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DICTIONNAIRE

Avant-propos

Bibliographie générale

A
ABM (ANTI-BALLISTIC MISSILE)

ADENAUER Konrad (1876-1967)

AGENCE INTERNATIONALE DE L'ÉNERGIE ATOMIQUE (AIEA)

ALENA → ASSOCIATION DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAINE

AL QAÏDA

ARMS CONTROL

ASEAN (ASSOCIATION OF SOUTH EAST ASIAN NATIONS) (ASSOCIATION DES NATIONS DU SUD-EST ASIATIQUE)

ATATÜRK Mustapha Kémal (1881-1938)

B
BAGDAD (PACTE DE)/CENTO

BAKOU (CONGRÈS DE)

BALTES (PAYS)

BARUCH (PLAN)

BOSNIE-HERZÉGOVINE (GUERRE DE)

BUSH George Walker (1946)

C
CACHEMIRE (CONFLIT DU)

CATASTROPHE NATURELLE

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE → ONU

D
DALADIER Édouard (1884-1970)

DE GASPERI Alcide (1881-1954)

DE GAULLE Charles (1890-1970)

DENG XIAOPING (1904-1997)

DOMINOS (THÉORIE DES)


E
EAU

ÉTHIOPIE (GUERRE D’) (octobre 1935-mai 1936)

F
FACHODA

G
G7/G8/G20

GANDHI Indira (1917-1984)

H
HAÏLÉ SÉLASSIÉ Ier (1892-1975)

I
IBN SA’UD (1887-1953)

J
JARUZELSKI Wojciech (1923)

K
KADAR Janos (1912-1989)

KENNEDY John Fitzgerald (1917-1963)

KOHL Helmut (1930)

KOMINFORM

L
LA HAYE (CONGRÈS)

LAVAL Pierre (1883-1945)

M
MAASTRICHT (TRAITÉ DE) → UNION EUROPÉENNE (TRAITÉS DE L')

MACMILLAN Harold (1894-1986)

MADRID (CONFÉRENCE DE)

MANDATS

MAO ZEDONG (1893-1976)

MERCOSUR (ESPAGNOL), MERCOSUL (PORTUGAIS)

N
N’KRUMAH Kwame (1909-1972)

NAMIBIE

O
ODER-NEISSE (LIGNE)

ORGANISATION DE L’UNITÉ AFRICAINE (OUA, en anglais OAU)

ORLANDO Vittorio Emanuele (1860-1952)

OSLO (ACCORDS D’)

P
PACIFISME

PALESTINIEN (PROBLÈME)

PILSUDSKI Jozef (1867-1935)

POMPIDOU Georges (1911-1974)

Q-R
QUEMOY ET MATSU

RUHR

S
SAADABAD (PACTE DE)

SAN REMO (CONFÉRENCE DE) (18-26 avril 1920)

SÉCURITÉ COLLECTIVE

SUEZ (CANAL ET CRISE DE)

SYKES-PICOT (ACCORDS)

T
TARDIEU André (1876-1945)

U
ULBRICHT Walter (DOCTRINE)

UNESCO (UNITED NATIONS EDUCATION, SCIENCE AND CULTURE ORGANIZATION, ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'ÉDUCATION, LA
SCIENCE ET LA CULTURE)

UNION DE L'EUROPE OCCIDENTALE (UEO)

V
VARSOVIE (PACTE DE)

W-Z
WALESA Lech (1943)

WASHINGTON (VILLE ET TRAITÉ DE)

YOUNG (PLAN) → RÉPARATIONS

Assemblée générale de l’ONU 192 membres (2008)

Liste des sigles utilisés


© Armand Colin, Paris, 2000, 2005, 2009
978-2-200-24738-6
Colette Barbier, Antoine Daveau, Olivier Delorme,
Pierre-Michel Durand, Florence Gauzy,
Chantal Morelle et Maurice Vaïsse
Troisième édition
Avec la collaboration de
CHANTAL MORELLE
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous
procédés, réservés pour tous pays. • Toute reproduction ou représentation
intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées
dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur, est illicite et
constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les
reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non
destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations
justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans
laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code
de la propriété intellectuelle).
Armand Colin • 21, rue du Montparnasse • 75006 Paris
DICTIONNAIRE
Illustrations de couverture :
– Bandeau : Sommet du G20 à Londres, le 2 avril 2009
©Steffen Kugler/dpa/Corbis. Collection EPA
– Fond : Les Casques bleus au Sud Liban, mars 1985
©Patrick Chavel/Sygma/Corbis
Un soldat bosniaque avec les troupes de l’ONU, le 28 mars 1993
©Chris Rainier/Corbis
Conception de la couverture : Lucile Jouret
Composition : Yves Tremblay
Avant-propos
Par ce dictionnaire, nous avons voulu faire œuvre utile : procurer une
lecture différente des relations internationales du siècle qui s’achève et de
celui qui commence. Nous avons choisi de mettre en avant les institutions et
organisations internationales, les conflits (sauf les deux guerres mondiales),
les traités et accords internationaux et les personnalités. D’autre part, un
système de corrélats permet de signaler plusieurs entrées afin de compléter
et nuancer l’information de rubriques qui seraient trop succinctes. Une liste
des sigles, un index des noms propres et une « table des matières » doivent
permettre une utilisation plus aisée.
Les États ne font pas l’objet d’entrées spécifiques : cet ouvrage n’est pas
un dictionnaire de géopolitique et il serait difficile de présenter l’histoire de
la politique extérieure de chaque pays en une fiche synthétique. Sauf
exception, les concepts ou la théorie des relations internationales ne sont
pas définis, car il s’agit d’un dictionnaire d’histoire des relations
internationales.
À bien y regarder, l’observation de la scène internationale a tendance à
accorder plus d’importance aux événements les plus récents par rapport à
ceux du début du XXe siècle. Ce phénomène de loupe – ou de myopie –
n’est pas absent de ce dictionnaire. Mais quelle balance dira le poids exact
de tel événement ou de telle organisation, par rapport à tels autres ?
Les lacunes sont probablement nombreuses, et les notices – en raison des
contraintes éditoriales – synthétiques. En revanche, l’information peut être
complétée par l’orientation bibliographique qui se trouve à la fin de la
plupart des entrées. Il s’agit bien d’une orientation et non d’une
bibliographie. Les ouvrages indispensables, qui auraient dû être cités trop
fréquemment, sont indiqués en page suivante.
Cette troisième édition, actualisée et notablement enrichie par rapport
aux précédentes, est une œuvre collective dont j’ai eu plaisir à assurer la
direction et la codirection avec Chantal Morelle, grâce à la collaboration
experte de nos coauteurs.
Maurice Vaïsse
Bibliographie générale
Certains ouvrages indiqués ci-dessous sont des références indispensables
et ne sont pas mentionnés systématiquement à la fin des rubriques, où sont
signalés les travaux spécifiques, avec l’indication de sites Internet.
Instruments de travail
Atlas
BARRAGLOUGH Geoffrey, Atlas of world history, Harper Collins,
1993.
CHALIAND Gérard, RAGEAU Jean-Paul, Atlas stratégique, Complexe,
1988. – Atlas du nouvel ordre mondial, Laffont, 2003.
DURAND Marie-Françoise, Atlas de la mondialisation, Presses de
Sciences Po, 2008.
LACOSTE Yves, Atlas géopolitique, Larousse, 2007.
Dictionnaires et encyclopédies
– Encyclopedia Universalis
BERTONCINI Yves, CHOPIN Thierry, DULPHY Anne, KAHN Sylvain,
MANIGAND Christine (dir.), Dictionnaire critique de l’Union européenne,
Armand Colin, 2008.
EVANS Graham, NEWNHAM Jeffrey, Dictionnary of international
relations, Penguin, 1999. GERBET Pierre, BOSSUAT Gérard, GROSBOIS
Thierry (sd), Dictionnaire historique de l’Europe unie, André Versaille
éditeur, 2009.
LACOSTE Yves (sd), Dictionnaire de géopolitique, Flammarion, 1995.
MONTBRIAL Thierry (de), KLEIN Jean, Dictionnaire de géostratégie,
PUF, 2000.
SIRINELLI Jean-François (sd), Dictionnaire de la vie politique française
au XXe siècle, PUF, 2e édition, 2004.
Annuaires
– L'Année politique dans le monde, Le Monde.
– L'État du monde, La Découverte.
– Ramsès, Dunod.
– Universalia, (Encyclopedia Universalis).
– Annuaire français des relations internationales, La Documentation
française / Bruylant.
Principales revues francophones
– Critique internationale
– Politique étrangère
– Politique internationale
– Questions internationales
– Relations internationales
– La Revue internationale et stratégique
Ouvrages de réflexion
ARON Raymond, Paix et guerre entre les nations, Calmann-Lévy, 1984.
DEVIN Guillaume, Sociologie des relations internationales, La
Découverte, 2007.
DUROSELLE Jean-Baptiste, Tout empire périra, « une vision théorique
des relations internationales », Armand Colin, 1991.
DUROSELLE Jean-Baptiste, RENOUVIN Pierre, Introduction à
l’histoire des relations internationales, Armand Colin, 1991.
MONTBRIAL Thierry (de), L'Action et le système du monde, PUF, 2001.
SMOUTS Marie-Claude (dir.), Les Nouvelles relations internationales,
pratiques et théories, Presses de Sciences Po, 1998.
Ouvrages généraux
BALENCIE Jean-Marie, LAGRANGE Arnaud (de), Mondes rebelles,
Michalon, 1999.
DUFOUR Jean-Louis, Les crises internationales, André Versaille éditeur,
2009.
DUROSELLE Jean-Baptiste, t. 1 : Histoire diplomatique de 1919 à 1945,
Dalloz, 1993 ; t. 2 : De 1945 à nos jours, (avec KASPI André), 12e édition,
2001.
FONTAINE André, Histoire de la guerre froide, 2 tomes : 1917-1953,
1953-1962, Seuil, 1983. – La Tache rouge, le roman de la guerre froide, La
Martinière, 2004.
GERBET Pierre, La Construction de l’Europe, Armand Colin, 4e édition,
2007.
GERBET Pierre, GHEBALI Victor-Yves, MOUTON Marie-Renée, Le
rêve d’un ordre mondial : de la SDN à l’ONU, Imprimerie nationale, 1996.
GIRAULT René, FRANK Robert, THOBIE Jacques, La Loi des géants
1941-1964, Masson, 1993. KEYLOR William, A World of nations, Oxford
University Press, 2003.
MELANDRI Pierre, La Politique extérieure des États-Unis de 1945 à
nos jours, PUF, 1995. – Histoire des États-Unis, André Versaille éditeur,
2008.
MILZA Pierre, Les Relations internationales de 1918 à 1939, Armand
Colin, 3e édition, 2008. – Les relations internationales de 1973 à nos jours,
Hachette, 2006.
VAïSSE Maurice, Les Relations internationales depuis 1945, Armand
Colin, 11e édition, 2008.
A

ABM (ANTI-BALLISTIC MISSILE)

Dès le premier essai d’un missile intercontinental soviétique (1956-


1957), les Américains envisagent un système de défense anti-missile. À leur
tour, les Soviétiques (programme Sentinel) mettent en place des missiles
anti-missiles Galosh, autour de Moscou. Cette course aux armements est
susceptible de remettre en cause l’équilibre de la terreur : le risque d’une
première frappe réapparaîtrait, et donc d’une guerre nucléaire. D’où
l’accord conclu entre Leonid Brejnev et Richard Nixon, le 26 mai 1972, à
Moscou, sur la limitation des systèmes de missiles anti-missiles, connu sous
le nom de traité ABM qui limite à deux (puis à un seul à partir de 1974) le
nombre de sites protégés.
Une dizaine d’années plus tard, le programme de la guerre des étoiles
lancé par le président Reagan envisage de déployer, dans l’espace, des
systèmes anti-missiles susceptibles de détruire systématiquement tous les
missiles adverses. Trop ambitieux, ce programme est abandonné.
En 1991, le projet GPALS (Global Protection Against Limited Strikes)
est lancé par le président Bush mais non adopté par le nouveau président
Clinton. Au printemps 2000, Washington propose à Moscou un projet de
révision du traité ABM pour permettre un nouveau système anti-missiles.
Le NMD (National Missile Defense), en cours d’expérimentation (1999-
2000), est un système anti-missile basé à terre, dont l’objectif n’est plus de
mettre en échec les missiles russes ou chinois mais ceux favorisés par la
prolifération balistique et développés par les petites puissances (Iran, Irak,
Corée du Nord), considérées comme des ennemis virtuels, les « rogue
States ». La NMD suscite l’opposition de Moscou, qui tient à la garantie du
traité ABM, et les réticences des États européens qui craignent une relance
de la course aux armements.
Le président américain George W. Bush présente le 1er mai 2001 un projet
de bouclier anti-missile, et en décembre, il annonce le retrait des États-Unis
du traité américano-soviétique de défense anti-missile pour permettre le
déploiement d’un bouclier antimissile.
Afin de parer à d’éventuelles attaques venant d’Iran ou d’autres « rogue
States », les États-Unis envisagent de déployer dans le cadre de leur
programme NMD (National Missile Defense) un système ABM en
République tchèque et en Pologne qui donnent leur accord en 2007.
Moscou s’oppose énergiquement à ce déploiement de missiles considéré
comme une menace pour la sécurité nationale russe.
MV

BAULON Jean-Philippe, L'Amérique vulnérable ? 1946-1976, Economica,


2009.
→ BREJNEV, BUSH (GEORGE), BUSH (GEORGE W.),
CLINTON, GUERRE DES ÉTOILES, NIXON, PROLIFÉRATION,
REAGAN

ACCRA (CONFÉRENCE D’)

La première conférence des États indépendants d’Afrique, idée lancée


par N’Krumah en mars 1957 lors des fêtes de l’indépendance du Ghana, se
tient à Accra du 15 au 22 avril 1958. Les huit pays africains, alors
indépendants, y participent : l’Éthiopie, le Liberia, la Libye, le Maroc, la
RAU, le Soudan, la Tunisie et le Ghana. L'Afrique du Sud, invitée,
s’abstient. Cette conférence est une étape importante dans la prise de
conscience d’une « personnalité africaine ». Pour la première fois, des
Africains affirment leur volonté de prendre en main les intérêts du
continent, et le font savoir. Les résolutions et le communiqué final, bien que
relativement modérés, n’en ont pas moins pour thèmes principaux le refus
des blocs, le panafricanisme et l’anticolonialisme. La conférence affirme le
droit des peuples d’Afrique à l’indépendance et demande à ce qu’une date
soit fixée pour l’indépendance de chacun des territoires coloniaux. En
raison de la guerre d’Algérie, la France est la principale, sinon la seule, des
puissances coloniales visées : les délégations revendiquent le droit du
peuple algérien à l’indépendance et reconnaissent le FLN comme son porte-
parole légitime. Il est demandé à la France de mettre un terme aux hostilités
et d’entrer en négociations immédiates avec le FLN. Il est fait appel aux
alliés de la France – les États-Unis en particulier – pour qu’ils fassent
pression sur elle et cessent de l’aider.
CB

→ ALGÉRIE (GUERRE D’), ANTICOLONIALISME,


N’KRUMAH

ACHESON Dean (1893-1971)

Avocat spécialisé en droit international, il est nommé par le président


Roosevelt sous-secrétaire d’État au Trésor (1933). Assistant du secrétaire au
Département d’État (1941), il participe à la conférence de Bretton Woods
(1944). Sous-secrétaire d’État (août 1945), puis secrétaire d’État (1949-
1953) de Truman, il s’efforce de contenir l’expansionnisme soviétique par
une aide économique massive à l’Europe (le plan Marshall), la création de
l’Alliance atlantique, le projet de CED, et le réarmement de l’Allemagne.
Alors que certains lui reprochent d’être un des principaux artisans de la
guerre froide, les partisans du sénateur McCarthy l’accusent d’avoir « perdu
la Chine », et d’être à l’origine de la guerre de Corée par sa déclaration du
12 janvier 1950 selon laquelle la Corée était à l’extérieur du « périmètre de
sécurité » des États-Unis. Il quitte la vie publique en 1954, mais reprend du
service comme représentant spécial des présidents Kennedy et Johnson.
AD

CHACE James, Acheson : the Secretary of States who created the American
world, New York, Simon & Schuster, 1998.
→ ALLIANCE ATLANTIQUE, CED, CORÉE (GUERRE DE),
GUERRE FROIDE, JONHSON, KENNEDY, MARSHALL (PLAN),
ROOSEVELT (FRANKLIN D.), TRUMAN
ADENAUER Konrad (1876-1967)

Maire de Cologne de 1917 à 1933, Konrad Adenauer remporte des


succès qui le font connaître bien au-delà de sa circonscription électorale.
Membre influent du grand parti catholique, le Zentrum, sous la République
de Weimar, il est destitué en 1933 et arrêté à deux reprises par le régime d’
Hitler auquel il est hostile. Grâce à la renaissance de la vie politique
allemande sous le contrôle des autorités d’occupation, Adenauer, qui
incarne ce conservatisme rhénan tourné vers l’ouest, renoue en 1945 avec
une carrière prématurément interrompue qui, en l’espace de quelques
années, et à la tête de la CDU (parti chrétien-démocrate), le conduit aux
plus hautes fonctions.
Nommé chancelier de la jeune République fédérale d’Allemagne en
1949, à l’âge de soixante-treize ans, Adenauer est l’artisan de son
redressement. Son programme comporte trois points : sécurité,
souveraineté, Europe. Dans une Allemagne vaincue, occupée et divisée, qui
est devenue un enjeu majeur de la guerre froide, Adenauer fait le choix de
la liberté et, par un ancrage progressif à l’ouest, met en œuvre une stratégie
de reconquête de la souveraineté perdue. Chancelier et, de 1951 à 1955,
ministre des Affaires étrangères, il joue d’un besoin de sécurité croissant en
Europe après le déclenchement de la guerre de Corée (1950) pour accepter
le principe d’une contribution militaire ouest-allemande à la défense du
monde libre, à la condition d’être traité comme un partenaire égal en droit.
De fait, l’entrée de la République fédérale dans l’OTAN et l’Union de
l’Europe occidentale en 1955 entraîne la levée du statut d’occupation par
les accords de Paris. Parallèlement, Adenauer poursuit son action en faveur
de l’unification européenne ébauchée lors de la création de la Communauté
européenne du charbon et de l’acier (1951), seconde facette, pour lui, d’une
seule et même volonté d’intégration occidentale. Après l’échec du projet de
Communauté européenne de défense en 1954, il participe à la relance qui
mène à la signature des traités de Rome instituant la communauté
économique (CEE, 1957). Clé de voûte de sa vision européenne, il accorde
à la réconciliation franco-allemande une attention particulière et trouve en
la personne du général de Gaulle un partenaire privilégié pour sceller en
1963 le rapprochement des deux pays par le traité de l’Élysée.
La détente, qui se dessine entre les deux Grands après la crise de Cuba et
la seconde crise de Berlin, amène à repenser la question allemande dans le
sens d’une ouverture vers l’Est. Alors qu’une nouvelle génération arrive au
pouvoir dans les principales démocraties occidentales, la politique de
fermeté vis-à-vis du bloc soviétique prônée par Adenauer (doctrine
Hallstein) ne fait plus l’unanimité, tandis que les ambitions concurrentes de
la France et des États-Unis en Europe ébranlent son dispositif d’intégration
à l’Ouest, le condamnant à un choix impossible entre Paris et Washington.
Les derniers mois de son « règne », particulièrement difficiles, l’obligent à
démissionner en octobre 1963 au profit de Ludwig Erhard à la suite d’une
fronde orchestrée par la CDU. Son nom n’en reste pas moins intimement
associé à la renaissance de la démocratie allemande après 1945 et à la
réussite de la République fédérale.
FG

SCHWARZ Hans-Peter, Adenauer, 2 volumes, Stuttgart, DVA, 1991.


→ ALLEMANDE (QUESTION), BERLIN, CECA, CED, CEE,
CORÉE (GUERRE DE), CUBA (CRISE DE), DE GAULLE, ÉLYSÉE
(TRAITÉ DE L'), GUERRE FROIDE, HALLSTEIN, HITLER,
OTAN, ROME (TRAITÉS DE), UEO

AELE

Après leur refus d’entrer dans le Marché commun, les Britanniques


proposent une vaste zone de libre-échange pour tous les membres de
l’OECE. Face à l’opposition française, ils créent, avec l’Autriche, le
Danemark, le Liechstenstein, la Norvège, le Portugal, la Suède, la Suisse,
l’Association européenne de libre-échange (European Free Trade
Association, EFTA). Le traité de Stockholm (4 janvier 1960) prévoit la
suppression progressive des droits de douane pour les produits industriels ;
la Finlande s’y joint en 1961 et l’Islande en 1970. L'élargissement de la
CEE à certains d’entre eux, et les échanges massifs entre l’AELE et la CEE
aboutissent à la création d’un Espace économique européen (EEE) en 1984.
Après le bouleversement de 1989-1990, le traité EEE vise, à terme, à
l’adhésion totale à l’Union européenne : l’accord de Porto de 1992, que
seule la Suisse refuse, entre en application en 1994. Les citoyens des pays
de l’AELE bénéficient de la liberté de circulation, mais ne sont intégrés à
l’UE que par le biais d’accords bilatéraux concernant l’agriculture ou les
transports routiers par exemple. L'AELE ne comprend désormais que la
Suisse, l’Islande, le Liechstentein et la Norvège.
Ch. M

→ CEE, ÉLARGISSEMENT, OECE

AFGHANISTAN (GUERRES D’)

Situé entre le monde indien et le monde russe, l’Afghanistan est voué à


être un État-tampon. Au XIXe siècle, la Russie et l’Angleterre – qui domine
l’Inde – se disputent, puis reconnaissent l’indépendance de l’Afghanistan en
1919. Pays pauvre, mais passage obligé dans la stratégie des Soviétiques
d’accès aux mers chaudes, son intégrité est menacée par la mainmise
progressive de l’URSS. Avec le coup d’État de Daoud Khan en 1973, qui
renverse la monarchie dirigée par le roi Zaher Shah, c’en est fini de
l’Afghanistan traditionnel : une phase d’instabilité s’ensuit dont le pays
n’est toujours pas sorti. À l’intérieur, des factions, se réclamant de l’Islam et
reflétant les structures traditionnelles du pays, s’affrontent aux partis
communistes téléguidés de Moscou. Le pays devient un enjeu de la guerre
froide entre les États-Unis et l’Union soviétique qui envahit l’Afghanistan
en décembre 1979 : le but avancé est de rétablir un ordre ébranlé par des
coups de force successifs qui ont fini par porter au pouvoir le dirigeant d’un
des deux partis communistes afghans, Taraki. Comment interpréter
l’intervention soviétique ? Est-elle destinée à éviter que le désordre
politique mène à l’éviction des dirigeants communistes ? Faut-il y voir la
crainte de Moscou d’une éventuelle contagion étendant la rébellion
islamique aux républiques musulmanes d’URSS ? Est-elle la preuve d’un
nouvel expansionnisme soviétique, encouragé par la faiblesse du camp
occidental, mettant fin à la détente ? En fait, l’URSS intervient pour
consolider une configuration politique et stratégique régionale.
Washington fait observer que l’Afghanistan ne fait pas partie du domaine
traditionnel du pacte de Varsovie et organise la contre-offensive : l’invasion
est condamnée par l’ONU et les États non alignés. La Maison-Blanche
promulgue la doctrine Carter (notamment l’embargo sur le blé envoyé aux
Soviétiques) et décide d’aider les combattants musulmans, politique
largement développée par le président Reagan, successeur d’un Carter
accusé de naïveté. Grâce à cette aide, la résistance afghane marque des
points et tient Moscou en échec. Face à la pression occidentale et à
l’aventure risquée que représente une guerre impopulaire et à l’issue
incertaine, Gorbatchev décide de « sacrifier » l’Afghanistan. Grâce aux
bons offices de l’ONU, un accord est conclu à Genève en 1988 : il est prévu
un retrait des affaires intérieures de l’Afghanistan, le droit au retour pour les
réfugiés, la co-garantie de l’accord par les États-Unis et l’Union soviétique.
Le retrait des troupes soviétiques est effectif en février 1989. À son tour, en
1992, le régime communiste de Kaboul cède la place à un régime
islamique. L'opposition entre les différentes factions continue de
déstabiliser le pays jusqu’en 1996, date de l’implantation au pouvoir du
régime des talibans qui revendique un islamisme des plus traditionalistes. À
la suite du choc du 11 Septembre, l’administration George W. Bush désigne
le régime taliban comme l’ennemi, car il est censé protéger l’organisation
Al-Qaïda et elle engage la guerre qui réussit à évincer les Talibans (octobre-
décembre 2001) avant de déployer une force internationale chargée
d’assurer la sécurité (International Security Assistance Force) sous mandat
de l’ONU. Mais dans les années qui suivent, les troupes de l’ISAF, dont
l’OTAN a pris le commandement, sont confrontées à une guérilla de plus en
plus dure et à des attentats suicides à répétition qui contraignent l’ISAF à
des demandes incessantes de renforts et à étendre son action sur le territoire
afghan entier.
MV

DJALLILI Mahammad-Reza, KELLNER Thierry, Géopolitique de la


nouvelle Asie centrale, PUF, 2003. FAZELLY, Kacem, L'Afghanistan, du
provisoire au transitoire, Langues et Mondes, 2004.
LEVESQUE Jacques, L'URSS en Afghanistan, de l’invasion au retrait,
Complexe, 1990.
RUBIN Barnett, The fragmentation of Afghanistan, Yale University
Press, 1995.
→ CARTER, EMBARGO, GORBATCHEV, GUERRE FROIDE,
ISLAMISME, NON-ALIGNÉS (MOUVEMENT DES), ONU,
REAGAN, VARSOVIE (PACTE DE)

AGENCE POUR LE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL (AID)

Si les États-Unis conduisent des programmes d’aide à l’étranger dès la


fin des années 1940, la création de l’AID (Agency for International
Development) par Kennedy en 1961, caractéristique de l’esprit des années
1960, symbolise la place croissante de l’aide au développement dans la
politique extérieure américaine. Ses programmes d’assistance, technique ou
financière, vont de l’agriculture au contrôle démographique en passant par
l’aide humanitaire (programme Food for Peace, géré avec le département
de l’Agriculture), l’éducation ou l’amélioration des infrastructures. En
1994, l’AID gère un budget de huit milliards de dollars et des programmes
dans plus de cent pays. Mais son aide ne représente plus que 0,2 % du PNB
américain en 1994, bien loin de l’objectif de 0,7 % fixé par les Nations
unies. Dépendante à l’origine du département d’État, tiraillée entre
l’humanitaire, la politique de développement, la promotion des intérêts
économiques américains et les impératifs de la sécurité nationale, elle a
particulièrement souffert des attaques du Congrès comme des modifications
de politique et d’organisation à chaque changement d’administration.
PMD

PORTER D., US Economic Foreign Aid : A Case Study of the United States
Agency for International Development, New York, 1990.
→ HUMANITAIRE, KENNEDY, ONU

AGENCE INTERNATIONALE DE L'ÉNERGIE (AIE) (en anglais IEA)

Il s’agit d’une agence autonome de l’OCDE qui siège à Paris et compte


28 membres. Elle est créée lors de la conférence de Washington sur
l’énergie (11-13 février 1974), réunissant, sous la présidence du Secrétaire
au département d’État américain, Henry Kissinger, les treize grands pays
consommateurs de pétrole, pour répondre aux décisions de l’OPEP
(Organisation des pays exportateurs de pétrole) prises à l’occasion de la
guerre du Kippour les 16 octobre et 23 décembre 1973, d’augmenter le prix
du baril de pétrole brut de 3 à 11 dollars, et d’imposer un embargo contre
les pays soutenant Israël. L'AIE ainsi formée, sorte de syndicat des
consommateurs par opposition au syndicat des pays producteurs, comprend
les États membres de la CEE, à l’exception de la France opposée à cette
initiative américaine, les États-Unis, le Japon, le Canada, la Suède,
l’Autriche et la Turquie. L'AIE, outre ses missions de coopération en
matière de recherche et de développement dans le secteur pétrolier et des
nouvelles sources d’énergie, adopte un programme de répartition des
approvisionnements en cas de crise. En 1975, le président Giscard
d’Estaing, avec l’appui du ministre saoudien du Pétrole, le Sheik Yamani,
propose, au contraire, de garder le contact avec les pays arabes et l’OPEP, et
d’ouvrir un dialogue plus vaste Nord-Sud, réunissant, sur un pied d’égalité,
des pays du Nord (États-Unis, Japon, CEE) et des pays du Sud (Algérie,
Arabie Saoudite, Iran, Venezuela, Inde, Brésil, Zaïre). Les tentatives
françaises pour parvenir à un compromis entre pays industrialisés et pays en
voie de développement (réunions préparatoires d’avril et de septembre
1975) se heurtent à l’opposition des États-Unis. La conférence élargie
Nord-Sud, non limitée au pétrole, qui se tient à Paris du 16 au 18 décembre
1975, bute sur la question du pétrole et se termine par un constat d’échec.
C'est, toutefois, l’amorce de négociations globales sur l’aide au Tiers
Monde, organisées dans le cadre des CNUCED (Conférences des Nations
unies pour le Commerce et le Développement) et du G7 (groupe des sept
pays les plus industrialisés). Créée dans le but de garantir les
approvisionnements pétroliers des États occidentaux, l’AIE veut désormais
marier cet objectif avec les exigences liées à la protection de
l’environnement.
MV
→ CEE, CNUCED, EMBARGO, GISCARD D’ESTAING,
KIPPOUR (GUERRE DU), KISSINGER, OPEP, TIERS MONDE
AGENCE INTERNATIONALE DE L'ÉNERGIE ATOMIQUE
(AIEA)

Cette Organisation intergouvernementale autonome, placée sous l’égide


des Nations unies, est créée suite à une suggestion du président Eisenhower,
lancée en décembre 1953 : le plan Atoms for Peace. Le statut de l’AIEA,
adopté à New York le 26 octobre 1956 entre en vigueur le 29 juillet 1957.
Son siège est à Vienne. Ses objectifs sont d’encourager et de faciliter dans
le monde le développement et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins
pacifiques ; de garantir que les matières fissiles ne seront pas utilisées à des
fins militaires. L'action de l’AIEA est fondée sur l’idée de l’aide contrôlée.
En contrepartie de l’aide de l’Agence, les bénéficiaires s’engagent à se
soumettre à ses contrôles par des accords « de garanties ». La mission de
l’Agence est élargie à la suite de la signature du Traité de non-prolifération
nucléaire (TNP) le 5 juillet 1968. L'Agence est chargée, en vertu de l’article
III du TNP, de contrôler l’usage pacifique des matières fissiles dans les pays
non dotés d’armes nucléaires, parties au traité. L'AIEA compte, en 1998,
125 États membres. L'Agence dispose de moyens juridiques et techniques,
en particulier la possibilité de saisir le Conseil de sécurité des Nations
unies. Le dispositif anti-prolifération AIEA-TNP est complété par la
création, en 1975, du Club de Londres regroupant quinze pays fournisseurs
de matières fissiles, qui adopte des directives notifiées officiellement en
1978. Des lacunes subsistent toutefois puisque l’Irak (1991) et la Corée du
Nord (1993 et 1994) réussissent à dissimuler et/ou à interdire certains de
leurs sites nucléaires aux inspecteurs de l’Agence. Ceux-ci sont même
expulsés d’Irak en 1998, ce qui accroît les soupçons de Washington au sujet
des ADM que Bagdad est censé fabriquer ou détenir. Bien que les
inspecteurs soient de nouveau autorisés à contrôler le désarmement de
l’Irak, l’administration de George W. Bush est persuadée que le régime de
Saddam Hussein cherche à dissimuler ses armements et elle engage la
guerre en 2003. L'histoire recommence avec l’Iran, accusé de vouloir
enfreindre le TNP. En octobre 2005, le prix Nobel de la paix est attribué à
l’AIEA et à son directeur, Mohamed El Baradei pour leur travail contre la
prolifération des armées nucléaires.
MV
→ ARMES NUCLÉAIRES, EISENHOWER, IRAN-IRAK
(GUERRE), ONU, PROLIFÉRATION

AGRESSION

La définition de l’agression se pose après la Première Guerre mondiale


dans le cadre du système de sécurité collective, où il est essentiel de
déterminer l’agresseur pour le désigner comme tel à la communauté
internationale et lui appliquer les sanctions prévues. Mais comment définir
l’agresseur ?
Aux termes des articles 10 et 12 du pacte de la SDN, il est interdit aux
membres de recourir à la guerre : ils doivent soumettre les différends à
l’arbitrage, et des procédures susceptibles de prévenir ou de réprimer les
violations sont prévues. Aussitôt se trouve posée la question de la définition
de l’agression. Les différentes instances de la SDN ne parviennent pas à
s’accorder, et le pacte Briand-Kellogg (1928), qui transcende allégrement
ces difficultés, ne résout pas la question. En 1932, la doctrine Stimson
préconise de considérer comme illégitime toute situation résultant d’une
agression ; au cours des années 1930, les Soviétiques en proposent une
définition (celui qui le premier aura commis l’une des actions désignées), ce
qui n’empêche pas les agressions hitlériennes, japonaises, italiennes, etc.
L'ONU se penche, à son tour, sur la question et il faut attendre 1974 pour
qu’elle adopte une définition de l’agression (« emploi de la force armée
contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique
d’un autre État »), en énumérant une série de cas d’agressions. Mais la
question est loin d’être réglée en raison de l’action de légitime défense (seul
cas dans lequel un État peut recourir à la force armée contre un autre État,
en toute licéité) avancée par exemple dans le cas d’Israël, et de la théorie de
la guerre juste, qui justifierait les interventions à caractère humanitaire.
MV
→ BRIAND-KELLOGG (PACTE), ONU, SDN, SÉCURITÉ
COLLECTIVE, STIMSON (DOCTRINE)
ALENA → ASSOCIATION DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-
AMÉRICAINE

ALEXANDRETTE (SANDJAK D’)

Circonscription territoriale ottomane, le Sandjak d’Alexandrette, situé au


nord de la côte syrienne, est promis à la France par les accords Sykes-Picot
(1916). Rattaché au mandat français sur le Levant, de nombreux Arméniens
rescapés du génocide de 1915 s’y réfugient après l’évacuation de la Cilicie
par la France en 1921.
Intégré à la République syrienne dont l’indépendance est prévue par les
accords Viénot de 1936, le Sandjak est doté d’un statut qui garantit les
droits, notamment linguistiques, de la minorité turque. Pourtant, et bien
qu’ayant renoncé à ce territoire par le traité de Lausanne (1923), la Turquie
y entretient une agitation irrédentiste. La France en appelle alors à la SDN
dont l’arbitrage recommande, en 1937, l’autonomie du Sandjak,
l’intangibilité de ses frontières ainsi que la concession de droits spéciaux à
la Turquie dans le port d’Alexandrette (Iskanderun).
Un statut négocié avec Ankara démilitarise le territoire et prévoit
l’élection d’une chambre en fonction du poids démographique des
communautés. La contestation du scrutin par la Turquie relance l’agitation
et l’état de siège est proclamé en juin 1938. Cependant, la France craignant
une alliance de la Turquie avec l’Axe accepte qu’une mission militaire
turque participe à la révision des listes électorales qui assure, lors d’un
scrutin complémentaire, l’élection d’une majorité turque à l’Assemblée. Le
23 juin 1939, la Turquie annexe le Sandjak (rebaptisé Hatay) avec l’accord
de la France et, quatre mois plus tard, un pacte franco-anglo-turc (sans effet
jusqu’en février 1945) est signé.
La Syrie n’a jamais accepté cette annexion qui compte, avec la question
de la régulation unilatérale par la Turquie du débit de l’Euphrate, le soutien
de la Syrie à la guérilla kurde et l’alliance militaire turco-israélienne de
1996, parmi les sujets de tensions entre les deux pays.
OD
GILQUIN Michel, D’Antioche au Hatay, L'Harmattan, 2000.
→ KURDE (PROBLÈME), LAUSANNE (TRAITÉ DE),
MANDATS, SDN, SYKES-PICOT (ACCORDS)

ALGÉRIE (GUERRE D’) (1ER NOVEMBRE 1954-18 MARS 1962)

La rébellion algérienne éclate le 1er novembre 1954 (« la Toussaint rouge


») dans un territoire considéré comme un groupe de trois départements
français au statut particulier, peuplé d’une forte minorité d’Européens (un
million sur une population de neuf millions d’habitants en 1954). Elle
intervient après la défaite de la France en Indochine alors que le Maroc et la
Tunisie s’acheminent vers l’indépendance et que la conférence de
Bandoung (1955) marque l’émergence politique du Tiers Monde. C'est une
guerre de décolonisation, à la fois civile et étrangère, dont l’issue, la
reconnaissance négociée de l’indépendance de l’Algérie, s’impose peu à
peu : elle est la cause de la chute de la IVe République et du retour au
pouvoir du général de Gaulle en mai 1958 ; les gouvernements successifs
de la IVe puis de la Ve République s'opposent à toute ingérence étrangère,
soutenant qu’il s’agissait d’une affaire intérieure française ; l’expression de
« guerre d’Algérie » est d’ailleurs refusée pour celle d’« événements ».
Le processus long et difficile qui va de l’« Algérie française » à l’«
Algérie indépendante » se fait en plusieurs étapes.
De 1954 à 1956, l’idée qui prévaut est que « l’Algérie c’est la France ». Il
faut maintenir l’unité de la République, respecter le statut de 1947 (qui
laisse peu d’autonomie aux Musulmans, hormis dans le cadre communal et
la reconnaissance d’une spécificité algérienne ; et l’existence de deux
collèges électoraux manifeste clairement l’inégalité de la représentation au
profit des Européens) ; la politique d’intégration que doit mener Jacques
Soustelle, gouverneur général en 1955, justifie notamment la création d’un
collège unique, avec un accroissement de sièges dévolus aux Musulmans,
arrive trop tard et ne convient ni aux Européens, ni aux Musulmans.
Entre 1956 et 1958 les gouvernements reconnaissent la personnalité
algérienne mais l’action militaire est renforcée par l’envoi du contingent et
l’application des pouvoirs spéciaux : rappel des disponibles, allongement du
service militaire et emploi d’un matériel moderne adapté, défense des
villages et des voies de communication (quadrillage) et dissolution de
l’Assemblée algérienne. Mais le temps que ces moyens mis en œuvre
portent leurs fruits, l’ALN se renforce. En même temps, des conversations
secrètes avec le FLN sont amorcées mais elles échouent. Le président du
Conseil, Guy Mollet, propose le triptyque : cessez-le-feu, élections,
négociations. L'opération de Suez (novembre 1956) est vue par Paris
comme l’occasion d’en finir avec Nasser, soutien efficace des nationalistes
algériens. Le projet de loi-cadre de Bourgès-Maunoury ne peut aboutir, car
il est à son tour renversé en septembre 1957. La pression des États-Unis et
de la Grande-Bretagne sur le gouvernement français après que l’armée a
exercé son droit de suite (Sakhiet Sidi Youssef), la perspective d’ouverture
de pourparlers aboutissent à la crise du 13 mai 1958.
Entre 1958 et 1960, le général de Gaulle, soucieux de mettre fin à une
guerre qui n’en finit pas, propose, en octobre 1958, une politique de
développement économique (le plan de Constantine) et offre à la rébellion «
la paix des braves », tout en imposant le quadrillage par l’armée (plan
Challe). Il retient comme base de solution politique « l’Algérie algérienne »
liée à la France, lance la formule de l’autodétermination (16 septembre
1959) ouvrant la voie à la discussion. Le Gouvernement provisoire de la
République algérienne (GPRA), créé en septembre 1958, et qui siège au
Caire, demande la reconnaissance de l’unité nationale de l’Algérie et de
l’intégrité de son territoire, Sahara inclus. Les échanges officiels amorcés à
Melun (25-29 juin) tournent court.
Si les positions des divers gouvernements varient sur la politique à
suivre, jamais Paris n’admet la moindre ingérence étrangère dans cette
affaire « franco-française » : refus de la médiation tuniso-marocaine, des
bons offices américano-britanniques après le bombardement de Sakhiet Sidi
Youssef, et de toute compétence de l’ONU. Mais les implications
internationales sont importantes et l’image et l’influence de la France en
sont détériorées. La question est portée chaque année devant les Nations
unies, offrant ainsi une tribune aux représentants du FLN. En 1955-1956,
les Français évitent que les Anglo-Saxons ne votent les résolutions afro-
asiatiques exprimant le point de vue du FLN, malgré le nombre croissant de
votes favorables. En 1960, de Gaulle réussit à empêcher l’adoption d’une
résolution recommandant un référendum en Algérie sous contrôle de
l’ONU. Ce n’est qu’en 1961, alors que les négociations entre le
gouvernement et les « rebelles » sont bien amorcées, que l’ONU accepte de
voter une résolution favorable au FLN. La guerre vaut à la France l’hostilité
de la Ligue arabe et de l’ensemble du monde arabe (Tunisie, Maroc,
Égypte, Arabie Saoudite, Irak, Libye) qui reconnaît le GPRA. De son côté,
de Gaulle prend aussi en compte les implications internationales des «
événements » ; sa menace de rompre les relations diplomatiques avec les
États qui reconnaissent le GPRA n’est effective qu’avec les pays du Tiers
Monde. Moscou se limite à une reconnaissance de facto en 1960 et attend
les accords d’Évian pour une reconnaissance de jure. Des alliés de la
France, seul le Pakistan reconnaît le GPRA. En fait, l’appui qu’obtiennent
le FLN et le GPRA est plus psychologique et politique que militaire et
stratégique. D’autre part, les partisans de l’Algérie française et activistes de
l’OAS trouvent de l’aide et des points de chute à l’étranger, dans l’Espagne
de Franco (Salan depuis octobre 1960), en Belgique (Soustelle).
Les années 1960-1962 mènent de l’Algérie algérienne à l’indépendance
au travers des crises politiques et des coups de force : semaine des
barricades (janvier 1960), putsch des généraux (avril 1961), les pourparlers
reprennent à Évian le 20 mai 1961, mais la négociation est bloquée par les
deux revendications fondamentales du FLN : unité du territoire et unité du
peuple (refus d’admettre pour les Européens un statut particulier). Le 5
septembre 1961, le général de Gaulle reconnaît le caractère algérien du
Sahara, à condition que l’Algérie demeure associée à la France ; en février-
mars 1962, l’unité du peuple algérien est admise. Après de longues et
difficiles négociations, les accords d’Évian sont signés le 18 mars 1962 ; le
cessez-le-feu intervient le 19 ; l’Algérie proclame son indépendance après
le référendum du 3 juillet ; le 8 octobre 1962, la République algérienne est
admise à l’ONU. La France recouvre l’indépendance de sa politique
étrangère. L'annonce du cessez-le-feu ne calme rien : les attentats de l’OAS
redoublent tant en Algérie qu’en métropole avec l’espoir qu’il ne sera pas
appliqué. La question du départ des pieds-noirs et de la protection des
harkis est difficile à gérer malgré les garanties négociées à Évian.
CB
DROZ Bernard, LEVER Évelyne, Histoire de la guerre d’Algérie, 1954-
1962, Le Seuil, 1982. ELSENHANS Hartmut, La Guerre d’Algérie, 1954-
1962, la transition d’une France à l’autre, 1974, trad., éd. Publisud, 1999.
→ BANDUNG (CONFÉRENCE DE), DÉCOLONISATION, DE
GAULLE, ÉVIAN (ACCORDS D’), FRANCO, LIGUE ARABE,
NASSER, ONU, SAKET SIDI YOUSSEF, SUEZ, TIERS MONDE

ALLEMANDE (QUESTION)

Que faire de l’Allemagne vaincue ? Comment assurer l’avenir de la


nation allemande sans mettre en péril l’existence du reste du continent
européen, et régler le problème des frontières tout en ménageant un ordre
international de paix ? Comment trouver une solution pacifique et durable à
cette « question allemande » qui domine la scène européenne au cours de la
première moitié du 20e siècle et dont l’origine tient sans doute à
l’incertitude, faite d’angoisse et de fureur, que semble parfois éprouver
l’Allemagne quant à ses limites, son unité, son régime politique, son rôle
international ? Comment, en somme, accorder la place qui lui revient à ce «
peuple en perpétuel devenir » (Ch. de Gaulle), dont les dérives ont, par le
passé, constitué une menace permanente pour les pays voisins ? Comment
parvenir, enfin, à un accord concernant les minorités allemandes d’Europe
centrale et orientale que le Reich de 1871 n’a pas intégrées, et dont le sort,
resté en suspens, a été l’un des points de tension les plus graves de l’entre-
deux-guerres ? Tel est le défi que les Alliés doivent relever à la fin de la
Seconde Guerre mondiale.
C'est à Reims puis à Berlin que la Wehrmacht capitule sans condition les
7 et 8 mai 1945. Concession à l’URSS dont les troupes ont pu avancer
jusqu’à la capitale du Reich avec l’accord tacite des Américains qui, de leur
côté, ont gagné l’Elbe, cette double capitulation pourrait annoncer la fin de
l’unité allemande. D’ailleurs, Français et Soviétiques évoquent des projets
de démembrement de l’Allemagne, tandis que le plan Morgenthau parle de
la pastoraliser. Conformément aux engagements pris lors des grandes
conférences de guerre, à Téhéran (1943) comme à Yalta (1944), les Alliés
établissent, par leur déclaration du 5 juin 1945, une autorité suprême
interalliée en Allemagne dont le pouvoir revient à un Conseil de contrôle
quadripartite qui prend en charge le sort du pays. Le territoire de
l’Allemagne est divisé en quatre zones d’occupation placées sous l’autorité
d’un commandant en chef allié (américain, britannique, français et
soviétique) ; Berlin, découpée en quatre secteurs, a un statut spécial. Bien
que les Alliés affirment leur attachement à l’unité de l’Allemagne, elle est
bel et bien divisée.
En outre, elle est amoindrie : les pertes territoriales sont considérables. À
l’ouest et au sud, l’Allemagne, qui doit céder tous les territoires conquis
depuis l’Anschluss (1938) (Alsace-Lorraine, Autriche et régions annexées
de Tchécoslovaquie à fortes minorités allemandes), est ramenée à ses
frontières de 1937. À l’est, sa frontière orientale est fixée de facto sur la
ligne Oder-Neisse, l’URSS profitant du flou des dispositions prises à Yalta
pour placer tous les territoires situés au-delà de cette zone sous
administration polonaise ou soviétique. Mis devant le fait accompli, les
Alliés occidentaux s’inclinent à la conférence de Potsdam. Il en résulte une
large translation d’est en ouest du territoire polonais tandis que l’URSS
prend possession en Prusse orientale de la région de Königsberg. En tout,
l’Allemagne perd ainsi plus de 100 000 km2 (soit 25 % du Reich de 1937) et
près de 12 millions d’habitants. Des millions de civils déracinés se
retrouvent sur les routes, réfugiés de l’est fuyant l’Armée rouge ou expulsés
des anciens territoires conquis par l’Allemagne (Sudètes, Yougoslavie,
Roumanie, Bulgarie…). Les pertes démographiques s’élèvent à 7 millions
de morts ou disparus, militaires et civils. Des villes entières sont détruites
par les bombardements de l’aviation alliée à la fin de la guerre (Francfort,
Dresde, Cologne, Nuremberg…). S'y ajoute une profonde crise morale
après la découverte de la réalité terrifiante du système concentrationnaire
nazi.
Réunis à Potsdam pour la dernière conférence interalliée de la Seconde
Guerre mondiale, les vainqueurs s’entendent sur quelques grands principes
susceptibles de guider la politique à mettre en œuvre dans leur zone
d’occupation respective – les fameux quatre « D » : dénazification,
démilitarisation, déconcentration, démocratisation – et sur la nécessité de
les juger coupables au tribunal de Nuremberg. Mais très vite en revanche,
des divergences apparaissent dans l’application de ces accords selon les
zones. Si les Occidentaux semblent pressés de créer les conditions d’un
redressement durable et favorisent la reprise de l’activité économique grâce
au plan Marshall, puis de la vie politique à l’échelon local sur des bases
libérales et démocratiques, l’URSS de son côté procède d’une part à des
démontages d’usines, d’autre part à une soviétisation forcée de sa zone.
Fondé sur l’opposition irréductible de deux visions du monde antagonistes,
capitalisme libéral d’une part, socialisme collectiviste de l’autre, le
désaccord des Alliés sur la question allemande se manifeste lors de la
conférence de Londres (1947), où tout espoir de parvenir à un règlement de
paix concerté semble disparaître. Après avoir réuni leurs zones
d’occupation (« bizone », 1947), les États-Unis et la Grande-Bretagne,
rejoints par la France (« trizone », 1948) y entreprennent une vaste réforme
monétaire : l’introduction en 1948 d’une nouvelle monnaie, le deutschmark,
provoque alors l’hostilité de l’URSS qui instaure un blocus de Berlin (1948)
en signe de protestation contre l’unification des zones occidentales. La
riposte immédiate des Occidentaux (pont aérien) précipite la rupture
définitive entre les Alliés et la fondation en 1949 de deux États allemands à
la souveraineté limitée : la République fédérale d’Allemagne (RFA) à
l’Ouest et la République démocratique allemande (RDA) à l’Est.
En RFA, le chancelier Adenauer se lance dans une politique d’intégration
à l’Ouest dont il escompte qu’elle contribuera à restaurer la confiance en
l’Allemagne et permettra à la République fédérale d’obtenir une
souveraineté complète. D’ailleurs, la RFA accepte le plan Schuman de
création de la CECA et joue le jeu de l’intégration européenne et de la
réconciliation franco-allemande (règlement de la question sarroise en 1955,
traité de l’Élysée en 1963). Conscient du désir des Américains, consécutif à
la guerre de Corée, de voir les Européens participer à leur propre défense,
Adenauer demande de pouvoir y contribuer à la condition d’être traité
comme un partenaire égal en droit. De fait, l’entrée de la République
fédérale dans l’OTAN en 1955 coïncide avec la levée du statut d’occupation
en RFA et l’attachement à l’Alliance atlantique devient un article de foi de
la politique ouest-allemande. La même année, suivant une voie à la fois
parallèle et opposée, la RDA, devenue une démocratie populaire modèle,
vitrine du camp socialiste, se voit accorder en théorie une souveraineté
partielle.
Alors que la RFA et la RDA, enjeu de la guerre froide, font ainsi l’objet
d’une intégration politique, économique et militaire poussée dans les deux
blocs, la « question allemande », loin de se limiter à un problème territorial,
est aussi celle de l’hypothétique réunification. Commence dès lors un long
processus au cours duquel les relations entre les deux États allemands
passent par plusieurs phases, avant de parvenir à l’unification de 1990. Sans
nier le rôle joué par les Allemands eux-mêmes à tous les stades de cette
question, ils n’en sont pas les acteurs principaux, les puissances alliées de
1945 conservant jusqu’à la fin leurs droits exclusifs dans la question des
frontières, de l’unité allemande et de Berlin.
Formulée en 1955, la doctrine Hallstein (du nom du ministre des Affaires
étrangères d’Adenauer, Walter Hallstein) prévaut en RFA jusqu’au milieu
des années 1960 : la République fédérale assume l’héritage juridique du
Reich (dettes, réparation des torts causés aux victimes du nazisme, traité
avec Israël) mais demande en contrepartie à ses partenaires internationaux
de ne pas reconnaître la RDA et de lui dénier par conséquent toute existence
internationale comme toute prétention à représenter l’Allemagne. Elle
rompt ses relations diplomatiques avec tout pays qui aurait reconnu la
RDA. Loin d’apporter une solution à la question allemande, la détente dans
les relations internationales qui se dessine au début des années 1960 fige un
état de fait et mène à l’acceptation du statu quo par les États-Unis et
l’URSS.
L'attitude des Occidentaux lors de la seconde crise de Berlin (1958-1962)
et de la crise de Cuba (1962) qui laisse entrevoir que les deux Grands sont
prêts à maintenir le statu quo en Europe et, de ce fait, la division de
l’Allemagne, amène la République fédérale à revoir ses positions sur la
question allemande. Tournant le dos à la doctrine Hallstein afin de
normaliser les relations de la RFA avec le bloc soviétique, le chancelier
Brandt introduit, contre l’avis des chrétiens-démocrates mais avec le
soutien d’une bonne partie de la presse et des représentants de la grande
industrie, une nouvelle politique d’ouverture à l’Est, l’Ostpolitik. En
quelques années, celle-ci conduit Bonn à reconnaître de facto la division de
l’Europe par une série de traités (1970-1973) avec l’URSS, la Pologne, la
RDA et la Tchécoslovaquie. Avec l’admission commune de la RFA et de la
RDA à l’ONU (1973), le monde prend acte de la coupure de l’Allemagne
tandis que la RDA effectue ses premiers pas sur la scène internationale :
manifestation du nouveau climat qui règne entre les deux États allemands,
Honecker, qui succède à Ulbricht à la tête de l’État est-allemand en 1971, se
rend pour la première fois en visite officielle en République fédérale en
1987. À la conférence d’Helsinki qui donne naissance à la CSCE (1973-
1975), les États européens, de même que les États-Unis et le Canada,
confirment pour l’ensemble de l’Europe les engagements pris par la RFA et
les pays du pacte de Varsovie.
Au début des années 1980, les mouvements d’opposition en Pologne et
en Hongrie, comme la défaite politique de l’URSS dans la crise des
euromissiles, annoncent l’effritement du bloc soviétique. Arrivé au pouvoir
en 1985, Gorbatchev introduit une politique de réformes, qui amène
l’Union soviétique à retirer ses troupes d’Europe de l’Est et à tolérer que
des régimes communistes y soient renversés par le biais d’élections libres.
Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989, la chute du mur de Berlin marque
l’entrée dans une ère nouvelle des relations interallemandes, quoique
l’hypothèse d’une réunification reste encore incertaine. Le chancelier Kohl,
saisissant la chance historique qui s’offre à lui de mettre fin à la division de
l’Allemagne, propose un programme en dix points en vue d’une
confédération. À l’Est, la Chambre du peuple librement élue de RDA au
début de l’année 1990 décide de procéder à l’intégration rapide de la RDA
dans la RFA par une union économique et monétaire puis par un traité
d’union : en quelques mois, la RDA se trouve ainsi absorbée par la
République fédérale dont elle envie la réussite économique et le mode de
vie occidental. Par son habileté diplomatique, le gouvernement Kohl-
Genscher obtient alors l’accord des Alliés lors de la conférence des 2 + 4
(les deux Allemagne, 1990, et les quatre vainqueurs de 1945). L'ex-
Allemagne de l’Est entre dans l’OTAN et dans l’Union européenne. Après
la réunification du 3 octobre 1990, les dernières troupes soviétiques se
retirent d’Allemagne en août 1994.
Depuis la réunification, la politique extérieure allemande s’oriente autour
de trois axes : approfondissement de l’intégration européenne et de l’union
monétaire (accords de Maastricht), élargissement à l’Est de l’OTAN et de
l’Union européenne, participation à des opérations multilatérales de
maintien de la paix en dehors de la zone OTAN, suite à la levée de
l’interdiction d’intervention militaire extérieure par la Cour
constitutionnelle de Karlsruhe en 1994 (Bosnie, 1995 et Kosovo, 1999) –
politique qui a été poursuivie par le chancelier social-démocrate Gerhard
Schröder et son ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer (Verts)
après l’alternance de septembre 1998. Si dès 1990, la réunification est
terminée d’un point de vue institutionnel avec l’installation des pouvoirs
exécutif et législatif à Berlin (1999), la remise à flot de l’économie est-
allemande reste à faire vingt ans après la chute du Mur, et la cohésion
nationale à reconstruire.
FG

GUILLEN Pierre, La question allemande depuis 1945, Imprimerie


nationale, 1996.
HUSSON Édouard, Une autre Allemagne, Gallimard, 2005.
→ ADENAUER, ALLIANCE ATLANTIQUE, ALSACE-
LORRAINE, ANSCHLUSS, BERLIN, BRANDT, ÉLYSÉE (TRAITÉ
DE L'), EUROMISSILES, GORBATCHEV, GUERRE FROIDE,
KOHL, NUREMBERG (TRIBUNAL DE), ODER-NEISSE (LIGNE),
ONU, OTAN, POTSDAM (CONFÉRENCE DE), SARRE, UE,
VARSOVIE (PACTE DE), YALTA (CONFÉRENCE DE)

ALLENDE Salvador (1908-1973)

Cet homme politique de gauche est élu président de la République


chilienne à l’automne 1970, à sa quatrième tentative. À la tête d’un
gouvernement d’unité populaire, il entreprend son programme de réformes
(nationalisation des entreprises et redistribution des revenus). Ce faisant, il
s’attaque aux entreprises américaines, qui ont de gros intérêts au Chili, et
qu’il n’entend pas indemniser à la suite de la nationalisation des mines de
cuivre. En représailles, les Américains exercent des pressions pour imposer
un embargo sur le cuivre et pratiquent un blocus financier du Chili, dont la
dette extérieure est énorme. Il s’agit pour Washington de protéger les
intérêts américains mais aussi de faire plier un régime, qui manifeste sa
sympathie pour Fidel Castro et la Russie communiste.
Le Chili est confronté à une agitation sociale, qui tourne à la guerre civile
et à une faillite financière, favorisées par l’argent de l’International
Telegraph and Telefon et l’action de la CIA. Au point que le 11 septembre
1973, une junte militaire commandée par le général Pinochet s’empare du
pouvoir par un putsch, dans lequel Allende trouve la mort (11 septembre
1973), instaurant une dictature militaire qui durera jusqu’en 1990.
MV

SEGUEL-BOCCARA Ingrid, Les passions politiques au Chili durant


l’Unité populaire, 1970-1973, L'Harmattan, 1997.
SIGMUND Paul, The US and democracy in Chile, Baltimore, John
Hopkins University Press, 1993.
→ CASTRO, CIA, EMBARGO

ALLIANCE ATLANTIQUE

En décidant d’intervenir au Kosovo le 24 mars 1999, peu avant la


célébration à Washington du 50e anniversaire du traité de l’Atlantique-Nord,
au cours de laquelle la Hongrie, la Pologne et la République tchèque,
membres de l’ex-pacte de Varsovie, sont reçues officiellement comme
nouveaux États membres, l’Alliance atlantique manifeste sa vitalité, dix ans
après la chute du mur de Berlin et la disparition d’une menace qui lui
servait de raison d’être.
Instrument de la guerre froide, l’Alliance constitue la principale solution
de rechange après l’échec des plans américains pour l’après-guerre : au
système international organisé autour de l’ONU et handicapé par
l’obstruction soviétique, ils substituent une alliance régionale des plus
traditionnelles. Moins de deux ans après l’annonce du plan Marshall, le
traité de l’Atlantique-Nord traduit le glissement de la politique américaine
de l’économique au stratégique. Ce faisant, l’Alliance atlantique, le plus
important des engagements américains depuis la Seconde Guerre mondiale,
marque une révolution pour la diplomatie des États-Unis : première alliance
contractée par eux en temps de paix hors le continent américain, elle établit
un précédent pour de nombreux autres pactes (OTASE, CENTO) qui
deviennent l’instrument privilégié de leur politique de sécurité nationale.
Inspirée du pacte de Rio de 1947, l’Alliance signifie à l’URSS qu’elle
étend la doctrine de Monroe et la frontière de la sécurité américaine à
l’Europe occidentale. L'alliance s’établit en plusieurs étapes : après le traité
de Dunkerque de 1947 encore suscité par la crainte de l’Allemagne, et face
à la menace soviétique qui s’affirme notamment lors du coup de Prague,
Français et Britanniques, qui en appellent à la protection des États-Unis,
signent à leur demande en mars 1948, le traité de Bruxelles d’Union
occidentale, avec les pays du Benelux. Véritable préalable à l’engagement
américain, l’Europe s’organise ; des négociations secrètes s’ouvrent entre
les cinq signataires du pacte, le Canada et les États-Unis. Sans ces derniers,
il est vrai, le pacte de Bruxelles n’a guère de réalité et l’urgence semble
d’autant plus grande que dans le même temps l’URSS organise le blocus
terrestre de Berlin. Dans ce contexte de crise, le gouvernement américain
opère une révolution dans sa politique étrangère : en faisant voter le 11 juin
1948 la résolution Vandenberg (du nom du président républicain de la
commission des Affaires étrangères du Sénat) qui autorise le pouvoir
exécutif à conclure des alliances en temps de paix, il rompt avec
l’isolationnisme traditionnel, ce refus des engagements contraignants établi
depuis George Washington. Ainsi, il ouvre la voie à l’Alliance atlantique,
négociée à la fin de 1948 et au début de 1949. Le degré d’automaticité du
Traité et son extension géographique provoquent des débats acharnés. Aux
États-Unis, qui, pour répondre aux pressions du Kremlin sur la Finlande et
pour des raisons stratégiques évidentes, veulent intégrer la Scandinavie à
l’Alliance, s’oppose la France qui, pour ne pas voir le centre de gravité de
l’ensemble se déplacer trop vers le Nord, propose l’entrée de l’Italie dans le
Traité et surtout l’inclusion de ses départements d’Algérie dans la zone
couverte par la garantie. Si les États-Unis renoncent devant les objections
politiques à la participation de l’Espagne de Franco, l’entrée du Portugal,
guère plus démocratique mais indispensable par sa façade maritime, est
obtenue sans difficultés. Enfin mis au point, le texte du pacte est, fait unique
en son genre, publié le 18 mars avant sa signature, afin d’alerter l’opinion
mondiale tandis que les pays négociateurs invitent d’autres à les rejoindre.
Des pays sollicités, seules l’Irlande et la Suède préfèrent s’en tenir à leur
neutralité traditionnelle et le Traité conclu pour vingt ans est signé à
Washington le 4 avril 1949 par douze nations (États-Unis, Canada, France,
Royaume-Uni, Benelux, Italie, Norvège, Danemark, Islande, Portugal). La
Grèce et la Turquie accèdent au Pacte le 18 février 1952, la RFA le 5 mai
1955, l’Espagne le 30 mai 1982, la Hongrie, la Pologne et la République
tchèque enfin en 1999. Rapidement ratifié malgré les protestations
soviétiques et les campagnes « en faveur de la paix » dirigées en fait contre
le Pacte, il entre en vigueur dès août 1949.
Long de 14 articles, le texte du Traité affirme la compatibilité entre le
Pacte et la charte des Nations unies, insiste sur le désir de paix des
contractants ; il marque surtout leur détermination à protéger le régime
démocratique de type occidental et le règne du droit, l’essentiel étant
constitué par les clauses militaires qui différencient la menace du sentiment
de menace (art. 4) provoquant une simple consultation des parties. Clé de
voûte du Pacte, l’article 5 institue une assistance mutuelle : tout en précisant
qu’en cas d’attaque armée contre l’un des membres, les autres doivent
prendre les mesures appropriées, « y compris l’emploi de la force armée
pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique-Nord », il
se garde bien, pour faciliter la ratification américaine, de prévoir
l’automaticité absolue d’un engagement militaire qui demeure l’entière
prérogative du Congrès. En outre, en limitant strictement dans son article 6
la zone de solidarité atlantique à l’Europe, l’Amérique et l’Algérie, le Traité
ne lie pas les États-Unis à l’Europe dans le reste du monde pour d’éventuels
conflits de décolonisation, et pose pour l’avenir l’épineuse question du «
hors-zone ». Coalition de type traditionnel où chaque pays conserve son
armée et son commandement, cette alliance très souple ne compte en temps
de paix qu’un embryon d’organisation permanente sous la forme d’un
conseil atlantique aux prérogatives bien vagues (art. 9). C'est de ce conseil
pourtant, chargé de constituer « les organismes subsidiaires qui pourraient
être nécessaires », un comité de défense en particulier, que naîtra l’OTAN.
Bien que les deux termes soient employés indifféremment l’un pour l’autre,
l’Alliance atlantique se distingue de l’Organisation du traité de
l’Atlantique-Nord (OTAN) constituée pour la servir (de Gaulle opère cette
même distinction en 1966 entre l’Alliance et une OTAN qui en aurait
dévoyé l’esprit). Instrument essentiellement diplomatique, affirmation
d’intention qui doit seule garantir la sécurité, le Traité qui évoque
rapidement dans son article 2 la nécessité d’une intégration économique de
l’Occident et la création d’une « communauté » atlantique, constitue la
simple caution militaire d’une reconstruction économique de l’Europe jugée
encore prioritaire par les Américains en 1949. Dans le conflit idéologique
de la guerre froide, l’Alliance apparaît même comme le porte-drapeau d’un
système économique, monétaire et social constitué par les démocraties
occidentales. À peine constituée, l’Alliance se voit bouleversée de fond en
comble et avec elle ses buts comme sa philosophie. Ce n’est pas là le
moindre de ses paradoxes ni sa seule ambiguïté. Fondée sur le respect des
souverainetés et l’égalité entre les alliés, l’Alliance repose pourtant sur le
leadership américain et une primauté qui transparaît dans la rédaction même
du Traité. Grand rassemblement des nations occidentales, l’Alliance n’est-
elle pas plutôt l’instrument d’une domination américaine ? Est-elle un bloc
militaire ou l’espace privilégié d’un système économique et monétaire ? En
outre, en assurant la défense de l’Europe, ne vient-elle pas priver aussi
l’idée européenne de son principal attrait ? Ce sont ces contradictions qui
vont nourrir l’histoire de l’OTAN, faite d’autant d’oppositions entre alliés
que de points d’accord.
PMD

MELANDRI Pierre, L'Alliance atlantique, Gallimard, Paris, 1979.


