.Lom11nc il la. France". m M DRAJN , •Les alCIUb
~ ck- l'Alaen.cœ dam la C E.1.•, 1n Rr/01fons lffl"7tot1a1wlr.'" et .f"tratt'glqur.f. Pnnlcmps 1992. n•s, r 1S3 .

~ P..-it ~mm• du 26 jan\'lef" 1934 . une décJanition de non -agR"l!Slnn avec Io PnJognc valable dui: eru Le pK1t NI
~ aa:rct J*f IC' IOV\'c:mt'fl'll:nt polon.aia car l'opinion publique polonai1e. (avontiblc à l'ami11ë rninça1sc et hosule Ili l'Alkmapc.
....,, sana: doute maJ prit. ccae d6c1sion J.H. DUROSELLE, Hlstni,.r dlplo mufiqu,• d e 1919 â nn.,- jnt1r:J . 11"' id .• Paris, ll&Doz.
1993. (I"' 6d 19')), p . 169
4' C:C qur ton appelle le ~ geTman~vi~iquc du 23 aoOI 1939 cnnl icnl dcua volcli. un tmil~ de non agnss1on condu
pour dix am. : an pracocolc tri.en plus 1mponan1. comportant troi' an1cles principDu• . La Finlande. l'E.s1omc. a. Ldtœnt
IOCTC\,
ftaiad ~ . "dam le eu d'WI ctuinsemart pohti~lenilorial. dans la 7.onc d'influence russe , la L11uanic ~rw.il dans li nw
d'mftYClllX allam.nde . Quanti la Polopc, l'mriclc 2 prftuail 'La question de uvoir a'il e11t deAinblc, dans l'inldn!I des dNw. putift.
Chlpitre 4. L'adenbtl! el 1.n cartL> en action · le!'9 panismes 509

Le panisme européen est aujourd'hui défendu par des courants idéologiques


di\'crs : de la social-démocratie d'Europe occidentale qui inclut l'Europe occidentale
dans un vaste espace atlantique américano-européen 1usqu'à des courants violemment
onti-américains et russophiles qui prônent l'unité de l'Eurasie entre la France,
l'Allemagne et la Russie. En France, deux courants s 'opposent au panisme européen : la
permanence d'un nationalisme français hérité de la construction capétienne qui voit
dans la construction euro-fédérale la fin du pré carré français et un nationalisme
jacobin qui redoute la fin de la République française .
A l'extérieur du continent, sans doute protégés par leur vision insulaire,
l'Angleterre et les États-Unis - dont on peut considérer qu'ils sont une De continent du
fail de l'achèvement de la doctrine Monroe - restent étrangers au panisme européen
- ce qui ne signifie pas pour autant que Washington n'ait pas une stratégie quant à la
construction de l'Europe et à son ancrage atlantique.
Un historien américain, David S. Landes nous rappelle que la fragmentation
politique de l'Europe protégea toujours celle-ci d'une conquête extérieure globaJel. Il
ne fallut qu'une ou deux défaites graves pour mettre fin aux empires perse - Issos en
333 av . J.-C. et Gaugamèles en 331 av. J--C. -, romain - pillage par Alaric en 410 -,
sassanide - Kadisiya en 637 et Néhavend en 642 - , aztèque ou inca. L'Europe fut à
l'inverse protégée d'un chute intégrale devant les grandes invasions par son réseau
d'États : au XJIJe siècle, lorsque les Mongols prennent les royaumes slave et khazar -
c'est-à-dire aujourd'hui rien de moins que la Russie et l'Ukraine- , il leur faut encore
passer à travers les États polonais, lituanien, germain, hongrois, bulgare avant de
pouvoir seulement approcher la succession rêvée de l'Empire romain Quant aux
Turcs, lorsqu'ils ont soumis les Serbes, les Bulgares, les Croates, les Slovènes, les
Albanais, les Hongrois, il leur faut encore se heurter en 1683 à Vienne, aux Allemands
el aux Polonais 2 • Et dans ces guerres là, une multiplicité de batailles successives épuise
plus qu'une bataille globale soumise à l'aléatoire de l'effroi, de la débandade
provoquée par la mort d'un chef ou par un événement interprété comme "surnaturel".
L'éternelle histoire des ceufs à ne pas mettre tous dans le même panier . ..
Carte 83 : La France face aux Habsbourg et l'alliance avec les princes protestants et les
Turcs

5.3. Tout Empire périra


En choisissant d'intituler l'un de ses ouvrages sur les Relations internationales Tout
rmpire périra, Jean-Baptiste Duroselle voulait souligner la caducité des empires,
constructions artificielles fond é es par l'hég é monie d'un peuple sur les autres3.
L'échec du panisme, qui est une forme d'impérialisme, c'est d'abord celui d'une vue
de l'esprit: la continuité des territoire s sur un même continent justifierait l'unification
politique. C'est accorder la primauté et l'exclusivité à un seul déterminisme
géographique - la continuité géographique - et nier dans le même temps une
quantité d'autres déterminismes géographiques tout aussi importants : la topologie -

de maintenir un E1111 po lon.11 1.; i nd~pcndanl . c i t.'tHn mcn t IC"'> lrun11è n:-> J4· n~l E tol J .:-,Tluctu ê'lrc thêei. ne rcu1 ttrc rC:sul1« June
llçon Lltfini11•1c qu'uu Cd Uni de ..; futur... dL'\ d.1ppcmcnl!"i po l111qu c~ c~ n le>lll C10 1 d e L'DLL"C- I~ Lku.' p ou\11~rn.:mcnLo; !nnl.hcrunt ...-cnc
q11a1ion f\llf 1111 vmc d'une cnle nrc nm11.: u lc'" , ldn11 , p. ~ ~ 1
1 lJ S. LANDES , Ric h i!.,;.f t' ,., p m H ·r ..·1,: d•'!> 11u1wn.~ r P 0 11rqu111 d t!.f ridt.·.~ ' r o u r i/11t. •i 11.-:.~ J.'IUl''l"l!.< .. ,. P•ns. Albin Micbcl. 1~ .
l1tad111t 1.k The w~allh •m.1 rnveny of Nuuo n!ii . \\' hy ~om.: an: nch and so nw: ~ll poor), p. "'' .
l J P. ROU X. H btnirY" J,.,,. Turc ,· tDc11x m1llt an~ du Pa c1liquc li la MCd1tcrrunCc l. Parii1-. Faylll'd. l ~'ill

J J . lJ DUROSELLE.. T n 111 t!mpln • P•'rirfl. U f'K' \•/.,·ion 1/tftn ·N(u.• ckt "'l"t w ns rnr..-""u''""''"s· Pubhi.-.Jl(>l'l!i dr la $œh;Jrux.
l9RI , n!ûJ. avec le 1o m-hltc Throric des n:h11îon11 m1emauonale."i, rans. AmUUMI Colin.. l'il~Z
510

le barTièTe naturelles, la cohérence des espaces géographiques, plaines, plateaux,


montagnes etc. -, la géographie humaine - ethnie, langue, religion.
Le panisme qu'il soit continental. religieux ou ethnolinguistique est un échec; il
proœde de ce que tout notre travail veut précisément contribuer à évacuer : le
monisme en histoire. la mono-causalité, la mono-détermination, la négation de la belle
diveTSité humaine et géographique, la combinaison et la symbiose particulière des
facteurs géopolitiques.
n ne suffit pas d'être sur le même continent pour avoir les mêmes intérêts, les
ftmes valeurs, les mêmes projets; il ne suffit pas non plus d'avoir la même religion, la
même langue. Un peuple, c'est à chaque fois une combinaison originale, irréductible et
préd~ d'un ensemble de critères géopolitiques que nous nous attachons à décrire
un à un ...
L'histoire n'est pas un postulat. En mathématiques. l'opération de sommation ne
s'applique pas à n 'importe quoi; on dirait très simplement que l'on n'additionne pas
des choux et des carottes pour faire des navets. Et la somme des intérêts nationaux ne
constitue pas nécessairement un intérêt commun.
L'éternelle guerre entre la carte stabilisée des États et les panismes promet encore
son lot de génocidesl et de guerres civiJes2.

l Ou séftocidcJuif papftré psr le R&ZJ9mc: au 9tnoc1de du Rwanda , on retrouve 1.:. m~me volon1C de mer la rt.J11C des peuples.
de comll'Wft conM rhntoi~ ~donc (CJl"Ci1nent sur le crime de masse . C.:ar s1 les c nmc.i; de guem:s sont le 101 de tou~ le' pcu('lle'I m
J111C1ft. c.c qui nie les n.cux pas. &e. gCnoc1da;_ c'est-à-dire l'ex1cnrnna11on globale et progr.:r.mmée d'une ethnie ou d'un peuple iOlll
le rëtu.tcar da panamc:f. tonquc CC\P.-Ci se heunent à la rCafüé : ainsi en est- al Ju génocide JU1f. <1U'1I ail ilé proarummi!: dts le dtpan
ou qu'il .,r êtc la~ . çammc le soutiennent ccnains h1s1nncns oflcmands. de l'tchcc nllcmond contre les Slaves, n'mlnc
rim au r.arc que cc gèna::1dc ea d'abord le ri!:sultal d'un p911ismc refu"8nf une réali1t géopolitique. c elle d'un cnrocincmcnt JUlf mr ln
1crra p:nnsil'lft ; de manKrc symttnquc. le pamsmc ''nthen visant a constru1~ Erct.7. [o;ral!I i;;ur l'ensemble de la ~launc
rmndat&lrc, Cii unr népuon de la realilê pmlestiniennc qui pone en elle du aenncs gtnoc1daire!l
2 L'csa~ Pat.d- Manc CoûteaWt a pubhe un cua1 qui prophéti~ l'hla1cmcnt de confl11J1 'dcnt11111ru gnvcs, il moyen 1mnr
mr Je &crmoire de 11.Joiop eurvpCenne du fait de l'abtaiuc:mcnl da F.tau-nauons P M COÛTEAUX. L'EumM wr., lu 1(11~"'·
Porio. IW?. Mi<holon.
CHAPITRE 5

LA MINORITÉ

Si l'importance du facteur minoritaire nous conduit à admettre l'utilité d'un


chapitre autonome dans la partie consacrée à la permanence des logiques identitaires,
nous soulignons toutefois que l'étude du fait minoritaire se raccroche aux questions
traitées précédemment : l'ethnie, la langue, la religion sont les trois couleurs
fondamentales de la palette identitaire en géopolitique, couleurs qui, dans des alliages
aux conséquences souvent dramatiques, créent des minorités.
Nous renvoyons également le lecteur à l'un des aspects fondamentaux du fait
minoritaire, la politique des minorités, que nous étudions sous son aspect européen
dans la dernière partie de l'ouvrage.
Carte 51 : Peuples et États d'Europe centrale
Carte 58 : La Grande Hongrie
Carte 52 ; Peuples et États dans les Balkans
Carte 55 : Le conflit identitaire de Transylvanie
Carte 59 : Le peuple albanais à cheval sur les États
Carte 57 : Le conflit identitaire du Kosovo
Carte 60 : La Grande Bulgarie
Carte 53 : L'Asie centrale : le monde iranien
Carte 86: Les Kurdes
Carte 54 : L'Asie centrale, le monde turc
Carte 69 : Les minorités chrétiennes d'Orient
Carte 70 : Les communautés du Liban
Carte 74 : Irak: situation des populations, densités, zones d'exclusion
Carte 75 : Les minorités chrétiennes et musulmanes de Birmanie
Carte 71 : Le sécessionnisme des musulmans Moros aux Philippines
Carte 76 : Le sécessionnisme tamoul au Sri Lanka
Carte 77 : Les religions en Asie
Carte 84 : Les religions en Inde, au Pakistan et au Bangladesh

1. Définition du fait minoritaire

Les minorités sont des ensembles humains compacts - regroupés sur une mème
partie de territoire - ou dispersés - disséminés sur un territoire - qui s'.intègrent
dans un ensemble majoritaire plus vaste. Leur présence au sein d'un Etat rend
hétérogène la population de celui-ci et augmente le sentiment de différence entre
citoyens de l'État.
Pour caractériser une minorité on doit répondre aux questions suivantes :
• Quelle est l'importance démographique de la minorité relativement à la majorité'
. y a-t-il une différence ethnique par rapport à la m<1jorité?
. y a-t-il une différence linguistique par rapport à l.1 majorité?
_ y a-t-il une différence religieuse par rapport à ),1 m.1joritè '
. y a-t-il une différence socio-économique par rapport à la majorité?
su

En fonction des répünses à ces questions, on se reporte ;:I l'étude des facteurs
ethnique. linguistique et ou religieux, développée précédemment.
Quant à la dimension socio-«onumique, son étude approfondie fait appel à dl'"
matières extérieures à la gé<.lpolitique · l'économie et la sociologie. Ses principale.,
conclusions ne doivent cependant pas être n~gligées sous prétexte que l'on n'en
maitrise pas l'étude approfondie : dire qu'une minorité est oubliée de l'industrialisation
d'un pays est un fait socil>-ffonomique aux conséquences géopolitiques . Now
consacrons un chapitre aux grandes oppositions sociologiques primaires - citadin-
rural nomad.,...sédentaire.
D'une manière genérale. l'étude géopolitique pourra s'attacher en toute situation a
~ger les grands traits soci<>-économiques sans entrer dans leur explication qui est
du ressort de la sociologie et de l'économie. On touche ici aux liens périphériques de la
géopolitique et au caractère nécessairement multidisciplirlaire des sciences humaines
- voir notre introduction générale à ce propos.

2. Les types de minorités

les minorités ethniques peuvent être des populations qui n 'ont pas atteint le stade
national comme les Indiens d'Amérique ou les grandes ethnies d 'Afrique et qui vivent
mêlées à une population dominante. Ces minorités vivent leur hétérogénéité
linguistique et sociale dans des ensembles étatiques plus ou moins homogénéisés.
Un exemple d'État multi-ethnique où se côtoient de nombreuses minorités, est le
Canada.
Aux côtés des deux peuples fondateurs du Canada, les Français et les Anglais - on
emploie le terme d 'anglogène pour désigner les Canadiens d'origine britannique et pas
seulemett anglaise. et de francogène pour désigner les Canadiens d 'angine
fr.mçatse -, on b'ouve les autochtones• - Amérindiens et Inuits : on compte une
cinquantaine de langues indiennes réparties en dix groupes linguistiques- . et des
N~diens qui regroupent les personnes qui ne sont ni d'origine française, ru
d'origine britannique ni encore des autochtones - Allemands, Italiens, Ukrainiens.
Oûnois, Philippins, Indiens, Libanais ...
Le Canada n'est évidemment pas, du fait de son caractère multi-ethnique et
communautariste un État-nation. L 'une des explications tient sans doute a la
géographie, à l'immensité du pays 2 • à la rigueur et au contraste du climat qui ne
favoriserait pas la circulation des cultures et donc le mélange des ethnies. Le modèle
politique qui s'est mis en place n'a pas joué dans le sens de l'intégration mais dans un
sens de respect des différences communautaires; il a contribué à entretenir la fragilité
du système canadien tout en tentant, par le respect des droits minoritaires, d'empêcher
les révoltes.
Les minorités nationales sont des groupes qui vivent en dehors de l'État contrôltl
par leur nation-mère.

J J. CffAliSSA.DE, lA Ctmodo. ln ,-uqu,., c1·~, lutnn"" cl'•m Il"""'' f"''Y "· J'.,1~ . l: lhpwt . l'JCH,. r "'7-74 . "li" 1W, flro
~ dr 111 "ie poltüquc c:.aud&amC en vrnl' dcn'itCTet •nntc" . • t1t l'tmngcn~c du fa1t aut111t:htonc. c 'r.1-•-duc I• Tnk'irM
afl"llfml6cda ~ rndienm et rnuu ck ne plu" "ubu ln. evbM:mcn1, ... r t.7 . I .e, tnutl• n11 1·:M1u1rnaux "'"' 11 Of.Ill . le',, lnd•n'l'I
~une papulauon d'envtrun SJOO(W) pennru'c-" rtper11n en h04 handc' ou rnhu\ : lit. mn111n1t d 'entre eu~ vo-rnl 11.ans,,W,
n!acf"Ya Lt n!Tnl cuaad te produit ii partir de l?H'
2 Le (:..dl .. ~ an P9Y' 1""'1CIUIC AvQ; V'S 9.'J m1lhon• de km2 . il r~•critc rrC-• c.Jc vinMI roi .. '" 1-'r•ncr cl (tCCvpt '""""'"
a. moitit du GOlllincnr nord-amiricain" ; /"'-"'· p 1,), J. ChaUAude perle de "vaa1i1udc can•d•~nr .. .
O..plttt S. La minorité 513

C'est par exemple le cas de l'importante minorité hongroiM de Roumanie, localiMe


dans la région de Transylvaniet. Ce fut le cas des minorités allemandes d'avant la
Seconde Guerre mondiale, notamment les Allemands des monl.ll Sudètesl.
Le passage de !'U.R.S.S. à la Russie a créé un fait minoritaire russe important. La
Russie d'après 1991 est à la fois plus russe et moins russe que du temps du soviétisme.
Plus russe, puisqu'en proportion, le poids des Russes est plus fort dans la Fidération
de Russie qu'à l'intérieur des frontières de !'U.R.S.S. ; moins ru5ee, car jamais cl.. !llOll
histoire, Ja Russie n'eut autant de Russes à l'extérieur de ses hontièn!s - la Fédéation
de Russie - et donc en situation de minorités.
En 1989, 150 millions de Russes vivaient dans une U.R5.S. de 286 millions
d'habitants; en 1997 la Fédération de RU5sie compte environ 150 millians d 'habitanm
dont 25 à 30 millions de non-RU58CS, tandis qu'à l'extérieur de la Fédération vivent 25
millions de Russes. notamment dans les pays Baltes et en Asie centrale qu'ils availl!nt:
colonisésl. De colons, les Russes hors de Russie passent en situation de minoritaires. et
tentent de protéger leurs droits.
Lorsque ces minorités nationales se dispersent. lorsqu'elles ne sont plus
territorialisées de manière compacte, on parle alors de diaspora. On ne confondra
cependant pas des Russes blancs qui ont fui le bolchévisme et se sont disséminés en
France ou aux États-Unis avec des minorités russes de l'ex-Empire soviétique qui
auraient sans doute aimé que l'Empire restât leur cadre politique.
Les minorités religieuses peuvent correspondre soit :
- à des minorités nationales : les Hongrois de Transylvanie, dans l'État roumain.
sont protestants et catholiques. par opposition aux Roumains qui sont orthodoxes;
- à des hérésies territorialisées dans des zones-refuge comme le Proche-Orient :
druzes et alaouites du Liban et de Syrie, kharidjites d'Oman4, assyro-chaldéens de
Perse. Les minorités peuvent être semi-territoriali.sées, comme les alévis de Turquie,
qui furent longtemps des nomades.
Certaines minorités sont en fait des nations minori.sées dans le cadre d'Êtats. Un
exemple problématique est celui du peuple kurde qui ne dispose pas d'État propre et
se trouve en situation minoritaire en Turquie. en Syrie, en Irak et en Iran. Les Kurdes
sont un ferment majeur de déstabilisation régionale. Pour l'heure, leurs divisions
internes s'expliquant par une sociologie encore féodale et clanjque empêchent leur

1 Hon1nm C'I Roumaln !C ~'talTmmrnt dcru 1s lontz:•c:mrs à pm~ de C'd1C' ~ -o\m o.llt la tWsr haQpvDc ~ è diK
quit. kJnquc les poflUlalmn!\ Ur lnns ancèlf'1:"!\ \.·cnus Ju Dmcsh' am'~' 4-ns, ~ ~ die- êlaR ~"·•es qa·ca . _ c:a.
il n'y IVllÎI paa de n>umanophonC5, que les f'Orulalit\n s ro~ a\'"aicnl èftl'is:tt dan les~ Cl ie.it2ll ~'cmla . . . . . . el
donc: que les Hnnttmis fUrenr 1cs ~icn; OCCUJ'Mlf\b 11.f'rb le l"dnit des _,ldilb dr rEmpft rormat ck cmr Rpoa. F.œ ' ccm-
allirmllian , J'hillorioxr.pilic roumainr. clic. défcndai1 la tM:sc d"uGe COllllllUiti!' dt~ S'~ - nMt
..- ka colom romaim ava1cn1 fail souche, rl Qllit c'ê•11 lA la~ c:uenbdk • l& ~ 4'mt . . . . .._. dlair. ils~
( ). À 1i1n: d'exemple. le dkou\·cnr 11 y a '''"li' U\.1 dans 1~ ..us.-!W'b de la , -,lie ..tt dvJ dt: '~ RJllllllÎDI c ~
~tcmml par le fait que Nicolas Cca~ d«ida ..tadjoindft .u nom dr C"9j. la lalin1tt dr: QCGC n!:pm. <'I' 4mc ta .......

dup;Mo·oir rvunwln à contr61cr la TrNl1ylnnÎC' .-, in F . TiitJAL. 1.ec <'(flll/f;D i.~ . Pmu. E~ IQ9$, p. 24-1"'.
2 Les AIK1nandl dca Sudttei - - 1c~lo'\lmiquic- - - ~ai..._ 6 ~\'mile- dC' I.e~ 0-=ne ~ • • - - }.;!
millionl ; avuu la tWf•itc •n•fm·hl'""1't'"'"' ~ 14'Ul, il• n'aV1nen1 ,..,._ c.-V- ~ à rE.mpift altm..l ...._. fil 4r .....
renachemcn' .ti l'Allema.nc un ~' lie 11ucl'ft' n~n11cl ; J.U. llll RO.iç,~- l.L f.. H Uft...,_, .J,,-1.......,_ • 1919 Ji ,.. ,,...,.,_, 11t 'L.
ia.n •. u.11 01.1991 . CI ..... ~ . 1'-'~J) . p 2 1ti . ~1 1
.l -1 .' ~"naor rrochc' - le11i l\tt1t~ de l'c:A · l• .R .S .S . - · "'"'J*il. en IQ8'9, .:!1-•.l fllllhona dc Rume cc cp1i ~li'• ..
popul•rion il~ ~ lnrill1iros ( . . ) l.'ttlalC'nlCnt 11.k l'\J N. .S .S . " k'\."'i'ICre IC' tt«lw' ,m, R~ dit .,....... J'l'O...._. liai dlÏlll:I 2;!
m11ltnm en l~H9) un11 rour au1ant Qu'on f"U!!l..c' J'l&rlcr J 'nock llllbSlf. On nt.ce d'alllit\&n QYC . . . . • tia'a 4- ~..-..· "* ..
r.ia-nauc• f hnMn1cru, ût!iora•cnf.. Juifs .. . >". m Uttwr• •lu1n.• t.ka Û lal!t J")lll·SU\ i<t~ Dr l'l!.R.S.S. •a. t.:..t..l_ l;! hMs •quft
J'ldmtité. P•ri•, HlhpwiJLansuca'O . 1997, r 41 c:t .ne
.t ( tn f9f1YOIC pour eu tm111 uomple eu d'9pi1R' n~ au facteur reflJ'"''
514 Pn,.lil" 3 . P~nrrnrrenc.. dN idnetrlN

lutte d'avoir une quelconque cohérence; mais les Kurdes pourraient profiler de
l'affaiblissement des États qu'ils peuplent pour provoquer une explosion générale .

Les diasporas
Le développement des relations économiques, les révolutions communisles,
l'apparition de nouveaux États, et d'autres tragédies politiques encore, ont provoqué
l'émergence de diasporas dans le monde. Qu'il s'agisse des Chinois! ou des Russes
fuyanl le communisme, des Maghrébins et des Turcs en Europe, des Palestiniens au
Liban, en Jordanie ou dans le Golfe, les diasporas apparaissent souvent comme des
"colonies étrangères" susceptibles de servir de courroie de transmission des intérêts de
leur pays d'origine. Cette vision est pourtant largement erronée car les diasporas sont
souvent le produit d'oppositions politiques aux régimes des pays d'origine. La "gi!ne'
occasionnée au pays d'accueil fonctionne souvent dans l'autre sens : les Iraniens, les
Chinois, les Vietnamiens ou les Turcs exilés en Occident manifestent souvent
violemment contre la nature des relations politiques entre leur pays d'accueil et leur
pays d'originel. Dans le cas de pays décolonisés, les gouvernements occidenlaux, el
notamment français, ont souvent du mal à assumer l'utilisation passée d'alliés
autochtones; le dramatique exemple harki est celui d'une communauté qui a servi les
Français et doit taire le passé au profit d'une politique de bonne entente entre l'Algérie
et la France.
Carte 90: L'ùrunigration méditerranéenne en Europe occidentale (2000)

Les peuples diasporiques


Parmi les catégories de minorités, on trouve aussi les peuples diasporiques, comme
les Tsiganes, ou comme les Juifs, ces derniers s'étant cependant largement re-
territorialisés depuis 1948, avec la création de l'État d 'lsraE!I. La création de ce nouvel
État a cependant été une tragédie pour le peuple palestinien qui s 'est en partie dispersé
- avec pour la majorité du peuple, l'entassement dans des camps de fortWle comme
ceux du Liban-, ou retrouvé victime de ségrégation ethnique et sociale dans le cadre
de l'État hébreu. Le processus de construction d'un État palestinien engagé récemment
après une longue lutte armée qui ne semble pas terminée devrait avoir pour objectif le
retour de la diaspora palestinienne3. Le chemin qui reste à parcourir est encore long et
les relations entre lsraE!I et les pays arabes resteront sans doute longtemps tributaires
du non-règlement du problème palestinien.
Les Palestiniens sont aujourd'hui désarmés face à la puissance d'lsraE!l; en
Occident, leur lutte - pierres contre blindés et tirs à balle réelles - paraît suicidaire et
sans espoir. Elle ne l'est que parce que les Palestiniens sont seuls, que leurs "frères
arabes" semblent les avoir oubliés (à l'exception du Hezbollah libanais), qu'à l'égard

1 •Les Chinois d'~-mer · ce ttrmc décnl ln membres d'urne bnigrotion pluri-stcul01irc originaire de panics bien Jtlitni1tts
de lrvil pn>VTDCCS du IUd-ca de la Chine c:onunmlalc. ( . ] Qu'~l -ce qui coaractCrisc les Chmo1s uutrc-mcr? Prcmu~nmcn1 . ih tolll
~ .-i ks pop.tlat1om comme 'Cbioo1s' dii.ns les hcWl oU ils !lie trouvent 41 l ' c!tmn~cr. dcuxiCm~nt 1h1 ont 1C'T\dancc li se

repvapcr- IMns des quanrc:n urt.ans pour constituer des communautb fondc!c!\ sur une ba.~c clhntquc - ou hngu1s11quc. matS i.
lmglK' f.ul ~de l'cûuuc .'", ln P GENTELLE, Chmt! ~' '"dfa,poru ... Pans. Elhp .~ . 2000. coll . "Les doMicni du lapn et dr
rApl!:plKJD·, p 82.
2 La qlll:Sbon dt a. nunarili pakaunienoc au Liban a condun 3 l'c!cla1emen1 du Liban. à partir de l 97S Les ralrs1micns œl
d'.bord Ulihal le lari10n du Liban cornrni:: base de leur lune contre l'oci.:upoClon de Io Palotmc . Io (nigihlC du t)'1terat
~ lit:.aaiaa provoqué une pmjcction des divmons interne• dan!I le con nit i?11rnClo-palc?1111nicn

J Dau l1vns donnmr le dtta.il de l"hisloi~ moderne du peuple p•lcs1in1cn, qui figure comme l'une dc!C plus gn.mJn irag6.!KS
du XX" 1Hb::le - la phn: loap1e m t.oul c.a.s - : H. LAURENS, Le rt!tr111r dl!.~ ulh1.r. l.u lllltt• pu11r lt1 l'al~.ui,,r Jr IHtlO ..i /'191.
l'wu, R l.afTDl'll 1998. 121.C p. , N PICAUDOU, Ln Pale1111n1ens. un su~cle d'h111oirc , 8ruJ1ello, Cnmplcxc, 1997. Jl6 p.
Chapitre S. l...o minoritc! 515

d'lsrol!I, les pays occidentaux font montre d'une patience en matière de Droits de
l'Homme qui tranche avec tout ce qui a été observé dans les cas de l'Irak ou de la
Serbie. Mais la démographie palestinienne travaille à bousculer les rapporb de force.
La capacité d'énergie nationale est immense dans le peuple palestinien. nourrie de
cinquante ans de frustration et de martyrs ; elle peut arracher un État palestinien. De
l'intérieur, la montée en puissance des Arabes israéliens mine peu à peu les
fondements juifs de l'État israélien. Les deux forces conjuguées pourraient d~boucher
un jour sur un autre État, pour l'ensemble de la Palestine et de ses habitants.
Carte 91 : Pays d'origine des Israéliens

3. Les minorités sont sources de tension


entre deux ou plusieurs pays

Située dans une partie contiguë d'un État ou enclavée par rapport à son pays d'origine,
la minorité est parfois source de problème. Sur le plan géopolitique, il convient de
distinguer les minorités persécutées ou "périphéries" politiques - les Kurdes!-. des
minorités qui, pour sortir de leur condition de dominés, ont pris le pouvoir - les
alaouites en Syrie2.
De même, le degré d'irrédentisme du pays d'origine et le degré d'attachement de la
minorité à la Terre-mère influent-ils sur le poids géopolitique de la minorité.
D'une façon générale, les minorités font l'objet de vives contestations qui s'insèrent
dans des conflits régionaux dégénérant en conflits plus vastes. L'exemple palestinien
dont les répercussions sont mondiales en est l'exemple typique. Ce fut hier l'Allemagne
qui prit hier prétexte des minorités sudètes pour engager une guerre qui devint
mondiale.
La grande variété de types de minorités se résume géopolitiquement à quelques
schémas de comportement. Une ntinorité peut être utilisée par un pays de façon
offensive pour déstabiliser un voisin - Russes d'Ukraine ou de Moldavie, Grecs
d'Albanie-, soit, ce qui est plus rare, de façon défensive pour se protéger - Kurdes
dans l'Empire ottoman, Assyro-chaldêens d'Irak lors du mandat anglais.
Les minorités peuvent aussi connaitre un essor social et économique significatif et
peser alors sur leur pays d'accueil : c'est l'exemple des sikhs de l'Inde anglaise.

4. La minorité 1norisque espagnole dans le Maghreb

Le Maghreb est marqué par un singulier reflux de l'histoire: celui des musulmans
de la péninsule Ibérique qui, après la chute de Grenade en 1492 commencent à fuir vers
le Maghreb3; le mouvement continue tout au long du XVI~ siècle et s'amplifie à partir
de 1609 lorsque Philippe ll. qui constate l'échec du processus de conversion nominale
et forcée, décide l'expulsion générale•. Lorsque ces communautés que les Abicains du

1 L. ~I A . C"llAUR\' , r11l1tlq111· L'f "1Uh.ll'ltés ,,,, Prr>..·lt1·-tfr1.:m r io r..Ji.Jfl,l<i .f14n..·.: lr'·~·oonJ , P:uis.. l\.t;:u.~\"('-L.vus.c.. l~ï.

r. 2Sl-271
2 X. de l"LANI IOl. . ,\/ifwr,tt;s t·n /_,/"'" rCi, •1•gn11•lt1t' f'{•/11t.Jll•" ~·1 \ oo.·1.1'1- 1. ra.n s. Fbnunari""'IL J'-N"'.'. p . R...'··Mtl.
Ji\ CLOT, L ·1:.:,paJ:ll•' m1L'lulmo111· (J "/11" -.\"I• .Hi'd d. Pu.n:., r.:mu. l"hl"1. f'. •to-.11.:.
'4 Mrm. p . .\13 .. L\."di1 Uu lh 5"..-plcmbn: ltiO'I JL•l\na1t llU.' Mu~'",_" un Jd111 Je: tn..•~ J'-~ fl'.U"'l'IÎlla ie ro~-.wncsom pcaac
dt mort.. llo; c!1a1cn1 au1un!'iêS il ern(lOncr t.:1: qu'ils r,1u\"~m:nt lnuu.p.>ftU &VC\.' eu., ,...
~16 r111rtit• 1 . Prr.,,11111r.11cr. tir.<; rrlr.ntif;<;

Nord appellent andalouses, par réfl'rence à leur origine géographique - alors qu'elJ,,,
sont en majorité originaires d ' Aragon et de Castille - , après que les Espagnols les aient
appelées n1orisques, co1nn1encl"nt fi é rnigre r vers 1 Afrique au xvc siècle, elles son(
1

encore de lllngue arabe. Mais un siècle plus tard, les nouveaux arrivants sont
)argentent acculturés à la civilisation t..~spagnolc et parlent le castillan. C'est le cas de la
majoriti' des 300 000 Morisques sur un total de 500 000 qui arrivent dans la dernière
vague du XVII<' siècle.
De nlinorité n1usuln1nne au sein dt" l Es pagne c hré tienne, la minorité devient ethno-
1

1
culturelle au sein de l Afri que du Nord n1usuln1anc e t importe au Maghreb des
éléments de civilisntton espagnole; e lle n' es t guère n1i eux acceptée et suscite une
méfiance inverse .
Le cas des Morisques 1 montre que l'expérience des minorités religieuses entre
l'Afrique du Nord et l'Europe co1nn1ence tôt dans l'his toire et dans les deux sens.

1 On pourn. consul1cr M . ROVILLARD, Bih/lugraphlt! crmunemée J, .... Mm·i.'ftqm'.' · Alger, 1979 ; M . de EPALZA et R. Pt:."Tn.
Étude sur let Moriscos andalous en Tunisie, Madrid. 1973 ; S .M . ZBISS et alii. Ëtutles s ur les M o risques lllldalous. 1910. C'I l~
Mori!tqUC!l, l 9KJ .
42 popularion du pay' en 1950
59 populati<>n du pays en 2000
(59) popularion en 2025 scion le; projecrions

pays dïmmrgrauon très fone


pays d'immigration fone
pays d'émigration rrès fonc
pays d'émigration fone

90. L'im1nigr11tion méditerranéenne en Europe occidentale (2000)


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1
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Israël (sans les Territoires occupés)


nombre de Juifs ayanl émigré vers Israel (chiffres de 1993)
émigration juive vers Israël, originaire d'Europe el de Russie
...__...-" ~migration juive vers Israël, originaire du monde arabe 1fOOO
.._,_... émigration juive vers lsra~I . originaire de Turquie, d'Iran et d'Inde (chiffn=s Je 19931
-... ....."ff autres tmigrants juifs
CHAPITRE 6

LA CATÉGORIE SOCIO-ÉCONOMIQUE

"Toute réduction des faits humains à l'ordre géographique me semble devoir être
double pour le moins : réduction à l'espace, oui, bien sOr, mais aussi réduction au social. •I

"À supposer qu'il y nit des entités, des zones économique à limites relativemmt fixes, une
méthode géograp/1ique d'observation ne serait-elle pas efficace ? Plus que les étapes sociales du
capitalisme[ ... ] n'y aurait-il pas intérêt à décrire les étapes géographiques du capitalisme, ou, plus
largement, à promouvoir systématiquement dans nos études d'histoire, des recherches de
géographie économique - en un mot, à voir comment s'enregistrent dans des espaces économiques
donnés, les ondes et les péripéties de l'his toire ?" 2

On résume parfois les dynamiques historiques du monde, sur le temps long, à


l'opposition entre les empires nomades indo-européens et les États sédentaires sémites,
opposition qui recouvre celle de sociétés pastorales, fondées sur la civilisation orale et
la guerre, et de sociétés agraires fondées s ur l'écriture, les techniques de maîtrise de
l'eau, et la paix. Ils posent ainsi clairement la question du rapport entre les modes de
vie et l'ethnie.
La réflexion sur les divisio n s socio-économiques et les modes de vie - les "genres
de vie" selon l'expression d e Vidal de la Blache - que nous proposons ici est étayée
par des exemples à la fois plus récents que ceux fournis par les sociétés humaines
primordiales et très div ers ; nou s abo rdons celui de l'opposition nomade-citadin dans
l'islam moins succincteme nt que les autres ; il est précédé par une réflexion sur le
rapport entre la géopolitique e t les matières sociologique et économique débouchant
sur deux conclusions : la pre mière est que la géoéconomie n'existe pas; la seconde, qui
pourrait paraître inattendue dans ce chapitre - mais nous y reviendrons plus
largement dans la dernière grande partie de l'ouvrage - est que la géopolitique ne
peut prétendre à expliquer complètement l'histoire.

1. Le concept de "géoéconomie" est une erreur

Nous approchons maintenant de la frontière entre la géopolitique et la sociologie.


Mais comme l'étude de la géopolitique interne d'un État exige souvent de franchir les
frontières dudit État afin de cerner les logiques périphériques, l'analyse géopolitique
serait insuffisante si elle se limitait aux seuls facteurs de la géographie physique, du
groupe d'appartenance clanique, dynastique, ethnique ou national, de la langue, de la
religion et si elle oubliait les modes de vie fondamentaux des groupes dont elle étudie
les rapports de puissances.

1 F. BRAUDEL. Écrits sur l'hisloÎre, Paris, Flammarion, 1984. coll. "Champs", p. 173.
2 Idem, p. 129.
l'n,.tit' J H ·rmuJJC'll Cf" rlN idmhti1

Trop nombreux sont ceux qui veulent soumettTe la géopolitique à leur grille de
lecture selon laquelle les luttes politiques seraient déterminées par des luttes sociales et
économiques ; en somme, ce serait l'his toire du pauvre peuple exploité par un peuple
riche et sans vergogne ; celle des pauvres Irlandais catholiques, Palestiniens ou
Québécois francophones exploités respective ment par les Anglais, Israéliens et
Canadiens anglophones. Or l'erreur du raisonnement marxiste appliqué à la
géopolitique - c'est-à-dire, de notre point vue, une négation même de ce qu'est la
géopolitique-, est de poser cette exploitation réelle comme cause du conflit alon
même qu'elle en est l'un des effets. Les Irlandais catholiques du nord de l'ile, les
Palestiniens et une certaine partie des Québécois francophones sont en effet dominés
économiquement, et qui pourrait le nier ? Mais la raison de cet état de fait est qu'ils ont
perdu, à un moment donné de leur histoire, le contTôle politique d'un territoire, et du
même coup, le contrôle de leur terre, de leurs ressources, de leurs capacités de
production.
Que les clivages et les inégalités socio-économiques renforcent et entretiennent
même le conflit, c'est une évidence; qu'ils participent à l'élaboration des discours
politiques et des représentations idéologiques, c'est également vrai. Mais nous ne
confondrons pas ce qui est du domaine de l'effet avec ce qui est du domaine de la
cause. Et nous répétons que les inégalités socio-économiques ne sont pas la cause de la
lutte des peuples; qu'en cela elles ne sont pas le moteur de l'histoire, histoire qui
devrait alors, selon les marxistes, s'achever avec l'avènement d 'une société
parfaitement égalitaire. Les inégalités sociales et économiques sont le produit de la
lutte identitaire des ethnies et des peuples. L'objectif de pouvoir - contrôle politique
par un groupe d 'un État et d 'un territoire - est indissociable de l'objectif d'argent -
contrôle économique de cet État. Le pouvoir ne tient pas sans argent, car l'argent
assure le monopole de la force qui est l'expression m ê me du pouvoir étatique - ce qui
ne se confond pas avec la légitim.ité, mais on voit bien qu'à l'échelle du monde, la
question de la légitimité politique importe beaucoup moins que celle du pouvoir
effectif.
C'est parce que des divisions sociales et économiques apparaissent dans nombre de
conflits, que certains chercheurs ont cru légitime de tenter la fondation d'une matière
nouvelle, la géoéconomie1 . Le postulat de la géoéconomie peut se résumer de la
manière suivante: ce sont les luttes économiques et sociales qui, en instTumentalisant
les facteurs de la géographie identitaire, sont la cause des conflits. Cela revient à dire
que l'avoir précède l'être, alors qu'il nous semble raisonnable de penser que l'être
précède l'avoir, même si le premier peut, en quelque sorte rétTo-activement, subir
l'influence du second .
La géoéconomie procède exactement de la pensée marxiste en ce qu'elle fonde
l'inégalité des peuples en puissance sur l'inégalité sociale et politique; or nous croyons
par exemple, comme Max Weber, que l'éthique du protestantisme a produit l'économie
libérale, et non l'inverse ; qu'avant que des é lites bourgeoises occidentalisées dominent
dans le Tiers Monde, il y eut des peuples conquérants qui, par la force, s'emparèrent de
territoires, les colonisèrent, mirent les terres en valeur lorsqu'elles ne l'étaient pas -
Afrique - ou les accaparèrent lorsqu'elle l'étai e nt déjà - lsrai' l - e t créèrent d.,,;
élites locales qui servaient leurs intérêts, et que toutes les divisions socio-économiques
que la décolonisation laissa en Amérique latine, en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie

1 En f'ranct , dana les années 1990. 13 Rr:"w"' "" J.:t•oecomm111._• dirigC:c pM Pascül LOH.rrr ;1 1cn1C de ptuposc r unl· ullcm.111\ C' J 11
géiupoliliquc . Nous awon1 nous·mimc. W.ns un o uvrage prccédcnt , usé du 1cm1c, rn!>scmhbm s ou'> cc \.'Ocahlc cc 4.1111 uur.111 J11. t11ot
•impkmrnt êttt dê-s11"é- comme itanl la quélc Jcs rcssourcc!l C ha1.:un sait 'iuc ln progression '\'Cl"' lu véritê f'm SM: SOU\'('nl ('Il
r~r. ec aussi par la c.apacilé à .usumcr l'crTcur et à en 1in:f' lcl'I 1eçon5. Voir aussi : r . LOROT dir .. Jmrr>rl11c t11m û Id J!hh~afh.1,,.1t.
Pans, Ec.onom.ic., 1999, 244 p.
Chapitre 6 . U. catégorie 90Cl~onomique 521

ou dans le Pacifique, ne furent ainsi que l'héritage à retardement d'une domination


politique primordiale. Si ceux qui se retrouvent dominés avaient pu tnvenier le
rapport, ne l'eussent-ils pas fait, devenant ainsi les dominants? La lutte de daMa ne
débouche-t-elle pas sur la dictature du prolétariat, qui dégénère dans un régime de
terreur, de privilèges, de paresse, d'injustice, et finalement dans l'explœian de
l'U.R.S.S . ?

2. Ce qui reste du domaine propre de la politique,


de la sociologie, de l'économie et. .. de l'histoire

Les divisions socio-éconmniques que nous remarquons ici sont essentiellement


celles qui recoupent des divisions ethniques ou nationales. On nous posera 9ill15 doull!
la question : que penser alors des divisions socio-«onomiques à l'intérieur d 'un D'lème
peuple, ou d'une même ethnie? Cette question n'est plus à proprement parler du
domaine de la géopolitique, car elle touche à l'individu et non au groupe. Un clan
lignager ou dynastique, une ethnie, une nation constituent des réalités indivist'bles du
point de vue géopolitique; les divisions que l'on observe à l'intérieur de ces entité
irréductibles ne sont plus géopolitiques : elles sont strictement politiques ou socio-
économiques en tant qu'elles sont liées aux caractéristiques et aux choix de l'étft
humain lui-même. C'est en effet par l'inégalité naturelle des hommes entre eux, c'est-à-
di.re à la fois par l'inégalité des capacités mentales, créatrices, innées et acquises et par
l'inégalité lignagère - le milieu de naissance, l'héritage culturel et économique - que
peuvent s'expliquer les divisions socio-économiques. Quant aux divisions politiques -
hormis celles qui, comme en Afrique, épousent des clivages ethniques, et qui donc
nous font retomber dans la catégorie de la géopolitique - à l'intérieur d'un même
groupe - clan lignager, dynastie ... - , elles sont du domaine de l'opinion
individuelle : ainsi en France, que l'inégalité paraisse naturelle à certains, intolérable à
d'autres, n'est pas du ressort de la géopolitique mais bien de la politique.
La géopolitique entre dans le groupe et s'arrête au seuil de l'individu, elle ne
pénètre pas dans le mystère de l'homme. En cela, elle est le contraire même d'une
tentative totalitaire, le propre du totalitarisme étant, comme Hannah Arendt ra
montré, de chercher à régner sur la sphère individuelle, après avoir investi la sphère
collective.
C'est justement parce que la géopolitique sait que le mystère de !"homme n!Ste
entierl qu'elle ne peut, ni ne prétend, rendre compte de la totalité de l'histoire. Le pas
qui sépare la géopolitique de l'histoire, est justement celui de l'indéhmninisme, du
hasard, de l'aléatoire, de l'homme, du grand homme . Quand bien même nous aurions
cherché à affiner par la géopolitique nos modèles explicatifs - œ qui est bien l'objet de
ce livre - ; quand bien même nous aurions dégagé une multitude de facteur.; de
causalité ; que nous les aurions hiérarchisés, reliés entre eux, mis en mouvement dans
le temps après les avoir observés en situation statique, à une époque donnée; quand
bien même tout cela nous aurait donné l'impression de tendre asymptotiqut>ment ver.;
un modèle du rcel, que notre raison n"aurait fait que buter sur le mys~ irréductible
de l'histoire.
Ce qu'aucune tentative gcopolitique ne peut prévoir c'est le fonnidable mystère dt>
Jeanne d'Arc, autant que l'effrnyat>le éruption d'Hitlt>r et de Stalint>. Il y a dans l'histoire

1 Lc11 "cicncca lc:s plu.'i dCtcmünistes,. .. ..,..tque, I• hiol''il~- l'a..uropbys1que. . •\'COI niiiNa ~ n'împaltt ~ -
si;1cnc~ .combien le my s t~tc de li' ( · r~ation • _.,., •t quC" si un pc-u de scicnat ~loignc de Dm~'! rmll!BR.. ,
522 Partit.• J . PrmrarrnllT 1k!t ;,Jnw,;,n

un romanti."lne essentiel que le clas.~icisme structurel de la géopolitique ne peut


appréhender. La proximité de la Vérité est sans doute dans l'alliage mystérieux de
l'esprit ~ue et du sentiment romantique.

3. Modes de vie et divisions socio-économiques


par l'exemple

Les grandes oppositions des modes de vie et des catégories socio-économiques que
nous pouvons trouver partout dans le monde sont les suivantes : nomade-sédentaire,
citadin-rural. pkheur-éleveur, paysans-industrieux, paysans-marchands.
- En A&lque du Sud, l'étude des clivages ethniques tient compte des différences
socio-économiques entre des Blancs qui sont des industriels, des marchands, des
financiers ou des fermiers, et des Noirs, mineurs, éleveurs ou ouvriers, même si les
contre-exemples à cette catégorisation sociale sont nombreux.
Carte 49 : L'Afrique des États
Carte 63 : L'Afrique francophone et anglophone
- le conflit des Grands Lacs en Afrique centrale oppose des Tutsis éleveurs à des
Hutus agriculteurs.
- En Égypte. le rôle de la bourgeoisie marchande d'Alexandrie, cosmopolite et
tournée vers l'Europe, est à opposer au rôle du "petit peuple du Caire" ou des fellahs -
paysans - du Nil, immense masse populaire sensible aux discours anti-occidentaux
- qu'il s'agisse de celui du nassérisrne ou de celui des Frères musulmansl.
- Aux iles Fidji. un conflit sépare une majorité de Mélanésiens protestants à
l'aristocratie polynésienne qui l'encadre ; une troisième composante à la fois ethnique
et socio-économique intervient : les Indiens amenés au x1xe siècle dans les iles pour la
culture des plantations.
Carte 32 : Les ensembles mélanésiens, micronésiens et polynésiens
- En Indonésie, on oppose une "grande masse populaire" indonésienne à des élites
économiques chinoises ; le rôle marchand des Chinois dans toute l'Asie est d'ailleurs à
souligner. Le ressentiment anti-chinois, observable auss i en Malaisie, conduit à une
xénophobie comparable en bien des points à l'antisémitisme de l'Allemagne des années
1930 ; l'W\ des n!SSOrts de ces ressentiments étant la jalousie éconorrùque .
Car12 40 : Logique archipélagique de l'Indonésie
-On a eu l'occasion.. dans le chapitre consacré à la religion, d'aborder la question
irlandaise; les représentations communautaires entre catholiques irlandais et
protestants pro-anglais ajoutent une dimension prolétarienne au conflit - d'au
l'inclination marxiste de l'i.RA.
- Comment négliger le clivage socio-économique dans le conflit israél<>-palestinien
et dans la mobilisation de l'Intifada? Les cultivateurs palestiniens ont vu leurs terres
confisquées lors de la création de l'État d 'Israël et ont été plongés de force dans le
chômage. On ne s'étonnera pas là aussi, que les idées marxistes soient venues se mêler
à la lutte nationale palestinienne.

l D'w.: aJID.fà1: ~c. l'MW:ulu11c marxiste a pnvi lq,.é le r61c cJc lu paysm.nnenc don~ le ren'\lcnemrnl t.le l'hLSIOi~. Ob
1921 , LOmr avait~ qm les psysana colonW..:1. Kn.icnt conduits D. jouer un rù lc 1mf)O na.n1 Jan~ lu rtvoluoon mondiale. S~uv
ldmd:ua. m. 19~ . que 111 ·q~on nshonalC'est au fond une 4uc.,;tion pu.)'su.nnc'" d~ mèmc que Mao Tst Tou.ng fua dl: la ,C.,oolllbOll
cbÏmlilc: - n:-vollltlDD p9)'IUIDI: ~ E. JOlNE. Relullutu Jnl#matttm&Jfe_'f du n.tn· M1md~ t!I druit tirs JH!Upla. 2• M. lm'F'·
........... ..-. 1'179, p. 116.
Chaplin! 6. i.. c:-attgorie oodo-konomlque

- L'étude des communautés religieuses libana.iae9 révèle un clivage socio-


kenomique : les paysans maronites et chiites ont connu un développeaimt
kenomique important au XX" siècle que les citadirui sunnites et orthodoxes et les
seigneurs féodaux druzes ont maJ supporté; Yann Richard ou François ThuaJI dans
leurs études du chiisme, ont montré que Je ressentiment M>CiaJ des chiites domin8 du
Uban épousait les racines révolutionnaires et sociales du chiisme.
Carte 70 : Les communautés du Liban
- Les pays africains de la frange saharienne sont caractérisés par un clivage à la fois
ethnique et sociologique entre des nomades Touaregs ou Maures et des populatima
négroldes sédentaires ; selon les cas, l'une ou l'autre des deux popùlations, arabe ou
négro-africaine, domine. Ainsi, si la Mauritanie est plutôt dominée konomiqw!ment
par les Arabes, le Mali l'est plutôt par les Négro-africainll. Le clivage entre es
populations reste marqué par le souvenir de la traile négrière: desœndanls des
esclaves et des esclavagistes doivent composer ensemble; on imagine que œla n'est pa&
simple .. .
Carte 67 : Populations arabes et noires sur le continent Mricain et frontiM
christianisme-islam
- L'Amérique latine est caractérisée par de très forts clivages socio-«onomiques
entre des populations indiennes agraires pauvres et dominées éconmniqu8Dl!l'lt et des
élites de grands propriétaires terriens blancs ou mffïssés - période espagnole et
portugaise. L'éconoaùe mexicaine est dominée par les Nord-Américains, tandis que
l'évolution politique de Cuba vers le castrisme a pour origine le refus du peuple cubain
d'être possédé par les riches propriétaires américains ; la cause de l'installal:ion du
communisme à Cuba, c 'est d'abord le refus des États-Unis ;
L'étude géopolitique de l'Amérique latine ne peut dom: évifer œlle de la réforme
agraïrel, problème qui se pose également en Afrique - passage de la Rhodésie m
Zimbabwe - et en Asie - Philippines.
- Le conflit des Hongrois de Roumanie vit sur le souvenir de l'existenœ d'llDI!
noblesse hongroise de Transylvanie qui, sous l'Empire des Habsbourg. avait sous sa
coupe une population roumaine paysanne.
Carte 55 : Le conflit identitaire de Transylvanie
Carte 58 : La Grande Hongrie
- L'espace ex-soviétique est marqué par la fracture entre les minorités russes et les
populations autochtones ; cette fracture ethnique est renforcée par le fait que les Russes
colonisèrent économiquement leur espace périphérique sous les tsars et que l'Union
soviétique confirma leur domination en s 'efforçant. par de "savants" redécoupages

1 Y. RICHARD. L 'i.dam chi '1tr tCroyanccs rl u:kalogie:s), Pmu. Fay.ni. 1991 et F. THUAL~•~ ......
Arléa, 1995 .
2 ·un critërc cxiatc qui pcnnct de d~cnn1ncr. pour cbmquc ?IY' du r&1 du ~ dc:t fan:cs ~.
Den nmde...
chppréclcr con~cmern l'orientatio n réelle des gou'\'ftnllllts c"esl œlu.i de la rUunm ~-
Pmr llo biais 4r la ft:tOmr .....-.. "'9
OXICClne dirttlemcnt le son d'une fmct ion enco re souvent Ms mejonraire de la popdiuion.. l"Ét:lf • m d'lèt: la p:milllW •
mnodelrr à son p Io société J o nt 11 c sl issu. Une Ctudc d'ensemble ( . .. J h:n.il 4PP1Rift qu'il CIUR' globùcmml: 1IOis ~ •
ft(Ol"rDCI •paires : les n!fonncs qu i n 'en sont pas cti qu'on promulsuc 9CU.lcmcm c:a vue de dêsmaarca les ~
popu.lairr:s ; les n!fol'mC" qui 1cndcn1 il crttr une cluse nornbfcusco ck petits ~ runm.. ~ i Jtoo..-mit lit- ......._
polioquc d'un pou._.air de type 'modén!' o u 'bourgeois', et enfln les ~~ dr type tacialislr ( .. J. Le ........, ~ ~ ~
qniR - la rNillribu.lion de9 !ois Jk1dtt par un. pouvoir 'bou.rpot.S' au profil de J19Ysm5 imln'idudl - est~ ""8 Nipmdiia
qu'on l'imagine pan:c qu' il connpond. pour les pays qui mvimgau un dihckJppaœnl œ ~ ~. ii UllE e6œllÎllll! ..;-w.
Paur ce1 pa~ il a1 m cffe'I ind.ispcnsahlc de bnscr l'h~l(émon1 c- de la classe- ffodako. Cl!pimlilme et ~ mm m efla •
advcrai1a Uriduc1iblc:s.. . la réfonnc s<M;i11hstc pqrt du pnncipc .. C(UC' la torn: ne: JJC'll applnlmir qtl't. la ~Yit6 w a ~• ia
B. CHANTEBOUT, LI n ~r.s Mundc. Paria, Armand Colin. 1916. coll. "lr. p. 101- 103.
524 1'11rl1t" 3 . l'rn11m11:11ct df?' 1dmli1n

territoriaux et des déplacements de populations, de couper les peuples de leurs élites


ou de créer des élites soviétiques se substituant aux élites nationales.
- En Slovaquie. pays montagnard, les classe s propriétaires et dirigeantes étaient
hongroises et dominaient les Slovaques ; le sous -développement de la Slovaquie au
XIX• siècle poussa les Slovaques à émigrer en nombre aux États-Unis, au début du
XX• si~le, où ils contribuèrent à élabore r l'idée tchécoslovaque. Mais la
Tchécoslovaquie ne sortit pas les Slovaques du cercle vicieux de la domination politico-
économique, car les Tchèques étaient plus industrialisés. Le res sentiment des paysans
slovaques catholiques à l'égard des élites économiques tchèques protestantes conduisit
en 1990 au divorce entre les deux peuples.
Carte 51 : Peuples et États en Europe centrale
- L'histoire des Tadjiks et de la formation du Tadjikistan fournit l'exemple d'un
peuple privé de ses élites. Au XIXe siècle, les populations tadjiks, persanophones et
sunnites, se trouvent partagées entre l'Empire russe et l'Afghanistan. La partie du
Tadjikistan russe, après avoir été intégrée dans l'Ouzbékistan en 1925 devient, en 1929,
une république socialiste soviétique puis , en 1936, une république fédérée sous le nom
de Tadjikistan. Or Staline crée ce Tadjikistan en pre nant s oin de laisser à l'Ouzbékistan
les villes tadjiks de Boukhara et de Samarcande. Ce fai s ant, il prive le Tadjikistan
peuplé de montagnards de ses élites citadines et marchandes 1 • L 'instabilité de l'État du
Tadjikistan plongé dans la guerre civile depuis le reflux russe est le ré sultat d'un
peuple sans tète, livré au clanisme montagnard ; elle est augmentée par l'existence des
Tadjiks d'Afghanistan qui peuvent appuyer leur guerre contre les Pachtouns afghano-
pakistanais sur l'alliance avec les frères du Tadjikistan.
Carte 53 : L'Asie centrale : le monde iranien
- L'histoire de la Tanzanie est marquée par le clivage Arabes/Négro-africains qui
est aussi le clivage entre anciens esclaves et anciens esclavagistes. La Tanzanie résulte
de la fusion d'une partie continentale, le Tanganyika, ancienne colonie allemande, et
d'une ile, Zanzibar, ancienne colonie britannique après un passé marqué par l'Empire
arabe omanais; la fusion de ces deux entités au nom d 'une culture commune, le
swahili, fut marquée par d'importants mas sacres de la population arabe de Zanzibar
perpétrés par la population négro-africaine descendante des anciens esclaves. Ce
faisant la Tanzanie se coupa d'une partie de ses élites ; elle plongea ensuite très
logiquement dans le conununisme qui ne fit qu 'accroître la pauvreté des anciens
esclaves.
Carte 49 : L'Ahlque des États
- La géopolitique d'Oman2 est marquée par une opposition entre les pêcheurs des
côtes et les nomades de l'inté rieur. À la diversité ethnique - Arabes, Baloutches

1 Cet\ Slal.inc. pasa.e maitre en muiën: clc: manipulat ion s dei; J1v1s 1ons nt111ona.lcs et des lut1cs de clusse s qu i eut 1'1dëc de f'riHt
ln pm.yam i.djW de lcur.s êbta c11.adancs de Boukhar.:I C1 Sant41'C'.a.ndc . '"en 19 24 . M osc o u s e c onlcnl.o d'oclroy cr u1ui: T"1J1ks unt
ripou au&ooome à J'maMcur de l'Ou:tbClusun - le 14 octobre 192 4 -· , cl a luquclh: lu..-cnl raawchccs l e~ rcg10ns montagncwt1 ks
pb&s arnbi:a Je l"tt•protccforal dt Buukhara., sa.ns la inomdn: vllh:." , in G . IJ ENRARD, (i.,;apu/;114/Ut" Ju TaJplu.fl&Jn (l..• 1w tn 'l'Qll
c;,.anJ Ja. en A.,111! n·111rul~J .
ParU. Ellip1e.s . 2000, 1;.:o ll . ''L'Orient polit ique ". p . )9. A no1cr que cc chvogc sociol ogique al
mdispcnal>Je du d.Jv• linpiilliquc pc:nan/twc : "Le persan a été Ia lunwuc: Je c1vilisa11on par cJU.:cllcncc cl cc , JUsqu'o.u Jtbu1 dt
DOtRclièck. Les khauts de Kokand et de Bouklw1&.. dingés por J~ dy no..'illC~ uuLbCkcs. avuicnt jUS\Ju'j leur chute - - 1816 C'1
1920-. le per,.a comme langue olTicicJlc. de memc que l 'em pi re mu ghol J 'Jm.lc Liu NorJ, JU!Oqu 'li lliUA 11boht1on en 1857
l'i.nacltigcuW.. de l'As.K: centrale, au moment de: la rt1roluuon bolché:\'1'4UC, ~ ·c11.prunu1t auss i dans celle lunHue. C ette J11ngu~ Je ('UUJ,

wtiamc et parli:ic par I~ êhlcS pohlJqua, u.rtililJqucs ci ln intcllcc1ucls, c'c.-.;1- 0-Uirc unc minor11C.: , ~· upposc ou llOC i;uprrfMl'C' j U.
lADaw: twqUc: ( J C"esl la rtvoluüoa bokhivique qui a a«~lé:ré le Jëc.: lîn du persan . i l c1tt 11ujuurtl'hu1 ~duit, en l\s1c ccnlr.llc. Ml
CCW' do pada i.-llla lu.atunqun - Samarcande e t 8ou.k.hara - cl 3U1'. piemunb du ru.nur- CL Ju T11U1 Shan. utnJo: ~ UC les plamd
partm1 uaz:bà. et la beuiCS mootasncs pmnun ou kirghize.", ldl!m . p. 2 7 .
2 Nuwi avons u..~ d'Oman dans lé: chapitre cunucré au facteur rchHicux , &\ propos üu pumcu larii;mc ihad itc
Chaplttt 6. U. calégorl<> soct~onomique

arabisés, Indiens hindouistes, les Banians, Indiens musulmans, les Khodjas, lranienll
chiites, descendants d'esclaves noirs 1 - il faut ajouter celle des genres de vie: pêcheurs
de la côte qui constituèrent la base militaire des marchands du littoral et des 9uJta1111 de
Mascate et sont soumis à l'État omanais, tribus de pasteurs nomades, montagnardes ou
évoluant sur la bordure intérieure des montagnes, et qui causèrent toujours du soud
aux sultans omanais.
Corte 78 : L'ibadisme en Oman
- Un exemple de domination ethnique qui débouche sur d'importantes
transformations socio-économiques est celui du Turkménistan2. La conquête russe de
la Transcaspie débute dans les années 1870; les tribus nomades turkmènes s'opposent
à l'emprise de la colonisation russe. Les Turkmènes sont d'abord favorables aux
Anglais contre les Russes - les Anglais tentent de bloquer la descente vers les mers
chaudes des Russes, c'est le Grand Jeu. Le Turkménistan est conquis par les
bolcheviques puis devient une république soviétique en 1924; la soviétisation ouvre
une ère de monoproduction du coton, accélérée par le creusement du canal de
Karakoum. Le processus de transformation économique contribue à sédentariser les
Turkmènes autant qu'à abaisser chez eux la pratique de l'islam..
Carte 54: L'Asie centrale: le monde turc
- Selon Fernand BraudeP, la conquête turque dans les Balkans à la fin du XIV• siècle
est favorisée par les clivages socio-économiques. Outre les divisions ethno-religieuses
- Byzantins, Serbes, Bulgares, Albanais, Vénitiens, Génois s'y disputent-, le monde
balkanique affiche une fracture sérieuse entre les seigneurs et les paysans durement
dominés. Braudel affirme que les paysans n'opposèrent guère de résistance faœ à
l'humiliation de leurs seigneurs, grands propriétaires et que "devant les Tmcs, un
monde social s'est écroulé, en partie de lui-même".
Ce phénomène de décrédibilisation des élites politiques et sociales auprès des
populations dominées, à l'occasion d'une conquête extérieure, est d'une grande
importance: on le constate après la Seconde Guerre mondiale dans les soulè\•ements
contre le colorùsateur anglais ou français qui s'afficha un moment vaincu ou très
affaibli : c'est par exemple le cas de l'administration française du Levant - de Gaulle
promettant aux Libanais leur indépendance pour les pousser à s'opposer aux
vichystes; l'indépendance est acquise dès 1946. D'une manière générale, lorsque le
colonisateur eut besoin des populations colonisées pour se tirer d'une situation
difficile, il fut ensuite sanctionné.

4. Du nomadisme et des citadins dans l'islam


La position de l'islam par rapport au nomadisme et au bé<louinisme est ambigu!;
nombreux sont en effet les textes sévères pour des nomades qu'ils décrivent comme
grossiers et impies. Le Coran dit que "Les Arabes du désert sont les plus endurcis dans
leur impiété et leur hypocrisie" 4 , un hadith proscrit le lait, consommé par les nomades.
Mais, dans le même temps, la civilisation musulmane a été profondément marquée p.v

1 X. c.lc PLANHOL, Lr•s Nutilrm du Pmp/1t\1t•. AldluP!'I gc.i.ngroplllquc- &.. pulitiqw nw.n.t___., Pans. Favard.. 1993, p. llt ;
A. llARTMUT, Mobile Lcbensfonngruppcn SOJost-Arab1cns im Wandcl. 01C" KilllmpruYUU Al Mh.Dllb ian ~

SulWtat Oman, Berlin. 1981 . p . .SK ~ 59.


20. ROY, La noun!llrA:nr '~'rtrulr. (dM lt1/ol>rlc:miu11 tk.s lkJlion:o. Paris. Le Seuil 1997.
J F. BRAUDEL. Lu ANc/11urunt't· c,.•t If' mon1k mt-flirr'7't»'ICfon fi /';pc"'4&H' Ji· Pluliprl Il." M.. Pins..~ Cblia. le li:imt
de poche, 1990, (1966 pour la pn:imîërc édition); t. 1, Ln rut du mihcu.; 1. ll.~1;,.., c1>llrtcti,Jsn~~. ~ t.111.
La tlvln~n•ent.s, lu pullll'111c l!I 1_..s homme.Il.
4 Coran. IX, 9H.
526 Pnrh1• J . P~rmm11~ •1Ct tle!i i"n1/lln

Je nomndisme. Le Coran est maTqué par l'esprit du désert et le culte initialement prévu
pour la vie citadine a fait des concessions au nomadisme - lustration pulvérale•,
possibilité de prier en tout lieu2, sacrifice sanglant par égorgement:-\
En realitt!, comme le souligne Xavier de Planhol, en Arabie, le monde bédouin
imprègne très tOt le monde citadin des oasis du Hedjaz de ses structure' sociales.
Depuis son émergence dans la seconde moitié du Il'' millénaire av . J .-C., Je nomadisme
pastoral s'est immiscé dans "toutes les parties .uides de la péninsule, jusqu'aux conhn•
des montagnes de l'Arabie Heureuse qu'il atteint dans les premiers siècles de l'ère
chrétienne'"· Les villes du Hedjaz sont en fait structurées à partir de clans tribaux - Je!;
fameux Qorarchites à la Mecque. li convient donc d'ètre prudent en islam sur la
division nette du monde nomade et citadin, et ce d'autant que l'essor de la c1vilisation
islamique repose sur une complémentarité fondamentale entre la cité et le nomadisme
Les bèclouins des déserts arabes sont nombreux . Leurs ressources sont faibles . ils
ne travaillent pas, ils ne cultivent pas; il leur faut nourrir Jeurs bêtes et se nourrir eux-
mèmes. Cette situation les conduits à une posture agressive et conquérante à l'égard du
monde sédentaire qui représente la richesse à razzier, à pille r. Les razzias s 'exercent à
la fois sur les zones de culture sédentaires et entre tribus . Son genre de vie fait du
monde nomade le monde guerrier par excellence; il le promet à devenir la force
militaire de l'islam. Nous avons déjà souligné, dans le chapitre consacré au clan et à la
dynastie, l'origine de la force de la civilisation musulmane : l'alliance de l'organisation
du droit et de l'esprit citadins avec l'épée nomade. Xavier de Planhol dit des nomades
qu'ils sont les "soldats de la religion" 5 . Les dynasties nomades se sont souvent
emparées de la direction de l'islam, se fixant dans les grandes cités, avant d'être à leur
tour supplantées par une nouvelle éruption nomade. Cette complémentarité n'a
cependant jamais entrainé la fusion du nomadisme et de la ville; les deux genres de
vie ont traversé l'histoire avec leur lot d'incompréhensions mutuelles.
L'épisode de la Révolte arabe contre les Ottomans appuyée par l'Angleterre, durant
la Première Guerre mondiale révèle le clivage sérieux qui persiste entre l'islam arabe
bédouin du chérif de la Mecque, Hussein, et des nationalistes arabes de Damas, lettrés,
raffinés, urbains, tournés vers la culture française. Pour ces derniers, Fayçal, fils de
Hussein, n 'est qu'un bédouin du Hedjaz prenant l'assaut d'une citadelle de la
civilisation. Damas. L'argument premier des exilés syriens de Paris - le Comité central
syrien animé par l'éciivain syrien francophone et francophile Chékri Ghanem, auteur
de la célèbre pièce nationaliste arabe, Antar6 - appuyés par le Quai d'Orsay favorable
à une Syrie indépendante, fédérale et sous mandat français, tient à la différence de
culture entre les nomades et les citadins damascènes . Cette diffé re nce est réelle : pour
s'en convaincre, il suffit d'interroger aujourd'hui un sunnite de Beyrouth ou de Damas
"à propos de l'Arabe du Golfe" . Les propos sont souvent teintés de mépris mème s1 la
richesse du Golfe suscite l'intérêt.

1 LA lustration pulvént.lc ou U:yammuun. Coran, IV . 43 : V. 6 . pcnnc l tlc se punricr a ...·cc du sabl e au cos où l'eau feni l Llif11ul
2 Un b1d.ilh du à cc pnJpo5 que •ta lem: cn11Cre me fut oclroyt!c comme: lieu <l..: prîhc cl c o mme moyen c.Jc: runlicalmn· l<
tapis ou le muuc:au sur lesquels le croy11nt peut pncr remplacent en quelque son c Io rno squ~e ah!>CUIC du di?scn .
J Le vcnc'I CVLll, 2 du Conm, "Pnc ton s.c1Kncor cl tgurgc" · c'c~l l:\ une pnllil1uc:: 1yp14ucmcnt p11s1orah! Cl C1rnn1:1~rc au mond.e
c1tldin.
4 X. de PLANHOL. U J Nations du PnJpJiete. Man11t!I RL;oxru11lm/llL' dt· p o /i1it/t1l! nms ulnum'" Puris, Fayurd, 1993, fi· "42 l.a
de cette: 1mplaatAUon à partir du uc millCruurc ""' J.-C: ' X . de: l'la nhul lu founut rlu:-. loin dnn!i S\lO OllVTDf:?C . c'csi l'ln\"CfUÎlCI
nlÎ.IOD
dam le nord du dtscn arabcrsyncn de Io to::hn1q1.1c de Io monlc sur IH hos~ qui "'a pcnm;Urc d'utiliser le dru1nud1mc cl Je pCntlrn
pro(oodtlJJcol Je dé:lcn. /don. p. 6S .
S X . de PLANHOL. La Narlans du Pmphêt~ ,\.lan14cf JZiogrtJpluquc dc..• 1mflliquc.• m11.wlmm11.-. Pans, t'oynrd, 1qq3, r 43.
b C OHANEM, t c-rllJ prJ/ltJq uB. irm'Tt.'!i n m1p/t!1t•.,·, Ucyrnulh , Dar 1111 Nnlmr, IQ94 ; liTI,~· /i11,1n 1ir• ' f , /'1i i.~1...
1him,,. Beyrouth. Dar 11.11 Nllhar, 1994. Un manu .ment de la hntr.urc hhuno- syncnnc en hmgu c l"nmçuisc
0..pltre 6 . Ui catégorie ooclD-«onomJque !!Zi'

L'opposition sociologique en islam rejoint l'oppœition religieuse: on renvoie au


chapitre consacré à la religion pour opposer le sunnisme policé des citadins arabee et
turcs. au rigorisme du sunnisme wahhabite. La question même de la pénétration de.
idées islamistes en regard de l'origine sociale est intéressante. Bruno ~tiennel.
notamment, a montré que l'islamisme perçait mieux dans les milieux 9cientifiques que
dans les milieux littéraires des pays du Maghreb et du Machrek. La rai!on est
sociologique ; comme en France, les sciences exactes qui reposent sur les !leUlell
compétences intellectuelles de l'individu en comparai.son des humanités qui font plua
appel à l'empreinte du milieu social - expression orale et écrite, culture gtnérale -,
drainent davantage d'étudiants issus de milieux défavorisés et ayant une œvaiche
sociale à prendre. L'islamisme est aussi une tentative de revanche contre l'Occid81t et
les élites arabes cosmopolites, francophones ou anglophones2.

1 8 . tTIENNE. L 'Ldumi.Tme rCHlic:ol, Pari!!. Hachette, 1987.


2 Nous rcmmyon!i di notre stthon consacrtt i l'l61ami.s.mc dlm.s le chapitre portaot sur la rdi,pan ~ 11DU1S y ra...• .-ri--.:
tes întcrprétaflon!l purement s~io--écon'1miques du ph~nomènc i5lamal:c Cl ta uplicebam idmal:airca.. .._ ~ calka dt- F
DWJal.
CHAPITRE 7

LA CIVILISATION

Toute notre réflexion géopolitique s'appuie sur la centralité et la prééminence de la


réalité étatique sur tout autre critère ; cette réalité étatique est examinée â l'aune des
facteurs de la géographie physique et identitaire ou des facteurs de ressources. Si nous
plaçons l'État au centre de la géopolitique, c'est parce que - et nous avons tenté de Je
justifier au début de l'ouvrage - l'État dispose de la puissance. Mais si l'État est au
centre de la géopolitique, où se trouve alors la civilisation?

1. Puissance et civilisation

Des historiens aussi éminents que Fernand Braudel ou René Grousset font souvent
référence à la civilisation dans leurs écrits. Plus récemment, une école de Relations
internationales américaine, sous l'impulsion de Samuel Huntingtonl, soutient que le
monde est sorti successivement de la réalité classique des rapports de force entre les
États, de la bipolarité idéologique puis de l'euphorie courte de la "Fin de J'Histoire"
prônée par Francis Fukuyama2, pour entrer dans une nouvelle réalité, celle du choc des
civilisations, ces dernières se définissant en premier lieu à travers les grandes
catégories religieuses - christianisme, islam, bouddhisme, hindouisme - et les
grands systèmes de pensée - modernité occidentale, confucianisme ...
Carte 9 : Le choc des civilisations selon Huntington
Dans la première partie de ce livre, qui est consacrée aux écoles de pensée
géopolitique, nous avons consacré une section à l'analyse des théories de Samuel
Huntington ; nous avons tenté d 'y montrer combien elles étaient souvent caricaturées,
notamment en France, puisque le chercheur américain n'a jamais prétendu que les
civilisations étaient des blocs homogènes et unis ; qu'il a, au contraire, souligné
l'importance de la notion d'États-centres pour chaque ci\'ilisation, confirmant du même
coup l'importance d e l'État en Relations internationales. Mais nous réfutons l'idée
majeure de Huntington selon laquelle la lutte classique des États s'inscrit dans un
conflit de plus grande ampleur entre les ci\•ilisations. Et ceci, pour une raison simple
qui a trait à la puissance, paradigme des Relations internationales comme peut l'ètre
l'intérêt pour l'économie.
Commençons d'abord par reconnaitre que si la civilisation est telle que Braudel la
définit3, un ensemble de traits historiques, culturels, religieux, alors die existe. Qui

1 S.r . l-IUNTIN<iTON , ThL· C/tJ...;h of< 'frili:trfl(m.s '""'Th&.' N''''"'*-'"g 11/î for 1'd <Jrd.:r. ~c.,.· Yort.. S1rooo .wd Sbtbttr. I~.
2 F FUK UYAMA. Wur ami C ha11.1.w in lmam11i111wl l'cifitK'i, [ ::unt:inJg( , Cl)f'ncll L'nm:rs1()· Press.. 1961
3 fcmand Uruudel c.Jélini1 ~ alre5 cuhurcl ks : "C-.:st k gniupenll.'nl n.1.!ullcr. l.i friqlllml.~ Je 'c:rtalm nits. l'ubiqmlr dt
ccu~ --c t
dans une mre pn.lcise qui sont les prem1l!"rs s1gnl!"s U'unc rnh~ n.·1·u.: < ..: ulrurellc. St J. i.."CUC eu~ Jan.s rcsp11t.-,: s'ajoulc um
penn1nencc Jnns le- lcmps. j'uppellc t.: Î\ihsauon llll i; nhurc l'cn.~mhl c. k ·11."ltal' Ju rtpcn('l1rt. Cc 'WU.!' CSI Il bTœ Jr li i:'i\-ilisanoa
ainii n:connui:- ", m F. BRAUDEL, Êc·rit.'i sur /'Jiislo 1n\ Flamnw1on. Pnns. ll.JS4, . : \111 "Champs". p. ~~ .
Pnrtù· .1. flrrm1111l'trcr ilr'!' itlt11lil;t

pourni nier qu'il existe bien des ensembles humninR prt'sentant un nombre de
carach!rlst!ques communes imporhmte,. qui les distinguent d'autres ensemblcs n
Comme le S\l\ltlent Braudel. l'nlre culturelle n'est pas une pure vue de l'espril; elle
relève de la géographie; elle a un centre. son "noyau", ses frontière.~ et ses mnrges . Eli~
esl une réalitl> de longue durée, el snns doute fout-il en gl'>opolitique, ln considérer
comme un facteur agissant sur le temps long 2 .
Mals re.:onnallTe que la civllisolion existe, qu'elle s'inscrit dans la longue durée,
n'esl pn~ prouver qu'il existe un choc des civilisations.
D'abord, une fois que l'on a ndmis le fnit que des civilisalions exislent, il rl'!lte
encore à pr<!ciser lesquelles. Nombreux s'y sont essayés, mais personne n'est tombé
d'accord~ et les typologies se sont affrontées . Pour Enri Berr, chaque peuple a sa
civilisation; on retombe donc sur la réalitl> des peuples et des Étnts4 . Pour Arnold
Toynbee!' nu contraire, il existe un nombre restreint de civilisations : 21 ou 22, toute' de
longue durée, impliquant des aires très vastes, qui naissent, se développent et meurent.
Cinq eont encore vivantes aujourd'hui : Extrême-Orient, Inde, Chrétienté orthodoxe,
Islam, Occident6. Mais comme le montre Braudel, ce genre de classification générale
supporte mal le contre-exemple. L'intérêt de la théorie de Toynbee c'est qu'elle
reconnait cependant la prééminence de la géographie et celle de la longue durée7,

1 Le cho~ de5 nttfftt carac1hi,tiqurs n'Hl-il pns lu1-m,me ~ ubjcet1f'! Prenons un e:.:emplc . 1:crtorns Françai!l !'e 1m1m1 phc
pnxha d\m Afiicain frwnc.tlJJhaoc que d'un Allemand : t.l'autres •u 1:ontmire pensent qu';t so nt plu!t flrDche!!: cJ'un manc chritim qœ
dt zitmpudl- qwl Hlrt' ftnmgn. Les pndc:a civili.Yliom que Samuel l-lunlmglon dëcril dans U c:ltrx· tic.( cillllL.ulloru CPuit.. Ed
OdJlc Jsob, 1997, pou.r la tnduction f~isc) sont tin systëmc.' de rraiu conununs. clhniqucs. religieU'l , cullu~ll ; il eil pmnU
dE • rarouwT dard uae relie clu.s1(ic-.hon. mais nous répêluns qu'il est ou~si p c rnus de ne pus s'y rcconnuiln: ur le choi.a drt
criW:ra ~lié 1U1 goût el à rw:WolOf:IC pro~ (}e la. pc:nonnc consid~rêe.
2 "Rali1â de kmsuc. d'iolJru1•blc dwtc. les c1vilisat1ons, 141ns fin rêadoplêcs .:i leur deshn , dëpassen• donc en lonrtutt
tnu1~ les .utrct rft!ills collrcbvn elles leur survi\'ICJll ( . J comme elles surv1..,cn1 au.~ bouleveDements poln;qun !lOCimn..
fcunonuqus. mfmc idœlOJiques d'aillrun, qu'elles commandenl m!!.idietL"lement . ru1ssAmmcnt d 'aillcur.1 Lo Rlvntulion fnnça.i.
a'ert pu .anc coupute totale dans le d~hn de la civilisation fmnç:a1se , ni la Rë ... olution Je 1917 dans celui de la ci'viliHlion ru.ut qut
~ iatiUdml. pour l'BuJit cncoR", la civilisation or1hotlo'le orientale .". in F . HRAUDC::L . tcr11( ~"r l 'l1L,lairr , flammanoa,
Pwi9. 1984, coll. '"Champs" , p . JO] ..Je nais amsi 6 la réalilé d'une histo ire porticuhêr~rncnl le nlc de!I civ1lisaliont , dans m,
profoadirwt abynaln, d.mts leun tnms strucrvtaUJt et géoKf'aphiquc.s . Certes les c-îvi llsalion!ll sont mortcllc::t dan!!. lc:un noni.soru 5rt
pha pr#Jcieuan , a:rtes, elfes bnllml. puis elles 5'é1cigmm1. J'lOUf refleurir lôOUl'I ù'taulrcs rormes Mals ces ru11111~l'I l'ion! plus rattt.
pD elpK'6el qu'on m le pmJC". El stJMout. elles ne d~truisml ra.s tout égolemcnl . Je veux dire que. dans telle ou telle" ifrt &-
cfollUMOon, le contenu IOf:ial pttil se renouveler dcwi ou 1ro1!'i fot!lo presque enticrerncn1 son~ oueindre ccrtaio!I lnlits rrorards dt
JtnsZUtt ~I cœliouerontt l9 d.11tin1un fortemenl d~ t:i'o·ilisallons votsinel'I .". Idem. p . 24 .

l Oa et1 .ar qu·il nist.c drs Ét.ts m manche .


4 Cal au rond ce V'Cl1I quoi tmJ Braudel : "Je pense aujourd'hui 5Urtoul, tiue le!!: Êluts. les pcuple!I, les nations tendnlt An01t
leur civiliutioa Pl'Of'ft• quelle que 50it d'a.illcun. l'umfonnisation des lcchniquc ... 11 yu, qu'un lui donne l'~liqucuc que l'nn \"oudn.
tmr ~\oili.uüon rmnçaiw, une allemande. une italienne, une angl1115c, chacune uvec ses coulcur.i. Cl conlmdkliun' inlC"""'", les

~iertoalCS 1<M11 lc voc:able de civ11iutîon occidentale me parall par lmp !lilnll"lc". /1/11111 . p ::! 112 .

'AJ. TOYNBEI:, A Jludyo/hWmy. Lundrn, OJlliford Univef"!'lily rrc!l!t, 11JJ 4 - 111fJI, 12 vol ; C/\•ili:ulimn wr Trl11I fj~, .
N"· Yoft . O.fard Unrvtnity Prn1. 1948
6 RcmarqUOfll que Nictzx:he disait qu'il n'y av1il eu qu' une !'teule civîli!ônlinn dep11 î ~ 11 Gréce la dv1lisa1inn (IM(l.Jlt.

L'An&lais Tuynbec 1'1urwil-il oubli' '!


1 "Dsm un paW qu'il a atmplifié, comme doil le faire luul hllti. .scur Lie !ty!litt-me, ~nn"' hélns éd111ppcr IUUJuurs 1111• 1bturJNI
de la mnpl1ftea1ion. Arnold Toynbtt • sei1i iJ'in~inel les chemin111 es11en1iels , mai!I dnn1Ccreu1t de Io longue Jun!e . il j 't:sl 11t1.1:ht 11u
'llOCi~. &UJlli réafitft soc:Ula, du moins i 1:ertaîne1 de ca n!aht6t 111ociolc!I qui n'en fint!lliCnl plu!I de vlv~ , il !l'N• alf..:M: i da
~Il rmi1 qui K n!pcKU1cnl viol~nv:nl A des 11klCll t.I~ diltance el li dc!I hummc!i bien ou-deitlU!I Ille l'homme, ou Jetus, Oii
&ouddha, ou Mahomet, hommes de longue durëe eu:.: aussi.", in F . HRAlJDr!I •• /~'crll., :rur f'lll.\10lr1•. l•nris, Fl11mmarion. 1084, ralJ

"°'"""'""· p 2114.
Chapitre 7. La dvllloatton

Toynbee dl!veloppe la thèse du clrnllenge and re1pon1e ..-.. dffl et réponlle - ; le lllÜÜ!U·
géographique teste la civil Isa lion, el c'est dans les dlfficulll!!I qu'il oppoR à celle-d, qtJ&'
celle dernière trouve Je moyen de s'l!lever1.
Ensuite, comme Je fait encore remarquer Braudel. les dvlllilstlons ne sont pM deJ
systèmes ferml!s, dolsonnl!s. Elles communiquent et 11'emprunhmt mùtuelletn.mt ds
éléments culturels et lechnlques2. Elles peuvent aussi refuser d'emprunter, !le! fetml!t;
l'exemple sur lequel Braudel revient dans plusleur.' de 81!!1 textefl est celui dé lil
Réforme au XVI" siècle : Je5 pays civilisés par Rome - l'Italie, l'P.llpagne, la fl'lldœ -
n'en veulent pas, lis la refusent ; un autre exemple al celui de la civilisation otthodmœ
qui préfère s'effondrer face aux Turcs en 1453 plutôt que de s'ouvrir au chrlsti.anlslne
latin.
Enfin pour que le!! civilisations s'opposent inl!luctablement comme le prflend F
exemple Huntington, il faut qu'il y ait volonté de puissance et donc État. Or la
civillsation4 , ou plutôt les civilisations ne sont pas fondée!! en puissance.
S'est-on jamais demandl! qui commande en effet la dvilisation ?'Si ce n'est un Ébft..
centre comme le reconnaît lui-même Samuel Huntington.
La civllisation de l'Islam n'existe pas en terme de puissance; des l!tats islamiqul!B
qui prétendaient incarner la ll!gitimitl! de tout l'islam, voilà ce qui exista; c'est-à-dire
l'État omeyyade, abbasside, fatimide ou ottoman. La civilisation ~ n'et pa
fondée en puissance non plus : il y eut la pui!lsance de 11!tat carolingien qui voUliït
incarner une légitimité civilisationnelle catholique romaine; il y a la Papauté et lanl
d'autres États chrétiens. Que l'on nous montre la puissance d'une civilisation; la
civilisation n 'est pas une réalité de puissance, c'est une idée qui donne de la puissirtœ,
ce qui est diffl!rent; c'est une idl!e-force, Une idée qui mobilise. surtout lorsque !'Bal
impérial sait s'en emparer, comme hier l'empire de Olarles Quint ou aujOurd'hai la
première puissance mondiale, laquelle ne voudrait pas voir certains États européms
s'émanciper de l'idl!e occidentale et atlantique. On voit bien que le conœpt de
civilisation occidentale est pratique pour les États-Unis d'Ammque; que celui de
civilisation chrétienne est l!galement pratique pour ceux qui dMendenl le passage
d'une Europe des Étals à un État supranational européen; que celui de civilisation
islamique est encore utile à tous les groupes et les États musulmans qui veulent s'en
constituer le centre moteur. L'idée de civilisation rejoint donc 1atgement œlle œ
panisme que nous avons développée dans un chapitre ~ent.

1 .. Une civilisation ne parvicndt11 A 111 vie. soutient nt~ autrur, qur si eUC' L m rsc d"clè. mir'~ foa ...-.: cm
hiJ1arique) à surmonter. HiAlorique, elle e:!tt de coune durft, rœl' pufuis 4unc ~rime vtoleœc. ~ te mWev ......
dn contrainlcrs, des d~n~ de longue dut'tt. S• le d11!n a1 ft'ie-wf e1 1eou. la diffkulfi. ~ . . . la mi~ ~Il.
nm intienl sur son orbite. L'Alliquc e111 pauv~ parn.mtUft'. la vullàcondamote ''" cffartl m•ildeà1r~~ ~ *millm
le Brandebourg doit sa rude vi3ueur à !llCS s:abli~rn cl i IC5 ~- LC'S h9utcun aDdiRa IODl_cba à 1'11c11...:. ~ ­
pour lui: celte hoslilité vaincue c'est'" d vilis.alion inçasiquc cttc-me:rne.· . 1•,,.. p. no.
2 A l'f'bpo!I de la 1tthnil1uc, racleur l?éopoli1ique tir cban(CcttW'PI que- nous abonlom: pU. 1o9l, fkaudel ,...te- il'~
contog11:uJc .
J Dans lent" 01r l'hi.ct11irr 1.· mnmr dnn~ û~moiN" .~ , ·0·1/i'lulio'u
4 "la c iv11i!llltion c 'ç_.. I c c ttUt!' l'homme' ne J'UUnUtt plU!. ouh hcr" Ji.sait MarpRI 'A.IClld ; le .......... ~ a~ ..
ltglr de lrolt, le feu . le noinbre. ln ft•nl:litin. ln \· u~ur .. ( )n pourntil ,,- •.1<1uttf k ~ Jr r-a...tt. 8 polilles!lc, Cl bM d'mlN5
principes et '-'&lcun.
S De mnni~n: compnmble. dum r~ dtur1ln..· c..in:otPCrê a fa rcoltgK.MJ. now n1'GS ~ DIOCKNI' qilc. .. rcf:iaio11 n'm pm
inlnntequcmcnl fondk on puis1t..11m.:1..-. suuf te ulhuln:isnu.· potn·c qu'un F.l•l lr Varicml,. el~ .......... fË.tli:R. te-~Gil
bim l'L..,.lami1m.e parco que des gwuru.. cul~ (1\1, . . _ Stab l'arpuicn1 en somt-rmt.. Du. paa.t • ww ~ la ....... f!11i1
IOU\'rnl un 1rt1lf\lmen1 de!I t.1nt!'O t•u tle ceux q\ll ............., .
532 Partir J . l'ernumrn<r. dt"!11Jmtrlb

2. Et Lépantt~ ? Du choc des civilisation~

Pour Oswald Spenglerl, ce ne sont pas les nations qui constituent les unilé<i
culturelles de base, mais les civilisations . Méprisant ce qu'il estime Nre une "myopie
nationaliste•l, il voit s'affronter huit grandes cultures depuis les débuts de l'histoire
humaine . l'égyptienne, la babylonienne, 1.~ chinoise, la grecque antique, l'arabe,
l'occidentale, et la culture des peuples Mayas d'Amérique centrale. Ces cultures sont
des "totali~ fermées sur elles-mèmes, des entités vivantes, dont chacune imprime â
srni m.ttttîau, l'humamté, sa propre forme, dont chacune a sa propre idée, ses propres
passions, sa vie, son vouloir et wn sentir propres, sa propre rnort"3.
Le thème du choc des civilisations est très ancien, il ne date évidemment pas de sa
mctua\isation par Samuel Huntington, au début des années 1990. Il hante en
particulier l'Occident depuis l'aube des temps. Lépante est l'un des grands épisodes de
cette représentation civilisationnelle.
Nous avons voulu montrer dans l'étude des Croisades - chapitre traitant de la
religion - que celles-ci furent à la fois un mouvement chrétien et un mouvement
national, mll par les intérêts de la Rcnlpolitik. L'idée civilisationnelle y résidait, c'<?St
Incontestable, même traversée par les rivalités et les ambiguïtés des politiques
étatiques. Mais la puissance des Croisades, ce fut celle de la France, et de quelques
autres États.
Lépante est cette formidable bataille qui vit la Sainte Ligue, le 7 octobre 1571,
écraser l'Annada turque à l'entrée du golfe de Corinthe dans un combat à la fois
monstrueux et bref: il commença au lever du jour et se termina à midi . Les 208 navires
du c6~ chrétien écrasèrent les 230 navires du côté turc; seulement 30 galères turques
en réchappèrent, et la Porte perdit plus de 30 000 hommes. Quant aux chrétiens, ils
perdirent 10 galères seulement mais leurs pertes humaines furent considérables:
8 000 morts et 21 000 blessées'. Du choc de Lépante, Fernand Braudel dit5 qu'il est de
•ces chocs sourds, violents, répétés, que se portent les bêtes puissantes que sont les
civilisations'. Qu'ajouter à cela, si ce n'est que dans ce type de choc, il y a toujours des
absents, pourtant membres éminents de la civilisation engagée dans le combat, mais
qui n'ont pas cru bon de s'associer à la mêlée parce qu'ils n'y voyaient pas leur intérèt
en tant qu'État souverain. A Lépante, Venise, Gênes, la Papauté, l'Espagne défendaient
la civilisation chrétienne, mais où était la Fille ainée de l'Église, la France, alliée à
l'infidèle?
Lépante est d'abord le résultat de la politique d'un pape habile, Pie V, qui profita de
la guerre de Grenade durant laquelle les Espagnols redoutaient une intervention
turque - les Turcs s'étaient installés à Tunis en janvier 1570 - pour convaincre
Philippe li et qui parvint, de la mème façon, à se rallier des Vénitiens qui avaient subi,
en 1570, à la fois le pillage de Zara et de la Dalmatie et le débarquement turc à Chypre6.
La bataille elle-même est incontestablement un retentissement important dans le
monde chrétien; son ampleur, sa violence, font figure de symbole et elle entre dans
l'histoire comme un affrontement civilisationnel.

1 O. SPENGUJL lLIMclJn ck l'Occrdmr, Paris, Gallimard. l 94H


2 Tlllt clin Jowph de Maistre - Œuvrcs compfCll!s. Vitte, Lyon , 1KM4 - · ou Churlc-. Mnurrns en foruncc que chci ttmlci rn

J Crllcttndu.it per J . Bouvcn:ue. in •t... vmgi:ancc de Spcn~lcr". Le Tt>mps "" /11 réf1,·xi1m. l IJHl , 1'1 · JQK
.. B. SENNASSAR.. J JACQUART, û XYT' si~clt>, 2c td .. Parii.:, Armand Cul m. 1Q90
~ F. BRAUOfil., GmMmair~ cks c:1vr/i101um.J, f'a.rii, Flammarion, 199), coll "Champs", p . 171.
6B. BENNASSAR, J JACQUART. /..4'.t'Ff'" .1iedc, 1c éd. , Pans. Annand Colin. 1 1190.
Chapitre 7. La ctvlll8011on

Pourtant la Sainte Ligue qui unit l'Espagne, Venise, Gênes et le pape ne dura que
trois ans et se défit peu de temp!I après la mort du pape Pie V. Dès 1573, Venille qui
menait une astucieu!le politique d'intérêt en Méditerranée et au Levant, signa une paix
séparée avec l'Empire ottoman. Cependant, et comme le dit Pernand Braudel, la marine
turque était brisée; la Course chrétienne reprit ses droits en Méditerranée. "La paix sur
nier, qui va durer jusqu'en 1591, a été pour elle - la marine turque - le pire da
désastres. Elle l'aura fait pourrir dans les ports" 1 •
La bataille de Lépante fut-elle une prise de conscience de la nkessité de s'unir pour
défendre un intérêt civilisationnel commun, comme le pensent des historiens aussi
éminents que René Grousset ou Fernand Braudel 7 Ou fut~lle seulementl le produit
opportun de la rencontre entre les logiques continues des nations et l'intér~ d'une
civilisation? L'unité civilisationnelle à un moment donné de l'histoire ne dis&imule-t-
elle pas une alliance classique d'États qui craignent "ne pas faire Je poids" face à un
ennemi plus fort que chacun d'entre eux ? La géopolitique, telle que nous la concevons,
aurait tendance à pencher pour cette interprétation plus terne de l'histoire.
Il est notable que la lecture civilisationnelle de l'lûstoire est une lecture
événementielle, la ponctuation de l'histoire par de grandes batailles :
- la bataille de Marathon, en 490 av. J.-C., aurait été ainsi l'affrontement de l'Europe
contre l'Asie. Mais la Grèce dont les colonies avaient essaimé le pourtour
méditerranéen et qui affronta la Perse était plus orientale qu'européenne dans sa réalité
géographique.
- Les Guerres puniques entre Rome et Carthage jusqu'en 146 av. J.-C.., "la lutte d'un
peuple essentiellement maritime et marchand et d'un peuple essentiellement terrien.
guerrier et paysan" 3 , c'est l'affrontement de l'Europe et de l'Asie. À l'origine, c'est vr.D,
il s'agit d'une guerre entre lndo-Européens et Sémites. Mais Rome ne fut~Jle pas aussi
la Méditerranée, les empereurs syriens et les religions orientales?
- Poitiers en 732, c'est la Chrétienté qui arrête l'Islam4. Mais les Aquitains ne
s'entendent-ils pas avec l'Islam contre les Francs ? Nous renvoyons à la section
consacrée à cette période dans le chapitre traitant de la religion. Et pourquoi alors plus
tard, les Carolingiens eurent-ils une politique d'amitié avec les Abbassides ?
- Constantinople est prise en 1453. C'est une catastrophe pour la Chrétienté. Les
Croisades retardèrent pourtant de deux cent cinquante ans la chute de Byzance. Mais
les Byzantins ne préférèrent-ils pas s'en remettre à l'Islam plutôt qu'aux Latins? La
Chrétienté divisée, mangée par ses haines tenaces ne fut-elle pas la première
responsable du tremblement de terre turc ?
La géopolitique peut donc opposer au concept de civilisation la réalité des Élats.
Mais n'est-il pas un peu facile de la part de la géopolitique d'écarter la civilisation de
ses analyses sous le seul prétexte, au demeurant vrai, qu'elle n'est pas fondée en
puissance?
Nous avons pu soutenir, dans le chapitre précédent consacré au facteur socio-
économique, que la géopolitique ne suffisait pas à rendre compte de l'histoire, que le
mystère de l'homme constituait la limite infranchissable de l'analyse géopolitique;
acceptons aussi que cet univers mental qu'est le civilisation joue un rôle important
dans l'histoire. Nous nous souvenons, durant la Guerre du Golfe, ne pas avoir compris

1 F. BRAUDEL. Lu AftiûUt•n·, mt't' ,., h · ,,,,,,,,/,• màlit.· rr.Jtt~r11 ji r,;P.i../Ut' ak Pb1ltpf"I! Il. ~o: éd. hns. A.mr.md Colin.. JQJQ,
L Il. Ot•tfltu c-u llf.'L'll{<r ' 'I
ttU>IO 'C"nl L' lll.\· <l'1. 1t.'ôt.'mhlt·. p . :.? H~
0

2 Cesl. il esl \/mi, occcrh: r 4..1uc l'lm1toîrc pui"sc être d~·c\· nntc , m.:m. IC' sac nfü"'C' Je ta linénrure C$1 mssi pmfois ~ pri1 tk la
kicncc.
3 F ORAUD EL. /,~1 .\l~dilt"'T""'•' 1•1 h • ,rru111/1 · mc." /ih' ff1 1m~·11 ,; J'1·pc""/uc· 14.• Philipp.! Il. .i.• Cd. . Parti. AJIDllDd. Colin. 1979,
1. Il , ~.'11 1U ('()//,:r·tij.;, c.•f " "'f" -.!lth 'IJh lf'NIS~1Hh11 ', fi , ) 7 1
4 J . C ARPENTI ER . F . LEURllN , /11.wo jrc' 1/c.• 1'1-:11m1~ . Paris. La Seu.il, l\l90, p . 12f>.l'.!7.
qut' nombre de gens en Frnnce aient pu se déclarer favorables à une guerre qui était, du
point de vue gropolitiquc, étrangère à l'intérêt premier de leur pays ; il fout dire 4u 'ils
furent nombreux à se représenter cette guerre con1me celle de l'Occident chréllcn
contre l'islam arabe. L'Amérique sut d'ailleurs mobiliser, dans son intérêt d'l!ta t, 11."i
repn!sentalions civilisationnelles, comme le fit aussi l'Irak, dont le régime politique,
bien que par nature nationaliste arabe et laYcisant, crut bon d 'appcl"r à la Gucrrl! sainte
tous les musulmans.
Car il y a bien un univers mental de la civilisation qui touche à la conscience
populaire et qui est une réalité historique incontournable. Parce que la géopolitique
resll' une science humaine, et parce que l'erreur est le propre de l'homme, la
géopolitique ne peut écarter de son champ d'analyse, comme le font les sciences
exactes, ce qui lui parait être du domaine de l'e rreur : e lle doit en tenir compte car ce
qui lui parait être une erreur, est une donnée du réel qui participe de l'histoire.
Tentons de nous placer un instant dans la tête des combatta nts serbes, croates ou
bosniaques durant l'éclatement yougoslave : ces hommes ne furent-ils pas tentés
d'élever la cause de leur combat au-dessus de celle de leur peuple ou de leur
communauté, et de se représenter comme des guerriers de !'Orthodoxie, de l'Occident
latin catholique ou de l'Islam? li réside dans les représentations civilisationnelles, une
sorte d 'élévation sacrale, la recherche d ' une transcendance qui donne plus de force et
de courage au sacrifice, plus de sens encore au don de la vie. Au fond, il y aurait
quelque chose dans l'imaginaire des peuples en conflit qui ferait penser à ces temps
primordiaux où le monothéisme n 'était pas encore assimilé, et où les guerriers
ajoutaient Jésus à leurs dieux multiples pour se donner plus de chance à la bataille;
une forme d'additivité du sacré.
La carte des États est traversée par des lignes de fracture civilisationnelle, parfois en
sommeil comme de vieux volcans, mais toujours s usceptibles de se réveiller avec
violence. Les civilisations ont en effet la vie très longue, solidement accrochées à leur
espace géograplùque comme le souligne Fernand Braudel. Elle peuvent céder à la
puissance étrangère!; si elle sont encore mal structurées au moment où elles sont
conquises, elles disparaissent, comme en Amérique avec la conquête européenne, ou
en Gaule pré-romaine2 ; si au contraire, elles ont marqué la géographie de leur
empreinte, elles rejaillissent et balaient la puissance étrangère : partout en
Méditerranée où l'héritage romain n 'a pas tenu, où l'Islam s 'est enraciné et est reste.
c'est partout où la civilisation punique de Carthage avait marqué les terres et les
populations durant de longs siècles. Partout, au nord de l'Europe, où Rome n'avait pas
assez laissé son empreinte, au-delà du limes, le catholicisme romain n'a pas tenu contre
la Réforme.
La longueur de l'occupation n'y suffit guère si les civilisations qui précédaient
~ent anciennes et structurées : l'Orient gréco- romain, de la conquête d'Alexandre à la
fin de Rome, c'est comme le souligne René Grousset, près de dix siècles de présence -
de 334 av. J.-C. à 634 apr. J.-C. Du jour au lendemain pourtant, l'Islam balaie toutl.
Songeons aussi que l'arabisation ne l'emporte pas sur l'Iran qui s'islamise sans
s'arabiser, parce que l'Iran est à la fois un vieil Empire et une vieille civilisation. Quant
aux États croisés latins, ils durent deux siècles et s 'évaponmt en une bataille. Par

1 •&im sQr i. pilai forte, la v1ctoricu1e pé~ souv ent chc-.1. Io plu!i liaihk. ln c 1ilo n1 "-c . )" imu nllc "'-'!> ~uiln 1 cn 1 ..) M11i• .i loa1
krml:: , l"avcnlCIRtuwnt mal"', F. BRAUDEL . Grurnmuirc d~., cil'ill.'ful irm.~ . run s , Flummannn , l'J9J. 1.:011 "C h111n1'5 .. , fi · IM

2 "Oû il ~ fllUt pu cug&cr le mve.u culturel •ncml par elle , ronr le m n m s ne pu!. .. u 1v rt= l'c nthuu ~ins mc con1.1is:1c-11t ik
Cumlle JWlian.."', fdntt. p. 16lt.
J •Au bout de en d111 tii:des, du jour au l~cma i n , ou prem ier coup 1.k "illhre a.-uhc , ltmt cro ule 1\ hml Jnm111s. 111 l•nguc re U
JMDléc ~ · la. cadra oi:cicknt.Ull, lo\ll s 'itvanou1I en fumée . c es rmllc un1' J'l11s1o irc s onl locnlc ntt! ltl comme s'1h: n'awitnl,..
lâ .•. lDJLGROOSSET,8//an J, l'hU1orrt", 5c bl., Pen•. Pion. 1962
Chapllrc 7. Ui ctvi1111nUon 535

annlogie, certains se posent la question de la longévité de l'État d'lsral'I ; la qucetion est


rœlle, mais n'oublions pas que la civilisation juive est une dvili.'lation orientale et que
l'une des plus fortes résistances orientales à laquelle Rome fui confrontée, fut celle des
Juifs. Disons simplement que cela n'est pas parce que l'Occidl!111 a instalM lsral!I,
qu'lsrol!I est en Occidentl .
Nous avons donc voulu montrer que les civilisations ne sont pas fondm en
puissance; qu'elles sont en revanche des idées-forces pouvant renforcer les États qui
snvent mobiliser l'idée civilisationnelle; qu 'elles s'inscrivent dans le temps long. et que
lorsqu'elles sont structurées, aucun recouvrement étranger ne parvient à les effaœr
durablement.
L'analyse géopolitique doit prendre en compte les repr~tations et les fractures
civilisationnelles qui se superposent à la carte des États et sont mobili5ées par œs
derniers. Elle doit cependant, comme nous le répétons à l'examen de chaque facteur -
géographie physique, ethnie, langue ... - refuser Je déterminisme monocausal. Ce
déterminisme monocausal consiste d'abord à réduire la civilisation à un seul facteur de
définition qui primerait sur les autres : la religion; on objectera à cet égard que la
civilisation occidentale est autant caractérisable et différentiable par le facteur
technique - c'est d'ailleurs ce qui l'a élevé en puissance au-dessus des autres
civilisations - que par le facteur religieux - christianisme - ; le déterminisme
monocausal consiste ensuite à soutenir que la civilisation commande tout, que les
logiques étatiques lui sont inféodées.
Les civilisations sont-elles mortelles comme le disait Paul Valéry ? Celles qui sont
mal structurées, nous en avons convenu. Mais qu'en est-il des autres? Nous avons au
contraire considéré que rien ne semblait pouvoir les effacer durablement. On ne peut
en effet raisonner à "environnement humain statique". Or les groupes humains
admettent une donnée dynamique fondamentale, celle du nombre. Une civilisation
n'est-elle justement pas mortelle par mélange - car alors le phénomène de domination
n'est plus réversible - et par extinction démographique progressive ?

2.1. Byzance, le destin mortel d'un empire à cheval


sur deux ci·d lisations

Les fondements géopolitiques et idéologiques du futur Empire byzantin se


trouvent dans les conquêtes d'Alexandre. Géopolitiques parce qu'Alexandre, en
s'attaquant à la Perse projette les frontières de l'Europe jusqu'à l'lndus. Idéologiques,
parce que c'est le Macédonien qui tue la grécité (l'opposition entre le Grec et le
Barbare) au profit de l'hellénisme, premier véritable uni\'ersalisme. Son rève
cosmopolite, qui ne recule pas devant le métissage forcé des Macédoniens avec les
Perses, répand l'hellénisme pour plus de neuf si~les en Syrie et en Égypte, seize siècles
et demi en Anatolie. L'héritage d'Alexandre dans l'Orient hellène. l'Empire séleucide.
sorte d'immense royaume divisé en une trentaine de satrapies et fait d' une mosarque
de peuples, de races et de religions, avec ses deux capitales, Séleucie sur le Tigre et
Antioche, n'a aucune cohérence geopolitique et ne tient que par un puissant culte
dynastique . Quand à la partie lagide de l'hérit,\gc .lle:rnndrin, l'Empire des Ptolémèes
d'Égypte, il ne fait que recouvrir l.l vieille nation des Philraons du voile transparent de
l'hellénisme. Alexilndrie ne sera qu'un ph.lTt' l'pht'mère dans l'histoire de la

1 l.n ques1t,m lie I" ~unie il"-' 1'('. 1111 ll'lsmcl 111ud1r- ;i 1111~ o.(lh'"'1111t1 lJUo.: 1wu~ o1ho.11d~1n .. .iu.,; 1,• .iirn:.-s ..:-r: i.:hap11rt . La ~w: .
L'Ap11"h..-iil en Afrittllc du S1ul ù:.,;1 h1nd C r11ur 11tu11c l> LH 1'111o: t:Jllh.' 1kmu~r.pluqu~ m .ü.. \.. ·...._'""t Ju \:~lleUI um1~ Je- \.'Cllt:'"
tnégulll~ cl 11c ln lin de 111 (iu'-'rn· lh1i1ll.' - qu'il ... .,,, 1urn1
l'nrlh.' .l Prnrw11ntet 1/n iJ~t1til

Méditerrené'C, le s~'mbole encore aujourd ' hui de toutes les chimères cosmopolill''i,
autrefois pourtant si vite balayt' par la rénction asintiquc.
En 188 av. }.-C, avec la paix d' Apamée, l'héritage politique d'Alexandre s'effondr~
face à Rome. L'Empire romain, d'essence européenne, se fait défenseur de l'hellénisme
en Orient. La partie orientale de Rome (les territoires qui se trouvent à l'Est de la mer
loruenne et des Syrtes) deviendra politiquement romaine mais demeurera
culturellement hellénistique.
La victoire des Romains est cependant en trompe l'œil. Certes, Rome apporte
l'unitt' et une lt'gitimitt' politique plus solide que celle de la filiation alexandrine, si
solide d'ailleurs que Byzance, malgré l'incohérence de sa construction gt'opolitique, en
tirera une longévité !'tonnante.
Mais l'idt'e unit."lire romaine se trouve, du fait des conquêtes en territoires
asiatiques (sémites et perses), en contradiction avec la réalité culturelle de l'Empire. La
culture des peuples non grecs de la région repose en effet sur une tradition écrite forte,
à même de résister au rouleau compresseur de l'hellénisation. L'araméen et plus tard
l'arabe (l'écriture arabe naîtra au ne siècle) ne sont jamais entravés par un hellt'msme
souvent confint' aux élites urbaines. L'Égypte ne cesse pas de parler égyptien et ses
p~ écrivent en hiéroglyphes encore au ive siècle, avant que n'apparaisse l'écriture
copte. Cette situation est à opposer à celle de l'Ouest de l'Empire romain, où la
tradition orale celte, confrontée à la latinisation romaine et bien qu'extrêmement riche,
n'offre pas de protection comparable à celle d'une tradition écrite. Au contraire, les
traditions écrites sémites expliquent pour partie la résistance à l'hellénisme, de même
que l'écriture grecque en Orient hellène explique l'absence de volonté (pragmatique)
des Romains de latiniser la partie orientale de leur empire.
D'un point de vue dvilisationnel, l'Empire romain est donc bipolaire. Son histoire
est celle d'une lutte constante entre la culture européenne de l'aristocratie romaine
traditionnelle, et la culture orientale des Sémites et des autres peuples asiatiques en
contact avec la colonisation romaine.
Du duel de César contre Pompée à l'ascension des dynasties orientales et malgré
quelques réactions européennes comme celle des Antonins, on peut affirmer que Rome
ne cessera jamais, dans le sang comme par l'esprit, de se "sémitiser" et de perdre son
identité européenne. La dynastie des Sévères n'est-elle pas syrienne? Ne favorise-t-elle
pas l'essor de l'État de Palmyre lequel assure, lentement mais sûrement, l'arabisation
de l'Orient hellénisé ? Quant à Caracalla, gaulois par sa naissance, mais syrien par sa
mère et africain par son père, il engage sous l'influence de l'école juridique de
Beyrouth la réforme qui met fin à l'identité occidentale de l'Empire : sous son règne, la
citoyenneté romaine (droit de cité) est accordée à l'ensemble des hommes libres de
l'Empire. Dès lors, la porte est ouverte à une orientalisation ethnique du pouvoir qm
s'accompagne fort naturellement de son orientalisation religieuse .
Tout au long des premiers siècles de notre ère, Rome s'imprègne des croyances
sémites. Voyez le culte d'Elagabal par exemple, qui ne supporte pas de représentation
anthropomorphe et traduit en cela même un vieux tabou sémite, repris plus tard par
l'islam, puis, à l'intérieur même de l'Empire byzantin, par l'iconoclasme (le refus de
l'image). Un empereur romain d'origine syrienne nommé Héliogabale n'hésite pas .l
construire sur le Palatin un temple oriental pour y loger une bétyle (pierre conique
dans laquelle le Dieu est censé habiter) ; la pierre noire de la Mecque n'est déjà plus
très loin.
Durant des siècles, avant même Byzance, l'esprit de Rome s'orientalise, dans 11'5
mœurs comme dans le sacré. L'orientalisation religieuse débouche sur une
orientalisation politique, au point que dans Rome triomphe celte idée qui avait
toujours paru ridicule aux Européens: "!'Empereur Dieu". Pourtant, à l'origine. Rome
Ch.Jpitre 7. U. civllliwllon 537

elail un empire lal'c, Son empereur était sacré mais c'était un homme, et il tol~ait tous
l"s cultes. sauf le druidisme accusé de soulenir le nationalisme gaulois. Mail!, à mesure
que l'on s'approche de Byzance, Rome devienl un empire religieux. Jusqu'au moment
où le culte chrétien, d'essence orientale, s'impose de manière exclusive dans l' Étal Ce
n'.,st donc pas un has,ird si Constantin est à la fois le premier empereur romain
officiellement chrétien et celui qui déplace vers l'Est la capitale de l' Empire, pour la
fixer sur le site ancien de Byzance. Par ce geste, il annonce l'avènement proche d'un
Empire d'Orient qui prendra le relais de l'idée romaine, tandis qu' un maigrelet et
éphémère empire d'Occident incarnera pour un temps encore ce qui reste d'européen
dans Rome.
Parallèlement à l'orientalisation politique et religieuse de Rome, l'Orient ne cesse
de se révolter brutalement contre la culture hellène et l' occupation romaine. Durant
des siècles, réactions parthe, aram~nne, juive, ponctuent l' hi!ltoire de l'Orient gréco-
romain . Qui plus est, par l'intermédiaire d'États à la fois client de Rome et tampon avec
les territoires désertiques où règnent les tribus turbulentes (la Nabatène-Pétra et
Palmyre), la souche arabe irrigue lentement la Syrie romaine. Comment l'Empire
romain alors se protège-t-il de cet Orient irréductible à l'hellénisme et rebelle à sa
tutelle politique? En soutenant l'ascension des Orientaux mod~és. Au OJesiècle,
)'Empereur romain Philippe lArabe (peut-être le premier empereur chrétien) est
originaire du Hauran, région syrienne proche des déserts d'Arabie. Cette stratégie de
l'intégration des "modérés" pour se protéger des radicaux se traduit sur le œmps long
par la défaite de l'Occident romain, de son essence euro~nne. Lorsque Julien anive,
il est déjà trop tard pour l'Europe romaine. Rome est en réalité morte et Byzance est
née. Nous sommes en 395.
Mais le nouvel empire, dans sa conception méme, est programmé pour disparaitre;
car il est structurellement bâti pour s' orientaliser sans cesse davantage et pour ployer
face à un Orient plus radical que lui. Certes, le nouvel empire hérite de certains traits
bien européens : la souche ethnique grecque est représentée ; et à Constantinople,
dix siècles plus tard, quand tous les autres peuples auront déserté et trahi l'Empire. il
ne restera plus, face à la multitude turque, que cinq mille Grecs sur les remparts de
Constantinople pour mener l'ultime combat. Cet empire est aussi européen dans la
mesure où la guerre permanente (jusqu'à l'émergence de l'islam arabe) entre B~"Untins
et Perses perpétue le vieil affrontement des Grecs et des Perses au temps des guerres
médiques. Et puis la légitimité de Byzance reste romaine. Enfin, l'esprit de l'hellénisme
est là pour insuffler au christianisme venu d'Orient sémite la raison gréco-romaine.
Mais, malgré tout cela, le poids d'une culture sémite restée i.rreduchble à la pensée
grecque, est énorme. Alors que l'esprit grec s'attache à européaniser le christianisme
byzantin, l'esprit sémite veut en radicaliser l' orientalisme. Une tension intérieure
analogue à celle qui defit Rome (l'opposition entre les tendances européenne et
asiatique) se trouve donc prolongèe au sein de l'Empire byzantin.
La Syrie et la Mésopotamie profite nt. ,; partir du V•' sièclt>, de la propagation des
hérésies nestorienne! et monophysite2 pour se donner de!' Eglises indépendanres de
rite syrinquc, grâce 1:u1xquelle s elles L'"Chltppcnt à l'hl'llénisnte. Lt."S Perses eux. ~1n.~ rien
abdiquer de leur llhlzdl•isnll.', instn1n1l'1\lalisent lt.. . neslorianis me contre Byzanct.'.
L'Empire byzantin, donl les fondl•nwnts sonl autant religieux (christianisme) que
politiques (filiation romaine), esl alors pris au piège des luttes inct.'SSilnl\."S entre
l'orthodoxie et le-. h«rèsi••s, ces d<•rni<'n's ilmenant lil première à une redéfinition aussi
permanente qu'épuisitnte .

1 Deu lli pcr.mlll1l" en J.! su ,.. ( .hn ... 1, l ' un ..· lll\111 \' \'1 h11111.111w ..111 11 ..·t• ,k '-' .!1-....1nni: •• 11h . ~1 , ,· -...:l,•11J~~ll~11 ~ :11 w.i-.;1tr l.k l:i
rcr,.nnnc cl 1l11uhh~ th:,. nulun· : 11."ll'I l'n r k ...·1,.•nnll' d ' l : r h""\~ ..: l'll-'' 1
2 IJllC !<ol:lllc U ;t!U n.: . tll\'i nc . L' ll j\.~S ,lo.; - (. ' hflSI ; l"'C'Jrl J"Af 1(' \.'\>itl' llc de ('h11l1,.-ê\toin~ l'R ~~l .
538

Mais les compromis théologiques que le centre impérial doit passer avec IL•
éléments rebelles conduisent du même coup celui-ci à se quereller avec le Pape et:
creuser davantage Io fracture entre l'Orient et l'Occident. Lorsque, ~our régler );
question du monophysisme, Byzance offre le principe du monothélisme , elle prépar1
du même coup le schisme religieux Occident/ Orient.
Cest donc bien la question religieuse, dont l'origine se trouve dans un mult1·
ethnisme à cheval sur deux civilisations irré ductibles (Européens et Sémites), qui
consume l'énergie de Byzance à travers les siècles tout en faisant glisser celle<i, saru
cesse davantage, vers l'Orient.
Alors que l'Empire est, à l'extérieur, assailli d e toutes part par les "Barbares" (non
hellènes et non chrétiens), l'Empire s'épuise en querelles religieuses internes. Ainsi
!'Empereur Phocas, au tout début du VII~ siècle, et alors que la lutte contre les Perses
parait primordiale et que les Arabes forment à l'horizon un nuage de plus en plw
menaçant, qui décide une campagne de conversion forcée des Juifs choisissant ainsi de
se confronter à l' une des facettes du sém.itisme la plus radicalement hostile à l'esprit
grec (bien plus que l' universalisme chrétien compatible avec l'universalisme hellène) .
Les Byzantins vont payer aussi chèrement que les Romains cette erreur qui va po1155er
les Juifs d'Antioche dans les bras de l'ennemi perse, à l'heure où, à l'ouest, Avars et
Slaves font irruption dans les Balkans et tandis que l'on aperçoit distinctement les feux
de camp des Perses à Chalcédoine, de l'autre côté du Bosphore, en face de
Constantinople.
Ainsi donc, la facilité avec laquelle l'islam arabe conquiert la Syrie et l'Égypte
byzantines entre 634 et 643 doit-elle être expliquée par le fait qu'à Antioche comme à
Alexandrie, plus largement en Égypte, en Pale stine en Syrie et en Mésopotamie, le-;
chrétientés monophysites de rite syriaque et copte, longtemps persécutées par
l'orthodoxie byzantine, vont se faire les complices de l'invasion arabo-islamique. Les
sémites chrétiens accueillent les sémites musulmans en libérateurs. "L'Orient modéré'
qui donnait sous Je vernis hellène accueille l'Orient radical. Une fois de plus la
civilisation européenne est victime du principe de métissage . Après les révoltes parthes
et juives sous Rome, nestoriennes et monophysites sous Byzance, 1' irruption de l'islam
rappelle au monde qu'une civilisation qui ne change pas de substrat ethnique peul
balayer en quelques années neuf siècles et d e mi (des conquêtes d'Alexandre a
l'islamisation) de culture universaliste venue d ' ailleurs. Mais, les dynamiques
civilisationnelles étant à l' œuvre sur un temps très long (Braudel), Byzance ne meurt
pas sous les premiers coups de l'islam.L'Asie, par l'islam, va mettre encore neuf siècles
pour reprendre !'Anatolie, pour abattre ce qui restait des traces de la très ancienne
colonisation grecque en Asie Mineure. Ce sera la prise de Constantinople en 1453. Le
drapeau turc la rappelle d ' aiUeurs à notre mémoire en figurant le croissant tel qu'était
la Lune le jour de la bataille, dans son dernier quart.

2.2. Constantes de la civilisation chinoise


li~ rMI l!ll ""'- ciriluation
L'identité ch.inoise est à la fois ethnique et civilis ationnelle. Elle est ethnique parco
que la Oûne est d ' abord Je pays des Han, immense masse asiatique, fruit d'uno
dynamique d ' unification de multiples groupes ethnolinguistiques caractérisés chacun
par la spécificité du dialecte oral utilisé d ' une province à une autre. Mais c'est une
civilisation, parce que depuis plus de deux mille ans, une langue écrite commune. l•

1 Dl:wi: aatura mai.s une '\.OlonU: unique , duc1nnc sou1cnuc JUii l"Empcrcur Jll!ruchus en 640 .
Cl~pltn• 7. Ln civms.,llon 539

langue idéogrnphique, domaine des mandarins et fondement de l'État, l!!lt l'expression


fondnmentale des constructions impériales chinmses qui se sont succédée. Or, en
Chine, il y a un rapport original entre race et civilisation. Car c'est précisément Je fait
que la langue écrite soit Je pouvoir d'une minorité et la colonne vertébrale de l'État
impérial qui a préservé la spécificité identitaire des provinces et donc globalement
l'unité ethnique du peuple chinois. En effet, unis politiquement par leur civilisation, les
Chinois se sont très peu mélangés entre groupes ethnolinguistiques, conservant ainsi la
structure identitaire originelle des vieilles provinces. Chaque fois que l'Empire s'est
effondré ou s'est morcelé, il a pu se reconstituer pratiquement à l'identtque, refaisant
l'unité entre ses morceaux élémentaires et irréductibles. Pour cette raison également,
les envahisseurs étrangers, Huns, Mongols et Mandchous, n'ont pu modifier
sensiblement la masse identitaire des Hans. Les Chinois, paysans sédentaires (issus de
ces "Mésopotamies" formées par autant de grands fleuves fertiles en alluvions) plutôt
que guerriers nomades, ont régulièrement abandonné Je sommet de leur pouvoir à
l'envahisseur, digérant ceux qu'ils sinisaient (les élites souvent) pour mieux rejeter les
autres. Toutes les dynasties étrangères, et notamment les deux dernières, Mongols
Yuan (1271-1368) et Mandchous Qing (1644-1911), furent absorbées.
Démographiquement, ces apports ne furent jamais assez importants pour modifier le
socle ethnique de l'Empire.
Vnr 1ly11um iy11r rolmufllt•

Cet "Empire Milieu du monde", à la fois race el civilisation, est une dynamique
colonisatrice, celle du peuplement Han sur des territoires sans cesse extensibles, au
moins jusqu'aux frontières d'autres civilisations sédentaires. Dans son Histoirr de la
Clli11e, René Groussetl comparait la construction territoriale de la Otine à celle du
Canada et des États-Unis en ce qu'elle était aussi l'histoire de la conquête d'immenses
territoires vierges "par un peuple de laboureurs qui ne trouverent devant eux que de
pauvres populations semi-nomades" . Commencée aux confins du loess et de la Grande
Plaine aux alentours du 11c millénaire avant Jésus-Christ, le processus colonial se
poursuit encore aujourd'hui dans les marches de la Chine, au Tibet, dans les déserts du
Turkestan chinois (Xinjiang), dans l'Extrème-Orient russe (la sinisation venant ici
pallier à l'effondrement de la dynam.ique coloniale russe) et jusque dans les terres
"barbares" par l'établissement de colonies de peuplement en Europe, en Amérique, en
Afrique subsaharienne. Telle la colonisation romaine, l'avancée chinoise procède, au
Xinjiang comme au Tibet, par l'établissement de paysans soldats, cultivant les terres
conquises et prenant femme sur place. Les coûts d'occupation sont ainsi réduits, la
zone conquise assurée par un maillage redoutable de soldats pionniers, les autochtones
racialement éliminés par captation de leurs reproductrices. Ailleurs ce sont des
colonies marchandes qui s'établissent et s'accroissent a une vitesse vertigineuse.
l .o ntrr 1wur Io,.,,,,.
N'est-il pas étonnant de constater qu'un pays disposant de millier.: de kilomètres
de côtes n'a pratiquement à s'enorgueillir dans s.1 longue histoire que de l.i. politique
navale d'un Empereur Ming~ qui entendait assurer à la Chine la supœmatie de son
pavillon sur les meors de la Sonde et l'océoan lndi~n?
L'une des constantes geopoliliques d,• la Chine est qu'elle a toujour.: privilégié la
terre sur la mer, ceci parce qu'l'lle est un'' civilisation de paysans accoupl~ à la fon:e
de conquérants nomad,•s bien plus 'lu'un peupll' de marins. Les mandarins de l'État
impérial, tout occupés qu'ils é'taient à l'administration des fleuves nourriciers (une

1 Hené liH.01 ISSFl . lli.u oir1· •"' 111 ( 'hit""· l'un.• . l'lly\11, :!000. J~r

2 V1m-lu ~m 1lêhut du X v·· s1ëdc


hydropolilique ~-omparable à celle des États mésopotamien ou égyptien), se !>Onl
toujours méfiés des aventures maritimes. Au XVI•" siècle, au moment m~mc où 1.,.
Européens OU\'Tent les grandes routes océaniques, ils vont jusqu'à condamner à mon
œux qui osent construire des bâtiments à plusieurs mâts. Depuis les annécr; 1970
cependant, alors que la stabilisation territoriale est en cours (traités sur les fronti~re.
avec la Russie, l'Inde et les pays d'Indochine), les ambitions maritimes chinoisn..,
réveillent. Pour Pékin, la première priorité géopolitique est la récupération de Taiwan
La seconde, le renforcement de l'influence en mer de Chine, notamment par Je contrôl•
des archipels de Paracels et des îlots Spratleys 1 • L'enjeu est le maintien à terme de
l'unité continentale elle-même, entre Chine du Nord, Chine du Centre et Chine
méridionale, les trois blocs qui se sont régulièrement détachés. Une Chine méridionale
de plus en plus liée économiquement et culturellement à une ile taiwana~
indépendante représenterait un danger pour l'unité de l'Empire. Si les Chinois vont à
la mer. c'est donc parce qu'ils recherchent la consolidation de la terre et non l'empir.
maritime mondial. De même, au-delà de la mer de Chine et en direction de l'océan
Indien, les nouvelles ambitions maritimes chinoises s'expliquent par la recherche de la
sécurité des approvisionnements énergétiques en provenance du Moyen-Orient. La
encore, il s'agit d'ajouter une ceinture de sécurité maritime à la construction
continentale. Tel est le sens des facilités d'accès naval demandées par Pékm au
Pakistan, au Bangladesh et à la Birmanie.
"Quel eût été Je destin de J' Asie, si en abordant aux Indes et en Malaisie, le-;
navigateurs européens y avaient trouvé établie une thalassocratie chinoise?" se
demande René Grousset. La question retrouve son actualité au moment où le-;
ambitions maritimes chinoises croisent le développement d'une puissante diaspora
chinoise dans les pays de I' Association des Nations du Sud-est asiatique. Face aux
États-Unis, après avoir affirrné sa puissance dans une première chaine d'îles, limitée
par le Japon. Taiwan, les Philippines et la Malaisie, une volonté de plus long terme
pourrait être de contester la suprématie américaine sur une deuxième chaine d'iles, des
Kouriles jusqu'aux Mariannes et aux Carolines.
L ·OUISU11ff~r.~ â~ rEmpitt du .\1ilÎ4!U ; d#' l'autonomi, alime111airP" /"oulmwmi,. P.11rrpillfJWt•

Toute l'histoire de la Chine est ponctuée, en plus des catastrophes naturelles


(inondations) de famines dramatiques. On peut même affirmer que l'enjeu alimentaire,
avec la gestion de l'eau, est la raison d'être essentielle d'une bureaucratie forte et de
collectivisations agraires récurrentes, sous les empereurs comme sous le communisme.
Cette constante s'exprime aujourd'hui sous la forme d'un besoin croissant en énergie et
matières premières résuJtant d'une croissance économique forte2. En s'installant au
Moyen-Orient, réservoir pétrolier de la planète, les États-Unis sont en train de
contrôler la dépendance énergétique de la Chine. Pékin doit donc diversifier ses
approvisionnements. C'est le sens des rapprochements que les Chinois tentent avec la
Russie (en concurrence avec le Japon), l'Iran, lArabie Saoudite, le Venezuela ou des
pays africains du Golfe de Guinée. De même les Chinois vont-ils chercher dans le
partenariat avec Je Brésil une coopération nucléaire, ou dans celui avec Je Chili, du
cuivre indispensable à leur industrie électronique.
Géopttl.ûi.tp» ~ end.a rancenJrÎ'fUH
Ce ne sont pas seulement l'identité (race et civilisation), son mouvement
(colonisation), son orientation (terrestre plus que maritime) et ses besoins (la recherche
de l'autosuffisance) qui caractérisent la géopolitique chinoise. C'est aussi la perception

1 Man .u.1 l"an:b1pd des Dusoyutai!Senkaku en mCT de Chmc oncnlulc cl 1,;chu des Tukcstum•L.'TokJu eu mer du Japon
21.aOUIC wmpte dt.Ji pour 40 •/,.dam l'augmentation de 161. demande éncrgC1 iyuc mondiale .
Ouipllre 7. La civilloatlon

de l'l?tranger, organisée en cercles concentriques. Au Milieu du monde, il y a le cœur


Han : la Chine. Autour, le premier cercle, les marches coloniales, où les pionnin!I
chinois éradiquent des ethnies moins nombreuses. Puis vient le deuxième cercle, celui
des vassaux, lesquels doivent demeurer soumis et loyaux à l'Empire. Les peuples
considérés comme naturellement vassaux sont le5 Coréens, 1es Japonais, les
Indochinois (Vietnamiens, Khmers, Thais), cet e5paœ de civilisation asiatique
imprégné par la civilisation chinoise. Au-delà de5 vassaux, en Europe, dans les islams
arabe, turc et perse, en Amérique, on est dans le cercle des Barbares. Avec les vaYaux,
des relations institutionnelles s'imposent mais le mélange n'est pas possible. Avec les
Barbares, sauf à devoir subir leur irruption brutale mais provi!loire (des Huns
jusqu'aux Européens), le contact est à éviter. Aux XVll• et xvme siècles, les
ambassades européennes, venues chercher l'ouverture de relations avec un monde
nouveau, sont interprétées à la cour de !'Empereur chinois comme des gestes de
reconnaissance de vassalité. Pour les Chinois, le rapport de force commande les trait&,
par définition inégaux c'est-à-dire provisoires. Le traité protège de la pui5sanœ de
l'autre, mais il ne doit jamais limiter sa propre puissance; cependant les reamquêœ&
ne seront tentées qu'en situation de supériorité évidente. Ce que le juridisme europ&n
(particulièrement français) regarde comme frontière intangible n'est en CJtine que ligne
de cessez le feu . Sans doute n ' y a-t-il pas de mondialisme chinois comparable à Ill\
mondialisme américain (la recherche de l'Amérique monde) ; pour autant,. la Chine
n'est pas bornée: son espace potentiel englobe le monde des vassaux, c'est~
l'intégralité de l'espace civilisationnel asiatique. Au XVIOe siècle, les royaumes
périphériques de Corée, de Birmanie du Siam ou du Népal furent vassalisél.
Régulièrement, Vietnam et Corée firent l' objet de tentatives de remise au pas. En 1979,
une fois de plus, Pékin présentait l'opération militaire contre Je Vietnam comme une
"punition". C'est bien cette idée de vassalité dans un contexte de montée en puissance
de la Chine qui fait peur, du Japon jusqu'à Moscou (la Russie a aussi une partie
asiatique), en passant par Séoul ou Hanoi. Pour l'heure, la reconstitution de la
prééminence sur les vassaux ne se traduit qu'à travers la dimension économique. En
2004, un espace de libre-échange rassemblant Chine, nations d'Asie du Sud- Est. Japon
et même Inde s'est créé, le plus important espace économique régional du monde au
sein duquel la Chine entend bien affirmer sa domination.
Pour Pékin, c'est le Japon qui est craint; lui seul a la capacité de concurrenœr la
Chine dans sa volonté de prééminence sur les vassaux. Ce sont les revers face au Japon.
à partir de la fin du XIX" siècle, qui ont entamé la légitimité de l'Empire céleste et causé
la montée des forces révolutionnaires.
Aujourd'hui les Chinois ne veulent pas d ' un retour politique et militaire du Japon;
ils refusent la perspective d'un siège permanent japonais au Conseil de Sécurité de
l'O.N .U. comme celle de l'accès au nucléaire militaire. En face, Tokyo acœpte mal
l'idée d ' une perte de son statut de première puissance asiatique au profit de la Chine.

Jusqu ' au XIX" siècle, les B<1rbares, méprisés mais craints par les Chinois, venaient
essentiellement d ' Asie centrale. Leurs vagues successives inspirèrent la construction de
la Grande Muraille; d e la muraille nucléaire jusqu'à la conquêre spatiale. les plus
grands efforts de dépassement du peuple chinois résultent de la re<istanœ à la
puissance matérielle des Barbare~ . S<>uvent supérieure à celle des Chinois malgré selon
eux une "infériorité civilisatinnndle". On ne soulignera jamais assez le traumatisme
que constitue, dans la nwntalité chin.1ise. le dépeçage européen (Russie, Angleterre,
France. Allemagne) ré-.ullat dL"S Trnités inégau' du XIX~ siècle. L'emploi de la drogue
(opium) par les Anglais comme arme de gueTt't' L>st un souvenir hunùliant pour les
542

C.."hinoi~ . Toute comnlc l.a volonté des Soviétiques qui, durant la Guerre fruid'-'.
voulurent diri~r le con11nunisn1c chinois, cause cs~entiellc de lil ruplun.! sino-ru!\!'K.•
Pour les Chino1~ d'.11u1ourl.rhui, lt.-s nouveaux Barbares sont essentiellement le~
An1éricnin~ . L'-"S États-Unis cht!'rchent en effet à conteonir la n1ontéc en puis?iance dt> la
Chine en encerclant ""ll"'i d'Oucst en Est. d" l' Asie ccntrille jusqu'à la Corée du Sud,
en pass.mt par Taiwan. Mais Pékin refuse de dépendre de Washington pour son
appmvis1onncment énerg~ttque; con1n1e il refuse un ordre international dominé par Je
mondiahsme amé-ricain. Tant pis s'il faut se rapprocher de vassaux pot·cnticls (f<us!ie\
et Indiens) nu d" Barbares (Fr;:inçnis, Iraniens ou Vénézuéliens). L' important pour les
stratèges chinois est de constituer un nxe de contrepoids permettant de faire échec.;
l'unipolarité voulue par Wnshington et de favoriser au contraire l'équilibre
multipnlnirc, en attendant de disposer des moyens suffisants pour reslaul'l'r
l'unipolarité chinoise dans le cercle des vassaux et peut-être au-delà, au détriment Jes
Barbares. Mais l'Empire chinois a toujours été fragile face aux idéologies étrangèrl'S,
venues du deuxième cercle (bouddhisme) comme du cercle des Barbarl'S
(christianismes nestorien et catholique. évangélisme protestant, mondialisme "droits de
l'hommiste", islan1isme) et qui forment autant de défis pour la mentalité confucéenne.
Ces idéologies peuvent se coaliser avec les forces centrifuges (séparatisme tibétain,
taiwanais ou ouighour) et venir remettre en cause l'unité du vieil Empire. Pour Pékin,
face aux Barbares, une fois encore l' enjeu est de moderniser pour devenir puissant; il
faut donc s'ouvrir à la modernité technique et économique de l'Occident mais refu5<'r
son métissage forcé. Ce n'est donc pas un mondialisme chinois qui est en passe de
mettre en échec le mondialisme américain; mais une résistance civilisationnelle.

2.3. Civilisation européenne contre civilisation turque:


trois mille ans d'opposition
Lt •~mp..c Ion, dt> l'lu.sto1rr
Durant tout le premier millénaire avant notre ère, la poussée constante vers l'Ouest
(de la Mandchourie septentrionale au lac Balkhach) des populations brachycéphales,
prolo-turques et prolo-mongoles, contribue au glissement des populations
dolichocéphales indo-européennes vers l'Europe centrale et occidentale. De ce premier
choc turco-européen, ethnique bien avant d ' être religieux, résulte, pour des siècles,
l'établissement de la carte des peuples d'Eurasie . Jusqu' au moment où de nouveaux
Turcs, les Huns, installés dans la région de la basse Volga, entament leur marche vers
l'Ouest. Passant le Don et le Dniepr, ils attaquent les Germains et provoquent le refüt\
de ceux-ci en direction des territoires romanisés de l'Ouest. L' hiver 451, Attila pénètre
l'Empire romain à hauteur de Mayence. Partout en Gaule, des saints chrétiens naisscnl
sous les pieds des cavaliers huns. La politique de destruction massive de ces hordes
sorties des steppes restera gravée dans la mémoire du christianisme franc .
Puis, surgit l'islam. Désormais l'impérialisme territorial de turcs nomades ~
double d'un impérialisme religieux . En intégrant ce qui fut d'abord la religion
nationale des Arabes, les Turcs entrent dans la civilisation urbaine et offrent à ccllc-0 la
force violente des armées nomades, face à la Chrétienté et à la Chine. L.1 coalilion
turco-arabe du VIIJe siècle fait reculer les Chinois en Asie centrale, tandis que la
montée en force des Mongols amène les nomades de la tribu turque scldjoukidc j
s'installer, au début du XJe siècle, s ur le plateau anatolien, aux portes de B)'7,1nc~
L'Europe, défendue par l'Empire byzantin (empire mi-européen mi-orimlaJl), .:onnail

1 Voir noue partie consa.cltc 4 Uy1.nncc, cmpin: 3 chcvul sur Jeux dvillsalions
C:lulpllre 7. La clvill""llon

un échec mojeur à Mantzikert en 1071 . U-s Byzantins 11C1nt évincés de la quillSÎ-totali~


de 1' Asie Mineure et les Turcs donnent Jéru..alem à l' i'llam. Mais la réaction vient
d'Occident. L<!s Croisades, emmenées largement par la chevalerie franque, offrent un
sursis de trois cents cinquante ans au rempart by7.antin. Sans elles, les Turcs auraient
s.1ns doute effacé l'Empire romain oriental dè5 le XI• sittle, avant de s'enfoncer
profondément à l'intérieur des terres d ' Europe . Mais ce n'est là qu'un suni!I. C.,
empêchés au XIII<' siècle de s'étendre à l'est par la pui5sanœ mongole, é~
d' Anatolie par Gengis Khan puis Tamerlan, les Turcs redoublent d'efforts pour forœr
la porte européenne des Balkans. C'est l'Empire ottoman, qui, désormai!I, est leur
bélier. Au XIVe siècle, tour à tour, tombent la partie sud de la Serbie (qui mettn
cinq siècle à recouvrir son indépendance), la Macédoine et la Bulgarie. Pui&, au
xv• siècle, ce sont simultanément les idées grecque, romaine et chrétienne qui sont
chassées de la porte de l'Europe avec la chute de Constantinople (1453) et celle
d'Athènes trois ans après.
Jadis l'Empire byzantin verrouillait les Dardanelles et la mer Égée. ~. plua
aucun obstacle ne se trouve sur la route des Turcs jusqu'à l'embouchure du Danube.
Entre l'effondrement de Byzance et la fin du XV• siècle, ce sont donc la Bosnie,
l' Albanie, ('Herzégovine, la Bessarabie, la Moldavie, la Valachie qui sont illTilChée5 à la
civilisation européenne.
Au XVI" siècle, sous le règne de Soliman, l'Empire turc multiplie ses attaques : pas
moins de dix offensives terrestres vers l'Europe et trois en Asie. En Méd.itenara,
l'effort multinational de l'Europe connaît un échec grave avec la chute de la forteres8e
de Rhodes en 1522. Les chevaliers se replient vers l'ouest, à Malte, point de contrôle de
la circulation entre les deux bassins méditerranéens. Garantis par leur puis!lance
navale, les Turcs peuvent tenir Je littoral d'Afrique du Nord (Alger, Tunis et Tripob').
La progression impériale islamo-turque en Méditerranée s'aa:ompagne d'tme
progression vers l'intérieur de l'Europe. La défaite de Mohacs en 1526 et la prise de
Budapest en 1541 consacrent la disparition de l'État hongrois, laquelle débouche sur la
chute de la Croatie et du nord de la Serbie (Belgrade).
Entre 1520 et 1566, l'Empire ottoman a atteint son extension maximale en Europe :
la Grèce et l'ensemble des régions balkaniques et danubiennes forment en son sein ce
que les Ottomans appellent le pays des Roumis, la Roumélie.
Pourtant, depuis la fin du XV<' siècle, l'ouverture des mutes océaniques par les
Européens de l'Ouest, en direction de J' Asie 1, a ouvert la voie du déclin ottoman.
Désormais l'islam, dont les Ottomans sont le principal moteur de puissance, n'est plus
un intermédiaire incontournable du commerce entre l'Europe et les Indes. Sans doute
les Européens du xvre siècle et de la première partie du xvne siècle n'ont-ils pas
mesuré l'importance d'une révolution géopolitique qui s'étalera sur un temps
historique long (près de deux siècles) . Alors que les conditions du maintien de la
puissance turque sont minées par le ' 'olontaris me européen. l' Empire ottoman, porté
par son élan, continue à s'accroitre, malgré la grande victoire européenne de Lépante
en 1571. Au tout début du XVII•' siècle, l'Empire ottoman est démesuré. Il couvre les
territoires de la Turquie moderne, du C a ucase. de la Crimée. de l'Ukraine méridionale,
et de ce qui correspond aujourd'hui, dans les Balkans et en Europe centrale, aux États
de Roumanie, ex-Yougoslavie, Bulgarie, Grèce, Hongrie ; au Proche-Orient sur la
littoral méditerranéen, il s'étt'nd sur les cartes cont<'mporaines du Liban. de la Syrie. de
la Palestine, d'utw parti<• de l'Irak, de la peninsule ,\rabique avec le Yémen ; en Afrique,
l'Égypte. la Libye, la Tunisie et l' Algérie sont aussi ottomanes. C'est la première
pui ssance mondiale . Mais '" m.lTche vers le déchn est pourtant engagée. L't!SSOr en
puissance des nations de l'Ouest, qui puise sa source dans la rc!volution techmcienni,
du Moyen ~. soutient la croissance démographique européenne. Les Ottomans
avaient autrefois le nombre et la puissance de feu pour eux. Ces atouts leur !oOlll
désom1ais contestés. Qui plus est, la résistance des peuples européens du Centre et d~
Balkans à l'intérieur de l'Empire ne cesse pas . Certes de nombreuses conversions a
l'islam ont lieu . Mais, dans l'ensemble, les peuples de souche indo-européenne et
finn<>-<>ugrienne résistent à l'islamisation. Au XVIIIe siècle, la puissance turco-ottomane
entre donc dans le cyde du démantèlement. La logique est la suivante : une partie d~
territoires de l'Empire ottoman vont devenir des territoires d'empires européens (l1l
Afrique du Nord, au Proche-Orient); l'autre partie, en Europe centrale et orientale, va
marcher sur la voie de l' affirmation nationale.
Choc à la fois ethnique et religieux, le choc Europe Turquie montre l'irréductibilile
des deux logiques géopolitiques, européenne et turque. Bien avant l'arrivée de l'islam,
l'identité l.'uropéenne s'est forgée dans la r~sistance aux poussées de lAsie turque.
Dans l'islam, les Turcs ont été l'un des moteurs les plus puissamment anti-européen.
plus encore que les Arabes qui se sont trouvés rapidement sous les joug des Turcs.
Symébiquement, l'essence de la construction des empires des steppes puis de l' Empire
ottoman a toujours résidé dans la soif de conquête des ressources européennes (en or.
en femmes, en pàturages fertiles) .
T>ifis f!i-JHllinlf•N J. la T11"1uÎf' m00f'rn#'

La géopolitique de l'État turc moderne (issu de la décomposition de l'État impérial


ottoman) doit d'abord être pensée par rapport à la réalité de peuplement turcophone.
Le monde turc pèse l>eaucoup plus que l'État turc. Démographiquement, si l'on
additionne les turcophones des jeunes républiques indépendantes d'Asie centrale à
ceux du Caucase (.'\.zerbaïdjan) et de la Fédération de Russie, on obtient plus de
150 millions de personnes, soit plus du double de la Turquie contemporaine. Sous
l'Empire ottoman, panturquisme (l'idée ethnique de rassembler tous les turcophones)
el panislamisme (l'idée religieuse d'incarner le califat islamique uni) allaient de pair
A"ec la Révolution des Jeunes Turcs en 1908, l'idée religieuse est passée au second
plan derrière l'idée ethnique.
L'une des lignes contemporaine de la politique é trangère turque est donc sa
projection en Asie centrale turcophone et l'établissement de liens avec ses frères
"colonisés" par les Russes. Mais, dans cet effort, en plus du choc traditionnel a\'ec la
Russie, elle se heurte aux géopolitiques iranienne (le monde perse a apporté les
éléments de la civilisation urbaine aux cavaliers turcs) et arménienne (le génocide des
Arméniens trouve sa source dans l'alliance arméno-russe), c'est-à-dire à un axe
Téhéran/Erevan/Moscou . Au-delà, plus à l'est, la Turquie n'a pas oublié ses siècles de
déferlement sur les plaines fertiles de l'Empire des Han. Ainsi le Turkestan chinois. le
Xinjiang fait-il l'objet d'attentions particulières; le séparatisme armé des turcophones
ouïghours bénéficie de facilités d'entraînement sur le territoire turc. C'est donc en
s'appuyant sur le peuplement de l'ethnie turque, qui s'épanche jusqu'à l'intérieur de la
Russie et de la Oùne, que la Turquie peut prétendre au statut de puissanœ
eurasiatique majeure. Or, l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne ne
pourrait que favoriser le panturquis me . Aujourd'hui gênée par le corset de l'État
nation jacobin hérité du kémalisme, la solidarité ethnique turque trouverait dans le
droit européen la source de son redéploiement. Ce droit des minorités, combine au'
Droits de l'individu (droits de l'homme) et opposé à l'absolutisme des États, serait
alors un puissant outil au service des solidarités entre Turcs de Turquie d 'une par1.
Turcs de l'Union européenne (immigrés en Allemagne et en France), d'Asie central~ el
de la Fédération de Russie d'autre part. Des tensions entre Bruxelles et Mo...,-ou
pourraient en résulter.
Owlplln! 7. U. clviliaal1on

Si la solidarité turcophone est l'instrument de sa politique eurasiatique, l'exl.en!lion


de sa souveraineté et de son peuplement semble bien être le c.œur de la poliliqœ
méditerranéenne turque. Un premier objectif est d'obtenir Je recul de la 50UVeraineté
grecque en mer Égée, laquelle est fondée par la possession de la quasi-totalité des ile
et ilots des Cyclades et des Sporades. Les Turcs y voient là un obstacle il leur
circulation entre mer Noire et Méditerranée. Or Ankara veut IMre le lien incontoumable
des routes du pétrole entre mer Caspienne, mer Notre el Méditerranée. Un deuxîéme
objectif est la colonisation de peuplement lui permettant d 'espérer avaler un jour rne
de Chypre, relais stratégique en Méditerranée orientale el tremplin vers le monde
arabe.
À sa périphérie donc, la Turquie cherche à reconstituer l'espace d'une grande
Turquie, par la Turcophonie vers la Chine el la Russie, par la colonisidian et.!
peuplement et l'extension de la souveraineté vers l'Europe (minorités d'Europe
orientale, conquête démographique de Chypre, mer Égée).
À l'intérieur, l'instrument d ' unification identitaire a été la politique de turquisition
des minorités ethniques. L'identité kurde, qui représente un quart de la population de
la Turquie contemporaine, a été la cible principale de cette politique de turquisation.
Cette politique s'inscrit d'ailleurs dans la ligne directe des politiques d'assimilation
ethnique des grandes confédérations tribales turc~mongoles des siècles p;i!ISés,
lesquelles absorbaient de nombreux éléments ethniques exogènes (indo-européens,
chinois, arabes ou perses). Malgré les efforts répressifs d'Ankara, la turquisation des
Kurdes reste un échec. Sans doute l'identité kurde a-t-elle pu survivre gr✠4lllX
querelles entre États turc, arabes (Syrie, Irak) el Perse (Iran), dont el.le chevaucbe les
cartes. Mais si le parti islamiste au pouvoir en Turquie aujourd'hui ne craint pas
qu'une Turquie membre de l'Union européenne soit affaiblie par la qaestïon kurde
c'est parce qu'outre la carte ethnique, Ankara dispose d'une deuxième C3l"tl! de
politique étrangère : la carte religieuse.
Une idée répandue est que la Turquie kémaliste a rompu avec le panislamisme en
politique étrangère parce qu'elle est laïque. Erreur double. La première erreur tient au
fait que la Turquie moderne n'a jamais été un pays laïc. Son régime est un nationalisme
jacobin (absolutisme étatique) et musulman (l'islam,. religion soumise à l'Élat u:Ws
néanmoins religion d'État) . Alors qu'en France l'État républicain s'est construit contre
le catholicisme dominant, en s'appuyant sur les minorités religieuses. l'État kémalisle
s'est construit, quant à lui, sur le principe de l'wùformité ethnique (turque) et
religieuse (islam) et contre l'idée de communautës religieuses ou ethniques (à la
différence donc de l'Empire ottoman). Il en résulte que le nombre de chrétiens n'a cessé
de fondre en Turquie depuis les années 1920 et que leur éradication est sans~
mesure avec la lente érosion observée dans les pays arabes du Croissant fertile.
Ensuite, et il s'agit là de la deuxième erreur courante : quant bien même un État serait
laîc, sa politique étrangère ne le serait pas forcément. Songeons au fameux cri de
Gambetta à lAssemblée : ''I' anti-cléricalisme n'est pas un article d'exportation".
Dans les faits, la Turquie post-ottomane n 'a cesse de soutenir le panislamisme. Elle
a été à l'origine même de la création de ce club mus ulman qu"est l'O.Cl. (Organisation
de la communauté islamique), comme elle a soutenu, avec de l'or et des armes, la
résurgence des idenlitarismes musulmans en ex-Yougoslavie. de la Bosnie au Kosovo.
Elle dispute à lArabie Saoudite son influence sur les mouvements sunniles actifs du
territoire de la Fédération de Russie, dans le Caucase ou en Asie centrale (Ouzbékistan
par exemple) . En concurrence avec Riad et de manière analogue à Téhéran (pour le
chiisme), la Turquie moderne s'est toujours \•oulu pôle de reférence de l'islam.
s'inscrivant, par là même. dans la continuité de l'idée cnlifale ottomane. Or les
islamistes turcs ont compris. à l'oppose des kémalistes traditionnels, que la Turquie a
tout à gagner ;\ remplaœr, dans l'Europe, le jacobinisme par le panislamisme et "1
doublure p.tnlurquc
En re.1lih!. pour les Turcs, l'Union n'est pas une fin, mais un moycm qui offrirait Ul";
avantages matcrids d un p~stige auquel aucun autre pôle musulman ne pourrait
pn.'tcndre. Son .111r.teth·ité en serait alors considérablement augmentée aussi bien
auprès des populations islamiques d'Europe occidentale, turques et africaine\,
qu'auprès des populations sunnites (turcophones et iranophones) du Caucase cl d'Asie
œntrale ou bien encore des musulmans de Russie dont le sort intéresse une large partie
de l'opinion publique turque.
On le voit, l'idec religieuse (islam) rejoindrait l'idée ethnique (turcité) pour marier
ottomanisme el européisme, mariage appuyé sur une démographie forte (dépassant
l'Allemagne en 2030) et jeune, à l'opposé de la situation européenne.
Pourtant, rien ne pourrait expliquer l'inclinatton de l'Europe vers la Turquie, s'il
n'y avait une force extérieure puissante oeuvrant à détourner le projet européen vers
un proret eurasiatique.
Pour les Etats-Unis d'Amérique, la construction européenne s'inscrit, depuis les
origines, dans un projet transatlantique, lui-même moteur d'une mondialisation
économique et idéologique américaine. L'alliance avec la Turquie a été pensée a
l'époque où la Russie soviétique menaçait d'unifier sous la botte communiste l'Europe
entière. Depuis 1990, l'idée euro-atlantique a pour adversaire central, non plus la
Russie, mais la Chine, puissance émergente qui promet de devenir, à mi-chemin de
ce siècle. un géant économique et stratégique. Pour construire ce bloc transatlantique
anti-chinois, l' Amérique a besoin d'une Union eurasiatique. Le véritable guide des
élargissements européens est l'O.T.A.N.: la Turquie est une de ses forteresses
oûlitaires, tandis que les pays du Caucase et d'Asie centrale se trouvent en phase
préparatoire à l'intégration (le Partenariat Pour la Paix). Durant des siècles, lAsie
turque, le monde russe et le monde chinois se sont affrontés. Désonnais l'Amérique
veut mettre Européens, Turcs et Russes dans son camp face à la Chine, tout en jouant
l'arbitre entre ces trois civilisations en quelque sorte prisonnières du schéma
transatlantique. Tel est aussi le projet d'Israël, qui veut, pour survivre et achever la
construction de son État, garder la Turquie dans l'alliance contre les Arabes. Face à la
OUne, face aux Arabes et pour garantir Israël, contre l'entente russo-européenne et
pour arutihiler l'idée d'Europe puissance indépendante, le monde turcophone, à
l'Ouest comme à l'Est, sera demain l'un des pivots essentiels de la politique américaine
en Eurasie.
Ainsi donc, le regard porté sur plus de trois mille ans d'histoire des mondes
européen et turc montre à quel point le monde turc a été et reste un adversaire d'un
projet authentiquement européen.

2.4. La guerre de la civilisation islamique


contre la Modernité occidentalr
À la différence de l'Occident, l'islam, dans sa grande diversité ethnolinguistique,
jurtdico-religieuse et politique, conserve les éléments de sa Tradition propre.
Dans la Tradition islamique indiscutée, deux aires géographiques sont à
considérer : la Maison de l'islam et le monde des Infidèles. Soit encore, la géographie
de la Vérité el la géographie des erreurs. Tant que la "Vérité" n'aura pas triomph~ dL'S
erreurs, les deux mondes seront en guerre. C'est la raison pour laquelle la tradition
islamique nomme le monde des Infidèles, la Maison de la Guerre.
Chapitre 7. Lit clvillsntoon 547

L'objectif de la Tradition islamique est alors double : consolid~ la géographie


soumise (is/11111 signifie soumission) et élargir au reste de la Terre la soumi!ISion. Le
Coran contient un certain nombre de références et d'occurrences portant sur la
nécessité de mener un combat chez les Infidèles d'une part, à l'intérieur de Soi d'autre
part. La guerre sainte ou guerre légale est bien une obligation pour l' ensemble de la
communauté musulmane au moins jusqu'au moment où, à défaut d'être convertis, les
Infidèles paieront un impôt spécifique faisant d ' eux des tributaires. Un bon musulman
se conforme donc à l' obligation de guerre sainte, aussi bien à l'intérieur de lui-même,
qu'à l' extérieur, en portant le glaive contre les Infidèles. Un bon gouvernement est
celui qui, d'une part aide le musulman à être musulman (dans la Maison de l'Islam),
d'autre part, contribue à faire reculer les limites de la Maison de l'Islam.
La doctrine classique de l' Is lam affirme donc très clairement que l' action armée
visant au triomphe de la Vérité, même tempérée, n'en est pas moins obligatoire. Avtt
les États non mus ulmans, seules des trêves temporaires sont possibles ; en aucun cas
des traités de paix définitifs . Le droit international classique conçu par les nations
chrétiennes et repris par la civilisation occidentale moderne est donc illégitime au
regard de la Tradition islamique comme le sont les gouvernements musulmans impies
qui s'y conforment en ayant abandonné tout effort d ' expansion de l'Islam.
Ce qui est très caractéristique de la civilisation islamique, est qu' elle ne reconnait au
pouvoir temporel qu'une très faible légitimité. Sans cesse remis en cause, le pouvoir
temporel doit prouver qu'il agit conformément à la Tradition. S' il ne le fait pas, les
hadiths et les versets du Coran s ont là, très nombreux, qui autoriseront la révolll!
contre le souverain et son assassinat. En Islam class ique, rien n'a été rendu à César. Ce
qui est considéré comme despotique, donc illégitime, est ce qui s' écarte de la Charia. Et
c'est précisément parce que l'Islam est une civilisation encore authentiquement
traditionnelle que la légitimité politique s' y définit du dedans de la légitimité
religieuse. L'insurgé, le juste devient l' ombre de Dieu sur Teire, autorisé à éliminer le
Prince impie.
L'illégitimité du pouvoir, c' est bien le problè me principal que traine l'Islam depuis
des siècles et qui explique l'essentiel des soubresauts sanglants de l'histoire du monde
musulman: la fracture s unnite/chiites, les éruptions mahdistes continuelles, les
assassinats incessants de califes et de s ultans, les sectes apocalyptiques rétives à tout
pouvoir califal . .. .
Car Muhammad est mort sans laisser de Fils. Or, à la différence de Jésus-Ouist. il
était un chef à la fois re ligieux et politique. Il a donné à l' Orient une légitimité
religieuse, mais il n ' a pas légué de légitimité politique.
Aujourd'hui, la T radition islamique est en guerre contre la Modernité occidentale
plutôt que contre la ci vilisa tion tra ditionnelle occidentale, laquelle dort du sommeil
d' un volcan.
La guerre porte d ' abord contre l'occidentalisatio n du monde musulman. Ceux que
nous appelons des mus ulmans modérés sont, en réalité, les personnes qui ont quitté. à
des degrés d iv e rs , la Traditio n isla mique pour se rapprocher de la modenùté
occidentale. "L' is lam moderè", c'es t en fait le m o nde musulman occidentalisé, c' est-à-
dire modernisé , au se ns occidenta l. Et celui que nous appelons islamiste. parce qu' il est
de l' intérèt commun d e s Occide ntaux, comme des régimes musulmans modernisateurs
de le différencie r de l'autre , e s t e n fait un mus ulman authentique, c' est à dire un
croyant enraciné d a n s la Tra ditio n ü•lamique . "Les is lanùs tes s' en tiennent à la doctrine
classique, à la traditio n his to riqu •• a ins i qu'a u x textl's eux-mêmes. au Coran bien sùr et
il la Sunna, s ur les quels s ' e s t fo nrn:• le pr.,mier se ns du djihad( ... ) mon h_ypothèse est
qu' ils s ont parfaite m e nt orlh lldoxes", écrit en ce s l'ns l'islé\mologue Bruno Etienne.
Cette guerre de la Tradition islamique contre les erreurs intérieurL"
(l'o.."Cidcntalisation, mais aussi pour les trilditionalbtes sunnites, l'hérésie chiite), L'SI
év1demment complétée d 'une guerre contre les intrusions non islilmiqucs dans la
Maison de l'Islam : le sionisme, les occupations militaires américilines en Arabie
Saoudite il va encore deux ans, celles en Irak aujourd'hui. Car si les gouvernements
musulmans ont le devoir de faire accepter des prècheurs musulmans dans la Maison
des Infidèles (ou Maison de la Guerre), ils leur est en revanche formellement interdit
d'accepter l'implantation en terre d'Islam de populations qui ne seraient pas converties
ou n'auraient pas été rendues tributaires.
Selon la Tradition islamique encore, les trêves avec les Infidèles sont
temporairement acceptables, mais dès que le rapport de force le permet, la guerre doit
reprendre. La période de la Guerre froide en donne une illustration récente . Nombreux
sont les mouvements islamistes qui ont profité durant lère de la bipolarité soviélo-
américaine de l'appui logistique des services secrets américains parce qu' ils
combattaient la progression russe dans la périphérie musulmane de !'U .R.S.S. et parce
que les partis communistes et nationalistes arabes menaçaient fortement de laïciser les
sociétés arabo-islamiques. Plusieurs pays occidentaux dont les États-Unis et la Grande-
Bretagne, lsrat'I avec Je Hamas face à I' Autorité Palestinienne de Yasser Arafat, mais
aussi de nombreux pays musulmans, ont manipulé les mouvances islamistes, suivant
des logiques de court terme, en se servant d'elles pour frapper un adversaire, un
voisin. C'est grâce â ces appuis étatiques que les réseaux islamistes ont pu développer
une importante logistique armée et financière. Mais les islamistes eux savaient qu'ils
étaient alliés avec des gens qui ne croyaient à rien d'autre qu'à des intérêts de court
terme; ils n'oublièrent pas la lutte qu'ils menaient s ur le long terme.

Depuis des siècles, siège au cœur de la Tradition islamique une logique de


déstabilisation des pouvoirs temporels musulmans . Ceux qui, en Islam, agissent au
nom de Dieu peuvent s'appuyer sur une argumentation solide fournie par la Tradition
la plus orthodoxe. Ils ne font que se conformer à l'obligation de djihad; ils sont donc
les véritables héros de la Tradition islamique, ceux dont les noms, bien plus que les
chefs d'États musulmans, resteront dans la mémoire longue de l'histoire islamique.
L'orientaliste Bernard Lewis fait ainsi remarquer à propos de la fameuse secte des
Assassins que les Ismaéliens la considérait comme un corps d'élite dans la guerre
contre les ennemis de l'Islam. Les meurtriers issus de cette secte qui assassinaient les
"oppresseurs et les usurpateurs" recevaient le nom de fedayin (celui qui se drooue) et
gagnaient la félicité éternelle immédiate, sans intercession auprès de Muhammad,
comme les kamikazes musulmans aujourd'hui sont réputés intégrer le Paradis à
l'instant précis où ils quittent la vie temporelle.
L'islam agit donc depuis des siècles en guerre asymétrique contre les pouvoirs
temporels musulmans. Et cette logique asymétrique est parfaitement intériorisée dans
la Tradition islamique, qui sait qu'il lui suffira de disposer toujours, face à des États et
des gouvernements temporels puissants, de quelques poignées de fedayins capables
d'offrir leur vie en sacrifice.
La pratique du terrorisme par attentat à la bombe n'est pas une spécificité
islamique. Dans les années 1970, les bombes qui explosaient et tuaient des civils,
étaient surtout le fait des mouvements radicaux de gauche, en Occident comme chez
les Palestiniens laiques (dont les chefs étaient souvent chrétiens), ou des partis
marxistes d'Asie. li serait donc réducteur de faire du terrorisme un phénomène
islamique. Le terrorisme est un phénomène très ancien mais dont la montée en
puissance correspond à celle de la guerre moderne, à la guerre révolutionnaire, à I•
Cho pitre 7. Lo clvlll•atlon

guerre des masses, celle qui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, fait plus de
victimes civiles qu'elle ne terrasse de guerriers. La guerre des bombes.
Pas plus, la logique sacrificielle des kamika:1'..cs porteurs de bombes n'est-elle une
spécificité de la civilisation islamique. Le suicide comme action de guerre se retrouve
dons l'ensemble des civilisations traditionnelles orientales. Le9 kamikazes japonais en
ont donné l'exemple et )'écrivain Mishima en a livré l'esthétique.
La civilisation moderne d'Occident, de plus en plus étrangère à la logique
traditionnelle de l'ascèse et du sacrifice héroïque, ne retient du kamikaze que
l'effroyable résultat du geste dans un bus transportant des enfants et des femmes, ou
dans un avion venant frapper une tour peuplée de trois mille personnes.
En réalité, dans ces gestes spectaculaires et meurtriers, il y a deux dimensions qu'il
convient de distinguer et d'examiner séparément.
JI y a tout d'abord quelque chose d'authentiquement traditionnel, Je don de sa vie
qui est un acte héroi'que.
Dans la vision traditionnelle du monde, toute réalité est en effet un symbole et
toute action un rite, et il en va de même pour la guerre. La guerre peut revétir alors un
caractère sacré et la guerre sainte se confondre avec la voie de Dieu. Dans la Tradition
islamique, les deux guerres saintes distinguées, la petite, menée contre l'ennemi
extérieur l'infidèle, et la grande, menée contre les ennemis que l'homme porte en lui.
Dans l'ascèse guerrière de la Tradition islamique, la petite guerre sainte est un moyen
pour le musulman de réaliser la grande guerre sainte, celle du chemin personnel vers
Je Paradis d'Allah. On lit dans le Coran que "la vie de ce monde n'est qu'un jeu et une
frivolité" (Coran XLVII, 38). Comme l'avait déjà remarqué Je traditionaliste européen
Julius Evola dans sa Révolte contre le monde moderne, le Coran est "la formulation
islamique de la doctrine héroïque de toutes les civilisations authentiquement
traditionnelles".
Je me souviens moi de que j'avais entendu de la bouche d'un Libanais chiite, à
propos des Israéliens, lors d'un passage dans le sud du Liban: "Nous voyons leurs
avions et Jeurs chars, mais nous ne voyons pas leurs héros. Nous, nous n'avons ni
avion ni char, mais les portraits de nos héros tapissent le bord de nos routes."'
La Tradition islamique accorde beaucoup d'importance au shahid. éest à dire Je
témoin de la foi ou martyr, comme en attestent des comnlentaires coraniques et des
hadiths. Dans Je chiisme, la mort volontaire et violente du kamikaze fait office de
purification et lui assure une arrivée immédiate au Paradis d'Allah. Dès lors, le shahid
est délivré de tout péché par son rite sacrificiel et n'a pas besoin de l'intercession de
Muhammad.
La Tradition islamique s'articule aussi, comme toute Tradition et par opposition
avec la Modernité occidentale. à la polarité Homme/ Femme. La négation de la
différence entre les hommes et les femmes est l'une des raisons qui dressent
violemment la Tradition islamique contre l'Occident moderne.
Dans la Tradition (et ceci est valable dans la plupart des traditions, orientales
comme occidentales). le guerrier (héros) et l'ascète sont les deux types fondamentaux
de l'archétype masculin. autant que l'amante et la mère le sont pour l'archétype
féminin. li y a deux héroïsmes, l'un actif. masculin, l'autre passif. féminin. L'hérolSme
de l'affirmation absolue et l'héroïsme du dévouement absolu. L'islam tente de
conserver cette bipartition et l'islamisme vise à la maintenir. parfois en accentuant les
traits face à l'assaut de la modernitt' ocLidentale. laquelle pousse au contraire les
hommes à révéler une part de féminité et les femmes une part de virilité. À cet égard,

l Parulc~ cn1cmlucs près du \.0 1111,~C" ik l. ·mu ~·n \W"' . l>u. an!> plu~ 1.1nl .1 l\.·h: ~OlW.. le: l1blao çonnalt ~ Jcsavr.-iions pu
humbudcmcnl de plu!' grum.k nrnplcur ...-m:url· l lu pc..·u1 11-na,viQCll' ~uc l 'C:un J"o:s ruu ,k cc-:t tt putisaDS Ji: [)jcou ... ~ ~ 4u
llrzboll11h rc-ilc le m.!mc .
certains commentateurs font un contresens sur l'interprétation du phénomènl' dl.,.
femm<'lô kamikazes dons les rangs du Hamas ou du Hezbollah . Ils croient voir dan.• la
présence Je œs femmt:'s, le signt:' d'une progression vers l'égalité des sexe• dans la
SO(iété islamique. L<• contresens est total. Les femmes kamikmws du Levant, qu ' ell~
soient musulmanes ou chrétiennes (car il y eu\, dans les années 19110, au Liban,
quelques palestiniennes duéhennes kamikazes) présentent toutes un trait commun.
~ur action sacrificielle s'inscrivit ,; chaque fois dans le prolongement du sacrifice
guerrier J'un mari, d'un frère ou d'un enfant. Nous sommes donc dans l'héroisme
f~inin du dévouement absolu, non dans l'héroïsme de l'affirmation. Le cas de la
kamikaze p.tlestimenne ou tchétchène est en cela semblable à celui de l'épouse
indienne jetant sa vie dans les flammes du bûcher funéraire aryen pour suivre dans
l'au-delà l'homme auquel elle s 'était donnée, ou à celui de la mère aztèque qu'une
mort en cours d'accouchement amenait à l'immortalité céleste, privilège réi.ervr
habituellement au St:'ul guerrier mort au champ d'honneur.
Si l'acte sacrificiel de la mort volontaire est plus traditionnel que spécifiquement
islamique, en revanche, ce qui est typiquement oriental dans l'acte de l'attentat suicide,
est l'idée que le rachat du sang des siens puisse se faire avec le "sang indifférencié" de
ceux du clan adverse. Dans les sociétés sémites, arabe ou juive, la dette de sang est
collective. Elle n'est pas personnelle comme dans la Tradition primordiale européenne,
sans doute portée à sa quintessence par l'idéal médiéval de la Chevalerie. L'attentat
suicide aveugle s'inscrit dans la continuité des actes génocidaires déjà abondamment
décrits dans l'Ancien Testament. Un Orient de vengeance où les acteurs principaux se
battent en versant, pour l'essentiel, le sang de leurs enfants, de leurs femmes, de leurs
parents, de leurs cousins. Orient juif et musulman, Orient sémite. La notion de victime
innocente est une notion très occidentale. En Orient, en Asie, la race, le sang. le clan
font de vous un coupable. Les kamikazes tuent des enfants juifs pour frapper le
gouvernement d'Israël et le sionisme. Israël rase la maison des kamikazes en
s'attaquant à leur famille et leurs proches. Lorsqu ' un chef du Hamas est visé c'est sa
voiture et sa maison, donc sa famille qui indistinctement sont ciblées.
Logique asymétrique, logique sacrificielle, logique communautaire. Telles sont les
trois caractéristiques de cette Tradition islamique qui tente de résister ~
l'occidentalisation du monde musulman en portant sa guerre en Occident.
L'enlisement américain en Irak, qui était prévisible ne fait que révéler un peu plus
au monde musulman ce qu'il y a de fragile dans la modernité occidentale. L'orgueil
musulman est revigoré de cet échec et de ce refus irakien de collaborer avec l'occupant.
La Tradition islamique sort donc renforcée de cet enlisement américain . Ses rangs
grossissent de combattants. Nombreux sont les pays arabes qui, si des élections libres
étaient organisées aujourd'hui verraient la victoire, ou l'avancée significative d!'S
islamistes. Pour ne pas ètre occidentalisée, la Tradition islamique est prèle à livrer à ses
assaillants une guérilla terroriste sans limite; elle est capable de défier dans ses
moindres retranchements la rationalité occidentale en jouant contre elle la stratégie de
l'absurde; par exemple, frapper n'importe quel immeuble d'habitation (logique
communautaire), n'importe où (logique asymétriquL') en mobilisant suffisamment de
kamikazes (logique sacrificielle) .
Si elle voulait économiser les vies de ses enfants, la civilisation occidentale moderne
ferait donc mieux d'abandonner à l'Orient ce qui lui appartient en propre, le conOit
israt>lo-palestinien, et la terre d'Irak . Elle ne devrait pas non plus s'acharner à exporter
une modernité en terre islamique qui ne fait qu'attiser un peu plus la lrninc d"
l'Occident.
Ch.1pil..., 7 . La clvllisallon 551

2.5. La civilisation rurise face à l'islam


Début du XVl" siècle. Héritières des premières aventures océaniques (scandinave et
bnsque), les navigations portugaises provoquent une révolution géopolitique
d'ampleur mondiale. La Méditerranée n'est plus le centre de gravité du monde . Les
nations européennes viennent de mettre fin à la mondialisation commandée par l'islam
et d'ouvrir la voie à une mondialisation européenne. Doublé par le génie aventurier
des Européens, le monde islamique perd la situation d"intennédiaire géographique qui
faisait sa puissance. La caravelle a vaincu le chameau, selon l'expression de l'historien
Jacques Pirennel. Les voies caravanières reliant l'Europe à l'Asie, que le géographe
allemand Ferdinand von Richthofen nommera à la fin du XlX• siècle ''Routes de la
soie", s'effacent progressivement du système commercial mondial. Après dix·
huit siècles de splendeur, l'Asie centrale, carrefour des civilisations islamique,
chrétienne, chinoise et indienne, plonge dans le déclin.
Le XVI" siècle ouvre une ère d'expansion européenne et de recul de l'islam et de
l'Asie. En Eurasie, !'Européen, c'est le Russe. Émancipé de la tutelle de la Horde d'Or,
il entame la conquête du monde sibéro-asiatique. Au milieu du XVI• siècle, la
Moscovie est aux portes de la Sibérie et de J' Asie centrale. À la fin du XVII• siècle, les
Russes surplombent toute lAsie centrale, du Caucase à la Mongolie. Sur trois mille
quatre cents kilomètres, court une ligne fortifiée qui apparaît comme ce qui sera
beaucoup plus tard, la frontière de la Fédération de Russie. Commandée depuis la
"Porte russe de l'Orient", la place d'Orenbourg, au sud de l'Oural, la conquête et la
colonisation de l'Asie centrale commencent . . .
S'interroger sur le rôle de la Russie en Asie centrale débouche sur qui peut
apparaître comme deux énigmes. D'abord, pourquoi la Russie fait-elle l'effort,. depuis
des siècles, de contrôler une Asie centrale qui lui est étrangère en civilisation? Ensuiœ,
comment a-t-elle pu, depuis quatre siècles, et bien qu' oscillant entre contrôle direct et
influence, parvenir à remplir cet objectif constant ? Certes, les réponses varient selon
les périodes considérées, mais des constantes apparaissent, aussi bien dans les
motivations que dans les méthodes employées.
Enclavée dans le continent eurasiatique, la nation russe cherche, au XVII•siècle, à
accéder au commerce maritime mondial que les Européens de l'ouest ont développé à
partir du XVI• siècle. C'est le début de ce que !'on appelle, dès Catherine ll. la poussée
vers les mers chaudes. Plus tard, au début du XIXe siècle, Napoléon propose à la Russie
une expédition commune pour prendre les Indes à lAngleterre. Tout au long du sikle
romantique, la politique russe vise, en direction des Balkans, à accéder aux détroits
turcs puis à la Méditerranée, en direction de lAsie centrale, à gagner l'océan indien.
Mais lAngleterre est là qui bloque cette poussée : c'est le Grand Jeu, selon la formule
de Rudyard Kipling. Un siècle plus tard, Washington a remplacé Londres. La Guene
froide soviéto-américaine voit l'Empire russe contrôler les peuples centre-asiatiques au
sein de l'Union soviétique et envahir l'Afghanistan. L'effondrement soviétique de 1989
s'accompagne du reflux des Russes vers l'intérieur. Cinq États d'Asie œnttale
indépendants voient le jour. L' Amerique campe désormais aux portes de la Russie,
dans les Balkans, dans le Cau,·ase et, depuis la guerre d'Afghanistan de l'hiver 2001, en
Asie centralc2. Pour Moscou , le maintien du statut de puissance internationale face aux
États-Unis et à la Chi1w (qui émerge économiquement) passe par le '-ontrôle des cinq·
républiques musulm<rnes d'ex-U .R.S.S. L'Amérique semble appliquer à la lettre les

- - - - -- - · - - - -- -
1 A ne pas L·unh11uhl.· a..-t.:1.: 1k1111 l"1n-11111:
:! Mèmc s1 elle il <le plus l.'11 plu ~ dl' tl1tlit..-ulh.' a rL'Sh!I . l . L·~ :\11h.·111..·011m on t l.jlllrt~ l"lJuzhC'b...aui en 20(M t' P'>W' • p.s.dir..-oir
~\· acucr !eut hao;c du Kir~l111'slm1 . ils s,· ..,0111 111.: qui tté:t J ' m1 lu~· L•r ;umud .:011!0oilk"rnMcmcn1 au~Rlé
552 1'11rl1t' 3 . Pr'nUalleJICt' ,/.N ulnrlilN

pn!œple!I proposés au début du siècle par l'amiral britannique Halford J. Mackmdf'I' ·


ceinturer le cœur eurasiatique (heartland), l'enclaver le plus possible, lui refuser un
accèi à l'océan mondial qui viendrait contrarier la suprén1atie maritime anglo-saxonne.
Depuis des siècles. les ambitions russes en Asie centrale sont aussi fondées 5Ur le.
n!S$0lll'œ'S propres de la région. On rapportait à Pierre Le Grand que Boukhara
possédait une fonnidable réserve d ' or. lequel était extrait des sables de I' Amou Daria.
Après leur échec de 1856 en Crimée, les Russes cherchaient aussi de nouveaux marchés
et des œrres à donner à leurs paysans. Les terres fertiles de la vallée du Ferghana ou de
la Transcaspienne, et le coton. cet or blanc d ' Asie centrale, constituaient autant de
proies alléchantes.
Le contrôle économique et politique de lAsie centrale justifia alors un vasle
mouvement de colonisation. Migrants volontaires sous le tsarisme, migrants forct's
sous le bolchévisme. "Aux individus suspects la Sibérie, aux peuples coupables l' Asie
centrale" clamaient les Bolcheviks. Paysans dékoulakisés, Tatars de Crimée, Allemands
de la Volga. Tchétchènes, Grecs ou Coréens vinrent grossir les rangs des colons
"russes" d ' Asie centrale. Les pieds noirs de la décolonisation soviétique, cohorte
européenne faite de Russes mais aussi d' Allemands, d'Ukrainiens, de Biélorusses
refluent lentement vers leur mère patrie, victimes des politiques d'affirmation
nationale des jeunes États centre-asiatiques. Toutefois, le phénomène tend à s ' atténuer
à mesure que l'on s'éloigne de la période d'affirmation dure des nationalismes centre--
asiatiques consécutive aux indépendances .
Au début de ce millénaire, les ressources d'Asie centrale convoitées par les Russes
ne sont plus tant l'or ou le coton que les hydrocarbures. Ju s qu' à la fin de la Guerre
froide, la production de la Caspienne. c'est-à-dire pour l'essentiel le pétrole de
I' Azerbardjan (État du Caucase) et le gaz du Turkménistan, se faisait sur le territoire de
l'U.RS.S. Mais à partir de 1990, l' apparition des souverainetés étatiques à l'ouest de la
Caspienne (Caucase) comme à l'est (Asie centrale) a posé à la Russie le problème du
contrôle des ressources en hydrocarbures de ces regtons et celui de leur
désenclavement. L'enjeu pour les Russes porte, à l'horizon 2010, sur 4 % des réserves
mondiales de pétrole et 25 % des réserves en gaz. Dès 1990, les projets russes de
désenclavement des hydrocarbures suivant un axe Sud/Nord se sont vus opposer les
projets américains Est-Ouest (vers la Turquie) et Ouest-Est (vers le Pakistan, via
l'Afghanistan). L' installation des Talibans en Afghanistan fut favorisée par les
Américains et les Pakistanais pour faciliter un projet d'oléoduc, jusqu'au moment oil
les Américains furent contraints eux-mêmes de renverser le régime islamiste du mollah
Omar et de le remplacer par un gouvernement issu d'un partage d ' influence avec les
Russes. Dans les années à venir, les questions pétrolières et gazières feront l'objet d'un
partage entre intéréts russes et américains, au détrime nt sans doute de l'accès à la
ressource énergétique des Européens, des Japonais et des Chinois.
Dans la longue durée, on peut affirmer que lAsie centrale n'a jamais connu la
prospérité que lorsque des flux économiques Est-Ouest la traversaient, liant lAsie à
l'Europe et qu'inversement, depuis qu'elle est prise en te naille entre une poussée ~
venant du Nord et une contre poussée anglo-saxonne par le Sud, elle dépérit. A
l'avenir, et suivant cette logique, l'Asie centrale aurait beaucoup plus à gagner du
développement de "nouvelles Routes de la soie" terrestres liant l' Asie et l'Europe par
des réseaux routiers et ferroviaires, que du rôle que lui assigne la stratégie américaine
celui de zone tampon coincée entre le futur bloc pro-américain (s 'étalant de Vancouver
à Vladivostok selon les mots de James Baker prononcé s juste après l'effondrement de
l' U.RS.S.) et la Chine.
La Russie trouve donc en Asie c e ntrale, depuis des siècles, la satisfoclion
d' ambitions stratégiques et économique (ressource,;). Mais par quel miracle parvienl
C.,.pltre 7. La clvilisauon 553

elle à se maintenir dans une région de civilisation musulmane et a priori hostile à la


troisième Rome ?
L'U.R.S.S. s'est effondrée et cinq républiques souveraines sont nées m Asie
centrale. L'Empire russe s'est réduit à la Fédération de Russie. Pourtant, plus dequ.inu
ans après la désintégration soviétique, la Russie reste forte en Asie centrale ex-
soviétique et, au-delà, en Afghanistan. Elle se renforce même, à mesure que la présence
dméricaine établie en 2001 s'affaiblit. C'est que, depuis des siècles, confrontée à un
monde qui lui est ethniquement et religieusement hostile, la Russie déploie une
stratégie redoutablement efficace dont le principe essentiel réside dans la manipulation
des identités d'Asie centrale.
Au début du premier millénaire, la civilisation dominante en Perse et m Allie
centrale est sédentaire et aryenne, c'est à dire iranienne et tadji.ke. Puis la fulgurante
expansion de ce qui est au départ la religion nationale des Arabes, l'islam, produit
dans la région, au Ville siècle, une civilisation islamo-aryenne, citadine, lettrée et
marchande. Toutefois, ni les Iraniens, ni leurs cousins d'Asie centrale, les Tadjiks, ne
perdent conscience de leur filiation : la marque des religions anciennes se traduira chez
eux par un goût conservé pour le syncrétisme et la liberté.
Mais déjà une nouvelle race s ' affirme en puissance. Les Turcs, qui jusqu'alors
nomadisaient dans leur foyer originel (Altaî, Sibérie méridionale, lac Baïkal, Turkestan
chinois) commencent à s'épancher dans toutes les directions. Au XI~ siècle, les
Seldjoukides prennent la direction de l' islam . Cette civilisation citadine et marchande
n'a en effet jamais cessé, dans son histoire, de remettre son destin à de nouvelles forces
nomades.
Deux siècles plus tard, c'est la force mongole qui déferle en Asie centrale où s'opère
alors une fusion turco-mongole. L'administration et l'épée turco-mongoles
cohabiteront alors avec le substrat indo-européen dominant dans le commerce, la
religion et la culture. Lorsque les Russes arrivent, quelques siècles plus tard, c'est œtte
dualité turco-mongole {nous dirons désormais turque) et tadjik qu'ils retrouvent en
Asie centrale. Face à eux, la force nomade des Turcs et la civilisation sédentaire islamo-
aryenne. Chacune de ces composantes recèle un danger terrible pour la domination
russe. La première contient en elle la logique pantu.rque, l'wùtê ethnique des Turcs,
vieille logique de fédération des hordes nomades. La seconde, contient dans ses gènes
l'identité islamique de l'Asie centrale, la fusion de l'islam arabe avec l'identité aryenne
originelle. Ces deux logiques unitaires, panturque et panislamique sont nécessairement
antirusses, mais l'une l'est plus que l'autre. En Afrique noire, confronté à une
hiérarchie naturelle des ethrùes, le colonisateur français choisira souvent de s'appuyer
sur "l'inférieur" contre le "supérieur", ceci pour légitimer son rôle d'arbitre. Bien avant
lui, le colonisateur russe, choisit "l' inférieur, turc " contre le "supérieur, tadjik" . Les
Tsars créent un Turkestan russe en Asie centrale parce qu' ils savent que la force turque
peut être canalisée par l'administration russe si l'esprit tadjik est étouffé .
Quant à l'islam, il n'est pas combattu de front . La stratégie de conversion par les
missions orthodoxes est faiblement encouragée par les tsars. En effet, les Rus..o;es ont en
face d'eux, non pas l'animisme noir africain conune le colonisateur l'rançais, mais
l'islam. Catherine II choisit le compromis et établit une direction spirituelle des
musulmans d'Asie centrale. La Russie tsariste vassalise, établit des traités d 'amitié
mais refuse de s'attaquer au substrat islamique (pas plus qu'ethnique) des populations.
Les bolcheviks héritent de la méfiance tsariste à l' égard des identitês d'Asie centrale,
mais leur universalisme communistc les égare. lis radicalisent la stratégie ethnique et
modifient la stratégie islamique.
La politique des nationalit..,s lfr Staline ,·eut casser la logique panturque en
différenciant le plus possible les identités turqut>s, kazakhe, ouzbek, turkmène et
...• u· Jr,; rdmhl/,

kirghize. O..S rq.ubliques éponymes sont ..:réées dès après la révolution bolchevique.
lo!s Tadjiks sont niés jusqu'au moment où Staline comprend que pour contrôler un
Afghanistan peuplé en son nord de Tadjiks, il est utile de disposer d'un<' J'l'lilc
république tadjik au sein de l'U.R.5.5 ..
Pour éviter que l'identification d'une ethnie à une république débouche sur un
nationalisme, les Soviétiques neutralisent soigneusement l'ethnie dominante .l
l'intérieur de chaque république en lui adjoignant des minorités ethniques
importantes. Les Ouzbeks doivent composer avec des Tadjiks et des Ka7.akhs en
Ouzbékistan. Les Turkmènes avec des Ouzbeks et des Kazakhs au Turkménistan Le.
Kazakhs avec des Ouzbeks et des Ouïghours au Kazakhstan ... Et chaque fois une
minorité russe joue un rôle d' arbilTe essentiel.
La carre ethnique ne doit donc surtout pas coïncider avec la carte des républiques,
faute de voir des nationalismes homogènes menacer un jour la prépondérance russe ..
La dimension unitaire de l'islam est également combattue. On crée plusieurs
directions, et on s'attaque même aux piliers du système islamique, les écoles, les
mosquées et les tribunaux de la charia. Les Bolcheviks radicalisent la prophétie de
Renan: 'l'islamisme ne peut exister que comme religion officielle ; quand on le réduira
à l'état de religion libre et individuelle, il périra" (E. Renan, Peuples sé111itiq11es, Paris,
1862).
Jamais le principe divide ut irnperes n'aura été appliqué plus cyniquement que sous
la Russie communiste. L'Empire tsariste avait contrôlé et colonisé par compromis.
L'Empire bolchevique, lui, vole directement les richesses (décret de spoliation du coton
d'Asie œntrale de 1918) et opère méthodiquement à l'intérieur des logiques
identitaires (pan turque, pan islamique, majorité contre minorités) pour consolider
partout le pouvoir russe. La mémoire identitaire de l'Asie centrale retient deux chocs
violents, qui sont aussi deux drapeaux rouges, les Mongols et les Bolcheviks. Fail
quasiment unique dans l'tùstoire de toutes les colonisations : à force d'affamer les
populations autochtones, le gouvernement ouvrier des Bolcheviks provoque en 1919 la
coalition des colons russes de la vallée du Ferghana avec les rebelles turcs.
Fruit de plumes influencées par le marxisme, une grande partie de la littérature
française traitant de l'Asie centrale est complaisante à l'égard du rôle du bokhe\'isme
qu'elle juge émancipateur. On y parle de l'émancipation de la femme musulmane en
oubliant de préciser que les Bolcheviks extirpait cette femme de sa famille pour la
réduire en esclavage dans des champs de coton arrosés de pesticide ou pour la mettre
au volant de tracteurs sur lesquels elle finissait par devenir stérile ...
La vérité est que la colonisation tsariste, à l'image de celle de la France en Afrique
noire, fut bien plus civilisatrice, éclairée et tolérante pour les cultures d'Asie centrale
que ne le fut, après elle, la période soviétique. Mais Staline aura néanmoins légué à la
Russie post-soviétique, cinq républiques souveraines affaiblies par leurs divisions
intestines et malléables à souhait. Toutes dirigées par des ex-dirigeants du Parti
communiste, élus chacun à plus de 95 % des voix sans aucun candidat opposant. Tanl
que le panturquisme et le panislamisme seront affaiblis, ou qu'ils seront récupérés par
un peuple (ouzbek notamment) pour dominer ses voisins, la Russie conservera son
rôle d'arbitre et pourra offrir sa protection militaire en échange d'une allégeance
politique (forte pour le Kazakhstan, le Kirghizstan ou le Tadjikistan, moindre pour le
ÎUlkménistan et l'Ouzbékistan).
Au fond, la Russie, souvent caricaturée dans les pays occidentaux (surtout depuis
qu'elle n'est plus communiste mais nationaliste), continue d'appliquer avec cfficacilc
les méthodes de la Realpolitik fondée sur la prise en compte des logiques et divisio1t<
identitaires de l'adversaire.
Chlpiltt 7. L, ci.vihsat1un

2.6. Lu l(Uestion des frontières de la civilisation européenne


Durant la Guerre froide, privée d'une Allemagne forte, et face à la menace
soviétique, l'Europe ne disposait d'aucune autonomie stratégique. Rares étaient alors
les nations dont la politique étrangère s ' écartait de la logique des blocs; le choil( était
entre atlantisation, neutralisation ou finlandisation. En 1990 cependant, la réunification
de l' Allemagne et l'effondrement soviétique permirent. en théorie, une refondation de
l'indépendance européenne. Quinze années ont passé et aucun pôle européen n'a
émergé de la scène internationale. Bien au contraire, le mondiahsme américain a pris
davantage d'ampleur. L'O.T.A .N . s'est projeté jusqu'aux frontières de la Russie en
intégrant l'ex-périphérie soviétique et la politique étrangère de la majorité des
membres de l'Union européenne reste atlantiste. Le destin de l'Europe est-il pour
autant scellé ? Le penser reviendrait à croire que soixante ans de lien transatlantique
peuvent effacer trente mille ans d'identité 1 .
Un projet européen ne peut en fait se dessiner, en dehors du mondialisme et de
l'atlantisme (le second n'étant que facilitateur du premier), que si l'on revient aux
réalités géopolitiques. De celles-ci découlent les besoins d'identité, d'unité et de
sécurité, qui dessinent les divisions naturelles de l'Union, tant à l'intérieur, qu'à
l'extérieur.
L'Empire romain n'était pas seulement méditerranéen. Il était bipolaire. Nourris en
son sein, luttaient la culture européenne de l'aristocratie romaine traditionnelle et la
culture orientale des Sémites et autres peuples asiatiques en contact avec la
colonisation romaine. La rupture était inéluctable car les deux tendances se
radicalisaient sans cesse davantage, la première (Rome) ressourcée par les apports
germaniques, la seconde (Byzance) engagée sur une pente de J'orientalisation culturelle
qui devait la conduire à s'abandonner à l'islam. C'est l'islam justement (souveno-ns-
nous d'Henri Pirenne) qui, en fermant la Méditerranée, rend possible l'idée
européenne. Charlemagne est impensable sans Mahomet, et la première Europe est
bien celle des Carolingiens. Ce premier Empire européen est celui des Francs; il est
centré sur les pays du Rhin et du Rhône (qui prend le nom de Lotharingie) s'étendant
des Pyrénées à !'Elbe, des îles frisonnes à la Lombardie et la Toscane, des marches de la
Bretagne jusqu' au territoire de l'actuelle Autriche. À quelques rognures près, le
premier empire européen coïncide avec le noyau fondateur de la construction
européenne en 1957 (traité de Rome): la France et l'Allemagne de l'ouest qui en sont
les deux piliers, l'Italie (seul le Nord appartient à l'espace franc). la Belgique, le
Luxembourg, les Pays-Bas.
Ce "cœur nucléaire" de l'Europe, auquel il faudrait ajouter la Suisse, n'a connu
aucune domination extra-européenne dans toute son histoire. Ni lAsie, ni les poussées
nomades eurasiennes, ni le communisme (une autre face de la mentalité asiatique). ni
l'Islam n'ont jamais violé le sanctuaire de notre civilisation.. Le premier espace
géopolitique de l'Europe, son noyau central, est donc le territoire de la communauté
franque, avec Je Rhin comme pivot stratégique et qui fut dispersé par les traités de
partage du lXc siècle.
Dans l'Union européenne élargie, quatre autres espaces geopolitiques, chacun doté
de leur propre cohérence culturelle, chacun point de départ d'au moins un projet
politique de dimension impériale (régional ou mondial), forment la périphérie
encadrant le noyau fondateur . Les espaces danubien, baltique, méditerranéen et
atlantique.
Prenant Sc\ soun:e t!n territoire frt.1nc, lt! Danube s'étire ;u~qu'aux avant·po!tlt~ dt·
l'islam et meurt t'.ice à la st.,ppe ukrnini.,nnc . Le monde danubien alteignit l'apogl'C •lt
son unité sous les l-lilhsbourg. mais l't!chec de l'intégrai-ion des Serbes, peuple le ph"
importilnt Je 1.1 réginn à c<'lté des Allemands et des Magyars, déboucha fmalemenl >ur
la dislucahon de 19HI On range dans .:et espa ce, l'Autriche, la Hongrie, la Tchéquio. fa
Slovaquie. les nouvl!aux États nation issus de l'écl,1tement de la grande Yougoslavit.
ainsi que la Roumanie et ln Bulgarie. Ces États (à l'exception de lAutriche, de la Serbie
et du Monti!négrol) sont p<issés directement du statut de périphérie soviétique (Gucrro
froide) à celui de périphérie américaine. Auc un ne tolérera un espace franc
puissamment reconstitué (d'où leur méfiance à l'égard du "moteur franco-allemand')
qui les ranger.ut dans la situation de périphérie stratégique. Washington les mamlitnt
dans la crainte de l'Europe-puissance autant que de la Russie, et s'offre en contrepord•
au" pretentions du noyau fondateur . C'est donc plutôt vers la reconstitution d ' un pôle
danubien (jouant le rôle stabilisateur qui fut celui de l'Empire austro-hongrois), unifié
et partenaire du pôle franc, qu' il serait naturel de s'acheminer. Rappelons qut
l'influence mondiale de l'Europe resta incontestée aussi longtemps que le triangle
Paris/Berlin/Vienne contint trois grandes puissances (France, Prusse et Autriche.
Hongrie). 1918 éclipsa Vienne, 1945 Berlin. Resta Paris, mais l'Europe, dans .an
ensemble, ilvait cédé son rôle mondial aux États-Unis et à la Russie. Aujourd'hui c'est
le quadrilatère Paris/Berlin/Budapest/Belgrade qui a vocation à établir un partenariat
stratégique fort avec Moscou.
l'espace baltique, qui a été régulièrement le siège d'un projet impérial de la
Baltique, est également doté de sa propre cohérence géopolitique. Sa loi fondamentale
est qu' aucune grande puissance riveraine de la Baltique, ni la Suède, ni le Danemark,
ni l'Allemagne, ni la Pologne, ni la Russie n 'a jamais réussi à unifier les deux rivages
dans un mème empire.
De l'espace atlantique, du Portugal et de Grande-Bretagne, sont parties des
tentatives d'Empire universel, et des efforts conjugués pour enrayer toute construction
européenne (Saint-Empire, tentative napoléonienne) . Ces deux États, dont les
productions coloniales sont deux moteurs du métissage généralisé (États-Unis et Brésil)
sont aujourd'hui des piliers de l'atlantisme européen, conformément à la longue dure.
de leur histoire. Ils n'ont aucun intérêt à passer d'une position centrale au sein d'un
bloc transatlantique à une position excentrée en marge d'un Empire européen.
l'espace méditerranéen enfin, dernier flanc du noyau de puissance européen, ..
déploie sur les trois péninsules sudistes de l'E urope : l'ibérique, l'italienne et la mer
Égée . La Grèce et ses colonies antiques, Rome e t Byzance y sont les trois grandes
réalisations impériales. Bien qu'apparte nant au noyau fondateur de l'Europe, la Franœ
et l'Italie y retrouvent l'Espagne, la Grèce, Chypre et demain sans doute lAlbanie qui,
bien qu'islamisée par les Ottomans, n' e n est pas moins européenne par sa situation
géographique et par sa souche ethnique.
L'Union européenne à vingt-cinq n'est donc pas un monolithe. Elle est la réunion
de cinq ensembles géopolitiques qui ra ssemblent des États pouvant appartenir à
plusieurs espaces à la fois: la France, plaque tournante de l'Europe, est à la croisi'e Jcs
espaces franc, méditerranéen et atlantique, tandis que lAllemagne, deuxième poumon
de la communauté franque aux côtés de la France, rayonne en direction de l'"spa.-~
baltique et de l'espace danubien. Par ailleurs, chaque composante de l'Europe design'
des directions naturelles de politique extérieure d e l' Union: l'cspact! méditcrranéi!n J
vocation à développer une politique euro-arabe, l'espace baltique une poli tique russ<.
l'es pace danubien des politiques russe et turque, l'espace atlantique une polit1qu<

1 lmiêprnJiin1 ÛC:('IUIS }(Jl)6


Clwpitre 7. La civilisation 567

transatlantique, quant au noyau européen, il a pour rôle d'assurer l'équilibre entre ces
tropismes el d'assurer ainsi à l'Europe une place mondiale.
L'histoire a montré que toute tentative d'unification de la presqu'ile européenne au
détriment de l'une des parties a provoqué des alliaru:es de contrepoids parfois estra-
européennes. Hier la France se tournait vers l'Empire ottoman pour ne pas èln
absorbée par le Saint-Empire, aujourd'hui l'ensemble des puis6anœs entourant le
noyau européen se garantit par J' Amérique.
Le renforcement de l'identité et de l'unité européennes passe doru: par la prise en
compte des compartiments internes de l' Europe ; le réalisme histQrique commandant la
consolidation des parties dans un ensemble confédéral plutôt que l'mtegration fédérale
du noyau européen contre ses périphéries. Il passe aussi par une limite clairement
établie des frontières extérieures de l'Europe dont dépend, en plus, le renforcement de
sa sécurité.
Dotée de nombreux traits culturels et ethniques européens, la Russie n'est
cependant pas une puissance européenne. L' État des Varègues, ces Vik.ings de l'Est,
s'est effondré au début du Xflfe siècle pour laisser la place à deux cents ans de jpug
mongol, donc asiatique, qui a opéré de profonds changements phystques dans les
populations. Et c'est bien ce caractère asiate de la Russie que les troupes allemandes
défaites ont vu arriver dans les ruines de Berlin en 1945. Par aillews, une puissance qui
a une façade sur le Pacifique est au moins autant asiatique qu'européenne.
Il existe de nombreux critères pour différencier, en Eurasie, ce qui est du damaiJle
de l'Europe et ce qui est du domaine de lAsie, au premier rang desquels la rencontre
du sang et de la civilisation, c'est-à-dire le mariage entre des cultures ethno-
linguistiques romanes, germaniques, celtes, baltes, finno-ougriermes et slaves avec le
christianisme. Mais un autre critère d'européanité, fort bien vu par le géopoliti.c:ien
autrichien Jordis von Lohausen, découle lui de la dynamique des peuples.
L'expansion vers l'Est est un fait européen, l'expansion vers l'Ouest IDl fait
asiatique. Après que l'Ouest européen ait été peuplé, que les forêts aient été défridtées,
que les premiers États-clairières1 séparés par d'inunenses vides forestiers se soient
agrandis jusqu'à se toucher (les territoires de séparation devenant alors des ligne;
frontières), les États européens se sont mis à grandir vers l'Est. Ce ne sont pas
seulement les paysans allemands qui ont marché vers l'Est à la recherche de ll!rTe
(Drang riac/1 Osteri), ouvrant ainsi, dans le plus haut Moyen-âge, la question coloniale
allemande, laquelle s'achèvera dans le quasi-suicide européen de 1945; .::'est l'Espagne
qui s'est projetée vers la Sicile, le Milanais et les Pays-Bas; la France, vers la
Bourgogne, l'Alsace et la Lorraine ; Venise en diœction de la Dalmatie et du Levant;
l'Autriche vers la Hongrie et celle-ci vers la Transylvanie, la Saxe vers la Pologne, la
Pologne vers la Russie et l'Ukraine, la Russie vers la Sibérie .. . Et c'est, au contraire,
lorsque Prussiens et Russes se sont retournés vers l'Ouest que l'Occident a vu lAsie en
eux . La perception des peuples est ainsi modifiée par leur mouvement : les Russes de
1905 face au Japon sont regardés comme des Européens, la maree rouge atteignant
l'Elbeen 1945 est vue comme asiatique.
La presqu'ile europ~nne s ' arréte donc à l'Est, •fans le goulet d'étranglement de
l'Eurasie tendu entre mer Noire et mer Baltique Protégé par les Alpes, les Carpates et
les montagnes balkaniques, s'étendant entre Bratislava (Slovaquie) et les Portes de fa
(d'où Je Danube glisse vers la plaine Bulgare). le bassin pannonien (Hongrie,
Transylvanie, Serbie, Croatie, Carinthie) est un pilier de la défense de l'Europe: il a
barre la route à l'Islam qui marchait sur l'Occident et à la Russie qui cherchait à
ntteindre la Me!..iltcrran(>e (dumnt la Guerre froide, n contrario, (., contrôle sovl<'tlqu<
de J ' ~pace dnnubil"'n a donn~ nux l~ussl.•s un accès à la Méodilerr.-.nêl!') .
Mais au Nord-Est C"n revnnchc. le goulcit d'l'lrnnglcml.•nl curn~ien n ' c~l plurt ,.;aranli
naturellement . L'Est de l'Elbe s'ouvre sur les plaines infinie•,. de 1' A"i" Lar11e d"
3 000 km entre l'oc~n Arctique et la frontière irnn lennc, dl" 1 500 km entrt• la '""'
Blanche ct ln mcr Noire, de 1 000 km entre le Golfe d e l~iga et les Carpate~. la plaine
eurasiatique ne ce~c en t!ffet de se rét-r~cir, l'entonnoir ne faisant plus que 500 km
enlTe Craco\•ie et Kaliningrad (Kt\nigst>t.rg) . La dc'.>fensc de l' Europe face au>< plaine.. Jo
l'Asie passe donc par lc conlTllle absolu des plaines de la Vistule (Pologne) de l'Odertot
du Neiss<> (Allemagne). D' ou l'importance de la profondeur stratégiquc du terriloire
polonais. La Polob'Tle est le glacis protecteur de l'entonnoir eurasiatique, donc de lou1
l'Occident européen.
Le dessin de l' Europe naturelle est donc net . Il s'arrête aux frontières de la lfossie el
des rivages roumains de la mer Noire, au dc'.>troit du Bosphore et suit les rives Nord d<
la Méditerrnnœ jusqu' au détroit de Gibraltar. Même si elle présente d'incontestables
trnibl dvilisationnels européens (à la différence de la Turquie, domaine de l'Asie)'.
l'Ukraine. Immense plaine ouverte sur l'Est, n'a pas vocation à faire partie du bloc
européen .
U. définition d'un véritable projet géopolitique européen, rompant avec le schéma
directeur de la construction transatlantique (lequel projette un élargissement d•
l'Union prenant le Caucase et tout le monde turcophone jusqu' aux frontières de la
Chine), tient au rôle pilote que pourraient avoir les espaces franc et danubien. En 1991.
le triangle de Visegrad (Hongrie, Pologne et Tchécoslovaquie) s ' était form~ pour
préparer son adhésion à l'Union européenne. Plutôt que d'intégrer l'Union europœnno
en tant que périphérie atlantisée, les pays d'Europe centrale et orientale auraient dO
approfondir leurs relations dans une sorte de Visegrad élargi aux Serbes et aux
Roumains . Cela n'a pas été fait. Désormais le risque est grand pour la France el
lAllemagne de voir une coalition hostile dont l'âme serait à Londres et Washington se
former contre leur rapprochement. La Russie elle-même ne soutiendra jamais le projct
européen si les espaces danubien et baltique ne redeviennent pas des moteurs de la
coopération euro-russe. Quant à la politique arabe de l'Europe elle est compromise par
la refondation israélo-américaine du "Grand Moyen-Orient" (du Maroc à la Caspienne)
dont le but est, d ' une part de faire échec à l'unité arabe et aux Palestiniens, d'autre part
de contrôler le réservoir pétrolier du monde.
Faute d ' avoir respecté, dans le même temps, sa divers ité nationale et sous-régionale
(les espaces géopolitiques) et son unité civilisationnelle, l' Europe est fortemenl
menacée de dissolution dans le mondialisme (Amérique-monde, immigration massi1•e
venue d'Afrique et d'Asie, déclin démographiqu e sans précédent). Désormais, seul le
surgissement de figures d'exception dans les territoires francs et danubien pourra.il
briser une dynamique de construction transatlantique avançant sous le masque
européen et établir les fondements d'une construction authentiquement européenne.

1 Vou notn: an1dc 1w la 11èopoli1iquç dc. l• l'urquic , NRll , n° 16. Jimvi i:r·fëvncr 200~
CHAPITRE 8

LE NOMBRE

"IA gra11de11r des rois .•e mesure par le 11ombre dt!6 sujel•".

Sébastien Vnu ban, Projel 1/e tlime royale (1705)

La démographie est une dimension constitutive de l'identité collective d'une


communauté - clan, ethnie, peuple. Elle admet un point de vue statique : il y a les
'peuples nombreux", en valeur absolue et ou en valeur relative - densité de
population par rapport à la terre - ; et également un point de vue dynamique : un
peuple a une courbe démographique dans l'histoire, et une variation relative â ses
voisins ou concurrents. Ces deux dimensions justifieraient que la démographie soit
traitée, non seulement dans cette partie consacrée à la permanence des identités, mais
aussi dans les parties consacrées aux facteurs de changement de la géopolitique. Nous
avons préféré regrouper les deux aspects dans un seul et m~ chapitre que nous
consacrons à la démographie comme composante identitaire.
La démographie étant une science à part entière, qui dispose de ses propres outils
et raisonnements, la prétention de ce chapitre reste très modeste : elle vise à souligner
l'importance du "nombre" dans l'analyse géopolitique et la nécessité qu'a cette dernière
de travailler, une fois de plus, en liaison étroite avec les résultats d'autres disciplines.
Le rapport direct de la démographie à la géopolitique découle du double rapport
entre d'une part la démographie et la géographie - le nombre d'hommes qui peuplent
une terre- , d 'autre part la démographie et la puissance : si la puissance militaire
dépend de moins en moins du nombre d'hommes, le nombre d'hommes d'une nation
augmente cependant statistiquement les moyens de celle-ci de se doter d'outils de
puissance qualitativement meilleurs. Comme le fit remarquer le demographe Alfred
Sauvy, un club du troisième âge ne produit plus guère de champions ; tant il est vrai
que la sagesse et l'expérience n'ont de valeur que si elles s'appuient sur l'énergie
créatrice de la jeunesse.

l. L'origine du nombre

1.1. Pourquoi la Chine est-elle nombreuse?


L'origine de la démographie énorme de la Chine est à chen:her dans le lien entre la
culture agricole et la reproduction humaine 1.
li y a deux mille ans, les confins du nord de la Chine comptent déjà pres de soilw11e
millions d'habitants; ce nombre reste stable jusqu'au X" siècle, puis il double entre le X•
et le XIII" siècles ; il recule à nouveau à cause de pandémies qui frappent aussi l'Europe

1 r. GF.N'n :LLf. C'him~ ,., ..d" UJWTfl ~, Paris. H hpSC!\, :woo, ~· t) ll " L~·s du...sicn; du Copcs C1 œ r .~- . p. .W-CU ; \>1MI'
IUlsÎ · P C.C. HUANG. The / 1 t·u~1 ml Fumil.r 1md H1mJI 1-~'·•:llJJ'f'lc-ni ' " 1h.,. Ywtg;t f.lt.ltf.I. l t.1Q.ISllM, 5'1nbd. SllDbd U~
Pn:... 1990.
560 l'nrl1c .l. l'rnumu.•11i:~ Jr, itltnlJtn

et le Moyen-Orient. L'évolution de IR population chinoise est ensuite la !luivante cntrt


65 et 80 millions vers 1400; 100-150 millions vers 1650; 200-250 millions vers 1750;
plus de 300 millions à la fin du XVIII<' siècle; autour de 450 millions vers 1850 ,
650millions en 1950 et aujourd'hui plus de 1,2 milliard soit plus des 1/5 de la
population mondiRle 1•
L'aa."TOissement considérable de la population chinoise est directement lié à une
stratégie agricole. L'ethnie Han est originaire du nord de la Chine. Elle commence par
d~boiser les forl!ts 2 qui bordent les steppes intérieures de l'Asie lesquelles sont trop
pauvres pour permettre un développement agricole. Les efforts des Han sont ruin~
par les pluies, l'instabilité des sols sans arbres, l'érosion. Les Han se déplacent alors
\'ers le Sud pour chercher de nouvelles terres . Les sols de loess du cours supérieur du
fleuve jaune leurs permettent de développer une nouvelle agriculture fondée sur la
maîtrise de l'eau et de l'irrigation. Ayant acquis ces techniques, les Han descendent le
fleuve jaune. C'est sur le cours inférieur et ses ramifications qu'ils cultivent le riz.
Celui-ci fournit plus de calories à la surface cultivée que les autres céréales - millet,
sorgho, orge. Vers 500 av . J.-C., les Chinois ont mis en place un système de rendement
agricole élev~. Entre le Ville et le XIII• siècles, les Han continuent de progresser vers le
Sud dans le bassin du Yang-Tsé4 • Dans cette région, le climat est encore plus favorable :
les hivers sont doux, les étés sont longs; deux cultures annuelles sont possibles. Les
Chinois lancent la culture en rizière et, grâce à l'utilisation des variétés à croissance
rapide, parviennent à produire trois récoltes annuelles, ce qui est exceptionnel 5 . Pour
produire de plus en plus dans des terres limitées en surface, il est nécessaire
d 'augmenter la main-d'œuvre humaine el l'utilisation d'engrais - eux aussi d'origine
humaine. Les Otinois emploient entre 60 et 80 personnes à l'hectare6 et le rendement
de leur agriculture en rizières devient près de 3 fois supérieur à celui des cultures
sèches; ils disposent, dès le XIII• siècle, de l'agriculture la plus performante du monde.
Mais la conséquence démographique est i.Jnportante ; l'État des Han a de plus en plus
besoin de OUnois pour produire; et plus il produit, plus ses besoins alimentaires
augmentent; de nouveau le besoin d'hommes se fait sentir. Les Chinois ne font pas
appel à la main-d'œuvre étrangère - nous verrons que d'autres peuples optent pour
l'esclavagisme plutôt que pour l'autosuffisance en matière de main-d'œuvre - ; ils
doivent donc procréer davantage. C'est ce qui explique la précocité du mariage chinois,

1 DS. LA.NOES. R1 cltess~ rt pouirrtt? dr!.$ "ot1on." (Pourqum d4•.r r1cl1L'S .,, Pm11q11u 1 ,le.\· pwll'rc.t " J. Pans. Albm M ichel , 1998,
p 41-SO (tnduit de Tit.e Wealth :ind Povcn:y of Nati ons. Why some arc m :h and som c so r oor )
l Voill cnc~ un ncmple de hm avec un ;:iu1rc facteur géopoli11quc, le relief "les fnr..:t'i l.llU\lnraicnt 1::?5 millions d'hC"CtlJ'ts.
sou 12.5 ,. de la superficie de la Chine { 1 L':m c 1ennctè des dêfnchcmcnt s dus à une pnp11lnt1on m111nri1u1remcn1 ag.ncolc m
Oinc du Nord et en Chmc ccntr.:llc 11 fait qu'il ne reste souvent que des pcuplcmcn•'i sur IC'., pente., cl les sommcLS des munla~
La dl!baiJ.c:rncnts sorH si anciens qu' ils ont .sou"·cnt fait di sparaître lc.s foréLc; urig1nl.!llr.!s dans k s vallées et sur les basses paun. U
pratique de l'Ccobuagc dam les monwgncs bom:cs du Sud-Oucc;l. oU 0111 étC contr.11nl\!.., Je ~c rCfug1cr les p o pulations 'abongcnc:s'
Ion de!. vagues ruccns1ves de peuplement Han . a 3uss1 cuntnbuc ii la th o,;p;i ntmn rrêquc ntc de 111 forê1 1'lflm1t1\·c.· . 1n
p GENTELLE. Cl11~~1 •rfimporo·. Pans, Ellipses , 2000, cull . "L.:s dossier-; Ju ( .1 pc ~ et de !',\ grêgatmn". p 40.
3 Majauc dt l'appnn·is1onncmcn1 en eau ; usage des animaux de Irait püUT le l.1hou r . dê.,.lu:rh.1 ge intensif. ullli~hun mtnuuc
d'engrais - n.crémt11ts humains cl d'.;mimau.-
4 Cc ra1YDI lrs populations auluchlones ~ni repo ussée s tians le!. molllilgn c-; . le.., rnmunl~!. nHmlai;nardcs de C"hinc SUI\!~

Ramtquons. que now conM.aluns là le même phêno mè'nc i.le repli Jcs 1rn11orih!s dan" l;1 nmnlagnc qu'nu Moycn·Onc-nl -
KWmaliquemnn •htt01cs· rehg1cuscs en montagne , plaine sunnuc "ks pc urlcs r111nur1t;11rcs 1101 ucc11p11icn1 ks h:rn-s de rla1nc
avanl J'arriv6cdcs Han a\'BÎenl d~jà '•C c.onlraints de se replier dBns le!i .-:1>ncs mon111gncu'4cs et 11'uvn 1ent ras enct1 rc C1C sni\"is ~Io
nouvcam imnugruns Jlan. Aujowd'bui encore. Io .1..onc ~u'119 occupent d oms lo4m:lk 1J .,. sont J..:vrnus nunurilairt:to: · - cum:~J"l>nd
lf'b C1A':temm1 ald. rebords monui~cuJ; de ha pmvm<..c ", m I' (jENTl·:LLE . Cï1in1 · , ., "diu.v uw11" , l 1 <1r1". Elhp ~cs , .2000, 174 r . ,·l•ll
•Les dou1cn du Capes Cl~ l'Agttgo1 1onw. p . 122.
S L 'u1ilîsa1Jon d 'c:r.cttmen1 dc:v1cn1 4ua.s1-mdus1ncllc
6 Sur WJ.t: telle IW"facc, la cullure amériC4inc du htc n"cn emploie qu'une , mppcllc 1> S L undc!'I
Clwpilre 8. Le nombre 561

l'importance de la progéniture et le fait que les Chinois ne se préoccupent guère des


considérations matérielles dans le mariage, comme cela sera le cas en Europe; les
Chinois n'ont pas le temps de penser à faire "un bon mariage", ils doivent procréer, et
\•ite 1 . Quant aux pauvres filles qui naissent, elles présentent Je désavantage d'un
rendement au travail inférieur à celui du mâle, tout en consommant comme œlw-ci.
On connait le sort qui fut longtemps réservé à un grand nombre d'entre elles par la
pilysannerie chinoise2.
Une autre conséquence géopolitique est la fermeture chinoise au monde. La Otine,
qui n'a en effet besoin de rien d'autre que de sa démographie propre, se fenne. C'est le
processus inverse que nous observerons chez les Européens.
À la saison des pluies, les forts rendements agricoles de la Chine néœssitaient une
milin-d'œuvre 30 fois supérieure à celle de l'Afrique par unité de terre cultivable, 40
fois supérieure à celle de l'Europe, 100 fois à celle de l'Amérique3. ·
Notons bien que toutes les civilisations fluviales - c'est vrai en Mésopotamie et
autour du Nil - firent toujours beaucoup d'enfants pour répondre au rendement
important que la géographie pouvait leur donner.
Il y a une autre conséquence à cela : lorsque le rendement agricole augmente, la
production finit par créer des surplus. S'il y a des surplus, alors tout le monde n'est
plus obligé d'être agriculteur. Les villes - c'est-à-dire en fait, "là où l'on ne cultive
pas' - peuvent naitre avec des artisans et des marchands - qui apportent les biens de
consommation aux uns et aux autres. En Mésopotanûe, les grandes cités anciennes
trouvent leur origine dans ce phénomène. En Chine, elles s 'agglutinèrent sur les côtes,
ouvrant les mers aux marchands chinois.
Carte 77 : Les religions en Asie

1.2. Pourquoi la civilisation européenne a t-elle progressé


plus que les autres ?
À l'inverse du cas chinois, l'Europe est caractérisée très tôt par un ratio
terres/hommes élevé. L'Europe est pauvre démographiquement, elle manque de main-
d'œuvré. Elle doit donc devenir ingénieuse, faire travailler les animaux puis les
machines. Elle doit innover. Même avec cela, pendant longtemps, l'Europe souffre de
ne pas avoir les terres richement fertiles du bassin rùlotique, de la Mésopotamie ou du
bassin du Yang-Tsé. Sa capacité à nourrir est lirrùtée et limite sa démographie. Au
Moyen-Âge, la société accepte très bien le célibat ou le mariage tardif. Les enfants sont
une charge en cas de disette5. Les maisons sont de taille réduite, et les Européens

1 El lout cela \•o très loin dans les sléf'éotypt."S le P~JugC- p.:'1'1Uli1in: eun.1pêL-o est de railler le chinois c:a amom- Cl de limiltr-
chunp des possibles à. Io '"fomcusc rosit ion du mis.summure" : 1..."C J'ltêJugé souhpc C"'-~ une fois que le~ n'.a ~le~ dt:
~du plaisir. qu'tl doit procréer c\ , ·11c .

l 01J leur \'&lorisa11on par une prostitution 11\B..'i..."i'·~ Jan5 ks ''illes .


J 0 S. LANDES , H.ù:ht·ss•· 1'1f'<lll\'r,•té1/..>.o; n.11ion.\ rP.m"'luor J1•.'f ri.:h1..·.'f ·• Pow'Vuoi Je._,. ptDl\-rn :'1 . Paris. Albin Michd. t9'8..
p. .U., (lnlllu11 <le The \Vcnlth ami Povcrty ufNatwns. \Vh~· somc 11tt nch and sornr su PJ'Of"}.

°"·Aucun d('oCumcnl ll'cnscmtik. en <.kh..in; du O\lll'k:~:IY Ekt\lk p.>ur l'Anl!l!ctcm: J.: 10~ ('f de rEw des parais:IC5 et des. te.a
pour b Fra.nec Je lJ2M. ne ~mtct J'êvulu.::r ks poru1ation...:; nN!J1t,·aks . En rabs.=n'""'C de toUl ~ nœ .tCIUl'ttS 1k pc'll"'*-
~u·liœ 1nd1rttt1..-s. mais dies ~ont ~onconhmh.."S . \'cr.o l'an Mil. ~uls qudqucs tenuirs ltCs nt..-hc-s 1."11 He de Frace. E~OM.IMlie- .

Mlftl dcruimcnt pcuplCs 1\i•lcu~. l'll4.'."\.'U(')al1on Je~ sols est lâche-, wnrc inc.11;i~1an1c- daJb J'irmncnscs ~ • fOttts - die: 58 4 .
7o •o Ju royaume de Gcmum1c J"· hn•u:o ~1 1lll·~ ou •.k nuu'\."cug\.--s . L'Eun..,pc ~t .d on; WlC' '""O'C' à col\Xl&SCI", offcrœ i uar~

~UlntdtJ'toMC ~uère l(l hRhllUJllS iUI klh\flh!tn: 1,." ~U"T~ \.'TI J; r,11\C\.' l!'I C"n :\ngJC't~rTC. ~QU( O'L'll ~ltcinl .,..:'U~ pa5 Jœ~• • .ia

J CARrF.NTŒR. F. LEBRUN, ll1 ... r11in · il,· l'J.:.,,1.1po.·, run s, le Sc:u1l. llNO. p. 150-1~7 .

~D'où le l(llmd numhrc d'lusuurrs .:t de ct.1nh::< l•U k ~ ~niant." s~wu a~"'Wln(-s dans I;, IOrêt P1tf M:uts pccn.tS,~ài."""!
,.,,.,,,_., i Mm:o!'/ c'I Gn•u/
562 Par lie J . l'en11a11c11u dt~ ulmlil~•

cherchent plutôt à augmt>nter le patrimoine par de bonnes alliances financière~ entre


familles ou à éviter de le diviser - droit d'aînesse 1• Mais la conséquence essentielle de
tout œla, el nous y revenons dans la partie consacrée aux révolutions techniqul!S, c'est
que la pauvre«' de l'Europe en terres fertiles et en hommes est sa richesse future en
techniques et en puissance2. Il y a là un déterminisme géographique et identitaire
qu'aucune' explication du progrès des Européens par les systèmes de pensée ne nous
semble capable' de dépasser.
Lorsque l'Occident connaît une poussée démographique3 il se heurte au problème
alimentnire : il lui faut aussi trouver des solutions neuves et intelligentes.
"La poussée démographique, profonde lame de fond, depuis la fin du XI• siècle,
contraint l'Occident chrétien à l'intelligence et aux solutions neuves."4

2. Nombre et puissance

La démographie détermine la puissance. Nous illustrons cette idée de plusieurs


manières. D'abord en soulignant qu'à l'intérieur d'un "club" politique, une nation pèse
d'autant plus fort qu'elle dispose d'un fort poids démographique . Ensuite en montrant
que les courbes de puissance des peuples et des civilisations épousent assez largement
les contours de leurs courbes démographiques.

2.1 Peser par le nombre dans un ensemble politique


Contrairement à une idée reçue, le nombre reste une donnée fondamentale de la
puissance; moins dans la guerre, grâce au progrès technologique, que dans la
dimension politique. Le fonctionnement du Conseil des États de l' Union européenne,
où chaque État vote avec un nombre donné de voix en lien direct avec son poids
démographique illustre, on ne peut mieux, cet état de fait. Nous avons choisi d'illustrer
ce lien entre nombre et influence politique par deux exemples trs è différents :
- !'origine de la naissance du Bangladesh ;
- la variable démographique dans la question de la réforme du Conseil de Sécurité
del'O.N.U.

1 "'Le mod(lr: du marugc 1ard1f, du non rrmanagc immll!d1ot des veuve s, c..lu céliha1 <l' une fr.l 1;t1un non négtigciablc des remmcs,
du rnpcct rcl&11\·cmmt 1itnct de l'interd11 dn nipports hon monngc abou1i1 à la mi se ho r.; c a p:ac 11 C de rcpro<.111c1 ion d'environ )5 ~•a

50% 1k la populallon rl!:mininc en igc de procrCcr.". in r . CHAUNU. L a Fronc e- (fhft m rt• d e la ."iett.'iihl/r1t.I J,-.c Frt1nçiJLJ 1i lu
Frana) , Pans, R. Laffont., 1982, coll . .. Pluriel· . Cc modèle de lim11.a11on Je.~ noissoncc s préc o c e en Eu rope s 'est l11rgcmcn1 ac cmM
a vec le devcloppement des mtthodcs contraccpl1\ICS cl de l'ovuMcmenl ; en Fn:ancc, dH14uc année en v iron . 11 e st mis un•~ d !5 •,•
dca. lf'OUet.SCS M>ll 220 000 Avonnncnts sur 700 000 gru Hc~s . L'a'-'nMcmcni c:o;1 dev enu . o um: le prnbk'mc moral q1.1' il pos.r, un
probltme ôi!mograpfuquc: et 1dcnt1\aÎre tou.ch.anl a la q uestion du n::nou vcUcmcnt Je )Il France
2 Cela ~JDIRI en quelque SCJrtc ID fa.rnew.c: l.hêoric de Toy nbee sur l'c:o;sor dc:o; ci v 1J1sa 11uns :o;uÎ \l anl le principe du challcnac :md
..........
J Au XV"111Cclc •ta Fnmcc compte de IS à 20 milhons c..l'hnbi111nltï, l'Allcmilgnc, l'Espagne cl l'lculic cnlTe 8 cl IO nulhoru
chacune , l'c:rucrnblc dC$ Jin OnUIMJques cnviron S m1llious, la Polog ne cl lta ll o n gnc 2 null1ons l.:h1u.:unc, ln Scondînov1e moins dt
1 million S1 le peuplement raie 1nt:gal, dC' vu.les n!gion:s - en T o scane, l. o mbon.hc , C11111pm11c par exemple - ·- nffrcnt da dmutb
aapéricum • 60 habitanb au l11Jomèue cane, cl on nn1c surto u1 l'c .u ,.1cnce ou n u nl-1mcs1 Je l'b1rnpc J'un grand l'n\C:mblr
d"ou:up1uoo cknse et conainuc qui englobe le nord de 111 fn1ncc, le Sud de l'Anglc1c rrc c l les l'Qy .. - Uas . L' Europe ocddcnt.alc oITTT
une den51l.I! de JO' "40 hab1tanb par kilumèlrc c.arR ", in J CARPENTI E R . I;. U .! UR U N, l/i_,.,,,,,.r t/,• l'E11r11p1· , l'aris, Le Seuil,
1990. p. IS7.
4 P CJIAUNU . "st..·llle cl l'Atlan11que•, rn f . BRAUDEL, f:o #.c s 1w 1'111.,·1uln•, J'uri~ . Fl11mn11mon . l 9K4, p . ISJ
2.1. 1. Pourquoi et comm•mt Ir. Bangladr.11h a vu le jour?
Réunion de deux civilisations distinctes, l'hindouiste et la musulmane, les Inde
britanniques se séparent naturellement en 1947 en deux entités politiques disbnctes:
l'Inde et le Pakistan. Le Pakistan rassemble cependant deux aires géograpruques
physiquement et culturellement distinctes : Je Pakistan occidental et le Pakistan
oriental (également nommé Bengale oriental, tandis que le Bengale occidental fait,
quant à lui, partie de l'Inde), territoires séparés par quelques 2 400 km.
Dans l'État du Pakistan, ce sont les "Occidentaux" qui dominent les structures du
pauvmr. Or cette prédominance se trouve être en contradiction avec la réalité
démographique puisqu'en 1950 les Occidentaux ne sont que 39,4 millions pour 45,6
millions d'Orientaux. La proportion ne va cesser cependant d'évoluer au profit des
()ccidentaux, lesquels, dix ans plus tard ont réduit leur différentiel de deux millions
(50,4 contre 54,6).
Le ressentiment des "Orientaux" ne cesse alors d'augmenter jusqu'à ce qu'un parti
autonomiste ne s'impose électoralement en 1970. L'année suivante, l'État pakistanais,
dominé par les "Occidentaux", lance ses troupes contre la population du Bengale
oriental provoquant une poussée de celle-ci sur l'Inde. Environ huit millions de
Bengalis se réfugient chez leur voisin indien, lequel considère alors que son intégrité
est violée. L'entrée en guerre de l'Inde contre le Pakistan met fin rapidement au conflit
À celte époque en effet, ni le Pakistan, ni l'Inde, ne disposent de l'arme nucléaire. Le
rapport de force démographique est si nettement à l'avantage de l'Inde que le Pakistan
ne peut en aucun cas risquer la perspective d'un conflit total avec son voisîn. De la
défaite pakistanaise de 1971 nait alors le Bangladesh. Comme le résume Gérard-
François Dumont, "La rapidité de la prise d'indépendance du Bangladesh s'explique
donc notamment par la volonté de mise sous tutelle par Islamabad d'une population
géographiquement différenciée, nombreuse et même plus nombreuse, par l'importaru:e
numérique de l'exode, et par le poids démographique régional de l'Union indienne. La
question du nombre apparait trois fois pour changer la géopolitique du sous-continent
indien" 1.
Aujourd'hui, on peut considérer la pulsion vitaliste bengalie comme salutaire. li y a
en effet plus de 145 rnillîons d'habitants au Pakistan, contre 133,5 au Bangladesh2.
Peut-on alors imaginer dans quelle situation les bengalis, déjà dominés politiquement
alors qu'ils étaient majoritaires sur le plan démographique, se trouveraient
aujourd'hui s'ils n'étaient pas indépendants?

2.1.2_ Démographie et réforme du Conseil de Sécurité de l'O.N.U.


En théorie, le droit international public, comme l'Organisation des Nations unies,
accordent à chaque État, quel que soit son poids démographique, une valeur égale.
L'Assemblée générale de l'O.N .U. est ainsi fondée sur le principe "un État, un vote".
Dans la réalité, la démographie joue un rôle déterminant puisque le véritable
pouvoir de 1'0.N.U. réside dans le Conseil de Sécurité.
C'est en effet ce facteur détm,graphique qui a soulevé au fil des années, le problème
de la représentativité du Conseil de Sécurité et donc de sa légitimité.
La charte des Nations unies, entrée en vigueur en octobre 1945, col\Sdcre le pouvoir
des vainqueurs de la S...>conde Guerre mondiale sur les vamcus (Allemagne et Japon) et

1 G.F DUMONT, Dànoi.:ruphù· /1f•l11l111,.·. L ·,, .. g.·01,,if111C/1h· J, .... l"'l'"''"''m'·· r:1.ns, l:ll1rs...-s.. 1006.
:? ta cnu~ tient îa ln lmns111un llt.'mo~nirh1~uc-. phL'\ ontn""·""'c .lu B.lingblcsh tl~œ de J_t caianb f111 fi:lnmc-l ~·..,.
P.ùütan (ft,,:undllé ûc 5.6 enfüms rur ICnunc n\4us monahtC jntiu1ok u~antn.l1ns c:l\\."Utt ~ Jr :<41 '- à ..'dlr des
• tJricnlau' ••). De rius le~ Bengolis 'llll rlus è'mi.i,rD pow- cbcrchc1 Ju lm\ it.11 qui.' ne l"onl la1t lcs ~
Parl11• .l l'rrmdnmcr dn 'dmtillt

sur les pays du Sud (dont beaucoup sont encore des colonies de métrnpol"'
europt!C!nnes) en instituant un organe dont les décisions, à la différence de ccllC!I d"'
autres organ"" de l'in.qtitution onusienne, s'imposent à tous les membres. Cinq
membres permanents disposant d'un veto constituent le Conseil, lequel est complét~
par d'autres membre!I non permanents (six au début, puis dix à partir de 1963).
À !\•poque, ce "gouvernement mondial" des membres permanents repréosente ~
de 40 % des populations du monde La représentativité du Conseil est donc forte, et ce
d'autant que les puissances impériales (française, britannique et soviétique) peuvent
ronsidi!rer qu'elles sont aussi les représentantes des peuples sous tutelle .
Les déocolonisations successives, depuis les années 1950 jusqu'aux années 1990
(disparition de !'U.R.S.S.), ont contribué à multiplier le nombre des ~tais:
progressivement, aux yeux de nombreux peuples du monde, la légitimité du Conseil
de Sécurité n'a cessé de décliner. Ainsi, si le si~ge soviétique pouvait prétendre
représenter plus de 280 millions d'hommes, le siège russe après 1991 n'en représentait
plus que 150 millions. Le phénomène a été accentué par l'éloignement du conteJ<te de
Yalta, à mesure que se faisait la réhabilitation des vaincus de 1945.
Dès 1993, prenant en compte les évolutions démographiques, l'Assemblée générale
de l'O.N.U. constitue un groupe de travail sur la question du Conseil de Sécurité. Dix
ans plus tard, en 2003, un groupe de trois pays (le G3) se met en place, le Brésil, l'Inde
el 1' Afrique du Sud, poids lourds démographiques qui comptent ensemble pour 20 '\',
de la population mondiale (tandis que les 5 permanents n'en représentent plus que
30 %1) et revendiquent une représentation des pays en développement au CollS<'il de
Sécurité.
En 2004. c'est le G4 constitué du Japon, du Brésil, de lAllemagne et de l'Inde qui
fait acte de candidature à un siège permanent au Conseil de Sécurité.
Aucune réforme du Conseil de Sécurité n'est décidée au Sommet de l'O.N.U., en
septembre 2005. Les résistances sont nombreuses. Les États-Unis ne sont pas plus prêts
à accueillir un siège européen permanent s'ajoutant aux sièges français et britannique
qu'un nouveau siège allemand. La Chlne ne veut pas du siège japonais. De nombreux
pays comme le Pakistan, l'Argentine, ou l'Égypte ne comprennent guère pourquoi
11nde, le Brésil ou lAfrique du Sud seraient mieux qualifiés qu'eux pour représenter
leur zone régionale. Au sein de l'Union européenne, si des pays comme l'Italie militenl
jXlur un siège européen à la place de Paris et de Londres, l'Allemagne hésite, quanl à
elle, entre le siège national et le siège européen, tandis que Français et Britanniques
n'onl guère envie de sacrifier leur place pour un siège européen. La création d'un siège
européen aboutirait d'ailleurs, paradoxalement à un recul du poids de l'Europe au
Conseil de Sécurité; ceci pour deux raisons: d'ailleurs parce que le siège européen
déciderait à la majorité qualifiée, or cette majorité est aujourd'hui atlantiste; ensuite
parce que l'Europe ne serait plus représentée par deux sièges2 mais par un seul.

2.2. Croître par le nombre et accroître sa puissance.


décroître et décliner
Cette section illustre le rapport de cause à effet entre la démographie et la puissanœ.
Dans l'histoire, les déclins démographiques précèdent souvent les déclins dans le rang
de la puissance.

1 ED 20.l.". la S pcnmncnia ~Lenîcnc seulement 1/4 di: la popula\ion mondiulc


2 Dom la aëd.ibü1M! CS1 MllUl'6c pu les mica mondiaUJl de •• F.-.nce Cl Liu Royaume· Uni Dln.4'1 que par l"c"J'én~ ·~
de a:. dcw. ,.Y' dam I• pabqUC dCll jnsmutionli onusiennes et du droî1 m1cma1iunol .
Nous le montrons à travers les exemples de Rome. de l'islam qui n'aura avanœ qu'.a
d~ent de vides démographiques. de la France première puiManœ dhnogr.lphlque
au xvme siècle mais qui verra le monde anglo-5axon puœ germanique la ~
.ssentiellement à cause de son effondrement précoce de la fécondité.

2.2.1. Croissance et déclin de Rome•:


une leçon pour l' Elll'ope contemporaine
•n faut chercher les fondements de la puissance romaine darui les strw:tures
profondes de la démographie et de l'économie"2 soutiennent Perrine et Yves S.uzou.
historiens de l'Empire romain.
Entre le V]e et le].., siècles avant J.-C., les nombreux recel\9em.ents effectaél à Rome
dans le corps civique attestent en effet d'un excédent naturel. la fréquenœ de
pténoms comme Septimus. Octavus et Oecimus (le septième, le huitième, le dixième),
offre une preuve du nombre élevé de familles nombreuses. Dans la 5eU1e péiinsule
italienne, entre -225 et -28, le nombre d'habitants passe de 5 millions à 7,5 millîam soit
une hausse de 50 %. Constatant que la densité atteint plus de 25 hab/km2 à cette
épOque, C. Nicolet3 parle de l'Italie comme d'un "continent profond". Les conséquenœs
de cette croissance forte sont importantes : hausse de la production agricole,
dynamique d'urbanisation, mouvements de migrations (notamment vers la Gaule
àsalpine, une région du Nord de l'Italie coincée entre les Alpes et les fleuves Rubicon
et Arno). La croissance favorise aussi l'émigration au-delà des frontières naturelles de
la péninsule. De nombreux Italiens (davantage que les Romains) s'en vont peupler les
colonies d'Occident. Le mouvement impérialiste est donc soutenu par le fait
démographique puisque l'armée peut sans cesse améliorer son potentiel de
recrutement et que les conquêtes territoriales fournissent de nouvelles richeses, de
nouvelles terres, de nouveaux esclaves.
Le fait esclavagiste prend davantage d'ampleur encore à partir du siècle avant ue
J.C Des centaines de milliers de prisonniers de guerre et leurs esclaves deviennent les
esclaves de Rome4. Les enfants de ces vaincus, nés donc de paœnts d'esclaves (ils
portent le nom de vemae). augmentent encore le phénomène. Au début du !"' sikle av.
J.C, il y a peut-être 3 millions d'esclaves en Italie sur une population totale de 7
millions. La population active s'en trouve d'autant renforcée, donc le potentiel de
production romain.
Cest aussi ce dynamisme démographique de Rome qui explique l'eseor de la
civilisation urbaine. "Au début de l'empire, sous Auguste, 40 % des Italiens résident
dans des villes de 7 000 habitants en moyenne, au nombre d'environ 400. Au sommet
de l'armature urbaine, la ville de Rome compte sans doute 800 000 habitants. • écrit
G.F. Dumont.
Rome doit donc son empire et sa civilisation urbaine à sa vigueur dfmographique.
Mais en même temps, son recours trop important à l'esclavage, lequel équivaut d'une
œrtaine manière à l'immigration de notre époque, c'est-à-dire à la captation d'une
main d'œuvre étrangère à partir d'un différentiel de puissance, va déterminer

1 Ceuc partie rHwnc un dr!vcloppcmcnt Uc Gênud-Fnnçoi.s DurDJnl dam suc tnrtC: dl: ~ p°'1lltlfw tEJlJpR:L
2007).
2 Y. PERRlN. T. BAUZOU. lk la nit.: J / ·Emp1n: hù·1um: dtt Re.Jin< , Paru.. Elltpso;.. 1997.
J R~ el Io c.:o"'luêlr du mon~ m~dllnTunc:~n. Pwii.. Pllf. l97tli .
.a" En 177 av . J.-C.. bS 000 San.les sont ,.C"nJus. en lttl1 av J-C • .iprè. Pydna. 15U 000 Epirolcs. en J41-14'1 av. l..C ...
10000 E.ipagnob: en J04 av. J.-C. ~tariu:-. met ~ur k man.:h.: plu... Je 100 000 Cambra ; Cftat pliiK pour ii\llll' ,.._. 1 QQO(IJO
de G&ukill .. ... G .F. DUMONT. DCmugrJ11h11.· pulitk/,.... Elhpses.. lOl.P
1.ugement le déclin romain. Car dès le début de l'Empire, les classes supérieurL'S e11._..
masses urbaines ont tendance à limiter les naissances. On se repose dl! plus en plus our
les l?Sdaves et de moins en moins sur ses propres enfants pour assurer l'avenir . ..
L'Empereur Auguste en vient même à légiférer (lois d'encouragement à la famille
et à la natalité). Au 111~ siècle, l'Empire est en plein déclin démographique. La fécondil~
baisse comme résultat des épidémies, des pertes militaires, des invasions barbarl>s, du
déclin économique et le remplacement des générations n'est plus assuré. Malgré u""
ttprise de la natalité au IV• siècle, sous l'effet essentiellement de la christianisation det;
populations, le recul démographique continue au V• siècle. Déclin politique et
démographique épousent la même courbe et s'alimentent mutuellement'.
Ainsi Alfred Sauvy peut-il ecrire : "Lorsque les Barbares se sont présentés, il a ~té
possible de trouver des terres à leur offrir, mais non des soldats à leur opposer"2. Le
destin démographique de Rome est bien une leçon à tirer pour l'Ewope
contemporaine.