PASCALLON Pierre (sd), L'Alliance atlantique et l’OTAN, 1949-1999,
Bruylant, 1999.
→ BERLIN, BRUXELLES (PACTE DE), DE GAULLE,
DUNKERQUE (TRAITÉ DE), FRANCO, ISOLATIONNISME,
MARSHALL (PLAN), ONU, OTAN, OTASE, VARSOVIE (PACTE
DE)

ALLIANCE (GRANDE)

Plusieurs conférences interalliées se tiennent dans l’année 1943 pour


prévoir la stratégie de la suite de la guerre sur l’ensemble des fronts. D’un
intérêt militaire évident, ces rencontres marquent aussi l’importance de la «
Grande Alliance » et la place de chacun en son sein. Une conférence anglo-
américaine se tient à Anfa (14-24 janvier), près de Casablanca où Churchill
invite le général de Gaulle à se joindre au général Giraud dont les positions
sont nettement opposées. Pour celui-ci l’objectif militaire est prioritaire
alors que pour le premier, il est politique et diplomatique : la France doit
retrouver son rang au sein des nations alliées. Pour Roosevelt, la carte
Giraud est le moyen d’écarter le chef de la France combattante trop
encombrant et qui, à ses yeux, n’a aucune légitimité. Il lui promet l’aide
militaire américaine. Au cours de la même conférence, les alliés s’entendent
aussi pour exiger la capitulation sans condition de l’Allemagne, mais
aucune des décisions n’est communiquée aux Français.
À Québec (fin août), après la reconnaissance du Comité français de la
Libération nationale, Roosevelt et Churchill se retrouvent et fixent l’ordre
des priorités : après le débarquement de Sicile (10-17 août), le théâtre
européen est privilégié mais la stratégie contre le Japon est arrêtée.
C'est à Téhéran (28 novembre-1er décembre 1943) que se réunissent pour
la première fois les trois grands de la coalition antihitlérienne : Staline,
Churchill et Roosevelt. Staline obtient la promesse de la création d’un
second front en France (débarquements en Normandie et Provence au
printemps et à l’été 1944) ; il écarte ainsi le plan de Churchill qui suggère la
création d’un front dans les Balkans où il a des intérêts immédiats et se
méfie d’une intervention britannique. Les Trois conviennent de
démilitariser et démembrer l’Allemagne après la victoire et s’entendent sur
leurs zones d’occupation ; ils s’accordent sur les grandes lignes de la future
Organisation des Nations unies. Sans rencontrer d’objection explicite,
Staline fait part de son intention d’annexer les pays baltes et de déplacer les
frontières polonaises au détriment de l’Allemagne et au profit de l’Union
soviétique.
Au Caire (quartier général britannique au Moyen-Orient), la conférence «
Sextant » se tient en deux temps (23-27 novembre et 7 décembre)
Roosevelt, Churchill, Tchang Kaï-chek et Ismet Inönü élaborent la stratégie
en Asie dont Staline est aussitôt avisé ; le commandement suprême des
forces alliées en Europe est confié à Eisenhower.
Soucieux de la souveraineté nationale, de Gaulle exige que le CFLN
participe aux prises de décisions, même si le commandement interallié peut
disposer des forces françaises. Le 27 décembre 1943, une réunion se tient
sous sa présidence, à laquelle participent le général Giraud, qui n’est plus
co-président du CFLN, et des représentants britanniques et américains. À
cette occasion sont révélés aux Français les plans élaborés lors des
conférences précédentes sur les prochaines opérations militaires en France,
mais il n’obtient pas d’être associé aux prises de décisions stratégiques. Les
conférences de Yalta et Potsdam ont lieu sans la France ; elle n’obtient de
rejoindre le club des grandes puissances alliées qu’en 1945.
CB

SAINSBURY K., The turning point : 1943, Oxford University Press, 1985.
→ BALTES (PAYS), CHURCHILL, DE GAULLE, EISENHOWER,
ONU, POTSDAM (CONFÉRENCE DE), ROOSEVELT (FRANKLIN
D.), STALINE, YALTA (CONFÉRENCE DE)

ALLIANCE POUR LE PROGRÈS

Initiative majeure de la politique extérieure de Kennedy, l’Alliance pour


le progrès est créée à la conférence interaméricaine de Punta del Este
(Uruguay) en août 1961. Son programme d’assistance à long terme vise à
favoriser la croissance économique, la modernisation sociale et la
démocratisation en Amérique latine. Développé comme un antidote à la
révolution menée par Castro, le projet s’engage à investir plus de 20
milliards de dollars en capitaux publics et privés sur dix ans, appelle les
pays d’Amérique latine à distribuer la richesse plus équitablement, à
investir dans l’éducation et la santé, à réformer le système politique et à
entraîner des forces pour combattre les guérillas communistes. Le continent
n’enregistrant qu’une croissance annuelle d’1,5 % contre les 2,5 %
attendus, le programme échoue à transformer l’Amérique latine, confronté
par ailleurs à ses propres contradictions : les réformes économiques,
agraires, sociales entrent en conflit avec les intérêts des milieux d’affaires
américains, son anticommunisme virulent favorise la répression de
l’opposition et s’oppose à la démocratisation désirée. Sous Johnson, fonds
et mystique entourant le programme déclinent alors que s’évanouit en
Amérique latine l’attrait de Castro. L'administration se tourne alors vers la
simple gestion des crises comme celle de la République dominicaine en
1965. En dépit de ses imperfections, de nombreux Latino-Américains l’ont
considérée jusqu’à présent comme la politique américaine la plus positive à
l’égard du continent.
PMD

SCHEMAN Ronald, ed., The Alliance for Progress : A Retrospective, New


York, 1988.
→ CASTRO, JOHNSON, KENNEDY

AL QAÏDA

Al Qaïda (« la base » en arabe) est le nom donné par les services de


renseignement américains à l’organisation d’Oussama Ben Laden. Celui-ci,
né en 1957, est le dix-septième enfant d’un entrepreneur saoudien d’origine
yéménite qui a fait fortune grâce à sa proximité avec la famille royale des
Sa’ud. En 1982, à la demande des services secrets saoudiens, il rejoint au
Pakistan le « bureau des services », la structure qui organise le départ vers
l’Afghanistan des volontaires musulmans qui y combattent contre les
Soviétiques. En 1989, il devient le chef de cette organisation,
qu’Américains et Saoudiens arrêtent de financer suite au retrait soviétique
d’Afghanistan. Ben Laden qui voulait poursuivre le combat jusqu’à la chute
du régime communiste afghan se sent trahi. En 1991, lors de la guerre
contre l’Irak, il dénonce comme une « profanation » l’installation de
troupes américaines sur le sol saoudien, où se trouvent les deux villes
saintes de La Mecque et Médine. Il se retourne alors contre ses anciens
protecteurs. Trouvant d’abord refuge auprès du gouvernement islamiste du
Soudan, il regagne en 1996 l’Afghanistan qui vient de passer sous le
contrôle des talibans. De 1996 à 1998 se noue l’alliance entre Ben Laden et
les talibans, ces derniers lui fournissant asile et camps d’entraînement
contre livraison d’argent et d’armes. Il peut alors structurer son réseau, qui
recrute essentiellement chez les islamistes arabes ayant combattu en
Afghanistan, de façon à en faire une organisation usant du terrorisme afin
de rétablir le califat sur l’ensemble des musulmans du monde, et visant dans
un premier temps à chasser les Américains d’Arabie Saoudite comme les
Soviétiques l’ont été d’Afghanistan. C'est dans ce but que, le 7 août 1998, il
organise les attentats contre les ambassades américaines en Tanzanie et au
Kenya, puis le 13 octobre 2000 celui contre le destroyer USS Cole et enfin
le 11 septembre 2001 les attentats de New York et de Washington, qui
entraînent l’invasion de l’Afghanistan par les Américains en novembre
2001. Depuis lors, l’État-major d’Al Qaïda semble s’être replié dans les
zones tribales du Pakistan et de nombreux attentats continuent d’être
commis en son nom : Bali (octobre 2002), Casablanca (mai 2003), Istanbul
(novembre 2003), Madrid (mars 2004), Arabie Saoudite (mai 2004),
Londres (juillet 2005), Alger (avril 2007), alors que des groupes de guérilla
islamiste irakien (Al Qaïda au pays des deux fleuves) et algérien (Al Qaïda
au Maghreb islamique) lui font allégeance. Mais on peut se demander si,
après la perte de sa base afghane, Al Qaïda n’est pas moins une organisation
qu’un label, dont se réclament des réseaux islamistes formés dans les pays
où ils opèrent et qui partagent sa vision du monde mêlant anti-
occidentalisme, antisionisme et antisémitisme, sans lui être nécessairement
liés organiquement. De sorte qu’il est possible que « l’Al Qaïdisme »
survive à Oussama Ben Laden et à la structure qu’il a fondée.
AD

BURGAT François, L'islamisme à l’heure d’Al-Qaïda : réislamisation,


modernisation, radicalisations, Paris, La Découverte, 2005.
BURKE Jason, Al-Qaïda : la véritable histoire de l’islam radical, Paris,
La Découverte, 2005.
→ AFGHANISTAN (GUERRE D’), BUSH (GEORGE W.), GOLFE
(GUERRE DU), HUSSEIN (SADDAM), IBN SA’UD, ISLAMISME,
TERRORISME

ALSACE-LORRAINE

Terre française depuis le traité de Westphalie (1648) pour l’Alsace,


depuis 1766 pour la Lorraine, la question d’Alsace-Lorraine empoisonne
plus tard les relations entre la France et l’Allemagne, en exaltant le
nationalisme chez la première et le pangermanisme chez la seconde. Restée
terre française au congrès de Vienne de 1815, les nationalistes allemands
ont leur revanche en 1871 par le traité de Francfort qui en fait un
Reichsland (terre d’Empire) ; en fait, il s’agit là des deux départements
alsaciens et du département de la Moselle sauf l’arrondissement de Briey et
du nord du département de la Meurthe. Si la langue allemande devient
obligatoire, les lois françaises restent pourtant en vigueur (le Concordat de
1801). Mais les mesures, qui vont de la souplesse à la rigidité, témoignent à
la veille de la guerre de l’échec de la politique allemande. La revanche
signifie d’abord le retour de l’Alsace-Lorraine à la France. Les armées
françaises peuvent faire leur entrée dans Strasbourg après l’armistice de
1918. Par le traité de Versailles, l’Alsace-Lorraine revient sans plébiscite
dans le giron français. Elle connaît durant l’entre-deux-guerres les
soubresauts de mouvements autonomistes initiés sous l’occupation
allemande. De nouveau annexée par l’Allemagne en juin 1940, l’Alsace est
décrétée zone interdite, en dépit des protestations du gouvernement de
Vichy, et subit une germanisation forcée : interdiction de parler le français,
germanisation des noms et prénoms, destruction de tout ce qui rappelle le
passé français, incorporation des enfants dans les jeunesses hitlériennes,
enrôlement dans l’armée allemande à partir de 1942 (les « Malgré nous »).
À la fin de 1944, on compte 520 000 Alsaciens et Lorrains déportés ou
envoyés en Allemagne et 140 000 incorporés dans la Wehrmacht. Les
territoires sont libérés entre novembre 1944 et mars 1945.
FG

OBERLÉ Roland, L'Alsace au temps du Reichsland : 1871-1914,


Mulhouse, ADM Ed., 1990. RIGOULOT Pierre, L'Alsace-Lorraine pendant
la guerre 1939-1945, Paris, Presses universitaires de France, 1998.
→ ALLEMANDE (QUESTION), TRAITÉS DE PAIX

ALTERMONDIALISATION
Face au phénomène de mondialisation tel qu’il s’est affirmé dans les
deux dernières décennies du 20e siècle s’est élaborée en réaction une
nouvelle « internationale » constituée de toute une nébuleuse
d’organisations et d’individus qui, au-delà de leurs différences, se
rassemblent dans la contestation de la forme et des abus d’une
mondialisation dans laquelle elle ne voit rien d’autre que le triomphe d’un
libéralisme sans entraves. Débutant par une contestation parfois violente du
« gouvernement » du monde par les dirigeants de quelques grands pays, en
prenant pour cibles certains symboles de cette globalisation, que ce soit
l’OMC, le FMI, les réunions du G8, le mouvement est effectivement monté
en puissance à l’occasion du sommet de l’OMC à Seattle en 1999 et le
sommet du G8 à Gênes en 2001. Stigmatisé alors comme un mouvement
purement contestataire dont l’action était entachée par les violences
auxquelles ces manifestations donnèrent lieu, il a su imposer un
changement de vocable, et passer de l’antimondialisation à
l’altermondialisation. Au forum économique mondial de Davos, haut lieu
de l’affirmation du dogme libéral, il opposa à partir de la tenue du premier
forum social mondial à Porto Alegre en janvier 2001 des rencontres
annuelles, mondiales et européennes, pour apporter la contradiction directe
aux tenants de la mondialisation libérale, et y affirmer qu’un autre monde
était possible. Quoique encore assez floue, l’alternative qui se dessine alors
peu à peu vise à créer une véritable « société » mondiale, plus cohérente,
par réduction des inégalités entre les peuples et qui se soucierait enfin de
préserver aussi pour l’avenir les ressources de la planète, dégageant ainsi
peu à peu le concept fédérateur de développement durable. Organisations «
médicales », alimentaires, d’aide aux enfants, organisations écologiques ou
mouvements paysans, de défense des agriculteurs du Tiers Monde, des
paysans sans terre ou en réaction contre l’agriculture productiviste comme
la Confédération paysanne de José Bové en France, organisations de
critique économique telles Public Citizen et sa filiale pour le commerce
mondial Global Trade Watch ou l’association française née en 1997 à
l’initiative du Monde diplomatique, pour une taxation des transactions
financières (ATTAC), qui vise les mouvements financiers spéculatifs et veut
au moins tirer des ressources pour le Tiers Monde, toute cette société civile
internationale dénonce les inégalités nées du libre-échange, la domination
du Nord sur le Sud, la marchandisation de la santé, prône l’aide aux pays
pauvres, appelle à un changement de nos comportements énergétiques et à
une vraie prise de conscience écologique, et réclame un véritable
gouvernement mondial en critiquant les institutions internationales
existantes. Très présent en France à propos de laquelle d’aucuns parlent d’«
allergie culturelle » à la mondialisation comme en Amérique latine avec le
président brésilien Lula comme tête d’affiche, et fortement teinté
d’antiaméricanisme, le mouvement, passé le temps des slogans, connaît un
certain essoufflement sans doute aujourd’hui, et n’a pas encore
véritablement profité de la crise économique majeure dans laquelle le
monde est entré à l’automne 2008.
PMD

BÉNICHI Régis, Histoire de la mondialisation, Vuibert, Paris, 2008.


COHEN Daniel, La Mondialisation et ses ennemis, Grasset, Paris, 2004.
GEORGE Suzan, Un Autre Monde est possible si…, Fayard, Paris, 2004.
→ FMI, G7/G8/G20, LULA, OMC, MONDIALISATION

ANSCHLUSS

Depuis la victoire de Bismarck sur les troupes autrichiennes à Sadowa


(1866), marquant le triomphe d’une « Petite Allemagne », l’union de
l’Autriche et de l’Allemagne constitue un vieux rêve de la droite et des
pangermanistes allemands qui recueillent, dans l’un et l’autre pays, un
certain écho auprès de la population. En dépit de l’interdiction contenue
dans le traité de Versailles, un projet d’union douanière prend forme en
1931 entre l’Allemagne et l’Autriche, auquel la France, secondée par
d’autres puissances européennes se sentant menacées par l’Allemagne, fait
aussitôt échec. C'est avec l’arrivée au pouvoir d’Hitler, d’origine
autrichienne, et la mise en place de la politique d’annexion national-
socialiste, que le mythe de la « Grande Allemagne » se transforme en
réalité. Exploitant la confusion politique qui règne en Autriche, où le
chancelier Dollfuss, chef du parti catholique, doit faire face à la double
opposition des socialistes et du parti nazi, Hitler fomente un coup d’État. Le
25 juillet 1934, Dollfuss est assassiné. Mussolini, qui veut affirmer son
influence dans le bassin danubien, envoie immédiatement des troupes à la
frontière du Brenner, contraignant Hitler à renoncer à sa première tentative
d’Anschluss (ou rattachement) de l’Autriche à l’Allemagne.
En 1938, le contexte international semble plus favorable au dessein
hitlérien. Depuis la proclamation de l’Axe Rome-Berlin par le Duce, l’Italie
ne constitue plus un obstacle : au contraire, Göring rapporte de Rome une
promesse de non-intervention dès 1937. Ni l’URSS, livrée aux purges
staliniennes, ni les États-Unis, qui viennent de voter les lois de neutralité
(1935-1937), ne sont prêts à s’impliquer dans les affaires européennes.
Restent la Grande-Bretagne et la France, mais leur passivité lors de la
remilitarisation de la Rhénanie en 1936 incite Hitler à penser qu’elles
n’interviendront pas non plus en Autriche. À l’intérieur, l’étau se resserre
autour du chancelier Schuschnigg, successeur de Dollfuss, pressé d’associer
la droite nationaliste à son gouvernement tandis que Goebbels, en
s’appuyant sur le traité austro-allemand de 1936 par lequel l’Autriche
reconnaît sa qualité d’État allemand, se livre à un intense travail de
propagande auprès des Autrichiens afin de les gagner à l’idée d’Anschluss.
La crise éclate le 12 février 1938 lorsque Schuschnigg, convoqué à
Berchtesgaden, est forcé d’accepter les conditions posées par Hitler :
alignement de la politique extérieure autrichienne sur celle du Reich,
attribution du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité au leader nazi Seyss-
Inquart, levée de l’interdiction du parti national-socialiste (NSDAP) en
Autriche et augmentation des échanges économiques entre les deux pays.
Abandonné par l’Italie, la Hongrie, la France et la Grande-Bretagne,
Schuschnigg démissionne le 11 mars au profit de Seyss-Inquart sous la
menace d’une intervention militaire et cède aux exigences allemandes. Les
troupes hitlériennes entrent alors en Autriche dans le calme, acclamées par
une grande partie de la population qui, en avril, plébiscite l’Anschluss à plus
de 99 % des suffrages, dans des circonstances électorales douteuses.
Aveuglés par des images de propagande trompeuses, les Occidentaux n’ont
pas saisi la réalité du geste de l’Allemagne nazie en Autriche ni ses
conséquences pour le reste de l’Europe.
FG
KREISSLER Felix, L'Anschluss, une affaire européenne, Public. Univ.
Rouen, 1991.
→ ALLEMANDE (QUESTION), HITLER, MUSSOLINI, ROME-
BERLIN (AXE), TRAITÉS DE PAIX

ANTICOLONIALISME

La Première Guerre mondiale favorise les prémices de l’anticolonialisme.


En 1918, les deux principales puissances coloniales (France et Royaume-
Uni) sont victorieuses, en partie grâce à l’effort de guerre de leurs colonies :
pour la France, Annamites, Sénégalais et Maghrébins apportent une
contribution majeure, cependant que l’Inde fournit plus d’un million
d’hommes à l’Angleterre. Toutefois, les promesses faites par les métropoles
ne sont pas tenues après 1918. En 1917, les Anglais s’engagent en effet à
acheminer l’Inde vers le « self-government », répondant à la revendication
modérée du Parti du Congrès, créé en 1885 par la bourgeoisie indienne
anglo-saxonne. Mais les vicissitudes de la guerre, la sanglante fusillade
d’Amritsar (avril 1919) et l’India Act de 1919, très en deçà des
engagements pris en 1917, provoquent le recours à la violence, la
radicalisation des revendications qui en appellent à l’indépendance :
l’anticolonialisme est né, Gandhi lance sa première campagne de
désobéissance civile en 1920 et divers mouvements nationalistes fleurissent
dans les empires coloniaux. De même, la France promet aux élites
indochinoises une association à la gestion de leur pays, et en Algérie un
accès plus facile à la citoyenneté française. Ces engagements sont vidés de
leur contenu après 1918. Un peu partout à partir des années 1920, les élites
locales durcissent leurs revendications et, devant le refus de les associer à
l’exercice du pouvoir, réclament l’indépendance.
C'est du Maroc que proviennent pour la France les premiers signes
inquiétants en 1925-1926 avec le soulèvement d’Abd-el Krim depuis son
bastion du Ri : il devient par la suite le chantre du nationalisme maghrébin.
L'anticolonialisme prend la forme de revendications nationales : en Algérie,
au Vietnam, en Inde, partout s’exprime l’appel à l’égalité politique et
administrative. En Tunisie, le Destour, parti libéral et modéré créé en 1920,
cède la place en 1934 au Néo-Destour de Bourguiba, plus radical. Le parti
national vietnamien est créé en 1927 avec pour objectif de « chasser les
Français du territoire du Vietnam ». Dans les Indes néerlandaises, le parti
national indonésien est fondé en 1927 par Soekarno. La montée de l’anti-
colonialisme est favorisée par le wilsonisme – même s’il s’applique aux
pays d’Europe centrale il peut aussi être un vecteur de l’anticolonialisme
hors d’Europe. Dans L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme, Lénine
dénonce l’expansion coloniale et l’Internationale communiste devient, dans
les années 1920, la tribune de l’anticolonialisme. Les différents partis
communistes allient la lutte pour l’indépendance aux revendications
sociales. Le PCF soutient les mouvements nationalistes au Maghreb, en
Indochine et légitime la lutte armée. La crise de 1929 provoque de sérieuses
difficultés économiques dans les colonies, exploitées par les mouvements
nationalistes et communistes pour dénoncer « la misère générée par
l’oppresseur colonial ». Tous ces mouvements sont relayés en métropole par
des intellectuels qui, comme André Gide ou Andrée Viollis, dénoncent les
abus du colonialisme, sans pour autant théoriser l’anticolonialisme et
légitimer la lutte pour les indépendances.
La Seconde Guerre mondiale change la donne et l’anticolonialisme se
résume à la lutte pour l’indépendance. Les difficultés des puissances
coloniales pendant la guerre affaiblissent leur autorité, nuisent à leur
prestige et attisent les mouvements nationalistes. De 1942 à 1945, le Japon,
tout en occupant nombre de pays asiatiques, exploite cette situation en
mettant à bas le système colonial européen dont il détruit les institutions. Il
permet à Soekarno de proclamer la République indonésienne en 1945 (que
les Pays-Bas, malgré une tentative d’usage de la force condamnée par
l’ONU, reconnaissent en 1949) et, en misant sur Bao-Dai au Vietnam contre
les Français, facilite la tâche à Ho Chi Minh qui proclame l’indépendance
du Vietnam en 1946 qui débouche sur la guerre d’Indochine.
L'anticolonialisme reçoit dès 1945 un encouragement officiel et
international car la Charte des Nations unies proclame le respect du droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes (art. 1). Plus généralement, les États-
Unis fidèles à leur tradition, encouragent les décolonisations tout en veillant
à ne pas favoriser l’expansion communiste, et l’URSS, forte de son prestige
auprès des peuples colonisés, renoue avec l’anticolonialisme pour affaiblir
l’Occident. La guerre froide permet à l’anticolonialisme de progresser. Les
États indépendants d’Asie ont un effet entraînant et permettent aux
nationalismes africain et arabe de s’exprimer puis d’aboutir dans la
décennie suivante (1955-1965).
Plus que l’Empire britannique qui se déleste de ses possessions
progressivement, c’est l’Empire colonial français qui est alors visé : la
classe politique peine à s’adapter à l’évolution tandis que l’opinion se
désintéresse des possessions outre-mer. Au Maroc et en Tunisie, les
indépendances sont acquises de façon relativement pacifique en 1956. Mais
la guerre d’Algérie devient, à partir de 1954, l’exemple d’une
décolonisation mal gérée : l’anticolonialisme s’y nourrit de multiples
facteurs, s’y exprime avec violence et la révélation de l’usage de la torture
le favorise dans des cercles grandissants en métropole. L'indépendance de
l’Algérie, acquise en 1962, suit de peu celles accordées de 1958 à 1960 en
Afrique noire. L'Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies
vote en 1961 une résolution invitant à la décolonisation. L'anticolonialisme
inspire la plupart des structures multinationales créées à l’usage de ces
nouveaux États : Mouvement des Non-Alignés, Organisation de l’Unité
africaine… Il prend la forme d’une dénonciation de la « dictature
économique exercée par l’Occident » avec la création de l’OPEP en 1960
ou change d’appellation pour se muer en un tiers-mondisme. Les derniers
feux de l’anticolonialisme se situent à la fin de la décennie 1970 où chocs
pétroliers, pressions internationales se conjuguent pour amorcer un dialogue
Nord-Sud sur un nouvel ordre économique mondial : il reste sans
lendemain. Le dernier acte de la décolonisation, la rétrocession de Hong
Kong à la Chine par le Royaume-Uni, s’effectue en douceur en 1997 et
celle de Macao par le Portugal en 1999.
MV

→ ALGÉRIE (GUERRE D’), BAO-DAI, BOURGUIBA, CHOCS


PÉTROLIERS, DROITS HUMAINS, GANDHI (M.K.), GUERRE
FROIDE, HONG KONG, INDOCHINE (GUERRE D’),
INTERNATIONALE SOCIALISTE, KOMINTERN, NON-ALIGNÉS
(MOUVEMENT DES), OPEP, OUA, RIF (GUERRE DU), WILSON
ANZUS (AUSTRALIA/NEW ZEALAND/ UNITED STATES)

Dans l’ambiance de pactomanie qui caractérise la guerre froide,


l’ANZUS est un pacte de défense signé entre ces trois pays en 1951 : en cas
d’agression dirigée contre l’un d’entre eux, il prévoit un engagement
immédiat et automatique des deux autres. Il est à l’époque dirigé contre le
Japon, qui reste l’ennemi majeur au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale, mais contribuant à l’établissement d’une présence militaire
accrue des États-Unis dans le Pacifique, il marque un tournant dans la
sécurité de cette aire, désormais aux mains des Américains, et s’inscrit dans
leur politique d’endiguement.
La cohérence de ce pacte est toutefois ébranlée par les positions
antinucléaires de plus en plus affirmées de certains courants néo-zélandais,
qui deviennent doctrine officielle lors de la victoire des travaillistes aux
législatives de 1984. L'ANZUS est alors dénoncé par Wellington dont le
nouveau Premier ministre David Lange quitte le Pacte unilatéralement en
1985, au moment de l’affaire du Rainbow Warrior. En revanche, l’Australie
reste fidèle à l’alliance américaine pour sa défense en dépit d’un
positionnement antinucléaire de Canberra dirigé pour l’essentiel contre la
France et la Chine.
PMD

→ ENDIGUEMENT, GUERRE FROIDE

AOUZOU (BANDE D’)

114 000 km2, à la frontière tchado-libyenne, incluse dans le territoire


tchadien par le compromis franco-britannique du 21 mars 1899, elle est
l’objet depuis lors d’un contentieux frontalier récurrent. Cette bande de
terre est tour à tour revendiquée par l’Empire ottoman, l’Italie et la Libye au
nom de droits historiques. Espérant s’assurer l’appui de l’Italie contre
l’Allemagne, Pierre Laval signe à Rome avec Mussolini, le 6 janvier 1935,
un accord cédant à l’Italie cette portion de territoire occupé par la France
depuis le début du siècle. Le traité n’ayant jamais été ratifié, il est nul en
droit international. Mais quarante ans plus tard, le colonel Kadhafi en prend
prétexte pour revendiquer le territoire en dépit du traité franco-libyen de
1955 par lequel la Libye, colonie italienne devenue indépendante en 1951,
accepte les frontières telles qu’elles ont été fixées en 1899. De plus, en
1964, la Libye en tant que membre de l’OUA reconnaît le principe de
l’intangibilité des frontières. La guerre civile au Tchad fournit au colonel
Kadhafi l’occasion d’intervenir et d’occuper la région par la force de 1973 à
1994. La France intervient à plusieurs reprises (1968, 1983, 1987), pour
aider le gouvernement tchadien à lutter contre les rebelles du Front de
libération nationale (FROLINAT), soutenus par la Libye. En février 1994,
la Cour internationale de Justice de La Haye reconnaît la souveraineté du
Tchad et peu après l’armée libyenne évacue la bande d’Aouzou.
CB

DADI Abderhaman, Le litige frontalier avec la Libye, la bande d’Aouzou,


Paris, ARESAE (Association française pour le développement de la
recherche scientifique en Afrique de l’Est), 1994. LANNE Bernard, Tchad-
Libye, la querelle des frontières, Karthala, 1982.
→ KADHAFI, LAVAL, ONU (COUR INTERNATIONALE DE
JUSTICE), OUA

APARTHEID

Ce mot d’origine afrikaans dérivé du néerlandais signifiant séparation,


apparaît officiellement en 1944 pour désigner la politique de ségrégation
raciale et d’organisation territoriale mise en œuvre de façon systématique en
Afrique du Sud, État multiracial, de 1950 à 1990. L'objectif est de séparer
les races à la fois sur le plan juridique (Blancs, Asiatiques, Métis ou
Coloureds, Bantous ou Noirs), en établissant une hiérarchie : la minorité
blanche dominant les autres (Population Registration Act), et sur le plan
géographique par la création autoritaire de territoires réservés : les
Bantoustans (Group Areas Act). Mais c’est principalement avec le
Promotion of Bantu Self Government Act de 1959 que l’apartheid change de
sens. La population noire, concentrée dans de petits territoires
périphériques, autonomes, est privée de la citoyenneté sud-africaine.
Jusqu’alors, l’Afrique du Sud, avec ses richesses minières et sa situation
géostratégique, fait partie du bloc occidental. Mais l’apartheid change
fondamentalement sa place sur l’échiquier mondial et les pressions de la
communauté internationale s’accroissent dans une Afrique en pleine
décolonisation. En 1960, en réaction, l’Afrique du Sud est exclue du
Commonwealth. À l’ONU, trente et un pays, dont vingt-six d’Afrique,
demandent des sanctions diplomatiques et économiques. En 1972, l’Afrique
du Sud ne peut participer aux Jeux olympiques de Munich à la suite de la
menace d’abstention générale des États d’Afrique. En 1977, elle est
officiellement condamnée par la communauté internationale et soumise à un
embargo total sur les livraisons d’armes et de matériel militaire. En 1985, le
Conseil de sécurité de l’ONU appelle les États membres à prendre des
sanctions économiques. Jusqu’en 1989, l’Afrique du Sud défend sa
politique ségrégationniste sous couvert de guerre froide. Bien que critiquée
par l’Europe et les États-Unis, elle est considérée comme un rempart contre
l’expansion du communisme en Afrique. Moscou soutient la lutte anti-
apartheid, arme le Mozambique et l’Angola, amenant Pretoria à se livrer à
des incursions militaires dans les pays voisins. Il faut attendre la fin de la
guerre froide et l’arrivée au pouvoir de Frédérik de Klerk en 1990 pour que
l’apartheid soit aboli officiellement en juin 1991, rendant aux Noirs
l’intégralité de leurs droits et la reconnaissance de leurs partis politiques.
Nelson Mandela est élu à la présidence de la République en mai 1994, après
plus de vingt-sept années de prison.
CB

COQUEREL Paul, L'Afrique du Sud des Afrikaners, Complexe, 1992.


PORTEILLA Raphaël, Le nouvel État sud-africain, des bantoustans aux
provinces, 1948-1997, L'Harmattan, 1998.
→ COMMONWEALTH, DROITS HUMAINS, EMBARGO, JEUX
OLYMPIQUES, MANDELA, ONU

APEC (ASIA-PACIFIC ECONOMIC COOPERATION)


(COOPÉRATION ÉCONOMIQUE POUR L'ASIE-PACIFIQUE)
Cette organisation régionale a été fondée en 1989 à l’initiative du
gouvernement australien, pour favoriser le dialogue et les échanges
commerciaux entre les pays riverains du Pacifique. L'APEC regroupe au
départ douze pays dont les États-Unis, le Canada, l’Australie et les
membres de l’ASEAN ; neuf autres États rejoignent l’organisation entre
1991 et 1998, dont la Chine, la Russie, le Vietnam ou encore le Mexique et
le Chili. Son objectif est de créer une zone de libre-échange en 2010 pour
les pays les plus riches et en 2020 pour les pays en développement.
Une réunion annuelle a lieu alternativement dans l’un des pays membres.
Le dernier thème abordé porte sur la nécessité de renforcer la dimension
sociale de la mondialisation et la réduction des écarts entre les pays
développés et les autres : soutien du programme d’action menée par l’ONU
en matière de sécurité alimentaire ; lutte contre les menaces sanitaires ;
renforcement des capacités technologiques des pays membres avec le
Programme de coopération économique et technique (ECO-TECH). La lutte
contre le terrorisme n’est pas non plus absente des préoccupations des pays
de l’APEC et particulièrement depuis 2001. D’une manière générale, tous
les sujets de préoccupation actuels, allant des droits humains aux risques
naturels en passant par la crise financière et ses conséquences sont abordés.
Ch. M

BEESON Mark, Institutions of the Asia Pacific : ASEAN, APEC and


beyond, New York, Routlege, 2008.
MORRISON Charles E., PEDROSA Eduardo (dir.), An APEC trade
agenda ? The political economy of a free trade area of the Asia-Pacific,
Institute of Southeast Asian Studies, 2007.
RAVENHILL John, APEC and the construction of Pacific Rim
Regionalism, Cambridge University Press, 2001. http://www.apec.org
→ ASEAN, ENVIRONNEMENT, ONU, TERRORISME

APPEASEMENT

Cette politique de prudence, de conciliation, de concessions voire


d’abandon dans l’espoir de sauver la paix au cours de l’entre-deux-guerres,
est incarnée par Neville Chamberlain, Premier ministre conservateur du
Royaume-Uni, en 1937-1938. L'appeasement repose sur cinq principes :
l’horreur de la guerre, la méfiance à l’égard des engagements diplomatiques
en Europe, la conscience aiguë de la faiblesse militaire et aérienne
britannique, la croyance en une diplomatie personnelle conduite d’homme à
homme, la conviction que les dictateurs ont des revendications légitimes à
satisfaire au mieux afin de parvenir à un nouvel équilibre en Europe.
L'opinion publique britannique approuve la politique de Chamberlain qui
consacre tous ses efforts à écarter les menaces de guerre. La Grande-
Bretagne entraîne la France dans son sillage. Aux côtés de Chamberlain, les
principaux appeasers sont Baldwin, sir John Simon, sir Samuel Hoare, Lord
Halifax, Horace Wilson, Lord et Lady Astor. Dès les années 1930, cette
diplomatie conduit à l’acceptation des coups de force, à la révision de
traités, au non-engagement militaire. Lors de la guerre d’Espagne, la
Grande-Bretagne impose à la France la politique de non-intervention. En
France, la politique d’appeasement est menée par Daladier beaucoup moins
convaincu, mais contraint d’y consentir en raison de la situation de faiblesse
diplomatique et militaire de la France. Chamberlain adopte une politique de
conciliation lors de la crise des Sudètes, il se rend à Berchtesgaden pour
rencontrer Hitler, le 15 septembre 1938, puis à Godesberg, les 22-24
septembre 1938 et signe les accords de Munich le 29 septembre 1938, avec
Hitler, Mussolini et Daladier. En mars 1939, l’entrée des troupes allemandes
à Prague amène Chamberlain à comprendre qu’Hitler n’est pas un
gentleman et à réviser profondément sa politique. L'appeasement, reposant
sur la conviction qu’Hitler tiendrait les promesses faites en septembre 1938
et ne chercherait pas à annexer des populations non allemandes, n’a plus de
raison d’être. Dès lors la Grande-Bretagne, suivie de la France, s’engage
dans une politique de garanties données à tous les pays menacés par
l’Allemagne, d’où découle logiquement le déclenchement de la Seconde
Guerre mondiale en septembre 1939, avec l’agression allemande en
Pologne. Depuis lors, l’appeasement et Munich sont instrumentalisés pour
justifier une politique de fermeté face aux agressions et aux dictateurs
(Corée, Suez, Vietnam).
MV
DAVIS Richard, « Le débat sur l’appeasement britannique et français dans
les années 1930, les crises d’Éthiopie et de Rhénanie », Revue d’Histoire
moderne et contemporaine, 1998.
MOMMSEN Wolfgang, KETTENNACKER Lothar (ed), The fascist
challenge and the policy of appeasement, London, Allen and Unwin, 1983.
→ BALDWIN, CHAMBERLAIN, CORÉE (GUERRE DE),
DALADIER, ESPAGNE (GUERRE D’), HITLER, MUNICH
(CONFÉRENCE), MUSSOLINI, SUDÈTES (CRISE DES)

ARAFAT Yasser (1929-2004)

De père palestinien et de mère égyptienne, il n’a connu ni l’exode de


1948 ni les camps de réfugiés, ce qui ne l’empêche pas d’incarner depuis la
fin des années 1960 le Mouvement national palestinien. Président de la
Fédération des étudiants palestiniens d’Égypte (1952-1956), il est suspecté
par le régime nassérien pour ses contacts avec les Frères musulmans.
Émigré au Koweït, il participe en octobre 1959 à la fondation du Fatah,
mouvement de libération palestinienne qui préconise l’action directe. Il
prend la tête de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), créée
par la Ligue arabe en 1964, le 4 février 1969. Champion de « l’autonomie
de décision » palestinienne, méfiant à l’égard des régimes arabes qui
subordonnent sa cause à leurs propres intérêts, il tente de jouer l’un contre
l’autre les divers blocs arabes et de faire de même avec les États-Unis et
l’URSS, tout en maintenant l’unité de l’OLP, au prix de quelques
ambiguïtés. Voulant utiliser, après la guerre des Six jours, la Jordanie
comme base d’actions militaires contre Israël, il ne peut empêcher le roi
Hussein d’en refouler les forces palestiniennes (1970-1971). Ne
s’engageant pas à fond dans la guerre du Liban, qui débute en avril 1975, il
connaît une nouvelle défaite face à la Syrie en septembre 1976. Si dès les
lendemains de la guerre du Kippour d’octobre 1973 il admet l’existence
d’Israël aux côtés d’un futur État palestinien, c’est en termes ambigus, et il
rejette les accords de Camp David de septembre 1978. Chassé du Liban en
1982 et 1983 par les Israéliens puis les Syriens, il est sauvé par l’Intifada, la
guerre des pierres (novembre 1987) et il est invité à se rendre au Parlement
européen de Strasbourg (septembre 1988). Le 15 novembre 1988, le Conseil
national palestinien proclame la création d’un État palestinien, tout en
acceptant la résolution 242 du Conseil de sécurité qui reconnaît
implicitement l’existence d’Israël. Ignoré par la Conférence de paix de
Madrid (octobre 1991) pour avoir soutenu Saddam Hussein après l’invasion
du Koweït (août 1990) et conscient de sa faiblesse après la disparition de
l’URSS, il pousse l’OLP au compromis. Il peut ainsi signer les accords de
reconnaissance mutuelle de l’OLP et d’Israël à Oslo le 9 septembre 1993. Il
s’installe à Gaza en juillet 1994, à la tête d’une « Autorité nationale
palestinienne ». Il échoue dans ses tentatives de négociation d’un règlement
définitif avec Israël, tente en vain de s’appuyer sur la seconde Intifada
(septembre 2000), et reste jusqu’à sa mort boycotté par les Israéliens et les
Américains.
AD

KAPELIOUK Amnon, Arafat, l’irréductible, Paris, Fayard, 2004.


RUBIN, Barry, Yasir Arafat : a political biography, London, Continuum
publ., 2003.
→ CAMP DAVID (ACCORDS DE), HUSSEIN (IBN TALAL),
INTIFADAS, ISRAÉLO-ARABES (CONFLITS), KIPPOUR
(GUERRE DU), LIBAN (GUERRES DU), ONU

ARMES NUCLÉAIRES

L'arme atomique ouvre une ère nouvelle dans les relations


internationales. Les explosions à Hiroshima (6 août 1945) et Nagasaki (9
août 1945) mettent fin à la Seconde Guerre mondiale, en contraignant le
Japon à la capitulation. L'arme atomique a aussi pour effet de bouleverser
les données fondamentales des rapports de force, car sa possession donne
un avantage absolu à l’agresseur. C'est la raison pour laquelle la course aux
armes atomiques devient l’enjeu majeur de la guerre froide entre les États-
Unis et l’Union soviétique, qui expérimente sa première bombe le 29 août
1949.
Les États-Unis et l’Union soviétique détiennent donc tous deux des
bombes atomiques et, à partir de 1954, des bombes thermonucléaires. Cette
apparente parité cache en fait une double disparité : supériorité américaine
dans le domaine nucléaire grâce à la miniaturisation et à leur aviation
stratégique ; supériorité soviétique dans le domaine des armes classiques.
Les États-Unis proposent alors une association des trois puissances
atomiques (États-Unis, Union soviétique et Royaume-Uni) qui consisterait
en un arrêt de la production de bombes, la mise sous scellé de celles
existant et l’emploi de bombes d’un commun accord, dans des cas très
spécifiques. Cette initiative est sans suite, en raison de la guerre froide.
D’une part, l’Union soviétique étend peu à peu son empire idéologique tant
en Asie qu’en Europe, d’autre part, elle se sent menacée par la supériorité
américaine ; son obsession de la sécurité est fondée sur la conscience de sa
vulnérabilité à des frappes nucléaires américaines. D’où une course aux
armements, entrecoupée par des crises violentes et par d’importantes
activités de renseignement.
La guerre de Corée (1950-1953) accélère indéniablement ce processus de
course aux armements. Les États-Unis hésitent un moment à recourir à
l’arme atomique contre la Corée du Nord et son alliée la Chine populaire.
Réfugiés dans le sanctuaire mandchou, les Chinois sont, en effet, hors
d’atteinte. L'arme atomique ne permettrait-elle pas d’imposer sa volonté à
moindres frais à condition de ne pas limiter les représailles à un seul
territoire ? Les Américains ne s’y résolvent pas. Le conflit de Corée
apparaît ainsi comme le modèle d’une guerre meurtrière mais limitée. Vers
1956-1957, les deux supergrands commencent à disposer de capacités de
destruction colossales. Jusque vers 1957, l’avantage demeurait aux mains
des Américains grâce au nombre et à la qualité de leurs bombardiers (B 52),
au réseau de bases disséminées dans le monde entier et au système de
repérage (radars à longue portée) permettant de prévoir une attaque
ennemie.
Au tournant des années 1960, on assiste à une transformation du rapport
de forces, avec le lancement du satellite artificiel soviétique Spoutnik le 4
octobre 1957 et des premières fusées soviétiques à portée intercontinentale :
le territoire américain n’est plus à l’abri d’attaques nucléaires. On parle
désormais d’un fossé (missile gap) qui se serait creusé entre les capacités
soviétiques et américaines dans le domaine balistique : l’Amérique paraît
vulnérable à une attaque par surprise. Les seules parades consistent à
installer des fusées à portée intermédiaire et moyenne sur les territoires de
pays alliés, proches de l’Union soviétique (Angleterre, Italie, Turquie) et le
maintien en alerte permanente des bombardiers du Strategic Air Command
(SAC). Ce développement n’est pas sans répercussions sur l’évolution
stratégique.
La crise de Cuba (octobre 1962) est une date importante dans l’histoire
du fait nucléaire. Elle constitue d’abord une vérification de la théorie de la
dissuasion : la menace d’escalade nucléaire est suivie d’un règlement
pacifique. À la suite de l’installation de fusées soviétiques à tête nucléaire
dans l’île de Cuba à 150 km des côtes de Floride, les Américains décident le
blocus de l’île. Le monde apprend le défi soviétique et la riposte américaine
par l’allocution télévisée du président Kennedy, le lundi 22 octobre. Est-ce
la veillée d’armes nucléaires ? En fait, depuis 1945, il y a eu des tentations
d’avoir recours à ces armes. Ce fut le cas lors de la guerre de Corée ou de la
bataille de Diên Biên Phû, et la crise de Suez s’accompagne d’un chantage
nucléaire : Cuba est une vraie crise nucléaire. C'est la mise en état d’alerte
des forces nucléaires américaines qui dissuade bien les Soviétiques de
poursuivre l’installation de leurs fusées, après une semaine de négociations
« au bord du gouffre ».
Malgré les inquiétudes américaines, l’Union soviétique est en fait très en
retard sur les États-Unis dans la course aux armements stratégiques. Le
missile gap était un mythe. En 1962, Moscou dispose de 75 missiles
intercontinentaux basés à terre et n’en fabrique que 25 par an. Les États-
Unis possèdent déjà 294 missiles intercontinentaux et en fabriquent 100 par
an. La supériorité américaine est encore plus écrasante dans le domaine des
missiles tirés de sous-marins et des bombardiers lourds.
La course aux armements est telle qu’à la fin des années 1960 s’amorce
une négociation sur la limitation des armements stratégiques, les SALT. Les
États-Unis et l’Union soviétique sont en train d’accumuler des armes de
plus en plus perfectionnées, à la fois sur le plan de l’attaque et sur celui de
la défense. La capacité de frappe ne cesse de s’accroître, avec la mise en
service des fusées à combustibles solides (dont la mise en œuvre est quasi
instantanée), la multiplication des sous-marins lanceurs d’engins et
l’apparition du missile à têtes multiples et guidées, le MIRV (Multiple
Independently Targeted Reentry Vehicle), qui permet d’atteindre plusieurs
objectifs à la fois, et dont l’entrée dans l’atmosphère se fait suivant des
trajectoires différentes, parmi lesquelles peuvent être introduits des « leurres
» qui saturent la défense et lui retirent toute efficacité. La défense est basée
à la fois sur des missiles téléguidés à tête chercheuse, susceptibles de
repérer très tôt (par radar) et de détruire en vol le bombardier ennemi, et sur
les systèmes de missiles antimissiles (Anti-Ballistic Missile, ABM) capables
d’arrêter en vol les missiles ennemis.
À côté des deux superpuissances, trois puissances atomiques moyennes
(Grande-Bretagne, France, Chine) ont réussi à mettre au point une force de
dissuasion atomique nationale, en procédant à un certain nombre d’essais.
En un demi-siècle, la prolifération nucléaire a été partiellement contenue
puisque, outre les cinq membres du Club atomique qui sont aussi les
membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, le monde compte
trois autres puissances nucléaires avérées : Israël, l’Inde et le Pakistan.
La fin de la guerre froide et donc de la confrontation entre l’Est et
l’Ouest, et l’implosion de l’Union soviétique amènent à une délégitimation
de l’arme nucléaire. Avec la multiplication des crises, les armes
conventionnelles et les stratégies d’intervention retrouvent toute leur
importance, et les armes nucléaires apparaissent inadaptées au point que
certains spécialistes parlent même de la fin du cycle nucléaire. De ce fait, la
signature en septembre 1996 du traité sur l’arrêt définitif et universel des
essais nucléaires (Comprehensive Test Ban Treaty) semble clore une période
commencée en 1945. Mais la dénucléarisation, qui est à l’ordre du jour dans
les États successeurs de l’ex-Union soviétique, fait craindre une
prolifération sauvage. La guerre du Golfe et les essais nucléaires de l’Inde
et du Pakistan au printemps 1998 tendent à démontrer que la tentation du
nucléaire n’a pas complètement disparu, les difficultés rencontrées en Irak
par les inspecteurs en désarmement le prouvent, de même que les
déclarations ou révélations à propos du programme nucléaire nord-coréen
(décembre 2002). À New York, lors de la conférence des États parties au
TNP (24 avril-19 mai 2000), les cinq grandes puissances s’engagent – sans
calendrier aucun – à éliminer totalement leurs arsenaux nucléaires. En
décembre 2001, dans l’atmosphère lourde créée par les attentats du 11
septembre, le président George W. Bush annonce le retrait des États-Unis
du traité ABM. Le 24 mai 2002, les présidents Bush et Poutine signent le
traité engageant les deux États à réduire de deux tiers leurs arsenaux
d’armes nucléaires stratégiques. Le 20 mars 2003, les États-Unis
déclenchent une guerre contre l’Irak, accusé de développer des programmes
ADM, ce qui n’a pas été prouvé par les inspections. Peu après, ce sont les
dossiers iranien et coréen qui passent au premier plan avec l’annonce
(février 2004) de la reprise par Téhéran de l’enrichissement d’uranium, la
déclaration (février 2005) de la Corée du Nord affirmant posséder une
bombe atomique, et l’annonce officielle d’un essai nucléaire (9 octobre
2006) malgré les négociations, les sanctions et les promesses d’aide
économique et énergétique. Ces crises rebondissent lorsque la Corée du
Nord annonce (août 2008) avoir suspendu le démantèlement de ses
installations nucléaires, annoncé en novembre 2007 après de longues
négociations américano-nord-coréennes, et lorsque l’Iran défend son droit à
la technologie atomique et multiplie les provocations (avril, septembre
2007, février 2008) malgré les sanctions qui lui sont imposées. Dans son
discours de Prague, le nouveau Président américain appelle à un monde
sans armes nucléaires.
MV

BUNDY McGeorge, Danger and survival, choices about the bomb in the
first fifty years, New York, Vintage, 1990.
LE GUELTE Georges, Les armes nucléaires : mythes et réalités, Actes
Sud, 2009.
Questions internationales n° 13, mai-juin 2005.
→ ABM, CORÉE (GUERRE DE), CUBA (CRISE DE),
DISSUASION, ESSAIS NUCLÉAIRES, GOLFE (GUERRE DU),
GUERRE FROIDE, KENNEDY, PROLIFÉRATION, ONU, SUEZ
(CANAL ET CRISE DE)

ARMS CONTROL

Avec la coexistence pacifique et la détente, les dirigeants soviétiques


renoncent peu à peu à l’idée d’une guerre inévitable tandis que les
Américains se donnent comme objectif la maîtrise des armements, c’est-à-
dire l’arms control.
Dans le cadre de l’ONU, les premières négociations sur le désarmement
nucléaire n’aboutissent pas. Mais l’Union soviétique se fait le champion du
désarmement, appuie le projet du ministre polonais des Affaires étrangères,
Rapacki, de dénucléarisation de l’Europe centrale (1957-1958) et décrète un
moratoire sur les essais nucléaires. En 1958 s’ouvrent des négociations
entre les trois puissances dotées de l’arme atomique afin d’aboutir à un arrêt
des expériences nucléaires dans l’atmosphère. Ces pourparlers marquent le
pas en raison de la crise de Berlin déclenchée en octobre 1958. Mais en
septembre 1961 à Genève, les négociateurs américain et soviétique,
McCloy et Zorine, tout en s’assignant un objectif ambitieux (le
désarmement général et complet), conviennent d’une démarche réaliste,
progressive et par étapes. En fait, la convergence américano-soviétique va
entraîner l’abandon de la perspective d’une réduction générale des
armements et orienter la négociation vers des accords partiels et sélectifs,
dans le cadre de l’arms control.
La course aux armements continue en effet. L'Union soviétique fait un
énorme effort pour rattraper son retard dans le domaine des missiles à
moyenne portée (2 000 à 4 000 km) IRBM (Intermediate Range Ballistic
Missile) ; des missiles à grande portée (10 000 km) ICBM (Intercontinental
Ballistic Missile) ; ou des missiles lancés à partir d’un sous-marin SLBM
(Submarine Launched Ballistic Missile). Les deux grandes puissances sont
en possession, au début des années 1970, d’un arsenal impressionnant. Les
États-Unis se font une spécialité des SLBM et des bombardiers. L'Union
soviétique met l’accent sur les missiles lourds basés à terre. Ces derniers
compensent leur insuffisante précision par le poids de la charge emportée.
Les accords partiels aboutissent au traité de Moscou sur les essais
nucléaires et au traité de non-prolifération (TNP). À la suite de la crise de
Cuba, les États-Unis et l’URSS mettent en effet un point final à des années
de négociations : l’accord de Moscou (5 août 1963), signé par plus de cent
pays, interdit les expériences nucléaires dans l’atmosphère, dans l’espace
extra-atmosphérique et sous la mer. La France et la Chine, qui mettent au
point leurs forces atomiques et veulent expérimenter leurs armes pour
parfaire leur équipement, refusent d’y adhérer. Le traité de Moscou, en
effet, ne limite pas l’arsenal nucléaire des Grands (États-Unis, URSS,
Royaume-Uni) qui conservent sans le moindre contrôle leurs stocks et
peuvent les accroître. L'interdiction ne touche guère les puissances
atomiques signataires qui invitent les autres pays, en adhérant au traité, à se
priver des moyens de posséder eux-mêmes des armes nucléaires. La portée
militaire du traité de Moscou est donc nulle mais sa portée politique est
immense. Il concrétise un changement du climat international.
La rencontre du président Johnson et du président du Conseil soviétique
Kossyguine à Glassboro (New Jersey), les 23-25 juin 1967, permet la
conclusion, en juillet 1968, d’un traité sur la non-prolifération des armes
atomiques (TNP, en anglais NPT). Il s’agit d’arrêter la prolifération
horizontale des armes nucléaires, tout en permettant l’échange
d’informations sur l’énergie nucléaire par le biais de l’Agence
internationale pour l’énergie atomique, autorisée à exercer un contrôle, et
d’inciter les puissances nucléaires à limiter la prolifération verticale et à
s’entendre sur des zones non dénucléarisées. Signé par les États-Unis,
l’URSS et le Royaume-Uni, il est rejeté une nouvelle fois par la Chine et
par la France, qui expérimentent d’ailleurs leur bombe à hydrogène en 1967
et 1968. Entré en vigueur en mars 1970, ce traité a un impact considérable,
car il s’agit pour Américains et Soviétiques d’éviter que les armes
atomiques ne tombent dans n’importe quelles mains et pour les Soviétiques,
en particulier, d’empêcher l’Allemagne de posséder des armes nucléaires.
À la suite de ce traité, plusieurs accords prévoient la création de zones
dénucléarisées.
MV

FREEDMAN Lawrence, The evolution of nuclear strategy, Macmillan,


1988.
→ ABM, CUBA (CRISE DE), DÉNUCLÉARISÉES (RÉGIONS),
ESSAIS NUCLÉAIRES, JOHNSON, PROLIFÉRATION, ZORINE

ARMÉNIEN (GÉNOCIDE)
Une identité forte

Fondé au 9e siècle avant Jésus-Christ, le royaume arménien est situé entre


la mer Noire et le lac de Van, au carrefour entre les empires qui, de
l’Antiquité au 19e siècle, dominent le monde anatolien d’une part et le
persan de l’autre. Premier État officiellement chrétien en 301 de notre ère,
l’Arménie est conquise par les Ottomans au 15e siècle, mais conserve une
identité forte, notamment autour de son Église nationale qui a rompu avec
Rome et Constantinople lors du concile de Chalcédoine en 451.
Jusqu’au 19e siècle, les Arméniens, qualifiés par les Ottomans de «
peuple fidèle », fournissent à la Porte nombre de fonctionnaires et de
diplomates.

Question arménienne et question d’Orient

Pourtant, la poussée russe dans le Caucase, les révoltes serbes puis


l’indépendance grecque, l’incapacité de l’Empire ottoman à se réformer, et
les rivalités de la Russie, de l’Angleterre et de la France pour imposer leur
tutelle à l’Empire devenu « Homme malade de l’Europe » donnent
naissance à la « question d’Orient » et à celle de la situation des Arméniens.
En 1774 (traité de Kutchuk-Kainardji), la Russie obtient du sultan la
reconnaissance de son rôle de protecteur des minorités orthodoxes de
l’Empire. Mais à l’issue de la guerre de Crimée (traité de Paris de 1856),
elle doit y renoncer, en échange de l’exigence, par les puissances
européennes, que la Porte introduise des réformes assurant à ses sujets
chrétiens une égalité de traitement. Mais les réformes consenties par les
sultans restent largement théoriques et ne produisent aucun changement réel
de la situation des Arméniens.
Après son écrasante victoire sur l’Empire ottoman, la Russie lui impose,
au traité de San Stefano (mars 1878), l’autonomie des Arméniens. Mais le
traité de Berlin, qui le révise en juillet, sous la pression austro-anglaise, ne
fait plus que réitérer l’exigence de réformes.
La renaissance culturelle et nationale arménienne favorise néanmoins la
formulation de revendications politiques par des partis nationaux qui
apparaissent dans les années 1880-1890. Celles-ci touchent d’abord au
régime fiscal inique qui soumet les paysans arméniens au fisc ottoman tout
en les livrant à l’arbitraire des tribus kurdes qui exigent d’eux un second
impôt.

Les massacres hamidiens et la révolution jeune-turque

L'opposition du sultan Abdul-Hamid à toute modification du statu quo


conduit à des manifestations et insurrections auxquelles répondent des
massacres commis soit par les forces ottomanes soit par des foules
musulmanes qu’elles arment, à Constantinople ou en Arménie, dans les
années 1894-1896, sans que la Russie ni les puissances occidentales ne
tentent rien pour les arrêter.
Les partis arméniens sont partie prenante de la révolution jeune-turque de
1908 et leurs élus demandent, dans le Parlement qui en est issu, les
réformes que leur avait refusées l’absolutisme hamidien. Pourtant, dès avril
1909, les massacres reprennent au sud de l’Empire, dans le deuxième foyer
de population arménienne autour d’Adana. Depuis 1894, c’est sans doute
entre 170 000 et 200 000 Arméniens qui ont été massacrés.
Face aux difficultés qu’ils rencontrent sur les plans intérieur et
international (guerre de Tripolitaine, guerres balkaniques), les Jeunes-Turcs
du Comité Union et Progrès (CUP) qui étaient arrivés au pouvoir avec un
programme de modernisation, de démocratie et de promotion d’une égalité
réelle entre les communautés de l’Empire, imposent un régime de plus en
plus dictatorial et qui affirme la supériorité des Turcs sur les autres
nationalités.
À la veille de l’entrée en guerre, l’envoyé du CUP au congrès du plus
important parti arménien, le Dachnak, propose aux Arméniens d’appeler à
la révolte leurs coreligionnaires de l’Empire russe, en échange de la
création d’une Arménie autonome. Le Dachnak refuse et vote une
résolution prônant la fidélité des Arméniens, en cas de conflit, à l’État dont
ils sont sujets.
En 1914, les puissances occidentales et la Russie se décident enfin à
exiger les réformes prévues en 1878 et imposent à la Porte deux inspecteurs
européens chargés de les mettre en place dans les provinces arméniennes.
Mais l’Empire ottoman les congédie dès son entrée en guerre au côté des
Puissances centrales, le 1er novembre 1914.
Aussitôt, le Gouvernement CUP met en place une politique de
déportation des minorités chrétiennes de Thrace et d’incorporation des
chrétiens mobilisables dans des Bataillons du travail où ils meurent par
milliers de faim, de maladie et de mauvais traitements.
Face au désastre que connaît l’armée ottomane sur le front du Caucase,
dû au commandement hasardeux d’Enver Pacha, ministre de la Guerre, le
Gouvernement ottoman accuse les Arméniens d’avoir trahi en ralliant ou
guidant l’armée russe. Des massacres sont alors commis par les troupes
ottomanes et les tribus kurdes dans la région de Van menacée par l’avance
russe. L'organisation d’une autodéfense arménienne de Van, au début
d’avril, fournit à Talaat pacha le prétexte au déclenchement d’une politique
de génocide du peuple arménien.

Chronologie du génocide

Le 24 avril 1915, 600 Arméniens constituant l’élite intellectuelle et


politique de la communauté sont arrêtés à Constantinople. Puis, à partir du
mois de mai, la population des provinces orientales est victime d’une
extermination systématique qui répond partout au même schéma : ordre
donné aux populations de quitter leur lieu d’habitation dans les 48 h 00 ;
torture des notables afin d’obtenir des aveux de complot et assassinat des
hommes à la sortie des villages ; déportation des femmes, des enfants et
vieillards à travers l’Anatolie, en direction d’Alep et du désert syrien. Au
cours de cette déportation, les colonnes de la mort sont affamées, soumises
aux viols, aux tortures et aux mauvais traitements de la part des troupes
kurdes qui les encadrent et des unités de l’Organisation Spéciale (OS)
dépendant du CUP. À partir du mois d’août, les Arméniens du reste de
l’Empire sont soumis au même traitement et le premier semestre de 1916
est consacré à la liquidation des survivants, par massacres de masses ou par
mort de soif dans le désert. Les Grecs pontiques, groupés autour de
Trébizonde/Trabzon, commencent alors à subir un traitement assez similaire
même s’il est moins systématique.
Intentionnalité du génocide

Comme dans le cas du génocide juif par les nazis durant la Seconde
Guerre mondiale, aucun document écrit n’atteste la décision du
Gouvernement ottoman d’exterminer les Arméniens de l’Empire. Divers
télégrammes de Talaat pacha, ministre de l’Intérieur, ont été produits lors de
procès après la guerre, démontrant l’organisation centrale et
l’intentionnalité des massacres, mais leur authenticité reste contestée par les
historiens turcs.
Pourtant, même en faisant abstraction de ces télégrammes, de nombreux
documents d’archives, qui commencent aujourd’hui à être pris en compte
par certains historiens turcs, ne laissent aucun doute sur le fait que les
meurtres de masse et déportation ont été conçus et organisés afin
d’exterminer les Arméniens de l’Empire. Nombre de télégrammes et
témoignages de diplomates neutres, suisses ou scandinaves, celui de
l’ambassadeur des États-Unis Henry Mongenthau, la correspondance de
l’ambassadeur d’Allemagne avec Berlin comme avec les consuls allemands
dans les provinces ottomanes, des témoignages de religieux, comme celui
du pasteur allemand Lepsius, indiquent bien que, au-delà du double langage
tenu par Talaat devant certains de ses interlocuteurs, il a été le principal
organisateur d’une « solution finale » de la « question arménienne ».
La répétition des mêmes procédures, l’existence de l’OS, le caractère
systématique des meurtres et l’élimination des survivants arrivés à
destination suffisent d’ailleurs à établir le caractère centralisé et intentionnel
d’une extermination qui ne peut être sérieusement mise sur le compte du
hasard ou du malheur des temps.
Dès le 24 mai 1915, la France et la Grande-Bretagne qualifient les
massacres en cours de « crimes de la Turquie contre l’humanité et la
civilisation », indiquant qu’elles « tiendront personnellement responsables
desdits crimes tous les membres du Gouvernement ottoman ainsi que ceux
de ses agents qui se trouveraient impliqués dans de pareils massacres ». Et
en juillet 1919, les responsables du CUP jugés, pour la plupart par
contumace, par la cour martiale ottomane sont condamnés sur la base d’un
acte d’accusation précisant que les massacres d’Arméniens ont été commis
par une « force centrale organisée » qui les a « prémédités et fait exécuter,
soit par des ordres secrets, soit par des instructions verbales ».

Négationnisme et kémalisme

Si Mustapha Kémal s’était brouillé avec Enver Pacha et les responsables


du Gouvernement jeune-turc, son action politique à partir de 1919 puise aux
mêmes sources idéologiques et vise un même but : la constitution d’un État
turc dont les minorités, perçues comme une menace si elles ne sont pas
assimilées, doivent disparaître. Les Jeunes-Turcs veulent construire cet État
des Turcs dans le cadre du vieil Empire multinational, Kémal dans celui
d’un État national constitué de la Thrace orientale et de l’Anatolie. Mais
pour conduire ce projet, il s’appuie sur les hommes et structures locales du
CUP.
La victoire de Kémal est elle-même jalonnée de massacres, celui des
Pontiques, des Arméniens de Cilicie en 1919-1920, des Grecs et des
Arméniens de Smyrne/Izmir en 1922. La naissance de la République turque
s’accompagne de l’expulsion de la minorité grecque, puis de la négation de
tous les droits culturels de Kurdes considérés comme des Turcs des
montagnes.
Si la déportation des Arméniens a pu être qualifiée par Kémal « d’acte
honteux », la République turque et le récit national qu’elle invente pour se
légitimer ne pouvaient faire place à la culpabilité que suppose la
reconnaissance d’un génocide qui a donc été occulté et nié, dans
l’enseignement comme dans la recherche. Ainsi, depuis que les cendres de
Talaat pacha, mort à Berlin, ont été restituées par Hitler à la Turquie en
1942, celles-ci ont été inhumées sur la Colline de la Liberté où sont honorés
les héros nationaux à Ankara, érigée par Kémal en capitale de la
République turque, dont un boulevard porte le nom de Talaat.

Le sort des responsables du génocide

Les principaux membres du CUP parviennent à s’enfuir de


Constantinople à la fin de la guerre. Ils se réfugient principalement en
Allemagne, en Italie et en Russie, d’où les Alliés, qui avaient déclaré les
tenir personnellement responsables, ne cherchent pas à les faire extrader.
Durant la brève existence de la République d’Arménie, entre la défaite
ottomane de 1918, et son partage, en décembre 1920, entre Lénine et
Kémal, le parti Dachnak conçoit l’opération « Némésis ». Elle aboutit à
l’exécution de huit responsables du CUP condamnés à mort par la cour
martiale ottomane dont, en 1921, Talaat à Berlin et Saïd Halim, grand vizir
durant le génocide, à Rome puis, en 1922, Behaeddine Chakir, le chef de
l’OS, à Berlin.

Bilan humain du génocide

Hors de Turquie, où la thèse officielle ne reconnaît pas plus de 300 000


morts arméniens mis sur le compte du malheur des temps et de massacres
sporadiques, on s’accorde généralement à estimer le nombre des victimes
du génocide entre 800 000 et 1 250 000.
OD

AKÇAM Taner, Un acte honteux. Le génocide arménien et la question de la


responsabilité turque,
trad. Odile Demange, Paris, Denoël, 2008.
CHALLIAND Gérard, TERNON Yves, 1915, le génocide des
Arméniens, Bruxelles, Complexe, 5e édition, 2006.
DADRIAN Vahakhn, Autopsie du génocide arménien, Bruxelles,
Complexe, 1999.
DEROGY Jacques, Opération Némésis, Paris, Fayard, 1986 ; réédité in
Fragments d’Arménie, Paris, Omnibus, 2007.
TERNON Yves, Empire ottoman, Le déclin, la chute, l’effacement, Paris,
Éditions du Félin, poche/Éditions Michel de Maule, 2005.
Les Mémoires d’Henry Morgenthau, ambassadeur des États-Unis à
Constantinople en ligne sur Internet :
http://www.imprescriptible.fr/documents/morgenthau/
→ GÉNOCIDE, KÉMAL, KURDE (PROBLÈME), LÉNINE
ASEAN (ASSOCIATION OF SOUTH EAST ASIAN NATIONS)
(ASSOCIATION DES NATIONS DU SUD-EST ASIATIQUE)

Dans le contexte de la guerre froide, cette organisation régionale a été


fondée en 1967 par cinq pays : Malaisie, Singapour, Thaïlande, Philippines
et Indonésie, pour affirmer leur identité anticommuniste dans la région. Les
trois principes mis en avant au départ sont l’accélération de la croissance
économique et culturelle ; la quête de la paix et de la stabilité,
conformément aux principes de la Charte de l’ONU, la collaboration et
l’aide dans les secteurs économique, culturel, social, technique et
scientifique. Puis la vocation économique et commerciale de l’ASEAN
prend de plus en plus d’importance.
Les membres fondateurs de l’ASEAN ont été rejoints par Brunei en
1984, le Vietnam en 1995, le Laos et le Myanmar en 1997, et le Cambodge
en 1999. Aujourd’hui, elle regroupe une population qui dépasse 550
millions de personnes. La mise en place d’une zone de libre-échange,
ASEAN Free Trade Area (AFTA), a lieu en 1991 ; aujourd’hui, les barrières
douanières ont considérablement diminué. Des sommets se tiennent chaque
année pour parler des problèmes de la région ; depuis les attentats du 11
septembre 2001, les membres de l’ASEAN discutent des moyens de lutte
contre le terrorisme. Les pays fondateurs souhaitent élaborer une Charte
prônant une communauté économique, de sécurité et socioculturelle qui
permettrait, à terme, une plus grande intégration de l’ensemble de ses
membres.
L'ASEAN plus trois (ASEAN Plus Three
- APT) montre l’intérêt de cette organisation : en effet, des rencontres
sont organisées depuis 1997, avec trois autres États, le Japon, la Chine et la
Corée du Sud ; cela permet à l’ASEAN de renforcer sa place dans les
négociations internationales, comme à l’OMC, et tenter de contrebalancer le
poids de l’Union européenne et de l’ALENA. L'APT a signé en 2007 un
pacte antiterroriste. Depuis, d’autres rencontres sont organisées comme la
réunion Asie-Europe (APT et UE) : l’ASEAN est un partenaire économique
important puisque l’UE est au troisième rang commercial après les États-
Unis et le Japon.
Ch. M
FAURE Guy, Nouvelle Géopolitique de l’Asie, Ellipses, 2005.
JOYAUX François, L'Association des Nations du Sud-Est asiatique,
ANSEA, PUF, 1997. LEIFER Michael, The Asean regional Forum, Oxford
University Press, 1996.
TRAN THI Thuy Duong, Aspects juridiques de la participation des États
de l’ASEAN à l’OMC, L'Harmattan, 2008. http://www.aseansec.org
→ APEC, OMC, UE

ASSAD Hafez el- (1930-2000)

Originaire de Qardaha, près de Lattaquié, Hafez el-Assad appartient à la


minorité alaouite (secte chiite, 12 % de la population), opprimée par les
pouvoirs sunnites mais dotée d’un territoire autonome sous le mandat
français qui a favorisé l’accès de ses membres à la carrière militaire.
Adhérent dès 1946 du parti Baath dont l’objectif est le panarabisme, Assad
devient pilote de chasse en 1955, accomplit un stage en URSS, puis est
affecté en Égypte au temps de la République Arabe Unie (1958-1961).
Hostile à la dissolution de la RAU, il est écarté de l’armée jusqu’au coup
d’État baathiste du 8 mars 1963 qu’il a contribué à préparer. Promu général
de brigade, il devient commandant en chef de l’armée de l’air en 1965 et
ministre de la Défense en 1966. Membre de la direction du Baath, il
approuve la purge qui en élimine les modérés, mais prend ses distances
avec les « gauchistes » qui engagent la Syrie dans la guerre des Six jours.
Désavoué par le Bath pour s’être opposé à l’envoi d’une aide militaire
aux fedayins de l’OLP de Yasser Arafat, aux prises avec l’armée du roi
Hussein de Jordanie (septembre 1970), il conduit un coup d’État le 13
novembre 1970. Porté à la présidence de la République par un plébiscite le
12 mars 1971 (constamment réélu jusqu’en 1999) puis à celle du parti en
août, H. el-Assad fait dès lors l’objet d’un culte de la personnalité et dirige
la Syrie de manière autoritaire. Son régime s’appuie sur l’armée, les
services de sécurité et la milice alaouite de son frère Rifaat (exilé après une
tentative de coup d’État en 1983).
Sur le plan intérieur, Assad s’attache la bourgeoisie commerçante en
réorientant partiellement les échanges vers l’Occident. Bien que la vie
politique soit étroitement contrôlée, le pluripartisme formel (Baath,
nassériens, communistes) demeure sous l’égide d’un Front national
progressiste. Mais l’opposition des Frères musulmans est impitoyablement
réprimée (massacres de Hama en 1982).
Sur le plan extérieur et malgré le demi-échec de la guerre du Kippour
dont il rend responsable l’égoïsme égyptien, Assad obtient d’Henry
Kissinger une modification de la ligne de démarcation de 1967 à l’avantage
de la Syrie. La restitution du Golan, annexé par Israël en 1981, devient dès
lors, pour lui, un préalable à toute reconnaissance de l’État hébreu. Aussi
les accords de Camp David provoquent-ils une rupture des relations avec
l’Égypte, un renforcement des liens syro-soviétiques et une éphémère union
avec la Libye en 1980. Tandis que, malgré un soutien rhétorique à la cause
palestinienne, Assad accueille et aide tous ceux qui, au fil des années,
contestent le leadership de Yasser Arafat : FPLP de Georges Habbache,
Groupe Abou Nidal, Hamas ou Jihad islamique.
L'hostilité au régime de Bagdad, pourtant lui aussi baath’iste, conduit
Assad à se rapprocher de Téhéran lors de la guerre Iran-Irak (1980-1988) et
les guerres du Liban lui permettent d’y imposer un véritable protectorat,
notamment à la faveur de la participation syrienne à la coalition
internationale lors de la guerre du Golfe (1990).
La disparition de l’URSS plonge la Syrie dans une crise qui la conduit à
libéraliser en partie son économie. Après la conférence de Madrid (1991), la
médiation américaine permet d’engager une négociation israélo-syrienne
sur le Golan. Mais la mort d’Itzhak Rabin (1995) interrompt le processus.
Sa reprise (fin 1999) aboutit à une rencontre Clinton-Assad à Genève le 26
mars 2000, qui échoue à cause de l’intransigeance syrienne sur le contrôle
de la rive nord-est du lac de Tibériade.
Aussi taciturne qu’inflexible, Hafez el-Assad meurt en juin 2000, léguant
à son fils Bachar le pouvoir sur une Syrie dont il a fait une puissance stable
et incontournable sur la scène proche-orientale, mais isolée dans le monde
arabe, rangée parmi les Rogue States par les États-Unis, et condamnée par
la France pour sa politique libanaise jusqu’en juillet 2008.
OD

GUINGAMP Pierre, Hafez el-Assad et le parti Baath en Syrie, Paris,


L'Harmattan, 1996.
LE GAC Daniel, La Syrie du général Assad, Bruxelles, Complexe, 1999.
→ ARAFAT, CAMP DAVID (ACCORDS), ÉTATS VOYOUS,
GOLFE (GUERRE DU), HUSSEIN (IBN TALAL), KIPPOUR
(GUERRE DU), KISSINGER, IRAN-IRAK (GUERRE), LIBAN
(GUERRES DU), MADRID (CONFÉRENCE DE), MANDATS,
NASSER, PANARABISME, RABIN, SIX JOURS (GUERRE DES)

ASSOCIATION DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAINE


(ALENA) (NORTH AMERICAN FREE TRADE AGREEMENT) (en
anglais NAFTA)

Après l’accord de libre-échange établi, en 1987, entre les États-Unis et le


Canada (ALE) à l’initiative de Reagan, un autre est signé en décembre
1992, associant le Mexique. Il entre en vigueur le 1er janvier 1994, avec des
accords parallèles sur la coopération environnementale et dans le domaine
du travail. Réunissant plus de 400 millions de consommateurs, ce marché
constitue la plus grande zone de libre-échange dans le monde.
Pendant nord-américain d’autres marchés régionaux (Mercosur, APEC,
ASEAN, UE), celui-ci s’inscrit dans le cadre d’une évolution générale en
faveur de la libération du commerce et du développement du commerce
intrarégional. Il a vocation à s’étendre à certains pays d’Amérique du Sud ;
le Chili est le candidat dont l’admission paraît la plus probable à brève
échéance. Toutefois le bilan mitigé conduit à envisager la renégociation, à
moins qu’une dynamique puisse s’instaurer et dépasser la division
Nord/Sud. Le sommet des Amériques (Québec, avril 2001) annonce la mise
en œuvre de la zone de libre-échange des Amériques d’ici à 2005.
Ch. M

BRUNELLE D., DEBLOCK Ch., L'ALENA, le libre-échange en défaut,


Québec, Canada, FIDES, 2004. http://www.nafta-sec-alena.org
→ MERCOSUR, REAGAN, UE

ATATÜRK Mustapha Kémal (1881-1938)

Né à Salonique, formé dans les écoles militaires ottomanes, Mustapha


Kémal s’illustre, en 1915, dans la victoire turque face au débarquement allié
dans les Dardanelles. Général de brigade en 1916, il désapprouve la
politique du gouvernement qui, après l’armistice de Moudros (30 octobre
1918), accepte la mise sous tutelle de l’Empire par les Alliés. Envoyé en
Anatolie par le sultan Mehmet VI en juin 1919, il fédère les forces
nationalistes opposées aux exigences des Alliés et entre bientôt en
dissidence, engageant une double lutte, contre les Alliés et contre le
Gouvernement impérial d’Istanbul.
Après les élections de 1919, la publication du projet de traité (signé en
août 1920 à Sèvres) que le Parlement ottoman doit ratifier provoque le
ralliement à Kémal d’une partie des députés, ceux-ci formant à Ankara,
avec les délégués kémalistes, la Grande Assemblée nationale qui l’élit
président d’un gouvernement provisoire. Grâce à un accord avec la Russie
bolchévique, il liquide la République d’Arménie, obtient par la négociation
et la guerre le départ des Italiens (sud-ouest) et des Français (Cilicie) puis,
devant Ankara, ses troupes battent l’armée grecque envoyée par les Alliés
pour rétablir l’ordre en Anatolie. Après la prise et les massacres d’Izmir
(septembre 1922), Kémal obtient, en juillet 1923, la satisfaction de la
plupart des exigences du mouvement nationaliste au traité de Lausanne,
puis il fait abolir le sultanat et proclamer la République en octobre.
La Turquie devient alors un État laïc et occidentalisé, dirigé par un parti
unique, fondé sur le culte de la personnalité de Kémal (Atatürk, ou père des
Turcs), la répression de toute opposition politique et religieuse, ainsi que du
mouvement pour la reconnaissance d’une identité kurde. Sur le plan
extérieur, Kémal signe en 1930 un traité d’amitié qui scelle la réconciliation
avec la Grèce de Vénizélos ; mais le projet gréco-turc de fédération
balkanique ne se concrétise que par un pacte défensif entre la Grèce, la
Roumanie, la Turquie et la Yougoslavie (1934) qui reste sans effet en 1940.
La Turquie conclut en 1937 des traités d’amitié avec l’Égypte et l’Arabie
ainsi que le pacte de Saadabad, dirigé contre les Kurdes, avec l’Iran et
l’Irak. Méfiant vis-à-vis de l’URSS et des prétentions fascistes en
Méditerranée, Kémal obtient en 1936, à Montreux, un renforcement des
prérogatives turques dans les Détroits. Il meurt le 10 novembre 1938, peu
avant l’annexion du Sandjak d’Alexandrette par la Turquie.
OD

JEVAKHOFF Alexandre, Kemal Atatürk, Les Chemins de l’Occident,


Tallandier, 1989.
→ ALEXANDRETTE (SANDJAK), LAUSANNE (TRAITÉ DE),
MONTREUX (CONVENTION DE), SAADABAD (PACTE DE),
SÈVRES (TRAITÉ DE), VÉNIZÉLOS

ATLANTIQUE (CHARTE DE L')

Signée le 12 août 1941 lors de la rencontre entre Roosevelt et Churchill


au large de Terre-neuve, la Charte de l’Atlantique, si elle ne signifie pas
l’entrée en guerre des États-Unis demandée par le Royaume-Uni, a une
forte portée symbolique en affirmant la solidarité entre Londres et
Washington. Proposée d’abord par Churchill mais inspirée du discours des
« quatre libertés » (libération de la peur et du besoin, liberté d’expression et
de religion) de Roosevelt, elle naît de la crainte du Président américain de
voir les Britanniques s’engager, comme lors du premier conflit mondial,
dans une diplomatie secrète prévoyant des partages territoriaux. Sorte
d’équivalent pour la Seconde Guerre mondiale des 14 points, elle n’ajoute
guère au wilsonisme mais élargit son appel aux questions économiques et
sociales et aux peuples souffrant de la pauvreté, d’exploitation ou
d’insécurité. Faisant de cette guerre une croisade pour la démocratie, elle
énonce les principes fondamentaux sur lesquels, à l’issue du conflit, un
nouvel ordre mondial s’appliquant aux vainqueurs comme aux vaincus,
serait fondé : renonciation à l’usage de la force dans les relations
internationales, droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, libre accès aux
matières premières, liberté des mers, collaboration économique et politique
des nations, instauration d’un système de sécurité collective, tous principes
repris dans la déclaration des Nations unies signée le 1er janvier 1942 par
vingt-six nations.
PMD

BRINKLEY Douglas, FACEY-CROWTHER David, eds., The Atlantic


Charter, New York, 1994.
→ CHURCHILL, ONU, ROOSEVELT (FRANKLIN D.), SAN
FRANCISCO (CHARTE DE), SÉCURITÉ COLLECTIVE, WILSON

ATTLEE Clement (1883-1967)

Après des études à Oxford, il rejoint le parti travailliste en 1908. Pendant


la Grande Guerre, il acquiert le grade de « major » dont on le désigne
parfois. Sous-secrétaire d’État à la Guerre dans le premier gouvernement
travailliste de 1924, il devient le leader du parti en 1935, et combat la
politique d’appeasement de Neville Chamberlain. Partisan de la nomination
de Churchill au poste de Premier ministre en 1940, il fait partie, le 10 mai,
de son cabinet de guerre, et est nommé vice-Premier ministre en 1942.
Après la victoire électorale du Labour, il devient Premier ministre en juillet
1945. Ses préoccupations sont d’abord d’ordre intérieur (mise en place de
l’« État-providence », nationalisation, système national de santé) et il laisse
une grande marge de manœuvre à son ministre des Affaires étrangères
Ernest Bevin (1881-1951), très méfiant à l’égard des Soviétiques et apôtre
des « liens spéciaux » américano-britanniques. Attlee ne renonce pas
cependant à contrôler ce domaine : il participe aux grandes conférences
internationales (Potsdam), accepte une première vague de décolonisation
(Inde, Birmanie, Ceylan, Palestine, Égypte), tout en cherchant à maintenir
des liens amicaux avec les anciennes possessions de la Couronne en
organisant en 1949 un nouveau Commonwealth des nations, et une
politique, nouvelle pour le Royaume-Uni, d’alliance en temps de paix
(traité de Dunkerque, pacte de Bruxelles, pacte Atlantique). Par contre, il
refuse les projets d’intégration européenne, préférant un leadership
britannique au sein d’une Europe confédérée. Très dépendant de l’aide des
Américains (mission Keynes en 1946, et octroi d’un prêt important en
1947), il est contraint d’accepter, en 1950, le réarmement de l’Allemagne.
Le coût de sa politique de réarmement, provoqué par la guerre froide,
explique en partie sa défaite aux élections d’octobre 1951, qui marque la fin
de sa carrière politique.
AD

BURRIDGE Trevor David, Clement Attlee : a political biography, London,


J. Cape, 1985. BULLOCK Alan, The life and times of Ernest Bevin,
London, Heinemann, 1985.
→ APPEASEMENT, BRUXELLES (PACTE DE), CHAMBERLAIN,
COMMONWEALTH, DÉCOLONISATION, DUNKERQUE (TRAITÉ
DE)
B

BAGDAD (PACTE DE)/CENTO

Partie intégrante du réseau établi par John Foster Dulles dans ce qui a été
appelé une « pactomanie », le pacte de Bagdad est l’alliance régionale de
sécurité du Moyen-Orient créée en 1955 et regroupant la Turquie, l’Irak, la
Grande-Bretagne, le Pakistan et l’Iran ; il est lancé à l’initiative du Premier
ministre irakien, Nouri es Saïd, qui veut assurer la sécurité de son pays
contre les menaces soviétiques et l’extension au Moyen-Orient de la
révolution nassérienne. Il forme ainsi un prolongement proche-oriental de
l’OTAN dans le cadre de la guerre froide. Bien qu’il épouse les intérêts
américains en édifiant une barrière contre toute agression soviétique, les
États-Unis n’y participent jamais formellement, se contentant de fournir
aide économique et militaire à ses membres pour ne pas aggraver une
virulente opposition à l’alliance dans le monde arabe. Le coup d’État du 14
juillet 1958 en Irak qui renverse le régime hachémite entraîne son retrait du
pacte le 24 mars 1959. L'alliance se transforme en CENTO (Central Treaty
Organization) le 21 août 1959 et son siège est transféré à Ankara. Toutefois,
sans commandement permanent ni troupes propres, le pacte a une
importance plus symbolique que militaire et sert principalement de
mécanisme d’acheminement pour l’aide économique américaine. L'Iran
après la révolution islamique et le Pakistan annoncent leur retrait de
l’organisation en mars 1979. Dès lors dénuée de toute réalité, la CENTO est
officiellement dissoute en septembre 1979.
PMD

PERSSON Magnus, Great Britain, the United States and the security of the
Middle East : the formation of the Baghdad Pact, Lund, Lund University
Press, 1998.
→ DULLES, GUERRE FROIDE, OTAN
BAKOU (CONGRÈS DE)

Le premier congrès des peuples de l’Orient réunit, sous la présidence de


Zinoviev, 1 823 délégués, en majorité de pays musulmans limitrophes de
l’URSS. Il se tient à Bakou (Azerbaïdjan) du 1er au 8 septembre 1920, à
l’initiative du Komintern, après le IIe congrès de l’Internationale où, à
l’opposé du délégué indien Roy, Lénine prône, pour la révolution en Orient
une alliance tactique avec les bourgeoisies nationales. Après des
désillusions sur les progrès de la révolution en Europe, il traduit le nouveau
potentiel révolutionnaire que les bolcheviques accordent au nationalisme
asiatique et à la lutte anti-impérialiste, notamment britannique. Le congrès
crée entre communisme et mouvements de libération nationale un lien que
les Soviétiques tentent de maintenir malgré les contradictions, soutenant la
Turquie de Kémal pourtant persécuteur des communistes dans son pays, ou
l’alliance du parti communiste chinois avec les nationalistes du
Guomindang jusqu’à sa liquidation en 1927 par son « allié » Tchang Kaï-
chek.
PMD

→ KÉMAL, KOMINTERN, LÉNINE, TCHANG KAï-CHEK

BALDWIN Stanley (1867-1947)

Ce politicien conservateur domine la vie politique britannique de 1923 à


1937, période durant laquelle il est trois fois Premier ministre en alternance
avec le travailliste Ramsay MacDonald. Reprenant en 1908 le siège de
député de son père, il est secrétaire adjoint au Trésor dans le gouvernement
Lloyd George (1917-1921), puis chancelier de l’Échiquier du conservateur
Bonar Law (1922-1923). À ce titre il conclut à Washington en janvier 1923
un accord sur le règlement des dettes de guerre britanniques. Premier
ministre (novembre 1924-juin 1929), il impose en 1926 la nouvelle
définition du Commonwealth, appuie la politique de Locarno (1925) et
adhère au pacte Briand-Kellogg (1928). Chef de l’opposition conservatrice
(1929-1931), il entre, le 25 août 1931, dans le gouvernement d’union
nationale de MacDonald et est l’un des principaux négociateurs des accords
économiques d’Ottawa de 1932, par lesquels les membres du
Commonwealth se consentent des avantages mutuels, sous la forme d’une «
préférence impériale ». Succédant à MacDonald (juin 1935-mai 1937), il
conduit, face à la montée du péril nazi, une politique étrangère marquée par
la recherche du compromis et le refus d’un accord militaire avec la France.
Il accepte le réarmement naval allemand (accord anglo-allemand du 18 juin
1935), puis la remilitarisation de la Rhénanie (mars 1936) tente vainement
de s’opposer à la conquête italienne de l’Éthiopie (1935-1936) et dissuade
la France d’intervenir dans la guerre d’Espagne (1936). Son successeur
Neville Chamberlain (1937-1940) accentue cette politique d’appeasement.
AD

MIDDLEMAS Keith, Baldwin : a biography, New York, Macmillan, 1970.


→ APPEASEMENT, BRIAND-KELLOGG (PACTE),
COMMONWEALTH, DETTES DE GUERRE, ESPAGNE (GUERRE
D’), ÉTHIOPIE (GUERRE D’), LLOYD GEORGE, LOCARNO
(CONFÉRENCE DE), MACDONALD

BALFOUR (DÉCLARATION)

En 1897, le congrès juif de Bâle adopte le projet de Theodor Herzl,


baptisé sionisme, d’établissement d’un État juif ou Nouvelle Sion. Après
l’échec d’une tentative d’achat de la Palestine au Sultan (1902) et le refus
d’une proposition anglaise de foyer national juif en Ouganda (1904), Chaïm
Weizmann (qui sera président de l’Organisation sioniste mondiale en 1920,
de l’Agence juive en 1929 et de l’État d’Israël de 1949 à 1952) obtient le 2
novembre 1917 du secrétaire au Foreign Office du cabinet de Lloyd
George, Arthur Balfour (1848-1930), une déclaration sur le droit des Juifs à
disposer d’un foyer national, dans le respect des droits des populations
locales, en Palestine par ailleurs promise à une administration internationale
par les accords Sykes-Picot de 1916. Dès 1918, Weizmann établit à Tel-
Aviv un Comité exécutif sioniste, puis il signe en 1919 un accord avec
Fayçal, fils de l’émir du Hedjaz Hussein : la Palestine se trouve exclue du
grand royaume arabe dont Sir Henry Mac Mahon (haut-commissaire anglais
en Égypte) avait promis, en 1915, la création à Hussein, en échange de sa
révolte contre l’Empire ottoman. En 1920, le Royaume-Uni érige la
Transjordanie en émirat distinct de la Palestine où, en vertu du mandat de la
SDN (1922), il facilite l’installation d’immigrants juifs sur les terres
publiques et reconnaît l’Agence juive comme interlocuteur de l’autorité
mandataire.
L'arrivée de 600 000 Juifs d’Europe (un tiers de la population établi sur
12 % des terres) conduit à une tension croissante avec les Arabes et à la
guerre civile en 1936 ; les Britanniques adoptent, en 1939, un Livre blanc
qui prévoit l’arrêt de l’immigration après cinq ans pendant lesquels elle
reste autorisée, en raison des persécutions nazies, sous réserve de quotas
annuels. Cette politique restrictive provoque l’opposition du mouvement
sioniste dont certaines organisations s’engagent dans une lutte armée à
caractère terroriste contre la présence anglaise. Mais Ben Gourion
notamment accepte de soutenir les Britanniques pendant la guerre.
OD

LAURENS, Henry, La Question de Palestine, tome premier : 1799-1922,


L'Invention de la Terre sainte, Paris, Fayard, 1999.
→ BEN GOURION, LLOYD GEORGE, MANDATS, SDN,
SIONISME, SYKES-PICOT (ACCORDS)

BALKANIQUES (GUERRES)

La question d’Orient et le traité de Berlin

L'incapacité de l’Empire ottoman à se réformer et à assurer un statut


acceptable à ses sujets chrétiens favorise, tout au long du 19e siècle, la
montée des revendications nationales dans ses territoires européens. Cette
question d’Orient se trouve compliquée du fait de la mise en tutelle
économique et financière de l’Empire par la France et la Grande-Bretagne,
de la volonté russe de contrôler les détroits du Bosphore et des Dardanelles,
ainsi que des visées impérialistes austro-hongroises qui se heurtent aux
ambitions serbes dans les Balkans.
En 1876, l’insurrection contre la Porte ottomane des Slaves de Bosnie-
Herzégovine, puis des Bulgares, la guerre serbo-ottomane puis
l’intervention russe (24 avril 1877) conduisent à une complète défaite de
l’Empire, contraint d’accepter les conditions russes au traité de San Stefano
(3 mars 1878).
Les refus austro-hongrois et anglais d’un trop grand affaiblissement du
sultan conduisent l’Europe au bord de la guerre. Celle-ci est évitée par la
médiation du chancelier allemand Bismarck et le Congrès de Berlin (13
juin-13 juillet 1878) qui décide :
• le retour à l’Empire ottoman de la Macédoine et de la Thrace, rattachées
à l’État bulgare indépendant créé à San Stefano ;
• la transformation de cet État bulgare, dont est également détachée, au
sud, la province de Roumélie orientale, en principauté vassale de la Porte ;
• l’autonomie de la Roumélie dirigée par un gouverneur chrétien nommé
par le sultan et agréé par les puissances européennes ;
• la reconnaissance de la pleine indépendance de la Serbie, du
Monténégro et de la Roumanie ;
• l’occupation et l’administration de la Bosnie-Herzégovine par
l’Autriche-Hongrie ;
• des réformes en Macédoine et en Arménie afin d’assurer l’égalité de
traitement des populations chrétiennes.

Du traité de Berlin à la Ligue balkanique

Dès lors, les États balkaniques visent chacun la réunion à leur territoire
des populations chrétiennes restées sous souveraineté ottomane.
En 1881, la Grèce obtient la Thessalie et la ville d’Arta au sud de l’Épire.
En 1885, la Roumélie s’unit à la Bulgarie qui proclame sa complète
indépendance en septembre 1908, à la faveur de la révolution jeune-turque,
tandis que, en octobre, l’Autriche-Hongrie évite de peu la guerre avec la
Serbie après la proclamation de l’annexion de la Bosnie-Herzégovine. Les
Albanais réclament leur indépendance lors de révoltes en 1910 et 1912.
Quant à la Macédoine, elle est revendiquée à la fois par la Bulgarie, la
Grèce et la Serbie, tandis que l’ORIM (Organisation révolutionnaire
intérieure macédonienne) réclame son indépendance.
À partir de 1911, la Russie favorise cependant le rapprochement des
quatre États balkaniques. L'alliance serbo-bulgare est conclue le 13 mars
1912, avant l’alliance gréco-bulgare le 29 mai. Ces traités sont en principe
défensifs. Ils n’en constituent pas moins une Ligue dirigée contre l’Empire
ottoman, à laquelle se joint le Monténégro, au moment où les Turcs font
face à l’invasion de la Libye (novembre 1911) puis de Rhodes et des îles du
Dodécanèse (mai 1912) par l’Italie.

La première guerre balkanique

Le 13 octobre 1912, la Serbie, la Bulgarie et la Grèce exigent, dans une


note remise à la Sublime Porte, la réalisation en Macédoine des réformes
prévues par le traité de Berlin. Son rejet entraîne le déclenchement de la
guerre, le 17 octobre 1912, alors que le 18 la Porte signe avec l’Italie le
traité de paix d’Ouchy.
Organisées par des missions françaises et/ou armées de canons
Schneider, les forces de la Ligue balkanique remportent rapidement des
succès déterminants sur l’armée ottomane en cours de réorganisation et
d’équipement par les Allemands. Les Bulgares ne sont stoppés que devant
Andrinople (Edirne), tandis que les Serbes et Monténégrins occupent le
Kosovo, la Macédoine du Vardar, Monastir, l’Albanie et font leur jonction
en Épire avec les Grecs qui s’emparent de la Macédoine égéenne, de
Salonique et de la plupart des îles de l’Égée.
Cet effondrement ottoman inquiète l’Italie, qui a des ambitions en
Albanie et en Épire, ainsi que l’Autriche-Hongrie, dont les projets
d’expansion balkanique sont contrecarrés par les succès serbes, et qui
entreprend même de mobiliser. Après avoir consulté ses alliés de la Triple-
Entente, la France adresse aux membres de la Triple-Alliance, le 1er
novembre, une proposition de médiation des six puissances qui envoient par
ailleurs des navires de guerre dans le Bosphore.
Le 3 décembre, un armistice est signé à Catalca, sans engagement des
Grecs qui poursuivent les opérations en Égée ainsi que le siège de Ioannina
en Épire. Le 16 décembre, les belligérants se retrouvent à Londres et, le 17,
les représentants des six puissances s’y réunissent à leur tour. Mais le 23, un
coup de force des Jeunes-Turcs impose au Gouvernement ottoman une ligne
ultra-nationaliste qui entraîne la reprise des combats. La chute de Ioannina,
Andrinople puis Scutari (Skhoder) les contraignent cependant à signer de
nouveaux armistices en avril.

Le traité de Londres et la deuxième guerre balkanique

Le traité de Londres est signé le 30 mai 1913. Il confie aux puissances


européennes le soin de fixer les frontières d’une Albanie indépendante ainsi
que le statut final de la Crète et des îles égéennes. À l’exception de
Kastellorizo, à l’est de Rhodes, d’Imbros et Ténédos qui contrôlent l’accès
aux Dardanelles et qui sont rendues à l’Empire, celles-ci sont attribuées, en
décembre 1913, à la Grèce qui doit, par ailleurs, évacuer l’Épire du nord
rattachée à l’Albanie.
Le traité de Londres enlève à l’Empire ottoman la Thrace et la
Macédoine, hormis les abords de Constantinople et des Dardanelles. Mais il
ne règle pas le partage de cette zone entre les vainqueurs.
Les incidents entre les troupes bulgares et celles des alliés balkaniques
commencent dès avant la signature du traité. Le 1er juin 1913, la Grèce et la
Serbie, qui repoussent les prétentions de la Bulgarie à annexer l’ensemble
de la Macédoine, s’entendent sur un partage de la région et signent un traité
secret d’alliance.
Au terme de négociations infructueuses, la Bulgarie attaque la Serbie et
la Grèce dans la nuit du 29 au 30 juin 1913. Le 10 juillet, la Roumanie,
inquiète de l’expansion bulgare, rentre dans le conflit et fait rapidement sa
jonction avec les troupes serbes, tandis que le triumvirat jeune-turc (Talaat,
Enver, Djemal), qui vient d’établir sa dictature à Constantinople, attaque à
son tour la Bulgarie et reprend Andrinople.

Le traité de Bucarest
La débâcle bulgare, accompagnée de massacres des populations grecques
et serbes, permet aux puissances victorieuses de dicter leurs conditions lors
de la conférence de Bucarest (30 juillet-10 août 1913). Sans pouvoir
négocier, la Bulgarie est contrainte :
• de céder la Dobroudja méridionale à la Roumanie ;
• de reconnaître la souveraineté serbe sur la Macédoine du Vardar et celle
de la Grèce sur Salonique et la Macédoine égéenne, y compris le port de
Kavala.
La Bulgarie conserve néanmoins la Macédoine du Pirin et un débouché
sur l’Égée en Thrace occidentale. La Bulgarie négocie par ailleurs avec
l’Empire ottoman, dont les puissances balkaniques ont refusé la présence à
Bucarest. Le traité de Constantinople (29 septembre 1913) permet aux
Turcs de récupérer Andrinople et la Thrace orientale.

Importance des guerres balkaniques

Les guerres balkaniques ont servi de banc d’essai aux armements qui
seront utilisés durant la Première Guerre mondiale. Les défaites de l’Empire
ottoman puis de la Bulgarie donnent naissance dans ces pays à un désir de
revanche qui les conduira (en 1914 et 1915) à se ranger au côté des
puissances centrales. Enfin, une enquête de la Dotation Carnegie pour la
paix internationale relèvera que, afin de faire prédominer, dans les zones
destinées à être intégrées à son État, l’élément de population appartenant à
sa nation, chacun des belligérants a pratiqué massacres et déplacements
forcés des populations, les minoritaires devenant dès lors la cible de
politiques d’assimilation forcée souvent brutales.
OD

CASTELLAN Georges, Histoire des Balkans, XIVe-XXe siècle, Paris,


Fayard, 1999.
TERNON Yves, Empire ottoman, Le déclin, la chute, l’effacement, Paris,
Éditions du Félin, poche/Éditions Michel de Maule, 2005.
WEIBEL Ernest, Histoire et géopolitique des Balkans de 1800 à nos
jours, Paris, Ellipses, 2002.
→ BOSNIE-HERZÉGOVINE (GUERRE DE), KOSOVO,
MACÉDOINE (QUESTION DE), TRIPLE-ALLIANCE, TRIPLE-
ENTENTE, VÉNIZÉLOS

BALTES (PAYS)

Placés au carrefour du monde slave et du monde germanique, ces pays


qui trouvent leur unité dans leur commune ouverture à la mer Baltique sont
sous la domination russe tout au long du 19e siècle. À la suite du traité de
Brest-Litovsk (mars 1918), ils sont cédés par la Russie à l’Empire allemand
mais ils profitent de la défaite de celui-ci pour devenir des États
indépendants : Estonie, Lettonie et Lituanie, qui sont convoités par la
Russie stalinienne et l’Allemagne hitlérienne. Un des effets du pacte
Ribbentrop-Molotov d’août 1939 est l’annexion le 14 juin 1940 par l’URSS
des trois pays Baltes, qui sont occupés par la Wehrmacht dès le début de
l’offensive allemande contre l’Union soviétique (juin 1941). À l’été 1944,
ils sont reconquis par l’Armée rouge et réincorporés dans l’Union
soviétique.
En août 1989, des manifestations réclament leur autonomie et le retour
aux Républiques baltes. À la suite d’une année de tensions, l’indépendance
des trois pays est reconnue en août 1991. Trois ans plus tard, il n’y a plus de
troupes russes. Malgré les pressions de Moscou, ils insistent pour obtenir
leur intégration dans l’Union européenne et dans l’Alliance atlantique, ce
qui intervient en 2004.
MV

PLASSERAUD Yves, Les États baltes, Paris, Monchrestien, 1996.


→ BREST-LITOVSK (TRAITÉ DE), MOLOTOV, RIBBENTROP

BANDOUNG (CONFÉRENCE DE)


Dès le début des années 1950, l’ONU est la tribune où les États nés de la
décolonisation peuvent proclamer leur anticolonialisme. En 1955, la
conférence de Bandoung marque l’irruption du Tiers Monde sur la scène
internationale. Elle exprime également une certaine inquiétude liée à la
guerre froide. C'est sur l’initiative de cinq pays asiatiques (Ceylan, la
Birmanie, l’Indonésie, l’Inde et le Pakistan) que se réunissent, du 18 au 24
avril 1955 à Bandoung (Java-Indonésie), 29 États afro-asiatiques en quête
d’unité et d’indépendance. La participation variée montre la diversité des
orientations diplomatiques qui ont alors cours : l’unanimité existe quant au
rejet de la présence d’Israël, de l’Afrique du Sud et des pays latino-
américains en raison de la dénonciation générale de « l’impérialisme
occidental ». En revanche, trois tendances apparaissent, qui reflètent des
clivages idéologiques réels : un noyau communiste (le Nord-Vietnam et la
Chine communiste) et des États pro-américains (la Turquie, membre de
l’OTAN, le Pakistan) y côtoient des non-engagés qui prônent un
neutralisme appelé à devenir la base du non-alignement (essentiellement
l’Égypte et l’Inde) et qui marque l’échec de la diplomatie de J. F. Dulles.
Le ciment idéologique demeure néanmoins la dénonciation du
colonialisme : outre la condamnation de la ségrégation raciale (notamment
en Afrique du Sud où le régime d’apartheid a été instauré en 1948), la
Conférence appuie les revendications d’indépendance émises en Tunisie, en
Algérie et au Maroc et contribue à l’affaiblissement diplomatique de la
France. Elle soude l’unité des États arabes contre Israël, sous l’impulsion
d’un Nasser qui n’a pas encore le prestige diplomatique que va renforcer
l’affaire de Suez l’année suivante. Contre l’avis de certains États, les « non-
engagés » parviennent à faire également adopter par la Conférence une
condamnation de l’armement nucléaire et se prononcent pour le neutralisme
qui a toutefois du mal à faire l’unanimité. Une résolution finale en dix
points est bien votée mais elle est surtout l’affirmation des cinq principes de
la coexistence pacifique, inaugurés lors du règlement sino-indien sur le
Tibet en 1954 : respect mutuel de l’intégrité territoriale et de la
souveraineté, non-agression, non-ingérence dans les affaires intérieures des
autres États, égalité, coexistence pacifique.
Quant à sa portée, la conférence de Bandoung crée un état d’esprit censé
incarner la dignité et la solidarité des gens de couleur. Toutefois, elle
instaure un clivage géographique, excluant l’Amérique latine de toute
stratégie mondiale. Elle est à l’origine du mouvement des Non-Alignés et
du neutralisme lancé lors de la conférence de Brioni. À partir des années
1960, c’est à l’ONU que le Tiers Monde, désormais majoritaire
numériquement, peut le mieux exprimer ses préoccupations. Enfin, la
Conférence propulse sur le devant de la scène internationale des dirigeants
comme Chou En-lai, Nasser, Nehru, Soekarno, appelés à jouer un rôle
majeur. C'est l’acte de naissance du tiers-mondisme, idéologie qui va
survivre encore deux décennies, mais l’unité de façade des pays membres
de Bandoung va mal résister à l’épreuve du temps.
Avec le recul, la conférence de Bandoung revêt surtout une valeur de
symbole. Elle constitue une étape sur la voie de la recherche d’une unité du
Tiers Monde face aux pays développés.
CB

GUITARD Odette, Bandoung et le réveil des peuples colonisés, PUF, 1969.


→ ANTICOLONIALISME, APARTHEID, CHOU EN-LAI,
DULLES, GUERRE FROIDE, NASSER, NEHRU, NEUTRALISME,
NON-ALIGNÉS (MOUVEMENT DES), ONU, OTAN, SUEZ (CANAL
ET CRISE DE)

BANGLADESH

Ce territoire, au bord du golfe du Bengale, se trouve correspondre au


delta du Gange et du Brahmapoutre. Lors de la partition de l’Inde, en 1947,
il constitue la province orientale du Pakistan. Mais les deux provinces,
séparées par plus de 1 500 km, n’ont en commun que la religion
musulmane, et le Pakistan oriental aspire à plus d’autonomie. En 1968, le
chef du parti bengali, le cheikh Mujibur Rahman, qui proteste contre la
dictature du général Ayub Khan, au pouvoir depuis 1958, est arrêté. Le 26
mars 1971, le parti autonomiste, l’Awami League, finit par proclamer
l’indépendance du Pakistan oriental, en pleine tension internationale entre
l’Inde et le Pakistan. L'URSS et l’Inde signent en effet le 9 août 1971 un
traité d’amitié et de coopération qui modifie l’équilibre stratégique dans le
sous-continent indien. Face à la volonté de Karachi de rétablir son autorité
sur le Pakistan oriental et à une violente guerre civile, qui fait fuir 10
millions de Bengalis en Inde, New Delhi – invoquant ce problème de
réfugiés – intervient au Pakistan oriental le 3 décembre 1971. Le Pakistan
réagit en envahissant le Cachemire. Les combats, qui tournent à l’avantage
de l’Inde, aboutissent en décembre 1971 au remplacement de Ayub Khan
par Ali Bhutto à la tête du Pakistan occidental et à l’indépendance du
Bangladesh. Étroitement lié à l’Inde, le nouvel État est admis dans le
Commonwealth en avril 1972. Ses relations avec le Pakistan sont
normalisées en 1974.
Depuis lors, un des pays les plus pauvres du monde et confronté à des
catastrophes naturelles à répétition passe de la domination des militaires à
celle des islamistes et ne joue aucun rôle sur le plan international.
MV

JAFFRELOT Christophe (dir.), Le Pakistan, carrefour de tensions


régionales, Éditions Complexe, 1999.
KATHRYN Jacques, Bangladesh, India and Pakistan : international
relations and regional tensions in south Asia, New York, St Martins’s Press,
2000.
MCMAHONROBERT, Cold war on the periphery. The US, India and
Pakistan, New York, 1994.
→ CATASTROPHES NATURELLES, COMMONWEALTH,
DÉCOLONISATION

BAO-DAI (1913-1997)

Fils de l’empereur d’Annam, il lui succède en 1925 et règne


effectivement à partir du 10 septembre 1932, à la fin de ses études en
France. Il entame alors une politique de réforme qui tourne court du fait de
l’obstruction de l’administration coloniale française. Le 11 mars 1945, sous
la pression des Japonais qui viennent d’éliminer les Français d’Indochine, il
dénonce les traités de protectorat conclus avec la France. Puis il abdique
après la proclamation de la République du Vietnam par Ho Chi Minh (25
août 1945), et s’exile à Hong Kong (avril 1946). Mais, en septembre 1947,
il entame des négociations avec le gouvernement français, espérant en
obtenir une indépendance réelle du Vietnam en échange de son concours
contre le Vietminh. Après avoir rencontré en Baie d’Along le haut-
commissaire de France, Émile Bollaert, il constitue l’État du Vietnam (août
1949). Sans soutien populaire, il ne peut se dégager de l’emprise française
et se voit contesté par les nationalistes de droite qui se tournent vers les
Américains, qui lui imposent de nommer Ngô Dinh Diêm Premier ministre
(11 juin 1954). Au lendemain des accords de Genève (20 juillet 1954) Ngô
Dinh Diêm évince les partisans de Bao-Dai de l’armée et de
l’administration du Sud, puis, après un référendum en octobre 1955,
proclame la République. Bao-Dai s’exile alors définitivement en France.
AD

GRANCLEMENT Daniel, Bao-Dai, ou les derniers jours de l’empire


d’Annam, Jean-Claude Lattès, 1997.
→ DÉCOLONISATION, INDOCHINE (GUERRE D’)

BARTHOU Louis (1862-1934)

Avocat, républicain de centre droit, il est député en 1889, et huit fois


ministre de 1894 à 1914. Président du Conseil (mars-décembre 1913), il fait
voter la loi sur le service militaire de trois ans destinée à faire face à la
montée des périls. À la fin de la guerre, il est rapporteur du projet de loi
portant approbation du traité de Versailles (1919) et il exerce diverses
fonctions dans les années 1920 : ministre de la Guerre (janvier 1921-janvier
1922), chef de la délégation française à la conférence de Gênes (1922),
président de la Commission des réparations. En 1934, le président
Doumergue lui confie le ministère des Affaires étrangères dans le
gouvernement d’union nationale. Mettant un terme aux négociations de
désarmement et tournant le dos à la sécurité collective dans le cadre de la
SDN, il pratique alors une politique de fermeté face à l’Allemagne, une
volonté d’affranchissement de la tutelle britannique et s’efforce de
regrouper contre Hitler l’Italie, la Petite Entente, la Pologne, et l’URSS
qu’il fait entrer à la SDN. Cette politique est brisée par sa mort dans
l’attentat fomenté à Marseille contre le roi Alexandre de Yougoslavie par
des nationalistes croates.
AD

YOUNG Robert J., Power and Pleasure. Louis Barthou and the Third
Republic, London, McGill-Queen’s University Press, 1991.
→ DÉSARMEMENT, HITLER, PETITE ENTENTE,
RÉPARATIONS, SDN, SÉCURITÉ COLLECTIVE, TRAITÉS DE
PAIX

BARUCH (PLAN)

Dans le cadre des négociations entreprises pour empêcher la prolifération


de l’arme nucléaire, l’ONU crée, le 14 janvier 1946, une Commission de
l’énergie atomique. Les Américains y présentent le plan Baruch, du nom de
celui qui propose de remettre à un organisme international l’autorité pour le
développement atomique, la propriété des mines d’uranium et la mise en
place d’un contrôle efficace, préalable à l’arrêt de la production des
bombes. Les Soviétiques repoussent le projet et préconisent l’interdiction
de l’usage de l’énergie atomique à des fins militaires et la destruction des
bombes existantes. Le débat tourne court.
MV
→ ARMES NUCLÉAIRES, ONU, PROLIFÉRATION

BEAGLE (CHENAL DE)

Ce chenal est exploré en 1826 par le capitaine du Beagle, qui lui donne le
nom de son bâtiment. À l’extrême pointe sud du continent américain, ce
passage évite de contourner le Cap Horn, en traversant toutefois des eaux
territoriales chiliennes et argentines. Un long conflit juridique débute alors
entre les deux pays. Un premier arbitrage britannique s’avère infructueux en
1902. En 1977, la Cour internationale de justice de La Haye donne raison
au Chili ; l’Argentine récuse cet arrêt l’année suivante. Le règlement du
différend est alors confié à la médiation du pape Jean-Paul II qui propose en
1980 que les îles situées au sud du chenal (donc celles en litige) soient
déclarées chiliennes, mais que la navigation et l’exploitation des ressources
naturelles soient partagées entre les deux pays. Un traité d’amitié et de paix
signé en 1984 est approuvé par référendum par les Argentins.
CB
→ JEAN-PAUL II, ONU (COUR INTERNATIONALE DE
JUSTICE)

BECK Joseph (1894-1944)

Le colonel Beck est un fidèle du maréchal Pilsudski alors chef de l’État


polonais, auprès duquel il sert dans les années 1920 avant d’être ministre
des Affaires étrangères de décembre 1932 à 1939. Il met en œuvre la
politique de Pilsudski, qui a conclu un traité de non-agression avec l’URSS
en 1932, et signé une déclaration avec l’Allemagne le 26 janvier 1934,
portant ainsi un coup à l’alliance française. En mars 1938, Beck laisse
Hitler annexer l’Autriche sans protester et, en septembre, il participe au
démantèlement de la Tchécoslovaquie afin d’annexer la partie de la Haute-
Silésie que la Pologne revendique depuis 1919 (Teschen). Cependant en
mars 1939, Hitler lui réclame la cession de Dantzig et la création d’un «
corridor » à travers le couloir de Dantzig ; Beck se retourne alors vers la
France, en réactivant l’alliance franco-polonaise de 1921, et la Grande-
Bretagne dont il obtient une « garantie » le 31 mars 1939, puis une alliance
polonobritannique signée le 25 août. Mais, dès le 23 août, la signature du
pacte Molotov-Ribbentrop ne laisse plus aucune chance à la Pologne.
Réfugié en Roumanie, il y demeure interné jusqu’à sa mort.
AD

ROBERTS Henry, The diplomacy of colonel Beck, in Craig and Gilbert


(eds), The Diplomats, Princeton, 1953.
→ DANTZIG (COULOIR DE), HITLER, MOLOTOV, PETITE
ENTENTE, PILSUDSKI, RIBBENTROP
BEGIN Menahem (1913-1992)

Ce juif russe milite très jeune dans des organisations sionistes, en


particulier dans le Betar, mouvement d’extrême droite. Il réussit à gagner la
Palestine en mai 1942 et y dirige dans la clandestinité à partir de 1943
l’Irgoun, l’armée secrète du Betar, qui s’en prend aux Britanniques
(dynamitage de l’hôtel King David, 22 juillet 1946), aux Arabes de
Palestine (massacre du village palestinien Deir Yassin, 9 avril 1948), et
même aux forces régulières du jeune État israélien (affaire de l’Altalena,
juin 1948). Après avoir déposé les armes, il fonde le parti de droite, Hérout
(Liberté), conduit l’opposition contre le parti travailliste au pouvoir (hormis
sa participation au gouvernement d’union nationale de 1967-1970), et mène
campagne pour les droits historiques d’Israël jusqu’à sa victoire électorale
de mai 1977. Il bénéficie alors de la volonté du président Sadate de faire
sortir l’Égypte de la guerre avec Israël. À la suite des accords de Camp
David (septembre 1978), une paix séparée est conclue en mars 1979 au prix
de l’évacuation du Sinaï, mais Begin y voit surtout un moyen de gagner du
temps pour rendre irréversible l’annexion de fait des autres territoires
occupés, et impossible la création d’un État palestinien. Il multiplie donc les
implantations israéliennes en Cisjordanie et, pratiquant la politique du pire
avec la Syrie, proclame l’annexion du Golan (décembre 1981). C'est aussi
sous sa direction que l’armée israélienne envahit le Liban en juin 1982 dans
le but de détruire l’OLP. Démoralisé par l’enlisement militaire et politique
d’Israël au Liban, il démissionne de sa fonction de Premier ministre le 29
août 1983.
AD

PELEG Ilan, Begin’s foreign policy, 1977-1983 : Israel’s move to the right,
New York, Greenwood Press, 1987.
→ CAMP DAVID (ACCORDS DE), LIBAN (GUERRES DU),
SADATE

BENÈS Edvard (1884-1948)


Il participe activement au sein du Conseil national tchécoslovaque de
Tomas Masaryk à la création de la Tchécoslovaquie, qu’il représente à la
conférence de la Paix de 1919, et dont il est le ministre des Affaires
étrangères jusqu’en 1935. Redoutant par-dessus tout une restauration des
Habsbourg, il s’applique à maintenir le statu quo de 1919 en s’appuyant sur
une alliance avec la France et sur la Petite Entente qu’il met en place de
1920 à 1924 et se montre un chaud partisan de la SDN et de la sécurité
collective. Sous-estimant le danger hitlérien et méfiant à l’égard de l’URSS,
il s’en rapproche néanmoins en même temps que la France, et signe avec les
Soviétiques un pacte d’assistance mutuelle en mai 1935. Succédant à
Masaryk à la présidence de la République en décembre 1935, il ne peut
résister à la pression d’Hitler ni aux revendications de ses voisins polonais
et hongrois, ne pouvant compter sur l’unité de son pays ni sur le soutien des
Occidentaux. Jugeant toute résistance armée suicidaire, il accepte les
accords négociés, en son absence, à Munich par les quatre grandes
puissances européennes le 29 septembre 1938 et qui démembrent son pays.
Dès le 5 octobre, il se démet de son mandat et s’exile. Après avoir constitué
un Comité national tchèque en octobre 1939, il est reconnu chef d’État par
les Alliés. Jugeant indispensable une entente avec Staline et les
communistes tchèques, il signe à Moscou, le 12 décembre 1943, un traité
avec l’URSS. À la Libération, il forme un gouvernement de coalition où les
communistes détiennent des postes clés, tout en espérant éviter un
alignement sur Moscou. La guerre froide va l’en empêcher. Frappé par le
suicide suspect de son ministre des Affaires étrangères, Jan Masaryk, il
laisse en février 1948 les modérés tenter une épreuve de force avec les
communistes, mais devant leur réaction, il renonce à les soutenir. Refusant
de promulguer la nouvelle Constitution imposée par les communistes, il
démissionne le 7 juin 1948.
AD

ZEMAN Z. A. B., The life of Edvard Benes, 1884-1948 : Czechoslovakia in


peace and war, Oxford University Press, 1997.
→ GUERRE FROIDE, HITLER, MASARYK, MUNICH
(ACCORDS DE), PETITE ENTENTE, SDN, SÉCURITÉ
COLLECTIVE, STALINE
BEN GOURION David (1886-1973)

Figure du sionisme, David Grin émigre en Palestine en 1906 où il adopte


le nom de Ben Gourion (du nom du leader juif révolté contre les Romains)
en 1910. Banni de Palestine par les Ottomans en 1915, il y retourne fin
1918 après sa conquête par les Britanniques et la déclaration Balfour.
Œuvrant alors à l’unification des socialistes, il devient secrétaire général du
Mapaï (ancêtre du parti travailliste) en 1929, ce qui lui permet d’accéder à
la présidence de l’Agence juive (1935-1948). Opposé à une solution
binationale, il pousse à la création d’un État juif sur la plus grande partie
possible de la Palestine et accepte les propositions de Lord Peel de juillet
1937. Au début de la Seconde Guerre mondiale, il appelle à soutenir la
Grande-Bretagne en dépit du Livre blanc de mai 1939, et inspire la
proposition de partage formulée en août 1946 par l’Agence juive. Le 14 mai
1948, il proclame l’indépendance de l’État d’Israël, dont il est le Premier
ministre jusqu’en 1953, puis de 1955 à 1963, avec Golda Meir aux Affaires
étrangères. Il conduit l’armée israélienne à la victoire dans la guerre de
1948-1949 et, avec l’approbation tacite du roi Abdallah de Transjordanie, il
s’oppose à la formation d’un État palestinien tout en étendant le territoire de
l’État juif. Dès 1949 il met fin, au profit des Occidentaux, à la neutralité
d’Israël dans la guerre froide, et en 1951 il n’hésite pas à conclure avec la
RFA un accord sur les réparations. Il s’efforce de renforcer la sécurité
d’Israël en particulier face à l’Égypte du colonel Nasser, ce qui l’amène à
participer, en 1956, aux côtés des Français et des Britanniques, à
l’intervention de Suez. Après son échec, il tente, en vain, de prendre contact
avec les dirigeants arabes. En avril-mai 1967, durant la crise qui conduit à
la guerre des Six jours, Ben Gourion (qui a quitté le pouvoir), craignant les
conséquences d’un conflit armé de longue durée, déconseille au
gouvernement israélien de recourir à la force, puis il rallie le camp des «
colombes ». Il démissionne de la Knesset en 1970.
AD

BAR ZOHAR Michel, Ben Gourion, Fayard, 1978.