2.2.2. Pourquoi l'Islam a-t-il été stoppé'!


L'objectif de œtte section est d'éclairer le facteur démographique dans la
dynamique d'islamisation. On y verra en premier lieu que lénergie portée par la vague
islamique originelle n'a pu compenser la faiblesse du volume des hommes (la
démograplue musulmane); en second lieu, nous verrons que la vague s'est brisée sur
les masses compactes d'autres civilisations.
Fernand Braudel l'a écrit: l'Islam est une "civilisation à court d'hommes"; "son
manque chronique d'hommes" est une des "formes de sa pauvreté foncière"l. Au temps
de l'Islam splendide, alors même que la population mondiale se situe entre 300 et
500 millions d'habitants', l'Islam ne représente guère plus de 10 % de cette population
- elle comprend donc entre 30 et 50 millions d'âmes. Or l'Islam, avec si peu de monde,
est la civilisation qui domine, à cheval sur l'Eurasie et l'Afrique. L'origine même de
l'Islam. l'Arabie, est un monde caractérisé par une densité de population très faible liée
aux pauvres ressources alimentaires que peut fournir la géographies. On a déjà eu
l'occasion, dans la section consacrée au rapport entre nomades et citadins en Islam -
chapitre traitant de la catégorie socio-économique - de montrer que le monde
nomade arabe, pauvre en ressources, était déterminé par la géographie à agresser les
riches civilisations sédentaires et agricoles du Moyen-Orient - déterminisme premier
de l'expansion islamique. Les conquêtes de l'Islam augmentent rapidement sa richesse :
il faut ensuite gérer celles-ci, administrer l'inunense État impérial et commercer: les
Arabes ne sont pas assez nombreux pour répondre à ces missions seuls ; ils doivenl
donc déléguer les tâches, pour employer un langage de l'économie contemporaine.
Cette délégation se fait de deux manières :
-à l'intérieur des frontières de l'Islam des responsabilités sont confiées aux peuples
conquis, et la tolérance à leur égard est alors de mise; l'État islamique tolère les
dhimmis6 - gens du Livre, chrétiens et juifs - parce qu'il a besoin d'eux et que ceux<i

I J.P. BAM.DET. J OU PÂQUIER d1r , l//$to;n' 1lt!'' p<>pt1ldt1m1.-r dt• / "Europr, P1.1ns, FayarJ, 1999.
:Z DamGJ. OUMOHT ~· altl, l..u Franct! ruJ;e, Paris. Hachcuc . 1>Ccondc édmon, 19H6
J F. DRAUDF.l., Grammairt! cks t:ivi /1.w tlum. réé<l .. f••n1i.. flumrnermn. l'J'JJ, p 'JJ
4 U n'n:ii.la: Ftt de Ra1.is11q1.1ei pœc1sn 0 ccuc époque . on ;,;'en duutc. c1 l'1m 1foit rester Jorp:c dons l'estima11on .
5 A. PRENANT. 8 . SEM MOUD, Mugh,-eh (•/ Mon·n -Oru•nt , ,.,,.,wc1•.,· 1•/ .r nrlëté.,· , Pan s. Ellipses, 11)91. J1 166-1 KJ
6 •Aux 1nmeS de u pKt.C (de: dh1mmitude). les communau1~s ru: voyaient accorc.Jcr un certain "\hUul en co111rcpanic duq1.1tl
dia lk'vaital ruonnailft' l'incon&cstablc: pri11U1uté de l'u;Jam cl ta ~uprCmet1e des musulman>. Ccnc rcconnaissnncc 511:' concrftlSlll
,.., te pmâcmrn1 d'une capuation c:I la M>UnH:isiun è une s~ric de rc!!ilr1ction!i ~noncc!ct.ô en dê101l Jons la. tni musulmane.". in
a.ip11re 8. '-" nombre 567

apportent des rentrées fiscales - principe de l'impôt ielamique - ; certain11 hilltoriena


ont opposé la tolérance de l'Islam à l'intolérance de l'Europe; cette oppoeitJon est VTaie
à œrtaines époques mais dépend surtout du degré d'utilité de l'étranger ou du
minoritaire, en fonction de l'époque considérée! ;
- à l'extérieur des frontières de l'Islam, on va chercher des esclaves, en Afrique, en
Europe. Braudel dit que l'Islam classique est la civilisation eeclavagiate par exceUeric.eZ.
Les musulmans en effet ne sont pas assez nombreux et préfèrent le commerce au
travail En compensant, par la ponction négrière, son déficit d~graphique .uns Je
monde arabe, l'Islam cause à l'Afrique la plus grande catastrophe démographique de
son histoire3. Nous étudions plus Join, la catastrophe de la traite négrière.
Ce processus de double délégation, de l'adnùnistration et de la production, avec
une prééminence absolue de l'échange sur les facteurs de production explique en
grande partie le déclin de la puissance des États musulmans. Alors que les Européem
ont compté sur l'ingéniosité de leurs trouvailles pour progresser, que les Asiatiques ont
plutôt compté sur leur nombre et leur force de trava.d, l'Islam a peu à peu négligé la
capacité d'innover el le lien entre la puissance et le travail; de nos jours, Je monde
arabe du Golfe n'a-t-il pas trop tendance à consommer ses revenus pétroliers par
l'achat de biens étrangers, occidentaux et asiatiques, et à compter sur la seule rente
financière de ses placements bancaires ?4
Deuxième idée, qui n'est pas sans lien avec la première: la vague islamique s'est
brisée sur les masses démographiques des grandes civilisations sédentaires.
Examinons en effet le processus d'expansion de l'islam. Depuis son foyer d'Arabie, la
religion s'épanche dans toutes les directions avec deux périodes de stabilisation (VIIIe-
!)(< siècles; xve-xv1e siècles). La conquête dans des territoires de faibles densité;
démograplùques est relativement rapide. Mais l'islam se heurte et est fixé par les fortes
densités de peuplement en Europe occidentale, dans les Balkans, en Inde et en Chine.
La progression en Europe, au vme siècle, se fait à la fois sur un relief plat (évitant
les montagnes) et dans des zones largement dépeuplées (péninsule ibérique) depuis la
fin de l'Empire romain. Ainsi en France, l'Islam avance-t-il à travers le Sud-0uest sans
y rencontrer de fortes densités de population. Il ne s'y mélange pas. et on peut ~me
dire qu'il s'enfonce dans le territoire français sans rencontrer âme qui vive, mais que la
réaction s'organise à partir du moment où il approche de zones plus peuplées, comme
Poitiers. Là, l'importance du peuplement permet de mobiliser suffisamment d'hommes
pour aller à la rencontre des musu!Jnans et les vaincre.
En Asie orientale, c'est la masse des Han qui constitue une puissante barrière à la
progression de la nouvelle religion. Un voyage dans l'immensité vide de la province

8 . LEWIS. Juif,f rn ll!rrr d'i..dam. Calmann-Lc"'Y· collcc11on Diuponi , 191!6. p 18, p. )7 und. de Tbc Jnrn of lldam. Prim:aaa.
Ullh'U'!iiry Press, 1984).
1 Bernard Lewis conteslc la prétendue 10Jénncc de l'islam :i 1"#prd des dlumm1s . '"Cc n'est l.}UC réarmnmt que c:aaim
dtfmscun de l'islam ont commencé 0 soutenir que leur société a\.'a.tl lOUJOW'S KC'Ofdt l'Cgal.llt de Slml\l1 aUJ. no1Hmm1m-. vivat
en ton Km. (. J Les sociélés musulmanes 1rnd111nnnc1Jcs n'Clnt1ama1~ K"Cvn.IC une t.elk ~hic, et n'oo1 d'aillc'8"s,._.s~1e
fauC.- , /Mm,p IR.
2 ~cet imm~nsl! . cc continuel ra\.· i1ml1~1m:n1 :1 so utenu lonstem.rs l~ rntrquiscs Ju monte nmsulman Tous les~ \'OlSim
ont. tow à 1our, payé leur 1ribu1 : chréticns J'Eumpc pris sur tCl'Tt ou suc mer par IC'S Musulmam ai..-tnl!me:l, oo llC:bde i l'aa::as.aoa
- ~h; ces Sla.vcs prisonniers Je gucm: 1.1uc rrvcnJcnt les marchands JU1f~ de \ 'cdwi. ilU L'\,.. '.!>-ittk- ; N0tn d'.~ ~
lndJcru., Tun:s et Slaves miJ>énsbles . Cau..:11su:n"i .", in F. URAL1L>tL. <irummCJir< lks cnilut111CJ1U, riêd.. Puis. f(UlllllU1QQ,. t99J.
coll "Champ5", ft 93
l Nous h"1111on~ Je ce Jrume <lnns la s1."'1.·1iun consucr'""e uux ~a~tn.iphe!! JCmuttn1ph1qucs - chapiD'C ponuu :A&1 Jir oomhft.
4 Al.'cc le bémol qu.: ccrtums pays, 4.:omm<' l'Irak , uni rent~. à tra\·cn l'c.\.pCm:nc.: Ju nallooalisme llrlbc. ôe ~àllcr dr:
maam autorilau-r le 1ruvu1I Ambe". et J'crnpluycr IL-s rcn:nw pc!trolten au dëo\·elurpcmrn1 Je 1~ producbva..
du Xin1iangl, .mjourd'hui encore, permet de con1prendre comment l'Islam ~·esl ghs~
dans les Routes de ln soie et n pu franchir les chaines de montagnes séparant l'aclurl
Turkestan nt"-'1e du Turkestan chinois. L'lsl<1m n'n pu se fixer dans cel immense
territoire qu~ parce que la dvilisation sédentaire chinoise ne l'avait cncorl' famai§
colonisé. C'est chose foite aujourd'hui. L'lsl.~m parait définitivemt'nt stoppé, malgré...,
radicalisation actuelle, par ce mouvement de colons H<1n qui a pris une très grande
ampleur dans les dernières décennies du XX" siècle et qui noie peu à peu des
populatîons musulmanes turcophom.-s très l<1rgen1ent inférieures en nombre.
Puis il y a l'Inde. troisième civilisahon nombreuse sur laquelle l' Islam a buté. Alors
que la conquète des vides démographiques du Moyen-Orient, de lAfrique du Nord,
de l'Espagne et de lAsie centrale fut très rapide, il fallut au contraire cinq si~les à
l'Islam pour parvenir à s'installer en Inde. Le nord-est de l'Inde est soumis par
Mohammad Ghôri en 1192 et à partir de ce moment, pour cinq siècles, des dynasties
musulmanes, turco-afghanes puis mogholes contrôlent de larges portions du sous-
continent indien. Mms malgré la domination islamique, seule une minorité de la
population indienne se convertit à la nouvelle religion. Une très large majorité reste, au
contraire. fidèle à la tradition hindouiste. À l'apogée de la domination moghole au
XVII• siècle, la proportion de musulmans ne dépasse pas un sixième de la population
totale. Puis la loi du nombre commence à faire ses effets. Les Indiens se soulèvent
contre leurs maitres musulmans au milieu du XVII" siècle et l'Empire éclate en
morceaux. Au début du XVllJ" siècle, la civilisation indienne reprend à l'Islam la
souveraineté sur l'Inde.
là encore. le nombre a permis à une civilisation très ancienne de se libérer, après
pourtant cinq siècles de domination.

2.2.3. Comment sommes-nous passés du Grand siècle français


au siècle anglais (XIX• siècle) puis américain (XXe siècle)?
Révolution française et coït us interruptus ...
Au début du XVlli• siècle, alors que la France compte déjà 22 millions d'habitants2,
qu'elle est la plus grande puissance démographique de l'Europe, lAngleterre ne
compte elle que 5 millions d'habitants. Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle même,
la population anglaise a même largement stagné, oscillant entre 5,3 millions et 4,9
rrullions d'habitants.
La France est donc au moins quatre fois plus peuplée que sa rivale anglaise.
Le Grand siècle français (du milieu du XVII" siècle au milieu du XVIII<), qui
consacre la domination française sur l'Europe (y compris de la langue françaisel)
correspond alors à une écrasante supériorité numérique . Mais cette supériorité masque
un ralentissement très net du dynamisme démographique. Alors que sur l'ensemble du
XVIII• siècle, l'ensemble européen croit en moyenne de près de 60 % (+ 61 % pour
l'Angleterre, + 110 % pour l'Italie, + 80 % pour la Russie) la France n'accroit elle s.:i
population que d'un tiers. Certes, en 1800 la France (29 millions d'habitants) n'est
rattrapée et dépassée que par la Russie (30 millions d'habitants). Mais le formidable

1 Que l'•utcur •pu mowi:r Ion d'un long voyage. durnnt l ' é1é :!Onf,, n travers celle rrnvmcc, entre Um11141 ~t Kuhl!ilf L<
tOomphe des llan si:denta1~ sur ln no~ turcophont.-.. fOufghuur.. Ko7.01khs) cl sur 1.J"uu1rcs minnntCs j fodJi~,.,l '! ilrJUnii1
aujourd'hui de: manitte UlatanlJ:. Ma•~ cts • lnd1tn~ " locaux !Wiii :J.ssociés 11u ûCvclorrcincnl t:connmillllC et i& l'urh•nt~\lllln ti1cn
plus q1.1e ne le funnl Jadts. les lnJ1cns d · Aménquc du Nord.
2 Lutn m amC:re dans le lC"mps. d~jà, la f,..ncc cs1 trè~ f'CUl"léc, nvcc 1H millions d ' h11h1rnn1 .o; nu 1n11tcu d11 XVI(' s1tt:lc-. cc 1.11.11
cst~lc e1 nphquclar~mcnl hi '1omim111un qu'elle v a puu.,.01r c.11.crccr sur l ' Europe jt1s411 ' il lu fin du XVIII(' '.\iè\.·lc.
l M FU MAROU, QuunJl 'F.urn/Wo purl<11t fr1m(·t1i.f. l•ari~ . CJ . De t~ ollo1s . 21JOI .
Chapllre B. Lr nomb"'

~ccroisscment anglais et son corollaire ammcain (voir plus loin) ont déjà changé la
donne. La perte de puissance française est programmée.
Que s'cst-t-il donc passé en France?
L'explication principale de ce ralentissement démographique tient au fait que les
français sont le seul peuple européen à voir leur fécondité baiMer aux prémÙl8e!I de la
R~volution industrielle (autour de 1770) 1 • Cela signifie que la France connait une
~uction des naissances unique en Europe et qui anticipe sur la baisse de la mortalité
à venir (grâce justement aux résultats du progrès scientifique, durant tout le
XIX• siècle). Or cette baisse précède presque d'un siècle celle des autres pays
européens. On ne peut donc l'expliquer par la Révolution industrielle elle-~.
puisque celle-ci est plus dynamique encore en Angleterre qu'en Franœ. La vmtable
ciluse est morale et politique. Nous nous rangeons ici à la thèse de l'historien
Emmanuel Le Roy l..adurie2 selon lequel la Révolution française a fragilisé les
croyances religieuses et, du même coup, affaibli le respect des interdits catholiques
chez de nombreux Français. La conséquence, notamment. en a été la progreseion
sensible de la pratique du coi'tus interruptus avec la conséquence que l'on imagine
;risément quant au déclin de la fécondité. Pour prendre une image, on peut dire que le
poids du péché a pesé encore beaucoup plus longtemps sur les autres peuples
européens que sur les Français.
Cette situation est aggravée par d'autres causes liées également au bouleversement
des mœurs. Ainsi par exemple la mise en place du service militaire obligatoire, produit
de la Révolution française, qui n'a pas seulement comme conséquence le glissement de
l'attachement patriotique traditionnel et enraciné vers une passion nationalisll!
romantique et déréglée, mais aussi le brassage social. Or cette nouvelle mixité implique
une circulation des idées et pratiques bourgeoises dans les milieux paysans et ouvriem.
Les techniques de limitation des naissances, plus répandues jusqu'alors chez les
bourgeois, se diffusent dans les milieux inférieurs. Autre exemple: la suppression du
droit d'ainesse, qui en obligeant au partage de l'héritage, incite les Français à avoir
moins d'enfants.
Or à cette fécondité déclinante explicable par une révolution morale, il faut ajouter
la surmortalité causée par la guerre civile et les guerres extérieures conséquences de la
Révolution française. Reyna Id Secher a établi que sur les 815 000 habitants de la
Vendée, 117 000 périrent soit une personne sur huit3 . L' historien Jacques Hussenet lui
soutient qu'entre 1795 et 1796 les guerres de Vendée ont provoqué, dans les deux
camps, entre 140 000 et 190 000 victimes, ce qui signifie entre le cinquième et le quart
de la population vendéenne sacrifié, et localement jusqu'à la moiti~. Au-delà du seul
cas vendéen, le bilan de la Terreur s'établit entre 200 000 et 300 000 morts, soit 1 % de la
population de l'époque (l'équivalent de 600 000 morts dans la France contemporaine).
Pendant que la France fait la Révolution et que Napoléon mène les guerres qui en sont
l'héritage direct, l'Angleterre accomplit la Révolution industrielle. Croissance
démographique et croissance économique s'v soutiennent mutuellement. En 1800,
l'Angleterre et le pays de Galles réunis avoisinent les 9 millions d'habitants. Tout au
long du XIX" siècle, la croissance se poursuit à un rythme rapide. En un siècle la
population est multipliée par 4 (on arrive à 36 millions à la veille de la Première Guerre
mondiale). L'excédent naturel des campagnes fait croitre les villes du nord-ouest de

1 G F DUMONT. l>t'r1,1u1fu.· i ·.,,,,.:, 111 r11<1nmf •":"· . c . .1mmun11,;:uiun!>. Paus. l:.J111on.'i. Ju Saul n: U . h18ti
~Cf. p.1r C:\.cmrlc I" s ynth\!s\." ~lotn!> l. "1.' 'f'f\."S' .:!7 :u•1ll · ::! ""-"Ph:mhre l•>"' .l
.J R. . Sl:CHER. l~ 1i11;nrw1'/t· lr111111-fr•tllf,;c11.\, la \ '1.·.111..h.-c· \\~n~l~ . Pl i f , l~ ~fl

4 J. llUSSl'. Nl: T, Hc·t·/1ad1t•.f • ·1•11c/, ~ •.,,,,,._


1.·. /OIJ.J. /005 /'IVft : 1,: i1t~ rar Pl~rn" l~ucn1f'°Y· Li.I pu/itiqw Jr ~ Tifll"'t"WIV. F.,....
~(lflO
rAng!eterre. des Basses-Terres écossaises et du sud du pays de Galles. Entre le début
du XVlll" si«le et le début du XIX" siècle. Londres passe de 600 000 à près de 1 million
d'hobilants, et devient ainsi la première métropole européenne1 . Le Royaume-Uni Coll
le premiH pays à voir 53 population urbaine dépasser sa population rurale et, en 1830,
an parle à son propos "d' arelier du monde" .
la multipliL-ation de la population anglo-saxonne presque par deux au
XVIII" sil).:le, par quatre au XIX" siècle, tient à un maintien de la fécondité conjugué à
une forte baisse de la mortalité et à une hausse de l'espérance de vie (résultat du
progrès scientifique).
Le surplus démographique n'a pas seulement un effet intérieur (urbanisation
accélérée, modernisation du pays) mais aussi extérieur : il va alimenter le formidable
mouvement de colonisation en Amérique qui a commencé au xvne siècle. Au début
du XVlD"siècle, la population des futurs États-Unis pèse moins de 5 % de la
population métropolitaine anglaise2; à la veille de l'indépendance des 13 colonies, au
début des années 1770. la proportion est passée à plus de 35 %'.
L' Angleterre favorise l'émigration vers lAmérique jusqu'au milieu du xvn• siècle,
jusqu'au moment où les thèses mercantilistes commencent à insister sur l'importance
du capital démogfilphique. Mais le peuplement de lAmérique du Nord, autour de
1750, est désormais suffisant pour soutenir son pmpre développement. La croissana!
de la population nord-américaine tient, à partir de cette période, jusqu' à 95 % au seul
accroissement naturel, phénomène dont témoigne Adam Smith dans son ouvrage
célèbre sur la narun, et les causes de la richesse des nations' : "Dans les colonies
anglaises de l'Amérique septentrionale, on a trouvé qu'il doublait en vingt ou vingt-
dnq ans : et cet accroissement de population est bien moins dtl à l'immigration
continuelle de nouveaux habitants qu'à la multiplication rapide de l'espèce. On dit que
ceux qui parviennent à un âge avancé y comptent fréquemment de cinquante à cent, et
quelquefois plus, de leurs propres descendants". L'auteur explique cette natalité très
forte par le fait qu'en Amérique les salaires sont bien élevés et que les enfants sont
associés à la production : "Chaque enfant, avant l'âge où il peut quitter sa maison, vaut
annuellement par son travail cent liVTes s terling. toute dépense prélevée. Une jeune
veuve, avec quatre ou cinq enfants, qui aurait tant de peine à trouver un second mari
dans les classes moyennes ou inférieures du peuple en Europe, est là le plus souvent
Ill\ parti recherché comme une espèce de fortune. La valeur des enfants est le plus
grand encouragement au mariage"s.
En Amérique du Nord on se marie particulièrement jeune", on meurt moins tôt
(mortalité de moins de 25 pour 1 000)7 et le taux de natalité y est largement supérieur 1
celui de l'Europe (40 à 50 pour mille habitants contre 30 à 40 pour mille)S . La femme
américaine met au monde bien plus d'enfants que l'européenne. G.F. Dumont donne
les chiffres suivants : 15 % seulement des femmes américaines ont moins de 3 enfants,
et en général la règle est 5 à 7.

1 G..F DUMOHT, I>nnographle politique-. LC'A loi~ de la gCopollltquc '1C"ll po11ulu1mnli. EllipKS, 2007
2 Cc qui rqwiM:Du: seuH:mcn1 HO 000 hab1U111.r.
J !.I ra:ilbor. d'habtlmnbl pow 7.6 m1Uiont.

.f A. SMITI-t. R«:lf~~ '"' '" n'1turr _., /ri •.-urur:r Je lu rldw.r.t .. ûr.• nmtum·. t 776, cil' par G f . DUMONT Jam flllE

OU\"nftdc ~#r'é pt>IJJ/qUt!


SA. ~Mrn-t. /ln:lwrclto Ju..-lu nature' c't /rJ , ·.nuc:r d.: ln r11:he.•.•c' J e:." ,..,,,,,n., , l 77h
6 Pow les hommes. l"Agc moyrn du manage est de 27 Rn!I i l'é'pnque Je Io fonJ01\on des pn:mrcn tl•blis..1Cmcnts c1 Jr ?.4.t
.... • 111 An d:D xvrr .ate.
7 Alimm&UJOn meilleure, eau pitablc fJéqucn1e, 111C1Jlcu..- climat danA IC"'I E1u1A itq11cntnonou•, mi!mc !Il d'•ulrn n!11C1n1 <.ci111
Cii fWUIChc ~pat une mortalilé l!Je.... lll!ic (10. oia ~ i l ln malama)
8 J.M LACROIX , Uirtni,~ ,k,· iwu- Unt.• . Pana. PllF . 1'>96
Ll>ap1"" 8. Le nombre

C'est donc le dynamisme démographique anglais qui aura permi9 à ce peuple de


cunstituer au XIXe siècle le plus form.idable empire mondial. CYabord grke à un
nombre d'émigrés important vers les futures colonies indépendantes (Bab.-Unis
d'Amérique) et les autres fondations coloniales (Canada, Nouvelle-Zélande, Australie,
Afrique du Sud) dont le dynamisme démographique continué et même amplifil
permettra de marcher vers l'autonomie puis un jour l'indépendance. Ensuite, par la
pro1ection de nombreux britanniques vers d'autres mondes (Hong-Kong. Singapour,
!:gypre. les Indes . . . ).
C'est ce dynamisme démographique qui e5I directement à l'origine d'une influence
mondiale sans précédent depuis des siècles, et donc d'une sorte de prétention à vouloir
administrer le monde. En 1919, le soutien à la constitution de la Société des Nations
s'explique largement par le fait que les Anglais ont su constitué, grâce aux ex-colonies
de peuplement anglo-saxon, gràce aux dominions et â l'ensemble des "États clients"
(Grèce, Égypte, Irak, Iran, Afghanistan . . . ) une majorité de pays favorable à Londres à
l'Assemblée générale.

2.2.4. Et comment la France, après avoir laissé la démographie


anglo-saxonne transformer le monde, laissa la démographie
allemande bouleverser l'Europe ...
Nous avons vu dans la section précédente qu'au début du XIXe siècle. mal~ le
dynamisme plus marqué des autres pays européens, la France avec ses '19 millions
d'habitants, n'est détrôné sur le plan démographique, et de peu (1 million de plus) que
par la Russie.
Les Français ont alors 7 millions d'habitants de plus que les Allemands (22 millions
d'habitants), écart encore confortable. Mais la fécondité française a commencé à
décliner presque un siècle avant celle des Allemandes (les causes de ce déclin ont été
soulignées dans la section précédente). La différence entre les deux pays réside dans ce
facteur fécondité, puisque partout en Europe, grâce au progrès scientifique et
technique, la mortalité recule.
La conséquence de ce différentiel de fécondité se retrouve de maruère 1mplacable
au bilan démographique : de 1800 à 1850, la population allemande augmente de 53 "l.
(22 à 33,7 millions) tandis que la population française n'augmente que de 25 "l. (deux
fois moins en proportion de l'allemande, soit un passage de 29,1 à 36,3). L'Allemagne
va donc rattraper et dépasser la France durant la deuxième moitié du XX• siècle; le
rattrapage se produisant en 1866, quelques années avant l'unification politique de
l'Empire allemand et la Guerre de 1870 avec la France. Puis l'écart se creuse
rapidement. Au début du xxc siècle, les Allemands sont 15 millions de plus que les
Français (56 contre 40,7). L' année de l'explosion européenne, 19H, l'Allemagnecompte
67 millions d'habitants (alors qu'elle a fourni 10 millions d' Allemands au peuplement
du continent américain) contre 41,6 pour la France.
Le bilan est sans appel pour le régime républicain franç.lis : il ne suffisait pas que le
Royaume-Uni, deux fois moins peuplé que la France en 1800, ait rattrapé la République
française à la fin du XIXe siècle, en ayant en plus peuplè l'Amérique du Nord.
l'Australie, la Nouvelle-Zélande et lAfrique du Sud. Il fallait en plus que le monde
germanique tripla entre 1800 et 1914 alors que la France ne voyait sa population
multipliée que par 1,4.
La question qui vient alors à l'esprit de l'honnète homme est la suivante. pourquoi.
en plus de cent ans, et face i\ des evolutions aussi évidentes quant aux <.-onséquences
dans le domaine de la puissance, le Nouveau Régime n'a-t-il, à aucun moment. voulu
inverser la tendance ?
572

La réponse, si l'on veut bien se donner la peine de descendre jusqu'à la racine Je-;
maux politiques, tombe sous le sens. Elle se trouve contenue toute entière dilns la th~
d'Emmanuel Le Roy Ladurie et de bien d'autres historiens. C'est en effet la Révolution
et la révolte contre le sentiment du péché qui sont à l'origine du déclin précoce de la
fkondité française (et nous l'avons déjà souligné, cela presque un siècle avant le.
autres peuples d'Europe, qu'ils soient catholiques, anglicans ou protestants .. .). Par
co~uent, tout effort réel de lutte contre ce déclin de la fécondité aurait obligé le
Nouveau Régime à redonner à l'Église catholique et ses valeurs une place
incontournable. Or une telle perspective ne pouvait être acceptée par les Francs
Maçons, gardiens du temple républicain, et plus largement par l'ensemble de5
tendances la\'cistes, anticléricales et socialistes constituant les fondations du régime
républicain français.
La cause, s'agissant de la France, tient moins au problème de la transition
Monarchie/république qu'à la perte du sens religieux lors de la rupture. Le cas de la
République américaine, enfantée par l'esprit des Pèlerins du Mayflower et donc
d'essence chrétienne (une sorte de protestantisme du protestantisme), est en effet là
pour nous rappeler qu'une république peut-être prolifique si elle repose sur des
fondations religieuses. La République française, elle, est née d'une rupture avec la
morale chrétienne, d'une révolte contre le christianisme, bien plus encore que contre
l'esprit monarchique .
Les erreurs sur les grands sujets de politiques se paient toujours au prix du sang. À
la fin de 1913, sans mobiliser l'intégralité de sa ressource, lAllemagne dispose de
870 000 hommes prêts au combat. La France, n'en a elle (et encore en faisant de gros
efforts) que 570 000. Pour arriver à 700 000, il lui faudra appeler trois classes d'âge
simultanément sous les drapeaux. L'été 1913, les parlementaires français votent le
passage du service national de 2 ans à 3 ans. Lorsque la guerre éclate, la France ne va
cesser d'être handicapée par son déficit démographique. Alors que !'Allemagne et
!'Autriche-Hongrie peuvent puiser dans leurs propres ressources humaines, la
République doit faire appel aux troupes coloniales. Les germes de l'idéologie
immigrationniste ("hier la France devait son salut à J'outre-mer, aujourd'hui elle le
devrait à l'immigration extra-européenne qui soutient sa natalité") sont en terre.
La France sort exsangue de la Grande Guerre; sa maladie démographique s'étant
encore aggravée. Elle a perdu 1,350 million d'hommes (et il y a trois millions de blessés
et d'invalides), son déficit des naissances s'élève à environ 2 rrùllions pour les quatre
années de guerre, auquel on ajoute un autre million après la guerre. Après un léger
sursaut qui suit la victoire, le pays entre dans 25 ans de dépression démographique
sévère.
Parmi les multiples conséquences du déclin en puissance causé par le déclin
démographique (lui-même résultant, nous l'avons vu, de la nature anti-religieuse du
Nouveau Régime), figure le déclin linguistique. Tant que la France a été la grande
puissance démographique, sa langue a été celle de l'Europe, la langue de la littérature
comme celle de la diplomatie. On n'oubliera pas, comme nous l'avons écrit
prêcêdemment, que la "langue suit la puissance".

2.3. Croître et affirmer son identité nationale ou communautairr

Nous voulons montrer ici que la croissance démographique participe du processus


de construction d'une identité collective ou du renforcement de celle-ci. L'intuition de
Chaunu à propos du "monde plein" constitue une introduction à ce lien; les exemples
qui suivent illustrent notamment l'importance des réveils démographiques dans la vie
Chapilrr 8. Le numbrl?

des minoritl!s nationales ; la révolution démographique au Québec, l'affirmation


maronite au Liban, le cas des alaouites de Syrie.

2.3.1. Ce "monde plein" de Pierre Chaunu


Parmi les nombreuses idées fortes qui émergent de la pensée de l'historien Pierre
Chaunu, celle-ci : nous commençons à avoir conscience de ce que nous sommes,
lorsque nous nous voyons nombreux.
L'historien compte les habitants en Europe au fil des siècles : en l'an mille, 30
millions, sans doute guère plus de la population des débuts de l'ère chrétienne, puis 35
millions cent ans plus tard, 50 en 1200, 70 en 1300. L'une des conséquences essentielle
de cette croissance démographique entamée à la fin du Haut Moyen-Age, nous
explique Pierre Chaunu, est l'apparition d'un "monde plein", éest dire d'un
peuplement pour la première fois continu, par opposition à un monde antique fait de
taches de peuplement séparées par d'immenses vides (forêts, landes, friches). Dans
certaines régions d'Europe la densité de population peut attendre les 50 habitants au
f<m2. Il s'est développé, écrit l'historien, " un réseau de clochers tel qu'au sommet de
chacun d 'entre eux on puisse en distinguer quatre ou cinq à l'horizDn, tel que le tocsin
sonné de l'un puisse être répercuté par les cloches des autres, signe tangible d'wte
solidarité concrète". C'est sans doute dans cette intuition qu'il faut chercher le secret
de fabrication du sentiment patriotique en Europe, indissociable d'un christianisme
enraciné.

2.3.2. De Montcalm à la Révolution des berceaux du Québec


L'histoire du Canada, c'est essentiellement l'histoire de la lutte démographique
entre Canadiens français - francogènes - et Canadiens anglais - anglogènes1 . La
création du Canada est la victoire de l'expatriation massive des Anglais vers le
Nouveau Monde, tandis que l'aventure française ne peut s'appuyer que sur des
effectifs faibles . La France perd le Canada, et sans doute plus généralement l'Amérique
du Nord, non parce que les Français se battent moirts bien que les Anglais - ils sont
moins nombreux et les tiennent longtemps en échec - mais, paradoxalement. parce
qu'elle est plus riche au XVIII" siècle que 1' Angleterre2. Les Français ont donc moins de
raisons de partir à l'aventure vers des terres nouvelles.
Une fois le Canada créé, les Canadiens français connaissent la domination politique
et un long sommeiP. Dans le Québec d 'après 1945, les 80 % de francophones, sont

1 En 1991 . le nombre de fmnco~èncs est de 6,6 milhons soil 24.3 .,._ dr la population ~- J. CHAl1SSADE. û
Canada, /rs ruquc.'f ,/'~c/alt.•mt.!nt tl'tm .i:.rcmd /kl."·" · Pans. Ellipses. (CJq6. p . 7-1 .
2 Un crrtain désinléril éco nomique de lu part c.Jcs Français JOUc: au..ssl · •En ff'UIC:'C faffai~ ne' pas:M4XDWI -,_ , les poacics
IC'flrés, les 'Phll05ophcs'. où nous so ounc,. h;ibi1uC-s di croire que se rCsuma1t IC\ut le n•xl'nnmt de!> npib.. ëtucn1 i.nhffâfta ,_..
hm1ile-s. la fameuse phrnsc de V o llni n:- W:tns sa lcltrc à Monçrif sur les :vpc11ts de Rrlfc: a sam doutc-t« dftlaJurft dam soa 5CllL et
c'Ctail seulcmcnl des colonies 1mpruduc11,·c s que le s ~ulnteur qui cù1 !!:1 \"C\IC'nrin5 ~ap< ~ rargnu i la Lows.u.c K" IDOGtn:Îl
Tadvcnairc ( . . ). la vm1e pcn!têc:: Lie Vo\lnÎ~ s'e xprime dans ~ lc-nn: à ('hau\-rlia Ju .l oc:tobft: 1760 · 'Si j'o:sau.. jr \t>œ oon.rvcnü
rtf\k.:... veow ne p:idn2 ~ ncn.- . • C. dr
i 1mou1t de <lCborrusscr 4 jnmo1s Ju C11n11da h: muu slèn: ,1c IG Fmn1."""C" S1 \UUS le
LA RONCIÈR E. " Les coh.mu:!io éph ~ mèn:s et lôi c:olumcs l"'tf\Jurs'". in G HANO TAUX. A. MARTI!'\EAtJ .tu .. Ho.,.,,, ,._
rolnnit>.1fm11ç w .o •.i ,., tlt• / ', •.rpmt'f1t1" dt • /, 1 F r 1ml ,. c/u11.\ lt• mim~ I. · . Paris , sc:ic1C-1C Je l'!lliioirc QliCNG&lc, Pion. t. 1 L '.-t,.,....., 19.?9..
p 179 , ccu.\ qui défendirent l'u hum..1011 llu Cnmt,lri pour Jcs n.1 son s ..'-:ononuqUCj se ttttou\·cnte11t •\a;~' qlli dtfaaiml
l'ahlndun des 0 .0 .M .-T .n M . ptiur 1c ~ m ..!mcs nu sons ~ùl lll'tniqun à \.· ,1unc nie c-1 une 1nuncmc ~di:~
atopoliuquc. En pcnlGnt le l'anudu, ln France pt.·rJi1 un.: ri.ut ,\1nsu.ttr.ahk ~ son ruh..-nhcl J'inOuc:-oœ rnonJlaJc: .
l Un na11on1tlitmtc t}uC~1 ..:v1s s'11..:ti\·è ..:c-1"-·nJ•:uU. men~ rar l'abhC liruub. 1i1't" a P"J'PûS J.! llùsto&rc dt W. Fr-..-c .,, c---.
L GROULX, N rllrt• >:r mfdr m .,.,,,,,,..., l .'.:mp1n: lhlll'tdÎS en Am~riqur Ju ~uni ll 5 J~ - l 7N.} ~ ~S.~~

1990, (prem1t-rc ~d i lion en 195Kl


574 P11rtre 3 Pen1flr11.-11tt Jn ;dt'ttrilb

dirigés par les 15 % d'anglophones 1 • L'émergence culturelle et politique dans les


.inn~>s 1960 d'une partie de ces Canadiens français, au Québec2, est le produit d'une
revanche démographique que l'on appelle du nom évocateur de "Révolution des
berceaux" Car il y a, à l'origine même de la monté<' en force du souverainisme
québécois, un incontestable i'lan vitaliste - doublé d'un ressentiment d'origine socio-
économique - élan contre lequel l'État fédéral essaie d'opposer une force
démographique étrangère - permettant de compenser la natalité faible des
Anglogènes en comparaison de celle des Francogènes l'immigration. L'avenir
géopolitique du Canada et des rameaux ethniques qui le constituent tient encore ""
grande partie dans les mains de la démographie.

2.3.3. La victoire de la natalité maronite sur les druzes du Liban


Au Liban, deux communautés - on disait sectes, autrefois - se sont
traditionnellement partagées le pouvoir sur la montagne : les maronites, chrétiens
rattachés à Rome, et les druzes3. Originellement, les druzes dominent politiquement le
Llban4 • L'administration ottomane a conféré l'autorité d'émir du Liban, à des émirs
choisis parmi la communauté druze. La famille druze des Maan, au XVIe siècle, se
signale par la première tentative d'autonomie du Liban sous l'émir Fakhredine,
étranglé en 1635 à lstanbul5 . Mais deux facteurs contribuent à affaiblir progressivement
la mainmise de la communauté druze sur le projet politique du Liban . D'abord,
nombreux sont les membres de l'aristocratie druze qui se convertissent durant le
xvm• siècle à l'islam et au christianisme, les deux religions dominantes - Empire
ottoman et présence commerciale de l'Europe au Levant, notamment de la France. Cest
le cas du dan des Chéhab6, d'origine dru.ze, qui se convertit pour partie à l'islam
sunnite, pour autre partie au maronitisme; l'émir Qasirn se convertit d'abord au
sunnisme puis au christianisme. Ce phénomène de conversion dans l'aristocratie druze
est encouragé par la célèbre posture religieuse druze qu'est la taqqiyya - la
dissimulation : pour survivre, il est en effet permis au druze de ruser quant à sa
religion réelle. La tactique de la taqqiyya constitue un exemple notable de subversion
dans le domaine religieux. De fausses généalogies chrétiennes sont ainsi élaborées, telle
œlle de l'émir 8échir JI qui règne de 1788 à 18407 .
Le deuxième phénomène qui favorise le déclin des druzes au profit d'une autre
communauté plus spécifiquement libanaise, les maronites, est l'évolution
démographiqueB. Dans le deuxième tiers du XIXe siècle, les analyses comparées des

1 L "~ Il Morttral csi alors en anglais et il faut pr.uiquer l"ani?lais pour rou voir Ctrc cadre Jon s une cnln'prisc ou l1DC'

--...........
2J CHAUSSADE.UC'°"°"7. larUquaJ'ét.:laremen1J'ungrunJpu,.·$, Pans, Elhpses . 1996, p . 7 7-MO.
l Nous rm:IKhom de amn1h1: lbêorlquc. comme le font les isla.mologuC"!li, le dru7.lsmc au chiisme tsmoéhcn, mais il deconsc1llt
~ dft i MD dnl::tt du: Lltml qu"d est musulman ou qu'il est chiite.
4 Let A. CHABR\'. Polittqut ~t minMllD au Proch~-Ortent (/.:.., ruumu J'u11e aplo.rùm), ro.ns , Maisonncuvc-LaroSC', 1987,
p. 9 1 -9~ .
S /Ôf!rff, p. l~I~, X ck PLANHOL, U .r Nu11un:s Ju Prophi!I.:. M"m'd gc1r~grupl1ù1u.: d&! puli11qu~ mm11/mun~. Paru.
Foyanl. 1991. p 164.
6 L et A. CHA.BRY, PolitJqMe el mlnoritb uu Pr11ch1.•- 0ru.-nr tl~ r'1i.~un..<r d '1111 ..• 1•.xplo.~ wn). Pnri!I, Ma1sonncuvc-Urosc. 1987.
pp . 200-202. K.S SALlBI. TM ModentHUto,,·u/Uhanon . N~- York. Delmar. Carav:an Uooks. 1965. ri J-IK.
1 MICHAUD, POL'JALAT. Cn~pondancrd'Orif!nt, /IJJO - JRJJ. Pans. IH15 . \'Il . p ~50

8 Il faut doubler le factou démograph~uc: . du f&:lcur so:.: iu-économiquc . le 1.:o nn1t cnlrc muronilcs et druzcs est ;1uu1 crlut
qW oppose dc$ paY'&JU i dn féodaux propnlhilin:s des lerres sous l'émir Oéch1r 17HR-1 H40 - qu i nppar11cn1 d Io dynllltie Jn
Cbébab. •une parue des maronites qui. de toU9 1i:mps n'avaîcnl tcé que I~ va.uaux tle11> fCodaux. dru:t.es, avcuent pu OO·enu
psupriétain:a ck t.cm:s confiiquta i dct chef• druztS pu Btehlr L'assiette de l'imp61 •Va.If é1c! rc!formc!c dan~ un sens plus favonbk

aa Oll'fticm d c:au.-ci avaient ccut d'être USUJC111S au port des vêtements qut, en \.'.elle réHJOn. IC!I dîstmguaienl des musulmant Cl
Oapltro 8. Le nombre 515

deux sociétés druze et maronite montrent que les femmes maronites ont plus d'enfants
que les femmes druzes : en 1847, 688 enfanl:!I pour 600 femmes druza, contre
1 317 enfants pour 847 femmes maronites, dans les villages mixtes!. Le peuplement
maronite progresse de manière continue dans le Liban central et dment majoritaire
dans la région du Kesrouane - avec en plus un conflit de type socio-économique entre
les paysans maronites et les grands propriétaires druzes.
Comme souvent face à des dynamiques continues, les peuples débordés réagiasent
avec violence. Les druzes tentent de massacrer en 1860 les maronites qui doivent leur
survie en grande partie à l'expédition décidée par la France, laqueUe les fait placer llOUS
la garantie de sa puissance, dans le cadre d'une province directement rattachff à la
Porte et dont le gouverneur doit être chrétien2 .
A la veille de la création du Grand Liban par la France, la démographie maronite
qui a supplanté la domination des druzes, peut légitimement prétendre prendre la tête
du projet politique libanais. Le maronitisme politique s'installe et dure jusqu'à
l'explosion communautaire et régionale de 1975.
Aujourd'hui, la communauté maronite garde un poids politique et démographique
incontournable au Liban. Sa vitalité nataliste est comparable à celle de la communauté
chiite, laquelle est sans doute la grande "gagnante' de la guerre du Liban. Plus
généralement, la question de la démographle de l'ensemble des communau~
libanaises - il y en a constitutionnellement dix-huit - reste au cœur de la
géopolitique interne du Liban. Du fait même de la constitution de la ~blique du
Llban3, les représentations politiques sont dépendantes du poids des communautés' et
la question de la nationalité libanaise accordable ou non aux dizaines de milliers de
réfugiés palestiniens installés au Liban depuis 1948 n'en est que plus brûlante: un oui
signifierait immédiatement un tremblement de terre dans les équilibres politiques du
pays.
Carte 69 : Les minorités chrétiennes d'Orient
Carte 70 : Les communautés du Llban

2.3.4. La marée démographique alaouite sur la Syrie


Au XIe siècle, les alaouites, secte religieuse appartenant au chiisme ismaéJien5 et
dont le nom signifie les sectateurs d'Ali, s'installent dans les montagnes du Djebel

liaient la marque d'une infénoritl! de st:11u1 . Ln tension n'nail ~ de crni'M dcpun Clllft les dnllls dêriRm dir: ~ ~
wims privil~gcs. appuyés pur Io Por1c cl Io Grande-Bretagne. et les chretims, den:nm d6::aa+ : t · 1 plm ..........
IDUCtCUli de pn!scrver leu~ g11ms !ilululn1res Cl nvides c.J'mdc!ptndancc.•. lQ L. C1 A. CHABRY. P~ d ..,,....;,,is i:. ,.,......

Orlmr (lrs rai 'fo rtS J 'une cxplm:ùm). rnns , Mn.iso nneuve-Larose. 1987. p. 204.

J O. CHEVALLIER, Lu .'H1t' it't1~ clu Mt>nt Lif.a11 .i /';poqu~ dr la m'Ol11tion Uttltatridlr m E-opr. Pwts.. l.mblaa Ft'8111pis
d'Archiologic de Beyrouth. Bibliothi:quc nn.hêolngiquc ci historique XCI . 1971 .
2 F.L BOUSTANY. /ntnH.lurtinn U 1'11ir1t1ih' f"1li1iqu..• Ju L1/tcm lffock,_.. Be,.TOUlh. f .~LA . t9!H. p. 19-CJ2.
Jtd.... p. 190-196
4 D'aptn la Con!'lituuon, le p~1dcn1 ùi: lu République ~t maronne. le PrcmiCT mint.5111: sunnite. et te prisidmt &a Pw:rtana.I
ht:.n.i1 ch111c. Les Doun ont 1\ tel point fH:n.lu leur pf'Hminence de Jlldis qu'ib. ne SODI ~ qur pu des llfti:aisaa. ...
comme les chn!tiens of1hodoxe~ ou le s Arméniens r\ujou.rd'hu1. SJ la ComtiMion dc-vait ndl;pta 6 • Slr'H.1I: rèahlè • i.
di&noJl"lphic - car il c;och11c Aussi des enjeux polittquc!I. cl Cconomiqucs qui JOUiCnl - . le~ dl: bt. ~ou .. lllD9 lm
Pmrun ministre dcvmit éll"C' chine.
5 D cl J. SOURDEL, /Jtctiumwi,-,. hi.,·rm·i41u•• ,/.,,• l'ülum, Pans , P .U f , 19%, p. ~!i , i noltl' que c'est 'P'fs • Pram!rc OuaR
moncü1le, Ion r.Ju mandai franç11i~ sur les lcrri1011n qui formcronl pllL" lard l'État syncn, que \'œ ~ • hppeUaliœ ~
m rcmrlucmcnl de celle Je nm1cfri!I. ..:unnot~ 11t1orativcmen1 par les sunnites
576

Ansariél sous la pression des sunnites seldjoukides qui investissent les plainl'S de
5\'T'ie. Comme souvent avec les hérésies, le nom que cette secte syrienne se donne est
dlfférent de celui qu'on lui accorde. Les alaouites s e nomment eux-mêmes nosaYris ; le
nom fait probablemt!nt référence'' Ibn Nosaîr, théologien de la fin du IXe siècle, mats il
est rapproché aussi dt! Nazan:'ni, du nom d 'une population mentionnée par Plinl' ~
l'ouest d'Apamëe, dans la vallée de l'Oronte2. Durant tout le XIIe siècle, l'expansion
démographique alaouite s'inscrit dans les montagnes de Syrie où les Croisés Il''!
rencontrent3. Au XIXe siècle, ils investissent de nouveau les plaines du Akkar au Sud,
de utakié à l'Ouest. du Gh.'ib à l'Est et contrôlent cette dernière. Les chrétiens et les
sunrutes sont refoulés progressivement vers le plateau du Hama. L' Est reste cependant
entre les mains des sunnites.
u montée en force des idées nationalistes arabes laïcisantes pennet à cette
communauté de passer de l'État autonome des alaouites, sous le mandat français, au
contrôle de l'ensemble de la Syrie après l'indépendance, au prix d'une répression féroce
des velléités sunnites - d 'importants massacres sont perpétrés à Hama, ville contrôlée
par les Frères musulmans au tournant des années 1980.
À bien des égards, la montée en puissance démographique et politique des
alaouites en Syrie est à rapprocher de celle des maronites au Liban ; elle s'en distingue
toutefois sur un point essentiel: le pouvoir alaouite peut dissimuler son particularisme
derrière une idéologie pan-syrienne4 qui transcende les communautés, là où le
maronitisme politique apparaît aux autres communautés libanaises comme la
domination d 'une communauté sur les autres, et l'État libanais comme une
construction au service d 'une communauté. La vérité pouvait être différente, les
représentations primèrent et conduisirent dans le cadre de la déstabilisation
palestinienne à l'effondrement du Liban. En Syrie, la succession alaouite est installée
après la longue présidence de Hafez el Assad - 1970-2000.

3. Immigration et puissance

Le 10 mai 2006, à l'occasion du message annuel adressé à la nation, dont on


me;urera peut-être l'importance historique dans quelques décennies, le président russe
Vladimir Poutine, prenant acte du profond déclin démographique de son pays,
annonça un virage nataliste à son peuple5. "Le problème le plus grave dans la Russie
moderne, est la démographie" déclara-t-il, en évoquant "une situation critique" avec un
déclin de la population de l'ordre de 700 000 personnes par an sur une population
totale de 143 millions. Mais, il se différencia singulièrement des dirigeants
immigrationnistes des pays de l'Union européenne, en pré cisant que l' immigration ne
constituerait pas pour la Russie la solution au déclin démographique6.

l Si rmpuflqUnDC'ftt dâ:'ntes par Mu.uno.: Bl!f'T'6; dans son Enquë:1c au pays Ju Lt..,,·anl . Sur l'ongînc cl la doc:tnnt des
a1.ouda : L. et A. CHABRY , Poliuqur t•t m inu r1tè .i "u P n x:htt·Or1r11t ries r m :w tu tl'w"· c.~-rplo:r um) . rans, M;i1~nncu \:c- l.Mœc
1917. p . 97.99
~X . de PLANHOL. W Natimu cN Prup hi-tc.· ,\funmd Jf,1.'0J.:ruphi./t11.• ch• pnlitiqm· mumlmunr. Pans , f a)·anl, 199), p ;ms
l É. de VAUMAS, •Le Djcbd Ansanch, Erudc de gCogroph ic humumc··. RG A . 196 0 , p 2c.JC)
4 Sw rmpgamn1 dca abvwtn d.vis Io partt• P r .s -- fonc..l.ncur Anlo un SuaJc -- cl bi\olh1 s1c, nous œn,·oyoru 0 b KCtiœ
~ • l'-.btsme ~ d L. d A. CHABR Y. PalilU(IW d minu ritt!.1· a u / >rucl1c.•- Orll! trl f h •.1· ruu mrs 1/'Un t! eiplwion), Pau.
Maaunncuvc- 1..&msc. 19111. p. 160-168
5 A.FP. 101111.1 lOOb.
6 •11 faw , m priorisi, ~ noa comp.tnotcs (au Kns ethnique), des gcn~ m•lru iL<o el qua rc!ipcclcnl ln loi, la cuhim n b
Ddîtiam uJioaala•.
Chapllrr 8. U, nombre 577

Dans cette partie on examinera successivement les sources de l'immigrationni&me


fr,mçais, la question de la sinisation de la périphérie orientale de la Russie, ceUe du
repeuplement de l'Europe occidentale par des populations extra-européennes, et la loi
Ju repoussement du démographe G.F. Dumont.

3.1. Pourquoi la République a - t-elle fait de la France


une terre d'immigration?
Cette partie est à rattacher directement aux parties précédentes consacrées à
l'effacement démographique français durant le XIXe siècle, face aux mondes anglo-
saxon et allemand. Nous y avons vu que la Révolution française était la cause première
de l'effondrement de la fécondité française en Europe, près de cent ans avant les autres
peuples; que le Nouveau Régime n'avait à aucun moment opté par la solution
nataliste afin de remédier au déclin constant de la démographie frarn;aise, relativement
aux formidables essors anglais, américain et allemand ; que la cause principale de ce
refus tenait à l'opposition structurelle entre le contenu idéologique porté par le
Nouveau Régime (républiques et empires) et une morale chrétienne jusqu'alors
défendue par l'Église catholique. Il fallait alors une autre solution pour endiguer le
mal : le recours à l'étranger. Cette solution était à la fois idéologiquement compatible
avec l'idéal de la Révolution française (faire table rase des enracinements pour
constn.tire un Homme nouveau) et avec la volonté d'empêcher toute solution nataliste
susceptible de redonner une quelconque actualité aux valeurs catholiques. Ainsi le
Nouveau Régime décida-t-il de modifier la loi de la nationalité pour permettre
d'augmenter le nombre de personnes de nationalité française . La loi des 22-29 janvier
1851 instaura une attribution automatique de la nationalité française dans le cas d'un
"double jus soli": tout enfant né en France dont les parents sont aussi nés en France se
,.;t automatiquement accorder la nationalité française . Mais à l'époque en France, les
devoirs (service militaire obligatoire pour les nationaux) l'emportaient encore sur les
droits (l'assistance d'un État-providence aujourd'hui hypertrophié). Beaucoup furent
donc les étrangers qui, voulant se soustraire aux obligations militaires, tinrent à
conserver leur nationalité d'origine. La loi du 16 décembre 1874 renforça alors le lexte
de 1851 : désormais, pour refuser la nationalité française, il fallut pouvoir par des
documents officiels, justifier de sa nationalité étrangère.
Ainsi, contrairement à un mythe fort répandu, l'appel à l'immigration est récent
dans l'histoire de France. li n'a guère plus de 170 ans (sur au moins 1500 ans d'histoire
nationale) et est structurellement lié à la nature du régime politique ainsi qu'à ses
mythes fondateurs ; là réside l'explication du fait que la France ait autant ouvert, non
seulement son territoire, mais aussi sa nationalité aux étrangers.

3.2. Le terrible d~peuplement de la Ru,;.sie


En 1992 la Fédération de Russie est arrivée à son maximum de population,
148,J millions d'habitants . Depuis, elle est entrée dans une phase de forte
dépopulation, la plus grave des dix pays les plus peuplés du monde. Un solde
migratoire positif (retour des Russes des ex-Républiques soviétiques devenues
indépendantes) n ' a pas empêché à la Russie d" perdre 3,5 millions d'habitants entre
1992 et 2001 (144,8 millions d ' habit,mts) 1. Daru. le même temps. les Etats-Urùs

1 Nolons quo l.;.'I ltmist:"S Je SllUCbc alh:inund\! (BUSS\CJh:rl llRT qu~RI Ù CU'\ pnn.:1palcmcn1 tftuljrt \·~n l'buvpc ~ CLI
'ol0&ne !l.Urtoul 1
578 J>nrt1e 3. Pi!nntmencr do 1dtnr111t

d'Amérique gagnaient 42 millions d'habitants (passant de 253 à 295 millions


d'habitants).
La cause de la catastrophe est clairement établie : l'effondrement de la fécondilé dl-5
femmes russes conjugué à une mortalité élevée, si on la compare aux pays euro~.
Depuis la fin de l'U.R.S.S., la natalité est en eHet tombée à moins de 10 naissances pour
1 000 habitants et 1,2 enfant par femme alors que, compte-tenu des condilioru
sanitaires russes, il en faudrait 2,2 pour assurer le remplacement des générations.
Même sous le communisme, et alors que le matérialisme et l'avortement faisaient des
ravages, le remplacement des gënérations était cependant encore assuré 1, sans doule
du fait d'une certaine stabilité du régime. Mais la fin de !'U .R.S.S. a signifié pour
beaucoup l'entrée dans une ère instable, voire anarchique. Héritage du communisme,
le matérialisme s'est déchainé dans un contexte d ' ouverture libérale et démocratique
non contrôlée.
La situation démographique russe se caractérise par un déficit de naissances mais
aussi par un nombre élevé de décès précoces (2 décès pour 1 naissance). Les causes de
cette mortalité sont multiples : une mortalité écologique en premier lieu , résultat d'une
politique industrielle et nucléaire soviétique qui a méprisé l'environnement bien
davantage que les pays capitalistes2. Surmortalité masculine particulièrement
marquée3 ensuite. La mortalité chez l'homme appartenant à la tranche d'âge 30-39 ans
est ainsi trois fois plus élevée en Russie qu'en Europe occidentale et l'explication esl
simple: wte consommation d'alcool huit fois plus élevée chez les hommes que chez les
femm~.
Cette rétraction démographique, laquelle sera peut-être endiguée par la politique
de restauration de la puissance menée par Vladimir Poutine depuis la fin du règne
Eltsine, va de paire avec une progression périphérique des peuples rivaux, musulmans
et chinois.
La Russie soupçonne la Chine de vouloir coloniser ses régions frontalières, celle de
Primorié, des territoires de Khabarovsk et de l'Amour, afin de provoquer ensuite des
demandes de rattachement. La présence chinoise dans ces régions de la Russie
extrême-orientale est difficile à estimer : entre 300 000 et 2 millions de personnes, peul-
être 5 millions selon d'autres sourcesS. Les prévisions donnent une présence de 7 à 10
millions d 'habitants chinois au milieu du xx1e siècle. Le phénomène de sinisation de la
périphérie par une démographie chinoise galopante couplé à un phénomène de
colonisation est une forme de revanche de l'histoire puisque les territoires concernés
furent chinois avant de devenir russes6.

1 0 - lamnees 70 et 80 , lc nom~ de na~sanccs dans la Fédération <le Russ ie osc 1llc cnlJ'c 2 milhons et 2 ,S m11lions. li Rn
daacdiviM: ,...ckm.
avo: 111 fia de l ' Empi~.
2 NOUI rmvoyom i noue section .. 111 t::i\1 1hs.alion russe face à l ' islam 1) don~ la4ucllc Il c-sl nppclC que '"l ' ~manc 1pa1ioa• dt li
fc:amir ~ pm: le bolchtv1smc cons15ta D rendre celle-ci !ilénlc à force de d1 7.nmcs J ' heurc!i pusées SUI'" !.les l.tlClt1n ~
tilloœaimt dea champs de eotoa l.tTOlb de pesticu1e Pan1e "c1.... ihs.o1ion"
} 72 ms p:>tU les fanrna et 59 ans pour les hommeii, so it une d1fTl!-n:ncc de 1} ans unique ou monde
• G.f. DUMONT, Dhnographi~po/11/qul! , le..<r /a i T ck lu ll~"Politlqm• d (•.,- pupulutirm.", Ellipses, 2007.
'Y. 80YER et 1 FACON drr.• Lopolt/Jq11r d l! .1écurue J e la Ru.·r s 1t". Pans, f" . R . ~ / Elhpitc!i, 20CKJ, p . 214 .
6 A. dt TINGUY ,•Chinese immigration 10 Rws1a, a vonutio n o n a old thcmc". m Ci . Ul!NTON , F rrEKE, The' CJii1Wu1A
.EMrope, l,..c;mdru, Macm.il.lao.. 1998, p . lOl-320 c1 G. VITKOVSKAIA, " Oueli Ch1nc~c m igmlton cndangcr Rw!1i111n ICCUrity ""· 111
8ridiog Pipa. Centre Camq:ic Moe.cou. moUt 1999. n'"8 : tiup .//pub!lo .comcH•C ru
Cluiptn 8. Le nombre

3.3. La revanche démographique du Sud sur le Nord


"Le peuplt!111tml de /'Europe vn enregistrer rme triple hlo/utiOll : Rrabillltion, i.lmrriMtion tt
africrmisatiou "1

Une question souvent posée dans les enjeux géopolitiques du futur est œlle de
l'aggravation constante du fossé démographique entre le Nord développé et le Sud en
vole de développement. En d'autres termes, la prolifération des pauvres da Sud
menace-t-elle à terme les riches du Nord de poussées migratoires sans pr«édent?
Dans les années 1910, il naît chaque année en Europe - hors Russie -près de 10
millions d'enfants. Ce nombre est aujourd'hui tombé à 6 millions ce qui représen1e à
peine 1/2Qe de l'accroissement annuel mondial. ToU5 les pays européens2 sont frappé
par un recul qui contraste avec les fortes croissances des deux siècles précédents -
XVIIIe et XJXe siècles. L'Allemagne a vu le nombre de ses naiM;ances reculer dès
l'entre-deux-guerres ; l'Italie et l'Espagne sont sévèrement touch.ées3 • En apparence, le
phénomène est moins marqué en France mais il traduit la part détenninante. de
l'immigration extra-européenne dans le renouvellement des naissanœs françaises4.
Dans l'espace méditerranéen, le fossé démographique ne œ&Be de se creuser entre la
rive Nord et la rive Sud. En 1950, la population d'Europe occidentaJe était quatre fois
supérieure à celle du monde arabo-méditerranéen. En 1990, le sud de la Méditernmée a
dépassé le Nord et en 2025, si les indicateurs actuels ne s'infléchissent pas, le Sud
représentera les deux tiers des riverains de la mer Méditerranée. u population des
Quinze de l'U.E. sera alors dépassée à partir de 2015 par celle du monde arabe.
Il ne servirait donc à rien de nier le déclin constant de la natalité européenne durant
le xxe siècle5. La question n'est plus dans la réalité de ce déclin mais dans les solulions
pour y remédier et dans la nature de ses conséquences si rien n'est fait.

1 J.C. CHESNAIS, "Nord-Sud ' le foce-à-fhcc dimognphiquc". in Poliliq,.. . . . . . . - . , . _ 199S. ll"fl9. p. .fU.
2 le recul louche plus gdnbulcmcml les pays dévclopprl!s : llU Japon. il nait deux rois tmÏaJ .,........, l(lli'lu ~•la
Sa:ondc Guerre mondaalc - 1.2 million au lieu de 2.4 million ; dans le taT'itoin:s C1..so\'1111!1iqms.. lit rwwww&:m:::m 6la.il: de
7 millions de naiuanccs à la veille de ln Pre.mitre Guerre mondiale ; iJ est désonnais de 5 millioaL ~ ia farci: m111i11! *:s
populations musulmanes. Les Êtots-Unis sun1 moins touch6s par la baisse car ils DGI aftfisaé-.e ~ tn!s fane mtre 1960
t11990, !Wil plus de 70 millions d'habitants.
l En lcalie, depuis 1984. le nombre annuel des na155IU\ca est lnrdriC'Ur i 600 000 ce q.a ,.__.la~ du. c::blflie d5
ann6ct 1920 ~ en Espagne. alors que l'acc11Jiuemcn1 des na.iSMIK'CI s'\!tail mainlltnll ntour die «ID 000 mmmccs amnlC:lla jmpl'm
dibu1 W:!i rum~ 1970, le chi ffrc est lomM en dasom de 400 000 à pa.rrir de 1990.
4 J.P GOUREVITCH, La Fnmt.._. afrk11inc'. Paris . Pion.. 2000
S "L'Europe 11'C1cinl peu À peu sous nos yeux ~ si elle mamticn1 une apparence de- vilall~ ~ t'e:sl: m vam • 1111
aoîuenœ f'Ultt. de- l'htrilagc de cnp1ta.I humain 111!,uC par les J~tiuns d .. \'&nl•JûCTl'C'. Cm pscc qwc. .ma Aaa ldGbea, ca.ue
pour wie large pmrt luu.s du baby~ln10m, le!i C"ffectirs dcs ~énhons soot mcoft' assez fournis pour que le 8Gimln dr ..-..ca. m
•'cffondœ pl.! cl que celui des li~ rc~h: modéré. O'ki une • tkux dttcnni~ ,;ailcmcot, tclon lc9 pays. t. s:inahoD • rarvenaa;
Io. aênb.tions crcu.at:." i s!!IUC!I du 'hnby L:ml:h' i;;crunt pa.n·cnuc..,. au.' •ses de la parati d ks ~pleines an. .ipl. œ làrW
rnonaliti SI le.a componemrnt.'li aclucls ('Cf'Si1;1cin1. 111 mon l'emroncn. sur Io vie : sur le Vieux COPlimm. le~ dft ~
lornbtra de 6 millions di 4 millionll ; quanl il «-lui Je.c;. d~. au lieu J 'avoumer les ~ millions. il puscn • 6 JlliUiaas. L'acécll:nr des
nailMR«!l(+I million par nn en 1992) ouru lilit plaçe A un d~tlc:it .,,..,.., (-:::: m.illions..~.Jlm68.. .n2G...l0) ;œ~ll . ~
da tombeaux sur les ben:caux." in J C. Ctlli.SNAIS. •NoN-Sud le flCC'-à·fa-e ~·~ ÎD ~ . . . . . . . _ .
A.Ul.OPPIV 11195. n°69, p .. 27--42H .
j Avortements
Stol ou Ensemble
1 pour 1 000 naissances
1 -
; Russie
'
--
.i--~ 1 695
1 451
· f--- 1107

Effet de l'avortement sur la démographie du monde occidental et européen1 :


un exemple d'effet géopolitique par la combinaison
des facteurs technique et sociologique

En 1700, la France compte vingt-deux millions d'habitants : c'est davantage que la


Russie - 14 millions pour la Principauté de Moscou - et 2,5 fois la population des Ues
britanniques. La France est la première puissance mondiale.
Durant le XIX• siècle, la population britannique connaît un accroissement de
250 % ; l'Angleterre répand ses colons sur la terre entière et s'impose comme la
première puissance mondiaJe_
Aujourd'hui, le déclin démographique le plus frappant en Europe est celui de la
Russie: deux décès pour une naissance. La Russie perdra bientôt 1 million d'habitants
chaque année2.
Les puissances qui fuùssent par l'emporter ne sont-elles pas les plus nombreuses 1
La réponse est non, la Chine devrait alors être la première puissance mondiale.
D'autres critères entrent en compte au rang desquels le degré de développemenl
technique et économique.
Mais réciproquement, force est de constater que tous les déclins démographiques
finissent par se payer chèrement3 . La France et l'Angleterre, avec moins de 1 % de la

1 Scuœ : WHO, SlatUtischa 81Urde.uam1, 1999, inkl, Bcrlm. repns par Der Sp1cgcl. n°9/ 2001 . Cc Lablcau Jm1 être mltlp"&

-.
m 11:1111r d'effet dt c::am7:bOn sur la dbnognphie, si les ch1fT~ de 1'11vortcmcnc en Europe de t'Esl sont beaucoup plus CIC\~q..l'm
Europe ocadmtalc. c'CS1 noaunmmt du f:l.11 de I• f111blcssc de~ moyens contruc:ept1fs. En fait. "l'cfîcl conll1K'Cp1100· sur li
dimognphJc doit ~ •Jouté • ·rcffet noncmcnt.. pour se ra.ire une 1d« de l'llll1pkur de Io chulc des naissances dans les iœodo

~
l •u phn pand ~~du monde tombera de 144 m.1llion.s d'habitants en 2002 à. 105 millions en 2050. Le Nigrria. lc Caaio.
!'Ethiopie,. peucto01 devant. 11 n'y a plus ni allocauons ramihalcs. ni rcpèn:s, 1u anfrostructutts . M11lyn! 1ou1c so ricbcsu: ~lie.
il n'y ralc que le cM:scspoic. Cc:st le trou noir Uu monde Poutine a di1 Il nous 1UT1..,c une grnmlc cntastrophc · la dCnat.th\t'
Emm:icD S\'CC J.C. CHESNAIS dans ltt: F1xaro du 1.2 aot1t 2002
l •u pmuric dcJmoa f ... ) ~outre les inmativcs, bnsc: les cfTorls et <lésum1e por !'uJlc plus effica·ccmcnt qu'une insuffisanct
de moyens. Awc le ssul du temps, 11 appenûlnl de plus en plllS nettement que l'effondrement frunço1s de 1940 fut avan1 toul lil &l.t
plnlysie caUléc pw le rnaoquc d'houunc:s CunlCÎentc c.Jc J'mcepacllé uù elle se 1ruuvu11 U'cntn::pnmdre une ac1ion ofTnu.i,..: di:
qucaq. mVCl)IUR. la France • rcfule la lune pan:c qu'elle acnloll cunfusëmcnt qu'un nou\·cou Verdun lui Sl:r&.11 faut'. il
A. SAUVY, Riclfau 6 pDP'JaJùm, Paris, Pa)'ot, 1943, p l 13 .
Chapll"' 8. Le nombre

population mondiale n'ont évidemment pas le mbne poids que la f!tat&-Uni.S. Quant à
l'Allemagne, son poids démographique pèse lourdement dans l'architecture de l'Union
européenne et les processus de décision - les Allemands disposent du nombre de voix
le plus important.
Si la technique peut favoriser la loi du petit nombre sur la majorité, lei n'est a;- le
cas lorsque partout, au fil du temps, la logique démocratique s'impose. La loi
démocratique est celle de la majorité, et lorsque les ~tats sont pluri-ethniques, la lai
démocratique peut devenir la loi démographique. L'Afrique du Sud de l'ltptirtheid s'est
effondrée parce qu'une minorité ethnique ne pouvait pas dominer une i!aasanle
majorité dans un cadre démocratique. Le Liban s'est effondré à partir de 19'75 pan:e
que la domination maronite a été remise en question par la montée en force de la
démographie musulmane, qu'elle soit palestinienne ou chiite. Le drame du Kosovo eat
celui d'une minorité serbe ne parvenant plus à conserver Je contrôle, dans le cadre
yougoslave, d'une population très majoritairement albanaise. Quant à la question da
devenir d'lsral!l, elle repose sur l'issue de la compétition démographique entre Juifs et
Palestiniens sur une même terre. Les sionistes avaient cru prendre de l'avance en
expulsant en masse des centaines de milliers de Palestirûens et en faisant venir un
nombre important de colons juifs : ils se sont trompés. Les Palestiniens, privés de tout,
n'ont pas oublié que leur guerre est par essence démographique.
Nous avons dit que l'Europe avait, à la faveur de sa pauvreté démograpmque. pa
s'orienter vers Je développement de l'ingéniosité technique qui allait lui dormer. dès la
Renaissance, la domination mondiale. Aujourd'hui, a contrario, la f.libles5e
démographique devient un handicap pour l'Europe, d'autant que les compélilions
entre les peuples se jouent désormais dans un monde où les frontières sont de plus m.
plus perméablest.

3.4. La disparition programmée de l'Europe des Européens : des


conséquences de l'idéologie immigration.oiste
Un rapport de l'O.N.U . de 2001 préconise l'installation en Europe de 159 millions
d'immigrés d'ici 2025, ce qui aurait pour effet la submersion des populations
nationales. Souvenons-nous que la dénatalité et la décadence romaines entrainèn!nt le
invasions Barbares. La réponse au déclin démographique des Européens se trouve
dans le retour à une politique nataliste, non dans l'aggravation de l'imnùgration2. Jean-
Oaude Chesnais remarque ainsi que l'ensemble des pays européens, les WlS après les
autres, deviennent des pays d'immigration lorsque leur taux de nalalit2 propre
s'effondre. L'Italie, l'Espagne et la Grèce sont aujourd'hui des pays d'immigration aprè;s
avoir été des terres d'émigration. Demain, c'est l'Europe centrale qui accueillera à SŒI
tour des flux migratoires en provenances d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Asie3. Nous
sommes déjà dans le Camp des Saints de jean Raspai14, roman prophétique s'il enest.

1 J.B. Duroscllc MJUllcnl que la fruntu~re cntn: mvtiïion Cf. 1mm1grahon rau.s1vc est tmDCC • ·mVUJOD Cil un ll:nDC'~ct
unbiau.. qui recouv~ a ussi bien hnnquc rariJc d'un~ ~qui !'1oC mire aplts le piU•• : r.-,.: d"ac' ana« qm pq.c. ,_ k-
maua...tt ou l'hcl11.vaaic du "·oini:u. t'Clobhsscnh':nt de sa propre p:>pulauoo sur les tcna oanqv.ila : ou a:lf111 • lcale_~
d'un peuple qui. au bout Je t.tuelques dl!ccnnt1:s . peut l'~mroncr Cl\ dcnsüë sur la ~ primilivc ou ralCI ~•. ie
lb. DU ROS EL LI!, L ·Euro~. h1.'flmn.· dt· :e&•_,. f't'"l'J,._,, Paris. P~rrin. 1990, rd. Haclw:ne l'tunaL p. 61.
:? Entn:t1cn avcic le .Jl!(nl)arnphc Jacques Dupâq,u1cr. in Lu :\ '0 1.nf!lle Rt>1"W J'H~. a•t , Juillel~Aoir. ~?..
l J.t: CHESNAIS, entretien. l·· f ï x"'n, 11 ooùt100:?
4 Êcril en 1976, M>il p1us Je- 10 uns avanl qus ~ ~ucm.~ Jcs pohbqucs ~ DC
ltandjuur
CGDV1lmCCll( à-.•
582

l'Europe est entrée dans le vieillissement plus tôt que le reste du monde. Vam
l'Union à quinze. avant l'élargissement, la vieillesse est déjà 50 'X. plus présente que la
jeunesse et certains pays, comme l'Allemagne et l'Italie, sont proches de la proportion
de 2 "seniors• pour un jeune. Le vieillissement accélère le déclin démographique de
l'Europe: en valeur relative d'abord, puisque si les Européens formaient à eux S('Uls Ir
quart de la population mondiale en 1900, ils ne représentent désormais que 10 '\de
cette population; en valeur absolue ensuite : l'Europe est la seule région du monde
dont les effectifs vont diminuer durant le premier tiers de ce siècle. L'évolution de
deux grands peuples européens qui se sont massacrés mutuellement à Stalingrad
illustre d'ailleurs œ déclin général : dans vingt-cinq ans le peuple allemand aura fondu
de 10 millions et le peuple russe (deux avortements pour une naissance) de 15 millions.
Sur les vingt<inq pays de l'Union élargie, dix-sept (dont ceux d'Europe centrale)
connaissent des excédents de décès par rapport aux naissances . Avec ses quelques
380 millions d'habitants, l'Union européenne des quinze pays d'avant l'élargissement
de 2004 n'avait pas plus de naissances que les États-Unis avec leurs 295 millions de
citoyens 1
Ce phénomène ne fait que traduire l'effondrement de la volonté de puissance des
Européens: négation de l'idée de civilisation européenne, repentance permanente
s'agissant de l'histoire de l'Occident, culture de mort, féminisation des valeurs
dominantes .. .
Parallèlement à la perte progressive de son substrat ethnique, l'Union européenne
connait, depuis le denùer tiers du xxe siècle, un établissement en masse de
populations d'origine extra-européenne. Des migrants viennent compenser le
dépeuplement européen.
C'est un fait constaté par !' O.C.D.E. : l'Europe (l'Union européenne des 15), est
devenue la première région mondiale d'immigration avec 1,5 million d'entrées légales
annuelles, contre un peu plus d'un million pour le Canada et les États-Unis réunis.
Deux aires géographiques sont cependant à distinguer au sein de l'Union : d'une part,
la nouvelle Europe, celle de l'élargissement, qui se dépeuple à grande vitesse et n'es!
encore que très peu concernée par les flux migratoires extra-européens (mais son
entrée dans le capitalisme mondialisé et l'idéologie des Droits de l'Homme laisse
prédire la formation d'une dynamique migratoire d'origine extra-européenne); d'autre
part, l'Europe occidentale, qui hier colonisa 1' Afrique et lAsie, et qui, aujourd'hw,
connait un mouvement massif de contre-colonisation.
l'accroissement naturel de l'Union européenne (soustraction des décès aux
naissances) n'est, pour quinze pays, que de + 400 000, tandis que le solde migratoire
annuel est de l'ordre de + 1 ,6 millions de personnes . Autrement dit, l'immigration
(l~e) est quatre fois plus importante que l'accroissement naturel des citoyens
européens (qui évidemment ne sont pas uniquement des Européens de souche). 51
l'immigration progresse 4 fois plus vite que l'accroissement naturel (lequel, faul-il
encore le répéter, comptabilise la natalité des immigrés arrivés les années précédentes),
on peut alors en conclure aisément que la population européenne est en passe d'êlre
remplacée, sur un temps historique relativement court, par des populations non
européennes.
Considérons le cas français. Selon l'INSEE, 9 % de la population de la France
métropolitaine est originaire du continent africain et d'Eurasie (Turquie). Or, à eux
seuls, ces 9 % assurent 16 % des naissances en France, soit 110 000 naissances . Le tau>
de fécondité des femmes d'origine immigrée en France (hors continent europé<>n) i.'51
en effet supérieur à celui des femmes de souche européenne : 2,16 enfants par fem111<'
CMpllre 8 . Le nombre 583

contre 1,7 (au détail, 2,57 % pour les Algériennes, 2,97 pour les Marocaines, 3,21 pour
les Turques 1•
Une projection pour 2030 ouvre alors sur la perspective suivante: même en
imaginant la mise en place d'une politique d'immigration 7kro, la France compterait
dans vingt-cinq ans 10 millions de résidants légaux d'origine extra-européenne, ce qui
représenterait 15 % de la population et 30 % des naissances . Autrement dit, au tiers de
ce siècle, un tiers de la "future France" serait d'origine extra-européenne. Une politique
d'immigration zéro décidée aujourd'hui ne suffirait donc pas à empêcher la population
française de souche européenne d'être minoritaire au dêbut du XXJir siècle. Or nous
sommes déjà très loin de la politique d'immigration zéro: 170 000 nouveaux migrants
réguliers extra-européens entrent annuellement sur le territoire, dont 70 000 par le seul
mêcanisme du regroupement familial (êtrangernent, alors que partout en Europe le
nombre total de mariages diminue, le nombre de mariages mixtes, lui, "explœ;e"). Les
Français de souche europêenne qui naissent aujourd'hui mourront dans une France au
profil majoritairement africain et asiatique. Et tel est le sort promis à toute l'Europe
occidentale, de l'Italie à la Belgique, en passant par le Royaume-Uni et I' AUemagne si
un mouvement massif d'inversion des nux migratoires extra-européens n'est pas
engagé rapidement.
Car ces calculs ne prennent pas en compte le phénomène de l'immigration
clandestine, exclusivement extra-européenne et qui ne cesse de s'accroitre. Pour la
seule France, on estime autour de 100 000 le nombre annuel de nouveaux clandestins ;
moins d'un dixième (10 000) sont refoulês. Et une proportion conséquente de ces
nouveaux entrants annuels aura toutes les chances d'être n<gularisêe dans les cinq
années suivantes. De 2002 à 2005, le nombre d'immigrés extra-européens régularisés
seulement pour six pays de l'Union aura été de 220 000 pour la France, 50 000 pour la
Belgique, 720 000 pour la Grèce, 1,5 million pour l'Italie (dont 700 000 pour la seule
annêe 2002 !), 580 000 en Espagne, 240 000 au Portugal, soit un total moyen annuel de
plus de 1 100 000 clandestins supplémentaires pour seulement 6 pays de l'Urùon
europêenne.
Dans l'avenir la pression migratoire extra-européenne ne peut qu'augmenter. Le
taux de départ annuel au Maroc est déjà de 15 % des hommes valides, soit 7.S fois la
moyenne mondiale du taux d'émigration par pays (2 %), dans un pays où le taux de
chômage des jeunes de 15 à 30 ans atteint 60 % (comme en Algérie et en Afrique noire) .
Un sondage effectué en 2003 par une organisation irnmigrationniste2 montrait que sur
600 Marocains de moins de 30 ans, 82 % avaient pour seule ambition de partir
s'installer en Europe. Au Mali ou au Bangladesh, l'immigration vers l'Europe constitue
la principale source de revenu .
La pression migratoire ne se résume pas au seul dêtroit de Gibraltar (fait
médiatisé). La principale plateforme d'immigration clandestine vers l'Union
européenne est la Turquie. Les autorités turques arrêtl"llt chaque année
100 000 illégaux venus d'Asie centrale, du Moyen-Orient et d'Asie. Un effort qui
"compense" leur propension à laisser partir la pauvreté turque vers l'Union. Quant à la
Grèce, elle qui ne compte qu'une dizaine de millions d'habitants a déjà refoulé en
moins de dix ans plus de 2 millions de clandestins, soit l'équivalent d'l/5 de sa
population.
Dans les décennies à venir. la pression migratoire va s'accentuer. Or cette pression
va augmenter à un moment où l'Union européenne prévoit, d'ici 2015, d'accroitre le

1 E1udc llll dCrnoitmrtu: L:1url.'nt Tuull.'.'nuin . /.,. f ï g.1111 . 1-' 11\·nl :!UO."'
.2 L 'Al"AVIC m1 ltS"O~IRlH'lll lie~ :uni " '"'1 fa11111lcs J,_~ \' U:lun~,. Je l ' 11111mi.:l"31h.•n d:Andcstil'IC'.
péimètre de ses frontit'res (par l'intégration des pays balkaniques et de la Turquie)
d'au moins 12 000 km de d~rts. marécages, steppes et forêts .
Le cas de la Méditerranée est à lui seul parlant. La rive Nord (européenne) compte
aujourd'hui environ 180 millions d'habitants tandis que la rive Sud (musulmane) m
compte 24{) million..~ . En 2030, la rive Nord aura perdu 6 millions d'Européens (avec
une saignée pMnoménale d'italiens et d'Espagnols), tandis que la rive Sud gagnera
100 millions d'"exlTa-Européens". atteignant les 300 millions de musulmans. On aun
donc •faœ à faœ", en Méditerranée, deux fois plus de population extra-européenne q~
de population européenne.
Or ce réservoir démographique qui fait face aux rivages méditerranéens de
l'Europe est caractérisé notamment par le plus fort taux d'émigration du monde. Alors
que la moyenne mondiale se situe à 2 % de la population (qui émigre chaque année), le
taux de départ moyen en Méditerranée est de 5 % de la population. Taux supérieur à la
zone Cara\bes et à lAsie. Traduisons cela en données quantitatives : depuis le début
des années 1960. pres de 20 millions des ressortissants des pays de la rive Sud ont
émigré (pas seulement vers l'Europe, mais aussi vers lAmérique du Nord).
Cette propension actuelle de l'Afrique et du Moyen-Orient à immigrer doit êln!
rapprochée des risques géopolitiques qui pèsent dans la région méditerranéenne.
Le premier risque majeur est celui de l'évolution des régimes du monde méditerranéen
Ver.i l'islamisme. Tous les régimes arabes pro-occidentaux ont aujourd'hui une
légitinùté fragile. De plus en plus d' Arabes, séduits par l'islamisme, les accusent de
trahison envers l' islam el de collusion avec l'axe "américano-sioniste". La fragilité de
ces régimes est augmentée par les perspectives sombres de changement climatique en
Afrique du Nord : la chute annoncée de la pluviométrie et l'augmentation de la
sécheresse dans les vingt prochaines années jetterait des centaines de milliers de petits
paysans dans la mist're.
Deuxit'me risque: les conséquences de la révolution économique mondiale causée
par l'émergence de lAsie et notamment de la Chine. Sous pression croissante et pour
rester compétitives, les économies européennes risquent de connaitre un glissement
vers l'économie souterraine. Déjà 10 % du PNB de l'Espagne et 30 % du PNB de l'Italie
ou de la Grèce sont le "fruit" de l'économie parallèle. Les États européens sous la
pression de secteur économiques entiers (bâtiment, agro-alimentaire, textile .. .) ferment
de plus en plus les yeux sur la collusion du capital et de limmigration clandestine.
Des pans entiers des économies européennes risquent donc de recourir à de
l'emploi étranger et clandestin, ou mème légal, dans la mesure où "l'immigré" est
généralement considéré comme moins exigeant en matière de conditions de travail el
de niveau de rémunération: il n'a tout simplement pas le choix . Il y a donc une pompe
aspirante de l'immigration légale et illégale qui est d'essence économique, de
nombreux acteurs de l'économie jugeant que la "mondialisation" les oblige par tous les
moyens à rester compétitifs face au dynanùsme américain et surtout face aux dMis
chinois et indien.
Parmi les multiples conséquences du mondialisme, figure l'aggravation du poids
des mafias ~tatiques. La globalisation financière et la liberté des flux favorisent
les structures ~tatiques illicites. Or l'un des secteurs lucratifs de ces mafias est le
'marché de l'immigration clandestine" . Plus la demande migratoire augmente, plus les
mafias prospèrent, et plus celles-ci prospèrent, plus elles sont en mesure de développer
de nouvelles filières d'immigration clandestine et donc de susciter l'offre.
l'analyse des flux d'immigration clandestine révèle le poids des réseaux albaiws.
yougoslaves, chinois, russes ... Le trafic d'èlTes humains se combine d'ailleurs souvent
avec le trafic de drogue, les immigrés clandestins étant souvent obligés de payer leur
passage en jouant le rôle de revendeurs ou de passeurs.
0..pittt 8 U, nombre 585

Mais les perspectives d'immigration ne sauraient se Umitl'r au constat d'un


,liff~rentiel
d<.'mographique béant entre rive Nord et rive Sud, à la pres~ion asialique
<Ur les économies europ(ocnnes qui détenninera chl'Z de nombr.. ux acll!urs un
comportement favorable à l'immigration, ou bien encore au risque de ba!ICulemmt
Jans l'islamisme de pays musulmans. Une autre question, souvent ignorée, est celle
des perspectives post-pétrolières dans le Golfe arabo-persique.
Aujourd' hui, le Golfe arabo-persique, grâce à son économie pétrolière el gazine,
absorbe une proportion importante de l'émigration asiatique, égyptienne et turque qui
aurail pu venir jusqu'en Europe . Six pays du Golfe, dont la population arabe
autochtone est relativement faible, retiennent à eux seuls plus de onze millions
d'immigrés : des Pakistanais, des Hindous, des Philippins, des l!gyptiens, des Turcs.
Or ceci sera vrai tant que le pétrole coulera des puits du Moyen-Orient Soit au
maximum 40 ansl.
Dans 40 ans, le Golfe sera fait de populations arabo-asiatiques islamiques fortes et
jeunes, dont le revenu par habitant se sera écroulé faute de perspective de
remplacement de l'économie pétrolière (les futures zones de production !!Ont en Asie).
Le wahhabisme sera toujours là, mais sans la rente. Le Golfe ne sera plus une "zone-
tampon" fixant l'immigration entre l'Europe et l' Asie.
La perspective pour l'Europe apparaît désormais de manière clairt" : à la fin
du siècle, les Européens seront devenus minoritaires sur la partie européenne du
continent eurasiatique. Comme ils ne sont pas les États-Unis, c'est-à-dirt' une nation
fondée sur une idéologie puissante capable de fabriquer des Américains à partir
d'origines ethniques différentes, ils se montrent aujourd'hui incapables d'assimiler les
populations extra-européennes à leur civilisation. Les Européens n'ont donc qu'un seul
choix pour éviter à leurs enfants un avenir de minorités (voir de dhimmis face à l'islam
majoritaire), au mieux semblable à celui des Blancs d'Afrique du Sud, replié sur leurs
banloustans: repasser le film de l'immigration à l'envers et rt'lancer la natalité
européenne.

3.5. La loi du repoussement du démographe G.F. Dumont


Dans son traité de Démographie politique, le démographe français Gérard-François
Dumont souligne, l'importance dans l'histoire de ce qu'il appelle la loi du
repoussement. Régulièrement, des peuples se sont brusquement réveillés pour
repousser l'envahisseur. L'un des exemples historiques les plus frappants est la
Reconquista espagnole. L' union d'Isabelle de Castille avec Ferdinand Il d'Aragon en
1469 marque le point de départ d'une dynamique d'unité nationale et de refoulement
de l'Islam hors de la péninsule ibérique. L' Islam ibérique s 'est considérablement divisé
à travers les siècles et le moment est venu de profiter de ces divisions pour redonneI à
l'Espagne son identité chrétienne. Grenade est, durant deux siècles, le dernier royaume
musulman d'Espagne. Le 2 janvier 1492, date importante dans l'histoire de la
civilisation européenne, Isabelle la Catholique (1474-1504) el Ferdinand Il d ' Aragon
(1479-1516), entrent dans Grenade. L'expulsion des Maures est engagée. Après ROO ans
de présence et de domination, l'islam reflue du continent européen.

200.J .
4. Combiner le facteur dé1nographique avec d'autre~
facteurs géopolitiques

Toute analyse géopolitique devant être multicausale, le facteur démographique ne


saurait prétendre à tout expliquer. li doit être combiné, pour chaque situatJon
historique, à d'autres facteurs géopolitiques (de la géographie physique, identitaire ou
des ressources) ou plus strictement politiques (nature du régime politique, des
Idéologies en présenL-e ... ).

4.1. Facteur démographique et facteur hydrique:


l'exemple du Bangladesh
La géographie physique du Bangladesh est soumise à la réalité des eaux•. Irrigué
par trois fleuves, le Gange, le Brahmapoutre el le Meghna, le Bangladesh est une pla111e
deltaique qui n'a que 50 mètres d'altitude à 400 km de la mer. Le Gange el le
Brahmapoutre, qui descendent de l'Himalaya, peuvent atteindre des débits énormes en
J>Biode de crues - 70 000 m3 - et déposent dans leur coulée, des masses
considérables d'alluvions. Le résultat en est que les fleuves coulent sur des remblais,
plusieurs mètres au-dessus du niveau de la plaine. Que les fleuves passent au-dessus
de leurs bordures en période de crue et l'inondation est immédiatemen1
catastrophique. Depuis 1954, les inondations ont dévasté dix-huit fois 20 % à 30 % du
territoire Bangladeshi, trois fois 40 % et une fois 60 % en 19882.
Par ailleurs, 600 millions de m3 de sédiments atteignent la mer chaque annee el
contribuent à faire avancer le delta augmentant ainsi les terres émergeantes du Sud du
pays. Le peuplement humain est évidem.rnent tenté de se fixer sur ces avancées de
terre, pourtant menacées en permanence d'une remontée du niveau des eaux de l'océan
Indien. Des cyclones tropicaux venant du golfe du Bengale entrainent des pluies
diluviennes et des raz de marée qui subn1ergent alors les avancées de terrel.
A celte géographie physique catastrophique correspond une p...,,;sion
démographique considérable. Le Bangladesh a la densité de population la plus elel'ee
du monde - 880 hab/krn2. En 1971, au moment de son indépendance par séparation
avec le Pakistan occidental, le Bangladesh compte 43 millions d'habitants sw
seulement 148 000 krn2. En 1980, il en compte 87 millions et aujourd'hui, il en est~
130 millions. La pression des populations bengalies s'exerce sur toutes les "parois' du
Bangladesh - pour prendre une image physique :
- au Sud-Est, sur les parois des montagnes séparant le Bangladesh de la Birmanie.
vivent des populations - estimées à 600 000 personnes - d'origine tibéto-birmane el
bouddhistes, appartenant à l'ethnie des Chakmas4 principalement, et qui mènent une
guérilla contre la colonisation des Bengalis musulmans soutenus par Dhaka; 1.1
pression démographique bengalie a entraîné une fuite de milliers de Chakmas veis
l'Inde.

1 N<W,.I.\. aw·ux\S pu Lrts bien traiter de cc ca.'i Wms la s ec-1100 i:onsac..-cc il lu ro m:llon 1iéopohl14uc Ju fleuve, man now '~

IOUlipcr k: r.ppon â la ~gnph1e

2 Y UCOSTE du . Dicliv nniJ1re ~ géu~1lmqu~ . Pllns, Fhmumarion. l 'JIJ) , p 2Sf1


J Ea 1"70, ca avnl-ma1, W\ typhlKI auquel suc.:~Jcnr Jc1> wmudcs pu1 1> u n trcmblcnh.·nt Je terre fou plus Je JOU 000 m.lftJ.
4 ·ec: tDDuwrDCDl cbakma s'n1 co05mué en 1972, ;au lendemain di: l'111Jcpi:nJ111u.:c du UunMlu<les h , ini11alcmtnt suus la (\'C'U
d\mc urpa.iution p.>liuque, le Paru.bya Chatu~m Jitnu Shangau Suni11y En 1973, celle-ci se dote d'une brsnd'c ruthWR'- k
5Mo&1 Babmi, qui 1c laa:e dauia la luuc ann6c • parhr de 1976.", m J . M üALENt:IE, A Je LA GRANGE, Mm1J1!3 rrbftks. "'1n.
Mlthalm:i, 1996, I. 2, ,.bk, A~hub, Prodtt! l!I Moyen·Ort<'nl. F.uropt- , p . 101 .
Chdpltn.~ tl. Le nmnhrL"

- À l'Est, vers l'État indien de Tripura et au Nord-Est vers l'État indien de l'Auam,
où dL•s Bengalis tentent de coloniser des terres indiennes. Les populations de l'Inde
refusent l'afflux de paysans bengalis pou,.Rés par Je manque de terres au Bangladesh.
De plus, le Bangladesh e~t soumis lui-mt'me à une pression démographique
exlérieurc, au sud du pays, dans une région frontalière avec la Birmanie, qui at
stratégique puisqu'elle abrite le port de Chittagong. Une importante minorité bengalie
musulmane qui vit dans la région birmane de l'Arakan, les Rohingya•, tente de fuir la
répression du pouvoir birman en se réfugiant au Bangladesh. Mais la région de
Chittagong, qui se trouve près du delta où la pression démographique est déjà très
forte, n'accepte pas de recevoir une poussée démographique supplémentaire.
Ces pressions démographiques rendent les relations du Bangladesh avec ses voisins
indien et birman très tendues.
Des changements conséquenlo; dans le niveau des eaux et le climat pourraient
déstabiliser définitivement le fragile édifice bengali, et du même coup ses voisins.
Comme Je souligne François Thual2, un pays profite de cette situation, la Chine,
dont le destin épouse décidément celui des démographies élevées. Pour se désenclaver
vers l'océan Indien, la Chine doit traverser le Nord-Est indien, l'Assam, avant de
pouvoir gagner le port de Chittagong où le Bangladesh accorde des facili~ portuaires
à la marine chinoise - toute comme la Birmanie, alliée de la Chine. La jonction
terrestre entre le Yunnan chinois et la zone littorale du goUe du Bengale nécessite un
contrôle de l'Assam3_ Les Chinois comptent sur la déstabilisation de cette région de
l'Inde - leur grand rival - du fait de la pression exercée par les populations du
Bangladesh.
Cette section pourra être rapprochée de celle consacrée au contentieux autour de
l'eau entre l'Inde et le Bangladesh - chapitre portant sur la guerre de l'eau.
C:irte 84 : Les religions e n Inde, au Pakistan et au Bangladesh
Carte 75 : Les minorités chrétiennes et musulmanes de Birmanie

4.2. Démographie et économie d e la rente pétrolière : l'exemple de


l'Arabie Saoudite
Nous renvoyons ici à la partie consacrée à l'essor d'un État sur la rente pétrolière -
section consacrée à l'importance du facteur pétrolier.
L'État saoudien est un modèle de pouvoir lignager poussé à son extrémité. L'Arabie
Saoudite, c'est d'abord la prolificité incroyable d'lbn Saoud~. En 1980, on évaluait les
membres de la famille royale entre 2 000 et 3 000 personnes5 et œ clan familial tient le

1 Mrm , p 167
! f . THUAL. Cuntrûl.·r ,., nmtr •. ,. (s1r111..1gh'.,. ~·;•'J'k•l111<1•••·s1 , Pan.'i. Elhrscs. ~000. p. l~~ · lL!

J "l>c 1901 Û 1971 . 1'1.1..:..:ru1SSl!llll!ll1de111 roruhmon çn l\~\8 Ctélk J.&~~•'-'ûft~ ••pcW• 1.,0 .... pour kr'Cli&c:Jc rl.ioron.
Cc srci.:111culu10! "boom" J~mogrJ(lh1t.-1m..• !I eu llllll J 'ubord Ji.:s Cl.IUSCS ""'-:onumi\{LIC'S l'unponauoo par les Bnl41Uli.qua. J\.n: n::IAID-
J'n:mm.' hon nutri.:h~ rnur 1rnn11lki- J1111s k.; l'l antn111111s ,h.· the Ll.:s ..:('ntauh."S Je milhcrs .X nuvr.wt.s. J"on~u~ w. . ~ tHmdous
Ju llihilr, lknt!.ah s musulmnns uu hmthl u h•h:s, N i:r11la1 s . .:-11.: 1 ~·y .. u111 r"•t:.n-s:i.l\('ll ~t Ulit.allC").." . m J M R.\.l t:S\: 11:: ..~ ..k L\
OKAN(il:: • .\!mi.IL•.,· r.•h.-lh·.\ , l' Llrl S, M1"h11l.m. ll,ll,lh. l . ::! ...h1 .. · \111_i:hTd•. l'n-.. hr L•I \luw1,...ùt rrnL Ewn•p.·. p. :' .' Il ) JI UD
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4 1'.11 l •J;\~, Ibn Stu•Ull li d ~J• I ~r<•U ,,. L' 1~4 1\.-mnh:s. 11 \C ille a n'en .;un..wl\-.:r J:&.ma1,,. pllU !.k yuaan: J.:ui ,,. loOll h.&rciu -· Jru.1
11\lbulmun Sc!> humnu:s Je 11111111 hu um.!ncnl r.:~u li O: rcmenl k 1·ru1L .. k 1..-m,,. 1LLU1.L' ..·n .Nltc,. \'IC'f'VO i4su k'S 1ribus.. l'clk- lf\U ol
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588

pays aussi fermement que les partis blllll/1 syrien et irakien hier 1 . L'Arabie SaouJilt
n'est donc pas une nation au sens où nous l'entendons, mais un État familial.
Si l'on y réfl~hit de près, l'accord pétrolier entre les compagnies américaines et 1.,,
princes saoudiens ressemble à une sorte d'impôt de la dhimmitude . L'id~ est la
suivante : "on peut accepter que des chrétiens 'souillent' par leur présence la Terr,
sacrée du Prophète à condition que leur travail dans l'exploitation pétrolière permette
de ne pas travailler nous-mêmes"2; la redevance sur l'exploitation pétrolière est, d'une
certaine manière, une sorte d ' impôt islanùque. Elle perpétue le modèle économique
islamique : non une ~anomie du revenu par le travail, mais un prélèvement sur le
passage ou sur le travail des autres. Tel est le principe fondateur sur lequel repose
l'alliance géopolitique entre l'Arabie Saoudite et les États-Unis. Voyons maintenanl le
poids du facteur démographique sur la mise en œuvre locale du principe.
En 1940, 1' Arabie Saoudite compte environ 3 millions d'habitants répartis sur pl 115
de deux millions de km2 de territoire. Un accord est trouvé entre la population
intéressée par la redevance et les intérêts américains exploitant le pétrole. Mais la
population saoudienne, sous l'effet d'une natalité élevée conjuguée à une baisse
sensible de la mortalité, ne va cesser d'augmenter. La croissance démographique de la
population liée par le sang à la famille royale va donc s ' accélérer. Le pouvoir exige une
hausse du taux des royalties qu'il obtient aisément puisque les profits générés sont
élevés et que l'on ne cesse de découvrir de nouvelles réserves . La création de J'O.P.E.P.
en 1960, puis le premier choc pétrolier en 1973, vont servir la stratégie saoudienne de
croissance de la rente. Entre 1972 et 1974, le prix du baril passe de 1,90 dollar à 2,70
dollar, fomùdable hausse qui arrive au moment de la transition démographique. L'Iran
connait le même phénomène d'augmentation de la rente pétrolière au moment de la
Révolution islamique (deuxième choc pétrolier), ce qui permet la mise en place d'un
État-providence et le financement d'un effort de guerre contre l'Irak.
On voit donc ici l'importance du paramètre démographique dans l'évolution de
lArabie Saoudite. Aujourd'hui, la demande très forte en pétrole (due à l'émergence
rapide de pays asiatiques comme la Chine) maintient un cours élevé. Mais en mème
temps, le régime saoudien doit partager la rente avec un nombre croissant d'acteurs ce
qui freine les investissements nécessaires, d'une part à laccroissement des capacités de
production, d'autre part à la préparation d'une économie saoudienne post-pétrolière.

1 La para1t4!: ctt une force de cohts1on 54111 doulc ~upc!:ricurc à celle de l'idéologie ; A. DRYSDALE. G.11 BLAKE. TN
MtdJ/r &ut anJ North A/rica A Polilical gragraphy. New York · O~for<l . 19H5. p 212 .

2 Or m!me. a+il ttt xcr:pll!: de voir des m1h1a.îrcs occ1dcn1au~ roser le p1cc.J sur cette Terre !;Bcn!c ~ur se rrott,tt i.k rlni.
de Sadd:am Hus.Kin. en 1991
CNpll"' 8. Le nombre 589

4.3. La démographie détermine-t-elle l'économie ? Commentaire11 de


Braudel sur les travaux de Wagemann
Les travaux du démographe allemand Ernst Wagemann 1, dont l'importance est
soulignée en France par Femand Braudel2, s'inscrivent à l'encontre d 'une thèse
répandue parmi les économistes selon laquelle les courbes démographiques dépendent
largement de l'économie. Pour Wagemann, la démographie mène le jeu économique, et
non l'inverse. Alors que les économistes attribuent l'accroissement démographique de
la population après le Moyen-Âge, au capitalisme et au progrès rapide du facteur
technique durant les XIX" et xxe siècles, Wagemann soutient que ce sont les progrès
techniques qui, au contraire, sont une conséquence de l'augmentation de la
populationl. Comment le démographe allemand justifie-t-il sa thèse?
Wagemann propose d'abord un découpage des grands cycles de la démographie
occidentale : xe.XJne siècles : augmentation appréciable de la population; XIV• siêcle :
diminution catastrophique de la population due à la Peste Noire; XV• siècle :
stagnation; xv1e siècle : essor très important - notamment en Europe centrale - ;
XVIIe siècle : stagnation ou diminution ; XVIII" siècle : augmentation considérable;
XIX• siècle : essor intempestif ; XX• siècle : augmentation lente. L'Europe connait donc
trois poussées démographiques majeures : avant et pendant les Croisades; à la vrille
de la Guerre de Trente Ans ; du XVIll" siècle à nos jours.
Or, Wagemann note que ces poussées sont observables ailleurs qu'en Europe,
qu'elles s'étendent au monde entier, et ceci alors même que les civilisations non
européennes ne connaissent pas le même essor du progrès technique. Braudel rejoint
Wagemann dans l'idée que la population mondiale augmente par ondes, plus ou
moins brusques, plus ou moins longues et remarque que Max Weber s'accorde aUS5Ï.
sur ce point.
Du même coup, écrit Braudel "toutes les habituelles explications de la démographie
historique et, au-delà, de la démographie elle-même, sont mises ou peu s'en faut. hais
de jeu. Ne nous dites plus que tout a été corrunandé au XVITI" siècle, puis au XIX• siècle
par les progrès de l'hygiène, de la médecine, victorieuse des grandes épidémies, ou de
la technique, ou de l'industrialisation. C'est renverser l'ordre des facteurs. comme nous
l'avons déjà indiqué, car ces explications taillées à la mesure de l'Europe, ou uùeax de
l'Occident, habillent mal les corps lointains de la Chine ou de l'Inde qui. pourtant,
démographiquement, progressent. semble-t-il au même rythme que notre péninsule
privilégiée"4.
S'il est difficile de soutenir de manière certaine que l'éconouùe découle de la
démographle - il faut éviter de répéter à l'envers. le défaut observé citez nombre
d'écononùstes - , les travaux de Ernst Wagemann permettent néanmoins. de souligner

1 Dir ,Ynhr-vngswirt.'fc.." lta.fi lk.'f ..f1Ldande'.' i. Bttlîn. IQl7 , .-4/lgrm.t";tw ~JJJ~. l Elcrlia. 1923. EllffiJltrra9 O.•
Lcipzi~ .
Konjlt'fkr.,rlehn.·. IQ:?Q , Stn.iA:1ur 1mJ Rlr.\nrtu.i d<r ltt>/r,,;vt_.._·Jtaft. G~~ ei.wr tWirw.lf'UC~
~nnj1mA.turlt•hfV. Balin. l'Jll , W1rr,,:h1Jfl."f"'/iti.fflh! SmJt«<it· l'on ~n olt.-nt>m G~ ··~àc-~. l""Oil;
ltl.l l , 2 td. H•mhurg, 1943 • .\f,.,u.: hc•n:Hhl uM l'(llle'3c-ltirbnl. Etlffl Ldtrr ~..,,,.km opri~ ~ ~­
Ga·bi/Jr. lb.mhuf}C. l 'MM. Ernst Wa~cmann ~t dtttelcur. nant la Seconde G\IC'ITe IDCllldYilc., du. K.00)'\mJau:r tmritm de 8atin : ,.-..
11 débklc •llcm11ndc. il s'cnfu11 au Ch1l1<!t11."IC..:upi: , Jusqu'en 1~5) . une chau'T a rlin1vcni1C de Seociqo ; .J. piblic. en ctpllDOI.. dma
11\tts imponanl!J remarqué ~ por Bruudcl : 1::.. \\' AGEMAN~. L.~ pubioc1e.>11 ,·n .el ~1U.O dr KH pvteblOI.. s-.ao. l'M9.. (La
poflUl.tion cl le Jcst1n Je:; rcuplc,.I . et F.t ·um 1m1&J lfH1nai1l.JI. ~t1qo, 19~2. .l 1~ tL'«aoorrue llMXldililc). le ll'Ui:.cllmc ~­
f'ublit i Rcrlin. en 1~5~ . peu 01v11nt su. man t l 9~M : Dil• Zultl .U.rr Dr:fdrw, livrr m.agc comar k ~ F. Bmldrll. . _ -..i
Wagcmann." S~rlllCk t lolmcs s'cnm:licm av~ s.on ami Wa1Son tk ..:h1I~ Jir snatstiqucs. d'œdres de gnndcur O.~~
111 s'&g1'.'sa11 Je l' l'Ujl;.1hlcs •Hl J.._. suspc..: b .
2 F RRAUl>l·.l. . El nlJi ,·ur /'Jt1..'iltnr. ·. raris. Fhunmanun. 1~84 . p. J9~·1Ui .

l tfk,,,, Jl. l 9M .
4 lliuJ . p l IJ4. 200
590 l'tll"liL• .l Pt•MJlllllt' UCt ,,~ ""''"'"'

l'autonomie et l'importance du facteur géopolitique par rapport aux foclcurs


économiques, et de se prémunir au moins d'une tentation hégémonique de l'économie
tendant à s'aliéner l'ensemble des dynamiques mondiales et des faits historiques

5. Les grandes catastrophes démographiques

Peste brune. peste rouge : les deux termes qui désignent les deux idéologies
considérées comme les plus criminelles de l' histoire du XXL' siècle, le nazisme el le
communisme 1, font référence à ces grandes épidémies de peste bubonique qui
désolèrent l'Europe du XIV" siècle et causèrent des saignées monumentales dans sa
démographie : la peste noire enlève 25 millions d'hommes à l'Europe et sans doule
l'équivalent en Asie2. Cet événement constitue un ralentissement brutal porté à la
croissance de l'Europe; l'Ouest du continent ne retrouve le niveau de population
d'avant la Peste noire que vers 1560. Le XVI" siècle est aussi celui de l'expansion de
l'Europe vers le monde, comme si le retour à la pleine démographie correspondait avec
celui de l'élan conquérant.
Il n'existe pas de catastrophe démographique pour un ou plusieurs peuples qui
n'ait pas eu d'importantes conséquences géopolitiques. C'est ce que cette courte section
veut mettre en évidence, sans pouvoir cependant rendre compte de la dimension
humaine des grandes saignées démographiques.

5.1. Le Nouveau Monde décimé par les germes pathogènes


venus d'Europe
Les travaux récents de l'école de géographie économique de Californie3 ont montré
que l'arrivée des Européens avait décimé 90 % de la population originelle du Mexique
- soit 25 millions de personnes à l'époque - et ceci par contamination des germes
pathogènes de la variole, de la grippe et de bien d'autres virus et microbes contre
lesquels l'immwûté des autochtones n'était pas préparée. Au Pérou ce serait de
manière analogue les 1/Se de la population qui avaient péri, incapables de résister à
l'invasion des souches européennes.
À Hispanolia - Haïti-. on est passé de plus de 1 million d'habitants à l'arrivée
des Espagnols - certaines estimations parlent de plusieurs millions - , à 10 000 en
1518 lorsque la peste arrive dans l'ile 4 • Seules les maladies peuvent expliquer un si
rapide déclin, aidé bien sûr par des boucheries humaines abominables . Car cet allié
mortel que fut pour Je conquérant espagnol, Je germe pathogène, ne doit pas faire
passer sous silence les massacres commis par les Espagnols en Amérique centrale et
latine. L'historien américain David S. Landes parle d'un holocauste comparable à celui

1 Le hvn:' noir du communisme. sow Je d1rccliun de Stcphanc Courtois. o monire <1uc celle idéologie est rcspon.s.Jblt, au
xxc 51ecJc. d'au mouts 80 mtlhons de morts. c'cst -it-d1re le poids démogruph 14uc <le l'Allcmuçnc ioule cnl1~rc .
2 •t.. pe:s,tc noire d~ années IJ47-IJS2 concerne l'cnscmbh: du contmcn1 européen Venu J•A s 1c, cc fl~au 4111 D\'a ÏI ~
l'Europe: pc:.ndatu plus1cun s1Cdcs. y parv1cn1 pll7 ks routu de la soie el des Jn\.Osmns A~siêgés Jons C';iffa, en Crimê-.:, lc-s G~oli
DUNJml CtC lllun; lc-s \;cumn: d'une vtntablc:. guerre bactlriol o gn~uc , leu~ udvcrsuire~ 111 1.ano leur ayant lancé <les cadil\'JCS f" ~ Lnl'
pu-des.sus lrw rnun de la "1111c ".in J. CAR PENTI ER et f LEBRUN. /-11:au ;rc: de · l'E11mp1•. l•nn s, Le Seui l, l'J 1JO, p. 11.>S Le~ rotn
tes plw '°'"bics furent cnsu11.t ~CllC'1'i de Milon eu XVII"' ~itcle . 1.k Londn:s .:n 1655. dc Morsc1lh: en 1720 l.a demie~~
êp1dênuc i.:orutatéc csl celle de Mamlchounc en 191 1.
l C SAUER, WCXJdrau· Bor1.1lr
'4 (.' SAUER. Th~ ~url.1 · Spunul1 Mam, p 65-ft7, cllt pur D .S LANIJl-:. S . R1d10:... .u· et l"""'rc'lt· c/( •.1· 1Jallom·, Pans, Altun Michel
2000
Qui pitre 8. Le nom brc 591

des juifs durant la Seconde Guerre mondiale. La même volonté systématique de tuer
des populations entières y fut appliquée : avortements forcés, massacres des enfants,
suicides provoqués. Pour autant, malgré l'ampleur du massacre, cette colonisation fut
aussi une œuvre civilisatrice qui fit passer les populations autochtones de l'âge du
sacrifice humain à l'âge du christianisme.

5.2. La traite des Noirs, catastrophe démographique pour l'Afrique


Fernand Braudel dit que le fait majeur pour l'Afrique, à partir du xvr siècle, est le
développement de la traite d'esclaves noirs 1 qui se perpétue jusqu'en 1865 dans
l'Atlantique Nord, plus tard encore dans l'Atlantique Sud, et qui durera au-delà du
début du xxc siècle sur les routes qui passent par la mer Rouge et qui vont à l'Est2.
Le trafic d'esclaves de l'Islam est sans conteste celui qui saigne le plus le continent
africain. Partant d'Afrique du Nord, ou des côtes orientales de l'Afrique - Empire
omanais -, les Arabes sont les premiers à ouvrir les relations économiques entre
l'Afrique noire et l'Eurasie. A partir de places marchandes situées en Afrique orientale
et au Niger, ils mettent en place les routes de la traite négrière. Comme nous l'avons
déjà souligné dans ce chapitre, l'Islam manque de main-d'œuvre. L'esclavage est la
solution. Autour de 1875, on estime que l'Islam ponctionne 500 000 Négro-africains
chaque année, par le nord et par l'est du continent3. Dès la fin du xvme siècle, des
caravanes du Darfour arrivent au Caire avec près de 20 000 esclaves d'un coup. En
1830, le sultan de Zanzibar - omanais - perçoit des droits sur 37 000 esclaves
annuellement.
En comparaison, la traite européenne vers l'Amérique est bien plus faible. Ceci
s'explique essentiellement par la longueur des voyages sur l'Atlantique Nord bien
supérieure à ceux des marchands arabo-musulmans. Braudel donne le chiffre de
60 000 esclaves annuels en moyenne entre 1500 et 1850; David S. Landes parle lui au
minimum de 10 millions sur 3 siècles soit 30 000 par an4. Les Indiens d'Amérique ayant
été décimés par les maladies, les mauvais traitements et les massacres, l'Europe a
besoin de mains pour le Nouveau Monde. Bartolomé de Las Casas accorde une âme
aux Indiens mais il ne peut le faire pour les Noirs, tant les intérêts économiques en jeu
sont élevésS. Les chiffres ne révèlent pas le nombre de ceux qui sont morts durant ces

1 Il convient nC-anmoins de voir que la lr. ulc des Noi~ commence trës 161 d;ins tlustoire : elle est une pcrmzlDCllCC FDPolitiquc
au mo11\i du IXe sikle jusqu'ou X.X"' siècle "la lrn1tc dl$ Nou-s n ' 11 jamais ccssC depuis les Egypuens Elle es& c:nswlc pmbqUIX: Jm'
les Romains puis par les Anabes . Le cornmcfl:e des c schn:C"S par les Arabes de 800 ;l 1700 aunit poné sur 9.6 m1Uiom de Noin.
tmployes comme guerriers. rra..·aillcurs dans les minr.."S. eunuques cl, pour fcs femmes. rommc savanlc:s ctloo dam les harcna. Il y a
tplcmenl une cmuc vers l'Inde. l'lnsuhndc i:t mêm..- la. Chu\\'.' nvnn1 l"arn"·tt des Eurnpttru..•. 1b P VILLIERS, P. JACQUlN.
P RAGON . Û .t Europ;i:1tt t! f lu mt:r dt.• la dà·m/\·,:rtc.• Li lu cfJl1muutwn 11.J.~.5-ISISOJ Poui.s. Ellipses. 1997. p. 7 1; Cl :Mii'
l'cru.tmblcdc lo. 1railc négrière du xv1c s1i:ck .1 11 :x1xe sit."clc. r 71-102
2 F. BRAUDEL, G,-umnm1n· dc.•s cH·1/t:w1w1t.'f , rèé-d ., rlamm;anon. Pwis. l'NJ . r lftS
3 '"L'Afnquc ('lcni son s.ung pnr Ioules les pure~ " ~c m Ft:mand UrnuJ.e l. hkm
4 D S. LANDES, R1d11·:ut· t.•I 110111·1·c.·h; ,h·." 11u11111t.,. (r.. urquu1 J,._., rh,:lr."" ., P11u,-qu1u il•·~ l"""'''J'\'S ·'1. Pans. Albm :-.tu: tKL 1998.
p. 162 (1raduî1 Je Tltc Wcohh rmd Puvcrty ,1f Not tmns. \\.'hy sonic: :m: m.:h amJ somc- so poorl
~ "Il suggéra que chaque colon fü1 uu1onsé U 1mJ'kmi..· r unl' d1,.1UZJlml' û 'cs.:-la\·cs nv1rs 1.k rao.·-.>n a pouvoir ep.vp>er ln lnd.iau.. ...

m Dnid S. LANDES , R1d1 ..·.,·."~· ..., p111n.,.... ·,~· .ln· mmon•·, Pans . .-\lh1n M11:hd, ~000 . p lti~ . !< :1ppuyant sur RICH. ColOlllll.I
0

Scnlcmc111. 11 )2!, à noter 'lue trés v1t1..·. au X\'oe- s11..·do: 1;1 1ru1h: lies Nu1rs pi.lftu~a1sc s':1ppwi: ~ ur ûcs N~en nu1r.. toc.1'"; b
~•Wltophe de la Truite se fi111 u\'ci..· lu 1..·omplu.;11c de mlll1hrcu."'c-s ~up\aJcs afm:,;uni:s , l'h1!itl•in: de la TniÎtC" IX' peul donc êltC
rkumtc à un choc Blancs con1rc Noirs ''À pnrt1r lie 1450, les Pt1rtuga1 s 0111 rcnon~·é à razzic-r l:i r..-Olc afncatnc pour s'cmpettr dfos
t11.:lnn p~(.;n:ml (;oinmcrccr BV1..'\; les rois lo(;m1x Ils s'1tpp1 11cnl sur les iles alhnuqucs '{U'1ls ,101 sys ~rua1..u-1Uftl"IC'nt r..vJoms.ecs. Les
A(nc•ins sonl demandeurs de mcHou.'(, Je lcJtlilcs , t.l'u\u)(.11 e1 ulc~T11:un.·men1 do: 1.aNc maL,. à l'~•ccpc10D. dt I• gomme et de l'ar, ils
OUI peu i. alTnr •uJt r::uropêens Lia 1m1h: s'uupose d'au1un1 ph.L"" fodlc1nrn1 '{UC les sucië1Cs africalDU sont °P'>W' l-. pllllSI
592 Pari Je J l't•mmnt11Ct dtfl tdntllli•

voyages maritimes aux conditions épouvantables' . Toujours est-il qu'il "valait mil'Ux
encore" étre déport(! par l'Europe que par l'Islam, car les planteurs blancs veillaumt
plus à l'économie de leur main-d'œuvre, le coOt de transport vers l'Amérique Nant
l11rgement supérieur à celui des caravanes musulmanes.
L'esclavage des Noirs dans les plantations de canne à sucre anglo-saxonnes
notamment a sans doute permis le développement du capitalisme industriel anglais ·
culture de la canne à sucre et raffinage intensif à coùt de main-d'oeuvre très bas -
achat d'=laves - ; commerce de sucrt', café, thé, qui enrichit les planteurs; création
d'une riche!'SC qui augmente la demande en biens manufacturés venant d'Angleterre ;
l'augmentation de cette demande permet alors de stimuler l'industrie anglaise -
hausse des salaires, division des tâches , invention de nouveaux procédés économlo;ant
la main-d'œu,'re. Plusieurs travaux de chercheurs américains ont montré le rôle
primordial de l'esclavage - mals pas uniquement - dans le décollage de la
Révolution industrielle anglaise2.
Les deux traites négrières, celle vers l'Islam et celle vers l'Amérique furent un
drame majeur pour l'Afrique3. Pourtant, il faut bien constater avec Fernand Braudel
que s'il existe aujourd'hui des Afriques qui vivent dans le Nouveau Monde, aucune en
revanche n 'a survécu dans le monde musulman ou en Asie4 .
Les raisons du retard de l'Afrique sur les autres civilisations sont nombreuses et
complexes. Mais il est certain que la catastrophe démographique causée sur le
continent africain par l'asservissement dans l'esclavage ne pouvait guère améliorer les
choses.

5.3. Géopolitique et génocide


Le génocide a pour but "l 'extermination totale ou partielle d'un groupe national,
ethnique, racial ou religieux"; telle est la définition qui ressort du texte approuvé par
l'Assemblée générale de l'O.N.U., le 9 décembre 19485 . Le tenne même de génocide est
forgé par un juriste américain, Rapha!!l Lamkin, en 1944, à la veille de la découverte du
génocide des Tziganes et des Juifs perpétré par les Allemands. li sera essentiellement
appliqué depuis 1945 aux Juifs massacrés dans le cadre de la Solution Finale de Hitler.
Plusieurs millions de Juifs périrent alors dans les déportations et les camps de
concentration nazis6.
Un débat existe sur la singularité du génocide des Juifs. Selon certains philosophes
et historiens, le terme de génocide n'est applicable qu'à !'Holocauste juil ; il est alors
abuslf de l'utiliser pour les Arméniens - la moitié de la population arménienne périt
pourtant dans les massacres turco-kurdes7 - , pour les Indiens d'Amérique - aux

csclnagit.tcs. •.in P. VILLIERS . r. JACQUJN, P. RAGON . Lt.•.,· Et1nJpt.~( ' n.,· t..•t la mer th · /" tlùo111 ·c!r1._• à la <·o lonuall<m 1f4~.'­

Jlf60J. Paris. Elhpscs. 1~7 . p. K:?.


1 \'otr J MILLF.R. Tir<' k 'O)' of dt!alh . Sur la tr.J.1lc de~ Noin. d ' Anc c•lu

2 E WILLIAMS , C upuafüm und .<rlu1·.. ·~


3 LC$ dnnic:n nCsric:rs, en dehors des Ara~" qui co111mucro n1 IJ 1r:.111c j w.41u'11u XX"" sièi;lc , w 111 les rlonh:u~ bris1linu Eri
UlSO. les Anglais prcnncnl de:~ maures contn: k !i hutcaux de Io 1ra11c brés1l11.:nm: r Vil LI E RS . P. JAC"QU IN. r RAGON . L~
Europictu cl lu tn«'r de lu dtkm n't"rtr! a la rolmril·uunn (/4.H - /H6(}) , Pnri !'. f:lhp sc s, 1997 , p . 1JY- 10:? .

.. F BRAUDEL, Grwrimu in- Ûc!.I <iVllU'lJIUHLfi , réèd ., ran s, Fla111mariil n , 1')')J . p. 171 .
SA. BIAl>. Druil 1ntt•muflonul humuni1air..•. Pari31, EU1p!lcS, llJ9f) . p . 9S

b Allx cbl.b de nombre~ liUh"\::S dCponés . re5 isumts de.:.; nullu n:i; Ut.:c upéc:i;, Tr.11!..ancs., opposants rol111qucs 11llcmu.nW
7 .. A la Ycillc de la bMtatllc de Gallipuli. dans Ja nuu du 24 uvnl qui en dc.,.. 1c.m..lro lu llotc c u mntcmunuivc, le coup d'cn\t>t ~
atoocuie e'il donne pti une pran..iètc rafle vlii;ant 8 Jb;upilcr Io nauun : plus de lt5U no1u.bli:s um1611cns de la capitale - 11 y nJ a&in
m 1QuJ pr-n de 1000 - soo1 arrêtes, dqx>nés m Analuhc C'I a.:.i:;as1011ês . 1 . J Un mémc scén11ru1 <le l'horreur se n!pC:tc ..WU 1ou1n ln
L,,.pltn: B. I.A. nombre

Ètats-Unis, ce parallèle n'est pas considéré comme choquant - • pour leA Cambodgiens
massacrés par millions par les Khmers rouges, ou encore pour les ma!lllaCl'es
systématiques au Rwanda en 19941_
La géopolitique n'a pas pour objet de participer à ce débat à la fois philosophique et
juridique, mais doit traduire la spécificité d'un crime de masse dans !les conséquenœs
géOpolitiques.
Le génocide juif a des conséquences géopolitiques immédiates : il réduit
considérablement Je peuplement juif en Europe et accélère le projet sioniste de la
création d'un État spécifiquement juif. La géographie du Moyen-Orient se trouve
bouleversée durablement par l'effet essentiel et fondateur de la Shoah.
L'importance du crime est telle que la création de cet État peut se faire seulement
trois ans après la découverte de l'Holocauste, et sans que l'Occident ne se préoccupe du
devenir du peuple palestinien dépossédé de sa terre dans la foulée. L'Holocauste n'a
pas pour seul effet de créer un État, ce qui est énorme en soi; il devient une donnée à la
fois muette et puissante - une sorte de non-dit d'une force phénoménale - des
politiques étrangères des États européens. L'incompréhension civilisationnelle entre
l'Occident et le monde arabe-musulman - celui-ci déjà échaudé du fait des promesses
non tenues de 1916 avant la Révolte arabe contre les Turcs - se creuse. L'islam arabe,
et les Arabes en général, se représentent une nouvelle enclave de l'Europe à Jérusalem
et le souvenir des États croisés latins est ravivé. Les Arabes reprochent aux
Occidentaux de s'être achetés une bonne conscience sur leur dos.
Carte 91 : Pays d 'origine des Israéliens
Qu'en est-il maintenant des conséquences géopolitiques de l'arrivée des Européens
en Amérique ?
L'Amérique autochtone est en grande partie remplacée dans son peuplement par
des Européens : il y a là encore génocide du point de vue géopolitique.
Si l'on examine le crime du point de vue de ses conséquences géopolitiques, plutOt
que du seul point de vue de son intentionnalité idéologique, la notion de génocide
incorpore l'ensemble des crimes ou des méthodes de persécution mobilisés contre un
peuple pour réduire la puissance et même l'existence de celui-ci. D'une certaine
manière, la géopolitique rejoint alors le Code Pénal français qui donne, depuis 1994, la
définition suivante du génocide : "toute destruction d'un groupe à partir de tout critère
arbitraire" ; suivant cette définition, il y a un génocide des Koulaks en Union
soviétique, et également un génocide vendéen puisque certains textes de la Convention
révolutionnaire parlent d'une Vendée "ethniquement contre-révolutionnaire" et donc
globalement responsable d 'un crime punissable de mort.
L'Union soviétique pratiqua aussi la déportation systématique des jeunes
Ukrainiens vers l'Asie afin de tarir la vitalité démographique de la nation ukrainienne.
Les déportés devaient ensuite, soit rester célibataires. soit se marier avec une personne
non-ukrainienne, l'idée étant de dissoudre peu à peu l'identité de l'Ukraine dans le
magma de l'/Jonro sm•ieticus. Briser les peuples consistait également sous Staline à les
priver de leurs élites culturelles et scientifiques, en déplaçant l'intelligmlsia hors des
frontières. Le génocide pratiqué par le communisme soviétique2, quant il n'était pas
pro\. mecs pcupltts J'Ann.:nic:ns ", m C.- MOl !RADl r\N . /. 'AmJ1.'n i(•, Paris, PU F. 1~5 . coll .. Que s.ais-JC ..... n'!Cil. p. 61-66.
C~re Moul'lk.han m ontre. r.:h11l"rcs et 1i: , 1c ... 111tcni;11 ionau' .à l'.1ppu1. l.Ju'il ) ' :s bien un 'l!fl«'"•tic des A.rmcrucm..
1 1 OESMA.RTIS. M Bf:NJAMJN . "l.._· H."anJil". in Hd<JllOtn u1tt•rn<1111111ul..•.1 r:t -r1,..u1,;g141u'1'..t . l.R.I S., HwC'I'" 19'lr4, 0 ~ 16.

p. 4ll ·5:? .
:! L'a:UVTC de- &\.~ rh·ai n nlS'i.<.'. AlcxnnJ.rc s~' IJ COll S~UC" resh: l'un Jcs. plus grunJs ICm..>ignogcs des .;rimes Ju communlSlllC"
IOHhlQ~ L1..•lffl! u u:r dir-IKl'dnl.f da· l 'L'11ù111 .u iw ..:11q11t' . I.e Si:uil, 1974 ; L 'urr hlf".' I .lu Gnuklg, 1. 1 et Il, 1974 C'I I. llt. 1976 ; ltt
Jn·(;,, dr1 L"Ourug..-. le Seuil, l '17H • .\/l' ' .'i''·"" ,/'l·.HI. Le Semi , 1~7~ ; l 'L'rTl'llr J~ l'On. ·ùk1tl, G nLSSd. 1"'80 . LL-r rllllh l~I"'
Writ~, h)wd, l 'llR2
directement physique. était biologique - bloquer le développement nahJrel d'un
peuple par l'interdictton du mariage interne ou la stC!rilisation - soci,11, culturel,
politique. Tous ces procédés gl>nocidaires rurent utilisC!s en Union soviétique durant
près d<' cinquante ans. Mais le souvenir atroce du génocide perpétrC! par les nazi'
autant que l'aveuglement idéologique de nombreux universitaires, particulieremmt en
France, empêchèrent l.1 ré.llitt:- so\'ié>tique de faire jour il la mesure de son horreur.

6. Conclusion : une réflexion sur la démographie


des morts et l'apport essentiel des travaux de G.F Dumont
à la géopolitique des populations

Une dernière dimension, souvent occultée, et qui pourra paraître marginale en


géopolitique, est celle de la démographie des morts. L'historien français Pierre Chaunu
rait remarquer que la France des vivants pèse démographiquement moins de 1 % des
vivants de la planète mais qu'elle représente 5 % des morts : "Cinq pour cent des
destins humains depuis les premières ton1bes se sont déroulés là, sur ce sol et sous ce
ciel" 1 ; et l'historien ajoute : "Je puis désormais tracer le trait fort qui marque
lourdement le destin de la France : les Français ont sous leurs pieds le sol qui contient,
proportionnellement aux vivants, le plus grand nombre de morts : 15 milliards de
tombes pèsent plus lourd que 50 millions de vivants"2 . La démographie participe aussi
de l'identité d'un peuple, de ses représentations de l'histoire et de son destin. Peut-i!tre
le sentiment profond des Français d'appartenir aussi profondément à la conscience du
monde puise-t·il une partie de son essence mystérieuse dans son territoire-cimetière.
Enfin nous conclurons avec les apports essentiels à l'analyse géopolitique du traité
"Démographie politique, les lois de la géopolitique des populations" du démographe
français Gerard-François Dumont3 ; le démographe met en évidence 10 lois
démographiques qui éclairent les dynamiques historiques . Les voici résumées dans la
conclusion de son magnifique traité au travers du cas soviétique :

"Li /or du nam/>re explique combien le nombre de catholiques en Pologne a révélé


une faiblesse de !'U.R.S.S., en exerçant un rôle déterminant dans l'incapacité du
communisme, malgré la déportation initiale de nombreux Polonais, à imposer
durablement son système et son autorité sur le peuple le plus nombreux de tous les
pays que l'U.R.S.S. a contrôlés après la Deuxième Guerre mondiale.
Ur loi des groupes humains permet de comprendre, par exemple, la volonté les
LihJaniens de pérenniser, malgré les contraintes publiques, leur différence culturelle et
linguistique, à travers la sphère privée, en empêchant une soviétisation profonde de la
Lituanie militairement conquise.
Li loi de la Jang11eur démographique montre que l'U .R.S.S. a enregistré des indicateurs
d' affaiblissement dès les années 1970, à travers une remontée de la mortalité infantile
et une baisse de l'espérance de vie à la naissance qui contrastaient avec des progrès
continuels enregistrés en Europe de l' Ouest.

1 P CHAVNU, /.u Frunn.·. t lfidr1ir1! dt· fu H'tt.nhilttr• dt.·~ 1--r,mpn~ fi Io Frnnn.•J , l'nns. H.ubcrl Laffnnt , l 11JC2 .
2 /Wm. Le1 chiffrn 50fll ancu:ns m111s IOJ proportion est tic JOO mnf1 s puur 1 vwunt ; lu dcn~11c! d e lombes nu km.2 rn J=rancC' ni
rlus él~· tc-que celle de c1~1hs.a1ioru> ilUSSI a.nc1cnnc!I que Io C hmc ou la Grèce .
J Publiê en 2007 aux éd111uns E llrps ..--s
Lll.lru,... K. t.., nnmhrl'

L1 loi du diffém1liel permet de mesurer des évolutions démographiques fort


différentes selon les territoires de !'U.R.S.S., mettant en évidence l'inex19tence d'un
comportement unifié d'lromo sC1Viclicus.
L1 loi gé11émlio1111r/lc montre que le système politique soviétique ne permettait plus
le renouvellement des générations dirigeantes et le faisait évoluer Vl!B une
gérontocratie.
Ui loi 11u genre nous apprend que !'U.R.S.S., dès les années 1970, voyait s'installer
des différences relatives anormales d'espérance de vie entre les sexes, comme l'histoire
n'en n'a jamais connu dans un pays en paix dont les populations ont une longévité
relativement faible.
L1 loi d'nllircmcc permet d'observer, dans les années 1970 ou 1980, pendant que
l'autre 'grand' se renforçait démographiquement, et augmentait en conséquence sa
crfallon de richesse, donc ses moyens géopolitiques par d'importants apports
migratoires, !'U.R.S.S. ne connaissait pratiquement aucun effet d'attirance, en dépit des
immigrants commis d'office venant des pays 'frères' ayant un régime communiste.
Ui loi de repo11ssc111c11t démontre que le rapport de force démographique n'a cessé de
se réduire en Allemagne au détriment de l'Est communiste, avant de provoquer la fin
du rideau de fer à la frontière austro-hongroise.
Ln loi des diasporas permet d'analyser combien des groupes diasporiques ont exercé
un rôle très important dans la pérennisation de l' identité des Pays Baltes et dans la
préparation de leur retour à l'indépendance, que l'U.R.SS. n'a pu empêcher.
Ces exemples montrent combien la démographie peut apporter des enseignements
utiles à la géopolitique. Ces deux disciplines scientifiques ne doivent donc pas, au fur
et à mesure de leurs avancées scientifiques respectives, s'écarter pour devenir des
sciences closes. Bien au contraire, elles doivent demeurer en interaction dans un esprit
de science ouverte, pour féconder une véritable démographie politique.'. Le
géopoliticien remercie donc le démographe de l'avoir considérablement aidé à
progresser dans sa réflexion géopolitique.
CONCLUSION

LA GÉOGRAPHIE IDENTITAIRE,
DEUXIÈME DÉTERMINISME GÉOPOLITIQUE

Nous avons voulu montrer d'abord que la géographie physique constituait un


premier déterminisme de la géopolitique, le terme premier devant être compris non
dans le sens de primauté sur tout autre facteur, mais en tant que celui qui précède tous
les autres, car il ne découle de rien - si ce n'est des lois de l'Univers qui lui sont encore
supérieures.
Le deuxième déterminisme géographique que nous avons étudié dans cette
troisième partie de l'ouvrage est celui de l'identité; deuxième, car ses traits
déterminants sont eux-mêmes en grande partie déterminés par le milieu géographique.
Le paysage façonne l'homme en quelque sorte, même si le propre de l'homme est de
pouvoir échapper à la Nature, de s'en affranchir. Pourtant celle-ci agit comme la force
de gravitation : il nous est toujours possible de nous élever au-dessus du sol par
l'effort, mais rien d'autre ne nous y maintient de façon durable que l'application
constante de la force humaine.
Nous avons tenté de cerner quels étaient, du point de vue géopolitique, la fonction
des traits caractéristiques de l'identité : appartenance à un groupe qu'il s'agisse d'un
clan, d'une dynastie, d'une ethnie, d'une nation, ou d'un empire; appartenance à une
religion, à une langue ; appartenance à un groupe socio-économique; représentations
nées de ces sentiments d'appartenance, tels les panismes ou la conscience
dvilisationnelle; rôle du nombre dans l'identité et même catastrophe du nombre.
Notre tableau est évidemment incomplet ; mais comment pourrait-on rendre compte
de l'immense richesse et complexité identitaire du monde ?
Il nous faut maintenant entrer dans Je troisième grand déterminisme de la
géopolitique: la quête des ressources, laquelle n'est pas autre chose que le carburant de
la géographie humaine, puisque quête identitaire et quête alimentaire ne peuvent être
dissociées.
Qt ATHit~:\t E P -\RTI E

1----~~ QlTÊTE DES RESSOlJRCES :


tTNE CONST.A.NTE
DE L'HISTOIRE
INTRODUCTION

APRÈS L'ÊTRE ... L'A VOIR

"Fm·o!-les de bâtir cust•mble ut1c tour cf lu les clrangeras en frères . Mais si tu veux qu 1 î/s se
lrnfs~t'nf, Jette
frur du grui11 ."

Saint-Exupéry

Le milieu géographique contient des éléments naturels indispensables à la survie et


au développement des sociétés humaines. De tout temps, l'homme a cherché à
exploiter ce que la Nature lui donnait, à en tirer le meilleur parti. À partir des matières
premières fournies par la Nature, il a construit des cycles de production et de
consommation, une économie de l'échange.
Un premier chapitre est consacré à l'importance de certaines ressources dans la
puissance des peuples; ces ressources pouvaient autrefois servir à la construction
d'habitations ou de bateaux - bois - , à la consommation alimentaire - le poivre - , à
la puissance de feu - le salpêtre-, à la capacité d'achat - or.
Nous nous intéressons ensuite aux routes qui mènent aux ressources, dans trois
chapitres distincts : la thalassopolitique ou la puissance par la mer ; la permanence de
la recherche de nouvelles routes maritimes ; la permanence de la recherche de
nouvelles routes terrestres.
Puis nous abordons le cas de deux ressources fondamentales, l'une qui le fut
toujours l'eau, l'autre qui l'est durant tout le xxe siècle et le sera encore longtemps, le
pétrole. L'eau intervient dans une dimens ion plutôt régionale: elle implique souvent
plusieurs États voisins qui se la disputent ; le pétrole intervient quant à lui plutôt dans
une dimension mondiale même s'il n'est pas étranger aux enjeux régionaux : l'accès au
pétrole du Golfe est bien une question mondiale.
Nous traitons de l'importance géopolitique de ces deux ressources, essentiellement
à travers les dynamiques de convoitises et de conflits qu'elles contribuent à
déterminer : une géopolitique de l'eau ; une géopolitique du pétrole .
Nous ne pouvons pas h·aiter ici de l'ensemble des ressources de la géographie qui
ont un rôle géopolitique. Cette partie n'est pas exhaustive; ainsi, par exemple ne traite-
elle pas du cas des minerais précieux et du diamant en Afrique.
Quant à la drogue, nous ne considérons pas qu'elle soit une ressource pour
l'homme, mais un poison et un facteur de criminalité; son rôle géopolitique est donc
abordé dans le chapitre spécifique consacré à la criminalité.
CHAPITRE I

MONOPOLE ET PUISSANCE

L'objectif de ce chapitre est de montrer la diversité des ressources sur lesquelles


nombre de peuples prospérèrent : le bois des Phéniciens ; l'or entre Orient et Occident,
tt le partage de la puissance; le poivre des Portugais ; le salpêtre anglais; le café
1-éménite et les Routes du café.
Nous y ajoutons une petite section sur les ressources propres de la mer.

1. Le bois des Phéniciens

Dès le me millénaire av. J.-C., les villes phéniciennes de Tyr1 et Sidon2 surtout3
prospèrent sur le commerce du bois des montagnes du Liban. Celles-ci sont alors
recouvertes d'immenses forêts de grands cèdres. Les Phéniciens exportent ce bois riche
ver.; la Mésopotamie et l'Égypte, deux grands centres de civilisations antiques4 • Le bois
qui part vers l'Égypte emprunte la mer, car les Phéniciens sont de grands marins; celui
qui est dirigé vers la Mésopotamie emprunte l'Oronte en direction de )'Euphrate. À la
fin du II< millénaire, le patrimoine sylvicole du Liban a fait la fortune des commerçants
phéniàens qui règnent SUI la Méditerranée. La thalassocratie phénicienne est née.
Le commerce de bois continue d'enrichir les Phéniciens durant l'Antiquité
hellénistique, puis romaine et byzantine5. Mais à partir du vme siècle, la fixation des
populations maronites6 SUI les versants de la montagne libanaise ouvre une longue
période de déforestation7. Byzance se fournit encore au Liban pour les bois utilisés
dans la fabrication de sa flotte impériale; Jérusalem utilise encore aussi ce bois pour
ses charpentes. Mais lorsque l'Islam domine, les principaux centres d'exportation du
bois de marine ne sont plus libanais; le bois vient surtout de AmanusB et de l'arc
taurique.

l C. BAURAIN, C. BONNET. Les Phén;cien.t, Marins des rrois continents, Paris, Annlll1d Colin, Paris, 1992, colt.
u·. p. 49-70.
"Ci>11Uoôaru
l /<km, p. 70·90 .
J El~ e-.i1tcnt aujourd'hui encore sous le nom de Tyr el SaTda au sein de l'l::1a1 libanais : mcsurnm ici l'incroyable lon1~vi~
• œa cilâ dü Liban que les bombardements isra~liens des demières ann~s n'ont pu arnchées è leur hiJtoire.
-4 t de VAUMAS, U llluJn. étude de géographie plty.rique, Paris, 195.4, p . 268-28S.
3 JI C...L 1'imagioa un paysage de la monta111c libllllaisc qui a aujourd'hui largement dispan.i : de anndct fortb parcounaa de
dlamal d'nploita1ion poW' lelii bûcherons, el dt!coupécs en secleurs de coupes. Il subsiste des inscriplions foratières de l'Cpoquc de
rcmpcmar ronwn Hadrien qui aucstent de cette induslric du bois. X . de PLANHOL, lf!s Na1lmu du Prophi1~. Afonu~I
fi:ovapliiq11t: de politique mu..,ulmane. Paris, Fayard. 1993, p . 158.
6 Sw- la fixai.ioo des maronites dans la montagne : X. de PLANHOL, Minurilt!s en Islam (GéogN1phJe pol"'que " Jocio/rJ.
r.n.. Flanimorion, 1997. p. 59-70
7 M. MIKESELL, T1u! tkforestallon of Mount lebonon , Gùce, 1969, p . 1-28 .
1 Amanui est un haut-mauif montagneWt du nord-ouest de la Syrie. C'est Je funeux d~fill! dea Por1etl de Fer où Aleuodn
lmtitDarius.
PartJl' 4 . L1 qu1~te dt!s n~s!'nurct's Wlt' ccmMautrchl'hiMmrr

l'extension du peuplement de la montagne entraine le déboisement complet du


Liban et l'arret du commerce de bois. Les descendants des Phéniciens se consacrent
alors à d'autres commen.-es. Le temps des puissantes cités-États phéniciennes qui
prospéraient sur le commerce du bois de cèdre est révolu. Mais le souvenir ll!Ste
vivace : le ,'èdre n'est-il pas l'emblème du Liban. figurant sur son drapeau ?

2. L'or entre Orient et Occident, et le partage


de la puissance

L'histoire de l'or entre l'Occident et l'Orient, c'est aussi celle du rapport de


puissance entre les deux grands pôles humains du monde.
On connait le débat qui agite les historiens sur les causes de la décadence de Rome .
en affirmant que l'Empire romain subissait une hémorragie d'or vers l'Orient et
l'Extrëme-Orient, Pline fonda l'idée répandue chez les Anciens selon laquelle l'une des
causes fondamentales de la décadence de Rome aurait été cette fuite de l'or vers
l'Orient et ouvrit du même coup un débat jamais complètement refermé dans la
communauté des historiens.
Durant la période de )'Antiquité romaine, le commerce entre Rome et l'Orient
mobilise l'essentiel des échanges du monde. Il domine largement les relations
commerciales avec le monde germanique et baltique qui sont attestées, mais en volume
limité - ambre, esclaves - ; il domine également le commerce avec l'Afrique sub-
saharienne - ivoire. D'Extrême-Orient, Rome importe l'encens arabe, le poivre indien,
la soie chinoise. Les routes terrestres de la soie qui passent par l'intermédiaire parthe,
font la fortune de Palmyre et de Pétra et expliquent en partie l'impérialisme de Trajanl,
mais elles tendent à être supplantées par les voies maritimes de l'océan Indien où les
marins mettent à profit la mousson. Selon Strabon, plus de cent navires quittent chaque
année Myos Hormos en Égypte pour l'Inde. Les vestiges archéologiques et
numismatiques de l'Asie centrale et de la péninsule indienne prouvent la réalité des
échanges.
Dans l'ensemble, Rome achète plus à l'Orient que celui-ci ne lui achète. l'or passe
donc de l'Occident ver.; l'Orient. Cependant, on sait maintenant que l'échange ne se fait
pas dans des proportions aussi catastrophiques que l'on a pu le dire; car Rome ne SI'
borne pas à importer : elle exporte céramiques, vins et métaux, et ramène donc aussi de
l'or ver.; l'Occident. Ce commerce est entre les mains des hommes de l'empire, non des
Indiens, et Rome prélève des droits de 25 % sur certaines marchandises venant de
l'Inde. Si le commerce de Rome avec l'Orient est déficitaire, il ne l'est donc pas dans des
proportions susceptibles d'expliquer seules la chute de l'Empire romain2. Un seul
facteur, l'or, ne suffit pas à comprendre le déclin de l'Empire romain_
Quoiqu'il en soit, au crépuscule de l'Empire romain, la quantité d'or se trouvant en
Occident a notablement diminué; l'or est passé en Orient dans une large proportion.
Aux V• et VI• siècles, l'Europe barbare hérite du système monétaire romain~.
L'Occident continue un temps de frapper l'or qui circule dans l'espace méditerranéen.

l V ROMAN . k llaur-Empir~ mmoln f27 Q\•. J .-C -}Jj a11 J-C), rans. Ellipse,., 199H, coll . "L'Antiquitf unt' htsmU'r'
p 66-67 .
2 Y. PERRIN. T. BAUZOU, ~ faCitlJ ill'Emp1rc, hortni~ J,: Rome. rans, Ellip~et>. 1997. 11· 308
] L . FEBVRE. L 'EurOJH!, grn~,. d'uffc c1wlisatinn. Pan&. Pcmn, 1999, p . 160-167
O..pl~ 1. Monopole et puiMB"""

Comme l'a montre l'historien Henri Pirennel, sous les Barbues, la MéditelTanée re!!llr
la Mare Nostrum ; l'unité méditerranéenne n'est pas bri9ée: GibraltaT échange avec
l'Asie Mineure; Venise, Gênes, Marseille, Barcelone avec Carthage qui n'est pas enœR
Tunis. Pirenne souligne l'importance du commerce mérovingien avec la Méd~.
Mais l'irruption brutale de l'Islam en Méditerranée, sa domination rapide, brisent les
relations commerciales de l'Europe avec l'Orient. L'Empire carolingien au IX~ siècle ne
frappe plus de monnaie en or, et celle-ci disparait du bassin occidental de la
M~iterranée3. L'argent s'installe en Occidentf et remplace l'or dé9onnais ré!lervé aux
seuls banquiers et princes. Puisque l'Empire carolingien ne commerœ plm avec la
M~iterranée, il n'a plus besoin d'or. Byzance en revanche, et les Arabes bien sâr qui
contrOlent désormais les richesses de l'Orient, restent fidèles à l'or. Le dinar et le
mancus qui circulent dans le Levant, le Maghreb, l'Italie du Sud, la Sicile et l'Espagne
sont des monnaies d'or.
On arrive donc à une forme de schisme monétaire entre l'Orient resté â l'or et
l'Occident passé à l'argent.
Mais les communications commerciales entre l'Occident et l'Orient ne œment pas.
Elles passent désormais par l'intermédiaire nordique : de la mer Baltique à la mer
Noire en passant par la Volga. Les Scandinaves. et parmi eux les Normand& - les
Vikings et les Varègues - se chargent de jouer les marchands intl!nnêdiaire enm
l'Orient et l'Occident. L'or que l'Occident essaie d'économiser, en utilisant de l'argent
sur son marché intérieur, continue de s'écouler vers l'Orient en passant par la Baltique.
provoquant du même coup l'essor du monde nordique et nannand - les Normands
vont connaître, à partir du xe siècle, une montée en puissance sur lilquelle nom
revenons à plusieurs reprises dans l'ouvrage. Car l'Occident a toujours besoin d'épices.
de papyrus, de produits fins d'Orient. Et il doit les payer en or. Mais il ne peut
compenser cette hémorragie par l'exportation vers l'Orient de produits finis car il n'a
rien à exporter : jusqu'au )(le siècle au moins, l'Occident ne dispose pas de produils
manufacturés fins à vendre5.
Non seulement durant cette période, allant du rxe siècle au XJe siècle, l'Occident
perd son or par les importations, mais qui plus est. ce qu'il possède encore, il le perd
par le vol et le pillage des Sarrasins et des Normands, ces derniers s'en savant
d'ailleurs pour commercer ensuite avec l'OrienL
L'Occident ne dispose pas de sources d'exbaction d'o~. Il lui faudra atteldre ~
XVI• siècle et la route de 1' Amérique pour cela. L'Occident ne peut décidément compter
que sur lui-même ; il semble menacé, à la fin du XI" siècle, d'un grave déclin.
ùt pénurie lui a cependant appris la gestion7 et une réaction Ir sauvt!: les
Croisades.

1 Dam sa ~ œtMJ~ Mahomet et Charlemagne oia il soutical que c'cs rislmn Cl mm a, ~ ~ . . ....._

[\mjtf m6dia.nnanécnnc du Mue Nosmun roRUltn en liHsant de la Médi~ un t.: SllllRlbJmi. œ qw: piVVOqllif r----. •
n;.,,,p. OW"-dle môme, H. PIRENNE. B. LYON. A. GUIUOU. F. GABRIELL H. Sll'UER. . - . ., ~ ~
t&lawl d lkculrnl clans le Hou1 Moyen-Â1:.:. Jaca Book. 1986..
2 W HEYD, HLttmrr du c:nmnwrc:r Ju l..l•vnl Dlf MoJoe:n·A..ec. ~ IS~~J88(t.. Adoll M. Hû.kc:n.. cd. .~ 191.l.
p. Ill!.
J l . FEBVRE. L 'E11rop.·. 1.-rlWJr d"unr rn ..lisation, Pana.. Penin,. t999. p . 167.
4 OC' quelqu'un dr riche. ne du-on (\llS aujourd'hui en t:umpr occidaualc. •qu·il. Jic: rarsrm· et DCm - . .'il ....... ~
5 L. FEBVRf_ L 'Eumf"f'. ~-'f~ d'"''~ â,"ili..'fnrfon . rari!l.. l'l!Tria. 199'Q. r - 171.
b "Il )' a de l'or f'GJ10UI en l!uropc. ma1~ ~1 fini ~ S~ul J.: ~ud de la ('ll!'nins:uk ib.,.~ offft ~ ~ \.nimeml ~
ta ,,muencs d'ar <lu Tage C1 <lu Guadalquivir n<' sonl r- n~h"9t-k-5 . Cel~ du P\\. du RMlnc. dr î"l"ifsc' in dr: ~~le suai
( .}. Gilet ne 1111pportemnt 1"&5 un C<\Unlnl d"khanpn. ~nomiquc-. ( 1 l.'Occideld do;t s~ qa'il ~ d"m.• . in
J. FAVŒR, Lr.c Gmndl"Ji f>ft.·nNv..·n~ (0 '..flc.m~ .ci Mll!.-.·11<"'~ Pans.. Fay•rd. IQl9l. p. :!t:\.
1 Sauf l'Espagne c:ontrôlft pair )e!; A111N=s. On en '\"eml le t'Csuhal l.lam. l\rril~ ~ dr l\lr' aplllllQI vau lib
Ambiqua au XVI" ,,~1~
Les crotsades affinnent le monopole de Io Chrétienté sur la Médllerranft!1. La
oonquêt'l' du tremplin stratégique de la Sicile par les Normands avait, quelques ann«-s
avant la première croisade - 1098, largemcmt préparé le terrain à la reconqu~te de la
mer par les chrétiens.
Les Croisades pennettent l'augmentation du comntercc entre l'Europe occidentale
et le Levant par voie méditerr;méenne. Au XIII<' sikle, la balance commen:1ale de
l'Occident en Orient s'est brutalement rcdressée2. L 'Europe exporte du blé, du bois, des
toiles, des draps sur les galères qui vont vers le Levant. Les marchands gmol•.
marseillais, florentins, pisans. vénitiens ramènent en Occident de l'or. On frappe de
nouveau des monnaies en or: dès 1227 à Marseille . Le florin - monnaie d'or pur qui
porte le lys florentin - frappé à partir de 1253 va devenir la monnaie du commerCI!
méditerranéen - ; Florence a développé une industrie drapière exportatrice vers
l'Orient ; elle importe beaucoup également e t sa monnaie devient donc très p~nle
dans l'échange méditerranéen. Venise a aussi sa monnaie d'or, le ducat ou son sequ111,
lancé en 1284~.
L'or revient donc en Europe. Ce phénomène est accentué par l'arrivée de l'or noirl,
c'est-à-dire l'or qui remonte d 'Afrique noire, sans doute du cours supérieur du Niger el
près des sources de Gambie et du SénégalS. Au XIVe siècle, les marchands d'Europe
cxddentale échangent à Tunis de l'argent et de nombreus es marchandises et denrées
contre de l'or et d'autres biens ou denrées&. Grâce à cet apport d'or africain, un étalon
or est adopté en Méditerranée occidentale : il règle des monnaies comme le prtmlr
d'oro en Sicile. le mal d'oro à Majorque, l'a/ftmsino en Sardaigne - 1339 -, le florin d'or
m Angon - 13467.
Malgré ce retour de l'or. l'Occident continue de manquer du métal précieux. De
plus, au XV• siècle, un Empire turc puissant s'est installé et contrôle les voies terrestres
et maritimes de la route des Indes ; les Européens sont de plus en plus tributaires de
Venise qui fait de grands profits en tenant un quasi-monopole du commen:e entre
l'Europe et l'Orient8. Le manque de monnaie fragilise l'expansion économique

hr a31lcun.. i cet umant de la n;nuaoo. nous \'Oulon.s soultsncr une R:ahté que des annb:s d '1dcologic IJrn-mondbk o
cWJabillsmitc ont oc:r:uhC.: a l'onJinc. l'OccilJent n'est pt1S nchc Sa richc-s~ . 11 la bâ111 lm-mtmc. :i;.ur sa crêat1.,,·1Le 1cch.o1quc. C'al
li un pnn1 cacnucl qw oow llé'ntoppons dans la panic consa.crt-c llU:it rCvolutio ns. techniques.
1 · u manttt: CD pwss:uw:c des nones de Pise . de G tncs. dc Vcmsc . 3.SSUr.u t Jês le milieu du x1c siklc une ~
111r la MédJlcrnDëe, qui pcnncttn les croisades ci l"~tabhssemcnt en T c rrc SA1n1c Lon; de cclu1 -c1 les TClationt f\'Clt
ct.rêria:ux toealc
t'Ocridcnl s 'clfcctuauat cuent1ctlnnro1 par , ·me rnaritnnc, cl l'absence des mwulmo.ns s ur les c.:aux scrw quasi-cou.le·. m X. de
PLANHOL. L 'U:L.R tt ÛI .aer, (lA 111mqut!>t! ~' /~ maulnt. l"/~ - XJt~ u i!c /~) . Paris. Perrin, 2000. coll '" Hisc o 1~ et dêcadmce•, p. 21.
2 L FEBVRE. L'Ewvp<, gati:s~ J"uTW c n ·iluu11o n . Pans, Pcmn . 1999 , p 171
JJ.... p. 173.
4 ,_.or k! plus procbc. c'est celui de l'Afnque. Au..dclâ du dCsen. c'C'SI l'o r Ju S o udun ains i appcllc·t-an globalmwm. f.-
d'm uvoir plus. ror du baw Sbltpl. du haul N iger. de la Sierra Leo ne. vo ire d e l'actuel Ohnna . 1:1 ce1 or donne 1 MX1JU 1
l"Ocridau..'" , in J FAVIER. Lo Gn:JJtdr.s D kull\'t!'rte.s ( D 'Alaand"'-" iJ Mug dfu ,,J, l'a.ris, Fayord, 1991. r . 214 . A C llAUPRADE.
L 'isll:nuarian dt l'ACnquc oci;uknt&lc" . lfl L 'Afnqm! t'.eelle. n ° 36, t1è 2002
5 L'orisioc de cet or rau largement mystérieuse . les peuplades noires t.1U• l'c"tm ya.u:nt le 1ruqu.a1cn1 contre <les matthaodaia .
l'kbaogie 5C" ûasait.. 1Chm la l~cndc . ·a )'<1-'"·cuglc". Les achcte~ obondo nn 11u:nt les morchandt i;cs en un heu Jonni.': , les NoCn cp
cnipaient SARS dcnnr que ln rruncs soient ~u"· cnc1 , ,;ena1cnt ens uite pnmJrc: le s btcns oppor1~s cl laino1cn1 l'or A partir dr li.
ror v.nsitait oe:n:unemrn1 pat Ir ruyawnc du M;1h. To mbouctou . et lb mules 1r.1.11s.."i.nharicnncs rTmonlant vcn le Maprrti
OS. LANDES. R•ch<.ur t:I pau~Trtr d<'.s nati mu tPuut'quu1 Jc:.'f ru: hc:.'f ' /'1Jur41tm i d1..·~· 1mm·r f.!., "!J, rari1, Albm Michel. 19\ll
(Induit de 1M H'eallh und Pu•'t!rt)" uf Naliom . Why .1u mt: ~I'•' '"·J, ami .rnnu: .w p o ol'), p 1OK .
6 O.S . l.Jt.NOES, /licltcur rt puvvri!li Jrs nuliuru fPu urqtm 1 cl~-" r1d11o.._,. ' P n 11rl/110i Jr..s /HJIH'rrs ''J , rRns, Albm Michel. 19".
(tnduat dr 11w ll'N1h unJ Powrty of Nations. Wh.~- s arm.• al'I: r1 c h u•1cl wm ~ .·w JHHll' I , p . IOt4. /\ry;cnl, mC:lal , rannn. 1u.11JCLcwn.
~fi~ . 0011 rt vin c:ontR gnu4s, rounagc. huilr;s , gni1i; 5e5, semoule. 1mcl. cl ur
l l.... p IOll.
18. DENNASSAR cr J. JACQUART. U XVI' :J i~ dr. 2"' éd , ra.ris . AnnunJ C ul i n , 1990
Qwpilfi" 1. Munupotc ~l rutitMnc'-='

curop~nnc qui débute à la fin du XV" siècle et qui correspond avec le renouveau
Mmogr.1phique. Les Européens ont beau explo1lcr au maximum les mine5 d'argent
J'Europc centrale et du Tyrol, et profiler de l'or que les Portugais ramènent d'Afrique,
l'Islam au centre de ln liaison directe entre l'Occident et les Indes continue de bloquer
la croissance europœnnc .
Ld recherche de l'orl - atteindre l'or du Soudan - autant que la volonté de gagner
les Indes en faisant ainsi sauter le verrou de l'intermédiaire musulman sont les deux
grandes raisons qui motivent la volonté européenne de s'ouvrir de nouvelles routes.
Derriè!re la révolution géopolitique - à laquelle nous consacrons une section dans
la partie consacr(!c aux révolutions géographiques - de la découverte de l'Amérique
ou du dépassement du Cap de Bonne-Espérance cl de l'arrivée des Portugais dans
l'océan Indien, il y il la quête de l'or; elle sera un succès : à partir des années 1520, l'or
des butins de Cortez et Pizarre arrive en Occident.
L'or est bien un facteur de la géopolitique.
Carte 81 . La Gaule mérovingienne
Carte 72 : L'expansion de l'islam au vue siècle
Carte 82 : L, Gaule carolingienne
Carte 85 : Les Croisades et les États croisés du Levant

3. Le poivre portugais
Dans la stratégie d'ouverture de nouvelles routes commerciales, à la fin du
XV• siècle, les Espagnols ont choisi de gagner directement les lndes2 - ils "buteront•
sur l'Amérique - et les Portugais de les atteindre en contournant l'Afrique -
franchissement du Cap de Bonne-Espérance3.
La course au poivre participe du même objectif que celle de l'or : contourner l'Islam,
et se passer de son rôle d'intermédiaire jusqu'alors indispensable. Dans leur avancée en
oc~an Indien et vers les mers de Chine, les Portugais se concentrent sur les points de
contrôle des voies de passage : Malindi et Mombasa sur la côte africaine qui constituent
la base de départ pour l'Inde ; les détroits stratégiques d'Onnuz - entrée du Golfe
arabo-persique - et de Malacca - situé entre Sumatra et la Malaisie qui verrouille le
passage de l'océan Indien à la mer de Chine - , Macao - embouchure de la Rivière des
Perles et entrée sur la Chine du Sud-Est. Leur prise essentielle est Goa, sur la côte
indienne de Malabar, grand comptoir du poivre.
Dans la première moitié du XVI•' siècle, 40 % du poivre importé par l'Europe est
vendu par les Portugais4 . Les Vénitiens sont fortement concurrencl!s dans ce
commerce, m~me si les musulmans qui vendent aux Vénîtiens restent dominants sur le
marché. À partir de 1570, le Portugal renonce à son monopole commercial entre
Lisbonne et Goa et cède ses concessions à des marchands étrangers. Dès la fin du
XVI" siècle, Venise a retrouvé sa première place sur le marché du poi\,-e5 - ce poivre
arrive par voie terrestre dans le Levant où il est à nouveau embarqué sur les galères
v~nitienncs en direction de l'Europe. Mais les succès des Hollanda.is aux Indes
orientales dès 1595 bousculent à nouveau la donne du commerce du poivre. En 1625.

l J. fAVU:R . Lt.'.f Gn11"h·.~ /Nn11w. ·rta·s ({Y.~/,•.-ru1Jtfn.• ,; ,\l,1>:dl.1n1. Pa.nl>.. fa}~rd. l~I. ('. .r:l-kl:.? .
~ r VILLll!ltS . P. JACQUIN. P lt:l\CiON , / .•'·"' 1-:unip·;"''·"' .·1 lt1 mrr· · ,J,,t IJ •.i\.uiwwnt· d /tJ l'l,.JVftu,.,rMNt. (/.tJ.t . /~ôl.1/. hn:a.,
Elh~ 1997, ('I . 21 -:.?H
;\ JJ,n,, p. 9-1 S
.i US 1.ANlll'.S, Rit h1 ·.o .· l'i 11umn·1c=de ·.\ t1 u rit111.~ rl'uu,.,I'"'' ,/,•.• n d1n ' /'u11f'l./IM..'I ·'="-~ (1'11.tlf\'r\'.'I ' }. r:uis.. Alb\n Mk.:hcl. 1~8..
(lradWl Je n.~ Wi-11l1h 11111/ l"un'rh' o{Natifuu , Il"·' ' , ·umc· ,,,.,. •·11 ·h on,/ .ff'"'"' .u • /'111C1rl. Il· l 7X_
5 F UnauJcl u mnnl~ que le cmmncrcc iles Criit:cs .. lie lm.c· 111\·" · VC"ni!.C ~· C".'il mamlnlu :w X\'l'" cc X\"ll'" ~ta.· lft ..., a.:
Pomlpl n'o.\'911 ria lc.1 muycus J\· lulh:r s.:ul cun1n· le 1111uuk nnth.•
608 Partie .. . LA quittt der. rrs!iaurus · ur1~ corrs/ank û ''hWorrr

lorsque Venise classe le poivre "marchandise occidentale", la majeure partie de cet


épice arrive par l'Atlantique.
L'histoire du Portugal et de la course du poivre annonçait le déclin futur de Veni5e
dont la puissance s'était bâtie sur le commerce avec l'Islam à partir des Échelles du
Levant. La France qui participait aussi de ce commerce des Échelles souffrira moins de
1a concurrence atlantique que Venise : l'essor de Bordeaux grand port français de
l'Atl.ilntique ouvre une nouvelle ère commerciale.

4. Salpêtre anglais
Dans leurs conqu~ coloniales, les Anglais eurent souvent de la chance. L'une des
ressourœs dont ils disposèrent largement fut le salpêtre.
Le sal~ est cet élément chimique, qui est en fait le nitrate de potassium, et que
l'on utilise dans la composition de la poudre à canon, des explosifs et des artifices. À
l'&t naturel, on le trouve principalement en Inde, à Ceylan et en Égypte. En Inde, les
AngLt.is récupéraient le nitre dans les sols imbibés d'urine donc enrichis en urée. La
forte densité de population en Inde favorisait en effet l'enrichissement des sols en urée .
En France et en Allemagne on chercha à pallier au déficit de salpêtre en créant des
fermes à sal~ ou salpêtrières.
L'Angleterre put compter sur cet avantage stratégique souvent oublié que lui
donnait l'Inde : une fonnidable source d 'approvisionnement en poudre à canon,
élément essentiel de la puissance.
Carte 3 : L'Empire britannique à la veille de la Première Guerre mondiale

5. Les ressources propres de la mer


La mer est riche en ressources halieutiques et en ressources énergétiques. Celles-ci
constituent des enjeux importants pour les États .
Avant méme le commerce des marchandises et les routes du pétrole, c'est la pêche
qui a fa.it de l'Angleterre et de la Hollande des nations de marins. Le problème de la
délimitation des zones de pêche a souvent été source de conflits entre les États.
L'évolution du droit maritime a apporté quelques réponses à ce problème.
La mer recèle également de gisements pétroliers et de nodules polymétalliques• .
Les plate-formes de mer du Nord, du golfe du Mexique ou bien encore de mer de
Guinée sont autant d'intéréts à préserver pour les États concernés. Nous traitons de
l'enjeu du pétrole - que l'on trouve au fond de la terre comme dans les fonds
marins - plus loin.

6. Le café yéménite et les routes du café

Le café, massivement cultivé sur les versants arrosés des montagnes yéménites est
promis à un essor commercial dès le XVIIe siècle lorsque, passant par le Hedjaz et Le
Caire, il arrive à lstanbul. L'Europe le découvre ensuite et commence à l'importer en
grande quantité au XVIIe siècle. Il est exporté à partir des trois grands ports du Yémen,
ceux de Lohayya et Hodai"da vers Suez et l'Empire ottoman; celui de Mokha 2 vers le
Cap de Bonne-F.spérance et l'Europe où les marchands européens l'acheminent, mais

1 La noduJa pol)'mttatl~ IOdl de petJLCa sphèta de quelques cen11rnttrcs de J uimtlrc 'fUI cn nt1mncn1 du n1clld. da
cuivn:. du cabUl. du~ et da; mlDérau:Jl divcn cl qu i tap11ucnl le: rand Je ccrtaine!o réaiu.mio uctomqucs
2 L.M de GRANDPRE, •l:JieKriptioa de Mocka et du t.:ommncc des An1bct. de l'YCmcn", m J't>J'<l.Jle' W l'lnJr, Paris , llOI .
O..pllre 1. Monopol..- cl puill.sancc 609

aussi vers l'Inde et )'Extrême-Orient. Une route te1Testre part du Yémen ven la Perse.
Le café fait la richesse du Yémen et de Mokha en particulier; la ville COllmopolite et
industrieuse dépasse 10 000 habitants au début du XVJnc !liècle et de nombreuse!I
colonies de marchands - Juifs, Arméniens, Indiens, Somalis, Européens!. L'apogée du
commerce du café yéménite se situe entre 1720 el 1740. À partir de la 5eeonde moiti.!
du xvm~ siècle, la culture du caféier est pratiquée dans les plantations des colonies
européennes; l'Europe se met à produire elle-même ce qu'elle achetait auparavant en
masse aux musulmans2.
Le café des Antilles, cultivé sur ces îles dès 1726, est produit en grande quantité
dans des plantations et à un coOt moindre3. Les Ottomans et les Égyptiens eux-mêmes
se mettent à en importer. Le café des Antilles qui supplante le café du Yémen que les
Ottomans fournissaient aux Européens est un nouveau coup porté à la fortune
commerciale de la Porte.

1 X. de PLANHOL, /.r.t Nu,wn..'f du Proplr~h' . Manut'Igtfogrcv,JritfUt' J.. pu/ilUJW mw11/~. hns... f•)'Wd. 1993. p. l l:S.
HATIOX. C:offo: and Coffcc hous~ . The Onp:m~ ofa Social BC\·cragc m the- Media al Ncar EML Sank. Laadra. 19'15. r. :?o.-.!8.
:? Oan.1 la monlJllgnc Scl'llt, sur la mute dC' Sana .. les prnn1cn çaféicn se monlreot à l .k)O •trcs.. et dèl hn ~ al cwqbi
pwb tultura ; 1ou1c..s le.• f'C1'1C?ll. 6 pcnc Lie "'uc sont "·sculadêon par ln cscalien lb cbamps en mTUaC. ~ Urituës. où
JaspolCs le blé cl l'oryc. l'indigo, lC'!it arbrn fruit.en cl surt~1ut le feuillage demc des ah~ (. 1Au--dC"Li. ituu IU"lr .Je~
IGl'll

à pnnc marqœ. climat et relier M: trunsformcnl l'Ouc... t. fllLI., humtdc. C:t:i1l k: p&)' du calè ; l'Est. plm so.: porto ta p&.ala:s
cl'bmpc.•, R. OLl\NCllARO. "l.' Aru.,1c" . m fit :og1·.1plri· · ""iwndk r VIDAL de la BLACHE C1 L 0"1.LOIS dir ... Pwis.
.\nmnd C(Jlln, 1927·19.ltl, l. VIU. A~m; lX:CU.lcntmlc et h11ulc-A1ioic., ,..,~.,. r . 17 ... .
J tl. LAURENS, L'E..rrFdilion ,/'J;KYJ•I<' tl :sv.UJOI). Paru. Annwndt.ohn.. 1989. p. :'iO.
CHAPITRE 2

THALASSOPOLITIQUE ET PUISSANCE

"Ln 11at11re mid1tcrra11éemre, /es ressourœs qu'elle offrait, les relatwns qu'elle a ditnminâs
vu imposées, so11f à /'origi11e de l'c!to11not1te tra11sfonnallm1 psydwlog1que el ttcltmque qui, en peu
dr siècles, a s1 profondtJ111c11f disti11gué les Européens du reste des /wmme:; ... Ce sont les
Méd1terrm1éc11s q11i ont engage! le ge11re humain dans ce/li! ma111irc d' iwenture ertnwrdillSlin que
"ous vivons, don/ 11ul ne peut prévoir les développements."
Paul Valéryl

la mer occupe plus des deux tiers de la surface de la terre. Pour 144 nùllions de
1an2 de surface terrestre, on compte 365 millions de km2 de mer. D'un point de vue
géopolitique pourtant, l'importance de la dimension maritime ne se résume pas à son
importance géographique.
Pour contrôler les ressources, il a souvent faUu contrôler la mer. Nombre de
puissance s'édifièrent sur des situations maritimes; ce furent des thalassocraties qui
menèrent des thalassopolitiques. Fernand Braudel dit que la Phénicie, la Grèce et Rome
sont "filles de la mer", qu'elles sont "des civilisations thalassocratiques•2, que "si
l'Égypte est un don du Nil, elles sont un don de la Méditerranée.[ ... ] Cet assemblage
de vigoureuses civilisations de l'Europe nordique centrées sur la Baltique et la mer du
Nord; sans oublier l'océan Atlantique lui-même et ses civilisations périphériques.
l'essentiel de l'Occident actuel et de ses dépendances n'est-il pas groupé autour de
l'océan ?" 3
Depuis les Phéniciens4, la mer trouve son importance géopolitique dans la plaœ
essentielle qu'elle tient au sein du commerce mondial. La mer est en effet la voie royale
de l'échange, et l'invention de l'avion ne l'a guère marginalisée.
En même temps, la mer n'a de l'importance que parce qu'elle rehe deux rivages
peuplés. La façade atlantique de l'Europe ne décolla+elle pas seulement après la
découverte des Amériques5 ? Après avoir été un infini de perdition, l'océan Atlantique
devint une "grande Méditerranée", et les populations côtières de l'océan purent
développer leur vocation maritime.
Le commerce mondial repose sur la liberté des mers. C'est la raison pour laquelle,
depuis !'Antiquité, les nations ont cherché à assurer la maitrise des mers pour
permettre la circulation de leur commerce. On St' souvient que, durant la Première
Guerre mondiale, les sous-marins allemands, en coulant un tonnage anglais très

l Œ1nn~1 . Pan!', La Pléiiu.IC'


2 F llRAUL>El J1r. l.11 ,\/éd1ta1w1a·t·. J. 'c'.'1"''··" t'I /'Jmt111r~· r.uls. l-lamman,1n. coll ''(. h.lmr!oo~, IQ~5. 1l~°''i' p.JUr la pttmià'c
rdi11on) ; ... liRA\JDl'. I.. (j _ Dl.li\\" , l.a .'11'.l11. n w1t·,·. /_,., lrt1mmc·.~ l'i !'Jr,:rrf•(t.:1·, l':aris. 1-1 ..munanon, IOli;I\,. .. ..,11 ... ll\atnrti•
} f. HR.AUUH .. (irr1111nmir.· ,ft. .. ,.,. 1fo11/i(lll .~. l·lmnmurwn . 1~N.'\. n1ll "t'hJl1\('1'R. r--1 I 11rc ..<J l'ilt-.l 1
-4 C. BAl/RAIN , C tlONNt·.T. /. 1·.~ /'11,:,rici.·11.' . .\/.1nm "'"~ tr11h , -,11111111 •11h . l~"- AnnanJ l\,hn.. P:tru.. t~~- ..vil
'lndi1i1t1ons U"
j fi. LE UOUl:IJEL', f l'l IAPPE 1ln, l'uu\•oil.~ "1 h1111r,J11\ .!JJ Xf ~ '"' .\.\ .. .u,~·/1•, J\1o.·k du 1i.'Ulklqu~ 1nll:mlll1\10&1 t.k lvnau,
kntin. rrcs.~ unwcni1a1re.s de N.cnncj. :um,·c~ilé Un·t.nym.- Sud. !M:ptcmbn: l ~K .
612

important, furent en passe de bloquer le commerce tnilritimc et de mettre en péril la


suprématie maritime anglo-saxonne .
Aucune révolution technologique n'aura pernlis de freiner cet immense
mouvement de maritimisation des <'changes engagé depuis que l'homme est marin . Le
XX• siècle a confirmé la place fondilmental e de l'élément nlilrin cl augure d'une
probable domination des économies maritimes dans l'ilvenir. Le développement des
marines de guerre en Asie semble confirmer ce fait.
Dès lors, on comprend l'intérêt historique que nombre de puis sances ont montré
pour l'élément marin. La géopolitique des mers a déterminé ce que Julien Freud a pu
appeler une thalassopolitique des puissances.
Les thalassopolitiques poussées à l'extrême aboutirent à des thalassocraties, c'est-à·
<litt à des systèmes politiques qui dépendaient en totalité de la mer pour leur survie,
tels Athènes, Carthage. Venise, les Provinces- Unies, la Hanse, ou encore la Grande-
Bretagne. On peut multiplier les exemples :
- les Phéniciens, à partir de rivages étroits s'assurèrent une supériorité politique en
Méditerranée, espace-monde de !'Antiquité.
- Déjà Athènes, en regardant vers la mer, pensa la Grande Grèce, et s'assura la
domination de Sparte 1 .
- Plus tard, c'est en entrant en conflit avec Carthage que Rome, puissance
continentale, put devenir une puissance maritime, accédant du même coup à la
puissance mondiale.
... Pendant près d'un demi-millénaire, d e l'an mille jusqu'à au moins 1 500, la
République de Venise symbolisa la domination des mers et la richesse fondée sur le
commerce maritime. Venise fut un empire côtier qui régna sur l'Adriatique, la mer
Égée et la Méditerranée orientale, mais rencontra des difficultés à contrôler l'arrière-
pays, la Croatie et la Hongrie.
- Vers l'an 1 ()()(), l'empereur byzantin Nicéphore Phocas, proclamait la domination
des mers par Byzance. Venise et l'Islam lui feront échec .
... l'Angleterre, par sa domination hégémonique des mers au XIXe siècle rendit
possible le contrôle d 'un empire "sur lequel le soleil ne se couchait jamais".
Carte 3 : L'Empire britannique à la v e ille de la Pre mi è re Guerre mondiale
Pour tenter de rendre compte de l'importance de la mer dans la quête des
ressources et les fondements de la puissance, nous traitons des sections suivantes : la
mer ne se partage pas; la thalassocratie phénicienne ; ces émirats du Colle nés de la
mer; lorsque la Méditerranée était un lac musulman et lorsque Venise s'envolait vers la
puissance ; thalassopolitique portugaise : Portugais, Arabes et Turcs ; le désastreux
refus chinois de la mer; l'hégémonie maritime anglo-saxonne; thalassopolitique et
droit maritime .

l. La mer ne se partage pas

A la différence des territoires sur lesquels l'équilibre des forces peut s 'établir, la mer
pousse à l'hégémonie; elle ne se partage pas. L'histoire maritime est une succession de
monopoles.

J Dams.on H is1uiri! J r: Io GMt:rrc du Pélnp01rm~.u. l'h1sloricn gn.:c Thuc )·1.hc.Jc u Jtcril la KUCrTC oppos11n1 A thCndi c:I Spa.nt .
entre431el404 •~ . J . -C . gucrtr qui 1'aa:hh'c sur le dë(111tc des Athénien!' L'cxprnsion .. mollri!ie de la mer"' est cmrlo)'\"c pl)UI b
prcm.iCtt rois dam l'hlina1rc J de ROMJLLY, T11ucydulc et l'imflérialume 1Jtl1J11it!11, Puns , Les Oellc!i Lc11rcs , 1947
Chopltre 2. Thalauopol!Uque et puissance 613

- Carthage et Rome se disputèrent longtemps la Méditerranée. Rome tenait la


painte extrême de l'Europe, tandis que Carthage tenait celle de l'Afrique. U. Sicile quJ
~tait coincée entre les deux pointes devint un objectif. Ce contentieux géopolitique
déclencha les Guerres puniques. Quand celles-ci se terminèrent, Rome était entrée en
possession de trois rives méditerranéennes ; le reste devait lui échoir nécessairl!ltlenl
En Méditerranée, aucun partage n'était possible ; il fallait "détruire Carthage", selon la
lormule célèbre, pour régner sur le monde antique1 •
- Le Marc Nostrum romain vit se succéder Byzance et Venise, la Méditerranée devint
ensuite un lac musulman.
- Napoléon voulut contester le monopole maritime de l'Angleterre2. Il devint pour
œtte raison l'ennemi mortel de Londres, celui qu'il fallait abattre en priorité et exiler
sur une ile perdue.
- Plusieurs puissances parvinrent à fermer des mers aux influences étrangères : les
Turcs en mer Noire3, les Américains en mer de Béring. tandis que le Portugal et
l'Espagne, appuyés par les papes, tentèrent de se partager les océans suivant les bmneS
du fameux traité de Tordesillas de 14944 •
- L'hégémonie maritime de la Grande-Bretagne fut incontestable. Pui5sance
idéalement insulaire, l'Angleterre parvint à vaincre l'Espagne, la Hollande, la France et
l'Allemagne. Elle s'appuya toujours sur des alliances qu'elle n'avait aucun mal à bâtir
~tant donné l'intérêt que présentait son contrôle des voies maritimes. L'appui à
l'Angleterre de têtes de pont continentales fut constant Ainsi, Londres s'appuya-t-elle
sur le Prince Eugène contre Louis XV, sur Frédéric Le Grand contre Louis XVI au
Canada, sur la France et la Russie pour vaincre l'Allemagne lors des Première et
Deuxième Guerres mondiales qui prétendait à l'hégémonie continentale, comme
préalable à l'hégémonie mondiale.
Pour maintenir sa position, l'Angleterre eut besoin d'une flotte largement
supérieure à ses rivales dont elle se servit d'ailleurs beaucoup plus souvent comme
moyen de dissuasion et pour imposer des blocus économiques à ses ennemis, que pour
les affronter directement, économisant ainsi au rnaxirnum ses forces.

2. La thalassocratie phénicienne

S'installant sur le littoral levantin à la fin du Ill" uùllénaire, les Phénidens y fondent
plusieurs ports dont celui de Tyr5 - d'après Hérodote, en 2750 av. J.-C. L'organisation

J U chute de Canhagc c 'est 11u.ssi l'oricntali s1111on de ''Afrique du Nord rnardéc de phwcun 5'tclcs : '"m 1DI Dl:!icle cc demi. la
silullion médilaftnt!cnnc s'esl rcnvcniéc . Le ba.ssin orient.al cs1 10J'llbe sous \a dêpcndancc politiqu. et 6conomaq. dll t:.ss.A.
ot'C'idcnl.&L entendons de Rome. C.:ncs, 11 a conscn:é une supënoritC de ç1,;lualioa.. mais d'une ch.ili.siwoa qw d'bd~ es& a

IRin de devenir grêco-romainc . L'oricn1.nhsa11un de 111 Mi!ditcmméc: et du n.:>odc occida:nwl s'est trouYëc pour une puoc à: c:e
nmndc ~tudtt de p lw; de huic siklcs jus'4u'3u" conqué-tc-s dC' l'i slam.... in M . LE GU\ Y, Roww G~ ,u JirlO. tk la
aq,.hliquc. PUl,, Perrin, 1989, coll "Histom: cl d~Cldcnce"'. r · .'.'74.
2 •u bamillc tic Trufalgar f .. .] mêntc d'upporuilJ'C co mmr le to~I du ~J anrc Napol~n et l'EURJpC. Eüc ac auv.il s-
ICUJancnt la Graodc Dn::tmgnc d'une •nvas1on, qui nunUI pu pcut-èm: débcu"rassier l'Empr:rrtU des Fnoç:aia du .W maam alon •
4

annca. Elle mfennatt Napoléon dun!!i le con1 inc n1 ; clic le condamna.il • la ronqui1c de l'EW1)pe. tuujoon à ~ ft toufoars
vaine flUCC que, à 1cm\C, la puis.soncc qui ù1!11cm la Jommauon des O\.."ê.iuls - le ~ ·powct - a raiMJo de celle qw ac pœa;6lk: qMe
l'btsânonir sur la 1crrc.". m A LATRC:ILLE. L ·.._\rt• n,,JH~J..ionit!nnc'. Pans, Armand Colin. 1974 . ..:ull. '"Li'". p . 143.
J Le ~aime JcsJ~1ts de )qJ(1 (Montn:ux) auna pourbul \le pnanur l• llbcnC de nav1g•1ioo..
4 P. VILLll!RS, P JACQUIN. P . RAG ON. Lt•.fi E11ru1~e1as d la '"c,. ck la d«ofl~"f!'N• ti /" ..""'Ol,,,,Uolioft rUJ..(.../'"4,, hns.
En,_, 1991. p. 23.
ji C BAURAIN. C . BONNET, lc'.fi Ph~m<1c'n" . .\ldrirts ik.r lro i..fi ('Olf/Ut~m.t . ~ Armand Colm. .....,_ 19'12.. coll.
·ci~ilu.a1ions U'", f1 . 49· 70
614 rartfr ... . Lr .,ui'fr ",.,. n"StotlUrn'S : Jllfl" cum;lant~ "4.· l 'h'510f't

politique est similaire à celle <les peuplades égéennes: il n'existe pas d'État phénicil'll
proprement dit, mais plusieurs cités-États autonomes entretiennent cmlTe elles d ....
rivalités. Au moven de leurs navires, les Phéniciens tissent des relations commerciales
avec leurs voisi;,s et deviennent les courtiers des p<'uples de la Méditerranée1 Les
rapports avec l'Égypte t'n particulier sont bénéfiques. Les Phéniciens vendent du bois
de cèdre utili~ dans la construction de navires et la fabrication de meubles et de
sarcophages. D'autres produits tels que des résines utilisées dans l'embaumement, la
pourpre pour la teinture, les épices, l'huile, les métaux, font également l'objet d 'un
commerce fructueux. Les villes phéniciennes vivent <'Ssentiellement de l'échangc. par
la mer, de produits locaux - bois du Liban, tissus fabriqués et teints sur place,
verreries - ou de produits lointains pour lesquels les Phéniciens ne sont quc des
courtiers -papyrus, étain de Cornouailles, cuivre de Chypre, or et aromates d'Arabie
du Sud.
Durant tout le m• millénaire et le début du second, les Phéniciens constituent la
puissance économique qui relaie la puissance géopolitique égyptienne. L'apogée de ces
relations entTe les peuples égyptiens et phéniciens se trouve sous les pharaons de la
XII• dynastie -1991-1786 av. J.-C.
Les relations bilatérales étruites entre Égyptiens et Phéniciens vont cependant être
violemment bousculées vers la fin du XVJJlc siècle av. J.-C. lorsque des conquérants
venus de Haute Syrie, les Hyksos, envahissent les côtes phéniciennes et le nord de
l'Égypte où ils fondent une nouvelle capitale, Avaris. Ainsi, dès !'Antiquité. la
profondeur géographique syrienne vient-elle, pour la première fois, entraver la mise en
place d'un axe égypto-levantin. La réaction de la puissance égyptienne ne se fait
attendre qu'un siècle et demi. Les Hyksos sont chassés des ports phéniciens par les
pharaons égyptiens : Ahmosis - 1580-1558 - refoule les Hyksos au-delà de la
Palestine, tandis que Thoutmosis J•>r - 1530-1520 - les poursuit jusqu'à !'Euphrate.
Dès lors, l'Égypte ne cesse de renforcer son protectorat sur les principautés
phéniciennes2 . La vassalité phénicienne augmente encore après les victoires de
Megiddo et Qadech, remportées par Thoutmosis III - 1484-1450 - sur Je roi du
Mitanni, ennemi juré des Égyptiens. Les Égyptiens disposent de la puissance navale
phénicienne et accroissent leur puissance par Je rayonnement maritime. Les victoires
que remportent Séthi ('" - 1312-1298 - sur les Hittites qui ont, aux frontières de
l'Empire, succédé aux Mitanniens dans l'organisation des coalitions contre l'Égypte,
puis la demi-victoire de Ramsès n - 1298-1235 - contTe ces mêmes Hittites a
QadechJ, et enfin, face à la menace assyrienne, l'entente égypto-hittite de 1278 av . J.C,
font des cités phéniciennes de véritables protectorats égyptiens, ce dont Crétois puis
Mycéniens profitent largement dans leurs entreprises commerciales. L'époque est aussi
fertile sur le plan culturel, puisque c'est alors qu'apparait à Byblos l'alphabet phénicien.
Le XII• siècle av. J.C, connait une révolution géopolitique majeure. Venus
probablement du Nord de l'Europe, des peuplades européennes rnssemblées par )._..

1 · Qu.t.n1 aw. cités phcnactcnno du linoral méd1!CTr.lnêcn . pt:uplCt..,. Je SCniih:s. clic!. commcm: ...-nt J 'cxpl(ll'Cf li mn tt de
fcn:kr Ir!,~ colonies de C'C qui \'iit deven ir un empire nuri11me et co mmcrc:î;il Hy hltlo; csl en h!lotion gi\·u l'Egyr~. Î}T c1
Stdon le KJnl na: l'AfriqUC' du Nord et la Sicale \'en Io fin du Jcux1èmc m1lh.."Tiu1rr, les PhCmcîcns wnl pcut-<ln' t.!Cp. :11 C...a.ié!
laajourd'bw. C.du.} 5W roctao. ~ Utique en Tunisie. Au IX" si êclc , ils sunl certainement ô\ Chypre, et leu~ noues sillonncn1 l'E,tt
Us fondent Canhagc vers 814 ln oolomcs K mulhphcnl :au VllC' ~îCch: en Sardu1gnc cl en Su.:i\c, UU'- IJ11lêttn:s . sur ki C15itct
d'Afriq= et d'~ juaqu'aw. prcnucn ha"-œs Ju JiltoraJ a1lan1i4uc ( . l lis fonJc:nt . vcr.i 600, le comptoir de M:mrillc.· . IO
J. fAVlER. i.-~ G~ ~ ouw-rrr:r tD'Ah-zundn! 0 Mag.,.l/an}. l"aris, flly11rJ . 1'19 1. p :m En nle!mc tempi. qui.! leur cnrnmnn.
la aan:bmlds pWnKicns de Tyr et SiJon puLS cc&a. Je C hypn: et C• rthugc: 1.hffusc:nt un ulphabc1. nus ou ptuni à llyblos . l'1lflhabrt
g.ltC Jut' &cu..icuq>. l'•lphabct phtnici.:n.
2 N. GRlMAl...., //uro1Tr"M l'i.gyptt! mtt:ir:ruu:, Pans, fayani. l')H8, Le Li\IJC Je Pt~hc: . p . 261 ·:?qo.
] /Jn... p. ))0.}37
tllapttre 2. Thal"980polltlque et puissance 615

historiens sous le vocable "Peuples de la Mer" abordent les côtes de la Méditerranie


orientale et sèment la désolation . L'Égypte, alors sous le coup des complots qui
a.ffoiblissent la x.xe dynastie, voit son empire colonial d'Asie se disloquer. Les Égéens
cux-mémes ploient sous l'invasion des Doriens et perdent leur puissaru:e maritime qui
opposait une concurrence commerciale sérieuse aux Phéniciens. L'anarchie profite
rependant aux Phéniciens. Ceux-ci se voient libérés de la dépendance égyptienne et,
sous la conduite de Tyr qui a désormais pris le pas sur les autre cités, les marins
phéniciens essaiment les côtes de la Méditerranée occidentale de comptoirs
commerciaux qui deviendront peu à peu des colonies. Ils franchissent les colonnes
d'Hercule - détroit de Gibraltar - et s'établissent, vers 1100, à Gad.ir, la future Cadix
oil, à l'orée du royaume de Tartessos, convergent les routes de l'étain des lies
(astérides et de l'argent d'Andalousie, à Lixus - Larache - sur la côte atlantique du
Maroc, puis reviennent fonder Utique, sur la rive Nord du golfe de Tunis, Hadrumète
- Sousse.
Grâce à ses fructueuses transactions cornrnerciales qui consistent exclusivement en
opérations de troc - la monnaie n'apparaitra qu'au vue siècle av. J.-C. -, la Phénicie
connait alors une expansion économique dont profite l'artisanat de ses villes et tout
particulièrement l'industrie de la pourpre qu'elle a inventée et dont elle détient le
monopole. Les Phéniciens, qui ont su se libérer de l'influence égyptienne, voient de
nouveau leur pire ennemi géopolitique les menacer. Au milieu du D(e siècle, les
Assyriens à la recherche d'un débouché sur la Méditerranée les menacent de plus en
plus. Puissants commercialement, mais peu unis politiquement et insuffisamment
puissants du point de vue militaire, les Phéniciens préfèrent se soumettre sans
combattre - 841 - et acheter la paix à Salmanazar III - 858-824. lls n'échappent pas
pour autant aux exactions de leurs maitres assyriens, lesquelles provoquent wt
nouveau phénomène de migration chez les Phéniciens. Guidée en 841 par la princesse
tyréenne Didon - ou Elissa - , une partie de la population de Tyr s'enfuit et fonde,
non loin de sa vieille colonie maghrébine d'Utique, une cité nouvelle nommée Qart
Hadasht - Carthage - c'est-à-dire la nouvelle cité.
la fondation de Carthage ouvre le déclin géopolitique des cités phéniciennes au
profit des colonies phéniciennes d'Occident. Carthage s'impose rapidement sur les
autres colonies phéniciennes d 'Occident et l'empire punique se substitue à l'empll'e
phbticien. Ainsi, à la fin du vue siècle, aucune des colonies phéniciennes ne reconnait
l'autorité des cités-mères de la Phénicie. Qui plus est, les cités phéniciennes Sidon et
Tyr ne cessent de se déchirer. Tyr résiste seule contre l'Assyrie. tandis que les autres
villes de Phénicie ont mis leur flotte sous la tutelle assyrienne. En 700, Tyr est prise par
!'Assyrien Sennachérib. Durant le Vile siècle, toutes les révoltes phéniciennes contre le
joug assyrien, sont sévèrement réprimées, à l'image de Sidon, rasée autour de 670 et
recolonisée par des Chaldéens, tandis que ses habitants sont déportés en Assyrie
Devenus vassaux de Babylone après la chute de Ninive - 612 - les Phéniciens
sont toujours aussi divisés : Sidon se soumet tandis que Tyr refuse de payer tribut et se
révolte contre les nouveaux oppresseurs. Nabuchodonosor Il - 605-562 - devn faire
un siège de treize ans - 587-574 - avant de s'emparer de la ville. Réduits au rôle de
commissionnaires en marchandises, les Phéniciens ont cependant conservé leur
réputation : c'est à des marins phéniciens que le pharaon Nékao Il - 609-594 - confie
le soin de guider la flotte égyptienne dans un périple circum-africain, le premier de
l'hisloire qui, selon Hérodote conduira les navigateurs de la mer Rouge à la
Méditerranée en passant par les colonnes d'Hercule en l'espace de trois ans.
Anc~tres des populations qui habitent aujourd'hui les rivages du Liban et de la
Syrie, les Phéniciens ont mis en place les constantes géopolitiques de l'actuel État
libanais marqué par son rôle économique d.1ns le monde arabe, son ouverture
616 Partit• 4 Ln qu.!le des rt':"~mrccs: une amstrmlc" dt l'l1i!toirt

méditerranéenne, et de fortes divisions caractéristiques de sa géopolitique interne. Le


Liban d'aujourd'hui, comme les Phéniciens naguère, se heurte d'une part à ceux qui
craignent sa dimension économique - lsra!!l, aujourd'hui-, comme à ceux qui
veulent désendaver leur État vers la Méditerranée et élargir leur façade maritime,
comme les Syriens.

3. Ces émirats du Golfe nés de la mer

Les émirats du Golfe ont pour origine des dynasties bédouines. Furent-ils du moins
des thalassocraties?
Xavier de Planhol soutient que leur construction géopolitique n'est pas comparable
au concept classique d"'État maritime" réalisé par Venise, Gênes, ou même par la
thalassocratie omanaise, qui est essentiellement caractérisé par une "organisation
comportant au-delà des mers des postes commerciaux et des colonies stratégiques unis
par des relations actives et constantes et maintenues par une flotte puissante
permettant le gouvernement commun sans décentralisation excessive"! ; elles ne sont
pas non plus comparables à une "Cité-État" de !'Antiquité grecque dont la surface
territoriale réalisait l'équilibre entre l'autonomie de subsistance et le gouvernement des
citoyens2 • Il soutient que les émirats du Golfe qui vivent essentiellement d'une activité
maritime proche ressemblent davantage au modèle des "Cités portuaires" que l'on
trouvait en mer du Nord et Baltique à l'époque de la Hanse.
Carte 20: Les dynamiques de désenclavement au Moyen-Orient

4. Lorsque la Méditerranée était un lac musulman,


et lorsque Venise s'envolait vers la puissance

"Us Vénih·ens surmt mettre sur pied un système bien calculé orl tout s'agençait el
s'imbriquait : l'action politique, les c11oix économiques. les décisions ad1ninistrativcs et ft11n11cières.
Jamais peut-im un gouuernement n'a été comme celui-ci le véritnble conseîl d ndminrstration 1

d'uraeénorme entreprise unique el étatique; cela pendant des siècles. 3 11

L'un des aspects les plus étonnants de la conquête arabo-islarnique des VII• et
Vll1• siècles tient sans doute au fait que les Arabes, qui étaient originellement des
nomades du désert, purent s'adapter si rapidement à l'activité navaJe4 qu'ils
s'emparèrent de la Méditerranée.
C'est que les marins de l'Islam ne sont pas les Arabes issus du nomadisme. En
conquérant le littoral de la Syrie et de l'Égypte, l'Islam s'adjuge en effet une longue
étendue de côtes, de nombreux ports et toutes leurs populations de marins. De la
même façon que l'islam des villes sait utiliser le nomadisme au service de la guerre, il
met les marines méditerranéennes du Levant, d'Égypte, d'Afrique puis d'Espagne à

1 X. de PLANHOL. Us Nullons d11 Pruplti!tl!. Manuel 1.:io>eruphlq"e 1/e p11/i1iq11e mu.mlmunr rons. fa)'nnl. l 1J9~. p . 146.
2 f. HEARD·BEY. •Le ~cloppcmcnt d'une C11é Ëlat marilinu: danlio le Golfe : l'citcmplc Je Duboyy", in P HONl'IŒNFANT
d.ir., lu Pbu#UUI~ arabiq~. 1912, L Il. p . S2J-S28; A. BOURGE V, "Kuw11î1", 1n P. BONNENF/\NT Jir., La P~11Jn.tt1le ,m1/i141K.
1982, t. li. p. 417-"IS2 , A. AUBRY, "Bahrem". 1n P . BONN ENFANT d1r .. Lu P1:nin,;11h· uraJ11,1111•, 19M2 , 1 Il, p. 4SJ-' .
l Y. CLOUL\S dir., L'J1al1e dl! la Rl!nalnanc~ (Un niamlt• ('fi nmtutimr, IJ7H-/4'rl4). Paris, r:uyurJ , l 1J90 , p 314
4 B. LEWIS. Us Ar"bu Jun.., /'H1:stuin:, Aubier. rwis. 1993, 262 p . . trud frun~u1se l 9 1H . p. 144 .
CNpitrr 2. Tholusopolitiquc et puissance 617

son service et forme la Méditerranée à l'Europe' . Au 1x~ siècle, l'Empire franc qui est
continental cl ne dispose pas de flotte, n 'a pas d 'autre choix que de se replier vers
l'intérieur des terres. Du golfe du Lion et de la Riviera jusqu'au Tibre, la côte n 'est plus
qu'un désert soumis aux pirates ; les ports et les villes sont abandonnés et cette Europe-
là ne commerce plus avec l'Islam, du moins par la Méditerranée. Une route de
substitution au commerce de l'Orient se crée dans le Nord, par la Baltique en direction
de la mer Noire, puis de Bagdad au IXe siècle, centre du nouvel empire abbasside vers
lequel les routes du commerce asiatiques convergent; les Normands jouent alors le
rôle d'intermédiaire entre l'Europe occidentale et l'Orient musulman2 .
Byzance qui dispose d'une flotte, contrairement à l'Empire carolingien, parvient à
!<i!Uvegarder son empire essentiellement côtier, autour de la Grèce et protège
indirectement une bonne partie de l'Italie . Mais en première ligne face à la pui5sance
de l'Islam, Byzance reste dans une posture de repli prudente.
C'est l'Italie qui, dans le monde chrétien, profite le plus de l'hégémonie musulmane.
Les appétits d'Amalfi - avant que la Sicile ne soit conquise par les musulmans durant
le IX• siècle - , de Gênes et de Pise, qui multiplient les attaques pirates, sont éveillés
par l'appât des riches convois maritimes musulmans. Venise ensuite profite de sa
situation entre l'Empire carolingien et Byzance.
Au début du 1xe siècle, Verùse est alliée à Byzance contre les Carolingiens. En 810,
les Francs conduits par Pépin s'emparent de la cité lacustre et de la côte dalmate, mais
ils en sont chassés par la flotte byzantine3. En 812, les Francs et les Byzantins concluent
une paix qui place Verùse en situation favorable : unie à l'Empire byzantin eUe pourra
profiter de ses réseaux commerciaux en Orient; elle restera autonome car Byzance a
besoin de son soutien militaire contre l'Islam ; Charlemagne lui reconnait le droit de
faire du commerce dans l'Empire franc. Autrement dit, par un simple traité, voilà
Venise placée en situation d'intermédiaire parfaite entre l'Orient et l'Occident. Son
double jeu vis-à-vis de la Chrétienté et de l'Islam va lui assurer un formidable essor :
elle aide Byzance en 840 à Tarente contre la flotte musulmane ; dans le même temps
elle ne respecte pas l'interdiction de Byzance et de la Papauté de commercer avec les
Sarrasins d'Égypte4 et de Syrie et vend même aux musulmans des esclaves chrétiens
slaves de la côte dalmate. À la France qui s'efforce d'endiguer l'Islam espagnol, Venise
a pris le rôle de Marseille et laisse Byz ance s'essouffler dans la guerre chrétienne contre
l'Islam et dans la défense de la Sicile.
En reconquérant la Sicile dans la dernière partie du XJe siècle, les Normands vont
alors de nouveau bouleverser la donne géopolitique en Méditerranée ; les Croisades
approchent. Venise là encore ne fait qu'épouser le mouvement.
Comme l'écrit Fernand Braudel, c'est bien "en Méditerranée que s'est joué le sort
maritime, mondial de l'islam . Là il aura gagné, désespérément combattu et. finalement.
perdu." 5
Carle 72 : L'expansion de l'islam au VII<' siècle
Carte 82 : La Gaule carolingienne
Carle 85 : Les Croisades et les États croises du Levant

1 X Je l'l.ANJIOL.. / . 'itlclm •., /11 m.·r. tJ_,, nh•.•·.,m•,· ,., If" ,,.•.11d .u, i ·rr -X..\., .n"'-· I~>- Pans.. Pcmn. :?000. coll. "Hi.stoirc et
dôcadcncc"
2 •. DRAU OEL , Cin mmw 1n· ''"-" nn /,. , m .111.~ . n..~ ~ "' · · l'.11ns. Flammuion . 1993 , coll. ""Champs'". p. 76., (IR" èd. 1963).
J li PIRJ::NN C!, U l.YON . A . l'ILTILLOU , 1-" . l J/\BRlELI . li . STL:. U ER . .\N~r ~• Clwrl~. ~'DRC'W'. U'- do............
~ I~ llnur Afo_1.._.,,...fg a•, Jncft Llod..:. l ' H"~ . .144 r.
.a C'es1 J'Alc-xnm..lric 4u'unc ll•'1h: de Jtx nnv m.: .., ntrf1".lrh'. en S.:!1 . lu rdtques ck Saint-Man: .,.olfts, am& bate 6 rlm&l dm
llut11au que tJcs Mmmlmnns de la \'Ill.:
Si: DRAUI>EL, G r"m,,wlrr c/r.f l"i1 ·U1.,·.,tic111s, rans.. fllammanon . 14.1~3 . "''Il. '"Champs'", \l,. èd.. 1%}).
618

5. Thnlassopolitique portugaise : Portugais et Arabes

Dans la péninsule Ibérique, le Portugal occupé par les Arabes au VIII• siècle
- 711 - suit le sort de l'Espagne. En 1097, un prince d 'ascendance capétienne, Henri
de Bourgogne, re<,"Oit de son beuu-père Alphonse VI de Castille et de Léon, le comté de
Portugal. En 1139, le fils d'Henri de Bourgogne, Alphonse 1..r, se nomme roi après la
vk1oi.re d'Ourique. La Rero11q11isld sur les Muures se poursuit jusqu'en 1249. Forgée
dans son ~"Ombat contre l'Islam, la conscience nationale portugaise est consolidée par la
guerre a\"ec les Castillans, battus sévèrement à Aljabarrota - 1385 - et contraints
d'admettre l'indépendance du Portugal - lequel dispose d'une langue proptt
accomplie. Une nouvelle dynastie régne sur le Portugal, les Aviz. Jean!•• - 1385-
14..13 - et son fils. le célébre Henri le Navigateur!, Jean ll - 1481-1495 - et Manuel 1•r
le Fortuné - 1495-1521 - lancent ce pays de marins et de soldats sur la voie de
l'expansion coloniale. L'objectif est double: on met d'abord en valeur le projet religieux
de combattre l'islam, d'achever ainsi la Reconquête et de reconquérir la Terre sainte
avec l'aide du royaume du "Prêtre Jean" en Abyssinie; il s'agit de prendre à revers
l'Islam qui verrouille la M~iterranée. en contournant l'Afrique. On met ensuite en
valeur le projet économique qui vise également l'lslain, et sa situation d'intermédiaire
incontournable du commen:e avec l'Orient. Les Portugais veulent aussi établir des
relations commerciales directes avec les marchés africains et ramener de l'or et des
esclaves!.
La stratégie portugaise de conquête est fondée sur la progression par relais
insulaires - voir le chapitre traitant de l'insularité. Madère est contrôlée en 1419,
l'archipel des Açores en 1431; les iles du Cap-Vert en 1445 et l'embouchure du Congo
en 14823. En 1487, Bartolomé Diaz dépasse le Cap de Bonne-Espérance - pointe de
l'Afrique - et longe les rivages du Natal. Dés la fin du XV" siècle, le Portugal dispose
d'une large avance dans le domaine des trafics extra-européens4. En doublant le Cap
de Bonne-Espérance, les Portugais s'ouvrent la route de l'Inde et des épices. La
navigation dans l'océan Indien n'est pas un mystère : les Arabes la maîtrisent et les
Portugais l'apprendront de leurs ennemis. Entre 1488 et l'arrivée de Vasco de Gama à
Calicut il ne se passe que dix ans; et dix encore seulement entre Calicut - forteresse
en 1512 - et Malacca5. Alors que la connaissance du continent ainéricain nécessite plus
de cinquante ans, les Portugais, guidés par les pilotes arabes et malais, progressent
bien plus vite6. La connaissance du régime des moussons qui commande une bonne
partie de la navigation, et le tracé des principales routes leur sont donnés par les
Orientaux; les Portugais s'en tiennent cependant à l'utilisation de leurs propres outils,
astrolabe et carte nautique?.
Tout ceci explique la rapidité avec laquelle les Portugais édifient leur empire. En
1502,, Vasco de Gama est déjà amiral des Indes; de nombreux relais sont fondés :

1 Hcnn le ~npt.cur - - 1394-1460 ·-- organise lo pmniétt i:colc Je mari n ~ t:l pruJclCc de: tourner oulour de l' Afnquc.
2 P. \'JLll.ERS. P JACQt:IN. P RAGON, Lt'.s Eurupèt'ns t:t lu ml!r dt· lu 1"1<."0IH't!rto! û lu t..•olonua1iu 11 (l.,S5.JIJ60J. Paru.
Elliplcs. 1997. p 7-:!0
J J. 'FA.VIER. U .'> GrrPUks ll«Ol#verteJ fD'Alr:rundrr: li ,\fa>:ellan) , P;ins. Fayon.1, 1q91. p . 416--4111 .

4 B BE.--.,"NA5SAR. J . JACQLi'AkT . Lt-XFfF ~ûdt.'. 2"' ëJ. Pans. Annam) Colm. lt,l90, r 167
S '"Dans rAstc du SuJ-Est. le grand mtrqXn commcn:îol étail Malacca, s ur Io ct\tc ~ud - occuknt:ili:- de lu Molois1c. fond« oiuns:
1403, dmlc Ili t.qw::llc elle appuail dana les MJurces ch1no1~. et ..:cnaincmcnt •('lrts 1370. par un pctil chef local 4ui s'll!1&11 COft\'C"l'tll
rislam. avaJl rasxmbl~ 4W10W de lui une bande Je cor-som:.s Rougis et pns. le 11trc de sultan". in X . tlC' PLANHOL, L'ullllll if loJ
...,._ (l.,a..,.~et/~lflfUlrlot. J.'Jl'-xxr $l~c/eJ. Pans. Pcrrin . llM}O. coll . "H1s101n: cl t!Ccadcncc'", p 1:?:5.
6 H. BENNASSAR. J. JACQUART. Lt'XJ-1~ nr«:lt>. ic éJ .. Pari ~. ArmanJ Colin. 1990, p. 161
7 J. fAVlER. U$ Gnmdes L*ow\'rrln fD'Alri~ndrt! U Magellim>. Pos.ri!l. Fayard, 1991. p . J2:5-l,tl.
L'lwpi...., 2. Thalaosopollllque et pul.!ISOne<: 619

Solala. Mozambique, sur la côte orientale de l'Afrique, le comptoir de Cochin en Inde.


Ll' successeur de Vasco de Gama, Albuquerque, s'empare de l'ile de Socotra à la sortie
iiu golfe d'Aden - ville qui reconnaît la suzeraineté portugaise en 1530 - et d'Ormuz
- qui est contrôlé en 1514 - , fonde la capitale de l'Empire à Goa en 1510, prend
Malacca, la première place de commerce de l'océan Indien, un an plus tard, puis gagne
les Moluques qui produisent beaucoup d'épices. Les villes de Diu 1 - 1535 - et de
MilCllo sont fondées.
L'expansion géopolitique du Portugal n'est cependant pas caractérisée par une
conquête territoriale de grande ampleur et une colonisation de peuplement UI
thalassopolitique portugaise ne peut pas compter sur un peuple à la démographie
importante; les expatriés sont peu nombreux : la colonisation n'est donc guère
favorisée et le Portugal n 'a que trop peu d'hommes pour s'enfoncer dans les terres et
conquérir politiquement les royaurnes2. L'empire portugais n'est donc pas à
proprement parler un grand empire territorial : il est une entreprise commerciale
disposant d'un réseau d'établissements insulaires et côtiers fortifiés et ayant pour but
de contrôler à la source une partie notable des importations européennes en
provenance de l'Asie. Nombreux sont les produits concernés par le commerce
portugais et au-dessus de tous figure le poivre - Malabar et de Sumatra ; nous avons
consacré une section spécifique à la quête du poivre par les Portugais, parce que œt
épice fit une bonne partie de la puissance du Portugal. D'autres épices intéressent les
marchands portugais : gingembre de Malabar, cannelle de Ceylan, clou de girofle des
Moluques, noix de muscade des iles de Banda ; mais leurs trafics réunis ensemble ne
dépassent pas celui du poivre qui est considérable. D'autres produits encore sont
concernés par les trafics portugais : soieries, pierres précieuses, drogues et parfums -
bétel, musc, rhubarbe, opium - par exemple. En retour, les marchands portugais
fournissent à l'Asie des armes, de l'or et de l'argent.
Outre le rôle essentiel de relais entre l'Europe occidentale et l'Orient, et ceci au
détriment des Turcs en Méditerranée. et des Arctbes du Golfe et de mer Rouge dans
l'océan Indien, les Portugais se font également les intermédiaires dominants du marché
intérieur asiatique grâce à leur contrôle des mers asiatiques : ils deviennent les
111tennédiaires du commerce entre Indiens, Oùnois et Malais. reliant Ormuz, Calicut,
Goa, Malacca, Macao. La domination économique portugaise s'appuie évidemment sur
la puissance navale; nous traitons de celle-ci daris la partie consacrée aux révolutions
techniques et y soulignons que la supériorité navale des Portugais sur les flottes
asiatiques est d'abord liée à la puissance de feu, à la force de son artillerie. Grâce à cette
puissance navale, l'empire commercial portugais atteint son zénith dès la première
moitié du xvie siècle - 1525-1550.
Or, et ceci est d'une importance géopolitique majeure, bien que peu souvent
soulignée : outre ce qu'elle impliquait comme modifications des rapports de force entre
Arabes, Asiatiques et Europeens dans l'océan Indien et les mers de Chine, la brillante
thalassopolitique des Portugais eut indirectement des conséquences géopolitiques
importantes en Méditerranée.
En effet, dès le début du xv1e siècle, le détournement d'une grande partie du
commerce d'Extrême-Orient par les Portugais provoque la décadence économique puis
politique de l'Égypt~ qui, par la mer Rouge, jouait un rôle fructueux d'intermédiaire

1 Diu ac une pctne ile s11utt au nord-ouest Je:: l' ln..lc Je 38 lm:! seulement Son 1nnw1re ~ pr.>m&p.UJwqu·cn l~;a.wc

1me u11tnUption entre 1670 et 171 7 Juc à une .._~..; 1.1rwthJ n par k~ An1bo.."S Je- !l.l~alc .

~ Crci 9pliquc •WJ.S• le cosmt.>pohusmc J cs m1p...•n11hs1e5 ponuga.i.s ils t'Uœnt peu don..: se mda~t bNucoup en~
dn Es ra~nol s, '{Ul ~ m.= lw,g.!'n:m m uuL'\ .:t oolualSotn:lll .n~....: t"etnm5 rt cafaolL n plut cncœc \la
(ctDnllC'S sw ptac:e . Au ron1rain:
AaaJt>Suons en Aménquc:. Le fa(; lcur ~n10t:,rnph 1'{uc c~iit11.1u.: ~u..; La .;o\o)m~rtun ~ fw Ll plus OJCus.sft~ SlillÎI.
l B. BENNASSAR.. J . JAC QUART, L t·.\Tr· $k!cl~. 2" Cl.l . Pans. AmY.nJ (\1hn. l~. p. I~ .
avec l'Europe - avec les Vénitiens notamment . Les Égyptiens tentent de s'opposer au~
Portugais : leur flotte est anéantie par les Portugais devant Diul . Les Portugais nuisent
donc essentiellement aux Arabes, ceux de Mascate évidemment, qui commerçaient
avec l'Afrique et l'Asie, mais aussi les Égyptiens et tous les Arabes de la mer Rouge.
Qui profite de cet affaiblissement des Arabes ? les Ottomans. Le sultan turc
Sélim 1•r lance ses troupes à la conquète de l'Égypte des Mamelouks - indépendante
de 1250 à 1517 - qui est rfalisée en 1517'2. Les Turcs ne s'arrêtent pas là : ils projettent
de s'emparer de l'Éthiopie, riche bastion chrétien original au nord-est du continent
africain. Les Ottomans sont alliés aux émirats de la mer Rouge. En 1527, l'émir de
Harar - Éthiopie orientale-, Mohammed le Gaucher, s'attaque au haut-plateau
éthiopien - notons bien ici que le particularisme chrétien entouré par un océan
musulman est réfugié en altitude : nous renvoyons à la section portant sur la fonction
géopolitique de la montagne et des plateaux - chapitre traitant de la topologie.
Jusqu'en 1540, l'Éthiopie est dévastée par les raids turco-arabes : une grande partie de
ses richesses accumulées dans ses églises et monastères est pillée et part en direction
des provinces ottomanes. Les Portugais tentent bien d'aider les Éthiopiens : une
expédition dirigée par Christophe de Gama, fils de Vasco, les sauvent en 1540. Mais
l'Éthiopie chrétienne ne se relève pas de sa saignée en richesses et en populations -
nombreux sont œux qui ont été vendus en esclavage, ou qui se sont convertis à l'islam_
L'empire chrétien monophysite d'Éthiopie est entré durablement dans la décadence3.
Pour mettre fin à la puissance portugaise, Constantinople, appuyé par les
revendications des musulmans de mer Rouge, décide de tenter de briser le réseau de
places fortes insulaires et côtières établi par le Portugal dans l'océan Indien pour
protéger ses routes commerciales. Les Vénitiens qui souffrent aussi de la concurrence
introduite par le Portugal et dont les intérêts sont entre les mains de la Sublime Porte.
verraient aussi d'un bon œil l'abaissement des Portugais. Une expédition est lancée par
les Turcs à partir de Suez en 1538, dirigée par Soliman Pacha : 76 bâtiments,
20 000 hommes dont 7 000 janissaires ces soldats d'élite de l'Empire et une artillerie
puissante. Elle échoue à prendre Diu - qui bloque la porte de l'Inde aux Turco-
Arabes - et se replie sur Aden dont elle s'empare que provisoirement. Toutes les
tentatives lancées échouent, comme celles contre Ormuz entre 1551 et 1554 et sont
sanctionnées par de lourdes pertes.

1 ·A. l'imupllon des Vmtticru., qui lui promcnenl J 'C'n,•oycr pw- Alcxondric , por le Nil, et 0 Jos de chameaux ju.squ'a Sua, le
bois n les amtftiauk nCccs.saiirn, le Soudan d'tgyp1c consln111 u11c n one dans ha mer R o uge pour forcer le: blocus ponusoi.s Cmc
cx;adtt est ttrastt dn-aot Diu ci don K nifugier :i Ojeddah . Albuquerque. qui Jans so fureur m éd1tc même un momen1 de dClOUma
le COUR du Nil pour faire de l'Égypte un dê::snt, :maque Aden, grand 1..-ntn:pôt des rruuchandiscs chinoises , abyss ines, mdimacs n
~cm. la mer Rouge. ÎI leur tour les Anbes se ' 'oient pousser au nc7. le Vctn>U ; la mule des Indes cl le commc:rce le pl ut
fnldueux du monde leur son1 inltrdits ; les; Ponugais . v1ctoriau. dan:i; cc que l'on a a ppelé Io rou te du f'OI Vn: , sont désorm11s !es
prnnicn ëptcieft dr l'uni\'en. u fKC du monde a change l'i s lam ~l lu umC C c co up. le rlus gnand poné JU>qu'1c1 • la ruiiYIK'C
ouommc., f~IC'etcummcncc s.a déudcncc."'. m f' MORAND. UJ Rou/"' l lC.'f Jmk.'f , Pans, Arl~a . l'JMQ .
l R. MANTRAN d ir., Hisroirr Je l'Empin ot1un1un, Paris, fayunJ, 1990, p . l 4J · 144 .
J •cnc: beaucoup plus ~u oonJ qw.:, dC.C1~n1 . l' i!d1m1 pé nétra en profondeur 8 l' m1é ncur Ju c onhnc111 (afncom}. k1, 1) y aura
btcn coouwoup des preiuions tuwtgêrn. en l'C"!tpéce celle t.IC"s Oni>mans c1 dc ::t l'onug11i s , qui s 'oppos cn1 nu1our d es Jtbouchb Je 11
mer Rousc. Enninani ..c-s Somalis et w::l AfDrS. un chd h~ ul , Ahm•J O run. s'empare ù panir 1.k 1529 de ln qu1m ·lntali1t de
l'Ethiopie. Dtfait par la Portugais~ au ~oun de la ~hrC11en11: a fru:oinc , mon ou \'.omhul en 1S4J , Gran , le no made, n'aura
pu Ru.si à denwl.1clCf" pour 1oujoun la ctl.aJclle i:oplc de l'Afm~uc t.lu N u n.J· Es1 . 11 l'uurn po11rto111 m g né-c :.:ur s.:s nuu~cs C":u MW\
êpop6e a plusicun cons.ëqucnca de poids elle cnnfinnc ou acc;«:nluc l'isl om is.a11on des bonlurcs ~1h i np1enncs. sun ou1 6 l'c:s1, Jans
Ica ..)'5 dankahs ci somalis : elle met en place . rour plus ta.rd , la cunvcn1on d' une fr11c1ion Ju peuple gall11. pnn i lui aussi .6 l11Wo1ul
d&I plateau abyui.o i I• ml:n-= q,oquc que Gran; elle p~figurc: en un mol les grandes rCddl\'CS, poc1fiqucs o u gueni~res, Je 1'1d1m
du XIXC sib:lr.• . 1n A MIQUEL. L 'l~tcJJn~1 .tu d11ilbu1irm tVJr.xxr :"~ch•J. t•" td ., Pans. Annantl Colm . IQ90, p . 26R
1,."hopltre 2. Thalauopolittque et puissance 621

L'explication est navale : à des bâtiments conçus pour )'Océan, plus légers, les Tura
opposent de très lourds bâtiments conçus pour les combats navals en Méditerranée et
beaucoup plus maniables donc.
La thalassocratie portugaise ne s'effondre pas pour des raisons externes mais pour
des raisons internes. Le 4 aoOt 1578, le roi Sébastien de Portugal, partit se ~111!1" de
conflits de succession au Maroc disparaît à la bataille de Ksar-el-Kébi.r. Est-il mort 1
Cest un mystère de l'histoire portugaise ; nombreux seront ensuite les faux Sébastien
qui reapparaîtront pour réclamer le trône. Le roi espagnol Philippe n profile du
désarroi dynastique du Portugal pour annexer son voisin 1 . Le déclin de l'Empire
portugais est accéléré2.
Carte 87 : Le panturquisme : turcophonie et limites de l'Empire ottoman à"°" apogte
au xv1e siècle

6. Le désastreux refus chinois de la mer

Nous venons de traiter de la formidable expansion des Portugais jusque dans les
mers de Chine et de la construction de leur empire commercial ; l'une des raisons de ce
succès tient à l'absence, à la même époque, d'une politique maritime de la Oûne.
Dès le début du xve siècle, les Chinois développent une thalassopolitique : entre
1405 et 1431, ils entreprennent sept grandes expéditions navales et explorent les
détroits indonésiens, malais, et l'océan Indien3 . L 'idée est de montrer aux Asiatiques la
splendeur et la puissance de l'Empire céleste plutôt que de faire des profits. Les flottes
sont gigantesques et comportent les plus grands vaisseaux jamais bâtis : de hautes
jonques à ponts multiples fonctionnant comme des camps flottants. La flotte de l'amiral
eunuque Zheng He4 compte, en 1405, 317 vaisseaux et 28 000 hommes. La construction
navale chinoise fonctionne à plein, employant les populations des provinces maritimes
de l'Empire. Près de 1 700 navires sont armés de 1404 à 1407 et constituent la plus
grande Armada du monde, qu'aucune grande puissance maritime de l'Europe ne peut
aligner5. Cependant, cette brillante thalassopolitique connait un brutal coup d'arrêt
dans les années 1430.
La menace que font peser les Mongols sur la Chine des Ming pousse l'empereur
Yong-Lo à transférer la capitale de Nankin à Pékin, largement plus au Nord, en 1421.
Par ailleurs, les mandarins dont la pouvoir est essentiellement né de l'administration
d'une agriculture d'État - et de la maîtrise de l'eau permettant l'essor de celle-ci -
craignent qu'une Chine de marins et marchands ne supplante une Chine de paysans
qu'ils dominent.
A partir de 1436, le développement des chantiers navals est bloqué. L'entretien des
flottes publiques et privées décline faute d'ouvriers que l'on oblige à rester paysans; la
piraterie japonaise se met à proliférer au détriment de la maîtrise maritime de la région
par la Chine. A la fin du siècle, toute personne qui construit un vaisseau comportant
plus de deux mâts peut être condamnée à mort; les navires de haute mer sont détruits,

l C'est la Frunce qui aide ha dynasuc Brag•ncc à mon1c:r sur le tronc du ronugal en 1670 Phu wd. ks ~ s~

1W IC1 Analais conlre les E.spegnols_


2 Ob IS50 le monopole ponu9a1s sur nombrr dt produits est conleslê
J O.S . LANDES, Richc."i.' fl' t!'I puu,•rc-tti c/c..t. nallt»rl\" (Puuryuoi ,/r.s ru·ltcs :' ~"{'#04 *·" pta'+T'IÇ;.'f .~ J. Pans, ."111al ~bcb&'L 19918.
{nduil de TJNo H'~alth and Po\~H) ' ofN"tion"i. ll "hy .\"cntt•• ,,,... rk h i.Jnd .J""'k' .topoor~ p. 131
• r HUARD. R. SCHRIMPF. M . DURAND. M OESTOMOES. E.M. c-.sv.GNOL MING WONG. "Lcs loclimqucs de
rb:~.orienl ancien'", in M . DAUMAS dir .. llr.uuin.• g.:,,._;,...,/,. J..-5 ttt'h1tiqwo. hns.. P.U .F .• 1962. L l , La ~ • la
cM/uotl0'9 t«hnlqur. p . 302.
~/thM, et LEVATif ES, Whcn China n1lr!JtMS.U. p. 7l.
1122

les ormoteurs emprisonnés. Le commerce maritime devient un crime 1. La


thal11~polilique de la Chine qui ovoil enclenché un mouvement de diaspora chinois"
marchande et dynamique dans toute l'Asie, au début du xv~ !liècle, est durableml'nt
abandonnt!e.
La Chine !!St en~ dans un processus de fermeture à la mer et plus généralement
aux t'trangers, Européens en particulier2. Aucun vaisseau chinois ne sera plus visible
en Atlantique avant 1851 quand, pour des raisons diplomatiques, la Chine enverra un
1111vire à !'Exposition Universelle de Londres.
Le Portugal n'a donc pas rencontre Io Chine dans son ascension impériale. Que se
!W!l'llit-il passé si la Chine avait continu(' le développement de sa thalassopolltique?
L'historien américain David S. Landes répond que la supériorité technique des
Européens - pul"5ance de feu, maniabilité - l'aurait sans doute finalement emporté
sur le gigantisme des flottes chinoises. Certes, mais le Portugal aurait-il pu tenir entre
le front chinois et le front turco-arabe? L'abandon chinois de la mer changea peut-être
la face du monde. Son caractère anti-économique el protecteur d'une administration
d'f:tal annonçait l'actuel communisme chinois. Si la Chine s'était ouverte à la mer, les
OUnois ne seraient certainement pas restés si pauvres - les diasporas chinoises se
sont, quant à elles, enrichies du commerce avec l'Asie - et auraient fait l'économie du
communisme bien des siècles plus tard . En ce sens le refus de la mer fut un désastre
pour la Chine, mais il fut une aubaine pour les Portugais et pour les Européens après
eux.
La Chine actuelle a peut-être tiré la leçon du passé : loin de négliger sa politique
maritime, elle développe ses moyens navals au point d'inquiéter ses voisinsJ.

7. De l'hégémonie maritime anglo-saxonne


Du )(l)(e siècle jusqu'en 1920, l'Angleterre dispose de l'hégémonie maritime
mondiale. Londres règne sur le plus grand empire mondial jamais construit, celui sur
lequel le soleil ne se couche jamais. Disraéli, un important homme politique anglais de
l'ère victorienne, affirma que l'empire britannique était une puissance plus asiatique
qu'européenne4, faisant référence à l'Inde. C'est lui qui, en 1876, accole au titre de reine
d'Angleterre celui d'impératrice des Indes, exprimant ainsi que la puissance mondiale
britannique doit aux Indes son caractère d'Empire. Dès 1847, dans son roman
Tancrède, le même Disraéli propose que la reine d'Angleterre aille s'établir aux Indes.
Le géopoliticien Mahan5 avait prédit la domination des États-Unis en insistant sur
leur maitrise quasi-hégémonique des océans mondiaux . De fait, les États-Unis jouissent
de leur position centrale entre deux mers. Rapprochant les situations géopolitiques de

1 /tlort.ee L.EVATHES. WMn Clrina ru/ed1heSrm. p 114. 17S .


2 On peul tons1dtn:r, plw. gi'Mralcmmi. qu'clJc •entamé un proccHUA t.Jc dtcadencc ; 0 HENNASSAR . J. J/\C..:QUART . lt>
XYr 'J/klt. l' M . P.arK. Ann.nd Colin. 1990, p 222·22.4 .
J C. UBLANC. •t.a nmriDe chinoise. nouvel ouul dipt<intallque Ju HOU\'crnc:rncnl chinu1 s"' , m Rr•lflt/fln.t lnlt'rllUllm wfrJ ,.,
strul'eJqW7. l.RJ .S.• Ht\ler 1993. n"' 12. p 63· 72
-4 L"homme m d6c1démmt un vi11onn.1 i ~ en met1t~ de géopolittquc puisque c'est égtmh:mcnl lui <Jlll dédarc à la Chambre dc.s
COllUlhlne:S °'
(Micr l871 que "l 'unit~ ellcmande nt un ht!ncmcnl pluit rmrton11n1 que Io Ft~volution frnnçn1sc du •1klc dcmirr
DOUf 9VOM airai~ i un monde nou~ . .l des dangers incunnu1. c ité par P. RENOUVrN, lli.dnlrt' 1/r.• rc•lullun.t tnlc!rnutlnnulo .
f'wis , tbchotlc. r V : Le XJ>i" sltdt, tk /RH ci JH7 I. L 'Euro/H' dc.f 11u1lm1uli1c;.f t.•r l'l!-v~I/ Je nnuvruu:r """'""·"· l 'IS4, p. 1QCJ .
5 NvUl dtvcloppons les idtcs principales de l'•mmd Mahan dan~ lill prc-mtCrc pnrt1c tic l'ouvmgc con!tac~e 11u11t ~colts ck
p:opcditaque : il itft connu pour &rc le tM:oricien du Seo Power, du pou..,01r pnr la mer
Chlpll"' 2. ·rnaJaooopolltiqu" el puts•ance 623

l'Angleterre et des États-Unis, Mahan préconisait une fusion des deux natlona dan5 une
domination mondiale incontestable par la merl.
Les politiques limitées à la maitrise du sol terrestre sont incomplètes si elles ne
cherchent pas à élargir leur horizon vers les mers. Les grandes puissances, a fartiori les
puissances mondiales, disposent toujours d'une grande politique maritime. Une
pul!ISance qui est un rivage continental se condamne à un déclin certain si elle !le limite
il une politique continentale; dans ce rôle elle sera toujours moins forte que les
puissances centrales du continent, et elle aura abandonné l'atout qui fait différence. Le
géopollticlen allemand Karl Haushofer2 considérait que la France tirait une grande
partie de sa puissance de l'outremer. Le géopoliticien von Lohausen s'étonnait, quant à
lui, que la France ait pu tant négliger le Canada au XVIII• siècle. La France
d'aujourd'hui ne néglige-t-elle pas trop sa marine el son outre-mer au seul profit de 90l1
engagement franco-allemand et continental ?

8. Thalassopolitique et droit maritime


Le problème du partage des espaces maritimes posa très tôt celui du droit
maritime. La géopolitique est évidemment une matière distincte du droit maritime et
international. Mais l'évolution du droit maritime eut néanmoins des conséquences
géopolitiques. C'est ce que cette section veut souligner3.
On opposa d'abord le mare liben1111 au mare clausum avant d'opter au XVITI• siècle
pour une souveraineté des États sur leurs rivages maritllnes, limitée à la portée du
canon. Le droit maritime classique restreignit donc l'espace territorial des États à la
proximité des côtes et offrit l'immensité maritime au principe de liberté de circulation.
Paradoxalement, le principe de liberté des mers déboucha sur le triomphe de la
puissance navale : la liberté des mers était celle du plus fort .
Après la Seconde Guerre mondiale, les progrès scientifiques et les nouvelles
techniques d'exploration permettent la découverte de richesses maritimes et le
développement d'un nouveau droit. Tout ceci se fait sous l'impulsion américaine. Les
États-Unis ont en effet découvert des richesses importantes dans les fonds marins
proches de leurs littoraux et veulent nationaliser ces richesses; seule une sortie du
droit maritime classique le permet.
En 1945, les États-Unis décident d'étendre leur souveraineté au plateau continental
et plusieurs pays d'Amérique centrale et latine qui disposent d'une façade maritime ne
tardent pas à les imiter. Les Philippines en 1955, et l'Indonésie en 1957 revendiquent les
eaux archipélagiques.

1 Cul Sc:hmin rappelle ctt1 ·. "Onns un te'.'\lc c.lc: Juillet llJ04. Mahlln ~"Yoquc unt ltwufkatnm ~ib~ de 1'A.n~~ et dn
Êi.ts-Um!I d'Ambiquc. À ~!ii yc:u'.'\. ln rnisnn c..l~h.•nnmnntc d'une 1clle ~nification. C"C n'est J:&' la~ de rw:c-dr: lmp ou
de civilis.hon ( . . ] Ce qui imponc c 'est de moin1c111r I• suritrma1ic ane:lo.KXonnc sur les men du globe et ~la n"C'St pmsaDlc qur
sur une bue in!iiuhme par le moringc c.Jcs llc11'.'\ pu1ssancc-,_ nnglo-unCm.: u1nC'!l. Le monde- ac~. rAQalctare at ~ trup
ciisue. elle n'et1I plus une lie au is.c:n:i;. uu die l'nvnit ci..- .1usl1uc-là . Lc-s Etals -Un" d'J\tntriquc. nt Tn"&bC:M • .son1 11lc pu&itl:lœal
adapltt Ili wn époque L'tlcnduc m~mc de 1.:c puys . 11u1c Mahan. n JU-•4u'ic1 cmflic'hê 4uc C"C fait n'affic~ •la Nnscicott. ( ... ]Le
c&nc~rc insula1n: des füol!i!·Uni .-. pcnnctlrn Lie mom1cni1 d lie llévclt'ppc='r !iiut une ha.se êl.s.rviC' la donumbon des men.. L'Amérique
ni 11 plus &f'lndc lie. 1.:C!llc h partir dl.· lnqucll4..' lu mailril'iL' hrilanni~ur Jc!I mrn ~e ~tutn.. sur WlC' t.'cbcllr pll.IS "-.slle. ~la
fonne d'un condominium 1mmtimc 1msh1-mnt'ncnin .". •n l S(") IMrrT. J'rrrc· "' ,\l,•r. Patis. Le Lahynnlhe. Patis.. JQU..
2 Vnir la 8Celinn cnn~~c à Knrl llau!lhl1frr dnns lu rrcmil-1'1:' partie de rouvragr.
J DcHinilton de Io mer en c.Jrml mtcnin1io1111I " L<'!'I ~tottrnrhC':'I '" dêfimsSC"nl comme- 1·mKmblc- des c:.qMCU d'reu saWc'. ( . )
La dêfinuion juridu1uc mchlf tl'ou1rcs foc1,·urs 1\0 rc-iuud du llWil mtcmnhonal. le!' difftrc'ltl"' ~ d"eau sa~ ne oomitiruirnt la
·mer' qu'i I• condicmn lJU' il• "oient cm commu11u:a1u111 l1hn: Cl 1uttu~llc sur Ioule l'êrcntJut c.Ju ,.1C'bc .· . m N Q . DINH , P. DA1LJ..JER.
A PF.LLL:.I, Drnlt imrn1utitm1d p11M1c ~c- L.~I. . Puri .~ . JQQft "L11 mer .. , fi· HM!\. ain.'I .1undiquc:man. le ma !Y.onr. la ma
Caap1i:nnc, le Orund Lm: Sol~ ne ~ont-ilo;, pn~ c;onitilitrCs. mnl"ré la sal~ de leurs oau.\. 1.'<l1nme une ftJtt'
A l'époque. les puissanœ.s européennes sortent très affaiblies du conflit mondial ;
elles reculent p.irtout dans leurs colonies. Les Étals-Unis regardent d'un lxin œil lt
Vieux Monde p.!rdre ses positions au profit de leur influence. La pou!l!léc des Étal.,.
Unis et du Tiers Monde en faveur d'un nouveau droit n1aritime va dans le m~me !lellS
que la dé«llonisation.
CoO\me il v eut une décolonisation terrestre, il y eut aussi une décolonisalion
maribme. ~les années 1970, les deux poussées conjuguées aboutissent à un effort
de mise en place d'un nouveau droit maritime dans le cadre des Nations unies. U.
conférence de Montego Bay en 19821 débouche sur une convention qui entre en
\'iguew en 1~. codifiant désormais le nouveau droit de la mer.
Les Zones économiques exclusives - Z .E .E. - ont pour but de lerrilorialiser
l'lntéret économique des États en mer.
Un exemple de Z .E.E. d'un grand intérêt stratégique est celui de la zone formée par
les quatre Étdts de la Micronésie américaine. Malgré leur faible superficie territoriale -
2 000 km~ - ces quatre États offrent aux Etats-Unis sept millions de km2 qui leur
permettent de relier, sans discontinuité de souveraineté, la côte Ouest des États-Unis
aux abords de l'Asie du Nord2 .
Par ailleurs, avec le nouveau droit, les eaux archipélagiques3 contribuent à
"territorialiser" davantage les États-archipels.
Toutefois, conformément au droit maritime classique, les libertés essentielles de
navigation sont garanties dans les eaux territoriales comme dans les détroits
internationaux~ . La flotte des États-Unis, la plus puissante du monde, est aujourd'hui à
même d 'asswer ou de bloquer cette circulation des n1ers et des détroits, comme elle
contrôle la souveraineté de ses espaces maritimes irnrnenses5.
Carte 2 : L'expansion des États-Unis à partir de 1867
Carte 31 : Nouvelle Calédonie
Carte 37 . La Méditerranée américaine
Carte 38 : Les Petites Antilles ' rela.is américains, anglais et français

l /. . .,p. IOSJ - IUS4.