→ BALFOUR (DÉCLARATION), GUERRE FROIDE, MEIR,
NASSER, SIONISME, SIX JOURS (GUERRE DES), SUEZ (CANAL
ET CRISE DE)

BERLIN

Le 20 avril 1945, l’Armée rouge encercle Berlin prise sous le feu de


l’aviation alliée. Douze jours plus tard, au terme de combats qui la laissent
exsangue, la capitale du Reich hitlérien doit se rendre. L'ancienne ville
royale de Prusse, le cœur de l’Empire allemand, la métropole phare des
années 1920, n’est plus qu’un champ de ruines.
Conformément aux engagements pris à Téhéran (1943) puis à Yalta
(1945), en vertu desquels la ville devait faire l’objet d’un statut différent du
reste de l’Allemagne divisée en plusieurs zones d’occupation, les Alliés
occupent conjointement Berlin au lendemain de la capitulation allemande.
Réunis à Potsdam, les trois Grands de la coalition antihitlérienne
s’entendent au cours de l’été 1945 sur le régime spécial de la ville.
Découpée en quatre secteurs, dont un pour la France, Berlin est administrée
par un organe commun, la Kommandantur, où siègent les quatre
commandants en chef alliés, et elle dispose d’un conseil municipal unique.
La circulation dans la ville est libre. Même si les corridors aériens sont les
seuls à être protégés par une réglementation écrite, les Occidentaux
considèrent que leur droit de présence à Berlin garantit aussi, de façon
implicite, leur accès par voie terrestre aux secteurs situés dans la zone
d’occupation soviétique. Ainsi, en faisant dépendre le sort de la ville d’une
solution concertée entre Alliés, le statut quadripartite de Berlin permet-il à
ses protagonistes de conserver un droit de regard individuel sur l’ensemble
de la question allemande dont il rend du même coup impossible tout
règlement séparé à l’initiative de l’une des quatre grandes puissances. Fait
significatif du rôle névralgique de la ville, c’est à Berlin que s’installe le
Conseil de contrôle allié en Allemagne.
Très vite, des tensions apparaissent entre Occidentaux et Soviétiques
dans l’administration de la ville, reflet de divergences idéologiques
fondamentales laissées en sommeil du temps de la Grande Alliance, tandis
que l’entrée dans la guerre froide change radicalement les termes du
problème allemand à partir de 1947, faisant de l’Allemagne vaincue un
enjeu entre les blocs, et de Berlin le théâtre de leur affrontement larvé. À la
priorité donnée par les Occidentaux à la reconstruction rapide du pays dans
la logique du plan Marshall, l’URSS répond par une politique de
soviétisation forcée de sa zone et de son secteur d’occupation berlinois où,
en 1948, après avoir abandonné la présidence du Conseil de contrôle
interallié, elle refuse d’appliquer la réforme monétaire introduite à l’Ouest,
crée un mark oriental et manifeste son désaccord face au processus
d’unification de l’Allemagne occidentale en décrétant le blocus des accès
terrestres de Berlin. La riposte anglo-américaine ne tarde pas : du 24 juin
1948 au 12 mai 1949, le général Clay, gouverneur militaire en Allemagne,
organise le ravitaillement des secteurs occidentaux par un vaste pont aérien.
Prise en otage, Berlin devient le symbole de la résistance au communisme,
accélérant la réintégration de l’Allemagne occidentale au sein des
démocraties libérales. Devant la fermeté des Occidentaux, Staline doit
céder. C'en est fini de l’administration quadripartite de la ville. Avec le
blocus, la division de l’Allemagne s’étend à Berlin : l’URSS quitte la
Kommandantur et installe sa propre municipalité à Berlin-Est ; la majorité
de l’ancien conseil municipal, réfugiée dans les secteurs occidentaux,
constitue une municipalité de Berlin-Ouest. Au plan international, la crise
marque un tournant décisif dans l’histoire de l’après-guerre et précipite la
fondation des deux États allemands en 1949.
Dès lors, tiraillée entre la RFA et la RDA, Berlin subit une division de
fait qui perdure jusqu’en 1990. Enclave occidentale en Allemagne de l’Est,
Berlin-Ouest fait l’objet d’une attention particulière de la part du monde
libre qui y possède un avant-poste privilégié. Tout à la fois base de
renseignement et de propagande anti-soviétique, bureau de recrutement
pour des milliers d’Allemands de l’Est qui viennent y travailler chaque jour,
et vitrine de l’Occident, la ville présente un intérêt géopolitique manifeste
pour les Alliés. Aussi tiennent-ils à conserver l’autorité suprême sur les
secteurs occidentaux même si ceux-ci sont rattachés par de multiples liens à
la République fédérale dont ils constituent, dès 1949, un Land soumis à une
législation particulière. Illustration frappante de la situation exceptionnelle
de Berlin-Ouest, la répression par les chars soviétiques du soulèvement
populaire qui a lieu le 17 juin 1953 à Berlin-Est, à la suite d’une grève
spontanée décidée par les ouvriers du bâtiment, se déroule sous les yeux des
autres troupes d’occupation alliées impuissantes à agir hors de leur secteur
de rattachement tandis que les journalistes occidentaux diffusent au monde
entier le témoignage de la violence communiste.
Rien d’étonnant, donc, à ce que l’URSS n’ait de cesse de mettre fin au
statut spécial de Berlin, cherchant à obtenir le contrôle de la ville ou, du
moins, sa neutralisation. L'urgence est d’autant plus grande qu’à l’heure du
« miracle économique » ouest-allemand, la comparaison entre Berlin-Ouest
et Berlin-Est ne joue pas en faveur de la RDA. Au contraire, plus
l’intégration dans les deux blocs s’intensifie, plus le fossé se creuse en
termes économiques entre les secteurs de Berlin, provoquant un exode
massif d’est en ouest et une hémorragie des cadres est-allemands attirés par
le mode de vie capitaliste. Pour endiguer ce flux, les dirigeants de RDA
s’appuient sur l’Union soviétique qui saisit, dix ans après la première crise
de Berlin, l’occasion de rouvrir le dossier berlinois et de reposer, à travers
lui, la question allemande. Dans son ultimatum du 27 novembre 1958,
Khrouchtchev dénonce le statut quadripartite de Berlin et menace les
Occidentaux de passer un accord séparé avec la RDA si, dans un délai de
six mois, celui-ci n’est pas révisé dans un sens plus favorable à l’URSS.
Malgré l’échec de la conférence de Paris en 1960, et une entrevue Kennedy-
Khrouchtchev en demi-teinte à Vienne (1961), les Occidentaux ne
faiblissent pas. Comme les États-Unis, ils s’en tiennent aux « three
essentials » rappelés par le président Kennedy en juillet 1961 : maintien de
la présence occidentale à Berlin-Ouest, maintien du droit d’accès, libre
choix pour Berlin-Ouest de son régime politique – rien n’est dit en
revanche, de Berlin-Est. Face à l’accélération des départs, les communistes
est-allemands érigent le 13 août 1961, au cœur de la ville, un mur qui la
sépare en deux et isole Berlin-Ouest au centre de la RDA. Entreprise sans
opposition sérieuse du camp occidental ni contre-mesures à l’égard de
l’URSS, la construction du « mur de la honte » révolte l’opinion publique
internationale qui en fait le symbole douloureux de l’oppression totalitaire
en Europe de l’Est. À ce stade de la guerre froide, l’hypothèse de la
réunification paraît plus que jamais improbable aux Allemands.
S'interrogeant sur l’attitude des deux Grands qui semblent désormais
accepter le statu quo au nom de la détente, la République fédérale en vient à
réviser ses conceptions et envisage une normalisation de ses relations avec
la RDA. Rompant avec la doctrine Hallstein, Willy Brandt, bourgmestre de
Berlin, entreprend ainsi un rapprochement qui vise à soulager les
souffrances quotidiennes des Berlinois séparés par le Mur. Cette politique
porte ses fruits dès 1963 avec l’instauration des laissez-passer pour les
Berlinois de l’Ouest qui souhaitent se rendre à Berlin-Est. Poursuivie au
niveau fédéral par les différents gouvernements ouest-allemands à partir du
milieu des années 1960, cette politique d’ouverture à l’Est (Ostpolitik)
trouve en Berlin un champ d’application privilégié. Par l’accord
quadripartite du 3 septembre 1971, l’URSS reconnaît la présence
occidentale à Berlin-Ouest tandis qu’un accord interallemand conclu
l’année suivante assouplit les communications entre les deux parties de la
ville.
Dès lors, Berlin devient le reflet et le baromètre des relations entre les
deux Allemagne jusqu’à la chute du Mur dans la nuit du 9 au 10 novembre
1989, prélude à la réunification. Avec la levée du statut quadripartite de
Berlin par le traité « 2 + 4 » (1990), les dernières troupes d’occupation
évacuent la ville (1994). Capitale de l’Allemagne réunifiée depuis un vote
difficile au Bundestag (1991), Berlin se transforme en un vaste chantier de
construction, destiné à donner à la ville les moyens d’accueillir le
gouvernement et de réaliser les défis qui se présentent à elle : devenir une
métropole moderne, un carrefour culturel, un pont entre l’Est et l’Ouest de
l’Europe.
FG

BRIGOULEIX Bernard, 1961-1989 Berlin, Tallandier, 2001.


BUFFET Cyril, Berlin, Fayard, 1993.
CHARPIOT Roland, Histoire de Berlin, Vuibert, 2006.
→ ALLEMANDE (QUESTION), BRANDT, GUERRE FROIDE,
HALLSTEIN, KENNEDY, KHROUCHTCHEV, MARSHALL
(PLAN), OSTPOLITIK, POTSDAM (CONFÉRENCE DE),
RENSEIGNEMENT, STALINE

BERLIN (TRAITÉ DE) DE 1926


Conclu au nom du maintien de la paix et de la coopération économique et
politique entre l’Union soviétique et l’Allemagne sur la base du traité de
Rapallo (1922), le traité germano-soviétique de Berlin signé le 24 avril
1926 pour une durée de cinq ans se veut une version orientale des accords
de Locarno. S'il garantit la neutralité en cas d’agression d’un tiers et rend
impossible la participation de l’un des signataires à toute forme de boycott
tourné contre l’autre, le traité de Berlin ne se limite pourtant pas à
contrebalancer l’ancrage occidental de l’Allemagne dans le sens tracé par
Rathenau. Aux yeux de Stresemann, ministre des Affaires étrangères, et des
négociateurs allemands, le traité constitue aussi l’instrument d’une politique
à l’Est délibérée qui, dénonçant les frontières polonaises fixées en 1919 par
les vainqueurs de la guerre, cherche à « ramener la Pologne dans ses
frontières ethnographiques » en s’appuyant sur l’URSS. Favorisant
l’intensification des échanges commerciaux et des relations diplomatiques
entre les deux signataires, le traité sert aussi de cadre élargi à la coopération
militaire secrète qui s’est développée entre la Reichswehr et l’Armée rouge
dès 1921, à l’initiative du général von Seeckt, en violation du traité de
Versailles. Renouvelé en 1931 puis en 1933, le traité revêt une signification
différente dans les relations germano-soviétiques après l’arrivée au pouvoir
d’Hitler.
FG

→ HITLER, LOCARNO (CONFÉRENCE DE), RAPALLO


(TRAITÉ DE), STRESEMANN, TRAITÉS DE PAIX
BETHMANN-HOLLWEG Theobald von (1856-1921)
Juriste de formation, Bethmann-Hollweg poursuit une carrière réussie
d’administrateur de la province prussienne du Brandebourg avant d’être
appelé en politique. En 1905, à près de cinquante ans, il devient ministre de
l’Intérieur du royaume de Prusse, charge dont il s’acquitte dans le même
esprit de conciliation et d’apaisement qui a fait son succès de haut
fonctionnaire. Soucieux de rapprocher une droite nationaliste, voire
militariste et une social-démocratie qui tend à se radicaliser, Bethmann-
Hollweg s’impose comme une figure politique à part, en marge des partis et
à la recherche d’un juste milieu. Ministre de l’Intérieur de l’Empire deux
ans plus tard, Bethmann-Hollweg est nommé chancelier en 1909 par
Guillaume II à la faveur de l’affaire du Daily Telegraph qui entraîne la
chute de Bülow. Alors que son arrivée aux affaires est saluée par l’ensemble
des forces politiques et plusieurs gouvernements étrangers, le nouveau
chancelier d’Empire est confronté d’emblée à une situation internationale
tendue : course aux armements, contentieux colonial, crise marocaine.
Hostile à la guerre, Bethmann-Hollweg cherche au cours des années 1911-
1913 un rapprochement avec la Grande-Bretagne et la Russie, mais en
vain : très vite, il ne parvient plus à s’opposer aux ambitions
expansionnistes de l’Empereur et de son État-major (Ludendorff,
Hindenburg). En 1914, son soutien à l’Autriche après l’assassinat de
l’héritier au trône austro-hongrois et ses hésitations dans la gestion de la
crise de juillet portent une responsabilité dans le déclenchement de la
guerre. Le conflit déclaré, le chancelier tente de mettre un frein à la guerre
sous-marine et plaide pour une paix qui maintiendrait le statu quo de
l’Allemagne mais cède de plus en plus de terrain aux autorités militaires. En
politique intérieure ses réformes d’inspiration libérale, notamment la
suppression du système électoral des trois classes en Prusse, attirent la
désapprobation du parti conservateur. En juillet 1917, Bethmann-Hollweg
doit démissionner.
FG

WOLLSTEIN Günter, Theobald von Bethmann-Hollweg : letzter Erbe


Bismarcks, erstes Opfer der
Dolchstoßlegende, Göttingen, Muster-Schmidt, 1995.
→ GUILLAUME II, MAROCAINES (CRISES)

BIAFRA (GUERRE DU)

La plus grande colonie britannique de l’Afrique occidentale devient


indépendante le 1er octobre 1960 sous le nom de Nigeria. C'est une
Fédération dominée politiquement par les Haoussas et les Peuls, musulmans
du Nord. Au Sud-Est, les Ibos, chrétiens, qui habitent en majorité le Biafra,
supportent mal cette domination et la répression exercée à la suite de
l’assassinat du Premier ministre, sir Abubakar Tafewa Balewa, en janvier
1966, et celui de son successeur, le général Aguiyi-Ironsi. La tension monte
contre le nouveau chef de l’État, le colonel Yakubi Gowon, un Haoussa, et
aboutit à la proclamation, le 30 mai 1967, de l’indépendance du Biafra et à
une guerre civile, puisque le gouvernement fédéral n’accepte pas la
sécession de cette région riche en pétrole. Le conflit dure trois ans (mai
1967-janvier 1970) et s’internationalise par suite des ingérences et des
interventions des compagnies pétrolières et des grandes puissances. Le
gouvernement fédéral bénéficie du soutien des États-Unis, de la Grande-
Bretagne, de l’Union soviétique, de l’Égypte qui envoient hommes et
armements, et des compagnies pétrolières anglo-saxonnes. Les chefs d’État
africains, se fondant sur la charte de l’OUA, s’opposent, dans leur majorité,
à la sécession. Les divers sommets de l’OUA et le secrétaire général de
l’ONU condamnent la sécession (quatre États reconnaissent la République
du Biafra : Tanzanie, Gabon, Côte d’Ivoire, Zambie). À l’inverse, se
fondant sur la reconnaissance du droit à l’autodétermination, la France, la
Chine, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Zambie et la Tanzanie, apportent leur
soutien au Biafra, qui obtient des armements et des mercenaires par un pont
aérien établi au Gabon, en Côte d’Ivoire, au Portugal. Le gouvernement
français est de tous les gouvernements occidentaux le plus favorable à la
cause des sécessionnistes. Mais ces appuis sont trop limités pour aider
efficacement le Biafra qui, vaincu en octobre 1968, dépose les armes en
janvier 1970. C'est au cours de ce conflit qu’est née l’idée d’intervention
humanitaire, par suite du grand nombre de victimes civiles dû au blocus. La
reddition du Biafra n’est suivie d’aucun génocide de la population Ibo mais
au contraire par une politique de réconciliation nationale, et une redéfinition
des rapports entre le pouvoir central et les différents groupes ethniques du
pays.
MV

BACH Daniel C., Le Nigeria contemporain, Éditions du CNRS, 1986.


CLERGERIE Jean-Louis, La crise du Biafra, Paris, Presses universitaires
de France, 1994.
→ HUMANITAIRE (AIDE), ONU, OUA
BIDAULT Georges (1899-1983)

Agrégé d’histoire, éditorialiste du journal démocrate-chrétien L'Aube,


antimunichois, il entre dans la Résistance puis au Conseil national de la
Résistance qu’il préside après l’arrestation de Jean Moulin (septembre
1943). À la Libération, de Gaulle le nomme ministre des Affaires étrangères
du GPRF (9 septembre 1944), tout en en conservant la direction effective.
Après la démission du Général (20 janvier 1946), il est, avec Robert
Schuman, le principal responsable de la diplomatie française de la IVe
République, que ce soit au Quai d'Orsay (1944-1948, 1953-1954), à la
présidence du Conseil (1949-1950), ou à sa vice-présidence (1951-1952).
Dans la continuité de la politique gaulliste, il cherche d’abord à pratiquer
une politique d’équilibre entre les Anglo-Saxons et les Soviétiques,
espérant de ces derniers l’approbation des vues françaises sur l’Allemagne
(division de l’Allemagne, internationalisation de la Ruhr, Sarre). Mais la
guerre froide condamne cette politique ; aussi, après avoir signé le traité de
Dunkerque avec les Anglais, bâtit-il l’Union occidentale avec le Royaume-
Uni et le Benelux, et en appelle-t-il aux Américains pour défendre l’Europe.
Il est contraint de renoncer, contre des concessions sur le statut de la Sarre,
au démembrement de l’Allemagne, d’accepter la constitution d’un
gouvernement unifié de l’Allemagne de l’Ouest et l’organisation d’une
défense occidentale qui aboutit à la signature du pacte Atlantique (avril
1949). Pionnier de la coopération européenne, il propose, en juillet 1948, la
création d’une Assemblée européenne, le futur Conseil de l’Europe, et
contribue à faire de l’OECE un véritable instrument de coopération
économique. Mais il n’intervient pas dans l’élaboration de la CECA et se
rallie sans enthousiasme au projet de CED, dont il réclame, en juillet 1953,
le réexamen. Partisan du maintien de l’intégrité de l’Empire colonial, il
défend une conception rigide de l’Union française et en Indochine, de 1947
à 1953, il refuse tout pourparler avec Ho Chi Minh. Quand, enfin, il se
résigne à la négociation lors de la conférence de Genève, et parvient à un
résultat avec la Chine, Molotov le récuse, et la chute du cabinet Laniel (12
juin 1954) à la suite de la défaite de Diên Biên Phu, l’éloigne
définitivement des responsabilités gouvernementales. Puis ses prises de
position sur la guerre d’Algérie, qui amènent son ralliement à l’OAS en
1962, le marginalisent complètement.
AD

DALLOZ Jacques, Georges Bidault, Biographie politique, L'Harmattan,


1992.
→ ALGÉRIE (GUERRE D’), CED, CONSEIL DE L'EUROPE, DE
GAULLE, DUNKERQUE (TRAITÉ DE), INDOCHINE (GUERRE
D’), MOLOTOV

BIZERTE (AFFAIRE DE)

Entre la Tunisie, indépendante depuis le 20 mars 1956, et la France, les


occasions de conflits ne manquent pas, provoquées par les répercussions de
la guerre d’Algérie (Sakhiet Sidi Youssef). L'accord du 17 juin 1958 entre
les deux pays prévoit l’évacuation militaire de la Tunisie, à l’exception de
la base de Bizerte, maintenue sous l’autorité française, car elle occupe en
Méditerranée centrale une position jugée, à Paris, d’intérêt stratégique.
Brusquement, le 5 juillet 1961, le président Bourguiba, influencé peut-être
par l’évacuation en mai de la base d’Agadir et le contexte des négociations
franco-algériennes, revendique la pleine souveraineté de la Tunisie sur
Bizerte, et le 7 juillet, il demande à la France d’évacuer les troupes
françaises. À partir du 17 juillet, des forces tunisiennes, grossies d’une
foule de manifestants, encerclent la base. L'affrontement principal a lieu le
20 : des incidents sanglants se produisent, la riposte française est rude et
immédiate. La Tunisie rompt ses relations diplomatiques avec la France et
Bourguiba se tourne vers le Conseil de sécurité de l’ONU qui adopte, le 22
juillet, une résolution demandant un cessez-le-feu immédiat et le retour de
toutes les forces armées à leurs positions initiales. L'affaire est portée
devant l’Assemblée générale de l’ONU qui se réunit en session
extraordinaire du 21 au 25 août. Le 29 septembre, un accord franco-tunisien
prévoit l’évacuation de la base. Les négociations ont lieu à Rome du 3 au 9
décembre 1961. Le 1er juillet 1962, les relations diplomatiques entre la
France et la Tunisie sont rétablies. Le 15 octobre 1963, la base militaire
française de Bizerte est définitivement évacuée et remise à la Tunisie. La
crise porte à son paroxysme le conflit opposant le gouvernement français au
secrétaire général de l’ONU, Dag Hammarskjöld qui a tenté de jouer le rôle
de médiateur. Avec l’indépendance de l’Algérie, elle met un point final à la
décolonisation de l’Afrique du Nord.
CB

RENAUD Patrick-Charles, La bataille de Bizerte : Tunisie, 19 au 23 juillet


1961, L'Harmattan, 1996.
→ ALGÉRIE (GUERRE D’), BOURGUIBA, DÉCOLONISATION,
HAMMARSKJöLD, ONU (CONSEIL DE SÉCURITÉ), SAKIET SIDI
YOUSSEF

BLAIR Tony (1953)

Avocat de formation, il est élu député travailliste britannique en 1983.


Membre du shadow cabinet travailliste en 1988, il accède à la tête du parti
en 1994, qu’il transforme en New-Labour en lui faisant abandonner le
principe des nationalisations et adopter une « troisième voie » qu’il situe
entre socialisme démocratique et libéralisme. Devenu Premier ministre
après sa victoire électorale du 2 mai 1997, il remporte à nouveau les
élections de 2001 et 2005. Voulant rompre avec le nationalisme étroit et l’«
euroscepticisme » de ses prédécesseurs conservateurs, Margaret Thatcher et
John Major, il prétend promouvoir l’interventionnisme humanitaire et
placer le Royaume-Uni « au cœur de l’Europe ». En Irlande du Nord, il
obtient la conclusion entre Londres, Dublin et les partis protestants et
catholiques des accords « du Vendredi saint » (10 avril 1998) qui ouvre la
voix au désarmement de l’IRA (septembre 2005) et à la constitution d’un
gouvernement réunissant catholiques et protestants (8 mai 2007). Il pousse
à l’intervention de l’OTAN au Kosovo (1999) et joue un rôle décisif dans la
fin de la guerre civile au Sierra Leone en y envoyant ses troupes (mai 2000-
janvier 2002). Grâce à quelques gestes symboliques, comme la signature du
chapitre social du traité de Maastricht (juin 1997) et de la Convention
européenne des droits de l’homme, il rétablit l’influence de Londres dans
les institutions européennes et profite de l’élargissement de l’Union
européenne pour y trouver de nouveaux alliés. Cependant il maintient les
positions traditionnelles de son pays en politique européenne : refus du
fédéralisme, défense de la ristourne budgétaire obtenue par M. Thatcher,
hostilité à la politique agricole commune, volonté de libéralisation des
services. D’abord partisan de l’adoption de l’euro, il y renonce en juin 2003
face à l’opposition de son ministre des Finances, Gordon Brown, qui lui
succédera en 2007. Au départ favorable à une ratification par référendum
du Traité constitutionnel européen, il abandonne son projet en 2005 après
les refus français et néerlandais. Si en étant avec Lionel Jospin et Jacques
Chirac un des auteurs de la déclaration franco-britannique de Saint-Malo (4
décembre 1998), il accepte l’idée d’une politique européenne de sécurité et
de défense (PESD), il souligne que cela ne signifie pas une volonté
d’émancipation à l’égard de l’OTAN. Cette priorité que T. Blair accorde au
lien transatlantique se manifeste après les attentats du 11 septembre 2001, il
apporte un soutien sans faille à la politique de « guerre contre le terrorisme
» de George W. Bush en s’illusionnant sur l’influence qu’il pourrait avoir
sur lui, participe à la guerre d’Afghanistan puis à l’invasion de l’Irak qu’il
justifie par la possession par Saddam Hussein d’armes de destruction
massive. Accusé de mensonge, confronté à l’enlisement de la guerre en
Irak, il ne peut résister à une rébellion des parlementaires travaillistes qui le
contraignent à démissionner le 27 juin 2007.
AD

CORTHORN Paul, DAVIS Jonathan Shaw, The


British Labour Party and the wider world : domestic politics,
internationalism and foreign policy, London, Tauris academic studies, 2008.
WILLIAMS Paul David, British foreign policy under New Labour, 1997-
2005, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2005.
→ BUSH (GEORGE W.), CHIRAC, HUSSEIN (SADDAM), PAC,
THATCHER, UE

BLED (TRAITÉ DE)

Le 9 août 1954, la Yougoslavie, la Grèce et la Turquie signent à Bled


(Slovénie), un traité d’alliance, de coopération politique et d’aide mutuelle,
conclu pour vingt ans, complétant le traité d’amitié et de collaboration signé
entre les trois pays le 28 février 1953 à Ankara. Ce traité défensif prévoit en
cas d’agression contre l’un ou l’autre d’entre eux, l’intervention
automatique et immédiate des forces militaires des trois pays. Cela implique
la coordination militaire entre deux pays membres de l’OTAN et la
Yougoslavie de Tito, en rupture de ban du Bloc de l’Est. L'Italie y est
d’abord hostile mais ce rapprochement temporaire de la Yougoslavie avec
l’Ouest permet de résoudre le problème de Trieste. L'URSS y voit un
nouveau prolongement de l’Alliance atlantique. Mais le traité perd de sa
valeur en raison de l’éloignement de la Yougoslavie de ses alliés et du
conflit de Chypre qui oppose la Grèce à la Turquie.
CB

→ ALLIANCE ATLANTIQUE, CHYPRE, OTAN, TITO

BLUM Léon (1872-1950)

Cet intellectuel, haut fonctionnaire, est issu du Conseil d’État ; l’affaire


Dreyfus puis la guerre marquent son engagement socialiste. Élu député de
la Seine en 1919, il défend la thèse de l’unité du parti socialiste au congrès
de Tours et entend « garder la vieille maison » avec la minorité qui refuse
les thèses de l’Internationale communiste. De sa tribune du Populaire et à la
tête de la SFIO alors dans l’opposition, il exerce une sorte de magistère
moral, parfois à contre-courant de ce qu’il aurait fallu faire en politique
étrangère, puisqu’il défend le désarmement au moment même où
l’Allemagne se prépare à réarmer.
La coalition de Front populaire ayant gagné les élections d’avril-mai
1936, il accède au pouvoir dans une atmosphère de crise sociale doublée
d’une crise internationale : la guerre d’Espagne, qui éclate en juillet 1936,
divise le gouvernement et la majorité qu’il dirige, et le conduit, contre ses
convictions, à une politique de non-intervention dans le conflit qui oppose
le gouvernement républicain légal au général Franco, tout en couvrant des
livraisons clandestines d’armes aux républicains. Face au danger allemand,
il choisit de rechercher le soutien de l’Angleterre et des États-Unis, et
d’accepter une politique massive de réarmement. Afin de préserver la paix,
il approuve les accords de Munich.
Malgré tout, il est l’un des accusés du procès de Riom (février 1942), et
déporté par les Allemands au camp de Buchenwald. À la Libération, il
apparaît comme le sage auquel la France fait appel pour la représenter à
Washington afin d’obtenir des crédits (négociation des accords Blum-
Byrnes en mars 1946) et pour diriger un gouvernement de transition
(décembre 1946), pendant lequel il réussit à conclure un accord avec les
Anglais, qui va devenir le traité de Dunkerque (1947).
AD

GREILSAMMER Ilan, Blum, Flammarion, 1996. LACOUTURE Jean,


Léon Blum, Le Seuil, 1977.
→ CHAMBERLAIN, DÉSARMEMENT, ESPAGNE (GUERRE D’),
FRANCO, MUNICH (ACCORDS DE)

BOERS

« Boer », terme afrikaan signifiant « paysan », « fermier », désigne les


descendants des colons d’origine hollandaise, française et allemande, qui
débarquèrent près de la péninsule du Cap de Bonne-Espérance le 6 avril
1652 où ils fondèrent la ville du Cap. Cette première colonie,
essentiellement agricole, pratique la culture du blé, de la vigne et
l’esclavage. Au 20e siècle le terme d’Afrikaner se substitue à celui de Boer
pour désigner cette communauté blanche d’Afrique du Sud à la culture
spécifique : la langue, dialecte issu du néerlandais, la religion, le
calvinisme, et l’intime conviction d’appartenir à un groupe spécifique, de
race blanche, choisi par Dieu. La Grande-Bretagne prend possession du Cap
en 1815 et les Boers s’élevant contre la gouvernance britannique
(anglicisation, abolition de l’esclavage) quittent la colonie du Cap et partent
en direction du nord et de l’est, pour un périple légendaire, le grand Trek,
au terme duquel ils fondent l’État libre d’Orange et la République du
Transvaal, dont l’indépendance est reconnue en 1852 et en 1854. Le fleuve
Orange marque la frontière entre la colonie britannique du Cap et les
républiques boers. À la fin du 19e siècle, la découverte de mines d’or et de
diamant au cœur du Transvaal entraîne la ruée de milliers de prospecteurs et
la volonté de la Grande-Bretagne de ramener les deux républiques boers
indépendantes au sein de l’Empire britannique d’où une véritable guerre
coloniale qui oppose deux peuples d’origine européenne et qui se déroule
en deux temps. La première guerre des Boers se situe de 1880 à 1881 et la
deuxième du 11 octobre 1899 au 31 mai 1902.
La première tentative d’annexion du Transvaal par la force se solde par la
défaite des troupes britanniques à Majuba Hill, battues par Kruger, le 27
février 1881. Le traité de paix du 22 mars 1881, ratifié par la convention de
Pretoria le 3 août 1881, est révisé en 1884 par la convention de Londres qui
reconnaît une nouvelle fois l’indépendance du Transvaal.
La phase ultime ou seconde guerre des Boers, la véritable guerre anglo-
boer, se déroule d’octobre 1899 au 31 mai 1902, en trois phases nettement
distinctes marquées, la première, par l’offensive des Boers, la deuxième par
celle des Britanniques qui prennent les capitales des deux républiques, celle
de l’État libre d’Orange le 13 mars 1900 et celle du Transvaal, le 5 juin
1900 et enfin la troisième phase, la plus longue est celle de la guérilla
(septembre 1900 à mai 1902) à laquelle Kitchener réplique par la tactique
de la terre brûlée et l’installation de camps de concentration dans lesquels
environ 200 000 Boers sont internés. La guerre se termine par le traité de
Vereenigning, le 31 mai 1902. Les Britanniques doivent verser 3 millions de
livres sterling à titre de compensation et la promesse d’un gouvernement
local indépendant. Les deux républiques Boers sont placées sous le contrôle
de l’Empire britannique.
L'Union sud-africaine naît le 31 mai 1910 de la fédération des États du
Cap, du Natal, de l’Orange et du Transvaal. Cette Union se transforme le 31
mai 1961 en République d’Afrique du Sud. Dès 1910 se met en place le
régime de l’apartheid.
CB

DAVENPORT T.H.R., SAUNDERS Christopher, South Africa : a modern


History, Palgrave Macmillan, August 2000.
FARWELL Byron, The great Anglo-Boer War, New York, Harper and
Row, 1976.
PAKENHAM Thomas, The Boer War, New York, Random House, 1979.
VENIER Pascal, Delcassé et les relations franco-britanniques pendant
les débuts de la guerre des Boers, in Delcassé et l’Europe à la veille de la
Grande Guerre, Foix, Archives départementales de l’Ariège, 2001.
→ APARTHEID

BOSNIE-HERZÉGOVINE (GUERRE DE)

De l’Autriche-Hongrie à la Yougoslavie
Aux termes du traité de Berlin (1878), la province ottomane de Bosnie-
Herzégovine est « occupée et administrée » par l’Autriche-Hongrie.
L'annexion (1908) de ce territoire, doté d’une personnalité propre et placé
sous l’autorité du ministère commun des Finances de la double monarchie,
provoque une tension qui mène la Serbie et l’Autriche-Hongrie au bord de
la guerre.
Dès lors, les sociétés secrètes nationalistes entretiennent dans la
population bosno-serbe (43,5 % en 1910) une agitation favorable au
rattachement à la Serbie qui aboutit à l’assassinat de l’archiduc héritier
d’Autriche, François-Ferdinand, le 28 juin 1914.
La Bosnie-Herzégovine intègre en 1918 le Royaume des Serbes, Croates
et Slovènes. Entre 1941 et 1945, elle est rattachée à l’État oustachi croate
qui y conduit une politique génocidaire contre les Serbes, en s’appuyant sur
l’Église catholique et une partie de la population musulmane, dans laquelle
les nazis, grâce à l’aide d’Amin Al Husseini, grand mufti de Jérusalem en
exil, recrutent en 1943 la division SS Handschar. En 1945, la Bosnie-
Herzégovine devient une des six Républiques fédérées de la République
populaire fédérative de Yougoslavie.

Les thèses en présence


lors de l’indépendance
En application des recommandations de la commission de juristes,
présidée par l’avocat français Robert Badinter et créée par le Conseil
européen afin d’apprécier les conditions de la reconnaissance des États
successeurs de la Yougoslavie, un référendum sur l’indépendance de la
Bosnie-Herzégovine est organisé le 1er mars 1992. Mais pour les Bosno-
Serbes, celle-ci ne peut résulter que du consensus des trois nationalités
constitutives de la République (39,5 % de Musulmans, 32 % de Serbes,
18,3 % de Croates). Leur abstention massive lors du scrutin où Musulmans
et Bosno-Croates se prononcent pour l’indépendance ouvre la voix à la
crise.
Le 18 mars, Alija Izetbegovic (1925-2003), chef du parti nationaliste
musulman SDA, président de la République, et partisan d’un État unitaire,
repousse le plan européen d’un partage de l’État en cantons disposant de
larges compétences : les Musulmans concentrés dans les villes n’en
contrôleraient qu’un petit nombre, contrairement aux Serbes plus nombreux
dans les régions rurales. L'échec conduit à la proclamation d’une
République serbe de Bosnie-Herzégovine (Republika Serbska, dont le
président, de décembre 1992 à juillet 1996, est Radovan Karadzic, arrêté en
juillet 2008 et transféré au TPIY où il doit être jugé pour crimes contre
l’humanité) et au déclenchement d’une guerre civile.

Le déroulement de la guerre
En mai-juin 1992, le mandat de la FORPRONU déployée en Croatie
depuis le début de l’année est élargi à la Bosnie. Elle rétablit le
fonctionnement de l’aéroport de Sarajevo, bloqué depuis trois mois par les
Bosno-Serbes, et assure l’acheminement de l’aide humanitaire.
Les Bosno-Croates ayant proclamé à leur tour, le 3 juillet 1992, un État
sécessionniste d’Herzeg-Bosna, présidé par Mate Boban (1940-1997),
proche du président croate Tudjman, une guerre visant principalement les
populations civiles, se déroule dans l’espace bosniaque, au fil des
renversements d’alliance entre Musulmans, Bosno-Serbes, Bosno-Croates
et en fonction des fluctuations politiques de leurs protecteurs, les présidents
serbe et croate.
Les missions d’enquête de l’ONU sur les violations des droits de
l’Homme dénoncent l’épuration ethnique et les traitements inhumains
infligés aux prisonniers. Elles notent que ces violations sont le fait de toutes
les parties au conflit, tout en soulignant la responsabilité particulière des
Bosno-Serbes, notamment dans les viols systématiques de femmes
musulmanes.
La conférence permanente pour la paix en Yougoslavie, coprésidée par le
médiateur de l’ONU (Cyrus Vance, Thorwald Stoltenberg puis Yashushi
Akashi), et celui de la Communauté européenne (David Owen puis Carl
Bildt), présente plusieurs plans de régionalisation-partage qui se heurtent
soit au refus du Président bosniaque de renoncer à un État unitaire, soit à
celui des Bosno-Serbes de se contenter d’environ 50 % du territoire alors
qu’ils se sont assuré, par les armes, le contrôle de 70 % du pays.
L'ONU renforce à plusieurs reprises la FORPRONU. Mais les contraintes
de son mandat l’empêchent de jouer un véritable rôle sur le terrain. Des
Casques bleus sont ainsi pris en otage par les Bosno-Serbes en mai-juin
1995. Le 6 mai 1993, le Conseil de sécurité (résolution 824) instaure six
zones de sécurité où des Casques bleus sont chargés de protéger la
population civile de la politique d’épuration ethnique des Bosno-Serbes.
Mais les Casques bleus se montrent incapables d’empêcher ces derniers de
pénétrer dans les enclaves de Gorazde (avril 1994), Bihac (novembre 1994),
de bombarder celle de Tuzla (mai 1995), ni de s’emparer de celles de
Srebenica et Zepa (juillet 1995) où ils commettent des meurtres de masse
sur la population civile et les prisonniers musulmans.
Sur proposition française, le Conseil de sécurité (résolution 808) crée, le
22 février 1993, un Tribunal pénal international pour les crimes de guerre
dans l’ex-Yougoslavie, installé en novembre à La Haye et qui, dès juillet
1995, inculpe le président bosno-serbe R. Karadzic et son commandant en
chef Radko Mladic.

L'implication américaine et l’OTAN


Dès la fin de 1992, l’OTAN participe en Adriatique à l’application des
sanctions internationales contre la nouvelle République fédérale de
Yougoslavie (Serbie et Monténégro) constituée en avril 1992. En août, elle
obtient des Bosno-Serbes, sous menace de frappes, l’évacuation de
positions dominant Sarajevo. Le 10 février 1994, c’est de nouveau un
ultimatum de l’OTAN qui oblige les Bosno-Serbes à retirer leurs armements
lourds des environs de la capitale. Puis l’OTAN réagit par des frappes
aériennes, en avril, à la pénétration des Bosno-Serbes dans la zone de
sécurité de Gorazde, s’imposant progressivement comme le bras armé de
l’ONU et l’instrument de la diplomatie américaine dont l’action devient
déterminante à partir du début de 1994.
Après avoir obtenu un l’éloignement du chef bosno-croate M. Boban qui
s’était rapproché de R. Karadzic, les États-Unis favorisent la conclusion
d’un cessez-le-feu entre Musulmans et Croates de Bosnie, puis la signature,
à Washington le 18 mars, d’accords entre Musulmans, Bosno-Croates et
Croates créant une Fédération croato-musulmane de Bosnie-Herzégovine et
prévoyant la confédération de cet ensemble avec la Croatie. Le 6 mars
1995, enfin, ils obtiennent la signature d’un accord des trois parties
permettant à l’armée croate de pénétrer en Bosnie.
Les atermoiements de R. Karadzic, puis l’organisation d’un référendum
en République serbe de Bosnie (août 1994) qui repousse, malgré les
pressions du président serbe Milosevic, le plan de paix du « groupe de
contact », constitué en avril 1994 par les États-Unis, la Russie et l’Union
européenne, aboutissent à une rupture entre les Bosno-Serbes et la
République fédérale de Yougoslavie. Celle-ci obtient, en échange d’un
blocus des Bosno-Serbes et du déploiement d’observateurs internationaux
sur sa frontière, un allégement des sanctions (résolution 943 du Conseil de
sécurité) qui la frappent depuis 1991. En décembre, S. Milosevic refuse
cependant de reconnaître les frontières de la Croatie et de la Bosnie en
échange de la constitution d’une confédération entre Bosno-Serbes et
Serbie.
À la fin de juillet 1995, l’OTAN et l’UEO déploient une Force de
réaction rapide, chargée de défendre les Casques bleus. La reconquête par
les Croates, armés par les Américains, de la Krajina et de la Slavonie (août
1995) affaiblit davantage les Bosno-Serbes. Du 29 août au 14 septembre
1995, leurs positions font l’objet de bombardements aériens de l’OTAN
(opération « Force délibérée »). Enfin, l’offensive terrestre des forces
croates, bosno-croates et gouvernementales bosniaques déclenchée le 11
septembre, contraint R. Karadzic à accepter, le 5 octobre, les conditions
fixées pour un cessez-le-feu de deux mois destiné à négocier la paix.

Les accords de Dayton


Du 1er au 21 novembre 1995, le vice-secrétaire d’État américain Richard
Holbrooke dirige, sur une base militaire près de Dayton (Ohio), les
négociations entre les présidents Milosevic, Tudjman et Izetbegovic qui
conduisent aux accords paraphés à Paris le 14 décembre et à la
normalisation des relations entre les trois républiques.
La Bosnie-Herzégovine est maintenue comme État souverain, ses
frontières ne sont pas modifiées. Les onze annexes précisent les garanties
des libertés individuelles, publiques et culturelles des trois communautés, le
droit au retour des personnes déplacées, le régime des élections supervisées
par l’OSCE. L'annexe IV contient la Constitution de la Bosnie-
Herzégovine, qui comprend une Fédération croato-musulmane (51 % du
territoire) et une République serbe (49 %) ayant chacune leurs institutions et
bénéficiant de compétences étendues. L'État fédéral bosniaque comprend
deux chambres, un exécutif collégial, une présidence tricéphale, deux
Premiers ministres (Serbe et Musulman) et un vice-Premier ministre croate
ainsi qu’un Gouvernement aux compétences très limitées (monnaie,
relations extérieures, citoyenneté, réfugiés).
L'IFOR (Implementation force), force de l’OTAN, est déployée dès le 20
novembre 1995. Elle est remplacée par la SFOR (Stabilization Force,
décembre 1996-décembre 2005), puis par la force européenne « EUFOR
Althéa », qui ont assuré successivement la sécurité et l’exécution des
Accords.
OD

BROSSARD Yves, VIDAL Jonathan, L'Éclatement de la Yougoslavie de


Tito, Désintégration d’une fédération et guerres interethniques, Les Presses
de l’Université Laval, L'Harmattan, 2003.
GARDE Paul, Vie et mort de la Yougoslavie, Paris, Fayard, 2000.
LORY Bernard, L'Europe balkanique de 1945 à nos jours, Paris,
Ellipses, 1998.
RUPNIK Jacques, Les Balkans : paysage après la bataille, Bruxelles,
Complexe, 1996.
• De Sarajevo à Sarajevo, l’échec yougoslave, Bruxelles, Complexe,
1999.
WEIBEL Ernest, Histoire et géopolitique des Balkans de 1800 à nos
jours, Paris, Ellipses, 2002.
« La Question serbe », Hérodote, n° 67, 4e trimestre 1992.
Le portail Internet du TPIY :
http://www.haguejusticeportal.net/eCache/DEF/5/888.c2V0TGFuZz1G
Sur la FORPRONU : http://www.operationspaix.net/-FORPRONU
Le texte des Accords de Dayton : http://www.ohr.int/dpa/default.asp?
content_id=380
La SFOR sur le site Internet de l’OTAN : http://
www.nato.int/sfor/index.htm
→ BALKANIQUES (GUERRES), CEE, CSCE/OSCE, KOSOVO,
MACÉDOINE, MILOSEVIC, ONU, OTAN, TITO, UE, UEO,
YOUGOSLAVIE (CONSTITUTION ET DÉMEMBREMENTS)

BOURGUIBA Habib (1903-2000)

L'homme qui a conduit son pays à l’indépendance est issu de la petite


bourgeoisie rurale tunisienne, et fait ses études à Paris à la faculté de Droit
et à l’École libre des sciences politiques (1924-1927). De retour en Tunisie
sous protectorat français, il provoque en 1934 une scission au sein du parti
nationaliste Destour et prend la tête du Néo-Destour. En raison de ses prises
de positions nationalistes, il est interné de 1934 à 1936, puis au lendemain
des émeutes de Tunis d’avril 1938. Relâché par les Allemands (9 janvier
1943), il ne se compromet pas avec l’Axe et, après la libération de la
Tunisie, il s’exile en Égypte puis aux États-Unis. De retour en septembre
1951, il déclenche une campagne d’agitation et est à nouveau arrêté (8
janvier 1952). Il accepte les propositions faites par Pierre Mendès France
qui, par les accords de Carthage, admet l’idée de l’émancipation de la
Tunisie (juillet 1954). Il est chargé de diriger le gouvernement tunisien dans
le cadre de l’autonomie interne (1955), puis de l’indépendance (mars 1956).
Après la déposition du bey (1957), il est président de la République pendant
trente ans jusqu’à sa destitution, justifiée par sa sénilité, par son Premier
ministre le général Ben Ali (7 novembre 1987). Ses relations avec la France
sont tendues du fait de ses initiatives : soutien au FLN et à l’ALN pendant
la guerre d’Algérie, ce qui motive le bombardement de Sakiet Sidi Youssef,
reconnaissance du GPRA (septembre 1958), attaque de la base française de
Bizerte (juillet 1961), saisie des terres des colons français (12 mai 1964). Le
« Combattant suprême » veut ainsi montrer sa volonté de donner des gages
de son indépendance aux Algériens, espérant faire de son pays le fédérateur
du Maghreb et le trait d’union avec l’Occident. Il veille en effet à maintenir
son alliance avec Washington et propose, en 1965, de rechercher une
solution pacifique au conflit israélo-palestinien, ce qui lui vaut bien des
critiques.
AD

BESSIS Sophie, Bourguiba, 2 tomes, Groupe « Jeune Afrique », 1988-


1989.
CHNEGUIR Abdelaziz, La politique extérieure de la Tunisie, 1956-
1987, L'Harmattan, 2004.
→ ALGÉRIE (GUERRE D’), BIZERTE (AFFAIRE DE),
DÉCOLONISATION, SAKIET SIDI YOUSSEF

BOUTEFLIKA Abdelaziz (1937)

Né au Maroc de parents originaires de Tlemcen dans l’ouest de l’Algérie,


il rejoint le Front de libération nationale (FLN) en 1956. Affecté au
secrétariat de l’État-major de l’armée des frontières, il devient le féal de son
chef le colonel Houari Boumediene, qui sera l’homme fort de l’Algérie dès
son indépendance en 1962 avant même son coup d’État du 19 juin 1965. Ce
qui lui vaut d’être ministre des Affaires étrangères de septembre 1963 à
février 1979. Durant cette période il incarne la diplomatie d’un État qui, fort
du prestige que lui ont conféré sa guerre de libération et ses apparents
succès économiques, se pose en modèle pour le Tiers Monde et prétend être
son porte-parole vis-à-vis des pays du Nord. Abdelaziz Bouteflika joue
donc un rôle actif dans le groupe dit des « 77 » qui depuis octobre 1967
réunit les pays en voie de développement dans le cadre de la CNUCED,
ainsi que dans le mouvement des pays non alignés, dont le quatrième
sommet se tient à Alger en septembre 1973, ou dans l’OPEP qui tient son
premier sommet en mars 1975 à l’initiative de l’Algérie. En septembre
1974, il préside la 29e session de l’Assemblée générale de l’ONU qui reçoit
Yasser Arafat et voit l’Afrique du Sud être exclue des travaux de
l’Organisation. En ce qui concerne les relations avec l’ancien colonisateur,
il conclut l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 qui fixe le statut
des ressortissants algériens en France, mais ne peut empêcher la crise entre
Alger et Paris lors de la nationalisation de ses hydrocarbures par l’Algérie
en 1971. S'employant à aplanir les différends entre son pays et ses voisins
maghrébins, il négocie avec le Maroc le traité d’Ifrane du 15 janvier 1969 et
le traité de 1970 avec la Tunisie. Au début du conflit du Sahara occidental il
obtient, le 27 février 1976, que la majorité des membres de l’OUA
reconnaissent le Front Polisario comme « mouvement de libération ». Après
la mort du président Boumediene, il est rapidement écarté de la scène
politique. Évincé du gouvernement le 13 janvier 1980, il doit s’exiler de
1981 à 1987. Après la fin du régime de parti unique suite aux émeutes
d’octobre 1988, il brigue à nouveau de hautes responsabilités. Le 15 avril
1999, candidat des militaires qui détiennent la réalité du pouvoir en Algérie,
il est élu président de la République et réélu dans les mêmes conditions en
2004 et en 2009. Durant ses présidences, s’il ne parvient pas véritablement
à mettre un terme aux violences des islamistes armés qui durent depuis
1992, il tente de rendre à la diplomatie algérienne son influence passée. Sa
médiation entre l’Érythrée et l’Éthiopie (en guerre depuis 1997) aboutit à la
signature de l’accord de paix d’Alger en 2000. En juillet 2001, il est un des
initiateurs du projet de nouveau partenariat pour le développement de
l’Afrique (NEPAD). Les attentats du 11 septembre 2001 sont pour lui
l’occasion de se rapprocher des États-Unis dans le domaine sécuritaire, et
dans le domaine militaire avec l’OTAN (organisation de manœuvres
conjointes). Cependant il ne parvient pas à progresser dans le règlement du
conflit du Sahara occidental qui l’oppose au Maroc, ce qui paralyse toute
coopération régionale : le 22 décembre 2003, le 7e sommet de l’Union du
Maghreb arabe convoqué à Alger, est annulé du fait de l’absence des chefs
d’État qui devaient y participer. Un moment rallié à l’idée, lancée par
Jacques Chirac en 2003, d’un traité d’amitié entre la France et l’Algérie, il y
renonce faute d’obtenir de son homologue français une « repentance » pour
le passé colonial de la France et une remise en cause de ses positions jugées
trop pro-marocaines. Néanmoins il participe, le 13 juillet 2008 à Paris, au
sommet de lancement de l’Union pour la Méditerranée (UPM) organisé par
le président français Nicolas Sarkozy.
AD

KHELLADI Aïssa, Bouteflika, un homme et ses rivaux, Paris, Marsa, 2004.


→ ALGÉRIE (GUERRE D’), ARAFAT, CHIRAC, HASSAN II,
NON-ALIGNÉS (MOUVEMENT DES), OPEP, OTAN, SAHARA
OCCIDENTAL

BOUTROS-GHALI Boutros (1922)

Il a été le premier secrétaire général de l’ONU (1992-1996) de l’après-


guerre froide. Membre d’une grande famille copte, ce professeur de droit
international formé à Paris est nommé ministre d’État par Sadate en octobre
1977 à la veille de son voyage à Jérusalem afin de l’assister dans les
négociations avec Israël. Sans jamais être formellement ministre des
Affaires étrangères, il participe à toutes les rencontres (Jérusalem 19-21
novembre 1977, Camp David 5-17 septembre 1978), qui conduisent au
traité de paix égypto-israélien de Washington (26 mars 1979), et reste
l’éminence grise de la diplomatie de son pays jusqu’en 1991. Candidat à la
succession du Péruvien Javier Perez de Cuellar comme secrétaire général de
l’ONU, il doit son élection au soutien des Africains et des Français et à une
erreur de calcul des Américains qui, croyant son succès impossible et
voulant ménager l’Égypte, promettent de ne pas faire usage de leur droit de
veto contre ce candidat trop indocile à leurs yeux. Le 31 janvier 1992, le
Conseil de sécurité, réuni au niveau des chefs d’État et de gouvernement, le
charge d’étudier le renforcement de l’action de l’ONU dans les domaines de
la diplomatie préventive, du rétablissement et du maintien de la paix. En
fait, Boutros-Ghali, très hostile aux opérations militaires de l’ONU lancées
sans l’accord des belligérants (Somalie, ex-Yougoslavie, Rwanda), ne peut
faire avancer ces dossiers, pas plus que ceux de l’élargissement du Conseil
de sécurité ou de la crise financière due au refus des États-Unis de régler
leurs dettes à l’Organisation. Ces piètres résultats reflètent le refus des
grandes puissances de reconnaître véritablement un rôle central à l’ONU
dans les relations internationales, en dépit de la fin de la guerre froide. Les
États-Unis refusant, contre tout usage, que son mandat soit renouvelé, leur
candidat, le Ghanéen Kofi Annan, lui succède. En novembre 1997, Boutros-
Ghali devient le premier secrétaire général de la francophonie.
AD

BOUTROS-GHALI Boutros, Mes années à la maison de verre, Paris,


Fayard, 1999.
DELDIQUE Pierre-Édouard, Le mythe des Nations unies : l’ONU après
la guerre froide, Hachette, 1994.
→ CAMP DAVID (ACCORDS DE), FRANCOPHONIE,
MAINTIEN DE LA PAIX, ONU (CONSEIL DE SÉCURITÉ),
RWANDA, YOUGOSLAVIE (CONSTITUTION ET
DÉMEMBREMENTS)

BRANDT Willy (1913-1992)

Né dans une famille modeste de Lübeck, Karl-Herbert Frahm milite de


bonne heure chez les jeunesses socialistes avant d’adhérer en 1930 au SPD,
le parti social-démocrate allemand. Par opposition au nazisme, il rejoint, en
1933, la Norvège où il entre en résistance. Privé de sa citoyenneté par les
autorités du Reich, il prend la nationalité norvégienne en 1938 sous le nom
de Willy Brandt. En 1940, il doit quitter la Norvège occupée et passe en
Suède d’où il poursuit son action résistante. Il noue ainsi des liens avec les
auteurs de l’attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler.
De retour en Allemagne après-guerre, il reprend la nationalité allemande,
s’engage en politique aux côtés du SPD, devient député de Berlin au
Bundestag avant d’assurer la présidence du Parlement de Berlin-Ouest.
Bourgmestre de 1957 à 1966, il lutte contre les tentatives de mainmise
soviétique sur la ville et gagne une stature nationale et internationale lors de
la crise de 1961 provoquée par l’édification du Mur. Son action à l’avant-
poste du monde libre lui vaut la confiance des militants qui lui confient la
présidence du SPD en 1964. Deux ans plus tard, il renonce à ses fonctions
berlinoises pour le portefeuille des Affaires étrangères dans le
gouvernement de grande coalition conduit par Kiesinger (1966-1969). Porté
par un discours qui promet plus de démocratie et d’ouverture à l’Est, il
accède à la chancellerie en 1969 avec l’aide du parti libéral (FDP).
Chancelier, Brandt entend sortir de l’impasse dans laquelle se trouve le
règlement de la question allemande depuis la division de l’Allemagne en
deux États antagonistes. Ébauchée sous le gouvernement précédent en
réaction contre la doctrine Hallstein, l’Ostpolitik devient officielle en 1970,
et mène à la normalisation des relations avec le bloc de l’Est. Le
rapprochement entre les deux Allemagne est préparé par les entrevues
d’Erfurt (mars 1970) et de Kassel (mai 1971) entre Willy Brandt et le
Premier ministre de RDA, Willi Stoph. Avec les Soviétiques, Brandt signe
le traité de Moscou (12 août 1970) qui stipule l’inviolabilité des frontières
européennes. Avec la Pologne, il signe le traité du 7 décembre 1970 qui
affirme l’intangibilité de la ligne Oder-Neisse ; l’image du Chancelier
agenouillé devant le monument à la mémoire des victimes du ghetto de
Varsovie donne une dimension humaine à la réconciliation germano-
polonaise. L'accord quadripartite sur Berlin (3 septembre 1971) permet la
réconciliation entre la RFA et la RDA et la conclusion du traité fondamental
entre les deux Allemagne (21 décembre 1972), et donc la reconnaissance de
la RDA. S'y ajoutent la conclusion d’accords commerciaux et le
développement de liens culturels. Unanimement salué par la communauté
internationale, Brandt reçoit le prix Nobel de la paix en 1971, succès qui
assure sa réélection en novembre 1972. À l’intérieur en revanche, les
réalisations de son gouvernement, qui ne reçoit pas toujours le soutien
attendu de ses alliés libéraux, restent en deçà des promesses faites en 1969.
Déçus, certains membres du SPD radicalisent leurs positions et forment une
aile gauche contestataire tandis qu’en marge du parti, des groupes
anarchistes se lancent dans l’action violente (bande à Baader). En outre, la
RFA n’échappe pas aux contrecoups du choc pétrolier qui affectent son
économie. Lors de l’affaire Guillaume, espion est-allemand dans
l’entourage proche du chancelier, en mai 1974, la popularité de Willy
Brandt, contraint à démissionner, est déjà en baisse.
Dès lors, l’ancien chancelier s’attache à reconquérir son autorité
internationale et assume un temps la présidence de l’Internationale
socialiste. Figure morale de premier plan, il joue un rôle important dans les
événements de 1989-1990.
FG

BRANDT W., Mémoires, Albin Michel, 1990. KOCH Peter, Willy Brandt :
eine politische Biographie, Bergisch Gladbach, Bastel Lübbe, 1989.
MERSEBURGER Peter, Willy Brandt : visionär und realist, Stuttgart,
DYA, 2006.
→ ALLEMANDE (QUESTION), BERLIN, INTERNATIONALE
SOCIALISTE, ODER-NEISSE (LIGNE), OSTPOLITIK

BREJNEV Leonid Illitch (1906-1982)

Issu d’une famille d’ouvriers, il symbolise la génération de cadres


communistes qui n’a connu que le régime soviétique et qui doit son
ascension aux purges de 1937. Membre de la direction collégiale du PCUS
qui évince Khrouchtchev, son ancien protecteur, en 1964, il est président du
Présidium du Soviet suprême et premier secrétaire du PCUS. Son long
règne est caractérisé par l’immobilisme intérieur et par une spectaculaire
affirmation de la puissance extérieure de l’URSS.
Appelée doctrine de la souveraineté limitée à l’Ouest, et
internationalisme socialiste ou souveraineté socialiste à l’Est, la doctrine
Brejnev approuve l’intervention armée d’un pays membre du pacte de
Varsovie dans les affaires internes d’un autre que l’on estime s’écarter de la
voie socialiste, niant en fait le principe de la souveraineté des États. Si son
fond est aussi ancien que la sphère d’influence soviétique et a déjà justifié
l’intervention soviétique d’octobre 1956 en Hongrie, la doctrine proprement
dite n’est énoncée qu’en novembre 1968 par Brejnev, après l’invasion de la
Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte, mais aussi pour justifier
l’intervention soviétique en Afghanistan en décembre 1979. Le concept
demeure le principe majeur des relations entre l’URSS et l’Europe de l’Est
jusqu’à la fin des années 1980.
Brejnev élargit la zone d’influence soviétique dans le Tiers Monde,
notamment en Afrique à la faveur de la décolonisation et avec le concours
militaire des Cubains (Angola, Éthiopie). Surtout il obtient un dialogue
privilégié avec les États-Unis qui, constatant la parité de fait des arsenaux
nucléaires soviétique et américain, renoncent à faire reculer l’influence de
Moscou. La période brejnévienne voit donc l’apogée de la détente :
normalisation des relations avec l’Allemagne fédérale en 1970 et accord
quadripartite sur Berlin du 3 septembre 1971, accords SALT de 1972 et
SALT II en 1979, signature de l’acte final de la conférence d’Helsinki le 1er
août 1975, donnant naissance à la CSCE. Mais sa fin voit le retour des
tensions (début de l’installation des euromissiles SS-20 en Europe,
intervention en Afghanistan en décembre 1979). Sous ses successeurs,
éphémères et âgés, Iouri Andropov (1982-1984) et Constantin Tchernenko
(1984-1985), la diplomatie soviétique, toujours dirigée par Andreï
Gromyko, ne marque aucun signe de détente.
AD

EDMONDS Robin, Soviet foreign policy : the Brezhnev years, Oxford


University Press, 1983.
→ AFGHANISTAN (GUERRES D’), ARMES NUCLÉAIRES,
BERLIN, CSCE/OSCE, EUROMISSILES, GROMYKO, HELSINKI
(CONFÉRENCE D’), KHROUCHTCHEV, SALT (ACCORDS),
TIERS MONDE, VARSOVIE (PACTE DE)

BREST-LITOVSK (TRAITÉ DE)

Signé le 3 mars 1918 entre les puissances centrales et la Russie


soviétique, le traité de paix de Brest-Litovsk, est issu d’une longue et
difficile négociation depuis l’ouverture de la conférence de la paix qui se
tient dans cette ville de Biélorussie (9-22 décembre 1917) et la conclusion
d’un armistice de quatre semaines renouvelable. Si la paix souhaitée par
l’immense majorité de la population russe est une priorité pour le nouveau
régime bolchevique, la délégation conduite par Trotski doit faire face à
l’intransigeance allemande. Lénine, d’emblée partisan d’accepter les
propositions allemandes, ne l’emporte sur les socialistes-révolutionnaires
du gouvernement et ses opposants au sein du Comité central qu’avec la
reprise de l’offensive allemande le 18 février et l’écroulement d’une armée
russe affaiblie par les désertions massives. La Russie, soumise à des
conditions bien plus rigoureuses que les précédentes, doit abandonner
l’Ukraine, renoncer à toute prétention sur la Pologne, la Finlande, les pays
Baltes, et céder à la Turquie les villes de Kars, Batoum et Ardahan. Elle
perd ainsi 800 000 km2 par rapport à 1914, soit 26 % de sa population, 32 %
et 23 % de sa production agricole et industrielle, 75 % de son charbon et de
son fer. Le gouvernement soviétique qui s’engage à ne pas faire de
propagande dans les Empires centraux, doit en outre verser une très forte
indemnité de guerre fixée en août à six milliards de marks. Après le 11
novembre 1918 et la défaite des Empires centraux, les Bolcheviques
dénoncent le traité.
CB
→ BALTES (PAYS), LÉNINE

BRIAND Aristide (1862-1932)

Militant socialiste, ce jeune avocat est élu député en 1902 ; rapporteur de


la loi de Séparation des Églises et de l’État (1905), il accumule les
responsabilités : entre 1906 et 1932, il est onze fois président du Conseil,
vingt-cinq fois ministre, dont douze fois ministre des Affaires étrangères.
Son action est identifiée à la sécurité collective, à celle de la conciliation. Et
cependant, président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, en
janvier 1921, il vise à une exécution stricte du traité de Versailles par
l’occupation de trois villes allemandes sur la rive droite du Rhin le 13 mars,
la menace de l’occupation de la Ruhr pour faire accepter à l’Allemagne le
montant des réparations et les exigences du désarmement. À partir de l’été
1921, il adopte une politique plus conciliante, espérant, à l’occasion de la
Conférence navale de Washington, ramener les États-Unis aux côtés de la
France. C'est un échec, comme à Cannes en janvier 1922 où il tente un
rapprochement avec les Britanniques, il est contraint à la démission par le
président de la République Millerand pour manque de fermeté. En 1924, le
président du Conseil, Herriot le nomme délégué de la France à la Société
des Nations. Briand y défend le projet français de « Protocole » qui prévoit
de garantir la paix par l’arbitrage, la sécurité, le désarmement. Adopté à
l’unanimité en octobre 1924, il est rejeté en mars 1925 du fait des réticences
anglaises. En avril suivant, Briand retrouve le portefeuille des Affaires
étrangères qu’il conserve jusqu’en janvier 1932. À Locarno, en octobre
1925, jugeant la réconciliation franco-allemande prioritaire pour la paix en
Europe, il espère créer une dynamique qui faciliterait la solution des autres
problèmes. En échange de la reconnaissance par l’Allemagne de ses
frontières occidentales, il accepte son entrée à la SDN. Le 17 septembre
1926 à Thoiry près de Genève, Stresemann lui propose d’aider à la
stabilisation du franc par un paiement anticipé des réparations, contre des
concessions politiques, mais cette ébauche d’une grande politique bilatérale
franco-allemande n’a pas de suite. Se tournant à nouveau vers Washington,
Briand relance, en avril 1927, l’idée d’un pacte franco-américain, qui
aboutit à la signature, le 27 août 1928 du pacte Briand-Kellogg, confirmant
son image de « pèlerin de la paix ». Conscient des insuffisances de Locarno,
il lance l’idée d’un projet d’union européenne qui inclurait les pays
d’Europe centrale et orientale restés en dehors de Locarno. Après avoir
accepté, à la conférence de La Haye en août 1929, le plan Young sur le
règlement des réparations et l’évacuation anticipée de la Rhénanie, il
propose le 5 septembre, devant l’Assemblée générale de la SDN
l’établissement d’un lien fédéral entre les peuples d’Europe. Accueilli avec
un apparent enthousiasme, ce projet ne résiste pas à la grande dépression.
Critiqué pour une « politique du chien crevé au fil de l’eau », Briand, qui
tente en vain de se faire élire président de la République en mai 1931,
démissionne le 12 janvier 1932. Les espoirs d’une conciliation franco-
allemande soulevés par le briandisme ne lui ont pas survécu.
AD

OUDIN Bernard, Aristide Briand, Robert Laffont, 1987.


BARIÉTY Jacques (dir.), Aristide Briand, la Société des Nations et
l’Europe, Presses universitaires de Strasbourg, 2007.
UNGER Gérard, Aristide Briand, le ferme conciliateur, Fayard, 2005.
→ BRIAND-KELLOGG (PACTE), DÉSARMEMENT, LOCARNO
(CONFÉRENCE DE), RÉPARATIONS, SDN, SÉCURITÉ
COLLECTIVE, STRESEMANN, TRAITÉS DE PAIX

BRIAND-KELLOGG (PACTE)

Du nom du ministre français des Affaires étrangères Aristide Briand et de


Frank B. Kellogg, secrétaire d’État américain (1856-1937), le pacte Briand-
Kellogg ou pacte de Paris, pour lequel ils ont obtenu le prix Nobel de la
paix respectivement en 1926 et 1929, est le tout premier accord
international à déclarer la guerre illégale. S'il s’inscrit dans un mouvement
général contre la guerre après l’hécatombe de la Première Guerre mondiale,
le pacte est en fait né d’une initiative de Briand en avril 1927 : à l’occasion
du dixième anniversaire de l’entrée des États-Unis dans la guerre, il adresse
un message personnel au peuple américain, où il suggère la conclusion
entre les deux pays d’un pacte mettant la guerre « hors la loi ». Son objectif
est d’amener les États-Unis, non membres de la SDN, à participer à la
sécurité collective et en particulier, à celle de la France. Le 28 décembre
1927, Kellogg répond à la note française, mais en dénature la portée
puisqu’il suggère la signature d’un pacte de renonciation à la guerre, non
plus bilatéral, mais élargi à toutes les nations. La France, membre de la
SDN, ne peut toutefois pas renoncer absolument à la guerre, prévue comme
sanction dans certains cas. Pour parer à cette objection, le pacte admet que
le recours à la guerre reste licite contre tout État violateur du pacte de la
SDN ou du pacte de Locarno. Le 27 août 1928, les leaders de quinze
nations signent le traité à Paris, et le pacte regroupe vite presque tous les
pays du monde dont les États-Unis, la France, l’Allemagne, le Royaume-
Uni, l’Italie, le Japon, la Chine et l’Union soviétique. Simple engagement
moral, le pacte ne prévoit ni mesure coercitive ni responsabilité. Souvent
invoqué dans les années 1930, il n’a aucune influence sur le cours des
événements, mais sert pour justifier les poursuites pour crimes de guerre
aux procès de Nuremberg et de Tokyo. Malgré son évidente faillite, le pacte
reste un idéal dans les relations internationales.
CB

FERRELL Robert H., Peace in Their Time : The Origins of the Kellogg-
Briand Pact, New Haven, Conn., 1952.
→ BRIAND, NOBEL DE LA PAIX (PRIX), SDN, SÉCURITÉ
COLLECTIVE

BRUXELLES (PACTE DE)

Signé le 17 mars 1948 pour cinquante ans, dans le climat du début de la


guerre froide, par le Benelux, la France et la Grande-Bretagne, ce pacte
donne naissance à l’Union occidentale. Il prévoit une coopération dans les
domaines économique, social et culturel, mais surtout une assistance
mutuelle et automatique en cas d’agression armée en Europe (ce qui exclut
les possessions coloniales) ; la préoccupation de la sécurité est alors plus
importante que l’unité de l’Europe, aussi le pacte est-il dirigé contre
l’Allemagne et l’URSS, comme en 1947 avec le traité de Dunkerque. Au
Conseil consultatif (les cinq ministres des Affaires étrangères), est jointe
une Commission permanente installée à Londres. Un Haut-Commandement
unifié, sous la direction du général Montgomery secondé par le général de
Lattre de Tassigny, est installé à Fontainebleau.
Mais les Européens seuls ne s’estiment pas en mesure de se défendre
contre une attaque de l’Armée rouge et ils font appel aux Américains. Dans
le cadre de l’Alliance atlantique, les États-Unis soutiennent le pacte de
Bruxelles et apportent une aide matérielle qui contribue au réarmement de
l’Europe (Military Assistance Program). En fait, avec la création de
l’OTAN, l’Union occidentale est mise en sommeil.
Ch. M

→ DUNKERQUE (TRAITÉ DE), GUERRE FROIDE


BUSH George (1924)

Élu représentant républicain du Texas en 1966, il est nommé par Nixon


successivement représentant permanent auprès des Nations unies (1971-
1973), chargé de représenter les États-Unis à Pékin (1974-1975) et directeur
de la CIA (1976-1977), mais il se retire provisoirement de la vie publique
avec l’arrivée du démocrate Jimmy Carter à la Maison-Blanche. Vice-
président républicain aux côtés de Ronald Reagan de 1980 à 1988, il lui
succède en 1989 et donne toute sa mesure en politique étrangère.
Répondant aux initiatives en matière de désarmement de Gorbatchev, il
propose en septembre 1989 une réduction radicale des stocks d’armes
chimiques des deux Grands et en août 1990 celle de 25 % en cinq ans des
forces américaines. L'issue du « premier sommet de l’après-guerre froide »
à Moscou (juillet 1991) voit la signature du traité START et l’octroi à
l’URSS de la clause de la nation la plus favorisée. À la suite de ce nouvel
ordre mondial, il soutient sans réserve la réunification de l’Allemagne
intervenue le 3 octobre 1990. En Amérique latine, il axe sa politique sur la
lutte contre le trafic de drogue. Ainsi il présente (septembre 1989) un plan
d’aide, y compris militaire, aux pays producteurs et, deux mois plus tard, il
ordonne l’intervention au Panama pour arrêter son dirigeant, Noriega,
accusé de trafic de drogue. Avec ses voisins canadien et mexicain, il conclut
un accord (San Diego, octobre 1992) sur la création d’une zone de libre-
échange (ALENA). En revanche, en désaccord avec la CEE, il ne peut
mener à bien les négociations sur le GATT et enrayer la chute du dollar, qui
atteint son plus bas niveau de l’après-guerre. Pour faire échec à l’invasion
du Koweït par l’Irak en août 1990, il décide l’envoi d’un corps
expéditionnaire américain en Arabie Saoudite et organise en janvier 1991
l’opération Tempête du désert contre l’Irak, rassemblant une coalition de
pays comprenant plus de 500 000 soldats. Cependant, sa victoire en février
1991 dans la guerre du Golfe est relative puisque n’aboutissant pas à
l’éviction de Saddam Hussein à la tête de son pays. Dans la foulée de son
succès au Proche-Orient, il espère régler définitivement le conflit israélo-
arabe par la tenue à partir d’octobre 1991 de la conférence de Madrid. Mais
aux élections de novembre 1992, l’électorat américain, plus préoccupé de
problèmes intérieurs que de diplomatie, lui préfère le démocrate Bill
Clinton. Le bilan de George Bush sur le plan de la politique étrangère est
impressionnant, d’autant que, durant sa présidence, la décomposition du
monde soviétique fait de son pays la seule superpuissance.
AD

HURST Steven, The foreign policy of the Bush administration : in search of


a new world order, New York, Cassell, 1999.
→ ALENA, CARTER, CIA, CLINTON, DÉSARMEMENT, GATT,
GOLFE (GUERRE DU), GORBATCHEV, HUSSEIN (SADDAM),
ISRAÉLO-ARABES (CONFLITS), NIXON, ONU, PANAMA,
REAGAN, START

BUSH George Walker (1946)

Fils de George H. Bush, président de 1989 à 1993, et petit-fils de


sénateur, George W. Bush fut un héritier longtemps écrasé par cet héritage,
vivant dans le complexe de l’aîné qui réussit moins bien que ses frères et
dans l’ombre évidemment de son père, aimant d’ailleurs à se présenter lui-
même comme « le mouton noir de la famille ». Diplômé de Yale, comme
son père dont il cherche tant bien que mal à suivre les traces, tentant sa
chance encore comme lui dans les affaires pétrolières familiales du Texas
pendant une décennie plutôt chaotique, il connaît une sorte de révolution
personnelle à l’orée de la quarantaine en retrouvant la foi et en renonçant à
l’alcool. Texan d’adoption seulement, mais dans un besoin
vraisemblablement de se démarquer de sa famille patricienne, texan plus
vrai que nature à bien des égards, il devient manager du club de base-ball
des Texas Rangers avant d’être élu contre toute attente en 1994 gouverneur
républicain de son État. Politicien aimant le contact et à faire campagne, à
l’inverse de son père, il est réélu triomphalement en 1998 avant de devenir
le candidat républicain à l’élection présidentielle de novembre 2000 qu’il
emporte de justesse contre le vice-président démocrate sortant Al Gore à
l’issue d’un scrutin particulièrement contesté, véritable feuilleton politico-
judiciaire qui souligne les failles de la démocratie américaine, et le fragilise
déjà aux yeux du monde.
Élu malgré tout 43e président des États-Unis sur un programme de
politique étrangère proche de l’isolationnisme – le Président ne connaît de
l’étranger que le Mexique –, son administration paraît effectivement se
désintéresser du reste du monde, derniers soubresauts du conflit israélo-
palestinien compris, jusqu’à ce que le monde justement vienne « s’inviter »
tragiquement aux États-Unis avec les attentats du 11 septembre 2001.
Vécus comme un nouvel Pearl Harbor, une attaque sur le territoire même
des États-Unis, les attentats islamistes contre le World Trade Center de New
York et le Pentagone marquaient un vrai tournant pour le pays et son
Président qui accorde dès lors la priorité à la politique étrangère, et fait de la
guerre contre le terrorisme, l’alpha et l’oméga de sa politique. America
First et sécurité d’abord semblent en être devenus les principaux mots
d’ordre, les durs de l’administration tels le secrétaire à la défense Donald
Rumsfeld et le vice-président Dick Cheney ou les néoconservateurs du type
Paul Wolfowitz prenant définitivement le pas sur les réalistes modérés, le
secrétaire d’État Colin Powell en tête. Endossant le rôle du leader que le
pays désemparé dans ces circonstances dramatiques, brûle de le voir
endosser, et s’érigeant en « président de temps de guerre », Bush met en
place une véritable politique de la peur, et limite de manière dramatique les
libertés publiques par le vote en octobre 2001 du Patriot Act. En matière de
politique étrangère proprement dite, le Président instaure une véritable
révolution qui, diamétralement opposée à sa première attitude
d’isolationnisme assumé, met en œuvre une sorte de « wilsonisme botté »
selon la belle expression de Pierre Hassner. Si l’opération « Liberté
immuable » contre l’Afghanistan qui débouche sur la chute du régime des
talibans en décembre 2001, à laquelle participent plusieurs pays de l’OTAN,
suscite une approbation quasi unanime et valide comme un droit de suite
après les attentats du 11 septembre, il n’en va pas de même pour les autres
initiatives prises par l’administration. La rhétorique de « l’axe du Mal »
évoqué par Bush dès janvier 2002, débouchant en septembre sur l’énoncé
d’une « doctrine » Bush qui donne aux États-Unis le devoir d’œuvrer pour
un monde tout à la fois meilleur et plus sûr et institutionnalise en quelque
sorte leur rôle comme législateur, juge et policier en droit de définir le Bien
et le Mal à l’échelle du monde, détache déjà Washington de ses alliés
traditionnels. La guerre que les États-Unis mènent contre l’Irak (« Liberté
pour l’Irak ») quelques mois après, en mars 2003, premier cas de guerre
préemptive, dans ce contexte de lutte contre le terrorisme et les armes de
destruction massive mais avec pour objectif le renversement de Saddam
Hussein, ne fait que confirmer ce clivage, et va finir par isoler Washington.
Conduite de concert avec l’Australie et surtout le Royaume-Uni, mais
engagée unilatéralement, dans des conditions juridiquement contestées,
l’opération est en effet à l’origine de graves tensions diplomatiques au sein
de l’ONU, de l’OTAN et particulièrement avec l’Allemagne et la France de
Jacques Chirac. Et si elle fait figure à court terme, de succès, et d’abord
militaire avec la proclamation au début mai 2003 par le Président de la
cessation des hostilités, d’une mission trop vite annoncée comme
accomplie, elle devient un nouveau bourbier américain – plus de 2 000
soldats américains tués à ce jour – et le boulet de la présidence Bush. La fin
supposée des combats ne signifie en fait que le début des difficultés pour
des décideurs américains quelque peu imprévoyants face à l’immensité de
la tâche consistant à reconstruire un pays, et les obstacles, immenses, sur le
chemin de la paix en Irak, entre généralisation des pillages, désorganisation
des services publics, montée de l’anarchie et implosion du pays, viennent
démontrer l’irréalisme de la « diplomatie de la transformation » des
néoconservateurs de l’administration, lancés dans leur croisade pour la
démocratie. La prétention affirmée à l’hégémonie et le style impérial et
impérieux adopté par Washington leur ont en outre aliéné le capital de
sympathie né du 11 Septembre, et même le ressentiment à leur égard à
l’étranger se généralise. On dénonce l’unilatéralisme de l’administration
Bush, sa manière de faire fi de la légitimité internationale, le non-respect de
l’environnement ou le poids du lobby pétrolier sur la politique américaine.
Fort de sa stature de leader de guerre, Bush n’en est pas moins réélu pour
un second mandat en 2004 face au démocrate John Kerry. La continuité
apparente du discours et en particulier le projet de Grand Moyen-Orient
lancé en février 2004, titanesque entreprise de démocratisation de la région
dont l’Afghanistan et l’Irak devraient être les réalisations pilotes, comme
une manière pour les Américains de vouloir croire qu’ils sont sur la bonne
voie, ne sauraient pourtant masquer un évident changement de cap. Derrière
les mots, la politique américaine est plus prudente et en pratique le réalisme
prime désormais. Le piège irakien qui se referme sur Washington impose il
est vrai de se rapprocher de ses alliés européens, et en contraste avec
l’unilatéralisme systématique du premier mandat, d’accorder toujours
davantage de place à la diplomatie, inflexion politique d’autant plus
nécessaire sans doute que confrontée à l’infamie de l’usage de la torture
avec les différents scandales de Guantanamo et d’Abou Ghraïb,
l’Amérique, menacée d’un complet isolement, doit faire face à une vague
d’antiaméricanisme sans précédent, partout dans le monde. Fragilisé, lui,
sur la scène intérieure, par la gestion calamiteuse de l’ouragan Katrina sur
La Nouvelle-Orléans, le Président doit reconnaître en 2006 des « erreurs
tactiques » sur l’Irak alors que l’opposition à la guerre se fait de plus en
plus virulente dans le pays. Battu lors des élections de mi-mandat de
novembre 2006, le Président a une marge de manœuvre de plus en plus
réduite même s’il parvient au début de 2007 à accroître de plus de 20 000
hommes les effectifs déjà mobilisés en Irak en dépit d’une opinion publique
et d’un Congrès désormais résolument hostiles à la politique menée. Depuis
le début du second mandat en fait, la politique étrangère des États-Unis est
l’otage de son fracassant échec en Irak et de la perte de crédit général qui au
niveau mondial en a résulté pour le pouvoir à Washington et assez
naturellement, la guerre a accaparé l’attention de Washington au détriment
d’autres dossiers et d’autres régions. Au-delà du fardeau budgétaire que le
double engagement en Afghanistan et en Irak a constitué, cette guerre
contre le terrorisme et la situation en Irak particulièrement ont sévèrement
contraint l’action des États-Unis sur nombre de fronts de la politique
étrangère. Au Moyen-Orient d’abord évidemment où, ayant durablement
compromis leur aura dans la région, ils ne peuvent plus espérer jouer leur
rôle traditionnel de peace broker entre Palestiniens et Israéliens, en dépit
des dernières velléités du président pour finir « par le haut » son mandat ;
sur le dossier iranien surtout où ils ne peuvent agir en toute liberté après
s’être rendus vulnérables dans le bourbier irakien où Téhéran jouit d’une
influence bien réelle. Ayant par la force des choses délaissé l’Amérique
latine où s’était constitué un axe anti-Bush (Chavez-Morales-Castro), en
Europe, le Président mène une politique ambitieuse visant à courtiser les
pays de l’ancien bloc soviétique où il est particulièrement populaire comme
défenseur des libertés (Ukraine, Georgie, Lettonie, Pologne…), quitte à
mécontenter la Russie de Vladimir Poutine. Par la force des choses, il
cherchera cependant par la suite à se rapprocher de la « vieille Europe » que
son administration avait stigmatisée au début de l’affaire irakienne, et les
rapports avec la France en particulier retrouvent progressivement un cours
plus serein. En outre, au-delà de l’image horriblement écornée des États-
Unis partout à travers le monde, sa fin de mandat est encore obscurcie par la
terrible crise des subprimes, la faillite en cascade d’établissements
bancaires et de compagnies d’assurances aux États-Unis, et l’entrée dans
une crise économique sans précédent depuis 1929. Après une ultime
tentative, désespérée, de parvenir à la paix dans le conflit israélo-
palestinien, et une tournée d’adieu durant laquelle, en Irak, un journaliste
lui lance une chaussure au visage – une image qui fait le tour du monde,
comme un symbole –, il quitte la présidence avec le plus faible taux de
satisfaction de l’histoire. Le peuple américain le range effectivement parmi
les trois plus mauvais présidents de son histoire, et l’élection du démocrate
Barack Obama en novembre 2008 a valeur de rupture avec « l’ère Bush »
de la part du pays. Mais si l’échec de sa présidence paraît évident dans bien
des domaines, le tableau qui en est fait reste souvent simpliste et caricatural,
l’objet de passions encore vives. Le personnage joue assurément
aujourd’hui le rôle sans doute bien utile de bouc émissaire : son bilan
cependant ne pourrait-il pas être réévalué par l’histoire si l’Irak finissait par
s’installer dans la démocratie comme le pays semble actuellement malgré
tout en prendre le chemin.
PMD

DAALDER Ivo H., LINDSAY, James M., America Unbound : The Bush
Revolution in Foreign Policy, Brookings Institution Press, Washington DC,
2003. EEUWEN Daniel (van), VAGNOUX Isabelle (dir.), Les États-Unis et
le monde aujourd’hui, Éditions de l’Aube, Paris, 2008.
WOODWARD Bob, Bush at War, Plan of Attack, State of Denial, Simon
& Schuster, New York, 2003-2006.
→ AFGHANISTAN, BLAIR, BUSH (GEORGE H.), CHIRAC,
HUSSEIN (SADDAM), ISRAÉLO-ARABES (CONFLITS), IRAK,
ONU, ONZE SEPTEMBRE, OTAN, POUTINE, TERRORISME,
UNILATÉRALISME
C

CACHEMIRE (CONFLIT DU)

Située au nord-est de l’Inde, cette région est peuplée par une population
majoritairement musulmane. Lors de la partition de 1947, le Cachemire est
disputé entre l’Inde et le Pakistan et est l’objet d’une guerre interrompue par
un cessez-le-feu imposé par le Conseil de sécurité de l’ONU en janvier 1949,
qui demande une démilitarisation de la région et l’organisation d’un
plébiscite. Mais ni l’un ni l’autre n’interviendront et le problème du
Cachemire séparé en deux perdure : « l’Azad Cachemire » intégré au
Pakistan et l’État de Jammu-et-Cachemire sous administration indienne. La
ligne de cessez-le-feu devient frontière jusqu’à l’éclatement d’une nouvelle
guerre en août-septembre 1965, qui est rapidement arrêtée sur intervention de
l’URSS. Le contentieux n’est cependant pas résolu lors de la conférence de
Tachkent (4-9 janvier 1966), qui réunit le Président pakistanais, le maréchal
Ayub Khan, le Premier ministre indien, Sastri, autour de Leonid Brejnev. Les
déclarations d’amitié et de coopération n’empêchent pas le déclenchement
d’une troisième guerre indo-pakistanaise à l’occasion de la sécession du
Bangladesh (décembre 1971) et confirment le statu quo lors des accords de
Simla (juillet 1972) entre Ali Bhutto et Indira Gandhi.
Depuis lors, le problème du Cachemire n’a pas été résolu, d’autant plus
qu’il est multiple : opposition entre musulmans et hindous, enjeu territorial
entre l’Inde et le Pakistan, velléités d’autonomie et même d’indépendance du
Cachemire. En 1995, la tension est à son comble, marquée par des
affrontements violents, des attentats terroristes, et d’autant plus préoccupante
qu’entre-temps les deux États ont acquis l’arme nucléaire et l’expérimentent
(1998). Depuis lors, le conflit du Cachemire connaît alternance de
déclarations d’apaisement et d’actions terroristes (utilisées en sous-main par
le Pakistan), qui se multiplient à Srinagar, New Delhi et Mumbaï. En janvier
2004, New Delhi et Islamabad lancent « le dialogue composite », pour
résoudre tous leurs différends. Le processus de paix est-il irréversible ?
MV
BERNARD Jean-Alphonse, De l’empire des Indes à la République indienne,
Imprimerie nationale, 1994.
JAFFRELOT Christophe et alii, La question du Cachemire, Institut
d’Études de sécurité, 2003. REYNOLDS Nathalene, Le Cachemire dans le
conflit indo-pakistanais 1947-2004, L'Harmattan, 2005.
→ BREJNEV, GANDHI (I.), ONU

CAMBODGE (CONFLIT DU)

État-tampon entre le Vietnam et la Thaïlande, ayant acquis son


indépendance dans le cadre des accords de Genève en 1954 qui ont mis fin à
la guerre d’Indochine, le Cambodge tente de rester à l’écart des conflits
régionaux et en particulier de la guerre du Vietnam. C'est au Cambodge, dans
le stade de Phnom-Penh que le général de Gaulle prononce son fameux
discours qui critique l’intervention militaire américaine au Vietnam et loue la
neutralité du pays.
Et pourtant les Américains sont amenés à intervenir directement au
Cambodge, d’abord par un coup d’État, fomenté par le général Lon Nol
contre le prince Norodom Sihanouk (renversé le 18 mars 1970) et, en avril
1970, contre les sanctuaires nord-vietnamiens et les khmers rouges. Devant la
pression de l’opinion américaine, Nixon annonce le retrait des forces
américaines du Cambodge, où, malgré les bombardements de l’aviation
américaine, les khmers rouges s’emparent de Phnom-Penh le 17 avril 1975.
Pour autant, la paix ne revient pas dans un pays entre leurs mains : ils se
livrent à des massacres, fournissant au Vietnam un prétexte à son intervention
militaire (25 décembre 1978-7 janvier 1979) et à l’occupation du Cambodge.
Le Vietnam élimine le régime de Pol Pot et instaure un protectorat de fait, qui
suscite l’inquiétude (printemps 1979). Mais il faut attendre dix ans pour que
l’armée vietnamienne évacue le Cambodge, retrait total annoncé le 5 avril
1989. À l’invitation de la France, une conférence sur le Cambodge se tient à
Paris en août 1989 ; elle n’aboutit pas et la guerre civile fait de nouveau rage.
Une tentative pour faire de l’ONU le pivot d’un règlement du problème
cambodgien parvient à regrouper, en septembre 1989, les factions khmères
sous la présidence du prince Sihanouk, et à prévoir un cessez-le-feu. L'accord
qui est signé par tous les participants le 23 octobre 1991 place le pays sous la
tutelle des Nations unies jusqu’à l’organisation d’élections libres. Par la
résolution 945 du 28 janvier 1992, le Conseil de sécurité vote l’envoi de 22
000 hommes et crée l’Autorité provisoire de l’ONU (APRONUC), chargée
de ramener le Cambodge à une situation normale. Malgré les entraves des
khmers rouges, l’APRONUC, qui réussit à organiser des élections générales
en mai 1993, achève sa mission en novembre suivant, sur un bilan positif.
Mais le pays met longtemps à se remettre de ses troubles. En 2009, s’ouvre le
procès des dirigeants khmers rouges pour « crimes contre l’humanité ».
MV

PONCHAUD François, Une brève histoire du Cambodge, Nantes, Siloé,


2007.
→ DE GAULLE, INDOCHINE (GUERRE D’), NIXON, NORODOM
SIHANOUK, ONU, VIETNAM (GUERRE DU)

CAMP DAVID (ACCORDS DE)

Signés par le président égyptien Sadate et le Premier ministre israélien


Begin le 17 septembre 1978 après douze jours d’âpres négociations à Camp
David, résidence d’été du président des États-Unis, les accords, éclatant
succès de politique étrangère de Jimmy Carter sur lequel il a bâti sa carrière
post-présidentielle de missionnaire de la paix. Ces accords sont
l’aboutissement des efforts américains, depuis la politique des « petits pas »
de Kissinger, pour rapprocher l’Égypte d’Israël et tenter de résoudre le
problème palestinien. Si après son spectaculaire voyage à Jérusalem le 19
novembre 1977, le Raïs veut la paix, le chef du Likoud, partisan du grand
Israël, porté au pouvoir le 17 mai 1977 par une vague nationaliste, ne cède
que sous la pression américaine. Constitués de deux « accords-cadres », l’un
pour une paix générale au Proche-Orient resté lettre morte, l’autre sur la
conclusion d’un traité de paix entre les deux pays, les accords bouleversent le
paysage politique de la région. Prévu pour être élaboré dans les trois mois, le
traité de paix n’est signé que le 26 mars 1979, peu après la visite de Carter à
Begin et Sadate. En application de ses dispositions, le Sinaï est libéré le 25
avril 1982. Isolée au sein du monde arabe, l’Égypte rétablit sa souveraineté
sur l’ensemble de son territoire et Israël noue, pour la première fois des
relations diplomatiques normales avec un pays arabe.
OD

QUANDT W.B., Camp David : Peacemaking and Politics, The Brookings


Institution, Washington, 1986.
→ BEGIN, CARTER, ISRAÉLO-ARABES (CONFLITS),
KISSINGER, PALESTINIEN (PROBLÈME), SADATE

CARAMANLIS Constantin (1907-1998)

Né en Macédoine grecque, Constantin Caramanlis est élu député du Parti


populiste (royaliste) en 1935. Réfugié à Athènes en 1941, il rejoint en Égypte
les Forces grecques libres. Il est réélu en 1946, dans une Grèce ruinée par
l’occupation et déchirée par la guerre civile, où s’impose, grâce au soutien
anglo-américain (doctrine Truman de 1947), une monarchie théoriquement
parlementaire dominée par l’extrême droite et l’Armée.
Plusieurs fois ministre, Caramanlis devient Premier ministre en octobre
1955. Tout en ménageant les forces ultraconservatrices, il démocratise
prudemment le régime, noue avec le bloc communiste des relations de bon
voisinage (voyages à Moscou et Sofia en 1962) et développe avec la France
du général de Gaulle une amitié, déterminante dans l’association de la Grèce
à la CEE (juillet 1961).
Favorable à l’apaisement des tensions qu’a fait naître entre Londres et
Athènes le problème de Chypre, Caramanlis renonce au rattachement de l’île
à la Grèce et fait accepter (1959) l’indépendance à l’archevêque Makarios.
Impopulaire en Grèce, cette politique fragilise le Premier ministre ; il
démissionne en juin 1963, après l’assassinat du député de gauche Lambrakis,
qui révèle les liens de la droite extraparlementaire avec l’Armée, le Palais et
l’appareil d’État ; il annonce son retrait de la vie politique et s’exile à Paris.
En juillet 1974, le coup d’État fomenté à Chypre par la junte au pouvoir à
Athènes depuis 1967 ayant provoqué un débarquement turc dans l’île, les
militaires grecs rappellent Caramanlis. Le gouvernement d’Union nationale
qu’il préside décrète l’amnistie générale, légalise le parti communiste, mais
ne peut empêcher la reprise des opérations militaires turques à Chypre. La
responsabilité des Américains dans cette affaire se trouvant engagée aux yeux
des Grecs, Caramanlis décide, le 15 août, de retirer la Grèce de l’organisation
militaire intégrée de l’OTAN (retour en 1980).
Par référendum, la monarchie est abolie (1974) et une Constitution inspirée
du texte français de 1958 adoptée (1975). Vainqueur des élections législatives
de 1974 et 1977 et face à la persistance des différends gréco-turcs,
Caramanlis se rapproche de ses voisins balkaniques et fait le choix de
l’intégration européenne. Officiellement déposée en 1975, la candidature
grecque à la CEE aboutit, dans un délai record, avec l’appui de la France, le
28 mai 1979, à la signature du traité d’adhésion. Malgré l’hostilité du
socialiste Andréas Papandréou, Premier ministre après les élections de 1981,
il n’est pas remis en cause.
Président de la République depuis mai 1980, Caramanlis assume une «
cohabitation » sans heurt jusqu’en 1985. De nouveau Président de 1990 à
1995, il s’oppose à la libération des chefs de la junte projetée par le Premier
ministre conservateur Mitsotakis et défend sur la scène internationale la
position grecque sur la reconnaissance de l’ex-République yougoslave de
Macédoine.
OD

Konstantinos Karamanlis in the XXth Century, 3 vol., Athènes, K.


Karamanlis Foundation, 2008. « La France et la Grèce dans le monde au
temps de De Gaulle et Caramanlis », Cahiers de la Fondation Charles de
Gaulle, n° 14, Paris, Fondation Charles de Gaulle, 2004.
→ CEE, CHYPRE, DE GAULLE, GRÉCO-TURCS (DIFFÉRENDS),
MACÉDOINE, MAKARIOS, OTAN, TRUMAN

CARTER Jimmy (1924)

Issu d’une famille de fermiers sudistes, cet ancien officier de Marine est
élu sénateur démocrate (1962), puis gouverneur de Géorgie (1970). Aux
élections présidentielles du 4 novembre 1976, il bat le président républicain
sortant Gérald Ford. Après les traumatismes de la guerre du Vietnam et du
Watergate, il prétend renouer avec les traditions américaines d’idéalisme et
d’esprit pionnier. En politique extérieure, cela se traduit par une campagne en
faveur des droits de l’Homme qu’il juge propre à séduire le Tiers Monde.
Carter parvient à améliorer l’image des États-Unis par une attitude moins
complaisante à l’égard de la politique d’apartheid en Afrique du Sud, et en
imposant au Sénat la ratification du traité avec Panama sur l’évacuation de la
zone du canal, signé le 16 juin 1978. Tirant le meilleur parti du
rapprochement intervenu entre Sadate et Begin, il les invite à Camp David
(septembre 1978), ouvrant ainsi la voie au traité de paix israélo-égyptien du
26 mars 1979. Continuateur de la politique chinoise inaugurée par Nixon, il
établit des relations diplomatiques avec Pékin (1er janvier 1979). En Amérique
latine, il n’obtient que des résultats mitigés en voulant favoriser les
gouvernements démocratiques. En Asie, il doit faire face à la brusque
irruption du fondamentalisme musulman et à la révolution iranienne qui
aboutit en janvier 1979 au renversement du Shah, puis en novembre à la prise
en otage des diplomates américains à Téhéran, qu’il est incapable de faire
libérer, même au prix d’un « raid » militaire calamiteux (avril 1980). Après
l’invasion de l’Afghanistan (décembre 1979), admettant avoir sous-estimé
l’agressivité des Soviétiques, il demande au Sénat d’ajourner l’examen des
accords SALT II, en janvier 1980, décrète l’embargo sur le blé américain à
destination de l’URSS, décide de boycotter les Jeux olympiques de Moscou,
lance un vigoureux programme de réarmement et développe une « doctrine
Carter » qui promet une réaction militaire américaine en cas d’agression dans
le golfe Persique. Ces revers et cette volte-face par rapport à une politique
fondée au départ sur les droits de l’homme, expliquent en grande partie sa
défaite face à Ronald Reagan lors des élections présidentielles de novembre
1980. Il se consacre alors aux causes humanitaires et joue les médiateurs dans
divers conflits régionaux.
PMD

MAGA Timothy, The World of Jimmy Carter : U.S. foreign policy, 1977-
1981, University of New Haven Press, 1994.
→ AFGHANISTAN, APARTHEID, BEGIN, CAMP DAVID
(ACCORDS DE), DROITS HUMAINS, EMBARGO, JEUX
OLYMPIQUES, NOBEL DE LA PAIX (PRIX), REAGAN, SALT
(ACCORDS), TIERS MONDE, VIETNAM (GUERRE DU)
CASTRO Fidel (1926)

Fils d’un planteur cubain, avocat, membre du parti du peuple cubain


(nationaliste de droite), il est arrêté le 26 juillet 1953 après l’échec d’un
soulèvement contre le dictateur Batista. Amnistié (mai 1955), il s’exile au
Mexique où il rencontre Ernesto « Che » Guevara auquel il doit sa
connaissance du marxisme-léninisme. Débarquant à Cuba (2 décembre
1956), il y mène une guérilla victorieuse, grâce à la neutralité bienveillante
des Américains. Après la fuite du chef de l’État, Batista, (1er janvier 1959), il
fait son entrée à La Havane à la tête de ses barbu-dos, et prend le pouvoir (16
février 1959). Ses rapports avec les États-Unis se dégradent rapidement du
fait de son programme de réforme agraire et de nationalisation des grandes
entreprises privées nord-américaines. Castro se rapproche alors des
Soviétiques dont il reçoit une aide économique et militaire massive ; en juillet
1960, Guevara annonce que Cuba fait partie du camp socialiste. Les
Américains rompent leurs relations économiques (octobre 1960), puis
diplomatiques (janvier 1961) avec les Cubains. La CIA décide d’éliminer
Castro, mais le débarquement d’exilés cubains organisé dans la Baie des
Cochons échoue (15 avril 1961). En octobre 1962, la crise de Cuba naît de la
présence des fusées soviétiques, sans que Castro y ait une influence réelle.
Désormais à l’abri d’une invasion américaine, il se pose en porte-parole du
Tiers Monde et rêve d’exporter la révolution cubaine en Amérique latine et
au-delà (conférence Tricontinentale de 1966), ce qui contredit la politique de
coexistence pacifique de ses protecteurs. Cependant à la fin des années 1960,
en butte aux difficultés économiques et après l’écrasement des guérillas
castristes en Amérique du Sud, il s’aligne complètement sur l’URSS,
approuvant notamment l’intervention du pacte de Varsovie en
Tchécoslovaquie (août 1968). Agissant pour le compte de Moscou, mais aussi
de sa propre initiative, il intervient militairement en Angola (1975) et en
Éthiopie (1977). Lors du sixième sommet des pays non alignés (La Havane
3-9 septembre 1979), il défend les thèses soviétiques.
La disparition de l’URSS en 1991 marginalise Castro, dictateur à la tête
d’un des derniers régimes communistes. Privé alors de toute aide économique
(Cuba était membre du COMECON depuis 1972) et toujours soumis à
l’embargo américain, le régime du Lider maximo parvient cependant à
survivre en grande partie grâce au soutien de la Chine et surtout du Venezuela
du président Hugo Chavez. Le 31 juillet 2006, Fidel Castro cède «
temporairement » ses pouvoirs à son frère Raul Castro pour raison de santé.
Depuis 2006, ce dernier, dont on ignore dans quelle mesure il continue de
subir l’influence de son frère, auquel il succède officiellement le 24 février
2008, tente timidement de réformer le régime cubain et d’améliorer ses
relations avec les États-Unis.
AD

ERISMAN H. Michael, KIRK John M., Redefining Cuban foreign policy :


the impact of the « Special Period », Gainesville (Fla.), University press of
Florida, 2006.
QUIRK Robert, Fidel Castro, New York, Norton, 1995.
→ CHAVEZ, CIA, CUBA (CRISE DE), EMBARGO, GUEVARA,
NON-ALIGNÉS (MOUVEMENT DES), TIERS MONDE,
TRICONTINENTALE

CATASTROPHE NATURELLE

Le caractère international des catastrophes naturelles est un phénomène


récent. Il l’est, dans la mesure où il peut concerner plusieurs pays et suscite la
solidarité d’États, d’organisations internationales et d’ONG (comme la Croix-
Rouge) par le biais d’une médiatisation indissociable de la mondialisation.
Événement exceptionnel, souvent lié à des phénomènes climatiques, il peut
s’agir d’un tremblement de terre comme le séisme de Kobé en janvier 1995 ;
d’une éruption volcanique, de typhons comme le tsunami qui ravage les côtes
de l’Asie du Sud-Est le 26 décembre 2004, faisant 200 000 victimes, et qui
provoque une émotion planétaire et une solidarité internationale
exceptionnelle ; d’inondations comme l’ouragan Katrina (29 août 2005) qui
cause la mort de 1 400 personnes en Louisiane et dans le Mississipi ; ou de
sécheresse comme celle qui frappe le Niger en 2004. La solidarité
internationale, qui s’exerce lors d’une catastrophe naturelle, prend des formes
diverses, techniques, financières et humanitaires. Outre l’aide publique, les
victimes de catastrophes naturelles reçoivent le soutien des organisations non
gouvernementales, comme la Croix-Rouge internationale. Cette solidarité
peut avoir des conséquences politiques inédites : c’est le cas du tremblement
de terre en Turquie en 1999 qui suscite l’envoi de secours par son ennemie
traditionnelle, la Grèce, et voit du coup la réconciliation entre les deux
nations.
Le tremblement de terre du 7 décembre 1988 dans le nord de l’Arménie,
située alors sur le territoire de l’Union soviétique, qui cause la mort de 25
000 personnes selon le bilan officiel, est aussi, en pleine perestroïka, le
détonateur qui va accentuer les tendances centrifuges dans l’Empire. Il est
surtout, par une coïncidence fortuite, le premier cas d’application de la
résolution 43/131 des Nations unies (8 décembre 1988) qui concerne
l’assistance aux victimes de catastrophes et pose le principe du libre accès
aux victimes dans des situations d’urgence. C'est l’amorce du droit
d’ingérence humanitaire.
En 2008, on estime que les catastrophes naturelles, souvent liées au
changement climatique, ont coûté la vie à 220 000 personnes et occasionné
200 milliards de dollars de dégâts.
MV

BETTATI Mario, Le droit d’ingérence, mutation de l’ordre international,


Odile Jacob, 1996. Questions internationales, n° 19, mai-juin 2006.
→ EAU, ENVIRONNEMENT, GRÉCO-TURCS (DIFFÉRENDS),
ONG, ONU

CAUCASE (CONFLITS DU)

Cette région montagneuse, considérée comme la limite entre l’Europe et


l’Asie, s’étend sur 1 250 km entre la mer Noire et la mer Caspienne et est une
véritable mosaïque ethnique et religieuse : musulmans sunnites et chiites de
Tchétchénie et de Crimée, chrétiens monophysites d’Arménie, chrétiens
orthodoxes russes, Géorgiens, Abkhazes.
Après l’effondrement de l’Union soviétique, le Caucase comprend deux
types de territoires : au nord, ceux qui restent sous l’autorité de Moscou en «
républiques autonomes » au sein de la Fédération de Russie dont l’Ossétie du
Nord et la Tchétchénie, au sud, les États – devenus indépendants en 1991 –
de Géorgie, Azerbaïdjan et Arménie. Les mouvements autonomistes et
séparatistes font de cette région une véritable poudrière, et la présence de
gisements pétrolifères et surtout d’oléoducs reliant les gisements de la mer
Caspienne à la mer Noire aggrave les tensions.
Ainsi, la Géorgie est-elle confrontée au séparatisme des Abkhazes et des
Ossètes, au stationnement des missions de l’ONU et de l’OSCE depuis 1992-
1993. Le Haut-Karabakh est disputé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ; la
Tchétchénie entend obtenir son indépendance, mais l’Ingouchie reste fidèle à
Moscou. Et si le GUAMM (décembre 1997), qui regroupe Géorgie, Ukraine,
Ouzbékistan, Azerbaïdjan, Moldavie, est destiné à contrer l’influence russe,
l’Arménie reste intégrée dans les organes de coopération militaire avec
Moscou. En Tchétchénie, la proclamation d’indépendance le 2 novembre
1991 par le général Doudaev est le début d’une série de guerres menées par la
Russie, en 1994-1996 et en 1999-2000, qui réprime violemment les
opposants.
Partout, les enclaves séparatistes et les bases militaires russes sont source
de contrebande et d’instabilité. L'évacuation des bases russes de Géorgie ne
règle pas tous les contentieux. En mai 2005, l’inauguration de l’oléoduc
Bakou-Tbilissi-Ceyhan permet d’évacuer le brut de la Caspienne vers les
marchés occidentaux, en contournant le territoire russe. De 2006 à 2008, la
tension entre la Géorgie et la Russie finit par dégénérer en conflit armé.
L'engagement des Américains dans la région, l’intention de la Géorgie
d’intégrer l’OTAN, la multiplication des relations avec l’Europe ont pour
effet de susciter l’inquiétude des Russes, qui entendent conserver leur
influence sur le Caucase et mettre fin à tout séparatisme. En août 2008, la
volonté de la Géorgie de rétablir l’intégrité territoriale, en matant la province
séparatiste d’Ossétie du Sud, provoque une intervention militaire musclée de
la Russie contre la Géorgie, sous prétexte de protéger les séparatistes
prorusses.
Le retrait des forces russes, aux termes du plan du 12 août, ne signifie pas
le retour à l’intégrité territoriale de la Géorgie, où stationnent toujours des
troupes russes dans les territoires ossète et abkhaze.
MV

AVIOUTSKII Viatcheslav, Géopolitique du Caucase, Armand Colin, 2005.


RAZOUX Pierre, Histoire de la Géorgie, la clé du Caucase, Perrin, 2009.
SELLIER Jean et André, Atlas des peuples d’Orient : Moyen-Orient,
Caucase, Asie centrale, La Découverte, 2004.
→ CSCE/OSCE, ONU, TERRORISME

CHACO (GUERRE DU)

La plaine du Chaco qui s’étend au pied des Andes, sur la Bolivie, le


Paraguay et l’Argentine est l’objet d’un conflit entre les deux premiers États,
de 1932 à 1936. De façon récurrente, des accrochages ont lieu sur les postes-
frontières, mais en 1932, alors que l’on commence à découvrir des ressources
pétrolières, la prise d’un fortin par la Bolivie provoque l’escalade militaire.
Une guerre longue, dans laquelle les belligérants utilisent les armes les plus
modernes (blindés et aviation), ne s’arrête qu’avec un armistice en juin 1935.
Cette guerre est très meurtrière, non seulement du fait de sa modernité
mais à cause de la malaria, la faim et la soif, et elle a ruiné les deux pays.
Une conférence réunit à Buenos Aires les représentants des deux parties ;
le traité du 21 juillet 1938 donne au Paraguay victorieux la plus grande partie
du Chaco, dont les réserves pétrolières s’avèrent peu intéressantes ; la Bolivie
obtient le piémont subandin dont la Standard Oil a déjà repéré les réserves.
C'est d’ailleurs le second conflit latino-américain qui suscite l’intervention
de la SDN. En effet, le représentant de la Société des Nations, Sean Lester, a
présidé la commission qui a été chargée de régler ce conflit comme il l’avait
fait pour le conflit de Leticia, territoire bolivien convoité par le Pérou, en
1934.
Ch. M
→ SDN

CHAMBERLAIN Neville (1869-1940)

Fils de Joseph Chamberlain (1836-1914), champion de l’impérialisme


britannique, et demi-frère d’Austen (1863-1937), secrétaire au Foreign Office
(1924-1929) et principal artisan des accords de Locarno, il participe à divers
gouvernements à partir de 1923 et fait des réformes sociales importantes.
Chancelier de l’Échiquier (1931-1937), il est favorable à la préférence
impériale au sein du Commonwealth, à l’origine des accords d’Ottawa. Il
succède à Baldwin comme Premier ministre (mai 1937-mai 1940), mais il est
peu au fait des questions internationales et mal conseillé ; hanté par l’idée de
la guerre tout en accélérant le réarmement, il défend la politique
d’appeasement. Lors de la guerre d’Espagne, il pousse à la non-intervention
des démocraties aux côtés des républicains ; à l’encontre d’Eden (qui
démissionne), le Premier ministre veut renforcer les liens avec Mussolini et
accepte le point de vue italien sur l’Éthiopie par « l’accord de Pâques » (avril
1938). Après l’Anschluss et la crise des Sudètes, il rencontre à trois reprises
Hitler en septembre 1938, ce qui aboutit à la signature des accords de Munich
qui portent sa popularité à son comble à son retour à Londres, promettant « la
paix avec l’honneur », contrairement au « lâche soulagement » évoqué par
Léon Blum au retour de Daladier. Le dernier acte du dépècement de la
Tchécoslovaquie le 15 mars 1939 pousse Chamberlain à modifier
fondamentalement sa politique : garanties à la Pologne, resserrement des
liens avec la France. Lors de l’invasion de la Pologne en septembre 1939, le
Premier ministre déclare la guerre à l’Allemagne. Pendant la drôle de guerre,
sa popularité diminue, Chamberlain est jugé responsable de l’échec de la
campagne de Norvège, et le jour de l’attaque de la Hollande et de la
Belgique, il démissionne tout en acceptant de participer au cabinet d’union
nationale dirigé par Churchill (10 mai 1940), mais il meurt quelques
semaines plus tard.
MV

PARKER Alastair, Chamberlain and appeasement, Macmillan, 1993.


→ ANSCHLUSS, APPEASEMENT, BALDWIN, BLUM,
CHURCHILL, COMMONWEALTH, DALADIER, EDEN, ESPAGNE
(GUERRE D’), ÉTHIOPIE (GUERRE D’), HITLER, IMPÉRIALISME,
MUNICH (ACCORDS DE), MUSSOLINI, SUDÈTES (CRISE DES)

CHARTE 77

Après le Printemps de Prague en 1968 et la mise à l’écart de Dubcek, la


Tchécoslovaquie se retrouve sous l’autorité d’un parti communiste
monolithique qui mène une politique de normalisation sous contrôle des
Soviétiques. Pourtant les dissidents ne lâchent pas, en dépit d’une répression
sévère et, le 1er janvier 1977, est publiée la Charte 77 qui demande le simple
respect de la Constitution du pays concernant les droits de l’homme, ainsi
que les principes de l’Acte final des accords d’Helsinki signés en 1975. Ce
texte est signé par des intellectuels, d’anciens communistes d’avant 1968,
sans que les médias officiels fassent connaître leurs noms : on sait seulement
que ce sont des « adversaires idéologiques ». En revanche, les stations de
radio « Europe libre » et « la Voix de l’Amérique » fournissent des
informations.
Le philosophe Jan Patocka et le dramaturge Vaclav Havel ont été parmi les
porte-parole de la Charte 77. Lorsque les signataires sont poursuivis et
arrêtés, des centres de solidarité et de défense de la Charte sont créés à
l’étranger (France, Suède, Autriche…), des pétitions signées, montrant bien
l’écho que ce mouvement libéral et respectueux de la démocratie et des droits
de l’homme était connu et soutenu, en même temps que la répression
dénoncée.
Ce mouvement est à l’origine de la Révolution de velours de 1989, et ses
principaux responsables se retrouvent souvent élus au Parlement ou avec des
responsabilités gouvernementales (Havel est élu président de la République
tchécoslovaque).
Une déclaration met fin à la Charte 77, le 3 novembre 1992.
Ch. M

ANDRÉANI Jacques, Le Piège, Helsinki et la chute du communisme, Odile


Jacob, 2005.
→ DROITS HUMAINS, HELSINKI (CONFÉRENCE)

CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L'UNION


EUROPÉENNE → UNION EUROPÉENNE

CHAVEZ Hugo (1954)

Parmi les dirigeants de la gauche latino-américaine arrivés au pouvoir


depuis la fin du 20e siècle, il est celui qui tient le discours le plus virulent
contre l’ordre économique libéral et la politique des États-Unis. Lieutenant-
colonel de l’Armée vénézuélienne, il fonde le 23 juillet 1983, lors du 200e
anniversaire de la naissance du Libertador Simon Bolivar, le Mouvement
révolutionnaire bolivarien 200 (MBR-200) d’orientation socialiste. Après
deux tentatives de coup d’État en 1992 et un emprisonnement (1992-1994), il
crée un parti politique, le Mouvement cinquième république (MVR), à la tête
duquel il remporte les élections législatives en 1998 et présidentielles en
1999. Il est réélu en 2000 (suite à une réforme constitutionnelle qu’il a
imposée) puis en 2006 et compte se maintenir au pouvoir jusqu’au terme de
son mandat en 2013, en dépit de sa défaite au référendum constitutionnel du
2 décembre 2007 qui devait élargir considérablement ses pouvoirs. De 1999 à
2006, Hugo Chavez consolide son autorité au Venezuela du fait de
l’affaiblissement de son opposition interne qui échoue dans toutes ses
entreprises pour le chasser du pouvoir (tentative de coup d’État en avril 2002,
grève du secteur pétrolier fin 2002, référendum révocatoire d’août 2004). Et
dans le même temps, il accroît sa capacité d’influence extérieure grâce à la
hausse du prix du pétrole dont le Venezuela est le cinquième exportateur
mondial. Il acquiert ainsi les moyens de financer une politique étrangère qui
poursuit trois objectifs liés entre eux : s’opposer aux États-Unis, favoriser
l’intégration régionale en Amérique latine, tisser un réseau d’influence. Outre
ses attaques verbales contre les États-Unis, il manifeste sa sympathie aux
ennemis de Washington : Cuba, Iran, Irak de Saddam Hussein, mais il se
garde bien de remettre en cause ses relations économiques avec les
Américains dont il reste le troisième fournisseur de pétrole. Pour contrer la
Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) défendue par les États-Unis, il
constitue à partir d’avril 2006 l’Alternative bolivarienne pour l’Amérique
(ALBA) qui réunit, outre le Venezuela, Cuba, la Bolivie et le Nicaragua.
Cependant, au même moment, il se retire de la Communauté andine des
nations (Bolivie, Pérou, Équateur, Colombie) pour protester contre l’accord
de libre-échange signé avec les États-Unis par Bogota et Lima. Ce qui ne
l’empêche pas de rejoindre presque aussitôt le Mercosur, la communauté
économique, d’inspiration pourtant très libérale, que forment l’Argentine, le
Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Ainsi le volontarisme du Président
vénézuélien en matière d’intégration régionale se heurte aux antagonismes
commerciaux, politiques et historiques des différents pays. Ses relations sont
particulièrement mauvaises avec la Colombie du président Alvaro Uribe qui
conteste le rôle de médiateur que H. Chavez veut s’attribuer concernant les
otages de la guérilla des FARC, quand il ne l’accuse pas de soutenir ces
derniers. En revanche, il entretient des liens étroits avec Cuba, troquant son
pétrole contre les services de coopérants cubains, notamment des médecins,
et s’efforçant, non sans succès, de se faire reconnaître par Fidel Castro
comme son fils spirituel et politique. Dans l’ensemble de l’Amérique latine,
H. Chavez tente d’exporter ses « Missions bolivariennes », un réseau d’aide
en faveur de l’accès aux soins et à l’éducation des plus pauvres. Il accorde
également une aide importante à l’Indonésie, à l’Iran, au Mali, au Bénin et à
plusieurs autres États africains. En fait, au-delà de sa rhétorique anti-
impérialiste, la politique étrangère d’Hugo Chavez, qui ne fait en cela que
prolonger avec un autre style celle de ses prédécesseurs, semble moins viser à
remettre en cause l’ordre international existant qu’à y accroître l’influence du
Venezuela en mettant à profit ses richesses en hydrocarbure.
AD

LANGUE Frédérique, Hugo Chavez et le


Venezuela : Une action politique au pays de Bolivar,
Paris, L'Harmattan, 2002.
ELLNER Steve, TINKER SALAS Miguel, Venezuela : Hugo Chavez and
the decline of an « exceptional democracy », Lanham (Md.), Rowman &
Littlefield, cop. 2007.
→ ALENA, CASTRO, HUSSEIN (SADDAM), MERCOSUR, OPEP

CHINE (PROBLÈME DES DEUX)

Le 1er octobre 1949, la République populaire de Chine (RPC) est créée par
Mao Zedong. Les nationalistes, anticommunistes, menés par Tchang Kaï-
chek, doivent se replier sur l’île de Formose (nom anglais alors utilisé pour
l’île de Taiwan). La République de Chine y est installée, refuse de reconnaître
la RPC et revendique la souveraineté sur l’ensemble de la Chine continentale.
Le siège du gouvernement est à Taipeh et Tchang Kaï-chek est élu président
en 1950. Du coup, la Chine se retrouve avec deux États de régimes différents
et se pose alors le problème des deux Chine, problème d’autant plus aigu que
la guerre froide s’étend à l’Asie.
Avec la guerre de Corée, les Occidentaux font cause commune avec
Formose qui obtient le siège de la Chine à l’ONU, le Japon signe avec elle un
traité de paix en 1952, un accord de défense est mis au point avec les États-
Unis en 1955.
Ce n’est que très progressivement que des relations diplomatiques sont
établies avec Pékin, à part l’URSS dès sa création en 1949, suivie par les
démocraties populaires sauf la Yougoslavie. En janvier 1950, la Grande-
Bretagne est le premier pays occidental à reconnaître la RPC, suivie par la
Suède, le Danemark, la Finlande et la Suisse. Si Londres a reconnu de jure la
Chine de Mao, elle ne s’engage pas sur l’unité de la Chine et maintient un
consulat à Taiwan jusqu’en 1972.
Cette reconnaissance diplomatique varie : faut-il reconnaître une Chine aux
dépens de l’autre ? Pour la France (1964) ou la RFA (1972), la RPC est
reconnue en tant que gouvernement ; l’Autriche (1971) la considère comme
le gouvernement légal mais ne se prononce pas sur l’unité de la Chine ; en
1972 Londres reconnaît la Chine de Pékin et considère Formose comme une
province de la Chine. À la suite du voyage à Pékin du président Nixon
(février 1972), les négociations sino-américaines butent sur le problème de
Taiwan que les Américains refusent de lâcher. Washington établit tardivement
des relations diplomatiques avec Pékin, en 1978, tout en conservant des
relations étroites avec Formose.
Depuis 1949, Taiwan refuse tout contact avec Pékin ; cela va jusqu’à la
rupture des relations diplomatiques avec les États qui reconnaissent la Chine,
tout en maintenant les relations économiques et culturelles.
Cette question a des implications diverses : outre l’échange
d’ambassadeurs, le problème de la Chine comme membre permanent au
Conseil de sécurité de l’ONU est l’objet de débats importants à chaque
assemblée générale, allant jusqu’au boycott par l’Union soviétique en janvier
1950, pour dénoncer le fait que ce soit la Chine nationaliste qui représente la
Chine à l’ONU. C'est en 1971 que la RPC y remplace Taiwan ainsi que dans
toutes ses instances.
Depuis les années 1980, les relations entre les « deux Chine » se
développent ; les deux États se retrouvent aussi dans les organisations
régionales telles que l’APEC.
Ch. M

DOMENACH Jean-Luc, RICHER Philippe, La Chine (1949-1985), 2 tomes,


Le Seuil, 1987 et 1995.
JOYAUX François, La Tentation impériale. Politique extérieure de la
Chine depuis 1949, Imprimerie nationale, 1994.
« Le nouveau triangle Paris-Pékin-Taipeh », Politique étrangère, 1993.
→ CORÉE (GUERRE DE), MAO ZEDONG, ONU, TCHANG KAï-
CHEK

CHIRAC Jacques (1932)

Haut fonctionnaire passionné par la politique, député de la Corrèze, il


devient à 35 ans secrétaire d’État dans le gouvernement de G. Pompidou en
1967. Et son ascension est fulgurante ! Ministre de l’Intérieur d’un
gouvernement dirigé par P. Messmer (1974), il est Premier ministre de Valéry
Giscard d’Estaing (1974-1976) puis de François Mitterrand lors de la
première cohabitation (1986-1988). Président de la République durant deux
mandats consécutifs (1995-2002 et 2002-2007), à l’instar de ses
prédécesseurs de la Ve République, il garde le contrôle de la politique
étrangère française même quand il doit cohabiter avec un gouvernement de
gauche (1997-2002). Dès son entrée à l’Élysée, il ordonne une ultime série
d’essais atomiques en Polynésie, rompant ainsi avec le moratoire établi par F.
Mitterrand en 1992 et qu’il avait par la suite qualifié de définitif. Ce qui
suscite une tempête de protestations, dans le monde, qui s’apaise en grande
partie lorsque J. Chirac décide la fin prématurée des essais et signe, le 24
septembre 1996, le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires
(TICE). Traitant, dans une allocution du 19 janvier 2006, du maintien de la
crédibilité de la dissuasion dans une période marquée par le terrorisme et les
ambitions nucléaires d’États comme l’Iran et la Corée du Nord, il semble
remettre en cause les principes de la dissuasion nucléaire française en se
rapprochant de fait de la notion de riposte graduée. N’ayant répudié ses
positions eurosceptiques qu’en 1992 en appelant à soutenir le traité de
Maastricht, J. Chirac encourage durant sa présidence le mouvement
d’élargissement de l’Union européenne, sans parvenir à trouver des alliés
parmi les nouveaux membres est-européens de l’Union. En refusant de faire
droit aux revendications de l’Allemagne sur la réforme de la politique
agricole commune (PAC) ou, jusqu’au traité de Nice de décembre 2000,
l’accroissement de sa représentation au sein de l’UE, il prend ses distances
avec la République fédérale malgré une réconciliation avec le chancelier
Schröder fin 2002. De plus, il échoue à faire adopter par référendum la
Constitution européenne (29 mai 2005). En 1995, J. Chirac contribue à
l’implication diplomatique et militaire des États-Unis dans le règlement du
conflit bosniaque. En décembre de la même année, il prône un renforcement
de la coopération avec l’OTAN et envisage même une réintégration de la
France en son sein, projet que le refus de Washington d’une européanisation
de l’OTAN lui fait abandonner. Puis, après les attentats du 11 septembre
2001, il coopère pleinement avec les Américains en matière de lutte
antiterroriste et participe aux opérations en Afghanistan. Mais début 2003, on
assiste à une rupture profonde avec Georges W. Bush lorsque J. Chirac
menace d’utiliser un veto français à l’ONU pour bloquer une résolution
voulue par les États-Unis qui autoriserait l’usage de la force contre l’Irak.
Cependant le dossier libanais est l’occasion d’un certain rapprochement entre
les deux hommes, qui aboutit au vote en septembre 2004 de la résolution
1559 de l’ONU qui force la Syrie à retirer ses troupes du Liban.
AD

REYNIÉ Dominique, Chirac : le premier président d’un monde nouveau,


Paris, Plon, 2007. CANTALOUBE Thomas, Chirac contre Bush : l’autre
guerre, Paris, Lattès, 2004.
→ BUSH (GEORGE W.), GISCARD D’ESTAING, LIBAN
(GUERRES DU), MAASTRICHT (TRAITÉ DE), MITTERRAND,
POMPIDOU, ONU, OTAN, UE