2 A. CKAUPRADI:., F. 'THUAL. Vi.llù.mnain: "4: gl!upufi11que, 2"' éd ., Pans. Elll('ls.:!s, 1~99 · uniclc " Ê lal.5-Unis d'AmCriq111:•
J '"On mppclte •eau.' arch1pél..g1quca" l'cs(Nlce marin mclus à l' mlCricur d 'un pêrnnètrc étobh par un Eun ardupct• , m
N .Q. DINH. P. DAlu.JER. A . PELLET . Vrvit mlanu,;unul p11blk. S"' éd , rans , l IJ'J6 , Jl. 1062 .
-' •ta ~vcntiôn dt 1912 d isttngue Jeux modalités d1fTèrcnh:s Je passage Jans les Jétnnts scn-o.nl • I• na\·1puœ
~tuOIÛe : Je pu&a&c en lrwu.11 et le passage motTens1f n::nforcê . uJ Le Jron de rtLSsugc en tru1uit est J"CConnu aw: na"1rcs ri au.\
.a.me& de louli les pa)" daoa les dêtro1ts metU&nl en communicauon deux :r.oncs mudumcs Jnns lcsqudlc5 la nu\·1ga1ton est librr --
bau&c ma ou~ ll!:iconomiqu.: euJwivc, an 37 - 6 l'cxclus 1on des 'JC1rons formé~ pu r le 1cm101rc r.:.o n1inen1AI' d\ m F.w et i.mr
ile- ..,..ncmn1 j; cd Et.al, lo'*tll' il exi•~ au laraie de l"ilc une roule 'tr11vcf"!fa n1 la haulc mer ou une :Lune: Ccono m1quc uchaw~ Jr
~.r companblc' , art. . 1N eu Ucs JCtro1l5 Uc Mc5si nc cl de Corfo u ( . . ) b / Utms les uutr~ i.Uiruib 5ef\'ant Lli la nanpuoa

iiolcm&liiwule iCUI art rccoonu alP: naviru li.Ici; Êwu. é trunKCOI h: drui l de ru1s.sagc inoffensif donl. ccpcntlant , l'cllcrt k ~ ne ~l hrr
5UlpCDdu sar W. ÉWil.$ nvaauu" , JJ.!m. p. 1074
, Moo&cp> Bay n'c..1 pu une pn.n1ic aba;oluc de rC11J1C'Ct li.le Io !o.OUvcrainctè Les. moyens nuvuls rc• li:nt le. H~u.l• pn8b

dflaM.'ao de .. Mlll\o'enlnete d'un Étal 1w dc$ ilul5 inh1ab1té• . yCnCrn1cun1 d'csr111ccli murillmc10 hors(.((! proportion avec leur sur«fkw
M.JNJSTÈlt.E DE LA DEFl!NSE, Oru1t. 1nant11ne5 cl dëfcni;c, colluquc, lH-2._. mH.111 1996, p . 4H .
CHAPITRE 3

L'OUVERTURE DES ROUTES


MARITIMES

"Votci, Jlrès de rious, daris le cadre de l'Europe, un systnne iconamique qui i' inscrit dans
quelques lignes et règles générales assez nettes : il se mainltent a peu pris rn plaa du XIV' au
XVIW siècle, dis1ms, 110ur J11Us de sécurité, jusque tiers 1750. Des stic/es durant, l'actiuili
ico11omique dépend de J'OJ'Ulalions démographiquement fragiles (.. 1 Des site/es durant, la
circulatio11 voit le triomphe de l'eau el du n11t1ire, toute épaisseur continentale étant obstacle,
i11feriorité. Les essors curapéens, sauf les exceptions qui confirment la règle - foires de
Clrampagne déjii s11r leur dédi11 au début de la période, au foires de I.Lipzig tw XVII/< siàle - ,
tvus ces essors se situent au long des franges littorales. "1

Lorsque la quête des ressources est fondée sur la puissance maritime, le contrôle
des routes maritimes est essentiel. Nous avons déjà abordé la question des routes, dans
le chapitre précédent, à propos de la thalassopolilique des Portugais.
Le sujet des routes maritimes peut ètre traité, en géopolitique, suivant deux aspects.
• La persistance des routes du commerce maritime, malgré de profonds
changements dans les rapports de puissance : nous traitons ici de la fameuse thèse de
l'historien belge Henri Pirenne qui soutient que les invasions barbares dans l'Empire
romain ne provoquent pas de véritable rupture de l'unité méditerranéenne - l'Empire
romain étant un empire essentiellement méditerranéen - et qu'il faut attendre
l'irruption de l'Islam en Méditerranée pour voir le lac méditerranéen se fermer.
Nous avons aussi la permanence que constitue en soi la recherche de routes
maritimes nouvelles : les États ont, en effet, toujours cherché à s'ouvrir de nouvelles
routes maritimes pour modifier les rapports de puissance en leur faveur, et à en garder
ou s'en disputer le contrôle ; la maritirnisation des échanges mondiaux étant en
augmentation constante du fait de la révolution de la containérisalion et de la
croissance incessante de la demande d'hydrocarbures, la volonté de contrôle des routes
maritimes par les États reste d'actualité. Certaines routes maritimes sont en effet
devenues vitales pour l'économie et la puissance des États.
·Le profond changement, la révolution géopolitique même, qu'implique la
découverte de nouvelles routes maritimes : ainsi, l'ouverture des routes atlantiques par
les Européens de la Renaissance permet le contournement de l'Islam; or, toute la
puissance économique du monde musulman est fondée sur le fait qu'il est un pa&Sllge
obligé entre la demande occidentale et l'offre orientale; ainsi encore, l'ouverture de la
route de Suez au XIXe siècle est une seconde révolution géopolitique et offre aux
Anglais une route moins longue vers les Indes.
Carte 43 : L'isthnw d•• Suez, ouvertul"(' dt' la Méditerranée vers l'océan lnJien
Carte 44 : L'isthme de Suez d a ns t,• "'ntexte rt'ginn.1t
626

Il nous 11 pnru plus judicieux de traiter de ces deux cm• dans la partie de l'ouvrag~
consaC'l'tt aux révolutions géographiques, tant ils "ont impliqul-s dan• une
modification fondamentnle de la pui•sance mondinle. L'ouverture de nouvelles routl'S
l.'!lt d'allleur.; doublement liée à l'idt-e de changement : d'nbord parce qu'elle est rendue
possible par le progrès technique ; ensuite parce qu'elle il des con•l-quenccs
gropolitiques considérables de nature;\ bouleverser les rapports de force .
Les routes maritimes comportent des verrous d'une importance stratégique. Nou!
traltons ici de la fonction géopolitique de ces nœuds de passage que sont détroits et
canaux, parce qu'ils sont, par nature, liés aux permanences de la géographie physique.
Et comme les navires parcourent rarement les routes maritimes d'un trait, les routcs
doivent comporter des étapes. Nous rappelons alors l'importance des îles et réseaux
insulaires en tant que tremplins stratégiques.
Enfin, il existe une autre permanence de la géopolitique des routes : l'insécurité en
mer. U. maritimisation de l'économie a relancé la piraterie qui est devenue un
problème important en Asie et dans les Caraîbes. Le renouveau de la piraterie explique
les efforts consentis par de nombreux pays de la "zone Asie" pour se doter de marines
de guerre pouvant lutter efficacement contre les pirates. La piraterie est un phénomène
à la fois ancien et actuel; il est de nature transnational et non constitutif de la
géopolitique des États - même si, à l'époque de la flibuste, les rapports entre Étals et
flibustiers sont clairement avérés; mais il s'agit là d'un sujet plus vaste, celui du lien
entre l'État et le transnational. Le problème de la piraterie n'est donc pas abordé ici,
mais dans le chapitre traitant de la criminalité internationale.
Le lecteur voudra bien comprendre que certains facteurs de la géopolitique ne
peuvent ~e rangés en bloc dans la permanence ou dans le changement, cette dualité
étant l'une des articulations fondamentales de cette réflexion. Il nous a donc paru
nécessaire de faire des choix.

1. Bref rappel des grandes routes maritimes

La première grande route, la route des premières civilisations, est la Méditerranée


toute entière. Justement parce que le monde méditerranéen manque de fleuves
navigables, à gros débits, permettant le passage de navires lourdement chargés, la
Méditerranée est, comme l'écrit Lucien Febvre, la route d'eau par excellence, "où
!'opèrent d'étonnants transferts à longue distance ; transfert de choses lourdes, et par
exemple des pierres qui accompagnent les échanges architecturaux de la Syrie des
Abbassides et de Byzance avec l'Espagne des Omeyyades; trafic de choses légères, et
par exemple, au xv• siècle, ce transport des modes de Chypre et de la cour de
Lusignan jusqu'en pleine France royale, hennins, chaussures à la poulaine"! .
-Au XVI• siècle, les routes de l'Atlantique Nord sont ouvertes; en même temps
qu'est réalisé le lien entre l'Atlantique, le Pacifique et l'océan Indien par le doublement
du Cap de Bonne-Espérance.
- Des routes importantes relient depuis longtemps la mer Rouge et l'océan Indien,
le GoUe et l'océan Indien, et ce dernier aux mers de Chine par les détroits millais ; en
doublant le Cap de Bonne-Espérance, les Portugais ouvrent la route reliant l'Europe
atlantique aux mers de Chine2.

1 L. fEBVRE. l 'E.urUfW. Grnt'Jr' d 'mu.- t:frili.rulifln . r11ri iJ, Perrin . 19')1.J, p 7f1
2 L'b1stuncn Pi"1'r Chaunu parle du XVI"' .1uèclc comme un s1èdc de c..léscnduvc mcnc rihrnéluirc : "Enirc les 111:1 r"nc1paut
cmlft't de pcuplcrœal humain de I• pluètc eu X~ siècle. le nivcuu des c nmmun icn1111n.'i csl rrc!'quc nul. J'D1 êvnlué cc que fWN',11
flrc le mn.au det khan1es cntn: l'Arr1quc Noire cl le M11ghrch · -· dont l' F.urnpc ~ uu déhul c.Ju XV' :1i~lc cc que J'Or1ml lu
CNrilrc J . L ouvc-rtur1? dCA routce marltJmn
1
6'Z7

- Les percements des canaux de Panama - entrepris en 1881 par Ferdinand de


L,c59eps mals ouvert en 1914 par les Américains - et de Suez - réalisé par Ferdinand
de Lesseps et inauguré en 1869 par les Français - ouvrent deux nouvelle routes: une
liaison directe de l'Atlantique au Pacifique sans avoir à contourner l'Amérique du Sud;
une liaison de la Méditerranée à la mer Rouge qui raccourcit la Route des Inde de
manière considérable en évitant le tour de l'Afrique.
Carte 45 : L'isthme de Panama
- Enfin les moyens techniques du xxe siècle vont permettre aux bateaux, en brisant
tes glaces, de naviguer sur les routes polaires, et d'achever ainsi "l'océan mondial" des
échanges.

2. Routes du commerce et maintien de l'unité


méditerranéenne après les invasions barbares:
réflexions sur la thèse de Henri Pirenne

Pour René Grousset, la germanisation du monde romain sonne le glas de l'unité


méditerranéenne!. L'historien belge Henri Pirenne dans une thèse fameuse soutient
que cette unité ne sera au contraire véritablement rompue que lorsque l'Islam émergent
aura déferlé sur les deux rives du lac méditerranéen, soit deux siècles plus tard.
jusqu'au prophète Mahomet au moins, il y a continuité de l'Empire romain, et cela
même après les invasions barbares. "li n'y a pas de plus grande l!IY1mT de croire en
l'idée que l'Empire ait disparu après le dépècement des provinces occidentales par les
Barbares. "2
L'Empire romain était un empire foncièrement méditerranéen3. Les invasions
germaines ne modifient pas en profondeur ce caractère4. "Cest par là que quoique grec
à l'Orient, latin à l'Occident, son unité se communique à l'ensemble des provinces. La
mer, dans toute la force du terme, la Mare Nostmm, véhicule des idées, des religions
des marchandises. n5
Carte 72 : L'expansion de l'islam au Vile siècle
Carte 81 : La Gaule mérovingienne

2.L Les Syriens routiers de la mer


La Syrie est le point d'arrivée des voies qui mettent l'Empire en rapport avec l'Inde
et la Chine ; par la mer Noire, l'Asie correspond avec le Nord. Les Syriens. eux,
véritables "routiers de la mer" 6 cornn1e le seront les Hollandais au XVII~ siècle, assurent
la circulation du papyrus, des épices, de l'ivoire et des vins de luxe qui se répandent

C&l'll't..RH !Ul de l'ordre de 50 tonnes ror nn . A la fin du X\' I" .Jikle, le vo1uml' dn l"llmmun~--a110ns CSI de l'ordre- dr ~OO lJ)() tlJlalr;t,

annucUenw:nt entre lc5 cunlincntsj udi!I. s~rnn!.1>. le!" u n i\'crs-11" déscm:: lnb.". in r (.~ HAUN\ J. L'' Frvl'fCW' tHUtuin Ûtt la .t -.,rlNlitr
dtJ Fmnçub,; '" l ;-rnnn•J , r ori!I , Robert LnlTont, 1QM1 • ..:oll " rluricl" .
1 lt <l ROUSSET. Hll11n ,/,• l'hi"'"""'· :ii;" t!-tl .. r1m". Pion . IQh ~

l 11. PIRENNE ~t c11ii. Mult1•m• •t 1•1 Clmrkmu_a,:ri1•. }fr;:11nn · / .. lum 1· r (J..:dJ.•nl Ûtm.... 1..: 11~111- ,\/u_,.,.,..._.tg..•, J.:a. Buck. 1~86. P. 20.
:\Lucien Fch\'re nus:iii h icn 4uc Fcmnml Bmmld l'ont sou li gn~

4 J CA RI' ENTIER , F. LEUttlJN, l/1.~11111 •· ,J,· l'J.:w·u1w. l'ttris . Le- Semi. 19QO, p . 11:?· 1.:!'-'
S Il rlRliNNE, 11. LYON, /\. litlll.LC..H :, F Ur\RRIEl.I . 11 STH t(;R, .\111lt.u"''' ri t.'Jwu/""'«"', 8,-;,_,,.,r.-r i:r/a,,ut Ol."l.-.,.,
1/mu Ir lluul Mm ...11-Â1:1.'. Jm:n Uuok . l 1)Hb. ri Cl.
6/rl~m.p . Q .
jusqu'en Bretagne. Les étoffes precieuses arrivent d'Égypte, tout comme '"" herbe•
pour ascètes. li)' a p.utout des colonics de Syricns. Marscillc est un port i'I moitié 11n..:.
Les Syriens ne sont d'ailleurs pns les seuls cosmopolites: les Juirs, 11e rcgroup<!nl
dans touies les villes ; L'e sont des marins, dcs courtiers, des banquiers. Au VI• siècle,
une forte présenL~ d'Orienh1ux est attestét? dans lc sud de la Gaule: "Au VJ• siècle, IL'!I
Orientaux abondent dans le Sud dc la Gaule. La vie de Saint Césaire, évêque d'Arles
- mort en 542 - dit qu 'il composa pour le peuple des hymnes en grec et en latin. Il y
avait quanti~ aussi dans le Nord, puisque Grégoire de Tours parle des marchands
grecs d'Orléans qui s'•wancent en chantant ,\ la rencontre du roi." 1 À Narbonne, en 589,
on croise des Goths et des Romains, mais aussi des Juifs, des Grecs et des Syriens. Ces
derniers jouent d'ailleurs un rôle important dans l'évangélisation de la Gaule. Pirenne
soutient qu'il y a un prêtre monophysite circulant en Gaule vers 560 et qui L'SI en
rapport avec Saint Nizier, l'évêque de Lyon - mort en 5732. Les influences orientales
en Gaule ne se limitent pas à celles de la Syrie. L'Égypte y prend sa part, et cela
explique la popularité dans le pays de certains saints égyptiens.

2.2. Des rnarchan<liscs venues <l'Orient

Economiquement, la Méditerranée est unie. C'est un grand territoire avec des


péages mais sans douanes . L'unité monétaire est le sou d'or constantinien. Les grandes
invasions germaines n'ont pas remis en question la navigation méditerranéenne el les
flux économiques importants entre l'Orient et l'Occident.
Les vins de Syrie exportés par le port de Gaza arrivent dans les ports d'Occident
avec bien d'autres articles de consommation orientaux. Mais le grand commerce est
celui des épices : "La grande affaire du commerce oriental et ce qui en faisait un
commerce lié à la vie journalière, c'était l'importation des épices. [ . .. ]L'Empire romain
en avait reçu de toutes sortes de l'lnde, de l'Arabie, de la Chine. Ce sont les épices qui
avaient fait la prospérité de Palmyre et d'Apamée. Pline l'Ancien estime à au moins
100 millions de nos francs la somme que l'Empire verse annuellement pour les acquérir
à l'Inde, l'Arabie, la Chine."3
Un autre article de grande consommation venant d'Orient est le papyrus. "L'Égypte
a le monopole de fournir tout l'Empire, le matériel courant de l'écriture, le parchemin
étant réservé aux écrits de luxe. Or, après les invasions, comme avant elles, la pratique
de l'écriture s'est conservée dans tout l'Occident." 4
L'huile est aussi une denrée qu'on importe d 'Orient en grandes quantitéss ; en
Gaule méridionale, en Italie et en Espagne, la cuisine se fait en effet à l'huile, el les
luminaires des églises en consomment alors beaucoup, la cire n'existant pas encore
L'Afrique est Je grand producteur d'huile pour l'Occident et le restera jusqu'à la
conquête musulmane .
La marque de l'Afrique et de l'Orient en Occident est aussi illustrée par l'emploi en
Gaule comme en Espagne, de chameaux comme animaux de transport.

1 /h1J. f1 · 44.
:? lbUI., p . .tS
l lbiJ .. p. 46
4/biJ., p 46
s lhiJ . p. 47
Ch11ptln~ J. L'ouverture JL.,. routes marUtme» 629

2.3. Le co1111ncrcf' fl'Occident vr.rH l'Orient: leA e11clave11

Comme le souligne Henri Pirenne, "il est impossible d'admettre que les marchands
orientaux, Juifs cl autres, se bornaient .i importer dans le bassin de la meT
Tyrrhi'nienne sans en rien exporter. Leurs bateaux exportaient évidemment du fret de
r~tour'it,
11
un importJ1nt commerce d'<!sclaves e>ostdit sur les c6te:> de la mer
Tyrrht'nienne, et il ne parait pas douteux que les bateaux qui amenaient les épices, la
suie, le papyrus, les exportaient comme fret de retour vers l'Occident"2.
Ce fret de retour était en fait essentiell.,ment composé d'esclaves venus du Nord
barbare et destinés à servir les grands domaines d'Orient.
L'origine nordique des esclaves tient à des raisons essentiellement religieuses. U!s
conciles s'opposant en effet au commerce des e!.elaves lorsque ceux<i sont chrétiens,
on prend alors des Barbares païens. Au VI• siècle, sur le marché des esclaves de
Marseille, sans doute l'un des plus importants de Méditerranée, on trouve beaucoup
d'esclaves anglais et saxons.
Outre des esclaves, la Gaule semble avoir livré à l'Orient des vêtements, des tissus,
du bois de construction. En tous cas, la grande circulation de l'or entre Orient et
Occident pousse, selon Pirenne, à admettre une exportation importante de l'Occident
vers les cités orientales.

2.4. L'unité monétaire de la Méditerranée


Le sou d'or romain, réajusté sous Constantin, constitue l'unité monétaire dans tout
l'empire au moment des invasions. Les Barbares conservent ce système monétaire.
"jusqu'au cataclysme contemporain des Carolingiens, l'Orient grec comme l'Occident
conquis par les Germains communièrent dans le monométallisme or qui avait été celui
de l'Empire"J. C'est seulement chez les Anglo-Saxons que le métal argent joue le rôle
principal.

2.5. La continuité culturelle


La continuité de l'Empire romain après les invasions barbares n'est pas seulement.
selon Pirenne, d'ordre économique, elle est aussi intellectuelle: "Les invasions n'ont
pas modifié le caractère de la vie intellectuelle dans le bassin de la Méditerranée
occidentale. La littérature continue[ . . . ) à 'végéter' à Rome, Ravenne, Carthage, Tolède,
en Gaule, jusqu'au moment oü se fera sentir l'influence des Anglo-Saxons; mais
l'apport des Germains est nul"*.
Dans le domaine artistique, aucune interruption n'<.>st o:onstatée après les invasions
germaines. L'art continue son lent processus o.i'orientalisation sous l'influence de la
Perse, de la Syrie et de l'Egypte'. Ld réaction anti-hellenistiquc d'Orient, .:omparable en
bien des points à celle du romantisme contre le classicisme, bien plus tard, se transmt!I
jusqu'en Occident et se traduit par la stylisation de la figure, la zoomorphie, le goût du
décor, de l'ornement, de la couleur. Ll'S objets .1pportes par les .:ommerçant5 syriens,

I Ibid., p . ·IK .
.:! /f! 14f., 11 _.,,

.1 Jhul • I'· ~o
-t Jhltl .• fi ~K
!> lhid. ri bO
Mil

~tiens et provenant de Co.nstuntinopl" contribuent A foire évoluer le i;o(ll ocddcntal


vers l'Orient.

2.6. Lu nouvuuuté c~!!L pulili1111c

Après avoir g•udé son /i11ws, les Barbares g"rmains pénètrent l'Empire el le
germanisomt, mais uniqueml!nl par l" sang, car tout ce qui pénètre dans l'Empire iC
romanise, soutient Pirenne. Après tout, l"s phé nomènes de syrianisation, et plus
largement d 'orientalisation de Rome obs.,rvés conlinûml!nl durant toute l'histoire
romaine avant les invasions barbar"s semblent perdurer après celles-ci. Pirenne peul
parler alors de byzantinisation de l'Occident mitigé d'irlandisme et d'anglo-saxonisme :
'Du moment que la Mi!-Oiterranée restait le plus grand véhicule entr" l'Orient et
l'Occident, et elle le restait, la prépondérance du premier sur le second étau
inévitable."1
Malgn'! ses pertes, et mème déplacé de Rome à Constantinopl.,, l'Empire reste la
seule puissance mondiale, comme Constantinople est la grande ville civilisée. Un
empire certes devenu oriental, mais dont la politique s 'étend à tous les peuples, y
compris et surtout aux États germaniques. Quant à l'Empire d'Occident qui s'effondrt
au V• siècle, sa continuité est assurée par celles de l'Église et du romanisme.
Cette Église qui assure la success ion de Rome en Occident ne parvient pas pour
autant à modifier la profonde empreinte laïque d e l'Empire. "Si grand que soit le
respect que l'on professe pour l'Église, et si grande que soit son influence, elle ne
s'intègre pas dans l'Élat."1 Le pouvoir politique des rois, comme hier celui des
empereurs romains, reste purement séculier. Et aucune cérémonie religieuse, si ce n'est
chez les Wisigoths à partir de la fin du VU• siècle, n'est célébrée à l'avènement des rois.
L'établissement des Barbares n 'a donc pas détruit l'Empire, selon H . Pirenne, mais
seulement le gouvernement impérial in partibus occidentis . Pour autant, une grande
nouveauté politique est apparue. Une pluralité d 'États s'est d ésormais substituée en
Occident à l'unité de l'État romain 3 . C'est là un bouleversement majeur qui, s'il ne
louche en rien l'urùté civilisationnelle et économique de la Méditerranée post-romaine,
n'en est pas moins le prélude à la construction d 'États européens modernes.
La thèse de Pirenne va à l'encontre de la thèse classique selon laquelle les invasions
barbares ouvrent une brèche majeure dans l'histoire de Rome et dans celle de la
Méditerranée. Pirenne repousse la fracture jusqu'à l'Islam, en soutenant, comme now
le verrons, que la fin du monde méditerranéen date des conquêtes islamiques el que la
nouvelle religion débouche sur la fermeture de la mer Méditerranée sur elle-même.
Mais Pirenne reconnait tout de mème que les invasions germaines donnent le jour
en Bretagne au moins, à une nouvelle civilisation germanique et nordique : 'Une
civilisation de type nouveau apparait, qu'on peut appeler la civilisation nordique ou
germanique. Elle s'oppose à la civilisation médite rranéenne syncrétiste dans le Bas-
Empire. Ici rien de l'État romain avec son idéal législatif, sa population civile, s.a
religion chrétienne, mais une société qui a conservé entre ses membres le lien du sang.
la communauté familiale avec toutes les conséqu e nces qu'elle entraine dans le droit.
dans la morale, dans l'économie, un paganisme allié à des chants hérol'ques"~ .
Selon l'historien, ce spectacle que présente la Bretagne anglo-saxonne est uniquerl
on le chercherait vainement sur le continent où la Romanie subs iste.

1 Ibid., p. 61 .
llbùl.,p 61.
l Ibid.. p. 6l.
4 /bùl• • . 61 .
L111•pUre 3. l..'ouvurturt! Jce roulL>s marilim~s 631

:i. Le contrôle cfoi; détroits et des canaux,


nœudi; i;tratégiques des routes

Les détroit,; sont des passages resserrés entre deux mers. Ils donnent aux pay• qui
les cunlrôltml un for! atout stratégique.
- Le détroit dl.' Gibraltar est la porte de la Méditerranée sur l'Atlantique et
mv.,rscmenl; l'Angleterre a tuujnurs l.'xl!rcé sur lui une &urveillance indispensable à la
maitrise de la Route des Indes.
- Durant la Guerre froide, le Danemark est une pièce clé de l'archiU!cture
européenne et de l'Alliance atlantique par le contrôle qu'il exerce sur les détroits du
Sund et du Bell.
- Les Somalies tirent leur intérêt stratégique du contrôle qu'elles permettent sur le
détroit de Bab el Mandebl, lequel verrouille la sortie de la mer Rouge vers l'océan
Indien et vers le golfe d'Aden.
- Dans le cadre de l'affrontement entre la Grande-Bretagne, puissance maritime, et
la Russie puissance continentale, les détroits du Bosphore et des Dardanelles 1ouérent
un grand rôle. Les détroits du Bosphore et des Dardanelles sont Les deux goulets
d'étranglement qui permettent d'unir, à travers la mer de Marmara et la mer Égée, la
Méditerranée à la mer Noire.
Le statut international de ces détroits 2, régis par la convention de Montreux de
1936, est la résultante du champ de forces entre la Russie et les puissances maritimes
- Grande-Bretagne puis États-Unis - s'appuyant localement sur la Turquie.
Historiquement, la Russie a toujours voulu contrôler ces verrous pour empécher les
puissances maritimes de s'approcher par la mer Noire. Ainsi, au début de la Première
Guerre mondiale, en 1915, des rumeurs en Grande-Bretagne font état du risque de voir
la Russie changer de camp et signer Wle paix sëparèe avec Berlin3. L'Allemagne a en
effet proposé la paix a Saint-Pétersbourg en échange du libre passage des navires de
commerce russes dans les détroits turcs. À Saint-Pétersbourg, le 7 mars 1915, les Russes
présentent aux ambassadeurs français et anglais un mé111orœ1Jum revendiquant
Constantinople, les rives des détroits et de la mer de Marmara, ainsi que l'ile d 'lmbros
et Tenedos à l'entrée des Dardanelles. En intervenant directement dans les Dardanelles,
les Français et les Anglais brisent la logique de chantage russé.
La fonction géopolitique des détroits du Bosphore et des Dardant!lles continue de
s'inscrire dans le cadre de l'affrontement entre la Russie et l'axe américano-turc. La
question du désenclavement des ressources pétrolières et gazières de l'Asie centrale et
du Caucase conduit la Russie à vouloir déverrouiller les détroits pour y faire passer ses
pétroliers et gaziers partant de Novorossysk, tandis que la Turquie tente de fermer les
détroits et d'inscrire les flux de désenclavement sur 1., t"rritoire turc, vers le golfe
d'lskenderun.

1 ~1 . a m..:r ltuugc 11 lu Jimuc d'ulll· h•lllli!Îlk 4u1 s..: v1J~· J11ns l'~<dn lruhcn p.ir Wl i;uulu1. lc J.étro11 Je Sato cl-M.a.rldetl, m ul&bt
'pa.s!>C tic!> 11m1g~s· ' l'hcikll-Su\'11 d 'un ..: 1"1tL!. l'i.•ri111 Je- l'.11111n.· \.'.Ollmll:l.tlJ.:n1 !1..• Jeu,111 ",IO ... MORAND. Ld R,, ..N .J..-~ lnJ..:~ . Pvb.
Ad~a . l'JKQ, 11. 170
2 MF MONl>rll .. "l.:1 pur1c 0:1w11'-'. lh•s1\lt.m.: ..:1 ();ud.:u1dl.:,." m l.•.1 t .~ua.. d.: /'(J,.u:ru. l"N1 . n·' },O . "l.....:11 TwqwC". L' A~1c

c.c11lrwlc Cl le l'aU\:llSC 1111tt~ l'l l.lt .S s ", p 29--IM .


.1 N l'tCAUD<lll. / .,1.h·1 ·1·1m11· •/Ili ,./l,.111!.1 !.· .\/111·, ·11-( ,,.,, .,,, <IV/.J . /V.' .J .1, Hr~clh:s.. l ·omple...e. IW:!. p. !-7 .
.. P . H.l!NOlJVIN. llntu1r1: ,1,..., n·/,11mm mkniu1w1ftlft·.,, Paru>. llai.:.hi:Uc. llJ!i7 , L \li Ln c-rU.U "°" .t.\• ~iilt:lt..•. I"" pu1tc.. llc
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92. Les détroits turcs

- Les détroits de Lombok et Makassar1 permettent au trafic maritime en provenanœ


du GoUe arabo-persique et de l'océan Indien, de traverser la mer des Philippines et de
se diriger vers le Japon.
Le détroit de Malacca permet la communication entre l'océan Indien et la mer de
Clùne méridionale puis le Pacifique, à travers la péninsule Malaise et Sumatra. Malacca
fut convoité successivement par les Portugais - voir la section consacrée à la quête du
poivre par les Portugais -, les Hollandais, les Britanniques et les Japonais.

Dans le cadre du mouvement de revendication sur les eaux engagé après la


Seconde Guerre mondiale, les détroits sont de plus en plus convoités par les États
riverains, au détriment des grandes puissances maritimes . C'est le cas pour le détroit
de Malacca que se disputent la Fédération de Malaisie, Singapour et l'Indonésie.
Carte 40 : La logique an:hipélagique de l'Indonésie
Les canaux, qu'il s'agisse de Suez ou de Panama, jouent aussi lU\ rôle stratégique
importanL
Le canal de Suez2 est le percement de l'isthme de Suez qui relie la Méditerranée à la
mer Rouge, entre les villes égyptiennes de Port-Saïd au Nord et Suez au Sud; s.i
longueur est de 195 km, sa largeur de 190 mètres en surface, et sa profondeur de
20 mètres. Des navires de 550 000 tonnes à vide et 160 000 tonnes en charge peuvent le
traverser, ce qui leur évite le contournement de l'Afrique. Inauguré en 1869 par la
France, le canal est contrôlé en termes de capitaux par l'Angleterre dès 1875 ; en
s'installant en Égypte dès 1882, les Anglais assurent la liaison de leur navires avec
l'Empire des Indes. Le canal est nationalisé par Nasser en 1956, ce qui entraine

1 P. \10A1. DE LA BLACHE, L. GALLOIS Jir , G~ioxraplrù.> 11m~·1..' r.n·lle, Puri s. Annnnd Colm . 1. 1x•• Aste tin MOUDOM
ladt, tndodnm, Insulinde. J SION , p. 499-500.
2 C. VE.IU.AQUE. "'Suez : puK Cl ckvcnir tl'L&n canal intcn.>céun1quc", in Alciû1l6'rrum!tr ,\ff!r Ull\~rtl! , Actes Ju coll~Jt

MôU'IC'IUc (21·21wpccmbœ1'195>. laccma11unal Foundoit1on Malta . t Il X/.r'·.\'.\'". .u i·dt•f, p 6t.7-67M.


Chaplltt 3. L'ouverture JL"9 rouk.'5 maritJnle!I

l'opération franco-britannique de Suez, car les routes du pétrole occidental 90nt alors
mises en danger'. Dès 1987, les plus grands pétroliers peuvent empnmter ce canal
Carte43: L'isthme de Suez, ouverture de la Méditerranée vers l'océan Indien
Corte 44 : L'isthme de Suez dans le conle•t" régional

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93. Les détroits mabis

Le canal de Panama est le percement de l'isthme de Panama qui sépare l'océan


Atlantique de l'océan Pacifique. Sa longueur est de 80 km, sa largeur minimale de 90
mètres et sa profondeur de l'ordre de 12.S m . Les États-Unis le contrôlent depuis son
inauguration, en 1914. bien que le projet ait été initialement français - Ferdinand de
Lesseps commence les travaux en 1881, mais la faillite de la compagnie du canal en
1889 fait éclater le scandale financier de Panama qui éclabousse la me République2 et
provoque la faillite de nombreux épargnants.
Les États-Unis assurent plus de la moitié du trafic du canal.
Carle 45 : L'isthme de Panama
Un autre exemple de tentative de contrôle stratégique sur un canal est celui de
l'Allemagne et le canal de Kiel.
Le canal de Kiel - ou canal de l'empereur Guillaume - est construit par les
Allemands entre 1885 et 1895 et relie sur une longueur de près de 100 km la mer

1 le canol sera fcnnc!- l'-"r la ~uerrc 1..k lqti:' puts tèouvcn . '"En l~. t':annC-c ~· la fermrc~. le hydmcsrbu:rn
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million~Je tonm•..,.. 1rufo.: C-nuncnimcnl <lc-...1..~uihhre <lu t:iit 1nèm~ lk-s h'.1-·Jro.:~s En IWJ. ~ bydrocarhW"C!o rK" rcprC:Jcmr:D.1
plw que 4fl. ~ "" <l\m lï.lfü: Sud-Nt1nl l.'s tnm.'" la l~Q millhm s d~ 1,mn1..-s, 105 °'•
J'un trafw:- Nord-Sud dr 141 7 .9 M1 . En fa.it. l'lt 1.oanaJ .;Ir
Sue7. n'3 pcnni s Il.' 1nunu que d e 7h 1111lli1111s ..J,• tomu.·s J'hy<lt"l1'."!l.rhll~ l.'\"'1lre ~J pour l'oléudiA.- Slo~tED dont ta ..:llplK~ • ~

por1tt m 1q..._. 3 117 nulhuns Je hl mu: ~"'. ld,·m . r f. 7(1


.:! J. liAINVILLE l .•1 llr" R.;puhli<J"•'. /S.,O - /V35 . Pan s. f.tyanJ . (Q.l!' . r . lt.J-l t\5 . l;.a ÎILllhk" de b ~IC (~par

FrtdinanJ c.Jr L~~ lés.a Llr numbn:tL' !""='lllS :.u:1mnna.1n:!!o . on J'-'-°••u\·ri1 ~UC' ~ nnmtwna.' pufcmeotaitts A'\"aÎCDI b>udlC des pots
Je \"IR dl!' 111 '"ontpa~nit' pour rro1cgcf" ..:clk-..:1 ol1.-s P,.l'1.r.'UllCS t."f'llank.~ 1.·.:1n1R- elle. c~ fui l"un Jcs grands si.-~ dr La R~
Pnrlfr" .f . 1~1quitr1lt"5 n-ss.-mrC1"!5 · mrr COll§lanlt dt l'ldtlour

Baltique à la mer du Nord. Jusqu'en 1919, son contrôle est exclusivement allemand Le
Trai~ de Ver.;ailles de 1919 conduit à son internationalisation 1 . Pour garantir la libm~
de passage dans le c11nal de Kiel, l'Allemagne doit détruire les fortifications édifii'e\
autour de la voie d'eau . Dénoncto par Hitler en 1936, le régime international esl de
nou\'eau en vigueur sur le canal de Kiel depuis 1945.
La sécurisation des détroit,; contraint beaucoup d'États à développer leur manne de
guerre . c'est le cas d'États comme le Japon, l' Inde, la ThaYlandc, ou la Malaisie.
Aujourd 'hui, l'Asie du Sud et du Sud-est sont marquées par une croissance
spectaculaire du tonnage militaire.

4. Îles et réseaux insulaires,


positions stratégiques sur les routes maritimes
Nous donnons ici quelques exemples du rôle stratégique des iles et archipels situés
sur les routes maritimes, et nous invitons le lecteur à se reporter au chapitre consacré a
l'insularité.
- Les Comores, comme les Seychelles, sont des relais placés sur les routes du
pétrole. Elles tirent de cette position une grande importance stratégique qui fut
notamment révélée par la Guerre froide .
Carte 33 . Les Comores dans l'océan Indien
Carte 34 : Dét>il de l'archipel des Comores
- L'ile de la Grenade, contrôlée par les États-Unis, a s sure les routes maritimes entre
le golfe du Mexique, le bassin caribéen et l'Atlantique Sud. Son importance stratégique
explique l'intervention américaine de la Grenade en 1983.
Carte 38 : Les Petites Antilles : relais américains, angla is et français
- Cuba et Haîti sont riverains du détroit du Vent par lequel transite une importanle
route maritime qui relie le canal de Panama à la côte Es t des États-Unis.
Carte 37: La Méditerranée américaine
- L'Islande, qui est placée sur la route transatlantique liant l'Europe et les États.
Urus, occupa une importance géostratégique majeure pendant la Guerre froide car elle
assurait le verrouillage de l'Atlantique Nord en même temps que le contrôle de la
sortie sur l'océan Arctique.

1 DMJ let lllic:ln 380 a )86. D . NGU YEN QIJOC , P DAILLET. A . PEL LET. /Jm11 ;,,r..m a1101mt 11uhlir. ~ "1-. l)rb.
LJ.OJ., hrio, 11196, p. 1 1J5
CHAPITRE 4

L'OUVERTURE DES ROUTES


TERRESTRES

Les routes du commerce ne sont pas seulement maritimes; elles furent et restent
terrestres 1. Que l'on songe à l'importance des flux de camions qui sillonnent l'Eurasie
aujourd'hui2 et qui ont remplacé les caravanes et les convois marchands de jadis.
Jacques Ancel voyait l'existence de véritables États-routiers qu'il appelait
dromocraties3 . Fernand Braudel qui accorde une forme de primauté à la circulation
dans l'histoire, note que l'Islam ne se conçoit pas sans "le mouvement des caravanes, à
travers ses vastes 'mers sans eau', les déserts et steppes de son espace; impensable sans
ses navigations en Méditerranée, à travers l'océan Indien, jusqu'à Malacca et jusqu'à la
Chine" 4 . À tel point qu'il fait de l'Islam un continent intermédiaire, un espaœ-
mouvement. Voyons à ce propos le sens des mots: "Moyen-Orient", ce terme européen,
ne désigne-t-il pas un monde défini avant tout par la situation intermédiaire qu'il
occupe entre l'Europe et l'Orient - les Indes et l'Asie extrême?
Comme si ce Moyen-Orient n'était en fait qu'une sorte de réseaux de routes tendues
entre deux extrémités, l'Europe et l'Asie. Et c'est vrai que ces routes caravanières, les
Routes de la soie notamment, firent la richesse des marchands musulmans, que la
civilisation musulmane fut frappée au cœur même de sa puissance lorsque les
Européens de la Renaissance ouvrirent de nouvelles routes maritimes, en dehors de la
Méditerranée.
Durant des siècles, l'or du Soudan5, les esclaves noirs, le commerce du Levant,
transitent par l'Islam vers l'Europe. L'Islam vit de sa rente; pendant ce temps,
l'Occident avance vers le progrès technique, qui va lui permettre de s'ouvrir les
nouvelles routes de l'expansion.

1 "DO la. fin du VIU': siècle tl\' J..c . qunnlilés de dttouvenn rttenœs l'anC'Slcnl. urivmL en plein cootioalL die5 ~

fabnqub do.ns le!'> régions mèdi1cmni!-cnncs, princ1palemen1 en É1rurie. en ha.lie du Nord. et Gfiocc. Palimlml:nl. 5e'S iUTbeolDpes
rccons111uen1 les ncs de cc çommcl"t'c qui suppose sur Je cf:lnuncnl un rracê Je routes. m lcut cas de pisl.cs .~. 10 J.8 . Dt.:ROSELLE.
l 'Eun1/K'. hi~lom: dt• J''·'" />t't1pf,•.f. Pon s. Pcmn. IY90. Cd l lal·hcttc Plund. 1'· .q .
2 Lii Fnmcc, cam::four entre l'l::sr3gnc. l'hnlic, l'..\Hcmagnc t"t le nord de n : urupc. ~1 Je pays J"EuNf'IC' «e1dr:htalr le plus
tnn·c.V par Ici cnmions [lie est, Je cc rc:nnl lie \'UC, un \·éritablc f:lJHOUllL"f No1uns rar J'31'C'O~ . qut c'est CL"l'lt SllUilhOn qui tw
,onRn: l'un des nombres Je morts annuels r.or 11e1:1dcn1 de la rouie I~ plu.s CJc,- ~ J 'F. unlpC \Xc1Jcntale et oon lout :wtn:' facœur
in\·oqnc! par les pom101rs puhlics - d'nuln:s fach:urs L:ommc l'ah.""1'\il l'U la \"ilC-S!C Jliucnt un rùlc l!\·idftlt Jan.1 la monafüC rounm.
rrwi' guère pius que d11n'i h:s l\utn•s pays
J "Dcpms les ç11p11nlc" tiulkouuquc... h.~ l'.mpcn.·u~ Crh êm.: ~ tl•tUl·nt Je conS111..Tt'r le Ulre. JQnl tls ~ p.Y\.""nl. par li ~1on
Je la V1lk - 111è~. de 1.o Ville s:u;n."c. Je Hy1ancc Ils i;ut~ncnt la J(1111innl11..m Je la tv1.1h: ,- c~ Con!\WllUlol.lple ... hcmu1.s pruoordiau.t
tk1 lblk.31\\, qui leur 11/iSUrC"mil 111 mnitrisc ile hm1c la ~ninsuh: de Timu\"O. r.:hcf-hcu hul[lilf'C', ~\\tl\f\."fll dcn'1ètt IC"!' rnssn ai*s
du llolkan. Io \' ll lk~ de ln Muru.:n i·I 111 plamc: ~1c1'rique th~ thmi·c; Je SknrtJc. t.:ar1blc de Ou"4n. ,·~1 la roo1c Jr \ 'IU\l&r f ... i et pm-
le liuural nm1.:Cdunic11 ou 1hmn·. 1:1 fllllll' dl· 1'I ~fr cl lie ... Dê1n11h la ~i..'-•t:tmphiL' f\atUn1que ll'l'\.lle c:n fftl..'fO~ et. en "·alWa
C'Tll:31S\tcs. inahu~éc~ . f1Kili1c \:l'li h~ ml; mn· ~. l:C"i L'S r"'-ll fS. qm ll(l'.Upl' I~ gr4nJ'wuh.~. pht.mn Jc- l'Esl llU ....1, Ju. ccnm. hcnl ta
~mnsuk ('Ise~ p:urlc~ . " . in J. :\Nl 'M. c;,•,,grw1l111• i/1•1 t,.11,1tit'rn , :-' i'<I. r11m•. l l11.tlinu1d, l~_lS. p. hO.
-1 r IJH.AUOEI.. Cin1111mair. · ,/n 1 i1·ili.rn1imu. rffil. l 1 11n~ . fl ammnm•n. IQ4JJ . C\lll . ·chamrs•.
j J FA Vll!R . l.r.r f.irwrdn /)frmn't'rlt"-'f f/>'.'4/c-:tundn· .Z M11~d/1 mJ. Pari•, h~'llrtl 1'9QI, fi. JH-176.
Partir· .J . l..1117uilr ,JI!~ re~ so11,-c1'!' ''"'° 1:om;f11'1fl' ~ l ' hùf111rf

1. Des routes de la soie à la route dcK lnd1~~

Entre les 11° et le xvc siècles apr . J.-C., les Routes de la soie ouvertes p.u k"'i
marchands chinois relient par voie terrestre l'Europe et l'Asie et véluculent l'esscnllel
des flux de marchandises.
Aux XIX< et xxc siècles, la Route des Indes, à la fois maritime et terrestre, con.~lilue
l'axe d'organisation de l'Empire britannique et justifie les occup;Itions anglaises : Maltt,
Égypte, Somalie, Aden, Baloutchistan, Irak, Jordanie, Palestine, Golfe . Le contrôle de la
route des Indes entraine à la fois une occupation militaire et la formation d'entilt-.
administratives et coloniales dont beaucoup deviennent des États - Jordanie, Oman.
La Jordanie est un cas typique d'État-routel : la Jordanie contrôlait depui.
!'Antiquité les routes entre le Levant et la Mésopotamie. À l'époque des Anglais, la
Jordanie relie la Mésopotamie à la fois à la Palestine, et donc à la Méditerranée, et à la
mer Rouge, c'est à dire à l'océan Indien. La création de l'État d'lsral!l - 1948 - puis les
guerres du Liban - 1975-1991 - ont cependant coupé les Jordaniens de leur voie
traditio1U1elle de désenclavement vers la Méditerranée; pour compenser ce handicap.
la Jordanie a développé le port d'Aqaba sur la mer Rouge.
L'importance géopolitique d'une région comme l'Asie centrale trouve son origine
historique dans le fait que les populations de cette zone furent reliées entre elles, non
par voie d'eau, mais par des pistes caravanières, rayonnant à partir de centres tels que
Tachkent, Boukhara et Samarkand, situés à égale distance de Pékin ou du Caire, de
Kiev ou du golfe du Bengale. Ces populations avaient l'avantage de la "ligne
intérieure"; si elle suivait la route de l'Asie centrale, une armée qui quittait l'Asie
orienta.le atteignait plus rapidement la Perse puis l'Europe que si elle avait emprunte la
voie maritime et dû doubler une succession de caps.

2. L'ambition russe des nouvelles routes de la soie

L'une des grandes ambitions géopolitiques de la Russie pour le xxre siècle, est de
restaurer les Routes de la soie et de redevenir ainsi le passage obligé entre l'Europe et
l'Asie-Pacifique2.
Les Grandes Découvertes entrainèrent une v é ritable révolution géopolitique qui
contribua à diminuer l'importance des routes de la soie3. Celles-ci durent affronter la
concurrence des voies mariti.Jnes. Mais elles perdirent la bataille, lorsque le canal de
Suez fut percé au XI.Xe siècle, et que les navires marchands purent alors s'ouvrir la
route de l'océan Indien et des mers de Chine par la mer Rouge.

1 X. de Pl.Ji.NHOL. ~ Nallons du Prophetc ,\/t1m1cf gêo>:r'1pl1111ro.· J ,· p<Jllfh/llt' 11mwlm11t1t.'. Pans, f ;1yard. J'XIJ, P li'
A.M . OOICHON . Joni.Anie ric:Uc, Pilns , 1. JI : 191)7-1972. p 551 -Sb9
2 J.C. ROHMER. Géopolitiq11e di! la R11ss1t!, r ans, Eco nom1ca, 1997, p . 69-HK .
J Voir notœ acc11on consacrtc aux Grundcs d«ouvcncs Jr.1ns la partie ponum o;ur les révulu1ums gCugruphiqucs
Chilpitw4 . L'ouverture dt$ route-9 terre'!l'trrs

ASSOCIATION
DE LIBRE-ÉCHANGE
NORD-AMÉRlCAIN'E

/
, ''
,,
OTAN ~EUIJapon
, '' '
,' '~
1 . 1 JAPON
Route commerciale du Nord
UNJON
EUROPÉENNE
1 1 RUSSIE
Rouse russe
1 1 ASIA-PACIFIC
ECONOMIC
COOPERATION
1 Route1de la soie (Asie ceoua.le)
1
1

94. Les nouvelles routes de la soie russes, selon Rogov, 1997

li s'agit en premier lieu de restaurer la voie commerciale terrestre entre l'Europe et


l'Asie, notamment entre l'Union européenne et l'A.P.E.Cl, et de faire en sorte que celle-
ci passe par le territoire russe.
Moscou fait remarquer que le transit continental des marchandises serait plus
rentable que le transit maritime: une augmentation de seulement 20 % du coût, dans le
cas du rail, pour un délai réduit de trois à quatre fois.
La Russie propose les solutions de communication suivantesl :
- une voie continentale utilisant le réseau ferroviaire transibérien;
- une voie aérienne survolant la Russie et utilisant des avions gros porteurs;
- une voie maritime passant par les eaux glacées du Nord, mais ouverte par des
brise-glace à propulsion nucléaire, ou utilisant des sous-marins nucléaires lanceurs
d'engin recyclés en sous-marins cargos - ce qui favoriserait l'application du traité de
désarmement S. T.A.R. T . en évitant de détruire les sous-marins. La voie maritime
permettrait de diviser par deux ou trois le trajet habituel Europe-Asie Pia le canal de
Suez ou celui de Panama ;
- un tunnel qui traverserait le détroit de Béring et relierait ainsi la Russie au
continent américain par l'Alaska.
La deuxième ambition russe concerne l'évacuation du pétrole et du gaz de la
Caspienne. La Russie tient à faire valoir le réseau important d'oléoducs et de gazoducs

1 c~rèr.111011 écunllOIÜ-1\U." ,.\s1c·Pa..· 1fi~uc llU ;\Sltll Piu:tftc b.:-onom1c Ci..-...lp'C'nllll"'1 ( . J Ctèéc 4 l'iniùar.h-c de r .-\mlnlhl:- . . .
conftn:111;c f.li.• C:in~m& en tq~.,. . l'..\ .P .E C reuml le suluna1 de 8NllC'1. la MalaJs1c . l'lndonC!lm:. ln Ph11tpp1ocs.. Slft8lllP'OUI'. la
nunandc-, l':\us1rnlic. la Nt,m·clk·Zdam..k , la r11~'u1L"i 1 ~N~iu\· dk ·G u1ntt . k J&f'O'l.. la Corte- du Sud.. la Cluoc. Tal'A':IP.. Hoag-
Kon~ . lc!iii l~ 1n1s·llms . h: l 'anu,la . k :\h::>..11.Juc C'I h.- C hîh , .,,··~t une lf>m~ Je ntf'Proc:hcmml ré:g1onal rm.s b'ft faibkmcm i~ .
\'lur O. ..:c l"lr\'l"'O!iii noue ~hupim.· t·,1n..:a ..·r.: 3 111 dvnnm1"1UC Je ~l!"!!l'' ru.h~l1('1n

:! Ces so1utmns ont m1tamm1.."Tll ilC exp..ls~ par l'c'f'l..'T1 rus.sr. S . Rog(n-, l("tr.o; d\mc con~ a 11Mtilu.t fnmçaas des
Relations ln1~ mn1mnalL• s l'n l'N7 .
dont elle dispose et qui pourrait foire d'<•lle un lieu de passngc obligé. On se report""
sur œ point .lu ch.:lpitrc consacrl1- à l'or noir.
c~ut~ HH ll~ rouk~ Ju pt~lrute de 1-.l Caspù..•nnl' à l&i n1l'r Noire, par le CauGllO<.'
Carte 102 . L.1 ~,t.tillc dL-s ul~oducs pour la sortie du pél·rnlc el du gaz. Je la Ca!tpimnt·
L<'S projets d" routes russes sont cependant confrontés il des projets cnnrurren1,
sérieux, souvent soutenus par Jc>s États-Unis, dans le but d'empècher la RusS1e d"
s'cnlpa.rer de la suprétnatlc en n1atière de voles de con1n1unications.
Plusieurs projets de roule contournant la Russie sont donc opposés, qui relie-nt
généralem<'nt l'Europ<' à la Chine, vw l'Asie centrale et lc Caucase, sans passer par la
Russie.
- Le proj<'t chinois du K11mkorum Higlmmy, de la route de Karakorum, a pour but de
relier par voie ferroviaire et routière, Islamabad et Istanbul en passant par Alma1y -
Alma-Ata- . Bichkek, Tachkent, et Achkhabad.
- Un autre projet vise à construire une voie ferroviaire entre Urumqi en Chine et
Alma-Ata au Kazakhstan, de manière à relier la mer Caspienne à la mer de Chine.
Le grand combat des routes terrestres, essentiellement défendues par les puissance,
continentales, eurasiatiques, et des routes maritimes, logiquement défendues par '"'
puissances anglo-saxonnes maritimes, ne semble pas prêt de s'achever. C'est là enrorr
une des permanences que la géopolitique doit observer et tenter d'analyser.

3. À propos des verrous des routes terrestre~

Les verrous les plus importants placés sur les routes terrestres furent de tout temps
les frontières des États. Toute géopolitique des routes terrestres doit étudier la
succession des Étals traversés, les alliances et les conflits entre ces derniers . Cechapim,
ne peut évidemment s'y attarder; nous renvoyons à l'étude de la géopolitique de
chaque État1 que nous avons faite, avec le géopoliticien François Thual, dans un
précédent livre.
Un autre point de blocage moins connu que celui de la frontière tient aux droits de
péages, courants dans l'Europe du Moyen-Âge, et dont la complexité constituait une
entrave au commerce et plus généralement aux flux de communication. L'idée de
péages sur les routes, à l'entrée des villes - ce péage n'est-il pas remplacé aujourd'hui
par le péage du stationnement qui fournit des recettes à la ville ? - , sur les fleuves, ou
dans les ports, est vieille comme le monde.
La construction de l'État moderne en France, par la Monarchie, consista notamment
- ce n'est évidemment pas le seul aspect - à éliminer un à un les droits de passag.
qui entravaient la libre circulation sur les routes à l'intérieur du royaume. Colbert
promulgua ainsi de nombreux décrets supprimant les péages. En Angleterre, adepte
précoce de la libre-circulation des biens et des personnes, les péages locaux avaient
disparu dès le XV• siècle. La France suivit le méme chemin contre les féodalilés
remplaçant cependant nombre de péages par des redevances étatiques 2 .

1 A CHAUPRADE, f . THUAL , IJ1 ctùmrrmrl! dt· X''o1ml11;,1m·, 2~ cJ .. Puns, Ellipses. l'N1)


2 On ~Ill s'mlaTug.cr aujuurd'hu1 sur le rc1uur en France c.k cc 11 Jru11 J ' rn.:lro1 •• ~1uc t.:crlum!<i vuuJru1cn1 ''''n (tJh111 r..œ"
de PW ou d'""un "•llci.
CHAPITRE 5

LA GUERRE DE L'EAU

Les Européens ne sont pas toujours conscients du rôle fondamental que tient l'eau
dans la majeure partie du monde. Le climat de l'Europe est en effet pri~ par tm
courant chaud, le Gulf Stream qui prend naissance dans les eaux tropicales d'Afrique,
traverse l'océan Atlantique d'Est en Ouest, passe par les ~ et travene de
nouveau l'océan Atlantique suivant une direction Nord-Est. Les climats qui bénéficient
de ce courant sont à la fois tempérés et arrosés. L'Europe reste marquée par le souvenir
de la disette ou de la famine, non par celui de la pénurie en eatL Le privilège europél!n
en matière d'eau explique sans doute que l'importance de celle-ci est souvent minorœ..
En Otine au contraire, et au Moyen-Orient marqués par l'aridité - à l'exception
des montagnes-, les grands fleuves, le Yang-Tsé, le Nil, !'Euphrate furent le creuset
des premières grandes civilisations agraires et urbaines de l'histoire.. L'eau joua très t6t
un rôle si important qu'il compta dans la forme même que prirent les pouvoirs
politiques. Le pouvoir des maitres trouvait sa source dans l'eau ; l'obéissance des sujets
dans la dépendance de leur agriculture vis-à-vis de l'eau. Et de nombreux auteurs, qu'il
s'agissent de Montesquieu avec sa théorie des climats, de Hegel, ou d'autres encorel,
ont souligné le lien entre le contrôle de l'eau et la nature politique du pouvoir - c'est la
thèse de l'hydropolitique2. Il parut logique à l'entendement humain que là où l'eau
slructurait l'activité sociale et économique des groupes humains, elle pesa sur la nature
des constructions politiques. Mais il serait néanmoins dangereux de céder, ici comme
ailleurs, au monisme; d 'autres facteurs détenrùnèrent en effet très tOt la nature des
constructions politiques, et bien d'autres encore contribuèrent à l'évolution de œlles-ci.
Lier aujourd'hui le despotisme politique observable en Orient au pouvoir de l'eau est
sans doute inexact. Nul doute cependant qu'un dirigeant du Moyen-Orient dont la
politique oublierait l'eau, perdrait une grande partie de sa crédibilité; la Turquie
moderne n'a-t-elle pas appelé son plus grand banage Atatürk comme si elle avait
voulu signifier le lien entre la modernité du régime kémaliste et la maitrise de l'énergie
hydraulique ?

1 K. WJTTFOGEL. Oricnl.111 dupo11sm a co mpans1wc SNdy of tou.I po,..CT ; ni~ s-t D S . LAJ<-"DES. lficltic:sr n ~da
notlom (Pou1Tl11oi de.'i r;dU'.~ ? PcJurquu ; d e!c pavl·n.•.'f ~,_ Paru. Alban MtchC'I. 1098, p. 53. (trwlu11 de n.. ··~ .,.} Po~ of
Notrom, Jl71y som~ un: ric h und .f onrt• ·" " /H1or)
2 F. Bmudcl cüc Io thl:se dC' Winfol!?cl "111. 1;1,·1hsa1ion Ju riz imrhqUC' un S)stèmc tJ"uripriOG 'utaficidlc·. lourd de di.sc1plincs
civiques.. sociale-; Cl pohliqucs l .. J Par Ir n7.. lrs raartcs d' F...xlrl'mr-Ona1t sont liCs â rc:au...~ tub (r0cn-om;I dit l1Ddc

mtrid1onalc ~ dans la plamc mdogansét1quc. au.' puits ou au.' canau.' d'nTiplloo wu.s Jn cuurs d'eau. , dr mll!mc en Chmc..
l'iniplion 1"C\'ll toutes les fonncs elle est h« à la fi.l J' tlUX Ocu\'C:S lnlnquilk5 du SI.Mi { }. &&P. pwb.. aw. canaux dm! le c-r
lmp«lal "t le type ache\· ~ ·- à ln fuis , ·oie de conununu.:allon .:1 systetnc d'irrigation -- . au.." flcu.,·a S8U'"JtCU du Nonl. ._'1XIBllC k
Pel llo ou le l1tl8nN Ho qu'il a fallu endiguer, d<'ntJllcr. ri Joni les n!-,·ohc-s brutales tn°tenl fréquentes. Partuut. aami bien sur les
I~ des rhilippincs l!U Je Ju\ lt o u dans la Chine 1t.•antomusc et au Jaron. 1'1rTiptlllll. 8\"Cll.:. Y)U\'CU.l 'IC!o camm. .ene- de

htunbous, ses ('Ompc" rri1mti\'CS llU m<Kicm1t..'S , 1mphtJUC UOC Jl!iÇTJllinc ~tm, IC' Je inl\'8,JI et d'~. t...,.: dc flDC"icn:llc
Ê1)1'11r, ucinrlc ci ...._,1quc des scrvuuJcs qu'impose l'1m(talitln .'". in f llRAUl>EL ~ 4s: ,·Ml~. ,...._
Flammarion. l 9M? , çoll "Chamr!I". p. 1~~ .
L'eau est un facteur géopolitique dont l'importance rdative est liée au rapport entre
la quantile de ressoun.--e et la démographie : c'est lorsqu'il y a pénurie cl que la
population et les t-esoins sont importants, que l'eau est un t.-njeu potcnlicllemcn1
conflictuel. Nous prë...;sons, dans une première section, les zones géographiques ou le
rapport "res.<0un.-..'S propres en e.m/ démographie" est faible .
Deux situations géographiques différentes. au regard de la disposition de.
ressources par rapport à la disposition des Étals, déterminent deux situation,
géopolitiques distinctes:
- le cas du cours d'eau successü, qui traverse plusieurs États. Se pose alors la
question des ressources en eaux - débit - qui restent aux États situés en aval de
l'État-amont qui a prélevé; la rivalité entre États se fait autour d'une question de débit
prélevé - opposition à la construction de barrages en amont par exemple - ;
- le cas du cours d'eau contigu, faisant office de séparation entre deux États. La
rivalité se fait sur la question de la frontière : celle-ci n'est pas forcément définie par le
bltu>cgl, mais un État peut posséder tout le fleuve et ne pas en laisser l'accès à son
voisin.
Sur cette distinction, nous fondons deux sections distinctes qui précisent les
conceptions juridiques en la matière, et qui sont illustrées par plusieurs exemples : la
guerre de l'amont et de l'aval, illustrëe par des exemples et par un rappel des
principaux traités de droit international en la matière ; eau et frontière. U arrive que ces
deux situations soient combinées : nous consacrons une section spécifique au problème
de l'eau entre les États d'Israël, de la Syrie, du Liban, de la Jordanie et de Palestine.
L'homme ne dispose du conflit comme unique solution à la pénurie de la
ressource; il n'y a pas de déterminisme fataliste de l'eau dans la mesure où la
œch.nique apporte des solutions. Nous aurions pu logiquement inclure la section "Eau
et technique" dans la partie traitant des révolutions techniques, mais, par souci de
cohérence, il nous a paru préférable de la placer dans un panorama général portant sur
l'eau. La section "Eau et technique" aborde le cas de l'Arabie Saoudite et des Émirats,
pays dépourvus de ressources mais qui ont massivement recours au dessalement d'eau
de mer. comme le projet de la "Nouvelle vallée du Nil" en Égypte. Elle rappelle
également que la technique reste un moyen politique avec l'exemple de l'État central
irakien qui, par sa politique d'assèchement des marais, tente de mettre un tenne à la
rébellion séculaire des régions marécageuses - dans le chapitre portant sur la
topologie, voir la section "Le peuple des roseaux en Irak".
Entre la géopolitique et la stratégie, il n'y a qu 'un pas : vitale pour l'homme, l'eau
est une cible en tant de guerre. Nous soulignons, dans une dernière section, le chemin
franchi depuis la Grèce antique jusqu'à la Guerre du Golfe et du Kosovo dans
l'affranchissement de l'éthique humaine quant au caractère sacré de l'eau.
L'ensemble de ce chapitre peut être rapproché de l'étude de la fonction géopolitique
du fleuve déjà abordée dans le chapitre portant sur la topologie.

1. Ressources en ~au et démographie

Nous avons déjà consacré un chapitre spécifique au facteur démographique en


géopolitique ; la démographie est un trait constitutif de l'identité des peuples et des
États. Or le problème de l'eau et de sa pénurie ne prend son sens que dans le rapport~
la démographie.

1 Nolum que nous ai;ona u.bonUc: dans Io 5ect1on trailanl de; la 1Um.:t1un yëopuhlu.1uc Ju llcu\·c --- d1ap1trc: cnmaat • U
IOpOiutll"
O..pllre 5. La guerre d" l'eau 641

Dans le monde, près d'une trentaine d'États sont confrontés à une pénurie d'eau 1•
Le critère de pénurie a été établi par Je professeur Malin Falkenmark: "il s'agit de
t 000 ml d'eau par habitant et par an, soit 2 740 litres par personne et par jour, étant
entendu qu'à 500 ml la situation devient critique el qu'au dessous de 100, il convient de
faire appel à des ressources non traditionnelles telles que Je dessalement de l'eau de
nier[ ... ] ou le recyclage des eaux usécs."2
Le Moyen-Orient est particulièrement touché par la pénurie en eau; celle<i y est
structurelle et aggravée par des sécheresses conjoncturelles.
Quatre groupes de pays peuvent être distingués au Moyen-Orient, du point de vue
des ressources en eau :
- le Liban et la Turquie disposent de ressources renouvelables qui permettent de
subvenir aux besoins de leur développement économique;
- la Syrie et l'Irak disposent d'une disponibilité hydraulique satisfaisante mais
dépendent du bon vouloir de la Turquie située en amont;
- pour lsra!!I, la Jordanie, la Cisjordanie et Gaza, la situation est critique : lsrai!I
dispose de 390 ml d'eau par an el par habitant et les prévisions avancent le chiffre de
258 ml/ an en 2020 ; la Jordanie, de 490 ml/ an, 90 ml/ an en 2020.3
La croissance démographique dans la région du Moyen-Orient est largement
responsable de l'aggravation du problème de l'eau : en Jordanie et en Syrie, les taux de
croissance annuels de la population dépassent 3,5 %. Le doublement de la population
ne s'y fait pas selon la loi de Malthus, c'est-à-dire tous les 25 ans, mais tous les 18 ans.
En lsral!l el en Palestine, à des taux de croissance naturelle élevés, il faut ajouter les
perspectives d'immigration massive : des centaines de milliers de juifs d'ex-U.R.55.
sont venus augmenter notablement la population de l'État hébreu - en 2000, la
population est de 6 millions d'habitants environ - ; un regroupement de la diaspora
palestinienne dans un État palestinien. ferait passer la population palestinienne de 2
millions à 5 millions d'habitants . Ainsi, pour le seul bassin du Jourdain, la population
pourrait avoisiner les 18 millions habitants en 2020.
- Les pays du Golfe sont les plus déficitaires en eau : Koweil, Qatar et Bahreïn
disposent en 1995 de 90 à 120 ml par an et par habitant et entre 35 et 50 ml en 2020,
selon les prévisions; l'Arabie Saoudite disposerait de 160 m3 par an et par habitant,
chiffre ramené à 56 m3 /an en 2020 .~

I lt.ppur1 p.>ur l'Ahmcntnt1on et l ' u~n i.: uhun= - f . A .O J e l'U.S l'. 1QQ.1. l::n l'Nf>. scton J~ues Sirucnwe&&. :?6 pays
RStoopaut rtus tic 2 ;m n11lhun s ~l' h a h1timts lk:m· ~nt ..!tre ,,: 1m s1 J.:n.~ ~..-,1mn~ des pa~~ _. ~u.n:c en eau 1'211:. ".in J. !)(RONSE.Ali.
l '"""· "'""~/ t•11je11 .,·1ruh'Mi1111•' 11wnditll. l'àns , tnnmnu ..-a . l 'Nti. ~ nll ~r!X'hc ~éup..,hliQuc" . p. I"'
21.km , p IK .
J NOl.IJ, f'Cfl\'('lyon!t. rour IOLIS IC!l 1:hiffn:s Jonm.~ SUJ $'e..u .su Mo~~n-Oricut, au h\'lt de: J. SlkO('l.'NE.\lJ. L 'iNll, """'"" Ol/t!IW
Ifralt 1glqlk'nwnJwl, l'ari~ . b.ununu..:a . l'Nh. 1.:nll "(1,>o.:h<' J!.t...'<'trt'ht i quc~ .
4 J SIRONNl:'.AU. /. '• '''"· m•U~'C.·/ ,•r!ir" ,1ru1r1o:iqMt' mnu,/111/, Paina, f.(.-onom1c.a., I~ . œll . .. Poo.:bc> ,top>ht~" . p. 1&.
1--- llmilc du .W.-11

~.....,. ....
95. L'eau au Moyen-Orient, rivières, fleuves et litnites des déserts

Ces déficits sont souvent irréversibles car ils touchent, comme en Arabie Saoudite,
des aquifères fossiles, donc des ressources en eau non renouvelables.
D'autres régions du monde sont frappées par la pénurie d'eau :
- en Afrique, il s'agit essentiellement des zones du Maghreb, le Sahel, l'Afrique Je
l'Est et du Sud ;
- le nord de la Chine est une plaine semi-aride habitée par 200 millions de per·
sonnes - avec notamment les villes de Pékin et Tien-Tsin - ;
- en Amérique, la Californie dispose de peu de ressources en eau ;
- en Europe occidentale, l'Andalousie est une région aride où la pénurie en eau SI/
fait sentir.
<J11!pi'"' 5. U> guerre de l'eau

Au-<ielà de la que9tion démographique qui a trait à la géopolltique, on ne


développe pas ici 1"9 raisons de l'aggravation de la pénurie en eau dans le monde; tout
au moins faut-il 1"9 connaître : pollution due à l'industrialisation, g;tchis caWJé!I par de
mauvais systèmes d'lrrigation 1 .

2. La guerre de l'amont et de l'aval


Avant d'aborder les cas de rivalité géopolitique autour de l'eau, il convient de
donner deux définitions : celle du fleuve international, successif ou contigu et celle du
bassin fluvial.
- Un fleuve international est un cours d'eau qui, dans son cours naturellement
navigable. sépare ou traverse des territoires qui dépendent de deux ou de plusieurs
États2 .
Une rivière qui traverse plusieurs pays mais qui n'est pas navigable n 'est pas un
cours d'eau international : le droit international oblige alors les États riverains à une
coopération sur les eaux - notion de gestion commune - ; en revanche, si le fleuve est
international, plusieurs conceptions juridiques s'affrontent.
Un cours d'eau est appelé successif lorsqu'il traverse deux ou plusiews États et
contigu lorsqu'il sépare deux États.
• La notion de bassin fluvial. La notion de navigation sur le fleuve, essentielle dans
le droit fluvial classique, est complétée par un droit plus récent portant sur la notion de
bassin, à savoir une zone qui s'étend, en plus du cours d'eau en question, aux affluents,
sous-affluents et même aux eaux s outerraines.
Plusieurs conceptions juridiques s'affrontent quant à l'utilisation des eaux
transfron talières3 :
- doctrine Harrnon de la souveraineté territoriale absolue : un État use comme bon
lui semble d'un cours d'eau traversant son territoire sans tenir compte des baisses de
débit qu'il pourrait provoquer en aval chez un autre État. La Turquie s'appuie sur cette
conception pour exploiter, pomper, ou mettre en réserve massivement les eaux de
!'Euphrate et du Tigre - dans le cadre du C .A.P. ou projet de Grande Anatolie; nous y
revenons après.
·doctrine de l'intégrité territoriale absolue : chacun conserve le débit naturel que le
fleuve lui donne ; cette conception inverse de la précédente est évideaunent favorable à
l'État-aval ;
- une troisième doctrine, dominante en droit et en arbitrage inbemationaux
aujourd'hui, est celle liée à la notion de bassin intégré et de gestion commune des eaux.
Des aménagements sont possibles en amont, mais l'idée est de les faire
raisonnablement afin de ne pas nuire aux États situes en aval et de permettre
également à ceux-ci de mettre en place leurs propres systèmes de drainage.

1 Po ur ce!'i quc !l lmn~ qui ~ c s i1uien1 .:n 1fohnr,o;. J eo ha g~poli1iquc rn.i.t.1~ qui sonl importanta.. OOllS ttnltO)'('ll:ll le Lecll:Ur à.
l'ouvn111c de J SIRONNEAU. / . ·,.,,,,, ''"m·d ._•11;c11 ç tn1t~iqu.- m fmdiul , Paris. Ei.:nnomu:.s. 1'>96. coll '"Poche ttéopahnquc'". p.~~­
:!7.
2 ~Criltf'Cs t.Ju lku \·IC' Hllc m utu,nal L.: 1ircmicr c nt ê ~ '-"'St ile nalllrT J10htiquc · .tans leur .."OUrs les. lh:uvc.,. inlemati....,,...
1ouchcn1 •UX 1eni1n1n:s de plus tl'nn l~ trit . Deux 1y ~ s dl" tlem cs 1nternahonaux Jn1vcnt ~h'c JistinttUet. : les llC"UV'n-fmntiba ou
C~nll9us cl le .. n c:u'r.:S s11i.:c ..·!lsl f, ( ·.:rcmla n1 :l \' C:-\' k 1ru11nphc 1lu 1.· up1t111i~m e liheml , un !iCÇ ( \f'td t.:rilit'~ de• TWllUR' k-ono.m.:.u:. !l'y QI.
su~ · cclu• de tn 11Bv i9nt11l i 1 ~ ; retenu pin Il!' C1m~rès dr V u~nnr . il Il i:te- TqW"i~ J'Br 1• (\Ml~tion de 8an:elonr de 1921, atui d

M:Ctntnë .:ell~ conccplion en s 11t'Lo;lltuun1 :\ la dén11nuna1 inn l1'8dillllnn1.•UC' de · neuve intC1"ftanuna.I' i:-rile de 'v01ir t.1'.eaa ~·

11u1 prnm'I J'mgl nhc!r Je!l 11t1111ertl!il nnvi~ahle!'i' '. in N ('H lOC lllNil. r OA.ll.Lf.T. :\. P~U . f!.T, Orn•t i•~ public-, S- ftl
ram. UHJJ, 1994, J'. 11.17 .
1 J, SIRONNF.AIJ. / . '1•m1. 1Fmn•r•/ t•n1r11 ...1r11f<'f:iqrw mn""'81. Paris, t'-1.·onotmca. I~ • .:oll. ·~ .,eopolitiquc•, p. b6.
L'objet de la plupart des contentieux tient au fait que les Etats situés en amont des
fleuves tendent à utiliser cet avantag<• sur les ÉtiltS situés en aval en détournant un.
partie souvent ~œssive du débit à leur profit - à l'itid., de barrage!! ou dr
ramifications d'irrig..ttion ~ denses .
Les exemples de conflits de type .>mont/ .wal que nous donnons sont les suivanb :
le Tigre et !'Euphrate : Turquie, Syne, lrilk; Syr Dill'ia et Amou Dariil en Asie centrale ;
Gange, Brahmapoutre, Indus : Inde, Pakistiln et Bangladesh ; le Nil : Égypte, Soudan,
Éthiopie, et pays d'Afrique noire.
Enfin, nuus rappelons qu'en matière de gestion cornn>une de l'eau des bassir"
fluviaux, le droit international a déjà produit de nombreux accords; la question
géopolitique de l'eau ne déoouche donc pas forcément sur des conflits. Nous donnons
des éléments de droit international sur le pitrtilge des ei\ux, sur les principaux traités l'i
accords.

2.1. Le Tigre et !'Euphrate: Turquie, Syrie, Irak


La Turquie est un véritable chàteau d'eau. Elle dispose de vingt-six bassins fluviaux
importants. Ses res.soun:es en eaux de surface représentent 185 milliards de rn3 par an ;
à l'heure actuelle, seulement 95 milliards de m3 sont exploités. Le Tigre et !'Euphrate'
constituent un tiers des eaux turques de surface ; les Turcs contrôlent près de 90 % du
d~bit de !'Euphrate et 50 % de celui du Tigre2.
Située en amont de !'Euphrate, la Turquie considère que les ressources du fleuve lui
appartiennent aussi légitimement que le pétrole appartient aux pays arabes. Ankara
revendique la sou\•eraineté totale sur les eaux qui traversent son territoire - doctrine
Harmon -, et rejette la notion de bassin intégré développée par le droit international.
Directement menacés par cette approche, Damas et Bagdad contestent la vision turque
et en appellent au droit international.

Le G.A . P. "Great Anatolian Projcct"


Ce grand projet hydraulique turc est conçu en 19703 et sa mise en œuvre débute en
19814. L'idée essentielle du G.A -P. est que l'exploitation des ressources en eau de la
Turquie doit lui fournir l'essentiel de l'énergie - l'objectif est de satisfaire la moitié des
besoins - et permettre le développement de l'agriculture - par l'alimentation en eau
de près de 25 % des surfaces irrigables du pays. L'élément clé du dispositif est le
barrage d'Atatürk5.
L'un des objectifs géopolitiques internes du G.A .P. est le règlement de la question
kurde. Le C.A.P. devrait en effet remodeler en profondeur la région la moins
développée de la Turquie: le Sud-Est de !'Anatolie, c'est-à-dire huit provinces
essentiellement peuplées de Kurdes_ Le développement éconorrùque qui en résulterait

1 SW' ln~ hydrographiques. voir Ci MUTIN, L '''" " ' '""-' (, . ,,,,m,J..· arali-.·, Pnri s. Ell1psç5, 2000. p. b-l ·hfi.
1 M DAOUDI. •Entre le T1~ et !'Euphrate. une ncgo..:u1t1on en c.aux !roubles" in /.t•_,. Cr1hio.:r$ •'" l'On~111. 1~6 . n"-4-t "La
blWlk de l'or bleu•. p 73-Y.S
3 N. BESCHOH.NER- •Le rôle de l'eau dans \a puhliquc rcgîoNlh: '1.c la Tunimc" m Momie: '1r&Jbt· McJ>:hr~Jt...M"•:ltrr~. «l œc
1992. n°1Jtf, p. -tts-6)
4 Les prumolcW1I du proJct.. Jn ~puruablcs policaqucs Tu ...gut Ozol et Sulcy1mm Dcnu~I ~mm 1oua les dc1.n wwtrucun et
mmpftr:rlls dans D dorm1nn de l'Clecuicné cl de l'hyc.Jrauhquc lla; dé-fondent une vision m0t.Jcm1su1ricc c.Jc lu Turqui~ funJtt ,i.11 Jr
1f1WC1- psvjeb appuya .., la 1eicnce qui se hcuncn1 souvent M l'oppo:minn de 1nth1.?ux fimanc1~n tun.:s inttreub JW Ir
dévcloppcmrol cummeK1al ~le~ Rfflubh~uo lun:o(lhuncs cl Juns l'Uuitm curnpCcnnc.
S G. ML'TIN, L 'N&tdmu /~ nrumk urcJhi:, Pan~. ElhflSCS, 21JOO , p. 73 -74 .
O..pllre 5 La guerre dt" l'eau

devrait alors avoir pour effet, selon les promoteurs turcs du projet, d'apalller les
velléités séparatistes kurdes.
Le gigantesque projet du C.A.P. n'est cependant pas sans conséquences !IUr les ~lats
silués en aval des fleuves ponctionnés : la Syrie et l'Irak .

Dépendances syrienne et irakienne de l'eau turque


et menaces de réactions en chaîne
La Syrie dépend en grande partie de l'eau turque; sans !'Euphrate, dont le débit à la
frontière syro-turque représente environ 30 milliards de ml/an, le total des eaux
syriennes de surface n'atteindrait pas les 10 milliards de m31.
L'Irak est a priori plus riche en eau que la Syrie. Avec le Tigre et )'Euphrate, l'Irak
affiche 80 milliards de ml en eau de surface - dont 30 pour )'Euphrate, et 50 pour le
Tigre2.
On estime que si les aménagements projetés par la Turquie sur l'Euphraœ se
réalisent, le débit restant à la disposition de la Syrie serait alors réduit de 30 % à 40 %.
Lorsque ensuite, la Syrie aura à son tour prélevé dans !'Euphrate la quantité d'eau
nécessaire à ses besoins, le débit sera alors réduit en Irak de un huitième à un quart de
ce qu'il est actuellement. Pour compenser son déficit en eau, la Syrie serait alors tentie
de ponctionner davantage le Yarmouk - voir la géopolitique Liban-Syrie-lsral!l-
Jordanie-Palestine, plus loin - tandis que l'Irak tenterait de compenser par le Chatt el
Arab - confluence de )'Euphrate et du Tigre - ce qui ne serait pas sans conséquence
sur ses relations avec l'Iran.
Le problème de l'eau découlant des projets turcs est donc celui du risque d'une
réaction conflictuelle en chaîne dans l'ensemble du Moyen-Orient.
Les risques de guerres sont réels : il faut se souvenir de l'épisode du remplissage du
barrage syrien de Tabqa3 sur !'Euphrate dans les années 1970. Constatant une
diminution d'un quart du débit de !'Euphrate, Bagdad fit mettre ses troupes en
position à la frontière . La médiation saoudienne permit alors d'éviter le déclenchement
d'une guerre entre la Syrie et l'Irak.
Carte 74 : Irak : situation des populations, densités, zones d'exclusion

2.2. Syr Daria et Amou Daria en Asie centrale


Le Syr Daria prend sa source dans les montagnes du Tien Chan à l'Est, traverse Je
Kirghi:z:stan - en amont et dans la vallée orientale de Fergana - , puis l'Ouzbékistan.
le Tadjikistan - vallée occidentale de Fergana -, à nouveau l'Ouzbékistan. puis le
Kazakhstan et se jette enfin dans la mer d'Aral~.
L'État amont est donc le Kirghizstan montagneux ; les États-aval sont
l'Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kazakhstan.
L'Amou Daria prend sa source dans les montagnes du Pamir du Sud, traverse le
Turkmérùstan, fait la frontière avec l'Ouzbékistan puis s'avance dans celui-ci avant de

1 M DAOUDI, .. Entre le Tigre cl l'Euphrnh:. une négociaüon en eau:-i. lroubles'", m L!.i Culti~r.r ~ f'OrilMI, 1'!>90.. n'"4' "U
THllAL. L< ,\fv.-..·n-lJrù•n1 ,., l'.-~u. rarron Ju Cena"t dl: Rc!OC-\iQQ et d'Etude sur
~taille de l'or bleu", p . 73-95; A . DULAIT. f
lc.1nnbltm~ mtcnuUtonauK , Séniu. Jum :!OOU. p. :t.1-t~

2 A. DULAIT. F. THUAL, Le Mo.~·l·n-lJn,·111 ,., /',·au. 1'1lJtJ"Ort Ju Centre Je Rélk:4.iun et d'~ sur lC5 ~Jélhts
intnn11ioniuu, Senat. Jum :?OOU, Jl. 4l-4h.
l O. MUTIN, L '1:au Jun., I~ monde aru~. 1~ans, Ellisuc.11, 2000. r - 72-73
4 O. ROY . W nmwrllr .-üù• 0•11tr11/r-, (ou llJ fàhr1,·a1wn Jr:; llillW1Ld Pans. Le ~ull, lW7 ~Obvier Roy Nppdlt h: r6h: des
druA pands neuves da.n• I• cun.111nu:tum tics stici~tc!s d'Asie \:er\lflllle
rejoindre'" C.E.1 - République de Karakalpakie - et de se jeter, comml! le Syr Daria.
dans la mer d ' Aral .
L1 vallée de Io Fergana baignée par les eaux du Syr Daria est une zone Ires
peuplée ; l..s <>thntt>S s'y sont ancil!nn<>ment agglutinées "utour du fleuve . l'rès de la
moitié du bassio irrigu~ du Syr Daria se trouve dans cette zone. La monoculturl! du
coton draine une grande pcutic de l'eau pornpée .
L'Ouzbékistan <>SI le pays le plus peuplé de la zone; mais il est en aval du Syr Daria
comme de !'Amou Daria. Régulièrement, l 'Ouzbéki s tan, mais "ussi le Tadjikistan cl le
Kazakhstan, reprochent au Kirghi7..stan de trop ponctionner le Syr Daria . Bichkek
profit" en dfet dl!s ressources kirghizes en eau pour produire de l 'électricité en grande
quantité. Par ailleurs, l'Ouzbékistan accuse le Turkn1é nistan de faire baisser forlemenl
le débit de !'Amou Daria, tandis que le Kazakhstan dénonce la pollution du Syr Daria
occasionnée par l'Ouzbékistan' . Ces problèmes qui existaient déjà dans le cadre de
!'U.R.S.S. se s ont aggTavés depuis les indépendances des pays d'Asie centrale . La
souveraineté appelle davantage d'autonomie dans les politiques menées el la
concertation est plus difficile sans le "grand-frère russe" ; autant dire que les notions de
bassin intégt"é et de gestion commune sont difficiles à m e ttre en œuvre.
Les conséquences de ces ponctions de plus en plus élevées sont catastrophiques
pour la mer d'AraP, point d'arrivée de ces fleuves. Cette mer s'étendait sur 69 500 km2
en 1960, sur seulement 30 000 km2 aujourd 'hui. Le niveau d 'eau a baissé de 16 mètres,
la salinité a augmenté à un niveau te l qu'une grande partie des poissons el des
végétaux d'eau douce a disparu. Les ports de Mouïnak et d'Aralsk se trouvenl
désormais à plusieurs kilomètres des rivages de la mer.
La cause première de cette catastrophe écologique est le pompage de près de 60 %
des débits du Syr Daria et de !'Amou Daria. Pour sauver la mer d'Aral, un projel
envi.sage la possibilité de la relier à la mer Caspienne.
Au début du XIXe siècle, le Syr Daria et l'Amou Daria faisaient office de fleuves.
frontières entre les Hordes kazakhs e t les Khanats3. Aujourd'hui, c'est dans leur
dimension amont/aval et bassin intégré que les enjeux autour de l'eau se font en Asie
centrale.
Carte 54 : L'Asie centrale : le monde turc
Cane 53 : L'Asie centrale : le monde ira nien

2.3. Le problèm e d e la mer d' Aral et les problématique;


hydropolitiques en Asie centrale
Il y a peu de temps encore, les atlas décrivaient la mer d' Aral en Asie centrale
comme le quatrième plus grand lac du mond e, derrière la mer Caspienne. le lac
Supérieur et le lac Victoria. Ce temps est bien révolu . La mer d ' Aral a connu dans Io
seconde partie du )()(c siècle une diminution de s urface si forte qu'elle laisse présager
un assèchement total à relativement brève échéance. Durant les trente cinq dernières
années, le niveau de la mer a baissé d e plu s de 30 % (20 m è tres) et son volume s'esl
réduit de près des trois quarts. Depuis 1987, la mer est divisée en deux parties. la

1 J SIRONNEAU, L '..uu. nt1u v'-·/~1'l ...·u ..1r11w1-: 1q11.• m1111d1u/. l'ar1 s, l'.cunonuc:.. 191Jt1, c;oll "puche KCoroliu .. uc· . r 5~ - ~fl .
.:?. A . UULAIT . f THUAL. W iVrmn:ll.: CU..Jpw1111L' , Puns, ël11pscs, l 'J9H . urt1.:h.: "ln mci-c.l'Aral". f" 51-i
) Ci HENRARO, G~npoluiq" ~ du Tmlj11fislu'1, I.e• no11vt.•t111 xrmrd JL•11 ' '" •bic• rc•111rolr. l' ,1ns. Elhrscs . ..:ull«Uun ·u'ne:'J
poh•i.quc·. r. 125 .
o..ru"' 5. La gu.,rTe d" 1•.,au 647

Grande Mer au sud alimentée par I' Amou Daria et la Petite Mer au nord alimentée par
le Syr Daria 1.
La mer d' Aral est alimentée par deux grands fleuves rescapés de la travesée des
déserts du Karakoum et du Kyzylkoum. Au sud, J' Amou Daria qui parcourt
2400 kilomètres à partir du Pamir (Tadjikistan, !Grghizstan, Afghanistan) et traverse Ir
désert de Karakoum, à cheval entre le Turkménistan et l'Ouzbékistan. Au nord, Je Syr
D;aria, long de 2 500 kilomètres, qui prend sa source au !Grghizstan puis coule en
Ouzbékistan.
Si Je niveau de la mer s'est réduit, ce qui a eu des conséquences sanitaires,
écologiques, économiques et géopolitiques sur l'ensemble du bassin, éest que ces deux
grands fleuves qui l'alimentent ne lui apportent plus assez d'eau . Tout au long du
XX.'sikle, l'eau a été ponctionnée massivement par le développement de l'in"igation
servant à la culture du coton .
L'irresponsabilité des hommes s'est exercée non dans le cadre des États souverains
d'Asie centrale post-soviétiques, mais bien dans le cadre de la gestion commune de
l'eau sous l'empire des Soviets.
La tendance sur les problèmes de l'eau étant aujourd'hui à accuser les égofsmes
nationaux (songeons en effet à la Turquie qui ponctionne les eaux du Tigre et de
('Euphrate, sans égard pour les pays arabes situés en aval), il conviendra. s'agissant de
l'Asie centrale, de garder à l'esprit J' origine supranationale des problèmes
géopolitiques actuels.
Le soviétisme laisse en héritage une catastrophe écologique qui s'est abattue sur tm
écosystème structurellement fragile. La mer d ' Aral, c'est en effet d'abord une immense
usine à évaporation, une gigantesque flaque située en plein désert, avec une
profondeur moyenne d'une dizaine de mètres seulement et, en 1960, une profondeur
maxi.male de 60 mètres. Une flaque peu profonde rendant à l'atmosphère 60 km3 d'eau
par an (cinq fois plus que la Seine) ce qui représente exactement la quantité d'eau
qu'elle reçoit annuellement. Autant dire que la succession d'années de sécheresse
(années 1970, années 1982 à 1986) a contribué à perturber l'équilibre entre apport d'eau
et évaporation, équilibre très fragile qui aurait dû permettre à la mer de maintenir tout
iusle son niveau si l'hornn1e n'était pas intervenu en force.
La fragilité structurelle est aggravée par le fait que la mer d' Aral est une cuvette
coincée dans une dépression qui n'admet aucun débouché sur l'océan mondial Les
produits polluants de l'activité humaine, insecticides et herbicides employés pour
l'agriculture en amont, ne s'échappent donc pas vers l'océan mondial, réceptacle final
de toutes les pollutions. La pollution arrive en mer d ' Aral et y reste. Elle s'y accumule.

1 A. CHAUPRADC:. "G~opoli11que de l ' AsiC' centn.lc· . .\'owwllc> R<'"lll." ,U·li..uo1n.:. ~umëro S Man .-\\-ni 200.J. 8ruao iZ
CORDIER. -conn1ts e1hniqucs c-1 Jégmda1ion êcologique en As1\! ccntr.1.lC" l.1 "·al\Ct: de la Ferghana k n.......-d Ju K..uak.Jm:a.... m
t-i

C~rmJAsianSun~•·. 1996-12. vol 15 :n":4J4. P-'~11 . M R .DJALILl. T KELl.NER. Gn1pvli1utw..- la ~k .-4.Jw œ~.
Paru. Pruses Universitaires de France. 2001, l>ublications dt l'lru.uiut urm-Cl5.ll2Îrc Œ haulcs êludo ~. K.oWl.'î
ELAllE. ..,,,c cconomic and p.1lit1cal moL"" of the Aral sca cri~1s·. m _,.,..., Duryu. 19Qb, W1atc.ri!!Opnn11- ""VI 1. n ~ I . r 11-8.S. 0"3-4.
p.JX1-J98, Philip MICKUN , "lntcmatu.mal und n.-gH-.n.a.I ~ponses Il' 1hc :\rai cnsa.s · ;m O\'CS"'•i ll:'W of df0ft5 ad
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J'Anl · h 1~1t1u-e d ' un rlê'l'Wtn: écolll.;iquc" , in L ...• ,\fan.A· .J1plmn.i1iq1.,-. •M'1ntCTC' Je \ \'l-tr~. n"'t'S. !OC"pl-«L.~~ - p.J3 : ~
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\'ILLIC::.RS, L "rm1. Paris, SoJin : Acfc~ sud·Lcmè-m.:. :!000. dwr \'li .. L:ii 1ncr J'Arut·. bib WEl)'o.'iHAL. -Sms of umissaoa
cortWucfini; negoholing sels tn the Ar.il .;eu hasin " . m .lcmrnal •!f l'.: rwinuJntc.•nl .& o._.,.._.h~t . ~OOl - ~003. '-'OLIO. n~l. p..S0-79 ;
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diplomaliquc . frlcartcs.lasîecenh~n\ :!000; (cane- f'l'l.•tiliquc Ju hassrn Je la mtt J " Ar-.1 C'I ew de l.:i poUUtwft) .
Mois l'homo-sovieticus n'a pas seulement pollue la mer d ' Aral, il .1 pnnclionnè a
outranl"'t! snn t!'au, pour les l~soins de son dg:r1culh1rc inlcnsiv~. le coton cl le riz
Certes, pour N"re juste, on rappellera •1ue l' ulilisdtion de l'eau à des fins agricoles dan>
~-ette reg1on remonte à plus de 5 llOU ans; mais c'est bien la colonisallnn rus§e
Intensifiée sous l'ère soviétique qui a mndiîié le destin hydraulique de la région La
produchon d~ coton fut t?ncourag~ par 1~ gouvernen1ent russe dès la deuxiênu~ moiti('
du XIX• siècle, après la colonisati•m de la région . Outre l'un des grands classiqul.'s de la
gêopoliûque russe, la pouss~ vers les mers chaudes, l'au Ire motivation de la
colonisation de la région, était ce coton qui faisait défaut aux usines russes demi les
approvisionnements en matières premii'>res avaient cessé, à partir de 1861, à cause de la
Guerre de S.."-'eSSion américaine.
Cependant, avant la Première Guerre Mondiale, la taille des terres irriguées n'avait
pas augmenté de maniere conséquente. On peut donc considérer que l'action de la
Russie tsariste eut peu d'incidence sur l'écosy s teme du bassin de la mer d' Aral . Daru;
les années 1960 en revanche, les planificateurs soviétiques assignèrent à lAsie centrale
le rôle de fournisseur de matières premières de !'U.R .S.S., et en particulier de colon.
L'Asie centrale fut lors intégrée à une économie soviétique qui augmenta la
spécialisation agricole et industrielle de chaque république, tendance renforcée sous
Brejnev par la politique d'unification économique nationale . Comme l'Ukraine était au
blé, l'Ouzbékistan devait être entièrement dévoué au coton.
Compte tenu du climat désertique de la région, l'irrigation s'imposait et la mer
d'Aral et ses affluents semblaient une source inépuisable. Le développement de
l'irrigation dans la partie soviétique de la mer d' Aral fut donc spectaculaire, sa
superficie passant d ' environ 4,5 millions d'hectares en 1960 à près de 7 millions
d'hectares en 1980. LI population locale doubla quasiment pendant la même période,
passant de 14 millions à 27 millions . Les prélèvements en eau doublèrent également
Dès 1983, la production de coton ouzbek égala la production américaine .
Tout ceci se solda par ce que les experts des ressources en eau appellent la "rupture
de l'équilibre hydrique établi''. Une fois l'équilibre entre les apports et l'évaporation
largement rompu, la mer entama sa phase de rétraction.
Les statistiques montrent clairement la situation de surexploitation en Asie centrale.
Alors que la moyenne mondiaJe de l'usage de l'eau par secteur est de 70 % pour
l'agriculture, 22 % pour l'industrie et 8 % pour la consommation domestique, l'Asie
œntrale donne 87 % de son eau à l'agriculture, 10 % à l' industrie, et seulement 3 % à la
consommation domestique. Le canal de Karakoum, au Turkménistan, est le symbole de
cette surexploitation agricole. Construit en 1956, il est le plus long et le plus large des
canaux d ' irrigation de !'U.R.S.S. el contribue largement à la diminution du débit de
!'Amou Daria. Reliant sur 1 300 km la rivière au désert de Karakoum, au
Turkménistan, il a permis d'augmenter considérablement la superficie des terres
irriguées.
La consommation est d'autant plus forte que le système de ponction fuit. La moitié
de l'eau détournée pour l'irrigation est perdue dans les canaux ou dans les champs
avant d' atteindre les cultures. Selon des scientifiques kirghizes, plus de 20 % de l'eau
captée est directement perdue dans les champs, tandis que 30 à 35 % du total n' est pas
véritablement productif. Au Turkménistan, 51 % de l'eau captée seraient perdus ou
inutilisables. Malgré le fait que l'eau devienne de plus en plus rare en aval des riv1èM,
les quantités d'eau parvenant dans les champs dépassent généralement, de 50 a 100 \,
les nonnes prévues par le plan. Dans les parties basses des rivières, l'eau conhent sels,
herbicides, insecticides, fertilisants, rejets industriels et domestiques . Plus la quanhlé
de iels est grande, et plus le volume d'eau nécessaire pour obtenir la même récolte csl
élevé. L'allocation en eau est devenue de plus en plus inefficace. Sur huit pays qu'ils
649

étudièrent nu début des années 1990 (dont la Turquie, le Paki11tan, Les État&-Unis,
l'Êgypte) une équipe de scientifique montra que c'est en Ouzbékistan qu'il fallait la
plus grande quantité d'eau par hectare de coton cultivé.
Les cinq r6publiques n'ont pas les moyens financiers nécessaires pour amélioreT
leur système d'irrigation. La situation est même pire qu'à l'ère soviétique car
l'cntrt'tien du réseau d'irrigation est négligé et les réparations sont faites
irrégulièrement.
La crise de la mer d' Aral affecte l'ensemble du Bassin de la mer d' Aral; celle-ci fait
en elfet partie intégrante d'un système écologique immense et très complexe Les
conséquences sont si graves qu'il faut bien parler de catastrophe écologique de grande
ampleur.
Le climat dans la région a changé et ce n'est pas seulement du au réchauffement de
la planète. Depuis des millénaires, la mer d' Aral sert de barrière de protection contre
les vents froids du nord et a une influence adoucissante. Avec la réduction de la
superficie de la mer d' Aral, le climat a changé, devenant plus continental avec des étés
plus courts, plus chauds et sans pluie et des hivers plus longs, plus froids et sans neige.
L.1 période de végétation ne dure plus, en moyenne, que 170 jours par an . Les tempêtes
de sable sont apparues pour la première fois en 1975 et font rage pendant plus de 90
jours par an. La durée de la période sans gelée a fortement diminué et pourrait devenir
critique pour la culture du coton .
La mer d' Aral qui servait autrefois de réservoir où s'accumulait le sel est désormais
une source de dispersion du sel sur les cultures. En effet, le vent transporte poussières
et sels qui proviennent du fond de la mer asséchée ainsi que des deltas des deux
rivières où la chute du niveau de l'eau associée à l'évaporation sont à l'origine de
l'accumulation de sels. C'est cette poussière chargée de sels qui se dépose sur les
plantations provoquant une chute des rendements et entrainant la stérilité des surfaces
irriguées. Un nouveau désert est même apparu autour de la mer. Des sels de la mer
d' Aral ont même été retrouvés sur les pentes du Pamir provoquant une fonte anormale
des glaciers, dans le Pacifique et dans l'océan Arctique, ainsi que dans le Gange et le
Brahmapoutre.
Le rétrécissement de la mer d' Aral ainsi que la réduction du débit des rivières et la
disparition des crues du printemps ont des effets particulièrement dévastateurs sur
leurs deltas, composés à l'origine de dizaines de lacs naturels dont la surface diminue
jusqu'à disparaitre. Ces espaces naturels ont vu s'effacer leurs oasis particulièrement
riches en faune et en flore et lieux de frai pour les poissons. Ainsi si l'on comptait
173 espèces d'animaux vivant dans ces milieux dans les années 1960, seulement
38 espèces peuvent ètre dénombrées aujourd'hui. La population animale et végétale se
transforme en favorisant les espèces plus adaptées à la sécheresse et au sel. Ces espaces
étaient aussi des réserves naturelles de pâture pour le cheptel et des réserves de
roseaux récoltés par les industries.
Il est évident que ces dégradations écologiques et climatiques, ayant incidence sur
l'agriculture, pèseront à terme sur les équilibres géopolitiques fragiles des États d'Asie
centrale. Où l'écologie apparait alors comme un facteur surdéterminant aux situations
géopolitiques ...
Le facteur écologique pèse lui-mênw sur le facteur socio-t'conomique. Les eaux de
la mer d' Aral fournissaient aux péchl"it•s l<Kales des prises annuelles de 45 000 à
50000 tonnes de poisson; plus de 3 000 p••rsonnes etaient occupées par le secteur de la
pêche. Depuis 1982, il n'y a plus dt• pfrhe l·ommerciale et l'économie locale est
dévastée. Les captures sont aujourd'hui né~li~cables t>t dt>s communautés t>ntières de
pêcheurs sont maintenant sans travail. Des villages et des villes, autrefois en bord de
mer, sont m11intenanl à 70 km du littoral. L.l principale ville de cette région, Aral•k, qui
fut 11utrefois un porl important se relrouv., à plus de IOll km de la mer.
Les autorilés locales sont en îait confrontées à un dilemme
environnemenl/éo.."Onnmie qui les cmpë<:he de proct'der à la réorienlalion de leur
agriculture. C'esl en effet la culture du coton qui emploie la majeure partie Je la main
d'oeu\'Tt'! et rapparie le plus d•• devises étrangères. Dans un pays comme l'Ouzbéki•lan
où la croissance démographique est importante, ce facteur est capital. La culture du
coton emploie trente fois plus dt' main d'oeuvre que la culture des céréales, qualrc lm•
plus que la culture des légumes, trois fois plus que la culture dt's fruits . Le colon rcsle
avec l'or et l'énergie la principale recette à l'exportation; en 2000, il représenlail 40 \
des exportations de l'Ouzbékistan .
Rien n 'indique donc que les pays qui contribuent à la disparition du système
hydrographique du bassin de la mer d' Aral changeront radicalement leur polilique
dans les prochaines années. Comment le pourraient ils d'ailleurs, sans des
déstabilisations économiques et donc politiques majeures ?
Nous sommes dans un cercle vicieux. La structure même des économies d'Asie
centrale contribue à aggraver le problème de l' eau, et plus celui-ci s'aggrave, plus
fortes sont les tensions économiques à l'intérieur des États et plus fortes sont les
lensions politiques entre les États.
Le problème du partage de l'eau se pose de plus en plus entre les Etats. En effel,
plus que les précipitations, c'est l'eau des principaux fleuves qui est cruciale pour une
région où le désert prédonùne hormis, dans les zones montagneuses du Tadjikistan el
du Kirghizstan. Les ressources en eau sont très inégalement réparties. Le Tadjikislan et
le Kirghizstan sont a priori nettement privilégiés puisque c'est dans ces deux Etats que
se forment les deux fleuves, soit plus des trois quarts des ressources en eau du bassin
de la mer d'Aral. L'inégalité des ressources est d ' autant plus manifeste que ce sont les
pays situés en aval qui consomment le plus d'eau . Le Turkménistan et l'Ouzbékistan
consomment en effet plus de 80 % des ressources en eau du bassin alors que seulement
10 % de ces mêmes ressources se forment sur le territoire de ces deux Etats.
Premier type de contentieux géopolitique autour de l'eau: les intérêts divergents
entre pays d'amont et pays d'aval. Les pays situés en amont détiennent l'eau, mais ne
possèdent pas de ressources fossiles . Ils voudraient donc développer l'hydroélectricité
pour combler leur manque d'énergie. Mais la production d'hydroélectricité nècessile
des lâchés d'eau en hiver; ceci nuit aux cultures d ' irrigation dans les pays d'aval,
lesquels ont besoin de l'eau au printemps et en êté. Pour permettre aux pays d'aval
d'engranger de bonnes récoltes, les pays d'amont doivent stocker l'eau en hiver mais la
relâcher en été, ce qui ne leur permet pas d'accumuler beaucoup d'hydroélectricilé. Ll's
intéréb; entre les pays situés en amont, Tadjikistan et Kirghizstan divergent donc
totalement de ceux des pays situés en aval, Ouzbékistan et Turkménistan.
Dès 1992, le Kirghizstan, qui possède l'eau mais qui est confronté à des pénuries
d'énergies est passé du "mode irrigation" au "mode énergie". Il s'est mis à effectuer des
lâchés d'eau en hiver ce qui a pénalisé l'Ouzbékistan .
Sous l'ère soviétique, la production de coton pour l'Empire était privilégiée. Les
besoins énergétiques des Kirghizes passaient au seco nd plan. Mais la souverainetc a
amené chaque peuple à considérer son intérêt propre, ce qui, somme toute, est praliqu~
par tous les grands pays. De fait, les tensions autour du partage de l'eau ont augmenté.
Là encore, on ne soulignera jamais assez le fait que les tensions d'aujourd'hui ne
seraient pas aussi exacerbées si le communisme n'avait a ce point spécialiSt'
économiquement les nations (point commun entre le communisme et l'idéologie Je la
gouvernance mondiale) et donc pollué le bassin.
Chapitre 5 . L'I gut?rrl! JL• l'euu 651

Il se trouve donc que les pays ne possédant pas les ressources en eau possèdent des
ressources fossiles. L'Ouzbékistan possede du gaz et le Kazakhstan du charbon. Avec
le Jeveloppement de l'agriculture intensive, le pouvoir soviétique avait mis en place
un système de compensation des ressources, sorte de troc énergie/eau. Ce systi!me
reste en vigueur depuis les indépendances, mais les nouvelles républiques ont parfois
la tentation d'utiliser leur ressource comme un moyen de pression sur leurs voisins. A
titre d'exemple, les livraisons de l'hiver 2000 de charbon kazakh au Kirghiz&tan
n'ayant pas été honorées, le Kirghizstan a réduit, l'été suivant, ses fournitures d'eau et
d'énergie hydroélectrique a son voisin, lequel a répliqué en faisant obstacle au trafic
routier.
Plus graves sont les tensions entre l'Ouzbékistan et le Kirghizstan. L'Ouzbékistan
suspend régulièrement ses livraisons de gaz au Kirghizstan qui le prive d'eau par
mesure de rétorsion. Durant l'hiver 1998-99, par mesure de représailles à la décision
ouzbèk de couper les approvisionnements en gaz, en ouvrant brutalement et
volontairement un réservoir, les Kirghizes ont inondé la majorité des champs de
cultures ouzbeks. Ils ont en plus limité le volume d'eau durant l'été, détruisant ainsi
une bonne partie des cultures.
Les contentieux ne se limitent pas aux seules républiques ex-soviétiques d'Asie
centrale. L'Afghanistan est aussi partie prenante dans les contentieux autour de l'eau.
Il contribue à hauteur de 8 % au débit de I' Amou Daria et est également un pays
d'amont. Ses rivières, la Murgab et la Kotcha alimentent !'Amou Daria. Sous l'ère
soviétique ni l'Afghanistan ni l'Iran ne furent associés à la gestion des eaux des deux
grands fleuves que les Russes considéraient comme uniquement soviétiques.
L'Afghanistan, en se développant aura besoin de produire de l'électricité. Il sera tenté
de faire appel à l'hydroélectricité. Prenant les devants d'une telle perspective,
l'Ouzbékistan a renoué au second semestre 2002 avec l'Afghanistan d'Hamid Karzaï,
lui proposant l'exportation de gaz ouzbek et la fourniture d'électricité. Méme réaction
du Turkménistan qui serait prêt à fournir en électricité la province de Fariab, au nord
de l'Afghanistan.
Lors de la conférence internationale d'aide pour l'Afghanistan, en janvier 2002 à
Tokyo, des scientifiques japonais et américains ont proposé de diviser le volume d'eau
de la mer d'Aral en trois et d'accorder l'équivalent d'un tiers à l'Afgharùstan par une
ponction équivalente sur I' Amou Daria. Ce projet soutenu par les Américains n'a
d'autre intention que d'affoler les pays d'Asie centrale comme le Kazakhstan
(prorusse) et de pousser ceux-ci à faire des efforts conséquents pour financer la
reconstruction de l'Afghanistan. Le chantage fonctionne puisque le Kazakhstan a
proposé de fournir une part de ses récoltes agricoles en contrepartie de l'eau non
utilisée.
Malgré ces contentieux, les États d'Asie centrale sont conscients du Bien commun
que représente l'eau de l'Asie centrale. L'U.R.5.5. avait déjà pris conscience du
problème dans les années 1980 et fixé des limites strictes pour les prélèvements en eau .
Un projet de détournement d'une rivière sibérienne vers l'Asie centrale avait même été
conçu. Après la chute de !'U.R.S.S., la CEi déclara le problème de I' Aral comme étant
d'intérêt publique.
La crise de la mer d ' Ar,11 et de son bassin est maintenant entre les mains des cinq
nations d'Asie centrale. Les Anuvemements ont créé en 1992 le "Conseil des Présidents
des Républiques d'Asie centrale et du K,1zakhstan", aiin de coordonner l.i gestion des
ressource~ dans le bassin. Des rêunions st.• tiennent regulièren,ent au plus haut niveau
afin de conclure certains accords. Les ditïenmce:< de debit d 'eau suivant les saisons, ou
méme annuellement, requièrent une coordination entre les différentes republiques
652

pour pouvoir sh.'ICker certaines réserves d'eau, ceci afin d'assurer un débit continu cl
regulier.
La signature de plusieurs accords au début de lannée 2003 semble signifier que lcs
acteurs de la région font des efforts pour faire taire les diffl'\rends. Les Kazakhs et I"
Kirghizes ont signé en janvier 2000 un accord pour les bassins des rivières Tchou"! ct
Talas, situ~s au Kirghizstan, accord valable pour une durée de cinq ans el
reconductible tacitement. L'élément important réside dans le fait que le Kazakhstan a
accepté de contribuer financièrement au fonctionnement et aux réparations des
installations de ces deux bassins. Pour la première fois depuis l'indépendance, un État
en avol a acœpté ce principe d'exploitation en commun des ressources .
Les autorités essaient de limiter les gaspillages en introduisant des droits sur l'eau,
et en infligeant des amendes à ceux qui utilisent des quantités d'eau dépassant les
seuils fixés pour les exploitations agricoles. Les agriculteurs choisissent eux-mêmes les
plantes à cultiver sur les périmètres d ' irrigation. En conséquence, les plantes cultivées
qui ont de gros besoins d'eau (riz kazakh, coton ouzbek et turkmène) onl élê
partiellement remplacées par d'autres cultures exigeant moins d'eau . Ces changemcnls
peuvent conduire à une réduction des prélèvements en eau mais rendre plus difficiles
la planification et la surveillance de la distribution d'eau .
On tente, avec déjà quelques bons résultats, d ' utiliser de plus grandes quantités
d'eaux de drainage et d'eaux usées agricoles et d'introduire des plantes tolérant miewc
le sel. Environ 6 km3 par an d'eaux de drainage ou d'eaux usées agricoles sonl
directement réutilisées pour l'irrigation et environ 37 km3 par an retournent dans les
dépressions naturelles ou des fleuves où, mélangés à de leau douce, elles peuvent être
réutilisées pour l'irrigation ou à d'autres fins. Bien que ces améliorations aienl permis
de pour.;uivre le développement de l'irrigation, elles sont considérées comme non
durables.
Des signes prometteurs sont par ailleurs signalés dans le delta de I' Amou Daria.
Depuis 1989, un projet en Ouzbékistan utilise le réseau de drainage pour apporter plus
d'eau dans le delta. Cette eau, associée à l'eau douce, a rempli les lacs peu profonds, a
permis la régénération de la flore et de la faune sauvages dans les zones abandonnées
et a stoppê l'érosion éolienne sur le fond du lac exposé.
Ces initiatives prises par des États souverains, lorsqu'ils font preuve d'esprit de
responsabilité, s'avèrent en réalité bien plus efficaces que les multiples initiatives de la
'communauté internationale". Ni le Programme du bassin de la mer d'Aral de la
Banque mondiale, ni le programme WARMAP (Water Resources Managemenl
Program) de l'Union européenne, ni le programme EPIC de l'agence d'aide américaine
n'ont permis d'apporter des solutions. Les approches régionales voulues par les
Nations unies ou l'Europe ont échoué. En Asie centrale comme ailleurs l'approche
"grand régionaliste" et multilatérale échoue sur la diversité des intérêts. Seuls les
coopérations bilatérales parviennent à générer des accords réels. Seule la prise en
compte des intérêts spécifiques de chacun et le sens de la responsabilité d'Étals
souverains conscients du Bien commun que constitue la "ressource eau" peuvenl
apporter demain des solutions durables aux peuples d'Asie centrale. Il en ira de mème
au Moyen-Orient entre la Turquie, la Syrie et l'Irak ou bien e ncore entre Palestiniens ct
Israéliens. Avec, en réalité, un point commun entre les situations centre-asiatique,
proche-orientale, turque : les colonisations russe de l'Asie centrale, israélienne de la
Palestine, turque du Kurdistan ont toutes les trois reposé sur une prise de pouvoir
hydraulique
Chapitre 5. Lo sucrrc de L'eau

2.4. Gange, .Brahmapoutre, Indus: les contentieux entre Iode,


Pakistan. Bangladesh, Népal et Chine•
En Asie du Sud l'eau est abondante mais mal répartie entre les États. Grâce à la
mousson, des pluies abondantes abreuvent largement Je sous-<ontinent indien. Les
chaines de montagnes de !'Himalaya, de l'Hindu Kush, du Karakorum constituent
autant de châteaux d'eau.
La vallée du Gange, les deltas du Gange et du Brahmapoutre consomment des
quantités importantes d'eau (industrie, agriculture, usage domestique). Mais les
Indiens comme les Pakistanais ont su après les Britanniques (depuis 1947 et les
indépendances) gérer leur offre en eau ce qui a permis la Révolution verte en Inde.
Néanmoins, la configuration des fleuves par rapport aux frontièrs a généré des
contentieux entre les États de la région.
Nous considérerons ici les enjeux autour des trois grands fleuves que sont !'Indus,
le Gange et le Brahmapoutre2.
L'État amont est l'Inde. L'inclus coule sur son territoire avant de pénétrer au
Pakistan3. Le Gange4 et le Brahmapoutre5 eux s'écoulent sur de nombreux lem de
plaine indienne avant d'entrer au Bangladesh.
L'lndus et le Brahmapoutre prennent leur source en Chine, au 1ïbet6.
Dans la région, les fleuves et les rivières ne forment des frontières entre les Étais
que sur des segments courts. Le problème géopolitique n'est donc pas de nature
frontalière, il est lié à la question du partage des eaux. Comme l'écrit Alain Lamballe :
"Er1Asie111éridior111lc, les cours d'e1111 s'assimilent à des pénétrantes. S'ils"" conslituml pas
d'obstacles physiques n11:r 111011vemenls intemntionau;r el transnalicmawc, ils posent m rnvndu!,
mire amont el aval, des problèmes d'aménagement d11 t"1'rito1re très difficiles à riscudre• .

Nous allons traiter de cette seule question du partage des eaux (question
géopolitique), mais il faut avoir à l'esprit que l'eau soulève aussi dans la région une
question stratégique de première importance. En 1965 en effet, l'Inde n'a pas hési~ à
utiliser le facteur hydrique comme arme de guerre contre le Pakistan en retenant l'eau
des barrages sur plusieurs rivières et en détruisant les berges de canaux, ce qui a
provoqué l'immobilisation des forces blindées pakistanaises dans la région de Khem
Karan. L'issue d'une bataille a résulté de l'inondation volontaire d'immenses swfaœs7_
Sur la seule question du partage des eaux (outre l'arme stratégique potentielle que
représente le facteur hydrique), l'Inde possède un avantage géopolitique considérable

1 Je rentcR1c le g~ntnll Alain Lamballi:. 5péciahs1c de l'Asie du Sud qu• m 'a procuré unr large doc--=nlablm ....- râbgtt
mie pu1ie. Je me sui5 très lmrgcmcnt inspm~ de so n article trt's cC1mplc1 in1itulë . .. l'eau. saun:ic de oooJbts en Asie du Sud"', pua
dans li rc.rnc Gut·,.11.•.f mmuliuh•.o,; et c ml}llf.t co"f("l1fJ1f'rnin.... n ~ 19~. 2000. r:aris
2 J SIRONNEAU, /. 'i.·u11. nmm:I t"l!Jt:U .f tru1t!1: iqu1· mmuliul, Pons. Economn:.a.. 1996. coU '"Podlc Jiëopohlique·. p. ' '
} L'lndus n1i1 dnns le plalcuu 1ibé1ain. ~ur le \'Cr.iilm Nord Je l ' Hunal~ya . Il coule" sur 3180 km C1 nwrx wa.."n."li''ClllCDI k
Cachcrmrc indien, f'UI A le P11ku1un nù il dminc le Pcnj u'1 (p11)',; dn cinq n\'itrn, I~ ofUuents de 11ndu:sl ~ la rCsion déwr:nique &.
Sind: pu1J il se JC:llc enfin Jon!i 13 met tJ 'Onmn . à Knmch1 , l'une des y:randC'S m~ln'rcio'" Ju Pù.\Sbn.
-4 Le grond fic1..1vc 5t\L'.~ 1.k l"lndc •1ui n11i1 Jnn'I l"llunnl•yn et >1m.1:i.c l\~na.rh. AlltthaNJ et hm.a •\...U<kx~dazt., le CA'1fc
du Omple rarun \/Ute dclto . Sn lon11ueur l!~l Je ::?700 lm , 11 lnl\'Cf':'C' AUCC'C'1UÎ \TTT1CT\I l'lnJC' et le 8anftadct.h
S Nt! .u Tibet qu'il lmvcr..c t1·r::,.1 en Oue!lt (smL'I le ntim 1lr TMn(l Pol. Ir 8rahm11rou1tt draine l"lock orienœ.le (AJMml et \C'
lbnaladcsh où il confond lion dclll• n vc~ t:clu; 1.lu O•nflt' dan!C Ir Cit,lft du fknt1nlc St'f'I CClun C51 de~ qi()() bn. dool 1 )OO mal
na\·1pblrs
6 ~11i!I 11ndU!C ne ro11~Jc sur le p11n:uuri. c hmui!l qu 'un fa ible Jê-hil • ltA Jeu' 1.:<"U"' d 'e:t.u par a111cun; nr îftY'C!ncTll sur k
ltniloire cluno" que des n!t1it1ns peu rcurltcs
7 Alain Lambnllc "lc1' cours d 'i:nu , nn1urel• ou 1u1iflcicl5. J't'll\'COI Jtiucr un n.'lle .:b.n!'i les combals. Uaru tow lfl eu.. ib
1.·urM.lilionnenl en Atie tin Sud. sunnut DU l"nnjah et nu U1m~lad~h . Il\ m1!lr en .ZU\'rc d~ fo!T'Cs "'"'unNhanla.. en ,ta.na ou fac1h1.Ut
le. dlpl1ecmcn111.lc.1 unit"!I n
~ur ses voisins (Pakistan et Bangladesh) dans sa !lituntion d'Étal amont, cl avec de.
ressources s'élcvanl ;\quelques 1 550 km~ .

Le 1·011 Len lieux 111dc/Pnki11tan


Ce 4.."0ntenticux s'articule autour de la question du partage des eaux de l'lndus. Cc
fleuve est l'artère vitale du Pakistan n1ais ellt"" lui est en partie \!Xtéricurc.
La question du pariage est compliquée par la question du Cachemire qui déchire
les deux voisins. L'lndus coule en effet d'ahoni dans le Cachemire indien avanl du
pénétrer dans le Cachemire pakistanais.
Le bassin du fleuve est, pour l'essentiel, sous contrôle de l'Inde car les principaux
affluents viennent du Pendjab oriental. L'origine de cette situation réside dart•
l'indépendance de 1947 qui a coupé en deux le bassin de l'inclus (donc ses affluents)
En 1960 un premier trailé est signé entre les deux pays sur l'utilisation des eaux de
)'Indus d'une part, de ses affluenls d'autre parti.
Voici la répartition des eaux selon le traité de 1960 :
- l'Inde a l'exclusivité sur les eaux des trois rivières tributaires de )'Indus les plus
orientales: la Sutlej, la Beas (elle-même affluent de la Sutlej) et la Ravi.
- Le Pakistan a l'exclusivité sur )' Indus lui-même et sur deux affluents occidenlaux,
la Jhelum et le Chenab.
Aujourd'hui, des canaux font dériver une partie des eaux de I' Indus, de la Jhelum et du
Chenab (utilisés par les Pakistanais) vers la Sutlej et la Ravi (utilisées par les lndiern)
de façon à éviter un tarissement de ces deux rivières tributaires .
Chaque année une commission de !'Indus amène Pakistanais et Indiens à trouver
un terrain d'entente quant aux aménagements compatibles avec l'esprit du tra11é de
1960. Le syslème fonctionne mais des problèmes resurgissent régulièrement.
En effel, dès 1984, l'Inde a aménagé unilatéralement la vallée de la Jhelum dans le
Cachemire indien 2. Le Pakistan considère que l'Inde peut potentiellement, grâce à ce
type d'aménagements, prendre le contrôle de la rivière .
Malgré les difficultés permanentes, le dialogue e xiste et le traité de 1960 a survécu
aux deux guerres indo-pakistanaises (1965 et 1971) .

Le contentieux Inde/ Bangladesh


Comme pour le contentieux entre l'Inde et le Pakistan, l'origine du problème réside
dans la naissance des deux États, Inde et Pakistan . Rappelons que le Pakislan sera
formé, entre 1947et1971, du Pakistan occidental et du Pakistan oriental (laquelle partie
fera sécession pour devenir le Bangladesh). La région du Bengale est donc scindée en
deux en 1947, l'ouesl allant à l'Inde et l'est au Pakistan (oriental) .
En 1960, dans le but de désenvaser son port de Calcutta, l'Inde construil un barrage
sur le Gange à la hauteur de Farraka, provoquant alors un affaiblissemenl du débit Ju
fleuve dans la partie pakislanaise orientale.
Encouragée par l'Inde, le Pakistan orienlal fait sécession en 1971 jusle après la
guerre indo-pakistanaise. Pour autant, New Delhi ne ménage pas son nouveau \•oisin
indépendant et achève en 1974 un canal de dérivation du Gange vers la rivière Huogly
Le Bangladesh voit alors son sud-ouest, où vivent plus de quarante millions de
personnes, entravé dans son développement.

1 Tn.né atgnC: en w:p&embtt: 1960 wus l'éaiuk Lie la Uanquc nium.l1~lc


2 Can.wuction du bun&c de Wular prb ~ SrimyJat .
Qutpllrv 5 UI SU""" de l'eau

En 1996, un accord de trente ans sur le partage des eaux du Gange est signé, mais ni
le Bangladesh, ni les forces nationalistes et religieu!le!J indiennes (le Gange étant
considéré comme le fleuvé sacré de l'Inde) ne s'en contentent.
Les eaux du Brahmapoutre restent également sous-utilisées par le Bangladesh au
regard de ses besoins, lors même que son débit est supérieur à celui du Gange.
la relation entre les deux pays, Inde et Bangladesh, souffre aussi d'un manque de
concerlation à propos des risques de crues; l'Inde tend à conserver pour elle des
données qu'elles jugent stratégiques mais qui pourraient pourtant servir i\ la
prévention de catastrophes humaines 1 . L'Inde a cependant proposé de régler le débit
des deux fleuves, Gange et Brahmapoutre, en construisant un lien par canal2. Un tel
canal pourrait permettre le désenvasement du port de Calcutta. Mais le Bangladesh sy
oppose car la largeur du canal serait telle (800 m) que le pays serait coupé de sa partie
nord .
Dans la relation entre les deux voisins, il existe également une conjugaison des
facteurs eau et identité.
À la fin des années 1950-1960, la réalisation de l'ouvrage hydroélectrique de Kaptai
sur la rivière Karnafuli, dans les Chittagong Hill Tracts, a provoqué l'exode de
populations tribales bouddhistes, les Chakmas, en direction du nord-est indien3. Une
nouvelle vague de migration de Chakmas a été engendrée par la poussée musulmane
concomitante à la construction de barrages dans la région, après 1971 . Au problème
des Chakmans, dont nombreux ont été naturalisés par l'Inde, s'est ajouté le problème
de la pression migratoire clandestine musulmane dans les États du nord-est de l'Inde.
New Delhi, face à cette pression, a alors soutenu un sécessionnisme anti-Bangladesh
dans les Chittagong Hill Tracts. Depuis 1997, un accord a théoriquement mis fin à ce
contentieux identitaire, sur fond d'enjeux hydrauliques'.

Le conteotieu._-x Inde/ Népal


Le Népal est un château d ' eau qui occupe la deuxième place mondiale en matière
de potentiel hydroélectrique (après le Brésil).
Les rivières népalaises, qui coule nt du nord vers le sud dans le Gange, sont
exposées à d'importants risques de débordements pouvant provoquer, en aval, en
Inde, des crues meurtrières 5 . C'est l'une des raisons pour lesquelles l'Inde a toujours
cherché à dicter au Népal son hydropolitique. New Delhi aimerait contrôler les rivières
népalaises pour irriguer ses États d'Uttar Pradesh (traversé par la Sarcla - nom de
Mahakali dans s on parcours indien-, la Ghagra, la Rapti et le Gandak) et de Bihar
traversé par la Kosi. S' agissant des rivières Kosi et Gandak, les deux États ont pu
arriver à s'entendre6 . En revanche, les relations sont plus difficiles à propos de la
rivière Mahakali7. S' appuyant, en tant que successeur de l'Empire britaruùque, sur

1 L' Inde co MidC re notnmmcnt comme c nnfidcnt1clle$ les infonnatio n"So 1ou..:N.ri1 3 r ;\rurmclu.l Pndcsh. Ub tCTnloift C1J111CS11è
('IU'bCh1nc
::? Cnna.1 de '.\24 km d1mt 1:? R s ur le kmllll f'C llu Unn!!l•u k sh .
J L' Anma.: hl11 l'r.ul (':O;h
.4 I.e l[.!ntml Al n1n l.11mllnllc l\Jl•Uh.· ~~ !.:C pruhli.1-mc h"-·:il lcs r;i 1~l n s d ' wu: nlfotiancc plw globale 1iw-dclai du probtftnc de- l' eau
tl Jn lm•mns 11J c nt11111~..: ) c ntn" l'ln1\(' et le: Rnn!o! la..1...' s h : " La. pr~i."(' .k tmup:-s in1•.hCflncs wr ~ Ucs ~au~ dr
b rninti(K mnrilnnc mul i n~c ~"ln .. lluuh: rmr ln ('f1Unlc J 'y V1Hr !i ")' În!il.llOcr Jcs CICTilC11ls Je- l'UT1'C't: dûnotx r.."Oflll:QC sur &es ita
((l(o i llf'IJlOf1cnnnl uu Myannmr c n1rc111:n1 uu lfonslm.J"h un sc numcnt d tffu." J ' alo..."1..'ttlcmca1 par l"lndr ~le sur ln trois ciMCs
•~trr!ll et 11our le quotnènu: 1,:1'i h.~ tnRnlimc "

~Cnics 'llll r.l\1119C'nl llim:c css l'lrcnh:m le T ...1nu nc ru\uis. l' ll uur l'nulcsh. IC' li1har et k lkugalc occu.Jrrual.

b l 1mJe 11 reohini· sur la Kos1 e t le Gan.Jnk rlusicu~ h.:&m1~ i::-. .

'J Le COUl'l' d 'eau JOUc le rttle de frun11i.':f'C' c111n- les dem. poy~. sauf J.J.n• sa J".fhC' ~-
l'a«ord ;mglo-~lals de 1816, et le traité de 1920 donnant possibilité à Londres d•
CON1tniire un barTage au sud de la frontière, l'Inde débuta ses travaux d'irrigation d• la
Mahakali dè 1971 . En 1988, l'Inde achevait sur son territoire, à Tanakpur, la
canstruction d'un barrage. Le Népal obtenait alors, quatre ans plus tard, la
l'l!négoci•tion de l'accord afin d'obtenir en retour une foumiture d'électricité pluo
importante. En 1996, un traité indo-népalais incluant les barrages de Sarda et Tanakpur
et Je projet de Pancheshwar était signé. Mais les mao'lstcs népalais, opposés à cette
"'1tn>te qu'ils jugeaient trop favorable à New Delhi, déclenchèrent une guerre )oc.ale
La question n'est toujours pas réglée car Je Népal. sous pression des forces
nati~istrs et mao'lstes, peine à s'entendre avec l'Inde.

L "enjeu écologique
Alain Lamballe souligne la nécessité d'une coopération multinationale entre l'Inde,
le Bangladesh, le Népal et le Bhoutan, faute de catastrophes à venir :
"Un n,u;Ubrc doit itrr trou~ entre la totalr indépntdatrcc des É.lnls et une ~uwromtli
lerrltorialt! l"1rilh su,. le$ rcs!"Ource-s en t!au, entre Je5 prry~ nmont cl les pays aval . Le!> petits f>'l1J!
,.,,,ctmtTmt dl gnmdes dif!icultC!< po11r fain: 1'•~1dre t"1I com11te par l'Inde /11 sntisfacho11 dt lnin
bauin..•. (. .. )La roop.;rahon s'i"'P""" de plus en plus pour éviter les catnslroplres icol0Riq11ts. u
déjorestllhDn ÎI gnmlk tchelle dans les rigions n1ontagncuses récluit ln capncrté de!> sols a rttmir
,...,,, de p/Mie. U. "'4immtalion pnmO<fuéc par ln défareslntion pose en particulier d 'rnomra
problèmes 11u 81inglas1Lsh qui empi,-.,ronl si rien n 'es t fart. Les inondations, de plus en plus RTllVrS,
mpdrrront une immigration clandestine plu s massivl! vers l'Inde. Seule la coopération des PllYS
tn amont (Inde, Népal el Bitou tan) el leur corrcert11tion avec le Banglades/1 peuvent pmnmrt /JJ
réali.SRtian d'un ambitieux programme de rcl>oise1nenl . La survie du Bnngladcsl1 en dépend commt
tlle dq,cnd aussi de la protection contre le~ raz de marée . "1

Le Tibet et l'eau comme levier de politique chinoise


Le Tibet, province chinoise, est l'origine des trois grands cours d'eau qui irriguent Je
sous-continent indien :
- !'Indus et certains affluents, dont la Sutlej ;
- le Gange et quelques affluents dont la Mahakali ;
- le Brahmapoutre et des tributaires.
Déjà, en contrôlant une partie de 1' Aksaï Chin (nord du Cachemire) dans les années
1950, Pékin avait établi une continuité entre le Xinjiang et le Tibet pesant ainsi sur le
Ladakh indien. Avec le contrôle du Tibet, Pékin contrôle la vallée de !'Indus et ce
contrôle est accepté de facto par la reconnaissance indienne de la souveraineté chinoise
surie Tibet.
Pékin n'est pas directement mêlé aux contentieux hydriques des pays du sous-
continent indien. Mais la Chine peut jouer un rôle de levier sur ces conflits. Elle peut
ainsi choisir de consolider la position des petits pays (Bangladesh et Népal) face .1
l'Inde. La marge de manœuvre est cependant limitée puisque toute réduction opér~
par les Chinois sur les cours d'eau indiens frapperait en même temps les pays situés en
aval de l'Inde, donc l'allié pakistanais.
Carte 84 : Les religions en Inde, au Pakistan, et au Sri-Lanka .

1 Alain Lunbllllc.. L'e1u. IOUl1:0 de COIJOill m A1i~ du Sud, 1n u <iucncs momhulci. el co11n1t1 cv111cm(l0rnin1 "· n° 19S, 100J
Chnpltre 5. L.i gul'rrc dl' l'eau 651

2.5. Le Nil : Égypte, Soudan, Éthiopie et pays d'Afrique noire


"L'ÉJlyplee~I u11 do11 du Nil"

Ht'>rodolc

Pour cette section consacrée aux conflits autour des eaux du Nil, nous renvoyons
au prt'>alable à la lecture de la section "Géopolitique des cataractr9" - dall!I "La fonction
géopolitique du fleuve" - qui est un rappel des étapes historiques de la conquête du
Nd par les Égyptiens, des pharaons à nos jours.
Nous suivons le cours du fleuve 1 , en partant de ses sources, pour comprendre le
rivalit«!s qui opposent les différents pays riverains.

Système généti<fUC du Nil, Nil blanc, Nil bleu, Nil, pays riverains
Le Nil est la rencontre du Nil blanc originaire des Grands Lacs d'Afrique centrale et
du Nil bleu formé en Éthiopie.
La source du Nil blanc se trouve près du lac Kivu, entre le Rwanda et le Congo-
Z1Ire. Un réseau complexe court de la source du Nil jusqu'à la Kagera rivière qui se
jelte dans le lac Victoria ; le Nil Victoria ressort de ce lac et court vers le lac Albert;
parlant ensuite vers le Nord, le Nil Albert devient le Nil blanc.
On peut estimer que l'ensemble des sources du Nil blanc est issu du système
complexe des Grands Lacs2 - les rivières affluentes ainsi que les lacs eux-mêmes -
autour desquels gravitent six pays d'Afrique centrale : le Burundi, le Rwanda, le
Congo-Zaîre, la Tanzanie, le Kenya et l'Ouganda. Venu des Grands Lacs, le Nil blanc se
dirige vers le Nord ; il traverse l'Ouganda puis le Soudan.
A Khartoum, le Nil bleu venu d'Éthiopie converge avec le Nil blanc pour former le
Nil bientôt rejoint par un autre affluent éthiopien important: la rivil!Te Atbara.
Le Nil s'engage en Égypte au rùveau de la deuxième cataracte - nous renvoyons à
la section intitulée "Géopolitique des cataractes". Après Assouan - le débit d'arrivée
du Nil à Assouan est de 84 milliards de m3/an - où un grand barrage permet de
réguler les crues périodiques, le Nil s'encaisse dans des déserts et creuse une vallée
ferlile grâce au limon déposé lors de la crue d'été. La vallée du Nil est large de 10 à
25 km . Un delta, immense et formé de marécages, débute au niveau du Caire jusqu'à la
Méditerranée, au terme d'un périple de 6 671 km dont 3 000 km à travers le Sahara
- où il forrne la plus grande oasis du monde.
L'essentiel du débit du Nil, plus de 85 %, vient des montagnes éthiopiermes où se
forment le Nil bleu et l'Atbara.
On imagine donc logiquement que le contentieux entre les États en aval de l'Égypte
el du Soudan se fait essentiellement avec l'État-amont éthiopien plutôt qu'avec les États
en amont d'Afrique noire - Nil blanc. Cependant, les pompages sur le Nil blanc sont
aussi un motif d'inquiétude de Khartoum et du Caire.

1 .. I.e rlm Ion~ lh:uvc tl11 m11mk dmin l! 'i llr 'C<i t'lh71 km un mm~1 ~ h11,.., in J7U 000 lmt= - . panaat dt~ ioCplc eu~
1fllf P"Y" llu ~ ml 1111 nunJ. il tra\ Cr!>'' s 111.: n · ,.:o.1\ "·m t· n1 1n11' J:mml,. d l•rnamc ' c hm11t1qult'~ Io zonC' cquatorialc: en Atnque oric:ntak.
'1 111nc irorm:nlc •Wl'\.' !<o il d11uhl c \ "IUllmlc lmmult• ri s~· hc "°' le dt~Jt ~h.1ricn lti\'UU de ~ Jeter dalt. la Mtd\tcnaDèC'."". io
ï . M U TIN , / . '••1t111/mn /1• m r1nd1· 11101/lc·. Pnn .-.. Elhro;'-' !<o , ::!IKM.l, 11 41-·17 .

~ A. . IJUl.AIT, t· T l Il 1AI . /.,. .\lm·,·" -0,.ù 111 d /',·,w , n1ppur1 du l 'entre Jr: R i! flcAlOn C'l d'Êrude "w l..:s prob~
n1cmati111U&ll), , S~nol. Juin 2000, p. 1~- -'.:!
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...-------".....
1
-...
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__ ,.llÉ~UBLIQUE ------,,

DÉMOCRATIQUE
DL: CONGO

'-. cataractes
c=.;m barrages
...... A canal de JongJci
..._. B canal de Touchka
• .. • marais 96 . Le bassin du Nil
659

Le bassin du Nil concerne les 100 millions d 'habitants des pays d'Afrique des
Grands Lacs, du Soudan, de l'Éthiopie, et de l'Égypte et s'étend sur 3 millions de km2,
soit 1/10'' de la surface de l'Afrique où les enjeux autour de l'eau sont considérablesl.

Lt> pompage en amont du Nil hlanc: Ouganda, Tanzanit~, Kenya


L'Ouganda est un pays riche en eau. Cette richesse est d'ailleurs l'une des raisons
pour lesquelles les organisations s ionistes du début du siècle avaient envisagé un
1noment de choisir le territoire ougandais pour l'implantation de colonies juives2,
l'Ouganda disposant d 'un accès précieux sur le lac Victoria. Ses besoins en eau sont
croissants, du fait de son accroissement démographique : 8 millions d'habitants en
1950, plus de 22 millions en 2000. Kampala envisage d 'utiliser les ea ux du lac Victoria
e t des affluents du Nil blanc pour irriguer 150 km2 de terres cultivables .
Le Kenya et la Tanzanie ont connu aussi de forts accroissements démographiques;
ils souhaitent augmenter ln s uperficie des terres irriguées: 200 km2 pour la Tanzanie,
50 km~ pour le Kenya .
La perspec tive de pompages massifs d e la part des pays des Grands Lacs inquiète
le Soudan et l'Égy pte, et ce d'autant qu'ils disposent de peu de moyens pour faire
pression sur les capitales africaines concernées; leur éloignement géographique
empèche d 'imaginer une quelconque intervention militaire.

L es projets de l'Éthiopie: une menace pour l'Égypte


L'Éthiopie con s titue 85 % du débit du Nil, un apport largement supérieur à celui du
Nil blanc d'Afrique centraJe3. Pour l'heure, seul 0,5 % du débit du cours d'eau
traversant Je pays est utilisé. M a is la population éthiopienne s'est considérablement
accrue, passant de 18 à 62 millions d'habitants entre 1950 et 2000, et ce malgré la perte
de l'Érythrée qui a accédé à l'indépendance en 1993. Deux objectifs sont poursuivis par
Addis-Abeba : augmenter très fortement la surface irriguée - de près de 1,5 million
d 'ha dans le nord-ouest du pays, à la frontière avec le Soudan, dans la région de
Guba - ; et développer la production d'électricité en utilisant les capacités
hydrauliques du pays .
L'Égypte et l'Éthiopie se sont toujours opposées du point de vue géopolitique, à
propos du Nil donc, mais aussi à propos du contrôle exercé sur la mer Rouge. Ces
deux antagonismes se s ont aggravés durant la Guerre froide. Lorsque l'Égy pte était
pro-soviétique, l'Éthiopie était pro-américaine et lorsque l 'Éthiopie devint pro-
soviétique, l 'Égypte redevint pro-occidentale.
Les projets éthiopiens sont d'autant plus inacceptables pour l'Égypte qu'ils viennent
contrecarrer les projets hydrauliques d e l'Égypte destinés à développer de nouvelles
régions égyptiennes.
La rivalité entre l'Éthiopie et l'Égypte s'inscrit dans une logique d 'alliance plus
vaste4. Le Caire - comme Khartoum - reproche à Addis-Abeba son rapprochement
avec Tel-Aviv . Depuis sa création, Israël n'a cessé de rechercher cette alliance avec
l'Éthiopie, comme d'ailleurs avec l'Ouganda, car elle y voyait le moyen de prendre à
revers le monde arabe. Dans les années 1990, la reprise des relations diplomatiques

1 G .A LEBOS . "La va llée du Nil" in L t!.\ C"l1i11r.'> d <· l'Orient. 1996, n° 44 : "La bataille de l'or bl eu", p. 85 - 10.S ; H. AYES.
"U vallée du Nil. un grand axe géop o litique '' in Mom/C' uruht• Ma>:/,,.C'h A-lachn•k, ocl. dCccmbrc 199 2. n" IJR .
2 A DULAIT. F . THUAL. Le Aluy1'11-0rit'11t <'f l't:uu. rapport du Ccn1rc de RCncx1on et d'I:tuüc s ur les pro bl è-mcs
1nt~-mat1onaux .
Sénat, Jum 2000, p . 2 J.
3 !dl!m. p. 17-20.
4 A. CHAUPRADE. f . THUAL, D1àimmail't: "'' géupuliriqtte, 2.: éd .. Pads. Ellipses, 1999 : artich:s "Ë1hiopic:''. "Egypte"_
s'est faite sur la hase d'un .1ccnrd entre Tel-Aviv et Addis-Abeba autorisanl
l'immigration des populations foladMs - populations d'Éthiopie considérée• comme
Juives - en lsral'l en •'change de l'aide isrdélicnnc pour la construction de barrage. •ur
lt! Nt1 bleu et Sl."S .ltfluents.
Le Caire et Add1s-Al~b" .1ppment leur position respective sur deux mterprétallnns
du droit international 'lui s'opposent : pour Le Caire, le Nil est un neuve international,
••U il est oavignble sur de larges portions de son territoire national; le droit
intemallon.il n..'t:'ontnlanderait donc une gestion conce rté e des ressources en amont
l 'Ethiopie au contraire, considérant que le Nil n'est pas un fleuve navigable car il ne
l'est pas sur une très large portion de son cours - et notamment le Nil bleu en
Éthiopie - s'estime en droit de procéder aux aménagements qu'elle estime d'intér~t
national.
Refusant l'idee de gestion commune, l'Éthiopie a dénoncé l'accord de 1959 sur le
partage des eaux du Nil, entre le Soudan et l'Égypte• .

La rivalité entre le Soudan et l'Éthiopie


l 'Etat amont est l'Éthiopie ; l'État-aval, le Soudan.
la rivalité est marquée d'une part par la même inquiétude du Soudan que celle de
l'Égypte à propos des projets éthiopiens sur le Nil bleu - nous ne revenons donc pas
dessus-, d'autre part par l'appui que l'Éthiopie a longtemps apporté aux rebelles
sudistes chrétiens et animistes du Sud-Soudan contre le pouvoir nordiste et musulman
de Khartoum . Cette ingérence dans les affaires soudanaises a contribué à entraver les
projets soudanais d 'aménagement du Nil blanc dans le sud du pays2.
Dans les années 1970, les autorités soudanaises, confrontées à la pénurie croissante
en eau décident de l'aménagement du Sud dans la cuvette du haut Nil blanc. Cette
région est constituée d'immenses marécages et le Nord arabo-musulman ne parvient
pas à exercer son contrôle sur le Sud négro-africain, chrétien et animiste, appuyé par
l'Ouganda'.
Le gouvernement de Khartoum décide le percement du canal de jongli qui doit
faciliter l'écoulement des eaux grâce à un nouveau lit de 360 km à travers la boucle du
Nil blanc. Le projet présente deux avantages essentiels aux yeux du pouvoir:
- l'un est lié à l'éconorrùe de la ressource : le raccourci limite l'évaporation
considérable et doit faire gagner 4,5 milliards de mJ d 'eau par an ;
- l'autre a des conséquences politiques: une meilleure navigation sur le canal doit
permettre à l'armée soudanaise de mieux pénétrer le Sud . Le canal de Jongli serait en
plus doublé d'une voie ferrée et d'une route qui désenclaveraient le Sud et initieraient
un vaste mouvement de colonisation arabo-musulmane du Nord vers le Sud.
L'Éthiopie s'oppose à sa manière à un projet qui conduirait une installation massi"e
de l'Islam à proximité de son territoire - alors que le pouvoir éthiopien s'efforce de
préserver son équilibre géopolitique interne en maintenant en minorité l'ethnie
musulmane des Oromos. Addis-Abeba décida de soutenir John Garang et ses hommes
contre Khartoum .
La guerre civile qui règne depuis plus de vingt ans dans le sud du Soudan a stoppé
les travaux - elle a fait plus de 1,5 million de morts - ; il reste une centaine de
kilomètres à percer aujourd'hui pour finir les travaux .

1 Ci MUTIN. L ·,.au dum I r muruk CJrtJht! , Pan,. Ellip!aiCs , 2000 . p. SK


2 Idem. p S•-60
) J M . BALENCIE, A . de LA GRANG E , Afo11JL·.f rL•b.-11'.•!f (cu:IL'rtr.i,; . nm}IU~ · ·r ' 'Îll h ·m ·n · 1m litÎIJto'.f) , l'ans, Mid11\on , llNri.
l. 1 · Am&iquca, Afnquc. p 470-4lf4
Chapitre 5. La guerre de l'eau 661

L'Égypte est également victime de l'échec du canal de Jongli. Comme Khartoum,


elle soupçonne l'Éthiopie de rêver d 'un Étal satellite du Sud-Soudan qui lui donnerait
le contrôle des deux Nil : après le Nil bleu, le Nil blanc.

Une guerre du Nil ?


Le contentieux sur Je partage des eaux peut-il déboucher sur un conflit armé 7 Trois
raisons permettent d'émettre des réserve" quant à la forte probabilité d'une guerre
autour de l'eau :
- les forces soudanaises ne sont pas en mesure d'affronter l'Éthiopie et celle-ci est
trop éloignée du théâtre soudanais pour qu'une opération directe soit envisageable;
- l'Éthiopie n 'a guère avancé dans ses projets d 'aménagement hydrauJique ; le débit
du Nil bleu n'est pas encore sensiblement affecté et les répercu55ions restent faibles 5tU
le Soudan et l'Égypte ;
- les dissensions existent aussi entre l'Égypte, proche des intérêts américains - elle
reçoit une aide américaine au développement conséquente - et le Soudan
farouchement anti-occidental, qui soutient l'lran et une frange islamiste.
Cependant, en 2000, dans la guerre qui oppose l'Éthiopie et l'Érythrée, le Soudan
s'est rapproché de cette demière, à la satisfaction du Caire. L'Éthiopie est désormais de
plus en plus isolée . Et ce d 'a utant qu'lsrai!I semble avoir opté pour l'alliance avec les
Érythréens afin de prendre pied en mer Rouge - au détriment notamment des
Yéménites, comme l'a montré Je conflit autour des iles Hanisch en 1993.

2 . 6. ÉJérnents de droit international sur Je partage des eaux;


principaux traités et accords'
Les fleuves internationaux ne servant pas uniquement à la navigation et au
commerce international, le droit international a statué sur le bien-fondé des
aménagements apportés aux fleuves par les États, en vue de l'irrigation ou/et de la
production d'électricité.
Il existe de nombreuses conventions particulières ou traités entre États qui règlent
la question des aménagements et du partage des eaux. Le droit général n 'est pas encore
établi en la matière, mais l'étude de la jurisprudence montre que certains principes
s'affirment que nous pouvons résumer de la manière suh-ante _ il existe une
communauté de droits et d 'intérêts entre les riverains d'un fleuve international ; les
États concemés doivent donc aboutir à une utilisation raisonnable et équitable du
cours d'eau intemationaJ2.

1 N. QUOC DINll , P DAILLET. A . PELLET. Drou 1n1enuiriaJ11alpMhl'4 , S H .• P&l'U.. L(iDJ , I~ . p l 1~1150 .


2 "En 1966, l'Assocuahun dC' Dro11 lnlcnuuional n:tmac i. Helsinki• d~fin1LIootlM4c ~ ~ ~ ~ cocmair
u.ne zone 1toJJRph1quc s'é1c ru.lan1 '.5Ur Jeu1 nu plusicun Eu.u ci ddcnninoi: pu la linU1cs de rmtt ..t~ du ~
tlydroif1ph1q11c. coux de surfocc c1 eaux sou1crninn comprises. io'â"'UUl&nl Jam wn roUC\.."U'\IJ commun E.o 1'170. r~
1éne,.lc de l'O .N .U 1111 churMé la C nmm1ssiun Ju Oroh 1n1cm..11onal d'm~ T~ du dn:MI n:L.af MPi 1.1rillAlioM da wc:a
d'caua inlcma1ionalcs • Jcli lins uut~ 'l"" Io n.111\·11anon, en \"UC .Ju ôt-vcl~1 prupau( C1 Ji: IA l'Odwfic::Kkm dir cc dn:iil' [ .. . I
Un pttmier ('rojcl a ~té pres c iu~ en l 99l na: le ~ pnn.:1f'Jd su1\"ants ·
•(la d~rin i llon Ju hn!>s în de tlmmng.: · J un ha ssrn Je dr.111~ 1nh:m11thJnal csc une .cun..: ~Nluc ··~a MU diN.1 ou
plw icuni F.lats et détcnmn& pur les limite:. de l'a1n: U'uhmcn1a1111n Ju systtnK" h ) '1f1.,t1n.t1h)q ~. n~ Je surbrt;c et csu..' ~

compriK•, a\~cuulnnl du.ns un 1:nllc-c1cur cmonmn .


• { .. . 1 1uu1 lftal Ju bns.ain tt Jn.111 suri.un h:n1toin: a uoc 1Mn na1.3'41nnablc et C\{Uitablc .à l'utili:qhuo •~~~ .-. Cl9&:1 dal
bauin Je dnun1t1ic: 11ucmu1i,1nul •
• ( .. . ) 111 Jé1t:rmmu1inn lie ..:c 1.1u'c.:s1 mu.: 1w.i.rt rJisunnubh: et 1.'1uiwbk M: f111t .i La IWJu~ de ~ le. fa.::llNh pclWlll:lllb Jlm
d'8quc: ciu. pnniculicr ... iu G . MUTIN, L \:uu ,4Jm J,· nu.. f'kÂ.· ,uu~. l._n,., füh('SC:i.. ~ooo . r-~7 .
Citons •1uelqm•s accords entre les Éto1ts qunnt au pilrtilge des eaux :
-41Cl'Ord ,fo l'Espai,'lle et du Portugal du 11 aClùt 1927 relatif au Duero;
. n•m·,•ntil'n entre lil Fr.1m'\', l'Allemagne et le Luxembourg du 27 octobre 1956
relatif;\ 1.1 l'l·fosl'lll' ;
. trait._< enttt lt•s Etats-Unis et le C.mada de 1961 - cClmplété en 1964 - pour la
ml~ en ,.,,1,•ur du b..1ssin du neuve Columbia ; k•s deux Étnts ont décidé de la
l'Oll!llmction dt• plusieurs barragt.>s et du partage de la production d'hydroélectricité;
li!S États-Unis ••nt reconnu le droit au Cnnada d'effectuer les dérivations qu'il
re\'emfü1uait ;
- les Ét.1ts-Unis et le Mexique se sont entendus sur le partage des eaux du Rio
Grande t>t du Colorado, en vertu du principe de l'eq11itnble 11portio11111e11t;
- tralti' de Brnsilia du 23 avril 1969 pour la mise en valeur du bassin de la Plata;
- traité du 19 septembre 1%0 enl:Te l'Inde et le Pakistan à propos du partage
inégal - dl'S l'aux de !'Indus; nous avons vu cependant que le traité n'a pas résolu le
contentieux ;
- accord du 5 novembre 19n pour le partage des eaux du Gange, entre l'Inde et le
Bangl.1desh, Il la suite de la crise du barrage de Faraka. Ce traité a été renouvelé
difficilement en 1982 et 1984; là encore les contentieux géopolitiques restent forts;
- accord du 11 novembre 1959 entre l'Égypte et le Soudan portant sur les eaux du
Nil : en échange d'une augmentation importante du volume d'eau qui lui était allouée
pour l'irrigation - accord anglo-égyptien de 1929 - , le Soudan accepte que l'Égypte
construise le barrage d'Assouan ; celui-ci est achevé en 1970.
Nombre d'États privilégient le droit international au conflit armé dans le cas d'un
contentieux autour de l'eau ; il est néanmoins vrai que le dialogue et la patience sont
plus aisés à pratiquer pour certains États que pour d'autres.
Un exemple de contentieux réglé par le droit fut l'affaire du Lac Lanoux entre la
Franœ et l'Espagne, jugée en 1957 par le Tribunal international : l'Espagne protestait
contre le projet d'E.D.F. de détourner l'eau du Lac Lanoux - Pyrénées - qui se
déversait vers l'Espagne. Pour compenser ce prélèvement, la France avait prévu une
galerie souterraine permettant la restitution de l'eau détournée à l'Espagne. Le
Tribunal, se fondant sur un traité franco-espagnol de 1866, trancha en faveur de la
France.

3. Partage des eaux, et logique de frontière

Ce n'est pas toujours dans une rivalité entre un État amont et un État-aval que <e
noue le contentieux géopolitique autour de l'eau . En effet, nombreux sont les fleuves
contigus - internationaux ou non - qui font office de frontière entre deux États. La
volonté de contrôle de l'eau peut alors déboucher sur un conflit frontalierl .

1 E.a 1916, Ja&:ql.IC'S Anccl â0Ul1~1 1'1mporunc.: ûu flcuvc-frun1 1i:rc Jans. les ..:onl111s J'ArnCrique li1l1nc : - 1.c!\ flcu\·n M>08dea
~dit pnptwds ln11~ Sur IC'U15 riYC$. dans l'Amérique Ju Sud. la bntallh: CSI t:nl.li!nm-1uc Les frontière!\ J 'f:tn.1s rcrroJuiind
ln liautn admmiltnllYn dC"S VKe-ruyautês npagnolc-s , Nuuvclh:-Gn:nJ.dc. l'.!ro u . lu J•lulU . Cc!I J1., i§mn!I d111cn1 J 'un 1cmrs uu J'C'fl
1e pMaJt ck cartes pn!cis.cs. Les ncu ... cs cux -mêm.:s sont mMublcs . le cuurs cn vunc. s cion les ~u1s1 1ns . les wmièn; . n ·oo ces

COOLc:StatiŒJj (nmlahc:n=s, dunl l'rnumtra11on est mstnu.:ti ••t: : Ar~cntîn c- lhC s 1l . IH 1>1 ; Culomh1c-VCnt:;ru~fo. IJC9.\ lkihH"'
Pan,gu.)·. IM9S : \'C'DC'zucla-Guyarlc' Ulgb.LSC , IK'il7 . Br~s1l-( i uy unc lrarn;;u sc, IH. 1}11 . Buh v ic · P~nm ·llnh·Ar1ic111mc , IYO~ , Hri'lll·
&linc. 1903 ; 8rU1J.(juymw &nj:l..l.e. IY04, Uoh,,.1c-l•trou , l'J04J . ,_.-4uatcur-Pému. 1924 , Bré~il-J urnMu11 y,
1
19~7 . Uoh\K·
Pwa&uay, 19)2 ; Boli"·1c- ..Crou d C.'olombic-Ptrou. llJB L'É4u.1tcur cl le P é rou se d1srrn1cnl lu li1c.tnc du Mun.mon lUf'ltnNI.
l'A.mal.oDc', apft de muJ11pln. prUWt:ola -- 1 KJ0-19 l(J . . 4u1 ne flUr"'o' lnFClll r as 1\ lhcr hl llHllC de rrulagc c.h:1' C'lllUo Le l'&rqlU) c1
rArvœWw te qurrellcnl wr ln coun du Pilconwyu . afTI~nl du Puruguuy ; les 1r11irés 1H7<1· I K7K ne mcnli1Mmcn1 qiK k
P1k4.ml8yu. qui • &kw. br.mcho. Yns s"'cifia 1.Aqucllc La Ouyum: frJm;uisc cl le Hr61l rurcnl vugucmcnt Jtluni1H 41..1 1r.i11c
Chapll"' 5. U. gu.,rre de l'eau

3.1. Méthode du talweg pour établir la frontière


Av4nt de poursuivre la lecture, il est important de !le remettre à l'esprit la
signification du tnlweg. Nous avons déjà eu l'occasion, à deux repri5e5, dans les &«tians
consacrêes à la montagne et au fleuve, de développer la notion de talwrg. AWllli
invitons nous le lecteur à s'y reporter.

3.2. Quelques exemples de frontières qui suivent les cours d'eau


Nombreux sont les cas où les frontières épousent les fleuves : ainsi en est-il du Rhin
entre la France et l'Allemagne, ou du Rio Grande entre le Mexique et les États-Unis. Sur
le Rhin, on a souvent opposé la conception française qui fait du Rhin une frontière
naturelle, à la conception allemande qui fait du fleuve un bassin géographique
cohérent et non une ligne de séparation. La conception française découle du droit
romain qui limite chaque pays sur sa propre rive - Rhenus e:r una npa Ga//iae, e:r altno.
Gen11n11iae - et fait du fleuve lui-même une zone neutre - res nul/ius.
Les deux conceptions s'affrontèrent durant l'histoire. À la fin de la Guerre de Trente
Ans, par l'un des traités de Westphaliel, la France atteint le Rhin : la limite de
souveraineté est le talweg du bras principal du Rhin. Mais la défaite de la Franœ
napoléonienne en 1815 donne de nouveau les deux rives aux Allemands2. L'échec à
Sedan en 1870 fait reculer encore la France qui perd sa frontière rhénane avec l'Alsace.
Le Traité de Versailles de 1919 restaure la limite de souveraineté par le lo.lwrg. Qui plus
est, il assure la liberté de navigation non seulement sur Je Rhin mais aussi sur !"Elbe,
!'Oder, la Moselle et Je Danube.
- la Russie dans sa partie sibérienne et la Chine dans sa partie mandchoue sont
séparées par les fleuves Amour3 et Oussouri 4 - affluent de l'Amour - ;
- la fameuse ligne Oder-Neisse entre la Pologne et l'Allemagne n'est rien d'autre
que la frontière formée par l'Oder et le Neisse et choisie en 19'i5 pour séparer les
territoires de l'Allemagne de l'Est et de la Pologne - Conférence de Berlin du 2 août
1945. Cette ligne qui était aussi la frontière de l'O.T.A .N. ne l'est plus depuis 1999 : en
intégrant la Pologne, !'Alliance atlantique a franchi !'Oder-Neisse - qui fait alors
figure de Rubicon pour la Russie.

3.3. Le Chatt el Arab. entre Irak et Iran


Depuis le XVIe siècle, les Arabes de Mésopotamie et les Perses s'opposent quant au
partage des eaux du Chatt el Arab - qui est la réunion du Tigre et de l'Euphrate5.

d'\Jtttchl de 1713. Les alluvions de t'Amnzonc, Ill violence du nux Rndcnt a.~ Uuabk. ks cmboudturcs dam...- les 1111
~ Cl les lacs inti!ricur.l mobile~ . Dan!< son 1n~moirc de 1899, l'c~pcn fnmçm~ Vidal de a. Blllcbc. dl!:moalra qw .. TmSe
Vîncml-Pinron' du trnilt! avoil ~I~ o hl&tn1ée rar cc trav11.il d 'ancniucmcTll. Cependant la décWoa arl>ttnJc du C~1 Rd&!nl millie
fiu 11 fruntit:re d l'Oyapuk. é. 350 km uu Nunl . Une smuliluJc de num.. llf'PUfft RU Jcs ~ mctenDCS et amprêcm:s. !G"Yit. de
bae à l'artiitroicc de 1900 '', in J ANCE L. GétJ/t.t1/11iqm·. Pari!>, Odq:n1,c. l~.\f\, r . 7~-7t>
1 24 1.Klobrc h\4H .
2 Tr9ili! de Vic:nnc du 9 jum 1R1 S
3 P. VIDAL DE LA ULACllE , L. G1\LLOIS d tr-. U .."t1>:1UJ•h11· u11n ...·r'.'dk, Puu. Arm&Dd Colia.. 1027-lliUS P CAMtiNA
D'ALMEJOA. 1. V : Ê'"'-.: oh• Io H'1ltiqu1·. Rw s1c. IQ.\:?
<I Jtkm. J . SION , t JX• · .·h l.- Jr:' i\h•N.umu C hute. J.ip.,11. l~lS .
J "La Chan cl Arah n!9ultc do ln conflucncr du Till.ri:= n de rE_.,...,et<'OU\r sur 2~~ lr:m l uawn•~dlta ~~
Aputir d\m poinl stlu~ D. une dtzame ùc kilum~lt'C,. :au ruud air ~. li tier1 de- supp.111 à .. ~ _. YnC" ccmaiDe dl:
Entre 1658 et 1913, les Ottomans ne parviennent pas à s'entendre avec la Pel"S<' à cc
prof><>$. En 1913 toutefois, un accord est signé qui donne avantage à l'Irak quant i'I IJ
fixation de la frontière : on n'utilise pas la technique du talweg, mais celle des bas5e9
eaux du ro~ persan. L'Irak obtient alors le contrôle de la navigation. En juillet 1937,
l'Irak progresse encore : la frontière est repoussée au terme d'un "pacte d 'amitié" à la
rive iraniennel . L'Irak dispose alors de la voie d'eau et peut percevoir des redevances
sur la navigation. En 1959, le Shah d'Iran rejette unilatéralement le traité de 1937 et
demandl' un nouvel accord conforme au principe comn1un du droit international, la
détennination de la frontière par la méthode du tnlweg2.
Au début des années 1970, des troubles dans le Kurdistan irakien gênent le pouvoir
de Bagdad. L'Iran saisit l'occasion pour occuper trois îlots du détroit d'Ormuz et oblige
l'Irak à signer en position de faiblesse les accords d ' Alger, le 6 mars 1975. L'Irak accepte
la délimitation par le tnltt>eg et perd les ilots d'Orrnuz.
En 1979, la Révolution islamique en Iran contribue à dégrader sérieusement les
relations des deux pays. Dès 1980, l'armée irakienne se lance à la reconquête des ilots
d 'Onnuz et du Cl\att el Arab.
La guerre Iran-Irak dure quatre ans et cause des pertes énormes de part et d'autres
- 1,5 million de mort pour chaque pays3 . Nous avons pu souligner, dans la première
partie de l'ouvrage, que cette guerre sortait du cadre clas sique de la Guerre froide; elle
exprime en premier lieu la rivalité ancestrale de deux peuples qui s 'opposèrent
toujours ; le Chatt el Arab étant un élément, parmi d'autres de la rivalité irak~
iranienne; la question de la déstabilisation de l'Irak par le chiisme et de sa
contamination par la Révolution islamique - plus de la moitié de la population
irakienne est chiite - pesèrent au moins autant dans la balance que le Chatt el Arab
lul-mème-'; de même l'Irak souhaitait récupérer la province arabe du Khouzistan
conquise par les Perses.
À l'issue du conflit, les armées doivent se retirer sur une frontière
internationalement reconnue. La résolution 598 du Conseil de Sécurité des Nations
unies détermine un partage équitable des eaux du Chatt-el A.rab. Aucun des deux États
ne doit chercher à prendre le contrôle stratégique du fleuve .

L'Irak n'a donc guère eu plus de chance dans la question du Chatt el Arab que dans
celle du débit des eaux du Tigre et de !'Euphrate sérieusement diminués par les
politiques turque et syrienne.
Carte 74 : Irak : situation des populations, densités, zones d'exclusion

k:ilomèln:s. Sa iargcur tnOyCDnC' C'5t de SOO m. :iu dn>il de Buroh.". ln M . FOUCHER , Frmru e l fnmtJère.f . un '°'" Ju ...,,.,t
"'-'"-· r ed.. ....... fayard, 1994. p. lS9
1 /dnlt. p. )60. pour rhistoriqu.c complet du pn::abl~e du Chan el Arnb
2 J . SJRON'NEA U. t·~uu. nnuwl l!nJeu Jtrot~g1que mon.Jiu/. P 11ris. Ec unomu:a . IQ96. coll " Poc he gcopol it1quc-'" . p ]~

3 D CHEV"1.LIER. A . MIQUEL dir.. Lc1 A,.ah.!:1 (du m enuJlt' u l'hi w uir d. Pa.ri s. Fay nnl, 1'>95 . p 5 H ~S3 1 )

4 Il nr: Cau1 ccpcndanl pas pcnstt que le C hAn el Ar.ab ~I la c:0&us c un1qu~ Ju co nl111 . les conh:nt1eu.~ sont muhiph:s . ·A~
~ bypoe:bë::M: Knll ne RtCDU' que da l'actcun ...·alablcs  une ~ uh: êc:hdlc C et Ckmcnr cs1 h icn rirëscnl J.3.ru. la J«w,Jn &
~ l91JO. ftllUJ I• ~cndîc:a1 ion lCTritorialc fut :ibandonnëe :irrc::!I m a t 1QM:! lor"Jquc le!! lmrucn! cunm1 ~pns AbaJ.atd

K.hofnm:lbahr et ~YT"ê lrtU trrntmn:. 11 C"lill eg.nlcmcnl éUlbli que les t11rigca nts 1.k ~11gtfall sauh11îtoien1 Ch>uITcr f.bns l'i%Uf imt
rtvo!Ul&OD p>litJco-ttlÎISJeu5e qui aunut pu srf'fir de mudé- lc auJl l.: hHla 1rak1cns muJunlom~ ~ · ', IJL·m . p . )61 U cncon:: Jmi Io
c-..es ~ cetcr ~noua aurorw 10in de combinc-r plusieurs f11c1cuB . le litige frun t111i.:r oaulour Ju neuve c1 le ..:h1ttnw llllftl rJNi
~; il& Dt IODI S-- les scul.5.
Chopilre 5. L'1 guerr<' d" 1·.,au

4. Quel rôle l'eau joue-t-elle dans le conflit


entre Israélien.~ et Arabes ?

Le "facteur eau" occupe une situation curieuse dans les analy5e!I ayant trait au
conflit entre lsral:!I et les États arabes voisins. Soit que ces analyses aient complètement
occulté ou minoré son rôle, surestimant l'aspect idéologique du conflit - sionisme
contre arabisme - ; soit au contraire que les analyses aient fait de l'eau le principal,
voire même l'unique, déterminant des frontières d'lsrat'L
D'un côté se trouvent ceux qui affirment que la logique de construction d'Israi!J
obéit au réve théologique et idéologique d'Eretz lsraél, lequel contient ses propres
projections frontalières; de l'autre, et comme dans un dialogue de sourds, sont ceux
qui soutiennent qu'lsrat'I n'avance que pour prendre de l'eau. En somme, à l'idéologie
pure s'oppose une sorte de mono-déterminisme géopolitique.
À ces deux lectures monistes nous opposons ici une autre interprétation de la
construction d'lsrat'l et de son rapport à l'eau, à partir de quelques évidences logiques.
D'abord, qu'est-ce que le sionisme sinon une expérience de construction étatique à
partir d'un processus continu de colonisation de peuplement?
Ensuite, se pourrait-il qu'un peuplement s'établisse sans disposer de ressources
suffisantes en eau ?
Le sionisme 1 est une soif de territoire et de démographie, un projet d'expansion
démographique épousant un grandisme territoriaJ2_ L'eau répond à cette soif.
11 n'est donc pas étonnant qu'à une stratégie d'expansion b!rritoriale et
démographique corresponde une stratégie de l'eau. Israël a besoin de gagner de l'eau,
parce qu'il veut gagner des territoires et des hommes. Cela n'est donc pas pan:e
qu'lsral!I manque d'eau qu'il a une logique de conquête territoriale et qu'il repousse ses
frontières, mais, tout au contraire, c'est parce qu'lsraél est, en lui-même, une logique de
conquête, qu'il a toujours soif de davantage d'eau. Cette dynamique ne peut ètre
qu'aggravée par la perception qu'ont les Arabes d'Israël car c'est aUS5i parce qu'lsraêl
est une logique de conquête, que ses voisins arabes ne l'acceptent pas; et parce que les
Arabes refusent lsral!I. lsral:!l ne peut accepter de voir son alimentation en eaa
dépendre du bon vouloir de ses voisins ; les Israéliens trouvent alors davantage de
raison à mener ce que l'on pourrait appeler une hydropolitique hégémonique; c'est-à-
dire une volonté de gagner toute l'eau, de conquérir les sources, la plupart desquelles
se trouvent, comme nous le verrons, en dehors du territoire donné par le plan de
partage de 19473.
Pour aller plus loin dans l'analyse du rapport entre le sionisme et l'eau. posons
nous la question suivante - en mathématiques. ce type de raisonnement par l'absurde
permet d'aboutir à des résultats féconds - : et si l'État d'lsra!'I de 1948 avait disposé de
ressources en eau abondantes lui permettant d'augmenter fortement sa population
dans les frontières que le plan de partage lui avait données? Imaginons un instant que
les Arabes aient été moins riches en eau. dès le départ, que les Juifs. Alors les Israéliens
n'auraient pu invoquer l'argument sécuritaire appliqué à l'eau pour justifier leurs
conquêtes territoriales - ils auraient dù se contenter de l'argument stratégique :

1Voir1~ ongm..:' Jo s 1001sn'I<: H LAl ; RESS , L.· rrtvur' J.:_,,. ...,ilot.~ tl.M -~·p.Jwl1J Pi.li~1~Jr f&Wti /_f19:'J. ,..._Robert
l..affont. 1998. p 51-Hl
2 Y_ LACOSTE i.lir, Oi..iuum.z1r.: cl.: t.:if'f""luiqw. Pans, Fl11nunmion. \lN_\ U'bc'ic!. "bnill'", ~ l.lni!f'" (fDinmliaa
lftT11on3le1
l p _ LEMARC11.-\NO l. K ·\l>L 1.. m."' l - P.1Jn1irr..· 41/u..,. rrr.upor,:o.f.. 9,na.,ciks. Comple:u. IQ46. F· 1. la C.-.r du plm dt
PArtu1e pmpôSê pnr 1'0 N l ' . li . L...\l iRENS. L.· n.·11111r ,J.:.., .-.ulc.;., i l.1 i11tk· pwa- J.J Przl61aec.Jr UCô~ll /"971.. '-ns. ..,,._. L..aa8l.
1998. p. t.J()...M5
l'attaque comme défense - ; el l'e;iu n'aurait pu fonctionner comme un facteur
légitimant du sionisme, au moins auprès des diplomaties occidentales. Dans ces
conditions, lsra!!l serait-il parvenu à habiller avec la même efficacité sa volontl!
d'expansion territoriale et démographique par une doctrine de sécurité - attaque
pré111!1'llive. L"'Onlrôle de l'eau pour la sécurité vitale d'lsrat!l ? Le sionisme aurait-il
avancé avec autant d'efficacité vers ses buts propres? Nous n'avons évidemment pas
de réponse à ces questions. Nous pensons en premier lieu que la légitimité première de
l'État d'lsral!l aux yeux des diplomaties occidentales est la catastrophe de !'Holocauste
durant la Seconde Guerre mondialel. En même temps, l'importance de l'eau dans les
négociations de paix proche-orientales est devenue telle, qu'elle semble jouer au
bénéfice d'lsra!!l un rôle d'une sorte de verrou de sécurité posé sur les acquisitions
territoriales israéliennes depuis 1949.
Aussi n'est-il sans doute pas déraisonnable de se poser la question suivante : le
manque d'eau d'lsral!l en 1948 n'a-t-il pas été l'une des grandes chances du sionisme?
Car après tout. l'État le plus faible de la région, le Liban, n'est-il pas aussi le plus riche
en eau?
Afin de comprendre le rôle précis que tient l'eau dans le conflit régional autour de
la question de l'État d'lsral!l, nous adoptons une démarche systémique.
Le système étudié est celui des ressources en eau de la région. À partir de cc
système nous examinons les conflits existants entre les États et tout particulièrement le
rapport entre la dynamique sioniste et la quête de l'eau ; nous traitons
successivement du système des ressources en eau et de leur distribution entre les
États; des conquêtes sionistes et des conquêtes de l'eau ; de la logique de construction
d'un État palestinien par rapport à l'eau.

4.1. Le système régional des ressources en eau


Le Moyen-Orient est marqué par l'aridité, à l'exception des franges montagneuses
littorales de la Syrie, du Liban et de la Palestine historique - disons la Palestine
mandataire ; les conditions de phùes trop aléatoires ne permettant pas une agriculture
pluviale, c'est donc essentiellement une agriculture d'irrigation qui s'ilnpose et qui est
le support de la vie rurale et des densités humaines2.
Les volumes d'eau en jeu sont faibles si on les compare à ceux du Tigre et de
l'Euphrate ou du Nil. En effet, les trois plus grands fleuves de la région, !'Oronte, le

1 •.[)b la fla de la Seconde G~ mondiale. le dossier p11h..~hnicn n:vicnl ou premier r.ang de l'm:luohli. l..il dtcuu,·cnc du
Poc:idejuîrcRc un vutc scnumcnt de culpab11ilé dans l'upmiun pubhquc mond1ulc: Cc scnlimcnl s'c1ttc!Tiorisc peu dans lcsJibW
Ulié:ncuft del pnncîpaux P8Y! coneemés où l'on p~R-rc meure en a.vont I~ sa1.:..-ificcs des ~!ili.lanl!i de 1our onJ~ . En re\W1che, 1&DC
sa1C de u.nsrc:n s'opèn: et les rtpan.llons à accordC'I' aux vicumcs de l'holocuustc, ami surv1v11nt.1 avan1 toul., pusent pu le" htn
accêa i Ja PalcsUoc. Cette pRoccupa1ion est amrmtc cummc ëutnt d'ordre humanitafrc sans que l'on rn:nnc en hgnc Je complt' la
cam6qa.c:ncct polniqucs d'un tel chun1.'", Idem , p. 60S . U Laurens cite, à l'oppu1 Je sn thèse, plus ieurs documents J1plomat1quca..
dont la lcttn" du prêlidcn1 Truman adressée le ) 1 ao6t 1945 au rrcm1cr mmistre de GrJ111..lc- Brctugnc. dcmnmlant !\cc dcm1cr de
(a,'OriK'I" l'imiption mus1vc dc:J Juirs d'Europe vers la f'alC'!lllinc ~ extraits · "Sur Io hase de ces renseignement~ cl d'•11ttt1 qui rrw:
&ont pan'e'Dll9 , je suU d'accord pour pensc:r qu'il n'cxi1tc pH d'i&utn: queslion au.-.."il impor1antc. pnur ceux qui ont connu les honcun
da cmnp1 de concentration pend.Ani plus de dill ans, que 1'11vcnir des p<Hsih1lité~ d'immi~rutiun en Paleshne . f ... ) Comme Je \\JUS

l'ai dit 6 Poudam. Je peuple amtm:am, dans wn ensemble. cru11 fonncnu:nt c.iuc l'immil'ntion en Polcslinc ne dcYn1l ~ M
tnlcrlœJpuc et qu'un nombft n1M1nnablc de Ju1f1 pcrsCculb IJ'Europc dcvrnicnt, conformément (\ h:urs vœux, ~ln: au1orisél a''
Rimt.al1C1' Je uls que vuus ttes d'accord i;ur l'1dtç que l'nvcnir de lu poix en Europe dépcm.Jm . dan!ii une l11r9c mesutt, du nui qur
noua aurons lroUv~ des solu11ona aaincs •u111 prublèmn c.unccmant les y;roupct> de pcr.mnncs dCflontes et .n1focumnen1
~. -.lbid. ,p.601 .

2 X . de PIJ\NHOL, La Nutimu Ju Prophi!ll!. Mu11uf!I grlo11ruphiq114! de.• poliflq"'' 11111.mlnumt!. f'oris, Fnyanl , 19113, p 2U.
Qlapilno 5. Lo gu...n de r ..au

Litani et le Jourdain fournissent ensemble près de 12 fois moins d'eau que le Tigre et
!'Euphrate n'en apportent ensemble à la cuvette mésopotamienne.
Nous devons donc garder à l'esprit que les enjeux en volume d'eau dans le système
Palestine mandataire-Syrie-Liban-Jordanie sont très faibles au regard de ceux entre
l'Irak, la Syrie et la Turquie, ou ceux de la vallée du Nil.
Or le niveau de conflictualité est au moins aussi élevé dan5 le premier système que
dans les deux autres, voire même plus élevé. Ceci montre bien que c'est la quantité
d'eau relative aux besoins des uns et des autres, et non la quantité absolue qui
détermine l'intensité de la rivalité.
Nous étudions la distribution des ressources par rapport aux territoires de la
Palestine historique - Palestine mandataire - et de ses divisions originelles - âat
juif et État arabe créés par le plan de partage de l'O.N.U. de 1947 - , de la Syrie et du
Liban dans leurs frontières reconnues par le droit international.
Ce système régional des ressources peut être découpé en plll!lieurs som-sy5tànl!s
plus ou moins indépendants du point de vue de leur alimentation en eau ;
- les fleuves du Liban qui courent vers la Syrie ;
- un fleuve libanais important qui ne court qu'au Liban;
- le bassin du Jourdain - affluents, Jourdain lui-même et lac de Tibériade - ;
- les nappes aquifères de Gsjordanie et Gaza.

Le premier grand gisement de ressources en eau est le Liban,


parcouru par de nomhreU8e5 rivières!
- De nombreux torrents dévalent le flanc occidental du Mont Liban.
- L'Oronte - ou Assi en arabe - coule dans la plaine de la Bekaa du Sud vas le
Nord, pénètre en Syrie, franchit en gorge le Jbel Zawiyé et se jette en Médiœmmée
dans le galle d'lskenderun en Turquie après un parcours total de 570 km. Le débit de
!'Oronte, près de la source au nord de la Bekaa est de 470 bm3 / an2; il est ensuite de 370
à la frontière syrienne, après prélèvement destiné à l'agriculture libanaise; en Syrie, ses
affluents lui apportent 430 hm3/an, mais l'irrigation de la plaine du Ghâb et plus haut
en amont en prélève 630 hm3 /an. Son débit à la &entière turque est environ de
170 hm3/an ; il reçoit les eaux du Afrin - 230 m3 - qui prend sa sourœ en Turquie
mais traverse un coin du territoire syrien avant d'entrer dans Je Hatay en direction de
la mer. Ce fleuve détermine des contentieux essentiellement entre la Syrie et la Turqair
qui sont ici en dehors de notre sujet3.
- Un autre fleuve du Liban vers la Syrie est le Nahr al-Kebir dont le débit est de
95 hm3/an à la frontière syrienne. L'Oro"ote comme le Nahr al-Kebir font partie de la
richesse en eau du Liban mais sont à l'écart des enjeux entre les pays arabes et lsraêl
- Le Litani est un fleuve libanais important qui s'écoule vers Je Sud et ~ jette en
Méditerranée, au sud de Saïda; son débit est de 930 bm3/an - un peu moins de 20 'lr.
des eaux courantes et infiltrées libanais~.

1 J KOLARS. "Les rn.sourccs en eau Ju Liban"'. R~Vtt' .\~~,,._ ,\lac-llrd.:. Puti. U ~ ~ oct.4ic. am.
n•nti. p. 11-2s .
2 Remarque · 1 hml= 1 m1lhon de m l .
l La si1ua11on s'cs1 lcnd\le' en raisun du projet syrien drc- cocuauire 1.&11 bNfttt SW' le :o\6i.o et un ~ 6 ~ - pNI. dt
Hama - sur l'Oronle. li csl pf'6Yu de prêlcvcr ju...;qu'à l)U tunJ du Afrin m Syrie pour l"ilriplioo.. Lcsl70 bmf 1a91111qui-.:raa1
m T""luic pown1enl 9C n!v~lcr in.sutlisants pour ha pupul&ll.un d" Al~ el*• rqpaa_ "*-.
4 G .A. LEBBOS. '"Le L1lAm au co:ur du conflit i:in!él~"' in La ~ • I~ llJ96.. a'"'44 : ,_.. ~ • rc.
bleu", p . J 1-16.
Partir 4 . LA quètc 1/c."?O rr~so11n:'t's unr. n11r!flt11rlr d~ l'lri!llo,,,

limites de b -mM:' tic léc:uril~ .. du Liban Sud


a.urOt6e pu 1·.-mœ .,,,_limnc jtnqu'cn 2000

'Y!. L'eau au Liban

Le bassin du Jourdain
Le Jourdain! s'écoule sur 360 km du Nord au Sud et se jette dans la mer Morte . il
naît de la confluence du Hasbani, qui prend sa source au Liban, du Banias qui prend'sa
source en Syrie, et du Dan2 totalement israélien.
- La rivière Hasbani qui prend naissance dans le mont Hermon au Liban court sur
Je sud du territoire du Liban - une partie importante du cours est inclue sur la zone
de sécurité établie par lsrat!l sur le sud du territoire libanais jusqu'en juin 2000 _ ; elle
apporte environ 140 millions de m 3 /an de débit au Jourdain.
- Le Banias dont les sources sont alimentées également par le mont Hermon court
sur Je Golan, en Syrie; il déverse 120 millions de m 3 /an. Le contrôle du Golan permet
de contrôler le!! sources du Banias3 .
_Le Dan coule entièrement dans les frontières d'lsrat!I et apporte 245 millions de
m3 /an au Jourdain.
. Ces trois branches en confluant, forment le Jourdain qui alimente le lac de
Tibériade ; celui-ci sert de réservoir naturel pour les hautes eaux du Jourdain . Son

~ 8 . d'AJlMAIU.Ê , '"'Le bauin du JounJaic"' in StrafjKll/U(', 199H, n"70· 71, p. 14S - 1'7J .
2 "1.a tribu de Dm. cU'MfuiCfnc detl douze rH• de Jacob, s'N11 . 8J1f~!I m•inlu trihulalinn!I, tnlUGJltc prb dc11 JIOUn;.cs du Jmuda1n
c:1 •vait nbmp.iK O... I• VJllc de l..ak:h .. , ldt!m , p 148.
) J. KOLARS. •La ~ m eau du LitNln'.. 1n R (! v11e M111(hr1.•h · MfK'hrelc, Paris. 1-n documcnu111on fnnç111se, oc1 -Jk
l!:VJ2, n• JJI
(ll.opllre 5 . l..."l gucrrl! de l'eau

équilibre est frngile, menacé par la sécheresse et les eaux salées depuis de nombreu!les
années.
- A 10 km en aval du lac Tibériade, où s'accumulent l'essentiel des eaux du fleu"e.
Je Jourdain est rejoint par son principal affluent, le Yannouk, qui prend sa source en
Syrie, et déverse 450 millions de m 3 d'eau .
- Ensuite, environ 275 millions de m3 restant viennent de divers cours, surtout dt
l'Est, et alimentent encore le débit du Jourdain.
- Le débit du fleuve Jourdain à l'arrivée dans la mer Morte est de 1,3 milliards de m3

mer Méditerranée

ISRAËL
suc.ci•

ITIJ "zone de sé:cunl~ " du Liban sud


contrôlée par l"armét.• i~rnéli~nne
rs:sJ zone ct.!m1litarisée n1 mai 1974
et pl.ctt !'"'-•ta te t."'Ol\lr"6lco del Natiom mDes

m
jusqu'en JUÎn 2000 lllndofl
Golan. conquis en juin 1967
cl unnc1u~ rmT 1srai.H en t QI' l
~ zonr- dfmiliUUi'6: en Ju:ilfd 19'9
fronhtn= dr J9.2~
0 <:olomcs 1sruéhcnnc~

... village~ ~y11cns

fermes de Shnlln.
bande i.Jes dix mtt..cs
(nvcs du lac de Tibfti.i.:)

0 hgne Ju -4 JUln 1%7


cncorr C'lccu~es p.nr hmCI
après le rrtrail de ju'n 2000 ,- .... froo1it-re tnlc:mahon.·a k

98. Problème de l'eau entre lsrai!l et ses voisins : le bassin du Jourdain


670

La question des liens hydrologiques entre le Litani el l'alimentation dcH sources <lu
Jourdain est discrère mais né.inmoins import,mte
Pour le Dnn - qui couic sur le territoire d'lsratH de 1948 - comme pour le
Hnsbani, la presque totnlit6 des eaux sortent de sourcl's abondantes :
- la source de Dnn pour le Dan; elle est située en lsral!l ;
- les deux sources de Wazani et de Hasbayn situées sur Il' territoire du Liban ...
L'origine de l'alimentation dl' ces sources pose problème. Leur débit est en effet
bien plus important que ne le justificmt l'étendue de le ur bassin versant et les précipita-
tions qu'on y relève . La source du Dan reçoit pratiquement toute son eau de l'extérieur
de son propre bassin sans qu'on en ait identifié l'origine; il en est de même pour les
sources du Hasbani - Wazani et H.1sbayn - pour près de 90 'X, de leur débit.
n faut sans doute chercher l'explication sous la vallée du Litani où se situeraient les
réservoirs naturels des sources du Hasbani et du Dan, eux-mêmes alimenté!O par l'eau
du Litnni 1 ; on a en effet constaté que 100 hm 3 /an disparaissent du cours inférieur du
Litani - Qasmiyeh - sans que l'on puisse l'expliquer par les préli'vemcnts ou
l'irrigation; cette quantité correspond au débit inexpliqué des sources de Wazani et
Hasbaya .
Autrement dit, il existerait un lien entre le débit du Litani et les sources Nord du
Jourdain . Cette réalité géologique a des conséquences hydropolitiques : la manière
dont le Liban gère les eaux du Lltani n 'est pas sans répercussion sur le bassin du
Jourdain. Un prélèvement trop élevé du Litani peut conduire à tarir irréversiblement
les sources nord du Jourdain.

Quelques remarques d'ordre stratégique


quant aux données de ressources
On voit premièrement que la région du sud du Liban est un château d'eau
important pour la Palestine historique autant que pour le Liban lui- même :
- par l'importance du Litani;
- par l'importance du Hasbani, affluent du Jourdain;
- par les liens entre les eaux du Lltani et les sources du Jourdain.
Le contrôle du sud du Liban permet donc de jouir des eaux du Lltani, de la
sécurisation de l'alimentation du Jourdain par le Hasbani, de la sécurisation de
l'alimentation du Dan israélien, lui-même affluent du Jourdain.
Deuxièmement, Je contrôle du Golan donne, du point de vue de l'eau, Je contrôle
du Banias syrien qui est un affluent important du Jourdain . ·
Troisièmement, le contrôle du sud du Liban et du Golan donne la sécurisation de
toutes les sources du Jourdain .
Quatrièmement, on voit déjà que les rivalités quant aux ressources décrites
précédemment vont impliquer Israi!l, le Liban et la Syrie.

Les gisements en eau à l'intérieur de la Palestine historiqur.


Plusieurs nappes souterraines existent sur le territoire de la Palestine mandataire :
d'abord l'aquifère montagneux, le plus important, ensuite, l'aquifère de Gaza .

1 '"°"·.,.
23-2-4 .
O..pilre 5. lA gu..rre d" l'eau

• l/119uiflu1 mnnlt1-n~ux

De grandes nappes souterraines !lont contenues sous le monlll de Judée et de


Samarie, c'est-à-dire sur le territoire de Cisjordanie1, à l'extérieur des frontières d'lnall
de 1948. Par rapport au niveau de la mer, les volumes d'eau 9e trouvent à altitude
élevée - de l'ordre de 500 m. Par conséquent, il est d'autant plu. facile de pomper
cette eau qu'on se situe en dessous de cette altitude. Or, en de11110U• de cette altitude,
c'est à dire sur les flancs Ouest des monts de Judée et de Samarie, et darw la plaine
côtière de la Méditerranée, nous nous trouvons sur le territoire d'lsr;M!i de 1948.
AutTement dit, l'eau est physiquement à la verticale du territoire palestinien de
Cisjordanie - largement occupé depui" 1967 -, mais elle est exploitable
essentiellement par les Israéliens et dans leur frontière admise de 1948.
On voit que se pose, par rapport à la distribution même de la reMOurce, la question
suivante : à qui revient l'eau ? A celui qui en dispœe à sa verticale, ou bien à celui qui
est bien placé pour l'exploiter ?
Un autre problème qui se posera est celui de l'antériorité de l'exploilation: les
colons juifs Israéliens ont de longue date, dès avant 1948, foré des puits et mis un place
un vaste système d'exploitation de l'eau des aquifères de Cisjordanie. D.s invoquent le
droit à l'antériorité pour continuer de monopoliser l'ensemble de l'exploitation de l'eau
à leur seul profit.
Les aquifères en jeu2 proviennent du système de l'aquifère montagneux de Jadée-
Sarnarie, qui occupe la partie centrale de la chaine des monts de Judée et Samarie
s'étendant du nord au sud de la vallée de Jezreel à la vallée de Bee!sheba et d'Ouet en
Est, de la côte méditerranéenne au Jourdain, peut être décomposé en trois SOU&-
systèmes3:
- l'aquifère occidental qui coule ver.; la Méditerranée, donc vers le territoire
israélien de 1948 : assure un débit de 350 hm3/an. Les sites les mieux placés pour
puiser dans cet aquifère sont bas, donc en lsra~I, ce qui limite le prelèvement potentiel
d'eau à partir des Territoires occupés;
- l'aquifère nord-oriental qui part des environs de Schem - Naplouse - s'écoule
vers les monts de Gilboa et la vallée de Jezreel au Nord-Est : il a un débit d'environ
130 run3 par an; il est lui aussi facilement exploitable par lsrat'!I dans ses frontières de
1948;
- l'aquifère oriental s'écoule vers le Jourdain; son débit est~ à 330 hm3 par an.
Si Isral!I n'était pas sorti des frontières de 1948, il ne serait normalement exploitable que
par les Arabes.
Le débit total de l'aquifère montagneux formé par ces trois sous-systèmes est donc
de 680 hm3 /an soit l'équivalent d'un peu plus des 2/3 du débit du Limni ou de la
moitié du débit du Jourdain à son arrivée dans la mer Morte.
Ce potentiel qui se trouvait intégralement dans l'État arabe prévu par le partage de
1947 est donc très important; il est un enjeu de taille entre Israéliens el Palestiniens.
• L '"'luifirr dr Ga:n
Il est formé par la nappe littorale de Gaza et se prolonge plus au nord sur le
territoire israélien de 1948.

1 H.I. SHUVAL. ""Le rrohll-mc llu partaac de l'eau en~ l~I et ksPalaliaicm. À lanx::lteldlt.r..c ................•il
Alolttk AraM Muxhn-b .M u ..·hra.·k . Pans. La Duc.:umcnta1ton hnçaue.. ort.~ 1992- n•ua. p. ?9-.lü.
2 G . MUTIN. L ·.,·uu Jum h· "'°"'''". (JriJ~ . P~11. . Ellipses. :?000. p. 92·~
J H.I . SHUVAL. " Le problème ùu pa~c de l'e.wu mOT: bnlJ et la P'l.lesùniaD;", in ll'11W .~~...._La
0«-umœlatiOR rtanÇfUIC, OCl .•dti:. l99J, n•lJS.. p . 27•J7.
672

JORDANIE

barrag.c
barrage en proJcl
canal du Gho.-
NEGUEV
conduit nn11onal israélien
nappe de CisJonhmic
lign~ de partage dc.o;. eaux
sens de l'écoulement des eau" soulcrraines
nnppc du l111onl
fronu~rii::s in1crnat1onales

99. Problème de l'eau entre Palestiniens et Israéliens : aquifères et canaux

Bilan sur la disL1·ibution dt> l't>uu


pai· rapp111"l ''la domw élaliqu1~ de 19-UI
En 1948, les ressources en eaux sont 1nassivcrnent arabes :
- le Litani est contrôlé par le Liban ;
- les affluents du Jourdain, liasbani et Banias, p.ir le Liban et la Syrie;
- les aquifères de Cisjordanie et Gaza par le futur État arnbc.
CMpil1" 5 . [.., gurrre de l'eau 673

En 1948, au moment de la création d'lsral!I, près de 80 % des eaux du bu5in da.


Jourdain ont pour origine les pays arabes de la région : Liban, Syrie, Jordanie.
lsral!I n'l?!lt pas dénué de ressources en eau : le plan de partage lui donne le Dan.
affluent du Jourdain, les prélèvements possibles de l'aquifère occidental de Gejardanie,
l'accès au lac Tibériade et à toute une partie du Jourdain, en aval du lac Tibériade. Maa
cc qu'lsral!l n'a pas, c'est la garantie sur les sources.
Voyons maintenant de quelle manière l'avancée du sionisme CODUTW projet
politique va correspondre à la prise de contrôle d'une part largement majoritaire des
ressources décrites précédemment, et ce depuis 1948.

4.2. Conquêtes sionistes et conquête de l'eau


L'eau est présente dans les revendications du sionisme, de Theodor Herzl1 jusqu'à
la création d'Isral!l en 1948; à partir de 1948, les revendications du sionisme se
concrétisent par une succession de guerres qui augmentent le territoae d'li;Tai!l,° son
contrôle des ressources en eau, son exploitation au profit des seuls lsméliens. Une
troisième phase s'ouvre avec la volonté d'émergence d'un État palestinien; Isral!.I doit
alors défendre ses acquis.
Nous étudions d'abord les périodes 1890-1948 ou le rêve d 'un État abreuvé, 1949-
1985 ou la conquête de la suprématie sur l'eau, 1985 à nœ jours ou le défi d'un État
palestinien pour les conquêtes d'lsral!l sur l'eau.

1890-1948: le rêve d'un État abreuvé


Dans la Genèse XVI, 18-21, il est écrit : "Le Seigneur conclut. une alliance avec
Abraham en ces termes: C'est à ta descendance que je donne œ pays, du fleuve
d'Égypte au grand fleuve d'Euphrate" . Le lien entre le projet de grarulisme du Grand
lsral!l et l'eau - les fleuves nourriciers - est tout entier contenu dans ce verset.
La tradition religieuse donne trois frontières au projet sioniste : celle des Patriarches
qui va du Nil à !'Euphrate, celle de !'Exode, du mont Amanus - le sud du Taurus en
Turquie - au Wadi el-Arich dans le désert égyptien du SinaI; celle enfin des exilés de
Babylone, du Dan jusqu'à la ville de Beersheba, dans le désert du Négu~.
Historiquement, c'est seulement sous le règne du roi Salomon. au xe siêcle av. J..C.
que les rêves religieux juifs sont réalisés.
Très tôt les ambitions frontalières des sionistes dépassent largement ce que le plan
de partage des Nations unies donnera en 1947. Theodor Herlz lui·même a insisté sur la
nécessité de contrôler le fleuve du Litani. Après la Première Gu~ mondiale. le
sionisme parle de s'étendre au Nord, jusqu'aux montagnes du Taurus et vers l'Est
jusqu'aux déserts d'Arabie.
Au lendemain de la déclaration Balfour de 1917. les représefltants du mouY~t
sioniste demandent aux Anglais de ne pas oublier de leur donner les eaux du Jourdain
et celles du Litani. Deux ans plus tard, le 1m!monmdum sioniste à la Conférence de la
paix de Paris délimite la frontière idéale d'lsral!I allant du sud de Sarda au Golan. le
long du chemin de fer du Hedjaz jusqu'au Golfe d'Aqaba, en remontant au Nord-Ouest
jusqu'à El Arich . Ce tracé inclut les ressources en eau du sud du Lll!an. et le mont
Hermon entre la Syrie et le Liban.
Les sionistes ne cessent de réaffirmer l'importance qu'ils accordent à l'eau dans le
Foyer national juif. Le présid~·nt de !'Organisation sioniste mondiale, Cl\aim Weùanan.

l Il . LAUkENS . L1~ n•/11ur jJ.•.\ ..._,i/,•_\. rla lur~ DfJt1r la P'11c.·.'l.l ittt.• J..· IS611J 111 J~1j, PMU. Rubcrl l.aihal.. 'Q9&.p.. SI~
674

adl't!99e en 1920 uni.' lettre au premier ministre anglais Lloyd George, dans laquelle il
affirme .
"le!; frontièl"l.'S du Foyer national juif ne sauraient être tracées exclusivement 9Ur la
base des limites historiques - c'est-à-dire bibliques - ; nos prétentions vers le Nord
sont imp;!rativement décidées par les nécessités de la vie économique moderne'; il
ajoute : 'Tout l'avenir de la Palestine dépend de son approvisionnement en eau pour
l'lrrigalion et la production d'électricité ; l'alimentation en eau doit provenir des pentes
du Mont Hermon, des sources du Jourdain et du fleuve Litani. Nous considérons qu'il
est essentiel que la frontière Nord de la Palestine englobe la vallée du Litani sur une
distance de 25 miles ainsi que sur les flancs Ouest et Sud du Mont Hermon." 1
Weizman suggère donc que les frontières de la Palestine soient détenninées à partir
de considérations hydrauliques. Il insiste sur l'importance considérable du Litani pour
la Palestine : "Même si la totalité du Jourdain et du Yarmouk se trouvaient inclus dans
la Palestine, il n'y aurait pas assez d'eau pour satisfaire nos besoins. L'irrigation de la
Haute Galilée et l'énergie nécessaire, fOt-ce à une activité industrielle rC91Teinte,
doivent provenir du Litani. Si la Palestine se trouvait coupée du Litani, du Haut
Jourdain et du Yarmouk, elle ne pourrait être indépendante au plan économique." Ces
volontés sont relayées partout dans le monde par le lobby sioniste2.
La conférence de San Remo de 192(}' donne aux Anglais mandat sur une Palestine
qui comprend les deux rives du Jourdain; les Français ont abandonné leur idée
d'internationaliser la Palestine et cédé Mossoul aux Anglais; ils cèdent aussi sur le
terrain de l'eau aux Anglais: la convention franco-anglaise du 23 décembre 1920,
rétroœde à la Palestine une grande poche englobant toute la région du lac Houleh,
avec Metallah et Safed, en laissant Banias et Kuneitra à la Syrie. La France garde les
vallées du Yannouk et du Litani, avec le Safa, mais abandonne Irbid . Les sionistes sont
cependant déçus des accords franco-anglais : la Palestine n'a pas obtenu le Litani, ni le
contrôle des sources du Jourdain.
Le mémorandum Churchill de 1922 exclut la Transjordanie du champ d'application
de la déclaration Balfour. Les sionistes considèrent cette mesure comme intolérable
mais se rangent cependant progressivement à l'idée d'une Palestine mandataire
comprise entre la Méditerranée et le Jourdain4.
Les puissances mandataires sont soucieuses d'une gestion transfrontalière de l'eau ;
en 1926, la France et l'Angleterre passent un accord de bon voisinage : les populations
frontalières syriennes peuvent utiliser les eaux du Jourdain, de ses affluents et du lac
de Tibériade situés du côté palestinien. Les frontaliers passent librement la frontière ; la
gestion de l'eau s'efforce d'être transfrontalière, au service des différentes
communautés.
Pendant ce temps, dans les colonies juives en plein essor et chez les responsables
sionistes, c'est une autre vision qui prévaut : celle d'une captation complète des

1 Cili dm! G. MUUN. L '~au doru 1~ mamk aroh~. Puis. Ellipses. 2000 "lnCgnl f'llll1ugc dJms le bassi n du Jourt11m•. p. 11 ·
19.
l: En 1922. rkrinin juif •mklc.-in HorH MIRCALINE. çonclu1 duns un livre Ju<lu1sni 11ni..I the mtcm oliunol poli11c1, pubhé A
Londra ca 1922, "'the palnlinian ecanomy. the numbcr of people 1ha1 couhJ hc os!'limilnrc<.I ant.I the cnuntry'!I cul1ural !'IU1nd1n9 aod
tcllOll&I ordcr lhould dcpmd on thcU" production copabihllc". wh1ch 111 11~ lum , • ~ tlcpcm.I on dcclricol power ln rolcstinc. thc prc:wn1
lt8f1t of .t.tonic contrai on powCT 11 nul limita:I tu water Wa1cr u• drrcctly relutcd 10 border 1s-.ucs in gcm:ml nnt.1 1hc Nor1hcm harder
ta pmnîc-ular The flllWT: oflhc Paln11m1n s11tc m iu cn1î1y lie~ m the band s nf lhc Jcwi:oi.h stnle wJuch cnn1mllll lhc Li1ani . Yumoul
..s me otbeT rivert.•
) J.8 . DUR.OSELLE. llJ1toire t.liplom11tiquc dC' 19111 à nrna jours. l lc td .. f•arilll, f>ollo:I' , l'Jl.I.' . p '.\6 , Il . l-/\URENS. U "'""
de• r1.llb (Lu lti11tr po11r la Pulr.tlin~ Jr /116Yâ /fJ9 7J, Puns. Robert Laffuni , l 'W k , p 2H2 · 2H7 .
4 H. LAUR.ENS, l 'Orlrnr tn'ulw. urahl.fme rf i,t lomluru• J,. /79H ti /'J4 .~ . Pnns. /\nnnnd Culin. 199,1, coll. '"U. JliSIOI"
....-.paniDc", p. 217-2J6.
Qioptir. 5. L4 guerrc> de l'eflu

ressources en eau vers les but11 11ionl11tes. Plu11leul'll oblectifll se dépgent dt!ll plana
d'utilisation des ressources en eau qui 11ont proposés dan!I les annfe9192D 1 1940 per
des sionistes et par des experts am~icains qui leur llOl\t BOuvent proche~ le Litant
rette un but, à côté de l'utilisation de l'eau du bae!lln du Jourdain; le lnlnaport de reau
vers le Sud - Néguev - et entre la Méditerranée et la mer Morte est ll1J99i envise?-
Nt le plan Mavromatls de 1922, ni le rapport Henriques de 1928 ne 11'i11ti!Teuent .t
une meilleure utilisation des res!IOurces en eau pour les communautés exisrana; ils ee
consacrent au projet d'expansion démographique du Foyer natùmlll juif. · Ain1t
l'hydrologiste américain Walter Lowderrnllk propose-t-11 en 1944 la crfatton d'ilne
fordnn Vnllf!)I AutlrorihJ dans la perspective d'une Implantation juive de 4 milll11119 de
personnes - le plan comprend l'utilisation des eaux du Lltani, l'irrigation du d&ett du
N4!guev, la construction d'un tunnel Méditerranée/mer Morte, la production de phl9
d'l milliard de kWh/an d'électricitél .
Deux visions se heurtent :
- Les Anglais Imaginent un découpage territorial qui rend Interdépendants
Palestiniens et Juifs du point de vue de l'eau: le plan anglat!I de 19'3? propœe W1 État
fuif constitué de la Galilée et de la plaine côtière jU!lqu'au sud de Tel-Aviv et un état
arabe formé sur la réunion des monts de Judée et de Samarie, du d&ert du ~ l!t
de la Transjordanie. Quant à la région de Jérusalem, elle serait reliée à la mer par W1
corridor restant sous contrôle britannique.
Dans cette vision qui esquisse le plan de partage de 194?, il est happant de
constater deux choses: d'abord l'État juif proposé ne comprend pu le cœur Identitaire
d'Erelz: Isrnël, la Judée et la Samarie; ensuite il laisse la majeure partie de l'eau awc
Arabes.
Mais c'est un projet fixiste, de bonne entente entre deux communautés obligées par
la disposition même des territoires de gérer ensemble des ressources en eau, et· sans
doute aussi, de s'en remettre à l'arbitrage anglais.
- Pour les Israéliens au contraire, soutenus par des experts américains, il ne s'agit
nullement d 'un projet fixiste, mais clairement expansU, dftrlographlquemeirt.
territorialement et du point de vue de la maitrise progressive de J'e90un:es en eau de
la Palestine mandataire et du sud du Liban.
En 1947, l'O.N.U. propose un plan de partage : c'est la resolutian 181 du
29 novembre 1947: les colons juifs qui occupent alors 7 % des terres et reprfsentent
32 % de la population disposeraient dans le cadre d'un État juif, de 55 % du œrritoire
de la Palestine mandataire; le cours supérieur du Jourdain serait rompri!I di111!1 ce
territoire.
En même temps qu'il avantage territorialement les Juifs, le projet du plan de
partage choisit l'établissement juif en Galilée plutôt qu'en Judtt--Samarie, centre d'Errtz
lsrnël, et organise l'interdépendance entre l'État arabe, l'État juif, et la zoné
internationale de Jérusalem; aucun de ces trois territoires n'est en effet viable 5l'UI; à la
fois politiquement et économiquement ; par ailleurs les repartitions dftrlographiques
promettent des tensions à venir importantes2 .

1 U d'ARMAll.Lf:. "le bo...,sin tJu Jourdain" in Strur~~iqu t'. llJ9tc , n°70.. 71. p. l~l~l:H
2 Les chiffres en l'l47 wnt 1~ su1\·11n1~ : rour rl:tal ju1f. .&\ltl 000 Juifs ci 407 OOU ru.bc'5 : SJO'll' rÊau &rMe. 10000 Jui.11 e
72S 000 Arobes ; f'K'JUr Jl!ru!Uth:m, t OO 000 Juifs t't 1O~ 000 Arahts . On vuit dai~mml que 1.."CS J."rtlPCldioe ~t n.blia mivmt ~
vh1lon 1tatiqut . le~ ~inni!llC!'. n'c-nlendC'nt r"-"' \'111r Io mmlit Je la ropul111ion dt l'État juif non juitt : ils nnlwpnl rllwemmt dr:
m1vcner let iqullib~ et d'affinncr la !lur~1TU11ir 1ui,·r 11ur leur F:tal. Pl'ur Ben Gourion. lt m impcm.11* d'Poir dit è• juûet ftlr'I
qu'evtc 60 "'•Lit lu porulatiun juive; H LAURENS. Lf· Gron4' .lr'fl. Ori•nl °"'~., rivalllfb Wrr'fffll~ Pmk.. ~COÜA.
19'11. • · 73
U.S sionistes qui ne sont pas satisfaits du découpage et des ~uilibrrs
conununautaires résultant du plan de partage acceptent néanmoim1 celui-ci car leur
priorité est de disposer d'un État.
Les Palestiniens. S<'Us la direction du mufti de Jérusalem, sont abandonnés par le
Anglais à la Jordanie d'Abdallah. laquelle entend bien prendre le contrôle de l'Élal
arabe. Dans ces L'Onditions, la révolte palestinienne contre le plan de partage est lancee
dans l'hiver 1947. Elle provoque Wlt' réaction massive des sionistes qui déclt!nchent
une politique de terreur et de purification ethnique 1 en Palestine visant à faire fuir une
grande partie de la population palestinienne : les équilibres démographiques qui
avantageaient encore les Arabes en 1947 sont renversés en 1948. Le départ d~'S autorité
britanrùques et l'exode massif des Palestiniens signifient le triomphe des sionistes qui
proclament l'État d'Israi!l Je 14 mai 1948, la veille du retrait des Anglais de la Palestine
mandataire prévu par le plan de partage le 15.
La proclamation de l'État juif la veille de la date donnée par le plan de partage esl
lourde de signification: les sionistes entendent ainsi montrer que l'État juif n'est pas
donné par 1'0.N.U.; qu'il est bien le résultat de la lutte sioniste; il est donc déjà évidmt
que cet État ne se contentera pas des frontières du plan de partage, qu'il mettra en
œuvre les plans du sionisme défendus de longue date et de manière continue.
Après l'exode massif des Palestiniens qui commence dès avril 1948, la donne
démographique qui était celle de la Palestine où moment où 1'0.N.U. présentait son
plan de partage, est bouleversée. La proclamation du 14 mai 1948 ne crée pas l'État
d'lsrai!I : elle ouvre le chantier de construction sioniste.

1949-1985 : la conquête de la suprématie sur l'eau


Ni les Palestiniens qui se trouvent dépossédés de leur terre et d'un État, ni les
Jordaniens qui rêvent d'unir la Cisjordanie à la Transjordanie, ni les Syriens et les
Libanais qui craignent les ambitions sionistes en direction du Nord vers le Lltani et les
sources du Jourdain, rù encore les Égyptiens qui connaissent les ambitions sionistes en
direction de la mer Rouge, ne peuvent accepter la création d'un État juif qui bouleverse
l'équilibre régional, chasse vers les États voisins des dizaines de milliers de Palestiniens
- ils seront bientôt des centaines de milliers - empêche pour Damas la formation à
terme d'une grande Syrie englobant le Liban et une bonne partie de la Palestine, ruine
les plans jordaniens de réunion de la Transjordanie et de la Cisjordanie et de contrôle
des eaux du Jourdain.
La résistance armée palestirùenne a très vite été neutralisée et dispersée par les
sionistes2 , d'autant que les Jordaniens se sont efforcés de l'éliminer d'entrée de jeu. Ce
sont donc les Arabes - la légion arabe jordanienne entrainée et armée par les Anglais
soit environ 20 % des effectifs arabes, les contingents syrien, libanais et irakien de la
Ligue arabe soit environ 40 %, et les troupes égyptiennes soit également environ
40 % - qui vont se heurter aux troupes sionistes3 .
Les objectifs sionîstes4 sont dausewitziens : la diplomatie a donné un Êtat, les
succès de la guerre doivent en donner les limites. C'est la raison pour laquelle les
armistices que signera Israel avec chacun des États arabes belligérants entre janvier et

1 "'On peul parler de pohtiqu.c d'c-.pulsion pn:méJuCc cl cuurtlunnCc pur h.""1i princ1puux c~nuu de t..ltc1sion s.1un111c:s·. l~ ~
DalC'I cooucn1 les Npn du prvccuus de purilii.:auun c1hniquc /U,·m
2 H_ l.J\UR.ENS , ~ ,etuur d<s ~xU.!s fla lun.- Jl(1ur /" 1'11/t'."fll"': Jr 1861J u /Y97J , ruris , kubcrt LaŒ.int. l'NM, p 6-lj-"'9.
) Au départ. ck l'on:IR de 24 000 Arabes cunln: 30 000 hu1aChcm1 . un meilleur cntmincmcnl chu. les At11bc!i. nuis. nip.Jamm
Lm .rmcracnl laracmcul 'uptncw cba les !llDntSlC5, Il LAURENS, Lr Grurul Jeu, Orient flrflh•· t'I rJ\•flhlC.'f intrmU1/1>ftO!cJ, hN.
Annaod Cobn. l 991, p. 8 l.
4 H. LAURENS, U rr1uur des ~x•l's (LcJ lum· puur 111 Pa/..:r1i11.: c/,• /Hf)Y ,; JVYlJ , l"tms, Ruhcrt LofTunl, 199M, p b71-696
Chapl""' 5. La guerre de l'eau

juillet 1949, se contenteront de fixer des lignes de position mllitalrs mals fan\1118
d'enlériner des frontières politiques.
Les objectifs de guerre arabes recoupent les ambitions dea différenlll États Mit
l'hérit11ge anglais de la Palestine mandataire : les Syriens attaquent le nord et tenœnt de
sécuriser les rives du Jourdain ; les Jordaniens Investissent la Cùljordanie et occupent
Jérusalem Est le 28 mai 1948 ; les Irakiens ne peuvent agir qu'élolgn& des Syriens : Os
attaquent par le sud de la Cisjordanie - Jenin, Naplouse, Tulkanmn - quant aux
Égyptiens ils veulent empêcher lsraêl de contrôler le Néguev, de daœndre ven·la me.-
Rouge, et ils souhaitent contrôler la poche palestinienne de Gaza et la ~ qu'y
peut s'y établir - le mufti de Jérusalem est ~fugié à Gaz.a, tandla qu'une partie de la
bourgeoisie aisée palestinienne a choisi Amman et l'option économique d'union entre
la Cisjordanie et la Transjordanie.
Pour les Juifs, les ambitions les plus sérieuses à contrer sont œUes de la Jordanie
qui, si elles se réalisaient, aboutiraient à entériner le plan de partage mnservant cl-.
des mains arabes une partie conséquente de la Palestine mandatail'e; ce tlOnt amiri le
ambitions égyptiennes qui entravent les rêves d'un lsra!!l qui serait dolé d'~
espaces désertiques rendus colonisables par l'irrigation - projets sur le Néguev-,
débouchant sur Suez et la mer Rouge - c'est-à-dire du point de vue gll!opolilique, -
ouverture sur l'océan mondial et non une limitation à la dimension-mM!b!rran&itne.
Quant au projet de Grande Syrie qui menace la Palestine, il pounail etJ1! dêsamorœ
par le démantèlement communautaire du Liban qui. en créant un État llY10l1ite allié
d'lsra!!I. affaiblirait du même coup le flanc méditerranttn de la Syrie et donœrait aux
Juifs le contrôle du Litani et des sources du Jourdain.
Pourquoi I sraiil peut-il gagner contrr 1ous ?
En apparence, lsra!!l est seul contre tous ses volSlllS ligués. En appiln!llC1!
seulement : il est en effet rare qu'un État seul contre tous parvierme à réalisa ses
ambitions géopolitiques. En réalité, lsra!!l dispose d'atouts importanls :
- l'appui des États-Unis, dont l'influence est grand.issante dans la région -c'est le
début de la Guerre froide ; les Américains comme les Russes savent qu'il faudra san&
doute bientôt disposer d'alliés solides au Moyen-Orient - au détriment du r6le
traditionnel de la Grande-Bretagne ; ainsi, par exemple, Ben Gourion choisit-il
d'attaquer l'Égypte en octobre 1948 pour récupérer le Néguev, à une daœ procN! des
élections américaines, espérant, à juste titre, que Truman s 'opposera au vote par Ir
Conseil de Sécurité de sanctions contre Isra!!l pour avoir violé le œssez-le feu des
Nations urùest .

- L'application systématique du principe de négociation séparée awc le; Arabes;


les Israéliens savent en effet que les ambitions particulières des 6tats arabes 50llt
supérieures à la solidarité autour de la cause arabe; il s 'agit d'appliquer le vieil adage.
diviser pour régner.
Dès l'été 1948 et dans le cadre de négociations qui sui,·ent le cessez le feu du 11 jµin
1948, la Jordanie d'Abdallah est prête à signer une paix séparée avec Israel parce qu'elle
considère que la conquête militaire de la Cisjordanie a réalisé l'essentiel de •
objectifs ; les voisins arabes accusent Abdallah dt!' trahison et il est vnù que la JCl(danie
affaiblit le bloc arabe.
Le plan proposé par le comte Bemadotte2 - médiateur de 1'0.N.U. -, après ce
cessez le feu, n'est-il pas refusé par les autres Arabes parce l{U'il donne "trop" à la
Jordanie - l'union avec la Cisjordanie et l'union économique avec lsnll!l; le comi1!

1 H . LAURliN S . l .•• G twkl_l t'H t<lr1r111 mut--.-1 ....nvl1M.,; ,~ . . . . . IN..'l.. ...... ~ -Cotin..1V9l . p.. IS.
2 H. LAURENS , Lr r " luw 16'.s ~'('/~$(La /Mit•• /"-Hl" 41 ~· lllWô 1991'- hria. lt.~ L.alllm&. •M..p. ~
Bernadotte est d'ailleurs assassiné le 17 septembre 1948 par le groupe Stern pour le
compte d'lsrai!l. Ce qu'il propose ressemble en effet trop, aux yeux des Israéliens, à un
retour au plan de partage de 1947; or, ce que les sionistes ont accepté du plan d~
partage en 1947, c'est l'État juif et non les limites de l'État juif.
Un mois plus tard, le 15 octobre 1948, lorsqu ' lsral!l décide de prendre le Néguev
par la force - le comte Bernadotte avait préconisé son maintien sous contrôle arabe -
et attaque l'Égypte, la Jordanie profite de nouveau des malheurs de son parh:nairt
égyptien pour faire voter, le 1er novembre 1948, par une assemblée de notables
palestiniens, l'union entre la Transjordanie et la Cisjordanie.
Quant à la Syrie, elle poursuit également un jeu qui lui est propre, quille à trahir la
cause arabe. L'été 1949, lorsqu'lsrael discute avec les Syriens des conditions d'un
armistice, après avoir signé séparément avec l'Égypte dès janvier, puis le Liban, puis la
Jordanie, le nouveau chef de la Syrie, Husni Zaïm, proche des États-Unis, propo!le un
traité de paix avec Israel avec échange d'ambassadeurs et des relations étroites, le tout
en échange de l'intégration à la Syrie de la bande de territoire pales tinien contrôlée par
les militaires syriens. Les Israéliens qui ne perdent pas de vue leur objectif premier,
l'intégration dans l'État d'lsrael de l'intégralité de la Palestine mandataire, refusent et
exigent un retrait syrien sur la frontière internationale.
Une des forces d'lsrai!l réside donc dans le fait que chacun de ses voisins arabes est
~à échanger la paix contre la satisfaction de ses ainbitions sur la Palestine, en même
temps que la paix n 'est pas l'objectif d'lsrai!I tant que l'intégralité de la Palestine ne lui
est pas acquise. Un seul des pays arabes participant au conflit israélo-arabe parait
dénué d'ambitions territoriales sur la Palestine, et pour cause, il n'es t pas voisin de
celle-ci: il s'agit de l'Irak. L'Irak peut jouer la cause arabe parce qu 'il n'a rien à attendre
du territoire de la Palestine, et la cause palestinienne parce qu'il ne verrait pas d'un bon
œil l'apparition d'une grande Syrie et d 'une Grande Jordanie, nées des dépouilles de la
Palestine. Parce qu'il est l'État qui, depuis 1949, a le plus intérêt à voir un État
palestinien, l'Irak est sans doute le plus grand ennemi de l'État d 'lsral!I et de la logique
sioniste ; la forte alliance plus tard entre Bagdad et 1'0.L.P., avant et pendant la Guerre
du GoUe de 1990 le prouvera, autant que la volonté de Saddam Hussein d'impliquer
Israel dans cette guerre.
Les intérêts arabes sont donc divergents quant au drame palestinien et à la création
d'lsrai!I. Les Israéliens le savent et ne se priveront pas de jouer sur ces divergences. On
voit ainsi la doctrine de la négociation séparée à l'œuvre dans les négociations des
armistices de 19491 ouvertes à Rhodes ; on parlera d'ailleurs de "formule de Rhodes"
pour traduire ce mélange subtil entre négociation pluripartite et négociation bipartite.
- Un autre atout des Israéliens est la réduction, très tôt, de la résistance
palestinienne et sa division entre une tendance "politique" soutenue par l'Égypte - le
mufti se réfugie à Gaza où un gouvernement de la Palestine est établi - et une
tendance "économique" soutenue par la Jordanie, celle de notables aisés réfugiés ~
Amman et qui sont favorables à la réunion de la Transjordanie et de la Cisjordanie.
- Les succès géopolitiques rapides d'lsral!I trouvent aussi leur origine dans la
tft"rible efficacité de leur programme de purification ethnique. Sans la fuite en masse
des populations civiles sous la terreur2 , Israel aurait été gêné dans sa guerre contre les
voisins arabes.

1 Amutlic:c 1.sr.el-ttypU:. le 24 rtvricr J949 . l1n1!l -Liban le 23 murit 194'> . him<!l - Jordnn1c, le 3 11\l ril. lsnlfl -S)nt. k'
20juillcl1949.
:2 '"Lm n:pabSGn9 ~utf"enl profondément les Anabes GcorgH Ahochc. 'tUi ttnil ttudumt di Beyrouth qwrind u funilk fui
d-...6D de Lod. devint plu. lard le leader d'une dn tendances ln plu• radicale~ de l'O .L .r ". in U LAUR F.NS, IJ> rrlou,..M.t ..:u.it•
(Lui,,,_ fJ011Y Io Palathwt# 1869 à /9'J1). P1ris, Robert Laffont, 199R, p. 6M 1.
Chapitre 5. Lll guerTe de l'rau 679

Dès avril 1948. l'expulsion des Palestiniens est devenue systématique ; à toua les
échelons, les dirigeants sionistes font en sorte de supprimer la présence arabe dans les
territoires contrôlés. Les agglomérations arabes sont détruites - 350 villages-. les
terres agricoles confisquées et les activités arabes suppnmées1 . A partir de juillet 1948,
des programmes massifs d 'expulsion viennent renforcer les effets d'un exode provoqué
par la peur et les discriminations. Entre 1948 et 1950, plus de 750 000 Arabes,
Palestiniens dans leur immense majorité, fuient la Palestine et se rMugient chez les
voisins arabes, Jordaniens et Libanais essentiellement. Outre l'immense drame de
l'exode d'un peuple privé de sa terre, des milliers de Palestiniens, pour la plupart
faibles - vieillards, enfants, femmes - meurent sur les routes de l'exil - notamment
en juillet 1948, lorsque, sur ordre de Ben Gourion, les 70 000 habitants des villes
palestiniennes de Lydda et Ram.leh sont expulsés et doivent fuir à pied sous le soleil.
Cette politique d'épuration ethnique des territoires pré5ente deux avantage aux
yeux des sionistes : remplir le vide lais!lé par les Palestiniens et donc colonii;er
rapidement par inversion des données démographiques ; embarrasser les voisin5
arabes de centaines de milliers de réfugiés qu'ils se partageront - d'où augmentation
des enjeux de négociations et des motifs de dispute entre les Arabes - et qui
formeront des poches de déstabilisation pour les États d'accueil - ce sera notamment
Je cas du Liban où le choc entre Palestiniens et chrétiens maronites ira dans le !len5
souhaité par lsrat!l : voir le particularisme maronite se soulever contre la cause arabiste.
Après les armistices de 1949, quel esl le bilan lerrilorial?
La surface du territoire d'lsrat!I est passée de 14 000 km2 à 21 000 km2 - soit un
accroissement d'exactement 50 %. Il a achevé le contrôle de la GaWée, pris notamment
Nazareth, rétréci la Cisjordanie arabe, enlevé la moitié de Jérusalem. conquis
Beersheba. Le reste de la Cisjordanie est annexé à la Jordanie; Gaza, mince bande
territoriale, est occupé par les Égyptiens.
L'accroissement n'est pas seulement territorial. il est aussi démographique.
En 1880, 25 000 Juifs vivaient en Palestine ottomane; en 1947. ils y sont 610 000 face
à 1 250 000 Arabes soit environ 30 %. En 1949, il reste environ 400 000 Arabes dans
toute la Palestine mandataire ; les Arabes constituent désormais 40 % de la population.
les Juifs 60 % et la colonisation juive va en s'accélérant.
Par ailleurs, des contentieux territoriaux importants demeurent dans les conditions
d'armistices de 1949 ; ils annoncent les prochaines guerres d 'Israël et ses
accroissements territoriaux à venir :
- les troupes syriennes, bénéficiant de l'avantage stratégique que leur confère le
plateau du Golan, avaient pu "descendre" sur le territoire de la Palestine mandataire et
s'y installer; l'armistice de 1949 prévoit une évacuation de la zone et une
démilitarisation ; mais on peut s'attendre à ce qu'une colonisation future de cette zone
pousse lsrat!l à remilitariser cette dernière. Or, remilitariser cette zone signifie s 'exposer
aux bombardements des Syriens qui, du Golan, surplombent la GaWée ; pour des
raisons stratégiques, on ne peut donc remilitariser la zone démilitarisée par l'armistice
sans s'emparer du plateau du Golan - lequel surplombe aussi la plaine svrienne, à
seulement 40 km de Damas. L'occupation du Golan de 1967 est déjà contenue dans
l'annistice de 1949 ; elle est. d'une certaine façon, une conséquence inéluctable du
processus de colonisation juive poussé sur l'ensemble de la Galilée ;
- en mettant la main sur le Néguev et le golfe d 'Aqaba, Israel s'est donne un accès
en mer Rouge ; l'Égypte ne peut accepter un tel parta11:e de puissance sur la mer Rouge.
L'armistice de 1949 porte en germe les guerres de l956 à propos de Suez et de 1967
avec la poussée israélienne dans le Sinar.

1 tl . l.AllRENS . / .t• (irw1il ir11 ({ Jnt•nt uruha· ffl rj'111/i1.... ,. inlrnJalllf.tWl~.J •""!*'-' /fMj>, Pvu•. A.rmmd Colia. 1991 , p. 87.
680

Apri>.• '"• nrmislÏtf'..• "" 19,#9, qm•I ""' lt1 hi/ma tl11 /'nÎnl rlr ' ''"' tir '"""' ?
La comparai!IOn entre le!! frontières <l'lsrnl!l issues du plan de portage de 1947 rt
œlles issues des armistices de 1949 ;:imène à une observation : en 1947, on ne peul pa•
amener de l'eau du !ne de Tibérinde ou plus généralement du cours supérieur du
bassin du Jourdain jusqu'au désert du Néguev : le chemin est b;:irré par une parlie de la
Galilée inclut' dnns l'~tat arabe ct par les territoires autour de Gaza qui sont relik à la
Clsjordnnle. En revanche, après la premiè're gut'rre israélo-arabe de 1949, il est devenu
possible d'irriguer le Néguev - conquis par lsral!I - à partir du lac Tibériade. Or on a
vu pttc«iemment que dès les années 20 et plus encore avec le proiet de fnrdmr Valley
Aulhority de Lowdermilk en 1944, les sionistes ont imaginé d'irriguer le Néguev à
partir de l'eau du Nord.
La première guerre israélo-arabe de 1948-1949 a rendu possible le développement à
grande khelle des proje15 d'irrigation du territoire d'lsral!l, de la Galilée ;:iu Néguev, a
partir des eaux du Jourdain, et indépendamment de toute coopération étatique.
La rinli.•ntiora de.• projels isrnilirras sur l'ca11.j11squ'<l lu gficrrr de 1967
A partir de 1951, en violation de l'armistice de 1949 - constatée et condamnée par
1'0.N.U . -, les Israéliens implantent des colons juifs dans la zone démililariséc du
Jourdain et commencent à expulser les habitants des villages arabes situés le long du
Jourdain. En 1953, lsral!I entame des travaux de détournement des eaux du Jourdain,
entre le lac Huleh et le lac Tibériade. Ces travaux ont pour but ultime l'irrigation du
Néguev, dans le cadre d'un vaste programme appelé National Water Carrier.
Le 30 octobre 1953, lsral!l dénonce l'accord de bon voisinage de 1926 entre les deux
puissances mandataires - France et Angleterre - , et qui permettait jusqu'alors aux
Syriens de disposer des mêmes droits en matière de pêche et d'irrigation sur le lac
TlbtTiade. La situation se détériore ; les Israéliens lancent des raids aériens sur les
villages syriens proches du lac qui sont condamnés par le Conseil de sécurité en 1956 el
1962; à partir des années 1960, depuis les hauteurs du Golan, les Syriens bombardenl
les positions israéliennes existant dans la zone théoriquement démilitarisée.
Jordaniens et Syriens ne restent pas indifférents aux travaux israéliens de
dérivation de l'eau du lac Tibériade et du Jourdain. Plusieurs plans établis avec l'aide
américaine ou celle de l'O.N.U . - plan MacDonald en 1950, plan Burger en 1952 -
visent à stocker les eaux du Yarrnouk, affluent du Jourdainl . Le Yannouk coule en
Syrie, mais les Syriens acceptent l'idée de dériver une grande partie de l'eau de œ
fleuve en direction des Jordaniens en échange de 75 % de l'électricité produite.
Les Américain& sont convaincus qu 'un accord sur l'eau est si vital au
développement de chacune des parties du conflit, que la résolution de ce seul dossier
peut c:rffr les conditions d'une paix durable entre les Israéliens et les Arabes. Le
pragmatisme économique des Américains en matière de Relations internationales esl
tri qu'il établit un lien direct entre une solution à l'exploitation du bassin du Jourdain
et la paix. Or, pour Washington, gagner la paix au Moyen-Orient, c'est épargner à
celui-ci une polarisation entre pro-américains et pro-soviétiques; c'est alors garanlir
l'ancrage américain d'un Moyen-Orient conçu à la fois comme zone d'endiguement dt
la RU&Sie et comme zone de ressources pétrolières. Dans les années 1950, les
Américains peuvent déjà compter sur la majeure partie des pays du Moyen-Orien! :
Irak - pacte de Bagdad de 1955 -, Liban, Jordanie, Arabie Saoudite, Turquie, lsra~I.
Les dangers de basculement vers les Soviétiques viennent surtout de la Syrie el do
l'~gypte et reposent sur l'évolution du conflit avec lsral!I.
L'ambassadeur américain Johnson est chargé en 1953 de trouver un accord, sur Io
modèle de la Tennessee Valley Authority, pour le Jourdain .

J B. d'Alt.MAILLÉ. •1...e bu.lin du Jourdain'' in St,,.u1'11lque, 1998, n"70 -7 I, p 1Sl-1 !il .


Chapllre 5. ln gu1?rr1? dl? l'enu 681

En 1955, Io premièrP version du pion Johnson est le plan Main : Il IN! conœnln! nir la
gestion commune du ba11sln du Jourdain, excluant le Lltanl. li donne 1/3 de l'eau du
bassin aux lsrnéliens, le reste allant aux Arobes - Cisjordanie, Syrie, Jordanie.
Les lsrnéliens refusent ce plan : ils veulent 50 % de l'eau du Jourdain et
revendiquent l'utilisation du Litani libanais.
Les AméricalnB persévèrent : ils parviennent à démontrer qu'en gérant mieuic l'eau
- amélioration de l'irrigation - les besoins ll(lnt 11atlsfalts pour chacune des partie;
laralll abandonne sa revendication, au moins officiellement, sur le Lltani, tandis que
Syriens et Jordaniens acceptent que l'eau utilisée par les Israéliens llCl'Ve au Néguev.
Le plan Johnson est en passe de réussir quand surgit l'oppot1itlon de Na~, chef de
la Ligue arobe : un partage accepté et une gestion commune Impliquent lh foctO la
reconnaissance de 1•i;;tat d'lsral!l ; les Arabes ne peuvent l'accepter.
lsral!I continue sa politique d'exploitation des eaux du Jourdain aeuL De 1955 à 1964
est bâti le N11tio1111t Water Carrier, ce grand conduit national de diversion des eaux du
Jourdain qui irrigue la Galilée et se dirige vers le Néguev. lsral!I connait alonJ un e550r
agricole Important qui favorise l'accélération de la colonisation.
Les Jordaniens construisent à partir de 1958 une importante dérivation du
Jourdain : le canal de Ghor.
Le Jourdain étant de plus en plus pompé par les Israéliens, les Arabes décident de
réagir en dérivant à leur bénéfice les sources du Jourdain qu 'ils contrtllent : à partir de
janvier 1965, alors que le National Water Carrier vient de s'achever, Syriens et Jordaniens
décident d'entamer des travaux de détournement des rivières Hasbanl - affluent du
Jourdain qui coule au Liban - et Banias, vers le Yannouk, de l'autre cOté du Golan. Si
ces travaux aboutissent, toute la politique de colonisation massive de la Galilée par le
développement de l'agriculture s'effondrera : en avril 1965, les Israéliens bombardent
les chantiers de dérivation.
Les causes de la guerre de 1967 cl IPs noiwr.lles u~quisïrions israil~nna
Ces rivalités sont favorisées par le contexte international1. Depuis 1957, les
Américains ont entrepris de redéfinir leur rôle au Moyen-Orient pour tenter d'y contrer
l'influence grandiss ante des Soviétiques et pour combler le vide stratégique laissé par
les puissances mandataires - vide confirmé par l'affaire de Suez de 1956 oü Français et
Anglais comprennent que la solidarité américaine dans le cadre de l'Alliance atlantique
ne joue qu'en Europe2.
En 1957, l'influence américaine est forte au Liban, en Jordanie, en Arabie Saoudite
el en Irak. Mais l'Égypte et la Syrie prennent de plus en plus leurs distances vis-à-vis
de Washington tout en se rapprochant dans le cadre à la fois politique de la
République Ambe Unie et idéologique du nationalisme arabe et du neutralisme.
En 1964, !'Organisation de Libération de la Palestine est créée3; la résistance
palestinienne, longtemps affaiblie par les intérets des États arabes, relève la tête et
passe à l'attaque contre lsral!I.
Le choix de la prl'mière cible de !'O.L.P. souligne clairement le n'lle que joue l'eau
dans le conflit israélo-arabl' : Il' 31 décembre 1964, un commando pa!PStinien frappe
une station de pompage isrnélienne s ur le Jourdain.
L'O.L.P. mènera ensuite, entre 1965 el 1%7, près de 300 opérations de résistance
contre lsra~I.
L'année 1965 est celle de la radicalisation au Moven-Orient dans un con~ de
bipolarité. Le prësident Johnson fait pencher netteme~t la polittqm? américaine du ~

1 Il. L/\\HU~ NS , / .1• r r<lflll,. , ft•.,· 1•.\il1•_,. t l .ti l11lh' /tflUr /11 l'1'1r.u l1w ok IA&V 1t JW?, , Puu. Robrrt Laffonl. l'NI, P. ~1-\12.ol.
2 /llr-m. 1'· H20 - N~~ -
:t /hltl.. (1 . ~tll - H\10 .
682

de l'État hébreu en annonçant - en mars 1965 - qu'il est pr~t à armer massivement
lsnll!l. L'israélien Eshkol affirme devant le Parlement que la VI" flotte américaine C!!ll t.
ré9erve stratégique d'lsral!l; pour la prenùère fois, Nasser, qui jusque là avait opie
pour le neutralisme et s'était montré distant de !'U.R.S.S., accepte que des bâtiments
sovi~ques mouillent à Alexandrie - juillet 1965.
En 1966, un pouvoir nationaliste syrien contrôlé par les alaouites 1 s'installe à
Damas. Le fossé qui se creuse entre le Baatlt irakien et le Néo-Baatli syrien favorise le
rapprochement entre Égyptiens et Syriens - lesquels s'étaient éloignés un moment du
Caire après l'échec de la République Arabe Unie en 1961 .
En appuyant la résistance palestinienne, et la formation d'une alliance syro-
égyptienne "anti-impérialiste", Moscou conforte son influence au Moyen-Orient ;
l'objectif pour les Russes est de rendre l'Égypte de Nasser, jusque là plutôt récalcitrante
au communisme, plus dépendante de son aide nùlitaire et d'obtenir en échange des
facilités navales en Méditerranée et en mer Rouge.
Les commandos palestiniens qui opèrent à partir du Liban ainsi que l'il?INe
syrienne depuis le Golan multiplient les frappes sur l'occupation israélienne de la zone
théoriquement démilitarisée par les armistices de 1949. Le 7 avril 1967, lsrai!l attaque
des positions syriennes sur le lac Tibériade.
Face à cette montée de la violence, l'Égypte n'a guère d'autre choix que de soutenir
la Syriel; l'armée égyptienne prend position dans le Sinaï mais Nasser a conscience
que son pays ne peut mener une guerre contre Israi!l : une grande partie de ses fortes
est occupée par le conflit du Yémen et aucun plan d 'attaque contre lsrai!l n'existe.
~t qu'lsrai!I n'attaquera pas le prenùer, l'Égypte accepte la médiation américaine
et conforte ses alliances politico-militaires - en mai 1967, pacte avec la Jordanie, puis
I'lralc..
La France qui est encore, à la veille de la Guerre des Six Jours déclenchée en juin
1967, le principal soutien extérieur d'lsrai!l, déclare qu'elle ne soutiendra pas celui qui
emploiera la force le premier; de Gaulle décide d'imposer le 3 juin 1967 un embargo
sur les armes à destination du Moyen-Orient où Israi!l est le seul client de la France.
lsrai!l comprend qu'il ne pourra désormais plus compter que sur les États-Unis comme
véritable allié.
Le 5 juin 1967, lsrai!I lance son attaque surprise sur l'Égypte.
La deuxième phase d'expansion territoriale se fait très rapidement grâce à une
domination israélienne par l'aviation : en six jours le territoire de la Palestine
mandataire est recouvert, et au-delà. Les Jordaniens n'ont pu tenir la Cisjordanie et la
partie arabe de Jérusalem ; les Syriens ont dtl céder le Golan ; quant aux Égyptiens qui
avaient tout fait pour éviter cette guerre et qui savaient qu'ils la perdraient vite, ils sont
repoussés en trois jours de l'autre côté du canal de Suez.
lsrai!I a atteint de nouveaux objectifs sionistes : le 27 juin 1967, la Jérusalem arabe
est intégrée à la Jérusalem juive - les Nations unies ne reconnaissent pas cette
ttunion - ; la bande de Gaza, la Cisjordanie sont occupées ainsi que les rives du
Jourdain; le Golan est lui aussi occupé : 120 000 Syriens doivent fuir - les 7 000 druzl5
sur lesquels les Israéliens comptent comme alliés sont maintenus - ; lsrai!I a retabli
son accès au golfe d'Aqaba et au canal de Suez.
Quel esr le bilan de la gue"" dt' 1967 du point de vue de l'eau ?
Au moment de la guerre de 1967, lsral!I consomme la totalité des ressourœs
hydrauliques que lui donnent ses frontières originelles - plan de partage de 1947 - et

1 Vuir ~ eenioo c:omacrêc aux alaouua, ce chiites de Syrie - chapilre portonl sur 111 religion ; voir i!plcmcnl 18 llC('llOI
~ l I• mom6c co pul&Mllu dr la dll!:mogmph1c alaoutlc en Sync - chupitrc purtanl ~ur le numhft .
2 H. LAURENS. U mour'du esl/'~ (Lu lu,,~ pour la Piil~.rtlnt! Je 11169 U /'1JV1) , Pari?t , Robert LafTont, 19911, p. 9J6-9J.4.
Chnrttw 5. La guerre de l'eau

les acquisitions de 1949, soit environ 1 600-1 650 mlllioru< de m3 d'eau par an. Le
développement de la colonisation en Galilée el dans le reste du territoire israélien est
compromis si de nouvelles ressources en eau ne sont pas trouvén · la Cisjordanie l!9t à
elle seule une promes se de 850 millions de m3 d'..-au, dont 650 facilement ..-xploitables,
el Gaz.a de 80 millions.
Après la guerre de 1967, le bilan de la guerre pour l'eau est le suivant '.
La guerre a permis de sécuriser el d 'amplifier l'..-xploitation du baMin du Jourdain
(a) . Elle a offert à lsral!I de nouvelles ressources en eau, celles de aquifttes de
Osjordanie et de Gaza (b) .
a. En contrôlant le Golan, lsral!I surplombe désormais la Syrie et a sécurisé la zone
déntilitarisée qu'elle occupait sur le territoire de la Palestine mandataire. Les lsraéliem
ont mis un terme au projet de dérivation des sources du Jourdain - Ha9bani et
Banias - vers le Yarmouk qui menaçait le NationJJI Water Carrier. Us contrôlent
désormais:
- toute la rive Ouest du Jourdain ;
- une nouvelle source du Jourdain : le Banias;
- le triangle du Yarmouk - territoire compris entre l'arrivée du Yarmouk sur le
Jourdain el le Jourdain lui-même, à proximité du lac Tibériade - ;
- le lac Tibériade est devenu une mer intérieure ;
- la jonction entre le Yarmouk et le canal du Ghor - dérivation vers la Jordanie.
(b). Dès août 1967, le gouvernement israélien donne par ordonnance - n"92 du 15
aoQt 1967 - le contrôle absolu de l'eau aux autorités israéliennes des Territoires
occupés - les permis de forage sont accordés par l'autorité israélienne qui détrrmine
la profondeur des puits ; les Palestiniens n'obtiendront quasiment aucune autorisation.
Alors que le mandat considérait l'eau comme propriété privée, les Israéliens la
déclarent, en Cisjordanie et à Gaza, propriété collective dont ils assureront 5e'Uls la
gestion1 .
J/ers le dernier objectif sioniste en "iatièrr d'eau:/,. Litani
Désormais, les seules revendications sionistes sur l'eau qui restent insatisfaites
portent sur le Litani, toujours sous souveraineté libanaise.
Déstabilisé par la question palestinienne et les divergences profondes qu'elle suscite
à l'intérieur du Pacte communautaire, le Liban plonge dans la guerre civile en avril
1975, après une multiplication d'incidents entre Phalangistes chrétiens et combattants
palestiniens. La Syrie s'implique dans le conflit, un an après. Lobjectif pour Damas est
double : il s 'agit premièrement d'empêcher les Palestiniens de prendre le contrôle du
Liban ; deuxièmement de désamorcer la montée en puissance des Swmites : leur arabo-
islamisme tend en effet à menacer les pouvoirs tenus à Beyrouth comme à Damas par
des ntinorités religieuses - chrétiens maronites au Liban. chiites alaouiles en Syrie.
Pour Isral!I, la guerre civile libanaise est une aubaine. Le sionisme entretient au
Liban deux rêves2 : s 'emparer des réserves en eau du bassin du litani ; recomposer Je
Liban - et la Syrie - s uivant un schéma communautaire et arriver notamment à la
création d'un État maronite allié - c'est le rêve de Ben Gounon.
Le 14 mars 1978, après d e nouvelles actions contre la Galilée menées par des
commandos palestinie ns à partir du sud du Liban, les Israéliens lancent l'opération
"Litani", occupant les territoires libanais du Sud jusqu 'au fleuve Lltani, Deux mille cinq
cents P.1lestiniens et Libanais s ont tués ; 250 000 personnes doivent se réfugier au-delà
du fleuve . Des n.wettes maritimes isr<1éliennes organisent le transport de miliciens
maronites qui leur sont i.ivor.1bles du centre du Liban \lers le Sud ; leur regroupemenl

1 t.lw:m. p . .177 .