CHOCS PÉTROLIERS

À partir des années 1970, le monde est confronté à une série de hausses
successives et massives du prix du pétrole, provoquant, en Occident
notamment, la fin des Trente Glorieuses. Le premier choc pétrolier intervient
au lendemain de la guerre du Kippour d’octobre 1973. Utilisant le pétrole
comme une arme politique destinée à « punir » les pays occidentaux pour leur
solidarité avec Israël, les producteurs du Proche-Orient décident le 16 octobre
1973 une hausse de 70 à 100 % selon les origines et les quantités livrées,
ainsi que des mesures d’embargo. Dans leur sillage, les pays de l’OPEP
décident de réduire de 5 % chaque mois les livraisons de brut à la plupart des
pays consommateurs ; États-Unis, Pays-Bas, Portugal, Rhodésie et Afrique
du Sud sont frappés d’embargo total ; la France, l’Espagne et le Royaume-
Uni, considérés comme amis, reçoivent la même quantité qu’avant la guerre.
En décembre, à Téhéran, l’OPEP décide une hausse de 130 % du prix affiché
par ses pays membres à compter du 1er janvier 1974. En fait, la réduction de la
production ne dépasse pas 25 % par rapport à septembre 1973, car les autres
producteurs (dont l’Irak qui se désolidarise de l’OPEP) augmentent leur
production. Le choc est néanmoins considérable dans la plupart des pays
industrialisés. Diverses mesures d’adaptation sont prises comme la baisse de
la consommation (– 5 % en France, – 10 % en Allemagne, – 15 % aux Pays-
Bas) provoquant une récession généralisée. Au cours de l’année 1974,
l’OPEP annonce plusieurs séries de hausses de la redevance et des impôts sur
les bénéfices de compagnies pétrolières. La France anticipe les conséquences,
à long terme, de l’utilisation politique du pétrole en décidant, en mars 1974,
le passage au tout nucléaire.
Le second choc pétrolier intervient en 1979. Après la chute du Shah en
janvier, l’Iran qui se déclare en guerre ouverte contre « l’Occident
impérialiste », décide l’arrêt de ses livraisons de pétrole, le quasi-doublement
du prix du brut en une année, et le gonflement des revenus pétroliers. Les
sommes alors disponibles, dépassant les besoins du pays, sont investies ou
recyclées dans les circuits financiers mondiaux : ce sont les pétrodollars.
L'OPEP est au faîte de sa puissance. Des pays du Proche-Orient, les Émirats
arabes unis, le Qatar, le Koweït et l’Arabie Saoudite, deviennent des acteurs
politiques face à un Occident qui ne parvient pas à trouver de réponse
commune, alors même qu’à la fin de la présidence Carter les États-Unis
montrent des signes de faiblesse.
C'est dans le contexte du début de la guerre Iran-Irak qu’interviennent des
hausses désordonnées tout au long de l’année 1980. En septembre, l’Arabian
Light (pétrole léger dépourvu de soufre) est à 30 dollars le baril et à 34
dollars en décembre 1981, provoquant une sévère récession aux États-Unis :
mais les pays de l’OPEP n’arrivent pas à un accord sur un prix unique,
certains pays (Irak, Mexique, Libye, Nigeria) décident même une baisse
unilatérale de leurs tarifs. Le reflux des chocs pétroliers (les contre-chocs) ne
s’amorce qu’en 1982. Le camp des pays producteurs est alors affaibli par le
conflit Iran-Irak, puis par d’autres désaccords politiques. Ces chocs pétroliers
successifs ont à leur actif une prise de conscience assez générale, en
Occident, du prix à payer pour maintenir un certain niveau de vie et une
attention accrue portée aux questions liées à l’environnement et à l’énergie.
MV

NOUSCHI André, Pétrole et relations internationales depuis 1945, Armand


Colin, 1999.
→ CARTER, EMBARGO, ENVIRONNEMENT, KIPPOUR
(GUERRE DU), OPEP, PÉTROLE ET RELATIONS
INTERNATIONALES

CHOU EN-LAI (1898-1976)

Fils de mandarin, il participe en 1922, alors qu’il est étudiant à Paris, à la


création de la branche européenne du parti communiste chinois (PCC). En
1927, il entre au bureau politique dont il est membre jusqu’à sa mort. Aux
côtés de Mao dont il devient le fidèle second, il participe à la Longue Marche
(1934-1935), et se consacre de 1936 à 1946 aux relations du PCC avec
Tchang Kaï-chek et les Américains, tout en cherchant l’appui de Moscou.
Après la victoire de Mao en 1949, il est Premier ministre (1949-1974) et
ministre des Affaires étrangères (1949-1958). Dans ces fonctions, il défend
les politiques les plus diverses en faisant preuve de ses talents de manœuvrier
et de diplomate. Chou En-lai signe avec Vychinski le traité d’alliance sino-
soviétique (14 février 1950), il négocie la restitution par l’URSS de Port-
Arthur et des chemins de fer mandchous. Il représente la Chine communiste à
la conférence de Genève sur l’Indochine (1954), et assure une grande
audience aux thèses chinoises lors de la conférence de Bandoung (1955), et
de ses nombreux voyages dans les pays du Tiers Monde. Il ne peut empêcher
la rupture sino-soviétique (1960-1962), mais survit politiquement à la
révolution culturelle (1966-1969). Celle-ci achevée, il préside au
rapprochement avec les Américains, recevant notamment Henry Kissinger à
Pékin (juillet 1971).
AD

KEIT Ronald C., The diplomacy of Zhou Enlai, New York, St. Martin’s Press,
1989.
→ BANDOUNG (CONFÉRENCE DE), KISSINGER, MAO
ZEDONG, TCHANG KAï-CHEK, TIERS MONDE

CHURCHILL Winston (1874-1964)

Une des grandes figures du 20e siècle dont la carrière politique est précoce
et riche. Après une carrière de journaliste, il est élu, à 26 ans, député
conservateur (1900), puis libéral (1906), et occupe divers postes ministériels
(Industrie, Intérieur, Marine). Limogé de l’Amirauté après le fiasco des
Dardanelles (1915), Lloyd George en fait le ministre des Munitions de son
cabinet d’Union nationale (1917), puis le ministre de la Guerre (1919-1921),
où il fait campagne pour l’intervention contre les Bolcheviques, puis ministre
des Colonies (1921-1922), il tente, avec T. E. Lawrence, de trouver des
solutions aux problèmes du Proche-Orient. Retournant au parti conservateur,
il est le chancelier de l’Échiquier du gouvernement Baldwin (1924-1929). Au
cours des années 1930, il se signale par ses mises en garde contre
l’appeasement (malgré ses sympathies pour les régimes de Mussolini et de
Franco) et sa condamnation des accords de Munich qui le font accéder au
gouvernement comme ministre de la Marine dans le cabinet de guerre de
Chamberlain (2 septembre 1939), avant de lui succéder le 10 mai 1940.
Repoussant toute idée de paix de compromis avec Hitler, malgré la défaite de
l’allié français, il symbolise la résistance héroïque, ne promettant à ses
concitoyens que « du sang, de la sueur et des larmes ». Et il entend mener la
guerre jusqu’à une victoire complète en comptant d’abord sur l’aide de
l’Amérique de Roosevelt, avec lequel il signe la charte de l’Atlantique (12
août 1941). Cependant le poids croissant pris par les États-Unis dans la
conduite des opérations, et la volonté du Premier ministre de maintenir
l’Empire britannique après la guerre tendent ses relations avec le Président
américain. Faisant taire son anticommunisme, il s’allie à Staline après
l’attaque allemande contre l’URSS et soutient les partisans yougoslaves de
Tito, tout en voulant limiter l’expansion soviétique, que ce soit en affrontant
militairement la résistance communiste grecque à Athènes (décembre 1944),
ou en concluant avec Staline un véritable accord de partage de l’Europe
centrale et balkanique (octobre 1944). Congédié par les électeurs britanniques
en pleine conférence de Potsdam (juillet 1945), il appelle à la vigilance des
nations occidentales contre la menace soviétique, lors de son discours de
Fulton (5 mars 1946), et dans celui de Zurich (9 septembre 1946), il
préconise la création d’États-Unis d’Europe, sans le Royaume-Uni ! Premier
ministre de nouveau (26 octobre 1951-5 avril 1955), il laisse une grande
marge d’initiative à son ministre des Affaires étrangères Anthony Eden pour
régler le problème de la participation de la RFA à la défense occidentale et
lors de la conférence de Genève (1954), en caressant toutefois l’idée qu’une
rencontre avec Staline lui permettrait de régler les problèmes mondiaux.
AD

BEDARIDA François, Churchill, Fayard, 1999. KERSAUDY François,


Winston Churchill, Perrin, 2000.
→ APPEASEMENT, ATLANTIQUE (CHARTE DE L'), BALDWIN,
CHAMBERLAIN, DE GAULLE, EDEN, FRANCO, HITLER, LLOYD
GEORGE, MUNICH (ACCORDS DE), ROOSEVELT (FRANKLIN D.),
STALINE, TITO

CHYPRE

Cédée en 1878 à l’Angleterre par l’Empire ottoman dont la souveraineté


nominale est abolie en 1914, cette île à majorité grecque (plus de 85 % de la
population légale aujourd’hui) devient colonie de la Couronne en 1925 après
que la Turquie de Kémal eut renoncé à tout droit sur l’île au traité de
Lausanne. À partir de 1895, le Conseil législatif demande chaque année le
rattachement de l’île à la Grèce, ou Enosis, ce que réclament aussi un
mouvement insurrectionnel en 1931 et 96 % des Chypriotes grecs lors du
référendum illégal organisé en 1950 par l’Église orthodoxe.
Le soutien d’Athènes à cette revendication permet, en 1954, l’inscription
de la question à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’ONU mais
Londres parvient à éviter le débat. Le 1er avril 1955, l’organisation clandestine
chypriote grecque EOKA (Organisation nationale des combattants
chypriotes) entame la lutte armée. En réaction, les Britanniques renforcent le
poids de la minorité turque (18 % de la population de l’île) dans les forces de
l’ordre et introduisent dans le jeu diplomatique une Turquie dont le but est la
partition sur une base ethnique. L'échec des négociations sur l’autonomie
avec l’archevêque Makarios ouvre une période de troubles au cours de
laquelle Ankara organise une milice armée.
En février 1959, le Royaume-Uni, la Grèce et la Turquie s’entendent sur
une indépendance de Chypre dont ils seront garants. Les chefs des
communautés de l’île entérinent ce compromis qui prive les Chypriotes du
droit à l’autodétermination, et auquel Makarios se résout sous la pression
d’Athènes. Le 16 août 1960, l’indépendance est proclamée après l’élection
d’un président grec, l’archevêque Makarios, et d’un vice-président turc – le
docteur Kutchuk. L'Angleterre conserve deux bases (200 km2) et une station
radar couvrant le Moyen-Orient. La Constitution donne un large droit de veto
aux représentants de la minorité turque qui, appuyés par la junte d’Ankara,
bloquent dès 1961, le fonctionnement de l’État.
La réforme constitutionnelle proposée par Makarios pour remédier à cette
situation provoque, fin 1963, des heurts intercommunautaires. Les leaders
turcs proclament un gouvernement séparé et revendiquent un État fédéral.
Une fois le cessez-le-feu imposé par l’ONU, des troupes britanniques, puis
une force de paix, l’UNFICYP, se déploient dans les zones de conflit. La
minorité s’autogouverne désormais dans des enclaves et Nicosie est coupée
en deux par une « ligne verte ». L'échec des plans de U Thant et du président
Johnson manque de peu d’aboutir à une guerre gréco-turque en 1964.
En butte à l’hostilité des colonels grecs (au pouvoir depuis 1967) qui se
disent prêts à régler le problème par une négociation bilatérale avec Ankara,
Makarios, dont le non-alignement suscite la méfiance de Washington, est
chassé de Nicosie, le 15 juillet 1974, par un putsch téléguidé d’Athènes. Le
20, les Turcs débarquent dans l’île en vertu des accords de 1959 et
s’emparent de 5 % du territoire. Les États-Unis s’opposant à toute réaction
grecque, le régime militaire s’effondre à Athènes où Caramanlis devient
Premier ministre. Les pouvoirs publics réguliers sont rétablis à Nicosie.
Lors de négociations à Genève (juillet-août), la Turquie exige deux États
fédérés et 33 % du territoire. Du 14 au 16 août, elle envahit 37 % de l’île, et,
après un nouveau cessez-le-feu, expulse les Grecs du nord où elle regroupe
les Chypriotes turcs vivant au sud. L'UNFICYP se déploie le long d’une ligne
de démarcation de 180 km. Depuis 1974, 35 000 soldats turcs occupent le
nord où au moins 80 000 colons anatoliens ont été installés. En 1975, Rauf
Denktash y proclame un État fédéré turc de Chypre puis, en 1983,
l’indépendance de la République turque de Chypre du Nord, reconnue par la
seule Turquie dont elle dépend entièrement sur le plan financier. Il refuse
toute liberté de circulation et d’établissement ainsi que l’indemnisation des
réfugiés spoliés, et n’accepte d’éventuelle réunification que fondée sur la
confédération très lâche de deux États souverains.
En revanche, les dirigeants de la République de Chypre, seul État
internationalement reconnu, acceptent le principe d’une fédération bi-zonale
et bi-communautaire ainsi que d’une aide économique massive au
développement du nord, ils renoncent à obtenir le retour de tous les réfugiés
et le départ immédiat des troupes turques. Aussi les résolutions 789 et 939 du
Conseil de sécurité dénoncent-elles la responsabilité turque dans le blocage
de la situation.
Associée à la CEE en 1972, la République de Chypre dépose sa demande
d’adhésion en 1990. Après avoir subordonné l’examen de cette candidature à
la réunification de l’île et devant le blocage de la situation par la Turquie,
l’Union européenne engage le processus d’adhésion de Chypre en 1997. Les
médiations conduites par ailleurs, dans le cadre de l’ONU, aboutissent à un
plan de réunification proposé à ratification par référendum en avril 2004.
Mais s’il est adopté dans la partie occupée, le plan Annan est massivement
repoussé (75,8 %) au sud par la population grecque pour laquelle le système
proposé entérinerait l’essentiel de l’état de fait établi par le coup de force turc
de 1974 et établirait un système institutionnel impraticable.
La République de Chypre est devenue membre de l’Union européenne le
1 mai 2004. Mais l’ouverture de la ligne verte (2003) qui permet aux
er

Chypriotes turcs de venir travailler au sud, la crise du « système Denktash »


depuis lors, les pressions exercées sur la Turquie pour raison d’adhésion à
l’UE et finalement les victoires, dans la zone occupée (législatives en février
2005 et présidentielle en avril), d’un partisan de la réunification, Mehmet Ali
Talat, ouvrent de sérieuses perspectives pour le règlement définitif de la
question.
OD

DREVET Jean-François, Chypre en Europe, Paris, L'Harmattan, 2000.


→ CARAMANLIS, CEE, GRÉCO-TURCS (DIFFÉRENDS),
JOHNSON, KÉMAL, LAUSANNE (TRAITÉ DE), MAKARIOS, ONU
(CONSEIL DE SÉCURITÉ), UE, U THANT

CIA (CENTRAL INTELLIGENCE AGENCY)

Dans un pays où l’espionnage a longtemps été jugé indigne d’un


gentleman et où le premier service de renseignements, l’Office of Strategic
Services (OSS) de William Donovan n’est créé qu’après le désastre de Pearl
Harbor pour être démantelé aussitôt la guerre finie, la création en temps de
paix de la CIA constitue presque une révolution. Suscitée par la guerre froide,
elle en est un instrument majeur, instituée avec le Conseil national de sécurité
(NSC) par le National Security Act du 26 juillet 1947. Agence exécutive
autonome directement responsable devant le président, la CIA n’est pas seule
en charge du renseignement extérieur du gouvernement américain ; elle n’est
aujourd’hui encore que l’une des quinze officines de renseignement. Pire, les
tentatives pour rationaliser les actions ont échoué, et la création en 1961 de
l’Agence de renseignement militaire (DIA, Defence Intelligence Agency) par
exemple, n’empêche pas le service de renseignement de chacune des armes
de subsister. La CIA n’est pas même la plus importante des agences de
renseignement du gouvernement américain d’un point de vue financier,
largement dépassée par la très secrète NSA (National Security Agency) créée
en 1952, dépendante du Pentagone, chargée des écoutes et du renseignement
électronique. Avec un budget estimé à trois milliards de dollars en 1997, soit
le vingtième des sommes consacrées par les États-Unis à l’espionnage et au
contre-espionnage, et des effectifs de 16 000 personnes (le service français, la
DGSE à la même période compte 2 500 collaborateurs et un budget de 130
millions d’euros), la CIA, installée à Langley en Virginie depuis 1961, est
néanmoins au centre du dispositif, coordonnant en principe les opérations des
différents services, son directeur, jusqu’à la toute récente réforme de 2004
tout du moins, se trouvant en outre statutairement le directeur de l’ensemble
de la communauté américaine du renseignement et son représentant au sein
du NSC. Outre les « missions spéciales » qui focalisent l’attention, la CIA a
pour fonction essentielle d’informer le Président en publiant le President’s
Daily Brief, remis chaque matin aux seuls Président, vice-Président,
secrétaire à la Défense, secrétaire d’État et conseiller au NSC. Elle coordonne
aussi la rédaction des national Intelligence Estimate, documents de référence
de la communauté américaine du renseignement traitant de questions
stratégiques.

Contre l’ennemi communiste

Durant les premiers temps, elle connaît autant d’échecs (en Albanie en
1949 pour renverser le régime d’Enver Hodja ou au Tibet en 1950 en soutien
à la résistance contre la Chine communiste) que de succès, assurant par ses
subsides, la victoire des démocrates chrétiens sur les communistes aux
élections italiennes de mai 1948, en finançant tout au long de la guerre froide,
par le canal de l’AFL-CIO, de nombreux syndicats non communistes
européens, parvenant en France notamment à la scission de FO de la CGT.
C'est sous la présidence Eisenhower qu’elle vit son âge d’or. En militaire
convaincu de l’intérêt de services secrets, le Président apprécie la discrétion
d’une agence, dont le directeur, Allen Dulles, ancien de l’OSS en Suisse
durant la guerre, n’est autre que le frère du secrétaire d’État. La CIA acquiert
alors une place presque encombrante dans la politique étrangère américaine.
L'Agence est ainsi chargée en août 1953 d’organiser une révolte contre le
leader nationaliste iranien Mossadegh perçu comme un fourrier du
communisme et coupable d’avoir nationalisé l’Anglo-American Oil. En juin
1954, elle renverse au Guatemala le gouvernement Arbenz qui s’apprête à
exproprier la compagnie américaine United Fruit. Elle obtient en 1956 le
texte du rapport secret de Khrouchtchev sur les « crimes de Staline »,
fournissant au camp occidental une formidable arme de propagande ; elle
réussit le percement d’un tunnel dans Berlin-Est en février 1955 qui permet
aux Américains d’intercepter les communications soviétiques pendant plus
d’un an ; elle met au point, dès juin 1956, le programme d’avions-espions
U2, volant à plus de 70 000 pieds hors de portée de tout missile existant, tout
en pouvant prendre des clichés d’une précision extrême qui offre aux États-
Unis le moyen d’apprécier les capacités militaires de leurs ennemis.
Le fiasco de la Baie des Cochons à Cuba (17 avril 1961) marque la fin
d’une époque, provoquant la démission d’Allen Dulles et de Richard Bissell,
concepteur du programme U2, comme de l’opération qui montre les dangers
d’une CIA ne se limitant plus à informer le gouvernement mais cherchant par
des moyens détournés à imposer sa politique. D’ailleurs, si l’influence et
l’action de ses premiers directeurs, dont le général Walter Bedell Smith
(1950-1953), Allen Dulles (1953-1961) et John McCone (1961-1965) lui ont
permis de s’imposer, les événements des années 1960 et 1970 ne lui sont pas
favorables. Après n’avoir pas su prévoir l’édification du mur à Berlin en
1961, coup sur coup, elle est incapable d’annoncer l’invasion de la
Tchécoslovaquie en 1968, la guerre israélo-arabe de 1973, le choc pétrolier
qui la suit, et dans la seule année 1974, le premier test nucléaire de l’Inde, le
coup d’État à Chypre et son invasion par la Turquie ! Les présidents Johnson
et Nixon se méfient de la CIA, bien qu’elle se distingue au Vietnam en
mettant sur pied une armée de 35 000 hommes des tribus Méos pour opérer
derrière les lignes des forces communistes du Pathet Lao et couper la piste
Ho Chi Minh, et qu’elle participe activement en 1973 au renversement du
gouvernement Allende au Chili dont les velléités nationalisatrices
inquiétaient des firmes américaines comme ITT. Ce rôle, une fois connu,
altère encore son image qui atteint son étiage au milieu des années 1970. Pire,
essuyant les contrecoups du Watergate auquel on la soupçonne d’avoir
participé, elle fait l’objet d’enquêtes parlementaires sous la pression de
l’opinion publique et de la presse concernant des assassinats, ou tentatives, de
chefs d’État étrangers dans des actions illégales (notamment Ngô Dinh Diêm
au Sud-Vietnam, Castro, le colonel Kassem en Irak ou Lumumba au Congo
auquel elle préfère Mobutu). Dans une Amérique en proie au doute, est ainsi
posée la question du contrôle des services secrets par une démocratie et pour
certains, celle de l’existence de services secrets dans une démocratie.
L'assassinat de chefs d’État étrangers est explicitement interdit, et, avec la loi
Hugues-Ryan de 1974, le contrôle parlementaire est instauré.
Le fiasco iranien témoigne de l’état de la CIA à la fin des années 1970, la
non-prévision de la chute du Shah en janvier 1979, l’incapacité à envisager la
révolution islamique et la prise de l’ambassade américaine, l’échec complet
enfin de l’opération militaire de récupération des otages, démontrant un
manque criant d’information. Toujours contestée par la gauche, elle l’est
désormais aussi par la droite américaine, même si elle mène alors de vastes
opérations clandestines contre l’expansion soviétique, appuyant la résistance
anticommuniste au Cambodge ou l’UNITA en Angola.
Sous la direction de William Casey (1981-1987), l’Agence soutient les
rebelles afghans en lutte contre l’Armée rouge par l’intermédiaire du Pakistan
ou de fondamentalistes musulmans. Faisant de l’action clandestine une
priorité absolue, elle cherche à contourner le contrôle législatif, l’activisme
de l’expérience Reagan se soldant en définitive dans la même atmosphère de
scandale que les années 1970, avec l’Iran-Contragate, les actions clandestines
peu discrètes au Nicaragua, le trafic de stupéfiants pour financer les contras,
le soutien à la répression gouvernementale au Guatemala…

L'après-guerre froide et le temps des crises

Retombées de l’Irangate, relative inefficacité du renseignement américain


lors de la guerre du Golfe et chute du communisme expliquent en partie la
période de turbulences que traverse alors la Centrale. Après de nombreux
échecs en Irak dans son action contre Saddam Hussein, provoquant
notamment l’élimination de toute l’opposition kurde, la CIA est secouée en
1994 par la découverte de la taupe Aldrich Ames espionnant depuis près de
vingt ans au profit de l’URSS. L'instabilité des directeurs sous les présidences
Clinton témoigne de ce malaise, deux candidats présidentiels ne recevant pas
la confirmation du Congrès pour la première fois dans l’histoire d’une CIA
qui ne bénéficie plus du consensus de guerre froide, son existence même
devenant objet de controverse. Dans une opération de relations publiques et
la volonté évidente de reconquérir l’opinion, l’Agence mène enfin une timide
politique d’ouverture de ses archives. Mais surtout, ayant désormais à
justifier son existence, la CIA réoriente ses activités pour 40 % environ de
nature économique, valorise les nouvelles menaces en créant en 1989 un
centre de lutte pour les stupéfiants, une branche chargée des problèmes de
prolifération nucléaire ou chimique en 1993, et plus important peut-être, une
division anti-terroriste en 1990. La mise en avant de cette nouvelle menace
terroriste autour de la figure largement médiatisée par la CIA elle-même
d’Ousama Ben Laden n’allait pourtant pas empêcher les attentats du 11
septembre 2001. L'événement, au-delà de signaler l’échec complet de la
chasse à l’homme menée avec force publicité depuis les attentats perpétrés
contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie en août 1998,
révélait les limites d’une CIA ayant trop exclusivement parié sur le
renseignement technologique (sigint) au détriment du renseignement humain
(humint) comme les problèmes de communication entre CIA et FBI,
remettant finalement en cause l’ensemble de l’appareil de renseignement
américain. Cette crise de confiance pour l’agence, associée aux polémiques
concernant les informations sur les armes dites de destruction massive en Irak
entraîne en définitive en 2004 la démission du directeur George Tenet, en
place depuis sept ans (1997-2004). Alors qu’un vrai malaise s’est créé entre
la CIA et son administration (affaire Joe Wilson/Valerie Plame, accusations
de manipulation de renseignements à des fins politiques, démissions en
masse d’agents chevronnés de l’agence), le président Bush en profite donc
pour nommer un homme à lui, Porter Goss, en charge de reprendre l’agence
en main, et avec l’Intelligence Reform and Terrorism prevention Act pris en
2004, modifie le National Security Act de 1947 et l’organigramme de
l’appareil de renseignement américain, en instituant un directeur du
renseignement national chapeautant l’ensemble des officines de
renseignement du gouvernement américain dont la CIA, poste auquel est
nommé le diplomate John Negroponte. En 2006, et pour la première fois de
son histoire, un militaire, Michael Hayden, ex-directeur de la NSA, est
imposé à la tête de l’Agence, sans pouvoir mettre un terme aux guerres
intestines qui la secouent. Lasse de jouer le bouc émissaire des échecs
politiques, malmenée, la CIA qui traverse en effet la crise la plus grave de
son histoire sans doute et connaît un exode massif d’agents et d’analystes, se
défend, entrant presque en rébellion contre le pouvoir politique par
l’intermédiaire de ses anciens et d’ex-agents qui à l’instar de Robert Baer
multiplient les témoignages et les mises en cause dans des ouvrages à succès.
Mais témoin complice de la présence fictive d’armes de destruction massive
en Irak, son action est décriée comme jamais, et ne peut se démarquer de
l’action menée par l’administration Bush durant laquelle l’agence a été le
maître d’œuvre d’emprisonnements forcés et de vols secrets avec exportation
de la torture en Europe et a mis en pratique son « savoir-faire » à Abou
Ghraib et Guantanamo. En avril 2009, le président Obama entend remettre de
l’ordre dans la CIA.
PMD
ANDREW Christopher, For the President’s Eyes Only. Secret Intelligence
and the American Presidency from Washington to Bush, New York, 1996.
DURANDIN Catherine, CIA, cinq années de colère, Armand Colin, Paris,
2008.
GUISNEL Jean, La citadelle endormie : faillite de l’espionnage
américain, Fayard, Paris, 2002. JEFFREY-JONES Rhodri, The CIA and
American Democracy, 3e édition, Yale University Press, New Haven, 2003.
www.cia.gov
→ ALLENDE, AL QAïDA, BERLIN, BUSH (GEORGE W.),
CASTRO, CHOCS PÉTROLIERS, CHYPRE, CLINTON, CONGO,
CUBA, EISENHOWER, GOLFE (GUERRE DU), IRANGATE,
ISRAÉLO-ARABES (CONFLITS), JOHNSON, KHROUCHTCHEV,
MOBUTU, NIXON, REAGAN, RENSEIGNEMENT

CLEMENCEAU Georges (1841-1929)

Né dans une famille vendéenne de tradition républicaine, il entre en


politique en 1870 après des études de médecine et un séjour aux États-Unis.
Député radical à partir de 1876, il s’oppose à la politique coloniale qui risque
de détourner l’armée française de sa mission prioritaire de revanche contre
l’Allemagne. Président du Conseil de 1906 à 1909, il s’attache à renforcer le
système d’alliance de la France. Après l’entrée en guerre en 1914, il multiplie
les attaques contre les hommes politiques suspects de mollesse ou de
défaitisme. À nouveau président du Conseil (novembre 1917-janvier 1920), il
définit ainsi son programme : « Je fais la guerre », il sévit contre les tenants
d’une politique de faiblesse et obtient en mars 1918, que le général Foch soit
nommé « commandant en chef des armées alliées en France ». Après
l’armistice, il domine, avec Wilson, la conférence de la Paix, réunie à Paris à
partir du 18 janvier 1919. Ne croyant pas à l’idéal du wilsonisme, cherchant
avant tout des garanties contre l’Allemagne, il doit modérer ses exigences
face aux Anglo-Saxons. Il obtient la restitution de l’Alsace-Lorraine, mais ni
de la Sarre, ni de la rive gauche du Rhin. Il renonce à une occupation
permanente de la Rhénanie, contre une occupation temporaire, assortie de la
promesse de traités de garanties, qui seraient signés indépendamment par les
États-Unis et le Royaume-Uni. Quant aux réparations le principe en est
admis, mais il ne peut obtenir que leur montant soit fixé. Ne parvenant pas,
en janvier 1920, à se faire élire à la présidence de la République, d’où il
espérait pouvoir surveiller l’application du traité de Versailles, il se retire de
la vie publique.
AD

DUROSELLE Jean-Baptiste, Clemenceau, Fayard, 1988.


→ ALSACE-LORRAINE, RÉPARATIONS, SARRE, TRAITÉS DE
PAIX, WILSON

CLINTON William Jefferson (1948)

C'est en champion des affaires intérieures, promettant de se concentrer sur


les problèmes économiques du pays, que le démocrate Bill Clinton l’emporte
en 1992 contre un George Bush auréolé de ses succès de politique étrangère.
De fait, le nouveau Président consacre très peu d’attention à l’étranger,
hormis les dossiers économiques où son activisme, parfois agressif (contre le
Japon notamment), porte ses fruits : ratification de l’ALENA (1993), accords
du GATT instituant l’OMC (1994) par le Congrès, gestion de la crise
mexicaine (début 1995). En revanche, sa volonté initiale de renforcer le rôle
de l’ONU et de pratiquer un « multilatéralisme déterminé » pour la gestion
des crises ne résiste pas au revers en Somalie (octobre 1993) : la conquête du
Congrès par les républicains en novembre 1994 accentue la désaffection
américaine vis-à-vis de l’ONU et une forte détérioration des relations marque
ses deux mandats. Sa politique de « triangulation » (cooptation du
programme des républicains) l’aide à remporter la victoire en 1996 ;
néanmoins, la politique étrangère américaine est marquée par un retour en
force du Congrès et des lobbies, sur un mode parfois unilatéral et arrogant
(lois extraterritoriales Helms-Burton et d’Amato-Kennedy, en 1996). Si
l’administration Clinton ne se résout à l’intervention en ex-Yougoslavie que
tardivement et sous la contrainte en 1995, maintient, après la guerre du Golfe,
Saddam Hussein sous contrôle au prix d’un embargo critiqué, et ne parvient
pas à régler les problèmes du Proche-Orient, ses succès sont ailleurs : dans
l’intégration de la Russie et de la Chine au système international, par un
mélange d’endiguement (crise de Taiwan en 1996) et d’engagement (accord
pour l’entrée de la Chine à l’OMC en 2000) ou encore l’extension de
l’OTAN.
PMD

HYLAND William, Clinton’s World : remaking US Foreign Policy, Westport,


Praeger, 1999.
MELANDRI Pierre, VAïSSE Justin, L'Empire du milieu, les États-Unis et
le monde après la fin de la guerre froide, Odile Jacob, 2001.
→ ALENA, BUSH (GEORGE), EMBARGO, ENDIGUEMENT,
GATT, GOLFE (GUERRE DU), HELMS-BURTON, OMC, ONU,
OTAN

COCOM (COORDINATING COMMITTEE FOR MULTILATERAL


EXPORT CONTROL)

Organisme officieux créé en septembre 1949, dans le cadre de la guerre


froide par simple consensus, et dont le siège occupe une annexe de
l’ambassade américaine à Paris, le COCOM a pour rôle de contrôler
l’exportation de technologie sensible vers l’URSS et ses alliés en établissant
la liste des produits soumis à embargo (nucléaires, militaires, civils mais de
technologie duale), et en surveillant l’identité de l’utilisateur comme l’usage
réel qui en est fait. D’origine américaine avec l’Export Control Act voté le 28
février 1949 par le Congrès, l’idée de contrôler les exportations vers l’Est se
généralise avec l’adoption en 1951 du Battle Act qui prive d’aide militaire et
économique américaine tout pays qui refuserait de coopérer à cette politique.
Regroupant les pays de l’OTAN (sauf l’Islande), le Japon, l’Australie depuis
1989 et la Corée du Sud en 1990, le COCOM, sans aucun statut juridique,
voit son efficacité dépendre du bon vouloir des États. N’ayant pu tout à fait
éviter l’âpreté des rivalités commerciales, les ventes clandestines et le
renseignement technologique côté soviétique, le COCOM a été accusé de «
passoire ». Les efforts soviétiques pour le contourner témoignent pourtant
d’une certaine efficacité. Après avoir été renforcé sous Reagan, la dislocation
du bloc soviétique supprime sa raison d’être. Dissous en mars 1994, il est
réorienté vers un contrôle du matériel militaire des autres États qui
constituent une menace : Corée du Nord, Irak ou Libye. Un CHINCOM pour
les exportations vers la Chine a existé de 1952 à 1957 au côté du COCOM.
PMD

LABBÉ Marie-Hélène, La Politique américaine de commerce avec l’Est,


1969-1989, PUF, 1990. MASTANDUNO Michael, Economic containment :
Cocom and the politics of East-West Trade, New York, 1992.
→ EMBARGO, GUERRE FROIDE, OTAN, REAGAN,
RENSEIGNEMENT

COCONA (CONSEIL DE COOPÉRATION NORD-ATLANTIQUE) (en


anglais NACC)

Créé le 20 décembre 1991 à l’initiative des États-Unis et de l’OTAN, le


COCONA est une institution consultative suscitée par la fin de la guerre
froide, la disparition du pacte de Varsovie et, en conséquence, les problèmes
d’intégration des pays de l’Est à l’Europe. Il réunit périodiquement les
ambassadeurs et, une fois l’an, les ministres des seize pays de l’OTAN, des
anciens membres du pacte de Varsovie et des républiques de l’ex-URSS, pour
discuter des questions de sécurité et des politiques de défense, sans avoir
l’ambition du Partenariat pour la paix (lancé par les États-Unis en septembre
1993 pour instaurer une coopération militaire entre tous ces pays) qui peut
apparaître comme une salle d’attente de l’OTAN. Ainsi, ses membres ont
signé en juin 1992 un accord confirmant leur adhésion au traité FCE.
PMD

→ DÉSARMEMENT, GUERRE FROIDE, OTAN, VARSOVIE


(PACTE DE)

COEXISTENCE PACIFIQUE → GUERRE FROIDE

COMECON
Fondé le 1er janvier 1949 à l’initiative de l’URSS avec la Bulgarie, la
Hongrie, la Pologne, la Roumanie et la Tchécoslovaquie, la RDA en étant par
ailleurs membre à partir de 1950 et l’Albanie de 1949 à 1962, le Conseil
d’Aide économique mutuelle (CAEM) plus connu sous son nom anglais de
COMECON, est le cadre institutionnel des relations économiques entre les
pays d’Europe de l’Est, même s’il a ensuite accueilli la Mongolie en 1961,
Cuba en 1972 et le Vietnam en 1978. Facette économique du bloc soviétique,
le COMECON naît de considérations politiques et stratégiques, en réplique
au plan Marshall que les pays d’Europe orientale rejettent sous la pression
soviétique, et à la création de l’OECE le 16 avril 1948. Il se limite à favoriser
les accords commerciaux bilatéraux sous Staline, et se développe au milieu
des années 1950 en multipliant les activités de coopération, lance en 1958 ses
premiers projets d’investissements multilatéraux (oléoduc Amitié, réseau
électrique Mir). Il vise alors à l’intégration totale des économies des pays
membres, suivant les principes de division internationale socialiste du travail
et de spécialisation, projet contre lequel la Roumanie notamment s’oppose
avec virulence au début des années 1960, refusant d’être réduite au rôle
d’appendice agricole d’économies plus avancées. Le programme de Bucarest
de juillet 1971 et la révision de la charte du CAEM en 1974 affirment les
objectifs de développement équilibré des économies de chaque pays et de
rapprochement des niveaux de développement entre les membres. Mais dans
les faits, les échanges se font essentiellement au profit de l’URSS. Le rouble
« transférable », monnaie de compte à l’intérieur du CAEM mais pas
convertible en devises fortes, suscite des échanges essentiellement bilatéraux
et ne favorise pas la constitution d’un vrai marché. Après la désintégration de
l’Union soviétique, le CAEM est dissous le 28 juin 1991, ses anciens
membres préférant réorienter leurs échanges avec l’Ouest pour préparer une
hypothétique entrée dans l’Union européenne.
PMD

LEMOINE Françoise, Le COMECON, PUF, 1982.


→ MARSHALL (PLAN), OECE, STALINE

COMMONWEALTH
C'est l’ensemble des États issus de l’Empire britannique. Le terme apparaît
pour la première fois en 1921 dans le traité de Londres qui reconnaît
l’existence d’un nouveau
États membres du Commonwealth (par ordre de leur date
d’accès à l’indépendance)

Royaume-Uni Malawi (6/7/1964) Papouasie-Nouvelle-Guinée

Canada (1/7/1867) Malte (21/9/1964) (16/9/1975)

Australie (1/1/1901) Zambie (24/10/1964) Seychelles (29/6/1976)

Nouvelle-Zélande (26/9/1907) Gambie (18/2/1965) Îles Salomon (7/7/1978)

Inde (15/8/1947) Maldives (26/7/1965) Tuvalu (1/10/1978)

Sri-Lanka (4/2/1948) Singapour (9/8/1965) Dominique (3/11.1978)

Ghana (6/3/1957) Guyana (26/5/1966) Sainte-Lucie (22/2/1979)

Malaisie (31/8/1957) Botswana (30/9/1966) Kiribati (12/7/1979)

Chypre (16/8/1960) Lesotho (4/10/1966) Saint-Vincent et Grenadines

Nigeria (1/10/1960) Barbades (30/11/1966) (27/10/1979)

Sierra Leone (27/4/1961) Nauru (31/1/1968) Zimbabwe (18/4/1980)

Tanzanie (9/12/1961) Maurice (12/3/1968) Vanuatu (30/7/1980)

Samoa occidentale (1/1/1962) Swaziland (6/9/1968) Belize (21/9/1981)

Jamaïque (6/8/1962) Tonga (4/6/1970) Antigua et Barbuda (1/11/1961)

Trinidad et Tobago (31/8/1962) Bangladesh (16/12/1971) Saint-Christophe

Ouganda (9/10/1962) Bahamas (10/7/1973) et Nevis (19/9/1983)

Kenya (12/12/1963) Grenade (7/2/1974) Brunei (1/1/1984)

dominion (territoire jugé assez évolué pour bénéficier de la souveraineté


interne sous la dépendance du souverain britannique), l’État libre d’Irlande,
qui s’ajoute aux autres dominions : Canada, Australie, Nouvelle-Zélande et
Union sud-africaine. En 1931, le statut de Westminster, préparé par le rapport
Balfour, substitue à l’Empire une communauté de nations britanniques
(British Commonwealth of Nations) liées par un serment d’allégeance à la
Couronne britannique et par leur libre volonté d’association. En 1932, les
accords d’Ottawa établissent le principe d’une « préférence impériale ». La
décolonisation oblige à reconsidérer les définitions antérieures : tous les
territoires qui se trouvaient sous juridiction britannique n’ont pas rejoint le
Commonwealth. En 1949, le Commonwealth est défini comme un ensemble
multiethnique et multilinguistique, sans allégeance à la Couronne, ce qui
permet de maintenir dans cet ensemble des États républicains comme l’Inde
(1950). Des conférences périodiques de chefs d’État ou de gouvernement
assurent un minimum de solidarité que renforce l’institution à Londres d’un
secrétariat pour le Commonwealth. Après le départ de la Birmanie et de
l’Irlande (1948), du Soudan (1956), de la Somalie, du Koweït, de l’Afrique
du Sud (1961), de la Rhodésie (1965) et du Pakistan occidental (1972), le
Commonwealth compte quarante-huit membres.
Les tensions au sein du Commonwealth ne sont pas absentes : lors de la
crise de Suez, la Grande-Bretagne se trouve isolée ; l’apartheid suscite des
tensions ; des conflits internes créent des points de friction (neutralisme de
l’Inde, atlantisme du Kenya, guerre du Biafra). L'appartenance de la Grande-
Bretagne à l’Alliance atlantique et à la CEE l’éloigne de la zone tropicale et
son commerce extérieur n’est que de 10 % avec le Commonwealth. C'est
donc de plus en plus une association informelle liée par la présence
symbolique de la dynastie Windsor et des usages socioculturels.
MV

→ ALLIANCE ATLANTIQUE, APARTHEID, BIAFRA (GUERRE


DU), CEE, DÉCOLONISATION, NEUTRALISME, SUEZ (CANAL ET
CRISE DE)

COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EUROPÉENNE (CEE)

Après l’échec de la CED (1954), la construction européenne est en panne.


Sur la base d’un mémorandum du Benelux, inspiré par le Français Monnet, le
Hollandais Beyen et le Belge Spaak, les ministres des Affaires étrangères des
Six membres de la CECA se rencontrent à Messine (1er-3 juin 1955) avec la
volonté de relancer la construction de l’Europe. Un comité comprenant des
Britanniques et présidé par P.-H. Spaak, mis en place en juillet 1955, présente
un rapport aux Six, le 8 avril 1956. Il propose la création d’un marché
commun pour l’ensemble des productions industrielles et agricoles ; une
union douanière avec la suppression des mesures protectionnistes entre les
Six et la mise en place d’un tarif extérieur commun ; dans la perspective de
besoins toujours accrus d’énergie pour une Europe dépourvue de pétrole, il
est aussi favorable à une communauté atomique européenne. Malgré ses
réticences, la RFA accepte ce rapport comme base de discussion, la France
craint la concurrence pour son industrie, mais souhaite que son agriculture
puisse bénéficier du marché commun, et que ses territoires d’outre-mer soient
associés. Des négociations entre les gouvernements des Six membres de la
CECA (la Grande-Bretagne y assiste comme observateur) commencent sur
cette base. Les travaux avancent plus rapidement pour l’Euratom que pour le
marché commun, notamment à cause des problèmes énergétiques et des
réticences de Paris. La France obtient une période transitoire de douze ans
pour une libéralisation progressive des échanges. La nécessité de mesures de
protection communautaire est reconnue pour l’agriculture, mais la France,
principal producteur, qui voudrait que soit instaurée la préférence
communautaire, n’obtient que la perspective d’une organisation commune
des marchés agricoles, à définir avant le passage à la deuxième étape de la
période transitoire. Pour les territoires d’outre-mer, une convention
d’association pour cinq ans est établie, dans le cadre de l’aide au
développement. À la différence de la CECA, les institutions écartent toute
idée de supranationalité ; la Commission est composée de neuf membres (un
ressortissant au moins par État), l’Assemblée commune et la Cour de justice
de la CECA ont compétence pour les nouvelles Communautés. Un Comité
économique et social, représentant les employeurs et les salariés, a un rôle
consultatif pour la CEE et l’Euratom. Les traités instituant la CEE et
l’Euratom sont signés à Rome en mars 1957. Bruxelles est choisie pour être
le siège des conseils des ministres des deux Communautés, des deux
Commissions et du Comité économique et social.
Deux hypothèques pèsent sur la CEE : le vœu britannique d’une grande
zone de libre-échange et la création de l’AELE qui pourraient la gêner, et le
retour du général de Gaulle aux affaires, opposant déterminé à la CECA et à
la CED. Néanmoins, la mise en route du marché commun se fait le 1er janvier
1959, avec la baisse de 10 % des droits de douane entre les Six et la réduction
des contingentements. Les clauses de sauvegarde que Paris craignait devoir
demander n’ont pas été nécessaires.
Au cours de la première étape (1959-1962), les réductions tarifaires sont
adoptées plus tôt que prévu sur les produits industriels, aussi l’union
douanière est achevée le 1er juillet 1968, avec dix-huit mois d’avance. Mais la
deuxième étape est plus difficile à cause de la mise en œuvre de la PAC.
Après l’échec du plan Fouchet, un traité du 8 avril 1965 engage la fusion
des exécutifs des trois Communautés avec trois organes : un Conseil des
ministres des Affaires étrangères ou des ministres techniques ; une
Commission composée de membres nommés par les gouvernements ; un
comité des représentants permanents des États (COREPER) qui prépare les
travaux du Conseil en liaison avec la Commission. Bruxelles reste le siège de
la Commission et du Conseil, le Parlement (nom que prend l’Assemblée en
1962) est à Strasbourg, Luxembourg garde la Cour de justice, les services
administratifs du Parlement et reçoit la Banque européenne
d’investissements. Le traité qui crée la Communauté européenne entre en
vigueur le 1er juillet 1967, après le départ du président de la Commission,
Walter Hallstein, suspecté par la France d’avoir voulu en faire un véritable
exécutif.

Premières transformations

L'élargissement de la CEE à d’autres membres est amorcée en 1969 et


entraîne des modifications dans les clauses du traité. Après le sommet de La
Haye de décembre 1969 et le triptyque « élargissement, approfondissement et
achèvement », un traité prévoit la mise en place des ressources financières
propres à la CEE, incluant les prélèvements agricoles, les droits de douane et
une partie des recettes de la TVA. L'essentiel des ressources est affecté à la
PAC. Mais face à la crise économique, les États de la CEE remettent en
question les dispositions communautaires pour protéger leur économie
nationale. Le gouvernement travailliste britannique demande une
renégociation du traité sur le plan agricole et sur leur contribution au budget ;
leur période transitoire est prolongée. La CEE se concentre sur l’achèvement
de l’union douanière car les conceptions divergentes obligent à ajourner le
projet d’union économique et monétaire. Le Fonds européen de
développement régional (FEDER), mis sur pied en 1975, aide au
développement des régions défavorisées, avec des ressources limitées au
départ, mais il est gêné par la crise économique mondiale.
L'Acte institutionnel du 20 septembre 1976 prévoit que les élections au
Parlement auront lieu au suffrage universel direct en 1979. En 1988, la CEE
signe un accord avec les pays du COMECON, ainsi que des accords
bilatéraux avec la Hongrie, la Tchécoslovaquie, la Pologne et l’URSS (1988-
1989). Après l’unification de l’Allemagne (octobre 1990) les cinq länder de
l’ancienne RDA bénéficient de mesures spécifiques pour faciliter leur
adaptation ; la prééminence de l’Allemagne est alors plus nette dans
l’ensemble européen.
La coopération touche des domaines divers avec des institutions
spécialisées comme l’ESA (European Space Agency - Agence spatiale
européenne) qui a en charge notamment le programme de la fusée Ariane, ou
le programme de recherches technologiques Eurêka ; avec le programme
Erasmus, les jeunes obtiennent des facilités pour étudier dans un des pays de
la CEE.

La CEE de Six à Douze

La Petite Europe limitée aux six signataires du traité de Rome s’élargit


progressivement à d’autres États européens. Après avoir décliné l’offre de
s’associer au Marché commun et créé l’AELE, la Grande-Bretagne change
d’avis en raison du dynamisme de la CEE. Le Premier ministre conservateur,
Harold Macmillan annonce, en juillet 1961, son intention de poser la
candidature britannique à la CEE. Les négociations sont difficiles, car
Londres n’accepte pas les acquis communautaires du fait de ses intérêts dans
le Commonwealth, et demande à bénéficier d’exemptions. De Gaulle y met
fin le 14 janvier 1963, sous prétexte que la Grande-Bretagne est différente
des États de l’Europe continentale, que dans le domaine militaire elle serait le
« cheval de Troie » des États-Unis en raison des récents accords de Nassau
(décembre 1962) ; il ne souhaite pas non plus partager avec elle le leadership
dans la Communauté.
À son tour, en 1966, le Premier ministre travailliste, Harold Wilson, se
lance dans la phase préparatoire de la candidature par une tournée des
capitales européennes, avant la demande officielle (11 mai 1967), ainsi que
celle de deux membres de l’AELE (Danemark et Norvège) et l’Irlande. La
Commission et les États membres sont favorables à des négociations, sauf la
France qui propose une association tant que la situation monétaire de la
Grande-Bretagne n’est pas assainie. Malgré la dévaluation de la livre sterling,
c’est à nouveau l’échec, avant même le début des négociations.
Après le sommet de La Haye (décembre 1969), sous l’impulsion de
Georges Pompidou, les avancées sont nettes et des négociations s’ouvrent en
juillet 1970. Le montant de la contribution financière au budget
communautaire pose problème : Londres veut « le juste retour » (l’équilibre
entre les sommes versées et les sommes perçues) car ses liens préférentiels
avec le Commonwealth font qu’elle bénéficie peu des dépenses agricoles de
la CEE, mais c’est contraire au principe communautaire. Il est finalement
prévu (23 juin 1971) que la Grande-Bretagne verse au budget communautaire
8 % en 1973 et 20 % au bout de huit ans. Les traités d’adhésion sont signés le
22 janvier 1972. Par la suite les Norvégiens refusent la ratification par
référendum. Le 1er janvier 1973, l’Europe des Neuf apparaît comme la
deuxième puissance économique du monde.
L'élargissement aux pays méditerranéens pose problème du fait de leur
retard économique et de leurs produits agricoles concurrents de ceux de
l’Italie et de la France. Mais l’adhésion est un facteur de stabilisation pour les
jeunes démocraties. La Grèce de Caramanlis, premier État associé à la CEE,
commence les négociations en 1976. Par le traité d’Athènes (1979), conclu à
ces conditions assez favorables (prix agricoles, libre circulation des
travailleurs, aides supplémentaires), elle devient le dixième membre de la
CEE. Les candidatures de l’Espagne et du Portugal, posées en 1977, sont
examinées plus tard. Signés le 12 juin 1985, les traités d’adhésion entrent en
vigueur le 1er janvier 1986 ; leur période transitoire est plus longue (sept ans)
pour moderniser leur industrie et combler leur retard économique.
La CEE à Douze est plus hétérogène, avec un clivage nord-sud entre pays
riches et pays pauvres, les institutions sont plus lourdes, les intérêts plus
souvent divergents.
Ch. M
GERBET Pierre, La Construction de l’Europe, 4e édition, Armand Colin,
2007.
→ AELE, CEEA/EURATOM, CECA, CED, COMECON, DE
GAULLE, DELORS, FOUCHET (PLAN), HALLSTEIN (DOCTRINE),
MONNET, PAC, PÉTROLE ET RELATIONS INTERNATIONALES,
SPAAK, SUEZ (CRISE DE), UEM

COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE DU CHARBON ET DE L'ACIER


(CECA)

C'est la première forme d’organisation européenne supranationale avec un


noyau franco-allemand. Après la guerre, des propositions de coopération
sidérurgique, alors base de l’industrie, sont lancées pour des raisons autant
politiques qu’économiques. Plusieurs initiatives sont prises en vue de
dépasser l’antagonisme franco-allemand par la construction d’une Europe
occidentale unie. Le ministre des Affaires étrangères français, Robert
Schuman, adopte le plan de Jean Monnet, alors commissaire au Plan,
consistant à placer l’ensemble de la production franco-allemande de charbon
et d’acier sous une Haute autorité commune dans le cadre d’une organisation
ouverte aux autres pays d’Europe. L'objectif est de proposer des « réalisations
concrètes créant d’abord une solidarité de fait » et aboutissant à éliminer la
traditionnelle rivalité entre les deux pays. Le plan Schuman (9 mai 1950)
marque le passage d’une simple coopération à une véritable intégration : il
propose de mettre en commun la production et la vente des produits
sidérurgiques.
Pour les Allemands, leur pays serait arrimé à l’Europe occidentale, dans
une structure où ils seraient à égalité de droits avec leurs partenaires. L'Italie
y est favorable, de même que les pays du Benelux, organisation née d’un
traité signé à Londres le 5 septembre 1944, entre la Belgique, le Luxembourg
et les Pays-Bas, créant une union douanière entre eux. Le refus du Royaume-
Uni est dû à l’abandon de souveraineté que ce projet implique.
Le traité de Paris, signé le 18 avril 1951 pour cinquante ans, est rapidement
ratifié, sauf en France (communistes et gaullistes manifestent une telle
opposition que le gouvernement doit poser la question de confiance), et il
entre en vigueur le 25 juillet 1952.
La Haute Autorité, organe collégial nommé pour six ans, siège à
Luxembourg, sous la présidence de Jean Monnet (1962-1955) puis de
l’ancien président du Conseil René Mayer (1955-1957). Indépendante des
gouvernements, elle adopte des décisions et recommandations, et bénéficie
d’une grande autonomie financière grâce à un budget propre (constitué par un
apport de 1 % maximum du chiffre d’affaires des entreprises du secteur du
charbon et de l’acier). Elle intervient au GATT et à l’OECE, signe des
accords bilatéraux (douaniers et ferroviaires) avec les États et des accords
d’association avec la Grande-Bretagne (1954).
L'Assemblée, dont les membres sont désignés par les parlements
nationaux, a un pouvoir de contrôle et la possibilité d’adopter des mesures
contraignantes pour la Haute Autorité dont on craint parfois le caractère trop
indépendant. Le Conseil des ministres, formé de six ministres techniques,
harmonise l’action de la Haute Autorité avec celle des gouvernements. Une
Cour de justice se prononce sur les recours contre les décisions de la Haute
Autorité, déposés par les États, le Conseil des ministres et les entreprises.
Le marché commun est ouvert en 1953 : l’entente sur un tarif extérieur
commun facilite l’intensification des échanges, de meilleures conditions de
concurrence sont établies, les investissements permettent de moderniser les
installations industrielles, d’accroître les rendements, de construire des
logements sociaux. Mais l’absence d’accord pour une intervention plus
affirmée de la CECA ne lui permet pas de résoudre la crise du charbon en
1958. Avec la création de la CEE, le principal centre d’intérêt de la
construction européenne passe de Luxembourg à Bruxelles, et la Haute
Autorité disparaît lors de la fusion des exécutifs en 1967, même si la CECA
perdure. C'est d’ailleurs en référence au traité de la CECA, mais dans le cadre
de la CEE, que l’on cherche à résoudre la crise de la sidérurgie : en 1977, le
plan Davignon (du nom du commissaire chargé de l’industrie) permet de
limiter la production pour affermir les prix, et de négocier avec des pays tiers
pour limiter les importations. Le rôle de la CECA, confrontée à la crise de la
sidérurgie et au développement des importations en provenance des pays
tiers, est appelé à évoluer jusqu’à l’expiration du traité en 2002.
Ch. M
GERBET Pierre, La Construction de l’Europe, 4e édition, Armand Colin,
2007.
POIDEVIN R., SPIERENBURG D., Histoire de la Haute Autorité de la
Communauté européenne du charbon et de l’acier, Bruylant, 1993.
→ CEE, GATT, MONNET, OECE, SCHUMAN

COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE DE DÉFENSE (CED)

Dans le contexte de la guerre froide accentué par le début de la guerre de


Corée, et dans le sillage du projet de CECA, le plan Pleven (du nom du
président du Conseil français) d’octobre 1950, a pour but d’apporter une
solution au problème du réarmement allemand, par le biais de la CED. Les
Français qui y sont hostiles par crainte du militarisme allemand font ainsi une
concession à leurs alliés qui pensent que l’Allemagne ne peut rester à l’écart,
car elle a vocation à participer à la défense du monde libre assurée par le
pacte Atlantique.
Sur une idée de Jean Monnet, alors Haut-commissaire au Plan, le projet est
présenté le 24 octobre 1950 par le président du Conseil à l’Assemblée
nationale : il s’agit de créer une armée européenne sous la responsabilité d’un
ministre européen de la Défense, avec un budget commun et un armement
standardisé. La CED doit assurer la sécurité des États membres dans le cadre
du pacte Atlantique. L'armée intégrée doit compter quarante divisions
nationales de 13 000 hommes portant un même uniforme, sous le
commandement suprême de l’OTAN. Les partenaires (sauf l’Allemagne)
peuvent entretenir des forces armées nationales pour leurs besoins dans leurs
colonies et dans les opérations internationales. Les institutions sont
communes à celles de la CECA, mais la Haute Autorité est doublée par un
Commissariat chargé de l’application des mesures prises par le conseil des
ministres.
Les négociations qui débutent à Paris, le 15 février 1951, aboutissent au
traité de Communauté européenne de défense, signé par les six membres de
la CECA le 27 mai 1952 pour cinquante ans, et approuvé par le Conseil
atlantique.
Or, la France, qui a cependant été à l’origine du projet, ne veut pas le
ratifier. La « querelle de la CED » s’engage après la signature du traité. Les
cédistes y voient l’instrument symbolique du rapprochement franco-
allemand, le moyen de faire progresser l’Europe, et une manière de favoriser
l’entente avec les États-Unis. Les anticédistes, coalition hétérogène de
communistes, de gaullistes, d’une partie des socialistes et de la droite
traditionnelle, rejettent la supranationalité implicite de la CED, ils craignent à
la fois le réarmement de l’Allemagne et le désarmement de la France, et ils
font ressortir la nécessité de garder de forts contingents pour la guerre
d’Indochine. De plus, en 1953, une amorce de détente après la mort de
Staline et la fin de la guerre de Corée rendent la CED moins utile. Les
gouvernants français mettent en avant des « préalables » ou essaient de
négocier des « protocoles additionnels ».
En 1954, tous les partenaires de la France ont ratifié le traité, les États-Unis
menacent de réviser leur politique d’aide si la France n’en fait pas autant.
Après avoir tenté d’obtenir de nouveaux aménagements, le gouvernement de
Pierre Mendès France engage un débat à l’Assemblée nationale, en août
1954. Le traité est repoussé, par sentiment national, antiaméricanisme,
méfiance vis-à-vis de l’Allemagne et refus d’une Europe supranationale, c’est
ce que les partisans du traité appellent « le crime du 30 août ».
La solution de rechange est vite mise au point par l’entremise des
Britanniques, dans une Union de l’Europe occidentale, qui permet à
l’Allemagne de réarmer dans le cadre de l’OTAN où elle entre en 1955.
Toutefois l’échec de la CED porte un double coup d’arrêt : à la construction
européenne et au fédéralisme ; il montre l’intérêt de commencer par
l’intégration économique.
Ch. M

ARON Raymond, LERNER Daniel (dir.), La Querelle de la CED. Essais


d’analyse sociologique, Armand Colin, 1956.
DUMOULIN Michel (dir.), La Communauté européenne de défense,
leçons pour demain ?, Bruxelles, Peter Lang, 2000.
→ ALLIANCE ATLANTIQUE, CECA, CORÉE (GUERRE DE),
GUERRE FROIDE, INDOCHINE (GUERRE D’), MENDÈS FRANCE,
OTAN, RÉARMEMENT DE L'ALLEMAGNE, STALINE, UEO
COMMUNAUTÉ FRANCO-AFRICAINE ET MALGACHE

C'est le nom donné au nouvel ensemble juridique qui succède en 1958 à


l’Union française (1946-1958). La Communauté est inscrite dans la
Constitution du 4 octobre 1958 (préambule, art. 1 et titre XII). Le texte
constitutionnel offre le choix du statut politique (autonomie ou indépendance)
aux États membres de l’ex-Union française par leur réponse positive ou
négative au référendum du 28 septembre 1958. Les territoires d’Afrique
occidentale française (Côte d’Ivoire, Dahomey-Bénin, Haute-Volta-Burkina
Faso, Mauritanie, Niger, Sénégal, Soudan-Mali), d’Afrique équatoriale
française (Tchad, Oubangui-Chari-Centrafrique, Congo-Brazzaville, Gabon,
Madagascar), adoptent la constitution et optent pour le statut d’État membre
de la Communauté. La Guinée vote non au référendum et choisit son
indépendance immédiate. Les petits territoires (Somalie, Comores, Nouvelle-
Calédonie, Polynésie) choisissent le statu quo au sein de la République.
Chacun des États membres de la Communauté (la France et les États
membres d’Afrique) a son propre pouvoir exécutif et son pouvoir législatif.
La politique étrangère, la défense, la monnaie, la politique économique et
financière, la politique des matières stratégiques sont des compétences
communes de la Communauté. Les organes de la Communauté comprennent
le président, qui est le président de la République française, le conseil
exécutif de la Communauté, le Sénat de la Communauté, la Cour arbitrale de
la Communauté. Ces institutions sont très vite remises en cause devant
l’aspiration à la pleine indépendance des Africains, désireux toutefois de
maintenir la coopération avec la France. La loi constitutionnelle du 4 juin
1960 met fin à la Communauté institutionnelle à laquelle succède la
Communauté contractuelle, permettant l’accession à l’indépendance tout en
continuant d’appartenir à la Communauté. La vague de décolonisation de
1960 rend les États africains de l’ex-AOF et de l’ex-AEF indépendants ; seuls
six d’entre eux (République centrafricaine, Congo-Brazzaville, Gabon,
République malgache, Sénégal, Tchad) restent membres de cette
Communauté, très éphémère, qui disparaît en 1961. Les liens entre la France
et les États francophones d’Afrique, reposent désormais sur des accords
bilatéraux de coopération.
CB
→ DÉCOLONISATION, UNION FRANçAISE

CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES SUR LE COMMERCE ET LE


DÉVELOPPEMENT (CNUCED)