:?. //tH/., S' 2110.


doit permettre la formotion à la frontière israélienne d'une couche de prolcclion
chrétienne et d'une prise en tenaille de la résistance palestinienne. Une ceinture de
sécurité large de 5 à 10 km le long de la fronti~re du Liban eHt laissée à la milice
chrétienne de Soad Haddad, lequel proclame l'État du Liban libre. Les Israélien.
ébauchent là leur rêvl' d'un État client maronite.
Por les résolutions 425 et 426, le Conseil de Sécurité de l'O.N .U . condamne
l'intervention israélienne dans le sud du Liban; la F.l.N.U.L., Force d'intervenhon dl'S
Nations unies au Liban, est créée à cette occasion.
L'établissement de la zone de sécurité du sud du Liban par Israël donne aux
Israéliens le contrôle sur le dernier affluent du Jourdain, le Hasbani. Désormais, lsra~I
contrôle les trois sources: Dan - 1948 - , Banias - 1967 - , Hasbani - 1978.
Cette nouvelle progression a sans doute été favorisée par la sécurisation pour Israël
du fTOnt égyptien et la nouvelle politique de rapprochement de Sadate. En effet, si la
guerre israélo-arabe de 1973 - guerre du Kippour - avait confirmé pour Israël les
acquisitions territoriales de 1967 - Territoires occupés et l'intégralité de Jérusalem-.
elle avait en plus donné à l'État hébreu le Sinaï au détriment de l'Égypte.
Or, l'Égypte de Sadate est à bout de souffle économiquement. Le successeur de
Nasser est persuadé que son pays ne peut récupérer le Sinaï et se redresser
économiquement qu'en se rapprochant fortement des États-Unis et en jouant cavalier
seul vis-à-vis d'lsra!!I - sortir en somme de la solidarité arabe. Pour contrer l'image du
traitre à la cause arabe qui négocie avec Israël, Sadate flatte la fierté pharaonique de
l'Égypte; contre la pression soviétique et les idées socialisantes des partis pro-
palestiniens ou nationalistes arabes, il oppose l'image du bon musulman luttant contre
les athées - les Frères musulmans sont autorisés sous sa présidence, et la loi islamique
devient la source principale de législation en 1980. Les accords de Camp David de
septembre 1978 entre l'Égypte et Israël, sous l'égide des États-Unis, permettent a
l'Égypte de recouvrir le Sinaï perdu dans la guerre de 1973 et d 'installer l'Égypte dans
la paix avec lsral!I. Us offrent à l'État d'Israël une reconnaissance historique par un pays
arabe et au sionisme la possibilité de se concentrer désormais sur le front palestinien et
syrien.
Outre la paix signée entre les deux États et la reconnaissance de l'État d'Isral!I par
l'Égypte, les accords de Camp David contiennent un volet palestinien qui soulève la
possibilité d'une administration autonome pour les Palestiniens de Gaza et de
Cisjordanie. Des pourparlers sont ouverts en mai 1979 à ce sujet. Mais pour les
Israéliens les choses sont claires: "l'autorité militaire - israélienne - restera la source
de l'autorité dévolue au Conseil administratif - palestinien - , les terres domaniales et
les réserves hydrauliques, la sécurité et l'ordre public resteront sous Je contrôle
d'lsral!l; la politique d'implantation sera continuée"l. Le volet palestinien échoue du
fait de l'annexion de Jérusalem-Est décidée par Israël en 1980 mais le retrait israélien
du Sinaï est engagé; il va se poursuivre jusqu'en 1982 ; les troupes israéliennes se
tournent alors vers le nord de la Galilée, c'est-à-dire vers le Liban.
Au Liban, les Israéliens comptent sur un État maronite allié. Mais les maronill'S
sont eux-mêmes divisés en grandes familles, et leurs orientations diffèrent . Trois clims
sont favorables à Israël : le dan des Gemayel dont lcH Forces liba naises contrôlcnl le
réduit chrétien de Beyrouth-Est ; le dan des Chamoun originaire> du Chouf - région
que les maronites partagent avec les druzes - ; et les milices pro-isr<1élienncs du Sud-
Liban qui ont proclamé l'État libre du Liban . Ces trois composantes sont œp,,,.danl
déchirées par de fortes rivalités intestines; un quatrième clan maronite est, quant à lui,

1 /buJ., p . 299 .
Chapitre 5. U. guerre de l'eou 685

(avornble à la Syrie : les maronites du Nord dirigés par la famille Prangié qui entretient
de bonnes relations avec les chefs alaouites de Syrie.
En 1980, les Israéliens distinguent Béchir Gemayel et les Forces libanal.!es pourftn!
leur nllié contre la Syrie et les Palestiniens.
La vnlonté d'expansion territoriale israélienne marque une nouvelle étape le 14
décembre 1981 lorsque Bégin décide de l'annexion par lsra!I du Golm. Cest la
première annexion en dehors même du territoire de la Palestine mandataire. Les
Israéliens attendent désormais le moment pour envahir le Liban, en finir avec la
résistance palestirtlenne, installer l'État chrétien allié des Forces libanaises contre la
Syrie et contrôler le château d'eau libanais.
Le 3 juin 1982, l'ambassadeur israélien à Londres est assassiné. Les responsables
sont issus du groupe palestinien Abou Nidal, ennemi de l'O.LP. et soutenu par l'Irak.
Or l'Irak qui est en pleine guerre contre l'Iran islamo-chiite soutenu par la Syrie a
intérêt à voir la Syrie affaiblie par une attaque israélienne; l'Irak est alors également
soutenu par les États-Unis contre l'Iran.
JI semble qu'lsrai!l ait obtenu l'accord tacite de Washington pour tenter d'en finir
avec !'O.L .P . et la Syrie - eux-mêmes en conflit - sur le territoire libanais. Le 6 juin
1982, l'opération "Paix pour la Galilée" est déclenchée : près de 100 000 soldats
israéliens bien entrainés et équipés, bénéficiant d'une imposante couv~ aérienne,
sont lancés à l'assaut des quelque 15 000 combattants palestiniens.
L'invasion conduit les Israéliens à Beyrouth. Avec leurs alliés des Forces libanaises,
les Israéliens exercent une répression terrible sur les Palestiniens. La répn!ssion .fait
près de 20 000 morts chez les Libanais et les Palestllùens, pour la plupart des vidimes
civiles1 . Le chef de l'O.L.P., Yasser Arafat est sauvé du bourbier de Beyrouth par
l'armée française .
Confrontés à une résistance arabe et islamique qui cause de lourdes pertes dans les
rangs de l'armée israélienne - combats de rue, guérillas-, les Israéliens d~ de
se retirer du Liban en janvier 1985, tout en conservant une zone d'occupation de 10 à
20 km de profondeur où ils maintiennent une milice libanaise a'1Xilian, !'Année du
Liban Sud. Les eaux du Litartl et l'affluent du Jourdain. Hasbani,. restent donc sous leul'
contrôle.
Quel est le bilan sur l 'eau pour Israël en 1985?
En 1985, les Israéliens ont conquis la suprématie sur l'eau :
- dans le territoire de la Palestine mandataire : État juil de 1948 et Territoires
occupés de 1948 et 1967, Gaza et Cisjordanie;
- le contrôle de toutes les sources du Jourdain;
- l'accès au Jourdain des sources jusqu'à la mer Morte;
- le contrôle du Lltani.
En 1985, lsra!!l a toute l'eau: il peut continuer son développement colonial : le
nombre de colons en Gsjordarùe-Gaza passe de plus de 50 OCXl en 198.5 à pl'15 de
150 000 en 19952.

1 Ll• gCn~ral S hmnm joua un n.l lc i:cn\1111 Jans ces mas.~c..·tt'!t. notammnlt C'ltlu1 des Campi~ de~· Ill~-~ · ·..
l'hom:ur nttcillml sun comhk. Comm ..·111 1111..•r 1"a\"ltm1in:shlc \·o kmte ~daitt dit saldats ~)tais qW D........_ (!9.ll ....._: . ·,: ·
les rt'mmcs cn..:cmlc:S L'I 1\ h.·!'> n.1;.;a .... 111.;r ü\ ' Cl" IC"lll"S tu:1u~ ·.• El C.'. tl mmcnl iolC1'pffter le Sllcocc da m6diG ~ ~ ~ -....
.~.-
une 11mndc partie tic ces h o n"Curs ".'
2 N. PICALJDOU . /.•'·"' Pulrif~,,1-.S... 1Ht d.k/r ,/'hi.v t••l~. lhu:..clles.. Cumplcu. 19Y7, p. JI ...
686

lù1f11111r É1a1pal•••li11i~n : 1111 tlrji pour"""" tl'J..ru;./


"Gmmxl11! r."'t-1/ /1· ~ul t•t~{tml à mourir l-'tiur 111u• n111sc 1•ositiue ? 11 1

Malgré ses avancœs tl'rritoriales, ses succès militaires et son appui américain, lsra~I
n'a pas réussi à faire disparaitre le nationalisme palestinien et la résistance d'un P"uplc
Le 15 novembre 1988, le Conseil national palestinien réuni à Alger proclame l'Élal
indépendant de Palestine. En décembre, un dialogue américano-palestinien s'ouvre a
Tunis.

La fin cfo la Guerre froide et ses conséquences sur la poliLique


d'Israël
la fin de la bipolarité est proche; pour les Américains, la menace soviétiqul' a
disparu du Moyen-Orient. Les Israéliens ne sont plus aussi incontournables qu'ils
l'étaient. dès les années 1950, dans la lutte contre l'influence soviétique.
Durant la Guerre froide, lsral'l est en position de force pour obtenir un appui fort
des États-Unis à sa politique d'expansion ainsi qu'une aide économique et militaire
massive, en échange de son appui à la lutte anti-soviétique.
À partir de 1989, cette position de force d'Israël a disparu . Tel-Aviv peut certes
encore utiliser son /ob'7ying électoral pour peser à Washington, mais la politique
américaine ne saurait être réduite à ce facteur essentiellement conjoncturel - et donc
trop souvent exagéré dans les médias.
Si lsrai!l veut pouvoir continuer à bénéficier de l'appui politique et économique des
États-Unis, il ne peut pas ne pas tenir compte des aspirations palestiniennes. Les
Américains sont désormais en position de force pour imposer des négociations. Qui
plus est, la montée de la composante islamiste - Hamas - dans la résistance
palestinienne pousse les Américains à faire de !'O.L.P. le partenaire modéré idéal, prét
à reconnaître l'État d'lsrai!l en échange de la reconnaissance d'un État palestinien -
tandis que les branches radicales de la résistance palestinienne comme le F.P.L.P. de
Georges Habache ou le Hamas réclament l'intégralité de la Palestine historique pour y
construire un État binational ou Palestiniens et Juifs cohabiteraient.
La di.mographie palr.stinir.nne rontrr. la coloni.~ntion juivt~
Au début des années 1990, la colonisation juive sur le territoire de la Palestine
mandataire est très avancée. Outre le territoire israélien originel de 1948 qui compte en
l'an 2000 près de 6 millions d'habitants - pour 20 325 km 2 - , l'occupant contrôle, à
l'époque de l'/nhfada (c'est-à-dire de la guerre des pierres), en 1987, environ 52 % des
terres de Cisjordanie, 42 % de ses ressources en eau et 11 % du territoire de Gaza.
200 000 colons juifs vivent dans les 120 implantations juives de Cisjordanie et la
douzaine d'implantations à Gaza; sur les rives du Jourdain occupées par lsrai!I, les
colons contrôlent plus de 40 % des terres irriguées2. Au début des années 1970, il y a un
millier de colons juifs en Cisjordanie et à Gaza ; on en compte déjà 50 fois plus en 1985
et 200 fois plus en l'an 20003 . Cet accroissement fabuleux bâti sur les succès militairl's et
une politique d'immigration massive suivie d 'implantations est le résultat de
l'application continue de l'objectif sioniste : gagner la guerre démographique.
Les Palestiniens ne se sont en fait préservés de la disparition complète que par leur
vive résistance armée et par leur résistance démographique . La fécondité moyen""

1 C llA UZli. l 'lllam tk· l'Ocodent (Lu q111: .ft1u11 tk l'l.'ô/um d11nf lu t 'tlll .fl" t1 •11n· m ndn1tnl1•J. l'.m!tio , An.:01111.:re, l'>llll. r l.U, '
prnpm de la c:.awc pWcs1in1imne ~ dc.s C'nranb martyr..
2 N l"ICAUOOü, L-.• Pu/rJt1'11rm. u11 ""'' lt• tl'liis1oirl'. Uruxclh..'"!'>, C umrlcxc , l IJ 1J7. p ::! 19

)!dan. p. l l •
Chapitre 5. La guerre d(" l 1eau

d'une femme palestinienne est aujourd'hui voisine de 8 enfants en Cisjordanie, 9.8 à


Goza; le taux d'accroissement naturel de la population palt!!ltinlenn" y est
respectivement de 4 % et 5 % _ La population palestinienne t!!lt aujourd'hui trè jeune;
elle n'a connu que la misère et est animée d'une grande volonté de résistarlCI! que
l'/11tifada a démontrée.
Sans cette réalité démographique - 2,6 millions d'habitants pour la Cisjordanie et
Gaza-, il est probable que le peuple palestinien aurait été condamné, à la fin de la
Guerre froide, à un abandon dans les camps de fortune du Liban, d" Syrie et de
Jordanie, ou à l'éparpillement dans le Golfe .
Et ce d'autant qu'à la fin de la Guerre froide la résistance armée palestinienne ne
peut plus compter sur une aide militaire soviétique. Elle se reh'ouve seule, néanmoins
soutenue militairement par l'Irak, et politiquement, mais prudemment, par la France.
Mais 40 ans après l'exil en masse des Palestiniens, la réalité palestinienne apparait
plus vivace que jamais ; elle a montré sa capacité de déstabilisation intérieure de l'ordre
israélien. Bien qu'éconorniquement appauvrie, privée de terres, d'eau, de nationali~,
de droits, de liberté politique, cette réalité habite le territoire de la Palestine mandataire
el continue de peupler d'immenses camps miséreux chez les voisins arabes, à partir
desquels l'énergie de résistance ne cesse de jaillir.
Le sionisme s 'est emparé de la Palestine mandataire, mais n'est pas parvenu à
effacer la réalité palestinienne - comme le souhaitait Golda Meier qui affirmait : "le
peuple palestinien n'existe pas". C'est sans doute ce constat qui pousse wte partie des
Israéliens, encouragés par le pragmatisme américain, à la table des négociations.

Les Israéliens doivf'nt négocif'r:


le début du processus de paix avec les Palestiniens
Le processus de paix entre lsra!!I et les Palestiniens s'ouvre le 13 septembre 199'3
avec la signature à Washington, en présence du président Clinton, d'une déclaration de
principe entre Israéliens et Palestiniens par laquelle les deux parties s'engagent à
"reconnaître leurs droits naturels, légitimes et politiques"!_ Ce sont les accords d'Oslo
- parce qu'ils sont le fruit de négociations qui s'étaient préalablement œnues à Oslo.
Deux textes fondamentaux vont traduire concrètement les intentions énoncées à
Washington :
- l'accord du Caire du 4 mai 1994 qui définit les modalités d'wte autonomie
palestinienne à Gaza el Jéricho ;
- l'accord ratifié à Washington du 28 septembre 1995 - Oslo Il - qui étend
l'autonomie palestinienne à la Cisjordanie.
Notons bien que ces accords excluent de l'autonomie la partie arabe de Jérusalem
qui reste un contentieux majeur entre Palestiniens et Israéliens. Les pr=ùer.;
souhaitent une souveraineté double sur la ville; les seconds n'admettent qu'wte
Jérusalem intégralement et exclusivement israélienne.
L'Autorité palestinienne contrôle aujourd'hui seulement quelques enclaves du
territoire historique de la Palestine, à savoir les zones autonomes de la bande de Gaza
et de Jéricho ainsi que des territoires de Cisjordanie que l'on peut classer en trois zones
distinctes, selon le degré de contrôle qui y est exercé par ('Autorité palestinienne.
- La zone A est constituée par moins de 4 '\. de la Cisjordanie et 20 'li. de sa
population : elle comprend notamment les sept grandes villes palestiniennes : Jénine.
Qalqily, Tulharm, Naplouse, Ramallah, Bt•thléem el un" partie d 'Hébron. Jérusalem Est
n est pas con1pris dans c~tte z0ne .
1

1 lhld . p . :!4to.
Dans la zont• A, l'Autorit•' palestinienne détient les pouvoirs civils et dl? poliœ, !laUf
à Héhron où les soldats israéliens sont toujours n•sponsables du contrôll? de• colon~
juifs. Un at"-"Ord dit d'Hébron signé entre Gaza l?t lsra!!l en 1997 prévoit Il' passagc Je
80 % de la ville d'Hébron en Z<>ne A. L'application de cet accord l?St sans c~
repoussée par lsr.1N.
- La zone 8 comprend h1 quasi-totalité des 450 villages palestiniens et repr~nte
2."l % de la superficie de la Cisjordanie. Dans cette zone, ks Palestiniens détiennent les
pouvoirs civils et une partie st•ulemt•nt des pouvoirs de police, tandis qui? l'armée
israélic1me conservt> le contrôlt• de l.1 sécurité et un droit permanent et unilatéral
d'intervention.
- La zone C represente les 73 % restant de la Cisjordanie ; elle reste sous contrôle
exclusif, avec les colonies juives, de l'État d'lsrat<I.
La souverainett' de l'O.L.P. reste aujourd'hui plus municipale que nationale et l'ÉLlt
d'lsraO!I continue de s'opposer à ce qu'un État palestinien véritablement souverain voit
le jour. La Palestine est une identité nationale, une administration, un territoire
fragmenté mais elle est encore loin d'ètre un véritable État.
L'mu dt- l'f:tat polt>stini~11
L'une des questions qui a trait à la viabilité d'un État palestinien est celle de l'eau.
Conformément à leur foi dans la dépendance du politique à l'égard de l'économiquP,
les Américains pensent, depuis les années 1950 - on se souvient des solutions qu'ils
proposèrent pour l'eau - que le règlement de la question de l'eau entre Israéliens et
Palestiniens est le plus à mème d 'apporter les conditions d'établissement d'une paix
durable.

Or, le problème de l'eau n'est pas réglé par les accords d'Oslo : quelques article; y
soulignent bien la nécessité d'une utilisation équitable, mais aucun système de partagp
n'est proposé- L'accord du Caire du 4 mai 1994 prévoit simplement des comités dp
suivi mixtes pour la gestion de l'eau qui pourront faire des propositions.
En théorie, un futur État palestinien disposerait du réservoir aquifère montagneux.
Le volume de cette couche souterraine provient en effet des eaux de pluie tombant sur
la Cisjordanie; les Palestiniens revendiquent donc la souveraineté sur les ressources dP
l'aquifère.
Mais aujourd'hui, cet aquifère est exploité presque totalement à partir de puits
creusés dans les Territoires occupés et dans la plaine israélienne par les colons juifs -
les Palestiniens n'ayant jamais eu le droit de creuser de puits, à quelques exceptions
près. À peine 10 % de l'eau exploitée dans cet aquifère l'est par les Palestiniens.
Les Palestiniens font observer que lorsque les Israéliens ont mis en œuvre des
projets d'alimentation en eau dans les Territoires occupés pouvant bénéficiPr
également aux populations palestiniennes, ils ont d'une part rationné l'eau utilisable
par les Palestiniens, et d'autre part gardé le contrôle exclusif des réservoirs régionaux,
vannes, stations d'observation, placés systématiquement à l'intérieur des implantations
israéliennes. Même dans le cadre de l'autonomie pales tinienne, l'eau reste sous
domination israélienne 1•
Si la gestion de l'eau de l'aquifère n'est pas rééquilibrée, les Palestiniens ne pourronl
pas répondre dans dix ans aux besoins de leur population et bien avant si la diaspora
palestinienne venait à se réinstaller.
À l'opposé, Israël affirme son droit d'antériorité d'usage sur l'exploitalion d~
l'aquifère de Cisjordanie; ce sont les colons juifs en 1930 qui, les premiers, ont en dfot

1 H 1. SUUVAL , ~Le pro blemr du partngc de l'eau cnlrc lsruel cl les P11l~s11nicn s " , in A/mule• ; lr11lu• J{1Jghr.-b· .\t.:Jt·htT4. l'-"t
dt< 199!. n' IJ•. p. 27-3 7
Chapllr" 5 La gucrr" 1.fo l'eau 689

commencé à exploiter inten!llvement ce ré!lervoir d'eau. Ensuite, entre 1948 et 1965,


(sral!l a creusé autour des monts de Judée et de Samarie de nombreux puil!I et irutallé
Jl.'s sysh~mcs de drainage, le tout à l'intérieur des frontières israélienne!! - nous avons
vu precédemment que l'eau est à la verticale des monts de Judée et Samarie, donc sous
les Territoires occupés de Cisjordanie, mais que son exploitation se fait en contrebas,
donc autour des monts, c'est-à-dire, au moins pour la partie occidentale de l'aquif~.
sur le territoire d'lsral!I.
En 1990, le général Eytan alors ministre de l'agriculture avait déclaré dans la presse
israélienne que la question de l'eau de l'aquifère montagneux empkhait à elle seule à
lsral!I de céder le contrôle physique des Territoires occupés de Ci9jardanie,
indispensables à la conservation en eau des ressources vitales du pays. Il évoquait la
menace de dérivation comme de pollution de l'aquifère. Nous avOJ\6 souligné en effet
précédemment, à propos de la guerre de 1967, qu'lsrai!I n'a plU.!1 assez d'eau avec le
bassin du Jourdain pour répondre aux besoins de son développement colonial et que
l'un des résultats de la guerre de 1967 est de lui donner les réservoirs d'eau paleslinÎftlS
de Cisjordanie et de Gaza.
Prenons en considération les données suivantes :
- aujourd'hui, les 2/3 des besoins en eau des Israéliens sont assurés par des
ressources puisées dans des territoires qui n'étaient pas inclus clans les frontières de
1948 - 1/3 du lac Tibériade et du Yarmouk, 1/3 de Cisjordanie et de la nappe de
Gaza;
- rù les Israéliens ni les Palestiniens ne sont préts à renoncer à l'utilisation massive
de l'eau pour l'irrigation; un tel renoncement reviendrait à renoncer à l'agriculhm!,
base fondamentale de leur développement;
- les populations juive et palestinienne risc(uent de doubler d'ici 30 ans :
accroissement naturel, regroupement de la diaspora, immigration . ..
- il n'y a pas assez d'eau dans l'aquifère montagneuse pour permettre le
développement et l'alimentation équitable et suffisant des deux populations.
Les ressources actuelles en eau rendent incompatibles la coexistence d'un État
israélien qui continuerait son développement colonial et d'un État palestinien accédant
au développement. La coexistence des deux États n 'est possible que si des ressoun:es
additionnelles sont trouvées ; c'est la raison pour laquelle les Palestiniens ne se
contentent pas de revendications de souveraineté, ils demandent aux Israéliens
d'installer des usines de dessalement d 'eau de mer pour Gaza et pour lsral!I - comme
l'a fait avec succès le Colle - et à la Jordarùe de permettre la dérivation d'une partie de
son eau vers la Cisjordanie.
En matière d'eau, la gestion commune est iné\'itable; les Américains ont raison au
moins sur un point : une réflexion pragmatique sur l'eau ne peut déboucher que sur un
accord d'intérèt commun. Mais une réflexion pragmatique sur l'eau doit aussi amener à
une réflexion pragmatique sur les choix econorniques israéliens. Pour des raisons
d'autosuffisance alimentaire - l'un des fondements politiques du sionisme - Israel a
développé une agriculture d'irrigation dont les coùts sont en dehors de la réalité
économique : le coût de l'eau est tel en Israël, que le coùt de production d'une tomate
israélienne exportée scrilit à peine rentable si l'État ne dé\'ersait pas une manne de
subventions - dont l'origine est à chc-rcher largement dans l'aide américaine ...
L'eau est donc bien un facteur géopolillque essentiel du .:onflit entre lsrai!I, les
Palestiniens et plus géneralc-ment les Arilbes. Aucune paix ne peut se faire sans un
règlement de la question dl' l'eilu . Preuve en est que le traite de paix du 26 0<."tobre 1994
entre la Jordanie et lsr'1~l donne bien un règlement commun de la question de l'eau.
L'article 6 du traité prévoit l'n effet um• coopération dans ce domaine; l'espace alloué
par lsra!!l à la Jordanie sur le lac Tiberi,\de lfoit ètre augmenté. En 1999, après avoir
d '1\ll(>rd annon<'<' <JU'il ne pourrait rc!lpecter l'nccord et fournir les 50 million" JI' ml
anmll'I~ d'enu potüble prévus, lsratH c>it revenu sur sa décl!lion et a finalement honor~
son t'tlntrat.
Mnis l'n m~mc temps, il est faux de dire que l.->1 l"raélien" et le" l'alL'lllinil'n• !If
battent pour l'e<iu: le prcmi.-r dét.-rminnnt, celui qui compt~· nu-dessus de tout en ce
qu'il,, dt'teormlné Io créotion d'lsral'l, son L'xpansinn territorlnle et coloniale, outant que
la ft.\sistan ...~ pn1estinicnn~. sa volonh.' de créer un État palestinien, reste le factrur
identitaire; en ce sens. le facteur de ressource reste subordonné à la logique identitaire
L'abandon en 2000 par lsrnl!l des ressources du Litnni, avec le rctrnil de son anntt
du Sud-Liban, montre 1-il que l'identité is raélienne a choisi de s'inscrire dan• 1~
frontières dl' la Palestine mnndnt11ire, dénominnteur commun des différentes
revendications sionistes - certaines sont allées jusqu'au Litnni mais toutes ont parlé de
l'inh!gralité de la Palestine mandatair<'? On pouvait le croire jusqu'à l'été 2002
loniu'lsral!I a décidé d'empêcher le Liban d 'installer des pompes à eau sur la rivière al-
Wnz.zani coulant pourtant sur le territoire libanais. En 2006, lsral'I a lancé une nouvelle
offen.~ive contre le Hezbollah au Sud du Liban (et des bombardements sur l'ensemble
du rerritoire) . Cette offensive peut se transformer en une nouvelle occupation dl.'5
zones les plus méridionales du Liban, donc e n un contrôle effectif de sources d'eau
strategiques.

5. Ne pas tout expliquer par l'eau;


aberration territoriale, conflits ethniques, et logique
de l'eau: l'exemple de la bande de Caprivi en Afrique

L'origine du territoire de Caprivi


La bande de Caprivi est un appendice de plus de 400 km de longueur et de
seulement 50 km de largeur, formé sur le territoire de la Nanùbie. Ce curieux
découpage est un fruit de la colonisation allemande de l'Ouest africain que l'on doit au
comte leo Caprara Montecucolli v on Caprivi, s uccesseur de Bismarck et chancelier de
l'Allemagne entre 1890 et 1894, après avoir été ministre des Affaires étrangères. En
1890, la diplomatie allemande a une idée fixe : relier ses deux colonies , l'Ouest africail\
c'est-à-dire la Namibie actuelle, à l'Est africain ou Tanganyika - l'actuelle Tanzanie.
Berlin négocie avec Londres, l'obtention d ' une band e d e te rritoire qui lui permettrait. ~
partir de l'Ouest africain, d'atteindre les rives du Zambèze. L'Angleterre voit dans cette
demande la possibilité d'un frein possible à la descente de la colonisation portugaise -
fixée en Angola - vers les colonies anglaises - fixé es sur les territoires actuels du
Botswana et des Rhodésies. Les Anglai s acce ptent d e céder la bande de territoire en
échange de l'obtention par Londres de Zanzibar e t Pemba située au large du
Tanganyika - notons ici la stratégie insulaire de l'Angleterre qui continue patiemment
à tisser son réseau stratégique lui permettant de s 'assurer une incontestat>I~
domination mondiale. Le traité gcrmnno-britanniqu e du 1" r juillet 1890 donne~
l'Allemagne la bande de Caprivi ainsi que l'île d'Héligolnnd en mer du Nord et~
l'Angleterre Zanzibar et Pemba. Les nationalistes all.-mands contestent fortement IJ
politique de Caprivi et ils ont sans doute raison, c or ln bonde de Caprivi va s'a"o!rer
aussi inutile à l'Allemagne que Zanzibar s era utile à l' Angleterre .
Les Allemands sont en effet vite déçus quant ;\ l' utilité géopolitique de Capri"i : ils
ont bien accès à la vallée du Zambèze, mais ils sont a rrêtés par les chutes Victoria dont
les explorations de Livingstone ont pourtant révélé l'existence.
ChapUr1• 5. 1.n gur.rrl" dl" l'e-nu

lft1/'l"'I• ,,.,:,,,,,,Ji1i11w·~ .r nr fo Numil1il!, Ill Znml•ir ri l'Angnla

i.., Namibie, ancienne colonic allemande du Sud-Ouest africain est confiée a


l'Afrique du Sud !lous mandat de la S.D.N. par le Traité de Versailles. Aprè9 la
Dcuxil'.'me Guerre mondiale, l'O.N .U. confirme ce mandat. L'Afrique du Sud, dana le
cadre de la consolidation de !'Apartheid el de !la politique d'hégémonie région.ale en
AfriL1uc australe, refu.ie de procéder a la décolonii;ation, ce qui entraine une guerre de
libération de la part d'une partie de la population africaine. La rébellion est dirigée par
la S.W .A .P.O . - 50111/1 West Africa Pc"11/e's orJ?anizalion - qui bénéficie d'une aide en
matériel et en hommes des pays communistes et de Cuba. Les maquis, adœsés à
l'Angola, bénéficient de la dynamique de la guerre en Angola.
Après le dépilrt des troupes cubaines en 1989, la Namibie est le dernier des pa}'!l
d'Afrique à devenir indépendant en 1990. Ce vaste pays, peu peuplé, disposant
d'importantes ressources minières, demeure sous l'influence prépondérante de la
nouvelle Afrique du Sud . La Namibie constitue une importante partli! du
Co1111tw11wealt11 informel qu'a créé Pretoria en Afrique austtale depuis la fin de
l'Apnrtlieid.
Outre l'Afrique du Sud, la Namibie cherche à s'appuyer sur les États-Unis, ainsi que
sur l'Allemagne qui est restée très présente à Windhoek.
La Namibie intervient aux côtés de l'Angola dans la crise congolaise - ex-Zaire.
Cette première en matière d'interventioruùsme de la part du dernier pays à avoir ét2
décolonisé, s'explique par les liens que Windhoek entretient avec l'Angola et Harare -
Zimbabwe - durant sa lutte pour l'indépendance contre l'Afrique du Sud qui
s'appuie alors sur l'Angola portugais et la Rhodésie du Sud.

Le mouvement de libération contre le Portugal ne resta pas uni, à la différence de


celui du Mozambique, mais éclata très vite en trois composantes oppœtts. Les trois
grands mouvements correspondent essentiellement à des clivages ethniques : dans le
nord de l'Angola, tourné vers le Za~re, les Kongos constituent le noyau dur du Front
national de libération de l'Angola - F.N.L.A. - ; au Sud, autour de la ville de
Huambo, l'ethnie des Ovimbundus forme Je gros des troupes de l'Union nationale
pour l'indépendance totale de l'Angola - U.N.l.T.A. - menée par Jonas Savimbi.
U.N.l .T .A. et F.N.L.A. défendent une vision africaniste de l'Angola, et ont en commun
d'avoir des élites formées en partie par les missions religieuses protestantes. Au centre,
entre Malanje et Huambo, le Mouvement populaire de Libération de l'Angola -
M.P.L.A. - dont les élites sont catholiques, est essentiellement constitué par l'ethnie
Kimbundu et par les métis originaires de la côte et de la région de Cuanza - autour de
la capitale Luanda - qui défendent une vision internationaliste et européaniste de la
guerre de libération - héritage de la présence durable des Portugais dans la région.
Après la décCllonisation portugaise en 1975, l'Angola s'enfonça dans une profonde
guerre civile qui vit s'cxacerl>er l'opposition entre le M .P.L.A. et l'U.N.l.T.A. de Jonas
Savimbi.
Cet affrontement int.!ril•ur s'insérait dans un dispositif géopolitique de niveau
régional. L'U .N .1.T A . bénéficiait du soutien sud-africain tandis que le M.P.L.A. était
appuyé par le bloc soviétiqUl' et les Cubains.
En vue d'affaiblir l'U .N .l.T.A. , le M.P.L.A. soutenait les mouvements
indépendantistes en Namibie, pays sous tutelle de l'Afrique du Sud.
En 1988, les an·onis dt• New York mirent un terme à ces sttatégies croisées de
guérillas. La fin de l,1 Guerr•' froide n 'empêcha pas la guerre icivile de se poursui~-re.
692

En 1992. apri's un prenuer processus 1.h.' paix engagé entre les deux faction• ti
conclu par les ,ll.'Cords de BiccssC, une scl.'.'ondc guerre civile éclata à l'initiative Ji:
l'U .N.l.T .A. qui cherchait'' unifier le pays '1 son avilntage. L'intensité des affrontl!ml!nt•
entre les dt!UX 1nouven1ents s'explique pnr les enjeux de lil crisL• angol.iisc. L'Angola l-SI
en effet un pays disposant d'importilntes ressources pétrolil"res cl diamantirèrl!S. Au
lnrge de l'Angola, les fonds marins ;1britenl d., fabuleuses réserves pétrolières.
Cette montée en puissance du potentiel économique de l'Angola explique
l'inserhon de ce pays dans le gr;ind jeu ;ifric;iin où Pnris et Washington s'affrontl'nt
pour le contrôle des matières premières . Démarrée par la crise tutsie, l'onde de choc
s'est propagée au Z;iïre et ntteint mnintenant l' Angola. La lutte entre Dos Santos et
Savimbi s'articuln sur la crise du Zaïre et du Congo. Savimbi bénéficiant du soutien de
Mobutu, le président angolais Dos Santos appuya l'offensive de Kabiln .
la fracture géopolitique entre la bande côtière européanisée et métissée, qui
contrôle les ressources pétrolières des gisements offshores, et l'Angola intérieur.
africaniste, contrôlé par l'ethnie Ovimbundu, et qui cherche à accéder aux richesses
pétrolières, reste béante.
l'Angola doit son unité à la colonisation portugaise, qui avait obtenu à partir de la
côte, le contrôle de l'intérieur des terres. La d éco lonisation et le contexte bipolaire avait
déjà failli faire exploser l'unité angolaise; c'est aujourd'hui la perspective d'énormes
richesses pétrolières conjuguée au nouveau contexte africain qui pourrait conduire a la
scission de ce pays situé au carrefour de l'Afrique centrale et de l'Afrique australe, sur
une base essentiellement ethnique. Cependant, malgré ses fragilités structurelles,
l'Angola pourrait jouer un rôle important sous peu. Avec ses réserves pétrolières
énormes et en s'appuyant sur Paris, l'Angola de Dos Santos pourrait se poser en ltadn
de la façade atlantique de l'Afrique centrale et contenir ainsi deux expansionnismes qui
opèrent une montée de puissance : celui du Nigeria et surtout celui de l'Afrique du
Sud. Le rôle joué par Luanda à l'occasion de la crise du Congo en 1997 est un indice de
la mise en place de ce nouveau dispositif géopolitique.
En 1998, l'Angola a renforcé son rôle de puissance régionale en intervenant au
Congo ex-Za'lre pour soutenir Kabila. L'intervention angolaise a visé d'une part .i
élinùner l'U .N .LT.A de Jonas Savimbi de maniè r e à empêcher une nouvelle guerre
civile de briser l'unité du pays, d'autre part à régler le sort de la dissidence armee qui
émane de l'enclave du Cabinda. Ainsi, l'hégémonie régionale dont réve Lua nda a pour
fonction de renforcer l'État angolais et de lui permettre la mise en valeur des <"normes
réserves de pétrole situées sur le littoral atlantique du pays . Luanda peut compter
aujourd'hui sur le renforcement de son alliance avec l'ex-ZaYre et la Namibie, alors
même que ses relations avec la Zrunbie se d étériorent sensiblement.
la Zambie : l'ex-Rhodésie du Nord, est issue, comme le Zimbabwe, ex-Rhodésie du
Sud, de la Britisli 5011111 Africa Company créée par Cecil Rhodes dans les années 1890.
L'implantation britannique sur ce territoire situé au nord du fleuve Zambèze permit
de consolider l'axe le Caire-Le Cap qui fut l'épi ne dorsale de la colonisation anglai~
en Afrique. Elle permit aussi d'évincer les Portugais qui cherchaient à unifier les zones
intermédiaires entre l'Angola et le Mozambiqu e, et de stopper la poussée allemande en
Afrique australe.
En 1924, Londres créa les deux Rhodésies, séparées par le fleuve Zambèze. De 19:>1
à 1963, les deux Rhodésies furent fédérées avec le Nyasaland en vue de pn!pa"'r
l'indépendance. Ce bloc austral ne résista pas <lUX divergences d'intérêts économiquL"
et se scinda en trois.
la Rhodésie indépendante devenait un pays enclnvé et isolé par h1 sécession de I•
Rhodésie du Sud. Repliée sur sa seule richesse miniè re, elle devint en même temps un
pays de la Ligue, activement engagé contre le régime sud-afric<iin. Entouré de pay~ •n
OuipUrc 5 . La guene de I'niu

proie 4 de!! guerres civiles - Angola, Rhodésie, Mozambique-, la Zambie s'appuya


sur la Tonzanie, via le port de Dar es-Salaam, pour se désenclaver. ÙI fin de l'Aparthdd
et la mi!le en place d'une nouvelle Afrique du Sud ont chan~ le profil géopolitique de
la Zambie. Cet État qui ne p<.>ut compter que gur sa mono-production de cuivre 9ell\ble
devoir renforcer sa dépendance vis-à-vis de Pretoria, dana le cadre d'un vaaœ loulnYhip
que l'Afrique du Sud entend désormais exercer en Afrique australe. Par ailleuni, les
relations de la Zambie avec l'Angola tendent à !le détériorer sensiblement.
• /.1 801.scunn

L'ancienne colonie britannique du Bechuanaland avait été conquise par Londres en


1885 dans le triple but d'encercler les républiques boers, d'empêcher Lisbonne
d'occuper les régions d'Afrique centrale situées entre le Mozambique et l'Angola, et de
contenir la poussée allemande partie du sud-0uest de l'Afrique auslr.lle vers l'at du
continent. Protectorat semi désertique jusqu 'en 1966, le Botswana devint indépendant à
cette date. Sa fonction géopolitique le transforma en un élément du glacis sud-africain.
et il s'intégra aux pays de la Ligne.
La bande de Caprivi par rapport au ")'Slèmr. d'Élala,
Namibie, Angola, Zambie, Bolstvana
La bande de Caprivi est habitée essentiellement par des Lozis, groupe d'ethnies qui
peuplent la vallée du Zambèze - donc, outre la bande de Caprivi,. le Botswana, la
Zambie et jusqu'au Zimbabwel .
Les deux autres grands peuples de la région sont les Ovambos et les Ovimbundas.
Les Ovambos peuplent l'Ovamboland, région du nord de la Namibie, à laquelle la
bande de Caprivi est reliée ainsi que le sud de l'Angola. Cest à partir des bases
S.W.A.P.O. du sud de l'Angola que, durant la Guerre froide, les Ovambos &;.ppent la
Namibie sud-africaine et mènent la guerre pour l'indép<."ndance.
Les Ovimbundus peuplent les hautes terres et le centre de l'Angola ; durant la
Guerre froide, ils forment l'assise politique du mouvement de l'U.N.l.TA. qui affronte
le pouvoir central angolais de Luanda, soutenu par l'Afrique du Sud.
Malgré leurs soutiens politiques contradictoires, les Ovarnbos de la S.W.A.P.0.,
soutenus durant la Guerre froide par l'Angola marxiste contre l'Afrique du Sud. et les
Ovimbundus de l'U.N .l.T.A . appuyés au contraire par l'Afrique du Sud, entretiennent
de fortes affinités ethno-<ulturelles.
La présence de l'U .N .I.T.A. dans le sud de l'Angola déborde dans la bande de
Caprivi et les miliciens du mouvement rebelle posent un réel problème de sécurité à la
Namibie; il semble en effet que l'U.N.ITA. et la Zambie encouragent le
développement d'une lutte ethnique sécessionniste dans la bande de Caprivi· œUe des
Lozis qui refusent la domination du pouvoir central namibien essentiellement
ovimbundu. Le Botswana agit également en faveur des séparatistes du Caprivi : près
de 2 500 opposants namibiens sont réfugiés chez lui dont le chef du mouvematt
d'indépendance du Caprivi .
En 2000, pour la premi~re fois, le pouvoir namibien autorisa l'~ régulière
angolaise - M.P.L.A . - à tenir des positions dans la bande de Caprivi pour prendre à
revers l'U.N .I.T.A.
On assista donc à la fonnation d'un axe Angola-Namibie opposé à un aiœ
U.N.l.T.A .-sécessionnistes de Caprivi-Zambie-Botswana.
Le rôfo rlr """" durr.< If' rma.flit
Deux contentieux autour de l'eau dans la région du Caprivi viennent attiser a
tensions.
u Botswollla .-st t>.tigné p.ar le riche delta de l'Okilvango dont l'amont t!St situé daru;
Ll botn<le de Caprivi. La Nmnibitc' voudr,lit pomper ces eaux en amont ce qui aurait
pour effet d'~her l'un ..tes plus gr.:mds deltas intérieurs de la planète, un biotoJ)l'
uruqut> .iu mond,• 1 . Une vive tension s'est établie entre le Botsw.1na el la Namibie quant
.l ,-e pnljet qui n ',-st p.1s étrangère à l'appui botsw,1nais 01u s ép;uatisme du Caprivi.
D.ms l'autre projet, lt> Botswana se- trouve ,·ette fois en situ.1tion d'État-amont : il
nourrit le pn>jet de dén>umer lu rivière Cho~ - affluent du Zambèztc' - qui coule
~ s.i p.1rtie Nord et délimite la frontière entre le Botswana et l'Angola le long de la
bonde de Caprivi. La dérivatil>n en amont des chutes Victoria provoquerait une baisse
du débit du Zambèze qui affecterait essentiellement la Zambie, le Zimbabwe el le
Mozambique L'eau dérivée irait vers l'allié africain du Sud - elle serait vendue.

6. Eau et technique

Cette Sà"tion est •-c>nsacrée à la dimension évolutive du facteur eau . Car si l'eau joue
un rôle important dans nombre de conflits, comme nous pensons l'avoir souligné
preœdemment, les États ne sont pas programmés pour s 'affronter autour de l'eau. Les
États souffrant d'un manque d 'eau ne sont pas condanltlés au sous-développement et à
la guerre pour s'emparer des ressources du voisin.
Nous rappelons d'abord les différents progrès que la techrtique permet de réaliser
dans le sens d'un abaissement du facteur eau comme facteur de conflit. Nous
développons ensuite l'exemple d'un grand projet susceptible de modifier en
profondeur la géographie de l'eau en Égypte et d'introduire une rupture majeure avec
cette constante géopolitique multintillénaire qu'est la construction de l'Égypte autour
du Nil.

6. L Technique et inaîtrise de l'eau


La construction de grands barrages - comme celui d'Assouan sur le Haut-Nil - a
été la première grande révolution en matière de contrôle de l'eau . Ces grands barrages
ont permis aux États qui les construisaient une gestion en réserve de leur eau el la
production d'énergie électrique. Toutefois, ils ont aussi souvent entraîné une
diminution des ressources des États situés en aval el donc une aggravation des conflits
autour de l'eau - barrages turcs et syriens qui tarissent la ressource en eau irakienne.
À l'avenir, la gestion de la ressource eau reposera essentiellement sur :
- l'amélioration de la technique d'irrigation qui c onduit à diminuer le gaspillage;
- le recyclage des eaux usées;
- une meilleure utilisation des nappes phréatiques et des aquifères fossiles;
- le dessalement de l'eau de mer.
La dernière technique est utilisée dans les pays du Golfe. Grâce à ses revenus
pétroliers, l'Arabie Saoudite a en effet pu investir dans de nombreuses usines de
dessalement de l'eau de mer. Trois stations de dessalement sont installées sur le Golfe
et dix en mer Rouge, ce qui procure BOO millions de m 1 d'eau par an . L'utilisation des
aquifères fossiles procure 1,4 milliard de m3 supplémentaires par an ; ces dispositifs
sont complétés par les eaux naturelles issues des chaînes montagneuses du Hedjaz el

1 F.n 2000. k cbd du Ngami land, rtgion du llo~wwunu où ~c trou ve le <ldl.i. de l"Ok u vun~u • .i <lcmuniJC:- le du'"scmenc Ju &klu
..u patnmuinc d..: l'Uumannt J'llf l'U N E.S.C O . pour tçnlcr Je cumn:i.:arn:r h>Ul projct û ';111u.'.'n11gcmcn1 en umum .
1 J. SIRONNEAU . L '~ou. nouvel ett}ni. stra1ë1:h1uf! m1mJiul. rans.. Ecuno micu , 1996, coll "Pochc gCc1pollli'tuc", p ,U.
Clwplln• 5. U. 11u~rr<: de l'eau

Je l'Asirl. Le miracle saoudien a permis de créer 18 000 km 2 de superficie o1gricole qui


permettent à l'Arabie Saoudite d'exporter du blé.
Au Kowen, l'eau dessalée constitue plu!I de 60 % dC!I rl"!ISOurces, les 40 % retanl
provenant des aquifère!! fossiles el du recyclage de!I eaux usée!!.

6.2. Nouvdlt' vullé1· et canal de la Paix en Égypte


L'Égypte, c'est la v<>llée du Nil et le désert. Jusqu'à présent tout le développement
du pays s'est fait autour du fleuve nourricier autour duquel la démographie s'est
concentrée. Mais la population égyptienne progresse à grande vitesse. De 66 millions
d'habitants aujourd'hui, elle devrait passer à 120 millions en 2040.
Seule une révolution géopolitique peut permettre de répondre à ce fonnidable
accroissement démographique : la conquête du désert par l'eau.
Conquérir le désert est une idée très ancienne, non seulement en Égypte mai5 auaei
dans le monde arabe. Trois autres pays ont engagé ou terminé des travaux de
construction d'un canal : la Libye et sa Grande Rivière artificielle, l'hak et le "troisième
Aeuve", le Soudan et le canal Jongli. Ces deux derniers projets ont une dimension
politique importante. Le canal soudanais se situe dans les marécages du Sud animiste
et chrétien du pays, où une guérilla est en lutte contre le pouvoir de Khartoum. Le
canal de drainage irakien aura lui pour conséquence, outre de permettre le
développement économique, l'extension de l'irrigation, et la diminution de la salinité,
de dominer les marais du sud du pays qui ont toujours abrité la rébellion contre le
pouvoir central de Bagdad.
En Égypte, le projet de la Nouvelle Vallée remonte au milieu des années 1950. Si les
premiers tracés précis datent de 1958, le début des travaux n'a pu se faue qu'après la
paix avec Isra!!I, à partir de 1978.
L'idée consiste à doubler la vallée du Nil, vers l'Ouest, par une seconde grande
vallée riche en eau . Une dérivation partira du lac Nasser dont les eaux seront
acheminées jusqu'à B<>ris par un canal. La nouvelle vallée suivra ensuite les oasis de Al-
Kharga, Al-Dakhla, Al-Farafra et Al-Bahariya grâce à un immense canal de plus de
300 km de long, alimenté en eau par la plus grande station de pompage du monde
- qui permettra de puiser 26 millions de m3 d'eau par jour, soit 300 ml/seconde, à
500 mètres sous le lac Nasser.
Ce projet, extrêmement coûteux - mais y a-t-il une autre alternative? -
pennettrait de créer près de 250 000 hectares de culture, portant la superficie cultivable
du pays à 25 % de la superficie totale du pays en 2025, contre 5 % aujourd'hui - il ne
s'agit bien sûr que de prévisions.
Un autre projet existe, le canal de la Paix qui a pour objectif de souder
définitivement la presqu'île du Sinaî à l'Égypte en amenant l'eau du Nil au nord du
Sinar, de façon à développer près de 300 000 hectares de terres, ce qui permettrait
d'installer plus de 3 millions de personnes dans ces régions et d'y implanter un tissu
urbain.
Cependant, ces projets phar.ioniques susceptibles de transformer La géopolitique
interne de l'Égypte impliquent des prélèvements importants sur le Nil. La question dl!S
débits en amont, provenant du Soudan et d'Éthiopie se pose done inévitablement; Le
Caire doit en effet parvenir à negoder plus d'eau en amont ou au moins trouver des
ressources souterraines significatives sur son territoire, pour réclliser ce proiet.
Mais les pronwsses de dt'vel,,ppement démographique de tous les Étals en amont
sont très grandes, qu 'il s'agisse de l'Airi4ue des Gr.inds Lacs, du Soudan ou de
l'~thiopie La qm-stlon du débit finit ,ionc toujours p<lr r .. nvoyer aux impératifs d•
diminution Ju gas pillilge, Je recydilge. d" dépollution ..
On le voit, la géographie n'est P"" h~é.- : l' importance même Je la rt.'SSOUrC<' "au
amène l'homme à en modifier les Jonnl!es ; en modifiant la gl!ographi.,, l'homme·
apporte du changem••nt à la geopolitiqu" ; c'est là un aspect fondam1mtal que la
matière ~poliliqu" doit prendre en compte .

7. L'eau, arme d e guerre

Cette section se situe à la frontière de la géopolitique et de la stratégie.


L'eau a toujours été utilisée dans la guerre; elle constitue un facteur de puissance
Dans )'Antiquité et au Moyen-Âge, de nombreuses cités s'entourèrent de douves
protectrices remplies d'eau qui les protégeaient en cas d'attaque.
Les Chinois construisirent des digues défens ives destinées à être détruites en cas
d'agression et à submerger les envahisseurs. Dans la plaine du Nord, en 1937, les
Chinois mirent ces techniques de destruction à l'œuvre contre l'invasion 1apona1Se.
Plusieurs centaines de milliers de Japonais et de Chinois périrent noyés sous les flots.
Durant la Guerre du Vietnam, les Américains bombardèrent également des retenues
d'eau et causèrent des pertes civiles importantes par novade.
Au XVIII• siècle. les Hollandais provoquent délibé~ément l'inondation des polders
- les Pays-Bas sont, rappelons Je, situés en dessous du niveau de la mer - pour
arrêter les armées de Louis XIV . En 1940, un plan similaire existe, mais les Allemands
ne laissent pas le temps aux Hollandais de le mettre à exécutionl .
L'une des caractéristiques de la guerre moderne où les bombardements sur les
infrastructures civiles jouent un grand rôle, e s t de s 'attaquer à l'eau .
Car si la convention de Genève interdit la destruction directe des ressources en eau,
une manière indirecte de détruire celles-ci s 'est néanmoins développée depuis la
Seconde guerre mondiale : frapper l'électricité urba ine pour condamner l'eau de
l'ennemi.
À Beyrouth, durant la guerre civile, comme dans les villes d'ex-Yougoslavie
ravagées par des combats urbains, la destruction des réseaux électriques a
systématiquement entrainé une pénurie en eau du fait de la mise hors service des
systèmes d'assainissement. En février 1991, les forces de la coalition anti-irakienne ont
mis hors service l'ensemble de l'alimentation électrique de Bagdad et d 'autres régions
de l'Irak. Ce faisant, elles ont provoqué une hausse brutale des maladies hydriques et
de la mortalité - en particulier celles des enfants .
Les médias occidentaux font rarement le rapprochement entre l'électricité et l'eau;
peut-être pensent-ils que les bombardements d'lsrat!l effectués durant des années sur
les centrales électriques libanaises alimentant Beyrouth ne faisaient que plonger les
populations civiles dans le noir; que les raids des forces de l'O_TA_N . sur Bagdad et
Belgrade n'étaient qu' une "sanction par la boug ie" _ En réalité, outre les dommages
directs - civils tués par les bombes - , ces bombardements eurent des conséquences
catastrophiques sur l'alimentation en eau potable des populations civiles.
Il y a très longtemps pourtant, au vue siècle av . J .-C., les villes de la Grec.
continentale en butte à des rivalités intestines incessantes, se mirent d 'accord pour foire
de l'eau un élément sacré auquel la guerre ne devait pas s'attaquer. Par le fomeux

1 J, SIRONNEAU . L Cou. 'IOUl't!I c:njru st,.utéKiqUI! mund1ul. Pun5 , Ec1>nomica , 1996, coll . "Poche 9topol11iquc:", p 1).
C!wpit,,_. 5. l.A KU""" d .. l'enu

'M?rment amphyctionlque" li fut interdit à chacune des dt& de priver une autre de -
sources d'eau, de chercher à les empoisonner, ou de les détourner à son profit.

8. L'autre or bleu : le~ nodules polymétalliques


En 1873, un navire britannique d'exploration remontait du fond de l'océan des
corps semblables à des pommes de terre noirâtres et riches en manganèae - parfois la
moitié de leur poids. Durant les années 1960-70, dans un contexte de cri9e énergétique,
de nombreux champs de nodules qui s'étendaient sur des cenQiner; de kilomètres
carrés, à des profondeurs variant entre 4 000 et 5 000 mètres, furent local.i8& par la
océanographes. Trop coûteuse, l'exploitation des nodules poly·métalliqtu!5 n'est paa
encore rentable. Mais de nombreux États, et avec eux des compagnies d 'exploitation.
prennent position en prévision de perspectives favorables aux nodules. La Franœ
détient des droits d'exploitation sur 52 000 km2 dans les eaux internationale& du
Pacifique. Grâce à un espace maritime qui est actuellement le deuxième mondial
derrière celui des États-Unis - qui pourrait s'étendre si la France travaillait à eon
élargissement conformément à la possibilité laissée par la Convention de Montego
Bayt -, la France dispose, en réserve, de cette option énergétique2. Où l'on voit, là
encore, l'importance stratégique de la dimension maritime française.._.

1 Voir, 6 CC' 1ujct, la MCtion ponaiu 8W' le Nouvel1e-C'Glc!donie fr-ac:aisc ÛN le cUptn ~ • r - - - .


2 •Aclucllcmcn1 la rcntab1liu~ d'une- urknmtn>P do nodul~ P.'1)-mC\all&qUQ n'est dm:iontrft pom" ..,... SIE ~
aa.a.· :
connu.• •0n peut considitttr que 100 milhons de l l1nncs de d<-pôts rnéu.llifèn:s soot au stalJc de la prta.pb.mbcm m DEI'
les nodulCJ IOlll, pour l'caKntiel .. s11uik • pro~mnC da; SOW\."CI: hydruchcnmJes uicaaaqms qlli ~ t. la . _ . . . dis
p.mcna. do nw!tau"' ( ... ) Lc.s rrcm1~rcs sources chaudrs Jcs granch fond., oc~qucs ont W ~ Cii 1911 . . ta__..
oc:9nique1.• Yvn Fouqucl. IFREMER. dmlna&n:: de la~~ du J~ Al~. 7 rmn !OO!. ,.._
CHAPITRE 6

LA QUÊTE DE L'OR NOIR

L'historien Lucien Febvre rappelle que Rome avait un grenier, l'Afrique du Nord et
que lorsque les Vandales s'abattirent sur les blés africains, ils fJappètarl l'Empire
romain au cœur de ses ressources vitales1 •
S'il l'on voulait établir un parallèle historique, nous pourrions dire que le grenier de
l'Occident aujourd'hui, c'est le Golfe et son pétrole.
L'Europe domine le monde jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale. Elle
fonde alors sa puissance sur l'acier et son indépendanœ sur le charbon. Mais dès 1917,
la guerre devient celle du pétrole contre le charbon. L'essor de la puis5anœ américaine
correspond au miracle pétrolier.
Le pétrole provoque une révolution stratégique, rendant aux voies de
commurùcation leur importance el à la guerre une mobilité qu'elle avait perdue dans
les tranchées de 1914. À la fin de la Grande Guerre, les puissances centrales n'atrivent
plus à rivaliser avec les Alliés qui utilisent le pétrole pour accroitre leur mobilité
stratégique.
Les Anglais ont compris très tôt l'atout que représentait. en terme de puissanœ. la
capacité à contrôler les ressources pétrolières du Moyen-Orient Sils attachent une si
grande importance à la Perse, c'est pour contrôler le Golfe, garantir leur
approvisionnement pétrolier et protéger l'Empire des Indes. En 1917, il appmait de
plus en plus que l'expansion germano-turque pourrait se deployt!I" de la Transcaucasie
jusqu'à l'Asie centrale via la Perse et l'Afgharùstan et venir menaœr les frontières Nord
de l'Empire des lndes2 . La France craint également la possibilité de voir se former une
ligue des peuples musulmans de race turque, de la Russie méridionale, du Cauase, du
Turkestan, de la Perse, qui mettrait en danger les Indes. la Clûne, le Japon et ouvrirait à
la "Mittcle11ropa" une autosuffisance énergétique.
Après la Première Guerre - accord de mai 1919 - , les Anglais récupèrent la région
de Mossoul qui avait été abandonnée à la France en 1916 dans le souci de faire tampon
avec la zone russe du Nord-Est anatolien. Paris conserve néarunoins 25 ~des bêné6œs
de l'exploitation pétrolière.
La Deuxième Guen-e mondiale confirme la prepondbanct! de la puissanœ
pétrolière. Les victoires de l'Amérique et de la Russie apparaissent comme celles de la
mobilité tactique rendue possible par le contrôle des ressourœs pétrolièn5. La réœnte
guerre en Serbie a monttt la forœ d'un blocus militaire menant une armée jusqu'à
l'~puisement de ses soun.-es de carburant.
Premiers consommateurs de pétrole au monde, les États-Urùs d'Amérique sont à la
fois le premier importatl•ur et le troisil!me producteur ; ils sont ain.c;i le seul grand pays
au monde où la politique pétrolii!re est li la fois une question de politique-intérieure et

1L f EltVR ~. l'f.'m1~·. .icrn,\~ir. 1'1111t• â,·i/1 .<î,lll cm . l,_n~. rcmn. l~. p. 108,(lcuaadt"~~p.-L . ~•
ruscmblé!I rar râlitcut).
2 N. PICAlJl>OU. l.11.ll'< ·o•onie 4•i ~Ir~<"'-• 11•14 · 1~1.11. en...u...c-'""'°· l\192.p. 9J.
iOO

une que5tion de politique étrangère, où l'opposition traditionnelle entre importateur..


et exportateurs est interne et non internationale. Le pétrole pèse donc pour une larg~
part dans la politique mondiale des États-Unis . C 'est la raison pour laquelle, 11 cx1s1,
aux États-Unis un consensus entre les réalistes et les idéalistes autour de la que.lion
pétrolière - voir dans la première partie de l'ouvrage consacrée aux ('COI"
géopolitique~. la s ignification que recouvre la distinction réalistes-idéalistes .
Cinq études soulignent ici l'intérèt géopolitique du pétrole : le rôle du pétrole dans
la L"Onstruction de l'Arabie Saoudite : construction de sa puissance et construction Je
ses frontières; le rôle du pétrole dans l'éclatement de la Guerre du Golfe de 1991 ; 11"1
enjeux pétroliers de la zone Caspienne-Asie centrale; l'enjeu irakien dans la stralégie
globale des États-Unis d'Amérique face à l'émergence de la Chine (contrôle de la
dépendance énergétique) ; un résumé de la stratégie américaine quant au contrôle de la
ressource.

1. L'essor d'un État sur la ressource pétrolière:


l'Arabie Saoudite

L'Arabie Saoudite est née de la rencontre de deux révoltes : la famille des Saoud et
le courant réformiste musulman wahhabite - voir la section que nous avons consacrée
aux écoles juridiques du sunnisme. Avant de trouver dans sa principale raison d'être et
sa stabilité, le pétrole, l'Arabie Saoudite est d'abord le fruit d'une dynastie et d'une
légitimité islamique

1.1. État lignager et légitimité des Lieux Saints


Après deux tentatives qui échouent au XIXe siècle, Ibn Saoud s'empare du Nadjd en
1910 et s'efforce de bâtir, à partir de cette région centraJe, un royaume s'appuyant sur
un projet géopolitique simple : unifier la péninsule Arabique du Golfe à la mer Roull",
de l'océan Indien à la Méditerranée. Mais deux forces s 'y opposent : les Ottomans au
Nord et à l'Ouest, les Anglais au Sud et à l'Est. Jouant sur les rivalités entre ces dem
impérialismes, Ibn Saoud s'empare, en 1912, du Hasa, sur le Golfe.
Durant la Prem.ière Guerre mondiaJe, Saoud joue prudernrnent la carte des Anglais
- il est surtout soutenu par le Bureau des Indes - qui s'appuient essentiellement sur
les Hachémites installés au Hedjaz, contrôlent les Lieux Saints de l'islam, La Mecque el
Médine, et rêvent d'unifier Je monde arabe.
En 1918, Ibn Saoud conquiert le Haïl, base de la dynastie rivale des Rachid. En 1920,
profitant des rivalités franco-anglaises concernant la famille hachémite instaUre
successivement à Damas, Bagdad puis Amman, Ibn Saoud qui est débarrassé de
l'Empire ottoman, reprend son projet d'unification. En quelques années, il prend Je
Hedjaz, auquel il ajoute la province de !'Asir, arrachée au Yémen. Devenu roi du Nadjd
et du Hedjaz en 1926, Ibn Saoud se fait proclamer roi d'Arabie en 1932. On est alors en
pleine époque de découverte du pétrole. Le royaume d ' Ibn Saoud est alors ceinturé par
le dispositif arabe des Anglais : Irak, Transjordanie, Palestine, Égypte, Oman, sud du
Yémen, présence anglaise dans le Golfe. Le roi Ibn Saoud comme les Américains
comprennent l'intérêt qu'ils auraient à travailler e nsemble.
Au départ, la légitimité de l'État saoudien est de tenir les Lieux Saints ; le
pèlerinage fournit l'essentiel des recettes à l'État.
(lwpltre 6 . La qu~le Je l'or noir 701

À parür de 1936, la découverte de nouveaux gisements pétrolien dam Je nord-est


Je la péninsule - province du Hasa - ouvre une ère nouvelle, mais l'exploitation
commencera véritablement dans les années 1950; progressivement elle supplantera les
recettes du pèlerinage et deviendra le moteur du développement saoudien.
Le 14 février 1945, au large de Djeddah, à bord du navire américain "Quincy", le
président américain Frankin Roosevelt et Ibn Seoud signent un pacte d'alliance potD'
soixante ans (échéance 2005). Six ans plus tard, en 1951, les deux pays complètent
l'engagement politique par un pacte militaire1 .
Selon le Pacte de Quincy, les États-Unis dispo!le'llt du quasi-monopole
d'exploitation du pétrole saoudien; en échange, ils deviennent les protecteurs du
Royaume saoudien et du wahhabisme (notamment face au nationalisme arabe la'lque}.
Pour le pétrole, l'Amérique se fait donc marraine du traditionalisme sunnite. Elle en
mesurera les conséquences, exactement dix ans après la fin de la Guerre froide .
Le développement pétrolier sur la façade orientale de l'Arabie Saoudite provoque
une inversion dans la polarité géopolitique interne du pays. L'Arabie Saoudite de 1925,
née du choc entre le Hedjaz et le Nadjd, et dont l'existence politique se justifiait par le
contrôle des Lieux Saints avait son centre de gravité dans l'ouest de la péninsule ; Ryad
était encore une capitale modeste. L'expansion pétrolière déplace le centre de gravitr
vers l'Est 2 et ouvre la question chiite, ceux-ci étant localisés essentiellement dans la
région pétrolière du Hasa - nous renvoyons à la section consacrée aux "chiites du
Hasa" dans le chapitre sur la religion.
Le pétrole va aussi soulever le problème de la délimitation des frontière de
l'Arabie Saoudite, notanunent celles avec les voisins du Sud, Yémen, Oman et Êmirats
côtiers.
Carte 42: Les litiges frontaliers de l'Arabie Saoudite avec le Yémen. Oman et les
Émirats Arabes unis

1.2. Le rôle du pétrole dans la délimitation des frontières


de l'Arabie Saoudite
Au moment de la création de l'État saoudien, une grande partie des trorrtières reste
indéterminée. La raison en est d'abord la vision d'fbn Saoud qui considère les
frontières comme des lignes imaginaires échappant à la réalité du désert. et la nécessité
pour les tribus de se déplacer librement à la recherche des points d'eau et oasis, d 'autre
part.
Dans ces contrées désertiques ou de confins montagneux qui séparent l'Arabie
Saoudite de ses voisins, rien ne pousse au début à préciser les frontières. D'autant que
les populations des régions périphériques doivent pouvoir se déplacer librement à la
recherche de l'eau.
Mais l'enjeu pétrolier change tout. li va exacerber la question frontalière.. poussant
d 'un côté à l'attentisme dans la définition des frontières tant que la prospection n'avait
pas été faite - les États ne voulaient guère entériner des frontières et s'apercevoir,
dprès coup, que de l'autre côté ils avaient laissé échapper des gisements pétrolifères -
et de l'autre à céder aux compagnies de nombreuses concessions de prospection dans
les zones frontalières de manière à pouvoir préciser il posteriori les lignes frontalières.

1 l>èsunmus. l'onnCc s1muJicnne s.:rn L·,1u11.,.,_"I.:' et ..·mruim."\:' J'lU' l'~mk.~ :\menauM. LL"S \'Cftl:C!\ d'o.1,uipolDCllll uW1lllirc lb. ÊllD6
lJ ms à l'An1btc S1muJilc se- cluffn:nt. ;·, flU uulluuû.~ Je Jo1141n ctutc' !~ :' cl llNI. a JO mllhudscnn IWl cl ~l

~X . Je Pl.AN I IOL . /., ..,.. \'.11iom d11 1•n'11h~"1 .•\"11NNJ ,i.:t.:.1x~1t1tn' 14" 1'4>/11*",,,., 1N11.nJ.-.-·. l"ans. t:ayurd. IWJ. p. 71.
702

Arn bic-Saoudite et Irak


Le traité de Khorramshahr de 1922 ménageait une zone neutre entre l'Irak ti
l'Arabie Saoudite : un corridor le long d'une ligne s'étendait du tripolnt jordanien -
point à partir duquel part la frontière entre l'Arabie et la Jordanie, l'Irak et la Jor<bnir
et l'Arabie et l'lrak - jusqu'au tri point kowenien. Ce corridor permettait un libre ac~
des tribus intemtédiaires aux puits et oasis de la zone. Cette persistance J "uor
d~linùtation d 'origine britannique subsiste jusqu'en 1981 : à cette date en effet les Jewi
l';tats ont acquis la certitude, après prospection, que la zone neutre n'eil pas
pétrolifère; le contexte de la guerre entre l'Iran et l'Irak, pousse de plus Ryad et
Bagdad à se rapprocher : les deux États décident donc de se partager la zone par
moitiél .

Arabie Saoudite et Koweït


Au tournant du siècle dernier, Kowen parvient à se détacher de l'Empire ottoman
et à contrer la poussée des Saoudiens grâce à l'alliance avec la Grande-Bretagne - les
Britanniques étaient désireux d'empêcher le Bagdndbalzn, le chemin de fer allemand
Berlin-Bagdad, d'atteindre le golfe Persique. Protectorat britannique en 1913, établi
dans un rayon d'une soixantaine de kilomètres autour de la ville de Kowe'il, le cheikh
al-Sabah obtient une autonomie en échange de s a participation à la guerre contre Je
Ottomans qui contrôlaient le Chatt el Arab2.
Une zone neutre entre l'Arabie Saoudite et le Koweït est définie en 1922. Le pétrole
y est exploité à partir de 1954 par des concessions qui agissent au profit des deux États
et se répartissent à égalité les revenus. Le partage de la zone neutre a lieu en 1966 el la
frontière est délimitée sur le terrain en 1969 ; toutefois, les revenus issus de l'ensemble
de la zone neutre continuent à être partagés pour moitié entre les deux États3.

Arabie Saoudite et Yémen


Si les frontières de l'Arabie Saoudite vers le Nord se sont faites dans Je compromis.
celles du Sud sont des frontières de guerre. La linùte politique entre l'Arabie Saoudite
et le Yémen, issue du traité de 1934 ne correspond pas aux "réalités naturelles et
humaines", mais "manifeste la pression de la construction territoriale dynanùque qw
s'est constituée à partir des tribus belliqueuses du Nadjd" 4 .
L'Arabie Saoudite ne s'est jamais contentée de ses limites. Elle a conslammen!
encouragé la division du Yémen de manière à faire progresser encore sa poussée
territoriale ; elle a ainsi successivement appuyé la sécession sudiste du Yémen contre
Sanaa pour tenter d'avaler la partie Nord du Yémen, la sécession des gouvernorats de
l'Hadramaout et de Mehra pour affaiblir au contraire Aden et tenter de récupérer lt
nord-est du Yémen du Sud; la résistance des Yéménites, qu'ils soient selon les époque5
du Nord ou du Sud, a souvent consisté à inviter les compagnies pétrolières à \ ""'111'
prospecter dans ses zones périphériques de manière à neutraliser les ambilioos
saoudiennes.
Le litige frontalier entre le Yémen et l'Arabie Saoudite est loin d'être clos, puisqut
des gisements de pétrole ont été découverts en 1985 dans les régions qui vont du norJ..
ouest au sud-est du Yémen et qui sont précisément revendiquées par l'Arabie Saoudilt.

J X. tk PLANHOL , /,,c.r N'1t;oru Ju Prophi 1e. Afu11u,•I g iln1.:r uphlqt11' tif!I'"/;,;,,,,,. mu.mJmmlt'. ro.n'i. fa)'Md , l«N l, r 1.?
2 t.t:. FOUCHER. Fro,,u i!tfro"tiere..s, un tmsr du m n ndt> g t opulitlq111·. r éd ., Pnns, fayarJ . 11Jfi14 , p H2 -Hl .
) X. de PLAN'HOL. leJ Natlm u Ju Prophil'' Munut!I >:~ogrnpl1ü1m· 1/r- polllilJ"' ' m11.r nlmune. Pori•. FayanL \1}9) , p 7!
41""-. p . 71
Ch1lpUre 6 U. qu~tc d<' l'ur noir

C.utc 79 : U, zayd1smc yéménite

Arabi" Saoudite, Oman el Yémen: aux confim1du Dhofar


Les Yéménites revendiquent vis-à-vis d 'Oman une frontière plus orientale encore
que celle héritée de la limite administrative britannique. La création du bloc de
prospection de Habrat dont la limite orientale coïncide avec leur revendication,
souligne l'enjeu frontalier derrière la question du pétrole.
A cc marquage territorial des Yéménites répond un marquage omanais dans la
même région : Oman a donné a B.P. - British Petroleum - une concession qui s'éll!'nd
jusqu'à la limite administrative avec le Yémen; de même, pour contrer les
revendications saoudiennes, Oman a offert des droits d'exploration et d'exploitation à
B.P., Elf et P .D .O . - Petroleum Droclopment of Oman-, formé par quatre des 'sept
sœurs" .

Frontières orientales de l'Arabie Saoudite aYec Abu Dhabi et


Oman : crise de Buraimi et crise ibadite
La crise t.le Burairni
Un groupe de neuf villages - Buraimi, Saraa, Hamassa, al Muwaiqi, al Ain, Al
Mubara, al Qimi, al Qattara et Hilli - situés au contact du désert et du massif de Hajar
al Chard - ce massif fait partie d'une chaine montagneuse qui s'étend de Mascate
jusque dans la péninsule de Musandam, laquelle se termine en falaises surplombant le
détroit d'Ormuz - a longtemps fait l'objet de revendications saoudiennes au détriment
des émirats côtiers protégés par les Anglais. Au XJXe siècle, ces oasis étaient contrôlés
par des tribus alliées des wahhabites car ils permettaient à ceux-ci de se désenclaver
vers la côte.
En 1835, les Britanniques qui veulent sécuriser leurs communications avec l'Empire
des Indes, imposent une trève aux émirats de la côte des Pirates, puis établissent leur
protectorat sur chacun des émirs et cl1eiklrs de la côte. Ce régime de dépendance géré
depuis les Indes est maintenu jusqu'en 1947.
Les Britanniques contiennent donc la poussée saoudienne en attribuant les oasis
revendiqués par les Saoudiens à Oman et à Abu Dhabi.
Mais en 1947, la découverte de pétrole à Qatar par une filiale de l'/rrzk Pdrol~um
Comp1111y pousse sa rivale l'A .R.A.M .C .O ., concessionnaire en Arabie Saoudite, à faire
valoir en 1949 les droits historiques de l'Arabie Saoudite sur les oasis que les Angials
avaient donnés à Abu Dhabi et Oman.
En 1952, l'oasis de Buraimi e s t occupé par les Saoudiens. Les unités anglaises, avec
l'aide de détachements abudhabiens et omanais expulsent les Saoudiens. Les frontières
avec l'Arabie Saoudite dans la région des oasis sont finalement définies en 1966 avec
Abu Dhabi, en 1974 avec Oman .
tu rrÎsf' ilnrcli.t•!
Nous avons traité de l'ibadisme dans le chapitre sur la religion. le lecteur pourra se
reporter à la section correspondante.
Ctlrh.• 78 : L'ihadisn1t:-. L'll C)nl.ln
L'ibadisml' omanais e!'t a l'origine du conflit entre le sultan de MaS<.ute qui règne
sur la cOte, et l in1an1 ib11dite qui contrôle 1~1 nlontngne.
1

À l',1pprochc de la Seconde Guc•rre mondiale, convaincus de l'existence de pétrole


dans la montagne 1badite, lc's Ani;lais t•ncour.1gent le sultan à affirmer son autorité sur
l'imam. Malgré les diffc'r<'IKt.'S majc•urt'S qui t'xistent entre l'ibadisme et le suruùsme
Pnrlie 4 . Li quilc clc..·~ rt' ... l't<Htr·rcs : une am!lla,,lr de l'lzi1torrr

wahhabite, l'Arabie Saoudite n'hésite pas à soutenir l'imam lbadile. L'allial1(e


américano-saoudo-ibadite projette de créer un mini-État pétrolier pro-saoudien, au
détriment du sultan de Mascate et des Anglais. Ce conflit est à l'origine du surprenant
et éphémère rapprochement entre les Égyptiens de Nasser et les Saoudiens, par
hostilité à Londres. Toutes les interventions britanniques sont un succès. Depuis 19;<J.
le problème sécessionniste ibadite ne se pose plus.
Il est important de souligner que si l'ibadisme a historiquement trouvé refuge dan\
la montagne pour échapper au sunnisme, l'importance des enjeux géopolitiquos et
notamment pétroliers a pu pousser récemment les wahhabites saoudiens à unir leur.
forces avec œ qu'ils considèrent pourtant comme une hérésie dangereuse.

1.3. Pétrole et montée en puissance de l'Arabie Saoudite


Entre les années 1950 et les années 1970, le nationalisme socialiste arabe domine la
scène du Moyen-Orient et assure la lutte contre le sionisme. Les États du Golfe n'ont
encore que peu d'importance en comparaison de l'Égypte, de la Syrie, de l'Irak ou de la
Jordanie.
À la fin des années 60 cependant, par sa puissance financière, l'Arabie Saoudite
renforce son influence sur les pays arabes, et son rôle de premier exportateur de
pétrole lui confère un rôle important auprès des grandes puissances. L'Arabie, le
wahhabisme, et les Frères musulmans vont désormais compter de plus en plus dans la
géopolitique du Moyen-Orient 1 .
Avec la guerre israélo-arabe de 1967, le pétrole fait irruption sur la scène des
rivalités internationales. Le 5 juin 1967, les ministres du pétrole des pays arabes
décident d'imposer un embargo sur les livraisons de pétrole aux États qui soutiennent
l'attaque israélienne2. Les États-Unis et la Grande-Bretagne dont l'influence sur les pays
du Golfe est pourtant importante sont les principales cibles de cette décision. En
septembre 1967, après le JVe Sommet arabe de Khartoum, l'embargo est levé; mais
20 % des revenus pétroliers arabes iront désormais à l'aide des pays en lutte contre
lsrat!I.
L'arme pétrolière est née; les Arabes ont compris la force politique qu'ils peuvent
tirer de la ressource pétrolière en coordonnant leurs décisions de manière à peser sur
les choix politiques occidentaux. Avec les pétrodollars, les pays du Golfe vont pouvoir
aider les pays de la ligne anti-Israël; ceux-ci vont cependant devenir plus sensibles a
l'aide financière saoudienne et ils seront tentés par la suite de fléchir sous les pressions
conjuguées des États-Unis et de l'Arabie Saoudite. L'arme est à double tranchant.
Quoiqu'il en soit, le pétrole a créé une nouvelle réalité de puissance au Moyen-
Orient: alors que la puissance résidait jusqu'alors entre les mains de l'Égypte el des
pays du Croissant Fertile, riches en hommes et en eau, apparaissent de nouvelles
puissances arabes certes pauvres démographiquement, mais riches en pétrole.
Si le pétrole fait irruption dans la géopolitique, la géopolitique va aussi peser surir
marché du pétrole.

Trois événements contribuent à la fin des années 1960 à provoquer un


échauffement des prix sur le marché du pétrole.
La fenneture du canal de Suez en 1967 crée d e s difficultés au transport pétrolier -
il faut contourner l'Afrique-, et cela au moment mème où le développement do;

1 G . CORM , LL l'mch,·OrJ~nl t'dull' (/'iJj{j./99/J , P11ris. (i1ilhmnrû, l 1) 1J 1. t:n11. "f:u\111 lu sloirc", f'J :??J-2114 .
2 H . LAURENS . t.. Gru11Jje11 f<Jrit!nf ura he et ri1 ·ulité.'I intcrnatm"ult•.'f d •.,,,,;,- /fJ4 .~J. l't1rii.;, J\nnond C'nlin. 11.)QI, r ~1 1
Olilp•trc 6 La qu~te de l'or noir 705

pays industrialisés augmente la demande 1 . La question palestinienne provoque la


fermeture de l'oléoduc de la Tapline2 - liaison Arabie Saoudite-Méditerranée; enfin,
la révolution en Libye, en 1969, provoque une hausse du pétrole libyen - les Libyens
)a justifient par l'avantage géographique que constitue pour l'Europe un pétrole
méditerranéen.
Au début des années 1970, le pétrole augmente d'environ 20 % ; les Éta~UJU9 qui
sont des producteurs peu compétitifs - leurs coûts d'extraction sont élevé -
soutiennent cette hausse.
Entre 1970 el 1973, le pétrole continue à augmenter raisonnablement; les pays
producteurs entrent dans un processus de recouvrement progressif de la souveraineté
sur leurs réserves en hydrocarbures - nationalisations en Algérie, en Irak. en Libye.
Dans les pays du Moyen-Orient, on peut alors différencier deux concepli01\!I quant
au pétrole:
- les pays nationalistes arabes et socialistes ont une conception en quelque sorte
révolutionnaire du pétrole : il s 'agit de vendre cette matière première très cher aux
Occidentaux pour effectuer des rentrées financières rapides et élevées qui permettront
une industrialisation massive. C'est la conception qui prévaut dans l'Iran impérial, en
Irak, en Libye ou en Algérie où l'on estime que par l'industrialisation et l'acquisition de
moyens propres de puissance, l'on pourra rivaliser avec l'Occident;
- l'Arabie Saoudite et les autres pays du GoUe ont une vision rentière du pétrole; ils
savent qu'ils ne disposent pas d'autres richesses que le pétrole - leur démographie est
très faible - et que leur sécurité n'est assurée que par l'importance qu'ils revêtent pour
l'Occident en tant qu'exportateur. Leur vision est celle d'une exploitation pétrolière de
long terme, dégageant des produits financiers investissables dans les pays
occidentaux ; ils ont conscience que si le prix du pétrole est trop élevé, les Occidentaux
auront intérêt à développer des énergies alternatives. En même temps, par l'utilisation
de l'arme pétrolière - mais de manière ponctuelle et raisonnable vis-à-vis de
l'Occident, ils acquièrent une nouvelle légitimité dans le monde arabo-islamique; c'est
la raison pour laquelle la politique saoudienne va osciller en permanence entre WlC
volonté de jouer un rôle arabe dans le conflit avec lsrai!l et une volonté de moderalion
vis-à-vis de l'Occident.
Du point de vue du prix, la position saoudienne est la suivante : un prix trop élevé
peut être dissuasif pour les Occidentaux, mais dans le même temps, il faut que l'offre
reste en quantité principalement saoudienne; l'arrivée sur le marché d 'une offre
concurrente comme celle de l'Irak fait baisser les prix et la quantité de pétrole saoudien
vendue.

Quelles sont enfin les positions des Américains el des Européens quant au pétrole?
Les Américains sont à la fois producteurs et importateurs; la production
américaine étant coûteuse, un prix du baril trop bas chez les Arabes lui enlèverait touœ
compétitivité. En même temps. les majors américaines qui exploitent essentiellement
du pétrole saoudien ont intérêt à ce que ce pétrole smt mis sur le man:hë à un prix
élevé - le pétrole nationalisé des pnys nationalistes arabes ne leur rapporte rien.
L'opli11111111 est donc compris entre l'intérèt des producteurs de pétrole américain et celui
des Saoudiens : ni trop haut; ni trop bas; et surtout du petrole saoudien. Lorsque le
prix du baril est b,1s, l'Amérique conserve ses r~erves et achète du baril saoudien;
lorsqu'il est haut elle cnnsomme une partie de ses reserves.

1 ,,,,."'· p. 2~~
:? JI s.'ogil d'un sRlx1tnitc Ju F.P.Lr . de (i('ol'fllcs llal'\aclw . mu1mcmnu palestin1im, 1,• .lOra&i 19169 desDni • smctÎm:llla' ..
rolilil.f,\IC' tteciJclllulc t.h." !!Ulllll."ll A J.s111et.
Quant à l'Europe. elle dispose de peu de pétrole et cherche une offre importante et
peu chère. Ceci étant, les intérêts des groupes pétroliers européens ne sont pa•
négligeables et les pays européens préféreraient que soient favorisés les pay 5
exportateurs où sont installées leurs majors.
En 1973, le roi d'Arabie Saoudite. Fayçal , avertit les Américains que s'ils ne mènm1
pas une politique plus favorable au camp arabe, face à Jsral!I, les Ara~
n'augmenteront pas leur production et laisseront les prix s'envoler.
La guerre du Kippour va conduire au pren,ier choc pétrolier qui sera à l'angine
d'une crise économique profonde dans les pays industrialisés, en Europe en particulier.
Le 17 octobre 1973, les pays arabes pétroliers décident d'une réduction mensuelle
de 5 % de la production de pétrole jusqu'à ce que les Territoires occupés de Palestine
soient évacués et que les droits des Palestiniens soient reconnus ; les pays favorables
aux thèses arabes sont exemptés de cette diminution.
Les Saoudiens pensent-ils alors que ces mesures remplacent un arsenal militaire et
suffisent à infléchir la politique américaine de soutien total à Isra~l ? Les Israéliens fonl
en sorte de radicaliser la situation pour ne plus laisser de choix à Washington : ils
franchissent le canal de Suez et publient le montant de l'aide m.ilitaire américaine qu'ils
reçoivent, soit 2,2 milliards de dollars.
Fayçal décide alors - le 20 octobre 1973 - un embargo total sur les livraisons
destinées aux États-Unis ainsi qu'à la Hollande, laquelle d'une part est pro-sioniste,
d'autre part dispose du grand port d'entrée du pétrole en Europe, Rotterdam.
La production mondiale ne baisse en réalité que de 7,5 %, mais le marché s'affole et
les prix s'envolent de manière disproportionnéel.
A partir de ce moment, les États-Unis ont compris la nécessité impérieuse de briser
le lien entre la question pétrolière du Golfe et le conflit israélo-arabe. Us tentent d'abord
d'organiser un cartel de pays consommateurs en face de 1'0.P.E.P. La France qui est
engagée dans une politique d'indépendance énergétique grâce à la filière nucléaire
peut s'opposer à cette politique dans laquelle elle voit la volonté américaine de la faire
réintégrer les rangs de !'Alliance atlantique2.
Washington affirme alors qu'il est prêt, s'il le faut, à une occupation militaire des
zones pétrolifères. L'Arabie Saoudite comprend que l'arme pétrolière a ses limites. Dès
1974, elle est favorable à une baisse des prix du pétrole, d'autant qu'une hausse
prolongée est contraire à sa politique de rente sur Je long terme.
Ses revenus sont si élevés qu 'ils dépassent les capacités d'absorption des banques
régionales; comment, dans ces conditions, se brouiller avec l'Occident? Par ailleurs,
l'Arabie Saoudite a beau être riche, elle n'a pas la démographie suffisante ni une
cohésion assez forte - rivalités tribales importantes - pour pouvoir disposer d'une
armée qui ferait d'elle une puissance capable d'assurer seul e sa sécurité stratégique.
Premier pays arabe exportateur. l'Arabie Saoudite comprend qu'elle dépend au
moins autant de ses clients que ceux-ci ne dépendent d'elle; l'arme pétrolière peul
avoir un effet "boomerang" .
Dans ces conditions, Ryad préfère soutenir les États-Unis dans leur effort de
détourner des pays arabes comme l'Égypte et la Syrie de l' Union soviétique, grâce à la
légitimité religieuse qu'elle tient de son rôle de gardienne des Lieux Saints. L'Arabie
Saoudite aide Sadate à se détourner de )'U . R.S.S. vers les États-Unis. Elle tend, par
l'aide financière qu'elle propose, à "mercenariser" les armées arabes les plus
importantes.

1 Pru. du baril en 1970 1.8 S ~ é1t l97J J.07 S ; oclo bn:: 73 1fi S ; Jéc . rciuur .. p.-èll Jf!c1smn de 1·0.r E.r. à 11.M S.
2 H. LAURENS. U Grand}~ (Ori~nt arnhr l.'I ri\•allte.r Jnu•r11111hmuh•... <l1•1n1h /'J./JJ. Pnnl'I . Annqnd Cnlm, 19QI. p. ::?7-t-~î~
Chaplt"' b Li> quètc Je l'or noir

La rèvolubon islamique de 1979 en Iran déclenche le deuxième choc ~olier 1 qui


est amplifiè par les débuts de la guerre Iran-Irak.
L'Irak est un dilemme pour l'Arabie Saoudite : du point de vue de la !M!curite, il est
le rempart incontournable face a l'expansioruùsme chiite de l"lran. Le Con5eil de
Coopération du Golfe créé en 1981 engage une aide substantielle en faveur de l'effort
de guerre irakien. L'Irak et son pétrole sont une menace pour l'Arabie Saoudite : llOll
potentiel pétrolier est immense ; ses couts d'extraction sont bas. Nul doute qu'au 90l'tir
de 1~ guerre contre l'Iran, l'Irak apparaitra comme une menace pour l'Arabie Saoudite:
une grande puissance militaire dotée d'une puissance pétrolière et capable, par une
offre pétrolière considérable, de faire chuter le prix du baril sur les marchés.
En 1986, c'est le contre-<:hoc pétrolier; les prix du pétrole sont au plus bas; l'offre
irakienne arrive sur le marché. Cela n'est supportable ni pour les États-Unis, ni pour
l'Arabie Saoudite. L'Europe seule peut profiter de cette situation.

2. La Guerre du Golfe, une guerre pour le pétrole

Sur la planète, le pétrole constitue 40 % de l'offre mondiale d'énergie primaire. À lui


seul, le Golfe assure 25 % de cette offre.
Dans le monde, les variations des cours du pétrole n'ont pas les mêmes
conséquences pour tous les pays, selon qu'ils disposent de réserves propres et
détiennent la majorité des grandes compagnies pétrolières - comme les États-Unis -
ou qu'ils sont, au contraire, très dépendants des importations et ont peu d'intérét:s
pétroliers - comme le Japon et nombre de pays européens. La position de la France est
intermédiaire grâce à l'énergie nucléaire - qui assure plus de 80 ':l. de l'énergie
électrique française - et parce qu'elle dispose de compagnies pétrolières - Elf, Total.
Comment comprendre les motivations géopolitiques des États-Unis dans l'affaire
irakienne de 1990 ?
Dans les années 1980, tous les indicateurs montrent que seul un prix du baril élevé
peut éviter aux États-Unis de franchir la barre fatidique des 50 % de dépendance. Des
prix assez élevés, tout en restant modérés, peuvent permettre de sauvegarder
l'industrie pétrolière. À la veille de la crise du Golfe, l'administration américaine craint
davantage un prix du pétrole bas qu'un prix élev~.
Dès le début des années 1970, les États-Unis ont misé sur la hausse du pri."( du baril
et ce, pour quatre objectifs essentiels :
- favoriser les revenus des majors ;
- augmenter la dépendance de l'Europe et du Japon;
- assurer à leurs alliés clients producteurs, l'Iran du Shah et l'Arabie Saoudite, une
rente de plusieurs centaines de milliers de dollars à investir dans les banques et les
sociétés anglo-saxonnes ;
- le pétrole étant facturé en dollars, augmenter la masse de pétrodollars et_ ce
faisant, renforcer le poids du billet vert dans le monde.
En 1972, la nationalisation par les Irakiens d,• l'Irak P.·trokwn Ct>mpcmy douùnée aux
trois quarts par les Anglu-Saxuns, est inacœptable pour les Américains. Désormais, le
pétrole irakien ne rappork'rn plus aux compagni,-s américaines, mais qui plus est,
ajouté à celui des tl<lUVeaux pn,ducteurs qui arrivent sur le marché, il \'a contribuer à
foire chuter le prix du b.lril en augmentant l'offre.

1 Il 1. :\l J Rl ~ NS . J 1' c;,, m,/ 1,·11 10n,·11t ,Jt,,,,,, ··t r n -.1/u,·, : •11 ~·rn.1 ti. ..-.ifn .kl"'"' /!M _fJ . P'-4in,,_ :\nn.nd l'lllin. l~I. p ).14.
l I. Hl .IN . J ,. ,";rrolc· ' ''' <i.1/f,·. l':m :-.. M.:s1,,11meuH:· l..-r\l~e-. 1~
Le choc p<'trolier d" 1973, qui volt Io multiplication par quatre du prix du baril de
bmt, est pnwoqué essentiellement par les Iraniens et les Saoudiens, tous deux alli~
des Élat!'-Unis .
Deux ans après la Révolution islamique iranienne de 1979, la guerre Iran-Irak
neutralise l'offn.> irakienne . Dans ce conflit, les États-Unis appuient officiellement le!<
Irakiens comme rempart du monde arabe majoritairement sunnite et de leur alli~
sooudien en particulier; en sous-main, avec lsra!!l, des ponts sont entretenus avec
Téhéran - affaire de l'lrn11g11te.
À portir de 1988, le chiisme islamiste cesse de constituer une menace forte pour le
monde arabe, et en particulier pour les régimes pétroliers pro-américains.
Pour les Américains, le problème reste l'Irak et son nationalisme arabe, Washinglon
craignant que l'extension de l'idéologie arabiste ne débouche sur l'unité des Arabes et
la prise en main de leurs intérêts pétroliers. Aux yeux des Américains, un succès de
!'arabisme aurait deux conséquences majeures :
- cela provoquerait une baisse du prix du baril par augmentation de l'offre arabe.
Les réserves prouvées de l'Irak s'élèvent à 112 milliards de barils et les réserves ultimes
à 215 milliards de bari!sl. Il s'agit du deuxième rang mondial, derrière l'Arabie
Saoudite. Mais surtout, le prix d'extraction du pétrole irakien étant faible puisqu'il
admet un coût de revient inférieur de quatre fois à celui du pétrole saoudien, l'Irak
profiterait de cette situation, tandis qu'au contraire, l'Arabie Saoudite en souffrirait.
- Une unité arabe menacerait l'existence de l'État d'lsra!!l.
Jusqu'à la Guerre du Golfe, l'Irak exerce une tension à la baisse du prix du baril qui
est contraire à la stratégie américaine fondée sur l'optimisation des revenus kowelti>-
saoudiens.
En 1990, l'Irak accuse le Koweît de ne pas honorer ses engagements passés quant au
remboursement de l'effort de guerre irakien pendant la guerre contre l'Iran; le moment
est venu pour Bagdad de mettre fin à l'indépendance de ce qu'il considère depuis
toujours comme une province de l'Irak. Ce faisant, en mettant la main sur le pétrole du
Kowen, l'Irak peut encore renforcer son poids pétrolier et mettre en péril son voisin
saoudien.
Mais le contexte mondial est défavorable à l'Irak : 1990 est l'année de l'éclatement
de !'U.R.S.S. Bagdad ne peut donc guère espérer un soutien soviétique pour faire
contrepoids aux États-Unis.
La Guerre du Golfe permet à Washington de mettre l'Irak à l'écart du marche
pétrolier. Tant que le potentiel irakien reste inutilisé, l'Arabie Saoudite contrôle le
marché du pétrole, fixe le prix du baril et profite des quote-parts de production
irakiens, récupérés en 1990 avec l'assentiment américain. Dans l'optique saoudi>-
américaine, il n'y a pas de place pour le pétrole irakien, à moins d'une chute des cours
en dessous de 10 dollars par baril, chute qui signifierait la fin du régime saoudien.
L'implication des États-Unis dans la Guerre du Golfe a montré que Washington
entendait contrôler, par les rapports de puissance, l'équilibre du marché pt'trolicr
mondial . En cela, et parce qu'il n'obéit pas au seul jeu des équilibres économiques, mais
que son prix est régulé par le rapport de puissance, le pétrole est véritablement un
facteur géopolitique.
Durant dix ans, les États-Unis et leur allié anglais maintiennent la pression sur
l'Irak par le biais d'un embargo et de frappes militaires incessantes, tentant ainsi dt'
provoquer la chute du régime de Saddam Hussein : en vain, l'Irak résiste et nmhnur
de constituer un obstacle aux projets géopolitiques américains.

1 Bulletin de l'1ndus1ric p!:trulitr-c, m•i l 1JQR


Chapit"' 6. LII qufte de l'or noir

L'administration Bush, en 2002, décide de changer de stratégie et d'utiliser le


contel<le de terrorisme international consécutif aul! attentat!! du 11 septembre 2001
pour tenter directement une prise de contrôle militaire de l'Irak. L'objectif est de
s'emparer de l'ensemble des ressources pétrolières mondiales afin de contrôler la
croissance des pays émergents d'Asie, et tout particulièrement de la Chine, très
Mpendante de l'approvisionnement pétrolier au Moyen-Orient1 .
Prétextant du caractère proliférant de l'Irak en matière d'armes de destruction
massive, mais craignant en réalité une sanctuarisation pos!!ible de l'Irak qui rendrait
impossible le contrôle politique de ce pays, les États-Unis décident d'en finir avec le
régime qui leur fait obstacle et de contrôler eux-mêmes l'Irak.
Le p.r.trole et l'alliance avec Israel sont les d.r.terminants réels de la politique
américaine vis-à-vis de l'Irak. Le reste n'est que prétexte et stratégie de
communicationl.
Dans les prochaines d.r.cennies, l'arrivée sur Je marché mondial du pétrole de la
région Caspienne-Asie centrale pourrait modifier la donne du pétrole même si les
réserves du pétrole de la Caspienne s 'avèrent moins élev.r.es que prévu. Le pétrole off-
sltore, dans le Golfe de Guinée (Angola, Guinée (,quatoriale, Nigeria) dans d'autres
zones concurrentes qui font jour au fil des ans, les nouvelles formes d'énergie et le
souci croissant des Occidentaux, les Européens en particulier, d 'utiliser des énergies de
substitution au pétrole, sont autant d'inquiétudes qui pêsent sur le devenir des États
pétroliers du Golfe .
L'histoire enseigne que toutes les puissances fond.r.es sur l'exploitation et le
commerce intensif d'une seule ressource sont mortes3 ; c'est aussi \Tai pour le bois des
Phéniciens que cela sera vrai pour le pétrole des Arabes, à moins que ceux-ci ne
prennent leur destin en main el cessent de le faire reposer sur une sow-ce d'énergie
tarissable et remplaçable .

3. Le Grand Jeu pétrolier autour de la mer Caspienne

Certains géopoliticiens américains nùsent sur le remplacement de la dépendance


du Golfe par celle de l'Asie centrale dans les prochaines décennies; c'est dire
l'importance de la zone de la Caspienne• et de l'Asie centrale dans les enjeux pétroliers
à venir. Toutefois, plusieurs obstacles majeurs s'opposent encore à ce remplacement.

2002
! ,\\"tt IC'S n:hus de commun1,.·:1.tH>0 ~Ut.' l\1n .:l1nn:Ut d3n...; I~ media... l"-"C1Jmt:iu.'
J Fai ...ons confiancc 0 t'aJ111~C' f"Ç'rul :un: .. b Fr:int.."'C' n 'a f\3-"' Jc rC'trnk m.u:; clic .a Jcs 1~ ~ . h F~ 3tr.l~'lr.ll! les~-=­

clic n'a ceuc.' de s c n:mcttre en q111: ..1ion . :m nM.1in!l> JUS-qu'à noJtre ~ur puLSQu'C"lk 'iC'mblr h'\UI .i. .:cop ...- rigndans.XS.~

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<4 ·Mer CasptCTinc . Io mcr l'r&!!r1c=nnc s·~1nu.I sur 1 .tUO km du ""'ni .lu <1:utl ~ i.ur \OO lm J"ou:cQ nt C'SI. Sa~~

nt de: .n o oon k.Jn:? et son "''"C':llu sr ~1tuc .1. rrn1an-s ~!'l m en JC"S.,u us J.N. 1ri-3.n..., L.1 n'IC'r \.·.i.."'r'amr :a UM hÎ$tuirc ~~
nul.able En cni-1. en ll.J~7. sn s uf"C'r1h: 1c Cuut Je .t~:! UOO km:: et m l"ili'to clk n'ccrn l'IUS ~l.l'e ..k ~~t<i 0(1() t:at.:. Ceur~« la
tRaue aqualiquc s'c'.11.rHq\tc rM une- n.... is~ du ni,C':lu '!'Ur l!iquC'lk ''" ~ p:N m ~'".recrurn - mv.taDOD c~ ~ Jtill
Jlb1t de lo Vol~n 4u1 dt\ l't"SC .\\Mt m1lh;\nl.;. Je hl~ tt°CftU c h3.qE.:S J'11IU\"I Df\."- de En IQCM. k: ni\ HU f'5l ~~dl
~...?m.
Au XV" s1klc. h: nl\CUU o;'Cttnl tlc vé- Je <4Ulft7.C' mC-trn pat t:lf'r<'n •u «bu\ de nom: i!n:. Au œbal du X.X" J:Îll!dt:.. t\ Sn â
moim \'tntU·cinq mhn!5 . "IU'c o S.:'f'3·1·•1 Jl('llr lc-s ;mnm :i ""C'tut nou"C'llC' ~""l'\M'. sùihg\M>Q .;M.a puunwtr *Ill~ ·~ C -
\ ma1111n l."\tnS\an1l" rus"· tk !!"'" l."S l'h•Mè-nK' ' 1~•ur IC""' m~ talla.tu,n!\ c'"•C'tt'S "' 3~1 puw !c.~ furunet rlalcs-fonacs ~ -
,\ l'~ur M>\ il.•1 i,1u1.· . lu t ";,!!O ricnfü· ~11ut 1d1"'" r-r b \ 1:1lt:t!I • la mn l\altiqlk C'l au.'l autrft n-=n "''~ la_.
k>\1t!11quC' ~· rrut.~tlail ~ ,lc-s C''lSllts de h1ul1.•, s1.mt-,. l.a i:.11nahs-110n Je la Votva •'-e11 i\S5."lol Yl'IC Qà ......... ~
~onunucioh: . l.nn~\1.·mp:- ranùlilU~ !o!n1W \a Ru~:-11.". pm :- rl ". R.S.S "'t l'Iran. l11 ("aspicru~ C'UIO l.ic\~UC' WI. LI....__~
710

D'aboTd les C!ltimeriom• du potentiel pétrolier de la zone ont été revues;\ la bai!IO<•
ces demJèTes années ; les conAits inter-ethniques ensuite <.>t la proximité de la pul9unce
russe ne facHitent guère le contrôle des ressources par le" État,.-Unis ; cc d'autan! quo
de bonnC!I relations entre Washington et l'Afghanl,.tan et l'Iran volRlns ne !!Ont P'"
assurées ; enfin les droits de passage dans le réseau d'États du Caucase et de l'A~I•
centrale risquent d'être élevés.
Dès l'indépendance des pays caspiens, Washington s'e"t investi en Asie centrale~
au Caucase, notamment par le biais des compagnies pétrolières américaine~ attachtt.a
la mi"" en valeur des importants gisements caspiens. De nombreux lngéninir.
américains ont été envoyés en Azerbardjan, au Kazakhstan, au Turkménistan et en
Ouzbékistan.
L'arrivée des Américains dans la zone, au début de la décennie 1990, est un d~fi
pour les Russes. Avec la fin de l'U.R.S.S., la Caspienne a cessé en effet d'être un lac
!IOViétique et la Russie dispose d'une façade réduite constituée principalement par
l'immense delta de la Volga et par un littoral caspien moitié russe et moitié kalmouk-
daghestana.is. Outre la présence de l'Iran, la Russie a vu naitre trois États succes9"Un
de !'U.R.S.S. - Kazakhstan, Turkménistan, Azerbaîdjan - aux velléités centrifuges qui
rendent problématique le contrôle russe sur la Caspie nne .
Un premier problème est celui de l'exploitation du pétrole de la mer par les pays
riverains.
Après la signature, en septembre 1994, d'un prerrtier contrat entre l'Azerbaldjan et
un consorhum de compagnies étrangères, émerge le débat sur la nécessité i\ revoir le
régime juridique de la Caspienne. L'Iran, la Russie et, dans une moindre mesure, le
Turkménistan défendent le statut de la Caspienne dans son statut de lac et sonl
favorables a une exploitation en commun des richesses. En revanche, l'Azerbaldjan et
le Kazakhstan qui disposent de 90 % des réserves connues défendent l'idée d 'un statut
de mer fermée, ce qui implique la reconnaissance d'une Zone Économique Exclusive
sur le plateau continental. conformément a la Convention des Nations unies de 1982
portant sur le droit de la mer. En même temps, le Kazakhstan cherche à éviter
)'affrontement avec Moscou. En 1998, les Russes et les Kazakhs se mettent d'accord sur
le principe que la surface de la mer est a tous mais que les fonds marins doivent étre
partagés en revanche par secteurs nationaux et selon le principe de l'équidistance. Les
cinq pays riverains s'acherrtinent donc vers une solution à l'exploitation des ressources
pétrolières de la Caspienne.

AuJOURl'hur, la Ruutc ne d1•pos.c: plus quo d'un liu ora l réduit uvcc ia .wnc del111lt1110 . 111 Vol11n cl lt!ll cn~mhln puft\lam"'tpi

.,. ... ucm •uLOur d'A.ankhan .


Sur le plan d4!mopaphique. lclll 70ftC!ll pcUftlU~ de cc11c mer intérieure !llHnl Io rCginn cl'J\!llnikh11n . 111 cc\tc irwninuw C1 LI rlfll
v.crt.fdj.,.,i• . Les linoRUJI: 11.aDkhs et 1urkmtneJ11 uni lon1ttcmp!'i étC vidc!ll . Il• ne !llnnl peuplC11 nujuunl'hui qu'rn rartœ dl
l°ca:plo1llllion pftrohtR et gv.iM.
J7ic1 vingt am, la mile en v.lcur dc-1 mM1uR:e."I m: manquera& rn•" de mudî11cr pmfontlémenl lt'a ~lnnntts t!icoloppt
'"1nom1que1, M1Cilllc. et pollllqun f.lc I• plua sr-ndc mer rcnntc du monde" in i:. TllLJAL , /\ . IJULl\IT , / .11 Nt1tr1Yllt' ( '~·

Pui1, f.UIJ)NS, lCJ9,., p. '9 .


CMpllno 6, Lo qull!te de l'or noir 111

Zona le=:;;: turdun.,n

& •
Turkminio'8n
Iran
Russie
Azerbaïdjan

100. Le statut juridique de la mu Caspienne

Le deuxième problème est celui des routes d'évacuation du pétrole.


L'enjeu pour les Russes tient au contrôle des routes de sortie du pétrole et du §12
de la Caspienne. Les Russes savent que leur parc pétrolier est désuet. et qu'ils œ
peuvent rivaliser avec les compagnies occidentales. Mais Moscou peut cumpter sur son
réseau d'oléoducs et conserver un rôle géopolitique majeur en tenanl: le role de pays
transitaire du pétrole et des hydrocarbures en direction de l'océml Indien. le défi IU!l!le
consiste à raccorder la mer Caspienne à la mer Noire' en vue d'atteindre la

1 "La ma No1ft' nrpornlt m cette fin de 1W.:lc oommc k debouché ~l h: '\.e cl'cq•mci1f B ~ dr la~
cup~ . Mais ln mer Nmtt mit •U.'-"' 1!~ un p1qrc. un van.xa. le ftanc.hassa1xut dLI ~ âw w ckl'dll At du;; •
l'l'xportation des hydn.w:arh~. mais un~ 'clcl' (n11Ji~ . Lo dieu.' rh"nams ~ tant en ~ . . . - d n:...q.a. ,._.
nrter• lieur Wn~li~ Io nu.~ ~tmlin'!' cl (l&ZIC'r$ w:nw d'Azerhaldjan.du K..aDllbss.C1du~etta.~-­
mct NoiR- ver.a Io. mer Mt-...titcm11ntt , afin qu'ils accèdrnt à l"Oc:'ftn moadaal. La Rusur IDIÎ:9r sm ~Pl" œ ~ P'M •
f'ITIJetrr \'Ï8 les Balkans ·· ~ Ru,~anc . Crttcc- dons la mCT 'Êgff et la~- La Tuirqma ~ UIÜim' ll . . . .
maritime de la G~lr((iC, ~ml pour ~c 11r.'i'e1u ,-en le-s MUtiits t\a'\."'S. 'llOd. pGm" bi~ • trll\"Cft dit fAllllDlik. \US S . .
d'l1tenJcnm . La mer Nain- t'!'1 ll,1nc lu surfDcc m.ri1unc 'obhsft' du de9enc.la.Yftllftlt dt t. mer( ·~- TOMll ,..-~ooin(flC la
di!IC'1min81Îon ne !te foto pas 'ur Je'- i.· rilé~ dr .:oùl m•1s :aussi i .,_mr Jit \~~et~,.._ ...
dcu.,.; pinles. la RU."i~ri: Cl le hh"K.' 1urn.. 1.1 nlhli;a111 s..mha1tan1 cmpèc:b« l"aulne de Jâ'cl" le ~ pètrolCr e1,.aa..... m . . . . .
mtuirc I• puiU11nce gtopohuquc ri' ale.
La cowwe à 11 mC'T Nuire ~·in111CrU dan.~ UM lutre plus '~pour '9 ~ • ta......._ ......._. • ""'4,i.a..s.& :
UU.1ne, Caucue, Asir centrait. \..'ClimWt qui prut ~ pmlongëoc riai- r A~ ls hli:la.a.. rtn.le fi r..-•i. C'lliM.
Pnrtic 4 . Ln qu i!te des ressources : uni! con!Jtantt! de I~~.. .

1
Méditerranée e t d 1e mpêcher que les intérêts occid e ntaux n irnposent une voie turco--
pakistanaise.
La voie russe i1nplique une n1 o dernisatio n des oléoducs à laque11e les compagnïei.
de la C . E. I. sont dis p osées à s'associer. Un tracé v in le Kazakhstan ou l'A zerbaî djan ver"°
Je nord de la mer Caspienne et de là, par l'ex trê m e n o rd du Ca ucase ver s la mer Noire,
- Novorossysk - serait une solution. À N ovo r ossysk, Moscou doit e n cor e éviter la
Turquie et l'Ukraine, ce dernie r pays é ta nt tro p peu s ûr quant à son avenir
géopolitique, puis franchir la m er Noire e n direction d 'un pays m a l d esservi , la
Bulgarie, puis, de la Bulga ri e, sortir par un a utre pa ys pro-américain mai s n éa nm o ins
anti-turc, la G rèce.

~- - RUSSJE
-.. .... · --··-~ .
... /'-._
)~··

TURQUŒ

-- ol~uc s
1. A bkh<1 z11:
Adjnnc IRAN
J. thsttic du Sud
4. O~sétie du No rd
5. H2Ul-Kar.lbagh
6. Dapc-scan
Tch1!1cht!nic
K. Ka.b:lnfino-83.lk:lrie
9. Kar.uchoï5· Tchcriu.:s3'Cs
10. K3lmoulnc

101. Les routes du pétrole, de la Caspienne à la mer Noire, par le Caucase

Dnns ce vaste jeu d'cnccrclcmcnl et de contre-cnccrc lc m cnl, la mer Noi re, comme d ébouché de Io Caspienne. joue- \W n\le
cemral, sur le pian économique comme su r le plan géopo litique .". in A . DULAIT, F. THUAL, lu nouwllf! Ccupif!ntte. P'Ml:>.
Ellipses, J 998, p. 57-51!1.
102. La bataille des oléoducs pour la sortie du pétrole de la Caspienne

RUSSIE

KAZAKHSTAN

IRAQ

CHINE

olfuducs en projcl
Les projets occidentaux font obstacle aux ambitions russes . Un oléoduc dl' 941J km
en direction du port géorgien de Soupsa est construit ; le pétrole S<!rail cn:.uilt
traru;porté par bateau à travers le Bosphore - se pose tout de méme le probl~nw du
transit du pétrole par les détroits soulevé par les Turcs - jusyu'au port roumain dt
Constança puis acheminé par oléoduc vers l'Europe occid.,ntale; la Roumanil' p1mcht
cependant pour la voie russe . Une autre option est qu'un oléoduc suit cunti\ru1t a
travers le territoire turc jusqu'au port de Ceyhan sur la Médikrr.mée. Les l:ta\ll-U11i5
privilégient cette voie car elle repose sur ses alliés - Tun.1uie et une Gcorgil' plutot
anti-ru~ - ; elle implique cependant une st:curisation des régions kurdes, ce qui ne
peut être acquis que par une pris<' de contrôle de l'Irak . Mais ce projet pose aw;si de
nombreux problèmes, compte tenu notamm.,1lt de l'abs.,nce de frontière commune
entre l'Azerba\djan et la Turquie, sinon par le Nakhitchevan qui est une enclavl' azérie
en Arménie. D 'autres options sont offertes dans cette voie occidentale : soit passer par
l'Arménie, mais Bakou s'y oppose en raison du conflit du Haut-Karabakh - et de plus
l'Arménie penche vers Moscou - ; soit passer par l'Iran, mais les compagniL-s
américaines sont soumises à la loi Kennedy-d'Amato. En 1997 cependant, Washington
affinne que la loi d'Amato ne serait pas violée par l'existence d ' un tel oléoduc passant
par l'Iran. En tout état de cause, l'intérêt pétrolier américain dans la région pousse a
renouer avec l'Iran. La solution turque étant complexe du fait du conflit turco-kurde et
arméno-azéri.

4. L'enjeu irakien dans la stratégie americaine


de containment de la Chine'

"Si nous voyons que l'Allemagne est en train de gagner, nous devons aider la
Russie. Si nous voyons que la Russie est en train de gagner, nous devons aider
l'Allemagne. Dans les deux cas, nous devons les laisser se tuer le plus possible"
déclarait Truman au New York Times un mois après que l'Allemagne national-socialiste
eût lancé son opération "Barbarossa" contre l'Union soviétique. Quatre ans plus tard,
Truman était président des États-Unis d 'Amérique. L'Allemagne était brisée. Un autre
débat s'engageait alors outre-Atlantique. Fallait-il tenter immédiatement de refouler -
roll-back - la Russie soviétique dans ses frontières de 1939 et déclencher ainsi une
troisième guerre mondiale ou se contenter d 'endiguer - containment - sa progression
en entrant dans une longue guerre des nerfs ? Georges Kennan et ses partisans
l'emportèrent et les États-Unis, à l'issue d'une Guerre froide de quarante ans, obtinrent
le refoulement géopolitique de la Russie et l'effondrement de son instrument
idéologique, le communisme. Pour arriver à ses fü1s, l'Amérique avait déployé une
stratégie d'une intelligence redoutable : encercle1nent du lienrtla11d soviétique par
1'0.T.A.N. à l'Ouest, le Pacte de Bagdad au Moyen-Orient - jusqu'à ce que les SUL"Cés
des nationalistes arabes et iraniens Je brisent - , l'O.T.A.S.E. en Extrême-Orient.
utilisation des leviers islamique - anti-communiste - et chinois - anti-russe -
contre Moscou; course aux armements et à la supériorité technique - projet "Guem
des étoiles" - qu'une économie socialiste ne pouvait pas gagner; discours manicheen
des "droits de l'homme" visant à diaboliser l'adversaire.
Un siècle après la sortie de son isolationnisme, soixante ans après le début de Io
Seconde guerre mondiale, l'Amérique a écarté deux tentatives d'unification
eurai;iatique, l'allemande et la russe, qui menaçaient son hégémonie mondiale . Lr

'Ce tcJUc rqm:nd l'~scnncJ de l'urtidc !lilH-JIC p11r l 'uu1cur dun~ lü NmH'l!lfL• R c: l'lt•• d 'J/iMmn·. n°:?. sep! ·UCI .:?OO:?
Chapitre 6 . La quéle de l'or non

processus d'unification européenne est aujuwd'hu.i sous influenœamâicaioect.aprtll


l'intégration des pays d'Europe c~traJe - 1999 -, 1'0 .T.A.N. pcRIEIZt ll'élargir à
l'Europe orientale, aux pays Baltes el même a la RWi6ie. L'Amérique marche aimi,
mieux qu'à petits pas, vers son rêve géopolitique: la conatruction d'un puMiNnl l>.loc
économique et stratégique euro-atlantique placé llOU6 son~' avec .lsraii!I œmme
"tête de pont occidentale" au Proche-Orient.
Pourtant, un nuage s 'épaissit dans l'horizon - déjà obscurci por le "Leoodsoe
international" - de la suprématie mondiale améncaine. L' émer~ économique de La
Chine, à un rythme soutenu, menace de remettre en question,. à l'horizon 2015, . .la
domination américaine dans la région Asie-Pacifique et, par voie de~' dari&
Je monde entier. En supposant seulement que la moitié de sa population - environ
700 millions de personnes - arrive à un niveau de développement équiva.l.l!nt a celai
des pays occidentaux - ce qui est possible dans un temps historique tri!s rapide.. Ill l'on
s 'appuie sur l'exemple sud-coréen - • le marché intérieur dunois sa:a alors comparable
à la réunion des marchés de l'A .LE.N.A. - AS50ciation de lime écDange nord-
américaine dominée par les États-Unis - el de l'Union européenne élargie à vingHept
pays - Europe centrale et orientale. Ajoutons à cela Je formidable levill!r de puilAnœ
que représente l'économie des Chinois de l'extérieur - ~ lndoaésie ou à Sing;1pour
par exemple - dans le cadre d'une indépendance idéologique et stralégique de .la
Chine continentale préservée, et les États-Unis auront faœ à eux le seul grand rival
économique non asservi politiquement.
L'analyse de la littérature stratégique américaine postérieure à la chme de tUJl&S..
autant que les déclarations des dirigeants, montrent que le défi chinois est la priœDé de
la pensée géopolitique américaine. Cette priorité n'a pas disparu du seul iait des
événements du 11 septembre 2001. Une grande nation est capabre de mener de &œit ma
combat de sécurité contre une menace transnationale et un combat de bié!:an:bie cmdre
un rival étatique, l'affrontement de court tenne pouvant méme devenir r i n m - de
la rivalité de long terme.
Si l'Amérique ne cache pas son inquiétude quant à l'émergenœ de la Chine. ~ne
dit cependant pas grand-chose de ce qu'elle a entrepris pour contrer Sil rivale. Faœ à
!'U.R.S.S ., l'Amérique avait une stratégie globale. Mais que sait~ de la strallégie
globale des États-Unis contre la Chine?
Selon notre hypothèse de travail - rappelons que le géopoliticien tieme de rendJe
intelligible des politiques étrangères et qu 'il ne dispose, à la différence de l'bislmien. ni
du recul tùstorique suffisant pour être affinnatif, ni a forticm d'archives pour attestena
hypothèses, sa mission étant d'être celui qui sonde au mieux les Îllll!l1tiDn!I de6
acteurs-, la stratégie globale des Américains contre les Chinois poarrait se
décomposer suivant quatre objectifs principaux :
- contrôler le besoin en énergie de l'adver.;aire;
- l'encercler par un réseau d 'alliances;
- neutraliser sa capacité de menace nucléaire ;
- affaiblir sa géopolitique el son unilê politique intérieures.

La croissance éconontique forte de la zone Asie - dont la Chine - implique uœ


consommation croissante d'énergie. En 1994, la consommation totale de pétrole des
pays asiatiques esl devenue équivalente à celle des États-Unis. Or l'Asie ne dil;pose pas
des ressources énergétiques suffisantes à son développement et doit importer de plus
en plus. Ainsi, à partir de 1993, la Chine est-elle devenue importateur net de pétrole.
Cette dépendance pétrolière n'est pas diversifi~ : pour l'ensemble de l'Asie elle est
concentrée à plus de 70 % sur le Moyen-Orient. Mais la dépendanœ à l'~ da
Moyen-Orient est aussi une interdépendance. Si les pays pétroliers du ~
716

exportent aujourd'hui 60 % de leur production vers la seule zone Asie, on estime que
ce chiffn! passera à 90 % en 2015 . L'interdépendance énergétique pourrait donc
logiquement favoriser le rapprochement politique entre la Chine el les pays pl'!troliers
du Moven-Orient Pour ecarter cette éventualité, les États-Unis devront donc, dans Il"
prochaines années, compléter leur mainmise sur l'Arabie Saoudite et le Kowen, par la
prise de contrùle de l'Irak et l'Iran! . S 'ils y parviennent, ils contrôleront la pompe
énergétique qui alimente la croissance asiatique et en particulier la croissance chinoise.
Déjà, grâce à leur intervention en Afghanistan en novembre 2001, les Américaill5 onl
coupé la route de la mer Caspienne à la Chine, compliquant ainsi l'accês chinois à une
source d'approvisionnement alternative au Golfe arabo-persique - quoique bien plus
modeste ; ils ont aussi profité de la nouvelle donne anti-terroriste pour faire accepter
aux Russes leur projet de bouclier anti-missiles - rupture du traité A .B.M . de 1972 -
et la poursuite commune du désarmement nucléaire quantitatif!, tout en s'entendant
avec Moscou sur l'avenir du pétrole russe. L'objectif des Américains est que la Russie,
dont la capacité de production a atteint en 2001 celle de l'Arabie Saoudite, déverse ses
hydrocarbures - pétrole et gaz - en Occident et non en Asie. Quelles solutions
d'approvisionnement hors du contrôle stratégique américain s'offriront alors à la Chine
si l'Amérique atteint ses objectifs en Irak, puis en Iran ? Le remplacement de Saddam
Hussein par une équipe favorable aux intérêts américains et la fin du régime chiite
radical en place en Iran sont des priorités absolues de Washington . La marge de
manœuvre des Américains, bien que quelque peu affaiblie par les réticences
européennes et le droit international, sort néanmoins renforcée des événements du
11 septembre 2001 . En 1898, l'explosion suspecte du cuirassé Maine à la Havane servit
de prétexte au déclenchement de la guerre contre l'Espagne. En 1964, l'incident du
Golfe du Tonkin touchant deux destroyers américains fut inventé de toutes pièces pour
que le Congrès autorise le président à entrer dans la guerre du Vietnam . La lutte contre
Al Qaida servira-t-elle alors de prétexte pour en finir avec les "États voyous" - Rogue
States ?

Dans moins de cinq ans, il est possible que les États- Unis en aient te rminé avec le
régime nationaliste arabe en place à Bagdad et, qu'après y avoir installé un régime pro-
arnéricain, ils se soient intéressés au cas iranien selon un agenda programmé par la
course au nucléaire engagée par Téhéran. L'Iran pourrait avoir renoué avec le tropisme
pro-américain qui prévalait avant la Révolution islamique chiite, conséquence de
l'effondrement du régime ou plus simplement d'une normalisation Washington·
Téhéran conforme aux vœux affirmés depuis plusieurs années par les néo-réalistes
américains comme par les "modernistes" iraniens, convaincus des bienfaits de la
realpolitik, mais bloqués pour l'heure par les lignes idéologiques de le ur pays. Ce qui
s'appelait en 1955 le Pacte de Bagdad, et qui comprenait notamment la Turquie, l'Irak et
l'Iran, pourrait ainsi avoir été reconstruit sur les ruines des révolutions baathisle el
chiite, tandis que la Syrie et le Liban auraient éclaté en États communautaires -
maronite, alaouite ... - selon les rêves d'lsraE!l ; dan s le même temps, les anciens allies

1 En France. utu.ms. sans Joule par soud clun1;muh1ê u111vcrs11um: . ment l'ur1;umcn1 r é 1rolicr l'uurtunl , AmJn!- ~&-'fll .
lpê\.:1aJistc des Étab-Unis. lu1 -nlêmc füvoruhlc au-. up11om; géopuli11qucs amén c u incs, Cent "l'.:n rëu1pêrunt le pt!lrolc irui.1cn et ni )

aJOUlnnl. Je cas échbnt , le pCtrulc: du C1uc.u..: ~1 d e l'A s ie ccnlrnlc , les Améru:ums cJi sr oscr.11c111 donc c.J'un Jok e r Jlliur diimcr le' r111n
i l'Anabic Si&OUdilc.• , A . KA.SPI , /~ F'1gum. 12 11.oût 2001
2 U 24 mai 2002, au Kremlin. les pr-hidcnu ru s~c V . rnuunc et omëricain ( j W Hu'ih ont si gm! un trui1ë Je ~s.o.nfl('mml
n1.11:l('a1re vi~r;, mcnre fin a l a G~ froide . Les cJcux vuys !OC ito nt cntcmlu !i> rour r ëduirc leurs 1u·,;cnuua nuclC111n:s i un n1,uu
mu im.al Jr 2 200 ow.vo; i l'huri:r.on 2011. conm: 6 000 UUJouriJ'hu1. l.'ubjcct 1f rrcnm!r Je 111 Ru s.~ 1c es! Je se rrJrr s~r
Cconom1quemcnt . c ..-la pane par une bonnè entente avec; les Êl.Dls· Unt!!i, d'uu l'ufTinnuti nn ô M os..:ou Je 1.n Clm vc rw;~11cc amênon•>
ruuc dam la gw:rTe ou 1cnuri1me
Chapillt' 6 La quêle de l'or noir 717

de Washington, l'Égypte et l'Arabie Saoudite, sous la poUHée de masses arabee


insatisfaites de leurs gouvernements corrompus, pourraient avoir ballculé dans un
islamisme sunnite devenu anti-américain - aprèol avoir bu au 5ein de l'Amérique
durant la Guerre froide russo-américaine et sans doute jusqu'aux attentats du
11 septembre 2001 . Quant aux Palestiniens, il est également probable que d'ici là, ils
s'en seront intégralement remis au Hamas - selon une stratégie planifW de longue
date par les sionistes - après avoir constaté la ruine d'un nationalillme laîque qui
'risquait" de parvenir au part.age de la Palestine géographique en!re deux États.
En 1945, l'Arabie Saoudite et les États-Unis signèrent un traité d'~lianœ pour
soixante ans, le Pacte du Quincy - du nom du croiseur américain sur Lequel le Seoad
et Roosevelt s'étaient retrouvés - qu.i faisait de l'Amérique le protecteur de la dynastie
Séoud et du wahhabisme en échange du pétrole. Le pacte arrive à échéanœ en 2005. À
cette date, l'Amérique parrainera t-elle encore cette Arabie et œile-ci sera-t-i!lle
encore .. . saoudite? La Chine aura-t-elle été contrainte de contracter une allianœ avec
'le pétrole arabo-islamique" comme s'en inquiètent plusieurs géopoliticiens américains,
dont Christopher Layne ?
En dressant autour d'elle un cordon sanitaire d 'États anti<hinois, les États-Uni5
vont probablement gêner les efforts que fournit de Pékin pour sortir de l'isoœment. Il y
a cinquante ans, la Russie était encerclée à l'Ouest par l'O.T .A.N., au Moyen-Orient par
le Pacte de Bagdad - provisoirement - et à l'Est par l'O.T .A.S.E Aujourd'hui. en
encourageant l'entrée de la Russie dans un bloc euro-atlantique élargi. les États-Unis
s'attachent à projeter les frontières de l'O.T .A.N. aux portes de la OU.ne. Durant les dix
ans qui suivirent la fin de la guerre froide ru.sso-américaine, la 01ine s'efforça de
consolider le Groupe de Shangaï, un front sino-russe destiné à contrer l'influence
américaine en Asie centrale. Les attentats du 11 septembre 2fXl1 contre l'Amérique
eurent pour effet indirect de briser la dynamique de consolidation du Groupe de
Shangaï. Désormais, les États-Unis et la Russie font front commun en Asie centrale
contre l'islamisme sunnite et s'entendent sur le partage des richesses en hydrocarbun!s
de la région. Parallèlement, et au moins depuis 1999, les États-Unis consolident l.eur5
relations avec l'Inde - comme le fait aussi Israël qui coopère de plus en plus avec les
Indiens sur le plan militaire - , puissance nucléaire comme le Pakistan. mais surtout
formidable contrepoids naturel à la Chine en son Sud comme la Russie l'est en son
Nord, en même temps qu'elle sera aux côtés de l'Amérique dans la lutte contre
l'islamisme sunnite. Si demain le Pakistan ne faisait plus partie du "nouveau Pactl! de
Bagdad" que l'Amérique cherche à construire mais d'un bloc islamique hostile à
Washington et à Tel-Aviv, alors l'Inde sera son remplaçant évident, l'axe traditionnel
Moscou New Delhi venant alors encercler la Chine. Fort logiquement. la situa.lion
serait à l'inverse de celle qui prévalait durant la Guerre froide - les Américains
jouaient alors Pékin contre l'alliance Moscou/New Delhi.
En Extrême-Orient, l'encerclement de la Chine devrait s'appuyer sur le dispœitif
étatique Corée du Sud/Japon/Taiwan doublé déjà d'un impressionnant dispositif
militaire américain stationné dans la région . Si les États-Unis a."50ci.ent la Corée du
Nord, dernier reliquat de la Guerre froide russo-américaine, à l"lrak et à l'Iran dans
l'"Axe du Mal", c'est que l'objectif est d 'encourager la réunification - alliant l'économie
du Sud et le potentiel militaire du Nord - d'une Grande Coree anti-chinoise et pro-
américaine capable dans le même temps de surveiller, à leur profit. l'évolution
japonaise.
Les efforts américains pour construire autour de la Chine un cordon sanitaire
rassemblant au moins la Russie, l'Inde, la Corée réunifiée et le Japon seront œpendant
limités par le fait que de telles puissances ne peuvent se satisfaire d'être des vassaux.
718

Leur politique sera donc certainement plus complexe qu'un simple alignement ~ur Il"!
intérêts américains .
Mais la course à la puiss.·ince militaire que les États-Unis ont enga11ée VJst> a
diminuer la liberté d 'action de ces n.itions millénaires, de sorte qu'elles jug<.'rlt que le
choix le plus rationnel consiste à opter pour l'Amérique contre la Chine.
L'Amérique est, de loin, la première puissance nucléaire el conventionnelle de la
planète. Le budget qu'elle consacre à la défense équivaut à la somme de tous les
budge~ militaires du monde! Pourtant, son formidable av<tntage conventionnel, et
donc sa capacité d'ingérence, sont freinés par la menace nucléaire que lui opposent
d'autres puissances. L'Amérique a donc entrepris de rompre l'équilibre de la
dissuasion nucléaire entre les Grands. Elle développe un bouclier anli-missiles qui
devrait être capable de protéger son territoire du feu nucléaire adverse - le N.M .D. ou
National Missile Defe11ce. Ce projet affectera peu les puissances disposant d'une grande
quantité de missiles à tête nucléaire, comme la Russie. Tel n'est pas le cas de la Chine.
Pour ne pas s'épuiser économiquement comme !'U.R.S.S. durant la Guerre froide, la
Otine ne s'est pas lancée dans la course aux armements. Elle ne dispose donc
aujourd'hui que d'une trentaine de missiles intercontinentaux à tête nucléaire et suit
avec inquiétude les projets américains. D'autant que tes États-Unis envisagent de
fournir des boucliers anti-missiles - des défenses anti-missiles de théâtre, nrealcr
Missile Defence - à leurs principaux alliés, comme Taiwan ou Israël. Que pèserait une
Otine disposant d'une armée forte en nombre et privée de sa dissuasion nucléaire face
au bloc américain ?
Dépendante énergétiquement de zones contrôlées par Washington, affaiblie
stratégiquement par un cordon sanitaire d'États puissants et par son déficit militaire -
nucléaire et conventionnel-, Je vieil Empire han pourra-t-il alors résister au plus
puissant rouJeau compresseur idéologique jamais utilisé dans )'Histoire des hommes
pour briser l'unité intérieure des États : "les droits de l'homme" ? Durant des siècles, les
lettrés confucéens des empires han, garants d'un ordre politique holiste, se sont
opposés aux dynasties étrangères - souvent turco-mongoles - et ont combattu les
religions de l'extérieur, du bouddhisme à la secte Falugong, en passant par les
christianismes nestorien, catholique ou protestant. Ils se sont opposés à
l'instrumentalisation politique des ethnies périphériques de l'Empire - aujourd 'hui les
Tibétains et les Ouïghours - par leurs ennerrtls. Ils ont conservé leur civilisation en
sinisant leurs propres envahisseurs, leur idée nationale dans la philosophie
confucéenne et leur capacité à endurer les épreuves par ce stoïcisme asiatique qu'est le
taoïsme. Mais leur isolationnisme séculaire et leur incapacité à penser la géopolitique
chinoise au-delà de l'Asie fait la force de leur adversaire. La Chine laisse l'Amérique
avancer au Moyen-Orient et en Asie centrale sans réagir.
En attendant, la mondialisation américaine n 'a pas l'intention de laisser à l'écart de
ses appétits économiques cet immense marché potentiel, celui qu'en des temps reculés,
un autre Empire mondialisateur, Rome, avait nommé Je pays de la Soie, Serica, c'est.a.
dire Chine.

5. Résumé de la stratégie américaine sur le pétrolr

Les guerres menées par les ltats-U11is depuis 111 chute tic /' U .J< .S .S . sont ta11Jc.,;; sur 111 nnilr'
tirs olioducs et des gazuducs1

1 H de GROSSOUVRF.., Panr. Ht!rlln, Mo.u ·rm. lu \'"'·" J e l'intltf1wm/1uw1• t•t d1· lt1 p11ix. P11ns. l.'Àlfl" ll'llmnmc . :!OO! . r Jt1
O..pllre 6 . r.... qutte de l'or noir 719

La politlque étrangère américaine sert une double etratégle de contr6le :


- contrôle des zones pétrolières - logique de la re9tl0Urœ - : tttDumema1t de la
Russie vers l'Ouest, Golfe avec Irak et Iran, Caspienne, Corne de l'Afrique, Golk de
Guinée en Alrique .. .
- contrôle des zones de transit des oléodUCll pétroliers - logique de la rouir - :
Youg09lavie, Macédoine dans les Balkans1 , Tchétchénie2, Céor~, Kurdi91m, Ane
centrale et Afgharùstan.

6. L'or noir de l'Afrique

6.1. Le pétrole africain dans le contexte pétrolier mondial


Pour comprendre l'importance du pétrole et du gaz africains, il convient d'abord de
cemer les principaux enjeux énergétiques mondiaux.
Aujourd'hui, les besoins de la planète sont couverts à environ 40 '.!li. par le pétrole,
25 % par le gaz naturel, 25 % par le charbon, et 10 % par l'électddlé d'origine
hydraulique et nucléaire. Sur les réserves des différentes somœs d'élergie r..a
renouvelables (environ 900 milliards de tonnes équivalent pétrole), le charbon apporte
56 %, Je pétrole (y compris non conventionnel) 24 %, le gaz 15 'J., l'ur.utiwn 5 'J, .
Sur leur seul territoire, les Américains disposent de 25 % des réserves mondiales de
charbon (ce qui est l'équivalent de 85 % des réserves de pétrole). En ajoutant à leur
territoire celui de pays d'Amérique latine comme le Venezuela et le Mexique, et
l'ensemble des pays du Golfe arabo-persîque, y compris demain J'lrillt et l'Iran. Je
États-Unis contrôleront probablement, à l'horizon 2010, plus de 75 '.!li. du pêtrule
mondial et 40 % du gaz .
La durée des réserves moncliales de pétrole est estimée à environ 40 années de
production, ce qui est l'espérance la plus courte de toutes les énagies (62 ans pour le
gaz, 216 pour le charbon, 72 pour l'uranium)3. Le pétrole ne pourra donc constituer Wll!
source permanente.

1 ..Aujourd'hui. il ot •bsolument n4!cc:ssaln:' de pn:ntir la sa.lritili dr .. Mec:édoine et !Oii emrt!ie dlm P'O..'tAN. Miii . _
l"tslCIDllSccruinrrncnt longt~s afin aussi de pnnlir la 96:urilf ds c:mridan ~ .p .....,.. .. ..,._• G6llbl
Michael J.:Uon, commandant de la Kfor en Mecédoine puis •u K.olcm:a. in SoR 24 ~ -qUUlidic:m .a.-. - l 919. "dll
i'ntbits vilau.. sonl en jru dans les Balkans. Cil puticuha dilm ta Rpoa m.. Kcm:wo Cl œ .. ~ .. - - .-ail
Dknlaiquc où se croisent les seules voies de communicattan ~ et Est-Oruclt. cm ~ la r.-s • a. ~
intnul iOMle de CIPft'ltCS, de dro(tUe et d'armes.. OÙ Sor trouve le poml dr pmDge de l'1llms ft ... . . _ _ . . . _ . d,. - - .
d'oUod\ICS, nowmment tout prh de Tetovo, le projet <foWoduc ~ ~ pon bul~ dr - et k port..._.*
Vkft.. ......
offodue pout'Tait •cheminer le hrut de la C'&.TfUettne que Wahl,...,., veut tHloarncr du roGll'6lr ~ La - - ~ .. s.tJia •
donc eu pour but de ~i nstalla 1~ troupes des Eiat>-Un.is dms unr ,_,;., des BaDmm cpa'ib ~ ~ ......... •,
C. SAINT-PROT ... lA IJllCfre contre la Setbtc ct le nouvel onft mondâal"', m Gmnm J.n Je! . . . . . . lllir06iiiml,.,.........
GALLOIS , Pans, t::llipscs, 2001, l'I· 19 7
2 Le 2 r~vner 2000, devant la cammÎSSIOft Je n:nse11ncrnce1 du S...l amiricain. M. Georp J. T - . ..._.dit la CL\.
d6cl1re, • propos du C auc MC et de l'A sie centrale . .. C hechnyto e l"° bu sip.ificanC'e for W C..:.- _. C.-.1 Asia,. a pmt oldae
a-orld lhlil has the potcn11al tu llrcome more Vt"lauh: as 11 beca rncs more i....,.,.m to tk Umtl:d S..S. As yaa, btow, dtc U1llllll
S11te1 hu C'-pcTtded 1rea1 cfTC1rt to iiup)"K>rt 11ipclim:s th.at ~·m brin1 the Cupim's ctlCTIY ~ • W---. ~ O.. ail
pi~hne u Clllp«'lcd to ,,..H thrau1'h GC('lrfli• and A zet"Nidjan Wcstem ~ ~ 1r)'\al D c'OllllrVa • . . pÎptÜllt . . . . . W
l'Uf'lian See frum Turkmeni~tan lhmugh A nrba1Jllll and CieoJ"Bia en rouw 1o ~ -·
J •Qlopolhique de l' Cnefllic''. R~''Vfl F~ • ,,ropullliqw, dirillle pw A. ~ 1111~ ....... hdl. lOB.
ElliRllltion (allo par Pui;eil Renanlet
Or aux besoins croissants dt.>s pays dévt.>loppés (États-Unis, Union 1.mropeennt,
japon) s'ajoutent lt!S bt."Soins de l'Asit.> Pacifiqut.>, t.>1 notammenl de la Chinl!, don l la
hausse constante résultt.> d'une croissanc" économique forte et continut.>.
À l'exception de la Russie, dont lt.>s r"ssoun:"s propr"s n" font guèrt.> craindre l"
monopole américain, et qui pourra jouer du potentiel d 'approvisionnt.>menl qu'cll"
représente pour le monde occidental comme pour la Chine, 1.,s aulres grandes
puissanœs. la Franc.-, la Chine ou l'lnd" seront d" plus en plus dépendantes dt.> rone.
pétrolières contrôlées par les Améric.lins (contrôle économiqu" par le biais d~
compagrues mais aussi contrôle stratégique par l'armée) .
Dans dix ans, les énergies renouvelables seront très loin encore de pouvoir
représenter un contrepoids aux énergies non renouvelables. L'économie du monde
dépendra donc encore très largement de l'accès libre à des ressources én.,rgéliques qui,
entre temps, auront été placées sous contrôle américain.
C'est dans ce contexte général que le poids du pétrole et du gaz africains doit étrc
év1dué.
Le continent africain recèle près de lU % des réserves de pétrole connu"s ce qui n'a
rien de négligeable . Par comparaison, la mer Caspienne, à propos de laquelle on parlait
en 1997 de nouvel eldorado pétrolier, ne représente que 2,5 % des réserves prouvées
d'huile. Si la France maintient son influence sur le continent africain, elle pourra
diminuer le poids de sa dépendance énergétique à l'égard de la puissance dominante.
Si au contraire les États-Unis continuent de progresser en Afrique, alors c'est la
dépendance stratégique du monde entier qui va encore augmenter.

6 .2. L'Afrique du Nord, un réservoir énergétique pour l'Europe


L'Afrique du Nord représente la moitié de la production pétrolière de tout le
continent, plus de la moitié (55 %) d e s rése rves prouvées comme des capacités de
raffinage. Notons d 'emblée que l'Afrique qui raffine est aussi celle qui consomme le
pétrole, c'est donc essentiellement l'Afrique du Nord et l'Afrique du Sud.
La Libye (22,5 % de tout le pétrole africain), l'Algérie (13,7 % ) et l'Égypte (12,7 %)
sont les trois principaux producteurs en Afrique du Nord . En additionnant la
producbon de ces trois pays à celle du Nigeria, en Afrique noire, on obtient les 3/4 de
la production de pétrole de toute l'Afrique.
Premier producteur de pétrole du continent africain, la Libye e st connue pour la
qualité de son brut léger. Les coûts de production y sont peu élevés, et l'extraction se
fait essentiellement on shore à partir de deux gisements, le premier dans la region de
Syrte, au centre du pays, el le second dans la région de Murzuk, au sud-ouest non loin
de la frontière algérienne. Les compagnies européennes, italienne (Agip), française
(Total), espagnole, norvégienne occ upent le terrain car la Libye est une source
d'approvisionnement en pétrole (2,8 % des réserves mondiales soit plus que la
Caspienne) et gaz idéalement s ituée pour l'Europe.
L'administration d'État américaine a autorisé en février 2002 les compagnies
Marathon Oil, Conoco et Amareda Hess à renégocier avec Tripoli les contrats
concernant les champs pétrolie rs dormants dont les concessions avaient jadis éte
attribuées aux États-Unis. En 2006, la Libye et les États -Unis ont normalisé leurs
relations. Ce retour de l'Amérique en Libye e s t la conséquence directe de la politique
libyenne de rapprochement avec les pays européens. Les Américains craignent que les
LibyeJ\6 n'attribuent toutes les concessions à des consortiums europét.>ns. À terme, si
les Américains reprennent pied en Libye, les pos itions françaises ne seront pds
forcément assurées, car les principaux concurrents de Total sur le sol liby1m sonl
Owpilre b . La qul!lc de l'or noir 721

aUontistes (Italiens el Espagnols) et pourraient tue tentés par des condominw.ma avec
les Américains.
Avec l'Algérie, l'Afrique du Nord n'est pas seulement riche m pétrole (0,9 % des
réserves mondiales) elle l'est aussi en gaz (2,9 % des réserves mondiales). A elle seule,
l'Algérie produit 70 % du gaz africain (l'Égypte suit avec seulement 13 % ce qui est dljà
reaucoup) et concentre 36 % des réserves de l'Afrique soit, à elle seule, l'équivalent des
réserves de gaz américaines. L'Algérie produit à faible cou.t du gaz que ses
infrastructures permettent d'envoyer vers l'Europe à l'étal gazeux (gazoduc Tranemed
et GME) comme à l'état liquéfié. Fin 2000, les compagnies britanniques BP, espagnole
Gas Natural et française Gaz de France se sont intéressées au projet de nouveau
gawduc sous marin entre l'Algérie el l'Espagne. Déjà l'Espagne a86ure, gr.ke à
l'Algérie, 75 % de ses approvisionnements en gaz naturel, le Portugal 100 % et l'Italie
55 %. Au total, 90 % des exportations de pétrole et gaz partent ver.; les dienls
européens de l'Algérie.
Prenant conscience d'un renforcement des relations algéro-espagnoles qui résulte à
la fois de l'opposition maroco-espagnole et de la relation économique croissante entre
les deux pays, la France tentera sans doute dans les années à venir de solidifier ses
positions culturelles, politiques et économiques en AJgérie.
Les hydrocarbures représentent 97 % des recettes des exportations algériennes, un
quart du PIB, et près de 60 % des recettes budgétaires de l'Etat. Il s'agit dooc d'une
véritable rente pour le régime algérien, peu vulnérable aux pressions éventuelles de
pays européens lesquels dépendent des approvisionnements algériens.
La géopolitique intérieure de l'Algérie menace peu la production pétrolière. Le
principal champ de pétrole algérien est Hassi Messaoud situé au centre du par.; et qui
représente à lui seul 70 % des réserves du pays. D'autres champs sont exploités, comme
celui de Rhourde el Baguel au nord-est de Hassi Messaoud. La compétition est ouverte
entre de nombreuses nationalités : française, américaine, italienne, espagnole,
britannique, mais aussi canadienne, vietnamienne, norvégienne.
À l'écart des zones traditionnelles de guerre civile, les ressources algériennes
pourraient presque être considérées comme du "off shore saharien".
Malgré la manne pétrolière et gazière, l'Algérie compte plus de 30 % de chômews
et le pays ne présente pas de signes de développement comparables à ceux du Maroc et
de la Tunisie, deux pays qui ne disposent pas de telles ressources éne!'~ues. Le
Maroc a d'ailleurs nourri l'espoir de devenir un pays pétrolier lorsqu'une prospection
américaine a mis à jour le gisement on shore de Talsit, près de la frontière algérienne,
en aoat 2000. Mais le potentiel est en réalité faible . Le Maroc a accordé de très
nombreux permis de prospection off shore à des compagnies américaines ou &ançaise,
tout le long de ses côtes, de l'Atlantique conune de Méditerranée. Au large des côtes du
Sahara occidental, dans une zone off shore qui est potentiellement riche en pétrole,
Rabat a accordé des concessions à deux pays dont il attend le soutien dans sa lutte
contre les revendications du Front Polisario : la France avec TotalFinaElf (zone de
Dakhla) et les États-Unis avec Keer-ML"Gee. Les contentieux entre Marocains et
Espagnols portent aussi sur l'attribution de zones de prospections pétrolières : en 2002..
le Maroc a protesté contr<.> l'attribution par Madrid à la soci~té Repsol de zones de
prospection situées dans ses eaux territoriales, au large des iles Canaries et au nord de
la région de Tarfaya au Maroc. Comme le Maroc, la Tunisie est un très modeste
producteur de pétrole mais sa production couvre d~ormais SO!S besoins et il
ambitionne d<.> devenir un jour exportateur d'huile, lorsque les nombreuse5
prospections off shore entreprises auront porté leurs fruits .
Après, dans l'ordre, la Libye, le Nigeri.1 et l'Algérie, l'Egypte arrive au quatrième
rang des producteurs de pétrole du continent africain (troisième donc pour l'Afrique
722

du Nord) et au deuxième rang (très loin derrière l'Algérie) pour la production de p;


(13 '!Io de la production pour l'Afrique) _ Les gisements égyptiens se trouvent dan1 Il
Delta du Nil. le golfe de Suez ou en off shore profond en Méditerranée. Avec li
Pipeline Sumed (Suez-Méditerranée) et le Canal de Suez, l'Égypte occupe une po!llbor
stralégiq..., pour les routes de transit des hydrocarbures_ Bien plaœt
géogTllphiquement, elle est déjà le premier raffineur du continent africain.
Grenier .\ blé de Rome dans l'antiquité, l'Afrique du Nord peut être, dans le!
d«enrues .\ ""nir, un réservoir d'or noir et de gaz pour les Européens. La proximiU
géographique favorise cette perspective, mais celle-ci est néanmoins minorée par Il
stratégie globale des États-Unis lesquels, depuis la fin de la guerre froide russo-
américaine, renforcent leur contrôle politico-rnilitaire sur les grands gisement!
mondiau.lt.

6.3. L'or noir d'Afrique noire. or des terres. loin des ethnies
Après l'Afrique du Nord, l'Afrique de l'ouest et l'Afrique centrale offrent ensemble
la deuxième capacité de production de pétrole du continent : Nigeria, Gabon, Congo,
Guinée équatoriale, Carnerou.n, et, plus à l'Est, Tchad et Soudan exportent du pétrole.
tandis que l'Afrique australe arrive en troisième position grâce à l'Angola (Se rang pow
le continent).
Géant pétrolier d'Afrique noire, le Nigeria rivalise avec la Libye au premier rang de
la production pétrolière africaine (68 millions de t en 2002). Viennent ensuite l'Angola
~ rang africain), la Guinée équatoriale qui est en pleine ascension et se classe en 2002
au 6e rang africain devant les "émirats" d'Afrique centrale, le Congo et le Gabon tous
deux très proches en production.
Treizième exportateur mondial de pétrole (mais loin derrière les pays du Colle
arabo-persique), le Nigeria est la locomotive pétrolière de toute l'Afrique de l'ouest. Ses
perspectives sont bonnes : trente ans de production au rythme de deux millions de
barils par jour, la production de 2000 renouvelée par les découvertes de l'année en
cours à hauteur de 43 % pou.r l'huile et de 1 400 % pour le gaz. À partir de 2005. le
Nigeria se hissera au premier rang des producteurs africains grâce à la nùse en
exploitation par TotalFinaElf du nouveau champ d'Akpo dont la taille semble
équivalente .\ celle de Girassol (Angola), le plus gros champ pétrolier en eau profonde
du monde! En 2020, le Nigeria aura doublé sa production. D'immenses réserves
prouvées de gaz (3 500 milliards de m3) viennent compléter ce potentiel pétrolier.
Au Nigeria, les compagnies anglo-saxonnes sont très puissantes. Un premier joù1I
umtMrr réunit SheU et la compagnie nationale nigeriane; il représente la moitié de la
production du pays. Un second réunit la compagnie nationale nigeriane (60 % des
parts) avec deux compagnies américaines (ExxonMobil, ChevronTexaco), une italienne
ENI/ Agip et la française TotalFinaElf. Le poids de la compagnie française augmentera
dans les années à venir grâce au champ d'Akpo et le Nigeria sera alors une source
d'approvisionnement non négligeable pour la France. Pour l'heure, à eux seuls, les
États-Unis absorbent la moitié de la production nigeriane.
L'État nigerian est très largement partie prenante des recettes de l'exploitation
(comme d'ailleurs dans tous les pays du continent africain) qui constituent plus des
3/4 des recettes du gouvernement fédéral et 97 % des recettes d 'exportation.
Après le Nigeria, le second producteur pétrolier d'Afrique noire est en Afrique
australe : l'Angola.
Grace au champ de Girassol, le plus important champ pétrolier du monde en eau
profonde (1 350 m), mis en production par TotalFinaElf, l'Angola pourrait devenir,
dans quelques années, le premier producteur d'huile en Afrique noire ; il relèguerait
;ilors le Nigeria à la deuxième place. L'essentiel (les 2/3) de la production •ngolaiseest
off shore et se trouve dans l'enclave de Cabinda. On y retrouve là encore la
(oncurrence entre la française TotalFinalElf (près du quart de la production angolaise,
proportion qui augmente sensiblement avec l'exploitation d<' GiraS!IOI) et les anglo-
saxonnes Chevron, Ranger Oil Texas, Exxon, B.P., Amoco. Depul~ 1980, m une
vingtaine d 'années, la production angolaise a augmenté en volume de 600 ~ Pour
l'heure, les États- Unis absorbent la moitié de la production du pays qui !le situait en
2001 au neuvième rang des fournisseurs du pétrole aml!ricain.
Ln Guinée l!quatoriale est le nouvel eldorado pétrolier du Golfe de Gu~. Entre
2000 et 2001, la production pétrolière y a doubll!, passant de 6 millions de t :t 12 Depuis
2002. le pays s'est hissé au 6" rang dépassant le Gabon et le Congo. Très peu developpé,
le pays ne consomme quasiment rien et exporte donc toute sa production. Le
principaux champs d'hydrocarbures exploités, Zafiro et Jade pour le pétrole, Alba pour
le gaz sont largement sous exploitation anglo-saxonne. La Guinl!e est le fief des
compagnies américaines. Mobil exploite plus de 70 % du champ de Zafiro, tandis que
Oœan Energy et Triton, des compagnies texanes, exploitent en eau profonde le champ
de Ceiba et que CMS Nomeco (Michigan) détient plus de la moitié du champ d'Alba.
Tota!FinaElf se contente pour l'instant de chercher de nouveaux gisements. mais ses
perspectives sont sûres. Là encore, comme au Nigeria, la compagnie frano;ai5e est en
concurrence directe (y compris dans les associations) avec les intérêts anglo-saxons.
Alors que les productions pétrolières pour l'Angola et de la Guinée équatoriale,
gazières pour le Nigeria, ne cesseront de s'accroitre, la production du Congo mgnera
elle, au moins jusqu'en 2005. Libreville fonde ses espoirs sur des champs pétroliers m
partage avec l'Angola (accords inter étatiques de 2001). Avec une douzaine de champs
dont Nkossa (qui fut le plus gros investissement mondial de Bf) TotaIFinaElf est le
plus important opérateur au Congo.
Les perspectives du Gabon sont encore moins favorables que celles du Congo. La
production pétrolière gabonaise baisse de façon continue. Le champ off slwœ de Rabi
Kounga (160 km de Port Gentil), l'un des plus importants d'Afrique subsaharienne el
qui est opéré par la compagnie Shell se tarit. Principalement opéré par TotaIFinaElf, le
Gabon n'a pas les perspectives de la Guinée équatoriale. Pas plus d'ailleurs que le
Cameroun, aujourd'hui opéré à hauteur de 75 % de la production par TotalfinaElf el
dont la production est sur le déclin. La part du pétrole camerounais dans le Pll!
n'excède pas 5 % et les réserves récupérables ne dépassent pas 7 années de production.
Conscients de cette situation les autorités encouragent la venue d'investisseur.; dans le
cadre de projets offshore en eau profonde.
Les pays pétroliers tenus largement par la France, Gabon, Congo et Cameroun sont
donc en déclin de production. La France devra donc se battre fermement, avec
TotalFinaElf pour se tailler une place importante dans des pays où les compagnies
américaines sont fortes : Angola, Nigeria, Guinée équatoriale.
En 2020, l'Angola pourrait avoir multiplié sa production par 5, le Nigeria par 2. la
Guinée équatoriale par 3. Des gisements off shore auront peut-ètre étl! découverts au
large de pays jusqu'à présent mineurs dans le domaine du pétrole comme le Benin, le
Ghana et le Togo qui ont accordé des droits d'exploration. Ainsi, la Côte d'ivoire n'a+
elle pas encore attribué à l'exploration la moitié des 22 blocs de son bas..'iin
sédimentaire. Dans le même temps. des pays comme le Gabon et le Congo peinent à
renouveller leur potl'ntid pétrolier.
Dans 20 ans, l.1 hit'rarchie des États pétroliers en Afrique noire aura changé.
Découvert dans des eaux de plus l'n plus profondes, le pétrole d'Afrique noire pourra
ètre exploité à l'écart des conflits. Si le chaos ethnique s'installe partout en Afrique, le
pétrole l'Ontinuera de couler car les Occidl'ntaux, prévoyants auront sécurisé lcun
activités maritimes.
L ·., """.t. 1·..i...i

Des gisenwnts importants ont été dée<>uv••rts dans I•• nord du lac Tchad et ~urloul
au sud du p.rvs. Av<"l' 900 millions de barils soit L'nvirl'n 150 millions de 1, le bassin Je
D<>ba .tu sud du Tchad L'St l'un dl's 300 ch.1mps de la planl'te dits géants (un champ ~I
géant si son P'"tentiel est compris entre 70 et 700 millions dl' t).
L'e"ploitatil'n on shore o~n.'e p.u le consortium américain (Exxon Mobil, Chevron)
et malaisien (Petronas) implique la construction d'un oléoduc qui reliera Doba (Tchad)
à Kribi (Sud de Douala au Cameroun) pour déboucher sur le Golfe de Guink>.
L'investissement est colossal pour l'Afrique (3,7 milliards de dollars avec un~
implication forte de la Banque mondiale). La perspective est tout aussi colossale: le
Tchad peut ètre le -l~ producteur de pétrole d'Afrique subsaharienne en 2010, après
l'Angola, le Nigeria, la Guinée équatoriale et devilnt le Gilbon et le Congo. Mais la
faiblesse est elle aussi colossale : cette fois-ci, à la différence de la Guinée équatoriale, le
pétrole est on shore; il iaut le désenclaver par voie terrestre. Un oléoduc doit traverser
la géopolitique régionale. Sur les 1 000 km d'oléoduc, il faut faire le pari que les
équilibres ethniques tiennent. Rien de moins évident en Afrique noire.
Liés politiquement à la France, le Tchad et le Cameroun vont donc dépendre de
plus en plus d'un système d'intérêts pétroliers contrôlé par les Américains. Si ceux-<:i
veulent sécuriser leur dispositif pétrolier, ils doivent faire le choix entre deux options.
soit s'appuyer sur l'influence française dans la région (le tchadien ldriss Déby et EU onl
imposé que le tracé de l'oléoduc soit rallongé pour traverser les zones francophones du
Cameroun); soit tenter d'évincer la France et de se substituer à elle. La première option
a fait ses preuves. La deuxième parait périlleuse et coûteuse. Il nous parait qu'ici
l'intérêt des Américains serait de ne pas bousculer l'équilibre francophone.
Le cas Tchad Cameroun est très différente de celui des autres États pétroliers de la
région où le pétrole est off shore. Dans le cas off shore en effet, il est indifférent pour
les compagnies américaines d'avoir des souverainetés africaines affaiblies par des
conflits ethniques puisque les zones maritimes d'exploitation peuvent être sécurisées et
isolées du chaos terrestre. Au contraire, dans le cas on shore, "le colonial" doit pénétrer
les terres et y imposer si besoin un ordre.
Une autre zone pétrolière on shore importante est le Soudan. Même si l'acti\'ité
originelle y fut off shore, en Mer Rouge (découverte par Chevron, au milieu des années
1970, du gisement de gaz de Suakin), l'essentiel du pétrole soudanais exploité
aujourd'hui est localisé au Sud, dans la zone en rebellion contre l'État central, autour
des villes de Bentiu, Malakal et Muglad. Le régime de Khartoum y exploite le pétrole
en association avec des compagnies pétrolières canadienne (Arakis Energy), chinoise el
malaise sur des concessions abandonnées par Chevron en 1985. Tota!FinaElf a
suspendu ses activités d'exploration à cause de la guerre entre rebelles cl
gouvernement central.
Les États-Unis verraient d'un bon oeil une sécession du Sud-Soudan, transformé en
un petit État pétrolier pro-américain. Au contraire, Chinois et Malais qui trou\'ent ou
Soudan une source d'approvisionnement non tournée vers l'Occident ont tout intérêt
au maintien de l'unité soudanaise dirigée par le Nord .
C'est donc la géopolitique intérieure du Soudan qui déterminera la destination
future du pétrole on shore soudanais.
lA• um6i1&.otu umhlcain~a •ur I~ pltro/,. afrir:nin
Le 12 juin 2002, dans son rapport soumis à la Commission de )'Énergie et du
Commerce de la Chambre des représentants intitulé "Le pétrole africain : une priorité
Ch.irlln• 6 L, qul!tc de l'or noir :ns

p11ur la sécurité nationale des Étals-Uni" et pour le développement de l'Afrique",


l'analyste Barry Schutz (direction des affaires africaines du département d'État)
r<..:ommande, pour les années à venir, une augmentation des importations du pétrole
nfrkain et une plus forte présence des États-Unis sur le plan de la sécurité dans les
régions pétrolifères de l'Afrique de l'Ouest.
Aujourd'hui, le continent africain couvre 15 % du besoin pétrolier des États-Uni&
d'Amérique. L'objectif est de porter ce chiffre à 25 % pour 2015.
Les Américains considèrent le Golfe de Guinée comme un second Golfe du
Mexique, une zone dans laquelle ils doivent conROlider leur5 positions. Le brut du
Golfe de Guinée est de bonne qualité et il présente deux qualités stratégiques :
1/ situé off shore (en mer), il peut être isolé des tension!i géopolitiques pouvant
secouer les États côtiers;
2/ la plupart des pays producteurs émergents (comme la Guintt équatoriale) ne
font pas partie de 1'0.P .E .P ., cartel international qui contrôle les pro<- Les États-Uni5ont
donc plus de prise sur leur politique pétrolière.
Pour sécuriser l'exploitation pétrolière dans le Golfe de Guinée, les Américains
envisagent d'implanter une importante base navale sur l'ile-État de Sao Tomé.
Dans son découpage planétaire en grands blocs de commandement stratégiques, les
États-Unis ont créé un bloc transtlantique États-Unis/Europe/Russie auquel ils ont
joint le continent africain, considéré comme une périphérie énergétique de l'Occident
américain. C'est donc le général Carlton Fulford, commandant en chef du U.5 . E.uropom
um1111and qui a visité le Golfe de Guinée et s'est chargé de préparer le terrain politique
pour la future installation navale.
Pour désserrer l'étreinte que l'O.P.E .P. peut faire peser sur eux (par exemple par des
sanctions contre leur politique au Proche-Orient), les Américains cherchent à contrôler
des zones alternatives non O .P.E.P., comme la région Caspienne ou le Golfe de Guinée.
Les 2/3 des réserves pétrolières mondiales se trouvent géographiquement
concentrées au Moyen Orient (de l'Asie centrale à la Come de l'Afrique), à l'intérieur
des limites du U .S. Central Commaud, le second grand bloc stratégique américain. Or,
les Américains vont s'investir de plus en plus dans cet ensemble géographique qui
correspond à l'Orient musulman (turc, perse, arabe) pour contrôler militairement des
champs pétrolifères dont non seulement eux, mais les pays émergents d'Asie contenus
dans le troisième grand bloc stratégique américain, le U.S. Pacifie Corrmunid, auront de
plus en plus besoin.
Les Chinois viennent chercher leur pétrole partout dans le monde. Non seulement
dans le Golfe arabo-persique (70 % de leurs importations) mais de plus en plus en
Angola ou au Soudan. La stratégie américaine de contrôle de la dépendance
énergétique de l'Asie1 et notamment de la Chine passe donc aussi par l'Afrique de
l'ouest.
Le pétrole africain intéresse les Américains, mais, et contrairement à ce qui est
parfois soutenu, les Américains n'ont pas forcément besoin de prendre le pouvoir en
Afrique franc o phone pour se l'accaparer. On peut même imaginer que s'ils sont
intelligents ils laisseront les Français s 'épuiser à réguler un désordre politique
structurellement produit par l'inad&1uation entre la carte des États et œlle des ethrues,
et qu'ils s 'emploieront simplement, à l'aidt> de la marine américaine, à sé..--uriser les
zones de production off shore. Songeons à cette Amé rique communautariste, qui, d'un
côté abandonne s ur son propre IL•rritoirc abandonne dL"S pans entiers de territoires

1 A cc sujcl, tm p o un u s '-' r'-"('l\lrtcr i\ l'11n1dc ".,,. t'aut.:ur ('\dN J.uu liJ ,\'1JM\.,,/k lt~·- J'lliumn..·. ILUIJlléro :?. srpl-0.'1CibR- ~
mlilull! ..Counncnl l'Améri1.1uc v..:ul 'V&lh&ll"C la Chine"' .
726

inutiles aux communautés ethniques, de l'autre édifie des murailles électrifiées autour
de ses quartiers luxueux !
Plfrol- ,. dit•lor11 ..m ..n1
Contrairement à une idée reçue, les pays africains sont largement associ~s au,
profits pétroliers. Les condominiums d'exploitation sont constitués à chaque fois avec
des compagnies nationales qui disposent de 50 à 60 'X. des parts, el ceci alors ml'me que
l'essentiel de la technologie et des investissements est fourni par les compagml'\
occidentales.
Malheureusement, le produit des intérêts pétroliers africains ne sert pas les
Africains, mais certains Africains. Les clans ethniques au pouvoir dans les États.
Économie industrielle pour les Occidentaux, l'économie du pétrole est une &onomie
de rente pour les Africains. Elle sert à se servir, elle ne sert pas à la modemisahon
industrielle.
D'ailleurs, si les Africains utilisaient l'argent de leur pétrole pour se dévelopl"'r,
alors l'industrialisation et la croissance se mettraient à consommer du travail el du
pétrole. Les Africains devraient alors moins exporter et plus utiliser leur propre pétrole
pour leur propre développement. Cela signifierait que la rente financière diminuerait
pour les dirigeants africains et qu'ils pourraient moins s'enrichir.
Au Nigeria, premier pétrolier d'Afrique subsaharienne, les pénuries de carburant
sont très fréquentes. Les pays producteurs ont beaucoup de pétrole, peu d'essence car
peu de capacités de raffinage, puisque peu industrialisés. Ces capacités appartiennent
aux pays africains les plus industrialisés comme l'Afrique du Sud.
Une autre idée reçue, courante dans la littérature de la culpabilité occidentale est
que les compagnies occidentales font régner la teneur sur les populations locales.
Les clichés sur l'esclavagisme sont transposés au domaine de l'exploitation
pétrolière. L'homme blanc esclavagiste est remplacé, dans l'imaginaire des culpabilisés
blancs d'Occident comme dans celui des culpabilisateurs noirs d'Afrique, par
l'exploitant pétrolier sans scrupules.
Pourtant, quelle est la réalité? Au Nigeria, l'incapacité des autorités régionales et
l'activité prédatrice de bandes criminelles, laisse les populations dans le besoin et
l'insécurité. C'est alors vers les majors pétrolières que se tourne la population. Ce sont
d'abord ces compagnies qui fournissent l'emploi, et qui, à travers le cadre de l'emploi
assurent Je cadre sanitaire. Ce sont ces majors qui, constatant l'incurie des autorités
locales et de l'État fédéral, paient à la population des générateurs pour s'éclairer, des
&oies et des dispensaires médicaux. À Port Harbour par exemple, Shell qui extrait a
elle seule la moitié de la production de brut nigerian a déboursé sur l'année 2002,
30 millions de dollars pour Je seul développement social de sa région pétrolière. Qu'a
fait l'Ëtat nigerian lui ?
Les compagnies pétrolières doivent faire face à une économie criminelle parasitaire
Dans le Delta du Niger, des commandos de jeunes Ijaws (l'ethnie majoritaire) prennent
régulièrement en otage expatriés et stations de pompage et font chanter la compagnie
Texaco.
Si les dirigeants de Texaco poussaient la loi de l'intérêt jusqu'au bout, il leur
reviendrait moins cher d'organiser la sécession du Sud-Est du Delta, d'en faire un petit
émirat sécurisé et d'assurer à la population de ce petit eldorado pétrolier des hôpitau\,
des écoles et de l'essence dans les pompes, que de devoir céder sans cesse au chantage
des bandes criminelles et de l'Ëtat fédéral.
Hier, les esclaves africains furent volés à l'Afrique par des Africains pour des BI.mes
ou des Arabes; aujourd'hui, l'argent du pétrole est volé aux Africains par d 'a uln'>
Africains. De l'Algérie jusqu'au Nigeria, les peuples d'Afrique sont victimes de la
prédation de leurs propres élites, non de celles de compagnies d'intérèts privés qui
Chapitre 6 Li qu~te de l'or noir 7ZI

cèd1?nt des parts importantes de leurs profits légitimes à des États incapables en
échange d'assurer la sécurité des intérêts et le développement des populations.
Qui prendra la défense des Pygmées des forêts camerounaises qui se trouvent mr
la route de l'oléoduc Doba-Kribi ? Les autres ethnies africaine-; intéressées au projet?
Certainement pas. La pression vient des O.N .G. (autrefois c'étaient les sociétés et ligues
occidentales anti-esclavagistes), elle s'exerce sur les intérêts blancs et, in fine, ce sont
ces intérêts qui paient.
De la même façon que l'esclavage fut aboli par l'homme blanc lui-même, les excès
(les effets écologiques notamment) de l'industrie pétrolière en Afrique ne sont
combattus que par l'homme blanc : l'horrune blanc idéaliste (O.N.G .. opinions
publiques), l'homme blanc pragmatique (qui achète le calme et la stabilib!). Mais
l'homme blanc. Que cette vérité soit dite à ceux qui sans cesse brandissent la caricature
des multinationales pétrolières pillant l'Afrique.
Enfin, si l'Occident n'était pas développé, à qui l'Afrique noire vendrait-elle son
pétrole?
les :ones stratégiques oita/es

~~
1:::~:'f:l~ I zonc:s de grand~ rêserv0irs ~nergétiquC'.'
....
. ·· ..
zones de Jé'pi."fldJrKc ~erg~iquc:

110. L'enjeu du contrôle par les États-Unis de la dépendance énergétique


Cl\~H tf:\IE P.\HTIE

,,
l~E ·\ ~ ()l_J l~1'IONS
,,
l_,'·El)G
. -, R_-\'PHIQl~ES
. . . ._
INTRODUCTION

Les parties précédentes étaient consacrées aux facteurs permanents de la


géopolitique, au temps long, celui de la géographie physique et humaine. On examine
ici l'influence des facteurs qui s'inscrivent dans le temps court de l'histoire et que
nombre d'analystes te ndent aujourd'hui à placer en facteurs prédéterminants de la
géopolitique, alors qu'ils ne sont que des facteurs surdéterminants. Le progrès des
techniques n'a pas changé la géographie, mais il a contribué à changer le rapport de
l'homme à son milieu, à faire évoluer le lien espace-temps. Le territoire et la mer, lieux
traditionnels de la géopolitique, ont vu la dimension aérienne entrer en jeu à leurs
cotés. Les États-nations doivent également compter avec le développement de
pouvoirs supranationaux ou transnationaux ; les Relations interétatiques s'inscrivent
dans un monde où la puissance n'est plus seulement étatique et militaire, mais aussi
médiatique et communicationne lle.
On tente ici de prendre en compte les dynamiques modernes de régionalisation et
de mondialisation pour les intégrer dans l'analyse géopolitique, à leur juste place, et
sans tomber dans le piè ge qui consiste à surdimensionner le facteur transnational au
point de masquer, intentionnellement ou naïvement, les intérêts des États.
CHAPITRE l

BOULEVERSEMENTS
GÉOGRAPHIQUES

Comme les trois parties qui précèdent ont tenté de le montrer, les facteurs
géographiques tendent à inscrire l'histoire des hommes dans la permanence. Pourtant,
il est arrivé que les données de la géographie, du fait de phénomènes naturels ou par la
volonté des hommes, aient été modifiées suffisamment en profondeur, et dans la
durée, pour entraîner une variation des conditions géopolitiques.

1. La puissance des éléments et ses conséquences


géopolitiques

"Voici, sentinelle au milieu de la mer, le Stromboli et ses Jumies au nord des iüs l.iptni
Chaque nuit, il éclaire de ses projectiles incandescents le ciel et la mrr aooisi71Jmœ. Voici le
Vésuve, menaçant toujours bien que, depuis quelques ann«s, 11 ail a:ssi d'e?mtT son ptzMdrde
fumée en arrière de Naples. Mais, après p/11sieurs si~cles de silence, il a bel d bim l1S5llS6Îné
Herculanum el Pompéi, en 79 après f.-C."1

Les cataclysmes naturels peuvent provoquer de véritables bouleversements dans le


peuplement humain. En mer Égée, vers 1450 av. J.-C., l'ile de Santorin - Théra - est
coupée en deux par une formidable explosion ; elle est submergée par la mer; reste
aujourd'hui un cratère volcanique à moitié émergé?. En 188.1, dans le détroit de la
Sonde, une explosion similaire détruit l'ile de Krakatau3.
Aux XIIIe et XIIe siècles av. J.-C., le monde méditerranéen connait ainsi une
révolution géopolitique majeure. Certains historiens se demandent si son origine ne
tiendrait pas plutôt à de violents cataclysmes naturels - tremblements de terre. raz de

1 F. BRAUDEL dir., Lo Méd;1t.·rrat1it>. L 'e:rpau ~t l'hi.ttoire. n.LH. . Pans. flammarioa. 198S, p. IS.lfJ.
2 "Ccuc explosion de Thérn il enseveli lu Ctt1c sou.-; des cendres brù.lan1cs. qut les fouilles mrouvcat et qui anr blgtaapl
in1crdi1 les cultures. Sc:s nuogc!li pestilentiels ont-ils anc:int la Syrie et 1'Êgyrtr? L'exode pute: d\mc: DU.ir œrrifilaa: de trui!i jams
donl les Juifs . alors prisonniers du phnrnon. profit&!:n:nt pour s'aifwr. Faut-il ranac:ha' o:t ~1 au voku de 1Mn..'". iD
F BRAUDEL d1r., La i\/~clit«rrunch". L 't•sptk.'e d l'histu1re, re..'d. . Paris. Flaawarion. 1915, p. 19 , si tel eu le: Çti.., an apcrça>i!.. dr la
foire d'Egypte J\ Io crCnlion d 'lsrol!I . la ronéc formiJ11blc Uc l'C\.'incmcnt fondateur. Une ~urn:- ronscqucnœ em"i.Ag« .i N a
dcsuuclion Jes pnluis crétoi s. " Au milii.?u <lu XVT s1ètlc. tous les polws erilo1s. sauf Knossos.. sont brutakmcn.1 dttruns, d nie SCNat
réoccupé" que très sporadiquement. On avml rcnsé d des rau.Ls Je M)\."Cntcns.. à une prise Je p;>U\·oir œ K.nossm. On J"e'\-mt cmu.ilO i.
une hypolh~sc ~m i se pur S. M:uitanns dè~ IQ:l4 : l'érurt10n , ·okaniqu'" de 1'ile de ThCru aurait cntraiDe wi '~ ru-de-imrCic. (. . t
Oct m:hcrcht."!li; nucnlÎ\'CS <lnns la v11li:: J 'Akmtiri , cnsevehc sou.~ IC' \'t.1lcan.. 001 pemtis de dkcler dal.\ temps : rabudoo m. la vdJc
np~s les signes unnnnciutcurs , et l'~rup11un ellc-mè mc L~ Jcmièrn <lntath.'RS au carbone 14 Sll\lell.lctlt au Xlf Y«lc fêrupboo da
Tlu!r. ; elle m: senut dom: pus n:srunsuhk de ln ,ll,:s1ructmn d..:s raluis cri1ois de Mallta.. Zakro. Pbail105. •, ln M.C. AMOURETil,
F. RUZÊ, Lt.• monclt• gn•, · "''"''"'" Pnris, llnchcttc Suri:ricur. IQW. p W.
J L'c~filos1on est d'une 1elle f1Uis~anc1! que- dc:s navires et ~ loccmw;,tins ~I projetm au.Jesius dr maisoos de pluaiaos
ë..ges. Elle est :m1vie d'un ru-dc: - m1m.~c gigantesque.
marée - qui se seraient succédés à cette époque reculée et dont l'ampleur aurait été
telle qu'ils auraient pu causer la disparition de cités nléditerranéennes.
U.-s changements de la nature peuvent être plus lents mais néanmoins tout aussi
efficaces. La progression des déserts ou désertification - le Sahara en Afrique- ,
phénomène combinant à la fois des déterminants naturels et des déterminant.!
humains, conduit à modifier le peuplement, à raréfier les ressources et à augmenter les
risques de conflit. D'autres questions font débat, comme celle de l'effet de serre qui
pourrait entrainer des variations climatiques provoquant l'accélération de la fonte de la
calotte glacière du Pôle Nord et l'élévation du niveau des mers. Nombre de pays
littoraux verraient alors leur superficie habitable diminuer de manière sensible. On
peut imaginer que les conséquences de ces transformations du milieu naturel seraient
dramatiques pour un pays comme le Bangladesh. Ce pays est déjà victime de cyclones
violents qui viennent régulièrement ôter la vie à des dizaines de milliers d'habitants. Le
cyclone qui frappa le Bangladesh en 1970 tua ainsi 500 000 personnes et en chassa un
million de leurs foyers.

1.1. Cataclysmes en Méditerranée


Aux XIIIe et )(Jle siècles av. J.-C., Je monde méditerranéen connaît une révolution
géopolitique majeure1 . Les cités mycéniennes sont frappées par une vague de
destruction. Les causes du bouleversement restent mal connues.
On observe alors d 'importants mouvements de population. Venus des régions
danubiennes, les Doriens investissent l'espace grec. La Tradition présente l'invasion
dorienne comme le retour des Héraclides. Les descendants d'Héraclès seraient revenus
pour reprendre leur royaume dont Eurysthée, le roi de Mycè nes, les avaient privés2. À
côté de l'invasion dorienne, la Tradition parle d 'autres mouvements de populations
causés par l'irruption des Peuples de la Mer, qui agitent l'aire méditerranéenne en
modifiant considérablement son profil démographique et ethnique. Nombreux sont les
témoignages en Égypte et en Palestine notamment, des incursions violentes de ces
Peuples de la Mer. Ainsi une stèle du règne de Menerptah en - 1230 -, l'autre du
règne de Ramsès men 1191, énumèrent la liste des populations qui auraient attaqué le
delta. Elles mentionnent les Akamash parfois identifiés aux Achéens et les Peles, ou
Philistins, qui s'implantent en Palestine.
La venue des Peuples de la Mer ébranle l'ordre en place au point de provoquer la
chute de l'Empire tùttite. Les historiens continuent de s'interroger sur les causes
précises de la révolution géopolitique des XIIIe et XIIe siècles. Plusieurs hypothèses
sont mises en avant, outre l'apparition brutale d 'envahisseurs extérieurs. Certains
avancent la possibilité d'une crise intérieure économique du système-monde
méditerranéen provoquée par la chute des empires orientaux ; d'autres font reposer le
bouleversement de la géopolitique méditerranéenne sur une variation brutale des
conditions climatiques et sur de violents séismes comme l'éruption de Santorin.
Cette révolution géopolitique provoque l'écroulement du monde mycénien, et il est
certain que l'irruption dorienne a joué un rôle majeur dans cet effondrement-1 .
À cette époque, la densité de peuplement diminue et certaines régions sont
désertées. On passe ainsi de trois cent vingt sites connus au XIIJc s iècle à cent tren~
pour le xne et quarante pour le XJc. Les régions les plus touchées sont la Laconie et la
Messénie ; en revanche, dans les régions épargnées, des réfugiés apparaissent : en

1 M .C . ~MOURElll , f RUZE. /.r morrdt.• grl.!t.. untrquc•. r11.ns. l la\:hcth: Su('lérjcur, l lJlJU, p. 4-.1-4<•
2 G.A. PAULIAT et M. PAULIAT, Ch·t/ucmmu Hreo 11u· e t romuim:, l 1 ar1~ . Fi lip>cs . l9'J7. p Ill .
31"-'"· • · 10.
Owiplln 1. BoulevenemenlA géographiques

Eubée à Chios, en Attique à Chypre; après 1050, la côte de l'A!lie Mineure et quelques
lies voient l'arrivée lente de populations grecques. Les nouveaux arrivanlB fondent des
centres, Sparte au voisinage d'Amyclées, Argos près de Mycènes, Thàbes près
d'Orchomène, et les Achéens se dispersent en Méditerranée. Béotiens et Theiealiens se
dirigent vers la côte Nord de l'Asie Mineure, tandis que les Ioniens, sous la direction
des Athéniens, se fixent en Eubée, dans les Cyclades et dans la région centrale de l'Asie
Mineure ultérieurement appelée Ionie. Enfin, certains Doriens émigrent: Théra
Rhodes, la Crète et les comptoirs du sud de l'Asie Mineure.

1.2. Le tremblement de terre qui détruisit Beyrouth


Plus que phénicienne, l'apogée antique de Beyrouth fut romaine'. Après
l'installation de Rome en Phénicie par Pompée, les Beyrouthins deviennent des
citoyens romains à part entière et inondent l'Occident latin de produits venus d'Orient.
redonnant ainsi à la Phénicie une prospérité oubliée depuis dix siècles. Cité
phénicienne, berceau de la thalassocratie libanaise, "la très belle Béryte joyau de la
Phénicie" comme l'écrivent les chroniqueurs antiques, devient la colonie /uli4 Fdix, la
joie de Julia, fille de l'empereur Auguste, laquelle prend son estivage dans k!s
montagnes chatoyantes et aérées du Liban2.
Beyrouth est alors le centre de la civilisation romaine de Syrie, et c'est là, dans son
port, que mouillent les galères de l'Empire qui ont pour mission de contrôler la
Méditerranée orientale. La ville est tapissée de temples et de forums, d'amphithétires
et de portiques.
Les Romains créent à Beyrouth la plus importante école de Droit romain en langue
latine de l'Empire, passage obligé de tout jeune patricien destiné à un avenir brillant.
On y célèbre alors, à côté de Poséidon el de Vénus-Astarté, Liber Pater le dieu romain
défenseur de la liberté des villes dotées du /us italicum. Les enfanls des Phéniciens
ajoutent à la liberté naturelle du marin, la passion pour le Droit et pour les étud~
Ainsi Beyrouth, "Mère des Lois" de l'Empire romain pour plusieurs siècles, inaugure+
elle une tradition universitaire illustrée par l'édification au XIX• siècle de plusieurs
grandes universités, francophones et anglophones, qui deviendront les centres de
rayonnement intellectuel du Moyen-Orient.
Au début du vie siècle après Jésus-Christ, Beyrouth vit encore sur la splendeur
romaine, forte de son école de Droit et de son industrie de la soie quand, en 551 apr. J.-
C., un gigantesque tremblement de terre cause un raz de marée qui engloutit la cité
joyau de la Phénicie ; presque tous les Beyrouthins périssent durant le cataclysme.
Dès ce moment, et comme l'écrit )'écrivain libanais Salah Stétié, Beyrouth
•1ongtemps fut un souk au bord de l'eau•3. La ville s'enfonça dans l'oubli de l'histoire
pour des siècles4 el ne retrouva sa prédominance au Liban qu'au XIX• siècle, soit
treize siècles plus tard5.

1 G . KHOURY , "8eyrou1h. h1s1nirr d'une ville : lg()O a\I J .•(' -t•ns· tn L.o C..Awn J! /Urflf'll, ..r rrilmc:sft- 199)...t•
tnmntrc 199... p. 59-6K.
2 A . CHAUPRAOE. "'Chroniqueurs, romantiques cl \Uicn1al111IDS fr.nçais Sut lt n:MllC dD Libma• ia E-. X>lo'VE dM.. -~.
IÙllM« col/oq11r ln/ernatiunul frwHvpltone Ju C&1nron d ..• Puyru.. · .,., .Ju J>u.n cJr (lwrn·. l "97, pp. J07·ll•.
l S. STÉTIÊ. Llbanpluri~I. Beyrouth. Naufol, l<194. lQl p.
4 A. CHAUPRADE, Be)'""~tlr 'lerndl~. Pan!i, AH HiltOia&. l94R. % Jt
S X. de PLANllOL, lr.c Nation.' dM Proplt.}1r. ,,..,_., . . . . . . t t • pu/U'iqw ~ ..... r.,,.,.s. l9tl . p. tA
1.3. 1815, l'année de Waterloo et de ... Tambora
le volcan du mont Tambora situé à l'est de Java - à l'époque, on appelait cette
région !'Insulinde-, dans la presqu'ile de Sanggar, donnait depuis de très longues
:années lorsque, en avril 1815, se produisit l'explosion la plus forte qu'ait jamais COMUI
la Terre depuÏ.!I plus de dix mille ansl. Près de quatre-vingt-dix mille âmes périrmt
dans l'explosion du volcan. Des colonnes de flammes montèrent jusqu'à 50 km
d'altitude. La masse supérieure de la montagne fut littéralement liquéfiée, et le sommet
s'effondra de 4 300 m à 2 850 m.
La quantité de matière projetée en altitude fut telle qu'elle provoqua une bai5se
significative de la radiation solaire sur l'ensemble de la planète. En 1816, la
température moyenne - pour les seules régions où elle était enregistrée, Europe,
Amérique et Inde - perdit un demi degré Celcius sur l'année, ce qui est considérable.
1816 fut l'année sans été. La dégradation climatique eut des conséquenet!!I
économiques terribles. "En Occident, les vendanges de 1816 sont les plus tardives
connues depuis le début des séries viticoles annuelJes, élaborées de 1484 à nos jours"2.
l..a production agricole en Europe s'effondra. Les prix, le chômage, la disette,
montèrent. Les naissances et les mariages diminuèrent de façon significative en 1816-
1817, tandis que la mortalité auginentait sensiblement3. L'émigration européenne ver.;
les États-Unis d'Amérique s'accéléra. C'est seulement à partir de 1819, que le choc
démographique et économique causé par la variation climatique - elle même causée
donc par une révolution géographique - s'estompa.
Une catastrophe géographique peut donc peser sur le climat - on pourra se
reporter à la section consacrée aux effets géopolitiques des dégradations écologiques
de la planète - et induire des variations sur la démographie. On retiendra ici
l'influence démontrée sur un véritable phénomène géopolitique, l'émigration massive
vers les États-Unis.

2. Les transformations de la géographie


résultant de la volonté humaine

Les caprices de la nature, dans leurs manifestations spectaculaires, ne sont pas seuls
à modifier de façon brutale les données de la géographie. L'homme modèle aussi, de sa
main prométhéenne, les données fondamentales de la géographie. Nous avons choisi
de traiter des conséquences du creusement du canal de Suez pour illustrer en quoi
l'intervention de l'homme sur la géographie peut avoir des conséquences géopolitiques
importantes.

2.1. La révolution géopolitique de Suez


"Olk politique (la politique colcmiale anglaise en ÉgiJple] ne faisait que s'encadrer e11trt Jmr
grand.es râ/isations techniques : la mise en seroice du canal de Suez (1869] el celle du bnmtgt

1 Cat • l"htltonca amlfricalfl John D. Post , que l'on do1l l'étude des con•~ucnccK climotiqucl'I. soc1•les, 6c::onom5quo t1
démopwphiqucl de l'o.pio.ion du mont Tambon. L'htstorien fr•nçai9 Emmanuel I.e Roy LRduric, en a tiri une bnllantc s)"ftlWs
dam/A FlflOTO {11tepCcmhR2002)en1cnian1 un parallèle a..,cc le choc du 11 ~tcmbrc 2001 aur 1·1conom1c mondiale.
2 E. LE ROY 1.ADURJE. •L'dfroyablc CJ1.plotfon du mont Tambona ...''.Le Flguru, 1 1 11eptembre 2002 .
3 De 10 % dmm ccna.inca ~giom hollandai.es juaqu'à 40 '1a en Su1uc et en Autriche
Olapltre l . Boulevenementa g~phiqua

d'Assouan {1902/. USSt!pS et Wi/cocb encadrent m rffet Cramer. 1/1 le porlmt cmrr1fll! i.
ltcl1110/ogie portl! /'impirinlisme du lemps. ool

Depuis qu'ils avaient établi des empires coloniaux en Asie, à partir du XVI• sittle,
les Européens gagnaient l'Inde par la mer en contournant le Cap de Bonne-Espérance
plutôt qu'en emprWltant les routes anciennes du Moyen-Orient2 . Toutes les t.rntalivee
pour réactiver les routes terrestres du monde à partir de la Méditerranée .avaient
échou~. Le grand empire musulman des Ottomans bloquait le chemin de l'Orient aux
Européens.
A la fin du xvme siècle, l'expédition de Bonaparte en Égypte réveilla de nouveau
l'intérêt des Européens pour une route plus directe vers l'océan Indien. Au XIX• si«le,
le progrès technique apportant la navigation à vapeur, il devenait dès lors pœsib1e de
s'afhanchir des questions de vents périodiques dans les mers orientales. Ce que de&
navires européens venant d'Inde n'avaient fait qu'occasionnellement durant des siêclel
- venir déposer des marchandises à Bassora dans le Golfe Arabo-penique, ou à
Djedda et Suez en mer Rouge - semblait pouvoir 5e réaliser à grande échelle grtœ ;m
progrès technique.
Le percement de l'isthme de Suez, permettait aux navires marchands de pas&e1' d2
la Méditerranée à la mer Rouge et gagner ensuite l'océan Indien.
L'ouverture du canal de Suez en 1869" provoqua une révolution géopolitique en
Méditerranée en doublant la seule ouverture de Gibraltar. Après la révolution
atlantique du xvre siècle qui s'était faite au détriment de la Méditerranée et notamu1lmt
des grandes puissances méditerranéennes comme VeniseS, voici que 5e produisait une
nouvelle révolution géopolitique.
La France ne contrôla guère longtemps le nœud stratégique de la cin:ulation
mondiale. Les Anglais s'en emparèrent en même temps que l'Égypte à partir des
années 1880.
Durant la Première Guerre mondiale, les Ottomans menés par Djeme1 Pacha
tentèrent de s'emparer du canal de Suez à deux reprises: en février 1915 et en août
19166 . Les Anglais ne mobilisèrent pas moins de 250 000 hommes jusqu'à la fin de la
guerre pour assurer la protection de cette clé des routes impériales vers l'Inde. L'idée
même de la Révolte arabe vint pour partie de la volonté de Londres de créer une
attaque de diversion contre les Turcs afin de protéger l'Égypte7_
Devant un tel effort on pense aux paroles de Lamartine : "L'Angleterre acœptera
un siècle de guerres sur la Méditerranée plutôt que de concéder les clés de Suez. (...]
Suez étant aujourd'hui et dans l'avenir la porte de son immense empire indien. elle ne
peut pas laisser fermer cette porte sans la défendre jusqu'à l'extinction de ses forces.
[ ... ) Si une puissance voulait interposer une barnère entre l'Algérie et nous, nous
combattrions jusqu'à la mort: que ne fera donc pas l'Angleterre pour le plus vasœ et le

1 J. BERQUE, D~pos.Jt!ss,o n du mon«, Paris. Le Scutl, 196-1, p. 71 .


2 Voar no.t chapim::s conncrCs it. la pc-rmancncc de la rcchcn:hc de roules mari1imes Cl tcm::stn:S ; aom y rr.-s ck r-~
portupise de la route de l'ocëon Ind ien , par l'Afnquc.
l 8 . LEWIS, Le.' Aruhc..r dan.., l'llismirr, Pans. Aubin. 1993, p. 207-ZOS.
4 Votr, dans le chapilre lnntant des routes mari111ncs. la section consac:n!c •u conriJe des dt'ln>ltl et CMma.
S "Quand le Lovant rqm:ndrn son rôle ac11r en IHt.Q, avc:c l'uuv~ du œnal de Suez. .. "'*=De taa l'CÛlC' . . - et
Bnndisi, Naple11 ou Mancille !œn>nl devenu•.~ les \t r.1:1 lcnninus Je I• Rout.e dc:s fndo. . Lc m.tc ~ ~ Ill li v..-
lon11cmps l'amb&Hadncc de l'Orient en Europe ne v.:rn rlus. en cite qu'WlC vic1Uc v;1ie cadonmc ; pour qu'cüt • ~ d ~
altcndR' 1922 et Mu11olini." . P. MORAND. L"1 /fout~ cl~J /ndf!'.c. Pan!l, ArlC.. 1989, p. J-...J9.
fi li. LAURENS . L 'OrJt:'nl oro~. ar-ahnmr L' f i.dumume ik J ;"~ ù JW~ . Paru. Armand Colin. 1993.p. , ...,.148.
7 N. PICAUDOU. La ditkrnnie q11i e!lir-c"'I" le Alo~ tlfl/4-IO~JJ. BruxcU.... C......e.. 19m. P. '71.
PnrUt 5 . Rét,.,lufiont sNNr'1phûJun

plus nche empire que la politique ait jamais conquis [ .. . ]. L'Égypte c'e11t Suez, Su<>z
c'est les Indes, les Indes c"est l'Angleœrrc ."1
ûrw 43 : L'iathme de Su.,z, ouverture de la Méditerranée vers l'océon Indien
Carte 44 : L'i•thme de Suez d.,ns le contexte régional

2.2. Trois exemples de conséqucnccl:I géopolitiq11e11


de l'ouverture du canal de Suez

Le déclin cl' Alep


Alep fut longtemps une porte de l'Orient, un point de jonction entre l'Europe el le
Moyen-Orient qui avait pris le relais d'Antioche rasée par les Mongols en 1268. Placée
idéalement entre l'Europe et le Moyen-Orient2, elle fut l'un des plus grands centres
commerciaux du Levant; troisième cité du Moyen-Orient côtier en importance
démographique, après Istanbul et Le Caire, elle comptait, selon certaines sources,
300 ()()() habitants aux xvnc et XV111° siècles3 ; d'autres sources donnmt
80 000 personnes au milieu du XVII~ siècle, de 100 000 à 105 000 vers 1750". Les
Euro~s, et les Italiens en particulier, furent très présents à Alep. Par son esprit
d'ouverture marchande, ses influences européennes, la présence de fortes minorités
chrétiennes, Alep conlTaste avec la capitale syrienne, Damas, plus traditionnelle, arabe
et islamique.
Jusqu'en 1869, année d'ouverture du canal de Suez, Alep est une plaque tournante
du commerce méditerranéen en direction de la M ésopotamie et de l'Iran. Le canal
provoque le détournement du trafic alepin vin la mer Rouge, l'océan Indien et le Golfe
arabo-persique, ainsi que le déclin économique et politique de la ville.

L'essor de Basra
Basra est le principal port de l'lrak5 ; c'est aussi de sa situation géographique que
cette ville tire l'origine de son développement. Établie sur le fleuve Chatt el Arab6, en
aval donc de la confluence des fleuves Tigre et Euphrate, elle est un débouché sur le
Golfe des roules mésopotamiennes allant à la fois vers l'Iran et le Levant syrien. La
ville est d'abord un camp militaire fondé en 639 apr. J.-C. ; elle se développe sous les
dynasties omeyyades et abbassides où elle occupe alors à la fois une position de liaison
entre l'Iran et la Mésopotamie et une fonction de débouché du commerce
méditerranéen. Mais sous les Ottomans, elle redevient une ville périphérique, une ville

1 A. de LAMARTINE. Saln'rnin', lmpre..ul mu. pen.,~l!!J et pay.,agc..T fWIJdant un vn_v agf! f!n Or"!ltt, (JllJJ.JllJJ). p.,,_
Libraaricdeawrta Gos.Khn. 1834 . 3 'o'ols.
2 '"C'csl La s11.1111tion qui apliquc la ville. Entre Amanu• cl Cassius, un cn~llcmcnt dan ~ Io sénc de ~ ma.nifs hnoniu ~ ln-..nbm.
œcupes par Le ba coun de l'Oronlc, ouvre vcn le coude de !'Euphrate la vu1c Io plu<;, d1rcclc de p11..<osagc de Io. Mtditcrninh \'Tn LI
Mi:lopal.amie. et cttl d'11utanl plu."I que k rclè'vcmenl des prCcipu•mons vcn le Nord du cU~rt i1yricn et ta pbw!t1'2111oa fJ11 ttac:
triche del effluva man'llmc:I rani régner dc!i cOf\t.liuon.s de s1cppes c:uhrv3hlcs ju!'qu'uu VOlllll'\OgC du neuve". X . de PL't.NHOI - La
Nariom ,Jw Prophitr. .Alarrwd Kiogrophique d e politique mHs11/munc, Pans . fayanl . 199), p . 194 .
J U 'fille est çq>a1datll dêcrmte rar la petite 0 plu.•icun rcpnsn . 120 000 mo n'" en 1 SS~ d ' apr~ un 11nonymc vâûlica :
100 000 c:a 16Nil d'.,..CS le chevah~ d'Arvicu11. , cr. E WIRTU cl H . GAUBE. 19H4, Alcppo 1 vol + 1 ollu Wiesbaden, p. 107·
109 , cdt pu X. de: PLANHOL, /.1s Natiuns du Proph~t~. Man11f!I géo1<raphlq"c Je fH'li1u1uc mu:u1lmonet. Paria, fa)1ltd, 199}.
p. JIM.
4 A. A.BOEL NOUR , Jn1rochlctlan à l 'hUtoirc urbulnt! dt! la SyrJc nttomane (XVl"-XV/11' ''"' 1') , Beymu1h , PubllcaltoM ck:
nJ.L, tcCÛOD da et\Mkl his&oriquc:s, XXV, 1982. pp. 66-72 .
5 1 SOOOOO habti.nta en 1977 . X de PLANltOL, l.A.!5 NatJon:i du Prnph~t ~ Mntmt'I g~nwr1phù1ur tk polltJqu.- mwul'*1N.
Pmis, fayard. 1993. p. 291.
6 Votr notrc: section~., conu:ndeu• Irak-Iron autour du Chatt ol A rab dans le chapilrc tn1ilonl de la prrc lier~
Owapltre 1. Boul.,,,.,,..,menta géogr•phlqun

frontim à cheval sur un fleuve qui sépare l'Iran de l'lrak1 . C'nt l'ouverture du canal de
Suez qui redonne vie à Basra. La cité va devenir le grand port de l'Irak pour .an
commerce d'importation et d'exportation, à l'exception du pétrole - port de Fao.
Ces deux exemple!! montrent que l'ouverture du canal de Suez· eut de
conséquences géopolitiques multiples; non !lelllement dam les rapporta ·e nti'e
puissances et les projections mondiales de celle9-ci, mal!I auHI dan. l'eMOr 011 au
contraire le déclin de villes du Moyen-Orient.

Bandar Abbas, porte méridionale de l'Iran


Bandar Abbas2, port iranien du sud de l'Iran situé sur Je Golfe arabo-per11ique. est
fondé au XVIIe siècle par Shah Abbas à la place d'un fort portugais qui était la tête da
lignes caravanières pénétrant à l'intérieur de l'lran3.
Au XVIIIe siècle, l'Empire ottoman ouvre la mer Noire aux flottes européenna.. Le
commerce entre l'Europe et l'Iran peut désormais se faire par la navigatial:I à vapeur
ver.; Trébizonde puis Tabriz, de la mer Noire vers l'intérieur de l'Iran. Une dewcimie
route qui passe plus au Nord, par la Transcaucasie, relie la mer Noire à la mer
Caspienne, puis de Bakou la navigation amène aux côtes septentrionales de l'Iran.
Le XVUI• siècle et la première partie du XIX• siècle sont donc des ~
défavorables au désenclavement de l'Iran vers l'Europe par les roules du Sud et
notamment par le Golfe jusqu'à l'ouverture du canal de Suez en 1869 qui offre aloa
aux Européens une route plus directe pour l'lran4. En 1900, la route reliant Trébizonde
à Tabriz au nord-ouest de l'Iran, ne porte plus qu'l/loe du trafic extérieur global du
pays5 . Au XX" siècle, les pétroliers européens emprunteront le canal de Suez6 pour
venir charger le pétrole iranien dans le Golfe.

3. Le lien rétroactif entre les transformations écologiques


et les processus géopolitiques
C'est a11 siècle dcmier q11e l'humanité est dnJenue œpable de "" ditn.ire tl~mâM, Jait
directement par la guerre ""c/éairc, soit indirectement par l'.Utiratian des crmdition5 qui sont
nécessnircs à sa s11nnc 7.
Dans l'analyse géopolitique, les conflits entre communautés humaines - qu'elli!!I
soient étatiques ou non - sont essentiellement expliqués par deux types de facteurs:
les facteurs conservatifs et les facteurs de changement. La géographie physique,

1 Il esl probable que Ba!ôna n'm pltL'\ .11ut-re qu'une vin9tamc de millicn d'babitams dans la flU"ODdc moittci da XIX9 liidc.
Z D cl J. SOURDEL, Oh'tw1111oirt! hù1u,.iqu1.• ck l'ulum. Pans, P.U .F .• 1996. pl41.
) .. La vieille •tonnuz.. uclivc et commerçcanle, Slluée- '"'le connneat C1 vW.lic •dcllll rcpnscs pw ~'°'°'CD 1272 et IM.
a\11111 Ctil! abtindonnitc ou ùêbu1 ùu Xlllc siècle, pour ca11.9e d"iMôcwitéi. au profit J'llftC nmaJUtion pan.ire 19icla. ~ l- .. )
Cette nouvelle ville. pt1niculi~rcmcn1 prospère pendant trois sikles p&cc.i .s.::rivltél lml"t'hmdls ( ... J,-...-.1:a l!i01, -
mum del Portup1s pour leur servir de basrioa ronift6.'", in O. ~ J SOVRDEL Dkttonrtofrr ~-~ â# r.n.... P'1rit. P\U . f'~ -
1996, p 141.
4 X . de PLANHOL, Lc•.<r Natiora." du Prophlt~ Alant#tll ~Kt'*'*' poliliq• ~- hriL Faymd.: 1993, p. .$'9 ..
SC. ISSAWI. "The Tebri1: ·'fmb.r.on Tra.lie, 1830°1900 : Rix iand DrcliM' of• Route". ,.,,,,,.,,.,,"1*M .Jovnul of ...... &.I
SNdJe.<r. J, 1970, pll-27 .
6 '"Le trafic du can•I de Suez cs1 pour parttc con"lp054! de p!trohcn .ctt.mimot da ~ 99111 ""-* - - ~
t'•pprov1sionner dans le Golfe" ; 1n~1ue lrs :tlUpcT· pi!U'DliCD - trop sros pow . , . . _ lit~ - , _ _ • ·'-:
~c . ib• ajoulcnl une quinza ine de 1uun à leur trajet lb peuvent au.'l.11 dikhU'Ff leur~•~ d"A.19 ....... t
JO km au sud de Suez où elle est 1u:heminèc !'Mir un ni~ tcrrct.~ j~u'6i
11

a. c'6le taôdAcu
~

'
l-
dis ~ L ~ û
r"tro/f! du Gu/fr (G•~rrc et pui• '"' Muyo?n - l Jrienl) . Paris. i'!J. MaLqmncm~- lartMC. 1~. p .......
7 J,P. DUPUV. Po"r "" c-ntu.1trophi.'llrt1r kl~ -..~ba:ùque. 2002.
'-"OOS&Jé~ à tr.ivcrs SêS situations - ~n...-lavt?1ncnt, insularité ... -, sa topologie
- natuœ ..tu ~li~f - , ou la distribution de ses ressources essentielles - c-au,
pêlr\11..:- .. . -, t.'St en \nt~rdl' lÎt.lll &\va· lil geogrnphie idt!nlilairc - disposition des clans,
des "'lhnit.~ (\1 dt$ 1'\C\lions plL1r r.1pporl à la disposition des Étc"lts; lracture!i
lmgul!'hqut's, n.-ligit'uscs ... L" progrès des sciences et des techniques contribue, •1uan1
à lui,. .\ m<•<iif1e1· lil n.llure de l'inter.lction entre ces deux géographies cl fonde ilins1 les
inégalités d,• pu1s>'<lOC<'. En usant de ses moyens techniques, l'homme modifie les
"-"t\.~ys~mt>s: il provoqut> ou a,·célère les dyna1niques de transformation dl! la
g"'1gmph1<• phys1qu<'. lo.:alemenl par des dégradations ponctuelles, globalemenl par
les clfots de Id modenlité sur les grands cycles de noir" planète - cycle de l'eau cl
cycle ~imt>nla1rc. cyd.-s de l'hydrogène, du carbone, de l'oxygène, de l'azote, du
phosphore t!t du soufre.
Premièrement. il existe deux faits géopolitiques principaux, le recul des forêts -
Jérorestation - et la .:enlTalité énergétique du pétrole, qui, parce qu'ils constituent
l'essentiel de la consommation d'énergie fossile, donc de l'aggravation de l'effet de
serre naturel et d'un possible changement climatique de la planète, constituenl un
risque écologique global ; deuxièmement, ce changement climatique global, résultant
de rejets de la consommation d'énergie fossile et de la déforestation, pourrait demain
.mgendrer à son tour de nouveaux conflits géopolitiques. Il y aurait, en quelque sorle,
une spirale infernale de la relation géopolitique/ écologie, certains enjeux géopolitiques
générant du risque écologique, ce dernier augnlentant à son tour les risques
géopolitiques.

3.1. Réflexion li1ninaire sur la civilisation technicienne


et ses progrès
Pour comprendre les problèmes soulevés par les transformations écologiques de
notre planète, sous l'effet du progrès technique et de sa généralisation à l'ensemble de
l'humanité, rappelons la distinction qu'opérait le philosophe Ivan lllitch entre deux
modes de production : l'autonomie et l'hétéronomie. L'autonomie est, par exemple, le
fait de sa maintenir en bonne santé grâce à une vie saine, !'hétéronomie préférant les
soins extérieurs apportés par un thérapeute. L'hétéronomie est donc une forme de
détour de production. Or, la modernité technique n'a fait qu'augmenter la production
hétéronome, au détriment de la production autonome. Mais, selon lllitch, "la synergie
positive entre les deux modes n'est possible que dans certai nes conditions très précises.
Passés certains seuils critiques de développement, la production h é téronome engendre
une complète réorganisation du milieu physique, ins titutionnel et sy mbolique" el se
met alors en place un cercle vicieux qu'lllitch a nommé contre-produclivilé.
"L'appauvrissement des liens qui uni ssent l'homme à lui-même, aux autres et au
monde devient un puissant générateur de demande de substituts hétéronomes, qui
permettent de survivre dans un monde de plus en plus aliénant, tout e n renforçant les
conditions qui les rendent nécessaires. Résultat paradoxal : passés les seuils critiques,
plus la production hétéronome croît, plus elle devient un obstacle à la réalisation des
obj<.-ctifs mêmes qu'elle est censée servir : la médecine corrompt la santé, l'école bëlif1c.
le transport immobilise, les communications rendent sourd et muet, les nux
d'information délTuisent le sens, le recours à l'énergie fossile, qui réactualise le
dynanùsme de la vie passée, menace de détruire toute vie future et, /nsl /1111 1wl fr11>/,
l'alimentation industrielle se transforme en poison."1

1 J. I'. uuruv. Puwr lm CU ILülruphùtnt! 1h· /u1rli, E.i.:ulc rulvlcchn1uu..:. 2002 , p , 24 .


Clw11llrc 1 Boulevenements géographiques 741

L'écosystème est un système complexe. Comme tout système complexe il en doté


J'une très forte stabilité qui le rend adaptable à un niveau élevé d'agrl!llSions. Mais
œlle propriété n'est valable que jusqu'à un seuil que nous ne connaiaaons pas. Tout
système complexe arrivant au seuil critique bascule, sa résilience disparait
bmtalemenl, et, à l'image des change ments de phase de la matière, ce basculement
peut être radical. En mathématiques, ce type de discontinuité est nommée catastrophel .
lllitch souligne le fait que les systèmes créés par l'homme - systèmes techniques -
peuvent interagir avec les écosystèmes pour fonner des système& hybrides. "Une des
grandes questions que pose à ce propos le type de développement industriel eat celle
de la possibilité de substituer indéfiniment de l'artificiel au naturel ou - lllitch - de la
production hétéronome à la production autonome" . Jean-Pierre Dupuy souligne que
les systèmes techniques sont très différents des écosystèmes car les boucles de
rétroaction positive - effets amplifiants - y sont importantes, à la différence des
écosystèmes ramenés à l'équilibre par des boucles de rétroaction négative. La rétraction
positive est très dangereuse : elle signifie qu'une petite fluctuation sur le système peut,.
sur le long terme, conduire à un effondrement généralisé de celui-ci. Le phénomène est
d'autant plus dangereux, qu'appartenant nous-méme au système, nous n'avons pai;
conscience de modifier le devenir de celui-ci de manière radicale, en exerçant sur hâ
des pressions que l'on se représente comme minimes2.
Nous savons que nous marchons vers la catastrophe3. Pourquoi ne réagissons nous
pas? Sans doute parce que, comme le soutient le philosophe David Fleming
réfléchissant sur la notion de principe de précaution, une société n'a tendanœ à
reconnaitre un risque que si elle voit des solutions pour y remédier'. C'est la raison
pour laquelle, les risques auxquels nous nous attaquons ne sont pas vraiment les
risques majeurs - ceux qui louchent à la menace d'anéantissement de peuples entiers
- par submersion démographique -ou même de l'homme - mais les risques
individuels.

3.2. Le constat : l'aggravation du taux des gaz à effet de serre


Le C02 a augmenté de 20 à 30 % dans l'air au cours des cent cinquante dernières
annéess. Une augmentation de 100 % n'est plus à exclure autour de 2050. Le taux d'un
autre gaz à effet de serre, le méthane - CH4 - a lui augmenté de 150 % depuis la
Révolution industrielle.
Pour la production de l'ensemble des gaz à effet de serre, une augmentation de
70 % est attendue entre 2002 e t 2030. Cette prév ision de hausse est de 133 % pour les
pays en voie de développement6.

1/dem , p. 111
1 "O.: pc1i1cs nuctwu ions au commcn..:.:-1ncm lk la \' l~ du syst ~1nc pt.:u\ t:nl w: lnlun~r ~hfiecs et lui Juaœc um: Juccuoa
puf•itcmcnt contingente et rcut ê ln= c ntas1m ph1stc mais "ui. de l'tn1éncw s'apf"l'ft'ltt â wa ~ - , J.P Dl'Pl1'f . P,,.,~ •
caJœ1ropldsrtw .Jdu1rt'. Poly1cchniqui:. :?OO:? .
.1 LU'C .. cc p nipos 1·essn1 l r~s d oc 11n 1c n h.' d e ll 1.n mn1'1u~ \ ' IL: IL . t:..·c,/1 1gr,· dt,·/ '.ip· ~·.U-.µ.·<". L ·~ po.'lll-ll •'tr" UM1W . Pans.,
Elllpsn. 2006.
4 D FLEMING, The" Enmumi1-.'f o f 1i1img C11r1• A 14 1-:~ -,-, 1"•'t i1m ,1,. Tlw Pnrn.11111~· P,u14.:1.pk, i.. 1~ pu J P. DUPt.t\ ', Poar
1m nUlulrophism ~ i-l.: lull"I!, Volytcchmqu ..•. !Oll .!
S Le CO , est prCs ic:nt j l'é'uu t k tr >l~· c ,l;m ' 1'.11m ,1i. 51 h ~ r c 10.lU.' ·~ .. J'-' l'a.id .:..: o.lU• tc'pn.~ntc <:11\UUD .,~ O 1n1lh&1ds. rJc \&JallCS dl
Ql'bonc J1ms .l'a1mm;phèn: . Il mms n11:1 l'~~ ..·-mi\?l de l'en.:rv 1c ro1 )\'lm« p.:ar le Sok:1l mu.li Abi;.xbc uai.:: rnctioo. beaucoup plu!
importanle Ile la raJ111t1on intru -nlll~\! . ..:d Lc qui ml. m.lWe pw Ill Tc.tn: l!I tcu1e di: rqlll.fÙI \.1:~ l'~b.n ccb um.t. ~ CU2 •
wi sa.t à clTel ûe serre .
Cette houS9e prévue de ln production de gaz à effet de serre est call!e sur 11.'5
prévision.~ de la dcmnnde énergétique au cours des trente prochaines annéc!I. 1...1
demande énergétique devrait augmenter des 2/3 de ce qu'elle e!ll aujourd'hui.
L'origine de a!lte augmentation lient à :
- la croissance des pays développés - 60 'X. - ;
• Io croissance des pays en voie de développement• ;
- la consommation nouvelle des populations raccordées à l'électricité - encore
1,6 milliard d'individus sont privés d'électricité dans le monde. Notons que ce
raccordement est nécessaire et sera bénéfique quant au recul de la déforestation - bois
de chauffage. etc. Mais, en même temps, comme l'origine de cette électricité sera très
faiblement nucléaire, davantage d'énergie fossile sera utilisée pour la produire.
les énergies fossiles les plus polluantes, pétrole, gaz et charbon répondront à 90 %
à la nouvelle demande énergétique, en particulier le charbon en Inde et en Chine. la
progression relative des énergies renouvelables - 1,6 % à 4,4 % de la production
mondiale d'électricité, et aux trois quarts dans les pays industrialisés -ne compensera
pas la baisse du poids du nucléaire dont le poids devrait être divisé par deux pour
passer de 17 % à 9 % - notamment si des pays comme la Belgique, et l'Allemagne,
mais aussi les pays de l'Est entrés dans l'Union européenne, cessent leur activit~
nucléaire.
C'est donc bien à une "recarbonisation du système énergétique mondia("2 qu'il faut
s'attendre.

_____
1 Afrique
·--
_ ___ ___ _
et Moyen-Orient '.
~- ---.---------n-:--.
__1_~~-

- _ , -- -- -- --
- __l___ ~~~o_____ ~~~~;
1 244 1 1 744
--- - - -- ---- -
+ 40,2 %
-,
-1
1
!
1 Amérique dont États- ; 6 429 j 7 654 + 19,1 % 1
, Unis ! 5 496 6 398 + 16,4 % j
L
1

· et Canada ' 1 \
- - - - ----1------~
'
; Asie et Océanie
_ _ _ _ _j - - - - - - -

: Europe de l'Ouest
1
'
5 343
3 390 3453- ·----:;-1 ,9 %
+ --
6 677 1 + 25 % !
1

ldontUnioneuropéenn~__j ____2_~~- j ______ 3_}-~_? _ _ -0,4~


\ Europe centrale 1 1 019 ! 739 - 27,5 % 1
1ex-u~R.s.s.
1--
-T- -3611 -- 2 212 -- - - : 35,7 %- 1
-+---
r----
- - ---- -- - -- - - --- -~ 6!
--~--1
1 Monde___ _______ __ __ _ i -- ~1- ~35 22 480 1 . _:
ÉrniHions de C02 dans le monde

Source : Agence internationale de !'Énergie, Septembre 2002

3.3. Le protocole de Kyoto dans les enjeux de puissunci-


Le processus de réduction de l'émission des gaz à effet de serre (GES) est initié en
1972 par la Conférence des Nations unies de Stockholm sur l'environnement. Vingt ans
plus tard, en 1992, à la sortie de la Guerre froide, le Sommet de Rio relance l'idée Ut

1 Lon d'un colloque IUI l'lncrgie orpiu.i • Pi:kin en 2002 , le nun111re 1,;hîno1• de l'Encry1c i.J~clara : RNou• nou.• tom.s
cnpasél •UJ"Ùdu peuple & lui fournir HtAnl d 'éner~c qu·.:i un Euro~cn en 2010 nu 21115 ''
2 ~Ion Robat Pndle, A1cnce Jntana1îunah::: de l'Ener11r, septembre 2002 .
Chapitre 1. lloulevcrsemc-nt• f!~graphlqu""

CCNUCC (Convention cadre des Nations uni"' sur le changement climatique) lanœ
alors celle année là le processus qui prendra en 1997 le nom de protocole de Kyoto.
L'objet du protocole est d'imposer aux pay5 industrialisés de diminuer de 5,2 'li.
leurs émissions de GES sur la période 2008 à 2012, ceci par rapport au niveau de
référence de 1990.
Pour entrer en vigueur, le texte devait être ratifié par au moins 55 l<tats qui
représentaient au moins 55 % des émissions des pays industnaliaés. Les État5-Unis
refusant de le ratifier, ce fut la Russie qui, en février 2005, perm.it l'entrée en vigueur
du prolocole.
En 2005, le texte était ratifié par 150 pays parmi lesquels 30 pays industrialisés qui
ensemble représentent plus de 60 % des émissions!.
La part des différents pays dans les émissions de GES est évidemment varia~; il
convient d'en connaitre un ordre de grandeur2:
- États-Unis : 25 %.
- Chine : 13,8 % des émissions du seul gaz CC>i (chiffre AIE de 1996).
- Fédération de Russie: 17,4 % .
-Japon : 8 ,5 %.
- Au sein de l'Union européenne : 7,4 % pour J' Allemagne, 4,3 'lO pour le Royaurrll!
Uni, 3 % pour la Pologne et seulement 2,7 % pour la France (chiffre peu élevé en
proportion du niveau d'industrialisation et qui s' explique par le choix du nucléaire).
- Canada : 3,3 % .
- Australie : 2,1 %.

Dans l'Union européenne, trois pays se trouvent en dessous des limites fixées à
Kyoto : la France, la Finlande et la Suède.
Le protocole de Kyoto est loin de faire l'unanimité parmi les États. S'il vise au Bien
commun de la planète par l'effort engagé dans la réduction globale des émissions de
GES, on ne peut faire abstration des conséquences qu'il peut avoir dans les jeux de
puissance.
Principal contributeur aux émissions de GES, les États-Unis ont décidé en 2001 de
quiller le protocole. Les trois raisons invoquées par le gouvernement américain sont :
l'inefficacité du processus; les conséquences de ce processus sur l'économie
américaine (frein à la croissance et perte considérable d'emplois); lïnjustice qu'il y a à
s'appliquer une contrainte (réduction des émissions de GES) à laquelle les pays en voie
de développement (Chine et Inde notamment) ne sont pas soumis par le protocole.
L' Australie a signé le protocole en 1998 mais refuse de le ratifier au motif qu'il n'est
pas contraignant pour la Chine et l'Inde, deux sérieux compétiteurs économiques de
l'Australie.
La Russie a longtemps résisté au protocole, mais elle a décidé de le ratifier en 2005.
Elle a ainsi permis au texte d'entrer en vigueur et a démontré une nouvelle fois le
caractère incontournable de la Russie dans les Relations internationales.
L'importance de la part russe dans les émissions de GES a pour raison pnncipale le
mode d'industrialisation sous le régime soviétique. En dix ans, entre 1990 et 2000. les
fermetures des usines les plus polluantes ont permis un recul des èm1SSions dl" près de
40 %3

1 Caroline TOL ITAIN . L1.·' ,/4·l'f··>:f,·m,·111.• ,k /,11•l1mt·r.·, l'a.""· ll'S~cnu<I'° Mihan. !OO~. p44.
:?ldr:m. r ~o .

l -1 .a Rwsic a perdu entre ~O \'.'I -'~ n• lie !lion pan: mdu~tm:l . ,rui1 la d1niinWk>n proJ11KUK Llil: ta captc111c' dC' ~ - LA
ronn.W.hlc t.lilninu1ion lie." ~m1s!l.lnns. russes lh.• GF.S t'!o l thlnl.'. un .. clll-1 ,;ufülltrnl,. JC' l'clT~ du ntaiaw ..w~ t ... ) La
Bnufv à la puUutmn 'Ill 'clll le rnum:olc \ n lm fl"!'Om:lln:· lh,• nulnna:- ..·1 st-s Jruitr' Je p:.lluriM sur lt' nlAn:.bt tn~ l . t ia.
Jran-Michcl VALENTIN , Aft11u1.·r,. ' li"'"'"I"•'-~ s u,. r()n/r•• ....,,,HJi.,f. 1.'d l1gn..·!oo lk ~ ?005. p ..\tl.
Partie S. Révc1lullP11• gilJRrvph.,.,.

La RuMie acœph.- de stabiliser mais non de réduire ses émissions d'ici à 2012, eu
"lie est engagée, <'\imme d'ailleurs les pays asiatiques, dans une phase de crol85al1CC.'.
Elle fait valoir l'importance de ses forêts pouvant piéger le carbone. Par ailleu,-,,
M09COu relance un pnigramme nucléaire de grande ampleur dont le but est d'assurer
la satisfaction de 25 % des besoins russes en 2020.
Elles aussi t!l\gagées dans le protocole de Kyoto, la Chine et l'Inde, sont néanmoins
exempti!es des contraintes que se sont imposées les Européens. La politique
énergétique de la Chine, pour s'affranchir de sa dépendance vis-à-vis du charbon et du
pi!trole est volontaire. Un grand programme de construction de centrales nucléaires est
êgalement lancé, ainsi que des projets hydrauliques (barrage des Trois Gorges) et
solaires (utilisation des vastes surfaces désertiques)1 .
En mar.; 2005, sept États de l'O.P.E.P. (Arabie Saoudite, Émirats arabes uni.s,
Indonésie, Nigeria, Qatar, Venezuela) ont rejoint le protocole de Kyoto. Mais ces pays
s'appuient sur le contenu des textes (articles 4 .8 et 4.9 de la CCNUCC et l'article 23 du
protocole) pour demander aux pays industrialisés (donc essentiellement l'Europe qui a
si~) de financer les études portant sur l'emprisonnement du C02 rejeté par les
installations pétrolières et gazières pour le transporter par pipeline jusqu'à des sites de
séquestration (dans les couches géopologiques)2.
li existe une initiative écologique alternative au protocole de Kyoto : "le Partenariat
sur le développement propre et le climat" qui regroupe six pays, les États-Unis et
l'Australie (lesquels n'ont pas ratifié le protocole), le Japon, la Chine, l'lndonésie et la
Coret? du Sud. En 2006, le Canada, de plus en plus critique sur le protocole de Kyoto
(parce qu'il n' inclut pas les principaux pays émetteurs) a émis son souhait de rejoindre
ce Partenariat.

3.4. Les effets - discutés - sur le climat


011 11~ sait pas si le riclrauffement climatique issu des gaz déjà pré~nts dans l'atnrospllirt
P1'fJPCNfU"° à l'échelle de quelques siicli·s une augmentation de t.:mpérature de moins dL dnu
dqrés ou dt plus de sept degrés, la différence d'impact entre ces deux coujectures étant du mime
ordrtque alle qui sipare u11 OObo au meulon d'un choc mortel sur le crânc.3

Si l'effet de serre naturel a perm.is la coévolution du climat et de la vie, ce qui est en


cause aujourd'hui est la gravité éventuelle de l'augmentation anthropique de l'effet de
serre naturel. Comprenons bien que ce ne sont pas les chiffres, en valeur absolue, des
quantités de gaz à effet de serre se trouvant dans l'air qui effraient la communauté
scientifique, mais la variation relative du taux de ces gaz, ceci sur un temps infime à
l'échelle des cycles de la Terre ; car cette variation courte et intense, inédite dans
l'histoire de notre planète, est susceptible d'affoler les cycles fondamentaux4.
Le pronostic fait par une majorité de scientifiques - pas tous cependant _s est que
le doublement, au cours du XXIe siècle, du taux de C02 - ou d'un équivalent type

1 L'auteur• IW-mbne pu Cotllil8ter en Chine. en 2002 , l' impon.ancc c..le ce1 effort pour foin: de I• Chine de dcm.in un rmdtlr
ôcolopqK. Pour l 'IDllM'I Mdc:nuncn1 oow en sommes loin_
2 0a comuh.cn sur ln quc-st1oru du protocole de Kyo to . Yves Sl' IAMA . Lt! âumgcnl(•nt diniuliqul!, Ur1e '1Dl/\'f"ll1• ir-rswla
Tcrft, l..arouur, 200ji ; Jeui-M1chel VALENTIN, Mena€cs c/imatiqu~, .mr / 'Ordre n1rmdù1l. c..louicr 01pl om•1ic nwgufoc. 2005.
l J.P. DUPUY. POIU 11n catastropJu..Jme ~c/tJJr~. Ecole Po1ytcchmque. 2002, p . 21 .
4 En phy1a4tat, l'id.6e ck forçage d'un sy11l:me non lînb i ~. AfTol~ par une varia1îon brusque , le sysfl:mc "c~" ou (111 pnnt'
d\m ~t uaaUC"Ddu.
S Il faul b~ comprendre que le& paramtln:'I des cycles fonddmentoux et de l'fqui1îhrc climauquc qu• en ~u\le IUlll Iris
aombnw. . La ·ron:c:un clima1KJUC9" ne se rûumcnt pu ili l'elTet de !HlrTe. Les vu;alion• de l'axe de ro1a1ion de la T~, I• dl!ri''t
da~ . voft . . vviationa de l'interuiilt tolaiR inluhwnlCS au tolcil lui•mfme, •onl des parum~IRS CJllrfmtmenl imporUDb
et via-6-ril daqucll l'hommc n'• •ucune '"culpab11ill &kolo11quc" •avoir.
Chapitre 1. Bouleversements géographJqucs 745

CH.4 pouvant aussi piéger la chnleur - prlh!u par les projections démographiques et
économiques, devrait provoquer un réchauffement moyen allant de t•c .li s•c d'ici à
2100. Le minimum de cette projection signifie un réchauffement de 1°C sur cent ans
soit dix fois plus rapide que le taux moyen de changement de température de la Terre
depuis la fin de la dernière période glaciaire jusqu'.li l'actuelle période interglaciaire. La
fourchette haute - 5°C - s ignifie un changement climatique cinquante fois plm
rapide que les conditions durables naturelles moyennes. Noml>Teuses seraient alon Les
espèces animales capables de s'adapter en si peu de temps, et qui disparaitraient ou
migreraient, déréglant dans le même temps les chaines alimentairl!9. Quant à
l'humllllité, dont plus de la moitié reste tributaire par son mode de vie local des
conditions géographiques locales, elle serait aussi largement déstabilisée.
L'humnnité vit une époque climatiquement stable de 10 000 ans .li l'intérieur de l'ère
quaternaire. La question soulevée par de nombreux scientifiques aujourd'hui est de
savoir si l'accélération de l'activité humaine, depuis la Révolution industrielle, et plus
encore ces dernières déceruties, n 'a pas déséquilibré cette stabilité climatique. Les
hommes ont, en effet, extrait et libéré des combustibles fossiles sur une durée très
inférieure à celle qu'avait pris la formation de ces mêmes combustibles.
De nombreuses hypothèses sont avancées, parfois contradictoires, sur les effds
possibles d'un forçage climatique provoqué par l'augmentation abrupte de l'effet de
serre. On souligne par exemple la nouveauté du phénomène dit El NiM - surnommé
l'enfant car il arrive, tel l'enfant Jésus, autour de N<M!I -, un récent changement de
l'organisation des vents, responsable de plusieurs dérèglements climatiques, comme
des pluies torrentielles et des inondations sévères au Pérou, et d'une sécheresae
extrême en Australie et en Nouvelle-Guinée provoquant des incendies de grande
ampleur. Bien d'autres phénomènes sont observés. Les neiges du Kilimandjaro fondent
à grande vitesse. Depuis 1962, les glaciers de cette montagne africaine ont perdu 17 m
d'épaisseur et à ce rythme, les glaciers du sommet tanzanien pourraient avoir disparu
autour de 20201 • Le réchauffement climatique qui en est responsable peut cependant
aussi bien résulter d'un cycle normal de réchauffement que d'une accélération du
réchauffement conséquence de l'effet de serre.
Les scientifiques s'appuient sur l'étude de phénomènes historiques de variations
climatiques sous l'effet d'une variation brutale des conditions dans l'écosystème. La
plus importante irruption climatique du XX• siècle, celle du Pinatubo aux Philippines,
en juin 1991, avait conduit à un abaissement de la température moyenne mondiale sous
l'effet de concentration d 'aérosols volcaniques dans l'atmosphère. Paradoxalement -
au premier degré seulement - , le phénomène de refroidissement observé en
l'occasion a permis de valider la théorie du réchauffement climatique sous l'effet de gaz
à effet de serre2.

1 Le Figuru. l '"' novembre 200:? .


2 Scion Ala.n Ro bock , climttlologu.:- à ln Rutg..:r- l l1m ..: rs 1ty ,1u ~ ..·w J,.-."""-· ~ . l.,.1u~ l quc:-s juun aprts l'ÎmlpltOG. c:n"iNO. ~
mtp1onne5 de SO:? furt!nt TCJclks dons la ~t nn m p h~n: l.c ' 1 ~ mrere.1urc-s t.· n~l( IS U'NS ~ur les t." 'Ont.incnts de rhim.a.spMre Dard
1ncisnîrcnlJui1qu'à 2°C tlc m o m s que la non nnk ~n , l a n l l'Cté tWl 01 .i~u'à .\ ·"(' Je ""''ns au~"""'"'~ hivers 1991 · 199:? Cil 9:?~9.J .
l:n fai1 le ~hilulTcmcnt de la plan~lc s'est rukm i p:nda1.u pl~ 9llD6es a,..n l'Crup11on Ju PimrDbo et C'C' • ~ de& ttÏlillll
~frotdiUlnlS des udrosolA v o lcanaqucs . L~ flgan•. 1~ 11.:-vril)I" 2002.
3.5. Lu d6forestntion freine la réduction nntnrcllc
des gaz à effet dr l!Crrt•
La construction géopolitique intérieure de plusieurs États du monde l,.I
indissociat>le du recul des forêtsl qu'elle engendre. Certes, le phénomène de
déiorestati<m sous l'action de l'horrune est ancien: il date du Paléolithique, période
durant laquelle se répand l'usage du feu. Plus tard, Platon s'inquiète du dépouillement
~er de la Grèçe antique. Puis les Romains, s'inscrivant dans la continuité des
Phéniciens et des Grecs, s'attaquent largement aux arbres du pourtour méditerranéen.
comme plus tard les Vénitiens, lesquels usent sans limites du bois pour sen11r lew
expansion maritime. Entre le début du X" siècle et la fin du XIX". le taux de couverture
sylvestre de l'Europe occidentale passe de 90 % à moins de 20 %2. Aujourd'hui, le
Vieux Monde est largement dépouillé de ses arbres et les peuples d'Europe s'inquiètent
que ceux d'Afrique, d'Asie, d'Amérique fassent, à leur tour, disparaître les forèts
restantes, pour la plupart tropicales.
Contrairement à une idée reçue, l'agriculture locale et la culture sur brûlis - plutôt
que les multinationales du bois, souvent mises à l'index en priorité - constituent le
premier facteur de recul des forêts : 70 % de la déforestation en Afrique, 50 % en Asie,
35 % en Amérique3. La deuxième cause est l'utilisation locale du bois comme énergie
de chauffage: bois dans les campagnes, charbon de bois dans les villes . Sachant que le
passage du bois au charbon de bois consomme la moitié de la capacité énergétique
initiale, cela implique que, pour un même besoin de chauffage, le citadin consomme
deux fois plus de bois que le rural. Or, dans le Tiers Monde, les villes ne cessent de
grossir au détriment de la population des campagnes. Dans les pays en voie de
développement, où se trouve l'essentiel des forêts tropicales, le bois est donc -
exactement comme il l'était dans l'Europe du Moyen-Âge - un élément fondamental
de l'économie•. Résultat: au rythme de la consommation actuelle, il n'y aura plus de
forêts tropicales dans cent anss_
La déforestation massive des forêts tropicales résulte de la construchon
géopolitique intérieure de certains États récents : Indonésie, Malaisie, et Philippines en
Asie, Brésil en Amérique.
En Indonésie, la transmigration6, phénomène de déversement démographique de
grande ampleur du centre politique - Java et Bali - sur ses périphéries implique la
mise en valeur agricole des grandes îles forestières indonésiennes. Entre 1970 et 1990,
environ six millions de Javanais et Balinais ont "transmigré" vers Bornéo, Sumatra, les
Célèbes, !'Irian Jaya, partie indonésienne - occidentale - de l'île de Nouvelle-Guinée

1 DUiDWoa de la dCfon:slanon "'supp~sion complclc tlcs for~1s existantes et leur rcmpl.u.ccmcnt rar t~'uum:s fomE3.
d\IU.lisa1ioa du aol", Man PALO. Jyrtci SALMI, Ckfortt.:rtmirJu r.md Di:velopnll'UI m the Third Wurld, Helsinki. Fmnah f<i~
llc:licucb IBAÏW&C.. 1987. p. :5S
2 G_W. WOODEWELL, "le pmbl~me du gaz carbonique". Pu"r lu 5':1tmc ·r, l'J7H. n ° ~. 11 18
) lt.ppckml qu'wa quart de lbwnan1lë ne dispose pas d'Ckctric ité Sclun une étude r~uhsCc par l'Agcm.:c m1cma1innak ik
l'Éacriie - aamcc Ulelli'C de l'Orgaa.iution de coopér.mon el de dêvcluppcincnl économique -- en 2010. le c;:hiffn: pownil
aDCOR'- tlR de 17 "Ye toit 1,4 m.llliacd de pcnonncs . KO"/• de ces populu11on.-. Vl\'c1ll en Arri<1uc sL1bsah.:ir1cnnc Cl en lnJc . S&m

ékancdé, la majQlllé de ces popuJauoruo a recow-s à la bmnuassc S1 on y 11Juutc ceux qui ont l'êh:cnici1C: nw1!11 1.1u1 n.xuum:DI
~ pour parue à la b1omauc. on coruudërc qu'un licrs Je lu rxiriulutmn mu11d1ule ·- sou 2.~ anilliunb J e pcnonncs.. tn

200.:! - utilwe de l'énaJ.ac i.w.ue &!: la cumbwtion de boitt, des rêsiJus uyracvh:s ou du rum1cr. Pl•ur cui:i.mer et :i.ç ch:u1ffc1 (<
cbJfIR dc-t'rall ~tinua- Ill Ml&DlCDlC,. t:I llltcmdrc 2 ,6 milhurds Cil 2020
4 M .C. SMOUTS, f(NiU rrupicullb·, 1u11gle uuctrnutimwli:, Paris. Pn:sscs lie Sctcncc ... ru . ~OU 1, )5~ p.
S La del~ la plwi rapide Cil m Alic~Paciftquc. En Afnquc, lu Uéforcstut1un \.IUUl41lll; suuh.:nuc cst rlu.s lcn1e. [l~....,.
Zalrc. ; .ur 1.1m M.lpCl'fidc Utique d.: 23S m1llioru d' hccUU'~. la IOrêt rcrul!scuh.: l 70 milltmu,; . C haque W111Cc ccl E~ pcN
SOO 000 ha do (ud:b doul ~SO 000 pour le Jtfri~h~nt aavicolc, J HO 00(.1 pnur h.: buis Jc feu .:t ,, 000 pour 1'11u.lu111tnc.
6 MOW\.'IDIDlml iniut pu- le c.olanisa&cw hallandM1a> qui avail ûéploco 11lLW Uc 200 000 pcrsunn'1.0 Ju centre ..,en; I~ ptupht nes.
CN!ipllrc ·1. lloult!vcrwmcnts géographique!i 747

- 20 % de la superficie de l'lndunés1e pour seulement 1 % de la population totale -


qui n'était peuplée originellement que de Papous el qui a vu sa population tripler sous
le flux javanais.
Le résultat de cette dynamique géopolitique du centre vers la périphérie, est un
recul massif de la forêt indonésienne 1.
En Malaisie, le phénomène est comparable à celui de l'lndoné111e : pendant
longtemps le pouvoir central affronta les rebelles chinois qu1, réfugiés dans les fortts
profondes de la péninsule, s'en prenaient aux plantatiollli périphériques. Là encore,
l'Élal avança par le biais de fronts pionniers qui firent reculer les guérilla& foreatieres.
Quant aux Philippines, elles ont perdu plus de 90 % de leur forêt originelle depuis le
début des années 1950 et importent désormais du bois. Les rébellions islamiste&
continuent de défier le pouvoir de Manille a parbr de leurs bases fore&tières et
défraient régulièrement l'actualité internationale par des prises d 'otages.
En Amazonie brésilienne, le mouvement de prise de contrôle de l'État sur llOll
territoire est organisé depuis les années 1970 par l'Institut de la colonisahon et de la
réfom1e agrnire: plusieurs nùllions de brésiliens ont ouvert des fronts pionniers, faisant
reculer la forêt amazoruenne au rythme de 1 a 3 millions d 'ha par an - il s'agit du
rythme le plus soutenu dans le monde.
Par nature, la forêt est un espace géographique peu accessible au contrôle polilique.
une zone-refuge de toutes les rébellions - comme l'est aussi la montagne. Son 1'1!CUI
accompagne la déconcentration démographique des zones denses en population et la
construction de routes désenclavant les territoires périphériques.
La construction géopolitique intérieure "par déforestation" entraine le plus souvent
la disparition des ethnies forestières inclues dans les frontières de l'État mais exclues
du pouvoir étatique: Pygmées en Afrique, Indiens en Amazonie, Papous de Nouvelle-
Guinée occidenta(e2. L'écocide - la destruction plus ou moins rapide des
écosystèmes - revient en fait à l'ethnocide.
Jusqu'en 1992, année du Sommet de Rio sur l'environnement, les révoltes des
peuples forestiers restaient isolées, comme celle des Sereingueros de Chico Mendes au
Brésil. Depuis, s'est formée, à Penang - Malaisie - une Alliance des peuples
indigènes et tribaux des forêts tropicales. Ce type de mouvement transnational peut
ètre interprété comme une forme de ligue contestataire des dynamiques géopolitiques
intérieures des États tropicaux en voie de déforestation ; son émergence sur la scène
des Relations internationales se fait à la faveur d'une prise de conscience générale du
thème écologique. Le risque écologique donne ainsi naissance à un nouvel acteur
géopolitique, de type transnational, qui conteste l'affirmation du centre étabque. Mais
le centre étatique le lui rend bien, qui sait lui aussi exploiter le thème écologique pour
juslifier des épurations dirigées : ainsi, à force de protester contre le gouvernement
indonésien, les "écologistes mondiaux" ont-ils déclenché de violentes actions
orchestrées par Jakarta contre la "transmigration spontanée" - celle qui accompagne la
transmigration officielle sans ètre contrôlée par celle-ci. Au-delà, l'alibi écologique
dissimule souvent au Brésil, c omme dans les États forestiers d'Asie-Pacifique, ou en
Afrique, un interventionnisme étatique sur la question foncière .
Mais les forêts tropicales, s i précieuses aux grands ~uilibres de la biuspht!re, ne
font pas seulen1c-nt l\"lbjL•l de s tr~ltêgies d ' an\én.igenu~nt du territoire ~t
d'affermissement du contrôle et<ltique sur le territ01re . Souvent propriélo$ de l'État,
elles sont un enjeu considerarolt• p<'llr les dans installés à la tète du pouvoir qui
n'hésitent pas à les vendre par pan entier ,\ dt•s C<'mpagnies privées d 'exploitation. el
redistrihuent les sols dég<lgc~ à leurs cfü•ntl'lt•s p<•litiques.

1 A llltc J\:~cim(lll! dans te sud ~h: Sum.mu. let~.,...._ .._.~Rt tJ.il pa:.....ec Je prÔi Jç: 1U ~ Ju. "'1 ~ œ.>Àlb de :!U '!'r..
2 M. LAM\', /11tn>eh" ·1im1 a /',~ ·,11.i.~i~· hw11, ,;n.,·. Pv-. ........._ :!oOl , p.. ~I ~
Pa,.tu• S . IUuofohott~ ~ropliUpu,

Les groupes armés qui s'opposent au pouvoir central sont tout aussi responsables
de la déforestation. Au même titre que la drogue, le bois de notre planète est un
carburant de la guerre. En Birmanie, dans une région montagneuse située près du
Tibet et d'où descend le grand neuve birman, l'lrriwady, la Kachin Jndcpe11da11cc Anny
qui s'oppose aux troupes de Rangoon et contrôle plus de 40 000 km 2 - soit 75 % dl! la
superficie administrative de l'État kachin et Je tiers de sa population, accélère
dangereusement le déboisement du haut bassin de l'lrriwady en vendant de grandes
quillltités de bois à son alliée, la Chine. La déforestation birmane risque de dérégler -
sécheresse, inondations - le cours d 'un neuve qui baigne les plaines birmanes et Je
delta situé en aval et dont dépend toute la construction géopolitique de l'État birman.
De manière analogue awc Kachins, les Khnlers rouges ont financé - en partie -
leur guérilla par le trafic de bois entre le Cambodge et la Tha\lande.
Sur le continent africain, le même phénomène est observé. Les milieux du bois du
Llbèria sont impliqués dans le trafic d'armes avec le Sierra Leone où s'est déroulée ces
dernières années l'une des pires guerres de décomposition étatique. La réalité du
problème écologique n'exclue pas sa récupération à des fins géopolitiques : les intérêts
américains, via des organisations non gouvernementales anglo-saxonnes, ont récupéré
habilement la situation pour discréditer Charles Taylor, qui fut président du Libéria
jusqu'en aoùt 20031 . En 2000, après un rapport de Global Witness, les États-Unis et la
Grande-Bretagne réclament un embargo sur le bois libérien aux Nations unies. Nouvel
exemple de realpolilik déguisée sous le masque de l'écologisme international, el
d'autant plus efficace que la disparition de la moitié de la forêt libérienne originelle est
un fait incontestable.
La déforestation humaine, qu'elle résulte des dynamiques géopolitiques internes
d'États ou, au contraire d'oppositions périphériques aux centres étatiques, constitue un
risque écologique à effet global pour notre planète. Certes, le phénomène de
déforestation n'est pas totalement humain. Depuis 1997, les incendies sont la cause
première de la déforestation en Asie et en Amérique latine: 2 millions d'hectares de
forêts détruits en 1998 au Brésil; quasiment la même surface en Indonésie l'année
précédente; durant les vingt dernières arUlées, la moitié des forêts indonésiennes ont
brùlé, soit 20 millions d'hectares . En apparence rien d'humain dans tout cela, sauf s'il
était démontré un jour que le développement des incendies dans le monde tropical
n' est que la résultante des troubles climatiques occasionnés par l'activité humaine dans
le monde. Où l'on voit encore que tout est lié ...
La déforestation a des conséquences sur le cycle de l'eau. Rappelons que le transfert
de l'eau vers l'atmosphère s'opère suivant deux dynamiques : l'évaporation de l'eau
des océans - surtout - , des lacs et des continents, et la transpiration des végétaux.
Dans ces conditions, la réduction massive des forêts modifie le rythme de l'évapo-
transpiration; tous les grands équilibres sont alors modifiés 2 . L'un des effets, outre la
baisse de l'absorption du dioxyde de carbone - dans la photosynthèse des plantes et
des arbres - est d'augmenter le ruissellement des eaux de pluies à la surface des
continents et de provoquer alors des inondations. Comme l'écrit Stephan H . Schneider.
"le contrôle des inondations est l'un des services de l'écosystème assuré gratuitement

I Qumarz..e md de BUO'f'C civile ont rrappe cc p3~ . Fin :?OOS, Madame Sirlcuf, ex-cadre â Io Banque monJ11tlc c1 sou1cnut: p.u
Wm.hlogtoo.. a. m Clue- prawkntc . Il s';sgll de la première tCmmc: chef d"l':11111 en Afri4uc
2 Le tnm.fcrt de l'eau ven l';atmœ,phCrc résul!J: donc tic l'évapo1r.ansp1ru1ion -· ~vaporalmn + 1nmsr11m1mn - . 111 conJcn.YJlllll
d lJ fonnauoo de aiourtdcn.c-. ~voquent c1u.u11c lt: retour de l'eou sous fonnc Ji: prêcip 111111ons _ Cdli:s -ci c nlmincnl le llansputtdt
ma..tb1awl dd CUDIÎnetts .,,.en les men : le i:yclc sédimentaire csl inJu11 pur le L:yclc de l'cou Il comprcmJ l'érosion, Ir tn.n.lfk>" cb
é~u. nu.tri.tif•. ta form.mt1on dt sédiments. Enfin . cycle de )'cou cl cycle s ~<luncntnm: sunl m!iiCpurahlcs t.le 6 autres C)'dct
impartantt lrydrusëne, carbone, oxygùlc, az.otc, phosphore el ?toufre . le!i 6 mui.:rnélémcnls nutnufs co111ti1ua111 à eux seuls plus de
9j ~de r.ous Sa orp:nismn vivanL'\.
Owpltre 1. BoulcVcJ"Rmcl\l.9 gfogr.aphiqu~ 749

par les forêts"• . Ainsi, la déforestation fruit de logiques géopolitiques localesconstitue-


l-<!lle l'un des plus graves défis globaux pour notre planète. Mais elle ne saW'ilit
assumer seule la responsabilité, car elle partage son rang d'"enjeu géopolitique à effet
écologique grave" avec un autre acteur des Relations internationales : Je pétrole.

3.6. La centralit.é énergétique du pétrole aggrave la production


des gaz à effet de serre
Le pétrole est un enjeu géopolitique mondial 2 • L'hyperpuissance militaire permet à
Washington le contrôle des principales sources d'approvisionnement mondial de ce
précieux combustible, et leur e"ploitation par des sociétés américaines. Le pétrole est
l'un des fondements de l'existence même de certains États de l'O.P.E.P., comme
l'Arabie Saoudite. Les États-Urus et les monarctùes pétrolières du Golfe ont pour
intérêt stratégique le maintien du pétrole dans son rang de source dominante
d'énergie; le positionnement géopolitique des autres États dépend Largement des
solutions pétrolières qui s'offrent à eux : la dépendance du Japon ou de pays de l'Union
européenne implique une bonne relation avec les États-Unis ; la vo~
d'indépendance de la Chine vis-à-vis de Washington conditionne la recherche de
solutions pétrolières alternatives au monopole saoudo-américain, comme celles de la
mer Caspienne3; l'exception stratégico-pétrolière de l'Irak ne peut être acceptée par
l'ordre pétrolier américano-saoudien ; Moscou a intérêt à la valorisation de se
ressources pétrolières - et plus encore gazières - dans sa relation avec les États-Unis
el J'Urùon européenne - l'Allemagne tout particwièremenL
Participant à la hiérarchisation en puissance des États, le pétrole s'ânposera donc
encore longtemps comme source énergétique principale, et ceci même si des sources
d'énergie alternatives lui sont opposées. Quant au charbon - mais Je charbon, c'est
d'abord le bois, et nous revenons à la déforestation - , il conserve également un avenir
à moyen-terme : aux Élats-Urùs, il représente 80 % des réserves en combustible fossile,
tandis que 70 % de l'électricité est produite par des centrales au charbon.
Dans ce contexte, le monde est encore loin de la sewe véritable solution énergétique
"propre" et capable de répondre aux besoins énergétiques mondiaux : le nucléaire civil.
illustré par la solution à la française. En France, si la part du nucléaire d;ins la
production d'électricité n 'était que de 3 % en 1970, elle est aujourd'hui de plus de 75 '!O .
La réduction des émissions de dioxyde de soufre et de poussières constatées dans notre
pays durant ces dernières années trouve son explication dans ce choix énergétique, ii
propos duquel Bernard Wiesenfeld a pu parler "d 'atome écologique-4. C'est ce que
confirme Stephan H. Schneider lorsqu'il écrit : "L'énergie en soi n'est pas le problème
fondamental du réchauffement global ; le problème fondamental, ce sont les émissions
de carbone. Si la biomasse, solaire ou nucléaire, était la principale source d'énergie. la
quantité de carbone émise par unité d 'énergie serait très inférieure à ce qu'elle est
lorsque l'on utilise le charbon, le pétrole, ou les combus tibles de synthè;e à base de
carbone qui fournissent l'essentiel de l'énergie nécessaire à la société. En attendant. on

1 S. H. SC HN E ID E R. L'-1 1i~rn• mt•nact>t·. t1t1 /u/'tcJrumire: " ru1111I'.~. Pans , Haod)C'Rc l1UcnJ.uru. 1999.
~Voir la pnnic sr Cdfolue L:otbaL.: n.t.c au füc 1cu r rêt wh ..·r Jan..,; lit. r ame 1n t 11ul~ ~ 1 ·..,..noir·
J Mou. ptlT un .. hns urJ" m ulhclltcU:i1: l'uur Pëkm 1.'l h 1.'uh:U.\ l'l\.•\U W.\.~ hing. tu n . l'lnlCf'<n'hM'I ~...me œ Afgh.ia:tsWt. i. •
1-.nc JC"S ancnluls du 11 !i>C'f1lcmhn: :?OO 1 '-'. Onlrc le !!> l~ lt, lS·lJn i~ . a M(~ \h.1 l.& mute J e l'As1.: i>cGll'&Jc à la Lbun::. CC'llt'-1.:i ..-oil ses
projccliom1 ~.:r.; 111 régmn cn!iipi.:nn1.• et . plus luin . H ' r.o l'Union curop.'cnnc. 1.. rii:mcnl ~1.l1npromin.
4 B. WIESENFELD. L'atumr> c!cologiqut·. EDP ~i~ · l....
750 Pnrl;t! 5 . Rtvoluliontt srosntplriqs.h

peut utiliser le gaz naturel puisqu'il est beaucoup moins polluant que les autre&
combustibles fossiles."!
La question de l'énergie nucléaire est bien une question géopolitique, et ce, à double
litre : d'abord parce qu'elle remettrait en question la donne en puissance du monde,
augmentant l'indépendance de nombreux pays européens à l'égard des États-Unis;
ensuite parce que le nucléaire civil n'est pas exclusif du nucléaire militaire : si la
technique nucléaire était généralisée à la planète, c'en serait fini de la suprématie du
club des puissances nucléaires. Le nucléaire militaire se banaliserait, ce qui serait peut-
être aussi un moyen de bannir définitivement les "armes du pauvre", chimiqul!S et
bactétiologiques . ..

3. 7. Conséquences géopolitiques possible8


d'une variation globale du climat

Le recul de la forêt
Ce sont les végétaux qui, avec les océans, permettent à l' eau de circuler entre la
surface du globe et l'atmosphère : moins de forêts cela signifie un cycle de /'ea11 modifié
et donc davantage d'eaux ruisselantes, c ' est-à-dire plus d'inondations . Mais ce sont
aussi les végétaux qui fixent le dioxyde de carbone et rejettent de l' oxygène : moins de
forëts cela signifie alors un déséquilibre du cycle du carbone qui s'ajoute à celui causé
par les émissions résultant de la formidable croissance de la consonunation d'énergie
fossile depuis la Révolution industrielle. Chaque année, sur les quelques 6 milliards de
tonnes de CO:z rejetées par l'Humanité, 3 milliards vont directement amplifier l'effet de
serre dans l' atmosphère et l'autre moitié est fixée par les forêts ... du moins tant
qu'elles existent encore ...
Car après l'effondrement de la couverture forestière de l'Europe entre les X< et
XJXe siècle, c'est au tour des grandes forêts tropicales d ' être menacées de disparition :
autour de 2020 pour l'Afrique et lAsie équatoriales, de 2040 pour lAmazonie. Les
responsables : la main de l'homme (agriculture locale, culture sur brûlis, fronts
pionniers de dé&ichage soutenus par les États, multinationales exploitant le bois rare,
trafics de bois développés par des guérillas en rébellion ... ) allié e aux incendies de plus
en plus fréquents et intenses qui eux-mêmes résultent du changement climatique!
Depuis 1997, en Asie et en Amérique latine ces incendies sont la cause première du
recul des forêts d'Asie. Et, durant les vingt dernières années, la moitié des forêts
d ' Indonésie est ainsi partie en fumée .
Quelles conséquences? À l'échelle globale, le dérèglement climatique bien sùr,
lequel amplifie lui-même la déforestation (incendies ) mais aussi à l'échelle locale la
destruction programmée des États concernés. Paradoxe : la construction de la
souveraineté des États forestiers comme le Brésil, la Malaisie, les Philippines ou la
Birmanie aura passé durant des décennies par l'avanc ée d e s fronts pionniers de la
déforestation ; mais à mesure que la jungle fore stière recule, croissent les jungles
urbaines où viennent s'entasser des populations d é raciné es et exclues du
développement. Pendant que l'Amazonie perd 2 à 3 millions hectares par an le Brésil
"gagne" lui dans ses villes des centaine s de millie rs de nouveaux pauvres . La
déforestation des États forestiers prépare les guerres civiles de demain.

1 S. H . SCHNEID.ER , La Terre mt>noc.!~. un Juhumwirc il ri.rq11c-.f, Hach-=uc l..iuérn1urca. Puri •. 1999


Charttre 1 Buulcvcrscmcnt,. géogr.-.ph1qut..-s 751

La fonte dm1 glace.~ : ver11 une Méditerranée ru11so-ammcaine?


Lors du dernier épisode glaciair.,, il y a dix-huit mille ans, le climat n 'était en
moy.,nne que S°C plus froid qu' aujourd ' hui : la calotte glaciaire enserrait la Belgique et
l'Europ" était couverte d'une steppe froide qui atteignait les rivages de la
Méditerranée. À l'inverse, on prévoit qu'à la fin du siècle l'élévation moyenne de
température sera comprise entre 1,4°C et S°C avec une probabilité forte pour 3°C
d'élévation moyenne, mais 10°C d'élévation en Sibérie ou au Canada . C'est ce
phénomène d'élévation de la température particulièrement marqué aux pôles qui
explique la fonte des calottes glaciaires. Au Groenland, l'épaisseur de la calotte
diminuait d'l m à la fin des années 1990 : en 2005, la vitesse de décroissance est pa59ée
à 10 m/an. Déjà 40 % de la calotte arctique a fondu.
Or la disparition de la banquise nordique ouvre la voie à une véritable révolution
géopolitique : l' ouverture d'une route maritime directe entre le Japon et l' Europe du
Nord d'une part, la formation d ' une nouvelle Méditerranée russo-américaine, un
espace maritime commun de circulation et d'échanges d 'autre part. Le phénomène
viendrait renforcer la position mondiale de la Russie, puissance handicapée depuis
toujours par son enclavement et qui deviendrait la puissance de trnis océans
(AUantique, Arctique et Pacifique). D'inunenses villes russes pourraient voir le jour
tout le long des milliers de kilomètres de côte russe de la façade arcbque, faisant face à
l'Amérique. Et les immenses réserves d ' hydrocarbures du Grand Nord russe
deviendraient plus facilement exploitables ce qui renforcerait la position
incontournable de Moscou sur l'échiquier énergétique mondial.
À l'autre pôle de la planète, sur le continent antarctique, la fonte de la calotte d'une
épaisseur moyenne de 2000 m~tres provoquerait une révolution géopolitique sans
doute d'une toute autre nature. A la différence de lArctique, ce ne serait pas un nouvel
espace de circulation qui y verrait le jour, mais peut-être un nouvel espace de fixation
humaine. Une nouvelle Amérique étendue sur plus de 10 millions de km2, densément
peuplée, et fondée par des millions de réfugiés climatiques en lieu et place de l'espace
hostile que se partagent aujourd'hui une douzaine de souverainetés (France, Grande-
Bretagne, Australie, Nouvelle-Zélande, Argentine, Chili).

La montée des eaux


Dans l'histoire de l'humanité, la variation du niveau des mers a d~ eu, au moins
une fois, une conséquence géopolitique considérable : il y a quelques dix mille ans, la
dernière glaciation entraîna un abaissement du niveau des mers de 120 mètres qui
permit aux populations d'Asie de passer en Amérique par le détroit de Béring.
Au dernier optimum cliinatique de notre ère interglaciaire, en revanche, les deltas
étaient inondés par la remontée marine consécutive à la fonte des glaces. En Oùne, le
delta du Yang-Tsé était envahi par les eaux, comme l'était le territoire de l'actuel
Bangladesh, les îles Maldives et les atolls du Pacifique.
D'ici à 2100, une étude de !'Agence de protection de l'environnement envisage une
remontée du niveau de la mer de 50 cm, la cause étant une fonte de la calotte glaciaire
provoquée par le réchauffement climatique attendu. Or, comme l'écrit J. Maurits de la
Rivière, "pour les États du monde entier, la côte, donc la façade maritime, est le siège
d'une importante activité . Plus de la moitié de l'humanité vit le long des côtes, des
deltas, des estuaires et des enll:•ouchures" 1• Qu'adviendrait-il alors de la masse
démographique du Bangladesh qui, pour éviter la submersion. pousserait sur l'Inde ?Z

1 J MAURITS LA RIVIERE. " l.'cun en rcnl ". P1•m 111 So,·1ru . !i.f"C'1J1l .( i.:-n:1 laphu...;.•1c'", n ~ l-4~ . nu\·. l919.p.. ~ -
2 Le U1m~l1uh:sh m:cusc l' lmh: 1..h.• le "''YL'r :-''lL" k JCh~t Ju li"'hmoq"H1tre cl au .:-ontnu~ Je tarit ~ ~1 du. C'll&D&C- \'œ la
r.c:ithon canucrCc 1\ 111 ~èopnl11i11uc ûc l'cuu .
Seizie parmi les vingt plus importantes mégalopoles sont au bord de lil mer. Des
tibats insulaires et archipélagiques (Seychelles, Maurice, Maldives, lies MilAh.ill,
Tuvalu. Sao Tomé .. .) dispar.ittraient alors; le Bangladesh serait très largement
submefgé et ses populations fuiraient vers l'Inde, provoquant de graves tenaion.~; une
~ partit- des rotes d'Afrique du Sud, d'Espagne el du Portugal seraient
su~ ; des villes seraient quasiment menacées de disparition : en Afrique,
Dakar. Lagos et Alexandrie; en Asie, Shanghai, Bomb.,y, Tokyo el Bangkok; en
Europe, L~res et Rotterdam, en Amérique, Buenos Aires, Boston, New York ... On
construirait des digues, mais elles seraient balayées par des tem~tes de plus en plus
violentes Cl'Nnt des raz de marée, comme au Pays-Bas qui seraient peul..ftre
définiti\'ement rayës de Io carte, ou en Californie où les digues auraient peu de c~
de résister au déreglement climatique. La France pourrait perdre d'ici à 2100 plus de
20 ':iti. de son patrimoine littoral, alors même que ses rivages sont déjà 2,5 fois plus
peuplés que son territoire intérieur. Sans compter que la remontée des eaux sa)~ dans
les deltas des grands t1euves (Gange. Nil ... ) déstabiliserait les agricultures vivrières en
s'infiltrant dans les nappes phréatiques. La montée des eaux provoquerait dl!!I
migrations humaines gigantesques, sans doute de plus de 200 millions d'habitants
annt 2030. peut~tre un départ massif des populations néerlandaises ou anglaises vers
r Amérique ou lAustralie, et une fuite vers l'intérieur des terres de classes aisées
abandonnant des mégalopoles littorales devenues trop dangereuses.

Tempêtes. chaleurs et froids extrêmes


Températures extrêmes, tempêtes épouvantables, crues incessantes seront-elles le
lot des Européens de demain comme l'annoncent de nombreux experts? En France. à
partir de 2050. un été sur deux pourrait être plus chaud que celui de 2003 (20 000 morts
dans 1'1.Jruon européenne) et les hivers pourraient avoir disparu avant 2080. Comment
alors nos sociétés occidentales. de plus en plus fracturées sur le plan identitaire et
social et où les discours nihilistes et apocalyptiques !:Touvent de plus en plus d'échos,
affronœront-elles la dérive extrême du climat ? Certainement moins bien que les
QÛI\OÎS, dont l'Êtat. depuis des millénaires, s'acquitte d'un Mandat céleste face aux
catastrophes naturelles ... Qui sait combien la pluviomél:Tie compte aujourd' hui dans la
survie des régimes politiques d'Afrique du Nord face aux islamistes, peul imaginer
facilement les conséquences de l'effondrement attendu de la pluviométrie. Mais que
feraient alors nos sociétés face à l'aft1ux massif de paysans maghrébins ruinés? Au Sud
de la Méditerranée comme au Nord, radicalisation politique et climatique pourraient
aller de paire. Peut-être arrivera-t-il alors ce qu'un rapport du Pentagone de 2003
prédit pour la prochaine décennie: un départ massif des populations aisées d'Europe
occidentale ver.; une Amérique presque toujours aussi riche mais devenue autarcique.

Sécheresse
Après 2010, l'affaiblissement du Gulf Sl:Team pourrait provoquer une chute
dramatique des précipitations en Europe du Nord et y causer de" périodes fortes de
skhere6e mettant en péril les ressources agricoles du continent. Le même phénomène
se produirait en Europe méridionale et en Afrique du Nord, provoquant l'exode de
millions de paysans. En Chine (où 20 % de la population mondiale ne dispose que de
7 'Ir. des terres cultivables), la réduction de la mousson déstabiliserait la production
rizicole tandis que l'avancée des déserts (le désert de Gobi menace Pékin), accentuerait
l'effondrement agricole. Que deviendrait cette Asie des moussons (Chine et Indochine)
où près de 2 milliards d'être humains vivent aujourd'hui autour de la culture intensive
du riz?
CNrllro 1. Boul"v.,.....,m.,nhl 11oographlqu""

L'Europe, l'Asie el lAfrique offronteralenl un véritable défi alimentaire tandill que


les continents américain et australien ainsi que la Russie, aulOlluffiNnt9 nrr le plan
agricole cl énergétique se refermeraient sur eux-même11. Partout o(i l'eau manque di;i.
en Afrique (Nil, Niger), en Asie centrale (Syr Daria), au Moyen-Orient (Tlp,
Euphrate, Jourdain) les tensions entre États s'exacerberaient. D'énonne11 incendies
provoqués par la sé!cheresse. aux États-Unis, en Ammque centrale, en Argeontine. en
Mtkliterranée (Espagne, Grke, Italie ... ), en lndonélie ou en Sibérie viendrain11
accélérer la destruction des forêts et renforcer ainsi encOl'e un peu plus l'effet d e - .
Dans un monde où 4 milliards d'êtres humains sur 9 risquent d'etre a!l60iff& en
2050. comment ne pas imaginer le buculement de l' Humanité dans d'effroyabla
guerres de ressources, pour les terres (encore cultivables) comme pour "l'or bleu"
(l'eau) 7

Énergie
Le Cüi a augmenté de près de 30 % dans l'air au cours des 150 dernières illtl1tts.
Pour la production de l'ensemble des gaz à effet de sen-e, une augmentation de 70 ~
est attendue d'ici 2030, résultat direct de hausse spectaculaire de la demande
énergétique dans les vingt-cinq prochaines années.
À partir de 2015 le pic de production pétrolière sera atteint: on produira moins de
pétrole que l'on en demandera . La compétition entre les pays s'exacerbera brutalement
el ne se limitera plus au phénomène de la hausse du baril Implantés militairement au
Moyen-Orient (Arabie Saoudite, Irak ... ), les États-Unis contrOlent désormais l'accès de
leurs adversaires et concurrents au pétrole. D'ici 20 ans, une guene navale sirMr
américaine pour l'accès au pétrole est possible. Mais pas plus que la Clùne, le Japon et
l'Europe ne sont assurés de leurs approvisionnements ~ Leur avenir
dépendra de leur relation avec la Russie, second réservoir pétrolier (après le Golfe) et
premier réservoir gazier du monde. li y a peu de chances pour que le monde ait le
temps de compenser la pénurie en pétrole par les énergies altr:matives. On
consommera en masse du charbon et la pollution s'aggravera. Unr ~des États vers
le nucléaire civil se produira également, qui aura comme conséquence une
prolifération aggravée du nucléaire militaire. Dans un monde de plus en plus
dangereux et où les ressources se seront raréfiées, l'arme atomique saa regardée
comme une protection indispensable. Les traités de non prolifération auront volé en
éclats. Face à la pénurie. des ressources énergétiques comme des ressources aquiftores
ou agricoles, les mécanismes de survie se radicaliseront.

3.8. Instrumentalisation du thème écologique


Enfin, comment ne pas rappeler que les facteurs ob;ectifs de l'analyse géopolitique
sont aussi les instruments subjectifs de l'action géopolitique, c'est-à-dire les moyens de
forger des représentations géopolitiques pour défendre des in~ ? Ainsi l'écologie
est-elle par exemple d"'venue, dans le domaine satellitaire, un •faux-nez• pratique car
moral, derrière lequel se cache l'observation stratégique des zones sensibles des pays
du Sud. Le programme Pntl1fi11der développé à partir de 1992 - année du Sommet de
la Terre à Rio - par la N.A.S.A. et !'Agence américaine de protection de
l'environnement et s'intégrant dans le projet "Carbone mondial" explore les re.."Oins des
forêts tropicales d ' Asit' du Sud - Est, d'Afrique ,-...ntrale et d'Amérique du Sud. à l'aide
des images Landstat : il symbolise il lui seul ct>ttt' inl•'rpént?tration récente du risque
écologique et des intérNs géopolitiqucs. La g•'opoliliquc d(lil savoir aus.."1 lire derrière
les lignes de l'idéologie écologique qui tend aujount'hui à s'imposer dans un COl\\extlr
de réelh!s menaces écologiques pour notre planète. Cette idéologie, par essence
transnationaliste. est de manière très daire l'ennemie des souverainetés étatiques : au.
delà de la simple dëiense des écosystèmes. elle vise à imposer une conception nouvelle
dl!S Relatiuns internationales dans laquelle les États perdent leur primauté.
Pour conclure. il est nécessaire de souligner que nous avons souvent raisonné à
démographie constante, faisant de la statique gëopolitique plutôt que de la
cinématique. Or l'ensemble des phénomènes décrits. dans leurs causes comme dans
leurs etiets, seront aSb'Tavés par l'accroissement mondial de la population humaine.
Plus la démographie s'accroit, plus il y a de monde qui consomme de l'énergie, pollue,
massacre les forêts, et plus l'effet de serre augmente. Plus nombreux seront alors ceLU
qui auront à subir les effets des changements climatiques éventuels.
CHAPITRE 2

DÉCLOISONNEMENTS
GÉOGRAPHIQUES

L'épopêe d'Alexandre le Grand, c'est d'abord la Méditerranée grecque qui ouvre à


l'Europe le chemin de l'Asie. Il s'agit là sans doute de l'un des premiers grands
décloisonnements géographiques de l'histoire du monde. Viennent ensuite les Grandes
Découvertes du XVIe siècle qui ouvrent l'Eurasie au reste du monde.

1. Alexandre le Grand, ou l'Europe à la conquête de


l'Orient

L'ouverture de la Grèce à l'Asie tient au passage de la grécité - forme de


nationalisme grec avant l'heure - à l'hellénisme qui annonce les volontés
mondialisantes de l'Europe. Alexandre le Grand ouvre le chemin de l'Orient à
l'hellénisme et décloisonne ainsi le monde méditerranéen grec de l'Asie•.

1.1. Le déclin de la Grèce propre ou le rendez-vous manqué


avec la patrie
Après l'affaissement d'Athènes face à Sparte, la cité spartiate qui a développé sa
flotte avec l'aide perse durant la guerre du Péloponnèse, exen:e en mer Égée une
hégémonie qui entre de nouveau en contradiction avec l'Empire perse. l'Asie Mineure
redevient l'enjeu de conflits alors que les Spartiates entreprennent la libération des àtés
grecques à partir de 399. En 396, le roi de Sparte, Agésilas, débarque en Asie et
remporte des victoires face aux Perses. Ces derniers coalisent contre Sparte les citês
grecques d'Athènes, de Corinthe et de Thèbes - 395 - mais le réveil des ambitiOM
égéennes d'Athènes inquiète rapidement les Perses qui tentent de se rapprocher des
Spartiates. En 386, la paix du roi met fin au conflit latent ; les Grecs s'engagent à
respecter l'autonomie des cités europêennes et des iles et reconnaissent au roi de Perse
la possession des iles de Lesbos, Imbros et Skyros. Les Grecs d'Asie sont ainsi sacrifiés2.
Par la suite, une seconde confédération maritime unit Athènes et Thèbes contre Sparte
- 377 - puis c'est l'effondrement de la puissance spartiate; s'ensuit de nombreux
renversements d'alliances entre Athènes, Sparte et Thèbes. Le déclin de la Grece trouve
son origine dans cette incapacité des Grecs à passer de la cité à la patrie. Le Grec, sorte
de demi-dieu qui ne connaît de rivaux ni en esprit ni dans les jeux d'Arès depuis

1 "En 32S, d fonde une nuuvcnc Ali:umlne sur l'lnJu....,.... J. h\ VlEM.. hs üNflllâs !lrliinHn'&!Ffs.f ID~~ a ·w.-'bu.
1'11u, hyanl, 19'1 I , p. 30.
Hi A. PAULIAT cl M. PAlll.IAT. C11·ilirtMMNuFW<"111r•lmm.11••·. p.,;,. Elh...... 111117, p. H .
Manithon et Salamine, est de plus menacé d'un dilettantisme mortel, à l'image de la
figure trouble d'Alcibiade. René Grousset remarque fort justement que : "Ce peuple §i
bien doué et qut gardait une conscience Je sa supériorité intellectuelle !!Ur le reste du
monde, ne peul jamais, chose incroyable, s'élever jusqu'à la notion de la commune
patrie. Li patrie l'l'Sta pour lui réduite aux limites de la cité, et les trois cités principales,
Athènes, Sparte et Thèbes, passèrent leur temps à se combaltre."'
Cette folie de la désunion est d'autant plus mortelle que le péril pour la civilisation
grecque ne saurait étre limité aux Perses. En Grèce d'Occident, les Carthaginoi5
prennent pied en Sicile et s'emparent d'Agrigente. En 406, Denys de Syracuse se fait
attribuer le plems pouvoirs et pendant quarante ans, jusqu'en 367, il règne sur
Syracuse. devenant, pour les Anciens, le type même du tyran haï et redouté2.

1.2. Le monde macédonien à la conquête de la Grèce


L'affaiblissement des Grecs du fait de leurs incessantes querelles intestines profite à
l'essor des Macédoniens. Située aux confins du monde grec, la Macédoine englobe de§
populations ethniquement variées dont certaines seulement sont véritablement
grecques. Les Grecs avaient toujours considéré la Macédoine comme un "État
archaJque et thrace donc barbare"3. Lorsque Philippe, âgé de vingt-deux ans, devient
roi en 359, la Macédoine inaugure une phase de conquêtes. Le jeune roi soumet les
lllyri~ et les Péoniens contraints d'accepter le protectorat macédonien . Pour assurer
un débouché sur la mer, Philippe s'attaque ensuite aux cités grecques de la côte. li
profite de la faiblesse d'Athènes entrée en décadence et qui renonce à son empire,
malgré les efforts des patriotes athéniens menés par Démosthène. À Athènes en effet,
Isocrate partisan de l'union de la Grèce sous la direction de Philippe pour lutter contre
la Perse s'oppose le patriote Démosthène, partisan de la lutte contre le "barbare'
Philippe. Ce débat profond entre Isocrate et Démosthène illustre l'un des plus vieux
débats : la vieille opposition entre les partisans d'une souveraineté déléguée à un
empire mieux à même de s'opposer à un autre impérialisme autrement plus menaçant,
et ceux d'une souveraineté en rien aliénée, les partisans de la nation indépendante;
Isocrate au fond, c'est )'Hellène, - celui qui parle le Grec, un Grec d'adoption et non le
Grec originel - contre le Perse, le Barbare; Démosthène c'est le Grec contre le Barbare,
fût-il macédonien ou perse.
Si les Macédoniens interviennent de manière croissante dans les affaires grecques,
c'est qu'ils veulent se doter d'une façade maritime, condition nécessaire pour pouvoir
engager de plus larges conquêtes.
Les guerres fratricides des Grecs vont finalement permettre aux Macédoniens de
conquérir la Grèce. En 338, les Alliés coalisés autour d'Athènes sont écrasés à
Chéronée, et les États grecs, à l'exception de Sparte, s'intègrent vite dans une nouvelle
alliance, la Ligue de Corinthe - 337 - , menée par Philippe, et dont le but est de
poursuivre la lutte contre les Perses. De nouvelles relations sont établies entre le roi de
Macédoine et les vairu:us lors d'un congrès à Corinthe rassemblant tous les États grecs
- 338-337. La paix commune regroupe tous les Grecs, à l'exception de la Macédoine,~
cause de son statut monarchique4.
Désormais, l'unité grecque est faite autour de la Macédoine. Mais lorsque Philippe
meurt cm 336, un autre but géopolitique esquissé par le père attend le fils Alexandre : la

1 R. GROUSSt:T. Bilulf tk l'hilrluirf" . s~ éd ., Paris, Plnn , 1'162. p 1~ -


2 G.A . PAUUAT et M. PAULIAT. Civ;/Uati01u 11.ruqur t•I romaine, Paris , Elhpses, 11)1}7, p . .H .
J M .C.: AMOURETTI. f RlJZt. . /..r monJ1• gr~i · unlll/W ' , Puns, Hachclle Supérieur. 1990, J1. 2J7

~ ltkm. p. 240
O..pltre :z. D«lolJKJnnemcnt.~ grographlqoes

domination de l'Asie. Alexandre Ill, dit le Grand, n'a que vingt anA IOBqu'il et acrlamé
roi par l'année. Il sera l'un des plus grands conquérants de l'histoire de l'Humanité.

1.3. L'helléniinne à la conquête de l'Orient


L'adversaire premier de la Macédoine sera logiquement l'ennemie des Grecs, la
Perse. L'Empire perse s'étend des Détroits à !'Indus et au d~ de Libyel mais il est
déjà bien affaibli. Il faut cependant comprendre pourquoi, du point de vue
g~politique, Philippe projeta de tourner la conquête macédonienne vers les !erres de
l'Empire perse. La crise démographique et sociale est sévère sur le continent, d'autant
plus que de nombreux aventuriers et mercenaires contribuent à menacer l'ordre
intérieur du monde grec. L'équilibre des cités grecques est rompu de ce fait. Si la
colonisation avait été une réponse pour les Grecs de l'époque archatque, la paix de
Corinthe fige en revanche toute possibilité de flux à l'intérieur du monde grec. Les
Relations internationales sont normalisées et les frontières fixées . La seule issue est
d'ouvrir sur l'Orient qui offre des espaces territoriaux et des richesses immenses, et
peut seul constituer un déversoir pour le trop plein de population grecque et
macédonienne.
En 334, Alexandre s'empare de toute la partie Nord de l'Asie Mineure. De
nombreuses cités grecques sont libérées et se rallient au conquérant. Darius IU est
écrasé en 333 à Issos et Alexandre s'ouvre la voie du Sud. La Phénicie est atteinte en
332 et les cités phéniciennes accueillent le libérateur macédonien avec soulagement,
même si elles avaient jusqu'alors toujours choisi l'alliance perse contre les Grecs. Tyr
cependant, pour des raisons religieuses, refuse d'ouvrir ses portes à Alexandre. La cité
phénicienne sera réduite au bout de sept mois de siège et punie par une destruction
quasi-totale et le massacre de ses habitants. Le conquérant s'empare ensuite de l'Égypte
qui supporte mal la domination perse et fonde en 331 Alexandrie d'Égypte qui
deviendra le centre du monde hellénistique. "On sait quel stimulant constitue pour
l'esprit grec sa rencontre avec le syncrétisme alexandrin, avec le génie de l'Orient", êcrit
René Grousset2.
Sa rencontre avec l'Égypte contribue à encourager Alexandre à poursuivre ses
conquêtes. L'oracle de Zeus Ammon l'ayant salué comme le fils de Dieu, Alexandre se
présente comme le successeur du Grand Roi apte à dominer l'Empire perse. Il se dirige
vers l'Asie, écrase l'armée perse à Arbèles - 331 - et s 'empare de Babylone où il fait
relever les temples et sacrifier en l'honneur du grand dieu babylonien Mardouk. de
Suse et de Persépolis qui est détruite. Partout. en Mésopotamie en particulier qui
n'avait cessé de se soulever contre le joug perse, il est acclamé en libérateur. 331 est
aussi l'année où les Spartiates sont contraints d'entrer dans la Ligue corinthienne. Entre
330 et 327, Alexandre conquiert les satrapies orientales, Drangiane. Sogdiane et
Bactriane. Alexandre épouse la fille d'un noble sogdien, Rhoxane.

Mais à mesure qu'il conquiert l' Asie, Alexandre orientalise son projet g~politique.
Après s'être emparé des richesses du Grand Roi. et s'être déclaré successeur des
Achéménides, Alexandre peut se passer de l'argent des Grecs el des Macédoniens; il
peut rendre son empire autonome de son centre européen. Déjà. sans chercher.\ mettre
en place l'administration nécessaire à la survie de tout empire, le conquérant. plus
aventurier militaire que visionnaire géopoliticien. s'enfonce dans les profondeurs
asiatiques. En 329, celui qui apparait de plus en plus comme un souverain oriental - il

1 lhltkm , p. 241
2 R. OROUSS6T, BJluu '14! l'hbtoirt·. ~r "L P•ria. Pkm, 1%2.
758 Parli• S. Rh>oluti.,,.. }l<l:>grapluqun

impoge la prosternation devant lui - franchit !'Indus. Arrivés sur les rivl!9 de
l'Hyphase. les soldats d'Alexandre, effrayés par la démesure de leur chef, cesseront de
le sui-.-,,,. Une flotte est bâti .. qui descendril !'Indus jusqu'à la mer. Par mer, Néarque
SW\Ta les ~-ôtes de l'océan Indien et du golfe Persique jusqu'à l'embouchure de
!'Euphrate et du Tigre. En 326. Alexandre fait demi-tour vers l'Occident. A Babylone
qui l'a subjugué, le géni.il conquérant fixe la capitale de son empire. À trente-trois ans,
Alexandre meurt sur les bords de !'Euphrate. li meurt en chef macédonien, contesté par
ses propre« troupes de s'être tant abandonné à l'Asie, d'avoir voulu à tout pnx
fusionner les aristocraties macédonienne et asiatique. Les soldats d'Alexandre
supportent mal les costumes orientaux de leur chef, l'entourage orientalisé, la volonté
d'imposer la prosternation à l'image des Perses, les mariages forcés de Susel . Et il est
vrai qu'Alexandre aura été peu soucieux de la prospérité de la Grèce, qu'il se sera p1115
intéressé à son domaine oriental et que sa politique de fusion des races se sera faite au
détriment des Grecs.

l.4. L'héritage géopolitique d'Alexandre :


fin de la grécité, pérennité de l'hellénisme
L'héritage géopolitique des conquêtes d'Alexandre est à la mesure de l'ambivalence
du personnage. Une incertitude plane sur la personnalité d'Alexandre. Faut-il voir en
lui le fondé de pouvoir de la Ligue hellénique partant helléniser l'Asie? Ou bien le
Macédonien que l'Orient a conquis, a déshellénisé au point d'en faire un fils d'Amon et
un Grand Roi ? En lui se côtoient les deux personnages, et tout le drame de sa brève
existence réside dans le contraste entre le premier et le second. L'héritage est à cette
image.
Quatre points retiennent l'attention:
- le règne d'Alexandre s'inscrit dans la continuité macédonienne: tuer la grécité au
profit de l'hellénisme ;
- l'hellénisation des rivages méditerranéens de l'Orient et, au delà, la diffusion de la
culture grecque en Asie ;
- la révolution géopolitique que constitue l'ouverture du monde méditerranéen à
l'Asie;
- l'empire d'Alexandre inspire une réflexion sur le destin géopolitique des empires.

La mort de la grécité
Nous avons vu que les Macédoniens étaient parvenus, sous Philippe, à conquérir la
Grèce en jouant habilement sur les divisions des Grecs. La défaite grecque de Chéronée
en 338 avait marqué l'affaissement des États indépendants grecs, contrainls de
s'intégrer de force dans une communauté grecque commune - Ligue de Corinthe -
contrôlée par les Macédoniens. Dès lors, il fallait parler d'unité hellène et non plus
d'unité grecque, puisque, au sens que Démosthène donnait au mot barbare, les
Macédoniens appartenaient au monde barbare bien qu'utilisant la langue grecque.
Dès la mort d'Alexandre en 323, des révoltes éclatent dans l'empire. Les Athéniens
qui furent la grande puissance grecque jusqu'à l'arrivée des Macédoniens, tentent de
nouveau de relever la tête sous l'impulsion du chef de file des patriotes. Démosthène.
Mais la rébellion est mâtée et Démosthène est contraint de se suicider. Après la guerre
lamiaque durant laquelle une confédération de peuples et de cités autonomes s'était

1 M .C AMOUR.1:.TTI, F KUZE. Le 11wndr 1trec.· untique, Pans , Hachenc Supéneui-. 1990, p . 245 . Voir sunoul les 1c,1e:s Je
O!.udurr: dC' Sicclc. d'Amcn ·- Anabuc - . ci la Vte d'Alc11i111dn: de Pluu.rque.
O>opltre 2. Dfcloisonnem..,.ta ~phlqu""

constituée autour des Athéniens et des Étoliens pour lutter contre l'~
macédonien. un dernier effort grec - guerre dite chttmonidéenne - est tien~ VftS '1117
contre 1..,, Macédorûens, mais il se solde par un échec cuisant. La nation ~
disparait en même temps que la démocratie athénienne. Elle ne rq>araftra plus. L'une
des conséquences géopolitiques du règne d'Alexandre fut donc la fin de la grfcillt au
profit de l'hellénisme. projet d'une civilisation univenelle cosmopoliœ et unie par
l'usage commun de la langue grecque. Géographiquement, I~ occupe mw
place importante dans l'histoire des relations entre l'Europe et l'Orient n.édi1ti1mié&o.
Ses effets s'inscrivent en effet dans les dynamiques d'unification de l'Occident et de
l'Orient, et non dans des dynamiques de césure comme lors des grandes césun!I
religieuses qui interviendront à l'orée du Moyen-Âge européen. 0 s'agit bien. enbT
l'Europe et l'Orient, d'un phénomène attracteur et non d'un p~ répulsif
comme les grandes fractures religieuses.

L'hellénisation de l'Asie
Si, de son vivant. Alexandre n'a guère donné à la Grèce les bénéfices de .oes
conquêtes, il a cependant contribué à répandre l'hellénisme, tout en l'ouvrant
largement à l'asiatisation. Il aura donné à cet hellénisme les rivages de la Médiberranée
orientale, Syrie et Égypte. c'est-à-dire la façade européenne de l'Asie. tenituiJes qui
resteront durablement rivés à l'Europe. Après lui, l'Égypte et la Syrie resteront preqoe
mille ans aux mains de ! 'hellénisme, l' Anatolie occidentale seize siècles et demi Tandis
qu'au contraire, "à l 'est de !'Euphrate, sur le plateau de l'Iran soumis ensuite par
Alexandre, l'hellénisme ne maintiendra. son pouvoir que deux siècles à peine. Et ce fat
là que le Macédorûen pour les huit années qui lui restaient à vivre, COIJUl1l!nÇll à 2
dénationaliser. "1

L'ouverture du monde méditerranéen à l'Asie


Par ailleurs, en ouvrant la route de l'Asie aux Européens, Alexandre a tracé les
routes futures de la Soie qu'emprunteront les caravaniers romains. 0 a bâti un pont
entre les deux versants du monde et brisé, d'une certaine manière, le ~ monde-
méditerranéen en l'ouvrant vers d'autres horizons que ceux des rivages du lac
méditerranéen. C'est par Alexandre que le monde méditerranéen entre en contact avec
l'Orient, et en cela. cette aventure impériale initie une révolution géopolitique majeure.

Le prototype de l'empire cosmopolite


L'échec d'Alexandre reste l'archétype de l'échec impérial. Alexanm.. aura tout
essayé pour tuer les nations et les remplacer par son reve impérial. Par des milliers de
mariages quasi-forcés, il aura tenté de faire fusionner les peuples hel1ftles, les
Macédoniens en particulier, et les Perses pour créer une nouvelle œclmcaatie
dirigeante. Le préalable à son grand projet était bien la conquête de l'Ouest et la fu&ian
de tous les peuples par transferts et mélanges, une sorte de politique du
cosmopolitisme forcé, en bien des points semblable à celle de l'Union sovretique du
XX• siècle. Une politique "d'urùons massives• entre Macédoniens et Iraniennes fut mise
en place. Alexandre lui-même épousa plusieurs princesses persanes. 0 instaura l'égalité
des droits entre Perses et Macédoniens - Homonoia : concorde, union ; koinonaia :
communauté - ; les Perses seront nombreux dans l'armée d 'Alexandre. le conquérant

1 R. OROUSSET, BI/an di! l'lusto1re, se- ôd... Pua. Pk>n, t%~ .


Pnrlie 5. R"1ol11lia11• 11ln11Nphiqiut

réwli111 sur sa per.ionne trois fonctions : roi des Perses en Asie, hégémon de la Ligue
corinthienne en Gl"èce et roi de Macédoine.
Sur le plan économique, un véritable espace économique commun fut créé. Si la
séparation des pouvolr.1 civils et militaires fut bien de règle dans les satrapies, une
administration financière de type impérial fut mise en place. Une monnaie unique, la
devise attique, fondtt sur l'argent, remplaça les monnaies des États. Tout fut prêt pour
cn!er •un immense et unique domaine économique" tandis que le grec devenait partout
langue véhiculaire - koinè.
Pourtant l'unité de l'empire hellénique eut exactement la même durée de vie que
son créateur. C'est là où le Macédonien se dénationalisa le plus, où il fit le plus d'efforts
pour fondre l'identité des Perses dans le cosmopolitisme, que la réaction identitaire fut
la plus rapide et que l'hellénisme s'évanouit, beaucoup plus vite que dans le futur
awnde arabe, syrien ou égyptien, où il allait se maintenir encore durant plus de neuf
cents ans.

2. Les Grandes Découvertes


ou le désenclavement maritime de l'Europe

"lA chose Ill plus gnmde depuis la Niation du monde, si l'on excepte l'lncamntion t!I la mari
de Olui qui l'a crtt, tst la dé~e dts Indes. •1

Au xve siècle, l'Europe occidentale ne connait que !'Afrique du Nord et une partie
de l'Asie; la majorité des terres reste inexplorée. Les nécessités économiques poussent
les Européens à trouver de nouvelles routes directes vers les Indes et à rompre leur
dépendance à l'égard du Moyen-OrienL
Les Grandes Découvertes se font dans un contexte géopolitique précis :
·le conflit anglo-français est apaisé, tout comme celui de la Papauté et de l'Empire;
- l'arrêt des grandes épidémies qui avaient dépeuplé l'Europe occidentale et la
reprise d'une forte croissance démographique;
- la pacification interne et la solidification des unités étatiques en Europe ;
- le poids de plus en plus pesant de l'Empire ottoman qui a pris Constantinople en
1453, dernier vestige de l'Empire romain.
A la croissance de la richesse interne de l'Europe, à sa stabilisation doit répondre
Wlrl!! croissance externe. Les Grandes Découvertes répondent à ce besoin d'élan vital des
Européens. L'impulsion ne peut venir que des façades atlantiques et non du monde
médlterranl!@n immobilisé par le bloc musulman qui lui barre la route de l'Orient. Ce
que le monde méditerranéen peut apporter à la dynamique des découvertes, c'est
l'expérience des hommes, des marins, génois comme Christophe Colomb2, ou florentin
comme Ameriga Vespucci3.
Le dkloisonnement mondial se fait à partir de l'Europe suivant deux axes : le
contournement de l'Afrique pour gagner les Indes; le franchissement de l'Atlantique
qui vise également les Indes mais qui va "buter" sur la découverte d'un continent
inconnu - ou au moins oublié depuis le temps reculé des Vikings - , l'Amérique.

J F. WPEZ DE OOMAkA , HJ.rtory o/ IM lntlla cil6 par O.S. LANDES, RIL"l1r$.te ri puu vrrt~ tlc.t nutlmu fPourqunl du
ridta "! Put1rq110I du ptnlll"'U 'I) , Pans, Albin Michel. 1998
2 J. f AVŒR. Lu Gruntlr:J Dlcouvertr.t fD'A(rz.a,,Jrr ri M11Ji(ellun) . Pari!I , FuyorJ, J991, p 4 .l 9-470
J •1..c preaucr à pulet d'un Nouveau Monde, cal en cffel Atnériif:O Vc1pucc1 dons une lettre LJc rclntion de voyo.ic ndrcutt •
.1..-m dt Mddic'if tt publi6e en UO:l .", P. VILLIERS, P. JAC.:QUJN, P. RAGON, Lt1$ EuruM111U dl la m1..•r : 11• la "'~uuwn- ô Io
colOlfSMllHln(l'JJ· IK60J, Parit, Elliptet, 1'197, p 2S.
Chaplin! 2 . Dk'lolM>nn~menls géographlqul""!I 761

U.S conséquences géopolitiques de ces décloisonnements oonl consldiorables: elles


profilent à l'Europe ; elles sont une catastrophe pour les mondes turc et arabe, qui sont
contournés et perdent leur rôle précieux d'intermédiaire exclusif du commerce
mondial. L'ascension vertigineuse de l'Europe commence, le dl!clin du monde
musulman aussi.

2.1. Le contournement de l'Afrique en direction de11 Indes


Le contournement de l'Afrique est e!lsentiellement Je fait des navigateurs portugais.
Il débute par la volonté portugaise de prendre le Maroc à revers, par le Sud.
Henri Je Navigateur prend Ceuta en 1415, et jusqu'en 1437, les Portuga~ s'efforcent
de contourner le Maroc par le Sud, pour prendre le royaume infidèle à revers. La
navigation côtière le long de l'Afrique de l'Ouest ne cesse de marquer des progrès: Je
pays de l'or, Rio de Oro - Sahara occidental - est atteint en 1441 ; en 1455 la bulle du
Pape réserve au Portugal les richesses de l'Afrique - traite des Noirs, trafic de l'or- La
Sierra Leone est atteinte en 1460, la Côte de l'Or en 1470, le delta du Niger un an plus
tard, le Gabon, au-delà de l'Équateur, en 1475. Les commerces se mettent en place :
esclaves noirs, malaguette - poivre - , or du Soudan, ivoire.
A partir des années 1480, la volonté de trouver la roule de l'Est en direction des
Indes s'affirme. Diego Cao dépasse l'embouchure du Congo en 1484 et longe l'Angola.
En 1486, c'est au tour du tropique méridional d'être franchi. Grâce aux progrès de la
navigation, Barthélémy Diaz peut s'écarter davantage des côtes; il dépasse la Guinée,
Le Cap, puis le Natal en 1488. À ce moment, la jonction avec les Indes est proche;
d'autant que Pedro de Covilha a gagné l'Asie par les terres et voyagé de l'Éthiopie à
Calicut entre 1487 et 1490: il a pu ramener de nombreuses informations qui seront
précieuses au voyage de Vasco de Gama.
Vasco de Gama quitte le Portugal en juillet 1497 avec quatre nefs et 150 hommes•. Il
navigue au large de la côte pour bénéficier des vents de l'Atlantique Sud; il dépasse Le
Cap, longe la côte orientale de l'Afrique jusqu'à Zanzibar et prend, à J'aide des
renseignements de Pedro de Covilha, la route traditionnelle du commerce musulman_
Le 20 mai 1498, Vasco de Gama atteint Calicut ; malgré des heurts avec les Arabes -
auxquels il fait une concurrence directe dans le commerce avec l'Inde - des relations
sont tissées avec les Indiens. En août 1499, 2 navires et 80 hommes seulement rentrent
au port de Lisbonne, bourrés d 'épices. L'aventure des comptoirs des Indes commence
pour le Portugal - nous avons traité des routes portugaises du poivre dans la
quatrième partie de cet ouvrage.

2.2. La découverte de l'Amérique puis le passage dans le Pacifique


Qu'elle était la représentation que Christophe Colomt> - 1451 -1506 - se faisait du
monde, avant son dép<lrt ? 2 Le navigateur était convaincu d'une part que la terre ~tait
bien plus petite, d'autre part que le contint-nt eurasiatique était bien plus ~tendu en
longitude : autrement dit , il s'attendait i'I trouvt-r l'autre extrémité du continent
asiatique bien plus prndw des céltes européennes qu'il n'allait trou\•er l'Amérique;
dans son esprit, snn voyaf';e devait donc ètre bien plus court qu'il n'allait l'être en
rl'alité. Et c'est d'nillc urs pnrce qu'il et.1it convaincu de cela. que Christophe Colomb
estimait qu'une route occidentale des lnd.-s serait bien plus courte que le lent
contournement de l'Afrique .

1 hf,,m . fl · 17 - lli .
2 lhttl , f' · :?1 -11
r11rr1~ 5 . R.!volulrOnA JfkRrrq1lu'fUt1

Le royaume portugais. dans la seconde moitié des années 1480, a déjà largement
progiesst le long des côtes africaines; il préfère poursuivre dans une logique qui
fonctionne plutôt que de faire le pari hasardeux d'une traversée de l'Océan. C'est la
rai9on pour laquelle Ouistophe Colomb s'adresse à l'Espagne d'Isabelle de Cashlle. Il
faut six ans de négociations et de controverses entre les savants, et surtout l'état
d'ivn!sse messianique qui succède à la chute de Grenade en 1492, pour décider enfin le
royaume à tenter l'aventure de l'Atlantique. La chance de l'emporter semble si faible à
l'Espagne que Colomb. jouant sur les risques immenses de l'équipée, parvient à
anacher à la Couronne d'Espagne des privilèges exorbitants en cas de succès : il est
amiral, vice-roi des Indes, et bénéficiera de 10 % des richesses à venirl .
Le 12 octobre 1492. Colomb croit avoir atteint l'archipel du Japon : il est en réalité à
San Salvador. Après deux mois de navigation dans les Petites Antilles - Hispanola,
Saint-Domingue, Cuba - , Colomb rentre en Europe, sans avoir mis la main sur les
riche5ses immenses de l'Asie que Marco Polo avait tant vantées . L'amiral accomplit
e1Suiœ trois nouveaux voyages . En 1494, la géographie des Antilles est précisée ; en
1498, l'amiral touche les côtes du Venezuela avant de se fixer à Saint-Domingue. EnlTe
1502 et 1504, toujours en quête de la Route des Indes, il longe l'isthme américain et ne
~toujours pas qu'il côtoie un monde nouveau .
Les découvertes de Colomb sont poursu iv ies par celles du navigateur florentin
Amerigo Vespucci qui longe en 1499 les côtes de l'Amérique centrale jusqu'au nord du
Bré;iL Vespucci est désonnais convaincu que les terres que Chris tophe Colomb et lui-
même ont découvertes sont celles d 'un nouveau continent, et non les Indes comme
ravait pensé son prédécesseur. De retour en Europe, il annonce en France, à Limoges,
la découverte d 'un nouveau monde que !'Allemand Waldseemüller, dans sa
Cosmograplrial! introducto - 1507 -, nomme Amérique.
Un accès aux Indes est cherché au nord-oues t de l 'Amérique par les navigateurs
occidentaux. En 1497, les Anglais abordent au Labrador2 ; en 1500, les Portugais
découvrent Terre-Neuve ; en 1535, l'expédition française menée par Jacques Cartier
ttmante le Saint-Laurent et installe la France au Canada.
Entre temps, en 1498, Vasco de Gama, pour les Portugais, montre la Route des
Indes par le contournement de l'Afrique. Les Espagnols n'abandonnent pas le projet de
rallier les Indes par l'Ouest, en contournant cette fois-ci l 'Amérique. En 1519, Magellan
appa:reiUe avec cinq navires ; il navigue de l'Espagne à Rio de Janeiro, longe la côte
américaine vers le Sud et atteint l'actuel détroit de Magellan. Il pénètre dans un nouvel
océan auquel il donne le nom de Pacifique puis, virant vers le Nord-Ouest, atteint les
Philippines. De là, il remet le cap sur l'Espagne, après avoir relâché aux Moluques,
passé Le Cap et longé les côtes occidentales d ' Afrique.

1 Dmn• f"mterpftlll:IOll ck l"ht.'toift nous sommes coujoun dan!li la tcn!liion cnlrc Io log ique concmue et détennmi !lilC c l 1'1nupoon
du 1-d et de lti n6-.c:sa1t.f. Les Grandes déco u1"ertes ont !o<>uh gné le r(1lc d u hasard . c :ittCricur il nu uc analyse géopolitique, mais
aoas .vous prit; soin de le pn:ndn: en IOUies c in:onslan4:.CS en considérat ion · "Co lo mb n'aura it pa!li lrouvt!: une tcm: inco nnue dam
roue11 Se 12 oi:::tobre 1492 Ill les Roi1 c:alholiqucs n'éia1c1n pas entré• dans G rena de le 2 Jan vlcr. Mai !li suno ut que l"Espaanc n'aurai!
pmi imethgul rocc!an d'oû mfl.lnul un flltlu.Jeu1r cmpi~ . s1 l'irTcmpla.ç.ablc G éno is -- q ut ~v1m de !lcrv1r le roi du Ponu1•l - ne lui
n.,. propos.t ses aenio:s m ~i1' de couse. parce que les L usi1aniens n '.uv 1u cn1 r as besoi n t.lc lu t", m f R élLEC, '"Loa1qued
pandaus de l'expansion m6:hicrranecrtnc a u ccmps des D écou vertes" in A , .,,._.. du <o llo que d l· Afur.\'c•illt•. 2 1-:n scpt.:mbrc 1 99~ .
M6d.î~ mt1 ouvcnc. L 1, du xvr~ a u xv m ~ ~ ·èclc . J' ) fft}-4 00 . N"cm p é..:hc . SI C o ln mh ne l' uvu11 flll !\ roil, un oulrc l'ounul r1i1
,
les rnaycnt lcdtniqua poussant de loulc faço n dans le s.cns J u d éscncluvcmc nt pl :m é1a 1rc
2 P V illien:, P Jacquin c1 P Ragon insfStcnr s ur le ri> lc 1n, u s1c m c n 1 méco nnu de lu péchc don!> le!\ g rnnJcs dtcnuvcnc:s.
-,.ombrcwt sont les p!eheurs frança i1 -- b.squ~ ou brelo n s - n u ung la 1s <1ui , n la lin du M oyen -À g c , s'11vcn111ren1 11u larac dt
rJrla:ndc . tncn 6 J°QOQl du pt.lcau continental , prati quant ainio h1 naiv 1g;ih o n ocConiquc r . J O n l'o ublie 1rur souvcn1, la R"<hcrthc
dt novveauz. ~ ~ pfchc en un moteur •uut pu1uan1 de l'c xplo rat in n ... uc la rec herche J e l'or o u d e n ouvc:llc!ll lcrtts r o" u 9ab,
Fnnçau et Anglaia y joum1 un r61c es1en1icl . su1 v a. ullén c uremenl pur les llnll11ndui 1> " , P . VILLIER S, P . JA CO U IN , P RAOON.
/A~ Etl1"tlpttN t!l Io Mn" . lk Io Jkou~n~ 0 la rn lrm Lsul itm f/ 4.S5 - / HiSIJJ . 1•aris. Hl1ps c ti, 19'J7 , p . S 1
Oiapltre2 Dêcloisonnemenllll géographlqu"" 763

En 1520, le monde est décloisonné: l'Europe sait aller aux Indes en contournant
l'Afrique; elle a découvert un nouveau continent, l'Amérique, et sa.il aller aux Indes en
contournant ce continent et en traversant le Pacifique. Portugais et Espagnols en
progressant les uns vers l'Est, les autres vers l'Ouest, se rejoignent, et donnent au
monde, et aux Européens en particulier, une représentation nouvelle de la Terre.

2.3. Conséquence.!! géopolitiques des Grandes Découvel'Us


Des Grandes Découvertes, il est possible de retenir au moins cinq ronséquences
majeures.
- L'essor de l'Europe occidentale tout d'abord qui s'accapare, largement au
détriment du monde musulman, le mouvement de mondialisation marchande; mals
les conséquences de la découverte de l'Amérique sur l'Europe sont contrastées selan les
peuples considérés. Les Grandes découvertes se font au détriment évident de l'Italie :
les cités marchandes italiennes, qu'il s'agisse de Venise, de Gênes ou de Florence
connaissent un net déclin. L'Italie qui avait sans doute été la grande puis6anœ
économique - manufacturière, bancaire et commerciale - du Moyen-Âge ne profita
pas de l'ouverture des nouvelles routes maritimes; on ne vit pas trace de bateau italien
dans l'océan Indien ou dans l'Atlantique au XVI~ siècle.
Bien au contraire, les puissances à façade atlantique profitèrent des Grandes
Découvertes. Mais là encore, à moyen-terme, il faut distinguer les puissanœs qui
préparèrent, grâce à la chance atlantique, leur Révolution industrielle, comme la France
et plus encore, l'Angleterre, de celles qui, comme l'Espagne, se contenœn.nt d'amasser
l'or et de le consommer comme le fit d'ailleurs la civilisation islamique auparavant.
- Un nouveau continent, l'Amérique, qui fera désormais l'objet de la compétition
des puissances européennes entre elles - Espagne, Portugal, France, Angleterre -
jusqu'à ce que, de l'épuisement de ces luttes européennes, émerge une grande
puissance qui viendra bouleverser puis dominer la donne mondiale : les États-Unis
d'Amérique.
Il est frappant de constater que la naissance des États-Unis est d'abord le fait de la
guerre entre Européens, et qu'un peu plus d'un siècle plus tard, l'émergence sur la
scène mondiale, puis la domination mondiale des États-Unis, tient encore de la lutte
entre les Européens.
- La décadence brutale de l'Afrique: durant le Moyen-Âge européen, on peut
considérer que l 'Afrique n'a guère de retard sur l'Europe, qu'il s'agisse des aspects
économiques ou même politiques. Les civilisations d'Afrique ne sont certes pas
semblables à celles de l'Europe, mais leur niveau de dé~·eloppement est comparablel.
Au xvc siècle, plusieurs États africains sont encore florissants2 ; lorsqu'en janvier 1492.
Grenade est reprise par la Chrétienté, l'Islam africain est refoulé. Les Portugais ne
cessent alors de marquer des succès sur les côtes africaines .
"Fermeture pour l'Afrique, ouverture pour l'Europe; déclin pour l'Afrique, éveil et
Renaissance pour l'Europe: telles seront les conséquences des Grandes
Découvertes .. . "3
Le XVI<> siècle est un tournant décisif pour l'Afrique. L'Europe a bien découvert
l'Amérique, mais l'Afrique va désormais servir de force de labeur au Nouve;IU Monde.
L'asservissement et la saignée démographique dureront jusqu'au XI)(" siècle.

1 8 BENNASSAk. J JA( :QUART. L1..· XI '!' Ti,Ô( ·lt·. ram.. A.nnand l 'uhl'. l'Wll. J"· ~l!i.
2 Le myaumi: hnf!iidc de Turus.. le S1l11ghay lk C.i1uo. l'Fmrir<' J'l:th1t-r1c :au let~ Je LM& Y~ ·- 1.&.\ol-1'*8-. le!
royaumes noir1' du Monomotnpa et du <. ·unyn.
l R. et M CORNEV1N. l/ümir~· dr l'Aji-iqfü· c/c·.,· •"iJt:rnt'.t Q-.• jPMr.\ , hn~. rietitC' ttihltoe.hèquc h~ lw..&. P. 192.
• Les é\:hru1ges enlr" les fom\es ,ie vie des deux biosphères, ccll" de l'Ancien Mond"
et dn N"u\•oou Monde sont non moins déterminants.
L•• cacao, Il' mo~. la pomme de terre passent d'Amériqu .. en Europe, ainsi que dl'
nouvelles formes de drogues, 1.. tabac, la cocal . Les habitudes illimcntain.,,
t'uropéem1t?S sont considérablenwnt modifiées : le 1na1·s entre dans les cuisines llillienoe
••t balkanique ; la pomme de tl!rrc devient la pre1nière source de féculent e n Europe du
Nord et son rc\lt.' ~t tel que certains historiens lui .\ltribuent un rôle essentld d.ins
l'essor démographique en Europe occidentale, au XIXe sièdt.'.
L'Europ.- e xport<• vers l'Amériqu•• la canne à sucre, des céréales, le cheval. certains
bovidés ou bien encore le mouton. Conséquence géopolitique? Le cheval sera, eo
Amérique, l'instrument de conquête du monde blanc sur les peuplades amérindicnnC!i,
le vecteur principal de la colonisation. Quant à l'élevage des bovidés en masse il sera
l'une des causes premières de l'élimination du peuplement autochtone, dont la liberté
reposait sur la maîtrise d'espac~ de chasse inlmenses.
Une autre consét1uence de l'échange des biosphères fut celle de l'exportation des
maladies européennes et airicaines en Amérique : virus de la variole et de la rougeole,
fiè\•re jaune, protozoaire de la malaria, bacille de la diphtérie, typhus, bacille de la
tuberculose et bien d'autres microbes et virus qui arrivèrent en m ê me temps et
décimèrent des populations autochtones dont l'immunité n'était en rien préparée à
subir de tels as.sauts.
- La catastroph<' pour le monde mus ulman : en attendant Suez ...
Ce qui fait essentiellement la puissance du Moyen-Orient musulman au XVI• siècle,
c'est sa situation géopolitique d'intermédiaire exclusif du commerce entre l'Europe el
l'Orient. En dépassant, le 17 mai 1498, le Cap de Bonne-Espérance, le navigateur Vasco
dl' Gam.1 ouvre à l'Europe une voie vers les Indes plus sûre et moins chère que
l'ancienne empruntant le Moyen-Orient. Le coup s'aggrave lorsque les puissances
commerçantes de l'Europe deviennent aussi des puissances territoriales en Orient. Les
Mamelouks tentent bien de s 'opposer aux Portugais, avec l'appui des Vénitiens qui
comprennent que leur commerce est en grand p é ril, mais ils échouent devant la
supëriorité technique des navires portugais, construits pour le vent et les flots de
l'Atlantique, maniables, rapides, disposant d'une grande puissa nce de feu . Les escadres
égyptiennes sont envoyées par Je fond et les navires marchands arabes n'arrivent
même plus à pënétrer dans le Golfe arabo-persique2 . L'Europe dispose des routes et de
la supëriorité technique. Comme l'écrit Bernard Lewis "le Proche-Orient arabe avait éle
contourné. Il ne devait pas retrouver son importance commerciale avant le
XIXe siècle" ~ .
- L'ouverture de l'Iran aux Relations internationales
jusqu'au XIX• siècle, l'Iran est un pays qui reste relativement inaccessible. Protégé
par ses escarpements montagneux, le plateau iranien n'est guère visité par les

l ·n • lallu atl~o&hc ICJi Gr.mdc.s Dé:cuuvcrh:• pour que l'Ancum Momie rct,:m vc le ma ï~. ln pumnu: de h:nc, ht 1utalc. k
maniuc. l'arucb1de, l'ananas.. le cacuu, le 1abuc, et pour que le Nouvcuu m o nde c ultive Jc hl~ . le n .-:, l'u rKc . l'uvmnc . la canne i )OC'IC.

)d ~ fMÛCR lcnlpi~s , fc i;afëln , t:Jtvc Jc bumf, hi chèvn:, lie muulo n , le pur\.'. , le: ..:J1C\·UI . l'inc ,
l'u:.aye Je le TOlltcl Ju
ll[lJUCRRC

rrr l.'UiOICIPC'IU ~1quc du continent amêricam ia élit rC11poruubl~ de lu non· 1.:om111u111cotinn <les plalllc~ cull1vta ci des amm.11.n
t.ionJCtotHi~ qlli urH élii énumir~ . Lt-5 gnmds <k:éunit uni J o m:: c1u:rc t un1.: l'une oçti un J 'umlcmcnl Jm14u'uua Jccu1wcrtc.s uwillnw:')
des >CV' d XVIe 1.1à:I~ . Le pro~ de5 tcchmquca ll lium\Onté cet uh~mad c . ", 11 O O UROU , J~o,,r "'"~ gtlnyrnph i~ /m,,11111tt •, l'&lU
Flanun.m.rh>n, lrr7J . p. 12~ · 1lù .

2 U. l..liWIS , Lu ... ,°"~s dwu /'Jlùtuirt:', Perili , Aubier . 1993, p . 1'11 .


.\Jdotr,p. 194.
(:hopUn! 2. D«.lnlsonncm1:nlll giéog;raphiquca 76S

Européens• . Les ambassades françai11t!s du comte Sercey ou du comte de Gobineau


devront cheminer plus de !lix mois pour l'atteindrel.

Le dés<?nclavement de l'Iran se fait par le Golfe, a partir de l'ère de la naviptlon


européenne dans l'océan Indien, et par le biais du royaume d'Ormuz. 'thal..eoc:ratie
qui s'étendait sur les côtes de l'Oman a partir d'une capitale établie depuis le
XIV" siècle dans la petite ile dés erte de Dj3roun en une situation exceptionnelle
commandant l'entrée du Golfe par le détroit de Clarence entre l'ile de Qechm et ~
continent devenu protectorat portugais en 1507"3 . Shah Abbas conquiert l'ile en 1622
avec l'appu i des Anglais et construit sur la côte iranienne Bandar Abbas - le port
d'Abbas - à la place d'un fort portugais qui servait de téte de ligne aux caravanes
voyageant vers l'intérieur des terres.
La première grande route de désenclavement de l'Iran fut donc, après l'ouverture à
l'Europe de l'océan Indien, celle reliant le Golfe araOO-persique il lopahan, à partir de
Bandar Abbas.
A la fin du XVIIIe siècle, la mer Noire s'ouvre aux flottes européenne&. la
Britanniques ouvrent des lignes régulières de navigation à vapeur veni Trébizonde
puis Tabriz en Iran. Au milieu du XIX e siècle, les 2/5" du commerce exténeur iranien
transitait par cette route4 .

2.4. L'avenir est à l'ingénielll'


Les Grandes Découvertes ne sont pas le fruit du hasard. Elles sont d'abord le
résultat des progrè s d e la scie nce et de la technique. Â partir du XVI• siècle, la
puissance est plus que jamais entre les mains de l'ingénieur. Plus que la vigiœur du
guerrier s ous sa lourde armure, qui compta surtout au Moyen-Âge, c'est langueur et la
créativité de la science, et la vigueur des nations qui vont désormais faire la différalœ.

1 X. tlc rLANHO L , L ..·.r N. m ma.r Ju /'ruphi'tt• . .\lum11:I g~gruplu11w Ji.• puli1iq11~ mww..1.-.w, PuU.. fa)-at\l 19!0, p. 5~'1 .

l l '11mbu.iooal.h: Je Sc n::cy pa r1 lie T o ul o n le J O iuwc rub n:: Utl 9 cl \OO)~ pat la 1~ dl.l Nonl. T~ cc Tlbrti ; dif
ani vc •Ispahan le S ovni IM.io . L'umbussuih: de {.i,1b mc:su qmllc M:usci llo:. le 12 ~'l;u Ill.SS. ~brou.ac:ilu.s..lpcrai..cn
C1 l'(lllh.n cl A.mvc A Têhéram ~n juillc:I IK ~~ Il fa ut Hn:. à ..:c JlN J"):i. Ju L"olRl&C de Sl:RCE\'. liac ~ ~­
Pcnc CR l lB9-lllol0, rru-bi. llJ2 K, cl d u ..:nmti: ile CiODIN EAU. Tmta YU)"'ltV~ t'ü Alic. l"ivu.. U1.4ili . 10 Œ.'\,IYl'~1i ~
0111inianJ, Yi b lio lhfq uc La P lë inJ.::
l X do PLANHOL. /. t•J.· N m imu- du / ~rop4è~. •~~iqu.: ,4. /H•lu111* ~...._Paria.. h);ud. l~} . p , SS.,
-4 ltkm, p . ,5j9.
SlXIl~ME PAHTIE

RÉVOLUTIONS TECHNIQUES
INTRODUCTION

"Les gra11dcs p11issa'1œs du XX• sii!c/e, so'1t toutes leB puissat1ces pio'1nières en maHèrc
d'él«tricité, d'électro'1ique, d'électrodynamique, d'aviation, de radiophonie puis de systèmes de
rommunicatio'1, de co,,quête spatiale.

La suprématie de la puissance américaine n'est pas seulemmt celle du dollar; elle est celle de
la combinaison de troi,; composantes: un fart patriotisme teinté d'universalisme moralisateur, le
pari de la teclmique, l'appui du dollar roi."
Fernand Braudel, Grammaire des civilisations

Dans l'Iran ancien, les Achéménides1 fondèrent un empire s'étendant de la Libye à


l'Asie centrale et à la mer Égée, jusqu'à l'Inde du Nord-Ouest. Leur ressource
essentielle fut une agriculture puissante s'appuyant sur des techniques d'irrigation
élaborées et permettant aux populations de s'affranchir de données naturelles
défavorables2 - l'Iran est un pays très aride, désertique même dans les bassins
intérieurs du centre et de l'Est. Ces techniques qui étaient nées au début du 1er
millénaire av. J.-C. devinrent le fer de la lance de la colorùsation du plateau iranien où
elles furent améliorées.
Dans les vallées, l'irrigation se faisait à partir des eaux courantes dérivées dans de
petits barrages irriguant "par gravité des terroirs aménagés en terrasses"3. À la bordure
des massifs intérieurs du pays, les techniques étaient plus spécifiques à l'Iran : des
galeries drainantes souterraines appelées qânat - Iran central et occidental - ou kâriz
- Iran oriental et Afghanistan - captaient "les eaux infiltrées sous Je relief en les
amenant par des canalisations de pente inférieure à celle de la nappe à déboucher au-
dessus des terres cultivables des piedmonts [et] permettent ainsi la mise en culture de
larges surfaces sur les marges des bassins intérieurs désertiques".
La plupart des oasis et des villes importantes d'Iran étaient bâties sur les .bouches
deqânat.
La densité des qânats reste aujourd'hui très élevée en Iran: 125 000 kilomètres, un
débit global d'environ 480 m 3 /seconde qui permet d'irriguer un million d'hectares4.
L'Iran fut donc un centre majeur de mise au point de techniques d'irrigations. C'est
cet atout qui contribua à la puissance des Iraniens autant qu'à leur propension à
l'isolement dans l'autosuffisance.
Carte 53 : L'Asie centrale : le monde iranien
Les grands décloisonnements géographiques ne se seraient pas faits sans Je facteur
scientifique et technique. C'est par la science que l'homme a changé son rapport à la

l L. DELAPORTE. "Les Perses" in E. PETIT, M. ALLAIN. A . GANEM dir., Histoire Univtnelle illuswk du pays et du
flftlJ'la, Paris, Librairie Arislide Quillet, 1913 . t. 1, p. 224-240.
2 x. de PLANHOL, Les Notîon.s du Prophète. Manuel gêographique de politique musulmane, Paris, fayard. 1993. p. 481 .
)Idem, p. 481.
4 J.P. DJGARD , Hisloire el omhropologie des sociétés nomades : le cas d'une tribu d'Iran, Paris, A.E.S.C .. 1973, p. 142l-
14JS, et Le: fait ethnique en Iran cl en Afghanistan, Paris, Fayard, 1988.
s N'oublions surtoul pas la M~sopot.amic qui fut aussi un centre majeur des techniques d'irrigation . "'Grt.ce • son systtme de
CllWDI qui ~tend la v~g,tation autant qu'ils s'4.~:tendent
cwc-memcs, la M'sopotamie fut un grenier pour l'Ancien Monde. E1Je
produimit l'orge, alors le grain par ex.cellence [ ... ].On a suppose! que la Mt!sopotunie a"c! la patrie orifPnaire des cfrâlcs. Sur la
fatililé du &01, on a le ~moignage d'Hérodotc s'abstenant de donner les chiffrca du ~dcment. de cr11iate de n·e~ pu cru ;
ralimalion moyenne est de 40 pour J", in G. CONTENAU, "Mi!:sopotamic et p•ys voisins" in M. OAUMASdir., Hlslolrr6hWralt
do rechnlques. t. 1, Lu o~lgines de la c/vi/Jsation technique, Paris, P.U.F., 1962, p. 129.
Nature; c'est par elle qu'il a bouleversé ses représentations géographiques. Cl'ci est
vrai des révolutions de la navigation maritime qui pcrmirl'nt l'ouverture des roull'S
mondiales du commerce et changèrent les rapports de puissance jusqu'à la domination
mondiale des États-Unis, au début du XXI~. domination qui repose sur l'avance
technologique - amlement, satellite, espace.
Nous voyons ici sucœssivement: l'essor des puissances européennes et leur
domination mondiale s'est faite largement grâce aux ingénieurs et à l'importance que
l'Europe sut très tôt leur donner; que le facteur technique fut souvent en conflit awc le
facteur religieux, exemple idéal-type d'opposition entre un facteur conservatif de la
géopolitique et un facteur de changement ; que le progrès des techniques dans le
domaine de la navigation maritime joua un rôle clé dans l'établissement d'une nouvelle
donne mondiale ; que la montée en puissance des Anglo-Saxons au XIXe siècle trouve
en grande partie son origine dans la Révolution industrielle.
LA CRÉATIVITÉ TECHNIQUE,
FONDEMENT DE LA PUISSANCE
EUROPÉENNE

"La grandeur historique de l'Ocddmt n'a de sens lfUL pour un nomlrrt de~ limlti
Oiarlemagne est un assez mince empereur à roté de Gengis Khan, â côti de Timour qui possida fQ
moitié de l'Asie, et dont les troupes dnlaienl écrtJSl!T m dna 1ours l'ami& turqi.L, qui pourl1ml
venait à Nicopolis de battre les Chréhens comme plâtre. l.Drsqiu Mmœ Polo trmn:rr m Orirre wœ
ville de plus de un million d'habitants, il n 'a pas u~ très hautL idtt de Vmisr. lw XW siidt,
qu'est-ce que la cour des Valois en comparaison de cellL des rois de PtJY. des anpnrurs de Orint
et du fapon ? Paris est encore une confusion de ruelles quand les imhita:œs per511115 lnlant la
grandes avenues d' Ispallan à quatre rangll5 d'arbres, dessinmt la plaœ Royale aMssi grmdr ~
celle de la Concorde, Versailles même est un assez petit tnroail m faa de la ~ inlmli2 ù
Pékin. Seulement en cent ans, tout duznge. Pourquoi ?

Parce quel' Occident a découvert que la fonction la plus ejJiau:e de l'lntrlligma n'ibril pas rie
conquérir les lwmmcs, ruais de conquérir les choses. [... ] L'Occident n'a pas inutnti Ill tvlan dL
l'ordre, il a inventé la valeur fondamrntak de l'ack qui inlassablanent IL rrwdifo!. û qu m.is
appelez sa grandeur historique c'est à cela qu'il IL doit: à œ que l'objet du combtlf puur l'hommt•
cessé d'être seull.'lnrnt l'homme, à œ qu'il a mis l'inginieur au-dessus du soldat[ .. .]. •I

1. L'héritage oriental de l'Europe


en matière scientifique et technique
On ne peut nier ce que l'Europe doit, dans les domaînes scientifique et œchnique,
au reste du monde. Le système décimal est hindou, l'étrier qui transfunne l'art de la
guerre en permettant à des guerriers bardés de fer de monter à cheval vient d'Asie.
tout comme l'attelage2 , le papie~ et l'imprimerie de Chine. Comment oublier œ que les
Arabes transmirent', parfois parce qu'ils avaient reçu l'héritage des Grecs. parlais par
leurs propres développements, en algèbre, en trigonométrie, en astronomie, en
optique, en chimie, en pharmacie, en médecine, en chirurgie ou bien encore en
géographie - à la cour de Roger 11 de Sicile, l'Arabe Idrisi enseigne une grographie

1 A. MALRAUX. Ocçùlt:'nl ._., Ori('nf. C'.\trutt d'wl discours pf()[k)fl\."i k -4 no,· ~ l"B5 .
2 M. DAUMAS d1r., Hi:lilotrt' ,:àt..:.ruk Qe_,. ,(."'-"hnii.tW'-'. L 1. L,·3: l•ri~"''·-~ .ic-L.t ..· i,"illsdl11tNt~.Paris.l'l1 . F ... llJIC.p.'fS..
1().1

) /J,·m . ('I. 2K-' .


.a StgritJ 1-lunkc. <lnns un c ssu 1 ù la fois èrudil et c~~f c.laru. S<'S L."('lr(1"has;-.,'N.. 11 ~>u.h.p l'imponml;e dc5 ~ ~ 1.
l'Europc : S. HlJNK'E, /., . ...ol~·il d'.-ll1'1h ltrîll,· s 14r J'(l.."t-u.kfft f,\'ctM' ~ri~ ONbt·~. Puis. A..lbm Mtcbtl l!lll_ Le .... .._
daru 1C' commcn.:e nmmliu\ U'rth,rs . ~ommc Jttns t..'CIUl Jcs OOIU\lllS.'KnC'CS joue- un rü"e ~ ~ H• dW .abc- ltli&D b
K\C'flCc grecque à l' .:~"or cuN(\\..~n. P . BENOlT, i: . Mll't\EAll. •L'in~ ·~· m M.S.f.RRES dir.• ~~--
1cle'th."t'.S, Paris, Utlnlu...-.. l'Jlt9 .. p . \51-116.
772

plus exilcte que œlle de Ptolémée? Lucien Febvre soutient que durant des si~les,
l'Occident" été à l'kole de l'Orient, "à l'école des Sarrasins" écrit-il 1 .
Mais si l'héritage oriental est important, il ne faudrait pas en conclure pour autant
que l'Europe du Moyen-Âge fui un désert de la science, comme l'ont fait trop
hâtivement ceux qui avaient intéret à discréditer d'une part tout ce qui s'était pa•sé
avant le Révolution française, d'autre part l'Occident par rapport au Tiers Monde en
vue de l'émancipation de celui-ci. La vérité historique ne résiste pas à ces clichés
manichéens. Car le Moyen-Âge européen ne fut pas cet oubli de !'Antiquité et cette ère
de l'obscurantisme que des générations d'histoire républicaine ont voulu dl'!crire. Le
médiéviste Jacques Heers en France2, et de nombreux autres historiens dans le monde,
notamment aux États-Unis, ont montré que l'Europe du Moyen-Âge avait au contraire
été l'une des sociétés les plus ingénieuses que l'histoire ait connue, une époque où les
inventions se succédèrent et préparèrent l'expansion du siècle des Grandes
Découvertes.

2. L'invention de l'énergie artificielle


En inventant la roue hydraulique3 qui se développe surtout au X• siècle, l'Europe
apporte au monde la notion d'énergie artificielle ; elle avance en direction des
processus industriels : industrie lainière4 , martelage, laminage et filage des métaux;,
foulage du houblon pour la bière, broyage des tissus pour le papier. Car si les Chinois
et les Arabes avaient fabriqué du papier, ils l'avaient fait à la main ou au pied, tandis
que les Européens, dès le XJIIe siècle le fabriquent mécaniquement6.
La pauvreté démographique de l'Europe favorisera le remplacement de l'énergie
humaine par l'énergie artificielle, mécanique, hydraulique, éolienne.

3. L'invention de l'industrie de précision


L'Europe, l'Italie plus exactement7 , invente les lunettes qui redonnent dignité à une
partie de l'humanité plongée dans le flou, et rendent possible le développement d'un
art de la précision : orfèvrerie, fabrication d'instruments, tissage d'étoffes fines. C'est
grâce aux lunettes que les jauges, les micro-mètres, les fraises de petite taille, nombre
d'outils de contrôle et de machines à éléments articulés vont voir le jour8. Pendant près
de quatre cents ans, l'Europe gardera le monopole des verres correcteurs.

1 L. FEBVRE, L 'EurnfW, genàt: d'unt! .:.rvillsntian, Pans, Pcmn. 1999.


2 JKqUCS Hotta, ~1 év"lc renommé s'ca •tt.aqué aux clichés de l'hls tunogr.iphic n~pubhcuine qui noui:1sscn1 le Moym ·Âst
- au prnfü de la Rc:oatsYncc -d nient le rôle 'l!-mmcnt du dergé cutholiqui: c.hm..;, le Jévcluppcmcnl des conna1u.anct"1
scientifiques. J. HEERS, U 1992. Hc\:1"5 rappelle 1.1uc Pélmrquc !once le mot dt
Moyen-Âgc>. une i mpo$1Ut"C.' , PllllS, Pcmn .
Rmailaancc dans l'obJCC1if de promouvoir un cnclie d'anistcs it.allcns amis
) L..cs ~CB moulins hydrauhqutt sont construils por les Grecs. M . DAUMAS , Jir. l/htmrt• 1,wt1ùulc.• Ji:.s tl.'dr"'IJ"~.s . 1 . 1 .
Usor1g~ tk lacmluution tcL·hniqltl!, Pa.rili, P.U F ., 1962, p. IOK- 115 .

4 '°""·p.S2S-SJS.
5/bid.. p SIL
6J. GIMP~L. TM Mf'dieval AWchlnf', p 14 .
7 Au Xv-' 11tdc. florençe cc \lc:n1" rabriqucnt des milli1..:rs de luncuei;.
8 D.S IJ\NOES, R'drU1f' f'I pou1Jr-~li des nut,on.'f (Pourquo i de.'f riche.\· '.J Pu11rq11ni Jr.'> /lllllvrL'!f !), Puns, Albin M1c1u:I, 1991,
p n ; ·0n Ni\ quie la tuneita avaient é14! invc111ûs, ou introduites, en Europe occiden1.alc düns I• ticc.:ondc moitie du Xlll' 11~k
Cwn 121.S erwuvn) Elln furent d'-.bord en crin.al de ruche 1a1llé. pui• elles seront en vcrTC lonqu'on 1tura decouvcrt le mu)"" ik
fabriquer ua \.'cm: aucz tnn5p;ucnl . Elleti ne "'a.J.rC'li1>111cnt d'a1llcun; 1nilu1lc1111::nl qu'uu11. prc!lb)'l&.:!liô Cl aux hypcnnétropcs '. les \'Crrt\
Chapitre 1. LI> crénllvllé IL'Chnlque, londemrnt de la puluance europttnne 773

Alors même que les autres civilisations se !IOnt concentrées sur l'habileté de
l'artisanat, l'Europe développe la reproduction en série, la production de masse. Tout
c<?la est logique au fond. Pauvre démographiquement, l'Europe doit reproduire le
miracle de Jésus: la reproduction des pains; l'industrie, qui fabrique en série, réalise ce
miracle. L'Orient, riche en hommes, reste concentré sur une production à l'unité,
artisanale, dont la quantité n'est que le résultat de la quantité de producteun humains.

4. L'invention de l'horloge mécanique :


défi au temps religieux, et invention de la productivité

Mais l'Europe ne s'arrête pas à la production en masse; dès le Moyen-Âge, elle


invente une autre notion, qui sera l'un des éléments clés de sa puissance à venir ; la
productivité.
La productivité est le fruit de l'horloge mécanique!; eUe révolutionne le rapport de
l'homme au temps .
Avant l'horloge, l'homme se fie au soleil et au cadran solaire ou bien à l'horloge à
eau - clepsydre - laquelle perd son efficacité à prox.imité de O" Celsius; le lemps est
également ponctué par les offices religieux. L'apparition de l'horloge mécanique2 est
une ingérence dans le pouvoir de la religion sur la ponctuation du temps des hommes ;
les horloges publiques installées sur les tours et les beffrois d'Europe symbolisent une
nouvelle autorité, municipale, presque laîque, à côté de celle traditionnelle de l'Église.
On ne doit pas négliger la révolution que furent l'horloge et la précision d'un temps
désormais donné par autre chose que le seul pouvoir de l'Église, pour comprendre la
laïcisation des sociétés européennes dès le Moyen-Âge et la construction d'un ordre
politique - ce qui ne signifie pas nécessairement contre - à côté de l'ordre religieux.
L'Islam ne se trompa pas sur ce point : l'ambassadeur du Saint Empire romain auprès
de la Sublime Porte, Ghiselin de Busbeq, dans une lettre écrite à Constantinople en
1560, explique que si l'Islam refusa l'horloge mécanique, c'est parce qu'il pensait que les
horloges publiques saperaient l'autorité des muezzins et de leurs rites.
La deuxième conséquence du développement de l'horloge en Europe, est la
productivité. Puisqu'il est désormais possible d'associer résultat et durée, la nature du
travail et de son organisation peut changer en profondeur. Les suc-cès de la Révolution
industrielle sont déjà annoncés par cette invention du Moyen-Âge qu'est l'horloge
mécanique.

d1't'crycn1s pour- myuf1cS ne pnru1ss cn1 pus anli!ncur.i; ou XVt .. s1èc;-lc: -. in M. DAUMAS dsr .. Hütu;n- rJMn* Ja ~. L l..
U .f prrmJ1\r1•,r; ert1111·.o; ,/,, mudmn.wm:, P1ms , r .U F . 19f\5. p 69.
1 M DAUMAS Jir., //i.çwfrt• J.:t:111 'rctlC' tic•.{ ti.'l'h11iqu1•.f, 1 :?. Les pNMk!rr.t Jtapu dM .w« ..UIU...., r.tn. P U.F .• 196J. p. Jl9..
110.
2 Lc1\ misons du succès ne sunt ('IRS cotalcmcm '•ablics ·~1 - i!ttt le iU\·clOflPC"IW'dl Jr: Lill ~ cii..d:iM ~U 1 ....
oppamlcrc ccnains hcsvin s 11Uxl1ucls 0111 ~ni.lu lc-s prcmi~n:-s horfo,cs d'nlifitt. li est rtus '~de- pcDllC'l'"qK cdDci.
qui donnaient 1011Joun non sculcmcm des ind1catiuns homîn."5 ponc:ruks f'lil'" des tonnerics tt ....,._ntJoo d'....,,....._ - _.
cCTtnincs imfü:11tiuns m1tmnumiques C'I de c•lcndricrs. \11\t (të cC11U1~ttct 1,:omrrc des '1b]dS dt ~ crt dct ~ *
riches~ ( . . ) La rivnli1é de pn.'"Stigc cntn: 1-=!ll d1k cxpliqucmi1 I• mullirlkatton r.ptJr ûc:l hortdp:I qu.i • ,.._..... .._._...
utilil~ pmu4uc.". Mo·m. p . 2'>0 .
l'artic..• 6 . R.èvol11Uo11s ltclm"l""
714

5. L'invention de l'imprimerie:
diffusion de la connaissance, et nl.aÎtrisc de l'inforrnation
L'imprimerie est inventee en Chine au IX" siècle; en Europe, son utilisation massive
ne se fera que quelques siècles plus tardl. Gutenberg public le premier livre occidl'nlal
à caractères mobiles: une Bible - 1452-1455. La production d'incunables - ce sont les
premiers livres imprimés depuis Gutenberg jusqu'en 1500 - sc chiffre à plusieurs
millions dont deux pour l'Italie.
L'Islam refuse l'imprimerie - au motif qu'il est inacceptable d'impriml!r le
Coran - qui sera contrôlée, dans le monde musulman, par les chrétiens et les juifs. Il
en va de même en Inde où la première presse n'est installée qu'au XIX• si~lc.
Inversement le christianisme sut tirer parti d'une invention qui lui permit d'imprimer
des millions d'ouvrages saints et religieux servant à l'évangélisation du monde. Il est
d'ailleurs notable que, dans l'histoire, l'Église n'a jamais raté aucune révolution de
l'information~, ni celle de l'imprimerie, ni celle d'Internet au début du XXI" siècle.
L'histoire prouva en tout cas que l'imprimerie servit l'Occident et desservit ceux qui
avaient voulu s'en passer. Peut-être y a-t-il là une leçon à tirer quant à la révolution
d'Internet, nouveau réseau mondial d'information et de communi-<:ations.

6. La poudre au service de la puissance des Européens


Ce sont encore les Chinois, comme pour le papier et l'imprimerie, qui donnèrent la
poudre aux Occidentaux3. Dès le XI• siècle, on utilisait en Chine la poudre comme
produit incendiaire, pour des feux d 'artificé, ou pour impressionner à la guerre - el
non pour tuer.
Les Européens eurent l'idée de faire mal avec la poudre. Au XVIe siècle, ils la
compactèrent et y mêlèrent des projectiles de métal pour tuer. La puissance de feu
européenne était née5. Elle allait permettre aux Portugais, aux Espagnols, aux Français,
aux Anglais ou Hollandais de traverser les mers du monde et d'aller frapper, en petit
nombre, des peuples entiers. Ainsi, au début de l'an 1500, lorsque le Portugais Pedro
Alvares Cabral part pour les Indes, dans le sillage de Vasco de Gama qui en avait
ouvert la roule, avec treize bateaux et mille deux cents hommes, il a pour mission de
faire du commerce et d'éviter les ennuis. S'il est attaqué, il ne doit pas laisser approcher
les navires hostiles et les envoyer par le fond grâce à la portée de ses canons. La clé de

691
2 ·u raison en at que Ir: chn'\tumismc. n:liamn Je lu rnédm11on. hi!'ritt.!rc pm1r panic <lu Lnl(o~ grec et Je ID Juns(tt\JJct'Jt,."<
rormurw:, n'o pu que placer le J1scuun; comme chJCU c rucia l Ju p o uV1)1f culkc11r. Prm.lu1rc l'ordre . les tc-nncs <lu thscd11~ ci les
moyens de comm11ml:1lliun. c'L"'!il riroJu1n: les rmnm..~ hcnn~ncut1quc~ <le l'u..lcn111C \,.olkc.:11 vc cl Je son nnlrc poli1111ue llnnunr alm
qui ins111uc le 5CnS et s·rn faille garanl''. f' l:OIHiET. " lnfum1atinn" . m Th t.k MONTIHtl/\L et J KLl : IN 1.hr . nri 1wmrnir1· ok
1trut'1f1r. Puu. PU F .. :?000, p l 17.
) La poud~ ~t '"onnuc p.ar le~ Pc-nans sous le nutn Je "sel c hinu1s" lmllhs 'lue les Arnhc.; l'nppcllcnt "nd~c 1.hinu11"C~ .au
XJJlr 1îklc, ui M . DAUMAS Jir, //uwrn· J.:4!11,>ru/,• dn 11•<ht11t/l"'·' · 1. 1. /., ..,. u,.i~i111 · ,· d. · Io nwlhulw11 1nl1111q111'. f'1m s. Pl ~ r
1962.p. 106
4 "Curutruc1ion1 dt 'drw.goru Je feu', S< Jérla..,anl .. ous 1'.&1.ctiuu Je l';ur dmml et 1uo1c1;1111 Je lu lumCc cl Je., Ounm11:, Jc:-11ntti0
• tariricr l'mnicm1. •• ldt>m, p . 306
'•i_•onne il rn pona1ivc fo1t wn üppürilîon 1.1u X Vic s1C.Clc cl elle se p..:rlCc1io nnc knic:m..:nt nvcc le pos.•;..ny:c Je l'aniucbuK JU
mowqu~. m aUcndanl d'NTl\ICf au hu1I don1 le Ccu ~ lruu.,·c l.louhl~ Ll'unc puissuiu::c l.lc ~hue et Je prutL'.:ti lllt 1t\'CC I• b.ml.inncnt
pcrfa:Uonnéc ,_ Vaubut au t.oumanl l.lu XV Ille ~ti:dc . " , m lt COUTAU-llÊCiAIUC:, " Feu", m Th J e MONTURIAI.. J t\.Ll:tS
dir•• OlcliCNtnOirc ~ Jtrulixi~. Panl. r U .F., 2000, r> 23~
o.apltre J. La cn!ativilé technique. fonde"""'! de la puÛMNlrv:e europttnnr 715

1~ puissance consistait désormais à tuer à distance en risquant le moins pœeible pour


soi-même, ce que les Asiatiques n'ont alors pas compris.
La portée des canons, voilà le ressort de la nouvelle puissance des Européens à
l'entrée du XVI" siècle.

7. La civilisation de la science et des ingénieurs

Citant Joseph Needham, chimiste, l'historien Fernand Braudel remaique que


"l'Europe n'a pas créé n'Ïlnporte quelle science, mais la science mondiale". Et qu'elle l'a
créée presque à elle seule. Et il est vrai que du XIII" siècle à nos jouJS. la scienœ
mondiale n'a connu au fond que trois grands systèmes d'explication du monde. tous
les trois européens :
- le système d'Aristote qui pénètre les interprétations européennes essentiellemmt
au XID" siècle ;
- le système de Descartes et de Newton qui fonde la science classique;
- la théorie relativiste d'Einstein qui inaugure la science contemporaine.
Edward Sard, dans un célèbre pamphlet contre l'Ocddentl, dénonce les mMaits de
la curiosité européenne qui conduisit à l'exploitation du Tiers Monde dans le cadre de
la colonisation de l'Afrique, de l'Asie et de l'Amérique. Défendant une vision au fond
ethniciste de la science, il prétendait que l'on ne pouvait connaitre une société qu'à la
condition d'en faire partie, que donc l'orientalisme était une erreur, un eunKJentrisme
mortel, et que les Européens auraient mieux fait de s'occuper d'eux-mêmes.
Et pourtant, si les Européens n'avaient pas eu soif de connaitre, s'ils n'avaient pas
été curieux, et ingénieux pour assouvir aussi leurs appétits économiques, la scienœ
n'aurait pas connu de tels progrès. Nulle part ailleurs qu'en Europe et aux États-Unis,
ne fut jamais donnée une telle autonomie à la recherche, une telle libett de converser
entre scientifiques par-delà les barrières nationales et culturelles. Nulle part ailleurs
qu'en Occident, ne fut autant enseigné les connaissances et les ~ de la
connaissance.
Ce ne sont pas les Européens qui empêchèrent la diffusion de la science et des
techniques dans le monde, à partir du XVI" siècle. L'Asie et l'Afriqu.,:? se sont d'elles
mêmes interdit d'y toucher, pour des raisons religieuses ou politiques, touchant à la
volonté de préserver un ordre établi. En refusant la science, l'Asie et l'Afrique se sont
placées dans la situation d'un futur Tiers Monde destiné à ètre sous l'emprise de la
puissance occidentale; la Nature ayant horreur du vide, elle combla par la dœninatian
le déficit de puissance qu'elle rencontra sur son chemin.
L'Occident est une civilisation dont l'une des caractéristiques premières est d'avoir
su fonder sa puissance sur la science et la technique. La suprématie américaine des
États-Unis aujourd'hui n'est rien d'autre que la poursuite de cette logique de puissance
par le progrès technique. d'essence européenne. Dans les films américains, David - la
pauvreté démographique, le caractère précieux et éconoaùsable de l'1 peJSOrme

l E. SJ\ÎD, L 'Or,,..•utuli.tmt!. Pans. L'llllJ'TNlUan . 1117~: dans M>ll ~ly. dt l'Wllm ~ b pemitc.~ Albat lloanai
11;rilique les lht,.e!li ~UU(lhficatriccs Uro E. Surù : .. M SalJ a c.ht quc l\mcnaallSIDC' n.1 llD l'l'Ok Je pm$tt ')piquaD:DlOŒidc:Daû ..a,
11 s1mplitle lrop lanqu"1I !11-0us~ntctuJ 4uc cc moJe <l.: ~\...CC- \.-Sl 1nelltnc•bkunau l~ t l'M:ke de dDmlmDao. Cl. CD. liiiL.ca ~ U
te peut que Io. capecih! de n:JiPlinl.::r le munJc.· ~hffërcmnumt ait J'1ilh ck l;a .."URÎ....r'M.."O q~ l'Eumpc ~~ linit lk ra,.... dt
...un rouvoir mihlairc et <le ~on i:onuncn:-...:", m .•\ . llOUM.ANl, 1. 'uJ""" ,4J4, Ja.~~. llcl)nmab. S-.fal. IWj, p. 101.
2 Braudel Rl\~UC (llllf c~cmplc ~u'n•nt l'i&mvêc- doà F.urop.!icn..'- ft ~ . . ~ rA. . . . al . . . .
impcnnt-ablc à la roue, • t'anatr'C', a\ la W. clit _ , . , à l'O:mv~ mlmo. saW • 8amop.. : f . WlAUDliL, ~ da
d1#Uurinm, Pari•. Flam1nnrmn . l'N:i. p . 161.
776 Partite 6 . Rlr10lution11 lttlm"f'U'J

humaine. l'ingeniosité - ne l'emporte-t-il pas toujours sur Goliath - la force brute,


celle du nombre, de la démographie, qu'elle soit d'ailleurs terrestre ou extra-terr~tre?
L'im.al9ruaire américain a la terreur du nombre, celle des nuées d'lndiem qui
~·abattaient sur les colons du Far-West, celle du Péril jaune des anntts 20 don!
l'immigration menaçait la côte Ouest des États-Unis, celle du rouleau compresseur
,;oviétique durant la Guerre froide. Au nombre, l'Amérique oppose l'astuce et la
scien<.-e.
En ce sens, et quoiqu'en disent les courants hostiles à ce que représentent les États-
Unis, œs derniers sont bien un produit naturel de l'Europe, une nouvelle nation
européenne mème, et non une contre-civilisation européenne, mais à la différence que
cette nation là a la vigueur des jeunes nations européennes du XVIe siècle, la mème
volonté de dominer politiquement le monde, de mener la mondialisation du
commerce, et cela grâce à ce qui fit la fortune des nations portugaise, anglaise,
française ou espagnole : la portée du canon. Le canon américain - la puissance
militaire - du xx1e siècle est planétaire el qui peut prétendre disposer aujourd'hui des
moyens techniques suffisants pour lui résister ?l

8. Christianisme et travail au service du progrès


technique ; responsabilité du fanatisme religieux
dans les déclins en puissance

Nous avons souligné l'apport du facteur technique, celui des inventions, à la


géopolitique; la science et les techniques changent en effet les données de la
géographie2, ses représentations, la manière dont l'homme appréhende et mafüise
l'espace et, au-delà les rapports de puissance. La science a donné au monde européen
une avance décisive sur les autres civilisations; c'est entendu. Mais pourquoi
l'Occident? Pour quelle raison l'Orient n'a-t-il pas fait le pari de la science, pourquoi a-
l-il laissé passer tant d'opportunités de se moderniser ?
De nombreux philosophes, sociologues, historiens se sont penchés sur ces
questions. Les réponses ont souvent été cherchées dans la religion : les valeurs
chrétiennes, en sacralisant le travail, en subordonnant la Nature à l'homme, auraient
encouragé chez les Européens une vision prométhéenne du monde; l'idée chrétienne
d'un temps linéaire, déroulé, par opposition au temps cyclique de la Tradition des
Anciens, aurait favorisé l'émergence de la notion de progrès ; la liberté d'entreprise, la
valorisation de l'individu dans l'Europe du Moyen-Âge auraient développé
l'innovation, l'invention, laquelle serait d'ailleurs une forme de rupture avec la vérité
collectivement admise, et l'Occident depuis le Moyen-Âge, de Galilée à Einstein,
n'aurait au fond cessé de progresser par la raison d'un seul contre tous, par le génie de
l'individu contre l'erreur collective.

1 Cc qui M veut pu ditt qu'il n'existe pa.s de moyen de conlrcbalunccr la suftt:rpu1ssancc mmêric111nc .
2 ·u .._... gc d'un climal relativement ckllud et sec , de tc1Tcs ambles peu profomJcs, Je for!ls rabougnn qui s.c ftatntrrnl
wmcitematl, . da. Ccrn::s lolltda et grasses •• des riv1trcs bien foumic!'i , à de!'i forêts loulTuc<t c' riches en be•tu 1u-tna, ne p<IU\'ajl
se raire ,.,. modiricatîou ~Ut.Cs de l'ensemble des lcchn1qucs I· ) Lc'li différences de rn<tourccs cntninaiml donc da
modifie.liant lCChniqun L'Antiqui" clasa1quc fut , poumnl-on din= , une c1Yiltsotion d 'agricullure !>~chc-, de picrTr, de bn::llut, dt
ta.Dia vtattaua, tandis que l'Occident mtd1eval connut une agncuhurc humide. se servit pnncipalemen1 lie bois, de fer. Je cu11. dr
iuala de provmance animale". in M DAUMAS dir., H l.rwirr g~nùulr: de.~ t~d1mqr1t'."• 1. 1, U..·s 11rl ginrJ dt• /tJ '°;,;/U..P
1ulirrlqw, Pui1, P U.F, 1%2. p 43 l-4H .
('hepitfto l. La ~tivtté technique, fondement dl"' la pui....,.nc~ t-Ur~ m
Tandis que le monde musulman méprisait le travail qu'il ré5ervait aux aclave9 -
<-omme le firent aussi les Grecs - , le monde ix:cidental labourait la ll!'l'R, mo.Wlait les
formes, en même temps qu'il faisait la guerre. Certes, partout la guerre était plwt noble
que n'importe quelle activité ; mais peu à peu, en Europe, l'ingmieur et le ll!dmXieft
prenaient une importance équivalente au guerrier. Le guerrier occidental d'aujourd'hui
n'est-il pas devenu un guerrier-technicien voire un guerrier ingmieur1 ?
En Europe, chaque fois que la religion voulut s'élever contre les progds de la.
science, la puissance s'en trouva affectée . A la fin du XV• siècle, le Portugal dWpo!lait
de techniques de navigation de pointe ; cette avance œchnique qui lui pennettait de
lancer sa formidable dynamique mondiale, il la devait pour beau.coup à des yvanta
étrangers, italiens ou juifs. Mais dès 1492, le Portugal !le mit à contraindre les juifs à la
conversion au christianisme. Des campagnes de penécutions antisémites furent
lancées. En 1506, un pogrom à Lisbonne provoque le massacre de deux mille juifs
convertis. Le passage du Portugal sous la coupe de l'Espagne - Philippe 0 - db:h8fnl?
l'inquisition portugaise2. A partir de ce moment, le Portugal se retourne sur le ~et
le développement scientifique s'arrête. De nombreux savants juif!I, dont Abraham
Zacut, quittent le pays, emportant avec eux, science, argent et réseau. D ne faut pm
s'étonner dès lors que le Portugal, qui avait colonisé si vite, en Afrique, en AmBique,
en Asie, connaisse un déclin de puissance rapide. Le Portugal a cessé d'inventer, de
penser, ce que les diplomates européens du xvne siècle en pœtr à Lisbonne 50Ulignent
à de nombreuses reprises dans leurs correspondances3.
On est alors rendu à ce paradoxe : alors que le chris~ a valorillé le travail.
favorisé l'innovation, les excès de l'inquisition provoquent au contraire un a~
du travail, un culte de l'Or, tant en Espagne qui s'endort sur les riche!l!lf!9 qu'elle
ramène du Nouveau Monde et n'entreprend plus rien, qu'au Portugal qui ne gagne
rien à passer sous la domination espagnole.
Grâce à l'or de ('Amérique, les Espagnols sont riches ; ils ~hftrt achell!r et ne
produisent presque rien, semblables en cela aux Arabes qui les avaient ciomiré
auparavant. Pourtant, si les Arabes n'avaient pas produits, ils avaient au moins
commercé ; les Espagnols, quant à eux, ne feront rien d'autre que de profilrr de la
luxure que leur permettent les richesses immenses qu'ils ramènent de lems pillages;
Les Espagnols méprisent le travail : ils ne commercent pas comme le feront les·
Français, les Hollandais, les Italiens, les Anglais, s'estimant au-dessu5 des antre
nations chrétiennes et employant comme travailleurs iaunigris des Français qui
amassent en Espagne, en peu de temps, des fortunes immenses. Mais au mili4'll du
xvne siècle, l'afflux d'or cesse. La Couronne espagnole, coutumière des banqueroutes,
entame un long déclin. La revanche de l'histoire fera que la pauvreté poussera
trois siècles plus tard de nombreux Espagnols à immigrer vers la France pour y
travailler, cette fois-ci sans y faire fortune ...
On peut imaginer ce qui arrivera aux pays arabes du Golfe lorsque l'or noir aura
cessé de couler : cela sera comparable aux déclins espagnols d portugais du
xvne siècle. Le XX" siècle pétrolier ressemble en effet pour le Golfe arabe à ce siècle
d'Or de l'Espagne où l'or facile permit de s'acheter les compétences et lt!S services

l Raprcluns 4.1u'cn Fra.nec. les «:ulcs nulnaires .:omm.: t'&.:ok Polyicc.baiquc. l'E..-olc ~--.~lie rA&t ou. ~T
M.>nl. rJu poin\ de ..·uc 1.h: to fomwliun :o.eu:nufi~uc cl 1c...:hm'luc. t.k 1."ên&abla..:t.:ulad'~.

2 Jnquu1uon lout autuut tuum ...-.: contre le11 pruh:s&anl.5 et la; cnonsqucs ~uc OJGlrtl "'=" Jw:6. IL CAARASL'U. L ..._., ..
PltJ/ip~ Il. rr1ri.(. Ellipses. \QQQ , J'I 11-1.2
.l I'>t1v1J S Luuks ruppmt...- '-IU'au JCbut Ju XVII"' siC.:lc. ~ dipJuJQIJOI lll.ÎpnMÏl&lad '"la ~"riW et,...._.*~
de notre nu1um f\4.lOUJcl: aU s~" 1anJ1:-. qui: ... mnci~ Pany. plènipo11:nhall'e ~il Lilbc:amo• 16JO,. . . . . . . q11e••---•'"9
cuncw. l.{U.: 1:hw.:un ne ~·• q~ ..:c 4ui lui ~• stri~1cmcn1 nb.~n:'" . i.o D. S. LANDa ~.,,,_.,,,....._ ~ ,........._
.Ws ru: h.:.'î :· />uurqMC>• ck.• JldUl ' rL·.'•i :• ), r.ar1!l, Albtn Ml~hol. l'Nlll . p. IK:?
d'autres nations - les Arabes du Golfo paient des Asiatiques et des Libanais - et de
ne rien apprendre par soi-même.
Dans les années 1960, le revenu moyen des pays pétroliers du Golfe était
compcuablc à celui des pays émergents de l'Asie. Aujourd'hui les pays travailleurs de
l'Asie ont un revenu 2,5 fois supérieur à celui des pays du Golfe . Le Moyen.Orien!
n'attire plus que 3 % des investissements mondiaux contre près de 60 % pour l'A8ie dt
l'Est. L'é<.-onomic de rente est condamnée d'avance, c'est une loi de l'histoire jamais
démentie.
L'Angleterre et la France eurent une chance formidable : celle de bâtir des empires
sans or et sans argent. Il fallut alors travailler, fonder ses richesses sur des récoltes sans
cesse à renouveller, sur la construction d'une indust:rie, préparer la Révolution
indusbielle.
N'est-il pas frappant de constater que les deux puissances qui furent un moment
noyées sous l'argent facile du Nouveau Monde, l'Espagne et le Portugal, plongèrent
dans le sous-développement et oublièrent de faire leur Révolution indust:Tielle?
L'exaltation du travail et des valeurs de l'entreprise se prolonge dans la division du
christiarùsme entre le catholicisme et le protestantisme. En 1905, Max Weber publie
L't!tl1iq11e du prolt!slarrtisme et l'esprit du capitalisme, soutenant que le protestantisme, sous
sa forme calviniste a favorisé l'essor du capitalisme moderne. La clé du capitalisme
protestant tiendrait dans la doctrine de la prédestination selon laquelle la foi et les
œuvres de charité ne suffiraient pas à assurer le salut chrétien de l'homme. Cette
docbine aurait pu entraîner un fatalisme débouchant sur la luxure et l'abandon des
valeurs; elle encouragea au contraire le culte de travail, de l'honnêteté, de la rigueur
morale et la volonté de réussir par l'argent afin de démontrer son élection.
Cette thèse est cependant discutable. L'Italie du Nord et la France, restées fidèles au
catholicisme, furent ainsi très tôt des puissances où les valeurs du travail et de
l'entreprise comptèrent, et les recherches actuelles menées sur l'histoire de l'enlTeprise
montrent que le modèle capitaliste anglo-saxon puisa énormément dans celui de la
monarchie indusbieuse française. S'il est possible d'opposer un protestantisme
travailleur à )'Inquisition catholique espagnole débouchant sur la ruine de l'Espagne, il
n'est pas fondé de maintenir cette opposition entre une monarchie française moderne
et capitaliste, qui se hlssa jusqu'à la Révolution de 1789 au rang de première grande
puissance économique1 tout en restant fidèle au catholicisme, et les puissances
protestantes qu'il s'agisse de l'Allemagne ou de l'Angleterre.

1 Ure• cc JIT'Opol le brillant ouvrngc de François Crouzc1 : F . C"ROUZET, D ..· la wpériorifé tl~ /'Anglt!lf!rrl! .mr lu''""""
(L 'ttonomlqur er l'i""1g,,,o;re, Xl' lf'-X.xr slèch..-), Pans. Pcmn. 19K5 Duns ln prtfaL·c de celle cornpnrn1!".on sur trois siklrs m~ ln
dcw. pujumK'cs, qu1 analyse le9 cauacs du déchn fmnça1s. Pierre C:hounu mppclk quelque s données " Au XVI~ sitclc. quand iC
prodaut le désenclavcmcn' plam!t1u~ auquel le couple Fmncc -Angletcrrc po.rt1c1r"! rcu , le .'> t.lcu:it É1ot'\ se s11ucn1 dans le ra.ppm.
vaditionncl sur 1ous les md1ccs . de 4 à 1, Fronce, An81ctcrrc 1 ( . J Quand on compnri: l'ét;11 Je la Frant.:c e t de l'Anglclcm ou wn11
de la pn:m1Ctt pandc gucnc modcmt , la success ion <l'Es pagne , 11 fout bien rc1.:onn ai1rc '-1'11! l'nvunc i: uct1111sc en 1~40 cl~ lftH>.I
1690. êl~ plcînnnenl consohdte r .]. A Io fin de l'Ancien RCg1mc, nprè'i le rééqmhbrngc de la guerre d'null!pcmlo.ncc D~Ulnt.
mtmc si l'AnglC'lcn-e i;.onioCT\lc une avanu qualitative, rien n'cmpéchc de ~uppu~c.- 4uc, pn r sa mas~e. Io Frnncc finiuc f'Nlr l'cq:iona
1 .J. Le d«Wsemen1 de la Frnncc CSI la c onstqucncc de lu décennie songlonlc : en hu1c on", l.k l 7Q2 Q 1HOO 10\11 esl giupillt. Une
é1udc récente (L'E''"'fH' 0 la fin du XV/11"" .m.•clc, S.1.:.0 .t:: .s .• l'iKS) étuhlit li 1 o:i;o (lU() k IHVCRU Jcs pertes loi.ales en bull am
(JuaTC Ctnn1etc Cl 1ë:nocidc vmdCcn), sans pmrJcr de l'ém1wa11un Lo pum:1iun ~ ur l'm1cll1gcncc cl ln cormcil~ crCatm:c de la frari.:t
rut 1m!rnhiJ•blc en cc moment db=i!lllf de la mu1a11u11, en l'in!iWlll dum.: Je ln plus grumJc trug1h1é . J1 rupor1101111cllcmcn1. cc ni,·nu
cllcêdccclut des pc11CI fn.nça1KS de 1914 4 l 91M .", 111 I' . CHAUNU, Prélucc, in I·. C: IUJUZET. l>t• I" rnpt'rlorllt; tir! l'A11gl1•t.-"~ rw
lu Frmu:.~ (L 'jccmomlqur! ~' 1'1m0Kinuire, XV/l'-X.\~· .ui..•1.: ll!J, Puns. l'crrm. 19H5, p . 11 1
CHAPITRE 2

LES RÉVOLUTIONS
DE LA NAVIGATION MARITIME

Jusqu'au XVIe siècle, le monde méditerranéen est presque clos 9111' lllÏ-mêllW;
l'Ouest atlantique, la mer océane appartient encore au mystère, celai de l'A~œ
de la limite d'un monde s'effondrant dans le gouffre du néant Les Vikinp1 90nt 51111
doute ceux qui ont poussé l'exploration de la mer sepœntrionale le plus loin; lDl1ÎI les
sociétés occidentales de la fin du xve siècle ignorent presque tout de œ Couchant que
les Celtes et les Danois vénéraient. Au XIVe siècle, des navigatmn beqae et
portugais se sont bien aventurés jusqu'aux Açores, jusqu'à l'archipel de Madàt!,
jusqu'aux îles Canaries; mais le grand large reste infranchissable. Cest que la
navigation, c'est-à-dire les bateaux eux-mêmes et la manière de se repérer en pleine
mer, ne le permettent pas.

1. De la Méditerranée à l'Atlantique: de la rame à la voile

L'époque du système-monde méditerranéen est œlui de la navigation à rames. Cest


vrai sous Rome, c'est encore vrai sous la domination musulmane de la mer lnlB:ieul1!,
au IJ(e et xe sièc)es2, puis lorsque les villes italiennes, à la favem du retoumemmt des
Croisades, prennent le contrôle de la Méditerranée. Certes, la navigation à YOiJe existe
dès le Moyen-Âge en Méditerranée; elle est le fait des Gènois, des <:alalans ou des
Vénitiens ; mais elle n'est pas encore la révolution du mouvement qui sera œlle de
l'Atlantique3.
Dans le monde méditerranéen où les lourdes galères dominent. le cmnbet nav.d
reste une transposition sur mer du combat tenestre. Les navires propu.lsës par des
rames s'éperonnent et jettent leurs occupants dans un corps à corps semblabh! à œlui
que les fantassins se livrent sur la terre ferme. L'un des derniers grands combilS de ce

1 Sur les 1echmqucs navn1cs nordiqUC"S ·cc ~ni ces na\·i~ qw ont ilitlumcê pn>fcBlélDml 10UltS les~ .....a.:..c
l'Europe occidentale ovant de rêndre-r. 11u Xl~ siklc. dans la MCditiemott.•. ia M. DAUMAS dir_ lliltatn- ,,,,,__ "6
tt1..•hnlqu<'J, t. 1. Lt•.f origines &k la cn ·ilisulion 1ed1niqw, Pari!l.. P U.F . 1%2. p. 448
2 F. BRAUDEL Jar .. Lu ,\teditt•rran.11.•. l '~$/ldCt' ~t 1'h1Stuirt\ hris. Flammlrioca. 198$. p. 176.
3 Pierre: Chaunu, Jâa1s s.o 1hèsc suc SC"·allc et l'AtlanllqUC". pute: ifunc "n1"a.noo
i wik::s 10Ult ~ . _ - pilÊ
mtd1tcnanécn" in f . BRAUDEL. E,·rib swr l'histofrl:. Pi.ni.. Flammarioo, IYM. p. ISJ •.t\llq'l'en 1400. d saf&ts delplilm . .
nous COMltUcmns en M~1tcrnnCc . la n&\'lgBtion déprnd des \ "c:nb fG\'\XablC'S ; pool" lt aon1 de l'E-.: il a'o.Ïslc-Jm d'iaiimim
qu'on y ail tmun~· Jcs nunn:!'ô ay::mt p•us d'Wl mit. (.-est~ la \:OÎk cantt, R.cspmdlx • uar-.... ~ Cl'li ta. le t1111
moyen de propulsion. ne p:mK'ltonl pas de rcmtmtcir te \:enl", in M DAUMAS Jit.• #l&IJoitt ,._,.. '*' ......,_ Plàt.. P.lJ.f...
196S, 1 2 , Lt!." pr.-rnl.:ras ;111pr." Jw 11tuc:hi11umc, p. 3616.
Pa,.tic 6. Hhx•l11ti0115 lcd111iqun

type, typique de l'ère m~iterranéenne. est la bataille de Lépante en 1571 1• La floue


hispano-v.m.itienne y défait la flotte turque. C'est une grande victoire de la Chrétienté
contre l'Islam.
Lorsque les marins italiens tentent des sorties sur l'Atlantique au XllJ" siècle, leurs
galères, trop basses sur l'eau, se heurtent à la houle de !'Océan, et ceci méme
lorsqu'elles sont pourvues de voilure.
Il faut attendre le vaisseau, conçu par les marins basques 2 et portugais, qui dispose
d'un haut-bord, de formes arrondies, d'une voilure complexe - deux ou trois mâts-,
d'un gouvernail d'étambot3 - xme siècle - , pour que le trafic se développe dans
l'Atlantique, sans toutefois que les vaisseaux, qui sont à la fois lourds et lents, ne
cherchent encore à s'aventurer trop loin dans !'Océan.
fi faut attendre aussi la caravelle portugaise4 qui apparaît en 1440, légère et rapide,
pour que de lointaines explorations à travers les océans puissent enfin être envisagées.
Cest la conquête de l'Atlantique qui introduit la grande navigation à voile. La
muine à voile ne cesse d'évoluer. Vers 1595, un nouveau type de bateau voit le jour en
Hollande, qui est alors grande puissance de la construction navale. Contrairement à
l'ancienne voile, ce navire ne se déplace pas par vent arrière mais longe le vent en
utilisant celui-ci différemment de la voile traditionnelle.
Cest, d'un coup, l'effondrement de la navigation médiévale; le grand tournant de
l'histoire des rapports entre la terre et la mer est amorcé.
Forts de cette performance, les Hollandais deviennent les "transporteurs" de tous
les pays d'Europe et recueillent l'héritage des commerçants de la Hanse germanique.
L'Espagne, puissance mondiale, est contrainte d'affréter des bateaux pour pouvoir
maintenir ses échanges avec ses comptoirs d'outre-mer.
La raison du changement des rapports de puissance entre les Européens et les
musulmans - cette opposition est bien sûr schématique - ne doit cependant pas être
résumée à l'apport de la voile. Lorsque les Portugais abordent l'océan Indien, ils
rencontrent une marine à voile arabe formée de boutres, des navires légers construits
par assemblage de planches grâce à des cordes en fibres de palmier - sans qu'il y ait
utilisation de clous. Vasco de Gama tenta bien d'éliminer ces voiliers arabes qui
assuraient le commerce musulman jusqu'en Chine, mais il fallut attendre la vapeur
pour en venir à bout à la fin du XIX• siècle. Ce qui donne l'avantage aux Européens
dans la domination mondiale, c'est, outre la voile et les progrès dans la détermination
de la position géographique, la puissance de feu : au XVI• siècle, un nouveau navire de
guerre voit le jour. Il s'agit d'un voilier armé de pièces à feu tiré par salves, ou par
bordées, et qui permet le duel d'artillerie à longue distance. La guerre sur mer ne
ressemble plus à celle sur terre. C'est en mer que Je monde occidental invente une
façon moderne de faire la guerre consistant à éviter au maximum d'exposer les
hommes.

1 •t.a dcnUè'c: tnnaform111on. c'C!it la substituhon du \/aisseau ùc •i~m: 3 Io ~alCn: L 'éclatante bntn1llc de Lépante (7 octobre
IS71) a lie .. rcncootn: monstrueuse de 500 iµleres 1urques et chrClicnncs, 250 d n n s choque camp" in F BRAUDEL dir , La
Mh/irt:rrœth. L 'npace et l'histoire, Paris, Flammano n, 19K5, p . 7 l
2 M. TRANCHANT. -Mêd1tcrn.nëc et xenêsc du na..,.1rc moderne : l'mt.:rvcntion ba.o;.quc x1ve.xvr s1~clcs " in M~thl~rrlJl'lh
Altr 4JUWT1~. A&.1cs du colloque de ManiC1Jle 21-23 septembre 1995, t . 1, Du X Vr uu .\'V/If' s1àl1.·. p. 239-25°' . L'oulcur soulipc 111;
quel pomt les manns buqucs, bi.scaycns, bayonruais ont é:lé des précu~urs de la motkm11~ nuvalc "Tanl que les MCd11cmmt-cm
n'avllitol pu eu à confronter les qwalilés de leurs navires Je commcn:c à. i:cllcs Jcs billimcnti> <lu Golfe cl de~ mers étroites, l'mlktl
de leur spU:îfü.~. ulu1 du Kouvemail u.11111 ou du JVéémcnl carré par exemple, m.: lcur puru1 pas mJ1s pcnsohlc . Snum•'i dam leun
caaD, à la ÇOOCWTcncr active de ba1eau11: plus pc:rfumwn~ . leur nécessité !<o'étu it c:n rc vnn L: hc ré\"éléc pl us urgente ", p 25J

l M . DAUMAS dlr.• lluto rrr! IJ~nùülede.J tt.·chniqm!J', 1. 2, Lt.•.'f premlert!.r l!tupt•.,.; ' '" '"'" l1111i.rmt•, Pnrlli , r .U.r., 19(15, r· J90
4 Elk pcnni1 de v11ncrr ICI vcnlS contn1ra cl de prendre une route de rcwur en louvoyont contre le vent ; cc raisom elle
diminua fortcmml LA peur de ne jam.ata pouvoir revaur ; M . DAUMAS d1r., H iswlre gé11.!r11h· di:.'f 11..•drnlqm:.'f, 1. 2. LcJ p~m1(NJ
11.apadtltrtOCltinWM, Paria. P.U.F .. ltJ6S , p. 370· 373
Chapitre 2. Les révoluUorut dl' ln navigation maritime 181

2. Les progrès dans le ca1cul de la position géographique

La boussole fixe dérivée de l'aiguille aimantée apparait au XIU• siède1 ; elle permet.
grâce à sa rose des vents, d'orienter la navigation.
Les navigateurs prennent en compte la déclinaison, qui est variable !!elon les lieux.
en usant de tables fruits des calculs des astronomes et des ob!iervations de marins ; ils
utilisent des portulans, qui sont des cartes marquant les lignes à suivre pour se rendre
d'un port l'autre .
Durant les XIVe et xvc siècles, des astronomes arabes et juifs installés en Espagne et
au Portugal établissent des tables pratiques de déclinaison pour les navigateunl. lR
calcul de la latitude est un progrès considérable, qui permet sans doute aux PortugaiS
de réussir leurs explorations. La connaissance de sa position Nord·Sud permet. si ran
connait la latitude de sa destination, de s'y rendre en suivant le parallèle
correspondant. Ainsi, en 1488, Bartolomeu Dias rapporte la coordonnée de la pointir
australe de l'Afrique; désormais les Portugais peuvent atteindre le Cap de Bonne-
Espérance à partir de n 'importe quel point de l'Atlantique Sud. Os ne sont plus obligés
de longer l'Afrique de l'Ouest.
La projection de Mercator est inventée vers 15703. On évite désormais mieux les
dérives énormes dues à une mauvaise représentation de la terre et la non prise en
compte de sa rotondité.
Pour le calcul de la longitude, il faudra attendre le XIX• siècle.

3. Conséquences géopolitiques de la navigation


atlantique

Nous avons déjà traité de ces conséquences dans le chapitre consacré aux nouvelles
routes maritimes aussi nous les rappelons ici brièvement.
Ce que les découvertes des XV• et XVT• siècles ont impliqué en matière de
géopolitique est immense : le monde n'a désormais plus pour œntre de gravité la
Méditerranée, mais l'Atlantique; les routes terrestres de la soie déclinent. L'Europe de
l'Ouest sort du Moyen-Âge et entre dans une phase d 'expansion continue ; le Moyerr
Orient, qui tirait sa splendeur de sa situation intermédiaire entre l'Europe et l'Asie
décline, tout comme Venise, formidable thalassocrahe du Moyen-Âge qui va tout de
même parvenir à maintenir son importance jusqu'au XVIIIe siècle. Ce qui tue Venise, œ
n'est pas le retard technique ; au contraire, son avance sur l'Empire turc lui permet de
tenir. Elle emporte des victoires comme à Lépante. Mais comme le dit Braudel. ses
victoires sont sans lendemain, car sa défaite est géopolitique:
"Ce qui a eu raison de Venise, ce sont les routes du monde qui se déplaœnt
lentement de la Méditerranée à l' Atlantique ; ce sont les États nations qui grandissent

1 l.'n1111ou11 naturel i:t s a pu•pn..!11: traum.:r le fer sont ~o nn11:i. ('fi C h an.:~ k mr Mède 3' . J ·C : b 1'omlolc: al tdllmi'I! .18 lit
XIIIe ~1è..:-lc p nr k s mnrin s ll1H!'l• lln1m" ~I l> :\l l ~l ,\S dir . 1/1.' "'"'' .t:•irWrult· .11•• t"-·Jtn"'iw' . l 1. ~ ~"-"" Jp "1 â •'tl,,.,.,,,.
,,.c1in;q1"'. l'11ri s. 1•. t 1 ... . 1 9t.~ . r ·'~7

:! ()es 101 h lc s lh: LILLdimu son Liu s11lcil snnl nnprmu."'-..,; l."11 14X.l li \'c:n i ~ : M OA\ t'i.AS dn' .• HUlollf' ~..,. ,......._,

1. 2. /_,.,.,. r•rc •mi,•rL'.'f t :ltlJ ... ." clu "' '" ' hini~nt. • , rn ns , I" l : I· , 11.Jt-.~. 1' ~t>

.1 '"""'· .... . 2:c;


-1 l . ' l ~ lflJ'>llC turc r re1 1tl f,"·nm: 41up :'1 V..:n 1..;1.• \.'Il ni.11t1Crç t k 11.,·h.n1L1u..• n:t \·:ik '( <k PlANHlll l 'ul'1m ,·1 lu wwr, tlo_..- l'i
,,. ""'''''"'· l 1f'-.\',\•· \'/1\dd . Pun s. l"L·nin . :?OOU. p . 2fM ~ :!Ol<
182

Dès le XVI• siècle, Venise se heurte à ces cor-ps épais : l'Espagne, la France" 1 . C'en 1!9l
fini de cette belle supériorité italienne des siècles du Moyen-Âge sur la Méditerranœ2.
Au XVI• siècle, alors que l'E.~pagne et le Portugal croient pouvoir se partager le
monde avec la bénédiction de la Papauté, les souverainetés française et anglaise se
lèvent. Les corsaires français jouent un rôle primordial dans l'abaissement de la
domination espagnole: Jean de Fleury capture des galions de Cortez en 1522; Jacques
Cartier do!couvre le Canada, et offre la Nouvelle France au Roi. Le XVII• siècle français
est un siècle d 'expansion maritime et d'affirmation du royaume de France sur les mers .
L'Angleterre doit encore attendre avant de pouvoir s'imposer sur les mers. Mais déjà
ses corsaires sont à pied d'œuvre.
Français, Anglais et Hollandais vont, de 1550 à 1713 - début de l'affirmation des
puissances protestantes contre l'hégémonie des empires, jusqu'au traité d'Utrecht -
affaiblir, grâce à leurs corsaires et leurs flottes de guerre, l'hégémonisme des
Habsbourg.

4. Des conséquences géopolitiques de la navigation


à vapeur
"La rmpeur a imposé Suez à l'Angleterre, le moteur à crplosio11, Bassorn/1 cl Bagdad."

Paul Morandl, La Route des Indes.

"L'arrit>ée des E11ropéms modifia les rapports des peuples asiatiques. [ .. . / Ln 11avigatio11 à
vapeur, et dans une bien moindre mesure, /es cl1emins de fer, ont pen11is les transports par masses
L'lntk peut se nro1tai//er en Bin11anie, si la récolte manque, et les Pllilippines à Saigon . Surtout lt
Tapon s'est crtt en Asie un réseau de rt!lah"ons semblables à celui qui unit l'Anglclerrc aux pays
11eufs. •4

En 1776, le marquis de Jouffroy d'Abbans5 , ingénieur français, fait marcher un


bateau à rames mécaniques sur le Doubs et, en 1783, un bateau à roues à aubes sur la
Saône. Le thermodynamicien Papin avait eu aussi cette idée, mais son bateau avait été
détruit par les bateliers de Munden6 . À la veille de la Révolution française, la France
est en passe de maitriser la première la vapeur motrice et sans doute de donner un
avantage décisif à sa marine marchande et militaire. Le chaos révolutionnaire fait

1 f . BRAUDEL. G DUBY dir ., La M~ditt!rrunêe, Lc.s homm,•.f t!t l'h~ritag1-. Pnns. Flamm.inon. 19~6. p. Ul.J .
2 •t cmp1rc colonial vbiillcn cl l'empire colonial si:nois
1
~gncml sur le Levant. Fncc nu Ture, le s copitatnes de Saint-Marc
uwmcn1 mqmfiqucmcnl le rûlc de dér~SCLl.1'$ de Io Chn:ttcnté, et l'hérolsmc de Drn~udm rappelle au monde commenl G« 1'1'»1t
un s-inc1m tllKlll au Livre d'Or u.11 mourir Ce que fut 1'1lcll énc llc la Belle Ê poquc, cc que 1' Anglo-Sa.x.on sera un jou.r, l'ILl.l1e11
l'esa mamlcnanl,. Wl i!trc d'une rsxncc supéncurc, sur-homme ou dem1-D1cu , qu i mnrchc lihr-cmcnl o;ur- terre cl su.r lo mer ;a\·n;
l'Lfttune orgueil de ne pu s.r connaitre de parcil!tR , ttn1 R GH.OUSSET D propos de ces s1~c\cs 11olu:ns ' IUI précèdcnl 111 rholulion
allant1quc tn Bilan J~ l 'lriJtOIU, s• td ., rarü. , rlon, Le Mont.Je en 1O· JM. 1962.
l P. MORAND,LaRauteJc!.1 lnd1!:1 , Paris, Arl~a . 19K9. p. 211.
4 J. SION, "L'A1ic dr5 Moussona", in P. VIDAL DE. LA BLACHE. L. GALLO IS. <ir!o>:m11hu· w1ivcr.<r,·ll1.'. l•.:i.ns, Arm.inJ
Colan. 1927- 1938, 1. IX. p. SIS
j Sur les premitra l!uipcs vcn la machine à vapeur-. voir M . DAUMAS dir., lli.Hmrr: ~<.•m] ruh· 1/1• T 1t•c ·/11111111t'.~. l'am. r li F .
196S. t. 2, Ut pnmiircs r1upe1 du muchmistnt!, p . 4S 1-471 , Sur Jouffroy d ' Abbun!t : M DAUMAS t.lir. l/uw1n.· 1-:i-11àult' ' °'
ttthniquu. Pari1, P.U.F.. 19fitl. 1. J, L 'expull!Ûun J11 mud1l11u·mr:, p. 29M .
6 Il faudrail ttudicr le rôle des oorporalismcs et de,. ~yndîcalismcs dans les retards cuusés uux nvtmcécs scientifiques tl
tcduuquca il est immense
Chapitre 2. Les ~olutlon9 de la navigation maritime

basculer cette chance dans le camp anglo-saxon. En 1803, l'américain Fulton1 reallle le
premier Stenm-boat.
La vapeur est le point de départ d'une nouvelle révolution de la navigation qui
développe de manière considérable les relations maritimes.
Les conséquences géopolitiques sont nombreuses; nous en évoquons ici quelque-
unes.

4.1. Vapeur et essor démographique de11 Étau-Unis


La première grande conséquence est le développement rapide du peuplement des
États-Unis2. La vapeur augmente les liaisons Amérique/États-Unis, le tonnage des
navires, leurs capacités de transport en hommes et en marchandises. Dans les anné1!s
1820, près de 15 000 personnes émigrent d'Europe vers les États-Unis d' Amhique;
dans les années 1850, ce chiffre est de 260 000; il atteint 520 000 dans les années 1880.
Au début du XX" siècle, l'immigration annuelle aux États-Urûs dépasse le million de
personnes3.
La montée en puissance des États-Unis dans la seconde moitié du XIX• si«le et .li la
veille de la Première Guerre mondiale ne peut être dissociée de ce transfert ma911if de
peuplement entre le Vieux Monde et le Nouveau Monde rendu po55Îble par le progzè
du transport maritime.

4.2. Vapeur et effondrement de l'Empire omanais


L'Empire omanais prospère dès le XIII" siècle sur ses relations commerciales avec
les côtes de l'Afrique orientale-'. Malgré la concurrence des Portugais au XVI• siècle,
puis la montée en puissance de l'Angleterre dans l'océan Indien au xvm• siècle, la
marine à voile des Omanais, formée de boutres, résiste au choc des navigations à voile
européennes. En 1798, Oman signe un traité de bonne entente avec les Anglais dont la
marine contrôle désormais l'océan Indien. Le sultan de Mascate peut alors pom5Uivre
le développement de ses relations fructueuses avec Zanzibar et la côte africaine.. Le
sultan Saïd le Grand bâtit, entre 1803 et 1856, un empire commercial qui s'étend sur Je
nord-ouest de l'océan Indien, des côtes de la Perse jusqu'au Mozambique avec une
implantation essentielle sur l'ile de Zanzibar; la traite des esclaves constitue la
ressource principale des trafics omanais.
Mais les boutres arabes ne peuvent résister à l'arrivée de la navigation à vapeur
dans l'océan Indien; contrairement aux voiliers arabes qui dépendent des vents de
mousson et des saisons, la navigation à vapeur s'est affranchie largement des
contraintes naturelles ; elle est de surcroît bien plus rapide5.
Un autre événement géopolitique que le facteur technique vient porter le coup de
grâce à l'Empire omanais : l'ouverture du canal de Suez qui facilite aux Européens
l'accès à l'océan Indien et qui fait perdre définitivement aux marchands d'Oman le

1 M . DAUMAS dir .. Hl.'murr ~btér.1/1• ,k .'f t~h"'lluf!'.'f, Paris.. P U .F , 1%~. L ~Les~ i,,..s .. ~. p. ICJ':'.

1-
2 f"cnsons roui s1mplcn11:1H uu n:mfro~c IC"mblc: ùu Tuanic C'R 191=: C'nt l'fpJquc des~ ~oudcsmillicndr
mignuus cum~ns coun:nl dcn11! n: le rêve amëncain.
:\ D S. LANDES , Rr. ·'11· \,\ •' ,·1 p.uffr•·1t..; ,;.,._, trutw ' u rP"urq~1 ~$n..',....J ' Pmuv_.,.m,,..,....,, 1
1.P'mn.. .-Ybin~
p . .ilJ.
4 Ph . WENDELL. (Jnr11rr. u h t.\lcuy. Ne\\ Yl1rk. 1%7. n:pruU Bcy-ruuth. 197l , p...?4-61 : D. a. J. SOl/Rl>Et..~
hi.tton1111rthl'Ulmn. Paris. P .ll F . 19%. r . bJ2.
5 f . SCHOLZ, Sul"'""''',.,-,,_,_. Stv1t9.n. IQ7K- JQSO. Il , p . 111 - 115 .
Purtic 6. R&..Jvolul;on1 lrclrmq1u~

contr61e du ~-ommerce international d'entrepôt; Zanzibar se sépare de la base


omanaise. sous l'arbitrage du vice-roi des Indes. Au début du xxc siècle, les Omanalt!
se sont repliés sur une frange littorale arabe et bâtissent un nouvel État, loin de la
splendeur du passé impérial

4.3. Vapeur, augmentation du tonnage et déclin des portf! d'estuaire


Du temps de la marine à voile, les ports les plus favorisés, en particulier sur la
façade atlantique, en Europe, ou le long des côtes marocaines, sont ceux qui se situent à
l'abri de la houle du large. lovés dans des estuaires. Mais le développement de la
vapeur qui permet l'augmentation du tonnage des navires condamne progressivement
nombre de ports d 'estuaire. la géopolitique interne de pays tels que le Maroc s'en
trouve modifiéel . Ainsi. au Maroc. avant la navigation à vapeur, les ports importants
sont ceux de Rabat-Salé avec l'estuaire de Bou Regreg - une ville d'environ
40 000 habitants -. de Larache sur l'estuaire du Loukkos, refuge de la flotte marocaine,
ou encore de Tétouan sur l'estuaire du Rio Martin où des bâtiments de faible tonnage
peuvent faire escale. La vapeur favorise l'émergence de Tanger qui devient le principal
port du nord-ouest du Maroc au détriment de Tétouan. Dans les années 1830-1840,
Tanger n'absorbe encore qu'environ 1/10" du trafic maritime marocain2. En 1900, cette
proportion est passée au 1/4 et Tanger devient l'un des premiers ports marocains dans
la seconde moitié du XX• siècle3. Casablanca connaît également un essor phénoménal
du fait de la rêvolution de la vapeur. En 1830, Casablanca n'est "qu'une bourgade de
quelques centaines d'habitants"4 ; à l'orée du XX• siècle, ce port dépasse Tanger. Ce qui
était un médiocre abri contre les vents d'Ouest, s'affranchit de ses caractéristiques
géographiques et profite de son avantage de position pour devenir le premier port
marocain3.

• x . •PLANHOL. w Naliotu du PToplrrit~. Ma"'"' ginxroph'que tk (WJ/llil/Ut' mu..wlmunr, r.n •. F•y.rd, 199), p. JK"J.
2 J.l.. Ml.ÊGE. W "'°"1ic rr l'EMmpt. Paru. IV vols. 1%0-196) .
) H. BtcrUIN, L'orgartiwtinff d~ r,.tpucc ou MaTt>C, Rruxdle!' . A cadhnie IC. n yalc de!' Sc1cncc11 d'Oul~ - mer, Claue' dtt
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.t X . de Pl...ANHOL. U s NuttMu du Pmph~t,. Manuel Rrn1fruphiqur J e p o /Jtl q u (' m1u11lmm1r , PQn 1', Fn y•rd, l'ltH. p. JK7.
5 CÉLta.IER... •1...e1 oondit..,._ &6osraph1qua du dtve!IOf!pemcnt de C aJU1hl11nen" . i n RO M , 1939 . p. ll l - 1~ 1 ; F. JOl.Y.
'"~iitmenes pour une ibadc de pctgraphic urt.inc''. in C ahicn d"O utrc-Mcr. l'J4M, p . l 19· 14R ; D . NOIN . "C...titanca"
i11 NC1119c::t é.se. documattatrcs. Pan•. l'r71 , n° ) 797 -37'1tl ; J.L. MJ fi O E. /..e M11rrx: ri l'l::11rup«>, raria, 1960- 1'Jttl . Il . p 17M-lllJ
LHAt'ITHJ!; 3

LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

•1..11 Révolution industrielle, la prmriire rirlalution aqtrlble û faire~ le,.,,.. i Ill


uiœsse fantastique de la mochine"l

La dynamique de sélection entre les puissances qui avait commencé très tbt dans
)'histoire, dès le Moyen-Âge, qui s'était accentuée durant l'époque des Grandes
!)écouvertes, connut une nouvelle phase : la Révolution industril!lle, nouvelle
révolution de la puissance.
Alors que l'Espagne et le Portugal avaient eu le malheur de s'enridiir d'an or facile.
les nations comme l'Angleterre, la France ou la Hollande profitèrent de la décoavertl!
de nouveaux mondes pour développer de nouveaux commerces et poursuivre lmr
progrèS des sciences et des techniques.

1. Le progrès industriel

Au xvme siècle, l'Angleterre favorise l'essor d'IDl nouveau mode de production par
le système de l'usine2. À la différence de la manufacture qui est aussi tme unilé de
production en série rassemblant des ouvriers sous un ~ système de conlrOle,
l'usine se caractérise par l'utilisation d'une source d'énergie centrale et inanimftol_
Le progrès dans le secteur de l'industrie peut se résumer à trois apports esmtiels :
- la force et la dextérité de l'homme sont remplacées par œlles de la machine qui est
tout à la fois "rapide, régulière, prectse et infatigable"': haut-foumeauS en 1735; ~
fondu en 1740; machine à vapeur en 1768; filature en 1770; métier à tisser oé;;mique
en 17866 ;
- les sources d'énergie animées sont remplacées par des sourœs d'~
inanimées ; les machines pennettent la transformation de la chaleur en travaif7 ;
- de nouvelles matières premières sont utilisées, d'origine min&'ale commr le
charbon.
Ces progrès entraînent un accroissement de la productivité et du reYe1U par tête;
pour la première fois, l'augmentation démographique rendue possible par les progrts
de le science n'est pas anéantie par la pénurie; la croissanœ de l'konomie suit la

1 F. RRAUOEI.. Gr,1mnw in· ,"4., d l"l/L.""ri'>11..'. 1%J : Pari'-. FlammariNL IW:t


2 M. DA UMAS dir., lfL,toirf' .~i-Mr.1/(" tk.t ttt"llFJiq~. P1u;s, P.u .t-·.. l~ . t ~ . L ·~ ................ p. 102·10'1.
-' O.S. 1.ANOE$. Rld1l".t.ct· r'f p.no·rrlt! Jr.t ""''°ru (Po'"'fl1Ktî ck$ rlclt.r.f ",,.,.,..._ JaptWWO "J. '-il. Albi& MJdllsl.. IM..
r 247
.. M. OAUMAS d ir .• //fa tf1 ir r ~ ·· "•'n l/r J,..'f r.·,·ltntt,wJ , Pari~ P.l '.F.. 1968., t. l . t ·c..,...._ ·~p. lQZ·lk
l /U..,, r · lA~ - ~M6 .
6 ldtom, p. 649-7 JO.
7 LOI opp<nto de Io 1eienco 11••&>% · JbO wol ~-
c-roi.ssam:e humaine. L1 liberté économique, alliée ;\ une forte cohésion natio1l.lle,
propulsent l'Anglt'lerre ,1u premier rang des nations durant le XIX" sil'cle.

2. Rrvolution français<' contre Révolution i11dustricl11•

Dans les années 1780, l'Angleterre n'il gul're d'avance sur la France dans le domaine
des sciences et des techniques appliquées aux processus industriels. Nous avons vu
que la France était sur le point même d'être la première à lancer la navigation à vapeur.
Mais la Révolution française plonge l'Europe dans le chaos, à la fin du
XVIJJe siède1. Elle intern1mpt les communications entre le continent et l'Angleterre, et
donc la diffusion des inventions 2 ; les Anglais communiquent en revanche avec
l'Amérique qui bénéficie de leur révolution industrielle. C'est seulement à partir de
1815 que les pays d'Europe continentale peuvent tenter de rattraper l'Angleterre; mais,
pendant vingt-cinq ans. les ressources de l'Europe ont été gaspillées, les entreprises et
le commerce retardés par rapport à l'Angleterre. L'idéologie révolutionnaire française a
eu beau mettre en avant la science contre les Humanités - Monge et Carnot fondent
l'école polytechnique en 1794 - ; son résultat est d'avoir fait perdre à une France plus
riche que l'Angleterre en 1789, le leadership naturel ciu'elle aurait dü occuper dans le
domaine de la Révolution industrielle, et par voie de conséciuence a ouvert la voie du
déclin de la puissance française.

3. Le creusement des écarts de puissance


à partir de la Révolution industrielle
En lT::>ll, le revenu moyen d'un habitant de l'Europe occidentale n'est supérieur à
celui d'un habitant d'Europe orientale que d'environ 15 % . En 1860, cette différence est
passée à 65 % et vers 1900, elle atteint 85 % 3 . Les écarts se sont aussi considérablement
creusés dans la deuxième partie du XIX• siècle entre les puissances occidentales et les
pays d 'Asie et d'Afrique.
Le fossé de puissance entre le Nord et le Sud s'est donc aggravé à partir de la
Révolution indusbielle, et ceci, de manière paradoxale, alors même ciue le monde n'a
jamais été aussi ouvert, et que les continents sont désormais reliés entre eux.
En devenant tardivement une nation, et en exaltant le pangermanisme, l'Allemagne
rattrape son retard industriel sur l'Angleterre entre 1890 et 1914, et ceci dans tous les
domaines : machines, construction navale, locomotive. En 1868, Krupp concurrence les
Anglais en fabriquant des canons. Le nationalisme, la démographie et la position
centrale de l'Allemagne en Europe menacent désormais la puissance française sur le
continent, tandis que l'Angleterre continue à s'opposer dans les mers du Sud au rôle
mondial de la France.

1 Nouamwoyons ii l'!Mudc comparnt1vc Francc- Anglet1."1Tc de l'..~conunu sl c fruni;ni~ Cro uzel , 1: _C ROUZEL DL· l11.'fu11c'nunri
Jr l'Anglt!lrrnsur Io Fronce (L'Jcanumlque t'I /'1m1.1glnu1rc. XVJr-X>."' .fiêcle), Pans , Pcmn . 19H5
2 •A1.1 marnent ~me où les poy11 du conunenl prennent conscu!rH::c Ju rùlc mnh~ ur juu..! pur l'Angl ctcne cl rCulisc-nl leur
prantcT propft dans le 5eelcur cruct.ul de l'industrie colonnsCn:, l'Europe connu• une pénmlc Je 1rnublcs polit1t1ucs l:\"n.'. Li.
R.é--'o lUIJ.oa (~1oe qui 111terromp1t les commumco.t1on~" 111 D .S LANDES. /t1â11·.u1• l'i 1m m •n•r-.; 1h•.f trulimr.'f fPm1rq11111 .N.1
rlch.!f ? Pm1rquoiJupaulTU 1). Pouis, Albin Michel, 199K, p J34.
J ALOCROf-1, Ewo~·s 11iird World, p . 2 . Voir auas1 P BAIROC ll . Mum 1hmtb in Nation'1f t :nmmruc /)ispclrltir~
OuipthT 3 . La ~vnlulion lntJutttrit:•lh~

Dès 1870. les États-Unis di,.posent de la première économie au monde. A la veille


de la Première Guerre mondiale, la production américaine e<1t 2.S foi• !IUpttieureà celle
du Royaume-Uni ou de l'Allemagne. 4 fois supérieure il celle de la France. le P:f.B.
am~ricain par tête est supérieur de 20 % à celui du Royaume-Uni, d" 71 'J. à celui de la
France, de 86 % à celui de l'Allemagne 1 .

4. Le chemin de fer, un nouvel outil


de puissance européen

À la colonisation e t à l'extension de l'influence européenne dans le monde aux xoce


et xx• siècles, correspond un formidable outil de projection de la puissance · le chemin
de fer 2 .
Fidèle au principe de l'impôt islamique sur le transit des marchandises qui fit la
richesse des premiers empires arabo-musulmans, l'Empire ottoman ne voit dana
l'arrivée du chemin de fer européen qu 'une source de revenu kilométrique. Des
concessions moyennant annuités kilométriques sont accordées aux Anglais - ligne
Smyrne-Aïdin-Kassaba dès 1856; visée en Égypte et concession donnée en 1872 au
baron J. de Reuter en Perse - et aux Français - lignes Beyrouth-Damas et J~­
Jérusalem - à la fin des années 1880. Les intérêts allemands font leur entrée un peu
plus tard au Moyen-Orient, à partir de 1888. fls s'arrogent la concession du Berlin-
Bagdad-Basra via Istanbul; ce sera le fameux Bagdadbahn. À la veille de la Première
Guerre mondiale, les Anglais ont obtenu des Allemands qu'ils ne prolongent pas la
ligne ferroviaire jusqu'au Koweït.
En 1900, les Russes obtiennent à leur tour des Ottomans que ceux-a s'engagent à
réserver à leurs entreprises les concessions ferroviaires du bassin de la mer Noire. au
nord d'une ligne Kaiseri-Diyarbekir-Sivas-Karput.
L'ensemble de ces réseaux ferrés européens au Moyen-Orient dessine les contours
des zones d'influence d'un Empire ottoman qui n 'en finit pas de se décomposer dans
l'illusion de pouvoir vivre encore sur la taxation des commerces européens chargés sur
le rail. Le chemin de fer au Moyen-Orient est sans doute l'une des dernières illusions
de "l'économie de situation géographique" .

5. Ce qui arriva aux Ottomans qui négligèrent les progrès


de la science et des techniques

Pour quelles raisons l'Islam qui était puissant depuis le VU• siècle connut-il une
telle décadence face à la civilisation européenne? Les raisons sont sans doute multiples
et, une fois de plus, nous éviterons le piège de la monocausalité. Braudel soutient que
le vrai déclin de l'Islam date du XVIII" siècle. lorsque l'Empire ottoman rate le virage
de la Révolution industrielle' ; il conteste l'idée suivant laquelle le déclin du monde
musulman daterait du XIII" siècle et remarque que si l'Islam perd s.i position
dominante au XIII" siècle, il reste néanmoins vigoureux.

1 A MAIJDISflN, 1-;.,pfm,,111,i.: tlu· 1-: , ·11111111tf( /•,., tormcJ"t ,. 11/ .\"ou,uu. r ~~ .


2 M DAUMAS dir ., l/n·111in· ~·'11à11h· ,/, ..,. h v h11i1/lh ">, rans. . r lU:. 1"'6.S. l 3. l '~.tpaat.•1tt11..a~llnfmt. p )71-Ul.
Ji= . URAUDl:L , lir<1111t111m·,· d,._,.1· 0-1/1.~"""'u . l'if\.\ ; Pans.. 1-'hunmanon. t91H
788 Partit• 6. R.L'volul1ou1 ltclmiqun

En fait, à partir du XVl0 siècle, l'écart technique entre Européens et Ottomans !K!
creuse. Ainsi, dans le domaine naval, la différence en matière de puissance de feu et de
maniabilité des navires porte de plus en plus préjudice aux Ottomans. Lorsqu'en 1593,
l'historien ottoman Selaniki Mustafa Efendi décrit l'arrivée en Turquie d'un vaisseau
anglais à bord duquel est embarqué le nouvel ambassadeur anglais auprès de la
Sublime Porte, il compare les bouches à feu des canons en fer de la marine britannique
à des porcs. image symbolique qui illustre à quel point le rejet ottoman du progrès
technique de l'Europe puise ses sources dans des réflexes civilisationnelst .
En vérité les Ottomans ont bien tenté de se moderniser. Mais le processus de
modernisation que l'Empire ottoman lance dès le début du XIX 0 siècle est
"opportunisre"; les musulmans prennent conscience de la supériorité des performances
de leurs ennemis et découvrent la modernité européenne. Bernard Lewis parle à
propos du processus engagé dans l'Empire ottoman, à la fin du XVIIIe siècle, de
modernisation par emprunt à l'Occident2 . Un emprunt qui se limite au domaine de la
force pure, à celui des techniques militaires et qui n e réforme guère les structures
politiques et juridiques ; les sultans qui se succèdent à partir de Salim Ill - 1789-
1807 - commettent l'erreur de penser que le retard technique sur les nations
européennes est rattrapable dans les structures archal'ques de l'Empire et de ses millets.
Or la modernisation ne fonctionne que là où existe la volonté de fonder ou de réveiller
une nation, en Égypte par exemple, sous l'impulsion de la France et de Méhémet Ali. Et
il est notable qu'il n 'y eut de progrès technique véritable en Europe, durant le Moyen-
Âge, qu'avec la construction des États modernes européens et la montée en puissance
du politique à côté de l'ordre religieux. Mais les Turcs mesurent trop tard l'erreur qu'ils
ont comnùse en abandonnant durant des siècles le monopole de la connaissance el des
techniques au millet chrétien, el qu'il leur faut désormais briser les cloisons des
communautés de l'Empire pour pouvoir progresser dans le doma ine technique . Par la
protection qu'ils exercent sur les communautés chrétiennes en Orient, et qui sont
autant d'ingérences dans les affaires de l'Empire, les Européens mettent à bas les efforts
des sultans dans leurs réformes; grâce à leur puiss ante influence en Orient, ils font
échouer la réforme de 1839 qui doit supprimer les millets ; en forçant l'Empire ottoman
à rester un empire, ils font avorter les efforts turcs pour sortir du retard el
s'occidentaliser; ce faisant, ils conservent leur avantage sur un monde musulman qui
les avait si longtemps menacé. Si l'Angleterre l'avait voulu, l'Empire ottoman serait
mort dès la fin du XVIIl 0 siècle ; le vieil homme malade n 'aurait pas survécu plus
longtemps, un siècle encore; mais les Anglais misèrent sur le maintien - alors que la
France à partir de l'expédition d'Égypte commença à joue r sur le ré veil des peuples
vivant sous le joug ottoman - d'un Empire qu'ils jugeaient stabilisant pour l'Empire
anglais des Indes.
A la fin du XIX0 siècle, l'échec de la modernisation par mimé tisme de l'Occident
favorise l'éclosion des thèses islamistes. Puisque copier les Occidentaux ne sert à rien, il
faut désormais inventer une modernité spécifique à l'islam. De ce temps date
l'opposition entre un nationalisme arabe visant à re dresser la tê te par la construction
d'une nation moderne bâtie sur le modèle européen et de l'islamisme qui rejette tout

t O.S . LANDES, Rir:has~ i!t puuvreté de.• n11tlt11u (Po r1rquai dt•.'f ricl1e:r ? P o 11r q1w1 ~'•'·" p c.u "'n'.<r "J. P•n!'I, Alhin Michel . 199S,
p. 51 8 , 1ou1tfo1a, il (,;C)Ov1cn1 de ne pu cugtn:T l'imJ10n.ancc de l'anccdo Lc ; l'E mJ'J irc tcnh: ùc m odcmi1'cr !iR noue en inttgran1 ln
dcnuba ltthruqucs. M1111 le déchn s~n.I de l'admînn.uo1ion uuuinanc ne lui renne! p 1u• <Je rényu i\ la mesure dc !i CRJC'Ult Xa \1CT
de Planbol KJUbgnc q~ l'mfCriontê de l'l•lam sur mer est une conslantc c.Jc l'h1 ~11 o irc m ê me au tcmp ~ Je la s rlcndcur des OmcyyaJn
ctdca Ahbaudc:a. ûmc in(énori1t 1tructurellc e st l'une des raisons majeures de l'écltp!'lc J e l'l slpm e n 111 nt que '1lll!I SllOCC' mooJ1•k
X. de PLANHOL. L'islam et lu mer, (ÜJ mosqu'c et le ma telo t, Vir-XX" .'fiCd~J . Pans, rcrrin , 20 00, p. 47K-4 79 .
2 B. BADIE, l..1$ Jau t1au f Pn11t1afr t!I :m c lJlé .tn O&:cidcnt c!f e11 terre J 'l.'flnmJ, run11., FayorJ. l 9'l7 . 11 · MS
O..pitre 3 l...a révolution indu!lltriellc

modèle occidental autant que la notion de nation considérée comme étant impor1ie
d'Europe, au profit d'un retour<\ un âge d'or islamique.
La question du facteur technique en g~politique est donc aUS5i lift, à une question
de science politique car, comme l'écrit Bertrand Badie, "L'ordre politique s'est construit,
en Islam, sur des bases non seulement différentes, mais à l'inverse de celles qui
marquent l'histoire occidentale. La modernité s 'est confondue, en Europe. avec un lent
processus d'émancipation de l'ordre impérial, alors que la politique s'mt
progressivement définie en monde musulman, en fonction de l'obligation de créer un
empire, lié à la définition d'une nouvelle foi et aux conditions de 50l1 univ~wr.

l M.·m.p. 41.
l.HAt'tTHt; 't

LA RÉVOLUTION DE L'AVIATION
ET DE L'ESPACE

Par l'importance croissante qu'elle joue dans les conflits contemporains, l'aviation1
modifie les données de la puissance et Je rapport de l'homme au territoire.
Comme les nations européennes qui disposèrent à partir du XVI• siècle de la
mobilité maritime de leurs forces et d'une puissance de feu supérieure, les nations
occidentales qui disposent aujourd'hui de la supériorité aérienne - complémentaire
du potentiel militaire, maritime et terrestre - ont un avantage en puissance
considérable sur leurs adversaires potentiels ou déclarés. Cet avantage en puissance
pose la question de la pertinence ou non des concepts d'aéropolitique et d'aérocratie.
Par ailleurs, en s'élevant dans les airs, l'homme s'est affranchi des obstacles posés
par le relief, par la topologie. Le rapport de l'homme à la nature s'en trouve modifié en
profondeur et les déterminismes essentiels de la géographie physique sont d'autant
atténués dans Jeurs effets.
Mais l'irruption soudaine d'un nouveau facteur dans l'histoire ne signifie pas
l'élimination des facteurs préexistants. L'air ne diminue pas l'importance de la mer et
de la terre. Et ce sont trois dimensions qui doivent désormais être pensées dans leur
interaction et qui participent d'une dynamique de globalisation des relations
économiques, politiques, militaires entre les peuples.
La technique spatiaJe2 ouvre Je chemin de l'exploration de l'Univers et débouche
sur la perspective - encore lointaine - d'une colonisation par l'homme d'autres
planètes que la Terre, colonisation qui serait la rupture tant rê\•ée par la science fiction,
entre Prométhée et sa planète nourricière, et peut-être aussi la fin de l'histoire
terrestre3.
Plus qu'une révolution de la distance et de la vitesse, l'aventure spatiale est une
révolution du temps. Car regarder loin dans l'espace, c'est sonder le passé et remonter
le temps vers l'origine du monde4.
Mais si la conquête spatiale, commencée au milieu du XX• siècle, est en premier lieu
la grande aventure de l'Humanité, c'est aussi le fruit de la compétition des intérêts de
puissance en vue de se donner des moyens nouveaux permettant de faire progresser
les logiques terrestres de domination.

1 Sur les premières tlnpc:s lie l'nérnslnllon · ~-t OAUMAS dir., Hi.'(t11if\' g~n..·ruJ,· dt:J tf'c: ltntljMt'.t , Pans.. P.C.F . 1%1. l. J.
l 'upom1011 du mm:l1;m.t nœ, p. 41 J-41 t) _
2 Nou~ pré(éron~ rc lcnnc "lci.:hniquc .. i\ L'Clll1 de " lc~hnolo~1c" tlUI ~l un anglicisrr.:-.
) F.1 Io continuit.!- de l'histoire hunminc ou, du n'Klms. de l'his1ui~ U'un è~ \·i\llnl Joué de rus.on. mau, ~ aw. ptut-&t p:niu
baiucoup de son humanilc!: s'il contumc uinst sur lo \'Ote d'un n\lll~riahsmc scu:ntifi"luc imrnortl ~ pm- Allâlu:s ~le-)· dms
Kin Meilleur des inondes.
4 Lo lumière o une vitesse : lon.t1uc l'on règnnh: llÜn tians \'\ Jill\ l!rs a VC\.' un ttlês&.:opc :oipalial, ta lunuàt qw oous p.in"M'DU !!li
tn111e 11 y trts longtemps -·- un nombre unponum d\urncc10- lunuè~ · · : l'his101n: 4u ·~11c dtroult dl:\'aDl noCR «ra d'oblcnuic:m
cJ1 celle <l'un p1!1sc!: loinlhin.
Comme une part immense des connaissances scientifiques, la conquête de l'c~pacc
est le produit du progres d,-s h.."Chniques de guerre, en particulier des avancées
techniques de la Seconde Guerre mondiale puis de la Guerre froide dans les domamc.
balistiques et électroniques.
Li Guerre du Golfe t'n 1991, comme celle du Kosovo en 1999, ont montré que les
capacités spatiales, combinées à l'usage de la stratégie aérienne, sont un indéniable
facteur de supériorité militaire et qu'elles donnent naissance à un nouveau
"paradigme" dans l'art de la guerre• : le Bnttlcfil'ld 11wnrc11t•ss, c'est-à-dire l'utilisation, au
plus bas du champ de bataille, d'informations provenant des moyens spatiaux et qui
permet une communication étroite entre le satellite et le soldat.
Nous voyons d'abord que l'accès à l'espace ne se fait pas à partir de n'importe quel
site terrestre. qu'il existe un lien entre le potentiel spatial et la situation géographique.
même si les progrès tendent là encore à fragiliser ce lien.
L'espace ensuite est l'apanage de quelques grandes puissances; il n'y a pas de
puissance spatiale sans puissance économique. Les États-Unis sont la plus grande
puissance spatiale; nous voulons montrer ici que sa supériorité dans ce domaine est
bien l'un des ressorts fondamentaux de sa puissance, de son avance technique sur les
autres nations.
L'Aménque n'est évidemment pas seule dans l'espace. La Russie conserve un grand
potentiel spatial, notamment dans le domaine du lancement et dispose de ses propres
capacités d'observation stratégique de la Terre. La France aussi, avec Ariane, mais aussi
avec son satellite de télédétection Spot, et sa place dans le domaine du satellite de
pointe est une grande puissance spatiale.
Les satellites d'observation et de télécommunications creusent encore le fossé de la
puissance : un monde de voyants maîtrisant l'air et l'espace affronte désormais un
monde de "rampants" aveugles - pas d'information satellitaire - autant que muets -
infériorité en télécommunications satellitaires. Derrière de nouveaux idéaux comme la
surveillance écologique de la Terre se dissimule le leadership des États-Unis et la
supériorité de quelques puissances sur le reste du monde.

1. Aéropolitique et aérocratie

Contrairement au cas de la terre, dans le cas de l'air, il n'y a pas de "topologie


géopolitique" possible. Car l'espace aérien est par définition homogène et continu.
Certes, de la même façon qu'il existe une cartographie des courants marins,
l'analyse géopolitique peut prendre en compte une cartographie des vents . Mais cela
tient plus de la tactique aérienne que de la géopolitique. Plus pertinente est la
différenciation couramment admise entre les différentes couches d'altitude -
proximité du sol; couche moyenne ; stratosphère. En fonction de ces couches, le type
de navigation, d'appareils et d'armements est variable . On voit par exemple que dans
la guerre du Vietnam, comme dans celle du Kosovo, les États-Unis ont la maitrise
absolue de la haute altitude mais qu'en revanche, les moyens de défense aérienne de
le urs ennemis, mêmes rudimentaires, leur ont causé des difficultés pour obtenir le
contrôle véritable des basses altitudes.
Si l'on veut parler d'aéropolitique, il ne peut donc s' agir d'une politique des
caractéristiques de l'espace aérien, mais bien plutôt d'une politique de la puissance et
de la stratégie aériennes, au sens où un État orientcrilit s;;1 politique en fonction des

1 X . rA.SC.:0. '"Ln pcnpcc::1 ivcs d'évolutmn de l'cspnc::c milluurc" in /,1'.'i Cuhl1•r., dt• A/un, 1n lnmc!'.lrc 21KM). Colltat
lnl~ Je Dtfmac .
Charitre 4. L.., révolution de l'aviation ~l de l'~"9pacc

possibilités que lui donne la puissance de son aviation, et de la multiplicité de ses bues
de projection aériennes.
L'importance stratégique d'iles relais des océans Atlanhque et Pacifique ou de la
Méditerranée - comme Mal tel - a dépendu dans l'histoire du XXP 5iècle de progrès
de l'autonomie des avions . Les avions à long rayon d'action comme le ravitaillement en
vol font que les puissances aériennes se contentent de plus en plus de leur État
sanctuaire comme base de départ des actions militaires.
Comment en effet ne pas se poser la question, dans le cas des État.Unis
notamment, d'une philosophie de la puissance aérienne qui déterminerait une vision
du monde el une politique étrangère 7 La possibilité même des guerres du Golfe et du
Kosovo et donc la politique de puissance américaine au Moyen-Orient et dans les
Balkans pourrait-elle exister si les États-Unis ne disposaient pas d'une écrasanœ
supériorité en matière d'aviation, d'information satellitaire et de télécommunications?
Certains experts soutiennent la fameuse thèse de la révolution militaire 9elon
laquelle c'est le militaire, à travers ses révolutions successives, qui détermine la nature
de la politique des États et l'organisation de ceux-ci. Les États-Unis seraient donc des
'aérocraties", à la manière des thalassocraties athénienne, phénicienne ou vénitienne
qui tiraient l'essence même de leur puissance de la mer. U y a lieu d'en débattre car si
l'air est incontestablement devenu - la mer le reste aussi - un élément de puissanœ
essentiel des États-Unis d'Amérique, la puissance américaine ne saurait se résumer à œ
seul élément. Une fois encore, nous soulignons le danger de touœ interprétation
monocausale de l'histoire et l'importance des facteurs multiples.

2. Aéropolitique et topologie géopolitique

On oppose ici la Guerre du Golfe qui offrait aux avions des cibles à ll!rTilin
découvert, à la guerre du Vietnam dans laquelle, face à des terrains couverts, l'aviation
montra rapidement ses limites. L'élément aérien se montre, d 'une manière générale,
plus efficace contre des armées classiques en progression en plaine ou dans le désert
que face à des guérillas menées en milieu montagneux ou à végétation dense. Dans ce
dernier cas l'hélicoptère est plus efficace que l'avion. Toutefois, l'évolution technique -
observation satellitaire, détection par la chaleur ... - tend à rendre possible la vision
en tous milieux; il devient dès lors de plus en plus difficile d'utiliser le relief pour se
cacher. On peut donc soutenir que l'aviation abaisse les \•aleurs de défense de certains
reliefs, comme la montagne ou la forêt - nous renvoyons aux sections con..<aa1ies aax
fonctions géopolitiques de la forêt et de la montagne, dans le chapitre portant sur la
topologie.

3. Le facteur aérien. la terre et la mer

Se transportant dans l<l profondeur des États et capable de toucher. par des
bombarden1ents mass if>'. ses pote ntiels d é mogr.1ph.ique. t'<'onomique et nùlitaire,
l'aviation délocalise la gucrrL~ et affaiblit les lignes de fronts .
Pour nutnnt, St'uk\, l',1vi ..1th.'n ne pe ut par\'~nir ..\ lx)ut d'un terntoire. On dispose
ainsi d e nombre ux exemplt>s de pa~· s qui, hien que ne disposant plus de leur
souveraineté aérienn<'. continuent d 'exist<'r t'n t,mt que tt.>rrito1re et ne sont pas investis
Partit 6. Rlvululw111 ltchru1111"

militairement Au Moyen-Orient, on peut citer deux exemples : l'Irak dont l'C!!lpace


aérien est sous le contrôle des forces anglo-américaines depuis 1991 et qui continue
néuunolns de résister; le Liban dont une partie du territoire fut occupée de manière
tenestre de 1978 à 1999 et qui ne possède plus sa souveraineté aérienne - dès qu'une
h!nsion fait jour entre le Liban et lsra!!I, les avions de chasse israéliens viennent passer
le mur du son au-dessus de Beyrouth afin de rappeler au petit État libanais
l'incontestable supériorité israélienne dans le domaine aérien . Le Liban continue
néanmoins d'exister, et les raids israéliens meurtriers sur son territoire! n'ont pas rayé
son territoire de la carte; ils se sont épuisés d'eux-mêmes, en mème temps que
l'occupation du Sud-Liban, au point de provoquer le reflux de l'armée israélienne en
Galliée en juin 1999.
l'occupation aérienne d'un État est une violation de souveraineté souvent ressentie
par les peuples qui la subissent comme une terrible humiliation - un sentiment
d'impuissance face à la domination du facteur technique qui augmente davantage
encore le sentiment de révolte; mais elle n'est pas la mort de la souveraineté pour
autant.
La Guerre du Kosovo a montré que l'aviation ne peut faire fléchir seule un pays
déterminé à résister, ceci même s'il est soumis à des bombardements intensifs. Bien
qu'asphyxiée économiquement et paralysée par la destruction de ses infrastructures, la
Yougoslavie a réussi à ramener l'O.T.A.N. sur le terrain de la négociation. Le fait que
les accords passés à Kumanovo sont moins douloureux pour les Serbes que ceux de
R<unbouillet, montre que les bombardements ne suffisaient pas seuls à l'emporter,
qu'ils provoquaient certes la ruine progressive de la Serbie, mais usaient en même
temps les finances des pays occidentaux. Ces derniers, entrainés dans une escalade de
violence contre les populations civiles se mirent progressivement en contradiction avec
les objectifs humanitaires annoncés - objectifs qui tenaient lieu d'ailleurs de fonction
de légitimation des opérations nùlitaires auprès des opinions publiques occidentales et
des pouvoirs médiatiques. Souvenons-nous que durant la Seconde Guerre mondiale.
l'lle de Malte fut bombardée par les Italiens durant des semaines ; les Maltais furent
sévèrement frappés mais, habitués aux sièges douloureux, ne cédèrent pas, au grand
bonheur des Anglais2. Souvenons-nous aussi que les bombardements allemands de VI
et de V2 sur Londres causèrent des dommages immenses aux Anglais mais que ces
derniers, modèles de ténacité patriotique, ne ployèrent jamais.
le facteur technique est une force considérable, mais l'esprit de résistance est une
autre force qui permet de lui résister longtemps ; en vérité, aucun des deux ne suffit
seul à l'emporter, sauf lorsque la technique devient apocalypse comme à Hiroshima,
Nagasaki, Dresde ou Cologne.
la dimension aérienne a introduit un nouveau rapport entre les dimensions
maritime et terrestre. Autrefois, les forces navales pouvaient seulement frapper les
franges côtières ou imposer un blocus côtier. Aujourd 'hui, par projection des forces
aéronavales, l'intérieur des terres devient vulnérable face à la puissance maritime.
les porte-avions américains illustrent cet "accroissement de mondialité" qu'a donné
la force aéronavale aux ~tats-Unis. Les Américains, qui accédèrent à la dimension
mondiale en prenant sur les mers le relais de la Grande-Bretagne, sont devenus la
première puissance mondiale grâce à leur omniprésence stratégique.

t Comme œlui IUI' WI abri hu:mani1&1n: de 1'0.N .IJ dans le vitluiJC de Conru1, en 191Jft . lllli Inn fllU!I d ' 11nc i.:cn1amC! de rcmmt'I<'
ctcalila1li d qw at . . en.me cantre l'humanilf! t:n 200<• un pilonnuw;c in1c111uf de l 'enscmhlc 1111 l.1h1m rur l' nrn1eC' 1m1~hrnnc.
ru.am plua d·un mtllia m v1cume11 civil-.• rnnnln!: li cncurc lc11 limitc!I de Io ~~uh: .iucm: R~ncnn.:
2 B. CLOUET, 11w .11nry 11/ Mnltu , London. PmHrc•A Prc~s. l9 1Jl .
O...plln! 4. La ttvolution de l'avi.atlon ..t d~ l'espac.r

4. Potentiel spatial et situation géographique

Plusieurs conditions géographiques optimales existent pour l'implantation d'une


base de lancementl.
- U est préférable de disposer de zones non peuplées sous la trajectaire de dépmt
des lanceurs, en raison du risque élevé d'accident et de la retombée des ~élaps
du lanceur; Cap Canaveral ou Kourou sont deux exemp.lesde!litessibâen-n:in
peuplées. L'étendue du territoire est un vrai avantage, car il vaut mieux éviter que lea
éléments du lanceur ne tombent chez les voisins: les Américains, les Rwlle5 et les
Otlnois sont donc avantagés, à la différence du Japon.. très handicapé par l'étmileme
de son territoire et par l'existence de zones de pêche qui posent des wubainl& dl!
calendrier dans les tirs - une série en hiver, une en été, seuleme.ni.
- La situation en latitude qui conditionne a priori les inclinaisons des orbiœs donne,
dans Je cas de lancement des satellites géostationnaires, un avantage ilUJI sit15 9Ïlll5 à
proximité de l'Équateur. A cet égard, la possession par la France de la Guyane est mJ
atout stratégique majeur - non seulement pour la France mais aU!ISi paur 'Ils
partenaires européens de celle-ci - puisque la base de Kourou répond à ce aili!œ
op limai.
Le critère de latitude doit cependant être relativisé avec l'évolution m:bniq11e:
l'inconvénient de la latitude est d'une part linüté par Je choix d'orbites bml!ils, d'.mtœ
part par la puissance croissante des lanceurs.
Mais disposer de bonnes conditions naturclles n'est pas suffisant; le~ de la
souveraineté sur les bases de lancement et de leur sécurité militaire est si importaat
que les puissances hésitent à implanter une base spatiale sur des œrrituire qu'ils nr
contrôlent pas. L'Australie, qui présente des amditions naturelles opti-males. irdén!5lie
encore peu les investisseurs étrangers, et cela. même si les Australil!ns sout.--
accéder au rang de puissance spatiale. Un problème autrement plus grave est œlui des
revendications kazakhes sur la base russe de Baikonour - base fondamerdale
puisqu'elle est responsable de la desserte de la station spatiale MiT - depuis
l'indépendance du Kazakhstan en 1991.
Le développement de moyens de lancement mobiles, en mer - S... Unmdr. premier
tir en mars 1999 - diminuera cependant encore la contrainte géographique.

5. De la stratégie spatiale des États-Unis

La Guerre froide a largement contribué à donner. à la Russie et aux États-Unis, mie


prééminence de taille en matière spatiale. L'existence de plusieurs bases de lanœment
dans ces deux pays, dont certaines uniquement dévouées au 5'"Ctl!ur militaire,
l'ampleur des programmes spatiaux, la gamme des lanceurs et la diversité des missiol"6
spatiales imposent nettement les deux grands rivaux russe et américain dans Je
domaine de la conquNe de l'espace.

1 A.M. MALAVIALl.E. X. rASCO. 1. SOllkRt:s.\'HtûF.R. üpott., ,......... r.n... Fo.llliaa ~ .........


ttrait1ique1Ellipsa. 1999, r. ~ I ·.!~
P11rtit' 6 R1~Jlul1nn!f lt>clrnlquf't

5. l. Leader.'lliip spatial des État!.!-Uni11


Le premier drapeau national planté hors de la planète Terre est celui des Él.al!i-
Unis : en 1969, l'astronaute Armstrong accomplit sur la Lune "un petit pas pour
l'homme, et un grand pas pour l'Humanité"; il fait en même temps, sans le dire, un
grand pas pour les États-Unis d 'Amérique.
Depuis IL"S annœs 1960, les développements spatiaux aux États-Unis - comme en
Rus.~ic - ont fidèlement suivi les développements balistiques dans le domaine des
missiles. À l'exception des fusées Satum V pour les Américains et N-1 pour les
Soviétiques spécifiquement adaptées pour la course à la Lune, les lanceurs classiques
qui ne sont pas récupérables sont issus de la technique missilièrel .
La réussite technique qu'est la navette, symbole de la supériorité américaine sur les
Soviétiques sous l'ère Reagan et à la veille de la chute de l'Empire russe, a néanmoins
coillé cher aux Américains et les a affaibli sur le marché du lancement spatial2.

5.2. La capacité de lancement des Américains


Le désarmement des missiles nucléaires est un enjeu considérable pour les
Américains : la conversion des missiles permettrait aux États-Unis de reconstituer une
capacité de lancement spatial compétitive. Parallèlement, les Américains ont signé,
dans les années 1990, des accords avec les Chinois et les Russes portant sur les quotas
de lancement; l'esprit de ces accords est le suivant: les Américains élargissent les
quotas de lancement de satellites aux Chinois et aux Russes, à la condition que ceux-ci,
d'une part ne pratiquent pas une politique de bas prix préjudiciable au marché du
lancement, d'autre part, respectent les traités de désarmement et adoptent des
politiques anti-prolifération nucléaire3.
Dans le domaine du lancement spatial, les Américains ne disposent donc pas d'un
véritable leadership; leur besoin de lancement étant supérieur à leur capacité, ils ne
s'interdisent pas de faire appel à d'autres puissances rivales, mais s'efforcent de
conditionner cet appel à des contreparties en matière de désarmement nucléaire.
L'ensemble du processus de désarmement devant par ailleurs leur permettre de se
reconstituer une capacité propre de lancement importante et susceptible à terme de les
rendre parfaitement indépendants du lancement étranger'.

1 L'C5.iCDUcl des lanceurs américains appanîcnt aux familles Atlas, Dclln et T11an . De mèmc qu'en Rus!IJc, les Soyouz dé-n\·m1
dil"C'C1Cmml des miss.i les intnconlînmlaWl sovu~hqucs , en revanche, le lanceur russe Prolon ne ûCnvc p~ s du m1!'is1lc b:ihsuqiu:.
2 "'La navcnc coüLc 5 mil!Jll11h de dollnrs p.a.r an en a.hsorbanl environ J!i o/o Liu budgcl annuel de la NASA 1ou1 en nr
pmnettuu qw: sqn i huit lancements par œn. ( .. ) Ln lanceurs américains ne sont rt::is comr.!ti11rs par roppon :iu~ l1nccun
CVwipn et OC' prmncnt d~ pam de man:hé que puec que les lanceurs CtrnngcB aclucls cunnn1sscn1 une phiasc de saturahun Cl qur
la chcnltlc œmrncrd•Le cnint la na1uanc:c- d'un monopole De nouvcauJL uctcuno ~1rung,crs u ni in'lfC!ll i le marché avec des l&nC'C'\1.116
des pn• encan: plus c.onCWTCnlicb."' m AM MALA VIALLE . X. PASCO. 1 SOURBES- VëkOER , E,,pm c d puiuo"ce, P11u,
fondal1un JIOur la n:chcn:hc •lr.tigiquci[:lliflSCS. 1999, ('l . 53 .
l AccOfd du 26J.3.llVÎl:'r 1989 aun: la Chine et les f:.usb · Unis; accuriJ entre h:s l~t :u ... tJnis et 11.1 M.uss1 c du 2 scptC'mbrc 199) i
\'ana>U'\'cr . men l995 nouvel a&.:c.ord ave&: la Chmc; décembre 1'J9S , .:u:con..I a vc..: l'l Jkr:iilll!' Pour k ctlnh:nu rr«•" de ces 11ccurJ~
voir A .M MALA VIALLE , X . PASCO , J SOURBÈS·VE RG E R. E.< pm (' ,., pt1in-m1t 1·. l';ari .... hn11Jnho11 pour la r«!hc::rcht
stnLtg.iquriE.Utpsc:s. 1999
4 En .aill :?OO:?. AtW 5 la nou'l.·cllc c-oncurn:nlc amém:amc d' Ariane S n réusi.i !>Ull <lt.!hut ùc carrière en mcttanl r.ur nrb111: un
..tcllit.c de commw11ca1jon européen. L'Allas 5 est le dcmicr· nê i.Jumt la furmlle de lilnccurs lourds ùc LockhcctJ Manin 11 , ..
pnncipalcmcn1 n:mplac.cr lu v1cillc1 f~ Ti1an. uüh..tes par les min.aires amtr1cu111s puur meure ..:11 orb11c lc:ri utdllln C'SJllOOi.
&in.si que la.in engins de communication.
Chapltft' 4 . La rovolution de l'.lvi."ltion et de 1·1.~pacc

5.3. Les satellites d'obtmrvution militaire américains


Durant la Guerre froide, les Américains voulurent acquérir des reruieignements
fiables sur l'état des forces soviétiques. Le premier programme de !lillellitr de
!\'Connaissance est lancé en 19541 . Entre 1960 et 19n, les séries de !lalellites KH - de 1
à 6, J<H signifiant Key Ho/e c'est-à-dire 'Trou de serrure' - apportent aux f>tats-Uni.s de
1mages que l'administration Clinton décidera en 1995 de sortir du claHement secttt
défense: plus de 860 000 images iss ues des programmes C.orona, Argon et Lorryard
passent dans le secteur civil et peuvent être commercialisées; il y a là un bel exemple
de réutilisation commerciale de ce qui n'a plus d'utilité militaire.
Ces programmes d'observation ont joué un rôle important dans les relations de
confiance entre les deux superpuissances : les Américains ont pu alJ\Si vérifier que les
Soviétiques avaient vraiment reculé dans la crise des missiles de Cuba; dans les années
J970, ils ont pu engager plus sereinement les accords de désannement SA.LT.-1 de
1972 et S .A.L.T.-2 de 1978 avec l'idée qu 'ils avaient les moyens effectifs de vérifier si les
Russes respectaient ces accords.
Le premier exemplaire des KH-11 - durée de vie : trois ans - permettant la
mesure de l'énergie est lancé en 1976; les KH-8 et KH-9 offrent des capacités
stéréoscopiques complémentaires au KH- 11.
Dès le début des années 1990, un satellite radar à haute résolution nommé Uiaos&e
est lancé. li marque l'apparition d'une capacité d'observation tous temps. De nouveaux
KH - Advanced KH- 11 et KH-12 - sont lancés en 1992 qui décrivent une orbite
héliosynchrone et qui offrent une grande souplesse d 'utili-sation.
Depuis 1998, les Amé<icains peu vent observer la Terre de manière permanente, par
tous les temps, et à une résolution décimétrique, ce grâce à probablement trois
satellites de type KH-12 et un satellite Lacrosse; ce potentiel sert à la préparation et à
l'intervention dans les crises telles que celle du Kosovo en 1999. L"observation spatiale
est bien un facteur essentiel de la supériorité militaire américaine.

5.4. L'émergence de l'observation ci,;le de la Terre


et les problèmes de sécurité nationale qui en découlent
L'observation civile de la Terre à partir de l'espace commence en 1972 avec le
lancement du satellite américain de télédétection l..andsat2. Entre 1972 et 1.986
(lancement du satellite français d 'observation Spot), le monde entier dépend des
images civiles américaines fournies par le programme Landsat et qui sont donc
soigneusement triées selon leur importance stratégique.
L'esprit du programme Landsat est de fournir à l'ensemble de l'Hum.uùre des
images spatiales de la Terre. li est d'abord une force commerciale donnée aux Etat&-
Unis qui commercialisent les images, d'abord en régime public puis en régime prive à
partir de l'ère Reagan. Mais la Guerre du Golfe montre que, à la différence des images
militaires classifiées, les images civiles s ont utilisables par les allies des Americains. À
partir de 1992, l'administration américaine est de plus en plus soucieUS<! de l'utilisation
des images civiles dans le domaine stratégique, et tente de concilier intérêt stratégique
et intérêt commercial. Elle ne peut cependant renoncer .iu domaine d'autant que
l'apparition de S pot - sate llite français - d ès 1986 a marque la fin du monopole
américain d;ans la produ-.:-tion et la vente d ' in1a~es civil~ .

1 A M . MAl.A\ 'l ,\Ll .E, X l'AS<. () . 1. SOllKlU :S -\T IUil-' R . l:'- f''u' t" I ruus"11k·~ . Pan.>. F ~'OtSobN J'UW' I& r«brl'ctw
1tnli911quc.1:'. ll1p ~ c~. 1')~~ . Jl Kh· 'll
2 ltl~m. p. JUS
P11rlft' 6 . RévotulwtH ftchttlq&1r'

5.5. Les systèmt~ 8 rudnr nméricains, con1mcrcia)ir;aLion el l!écurité

L'observiltion satcllitaire ilmériciline civile ne se fait pas seulement dans le domaine


de la tél~éteclion comme av~-c les satellites Landsilt successifs; elle se fait ilUSsi dans
le domaine des svstèmes radar 1 .
Les radars disposent d'un grilnd avilntilge : leur utilisiltion pilr tous les temps, et
leur possibilité d'utilisation de nuit.
Le succès du satellite R11d11rs11t -1 mis sur orbite par la N .A .S .A., fruit d'une
coopération américano-canadienne et qui a permis la commercialisation d'images,
débouche sur un nouveau système Radarsat-2 d'une résolution de 3 m . Cette résolution
fine n'est cependant pas sa~ poser un vrai problème de sécurité, le Département de la
Défense américain estimant en effet qu'au-delà de 5 m les systèmes radar devraient
rester dans le domaine propre de la sécurité niltionale et ne pas entrer dans le secteur
commercial.
Lancé en 1999 sous l'égide de la N .A.S.A . et de la N ./.M .A . - N11tio1111/ lmagery 1111d
Mappmg Agc11cy - et en coopération avec deux alliés des États-Unis, l'Allemagne et
l'Italie, le projet du Sltuttle R11d11r Topogrrrplty Mission s'appuie sur les vols de la navette
américaine ; son objectif est de constituer une base de données topographiques
numériques à haute résolution de la Terre et à partir de celle-ci, de produire la
première carte quasi-mondiale, en trois dimensions . Mesure-t-on le progrès effectué
alors en matière de cartographie depuis les cartes du siècle des Grandes Découvertes?
Les applications de cette nouvelle cartographie terrestre sont à la fois civiles - par
exemple, la recherche des sites idéaux pour la téléphonie mobile - et militaires -
cartographie fine pour les missiles de croisières.

5.6. Les spectro-imageurs


Utilisés au sol ou à bord d'avion, les spectro-imageurs2 sont en passe d'être
embarqués sur des satellites, essentiellement par les Américains. Leurs applications
sont nombreuses : dans le domaine militaire l'analys e hyperspectrale permet une veille
porta.nt sur l'utilisation d'armes chimiques ou bacté riologiques ou bien encore la
possibilité de repérer des troupes ou des véhicules à couvert; dans le domaine civil, les
applications portent sur la surveillance des cultures agricol es ou l'élaboration de cartes
géologiques ou pédographiques pouvant servir aux indus tries minières .
La complémentarité des intérê ts militaires et civils que l'on retrouve dans
l'ensemble des techniques d 'observation spatiale permet de plus en plus les synergies
en matière de financement des coûts de développeme nt e t de mise en orbite ; mais en
même temps, la question de la sécurité de l'information est clairement posée à partir du
moment où l'intérêt militaire côtoie l'intérêt commercial.

5 .7. Sys t è mes d'obs erv ation à haute résolution


Ces systèmes à résolution comprise entre 3 m et 1 m s ont commercialisés par trois
sociétés américaines Eartlt Watch , Space lm11gi11g et Orb/mage étroitement contrôlées par
le renseignement américain3 et dont le capital est peu ouve rt ilux é trangers. Or/!lnwgr a
des participations saoudiennes ce qui ne va pas sans poser des problèmes entre les
États-Unis et lsrai!I.
l /bJJ.. p. 115-116.
2/buJ.,p 117-IJIC
l Leun ~1dmt.1 semi tous pu.es par dC!i J'C'SflOnSJt b11 irë.'i de défcm1c nuunnak V o ir les Jéinil" d11m; A .M MAl.A\'IAtH .
X . PASCO. I. SOURHE.s- VF.RGF..R. F-fJKl< t! ,., p11u:rum.1-, Puris, F onJa11un pour lu recherche l'ilrulégi~uc /E lllp s.cs , ltJW. p. l IQ- 1~ ~
Owiplttt 4 La ~oluUon de l'aviation et de l 1espacc

Dons ce domaine comme dans beaucoup d'autTl!ll, les AmmcaiNI prOUYent leur
capacité à conjuguer privatisation et défense, intérêt commercial ri intb'êt national,
leur point fort étant justement de posséder un "Y"tème de renseignement extrêmement
infiltre dans le réseau économique el capable de le !lécuriser.

5.8. Surveillance écologique et surveillanœ stratégique


L'écologie qui est un vrai problème pour l'ensemble de l'Humanité 9e m8e
également, par le biais de l'observation satellitaire aux intérêts stratégiques américaÏJIL
Les satellites espions américains auront désormais des miS!lions de mrveillance des
zones écologiquement sensibles de la planètel . Le système de 11U1Vei1Janœ2 de la
marine américaine conçu originellement pour espionnei- les navires ri 900S-fl1arins
soviétiques, servira à la veille sous-marine écologique.
Le contrôle des trafics de drogue et des guérillas - zones grises dont llOU!I trailDm
dans le chapitre consacré à la criminalité internationale - est un autre enjeu pour
l'observation spatiale américaine. Les 5.1.C., ou Systèmes d'information d de
commandement qui sont des architectures cybernétiques à réaction rapide, poununt
permettre le déclenchement d'interventions rapides contre des trafiquants oa des
menaces terroristes3.
Au XVJe siècle, le leadership européen sur le monde tient à la suprématie dr la
puissance de feu et à la supériorité en matière de mobilité. Au d~t du XXI~ siècle. le
monde occidental, et surtout les États-Unis - ce qui donne des arguments forts awc
Américains sur leur rôle de leader naturel du monde occidental - disposent. en pz de
la supériorité du feu et de la mobilité, d'une autre supériorité, celle de l'information d
du renseignement, fruit de l'observation satellitaire.

5.9. Pourquoi les Américains encouragent-ils la libéralisation


du domaine des images satellitaices à haute résolution?
L'un des moteurs de la domination ailléricaine est son avance technique; Jorsqur
l'Amérique dispose d'une arme que les autres n'ont pas. elle l'utilise - comme le
nucléaire en 1945 - ; lorsque les autres disposent de cette arme, l'Amérique cben:he
alors à sortir de la logique de neutralisation : le bouclier anti-nûssiles est une volonlé
de sortir de la logique de neutralisation de l'avantage nucléaire. avantage qui par sa
banalisation n'en est plus un. L'Amérique ne cherche pas l'équilibre - comme la
France qui s'en contente - mais la supériorité.
La logique est la même en matière d'observation œrrest:re. Lorsque l'Amérique
dispose du monopole de la télédétection pendant quatorze ans - 1972-19@6 - elle
vend des images sélectionnées; lorsque d'autres puissances comme la France ou lsral!I
s'installent dans le domaine, les Américains décident de libéraliser de manière à œ&r
l'avantage comparatif de leurs nouveaux concurrents, tout en contrôlant La d~e
par la puissance de leur système de sécurité et de renseignement.
Est-ce une loi, ou un déterminisme profond de la puissance américaine? Une anne
ou une technique dont les autres disposent, n'intéresse plus l'Amérique.
Dans le domaine des images à haute résolution. l'émergence de nouvelles
puissances dans les années 1990 a poussé les États-UnL.., forts de leur supériorité

1 X . RAUFl!R dir., Dictitmnair,· t11.·•:hmt1u~ c·t o.: r t tiq~•· ,"1.·.~ ~'vl/a ~ ~ P.1.LF .• 199&.p. 231 .
~ D1pcisé S .O .S . U .S .
.\Au Brêsil. le proan1mmc S .l .V .A .M . ne dans les~ 19QO. pnmct ~ COU'Olc •
un:o-traOa all!ricna.. marit1m~ ou lcnatrw ..U a"Y cWluulcnt.
M.sia----•----
800 Pnrlic 6. Révolr11lo11s lecl""'l"N

industrielle et financière mais aussi des résultats qu'ils ont obtenu dans le
développement d'l .D.S. - Initiative de Défense stratégique - à jouer la carte de la
libéralisation; contrairement à la conception française opposant marché et sécurité
nationale, les Américains ont indu la notion de renseignement dans le marché et l'idée
que le man::hé se domine essentiellement par le renseignement.
Les risques de la libéralisation en matière de sécurité que prennent les États-Unis
sont donc moins Importants que les gains estimés à la fois du point de vue commercial
et en matière de renseignement stratégique.

6. La Chine à la conquête de l'espace, un défi pour


l'Amérique

l'accès de la Chine au rang de superpuissance mondiale passe par l'espace. la


politique spatiale de Pékin est donc un véritable défi pour la stratégie globale de
leadership des États-Unis d ' Amérique. Washington y voit une menace pour son
système de satellites.
Pékin a lancé sa première mission spatiale habitée en 2003, devenant ainsi le
troisième pays après les États-Unis et la Russie à réussir un tel exploit. En 2005, un
second vol orbital avec deux astronautes a été lancél. D'ici 2010, c'est une sonde non
habitée à destination de la lune qui doit être lancée2. Les Chinois veulent aussi
construire leur propre station spatiale et aller à la conquête de Mars3.

7. De la navigation à la boussole à la navigation selon


Galileo versus GPS

À côté des systèmes de télécommunications~ et d 'observation s atellitaire, une autre


révolution de la technique spatiale est celle de la localisation/ datation par sateUite5.
les systèmes de navigation par satellites fournissent deux services : une position et
un référentiel temporel. U en existe deux dont les performances sont proches : le G.P.S.
qui est américain et le G.L.O.N.A .S.S . qui es t russe.
le G.P.S., de plus en plus couramment utilisé dans le monde civil du transport,
qu'il soit terrestre, maritime ou aérien, reste cependant un systè me militaire contrôlé
par le seul Département américain de la Défense. Le prerrùer satellite Navstar de la
constellation G.P.S. a été mis en orbite en 1978. Aujourd'hui, 24 satellites Navstar
circulent sur des orbites moyennes, à 20 200 km d'altitude, et font le tour de la Terre en
environ 12 heures. fls émettent deux signaux distincts, l'un très précis mais crypté et
destiné aux forces américaines, l'autre, disponible à d es fins commerciales mais dont la

1 Trois1tme vol p~vu pour 2008.


::? Plus1cu.n nus11old roboUq~ 1Wl3Îœ5 et un survol de 111 Lune en 200 7 ; un aluniss11gc e n 201 2 et des é c h it nlill u n ~ nunenC-s
aurTeneen2017.
J So~ ; AFP, 19 Juille1 2006
4 Il llW1U1 sans doute rallu consac~ une secuu n uu " '\ le Ju 1é léphonc c l Je ses J~ri ... .!s d uns le chnn~ c mcn l Ju n.J'fit1r1 Je
l'homme i l'rspac.c. C~-rulanl , ~ur Ica téltcommumcatiuns cl la qucslion tic l'"uNlttîon Je la d i~ 111ncc ", si: reporter â la pan1c-
traua.at de la mondialisa1ion
s Conlle-antirw.J H. ROSSIGNOL. doHier " L 'ctpu~ c militaire à l'uubc du xx1e 111êc lc; L'u1ihsu1io n rmlitiun: t.lc l 'c sr:m: ~. IR

Revue La cah~n ~Man, 1• lrimow 2000.


Ch.tpitre 4. 1...1 révolution de l'aviation et de J'e5pace !Ill

précision peut être dégradée par le Pentagone. Au début de'l années 1990, la précision
militaire était de l'ordre de la dizaine de mètres, la précision civile - d~adée - de
l'ordre de la centainel. Le 2 mai 2000, les États-Unis, conscients du défi pœé par le
projet de concurrence européenne en la matière, ont décidé d'abandonner le principe
de la dégradation de la précision ci vile, laquelle est désormais de l'ordre de la dizaine.
En mars 2002, l'Union européenne a décidé de lancer le projet concurrent au G.P .S.
baptisé Galileo.
L'une des grandes différences avec le programme américain est que Gdlilm est un
programme civil contrôlé par le civil - qui n'exclue pas toutefois des utillsal:ians
strat~giques. Les États-Unis, pesant sur les pays les plus aUantistes de l'Union
européenne - le Royaume-Uni et les Pays-Bas - ont bien tenté de barrer la rouir au
projet Galileo. Dans le contexte post-11 septembre, en décembre 2001, Paul Wolfawitz
- Oêparternent américain de la Défense - a écrit à ses homologues européens en les
avertissant que Galileo produirait de dangereuses interférences avec le G.P.S. œ qui
risquait de peser sur la fiabilité du système de sécurité collective. Le Pentagone a alors
affirmé qu'il mettrait en service le G.P.S. de deuxième génération en 2008, l'année
même où Galileo devrait être opérationnel.
Le premier satellite test du système Galileo a été lancé avec succès en décembre
2005. Les quatre premiers satellites opérationnels doivent entrer en fonction fin 2008 et
la totalité des 30 satellites prévus doivent être en orbite en 2010, le démarrage de
services commerciaux étant prévu en 2011. Le GPS fonctionne. quant à lui, depuis
vingt ans.
Au-delà de l'enjeu économique, Galileo est bien un enjeu d'indépendance
stratégique pour les pays européens. Indiens et Chinois, intéressés par le projet ont
compris cet enjeu.

8. Conquête de l'espace et fin de la géopolitique ?

Certains nous prédisent la fin des territoires par la mondialisation et le facteur


technique. Ont-ils seulement étudié les applications du facteur technique? Car l'ironie
de l'histoire fait que l'observation de la Terre donne davantage encore de fo~ aux
recoins de la géographie; plus l'observation est fine, plus les stratégies géographiques
sont aiguisées. La conquête spatiale n'est donc pas une mort annoncèe de la
géopolitique, car l'homme resté à terre ne cesse de jouer à cache-<ache avec celui qui
l'observe posté dans l'espace ; à la surveillance et au décryptage du relief rêpond la
gamme inépuisable des leurres et des ruses.
L'espace est bien un facteur de changement de la géopolitique en ce qu'il accuse les
données de la puissance. La volonté chinoise de devenir une puissance spatiale au
mème titre que les États-Unis ou la Russie l'atteste.
En mème temps, la don~ination spatiale est une sorte de preuve affichée que
l'homme n'en finit pas de courir derrière les déterminismes de la géographie.
Tout voir, ne signifie pas tout arrêter. Et l'histoire des déchirements humains ne
s'arrête pas avec la conquête de l'espace; après tout, la sdence fiction n'imagine-t..,Ue
pas dans l'espace la poursuite des conflits identitaires lorsqu'elle met en s...'ène la lutte
de l'homme et de l'extra-terrestre ?

' Le rrincipc 1cchnu.1u.: CSI k suivum h.~ ~1.:\hlit !I> N<t\'Star ..- m~~nt à INI l'tord ~ bortups ~ limll. lai~
est tJe l'un.Ire <lu nullutnJi~mc lie sct:orn.k L ..·"° "1gnau~ ""'""-"'Y'C"!O par ..~ ho.>rlugn. sont~.,... i-= .llAbon Ml*. et"'*'
tm.1 par ontlcs rudm pllr chacun des sa1cll i 1l· ~ - L "uhh_..., iol uu ~ n'lrf. f'r\."'011 ces mn5:llfCS hara1"S et ~ lllllar pml"
Ml
dCtenniner 111 J'(l'."1t1nn Je.." !t&tl!lhtcs sur h:ur l•rbuc , porU~, ..... dc 1-quclk il pa.i.tJNl.aan: la~lc~Jusueu:.a
CHAPITRE 5

LA RÉVOLUTION DU NUCLÉAIRE

La genèse de la bombe est indissociable des Relations internationales et des drames


de !'Histoire. Elle nous apprend que la technique n'est pas seulement un facteur de
changement de la géopolitique, mais que la géopolitique elle-même est un facteur de
surgissement de la technique. Comme l'écrit le physicien Hubert Reeves, l'arme
atomique est un "cadeau" fait à l'Amérique par des physiciens juifs allemands exilés
aux États-Unis et terrifiés par les camps d'extermination nazis' .
Grâce à ces savants convaincus qu'ils doivent donner le procédé atomique aux
puissances qui vaincront le nazisme, les États-Unis disposent les premiers de l'arme
nucléaire. Lorsque l'armée allemande capitule, la bombe n'est cependant pas encore
prête. Emportés par leur élan scientifique et un nouvel argument justificateur -
épargner les soldats américains d'une invasion du territoire japonais pour terminer la
guerre contre un Japon qui ne semble jamais vouloir capituler - les physiciens juifs et
américains continuent leur travail.
En 1945, à deux reprises, les États-Unis utilisent la bombe atomique. Le Japon
capitule immédiatement. En 1948, l'équilibre de la Terreur s'installe entre les
Américains et les Soviétiques; la bombe atomique gèle le risque d'une guerre frontale
entre les deux blocs 2 . Est-ce alors la fin de la géopolitique, le début d'une ère
radicalement nouvelle comme certains l'ont prétendu? Depuis 1990 et la fin de l'Union
soviétique, les données du nucléaire ont été modifiées; quelles en sont les
conséquences géopolitiques ?

1. Effet du nucléaire sur la géopolitique

Chaque fois qu'une révolution technique arriva, les hommes pensèrent qu'elle
signifiait la fin de l'histoire et l'éradication des logiques du passé.
L'apparition de la technique nucléaire est une révolution dont les effets
géopolitiques sont nombreux, tant du fait de l'arme atomique que de celui de l'énergie
atomique. Pour autant, si le nucléaire a pesé sur les Relations internationales depuis

l "Hans Bethe a dirigé la section théorique du projet 'Manhattan' de 1943 é 1946. D'origine juive ollemandc, il avail fui
l'Europe quelques annêes auparavant. 'C'esl un des plus grands cadeaux de l'Allemagne nnzie aux Étals-Unis' disai1-on de lui. Avant
la gun-re déJti, on le classait parmi les meilleurs physiciens nuclé11 ires [ ... ] Robert Oppenheimer: Les vic1oîrcs allemandes, les
cunps d'exlenninati.on des Juifs stimulenl el dynamisent l'équipe de Los Alamos. Sur le plan mornl, \a süuation est limpide . L'heure
n'm pas awt hésiLatîons et aux scrupules. li faul faire la bombe." , H. REEVES, L 'heure de .t'enivrer, l'univers a-r-il 11n sens, Paris,
Seuil. 1986, p. 32 .
2 "La bombe ... a permettre aux Anglo-S11xons de cadcnosser l'invulnérabilité de leur situation insulaire, d'éliminer la guem: de
front c.cmme le souhailail Liddell Hart et d'acquérir à l'éc helle de la planète une cnpncité de dominntion sans précédent fondée sur
une au.hnostructw"e industrielle moderne qui a repris le rôle de l'nnciennc cavalerie aristocratique et de ses effets terrifianls sur la
piélaille", in 8 . COLSON, "Théoriciens anglo-saxons, Les théoriciens du monopole nlomiquc", in Th . de MONTBRlAL. J. KLEIN
dir., Dicriunnuire de stratégie, P.U.F., Paris, 2000, p. 2 3 .
804

1945, a-t-il aboli Io géopolitique 7 L'npporition du déb."tt posl-nucléaire ne montre-t-il


pas une foi~ dt' plus qu'un facteur nouveau ne signifie pas l'élimination des
permanences de ln gk>politique 7

l .J. Le nucléaire n'a pus aboli la géopolitique


Durant Io Guerre froide, les deux blocs évitent de s'affronter directement du fait des
menaces d'escalade nucléaire - crises de Berlin en 1948 et 19611, crise de Cuba en
19622 - ; le conflit américano-soviétique se porte alors de manière indirecte dans le
Tiers Monde. D~ conflits dits de basse intensité - ils ne le sont d'ailleurs que pour les
puissances occidentales et soviétiques - se développent sur les divisions géopolitiques
des pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique centrale et latine. La bipolarisation du monde
n'échappe pas aux données classiques de la géopolitique ; séparatismes, identitarismes
de toutes sortes sont instrumentalisés par les deux blocs - voire un troisième, la
Chine - et recouverts d'un discours idéologique mobilisateur - communiste ou pro-
occidental.
Le voile nucléaire posé sur le monde protège la paix des Occidentaux et des
communistes chinois et russes. Il laisse à découvert les populations du Tiers Monde
dont les vélléités d'indépendance sont vite récupérées par les intérêts soviétiques et
chinois, au détriment des intérêts français, anglais ou portugais.
L'erreur de nombre d'analystes des Relations internationales durant les décennies
de Guerre froide est de penser que les conflits qui secouent les pays du Sud sont
d'essence bipolaire alors même qu'ils possèdent leurs propres déterminants, récupérés
et exacerbés par le contexte bipolaire. Que l'on ait pu parler de fin de l'histoire3 en 1990
révèle à quel point la bipolarité des Relations internationales a fait oublier le
raisonnement géopolitique. Dès les années 1970, les conflits internes au monde
communiste en Asie du Sud - entre pro-chinois et pro-russes - laissaient pourtant
apparaitre le primat de la géopolitique sur l'idéologie comme moteur des Relations
internationales.

1.2. Mais dans les données de la puissance,


le nucléaire a atténué le facteur du nombre
Le nucléaire n'a donc pas aboli la géopolitique. Il n'est cependant pas sans effet
géopolitique. Lorsque le nucléaire est entre les mains des Russes et des Américains, il
est une arme de plus entre deux superpuissances conventionnelles et démographiques.
Lorsqu'il arrive entre les mains de la France, grâce au général de Gaulle4, il est une

1 J.8 . DUROSELLE. /lu101~ cl1ploma1U,11~ J~ 1919 ù nM juur.'r, Dalloz. 11 11 éd. 199). p. 634-640 ; G . ROBIN, "CnK dt:
Cuba- , in Dictianrtai" tk stNl~KI~ . 1n Th . de MONTBRIAL . J KLEIN diT., PU F ., P11.ns. :?OOO , ji . IOJ-10.5 ; E ABEL. 1Jtr
,,.wua ofO<:lobrr. Londtts. M..: G,bbon uMl Ktt, 1966 ; R.F. KENNEDY , Thlrtun DaJ's a Mcmuir uf1h~ C11hœ1 Mi.ut/~ Cri.tu,
New Yo~ Nnr Amenc:an Library. 1969.
2 91.'affaîn= des m1niles M Cul:M tendit à con,:am~ le! dirigeants aml!ric11ins de 111 \• oluJu~ de leur nouvelle stn&tJIC
nuclaarc Celle-ci , Claboftc dès 1961 par le 1ccrtta1rc 6 la dtrense Robert McNomara. a reçu le nom de 'dis..\uas1on gndub:... i.n
J.8 . DUROSELLE. Hutoirr Jiplo'"atiqur M /VJO â ncJ.,jo11r.1, Dallo7., 11" td., 1993, p. 6SJ
3 Autour IJc l'a.u1 de fr.tMj:Ui FUKUYAMA . F r:UKUYAMA , Wur und C l1anl(t" in lntt.·rnatiorwl Pr11it1t".t , Cambndac. Comcll
Univenity Prnt., 1981
.& Le J novembre 1qsq. WJWI la rotonde Gabriel, 4 l'Êcole Militam:, le gtntto.I de Cloulle ro11 la i..lklo1111ion sui\·antc -11 raul
que la direnK de la France wit fr11nçaii&e ( }. un pays comme la Fronce . A'il lui onlve de raire la gucrTC, 11 rau1 que tt Kti1 s.a

1 ~ . 11 raul qur AOf'I' effon IOll aon efTon s•n en thail autrcmcnl , nutrc l"'•Y• 'enii1 en c:on1md1ction avec tout cc qu'il en cJc:ruis 1n
ori&ino. a\.·cc 10n r61e, 111\/CC 1""1ime 'lu'1l a de lu1-mlmc. O\/CC ~n 4mc . N111un:-llcmcn1. to dé(cnAe frençnillic sc111i1 . le eu «Mant.
l.l>lpiltt 5. la r*Yolutlon du nucléaire

~rme du "faible au fort"I, une arme qui libère la France de la loi du nombre · avec la
bombe atomique, il n'est plus nécessaire d'avoir une force équivalmte a celle œ IOl'I
.dversaire.
Dans l'éventualité de la guerre nucléaire, c'est-à-dire dam l'éventualité d'unir
apocalypse géographique - humaine et terrestTe - , la géopolitique ''efface.
Des pays comme la France ou la Corée du Nord qui se !Ont dotés de l'arme
nucléaire très tôt ont eu une vision géopolitique : ils ont compri9 que, pour compter
face aux deux blocs, il fallait renverser les données classiques de la puiBanœ et sortir
de la seule logique nucléaire bipolaire qui pouvait menacer leur pa~ de devenir lei
'terrains de jeu" nucléaires des deux blocs.
La possession de l'arme nucléaire par l'État d'lsrai!l est aWl5i une inversion da
données de la puissance démographique et conventionnelle : les Arabes sont
300 millions, les Israéliens 3 millions, mais les seconds ont la bombe quand les
premiers ne l'ont pas. On a pu constater avec la Guerre du Golfe que ni les~ ni
les Américains n'étaient disposés à laisser une puissance arabe acdder à la puilAnœ
nucléaire.
La volonté de l'Iran de devenir une puissance nucléaire (officiellement ~
dans le domaine civil), qui débouche en 2005-2006 sur une crise ave<: l'Occident.
montre à quel point le nucléaire reste un enjeu de puissance fondamental .

2. La stratégie nucléaire des États-Unis

Le nucléaire est une arme idéale pour les États-Unis de 1945 à 1949 car œux-<i en
ont le monopole. Elle est acceptable jusqu'à la fin des années 1950 tant que le ll!rritoift
américain reste hors de portée des missiles soviétiques et qu'un éventuel cooftil
nucléaire entre les deux blocs ne peut se dérouler que sur le théâtre europém; en 1957
cependant, les Soviétiques envoient Spoutnik dans l'espace; ils testent leur premier
missile intercontinental. Désormais Moscou peut riposter à Washirigton par l'envui de
missiles nucléaires sur le sol américain2 . À partir des années 1960, les Américains, s'ils
confortent leur puissance nucléaire, imaginent néanmoins de sortir de la logique de
neutralisation nucléaire. Quel avantage y a-t-il en effet à ètre une suJ11!fPUisMnte
conventionnelle lorsque d'autres pays, par le nucléaire, ruinent cet avantaF? ~
nouveau concept de riposte graduée de Mac Namara, secrétaire d'État à i.. Déœnse·de
1960 à 1968, doit permettre de libérer les États-Unis et plus globalement l'Allianœ
atlantique d'une dépendance trop forte à l'égard des annes nucléaires: il s'agit de
pouvoir apporter une réponse conventionnelle à une attaque conventionnelle limilà!..
Le 9 mai 1967, la stratégie de riposte graduée est adoptée par l'O.T.A.N.

CUllJ~ avec: celle d'auD'CS pmys [ . _ ) ma.JS 11 est indu.pensable qu'dlr nous soit prvp"C. que .. FtwSC s ~ ..- ~
peu- ell~mi!rnc Cl A Y façon l-.. ). La co~ucna:. c 'est qu' il IÎWl n-~ ~ DUU8 ~mm pum'Wllil.. .. am. a.
pnKhaincs ann«s.. d'unoe force cnpablc notre compte. Je ...-.:: ~u·un 01 c:u:t.\'cn.& ir...-=ia '"Ullc farw..tic fnntt:" ~
J ' aa1r pll\lr
• IC Jqtloyer il loul moment et n ' importe ~1û . ll ''a Jr
so1 que la baK Je ~ tenu ~ ~ .cmc::mcni ~ -- - ~ . - - .
appam:rur. Et puisqu'on ()CUI détn.11~ b France C-'•C"lltucllrmcnt à partir .:le a ·1mp.>nc "'ud f"o>llft Ju ~ . il &Mt que ..as lliin:1um.
faite pour agar où que cc ~il sur Io ltf'T'C'... c1tl par Paul MlltlC' de ln ~c. -SC.~ ~ cr ~~ -.......ia·. ,.
P. PASCALLON, (.'lMi!ll~ ,_)Uti'i"'' de• J1.'.{t01Ut' ,lOur lu Fnm~'W' Q t'auJ,., '61 Xl1' sitt/~ "'- A1.."1CI • ~ ~ L,.._,,,
1000. p. 395 .
1 Th ck MONTBRJAL. '"D1ssuas1un'" . in Tb ûc- ~IONTHRlAL, J. IU..EIN ..tir .• ~ .. ~ Pll'a. P.ti.f.• .38a_
p 1'-'I.
2 La rcprëacnt.atiun du munJc de!> .·\.1nC:n...: .ons csc b..1u)c,,cn« pwMtYC ~ le ~ ~ ei'Olll , . . •
"&Dlttu.utt. 9 . COLSON , '' ll'lëan~tcru :s.n~l.,...~l.>DS. l~ ~tCTls Jw ~ atmmip•. ID TL dr ~IOJ'lcl'Ba.IA\.. J.KJ,..E.at
Jir .. D1cm11tn1Jin.· Jr .Jtruf~JlU" . Pan!>.. P .U . F .. 2000. D . ~.5 .
On pl'lul cpnsidérer que dèti cette .!poque deux dynamiques sonl dévt!loppéei;
p11rallèloment par Washington : d'abord endiguer la prolifération probable du
1111cléairc - dans l'histoire, tout procédt! technique finit par b'universalisllr; ensuite
1ravaillt!r au dépassement tL>chnique dt> la logique de dissuasion nudéaire.

2,1. À l'origine, le rêve américuiu du gouveJ"nenwnl mmu.liul


nucléuire
Jusqu'au bout, Hitler crut à la possibilité d'atteindre l'arme miracle qui lui
pem1ettrail d'empêcher la défaite du Reich 1 . Mais l'Allemagne avait capitulé sans
comtition depuis plus de deux mois, lorsque, le 16 juillet 1945, la veille de la troisième
til dernière conférenœ des Grands à Postdam, la première bombe atomique fut
e.x~rimentée avec succès dans le désert du Nouveau-Mexique. Le jour même, la
deuxième bombe partait dans les soutes du croiseur Indianapolis à destination de l'ile
de Tinian, à partir de laquelle étaient menés les raids américains contre le Japon.
Staline, prévenu à Postdam, encouragea Roosevelt à "faire bon usage" de l'arme contre
le Japon tandis que Churchill, dans ses Mémoires, soutint que seul le feu atomique
pem1ettrait à ces Japonais décidés à mourir en Samouraïs de se libérer de la guerre
dans la dignité. Le 26 juillet, !'Empereur du Japon recevait un ultimatum l'assurant que
son pays ne serait ni détruit. ni réduit en esclavage, ni privé de ses libertés essentielles,
s' il capitulait sans condition. Dans le cas contraire, on promettait la destruction
absolue. L'ultimatum fut rejeté. Le 6 août 1945, la ville d'Hiroshima était rayée de la
carte. Le 8 août, l'U.R.S.5. entrait en guerre à son tour contre le Japon. Le lendemain,
I~ Américains jetaient SUT Nagasaki leur troisième et dernière bombe atomique. En
seulement deux jours, le peuple japonais avait reçu les deux tiers de la puissance
destructrice projetée en quatre années sur l'Allemagne, sans compter les conséquences
de l'irradiation pour les survivants et les générations à venir. Le gouvernement
japonais, qui ignorait que les Américains ne disposaient plus de bombe atomique,
capitula sans condition le 15août1945.
On a souvent dit, à tort, que l'usage américain de la bombe visait à impressionner
Staline bien plus qu'à "achever" l'ennemi japonais. En réalité, les Américains n'étaient
pas certains d'obtenir la capitulation du Japon par le feu atomique . Preuve en est qu'ils
insistèrent pour que !'U .R.S.S. déclarât la guerre à Tokyo et qu'ils livrèrent du matériel
et du carburant aux armées soviétiques d'E><trême-Orient. À la conférence de Postdam
(17 Julllet-2aoilt1945) et au moment des bombardements atomiques sur le Japon, nous
étions encore très loin de la Guerre froide. C'est ce qui explique d'ailleurs que les
Américains permirent à !'U.R.S.S. de satisfaire ses prétentions dans l'espace
géopolitique japonais: le sud de Sakhaline, les Kouriles, Port Arthur et les chemins de
fer de Mandchourie.
Aussi bien Roosevelt que Truman, ce dernier ayant décidé de l'usage de la bombe,
considéraient qu'il fallait s'entendre avec )'U.R.S.S., et même, organiser avec les
Soviétiques une forme de gouvernement mondial.
Cette idée américaine du gouvernement mondial, qui précède et dépasse largement
le seul fait nucléaire, avait d'abord été admise par l'allié britannique : la Charte de
lAtlantique d'août 1941 signée à Terre-Neuve (le nom du lieu n'est pas neutre) par
Roosevelt el Churchill, d'une part formait un projet de mondialisation libérale et
démocratique &UT le libre-échange (d'où les accords de Bretton Woods de 1944 créant le

1 M.4:flhanc'c pour ccino ww-partii: : Owrgn-lbnri SOUTOIJ, l.11 Citwrre tk cl1''l'"mt.- am· (lc.•!1 rd111lmu 1::,1-Uw•.(/ /fUJ-
ltrlilJJ, 1:ayud, 20CU ; voir auM11 T. ck MONTDklAL. J _ IC.L!!IN (1ou• 111 tlir .), l.Jkllmmuu-e clt! .ftr1111'glL•, PUI', 21>00 . Je.11n-Bap11~1c
OU MON.ELLE, /(iJtoJre di11lm•11llÛJUf' de J ~/'1 a HUW jr>11r111; , Dallui.. 11 c 1.h..lnion, l 'JIJ} .
(hapilrv S. La rOvoluUon du nucléaJrc

F.M.I .) Ill la création d'une organisation mondiale de &écurité (future O.N.U de 1'.145),
d'autre part, programmait la dei>truction des empires britannique et franr,;ru; en
n!dffirmant les principes wilsonienll de droit des peupU... a di!ipœer d'eux-mhne!I. li
avall fallu enlluite que WaHhington fasse admettre !iOn projet dt! gouvenwment
mondial à l'allié soviétique. À la confénmce de Yalt.a (du 4 au 11 février 1945), i.
rune
aé•tion de l'O.N . U. avait été, avec l'entrée en guerre de J'U R.55. contrto le Japon,
des deux priorités de Roosevelt. En échange, les Américains avaient iibandonné à
Staline, provisoirement pensaient-ils, l'avenir de l' Europe de l'Est. Peu de temps apœs,
à la conférence de San Francisco, au début de l'été 45, la Charte des NatUmi unies éta1l
adoptée. Mais le rêve du gouvernement mondial en sortait bien amoindri : les
Soviétiques imposaient le veto pour les membres permanenta du Coruieil de Sécurité et,
soucieux de conserver la chaine de traités bilatéraux conclus depuis 1943 (PolDgne,
France, Yougoslavie), faisaient échec à la volonté américaine de soumettre a un accnrd
préalable de l'O.N.U. toute entente bilatérale entre deux pays
Cest seulement en 1947, lorsque les Américains comrnenc.èrent à cumprendJ"e qu'i.15
ne parviendraient pas à entrainer les Soviétiques dans leur mondialisme libéral, qu'ils
54! résignèrent à rétrécir géographiquement leur projet : l'atlantisme remplayi al.on; le
mondialisme, les accords du G . A .T.T. de 1948 ne s'étendant qu'a une partie seulement
de l'économie mondiale. On entra alors dans la Guerre hoide et une quarantaine
d'années passèrent jusqu'à ce qu'en 1989, le "Nouvel Ordre mondial' du président
Bush ne vienne donner une nouvelle jeunesse aux idées de la Charte atlantique de
1941 . Disparu, le mondialisme soviétique laissait au mondialisme améril::ain de
grandes perspectives d'élargissement ...
Donc en 1945, il est crucial de comprendre que le rêve d'une mmidialisation
emmenée par l'Amérique déterminait, vis à vis de l'U.R55., œ que l'histarlen
Georges-Henri Soulou appelle un "convergencisme", c'est-à-dire une solide volonté
d'édifier, de concert avec l'allié soviétique, un nouvel ordre mondial, l'entrée dans
l'àge atomique ne faisant en réalité que consolider cet ophmisme "convergencish!"
À Postdam, la bombe (expérimentée la veille à Alamogordo) ne changea rien entre
les Alliés sur le plan géopolitique ; elle ne fit au contraire, chez les Ambicains,
qu'aggraver la sous-estimation de la dimension profondément idéologique du
communisme stalinien et la menace que celui-ci faisait peser, non seuli!ment sur
l'Europe de l'Est, mais aussi, par Je biais des partis communistes français, italien et
belge, sur l'Europe occidentale. Ce sentiment de supériorité américain, appuyé sur la
réalité économique (lAmérique en 1945 c'était la moitié de la production moruiiale) et
sur la bombe, ne faisait que renforcer l'utopie d'une future entente soviétcraméricaine
dans le but d'accélérer la sortie de l'ère des nations et lavènement d'une Humanité
réunifiée.
Et c'est ainsi que, bien Join de chercher à profiter de leur monopole nucléaire
(forcément provisoire) dans un cadre de compétition géopolitique classique, les
Américains cherchèrent au contraire à accélérer, par le nucléaire, leur t!squiseie dA!
gouvernement mondial. Encouragée par de nombreux savants cosmopolites, comme
Einstein, cette idée déboucha t>n 1946, à 1'0.N .U ., sur le plan Baruch. du nom d'un
financier fameux qui avait eté const>iller intime des présidents Wilson et ROODeVelt.
Pour la première fois dans l' histoire de l'Humanité, on proposait que la pos6e5Sion
d'une source essentielle de Id puissance industrielle et militaire é.:hapP<' à la
souveraineté des nations . Une .iutorilé internationale devait disposer du monopole de
J'arme et du contrôle de l.i non-prolifération. Le tout se ferait par étape;, les
Américaim; ne livrant que pro~ressivement leur savoir ,\tomique, avant. enfin, de céder
leurs bombes. Et, nouve"u coup p<>rte .:i 1,1 souv<•r.linetè etatique, les cinq Grands
n'auraient pas de droit de "vt>to nudédirt.>" ... Les Soviétiques virent dans le plan Baruch
801! l'arllr 6 /(i'T.Jolulwnti trdmtqut~

l'hypocrisie d'un mondialisme américain qui cherchait à s'a,.surer qu'aucune autre


nation ne se dirigeât vers la bombe, tout en conservant, jusqu'à la fin du processus de
contrôle, ses armes nucléaires. D'emblée, Moscou proposa l'élimination de l'arme
,1tomique aml!ricaine et refusa le principe du contTôle sur son territoire, ce qui n'était
pas acceptable pour Washington.
L'échec du "mondialisme nucléaire", autant que la communisation de l'Europe
œntrale et orientale, les tentatives de poussée au Moyen-Orient (Turquie et Iran), ou
bien encore le pillage de la zone allemande sous contrôle soviétique, contTibuèrent peu
à peu à faire prendre conscience aux Américains que le communisme soviétique était
bien plus qu'un "allié différent" ou un État aux impératifs géopolitiques classiques.
Aveuglé par la foi en son propre projet mondial, Washington mis au moins trois ans à
comprendre qu'il avait face à lui un autTe projet mondial, porté par l'État "oviétique,
un parti et une idéologie résolus à accomplir une révolution mondiale d'une autre
nature que celle semée en Amérique par les Pèlerins du Mayflower, par une succession
de phases stratégiques commandées par le rapport des forces, y compris des phases
prudentes au cours desquelles on négociait avec l'adversaire capitaliste le plus
puissant, l'Allemagne en 1818 et 1939, les États-Unis en 1945.
Jamais, en réalité, le nucléaire américain ne changea les objectifs géopolitiques et
idéologiques de Staline. D'abord parce qu'il faut relativiser la portée militaire de la
bombe atomique, de 1945 au moins jusqu'à 1948. Malgré l'abominable puissance de la
bombe A, le nombre de morts à Hiroshima (71 400) resta inférieur à celui des
bombardements classiques de Tokyo (83 000 morts les 9 et 10 mars 1945) et surtout de
Dresde (135 000 morts les 13 et 14 février 1945) et aux effets des plaquettes au
phosphore. Ensuite parce que le stock de bombes atomiques américaines resta faible
longtemps: neuf en juin 1946, treize en juin 1947 et cinquante en juin 1948, et
seulement une trentaine de bombardiers adaptés au transport et au largage de la
bombe. En fait, avant 1949, les États-Unis étaient incapables de lancer un
bombardement nucléaire contre (' U .R.S.S.. Staline et son réseau d'espionnage qui
pouvait compter sur les nombreuses sympathies pour le communisme en Occident,
connaissaient parfaitement cette réalité. Quant au commandement américain et à
Truman, au moins jusqu'au blocus de Berlin de 1948, le nucléaire n'était à leurs yeux
qu'une option ultime de super bombardement, après échec complet de la guerre
conventionnelle. L'idée de dissuasion nucléaire ne vint que bien plus tard.
Contrairement à une idée reçue, ce n'est pas le nucléaire qui fit de la Guerre froide
une confrontation politique plutôt qu'un conflit militaire . Le nucléaire ne fit que
consolider la dimension politique propre à la Guerre froide, surtout à partir des années
50 lorsque l'on entra dans l'équilibre de la terreur.
En 1945, les États-Unis, investis de leur idéologie mondialiste crurent l'entente
possible et ils ne se résignèrent à la Guerre froide que cinq ans plus tard, lorsque la
Corée du Nord attaqua le Sud. Quant aux Soviétiques, fidèles à l'objectif de
mondialisme communiste, ils rejetèrent l'idée d'une consécration par le nucléaire de la
supériorité du capitalisme et orientèrent, avant même Hiroshima, leurs recherches vers
la bombe therrnonucléaire, bien plus puissante que la bombe atomique .
C'est ainsi que le nucléaire, facteur mondialiste en situation de monopole
américain, se transforma en facteur de consolidation d e s souverainetés à partir du
moment où ('U.R.S.S. puis la Grande-Bretagne et la France s'en dotèrent. Cinquante
ans plus tard, l'effondrement du communisme sovié tique a permis aux États-Unis de
renouer avec l'idéal porté au sommet par Wilson puis Roosevelt. De nouveau.
l'Amérique cherche à éliminer et dépasser (bouclier an li-missiles) l'équilibre né de la
dissuasion, tandis qu'au contraire, face à l'hyper puissance, de nombreux peuples
s'emploient à se "sanctuariser" par le nucléaire.
Owptb'e 5. La ~olution du nuc1ea1re

2.2. La lutte eontre la prolif&atimt nael&ire


L'objectif américain actuel est d'empêcher la prolifération ~parmtlsaallta'
nations et de limiter le nombre de membres autori9& du club des pulsaa118
nucléalrest . Le traité de non prolifération nucléaire - T.N.P. _2 a pour but de limillr
ce nombre. Il n'empkhera pas Israel, l'Inde, le Paki.Atm, l'Afrique du Sad - n t t l'aMli!
d'lsral!I durant l'apartheid - de se dOter de la boml» atomique. ~ Tail6
d'interdiction complète des essais nucléaires ou T.l.C .E. - Comj>ielierlllve Tt!lt ian
Treaty ou C.T.B.T. en langue anglaise _3 est signé en 1999par155 êtMll et ntifit pmr
52; l'Inde, le Pakistan, la Corée du Nord ne l'ont ni signé ni ratifié. La Odne, llnl!I;
('Iran, l'Algérie, les États-Urùs4 l'ont signé mais ne l'ont pas nlifit. 1.1!11 ~
auront donc été à l'origine du processus de limitation de la ~da Étalll en
matière de nucléaire, mais absents à son terme.
En 1990, lorsque !'U.R.S.S. s'effondre, les Américains ont poar -.ci d'niis que·
d'autres puissances périphériques à la Russie et qui appartenaient à l'Union ICPf'Witique
ne rentrent dans le club fermé des puissances nucléaires. Pour !l'impœer !11111' la .ma
internationale, l'Ukraine tente ainsi de s'a.ffirmer comme puiManœ nudéaft". Mais la
États-Unis préfèrent conserver un seul grand "adversaire nucliain!' pour la mne ~
U.R.S.S. : la Russie. Leur souhait s'inscrit dans une volonté continue et ..tfirm6e dà le
début de la Guerre froide, de "bilatéraliser" le problème du nucl&inl en le limitlnt ilD
face-à-face Russie/États-Unis.

1 Cc souhait n 'est pas spécifique awi: Étals-Urus ; il Cil s-:rUgl! s-- la memtift:s. dD cWii ~ l'tlilmmn . - " - •
G 8. de l'O.S .C .E .• de la Confo!rcncc de Gcœvc sw le-.......-_ ... Comcil do~ do IO.N.U - ...... Io ........
ssolî.finuoo pour la paix du mancie. La lune con~ la~ n'ai di-= s- ......._. ... ~•ru.TA.X. . . •
- réalfün.e, dans les paragmp""5 30 a 35 du communiqai do 5cJmlœl do W - - dll lA - .__......,....
l:llDivcnain: de l'O.T.A..N _ - IDUtulê " Une allumcc pour le xxr-
~.lm . . . ~~--.--.~-

2 Signê le 1° juillet 1968 et n1.t1fié: en 1970 pour une dméeclc 2 5 - ; ùemtllil:imE~---


6u1 aploscr une arme nuclêa..irc :avant le 1u janvier 1967 Cl le:l-..nes...._, Sclaa la~•cclallll.•• . . . . 6 -
. . .--
mbaa nucléa.ire d'aider une nation non-nui:l~ â man:bcr sur le cbcmm de m......_ ED 1991. le'T..!'J,_a.e........_,_.._
dm6e ill.tm1U:C .
J Signt le 10 scptembn: 1996. 11 p~oil un ~ Wl'o-cnel de~ d me........_~ a V-.,
l"Orpnisanon du Tm.ut d'lntcrdicrion des Essais ~tadéaircs ou O .T .l.C .E.N .
4 Le IJ octobre 1999. le Sen:at an'lérica.in a n::tù.sé de ratifier le C .T-8.T. Am E:.t..-t.m.1t Sêml.jmr a •a:mill •
md:im dr pohtiquc ttrn.ngèrc . 11 ratifie ou n:jcru: les tra11ês a a Je p::l&ft'DÎr de: did:ms la~ la -.--•cT..a.T. .-1r:
Jft:DdcDI. m:naic:am ne voulait dooc nullement ~ COllD'Witnm:m i oc cp.e ~ d'~ - - cm~ m
Europe: œcidcnUl.lc. que les Etats-Unis allaient ACccplCt cc tnu~ ~sa.. ame::ril::aill a 1111-n r ...... - - . . ~ •
avmcnt aVCTti qu"u.oc anne nuclCau~ n ' est pas fiable san5 tcsa &équam .
.S Ccnains analystes des relations 1otcm.auaoalc:s. comme k géoUal Sahtm en fl'mlCC. ~ q.r. am~........_
de lmu.tanon de souvcramctë- est une pol1t1quc d'hègmiort~ : ·commr IDldc5 ~ ~ 1a ~ ~ .._.._.
de la souvcm1oetc!- limitée. non seulement en -~uc WiDc. maas CD Europe. CD ."'"6iqac c1 *- ~ ..,.1/wia.. ,_.
rmmnt. nn::s !Ol'll Jes Êtlits qu.i OC' SC plient pas â tous lcun capnces. Je- n'ai wois qlllE' tmi:I : Scrbie. lalL lml,. ~ .... ùnl
du Nord. Chine et Cuba. L•Europc occidentale est. dam les filits. un praal:IDnl ..a:iaiD. ................. 1amt •
Mustnc.ht et s urtout depuis la signa.t\.lft' par la Frmacc" des aiccurds de juin 1996 na: fOT AN.. ... Gmmil s.rr... ~ llfCI ... k
Sftmt aménca1n du Tnmé d 'interdiction des cs.s.a.1s nucléa.ires C T .B.T ... iD P. PA.SC' Al.LON. ~ ,,,,...._ • ...._, ~ •
Fn:....:r d l 'avhe du xxr sii:odt.• :·. A1:tcs de i;;oll01.1UC. S.Cnat. l "H.vmaaan. 2000. P- ~44.
Dans une pubhcauon du nunistCre am<ric.a.m de b OCfcnsc. le- Dt-f'emt Pt.noms Gmi:laol:lc fal tbt r..t ,_.,. 19M-N9f.
(Wub.mgton, flfvricr 1992). on ~u1 hn: " S~ p~m1c r obj«'tif. c'est dr Pft'YCllll' r~ d'm ...,__n.L~cc- ... 11
tanloilc de l'a-Union so'\·1ê:liquc ou utllcurs. ~u i puisse pn::scnDCr une metlKC' dr rmdft: tâ cdk cpi li& pallie . . . . . . . n.:Jim
tm-.C.ique . Fin.:ilcment . noL&S Uc'\·0 1\S ma1n 1en1r les mrc&ruSlllC'S ~à~ les~*: . . . . . . ..,.. l •ftilr
rCpona1 plus , -;u1c o u :i un rô k m ...,nJual . L'ordtt mondial ëclmL CD dcmicr ruwn. JO&lll:ml.., b t--l'ail..czm-a..._._
en mcsun: d'agir de fia\.·on inJ.:Op.:ndanh: Lluanû une .:-tion coUu11'\·c ne peul ftft ~ou~_....-~ - - - - -
"'l'ide . • .
6 1. FACON , •L 'évoluuon des n=laUon..t; amfti~~ ~aoill. 1991~ IW4r'. • ......_ ~ d
0
1traliglq11a. I.R .I.S .• hi"er 1994- D 1b.. o . :ln"""'I
Rlll Partie 6. Révolution• hfchnl•11n

La stratégie "anti-prolifération nucléaire" Re double d'une stratégie "antl-


proliférations chimique et bactériologique", les armes chimique" et bactériologiques
étant considérées comme "la dissuasion du pauvre" 1 . À cet égard, le refus des Établ
arabes de ratifier la Convention de Paris 2 sur l'interdiction des arme" chimiques
marque la résistance de ces États en matière de souveraineté ; étant empêchés de
devenir des puissances nucléaires, ils entendent néanmoins conserver le droit de
disposer d'une arme de terreur de substitution.
Les tentatives de prolifération en matière nucléaire, chimique ou bactériologique
sont directement à l'origine du concept "d'État-paria" développé dans les années 1990
par l'administration américaine pour désigner les puissances hostiles à la politique
étrangère américaine dans le monde, telles l'Irak, la Corée du Nord , Cuba ou encore
l'Iran et la Libye. L'histoire dira un jour si la G uerre du Golfe de 1991 ne trouva pas
davantage ses motifs profonds dans l'accession imminente de l'Irak au rang de
puissance nucléaire - accession dont ni lsrat! l, ni les États-Unis ne voulaient - que
dans l'invasion du Kowen3 li est rare en effet que l'élément déclenchant d'un conflit en
soit la cause. Ainsi, si l'attentat de Sarajevo fut l'élément déclenchant de la Première
Guerre mondiale, le pangermanisme en fut la cause première.