La CNUCED (en anglais UNCTAD) est un organe spécialisé de l’ONU,


créé en 1964, pour intégrer, sans discrimination, les pays en voie de
développement (PVD) dans le commerce international. Les principes
d’égalité entre les États et leur souveraineté quant à la disposition de leurs
ressources naturelles, l’assistance et l’aide techniques sont mis au point lors
des premières conférences. Les aides sont le plus souvent appliquées par des
organismes divers : les États membres de la Conférence, des organismes de
l’ONU, des Organisations non gouvernementales, le GATT, ou encore le
secteur privé. Le Programme des Nations unies pour le développement
(PNUD) complète celui que propose la CNUCED. L'aide est variée
puisqu’elle touche aussi bien le commerce, la technologie, le développement
du potentiel touristique des PVD, que les nouvelles technologies. Des
recherches sont faites pour tenter de trouver les soutiens les mieux adaptés
aux cas particuliers. Les politiques sont établies au cours des conférences qui
ont lieu tous les quatre ans.
Cette forme d’aide internationale est souvent jugée insuffisante par ses
destinataires, ou mal répartie et mal utilisée par eux, en partie à cause des
lourdeurs bureaucratiques inhérentes à une organisation de cent quatre-vingt-
treize membres. Toutefois elle constitue, sur le plan politique, un pilier
essentiel du dialogue Nord-Sud tel qu’il s’est intensifié dans les années 1970.
Mais l’instabilité des cours des matières premières entraîne la désorganisation
de la production et des revenus, malgré la tentative de mise en place de stocks
régulateurs pour les produits de base dont l’exportation est vitale pour les
pays producteurs (conférence de Manille en 1979).
En octobre 1981, se tient à Cancun (Mexique) une conférence
internationale sur la coopération et le développement regroupant vingt-deux
pays industrialisés et PVD. La déclaration finale de ce difficile dialogue,
appelant à la création d’un « nouvel ordre économique mondial » constitue
une nouveauté sur le plan politique : c’est la première fois que les États-Unis
s’engagent aussi loin dans ce sens ; il s’agit d’une coopération multilatérale
qui ne peut être taxée de néocolonialisme. La conférence de Paris sur les pays
les moins avancés (PMA), tenue la même année, semble une des dernières
manifestations concrètes du dialogue Nord-Sud.
Le reflux des idéologies, la montée du libéralisme à l’échelle mondiale, qui
a pour corollaire un moindre intérêt pour la justice sociale, et la
mondialisation, risquent d’avoir raison de ce volontarisme des États en faveur
de l’aide publique au développement. Dès la fin des années 1980, loin de
l’esprit de Cancun, prévaut le slogan « trade no aid ». Pourtant, la 10e
CNUCED à Bangkok, en février 2000, a tenté de prendre davantage en
compte les problèmes persistants en orientant les priorités vers la résolution
du problème de la dette, le développement social, le soutien à l’instruction
afin d’aider les pays en développement à s’intégrer à l’économie mondiale.
Les deux conférences suivantes confirment les objectifs de Bangkok.
Ch. M

http://www.unctad.org
→ GATT, ONU, TIERS MONDE

CONFÉRENCE SUR LA SÉCURITÉ ET LA COOPÉRATION EN


EUROPE (CSCE/OSCE)

Après la signature de l’Acte final d’Helsinki le 1er août 1975, les pays
membres de la CSCE se retrouvent pour une nouvelle conférence au sommet
le 21 novembre 1990 afin de signer la Charte de Paris pour une nouvelle
Europe, marquant la fin de la « l’ère de la confrontation et de la division ». À
la demande de Mikhaïl Gorbatchev, la CSCE est relancée dans le but de
consolider la démocratie en multipliant les rapports dans tous les domaines et
en accélérant le désarmement. La CSCE est dotée de structures permanentes
(Conseil des ministres des Affaires étrangères qui se réunissent au moins une
fois par an, Comité des hauts fonctionnaires, haut-commissaire pour défendre
les minorités et intervenir avant que les tensions ne dégénèrent) installées à
Vienne, Prague et Varsovie.
Considérée comme une organisation régionale de l’ONU, elle devient
Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Elle est
devenue l’une des organisations de sécurité régionale les plus importantes
avec cinquante-six États d’Europe, d’Asie centrale et d’Amérique. Son action
en matière de sécurité concerne les hommes, les questions politiques et
militaires et la sphère de l’économie et de l’environnement.
Les missions de terrain sont essentielles. La plus ancienne a été envoyée
dans l’ex-Yougoslavie en 1992 ; établie pour prévenir les conflits, l’OSCE a
dû la modifier et la charger d’éviter les débordements des conflits ; il y a eu
six missions dans la région, actuellement la mission au Kosovo est la plus
importante numériquement et elle travaille en relation avec la mission
d’administration au Kosovo (MINUK). D’autres ont opéré en Asie centrale,
dans le Caucase et en Europe de l’Est, notamment pour des contrôles au
moment des élections (en Biélorussie, en Moldavie et en Ukraine).
Toutefois, les membres ne sont pas d’accord sur l’organisation de la
sécurité européenne : ainsi, en décembre 2008, l’OSCE ferme la mission
qu’elle avait en Géorgie depuis 1996, faute de consensus entre États membres
(à l’ONU en septembre 2008, les Russes demandent un « Helsinki 2 » pour
redéfinir la sécurité en Europe). En outre, elle ne dispose pas de forces
propres et se trouve concurrencée par divers organismes (Conseil de
l’Europe, UEO, Alliance atlantique) qui ne lui permettent pas toujours d’agir
avec efficacité dans les conflits en cours.
Ch. M

ANDRÉANI Jacques, Le Piège, Helsinki et la chute du communisme, Odile


Jacob, 2005.
GHEBALI Victor-Yves, La Diplomatie de la détente : la CSCE (1973-
1989), Bruylant, 1989.
• L'OSCE dans l'Europe postcommuniste, 1990-1996. Du traité de
Bruxelles à la construction européenne, UNI-COM, 2005.
http://fr.osce.org
→ ALLIANCE ATLANTIQUE, DÉSARMEMENT, GÉORGIE,
GORBATCHEV, GUERRE FROIDE, HELSINKI (CONFÉRENCE),
ONU, UEO, YOUGOSLAVIE (CONSTITUTION ET
DÉMEMBREMENTS)

CONGO
Propriété personnelle du roi des Belges, Léopold II, de 1885 à 1908, date à
partir de laquelle le Congo est transféré à l’État belge, cet immense État
d’Afrique noire (plus de quatre fois la superficie de la France), peuplé de 42
millions d’habitants, au centre du continent africain, possédant d’immenses
ressources minières et hydrologiques, connaît une succession de crises
dramatiques et d’échecs retentissants depuis son indépendance, non préparée
par son ancienne métropole, dont les séquelles se font encore sentir. Dès la
proclamation de l’indépendance, le 30 juin 1960, la Force publique, seule
force armée existante, encadrée par des officiers belges, se mutine le 4 juillet,
et la riche province minière du sud du pays, le Katanga (Shaba), en la
personne de son leader Moïse Tschombé, soutenu par les Belges et l’Union
minière du Haut-Katanga, proclame sa sécession le 11 juillet 1960. Le Congo
ex-belge sombre dans l’anarchie et la violence. Le gouvernement Kasavubu-
Lumumba fait appel à l’ONU et, à défaut de l’aide de l’Organisation, au
gouvernement soviétique. L'affaire congolaise s’internationalise. Patrice
Lumumba, alors Premier ministre, soupçonné de sympathies communistes,
est arrêté en décembre 1960 par les forces du colonel Mobutu, puis transféré
au Katanga où il est abattu en janvier 1961 sous le prétexte de tentative
d’évasion. Le secrétaire général de l’ONU, Dag Hammarskjöld, répond
favorablement à la demande d’aide militaire et le 31 juillet 1960, plus de 10
000 hommes venus d’Éthiopie, du Ghana, de Guinée, d’Irlande, du Liberia,
du Maroc, de Suède et de Tunisie (l’ONUC) sont déployés dans toutes les
provinces du Congo, Katanga excepté. Bénéficiant de l’appui des États-Unis
et du Tiers Monde, Hammarskjöld entreprend de liquider la résistance
katangaise en se fondant sur une résolution de l’ONU (février 1961). Il faudra
trente mois, bien des négociations, des accords conclus mais non respectés,
des offensives militaires menées par l’ONUC en novembre-décembre 1961,
décembre 1962 et janvier 1963 pour venir à bout de la sécession du Katanga.
Les enjeux sont politiques, stratégiques, constitutionnels, économiques,
financiers. Mais le but de l’opération est d’empêcher Moscou d’intervenir au
cœur du continent africain. Ainsi le secrétaire général de l’ONU affronte-t-il
l’opposition violente des Soviétiques qui entendent réformer le Secrétariat
général. En janvier 1963, la sécession prend fin, mais Kinshasa n’exerce
qu’un contrôle nominal sur le pays dont les six anciennes provinces sont
morcelées en 21, multipliant ainsi les centres de pouvoir et les abus des
gouvernants. En 1964, les troubles redoublent de violence jusqu’à devenir
une véritable insurrection générale au Kwilu et dans l’est du Zaïre. Le 23
novembre 1965, le colonel Mobutu, commandant l’armée nationale
congolaise, s’empare du pouvoir, met un terme à cinq années de troubles,
restaure l’unité nationale, en apparence tout au moins, relance pour un temps
l’économie et inaugure une ère de stabilité. Mais l’absence d’un processus de
transition démocratique ajoutée à une crise économique multiforme
entraînent des troubles importants (la « zaïrianisation » forcée provoque le
départ de milliers d’Européens). La France cesse sa coopération avec le
Zaïre, Mobutu est lâché par ses alliés occidentaux, et le pays sombre une fois
de plus dans l’anarchie, la violence politique et les tentations séparatistes.
L'est du Zaïre subit l’attraction de l’Afrique orientale et l’impact des crises
qui secouent la région des Grands Lacs (Ouganda, Rwanda, Burundi). Le
Kiwu ne connaît pas moins de cinq épisodes guerriers de 1993 à 1998. En
1997, après trente ans de régime dictatorial, Mobutu est chassé du pouvoir
par Laurent-Désiré Kabila qui, soutenu par les Américains, aidé par
l’Ouganda et le Rwanda, devient le nouveau chef d’un État qui ne trouve pas
sa stabilité et demeure aussi impuissant que le précédent, en butte à des
rivalités internes, tribales et internationales. Le territoire de la RDC est le
terrain d’affrontement des armées des pays voisins et des groupes rebelles
locaux, tous défendant des intérêts divergents alors que son président, auquel
succède son fils, est assassiné en janvier 2001.
CB

COQUERY-VIDROVITCH Catherine, FORREST Alain, WEISS Herbert,


Rébellions et révolutions au Zaïre, 1963-1965, L'Harmattan, 2 T., 1987.
CHRÉTIEN Jean-Pierre, L'Afrique des grands lacs, Aubier, 2000.
→ HAMMARSKJöLD, MOBUTU, ONU, RWANDA, TIERS MONDE

CONSEIL DE COOPÉRATION DES ÉTATS ARABES DU GOLFE

Le CCG, dont la charte est adoptée en mai 1981, concrétise l’ambition


saoudienne de créer un marché commun de la péninsule Arabique en
facilitant les échanges entre ses États membres (Arabie Saoudite, Bahrein,
Émirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar), en coordonnant leur politique
industrielle et en promouvant une intégration financière et monétaire. Depuis
sa création, le CCG est intervenu dans le règlement pacifique des différends
entre ses membres, s’est prononcé en faveur d’une négociation politique dans
le conflit israélo-arabe et a pris position contre l’Irak lors de la guerre du
Golfe.
OD

GRESH Alain, VIDAL Dominique, Les 100 clés du Proche-Orient, Paris,


Hachette, 2003.
→ GOLFE (GUERRE DU), ISRAÉLO-ARABES (CONFLITS)

CONSEIL DE L'EUROPE

Dans le sillage de la création de l’Union occidentale et de l’OCDE, dix


États (les cinq du Pacte de Bruxelles, le Danemark, l’Irlande, l’Italie, la
Norvège et la Suède) signent le traité de Londres le 5 mai 1949, fondant le
premier organe intergouvernemental. Un compromis est trouvé entre les vues
anglaises, hostiles à toute supranationalité, et les vues françaises, avec la
création d’un organisme bicéphale : une assemblée consultative, composée de
délégués des parlements qui siègent à titre personnel à Strasbourg, et un
comité des ministres (ministres des Affaires étrangères des États) qui siège à
huis clos et vote à l’unanimité.
Les compétences du Conseil de l’Europe concernent tous les domaines
hormis les questions de défense, domaine réservé de l’Alliance atlantique, et
du fait de la présence des neutres ; de même, les questions économiques ne
doivent pas déborder les compétences de l’OECE (et plus tard de la CEE).
Le Conseil accentue son rôle en matière de droits humains. Une
recommandation de l’Assemblée sur les droits de l’homme est prise en
compte par le Comité qui signe, le 4 novembre 1950, la Convention
européenne pour la protection des droits de l’homme ; une convention sur la
répression du terrorisme est signée en 1977, une autre sur la prévention de la
torture en 1987, sur la protection des minorités en 1995, ou, plus nouveau sur
la bioéthique en 1997 ou la cybercriminalité en 2001. Les arrêts du Conseil,
rendus en toute indépendance par rapport aux gouvernements,
obligent les administrations et juridictions des États à un respect minimum
des droits fondamentaux ; les recours individuels sont autorisés et de plus en
plus nombreux. Certains États sont condamnés : la Grèce des colonels préfère
se retirer du Conseil de l’Europe (1969-1974), la France n’accepte le droit de
recours individuel que depuis 1981, la Turquie est condamnée, fin 1998, à
indemniser pour la première fois un réfugié du nord de Chypre, spoliés en
1974. La situation des droits humains en Tchétchénie pousse l’assemblée
parlementaire du Conseil à soulever la question d’une procédure de
suspension de la Russie en avril 2000.
Peu à peu, d’autres États européens rejoignent le Conseil de l’Europe, au
titre de l’article 11. À la fin de la guerre froide, il joue le rôle de sas
d’intégration des pays d’Europe centrale et orientale (PECO). Un statut
d’invité spécial et plusieurs programmes doivent leur faciliter l’élaboration
d’institutions aux normes occidentales et la participation à certaines actions
dans le but d’aider à leur adhésion, en contrepartie de leur respect des
principes de la CSCE et de la Convention des droits humains. Entre 1990 et
1995, quatorze États rejoignent les dix-huit précédents au Conseil de
l’Europe, qui trouve bien là sa fonction essentielle, celle d’un club de pays
attachés à la démocratie libérale et au pluralisme politique. En 2009, le
Conseil de l’Europe compte quarante-sept membres, le Belarus, qui veut
poser sa candidature, a perdu son statut d’invité spécial à cause du non-
respect des droits humains et des principes démocratiques.
Ch. M

BITSCH Marie-Thérèse (dir.), Jalons pour une histoire du Conseil de


l’Europe, Berne, Peter Lang, 1997.
BURBAN Jean-Louis, Le Conseil de l’Europe, PUF, 1993. www.coe.int
→ ALLIANCE ATLANTIQUE, BRUXELLES (PACTE DE), CEE,
CHYPRE, CSCE/OSCE, DROITS HUMAINS, GUERRE FROIDE,
OCDE, TCHÉTCHÉNIE, TERRORISME

CONSEIL ŒCUMÉNIQUE DES ÉGLISES

Créé en 1948, cet organisme qui siège à Genève rassemble la quasi-totalité


des Églises orthodoxes orientales et des Églises issues de la Réforme, sans
que cela implique un quelconque rapprochement en matière d’organisation ou
de doctrine. Ce n’est ni une Super-Église, ni un nouveau Vatican, mais
d’abord un lieu de rencontre. Tout en n’y adhérant pas, l’Église catholique
romaine s’associe au mouvement œcuménique à partir des orientations
données par Jean XXIII. Les papes Paul VI et Jean-Paul II multiplient les
gestes d’unité. Le Conseil œcuménique des Églises prend position contre
l’apartheid et distribue des fonds aux mouvements de décolonisation.
MV

→ APARTHEID, DÉCOLONISATION, JEAN-PAUL II

CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L'ONU → ONU

CORÉE (GUERRE DE)

En Corée, les tensions nées de la guerre dégénèrent en un conflit


idéologique. La Corée était une colonie japonaise depuis 1910. Quand, à la
fin de la Seconde Guerre mondiale, l’URSS a attaqué le Japon, le 8 août
1945, il avait été entendu que les Soviétiques recevraient la reddition
japonaise au nord du 38e parallèle et les Américains au sud. Reste la question
de l’unité de la Corée. La conférence de Moscou (décembre 1945) se
prononce pour la formule de la tutelle des grandes puissances, qui devrait
favoriser la réunification du pays. Mais le désaccord, qui n’empêche pas
Américains et Soviétiques d’évacuer le pays, aboutit rapidement à une
impasse politique, à une tension entre le Nord et le Sud et à une instabilité le
long de la frontière du 38e parallèle. Le 25 juin 1950, les Nord-Coréens
lancent une vaste offensive contre le Sud. Si les origines du conflit sont
encore obscures, ses conséquences sont claires. Le déclenchement de la
guerre va amener l’intervention des Américains qui avaient dans un premier
temps exclu la Corée de leur périmètre stratégique en Extrême-Orient. De
fait, ils décident alors de défendre les Philippines (accord de garantie du 30
août 1951) ; ils apportent une assistance économique et militaire à Formose et
à la France en Indochine. Surtout ils décident de faire du Japon leur allié, et
ils décident d’intervenir en Corée.
L'intervention américaine en Corée se fait sous les auspices des Nations
unies, car le Conseil de sécurité dénonce l’agression nord-coréenne et, en
l’absence de l’URSS, décide d’intervenir en Corée. L'absence de veto
soviétique s’explique par le fait que depuis le 1er janvier 1950, les Soviétiques
avaient déclaré qu’ils ne siégeraient pas au Conseil de sécurité tant que la
Chine communiste ne remplacerait pas la Chine nationaliste à l'ONU.
L'armée des Nations unies, surtout composée de divisions américaines,
secondées entre autres par des troupes britanniques et un bataillon français,
est dirigée par le général américain MacArthur, le vainqueur de la guerre du
Pacifique et commandant suprême au Japon. Dans un premier temps (juin-
août 1950), il consolide la tête de pont de Pu-San. Sa contre-offensive de
l’automne 1950 amène les troupes des Nations unies à franchir le 38e
parallèle et les conduit au voisinage de la frontière chinoise (septembre-
novembre 1950). C'est alors que la Chine s’engage dans la guerre.
L'intervention de centaines de milliers de « volontaires chinois » force
MacArthur à battre en retraite (novembre-janvier 1951) avant qu’il ne
parvienne par une contre-offensive à se rétablir sur le 38e parallèle. En avril
1951, MacArthur réclame le droit de bombarder les bases de volontaires
chinois, en Mandchourie, au risque d’une guerre ouverte avec la Chine. Du
coup, Truman le remplace par le général Ridgway, qui se contente de tenir les
positions acquises. Après deux ans de négociations, un accord sur le
rapatriement des prisonniers, signé en avril 1953, a bien du mal à être
appliqué. La convention d’armistice signée à Pan Mun Jon, le 27 juillet 1953,
consacre une « paix blanche ». La frontière entre le Nord et le Sud est très
proche de celle de 1950, le long du 38e parallèle ; en Extrême-Orient, aussi, le
monde est divisé en deux, entre la Corée du Nord, procommuniste, présidée
par le maréchal Kim-Il-Sung et la Corée du Sud, pro-occidentale, dirigée par
Syngman Rhee.
Si la guerre se conclut sur un échec du bloc communiste, elle intensifie la
guerre froide dont elle constitue l’épisode le plus meurtrier : les morts sont
évalués à 58 127 Sud-Coréens, 300 000 Nord-Coréens, 33 600 Américains,
200 000 Chinois et 3 400 alliés de l’ONU. Elle accentue la tension en Asie et
fait de la Corée du Sud un autre pion américain sur l’échiquier mondial.
Depuis l’armistice de 1953, les deux États vivent en fait sous le régime de la
paix armée. Rigide quant au régime, la Corée du Nord diminue son
agressivité militaire et diplomatique : les premiers signes d’assouplissement
interviennent en 1971-1972 avec la demande de Pyongyang d’un traité de
paix intercoréen. Dans le contexte de l’après-guerre froide, les deux Corée
entrent à l’ONU en 1991, mais la tension réapparaît en 1993 sous la forme
d’un chantage au nucléaire, nouvelle carte à disposition du régime
communiste pour intimider son voisin et les États-Unis. Ce qui n’empêche
pas des gestes de réconciliation entre les deux Corée (1999-2000) et même
une déclaration de paix (octobre 2007). Un nouvel essai nucléaire et des tirs
de fusées (printemps 2009) font monter la tension dans la région.
MV

Historical dictionary of the Korean War, New York, Greenwood, 1991.


STUEK Wiliam, The Korean war : an international history, Princeton
University Press, 1995.
→ ESSAIS NUCLÉAIRES, GUERRE FROIDE, ONU,
PROLIFÉRATION

CÔTE D'IVOIRE (CONFLIT DE)


La Côte d’Ivoire, 322 000 km2, 18 millions d’habitants se répartissant en
une soixantaine d’ethnies auxquels s’ajoutent 4 millions d’étrangers, soit le
quart de la population totale, connaît depuis la mort du président Houphouët-
Boigny en 1993, une lente dégradation de la vie politique et des institutions
due à de multiples facteurs parmi lesquels la querelle de la succession, le
développement et le dévoiement du concept d’identité, d’« ivoirité », et donc
de citoyenneté par le président Henri Konan-Bédié. L'étranger, l’autre, n’est
plus admis. Ce concept identitaire mine insidieusement la vie sociale et
politique du pays, réveille des oppositions ethniques et régionales, que ne
règlent ni le coup d’État militaire du 24 décembre 1999, perpétré par le
général Gueï, ni l’élection à la présidence de la République, le 22 octobre
2000, de Laurent Gbagbo, chef du Front populaire ivoirien (FPI), opposant de
toujours au président Houphouët-Boigny. Les tensions vont croissant, les
troubles également, y compris des manifestations antifrançaises, la situation
explose dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002.
Des militaires, appuyés de l’étranger (Burkina Faso, Mali, Sierra Leone),
se soulèvent simultanément à Abidjan, Bouaké et Korogho, tentent de
prendre le pouvoir, engendrant une guerre civile de vingt-neuf jours, qui
entraîne l’installation des rebelles dans la moitié Nord du pays et des
interventions extérieures, diplomatiques et militaires très discutées, dont celle
de la France.
L'armée française, prépositionnée à Abidjan, intervient à partir du 22
septembre 2002 pour évacuer les ressortissants français et étrangers et reste
stationnée à Yamoussoukro, s’interposant entre les rebelles du Nord du
Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI) et les forces
gouvernementales. C'est le début de l’opération « Licorne ». Le 28
septembre, Abidjan demande l’application des accords de défense passés
avec la France, ce que refuse Paris, prétextant une affaire ivoiro-ivoirienne.
La diplomatie entre en jeu par l’intermédiaire de la CEDEAO
(Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest). Le 3 octobre
2002 est signé à Bouaké un cessez-le-feu par les seuls rebelles du MPCI
(Accra I), mais non par les gouvernementaux. Les combats reprennent début
octobre, un nouveau cessez-le-feu est accepté et signé par les deux parties, le
17 octobre 2002. Les positions des uns et des autres restent gelées sur la ligne
de démarcation. Deux nouveaux mouvements rebelles apparaissent fin
novembre, venant du Liberia, le mouvement patriotique ivoirien du Grand-
Ouest (MPIGO) et le mouvement pour la justice et la paix (MJP) qui
prennent le contrôle des villes de Man et Danané dans l’Ouest. La France en
médiateur invite les parties en conflit à Linas-Marcoussis, afin de trouver un
compromis pour sortir de la crise. Le 26 janvier 2003, les accords dits de
Marcoussis sont signés : le président Gbagbo est maintenu au pouvoir jusqu’à
de nouvelles élections ; les opposants sont invités dans un gouvernement de
réconciliation et obtiennent les ministères de la Défense et de l’Intérieur. La
fin de la guerre civile est proclamée officiellement le 4 juillet 2003.
Le 27 février 2004, dans sa résolution 1528, le Conseil de sécurité des
Nations unies autorise la formation de l’opération des Nations unies en Côte
d’Ivoire (ONUCI) qui regroupe les forces françaises et celle de la CEDEAO
pour une durée initiale de douze mois à compter du 4 avril 2004. En juillet
2004, un sommet à Accra (Accra III) au Ghana, réuni par l’ONU, relance le
processus de paix, mais ni Marcoussis ni Accra III ne sont respectés, la
guerre reprend en octobre 2004. Le 28 octobre 2004, les rebelles, qui ont pris
le nom de Forces nouvelles (FN), refusent de se laisser désarmer et décrètent
l’état d’urgence dans le nord du pays. Abidjan décide d’une contre-offensive.
Le 4 novembre 2004, les FANCI (forces loyales gouvernementales)
commencent des bombardements sur Bouaké. Des combats opposent les
forces terrestres. Au cours des journées des 6 au 9 novembre 2004, la guerre
civile tourne en une crise franco-ivoirienne.
Le 6 novembre, une attaque de l’aviation gouvernementale fait neuf morts
et trente-sept blessés parmi les soldats français basés à Bouaké et un civil
américain. Les forces françaises ripostent, détruisent les deux Sukhoï sur la
base de Yamoussoukro. Le président français, Jacques Chirac, donne l’ordre
de détruire également tous les moyens aériens militaires ivoiriens. Des
combats éclatent entre les militaires français et ivoiriens pour le contrôle de
l’aéroport d’Abidjan essentiel pour la France de manière à établir un pont
aérien. Dans le même temps, les Jeunes patriotes, mouvement à la solde du
président Gbagbo, détruisent, pillent les entreprises tenues par des Français,
des Occidentaux, des Libanais ou des Ivoiriens. Les militaires français,
assiégés par la foule, ouvrent le feu le 7 novembre, font de nombreux morts
et blessés parmi les manifestants. La France envoie en renfort 600 hommes
venant du Gabon et de France.
Le 15 novembre, le Conseil de sécurité des Nations unies, à la demande de
la France, prend à l’unanimité la résolution 1572, interdisant le commerce des
armes avec l’une ou l’autre des deux parties belligérantes, rebelles du Nord
ou forces gouvernementales.
Au 17 novembre 2004, plus de huit mille Français sur les 14 000 présents
début novembre ont quitté la Côte d’Ivoire.
Le président sud-africain, Thabo Mbeki, mandaté par l’Union africaine
comme médiateur en novembre 2004, fait signer aux milices un accord de
désarmement le 14 mai 2005. En 2006, de nouveaux combats reprennent. Un
sommet extraordinaire réunissant tous les protagonistes de la crise ivoirienne
s’ouvre le 28 février 2006 à Yamoussoukro, la capitale du pays, en présence
du président de la République, Laurent Gbagbo, du Premier ministre Charles
Konan Banny, du chef des rebelles Guillaume Soro et des dirigeants des deux
principaux partis d’opposition, l’ex-Premier ministre Alassane Ouattara et
l’ancien chef de l’État Henri Konan Bédié.
Le 4 mars 2007 de nouveaux accords de paix sont signés à Ouagadougou
avec comme seuls négociateurs externes, non plus la France, mais le
président burkinabé, Blaise Compaoré, et la communauté catholique
Sant’Egidio. Guillaume Soro est nommé le 29 mars chef d’un gouvernement
de transition, une ordonnance est publiée le 12 avril proclamant une amnistie
sauf pour les infractions économiques, un des principaux points est une
procédure de révision des listes électorales. La zone de confiance (de
séparation entre zone rebelle et zone loyaliste) est progressivement
démantelée à partir du 16 avril 2007.
Le 30 juillet 2007 pour sceller la paix en Côte d’Ivoire est organisée la
cérémonie de la Flamme de la Paix.
La France a joué un rôle de premier plan dans l’évolution de ce conflit,
rôle qui est très critiqué par certains, taxé de néo-colonialiste, en s’interposant
entre les deux camps depuis septembre 2002, en faisant accepter les accords
de Marcoussis, en usant de son influence à l’ONU, puis par le biais de
l’Union africaine et des pays africains qui s’y sont trouvés mêlés. Il faut
également relever le rôle de médiateur rempli par le président d’Afrique du
Sud Thabo Mbeki.
CB

La Côte d'Ivoire en guerre : dynamiques du dedans et du dehors, Politique


africaine n° 89, Karthala, mars 2003.
HUGON Philippe, Géopolitique de l’Afrique, éditions Sedes, mai 2007.
→ CHIRAC, HOUPHOUËT-BOIGNY, ONU, OUA/ UA

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE → ONU

COUR PÉNALE INTERNATIONALE (CPI)

À la suite du tribunal militaire international de Nuremberg et celui de


Tokyo, l’ONU reconnaît la nécessité d’établir un Code pénal international et
une Cour criminelle. Les travaux traînent : il aura fallu quarante-cinq ans et
onze rapports pour qu’un projet aboutisse à la proposition d’un statut d’une
Cour criminelle internationale en 1992. Les tribunaux internationaux (TPI)
pour l’ex-Yougoslavie (1993) et le Rwanda (1994) sont une innovation pour
juger les crimes perpétrés lors des conflits récents par les ressortissants de ces
États ; mais il ne s’agit pas d’une juridiction permanente.
À l’issue d’une conférence organisée par les Nations unies à Rome, cent
vingt pays ont adopté le statut d’une cour pénale internationale permanente,
en juillet 1998, sept ont voté contre (dont les États-Unis, Israël qui signeront
un peu plus tard, et la Chine) et vingt et un se sont abstenus (surtout des pays
arabes). En 2002, la CPI entre en fonction après que plus de soixante pays ont
ratifié le statut de Rome. Au cours de l’année 2003, les juges sont élus et
prêtent serment ; l’Argentin Luis Moreno-Ocampo est élu le procureur. Au
début de 2009, cent huit États ont procédé à la ratification.
La CPI n’est pas liée aux Nations unies dont l’organe judicaire reste la
Cour internationale de justice mais toutes deux ont leur siège à La Haye.
Toutefois, l’article 16 du statut de Rome permet au Conseil de sécurité de
suspendre pendant un an les poursuites contre un État.
La Cour pénale internationale qui est indépendante et permanente, n’est
compétente que vis-à-vis des ressortissants et des territoires qui ont ratifié le
statut de Rome ; elle juge les personnes accusées des crimes qui touchent la
communauté internationale : crimes de génocide, crimes contre l’humanité et
crimes de guerre. Elle comporte des différences par rapport aux tribunaux
militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo : en effet, contrairement
à eux, la CPI est complémentaire des juridictions nationales et n’intervient
qu’en dernier recours, sauf si les procédures nationales sont dénuées de
bonne foi ; et elle n’a pas d’effet rétroactif. Contrairement aux tribunaux
pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie qui sont limités
dans le temps, la CPI est permanente. Pour la première fois, les victimes
peuvent présenter leurs arguments à la Cour, selon des directives données par
les juges, car il s’agit non seulement de traduire les criminels en justice mais
aussi de rendre justice aux victimes. À cet effet, un Fonds au profit des
victimes a été créé.
Plusieurs affaires ont déjà été déferrées à la CPI. En 2004, le Président
ougandais présente l’affaire de l’Armée de Résistance du Seigneur (ARS)
dans son pays ; le président de la République démocratique du Congo (RDC),
les crimes qui y sont perpétrés ; en 2005, la République Centrafricaine fait de
même ; c’est le Conseil de sécurité de l’ONU qui renvoie la question du
Darfour (Soudan) et en 2009, un mandat d’arrêt est lancé contre le président
du Soudan pour les crimes perpétrés au Darfour.
La première enquête ouverte par le procureur Moreno-Ocampo porte sur
les crimes en RDC où des millions de civils sont morts depuis le début du
conflit dans les années 1990 (en vertu de son statut, la CPI ne peut agir que
sur les crimes commis depuis 2002). Son enquête, menée auprès des États,
d’organisations internationales et d’ONG, confirme les crimes, viols,
déplacements forcés, enrôlement forcé d’enfants-soldats. D’autres enquêtes
sont ouvertes en Ouganda et au Darfour puis en République centrafricaine.
Plusieurs arrestations ont été opérées et des mandats d’arrêt sont en cours
pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Parallèlement aux actions
judiciaires et aux enquêtes, des campagnes de sensibilisation sont menées
dans ces territoires. Par exemple, au Darfour, la CPI a distribué des articles en
arabe, participé à des séminaires avec des représentantes de groupements de
femmes, des défenseurs des droits de l’homme au Soudan ; elle a radiodiffusé
des programmes dans les camps de réfugiés au Tchad. Les audiences
importantes des procès concernant les crimes perpétrés au Congo ont été
diffusées sur les radios et les télévisions nationales. Un premier procès est
ouvert en janvier 2009 à l’encontre de responsables rwandais.
Dix ans après sa naissance, le bilan de la CPI n’est pas négligeable ; elle
poursuit dans la voie de la coopération avec les États et les organisations
diverses. Mais les critiques ne sont pas rares : certains pays du Sud
considèrent que l’on y fait une « justice de Blancs ». Il est vrai que cette
juridiction nouvelle est importante, mais pas vraiment universelle tant que les
ratifications ne sont pas plus nombreuses et variées.
Ch. M

BOURDON William, DUVERGER Emmanuelle, BADINTER Robert, La


Cour pénale internationale : le statut de Rome, Le Seuil, 2000, 290 p.
CURRAT Philippe, Les Crimes contre l’humanité dans le statut de la Cour
pénale internationale, 2006, Bruylant, 838 p.
LESCS Jessica, « La Cour pénale internationale », Regards sur l’actualité
n° 278, La Documentation française, 2002, p. 35-42. http://www.icc-cpi.int
→ CONGO, DARFOUR, DROITS HUMAINS, GÉNOCIDE, ONG,
ONU, NUREMBERG (TRIBUNAL INTERALLIÉ DE), RWANDA,
YOUGOSLAVIE (CONSTITUTION ET DÉMEMBREMENTS)

COUVE DE MURVILLE Maurice (1907-1999)

Ce haut fonctionnaire des Finances siège à la Commission d’armistice de


Wiesbaden, puis entame une carrière de diplomate après son ralliement à de
Gaulle à Alger en 1943. Nommé à la direction des Affaires politiques du
Quai d’Orsay en septembre 1945, il participe aux conférences de l’après-
guerre. En 1950, le ministre des Affaires étrangères, Robert Schuman, écarte
ce diplomate trop lié au gaullisme en lui confiant l’ambassade du Caire. Alors
qu’il est ambassadeur à Bonn, de Gaulle en fait son ministre des Affaires
étrangères dès son retour au pouvoir (juin 1958). Il est alors pendant dix ans
le conseiller écouté et l’exécutant sans faille du premier président de la Ve
République qui entend garder la haute main sur la politique étrangère. Couve
de Murville ne joue qu’un rôle mineur dans les problèmes de décolonisation,
qui font partie du « domaine réservé » du général de Gaulle et il s’incline
lorsque celui-ci met son veto à l’entrée de la Grande-Bretagne dans la CEE
(1963), ou fait sortir la France de l’OTAN (1966). En revanche, il est l’un des
principaux artisans de la construction de l’Europe dans les années 1960,
élaborant la Politique agricole commune (PAC) et veillant à faire jouer à la
France un rôle constructif dans le Marché commun. Cependant c’est lui qui
fait adopter par de Gaulle, en mai 1965, la politique de la « chaise vide »
jusqu’au compromis de Luxembourg. Nommé Premier ministre le 10 juillet
1968, il démissionne le 20 juin 1969 après le départ de De Gaulle et l’élection
de Georges Pompidou.
MV

VAïSSE Maurice, La Grandeur : Politique étrangère du général de Gaulle


1958-1969, Fayard, 1998.
→ CEE, DÉCOLONISATION, DE GAULLE, LUXEMBOURG
(COMPROMIS DE), OTAN, PAC, POMPIDOU, SCHUMAN

CUBA (CRISE DE)

En pleine coexistence pacifique, les deux crises de Berlin et de Cuba


montrent la persistance de la confrontation Est-Ouest. Très proche de la
Floride, l’île de Cuba vit sous l’étroite tutelle américaine depuis la fin du 19e
siècle, à la fois sur le plan politique et sur le plan économique (80 % de la
production de sucre sont alors exportés aux États-Unis). Opposant
directement les États-Unis à l’Union soviétique, la crise de Cuba menace le
monde d’un conflit nucléaire. Ayant conquis le pouvoir en janvier 1959, Fidel
Castro multiplie les mesures défavorables aux intérêts américains.
Washington rompt les relations diplomatiques avec La Havane en janvier
1961, impose un blocus économique par la loi d’Amato, exclut Cuba de
l’Organisation des États américains (l’OEA) et soutient – par CIA interposée
– les tentatives de subversion d’émigrés anticastristes (échec du
débarquement dans la baie des Cochons, 17 avril 1961). Fidel Castro se
rapproche de l’URSS qui y voit un moyen de mettre en question la puissance
américaine.
Malgré les vols d'avions-espions U2, le renseignement américain ne décèle
l’implantation des fusées antiaériennes et des troupes soviétiques qu’en
octobre 1962. Le 22 octobre, le président Kennedy, immédiatement soutenu
par de Gaulle et Macmillan dans sa politique de fermeté, décide une «
quarantaine défensive », c’est-à-dire un blocus de Cuba, en déployant des
unités navales et des avions de combat, mesures qui laissent présager un
conflit armé, si les navires soviétiques tentent de forcer le blocus. Mais à la
suite de tractations secrètes, les navires stoppent leur marche ou font demi-
tour. Malgré une intervention du secrétaire général de l’ONU, U Thant,
Washington durcit sa position car les missiles soviétiques sont toujours
présents et l’installation des rampes de lancement se poursuit. C'est à
nouveau l’escalade (27 octobre). La détente s’amorce dans les heures
suivantes à la suite d’une proposition de Khrouchtchev, acceptée par
Kennedy : retrait de ses missiles si les États-Unis renoncent à envahir Cuba et
retirent leurs fusées Jupiter de Turquie (décision déjà prise mais pas encore
concrétisée). Le 28 octobre marque le début de la détente qui n’est effective
qu’à partir de mars 1963 : l’URSS démonte et rapatrie son matériel offensif,
Castro renonce aux bombardiers Illyouchine dont Washington exige le retrait.
Le blocus américain est aussitôt levé. La crise de Cuba est close, la guerre
nucléaire est évitée.
La solution rapide de la crise apporte la vérification de l’efficacité de la
stratégie de la dissuasion, et l’importance du dialogue entre les deux Grands
en dépit des tensions permanentes (de ce moment date l’installation du «
téléphone rouge »). La coexistence pacifique n’est plus un cas d’école mais
devient une réalité, et à cette occasion, les alliés occidentaux des États-Unis
manifestent leur solidarité. Malgré la crise où les Soviétiques se sont
déterminés en fonction de leurs propres intérêts, les relations de Cuba avec
l’Union soviétique se resserrent. Dans la décennie 1970, Cuba sert
directement les intérêts de l’expansionnisme soviétique en Afrique en
envoyant des corps expéditionnaires en Angola, en Éthiopie, au
Mozambique.
MV

FURSENKO Aleksandr Aleksandrovi, NAFTALI Timothy, One hell of a


gamble : Khrushchev, Castro and Kennedy, 1958-1964, New York, Norton,
1997. GARTHOFF Raymond, Reflections on the Cuban missile crisis,
Washington, 1989.
VAïSSE Maurice (dir.), L'Europe et la crise de Cuba, Armand Colin, 1993.
→ BERLIN, CASTRO, CIA, DE GAULLE, KENNEDY,
KHROUCHTCHEV, MACMILLAN, OEA, ONU, U THANT

CURZON (LIGNE)
La question des frontières polonaises définies par les Alliés dans le traité
de Versailles constitue un foyer de tensions permanentes en Europe orientale
durant l’entre-deux-guerres. Ni l’Union soviétique à l’est ni l’Allemagne à
l’ouest qui subit de lourdes pertes territoriales, ne sont prêtes en effet à
reconnaître les nouveaux contours de la Pologne.
Fixée par la France et la Grande-Bretagne en décembre 1919, la ligne
Curzon sépare la Pologne de la Russie soviétique selon un tracé contesté par
les deux pays. Jouant des troubles intérieurs en Russie, la Pologne déclenche
l’offensive. Ébranlée par une première contre-attaque soviétique, elle reçoit
l’aide militaire de la France et sort finalement victorieuse du conflit en 1921,
annexant une grande partie de la Russie blanche (traité de Riga, 1921).
FG

→ FRONTIÈRE, ODER-NEISSE (LIGNE)


D

DALADIER Édouard (1884-1970)

Agrégé d’histoire, ancien combattant de la Grande Guerre, ce député


radical du Vau-cluse (1919-1940) devient, dans le cabinet d’Herriot dont il
est bientôt le rival au sein du parti radical, ministre en 1924 dans le Cartel
des Gauches. Après avoir occupé plusieurs postes ministériels, il accède à la
présidence du Conseil (janvier-octobre 1933) où il doit faire face aux
premiers coups de force d’Hitler et au révisionnisme de Mussolini (pacte à
Quatre). Son deuxième ministère en janvier 1934 ne résiste pas à la
manifestation du 6 février. Il participe au rassemblement pour le Front
populaire en 1935, et dans le gouvernement de Léon Blum, ministre de la
Défense nationale et de la Guerre (portefeuille qu’il garde jusqu’en 1940),
Daladier fait adopter une politique de réarmement face à la montée des
périls. C'est sur lui que repose la responsabilité de la préparation de la
France à la guerre. Après l’Anschluss en 1938, il accède à nouveau à la
présidence du Conseil, et il accentue le réarmement et l’entente avec la
Grande-Bretagne pour faire face à l’axe Rome-Berlin. Par conviction
pacifique, il participe à la conférence de Munich (30 septembre 1838) où,
avec Hitler, Mussolini, Chamberlain, il signe les accords qui préservent la
paix, dans le cadre de la politique d’appeasement prônée par Londres, mais
qui, en cédant les Sudètes à l’Allemagne, sacrifient la Tchécoslovaquie. Si
la majorité des Français sont alors pacifistes, une partie l’accuse d’avoir
trahi la cause antifasciste. Au demeurant, tournant le dos à la gauche, il
symbolise l’union nationale. Après la conférence de Munich, il fait preuve
de plus de fermeté, notamment face aux revendications coloniales de
l’Italie. Il ne déroge pas à cette politique et déclare la guerre à l’Allemagne
le 3 septembre 1939. Il démissionne le 20 mars suivant, à cause des
reproches qui lui sont faits de ne pas être assez déterminé dans la conduite
de la guerre. Au moment de l’armistice de juin 1940, Daladier a rejoint
l’Afrique du Nord à bord du Massilia. Arrêté en septembre par le
gouvernement de Vichy, il comparaît devant la cour de Riom, puis il est
déporté en 1943 et n’est libéré que lors de la capitulation du 8 mai 1945.
À nouveau député, président du Rassemblement des gauches
républicaines après la guerre, il est l’un des opposants déterminés de la
CED. Mais sa carrière est en fait brisée, comme le souvenir qu’il laisse, par
les accords de Munich qui lui sont toujours reprochés.
AD

RÉAU (DU) Élisabeth, Édouard Daladier, Fayard, 1993.


→ ANSCHLUSS, APPEASEMENT, BLUM, CED, CHAMBERLAIN,
HERRIOT, HITLER, MUNICH (ACCORDS DE), MUSSOLINI,
ROME-BERLIN (AXE), SUDÈTES (CRISE DES)

DANTZIG (COULOIR DE)

Pour donner un accès à la mer à la Pologne reconstituée en 1918, il est


prévu par le traité de Versailles l’aménagement d’un corridor entre la
Poméranie et la Prusse orientale, ancienne région du Reich où la population
est en grande majorité polonaise. Or, cette portion de territoire ne comporte
qu’un port important, Dantzig, ville de population allemande qui, en vertu
du principe des nationalités, ne peut être confiée à la Pologne mais devient
une ville libre placée sous le contrôle de la Société des Nations, les Polonais
obtenant pour leur part l’assurance d’un libre accès au port.
Bien que le parti national-socialiste arrive au pouvoir à Dantzig en 1933,
Hitler s’efforce dans un premier temps d’entretenir de bonnes relations avec
la Pologne et conclut un pacte de non-agression en 1934. Il faut attendre la
remilitarisation de la Rhénanie pour qu’il demande le retour de Dantzig à
l’Allemagne, revendication qui reçoit l’assentiment du ministre britannique
des Affaires étrangères, Lord Halifax, en novembre 1937. En octobre 1938,
Ribbentrop va plus loin et exige la construction de liaisons routières et
ferroviaires extra-territoriales à travers le corridor, tout en offrant à la
Pologne de conserver son droit d’accès au port en cas de rattachement de
Dantzig à l’Allemagne. Mais le colonel Beck refuse, soutenu par la France
et l’Angleterre, qui offrent leur garantie à la Pologne (mars-avril 1939),
malgré un pacifisme de moins en moins généralisé (« Mourir pour
Dantzig ? »). Mais la signature du pacte germano-soviétique (août 1939)
laisse les mains libres à l’Est à Hitler, qui prend Dantzig pour prétexte
d’une guerre contre la Pologne. En jouant d’artifices diplomatiques puis en
simulant une attaque polonaise, il parvient à éviter un règlement
international sur le modèle de la conférence de Munich. C'est l'échec des
politiques d’appeasement et la voie ouverte à la guerre. Les déclarations de
guerre du 3 septembre 1939 à l’Allemagne n’empêchent pas la destruction
rapide de la Pologne, première étape de la Seconde Guerre mondiale. Lors
de la conférence de Potsdam, Dantzig devient une ville polonaise sous le
nom de Gdansk.
FG

→ APPEASEMENT, BECK, HITLER, MUNICH (ACCORDS DE),


PACIFISME, POTSDAM (CONFÉRENCE DE), RIBBENTROP,
TRAITÉS DE PAIX

DARFOUR

Une insurrection armée éclate au Darfour le 26 février 2003, province


située à l’ouest du Soudan, opposant le Sudanese People-s Liberation Army
(SPLA) et le Justice and Equality Movement (JEM) aux forces armées
gouvernementales et aux milices Janjavids, mercenaires pro-
gouvernementaux qui s’en prennent principalement aux populations civiles,
alors que le gouvernement soudanais est engagé dans un processus de paix
avec le Sud. Les populations Four, Zaghawa et Massalit se révoltent contre
le gouvernement central parce qu’elles se sentent délaissées, marginalisées,
économiquement et politiquement. Elles ne demandent pas l’indépendance
mais la même reconnaissance, les mêmes avantages que le Sud et surtout
une meilleure répartition des richesses. En fait, le Darfour connaît une
instabilité permanente depuis la fin des années 1980, ponctuée par un
premier conflit interethnique (1987-1989) opposant les Fours et les Arabes
puis un deuxième entre les Massalits et les Arabes (1996-1998). Ces
conflits se sont déroulés en marge, occultés par la guerre Nord/Sud et par le
processus de paix engagé. Le problème le plus urgent pour Khartoum est de
parvenir à la paix avec le Sud et de conserver le pouvoir. Les origines du
conflit sont anciennes et multiples : délaissement, frustration, désintérêt du
pouvoir central pour les régions périphériques, mauvaises conditions
climatiques entraînant la désertification, des conflits entre agriculteurs et
éleveurs nomades pour l’accès à la terre, auxquelles s’ajoute une profonde
crise identitaire entre arabes ou arabisés et africains non-arabes, tous étant
pourtant musulmans, c’est un conflit qui oppose des musulmans entre eux,
les populations sont noires, musulmanes et arabophones. À ces facteurs
nationaux s’ajoutent des facteurs extra-nationaux : la rébellion s’étend au
Tchad, en Centrafrique et au Niger. Le Darfour est un sanctuaire pour les
rebelles tchadiens et vice-versa, les Darfouriens trouvent refuge au Tchad,
des tribus sont transfrontalières comme les Zaghawas, tribu du président
tchadien Idriss Deby. Il s’agit aussi d’une guerre économique, du pétrole
ayant été découvert dans la région mettant en jeu d’autres acteurs : les
compagnies pétrolières, et la Chine, principal investisseur et acheteur du
pétrole, la Libye et la Russie qui équipent l’armée nationale soudanaise.
Au printemps 2004, la situation est devenue si catastrophique,
provoquant une très grave crise humanitaire : 300 000 morts environ ; 1,8
million de déplacés, 230 000 réfugiés au Tchad, que la communauté
internationale intervient alors. Le 22 juillet 2004, la résolution de l’ONU
1556 donne jusqu’au 30 août au gouvernement soudanais pour désarmer les
janjavids, désarmement qui n’a jamais eu lieu. En août 2004, la France
déploie des forces armées à la frontière tchadienne pour éviter les
infiltrations et permettre à l’aide internationale d’arriver dans les camps de
réfugiés. Une commission d’enquête de l’ONU (résolution 1564) mandatée
au Darfour accuse le gouvernement soudanais d’avoir commis des crimes
de guerre et des crimes contre l’humanité, en particulier par les milices
janjavids.
Le 8 avril 2004, après la signature d’un accord de cessez-le-feu entre le
gouvernement soudanais et les deux mouvements rebelles, sous l’égide du
Tchad, l’Union africaine déploie 7 000 soldats sur le terrain avec le soutien
financier et logistique de l’Union européenne, avec pour mandat
l’observation du cessez-le-feu (mission de l’Union africaine au Soudan ou
MUAS).
Les négociations de paix sur le Darfour débutent en août 2004, par la
médiation de l’Union africaine et du Tchad, et aboutissent à la signature
d’un accord de paix le 5 mai 2006 à Abuja entre le gouvernement et le
principal mouvement rebelle du Darfour (MLS, faction Minni Minawi),
mais contesté par plusieurs autres. L'accord de paix est signé mais les
combats reprennent en 2006.
Le 31 août 2006, la résolution 1706 du Conseil de sécurité de l’ONU
prévoit le déploiement de 21 000 Casques bleus au Darfour pour rétablir la
sécurité, mais sans succès, le gouvernement soudanais s’y oppose,
entraînant une nouvelle vague de violences. L'aide humanitaire est entravée.
La Ligue arabe s’est opposée à une intervention occidentale, la Chine
oppose son veto au Conseil de sécurité en raison de ses intérêts pétroliers au
Soudan.
En mai 2007, la Cour pénale internationale lance deux mandats d’arrêts
internationaux contre deux Soudanais accusés de crimes de guerre et de
crimes contre l’humanité : Ahmed Harou, ancien responsable soudanais de
la sécurité au Darfour et actuel secrétaire d’État aux affaires humanitaires et
Ali Kosbei, l’un des principaux chefs de milices janjavids.
Le 31 juillet 2007, le Conseil de sécurité vote à l’unanimité, donc y
compris la Chine, une résolution qui n’inflige pas de nouvelles sanctions au
Soudan mais autorise le déploiement au Darfour d’une force militaire
d’environ 26 000 hommes pour assurer la sécurité des populations et
garantir les accords de paix (MINUAD) (mission conjointe des Nations
unies et de l’Union africaine). Le 27 octobre 2007, des négociations
organisées par l’ONU s’ouvrent à Syrte, en Libye, entre les protagonistes
du conflit.
Depuis le début de 2008, le conflit se poursuit plus ou moins larvé ; en
mai, des « rebelles » du Darfour lancent une attaque qui échoue aux portes
de Khartoum.
CB

HUGON Philippe, Géopolitique de l’Afrique, éditions Sedes, mai 2007.


La crise du Darfour, chronique d’un génocide annoncé, in Annuaire
français de droit international 2004-2005, Paris, CNRS, 2005.
Darfour, quelle gestion des crises africaines ? in Annuaire français de
relations internationales 2005, Bruylant, 2005.
→ CPI, HUMANITAIRE (AIDE), ONU

DAWES (PLAN) → RÉPARATIONS

DÉCOLONISATION

La décolonisation des anciens empires européens, favorisée par les deux


guerres mondiales, est l’un des événements majeurs de la seconde moitié du
20e siècle. Encore dans l’entre-deux-guerres, il est question de colonisation,
puisque, sous couvert de mandats de la SDN, la France et la Grande-
Bretagne se partagent les dépouilles de l’Empire ottoman et de
l’Allemagne. Quant à l’Italie, elle poursuit son rêve d’un empire colonial en
conquérant l’Abyssinie (Éthiopie). Les mouvements anticoloniaux se
développent de 1919 à 1939, revendiquant le droit à l’autonomie,
contrepartie de la participation des colonies à l’effort de guerre, et respect
du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La Seconde Guerre mondiale,
révélant le déclin de l’Europe occidentale, joue un rôle capital, auquel il
faut ajouter le mouvement des idées : la charte de l’Atlantique de 1941,
proclame le droit à l’autodétermination des peuples. À l’issue de la guerre,
un régime de tutelle est institué dans le cadre de l’ONU, pour permettre à
certains territoires d’accéder à l’indépendance, et les deux superpuissances
poussent à la décolonisation des territoires détenus par des puissances
européennes affaiblies. La décolonisation s’effectue en deux étapes qui
s’inscrivent dans le contexte de l’opposition Est/Ouest, et de la lutte des
États-Unis pour enrayer les progrès du communisme. La première, qui se
situe entre 1945 et 1955, concerne l’Asie et le Proche-Orient.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la défaite japonaise a pour
conséquence l’émancipation de l’Asie du Sud-Est, tantôt de façon
relativement pacifique (Inde, Pakistan, Ceylan), tantôt de façon
conflictuelle (Indonésie, Indochine, Malaisie). La Grande-Bretagne prend
conscience de la montée des nationalismes et décide d’accorder
l’indépendance à son empire des Indes en mars 1947, donnant naissance à
deux nations antagonistes : l’Inde, hindouiste, et le Pakistan, musulman.
Pour l’Indochine française, l’occupation japonaise est décisive. La France
tente de s’opposer par la guerre au processus de décolonisation mais est
contrainte, au terme de huit ans de conflit (1946-1954), d’abandonner
l’Indochine par les Accords de Genève signés par Pierre Mendès France.
L'indépendance des Indes néerlandaises est arrachée en 1949, après deux
tentatives de reprise en mains par les Hollandais. La conférence de
Bandoung, en 1955, en appelant à la libération de tous les peuples encore
dépendants, marque le tournant.
La deuxième vague se situe autour des années 1960 (1954-1962) et
concerne le continent africain. Dans le milieu des années 1950, l’onde de
choc des mouvements indépendantistes et anticolonialistes gagne les pays
d’Afrique et du Maghreb. Certaines transitions se font pacifiquement,
d’autres donnent lieu à des conflits armés. En Afrique du Nord, la situation
est différente selon qu’il s’agit de la Tunisie, du Maroc, protectorats, et de
l’Algérie, divisée en trois départements français, peuplée d’une forte
minorité d’Européens. La France accorde l’indépendance au Maroc le 2
mars 1956 et à la Tunisie, le 20 mars. En Algérie, l’émeute de Sétif du 8
mai 1945, violemment réprimée, est le premier signe d’une volonté
d’indépendance. La révolte éclate le 1er novembre 1954. Désormais, c’est la
guerre, qui dure jusqu’aux accords d’Évian, le 18 mars 1962. La
décolonisation de l’Afrique noire française (ex-AOF et ex-AEF) se réalise
pacifiquement et progressivement, passant du statut de l’Union française de
1946 à celui de la Communauté franco-africaine et malgache de 1958
(Guinée exceptée) pour aboutir à la proclamation des indépendances en
1960. L'Afrique noire anglaise est décolonisée territoire par territoire, le
Ghana étant le premier à être indépendant, le 6 mars 1957. Les Britanniques
ont une approche de la décolonisation différente de celle de la France,
combinant évolution libérale intérieure, transfert progressif des pouvoirs et
retrait, mais avec le maintien de liens dans le cadre du Commonwealth. La
décolonisation la plus dramatique en Afrique est celle du Congo belge, non
préparée, proclamée le 30 juin 1960, qui se transforme en une véritable
révolution et ouvre une très longue crise, avec intervention de l’ONU. Le
Portugal ne se résigne à l’indépendance de ses colonies africaines : Angola,
Mozambique, îles du Cap Vert et de Sao Tomé, Guinée-Bissau, qu’en 1975,
après de longues années de guérilla, de guerres civiles et d’intervention de
troupes étrangères. La Namibie, dont la tutelle est retirée à l’Afrique du Sud
le 27 octobre 1966, et l’indépendance fixée au 31 décembre 1978, n’est
réellement indépendante que le 1er mars 1993.
Les anciennes métropoles gardent des liens privilégiés avec leurs
anciennes colonies, au risque d’être accusées de néocolonialisme. Ainsi, le
journaliste français Raymond Cartier, après deux reportages en Afrique,
préconise la préférence nationale à l’aide au Tiers Monde (« la Corrèze
plutôt que le Zambèze ») : le cartiérisme vise à montrer que les pays
européens dilapident des biens qui seraient plus utiles au développement de
certaines régions de leur propre territoire.
Du côté des territoires ex-coloniaux existent une semblable volonté
d’indépendance économique et l’illusion d’un rattrapage rapide du sous-
développement et d’une élimination de l’espace économique des ex-
métropoles, accusées souvent de néo-colonialisme. La décolonisation
économique est un enjeu plus facile à réaliser en Asie qu’en Afrique.
CB

AGERON Charles-Robert, La Décolonisation française, Armand Colin,


1991.
DROZ Bernard, Histoire de la décolonisation, Le Seuil, 2006.
MICHEL Marc, Décolonisations et émergence du Tiers Monde, 2002,
rééd. Hachette, 2005.
→ ALGÉRIE (GUERRE D’), BANDOUNG, COMMONWEALTH,
COMMUNAUTÉ FRANCO-AFRICAINE ET MALGACHE, CONGO,
ÉTHIOPIE (GUERRE D’), ÉVIAN (ACCORDS D’), INDOCHINE
(GUERRE D’), MANDATS, MENDÈS FRANCE, ONU, SDN, TIERS
MONDE

DÉFENSE EUROPÉENNE

Cette notion récente date de l’après-Seconde Guerre mondiale, quand


l’Europe est divisée en deux camps par la guerre froide. Mais dès 1917, la
sécurité de l’Europe dépend aussi des Américains, qui interviennent dans la
Grande Guerre, et des Soviétiques dont le messianisme révolutionnaire
s’oriente d’abord vers la partie occidentale de l’Europe. La menace
soviétique à partir de 1947 impose aux États européens de s’unir : c’est le
pacte de Bruxelles qui crée l’Union occidentale en 1948. Mais les
Européens constatent vite qu’ils ne peuvent assurer seuls leur défense, aussi
les États-Unis prennent-ils en charge la défense de l’Europe occidentale par
la création de l’Alliance atlantique. Imaginée pour encadrer le réarmement
allemand, la Communauté européenne de défense (CED) se révèle être un
échec. Du coup, la construction européenne progresse dans le domaine
économique, à l’exception de la tentative faite par le général de Gaulle de
bâtir une « Europe européenne », par le biais du plan Fouchet, puis dans le
cadre du traité de l’Élysée, où la dimension militaire est indéniable. Il faut
attendre le sommet de La Haye en 1969 pour que les États membres de la
CEE évoquent de nouveau les questions de sécurité à travers la coopération
politique européenne (CPE). Mais le rapport Tindemans tendant à inclure la
politique étrangère et la politique de défense dans les compétences de la
CEE n’aboutit pas. Peu après, la déclaration d’Ottawa du Conseil de
l’Alliance atlantique du 19 juin 1974 proclame l’absence d’opposition entre
les progrès vers l’unité européenne et la contribution des Européens à
l’Alliance atlantique.
Bref, à la veille de la fin de la guerre froide, la défense européenne n’a
guère progressé, même si un engagement juridique formel de coopération
politique est inclus dans l’Acte unique européen de 1986. Les
bouleversements politiques en Europe de l’Est et la crise du Golfe
démontrent l’absence de l’Europe. Ce sont le président Mitterrand et le
chancelier Kohl qui proposent en avril et décembre 1990 de « définir et
mettre en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune » (PESC),
très vite mise à l’épreuve par la crise yougoslave, et par le vide créé à l’est
de l’Europe par la disparition du pacte de Varsovie et de l’URSS,
rapidement comblé par l’Alliance atlantique.
La défense européenne doit se conjuguer avec le nouveau concept
stratégique de l’OTAN, qui impose la mise en place de forces
multinationales mobiles et souples. D’où la création en 1992 d’un corps
d’armée franco-allemand, présenté comme le noyau d’un corps européen,
opérationnel depuis 1995, l’Eurocorps qui réunit plus de 50 000 hommes
(France, Allemagne, Belgique, Espagne, Luxembourg) de l’Eurofor (force
terrestre d’action rapide) et de l’Euromarfor, force navale. L'Union
européenne apparaît comme le cadre virtuel de l’élaboration d’une défense
européenne, à laquelle même les Anglais semblent s’intéresser.
Si le traité de Maastricht (février 1992) instaure la PESC, le traité
d’Amsterdam (juin 1997) décide la création d’un Haut représentant de la
PESC, qui est Javier Solana.
Au sommet de Cologne (4 juin 1999), les Quinze expriment leur volonté
de voir avancer « l’identité européenne de sécurité et de défense » (IESD) et
envisagent de transformer l’Eurocorps (qui prend le commandement de la
KFOR au Kosovo au printemps 2000) en corps européen d’action rapide à
l’horizon 2003. Préfiguration d’un état-major, un comité militaire est
installé en mars 2000 à Bruxelles. Et le sommet de Nice (décembre 2000)
prévoit une structure permanente d’encadrement.
Ch. M

BUFFOTOT Patrice, Europe des armées ou Europe désarmée, Michalon,


2005.
MAURY Jean-Pierre, La Construction européenne, la sécurité et la
défense, PUF, 1996.
→ ALLIANCE ATLANTIQUE, BRUXELLES (PACTE DE), CED,
FOUCHET (PLAN), GOLFE (GUERRE DU), KOHL, KOSOVO,
OTAN, PESC, PESD, VARSOVIE (PACTE DE), UE (TRAITÉS DE L')

DE GASPERI Alcide (1881-1954)

Homme politique italien considéré comme l’un des pères de l’Europe. Né


dans le Trentin, alors austro-hongrois, il fait ses études à Vienne puis
représente sa région au Parlement autrichien (1911), et y défend
l’irrédentisme. La même année, il préside le premier congrès du parti
populaire italien (démocrate chrétien). Député du PPI en 1921, son hostilité
au fascisme lui vaut d’être déchu de son mandat (1926) et emprisonné
(1927-1929). Réfugié au Vatican durant l’occupation allemande, il est élu
secrétaire politique du parti démocrate chrétien (DC), et entre dans le
premier cabinet Bonomi à la libération de Rome (juin 1944). Après un
passage aux Affaires étrangères, De Gasperi forme son premier
gouvernement en décembre 1945 et reste au pouvoir jusqu’en juillet 1953 à
la tête de huit cabinets successifs, en reprenant les Affaires étrangères en
1951. Anticommuniste, souhaitant transcender le nationalisme italien dans
une fédération européenne, la victoire de la DC aux élections du 18 avril
1948 lui laisse les mains libres, ainsi qu’à son ministre des Affaires
étrangères le comte Sforza, pour chercher l’alliance américaine et impliquer
l’Italie dans la construction européenne. Le traité de paix, négocié lors de la
conférence de Paris (1946), lui permet de conserver le Haut-Adige en
concédant un statut spécial à la minorité germanophone (septembre 1947).
L'Italie bénéficie du plan Marshall (1947), de la déclaration anglo-franco-
américaine du 30 mai 1948 qui souhaite le retour de Trieste à l’Italie, et elle
peut adhérer à l’OTAN en 1951. Mais surtout De Gasperi est partisan de la
construction européenne, y compris sur le plan politique. Il œuvre pour la
création des premières institutions européennes : Conseil de l’Europe (mai
1949), CECA (avril 1951) dont il est le président en 1954 ; il accepte le
projet de Communauté européenne de défense (mai 1952).
AD

ARNOULX DE PIREY Élisabeth, De Gasperi : le père italien de l’Europe,


Paris, P. Téqui, 1991. VALIANI Leo, L'Italia di De Gasperi : 1945-1954,
Firenze, F. Le Monnier, 1982.
→ CECA, CED, CONSEIL DE L'EUROPE, IRRÉDENTISME,
MARSHALL (PLAN), OTAN, SFORZA

DE GAULLE Charles (1890-1970)

Cet officier manifeste très tôt une vocation d’écrivain au service de


l’armée. Dans son ouvrage Vers l’armée de métier (1934), il prend position
pour la création d’une armée de spécialistes et préconise le recours à l’arme
blindée dans les combats à venir. Paul Reynaud, devenu président du
Conseil en mai 1940, le nomme sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la
Défense nationale, le 5 juin. De Londres, le 18 juin, au lendemain de
l’annonce de l’armistice par le maréchal Pétain, devenu président du
Conseil après la démission de Reynaud, il lance un appel aux Français qui
ne veulent pas cesser le combat. Chef de la France libre, il est président du
Comité français de la libération nationale (CFLN) à partir du 3 juin 1943,
puis du gouvernement provisoire de la République française (GPRF) un an
plus tard jusqu’à sa démission le 20 janvier 1946. Il ne revient aux affaires
qu’en 1958, du fait de la guerre d'Algérie. Dernier président du Conseil de
la IVe République, fondateur de la Ve dont la Constitution est acceptée
massivement par le référendum du 28 septembre 1958, il en est élu le
président le 21 décembre. Réélu le 19 décembre 1965 au suffrage universel
direct, il démissionne le 28 avril 1969 à la suite du résultat négatif au
référendum sur la régionalisation.
La Seconde Guerre mondiale donne au général de Gaulle une stature
internationale. Le 17 juin 1940, ce général de brigade à titre temporaire
quitte Bordeaux pour Londres d’où il lance son appel à la résistance. Le 28,
Winston Churchill le reconnaît comme chef des Français libres. Sa situation
est difficile car il n’a pas de statut de représentant légal et tout son combat
consiste à faire reconnaître la cobelligérance de la France libre et la
reconnaissance du Comité national français (CNF) puis du GPRF créé le 3
juin 1944. Ce n’est que le 23 octobre 1944 que les trois grands alliés le
reconnaissent comme président du CFLN. Roosevelt est le plus réticent,
attendant que des élections aient lieu en France. Le Général n’en poursuit
pas moins sa lutte contre le régime de Vichy et pour la libération de la
France, avec les résistants de l’intérieur et le CNR. Le souci du rang et de
l’indépendance nationale mène toute sa politique.
Même si la France n’est pas invitée à Yalta et Potsdam, la détermination
de De Gaulle lui permet d’être aux côtés des vainqueurs lors de la
capitulation de l’Allemagne (7-8 mai 1945), d’obtenir un siège de membre
permanent au Conseil de sécurité de l’ONU et une zone d’occupation en
Allemagne.
L'indépendance nationale, clé de voûte de la politique étrangère
gaullienne, se manifeste contre la division du monde en deux blocs. À la
tête du Rassemblement du peuple français (RPF) créé en 1947, de Gaulle
refuse le partage de l’Europe et ne reconnaît pas la division de
l’Allemagne ; il combat la CED qu’il voit comme un « ensemble apatride ».
La politique des mains libres, pour la France et pour les autres peuples, le
pousse à la décolonisation, acquise pour l’Afrique noire en 1960 et pour
l’Algérie après une rude guerre, par les accords d’’Évian en 1962. Cette
diplomatie lui permet d’avoir des liens privilégiés avec les nouveaux États,
et la France a une place particulière dans les pays du Tiers Monde : des
accords de coopération militaire et économique sont établis. Il tente de
restaurer la présence de la France en Amérique latine, arrière-cour des
États-Unis, en s’y rendant deux fois en 1964 ; après avoir reconnu le régime
de Pékin (janvier 1964), son discours de Phnom-Penh au Cambodge (1966)
vise à mettre en cause la présence des Américains en Asie du Sud-Est à
travers leur rôle dans la guerre du Vietnam.
En Europe, de Gaulle tente de mener une politique indépendante. Son
voyage en URSS (1966) est une première étape vers une politique de «
détente, entente coopération » avec l’autre côté du rideau de fer, vers la «
Russie éternelle », puis vers la Pologne (1967) et la Roumanie (1966),
contre la logique des blocs qu’il a toujours récusé tout en posant la France
résolument dans le bloc occidental. « L'Europe de l’Atlantique à l’Oural »
est une expression qu’il utilise depuis les années 1950, qui montre aussi que
l’Europe n’est pas nécessairement liée aux États-Unis.
La construction européenne porte aussi la marque du chef de l’État. Le
Général respecte les termes des traités de Rome dès son retour en 1958,
alors qu’il avait été hostile aux premières étapes. Il souhaite faire appliquer
la Politique agricole commune (PAC) mise au point en 1962, mais il refuse
la supranationalité et l’introduction du vote à la majorité, abandonné par le
compromis de Luxembourg (janvier 1966). Par deux fois, il refuse l’entrée
de la Grande-Bretagne dans la CEE (1963 et 1967), la voyant comme le
cheval de Troie des États-Unis. Pour lui, l’Europe ne peut se construire que
sur les États et le pilier franco-allemand, qui prend naissance avec le traité
de l’Élysée (janvier 1963).
Dans un mémorandum de 1958, il demande la réforme de l’OTAN car les
conditions de la guerre froide ont changé. Les compétences géographiques
de l’OTAN doivent s’étendre au-delà de l’Atlantique-Nord, l’intégration
militaire et le monopole nucléaire américain sont remis en question, la
France doit être associée, à la direction politique et stratégique du monde
libre aux côtés des États-Unis et du Royaume-Uni. Face au refus des Anglo-
Saxons, le Général décide un retrait progressif de la France de
l’organisation militaire intégrée de l’OTAN.
La grandeur et l’indépendance de la France ont véritablement été les
principes qui ont, de tout temps, gouverné la pensée et l’action du général
de Gaulle.
Ch. M

LACOUTURE Jean, De Gaulle, 3 tomes, Le Seuil, 1984-1986.