2.3. Les efforts américains de dépasse rnent du nucléaire;''


de l'l.D.S. au N.M.D.
Outre leurs efforts pour limiter l'expansion du nucléa ire dans le monde, les États-
Urus s'attachent à dépasser l'arme atomique et la logique de dissuasion nucléaire
stratégique qui furent des piliers essentiels de l'équilibre bipolaire.
Le stratégiste américain Edward Luttwak prédit que l'arme nucléaire, comme
toutes les autres armes, finira par disparaître4 • Il estime que toute arme a un cycle de
vie, qu'elle connait une p ériode centrale avant d'être remplacée. Luttwak défend là une
vérité historique incontestable - on n'a jamais vu le progrès technique s'arrêter - tout
en servant les intérêts de son pays, tant il est vrai que les Américains sont à la pointe
du progrès technique 5 et jouent donc de le u r avantage comparatif. Face à
l'hyperpuissance éconorruque, militaire dans le domaine conventionnel,
informationnelle et culturelle que sont devenus les États-Unis, il faut bien constater que
l'arme nucléaire ~este le dernier obstacle réel à la domination totale des États-Unis sur
le monde. Depuis 1945, les États-Unis n'ont m e n é aucune guerre contre une puissance
nucléaire; ils ont attaqué l'Irak juste avant qu'elle le devienne et la Yougoslavie avec la
garantie qu'il n'existait pas de menace nucléa ire russe.
La volonté de rupture avec la logique nucléai re de la part des États-Unis commence
avec I.D.S. lancé en 1983 par le présid ent Reagan - Initiative de Défense stratégique -
qui joue un rôle clair dans l'affaissement de l'U.R.5.5 ; le régime soviétique n'a pas les
moyens de suivre son adversaire. La nouvelle course à la tedu~ique américaine révèle

1 D. COLA RD , "Causes poliliqucs .:t formes juridiques Ju b locage du désanni:mcnt". p. 97-101, in P. PASCALLON. Qudk
poliliquede dêfense pour fa Frema ù /'1111he du XXr' sii!eh• ?, Actes Je colloq ue. SênaL. L'Hannauan. 2000.
2 Du 13 janvier 1993 .
3 Cc mëme s i d'autres facteurs, tel l'iutCrêt pëtrolicr jouCrcnt un rôle détcrrnimull .
4 E. LUTIWAK, "An Emcq;ing posl Nuclcar Eroi" in The Washington Quutcrly, 1988. p. 5-Ht
S Li:s peuples d'Europe occidcnlalc, nulanuncnt les français, les Anglai s et les Allc1mmds. le sont tout 11.utant mais n'acceptent
plus d'invest ir de' sommes imponamcs dans leurs défenses propres .
puissani.:i: nudéa1rt Œnnuc ou reconnue

Ëtal ayam rcnon~é au oudéa1rc

Ëlal ayant ~heu.:he


ou chcrl'hJnt à dtveloppcr un üJ1T1crncn1 nucl6aîrc

103. Le.1 puiuanccs nud6ainl


l'im'apRc.ilt!- t!-1.'onnmique de l'Ll.RS.S. des années 19Hll à suivre les F.tats-Unl11 clilll!I celle
vnle 1.
L'U .R.S.S. disparue. les Américatn11 estiment que le danger a changé de nature. En
1998, le Congrès américain pointe du dolgl la menace chinoise ainsi <1ue ll!s capaciléa
pmliferantes dt:! la Cort!t> <1u Nord el de l'Iran Les Américains estiment alors que cea
deu" pdys seront c.1p11bles de frappl!r le territoire américain avant 2010.
Le pmjel de bouclier anli-missiles - beaucoup moins ambitieux quo? ne l'était
I.P.S. - est le fruit de cett<' nouvelle représentation américaine des menaces .
- L<' NoJliom1' Missill' Def(oucr - N .M .D . - a pour but d'intercepter une frappe d'une
vingtaine de missiles visant le territoire des États- Unis.
- Le Theater Missile Defense - T.M .D. - est un système anti-missiles de défense
de thHtre. Les théi\tres à protéger étant les zones alliées des États-Unis : Corée du Sud,
Japon, Ta)wan et lsraj!(2 ,
Le développement d 'un bouclier anti-missiles marque une nouvelle étape dans les
relations russo-amérlcaines quant à la question nucléaire. En 1972 avait été signé le
traité A .8 .M . lequel entérinait le principe d'une dissuasion nucléaire réciproque entre
Moscou et Washington sans développement de bouclier anti-missiles3. Parallè-lement à
A.8.M. élail engagé le processus S.T.A .R.T. permettant de diminuer par étapes
successives - S.T.A.R.T. l, Il, 111 - le nombre de têtes stratégiques en Russie comme
aux États-Unis.
Selon certains observateurs~, en optant fin 2001 pour la rupture du traité A.B.M .. "à
la faveur" de l'effet des attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis ont pris le risque
de voir la Russie geler la dynamique 5.T.A.R.T., le Parlement russe n'ayant pas encore
ratifié le traité 5.T.A.R.T. II ; au contraire, selon d'autres observateurs, le bouclier
américain ne remettrait pas en cause l'équilibre nucléaire russo-américain 5 . En effet, le

1 J C Romor aouricnt l'évenn.aalite d'un coup de hlutT des Amëricoins QUoru à I.D.S . durui le but de faire chuter les Soviétiqua,
•boui de IOUffic 6conomiq~emcn1 . la ~lan.:e 1tUJounl'hu1 du N .M .D. remc1 en cause cçtl~ 1LIC:c. Nous pensons plu16t q~ fct
Amtnca1rn Oftl pow- doc1nne d'lve 1ouJ011r.1 en •vancc U'w1c annc sur le.s autres , voir J .C . ROM E R. Le monde en cnsc dtpw1
191) , Pans, EUipse:l, 1997
2 ·Face â la rrulffb'allon de5 urnes Je Jcstru.:tion fNl55ivc el notamment des missiles huhs1iqucs , les Ëlats-Ums ont dk1dC en
1499 d '8Cf.."TDhn::: sipuficatw~nl le bu.Jgct consacré à. la défense an1i-miuilcs du ~rritoirc . Le rirojct envisagé campane dau.
phun o
- \a rRnu~ Contlil.Slcruil • déployer, vcr5 2003, une centaine d'intercepteurs en Alaska pour faire face • un tir limilê m
provenance de la C°'* du Nord, dont la dëlccllon se rcnail au moyen de radon au !iol ;
· Il ICCORde (von lOI 1-20121 verraj1 le déploiement d'environ 100 inti:rccplciuB supplt mcnui.irc:s sur un dcuxlCmc site et de
captcun dans l'e.pecc ; le 5}'!îltèrm: Kn1i1 desnnt i arR1er au maximum quelques tl izainC$ J e 1é1c& ucco mp11gntc:s d'ALAP (111Jes • 11
pêneualion) on JUOYOnancc d'A1ic du Nord· Etil ou du Moycn-Oricnl". Bruno Tcrtrais, Charue de nussion ouprès du Directeur de 11
D .A.5 ., Minisa!ft de la Def~ fra.nçal!i , "U.s enjeux S ITHh~giqucs du ptogJUmmc N .M .D ." . m P . PASCALLON. Q11e/le p o ftllqur
drdifen.Iepoiu lu FrarN:t> à J'tJulw du.XX~ ~lëdc :1 , Actes de co lJoquc-, SCru11, L'Hannauon , 2000, p . 242
3 MDKou pouvait cepc:nd.ilnl 1Mtaller un syslCmc défensirpour la v1lli: Je Mosco u, buptis~ Golo1>h .
4 L'amind Muul Duval. nnctcn prisidcnt du Comilé d'f.1udca de r>Uensc Natio ntah: écril '. " L'urknal de lu ltussie cumpR"nd
mfin des anncs nucleairn llhl i- miJoS1IC!i balistiquC1i, qu'elle nt s eule il possécJer moi s qui rrotèucnl un seul silc (Moscou) ce qui n'es1
pu corunurc au trailé A. B.M . conclu llYQ! Ici f.tal.l·Unhi en 1972. ulor.s qu'il n'en scro11 pn.~ ôc mëmc du sy:Hèmc nouonal de defmiot
anli-mu..ila bah1tiqueti 1N.M D )•, Marcd Du\·ol, in JI. PASCALLON , Q11el/c JJfJ/i//1111t• 1/t• dtffi..·11.w..• pour'" Fl"fmn· a /'1111111! .1&1
.'tt:XI' •itt:lr ?. Aclet. de: colloque, S~ual , L'llannullan, 2000, p. 304
5 C'nt nutamm.:n1 la puthiun de: llrunu Tc11roi ii Je ltt 0 A .S Din:clu>n des Afhurc~ S1rn1éyi4uc!1 du Mmi:ilèn! tk Io Odfcni.t
a~ncuin dcmcurcnut en cnC-1 vulnérublc fucc uuK Lapu c i 1~s nl!iliCH m~mc i.Jon1' le &cénanu le
français qui aoutien& qliC '"le lerritoirt:
plu1 dëfavurablc" . 8 . TI:.R.TR.AIS, "Le~ c:njeu1t ~lratégique du pruJt:I N M .D. " in I' . PASCALLON . {}tudh• tmlul'fllt' ,/,• d.fft:tu1' f"'"'
la 1-"runL"I<' a f'uube du XXI' .dldl' ,, Acln de collnquc, Sénol, L' llunnnllllll , :?OUU . E n h llll éuu tic CUU!oiC, ln J=rum:o:: RW.flJUC !Min
aU&L:hem.:nt au nuunlicn du rnil~ A U.M . de l!J72 -· - intcrvcntiun du rcprésc11111n1 de lu Frnnc c 1) ha C uufércm:c 1mr le Jésummncnt
de GenCve, le 28 f~vrier 199M, .:11..k par D•nicl COLA HD , "CO.UliC:lii po li111.1ucl!i cl limnc!I jumli<111c:-1 Ju hJm: uyc Ju clé:umncmC'nt, i11
I' PASCALLON, Q11ell,. pfl/tflqul! dl! Jéfl'tu e fHJllr lt1 J··rmw1• à /'mtlit• ' '" X.'{JF ,-;Cdi• /, Actcli tic cullm1uc, Sémn, L'lfunnatt.1n.
2000, p. 91-101 -- p1~ anguh1i~ Je l'tquilibrc 11re11!9ique ruaiio·om~rlcai11 . En fOll , h1 vl!Ti1uble 11ucstion n''°.. ' pu "Alt M cl les
Rwl~" IJUlil IC" "Quid de la d1uuuion nuclitaire chinoise l"iu::e ou N .M .D . um~ricuin 'J" .
CliApilni 5. l..o révululinn <lu nudéair" 813

bouclit!r •mti-mi11siles amérkain ne saurait protéger l'Amérique d'une frappe nudbire


massive russe; Il aurait pour seul objectif la protBction du terrih>ire am6ricain et de
celui de ses principaux alliés conlrn les attaques balistiques éventuelles - nvdsires
nu non - des "États parias" comme la Corée du Nord ou l'Iran.
Quelques soient les conséquences de la mise en plac.e du N.M-D. - et des
T.M.D. - sur les relations russo-américaines, la position nucléaire des pays europ&ns
se trouve modifiée. Toul payi; cherchant à frappt!r les Étalll-Unis, pourrait chercher•
viser l'Union européenne, sorte de "ventre mou" non protégt par un bouclier anti-
missiles. Les Européens sont donc confrontés à un nouveau défi : acupter une
dépendance accrue en se plaçant sous Je bouclier américain, ou faira le choix de leur
défense ce qui nécessite des engagements budgttaires bien supérieur& à ceux
aujourd'hui pratiqués - et d'ailleurs en diminution constante. Sur œ &ujet, ae reporter
au chapitre 5.3. "Le bouclier anti-missiles dans la stratégie de domination globale des
États-Unis" .
Depuis leur sortie de l'isolationnisme, les États-Unis travaillent il l'édification d'un
ordre mondial dont l'ouverture sans frein aux intéréts économiques jouera dans le sens
des avantages comparatifs américains. Durant la Seconde Guerre mondiale,
Washington crut un moment pouvoir associer l'U.RS.S. à œt ordre mmidial, et en finir
avec les conceptions classiques - britannique ou française - du partage du mande en
wnes d'influence protégées et de l'équilibre des forces entre les puis6ances. L'hostilité
réelle du communisme soviétique à l'égard du capitalisme mondi.ill dont les ~Urù6
ne prirent la mesure qu'après la fin de la Deuxième Guerre mondiale mil en échec œ
projet de nouvel ordre mondial américain. À partir de 1990 œpendant, la fin de la
bipolarité rendit à nouveau possible le projet amérU:ain. La Ru56ie s'accrochait œrtes à
ses intérêts géopolitiques régionaux mais elle rejoignait, en se libéralisant, le monde
capitaliste. Seuls quelques États, souvent dictatoriaux, continuaient à s'opposer à
l'ouverture économique et donc à la dynamique d'américanisation - essentiellemmt
capitalistique et culturelle; ces États furent qualifiés de 'pari.il" ou "voyou' par
Washington et présentés comme les nouvelles menaœs du 'monde occidentaJ"1.
L'opposition de ces États aux États-Unis se manifestait non seulement par la pra.liqu.r
du terrorisme d'État pour certains - comme la Libye et la Syrie, dont la situation fut
cependant favorablement reconsidérée après sa participation aux côtfs des États-Urus
dans la guerre contre l'Irak de 1991 - mais aussi par la volonœ de se dbter d'une
capacité militaire propre, balistique voire nucléaire, les rendant capables de happer le
territoire américain ou Israël.
L'équilibre nucléaire participe de la conception traditionnelle de l'équilibre des
puissances, conception dont les États-Unis ne peuvent plus se satisfaire tant elle crée
un frein à leur logique nationale d'expansion capitalistique. Sortir de l'équilibre
nucléaire est donc l'une des priorités nouvell~ de Washington. Cette sortie paS&> par
la rupture de la logique de dissuasion réciproque en constituant un ensemble d'Ètits
nucléaires ou non, eux-mêmes protéges du nucléaire ou des irappes balistiques
conventionnelles par des systèmes de défense anti-missiles. Outre les alliés directs
comme lsra!!l, le Japon, Taiwan et l~'S p.iys d'Europe occidentale, W.ishington envisage
une nouvelle fois d'assoder la Russie à .:e nouvel ordre mondi.!l. Tel o.'St le sens de
plusieurs positions américaines : l,1 proposition faite aux Russes dès 1991 de partager
l'11rt1f" 6 H.ivoluliun .• ll'rlm,que.
1114

I""' données !M\tellitoii""' d'alerte•, des déclarations conjointes des présidente GcorgC!I
Bush et Boris Elt,.inc en 1992 ;'\ propoA d'un sy,.tème anti-mlssile planétaire2 , d'un Acte
fnndoteur signé avec la Rus.qie en 1997 dont l'objectif e!lt de développer une logique
conjointe anti-pmlifér,,tion et de défense contre les ·missiles de théâtre-'.
La str<1~gie Je sortie de la dissuasion réciproque considère donc deux typl!!I de
"zones ~-ouverres" : la première est la protection des alliés directs sous leur propre
parapluie en vue de solidifier la dépendance géopolitique de ces alliés ; la seconde est
plus largement la défonsc du monde capitaliste contre celui qui résiste à la logique
démocratique et li!X!ralc - Chine, Corée du Nord, Cuba, Irak, Iran ... La première
logique explique IL"S propositions américaines faites à lsra!!l4, à la Turquic5, à l'Union
européenne, à la Corée du Sud, à Taiwan ou encore au Japon ; la seconde explique les
propositions faites aux pays du Golfe6 ou à la Russie.
En miline temps qu'ils cherchent à dépasser l'équilibre nucléaire classique par le
développement de défenses anti-missiles, les États-Unis évoluent de plus en plus vel'!I
une doctrine de l'utilisation de l'arme nucléaire contre des puissances seulement
conventionnelles. En janvier 2002, le département de la Défense et le département
d'État publiaient ainsi une étude intitulée Nue/car Postur Review et réalisée à la
demande du Congrès. Parmi les circonstances où l'arme nucléaire américaine pouvait
~ employée, figuraient "une attaque irakienne contre lsral!I et ses voisins; une
attaque nord-coréenne sur la Corée du Sud ; ou un affrontement militaire sur le statut
de Taiwan." Plusieurs pays non nucléaires tels la Syrie, l'Irak, l'Iran, la Libye ou la
Coree du Nord étaient désignés explicitement comme des cibles nucléaires potentielles.
Autrement dit, l'Amérique disait ouvertement qu'elle pouvait faire usage d'armes
nucléaires préventivement contre des puissances seulement conventionnelles7 .

1 Le dem&n~1cmenl de 11.J.R S.S a po5': des: probltmcs ;i, ln Russie qucint li son rtscou d'alerte car des msllllalions importanlti
1etruuvwern en B~lonlSllC:. en Ukn1ne. au K.taakh.~tAn n1ns1 qu'en A.zcrbotd1111n. En Lettonie , les mst~llotions ont étt dtmantel,et..
En 199Q, la AméricaUIS ont propose leur aide pour la consuuction d'un rad•r en Stbénc et ln modernisation d'un aulrc en
-ldjM.
2 À œne èpoquc son sur les Krans iunmuins - cl donc mondiaux - un film consat..n: â l'cffon conJomt dc!I Rll.UC'I et da
Aml!nc:ams en vue de ô!tnun:, à l'aide de m1l.Sllcs nucltuin:s, une m~téon•c géonlc qut menace de foire cxplo!\Cr la Tcm. On est
dl!:lormaJs loin de la saga de lJ Gucrtt des Éroilcs des années 1970 et 1980 qui met en scCnc l'affmntcmcnc de l'Alli11ncc - l'Empirr:
du Bien - ~Je l'Empire du Mal .. No~ poumons monln:r. par de nombn:uJ; c"cmplcs , que Ucputs 1945 , le cinéma aménaun csl
plw. qu'un ra11 cuhun:l. il es1 une arme gêopohtique. un in"Lrumenl de mcxJclogc des rcpréscntouons gêopoht1qucs du monde . U
5QIÛe du film Pearl Hiubo\a en JUin 2001 - C1 dont la production 3 bénéficié llc 1'3.•dc :Jctivc de la Marine amfric3.mc- corncide
.UU1 exactement l\'CC le campagne de promolion du bouclier anti-mi~s1lcs engagée par Washington oup~s dc.'l opinion! publiques
occidcntala cc long-mttn.gc !pCCW:U11..1~ vient rappcllcr, nu moment propice, qu'une attnquc surprise massive de la pan d'un pays
vt0lanl les fttl~ intana1ionalc.s - une sorte d'Él•t·p•ria - est toujours possible . .
) T. GAACtN. 1n P. PASCALLON, Quelle politique J~ Jefe1ue pour la Frutrce ù /'uubt• d11 X:<r .ciètlt! ?. Actes de colloque,
s<na~ L'Honnattan. 2000
4 Outre le mc.mde anbe, la c1pac11é nuciêai~ d'lsTBel couvre une wnc se déroulunl <lu Caucuse PU;it BAikans -périphttle
stnltégique de 1.1 Russie Depuis 1990. Améncains et Israéliens développent cnsi::mhli:: un missile :111li·miss1lc, l'Arrow - flkhc en
111aJai• - ou llctz en hébn:u
S Ëqu1péc de mis.sil~ aoti·m1sailcs Patnot : prutoc:olc d'accord da1on1 de l 99R pour un "Y~lèmc Je 1mssilcs 1tnli·m1ssilcs sur le
modèle du Hrti: isroélirn.
6 Lo Am<ncaom propos<nl une couvcnure anto-balosliquc avec ttttphonc rouge T. (iARCIN, in P. PAS( ALLON, Qutllr
po/i1Ujog ri<: def<>1sr pour lu Franu a /'uuhc du XXr S1h l< ?, Actc'S de colloque, Stnal, L't lannauan , 2000
7 www.dtf..,..link..miVoewa/Jan2002il01092002 10I09npr.h1ml
<.1lllrll"' 5 . Lo ~olullon du nucléaire 815

Pour l'heure, le Fronce rl!!ltc sur une conception de dtuua9ion nucléaire' '. cette
arme ne peut être employée qu'en dernier recours, dans te cas extr~ O(a le ll!n'lloire
n11ttonal est menacé. Encore faut-il, pour que la logique de dill!lua9ton soit efficace, que
l'ennemi potentiel •mit convaincu de la solidité morale de !!On adver!UÙJ'e. Or, da1111 de
nombreux États du Sud, les peuples tendent de plu• à plus à 1e convaincre de la
décadence morale de l'Occident et de son incapacité à accepter le llKrifiœs de la
guerre. Même s i la réalité des peuples occident.aux n'e!lt en réalité pas confomw Il oelW
représentation, il faut bien admettre que les médias, les mode! el ln supporta culturels
des pays développés confortent cette image négative de l'Occident.
Lo logique américaine n'est pas celle du suicide collectif comme 1auvetagie de la
liberté, du dilemme entre l'anéantissement et l'asserviasement ; elle est œlle de l'arme
d'avance sur ses adversaires qui seule peut permettre de détruire l'ennemi Nnt être
détruit, et par voie de conséquence, de conserver la liberté et la vie.
L'Amérique choisit ses menaces - les États-voyous !!Ont surtout des taaœ qui
refusent d 'obtempér er à l'ordre américain - et les imposent à - alliés. Ceux-<i
peuvent discuter et refuser ce choix. Mais ce qui est indiscutable, c'est qu'aucune anne
n'e9t indépassable. Ceux qui rêvent toujours de dépasser ce que les autres ont atœint.
sont les vainqueurs de demain ; ceux qui s 'installent sur le s!Atu-quo sont d'ores et~
vaincus. N'oublions pas que les grandes révolutions de la puissance sont toujoan
venues des révolutions techniques et des renaissances morales et !pirituella.

3 . Le bouclier anti-missiles
dans la stratégie de domination globale des États-Unis

Entre 1945 et 1990, le monde connut une bipolarité qui était la problématique
centrale des Relations internationales, opposant les États-Urùs et leurs alliés au bloc de
l'U.R.5.5 .. Cette opposition reposait sur un socle dual, à la fois géopolitique - deux
super-États, la Russie et les États-Unis - et idéologique, deux idéologies
transnationales mobilisatrices, la démocratie libérale et le commwlisme.
Depuis 1990, une nouvelle bipolarité, qui est aussi la problématique centrale des
Relations internationales, est en train de prendre forme, là encore liée à l'opposition
géopolitique de deux grands États, les États-Unis et, contre eux, non plus la Russie
soviétique mais la Chine. Elle voit encore deux modèles idéologiques s'opposer ; mai9
désormais, l'opposition idéologique ne se superpose plus à l'opposition géopolitique :
une nouvelle idéologie transnationale portée par l'islanùsme sunnite parvient à
recycler l'anci e nne idéologie a nti-impéraliste, commurùste ou tier7mondisœ de la
Guerre froide : elle grandit sur le rejet, dans le monde arabe et plus largement. dans le
monde mus ulman, de la politique américaine d'alliance inconditionnelle avec Israel et
de tentative de contrôle total des ressources pétrolières du Moyen-Orient - double
endiguement de l' Irak et de l'Iran, contrôle des monarchies du Golfe.
L'événement marquant du 11 septembre 2001 intervient, dans la dynamique
engagé e depuis la fin de la Gue rre froide, comme un facteur d 'accéléralion de la
bipolarisation du monde. Contrairement à ce que prétendent bon nombre de

J C.:nc conception ~ st dCfc nJuc r a r le Oên.:ru l P M. Gallois.. qui


rranç a i~
con~l~.
-
J Ut.I& UI' ~ C"SSCnhcl mm ~ dl!-' ' :c

. "Au m o ment où IR rn1\i f~rJt1 o n hu n i.on1.1k ûes armes Nl ist1qucs et des ogiW'5 \.-tù:mil:paies. ~ ......._ ~ i. _.
il appnmh pou r le moi ns ino pronun. voire inconte:ru. de= menn: en question la ptn:naitl! dt: "9 potiliqs . _ . . . dit
dissuasum nuclll!-airc. f ace à cc l1e fo nnc:- de miliWiMt ion et."CCICTtt J'un mcnk tnoa.m.. à qudlt' ~ ....qpr • ~
pu I• c r..1n1e d'insuprortahlc.>t rcrm!~ille!i ~· ..... nimct11't un pa)'11 cocmm .. FJMœ!"', Ut P.M. GAU.OIS.. 9Dlllll : ' " - -
du nuc h!aire'", in Relatlon.11 i11t1·,..m 11111""'t".11 .-t ................ l.R.1 S .. ~ t iê 14192, n-6. p.15
816

rommentateurs français de l'actualité Lnlcrnationalc .. cet événcnu~nt n'c~l pas un facteur


de retoumemc-nt des Relations inte rni\tionillc~1. 11 est~ et apparaitr.o comme lei, un
facteur d'aœélérntion Je la logique de don1ination géopolitique engagée par les État-;..
Unis d'Am<'rique.
Dans œ contexte, lt! boucher anti-n1issiles an1éricain traduit la volonté américaine
d'empècher la reconstitution d'une bipolarité êt.1uilibrée et de prendre l'avantage déci"il
dans la comp('tition stratégique mondiale.

L'un des premiers buts géopolitiques des États-Unis est la constitution d'un bloc
économique, politique et stratégique euro-atlantique commandé par Washington avec,
comme tête de pont au Moyen-Orient, l'allié israélien, l'ensemble étant placé sous un
parapluie anti-missiles américain. Les États-Unis ont toutes les chances de parvenir à
ce but : qui peut sérieusement croire, en effet, que l'Europe des 25 prend le chemin
d'une politique étrangère et de sécurité commune indépendante - c'est-à-dire
divergente si nécessaire, de celle des États-Unis - et d'une architecture de défense qui
n'est pas liée aux États-Unis? Qui contestera le fait qu'un nombre largement
majoritaire d'États au sein de cette Europe élargie, souhaitent la construction des États.
Unis d'Occident plutôt que celle des États-Unis d'Europe? Et qui contestera le fait que
cette réalité d'opinion sera consacrée par le mécanisme de décision majoritaire -
majorité qualifiée - voulu par les traités de Maastricht, Amsterdam et Nice?
En renforçant encore la représentation civilisationnelle d'un Occident judéo-
chrétien opposé à l'islam, l'événement du 11 septembre 2001 sert objectivement le
projet américain d'un bloc politique, économique et stratégique euro-israélo-américain.
Le deuxième but géopolitique des États-Unis est le contrôle stratégique de la
croissance économique de l'Asie2 par la prise de contrôle des hydrocarbures du
Moyen-Orient et de la Caspienne.
La dépendance énergétique de l'Asie à l'égard du Moyen-Orient ne fait que croitre :
- en 1993, la Chine est devenue importateur net de pétrole. Sa dépendance
pétrolière vis-à-vis du Golfe est donc de plus en plus forte. Pékin ambitionnait de
pondérer cette dépendance par des projections sur la Caspienne mais l'intervention
américaine en Asie centrale coupe la route à ces projections; la présence américaine en
Irak depuis 2003 confirme davantage la prise de contrôle américaine de la dépendance
énergétique chinoise.
-en 1994, la consommation totale de pétrole des pays de la région Asie-Pacifique
est devenue équivalente à celle des États-Unis;
- l'Asie importe déjà 70 % de son pétrole du Moyen-Orient, et celui-ci exporte 60 ".;,
de sa production vers l'Asie . Cette dernière proportion pourrait être de 90 % en 2015
L'interdépendance énergétique Asie/ Moyen-Orient est donc un phénomène
d'importance historique.
Pour conforter leur suprématie mondiale face à l'émergence économique e!
géopolitique de la Chine, les États- Unis doivent contrôler la pompe de l'Asie, c'esl-à-
dire le Moyen-Orient. Au contraire, la Chine a intérêt à voir les Étals du Moyen-Orien!
devenir moins tributaires des États-Unis et c'est la raison pour laquelle elle participe à
la prolifération - au moins balistique - vers le Moyen-Orient et le Maghreb: Iran,
Arabie Saoudite, Irak jusqu'en 2003, Syrie, Libye jusqu'au retournement pro-américain

1 M. Hubert Vêdrinc. 11DCicn mmîsirc français des Afî;;urcs etrungCrcs Jéd11rai1, le 19 murs 2002, dcvunl l'lnst11u1 niplo~
"Je aepcmc pas que l'on ail changé de monde le 11 !teptcmbrcn .
2 Vou i œ 1uje1 Je chapnn: rons.ac;ri li la quête de l'or noir, scchun "L'enjeu 1rak1cn dnns Io 1'ilrut~y1c aml!nçunt dt
-dclaCb111e•
Owpih"e S. Li1 N!!voluUon du nucléaire 817

dl' 2005. lnvl'rsement, les Américains, pour solidjfier leur emprise !Rlr la région
pétrolière luttent contre la prolifération balistique et nucléaire.
Les Américains ont laissé le Pakistan acquérir la première bombe islamique. Dès le9
ann~ 1950, le Pakistan est une pièce maitresse du front anti-comm~ li est
ml'mbre du C.E.N.T.O. et de l'O.T.A.S.E . Son statut d'allié stratégique des âats-Unis
est renforcé par l'invasion soviétique de l'Afghanistan. C'est l'époque où les âats-Unis
considèrent que l'islamisme soutenu largement par le Pakistan et l'Arabie Saoudite est
un allié objectif contre le bloc communiste, les nationalistes arabes et les Non-alignés
comme l'Inde. Grâce à ce statut d 'allié, le Pakistan bénéficie dans le domaine nuclmire,
de dérogations à l'appareil législatif américain qui lutte contre la proliUration. Olaque
année, l'éxécutif américain certifiera que le Pakistan ne mène aucune activité
proliférante. Mais dès que le dentier soldat soviétique aura quitté le sol afghan. le
Pakistan n 'obtiendra plus sa certification. En octobre 1990, les sanctions prévues par
l'amendement Pressier seront appliquées. Durant dix ans, les relations entre
Washington et Islamabad se dégraderont; trop tard cependant pour Washington : la
coopération sino-pakistanaise débouche sur la bombe atomique ~
Aujourd'hui le Pakistan coopère de plus en plus avec l'Arabie Saoudite - visite des
installations nucléaires pakistanaises par le ministre de la défense SilOUdien en mai
1999 - et la Syrie - accord de coopération mutuelle de 1996 - dans le domaine
balistique 1 . D'autre part, le Pakistan soutient de façon soull!rraine l'effort iranien alors
que l'Inde semble choisir le camp américain..
Les États-Unis ont laissé un pays non démocratique disposer de la bombe. Leur
politique sélective en matière nucléaire n'a donc rien à voir avec la question de la
nature du régime politique mais elle est étroitement liée au degré de contrDle du
régi.me par Washington.
Ce dont Washington ne voulait pas, c'était de la première bombe arabo-pétrolîi!.
Or le successeur de l'Arabie Saoudite en matière de pétrole s"appellait l'Irak. Si un tel
pays avait échappé au contrôle américain en se sanctuarisant par l'accès à l'amie
nucléaire, ou à une capacité balistique significative, alors le déséquilibre majeur -
conventionnel et nucléaire - entre le couple États-Unis/Israël et les Arabes aurait ëtr
brisé et l'Irak aurait pu franchement choisir l'alliance avec Pékin. la même
problématique se pose pour l'Iran. Les États-Unis ne veulent pas d'un Iran nucléaire
parce que l'avantage décisif israélien serait brisé (or Israa n'a pas l'avantage du
nombre face au monde islamique) et qu' un allié nucléaire (et par ailleurs géant
énergétique) de Pékin narguerait l'Amérique en plein Moyen-Orient.
La prise de contrôle du pétrole irakien par les États-Unis était conditionnée en 2003
à la liquidation du régime irakien avant que relui-ci ne pan""ienne à l'arme nucléaire ou
à une capacité balistique significative.
Comme au moment de la Guerre du Golfe en 1991, tout fut donc fait dans les pays
occidentaux, en 2002, pour convaincre le monde que l'Irak menaçait la planète d 'une
capacité nucléaire, chimique et bactériologique et qu"il fallait l'attaquer2 d'urgenœ.
L'objectif fut alors de présenter une opération d'agression et de prise de contrôle
politique d'un pays en opération de prevention de la menace. Comme en 199(), laœ à la
multiplicité des "messagers de Washington" investis de chroniques regulières dans les
quotidiens français, il fut difficile de faire entendre auprès du grand public qu'il était
totalement illogique qu'un État eut déddé de se s uicider en attaquant le premier un
autre avec des armes de destruction mass ive.

1 1 C ORDONNIER . L '.·b fr n11<.·/,\ m ·,._ 1 f .N. 1 O um'ld. Po.ri>. :!001 . 19S p.


2 L'cm1cmhlc JC"s n!.."en~ d'mllucu1>c pro· wmCn canu. et pro-i~hcn.s -·· au ~ dft. mtdlu.. ._ .-Os ~ d dits
imliluta de rclntiun:t mlcmoliunolell. 1!Ul'\l(lécns J o o1 4..'CttaUU sunt J.i.Retmlttlt ti OUllti.'U pu det. IÛIMllnc.t ..,.._ ~ :- - .
une foi1 lie pllL'> , mobitiK ou service de s huts Je •""'"" ~ .
818 1'11rlie 6 . JU110lullou11 ltcl1niq11n

La suite d~'S événémcnts (2004) et l'absence de traces d'armes de dC11truclion


massives prouv~rent au" opinions publique!< que l'adn1lnistration américaine avait
mentil .
Les événements du l 1 septembre 2001 ont constitué une accélération de l'histoire
car ils ont placé les États-Unis en situation d'agir sur deux théâtres importants du futur
pétrolier: l'Asie œntrale où l'action est déjà engagée - désormais les routes chinoi!ICS
vont dépendre beaucoup plus du bon vouloir américain et russe - , et l'Irak, énonne
réservoir d'hvdrocarbures .
Au Moy~n-Orient, l'lran2 après l'Irak est un verrou de la politique américaine que
Washington doit foire sauter.
La Chine est l'horizon de la politique américaine au XXI" siècle. La rivalité n'est pas
neuve d'ailleurs. Rappelons d'abord que la zone Asie-Pacifique n'a jamais été une zone
stabilisée depuis 1945 et que les incidents et conflits y ont été nombreux: guerre de
Corée - 1950-1953 -, Indochine - 1954 - , crise du détroit de Formose - 1954-1955
et 1958 -, problèmes frontaliers sino-soviétiques de 1969, guerre du Vietnam - 1968.
1975 -, guerre indo-pakistanaise de 1971 - avec menace américaine d'utilisation du
feu nucléaire contre l'Inde-, incidents frontaliers sino-indiens de 1986-1987, crise du
Cachemire en 1990, crise nord-coréenne de 1993-1994, exercices militaires chinois de
1996, crise de Kargil de 1999. Aujourd'hui encore les contentieux géopolitiques restent
lourds: Taiwan, Cachemire, Aksaï Chin, mer de Chine, Kouriles, Senkaku . Des
frontières sont toujours contestées : ligne Durand, ligne Mac-Mahon, lignes de
contrôle .. .
La permanence des rivalités encourage la militarisation de la région Asie-Pacifique.
On assiste à un développement considérable des moyens balistiques, des satellites, des
forces navales (développement notamment des forces sous-marines).
Durant la Guerre froide, à partir de la rnpture entre la Chine et la Russie en 1959,
Washington joua souvent la carte de Pékin contre Moscou. Mais, cette option ne resta
vraie que jusqu'à la chute de l'ennemi n°l, l'Union soviétique. À partir de 2001, que la
logique américaine a êtê de tenter de jouer Moscou contre Pékin, car Pékin, malgré
l'apparente sérénité de la relation sino-américaine, est bien devenu l'adversaire
numérol :
- aujourd'hui, entre la Corée du Nord soutenue par la Chine et la Corée du Sud
soutenue par les États-Unis, il n'existe aucun traité de paix ;
- la défense du Japon contre la Chine et la Corée du Nord reste tributaire du
parapluie nucléaire et conventionnel américain ;

l U même ~c de diabobsation de l'odvcnai~ fondée sur de fausses allégations avait déjà été cmployec m 1999 pom
jua.ificrune guetR eomrc: la Serbie. Les opinions publiques occ1dcnta.lcs furent ulors 1nformêcs qu'une épunation ethnique pe:rpkr6r
~les Serbes con~ la K.osovus Ctait ~pensable de l'c•odc m&Ssif de plusieurs centaines de millicn de ~onnes vcn l'Albamc.
En rtaliti, cet aodc massif fut dêclcnché pu l' offen s ive cl les bombardements massifs de l' OTAN Fun log:iqucmmt tes
papulaJ.ions chercbarnt à fi.ur en masse les zones de confron1a1ion entre )"armée serbe e t l' OTAN
2 "'Les saviccs de renseignement américains , et aussi israéliens . conllnuc n1 à affirmer que l'Iran ess:ayc d'acquern
clandntincment cc qui lui manque ( . .. ]régulièrement leur presse- onnonce que le!. l~ tal">- Uni s ont fuil pression sur ln Russie ou su: la
Cbiac pour anptthcr l'cxportanon d'équipcmen1s sensibles à dc~tinotion de l' lrnn . À plus1cut"!'i n:pri!ies , l'AIEA s'Clli:I n:t1due sur Io
Utes IUlpCCt5 db1gnès rar les Etats-Unis saru Jamais y trouve.- la moindre lrot: c t.1'<1c t1 v 11é 1llici1c. Une commÎS!UOn du Conpt,
}WésidCc s-i- Donald Ruimfcld, l'acrucl secrétaire .é. la Défense, n'en a pa.s muins con du en l 99K que, dès 2005 , l'Iran con.t.tilucnrt
une mcnacc nuclCain: pour les Etata-Unil>, cc qui , ovet: la même mcnucc venant d e 111 ( ·orée Ju Non.J. JUSlifiai t l'urgence Je mcllrt Cii
pboc: un 9bou.:hcr anl1·miss11es· Amiral Morcel DUVAL , " Faut-JI u "'utr peur J e l'Iran "!" 111 lkfonsc nn1ionolc:. moi 2002, p. 12(
Plus lom •pout" le momcnl , la memi.~ de l'emplo i d 'anncs de Jeslruclmn mas s ive pur l'Jrnn n'c sl c f"édiblc qu'avec Jn anrn
chinuq~ C1 sur le pla.o ré~i onal seulemcnl À moyen 1cnnc, celte mem1cc ne pmuT1111 viser plu" lnm qu'nvcc une atdc 1cchnolog}q!it
lri:s acu..-e de la RLU.Sic ou de la Chine. cl clic prcndn:m alors une dimension intem1111on11lc. Elle ne puu1T1ii1 devenir nuclbilT qu'•
écbèance de du. ou quinze ans, cc qui Cil d'ailleurs confonnc oux cs11ma 1im1M omén c uincs, quanti c dlc!'l-c 1 ne !lnnl f'M dn11nta i LJ
propagande. Quant ÎI la prnpcctivc que cette menace: Jeviennc intercontmcnlnlc, il fout ~c ntppelcr t111c WB.llhinston c'I tli 10000ll9
deTéhbml., port.te qu'ont 5C'Ul s réu.ui & ancfnJrc Jusqu'à p...Csent les miio; iles américa i nl'I , m!ise~ ou chinoi11o."
Chapitre 5. Lo rc!volutlon du nud~alrc 819

- les États-Unis garantissent la sécurité de Taiwan contre la Chine;


_rappelons que, durant la Guerre froide, des armes nucléaires américaine5 lurenl
stationnées en Corée du Sud, au Japon, dans l'ile Guam, à Taiwan, aux Philippine.
L'U.R.S.S. est tombée sans guerre directe ; la Guerre froide fut pourtant une gu~
meurtrière dans le reste du monde. De la même façon, il est rationnel de peneer que les
États-Unis entendent mettre en situation d'échec et mat les Chinois sar111 avoir recOUB à
Je force . Comme nous l'avons soutenu dès 2001, deux coups géopolitiques pouvaient
faire progresser les Américains vers leur but : premièrement inféoder la partie
européenne de l'Eurasie et donc priver la Chine d'un partenaire économique et
politique concurrent des États-Unis; deuxièmement placer le Moyen-Orient péttol~
- donc l'Irak - et l'Asie centrale sous contrôle stratégique et donc accroitre la
dépendance énergétique de l'économie chinoise.
En quoi, alors, le développement du bouclier anti-ntissiJesl américain s'Ïn!lerit-il
dans cette logique géopolitique des États-Unis?
Dans la nuit du 14 au 15 juillet 2001, les États-Unis procédèrent avec sucŒs à
l'interception, hors de l'atmosphère, d'un missile intercontinental à Z24 km au-dessus
de l'océan Pacifique. Parti de l'atoll de Kwajelein, le "missile tueur" intrrœpta, boit
minutes plus tard, un "missile cible" ICBM Minutmum 2 modifié lancé de la base de
Vandenberg - Californie - à une distance de 7 725 km des iles Marshall. La
destruction s'opéra en conditions extra-atmosphériques à une vitesse ~ à
25600km/h.
Ce succès technologique s'inscrit dans le programme du N.MD. - National Mi5Sik
Defence - décidé le 25 juillet 1999, par un vote massif du Congrès am~ en faveur
d'un système de protection anti-missiles pour le territoire américain.
L'objectif est de protéger les États-Unis d'Amérique d 'une frappe de missiles
balistiques intercontinentaux limitée à quelques dizaines de têtes - à la diff&enœ du
programme I.D.S. de la Guerre Froide qui devait arrêter W'le attaque nucléaire massive
grâce à des capteurs spatiaux - , et tirés à grande distance. L'idée américaine de
bouclier anti-m.issiles qui comprend la protection du territoire national par le N.M.D.
est complétée par des systèmes anti-m.issiles dits de théâtre - T M..D. ou Th""1rr Missik
Defense - protégeant les forces armées américaines projetées ou les alliés proches. Ces
T.M.D . seraient déployés :
- au Japon: il dispose déjà de PAC-2 modifiés et s'est rallié à l'option TM..D. depuis
les essais chinois de missiles No-Dong en 93 et Taep'o-Dong en 98: accord Étals-
Unis/Japon de août 99 a pour objectif Je développement d"un N=y Thatu Wûk -
perspective 2005 ;
- à Taiwan : Taipai dispose déjà de MADS - Mod~fied Air Defmse Systems - dérivés
du PAC-2;
- en Israël, premier allié des États-Unis dans le monde ;
- sur les territoires de l'Union européenne si celle-ci en admettait le principe.
Notons que la Corée du Sud n'envisage pas pour l'ins1ant de défense anti-missili!s
car le contexte est trop sensible avec la Coree du Nord et la Chine - celle-ri se sentirait
trop visée .
Le bouclier anti-missiles - N .M.D. et T.M .D . - modifie la donne stratégique
mondiale ; il rompt avec le principe de symétrie dans la dissuasion nucléaire qui fut
celui de la Guerre froide et ouvre, si rien n 'est oppose au défi américain. une ère
d'assymétrie stratégique.
À ce projet, les Ét,1t~-Unb donnent officiellement plusieurs justifications.

1 Sur le buuch..:r w111-n11!>s1I..·:-- 1"1crn: .. ASCALLllS Jtr .. l.t· BcHKll!V' ~ ~ ~ C ........,. .A. I
1o.·p11·mh,-.· ](HJJ :•,Pans, L'lt11nu11nan. :!OO:?. l76n..
820

D'abord~ une sorte de préjug~ amb,ant de la )itlérature américaine - et m~me plu.111


largnnent occidentale- - est hi! au procès d'intention culturel ; plus prosarquemen1 ,
l'argument ~t te suivant : "la rahonahtl- des Asiatiques et des musulmanH étanl
di™n.'"Tlte.. on ne peut St." 5écuriscr 1\vec la seule idée de dissuasion : il faut donc alll'î
plus loin". Écartons d'cmblee ccl argument · sans aller jusqu'à rappeler que des peuple'!
occidentaux ava1enl élé capables d 'aller jusqu'à l'absurde en s'entretuant - V<!rdun,
Stalingrad. Dresde . .. - ou en utilisant le nucléaire sur un autre peuple - Hiroshima,
Nagasaki -, nous nou• contenterons de souligner le fait que le nucléaire en Asi" a <!U
1"5 mêmes effets, 1usqu'à aujourd'hui du moins, que dans la configuration bloc
occidental/bloc soviétique : une meilleure codification des comportements aussi bim
entre Chinol~ el Russes - déciblage, non e mploi en premier, règlement des
contentieux territoriaux - qu'entre Indiens et Pakistanais, et il est probable que les
cri9e5 indospakistanaises de 1987. 1990, 1999 n'ont pas dégénéré grâce au nucléaire' .
Un autrl! argument avancé par les Américains serait l'instabilité plus grande de la
zone nucléaire asiatique, en raison de la proximité des États nucléaires asiatiques. Là
encore, cet argument n'est pas valide, car en Europe les temps de vol des missiles
nucléaires n'étaient pas supérieurs hier à ce qu'ils sont aujourd'hui sur le thé3tro
asiatique.
Les Américains désignent également des menaces précises justifiant le déploiement
de tels systèmes anti-missiles :
- d'abord le risque d'une attaque de missiles balistiques lirrtitée en provenance de
Corée du Nord - achèvement de la première phase du projet autour de 2005 avec la
mi.se en place en Alaska d'intercepteurs terrestres, d'un radar A .B.M., de radars d'alerte
avancés - ;
- ensuite les menaces que pourraient faire peser sur les États-Unis, après 2005, des
États comme l'Iran, l'Irak ou encore la Libye. Pour appuyer son argumentation qui
puise, pour l'essentiel, dans un rapport du Congrès datant de 1998 et portant sur les
dangers de la prolifération, Washington rappelle l'utilisation de Skud irakiens durant la
Guerre du Golfe ainsi que l'essai en 1998, par la Corée du Nord, de rrtissiles balistiques
qui survolèrent le territoire japonais.
Les Chinois pensent, à juste titre, qu'ils sont la cible première de ce déploiement,
ceci pour plusieurs raisons :
- premièrement, est-il crédible que les États-Unis dépensent 60 à 100 milliards pour
un système exclusivement destiné aux États-voyous s'ils n'incluaient, sans Je dire, la
Oûne dans ces États voyous ?
- deuxièmement, techniquement et géographiquement, un système qui a la capacité
d'interœpter un missile nord-<oréen aura aussi la capacité d 'intercepter un missile
chinois ;
- troisièmement, l'arsenal chinois, faible en missiles intercontinentaux - de l'ordre
des dizaines - est à la dimension d 'arrêt d'un bouclier anti-missiles efficace.
Derrière le discours légitimant des "États-parias", les motivations réelles d~
Washington apparaissent clairement sous la plume des responsables américains si on
veut bien, du moins, faire l'effort de lire ceux-ci. "Nous sommes préoccupés par la
possibilité qu'un de ces régimes menace des villes américaines pour dissuader les
États-Unis [...) d 'intervenir contre eux": ainsi le chargé d'affaires de l'ambassade des
États-Unis à Paris, M. Douglas L. McElhaney, résume-t-il l'objectif premier du N.M.D;
avant d'ajouter, alors qu'il intervenait à !'École Militaire à Paris, le 7 décembre 2000 :

1 Leur r<Lllion ""Jiaiquc .., n!guléc par dn accord> bil11mux . .. 19HK, l 9'1 I - - cl ln Ji!clnrnl1on Je Laho,. de 199'1 . let
_,, drnvmt cbonnaiJ tue nolifiés au pR&i1blc
Owpttre 5 . 1.... ~volutlon du nuclc.'alr" 1121

•Le N M.D. pourrait renforcer la capacill! d'action en ma hère de !lécuri~ de États-Uni9


dan.'! le monde" .
Contrairement donc à cc qui est rl!gulil!rement affirml!, le N.M.D. n'a pa11 l!té pensé
par le Pentagone pour être un moyen dl!fcnsif mais, bien au contraire, pour servir dan11
le cadre d'une stratégie offensive visant à conserver à l'Amérique sa capaci~
d'intervention sans crainte de représailles graves. Ce ne sont donc pas les Corérn!i du
Nord, les Irakiens, les Iraniens ou les Libyens qui menacent de leun capacités
balistiques les États-Unis, mais au contraire les États-Unis qui entendent améliorer leur
capacité de menace sur ces pays en ne risquant plus rien d'eux. Qu'est-ce alms que le
N.M.D. sinon une nouvelle arme d'ingérence américaine? On comprend mieux
pourquoi le Congrès américain, qui a voté en faveur du N.M .D., a ~ la même
année de ratifier le Traité d'interdiction des Essais Nucléaires - T.l.C.E - : l'Amérique
perfectionne son épée nucléaire et conventionnelle, tout en construisant le bouclier qui
donnera à l'épée interventionniste tous ses degrés de liberté, qui défrichera demain les
dernières terres encore fermées à la dynamique de décloisonement des économia
mondiales initiée dès la conférence de Bretton-Woods de 1944 par les etats-Unis
d'Amérique - décloisonnement lorsque les avantages comparatifs fonctionnent en
faveur des intérêts américains, cloisonnement dans le cas contraire à l'image de
l'opposition euro-américaine sur la sidérurgie.
Les Chinois perçoivent l'outil N .M .D. comme un outil interventiormiste; en man
2000, un ambassadeur chinois, Sha Zukang, déclarait ainsi :
"Ce que les États-Unis ont réellement en tête, c'est de prendre l'avantage stratégjque
pour le xx1e siècle en tirant parti de leur puissance économique et scientifique 5iU1ll
rivale, afin de briser l'équilibre stratégique international existant et d'affirmer 50l1
hégémonie sur le monde. ( . . . ) Après l'acquisition du N.M.D., les États-Unis ne
resteront certainement pas immobiles dans leur présumé inexpugnable 'bastion
Amérique', à profiter tranquillement de leur coin de ael serein ou à atœnclre
passivement de détruire quelque missile ou O .V.N.L qui tomberait du ciel. Ses
omniprésents intérêts 'nationaux' et le sentiment d'avoir une 'mission' divine avec
laquelle ils sont nés conduiront cette 'superpuissance solitaire' à aller mettre en pièces
toutes sortes d"États voyous' et 'd'empires du mal' en Asie, en Europe au Moyen-
Orient ou en tout endroit du monde avec un enlhouasiasme plus grand et des bombes
plus intelligentes".
Rappelons néanmoins que l'incertitude plane également sur les intentions réelles de
la Chine continentale à propos de Taiwan.
Certes la doctrine nucléaire chinoise est claire et n'a pas changé depuis cinquante
ans : son programme exprime des besoins nationaux, l'objectif unique étant l'intégrité
du territoire. La doctrine chinoise n'est-elle pas celle du non emploi en premier à
l'extérieur du territoire chinois et du non emploi vis-à-vis des puissances
conventionnelles - ce qui n'est pas le cas du Pakistan, mais pour des raisons
d'infériorité conventionnelle par rapport à l'Inde et d'absence de profondeur
géographique ? Mais le Tibet et Tniwan sont-ils considérés par Pékin conune extérieurs
au territoire chinois ? Certes non .
Après ses interventions - Tibet en 1950, Inde en 1962. Vieblam en 1979. et ses
opérntions de prises insulaires en mer de Chine méridionale - la Chine s'est apaisée.
Elle dit se sentir largement mL•nacœ par l'interventionnisme américain depuis la
Guerre du Golfe. Et il est t•xact que l'évolution de son arsenal nucléaire s'est toujours
faite en adaptation i\ celui des Ët.:its-Ums. Contrairement aux Etats-Unis, la Chine n'a
jamais déployé d'armes .iu-dd.i dl' ses frontières ni mené la course quantitabve aux
armements. Enfin, l'image sdnn laqut'lle sa démographie lui pemlettrait de supporter
une guerre nucléaire - l.i soi-disante c.ip.idté d<• perdre 900 nùllions de Chinois - a
,t~ t\l\lU\."i c."n n\uins d~ ''-''lité; l'&\.llUlnlic et ln dénlographi\! de la Chin\.• !lunt en t.•Hcl
,tt> plus '-'n plus '"'"ccntn't.•s ~'"'""'~raphiqucnlt~nt.
(.lud n:\lt."' lt.• N .i\11.D. jOUt.'-t-11 ... hul.s I~ rapport entr~ les Étilht- Unis cl lei' i1Ulrt"'!I.
puis..'"''~ ~'ncisi.t.tiqu~ '-"-'"'"'~ hl Russie ou l'Inde ? Lc."'l. thèse qut.:.• nous Moulcnun~. 11
....~t Cgat'\:I . ~t "lUt." lt." N ./tv1 .l> . ptlurruit jllUt!'r un rôle sur le nouveau jeu d alhann~
1

dt-t"eiml.Îllt' par l'tlppo.... ition bipol ..i.lre s1no-a1néricainc.


Lcl Ru~i~, M"U~ •~~ rêN,inlc suvi~tiqut• finissant, n'avait pu relever le défi d 1 / .0 .s .1 Ellt•
ne d\spo.~ pas d'un\.. . plus gr..lnd~ 1nargt.• de n1aturuvre auiourd'hui. MoMcou n'a pa~
reus..;.i " S.l\IV"r 1.. traite A.8 .M . de 1972. Sur 1., coup de l'émotion gtméralc Liu
l l s.cph:-nlh~ 2(>01, personn~ n'a affronté les États-Unis lorsqu'ils ont jeté, en U&.:~mbre
2001. 1.- traité d" 1972 dans les oubliettes de l'histoire. Et force est de constater que le
deuxième ,-oup "post-11 septembre" marqué par Washington, après un positionnement
réussi en Asie œntrale, est d 'avoir fait accepter le N .M.D . aux Russes et aux Europée™.
Après tout, les médias français et leurs exp.,rts préférés ne nous ont-ils pas explique
qu~' 1.- N.M .D. ne servirait à rien contre l'hyperterroristne, et qu'il était donc inutile do
faire grand cas de cette affaire? À les écouter, il fallait croire que les Américains
dépens.iient 100 milliards de dollars pour jouer les Don Quichotte. Ces commentaires
nous montraient, une fois de plus, l'incapacité courante en France à penser plus d'un
problème à la fois : comme si la menace trans-étatique avait, d'un coup, aboli la carte
des États du monde, leurs rivalités géopolitiques et économiques; comme s'il ne fallait
pas penser ensemble le fait trans-étatique et le fait étatique.
Revenons à la Russie. Compte-tenu de son état de banqueroute économique, la
Russie ne peut guère s'offrir un bouclier anti-missiles national. Deux options s'offrent
alors à elle. Soit continuer à reduire son nombre de têtes nucléaires, jusqu'à passer en
dessous des mille, et alors sa capacité nucléaire résiduelle, après une première frappe
nucléaire américaine, deviendrait incapable de franchir le bouclier N.M.D . : la Russie
ne serait plus un adversaire stratégique mondial potentiel pour les États-Unis, tout au
plus un acteur régional incapable de mettre de l'ordre dans sa périphérie, acculé peul-
être à céder aux offres américaines d'intégration d'un bouclier anti-missiles eure>-
américain. Soit au contraire se lancer de nouveau dans la course aux armements el
disposer d'un nombre très important de têtes permettant de briser la défense anh-
missiles américaine; une telle posture pourrait se combiner avec un rapprochemenl
stratégique avec la Chine.
L'hypothèse que nous formons est que la Russie conservera son rang de très grande
puissance en évitant de basculer dans le camp des États-Unis ou dans celui de la Chine
et entrera dans un jeu oscillatoire d'équilibre entre les deux rivaux à balance plutôt
favorable aux États-Unis. La Russie a besoin de l'Occident pour se reconstruiœ
économiquement; elle a peu à attendre de l'Asie sur ce point. En revanche, sa richesse
en hydrocarbures la rend intéressante pour la Chine comme pour l'Europe occidentale,
dans un contexte de monopole américain sur le pétrole du Moyen-Orient. Ses atouts lui
permettraient alors de monnayer cher, auprès des Américains, un non engagement du
côté chinois.
Venons-en à l'Inde. Dans un contexte de rivalité sino-américaine et islame>-
américaine - au sens de l'islamisme !Tansnational - , l'Inde apparaît de plus en plus
comme un allié nécessaire aux États-Unis.
Évidemment, un tel rapprochement serait une nouveauté . Dans la deuxièn11• moitir
des années 1960, les Américains avaient bien pensé se rapprocher de l'Inde pour foire
face à la Chine. Ils avaient envisagé une coopération nucléaire, mais cela n'avait pasélé

1 lc projetGmlTC dca l~to;Jcs ~teil un buu1.:licr ~ptttiol Jc sliné à arrêter les lrnppci 11mss1vcs.
possible à cause du non-alignement indien. L'Inde, par ailleuB, voulait la bombe et les
Américains étaient partisans de la non prolifération.
Le voyage de Cllnlon en Inde aura-t-il été le point de départ d'un réaJ1gnement
strillégique de même importance que celui qui succéda au voyage du président Nixon
à Pékin 7 Difficile là encore d'être catégorique, maie on peul souligner les avantages de
l'Inde aux yeux de Washington :
- l'Inde et la Chine sont en opposition nette. Des mlliSile& nucléaires tactique&
chinois sont déployés au Tibet. Un affrontement avec l'Inde dan6 )'Himalaya est
possible. Pékin ne reconnait pas la ligne Mac-Mahon tracée par le colonisateur
britannique. La Chine contrôle la région de l'Aksa Chin - 38 000 km2 - dti>uis la
guerre de 1962 et une partie du Cachemire - 5 200 km2 - cédée par le Paki6tiln en
1963. Elle revendique une partie de )' Arunashal Pradesh - 90 000 km2 - et n'a pilli
reconnu l'annexion du Sikkim en 1975;
- l'Inde serait pour Washington a la fois un allié démocratique en Asie et 1J11e fortr
puissance conventionnelle et nucléaire;
- l'Inde et les États-Unis ont un intérêt convergent contre l'islalllÎlime;
- la puissance navale indienne bloque la route de la Chine aux approvisionnemenl5
pétroliers du Golfe ;
- les États-Unis se sont beaucoup éloignés du Pakistan durant les dix dernières
années. L'axe pakistano-chinois sera-t-il opposé demain a l'axe ind~américain?
- l'Inde et Israt!l coopèrent beaucoup dans le domaine de la défense anti-mis6iles -
ainsi que dans la lutte anti-terroristel - ; par ailleurs, depuis les essais de 1998, l'Inde
a augmenté ses relations avec le Japon et la France. Le fait que l'Inde soit proche
d'lsrat!l et du Japon est positif pour Washington. Au contraire, les liens du Pakistan
avec la Chine et les États du Moyen-Orient inquiètent les Américains;
- enfin la relation Russie-Inde est stable et solide et a survécu à la Guerre froide :
alliance objective contre la Chine depuis le milieu des années 1950, traité de paix.
d'amitié et de coopération datant de 1971 . Partenariat stratégique conclu entre la Russie
et l'Inde en octobre 2000.
Un axe Inde-Russie anti-chinois et proche de Washington serait utile aux
Américains; ajouté au dispositif classique, Corée du Sud-Taiwan-Japon-Philippines-
Thaîlande, il isolerait Pékin et vaudrait largement le sacrifice du Pakistan. Par ailleun,
dans l'hypothèse d'un N .M.D., même un Pakistan ouvertement islamiste ferait moins
peur, et l'Inde, le cas échéant ferait le tampon, avant même que les États-Unis eux-
mêmes soient menacés.
Remarquons enfin que ni les États-Unis, ni l'Inde, ru IsraE'I n'ont signé le T.1.C.E. -
Traité d'interdiction complète des essais nucléaires - et œd, à la diffmnce par
exemple, de la Chine ou de la Franœ.
Que pourra faire la Chine ,frnMin, sinon plier et s'ou\Tir face â un .ue ras.semblant
derrière les États-Unis, le Japon, T.1iwan, l'Asie du Sud-Est. une seule Corée réunifiée
par le Sud après la chute d'un rl>gime nord-coréen devenu incapable de nuire aux
États-Unis du fait du N.M.D . et d.-s T.M.D . / lnd~lsraE'l ? Comment. en cas de tension.
la Chine pourrait-elle se développer cnergétiquement après que l'Irak ait êté contrôlé.
comme le reste du pl'troll' du Moy1m-Oril•nt. par les Américains et que la Russie ait
P11,.lir 6. Rtl11al11tlnn1 lttlmJJfU~

""f"~ - <"i1r soudeuse de flnnnœr Ron propre dèvt!loppement por l'Out!st - de tencln.o
la main Il Pt'kln 1 ?

Éléments dt• dévdoppcrncmt réccntH du N.M.D.


L'e!!sai nuclèalre nnnoncé par l.l Corè•~ du Nord en octobre 2006 ne peut
que dynamiser le programme nméricnin.
Le N.M.D. consi~lt> nctuellt!ment en des missiles d'interception et dr11
radars situ~ en AlaskR. Un nombre limité de missiles intercepteurs (une
dizaine) .ont operationnels en 2006. lis pourraient être augmenté11 par des
intercepteurs de type SM-4 tirés de navires ou par Boeing Yal-1 .
Le N.M.D . doit se déployer en 3 phases. La première phase appelée
Capability 1 (Cl) a étè originellement conçue pour contrer une menace limitée
d'environ 5 ~tes; récemment cet objectif a été amélioré : l'idée est de déployer
maintenant une centaine d"intercepteurs dans le but de contrer plusleun
dizaines de ~tes.
les paliers C2 et C3 visent à contrer des attaques plus complexes. Le C2
pourrait aller jusqu"à 200 intercepteurs déployés.
La complexité peut être gérée par la combinaison d'intercepteurs
embarqués sur des navires avec des intercepteurs terrestres.
Le 16 décembre 2002 le président Bush a signé le Natio11nl Security
Presidmtinl Directive 23, qui prévoyait le début du déploiement en 2004.
les États-Unis ont demandé aux Britanniques et aux Danois d'héberger
des intercepteurs sur certaines de leurs îles. Thulé figurerait parmi les iles
concernées. En Europe continentale, il est probable que la Pologne (discussion
entre Washington et Varsovie depuis 2002) accueillera aussi des éléments du
bouclier anti-missiles. Un site similaire au site américain de l'Alaska aura pour
but de protéger les Européens des missiles tirés du Moyen-Orient et de
l'Afrique du Nord. En Pologne le débat public sur ce sujet a été ouvert en 2005,
et, mi-2006, nombre d'éléments montraient que Varsovie s'acheminait vers un
accord.
En juillet 2004 le premier intercepteur terrestre a été déployé à Fort
Greely en Alaska. Fin 2004, six intercepteurs étaient déployés à Fort Greely et
deux autres en Californie (Vanderberg Air Force Base). Deux nouveaux
intercepteurs ont été installés à Fort Greely en 2005.
En 2004 et 2005 plusieurs test d'interception ont échoué (aux iles
Marshall, sur l'ile de Kwajalein dans le Pacifique). Mais en février 2005, un
missile a été intercepté avec succès par le système Aegis.
Le 10 novembre 2005, the USS Lake Erie a détecté, traqué et détrui~
deux minutes après son lancement, un missile balistique à deux étages

La réaction russe : un effort de défense supplémentaire


Les Russes ne peuvent rester sans réponse face à un tel défi stratégique.
En mai 2006, le président Poutine souligne que le budget américain est 25 fois
supérieur au budget russe. Moscou décide d'augmenter son budget "défense el
sécurité" de 20 %. Les revenus de l'énergie et l'assainissement de !'Étal

J La llllllÙt • annmcnc:i i pcrdR: J million d'h11bitanl6 ~l se ~riph~ric uialiquc se sinise à gronde vilcuc. elle aMPI
l'opm.siaa ~de la Chinr.
chi1plln~ 5 l...u révulullnn du nm. · Jto1tJr~

pcrmcllcnl en effet au gouveml!menl ru8se de mener une politique de


mo1..lt!rnisatiun des forn•s .
La Russie se considère 1..Msormais libre de dtivelopper les vecteur5 pour
ses forces nucléaires, y compris à INes multiples, puii;que l'accord START fi
n'esl plus en vigueur. Signé cm 1993, ST ART Il prtivoyail de ramener le nombre
des oglvl!s nucléaires à 3 500 pour les f:tats-Unis et 3 000 pour la Rufl!lie
Moscou va se munir de nouveaux systl!>mes d'armes nucléaires et de
missiles Cilpilbles de déjouer les systèmes de défense existanl6.
Lorsque l'Amérique annonce le bouclier, la Ru&!iie annonce
l'amélioration de l'épée.

4. Énergie nucléaire et pétrole

Nous avons tenté de montrer dans la partie consacrée à la permanence de la quête


des ressources, le rôle du pétrole dans la matière géopolitique.
Plus que n'importe quelle autre nation, la France doit savoir quelle révolution
géopolitique constitue la production d'énergie nucléaire.
Si l'on devait donner un mot clé expliquant l'affirmation de l'indépendance
nationale de la France, dans la deuxième moitié du xxe siècle, nous répondrions
assurément : nucléaire ; nucléaire militaire, qui délivre de l'enfermement bipolaire;
nucléaire civil qui offre à la France son indépendance énergétique, et diminue sa
dépendance pétrolière - laquelle entrainait de fait une dépendance à l'égard de J'axe
saoudo-américain.
La capacité nucléaire de la France permet à celle-ci de définir sa propre politique
étrangère au Moyen-Orient; en cela le nucléaire civil est un facteur de changement de
la géopolitique, changement par rapport aux déterminismes naturels de la quête
pétrolière. C'est précisément parce que Je nucléaire français est une composante de
l'indépendance nationale française qu'il a été la cible d'organisations écologistrs
soutenues en sous-main par des intérêts pétroliers et des intérêts étranger.; qui
voulaient voir la France bousculée dans le Pacifique ; l'exception énergétique française,
fondement de son indépendance, est aussi l'objet d'attaque dans le cadre de la
construction européenne : les puissances européennes qui n'ont pas misé sur le
nucléaire dans les années 1970 et sont restées dans la logique pétrolière conduite par
les États-Unis et ses clients producteurs ne disposent pas de la même marge de
manœuvre que la France en matière de politique étrangère, en particulier face aux
États-Unis ; ainsi est-il logique qu'elles regardent d 'un mauvais œil 'l'originalité
française' à l'égard de l'Irak.
La sortie de la logique d'indépendance énergétique par le nucléaire serait pour la
France une erreur stratégique. Si les États-Unis disposent en effet d'un potentiel
pétrolier et contrôlent l'essentiel de la production mondiale via l'Arabie Saoudite, si
l'Allemagne dispose de portes de sortie énergétiques du côté du réservoir gazier et
pétrolier de la Russie, la France elle n'a toujour~ pas de pétrole.
CHAPITRE 6

LA RÉVOLUTION
DANS LES AFFAIRES MILITAIRES

Le xxe siècle aura vu se dérouler trois guerres qui se sont toutes achevées par la
promotion de nouveaux matériels1 . La Première Guerre mondiale a vu la promotion de
l'avion et du char; la deuxième, celle du missile et de l'atome; la Guerre froide a
débouché sur la numérisation de la bataille et l'utilisation de l'observation et des
télécommunications spatiales comme bases du contrôle stratégique de la planète2.
Cette révolution est la synthèse des avancées techniques dans trois domaines :
l'électronique, l'informatique, les télécommunications ; elle repose sur la télédétection
de la menace, la vitesse et la furtivité de la réponse apportée à cette menace.
Selon l'expert suisse Bernard Wicht : "La R.M.A.3 - Révolution dans les Affaires
Militaires - peut se définir sommairement comme la surveillance, 24 h sur 24 et par
tous les temps, du champ de bataille et, à partir de là, la destruction des objectifs par
des frappes précises à longue distance au moyen de munitions intelligentes" 4.
Grâce aux nouvelles technologies de l'information - N.T.I. - , les satellites, les
avions radars, les drones et autres appareils de reconnaissance sont en mesure de
fournir, en temps réel, les coordonnées nécessaires pour le tir des armes à longue
portée - missiles de croisière, armes stand-off, munitions auto-guidées. Le but de la
R.M.A. est de frapper rapidement et même instantanément un nombre important de
cibles stratégiques de l'ennemi - défenses anti-aériennes, radars, aérodromes,
centrales de télécommunications - et de paralyser ses mouvements sur le champ de
bataille.
Quatre principes stratégiques s'imposent en matière de R.M.A. : la supériorité dans
les moyens d'information, la synergie entre les différentes armes - terre, air, mer - , le
combat sans contact, à distance, et enfin la nécessité pour l'armée de rattraper le retard
sur le civil - entreprises - en matière de management de l'information et des
performances informatiquess.

1 Scion Alvin et Heidi Tomer. l'histoire humaine est marquée par quatre phases successives de guerre: les guerres agrain:s.
a.prës l'époque néolîlhîque, les guerres industrielles après la Révolution industrielle, la guerre électronique et aujourd'hui la guerrt:
mfonnationnelle.
2 F. THUAL, "L'adieu â Foch", Communication présentée au colloque "L'adieu à Gutenberg" organisé per le président
Maurice Blin au Sénat Je 2 1 jnnvicr 2000.
3 Il est important de préciser que le concept de révolution dans les nffaires militaires est d'abord soviétique avant d'être repris
par les Américains. L'un des chapiLres du rapport du Ccnter for Stratcgic and lntcmalionnl Studies de 1991 ponant sur la guerre du
Golre, s'intitule d'ailleurs "La révolution mililaire". A . JOXE, "Révolution dans les afTaires militaires (Concept américain de)", in
Th . de MONTBRJAL, J. KLEIN dir., Dictionnaire de strtJtégie, Paris, P.U. F., 2000, p. 448-455 .
4 B. WICHT, L 'Oran attaque, Georg éditions, Genève, 1999 ; sur la R.M .A., voir aussi Th. DELPECH, la grœrre parfaite,
Paris, Flammarion 1998, p. 29; M . NAJMAN, "Les Américains préparent les armes du XXIe siècle" in Le Monde dlp/omat;que.
février 1998, n°527, p. 4.
S A. JOXE, "Révolution dans les affaires militaires (Concept américain de)", in Th. de MONTBRIAL, J. KLEIN dir.,
Dktionnuire Je strutégie. Paris, P.U.F., 2000, p . 451.
828

La gé<>politique est~lle disqualifiée pnr la R.M .A . ? Là encore, il s'agit de répondre


que les données de la puissance s'accusent encore davantage au profit de•
Occidenhlux, les Américains en particulier, qui conduisent la R.M.A . Mais le facteur
technique n'abolit en aucune façon la réalité géopolitique.
L, R.M .A. correspond à une représentation géopolitique des milieux de Défense
américains, née dans le contexte d e l'après Guerre froide : le monde ne serait plus
caractérisé par un ensemble d'États formant un système, mais il se résumerait au~
États-Unis, superpuissance plongée dans un environnement chaotique et imprévisible.
Selon le principe de la théorie du chaos, un battement d'aile de papillon à un point
donné de la planète est susceptible de déclencher une tempête à des milliers de
kilomètres de distance de ce point ; le but des Américains est alors de concevoir une
défense capable de repérer, d'isoler puis de "traiter" la perturbation à un stade
précoce' .
La réflexion sur la R.M.A. est parfois rapprochée de celle sur la R.M . - Révolution
militaire - qui vient du monde anglo-saxon et qui postule que les mutations dans l'art
de la guerre2, loin d'être la simple conséquence des transformations politiques, sociales
et techniques, se trouvent à l'origine même de ces transformations. Ainsi, entre le XVI•
et le XVII• siècles, les changements dans le mode de combat - l'utilisation
systématique des armes à feu - , dans la stratégie - manœuvre de grande
envergure-, et dans la structure des armées - croissance des effectifs,
professionnalisation - auraient conduit à la construction de l'État moderne.
l 'importance numérique des armées nécessitait une logistique telle - munitions,
vivres, soldes - que seule l'administration d'un État centralisé et la levée de nouveaux
impôts pouvaient y répondre. Autrement dit, l'art de la guerre aurait déterminé l'État
modeme3.
La thèse de la Révolution militaire explique également l'expansion presque
ininterrompue de la domination territoriale occidentale, entre 1500 et 1945. Selon
Geoffrey Parker, les Occidentaux dirigent l'art de la guerre et donc le monde.
L'historien William Mc Neill, empruntant des détours différents aboutit aux mêmes
conclusions : l'expansionnisme européen qui débute au )(VIe siècle est le fruit de la
synergie des marchés et de la voie militaire.
Cette thèse s'apparente en bien des points à la démarche de raisonnement marxiste
car elle sous-tend l'existence d'une sorte de classe nùlitaire qui dominerait et pousserait
les États à la guerre, forte de la bienveillance des intérêts capitalistes. Elle est défendue
aujourd'hui par des chercheurs européens, français en particulier : le conflit en
Tchétchénie est expliqué par la volonté d'un complexe militaro-industriel russe tout
puissant et hérité du soviétisme4, ou bien encore les guerres du Golfe ou des Balkans

1 Suivant ln principes des anni.c1r:u111 Ju physicien PrigogCnc. in D . RU ELL E, Hnsurd el choos , Pons, Odi1c Jacob, 1991 ,
M. MAZZAR, 71rr Rn'OllllÏtJff in Mj/11ary Affain. A Framework for Defe11.fe Pla numg SS!, Vth C onfercnce on Strate-gy, C'.Mhslt
Bmnc:kJ (Pmn.). •vn11994 ; nomb~ux sont les uperts qui affirment que les Étnts- Uni !i !lont désormais la seule puiuance capKik
de n.:nc:r une guenr de: 1rn1&ièmc gé nc!:ralion - info worfurc - land&s que leurs alliés scraicnl restés ou niveau de la parc
~die; O.E. JENSEN (colonel USAF ), "Infomwtion Wwfarc : Pnnc1ple!o! of Th ird Wavc Won", in Airprnvrr Journnl. hl\a
1994, vol.8. n•4.
2 Sur les progrès 1eehmquc.5 dans le domamc mililllirc e t leurs con!iéqucncc s s ur le profil des 11nnéc s cl l'm de la gurrrr.
P. MASSON. L HENNlNGER. · Revo1utions induslm:lle cl m i liLairc au XIXe i,;iCc le ". in Th . <le M O NTBRlAL. J. KLEIN du .
Dic1ionnaire de Jlrutjg1r . Pma. P.U .F., 2000. p. 462~70 .
l G. PARK.ER. Lo rivalution militaire : la g mu-Tr t.'I l'e.f.rnr de l'Oc cidl•nt / 5 00-IHOO. Po.m&, Gollim11rd , 1993. p. 17, lrad -k
11w Mihlary Rnofution · Mllltary lnnovulion and the Ru«! of the Wit"sl 1S00-1 HOO, 2~ cr.J ré v ., C ombnr.Jgc. <..:ambridge U m\-mi~
Pneu, 1996 ; CJ ROOERS, 'l'ire Mi/uary Rit"mlutùm D c hulc . Rttudings on tire Mlli1ur)" Tnm:ifnrmaowr flf E,rr~• · J.lo.Jflm E""'f"·
Boulder, WCll\' ICW ~ •• 1995.
4 C MAKJENKO. "Le complexe m1ht..-o-mduslricl à l'heure des ~fonncs" in Y . BOYER, 1. FA CON Uir., W pü/illflw.Jt
skurité th /a Rwsfr. rnlr~ w ntinmté r:t rupture. Pans, Ell1pscs/FRS, 2000, p 1 l )-132 .
Chapitre 6. L.t r~olution dans les affaires militail'l"I 829

par la volonté du complexe militaro-industriel américain de tester ses bombes


nouvelles ou ses systèmes d'information et de guerre électronique.
Il convient de considérer ces explications mono-causales avec prudence. Car s'il est
clair que des intérêts militaro-industriels puissants peuvent exercer un lobbying dans le
sens de la guerre ou d'options stratégiques particulières, ils ne peuvent le faire qu'en
s'appuyant sur la réalité d'un contexte géopolitique et son interprétation en fonction
des intérêts nationaux. Dans un État qui fonctionne, la notion d'intérêt national
continue de transcender la notion d'intérêt particulier, communautaire ou !IOCio-
économique; si tel n'est plus le cas, c'est qu'un processus de déliquescence de l'État est
engagé.
CONCLUSION

TECHNIQUE ET VOLONTÉ DE
PUISSANCE

La technique est un facteur de puissance indéniable, sans doute le facteur décisif. Il


ne remplace toutefois pas la volonté politique. À la fin de la Première Guerre mondiale,
deux semaines avant l'armistice, la Grande-Bretagne dispose en Orient de plus d'un
million d'hommes, des Anglais, des Indiens, des Australiens, des Sud-Africains, des
Néo-Zélandais; tout l'Empire est convoqué pour entretenir un gigantesque dispositif
militaire, fondement de la puissance anglaise dans le monde. En comparaison, les
effectifs français et italiens en Orient sont ridiculement faibles.
C'est pourtant à la sortie de la Première Guerre mondiale que va se jouer le sort des
futures zones d'influence européennes bâties sur les dépouilles de l'Empire ottoman.
Les Anglais sont présents en force pour jouer la partie.
Lloyd George peut donc ironiser sur la faiblesse des effectifs de ses partenaires de
!'Entente en comparaison de l'importance de leurs prétentions: "Les autres
gouvernements ont seulement placé quelques policiers noirs pour vérifier que nous
n'avions pas volé le Saint-Sépulcre", dira-t-iJ.l
Il ne s'agit plus alors seulement de technique mais de moyens appuyant ses
ambitions.
La technique est donc un facteur géopolitique de première importance, en tant qu'il
agit sur les rapports de puissance et les modifie à l'avantage du meilleur technicien ;
mais, facteur parmi les facteurs, il ne résume pas en lui-même la géopolitique. Fernand
Braudel souligne l'importance de ce qu'il appelle les drames techniques, au XVI• siècle,
en Méditerranée. Mais il rappelle que l'histoire ne se résume pas pour autant à
l'histoire des navires ; qu'il convient de resituer cette dernière "entre les autres histoires
qui l'entourent et la soutiennent." 2

1 Cité par C .M. ANDREW, The climax of french imperial expansion, p. 163 . Allusion au contingent sénégalais envoyé par la
France en Palestine; voir N . PICAUDOU, La déc·t•nnie qui ehronla le Mnyen -Orient (1914-1913), Bruxelles, Complexe, 1992 .
2 "L"histoirc des navires n'est pas une histoire en soi. Elle est à rcsituer entre les autres hisloircs qui l'entourcn1 cl la
MJuliennent. Ainsi, la vérité, sans se refuser, se d~rnbc une fois de plus devant nous .", F. BRAUDEL, Êcrils sur l'his1o;re , 1969 ;
1984, Flammarion, p. 28 .
SEPTJÈME PARTIE

L'ÉTAT CONCURRENCÉ
INTRODUCTION

"le IJt~ ,_.,,_..t' JlflS qin· /a formule soc iét~ i1~ter11ntio 1tnle_o~t, d~ 1.Jréférc1~cc, mo~d inle, .cnns litu e_im
11
péritalr/c concept . Elit' dési~nc sa ns ln decnrc u11e totnl1te qr" mc~urmt tou t a la fors le s~!s teme
iu tcrélatiquc, h• svst1..., 1"t' t..~cmw111iq11c, les mouvemen ts tran snntwnnux cf les formes dnierses
d 'éd1t111 ~1._·_..: - de C~l mm crct•, nu Sl'll S lnr~c du XVIII(' siècle - de sodélés civiles nsociétés civilt:'s,
k~ ins tÙution s srtprm111ti01ralcs. Pt•ut-0 11 appeler société cette sorte de totalité qui ne garde presque
1
1wc:"'r des fl'ait s can1cftirishqu cs d'un e société, quelle qu'elle soi t ? Peut-on parler d un système
i11tt•n1atiorn1l ? f'cu douft·. •d

Les poussées d e la m o ndiali sa tion des économies et des cultures force nt les nations
à repenser le sen s d e leur ex is te nce et de le urs alliances, e t contraignent les ho mmes à
remettre e n je u le sen s d e le ur lien communautaire. L'éc hiquier plané taire semble
t>ouleversé par l'apparitio n d e nouvea ux pouvoirs supranationaux et capitalistiques,
dont l'exercice tend à faire tremble r les structures que l'histoire avait mis des siècles à
edifier. Les États sont-ils e n train de disparaître au profit d'autres formes politiques?
La réponse que n o u s te ntons d'apporter ici se r ésume de la manière suivante : ce n'est
pas la forme é tatique e n e lle-m ê me qui est remise e n cause, mais l'existence de certains
Etats, que la faiblesse r e nd victime d'une forme d e "sélection naturelle" opérant à trois
niveaux : la remise e n ques ti o n du monopole de la puissance extérieure -
conséquence s ur la géopolitique extérieure des États et la remise en question du
monopole de la v iol ence intérieure : les conséquences géopolitiques de la
communautarisation d e la puissance; le système international du crime, ou la mise en
place d 'un monde parallè le au systè m e international des États; la remise en question
des attributs de la souveraine té : mondialisation e t r égionalisation.

1 R. ARON. Les dernière.V années du .viède, Paris, Julliard. 1984. p. 23·27.


CHAPITRE l

LA LÉGITIMITÉ ÉTATIQUE
DE L'EXERCICE DE LA PUISSANCE
CONTESTÉE

Le rôle croissant de l'opinion internationale et des médias comme facteur légitimant


,,u discriminant de l'actio n internationale autant que l'ingérence nouvelle des Nations
unies, contribuent à bouleverser les données traditionnelles d'exercice de la puissance.
Une nouvelle forme de puissance d'essence transnationale semble s'affirmer aux côtés
des puissances nationales. Mais est-elle véritablement d'essence transnationale, ou bien
son caractère transnational n'est-il pas plutôt le paravent de la domination d 'une
superpuissance sur les a utres?

1. Intérêt national et Droits de l'Homme


1
"Il est plus aisé de co1111aître l homme en général que de connaître un homme en particulier 11

La Rochefoucauld

Dans les démocraties européennes, en France en particulier, si les hommes


politiques, placés au contact des réalités du gouvernement, continuent d'obéir aux
logiques d'intérêt étatique, ils ont néanmoins de plus en plus de difficulté à agir
ouvertement au nom de l'intérêt national, souvent mal jugé par les médias et
s'efforcent de maquill er leur action derrière un discours moralisateur qui vise à
défendre le bien et à r eje ter l'égoïsme national.
Même le droit international qui tente pourtant d e palisser les mœurs des États,
dans le respect des souverainetés, est désormais dépassé par l'idéologie des Droits de
l'Homme; aux puissances nationales, celle-ci oppose une puissance transnationale
capable d'imposer le Bien aux sociétés humaines.
L'ensemble des pays occidentaux a adopté les Droits de l'Homme comme valeur
fondamentale guidant la politique étrangère1 . Mais si certains de ces pays comme les
États-Unis continuent de parler de recherche de la suprématie, de volonté de leadership,
d'autres comme la France, ou comme les pays de faible puissance, la Belgique ou le
Luxembourg, semblent avoir résolu de résumer l'ensemble de leur politique étrangère
à la défense, souvent a priori, des Droits d e l'Homme.
L'idéologie des Droits d e l'Homme est ainsi devenue le principal argument invoqué
par les hommes politiques européens pour justifier leur participation à des actions
préventives ou répressi ves contre des États souverains; l'idée de démocratie fondant
en quelque sorte, en politique étrangère, l'idée qu'à une conscience internationale il

1 P. MOREAU DEFARGES, "Punir les tyrens", in Dt,l,fl!nse 1wrlo11ule,jnnvier 1999, p. 46-54.


838 P'1rtic 7 . L'tt11t concurrtnct

faudrait répondre par le gouvernement international du juste. Mais au foit, qu'csl-<e


que cette idée de conscience internationale si souvent invoquée?

2. Usage de la notion d'opinion publique


L'opiniC111pubUqut11'e..uste que là uù il n 'y a l'as 1/'idées

Oscar Wilde

li est avéré que les médias, dans les pays occidentaux, manient souvent le concept
d'opinion internationale ou de conscience internationale. Le défaut inhérent à ces deux
concepts tient d'abord au fait qu'ils ne sont pas définis d'un point de vue scientifique.
L'opinion n'est qu'une expression médiatée1 : elle résulte d'une médiation car elle
est produite à la fois par les médias qui lui donnent une dimension collective et par IC?S
acteur.; eux-m~mes qui l'assument et se l'approprient dans le discours et dans la
pratiquel. Les médias produisent de l'opinion en diffusant des images, des discours,
des représentations qui seront repris en majorité par ces réceptacles d 'idée dominante
que sont la majorité des téléspectateurs, des auditeurs, ou même des lecteurs ou des
internautes.
La science politique pose le problème de la définition de l'opinion publique et bute
sur un paradoxe. Car, d'une part, la mesure de l'opinion publique3 est fondamentale
pour le bon fonctionnement des démocraties - il faut bien mesurer l'opinion, puisque
l'idée démocratique est que la vérité sort de la majorité - , et d'autre part, la
construction de l'opinion publique reste fragile, car sujette aux influences de puissants
groupes d'intérêt, plus ou moins transparents, et dépendante de l'objectivité de
l'information.
L'opinion publique est d'abord une "fiction juridique" 4 parce que les textes qui la
proclament présupposent que chaque individu, confronté à différentes alternatives, se
prononcera nécessairement en faveur d'une solution qui prône le bien commun. Or
plusieurs décennies de démocratie nous ont appris qu'un tel point de vue était naïf.
Dans les faits, les démocraties donnent le spec tacle d ' une multiplicité de groupes qui
s 'affrontent et cherchent à faire prévaloir leur intérêt ; les décisions prises par les
gouvernants reflètent parfois davantage le poids relatif des groupes plutôt que l'inlérél
commun5 .
L'opinion publique est ensuite une fiction statistique : certes, les outils
mathématiques et statistiques des fabricants de sondage sont scientifiques; ce qui est
contestable en revanche tient à la formulation et à l'orientation des questions

l 8 . LAM1ZET. A SILEM. Dictinnnf.Ji rt.• cnC)•c-lupt!diqm: d f..• t;; .'rCt f!n Ct'.f dt • /'i11ft• r mr11m11 L'I d t.· Io comm1micnt iu n , r111n ~. EllÎJ"n.
J '197. Article •0pinion" . Ln n:lais d'opinion sont 1~ mtdiolll , lc!'i n u toblcs et actcur!'i ;n!lilitultonncls. lc!i c.11.pcr1s. les ~W•
indiriduaililél de: l"opinion . Sur les mediu "'Il" arKaniM:n1 la diffusion de l'opin ion !ielon l:a c..lîffMion de l'informnl10n dont îlJ ni
pGllC'1n ; c'at, m que1qur IOftc". l'1nrorma1ion qui nt &\ la foia lu mCdiut ion et le support de l'opinion . Le!i meduu (Ol\llJuital
fopinioa CD dJffmanl l'iafonm;lion qui ra.çonnc les rcp~scnlnlionS Cl IC!il 1tJCc~ dnnt ~ ont )'K1neun )C.9 OCICUrs. c.Jc )'C!patc publte U
1'asit ph• que d'une simple fouchon de médiaÜon : JI l'i'Mgll d ' une fonnc c.J'apprc nliSl'iDMC, d 'éc.JueallUR. rar o.iUcurs, les m!dw
concourrnt à la n.abeliution a 6 la rtgulation de l'opinion en crTet , ill'i foumll'il\Cnt <le!' rcpré!4cntnltuM, de:ii di~cours , do idk:! . qw
pcuvrat acrvir de modtlcs, de nonnes. pour J'~laboroti on de l'o pinion ." . p 41 K
2 P. CHAMPAGNE. FaiTe /'upi nifJn, le n o u,•euu poli1it1m-. P"ris. f d . de Mmu it. l 1J90 .
l B LAMrZET. A. SILEM, Dictionnaire enc_J:d np t!Jiqm• d e.If ·'·c-1 1 ~11, ·c.11 J ,. l'it~/i>rmutùm ~ · t de la n u11m1min 1tlo n , raris, ElhpK:t.
1997, Artkle •optnîon publique• : •oaru Io phi1011011hic dc11 Lumières l'nr inion fllll'tliquc ~1nil conçue cumm~ l 'c">p~s..~i nn Je r1Mtttc
pnml", p. 421.
4/ikm. p. 422.
' L..c m6diolope RtJP• Dcbny pente que let mtdias sont Jé!llunmiiM le premier pouvoir -- au 11cnfii Lie JltlU\.'Oir ll'influtntt l'1

d'auLDritt tpinrueUe 1elle que puuwir retrc l'Église: dans Ica aitclH putM.+11 en France.
Q\apttre l . La ll'britimilé étatique de l'exercice de la pu1~Mncc contettt

constitutives des sondages. On suppose en premier lieu que tout le monde est
également informé pour émettre un avis; on sous-estime ensuite le pouvoir directif du
sondeur, enfin on additionne toutes les opinions sans tenir compte de leur degré de
solidité.
Si l'opinion publique pour un seul État est un concept flou, on imagine alors ce que
vaut la notion d 'opinion internationale!, pourtant tellement invoquée pour justifier des
décisions de politique étrangère.

3. "L'opinion internationale" est un outil de puissance

"Ln guerre ju ste est celle qu; nous est nécessaire"

Rudyard Kipling

Toutes les guerres ont eu leur propagande, et la propagande moderne est sans
doute née avec la radio et les actualités du cinéma durant la Seconde Guerre mondiale.
Les guerres récentes, celle du Golfe en 1991, et plus encore celles du Kosovo en 1999 et
d'Irak en 2003, ont vu la montée en force de l'idée de guerre des Justes soutenue par
l'opinion internationale; il ne s'agit alors plus de mobiliser sa propre opinion publique.
mais de valoriser Je soutien d'une "opinion internationale".
L'opinion internationale est devenue un outil de légitimité en matière de politique
étrangère. Dans ces conditions, une autre guerre que celle du tenain apparait
stratégiquement primordiale : la guerre de l'information, c'est-à-dire de la
désinformation. La Guerre du Kosovo a montré l'utilisation à haute dose. par les deux
protagonistes, de la désinformation. L'aspect stratégique de l'information est
clairement mis en valeur à travers les cibles choisies par l'O.T.A.N. : émetll!urs serbe et
siège de la télévision, blocage de la retransmission satellitaire sur le bouquet européen;
importance des images et du choix des témoignages.
En matière d 'orientation de l'information. la Guerre du Golfe avait déjà servi de
répétition de grande ampleur à la Guerre du Kosovo.
La couverture médiatique de la Guerre du Golfe par les autorités américaines a eu
pour but principal de contrôler les réactions de l'opinion publique des pays
occidentaux. Le président Bush père ne voulant pas d 'une repétition du sœnarii>-
catastrophe de la guerre du Vietnam, la manipulation améncaine de l'information a
donc été importante ; l'affaire des couveuses de Koweil prétendument mises en dangu
par les agiss ements de Saddarn Hussein illustre à quel point il était stratégique de
"faire pleurer dans les chaumit>res" . En France, Je relais médiatique s'est largement
appuyé sur les images an1éricaines, et certains journalistes français ont reconnu,
quelques années aprt>s, avoir été h1rgement manipulés. Dans la Guerre d'Irak menée en
2003 par les États- Unis et une .:-oahtion de quelques pays, les mêmes mécanismes de
désinformation ont été activés. On se souvient des mensonges dl!S gouvernements
américain et britanniques sur les pretendues armes de destruction massive détenues
par l'Irak. Cette désinformati,,n .1 été soutenue en France par les chroniquews des
Relations internationales qui avaient déjà menti sans vergogne à propos des guerres
précédomtes (Irak en l 991. Serbie en 1999) .

t fui -ce rur c!\.cmpk l'u p11m1n lll>lj,1n1nin• !iu:-c "-' 111\M..: Je ~ deu.1t.1~r ~te ttKJndrt. dr·H wl ~ 1'1m(fCS '*dl:&~ tilmt Slll"
Je" ..:nfant.s ·! F1u11-1l Io ,·,ml o ndf'\' ~1'1.."I.: une ll\\h ~ 1m1 ...,n mu:mauonale coeft0.1n( · ~El dans œ ~ "(ueUe p11htiqs: ~~
ré!iullc Je celle m1ti~mttlll n 1i: onMc1un.usllc ·~ Nuus ,. ~,~ un s tou~n comb1C'O le \.'OIK'qlt ra.te Oou.
Parti~ 7 . L' t1al eotJCurmuJ

Mnis les aveux qui suivent les guerres n'ont que peu d'importance; les gucrrC!I !il'
suivent et tout recommenœ de la mi!me manière. Les journalistes sont oublieux et ll'!I
Émis le savent.
L'objectif de la desinformatîon est de prouver à l'opinion que l'ennemi est l'ami du
Mal, qu'il cultive les charniers, comme au Rwanda, à Timisoara, en Bosnie, au Kosovo,
en Tchétchénie ...

4·. L'O.N.U., réalité de puissance?


Les Nations unies constituent la première expérience réussie, après l'échec de la
S.D.N., d'un dialogue politique constant de la quasi-totalité des États de la planète•.
Forum de puissances capable d'intervenir dans tous les domaines, cette organisahon
internationale, la plus importance dans le domaine politique, est née de la charte de
San Francisco d'avril 1945, document fondé sur des valeurs libérales et démocratiques2.

4.1. Principes fondamentaux de l'O.N.U.


Les Nations unies s'appuient sur des principes fondateurs, admis théoriquement
par l'ensemble des signataires de la Charte : égalité souveraine de tous les membresl ;
respect des règles de la Charte-!; les membres de l'O .N .U . doivent s'abstenir de recourir
à la force, dans les Relations intemationales 5 ; ils doivent s'abstenir d'aider un Élilt
contre lequel l'O.N .U . organise une action préventive ou cœrcitive; aucune disposition
de la Charte n'autorise !'Organisation à intervenir dans les affaires qui relèvent
essentiellement de la compétence d'un État.
La Charte de l'O.N.U. protège donc la souveraineté des États, leurs frontières
reconnues comme le montrent l'ensemble des résolutions condamnant Israél - les
Territoires occupés en Palestine, le sud du Liban - , la Turquie - avec Chypre - ou
plus récemment l'Irak - l'occupation du Koweït en 1990 - pour violation des
frontières internationales.
Le rôle de 1'0.N .U . est également bienfaisant dans la surveillance qu'elle exerce sur
les conflits en cours et les tentatives de médiation ou de résolution des crises qu'elle
tente d'apporter aux drames humains6.

4.2. Le poids de la puissance sur l'application du droit international


Le respect du droit international n'est pas le seul moteur d'action de l'O.N.U.
L'organisation est aussi, dans ses fondements conune dans son exercice, le reflet de Io
réalité internationale en matière de puissance. Le Conseil de Sécurité? consacre la

1 J.F MURACCIOLE.l 'ONU depms 1945, Paris . Ellipses. 199tt. 64 p .


2 E. JOUVE. Rr/ollont irrtt•rnulionultt.f, Paris. P.U F, 1992. p. M7-101
1 Aniclc 2 .1 . ldnn, p Mit
4 Article 2 .2 . . lhld . p. 88
S Arudc.2.4 : Ibid.. p 811

6 •t.a dttu1oru de l 'As~mbléC' générale sur les qucstums 1mpor1nntcs !lont pris es 1\ ln m111ont~ de~ dcu 11t tien dn rncmhts
prâcnt!. et votants. Sonl considtrécs comme questions 1mporhmlcs les rccnm1nn0tJntil)ns rc:hmvcs uu ma.1n11cn de la f'IÎ~ et dr La
..!curiti in1.Cm&.1ionale:s, l'tlecuon des membres non pcrm11ncn11' du Con5c1I Uc Sécurilt . . " , llud . p . R9
1 Arriclc 24 de l.2i Charte "afin d'assurer l'aclmn rapide et cnicacc t.lc: l'Orgnmsnllun, SC!l mcmhrci.; cnnfnml au C1"11Ut1\ de
S&:uriti la ~b1htt principale du maintien de la pe ix et de Io sku mé in1cm11tion11lcs et rcconnoi!!i!ICTII qu'en 1'acqui1tant .ln
devoin que lui impolc' cette rnponsabtHtll!. le Conseil de Sitçurilit 11gi1 en leur nom ." ; 11 y 11 9 membres Jain1 cc conwil, dœl:
.S penaantDta : la franicc, la Grandc-Bret.lilgnc. la; Élllls-Un111 , ln Russie, la Chmc .
Olapllre 1 . Le léglllmllé étatique de l'""'"clce de l.t pui ... nc'" cnnlaltt 1141

pttémlncnce de certaine États sur d'autres, notammcmt des valnq.ueun ~ la Seconde


Guerre mondiale sur les vaincus. Les États dallll leur unmetUe majorité, pollllfdent ••le
un réel pouvoir moral sur le cours des Relatiollll internationales, ne poll8èdent i - le
pauvolr de mobiliser la puissance au nom du droit international, comme peuvent le
faire par exemple les États-Unis. Ceci explique le fait que l'O.N .U. ne sanctionne s-
nvec la même sévérité deux actions fortement comparables: l'invasion du sud du Lilian
par Israt!l en 19821 et l'invasion du Kowen par l'Irak en ~990. Les~ ai:'J'liquéa
à l'Irak depuis 1990 vont au-delà même de ce que le drott international prévoit de plm
sévère; l'Irak eut beau s'être retiré du Kowe'n d~ 1991, il resta 50111J1is à de 8af"2ions
économiques, politiques et militaires permanentes de la part des ~taD-Unls et de la
Grande-Bretagne. Puis il finit par être écrasé sous les bombes en 200l et envahi par une
coalition anglo-américaine.

4.3. Le droit international conduit par la puissance


et l'exception israélienne au respect du droit international
En théorie, l'O.N.U. ne peut pas s'ingérer dans les affaires politiques inœmes d'un
État. La question de l'ingérence intérieure des Nations unies est pœée en 1991 dans le
processus de décomposition de la Yougoslavie. Elle a également été soulevée durant
les années 1990 en Irak, pour la question du Kurdistan. ainsi qu'en Somalie. Le rôle des
États-Unis a été déterminant pour résoudre l'O.N .U. à intervenir dans les affaires
intérieures des États yougoslave, irakien et somalien; l'influence américaine s'est
exercée à un moment où elle pouvait être optimale à l'intérieur - comme à
l'extérieur - de !'Organisation : après la Guerre froide et la décomposition du bloc
soviétique.
Les années 1990 ont été les années du pilotage de l'O.N.U. par les intérêts
américains. Mais l'opération "Force alliée" de 1999, au Kosovo, a été décidée par
1'0.T.A.N. sans mandat ni information préalable de l'O.N.U. Cette la\danœ à
contourner la légalité onusienne s'est confirmée avec la guerre contre l'Irak en 2003,
laquelle fut décidée de façon unilatérale par les États-Unis, en dehors du cadre onusien
comme de celui de l'O.T.A.N .2
La légitimité accordée par l'organisation internationale n'est-elle dé;onnais plus
n~essaire pour déclencher contre un pays souverain une intervention répresive ?3
Cette évolution rappelle à ceux qui annonçaient, au début des annft5 1990, le
dépassement du cadre de puissance des États au profit d'une puissance transna-tionale
servant l'Humanité, que la puissance étatique reste le moteur incontoU111able de la
géopolitique. Le cas du non règlement de la question palestinienne est emblé-matique

1 Ou bien encore. nue.un paroUèlc n'a Cii!: Ct&bh mttt la siU&atian des ~fug:jes pùcsrifticmdr IMl~S-111 fiDa:eaŒU
du Kosovo · '"le ch1ffn:: lotal du 11.C.R . à 111 lin .Je la ._"UCITC est :à pl"U près le nX:::mc ope: k nombn: dr ~qui: mur. km
l'IYS ou onl êlé cxpulsis en 1948, un autre problème pohuqix qui rcstc tout i fait: d'~ njOliSd'1lm.. Dlm. œ ..._.. ~ •
romritait 7.SO 000 n!-fugill!:s. soit RS "!"o de la popularioo r-Jntini~. l""tt ptm dr .tQO vitt.gcs r..:. et . s gr.-k nolalcc. LA
compamilKm n'a pas l:1ê ignon."c par ha pft:5SC' 1srnêticnnC". qui a ..iëcTit ~ K'*"O cmmœ b ~de 1948 pai. a,.__.,•
l"t':ismn (Gideon Len) Ancl Sharon , m1mslt'C Jn. _.\tlai~ C"lrmlgttc"S au mcftEnl dr ta~~ ll~v.. a rta11 pam-,.. pmt
que SI 'l'aps.smn de rO.T .A N .' était 14!-gihmè-c, l'étape st.uvanlC SCftd pcw<trc la rn~ de~• J.a ~
'°" rattachemcnl à l'Aumrité palestinienne - '"""elle °tjahltt !K>US·flC'UIP~· (lni.q Haa.'Cl. c'aa+.dlrc oU il a'y •,a .ma:*
Jw.b d
d..
uop d'Anbes." . N . CHOMSKY, L~ nou'"-'I ltumunu"h!' •u/t16'ÙY IL.r('OlfS dil- l:'*lrVJ , ~. Ed. '-F ...... 29DQ. p. l.al. nd.
de Tltt Nrw AlilirtJ'J' Hum"nitm · le'.DCHLtfw A:cucn'O, ll .S .A .. Common cour..- Press.. 1999.
2 L ' .0 T .A N . csl une Of\lanisnhon dont le":( dklsloru. doi\"eftl ève pnticS. t. l'anuimitt TD!.D -.éto r.t•œ ....-C pm& donc •
bloquer l'acrion.
) Sfbatien Dazi11.110 ~·imcnusc sur le!i- buts tunrl!rit.~ns quan1 i.1'0.N.U. dam un eua1 ClltillaW F~,..........,.. /'(t.'t".(.'. '.'.
EllipKS , 2006. L'Amt!riquc 'lui• snutenu 1niualemcnl la d)-namk,tuc do l 'O .NC. y \Vil~-.__.._ • ..,_ dll
10u\· cnmcté~ ~a1iquc1o L'tmlrc le mnndaaH~me a~ncatn .
Pnrtrt' 7. L •ltat """'"'mti

d'une Q.N_U_ inc:apable de s'imposer face à la toute puissance de l'axe israélo-


américain. Au moins depuis 1967, lsra!!l viole ouvertement le droit international el le
n!Spect des personnes. Aucun de ses crimes de guerre n'u cependant été sanctionné par
la communauté internationale. En 2002, l'enquête ouverte pur les Nations unies sur les
massacres de ci'ils commis à Jénine par l'armée israélienne a finalement été arrêt~
sous la pression des Étnts-Unis1 . Tandis que des dirigeants d'ex-Yougoslavie sont
traduits devant une Cour pénale internationale pour rendre comple de décisions qui
entrainèrent le massacre de milliers de civils, les dirigeants israéliens coupables des
~es crimes ne sont nullement inquiétés. Comment rendre crédible alors, aux yeux
des pays du Sud, la notion de droit international ?
Dans ces conditions, le droit international apparait comme étant l'habillage
juridique de la résultante du jeu des puissances.

5. La remise en question du monopole


de la violence intérieure
la violence qui fut le monopole des États modemes durant des siècles, tend à se
privatiser ou à se banaliser: on assiste d'une part à la formation d'armées et de milices
privées, d'autre part au développement d'une violence urbaine qui est le fait de bandes
années, souvent formées à partir de minorités ethniques ou sociales et qui défien1
l'autorité des pouvoir.; centraux.

5.1. Mercenaires, armées et milices privées


Un rapport de l'O.N.U. de 1997 indique le développement rapide du mercenanat
dans plusiews États secoués par des conflits identitaires : Afghanistan, Angola,
Arménie, Azerbaidjan, Rwanda, Tadjikistan, ex-Yougoslavie, ou Zaïre. Durant la
Guene froide, le souci d'éviter un affrontement direct entre les grandes Puissances
favorisa l'apparition d'armées de mercenaires agissant pour le compte d'intérèts
étatiques. De nombreuses agences de mercenaires fleurirent qui envoyèrent des soldats
se battre en Afrique, notamment dans les conflits de la décolonisation portugaise.
Le phénomène n'a pas cessé avec la Guerre froide, et comment le pourrait-il
puisqu'il est vieux comme le monde ? ·
Les mercenaires ont toujours existé; ce qui est nouveau en revanche c'est leur
prolifération dans un contexte où les États affirment de moins en moins ouvertement
leurs intérêts et délèguent leur défense à des services spéciaux ou privés.
Les États ne sont pas les seuls à s'acheter de tels services privés. L'inverse existe :
certains intérêts privés s'offrent des armées publiques. Comme en Colombie où la
compagnie pétrolière Arauca Occidental Petrole11m finance une brigade de l'année
colombienne, soit quatre mille hommes, qui se trouve donc prîvatisée2.
De grandes sociétés anglo-saxonnes sont spécialisées dans la "location" d'anntt:s
privées : f.ucutroe Outromes, société dirigée par d'anciens officiers des forces spéciales

J 871dcm.. arpnis&l100 unClienne de ~fcru.e des Drmu de l'Homme 11Cc11!lc Tsahul - l'ormtc 1!lraélicnnc ~de cnllEI di:
.,.att : eomtrucbOD de coJonaa. dc:struc11on de rrm.iaons palcstimcnoes. dépon.a11ons , entraves à Io liberté de circul11ion et. p11:

masaan sywûmatiqua de ciwtb, uùhsacion de civ1ll palalin1cns corrunc bouchers humams . Tous ces cnmes sonl defmu par Il
ÜJO•mboa de: ~c et devnu:nl normalement appeler une saoction de la. p::in de la "Communnu1C 1ntcm1111nrulc'" Or tl r "'
mccmca&ablcmml. une c:acqtlMJn llirathcnnc au rapcct du dtuil 1n1cma1ionul , l11quclle C1'Ccptiun mmc lu crt«..llbthté de cc dro11, 111
~des,_,., muaulrmm c:t. plw ~l. des pey5 du Sud. Elle C!it A l'origine du f1 > s~t tl'1n..:11mpréhcrunon qui lfMd11 OllR'll:
Nord d k SUd.. Source : Libbo/Jon, vmd.Rdi 16 aoQt 2002 .
2 X. RAVFER dir, DtctionMi,.e tttlrnlqur r:t critique du nouvelle.•-' nrenuc t'.s, Puns, P.U f., l 1)'.llC , fi. 2h ,
Owpl~ 1 . Ln l~Umltfo étatique de l'exercice de lit puiMance contetée

sud-africaines et britanniques ; Sandline lnlt!niational est une autre !IOClété britannique ;


Military Professio,,al Rt!ssources, sociéti? américaine qui assure l'entrainement à la
protection des zones pétrolifères, aurif~res, diamantifère!ll . Il est important de préci9el'
que l'activité de ces sociétés est légale et qu'elles s'emploient à la protection d 'àUiTfb
écOnomiques licites, à la différence des narco--traficants qui di5po9e11t eux ansi
d'armées privées - et d'appuis à l'intérieur des admini5trations étatiques - chargées
de veiller à la surveillance des zones de production de la drogue et à la protection des
trafics.
L'origine du développement des milices privées, licites ou illicites, l'élide dans
l'abaissement de la puissance publique, dans son incapacité à assurer la protection des
habitants et des intérêts privés, dans le foisonnement des zones où le droit public ne
s'exerce plus. Quel que soit son degré, de la zone grise en Amérique latine à la wne de
non-droit dans certaines banlieues françaises, l'empiètement privé sur Je monopole de
l'État dans l'exercice légitime de la violence dispose des mêmes origines : Je recul de
l'autorité publique.
Cette lutte entre un modèle concurrentiel de la violence et un monopole 8atique
n'est pas une nouveauté de l'histoire contemporaine ; elle s'observe déjà au Moyen-Âge
puis à la Renaissance dans l'affrontement des années royales aux osts f~ et aux
bandes de grands capitaines.

5.2. Des enclaves communautaires aux guerres de banlieues


L'urbanisation rapide dans le monde2 n'est pas sans conséquence sur l'équilibre
géopolitique de nombreux pays dans le monde. La planète compte en effet plus de
414 villes de plus de 1 million d 'habitants; sur ces 414 villes, 264 sont situées dans Je
Tiers Monde. La croissance démographique y est supérieure à 3 '% par an et on estime
que l'urbanisation aura quadruplé en 2025.
Certaines villes sont véritablement menacées de guérilla urbaine : au Pérou, la
banlieue de Lima compte des bases du Sentier Lumineux3 en rébellion contn! le
pouvoir central ; en Turquie, le P .K .K :' est implanté dans plusieurs ~-üle; turques, dont
Ankara, et menace en permanence le pays de sanglants attentats teiroristes ; au
Pakistan, la ville de Karachi est une plaque tournante des armes et de la drogue
d'Afghanistan. En 1994 et 1995, l'armée brésilienne fut contrainte de reprendre par la
force des dizaines de fnv ellas de Rio de Janeiro qui étaient tombées sous le contrôle do
crime organisé.
Dans de nombreuses autres villes, la croissance urbaine s'accompagne d 'un
accroissement de la misère sociale, de la criminalité et de la fixation de minorites
ethniques qui constituent autant d'enclaves communautaires dans la géopolitique des
États.

l /dNrt, fl. 29
l M O U ILLON. N . S 7.TO KM A N , G1':.t1J:r ap/111· m t1 n.ltdl€ Jt· la populoJlmrr. Pans. Eth~ ~. !S-4 P- çoil. · t.WYGWllS
a6olnphic", fi. 1 1 1- 1:\ 7
J J.M . HAl.f.NC IE, ,\ th.· LA <i RAN(il:. ,\ fund1·s ,-,:1"·1/1'.• {"'·tcur"J . l .. 111Jlm r r n o/1-,.·r1 pvlit..,..-:1 1. P"llris.. \41e..-_ lM..
1 1. ArMrit1uc 1, Afnquc , r . 11 ~- 1 2 -4
4 Fo nde! en 1974 ('l i11' Ahdnlh1h Ocn la ; ~un hui C'!i1 de fo nder un f .1at kunk 1ndêpeod:anl tccndu sur la Twquir. nr.L \a Syftc d
l'lrut , J.M . Bl\LF.NC U! . A. etc LA Cl RANGE. ,\lr. m1 h ·' n'h.-llt'.< f <Krt-un. c:t.llt/ 111:1 t-t nolr1•:~.J JN!i,,,,,_.1. Pva. '~ 19916..
1. 2, Asie , Mna:hn:h . Pnw: hc c 1 M ny1m-Oric n1 . Euro ~ . r .,iQ1.
Pnrlie 7 L'ttntroucur-rmcl

Les ~tats-Unis connaissent réguli~rement de graves émeutes ethniques depuis ICI


anm!es 19601 . En 1992. les émeutes de Los Angeles ont fait en six joui"!! 54 mort•.
2 383 blessés - dont 221 graves - et causé plus de 11 000 incendies. U!s émeute.
étaient le fait de ~ndes criminelles fonnées de jeunes Noirs 2 et de jeunes d'origine
centre-américaines-1 . Pour venir à bout du soulèvement, il a fallu mobiliser
10000 hommes de la Garde nationale de Californie, 3 600 militaires de l'Armée fédérale
dont l 500 marines.
Face à la menace de guérilla urbaine, les Américains ont choisi de réagir
vigoureusen1ent : depuis juillet 1996, le Mi/itary 011cmtio11s 011 Urban Terram -
M.O.U.T. - situé à Fort Polk, dans l'ouest de l'État de Louisiane, entraine des marinrs
et des nmgrrs à affronter des situations de guerre urbaine et suburbaine. Un plan de
sécurité stratégique, le U .S. National Sec11nty Stmtcgy, N .S.S., prépare l'Amérique à
affronter de véritables soulèvements socio-ethniques.
La France n'est pas épargnée par la violence urbaine et l'apparition de gangs
organisés. La misère sociale, le chômage et l'absence de perspectives économiques qu 1
ont toujolll'S existé pour une partie de la population française ne suffisent pas a
expliquer le développement de la violence dans les banlieues. En 2005, la France a été
frappée par de très graves émeutes ethniques dans ses banlieues immigrées. Le.
violences ont causé des blessés et des dégradations de grande anlpleur".
Deux facteurs nouveaux peuvent expliquer la dégradation du niveau de sécuritè
des citoyens français :
- le déclin des valelll'S fondamentales: sens de l'effort, respect d'autrui et de SOn
droit à la sécurité, fondement même de l'exercice de ses libertés, de son droit à Ja
propriété ...
- la montée en puissance de l'immigration extra-européenne à partir des années
1970 et les difficultés causées au processus d'intégration - qui fonctionnait bien jusque
là - par la mise en place du regroupement familial .
La communautarisation croissante des populations immigrées provoque
l'émergence de zones géographiques enclavées à l'intérieur du territoire français5 et
caractérisées par un niveau élevé d'insécurité, en premier lieu pour les populations
pacifiques qui y résident, en second lieu pour les forces de l'ordre qui tentent de veiller
au respect des lois.

1 C LÉVY . Liu m1nvri1b dh"'qua uui ltats -Um s, Pans. E lhpscs. 1997 . cnll . " Les cssc nllcl s Lie civ1hsa11on anglo-s.uomx".
p. I0-85 , le mou\.·c:mcat de Manin Luther K.mg scna vite dépa.sst par les m o u ... cmcn1 s v 1olcn1 s comme les Dia.dt Pllnthcn. m pcm
c:oalrC' le ·pouvoer blanc· . Le\lt 11mon du monde csl ce lle d 'une guerre. à l'é chelle mumJ1ah:. cnlrc les "mecs blanches et noires•
2 L'un do modC:les mditanlS est Malcom X et les Black Mushms ; Muh:om X csl un rcpn ~ Je JU!lll1cc - \'Dl et tn(ai> «
drocuc - rcconvcn1 dam Je ·combat pour l'islam .. ; Jd,•m , p. 102
3 X. RAUFE.R du .. D1c tumno1r,. tt'chn1q11t! ,., crinqu~ Je~ nn1111elle., m enuet'-"· Pnri s, r UT , l 9'>H , p 42 .
4 Plus de 10 000 v8ucuJes prives mis 1 fou par les émcuucrs pour lu s eule onnéc 2005 , s:m !ll co mplcr les autres dtgjli
S L'cnclavcmau est Illat~ par l'cllialC'ncc de pnv1lêycs fi1eaux gccord~s aux entreprises s'11n11lan1an1 d&M ses z:ono tUU\tl'Tn
!coaomiquemmt , man. Io a.v1mta1cs fiKDWl ne s uffisenl pH une entrepri se cherche d 'ubon.1 la ~c unlt .
CHAPITRE 2

LE DÉFI DU CRIME INTERNATIONAL

Ce/11i q11i ti ' a pas 1111 po11vorr suffisant pour protéger c/wque mnnbre du pn1pk contu un
autre 11 'a pas le droit 11011 plus de lui donuer des ordres.

Kant

Le commerce de la drogue a des incidences géopolitiques importantes sur


)'ensemble du monde. Dans les pays du Sud, le contrôle des z.on.es de production par
des guérillas favorise les séparatismes contre les pouvoirs centraux et la
déstructuration des États. Dans les pays développés. la banalisation croissante de la
consommation de stupéfiants, outre les effets qu'elle peut provoquer sur une partie
significative des jeunes générations, alimente une criminalité urbaine croissante.
notamment dans les "banlieues à problèmes". Le commerce illicite de la drogue qui est
le fait d'organisations criminelles transnationales - O .C.T. - et de mafias, et qui
s'appuie souvent sur le fait migratoire touchant les pays occidentaux, doit ëtre
considéré comme une véritable guerre portée d'une part contre la solidité sanitaire,
morale et intellectuelle des peuples occidentaux, d'autre part contre la cohésion même
des États occidentaux. Car si la drogue attaque la personne humaine, eUe fragilise les
peuples et par voie de conséquence leurs États.
À côté du développement du commerce de la drogue, devenu un facteur de
puissance à la fois économique et militaire, les États continuent d 'affronter la piraterie
internationale. Nous rappelons ici le caractère ancien de la piraterie et sa persistance -
la disparition de pétroliers dans les mers asiatiques par exemple - et soulignons les
manifestations récentes de piraterie fondées sur les fonnes noU\·eUes de la
communication mondiale: l'enlèvement contre rançon de ressortissants occidentaux
s'appuyant sur une médiatisation croissante du drame; la piraterie informatique. la
cyber-violence - l'apologie de la haine raciale ou des crimes contre l'Humaruté - ou
bien encore le cyber-sexe qui constituent autant d 'entreprises de déstabilisation de la
personne humaine, de la dignité des peuples, de la sécurité des Etats, et des forces
vives de l'économie. La sécurité et la santé des États occidentaux en sont les premières
victimes, mais les pays du Sud le sont aussi et leurs Etats, qui Sl'nt souvent réamts et
manquent encore souvent de légitimité, sont d'autant plus vulnérables faœ à œ
nouveau crime transnational.

1. La drogue, un facteur géopolitique contre l'Homme,


les peuples et les États

" Lt·s 11rd1 él1/og1lt'~ et lc..•s risilt'urs clc.• fo .:iltiddl,· dt• Bwdb..·ck. a u l\t'lff .it· lc1 plain~ Ji. /11 Btimi.
au Libmi , t' I qui élml co11s1cléréc.• L"OlllUU.' /,,.· sn·nic.·r ,,t. R1.HUt', Jlt'Ut\' Uf .iJmrn·r J.IJL) 16 ~-ulpturr.;
Parti~ 7. L' f.tnl ccmct4"tnrl

fincmc•nt de 11 telée5 qui ornent le 11ourtour du xrand po,-tnil du temple de Bacchus la rtpétilion
·,,,;rnculcw•c de!' trois 11lnnle!l: am épi de bfé, urr'' :<rappc de• rn;sin et 11ne tête de pITTJof.111

Nous voyons ici successivement : une idée du poids économique de la drogue dan.•
le monde ; en quoi la drogue ali11:1ente les guérillas locales, les séparatismes et la
déstabilisation civile de nombreux Etats ; en quoi le contrôle des zones de production
par ces guérillas est lié à l'existence d'organisations criminelles transnationales et de
mafias chargées de la commercialisation des produits illicites; les effets de la drogue
sur la géopolitique des États occidentaux qui sont les plus touchés par Je commerce
illicite de stupéfiants.
Carte 104 : Les grandes zones de production de la drogue dans le monde .

1.1. Aperçu de l'économie de la drogue dans le monde


Estimé par /ntcrptll à environ trois cents milliards de dollars, soit dix fois plus que le
commerce des armes, et comptant pour le double des revenus de 1'0.P.E.P., le narco-
trafic génère une économie mondiale et une capitalisation afférente. Pour les seuls
États-Unis, le chiffre d 'affaires annuel du crime organisé - qui comprend
essentiellement la drogue, mais aussi le jeu, la prostitution, le racket sur les entreprises
et les commerces - dépasse les 300 milliards de francs, soit 1,1 % du P.N.B . américain2.
Les économies russe et japonaise sont aussi largement touchées par le commerce illicite
et les capitaux infectés par l'argent provenant des organisations criminelles
transnationales. Certains experts financiers estiment ainsi que la récession brutale qu'a
connue la Bourse de Tokyo en 1989 - soit une chute de 60 % en quelques mois -
s'explique par le retrait brutal des capitaux du crime et leur report sur d'autres
marchés, sans doute dans le but de sanctionner les autorités japonaises.
Cette économie souterraine qui pèse pour certains États beaucoup plus que
l'économie légale, constitue un phénomène économique important. Les stratégies de
blanchiment de l'argent de la drogue sont complexes - empilage de sociétés écrans -
et permettent une insertion croissante dans l'économie légaJe3. Économie de la drogue
et économie légale sont ainsi de plus en plus décloisonnées .

l A. BOUST ANY, Histoire des paradi!i ar-tific iels. (Drogues de paix et drogues de guerre), Paris. Hachette, 199J , ~-.>U

"Pluriel" .
2 X . RAUFER dir., Dictionnaire tec..'hnique et critique des nouvelles m enaces. Pnris, P.U.F., 1998, p. 69. Ce chiffre pèSr: p~

que les industries américaines du fer, de l'acier, du cuivre et de l'aluminium réunies ensemble.
3 F. CHESNAIS, "Blanchiment de l'argent sale et mondialisation linonci~rc ", Relatio1L'f internatfonales et strTJttT,iq!#t"S-

J.R.l.S., hiver 1995, n"20, p. 144-1 53 ; P. KOPP, "Analyse économique des orgonisations criminelles", in Relalioru inlrf'TklJ~
el stratégiques, I.R .I.S., Hiver 1995, n°20, p. 139-143.
plaques IOW'NDICS
~ pnocipaics routa
,,....._del•~
/ PorU1• 7. L'f.lnf n,11,urrfftcl

1.2. Drop;tlf! •~I conlliLH


'Que l'AnglC?terre rende aux Égyptiens ll•ur haschisch, dirent les cynique•, que la
France double la dose ,fos •tupéfiants dnnfl les pipes verticales de l'Africain du Nord
ou dans les pipes horizontale• de l'Annamite, et la paix règnera sur l'Orient . .. ", écrivait
Paul Morand', l'l>sprit bercé par la vision bienveillante de l'orientalisme français sur la
drogue orientalc2, sans se douter du rôle agressif qu'allaient au contraire jouer les
stupéfiants dans les conflits de ln seconde moitié du xx~ siècle.
Nombre d'observateurs des Relations inlen1ntionalcs ont remarqué que le profil des
conflits avait évolué depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les conflits
classiques opposant de manière frontale des États~ ont diminué au profit des guerres
dites civiles à l'intérieur des États. Pour nombre de ces conflits identitaires touchant
l'unité même des États, la drogue - et toutes sortes d'autres trafics - joue un rôle
central, au point qu'elle est couramment désignée comme principal déterminant deo
guerres. Entre 1975 et 1990, les guerres qui déchirèrent l'État du Liban4 et qui
impliquèrent de nombreuses factions rivales et des puissances extérieures, furent
largement financées par le trafic de la drogues .
Nous avons déjà traité du rôle des facteurs économiques en géopolitique dans un
chapitre spécifique de ce livre et souligné qu'ils apparaissent non comme des facteur.;
dêterminants mais comme facteurs d'alimentation des conflits.
Si le maorsme et le léninisme sont les motifs proclamés des guérillas lancées contre
les pouvoirs centraux, les motifs réels sont souvent identitaires; ne disposant pas de
prise sur l'économie légale, ces guérûlas s'appuient sur les revenus d'une économie
souterraine criminelle, souvent centrée sur la production et la commercialisation de la
drogue6 . La plupart des guérillas qui existent dans le monde ont été alimentées duranl
la Guerre froide par le choc des intérêts des blocs occidentaux et soviétiques; elles ont
alors progressivement criminalisê leur guerre. À la sortie de la bipolarité, ces guérillas
ont progressivement dégênéré en bandes armées criminelles, continuant de s'appuyer
officiellement sur un discours émancipateur, mais ne faisant plus illusion sur leur but
réel : la défense de leur faction, clan ou ethnie qui passe par le revenu du crime.

1.2.1. La drogue dans les conflits africains


Dans les conflits qui agitaient hier le Tchad, l'Angola, le Mozambique et qui
touchent aujourd'hui le Libéria, le Sierra Leone7, la Somalie, le Burundi et le Rwanda,
ou le sud du Soudan - où les chrétiens et animistes s'opposent au pouvoir de
Khartoum - la drogue a joué et continue de jouer un rôle important. Elle conduit à
une criminalisation croissante des conflits africains, non seulement dans les mobiles,
mais aussi dans les comportements puisque nombre de miliciens se livrent à des
exactions atroces sous l'action de la drogue ; les factions militaires ou paramilitaires

1 P MORAND, LA Roui~ ri~ Indu, Paris , Adfa. l9H9, p US .


2 Pow l'butoirc des drogues: Observa101rc gropoli1iquc des drogues , At/a.~· mundiul des droKI"'-'"• l'cans, r U.F, IWfl. r.111.lti
{Hisloitt: du cannabi1}. p . 17-21 (Histoire de l'opium) : ri- 29-lS Ulisto1rc de la feuille de coca)
3 lsntl-Pays arabes (1973) ~ Malouines ( 19821 ; Irak-Iron l 19"0-19MK); GucrTC du Golfe ( 1991): cucrrc du KoYJ\"o cnur la
coaluiondc-l'O .T ..A.N . et Ja Youaaslavic, cnc.orc cc confhl s'csi-11 greffé !<.Ur un c:onnit de décompos1tlun ë1atiquc
4 Y. LACOSTEdlr., Dicr10Mair~ de géopolilique. Pans, Flammanan , l'JlJ), ur11clc "Liban"
5 Liœ i cc propos, Huloire dr.J paradis urt1ficiel.'f, Dn.11-:m:J d e pu1x
d drr1gm·.\· de ;:1w1Tc.', du prufosscur Antoine llouiWl). !fil

r61c de la drogue sur let nulicea libanaiKs; lire awis1 : Ob:§cnoamirc gêopoh1u1uc c.l!.!'i Jmgucs, Atl1u momlwl tltJ JnJllll'.
raon&re le
Pmil, P U.F.. 1996, p. l37-1-4Q.
6 J.C . RUFJN, "L'konomie de guénlla cl les lnfics", Relultmu ù11c.•nru11omJh·.~ ,., ,\·rmt1.:;:iq111•.r;. 1 k .l.S., lhvct 19Q~ . a•:O
p.129·1H.
7 Obm'wloft géapoliûque des drogurt, Atla1 mnndiul dt!., dro,,,:111!.f, l111ns, P.U F ., 1996, ~· l 59-l(J2 .
c1 .. pltre 2. Lu d~fl Ju crime lnl••rnallonal

s'ndonnent aux pillages 11ystématiques, au détournement de l'aide humanitaire, au


trnflc de drogue. Dans le sud-oue!lt du Libéria1, les troupe11 de Charles Taylor
contrôlent d<.'9 zones de production du pavot ; dans la région de la Cilllamance au
~négal, ou dans celle du Kabinda au Congo démocratique - ex-Zalre - , 11!11
sl!paratistes financent leur guerre par le commerce de la drogue. U.S diasporas
européennes d'Afrique ne sont P"" épargnées : certaines franges Mml obligies par ls
guérillas à payer l'impôt révolutionnaire el à !leTvir de relais du narco-traflc en
Occident.

J .2.2. La <lrogu~ rlam; l~H conflitH a11iatique11


La plupart des guérillas asiatiques vivent du commerce de la drogue:
- la Nouvelle Armée du Peuple aux Philippines ;
- les Tigres de la libération tamouls - l'Elam tamil - au Sri Lanka;
- la guérilla sikh qui combat pour le "Khalistan" libre ;
- les Khmers rouges au Cambodge.
Mais le Moyen-Orient et ! 'Orient sont surtout connus pour abrill"r deux zones pivot
du narco-trafic mondial : le Triangle d'Or et le Croissant d'Or.
- Le Triangle d'Or est la zone géographique constituée par le secteur des trois
frontières de Birmanie2, du Laos et de la Thaïlande. Ce sanctuaire de la production de
drogue est favorisé par la géographie : un relief tourmenté, une jungle difficile à
pénétrer sans courir des risques élevés, des frontières mal contrôlées: "2185 km avec la
République populaire de Chine, 1 BOO avec la Thatlande, 235 avec le Laos[ ... ], 1300 km
de frontière avec les Étals les plus agités de l'Inde - Manipur, Nagaland, Mizoram -
eux-mêmes en étal d'insurrection" 3 . La topologie est compliquée par la mosaYque
ethnique de la région, soit près de vingt-cinq ethnies qui, de la Birmanie, débordent sur
la Chine, le Laos et la Thai1ande4 : l'ethnie des Wa d'origine chinoise, minorité birmane
que l'on trouve aussi au Yunnan chinois et en Thaïlande, contrôle les deux tiers de la
production du Triangle d'Or en opium ; l'ethnie des Shan, d'origine thaI contrôle le
reste.
Ces deux ethnies minoritaires qui regardent vers leur pays d'origine posent des
problèmes sérieux à l'État birman et constituent une menace pour son unité
géopolitique intérieure.

- Le Croissant d'Or est formé par I' Afghanistan5, le Pakistan• et l'Iran.. trois pays qui
abritent d'importantes zones de production de l'opium.
- En Eurasie ex-soviétique, les Républiques d'Asie centrale7 voient également la
production et Je commerce de la drogue connaitre un fort développement

1 J .M . BAL E N C IE. A . Je LA GkANGE . .\fonJc•s r..•b.ell<.v lo.JtNt.Jn . n >nfl10 ._., \·i°"""*:C":S poJihtplr.11 . Pans. Mïdmlm. 199b.
1 1. Amitnqucs, Afrique. p 275-:?QJ
1 Obscn·a,01rc KCûpo li11quc Jcs Jrogucs, Atl1u '"v"di1.1/ ,/..·s •ln•p:s . P-.uts, P l •.F , l'NO ~ aU"DMIU<. ~ pGft dt'~
AN dans le l 'nu.ngk J 'Or". p 1:!X - 1.'\b
J X H..oauli:r, dir , D k t1 u 11UU1r.· kdtmqU•' a.·1 ' rlfil/lff' J&f N11o...Jlr.J #M'lklf."'C.) , Puu... P.Li.f .• 199K. p.. :!JS.
4 hkm, p 24 b .
s ObKn· ~1u1rc g Cupolî114ul! Jes ûrugucs • ... r/us n1111'4ii ol J..·s Jro;:Wll'.f, Pans., P Ll f .. t~. p. tS: - 153
6 lrkm, Pak1 :;.1an, le pavu1 Jans Ji.: d1slm:1 J.c 01r. p l lb· 117 . l'1nJu.stnc r.k t"bi:tolhc. p. 1S-1-I SS.
7/htd.. p . IHl-IKS
85(1 P11rl11~ 7. L ' t111I mncurrrnrl

1.2.3. Lu drogue duns les conflits d' Américpw latine


L'Amérique reste une zone de production traditionnelle, mais cil!! diversifie lj(!O
productions illicites. L.1 filière latine classique est la sui vante : la feuille de coca est
produite au Pérou• - et contrôl~ pilr la guérillil marxiste léniniste du &!ntlcr
Lumineux - et en Bolivie, transfomtée l!n Colombic2, l'argent est ensuite blanchi au
Chill .wont d'être intégré dans le circuit de l'A .L.E.N .A .
L.1 Colombie est un pays sinistré par les guérillas :
- les Forces armées revolutionnaires de Colombie créées au début des années 1950
- F.A.R.C. - fondent leur lutte sur la défense du communisme; elles comptent près
de dix-sept mille hommes armés dans leurs rangs et ont ouvert une soixantaine de
fronts avec le gouvernement central. Leur financement est intégralement criminel :
production et trafic de stupéfiants, racket, enlèvements, vol de bétaiP.
Les États-Unis ont décidé d'investir massivement sur la lutte anti-droguc en
Colombie : en 2000, avec un don de 1,3 milliard de dollars, la Colombie devient, avec
l'Égypte et Israel, l'un des principaux bénéficiaires de l'aide militaire américaine. Fort
de cette aide, le gouvernement colombien a décidé de lancer le plan Colombia de lutte
anti-clrogue qui implique le dispositif militaire américain le plus important dans la
région depuis les conflits d'Amérique centrale dans les années 1980. Les voisins de la
Colombie, le Brésil notamment, mais aussi le Venezuela redoutent une guerre de
moyenne intensité qui pourrait affecter le Venezuela, le Brésil, le Panama, l'Équateur,
le Pérou.
- L'Armée de Libération nationale ou E.L.N. est créée en 1964 dans le but de
défendre des intérêts castristes. L'essentiel de ses ressources4 provient du racket sur les
installations pétrolières 5, mais l'E.L.N. pratique aussi l'enlèvement6.
L'État colombien peut être considéré comme miné par l'influence des guérillas
paramilitaires : 25 000 hommes armés contrôlent la moitié du territoire, plus de la
moitié des municipalités colombiennes - 600 sur 1 050 - sont sous influence des
guérillas, on estime à plus de 30 000 les morts violentes en 1997 - pour 40 millions
d'habitants. Les 400 tonnes de cocaïne écoulées par ce pays en direction des États-Unis
pèsent plus de 30 milliards de francs annuels.

1.2.4. La drogue dans le conflit du Kosovo


Selon Interpol, ce sont les mafias albanaises du Kosovo 7 qui contrôlent l'essentiel du
trafic d 'héro"ine en Suisse, Autriche, Allemagne, Hongrie, Tchéquie, Norvège, Pologne
et Beig;que, ceci étant attesté par le fait que quinze pour cent des arrestations effectuées
par cette police internationale impliquent des Albanais 8 .

1 lbuL. p . 1~ 14S

2 lbtd., p . 146-149
3 Ibid., p. 6J )ùw1cr Raurer ~"lluc les ~·cnus des F A .R.C à 3.1 milliards de franc:-; dont 2 rmur le ~ul na.rco -1rafü:.
4 2..2 m.illianb dt francli . Source . X . Raufcr . d1r. Dicrionnuire œrlmiqtü! c.•1 c:ritit/tu· dc.•,o;; 11o tn·l!llc.'f ""'nul't!.r. PanJ, Pli F .
1998, p. 64 .
S ·cc ,_1, a produit - en 1997 - 610 000 banlsiju ur.;; de pétrole brui, dont 177 000 banl Vjour s't:coulcnt par l'imporw1
pipd.inc Canc\-Ltmon-Coveau - un pon sur la côte caralbe du pays - lo ng tlc H60 km Or ..:c r•relinc- lm.verse une iont de
momacnca Cl de Jungln. pour l"oscnllcl contrôlée par l'Annte de hbéra1ion n1uion11lc , E LN, guCrillo 4ui a fait du "r-.ckc1 pllroht,-
• priKJpalc soun:e de rmanccmcnt . Depuis son ouverture en l 9Hf1, le p ipeline 11 ;ii nsi él~ ~mh4.11~ plus de 500 fo1.1 , don! ·U
d)1aamltaacs en 1996 et 38 pour le tieUI pR'mÎtt sen1C'ltre de 1997 " X Rau(cr, dir , D1r tionnuln.· tt•r hnlqu~ d c rit/11111• , /r.• nnll'l'l"llr.J
tnaraea, Paris, P.U .F.• 19911, P- 144.
6 670 m.illiom sur 2.2 milliard&..
1 X. RAUFER. LA~ mafim alban.zûa. P•ri• , Mtchalon, 2000
1 C ChicW:t. ..Histom: aecrtt.c de l'U C K ." 1n Mondi! JJplmrtati q1u!, " MenîCrc d..: voir.. . n" 45
O..plln: 2. U, dHI du crim" lnt<?matloruol

Dès le début des années 1980, la montée du !léparatisme au ~., coi1esporid à la


répression du pouvoir central contre le!i activités mafieu!le!I des Ka!iovani. Les réleaux
lissk entre le Kosovo lui-même et les diasporas albanai!le!I en SuiMe et m Allemagne
se mobilisent en effet contre un pouvoir qui a entrepris de mettre un terme au tralic de
drogue à partir du territoire yougoslave.
En 1987, la police yougoslave démantèle à Pristina un laboratoire de raffina~
d 'hérolne lié aux séparatistes kosovars ; deux ans plu,. tard, l '~tat d 'urgence est dttttté
ou Kosovo qui connaît une série d'attentats terrorisle!I contre les autorité& youplaves.
Les années 1990 sont marquées par une montée du terrorisme séparatiste contre les
autorités yougoslaves de la province1 .
Du point de vue stratégique, les séparatistes kosovars bénéficient de plusieuB
appuis : celui de l'Albanie d'abord qui abrite des camps d 'entrainement. notamment
dans le massif de la Mirdita au nord de l'Albanie ; des bases arrières sont aœei
implantées en Macédoine occidentale ; celui des services spéciaux allemands2 - la
B.N.D . - ensuite qui dès 1996, à partir des bureaux de Tirana et de Rome et par le biais
des Kormnandos Spezia/kriifte entrainent les commandos kosovars et leur fournissent des
armes et du matériel de transmission - à partir des stocks de l'ex-R.D.A.
Du point de vue économique, le séparatisme est financé par les revenus des mafias
kosovares : trafic de drogue et prostitution en Europe occidentale, escroqueries
diverses3 .
A partir de 1998, l'U.CK. annonce qu 'elle porte le combat en Macédoine et qu'elle
combat désormais officiellement pour la création d'une Grande Albanie regroupant le
Kosovo, le tiers méridional du Monténégro et la moitié occidentale de la Maœdoine.
Un an après, l'U.CK parvient à internationaliser le conflit et à provoquer l'isolement
du pouvoir de Belgrade : c'est la Guerre du Kosovo déclenchée en avril 1999 par
l'O.T.A.N.

1.3. Organisations criminelles transnationales - O.C.T. -


et mafias

Nous voyons ici les caractéristiques essentielles du crime organisé et ses principales
composantes.

1.3.1. Définitions et caractéristiques


Les caractéristiques des organisations criminelles internationales sont les
suivantes4 :
- leur activité est consacrée à la drogue ainsi qu'à l'ensemble des commerces illicites
comme les jeux clandestins, l'industrie du sexe ou encore l'usure ;
- une partie d e s profits tirés de cette activité permet d'entretenir des systèmes de
corruption des sphères privées et publiques ;

1 M•i 19QJ : dcu."" pol ic1cn. s crhcs 1ues O (i \ C"O~o\a1.· : « tuhn: l~J . me~ J\&n <" mc KTlt~"-.r mrmbftda..,,."lCCS~

yougoslHc~ ; a"Til 1995, aucnto'll 1.'.llnnY u n e ('Mlltnu i lli:- Je gardt--M:mnttcs )'uugusla."'e§ . 30Ù.1 1"il9S. ~ CErnJrilll: "'~ k
ccmm1ssaria1 de ra1icc de la \' i1k Ji: O«nn1 : 11 fr ,,;cr ,QQf., ancnt11l.'I\ à I• ~ dan:s 5 ~ ~ ~ atioc:s œ .. ~ ~
1vril 1996. deux policier-. !lt:rtw:'s sonl crH:lln: a...;s.:i..._.;1né-s . t'ano« 1"W7 C'\'fV\a.ÎI une ~ fonc iàl ~ ko..rn:r :
14 attentats IC1T0n .~tc-s nu Kosovtl, t en M1u.: ~do inc . LA rolihquc tcm.lf1.5tcdc- la LCK Jc,ml klf.iqw::mmt~imrpotiliquc-Jie
riprcuion yougmi la,·c c l 1\ une cs caloJ.:- san-. lin Je la "1ok·Tu..: c.'" m IJ..·'"·
2 T<M.tJours scion k s ~nquètc s mcnec..... [lllr L"hns tt,phc c.. ' h k lt't rorrun«s l.lans SC$ aroda du ,\Alniir ~
J En deccmbre IQ~7 . la lk"hcc pnn s1i:nnl.! . lo r.-i. J 'unc Jcsl."<'f\lc J.sa1!i k ~uutttr pu\slC'D dia ScN:lcf. ~ i a n:.., de
ralülca f•ctun:s qui ~sè<lc des mnufn:olio ns en Allemagne et en ltalu.: .
4 tmes o nt 1!1' d•ircme nt ~n onc~c s ror X. RAUf'Ek, criminc-1,'\puc .:-1 ~ 1alulic dm O.C.T.
~2

- ~llC'.'R JiKJ'4.)M•nt J'un puitNHllnl ré8e.1u P'~J.int dl""S rarnifh.:ationH intemaUunoles ;


. l'•mpc.>r1i'lnt·•• JL~ revl!llU?!i qu'...,1h.~ 1.l~Kngent l"•ur pern1et d'entn.• tcnir t.lt.-tt 1noyellh
rnilltaJrmt ''' dt.• l.· on\n1unk4tion importnnt-s, capable~ dans L.:'t.~rtain~ cHs de menacer lt~
pouvotrM '-~ntTï\U).. dt~ F.toht. Alntd. Jett c:11rtels colon1bit.?11ti peuVt.!nt- ils ~c- prévaloir de
rlolt~!'i a~rit.•tU\t.~ et n1nriti111...-"S t~I de tnllycns 5lltel!iteet qui leur pi!!rmeltl?nl d exL•rcer un
1

rontn\lt.• 'iur h•urs ~.,nux c\ l'OCht.•JIC" plnnétnirc;


·enfin. 1.:-ur .1c tlvlté 1te ..-iêroule en aval du co1nmcrceo lui-mêtnc, dnna
l 1lnvetdiMAl!n1unt lin,lnder et le blnnchiment de l'nrgenl sait?.
t..a rn.\tia. 1..•st un~ vari~t~ d'organtsation crin1inelle transnationale que l'on
l"'Oractéris...• ,~ntit•UL'"01'?llt par son tU\ciennt?té - nota1nn1cnt l'ancicnnet~ de SC!i rilca
lnltiatlqu..,. - . se.. structures f~dales . Les mafias italiennes, les triades chinoises ou 1.,,,
Yoll.11.::..0' japonais forment des sociétés s~ulair"s dont l' histoire fait partie intégrante de
celle de l'Italie - de la Sicile en particulier - , de la Chine et du Japon .
l.t'S organisations criminelles transnationales sont souvent liées aux guérillas
locales qui contrôlent IL'S zones de production de la drogue "t forment en quelque sorte
le i+.ieau de distribution international en amont de la chaine de production.

1.3.2. Les grandes O.C.T. cl mafias


LN C:11rtol• roJomlti•n .. 1
Leur noyau dur est formé par un millier de cadres et de dirigeants qui s'appuient
sw une année de 25 000 soldats et de 2 000 criminels de base ; leur domaine d'activité
est l'agnculture, la chimie, le transport intercontinental, la vente en gros de cocaïne,
d'Mrorne.
Deux grands "cartels" - Medel/in et Cali - constituent le sommet de la pyramide
et coordonnent l'ensemble du réseau . À eux deux, ils contrôlent 70 à 80 % de la
production mondiale de cocaîne laquelle est estimée à environ 800 tonnes en 19942.
I.•• Cart•u n1uiminil
Il existe six grands cartels Cultacau, Guadalajara, juarez , Matamoros, Sonorn, Tijrrn11a
qui fédèrent une centaine de bandes criminelles et se partagent les 3 200 km de
frontière entre Je Mexique et les États-Unis. Le trafic de stupéfiants vers le marché
américain concerne des produits locaux, comme la marijuana ou l'héroïne, et des
produits importés de Colombie comme la cocaïne. Ces cartels sont en liaison avec les
Triades chinoises par le biais de l'immigration chinoise. Par ailleurs, leur influence
corruptrice sur l'administration mexicaine et les hommes politiques du pays est
importante.
l.a Co•a Nolllro aux Élals· Uni•
C'est un ensemble de vingt-cinq grandes familles mafieuses implantées à New
York. à Chicago4, en Nouvelle-Angleterre, en Floride, à Las Vegas et Atlantic City. Plus
de 1 200 membres initiés en faisaient partie en 1994.
L'activité de la Cosa Nostra est consacrée au trafic de drogue, au racket des
industries américaines - comme le traitement des ordures à New York - à
l'escroquerie, l'usure, les jeux illégaux, le piratage sur les appels d 'offre.

1 ObKrY1ldire séoP<>lnlquc des dropes, .41/as trumdlal th~ drogut!.oi, Pans , P U.F . 199r1, p H7-116.
2 Oroupa dr tuhercllc cl Jr "'Oc1liun CHftns~ "' 1ic11r /lt U l'lum:on lfHJO, Nom ·~ ·u11x cl1~/i.i ,., uo1t1't'Ultt moyt'ns. scpcnnbn
199S. OüA CHEAt. Sous la din:lc1ion de Xavier !Uufcr
)/dao, p. li-Il .

~ A. WALLON, •t'appu'ilàoo de 11 grande crimmaliti orpni~t!c aua f.tgts-Unis -·- PH0-1 9 ~0", Rr:lmimts in1tma1itlnalrJ t'
,,,......,.,_,I.R.I.S.• Hiver 1995. o'20, p. !19-112.
(hopiln 2. Lr dffl du crlnt4' lnl.4'r.,..tiof18l

LM mafitJ• iJnlUnri4'•
Elles sont présentes dans une quarantaine d'~hllll de la pJill11ètel :
- la Casa Nustra de Slcll~ est une famille forml!e par de vietll"" famille - 130 m
1994 - ; dont les membres sont estimés entre 40 et 50 000 personnes. La ramltlati.oN
"°nt jusqu'en Amérique du Nord - lien avec l'immigration italif!TIM .aux ttat:e-Uni9 et
au ùnada - et du Sud, en Allemagne, en Turquie et ~en nu.~;
- la NdraP1gheta de Calabre groupe 150 familles et 5 500 soldats et cadree en 1994;
- la CRmorra - Naples et Campanie - compte environ 110 famUlee et entre 6 000 et
7 000 camorristes. Elle dispose de relais criminels dafUI le eud-est ~la France;
-1• Sacra CoroP1a U11itn - Pouilles - compte 32 famllle11, 2 500 eoldai. et cadres.
Les mafias italiennes sont essentiellement impliquées dans le trafic de l'hhovne
produite dans le Croissant d'Or, comme le sont les mafias turco-kurde et albanaiaes.
f,a mafin ruu,.J
Elle est formée par une constellation d'environ 5 000 cla09 chapocn par une
centaine de groupes permanents - 20 000 soldats et 700 cadres - qui dispo.sent de
relais d'influence dans le monde . Les bandes années du Caucase, celles des Annénierw,
des Azéris, des Daghestanais, des Géorgiens, et des Tchétchènes jouent un rOle
important.
Leurs activités criminelles sont le marché noir, le pillage des entrepOts d'État, le
trafic de stupéfiants, en particulier l'héroîne et la cocaîne, le trafic d'annes4 - Caucase5,
ex-Yougoslavie, Algérie - , la prostitution. On estime que ces organisations criminelJc:s
sont responsables de la moitié au moins des 30 000 meurtres annuels recensés en
Russie, qu'elles sont très implantées dans l'ex-Bloc de l'Est6 et même, en terme de
blanchiment de l'argent sale dans certains réseaux financiers français. Les connections
avec la mafia turque sont nombreuses7 . Le trafic de matières nucléaires est un autre
rïsque8.
La majta lur11ue
Il existe une dizaine de grands clans criminels turco-kurde qui sont diri~ par des
parrains bénéficiant de solides appuis politiques. Ces clans qui sont les héritien des
groupes de contrebandiers de la période ottomane sont essentiellement implantés en
Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse et en Espagne. Leurs activités criminelles sont li!

1 Obscrvaloirc g(l!:opoli1iquc des drogues, Atlas mondial Jn drogua, Paris. P lJ..F., 1996 · •liimloiR del mdiu ~.

p. 69-IO
2 M PAOOVANI , .. Le mod~lc Cos11 Nostn", m Rr:larium 1nttrna1iOltd11!$ d s~. lll.LS.. Hn-cr t99S. •"lD. p. J1>
llS.
l "Scion un nppon récent du CenlTC: de rn:hcn:bcs Uu.cnwionalcs stracép;rua (W. . . . . . . . ~ Ill -r. COlill"6kmil e11 . _ .
dcwl tins de l'èconom1c et pn:ndrall - de gré uu Je fon:e - de maruèTc synbnabquc UDe s-tic:rpmioa œmprilc ~ 1 JO~ •et
dans la 1fW1dCS sociélt• cl bonquc-s commcrc111.lcs pnvali~ . Ses dotnalDe$ de prêdilec:tioa K::raU k ntic-dc ~ otdW:am..
D'1ub1:1 sources parlmt de l'ochot rar Io nualiu russe de 40 000 soc1ëté:5 de R\.W.ie (dont S50 bmquai •. E. SK'A·Ka:Zl.OWSICJ.
A. TOUMARKINE. G-.1up4i/1ti q11e d~ lu mer .Voi" (Turqu1~ r!t pays dt! 1·~.:r· U R S.SJ , Pans. K.anhala. 2000, p. 61
4 •Les sociétis officielles ulri.r.una~nnes Je i:ommcrcc des armes cffC\.-tumt 20 '19 de: r~ des uma m ~ LI:
rate Krall Wuu les mains de s1rui.::1un.-s de l'ombre" . ld~m . p 66
5 "Les Cosaque~ semblent progn:ss1,·cmcn1 m1.1csur le trafic .Jcs llftDCS, so11 i. leurs pn:ipres fllM. - pour des rcpo..
...tplntislcs COS1111Ues. pour 11hmcn1er les Cos.at.tucs de C:nmte tlU dt Tran1druC"S01C - IOll pow de C3&lld mdircc1cs (. . J ClMnlDe ..
rtJu,m léparoh~tc ubkluiz.: ". Un.I.• fi · f, 7
6 En Ukf1linc en JMU1Îc ulicr /h1'1.. fi 63
1 lhld. p . 60 .
1 Ibid.. p. 67 · pons Je Muunnw1sk cl Suuil · l 1 ~h.~rsbov.fv ; La Turqwc est un P9Y" Je tnctt11 • Jcw. ru.dD . 'la~ pu:llml
de Ruuic. YI• l'Uknunc, h1. MulJav1c {.. . }et la Kuun~.uic se 1.hnaicrau Yen l'OUC51 , la~ NUb:~dk.,...dlMa.ioe.
V'-1 notamment l'Ukr.mt' et l'Aî~rb.hij11n. gagncru.11 lu Twqu1c pow- rejuioJR ir:mu.ile 1- BalbDI.. l'Ewupc ~ '\ /.lriiiG..
p. 67-68 ~voir le .U1.a1l tlc:9 pnsrs J'unuüum rum;hi par lco d1;0.aancs u.k..rauneoDCl d ~
tr.\tk d 'hènl\)\l' .tu Cnliss.int d 'Or, nutmnment "ntre l'Asie centrale el l'Europe, la
,"'{lntreb.m<h.' de nMlériel électmniqu" et vidéo, la contrefaçon <fo documents oHicli!ls,
l<.'S Î""'" dandl'Slins. le racket, la pro.~tilution, le piratage de milrchés public!! .
IA-4 rrinJ",.. rllin.aâ.s~'
- ,\Hong Kong : Su11 Y1't' 011, H .K. l'édérntion Wo ;
- A Taiwan : f\.\ml>ou Uni. Bande des 4 mers ;
- en Chine pt.'pul.lire. le Gr.md Cercle.
Activitt'-s criminelles : le trilfic de l'héroYne du triangle d'Or, d'armes, d'émigrants
chinois clandestin.«, de véhicules volés, les piratages audio, video, les jeux illicites, le
ra.::kt'l. l'usure. la prostitution, la pornographie.
I.«< Ylll"llZll.< jllf'<'"""'
Plus de DÛ 000 Y11ku=as initiés sont réunis en 3 500 clans eux-mèmes fédérés par de
grandes organisations du crime dont les trois plus importantes sont :
- Yamaguchi Gumi ;
- lnagawa Kai ;
- Sumiyoshl Kai.
leurs activités criminelles portent sur le trafic d 'amphétamines, le racket, le
piratage de marchés publics, la contrebande d'armes, les jeux illégaux, l'usure. Elles
sont implantées en Corée du Sud, aux États-Unis - Hawaï, Côte Ouest-, aux
Philippines et en Australie.

1.4. Une guerre contre l'Homme


et contre la s olidité des sociétés occidentales
Nos sociétés ne voient pas toujours le lien géopolitique qui existe, par la chaine
•économique" de la drogue. entre les conflits de dévolution des États du Tiers Monde,
en Afrique, en Asie, en Amérique latine, et les germes de guerre civile dans les
enclaves de sous-développement économique et culturel des sociétés occidentales.

1.4.1. La destruction de l'Homme par l'aliénation


D'après les Nations wùes, le monde compterait 8 millions d'héroYnomanes, plus de
13 mi.liions de cocaïnomanes, plus de 30 millions de consommateurs d'amphétamines2.
À partir du début des annés 1960, on a assisté dans le monde occidental à la
pénétration croissante des drogues3 chez les jeunes générations touchées par le mal de
vivre. Une culture de stupéfiants s'est répandue dans les soirées au point d 'élargir
l'audience des drogues dures et de banaliser celle des drogues douces.
Souvent présentées comme des manifestations culturelles, les rave party sont en
réalité des lieux d'écoulement des produits de synthèse4, amphétamines et ecstasy.

1 ObicTvakJttt: aêopol111que des drogues. Atlu.r mu ncl1ul dc 'f d rug m .·• . P a n o;. P .U f .. l9Q6 , " tl isl01rc de TnadH ch1no1K1·,
p. 97- 106.
2 Uruted Naion1 Drug prognunmc, WcJrfJ Dmg Pru h/cm :Summil , 7 juin 11)9M
3 ûbtcn"'alDlre geopuliliquc dd druxucs . Atlat m tmJtfll d r.• '""K" ~·' · Pu.ri". P l J. F . IQ<J<,, p l 7_t; . l 7 ft .
4 '"On pan 1égit.11N:m~rn se demander , 1 le trumèmc m1llt1a1rc n e scru r'NL"' !!iyn1hé11quc. <''c'll c c IYJlC Je produil4 41.u rêpond k
aUaa aw. défaiUanccs dt natn: soc1tli Ils ont un ospcc.:1 u1ilit..1rc et s ukilcnl un e polyloAil·o manic qui réfMmd à 1nulli IC'.' 1!1muli.
del ptw immCdial.A -- donnir. se réveiller. avoir Je l'apptllt - a u;11. pl u!!ll .._·u mplcxc~ lliC scnru- nmoun:u• . en forme , dy1111miq11c.

Ea OUlft, laa ~ avec let mtdiamcnu en f•n un pruduit btinuh~ . tant en rennes û'u'l11gc - commen1 un cad1e1 pir:u1 -1l
étft ....i daop:rro• qu 'une' hpie de cocaJ~ ou une IRJtclion d'héruînc ., - · que de trorïc . lh1 sont roujoun lilhriqu~ i prmlmitt dn
man:bCs ~. u qw pamct de 111Ccourcir ln filiftu au minimum . On comprend. d~!I Ion, que le!I ntJ11iat 1"\'Nliur111
mauivanml. dam le •ynlhCtlquc et que, ' ~ du ntgocc dC'S drogu~ "cla.•11iquc!i". celui dc!I f'!lychotmrc!I ne c~te de M
Ch.Jpllnr 2. Le dlfl du crtm" lnlernallonal

Qu111lflées à tort de "drogue douce" - certains partiJJ polltiqun prbnlmt mlme leur
ll!gallsatlon• - des substances telles que le cannabis llOOI dlffu.ées en nutMe Rll' le
tt!rrltolre français, et sur celui de la plupart des pays d'Europe de l'Ouest. Des rnqueta
indiquent qu'un jeune sur deux appartenant Il la classe d'.age compn.e entre 15 et 2S
ans a touché au moins une fois au cannabis.
Toutes les drogues, qu'il s'agisse du cannabis ou de la cocaJne, conduilent, .à œnne
el A des degrés divers, vers l'abaissement du lien social et du respect de la di~
humaine. Les récits rapportés de guerres civiles où les drogues - y compris
'douces" - furent diffusées dans les rangs des combattants - comme au üban. aa
Tadjikistan, en Afghanistan, et dans la majorité des guerres civiles ~ -
montrent tous le lien direct entre la bestialité des comportements et la consommation
de la drogue, entre la gratuité insensée du crime et la dépendance à la drogue.

1.4.2. La destruction du lien social dans l'État


Cette chaine de la drogue qui commence dans les pays du Sud ou d'Eurasie, !IOUB le
contrôle des guérillas, qui se poursuit dans la guerre opaque que les O.C.T. mènent
contre les États qui abritent leurs futurs clients, se termine dans la destruction du lien
social garant de l'unité des sociétés occidentaJ.es2 : trafiquants et revendeurs se
recrutent majoritairement chez les petits délinquants des ~ chaudes de Franœ3;
ce sont souvent les mêmes qui proposent leur poison .à la sortie des collèges rt des
lycées et qui enflamment ensuite les cités. Du gurrillno manâ9œ du Sentier Lumineux
au petit denier des banlieues françaises, le plus souvent issu de l'immigration. la chaine
de la drogue est bouclée. Elle ne s'achève que par la destruction de sujets
structurellement fragiles, ou conjoncturellement bagilisés à tm moment de leur vie. rt
qu'une absence de fermeté de la part de l'État aura laissé devenir des proies faciles.

1.4.3. La destruction de l'État par la corruption morale et


économique
La guerre que la drogue mène contre la cohésion des sociétés humaines n'est pas
seulement celle de l'aliénation de l'individu et de l'abaissement du lien social. Elle est
aussi celle de la corruption, que celle-ci soit indirecte ou directe'.

dfn::loppa"'. A . LABROUSSE . M . KOUTOUZIS. "'Narro--ua(ic . une sucrn- pcnmc. d'S\~ .., 8 POÜlitftlttt Jm: h 4
AUUJmnc 1996, n•7J , p . 322
1 les mouvement-;; ft'.oloii1stcs J'IUC &:~cmplc- ; on a pu voir un min~ f'rmlç1iis ar pm. 1r ca:bcr" d'n·Ofl <"mlllOlmm du~
Plm&C\ln hommn roliuque:-; Je cc moU\"Cmcnt appdlent ~f:Uh~mC"D.1 i la dCp!na.h:alW)Q du~ et du twc::ftidl. Cc: ........
ils deviennent airu.1 l'W1 d~ malllon!'ô de Io longue chaine de la crimtnalifl!o tnnsnatic:mdc
2 Il existe h1cn d'au•~ co.u:rocs , qul! la drogue. qui afTaibliacru Lli robé:s:ioa soc-iak dea Ë-as diêvdopipcs , tllmC dm c-.cs la
plus aravcs est l'înactivüé cl le dé"clop~t d~ s.ocill!tc! us~ ~ Le- Cœar m RChadir .,._. r...... d
l'obsen"ation des condition!'! de vie (CITdoc) a public! k :?:Ili maJ IQO~ un~ Q.11' T-'-t de m Frmi..'C· mm licqmd il~ qm
I] milhons de' pcnonn~ - - soit rlu~ o.lc 22 "!.de la Plf"Ulation du J19Y5 - - ae ,,~ qur pkie ..._ tlll1Ùlm ~· f .. } .:a
culus de la SUC"iil!lé de conwmma-tion ont tcndar\CC'. Jam. la rr-1iquc-. .l _.~dam. da~~ qm&&i:s dt
'dHavon5~' qui deviennent dn lc'fTitoi~ Il\ ri11t1~ Mm.Ani f'rU l f'C'U « l'HptK't admlni.stri 1""""'9<p ' ' wat. CCIL'\<:I • . - -
rn Ynctuaire pour le!' Jëhnt.1unn1,. tir 1ou1 ftt:ntiil . tnafü.· anl:oi dr dn-.,:uc- ~ •~ malicu.' n • ~ m . _ ..,.-.-. ili
P COSAERT, L" Fr.nrc•· ,1.uu /,· ,,,,,,.,Jr rf fr""'"'"' ,,,n.• /,,F,..,,,,...,,
r.ris, l:lhp:1c·-s... IQ196_ p. 9-s
1 Mfmc •• IA Jmyuc n'cs l r"s SC'Ulcmcnl 1..'<•n ~ mnft , 0\lllS •tLS.."1 J1fl'u..Woc. à l'inriêri~ Je milfta.....O.
.. "Le.• fili~tC!l tn\Sl!'!IO en rlm..'1:" h"lUI au Inn" lll!' noU'C' lloi('dc rar ~ m11ft.as - · 1talicnDc:s ou ~ . .• Ci ~ .,....., .... - lies
annêet .... nt de !lC fondre Jnnll re..:,1n,unil' fonndk . PriSl'Yllnl.tl'n ..k kurs :muchll'CS ~~ (1 ..k kw' ~sur llD
puduil ou un mDl"'f:hC unique: . elles''"' d\l nunmcn1,."Cr rur :11.."'7 u1nulcr Ju .:ap1~I •'..nt ck ,....~'*" ia'rC:Stll' m., liDt ~ ~
Aujourd'hui. lea nouvellr~ Oli~rTs 'post-J1ov1C1u111~· et ..-elles qui ~~1y;C'1\I Jan" tes Pl~ ÂI ........._à n...rdcaoqmimQam
criminellc-s utD1iqucl6, m~1cn1 d'cmbl~ le fom1c-1 c1 l"infonncl . les l'n.~fits R1•f'll" du n& dr ~ _.. · ..._.. f
Pnrtie 7. L' ~lai •:"ucurrrnci

La cotTtJption indirecte touche les esprits qui pensent que pour éliminer
l'empoisonneur il faut légaliser son poison. Xavier R.-iufer répond à cet argument ;
"hérolhe glamour vendue pure. donc fumable ou 'sniffable' sans la déplaisante
injection intra-veineuse. ampht'tamines .tcs1gn, drogue camélt'on désormais mutante et
attrayante · c'est ici qu'apparait la limite d'une fausse bonne idée. libéraliser la
consommation de certains stupt'fiants. Car si cet interdit est levé sans qu'auparavimt
les grands cartels de la drogue n'aient été démantelés, ces derniers n'auront qu'à mettre
sur le man:hé des produits m11rkd111g destint's à un public jeune, versatile. vite blasé des
produits légaux. juste un peu plus puissants.
La légalisation des drogues aurait un effet de banalisation des produits chimiques
et déboucherait, d'une façon générale. sur une absence totale de méfiance des jeunes
sur ce qu'ils absorbent dans les soirées. Déjà, une nouvelle drogue, dite 'drogue des
violeurs', versée dans le verre des jeunes femmes à leur insu, sévit depuis peu dans les
~rlir.;' .
Cette revendication est d'autant plus surprenante que nombre de pays du Sud
essaient de lutter contre la culture de consommation des drogues douces. Ainsi le
Y~ qui s'efforce d'éradiquer la tradition ancestrale de consommation du qât,
véritable fléau de l'énergie humaine, qui démobilise une économie entière2.
le hasch est libéré ? Les cartels inonderont le marché de 'super herbe' ; elle existe
déjà : créée par génie génétique néerlandais - le sk1mk - elle contient au mini-mum
30 % de substance intoxicante - le tétrahydrocannabinol - au lieu des 3 % du
cannabis naturel. L'ecstasy est tolérée ? Les narcos proposeront des hyperpilules de
l'amour rose f1uo ou orange pailleté, farcies d'amphétamines. "3.
Non seulement la libéralisation de certaines drogues ne produirait pas l'effet
escompté car le marketing-produit des narco-traficants aurait bien vite fait de la
déjouer, mais elle serait un encouragement apporté à la consommation des drogues,
suivant ce vieux principe que la banalisation des petits crimes provoque à terme celle
des grands crimes.
La corruption directe4 est celle causée dans les administrations publiques de
nombreux pays dans Je monde par les organisations criminelles transnationales qui,
pour protéger leurs trafics, cherchent à acheter des fonctionnaires, des ho mmes
politiques ou des entrepreneurs5 . On estime ainsi qu'en Inde, au Pakistan comme au

a faYCŒ do pnvamabOGS YU~-.gcs qu'unpos.e le modéle Cconomiquc dominant. Au cop1tnlis mc d 'Etat s uccèdent des s1rucrwa
potiùa>-milnaira maficmcs qui, gencn.lcmcnt. se ~oupenL On observe ce phênomênc ilussi b ie n en C E .J. q u'en T urquie : lt!i
n:afas nipprop;mt les n::ssourccs de t'Êtal. au momdn= pnx, ajouun1 a leurs bénCfices une in nuc m:e pol itique mespCrée.", in
A LABllOUSSE. M. tc.OUTOUZIS. "NaraHrafic · UM" gunM prnJue d'a"·anc;e ".°'" , Pnl111q11e imt.·nwtionale. Automne 1996, n"7J ,
p. 319.
1 U: G.Jt.B. - pmnm huydrobutyratc - i:st une p:tutln: moc.Jo n.: et sans saveur, qui annihile to u1c volonté et toulc mtmmn:
Entre 1999 Cl 2001 . plut <k 140 cas ck sounrisslon chimique ont étt complab1h sés en frJncc. Le Figam , 12JU1ltct 2002 .
2 -i.e qti est encira UQC pl::a.nl!: euphorisante qui procW'I;: à son coruK>mm:1teur l'1llus 1un d 'un b1cn-é1re générnl il la m11n1èn: da
rcWllc:i de COQ. Co~ i a::llc du bttcl s.on a.Jrc de distnbut iun ~ crnbl e h1cn rnu1ns 1mpunanu::. Mais po ur cc qui est de l'ampleur
clr "-F. k q6t sen.il aawi pn;>foodèmcnt ancré dans les mŒurs ~uc son c.."qu1valcnt mdu::n 1 .. ) 1":1 "·oguc c x tr~ mc 1... J w
~. la auioritês loc:a.lcs en sont tmua et ln or~n11mc ~ mtcm:uiuna ux lu t at:r.;urdc nt une aucnhun vigîlonlc::: ", m
J. OŒLHOD, •l.aMX-'tt ybnftutrd l~qai·. in J C IJ ELHOO '-" ulii, L ',Jruhu· d 11 ."ù1cl. Jm·tmrc· '-'' t 11•111.wtion, 1 J, p 2~'1-275
J X. RAUFER dir , D111.tionnain-. 1~chnrq~ c:1 c rù1quc 1k'i rnJ uvclh•.( mt.'""cc:., , Pan s , 1• U . r .. 11.liJM , p J 4K . U:s umphttuminc:::s
c.cmsûwmt pour ln narco-112ficanu du Tnanglc d'Or un 1mpono.mr nwrché lu i.:al et rCgiunu l T lmïhmc.Jc. U1m1on ic , V1c1nam,
t:ambodgc . ~ . avca: des débouchés sur les Philippmo 1.."t le Jap on poir lç bi;iis tics Yai<u.1.n .;. • les c.11.pcn.-. llliiis ClilllTKnl i
20 milliards de ftaDCJ le poick de cc nouveau marché des amphctaminca pour l'Asie c.Ju S ud -l:st en 1997 . Le s prm.lu11s ch\m1quc,
~tant ac~cn Chine du Sud, au Pakuaan et en Inde c:t dc.-s lohoratoircs sonl inst;lllé!'> d:.ins le fr i11n~l c d'Or.
4 Obler\-alOUC IJCopohûquc det drogua. A tlus mund1ul Je., JroKUC:.'i , Pans , P.U .F ., J lJlJl>, p . 211 1J-224 .
S J. CARTIEJl-BRESSON. •ta n~un de paa11&MC de Io ~rruption blund1c â ln i;orrup11 on no1re en 1-'runcc". Hrlatio1u
inlaaau0ftllllae1slrrl/Jatq110, l...R..l.S. Hiver 1995, ll'-20, p. 1:54-J M,
Oaplh'e 2. ~ dl!fl du crime ln1""'8tlon.1

Bangladesh, la corruption électorale est répandue; qu'en Blnnanle, en Chine, en


Colombie, ou Mexique, au Pérou, au Surinam, en Turquie ou bien encore en Ukraine,
Jarorruption des milieux économiques est fortel.
Certains J;:tats du Sud sont essentiellement touchés par la corruption directe de la
drogue, au point que leur existence même est menacée; les J;:tats d~eloppés restent
des l!tats de droit; d'où leur tentation lorsque la corruption les menace de la pratiquer
dans le droit, par la légalisation. Et lorsque la morale abandonne la notion de droit, ne
n!Sle au droit que l'obsession de la légalisation2.

1.4.4. Drogue et commandos-suicides ?


"U! guerre, u n'est pas /'acceptation du risque, c't'SI l'occqttation pure et simple dt Ili
morf. 11 3

Au Japon, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les kamikazes offraient leur


martyr pour leur empereur" ; les combattants du Hezbollah libanais dans Je 5Ud du
Uban hier, ceux du Hamas palestinien aujourd'hui, donnent leur vie à la lutte contre
l'occupation israélienne de leur terre.
En Occident, la notion de sacrifice volontaire de la vie à une cause tramcendante est
de plus en plus assimilée à une pathologie de l'esprit; c'est la raison pour laquelle. on
parle de commando-suicide et non de combattant-martyre. Pourtant, comme l'écrit le
professeur Antoine Boustany, "Comment comparer quelqu'un qui a perdu espoir en
Dieu Le Miséricordieux et qw. par conséquent, se suicide, et celui qui cherche la mort
dans l'espoir de le retrouver ?" 5 Il y a là une différence fondamentale qu'il convient de
rappeler, au risquer de bousculer les idées reçues en OccidenL
Toute autre chose est la question de l'aide artificielle qui est apportée au don de la
vie. Depuis des temps ancestraux, le chemin du martyre est facilitÉ par l'usage de
drogue - certains condamnés à mort n'étaient-ils pas drogués pour monœr sm
l'échafaud révolutionnaire ? - , ce qui confirme d'ailleurs que la consommation de la
drogue est bien un pas vers la mort et un rejet de la pulsion de vie. Les kamikazes
japonais eurent parfois recours à l'usage d'amphétamines, de même que la
consommation de drogues dures est attestée chez certains martyres palestiniens ou
libanais. Toutefois cet usage ponctuel et rituel d'une drogue facilitant le passag1! brutal
de la vie à la mort doit être différencié de l'usage régulier de la drogue, en temps de
paix comme en temps de guerre, qui provoque des déviations de comportements et est
une source de violence pour les sociétés.

l X. Rauret dir., Dic.·tionrmirt! 1~c:hniqr1t~ el criliqu~ da nouw/la lllt'ftllX'CI'. ~ P.U.F_ 1991.. p. lL


2 Sur le th~mc de la drogue . on pourrn consulter les ~fëftuC"CS sui1o-.nta : OBSERVATOIRE GEOPOUl1QU2 nes
DROGUES. Atla.s tnanclittl dt•.f clrogm·s. Paris, P.U .F .• 1996 : CHE.Ar. MINISTÈRE DEL-' DEFENSE, Ark • AIMaL. Pmi1.
19'17 , LABORATOIRE MINOS/ X . Ruufor, Let nou,·clles mc:naccs dans 1a pcnpccâvc ~ ~ Nole cf......._ dit
l.Aha...to1rc Minos, OGA . Le munglc d'or, LoK&Quc et dyn•miquc d'une zunc gn9C. octobre 199i ~ CHE.Ar, ~ .......
X. R..ufer dir., Dic:tJ011nuirc· tt•rhn iq11~ t.' l 1: r1tiq11f' cl~;)- tHJU\~fl<~ ~.s . Paris.. P.U .F.• 1998, 266 p. ~ NOllCS d'iafaaalâl:m dit
l.abonloirc Minœ, OGA , CllEAr. X . RuulCr, J .L . M11fttt, Dic tionnuin t.'rdN(IW deJ FfOllnYll~ .-m&IC'a. 18 ...&r ""*' Ftvricr'
2000.
l Anloine de S11in1-Exupéry .
.a L'tcnvDin Jlllponuhc Yukio MISHIMA n écrit sur l'c!ôth~tiquc de la mort \"Ok>ntain: au~ . lift. ta - 1 . . . . . . . .
Gallimtrd, 19KJ .
5 A. BOUSTANY. llbwirr d~., /J4trmli." cmifk1t'/$, Dn•~"'·' 1k p.Ji:f. t'f drofCW:S • ..,,.... hril. ~ 199'3.. Aallllinr
Bowlln)' dirige un imponanl cenlrr psychiolrilluc à Roymuth ; il • '°'ud" noiamment. dlau.1 la ...... pBft cM ut-. Ill ta.
dE rw..1e de la dmyuc 11ur I~ combonnll1"
1.4.5. Lutte •·otltr•• ln drogue, ou doctrine Monro" ·~
Toutes les causes univt!rselles sont nu~nr.C~$ d'ins.trun1entalisation au ~crvicc
d'intérêts étatiques parhculiers. Cl! qui est vrai de la dén1ocratie et des Droits de
l'Homme t'est aus.si Je ln lutte l.--ont~ la dn.."lgue 1 .
Depuis Io guerTe de l'opium menée <'n Chine par· les Britanniques - 1839-1859 -,
les ~tats-Unis des années 1980 offrent le seul exempl., de mobilisation ntilitaire d'une
nation pour combattTe la pén~trntion d., la drogue sur son territoire. Les opérations
11
militaires américaines "Blast Fumace" en Bolivie - 1986 - et Snow Cap" en Bolivie et
au Pérou - 1988 - furent menées de manière unilatérale par Washington sans
négociation avt.-c les autorités locales.
On sait bien que l'opération "Juste Cause" menée à Panama en 1989 par les troupes
américaines 2 , qui avait pour prétexte officiel de s'emparer d'un trafiquant de drogue,
visait en réalité il garantir aux États-Unis le contrôle sur Je canal. Cette politique a foil
dire i\ œrtains analystes que la lutte de la drogue cachait une volonté d'ingérence
américaine plus profonde dans les pays andins3.
Chaque année les Américains mettent i\ l'index les pays qui ne font pas d'efforts en
matière de lutte contre la drogue : on y retrouve la liste des États parias, dont l'Iran el
la Syrie, mais des pays comme le Pakistan et le Pérou sont absents de cette liste. On sait
aussi que les Russes sont intervenus en Tchétchénie pour maintenir celle-ci dans la
Fédération de Russie, et non seulement pour lutter contre les mafias tchétchènes de la
drogue•.

2. Permanences et nouveautés de la piraterie

La piraterie est-elle un facteur de changement de la géopolitique ? Elle n 'est certes


pas une nouveauté. Mais ce qu'il paraît iinportant de souligner est que ce phénomène
de criminalité maritime a oscillé selon les époques entre un rôle d'instrument de la
politique de puissance des États5 - les corsaires - et un rôle de criminalité privée
échappant au contrôle des États. Il est en effet frappant de constater que la piraterie est
une criminalité particulièrement développée dans les périodes de déséquilibre mondial
des puissances et d'affaiblissement des États. En Méditerranée la piraterie prolifère
d'abord sur la décadence de l'Empire romain; aujourd'hui elle s'inscrit dans
l'effondrement de la bipolarité entre les blocs occidental et soviétique et profite de
l'abaissement de la surveillance militaire de certaines régions du monde.

1 ·0n C1JJ111DcnCC 6 uutlscr la drogue comme outil drplomatiquc·. in A . LABROUSSE, M . KOUTOUZIS , "NIUCo-lrafic · une
pcnc padœ d'l\..ncc ?•, Poliriqr.1~ intanulional~ . AUl011UlC 1996, n°73 . p. 314 .
2 Elle 1 moblliiè 26 000 hommes et d<s unith lounlcs
3 •t'l:pprofoadiDcmc:nt du rôle de l'armée amé:nc:a1nc depuis la prb 1dcncc Bush a ~tt cumparC n une n ouv~Ue vc:nion dt 11
dœtrine Monroe et à un. moyen de renforcer la dépendance des Èuats du continent lotinu- aménc;ain v1s·:l·v1s de leur pui"sont voi.91n.
Soa canctère idéologique ne pc:ut êtR sous-<StirM. Le scclit.ain: i la DHc:nsc Drck Cheney devait ainsi déclarer en 1990que 11
di!u:icb.on et la cksouc:bon de la productmn cl du 1rafic de drogue e51 une prcm1crc priunté c.Jcs m;ssions de s écunl~ nat ionale"'. 1n
A... CARTO~ . •u 1r.11ic antema11onal de la drogue une menace militaire pour l~s Etats-Unis ., .. , m R..tawm., intenmlimwlr.1 tl
nrœ<gu,..... l.RJ.S.. AU101Mc 1992. n°7 . p. 176.
4 EDc.ott faut-il pn!ctscr que l'iru.ervenuon rua&e c:n Tchétchén1e n'est pa.s c..lu <lomomc de l'mi:cén:ncc mnis de Io sêcunll
tDlinewt" d'un Etat tou\·cnin. wic nuance qui est sou\·cnt occuhéc en Occident .
S Vw I< rôle dt: la Coune m Mtditemtnée : noWI rm•oyons à Io géopollliquc de Molle lroitée duno <e li>rc et · J. MUSCAT,
"Tho Maliae Cono' io Atidi1'rrDAk m.r ouwr1', Acte1 du colloque de Mor.;eille, 21-23 scrtcmbrc l'l'JS , l. I, Du XVI' 1u
xvur n;c1c.p 191-208.
O..rl•tt 2. Lo d~O du crlm<" lnlcmallonal

Mols que pèsera Je piraterie classique sur le monde dans cinquante ans faœ à une
nouvelle fonne de piraterie, celle des hackers, les pirates de l'informatique qui
naviguent sur l'océan mondial du web? Nous traitons de cette nouvelle fonne de
piraterie dans la section consacrée à la cybercriminalité.

2.1. Barbaresques et conflit hispano-turc en Méditerranée


Durant le XVIe siècle, la piraterie des Régences barbaresques joue un rôle important
dnns l'affrontement entre les Turcs et les Espagnols pour le contrôle de la
Méditerranée.
Au début du XVI"' siècle, tandis que le royaume hafside s'émiette, les Espagnols
confinnent leur force sur les rivages d'Afrique du Nord en implantant les pr&ides
depuis Ceuta jusqu'à Bougie. Les Algérois! appeUent alors les Turcs au secours. Une
célèbre famille de corsaires originaire de Mytilène, les Barberousse, chasee la
Espagnols d'Alger et s'impose à Cherchell, Medea et Miliana. Aroudj Barberousse est
tué à Tlemcen en 1518 ; son frère Kheyreddin se fait vassal du sultan turc et reçoit l'aide
de six mille hommes dont deux mille janissaires2 • Il conquiert Wle bonne partie de Ia
Kabylie - Bône, Collo ... - et Alger connaît un développement rapide. En 1550, Ia
ville d'Alger compte 50 000 habitants ; vers 1620 sa population a doublé grâce aux
revenus de la Course en Méditerranée contre les navires espagnols. Les corsaires de
Barberousse3 sont devenus, après 1560, une grande puissance de la Méditerranée
occidentale agissant au profit des Turcs. Les escadres algéroises attaquent
l'Andalousie, l'Algarve, la Sicile, Naples, la Ligurie, le Languedoc. la Provence; c'est
l'âge d'or de Dragut : 8 galères siciliennes sont prises en 1561, 50 navire; en une saison
dans le détroit de Gibraltar la même année, 28 navires biscayens devant Malaga en
1566. Entre 1580 et 1670, Alger est capable d'aligner 35 galères et 25 frégate;, sans
compter les brigantins et les barques. Les pirates exercent aussi leurs activités à
l'intérieur des terres, en razziant de jeunes hommes et fellUlleS servant au commerœ
des esclaves.
La ville d'Alger est une place de commerce cosmopolite, mélangeant Berbères,
Andalous, Grecs, Italiens et Turcs, mêlant musulmans et chrétiens ~t renié leur foi
dans le trafic d'esclaves chrétiens et la piraterie.
À la fin du XVJe siècle, les places de Tunis et de Tripoli comptent aussi dans la
piraterie méditerranéenne. Cosmopolite comme Alger, Tunis devient une grande place
de la Course tout en gardant une certaine autonomie vis-à-vis de l'Empire ottoman;
quant à Tripoli, elle est plus directement sous le contrôle des Turcs qui occupent la
ville depuis 1551 .
Le Maroc est une puissance qui compte aussi en Méditerranée occidentale. Il
êchappe à la donùnation turque et s'efforce de contenir l'expansion des Portugais qui
se sont établis à Tanger, Agadir - 1504 - et Safi - 1508. Dans la deuxième moitié du
xv1e siècle, sous la dynastie saadienne, le Maroc atteint sa splendeur. Il anéantit
l'armée de Sébastien de Portugal qui était venu soutenir à Ksar-el-Kébir - ou

• Sur les bo.rba~squcs, von X de Pl.ANHOL , /.·a.dam ~t lu mrr. tLn ~ ~' 1~ Miil~«. nr--.\."'\"" ,ik{~J. Psis.~
1000,p. l~O·IRJ .

2 B. OENNASSAR cl J . JA C"QUART. /.t· XJ'r' .'f lt~ · h· . rnns , Armand Culin. 1990.
) "Bo.rbcroussc n'est en fait qu'un de..'!. n:rtt!'Cenlant~. le rtlL.. iU\L~~ san.\ doute. dt touœ llM' ~ dhoimma de met '{UI
marqucot une mutation n11pide des formes Je l'ncuon n1tvalc. Corsau'C's dans kun jeunes ....ca.. ~ ,.,._ l -· ·l '--dia..:
el._
aptricncc de la vie nautique. pui!iô la praHttuc des cmn:priscs ind1viducllc.s. 11s ''Ob' 9ChewT kur urritN cl.ftl ta œdrm. Ici
pl11.1 haul.I poMH, de la yr.ndc Onuc onomnnc". X de PLANHOL. L'if/°'" l!t lu ,...,,,_ tLa ~"' Ir...-.,_ t'U'~ ""1dd.
rana. rerrin, 2000. r '"" ·
Pllrtie 7 L' ltnl 1.-.mcurrrnn'

Alc•tz..\l\lUi'·ir - un prétendant évincé en 1578 : la bataille des Trois Rois dans laquelll'
disparnissenl trois sou\'crains - Sébastien de Portugal, son protégé et le roi du
Maroc_ inaugure le regne prestigieux d'AI Manc;our - 1578-1603.
L'.lllinnce discrete des Marocains avec les Espagnols se fait au détriment des
Portugais ; te Maroc reste aussi à l'écart du duel en Méditerranée entre les Turcs et les
E..;pngnols : il se consacre à sa politique atlantique et africaine, et lance la conquête du
Soudan en 1591 . L'Afrique commence alors à se vider en hommes, du fait de la saignée
de l'escl•wagc et voit son or s't'pancher au profit des Européens et des Musulmans.
Au XVl• siècle, le phénomène de piraterie en Méditerranée ne peut pas être séparé
de la politique des Êtats.
La situation géopolîtique est la suivante : les Turcs contrôlent l'essentiel de la
Méditerranée orientale tandis que les Espagnols tentent avec difficulté de régner sur la
Méditerranée occidentale, le détroit de Sicile constituant la frontière entre les deux
zones d'influence. En Méditerranée occidentale, les Turcs peuvent compter sur la
piraterie barbaresque pour affaiblir l'Espagne. D'autant que les Espagnols craignent de
''otr l<?S corsaires d'Alger et de Tunis venir donner la main aux morisques de Grenade
et du Levant qui sont restés musulmans de cœur.
Dans ce contexte d'affrontement bipolaire entre deux empires, l'Empire catholique
fruit de l'alliance entre les Espagnols et les Allemands, et l'Empire turco-musulman,
des puissances méditerranéennes comme la France et Venise jouent un jeu d'équilibre.
La France compte sur son alliance avec !'Ottoman pour deserrer l'étau
habsbourgeois hispano-germanique; Venise 1, puissance de la Méditerranée orientale
- elle possède Chypre jusqu'en 1573 -, qui est préoccupée par le maintien de ses
intérêts commerciaux et qui accuse le coup de la perte du commerce des épices en
Orient depuis que les Portugais ont dépassé le Cap de Bonne-Espérance, ménage les
Turcs afin que ceux-ci n'attaquent pas ses convois commerciaux.
Tout au long du XVJe siècle, les rapports de force en Méditerranée fluctuent autour
de cette confrontation stratégique bipolaire compliquée par les intérêts d'autres
puissances méditerranéennes.
Jusqu'à la fin du XV< siècle, la Méditerranée est restée un lac chrétien. Dans la
première partie du XVI< siècle, les Turcs progressent en Méditerranée : la prise de
Rhodes en 1522 chasse les chevaliers de !'Ordre de Saint Jean - qui vont s'établir à
Malte : ce sera !'Ordre de Malte2 qui constituera, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, un
verrou chrétien entre la Méditerranée orientale et la Méditerranée occidentale - ; la
montée en puissance de Barberousse aux côtés des Turcs entre 1535 et 1545 donne la
suprématie sur la Méditerranée aux musulmans3. Les puissances chrétiennes tentent
bien de s'unir : le pape. les Vénitiens et les Gênois alignent leurs bateaux aux côtés de
ceu>: de Charles Quint: mais la coalition, trop divisée par des intérêts particuliers,
échoue à Prevesa en 1538. En 1541, Charles Quint est défait lui-même devant Alger
qu'il ne parvient à prendre. En 1543 et 1544, la flotte turque passe l'hiver à Toulon
après s'être emparée de Nice. En 1551 Tripoli, prise par les Espagnols en 1510 et confiée
aux chevaliers de Malte, est reprise par les Turcs. En 1552, les côtes de Sicile sont
razziées; en 1553, c'est au tour de l'ile d'Elbe . C'est ensuite la période d'apogée de la
puissance barbaresque : prise du Penon de Velez en 1554, de Bougie en 1555 : échec en
1558 d'Wle incursion espagnole à partir d 'Oran qui coûte à l'Espagne

1 \'uar nocre i;cctwa oe~ il la thala.s50l..TI1tic "'Cniucnnc


2 \'OU'~ a.c:cuœ ~à la gCopohuquc de Malte.
) f BR.Al.JOB.., La l.:l.rd11rnuntt ri Ir! mondt' m~duerranérn o l 'cipoque dr I'hilippt.· Il. 9c CU .. Pun s, Annaml C olm , Le Livre
de pod:IC. 1990, l. U. Dari~ co/lraif,, f!t mou\-emrnu d 'rn.st!mble. Lo Afé diterrun.!e, p 226. "Lc!ii Tun:s alhés oux c:orsairci
~. cummudC:ii par le pha5 11lu.svc d'entre cu.11. . Barberousse, n!u.ssissaienl il se Sü1s1r de Io suprématie de p~ue hlUtc la
Méd:ilcnaCc . Cc fu.I u.n Cnormc C--.-Cncmc:n1 ..
(:1'"1ptlre 2. Le d~ft du cr•mc tnlcrni1lional 1161

12 000 prisonniers; désilstre de l'expédition espagnole de Djerba en 1560 contre Dragut


le Corsaire - 28 galères perdues sur 48 avec plusieurs milliers d'hommes.
L'année 1560 est l'apogée turque en Méditerranée; à partir de 1564, les Turcs
commencent cependant à subir des revers.

2.2. DcR cor!!aire!! aux pirateR: privati11ation


de la criminalité étatique
Le phénomène des corsaires n'est pas limité à la Méditerranée. Durant tout le
XVll 0 siècle, les flottes espagnole et portugaise qui ramènent l'or des Amériques vers
l'Europe sont attaquées par des corsaires pour le compte des Français, des Anglais et
des Hollandais.
Saint-Domingue est ainsi un véritable repaire de flibustiers ; la flibuste y appuie la
France dans son combat pour Je contrôle de l'ile au déhiment des Espagnols, à tel point
d'ailleurs que Pierre Chaunu a pu qualifier la flibuste "d'association internationale du
crime d'origine française"l.
La guerre de Course est politique : la grande majorité des corsaires est calviniste, y
compris les Français qui sont rochellois comme Levasseur, Legrand, l'Olonnois, et il
n'est pas faux de résumer l'affrontement des corsaires aux marins espagnols et
portugais à l'affrontement d'un bloc protestant à un bloc catholique. La France qui est
une puissance catholique utilise la politique protestante contre l'impérialisme
espagnol ; elle entretient aussi, grâce aux corsaires, une politique de lutte contre la
montée en puissance de l'Angleterre et des Pays-Bas. Ainsi le Français Jean Bart2
- 1650-1702 - qui a d'abord servi sous Ruyter en HoUande et qui est devenu corsaire
de la marine royale française, remporte-t-il des succès importants contre les Anglais et
les Hollandais. Louis XIV récompense Jean Bart de ses services en le faisant nommer
chef d'escadre en 1697.
Le fait corsaire est donc instrumentalisé et encouragé par les conflits de puissance,
ceci jusqu'aux traités d'Utrecht - 1713-1715 - qui mettent fin à la Guerre de
Succession d'Espagne3 .
Les traités d'Utrecht marquent l'achèvement de la situation de bipolarité du monde.
La Course dégénère alors en piraterie ; boucaniers et "frères de la côte" de la mer des
Caraïbes pillent désormais tous les navires, quelque soit leur nationalité.
En 1720, les rapports d'Am..irauté estiment à 2 000 le nombre de pirates en activité4.
Le phénomène menace la paix et le commerce mondial. Les nations décident alors
d'éliminer avec la plus grande fermeté ce qu'elles avaient encouragé_ Entre 1720 et
1730, quatre cents frères de la côte sont pendus. Ces pendaisons massives ont un effet
dissuasif et quasi-immédiat : en 1730, il reste environ 200 pirates actifs qui continuent à
écumer les mers.
La piraterie n'est pas abolie pour autant au xvme siècle; elle persiste dans l'océan
Indien et dans les mers de Chine. En marge de la route maritime des Indes, la piraterie

1 r CltAUNU, L '.-fmc.ôrry11-.·. p . 11 ::\ ,cite p ar D .S LA NDES. Rtdtt•.u r et paul'rl!'le tks l'klfiolU fPuurqwi ck.s ~ ., ~
rkspuu,·rr-t 7) , Pons. Albin Michel , 19~H . p . lfoO .
2 M. VCRGé.- fRANC ESC' l li . C hroruqu,· mur 11tm1· d.· Ici Fnmc·r- , f.4n c11·11 Rq: 11n1·. P&n!i. St: OES . 199?i. r !-03 - ~07 .
J Philippe V renonça.il à lu 1.:ouronnc Je Fnuu:1.· . Loui s XI\' n."\'\•1mn1ss.u1t la sut.'CC"SS\\10 prul.:S\antr J'Ang~ ec rÉlm:lcw de
Orandcbuura comme rm de rruii;sc ; il abunJonna1it plur.n: un plai n:~ - Tuumi11 , \prn ·-· a\L' PTu\U\lo.'Cft-.Uwn rt.1'AllM~
rccc-vail d'impononte!t ba!lcs mantun~ comme G 1h,..l1ur. Mrn~'nfuC . Tcm:-Ncu' cet r .\1.-. adtç
4 X . RAU FER . dir. , D1ctmmll1irr trchn i'lllf! r i critiq ue- ,k., nollW:ila ~-r.s , Pans. P L1 F . 1~~ . fi· :?13 .
862

se développe dans le Golfe arabo-persique 1 jusqu'à ce que les Anglais ne décident d'y
mettre un terme. Les traités successifs de 1820, 1835 et 1853 transforment la fameuse
"Côte des Pirates" située à l'ouest de la péninsule de Mosandam en Trucial Coast, c'e~t­
à-dire en "Côte de la Foi Jurée'" ·

2.3. P e rsistance de la piraterie


1
Jadis la piraterie s 'attaquait aux convois de navires chargés d or en provenance
d 'Amérique et faisant voile vers l'Europe . Aujourd'hui, les pirates s 'en prennent aux
cargos qui transportent l'or noir, le pétrole .
La piraterie connaît un regain d'activité depuis la fin de la Guerre froide qui
s'explique par le relâche m e nt du contrôl e militaire dans plusieurs r é gions du monde, et
par le fait que de nombreuses guérillas, ce ssant d'ê tre financées par l'un ou l'autre des
blocs belligérants, ont cherché de nouveaux revenus.
Dans la décennie 1990, le nombre de disparitions de cargos pétroliers a augmenté :
pour les seuls cargos européens, 3 ont disparu en 1989, 35 en 1990, 130 en 1991; entre
1993 et 1996, le nombre des cas a doublé. Le nombre d'agressions a été de 224 en 1996
et 229 en 1997 - avec plus de 50 morts3 . En 2001, la Chambre du commerce
international a enregistré 335 attaques et 21 morts. Cependant ces dernières années, le
nombre d'actes de pirate rie a eu tendance à diminuer. Entre le premier semestre 2005
et le premier semestre 2006, le Bureau maritime inte rnational a annoncé 127 actes•.
La plupart du temps ce sont de grands c argos e t des bateaux citernes qui mouillent
dans les ports qui sont aggress é s , mais 20 % des attaques s' effectuent en pleine mer5.
Les deux tiers des actes de piraterie en mer sont r é partis e ntre six régions : l'Indonésie
(33 en 2006), le Banglade sh (22 e n 2006), la Malaisie et le Golfe d' Aden (9 chacune), la
Somalie (8), Je Nigeria (7) .
Au large des côtes somaliennes - notam1ne nt à partir du Puntland _, des
miliciens issus de factions claniques, m e nant le urs actions à partir d e bateaux de pêche,
prennent en otage cargo et équipage et r a nçonnent les armateurs. La piraterie dans la
région est amplifiée par la décompos ition g é opo litique de la Somalie6.
La majorité des actes de piraterie est localisée e n mer d e Chine méridionale, entre Je
détroit de Malacca et Taiwan, e t m ê m e plus précisé ment dans Je fameux Triangle de la
Terreur: Hong Kong, Luz on - Philippine s - , île s de Haïnan - Chine.
Dans cette région, le trafic de cargos, porte -conteneurs, paquebots ou tankers à
destination notamment du Japon et d e la Coré e, est très élevé : 200 à 300 bateaux

J "Ce s populatio ns maritimes, entre la m er c l les d êsen s coi n cCes. n 'ont trouvé de ressources et de salut qu'en labouranl les
flots verts. (ls onl été marins et p êcheurs, pirates et tra fiquants d 'escl aves. contrebandiers d 'arme s et plongeurs de pnlcs..
successivement et en mè mc temps. Ils sont devenu s les nomades de la m e r. demanda nt au Golfe, leur patrie ado ptive, tout cc que le
c ruel désert leur refusait .H. in J.J . BE RREBY . L e Goljl! pers ique, m e r d e lëgende. rt!.~ervo ir d e p étrole, Paris, Payo t, 1959, p . 17.
2 X . de PLANHOL, Les Nations du Proplrê te . Manu e l géographique d e p o li1iq11e mus ulma ne , Pari s, Fayard, 1993, p. 1)9, f'I
M. BARTLEIT, The Pîrats of Trucial Oman , Londres, 196 6 .
3 X . RAUFER dir., Dictionnaire technique e t critique des n o u velle.\· m e nace.,·, Pari s, P.U .F ., 1998, p. 209.
4 AFP . 2110712006 .
S Libüation, 13 août 2002 .
6 Toutefois, en 2006 , la montée en force des tribunaux is lamiques (mouvement islamiste radical proche d' Al Qaida) somble
devoir être un frein à cette piraterie . En aoOl 2006, les tribunaux islamiques ont pris le c ontrôle de la ville cfüière de Har.dc.R. dlDS
te centre de la Somal ie, et annoncé qu' ils allaient protéger la population contre les pirates.
Caraïbes et nord de l'Amérique latine ~ 111. La piraterie internationale
( 19 attaques)
Les attaques, peu repandues mais brutales, se
caractérisent par l'abordage de navJTes ~
transportant des passagers ou des bateaux de ~~
plaisance (yachts ou voiliers). Le Skipper Peter ~"o~d,.8\_
Blake a été tué lors d'une de ces attaques en
décembre 2001 , à )'embouchure de l'Amazone l
1JJff)'-r-!.
V . ri~

\:J -· :

Asie du Sud-Est
(223 attaques)
Il s'agit de la zone la plus dangereuse au monde avec
des attaques parfois accompagnées d'enlèvements. Les
eaux indonésiennes, avec 91 acres de pirateries en
2001, arrivent en première position. Viennent ensuite
l'Inde, le Bangladesh et enfin le détroit de Malacca
Façade atlantique africaine passage obligé pour les navires à destination du Japon.
(65 attaques)
Le nombre d' actes de piraterie violents ne cesse Corne de l'Afrique
d'augmenter, souvent accompagnés d'assassinat. Ils (27 attaques)
ont lieu avant tout au Nigeria, mais les pirates La spécialité des pirates som:iliens, tan·
sevissent dans toute la région, du Sénégal alAngola zoniens ou yéménites esl le rapt avec rançon
P"rlrc 7 L ' Êfa/(U'1Cllrrt•Hct

ch•que jour Le détroit de Malacca longe d'une part un archipel indonésien, constitué
de 7 000 tll'S qui sont autant de repaires de pirates incontrôlables, et débouche sur
l'archipel philippin qui compte 13 000 iles et ilots . L'ethnie malaise qui peuple pour
partie ces regions a une grande tradition de piraterie, mais les pirates se recrutent au•si
chez les Philippins, les Indonésiens, les Thaïlandais. Bien que le secteur indonésien soit
le plus dangereux, ces dernières années la piraterie a explosé surtout autour du
Bangladesh (notamment dans le port de Chittagong).
Outre les eaux de l'Indonésie, de l'Inde, du Bangladesh ou de la Somalie, juglu
parmi les plus dangereuses en la matière, le Golfe de Guinée constitue également une
zone d'essor de La piraterie.
l'ère coloniale avait quasiment aboli la piraterie, car les Français et les Anglais
contribuèrent à sécuriser largement les routes maritimes asiatiques . Mais à partir des
années 1970, le drame des b"11t-peoplc vietnamiens offrit des proies faciles aux pirates en
sommeil. Entre 1970 et 1990, les pirates se contentèrent d'attaquer les frêles esquifs de
fuyards, de les piller du peu qu'ils emportaient avec eux puis de les massacrer.
Outre le danger qu'elle fait peser sur la vie des hommes de la marine marchande et
sur des intérêts économiques, la piraterie maritime augmente au point d'être devenue
un facteur de risque écologique - l'attaque d'un pétrolier peut à tout moment se
solder par une marée noire!.
Enfin. un dernier facteur peut se combiner à la piraterie : le terrorisme. La jonction
entre réseaux islamistes et réseaux pirates est possible en Indonésie et aux Philippines.
En juillet 2002. la Thaïlande affirmait d'ailleurs que des membres d'Al Qaida avaient
tenté de se procurer des matériaux radioactifs sur des navires empruntant le détroit de
Malacca.

3. Les phénomènes sectaires

• t 'obscurantisme séduit de plus eu plus certains esprits rebutés par la complexité~ réalîtis
tedmologiques nouvelles, choqués par l'irrntionnellc horreur économique. 2 11

En 1930, )'écrivain Thomas Mann3 mettait en garde son époque contre la montée en
puissance des idéologies de l'irrationnel, des sectes et des pratiques
parapsychologiques.
- Les sectes ne sont pas un facteur nouveau de la géopolitique, mais leur emprise
sur les sociétés européennes est nouvelle .
- Certaines sectes ont été ou sont un outil de politique étrangère des États : nous
traitons id de l'exemple de la secte Moon au service des intérêts américains durant la
Guerre froide .

3.1. Permanence du phénomène sectaire dans le monde,


actualité en Europe

Les sectes sont-elles un nouveau facteur de la géopolitique? Nous répondons


d'emblée non ; depuis !'Antiquité, l'histoire religieuse est remplie de sectes• qui ont fait

l P. CHALK. Curtlt!mpur1Jri· marilim-.• pirur:y in Soutlrcol·t A.f'" • Univcnity ofQuccnslond, New York ; S1ud1es in conflict ~
ICmlNm. Dnsbanc, Amtnhc, 1997 .
2 1. RAMONET, Giittpolit141ue du chaos, Pans, Gali lée, 1997, 1(>4 p ., Jl. •J.3
) O.U uoc nouvclk mutul~ Mano cl les tJ'Ulgic1cns
4 H.C . PUECH dir , Hi.slom~ d~:J rt'ligtom , Gallimard. 1999, coll . "Folio cssois''.
Chlplln! 2. Lr défi du crime international

peser des dangeB sur la paix des sociétés humaines. Sedies sacrificielles eoaa les
Romains et les premiers chrétiens, Assassins d'Orient dont les pratiqua ~
les Croisés!, Ordre mystique des Ternpliers2, sociétés secrètes d'Occident aux pratiqul!9
occultes, réseaux initiatiques divers et variés: le phénomène sectaire ellt l'alliage de
trois constantes humaines : goùt du pouvoir absolu, amour du secret et du rilie,
inclination vers l'irrationnel.
En Asie et en Amérique, le phénomène sectaire n 'a rien de neuf. L'Aiiie p<l<9ède ane
vieille tradition de religions secrètes et puissantes. Quant à l'Amérique, eDe s'at faiœ
sur la défense de l'hérésie religieuse face à l'intolérance du Vieux Continent. Un pays
comme les États-Unis, enraciné dans le pluralisme religieux et fondé par de membres
des diverses communautés minoritaires persécutées en Europe par les ~
dominantes, n'a pas la même approche du phénomène sectaire qu'an pays comme la
France qui hérite à la fois d'une tradition catholique peu tolérante à l'égard de groapes
religieux dissidents et d'une tradition laïque qui, par hostilité à la domination
traditionnelle du catholicisme, a constamment cherché à lui oppœer d'autres culb!93.
En réalité, les sectes d'aujourd'hui ne sont ni plus originales ni plus épouvantables
que celles d'hier, mais leur puissance géopolitique en Europe occidentaœ est plm
grande que celle d'hier, et ceci pour au moins quatre raisons:
- la tolérance des sociétés démocratiques occidentales qui !End à mettre sur le même
plan religion et croyance ;
- l'amélioration de la communication transnationale qui favorise le développaumt
des réseaux et leur emprise sur les sociétés - utilisation d'Inœmet par les sectes - ;
- l'affaiblissement, au moins conjoncturel, du christianisme en Europe au profit
d'un synchrétisme irrationnel et de la pénétration de ouyances ou de philœophies
asiatiques comme le bouddhisme ;
- le déclin du sentiment d'appartenance à \Dle communauté nationale qui favorise le
remplacement par un sentiment d'affiliation à des communautés d'idées ou de
pratiques de nature transnationale.
Si les sectes constituent toutes une menace pour l'intégrité morale, spirituelle,
physique et financière des individus, elles sont aussi souvent une menace poar les
États, à l'image de Wacco aux États-Unis ou d'Aum au Japon.
La secte japonaise Aum Sinrikyo s'est rendue célèbre dans le monde entier en 1995,
par un attentat au gaz sarin perpétré dans le métro de Tokyo et qui fit U maris et
5 500 blessés ; si l'aérosol devant pulvériser Je gaz avait fonctionné, l'attattat amait pu
faire des dizaines de milliers de morts dans Tokyo.
Le procès des criminels sectaires révéla que la secte Aum disposait d'une armée, et
d'un laboratoire chimique et bactériologique; qu'elle avait envoyé au bâre, en 1992 et
sous une couverture humanitaire, une uùssion chargée de collecter des échantillans du
virus Ebola ; qu'entre 1993 et 1994, elle avait commencé à tester son projet d'apocalypse
provoquée en gazant des troupeaux de moutons dans un nmdi isolé de l'Australie
occidentale et qu'elle devait faire un attentat au gaz sarin aux États-Unis en 1996. Les
Japonais, s'ils ont poursuivi les auteurs de ces crimes, n'ont cependant pas enron!
dissous la secte.

1 Nous tt11îlons de ccUc secte dans p1u.si.CU('S sections du chapiett oooac:ré m. r.cti:m' ~ : du paial. dr ..._ de
l'"lanusmc ; du pçiml de \'UC Ju ..:hoc des c1v1lisatiocu et die I• pcn-q>Cion que tOccidtnt peul•~ dr: l'islmL
2 rhil1ppe Le Bel dc!lru1sit l'onlrc Ju Ternr1c en France . C-es1. un o.cmpk hffinmtiaa de rË111 Sllt le pDIMWft naa..:.œ
d'u.K soctélé sccttlc mitietu.{uc.
J f . LENOIR. •contnwcrscs à ("ropos des :s«tcs" 1n Le~ dipl~ "Mmifte de"""'"'· BO emln " e 19'S.
a.•48, p. 81 ~ E. BARKl:.R dir., Religiou..' Akn~'"'""3 a Pnsplh.·tiw {rN L'~. The &:lwm Mellm P-. l"'9 YM
Toronto. J9S2 .
866 P"rlit• 7. 1. ttnl
1
CONCUNt'1f('

Le problème des sectes suscite débat dans toutes les démocraties car il met en jeu
lrs notions de liberté et de responsabilité individuelle; les sectes elles-mêmes, comme
l'Église de scientologie en France, s'appuient sur une législation privilégiant les libertés
sur les menace,; collectives. Les sectes sont aussi vieilles que la manipulation mentale el
l'escroquerie ; ce qui est nouveau, c'est la tolérance dont les sociétés occidentales font
preuve à leur égard ; c'est cette tolérance qui rend les sectes puissantes ; c'est elle qui
fait des sectes un véritable facteur de changement des données géopolitiques.

3.2. La secte au service d'intérêts étatiques : l'exemple de Moon


Le révérend Moon est le fondateur de l'Église de l'unification; cette multinationale
dont les intérêts sont surtout basés en Corée du Sud, au Japon et aux États-Unis -
l'implantation date de 1972 - trouve sa puissance économique dans Je quasi-
monopole mondial du conditionnement et de la commercialisation du giseng - racine
d'une plante qui aurait des vertus tonifiantes - ainsi que dans divers commerces
d'armes - production d'armes américaines sous licence comme le fusil M .16 et le
lance-roquettes M .79 -, dans la banque, la pêche et un chantier naval.
L'anti-communisme du révérend Moon et l'absence de menace directe et globale
que Moon fait planer sur le monde occidental - même si, comme toute secte, elle
menace les esprits fragiles -, a fait de cette secte une alliée des États-Unis durant la
Guerre froide. La secte présentait en effet différents atouts stratégiques : d'abord une
organisation transnationale efficace, capable de passer au travers des mailles étatiques;
ensuite un groupe de presse international moderne - avec un journal important, le
Washington Times.
Moon réussit à créer en Amérique latine, Uruguay - Paraguay et Bolivie - un
puissant réseau anti-communiste disposant du soutien logistique américain. Durant les
ann~ 1985, l'Internationale anti-conunurùste de Moon soutient la politique volontaire
du p~ident Reagant.
Ce lien direct entre Moon et la politique étrangère des États-Unis a souvent été
utilisé pour tenter de montrer que l'Amérique était un pays sectaire. Or on sait bien
que l'immense majorité des Américains vit libre et sous l'emprise d'aucune secte; les
Américains sont certes tolérants à l'égard des sectes, mais ils sont, dans leur immense
majorité, protestants et catholiques, n'appartiennent à aucune secte et exercent leur
libre-arbitre.
L'Amérique utilisa Moon durant la Guerre froide de la même façon qu'elle utilisa le
fondamentalisme islamique; il valait mieux à ses yeux que les esprits fragiles et
capables d'aliéner toutes leurs libertés se tournent vers Moon ou les islamistes que vers
une autre idéologie qu'ils combattaient en priorité, le communisme.
C'est au nom de ce réalisme géopolitique, et non par sympathie idéologique, que les
services spéciaux américains utilisèrent l'arrne sectaire, en Amérique latine notamment,
où ils instrumentalisèrent non seulement Moon mais aussi des sectes protestantes
extrémistes.
Nous retombons là encore dans le débat de la fin et des moyens : est-il concevable
lorsque l'on lutte contre une idéologie qui aliène l'homme, d'en utiliser une autre qui
l'empoisonne également? C'est tout le débat de la morale et de son rapport avec la
géopolitique. Les catholiques dogmatiques reprochaient déjà à Richelieu de se faire

~ J.F. BOYER c1 A . ALEM , "L'm1cma110n•lc M oon" m Le Munile Ji11lrm111tù1m·, "MuniCn: Je vuu·" , n"4 M, p. Hl Moon et
c.... -nom de l'lntcmauonalc arni-<ommum11c fondtc en 1980 à Nc:w York par le révtrcml Moon -- ont uffcn 4 milhom de
dollan .ua. pu&acba.t• de 19al0 cl daM Ica mu1s rmivanl6, SO OOU hvrcs Je l'Ëg llsc de sdcnto logic uni ~tC achcmin~ J'Un.iauay l LI
Pu s-r l'US Air Force
a..pltre 2. Le dMI du crime International

l'allli! des princes protestants allemands ou de l'infidèle ottoman pour combattre le


catholique espagnol.

4. Cyber-menaces: de la cyher-violence
sur l'homme au cyber-terrorisme
contre les États et les économies

La révolution de l'information que constitue Intemetl porte au!l6i ses menaces.


Parce qu'elles sont détenitorialisées, et donc affranchies de la géographie, les cyber-
menaces sont par essence en dehors, ou au-delà, de la géopolitique. Mais lems
conséquences sont du domaine de la géopolitique car elles touchent à la puis6anœ et à
la sécurité des États.

4.1. Cyber-violence et effet débilitant sur les populations


L'un des facteurs - parmi tant d'autres - de la puissance d'un État est en effet le
degré de solidité morale d'un peuple, l'état mental de sa population.
Le développement d'Internet pose le problème d'une nouvelle culture de violenœ
et de dégradation de la dignité humaine diffusée à grande échelle. En donnant dans
une dimension virtuelle un sens ludique à des actes aussi graves que la persécution et
la mise à mort d'une personne ou d'un peuple - il existe des jeux qui font l'apologie
des camps de concentration et qui prétendent faire des crimes contre l'Humanité un
motif de distraction - , la cyber-violence pose un véritable problème de 5iD1lé
publique. La banalisation de la barbarie, le mépris de la vie humaine, et de la pen;mme
humaine conçue comme pur objet de déviances sexuelles - la cyber-pornographie est
accessible sans contrôle à n'importe quel enfant ou adolescent qui sait manier
Internet - sont en train de causer des dommages peut~tre irréversibles sur les
structures psychologiques et affectives de nombreux internautes; dans les années 1980,
quantité d'études montrèrent le lien direct entre la consommation excessive de violence
télévisée et le glissement effectif vers la violence réelle ; encore y avait-il moyen de
contrôle sur les contenus télévisuels. Ce moyen n'existe pas, ou n'est pas appliqué
encore à Internet qui dispose donc d'un potentiel de destruction immense sur les
personnes mal, ou pas encore, structurées.
Si rien n'est fait pour protéger les internautes - dont le nombre est croissanl: et qui
passent un nombre d'heures en ligne toujours plus important - contre la cyber-
violence et le cyber-sexe - notamment dans ses fonnes extrêmes comme le viol. la
pédophilie, la zoophilie - , la cohésion des peuples occidentaux risque fort de
connaître une dégradation sensible. Soljenitsyne prédisait qu'on asservirait plus
facilement les peuples par la pornographie qu'avec des miradors et des barbelés.
En France, la recrudescence, dès la fin des années 1990, des crimes atroœ5 CQIDIJÙ5
par des adolescents et des viols collectifs de lycéennes2, était prévisible : elle est la

• Qui nt loin de concerner tout le monde : "'En 1WS. le nombre d"ontin..~ pcTSOll.DCb en m.a&'C' dlm:s ~ i:DDDdc ctait
d'environ l KO mllhons, pour une ropulalion glubolC' de prcsq~ b nulhanls J"mdi:ndu.s.. l..& pos.ubititie ~ i lDœmel' ftUI d.:a:
limi1Cc 6 l % de pcn.onncs. En l'NS . seul un petit nom1'n: de pa~~ ri~hft. ~&ant mvirœ 15' Je la pqMlllliaa moadâak.
.........
J'OISâ.lo1cn1 environ lc!j trois quan.s Jcs pnnciP41C'S lign1..-s 1('lq,hl)n1qlJC'$.. sans lcsquc:Ucs oo oc pcUI Jamais M..~• Pfm
do l9 moiûé de la planè'c ne s'Ctail ju.mais scr.-ic tJ'un tèlephune"'. l. RAMONET, Gftlpo/1a4tw dit o'lrcms. Plril. a.liJR. 1997,
r· t47 .
:? Abominalion nommée "tourname".
868 J'nrt1r 7 L'lt11I con'11rrmri

résultante monstrueuse de plusieurs facteurs : l'idéologie libertaire semée en 19611, le


ronsumérisme libt'ral, l'échec de l'intégration, la démission de l'État.
La civilisation s'est affrontée à la barbarie bien des fois dans l'histoire; de nouveau
les Barbares revtennent à l'assaut de la civilisation ; cette fois-ci, ils n'affrontent pas la
ci\'ilisation de face, mais par l'ouverture de milliers de micro-fronts 'en ligne' qui
viennent semer, dans les foyers occidentaux, leur culture de haine, de mort, de mépn•
de l'humain. de négation des dignités propres de l'homme et de la femme .
l'une des futures lignes de défense de la civilisation sera la lutte contre ce Mal "011
line•. Durant des siècles, les parents apprirent à leurs enfants à faire attention aux
personnes qui les abordaient dans la rue ou à la sortie de l'école; sauront-ils leur
apprendre à qui parler par l'intermédiaire du mail, de l'!CQ, su SMS, ou par tout autre
mode de dialogue électronique ? Car les criminels ne rôdent plus uniquement sur les
chemins physiques de l'école, ils naviguent aussi sur les chemins virtuels de
l'éducation.

4.2. La menace du cyber-terrorisme


Dans la géopolitique classique, un État protégeait ses infrastructures publiques et
économiques par des frontières qu'il sécurisait. Mais l'architecture de la puissance n'est
plus uniquement faite de pierres ; désormais, elle est aussi informatique.
La men.ace que fait peser le cyber-terrorisme sur les infrastructures informatiques
des États - et les connexions économiques de ceux-ci entre eux - est celle du
sabotage des réseaux, du pillage de l'information ou de son espionnaget. le monde
craint de plus en plus les lrackers, ces nouveaux pirates de l'informatique, et la
conséquence de leur activité: le développement d 'une insécurité informatique.
Si les hackers agissent plutôt dans le domaine économique, certains groupes
terroristes frappent déjà les réseaux informatiques des États ennemis. Ainsi, en août
1997, le groupe terroriste des Tigres tamouls a lancé une cyber-attaque virulente sur le
réseau informatique reliant les ambassades du Sri Lanka entre elles2.
Pour répondre à la criminalité internationale, rien n 'empêche les États d'utiliser eux
aussi la cyberattaque. Les Américains ont ainsi autorisé un programme de guerre
cybernétique dirigé contre les narco-traficants. Les lenteurs de la justice, la difficulté à
aligner des preuves profitent aux trafiquants; qu'à cela ne tienne, les hackers au service
de la C.I.A. et de la N.S.A. - c'est-à-dire l'équivalent des corsaires d'hier qu'il faut bien
différencier des pirates - pourront saboter les programmes et les logiciels des banques
abritant les intérêts des narco-traficants - par infection des fichiers bancaires.
Au-<ielà même des attaques par virus et bombes logiques, les réseaux informa-
tiques peuvent être exposés à d'autres menaces3 :
- l'usage terroriste des impulsions électromagnétiques susceptibles de détériorer les
puces informatiques ;
- un algorithme non linéaire nommé Blitzkrieg - datant de 1998 - permet de lutter
contre la pénétration illicite des hackers dans les réseaux informatiques, via Internet ; à
la moindre intrusion, Blitzkrieg émet un "virus tueur", endommage de manière
irréversible le sofware et le hardware de l'ordinateur. Nul doute que ce Blitzkrirg

1 X. RAUFER. du., Dictionnaire trchniq11e d <rillque dt!.1 n o uvelles mem:Jt.'e.,·. Pons, P U .F., 199H , p 79
u.1.... p. 81.
l K.. K.ELL Y, OuJ of contrai : the new brology of machines, soc:tul Jy.fit~ms und the econrunlc world, Ét.at1-Uni1, AddllOD"
Walcy pübhlben , I~, D. HERSKOVITZ. '"Killing them i.ofily ncw clcctronic worforc uppltcation" m Joum•I of clcctnm:
tkf.cmc. vDI. 16. n"8
Ouipitre 2. LI! d4'fl du crime inll!TNltlonal 869

proliférera lui aussi - comme la technique nucléaire - et tombera dans des mains mal
intentionnées.
Un combat mené entre plusieurs États par usage de ce type d'armes se révèlerait
l'Xtr~mement destructeur pour les infrastructures des pays touchés.
CHAPITRE 3

L'ÉTAT ET LA MONDIALISATION

"Sur /es routes intcnninab/es et uides du Sud algérien, entre Laghouat et Ghardaiil, j'ai gardé
Ir souvenir de ce d1auffe11r arabe qui, aux heures prescrites, bloquant son autocar, abandonnait ses
11as~n~~t..·r:-: à leurs pensées et accomplissait, à quelques mètres d'eux, ses prières rituelles. 11 1

Il convient au préalable de souligner que la grande majorité des États gardent leurs
prérogatives de souveraineté : frontières, armée, monnaie, justice, politique étrangère,
politique économique ... La remise en question des attributs de souveraineté dans Je
cadre régional ne concerne en fait qu'une partie minoritaire des États du monde ; en
revanche, la question de la souveraineté se pose de manière générale quant aux
dynamiques d e globalisation économique.
Nous posons ici le problème d'une mondialisation souvent postulée comme étant
une dynamique spécifiquement contemporaine et qui serait de nature à marginaliser le
rôle des facteurs géopolitiques traditionnels. Nous soulevons aussi le problème de la
régionalisation, en gardant à l'esprit que mondialisation et régionalisation sont deux
dynamiques liées à bien des égards.
On peut définir la mondialisation comme étant l'échange généralisé entre les
différentes parties de la planète, l'espace mondial étant alors conçu comme un espace
libre de transaction et de circulation des hommes, des capitaux et des marchandises.

1. La mondialisation, c'est vieux comme le monde


11
Tous les obsen.IQfeurs, tous les voyngeurs, enthousiastes ou maussades, nous disent
l'unifonnisation du monde [. .. ). Le monde d'hier avait déjà ses uniformités; la technique - et
c'est elle dont on voit partout le visage et la marque - n'est assurément qu'un élément de la vie
des hommes. "2

Dès 900 av. J.-C., les Phéniciens3 développent une dynamique de mondialisation,
dans le cadre d'un système-monde qui est la Méditerranée. Ils installent Jeurs
comptoirs sur Je pourtour méditerranéen et répandent un alphabet commun qui leur

1 F. BRAUDEL. Écrits sur l'hüloire, rééd ., Paris, Flammarion, 1984, p. 308.


2 F. BRAUDEL, Écrits sur l 'hi.doire, rééd ., Paris, Flammai-ion. 1984, p. 306 . "Ln vie csl volonliers contradictoire : le monde
est violemment poussé ve rs l'unîtC ; en même temps, il reste fondamentalement divisé. Ainsi en Ctoi t· il hier déjà : unité et
hétérogénéité cohabitaient vaille que vaille. Pour ren verser le problème un instant, signa lons cette unilé de jadis que tnnt
d'observateurs nient aussi catégoriquement qu'ils affirment l'unit é <l'aujourtl'hui. Il s pensen t qu'hier, le mo nde êtoît divisé contre lui.
même par l'immensité et la difficulté des dîst:mces : montagnes, déserts, étendues océaniques. écharpes forestières constituaient
autant de barriêrcs rée lles. Dans cet univers cloisonné, la civ ilisation étuit forcémen t diversité. Snns d oute, mais l'histo rie n qui se
retourne vers ces âges révolus. s'il étend ses regards au monde entier. n 'en perçoit pas moins des ressemblances étonn11ntcs. des
rythmes trës analogues ;i. d es milliers de lieu" de distam:e. La C hine des Ming, si crucllcmçn t o uverte nux .:uerrcs d'Asie. est plus
proche de la France des Valois, assurément, que la C hine de Mno T sé roung ne l'es t de Io Fmnee d e la y.: République", /df!m, p . 308.
3 Voir les sections que nous avons consacrées à ln thalassocratie phénicienne .
1172

permel de vendre plus facilemenl. Pour se convaincre de l'ancienneté du phénomène, a


Hm besoin d'évoquer aussi 1.1 Grèce, l'Empire romain, l'islam des conquêles, puis
l'interdépend.1nce des reseaux de la Papauté, la bulle financière des Templiers, le
commerce mondial de l'or américain dans les galions espagnols et portugais 7
Au .-ours des siècles, l'ensemble des États, des cités, des empires sont venus a
s'inlégrer dans un mème système-monde, suivant une logique d'homogénéisation des
relations économiques. Les cilés-États italiennes dont l'activité commerciale
décloisonnait l'Orient el l'Occident n'eurent-elles pas une fonction mondialisante 1 Les
Grandes Découvertes, la Révolution industrielle et l'ère de la colonisation
n'accèlérèrent~lles pas aussi le décloisonnement des économies et des échanges ? Et si
l'entrée en scène des États-nations modernes s'est faite par le recul simultané de la
transnationalité financière et religieuse et des féodalismes et clanismes locaux, il n'en
reste pas moins que les États-nations n'ont cessé de travailler eux-mêmes à
l'internationalisation des échanges économiques.
Si nos sociétés parlent aujourd'hui davantage de mondialisation, c'est parce qu'elles
n'acceptent plus ce qui est naturel, le changement dans les domaines politique et
économique en fonction des données variables de la puissance, et qu'elles vivent sur la
notion d'acquis. La France a des siècles de puissance derrière elle ; elle reste une grande
puissance, mais cette puissance n'est pas acquise ; certains semblent Je croire qui
soutiennent le conservatisme social, économique ou croient protéger le statut mondial
de leur langue en se battant contre les moulins à vent de la mondialisation alors que la
force du Français dans le monde ne dépend que de la puissance de la France dans le
monde.
Le raisonnement géopolitique s'appuie sur une donnée du réel incontournable,
qu'aucune tentation idéologique ne peut voiler : le monde a toujours été et resle
concurrentiel en termes de puissance. Dans ces conditions, le discours de la
mondialisation participe d'une mentalité figée dans un âge d'or, presque muséale tant
elle cultive la nostalgie d'un passé préservé et présente la concurrence comme une
donnée nouvelle.
Ce que nous croyons voir comme une nouveauté, la mondialisation, n'est qu'un
nouveau contexte de puissance depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, nouveau
contexte qui a placé les États-Unis au premier rang de la puissance et a relégué les
puissances traditionnelles d'Europe en arrière.

2. Les luttes pour le contrôle de la mondialisation dans


l'histoire : quelques exemples

•En pmniu jt crois rn /'Ernpire britannique, et en second lieu je crois en ln race britarmiqut.
f• crois qut la ract britannique est /a plus grande des racts impériales que le monde ait cormues. /t
dis ctla 11011 comme u11t vaine vantardise, mais comme une clwse prouvée à l'évider1ce par les
surets que nous avons remporlés en ndministrant les vastes possessions reliées à ces petites ;'les, ~t
je crois donc qu'il n'existe pas de limite à son avenir. 0

/ot Oum1btrlai11, Prernitr ministre britarrnique, au Royal Imperia/ lnstitute, le 11 rrovtmb,..


1895.

Dans cette partie nous montrons la constance à travers les siècles de l'effort de
mondialisation des idées et du commerce :
- la recherche de l'Empire universel de Dieu et de l'or au XVIe siècle;
(!>lpttre 3. L'i!!Jllt et la mondlallaahon

- Io Première Guerre mondiale analysée en tant que confrontation pow' la place de


première puissance mondiale : 1914 les rai.!lons de l'éclatement; 1916, le tournant dam
la hiérarchie de la puissance.
- Yalta, en 1945, est le point de départ d'une nouvelle lutte entre deux
mondialismes : celui de !'U.R .S.S. et celui des État&-Unis.

2.1. Monarchie universelle et mondialisation marchande


au XVIw siècle•
Pour comprendre le grand remue-ménage qui agite le monde il la sortie du Mayen-
Age, il faut lire la Géopolitique du XVI• siècle que Jean-Michel Sallmann publia en 20032.
Voilà enfin un historien des Relations internationales qui ne cède pa& à
('européocentrisme fréquent des auteurs de la matière, pas plus d'ailleurs qu'au refus
idéologique des facteurs ethniques, culturels et religieux. Avec lui, l'histoire mondiale
ne se réduit ni à la lutte des classes ni à la "domination du centre occidental" sur les
•dominés du Tiers-monde".
Dans la deuxième moitié du xve siècle, le Vieux monde ignore l'exÎStl!Dœ de
l'Amérique, de l'Océanie et d'une large partie du continent africain. L'Europe et le
monde musulman croient dans l'universalité de leur vérité religieuse, mais le l2n'ain
d'affrontement se limite à la Méditerranée, aux Balkans et à la périphérie ras&e.
Avec les Grandes Découvertes, le xvte siècle s'ouvre sur tme révolution
géopolitique. Désonnais, l'Europe chrétienne peut contourner un monde musulman
dont elle combat l'impérialisme religieux et politique depuis des siècles, et ces&er de
composer avec lui pour s'ouvrir au commerce de l'Asie.
Une des grandes constantes du monde européen puis occidental se met alors en
place : la recherche de l'empire du monde, sur le commerce et sur les idées. De
chrétiens et des épices : c'est ce que Vasco de Gama dit être venu cherdœr lorsqu'il
débarque à Calicut. Et comme l'écrit Jean-Michel SaUmann, "jamais les Portugais et les
Espagnols ne dissocieront ces deux aspects de ce qu'ils considéraient comme tme
mission providentielle : la conquête des marchés mondiaux et la conquètl! des àmes
par l'évangélisation, à la fois préalable à leur domination politique et son
aboutissement. 11
La construction des empires portugais et espagnols du XVle siècle obéit à une
volonté messianique. Les Portugais rêvent du royaume légendaire de Jean. situé dans
la Come de l'Afrique, et veulent prendre les Turcs à revers pour libérer les Lieux
saints. Détourner le trafic des épices vers l'Europe n 'a pour seul but que bâtir im
empire chrétien urùversel. Côté espagnol, la Reconquista mène directement à la
Conquista. Les Rois catholiques de Castille sont nourris de l'esprit de croisade qui
imprègne les mentalités ibériques à la fin du Moyen-Âge. Mais face à une telle
concurrence pour l'empire chrétien du monde, l'Église doit légiférer. Dès 1494, par le
fameux traité de Tordesillas, le pape instaure une bipolarité des futurs espaces
catholiques : au Portugal l'inconnu à l'Est, à l'Espagne l'inconnu à l'Ouest.
Tout au long du XVI" siècle, les deux puissances ibériques concurrentes ébauchent
un gigantesque empire mondial. Empire commercial des Portugais fait d'une ligne
continue de comptoirs allant de la Mauritanie jusqu'au Japon. Empire territorial des
Castillans couvrant les Antilles, les hauts plateaux de l'Amérique le long d'une dorsale
s'étalant de la vallée de Mexico au Chili. Association des deux empires ensuite,

l À. panu J'un unu.:lc tlc l ' uuh:ur puMiê Û41.\N lu. Su1t\'l' llc.· Hc.• \ 'U t! .l ' llf..\·tu•~. n J7. ju.illc-1--.xl.1.1003.
2 Jean-Michel Sallnut.nn, GW:opfJ/ith/~•· ,h,, .\Tr' .vi*'-:k . J4W.).. /(I/ .~ . PomL.,. Se1.1il • .?003 .
Plfrtit' 7. L' Êtal coucunruci

l'Espagne absorbant le Portugal. et formant ce que l'on appellera, au début du


XVIJ•siède, la Monarclùe catholique universelle, soit un Empire territorial euro-
atlantique doublé d'une série de comptoirs sur les côtes de l'Afrique, de l'Inde, de
l'lnsulinde et de l'Asie extrême. Une sorte de projet planétaire dont la carte ressemble à
s'y méprendre à celle de la domination américaine que l'on connaît aujourd'hui, à la
différence près que son moteur de puissance est européen.
Ce que Olarles Quint commande, n'est d'ailleurs pas une Europe-puissance -
privée d'une France qui refuse déjà la logique des blocs - mais bien un espace euro-
at!Antique. Au XVI• siècle, par le feu des canons ibériques, les banques italienne et
allemande s'offrent les man:hk émergents de l'époque, l'or américain et les épices
asiatiques. Elles annoncent l'essor d'un capitalisme mondialiste se transportant
de sikle en sik.le, d'une superpuissance à l'autre, de l'ibérique à l'anglo-saxonne, des
canons espagnols aux canons américains, rêvant d'un espace mondial de l'argent sans
frontière politique et sur lequel règnerait l'unique vérité, religieuse au XVI• siècle,
idéologique au XXI• siècle.
L'islam aussi aspire à l'empire universel de la foi et du commerce. Ne s'est-il pas
étendu considérablement depuis la prédication de Mahomet au VII• siècle, sous l'effet
du sabre et d'un grand commerce international étendant ses réseaux marchands des
confins de l'Asie centrale jusqu'aux franges de l'Afrique subsaharienne? A tel point
qu'à la fin du XV• siècle, l'Empire ottoman paraît aussi invincible que l'Empire
américain du début du XXI• siècle, tant les forces de son armée et de son idéologie sont
grandes. Passa~ obligé du commerce entre l'Europe et l'Asie, il tire sa puissance d'une
géographie médiane qui le rend incontournable, d'une rente de situation comparable à
la rente pétrolière des pays du Golfe au XX• siècle.
En Méditerranée occidentale, la résistance de l'Europe chrétienne à l'impérialisme
islamique s'appuie tout à la fois sur un ordre transnational, les chevaliers de Saint Jean
de Jérusalem, et sur une alliance multinationale qui se refait régulièrement, la Sainte
Ligue, laquelle triomphe à la fameuse bataille de Lépante en 1571. Mais cette résistance
frontale contribue moins à l'endiguement de l'islamisation que la révolution
économique et stratégique mondiale provoquée par le contournement de l'islam. Sans
l'ouverture des routes maritimes et la découverte de l'Amérique, et par le fait même
d'un islam placé au coeur des routes de l'économie mondiale, en Eurasie et en
Eurafrique, une mondialisation islamique plutôt que chrétienne eut été probable.
Il y a donc bien, depuis le XVJ• siècle, une continuité dans la recherche de l'empire
mondial des idées et du commerce et dans le choc des civilisations qui en résulte. La
richesse du texte de J.M. Sallmann illustre l'idée que l'histoire est la résultante des
logiques distinctes de la nation et de la civilisation, de leur action en propre comme de
leur instrumentalisation réciproque.
Ainsi, sous les bannières respectives de la Chrétienté et de l'islam, deux réalités
particulières se dissimulent-elles : les impérialismes ibérique et ottoman auxquels on
ne saurait réduire la totalité des mondes chrétien et islamique, ensembles différenciés
politiquement et religieusement. Ainsi trois grands empires islamiques traversent-ils le
XVI• siècle, l'Empire ottoman, l'Empire safavide - l'Iran chiite - et l'Empire moghol,
sans compter les sultanats ou royaumes indépendants, chacune de ces constructions
politiques étant animée par un peuple ou une coalition de clans. De cet islam multiple,
les Européens jouent, comme ils avaient joué durant les Croisades déjà des divisions
entre Seljoukides el Fatimides. N'est-ce pas le Portugal, qui, au moment où, face aux
Ottomans, il incarne la lutte de la Chrétienté contre l'islam, compose avec les
musulmane d'Inde et reçoit du moghol Akbar le monopole du pèlerinage vers la
Mecque? Et que dire encore de la France, qui pour échapper à la tenaille du Sainl-
Empire, et bien que catholique, choisit l'alliance avec l'Empire ottoman el l'entrée dans
Ow:plttt 3 . L'~tat et ln mondtaU.sabon

son "organisation mondiale du commerce", le système d"9 capitulatiONJ? Ou· de


Venise, touchée de plein fouet par l'ouverture dl!!I routes océaniques et qui partage -
intérêts avec l'Empire ottoman? Ou bien encore de l'Anglelel'Te qui cherche l'aJIJanœ
de revers par delà l'Empire euro-atlantique et l'Empire ottoman, ju!lque dana l'rnan des
Safavldes 7 Faut-il alors confondre avec un quelconque "intérêt comnnm de la
Chrétienté", cet impérialisme mondial d"" Ibériques qui s'opposa, militain!ment,
politiquement et commercialement à l'impérialisme des Ottomans, et qui. daœ Je
même temps, sut s'E!ntendre avec les Safavides et des Moghols ? Peut-on affirmer que
la politique ottomane de la France attenta plus à l'intérêt général de la Otrét:intté que
la politique portugaise de protection des routes du pèlerinage à la Mecque?
En réalité, la notion d'intérêt commun de la Chrétienté que J.M. Sallmann défend
implicitement n'échappe pas à un présupposé très contemporain, qui devient
anachronique lorsqu'il est plaqué sur le monde du XVI• siècle. Peut-on en effi!t
postuler, en toile de fond de l'analyse historique, une Europe politique virtuelle et
considérer les réalités nationales comme d"" divisions? Cest, de fait, pointer d'an
doigt accusateur l'égoîsme national d'un François Jer et lui opposer la défense d'un
intérêt commun de la Chrétienté sous la bannière d'un Charles Quint Or, anrune Je
reconnait J.M . Sallmann, l'entreprise impériale de Charles Quint fut réaliMe sous Je
coup des circonstances, par le hasard des alliances et successions, et non sous l'empri5e
d'un quelconque dessein européen. Elle fut empirique, et si elle épousa un plan œ fat
celui de l'Empire sur le monde, non celui de l'Empire sur l'Europe. Charles Quint, œ
n'est pas l'Europe, c'est le bloc transatlantique, de la même façon qu'aujoard'hui la
construction européenne n'est pas un processus de maturation d 'une Europe pUÎSl!laDœ
mais une agglomération progressive au moteur américain. Et puis, l'Empire chrétÜ!n
du XVJe siècle est composite : les territoires y conservent leur langue, leur.; institutions,
leurs systèmes judiciaires et fiscaux : l'on est bien loin donc de l'wûté-unifonnisatiun
européenne dont certains rêvent aujourd'hui .
J.M . Sallmann offre au lecteur quelques éléments permettant d'éviter la réduction
de l'Histoire au seul choc des civilisations, sans pour autant nier la centralité de œlui-ci
dans les dynamiques historiques. L'auteur lui-même reconnait que c'est la concurrenœ
entre les nations qui fit la supériorité en puissance de la civilisation européenne sur les
autres civilisations ; que c'est cette concurrence qui, à la fin du XVJe siècle, et pour
remettre en cause le monopole outre-mer d e l'empire ibérique -Castille et Portugal-, fit
franchir aux Européens un palier technologique et leur permit de dépasser l'Asie; que
ce sont ces guerres intra-européennes qui provoquèrent la militarisation croissante des
nations d'Europe et donc l'augmentation de la capacité militaire globale des Européens
face au reste du monde . Alors que l'islam s 'épuisa dans la construction de grands
empires continentaux tous plus éphémères les uns que les autres, que l'effort
d'unification de la Chine et sa défense face à l'impérialisme turc-cHnongcl détourna
sans cesse celle-ci de la mer, les nations européennes consacrèrent leur énergie à la
maîtrise de la puissance maritime et à la domination du commerce mondial.
L'avantage technologique sur la mer, et la puissance de feu, voilà les deux grandes
forces qui assurè rent aux Européens la prépondérance. L'artillerie permit aux
Espagnols de venir à bout des armées amérindiennes, innombrables mais
technique ment inférieures. Avec le mousquet, les Portugais purent tenir l'Afrique utile,
celle des côtes. La puissance de feu ne reste-t-elle d'ailleurs pas, aujourd'hui,
l'instrument essentiel de domination de l'Empire euro-atlantique, face aux masses
islamiques et asiatiques ?
Le Moyen-Âge chrétien prépara la fonnidable explosion d'intelligenœ technique
qui allait donner l'avantage à l'Occident moderne. Tres tôt cependant. l'islam et l'Asie
surent s'approprier les résultats de l'ingéniosité européenne. Les transfens de
876 1'a,-1fr 7. L'tlol cnncurrmti

technologie se firent par le fait de renégats passés au service des musulmans ou des
asiatiques, ou tout simplement par les résultats des rralpoliliks notionales, divulguant
les secrets de leur propre supériorité technique. Au début du XXIe siècle, le problème
reste enher avec la dissémination progressive dans le monde musulman et en Asie des
procédés de fabrication d'armes de destruction massives. Là encore, permanence de
l'homme occidental, tout à la fois ingénieur et transfuge. Le flot hémorragique des
transferts de tedmolog1<> et des brevets cédés ou piratés continue de couler d'Occident
vers l'Orient. la plupart des combattants islamistes dotés de compétences techniques
ont été iormë5 en Occident. Et si la Chine devient demain une puissance spatiale, elle le
de\'Tll à un apport massif d'ingénieurs russes.
L'un des enseignements centraux du livre de Salln1ann, est que, non seulement la
logique civilisatiorutelle fut l'instrument de logiques nationales, mais les logiques
nationales elle-mèmes furent rattrapées par le poids des fractures civilisationnelles. Au
X'Vl• siècle, la France est confrontée à deux grandes questions : à l'extérieur, l'Empire, à
l'intérieur, le protestantisme. L'opposition à l'Empire permet d'évacuer les divisions
internes qui menacent d'implosion le Royaume. Étrange permanence de l'histoire en
vérité. Au début du xx1e siècle, la France affronte deux défis géopolitiques de grande
ilmpleur: à l'extérieur, l'Empire euro-atlantique qui la prive d'espace d'influence, à
l'intérieur, l'islam. À cet égard, qui pourrait assurer que l'affaiblissement prévisible de
la cohésion interne de la France, dans les années à venir, sous le poids excessif de
l'immigration musulmane, ne sera pas un facteur d'opposition croissante au reste du
monde occidental ?
Face à de telles contradictions religieuses, et dès le XVIe siècle, les pouvoirs
s'attachent à des lignes politiques qui dépassent le confessionnalisme. "Le parti des
politiques" fait floraison partout, dans l'a.ire chrétienne comme dans l'a.ire musulmane.
Chez le Français comme chez le Moghol lequel, pour installer l'islam en Inde, compose
avec l'hindouisme. Inversement, le parti des idéologues se brise sur les réalités . Les
tentatives d'évangélisation chrétienne de l'Inde, du Japon et de la Chi.ne sont un échec
faute de sens politique et de capacité à intégrer les cultures nationales. Ce que le
christianisme sut faire dans les premiers siècles face au polythéisme européen, il ne
semble plus savoir le faire dans l'Asie du xv1e siècle.
Au XVIe siècle, l'essor en puissance appartient aussi aux systèmes politiques qui
ont réglé le problème de la succession. Les monarchies héréditaires européerutes
garantissent la permanence du territoire et la légitimité politique, conditions
nécessaires à une croissance durable. A contrario, le système électif polonais conduit à
l'échec. Quant au monde musulman, il reste fondamentalement fragile, faute de
légitimité politique assurée dans la succession. La multiplication des épouses y
entraine la multiplication des prétendants. La mort du sultan ouvre une période de
crises et de guerres où le plus puissant doit l'emporter comme dans une sorte de
jugement de Dieu. Voyons encore aujourd'hui en terre d'islam, l'islamisme se nourrir
de la faiblesse des légitimités politiques, et la dureté du gouvernement de l'incertitude
constante du pouvoir. Le xvie siècle de Sallmann annonce que la démocratie n'est pas
pour le monde musulman.
Cest donc au XVI• siècle que se mettent en place de grandes constantes
géopolitiques. L'histoire mondiale est une pièce qui déroule l'affrontement de trois
civilisations : l'Occident, l'islam et l'Asie, en même temps que la compétition en
puissance d'une multiplicité de nations. Les Grandes Découvertes, la supériorité
maritime et technique de l'Occident, ont freiné le potentiel mondialiste de l'islam. Mais
malgré la domination occidentale continue depuis le XVI" siècle, et mise à part la perte
de Grenade, l'islam n'a jamais cédé un pouce du terrain conquis. Quant à l'Asie (Chine
et Japon surtout), elle s'est protégée en refusant le cosmopolitisme et l'immigration de
(Nplt"' 3 L'~tal el la mondiallsotJon 877

masse. Alors vient l'ultime question : à partir du XVfe siècle, et-ce le mande qui a
commencê à se diluer dans la civilisation européenne ou bien est-ce le contraire? U!s
technologies s'acquièrent. La souveraineté et le pouvoir se reprennent. L'identi~ elle ne
se répare pas. C'est la raison pour laquelle si les Européens ne ~t pas le combat de
l'identité nationale et civilisationnelle, un siècle au plus suffira à l'Orient pour m finir
définitivement avec l'Occident.

2.2. L'éclatement de 1914 et la lutte pour le contrôle


de la mondialisation
Les derniers résultats de la recherche en histoire économique1 montrent que
l'économie mondiale, au début du xxe siècle, est, à bien des égards (volume de
transferts internationaux d'épargne, flux d'investissement à l'étranger), plus~
qu'elle ne l'est en 1990, à la fin de la période bipolaire !IOviéto-américaine.
Dans le seconde moitié du XJXe siècle, l'accélération de l'économie mondiale et
l'élévation de son degré d'intégration sont vertigineuses. Entre 1870 et 1914, les
Anglais et les Français triplent le montant de leurs investissements à l'étranger. Entre
1840 et le début de la Grande Guerre, le volume du commerce mondial est multiplié
par 13. Nombreux sont alors les intérêts industriels européens quï sont croi9é. Les
charbonnages et les entreprises sidérurgiques exercent leurs activités de part et d'autre
des frontières françaises, allemandes et belges. Plusieurs grandes usines allemandes de
colorants sont implantées en France. Les industries française et allemande, notamment
Schneider et Krupp, se développent en Russie.
Le "comportement" du capital français n'a rien de nationaliste. Entre 1850 et 1914.
en permanence, entre le tiers et la moitié de l'épargne française est investie à l'étranger.
Tandis que l'Angleterre concentre l'essentiel de ses investissements sur les État!r-Unis
(et moins de 15 % dans son empire colonial), le capital français coule à flot vers la
Russie (les grandes banques françaises plaidant auprès du gouve111eJ1-1t en faveur de
l'alliance franco-russe) et l'Empire ottoman, zones desquelles il ne reviendra jamais.
L'Europe regorge d'emplois, de capitaux, de marchandises, d'innovaticms
techniques, et la tendance forte y est à l'échange plutôt qu'à l'autarcie, à l'expansion
plutôt qu'au repli. Au moins deux facteurs expliquent cette pêriode de mondialisation
emmenée par les économies européennes et par l'émergence américaine : l'or et le
chemin de fer.
Dans la première moitié du x1xe siècle, l'or manque et les échanges sont freinés. La
raréfaction contribue aux crises économiques et sociales des années 1840. Mais dix ans
plus tard, la découverte de nombreux gisements, en Californie et en Australie, dope
l'économie mondiale. Entre 1850 et 1870 les stocks d'or mondiaux bénéfiàent d'Wl
apport équivalent aux 350 années précédentes !2 Production, prix et bénéfices explosent
tandis que les salaires s'élèvent moins rapidement, ce qui enrichit le capitalisme. Les
dynasties financières et bancaires prennent une importancr> sans précédent, soulignée à
l'époque par de nombreux hommes d'État. Ainsi Walther Rathenau, futur ministre des
Affaires étrangères de la République de Weimar qui parle des "trois cents hommes
dont chacun connaît tous les autres, qui gouvernent les destinées du continent
européen et choisissent leurs successeurs dans leur entourage"~ . Deux an.~ avant

1 Notammcn1 t.lc!ii lrD\'811X angltMwuo ns : O'ltourk~ ci \\'ilhamsun ; BahJu.·in et Ma111n en JCW9. VW k rappxt :s.ur la
auuvcmant:c mondmlc riubhê à lu lJocumcnu11i~'" fnança1!'1." en 1001
2 Pour le "'olumc du sttX"k d ' or nuin<liol, si l ' on tkinm.· ù l"anm.."c- 1~00 l "tnd1cc 1. 1 sJ1l'llte ltlO() est• .a.s. ISOll• 1000 et l91• i
2800.
) Wiener Frcir Prc!ii!iiC , 24 dèccmhr..: 1'~1:!
1178 l'urtrc· 7 L ' l.111t cn11ct1n't"IUi

l'explosion de l'Europe, li:' candidilt de ln haute finance anglo-américaine, Woodrow


1
Wilson, accède au pouvoir. Le nouveau président dote alors 1 An1ériquc d'une banque
centrale (F~nJ/ R•·serot• Act de 1913), un outil que ses prédécesseurR, souc1eu>< de
p""5ervt'r la démocratie an1éricaine de l'influence excessive des lohbies financiers,
n'avaient eu de cesse de refuser depuis le début du XIX" siècle. Le mondialisme anglo·
américain C$t alors en marche. Le chemin de fer offre, quant à lui, les nouvelles routes
de la mondiillisation.
Entre 1850 et 1914, la longueur des voies ferrées en Europe est multipliée par 30. En
France, les trains transportent 18 millions de voyageurs et 4,5 millions de tonnes de fret
en 1880, 547 millions de personnes et 173 millions d e tonnes de fret en 1913. Un an
avant l'éclatement de la Grande Guerre, 6 milliards de personnes, soit l'équivalent de
la population actuelle de la planète, prennent chaque année le train en Allemagne, en
Angleterre et en France. Qui peut croire alors que le monde d'avant 1914 est un monde
d'égoïsmes nationaux enfem1és dans des cloisons étanches? C'est au contraire un
monde fait d'échanges et de communications, peu différent en cela du nôtre. Mais si
notre mondialisme - né des ruines de la Seconde Guerre mondiale - est porté par les
États-Unis d'Amérique, celui d' avant 1914 est essentiellement britannique.
Moteur de la Révolution industrielle, la Grande-Bretagne est le cœur du système
financier mondial (la City), le nœud du commerce international (en 1870, les deux tiers
du tonnage maritime mondial battent pavillon britannique), le premier producteur de
charbon et de fer. Dans ses sociétés secrètes, telle la Table Ronde, les disciples anglais
et américains de l'utopiste John Ruskin (aussi bien Alfred Milner, futur gouverneur
anglais en Afrique du sud, que les lords Balfour et Rothschild et bien d'autres grands
noms de la haute finance cosmopolite) rêvent d'un gouvernement mondial
anglophone. Soixante-dix ans avant l'heure, "l'Idée anglophone" (Cecil Rhodes), cette
'glorieuse mission que Dieu avait assignée à la race anglaise : nourrir le monde et le
soumettre" (Charles Kingsley), prépare la conversion de l'Empire britannique en une
fédération du Commonwealth britannique et la transmission du "lourd fardeau de
l'homme blanc" (Rudyard Kipling) aux États-Unis.
Pourtant, au début du xxe siècle, un obstacle de taille se dresse sur la route de la
mondialisation anglophone:!' Allemagne.
Le traité de Frandort de 1871 illustre le déclin de la France en Europe. La Prusse a
accompli une unité allemande que Bismarck croit cimenter par !'annexion de !'Alsace-
Lorraine alors qu' il prive l'Europe d'une réconciliation franco-allemande. La
suprématie matérielle del' Allemagne de la fin du XIXe siècle est désormais comparable
à celle de la France au siècle précédent. Ses effectifs militaires sont le double de ceux de
la république voisine, sa population, sa productivité sont sans rivale. La révolution du
chemin de fer rend plausible la perspective esquissée par le géopoliticien anglais
Mackinder d'une Eurasie unifiée autour d'un lreartland germano-slave qui mettrait fin à
la domination maritime sans partage des thalassocraties anglo-saxonnes. D'Allemagne,
tout menace la suprématie anglo-saxonne : le pangermanisme théorisé par Friedrich
Ratzel, miroir du panaméricanisme états-unien et du panslavisme russe ; la foi en la
"race des Seigneurs germains" miroir de la Destinée manifeste américaine ; une
géopolitique qui, pour protéger l'alliée austro-hongroise, pousse la Russie à la
rencontre de l'Empire des Indes (Grand Jeu), encourage la France à se renforcer dans
l'outre mer (Afrique) pour compenser la perte de !'Alsace-Lorraine, pousse le Dm11g
nach Osten jusqu'en Irak (Bagdadbahrr); un commerce qui prend le pas sur I' Anglais aux
Pays-Bas, en Belgique, en Italie, en Russie, qui menace de l'emporter en France, en
Espagne, en Turquie, en Amérique latine; un programme naval ("l'avenir de
l'Allemagne est sur l'eau" clame Guillaume Il) qui met en danger la doctrine
Choritn. 3. L'~IAl el Io mondialisation

permanente de l'Home Fleet (toujours équilibrer les deux flottes euro~es suivants
additionnées1 ).
Mais l'Allemagne a raté plusieurs rendez-vous de l'histoire. u Pru59e eoit ~à
cOU! de la Californie que proposait de lui vendre le Mexique en 1842, du Texas qu'elle
aurait pu coloniser, de la réconciliation avec la France (l'Alsace-Lorraine est le pas de
trop de l'unité allemande au détriment de l'unité européenne), d'un axe "Paris Berlin
Moscou" que Londres redoutait au point d'aller jusqu'à !'Entente Cordiale (1904), pour
s'assurer contre lAllemagne autant que pour détourner Paris de Moscou.
Le monde en 1914, c'est aussi la récolte des nationalismes semés un sikle
auparavant par les bottes des armées de Napoléon. Ce que Madame de 5tai!J 90Ulignait
en 1804, l'absence d'esprit national en Allemagne, n'est déjà plus vrai en 1815. Partout,
l'amour raisonné des vieilles patries si cher aux hommes de la Restauration &ançsueet
au chancelier autrichien Mettemich, cède la place au culte exalté de l'État-nation
souverain, dont la centralisation est favorisée par des voies ferrées qui relient les
capitales aux périphéries. L'affaire de la dépêche d'Ems qui, exagérée par la presse,
dkhaîne les masses françaises et allemandes et conduit à la guerre de 1870, révèle Je
poids nouveau des opinions publiques. Les armées de conscription et le service
militaire obligatoire (dès 1870, de la Belgique aux Balkans) font apparaitre des haines
inexpiables entre nations, bien pires que les vieilles querelles d'intérêt et d'honneur de
l'ancien monde aristocratique.
Dans l'ébullition nationalitaire du XIX" siècle, les Balkans jouent un rôle
déterminant. C'est en effet le projet défendu depuis 1903 par les Serbes d'an
regroupement national de tous les Slaves du sud (Yougoslaves) et la p-ression
panslaviste de la Russie qui conduiront Vienne à déclencher le mécanisme de mise à
feu de l'Europe. Car c'est bien de la survie du vieil État austro-hongrois dont il s'agit
en 1914.
Par ailleurs, l'effondrement annoncé des deux empires centre-européen et œntre-
asiatique (Empire ottoman) ne peut que susciter l'appétit des grandes puissances
européennes. Les alliances en place en 1914 sont alors la résultante des ambitions
gropolitiques des uns et des autres. En s'alliant avec !'Autriche-Hongrie, !'Allemagne
fait le choix du maintien du vieil Empire confronté aux ambitions russes. Berlin calme
les revendications autrichiennes de Rome en l'intégrant dans l'alliance (Triplice en
1882). En face, la Triple Entente additionne l'alliance franco-russe et !'Entente Cordiale
franco-anglaise.
Dans chaque camp cependant, l'évaluation des rapports de force est faussée, de
telle sorte que chacun de deux blocs pense qu'il est plus fort que l'autre. Le double jeu
italien est largement responsable de cette situation. Bien que membre de la Triplice,
l'Italie, qui n'oublie pas ses irrédentismes en Autriche, se rapproche seoètement de la
France (1902 : neutralité de Rome en cas d'attaque de Berlin contre Paris) et de la
Russie (1909: au détriment de Vienne, Rome favorisera les intérêts de Moscou dans les
détroits). La République française croit non seulement à son invincibilité face à
"l'ennemi héréditaire" grâce au réservoir démographique russe, mais estime en plus
que les rouages de la Triplice sont grippés. Quant à Berlin, qui se sent au sommet de sa
préparation militaire et Vienne, convaincue que plus elle attendra plus lAutriche-
Hongrie augmentera ses chances de disparaitre, elles ont assisté à l'humiliation de
Moscou par le Japon, à Tsushima en 1905, et connaissent la fragilité du régime tsariste
secoué par la montée des revendications révolutionnaires. Sans doute aussi
lAllemagne a-t-elle conscience de sa supériorité numérique sur la France et de sa

1 L ' cnt~c en guerre de s États -l lnis uux 1,;~tCs de la Gr.nJc-BrTtaanc en 1917 se ICn& d'rullcun pn.IK' . . . . . . . . sr taqucslio9
navale a.llcmnndc. La gucm: sou s-11UU"1nc à outran(c dCchm..lte rar Berl in le let" fé,-ncr IQl7 ~rDOt en a.r.me la ti~ sur lm aas•
le commcn:c maritime amtrii..·nm
p,,,.,,r 7 . L · ltal cr1u cu,,.rucr

grande jeun~sse! : en 1914, Io p<lpulation nll~nlandc dépa~6e d e 55 'X, la population


fmnçaisc ,\lors qu 'elle luâ était équivall:'ntc t!n 1871 ; lt!s plus de sol,oi.nte ans Hont
126 pour millt.~ en Fran..:t..~ alors qu ' ils ne sont que 78 pour nüllc en Allt!nu1gnc. Bref tout
le monde croit pouvoir l'c-n1porter.
Pourtant.. faut-il croire que ln combinaison d'une compétition au s onlmct t!ntrc
mondialisme .m~lo-saxon et volont~ hég~nlonique allemande t.?t de la mécanique dc.-s
allianC'l."5 .~pu. seule, Jét ... rminer de n1anièr~ implacable l'~laten1ent de 1914 7 On a
..,uv.,nt souligné, par exemple, ln re!'ponsabilité du plan militaire allemand (Schli<!!en,
l90b). lequel prévoyait que les hostilités seraient menées en premier lieu, el d'où que
vienne le !acteur déclenchant, contre la France. Or ce plan prévoyait, au mépris du
droit international, de passer par la Belgique neutre pour attaquer l'armée française, ce
qui, autonlllbquement, devait déclencher l'entrée en guerre de l' Angleterre. Depuis le
Moyen-Age en effet, l'Angleterre s' était toujours opposée aux tentatives françaises de
lui fermer l'accès de!' ports de la Flandre el de la Hollande, portes d'entrée sur le
commen:e continental .
Gardons-nous cependant de réduire la complexité historique aux seuls
déterminismes de la géopolitique. Après tout, les mécanismes diplomatiques avaient
su maitriser de graves crises avant le différend austro-serbe de 1914 : Tanger en 1905
entre la France et l' Allemagne ; Bosnie-Herzégovine en 1908 entre l'Autriche-Hongrie
et la Russie ; Agadir en 1911 (encore Paris et Berlin) ; les guerres balkaniques de 1913.
Quant à désigner, comme le fera Lénine, la course à la colonie comme principale
responsable de l'éclatement de 1914, rien n'est moins sùr. Certes, la question coloniale
était partie prenante de la compétition au sommet entre Angleterre, France, Allemagne
et Russie, mais en même temps, le colonialisme avait contribué, telle la Croisade au
Moyen-Age, à détourner les rivalités inter-européennes du continent. Pris deux à deux
d'ailleurs, les grandes puissances avaient réglé leurs différends coloniaux avant 1914 :
Paris et Londres (1904), Londres et Moscou (accord à propos del' Asie en 1907), Paris et
Berlin (accord Maroc-Congo de 1911), Londres et Berlin (accord sur un éventuel
partage des colonies portugaises en 1914).
Non, l'Europe couvait une maladie bien pire que les rivalités classiques de la
géopolitique. Ses principaux régimes politiques étaient soient en "fin de carrière",
soient structurellement instables et donc agressifs. En France d'abord, un bellicisme
républicain héritier de la Révolution n'avait eu de cesse de chercher à compenser par
des aventures extérieures son déficit interne d'unité et de légitimité (a contrario de la
Restauration qui offrira le visage français le plus pacifique du XJXe siècle); en
Allemagne, le processus géopolitique d'unité allemande semblait emballé au point de
vouloir se confondre avec le projet d'une Europe germanique; en Russie, le tsarisme en
bout de course, décrédibilisé par l'échec militaire face au Japon (aventure conçue pour
sauver une première fois le régime), était sous le feu commun (et non sans passerelles)
des Mencheviks et de la haute finance cosmopolite de Londres et New York, laquelle
ne supportait rù la propension russe à étancher le mécontentement du peuple par des
pogroms antisémites, ni le refus obstiné du Tsar d'accepter une banque centrale
intégrée à la mondialisation financière; en Autriche-Hongrie, enfin, le régime impérial
se sentait condamné par l'essor des nationalismes modernes et n'avait plus qu'à jouer
le tout pour le tout pour se sauver.
À cela s'ajoutaient les forces nihilistes, anarchistes et communistes, qui voulaient en
finir avec l'ancien monde. Durant la seule année 1892, l'Europe avait connu plus de
mille attentats à la bombe, les États-Unis cinq cents. L'impératrice Sissi d'Autriche en
1898, le président français Sadi Carnot en 1894, le roi d ' Italie Humbert 1er en 1900, le
président américain Théodore Roosevelt en 1901 .. . tous assassinés . Ce monde d'avant
1914 était aussi marqué par le terrorisme et la violence aveugle que le nôtre.
Q\llpttre 3 . L' ~tlll et la mondlol11N1tJon 881

Et puis il y avait une nouvelle force tral\9nationale, Je •ioniame, lequel, •ptts avoir
ten~ d'obh?nlr un parrainage allemand et turc s'était finalement fiu, juste à la veille de
l'explosion européenne, aux États-UnL't, balM! idêale à partir de laquelle il allait pouvoir
œuvrer, parmi tant d'autres forces, à la reconliguration de l'Europe dane un 5ft1S qui
mènerait à la destruction du vieux Yiddi.!lh land chevauchant les terT"" alJemandea,
austro-hongroises et russes et à son remplacement par un foyer national en Pal8tine.
Enfin, combinêe à l'héritage romantique du XIX• siècle, les progrès de la !ldence
tant en physique qu'en biologie avaient largement convaincu les gouvernaiu. de
l'avant Première Guerre mondiale que !'Histoire êtait d~inée par des force
matérielles et identitaires qui surpassaient les hommes et les entrainaient dans des
courants qu'ils ne pouvaient maitriser. On ne compte pas les déclaration. et les éoilll
de l'époque montrant à quel point tous étaient convaillCWI d'un embrasement
généralisé de l'Europe. D'une certaine façon, bien que salutairement rêalillte, la pensé
déterministe engendre aussi un fatalisme destructeur.
Mais comme la portée des progrès scientifiques n'est souvent que partiellement
mesurée, peu nombreux étaient ceux qul avaient mesuré les conséqu~ prévisihles
du retard des conceptions stratégiques et tactiques sur la puissan.:e de feu (la
nùtrailleuse moderne, capable de cadences de tir incroyablement meurtriàls, est au
point en 1889), de sorte que lorsque la guerre éclata en 1914. beaucoup pensaient
qu'elle serait semblable à ce que les nations européennes avaient déjà affronté tant de
fois et dont elles s'étaient toujours relevées. Mais, empruntant à la Guerre de Séœssion
américaine son caractère de guerre totale (630 000 morts entre 1860 et 1865, soit les
pertes militaires additionnées des États-Unis depuis leur naissance, y compris
l'ensemble des guerres du xxe sièclel), la Guerre 14-18 y ajoutera des progrès
terrifiants dans la puissance de feu. Et des ruines de cette guerre civile là qm
accouchaient à la fois de la mondialisation américaine et des nihilismes socialistes
(communisme et nazisme), l'Europe ne devait jamais se remettre.

2.3. Le rôle du sionisme dans le basculement de 1916


Nombreuses sont les causes qui expliquent l'éclatement de 1914. et il faut les
rappeler avant d'éclairer la situation géopolitique de l'Europe à la fin de l'année 1916.
D'abord l'aboutissement du mouvement des nationalités (XIX~ siècle) auquel l'Empire
austro-hongrois ne croit pouvoir échapper que par la guerre, tandis que la France, la
Grande-Bretagne et la Russie y voient loccasion de se partager les restes des vieilles
structures impériales, habsbourgeoises et ottomanes; ensuite la montée d'une gu~
économique au sommet entre les mondes anglo-saxon el germanique, Je dessein
allemand d'un vaste marché intégré dans la Mi!tleeuro1•a contrecarrant à la fois la
volonté d'expansion du bloc impérial britannique et la politique de la Porte ouverte de
Washington. À cela, il faudrait ajouter la fragilité ou l'épuisement politique de
plusieurs régimes, la République française, la Double monarchie austro-hongroise et le
tsarisme russe qui tous trois peuvent espérer bâtir des unions sacrées par la guerre et
échapper, pour l'une à sa crise de légitimité permanente, pour les autres au péril
montant des idéologies révolutionnaires. Toutes ces forces contradictoires ayant trouvé
le moyen de se lier dans un système mécanique d'alliances, il en a résulté qu'un
déséquilibre majeur en un point (les Balkans) a pu déboucher sur un engrenage
européen puis mondial.

1 El ln pn:nu~re gUtlTC dt: rh,SICtlrt' ou les. P':nCS dUl.."S • ramr blanctk: tsabre C'( bùonadlr:) SOOl i:aJëricura l c:dJa
provoquêcs pu les armes à feu.
882

En 1914 deux systèmes d'nlliances se sont rués l'un sur l'autre. D'un côté !'Entent<',
synthèse de l'Enlente mrdinle franco-anglnisc et de I' alli.-mce franco-rus,.e, à laquelle 11
faut ajouter deux pt!tites puissances, la Belgique cl la Serbie. Au total, 238 milliom
d'Europc.'ens sans compter bien sür les colonies extra-européennes. En face, les Empires
centraux. lAllemagne et l'Autriche-Hongrie, qui comptabilisent ensemble seulement
1111 millions d'habitants Sans conséquence en 1914, une telle disproportion numérique
se fait sentir deux ans plus tard, après les cruelles saignées de l'année 1915, lorsque le
maintien des effectifs devient problématique. À ce handicap s'ajoute la faible cohésion
géopolitique intérieure de l'Empire austro-hongrois. Car si l'Empire allemand affiche
une unité patriotique forte (les minorités, Polonais de Prusse, Danois du Slesvig du
Nord et Alsaciens Lorrains ne représentant que 7 % de la population totale de l'Empire
allemand), il n'en est pas de même de 1' Autriche-Hongrie minée par sa structure
multinationale. Les Slaves, Polonais, Ruthènes en Galicie, Tchèques de Bohème,
Slovaques des confins septentrionaux de la Hongrie, Slovènes en Istrie et Styrie,
Croates et Serbes de Hongrie méridionale y représentent en effet près de la moitié de la
population de la Double Monarchie auxquels il faut ajouter 3 millions de Roumains de
Transylvanie et 700 000 Italiens du Trentin, d'lstrie et du littoral dalmate qui regardent
respectivement vers la Roumanie et l'Italie, deux pays encore neutres en 1914.
Deux ans après le début de la guerre, l'arrivée de nouveaux belligérants a fait
cependant évoluer les rapports de force démographiques. Fin 1916, restent pays
neutres en Europe. que les trois États scandinaves (Danemark, Suède, Norvège), la
Hollande, l'Espagne et la Suisse. Pour s'assurer de nouveaux alliés, les deux camps
leur ont fait de nombreuses promesses quant à leurs aspirations géopolitiques. Pour
entrer du côté de !'Entente (déclaration de guerre contre 1' Autriche-Hongrie en mai
1915, contre l'Allemagne en août 1916), l'Italie s'est vue promettre en cas de victoire
tous les territoires de la Double Monarchie où les populations parlent italien, mais
aussi la vallée du Haut-Adige peuplée d' Allemands, une partie de l'lstrie dont le
peuplement est slave et une moitié de la côte dalmate. Pour Rome, plus encore que la
perspective de récupérer ses nationaux, c'est la perspective de prendre une position
prépondérante en Adriatique (!'Autriche-Hongrie ne pouvait évidemment pas lui
promettre l'autre rive) qui a fait pencher la balance du côté des Alliés.
Les États balkaniques, qui jouent un rôle secondaire dans la lutte écononùque entre
d'une part la puissance industrielle montante qu'est lAllemagne, d'autre part le
capitalisme ocàdental, constituent néanmoins un renfort en effectifs non négligeable.
Là encore, les engagements se font après de nombreux calculs et un examen attentif
par les capitales du rapport de force entre !'Entente et les Empires centraux. La
Bulgarie, vaincue en 1913 entretient l'espoir d'enlever aux Serbes une partie de la
Macédoine. Or l'Autriche-Hongrie, trois jours exactement après la déclaration de
guerre italienne, offre cette perspective à Sofia. S'ajoute à cela la possibilité d'arracher
Andrinople et la partie de la Thrace perdue en 1913 à la Turquie. Malgré des
oppositions internes, Sofia, confiance en la capacité des Empires centraux de
l'emporter, n'ayant plus peur de la Russie depuis l'été 1915, choisit à l'automne de les
rejoindre.
la Grèce, elle, n'aura guère le choix. Bien que son roi penche naturellement (lien
dynastique) vers la Prusse, un national-républicanisme montant s ' oppose à la revanche
bulgare et cherche à réaliser la Grande Idée grecque : reconstitution en mer Égée et en
Asie Mineure de l'Empire antique, contrôle des Dardanelles et de Constantinople
même; il est soutenu par la poussée franco-britannique de 1915 dans les Dardanelles.
Offiàel!ement la Grèce reste neutre. En réalité à l'automne 1916 le gouvernement
nationaliste grec est appuyé par Londres et Paris et le pays soumis à un blocus.
O..pll"' 3. L'lltal el la mondloli98Hcm 883

Après avoir également longtemps hésité, la Roumanie choi5it !'Entente en août


1916 Avec les Empires centraux, elle aurait pu espérer ramener à elle les populations
de langue roumaine de Bessarabie russe; avec !'Entente elle peut convoiter la
Transylvanie où de nombreux Roumains vivent sous domination hongroise. Mais le
choix est vite sanctionné. Octobre 1916, la Transylvanie est reconquise par les Austro-
hongrois, les Carpates franchies et début décembre Bucarest est prise. Les Empires
centraux ont mis la main sur d'importantes ressources en blé et en pétrole.
Ces entrées en guerre successives de puissances secondaires, Ioule!! motivées par
des calculs géopolitiques nationaux, ont un impact assez faible sur l'équilibre des
forces de la fin 1916. Cependant, les engagements que les belligérants ont contractés
envers les entrants pour les décider à prendre part au conflit hypothèquent fortement
l'action diplomatique. Depuis qu'elles ont de leur côté l'Empire ottoman et la Bulgarie,
les puissances centrales peuvent difficilement faire une paix séparée avec la Russie, et
ce d'autant, qu'en novembre 1916, elles ont annoncé vouloir reconstituer à la fin de la
guerre un État polonais indépendant (ce dont la Russie ne veut pas). Quant aux
promesses de !'Entente à l'Italie et à la Roumanie, elles impliquent, ni plus rô moins,
que la disparition de l'Autriche-Hongrie tandis que celles faites â la Russie en mars
1915 signifient la russification de Constantinople, de la Thrace orientale, des rivages
européens du Bosphore et des Dardanelles ainsi qu'une partie de la rive asiatique.
Perspective d'accès "aux mers chaudes" qui ne peut qu'inquiéter, non seulement de
nombreux peuples européens, mais les États-Urûs eux-mêmes.
En 1916, pour plusieurs États, la guerre a pris une dimension de survie qui
n'existait pas en 1914.
Vu d'Europe tout semble gelé, presque favorable mème aux Empires centraux.
Pourtant, plus le temps passe, plus les Empires centraux souffrent de leur enclavement
à la fois démographique (ils n'ont pas de réservoir colonial en Afrique et en Asie) et
économique. Le blocus maritime de l'Europe mis en place par les Britanniques dès 1914
et qui entrave le ravitaillement des Empires centraux en denrées alimentaires et en
matières premières se fait cruellement sentir. Dès octobre 1914, par l'extension de la
notion de contrebande de guerre, les Alliés Français et Anglais ont commencé à saisir
sur bateau neutre des marchandises susceptibles de servir à leur ennemi.L'Allemagne,
pour se désenclaver, se voit contrainte de répliquer par la guerre sous-marine contre la
navigation commerciale alliée mais aussi neutre (car les Alliés utilisent tous types de
bateaux, y compris le paquebot Lusitania torpillé le 7 mai 19151 par les Allemands,
pour faire venir des armes et des munitions d'Amérique).
A la fin de 1916 le quasi-avantage des Empires centraux en Europe est annulé par la
dimension mondiale des enjeux de la guerre et au moins trois des facteur.;
déclenchants de la future intervention américaine de 1917 sont déjà en place.
Si les Alliés triomphent écrit, le 22 août 1914. le colonel House, conseiller du
président Wilson et représentant influent des grands banquiers américains. 'c'est
l'hégémonie russe sur le continent européen. Si au contraire, J' Allemagne est
victorieuse, nous voilà pour plusieurs années sous l'indicible joug du militarisme
germanique" . Un raisonnement identique sera fait, presque trente ans plus tard, qui
pèsera lourd dans la décision d'engagement américain face au ID" Reich. Dès octobre
1914, alors que la perspective d'une guerre longue s'installe, des données économiques
qui se révèleront déterminantes deux ans plus tard dans le choix de la gue~
apparaissent . Les belligérants commencent à acheter sur le marché américain des

J 1 200 cil.'il" meurent ùuns la 1..: 01;:as trnphc . J~\rll ~18 Am.!nC'2Ub. L ' Amëriquie: ~ tm pn:mw:r ~.,.~ l
l ' Allnm1gnc. M111s d~ ~nncs d ' omhrc cntuUf\.' nl C(" ÙramC' . Nolammc:-nt le:- ra11 que- k:s ~n n '...m pas ltr ....rrtu au drpst
d ' Amtnquc dc!I risques t"ncouru.. 11lm~ mèrnc que l ' Allcme~nc 11 ..·a i1 pubhl! quelques jO&IJS au.puavud des bu.lletim d.~
alanmstcs quanl 0 1'ac:t1vité lie se:. 'ous-marins.
am1es, des munitions, dt's dt'nrécs, du pétrole et toutes sortes de matières premières.
L!s bl\nqul'S font pression sur le gouvcrmmtcnt américain pour ouvrir un crédit aux
bl>lligéront>;. Or le blocus fmnco-britmutique empêche rapidement les Empires centraux
d'étre clients. Devenus fournisseurs et pr<!teurs du camp allié, les États-Unis ont, au
risqut> sinon de mettre leurs sy,.tèmcs industriel et financier en péril, de plus en plus
intérêt à la victoire de l'Ent-cnte. Deuxième raison : les torpillages allemands frappent
dl' plus en plus Il• tonnage .tméricain cl la liberté sur les mers est gravement remise en
cause. Certt's l.t guerre sous-marine 10111/r (quel que soit le pavillon) ne sera décidée par
les Allemands qu'au début janvier 1917 (avec alors une accélération vertigineuse des
navire.. CllUI~ qui provoquera la congestion des ports antéricains d'exportation), mais
dêjà en octobre 1916, et tandis que Wilson reste sur une ligne isolationniste et promet
au peuple américain que les États-Unis ne feront jamais la guerre ("He kept us out of
wnr" fut le slogan de campagne de ses partisans à la réélection), la perte moyenne du
tonnage allié est de 350 000 tonneaux et le contnterce international est
ronsidérablemenl géné.
Un troisième facteur vient. durant l'année 1916, s'ajouter à la balance : le sionisme,
idéologie alors émergente dans les Relations internationales et qui ne cessera d'y
prendre une place croissante tout au long du xxc siècle.
À la fin du XIX~ siècle, les chefs sionistes avaient tenté de convaincre !' Empereur
Guillaume Il de soutenir l'établissement d'un protectorat juif près du Canal de Suez
pour bloquer la Route des Indes aux Anglais; le Sultan ottoman s'y était opposé. Le
projet de l'État juif était revenu en 1902 du côté de Londres sous la forme d ' un
protectorat allié gardant la Route des Indes. Nouvel échec. Puis avec la Révolution des
JewteS Turcs chez les Ottomans, l'espoir sioniste était repassé du côté germano-
ottoman. Mais en 1914, quelques mois après la déclaration de guerre, les chefs
sionistes, jusque là plutôt germanophiles, s'établissent à Copenhague et New York.
Désormais l'essentiel va se jouer en Amérique. Le sionisme gagne à sa cause une partie
significative du monde fmancier américain et inspire très largement à Wilson son droit
des peuples à disposer d'eux-mêmes (c'est-à-dire d'un État). Voilà le nationalisme juif,
lui-m~me produit de la dynamique nationalitaire et romantique du XIX• siècle
européen, devenu un facteur de poids dans la géopolitique mondiale.
Ce sont alors deux conseillers proches du président Wilson (le colonel House et
Justice Louis Brandeis, Président du comité provisoire sioniste en 1914 et élu Juge à la
Cour suprême des États-Unis deux ans plus tard,) qui font comprendre à Londres que
parmi les raisons qui peuvent pousser les États-Unis vers l'engagement militaire, un
choix explicite de l'Angleterre en faveur du Foyer national juif figure en bonne place.
Nous ronnaissons la suite : entrée en guerre des États-Unis Je 6 avril 1917, publication
par lord Balfour de la fameuse lettre adressée à Lord Rothschild et entrée dans
l'histoire sous le nom de déclaration Balfour 1 Je 2 novembre de la même armée. Le
drame du Proche-Orient se met en place puisque, la même année 1916, pour s 'assurer
de la Révolte arabe contre les Ottomans les Anglais font des promesses aux Arabes qui
sont incompatibles avec ce qu'ils promettent à la fois aux Français (accords Sykes-Picot
de mai 1916) et aux chefs sionistes.
En 1916 des millions d'Européens sont déjà morts dans les boucheries de Verdun
ou sur les fronts de l'Est, et ceux qui ont survécu ignorent sans doute encore que, pour
la première fois dans sa longue histoire, la civilisation européenne voit son propre
destin lui échapper. La géopolitique des nations européennes s'insère désormais très
largement dans la logique d'un capitalisme globalisé face auquel plusieurs

l LI: 16 oaobn: 1917. pnk\K M. JKqucs Soustelle, "•w- l'intcnicnt1on Lie OrandciN , le colonel llou1tc , conlidcn1 du prb.ulall
Wmo... .aépboa.I. à Lx:tdra le préaidcnt dca Euts-Unili rucssalt le gouvcmcmcnc angl•j., tic prendre enfin position" Jacques,
Sau:Adk., La •onauc man::bed'lu.!I, Paru. 1968, p . RI .
Qloptin. 3. L't!tat el la mondlnlisation 885

1chappatoires tragiques vont être tentés: le nazisme et le bolchévisme. Tous les deux
unuvent largement leur origine dans le re!l!lentiment de peuples convaincu5 que
l'origine de leurs tragédies trouve sa source dans l'alliance entre la "finance juive" et le
capitalisme anglo-saxon . Ce même sentiment s'est transporté aujourd'hui de l'Europe
(Allemagne, Europe centrale, Russie) au monde islamique.

2.4. Yalta et la concurrence des mondialismes soviétique


et américain

L'unité des trois Grands contre lAllemagne masque, de 1941 jwiqu'à la conférenœ
de Yalta (4 au 11 février 1945), une réelle divergence des ob;ectifs géopolitiques et
idéologiques de chacun.
Les Anglais attendent de la victoire la possibilité de maintenir leur empire
(désormais baptisé Commonwealth), de rétablir les fondements de leur économie
mondiale (notamment la livre sterling), de conserver leur influence stratégique en
Méditerranée orientale et leur protectorat au Moyen-Orient lequel couvre rue
impérial vers lAsie et assure la suprématie sur le pétrole. Cet là une vision
gMpolitique classique, fondée sur le maintien de blocs d'influence exclusive.
Les Américains poursuivent un objectif bien plus idéologique. Dans la ligme du
mondialisme wilsonien de 1918, Roosevelt a arraché à ClmrchiJL à Terre-Neuve, en
1941, la Charte de l'Atlantique qui pose les fondements d'une mandialisation
démocratique et libérale : un monde sans empire colonial (droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes), gouverné par une organisation internationale de sécurité (O.N.U.) et
une organisation monétaire internationale (F.MI. créé par les accords de Bretton
Woods de 1944). Les États-Unis ne se battent donc pas seulement pour vaincre
l'Allemagne : ils entendent édifier sur les ruines de celle-ci une sorte de gouvernement
mondial régulant un monde économiquement ouvert et sans bloc de puissance_ Ce
mondialisme, ils sont prêts à en assumer la direction aux côtés des Soviétiques, au sein
de 1'0.N.U .. Leur puissance économique (la moitié de la production mondiale),
militaire et bientôt nucléaire, autant que leur conviction d'incarner un modèle politique
à portée universelle, font qu'ils regardent le communisme soviétique davantage
comme une phase préparatoire à l' intégration dans le grand marché mondial que
comme une véritable menace. Un an avant Yalta, le secrétaire d'État américain au
Trésor, Morgenthau, n ' envisage-t-il pas d'accorder à la Russie un pdt de dix milliards
de dollars sur trente ans à un taux d'intérêt dérisoire (2 %) ?
Les buts de guerre soviétiques sont pourtant bien différents de œox des
Américains. Staline est en guerre contre lensemble du monde capitaliste, dont. à ses
yeux, font partie autant lAllemagne nazie que les Alliés de l'Ouest. Depuis 19'33 et
jusqu'au pacte germano-soviétique de 1939, sa politique n'a eu de cesse que
d'empêcher la formation d ' une coalition capitaliste menée par Hitler contre l'État
prolétarien. Le but du pacte avec lAllemagne a été, non seulement de faire échec à wte
alliance de l'Ouest, qu'il a craint un moment, mais de permettre à Berlin. couverte à
l'Est, de mettre à exécution son programme pangermaniste et de provoquer ainsi la
guerre entre puissances capitalistes. La nouvelle alliance de Staline avec Londres et
Washington (et le retournement des partis communistes européens qui en découle)
n'est donc que de circonstance, participant de ce mouvement dialectique ver.; la
révolution communiste mondiale et de l' exploitation de ce que le Comité central du
PCUS avait appeli' en 1925 "les contradictions internes du capitalisme•.
L'expansion idéologique du communisme à partir de l'État révolutionnaire
s'accompagne cependant d'une strategie geopolitique visant à ~"Onsolider les objectifs
l'arlù: 7 . f. • f.tal tuncurrrua!

remtoriaux de la Russie soviétiqu" En 1939 et 1940, Stalin" s ' était entendu avec Hitler
pour dépt.'C'er la Pologne. l.i Fmlande, les P"YS Baltes et la Bessarabie. A Yalta, Stalint! a
donc logiquement pour objectif de reconstituer les fronti~res de 1941. cellL.,. de
l'U.R.SS. d'avant la nouvt!llt> "march" vers l'Esl" allemand.,. o., même, l' U .RS.S.
retruuve-t-elle l'objectif de 1940 d ' atteindre les d é troits turcs et de s'c!tendre, par la
Twquie et l'Iran, jusqu'au Golfe Persique pour y défier la suprématie anglo-saxonne
sur le pétrole moyen-oriental. Mais plus que cela : à la veille de la conférence, l'objectif
géopolitique premier de Staline est d'éliminer purement et simplement la puissanœ
allemande de l'échiquier européen et de foire du même coup, de l' U .R.5 .5 ., la
princip.o.le puissance européenne. Pour éliminer Berlin il faut à Moscou une
capitulation et non un armistice. Staline redoute en effet de voir se reproduire la
situation italienne : en 1943. les Alliés de l'Ouest, sans le consulter, avaient conclu un
amùstice avec l'Italie. sauvant celle-ci d'une communisation probable compte tenu du
poids du Parti communiste italien. Staline savait aussi que, durant les années 1943 et
1944, des tractations entre éléments des se rvices secrets américain, britannique et
allemand avaient abordé la possibilité de renoncer à la capitulation sans condition du
Reich en échange de la mise à l'écart d'Hitler par la Wehrmacht, avec l'arrière pensée
sans doute de faire échec au communisme. Mais ces efforts échouèrent pour de
multiples raisons. les plus importantes étant la loyauté des Allemands à leur chef ainsi
qu' une réelle convergence soviéto-américaine au détriment de la Grande-Bretagne.
Au début du mois de février 1945 et donc à la veille de la conférence de Yalta, des
trois Grands, (' U.R.S.S. est la mieux placée pour atteindre ses objectifs.
D'abord, à la différence des États-Unis et, dans une moindre mesure, de la Grande-
Bretagne qui se méfie de Moscou, les élites soviétiques voient au-delà de la guerre avec
l'Allemagne : elles sont, depuis la fondation même de l'U.R.S.S., en guerre contre
toutes les puissances non communistes. Au contraire, en 1945, malgré l'effondrement
allemand, Anglais et Français restent dominés par la peur de 1' Allemagne ; comme en
1919 on craint un redressement rapide et une volonté de revanche après la défaite. li
faudra attendre encore longtemps chez les Occidentaux, début 47 pour les Américains,
et seulement 1948 pour les Britanniques et les Français. pour que l'U .R.S.S. ne se
substitue au problème allemand; et deux ans encore, jusqu'à la Guerre de Corée en
1950, pour qu'enfin les Occidentaux n'abandonnent l'espoir de diriger le monde de
concert avec les Soviétiques.
Le second avantage soviétique à Yalta, outre le fait que "dans les tètes" ils sont déjà
en guerre contre l'Occident, c'est la situation militaire du moment. Au début du mois
de février 1945, l'armée Rouge n'est qu'à 80 km de Berlin, tandis que les Alliés
occidentaux, retardés par les Allemands dans les Ardennes n'atteindront le Rhin
qu'après la conférence de Yalta, au milieu du mois de mars. Cet avantage militaire
détermine un avantage géopolitique et diplomatique. Bien avant l'ouverture de la
conférence, J'U.R.5.5. a opéré de profonds remaniements territoriaux qui lui donnent
des frontières directes avec la Hongrie et la Tchécoslovaquie. L' accès direct à la
frontière hongroise est réalisé par le rattachement à l'automne 44 de l'Ukraine
subcarpatique qui appartenait auparavant à la Tchécoslovaquie ; celui à la frontière
tchécoslovaque est le fait de l'annexion de la Galicie polonaise (acceptée par les Anglais
et les Américains à la conférence de Téhéran de 1943). Au moment de Yalta donc,
l'U.R.5.5. s'est étendue jusqu'aux frontières de quatre pays, la Pologne, la
Tchécoslovaquie, la Hongrie et la Roumanie ce qui donne déjà cohérence au dessin
d'un futur bloc géopolitique centré sur Moscou . Ensuite, Staline a conclu une série
d'armistices avec d'anciens alliés de l'Allemagne entre septembre 1944 (Finlande) et
janvier 1945 (Hongrie), profitant de cette nouvelle donne pour renforcer partout le rôle
Chlplln! 3. L' ~tal "' la mondialisation

des forces communistes locales. Certains de ces armistices se 90nt déjà traNfonnb en
alllonce diplomatique, tel le pacte soviéto-tchèque de décembre 1943.
Troisiême avantage soviétique à la veille des discuesions. u communlAtion de
l'Europe et le morcellement de l'Allemagne sont les objectifs prioritai:res de Mole.ou
alors que Washington a pour priorité l'adoption de l'O.N.U. par les Soviétique9 et leur
entrée en guerre contre le Japon. Dans ces conditions, l'objectif anglais de remettre au
pouvoir en Pologne le gouvernement légal exilé à Londres et plWI largement d'a.urer
des élections libres en Europe centrale et orientale apparait bien secondaire à
Roosevelt, d'autant que celui-ci n'a aucune envie d'aider son allié anglais à recorwlituer
l'influence qui était la sienne avant 194-0. Londres n'a-t-il pas déjà, en 19'1 et 19'2
essayé de susciter deux confédérations en Europe de l'Est: Pologne, Tchécolllavaquie,
Hongrie et Roumanie d ' une part, Yougoslavie, Grèce, Bulgarie, Turquie d'autre part?
Toujours est-il que l'on se méfie de "l'impérialisme anglais" à Washington et qu'il y a
réelle convergence soviéto-américaine pour faire échec à toute tentative de pôles
géopolitiques solides en Europe.
Enfin, dernier avantage au moins de Moscou sur Londres et Washington : le réseau
communiste en Europe de l'Ouest. Les partis communistes aux ordres de Mœcoa font
partie de la nouvelle donne politique en France et en Italie et ils se sont renforcés
partout en Europe, sauf en Allemagne où des millions de soldats qui ont affronté
directement l'U.R.S.S. ont pu ouvrir les yeux sur le mythe de "la patrie des
travailleurs". Si Staline a dissous le Komintern en 1943, organisation transnaWmale du
communisme mondial, c'est parce qu'il veut rendre bilatéral le lien entre le Parti
communiste d'Union soviétique et chaque parti communiste européen. de mani2n! à
régler l'intensité de l'action révolutionnaire de chacun de ces partis en fonction des
espoirs de communisation déterminés par J' avancée sur le terrain de 1'Armée Rouge.
En France, Italie, Grèce, les partis communistes sont bridés par Moscou de manière à
ne pas risquer l'échec de la communisation de la périphérie soviétique considérée
comme stade prioritaire dans l'avancée vers la révolution mondiale. Au poids des
partis alliés de Moscou, s'ajoute la politique de la France. En concluant avec Staline en
décembre 1944 un pacte d'alliance franco-soviétique contre Berlin (mais indirectement
aussi contre Londres et Washington), le général de Gaulle espère obtenir le soutien des
Soviétiques dans sa volonté d'arracher au Reich vaincu la Ruhr, la Rhénanie et la Sarre,
ce qui est lourd de conséquences puisque Paris sacrifie le gouvernement légal polonais
au profit du Comité de Lublin s outenu par Moscou . F.spoir vain car Staline, confiant
dans sa capacité à emporter toute l'Allemagne dans le camp conununisœ, n'est pas prêt
à faire reculer les frontières allemandes de l'Ouest.
À Yalta les trois Grands s ' entendent principalement du fait de la convergence
soviéto-américaine. Rassurés sur l'avenir de l'O.N .U . et sur l' entrée en guerre
soviétique contre le Japon, Roosevelt retient du bras Oturchill sur l'Europe. u Pologne
est abandonnée au Comité de Lublin, ce qui implique la communisation. Le principe
de la division de l' Allemagne en zone d'occupation est adopté, sans plan précis de
démembrement car Staline espère, grâce à la poussée de t' Armée Rouge. emporter
l'ensemble. Une zone d ' occupation françai se en Allemagne est obtenue par Churchill
qui redoute, en cas de retrait américain, de se retrouver seul face au.:< Soviétique;.
L' épuration ethnique des Allemands de l'Est est programmée par le glissement des
frontières allemande s de l'Es t jusqu' à la Neisse (les Occidentaux souhaitent armer le
reflux à la Neisse orie ntale, les Soviétiques veulent eux un recul jusqu'à la Neisse
occidentale) . Roosevelt et Churchill parviennent néanmoins à arracher une déclaration
sur l' Europe libérée prévoy ant l' o rganisation d'élections démocratiques en Europe
centrale el orientale e t dont il sortira bientô t ... les démocraties populaires.
l'nrlic,• 7 V (1111 , ·o m·urrrucl

À ln sortie de la ~-onfêrenœ de Yalta, le dessin de la nouvelle Europe apparait


dairem.,nt : une nouvelle superpuissance européenne et eur.1sialique 1 .\ la place de
l'Allemagne. !'U.R.S.S., qui dispose d'un réseau solide d'alliés diplomatiques
progr•mmés pour deve1ùr communistes, une Yougoslavie de Tito prosoviéti<]Ul! alors
que les Britanniques pensaient pouvoir la contrôler de concert avec Moscou, et,
puisque privée d'Allemagne. une Europe occidentale condamnée à la dépendance v1s-
à-vis des Etats-Urus. Dès la conférence de Téhéran en 1943, un diplomate américain,
Charles Bohlen. interprète de Roosevelt, avait prédit les conséquences de l'élimination
allemande sur l'échiquier de la puissanœ européenne, écrivant ainsi à l'ambassadeur
amêricam à Moscou, Averell Harriman ;
•t'Allnna~ir stTll d rrstrnz 1lêmembrtt. Lrs Êlats d' E.11ropt• ont.•11talf', Ct!11trnlc et méridionnlc
ut pounvnt pas r:< _ffdirrr et s·a~""OC'ler. La Fra11n• pt.•rdre1 ses cvlo11ies et ses hases et n'aura pas lt
droit d'mtrrtmir un systimc mil;tmrr dig11r 1lt cc rwnr ... Le résultat sera qm.> /'U .R.S .S . sera la
!OrMlcpuL...._ç,afl~ mi11tairt et polltiqut! significativt= !>Ur lt: routi11errt europt!i•rr . Le reste de l ' Europe~
ruit "'11.111 à l 'rrnpurssancc pc.1l1tiqur.• c.'t uu/1lmrt• ''~ .

Un peu moins de deux mois après Yalta, le général Eisenhower, commandant en


chef des Alliés occidentaux informe Staline qu'au lieu de marcher sur Berlin il prendra
la direction de la Bavière. Chun:hill ne parvient pas à modifier cette marche. Le 30
avril, !'Anglais insiste à Washington pour que l'armée américaine marche sur Prague
(située à Pilsen, elle n'était qu'à 75 km de la capitale tchèque et une insurrection non
communiste \'enait de se soulever contre les Allemands) . Le 1 ... , mai 1945, Berlin tombe
entre les mains Soviétiques. Le 8 mai les blindés soviétiques entrent également les
premiers dans Prague. Mais pour lAmérique le sacrifice des puissances allemande,
françlise et anglaise et de leurs blocs d'influence respectifs qui conditionne l'entrée
dans l'ère des mondialismes (libéralisme contre soviétisme), vaut bien le sacrifice des
trois capitales historiques de l'Europe centrale (Varsovie, Berlin et Prague) .

3. Les caractéristiques de la mondialisation


contemporaine

"fl tsl unpossiblc dt dLslingucr les clUJngemenls de la géograplnc pllys1que et politique et œur
d.t /si giograplue économique el fi11a11ciire . la géograpllie économique est en fait, des trois, la plus
malléable. U5 richrsses, et les centres de production des rid1esses, se déplncc11t fncilemc11t dans le
œmps el dans I'espaa et, avec eux, les forh1nes de cultures et de civi/ù;ations enlii!rcs . .. 3
La mondialisation dont on parle aujourd'hui n'est pas différente dans son essence
de celle d'hier, mais elle admet toutefois des caractéristiques économiques propres et
des con.séquences géopolitiques nouvelles .
Les grands traits de la mondialisation contemporaine peuvent être décrits de la
manière suivante' '

l & tc::lmnce de IOD eatr6E m guctft contre le Japon elle a ob1enu on débouch~ ~ur le.., ile-. K o unlc.., cl le sud de Sakh&linc-.
limi qu·m Clwk. Port Anlwr d la chemms de fer de MDJtdchourie. c c qui rétahht so 1mue11o n d ·:1vant lu guerre ru"Ml ·J&JK>na11oe de
1904-1905
2c;œ.., JCllO 1..A.LOY dam Ya/1a, hirr. oujou,.d'lru1, dt'mum , Pam•. Robert Laffont . l 9HH. p fr~ .
) R. OBRJES. ïbc End of Geopaphy. Tbc lmp9c:t of Ta:hnology and Cap11ol Flow" in Thr Anrrx Duni.: Rcvit'w, l 7 (SJ, mai
1990, p. l·' ·
'Jpaao Ramooet.. mm W)C formule JOhmcru trouvh: , parle de Sys•èmc PPll : "Qu'cSl·CC que k i.ysrtmc rr11 '! Celui qui
lli-.dc: ~ la llC'liV11b (fmaoc.tr-ca. commi:n:1al~. CYhurcllcs, mièdu1l1qucsl uyant qu111rc quahtCs pf"inci p"lc" : plane1a1rc- .
(l>lpltnr 3. L'a1a1 et la mondlollaallon

• montée en force des investissemenl8 étrangeTB cro~ entre pays industriels,~


~la d~réglementation et à la révolution des moyens infonnationnelM;
- essor quantitatif des échanges internationaux proportionnellement à
l'accrolssement de la production mondiale, et modification de la configuration des
é(hanges au détriment des matières premières et au profit des produit. manufactuds;
• participation active des pays en voie de développement et d.ea nouveaux pay•
111dustrlel.8 aux côtés de la Triade économique - États-Unis, Europe, Japon;
• globalisation financière s'appuyant sur la désintermédiation, le décJoi8onnement
et la déréglementation - les 3 "D" - ; cette globalisation financière repose sur la
mobilité instantanée de l'argent grâce à l'interconnexion informatique. U y a, par
ailleurs, déconnection croissante entre la sphère financière spéculative et la production
et l'échange.

4. La thèse du changement absolu sous l'empire


de la mondialisation

"Sur les cent plus for~ puissanus éconumiqu.es du monde, cinsfwmu et une ne _,f"""' "'5
États-11ations, mais iks multinationJJles ; les 200 prUu:iptzwt fITOllpG moruWuu: ~à aa
seuls près de 30 % ik l'activiti économique planétaire; la 500 prmriar; groupa nrandillJa
rrpréselltent 70 % du commerce morrdial"1.

La montée en puissance des acteurs non étatiques - firmes globales, réseaux


transnationaux, religions .. . - au détriment des États est interprétée par certains
observateurs comme l'annonce de la fin prochaine des États-nations. Et ceci pour
plusieurs raisons :
·les économies sont de plus en plus déterritorialisées;
- les États dominent de moins en moins l'investissement et le commerce au profit
des multinationales ; on peut donc de moins en moins parler d'économie nationale. Les
individus peuvent encore être protégés socialement par leur État, ils travaillent de plus
en plus pour des sociétés dont les finalités sont transnationales;
- les individus tendent à multiplier leurs allégeances - région, monde, double
nationalité . .. - au détriment des seules allégeances nationales;
D'où les conclusions dégagées :
- les principes constitutifs de la nation, à savoir sou\"eraineté et territorialité, sont
désormais dépassés ;
- c'est la valîdité même de l'approche géopolitique qui est à mettre en cause.
puisque les réseaux et leurs propres intérêts sont plus importants que les territoires et
les intérêts étatiques2 ;

p:nnanmt. immt!di•l cc 1nun.tâicl. Quattt caractênst'iqucs qui l"af'IPC'llcot ks quMl'C pnuap.au. .a:ribllls dr Dicm ......_•.
1. RAMONET. Gtopoli,,qur 1/11 chuns. Pans. Gahlk. l llQ7. p . f.~
1 X. R.AUFER , dir., D i<"timmairr t«hnit"'"' ~' rn"titrW Jrs rkl#'\'f!'llf":C ~""r.' . Pan~. P l 1.f_, 1991' ettam R.. K.APL~"lil . ·w•
democnc}' JUSt a mom~l ?"'in The• .·Hl""'"' "'''"tir/\', dc!cftnhrc 1qiq-:r.
l ·u nolion de ~11caux c!<1 moh\'k rmr l'1Jéc. c1'lrimcmcn1 i"'f'IC'rtantc-. de la mulh-appan~. Ln rod:i\·idm nr w:w: phis
JCUlcmmt m mfmc prindrolcmcnt citC1ycn!«I d'un l~ u•t·nation , dc plu.~ nl plu.~. ils sont SUJd:S d\m Ê.tat--naticm. tullt m ~
r-nll~lcmcn1 Ili tnul un cn~hlc dc l"ê9cau"( Or «'U~-ci ntntl ~lcmcnt tauœ l~quc ~- L~'1du C9t den:
doublftncnt 1itu' dan11 le monde palihquc contc1"rt"rain. Il e st situe- 1..."'1'ri1orial1C'mtnl. du fait dr ta s.a.a"\' IC' tk ~ rriaDon ~ :
il est ~lcment situ~ aoci•tcmC1U, r-r M"ln •rrancnanC'c a de- muUiplc-s n:scaiu rai s\~ l"h~ qw fan s'oncalllâl ven. _.
1i1mtia11 de 'vola1iiit~ idenritaltt' C"'~t·à--d1~ que ~1on 1<"!' s1ruau i.'n !I et I~ m~ . l'indl,.idu tc.5 6 modifwr .. ~ dt -=s
•pp&rtcnanees d de Mil. n!f6nmcn 1dcntilal~ . rl•çanl lanl\\I l"iJentllé' C'll~~ •U ~ -SS . . . _.a I f - . ~

d'identil6. Cc nouvel ordro qui !Unvc dr cette \ 'OlatihtC n:lari""UIC W,,,-ërcnlrnt la notKm dr œmlroltr et~ mrrimridc.. • ia
- il faut s'at14.:-her .\ L'tudier. plutôt qu" les États, l"s coll.,cttvités locales el J.,.
"-'s•ons relk!t.-s p.lr des t+.ie;iux 1t.1nsmttiondUl\ .'I l'archipel mégalopolitain mondial, à
un su~p.:i..""e trame de rest.'.lux •
- dan:i re nouvl'>llu mond.-. d1.lsporas m.in:handes, organisations intemationak'5,
.:-rime org<Ulisé. t>ulles fil'l.lncières, Internet, et autres rése,1ux seraient ).,.. nouveau•
p<>uv(>m géopolitiques, les nouvelles puissances, tandis qu" les chancelleries et ll'5
Élol15-majws ne ..,..,.ienl plus que des instrum.-nts soumis aux options trans-nationales.

5. La thèse du changement relatif sous l'influence


de la mondialisation

L'analyse Sl'opolitique Qppose à la thèse du changement absolu les arguments


suivants :
- en premier lieu, la mondialisation épouse le progrès du facteur technique. Nou.
avons développé les ronséquences géopolitiques de la technique et les révolutions
qu'elle a entrainées ; les dynamiques mondialisantes s 'appuient sur le progrèl des
moyens de télécommwùcations, d 'informatique, de tTansport, de l'information. Plus les
hoD\llleS. les biens, les capitaux et les informations circulent vite et facilement, plus les
États se rapprochent el moins leurs cloisons sont imperméables si tenté qu'elles l'aient
été un jour - sunplement les hommes n'avaient pas idée de commercer avec ce qui ne
leur était pas accessible en espace et en temps.
-u mondialisation est à l'origine de changements économiques importants. Ces
changements s'observent notamment par le glissement des zones de prospérité. De la
même façon que la Méditerranée fut supplantée dans l'échange économique par l'océan
Atlantique, relui-ci tend aujourd'hui à être dépassé par la zone Asie-Pacifiquel, tant il
est vr~ que les échanges transpacifiques sont supérieurs en volume aux échanges
transatlantiques.
- La mondialisation. c'est la dynamique d'épanchement du superpuissant à laqueUe
se raccrochent les autres, de manière compétitive, ou au contTaire en la subissant. Tel
fut le cas, à tra\•ers l'histoire, de Rome, Byzance, Venise, l'Islam otto-man, l'empire des
Habsbourg. le catholicisme mondialisant vers l'Amérique, l'Empire mondial
brilannique qui menèrent successivement les dynamiques de mondialisation tandis
que les autres États tentaient de tirer leur épingle du jeu.
- Les pouvoirs économiques et financiers transnationaux profitent des mouvements
de décloisonnement encouragés par la superpuissance pour se substituer aux
prérog;i.tives des États et développer leurs logiques de concentTation transnationale.

a. BADlE. ·~~et uwabihtc moDWa.lc". Ul RdiJlloru inJ.:rn,Jt;o nulc!.• er sn·uu.•,;iqut'.'• l.R.I S, hiver l99j, a•20,
p. 17 ; ·~ dr ~ aa&hropoioaiquc et de ~Lion 1cehnulog1quc Ju m o nJc. le résuu ubli thc lnTIIDLICI d
...___ pob&aque ea lmloiR. Sounw. i s.oa rtgunc, l'an1un miln.ain: ikv1cn1 Il ~n tour un nwc.Jc purt1culicr de I• d.i11tahJ.lfeœ
. . . . . . et k lllÜ&l:luR, raacaa foactwnnel de la sùrctC umCic lb n!:ii;caWl de lu Technique plnnCtaîn:: . Auss i le tcch~1trutat W
~il au ~anaqc. • , ID P FORGET, "Rbcau". ID Th . dl: MONTBH..lAL, J KLEIN Jir., D1c1wm1u1re d e Jtralir,1r, hN.
P.lJ.F , lGDD, p. 444-4&6.
1 "L.t ~ lf'Ea. (ammc::unJ '4ui ~La co 1367, l'•c;h.al Je l'A laska il 111 kw;s 1c JUSl1fiat1 um!!ll la dépense "Dbormw
rG,..C. k ~ai. puliuque ck l'Europe . dwunueronl d'1mpol'Wlcc . &amha que l'oc..!an Puc1fiquc, s c1 nv~. K:li lies, t1 la
....._ Rpocal vtuil:a au--drià ._.~ni ~ lbtA1R princi~I des ev~ncmenbl Ju iJrull.c..110.ic 11vc:tt1r Ju 1nuntie". Tn:nlc: uu plw &ild.
~ que. •Y« ~ cuoqr.étc da Plulippusca iur l'Eapagnc, la secunde pu~CC' X mc:t cn plu..:..:., le 1m~.'mlc:n1 Thtuc..lorc Rouacvck üalR
.,_ "tcn: de l'AiLmliquc:: ( .J aura bimlbl épu~ lu reuoun:.n 41,1'cllc: çunlrôlc: {cl que) l'ère du 1'11cifü.1uc, dduntt a lin: b pl11t
. - - ..Se loc&lca,, ml.JI.Die a'°" •wun:.", 111 M .F. DURAND, J. LEVY,[) RETAILL E. L1..• 111u11dt!, ,•_1'/XJ1..'o: e1 .ry.i 1~m,•s, P&rÎ..I, Prc:Na
llk a.•-~ u&Wuk de Kaœca. p.>htiquca/Oalluz, 1991, p . 263 .
(hoplln! :l. L'l!lot et la momllollaatlon

- À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, c'est un État-nation, et non une


,1uclconque force transnationale, qui a poussé à la mille en place des ill51TUmenlll
~ononuques - G.A.T.T., F.M.1. 1, Banque mondiale - permettant d'ouvrir le
, 0 mmercc mondiall. En 1945, les Étals-Unis ont acquis une supériorité écononuque
KrilSl\nle sur le reste de l'Occident - rappelons que l'Occident est supérieur en
puissance au reste du monde depuis le XVIe siècle - et ont logiquement avantage il
encourager l'ouverture des marchés euro~ns et la reconstruction de l'Europe qu'il&
considèrent comme une future plate-forme de projection écono-mique et politique.
- Le plan Marshall est conditionné à la mise en place d'un noyau européen destiné li
s'intégrer dans une vaste zone de libre-échange atlantique; la reconstruction de
l'Europe, son ouverture économique, passent par un arrimage aux État5-Unis.
- Les outils du multilatéralisme américain sont, dès l'origine, destinés autant à
empêcher un repli protectionniste des États euro~ns, qu'un repli régional d'une
future communauté européenne intégrée.
- Encouragée hier par l'impulsion américaine, comme elle le fut loujoUB autrefois
par l'impulsion d'une puissance marchande dominante - Phéniciens, Romains,
Vénitiens, Espagnols, Anglais ... - , la mondialisation s'épanouit aujolUd'hui dan& le
cadre multilatéral de !'Organisation mondiale du Commerce3, lieu de dialogue et de
confrontation des États. Les États continuent au sein du cadre multilatéral de défendre
leurs intérêts nationaux, de protéger leurs marchés face aux puissances t!mergentes,
mais il est de plus en plus difficile pour certains États de ne pas se conformer aux
critères établis par les États-Unis et qui définissent le profil politique et économique
idéal. La France rencontre ainsi des difficultés à défendre l'exception culturelle face aux
industries de masse américaines et au "tout-anglais". Ce combat risque pourtant d'être
perdu d'avance si le rayonnement culturel continue d'être considéré en France comme
étant extérieur à la puissance de l'État français, du point de vue économique et
politique. L'avenir de la langue française et de la culture française est déterminé par la
puissance globale de la France et non par des lignes Maginot juridiques qui firùront par
tomber sous le poids croissant de !'Organisation mondiale du Commerce et des
engagements européens.
- L'uniformisation des modes de vie et des cultures suivant le modèle civilisa-
tionnel américain devrait aussi attirer l'attention sur le fait que le mouvement de
mondialisation s'inscrit dans les pas des États-Unis. Si le monde était vraiment
mondialisé, c'est-à-dire absolument détaché des intérèts d'un État, l'humanité parlerait
espera11to et les crimes de guerre seraient tous jugés de la même manière, quel que soit
la nature du régime en cause, et quelle que soit la position géographique du pays en
cause.
- Les firmes multinationales sont liées à des logiques nationales. Dire que de
nombreuses multinationales sont plus fortes que les États et en déduire ainsi que le
transnational s'impose peu à peu sur le national. c'est oublier que les firmes

l .. Le F.M .I. ne se conlcn1c pu..• J'éngcr en Jag1uc h1 natinnalnie ...~onunuqur pn\-k. 11 optn: \b cboU. et Ul\'ft'K les aëmcnls
lie l'orgaruuhon des structun.:s étaüqui:s {. ). Si l'un peut parler Uc 'rrv.)ct pohuquc' • p-op:aa. du f .M..I ., cclw-c1 n'a pu bi arGclle
tJ'un d1tcow-s comtru11 et vulont1urc fi.•ndé sur une hiinc Jm:-:1n . :c sans Cailles (""~1 rlutôt i ll"D\'<Cn un cmcmblc d'ana.l)"lll5. pufod
pu dUau1 ou par 4Jt!<luc1ion, t11.1'1I füut ..:-o nsmtcr quC' k fm1Js agu Ja.it.S Wl t"ertain c~ • .,;,clun un i!i:hêtmi on.bodoAr n!fioaJant ;i La
conccplion dc.!l ('llYS dominants L' ~tudc de s flmgrummcs uu Cl'-" par \'.as et IC'w rbullantr sur le rlan global ft"ndenl N...,U- Je t."'CCIC'
rêlht~ . ·. in J M . SORËL, "Y n-t-il \m rn1JCI rx1h11qu1..· ,tcmtl"C' les 1ntcn·cntion.s du f .M.I. .... in R.rlwiom in~IOlflOlcr ~t

Jtru1igiqu.:.t . l R .I S , lhvcr l'lYJ , n"t:!, p . S2-b2 l~ll Nobel d'«:Clnom.c :?OUI , Joseph Sli&htz CSLn:œ que le F. M l. ohë;1 am.
mttrits dt W11111ll Strccl cl l'u.h."·ulu.:1c lihi:mlL· munJuah~tL' au' rntierèts J~s tLats-llms m L,· Fll(lPl•. L"Cndred1 9 .....,1)1 !001
2 t". A . KllAVAND. L.· nnm·•·I unh··· c·omm,·n. i11f mondiill, P11ns. N111111hAn, 19"5 . Y LF. l>IASl""ORN. O. BLONDEL. ü
naun•&1u l/eJur.Jn..• -.•n11wmil1ue nwnd1ul ri.,• ' ""l"'"''-" ''H' 4-' f .ft•.,· , ·r&.W.T I, raris, 1::.llî~. \9QS. p . l .. ·.22
l O . ltUN. L'u1xu11.Uu1lcm nu1t1.Jl"it' d1.1 1·on11nrn·.-. ran.s. lilli~ 11199. 1t,'Oll . "Miso au po1Q1· ; A. KIUl:GtiR-K..RYNtcK.l.
L'o,.mùarlfllr nmffdlalc- ''" C'1Jt1ut11·n·1·, P\&ns., VuibL•rt, 1 llQ'1 , ..:Lill "(lc.111ion mlcmalll\Nlh:"
892 Purfir 7 l~ 'f.tnl C'OnC"urret1<J

transnationales ne sont pas si transnationnles qu'il n'y parait . De nombreux


économistes soulignent en effet qu'il n'existe pas encore de firmc.!l transnaUonale-!t
puisque l'on constate toujours ln prépondérance dans le capital de ces firm~ d'un
groupe de nationaux, et. derri~re eux, d'un pa}'fi -
Ces soci~~. à propos desquelles il conviendrait mieux de parler de multinationale
que de firme transnationale, ont une nationalité d'origine, en général celle du pays où
se situe le siège social, ou la lloldi,,g . Pour la plupart, les multinationales sont
américaines, mais Il en existe des britanniques, allemandes, françaises, néerlandaises,
japonaises. . Autrement dit, on retrouve derrière les transnationales, les grand.,.
puissances économiques.
- On nous dit qu'une logique de réseaux• remplace une logique de nations ; mai•
derrière le rideau de fumée des réseaux se cachent souvent la puissance des États ou
des groupes armés en lutte contre les États ; nous avons ainsi souligné, dans le chapitre
consacré au crime organisé et à ses réseaux, le lien de la criminalité organisée avec les
logiques de luttes entre les États et contre les États. Cette mondialisation-là renvoie
encore à l'État.
Quant au réseau lntemet, il fut d'abord un système informatique de l'armée
américaine avant de devenir un réseau mondial ouvert au public mondial.
- L'intégration régionale est aussi une forme de réaction des États face aux
processus de globalisation quant ce n'est pas le résultat de l'influence d'une puissance
qui a intérêt à ce que ses alliés s'agglomèrent entre eux pour mieux les agglomérer
ensuite.

6. Mondialisation. et souveraineté

Le discours dominant imposé par la sociologie des Relations internationales qui a,


au fil des années, évincé de l'Université française toute tentative d 'analyse des
Relations internationales d'un point de vue géopolitique, est celui d'une érosion
affirmée du rôle de l'État en tant qu'unité de base des Relations internationales. Selon
ce discours, la mondialisation, conçue comme dymun.ique historique dotée d'une
extériorité à la contingence étatique, aurait rangé l'État au rang des accessoires de
!'Histoire, ôtant du même coup toute pertinence à la notion de souveraineté.
Comme toutes les thèses qui ne sont pas immédiatement réfutables et méritent
d 'âpres débats, la thèse de la fin des souverainetés ou du triomphe de la
mondialisation s'appuie sur des constatations pertinentes et peu constestables :
- la crise que traversent de nombreux États dans le monde ; ces États s'effondrent
sous l'action de forces intra-étatiques comme les séparatismes dont les fondements sont
ethniques, religieux, socio-culturels ... , c'est-à-dire pour l'essentiel identitaires.
- l'incapacité croissante pour de nombreux États à peser sur l'évolution de
l'économie mondiale à l'aide de politiques macro-économiques ; incapacité
concomitante du renforcement d'acteurs économiques non-étatiques puissants telles le5
multinationales et de l'interdépendance croissante des capitaux mondiaux.
- la concurrence croissante faite aux Relations interétatiques par les acteurs ou les
outils relevant du domaine transnational : droit international, organisations non-
gouvemernentales, logiques supra-nationales, criminalité organisée . ..

1 F. FORGET, G. POLYCARPE, LI! rbeau ~' l'inj;,1;, E.u ai d'a111hropnfogh• phrln.wplrrtflll! t..'I .\·fmléKiq1tt', Poris. faonnm1u,
1998.
Qlaplltt3. L'~I et la mondl.alL~tlon

- le phénomène de régionalisation - Union européenne, Alena, Ase.an ... - ·qui


concerne certes la quasi-totalité des État& de la p~, maïa suivmt dei dep
d'intégration fondamentalement variables, gradation qui ne peut ffre Mgligb!.

Que disent les travaux américains ou français qui soutiennent l'icUe de la fin des
souverainetés - c'est à dire, en somme, ceux qui s'opposent â l'école r~ de liai.
Morgenthau, ou néo-réaliste de Kenneth Waltz, qu'il s'agi!lle de l'école mondiamte de
Robert Burton ou de Norbert Elias, celle du changement !l}'Stémique de James Rmmaaa.
ou en France de Bertrand Badie à l'Institut d'Études politiques de Paris et au CJ;Jtf..l. ?
D'abord, qu'il existe deux mondes par essence opposables, •un monde .de l'État,
codifié, ritualisé, formé d'un nombre fini d'acteurs, connus et plus ou moins
prévisibles" et "un monde 'multicentré', constitué d'un nombre ~esque infini de
participants dont on ne peut que constater qu'ils ont une capacité d'action
internationale plus ou moins autonome de l'État dont ils sont censés relever."2 Que
•cette dualité des mondes s'accompagne d'une dualité des dynamiques: le maode des
Étals agit dans le système international en vue de conforter et de légitimer son
existence. Le monde 'multicentré' vise, quant à lui, à élargir son autonomie par apport
aux États, donc à banaliser la remise en eau.se des &onlières et d"5 souveraindés
étatiques" .
L'idée centrale est donc que le monde multi-centré est en passe de l'emportrr - ou
l'a déjà emporté - sur le monde de l'État; bref que le fait transnational, sous toutes !les
Connes, va marginaliser le fait étatique.

Quelle critique peut-on faire à cette thèse?


Il convient d'abord de s'attarder sur une concession en apparenœ anodine que les
tenants de la fin des États accordent aux réalistes, c'est-â-<lire à ceux qui considèrent
que l'État est l'unité indépassable des Relations internationales.
Tout le monde s'accorde à dire, y compris donc les transnationalistes, que le fait
transnational est très ancien, comme l'est la concurrence qu'il a touj<nus fait à l'Éiat..
Mais ne s'est-on pas posé la question de savoir si cette ancienneté ne traduisait pas un
lien indéfectible entre deux faces d'une seule et même réalité duale, œlle des forces
étatiques el celle des forces anti-élatiques - infra-étatiques et supra-étatiques - ? Cest
un fait qu'aucun auteur du courant transnationaliste ne s'est attardé à réfléchir sur le
sens de cette ancienneté commune el que l'on a préféré postuler l'existence de deux
mondes distincts tout en reconnaissant paradoxalement leur indissociabililé traduite
par la définition que Bertrand Badie donne des relations transnationales ; "les relations
transnationales peuvent dès lors être définies comme Ioule relation qui. par volonbé
délibérée ou par destination, se construit dans l'espace mondial alMielà du cadre
étatique national et qui se réalise en échappant au moins partiellement au contrôle ou à
l'action médiatrice des Étals. Contme telles, ces relations remetœnt en cause,
volontairement ou non, la souveraineté des États el la prétention de œux-ci à
revendiquer un droit exclusif à agir sur la scène internationale. Elles se caractérisent
par leur extrême diversité, leur relative ancienneté, la difficulté d'insérer leur analyse
dans un paradigme réellement opératoire. "~
Ainsi que le courant transnationalisle l'admet : le seul point commun qui rassemble
ces forces transnationales si diverses par nature, c'est qu'elles agissent en dehors ou

l Ccnrn: d' E.cudc~ des RC'hlllons lnb:muuon.ales.


2 J11mcs Ruscnuu • ..:il ~ pur Bertrwu.I Ual.110: ..:t Manc-Cl11udc Stlll.:n.ats. Ln 8 . RADlE, ML' SMOlrt'S,. Le~"- --'t.
Soânlogit• rk '" sc1'1'r im~rnmit>n..1lt.•, Pans, Pn..~ ~cs de ScÎé:'nCCS Po. IW.S. p. 70.
'.\ O UADIE. M ç SMOUTS. / .c· n ·tourm·m t..·11t du m o nJt· So.:wi~llf dt!'"' u~,... lnr~~. ~~Je mfoalllila
Na11on11lc l.lrs Sciences l'»ollliqui:s, l 99S, p . 70 .
Pnrhr 7 L' t.1111 rouciuTt,,cé

contre les logiques étatiques. Or en bonne lngique, lorsque l'on constitue un ensemble,
on fonde celui-ci sur au moins un crito"re commun aux éléments de cet ensemble; ici le
~"li~re d'appartenanœ commun c'est d'agir par rapport - en dehorn, au-delà,
ron!Te .. . - à l'Etat. Par cons&.1uent, le monde du transnational n'a de validit~
tht!orique qu'en tant qu'il se définit par rapport à la réalité des Étilts. Ceci peut paraitre
un peu abstrait. mais il est nécessaire de comprendre cette chose simple qui nous parait
être le prkuppo.."<' ernmé des théories transnationalistes : on ne peut pas opposer un
monde transnational à un monde l>tatique et dire que l'un Vil supplanter l'autre, tout
simplement parce que le fait transnational et le fait l>tatique sont consubstantiels.
De cette erreur premio"re dl>coulent des conclusions fausses :
1/ on confond la crise de la carte des États avec la crise de l'État en tant que forme
politique dominante, et unitl> fondamentale des Relations internationales. Or cela n'est
pas parce que de nombreux États sont remis en question dans leur unit{>, dans leurs
prérogatives de souveraine!{>, que tous le sont, et que l'État, en tant que fonne politique
dominante, est rondamnl>.
li faudrait ainsi expliquer pour quelles raisons le nombre des États n'a jamais cessé
d'augmenter - une quarantaine en 1900, plus de 180 aujourd'hui; pour quels motifs
les séparatismes qui dl>chirent certains États visent-ils à l>difier de nouveaux États.
En realitl>, la carte des Etats est - c'est un phl>nomène constant à l'l>chelle de
l'histoire - en perpl>tuel processus de destruction et de crl>ation d'États, et connait
successivement des phases d'l>quilibre et de dl>sl>quilibre. Tout part des États, tout y
revient toujours.
2/ L'idl>e dl>fendue par Bertrand Badie - notamment mais pas seulement -
suivant laquelle l'État n'est pas universel est contestable; les travaux de B. Badie sur les
deux États 1 - en Occident et en terre d'Islam - montrent certes qu'il existe une
définition occidentale de l'État qui, elle, n 'est pas urùverselle ; mais Bertrand Badie
parle des deux États: c'est donc que l'État est partout, et que si le contenu des États
diffère - relatif donc à la géographie - , la notion d'État elle, est urùverselle; c'est bien
l'expression politique que prend l'État qui est variable selon que l'on se trouve en
Oa::ident - et même à l'intérieur de l'Occident où l'on peut opposer des modèles
centralisés à des modèles dl>centralisl>s -, dans le monde arabe, en Iran, en Chine ou
en Afrique.
La notion d'État telle que la dl>finit Max Weber "une entreprise politique de
caractère institutionnel dont la direction admirùstrative revendique avec succès, dans
l'application des règlements, le monopole de la contrainte physique" est un bien
commun unissant les mondes civilisés, en dehors cependant des sociétl>s archaîques,
dl>pourvues d'État ou de capacité à en avoir un propre mais ne pesant en rien sur les
Relations internationales; l'analyse de science politique portant sur les systèmes
compares des États est certes riche en enseignements du point de vue de la stratégie
des acteurs étatiques, mais elle ne saurait être première; suivant la différenciation bien
connue en analyse systémique, on ne saurait confondre strucht re et processus ...
3/ On oppose à tort la réalité des États aux forces de dislocation ethniques,
religieuses, konomiques - intérêts des multinationales ou intérêts illicites - comme
si ces forces n'étaient pas elles-mêmes fondatrices de la carte des États du monde.
Celle-ci ne serait-i!lle largement, et à tout moment de l'histoire, le produit de logiques
ethnico-nationales, religieuses et l>conomiques? En même temps ne serait-ce pas
l'inadl>quation État-i!thnie, !'instrumentalisation des différences linguistiques,
religieuses, socio-konomiques qui participerait de la remise en cause de certains
États? Hier, comme aujourd'hui, certains États disparaissent ou sont déstabilisés
CNpilre 3. L'~t.at l!I la mondio1Usation

momentanément sous l'action conjuguée de forces intérieures ethniques, religieuses,


linguistiques, socio-économiques - facteurs constitutifs d'une réalité identitaire - et
de forces extérieures aussi bien étatiques - États voisins, puissances régionall!ll et
mondiales, qu'extra-étatique, comme de puissantes firmes multinationales. Certains
l11cteurs dynam..iques comme l'évolution démographique d'une ethnie jouent un rOle
essentiel dans le processus de remise en cause de la réalité des États. Là où l'analyse
sur les systèmes politiques doit rejoindre la prise en compte des critttes géopolitiques
- critères identitaires - , c'est lorsque la poussée démographique épouse la logique
démocratique pour accoucher du communautarisme, comme au Kosovo par
exemple . ..
L'ensemble de ces forces est à la fois constitutif de la réalité des États et de leur
remise en cause ; les deux faces d'une même réalité que nous appelons géopolitique
interne et géopolitique externe.
Donc, de la même fac;on qu'on ne saurait confondre la fin de certains États avec la
fin de l'État, ou les particularismes étatiques avec la non universalité de l'État, on ne
saurait opposer les identitarismes aux États car ils leur sont consubstantiels.
4/ Pas plus qu'on ne peut croire à la fin de l'État, on ne peut croire à la fin des
territoires : de la même fac;on que toute disparition d 'un État passe par la fin d'un
territoire - son partage en fait, ce qui est différent de sa fin - , toute création d'un État
passe par l'affirmation d'une souveraineté sur un territoire bordé par des frontières.
Dans le monde, nombreux sont les États qui s'affrontent à propos de questions
1erritoriales, y compris pour des territoires disposant d 'aucunes ressoun:es
économiques mais revêtant une valeur stratégique ou même symbolique: le Mara:
tient à son Sahara occidental - et l'Algérie regarde sa possibilité de désenclavematt
sur l'Atlantique . .. - , l'Inde et le Pakistan se déchirent autour du Cachemire; en
Palestine la logique est celle de la paix contre la terre; la Grèce et la Turquie se
disputent les iles de mer Égée ; le Japon et la Russie les iles Kouriles, la Corée et le
Japon, les iles Takeschu ; le Yémen et l'Érythrée les minuscules ilots des Hani5Ch en
mer Rouge. On pourrait multiplier les exemples de contentieux inter~tatiques et de
conflits infra-étatiques ayant pour enjeu le contrôle d'un territoire.
Là encore, cela n'est pas parce qu'existe une déterritorialisation de la bulle
financière et l'accélération de sa circulation interne; une délocalisation de la main-
d'œuvre d 'intérêts privés; que l'on peut conclure à la fin des territoires; tant que
l'homme restera un animal à la fois géographique et politique, il sera un animal
géopolitique, c 'est-à-dire un être indissociable du territoire.
5/ Cinquième erreur : il y aurait un phénomène de mondialisation économique par
essence opposé aux États et destiné à rayer ceux-ci de la carte - sans que l'on ne dise
d'ailleurs par quoi les États seraient remplacés. Or ne voit-on pas que l'accélération des
échanges économiques et des investissements ne se développe que là où les États semi
stables, ne souffrent pas de crise de légitimité profonde? Seule une Russie forte et
pacifiée, et non une Russie livrée aux mafias et aux séparatismes provoquera l'intérêt
des investisseurs ; l'échec de la confiance des investisseurs à retourner au Liban
s'explique de la même façon par la difficulté à restaurer la solidité de !'Étal
L'économie est fondée sur le droit de propriété, sécurité fondamentale que seul
l'État peut assurer principalement; une milice privée peut assurer la sécurité d'une
multinationale et se comporter comme un État dans l'État, elle ne saurait sécuriser à
elle seule un marché de consommateurs; un marché de consommateurs n'est
réellement sécurisé que par un Étal solide.

Voilà au moins cinq critiques de la thèse mondialisante.


Parfjr. 7. t' liai ""fCl.trn''Uri

1/ De la ~me façon qu'il n'existe pas de crise universelle de l'Etat, il n'e><iste pa•
de ('riseunivenielle de la souveraineté; la souveraineté est en crise là où l'Etat est en
<TiR, c'est..j-dire là oil l'on considère que l'Etat n'a plus lieu d'être. Si des chercheun
aussi influents que Bertrand Badie peuvent écrire "Pourquoi les acteurs publics ou
prl\oés concourent-ils à entretenir cette fiction d'un ordre interétatique ?" 1, il est alon
probable que lesdits acteurs publics ou privés finissent par se convaincre que la réalit~
des Etats n'est qu'un<' fiction et qu'ils agissent alors en conséquence.
2/ Lo souveraineté d'un peuple signifie l'indépendance de son État; or
l'indépendance d'un Étnt est fundée sur une capacité de puissance susceptible de
conserver l'ordre géopolitique interne et d'appuyer une politique étrangère. La
problématique de la souveraineté ramène donc à celle de la distribution de puissance
entre les États.
3/ Ce que l'on observe aujourd'hui est une distribution de la puissanœ
particulièrement inégale; le temps est à l'hégémonie.
Faisons d'abord une observation sur la nature de la puissance. Les critères sont
nombreux ; ils interagissent. li y a les critères géographiques classiques, comme
l'étendue du territoire et la démographie qui sont souvent à lier au critère économique:
un grand territoire très peuplé, c'est un marché économique intérieur puissant avéré -
l'une des sources fondamentales de la puissance américaine - ou potentiel - Chine,
Russie, Inde .. . Les critères traditionnels de la puissance sont évidemment pondérés par
le développement technique, militaire, comme par le degré de cohésion nationale.
Quoiqu'on en dise, l'étendue et la démographie restent deux critères de puissance
importants. Or la prolifération étatique, en multipliant le nombre d'États, diminue
d'autant la superficie moyenne des États et leur démographie - démantèlement de
!'U.R.S.S., de la Yougoslavie, des États archipélagiques comme l'Indonésie, les
Philippines, les Comores tiraillés par les séparatismes insulaires .. . La prolifération
étatique confirme bien la domination de l'État comme unité de base des Relations
internationales mais elle affaiblit dans le même temps la puissance moyenne de l'État
dans le monde. Plus l'inégalité de puissance est forte, plus les équilibres de puissance
sont difficiles à réaliser.
4/ Il existe une hyperpuissance politique et économique qui dispose d'une
souveraineté maximale. Sa très grande puissance politique fondée sur sa puissance
économique, technique, démographique, comme sur sa situation d'ile-continent, est
indissociable d'une logique de souveraineté totale :
- les États-Unis n'appartiennent à aucun organisme supra-national travaillant à la
règle de la majorité absolue ou qualifiée : partout où ils sont, ils peuvent exercer leur
véto;
- les États-Unis sont à l'origine de nombreuses dynamiques de droit international,
traités et conventions débouchant sur une limitation de souveraineté des signataires;
on les retrouve cependant rarement au rendez-vous de la ratification ou de
l'application effective. Cest particulièrement vrai dans le domaine du nucléaire2 où les
Américains entretiennent une dialectique prolifération/ contre-prolifération visant d'un
part à maintenir un leadership nucléaire, partagé provisoirement avec quelques
"grands" jusqu'à la mise en place d'un bouclier anti-missiles, d'autre part à limiter la
recherche de la puissance par le nucléaire ou par le chimique et le bactériologique -
arme du pauvre - des États qualifiés de parias. En 1999, le Sénat américain a refusé
de ratifier le traité d'interdiction des essais nucléaires; par ailleurs, en relançant l'idtt

1 B BADIE.. M.C SMotm, U n•1u11mnntnl Ju mum:k. Suc:mlvgie •k '" J;cimi: imanuuunu/t", J111ns, Prl:HH de KirnctS f"O.
199S.p. 121
2 VoU DOft Malon coaMC:T'ic au fait nuclt.ia
l:hlf"lr" l . L'lltnt et la monJlallHntlon

du bouclier antl-mlssiles, Washington remet en question le traité ABM de 1972 •i~


av« 111 Russie, comme il compromet l'avancée de• RuaSC!I quant Il une éventuelle
ratificotlon de ST ART Il. L'avantage en puissance est donc utili~ par les Étabf..Un.ia
pour développer des stratégies de "souveraineté limitée" ailleurs.
A Washington, 1'0.N .U. est considéré comme un outil de légitimité dans l'action
inl~llUltlonale utile - Guerre du Golfe - mais non indispensable - Guerre du
Kosovo - , l'outil de puissance effectif étant 1'0.T.A.N.
Cette hyperpuissance s'impose comme une donnée incontournable pour tous les
Êtals de la planète, ce qui ne veut pas dire pour autant que ceu)(-ci n'ont plua de
capacité de puissance propre - au moins régionale - et qu'ils ne sont plua souverains.
Qui peut affirmer sérieusement aujourd'hui qu'il y aurait une criae de la
souveraineté aux États-Unis, en Chine, en Russie - la souveraineté est attaquée maia il
y a consensus autour de sa défense - , au Pakistan, en Inde, en Jsr.ù!.l,. .. ou dans de
nombreux autres États du monde, qui restent fondamentalement nationalistes, non
parce qu'ils seraient agressifs, mais parce qu'il y est banal d'y parler d'intérêt national,
de souveraineté territoriale, d'identité nationale, voire de religion nationale .. .
5/ La crise de la souveraineté frappe avant tout les États dont les élites dirigeantes
se sont convaincues que le monde entier s'éloignait de la doctrine cl.usique de l'Élat.
Dans l'Uruon européenne, certaines puissances semblent penser pouvoir compenser un
insupportable abaissement de puissance, par une transformation radicale de la
souveraineté : l'abandon de la souveraineté nationale au profit de la construction d'une
souveraineté européenne, sorte de substitut de puissance face à l'hyper-pujs5anœ
américaine. L'Union européenne est cependant le seul exemple, dans le monde, d'une
dynanùque régionale ayant opté pour l'abaissement des souverainetés nationales.
Partout ailleurs, la régionalisation prend la forme de coopérations inter-étatiques, de
synergies économiques, rarement capables de faire taire les différends géopolitiques -
Asie, Afrique, Asie-Pacifique.
6/ Ce partage inégal de puissance a déterminé un monde triple : un monde fait de
souverainetés triomphantes - États-Unis, Israi!I, Russie en Tchétchaüe, Chine au
Tibet, Inde et Pakistan au Cachemire, Turquie à Chypre ou en pays kurde ... - ou au
contraire malmenées - Irak, Serbie, États africains rongés par les sécessioruûsmes .. . -
, de souverainetés choisissant l'auto-limitation - Europe occidentale.
De la même façon que le transnational est consubstantiel du fait étatique, la
mondialisation ne peut être pensée comme étant extérieure à la puissance des États et
de leurs économies, susceptibles de la piloter ; la mondialisation est à la fois effet de
puissance d'États et dynamique de puissance agissant au profil de ces États au premier
rang desquels les États-Unis. La mondialisation doit donc être considérée comme étant
indissociable de l'hégémonie de puissance américaine.
7/ Les arguments géopolitiques ne suffisent sans doute pas à clore le débat sur la
relation entre souveraineté et mondialisation ; il convient san doute également
d'aborder la question du rôle joué par le régime politique dans La crise de la
souveraineté. On sait que nombre d'États s'effondrent faute de légitimité politique. En
Afrique, le politique n'a que rarement pu dépasser l'identification de l'État au pouvoir
d'une ethnie - ou d'une coalition ethnique; lorsque le régime politique ne parvient
pas à créer une identité nationale susceptible d'épouser les contours de l'État, les
séparatismes, les rébellions ne tardent pas à éclôre. Lorsque le pluri-partisme est
dévoyé en pluri-ethnisme, le vote démocratique en vote ethnique, clanique ou
régionaliste, alors l'État est condamné au chaos. Le bien commun est par essenœ
opposé à la satisfaction des communautarismes.
Pa,.tir 7. t•rtat coun1nmcl

La criiie de IR souveraineté, c'est donc aussi Io crise de l'autorité de l'État, c'est-à-dire


œlle de sa légitimité. Cette crise là est toujours exploitée par la logique de souveraineté
des États voisins suivant le principe du dividt' ut im11t•res - diviser pour mieux régner.
Selon Raymond Boudon, la difficulté croissante des gouvernants à déterminer le
bien public de façon claire et cohérente constitue la principale source d'anomie .
L'école des réaliste(;. - tel Hans Morgenthou ou Kenneth Waltzl aux États-Unis -
"qui voynient dans les rnpports de force le seul déterminant de la politique extérieure
et le principe organisateur du système international" continue d'avoir raison et nous
avons tc>rt en France, dans les universités en particulier, de refuser l'approche réaliste
des Relations internationales.
La question fondnmentale que nous devrions nous poser est celle de la distribution
de puissanœ, qui fait qu'il y a des "souverainetés riches" et des "souverainetés
pauvres" Ce que nous devrions voir est que cette puissance trouve notamment ses
fondements dans la force de l'économie et dans la supériorité technique - le facteur
technique est l'un de œux qui font les révolutions géopolitiques comme nous le
soutenons tout au long de cet ouvrage - , mais aussi encore dans le dynamisme
démographique, dans la vitalité politique de l'État et du régime démocratique, dans la
capaàté d'un peuple à s'aimer.
Les marxistes, au début de la Guerre froide, ont parlé de la domination du
transnational; le béhaviorisme au milieu des années 50 a voulu introduire
l'anthropologie, la psychologie sociale, la sociologie des organisations dans les
Relations internationales; les courants transnationalistes représentés par les travaux de
R. Keahane, J. Nye2 ont voulu dépasser l'État. Tous les modèles développés ont eu le
mérite de souligner le rôle de nouveaux acteurs dans les Relations internationales,
jusqu'à l'individu, lorsque la mode de l'atomisation triomphait. Aucun de ces modèles
n'a réussi à apporter la preuve que les "nouveaux acteurs" dépassaient en puissance et
en influence les États et qu'ils jouaient un rôle décisif. Les États traversent les siècles,
tandis que les F.M.N. - Firmes multinationales - et les individus traversent l'histoire
aussi Vite que des comètes.

1 Oms un auvrqe- Maai c!lèbrc que le Polibcs unong Nalions de Hans Morxcn1hau, Kenneth WallZ critiquan1 tous tel
~a 1~ a d1ffuution : K.cnnctb WALTZ. TJwory of lnlernationol Politic.s. Rcudmg {Mass.), Addason-Wcslcy. 1979,
chmp. J d S ~la llnlCZUrc d'unS)'JU:mc poliUque se ré:suml: à ·1·uge1u;:emcnt de ses composantes" sous lrois aspects . les pnnapa

~da .,...anc (cocxlSlc:Dl:e d'umtb iégolst.cs œmposant un systtmc de façon sponlon~e. sans le vouloir, dan.s ) GJW'[hie rt
0

le cbcua pour soi, de la mi.me ~ que les opl1'te\ln. «:onom1ques composent un marché économique); lu nalurt des urulhl
polibqœs (m bon n!alisat. KlDDitlb W•la comi~ que les Éuits sont les W11tê5 de bu.: dont les interac1ions forment la strucfllf't du
syaà:nt iall:r'UDœ.J et qm cc.t. va dura) ~ I• distn"'bulion des éléments de puissance (pour Kenneth W11l1Z, la puiuance se IMllft
m ~ lt putmtid rcspcichf des wmb composant le systtme, 1eul c!ltment de ditTn-cnc1u1ion mue les umlés 10\dn
~ •)'Ull Ses m!mm bue. n ranphuanl fes mtmc. fonc:11ons) . Sur Kenneth Wall7., on rourm se n:porter à la p~mitR putic
de t«N"Q.F. dam lit cblipalft' comacrt i la 9éopolitiquc anglo-saxonne .
2 TnllUftGllottal k/o:tiofl.J und World Pa/Ilia , Cambrid1c, Mau Harvard University Press, 1972
CHAPITRE 4

L'ÉTAT ET LA RÉGIONALISATION

La dynamique de mondialisation est souvent invoquée comme motif premier


expliquant la nécessité pour les États de se regrouper en union régionale économique
et palitique. Ainsi, de prime abord, la régionalisation apparaitrait comme une forme de
réaction à la mondialisation, réaction qui pousserait les États à céder ou partager une
partie de leurs prérogatives de souveraineté dans Je but de constituer un pôle régional
capable d'affronter les défis de la mondialisation. Nous nous proposons ici de mieux
comprendre le sens géopolitique et les conséquences de la régionalisation, notamment
dans son rapport avec la mondialisation.

1. Définition de la régionalisation

Le phénomène de régionalisation désigne la tendance à voir des États appartenant


à une même région géographique se rapprocher, d'un point de vue économique et/ou
palitique.
Entamée dès la fin de la Seconde Guerre mondiale dans un contexte de
libéralisation des échanges éconorrùques, la régionalisation est une dynamique
contemporaine forte, fondée essentiellement sur des motivations économiquesl.
Elle se traduit de manière concrète par la multiplication des accords régionaux et
des organisations régionales. Il existe près de quatre-vingts accords commerciaux
régionaux dans le monde, mais, depuis la fin du contexte bipolaire, le phénomène de
régionalisation s'est encore accéléré. Le degré d'approfondissement des logiques de
régionalisation, que l'on appelle encore degré d'intégration, est très variable.
La construction européenne, !'Accord de libre-échange nord-américain ou encore
l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est constituent aujourd'hui les trois
principaux pôles de régionalisation dans le monde.
Carte 106: Trois grands pôles de régionalisation : Union européenne, A.L.E.N.A,
A.S.E.A.N .

2. Le principe moteur de la régionalisation

Le principe économique qui motive les rapprochements régionaux est œlui des
économies d'échelles réalisées par des économies nationales qui élargissent leur
marché à leur voisinage. C'est le principe simple de "l'union fait la force". Faœ à des
blocs de plus en plus concurrentiels, les Européens tentent de faire converger leurs
intérêts économiques pour produire moins cher, et disposer d'une capitalisation plus
forte. D'où les rapprochements industriels et capitalistique" et les fu,.ions qui sont
ob!le~ depuis plusieurs ann~-s. au plan européen, dans de nombreux secteur.i
économiques.
Lit dynamique K-onomique de régionalisation est i'I différencier du
multila~lisme: par opposition en effet au libre-échange multilatéral encouragé par
l'AC\."Ont gë~ral sur l~-s Tarifs et le Commerce puis, depuis 1995, par l'Organisation
mon-diale du Conunerce. la régionalisation est une pratique des échanges dirlg~.
l'article 24 du G.A.T. T autorise la dérogation au principe du multilatéralisme
prki.<ément dans le cadre de regmupements régionaux . Mais les États-Unis sont de
plus en plus enclins i'I engager le combat avec l'Union européenne devant les instances
de l'O.M.C. pour entrave aux règles du libre-échange multilatéral et pour
protectionnisme régional.

3. Les différents degrés d'intégration régionale

le phénomène de regroupement régional doit d'abord être analysé en fonction de


son degrè d'intégration économique et, dans des cas plus rares, d'intégration politique
des États.
Dans l'ordre croissant d'intégration, quatre degrés de coopération peuvent être
distingués :
- la zone de libre-idumge. la plupart des obstacles à la libre-circulation y sont
supprimés, sans pour autant que les partenaires aient adopté une politique
commerciale commune à l'égard des pays tiers. Exemples: !'Association latino-
américaine de libre commerce - A.L.A.L.C. - de 1960; !'Accord commercial de
rapprochement économique entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande - 1983 _;
)'Accord de libre-échange nord américain - 1992 - ; !'Espace économique européen
en~ en vigueur en 1994; le Forum de Coopération Asie-Pacifique - A.P.E.C. _
s'achemine vers la création d'une vaste zone de libre-échange; !'Accord de libre-
échange asiatique au sein de l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est
- A.S.EA.N. - ; le Mexique et les cinq pays d'Amérique centrale - Guatemala,
Costa-Rica, Honduras, Nicaragua et Salvador - ; Accord de libre-échange d'Europe
centrale formé par les pays du groupe de Visegrad - Hongrie, Pologne, Slovaquie et
Tchéqwe .. .
- L'union douanière. Cest une zone de libre-échange dans laquelle les partenaires ont
adopté une réglementation commerciale commune par rapport aux pays tiers.
Exemples : Union douanière et économique de l'Afrique centrale - 1964 - ; le Pacte
Andin de 1969; un regroupement à vocation d'union douanière : le Mercosur qui
réunit l'Argentine, le Brésil le Paraguay et l'Uruguay - Cône Sud - depuis 1991.
- Le mllrchi commun. Il dispose de la libre-circulation des personnes, des biens, des
services et des capitaux. Depuis 1993, c'est le cas de la Communauté économique
européenne.
- L'union éccmomique. la forme de coopération économique la plus intégrée. Aux
quatre libertés du marché commun, il faut ajouter, pour les États membres, des
politiques macro-économiques communes. L'Union européenne est la seule union
économique à disposer d'un tel degré d'intégration 1 . Qui plus est, elle se dote d 'une
union monétaire et politique qui vise à une monnaie unique pour tous les États
membres et à la mise en place d'une politique extérieure de sécurité commune. Pour
l'U.E., il est possible de parler de regroupement régional à vocation supranationale.

J C. RtvEJLLARD. l.cJ&J/n-c/efstklacunsfructlontmropé~nne. Pans. Ellip~s. 2000.


l°l"rllre .i. L'état et la rtglonallaaUon

li exlsle d'outres formes de coopération économiques et politiques moins in~ées


que ln zone de libre-échange. On parlera alors de forums régionaux. En Asie,
i·organlsatlon de Coopération économique regroupe depuis 1992, l'Iran, le Paki8tan, et
I• Turquie, ainsi que les cinq républiques musulmanes d'ex-Unlon soviétique. De
111~me. autour de la mer Noire, les pays riverains se sont groupés depuis 1992 dans une
Zone de Coopération économique de la mer Noirel. Mais ces deux efforts de
rapprochements économiques sont peu probants du fait des profonds différends
gé<>politlques existant entre les États membres.
Les regroupements et tentatives de regroupements régionaux obéiHent aux
cohérences économiques découlant autant de panismes continent.aux que de la
conscience d'une communauté de partage maritime: mer Noire, océan Indien,
pacifique. Ils apparaissent souvent comme une volonté de la part des Établ de re-
territorialiser leurs économies, face à la compétition mondiale, en cultivant. ou en
inStituant. des logiques de proximité.

4. La logique de régionalisation masque-t-elle


des logiques de suprématie étatique ?

La fonction géopolitique des regroupements régionaux est complexe. Pour les pays
qui sont les initiateurs, il est possible de discerner à l'int&ieur de ceux-ci une logique
de suprématie. Pour ceux qui y adhèrent, il y a souvent la peur de la marginalisation
qui impose le suivisme, mêlée à des intérêts réels à pa.rl:ilger.
Les États-Urus qui furent favorables d'abord au seul multilatéralisme, à la sortie de
la Seconde Guerre mondiale, se sont progressivement townés vers la logique
régionale, sans pour autant abandonner l'idée de faire émerger une Organisation
mondiale du Commerce venant compléter le Fonds Monétaire international et la
Banque mondiale2.
Les États-Urus formèrent d'abord une zone de libre-échange avec le Canada en
1988, et proclamèrent ensuite, en 1990, l'lrùtiative pour les Amériques visant à créer un
hémisphère de libre-échange allant de l'Alaska à la Terre de Feu. Os signèrent enfin
!'Accord de libre-échange nord-américain en 19923 . Ce développement économique à
l'échelle continentale peut apparaitre comme une conséquence de la doctrine Monroe.
D'une manière générale, les États-Unis ont traditionnellement lié - suivant la
théorie dite du linkage - les relations êcononùques à leurs objectifs géopolitiques.
Favorisant les relations économiques avec leurs alliés géopolitiques - accord de hôre-
khange avec Isra~I en 1985 - , les États-Unis adoptent de manière symétrique des
mesures de rétorsion fortes, allant jusqu'à l'embargo, vis-à-vis de leurs ennemis
géopolitiques - Libye, Cuba, Irak, Iran, Yougoslavie.

D'un point de vue strictement économique, à l'échelle mondiale, il n'existe pas de


puissance hégémonique. Le regroupement régional peut cependant permettre aux
grandes puissances d'établir une suprématie économique à l'échelle continentale ou
régionale. C'est le cas des États-Unis sur le continent américain, ou du Japon qui
souhaiterait créer une nouvelle sphère de co-prospérité dans le Pacifique.

1 E. SIECA-KOZLOWSKI, A TOU~1t\RKlNE. G.fopuli1tqu,· cN /<J nwr .\ 'o in.· (T11rq111r ,., ~ dr /'o. - V .lf.S.S.). '-ris.
K.anhala, 2000, r 49-60 • p. 121-1 JO.
2 M. DUROUSSET. La mr.mJltJU."utlrm r/r / 't'n.11H.11'ri1:. Pn.ns, Ellipses. l Q9S, p. 101· l 15.
l f .A. KHAVAND, LrnouwlorJrr. ..·omm.-n;iulmumfiul, Paris. Nathan., 1995,p. I~ .
Partit' 7. L.' t1111 °'"'""rrJCI

La question d'une fnmw de domination germano-amérlcaine sur la construction


européenne mérite aussi d'étre poséel. L'Allemagne est en effet l'un des principaux
promoteurs d'une grande Europe au sein de laquelle elle occupe, entre l'Ouest et l'Esl,
Unt' position pivot et où sa matière démographique et économique s'impose
naturellement. Les liens de l'Allemagne avec les États-Unis hérités de la Guerre froide
posent la question d'une politique é!Tangère et de sécurité commune de l'Europe
indépendante à l'égard de 1'0.T.A .N. Enfin, les États-Unis, première puiss.1ncc
mondiale n'1mtendent pas voir le projet européen s'écarter d'un projet occidentaliste
qui visait dès 1945 à créer un grand marché euro-atlantique politiquement et
stratégiquement piloté par les États-Unis. li est raisonnable de penser que les liens
étroits que Washington entretient avec nombre de membres de l'Union europ~nne
constituent des atouts majeurs pour les Américains dans leur politique de solidification
du lien atlantique au détriment de tout rapprochement Ouest-Est sur le continent
eurasiatique. La logique de régionalisation atlantique s'oppose en réalité à celle de
l'Eurasie.

5. La régionalisation est-elle une réalité géopolitique


ou une utopie ?
En premier lieu, la viabilité d'un processus de régionalisation repose sur la
complémentarité économique : or les complémentarités entre économies ne sont pas
toujours suffisantes pour justifier des rapprochements régionaux. Ainsi les échecs de
nombreux regroupements régionaux en Afrique - Communauté économique des
États de l'Afrique de l'Ouest, Union douanière et économique de l'Afrique centrale -
s'expliquent-ils autant par les conflits inter-africains que par l'absence s!Tucturelle de
complémentarités économiques - par exemple l'identité des productions agricoles.
En second lieu, on observe que les complémentarités économiques, mème poussées
à l'extrême, ne suffisent pas à donner une cohérence forte à un projet de
régionalisation : les difficultés de l'euro en 2000 montTent à l'évidence, compte-tenu de
la qualité des économies européennes, qu'il manque à la construction européenne une
cohérence géopolitique. L'un des défis de l'U.E. est la définition d'une Politique
étrangère de Sécurité coounune - P.E.S.C. - à partir d'intérêts géopolitiques
clairement différenciés par l'histoire et la géographie.
Des pays comme le Portugal, l'Angleterre et la Norvège ont un caractère
géopolitique atlantique; l'Italie, la Grèce, sont des pays à caractère méditerranéen; la
Suède a un caractère continental; France et Espagne sont deux puissances à la fois
méditerranéenne et atlantique, tandis que l'Allemagne est à la fois atlantique el
continentale ...
Chacun des pays verra la P .E.S.C. selon la prépondérance d'intérêts de type
atlantique, méditerranéen, ou continental; et selon l'ampleur des menaces qui pèsent
sur les flancs ou l'arrière, la face Ouest, Sud ou Est de la péninsule, la vision de la
défense variera en fonction des pays.
Évidenunent il ne s'agit ici que de tropismes géographiques. Les langues, les
cultures, les modèles socio-économiques sont aussi contrastés.
La question qui se pose donc aux gouvernements de l'Union européenne, et que
nous avons eu l'occasion d'évoquer en de nombreux chapitres de cet ouvrage, est celle
de la compatibilité des intérêts géopolitiques des États européens, compte-tenu de la

1 O. SCHLACTIŒR dir, '!t1e3tiu1u J'/;,'uro~. Le dibut /HJl11Jqu~ et .!nmrm1iqur! , Puns . Ellipses, 199K ; voir ln u UVJllQ Je
l'aayille P.M. CoCncaw qui 1tOUt1mnm1 qu'il existe un n!Ji<IUC de voir l'Europe lCl:nnanistc ; PM C OÛTEAUX, /_ 'fun>/H' '"n IJ
pon, f'un. Micbaloo., 1997
(lwpilro 4. L'i:tat el la r~gioruilisatlon

divcr.iité de leurs tropismes géographiques et de leurs héritages historiques. Cette


question ne peut pas être éludée par des déclarations d'intention. Elle repose i;ur une
~alité et sur le fait que la grande majorité des tentatives de regroupements régionaux
dans le monde a justement échoué sur les réalités de la géopolitique :
- la Communauté économique des pays des Grands Lacs créée en 1976 entre le
Burundi, le Rwanda, le Zarre, est frappée de plein fouet par le boulevenement
gropolitique dans la région des Grands Lacs ;
- !'Organisation de l'Unité africaine d'inspiration pan-africaine, qui a pour objectif le
renforcement de la coopération entre États-membres et qui vise à créer un grand
marché économique africain en 2015 voit sa crédibilité mmée par les conflits majeurs
qui opposent ses membres;
- le Marché commun d'Amérique centrale est embourbé dans des conflits
interminables ;
·au sein de l'Union du Maghreb arabe, la rivalité géopolitique fondamentale entre
le Maroc et l'Algérie autour du Sahara l'emporte sur toutes 11!9 dynamiques de
rapprochement.
Évidemment, les Européens ont atteint un degré de concorde nettement plus élevé
que les Arabes ou les Africains; néanmoins, leurs diplomaties restent contrastées et
leurs zones d'intérêt différentes.
La réponse à la question posée par le titre de cette section dépend du degré
d'intégration considéré. S'il s'agit pour des États, conservant l'intégralité de leurs
prérogatives de souveraineté, de se rapprocher d'autres États dans le but d'établir des
synergies économiques et politiques, la régionalisation se rapproche par nature de la
diplomatie classique des États fondée sur la recherche d'alliances. Elle s'insait alors
dans le réalisme géopolitique.
Si en revanche, il s'agit pour un peuple de concéder une partie substantielle de ses
pouvoirs au profit d'une entité supranationale, alors le pari consiste à sortir de la
réalité géopolitique pour en modeler une autre. Une telle démarche s'apparente alors â
celle de tous les empires qui ont tenté la construction d'un État supranational chargé
d'assurer le bonheur des peuples. Jusqu'à aujourd'hui, aucun de ces empires n'a fuù
autrement que dans la ruine et les crimes de masse, lesquels furent suivis du retour des
peuples dans les frontières de leur propre État.
105. La pôles régionaux dans le rnonde

ALENA (Accort! de li~~ctwi~ non:l-.vnénc;un )


~CCA !Marché commun cen1r:untncain1
CAKICOVI tCommunauli des C.nJ~J
Communauté :mdint'.'
:iAER.COSUR iMan:ht commun du côar SudJ

L.:E\10A 1Union ~co n o m1quc ci m1.1nëwrc de l'Afnquc de l'Ouest)


CEMAC ((CJmmunau1é 6:-f'lnomiqui: et mon~~n: tl' .~friquc œnlfïllct
Si\DC t(o mrnun;iut~ pour k J('rclopr-:11~nl d'Afnque aLlSlnic)
SACU 1L'ml1n douam.:n: de l'Afnquc :iustr.ilè)
CEDE.-\0 (C1Jmruunau1~ ~·o nunuquc pow- le ~\dopp.:nail
Je.., EcJl'i tl' ..\fri<llk' tk l'Ouest)
SAARC \.'\~l1t.:ia11on ~uJ-asml1l.jUe Je \.'.OOptr:ll1on rCg.100.ll: l
CCG (Con~il de coo~r:11io11 Ju Golfe)
Bani;lalk!!!h, Rl1u1han. ln&:. M:i.ld1H·s. \C~. P:lli.1.~lll. Sn Lanb
CEi (Communauté Je~ É1:u~ imJ~.ecE~·~~t:i_
ASE..\~ t:\!'~ll\.: lanvn Jcs naci.:011$ Ju Sud-E.,.. l.<i1a11quc )
LIE (Union curopt:cnne)
APt::C tCt101'·ralll'n ù'l'11 ~1 111 1\jut' :h1,·P'.Ktliqu,1
AC'FJ.E IAccorcJ i:e111n; t'Ulopù:n dl' hl:ir:: -~1.h n ngcJ
A1\LCl::t{ l'r\ 1 \ ,<.11nl ,·\lm1 1-..:1\_·1.1l 1i...1u1 Je~ n: l.i11 \ln~ ~'-' 1 oom1 4UC")
lJMA 1Un101111u Ma11ll11· 1> arahcJ jllU, 1•1w11t.' ' <'1111c 1 ·\u,11 .111.: •'I lj l'\,•u\•lk - ld. 111J\.· ~
t1clan Pacifique

oeia.n Pacifil(tl~

t1âan/nd1trt Al.ENA (acaml de libre-<!change nonl-:untnaill), - en


1992
É101s-Un~. Cilllada. Mctique

LIE (Union europétnm:)


po.ys m:::mbrcs c:a 1997
poys du pn>ehain élargiu<mm1
ASEAN (BSSOCWion dc:s nmioa.s du Sud-Est). cR6: c:a 1967
Philippines, lndon&.ic., MaJWic.. Singapour. TbaDandc. Brunei.
Victaam, Birmanie

106. Trois grands pôles de régionafuatinn: Union Européen.ne, A.L..E.N.A.,


A.S.E.A.N.
906 Pnrtic 7. L' t.tat corrct1"er1ci

6. De la régionalisation au régionalisme

"Qrmnd l'ÉUll s'a.ffnihlit rm cent". le-s n.litdel!' ret1icnnenl c.."1r périplu}rie."1

Le tenne de régionalisation admet une deuxième signification. Le processus de


régionalisation peut avoir comme centre, non plus un ensemble continentat maritime
ou intennédiaire comprenant plusieurs États, mais une région faisant partie d'un État.

107. Les différents modes d'organisation géopolitique des États d'Europe occidentale

La remise en cause de nombre de prérogatives étatiques dans le cadre de


l'intégration européenne s'accompagne, de manière parallèle, d'un retour de l'idée
régionale au sein même des États2. Ce retour est perçu de manière plus ou moins

1 R. DEURA Y, La République upliquêe u mu fille, Puns. Seuil


2 F. THUAL, ·1mpcrmbb1ll~ fnmça1se 'P', m Reluflum i11term11ton"les c..•1 .1·rrnté>:it/11t'_,-, 1 R .I S., rrinlcmps 1994, n°13, p l-1! ·
JO.
Chlpltre 4. L'f:l.Ot et la ttglonalisahon

marquée par les IÔ:tats, suivant la nature de l'organisation politique du territoire; il


frappe en premier lieu l'Espagne 1, l'Italie2 et la Belgique, mais n'épargne pas la Grand.r-
Bretagne3 et la France.
En France, où la construction de l'État-nation s'est faitr par cenlraliaation et
affaiblissement des pouvoirs régionaux de type féodal, la région a longtemp5 ~
de la méfiance. Depuis peu, en même temps que la construction européenne, la France
a engagé un processus de décentralisation qui reste limité au regard du mod& des
Uinder allemands ou même du "local guvemmenl" à l'anglaise. L'État-nation frimçajs vit
donc de manière parallèle deux processus de régionalisation : une "grande
régionalisation", l'Europe, et une "petite régionalisation", la décentralisation.
Mais vingt-cinq ans après le début d'un large processus de dkentrali:sation et
quinze ans après l'approfondissement de l'intégration européerme, l'État français est
confronté à la montée en puissance des identilarismes régionaux, en Corse, au pays
Basque, en Bretagne, en Savoie, en Alsace notammenL Ce p~ 9'appme
largement sur le modèle européen et l'encouragement donné par Bruxelles aux langues
régionales - la France a ratifié la Charte européenne des langues régionales et s'est
ainsi mise en défaut avec sa propre Constitution, laquelle stipule que la langue de la
République est le français .

7. Des guerres de décolonisation allemande en Europe


à l'Europe fédérale des régions :
le destin lié de la géopolitique allemande
et de la géopolitique européenne

On pourra relire avant cette section, la section consacrée à la colonisation comme


fait ethnique, les chapitres portant sur la langue et sur le panisme - et notamment une
introduction à l'étude du pangermanisme.

7 .1. La colonisation allemande de l'Est européen


Entre le IXe et le xne siècles, la population allemande connait une croissanœ
démographique majeure, passant de 2,3 ou 3 millions d'habitants à 7 ou 8 millions'. Le
trop-plein engendre une dynamique de colonisation vers l'EsL Entre le XIe et le
XIIIe siècles, environ 400 000 Allemands quittent leur patrie d'origine en direction de
l'Est européen. La colonisation se double bien souvent d'une dynamique
d'évangélisation chrétienne dans des terres restées parennes - comme les terres baltes.
En cela, la colonisation est comparable aux colonisation française et anglaise d'Afrique
durant le XIXe siècle : le motif économique et géopolitique se voit doubler d'une
justification religieuse.

1 J .J KOURLIANDSKY . .. Cournn1s d ' Es1 nationalistes en Espagne'", in Rela1rt:JCJ ~ « 10"llllWppcL UU.S..


Pnn1cmps 1994, n'" IJ, p . l57- IM .
2 Sur le phénomène J~s Ligues en llnhc · G . DESCOTILS, '"L'ha.lic m. ~ ~- . Ul 116""""- ............ et
~tru1ég•q11eJ, l.R . l .S ., Printemps llil9..f, n"lJ. p l-lr.-156.
J Sur tes nationalismes gullois cl CcoSS.1115, G DESCOTlLS, '"Lc:s rncnJiariom llMMlmlldl:S 4r ~ B c::aw=c... .ÎQ
Rt•la1;mu inlL•rno1icmt1l*'s c:1 ..;11·utL;lo!Ù/uc·.,·, I.R .I.S. , l"rtnh:inr~ llJ'l.M. n'"D:. p. 1b5·!7S.
-1 r HILLARD, Mitwr11,~s ,., regiolta/U-O. c.ba7 l'Eurotw fe<Nnûc: Je! n.ixk.Nu. ~X. dit Gui.ben. lOUO.. p. .22.
Porti, '1. L' i.tat mucuTffftcJ

Durant le XII• ~iède, sous les HohL"Jlstnufen - qui rêvent d'un empire unlve1"9CI el
luttent contre ~lui du pape - la colonisation s'implante dans quatre régiom
principales :
- le pays de !'Oder et la Silésie ;
- les Alpè! Orientales ;
-la Bohême;
- la Transylvanie en Hongrie .
Le processus n'a rien d'un mouvement désordonné 1 • JI résulte parfois de la
d""1ande des royaumes est-européens, comme en Hongrie au XII• siècle2. Au
XIV• siècle, la communauté allemande de Hongrie compte 250 000 personnes ; elle est
protégtt par une charte des libertés et privilèges qui lui accorde une forme
d'autonomie'.'. La Hongrie qui a permis l'établissement d'une puissance militaire
allemande sur son territoire, l'Ordre des Chevaliers Teutoniques4 , doit chasser celul-<:i.
L'Ordre Teutonique vient alors s'implanter dans les régions allant de la Pru119e
orientale à la Livonie en passant par la Courlande, prenant ainsi le relais des chevalien
Porte-Glaives5 qui avaient déjà joué un rôle important dans la germanisation des terres
baltiques. Les Teutoniques s'appuient sur les villes des côtes et ouvrent le lac baltique
au commerce allemand. Jusqu'à la fameuse bataille de Tannenberg de 1410, !'Ordre
Teutonique encourage le mouvement de colonisation germanique en Prusse:
1 400 villages et plus de 90 villes sont créés pour plus de 500 000 Allemands.
Dès le milieu du XIV• siècle cependant, plusieurs événements viennent ralentir de
manière forte Je mouvement de marche vers l'Est du germanisme: la Grande Peste
noire, les guerres résultant de la Réforme ou celles menées par l'impérialisme de
Otaries Quint à l'Ouest, et surtout la Guerre de Trente Ans qui divise le chiffre de la
population allemande par deux6.
Les terres germanisées au Moyen-Âge restent souvent autonomes sous les empires
qui les recouvrent, du XVI• siècle au XVIII" siècle. Ainsi les Allemands de Transylvanie
qui se trouvent concentrés autour de huit villes - Hermannstadt, Broos, Mtilbach,
Reussmarkt, Leschkirch, Schenk Reps et Sch:i.ssburg - disposent-ils de leur autonomie
sous forme d'assemblées, tant sous le règne ottoman - milieu du XVI• siècle jusqu'aux
années 1690 - que sous le règne autrichien qui lui succède. Dans son combat contre les

1 Au douziânc ~c. l...o&bain: de Supphobo~ place Je mou ... cmcnt sow; l'ilgide de crniB familles princiè~ les AK&nicm,
k:a Wcaio. le5 Sduluenbomg. Comme l'«rit Piene HiUacd, "Ioules ces familles et leurs dcsccndanLS, de man1en: qWl5i ~
~ • dn ~ militain:5, suivies d'un peuplement ordonné . Le nux de ces colons, provenant de: Wcstpbahe. ck
Ulani;k, de RandR:, du Brunswick où la prcs5ion cUmogrnph1qu.e devenait lrop forte, fait absolumL-nl détcnnitunt dam Il:
pmp1cmm1 ~que en Europe de rEst. était c:a.nelilé par un ra:ruccur, qui dans les documents la1ins, C9t désigné sous le terme
de localnr. Le plut souwn1 chevalier- et a.u service de son pnncc. il 1ouait le: r61c d'un intc:nd11n1, c'cs1-é.--di~ qu'il se charia,jt di:
tDl*9 lm cWnmi:ha. du ~ de cc:-s rnisraiw 1usqu'• leur destination finale. L'arrivée sur CC9 tcrriloiJ"CS donnait lieu i 11
dÎlll"ÜllUIÎm'I de nooveUc:ii 1ell8 et • I• c:n!ation de nou.veau-. villages. Parfois, même.. ila Cu.îcnt créés d pan1r d'anciens ullqa
~par &c:a Slna.•, P. HILLARD, Milwl'ith .:t l'êgwnalismes dans l'Eul'upc f i dérale dt1 rés:imu, Paris, X. de Guibcn, 2000,

p. 23.
2 Le royaaarv ck Hoopic: qui ruhcn:hait des défricheur$ cl des comba.tltm lS fil oppel en 11 SO à SOO fom11l~ allcm.tOdcl.
G. GRIMM es K.. ZACH, Die Deutsc h~n m Os1mi1tel urtd SiliMnteuropa, Munic h. Vcrlug SUUos ldcul.Schat Kullurwierk. \"OI . 1 C1 2.
1995. p. 17.
)/don, p. 18

4 Cet: ardR:. fondl m 1190 6 Saio1.Jcan d'Acn:, lull• contre la Tar1nrc &dans le nord de la Trunsylvanic à ha Jcmnndc du ro1œ
HOfllric" lui·ID!bne ED 122) , un Élit daN l'ÉLal hongru11 C1.11i1 ne : um.: prév61é 1cu1onlquc: n'ubéisson1 qu'à Rome et ânanciptc de
flUIOriti du roi de Hoapic. Ce nouvel Ét.lc cherchail à s'~mdrc du Danube 4 ln mer ND1rc el n:préscntail donc untl menACC diftC11:
pOW' la royau!J honatv1tC. P HILLARD. Mino ~ills '-'' ~égwnafüm f!.f dun.r l'El1m(H! fédè~u/i: de.o; rJKicms , Paul s, X Je Guibnt , 2~.

p 23 .
5 Onh foodl par Th6odonc en 1202
6 P. HJL.LAJU>. Minonth et rfgiona/Umes dota /'E,,ropr f'Jtrul.: drs ~glun.rr , Pan s, X de Guibert , 2000, p 27.
O..pttrr 4. L'Élal el la r~glonall.oalion

Turcs, l'Empire autrichien encourage l'apport de nouveaux coloni; allemands 9UJ' dea
œrrltoires 1 qui constituent les lignes de front face aux Turcal. Ces colons affron1ent le
plus souvent la mort. L'ensemble de cette colonisation tout au long du XVDI• liècle
amena en Hongrie 150 000 nouveaux Allemandsl. D'autres terres dr l'Empire auatro-
hongrois connurent un afflux de populations grrmaniquea: la Galicie
15 000 Allemands - et la Bucovine - 5 000. La germanisation du monde a~
hongrois fut donc le résultat d'une volonté impériale faœ à la puiManCJI! turque. Le
même souhait de la part de la Russie fut à l'origine d'un vute mouvrment de
germanisation des terres russes. Dès 1549, un rapport de voyage publié à Virnne
signale l'existence de mercenaires allemands au service des inttrêb rua.es*. A la
périphérie de Moscou - dans ce que l'on appelera la "Deutsche VOl"lltadt' -, UJW
communauté allemande se développe dans la deuxième partie du XVW sièdr. La
dynastie des Romanov fondée en 1613 mène une politique favorable à UN!
modernisation de la Russie s'appuyant sur les élile5 allemande&. Pi.rrn Le Grand
- 1689-1725 - , tsar qui fonda Saint-Pétersbourg. et qui étudia à koenisberg. favoriaa
les liens entre les grandes familles russes et allemandes.
Durant le XVIIIe siècle, et environ jusqu'aux années 1820, les tenes dr RUMie
connurent un phénomène marqué de colonisation allemande. Comme dans le cas de
l'Autriche, cette colonisation se fit à la faveur de la guerre con!re les Otlomana. Le
peuple allemand fournissait ainsi aux Russes œ qu'il avait fourni aux Austrc>
Hongrois : des bras courageux pour peupler les marches avancées de l'Empire et pom
lutter contre )'ennemis.
Le peuplement allemand en Russie se fit pour l'essentiel dans les~ suivants:
- autour de la Volga6;
- autour de la Neva - Saint Pétersbourg et ses environs;
- autour de la mer Noire - Ukraine, Russie, Crimée;
- en Transcaucasie ;
- en Volhynie;
- en Asie centrale.
La communauté allemande de Russie constitua ainsi wt relais puissant de
l'influence économique et politique de l'Allemagne à l'Est7.

1 À pan1rdc ln pa.iA de Passarowitz. en 1718, •vmtab•c poim dr dqmtdupeaplcmallp:nnmÎllflr....-a~pwlls


eutonlés de Vienne .•, P HILLARO. Minar11~ r!I n?gîonalumes dala rE.wvpr fodi'rcVr do ......... !Wit.. X• Ga:ilaL. :?900.
p. 30.
2 Trots vagues de colonisation se suc:cédcnt. d&!s1cnees som le lame de '"cm1"·oi.s de ~· : -ac pn:mtcr Qllll'#'Ul ~ •
Souabe, de Franconie. dc Hcss.c et du Palalmal a peuplé le a..n.u. la Turquie souabe et le~ cc~ lTZ! cl 1721'; •
ckwutmc peupla ln 811.tsc;:hka el le Banat. cc entre 1763 cc 1773; la traWCmc. qui._•
1712 • 1711 • .-... de~ ta
Bal.sebka cl le Banat. rru11s aussi la Slavonie. Piene lhllard rappelle ~ dic1on :souabe qui ilhmœ la dmat de • ~ ,._- oc:a cm'-
llllemands plac~ en pn:m1t!r.=- ligne de l'eflronlcmcnt auslro-boapo&S "'Dcm entai der Tod.. dan Zwall::D die .sua, drm c,.._ ._
Bro1'" · '"Au pn:miCT Io mort. au Jcu.·uèmc la m1~. au Ut>i.sitmc k pua·.
J G. GRIMM et K . ZACH. Dir: ~bc: ltt.·n '" <btrtutrd ur.J SliJa.JU'tln>pu, MwLic:b, Vertag 55'C>d'_ _ _._.., ~ ...i. l
Cl 2, 1995, p . 161.
4 Volk oufdcm wcg. Dcu1sche 1n Ru.sslan.d und in der Gus 17&-.)...1997, 1 andsnm-erMft.del" ~ *AllmdwL 1997.
p. 40: c:11é par P . HILLARD. Afinori1b ~1,Yg1onalu~.1~rEurop<jnJbvir.Ja~.Pma..'\:dcGWbcr\.!JIOO.p.. J:?..
S •Le tn.ilé de- Kalna.n.IJ• mena.ni fin à la sucm: ~nuquie(l76&' 1n.f)pcmu1ll'Empncdntsm~r......._

do Dnic-pr cl donc d'ae\:êder • la met" Noi~. 11 fut jUi\."1 du O""aili Je Jtiay en 1792 'fui lui doam us~ ~lllllt ~ .. ai. Cl
le Dnicsu Du fa11 du nmachcmcnt 4 ln Russie Je vastes 1crril01ttS bord.an! la mer Notre. de~ vi.llet U.. cr-....--.
ChCTSQn ( 1779), Sébas1opul l 1783). OJc-ssu ( 17~) néc:c:ssi.1.a1u un peuplnnen1 pow- Lancu la ""ic ~~.""-..p. J6.
640000 AUcmands au11.>ur Ji: IH~O. plus J.:: lbO 000 au1our Je 1850. H HECk.ER.,~~-,_.Uciller..._ • •
SuwjC'tunion und ihrcn Nui::hfulgc~tau1cn. Colo.tinc, Vcrlag WlSK:ll.kbaîl UDIS Polnâ., vot 2 , 1994. p. ""-'
7 '"Le n:lala du acmwmi:iomc Jan." 1uu1 l'Empire'", conuoc l'â.711 Pian: HilJud. P HD.LA.RD. ............ Cf,....,_..._
f'Eumpr f~rul~ tk:J n'gîwu, l'aris, X Je Gu.1bc~. 2000. p. J6.
910 Pnrlh' 7 L'ttnl l'Olfrnrrnrd

Au dt!but des années 1850, le peuplement allemand dans l'Empire austro-hongrois


et en Russie t!tait devenu une réali~ gl!opolitique de premier ordre, susceptible de
bouleverser l'équilibre des États.
Dans l'Empire austro-hongrois vivaient 7,9 millions d'Allemands soit plus de 20 %
de la population totale de l'Empire. En 1880, ce pourcentage s'élevait à 25 %. Un austro-
hongrois sur quatre était donc allemand à la fin du XIX" siècle. L<1 proportion était
cependant variable selon que l'on se trouvait dans la zone autrichienne - Cisleithanie:
un peu plus du tiers de la population allemande - ou dans la zone hongroise -
Transleithanie: un peu plus de 10 % d'Allemands 1 . Mais il est frappant de constater
que près de 80 % des officiers de l'armée austro-hongroise étaient allemands. Comment
ne pas y voir là l'importance extraordinaire que le germanisme avait pris au sein de
l'Empire d'Autriche-Hongrie?
À la fin du XIXe siècle, l'Empire russe comptait 1.4 % d'Allemands2 mais leur poids
économique était largement supérieur à leur importance démographique: ainsi, 17 %
des Allemands vivant dans les pays baltes étaient rentiers ; les Allemands tenaient un
peu plus de 10 % du secteur bancaire russe soit deux fois plus que les Russes eux-
mêmes - mais les Juifs près de 30 % . En Ukraine du Sud - Ncu-nissla11d - les colons
allemands possèdaient de nombreuses terres3.
Cette réalité germanique en Europe centrale et en Russie déterminait de manière
directe deux phénomènes qui s'aliinentaient mutuellement : du point de vue allemand,
le mouvement du pangermanisme né de la volonté de rassembler l'ensemble des
populations appartenant à la nationalité allemande; du côté des nationalités non
aUemandes, en Europe centrale et en Russie, une haine croissante des Allemands
marquée par des persécutions à leur encontre de plus en plus importantes à la veille de
la Première Guerre mondiale.

7.2. Aperçu des sources idéologiques du pan.isme germanique


- ou pangermanisme
Les sources sont multiples. On en citera plusieurs, sans prétendre néanmoins à
l'exhaustivité :
- une fracture dvilisationnelle entre le peuple allemand et nombre de ses voisins du
Sud et de l'Ouest datant de l'ère romaine: Rome n'engloba jamais que les territoires
rhénans et danubiens, le Rhin et le Danube constituant le limes de l'Empire après la
défaite romaine de Teutoburger Wald en l'an 9 après J.-C. 4 Cette fracture se trouva
reproduite au XVIe siècle par l'essor du luthérianisme. La Réforme de Luther contribua
en effet à révéler le nationalisme allemand comme nationalisme religieux, même si elle
ne fut pas réductible à celui-ci.

1 Chitfrs iHus dt J.P BLED. Rf!Vltr d'Allt'mogne ~1 d~f puy.1 de limg1Je 111/t!ntuncle, Jon..,1cr·Mar.\ l 9Wl, 1. 2K, n°1, p. 12
2 ~Ide IR97. P. HILl..J\RD, Mùmnlt!s et n!Ktonoli.fmt·.~ dum; l'Eurn1u fédà·al"' J1•,,· n~~wu... , rans, X Je Gu1bat,
2000, p. 6S .
J "Il"• de tnrn po~ par l % d'AJIC'fnaftds en Bcssorabic, 19,4 % por 6,H % ô. Chc:n.on, JH,.l % pnr 8,8 ~- d'AllcnRDdi
•u Tau:nas et 1S ,. par !ii,4 "•à lekatttinoslav". P HJLLARD. Mtnorité.t et rew1onul1:m11..•.f rlans l'F.uruf"' fùltlruf,. dt."' regiuru, Paru.
X de Guibert. 2000, p. 64 .
4 Face à AmuruUt. Nous a\1ona dtj• évoqué dam cel ouv111gc l'h~ritagc du limes romnm D propos d~ Io fnu:1urco CnlR' I•
Mronne el Rome. On ail que le rw.îooa.li1mc rn.nçi:aili de la fin du XIXe s~èclc. celui de ~tnumas ou de Jluinv1lle. ren~nd1quait
l'bhiup du ct.uici.mc ptco-ronuiin qu'il opposai! à I• borbanc oUemandc:
O..plttt4. L 0 e1a1 et la réglonall"8tlon 911

- le développement, à travers les siècles, d'une conception linguistique de la nation


débouchant sur une conception et:hniquel . Dans le Vatf!:r'laruûliLd - 1813 - le poete
allemand Ernst Moritz défend l'idée d'une extension de la nation allemande "8Wllri loin
que l'on entend la langue allemande" 2 .
- la germanisation par les philosophes allemands du XIX~ siècle de l'anivf:nalisme
révolutionnaire français. L'homme universel de la Révolution &ançaue, coupé de sa
appartenances ethniques3 est rejeté par le philosophe Fichte" au profit du génie
particulier de l'Allemagne, de sa langue, de sa culture..
- une pensée allemande très tôt marquée par l'idéal d'unification européenne, et par
le rôle central et messianique accordé à l'Allemagne dans la réalisation de cette lidle.
Les romantiques comme Novallis ou Schlegel opposent Wle Europe chrétienne,
allemande et fédérale à une Europe rationaliste, française et centralisée. Quant à Hegel.
regardant !'Histoire comme le triomphe successif de peuples élus et onificall!Um,. il
inscrit le peuple germain dans la continuité des suprématies orienlale, grecque oa
romaine, et caresse le rêve d'une Europe centralisée autDur de la puil8anœ
germanique.
Outre les écrits des philosophes allemands, les conceptions de certains économÏ5le!I
allemands, notamment celles de Friedrich List - 1789-1846 _5 jouent un r6le
important dans la dynamique d'unification. Le Zollverein - Union douanière - entre
l'Autriche et la Prusse mis en place en 1834 permettra à Berlin de l'emporter en
puissance sur Vienne. Cette politique d'unification économique du continent earopéen
autour de l'Allemagne avait pour but affiché de faire contre-poids aux 'écotamms
maritimes", anglaise d'abord, américaine ensuite. Des économistes comme Lujo
Brentano, Gustav Schmoller ou encore Adolf Wagner s'inspirèrent. dam le dernier tien
du XD« siècle, des écrits de List et soutinrent le projet d'une Union économique de
l'Europe centrale pour s'opposer à la montée en puissance d'un l.ilm!-échangis
favorable à l'essor économique des États-Unis d'Amérique6.
Toutes ces influences idéologiques, héritées de l'histoire ou produit du œrveau de
philosophes, de poètes et de penseurs s'appuient sur une réalité géopolitique sans
laquelle le pangermanisme n'eut jamais vu le jour : le poids considérable d'un
peuplement allemand produit d'un mouvement de colonisation entamé au Moyen-
Âge, et dont l'enracinement territorial ne comcidatt pas avec les frontières du Rndt;
une non-coîncidence du Reich et du Volk qui fut donc à l'origine du pangennarûsme.
C'est en ce sens qu'Otto Richard Tannenberg. dans un essai publié en 191!7 décrivait
les buts poursuivis par le pangermanisme : "L'unîfication à l'intérieur des frontièn!s
ethniques allemandes, voilà la tâche du vingtième siècle (---1 Si au temps des
migrations des peuples, un homme puissant par l'esprit et par l'épée se fût levé pour
grouper la masse formidable, innombrée et innombrable, du peuple germain et lui

1 "Daru un monde allemand sans un11é pohhqui:. sans ti5IK tcrnroriak: se ~ ....-iNcrrrrc w ~
hngu1st1quc de la na11o n qai peu à peu se tnmsformcn m ~ C1hwquc se fDDiiaal 5111" Ndft: de ~Je ~·.
f . G . DREYFUS, L'u1111~ allt·mundt!, '3ans. Pl!F. l9QS , 1.."0ll. "Que-sais-je~. p 11.
2 "Su wcit Yic dcuts.chc Spmchc LU hOrrn 1s1", citt pu P . Hll.L.\R.D, .\f'UWJnnÏ3 N ~ ~ r~ ~ •
régron..r. Plll'is, X de Guibcn, 2000. p . 43 .
J De h\ dkuulc le non recunna1s.uncc, en Fl"B!l«, du C'Qnl.."'e'pt lk mmonlê clhno-.l~.
4 FICHTE, DUC"o11n il lu ftUtwn ullewtanJr (lS07 - /IJOIJJ ; \"Oll U.. BOURGEOlS.. Fldm. ~ Btifm::s. ~ ccan.. .,..._.
Philœophcs ...
S fricdnch LIST. S).·:;tlml· lkJtionul U-1tewt<.1. . 1.·politiqw
6 '"Les Êl&lS européens dans lcw lutahtC seront ublîgés de fàift. '-'8USC Ql.)llllDolDC pour ~ • hllli:- da~~
cwopden contre le syst~me ant.:ncam R, Gustav Schmoller c11C pac J NURDIN. L~ ~ . _ •,,.... . . - . . . , .d
l'ipoqu.: bbman:klr1uw, Bnnc, Cd . Peter l.a.ng. 198U. p. .UH..
7 O.R. T A.NNENBERG. (iru..1_,;,/t!t1Ltchland (Gn.rdt . 41~nd.
91:?

donner une volonté une, une pensée une, en politique ou en religion, celle force
admirable - peut-être ln plus gTande qui ait jamais existé - n'eQt pas été gaspillée par
un individualisme insensl>. Le mouvement aurait uni à la force de l'Islam la t~nacité
S"nllllnique' li n'y aurait plus ni Ronlans ni Slaves, si toutes les tribus allemandea
existaient aujourd'hui et avaient la force des Bas-Saxons. Les frontières de l'Europe
seraient les frontières de l'Allemagne en Europe."
Pour comprendre davantage le pangermanisme, nous renvoyons aux sections
consacrées aux géopoliticiens allemands, Ratzel et Haushofer - première partie de
l'ouvrage, chapitre sur la gropolitique allemande - ainsi qu'à la petite section
introductive que nous lui avons consacré dans le chapitre traitant des panismes.
Le pangermanisme fut un but constant de la politique étrangère allemande, depu15
la construction du premier Reiclr allemand au XIXe siècle. André Chéradame - voir le
chapitre traitant de la géopolitique française dans la première partie de l'ouvrage -
montra que quel soit le régime allemand - démocratique, impérial ou totalitaire - ce
but ne varia pas et que seules les stratégies déployées pour y parvenir furent
d~rentes. Lorsque l'Allemagne disposa d'une force largement supérieure, la guerre
fut la continuation de sa politique : elle envahit les terres germanisées, les annexa et les
réunifia à l'intérieur d'un grand Reidr. Hitler fut l'illustrateur le plus violent de l'option
guerrière du pangermanisme. Lorsqu'au contraire, les forces de l'Allemagne furent
insuffisantes, voire inférieures, à celles de ses principaux rivaux, une autre stratégie
que ceUe de l'agression directe fut employée : la politique des minorités. Le Chancelier
Stresemann porta à merveille cet habit diplomatique du pangermanisme, usant de la
politique des minorités comme d'un pangermanisme des temps de paix.
Nous ne nous intéressons pas ici à la prentlère stratégie, celle des conquêtes directes
visant à l'unification des populations germaniques et qui furent l'objectif premier des
trois guerres menées par le Reic/r allemand en 1870, 1914 et 1938, mais à la politique des
minorités.

7.3. La signification géopolitique de la politique des minorités


En 1864 parait à Zurich, en langue allemande, une plaquette anonyme appelant à
une recombinaison des frontières étatiques en Europe suivant les réalités ethniques : 'le
principe de la nationalité, de l'autonomie et de la décentralisation, du selfgovemment
de toutes les collectivités et communautés politiques est le cri de guerre général du
présenL Des ethnies - Vd/kerschafte11 - tout à fait inconnues, ignorées ou oubliées
jusqu'ici surgissent en Europe, font valoir leur nationalité et gagnent en importance
[ ... ). D faut dégager le substrat ethnique de la gangue étatique avant de procéder à de
nouvelles combinaisons"2. Le 18 janvier 1871, l'Empire allemand proclamé à Versailles
- qui fut, aux grandes heures de la France monarchique, le cœur d'une Europe des
États où la France tenait une place centrale - s'est fait sous l'égide de la puissante
Prusse bismarckienne mais a laissé plusieurs millions de germanophones en dehors
des frontières du Il• Reic/13. Pas plus la Première Guerre mondiale déclenchée par le
nationalisme allemand n'est-elle parvenue à atteindre les buts du pangermanisme. En

1 Nou' n"n\loyons ici ir. Io !'.cction ponant !Ur l'ulllisutîon de l'urme 1slnn11tll•C f'Ulr l'Allcmui:tnc. Jun ... le ch•tutn: conYi.."Ttlb
religion .
2 J. NURDJN, l.'irlü J'F.urope Jum lu p1m.u'1.· 11/lr:mrmd1• ù l't.ipuqm• f,1 _0 ,,m·d:lrm11 •. Hem.:. ~d l'clcr 1.unll, 11.J~O . r· IJli · H~
ci~ par P HILLARD, Minorltt!J (! / r~ionull.1me.~ Jun'I l'Et1ro1u• fér/1lntlt• d1•_,. r1igitm ~ . l 1 ttris, X Je (iuibcn, 2000, p. :'il
3 L'idee de BISMARCK ~tait en effet de donner Io prmrit~ à un l~ lut ullcmuntl puissnnt sur une nnt1on nllcnuuulc Cl•m(ll~C'TfftJ
reumfih En cela. B11marck n'a.pporo11 pas co mme un vérituhlc pongcmmniHlc ; il c~I en lnul en" élrung~r ft lu lnadilion rorn&tltJI?
allemand<
O..plln! 4. L'état et la ttglonallution

t 918, l'Europe centrale et orientale sont de nouveau réorganiaées de rnanme .l conœnir


la logique d'unification pangermaniste. L'Allemagne en situation de fa.Dlsee ria alan
pas d 'outre choix que d'empêcher l'assimilation par les États d'Europe œntrale et
orientale de cet immense monde allemand t.erritorialisé à l'extérieur des frontièra de la
Petite Allemagne. Dans les années 1920, un nouveau droit s'affirme, le droit des
minorités, sous l'impulsion notamment du mouvement sioniste qui rêve de d~ an
!ltat au peuple juifl. Or la réalité géopolitique allemande tient dans l'égaliti sainnfe :
Grande Allemagne=Petite Allemagne+ Minorités allemandes des paye bal-., d'Europe
centrale, d'Europe orientale, de Russie et .. . de France.
En 1919, les pertes de l'Allemagne en population germanophones oomme en
territoires sont immenses : 3 millions d 'Allemands des Su~ sont rallaehé& à la
Tchécoslovaquie; 1,1 million d'Allemands sont rattachés à la Pologne : œm: de
Posnanie, de Prusse occidentale, de Soldau et Memel - néœ9llité de pe1nlll!ltre à la
Lituanie de se désenclaver, mais la moitié de la population de ce territoine de 1 200 km2
environ est allemande - en Prusse orientale, ceux encore de Dantzig - là encore il
s'agit d'une nécessité de désenclavement pour la Pologne, mais 95 'J. de la population
de cette ville est allemande.
En échange de ces pertes, l'Allemagne obtient toutefois des pm1ties !IUI' la
protection des minorités allemandes - 7,6 millions d'Allemands ! _2 et surtout !IUf
l'autonomie culturelle - écoles, églises, journaux allemands qui doivent panM!ttre le
maintien de la gennanophonie dans les territoires peuplés par des minarilés
allemandes. Mais, sur le terrain, la réalité est toute autre que dans ~ traités : les
minorités allemandes sont persécutées d'Europe centrale jusqu'en Ru5&ir, et ll!s
souffrances infligées aux populations expliqueront pour beaucoup le soulagement aec
lequel les "Allemands de l'extérieur" accueilleront plus tard les armies hidériennes
venues les "réunir" de nouveau à la mère-patrie.
À partir de 1923, le chancelier allemand Stresemann mène une politique visant à
protéger les caractéristiques culturelles des Allemands de l'extérieur en al:la1dant que

1 Le 28 juin l 9 l 9 un traité des minonlC:s csa ~ i VcnaiDcs pu- a Polopt.. La Jai6 d'~ c.: ;a.:•_. ....
dans la l'MKoon de~ b'aitê co mme l"a monttt la thèse de N.t.a Fc:inba'g- Laquc::moadc:s .....-:S.à .. c~•1a.-.
de 1919·1920 et l'act1on JUlVc en fav eur de- la protection ""'*'
·w1c Ja miniaria:L Tbi:a de ck'oiL. hri&.. a.--.. 19!t. La
Confércncc sioniste de r~vriCT 1919 à. Londn::s.. puis le Cœarté des ~jaiva qui X . . à,,_,__ ..... smwd..-
dibouchC sur un mémorandum enrcgist:tt m n.a1 au ~ de la Cœali!renec de i. PaD... Cc . . _ _ . . _ ~ mdlk *
pour le traiti du 21\juin 1919 signè par la Polap.c. lcqud .tenVll •-..,..de
modèle poarlcstniËS_. .. pnm:::nmdcs-.....&
sign&, par la Tchkoslovaquic, la Grêcc,. la Rownmuc c1 ta Y~'ic:.
2 Poids des m1nori1~ allcrnandcs dans r~ suern:s - ~ de 1m i 1930- : dlDfn:s 1ilD *
P. HILLARD. Mïnori1Q r1 rt!gi o nali.ono ~ l"E~ ./iiJtirak dtt:s rTgaom. Paris. X de Gmbcft. l!OCIJ.
•Pays baltes . 30000 AUcmands en l.idl\IUUC -soit 1•..-, •la papù&bon - : 70('0) ~ ca Lc9mle - d
J.9't.-. 18 000 Allemands en Estonie - soit l .ï ' -
.. Pologne : l million J'Allcrnands wklD b Polanai:l - Dt 3.8% - . 1.3 milhoa.,a.1ia ~

• Tchkoslovaquie : J mithons clans tes terriloMa sudêtcs - Boblmc.. Mon"1c.. Sütsic -


de ces provinces. 150 000 dans les C....,,.ehes. 90it •.:! lllJi-. de la papalm:ioD. Au -1. les ~ ~ D ' dit Ill
mil....- .JO,.._ dt la,......_
population de Tchko.slovequ1e.
• H°"pie c S30 000 Allemand<"'" ...... de 1 % de la_.- do ral"'- <OO OC» ....,.....do _ _ .. n.i-
souahc.. autour ~ Budapc'tlt. dans 1cs situes encre te o.nubc et k n.:m.. m .._... occidamk a8a. L'Mmilllit d'mt
tcnitoi~
coloms.ation allcmanJc- d<"S n.rchc-s Je l'Empire. ~u.scro-bo~ face à '9 ~ ~
•Youg:et-• la,·1t' · ~l)ll00 Allemands JWÎl 4,J'9 de la popi1alioa.. ca lh-m• coacc:m-és m VOIYadiilr-llD..0
pcnonnes 50 ,, prCs de 2~ "°•de la pupul•lion - . en Croatie c1 m Sla\'\lGIC - t~ 000 penoaacsmil-&.S416ie..,popmlilliim•ca
fêaiuna. en Stm.·énic ~ -- -10 000 per.-.onnes wil J ,K •.;.,de la popWarion.
• Roumanie . 750 000 Allcn.ands wit ..- ~S ,.. de la~ dlJN T.-yhwaie .240 000. ~· ...._ l20Q80..si.m.
da Sathmar 40 000, Bucov1nc 80 000. Bes.sarab1e tm 000. [)obmydja Il QOO.
• Russie 1 240 000 Ala...oda.
914

œux-ci puissent de nouveau jouer le rôle de levier de la politique allemande vers l'Est
et abattre les nouvelles frontières étatiques que l'Allemagne ne peut admellTc.
Candidate à la S.D.N. qu'elle intègre en 1926, l'Allemagne de Stresemann se voue à la
défense du droit des minori~s, qu'elles soient allemandes ou nonl, dans l'espoir que
cette politique débouche un jour sur ln révision du Traité de Versailles. Selon Pierre
Hillard, si Hitler n'était pas venu remplacer la politique juridique de Stresemann par
une politique nùlitaire, alors l'Allemngne aurait perdu beaucoup moins de temps pour
réasseoir sa puissance sur l'ensemble de l'Europe.
L'échec des projets hitlériens - atteindre par la voie militaire les buts du
pangermanisme - débouche en 1946 sur l'une des plus grandes épurations ethniques
de l'histoire: les minorl~s allemandes d'Europe de l'Est sont largement massacrées par
la progression de l'Armée Rouge2 avant de connaitre les expulsions aussi massives que
brutales décidées par les gouvernements qui s'installent dans les pays de l'Est. Face à
ces drames humains, les Alliés décident "d'organiser" le transfert des populations, avec
le souci de minimiser les souffrances allemandes. En cinq ans, entre 1945 et 1950, près
de 12 millions d'Allemands sur les 16,5 millions vivant dans les territoires orientaux du
Grand Reid1 allemandl ainsi qu'en Europe centrale et orientale4 sont expulsés de leur
Heimat - le pays de leurs racines - tandis que 2,1 ntlllions d'Allemands perdent la vie
dans l'une des décolonisations les plus rapides et les plus sanglantes de l'histoire
mondiale. Comme l'écrit Pierre Hillard : "La disparition de la présence germanique
dans tout l'Est européen met fin à prés de mille ans d'histoire dans cette région et à l'un
des plus vastes mouvements de colonisation du monde" . Quant aux 2 millions
d'Allemands de Russie, ils connaissent le triste sort des minorités mal-aimées de
Staline avec son lot de massacres et de déportations de la partie européenne de la
Russie en direction de la Sibérie et de l'Asie centrales.

1 Le rôle dei minorilb •u tetV'icc de l'Allemagne est cxpnmé dans un rappon secret rédigé par Stresemann en 1925 cl mbtuJé
La. o6catitt en polniquc c:nbt~ d'un ttglcmcnt du droit des minorités à l'iméricUT du Reich correspondant aux besoins des
aunarues allmmndcs en Europe · •po(iliquemcn1 comme in1cn;:C$5Cur de la politique d'un Etat étranger, elles seront appclCcs i.
mfluencer la pohtaque de cet Eœt dans un C5pril favorable au Reich allemand ; culturellement, clics servironl comme tnlenntdilir"c
nt pom )'es;ll:DS'lœ et la compr6Jcnsiou. de la culture allemande et de la pensée allemande auprès du peuple de leur Ê~t ,
6c:anm:niquaomt. clics oe seront pas seulement des débouchês pour les produits de l'indu.stne allemande cl des llCUJ.
d'mpprovuioDDanmt m n:w:ièrcs pn:mièm nécc&.saircs à l'Allemagne, mais en mëme temps des points d'appui de valeur, ravon.blcs
l la ftpund:ioo de l'kanamie allemande i. l'C'trmger.''; Stresemann conch.1.c ainsi son mémoire : "La création d'un État dont la
&ontitœ politique compœndrau toutes les composantes du peuple ollemnnd v1vont :.i l'inténcur de tcrTiloires de peuplcmcnl
lllkmand en Ewvpc ccotnalc et qlU $0Uha.Ïlrr'll l'annexion au Reich, est le but lointain des e spérances ollemo.ndcs : la révision
pro&RSSive, politique et ttonorruquc, des clauses frontaliêres indércnd.ablcs du Dikt.nl - corndor polonais, Haute-Silésie--- est 1~
but premier de la polibqut: extérieure aJJcmande. Le ~lange des nationalités en Europe centrale o pour résultat qu'aucun de ces
objectifs proches ou lointmim ne peul se rb.liscr sans qu'à côté de nos prop~ compatriotes, se joignent des indiv1dus de narionalilb
ar.npra sous sou~ allemande. Il est tvi~t que lc:s obstacles à une révision du Diktat se n!v~Jcraicnt, de ce f•il. comme
llllœUB, WK: fo1i que l'opm•on publique mondiale et les individus oppancnanl à une minorilC étrnngCrc, inclus lor.; de l'onncAion. st

-=tinJ.c:nJ convainc:ua que taule minorité na11onalc à l'inlbieur des frontie~s du Reu;::h, !le vott gunanl1e et occordée, de rau la phu
10tlJc libcné cultu:râle" Cili pm- P. HlLLARD, Mtnorilb et r'giwiallsmes Juns l'Europe/édùule Jes réglons, Paris, X de Guibert,
2000,p . 99
2 U bl;rbmW de I'~ Rouge sur ln populatiQTl.li civiles allemandes de l'Est c!lt symbolisée par le martyre du village ck
Neauncndœf où fCl'PtDet et c:nr.nbl furent cloub 1ur les pones dca maisons avant d'être tous atrocement massacrC9.
3 S1L&ic, Pnmc orientale:. Pomi!nmie orien1ah::. Brandebourg oriental.
4 Pays balles, Tch6cotlovaquie, Pologne, Dantzig, Memel, Roumanie, Hongrie. Yougoslavie.
S Dam Je5 annb 1920, 32 "• dn Allemands de Russie sonl en Ukraîm:. SS% dons la Rc!publiquc de Volga . Dan' les aMttl
1970, 1e11l1 l % del AIJCITWlda. de Ru.111e se 1rouven1 encore en Ukraine et 19 % dans le9 ou1res régions européennes de 11 Rus,ic
En~. 24 'Y.da Allcmandaaont en SiWric. 47 % au Kamk.hstan. Au total, on est passé d'une s1tuo1ion R0/20 IXJUf le npporl

Europc/Asie dam la années J920 i une auua1ion 20/RO. H . HECKER, Die Deut5chen lm n1ssisc,,~11 Reich, in der Sowjctumon und
ibraJ NllCbrolpstaaLen, Cologne, Verl•R W1.-no;r.hnn 11nrl P .... 10.;l. · ·~• ., •nnA - ,..,
Lll.lpltre 4. L'état et la réglonallNUon 915

7 .4. La politique des minorités


dans le cadre de la constniction européenne
En 1945, l'Allemagne est défaite, divisl!e en deux États, dont l'un est rivé à la
politique atlantique, l'autre à la politique soviétique. Les États d'Europe centrale et
d'Europe orientale, malgré quelques modifications, retrouvent leurs frontières
antérieures au début de la Seconde Guerre mondiale. Le problème des minorités est
~touffé par des politiques d'assimilation ou d'intégration menées par des États
fortement centralisés. La population allemande d'Europe de l'Est - en dehors de
!'U.R.S.S. - ne s'élève plus désormais qu'à 2,7 millions d'âmes.
La reconstruction de l'Allemagne est un long processus économique et politique qui
commence avec le plan Marshall américain et le traité de Rome de 1957 fon-dah!ur des
Communautés européennes. Elle est fondée sur une diplomatie classique d'État à État,
avec un dialogue spécifique entre les deux Allemagne - Ostpolih1c - qui prépare le
chemin de la Réunification. Parallèlement, la logique fédéraliste très présente dans la
dynamique de construction européenne - même si elle se trouve souvent en
concurrence avec la logique interétatique, celle de la coopération entre États
souverains - encourage le réveil progressif des vélléités minoritaires et régionalisœs.
• Plusieurs leviers d'action agissent au niveau européen sur les institutions de la
construction européenne, éloignant celle-ci d'une conception interétatique pour la
rapprocher d'une conception fédérale - Europe des ethnies et/ou des régions. Le
/obbying fédéraliste poursuit deux objectifs :
- faire pénétrer le droit des minorités dans le droit européen - et de OWlirre
parallèle dans le droit international, et donc à l'O.N.U. - et faire donc en sorte que la
notion d 'appartenance citoyenne à un État soit dépassée par la logique d'appartenanœ
à une communauté ethnique ;
- promouvoir la coopération transfrontalière de manière à transformer les frontières
étatiques en de simples frontières administratives avant de les abolir.
Les leviers d'action en faveur de la politique des minorités et des UlOpé:tatious
transfrontalières peuvent être classés en des groupes différents, suivant qu'ils font
partie, ou non, des institutions européennes, qu'ils sont dévoués plus spécifiquement à
la défense de la minorité allemande, ou bien encore qu'ils agissent au llÎVeau du droit
international. Nous avons voulu en détailler la recension car ils sont souvent oubliés
des études européennes lors même qu'ils constituent, de notre point de vue, les outils
d'une révolution géopolitique radicale qui déboucherait probablement, si leur action
était portée jusqu'à son terme, sur une sortie de l'histoire des peuples entrés jadis dans
celle-ci par le biais de l'État-nation.
Pour une étude approfondie de ces organisations, nous renvoyons aux travaux de
Pierre Hillard publiés en 20001 et dont nous nous sommes inspirés pour la rédaction de
cette section.
À l'extérieur des institutions européennes mais pesant sur œlles<i :
- L'Union fédéraliste des communautés ethniques européennes - U.F.C.E. 2_
créée en 1949 a pour but de placer le droit des rn.inorités au cœur de la construction
européenne comme des Nations unies. Ses présidents successifs sont tous issus de
minorités3 d'Europe . Nombre des membres de cette association sont des partis

1 P lllLLARD, A/munit:,, , ., n·J.:mnu/i.~mt'.,. ,Je.ut.'' l'Eurvpt:}t!VértJlr '-'rs ~IWLt. Paris. X Jc-Gu.ibat. :?000.
2 Union Eurof'l.lschcr v~-11.:s~rur~n - - f" .U E. V . - 'lUI s tètr.C ii Flensburg dans le Schlc:s'Wi1 Holskta.
J Frison - Pnys-Bns · . Allemand du Schle.swîg Ju Nord - · Daumut - . Tyrolien du Sud - halie - , Dllllloit •
Schl~swig du Sud - Allcmo.gni..~ ·- . Slovtae - Autnchc- ··· ·• Brrton · - l-Î'UK'C - . RJlèu>.Rommds -- Suisse . P. Hll...l.AllD
Aluwritê.f l!I réglonollsmt'S ' '"" \" l'FuruTW>.........., dr.:i neion:c. l'aris.. X de Guibert. 2000. p. 144
916

séparatistes : l'Union dt!S Kossovars - Albanais de Yougoslavie - , le Parti pour


('Organisation d'une Bretagne Libre, le Vo/ksbu11d Alsacien, La Ligue Savoisienne en
France. ou en...""Ore l'Union ~lovène d'Italie. Fondant la nationalité sur l'ethnie - "une
langue propre, un passé original, une culture spécifique"t - l'U.F.C.E. défend une
Europe fédérale des ethnies et la sortie des allégeances étatiques2.
- le Centre européen pour les questions des nùnorités - European Centrr for
Minority lssul!:> ou E.C.M.f'.
- L'Acadéoùe de la Baltique - Osts.ee Alcademie a pour but de favoriser la création
d'un espa...--e b;i.Jtique.
• L'ln.'<titut International pour le droit des groupes ethniques et le régionalisme -
LN.T.E.RE.G. - siège à Munich. Fédéralisme et régions transfrontalières en sont 11'9
principaux buts.
- L'Association Internationale pour la Défense des Langues et des Cultures
Menacées qui siège à liège en Belgique.
- Le Bureau Européen pour les Langues moins répandues - Eurupean Burrau for
Li!ssn USfti Umgwiges - basé à Luxembourg et Dublin.
Dans le domaine de la politique minoritaire allemande, la Fédération des Réfugiés
allemands - Bund de Verlriebenen - connue sous le nom de B.d. V . est un levier de la
gft>politique allemande en Europe centrale notanunent4.
l.ift5 ou issues des institutions de la construction européenne :
- L'Association des Régions frontalières européennes ou A.R.f.ES. qui siège à
Gronau en Allemagne.
- L'Assemblée des Régions ou A .RE.6 qui siège à Strasbourg.
- Le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l'Europe7 qui siège à Strasbourg.
- Le Comité des Régions - C.d.R. - qui siège à Bruxelles.
• Les résultats obtenus en matière de droit des minorités dans le droit
international :
- La "Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales
ou ethniques, religieuses et linguistiques" du 18 décembre 1992: jusqu'alors l'O.N.U. -
comme la France - ne reconnaissait que des droits aux États et aux individus _
Droits de l'Homme - mais non à des groupes particularisés8 .
- La deuxième étape souhaitée par les leviers fédéralistes européens serait celle de
la recormaissance par l'O.N.U. du droit à la Heimat - pays natal ou pays des
ancêtres - qui devrait ouvrir un droit au retour, ou, au moins, un droit à des

1Anicle2 des-de l"IJ.F.C:.E.


2 Lt:s D"Yaa dt P~ Hillanl ont mooaé que Io sou1iens financiers de celte organisalion .sonl les suivaoll : burœa dD
IDlftUaa:ax:a:il du i....t de Carinthie: - Autriche - . Chancellenc du Schlcsw1g-Holstcin - Allemagne-. Pvlcmcn1 !Dlltdg..
fiaJlllldais.. lltpoa MltODclale du Tmitin sud-TyrtJI - Italie - . Province autonome de Boz.en - Bolzano, Italie-, Aaidamc dei.
Jlalbq.: - Tl'WY1:lllD:llde Allcnap - . Hadcn1~ Swtascminarium - Danemark - , Conseil de l'EllrOpe , Miniltm de rtmmem
die Ili.....,liqm:
F61Wn&c d'Allemagne. À notcT qu'il s'agil bien du Minist~rc de l'lnltticur allcnuand qui 1'invcni1 de nmnCRdima
dmm ~ IOllbal. i La pobbqUC del miaontes - pour des minoritts se lrouvant • l'c:1tl~ncur des fronhàn:s de ~'Êlal allnnand- n DOD
du - des AlliWa élnngbel.
J sq. • F1œaburg.
•Elle dilpow cf'uae revue hcb:lomadai~. I• Deut.cher Ostdien.sr ou 0 .0 D .
5 AtbeitaJllClllCIDrlCba Eun>p&l.Kber Gmizn:gionen.
6 Vcnam111hm1 cW R<giOdCD Ewapu.
7 Slladip Konfen:m dc:rGcmcindm und Re&ioncn Europu Il dalc de 1957 DUi is joue un vrai r61c politique 1kpuis 199"
1 hmft Hillmd IGul.ip le lobbyin1 ICtif de l'U.F.C.E . auprès de J'O N . U qui a pennia d'aboutir• cette recoanU..-c.
P. tm.1.ARD. MùtorillU rt ngionaJUma dœu l'Euro~ f'JJl'O/~ du réglons, Paria, X de Guibert, 2000, p. t 98 .
Cl>aplW 4. L'étal et la rt'fflonallaoUon 917

reparntions pour les minorités allemandes - mais pas seulement - ch.uekt de lalr
Hei11111/ lors des épurutions ethnlques 1•
• Les résultats obtenus par l'Allemagne concernant les minorilés allemande:
- L'Allemagne a murqué son intérêt pour la cause des r~fugièl allemands et la
pn>tection des minorités allemandes par le biaii< de tTois résolutions2 du 81mdntag et
par le soutien du B.M.1. - Ministère de l'lntérieur - au 8.d. V. - Bureau de11 Réfugiés
Allemands.
- Dès 1991, la Hongrie, la Croatie et les trois pays Baltes ont volé des lois visant à
Indemniser les Allemands victimes de spoliation et à leur restituer leurs tilres de
propriété. La résolution du But1destag de 1998 invitait explicitement la Pologne et la
Tchéquie à prendre la même orientation, compte-tenu de leur candidature à
l'élargissement dans l'Union européenne. - S'agissant de la République Tchèque, dèl
1961, la revue E11ropa Etht1ica de l'U.F.C.E. avait pris des positions claires en faveur des
Allemands des Sudètes.
Le 15 avril 1999, sur proposition des députés de la CSU bavaroise, le Parlement
européen vote une résolution concernant "les progrès de la République tchèque sur la
voie de l'intégration", accompagnant le rapport d'évaluation annuel sur la possibilité
d'admission de la République tchèque à l'Union européenne. Le Parlement y "invite le
gouvernement tchèque ( ... ) à abroger les lois et décrets de 1945 et 1946 qui sont
toujours en vigueur, dans la mesure où ils concernent le déplacement forcé de groupes
ethniques de l'ancienne Tchécoslovaquie".
En septembre 2001 le Parlement européen réaffirme le lien entre le problème des
décrets Benes et l'adhésion à l'Union européenne3. En octobre 2001, c'est le Parlement
autrichien qui appuie cette dynantique.
En 2002, des tensions tchéco-allemandes et tchéco-autrichienru!S naissent à propos
des Sudètes. Le Premier ministre tchèque Milos Zeman (social-démocrate) reprend le
thème des Allemands des Sudètes "cinquième colonne' de lAllemagne œ qui
provoque !'annulation de la visite à Prague du chancelier Schroder. La même année la
réunion des Premiers ministres du Groupe de Visegrad est annulée et la coopération
régionale en souffre. La France prend alors position en faveur de 1'Allemagne et contre
les décrets Benes4.
En mai 2002, Edmond Stoiber, président de la Bavière pose comme condition à
l'adhésion européenne, l'abrogation des décrets Benes, considérés comme
discriminants pour la minorité allemand et parle de 200 000 victimes lors de l'exode de
1945 (alors que la commission officielle gennano-tchèque n'en compte que 25 000).
Mais la Commission européenne finit par conclure (octobre 2002) que le droit européen
ne peut avoir d'effet rétroactif sur les décrets Benes.

1 L'avocal omtric11in Cyrus Vance s'est spb;lahsé dans la q\ICSboll de rCpanUoa eduuque dl: 1945 0 a pubtit phaiiiam
ouvrogcs sur le ùomainc . Netm1·s;s "' Po.uJum, T7fl· .-trrgif._... ~aru d""1 dtie E:rptd.nom af Gnraolu. ÙDaZIC: CdîrMms ca uac-l
m\R' 1978 cl 1997 ; Annt(!rlunRc'n =ur J-°C"rtr-Tihung trad : A tenibl~'T'\~. T1wE1ltn1e ClramUtgafrlwESZlt~~
19-14- 1950
2 23 mo.i 1994. 2~ févricf 1997 • .!9 mai 1998. /«lft, p . .!17
J Rbolutnm du rarlcmcnt européen conccmnnl lëtat J ' :1\'3.nccmeTll Je la RtopubliqUC' ~dam~~ 1f~
4 le 19 D\TÏI 2002 , une Decl1.1m11un du ponc-porolc du mmls1èn= des AOGucs èl:rl.ngCTcs du 19/04l!OO.? '"'I la Jêa'cD Bma
font panic d'un ensemble d~ dCc1 s1uns pnses dans h: 1.."Unlutc Jc la fin dr la Dcwuèmc: GUftl'C' IDDllLlialc.. U •'acit 6 - péri.* œ
l'hi11oirc que Io conslruCU<'n curof'C..ennc s'1..-s1 fix« pout obj«tif Je J~ 2. Ces ~-n:u... ain.s1 que les Jnpaàbom prilics pom
leur applicnt1on, 5dTI1 iaméricul'% uu lru11C 1.k Rl\nl.: !.!I , a funiuri . i la prochain~ ....~ Je. .. RtpublMp.lc T~ ~ ru...
curo~nnc D~s Ion, ils s1.:m1 sons mpron l!l ne ('C'UVcnt mtierlCrrr a\·« la pourswi-: Ci r~ des ~illlc:ms ~
de cc pays. J . Lo ll&larouon ~..:m1uno-h:h ..'1u..: s i~ni!I.' en ICN7 ..:ons111uc dans cc ..:cin1ui.: \Ille~ et~qw. s'a&af;bc'
tl~f'llUC'r les t::antenliCUk h1shiri4u ..-s pOUC SC IUunlCr \'Cf'S l°.4\ ..:nLr. .4 C°C'!U Jans le tuftnt iispril ~·ni CODip& le ~
d'~ha.ryisacmcnt, demi l'ob1cc1if est rréc1sCmcn1 de conso..:n:r. Jans la pal.' et La smbali.C-, t. fturu.f~ W C'OOliacm mmp6an.. ll n
~soi que les (l4r.t canJic..hals., ..:n adhétDJ.U. l'Union cu.rupCC:nnC'. se- cun.fonnC"nl à 1'91."\IUlS i.~- '"
9111 Parllt' 7, L'lldl CIJncunrnci

• Ainsi, l\1pplication du Droit à 111 Heimnt en Europe centrale et orientale garanlil à


l'Allemagnc de retrouver, sons coOt d'investissement - puisque son retour etil financé
paT les indemnisations-, une influence économique el politique décisive sur l"" paya
de l'Est euro~1\.
L'Allemagne, fidèle en cela à la conception du Chancelier Stresemann - lequel
wnsidérait, rappelons-le, que seule une politique cohérente de protection de
l'ensemble dL"S minorités, qu'elles soient allemandes ou non, pouvait servir à ll!rme le
dessein européen el le rôle central qu'y jouerait l'Allemagne - a signé en 1995 une
convention visant à protéger ses minorités nationales: Sorabes, Danois, et ses
"Voll-,;gn1ppm ethniques", Sintis et Romsl.
• Les résultats en matière d'autonomie des minorités ethniques et de coopération
transfrontalière au niveau européen :
• La Charte européenne des régions frontalières et transfrontalières du 20 novembre
1981. modifiée le 1•r décembre 1995 et préparée par l'A.R.F.E .
• Le Traité de Karlsruhe du 23 janvier 1996 entre l'Allemagne, la France, la Suisse et
le Luxembourg sur la coopération transfrontalière : régions, villes et communes
concernées peuvent conclure des conventions entre elles sans qu'il y ait consen-tement
préalable des gouvernements centraux.
- La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de
l'Europe - 1992 - signée par la Norvège, la Finlande, la Hongrie, les Pays-Bas, la
Croatie, le Liechtenstein, la Suisse, l'Allemagne, et la France - en mai 1999 -, mais
elle ne l'a pas ratifié un mois plus tard2.
- Prolongement de cette Charte par une Convention cadre pour la protection des
minorités nationales ouverte à la signature des États membres du Conseil de l'Europe
depuis le 1er février 1995 et entrée en vigueur depuis le 1er février 1998. Cette
convention est présentée comme étant le premier instrument multilatéral européen
juridiquement contraignant consacré à la protection des minorités nationales en
général. S'appuyant sur la Charte européenne des langues régionales dans le domaine
de l'enseignement et de l'usage administratif des langues minoritaires, la convention
institue comme catégorie juridique l'identité ethnique ou religieuse et instaure comme
une obligation - selon son article 15 - la repré-sentation politique spécifique des
communautés minoritaires.
- la Convention sur une politique régionale des langues de mai 2000 fait de
l'allemand une langue officielle de l'Alsace, au méme titre que le françaisl.
- Le programme lnterreg de l'Union européenne pour le développement des
régions frontalières4.
• La mise en place de régions trarisfrontalières européennes ou euro-régions:
- Alpen-Adria5: Bavière, Liinder autrichiens de Styrie, de Haute-Autriche, de
Salzbourg.. de Carinthie, du Burgenland ; pour la Suisse, le Tessin ; pour l'Italie, la

1 Y. BOU.MANN, La ba1ai/I~ dis langue.sen E11rnpc, Paris. Bn.rtillol , p. 55.


:? L'cspnl de une dw'le nt i::ontnun: à la Comlitulion de Io République fronç11isc " Dun~ sa d~1S1on du IS juin 1999. rddnc
• I• CharLt curopC:c:nnc dts langues ~gionalcs ou m1noriLo.ires, le Conseil conslllulionncl éloblil que ccllc-c1 comporte da daDd
coolnin:s â la Constitwion. En cc qu'elle confire des drolts sp!cifiqucs à des 'groupes" de locuteurs de lmngu.cs ~1cmlcs cm
nu.noritain:s, à rmtencur de 'tcrritoira' dans lesquels ces longues sont prnl1quécs, elle 'porte atlcmtc aux J1rincipc1 corutitullcDlcb
d'lnd.ivitibilitl ~ t. Rtpubhquc. d'qalile devant la IDI et d'unicilé du peuple fronçu1s "', V. nOLLMANN, Lo bmoill' dis I~
ot EM~. Paris. Baniltat, 2001. p. 167. Le pré9ident de la Ritpubliquc fn1nçuîsc G n:jcté Je souhait du gouvernement. rnjum t9'1.
M l"tVl&rr la Const11ution - artidei 1 et 1 - afin de ratifier celle Chnr1e
l Dans l'ofT~ dr: langue pour l'ensc1gncmen1 pmruun: en AIHcc, l'nllcmnnd (iy;urc <l~!ionnuis seul. Y ROLUtANN. U
bawùlrda langu~s. Pan1. Butillal, 2001.
4llllcn'eg1-- 1989-1994 - , Jntcrreg JI - 1994-1999.
S Crtauon a Vcmsc le 20 novembre 1978 .
919

Lombardie, le Haut-Adige, la Vénétie, !'Émilie-Romagne, le frioul-Vawtie; 9lavénie,


Croatie et cinq comitats hongrai&. u population totale! eet de 43..5 nu1lions d'habilillsm
et la superficie de plus 300 000 Jcm2. Cette euro-région, coneidérée comme un modèle
par l'A.R.F.E., a pour fondement un ~rmininne de la géographie phy!lique : le
caracttte alpin des territoires conai.clér&I .
Alpen-Adria a montré son rOle géopolitique pour la première fois en 1990 en
exprimant son souhait de voir la Croatie et la Slovénie quitll!r la Udbatian
yougoslave2.

108. Les euro-régions des frontières est-alleD>oilllldes

- Arge-Alpenl:inder formée par le rassemblement du Bade-Wurtenberg et de la


Bavière, pour l'Allemagne; des cantons de Saint Callen. Graubünden. et du Tessin
pour la Suisse; des Lander de Salzbourg. du Tyrol pour l'Autriche, des provinces

1 On ROU.'i dit qu'il fnudrnil défiia-~r lies ~tnminis~ d'une gl!orol1tique da.uiquc IDCIÛ ....... ~ . . t-. ~ a
semble parfu is que cela smt pou'" m1cu:111. lais~ placr à d"au~ di!terrrunistn('S ~liriqucs .

2 "'À l'époque où 111 Yougos lm..-îc existait nicol"C', I• Slo'\·l!n1t c1" lat."'~ éuicn1 mnabft9 ait •"CUI:~ Jr trM'lli.l.. d
(. J cllC'S l'onlu1ilis~ J'l)ut 5e <lotct d'une ccnainc lég11inut~ sw k plan lotn-natic;toal u1Ud d'an.rua :i la~ de la

YolJ905lavic . Cet lpi!U.'ldc pennc1 de micu.'\ cl"mprt!ndre la nüsan pour t.quelk- Ires gou"lo"Cl'1llllZICDD ~ aie.-
pm& ~
cnthou!liutn dC\'lll\1 1a f1on1ciratrnn dt: leurs rtg1ons i:t de- lrurs. pi'\."l\·1nr.,~ à des ~ ~·. N S(11M1Tt, 9l.c
(~ruliame suisse aujounJ'hui · entre ~nnitiun et gl,lbatiuti<Jel• . in Actes du n1lloqur f~ et V-~ ~
de Neuchltcl , oct . 1999. p . JI.
Pori/~ 7. L'Etat""'"'""'"

autonomes italiennes de Bolzano et de Trente, ainsi que de la Lombardie. La


population totale de cette euro-région s'élevant à 34,5 millions d'habitants.
- De nombreuses euro-régions mises en place depuis la Réunification le long des
frontières de l'Allemagne avec ses voisins polonais et tchèquel - frontières que Berlin
a eu le plus de mal à admettre compte-tenu des amputations qu'elles représentent paz
rapport au passé. Ces euro-régions coïncident avec les zones qui furent peuplées pM
de nombreux Allemands avant 1945. En 1990, l'Allemagne a reconnu, par un vote du
Bunthslag, l'intangibilité de la frontière Oder-Neisse avec la Pologne. Maia c~
reconnaissance intervient au moment où la montée en puissance des euro-régions
frontalières transforme de fait cette frontière en ligne de partage administrative.
La conception ethniciste exerce une influence de plus en plus marquante 5ur la
ll!xtes, conventions et traités européens. Suivant cette conception, "partout où il y a une
langue autochtone, il y a un peuple, et ce peuple a le droit de diriger son propre destin
culturel. politique et économique."2 Cette simple affirmation est un programme
géopolitique en soi, dont l'application déboucherait sur un tremblement de terre
majeur de la carte des États européens. D'une manière générale, les ethniciates
européens affirment l'homogénéité ethnique de l'Allemagne à 90 % - le reste serait
formé d'étrangers et non de minorités nationales 3 - tandis que la proportion de
"l'ethnie française" en France, selon les travaux de ces mêmes ethnicistes, oscillerait
entre 59 %4 de Français et 85 %5. Il en ressort que le tremblement de terre toucherait la
France et non l'Allemagne.

Conclusion
A partir du Moyen-Âge, l'Europe centrale et orientale ainsi que la périphérie russe
et le monde baltique ont été bouleversé par la dynanùque de colonisation du peuple
allemand. La révolution des nationalités et l'ébranlement des Empires en Europe ont
débouché sur la formation d'États-nations, lesquels sont entrés en contradiction avec la
réalité de peuplement ethnique des Allemands. Ce choc a été à l'origine d'un des plus
vastes mouvements de décolonisation jamais rencontrés dans l'histoire. Contrairement
à l'idée reçue, le peuple allemand fut un peuple colonial, mais, à la différence des
peuples Anglais ou Français, son espace de colonisation ne fut pas l'outre-mer - sauf
au moment de la Weltpolitik; il fut l'espace eurasien, jusqu'en Asie centrale.
Le pangermanisme est né de cette décolonisation jamais acceptée par l'Allemagne.
A plusieurs reprises, Berlin chercha à recouvrir, dans les frontières d'un Reich
reconstruit, les territoires peuplés par des Allemands. Le long de cette ligne continue
de la politique allemande, depuis le milieu du XIXe siècle, environ, Hitler appanll

1 PomC:nnia -gcnnano-tu6So-polonais-, 1995, 30 848 km 2, 2,9 m1lhons d'ha.b ; Pro Europa Vtt.dnna - ~
polonad - , 1991, 10 675 k:zn2, 760 000 hab. ; Sprft: Nciuc-Bobcr - gcnnano-polona~s - . 1993, 7941 krnl , 800000 hab . . Miss
-~\ono-u:hi:quc-. 1991, 11291 km2. 1,6 million d'hab . ; Clbe- Labc - i1cnnano-1ch~uc-, 1992, Ss.411lJI.!.
19' rmlboa d'bab.; Engdticgr - gcrmano-tchèqu.e - , 1992 , 5339 1c.m2, 0,895 million d'h ; Eg.TC"nsi1 - gennano-.lehèquc-. 199~.
20 000 km" , 2 million d'hab. Source A.R.F.E. Cit4 p11r P. HILLARO, Minorités el rég1onufo·me.s Jan.s l'Eurv~flt:N,rJlr Ja,.,.P...
Paria, X de Guibert. 2000. p. 249.
? V. BOLLMANN, La batalll~ du lungues ~n Europe, Pans. Bn.rtillat , 2001
} Chna&Dph Pan ck: l'U .f .C.E. et de la revue Ewopa Ethnico a publu!: un ouvrage - Die Volk..sgruppcn ln Europa. [a
Haadbuich (Livn: de poche da cthnin CW"OpêennC6) - daru; lequel il SOUllCnl que l'AllcmoHRC est pcuplœ de 90,8 ~~ d'AlkmlialL

de KU.lcmen1 O.l % ~ ounoritâ nalionalc:a, Landi5 que les 9 "/• rcstanls sont dcli l!tnt.nKcr.;
4 Dam LI clef, Atlal cthni>-linaiui11ique, paru en 1998 • Niçc Cl difTust dans les milieux ~gionali4lCI Cl r~ ~
lablcau de la compmiuon ethnique de la France donne IC6 chiffres suivants . S9 % de Fnmç1111s et scpl clhnics Occiwu i10...' ·· ~
Al.Mc1em-Motellam (2.5 •t.), Buqun (200 000), Bretons (l,S %), Concs (300 000), Flamand. (ISO 000), Calalam \)OOCD.l1
viammJ d'aaues eduuce: 8crbè1'a (2,1 .,...,, Anbet (2.S IYe), Ponugais ( l.S 'Y.). Juifs (S40 000), Arro-An11Uus jQJOOl.
~ 1300 000), T1ipna (270 000), An•tolima ( 160 000), Eat-A!li•liquc. ( 120 000), Afrkains noiR ( 120 000), Aurra J.t '
S Cbnaoph Pan U,6 -,,. de fqnçais , le reste et.nt çonal11w! de 7 minorittli !
Qwip<lre 4. L'~l et la ttglonal;.abOn

comme un épisode paroxystique de l'histoire du pangermanisme, pl.119 que aJllllne tSW


rupture véritable avec l 'histoire allemande. Comme le soutient le~ André
Chéradame, Adolf Hitler fut le produit du pangermanisme et non son a&teur.

Pour l'Allemagne, l'unification de l'Europe dans le cadre de la CONtructio.n


européenne constitue une stratégie en rupture avec les méthodes du pa111Jé tout en
restant en accord avec les objectifs ancestraux de l'Allemagne : refaire l'unité da peupk
allemand. La réunification de l'Allemagne n 'a commencé qu'en 1989 ; t~olation de
l'Union européenne doit réaliser la réunification complète : le droit de9 llllinarités -
qui va de paire avec l'appui aux particularismes linguistiques à l'inlérieur des &a.-
nations - et la coopération transfrontaJière sont les deux principaux lerier& penrettaut
à terme de rapprocher l'Allemagne des Allemands de l'extaieur, œux de la périphme
russe, d'Asie centrale, d'Europe centrale, de la Baltique et d'Europe orientale.
Ainsi le mouvement de décolonisation allemand de l'Europe qui aura ronduit œJe..
ci dans les guerres les plus terribles devrait-il déboucher, par le biais de l'unificaban
européenne, sur la formation d'une vaste zone d 'influence allemande, œntre et est-
européenne, comparable en bien des points aux zones d'influences ex-<DioniaLeB da
puissances française et allemande.
Le géopoliticien autrichien Jordis von Lohausen résume la conœptiao des
Geopolitikers allemands quant à la logique régionale :
"Ces unités formèrent la base de l'ensemble, et bien plus de chaque grande naâon.
Si les peuples furent le support de l'Europe, les régions les y aidèrent. l....es peuple& saat
les piliers de l'Europe. Ils en supportent le toit. Sur eux repose ce que nous appelon5 la
civilisation de l'Occident. Ses fondements sont ces petites unités Iégionale; ; elle en
constituent la base. Construire l'Europe à long terme, c 'est l'édifier au mayen de ces
matériaux. L'Allemagne, l'Angleterre, la France, l'Espagne. l'Italie sont. sous bien des
aspects, des espaces trop grands [ ... ) au sein de l'empire européen que nous espéronf.
il faudra, à terme, la donùnation d'une seule puissance, telle ré ewt la Prasl!e en
Allemagne, et jadis Berne en Suisse, ou bien aucune, mais en aucun cas deux ou troill.
ou bien quatre ou cinq" .
Von Lohausen appelle ainsi de ses vœux l'émergence d 'une Europe des œgïons de
l'Estonie à l'Andalousie: "Dans cet ensemble bien harmonisé de régions ewopéennes
on retrouverait une Prusse orientale allemande, une Silésie allemande. une Poménurir
et une Bohème du Nord, la Courlande partiellement ~par les Allemands.
l'Estonie, la Transylvanie ou la Hongrie méridionale ou occidentale, taules régions
aussi indivis ibles qu 'une Venise italienne, un Brabant flamand ou une Tl>Wlline
française. Sans ces régions , l'Allemagne n'est plus l'Allemagne, l'Europe n'est plus
l'Europe"l .
Une première série de pays sous influence économique, politique
et culturelle de l'Allemagne:
1 - Autriche 4 - Hongrie

D 2 - Tchéquie
3 - Slovénie
5 - Croatie
6 - Pologne

Bloc "pro-russe", slave et/ou orthodoxe:


7 - Serbie 1 0 - Bulgarie
8 - Roumanie 11 - Biélorussie
9 - Grèce 12 - Russie

Zone de rivalité :
m8 13 - Pays Baltes (Lituanie, Lettonie) 1 5 - Slovaquie
llU 14 - Ukraine 16 - Bosnie

109. La nouvelle Ostpolitik de l'Allemagne


1. f"1i1..~lnn1..I
NonJfricslum.J
J. Mnn
Tictnin
Gri.o;chun
fl Friul
7 CmOI Gora
K Bt~snn t-lcn:c~ovitm
Q, Ht"\IH1!1>kn
10 Shwcnij<J

112. L'Europe des régions


CONCLUSION

Jamais, depuis le xvrc siècle, la puissance des forces transnationales n'a été aussi
f,irte face à celle des États.
Dans certains États, notamment occidentaux, l'argument démocratique est
instrumentalisé par les communautarismes comme par les forces transnationales -
lidtes ou illicites - de manière à limiter l'action politique de l'État. L'abaissement
rartiel et partial des notions de bien commun - le devoir du politique est de défendre
ce bien commun face aux intérêts particuliers et communautaires - et de vérité-Une -
foi dans la vérité scientifique, comme dans la vérité spirituelle - expliquent sans
doute largement l'arrogance des logiques transnationales, criminelles et sectaires, face
aux États.
Dans d'autres États, la faiblesse de la légitimité politique ou de l'adhésion populaire
au gouvernement de l'État, sont autant d'arguments qui contribuent à fortifier les
logiques transnationales, lesquelles se parent alors de vertus démocratiques.
Rien de tout cela pourtant n'assure le triomphe définitif du transnational.
Légitimité politique et bien commun sont des notions nées de la plus profonde
antiquité des hommes. Elles peuv ent connaître certes des éclipses; leur retour est
néanmoins probable.
L'avenir appartient aux peuples qui croient dans l'État-nation et dans leur
civilisation.
CONCLUSION GÉNÉRALE

Les facteurs de la géographie physique et humaine agissent à l'échelle du temps


ll>n!l sur l'histoire des sociétés humaines . lis forment le cadre permanent dans lequel
,1nsffivent le lien du passé au présent, l'histoire des relations des hommes à l'intérieur
d•'S Etats - géopolitique intérieure - , celle des relations entre les États eux-mêmes -
~ropolitique extérieure. Les conflits qui agitent le monde trouvent une inspiration
,.,;.<entielle dans la permanence des lignes de fracture claniques, ethniques, nationales,
religieuses, linguistiques ou civilisationnelles et dans l'évolution des dynamiques
démographiques.
La politique des États, organismes politiques, territorialisés et dotés en puissance,
peut alors être étudiée du point de vue des facteurs premiers de la géopolitique, à
savoir: la situation géographique ; la topologie du relief; le clan, l'ethnie, la dynastie,
la nation; la religion; la langue; les genres de vie - catégorie socio-économique; la
civilisation ; la démographie ; les ressources .
L'étude de ces facteurs, les uns après les autres, permet de souligner tout à la fois,
leur autonomie propre dans le champ de l'analyse historique, et les relations qu'ils
entretiennent entre eux - puisque les facteurs identitaires interagissent entre eux, en
même temps qu'ils interagissent avec la géographie physique- , mais aussi
l'impossibilité de réduire une situation historique à un seul facteur ou à la combinaison
de facteurs purement géopolitiques.
Les trajectoires suivies par les sociétés humaines, si elles sont largement "tenues"
par les déterminismes géographiques, ne sont pas pour autant tracées par avance. Elles
peuvent tout au contraire être déviées par le surgissement de facteurs aux
conséquences géopolitiques durables . Nous avions remarqué en introduction que les
idéologies étaient souvent rattrapées par la pesanteur des déterminismes
géographiques. Nous pouvons ajouter, à ce stade, que les progrès de la connaissance
scientifique et technique, à la différence des systèmes d'idées, pèsent irréversiblement
sur les destins collectifs. Si les idéologies s'effondrent, rattrapées par les luttes
ethniques quand elles ne se sont pas elles-mêmes fondées sur des représentations
géographiques, la science, elle, contribue à la transformation durable du rapport de
l'homme à l'espace et à la détermination des nouveaux rapports de puissance. Mais,
contrairement à ce qui est affirmé parfois, la science n'abolit pas la géographie. Dans
un monde qui reste profondément différencié et créateur de différences, où les destins
collectifs continuent de se jouer sur les rapports de puissance entre les acteurs
politiques - États et acteurs transétatiques - , la science offre à ceux qui en maîtrisent
les atouts supérieurs, la suprématie sur l'ensemble de la géographie. C'est bien de la
hauteur des satellites que les nouveaux superpuissants observent les poches qui leur
résistent encore, qu'ils contrôlent leur domaine d'influence; quant à la criminalité
transnationale elle communique e lle aussi par le biais du G.P.S. Aux faibles, ne reste
que la géographie, celle de l'âge de pierre, celle aussi des divisions tribales ou
religieuses.
Ainsi, si la géographie tend vers la puissance - produisant ainsi du sens
géopolitique-, la puissance tend elle vers la science, l'histoire semblant alors pouvoir
être rassemblée dans l'interaction de ces trois mots: géographie, science et puissance.
928

La science n'abolit donc pas la géographie ; pas plus n'abolit-elle l'État, en tant que
mode principal d'organisation politique d.:-s sociétés humaines ; ce que la science offre
aux groupes en guerre contre les btats en place, ce sont de nouveaux outils de combat.
Dans ces conditions, consid<.'rer <lU<:' le inonde du transnational est en train de
l'emporter sur celui des États n 'est pas exact.
li convient d'abord de distinguer le 'transnational' menant une lutte à but
véritablement transnational - certains grands groupes capitalistiqucs ou des
organisations criminelles transnationales - du 'transnational' qui cherche à se doter
d'un État.
Les logiques transnationales ont toujours existé aux côtés des États, et elles ont
toujours perdu la guerre contre ceux-ci. Certes, certaines firmes transnationales sont
aujourd'hui plus puissantes que nombre d 'États : mais, premièrement, elles sont elles-
mèmes l'émanation de la puissance de grands États ; deuxièmement, elles sont
éphémères, amenées à mourir tôt ou tard de la concurrence économique, à s 'effacer
tandis que les États qu'elles "dominent" aujourd'hui leur survivront. Quant au crime
organisé, il n 'est en rien nouveau ; ce qui l'est en revanche, c'est la faible résistance que
lui opposent les États modernes.
Que faut-il penser alors du reste du transnational, c 'est-à-dire non pas de
l'écononùque, mais du politique qui conteste les États ? Sans doute qu'il refuse de subir
l'autorité des États en place, qu'il rêve de disposer de ses propres États, qu'il s'agisse de
l'État califal des islamistes ou de l'État des séparatistes régionalistes. Ces contestations
sont-elles d'ailleurs nouvelles? Non, ce qui est nouveau, est que les régionalistes de la
Médib!rranée puissent s'entretenir via Internet avec ceux de l'Atlantique, ceux de Corse
avec ceux du pays Basque ou de Bretagne, que des réseaux de communication puissent
se tisser à l'intérieur du monde de la contestation des États, et de manière concurrente
aux réseaux interétatiques classiques. En somme, ce qui est nouveau, ce n'est pas le
transnational, mais les possibilités qui sont offertes à ce dernier et les moyens dont il
dispose pour déstabiliser le monopole de puissance de l'État.
D'aucuns ont fait remarquer, à juste titre, que les guerres se faisaient de moins en
moins entre les États eux-mêmes - conflits interétatiques classiques - et de plus en
plus à l'intérieur des États ; ils ont déduit de leurs observations la preuve que l'État
était en voie de disparition. Nous faisons deux critiques à ceci ; d'abord sur
l'observation elle-même: sur quelle période de l'histoire cette comparaison entre Ja
situation du monde actuel et le passé est-elle faite? Si l'on compare l'an 2000 avec les
situations de 1815, 1870, 1914, 1939, l'observation est juste. En revanche, la période de
la fin de l'Empire romain, caractérisée par la décadence intérieure de l'État impérial
romain sur ses territoires, est elle aussi "balkanisée", comme notre monde
contemporain. Deuxième critique, sur la conclusion cette fois-ci : aurait-on oublié que
les contestations intérieures aux États visent à créer d 'autres États?
Non seulement l'État ne disparait pas, mais qui plus est, il prolifère. Depuis
des siècles, et malgré des phases d'oscillations caractérisées par la formation de vastes
empires, le nombre des États n'a jamais cessé d'augmenter dans le monde. C'est vrai en
Europe, de la première et ancienne génération d'États représentée par la France,
l'Angleterre, l'Espagne ou bien encore la Russie, jusqu'à la constitution tardive des
États italien et allemand. C'est vrai sur le continent américain, de la constitution des
États-Unis à la fin du XVIfie siècle jusqu'à celle des États d 'Amérique latine résultant de
la fin de l'Empire espagnol. Au xxe siècle, le processus s'accélère encore. En 1900, on
comptait à peine une quarantaine d'États dont un peu plus du tiers étaient issus de la
décolonisation de l'Amérique latine. On en compte aujourd'hui plus de 180. Cette
prolifération des États s'est opérée par vague et, dans la plupart des cas, résulte de la
dissolution des empires. L'éclatement des empires ottoman et austro-hongrois au
C-.lwolon générDIC!

Jendemain de la Première Guerre mondiale, la décolonisation au lendemain de la


Seconde Guerre mondiale, ont multiplié considérablement le nombre d'~talll. Entre
t945 et 1970, une cinquantaine de nouveaux États sont nés, en Afnque et en Asie. A œ
110mbre, il faut ajouter une vingtaine de micro-États in11ulalJ'ell, l'indfpendanœ de
chacun d 'eux étant assurée le plus souvent par le soutien des institullanll
internationales et par la bienveillance de quelques grandes puiMancell. De temps à
autre quelques États disparaissaient, République Démocratique d'Allemagne en 1990,
Sud-Vietnam en 1975, Yémen du Sud en 1991, mais cela n'était que pour mieux
épouser la réalité des États-nations. Ce phénomène géopolitique qu'est la
multiplication des États trouva encore à se renforcer après la chute du 90Cialinne
soviétique. L'échec idéologique du communisme ayant amoindri la pui.9&anœ
géopolitique russe, la Yougoslavie explosa en cinq États1, les trois pays balll!s
s'émancipèrent, tandis que le passage de l'Union soviétique à la Communauté des Élatll
Indépendants consacra l'indépendance étatique de trois pays slavesl, des troi5
républiques du Caucase', des cinq républiques d'Asie Centrale' et exacerba les velléitéll
d'indépendance à l'intérieur même de la Fédération de Russie - conflit en
Tchétchénie. Le renforcement géopolitique de l'Allemagne et l'affaiblissement russe
causèrent également la partition de l'État binational tchécoslovaque en deux États-
nalions, la Tchéquie et la Slovaquie.
Ce mouvement d'augmentation croissante du nombre d'États montre qu'il y a bÏel1,.
à l'échelle du temps long, une permanence de la recherche de l'État romme cadre
d'expression politique des peuples. Les peuples cherchent, les WlS après les autres. à
rentrer dans l'histoire par l'État.
Or le mouvement ne s'arrête pas. Il continue, et aujourd'hui c'est l'existenœ mi!me
d'États constitués récemment, dans le cadre de la décolonisation, qui est menaœe. Mais
ce qu'il convient de remarquer, c'est que ce ne sont pas n'importe quels États qui sont
frappés: il ne s'agit pas d'États-nations, mais à chaque fois. d'États multinationaux ou
multiethniques. Et il semble bien que les structures qui ont fédéré des peuples dans lie
cadre d'un État soient de plus en plus disqualifiées.
La balkanisation observée dans nombre d'États, depuis la fin de la Guerre froide,
nous paraît être la poursuite de la prolifération d 'États que l'on pourrait qualifier de
mono-identitaire à défaut - faute de temps long - d'être mono-nationaux.
Dans ce contexte, la volonté internationale, parfois observée, de maintenir les
frontières en place aboutit à ce que la prolifération étatique est ~placée par la
prolifération autonomique : il apparaît non plus nécessairement des États
indépendants, mais des zones d'autonomie, sous surveillance internationale. comme le
Kosovo ou le Timor, pour prendre deux exemples récents.
Si la prolifération étatique semble constante à l'échelle de l'histoire5, elle ne se
manifeste pas n'importe où.
On l'observe d'abord sur la ceinture d'endiguement par les Américains de
l'influence russe, des rivages baltiques jusqu'à ceux de l'Adriatique, de la mer Noire,
puis de la Caspienne. C'est dans cette zone d'affrontement global que de nouveaux
États sont apparus et que d 'autres sont frappés par des guerres etluùques qui en
menacent l'unité : indépendances baltes, divorce tchécoslovaque, éclatement

1 Croatie , Slo,·énic , RCpubl1quc Yougo~l11vc, Bosnit--Hcrzëaovinc. M..xdoinc.


2 811!loruss1c , Ukrw.inc, M oldKv îc
J Ann~mc . A zctbaldj an , G éur}tlc
4 Kazakhstan, KirguiL"i1an , C>uzhelos1un, Ta1..IJ1k 1s1an . Turkmémstan.
S La courbe du nomhrc d ' f.tots cs l ~lohalcmc nt -.·ro1uantc mCnlC SI elle a cn.rca1att des~ de f'CIRSliàon s-i NICHll dl::s
cm pues
C.:onclut1ion 11tntralt

yougoslave, et. pour œ qui est de hi prolifération transformée en balkanisalion,


séparatismes de Géorgie, conflit amléno-azéri, guerre afghane, conflit tadjik, conflit du
Cachemire - verrou entre Pakistan, Inde et Chine.
On observe ensuite le phénomène de balkanisation en Afrique, où l'inadéquation
entre la donne étatique et ln dom\e ethnique menace la carte des États en place : la
polarité "populations arabisées/ populations noires", renforcée par la fracture
'islam/chnstianisme" fragilise l'unité de nombre d'États africains s'étendant entre le
Sud du Sahara et le Nord de l'Équateur. La diagonale tutsie allant de l'Ouganda au
Congo-ZaYre apparait aussi comme un facteur supplémentaire de "balkanisation" de
l'Afrique.
On observe encore une "balkanisation" en Asie-Pacifique ou dans l'océan Indien, là
où des États ont tenté de se fonder en unités archipélagiques, comme l'Indonésie, la
Malaisie. ou bien encore les Comores, et où l'unité archipélagique est rattrapée par les
séparatismes insulaires.
D<uis tous œs phénomènes d'émiettement des États en place, au profit de la
formation d'un nombre croissant d 'États, on retrouve l'ensemble des facteurs
permanents de la géopolitique que nous avons étudiés.
Les forces qui s'exercent sont le produit complexe de la combinaison de ces
facteurs. Mais quand s'exercent-elles suffisamment violemment pour créer des
conflits'
Les crises de prolifération étatique se déchaînent à des moments précis de l'histoire,
caractérisés par un reclassement à l'échelle mondia le des rappor ts de puissance. Pour
l'Europe, on note bien que ces crises interviennent après deux événements aux
conséquences géopolitiques majeures ; la fin de l'Union soviétique et la réunification de
l'Allemagne, c'est-à-dire en terme de puissance, le recul - provisoire - de la Russie, el
la montée en puissance de l'Allemagne, tandis que les États-Unis deviennent
l'hyperpuissance mondiale.
Mêmes les États consbuits sur le temps long sont aujourd 'hui travaillés par des
forces centrifuges; certes leur niveau n'a pas encore atteint celui des États récents, mais
il convient de s'interroger sur l'existence de courants séparatistes de plus en plus forts,
à la fois dans les jeunes États comme l'Italie ou la Belgique, et dans les vieux États
d'Europe occidentale: Espagne avec les mouvements basque et catalan, France, avec
les problèmes corse et basque, ou même l'Angleterre avec l'Écosse. Au sein de l'Union
européenne, les mots régionalisme ou autonomie sont de plus en plus prononcés.
L'analyse géopolitique telle que nous la proposons, et que l'on peut qualifier
d'analyse factorielle combinatoire - il s'agit bien de combiner les facteurs pour
proposer une modélisation du système étudié - doit permettre de rendre compte
largement du phénomène de prolifération é tatique.
Commençons par introduire deux notions simples : petits équilibres de puissance,
grands équilibres de puissance.
Les petits équilibres sont les équilibres intérieurs et périphériques des États de
faible ou moyenne puissance : par exemple, l'ex-Yougoslavie et sa périphérie albanaise,
hongroise, roumaine ou bulgare. Par exemple encore, l'équilibre entre les trois grandes
etluùes éthiopiennes, Amharas, Tigréens et Oromos. Ou bien encore, considérons le cas
de l'Afghanistan, avec d'un côté les Ouzbeks, Tadjiks, Hamaras et Ismaéliens -
souvent eux-mêmes divisés - et de l'autre, les Pachtouns, qui conservèrent le pouvoir
de manière exclusive jusqu'à l'automne 2001 par le biais des Talibans.
Les grands équilibres de puissance sont la résultante des forces mond iales exercées
par les grandes puissances, celles qui jouent un rôle mondial ou régional d éterminant ·
États-Unis, Russie, Chine, Inde, Japon, Allemagne, France, Angleterre ...
(\•ndu•lon g4!nl!rale 931

Une fois que l'on a distingué ces deux types d'équilibre, il faut les combiner pour
r,pliquer l'éclatement des conflits.
Tout d'abord, et avant d'aller plus loin, répétons que les conflits ne secouent pa5
n'importe quels États aussi bien du point de vue de leur géopolitique interne que du
point de vue de leur situation géographique sur la carte du monde. De plus, ils ne
frappent pas n'importe quand .
La première observation signifie que les États touché!! sont des systèmes aux
équilibres internes par nature précaires. Cette fragilité peut s 'analy!lel' méthodiquement
selon notre géopolitique factorielle, laquelle isole, les unes après les autres, les fractures
de la géographie physique et identitaire. Nombre de situations instables à l'intérieur
d'États sont le résultat de l'affrontement entre ethnies pour la prise de contrôle de
l'État, cet affrontement étant fondé sur l'ensemble des paramètres identitaires -
langue, religion, panisme. L'affrontement identitaire est d'autant plus accentué qu'il
s'inscrit dans des différences géographiques : par exemple, l'État est amstruit sur un
archipel, et une minorité séparatiste a concentré son peuplement sur l'une des iles. Ou
bien encore, un État contrôle ses plaines, mais difficilement ses montagnes ou ses
forêts, domaine-refuge des contestations. Cette fragilité peut encore ètre augmentée
par la présence de ressources économiques de type rentière, - pétrole, or, diamant -
ou criminelle - drogue- , qui suscitent la convoitise des acteurs en présence. On voit
bien que les peuples riverains de la Caspienne sont intéressés par le potentiel pétrolier,
ou bien qu'en Angola, les deux parties qui s'affrontent s'appuient l'une sur le pétrole,
l'autre sur le diamant. Les clivages socio-économiques peuvent aussi ajouter à la
fracture entre les peuples; dans Je cas de la séparation de la Tchécoslovaquie, il y avait
d'un côté une nation tchèque industrialisée, de l'autre un peuple slovaque resté rural .
Une fragilité intrinsèque caractérise donc les systèmes frappés par les conflits.
La deuxième observation nous dit que les systèmes touchés par les conflits
présentent également un intérêt extrinsèque, d'ordre stratégique ou économique, qu'ils
intéressent leurs voisins ou des puissances plus extérieures encore.
Les Balkans sont ainsi une zone stratégique pour les État!F-Unis, dans le cadre de
leur stratégie de blocage des poussées russes vers les mers chaudes. Souvenons-nous
que même dans le système de la bipolarité, la Yougoslavie de Tito fut relativement
neutralisée. Le Caucase et l'Asie Centrale sont aussi des zones de containment de la
puissance russe. Lorsque s'ajoute à cet impératif stratégique, l'impératif économique de
contrôle du pétrole, comme au Moyen-Orient ou dans la région Caspienne, alors
s'exercent sur les systèmes précaires des forces extérieures qui peuvent les déstabiliser
de manière décisive.
Quand alors éclatent les conflits ? Lorsque les systèmes précaires - qui reposaient
donc sur des équilibres instables - sont déséquilibrés par la modification des grands
équilibres de puissance. Ainsi les crises "balkaniques" sont-elles observables après que
de grands bouleversements mondiaux soient intervenus : près de nous, 1918, 1940,
1945, 1990. Ce sont ces bouleversements qui ont construit des États précaires comme la
Tchécoslovaquie ou la Yougoslavie et qui les ont défaits, lorsque le rapport des
grandes puissances s'es t modifié. À partir de 1990, œ sont le reflux russe et
l'hyperpuissance américaine d ' une part, le retour à la puissance allemande d'autre part,
qui ont contribué à renverser les petits équilibres.
L'analyse factorielle combinatoire, dans le cadre d 'une pensée systémique, voilà
bien la direction que nous souhaitons donner à la matière géopolitique.
Notre ouvrage aura voulu contribuer à préciser les facteurs constants de la
géopolitique et les facteurs de c hangement. En considérant successivement de
multiples systèmes politiques, e n les observant sur le temps long de l'histoire, nous
avons cherché à souligner le rôle de chaque facteur de la géopolitique, laissant de côté
'--"" .......... ao ,, ~.., . ,_._ ••

volontairement les autres. Ce lrutg travail d 'isolement des facteurs à l'intérieur d'une
multiplici~ de systèmes historiques aura pu parfois ressembler à un inventaire. NoW!
~ œ que nous avions annoncé en introduction ; l'essentiel de ce nous sou tenon.•
lient dans la méthode d 'analyse géopolitique factorielle proposée par le plan de
l'ouvrage, le contenu n 'étant ensuite que l'effort empirique de validation dei;
hypothèses par l'étude des situations historiques précises.
La méthode géopolitique qui peut ressortir de ce livre est la suivante : pour chaque
situation étudiée, il convient non seulement de mettre en avant les facteurs
cléœnninants, mais auSS1 de les agencer entre eux, d'étudier leurs interactions, de les
ordonner en importance - leur force déterminante n'est pas nécessairement d'inte11Bité
égale - et enfin de proposer, à l'intérieur du système étudié, un système des forces
intérieures et extérieures agissantes. La construction de modèles d'explication par les
facteurs de la géopolitique serait alors l'ultime but de l'analyse géopolitique.
Les facteurs qui déterminent les forces, les équilibres intérieurs et extérieurs, leur
int!!œclion mutuelle, voilà quels seraient les maîtres mots d'une analyse géopolitique
rigoureuse, laquelle permettrait enfin d'échapper aux tentations monocausales,
SUDplificatrices et instrumentalisées, qui firent toujours le malheur de la géopolitique,
et surtout celui des peuples qui en subirent les conséquences.
Nous avions pu parler en introduction de retour à une prise en compte du
dêtennînisme, tout en nous empressant de souligner que celui-ci ne constituait
aucunement l'horizon indépassable de l'histoire. Ce que nous voulions dire, c'est que la
géopolitique doit assumer sa part de déterminisme et souligner en même temps ce que
l'intelligence humaine est capable d'opposer aux forces profondes. Bergson oppoSillt
inœlligence et instinct. La géopolitique prend en compte l'instinct de l'histoire, la
pesanteur de ses constantes géographiques, mais elle prend aussi en compte la force du
jaillissement humain, srut génie créateur capable autant de renverser les données de la
puissance au profit du particulier que de renverser les particularismes au profit de
l'universel.
De quelle géopolitique avons-nous tenté ici d'esquisser les contours? Peut~tre une
fanruo de déterminisme chaotique alliant la prise en compte de lignes de forces
continues dans l'histoire et des inflexions, bifurcations, ruptures nées du cerveau de
l'homme. Certains éloignements des courbes déterminées sont provisoires : telle la
pïeae lancée, finalement vaincue par les lois de la gravitation et retombant sur la terre ;
d'autres jaillissements sont si puissants, qu'ils rompent avec la courbe de pesanteur,
telle la fusée échappant à la gravitation terrestre.
Quel regard cette analyse géopolitique a-t-elle porté sur l'histoire? Elle a considéré
l'histoire comme une profusion d'événements qui, de prime abord, se succèdent de
manière chaotique, mais qui, en réalité, obéissent à des déterminations.
Mais l'on ne dira jamais assez combien la géopolitique doit rester humble face à la
science historique : elle la pille pour alimenter ses analyses sans jamais pouvoir réussir
à en rendre compte autrement que partiellement. Car, l'histoire est profondément
humaine ; aussi est-elle remplie des surprises de l'aléatoire, de l'irrationnel et de la
oontradiction. Devant elle la géopolitique reste caricaturale, schématique, engoncée
dans ses déterminismes, muette aussi face à la question du hasard : si Lénine avait été
tué par ce tramway qui faillit l'écraser à Montparnasse, si Adolf Hitler avait été gaU
dans les plaines du nord de la France en 1916, que se serait-il passé ?
Mais la géopolitique admet aussi sa revanche, celle des permanences. L'histoire
bifurque? Les idéologies semblent contredire la réalité ? La géopolitique attend, car
elle a fait le pari du temps long et compte sur le retour des permanences, sur la réalité
des peuples qui finit par balayer toutes les constructions impériales, toutes les utopies
territoriales. E11e sait que l'histoire bégaie souvent, progrès des sciences ou non, m~me
Cundldlon Htnémle

si elle ignore fondamentalement à quel moment les permanences ae 9011l irwta!Mes


dans l'histoire. Car il faut bien l'avouer, si nous avons cherché à mettre en évidence
l'existence de constantes dans l'histoire, remontant à cet effet jWICju'aux Grecs, aux
Perses ou à !'Antiquité la plus reculée, il ne nous a jamais été po99ible d'affirmer
cntégoriquement que nous avions atteint le point originel d'une permanence
historique. Permanence oui, mais incrustée dans l'histoire du temps à partir de quand ?
Notre regret est de ne pas être encore remonté assez loin, jusqu'aux temps les pl111
reculés de la préhistoire où se mettent en place les éléments premiers des organisations
politiques humaines.
Cette incomplétude révèle à nos yeux la nécessité de revenir au rêve caressé par
Fernand Braudel : la grande convocation des sciences humaines dans l'explic.atian du
monde, le dialogue nécessaire entre les disciplines qui savent beaucoup, l'histoire, lii
géographie, la science politique, la sociologie, l'économie. La géopolitique sait encore
peu, bien peu de choses en vérité, mais elle veut surtout, et par-dessus taot
comprendre ; aussi est-elle favorablement située pour tenter une nouvelle fois,
l'expérience toujours inachevée du dialogue entre les sciences humaines.
BIBLIOGRAPHIE

1.1 bibliographie est organisée de manière à pouvoir retrouver une référence gojt par
""hrrrhc thématiqut> - relativement aux fac teurs géopolitiques étud iés-, soit par recherche
i!l'<Waphiqu.,. Elle met en évidence, dans son découpage, les disciplines fondamentales qui ont
~Jimrnté notre réflexion :
. atlas/ géopolitique/ Relations internationales/ stratégie/ droit international/ science
r1litique/ sociologie politique/ histoire générale/ histoire ancienne/ Grèce antique/ Rome/
i!l'<'graphie générale/ histoire et géographie de la France / zones géographiques : Europe
:.:cidentale, construction européenne, Europe centrale, Europe orientale, Russie, Asie centrale,
Caucase, États-Urùs, Amérique du Nord, Amérique latine, Afrique, Extrême-Orient, Proche et
~loven-Orient, océan Indien/ insularité / langue/ généralités sur la religion/ islam,
,hnstianisme/ ressources : pétrole, eau/ démographie/ mondialisation/ économie/
lt'Chnique/ transnational illicite / essais, littérature, mémoires, sciences exactes.

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GÉOPOLITIQUE
Figurent dans cette rubrique :
- les ouvrages généraux revendiquant explicitement le ur appartenance à la pensée
géopolitique comme ceux de MM . Haushofer, Ance!, ou encore Mackinder ;
- les ouvrages faisant partie du domaine historique de la géographie politique mais étant
couramment rattachés à la matière géopolitique, comme ceux de M. Ratzel par exemple.
Ne figurent pas dans cette rubrique bien que se rattachant à la géopolitique :
- les ouvrages de géopolitique non généraux, qui portent sur un domaine géographique
particulier : üs figurent dans les rubriques organisées e n zones géographiques. Ainsi par
exemple faut-il aller chercher dans la rubrique Balkans, l'ouvrage de géographie politique
balkanique de M. Ance! et dans la rubrique Proche et Moyen-Orient, les ouvrages de
géographie politique de X. de Planhol ;
- les ouvrages de Relations internationales qui inspirent la pensée géopolitique tels ceux des
réalistes américains . Ils figurent dans la rubrique s uivante consacrée aux Relations
internationales.
Bibliogropiu,
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système de Ynlla aux missile< de C11/>a; 1945-1962, Pluriel n°8730, 353p; l.IV, Du schi<mt
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Rev11cs en langue française


Défm5" nationale, Paris, 1 Place Joffre, École militaire. Directeur : général Philippe de VOUGNY,
n!vue mensuelle.
u Monde diplomatique, Paris, 21 bis rue Gay-Lussac. Rédacteur en chef : Alain GRESH ; édihon
mensuelle.
Politique ttrrmgrn, Paris, 6 rue Ferrus. Directeur : Thierry de MONTBRIAL; revue trimestrielle.
Politiqu• internationale. Paris, 11 rue du Bois de Boulogne. Directeur: Patrick WAJSMAN, revue
trimestrielle.
Rapport amruel mondial sur le système économique el les s tratégies, MONTBRIAL TIUerry de, dir.,
éd. Ramsès, Dunod, Paris.
Relations inlt'rnationales, Paris, 23 Quai de Conti . Directeurs : Marlise STEINERT et Piene
GUILLEN.
Rroued'histoirediplomntique Paris, Quai d'Orsay. Directeur : Georges DIITHAN.
Rer>u• françai5" de géopolitique, Paris, Ellipses. Directeur : Aymeric CHAUPRADE.

Articles de périodiques et revues en langue française


ARON Raymond, "Qu'est-<:e qu'une théorie des Relations internationales? in Rro11e françrri.." dt
science politique, vol. XXVII, n°5, octobre 1967. pp. 837-861 .
DUROSELLE Jean-Baptiste, "La nature des Relations internationales", in Politique intenialiorurlt,
automne 1979, pp. 109-123.
MOREAU DEFARGES Philippe. "Punir les tyrans", in Défense 11atio11ale, janvier 1999, p . 46-St
RIOUX Jean-François et alii, "Le néoréalisme ou la refonnulation du paradigme réaliste", in
Êtutks mkmationales, vol. XIX, 1988, pp. 57-80.

Ouvrages en langue anglaise


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1977, 355 p.
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Press, 1984, 479 p.
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Articles de périodiques et revues en /a11gue anglaise


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SCIENCE POLmQUE-SOCIOLOGIE POLmQUE


Dans cette rubrique figurent des ouvrages généraux de science politique et de sociologie
politique. N'y figurent pas les ouvrages de sciences politiques traitant d'une zone géographique
précise ou d'un pays en particulier : on renvoie aux zones concernées. Par exemple, les ouvrages
portant sur l'idéologie arabiste se trouvent dans la rubrique Monde arabe.

Ou"Drages en langue française


AM1N Samir, L'euro-œntrisme, critique d'une idéologie, Paris, Anthropos-Economica, 1988, 160 p.
BADIE Bertrand, L'État importé (L'occidentalisme dans l'ordre politique), Paris, Fayard, 1992, 332p
BAYARD Jean-François, L'illusion identitaire, Paris, Fayard, 1996, 320 p.
BERQUE Jacques, Dépossession du monde, Paris, Le Seuil, 1964, 220 p .
BOUDON Raymond, L'idéologie, L'origine des idées reçues, Paris, Fayard, 1986, 330 p.
Le juste et le vrai, Paris, Fayard, 1995, 575 p.
ŒAMPAGNE Pierre, Faire l'opinion, le nouveau polihque, Paris, Éd. de Minuit, 1990, 320 p.
DOMENAOi Jean-Marie, Approdres de la modernité, Paris, Ellipses, 1996, 208 p ., coll. "Cows de
!'École Polytechnique".
GELLNER Ernst, Nation et nationalis1'1es, Paris, Payot, 1989, coll. "Bibliothèque historique", 21» p.
GRAWITZ Madeleine, LECA Jean, Traité de science pol1t1q11e, t. 2, les régimes polihqutS
contemporains, Paris, P.U.F., 1985, 716 p.
HAURJOU Maurice, Précis de droit conshtutio1111e/, Paris, C.N .R.S., 1975.
HASTINGS Michel, Aborder la science politique, Paris, Le Seuil, 1996, coll . "Mémo, Droit, sciences
politiques", 96 p.
HERMET Guy, BADΠBertrand, BlRNBAUM Pierre, BRAUD Philippe, Dictiormmre de la scitnrr
polihque et des institutions politiques, 2e éd., Paris, Armand Colin, 1996, 288 p., coll. "Cursus'.
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MILZA Pierr.,, Les fn,c1S111t•s, Paris, Le Seuil, 1991, 608 p., coll. "Point!".
NOLTE Ernst, Les 111nm•c111e11ts fascistes , L' f.11ropc de 1919 à 1945, Paris, Hachette Pluriel, 1992.
(Calmann-Lévy, 1969 pour la première édition française), 368 p.
ORY Pascal dir., No11udlc /11stoirc des idt'cs politiques, Paris, Hachette, Pluriel, 832 p.
ORY Pascal. J"an-Franço1s SmlNELLI, Les 111tcl/ccluels en Francr tû l'Affairt Dreyfus a"°" jour"
Paris, Armand Colin, 1986, 264 p.
RENAN Ernest, Qu'est-ce q11'1me 111llion ?, 1887, irr rééd. Qu'est-ce qu'urrL ruzhon tl ouln! tcril"
présentée par Raoul Girardct, Paris, Imprimerie nationale, 264 p.
RUPNIK Jacques et al., Le décl11rcmc11t des 11ations, Le Seuil, 1995, coll. "l'idée du monde', 285 p.
SAID Edward, L'Orientalismc: l'Orient créé par /'Occidimt, Paris, Le Seuil, 1996, (1978 pour la
première édition), 400 p.
ST ALINE Joseph, Le marx1S111e cl la q11estio11 natio11ale, Centenaire 1974, trad. française, 84 p.
WINOCK Michel. Le siècle des i11tellect11c/s, Paris, Le Seuil, 1997, 698 p.

Articles de périodiques et revues en langue française


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Ouvrages en langue anglaise


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North Carolina Press, 1982.
BELL Wendell, FREEMAN Walter E., Etl111icrty and Natum-buildrng · Conrparatiur /ntmiatiorW and
Hislorical Perspectir•es, Beverly Hills, Sage Publications, 1974.
BLABOCK H.M ., Tou•nrds a tl1eory of m111ority-group rrlations, New York. John W-tley and Sons,
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DEUTSCH Karl, Natioualism mrd Social commu11ication : A11 inquiry intv tJrr foun4illions uf
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HOBSBAWM E., Natio11s mrd Natio11al1sms since 1780 (Progrommt, Myth and Roibty). 2e éd.
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HOLSTI K., T11c Stntc, War a11d tire State of War, Cambridge, Cambridge Universily Pr-. 1996.
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NIEBUHR Reinhold, Moral Ma11 a111l /111111oral Society, A study in Ethics and Polibcs. New Yorl<.
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SElïON-W A TSON Hugh. Nations arrd slates, Mathew press, 19i7.

Articles de périodiq11es et revues c11 /a11g111: miglaist•


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KAPLAN Robert. "Was dcmocracy just a moment?" m n., Atla11hc Mt.>nlhly. di!œmbre 1997.
lllbli"l1mr'"<

HISTOIRE GaNaRALE
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Armand Colin, Le livre de poche, 9e éd ., 1990, (1966 pour la première édition) .
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Gnmmrni"' d"" civrlisnlions. Paris, Flammarion, 1993 (1963 pour le première édition), 634 p..
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DUROSELLE Jean-Baptiste, /linéraircs : idées, lwmmes et m1tio11s d'Occident (XIX'-XX's1rclt),
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Articles de périodiques er revues en langue française


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L'insularité est traitée dans ce travail en tant que facteur géopolitique. Nous lui ronsaaons
donc une rubrique autonome.

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CRPM (Conférence des Régions périphériques maritimes de l'Union Européenne), L' Europt dts
ilt•s, Rennes, CRPM, 1995.
DOUMENGE François, A</lt'cls de l.r Pinl•ilité 1l~s f"'li1" /"'Y" msuloim;, Rapport i l'UNCT AI>.
Gen~ve, 1983.
OOUMENGE jt!'1n-Picrr~, dir ., ilt•s fn1pù:11l,~ : r,,~u/11ntt'. ' 111s1dtrr1~r1Jt' , Ai:tes du rolloq~ of'8ill\L~
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GOURMELON Fr.~nçnise, LIRICAND Louis dir ., 'frrnlvir>.o,; fi ,.,._1;1,>s ui.;W..ires, Paris. Minisl1!re
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Bibllog,,,,,,.,

MINlSTtRE DE LA DÉFENSE. Droits maritimes rl difim~, Actes de colloque, Paris, 28-29 man
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RALLU Jean-Louis. Lt:5 pup11l11t1<1ns odanrmncs au.r XIX' t!t XX' sricl•s, Paris, P .U.F., 1990.
SANGUJN Andre-Louis dir.. Vivrt' dans une ile (l/11e géopolitique des ins11larilN, Paru,
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Articles de périodiques et revues en langue française


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1988;
"Les Mélanésiens et la société pluriethnique en Nouvelle-Calédonie", in Hérodolt!.
DOUMENGE François, •1.es Ues et les micr~l:tats insulaires", in Hérodott!, n"37 /38, 1985, p. NJ.
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HACHE Jean-Didier, "Les communautés insulaires du Nord de l'Atlantique et la militarisation
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litRODOTE. ûs iles où l'on parle français, N"37-38, 1985, 328 p .
HUETZ DE LEMPS Cluistian, "L'histoire et les iles . ..", in Hérodote, n°74-75, 1994, p . 32-45.
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Articles de périodiques et reuues en langue anglaise


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LANGUE

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BRUCKERT Xavier, MANTEAU Didier, Le marc/ré des changes et la zone franc, Edicel Aupell,
1989.
CAST ARÊDE Jean, Histoire de la Guymne el de 111 Gascogne, Paris, France-Empire, 1997, 430 p.
CHAUDENSON Robert, 1989, vers une révolution francoplrone? Paris, L'Harmattan, 1989, 224 p.
CHAUPRADE Aymeric, L'espace économique francoplrone (Po11r 11ne frnncoplronie intégrale), Paris,
Ellipses. 1996, 160 p.
DENIAU Xavier, lA Francophanie, Paris, P.U.F., 1995, 128 p ., coll . "Que sais-je"?
FOURNIÈRE (de la) Xavier, LJi zone franc, Paris, P .U .F., Paris, 1971, 128p, coll. "Que sais-jo'",
n°868.
GAUTHIER /ohanne. Mondialisation des éclranges et questions ling11isliq11cs, Conseil de la langue
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GOYHENETCHE Manex, Histoire générale du pays Basque
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t. Il, t(J(J/rdirm politique d irutitutionnclle, du XVI• au XVIII' tiicle, Bayonno!, l!lkarlanan, 2DOO,
356p.
GUILLOU Michel. LrrTARDI Amaud. La Francophonie s'Millc. Berger-Lrvr.rult, Pw. 1988.
coll . "Mondes Ill\ devenir" ;
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Ouvrages en langue anglaise


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POCHMANN Henry A., Germarr Culture in America 1600- 1900. Madison, Uniwmity af
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RELIGION
Figurent ici les références portant sur la religion en généra.le, les relations entre les religions
el les religions asiatiques en particulier. En revanche. nous avons a6é deux rubrique
spkifiques pour le christi;misme et l'islam qui se trouvent après œlle-<i.

Ouvrages en langue française


ARVON Henri. Le 8011ddl1isr11e, 18e éd .• Paris, P .U .F .. 1997', 128 p., coll. 'Que s;i.ïs.je ?". n°468.
(1951 pour la première édition) .
BOYER Régis. Le 01rist des Bnrflnrcs. Le monde riordique, IX'- Xlll" siide, Paris. Cerf. 1987. 160 p.
CHUVJN Pierre, Orro11iq11c dt'S dcmiers paie11s (ùJ disparition d11 po.ganismL dJlns I' Empirr l'OlllllÜI. dJJ.
r~g11e de Comt1111ti11 à ce/11i de /11s ti11ie11), 2e éd., Paris, Les Belles l...ettres/Fayard. 1991, 350p..
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CORM Georges, Cm1trib11tio11 1i l 'étude d<-S sociétés 11111ltinmfrs.•ionndlt>, Paris. LGOI, 19'!1..
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INDEX

Index des noms géograplriques, hisloriqUl!s el lhématiques

.~ Accord commercial de rapprochement


économique entre I' AU!tralir l!t la N~
..tBM · 716, 820, 822 Zélande · 9()()
ABM. ·812 Accord de libre«hange nord amé'icain · 900
..tLA.LC. ·900 Accord de libre-échange nord-mn&icain · 999,
ALE.N.A. 2JIS, 850 901
AJ'.E.C. ·637, 900 Accord ~néral sur les Tarifs d le ûnnmen:r ·
UA.M.C.O. · 703 900
ARE. ·916 accords régionaux · 899
A.RF.E 916 Achanti · 319
ilf.E. 919 Achantis · 239
A5..E.AN . 900 Achéens · 257, 259, 734, 735
1bbasslde 182. 229, 455, 531, 738 Achérnérùdes 182. 479, 757, 769
Abblssides · 104, 212. 373, 453, 462, 494. 502. Achkhabad · 638
506. 533, 626 acier · 699, 785
Abl>ou Sayyaf · 360 Açores · 418, 419, 618, 719
Abd Allah Ibn Va.sin · 315 Acre · 430. 432, 436, 469
Abd al-Malik · 311 Action Française · 63, 64, 507
Abd.llah · 430, 431, 434, 676 Addis-Abeba · 425, 659, 660
Abdel Hamid · 396 Aden · 34, 46, 376, 473, 619. 620. 631, 636, 702
Abdel Khader · 400 Adenauer · 439
Abduh ·495 Adige · 919
Abdul Aziz · 493 Adonis ·293
Abdullah 429 adret ·189
Ab«haza · 405 Adriatique · 260, 473, 612. 8112. 929
ABM ·897 aérocraties · 793
A/vu Nida/ · 685 aémpolitique · 792
Abraham · 343, 482 Afars · 311, 326
Abu Bakr ·315 afghan · 221
Abu Dhabi · 141, 375, 703 Afghani · 495
AbCI Hanifa · 356 Afghanistan · B. 52. 89, 107, 12fl. 175, 187. 188.
Abubakar Gumi · 322 328, 350. 359, 361, 424. 425, 427. 430. 435. 489.
Abyssinie · 189, 197, 618 491. 52·4. 5..'il , 6.'il , 699. 710. 716. 719. 769. 842.
Aradtmle de ln Bnltlque · 916 1143. 1149. !l..'i5, 930
Aradtmle française · 274 Afghans · 32!1
Acadien~ · 284 AOak 3'.\11, 497
Africains du Nord 516
1frl<ftn•...._,.nlr1onl<' :M3 al S..nu981 · 4.'3
Ahtn ·Ollt7 ni TnhtAwl · 495
Afhqu" · 110. 1:U. 179, 182. 11111. 19-'. 194, lll:I. Alnln.• · 267
211. 2."1, 2.,1 . 2.'\R, 2111. 2M. N". 31 t. :119, 357. Alnmon.• · 2r>3, 2h9, 2911, 383
3'111, 40.\ 4117. 4l5. 467, 474, ~. 516. 520. 566, Alomut · 453
!167, 591, !1'92."°"· fl(l7. f)lt\. 619. 628, 6:19, 657, nltlnullcs · 186. 337, 354, 513~ 515, 575, 576, 682,
1191. 69!1. 720, 7.\4. 7!1l1. 7Nl, Thl. i'f>2. 71\.'\, 775, 6115
117. 7Sl. 183. 7116, ll04, BQ 849, 854. 860, 874, Alaoull"9 · 1115
1194, 902. 907. '13(1 A lnrk 264, 509
Afrique au.troll! · 692. 693 Alaric Il · 267
Afrique C'l?ftttall! · 501. 522. 6."7. 659. 692. 693, 722 Alo•ka · ll4, 637, 820, 901
Afrique de l'S.t · 642 Al·&horiyo · 695
Afrique de l'oue<l · 722 Albanai~ 245, 306. 328. 330, 436, 509, 581, 850.
Afrique du Nord · 122. 13.~. 171. 185. 220, 238, 916
239. 267. 2.t-0, 310, 314. 316, 331, 355, 359, 398, Albonil! 92. 130, 1!14, 249, 276, 328, 329, 425, 491.
'30. <&611. 474. 516, 568, 591, 699. 720, 760, 859 515. 543, 851
Afrique du Sud 243. 448, 522. 564. 571, 581, 691, al-Banna · 320
163, 152. 809 Alban• · 246
Afr1qu" tquatoriale · 239 Albert · 657
ACriqu" noin! 171. 242. 314. 443. 583. 606. 720 Albl!rto Fujimor1 · 449
Afriqlll! occidentale · 241 Albigeoi• · 389
Afrique orieltale 241. 312. 323. 418 Albuqu<!rque · 619
Aga Khan ·313 Alcaz.~rquivir · 860

Ag•dir &.~. 880 Alcibiad<! · 166, 756


Agde · 462 Al-Dakhla · 695
Agésilas · 755 Alena · 893
Aglae ·151 Alep 104. 185. 411 , 415, 420, 432. 738
agriculleuro . 242 alévis ·513
agncultun? · 99, 560, 648. 746 Alexandre 480, 505, 535, 757, 759
Agrigente . 756 Alexandre le Grand · 218, 228, 254. 292. 299, 409,
Ahmadiylri · 318, 322 428, 478, 482, 755
Ahmosis · 614 Alexandre VI · 418
Atdin ·187 Alexandrette 42, 432
air 791 Alexandrie · 293, 294, 295, 297, 300, 325, 355, 4œ,
Aix-la.chapelle · 109, 387 428, 463, 473, 482, 495, 505, 522, 535, 682. 752.
Al<amash · 734 757
Akbar ·874 Alexis li · 327
Akkar . 354. 576 Al·Farafra · 695
Akpo ·722 Algarve · 859
Aksa Clin · 823 algi!bre · 771
AkaaI Clin · 656, 8111 Alger · 222. 400, 664, 686, 859, 860
al Ain · 703 Alg<!ric 69, 122. 171. 173, 179, 185, 285,317,319,
348, 359, 399, 400, 449, 454. 583. 705, 720, 721.
"' lllluMI . 323
Al Mançour · 112. 860 737, 809, 853, 895, 903
AIMina ·260 Alg<!rois · 859
Al Mubera · 7ll3 al·HndjOmar · 317,318
al MuotaNir · 355 al-Hafiz 317
al Muwalqi · 7ll3 al-Hâkim · 377
Al Qalda · 173, 323, 328, 360, 716, 864 Ali · 347. 349, 354, 356, 375. 452. 575
al Qattara . 703 Ali Dinar · 433
11Qiml ·703 Ali R4!7JI · 349
UiJos .347, 348. 349 AmêTlcalna · 425, 426, 613, 680, 681 , 686, 6119.
." "'"'1ola ·61R 696, 700, 705, 706, 719, 795, 796. 803. 805, 11116,
~ · "9!i 828, 844, !158, 1166. !185, 902. 929
Amérlndl""s · 512
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.,llnNglw 33, 38. 48, 64, 75, 76, 82. 93, 94, 11]. Amérique 102. 188, 194, 220, 283, 418, 534. 570•
Ul.1116.167, 1!14.196, 200, 225, 228, 2.112. 301, 593, 605, 6f/7, fR9, 760, 761 , 762. 763. 775. 776,
XIII. 327. 393, 407, 409, 414, 419, 429, 430, 435, 777, 786, 799, 807, 850, 861, 865, 873, 890
4)1.. 439, 47ol, 499, 500, 502. 505, 507, 508, 509, AmêTlque centrale 123, 422. 447, 590, 623. 762.
51~ m. sss. 563, 571, 579, 581, 582. 583, 595. 804, 850, 900
tf... "31, 633. 662. 663, 690, 691. 714, 786, 798, Amérique du Nord · 573, R53
Q, sso. 851, 853, 878, 882. 883, 885, 902. 909, AmêTlque du Sud 61:7
m. 912. 913, 914, 915, 918, 919, 920, 930 Amérique Latine · 123, 194, 201, 205, 4'11. 422.
.~gnodel'Est ·196 423. 442. 448, 520, 523, 843, 1154, 866
.'8rmlgno de l'Ouest · 87 Amharas · 189, 325, 930
.Ulr!Ngne ffdml• · 88 Amin Dada · 320
~ 217, 238, 282. 304, 308, 386, 409, 433, Amman · 677, 678, 700
4el. 508, 509. 513, 552. 556, 571, 592. 663, 696, Ammon -757
m. 907. 908, 909, 910. 914. 911, 91e amont · 640
.\Dnnands de l'Est · 887 Amou DariJl 644, 645, 646, 647, 6411
IJIWn adantique · 56, 631, 663, 681, 706, 805 Amour - 177, 196, 578, 663
Allié ·699, 756, 914 amphétamine · 854
.U1n1-Ata ·638 Amyclées . 735
.U.M.1nsour 466 analyse systémique · 23
.'1moty . f>l8 anarchiste · 880
oh''"ududi · 320 Anatolie · 162. 202. 204, 221, 'Z19, 2J60, 432. 475,
'1mohades ·186, 399, 465 538. 543, 644. 759
.'11mravides · 186, 221, 315, 356, 358, 465 Ancel · 71. 74, 179, 225. 276, 635
Alp Anlan · 407 Ancien Monde · 764
.>Jpm-Adria · 918 Anciens · 505. 756
~ 187, 188, 191, 268, 499, 557, 565, 908 Andalous · 859
olfhlbot ·TJ6 Andalousie · 105, 615, 642. 859
.Uphlnse l"' · 618 Andes · 188, 194
.'1phonse VI · 618 Andrinople · 264, 882
~)'5 · 479 Angevins 416
;il-Ralunan . 461 Anglais · 193, 238, 239, 281. 282. 364. 375, 4(D,
j)-!Wdnan Il ·464 420, 426, 427, 430, 433, 434. 467, 470. 473, 512.
jl.S.bah 7112 520, 525, 573, 608, 674, 699, 700, 703. 737. 762.
.u...œ ·74, 189, 196, 220, 663, 907, 918 774, 777. 782. 787. 794, 831, 861, lfTl. 885
Alsaœ-lorraine · 15, 33, 64, 878 Angleterre · 48. 64, 66. 112. 113, 133, 134. 139.
AIYaerls . 882 161. 163, 166, 207. 218, 243, 278. 281, 310. 364.
11-SanQsi . 358 390, 391, 392. 393, 395, 396, 407, 409, 412. 415.
Al&aRi . 357 42&, 427, 428, 4.."'11, 4..0\5, 470, 472. 473, 494. 498.
,\ltaT · 489, 553 507, 509, 526, 551. 568, 569, 573, 580, 611!, 612.
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Alvare ·464 778. 782. 783, 785, 786. 788. 848. 861 . lfTl. 878,
Am.alft · lSS, 469, 617 880. 902
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Amazonie 179, 192, 747 723, 761, 842. 848. '1.31
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Anjou · 217, 218, 468 nrabl~m<• · 400, 42 t. 4112. 492. 496, 502. 7llll
Anjouan · 149, 1S3 nrnblstC!S 337
Ankara · 108. 477, 545. 644, 843 nrobllj! · 434, 492
Annamite · 1148 arnchldl.' 322
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An9Chlu• · 39, 40, 7ll Amgon · 161, 184, 220, 469, 516, 606
Antar ·526 Arugonais · 468
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Antigu• · 150 Araktinai!I · 365
Anti-Uban · lllS, 334 Ami · 645, 646
Antilln · 150, 15:Z. 609, 76:Z. 873 Ar11l1k · 646
Antioche . 104, 185, 230, 411. 415, 482. 535, 538, Acamro · 375
738 araméenne · 335
Antlochwo · 292 ArPSôlcid"" · 280, 479
Antiochus Bpiphanc · 292 Arbèl"" ·757
Antiochus le Grand · 292 Arcadius · 264
Antlqw~ · '127, 603. 604, 616. 696, 864 archipel · 149, 931
...-milillme · 437 orchipet. ·624
Antonin le Pieux · 2911 Arctique · 751
Anlonins . 298. 536 Ardabil · 379
AnlOnius · 432 Arendt ·521
Antoura · 420 Arès · 755
Aoste · 284 Acge-Alpenl:inder · 919
Aoudaghost 314 argent 605
Aoun . 334, 337. 441 Argentine · 124, 141, 422. 564, 900
Aouzau ·ln Argonautes 257
Apamée · 536, 576, 628 Argos · 259, 735
,.,,,.rthftd . 581. 691 ariani!lme · 264, 297, 383
Apocalypw ·465 Ariens · 300
Apulie · 301 Aristagoras · 162
Aqaba · 185, 636, 673, 679, 682 aristocratie · 261
•quiftte 670, 688 Aristote · 12. 25, 775
Aquitaine · 183, 216, 267, 301, 383, 385, 387 Arius · 297
Aqullalns 384, 461, 462. 533 Arles · 301. 384, 628
Aralia · 185 Armadn · 532, 621
Arab6i ·492 arme atomique · 803
Arabes • 161. 204, 205, 21:Z. 229, 230. 238, 252. armée · 871
267, 275. 280, 2111, 299, 316, 325. 331, 341, 349, Armée de Libération nationale · 850
J51, 364, 379, 396, 397, 398, 399. 400, 403, 421 , Armée Rouge 914
427. 430, 431, 43:Z. 433, 437. 438. 461, 466, 467, armées privées · 842, 843
4611, 477, 478. 479. 480. 482. 488, 49:Z. 495, 523, Arrn(!nie · 41, 128. 327, 350, 415, 416, 455, 714,
524, 525, 53:Z. 553. 566, 584. 591 , 593. 604, 605, 842
612. 616, 618, 619, 620. 663. 665, 675, 676. 677. Arm~nien• · 10, 245, 246, 326, 335, 338, 360, 592.
679. 689. 704. 705, 709. 761 . m . 772. 777, 783, 609, 853
805. 894, 903 armes · 846, 1166
Arabie ·463. 474. 492.. 566, 614, 628, 700 arme5 chimiqut!s · 798
Arabir Saoudite · 124. 158, 1n, 221. 240, 321 , a rmes de destruction milssives · 818
323, 349, 351 , 352. 353, 355, 356, 361, 362. 375, Arminius 263
376, 380, 425, 454, 458, 502. 587, 641 , 680, 681, armistice · 76
694, 100, 101, 702. 704, 706, n6. 744. 749, 753, Arm1trong · 796
817 Arndt 497
985

"'"' 21. 2211 Atlantic City · 852


"-"-li llorbomu..., 859 Atlantide · 779
.~;, 293 Atlan tique · 196, 199, 591, 611, 622. 626, 6'Z7, 611,
~tm 634, 639, 76(), 761 , 763, 764, 779. 71111. 7111. 793,
·" ' · . 2211 890, 895, 902
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'~""" · 244,ol06 Atlas · 185, 186. 271
,,._ ·ll'll A1man-8râhman - 369
'làltiqu.. · 567, 619, 778 atome · 827
."'< UD. 188. 194. 197, 203, 259, 293, 298, 338, atomique · 14
• . 415, 466. 505, 522. 523, 533, 555, 590. 592. attelage · 771
!IN. 626, 6Xl, 636, 752. 755, 757, 759, 760, 762. Attila · 265, 383, 408, 542
;-i,. m. m. 781, 786, 804. 854, 865, 876, 901 Attique · 163, 178, 735
.IJit =ni• ·59, 82. 93, 128, 203. 211. 225, 231. Augsbourg 109, 395
~ '116, 2:19, 280. 300, 350, 357, 361, 414. 425, Auguole · 263, 298, 479, 565, 735
U9."30, 489. 491, 505, 513, 542. 544. 551, 568, AUgu5tin · U.7
IOl. 631. 636, 638. 646, 699, 700, 709, 717, 719, Aum 865
7119, 816. 818. 849. 854. 909, 914, 920 Aurès · 72. 185, 187, 398
.i.-Cmtnle 931 Australie · 145, 502. 571. 743, 745, 752. 795, 831,
'"'°du Sud · 63ol, 653 854, 865
...... du Sud-Est · 339, 357, 360. 364 Austrasie -269, 383
.\>if Mi"""re ·184, 229, 257, 258, 259, 261. 299, Austro-Hongrois · 909
n1. "'80. sos. 605. 735, 755 Autharis · 268
........ P~que ·715, 8911, 930 autocéphale · 380
.œ ·m . 695, 100 autocl!phalie · 309
·""'""' 323 autonomie · 9'19, 930
......i 4.54, 498. 576 Autorité palestinienne 338. 687
.'"'""' 5f!l Autriche · 40, 82. 109, 191, 220, 393, 395, 421. 473,
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·"""°"lion des Nations d'Asie du Sud-Est · 899, 879, 882. 883
900 Autun · 268
"'""°"lion des Régions frontalières Auvergne · 383, 469
Nropttnnes · 916 aval · 640
Association latino-américaine de libre commerce Avaris · 614
·900 Avnrs - 268, 480
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llàt>n0""'9 781 Azerbaîdjan 41, 128, 276, 326. 327, 350, 360, 455,
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505, 615. 673, 757. 7S8 Bnnyankoleo · 240
Babylonie · 162 baptiste. · 365, 4411
babylonienne · 532 Barba~ · 104, 298, 384. 385, 477, 541, 605, 627,
bactériologique · 7'98, 810, 817, 1196 629, 630, 756, 868
Bactriane · 204, 205, 7!17 barbarie · 867, 868
Badr-Wurt..nberg 919 Barberous.., 412. 859, 860
Bad.le · 7'19, 893, 896 Barbudo · 150
Bagandats . 240 Barcelone · 605
Bagd•d · 1114, 112. 196. 212. 229, 349, 351. 355. Baris ·695
373. 407, 415. 426. 427, 429. 4..10, 432. 436, 453, barrage · 644, 653, 662
462. 4!13, 496, 497. 502. 617, 644, 664, 678, 680, Bartts · 497
696, 700, 716, 787 Barrow 436
lla&da""""'1 . 430, 7112. 787 Bartolomé [);a.z · 618
Brrhnlrur · 353 Baruch · 807
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lMJba19 ·415 BasquH · 183, 184, 188, 780
baie ·179 Basra · 364, 429, 432, 738, 739, 787
llalbl · 553 baS!lin . 654
llalkonour · 795 Bassora · 737
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Bakhtiylri · 192. 222 Bataves · 263
Bakou · 41, 714. 739 batlùsme · 498
Belo.la! . 323 Baudouin 409, 411
Balfour · 42, 433, 673, 674, 878, 884 Baudouin Ill · 411
Bali . 360, 746 Bavaroi• · 462, 506
Balkans · 8, 41, 76, 109, 184, 231, 264, 328, 361, Bavière · 109, 268, 310, 387, 888, 917, 918
3'17, 416, 420, 425, 429, 469, 491, 525. 543, 551 , Bayeux ·278
567, 793, 828, 873, 879, 929. 930, 931 Béchir Il · 574
Balkh 483 Bechuanaland · 693
Balkhach . 542 Bédouins · 104, 108, 204, 525, 526, 616
Baloulches · 1116, 350, 401, 524 Beel9heba · 671, 673. 679
Baloutchilltan · 1116, 374, 6.16 Bégin · 685
llelm ·500 béhaviorisme 898
Baltique · 129, "3CT1, 500, 556, 557, 605, 611, 616, Betas · 311
617, 634, 908 Bekaa · 185, 332, 667
Bamako 240 Belges · 217, 278
Bamba ·317 Belgique · 283, 284, 285, 837, 850, 882, 907, 916,
Banda ·619 930
Bamar Abbas 739, 765 Belgrade · 87, 330, 331, 696, 851
Bangkok 752 Bélisaire · 267
Bell 631
"1'(4'1lrioln . 677. 679, 633 Boe,..,, · 69, 693
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..... . 281. 310, 318, 723 bolc~Ï!HTU! · 513, 525. 552. 8115
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..... ·6.17,751 bombe islamique · 817
l'dlil 109, 167. 188. 200, 201. 306, 499, 507, 556, Bonaparte · 426, 428, 459, 4n. 49', 737
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Bn11rilla ·2!11. 662 8u1't0\ni · 495
Brasllloch · 507 Byblos · 614
BralUlava · 251, 557 Byzance · 135. 244, 265, 297, 355, 416, 462. 465,
Braudel ·8. 13. 18. 108. 135. 158. 171l, 205, 212. 4711, 480, 482. 506, 533, 5311, 542. 543, 555, 603,
302. 341, 525, 529, 532. 566. 567, 589, 591, 592. 605, 612, 613, 617, 626, 890
611, 617, 635, 775, 781, 7f!/l, 831 , 933 Byz.antins 133, 135, 229, 267, 268, 299, 300, 407,
Brazza ·239 412, 416, 462, 463, 468, 480, 538
Br'l!jMV · ffl. 508
Brême ·386
Brenner 187
c
Brmtano 911 C.d.R. · 916
Breil ·192. 201, 419. 422. 423, 448, 564, 746, 750, C.E.D . · 439
762. 850, 900 CE.E . · 439
Bret-Lltovsk · 41, 307, 440 C .E.I . 646
Bmagnr · 555, 630, 907 C.E.R.I. · 893
Bretton Woods · 806, 885 C.I.A. · 426, 455, 868
Britanniques · 376, 403, 71l3, 765, 858, 883 C.T.B.T. · 809
Brocardus · 453 Cabinda · 692, 723
Broœ · 908 cacao · 322. 764
Bnmei 140, 360 Cachemire · 187, 401, 654, 656, 818, 823, 895, 897,
Brwœlles · 475, 907, 916 930
Brz.ezinskl · 54, 56 Cadix · 615
Buadlr · 188 cadran solaire 773
Buca""'I ·883 café · 608
Bucovine · 40, 909 Calabre · 853
Budapest 200, 543 Calcutta · 654
Buenos Aires · 752 Caldoches · 144
Buganda · 320 Cali · 852
Bugeaud · 400 Calicut 618, 619, 761, 873
Bulan · 245 califat · 229, 355, 426, 431, 452, 453, 494, 495, 496,
Bulgare · 3'17, 408, 509 502, 544
Bulgarir · 40, 78, 82. 90, 92. 249, 283, 284, 543, Californie · 590, 642, 752. 844, 879
556, 712. 882, 883 calottes glaciaires · 751
bulle financière . 890, 895 calvinisme · 392, 419, 778, 861
BMnd drr Vmricbmm 916 Cambodge · 12, 87. 122, 201 , 360, 593, 748, 849
BMntûotag ·917, 920 Cambyse 162
Buraimi · 375, 703 Cameroun · 122, 183, 242, 284, 21111, 310, 319, 322,
Bweau des Indes 700 722. 723
Bureau Européen pour les Langueo moins Cmnorrn · 853
répandu"" · 916 Camp David · 684
bweaucralir -89 Campanie · 260, 2'l3, 301, 853
Bureaux · 427, 430 Campo Silnlo 413
Burgenland · 40, 918 camps de conccntratjon · 867
. -i.. 184 201, 21J. 2114, 2115. 512. 571, 573, Caspienne · 59, 106, 128, 228. 229, 3lb, 376, 552.
'li:. •Il. W. 662. 743, 762, 782, 853, 901 637, 6311, 700, 709, 710, 711, 716, 7Y/, 749, 816,
. --..... ·JIM,520 929,931
...... ~ 636, 695. 71M Cassius · 185
.nih1tr..,.ma · 43 ca!lte · 370
..... J.r s...-. - ~t. 85. 135 CasléTidetO 615
;~ · 1'4 castillan · 516
.-. . - n1,m Castillans · 873
..-.., .m Castille · 105, 184, 189, 220, 418, 468, 469, 516,
.-..fts ·m 585,618,873
-•sucr. ·764 cataclys"""' · 733
.-..iasm. . 239 Catalans · 416, 779
~ - n«> Catalogne · 105, 161
ùo.- ·390 cataractes · 194. 197, 198, 657
;:..., ~t cathare · 389
LAr Una\'ai.I '95 Catherine Il 125. 471. 551
'-rot ·217 catholicisme · 302, 305, 306, 307, 3(111, 327, 329,
(~ 63,389, 409 338, 339, 363, 379. 380, 391. 396, 408, 414, 419,
~ ~75. 589, 592. na, 813 420, 422. 423. 432. 435, 4.39. 440, 444, 445, 447,
....... ·293 470, 472, 500, 520, 522. 524. 691, 778, 861, 1165,
.:..pt.lotions . 420, 470 890
~ - 293 Caucase · 41, 93, 180, 225. 228, 246. 260. Zl6, 3511,
\.!friri .2-12. 690, 693 360, 480, 489, 543. 544. 551. 631, 638, 699, no.
~ -m 712. 853, 931
Cir-\'nt ·28-1, 618 Cavelier de la Salle · 284
.:..-.:on.294, 536 cèdre · 603, 604
, ..... · 150, 157, 241, 284, 584, 626, 639, 861 Célèbes · 151, 446, 746
,2'.1'\~ 316 Celtes · 184, 219, 289, 300, 779
~- ·316. 551, 780 Centrafrique 284
;dm1r ·740 Centre européen pour les questions des
Crdmol ·422 ininorités · 916
~ - 862 céréales · 260. 764
Cà 162. 21).1, 293 César · 263, 295, 536
Unnllœ · .j(), 220, 918 Ceuta · 117, 220. 493, 761, 859
~ - 115 Cévennes · 389
ùmalr 220 Ceyhan · 714
ùrTd ·7116 Ceylan · 281, 366, 371, 435. 608, 619
ùrofine 136, 540 chaféisme · 174, 312. 313, 340. 347, 355, 357. 376
C1rolingiens · 198, 216, 217, 385. 461, 462. 465, Ch.-.gos · 136, 151
9J7, 531, 533, 555, 605, 617, 629 Chah · 10
c..p.tes .72. 177, 188, 245, 557, 558, 8113 clraltoda · 343
œ1r ·89ol Cha.kmas · 586, 655
- 852.1156 Chalcédoine · 449, 538
C-·56 Chaldéens · 3.."18, 615
~ · 104. 267, 271, 294, 296, 301. 331, 467, Chalon-sur-Saône · 384
m. 534, fiOS, 612. 613, 615, 629 chamanisme · 451
c:..h.aginot0 . 467, 756 Chamberlain · 872
c..... 762.782 Chambéry · 186
œ1Dp•phie · 188 cham.,au~ · 204, 205, 551, 628

CaobLanca . 784 Chilmurro - 423


c...m.nce 242. 849 Chamoun · 684
/min

O...mpolJIM' :na. 269. JM chimique · 810, 817. 1196


OwnJ'9 O.Wounique 2b5 Chine ·9, 10, 53, 87, 102. 105, 122. 130, 136. 189,
chan~t dlmabqu.. · 740 193, 196, 256, 279, 289, 2911. 362, 368, 371, 401.
charbon ·699, 719. 7-M, 746. 749. 753, 785, 878 407, 415, 4211, 445, 489, 538, 542, 551 , 55'1, 560,
draN · 321 . 328 564, 578, 580. 5114, 5117, 589, 607, 619. 621. 626,
Chari~ · 216, 269. 273. 386, 389, 462. 466, 627, 6211, 6.•2, 635. 638, 6.•9, 642. 653. 656, 663,
sss. 617. 771 699, 709, 715, 720, 743, 744, 7411. 749, 753, 771.
Charle!o(e 220 774, 780, 800, 804. 809, 816, 818, 849, 1152. 854,
0.arles n .395 857, 861, 862. 894, 896, 897, 930
Chnrle IX · 391. 392 Chinai• 364, 481, 489, 514, 522. 532, 560, 578,
Charte le Chauve 199, 216, 387, 462. 465 619, 621. 696, 724. 725, 772. 774, 795, 796. 820
Charles l" Simple · 217 Chios · 735
Charles Martel · 311.5. 386 Chlr.oz 241
Charle.. Quint 215, 220, 391, 468, 470, 531, 860, chirurgie m
874, 908 Chittagong · 587
Charte .otlantique · 807 Chleuh · 186
Charte de l'Atlantique · 806. 885 O.obe 694
a...rt.. euro~ des langues ~onale ou choc des civilisations · 443. 456, 530, 874
minoritaires · 907, 918 Chouf 186, 377, 684
a.artr euro~e d"" ~ons fTontallèn!s et chrétiens 319, 326. 331, 337, 338, 344, 397, 407,
lran5frontailtres · 918 420, 422, 449. 466, 481, 482. 492, 532. 545, 562.
chateau d'eau ·644, 655 620, 679, 695. 774. 859, 865
Cl>Jtillon · 392 Chrétienté · 229, 275, 303, 411, 413, 415, 417, 438,
Chatt el Arab ·91, 180. 196, 645, 663, 664, 702, 449, 460. 469, 505, 530, 533, 542. 606. 617. 763,
738 780,874
Chattes . 263 Chrétientés · 482
O..unu · 573, 594, 861 Christ · 300, 338
O..uquos · 263 christiani.s<ltion · 416, 446
O.iYl.ob . 574 christianisme · 178, 241, 291, 292, 296, 298, 299,
cheikh Zayed . 362 300, 302. 310. 318, 331. 363, 365, 370, 372. 389,
chemin de rer 115, 787, 877, 878 399, 414, 418, 445, 464, 468, 478, 481, 529, 574,
Chenab ·654 774, 777, 865, 876, 930
Cllèradaml! · 75, 912. 921 cl1u'oubiwn 229
Chetthell . 859 Churchill · 474, 674, 806, 885, 887
chérifHUDdn · 431 Chypre · 135, 139, 257, 260, 409, 412, 416, 469,
~ 756,758 491. 532, 545, 614, 626, 735, 840, 860, 897
O>lrusques · 263 Cicéron · 293
cht!nl · 100, 566, 764, m Cid Campéador · 466
chenleri" · 408. 543 Cilicie · 41, 416, 432
O.evaliers Teutoniques · 908 Cimbres 263
CJ\icago · 852 Cimmérien• · 259
Ouco Mendes · 747 Cinghalais · 366
dWsme · 186, 192, 230. 254, 311, 313, 314, 316, circulation · 871.
322, 326, 332. 336. 337, 344, 346, 348, 349, 350, Cisjordanie · 459, 641 , 667, 671, 672, 676, 677,
351, 352. 353, 354, 356, 357, 362, 364, 375, 377, 679,680, 684,685, 686,689
379, 401, 424, 427, 434, 453, 454, 455, 494, 502. Cisleithanie · 910
523,525,549,575,581,664,707,708 citadins · 242
Childebert · 383 ci té 755, 872
OUli · 423, 850 cités . 763
Chilpéric · 384 cités-états · 261
chimie. ·m
.• - . . ·60, 'UL~'409.417,460, 464, 475, Comité de Lublin · 887
·~ ~ :ni.. m. 529. 539, 549, ss1, 565, 582. Comité des R.ll!giona · 916
~ ~ e.lCl. ™·
716, 787. 868, 875 Comité UnJon et Progrès · 431, 489
... :IL-521,Sl6 Comml!lsion europfft>ne · 917
·- ·1112 Commcm~ollh · 2118, 691, 878, 885

communautarisme -396, 895


~- - ~
.- _ ·U66,76,332 Communauté d"" ~tata Indépendant!! · 93
Communauté économique d .. Êlab de l'Afrique
·-.~m
J9l de l'Ouest · 9112
:!o(lt ·J12.:m.- Communauté économique des pays daa G.,...
i_..cs · 903
·- · 407, -!09
.~ · 421 Communauté économique européenne -38, 900
- .Sl.o. 649, 736, 744, 751 communautés · Yn, 574
--..P. ·l02 commune · 1C17
communisme · 81, 305, 326, 438, 440, 442,. ~.
- la:!
~ flfl, 7W, 823 475, 514, 523. 555. 578, 590, 594, 650, 682. 714.
~ · 261 807,808, 813,850,866,885
,\ - ·383 communistes · 9, 422. 5Ul, 880
:.1 ·QI Commynes · 505
:.·~ · ~20 Comores · 149, 153, 2115. 323, 634. 896, 930
-- - . im. 383 complexe militan>-industriel · 115
-•-Il 269 Compostelle · 466
~ 269,383 com.ptoirs · 871
....... . 'l/il, 269, 380, 383 Condé · 391
~ 219, -138 Cône Sud · 900
~ · 46 confédération · 204
"" 76f.&S0 ConfMération helvétique - 220
:;am 852. 1155 ConfMéres · 113
.:riin · 619 Conférence sur la Sécurité et la Cooptr.ation en
-..~que · 85 Europe · 88
.:"""51 638 conil'érie · 313, 316. 317, 320, 322.. '357, 359, 4IB,
, . . . . . '151 404
~ 391 confucéen · 60
:::iLOontionnise . 5J11 confucianisme · 363. 529
~wtion · 89 Congo · 65, 67, 122. 183, 188. 201, 242. 2114. 320,
J.> ·859 618, 657, 692. 722. 723, 761, 849, 930
:i'l!J'C · 386, 794 Congo démOCl'atique 122. 242
<:iomb 760, 761, 762 Congo-Zaüe · 501
~..,,.a,, . 850 Congrès · 60, 437
c..lr::œbie 43, U2, 1142. 850, 857 Congrès arabe · 496
.olooidiune . 438, 880 Congrès de Berlin · 33
- · 565, 571.674.882 Congrès de Vienne · 15, 200
.-aiDn ·lDI. 238, 255, 318, 339, 358, 361, Congrès des Pouvoirs Locaux et Régiorau.:ic. ~
:t"I, 400. 539, 540, 545, 553, 554. 555, 570, 578, l' EUl'Ope · 916
>19. "'8. 681, 690, 692. 757, 764, 769, 775, 787. conquête spatiale · 791
m. 9f!l. 9111, 909, 911, 914, 920 Conrad Ill · 411 , 412
~ portug•U.. . 692 Conrad in · 468
zllre . 909. 910 C onseil de Coopération du Golfe · 7f1l
AoroJo . 662 Coru.eil de l'Europe · 918
... · 188, 191 C oru;,,il de 5ecurite · 563. 807, &&Il
~ · 10L662 Constan.;a · n4
/11du

C.-t11t1œ · lll1 c .... ·135, 2!16, 2!17, 2!19. 262. 735


c.-i.nun · 296, m, 299, 3112. !l.l7, 629 Crflol9 ·614
C,,,,..•nHn Il · 2'11 crime · 84r., 1151
C-nllnopl• · 1114, 2111, %!(), 299, 302. 309, 413, Crlmfe 127. 429. 543, 552, 909
417, 426, 47'/, 429, 430, 432. '40, 442. 457, 472, crim"" ronlT" l'l lumanltc! · 1145, 1167
41'1, 480. 488, W. SJ3, SJ8. 620, 6.'IO, 6..11, 7ft0, crlmlnnllté · 114.1, 845. 1158
17:1.11112. 1111.1 crlmlnnlltt! organloc!e · 892
Canotltulkm · 9U1 crloe d .. 8"11n ·115
r1Jft91ructkm lltln>pfenne 199, 899 Cruale · 40, 305, 306, 327, 420, 440, 509, 8112
n>Hlllin-1 ·!Ill, SJ, 714 Croatie ·40, 92. 121, 167, 305, 327, 328, 612, 917,
ronllMnl•I · 902 918, 919
Cnntnl W Croloade 133, 229, 299, 336, 383, 389, 390, 407,
c:nntr.bendto . 8S4 408. 409, 412. 413, 416, 417, 418, 434, 453, 457,
con-productlvJ.-. · 740 468, 469, 508, 532, 533, 543, 589, 605, 606, 617,
Contft-Rfforme ·3(17,419,444,466 779,874
C<lliYtttlon · 479 Croi~ 341, 354, 355, 412, 413, 416, 464, 576, 865
Cook 145, !St Crol!IS&llt d'Or · 849, 853, 854
<Oplft . 32S, 3311, 420 Croi1158nl p..,.u1e · 203, 335, 481, 483, 704
Caran . 281. ~. l46, 357, 397, 435, 457. 46S, 525, Cromer · 737
526, 547, 774 Cromwell · 395. 419
CordmH; · 461, 462, 464. 502 Ct8tphon · 112
Corfe 177, 256, 371, 447, 717, 818, 862. 895 Cuanza 691
Corfe du Nord · 10, 717, 805, 808. 809, 810, 812. Cuba · 9, 43, 59, 134, 424, 443, 523, 634, 691, 762,
1118 797, 804, 810
com- ciu Sud 717.1112. 814, 818, 819, 854, 866 Cutins · 244
Corfftl!I 364, 541 Cybèle 293. 294
Corinthe 163, 260, 409, 532. 755, 756. 757 cyber-pomographie 867
Corm ·331 cyber-~xe · 845, 867

CDITll' de l'Afrique 311, 313, 320. 425. 719, 873 cyber-terrorisme · 868
Cornouailles · 614 cyber-violence 845, 867
COTTUption · 851, 856 Cyclade9 259. 260, 545, 735
crmalre 468, 782. 859, 1161 cycle de l'eau · 740, 750
Cor.JI.' · 133, 138. 9U1 cydr dtt cnrlxmr 750
Cariez · fn7, 782 cycle sl!dimenlaire · 740
C:O.. Noolnl · 1152 cyclones 586, 734
Couques 177 Cyrc!nalque · 270, 296, 315, 404, 405
cO!imopollUome · 7!19 Cyrène · 260
C"91a-Rlca · 900 cyrillique · 276
C&te de l'Or · 761 Cyrus · 162,253, 254
r6fl! des Pirates · 429
Olle d'ivoire · 122. 241, 2114, 310, 318, 448, 450 D
colon · 113, 552. 6411
Cotonou ·284 Daces · 245
Couchant · 779 Dacie 263
Cour tnlemallonale de Ju.llœ · 138, 141 Dnghe•lan · %0
Cour pénnle Internationale · 842 Doghestanals · R51
Cvurlande · 908 Dogoberl '" · 269
Couroe · 468. 470, 471. 473, 533, 859, 861 Dahomey · 2.19
Crac dn Chevelle1"9 · 415 Dakar 230, 752
Cracovie · 558 dalmate · 249
c ...... us ·263 Dalma lie · 40, 2611, 301, 387, 5~2. 557
.....
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4311, 462. 4!7.3, 496, 497, 502. d 'E.Koto · 423
~ f.44. 6711. M2. 6113, 700, 738, 787 d~eenclavement · &31
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'"'ffil.613.684 DesUnf.e manifeste · 878
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• i. llMcho 519 Diodore de Sicile · 163
alA>C- ·m Dionysos · 261, 296
627, 6.33
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_..;"...ml n. 112. 184, 201, 20s. 280, 353, 376, diphtérie · 764
~498 Directoire · 426
... ~ - m Disraéli 622
-.fLQtion ·907, 912 Diu · 619
-.i·m Diyarbekir · 787
~llon . 239, 365, 624, 692, 914, 920 Djâff · 477
~Ulll-m~.. ·718, 823 Djàroun · 765
~ ·656, 740, 746 Djebel Akra · 185
~ · 65 Djebel Ansarié · 185, 186. 354, 576
~ - tr.l,2'13 Djedda · 737
~ ·lfù,2"0,385 Djcmel Pacha · 737
- · 197. 586, 587, 652,, 657, 694, 710, 734, 751, Djerba · 348. 861
~1 Djermas · 319
i...ttnllt ·261, 837, 838, 858, 895 DjeziTé · 185
-...phie . 238, 261, 321 , 341, 354, 515, 559, Djibouti 136, 284, 310, 311
Mil, 665, 736, 776, 786, 896 djihad · 241, 313, 315, 316, 318, 322. 328, 360, 361,
e.."gTlrhlQu• ·764, m. 785, 793, 8os. 895, 372, 396, 4(XJ, 430, 433, 458
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~ 67, 756, 758 Djoungarie · 265
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Duvf!lne · 112 F.ll!'ndi - 488
~ - 221 rffel de ""rre · 740, 744. 750
Dragnt ·859. 861 Égtt . 254. 256, 471 . 733. 755, 769. 895
0nnp..... . 7S7 Égttns · 615
~ - 115.194 Eglloe · 572
Orryfuo ·65 Église · 215. 218. 219, 267, 300. 301, 3:19, 380, 384,
~ · 1:19. 541 . SM. 619. 748, 76f. 799. Ml. 386, 409, 422. 423, 438, 439, 466, 532. 773, 774
1145. 1146. 848. 849. 851, 85'.1155. 858. 931 Église anglic;ine · 393
dnrild'- · 569 Églœ arménienne · 327
dmit de peuples . 22 Eglise catholique · 444, 577
droit tnœmatlonal . 183. 201. 457, 563, 644, 660, Église catholique · 389, 396, 423, 442
662. ID7, 840.1142.. 892.. 896, 915 Egli9e c.atholique américaine 447
droit muitinR . 623 Église copie orthodoxe · 325
Dmtts d• l'Hommr · 9, 61, 440, 508, 515, 582.. 718. Égli.., d 'Abyssinie · 325
837, 858, 916 Églioe orthodoxe · 309
dromadaire . 21M, 205, 314 Eglise syriaque de Malabar · 445
dnmtocr.otie · 635 Église. · 422
drone · rrz7 Églises . 482, 865
druuo · 186, 332. 336, 346, 356, 377, 396. 420. 513, Églises autocéphales · 307
523, 574, 684 Églises é'vangéliques · 423
Dublin . :iœ. 916 Eglises orientales · 444
Ouen> · 662 Eglises uniates · 444
Dumont . 563, 570, 577, 585. 594 Egypte · 359, 459, 535, 564, 720, 721
Ountnd ·818 Égypte 41, 64, 112, 135, 176, 184, 193, 194, 197,
DurœeJle . Z2. 509 2Zl, 230, 240, 253, 254, 257, 262, 283, 293, 296,
dynastie · 211, 218, 228, 526 299, 312, 313, 319. 335, 336, 338, 355, 356, 357,
377, 400, 403, 404. 412, 413, 414. 415, 417, 419,
E 420, 424, 426, 427, 428, 430, 431 , 436, 454, 455.
468, 469, 472. 480, 494, 495, 522, 603, 604, 6œ,
r..c:~u · 916 611, 614, 616, 617. 619, 628, 632, 636, 657, 659,
E.O.f . 662 660, 661, 662, 673, 677, 679, 681, 682, 684, 695,
E.LN. 850 700, 704, 706, 734, 737, 757, 759, 787, 788, 850
eau · 187, 200, 540, 560, 586, 587, 601, 621, 639, égyptienne · 532
748, 753 Egyptiens · 585
eaux · 7t!J ~gyptiens 325, 375, 403. 609, 614. 620, 657. 676,
Ebola ·865 682, 704
«alogie · 740, m Einstein · 775, 776, 807
&:ologiats . 825 Eisenhower · 424, 1188
konomie · 846, 895, 898 El Arich · 673
économie IOU!erriline · 584 El Nino · 745
économie-monde · 261 El Para 173
étonomlque · 896 Elagabal · 536
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écosy•tème ·748 Elbe · 196, 199, 555, 663, 860
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~mmgol ·177,415 Espace économique européen · 285, 900
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810, 812. 815, 816, 837, 841 . 842, 846. 850. 852. 622. 625, 709, 737, 738. 739, 752, 760, 763, 765,
853, 1154, 858, 865, 866, 872. 878. 884. 891, 896, 772, 774, 775, 776, 780, 788. 860. 875, 899, 903
897, 900, 901. 902.. 911, 930. 931 européocentrisme · 873
Ébal!l-Unis d 'Europe · 78 euro-~gions · 920
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425. 620, 657, 659, 660. 661, 696. 761 évangélis me · 423, 448
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1144. 895, am. 907, 911 , 912. 915, 916 ExecuhW" Outcomcs · 842
Étienne IV · 387 Exode · 673
Éloliens · 759 Exb'ême-Ocddent · 417
Etnrofuiturup · 142 Exb'l!me-Orient · 37, 298, 413, 473, 530, 604, 609,
fbier ·771 619
Étrurie · 260 Eytan ·689
Étrusques · 261
EuWe · 735
F
Eudes · 217, 385, 461
Eude I• · 218 F.A .R.C. · 850
Eugène · 613 F.l.N.U .L. · 684
Euloge · 464 F.M.I. · 807, 885, 891
Euphrate · 112. 185, 192. 193, 298, 415, 603, 614, F.M.N. · 898
639, 643, 644, 645, 663, 666, 673, 738, 753, 758 F.NLA . · 691
Eurasie · 59, 87, 265, 283, 499, 509, 557, 566, 591, F.P.L.P. · 6116
635, 755, 849, 902 Fac hoda · 65
Euric ·'1JJ7 factionnalisme · 211
euromissiles · 88 Fakhr el Oin · 332
E11ropa Ellmiai 917 Fakhredine · 574
Europe · 178, 179, 188, 194, 199. 228, 229, 230, Falkenmark · 641
259, 273, 176, 344, 390, 395, 408, 413, 414. 416, fal safa 341
417. 418, 4'1JJ, 439, 453, 463, 467, 471, 478, 484, Falugong 718
498, 500, 503, 505, 507. 514. 522, 533, 534, 541, Fantis 239
544, 555, 556, 557, 558, 559, 561. 567. 568, 569, Fao · 739
573. 574. 579, 581, 582,. 585, 589, 590. 592, 593, Farnbuudo Marti · 423
604, 608, 617, 636, 639, (HJ, 706, 738, 739, 746, Faraka · 662
750. 753, 755, 763, 764, m . m , m, m. 781 , Fariab · 651
·-
......... ~
Forces armi!e9 rtovolutlonnal,_ ·&50
n. ll\J Forcea Ubanaiaes · 684
.... ~ Forrign Office · 364
- - ·lJ0.313, 336. 355. 356, 377, 407, 412. fortl · 178, 204, 316, 318, 319, 446, !Bl, 560, 573,
~ !\ll,506,531 740, 744, 746, 747, 750, 753, J<Tl, 931
". l.\l Formose · 818
-u Pori Polk. · 844
Forum de Coopéralion Asle-Paafique · 900
- ·~
"'"' ut w . '34, 4'11. 526. 706 Forum du Pacifique Sud · 146
«-tt ·22. n,n, l(M, 161, 170, 303, 331, 417, Foucher · 194
- . 471, 505, 62/J, 1119, m Foucher de Chartres · 411
~... ·144 foulage · 772
..-w .569, 571. 518 Foulanis · 241
Foulbé · 319
- - 574
......_ .406 Foulques · 411
~da IWugiés allemands · 916 Foula Djallon · 317
- . 278, 424, 575 Foyer national juif · 295, 884
...-w.t · 198, 216, 218, 8n. 907 Français · 193, 256, 281 , 411,419, 4611, 512, 573,
." """°"41 U d' Angon · 585 594, 631, 774, 777, 782. 787, 861, 864, 872. lffl
~MS France · 17, 40, 76, 79, 87, 113, 136, 144, 163, 166,
~ 361,552 167, 182, 184, 194, 195, 198. n6, 211. 225, 226.
"'ZZl.316 228, 230, 238, 256, 274, 282, 283, 284, 285, 336,
_,... 497, 911 379, 380, 384, 389, 390, 392. 396, 400, 41.17, 408,
~ · H5, 150, 151, 153, 522 414, 417, 420, 426, 428, 429, 432. 437, 443, 453.
""'"Jlune 764 465, 469, 470, 471 , 474, 498, 500, 502. 503, 505.
:,.m 507, 509, 513, 531, 532, 555, 556, 557, 567, 568,
;:.r- 7B5 571, 573, 575, 577, 579, 580, 582. 583, 594, 608,
;:. oi<l"Hislo1re · 7, 804 613, 617, 623, 626, 638, 662, 663, 674. 680. 682..
~· ·886,918 699, 706, 707, 720, 723, 737, 752. 762. 763, 778,
~ 500 782, 785, 786, 788, 792. 795, 799, 805, 815, 825•
...,,. '"
Fs-5 multinltiDNles · 898
837, 844, 848, 855, 860, 865, 867, 872.. 874. 876,
877, 878, 880, 881, 887, 891, 902. 907. 912.. 918
France mandataire · 332
'""' m
P.-.dre ·217. 218, 220, 283, 390 Francfort · 878
nta)• 782 Franc he-Comtl!o · 220, 221
~~ . 73. 187, 193, 200, 560. 586, 626, 640, 643, Franchet d 'Espérey · 76
oBJ.i.53,657, 661, 662. 663, 667, 752 franciscains · 449
!lnmt mlemltional · 661 franc·maçonnerie · 357 496 6

;w..,. l•une ·560 Franco · 8


~Rouge · 196 François l« 69, 105, 166, 274. 390, 471l
~ · 861 francophone · 283, 285, 304. 4.32
F\:nncr 161, 606, 763 francophonie · 283
. . - . . . ·416 Francophonie · 168, 283, 284, 285
ilonk ·852 Francs · 198, 263, 267, 268, 269, 282. 298, 379, 383,
C,,.~ · 199, 200 411 , 415, 461. 462. 499, 507, 533. 617
\..- dl 74 Frangié · 685
.; cJornmlalistes · 425, 866 F redéric de Souabe · 412
~ Monft.oire international · 901 Fredélic l" · 412
>Dl«"• ill Frédéric Il 414
nm..bleau · 200 Frédo!olic Le Grand 613
""°' a..llile" ·841
Frè""' musulmnns · 320, 359, 454, 495, 502, 522, Gaule · 260, 263, 267, 270, 2711, 293, 296, JUJ, 3114,
576, 684, 704 46 L 534, 542, 565, 6211, 629
Freud -612 Gaulois · 216, 4'.15, 506
Fribourg · 283 gnz · 128, 552, 6..11, 637, 651 , 711, 719
Frioul-Vénétie 919 gaz à elfot de 11Crre · 741, 753
FrisoM · 263, 386 gaz sarin 865
fn>lirral ·323 Gaza 432, 6211, 641, 667, 670, 671, 672, 677, 679,
Front de Libération de l'~rythrée · 323 6110, 684, 685, 686, 687, 68'.I
Front islamique du Salut · 454 Gbagbo · 448
Front Populaire de Libération de J•i;rythrée · 323 Gemayel · 684
Front sandiniste de libération nationale · 422 Génc• -161, 532, 533, 605, 616, 617, 763
frontière · 19, 72.171, 187, 188, 191, 193, 194,200, génétique · 14
242. 288, 327, 452. 541 , 638, 662. 663, 665, 673, Genève · 268, 283, 696
701, 849, 868, 871, 895, 911, 912 Gengis Khan · 177, 414, 415, 543, 771
fronts pionniers · 747 génocide - 592
Fukuyama · 7, 529 Génois ·413, 779, 860
Fulton · 783 Gelt5éric - 267
Fumante · 151 géoéconomie · 519
fusées · 796 géographie politique · 35
Géorgie · 41, 128, 141, 360, 405, 491, 714, 719, 930
G Géorgiens - 853
Gerbert · 408
C.A.P. · 644, 645 Germains · 216, 219, 262. 263, 382. 383, 463, 495,
G.A.T.T. · 807, 891, 900 509, 542. 629
G.P.S. · 800, 801 Germanie · 217, 310, 383, 384, 386
G3 · 564 germanisation · 911
G4 · 564 germanisme - 908
Gabon -122. 284, 722, 723, 761 germanite · 499
Gadir · 615 germanophone · 283, 912
Ga!!ls · 382 germanophonie · 913
Galice -105, 184 Ghâb · 354. 576, 667
Galicie · 40, 82. 307, 882, 886, 909 Ghana · 310, 314, 318, 319, 723
Galilée · 185, 191 , 415, 432, 674, 675, 679, 680, Ghanem · 526
683, 684, 776, 794 Ghass~n · 480
Galiléen · 411 Ghassanides · 480
Galileo - 801 Ghazir · 420
gallicanisme · 373 Ghilza1 - 221
Gallien · 296 Ghor · 681, 683
Gamal Pacha · 433 GIA · 359
Gambetta - 407 Gibb · 492
Gambie · 197, 310, 315, 321, 606 Gibraltar · 34, 46, 129, 464, 472, 473, 558, 583, 605.
Gand ·109 615, 631, 737, 859
Gange · 586, 653, 656, 662, 752 Gierek · 441
gangs · 844 Gilbert · 150
Gao · 314, 315 Gilboa · 671
Garang · 192, 240, 660 Gios · 241
Garonne · 461 Girassol · 722
Gascogne · 183, 216, 217 glaciation · 751
gauchisme · 422 glaciers 745
Gaugamèles · 509 glacis · 189
Glé-Glé · 239
globalisation · 584, 892 581, 611 , 696. 712. 746, 155, 7'!16,.151, 172.flltt.
gtobaliNllon firuancl~re · 889 895, 902
Gao · 363,607, 619 greci~ 755

Gobi · 752 Gna · 19'7. 2112.-254. al, :lfi0,l6l.W. Dl.


Goblnell u . 765 YTl, 409, 416, .fl/1, 480. 5œ, 506, SlS, 621. 746,
Godefroy de Bouillon · 409, 411 755, 756. m . m . m.a
Golan · 191, 334, 668, 670, 673, 679, 680. 681, 682. gre<><atholiq.- . 3311

~ ·-
683, 685
Gold Cout · 239 Grigoire de Toun · 3113, 6211
Golfe · 362. 436, 514, 533, 567, 601, 616, 626, 636, Grtgalre V · 211
689,694, 699,7DD, 704,7D9,739,765,777,778, Grigoire VII · 390, 4Ql
792. 793, 797, 810, 814, 828. 839, 897 Gn.nade · 221>, 515, 531. 515, 614,, 1'1,. 7611, 1611
Golfe arabo-pen1ique · 585 Grey·430
Golfed'Aden · 862 Grimoald 1- · 268
Golfed'Aqaba · 430 grippr . 5IJO
Golfe de Guinée · 316, 540, 709, 723, 724 Groenland ·151
Golfe de Riga · 558 Gronau · 916
Golfe du Mexique · 725 Groupe de Shmg;d · 717
Golfe persique · 129, 182, 18.5, 22B Groupe iaLomique umé 454
Goliath . 776 Groupe~ poarla pmiic6m.tle .......
Combe · 322 · 173
Gondebaud · 268 Gruw.set 262. 263. 2HJ, 299. 'ID. Cl'I, 411. '1l,
Gontran · 384 415. 416, 47'.I, 529, 534. i)I}, 6'Z1, :156. '1'S1
Gorbatchev · 90, 93 G5PC · 173, 3'iO
Gorgm · 349 Guadeloupe · 284
Gothie · 217 G.Jaftr . 216
Goths . 263, 298. 462. 628 Guam · 43
Gotteschalk . 301 c.mm.i. ·m . 4D. 4-18, llOO
gou vemail · 780 Gœgt"'5 . 328
gouvernement mondial · 806, 878, 885 Gusé · 241
Grand jeu · 52, 429. 525, 551 gumllas . m. 695, '193, 79'J, K3.. &H.1!45. 1146.
Grand Moyen-Orient · 558 848.. 849, 850, 1155, 862
Grand siècle français · 568 Guered' lnk ·1!39
Grand Véhicule · 371 G_.,,deC:.enhns ·416
Grande · 423 Guerre de Corft · 17
Grande Allemagne · 37 Guerre de Skes&i<wt · 113, 881
Grande Guene · 877 Guerre de Sept Aœ · 2112
Grande Muraille · 541 ~de Sua::ssian d'Fspmgnr · llfal
Grande-Bretagne · 46, 52. 134, 136, 303, 473, 51:17, Guerre de Ttalllt An5 · 195. 5IJIJ, 66l. 9œ
556, 612. 631, 677, 702. 704, 831 . 841, 881, 9<Tl Guerre des étoiles · 88. 714
Grandes Découvertes · 220, 407, 417, 418, 636. Gu~desSixjours ·682

755, 760, 763. 765, 785, 798, 872. 873, 876 Guare d'lnduhinr · tri
grandisme · 249, 487, 497. 665 G~duGolfr ·3.111.617. 1139

Grands LAcs · 201, 230. 2.'\8. 243. 319, 501, 522. GUftTe du ICaoovo · 83'1
657, 695, 903 Guerre du PtkJponn!ole · lh), 1116
Gratien 2b4 G~ froide · S. 174. 367, 4111', 4?3, Ol."31. Œ

GraubUnden · 919 631. t>..'\4. 6.59. 66-l. 677. 091. ""13, i7'. m 795,
Graz · 109 808. SIS. W. SU s.12.. Sill. 661>. 'lll2
Grec · 756 guerre SOU9-111UillL' 88'
Grèce · 9, 161. 227, 249, 252. 259, 260, 270, 281 . Guenes du Pék>poNlèsir ·7
301 . 335 .38.5, 409, 477.481, 505, 533, 543.SSb. Guene hWdiqua 7, 16l.163. m. 254 J6?
1000

Gue""" puniques · 533, 613 hannh!m1c 313, 357


'"""
Guillaume · 6.°\3 hanafitt' · 313, 347, 355, 3560357
GuUlaume d'Orange · 395 hanbolismc 174, 355
Guillaume Il · 33. 36, 65, 66, 124, 407, 429. 435. hanb..11ite · 317, 320, 347, 35 3, 355•
356
878. 884 Hanioch · 140, 661 , 895
Guillaume le Conquérant 133 Hanotaux · 65, 67
Guillou 285 Horu.., · 419, 612, 616, 780
Guin<!e · 122, 242, 284, 310, 318, 320, 608, 719, Haoussas 241, 316, 318, 319, 322
761. 864 Harar · 312. 620
Guintt Bis.sau · 310 Harare 691
Gui.ntt ~uatoriale · 122. 284, 709, 722. 723, 725 Hannon · 643, 644
Gui.n-Bissau · 122, 284 Haron al-Rachid · 462
Guiscard · 466 Hasa · 349, 352, 353, 700, 701
Guise · 391, 392 Hasan Al Bnnna · 454
Guli Stream 639, 752 Hasbani · 668, 670, 6n, 681, 684
Gutenberg 774 Ha•baya · 670
Guy de Lusignan · 412 haschisch · 848
Guyan" · 284. 795 Haschischins · 453
Hassan al-Sabbah · 453
Hassi Messaoud · 721
H Hatay · 667
Hattin · 412
Habache · 686
Hauran · 185, 537
Habomar · 142
H auriou · 225
Habrat · 703
Habsbourg · 105, 108, 109, 167, 191. 220, 282. 390, Haushofer · 12, 31, 36, 73, 74, 75, 79, 277, 487,
507, 623, 912
506, 507, 523, 556, 782, 890
Haut Mo yen-Age · 573
Hachémites · 700
Haut-Adige 882
hackers · 859, 868
haute finance · 880
1-laddad · 684
haut. fourneau · 785
hadith . 343, 346, 356. 457. 525, 547
Haut-Karabakh · 326, 714
Hadramaout · 313, 702
Hawaî · 43, 854
Hadrien · 296
Hawalli · 141
Hadrumète · 615
Hawar · 141
1-laegu · 415
Hazaras · 350
1-laJfa · 430, 432, 436
heartland 16, 46, 56, 95, 552, 714
HaYI · 700
hcarllnnd · 52
Hainan · 862
Hébron 687, 688
Hainaut · 217
Hedjaz · 42, 203, 429, 433, 434, 435, 526, 608, 673,
Halti · 284. 590, 634
694, 700, 701
Hajar al Ghard · 703
Heers · 772
Hakim ·336
Hegel · 639, 911
Halford Jones · 427
hég~moni e 262, 622, 897
halieutique 608
H e ide gger · 15
Hama · 185, 260, 354, 411 . 432, 576
1-lcimnl · 914
hamallisme ·317
h é licoptère · 793
homalliya · 317
Ho!ligoland 138, 690
Hamara• · 930
hl'llo!ni•me · 262, 2'12, 297, 299, 47H, 479, 481. 411l
HarnaB · 334, 338, 454. 550, 686, 857
505, 535, 755, 759
1-lamossa · 703
1-1.,11.,•pont · 4RO
Hambourg · 200
Helsinki · BK, 440
Han · 255, 481 , 538, 560, 567. 718
Hodpan 4BJ
Hmrll• · 218
Hmrl Ill 392
Ho....,.laufftl 411, 908
Hokbldo ·142.150
Hmri IV ·391 , 392. 393, 409
Hmrl Il! Navigateur · 618, 761 HoUandais · 363, 364, 419, 6111, flZ!, 6.12. 6116, 774.
Hmri Vlll · 391 777, 782. 861
Hrnriques · 675 Hollande · 2112. 395, 419. 6'111, 6U, 7116, 7111, 7!15
882 •
Htraclè · 258, 734
Héraclides · 734 Holoca...œ · 592. 593, 666
HmcUu.s 299. 480 Homtte '157
ll•rculanum · 733 Homo Erertv• · 99
Hercul" · 615 Homo~·99

Herder · 224, 497 Homa 185. 271. 336, 411. Ul


hérésies · 186, 376, 389, 399, 424, 454, 482. 513, Hondurao · 123, U4,. 423, 9111
865 Hong Kong 34,. &54. 862
Hrrlz ·673 Hongrie · 8, 40, 78, tri, 90, 92. 105, 109, 177. 191.
Hmnannstadt · 908 305. 442. 500, 557, 5511. 612. 850, rm. ....
Hermon · 185, 336. 668, 673 908, 909, 917, 918
Hermondures · 263 Hongrois · 245, ~ 506. 5119, 513, 523
Hbvcie 294, 296 Honarius · '.264
Hérodote · 7, 163, 254, 492. 613, 615 Hanohu ·364
teolhe · 361, 850, 851, 852. 854 h~ - 773
Herzégovine · 40, 491, 543 houe · 243
Herzl ·673 Houleh · 674
Hess ·39 H~ - 1184

htltronomie · 740 HUil!nbo · 691.


Hêthoum ln · 415, 416 Huguenots ·419
Htz""1/a/1 · 321, 334, 337, 350, 354, 550, 857 Hugues C..~ Zl7
Hiérapolis · 293 Hugues le Grand · Z17
Hildebrand · 219 huile · 628
HilU · 703 Huleh ·680
Himillaya · 46. 72, 187, 188, 194, 480, 586. 653, Hunald Zl6, 462
823 HWlS · 264. 265, 268. 539, 542
HincmM · 387 Hunter 153
hindou · 771 Hun!ingtun · 7. 53. 5'9, 166, 2115. 446. 52!1
hindouume 251 , 363, 365. 370, 405, 406, 481. Husri · 496
529 Husorin · 349, 364, 375. 379, 42!1, 430, ez, œ,
tündous · 585 454. 495, ~96. 521.. 6711, 1139
Hindu Kush · 653 Hutus 243, 522
Hippone · 267 hydroêloctnrité . 650
türa · 479 hydrogène . 740
Hirado · 363 hydropolitique · 6.39. 6.515. 665
Hiroshima · 115, 794, 806 Hyksos ·614
luspnnidad · 283 hyperp~ · tm

hispaniques · 443, 447 Hypt.aoo. · 7Sll


Hispanola · 762
Hispanc>lla · 590 I
hispanophonie · 211..'\
Hitler · 8. 76, 503, ~08. 521, 5'J2. t>M, 806, !185. I.D.S. · 81D. 819
912.. 914, 920, 932 l.N .T.E.Rl!.G ·916
Hlltit"9 · 244, 614 l.R.A. . 522
HodaYda · 608 ibedisme . 311 . 313. lo!O. J.l7, Jn l74. l'5. :iœ
Ibn Hanbal · 355 563, 606, (107, 622, 632. 636, 699, 703. 7MJ. 761,
Ibn Hish.Am · 46.'i 762, 763, 764, 774, 784, 788. 861
Ibn lshAq · 465 Imlin O!Jiœ · 364, 436
Ibn Khaldoun · 398, 399 lnJtens 522. 525, 591, 592, 604, 609, 619, 765,
Ibn Nœalr 354, 576 831
Ibn Rashid · 431 indtvtdunlisme · 446
Ibn SaouJ · 42. 221. 430. 433, 434, 493, 587, 700 Indochine · 15!!, 201, 811!
Ibn Toumert · 399 lndo-EuropéertB · 261, 262. 519, 533
Ibos 241, 322 Indonésie · 138, 139, 140, 149, 151, 179, 341, 357,
Ibrahim Pacha · 419, 420, 494 360, 371, 446, 522, 623, 632. 744, 746. 753, 862,
/CBM 819 896, 930
ICQ ·1168 Indonésiens · 864
iMalisme · 60, 408, 438 Indus · 137, 193, 196, 228, 280, 480, 505, 653,654,
idéologie · 10, 22, 368. 424, 472. 503. 866 656, 662. 757
Idrisi · 771 Industrie · 772
ldriss ~usi · 404 lnfidèll?S · 412
ldri.<siya-Alrmadiyyo · 313, 320 information 839, 867, 890
li• Reich . 912 infonnatique · 859, 868, 890
In• République · 71, 74, 633 ingénieur · 770, 777, 782
ljaws ·n& lngouchie · 360
lie de France · 102 Initiative de Défense stratégique · 88, 89, 810
lie de Perim · 427 Initiative Pan Sahel · 175
lie-continent · 896 Initiative pour les Amérique · 901
iles anglo-normandes 136 Innocent Ill · 389, 413
lies d'Ascension 136 Innocent XI · 395
lies Ioniennes · 136, 138 Innsbruck · 109
lies Mariannes 136 inondation · 745, 748
lies Mar.;hall · 752 Inquisition · 777
lies Takeschu · 138 insécurité . 844
lllitch ·740 Institut International · 916
Wyrie · 263 insularité · 133, 339, 466
Wyriens · 245, 756 Insulinde · 736, 874
imam . 344, 348, 349 intégration 899, 900, 903
Imbros · 631, 755 interdépendance énergétique · 816
immigration · 174, 226, 318, 565, 572. 577, 579, intérêt 21
581, 783, 844. 852. 853, 855, 876 intérêt national · 897
immigralionnisme · 577 internautes · 838, 867
immigrés . 278. 294. 581. 777 Internet · 774, 865, 867, 890, 892
impôt islamique · 567 Interpol · 846, 850
imprimerie · 771. 774 lnterreg ·918
incendies · 750 Intifada · 522, 686
Inde · 87, 102. 122. 130, 136, 151, 182, 187, 189, Inuits 512
251. 256, 341, 356. 357. 363, 364, 366. 369, 401. invariants · 36
405. 406, 413, 418. 427, 430, 435, 445, 481 , 483, investi!:1scmcnts · 889
515. 530, 563. 564, 568, 587, 589, 604, 608, 609, Ionie ·735
618, 622. 627, 628, 634, 654, 655, 662, 717, 720, lonieonne~ · 473
737, 751, 752. 761, 769, 774, 809, 817, 818, 821, Ioniens · 1<>2, 257, 259, 735
822. 823, 849, 856, 874, 895, 896, 897, 930 Irak · 59, 91, 124, 192, 196, 244, 253, 334, 335, 338
lndefi · 41, 65, 238, 281, 364, 401, 405, 407, 417, 348, 349, 351 , 352, 353, 356, 362, 364, 379, 433,
418, 426. 427, 429, 431, 435, 473, 474, 494, 551, 434, 436, 441 , 443, 449, 454, 477, 497, 513, 515.
534, 543, 636, 641, <>45, 6<>4, 678, 680. 681, 611.~.
lido toœ

Hl?,695,696, 700,702.704,705, 707,708,716, laral!I · 9, 61, ttl.183, 191, 240. 245. 249,m,296,
n9. 738. 739, 749, 794, 8to, 815, 818, 820, 840, 333, 334, 335, 337, 331, :lM,:JQ. :m•• m. :m,
IMl.11711,897 436, 437, 438, 443, 450, 459, 491, 492. 514, 520,
INn 10, 59, 91, 106, 124, 12!1, 162, 191, 196, 201, 522, 535, 546, 581, r.l&, 6tl, (l!ilJ, 660, 661, 6'S,
204. '127, 229, 240, 241, 244, 253, 254, 280, 321, 668, 671, 673. 677, 678, 67'1. 680,6112,.684,616,.
337. 349, 350, 351. 353, 361, 362, 379, 401, 455, 689, 695, 696, 704. 105, 106, 709, 715, 718, 1')t.
458, 477, 489, 502.. 513, 534, 5811, 651 , 661, 664, 799, 805, l!O'J, 1110, 812. 813,814, IJIS,123,IMO,
6115, 'lfO, 708. 710, 716, 719, 738, 739, 759, 764, 841, 842. 850, 897, 901
765. 769, 805, 809, 810, 812, 815, 817, 820, 849, J!Rlléliens · 252. 337, l38, 354, m. m, 520, 666.
1158, 886, 894, 901 673, 675, 680, 683, 6115, W1, 706, 1115
lnnlm> -525 .....,., ·509, 757
Irbid -674 l.otanbul · lŒI, 338, 574,(108, 63&, 731, 7117
lrlvt Jaya -146, 746 i9thme -180. m
irlandais - 522 urinid ·347
Irlande -105, 139, 244, 300, 303, 446 Istrie · 40, 387, 882
irntionnel · 864 Italie · 40, U, 78, 191, 2211, 249, 21611. 2'8,277,292.
irftdmlisme · 515 293, 301, 355, 383, 396, 409, 4U. 416,, 417, 01,
iJrigation · 560, 769 467, 473, ':Dl, 531, 555, 564.565.579, Slll.~.
lmwady ·196, 748 617, 628, 763, 7T2. 774. 778. ?!Il, 8152. 812.•
Isabelle de Castille · 762 902. 9ffl, 916, 918, 930
Isabelle la Catholique · 585 llaliens ·413. 467, 738. m. 794..859
r!lililL<ân 356 Ivan IV le Terrible · 177
Isis · 293, 294 rve~ - 4.Tl
Iskenderun 631, 667 ivoire · &IK, fiZJ, 761
'""" 454 1""'11 · 322
islam · 108,170, 174, 221,229,230,241,275,299, l=tbegovic . 32!
302. 305, 310, 311, 315, 318, 319, 326, 328, 331,
335, 339, 340, 343, 344, 355, 356, 370, 371, 372,
J
373, 377, 380, 383, 396, 397, 400, 403, 406, 414,.
416, 418, 426, 427, 428, 430, 431, 435, 449, 452.
jacobin · 545
454, 455, 460, 463, 477, 479, 488, 495, 498, 525,
Jade · 151
526, 529, 534, 538, 542. 543, 546, 548, 551, 553,
Jaffa . 412. 415, 787
555,574, 593,620, 700,872,874,876, 930
jaînismr 406
~lam · 60,135,204, 413,415, 460,464,465, 472,
Jakarta . 360
479,530, 531,533,555,566,56ï, 585,591,592.
JunaJque · 150
603, 605, 607, 612. 616, 617, 618, 627, 630, 635,
660,763,773,774,780,787. 789,890,894,912
Japon - 38, 66, 134. 136, 142. 150, 1.53, 361, :m.
540, 541, 557, 563, 632. fi34. (119, ""· 717. ?Cl.
Islamabad · 9, 401, 406, 427, 563, 638
749, 751, 753. 762. 795, 8ID, 806, 812. 813, 818,
l>lamic Mwnn.,11 · 322
819, 852. 857. 862. 865, 8'!6, 1119, 895. fJlO
i.slami•me · 173, 241, 251, 323, 337, 340, 344,. 356,
Japonais · 541. 632. 696, 865
359. 360, 361, 407, 424, 425, 452. 454, 455, 456,
Jaruzielski · 92
458, 488, 492, 502., 527, 585, 683, 717, 788, 815,
823, 876
Jason · 257
Islande -634 Jaspen 480
Jaune 193, 560
ismai!llen · 313, 336, 376, 453, 494, 575, 930
umai!lisme · 346, 377 Ja"a · 149, 446. 736, 746
)bel Z..wi~ · 6/J7
l•maîl · 313
)Nn Bart . 861
Isocrate 756
iMllationnlsme · 9, 813 Jean d" Brienne · 414
Ispahan · 765 Jean In ·618
J.,.n Il ·618
'""" '"Scot .301
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J~-.n-Paul Il · <U2. "39, 440, <Wl. 444 Kaby l..s 398. 399
Jeddi> · "'3\ Kabylie · t159
~maah ~yya · :w.() "'1chal>ic · t12
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Jèninc . 677, 687 Kachgarie - 279
Jêri..:h<• . 683 Ka.chira lndepnulm11.·1..· Am1y 748
lérus.Uem 185. 230, 2.W,. 253. 295, 296, '299, 377, Kachins · 748
407. 408, .Ul. 412. 414. 415, 416, 420, 435. 443, Kodlu>fi -171
"50, 469, 593. 603. 675. 676, 677. 679, 682. 687, Klodhimiyy" · 379
7ll7 Kadi.siy" 509
Jén&salrm-Est · bll4 Kaduru• 322
~uit.!8 3E.l. 419, 422. 4% Kagera 657
Jés....chnst 256, 296. 310. 398, ~ 735 Kais<:ri -787
Jeunes Tures · 396, "33. S.W. 88-l Kalahari · 231
1 - 1 · 671 Kalimantan · 151
Jhelum · 654 Kaliningrad · 82, 129, 144, 5511
)irinovsltii · 82 kamikazes · 548, tl57
Johnson ' 438, 680, 681 Kampala -659
lolo ·340 l<ano - 317, 321
Jones -4216 Karabakh 245, 326
Jongli · 660. 695 Karaclu -843
Jordanie 124, 185, 378, 45-l 480, 514. 636. 641, Karakalpakie 646
676, 677, 678, 680, 681, 70<l l<arakoum 525, 647
Jordaniens · 32B, 680 Karb.:lla · 353
Jouffroy d'Ab~ · 782 Karbalà · 379
Jourdain 185, 298, 33-1, 641, 667. 668. 671. 672, Karen '179, 446
673, 674, 675, 676, 680, 683, 684, 685, 753 Karens -365
Juda -253 l<argil -818
judaïsme -245, 481 kâriz -769
Judée - 294. 295, 413, 671, 675 Karlsruhe - 918
Judith · 387 kun11a · 369
juifs 774 Karol Wojtyla · 441
Juifs ' 9, 245, 253. 254, 292. 294, 295, 338, 344, 376, Karput · 787
382. 433, 436. 437, 478, 481, 482, 492. 514. 535, l<assaba - 787
5.l8, 566, 581, 591, 592. 593, 609, 628, 629, 665, l<atafs - 322
675. 677, 679, 7Tl. 803. 910, 913 Kawakibl · 496
Julia 735 Kazakhs ' 279, 554, 646
Julien ' 298, 537 Ka:.akhstan · 128, 489, 638, 645, 651. 710. 795
Julien !'Apostat · 297 Kelhourr ·477
Jupiter · 294 Kemal -42
Jura -283 kémalisme · 544
Juste Cause · 858 Kennan -53, 714
Justinien · '80 Kennedy - 438, 714
Jutland · 158 Kenya · 240, 310, 311, 313, 319, 323, 374, 455, 6.57,
659
K Keohane · 22, 898
Kcsrouan · 1116
K.G.B. ·307 Kesrouane · 575
Kaan · 276 Khabarovsk · 578
Kabila · 692 Khadafi · 405
IJ>.Mli!<> .-165 KoWU. · 5'n
l.N!LStout 406, IM9 Kaurila 142. 150, 540. -.11.. ""
~ · 222 Kourou ·195
~n 415 Kowdt ·42.12A. 351 , 429, 431. e&. 6t1.e, 7m.
tJ>onal 127 708. 716, ?!Tl, 810, IB'J, MO. Ml'
IJw\.ala 6'6 kowenien 179
IJwldjisme ·313. 315. 346, 347, 373, 374, 399 Krahna · 2H
l.lioridjites · 312. 315, 347, 373, 513 Krabtau · 733
~um ·192. 197, 240, 323, 657. 659, &60, 695, Krupp · 786
i'GlMll Kaar-..1-Kéblr · 611, 1159
l.h&urs . 24.5. 509 Kulll-Lwnpur · 340
Kheyreddm ·859 Kwnanavo ·794
KJunen . 5ü. 748. 849 KW>Uhili · 142
Khmer.> rouges · 9. 88, 593 Kuneitn 674
Khod)ilS ·525 KUOIDintang · 153
lJq.ti ·313 Ku.des ·91. 192. 364. 475. 513, 515. 6",.&
IOIOr;&5Sall · 106, 227. 280, 349, 356, 481. 483 Kunhotan 41. 186, :zm. Ul, 66t. 719, Ml
IOIOcnmshahr · 702 Kw;iije!em · 819
!(hasroèo Parviz · 299, 480 Kyoap · 240
IQlouzistan 91 , 351, 664 Kyota 364
lùJai 175 Kyzylkoum · 647
kJtl .64. 6.33
~V 309, 444. 636
L
KiWnandjaJO . 745
IUlva 311 la Plata 662
l(unbundu · 691 la Réunion . 69, 1-ll
Kinda · 479 La Rochelle · 3'J3
Kipling . S51. 839, 878 la Valetre · 470, -173
KippoW' . 684, 706 Labrador · 762
Kirghizes . 279. 650 lac · 181 , 1112. 183
Klrghizslan . 361. 489, 645, 647 L...conie 258, 734
Kiribati · 145, 150 Ladakh ·656
Kissinger · 52 Lagide · 197
Kitbouga · 415 lagos . 318. 752
Kilchener · 429, 431 l...aklunides . 479. 481
Kivu ·657 Lamartine . 737
Kjellw 31, 37 laminage ·m
Kleist . 497 L.amkin · 592
Koeni5berg · 909 Lanc:ashin! . 113
Kohl ·88 Lindn' . 9'17, 918
f{Dlon1Aluc!m11 · 33 landes · 192
Komintern · 38, 887 landsat 7V1
Kong 318 Landstat · 753
Kongos 242. 691 langue · 273. 288, 469, m. 483, 4!l'l. 872. ll!n, 901
KOnigsberg · 82, 110. 129. 558 911 , 912. 918. 920. \Gl
Kordofan · 403 \ill\gue lrançaioe 51>11
Kosl · b55 Langu..<Ioc 217, -... 3811. 1159
Lanoux · ~
Kosovars · 851
Ko•ovo · 59. 92, 121, 167, 187, 245. 3\15, 32&. 3..lO. l..aos · 122. 196. 201, 849
331, 425. 436. 581. 792. 793. 794, 797. 839. 840. L..anche . 615, 784
l..ds VO!g"5 · IL52
tl50. 895, 897. 929
1006
'""'
Latakié :154, 576 Libye · 59, l'.15. 171 . 171•, 2..19, 31 '1,321 . J.10,343,
latins · 275, :.\38, 420, 481 3511, 404, 430, 695, 7115. 720, 757. 76Q, RIO, "13,
Latins ·302. 415 820
latitude · 102. 781, 7'95 l..iL"Chlem•h.~in · 'Jltt
Latium 102 Li~11c · 916
Lausanne · 42. 475 Lieux Saint• · •120. 42-1. 426. 431. 432. 434. 437,
Laval · 507 493, 700. 7116
L.owrenœ d'Arabie · 178, 433 Llgi tan · 138
Layne · 54, 717 ligne de pnrtage des eaux · 187
lazaristes · 419 Ligue · 392
Le Caire 64, 112. 403, 429, 431, 502. 608, 659, Ligue arabe · 676, 681
692. 738 Ligue de Corinthe · 758
Le Cap · 34, 46, 64, 403, 474, 692. 761, 762 Ligue de Délos 165
Le Pitte . 293 Ligue de l.:1 Jcuncst1c arabe · 496
Le Roy Ladune · 569, 572 Ligue de lil Patrie ouilbc · 496
l...d>tn.mium · 37 Ligue des Habsbourg · 166
Légion arabe · 437 Ligue hellénique · 758
légitimi~ . 897 Ligue islamique mondiiJle · 454
Legrand · 861 Ligue Savoi,,ienne · 916
Léman · 182. 183 Ligurie · 859
Lemberg · 110 Lima · 843
Lénine · 255, 309, 880, 932 limes · 505, 910
léninisme · 848 Limoges · 762
Léon · 184, 418, 618 Lincoln · 115
Léon ID · 387 linguistique · 478, 895
Léon IX · 219 Lion · 617
Léovigild . 267 Lipari · 257, 733
Lépante · 164, 457, 470, 532. 543, 780, 781, 874 LisbolUle ·607, 693, 761, 771
Leptis Magna . 271 List ·911
Lesbos · 755 Litani . 667, 670, 673, 674, 675, 677, 681. 683. 685.
Leschkin:h . 908 690
Lesotho · 122 Lituanie · 93, 130, 307, 308, 913
Lesseps · 737 Lituaniens · 499, 500, 509
Lettonie · 93, 308 Li vingslone · 690
Lettons · 499, 500 Livonie · 908
Levant · 271, 412, 470, 472, 473, 525, 533, 574, Lixus · 615
605, 608, 636, 738, 860 Lloyd George · 674
Levasseur · 861 lobby . 437, 674, 878
Léviathan · 161 l.ohayya · 608
Lewis ·788 Loher · 282
Liban . 41, 42, 124, 185, 211, 244, 332, 333, 337, Lohr · 282
354, 356, 377, 396, 441, 449, 497, 514, 523, 543, Loire ·193, 198, 199,217,269,383,384, 387
574, 576, 581, 603, 615. 636, 641. 666, 667, 676, Lombard · 182
735, 794, 840, 841, 848, 855, 895 Lombardie · 555, 919, 920
Libanais 676, 778 Lombards · 263, 264, 268, 383, 387, 462
Liber Paler · 735 Lombok · 632
Libéria . 241, 310, 318, 748, 848, 849 Londres · 303, 319, 364, 374, 403. 429, 431 , 472.
liberté de navigation · 200, 201 473, 494, 497, 613, 622. 685, 690. 69l 737. 752.
libre<in:ulation · 900 794
libre-échange 115, 891, 900 longitude · 781
Lorraine · 74, 217, 391
lCIO'T

l.ta Anpln . MM:-Mahan ·.ut,432.1118,m


1144
lll<hAI... . 387 Mad•tpKJI• 67, 135, 142. 151, 1.Jl.1111
U>lh.anng1a 409, 555 Madne 618, 779
Loulo le Genn.on1que · 387 ~rid 109
Louis "' r1eu1t . 387, 462 miaflaa 584, 846, 1146, 8511, 1151, 1152.11!8, ll!lll
....... vu . 411, o&l2 Magd..t>ourg · 104
IPolb XIII · 393 M•gellan · 762
IPolb XIV . 393, 395, 696, 861 Maghreb · 170, Z10, 317, l31, 334, 3U, l56, llr7,
Louio XV . 188, 506, 613 359, 360, 3911, 399, 466, 4'l8, 515. 527. fllll, "2
Loub XVI · 68, 613 Magltrfbùw 398, 514
Loulalane · 284, 1144 M•ginot · 1191
l.oW<koo . 784 Maguel""" · 462
U>wdermllk · 675, 680 Magyan · 508, 556
l.œis · 693 Mahan · 43, olS, 622
tU.RSS. ·309 Mahd1ad . 319
LuAnd.11 . 691 , 692. 693 MIJhdj 322
Luçon · 339 mahdi.sine 313, 120, 12:1. 323. 359. 31111, œ
Lupn · 243 MaJuJiyyrlf . 322
Lumitre 400, 472, 494 Malunadou -Zll
Lune 796 Mahomet · 1111, 229, 251, 299, 110. 311. 'JBI. m.
lunettes · 772 455, 4511, 463, 464, 465, "'12. 555, f/Zl, 1'14
Lusignan . 409, 416, 626 ,,,..;1 · 868
lmophonie · 283 Main · 681
Lu~ · 193,296 mal5 ·764
Lulhl!r · 301 , 303, 474, 910 Maison de l'islam ·451
lulhénanisme · 419, 910 Maila~ · 322

lulle des classes · '367 Majanp ·606


l.llttwak · 810 Mal<asioar .632
Luxembourg · 283, 284, 662.. 837, 916, 918 malduet 186, 221, m
Luzon ·862 Malal:m . 611'7, 619
L)·autey · 411 Malacca - 36.3, 611'7, 618. 632. 6l5.1162.116t
Lydda ·679 maladie du 50llUnftl · 2ll2
Lydi<' · 162.. 260 maladirs · 591, 7M
Lyon · 104,296,300,384,461,628 Mal.aga . 859
Malais . 618, 619, 626, 864
MaWsM! . 138, 140, 153, 3411, 360, ..i;, 41111. 5ZZ.
M
611'7, 632. 6.34, 746, 750, 862. 9Jll
M.PLA. ·691 malan. ·764

Ml · 293 Malawt · 182. 194. 310

Maad&n · 192 Malaysia 340


Maldives 151, 751, 752
Ma.an · 574
Malée · 260
Maasmcht · 816
malüisme · 174. 313. 315. 'rS1
Mac Nam.ua · 805
ouolflàlr · 313, 315, 320, 3'7, 3S3. 355, B
Macao ·bl17, 619
Mali · 171, 173, 175, 239, 240, 241. 211&. 310. 315.
MacDonald . 680
318, 523. 583
Macédoine 41 , 82. 130, 162. 245, 264. 306. 331 ,
Malik ·230
473,491, 543,719, 756, 851,882
MAiik Ibn Ana& . 356
Maœdoniens 161, 756, 758
Malindi . 312. 611'7
machines · 772. 785
MaloW.- · 136, 141
Machrek . 331, 334. 498, 527
Maclùnder · 16, 45, 48, 50, 53, 74, 552.. 878
1008 ...
,,
Malle ll5. 15(\. -&16,. ol20, "66,. -&67. "'611. 4611. 5-l3. ~tarh~ l 460
636,. 7'13. ~ 860 twlarligu~ · 4è19
M1dlh1U1 Ml tvl•lThl\iqu~ 2!M
~m..Jou"" · 312. -&l!\, 427. -&211. -&~. 620. 764 Mt1rUw · UM
ManaguA · "2.2 nlart)•w 857
Mao&tna · 353 Marx 17, -&97. 500
MilllClw · 13" marxism<> · 81 , :l-10, 367, -&2.~. 497, 520. 8.'ôll, 1198
INU\dllins . S311. 621 Ma•aryk · 40
mandai · 336 Maocate · 312. 313, 37-&. 375, 525, 620, 703. 783
Mandchm..trie · 542, 806 Mils:ioild9' 295
11.tandch<>u& . S39 Massilia 301
Mandingue · 31-&. 315, 318 Massoud 427
Manille 340, 428, 747 Maures 230. 238, 241, 318, 398, 399, 400. 465,
Manipur · 849 468, 523, 585, 618
Mann 1164 Maurice 151, 153. 285, 288, 752
Manas ·241 Mauritanie 1n, 173, 175, 240, 317, 318. 523
Manso...-ah . 414 Maurras 63, 64, 497, 507
Manlzlk"rt 407, 5-i3 Maurya 481
Miln\lel 1"'" le Fortunt · 618 Mauss · 225
manwacture · 785 Mavromatis 675
..... w:s .... .656, 8'8 Mrudm1lien · 114
H&.ao&uÏli · 349 Mayas 205, 532
mMabo\lt . 315 Mayence · 386
ŒIMilis · 191, 695 Mayflower · 116, 572. 808
Mara1hon · 162. 164. 533, 756 Mayotte · 69
Mue-Aurèle · 296 Màzandaran · 349
Man:hand ·65 mazdéisme · 537
rrw-.:hands 238 McNeill 828
n111rchi comnawn · 900 Mecque (La) · 314, 353, 433, 434, 458, 482. 496,
Man:hé commun d'Amérique cenbale · 903 526. 700
Marco Polo · 106, 418. 762. m Medea ·859
Mucomans · 263 médecine . 243. m
Mardillles · 2'4 Medellin 422, 852
Mardouk · 757 Mèdes · 162, 244
Mare N""tn"n · 605, 613, 627 médias · 838
mariage des prftres · 448 Médie · 162, 253
Mariannes · 540 Médine 251, 356, 435, 458, 482, 700
Mariannes du Nord · 136 Méditerranée · 182, 185, 212. 253, 260, 267, 131.
marijuana · 852 400, 4111, 426, 429, 460, 463, 466, 469. 470, 471.
Marine ·n 473, 474, 477, 478, 489, 505. 507, 533, 534. 551,
Marius ·263 558, 579. 584, 603, 605, 606, 611, 614. 615, 616,
Marmara · 631 626, 628, 630, 631, 667, 671, 674, 700, 721, 7l5.
Maroc ·65, 122. 1n, 186, 221. in. 314, 317, 360, 737, 752, 755, 759, 779, 781, 193. 831, !158, 859,
468, 583, 615, 621, 721, 761, 784, 859, 895, 903 860, 871, 1173, 874, 1185, 890
Maroc;ùns · 860 Médilerranée orienlale · 135
Milroniles · 1116, 244, 332. 333, 335, 354, 380, 396, Méditerranée russo-américaine · 751
414, 420, 421, 441, 523, 574. 576, 581, 603, 679, Mégare · 261
683, 684 Meghna · 5116
Milrs · 800 Megiddo 614
Manieille · 260, 408, 472, 605, 617, 628, 629 Méhémel Ali · 198, 400, 412, 419, 428, 4~. 788
Manhall · 136, 891, 915 Mehra ·702
1009

\l<i<f 687 Meuoe · 2ll0. 269, 384


~w .lc>I MLW11lcO ·873
llfL""" ·118. 1!13, 194, 196, 201 M<?J<ique · 114, l'H, !;91), 6118. 6.14, 662, 66l, 1152,
}Il...- 157 857, 1179, 900
\~ · 1-W, 152. 502. 522 Michel Comnene 412
)llilnu 157 Mlchcl 1" 387
1khllo . 117, 220. 493 Michelet · 183, 270, 'Zl4, 3112.19', 408, 4'3, 506
)l!l>n< 6.5 Micr<mbie · 136, 150, 1S7, 62A
..ni.;... -H9 migrations · 565, 752
~ · l9? mil · 314
11o11WI 39,913 Mit.nais · Z2ll
•ln•pNs 112 Milet · 162.. 260, 261
..... 2'll Milian..a · 859
~ · 196 milice · 895
11<n:he\1ks . 880 M;lilary Profe..ional R.......nzs ·Ml
1"""1'1ah 73-1 millet · 396, ?Hl
...., Adnalique 261 millets · 397, 788
inttBallique 308, 419 Milner · 878
,...J'Ar.ù ·646 Miltiade · 162. 164
..., J• llûing · 613 Mindanao · 152. 339, 340
...,Je Chine ·540, 821 Minden · 386
g-a d<S ÛUlbes 102 Ming · 539, 621
onu du Nord · 507, 608, 611 . 616, 634 m inorité · 511, SU. 912. 913, 9Ci
awrEgee ·163, 199,229,545, 556, 612, 631,882 Minorque · 472
a-a Morle · 185, 295, 668, 675, 685 Mir · 795
.,.. Noire · 127, 129, 199, 257, 260, 263, 308, 429, Mirdit.a · 851
557. 558.605,613, 617.627, 631,739,765, 787, missiles · 796, 827
901. 909. 929 missiles ~istiques · 8211
-Rouge · 140, 311 , 312. 313, 314, 319, 427, 429, miss\les intercontinentaux · 711
HO. Ul. 591. 615, 619, 620. 626, 631 . 632. 636. rrussionnaires 238, 363• .\20
659.661,676,677, 679, 694, 700,737,738 Mitanni ·6H
-1).Trilblienne · 629 Mithra · 293. 294
llerolor · 781 Mithridat" · 293
~larosur · 123, 900 Mizoram · 849
lttrœ ·197 Mobutu ·692
\l!rovmgiens · 198, 383, 462, 463, 478, 605 modernité 529, 788. 789
...,..chaudes ·52, 125, 426, 429, 471, 931 Mogadiscio · 311
Men el Keb1r · 220 Moghols 106, 875
M.nm ·432 Mohacs 5U
1"51• 263 Mohammed le Gaucher · 312.. t.20
M~opotamie · 41, 104. 112, 182, 228, 253, 254, Moharraq · 353
:!li0.262. 299.357, 416, 420. 436, 479. 482, 505, Mohélie · 153
537. 561, 603, 636, 663. 738, 757 Mojalùris ·401
l!ménre · 258. 734 Mokha · 608, fal9
Jœ!l51anique · 436 Moldavie · 82. 129, Zlb, 2M. 310, 515, s.'3
MeS6ine . 261 Molina · 422
M.ullah 674 Moluqu~ · 151. 360, 446, 619, 7"2

~ 741 Mombasa · 311. 312, 316, 607


intthDdisme · 448 Mondco 283
\ldlemich · 879 Monarchie · 69
lldz ·383 Monarchie tran<:lliw · 2\5
mondi.tliMtion · 115, 275. 446• .as. 551. 763, n6. mouton 764
!!06, SUJ. 1135, 871. 872. 874. 878, 888. 895. 8'T7. mouvement deo n.attonalih!ll · 881
899 Mouvement ~thnen du Djihad Islarn!quo _
323
mondialisme · 8Cf7, 808, 81!0, 88S Mouvement islamique d ' Ouz~klatan -36l
Monge · i'86 Moyen-Âge · 179, 273, 398, 452.. 561 , 696, 759
Mongha · 414 763, 772. n6, 781. 785. 788, 843. 9œ, 911 ·
Mongolie 105, l:Z:Z. 189, 229, Xl9, 371. 551 Moyen-Âge chrétien · 875
Mongols -1n. 229, 414, 415, 509, 539. 542. 621. Moyen-Orient · 40, 61 . 185, 186, 200, 222,
230
738 276, 335, 398, 409, 424. 432. 459, 478, 4113, ~.
mOTUlale sn 560, 566. 568, 584, 641. 666, 682. 704. 711!1. ns,
monnaie unique · 760 738, 753. 760, 764, ns, 781, 787, 794, 808,
816
monophysisme 312. 325, 480, 538, 620, 628 849 ,
manolhtisme · 295, 343, 363. 534 mozabites -348
monothélisme · 538 Mozambique · 310, 313, 320, 619, 691, 692, 693
Monroe · 9, 38, 43, 45, 504, 509, 901 694, 783, 848 •
Monseigneur Hoyek · 332 Muawiya 347, 452
Mont Liban · 332 Mubarak al-Sabah · 429
montagne · 72. 183, 187, 191. 204, 335, 354, 373, muezzins Tl3
375, 376, 453, 568. 574.. 603, 604.. 620, 703. 764, mufti · 435
793, 931 Mugabe · 243
montagnes · 185 Milhlenberg · 282
Montauban 393 Mlllbach · 908
Montego Bay · 624 multilatéralisme -891, 900, 901
Montén4ro 167, 305, 851 multinationale -746, 866. 891, 895
Montesquieu · 63, 495, 639 Munden ·782
Monbnorency · 183 Munich · 109, 916
Montparnasse · 932 Munster · 386
Montpellier · 393 Munuz.a · 461
Montreux · 631 Mur de Berlin · 90, 91, 167, 439
Moon ·866 Musandam · 703
Moon (secte) 864, 866 Museveni · 320, 425
Morave · 184, 193 musulmans · 327, 331, 338, 348, 365, 405, 424,
Moravie · 40, 82, 109. 220, 268 468. 534. 586, 592. 699, 100, 737, 764, 774, m,
Morée · 184, 409, 416 780, 787, 859, 860
Morgenthau · 21, 885, 893, 898 Mycènes · 257, 259, 734, 735
Morisques · 516 Myos Hormos -604
Moritz ·911 Mysie ·162
Moro -340 Mysore -426
Maros · 149, 339, 405 Mytilène 859
mortalité · 570, 578 Mz.a ·348
Mosandam · 862
Moscou -8, 9, 307, Jœ, 327, 401, 432. 440, 444,
N
489, 500, 580, 637, 682. 712.. 751, 805, 808, 909
M0&elle · 196, 269, 384, 662. 663 N .A-5.A. ·753, 798
mosquées · 341 N .M.D. · 718, 812, 813, 819
Mossoul · 42.. 364, 416, 432. 475, 4n, 674, 699 N .S.A - -868
Moudjahidins · 187, 328, 424 Nabatène · 537
Mou!nak · 646 Nabuchodonosor li · 253, 615
Moulai -4n Nadl1a - 421, 449
mouridisme · 317 Nadjaf -379
mouason · 197, 752, 783
Nadjd · 430, 493, 700, 701, 702
1011

N.1!1"1411d 849 Nékanll 61S


Nopasakl . 3&3, 79-1. 806 Nelaon · 472
N"'-"1 ·495 Ne-ra · 492
N.ahr •l· l<A>bir · 667 Nêollthique · 99. U.2
N•lmbi · 323 N<!pal 122. 187, 435, 541, 6!D
NUhltchcvan · 714 nestorianisme · 299, 416, 482
Namibie 690, 691, 6'n. 693, 694 ncotorien& · 338. 415, 482. 718
Nonkln ·621 Nrucho\tel 283
Nantes · 392 NC'lully · 40
Nople 220, 268, 416, 733, 853, 859 Neusbie · u.9, 384, 387. 462
Naplouse · 671, 677, 687 Newotrieno · 385
Napoléon · 230, 507, 551, 569, 613, 879 Neva ·909
Napol~n Ill · 114. 144, 400 Nevis ·152
Narbonne · 461, 466, 628 New Delhi · 9, 401, 406, 654
non:o-trafic · 846, 849 New York · 691, 7S2. 852. 884
nam>trafic.o.nt9 · 868 Newton · 77S
Nasser · 375, 403. 412, 425, 454, 495, 632. 681, Niamey · 240
682. 684, 695, 704 Niasse · 317
~risme · 498, 522 Nicaragua · 124, 422. 423, 900
Natal · 618, 761 Noce -zn, 860
Nltdilé 566, 588 Nicée · 229, Nl, 466
nation · 223, 228, 397, 488. 521. 776, 911 Nicéphore Phocas · 612
National Missi/< D efrroce · 718, 812 Nichapour · 349, 483
nationalisme · 15, 372,. 397, 497, 498, 507, 786, Nicholas Jolm SpylaNn · 50
910, 912 Nicolas [o 429
nationalisme arabe · 355, 364, 397, 400, 425, 431, Nicopolis ·m
441, 454, 487, 492, 496, 497, 526, 681, 705. 708, Nietzsche · 15
788 Niger · 171. 173, 183. 188, 193, 196, 21Jl, 238, 239.
nationalisme français · 509 240, 241. 284.. 310, 314. 315. 319, 4.50, 591, 606,
11.1tionalité · 912 726, 753, 761
nationalités · 35 Nigeria · 174, 183, 241, 310. 317, 318. 319, lZI,
natJonal-socialisme · 15 322, 323, 3.59. ~. 450, fH1.. 7119, 7211, 722. 723.
Nations unies · 32B. 624. 664. 677, 682. 710, 807, 72b, 744, 862
837. 840, 841. 842, 854. 915 Nil 65, 176, 183, 193, 194. 197, 240, 319, 3211, 325,
Naucratis · 260 403, 414. -!80. 522. 561. 611, 639, 651. 66'J. 662.
Nauru · 145 666, 673, 694, 695, 722. 752. 753
Navarin · 457 Nil blanc · 192. 6Sl, 660, 661
Navarre · 183, 220, 391 Nil bleu b:>7, 660, &61
navette · 796, 798 Nilotiques · 320
navigation · 779, 781 Nimes ·461, 462
Nazareni · 576 Niruve · &15
Na.zarelh · 679 Nioro · 317
nazisme · 590. 885 Nirvâna · 369, 371
Ndrnnglieln · 853 Niue · H.5, 151
Néarque · 758 niveau des mers · 751
NC!t!'dham ·775 Nixon · 9. 823
Ncgueb · 185 mzaris 313, 348
Nc!gue'' 673, 675, 677, 678, 679, 680, 681 Nkossa ·723
nodules · 6'11
Négus · 64
Nogaret 390
Nc!havend · 509
Nogent · 4&5
Neisse · 558. 887
1012
'"""
Nnirs 592. 761 O .U .A . 504
nom.ides 1118, 202. 203. 204, 221. 242. 265, 351!, na•I• 375, 649, 695, 703, 769
399, 430, 525, 542. 553, 566 ob~rvalion !ipatlalc · 797, 799
nomadisme 358, 525, 526, 616 oc (langue d ' ) 274
nombre 776 Occident · 60, 108, 133. 253, 264, 291, 298, 299.
nominalisme · 11 337, 387, 401, 413. 434, 453, 459, 464. 466. 467,
Non-alignt's · 87, 817 477, 478, 482, 498, 530, 532. 534, 562. 593, 604,
Nord 240, 579 628, 629, 735, 756, 759, 771, 772. 775, 716, 188,
Nordiste!; 113 816, 857, 872, 875. 876, 894
Normandie · 217, 409 Occidentaux 341, 788
Normands 133, 1~. 199, 216, 217, 218, 278, 409, Océan ·780
461, 468, 499, 605. 606, 617 océan Arctique · 558, 634
Northmans 198, 217 océan Indien · 136, 157, 182. 238, 285, 313, 365,
Norvège · 850, 882. 902, 918 374, 417. 427, 434. 540, 551, 586. 587, 6()1, 6111,
nosalris · 348, 354. 576 618. 619. 621 . 626, 631, 632. 635, 700, n1. n1.
Noùr el-Oin · 411. 412 738, 758, 763, 780, 783, 861. 901, 930
Nouveau Monde · 763, 764, 777, 778 Oder · 196, 558, 663, 908
Nouveau-Brunswick · 283 Oder-Neisse · 93, 110, 196, 663, 920
Nouveau-MH:iqu~ · 806 Odessa · 110
Nouvel Ordre mondial · 807 Odoacre · 264, 268
Nouvelle Valltt · 695 oYI (langue d') 274
Nouvelle-Angletrrre 284, 852 Okavango · 694
Nouvelle-Calédonje 144, 152, 502 Okhotsk · 142
Nouvelle-Guinée · 139, 152, 746 oléoduc 711, 719, 724
Nouvelles H"brides 153 Olonnois · 861
Nouvelle-z.élande · 138, 145, 151, 152, 502, 571 Olympie · 164
NovaUis · 911 Oman · 185, 311, 312, 348, 373, 374, 375, 513, 524,
Novorossysk · 631, 712 591 , 616, 636, 700, 703, 765. 783
Nubie · 197, 319, 403 Omanais · 137, 783
nucléaire · 706, 7rr7, 715, 718, 742, 744, 796, 799, Ombrie 268
803, 804, 807, 810, 813, 817, 825, 853, 896 Omeyyades 104, 229, 349, 373, 455, 484, 494.
nucléaire civil · 749 502. 506, 531, 626, 738
Nuer · 240 Ontario · 284
numides · 398 onze septembre 2001 · 324, 457, 715, n1. 815,
Numidie · 187 818, 822
Nyasaland · 692 opinion · 838
Nye ·22. 898 opinion publique 794, 838, 879
opium 541 , 849, 858
optique 771
0
Opus Dei · 423
0 .C.T. . 845, 855 or · 1 7 1, 198, 311, 312, 314, 316, 552. 601,6Gl, 006,
O.L.P. · 338, 678, 681, 686, 688 614. 619, 628, 629, 635, 761 , 763, 777,861.862,
O .M .C. · 900 1172, 874, 877, 931
O .N .U . · 146, 378, 563, 581, 592. 667, 675, 676, Oran · 220, 860
677, 680, 684, 691, 807, 841, 842, 885, 897, 915, Orcïtdcs 141
916 Orchomène · 735
0 .P.E.P. 588, 706, 725, 744, 749, 846 Ordre de Malle 469
0.T.A.N. · 53, 87, 129, 196, 305. 331, 361, 439, 442, Ordre.- de Saint Jean 860
546, 555, 663, 696, 714, 715, 717, 794, 805, 839, Or-ganisation de Coop6ration économique 901
851, 897, 902 Organisation de la communaut~ islamique · 56
O.T.A5.E. · 53, 714, 817 Organisïltion de l'Umté afric'1ine · 903
1013
1ndrx

OrHAf'iMUon des Nations unlC9 · 167, 563


Oxus 228, 481
Orpni!atlon mondtote du Commerce · 891, 900. oxyghle · 740
901
orpnisatlons CTtmlhelles Internationales · 851 p
0 rpainiAUona lntcmattona)es · 890
orgnnls&Uons regionolcs · 899 P .E5.C . ·9112
~nt · 76, 253, 259, 260, 264, 291, 292. 295. 3117, P K.K. · 337, llC
41Tl, 413, 414, 420, 453, 465, 467. 471. 478, 479, Pacha · 489
482. 534, 604, 619, 628, 629, 735, 737, 738. 757, Pachlouno · 401 , 427. 524, 930
'l'YI. 712. 713, 716, 788, 848. 849, 860, 1165, 872 pacification · 239
Qrienl arabe -204 Pacifique ·145, 157, 428, 501. 502, 508, 626, 627,
orient.alisme · 848 632. 633, 762. 793, 901
Orientaux 302 pacifisme · 77, ~. 5U1
Orléans · 269, 383, 628 Pacte Andin · 900
Ormut ·46, 182. 374, 6U7, 619, 664, 703, 765 Pacte de Bagdad · 53, 714, 717
Oromos 325, 660, 930 PactedeVanovie ·92
Oronte · 185, 335, 354, 576, 603, 666, 667 ~ gennano-soVlètlque • 16, 50, 885
orlhodo•e · 60, 302. 305, 306, 327. 336, 421, 424, Paderborn · 386
530 paganisme 293, 383, 4M
orlhodo•ie · 307, 308, 329, 346, 380, 482, 500 Pahlavis 106, 221, 2+1, 350, 353
Oslo · 687, 688
Oslo li · 687
Osman · 435 401, 403, 405, 406• .us. '135, 415.
Osm•n dan Fodio · 318 552. 563. 586, 653, 662. 717, 809, 81 '
QsnobrOck · 386 849, 856, 858, 895, flfTl. 901, 930
Ossélie ·360 Paltistanais -328, 585
Osrie · 293 Palau ·136
Ostpolilik . 87, 88, 915 Palerme ·109
Ostrasie · 462 Palestine ·41, 42, 128, 1115. 253. 258. 260.194. 299.
Ostrogoths · 263, 268 335, 360. 411. 413. 414. 432. m. 436. 449. 459.
Oslstt Akndemir · 916 474, 480, 515. 543, 61-l. &36. 641. 666, 670, 674,
Othon · 217 675, 676, 677. 678, 679. 682. 685. 700, 706, 717,
Ottomans · 312, 313, 327, 376, 418, 426, 427, 431, 734, 840, 895
470, 474, 488, 526, 609, 620, 664, 700, 702, 737, Palestiniens · 245, 333, 337. 338, 379, 411, 514,
738, 787, 788, 860, 867, 909 520. 575. 581. 593. 675, 676, 683, 684. 686. 61rl,
Ouargla · 348 688. 689, 857
Ouesl ·902 Palmerston · 436
Ouganda 192, 240, 310, 319, 320, 425, 657, 659, Palmyte ·las. 537, 604, 628
660. 930 Palmyrène · tas
ouîghour · 279 Pamir · 645, 647
Ourghou"' · 279, 544, 554, 718 pan-africaine · 903
Oural · 72. 187, 360, 551 Panama · 124. 180. 196. &27. 632. 633, 634, 637,
Ounquc · 6111 850. 858
Oussouri · 196, 663 pan-américanisme · 38, "'3, 504
oulil• ni pan-arabisme · 281
Ouzb.!kislan · 122. 129, 276, 361 . 449, <IB9, 524, pangermanisme 76. 281. -l99, 502. ;nl, 78&. 810,
545. 645, 650 878, 9'.11, 910, '111. 9U, 920
Ouzbeks · 279, 350. 554. 930 pan-idée · 36, 37, 487
Ovamboland 693 Pan-ldttn · 37

Ovambos · 693 panislamisme 5-15


Oviml>undus 691, 693 pamsme · 36. 487. -l'77. 9ffl, 912. 931
lOH lndn

Panki5ai · :\O(J Pel"" 734


pan-nwl&né5i.11\lsme H6, SU! Péloponnè•c · 166, 256, 260, 264, 755
PIUU\Ol\le · 264. 268 l'l!mbn Jll , 6\ltl
pan-arthodoJ<isme 502 Pl!nJ)ab · lU6, 364, 4111 , 40b, ns.i
pan-Piidfiq ue 38 pcnJjahi• · 401
pan--bis.me 245 pémnsulanlê 1511
pan-slavi.s.me · 2111, 499, 500 peniruule 1511
Panth<!on · 292 Penon de Velcz 220, 860
pmntwquismc · 488, "89 Pcntagun" 60, 752
pan· tUlslSDle 501 pentecOti•mc 423, 4411. 450
P"paulé · 355, 389, 39Q. 408, 409, 417, 419, 439, Péoniens 756
-HO. 506, 531, 532. 617, 760, 782. 872 Pépin · 198, 386, 387, 389, 617
P"P" . "38, 443 Pépin J« · 269
Pape 303, 761 Pépin le Bref · 462
papier ·m. 772 Pen:stroilca · 90, 93
Papin · 782 Périclès 165, 261 , 479
P"pouasie-Nouvel~uinée 139, 152. 278 perm&inenc:e 927
papyrus . 605, 6Zl. 628. 629 Pérou · -l22, 449, 590, 745, 843, 8.50, 857, 1158
Panocels · 153. 540 persanophones · 524
Panguay 196, 199, 866, 900 Persans · 205
Parana · 201 Perse · 52, 135, 161, 244, 299. 3-19. 357, 415, .UO,
Paris · 109, 217, 383, ~ 416, 429, 473, "811, -196, 427. 430, 435. 453, 463, 513, 533, 535, 609, 629,
526, 556, 673, 692. 810 699, 756, 751, 783, 787
PAris · 257 Persépolis · 254. 350, 505, 757
Parker ·828 Perses · 137. 161. 164. 197, 241, 253, 298, 299, m.
Parlement européen · 917 479, 480, 481, 482, 506, 663, 755, 756, 759
l'iuthes 263, 292. 298. 4 79. 481 Peste · 589, 590, 908
Parti populaire 5YT'en · 497 Pétain · 507
Parti pour l'Organisation d ' une Bretagne Libre Petit Véhicule · 371, 372
916 Petite Entente · 40, 48
Pasœur · 12 Pétra · 604
pasteurs . 242 pétrole · 100, 128, 242, 352. 425, 458, 474, 588,
pabUrcat . 307. 309 601, 631. 633, 634, 637, 692, 699, 700, 703, ni.
patriarcals orthodoxes · 442. 444 715. 719, 740, 744, 749, 753, 816, 822. 845,885,
PabUn:hes · 673 931
Pavie · 269 Peuls · 230, 238, 316, 317, 318, 319, 322
pavot · 849 Peuples de la Mer · 258, 615, 734
pays Baltes · 167, 305, 307, 513, 886, 917 Phalangis 1es · 683
pays Basque · 105, 184, 907 pha.raonisme · 495
pays de Galles 105, 301 , 569 Pharao ns 197
paysans · 108, 539, 752 Pharisiens · 295
Pays-Bas · 200, 220, 393, 470, 557, 696, 752, 853, pharmacie 771
861, 918 Phén icie · 257, 611, 615, 735, 757
péages · 638 Phénici.,ns · 185, 244, 254, 270, 292, 46?, 505, 603,
pêche · 608 604, 613, 615, 709, 735, 746, 871
pédophilie · 867 Philadelphie · 282
Pêin · 9, 403, 541, 542. 621, 636, 642, 656, 752, Philippe · 756
800, 823 Ph1hppc Auguste · 380, 389, 412
Pélage · 300 Philippe I« ·409
pélagianisme · 300 Philippe 11 · 392, 515, 532, 621 , 777
pèlerins . 420 Philippe l' Arabe · 297, 479, 537
1015

l'hillpl"' lt.! Bel . 390, 415 Pologne ·40, 79. Ill. 90. 92.. 130. 191. 1116. JIM.
l'hlllpl"' VI 453 307. 308. 395, 442.. 443. 509. 556. 557. 558. 661.
Phlllppines 43. 13b, 149, 152, 153, 220, 3311, 340, 850, 886, 887, 900, 913, 917, 920
J60. 364. 405. -119• .us. 523, 623, 632, 745, 746. Polorwla · 440, 444, 509, 882
7SO. 762. 8411, llSol. 862. 896 Polynésie · 1"5. 157
l'hlllpplrui . 585, 864 polytechnique 786
Phlllstms · 258, 73-1 Poméranie 500
l'hocolS · 538 pomme de ierre · 764
Phocffns . 261 Pompée 293. 294. 536. 735
phosphore · 740 Pompéi · 733
pholosynthèse · 748 Ponce Pilate 296
l'hryg.e · 162. 2IM Pont-Ewtin · 259, 260
physiciens · 803 pornop-iiphie · 867
phy•loaatie · 63 Port Arthur · 806
Pkot ·432 Port Harl>our · 72h
Pie V · 532. 533 Port Moresby · 145
Pie Xll 439 Porte · 426, 488, 494, 532. 575, 620. 773, 788
l'itmonl.als 506 porte-avions · 79t
pitmonlaise · 507 porte-conteneun · 862
Piene Le Grand · 307, 552, 909 Porte-Glaives · 3'11. 908
Pi.one l'Ermite · 408, 409 Porto-RkD · "3
piétisme · 448 Port-SaJd · 632
Pilsudski · 508 portugais . 281. 363. 780
l'inatubo · 745 Portugais · 137, 180, 312. 30l, 417. ·'18. 419. fDJ,
Pinto 471 612. 619. 632. 692. 761. 7fi2. 763, 774. 780. 781.
piralage . 852 783, 859. 860. 873
piraterie · 468,470, 626, 845, 858. 860, 861. 862 Portugal · 121, 129, 2113, 2114. 316, 418, 419, 556.
pirates · 703, 859. 864 &Ul. 613. 618, 619, 6Z2.. 662. 691, 752. 761. Tn.
Pirenne · 182,463, 478,551,605, 627. 629, 630 781. 782. 785, 874, 902
Pisans 413 portulans . 7B1
Pise 355. 617 Poséidon · 164. 735
Pisistratides · 261 Posidoruas · 262
Pizarre . 607 Posnanie · 913
pl.une . 793. 931 Postdam · 806
Plonification · 89 poudre · 774
Plantagenêls · 218 Pouilles · 853
plateaux · 189 Poutine · 576
Platée · 254 Prague · 109, 200. 251. 886
Platées 163 p~estination · 778
Platon 178, 746 p~ererminabon · 355
Pline · 262. 263, 576 , 60-I, 628 préhistoi.N · 99, 933
ro · 265. 268 Première Guerre mondiale 76
Poitiers · 179, 217. 384. 457. 460, 53 3. 567 Pretoria · 691 , 693
poi\'TC 312, 601 , 604, 607, 619, 761 Pn!tre Jean · 618
Pole N o rd 734 P~vesa 860

l'o lés1e · 191 Primoné · 578


l'olisano 122, 172. 173. 72l Prin ~ ~
· 284
Pohhque élra ngère et de Sécur i t~ conunune Prinœ-Elecœur de Saxe · 419
168 printemps de Prague · S
Pristina · 851
prix .!u baril 7lJl:I
tm6
'""'
~· · 70. 513, 118-1 Qatar · 141, 158. 349, 353, 641, 703, 744
production de mas9e · 773 Qays 492
productivi~ . 773, 785 Qazvin · 349
p~ de la ocicnœ · 777. 881 Qedun · 765
prol~tion · SlO. 816, 896 Qing · 539
prollféralion éGbque · 1196. 929 Qom · 349. 379
prolifération nucléaire 809 QoraTchltes · 526
propagande · 839 Quad"" · 263. 2b7
Prup~ . 281, 3A3, 356 Qu~bec . 274. 283. 284. 304. 574
prost1tulion · 846. 851. 853 Qulbécois · 304, 520
prottch>nlf . 239, 364. 435 quiétisme · 34 7
protetantisme 302. 365. 391, 393. 419. 423. 436, Quincy · 701,717
446, 474. 500, 520. 778
protetants . 302.. 304. 307. 338, 363, 396, 421. 423,
R
496. 522. 691, 861
protocole de Kyoto · 743 R.M.A. 827
Proudhon . 4'iT7 Rabat-Salé . 784
Provençaux · 384 race · 872, 878
Pro""""" 216, 217, 220, 469, 859 Rachid · 700
Pn:rvinœs-Unies · 612 racisme · 39, 507
Prusw 15, 109, 114, 129. 395, 500. 878, 879, 882.. racket · 846. 850, 852
908. 911, 912.. 913 Ramallah · 687
Prussiens · 420, 506 Rambouillet · 794
Prypec ·191 Ramleh · 679
Ptolémée . 262.. 298, 772 Ramsès ll . 614
Ptoli!mées . 535 Ramsès Il le Grand · 197
puisaanœ . 529. 562. 601, 604, 608, 625, 699, 765, Ramsès III · 258, 734
770, 775, 776, 780, 783, 785, 786, 791, 837, 840, Rangoon · 365, 748
843. 845. 858, 867, 868, 872. 889, 896, 8'!Tl Rapallo · 508
puissance de feu · 881 Raspail · 581
Puntland . 862 Rathenau · 877
purification ethnique 678 Ratzel · 31 , 33. 37, 73, 189, 507. 878. 912
Puritains 116 Rauier · 856
Pygmée · 179, 231, 7Zl, 747 Ravaillac 393
Pyrentts · 167, 184, 187, 188, 218, 395, 461, 465, rtrUe party · 854
S(Jl, 555, 662
Ravenne · 104, 264, 268, 269, 629
pythagoriciens · 12 Ravi · 654
Ray · 349
Q Raymond de Toulouse · 409
raz de marée · 734, 752
Qachqa 222 razzias 468, 526
Qadech · 614 Reagan · 88, 89, 422, 442, 796, 797, 810, 866
Qadicha . 336 réalisme 60, 893, 898
Qadiriya · 313, 317, 322 Rcnlpolilik · 36, 461, 462, 465, 532
Qalqily 687 Récarèdc I" · 267
qâltJI/ · 769 réchauffement climatique · 744
Qanqur 492 Reconquête · 618
qaoumiyya · 397 Reconquista · 585, 618, 873
Qaraqoroum ·415 Reevcs 803
Qasim · 574 Réforme 303, 308, 389, 391, 419, 474, 505, 531,
qât ·856 534,908,910
1017

Rltlfno." .400 Rhin · 73, 194, 199, 200. 201. 263, '1h7, 274, 302.
Rls'ohn'S barbaresques · 1159 506. 555. 663. 910
~on 906 Rhodes 135, 251, 259, 416, 469, 543, 678. tR1..
rfsionoll..,tlon 893, 897, H99, 900, 902. 906 735, 860
•nollsrn., ·9JO Rhodésie · 523, 690, b91 , El12
,..,. frontalièns · 918 Rhodien9 261
• n s lransfrontalièrcs · 918 RhON! · 199, 268. 384, 461 , 555
"llJUU1"'rneri1 familial 583, 844 Rh"""'ne · 757
Jlndo ·911, 912. 920 Richard Cœur de Lion 4U
Reims 21 7• 269, 383, 384. 387 Richelieu 8, 63, flil, 166, 274, 392. 393, 866
Relations lnternationnl"" 16, 99, 894 Rida · 496
rt1~1 ·100 Rideau de fer · '12
roligWuse,, . 895 Rift · 1113
rrbgion 289, 291, 474, 535, 777, 931 rimland · 52. 53
Rrnaissnnc,, 418, 581, 635, 763, 843 Rio de Janeiro · 762. M3
Renan · 108, 224, 497 Rio de la Plata · 201
Rmouvin 22 Rio de Oro · 761
""11e 588, 726 Rio Grande · 194, 662. 663
...,.lions · 77 Rio Martin · 784
"Pftsenlalions . 838 raque écologique · 740
~ - 908 Riviera · 617
Rtpublique 64, 4l4, 421 • 907 rivièe · 643
Rtpublique Arabe Unie · 412 495 682 Riyad · 9
République de Centrafrique : 122' riz . 560, 648, 752
Rtpublique française . 509, 571, 881 Robert de Normandie · 409
République islnmique · 350, 353 Robert le Fort · Zl 7
réseaux ·892 Roche · 409. 416
rêserves mondiales . 719 Rodinson · 492
Reslaur.ltion . 879 Rodrigue · 2b7
relroaction . 741 Rodriguez · 151
Rtunification · 915, 920 Roger · 468
Reussmark1 . 908 Rogtt Il · 412
Reuh!r · 787 Roger n de Sicile · m
Revanche 15, 64 rogue •lai• · 59, 60
Révolle arabe 365, 430, 431 , 432, 433, 496, 526, Rohingya · 587
593, 737, 884 Rois catholiques · 873
Rèvolution · 167, 274, 380, 426, 428, 471 , 4'Tl, 572, romain · 187
880 Romains · 161. 197. 245, 263, 265, N2.. 293, 296,
Révolulion dans les Affoircs MilitalTl.."5 827 2911, 382. 463. 467, 480, 482. 50&. 628, 735. 746,
Rèvolution des berceaux 574 805
Revolution française 200, 395, 426, 459, 495, Remanie · 331 , 416
569, 577, 'Tl2. 782, 786, 911 Romanov · 909
Rl!volution industrielle · 2..'8, 569, 592, 745. 763. R<>mans · 912
770, 773, 778, 785, 786, 787, 872. 878 Rome 178. 193, 255, 262. W.™· 268. 281. 292.
Revolution islamiqu" · IO, 91, 253, 351 , 502. 664, 293. 294, 295. 296, m. 301, 302.. l."11. 336, m .
708 383. 391, 408, 414, 438. 439, 441, 403. -l.07. 477.
rkolutlon militaire · 793 47!1. 481, 505, scn. 531, .5..'\3, 536. sss. 565. 574,
Révolution militaire 1128 604, 611. 613, .;29, 6'19. 735. m . !151. s7'J. 882.
Rez.A · 379 890, 910. 915
Rez.A Chah · 106 Romen> 423
Rh~nanle 263 Roms · 918
1018

Ramulus 193, 2118


'""''
S .D .N . 691 , 1140
RonC\!v•u~ - t&a S .S . · 507
R<>use\•ell · SO. 52. 701 . 717, SOio, 807, llSO. 885, S . T.A .R.T. · 637. 812
8117 S .W .A .P.O . · 691. 693
R"""nau · 893 Saada · 376
Ros.s · 151 Saadé · 497
RolhschUd · 878, 884 Saadiens · 186
Rouer.Jam 752 Sabah 152. J.10, 431
mue h)•draulique . 772 Sabr.>tha 271
Rouge · 197, 677, 895 Sabzav.tr · 349
""'8"°le 764 Sadate · 684, 706
Roumains · 2"'5. 246, 274. 397. 500, 882. 883 Saddam Hussein 425
Roumanie · 40. 48. 90, 92. 188, 199. 276, 284. 513, Sadducc!ens · 295
523, 543, 556, 714, 883 Sadi Carnot · 880
Rousseau · ;195 Safa 674
Route des Indes · 135, 426. 429, 6Zl, 631, 636, Safe<I · 674
762, 884 Safi · ll59
routes · 238, 625, 636, 711, 737, 738. 759, 760, 770, safran 405
774, 7111. 818 Sahara 170, 171, 173, 230, 240, 314, 317. 158, 398
Rouœ. de la soie · 551 . 552. 568, 635, 636 404,657,734,761,895, 903.930 .
Royaume anobe · 433 Sahara occidental · 721
Royaume des Serbes, des Croates et des Sahel · 315, 642
Slovènes · 40, 48 Sard 497. 775
Royaume-Uni · 570 Sard le Grand · 783
Rubicon · 565, 663 Saïda 667, 673
Ruges · 263 Saint Augustin · 300
rur.IWC · 242 saint Benoit · 442
Ruskin · 878 Saint Bernard · 187, 412
russe ·281 Saint Césaire 628
Russes · 276, 361, 426. 429, 471, 489, 499, 513, 514, Saint Cyrille · 302
523, 525. no, n 1. 787. 795, 796, 858, 909, 910 Saint Empire romain · 506
Russie · 8, 38, 48, 52. 64, n . 74, 81. 93, 102. 110, Saint François-Xavier · 363
114. 122. 124. 127, 129, 161. 166, 196, 265. 276, Saint Galien · 919
278, 306, 307, 308. 309, 350, 367, 368, 395, 396, Saint Hila ire de Poitiers · 300
420, 421. 425, 427. 429, 432. 435, 437, 444. 455, Saint Irénée · 300
471. 475, 502. 508, 509, 513, 544, 551, 555, 556, Saint Jean de Jérusalem · 874
557, 568. 576, 577, 578. 580, 613, 631, 636, 637, Saint l(jtts · 152
663, 680, 69'), 710, 714, 716, 743, 751, 792. 795, Saint Lambert · 385
809. 812. 813, 814, 818, 822. 853, 858, 877, 879, Saint Louis · 414
881 , 885, 895. 896, 897, 909, 910, 914, 930 Saint Martin de Tours · 384
Russie ooviétique · 815 Saint Méthode · 302
Ruthènes · 882 Saint N izier 628
Ruthénie · 40 Saint Pétersbourg · 909
Ruyter · 861 Saint Rémi · 269, 383
Rwanda · 240, 242. 284, 593, 657, 84D, 842, 848, Saint-Augus tin · 301, 331
903 Saint-Barthélémy · 392
Ryad · 353, 701 Saint-Benoit 385
Saint-Denis · 392

s Saint-Domingue · 762, 861


Sainte Ligue · 532, 874
S.A .L T. · 88, 797 Sainte Lucie · 284
~inl · l ~mpitc romain gcrma.nlquc · 221 Santo et Tilf'lil · 153
~înlL"-Sophi l? · 229 S..nlorin · 258, 733, 734
S.U.nl-Gt."Orgl."9 303 Sau Tome · 725, 752
:).llnlûm,ain 201 Sal)ne 2b8, 782
),unl-C.cnmdn l!ll l.Ayc · 40 Saoud ·431. 700
s.unH""n · 416, 469 Saoud le Grand · 493
:>uni Jc•n.J'Acrc · 412. 414, 415 Saoudiens · 375, 702. 703, 7CK
$,ainl· l..liurcnt · 201, 762 s.u.... 7U3
S.UOl·UJUis · 390, 409, 468 Sara11osse · 462
Soinl·Marc 463 Sarajevo 305, 1110
S.Ull·M•rtln 300 Sarakolés 241 , 319
S.ml· P•ul 301 , 467 Sarawak -340
Samt- P~lonbourg 307, 631 , 909 Sardaigne 133, 606
Si.ml·Pil?rre-cl-Miquelon · 284 Sargon li 253
S.ml-Sépulcre · 407, 411, 414 Sarrasins · 133, 199, 21&, 383, 3115, 187, 409. 461 ,
:;..n1.S1ègo 442 465, 508, 605, b17. Tn
<;.uni-Thomas · 2114 Sartre · 12
S."'11 ·364 Sassanides · 299, 479, 480, 481. 482
S.khalinc · 806 satellites · 792. 796, 797, 799, 1127
S.l•din · 412 satrapies · 757, 760
;alaflsmc · 359 Saturne · 293
Salamin~ 163, 254, 756 Saumur 393
Salaz.u 8 Sauvy 559, 566
Salem• · -169 SavUnbi . 691
S•füuya · 313 Savoie · 1118, zn.
395, 9117
Sahm Ill · 788 Saxe · 310
Sallmann -873 Saxons 263, 278, 383, 365, 386, 387. 409, "61,
s.Jmanasar Ill · 492 462. 912
!>.ilman;uar llJ · 615 Sayyed Qotb 359
Salomon · 152. 153, 673 Scandinaves · 605
Solonique · 76, 473 Scandinavie · 262. 263, 499
salpélre · 608 Schassburg · 908
Salvador · 123, 423, 448, 900 Schem ·671
Salzbour11 · 918. 919 Schenk · 908
Samarcande · 107, 524 Schlegel · 911
Samarie 253, 260, 671, 675 Schliefen · 880
Samarkand · 505, 636 S.-l1mill · 161
Samoa ·151, 153 Schmoller · 911
Samon 318 science · 262. 7b5, TT5
Samory 238 s.:tentologie 86b
Sa111sân1 369 Sc1pion · 467
S.:m Francisco 807, 840 Scythie · 259
San Remo · 434, 674 Sébastien de Portu11al · &21, 859
S.:m Salvador · 762 Sêb.'\Stopol · 429
samlinislL-s · 422, 423 sécessionnisnu.-s · 897
Saud/me hderuahouul · 843 Secher 569
S.mdwich · 141 .....:tes · 335, 373, t\64, 866
S..nuar 736 Sedan · 1%, 663
S.nhaja 314 •édent01ires · 221 , 242. 519, 526, 566
san.•krit · 481 sédiments · 586
S.nta l'e 422 Séfévides · 3"9, 351, 357, 358, 379, 477
1020

11etgneurle · 505 Siom · 541


Seine 193, 194, 198, 199, 217 Sibc!ric · HJ, 177, 4H9, 551. 753. 914 Jiii
.... 314,649 2611 293
Sicile · 133. 135, 13H, 219, 257, 2 60• ' ' '
605 606
SeldjoukJdes · 229. 2.10, 349, 407, 408, 412. 455, 355, 409, 412. 466, 467, 471, 474 • 557' . . .
542. 5.'i3, 576 617, 756, 852, 1:15~, H59, H60
Séleuclds 292 S IDA 243
Séleucie · 112. 5.'\5 Sidon 254, 603, 615
Sëlim 1er · 620 5i&? lognc Sc!l!lcl · 151 , tW8
761
Sélim Ill · 426 Sierra Leone 241 , 242, 310. 318, 7 48•
Sémites · 533. 550, 555 Siffin · 347
Semnons 2b3 Slgcbcrl · 384
Sénat ·896 S•jilmassn · 314
Sén~al · 69, 122.197, 238, 241, 284, 310, 314, 315, sikhisme · 405, 406
317. 321. 606. 849 sikhs 405, 406, 849
Sénèque · 95 Sikkim · 823
Senkaku · 153, 818 Sil~SI<! . 40, 82, 220, 500, 908
Senn.acherib · 615 Simko · 477
So!noussls · 358, 404 Simla · 364
9iénoussisme · 380 Simon de Montfort 389
Senti.., Lumineu• · 843, 850, 855 SinaY · 172, 180, 673. 679, 682. 684, 695
Seoud ·n7 Sind · 364
Séoul · 138 Sindis ·401
sél""atismes · 845, 846, 851, 894, 895, 896, 897, Singapour · 34, 46, 136, 340, 360, 632
930 sinisation · 518
Septimanie 269, 461 Sinkiang 189
Sérapis · 293, 295 Sinope · 259
Serbes · 40, 245, 247, 305, 306, 327, 328, 330, 397, Sintis · 918
509, 556, 581, 794, 879, 882 sionisme · 42, 295, 407, 434, 437, 438, 581, 659,
Serbie · 78, 92.. 121 , 199, 249, 305, 330, 442. 515, 665, 673, 674, 683, 687, 704. 881. 884. 913
543, 699, 882. 897 Sipadan · 138
Sen:ey · 765 Siphnos · 260
xmngunos . 747 Sissi ·880
oervice militaire · 879 situation · 35
service national · 572 Sivas · 787
5'1!thi , .. . 614 Skud · 820
Sévères · 479, 536 Skumb1 · 328
Sèvres 41. 475 Skyros · 755
SeycheUes · 142, 151, 153, 285, 634. 752 Slaves 268, 327, 384, 420, 508, 879, 882, 912
Shaba ·354 slavismc · 500
Shah · 664 Slesvig · 262, 882
Shah Abbas · 739, 765 Slidell ·114
shaivisme · 481 Slovaques 304, 305
Shakespear · 431 Slovaquie · 40, 267, 524, 557, 900
Shan ·849 Slovènes · 40, 509, 882
Shanghai · 752 Slovénie · 40, 82, 92, 167, 919
Shekku Ahmadu · 318 Smith · 426, 570
Shetland du Sud · 141 Smyrne · 229, 787
Shikotan · 142 socialisme · 498, 507
Slùllouk · 240 Société des Nations · 571
Shirnabara · 363 socio.;,conomique · 895
Shoah ·593 sociologie · 898
1021

So<tJlra ·619
Sl<om-&ool ·'1113
Sof1l1 ·619
steppe · 177, 204, 265, 300, 556
Sofla ·882
oœppee · 205
SogJlanr 757
51'"11 · 678
.... (>(M, 629
~~ · 735
Soi"""' 383, 386 Stockholm · 77, 742
Sot.Dio · ll 8, 322
Stoiber ·917
..1 :\4 Slorn · 430
Sol.Du 913
Strabon . 182, 604
SoliJ.uilf . 395, 440
Strasbourg · 387, 916
Sollmon 470, 543 Stresemann · 912, 913, 918
Sollman racha . 390, 620 Stromboli · 733
Soljenitoyne · 867
Stuart 395
Solution Finale · 592 stu~ts . 845, 846, 850, 852
SomaUo ·310, 311, 374, 631, 636, 841, 848, 862 Styrie . 220, 918
SouWis . 311, 609
Sud · 579
Somme 383 Su<iMe · 39, 40, 252, 513, 913
Sommet de Rio · 742, 747 Sudiste · 113
Somoza ~23
Suède · 308. 393, 556. 1182.. 902
Sonde · 539, 733 Su~ois . 199, 'JUT, 506
Songhal 315, 316 Suèves · 263, 267, 383, 461
Sorobes 918
Suez · 34, 46, 180. 4D4. 427. 429, 4.35, 473, - ·
Sorbonne · 13, 73 620, 627, 632, 633, 636. 637, 677, 679, 681, 6112,
Soudan · 59, 192, 197, 240, 241, 243, 310, 313, 316, 704, 706, 712, 736, 737, 739, 764, 7112, 783. 884
317, 319, 320, 321, 326, 358, 359, 403, 425, 430, Suisse · 182. 283. 285, 555, 850, 851, 853, 882. 918,
4ll. 433, 454, Wl. 635, 657, 659, 660, 661, 662, 919
695. 722. n4. 848, B60 Sulawesi 340
Souda.rais · 230, 320, 328 Suleirnan le Grand · 427
soufisme · 357, 361 Sulu -340
soufre ·740 Sumatra · 149, 6C17, 619. 632, 746
Soupsa ·n4 Sumer · 193
Soulou · 807 Sund · 631
souveraineté · 215, 643, 644, 663, 793, 795, 809, sunno · 343. 346. 356
837, 840, 871, 889, 892, 893, 896, 897, 899 s unnisme · 311, 313, 315, 346, 352. 355, 454. 4!13,
souverainisme · 304, 574 502. 574. 700, 7ID
Soviétiques · 279, 424, 440, 455, 681 , 803, BOS. sunnite · 186, 336, 346, 347, 354. 357. 372. 373,
81J7, BB5 376, 424, 425, 427, 455, 524, 526, 683
soviélisme · 647 superficie · 35
Sparte · 162, 163, 164, 166, 259, 612, 735. 755. 756 Surinam · 857
Spartiates 755, 757 Suse · 757. 758
Spengler · 532 Sutlej · 654
Spolèlo 268 Svear · 199
Sporades · 545 Sykes · 365, 432
Spol 797 S ykes-Picot · 884
Spoufuik 805 Sylla · 293
Spralleys ·152. 153. 540 synthèse · 854
Spykman · 52, 53 Syr Daria · 644, 1>45, 646, 647, 753
Sri Lanka · 151 , 363, 366, 367, 849, 868 Syracuse · 756
Staline · 8, 16, 81 , 225, 276. 309, 440, 441, 444, 508, syriaque · 337
521 , 524. 553, 593, 806. 885, 914 Syrie · 41, 60, 104. 124. 135, 183, 184. 185, 186.
ST ART li . ·897 230. 244. 260, 293, 299, 332. 333, :ns. l50. 355.
1022

356, 357, 362. 377, 407, 411, 412. 413, 416, 417, tn11qiyyri . 574
41 9 . 420, 424, 428, 430, 431, 432. 434, 435, 441, Tilrdlcu 67
449• 454, 465, 468, 479, 480, 481 , 482. 492. 497, Tanmlc 617
51 3. 515, 526, 537, 543, 576, 614, 615. 616, 617, lnriqd · 317
626, 627, 641. 644, 645, ""6, 672, 677, 678, 681, Tartcs~o!' · 615

704. 735. 759, 813, 858 Tnl<lT!i · 276, 552


Syrie franqu~ . 413, 415 T;:11arstan · 276
Syriens 296, 411, 463, 676, 679, 680, 682 Taurus · 673
Syrn.,. 358 Tawi~T."lwi 340
système-monde 779. 871 Taylor · 241, 849
Sz.>klers . 244 Tchad · 122, 171, 173, 183, 239, 284, 310, 319, 323,
722, 724, 848
T tchagalay · 488
Tchéco•lovaquie · 40, 48, 79, 90, 92,. 105, 252. 361,
T.1.C.E. · 809, 823 524, 558, 886, 913, 917, 931
T .M.D. · 812. 819 Tchèques ·304
T.N.r 809 Tchéquie ·850, 900, 917
tobac · 764 Tchetchi'nes · 552, 853
Table Ronde . 878 Tchétchénic · 93, 276, 360, 719, 828, 840, 858, Pf17
Tabqa · 645 technique . 562, 589, 694, 737, 764, 765, 775, n6,
Tabriz 739, 765 789, 794, 803, 831 , 890, 896, 898
Tachkent · 276, 636, 638 Tedas · 323
Tacibe · 262 Téhéran · 9, 107, 350, 353, 491 , 716, 888
T adjikis1an · 348, 350, 524, 645, 650, 842, 855 Tel-Aviv · 659, 660, 675
Tadjiks · 350, 427, 524, 553, 930 télécommunications · 793, 827, 890
Ta!'f 333 télédétection · 798, 799
Tafna 400 température · 751
Tahert · 314 température de la Terre · 745
TahtlWi 495 Templiers · 390, 411, 865, 872
Taiwan · 153, 256, 445, 540, 717, 718, 812. 813, Tenedos · 631
814, 819, 854, 862 Terre · 796, 797
Takeschu · 895 Terre de Feu · 901
Taklamakan · 279 Terre sainte · 408, 413, 414, 436, 618
Talibans · 90, 350, 359, 361, 427, 491, 552 Terre-Neuve · 762, 806, 885
Talsit · 721 Terreur · 569, 803, 862
talweg · 187, 194, 195, 640, 663 territoire 895, 896
Tambora · 736 Territoires occupés · 689, 706, 840
Tamerlan ·488, 543 terrorisme · 452, 548, 813, 864
tamouls · 868 Tessin 918, 919
Tamouls · 366, 406, 446, 849 Tétouan · 784
Tancrède · 409 Teutoburger Wald · 910
Tancrède de Hauteville · 468 Teutonique · 307, 908
Tanganyika 182. 194, 524, 690 Teutons · 255, 263
Tanger · 64, 65, 784, 859, 880 Texas ·1179
lanlcers · 862 Thaîlandais · 864
Tannenberg · 908, 911 Thal1ande · 122, 196, 201, 360, 371, 446, 634, 7-18.
Tannou-Touva ·279 849, 853, 864
Tanzanie · 310, 311, 320, 455, 524, 657, 659, 690, Tha!s · 187
693 thalassocratie 177, 182. 257, 603, 611, 616, 621.
tanzimat · 396 735, 765, 793
Tapline · 705 thalassocraties · 1178
1023

.N'-'Politlque · 601, 611, 619, 621 Tirpitz · 34


11\.l!>Ud 71 T ito · 8, 245, 888
Tlemcen · 859
"'""" :!f.11
ThNlft Mlsode Derense · 812 Tobago · 149, 153
TMbe 259, 7JS, 755 Toghrul·Beg · 229, 407
Th!mi>h><le · 163 Togo · 129, 284, :no. 318, 723
!Modorlc 268 Toison d 'Or · 257
!Modooel• ·264 T ok.elau · 1 St
"""'1- ••Grand · 264 Tokyo · 138, 364. 541, 752. Biii, 846, 116S
Th!<>log1e de la Ubération · 422. 423, 442. 448 Tolbiac · 269, 383
Thtn 733 T oltde · 465. 629
~261 Tombouctou · 315
n-11• 184 Tong;o · 145, 151
n.....JiON · 259, 735 Tonkin · 716
n-alonique · 264 topolog;.., . 24, 169
Thoudebert · 383 toponymie . 201
Thoudenc ·383 Tordesillas 419, 613. 873
Thom · 11 Taros 240
Thoutmosis 1~ · 614 T œ;cane • 205, 220, 268, 555
Thoulmosis Ill · 614 Tosques 328
~ . 40, 82. 162. 260. 480, 882 Touar~ 175, 238. 239, 31.4
nu.... onentale · 883 Toucouleur.; 24"1, 316, 31.7
Thr...-.s · 245 Toulon 860
Thwol 104, 128, 130. 172. 178, 211. 248, 251, 404, Toulouse 217, 267, 461
-187, 499, 523, 587, 638 Tourfan Zl9
Thucydide 7, 257 Tours ~387
Tibtriade · 183, 667, 669, 673. 674, 680, 683, 689 Toutmosis fil 197
Tibesti ·173 Touvinîen.s 280
Tibet · 105, 176, 189, 371, 539, 653, 656, 821. 823, Toynbee 17, 530
'iNl tr.ule 238
Tibmins 189, 718 ~ ABM -159

Tibre · 193, 617 tra1té de non prolifération iiiiCl


tidJM"' · 317 Traité de Versailles 37, 40, 7-\, 7
Tien Olan · 645 435, 63-1, 663, 691, 914
Tim-Tsin · 642 traite des esda es · 315
TlelS Monde · 10, 90, 422. 520, 624, 772. TTS, 804, traite d'esclave · 313
S0.854 Tr.ùté d 'interdiction complète des
Tior5-Êlat . 428 nucléaires · 809
Tigre · 112. 192. 193, 535, 643, 644. 645, 663, 666, traité d'interdiction des essais nudéau:es 8%
738. 753, 758 traite européenne · 591
Tigiéens 10, 325, .us. 930 traite musulmane 238, 318
Tigres . 849, 868 traite négrièTe · 591
Ti1a111ya · 317, 322 Traités inégaux · 541
Tijitmassa 314 Trajan · 296, 298, 604
TimlS<>ilr.l 840 Transcarpathie · 3IY7
Tlmok · 193 Tran...-..caspie 525
Timor 146, H9, 151, 929 Transcaucasie 326, 327, 429. 739, 909
Timor oriental · 446 transferts de l'echnologie · 876
transfrontalière · 918
Timour ·m
Tippo Sahib · 426 Transjcirdanie- · 42. 434. 437, 1>74. 675, 6Th_ 6",
b78, 700
Tiran.a · 851
\ll24

Tnuule1thmlic 91ll 543, 5H, 553, 5115, 5\13, 606, 612. 613. 619, •lit
Troruo.m,-.t · n 1 714, 7:17, 7Hll, H51>, 1160, HT.l, 91l'J
transmigration · 3611, 74t>, 747 Turgul O.l
rransnational · 22. 84.5. 114t>. 86S. 116f,, 889, fl91. T urin JKH
119..'. 897. 11911 l"urh'Stun · 201, 229, 265, 279, 411H, 4H9, 69'J
Tran:i0Xi6ln~ · :\56 TurkL~tan chinois 5.44. 56H
transport . 8911 Turkl!st.\n rus ~ · 553, 568
Transylv.mie · ·Ul, 2-H. 245. 267, 513. 52.1, 557, Turkmèn''S lll7, :150, 5!>-1
8113, 90ll Turkménistan 128, 276, 361 , 4119, 525. 552. f>IS,
Tn!bi.zand<• · :?().&, 739, 76S 710
trcn\tilemcnts de terre 73..1 turque · 184, 202, 274, 356, 699
Trente · 277, 920 Turquie · 9, 41, 59, 108, 128, 130, 2119. 337, JStl,
Trentin 40 361, 425, 433, 450, 474, 475, 477, 488, -189, 491,
Trèws 104 494. 500, 502. 513, 543, 544, 545, 552, 583, 631,
trêves · 5411 639, 641, 643, 6-M. 667, 673, 680, 712. 714, 788,
Triade ·11119 8H, 84U, 114..1, 853, 1157, 882. llH6. 895, 897, 901
Triangle d 'Or · &19 Tutsis · 240, 243, 450, 522
Tnanon 40, 2J7 Tu\•alu · 145, 150, 752
bibunaux islamiques · 3.23 typhus · 764
tribus 211, 221, 265, 525 Tyr · 254, 412, 603, 613, 615, 757
Trieste · 277 tyrannie · 261
trigonométrie · 771 Tyrol · 607, 919
Trinidad 149, 153 Tziganes · 592
Trinité · 2'Tl
Triple Entonte · 75, 879 u
Triplice · 879
Tripoli · 240, 271, 355, 411, 416, 469, 470, 1159, 860 U .C.K. · 331, 851
Tripolitaine · 271, 404 U.E. · 579, 900
Tripura · 587 U .F.C.E. 915, 917
Troie · 257 U .N .I.T.A. 691
Trois Gorges · 744 U .R.S.S . · 8, 9, 16, 87. 129, 130, 225, 276, 279, 308,
Tromelin · 151 326, 337. 489, 513, 578, 641, 646, 648, 682. 710,
Tropique du Cancer 310 806, 809, 812, 813, 815, 886, 896, 915
Tropique du Capricorne · 310 ubac · 189
Truman · 53, 677, 714, 806 Ubiens 263
tsarisme · 881 uchronie · 248, 487
Tsiganes · 514 Ukraine · 59, 79, 82, 245, 307, 309, 440, 442. #1,
Tsushima · 879 509. 515, 543, 557, 593, 712, 809, 857, 909, 910
luberculoae · 764 Ukrainiens · 305, 380, 440, 593
Tulhann · 687 Ulster · 303
Tulkarem 677 Ummn · 372, 397, 502
Tunis 112. 414, 532. 606, 615, 686, 859, 860 unialL""S · 444
Tunisie 69. 113, 135, 171, 348, 355, 359, 721 uniatisme · 305, 307, 380, 500
turcilé ·434 Union des KossovaB ·916
Turco-Mongols 280 mmm Joumufrt! 900
turcophones · 326 Union douanll)rc et économique de 11 Afrique
Turcs · 184, 201, 2112. :zo.a, 205, 222, 229, 230, 302, cent rale · 900, 902
328, 330, 349, 357, 390, 395, 397, 399, 407, 411, Union du Maghreb arabe · 903
415, 416, 429, 430, 431, 432, 433, 435, 455, 465, Union e uropéenne ·J04, 469, 544, 555, 581, 5112.
469, 470, 488, 506, 509, 514, 525, 531, 532. 542, 637, 743, 801, H13. 814, 1119, 893, 897, 900, 902.
917, 918
1025

l 11\k"W1 ~ih'allale des Communautés Ethnlqun v ..ru...1311, 161, 220, 355, 416, 463, 472. 532. !13a.
Wro~- 915 557, 605. 606, &Ul, 612, 613, 616, 617, TS1, 7"3,
Union •lovtne . 916 781. 860. 875, 890
LloionoovitUqu" · 89. 128.142. ln, 276. 309. Vénitiens · 413, 532. 61.17, 620, 764. 779, 11"'1
1111, 523, S51. 593, 594. 706. 714. 8U3. 901, 930 Voénua · 735
.W..,...llsnie "Jll Verden · 386
UN-.asitf 24 Verdun · D6, 884
Uni>-...114! S.tnt-Jooeph · 420 verre& carTecteun · 712
Urboudl ·-IOll verrous 638
url>onlMlion · M3 Versa.ill"" 912
liN~y · 196, 201 , 861>, 900 Vervins · 392
UN""!• . 2'9. 6311 v...puien 295
..w ·7115 V espw:ci 7tJO. 762
usines 'ilT1 Vésuve · 733
\Jbqu• 615 veto · 8Cfl
Utncht ·7112. 861 Vico · 7
Uttar Pradesh · 655 Victoria 182. 657, 690, 6!M
Vidal de la Blache · 74. D3
V Vidal de L1o Bla.che · 23
vieillissement 582
v.rdw ·243 Vienne · 109. 200. 364. 416. 509. 556, 1179, 90'J, 911
''üihnaVisme · 481 Vietnam · 12. 54, 87. 122. 130, 153, 187, 196, 197,
Vol! d'Aoste · 2113 201 . 283. 371 . 445, 451, &96. 792. 818, 821, 839
V.i.chie 5'13 Vietnamiens 541
V.Jais 2113 Vieux de la Montagne 4.53
V..tmce 264 Vieux Monde · 62-l
Valby 535 Vikings · 194. 198, 255, 557, 605. 779
V.Jais ·392.m vilayet · 364, 432. 475
V.anrouver · 552 Villehardouin · 409. 416
Von.laies 133, 263, 267, 383. 699 Villers-Cotterêt · 274
V.muatu · 145, 153, 285 VtlniUS 251
vapeur · 737, 780, 783, 785, 786 vins · 627
Vardar 184 viol · 867
valègue ·282 violence 867
Valègues · 282. 499, 557, 605 Virginie · 116
vuiole · 590, 764 virus · 764. 868
VUWi 263 Visegrad 558. 900
Vosco de Gama 618, 873 Vistule 263, 558
1·....,lilé · SOS Vladivostok · 110. 552
\latnlllnds/1td · 911 voile · 4t>O, 779, 78...l
Vallcan 9, 306, 379, 420, 422, 424, 439, 440, 441 vokan · 736
Vilican Il · 451 Volga 193. 3ti0. 489, Sol2. 552. 605. 710. 909
Vaud · 283 Volh~· ni.~ 909
Ve.los ·370 \'t•lk . 911
1·1!dique ol06 \.·\ ,lksbt4ml qto
Véhicule !onirique · 371 \/oll.s:<n'J'pt.'11 · QlS
\'md~ 569, 593 \'1.1lks tuui · Jlfl
Vmt!tie · 301, 387, 919 Volta · 314
Venezuela · 153. 744, 762, 850 Voltain.- 495
von Lohausen · 507. 557. 623, 921
Vosg.,. 189
1026

Vouillé · 267, 269 Yaz~Ji · 495


Yt>men · 102, 140, 171, HIS, 311 , 32J, 346, l7b,
w 454, 543, 6011. 609, 682. 700, 702. 711l, 1151.. 1195
Yém~n•te!' · 661, 703
\Va · 849
yëzldis · 186
Wan.'fJ 865
Yong-Lo 6::?1

W•d• d-Arich 673 Yorubas 241, 3111, 322


Wagema.nn 589 yougoslave · 226. 841
Wagner · 15, 911 Yougoslilvie 40, 82. 92, 245, 288, 305, J61. -MO,
WahNb ·493 442, 543. 696, 719, 794, 810, 841, s.12. 888, 8%
916, 931 .
wahhabism" · 316, 320. 352. 355, 356, 357, 359,
361, 380. 434, 441, 458, 493. 585. 701, 704, 717 Yuan 539
wahhabire · 322. 353. 358, 375, 527, 700, 704 Yunnan · 587, 849
\Valdec:k Rousseau · 68
WaldseemUller · 762 z
Wallis et Futuna · 145
Wallonie · 283 Z.E.E. 624
Waltz · 21, 54, 56. 893 Zacut 777
Washington 9, 167, -123. 687, 805, 806. 813, 818, Zaghloul · 495
897, 902 Zagros · 106, 112, 222. 223, 228, 280, 480
Wazani · 670 Zahleh · 420
_,, ·859 Zal'd · 375
Weber · 30I, 520, 589. 778, 894 Za1m · 678
Weimar · 877 Zarre 122, 201. 240, 2.u. 284, 451, 657, 691, fl12.
Weizman 673 842, 849, 865. 903, 930
W•ltpolitilc · 36, 435, 920 Zambèze 690, 692, 693, 694
Westphalie · 166, 195, 200, 282. 393, 395, 663 Zambie · 692. 693, 694
Whigs · 115 Zand · 477
Wilrocks · 737 Zanzibar · 135, 238, 311, 313, 374, 524, 591. 690,
Wilson · 115, 807, 878, 883 761 , 783, 784
Windheok · 691 zaouitLc; · 404
Wisigoths · 263, 264, 267, 383, 630 Zara · 532
Witukind · 386 z.aydisme · 186, 311, 313, 346, 375, 376
Wolfowitz · 801 Zélotes · 295
Wolofs · 317, 319 Zengi · 411
World TrrJJÛ Cnrtn · 425, 455 Zénon · 267
Zeus · 293, 757
Zheng He · 621
X
Zielogne Sessel 153
Xerxès · 254, 292, 479 Zimbabwe 243, 523, 691, 692. 693, 694

Xinjiang · 105, 175, 279. 539, 544, 568, 656 Zollvrrei11 · 78, 911
Zone de Coopération c!conomique de la mer
Noire · 901
y
w11c de 1ibrt-écl1a11ge. 900
Zone &onomique E•clusive · 136, 710
Yahvé 295
zone grise · 843
Yahyà ibn Hosseln al-Rassi · 376
Zones &onomiques E•clu•ivcs · 624
Yakuzas · 852, 854
zoroastriens · 344
Yalta · 442, 564, 807, 885
zoroastrisme · 280
Yambo · 431
Zurich · 912
Yang-Tsé · 560, 561, 639
Yarmouk · 645, 669, 674, 680, 681, 683, 689
TABLE DES CARTES

1. L empire colonial nllenland .-. la veille de la Premi~re Guerre mondiale et les visées
1

annexionistes ............ .. . . ... .. ... ................ ........ ...... . .. ...................... 32


2. L'expansion des États-Unis à partir de 1867 ........... ... . ...44
3. L'Empire britannique à la veille de la Première Guerre mondiale....... .. ............................. 47
4. Lelle11rtlm1d, la théorie du pivot de Mackinder ........................................................................... 49
5. Le rimlami, l'encerclement par les rivages, Spykman .... ... .......................................................... 51
6. O.T.A.N .• pacte de Bagdad et O.T.A.S.E. dans les années 1950,
une application de la théorie du rimland .......................................................................... ........... 55
7. La progression de 1'0.T.A.N. depuis la fin de la Guerre froide ............................................... 57
8. Les États parias .............................................................................................................................. 58
9. Le choc des civilisations selon Samuel P. Huntington .......................... ...... ............................ ... 62
10. La polarisation du monde durant la Guerre froide ........... .. ............ ................ ........................... 86
11. L'échelle de latitude de la puissance géopolitique .................................................................. . 103
12. Deux capitales au bord d'un fleuve : Brazzaville et Kinshasa .......................... ...................... 110
13. L'enclavement du Népal ............................................................. ... .............................................. 118
14. L'enclavement du Bhoutan .... .. .. .................................................................................................. 119
15. L'enclavement de l'Ouzbékistan .................... ................ .......... ................... ........... ..................... 119
16. L'enclavement de la Mongolie ................................... .. ........ .... ........... ...... .. ... ...................... .... ... 120
17. L'enclavement du Laos ..... ............... ........ ... ....... .................... ... ..... ...... .... ..... ...... ....................... ... 120
18. La dynamique d'enclavement de la Serbie à partir de 1990 .................................................... 121
19. L'Afrique francophone enclavée ................................................................................................. 123
20. Les dynamiques de désenclavement au Moyen-Orient .......................................................... 125
21. Le Grand Jeu au XIX• siècle entre la Russie et l'Angleterre .................................................... 126
22. Le Grand Jeu au XX• siècle entre la Russie et les États-Unis ... .. .............................................. 127
23. L'enclave de Kaliningrad ................ .............................................. ................ .... ........................... 130
24. Malte, Wl exemple de relais insulaire ........................................................................... ............. 137
25. La revendication du Japon sur les îles Takeschu ...................................................................... 139
26. L'île de la Nouvelle-Guinée : une insularité partagée entre deux États .............................. .. 140
27. L'ile de Bornéo : une insularité partagée entre trois États .... ................................................... 140
28. Les iles Hanish du Yémen, gardiennes du détroit du Bab el Mandeb
et convoitées par l'Érythrée; situation générale : sortie de la mer Rouge
sur l'océan lndien ....... ......... .......................................................................................................... 141
29. L'archipel des Kouriles : contentieux géopolitique entre la Russie et le Japon .............. ...... 142
30. L'Argentine et les relais insulaires de l'Atlantique Sud ... ... ..................................................... 143
31. Nouvelle-Calédonie: zones d'influence et zones économiques exclusives
de l'Australie, des États-Unis, de la France, de la Nouvelle-Zélande
et du Royaume-Uni dans le Pacifique .......... ...... .......... ................. ............................................ 147
32. Les ensembles mélanésiens, micronésiens et polynésiens ...... ..... ............ ... .................. .......... 148
33. Les Comores dans l'océan Indien ..................................................... ......... ......... .... ............... ... .. 154
34. Détail de l'archipel des Comores ............ .. .... ........ ........... ............... .................. ....... ... ......... ..... .. 154
35. L'archipel des Spratleys : les relais insulaires des puissances .............. ... ............................... 155
36. L'archipel des Spratleys : détail ............. ........ ................................ ............. ......... .. ..................... 155
37. La Méditerranée américaine ..... .. .... ................................................ ....................................... .... . 156
38. Les Petites Antilles : relais américains, anglais et français .................. ................. ....... ........... . 157
39. Les péninsules européennes et les points de contact.. .................... .. ........ .. ............................ 159
40. La logique archipélagique de l'Indonésie ................................................... ......... ....... ............... 160
41. Le litige territorial du Sahara occidental ... ................................ ......... .... .... . ......... ................ ... 172
1030

42 Les litiges frontaliers de l'Arabie Saoudite avec le Yémen ...................................................... 176


43. L'isthme de Suez, de la Méditerranée à l'océan Indien ............................................................ 180
44. L'isthme de Suez dans le contexte régional.. ..... .............. ........................... ............................... 181
4S. L'isthme de Panama ....... ............................. .. .................. ................................................ .............. 181
46. Les hauts plateaux du Tibet dominant la plaine chinoise ....................................................... 190
47. Le plateau du Golan ................................... .................................... .. ............................................ 190
48. Les fleuves en Amérique latine ..................................... .. ....... ..................... ....... ......................... 195
49. L'Afrique des États .. ... ...................... ........................................... .......... ......................... .. ............. 232
50. L'Afrique des ethnies ............. ..................... ................ .................................................................. 233
Sl. Peuples et États en Europe centrale .................................. ....................... ........................... .. ...... 234
S2. Peuples et États dans les Balkans .. ........................................................................ ...................... 235
S3. L'Asie centrale: le monde iranien ............................................. ................................. ...... .. ........ 236
54. L'Asie centrale : le monde turc ............................. ........... ............................................................ 237
SS. Le conflit identitaire de Transylvanie ................. ........... ..................................... ....................... 246
S6. Le conflit identitaire du Haut-Karabakh ....................... .. .. ............................................. ........... 247
S7. Le conflit identitaire du Kosovo ................................................................................................. 248
58. La Grande Hongrie ..................................... .......................... ........................................................ 249
59. Le peuple albanais à cheval sur les États ................ ........... ..................... .. ................................. 250
60. La Grande Bulgarie ..................... ................................ .................................................................. 250
61. Les invasions barbares au V• s iècle ................................ ..................................... .. ..................... 266
62. L'étendue de la langue françai se dans la France de 18SO .... .. .. ............ .................................... 275
63. L'Afrique franco phone et anglophone .................. ................................................................... .. 277
64. L'espace politique de la Francophonie .. ......................................................................... ............ 286
65. L'espace politique de l'anglophonie : le Commonwealth ........................................................ '2B7
66. Les conflits dans le monde, avec ou non présence du fait religieux ............ .......................... 290
67. Populations arabes et noires sur le continent africain et frontière christianisme-islam ..... 324
68. Les accords de Da yton : création e t partage de l'État bosniaque ........... ................................. 329
69. Les minorités chrétiennes d'Orient ............................................................................................. 330
70. Les communautés du Liban ....... .................................. ......................... ...................................... 336
71. Le sécessio nnisme des musulmans Maros aux Philippines .................................................... 339
72. L'expansion de l'islam au VII• siècle ................................................................................ ..... ..... 342
73. Les grandes lignes de partage du monde musulman : sunnites, chiites, kharidjites .......... 345
74. Irak ; situation des populations, densités, zones d'exclusion ................................................. 352
7S. Les minorités chré tiennes et musulmanes en Birmanie ................................. .. ....................... 366
76. Le sécessionnisme tamoul au Sri-Lanka ... .... ................................ ...................... ....................... 367
77. Les religio n s en Asie .............. ...................................................................... ........................ ......... 368
78. L'ibadisme en Oman ....................................... .... ........... ...................................... ....... .. ................ 374
79. Le zaydisme yéménite ............... ............................................................. .. ................ .................. .. 377
80. Jérusalem, ville sainte .... .. .......................................................................... ........ ... .. ................. ..... 378
81. La Gaule mérovingienne .............. ...... .............. .. .................. ..................... ............... .................... 381
82. La Gaule carolingienne ............... ................ ..... ............. ..................... ....... .............. .. .. ...... .. ......... 388
83. La France face aux Habsbourg et l'alliance avec le s princes protestants et les Turcs ....... ... 394
84. Les re ligions en Inde, Pakistan, Banglades h ... ........................... ......... .................... .. .. ....... .. ..... 402
8S. Les Croisades et les États crois és du Levant ....... ....... .............. .. ................................. ....... .. ... .. 410
86. Les Kurdes .......................... ....... .............. ....................... ................... .............................. .............. 476
87. Le panturquisme: turcophonie et limites de l'Empire ottoman .............................. .. ............. 490
88. La représentation du panisme arabis te : la natio n arabe de l'Atlantique au Golfe .............. 493
89. Le pan-tutsisme en Afrique ........................ .. .................................. ..... ....................... .. ............... 501
90. L'immigration méditerranéenne en Europe occidentale (2000) ...... ........................................ 517
91. Pays d'origine des Israéliens ....................... ................................................................................ 518
92. Les détroits turcs ...................................... .. .. .............. ................. .................................. ..... ........... 632
Table des cartes 1031

93. Les détroits malais ..... .......... ...... ........ .. ... ....... ............. ................. ... .. ... ...................... ................... 633
94. Les nouv~He~ 1·outt."s de la soie russes, selon Rogov ......... ......... ...... ........ ............ .................... 637
95. L'eau au Moyen-Orient, rivières, fleuv es et limites des déserts ......................... .. ......... ......... 642
96. Le bassin du Nil ... ... .......... .. ..... ............ ........ ........ .. ...... ... .... ....................... ... ...... ....................... ... 658
97. L'e,1u .1u Liban .... .................... ...... ..... ........ .... ......................................... ..... .. ... .. .. ......................... 668
98. Pn1bléme de l'eau entre lsral!I et ses voisins : le bass in du Jourdain ......... ............................ 669
99. Problème de l'eau entre Palestiniens et Israélie ns : aquifères et canaux ........................... .. .. 672
100. Le s tatut juridique de la mer Caspienne ........... ...................... ................. .................................. 711
101 . Les routes du pétrole, de la Caspienne à la mer Noire, par le Caucase ................................ 712
102. La bataille des oléoducs pour la sortie du pétrole de la Caspienne ............. ............ ..... ......... 713
103. Les puissances nucléaires ............ ............ ........ ................................... ......................... .. .............. 811
104. Les grandes z ones de produc tion et les principaux flux de la drogue dans le monde ....... 847
105. Les pôles régionaux dans le monde ........ .................... ......................................................... .. .... 904
106. Trois grands pôles de régionalisation : Union européenne, A.L.E.N .A., A .S.E.A .N .. ......... 905
107. Les différents modes d 'organisation géopolitique des États d'Europe occidentale ............. 906
108. Les euro- régions des frontières est-allemandes ........................................... .. ........... ......... ....... 919
109. La nouvelle Ostpolitik de l'Allemagne ........ .......................................... ................................... 922
110. L'enjeu du contrôle par les États -Unis de la dépendance énergétique .................................. 728
111. La piraterie internationale ....................................... ................... ................................................. 863
112. L'Europe des r égions .......................... ......................................... ................................................. 923
TABLE DES MATIÈRES

lntl'Oduction génémle ............................................................................................. 7


Repousser la ca usalilé uniqu e. ...................................................................................................... 7
Repousser "l'idéo logism e" .............................. . . ........................................... ?
AdLnettre le rôle de l'i déo log ie ..................................................................................................... 10
R epousser l'ingérence idéologic1ue dans la matière scieul.ifiqu e .................................................... 11
Admettre que tout n'est pas géopo lüique .................................................................................... 13
Distingu er la matière géopolitiqu e de son ut.ilisatiou uatioualiste ............................................... 14
Poser l'h ypo thèse de la mu lt iplicité des fa cteurs ex p ljcat:ifs ........................................................ 17
Insis ter sur la dualité co nt.iuu/di scoutiuu .................................................................................... 17
Cboisi.r l'État. couune référenti el d'étude ..................................................................................... 18
Mettre eu évidence, à travers une multip li ci té d e situations historiqu es, la force d es facteurs
géopol_itiqu es .................................. .............. .. .. ........................ ................................ .............. .... 20
Préciser, ava n t. toute chose, les Lu fl ueuces reçues .......................................................... .............. 21

Commen t l'ou vrage est-iJ organisé'? ........................................................................................... 23

PREMIÈRE P ARTIE
UNE HISTOIRE DES IDÉES GÉOPOLITIQUES

In troductio u ... ... ..... .................................... ...... ......... .... .. ..... .... ...... .... .... ...... ......... 29

Chapitre 1
La puissance continentale : leçon de géopolitique allemande .••.•......•......••.•......•..... 31
1. L'iuventiou du mot géopolitique ....................................... .... ..... ............................................. 31
2. Le d éternli.n is rne géopolitiqu e ................................................................................................. 31
2. 1. Ra/.;,eJ, 111t précurseur de fa géopofit.ù111e ............................................. .................. .. ................ 33
2 .2. L'i11fl11e11cedonvi11ie1111e ... .. .... .. .. ... ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. .... .... ... ... ..... .. ... ..... .. ... 33
2.3. U 11 1u1Iio1wlisme cofo11iali.ste ............................................................................................. 33
1
2 .4.. L u11ilé de l'Europe .. . 34
2.5. U 11e ombition 111011dùdepo11rl'Affemag11e ............................................................................. 3,i
2.6 . La théorie de l'État Off:.,TC111Ïtjll e . • • • 34
2. 7. L'utilisation 1wlitique des théories de Rat;,e/. ........................................................................... 36

3. L'espace vit.a l th éorisé ............................................................................................................ 36


3. 1. La géopofiliq11e "pour libérer" f'Affe11wg11e .. ......................................... . . ..... 37
3.2. La géopolitiq11edu. Lebe11sn1u11i .......................................................................................... 37
3.3. Les Pon- Jdee11 ......................................................................................................... 37
3.4. L 'a flù111ce nuiritime et l'llllifl11ce co11IÙ1e11tale ....................................... ....... . ........................... 38
1034 Table des matières

3 .5. L" géopolitû111e est.-elle une science (11/cmamle? .. .. ... .. ... .. ... .. ...... . ... .. ... .. ... .. ... .. . . -- --- --- -- - 39
3 .6. l 'i11spirat.ûm de la pofitù111eextêric11re du 11 / e Reich ? .. - --- 39

Chap itre 2
La puissance mru·itime : leçon de géopoliticrue anglo-saxonne ................................ 43
1. La suprématie de la mer s ur la terre. ---------------------------------- - ------------------------------------43
1.1. Le co111rôle cles mers . ......................................................•............................................ 45
1.2. ln puissance par projec/.io11 ........•. ...............................................•.........•. ........•.........•....... 45
J .3. l e;"1:emple de l'A11gleterre . .. ... ... .... ... ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. ... ... . ... ... .. .. ... ... .. ... .. . .. 45
1

2. Le henrtla ml, pivot stratégiqu e du choc terre-m er ................................................................... 46


2. 1. Le pivot ~graplrù111e de l'histoire ....................... ........................... ........... ........ .. ................ 46
2 .2 . Les COllstfall(/s pour ceinw rer le /i e(lrtfo1ul .... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. ... .. . . --- -- --- -- - 46
2.3. Le pÎl'ol ce11tral contre les ax1stla11ds ......................................................................... ........... 48
2 .4. U 11e pensée 1::,W-l1is1orù11ie et ses limiles .. ... ..... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .... .... ... ... .... ... ... .. ... .. ... 48
2.5. L" pe11st.>e ré(lliste . . --- -------- ------- 50
3. Le rùnland, pi vo t stratégiqu e du choc ter re-m er ........................... . ....................................... . 50
3 .1 . Le rimlmrd, cœ11rdefo ~politiqu e .. .... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .• ...... .... .. .... .... ... ... .... ... ... .. ... .. ... 50
3 .2. l 'e;œmple d1j Cm11d J e11 . .. .. .. ... . . . . .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ........ . .. . .... . . .. .... . . ... ... . .... .. ... . .... .. ... 52
3 .3 . Céopolitù11œet Re<1lpolitik .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. ... .. ... .. ... .• - - --- -- --- -- --- -- --- --- --- - ~- --- --- -- --- -- --- D
3.4. l(l doctrine d11 co11tai11111e111 ... .. .. ... .. .... ..... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. .... .... .. ... .... ... ... ..... .. ... 53
3.5. LCl pensée amériooi11 e el l!e11chweme11t .. ... ..... .. ... .. ... .. ... .. ...... .. .. .... .. ... .. ... .. ... .. .... .. .. .. .... ..... .. ... 53
4. R éa lisme, idéali sme et choc d es civilisat ions ........................ . ................................................. 53
4.1 . l 'école r&d iste américaine .... ..... .... .. ... ..... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. ... .. ... ... ... .... ... ... .. ........ 5,i
4. 1. 1. Le néo-réalisme de Kenneth \Vult1.................................................................................................................... 54
4. 1.2. Zbignîcw Hn.czinski. 1111 disciple de Spykman ... .... .... .......... .......... ........... ............. ........... ..... ..... ... ...... ..... ..... .... 56
4.2. l e choc des ciii ilisatio11~ .. .. ... .... .... .. .... .. ... ..... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. .... .... .. .... .. .. .. ....... .. .. .. . 59
4.3. /.,'(lffiage <les trois lemla11ces . ---- 60

Cha pitre 3
Équililn·e1· les em pires : leçon de géopolitique française ••..•.••.•....•.•..•......•..•...•.••.•... 63
1. "Kiel et T a uger": le réalism e en po li tiq ue étra ngère ................................................................ 6 •~
2. La fronti èr e mod elée par l'homm e ........................ . -------------------------------------------------71
2 .1. Les co11ccp/.io11s de hrfro111ière .. . .. .. . ï2
2.2. l:l u11w11is11wco11tre détermi11isme ........................................................................................ 73
2 .3 . Com me11t Io 1:,·•éopolitù111ef11t é1ii11cée de l'e11seig11eme11t en France . .. .... .. ... .. ... .. ... .. .... .. .. .. .... .. ... ... .. 73
3. La géopolitique frau ça ise co utre l'im périalisme allem and ........................................................ i4
3. 1 . l 'essord'1uwgéopofilique JX•trioüqn eet rép11blicr:1ùw ................. .. ............................................. 74
3 .2. AmlréChérmlame face anpa11germa11isme .... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. . .. .. .... .. ... ... .. .. ... ... .. ... ... .. ... .. ... 75

Chap itre 4
La puissance e urasiatique : leçon de géopolitique russe .•....••.•....•.••••......••.•......•..... 81
1. La géopoli6que interd ite e n Union soviét iqu e ........................................................................ 81
2. Pan s lavisn1 e et euras isn.l e ....................................................................................................... 82
Table des matières 1035

Chapitre 5
Le retotu- de l'analyse géopolitique daus l'étude des Relations iuteruatiouales ..•.••.. 85
). Des tissures dan s lu lecture idéo logique des Relations internationales ..................................... 87
1 ..1. Les fissures dans le ca111p occidental .... ....... ... .. ... .. ... ....... ... ........................................... .. ..... 87
1.2. L es jïss 11res!l1111sleca111p socù1lisle ...................................................................................... 87
1.3. Le rclour de la géopofit.ù11ie après la guerre du V iel1wm .. .. .................. ... ....... ... ........................ .. 87
2. La fin de la bipolarité et le "triomphe" de la géopoli tiqu e ... ..88
2. 1 . Aperçu d es ctw scs de l 'ejfo11dremc11l de l'U. R .S.S . . . .... . .... . ...... . ....... . ......... .. ........ .. ......... . ......... 88
'.:! . 1. 1. L'éd1cct.:Cono mique .. .... ..... ...... ..... .... .... ....... ... ...... .... ..... ..... ..... ..... ..... ... ........... ..... .... ...... .... ...... .... ...... ..... ..... .... 89
2. 1.2. Le progrnnuue G uer re des l~ l o ik-s des Amér ie11i11s .. .. ..... ..... ..... ..... ..... ......... ..... .... ..... ...... ... ...... ...... ... ...... ... ...... 89
2. 1.3. L'e nliseme nt afg han ......................................................................................................................................... 89
2. 1.4. L'é manc ipa i ion <k-ss111 clli1 cs d'Eu ropcccnl.rale ... .... ..... ..... ..... ....... ... .... ..... ...... ..... ..... ..... ..... .... ...... ......... ...... .... 90

2.2. Le rc/011r<lesco11.flits régio11aux ............................................................................. .. ........... 90


2.'.!. I. La révolut io n is la mique en Iran .......................................................... .............................................................. 9 1
'.! .2.2. La guerre Iran· Irak .. ...... .... ...... .... .... .... ... ... .... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ...... .. .. ..... .... ...... ......... ..... ..... .... .... ...... .... ..... . 9 1

2.3. Le retour d e fo géo/>01.itiquecn Europe . .. . . . ··· · ······· 91


2.3. 1. Le reto ur <le la géopoliti q ue en Europe de l'Esl ................................................................................................. 92
2.3.2. Le re to ur de la géo poli1iquc d a ns l'espace russe ..... ... ...... ..... ..... ..... ..... ... ...... ..... ..... ..... ..... ... ....... ..... ... ....... ... ...... 93
2.3.3. Le relour géo politi<p1c de l'i\llemagnc .. . . . ... 93
2.4. Le roile d e l'ùléolog ie ............................................................ . ......... . ................................ 94

Conclu sion .... .......... .... .... .. .............. ... .. ....... .... .. ........... .. ... ... ...... ........ .. .... ..... ....... 95

DEUXIÈME PARTIE
PERMANENCE DE LA CARTE

I11 trodu c tion


L'échelle de temps de la géopol itique ..................................................................... 99

Chapitre 1
La situation géographique; centre et 1>édphé..ïe •••••••••••••.••••••••••••••••••••••••••••••••••••• lOl
l. Les d onnées fondam enta les de la géographie mond iale .......................................................... 101
2. Définition du centre et. de la périph éri e .... ...... .... 102
3. Du centre omeyyad e au cen tre abbassid e................ ..... . . ....... 102
4. D'un centre roumi.11 à un centre europée n .. . ............. .. 104
S. La d ial ectiqu e centre-périph ér ie détermin e la géopolitiqu e intérieure d'1u1 État. ................. 104
6. L' I ran : le centre est un plateau chiite et persan , la périph éri e es t un e pl a in e sunni te ........... 106
6. 1. Lt1 périphérie lmloutche .. . . .. ..106
6.2. Lli périphérie lurkmè11e ................................................................................................... 107

7. Le ph éno mène de la co mmuue eu E urope ............................................................................. 107


8. L'islam civilisation urbain e : le rôle maj eur des villes .......................... .............. .................. 108
9. L'importance du choix de la capita le ..................................................................................... 108
9.1. Vic 1111c, 1rne mar1misect1pilale pour l'Empire lies Habsbourg? . .. . ..109
9.2. D 'I sta11bulà A 11kart1 ............................................................ . ...... .. . .. ........... ....... . . .... ...... 109
9.3. <::é11éralilé.s ................... ... ......... . .............. .. .. ... ....... ... ....... ................................ . ....... . . 11 0
9.4. La position <le la capitale p eul tmduùe fo postu re diplo11wlique d'un Éllll ..................................... . 11 0
1036 Table des matières

10. Le raisonn ement géopoli tiqu e à pa rtir du concept de situation ............................................ 11 l


10.1. Po11n1uoi cer1<1i11s pays tlllaque11t-ils toujours leurs t10isi11s les premiers? ... . .... .. 111
10.2. Pourquoi les 1a"/fe._ç so11/.-el/es ••• Ili oü elles sont ? .................................................................... 112
10.3. Un exemple d 'enjeu centre périphêrie: fa Guerre de SOCession .. . . .. ..... 11 3

Chapitre 2
La situation géograpbi1p1e : l'cnclavcment •..•.•....•.••.•....•..•....•......•..•......•..•......•..• 117
1. Définition .. . ........... 117

2. Conséqu ence ..... . ............... 117


3. Exempl es de d ynamiques de désenclavement. .............................. . . ...................... 118
3. 1 . S it.uat.ions d'e11cfa1•enie11t en Europe .............................................. • .................................... 121
3 .2 . S it11l//.io11s d'e11cÜ11•e111e11t en .,.l si'.e ......................................................................•................ 122
3.3. S it1wlio11s d'e11clm •eme11t en Afrique ................................................................................... 122
3.4. S i11mlio11s d'e11clm;eme11t en A mérique llltùte ....................................................................... .. 123
3 .5. S i111alio11s d'e11clm;eme11ll/U i\:Joyc11.-0rie11t ..........................................................•................ 124

4. La poussée vers les mers ch audes des gra nd es pui ssances continenta les,
Ru ssie et A llcn1agn e ................................................................................................................. 124
1/.. 1. La Russ ie ................................................................................................................... 127
4.2. L 'A ffe111ag11e ................................................................................................................128

5. Le prob lèm e du désenclavem eul du pétrole et du gaz d e la m er Caspienu e :


uu exempl e d e mer enclavée ....................... .. ..................... 128
6. Re présenta tions de l'enclavem ent et d e l'encercl em ent. ......................................................... 129
6.1. Quelques exemples <le terriloircs-c11cl<wes ......................................... •. ........ •. ........ •. ............. .. 129
6.2. L 'cnc/ai;e russe de Kalù1ùigrad ..... .... ... ... ................................... ....................................... 129
6.3. Lcco111plexe d'obsùlio11alité .............................................................................................. 130

Chap itre 3
La s ituatiou géograpb.i(rue : l'ius1tlarité ............................................................... 133
1. Défi ni t ion ..... ....................................................................................................................... 133
2. Avan t age stratégiqu e de l'in sularité ...................................................................................... 133

3. Le senti1.n en t d'exception ............................ ... .... ........ ..... ........... . ... ...... 134
4. Les logiqu es de prox imi té insulaire ....................................................................................... 134
5. L'o uvert ure 1naritiln e ........................................................................................................... 134
6. Stratégies in sul a ires d e l'I s la m en Méd iterran ée ...... ........ .......... .... ...... .. .................... .. .......... 1.35
7. Rela is insula ires .................................................................................................................... 135

8. Bahreïn, É ta l-archipel et rel ais in s ul a ire ................... .............. ............ ................................ 137
9. L'îl e co nvoite l'île ..... ... ..................................... ........................... ...... .... ................................ 138
10. La va leur stratégiqu e des États- insulaires est la cau se d e leur in stabilité ........ .................... 138
11. Une ins ula rité partagée est cause d e t ensions ...................................................................... 139
12. L es Éta ts continenta ux convoiten t au ssi les îles .............. ........ .. .......... ..... ... ......... ........ ... ... 140
13. Le con tentieux des Kouriles en tre la Ru ssie et le J apon ...................................................... 142
14. U n séparatism e sous influ ence étrangère : géop oli üq ue d e la NOll\'CUe-Ca lédouie ................ 144
15. L ogique d'archipel coutre logiq ue in s uJa ir e .. . ...................................................................... 149
Table des matières 1037

16. Séparatismes îliens et prolifératio n étatiq ue ........................................................................ 150


17. La situation de pén insula rité .... ............ .... ..... ... ......... ..... ............. .. .................. ................... 158

Chap itre 4
Une constante : le eboc Lerœ-mer ...•..•......•..•...•.••.•....•.•. ....•..•......•..•......•..•......•.•• 161
). Guerres Méd iq ues, G uerres d u Péloponn èse, T erre et Mer, Orient el E urope ......................... 162
2. La France, entre t erre et 1.n er ................................................................................................ 166

Chap itre 5
La topologie : fo nction géopolitique du relief •••••.••••••...•••..•••••••••••••••••..•.••••••..•.•••• 169
1. Défu.1.iti on ................. .... ........................................................................................................ 169
2. L'importan ce J e la topo logie en géopoli tique dépend
du temps lüsto riqu e cousid éré .................................................................................................. 169
3. La fo nction géopoli t iqu e du désert
3 .1. Le iléserl est un 11ù/e lopologiq ue ................................................. ... . .... .......................... 170
3 .2. Le désert est 1111e;:;o11e <le séparatio11, une mer de S(lb/e .. ... .. ... .. .. ... .. . .• . .. ..... .. 170
3 .3. Le désert. repousse les fro 111Jères ...... ... .............. .............................. ..... ... .. ......... ...... .171
3.4.. L 'impor/(ll1ce slratégù111e dn désert <h111s la guerre moderne ... .. ... .. .. .... .. . .... .. ... .. ... .. .... .. ... ..... .. ... .. l 72
3.5. Le S alwra esl.- il dei e11u. 1111ebt1se arrière de l.'i-slam isme radiclll ? ............................ .... ........... .... 173
1

3 .6. L" poussée de fo démographie vers les régions m'des .. ... .. ... .. ... .. ... .. . .. .... • . .. .. ... ..176
3. 7. Géopolitique des slefl/H!S .................................................................................................. .1 77
3.8. l ,a perti11e11ce de l'éle11d11e en géopolitù11w . ..... .. ... ..... .. . .. ... .. .... ... .... .. ... .. ... ... .. ... ... .... ... ... ..... .. .. 177
4. La fo nct ion géopo li tique de la forêt et des végétation s à co uvert: ............................... ............ 178
5. La fo uet.ion géopo l.itiq ue de la baie.. . . .... .... 179
6. La fo uet.ion géopo l.i t iq ue de l'isthm e ... .. .......................... ................ .... 180
7. La fo uet.ion géopo li t iqu e du lac ou de la mer intéri eure ... ........................... 181
7. 1. Le ronlrôle Io/al par une p11issa11ce ..................................................................................... 182
7.2. CegJlfeA rabo-persiq11e qu1'.ful 1111 foc persa11 .. . . .. ... .. 182
7.3. Lac etfro111.ière ......................................................................... .......... .......... ................ 182

8. La fo nctjon géopo l.i tiqu e de la montagne ............................................................................. 183


8. 1. Ces t11rb11/e11ls 11w11tt1g11ards basques ................................................................... ........... 183
8.2. La 111011li1g11 e q11i rés k~te à la pf(li11e ..................................................................................... 184.
8.3. Des co11dil io11 s géograpli ù11ws flworables à l'établi-sseme11l sédentaire el polilù111e ....... ........ ......... ..... .185
8.4. Le refuge des hérésies, le st111ct11aùe des rébe/lio11s ................................................... ............... .186
8.5. Lli mo11li1g11efro11ûère: 1111e lx1rrièreet 1111e so11rce d 'ea 11 ........................................................... 187

9. La fo nctio n géo po l.i tiqu e des hauts plateau..x ................................................................... 189


10. La fon ction géopo litjq·ue des co ls, des défil és et des passes ................................................ 191
11. La fonctfon géopo litiqu e du marais .................................................................................... 191
11 .1. Une frontière sûre ....................................................................................................... .191
11 .2. Une région où l'exercice de hi so11remi11eléest difficile ............................................................ 192
11 .3. Le peuple des rose<111x en / rllk ...................................................... .................................... 192

12. La fou et.i on géopo li tiq·ue du fleuve ......................................................... 193


12.1. Lefleu1•efro11tière ........................................................................................................ 194
12 .2. Dujle1111e 11aq11i1 /.'É l(I/. ............. ..................................................................................... 196
12.3. E111bo11cl111roscltleltas ................................................................................................... 197
1038 Table des matières

12.4. Cêopolitù111e des clll<1rac1es .. ... .. ... ... ... . .... .. ... .. ... .. ... •• . . ... .. ... .. ... .. ... ... .. .. ... ... .. ... ... .. . . 197
12.5. ûmséq11e11œs des Î11l!asio11s 1wrmamle.~ en France .. . .. . ..... ... . 198
12.6. Dése11cfmieme11tfl11 vüd .. .. .... ..... ..... ..... ..... .. ... ..... .. ... .. ... .. ... .... .... .. ...... .... .. .... ..... .. ... .. ... .. .. 199
12.7. Fl1wialitéet U 11ioneuropée111ie. . . ... 199
J2 .8. Principes essc111.i els d e droù ù1 tem(lfiom1l 0011ccmc111t la 1urnig(lbilité des jlcm'es ... .. ... .. 200

13. La topon ym ie en ren fo rt. d e la topologie .............................................................................. 201


14. L'iuteractiou de la cli matologie et de la topo logie ............................................. ................... 202
14./. Chaleur, 11wladies tropi.wles, esclarnge et limite de l'i.slamisutio11 .. ... .... ... .. ... .. ... .. ... ... .. ... .. .. . ... . .. 202
14. 2. Les climats de Ge11gis Klwnel de 1\1/"homet .. ..... .. ... .. ... .. ... ... .. .. ..... .... .. .... .... .. .... ..... .. ... .. ... .. .. 203
14.3. Clwme<ut lllrc, drommfoiroarabe: deux a11i11w11x sous <le11.1.:clinwts et deux modes decom111êle . .. . .... .. 204
14.4. Duclu111geme11tdeclimlll. . ... ... ..... .. ... ..... .. ... .. ... .. ... ..... .. ... .. .. ..... .... .. ..... .. .... ..... ..... ..... ..... .. 205

Conclus ion
La géogra phie ph ysi11ue, p1·emier déterminisme géopol itiq ne ...•••.•...•......••.•......•.•. 207

TROISIÈME PARTIE
PERMANENCE DES IDENTITÉS

In trod u ctio n
Communa utés lignagères, linguistiques, religieuses .•............•..•...•..•....•.•..•......•.•• 211

Chap itre 1
Le clan, l'cth.uic, la naliou cl le Lc1Titoi.1·c ............................................................. 215
1. Le clan , la d ynastie, la lignée ................................................................................................ 215
1. J. Hér&.lité el.Jormatù:m territorùilefram;<J ise:
de C/wrfe11wg11eà la l'eiffe des Crois<U/es .................................................................................... 216
1 .2. S piritiwlisa tion et dé1errilorûd1~~otion de l'Église
au profit <le la lignée C<1/>élie1111e . . .... . 219
J .3. Le Sai11t Empire romaingemm11û111ede Charles Q11i11t:
u1w co11sl.rucl. io11 dy11as1iq11e .................................................................................................. 220
1.4. Dynastie, trilms, co11fédératio11$ tribales, e11 terre d'islam.. . ..................... .. 221

2. L'ethni e et la natiou. . . ... ....... 223


2. 1. Dijï11ilio11s "à bill géopalitiq11e" ....................................................................................... .. 224
1
2.2. L 'is fam co11/re l ell111ie arabe: de la clm'o11bi)y « aux Croisades ........................................... .. 229
2.3. A perçu. <les grands groupes eth11iq11es africains ..................................................................... .. 230
2.4. Le problème de f'i11adéf11mtion et/111ie-- 11alion <wec les Étals ........................................................ . 231
2.5. La négation de f.'et/111 icismc, Jacle11 r de cmifl ils en  Jrique ......................................................... 238

3. Le ro ruan nationa l ................................................................................................................ 244


3. 1 . La 1•aforisalion d1i groupe par des a11cê/.res prestigie1L~ ........................................................... .. 244
3.2. La mise à d1~~ /a11ce de groupes 11oi..si11s el fa 110fo111é de s'en <lijfére11cier ......................................... . 244
3.3. La légili11wtio11. <le /'occupalionlerriloriale ............................................................................ 245
En Transylvanie ..... ...... ..... ..... .... ...... .............. ...... .... .... ..... ..... ..... ..... ..... ..... .. .. ..... ..... .... ...... .... ...... .............. ..... ...... .. 216
A n Ha111 -Karabakl1 .. .. .. . .. .. . .. .. . .. .. . ... .. .... . ... .. ... .. .. .. . .. . .. .. . .. .. . .. .. . .. .. . .. .. . .. .. . .. .. ... .. ... .. .. .. . .. .. . .. .. . .. .. . ... .. .... . ... .. .... . ... .. .. . .. . '.?46
Au Kosovo ............................................................................................................................................................... 24 i

4. Les uch ro n ies .. ··········· 248


4.1. Les gra n<li.smes ............................................................................................................. 249
4.2. Les my llies de l'âge d'or .. .... .. ... ......................... .. ............... .... ... ... .................... .... .. .. 251
Table des matières 1039

5. Le problème de l'hétérogénéité identitaire ............................................................................. 252


6. Ancienn eté d es ha ines ethniqu es : Arabes, Grecs, Jui ts el Perses .... .. ..................................... 252
6. 1. So urces <le l'allù111ce judéo-perse contre les Sémites arabes . . . . ... . . . ...... .. 253
6.2. Archéologie de~ "jou les" e11tre les Grecs, les Perses, les Phé11icie11s,
les Égyplie11s el les Juif; ... .. .. ... ... ... . ... ... ... . .... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. . ... .. ... .. .... . ... ... ... . ... ... ... .. ... . . .. 253

7. Dyn amiqu es d'ex paus io u et lmique : impér ia lisme et colonisation ......................................... 255
7.1. P emw11e11ce du fait impérialiste el t:olonisaieur .. .. ... .. ... .. ... .. .... . .. . ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .... .. .. ... .. 255
7.2. /.,a colo11islltio11 grect1ue de fo 1\iléditerm11t..'e des A 11cie11s . ... .. ... .. ... .. .. . ... .. .... . ... .. ... . ... .. .... . .... . .... .. 256
L'c u ropéisa1 ion d11 mond e grec . .... ... ...... .... .......... ................. ........ ....... .. ..... ..... ... .. ...... ........ ..... ... .......... ....... 256
La G rèce 1rai1 d'unio n cutrc l'Oricnl cl l'Occidc nl .................................................................................................... 259

7.3. L es 11011ssées barlxues sur R ome .. . .. .. 262


La premiè re poussée d e l'Es t \ ' el'!'i l'Oues t d e l'E u rope : la gcriuanit é ...... ........... .. .. ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ... .... '.?62
La de ux ième poussée <le l'Es l vers l'Ouest de l'Europe: l'Eura sie ou la pre mière géopolit i(111e des s leppes ...... .......... '.?65
L ei; ro yn1mu:s germains ...... ...... .... ..... .... ...... ... ...... .... ..... ..... ...... ...... ... ...... .... .. .. ..... ..... ..... ...... .. ...... ..... ...... .... .... ...... ... 265

7.4. Ce t/llC le J\llaglrreb tloil à fo colonisation p1111iq11e . . . ................................ 270

Cha pitre 2
La langue •.•............••.•....•.••.•....•.•.••....•.•.••.•....•.••......•.••..•.••.•..•...••.•....•.•..••.....•.•• 273
1. La la ng ue dans lrÉ ta l ................................................... . ....................... .. ...... ........................ 273
1 .1. U n éléme11t.J(m<lame11/al <le défi11ilio11 i<ie11litaire ................................................................... 273
1 .2. La lang ue 1111ijï.catrice ............................................................... . .... . .... . ......... . ................ 274
1. 3. Des N orllmw ns rlltx imm ig rés: ln11g ue et i11tégmti011 ............................................................... 278
1 .4. la la11g 11e, outil <ie fabric<llion ùle11tilflire ....... ............................................... . ...................... 279
1 .5. la la11g 11c, outil de résisla11ce 1wl io11ale . .............................................................................. 280

2. La langue, un instrum ent de puissance ......................................................... ....................... 281


2. 1 . l a11g1w mom/fole e/. p11isso11ce mondiale ... ... ....... ... ... ...... ... ......................... .... . .... . ... ....... ..... 281
2 .2 . De l 'échecdel'111/ema11d commela 11gue mondiale .................................................................... 282
2 .3. F'ra11mplw11ie, ltispa11ùfo<i, lusoplmnie .. . . .. ........ ............... 283
2.4. l es ligne.<o de partage li11g uis1ique au sei11 des États ................................................................. 288
2 .5 . L '1111i1é li11g 11istù111e, u11e condition nécessaire mais 1w1t suffiw111te . .. . . .. . ..... 288

Chap itre 3
La religion ..............•..•....•.••.•......•..•......•..•.•...••......•....•..•..•......•..•......•..•......•.••... 289
l. Des fractures reli gieuses de Home à l'émergcuce de l'islam .. .. ···· ·· ·· 292
1.1 . L 'écliec rle l'hellé11ism cetla r&1ctionorie11t11 /e ........................................................................ 292
1 .2 . l 'ess or<ies cultes orie11 /aux .............................................................................................. 292
1 .3. L 'orig ine <le /'affirmation i<ie11litaire jui11e . .......................................................................... . 294
1 .4. ln c/1ristù111 is ati011 de /.'Empire romain .............................................................................. . 296
1. 5. L'1111irersalismechrétie11 à la place de la mom/ialité romaùie ..................................................... 298
1 .6. la quesl.ion d 'Orie11t <ie11ie11t plus relig ieuse .......................................................................... . 299

2. Pélage contre August.in ou la no uvelle fra cture Orient-Occident .......................................... 300


3. La d iversité des champs de fo rces rcl igietLX ......................................................................... 301
3 .1. L es conflits <'i l'intérieur <lu monde ch rétien ...................................... . ................................... . 302
3. 1. 1. Cat l1oli(p1cse1 pro tcsl a nt s ... .. .. .. .. ..... ..... ..... .... ........... ... ...... ............ . 303
3.1.2. Cutholi(IUCli. pro l csta11l s e t o rlhod oxes .. ...... .... ...... .... .... ....... ..... ....... ... .. ..... ..... ..... ..... .... ..... ....... ... ...... ..... .... ... 305
3. 1.3. Les co nflit s u11 sein du monde o rthodoxe ........................................................................................................ 309

3 .2. l es conflits e11/re l 'islam et le cl1ris tù1111'.s m e ........ .. .. ........ .. .... ............. ....... . ........ .... ....... ... .. . 310
3.!?. I. His to ire gl'Opo lî1i<p1c de l'isla misa \ io n de l'Afri(111c 11o ire ..... ..... ...... ....... ......... .. ..... ...... ..... ..... ..... ..... .... ..... ..... .. 3 10
1040 Table des matières

3.2.2. Le cl 1ris ti a nî s m 1.1 ancie n face 11 l'islamisal io n : les çoptcs d'Ég y pte.
les c hn~ lî e ns <l'l~ry lhréc el d'Éthiopi e .... ... ..... .. ..... .... ....... ... ..... ..... ..... ..... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... ..... .... ..... .... ...... ..... .... .... 325
3.2.3. Les frnclurcs is lamo-d1ré l icuncs du Caucase e l des Balkans ............................................ ....................... ........ 326
3.2A. Pourquoi l'Afriq ue d u No rd n'es l-clle plus c hrélic1111c? .............................. .................... ......................... 33 1
3.2.5. Les mi11o ri1 és ch rétie11111.'8 d'ûrie nl ..... ..... ..... ... ..... ..... ..... ..... ....... ... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... .... ...... ..... ..... .... .... ..... .... 332
3.2.6. Les cl1ré l icus d'A sie face 11 l'islam ............................. ................................................................ ....... ................ 338

3 .3. Les conflits à l'intérieur du momie mus11lnu111 ........................................................................ 340


3.3. 1. Les fon<l c1u c11 1s 1héologilp1cs c l lu dimcnsiou nni laire d e l'is lam .. .... ..... ...... .... ..... .... ...... ...... .... ...... .... .... ....... .. 343
3.3.2. Les grandes lig nes de purtllge d e l'isbm .... ......................................................... .. ........................................... 346
3.3.3. Le cl10c {le l'is lam majoritaire e l des islmns minorituires ................................................................................. 34i
3.3.4. Une géo poli1 icp1c d11 s nnnisme ..... ..... .... ...... .... ...... .... ..... ..... ..... .. .... ......... ..... .... ...... ..... .... ..... .... ..... ...... .... ...... .. 3S5
3.3.5. Nom;l(lismc c l réform e religie use c11 islan1 ................................................................................................ 358
3.3.6. llilun géopolil ique d e l" is lmn par gr:mde w ne géogruphique ............... .................................................. .......... 358

3.4. Le co11jlù des mo1wlhéi.smes el des religions d 'Asie .. . .. ..... .. .. .... .... .. .... ...... .... ...... .... . .... 363
3.4. 1. Lorsc1uc le J upo n foillil dcve11ir c hré l ien ..... ... ... ... ..... ..... ...... .... .... ......... ..... ...... ..... ..... ..... ... ....... ... ..... ...... .... .... 363
3.4 ..'.!. La politique impériale anglaise. t nlrc is la m e1 hindo uis111c ............................................................................. 364
3.4 .3. Le conllit d(.'S mo no l héis t.::s t'.1 1 des bo11cldl1is1 es eu llir mu nic ... ..... ..... ....... ... ..... ..... ..... ..... .... ...... ..... ..... ..... ... .... 36.5
3.4.4. L<t crise du S ri~Lanka: bo u{ldliîs tcs con tre hind o uist es ................................................................................... 366

3.5. L" religion compos<uile de /'(l// érilé ...................................... . ............................................ . 367

4. Les relig io ns s'inscri vent dans la géographie .......................................................................... 367


4. 1 l 11flue11ce defo géogm ph ie sur lti nature<les religions ................................................................ 369
4. 1. 1. Comment cxplicp1cr la ré ussite géogra pliicp1c du bomld liis mc eu As ie? ......... . ..................... ... ................... 369
4. 1..'.!. Les religions o nl 1111 mCHlc d e diffus ion propre ..... .. .... ..... ..... ..... ..... ..... ... ...... .... ...... ..... ..... ..... .... ...... ... ..... ....... .. Ji l
'~. 1 .3. Lu monlagnc cs1 une zo ne-refuge po u r les hérésies .......................................................................................... 3 i 3

4. 2 . Les points sacrés de la géogmpliie: les Lùmx Sa ù1ts ................................................................ 37 7

S. La fo nctio n du religieux dans la géopol.it:iq ue intern e d es É tats .................................... 379


5 ..1. La religion 1mtio1mle . ..... . .... . .... . .... . .... .. ...... . .... . .... . .... . .... .. ...... .. ... . ..... . ... ...... . .... . .... . . ... .. . . 379
5. 1. 1. Le rô le d e l' ~~g l ise cutholicp1c dans la fo rum! io n d e la Fr:mce ... ..... ........ .. ... .... ...... ..... ..... ...... .... ..... ... ............. 380
5.1 ..'.! . Que scni it le nu1 ioualism.:: polonais saus le c;1tho lids111e ·~ ... ..... ..... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... .... ..... ...... .... .... ...... .... .... 395
5. 1.3. Du millet à la !ml iou ....................................................................................................................................... 3%
5. I A. De l'absence d e rel igio n unitai re à l' ubSùncc d'Étal. ou la fa ibkssc
d u mo1 1<le ber bère face 11 l'islamisa i io n .. ...... .... ..... .... ....... ... ..... ...... ......... .......... ... ...... ..... ..... .... ...... .... ...... ......... .... .... 398
5. 1.5. Abdcl Kh a<lcr: l'islam po ur fo nd er un l~ tat ................... ..... ............................................................................ 399
5. 1.6. L'is lam cla ns le proj et na1io nul pak isl:mais ... . .. .... . .... 40 1
5. 1.i. Le mah<lisme ;1 11 Soudan ..... ... ....... .... ...... ..... ... ..... ..... ..... ..... ..... .... .. ..... .. .. ..... ..... ..... .... ....... .. ...... .... ...... .... .... .... 403
5. 1.8. Les Sénoussis en Libye .. ..... .... ..... ...... ......... .... ..... ...... .... ...... .... ..... ..... ... ... ... ...... ..... ...... ... .... ..... ...... ......... .... .... 404

5 .2 . L<1 religio n sécessionniste ....................................... .. ... .. ...................... .. ........ .. ........ .. .. 405


5.2. 1. Le sikl1isme ind ien .... ..... .... ..... ..... ...... .... ..... .... ..... ..... ..... ...... ...... .. .. ..... .. .. ..... ..... ..... ..... .... .... ..... ...... ......... .... .... 405
5 ..'.! ..'.!. L'in 16grismc hin <lo uis lc 0 11 lu vague safran ..................................................................................................... 406

6. Le rel igieux, i11 strum ent de Rculpolüik des É tats ........................................ W1


6. 1 . Croisades et Realpolùik .................................................................................................. . 407
6. 1. 1. L'inl érê l du pape e t d e lu Fraucc .. ..... ... ...... .... ...... .... ..... ...... ..... ................... .... ..... ..... ..... ... ....... ..... ... ....... ... .... 408
6. 1.2. La domina i.ion fram;:.aisc : une première po litique arabe d e la F ra nce ... .. ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ... ..... ....... ... .... 4 11
6. 1.3. Les épices plutô l que la religion ...................................................................................................................... 4 13
6. 1.4. Une no uvel le preuve de lu lég itimit é ca 1h oliq11c <le lu Fruncc : Suint - Louis ..................................................... 4 14
6.1.5. L'échec du proje t J'allia uce e n Ire les i\lougolo-ncslo ric ns c l les Francs :
l'exemple d'u ne ahs1m cc d' 1111il é c h rétic1111e et le triomphe de lu " Hca lpolitik" ];1 1iuc . ..... ...... ..... .... ...... ..... ... ...... ...... .. 4 14
6. 1.6. L'implanl.ut ion catholilllle romaine rcsle ins ulairc .......................................................................................... 41 6
6. 1.i . Princ ipales co11séq 11cnccs do:s Cro isades ... ..... ... ....... ... ..... ..... ..... ..... ..... ... ...... ..... ..... ..... .... ..... ...... ..... ... ....... ... .... 4 16

6.2. Politûpie et religion da11s l'Europe du X VI ~ siècle . .. . .. . .. . ... . . . .. .. .... . .... . . •• ~.

6 .3. J_,es clie11tèles religieuses des Occidc11/a11x tians l'Emp1:re olloman ... .. . .. ... .. ... .. .... . ... .. .... . .... .. ... .. ... . .419
6.4. Théologie de Io /_, ibémtion el é1•<111gélisme protes/a11t en A mùû11w foli11e pc11da11t hi Guerre/ro ide .. .. . ... .422
Table des matières 1041

6.4. 1. Les po int s d'ancrage de la Théologie de la Libérn1io11 ....... ... .... ...... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... ..... ..... .... ...... ... ..... ....... .. 422
6A.2. La con lrc-offcns i\'e d e l'évangélis me pro teslant ...... .... .. .................................. ..... ........................................ ... 1 ~23
6.5. L 'utilisation américt1i11e de l'arme is/amist.e d11ra11 /. la Cuerrefroùle ............................................ .424
6.6. Les origines hislorù111es de la politù111e islamique des A 11glo- Saxo11s ........................................ . 426
6. 7. L 'ut.ilisatio11 de l'arme islamique parl'Allemag11e de C11illaume l I .... ......................................... .435
6.8. Sources de la symp<1lh ie r111glo- s(lxo1111e pour I smël: la politique jufre de /.'A 11glelerre ...................... .436

7. Les relig ions adm ettent-elles un e géopolitiqu e pro pre"? . ...... .... 438
7.1. La d1j1/omaliet•atica11e, e11/re ùl&.ilisme religieux el rétlfisme étatique .................................. ... ...... 438
ï . 1. 1. Une polit ique d e réconciliac ion europl-t:1111e.. ..... ..... ... ..... ....... ........ ..... .. .. ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... .... ...... .. 439
ï .1.2. L'acti \'Îsme dn \' a1icu11 à l'est d e l'Europe .... ... ..... ...... ... ...... ... ..... .... ... ..... .. ..... .... ..... ....... .. ..... .... ...... .... .... 440
ï. 1.3. Gl-opo lil i<1uc <l es mi norit és au 1\ loye n-Oricnt .. ............................. ... ................................................................ 44 1
ï. 1.4. J ea n- Pau l Il . un bilan gfo politique .. .... ....... ..... .... ...... ... ........... .... .... ... .. .... ...... ..... ...... ............... ... .... .......... .... 44 1
ï. 1.5. Les<pm1reg rnnds dé fis géo politiqucs du po nl ifical d e Be noît X VI ................................................................. 444

7.2. L 'isl(lllt par-dessus. les 1wl.io11s ........................................................................................... 451


ï. 2.1. De la ~ec l e J e>; Assassins 11 l'is lamis me ............................................................................................................ 452
ï.2.2. Les li érili ers d es Ass<1ss i11s .... .. ... .............. ................... . .. . .... ... ...... ..... .... ... .. ..................................................... 454
ï .2.3. L"ish1misme uo11 vcl lc idéologie tiers- mo ndiste :1111 i-oecidentale .. .. ...... . . .... ... .... ... ... 455

8. Qu elques réflexio ns à propos du choc des civilisati ons 1nusuln:rnn e et chréti enn e. . .... .... .. .. .. 460
8 .1. Lt1 Ra ilpolitiJ.; sous les ûiroli11gie11s .. .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. ... .. .. .... .. ... .. ... .. ... .. .... .... ... ... .. ... .. . .46 1
8. 2 . J\i/alwmcl el. Cliarlc111ag11e .............. .......... ...... ........ ..... ... .. .. ............................... .......... ..... 463
8.3. Les rcprése11lalio11s de l'i slam dans l'Occide11l médié1•al .. .. ... ... .. .... .... .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. .. .... .. .. ... . .46t/.
9. L'Ordre de i\ Jalte, un e puissance maritim e trans nationale au service de ta Cb.réti enté ........... 466
9. 1. Le rôle sl mlégiqiœ de J\llalle dès l'A ntiquilé .......................................................................... .4-67
9.2. J\l/alle mi cœur d1t choc entre le cliristù111is me et l'islam ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. ... ...• ... . .. ..... .. ... .. 46 7
9.3. L 'Ordreii J\ilal/.e ........................................................................ .......... .......................... 469
9.4-. L 'A 11glelerre ii J\llalte : une leçon de géopolitU1ue insulaire . . .. . .472

10. De la l.rnn sceudauce du fact eur religieux sur l'histoire ...................................... ................... 474
11. Facteurs explicatifs de l'émergence et. du développement de l'lslnr.n :
au moius quatre facteurs géo poli t iqu es à combin er .. ... .. .... 477
11 .1. La montée en puÏSS(111ce des A robes s'appuie sur l'épuL<>eme11t de l'hellé11Lm1e
en Orient, résufl<f/ cle la fuite cle Byzance co ntre les Perses . . . ....... 479
11 .2. l e recul clu grec comme l<t11g11e unijtcalrice att JV/oye11-0rie11t et la clii1isio11 li11g11i.stiq11e t1ui en rés ulte
ffworise11t f'émerge11ce ll 1111e 1w1wefle la 11g 11e commerciale fédératrice . . .. .. .... .. ... .. .... .... .. .... .... ... ..... .. ... .. 480
1

11. 3. Co11traireme11t aux grandes aires cfoilisatio1111elles d'Europe, d'Asie et


d'Extrême-Oric11I, le J\lloyc11-0rùml souffre d'1111e gm/l(le dh1isùm religieuse ...................................... . 481
11 .4. La sùuation de carrefour du commerce momlial du l\!Joyc11-0rie11/ appelle la Jomwlio11
d'une gra nde religion 11111jtcatrice, à voct1tûm momliafe el gom•eml>e /><Ir les bourgeoisies ci1adi11es .. ..... ..... .. 483

Chap itre 4
L' idculilé el la cru·tc eu action: les pa u is1.nes ...•.••.•....•.••..•.•..•....•.•......•..•......•..•... •l87
1. Déliuition gén érale ............................................................................................................. 487
2. Les pan.is1nes et:huo- lin guist.iqu es .......................................................................................... 488
2.1. Le pan-lurq11is11ie ................................................................ ......................................... . 488
2.2. Le pa11~ cirnbis11ie ........................................................................................................... 492
2. 3. Le pan-geruu111is111e ....................................................................................... ................ 499
2.4. Le /KI1t-sla11ù111c .......................................................................................................... .. 500
2 .5. Deux panismes q11 i 11c so11jfre111 guère la Fm nec, le pan-Wtsi.smeet le pon-méla11ésù111isme ................ 501

3. Les panis1nes reli gieux .......................................................................................................... 502


4. Trait co mmun des pa n.ism es et lrn o-li ng ui stiques et reli gieux .................................. 502
1042 Table des matières

5. Les pani sn1es contin enta ux ................................................................................................... 503


5. 1 . Définition et exemples. . . .. .504
5 .2. Du pa11ismee urop1...~ 11, du Saù1t-Empircetde l'A llemagne . ... ....... .... ... • .. ..... ..... ..... ..... .... . .. ..... .. 505
S ..'J. Tout Empire périm . . .. .. 509

Chapitre 5
La miuol'ilé ....•.....•.••.•......•..•......•..•......•..•.•....•..•.•....•.••..•....•......•..•......•..•......•..• 511
1. Définiti on du fait: mino ritaire .. .................................................... 5ll
2. Les t y pes de mino rités .. ··-·······-·-······-··-·- SU
Lcsd ias porns ........................................................................................................................................................... 5 14
Les peuples d iasporiqucs .......................................................................................................................................... 5 1 1 ~

3. Les m inorités sont so urces de tensiou eutre deux ou plu sienrs pa ys ... ················ 515
4. La min o rité morisque espag nole daus le l\taghreb .. . ...... 515

Ch a pitre 6
La catégorie socio ~éco n o1ni(111e ......•......•..•......•.••.•....•.••.•..••.•....•.•. .•......•. .•......•.•. 519
1. Le concept de "géoécouomie" es t une erreur .......................................................................... 519
2. Ce qui res te du domaine propre de la politiqu e, de la sociolog ie,
de l'éco uo n1i e et. .. de l'hist olre .................................................................................................. 521
3. l\lodes de vie et d ivisions socio-écon om.iqu es par l'exemple .................................................... 522
4. Du nomadisme et d es citadins dans l'islam ................................................... .............. .......... 525

Chap itre 7
La civilisation ...•.•......••.•....•.•..•......•..•......•..•.•.•.••......•.••..•.••••....•.••.•....•.••••......•.•• 529
1. Puissan ce et civiJi sati ou ........................................................................................................ 529
2. E t Lépante '? Du cboc des civi lisations .................................................................................. 532
2 .1 . Byzm1ce, le tlestin mortel d'un emt>ire à cl1e1ml s ur d eu.\: ci11ilisatio11s . ... . .. .... ... .. ... .. ... .. . .. .. ... .. ... .. .. .535
2 .2. Co11sla11les tle la ci11ilisation chinoise ... . .... ..... . ..... ..... . .. ....... . ... ...... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. ... ..... . 538
2 .3 . CilliUsation européenne contre ci11 ilis atio1t 11ur11œ: trois mille <
111s d'op1>0sitio11 ... ... .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. 542
2A. La guerre de la ci!! ilisation is fomiqu c co ntre la J\11()(/emité occidentale ... . .. .......... .... .. ... . ... .. .... .. .. .. .. 546
2 .5. L t1 ci11ilisatùm russe fa ce à l'islam. . .... .. . .... .. .. .. .... ... .. .... ......... ... .... . 551
2 .6. Lo q11es1io11 des f ro111ières de la ci11ilisatio11 e11ropée1111e .... .... ...... ......... . ... . ..... . ... . .... .. ..... ... .. ... ... . 555

Chap itre 8
Le noml>re ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••.•• ••••••••••••••••••••••••••••••••••• 559
1. L'orig ine du 1101.nbre . ............................................................................................................ 559
1.1 . Pourquoi: Ili Chine est-elle 11ombreuse? .. ........ ..... ..... ... .. ..... ... .. .. .... .. ..... ... ... .......... ..... ..... . ... .. 559
1. 2. Pourquoi la civihsation e11ropée1111e a /- elle progressé plus l/llC /e._ça11tres? ... .. .. .. ...... . ... ... .... ..... ... .. .. 561

2. No1.nbre et puissance ............................................................................................................. 562


2. 1 Peser par le 110111bre da11s un ensemble politique .... .. ... .. ... .. ... .. ... . ....... ... ... .. .. ... ... .. .. ... ...... . .. .. .... . 562
2.1.1 . l'ourcp1oi cl comment le Bang ladesh a v u le j o ur ? ... ..... ..... ..... ..... ..... .... ..... ..... ..... ..... ..... ...... ..... .... ... ....... ..... .. 563
2.1.2. Oémogra pl1ic e1 réform e du Conseil tic Sécurit é <le r O. N .U ..... ..... ...... .... ..... ..... ............... ..... ........................... 563

2.2. Croître par le nombre et. accroître sa puissance, décroîlre et décliner .. ..... .. ... ..... .. ... .. ... .. ... .. ... ..... .. .. 564
2.2.1 . Cro issance c l d l"elîn d e Home : tuJC l ~o n po ur l' Euro pe cont cmpo ra iuc ...... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ....... 56.5
2.2.2. Pourcp1oî l'Islam a-1-il é té 610ppé? ... ...... ..... ... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... .... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... .... ...... ..... ... .... 566
Table des matières 1043

2.2.3. Comment so11111u)s-11011s passés du Grand sii:!d e fran çais an sii:!cle anglais
(X I X• siècle) pui ~ amé ricain (XX• sii:!clc) ? Bévolu1.io11 françai se e l coït us in1 erruptus .. ..... ..... ..... .... .... ....... ..... ..... .. 568
2.2.4. Et commenl la Frnuce. après a voir laissé la d émographie anglo-sa xo nne
trnnsformer le monde, l;-issa la dé mographie allemande boul<:ve rser !" Europe . ... .... ........ ...... .......... .. ... .. ......... ....... .. Si l

2 .3. Croît re cl affirmer son ide11tilé 11alio11ale oiicommwwutaire ...................................................... 5ï2


2.3.1. Cc "mo nd e plein"' de Pie rre Chaunu ................................................................................................................ 5i3
2.3.2. De i\lonl ealm à la Hfro lution des berceaux du Qué bec ..... . .... ...... .... .......... .... ... 5i3
2.3 .3. La vicloire de la 11a1ali1 é maronite sur les drm:es <lu Liban ... .. .... ... .. ........ ...... ............................................. 5 74
2.3A. La mar.:!e démographique alaouî l c su r la Syrie ...... ... ..... ..... ..... ..... .... .... ..... ...... ..... ..... ..... ..... ...... .... ..... .... ...... .. 5 75

3. fn11nigration et puissance ..................................................................................................... 576


3. 1. Pour<11wi la Républù111e c1-l- elfefai1.de /a Fran ce 1111eterre d'i1111nigralio11 ? .......... .......................... 57ï
3.2. Le lerribledépeup femenl de lu Russie .... ..... .. ... ..... .. ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. .... .... .. .. .... ..... ..... .. ..... 5ï7
3.3. La rern11che démogmpliiq11e du. Sud sur le N ord ..................................................................... 579
3.4. La disp<iritùm programmée de l'Europe des Européens:
des co11séc11w11ces de l' idéologie immigratio11nis1e . .. ... .. ... .. ... .. ... .• .. .. .. .... .. ... .. ... .. ... .. .... .. .. .. .... .. ... .. .. 581
3 .5. L" loi du. repoussement du démographe C. F. Dumo11/.. ... . ..... ... ........... . .......... ..585

4. Combiner le facteur démographique avec d'autres facteltrS géopo litiqu es ... . ...... .... 586
4.. 1. Facteur démogmpliù11w et facteur li_ydrù11ie: l'exemple du Bangladesh .. .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. .. .• ... ..... .. 586
4. 2 . Démogmphie et écxmomie de la rente pétrolière: l'e:xemple de L'A rabic Sao utlite ......... .. .............. ..... . 58ï
t/.. 3. La démogmphie <létermine-1.-elfe l'économie ? OJmme11Laires de Brawlef s11rles lm1•<11ix
de IVage111a1111. ................................................................................................................... .589

5. Les grand es catastroph es démographiq ues ............................................................................ 590


5.1. Le JVou11eau 1Homle <lécimé J><lf les germes pathogènes 1•e1111s <l'Europe ......................................... .590
5.2. La traite des N oirs, ca/aslrop/1 e démograpliiq11e po11r l'Afrique ................................................... 591
5.3. Céopolil.ùJ11e ctgê11oeùle ........................................................................................ ........... 592

6. Conclus ion : lm e réflexion sur la démograph ie des morts et: l'apport essenti el
des trava ux de G.F Dumont à la géopolitiq ue des popu lations .............................. 59 1~

Conclusio n
La géograph ie ide ntitaire, de ux ième détenni uisme géopolitique ......•......•. .•......•.•• 597

QUATRIÈME PARTIE
LA QUÊTE DES RESSOURCES :
UNE CONSTANTE DE L'HISTOIRE

Introduction
Ap1·ès l'être . .. l'avoir .••.•......•. .•......•.••......•......•.••.•....•... ..•.••.•......••.•......•..•......•.•• 601

Chap itre 1
Monopole et puissance .•••.•••.•.....•••••••••..••••..••••••••......••••.••.••••••••••••••••••••••••.•....•.•• 603
1. Le bois d es Pliénicieus .......................................................................................................... 603
2. L'or eutre Orieut et Occid ent., et le partage de la pLüssauce ................................................... 604
3. Le poivre portugais .............................................................................................................. 607
4. Sa lpêtre auglai s .................................................................................................................... 608
1044 Table des matières

5. Les ressources propres de la 1n e1 ............................................................................................ 608


6. Le café yéménite et les routes du cafë ................................................................................... 608

Chap itre 2
Tbalassopolitique et puissance •......•..•......•..•......•.••.•............•. .•...•..•......•..•......•.•• 611
) . La ni er n e se partage pas ...................................................................................................... 612
2. La thalassocrati e phéni cienn e ............................................................. . . ....................... 613
3. Ces émirats du Go lfe nés de la mer ........................................................................................ 616
4. Lorsqu e la Méditerranée éta it un lac musu lm an, et lorsqu e Venise s'envolait
vers la puissan ce ....................................................................................................................... 616
5. T halassopoli tiqu e portu gaise : Portugais et Arabes ............................................................... 618
6. Le d ésas treux refu s chinois de la mer .................................................................................... 621

7. De l'h égém o ni e maritim e anglo-saxonne ............................................................................... 622


8. T hala ssopoli tiq ue et d roit maritime ...................................................................................... 623

Chap itre 3
L'ouvc1'l1u·c des routes 1na1·iti.1nes ...•..•.•....•..•......•.••...•.••..•.•. .•....•.••.•....•.••.•......•.•• 625
1. Bref rappel des grand es routes maritim es .............................................................................. 626
2. Routes du conuncrce et. maiut.ien de \'1111.ité méditerran éeuu c
après les in vas ious barbares : réfl exions sur la thèse de Henri Pirenn e ...................................... 627
2. 1. /.,es Sy riens rouliers de la 111.er ........................................................................................... 627
2 .2 . Des mnrcliamlises venues d 'Orie11t .. ... ... . .... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. . .... . ... .. .... . ... ... ... . ... ... ... .. ... .. .. 628
2.3. L e commerce d 'Occident 1;ers l'Orien t. : les esclm 1es ................................................................... 629
2.4.. /., '1111i1é monétaire de la iWé<literrmrée . . .. . .. .. 629
2.5. Lei co11 /Ù1.11ùé c11lturelle ................................ ...... ...... . . . ...... ....... ............................... ...... .. 629
2.6. /.,t11101wea11téest politU111e . .. . .. 630

3. Le coutrôl e d es dét roits et des canaux , uœ u<ls stratégiques des routes .. ····· 63 1
4. Îles et résea ux in sulaires, positions stratégiqu es s ur les routes maritim es ........................... 63 4

Chapitre 4
L'ouvcrt1u·e des routes terrcslTcs ....•....•.••.•.•....•.••......•.••.••.•......•. .•......••.•......•...... 635
1. Des ro utes de la so ie à la route des Ind es ............................................................................... 636
2. L'ambition russe des nouve lles ro ut es d e la soie .................................................................... 636
3. A propos d es verrous des routes terres tres ..................................................................... .... .... 638

Chap itre 5
La Guene de l'eau ..••••••••.•••.•.....•••••••••..••••..••••••••......••••.••••••••••••••••••••••••......•.••.•• 639
1. R esso urces eu ea u et dén1og raphie ........................................................................................ 640
2. La guerre de l'amout et de l'aval ........................................................................................... 643
2 .1. Le Tigre et l'Euphrnte: Turqu ie, Syrie, I mh ... .......... .......... .. ....... . ......... . ......... .. ........ .. ........ . 644
Le G.1\ . P. "Grea1 A11a lo li uu Projec1" ....................................................................................................................... 644
Oépe11danc1..'S syrie nne c l irakienne de l'eau lur<pic et menaces de réa c l io ns cn chaîne .... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... .. 645

2.2. Syr Darill el Amou. Daria enAsi.ct:e111role .. . . ...... 645


2 .3 . /.,e problèm e Je la m er d 'A rol et les problématiques hy dropolitùp1es e11 Asie ce111mle . ... ... . ...... .. ... .. ... .. 646
2.4. Û lllf:,'C, Bmlwwpoutre, l 1ufos : les co11te11tieux e11/ro 1 mle, Pt1kistm1 , Bangladeslr, J\Tépt1l e/. Chine . . .... . . 653
Table des matières 1045

Le cont cuticux Ind e/Pa kis tan ...... ..... .... .... ..... ..... ...... ...... ... ..... ..... .... ...... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... ... ....... .... ...... ... ..... ....... .. 654
Le cont cutie ux Ind e/ Bangh1desh ................................................................. ............................................................ 654
U cont entieux Ind e/ Népal .... ..... ..... ..... .... ..... ..... .... ..... ..... ..... ..... ...... ... ...... ... ...... ..... ..... ..... ..... ..... ..... .... ..... ..... .... .... 655
(,"enj eu l-cologiqne ... ..... ..... ..... .... .... ....... .... .... ....... .... .... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ... ...... ..... ..... ..... .... ...... ..... .... .... ....... ... .... 656
Le Tibe t e t l'ea 11 comme levier de poli li<1ne chinoise................................................................................................. 6.56

2.5. Le N il : Égypte, So uda11, É thiopie el fKtys d 'Afrù111e 11oire ... ...... .......... .... .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. ... ... .. 657
Système g61é1iq11e du Nil, N il blanc. N il bleu. Nil. pa ys ri ve rains ..... ..... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... ..... .... .... ..... ...... ...... ... .... 65i
Le pompage en aruo nt d 11 Nil blune : Ougmidu. T m1zunie. Kenyu ............................................................................ 659
Les projels de l' Éthiopie : u.ne menace pour l ' l~gy p t c ................................... .. .......................................................... 659
Lu rivalité entre le Soudan e t l'Éthiopie ..... .... ....... ... ..... ..... ..... ..... ..... ..... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... ..... ... ....... .... .... ...... .... .... 660
Uueg11erre d 11 Nil ? .... ... .... ..... ... ..... .... ...... .. ... .. .... ..... ...... ... ...... ... ..... .... ... .. ... ..... ..... .... .... ....... ... .... .... ...... .... .... 66 1

2.6 . Éléments detlroit ù1tenwtio11al sur le parll1ge des e<rnx ; principaux Imités et accords ..... .. ..... ..... ..... .. 661

3. Partage des eau.x, et logiq ue de frontière .................................................................... ........... 662


3. 1 . .IWéth<Kle du llilweg pour établir la frontière ............................................ ............................. ... 663
3 .2. Quelques exemples de frontières qui s11 il•e11L les cou rs d 'ea u ..... ..... ..... ....... .. ......... ..... ..... ..... ......... 663
3.3. L e Chatt el A rab, e1ttre I rak et 1 n111 •••.•••• . •••.• • •.•••• . .• • •. . ••• . .•••• . •• . •••..•••. . ••••.•••• . ••••.•••• . ••••.•••• .. •• 663

4. Qu el rôle l'eau joue-t- ell e dan s le conflit entre l sraél.iens et. Arabes'? ........... ... ... .......... .......... 665
4. 1 . Le système régiotwl des ressources en t'<llL . . .... . .... . .... . .... . ........ . ... .. .... . .... . .... . .... . .... . .... . .... . .... . . 666

Le premier gran d giscmen l cle ressources en em1csl le Liban. pa rco 11ru par de 110111 bre11ses ri vières ............... .... .... 66i
Le bassin d11 J o11rdain ... ..... ..... ..... .... ...... ..... .... ..... .... ....... ... ..... ...... ...... ... .... ... .. .... ...... ..... ..... ..... .... ..... ...... .... ..... .... .... 668
Quelc1ucs renmr<1ucs d'ord re sl rn tégiquc q1m nl aux donnl-es de resso urces ................................................................ 670
l.,t,-s gisement s en eau 11 l'in térie ur de la Palc!itinc his lorique .... ..... ..... ..... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... ..... .... ..... ...... ... ...... .... .... 670
Bil;u.1 sur l;1 dis tribut ion de l'ea u p;1r rn pporl 11 la donne éta1i<pic de l 948 .. ... ... .. .... .... ..... .. . .. .. ....... ...... 672

1-.2. Co m111êtes sio11 i.sles et co11q11êle <le l'ea u .. .... ...... ............ ........ ........ ..... ..... ............. ................. 673
1890- 1948: le ré\'e rl 'nn É1a1 ab reuvé .... .... .... ....... .... .... ...... .... ...... .... ..... ..... .. .. .... ...... ..... ..... ... ... .... ..... .... .... ...... ..... ... 6i3
1949- 1935: l.1 co 11qué1e de la suprémat ie sur l'ea u .... ..... ..... ..... ..... ...... .... ..... ... ...... ..... ..... ..... ..... ..... .... ..... ..... ...... ... .... 676
La li u tic la Guerre fro ide cl ses co11sl'.-.:p1euccs sur lu polil i(111e d' Israël ... .... ......... .. ..... ..... ..... ...... ... .... ..... ... ..... ... .. ... 686

S. Ne pas t out exp li qu er pa r l'ea u ; a berrati on territo riale, conflits ethniqu es,
et logiqu e de l'ea u : l'exemple de la band e de Capri vi en Afriqu e ........................... .. ............... 690
L'o rigi11e du tcrriloirc de Capt i\'i .............................................................................................................................. 690

6. Ea u et techn iqu e .. . ..... 694


6. 1 . T echnique et 11u1Îlrise <le l'en u. ................................................. .......... ............................. ... 694
6. 2 . No m •ellevolléeetcmwlde la Pa ixe11 Égypte . . . .. . .. .. 695

7. L'ea u, arm e de guerre .. . . .. ........ 696


8. L'autre or bl eu: les nodules polymét a lliques .... .. ...... 697

Ch a pitre 6
La 11uêle de 1' m· uoi1· ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••.••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 699
1. L'esso r d'uu É ta t. sur la resso urce pét:rol.i ère : l'Ara bi e Sao ud ite ...................... ........... .... .... .... 700
1 .1 . É tat lig1wge r et légitimité des Lieux S aints .................................. .. ........ .. ........ .. ........ .. ......... 700
1.2 . Le rôle<l11 pétroleda11s la délimitatùmdes fro11l.ièrcs de l'A mbie S ao1ulite .. . .. .. . .. .. . .. .. ... . . .. .. .. .. ... ... . . 701
Ara bie-Sao udil c e1 l n1k ..... ..... .... ..... ..... ..... .... ...... .... ..... ..... ..... ..... .... ...... ..... ..... .... ...... ... ..... ..... ..... ..... .... .... ...... ... .... i02
Ara bie Suoudi te el Koweït ....................................................................................................................................... iO'.!
Ara bie Saoud it e et Yémen ...... .... ...... ..... ..... ... ....... .... .... ..... ..... ..... ..... ..... ..... .. .. ..... ..... ..... ...... ......... ..... ..... .... ...... ..... .. i02
Ara bie Saoud it e. Oman cr Yémeu: au x eoufins tin Dhofar ..... ..... ..... ..... ..... ... ...... ..... ..... ..... ..... .... ...... .... ...... ..... ... .... i03
Fro111 ièrcs oricnl;1[cs de 1'1\rnbie S11011di1 c uvt-c Ab u Oh;ibi et Onnui : crise de Hurnim i cl crise ibad it e. .................... i03

l .3. Péiroleet 111011/éeen p11issa11ce de l'A rabie Sao11di'.le .. .. ... .. ... .. ... .. ...... .. .. .. . ... . . .. . . .... . .. . .. .. ... .. . .. .. . . 704
1046 Table des matières

2. La Guerre du Golfe, un e guerre pour le pétro le ...................................................................... 707


3. Le Gran d J eu pétrolier a utour de la mer Casp ienn e .............................................................. 709
4. L'enj eu irakien d a ns la stratégie américa ine d e co 1llainme nt de la Chin e ................................ 714
5. Rés um é de la stratégie a méri caine sur le pétrole ................................................................... 718
6. L'or n oir d e l' Afriqu e . ........................................................................................................... 719
6.1. Le pétrole africa in dans le co11le.xle pétrolW.r mo11llial . ..... .. ... .. ... .. ... .. .... ..... .. ..... ..... .. n9
6.2. L 'Afrù11œ !111 N ord, un résen1oir é11ergé1ù111e po1u l'Europe ........................................................ ï2 0
6.3. L'or 11ofr d'Afrù11ie 11ofre, or de..~ terres, loù1. des eth11ies ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. .... ..... ..... ..... ..... .. ... .... ï22

CINQUIÈME PARTIE
RÉVOLUTIONS GÉOGRAPHIQUES

Introduc tion ...... .... .... ...... .. .................. .. ... .. .. ... ........ ............. .... ............. .... ..... ... . 731

Chap itre 1
Bouleversements géographiques ..•..•......•..•.•....•.••......•.•...•.•..•......•..•......•..•......•.•• 733
1. La pLtissance des éléments et ses conséqu ences géopo li t iqu es ................................................. 733
1.1 . Catacly smes en l\!léditerra née. ............................................................................................ ï34
1.2. Le lrembleme11/ de. terrequidétrui.sit B~'routh ........................................................................ ï35
1 .3. 181 5, l'a1111ée de IVoterloo et. de ... Tambom .................................. .... ........ .. ........................... ï36

2. Les transformations de la géographi e résultant de la volonté hum aine . ................................. 736


2.1. Lo rérol11tion gt.~politù111e deS11cz ...................................................................................... ï36
2.2. Trois exemples deco11s&11w11ces gi'Opolitù111es <le l.'ow •erlllre du t,W WI de S uez .. ......... ....................... ï38
Le déclin d'1\lep ....................................................................................................................................................... 7:38
L'essor de Basra .. . .. .. . .. .. . .. .. . ... .. .. .. . .. . .. ... .. ... .. ... .. .... . .. . .. .. . .. .. . .. .. . .. .. . .. .. . .. .. . .. .. .. .. . ... .. .. .. . .. .. . .... . .. .. . ... .. ... .. ... .... . .. .. .. . .. . .. . 738
Bandar Abbas, porle mt: ridio1m le de l'Iran ............................................................................................................... 739

3. Le li en rétroactif en tre les transformatio ns éco logiqu es et les processus géopo litiques ... .. .. .. 739
3. 1. Réflc:âon fimùw ire sur fo cù;i/i.sat.ion teclmicie1111e et ses progrès ................................................ ï40
3 .2 . Le constat: l't1ggmmt.io11 du. lt111x des gi:. à effet de serre .. .................. ... ...... ... ................. 741
3.3. L e protocole tle Kyoto dans les enjeux de p u.i.sstwce .................................................................. 742
3.4. Leseflets - di.sc11tés-surfeclimt1/. ........................... ...................................................... ï44
3.5. La déforesla lio11 freùw fo réduction 1mt.11 reffe des ga:; à effet <le serre ............................................. 746
3.6. Lt1 ce11lmli1é é11erb'fftù111e du pélrole aggmlie fo protluctùm des b~i:; à effet de serre ........................... ï49
3. ï . Co11séq11e11ces géopolitiques possibles d'1111e 1;ariution globale d11 cli11ml .......................................... ï50
Le recul Je la forêl ... ..... .......... ..... .... ...... ..... ..... .... ..... .... ..... ..... .... ...... .... .......... ..... ..... .... ..... ....... ... ...... ..... ..... .... ..... ... ï50
L.<1 fou l e de~ gl<1u :s : vers une i\l édi1 erran l:e r 11sso-;1 111l: ricui11 e? .. ............... ... .... 75 1
La mo ut.l-e d es eu ux ................................................................................................................................................ 75 1
Te m pê t e~ . chakurs et froid s C:'l: lrê mes ... .... ....... ..... ... ....... ... ..... .......... ..... ..... .. .. ..... ..... ..... ..... ..... .... ..... ..... ..... ...... ... .... ï 52
Sl'<.: hercssc .. . ... .. ... . ... .. .. .. . ... .. .. .. . .. .. . ..... .. .. . .... . .. . .. .. .. . .. . .. .... . .. . .. .. . .. ... .. ... ...... . .. .. .... .. .. .. .. . ... .. ... .. ... .... ... ..... .... . .. . .. .... . .. . .. . ï 52
l~ n e rgi e .................................................................................................................................................................... 753
3 .8. l 11slrume11lllli..w1 Lio11du1/ième écologique ..... ..... .. ... .. ... .. ... .. ... .• ..... .. ... .. ... .. ... ... ... ..... .. ... ..... .. .. 753

Chap itre 2
Décloisouuements géographiciues ••••••••••••••••••••••••••·••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 755
l. Alexandre le Gra nd, ou l'E u.rope à la couquête de l'O rient .................................................... 755
/. J. Le décli 11 de la Grèce propre 011. le re11de:;-1•ous ma11q11é m•ec la JXIlrie ..... .. ... .. ... .. ... ... .. ... ..... • ... .. ... .. 755
1. 2. Le monde 11wcédo11ie11 à la co11q11i:le de la Grèce . .. .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. .... .. .... .... ... ... .......... ..... ..... .. 756
Table des matières 1047

J .3 . L 'hellénisme à fo co11q11êtede l'Orient .... ..... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. .... .. ... .. ... .. ... ... ... .... .... . .... .. .. .. 757

1.4. L'héritagegéopoli1iq11e d'Alexandre : fin de la grécité, pére1111ilé de l.'liellé11isme . .... .... .. .. ... ... .. ... .. ... .. 758
La mo rt de la gréci l.é ................................................................................................................................................ 758
L'hcllénisa1io n {le [',\ sic ............................................................................................................................................ 759
L'o uvcrl ure {Ill mo nd e mi'..J i1 c rra11 l-c n Il l'A sie .......... ... ......... ..... ..... ........ .... .. .. ..... ....... ..... ..... .......... ... ...... ..... ..... ... .... 759
Le protoi ype d e l'c111pirc cosmopoli 1c ..................................................................................................................... 759

2. Les Grandes Découvertes ou le déseucla ve1neut maritime de l' Europe .... ..... ··· ···· 760
2. 1. Le co11loume111e11t de l'Afrique en direction <les l mies ............................................................... 761
2 .2. Ln déco1werle de l'Amérùpte puis le passage dt111S le Pncifü111e .................................................... 761
2.3. Co11séq1œ11ces géopolùiq11es des Grandes Décom erles ................................................................ 763
0

2.4. L 'c111e111'.rest<l l'ù1gé11ie 11r ............................................................•.................................... 765

SIX IÈME PARTIE


RÉVOLUTIONS TECHNIQUES

Introdu c tion ... ... .................... ......... ... ... ... .......... ..... .. .... .. .... ... .. ................ .......... . 769

Chap itre 1
La créativité Leclmi<1ue, fondement de la puissance em·opéenue •......•..•......•......•..• 771
1. L'hér itage o ri eutal de l' Europe en matière scientHique et techniqu e ... ·· ··· ...... 771
2. L'invention de l'énergie arti fi ciell e .. .. .......... .. .. 772
3. L'in veution de l'iudu str ie de précision .. . .................... 772
4. L'in ventio11 de l'h orl oge méca niqu e : dé fi au temps religieux,
et invention de la produ ctivité .......................................................................................... 773
5. L'in vention de l'imprimer ie : diffu sion de la connaissance, et maîtrise de l'information .......... 774
6. La poudre au service de la puissance des E uropéens ......................................................... 774
7. La civilisation de la science et des in génieurs ........................................................................ 775
8. Christian isme et travai.1 au servi ce du progrès technique;
responsabilité du fanatisme religieux dans les <lécl.in s en pui ssance ........................................... 776

Chap itre 2
Les 1·évolutious de la uavigatiou 1uru·itime ........................................................... 779
l. De la Méditerrauée à l'At.la11t.ique: de la rame à la voi.le ........................................ ............... 779

2. Les progrès dan s le cal cul de la positio n géograp hique ... . ...... 781

3. Conséquences géopolitiqu es de la navi gatio n atlantiqu e ... . ............ 781


4. Des conséquences géopolitiqu es de la na viga ti on à vape ur ................................................... 782
4-.J . Vt1pcur et essor tlémogmphù1ue des Élt1Ls· U 11 is ... .. ..... .. .. 783
4.. 2. Vapeur el cffo/l(lrcmc11/ de l'Empire ommw~ .......................................................... ............. .. 783
lf..3. Vi1pe11r, a11gme11/lllio11 du lo111wgeet déclù1 des ports d'esluaire .. .. . .. 784-

Chap itre 3
La révolution industrielle .................................................................................... 785
1. Le progrès industriel ............................................................................................................. 785
2. Révo lution fran çaise contre Révo lu tio n iudustrielle ............................................................. 786
3. Le creusement des éca rts de pu issauce à partir de la révolution iudustriel.l e .......................... 786
1048 Table des matières

4. Le chem in de fer, un nou vel ou t il de pu issance européen ....................................................... 787

5. Ce q u i arriva aux Ottomans q ui néglî gèreuL les progrès de la science et des techn iq ues .......... 787

Chap itre 4
La révolution de l'av ia tion et de l'espace ..•..•......•.••.•...•. ....•..•......•..•......•..•...•.••.•. 791
). Aéropoli tiq ue et aérocraUe ................................................................................................... ·79z
2. Aéropoli t.ique e l topologie géopolitique ................................................................................. 793
3. Le facteur aérien, la terre e l la 1ner ....................................................................................... 793
4. Potentiel spatia l et situation géographique ........................................................................... 795
5. De la s tratégie s patia le d es États-Un is .................................................................................. 795
5. 1. Leaders/u:p spatUildes Ét!lls- U 11 is ...................................................................................... 796
5.2. L!I cap<1cité tle fo11ceme11t tlc..<o  mérict1ù1s ............................................................................. 796
5 .3. L es S!lleflites d'obsen •atio11 mdil11ire l1111érict1ù1s ..................................................................... 797

5.4. L 'ém ergence tle l'obsen1ation ciriile de fo T erre et les problèmes de sécurité 11atiom1/e <11li en découlent ...... 797
5.5. L es iloystèmes rmforaméricai11s, commerci<ilistdio11 el sécurité ..................................................... 798
5.6. L es spectro-image11rs ...................................................................................................... 798
5. 7. Systèm es d'obsen•!llion à haute résolution ............................................................................. 798
5.8. Sun;eillance écologù111e et s11r1·eillt111ce stmtégique . .................................................................. 799
5.9. Pourquoi lesA111érict1i11s e11co11ragc11t-ils fo fibémlisatùmdu. domaine des images Slllelfitaires
à lurnle résolution ? ........ . ... . . .. .... .. .. ... ... .. .. ... ... .. ... .. ... .. ... .. ... . .. . ... .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. ... .. ... ..... .. 799

6. La Chin e à la conquête de l'espace, u n défi pou r l'Amériqu e ................................................. 800


7. De la navigation à la bousso le à la nav iga tion selon Galileo vers us GP S ................................ 800
8. Conqu ête de l'espace et [in d e la géopo lüiq ue? ...................................................................... 801

Chap itre 5
La révolutio n d u nucléai1·e •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 803
1. Effet d u nucléa i.re su r la géopol.i tiq ue ............... ..................................................................... 803
1 .1. L e 1111clét1ire n'a pas aboli/a gi'Opoliliq11e .............................................................................. 804
1. 2. J\llais dll11s les données de la puissance, le 11ucléoirea atténué le fact eurtlu 1wmbre .... . ...................... 804

2. La s tratégie nucléaire des États-U ui s ....... .. ........................................................................... 805


2. 1. Â l'orig i11e, le ri't•e américai11 dugo1w ememe11t mo11dial 1111cléaire ............................................... 806
2 .2. La /uuecon tre la prolifération. nucléa ire ... . . . .... 809
2.3. L es cjforts américains de dépa ssem e11 1du1111cléairo: de l'i .D. S. cw.N. i\4.D .................................. 810

3. Le bo ucl ier anli- missil es dans la stratégie d e dom ination g lobale des États- Unis . 815
l~ l ém c11 t s clc cléveloppc111e11t rl-çcnt s du N.i\l. D ..... ... ..... ............... .... ..... .. .... .. ... ..... .... .... ..... ..... ....... ........ ..... ..... ........ 824
La n)action russe: u n effo rt de défense supplémentaire .. .......... ........... ..... ... .. .... ... .... ....... ..... .... ..... .... ...... ..... ... ...... ... 824

4. Énergie nu cléaire et pétro le ............................. ............ ............................................. ............ 825

Chap itre 6
La révolution clans les a ffa ires m ilita ires ..•..•.....•••••••....•.....••••••.••..•••••......••••..•...• 827

Co n cl usio n
Technic1ue et volonté de puissauce ••••••••••••••••••••••••••••••••• ·••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 831
Table des matières 1049

SEPTIÈME PARTIE
L'ÉTAT CONCURRENCÉ

I ntrod uctio n ...... ....... .... ........ .... ...... ... ......... ...... ......................... .......... ... ............ .. 835

Chap itre 1
La légitimité éta ticrue de l'exercice de la 11uissauce contestée ................................ 837
l. In t érêt naüonal et Droits d e l'Homme .................................................................................. 837
2. Usage de la not ion d'opinion pub liqu e .................................................................................. 838
3. "L'op in ion in ternationa le" est un outi l de puissa nce .............................................................. 839
4. L'O.N.·u., réa li té de p ui ssance'? ............................................................................................ 840
4. 1. Pri11.cipesfo1ula111e11la11x de l'0.1V. U ................................................................................... 840
4.2. L e poùls de fo puissance sur l'applimlion d11 droit i111eriw1ùmal ................................................. 840
lf..3. Le droit. i11ternatio11al conduit par la puissa 11ce el l'exception israélie1111e
au respect clu. droit i11tematio11al . . . . . . .... ..... 841

5. La remise eu qu es tion du monopole de la v iolence i11térieure ................................................. 842


5 . 1. J\llercem1ires, armées et milices pril!écs ..... ..... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... ...... .. ... .. ... .. ... .. ... ... .. .. .... .. ... .. .. 842
5 .2. Des e11clarescomm1wa11lllires aux guerres de lx111/ie11es . . .. ... .. ... ....... .. ... .. ... .. ... .... ..... ..... .. ... .. 843

Chap itre 2
[,e défi du crhne internationa l ....................................... ...................................... 845
l. La drogue, Lm facteur géopolitiqu e coutre l' Homm e, les peup les et les États ...................... . . 845
1.1. Aperçu (le l'éco nomie de fo drogue<lan s le momie .................................................................... 846
1. 2. Drog11eetco11Jlits ............................. .......... ..... ..... ...... .... .................................. .......... .... 81J8
1.2. 1. L:i <.!rogue da ns les eo11flil s africains ............................................................................................................... 848
1.2.2. La d rogue dans les coHflil s asia1ic1m:8 ... ..... ...... .... ..... .......... ...... ..... .... .. .. ..... ..... ..... ...... .... ..... .... ...... ... ..... ...... ... 8<~9
1.2.3. La drogue dans les coufli ls d'Amérique la 1iue ................................................................................................. 850
1.2.4. La drogue clans le co11 fl i1 du Kosovo ... ..... .... ... ..... ..... ..... ..... ....... ... ..... ... ...... ..... ..... .... ... ... .... ...... ... ....... ..... ... .... 850

1. 3 . Organisatùms crimi11elles lm 11s11atio11ale..<1 - O.C. T. - et mafo1s ...... .. ... .. ..... .. ... .. .... .. ... . ... .. ... .. 851
1.3.1. Définition s et car<1cl é ris1iq 11cs ........................................................................................................................ 85 1
1.3.2 . Les gra ndes O.C.'I'. c1 m aria~ .. ...... 852
1A. U 11e guerre co11tre l'l-lomme el. contre la solidité des sociétés occide111ales ... .. ... .. ... .. ... .. .... .. ... ..... .. ... .. 854
I A. I. L<t d1.-s1r11c lio11 d e l'l-l o mme poir l'11lié11a1ion.. . .... ....... 854
1.4.2. Lu des l r11clio11 1lu lien social clans l ' l~la t . ..................................................................................... 855
1.4 .3. La di.-sl m c lio n <le l ' l~ lat par la corruption mo mie et éco11omicp1e .................................................................... 855
l .4A. Drogue e l command os-s uicides? ...... ...... ..... .... ..... .... ..... ..... .......... ..... .. .. ..... ..... .. .... ..... ..... ........ ..... .......... ........ 85i
1.4.5. Lu l l e cou1 rc l;1 drogue. o u docl rine i\ lonroc '? ................................................................................................. 858

2. P ermanences et nou veautés d e lu piraterie. ........................................................................... 858


2. 1. BarlXlres<111es el co11j1it hispc1110-lu rcen 1\1&/iterrw1ée ............................................................... 859
2.2. Des corsafres aux pimtes: pr1'.m1.isalio11. de la crimùwlité élatù111e .. . ... .. 861

2.3. Persista11ce de l<1piralerie ................................................................................................ 862

3. Les pb éno1nèues sectaires .................................................................... . . ....................... 864


3.1. Pemw11e11ce du phé11omè11e soc/aire da1is le 11w11cle, act11t1/ité en Europe .. .. ... .. 864.
3.2. Lt1 socle au ser11ice d'i'.11térêtsél<1 liques : l'exemple de l\110011 ........................................................ 866
1050 Table des matières

4. Cyber- m enaces : d e la cybcr-v iolence s ur l'homm e au cyber-terrorism e contre les États


et les éco no1n ies ................... .................................................................................................... 867
4.1. Cybcr-11iole11ce et. effet débilit<111l s11r les 1mp11latio11s .. . .. .. 867
4.2. La 111c11aœtl!tcyber-terrorism e ................................................•.........•....•....•....•................ 868

Chap itre 3
L'État et la mondialisation .....•..•...•..•......•.••......•.••.•............•..•......•..•......•..•...•.•• 871
1. La mondialisation, c'est v ie ux comm e le mond e .................................................................... 871
2. Les lu t.tes pour le contrôle de la mond ia lisation dans l' hj sto irc : quelq ues exempl es .............. 872
2. 1. Nlmmrchie 1111iverselle et mo11dialisalio11 marclu111de (llt XVl r s iècle ............................................ 873
2.2. L 'éclateme11/ de 1914 el fa /ulte pour /eco11trôle d c la mondialis ation ........ . ................................... 877
2.3. Le rôle du. s io11isme dans fe basculcme11/ de l916 .................................................................... 881
2.4. }'"all<1 et la concurrence des mondialismes soviétÙJllC el américain .................................... 88.5

3. Les ca ractéristiqu es de la mond ia li sation contemporaine ...................................................... 888


4. La th èse du changem ent absolu so us l'empire de la mondial isation ....................................... 889
5. La th èse du changement relatif so us l'influence de la mond ialisation ..................................... 890
6. J\l ond ial.isation et souverain eté .......................................................................... 892

Chap itre 4
L'État et la i·égioual isatiou ...•..•......•. .•.•....•.••.•....•.••.•....•....... .. .•......•..•......•..•......• 899
1. Définitiou de la régio nali sation ..................... ....... ............... .......... ...................................... .. 899
2. Le principe moteu_r de la régio nali sation ............................................................................... 899
3. Les différents degrés d'intég ratiou régionale ......................................................................... 900
4. La logique de rég ionali sation 1nasque- t- ell e des logiques de suprématie étatique"? ................ 901
5. La rég ioua lisat.ion est-ell e Lm e réalité géo po l.i tique ou une utopi e"? .. ............................... 902
6. De la régionali sation au régiona lism e. .. .... 906
7. Des guerres de décoloaisat:ion a Uemaud e en E urnpe à l'Europe fédérale des région s :
le destin li é de la géopoli tique a llema nd e et de la géopolitiqu e européenn e. .. . .... .. .. 907
7.1. La colo11i.sation affematule de l 'Est e11ropée11 ......................................................................... . 907
7.2. Aperçu d es sources idéolog i<11ws du pa111"-smegemu111i<111e - 011. pr111germa11 isme ............... . 91 0
7.3. La sig11ific(l/iongéopofitiq11 e de fo politù111e (/es mi110rilés ......................................................... 912
7.4. L(I politù111e des mùwrilés dan s le cadre de fa co11slruclio11 c11ropée1111e ......................................... . 915

Couclusiou .................................................... .... ........................ .... ............. .......... 925

Couclusiou génél'a.lc ............................................................................................ 927

Bibliographie •...•.•......•......••.•......•..•......•.••......•.••.•....•.•. ..•.••.•....•.•......••.•......•.••.•. 935

lmlex ....••••.•....•.....•.••.•......•..•.•....•..•......•..•......•.••......•..•..•..•.•......•..•......••.•......•..• 981

Table des cartes ......•..•......••.•......•..•......•.••.•....•..•......•.•...•.•. .....•..•......•..•......•.••. 1029

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