LA GORCE Paul-Marie (de), De Gaulle, Perrin, 1999.
ROUSSEL Éric, Charles de Gaulle, Tempus, 2007. VAïSSE Maurice, La
Grandeur : politique étrangère du général de Gaulle, 1958-1969, Fayard,
1998.
→ ALGÉRIE (GUERRE D’), CED, CEE, CHURCHILL,
DÉCOLONISATION, LUXEMBOURG (COMPROMIS DE), ONU,
OTAN, PAC, POTSDAM, ROME (TRAITÉS DE), ROOSEVELT
(FRANKLIN D.), TIERS MONDE, YALTA

DELCASSÉ Théophile (1852-1923)

Après avoir été l’un des champions du « parti colonial », il est le maître
d’œuvre de la politique extérieure française au début du 20e siècle et
parvient à mettre en place un système anti-allemand qui démontre son
efficacité en 1914. Proche de Gambetta et de Ferry, député, sous-secrétaire
d’État aux Colonies (1893) puis ministre des Colonies (1894), il est nommé
ministre des Affaires étrangères en 1898. S'attachant alors à développer
l’alliance franco-russe initiée dès 1893 et s’efforçant de la concilier à une
entente avec la Grande-Bretagne, Delcassé accepte le retrait français de
Fachoda (1898) afin d’éviter un affrontement avec elle. Une fois achevée la
guerre des Boers (1899-1902) qui irrite fortement l’opinion française, il met
un terme aux contentieux coloniaux franco-britanniques par l’Entente
cordiale (1904). De plus, il obtient l’abandon de fait de la Triple-Alliance
par l’Italie (1902) et un accord avec l’Espagne concernant le Maroc (1904).
Inquiet de la politique d’encerclement diplomatique et militaire poursuivie
par le chef de la diplomatie française, l’empereur Guillaume II prend
prétexte de la première crise marocaine (Tanger) pour exiger la tenue d’une
conférence internationale qui a eu lieu au début de 1906 à Algésiras. N’y
voyant qu’une manœuvre allemande, Delcassé s’y refuse mais le
gouvernement français, soucieux d’un possible conflit avec l’Allemagne,
accepte d’y participer, ce qui entraîne la démission du ministre (6 juin
1905). Revenu aux affaires en 1911 comme ministre de la Marine, il
formalise le rapprochement avec les Britanniques par la définition des
futures zones d’action maritimes en cas de conflit : la mer du Nord aux
Anglais et la Méditerranée aux Français. Nommé ambassadeur à Saint-
Pétersbourg (1911-1913), il se consacre au raffermissement de l’alliance
franco-russe. Ministre de la Guerre à la veille du conflit, il retrouve son
poste aux Affaires étrangères en août 1914 où il s’emploie à faire entrer
l’Italie en guerre aux côtés des alliés et à contrer les prétentions de ceux-ci
dans les Balkans, mais il ne peut empêcher les Bulgares de se joindre aux
Empires centraux ; il donne sa démission en 1915 pour protester contre
l’expédition de Salonique et ne joue plus aucun rôle politique.
AD

RAPHAËL-LEYGUES Jacques, Delcassé, Encre, 1980.


ZORGBIBE Charles, Delcassé : le grand ministre des Affaires
étrangères de la IIIe République, Paris, Olbia, 2002.
→ BALKANIQUES (GUERRES), ENTENTE CORDIALE,
FACHODA, MAROCAINES (CRISES), TRIPLE-ALLIANCE

DELORS Jacques (1925)

Autodidacte, il travaille à la Banque de France et milite dans le


syndicalisme chrétien, la CFTC, tout en poursuivant ses études. Il devient
responsable du club « Citoyen 60 » et inspirateur de la seconde gauche. En
1969, il est conseiller pour les Affaires sociales dans le cabinet du Premier
ministre Jacques Chaban-Delmas où il s’occupe de plus en plus des
questions financières et économiques, puis il adhère au parti socialiste en
1974. Après la victoire de François Mitterrand, il est ministre des Finances
dans le gouvernement Mauroy (1981-1984) et l’un des partisans de la
politique de rigueur face à la crise économique.
La personnalité et le travail de Delors dans la construction européenne
sont décisifs. Élu au Parlement européen lors des premières élections au
suffrage universel direct en 1979, il y préside la Commission économique et
monétaire. Après avoir quitté le gouvernement, il devient président de la
Commission européenne, et en assume les fonctions de 1985 à 1994. En
juin 1985, il présente un « Livre blanc » dont le but est de stimuler la
reprise économique, d’accorder la liberté de circulation des hommes, des
marchandises et des capitaux pour créer un marché unique : ces
propositions sont acceptées sous le titre d’« Acte unique », signé en 1986.
Sous sa direction, un comité étudie le projet Erasmus qui est lancé en
1987, et celui de l’Union économique et monétaire (1988-1989).
À la fin de son troisième mandat à la présidence de la Commission, en
1994, l’Europe est élargie à quinze États, elle est profondément rénovée ; le
traité de Maastricht, signé en 1992, agrandit les compétences de l’Union
européenne.
Jacques Delors est président fondateur de « Notre Europe ».
Ch. M

DELORS Jacques, Mémoires (avec Jean-Louis Arnaud), Plon, 2004.


• L'Unité d'un homme (avec Dominique Wolton), Odile Jacob, 1994.
DRAKE Helen, Jacques Delors en Europe, Presses universitaires de
Strasbourg, 2002.
→ UE (INSTITUTIONS, TRAITÉS DE L')

DENG XIAOPING (1904-1997)

Deng Xiaoping, l’homme de « l’économie de marché socialiste », est né


dans une famille paysanne du Setchouan en 1904. Marqué par le
mouvement des intellectuels contre la décadence politique de son pays le 4
mai 1919, il vient achever ses études en France de 1920 à 1925 où il
rencontre Chou Enlai, s’inscrit au parti communiste en 1924 et se rend à
Moscou. De retour en Chine, il rejoint la guérilla, soutient Mao Zedong,
devient commissaire politique dans l’armée communiste du Kwangsi, et
participe à la Longue Marche en 1934-1935, à la guerre sino-japonaise et à
la guerre civile, à la tête de la IIe armée de campagne. Membre du comité
central du parti en 1945, secrétaire général du Comité central et membre du
bureau politique du PCC en 1954, Mao Zedong finit par prendre ombrage
de ce grand travailleur, réaliste et l’élimine lors de la Révolution culturelle
en 1966 ainsi que Liou Chao-chi. Deng Xiaoping tombe alors en disgrâce et
dans l’oubli pendant six ans pour réapparaître au premier plan en 1973,
rappelé par Chou En-lai. Nommé successivement membre du comité
central, vice-Premier ministre, membre du bureau politique, il cumule à
partir de janvier 1975 la vice-présidence du parti et celle du gouvernement.
Il apparaît comme le seul recours possible après la mort de Chou et de Mao
en 1976. En février 1976, le ministre de la Sécurité, Hua Kuo-feng, est
nommé chef intérimaire du gouvernement chinois, et Deng taxé de «
dirigeant non repenti » doit faire face à une campagne de presse et
d’affiches. De violents incidents éclatent à Pékin le 5 avril 1976, imputés à
Deng, si bien que le bureau politique décide à l’unanimité de le destituer de
toutes ses fonctions, sans toutefois l’exclure du parti. Après l’arrestation de
la « bande des Quatre », Deng Xiaoping est réintégré au sein du parti et du
gouvernement (juillet 1977). Dès lors son influence ne cesse de croître. Il
reprend les fonctions de vice-président du Comité central, de membre de la
commission du Bureau politique, de premier vice-président de la
commission des Affaires militaires du parti et de chef d’État-major de
l’Armée populaire de Libération. Jusqu'au XIIe congrès de 1982, il procède
à la mise à l’écart des anciens maoïstes, pose les bases de la politique de
modernisation, et organise sa succession en plaçant Hu Yaobang (1915-
1989) puis en 1987, Zhao Ziyang à la tête du parti et Li Peng à la tête du
gouvernement. Deng Xiaoping lance des campagnes de répression
successives en 1979, 1983 et 1987, et écrase le mouvement de protestation
de la place Tian An Men, le 4 juin 1989. C'est la fin du printemps
démocratique chinois et de la popularité de Deng. Il relance l’ouverture vers
le capitalisme, place à la tête de la République Jiang Zemin, tout en restant
à ses côtés jusqu’à sa mort en février 1997. À la recherche de la stabilité
intérieure de son pays nécessaire pour assurer son développement
économique, Deng, le nationaliste, lutte contre le séparatisme (Tibet,
Ouighour), l’extrémisme religieux, le terrorisme, la dissidence, les
mouvements religieux.
Homme d’État, militaire, diplomate, un des plus grands dirigeants du
parti communiste chinois, de l’Armée de libération populaire et de la
République populaire de Chine, Deng demeure le grand artisan de
l’ouverture et de la construction moderne de la Chine.
CB

GOLDMAN Merle, Sowing the seeds of Democracy in China. Political


reform in the Deng Xiaoping Era, Cambridge (Massachusetts), Harvard
University Press, 1994.
MING Ruan, Deng Xiaoping, chronique d’un empire, 1978-1990, Paris,
Picquier, 1992.
PEYREFITTE Alain, La Chine s’est éveillée. Carnets de route de l’ère
Deng Xiaoping, Paris, Fayard, 1996.
→ CHOU EN-LAI, MAO ZEDONG

DÉNUCLÉARISÉES (RÉGIONS) (NUCLEAR FREE-ZONE en anglais


et plus precis : NUCLEAR-WEAPON-FREE-ZONES)

Ce sont des zones où l’autorité publique convient de ne pas produire,


expérimenter ou stocker des armes nucléaires. Le concept émerge au temps
de la confrontation soviéto-américaine en Europe : en 1957 le plan Rapacki
(du nom du ministre polonais des
Accords de dénucléarisation
1er décembre
Accord de Washington sur la dénucléarisation de l’Antarctique
1959 :
14 février 1967 :
Traité de Tlatelolco : Amérique du Sud : tous les États y ont adhéré, sauf
Cuba
8 août 1985 :
Traité de Rarotonga (îles Cook) : Pacifique sud
15 décembre
Traité de Bangkok : Asie du Sud-Est
1995 :
11 août 1996 : Traité de Pelindaba (République sud-africaine) : Afrique

Affaires étrangères) propose sans succès la dénucléarisation de l’Europe. Le


champ de la confrontation nucléaire est progressivement réduit. Depuis la
fin de la guerre froide, l’extension du phénomène est complémentaire de
celui des accords de limitation des armements nucléaires. À l’engagement
des États de la région concernée s’ajoute celui des États nucléaires à les
respecter (cf. le cas de la France pour ses possessions aux Antilles et en
Océanie).
MV

→ ARMS CONTROL, ESSAIS NUCLÉAIRES, PROLIFÉRATION

DÉSARMEMENT

Survol

Considéré par certains comme la condition sine qua non de la paix, le


désarmement est aussi ancien que la guerre elle-même : il peut ainsi être
l’une des sanctions que le vainqueur inflige au vaincu.
La volonté de limiter les effets ou la durée de la guerre, ou bien encore la
quantité d’armements remonte loin dans le temps.
Au Moyen Âge, l’Église impose des trêves de Dieu, forme de
désarmement temporaire. Les conciles de Clermont (1095) puis de Latran
(1139) tentent de prohiber l’usage des arbalètes, forme de désarmement
qualitatif. Au 18e siècle apparaît une autre approche : le désarmement
négocié, dont la principale caractéristique est la réciprocité censée garantir
la sécurité. Il faut attendre les conférences de La Haye, en 1899 et 1907,
pour que soit adopté un texte, de portée limitée, visant à limiter les
armements et ratifié par une trentaine d’États.
Siècle de la guerre, le 20e siècle apparaît aussi comme celui où le
désarmement se décline sous toutes les formes. Incarnant les espoirs de paix
universelle à l’issue de la Grande Guerre, la Société des Nations (SDN) se
déconsidère à essayer d’organiser entre ses membres un désarmement
général et complet, lié à celui qui est imposé à l’Allemagne par le traité de
Versailles. Le même espoir est repris à ses débuts par l’ONU, vite
confrontée à la menace de l’holocauste nucléaire dans un contexte de guerre
froide. L'équilibre de la terreur entre les États-Unis et l’Union soviétique
dicte, à partir des années 1960, une politique plus réaliste de maîtrise
partielle des armements (arms control), en particulier nucléaires
(déclaration Zorine-McCloy en 1961). Les accords de limitation
d’armements se multiplient alors, pour limiter les essais nucléaires (traité de
Moscou, 1963), pour dénucléariser une région du globe (le traité de
Tlatelolco en 1967 concerne les États latino-américains), pour contrôler et
vérifier les réductions d’armement, pour limiter les armements stratégiques
offensifs et le système de missiles antimissiles balistiques (accords SALT,
1972).
On va plus loin avec le traité de Washington (1987) aboutissant à
l’élimination d’une catégorie entière d’armes, Soviétiques et Américains
ayant accepté de détruire leurs stocks de missiles à moyenne et courte
portée. Avec la fin de la guerre froide et l’amoindrissement du rôle du
nucléaire militaire, les États s’efforcent de récolter les dividendes de la
paix. Des négociations multilatérales aboutissent, en 1990-1992, au traité
sur les forces conventionnelles en Europe, engageant vingt-neuf États et à
celui sur l’interdiction des armes chimiques, signé à Paris en 1993 par cent
trente pays.

Chronologie des accords de désarmement

20 septembre 1961
Déclaration McCloy-Zorine : début de l’arms control.
5 août 1963
Traité de Moscou sur l’interdiction des essais nucléaires dans l’espace,
l’atmosphère et dans l’eau.
27 janvier 1967
Accord sur l’utilisation pacifique de l’espace.
10 juillet 1968
Traité de non-prolifération entré en vigueur en 1970, qui distingue les
États qui ont procédé à des expériences nucléaires avant 1967, et
conserveront leurs armes, et les autres, qui ne doivent pas en acquérir ; il
interdit aux détenteurs de l’arme nucléaire d’approvisionner les autres États
et à ceux-ci de produire et d’acquérir ces armes.
11 février 1971
Traité de dénucléarisation des fonds marins et de leur sous-sol.
26 mai 1972
SALT I (Strategic Arms Limitation Treaty) sur la limitation des
armements stratégiques intercontinentaux (de portée supérieure à 5 500
km), qui définit des plafonds pour le nombre de missiles défensifs
antibalistiques et décrète un gel de cinq ans sur les arsenaux offensifs.
26 mai 1972
Traité ABM (anti-ballistic missiles) qui limite les sites de missiles
antimissiles à deux (un seul à partir de 1974).
3 juillet 1974
Treshold Test Ban Treaty (TTBT) : traité entre les États-Unis et l’URSS
limitant à 150 kt l’énergie des essais nucléaires souterrains.
18 juin 1979
SALT II : ce traité limite la croissance quantitative et qualitative des
armes nucléaires stratégiques américaines et soviétiques et des avions
porteurs de missiles de croisière.
8 décembre 1987
Traité de Washington éliminant tous les missiles de 500 à 5 500
kilomètres de portée intermédiaire (Euromissiles).
19 décembre 1990
Traité sur la réduction des forces conventionnelles en Europe (FCE),
signé à Paris, à la suite des négociations MBFR Varsovie (réduction
mutuelle et équilibrée des forces classiques en Europe) entre les États
membres de l’OTAN et ceux du Pacte de qui ont duré de 1973 à 1989. Il
limite les 5 principales catégories de forces conventionnelles en Europe et
les répartit entre des zones fixées. Le texte en a été revu en novembre 1999.
31 juillet 1991
START I (Strategic Arms Reduction Treaty) qui prévoit la destruction
d’un tiers des arsenaux d’armes nucléaires stratégiques, soviétiques et
américaines, en sept ans.
Septembre et octobre 1991
Double décision américaine et soviétique prévoyant la destruction de
toutes les armes nucléaires « de théâtre » ou tactiques en Europe, excepté,
pour les États-Unis, leur composante aérienne.
23 mai 1992
Protocole de Lisbonne au traité START par lequel la Biélorussie, le
Kazakhstan et l’Ukraine renoncent aux armements nucléaires hérités de
l’Union soviétique.
17 juin 1992
Accord américano-russe sur les armements stratégiques offensifs.
Déclaration sur un système de protection globale (GPS).
3 janvier 1993
START II, signé à Moscou par George Bush et Boris Eltsine, qui prévoit
l’élimination en dix ans des missiles sol-sol à têtes multiples (MIRV), la
réduction des 2/3 des ogives nucléaires stratégiques : la Douma russe ne l’a
pas ratifié.
15 janvier 1993
Traité de Paris sur l’interdiction de l’emploi et de la fabrication des armes
chimiques et la destruction des stocks existants, que doit contrôler
l’organisation pour l’interdiction des armes chimiques.
10 septembre 1996
Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires (TICE)
(Comprehensive Test Ban Treaty, CTBT). Signé par 158 États, mais ni par
l’Inde ni par le Pakistan ; les États-Unis, la Russie et la Chine ne l’ont pas
ratifié.
3 décembre 1997
Convention interdisant les mines antipersonnel, signée à Ottawa.
24 avril-19 mai 2000
Conférence des États signataires du TNP. Les cinq puissances nucléaires
s’engagent à éliminer totalement leurs arsenaux nucléaires.
24 mai 2002
Signature à Moscou du traité de désarmement stratégique par les
présidents G.W. Bush et V. Poutine : les deux États s’engagent à réduire des
deux tiers leurs arsenaux nucléaires stratégiques qui doivent passer de 6 000
têtes nucléaires à 1 700-2 200 d’ici à 2012. Septembre 2002-mars 2003
Crise autour des ADM que l’Irak est censé posséder.
11 janvier 2003
La Corée du Nord se retire du TNP.
Automne 2003
Première crise autour du programme d’enrichissement d’uranium de
l’Iran.
Décembre 2005-janvier 2004
La Libye renonce à développer des ADM et ratifie le TICE et le TNP.
9 octobre 2006
Premier essai nucléaire nord-coréen

Entre les deux guerres

Le Pacte de la SDN et le traité de Versailles érigent le désarmement en un


objectif réalisable. L'article 8 du Pacte proclame que « le maintien de la
paix exige la réduction des armements nationaux au minimum compatible
avec la sécurité nationale et avec l’exécution des obligations internationales
imposées par une action commune ». Quant au traité, il impose le
désarmement à l’Allemagne, « en vue de rendre possible une limitation
générale des armements de toutes les nations », dont l’armée est réduite à
100 000 hommes, sans artillerie lourde, chars, aviation. Si les vaincus sont
désarmés, les vainqueurs ne désarment pas, sauf dans le domaine naval. Si
le désarmement naval enregistre des succès aux conférences de Washington
(novembre 1921-février 1922) et de Londres (janvier-avril 1930), c’est qu’il
est de loin le plus facile à mettre en œuvre et à contrôler.
Par contre, le désarmement terrestre est plus difficile à réaliser car la
SDN n’est pas universelle, les vainqueurs ne sont pas d’accord : tout le
débat se résume dans les années 1920 à une confrontation entre la Grande-
Bretagne et la France : l’une veut désarmer d’abord, l’autre veut la sécurité
d’abord. Faute de réussir à mettre au point une assistance mutuelle, clef de
voûte d’un système de sécurité collective, McDonald et Herriot inventent la
fameuse trilogie « Arbitrage-Sécurité-Désarmement », qui sert de base pour
l’élaboration du protocole pour le règlement pacifique des différends
internationaux, adopté à l’unanimité le 2 octobre 1924. Ce protocole met en
place un système de règlement pacifique de tous les différends pouvant
surgir entre États qui doivent s’en remettre à l’arbitrage international. Les
accords de Locarno (octobre 1925) sont dans le même esprit. Au même
moment, le protocole interdisant l’emploi des armes biologiques et
chimiques est signé à Genève le 17 juin 1925. Quant au désarmement, la
SDN le confie à une commission chargée de préparer une conférence de
désarmement, qui se réunit finalement à Genève en février 1932. C'est trop
tard, car la France a alors perdu tous les avantages qu’elle tirait de sa
victoire ; seul le désarmement de l’Allemagne lui permet de conserver une
marge de supériorité. Or, l’Allemagne, qui a tout fait pour contourner les
prescriptions du traité de Versailles et a réarmé clandestinement, réclame
l’égalité des droits, ce qui lui est finalement concédé en décembre 1932,
tandis que les plans succèdent aux plans. Entre-temps, Hitler accède au
pouvoir et décide de secouer le joug de la SDN en quittant la conférence du
désarmement et la SDN en octobre 1933, et, plus tard, en instaurant le
service militaire obligatoire en mai 1935. Du coup, la France déclare avec
Barthou qu’elle abandonne la sécurité collective pour assurer sa sécurité par
ses propres moyens, mais elle s’oriente à reculons vers le réarmement.

Après 1945

La question du désarmement est complètement transformée. La charte


des Nations unies rompt avec l’idéalisme de la SDN pour deux raisons :
l’article 26 ne présente plus le désarmement comme une panacée, mais
comme un moyen, parmi d’autres, de favoriser la paix et la sécurité. D’autre
part, la question des armes atomiques domine très largement les débats sur
le désarmement pendant près d’un demi-siècle. Il s’agit dès lors de prévenir
la guerre, non par le désarmement, mais par le maintien d’un équilibre entre
les forces, obtenu par la négociation de traités assortis de régimes de
vérification effectifs et librement consentis et la mise au point de mesures
de confiance et de sécurité développées au sein de l’OSCE. Depuis 1995,
après la prorogation du TNP pour une durée indéfinie, le dialogue bilatéral
marque le pas. Les traités les plus récents, comme la convention
internationale des armes chimiques, signée à Paris en 1993, comportent des
outils de vérification. C'est le cas de la commission créée par l’ONU à
l’issue de la guerre du Golfe (l’UNSCOM) avec pour mission de neutraliser
les armes de destruction massive que pourrait détenir l’Irak et de contrôler
son désarmement.
MV

KLEIN Jean, Maîtrise des armements et désarmement, les accords conclus


depuis 1945, La Documentation française, 1991.
→ ABM, ARMS CONTROL, BARTHOU, BUSH (GEORGE),
CSCE/OSCE, DÉNUCLÉARISÉES (RÉGIONS), ELTSINE, ESSAIS
NUCLÉAIRES, GOLFE (GUERRE DU), GUERRE FROIDE,
HERRIOT, HITLER, LOCARNO (PACTE DE), MACDONALD,
ONU, POUTINE, PROLIFÉRATION, SALT (ACCORDS), START,
SÉCURITÉ COLLECTIVE, ZORINE

DÉTENTE → GUERRE FROIDE

DETTES DE GUERRE

Pendant la Grande Guerre, les Alliés ont contracté des emprunts auprès
des États-Unis (10,3 milliards de dollars dont 4,2 pour le Royaume-Uni et
3,4 pour la France). La question de leur remboursement, qui conditionne la
reconstruction de l’Europe, déchaîne les passions de part et d’autre de
l’Atlantique : les Européens souhaitent des aménagements, notamment
rendre ces dettes et les réparations solidaires, les Américains invoquent le
caractère sacré des contrats. S'ils font des concessions sur les taux d’intérêt,
ils refusent obstinément l’annulation des dettes ou leur diminution, le
règlement conjoint des dettes et des réparations, celles-ci étant pour eux une
affaire strictement européenne née du traité de Versailles qu’ils n’ont pas
ratifié. Cette position, juridique, vue l’aisance budgétaire de Washington,
leur vaut le surnom de Shylock, particulièrement en France qui estime avoir
déjà payé
Les dettes interalliées

avec son sang et rappelle que les États-Unis ne l’ont jamais remboursée des
dettes de la guerre d’indépendance. Elle s’explique, outre le souci
d’épargner le contribuable, par une sous-estimation des difficultés
économiques de l’Europe et une rivalité financière anglo-américaine
latente. Un à un pourtant, les débiteurs consolident leur dette, d’abord la
Grande-Bretagne en 1923, la France parmi les derniers en 1926 et ne
ratifiant l’accord qu’en juillet 1929. Les États-Unis ont dû, il est vrai,
s’intéresser à la question des réparations par l’intermédiaire de comités
d’experts et accepter avec le flux de capitaux du plan Dawes de 1924 et
surtout le plan Young en 1929 un lien de facto entre le paiement des
réparations et le remboursement des dettes. Mais, avec la crise de 1929,
après le moratoire Hoover qui suspend toutes les dettes
intergouvernementales pour un an à compter de juillet 1931, puis l’abandon
des réparations à la conférence de Lausanne en 1932, tous les pays, sauf la
Finlande, cessent d’honorer leurs dettes, même si les États-Unis continuent
d’exiger le remboursement intégral.
FG

ARTAUD Denise, La Question des dettes interalliées et la reconstruction


de l’Europe : 1917-1929, PUL, Lille, 1978.
→ HOOVER, RÉPARATIONS, TRAITÉS DE PAIX

DIPLOMATIE

C'est l'un des instruments essentiels des relations internationales, même


en temps de guerre, même en cas de rupture des rapports interétatiques, car
il n’y a pas d’autre alternative pour dialoguer. L'évolution de la diplomatie
au 20e siècle se caractérise à la fois par le déclin du rôle des chancelleries,
par l’importance croissante de la diplomatie multilatérale par rapport à la
diplomatie bilatérale, la complexité toujours plus grande des fonctions
diplomatiques, enfin la personnification de la politique extérieure.
Elle est aussi une institution divisée en deux parties : le siège dans la
capitale (à Paris, c’est le Département) et les missions diplomatiques ou
consulaires. Au début du 20e siècle, les chancelleries des grandes puissances
jouent un rôle déterminant. Leur appellation même, provenant parfois de
leur localisation géographique, est significative : le Quai d’Orsay (à Paris),
le Foreign Office (à Londres), la Wilhelmstrasse (à Berlin jusqu’en 1945),
le Département d’État (à Washington), la Farnesina (à Rome), la Sublime
Porte (Istanbul jusqu’en 1922), le Ballhausplatz (à Vienne). La discrétion
absolue est alors de mise et l’activité diplomatique échappe au contrôle
démocratique : d’où les accords secrets avant et pendant la Grande Guerre,
par lesquels les belligérants se partagent les zones d’influence. Dans sa
déclaration en quatorze points, le président Wilson condamne
vigoureusement la diplomatie secrète et le fait inscrire dans le pacte de la
SDN (article 18).
À la différence de la diplomatie bilatérale, qui traditionnellement
concerne les rapports entre deux États, la diplomatie multilatérale a pour
cadre à la fois les organisations internationales et les grandes conférences
internationales. La SDN et l’ONU, ainsi que les organismes spécialisés qui
leur sont liés, contribuent à développer le système multilatéral, dans la
mesure où chaque nouvel État, surtout issu de la décolonisation, tient à
avoir une mission permanente auprès des Nations unies.
Cette évolution conduit à un développement des organes internes des
ministères des Affaires étrangères orientés vers la diplomatie multilatérale
(création au Quai d’Orsay du « Service français de la Société des Nations »,
puis après 1945 du « Secrétariat des conférences internationales », enfin de
la « Direction des Nations unies et des organisations internationales »).
Les missions diplomatiques doivent traiter de questions de plus en plus
vastes et complexes : militaires, économiques, financières, culturelles,
scientifiques, entraînant la multiplication d’attachés spécialisés au sein des
ambassades (culturel, scientifique et technique ; financier ; commercial ;
chef des services d’expansion économique ; pour les affaires maritimes et
aériennes ; pour les affaires sociales ; pour la technologie et l’industrie de
défense ; pour les questions nucléaires ; ecclésiastique) et d’organes
consacrés aux relations internationales au sein des administrations centrales,
comme la Direction des Relations économiques extérieures (DREE) au
ministère de l’Économie et des Finances.
La personnalisation de la politique extérieure s’est faite aux dépens de la
fonction diplomatique. L'ère des grands ambassadeurs du début du siècle :
les frères Cambon (Paul, ambassadeur à Londres à partir de septembre
1898 ; Jules, ambassadeur à Berlin à partir de janvier 1907), Camille
Barrère à Rome (ambassadeur à partir de décembre 1897), Jusserand à
Washington (ambassadeur à partir d’août 1902), est finie en raison de la
rapidité et de la facilité croissante des transports, du développement de la
diplomatie de conférences et de la diplomatie multilatérale. Les
responsables politiques ont de plus en plus tendance à régler eux-mêmes –
parfois en tête-à-tête – les questions de politique étrangère. Selon les États,
il peut s’agir des ministres des Affaires étrangères, des chefs d’État et de
gouvernement souvent secondés par des conseillers spéciaux, les « sherpas
».
Codifié par les conventions de Vienne de 1961, 1963 et 1969, le travail
diplomatique s’est beaucoup modifié au cours du siècle. Certes, les chefs de
mission diplomatique remettent toujours leurs lettres de créance, qui
authentifient leurs pouvoirs de représentation auprès de l’État d’accueil, et
dont la cérémonie obéit à un protocole plus ou moins solennel. Les
diplomates échangent avec le Département moins de dépêches, c’est-à-dire
de communications écrites et plus de télégrammes. Ils bénéficient toujours
des immunités qui les protègent, en particulier de l’extraterritorialité, et de
privilèges diplomatiques, la qualité de persona grata, l’inviolabilité de la
valise diplomatique. La violation de ces règles est considérée avec sévérité,
comme la prise en otage par les Iraniens des diplomates américains (1979-
1981), l’assassinat de l’ambassadeur Louis Delamare à Beyrouth (1981) et
le raid aérien sur l’ambassade de Chine à Belgrade (1999).
MV

Dictionnaire des ministres des Affaires étrangères, Fayard, 2005.


Histoire de la diplomatie française, Perrin, 2005. PANCRACIO Jean-
Paul, Dictionnaire de la diplomatie, Microbuss, 1998.
STEINER Zara (éd.), Survey of Foreign Ministries of the World, Times
Book, Londres, 1982.
→ MULTILATÉRALISME, ONU, SDN, UNILATÉRALISME,
WILSON

DISSUASION

Outre leur pouvoir de destruction massive, les armes nucléaires se


différencient des armes conventionnelles par le concept de dissuasion.
Certes, l’idée a toujours existé, mais aucune autre arme n’a à ce point un
rôle à la fois militaire, diplomatique et politique, où la stratégie anti-cités
est celle des représailles massives, avec à la clef l’apocalypse ou à tout le
moins l’hiver nucléaire, c’est-à-dire une profonde transformation climatique
qu’induirait le nucléaire sur l’environnement.
Sa force réside d’abord dans son existence, la seule possibilité de son
utilisation exerçant une influence décisive. D’où le paradoxe consistant à
faire reposer la force de l’arme dans la menace et non dans son usage. C'est
une arme de non-emploi. Dans ces conditions, l’arme atomique modifie
profondément les rapports internationaux. C'est un « égalisateur de
puissance », puisqu’il peut exister une dissuasion du faible au fort. C'est un
aiguillon à une paix armée, les superpuissances voulant à tout prix éviter
une guerre de destruction massive. D’où l’adoption à la fin des années 1960
de la doctrine de la destruction mutuelle assurée (en anglais MAD : Mutual
Assured Destruction) : chacune des deux superpuissances, ayant la certitude
que son adversaire peut la détruire, vise à la stabilité nucléaire. D’où
l’incitation à posséder des forces nucléaires suffisamment invulnérables et
nombreuses pour être capables, après une attaque éventuelle dirigée contre
elles, de répliquer de manière progressive et discriminée. D’où aussi le
paradoxe d’une auto-limitation des défenses antimissiles concrétisé dans les
accords ABM, ce que l’Initiative de défense stratégique du président
Reagan (1983) visait à remettre en cause, comme plus récemment le projet
NMD (2000).
MV

FREEDMAN Lawrence, The evolution of nuclear strategy, New York, St


Martin’s Press, 1981.
→ ABM, ARMES NUCLÉAIRES, ENVIRONNEMENT, GUERRE
DES ÉTOILES, REAGAN

DOMINOS (THÉORIE DES)

Il s’agit d’une théorie en vogue du temps de la guerre froide ; par


analogie avec l’image d’une rangée de dominos tombant les uns après les
autres, elle symbolisait l’expansion du communisme qui, à partir de la prise
de pouvoir par les communistes chinois, était susceptible de s’étendre
partout en Asie du Sud-Est et dans le Tiers Monde. Cette théorie est mise en
avant par le président Eisenhower dans son discours du 7 avril 1954 à
propos de la guerre d’Indochine et elle justifie l’intervention américaine au
Vietnam du temps des administrations Kennedy et Johnson. Et de fait,
malgré les énormes moyens militaires déployés par les Américains, toute
l’Indochine (Vietnam, Cambodge, Laos) est communiste en 1975. En
revanche, en Indonésie, les communistes ne parviennent pas à s’emparer du
pouvoir.
MV
→ ENDIGUEMENT, GUERRE FROIDE

DROGUE

Selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les


revenus de la drogue s’élèvent actuellement à 500 milliards de dollars par
an, soit 4 % du commerce mondial. Ces chiffres, qui peuvent varier selon
les produits retenus, portent le commerce des stupéfiants à la troisième
place, avant celui des armes. Environ 5 % de la population mondiale âgée
de 15 à 64 ans a consommé de la drogue dans l’année écoulée. Le trafic de
drogues fait peser une menace très grave sur les populations, les États et
l’équilibre politique global. Les trafiquants de drogues entretenant des liens
avec le terrorisme, la grande criminalité et le transfert d’êtres humains, la
lutte contre la drogue constitue un enjeu de sécurité prioritaire à l’échelle de
la planète. Les pays producteurs sont souvent pauvres et minés par la
corruption, les guerres civiles ainsi qu’une érosion de la justice
(Afghanistan, Bolivie, Colombie, par exemple). La drogue permet
notamment aux terroristes d’obtenir les moyens financiers de poursuivre
leurs opérations criminelles.
La politique mondiale de lutte contre la drogue s’applique aux stupéfiants
et concerne plus particulièrement la production, le commerce et l’usage de
psychotropes. Elle s’est mise en place grâce à différentes conventions de
l’ONU : la Convention internationale de 1961, la Convention sur les
substances psychotropes de 1971 et enfin la Convention des Nations unies
contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988.
Plusieurs organes internationaux existent pour faire respecter l’application
de ces textes, comme l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime
ou l’Organe international de contrôle des stupéfiants.
C'est en 1909, à Shanghai, au plus fort de l’épidémie chinoise qu’est
élaboré le premier accord international sur la prohibition de l’opium, suivi
de la conférence de La Haye en 1912 qui élargit la définition de la drogue à
la morphine, la codéine et la cocaïne. Puis en 1925, la Société des Nations
convoque à Genève la première Convention internationale de l’opium, elle
aussi suivie par plusieurs conventions internationales en 1931 et 1936. Au
fil des ans, la définition des substances retenues a évolué de même que les
moyens d’intervention se sont diversifiés.
Pendant la guerre froide, les protagonistes de certains conflits se sont
tournés vers le trafic de stupéfiants, parfois avec la complicité muette de
leurs pays d’origine, France et États-Unis pour les guerres d’Indochine et
du Vietnam. C'est plutôt la rigueur qui caractérise entre-temps l’attitude des
pays occidentaux face au fléau que représente la drogue. Après 1991 les
États-Unis ont lancé une initiative anti-drogue à l’échelle mondiale avec
pour objectif de décimer les structures mafieuses et terroristes. En parallèle,
de vastes campagnes d’information ont été mises en œuvre afin de mieux
protéger les populations, surtout la jeunesse. Les États-Unis ont ainsi versé
quatre milliards de dollars sur la période 2000-2005 pour aider la Colombie
à lutter contre la production de cocaïne. L'Union européenne a investi de
son côté plus de 500 millions d’euros en 2005 dans des projets de
développement alternatif dans des pays producteurs. Pourtant les résultats
de cette « guerre contre la drogue » ne sont pas toujours à la hauteur des
espérances. À l’heure actuelle, malgré des programmes d’éradication et de
substitution, ni les superficies cultivées ni les quantités produites ne sont en
diminution, en particulier en ce qui concerne l’opium produit en
Afghanistan. Au contraire, il semble bien qu’une mondialisation des
productions agricoles soit en cours.
FG

LABROUSSE Alain, Géopolitique des drogues, Paris, PUF, 2006.


http://www.unodc.org/documents/wdr/R_2008/wdr08_execsum_French.p
df
http://www.pa-
chouvy.org/DrugProductionStateStabilityChouvyLanielSGDN-CERI-
2006.pdf
→ INDOCHINE (GUERRE D’), ONU, SDN, VIETNAM (GUERRE
DU), UE
DROITS HUMAINS

L'intérêt porté aux droits humains n’est pas nouveau, mais l’ONU
l’inscrit dans sa Charte en 1945. Une Commission des droits de l’homme
est créée en 1946, sous la présidence d’Eleanor Roosevelt. La détermination
du secrétaire général adjoint chargé du Conseil économique et social
(ECOSOC), Henri Laugier, soutenu par le juriste français René Cassin et le
représentant polonais Raphael Lemkin (l’inventeur du néologisme «
génocide »), permet de faire aboutir rapidement la Déclaration universelle
des droits de l’homme en 1948. Cassin la veut « universelle » et non
internationale afin que tous les États, quels que soient leur régime, leur
religion, se sentent réellement concernés.
Inspiré par l’esprit des Lumières, ce texte reprend dans son préambule les
principes de la Déclaration d’indépendance américaine (1776) et de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, pour ce qui
touche à l’égalité dès la naissance. Elle y ajoute les droits fondamentaux et
imprescriptibles. Adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU (les trois
pays socialistes, l’Arabie Saoudite et l’Afrique du Sud s’abstiennent), elle
est signée à Paris le 10 décembre 1948. Le texte est composé de trois
parties : une déclaration, une convention, des pactes pour transformer les
principes en actes juridiquement obligatoires. Certains États la reprennent
en partie dans leur Constitution, en faisant ainsi un élément de leur droit
positif. Les droits humains sont un enjeu important dans les relations
internationales car leur universalité n’est pas acquise. Ce n’est qu’en 1966
que les premiers pactes sont votés (sur les droits civiques et politiques, les
droits économiques et sociaux). Pendant la guerre froide, les deux blocs
s’affrontent sur ce terrain, les uns voyant les droits politiques comme
essentiels, les autres jugeant la défense des droits économiques et la lutte
contre les inégalités sociales comme primordiales. En fait, la défense des
droits humains est souvent un argument politique et idéologique utilisé
contre un adversaire. Actuellement, la division entre fondamentalisme
religieux (islamisme par exemple) et libéralisme de la pensée et de la vie
politique devient prédominante. Tortures, emprisonnements, attentats,
aggravation du terrorisme partout dans le monde sont autant d’atteintes aux
droits que les États justifient, arguant de la lutte contre leur insécurité
intérieure. La non-ingérence dans la vie politique intérieure des États est
dénoncée par certains et défendue par d’autres : le droit d’ingérence est
pourtant reconnu par l’ONU en 1991, à condition que la défense des droits
de l’homme en soit un objectif évident.
Le Conseil de sécurité de l’ONU étend peu à peu le concept de menace
pour la paix aux violations des droits humains et la Cour pénale
internationale a une fonction qui pourrait, à terme, être décisive.
Le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH)
a mandat de promouvoir et protéger les droits humains. Il supervise la façon
dont les États appliquent ces droits et font œuvre éducative. La Commission
des droits de l’homme de 1946 est remplacée, en 2006, par le Conseil des
droits de l’homme qui peut faire des recommandations à l’Assemblée
générale de l’ONU dont il dépend.
Des institutions à vocation régionale permettent des avancées. Le Conseil
de l’Europe, la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales (1950), la CSCE (1975), la Charte
des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000) ont permis de
protéger les dissidents dans les démocraties populaires ; il en va de même
avec la Convention interaméricaine des droits de l’homme dans le cadre de
l’OEA (1969), la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
(1981), ou encore l’APEC et l’ASEAN. Les Organisations non
gouvernementales (Amnesty International ou Human Rights Watch par
exemple) sont aussi d’une très grande efficacité.
Les droits humains ne se limitent pas aux droits de « l’homme », mais
aussi à ceux des femmes, des enfants ; il s’occupe de la lutte contre
l’esclavage, de la défense des handicapés, du droit à l’éducation, à la santé,
l’accès à l’approvisionnement pour ne citer que quelques sujets de
préoccupation.
Depuis la fin des années 1980, est mis en avant le principe selon lequel
l’aide économique ne peut être apportée qu’aux pays qui s’engagent sur la
voie de la démocratie. C'est le cas de la France à l’égard de l’Afrique
(discours de François Mitterrand à La Baule en juin 1990), l’Union
européenne impose à la Turquie (candidate à l’intégration) d’observer un
certain nombre de normes sur ce sujet. Pourtant, la fin de la guerre froide et
la mondialisation invitent les États à un pragmatisme plus grand aux dépens
des principes prônés. Malgré la dénonciation des massacres de la place Tian
An Men à Pékin, en 1989, ou de la politique de la Chine à l’égard du Tibet,
les conversations et les échanges des démocraties avec Pékin sont plus
développés que jamais ; la politique russe en Tchétchénie, souvent
condamnée, n’entraîne pas non plus de pressions particulières à l’égard de
Moscou. Si les dénonciations de violation des droits humains visent le plus
souvent des pays d’Afrique (Congo, Rwanda) ou le Moyen-Orient, les
démocraties n’en sont pas exemptes : ainsi la Commission des droits de
l’homme de l’ONU a dénoncé les actes de tortures, l’absence de soins, par
exemple, pour les prisonniers américains de Guantanamo. Le Patriot Act
voté par le Congrès américain en 2001 juste après les attentats du 11
septembre, permet de restreindre les libertés individuelles.
Le racisme est une manifestation aiguë du non-respect des droits
humains. En 2001 une conférence a réuni à Durban, en Afrique du Sud, les
délégations de cent soixante-dix États sous la présidence du Haut-
Commissaire des droits de l’homme de l’ONU, Mary Robinson. Son bilan
est très mitigé et souvent controversé et rien de véritablement concret n’en
est ressorti.
En fait, la question de droits universels est difficile à assumer, tant il y a
de réalités sociales et philosophiques diverses. L'accroissement du
terrorisme, la mobilité des populations apportent de nouveaux problèmes et
accentuent les inégalités.
Ch. M

DECAUX Emmanuel (dir.), Les Nations unies et les droits de l’homme,


Pedone, 2007. Diplomatie et droits de l’homme, La Documentation
française, 2008.
MATHIEU Jean-Luc, La Défense internationale des droits de l’homme,
PUF, 1993.
MORELLE Chantal, JAKOB Pierre, Henri Laugier un esprit sans
frontières, Bruylant, 1998. http://www.ohchr.org
→ APARTHEID, APEC, ASEAN, CHARTE 77, CSCE/OSCE,
GÉNOCIDE, INGÉRENCE, OEA, ONU, ONG, RWANDA, SOUDAN,
TCHÉTCHÉNIE (GUERRES DE), TERRORISME, UE (CHARTE
DES DROITS FONDAMENTAUX)

DULLES John Foster (1888-1959)

Petit-fils et neveu de secrétaires d’État, fils d’un pasteur, il est à la fois


diplomate (il assiste à la conférence de La Haye en 1907, il participe en tant
qu’expert à la Conférence de la paix de Versailles en 1919), homme
d’affaires (il dirige un grand cabinet d’avocats à New York de 1927 à 1944)
et porte-parole des idées chrétiennes (il préside le Conseil fédéral des
Églises en 1941). À ce républicain les présidents démocrates Roosevelt puis
Truman confient plusieurs missions ; il participe à la conférence de
Dumbarton Oaks (1944) et dirige la délégation qui négocie le traité de paix
avec le Japon (1951). Secrétaire d’État du président Eisenhower (1952), il
prétend mener la guerre froide de façon à refouler le communisme, et
multiplie traités d’alliances et pactes. Chaud partisan du projet de CED, il
menace la France si elle le refuse, d’une « agonizing reapraisal » de la
politique américaine (décembre 1953). En janvier 1954, il fait adopter un «
new look stratégique » qui autorise les États-Unis à répondre à toute attaque
par des représailles atomiques massives, immédiates et ne respectant pas de
« sanctuaires ». Pourtant il n’intervient pas pour soutenir la révolte des
ouvriers de Berlin-Est (juin 1953), ou le soulèvement hongrois (novembre
1956). S'il finance la guerre que la France mène en Indochine, il refuse d’y
engager des forces américaines et se résigne donc à voir le nord du Vietnam
échapper à la sphère d’influence américaine lors de la conférence de
Genève (juillet 1954). Il refuse crédits et armes à Nasser (1955) mais
condamne l’expédition franco-anglo-israélienne de Suez (1956). Par contre
il soutient fermement Tchang Kaï-chek lors de la crise des îles de Quemoy
et Matsu (août 1958). La maladie le contraint à la démission le 15 avril
1959.
AD

IMMERMAN Richard H., John Foster Dulles and the diplomacy of the
cold war, Princeton University Press, 1990.
→ CED, EISENHOWER, GUERRE FROIDE, INDOCHINE
(GUERRE D’), NASSER, NEW LOOK, QUEMOY ET MATSU,
REPRÉSAILLES MASSIVES, ROOSEVELT (FRANKLIN D.), SUEZ
(CANAL ET CRISE DE), TCHANG KAï-CHEK, TRUMAN

DUNKERQUE (TRAITÉ DE)

Signé le 4 mars 1947 entre la France et le Royaume-Uni, le traité de


Dunkerque d’amitié et de coopération vise à prévenir tout renouveau du
danger allemand. Il prévoit notamment l’attitude à adopter en cas de
manquement de l’Allemagne à ses obligations de vaincue, ou de retour
d’une politique agressive de sa part. Épousant la politique gaullienne de
réassurance à l’égard de l’Allemagne en parachevant le triangle
diplomatique Paris-Londres-Moscou, nettement marqué par les
préoccupations de l’immédiat après-guerre et la crainte de l’ennemi d’hier,
ce traité n’en est pas moins un projet d’avenir, exprimant la volonté des
socialistes français et des travaillistes britanniques d’établir une Europe
franco-britannique, abandonnée par la suite. Paradoxalement, ce traité
constitue aussi un jalon important vers le pacte de Bruxelles, plus orienté
pourtant vers un danger provenant de l’URSS que par le danger allemand.
Ch. M

GERBET Pierre, Le Relèvement 1944-1949, Imprimerie nationale, 1991.


→ BRUXELLES (PACTE DE)
E

EAU

Le problème de l’eau concerne les océans et les mers (71 % de la surface


du globe), et les ressources en eau potable (nappes phréatiques et cours
d’eau). Enjeux économiques (ressources en poisson, en hydrocarbures) et
enjeux stratégiques (maîtrise de certains passages), les eaux ont parfois un
rôle déterminant dans les conflits (guerre sous-marine lors de la Seconde
Guerre mondiale) et les grands États veulent se réserver la maîtrise des
océans.
En 1958, quatre conventions de l’ONU sont signées par une quarantaine
d’États sur la haute mer, la mer territoriale, les richesses biologiques et le
plateau continental. À la suite de la décolonisation, les nouveaux États
revendiquent à leur tour la maîtrise des eaux. Le 10 décembre 1982, la
convention de Montego Bay (Jamaïque), qui entre en vigueur en 1994, est
signée par 119 États, mais les États-Unis et la Grande-Bretagne l’ont
refusée. Les eaux territoriales sont étendues de trois à douze milles, la zone
économique exclusive (ZEE) à deux cents milles marins (360 km), l’idée de
patrimoine commun de l’humanité et le statut des grands fonds océaniques
sont mis en avant ; une Autorité internationale des fonds marins doit
permettre de délivrer des permis en échange de royalties destinées à un
fonds d’aide au développement des pays pauvres. La prise de conscience
récente du problème de l’environnement donne lieu à des actions concertées
entre États, notamment pour les mers fermées, comme la Méditerranée ou la
Baltique, très polluées par les pays riverains. Des solutions financières sont
trouvées pour faire face aux conflits liés au droit de pêche (entre la France
et l’Espagne par exemple) ou aux marées noires. Dans sa ZEE, chaque État
dispose de droits souverains pour explorer, exploiter et conserver les
ressources biologiques et minérales.
Le problème de la disponibilité en eau douce s’amplifie : la population
mondiale a triplé en cent ans alors que la consommation en eau a été
multipliée par six. Or, moins de dix pays se partagent 60 % des ressources
naturelles en eau, et fleuves, lacs et nappes phréatiques sont de plus en plus
pollués, seuls l’Amazone et le Congo sont considérés comme sains. Dans
ces conditions, l’eau est de plus en plus une arme politique et stratégique.
La concurrence pour l’accès aux eaux transfrontalières va s’exacerber. Le
Nil, dont l’Égypte est totalement tributaire, est partagé entre dix autres États
parmi les plus arides comme l’Éthiopie à qui Le Caire dénie le droit de faire
des aménagements indispensables. Le Tigre et l’Euphrate qui naissent en
Turquie, alimentent la Syrie et l’Irak : or Ankara projette un aménagement
qui permettrait de développer le Kurdistan et réglerait en partie le problème
kurde, mais diminuerait considérablement l’approvisionnement de la Syrie.
Depuis la guerre des Six jours, 67 % de l’approvisionnement d’Israël vient
de Cisjordanie, de Gaza et des affluents du Jourdain. Le traité de paix avec
le roi Hussein (1994) accorde à la Jordanie des ressources, mais la question
n’est pas résolue avec la Syrie et le Liban ; les accords de paix conclus avec
l’OLP améliorent le partage des eaux de Cisjordanie. En janvier 2000, les
entretiens entre Israël et la Syrie mettent en évidence l’enjeu que représente
le retrait du Golan qui laisserait à la Syrie le contrôle du niveau du lac de
Tibériade et donc le canal qui approvisionne Israël. Le projet de 3 200
barrages en Inde submergera 4 000 km de forêt et la vie de 25 millions de
personnes, au mépris de la préservation de l’environnement et des
conventions de Genève.
Le Conseil mondial de l’eau, inspiré notamment par la Banque mondiale,
organise des Forums de l’eau (Marrakech en 1997, La Haye en 2000 et
Istanbul en 2009) afin de développer la prise de conscience des problèmes
et de trouver des solutions. La principale consisterait à vendre l’eau à son
coût réel, considérant qu’elle correspond à un besoin, mais les opposants
(certaines ONG et les anti-OMC) pensent qu’elle est un droit. À la
concurrence des consommateurs (alors que la consommation domestique
est de 8 %, l’irrigation utilise 70 % des ressources mondiales), s’ajoutent les
pénuries de plus en plus fréquentes et les conflits de souveraineté sur
certains bassins et certaines nappes, ce qui met en avant la gravité des
enjeux idéologiques et politiques avec le risque de « conflits verts », la
menace pour l’environnement (désertification, déforestation). Selon l’ONU,
la raréfaction de l’eau, due en outre à un manque chronique d’intérêt des
gouvernements, menacerait le développement économique à l’horizon
2020, d’autant plus que la croissance démographique est aggravée par la
concentration urbaine.
MV

LABRECQUE Georges, Les Frontières maritimes internationales, essai de


classification pour un tour du monde géopolitique, L'Harmattan, 1998.
MUTIN Georges, L'Eau dans le monde arabe, Ellipses, 2000.
SIRONNEAU Jacques, L'eau : nouvel enjeu stratégique mondial,
Economica, 1996.
→ ENVIRONNEMENT, HUSSEIN (IBN TALAL), KURDE
(PROBLÈME), OMC, ONG, ONU, SIX JOURS (GUERRE DES)

EDEN Anthony (1897-1977)

Ce conservateur succède au Foreign Office à Samuel Hoare dans le


cabinet Baldwin en décembre 1935, où il se fait le champion de la fermeté à
l’égard des dictatures. Il démissionne en février 1938 du cabinet de Neville
Chamberlain qui a refusé l’offre de Franklin D. Roosevelt d’une conférence
internationale, et cherché un rapprochement avec l’Italie de Mussolini au
prix de la reconnaissance du fait accompli en Éthiopie. Rejoignant les «
conservateurs d’opposition », il critique les accords de Munich. À la
déclaration de guerre, il accepte de Chamberlain le poste de secrétaire
d’État aux Dominions, puis en décembre 1940 le nouveau Premier ministre
Churchill le nomme à la tête du Foreign Office. Exécutant fidèle, il négocie
les alliances du Royaume-Uni avec les adversaires de l’Axe et participe à
toutes les grandes réunions interalliées. Éloigné des affaires par la victoire
travailliste de 1945, il retrouve la responsabilité des Affaires étrangères
après les élections de 1951. Ne rompant pas avec la politique de son
prédécesseur Ernest Bevin, il affirme que la Grande-Bretagne a un rôle
spécifique à jouer dans le monde, car elle se trouve au centre des cercles
atlantique, européen et du Commonwealth ; elle doit donc refuser de
sacrifier sa souveraineté. Mais il encourage la construction européenne,
l’intégration de l’Allemagne fédérale à l’Europe occidentale et son
réarmement. Eden copréside la conférence de Genève sur l’Indochine
(1954) ; après l’échec de la CED, il convainc Churchill d’accepter un
engagement permanent des forces britanniques en Europe et de transformer
l’Union occidentale en UEO en 1954. Il devient finalement Premier
ministre en 1955. Refusant le fait accompli de la nationalisation du canal de
Suez par le colonel Nasser, en qui il voit l’équivalent des dictateurs des
années 1930, il engage la Grande-Bretagne dans l’expédition de Suez aux
côtés de la France, mais il doit céder sous les pressions soviétiques, et
surtout américaines (novembre 1956). Sa démission en février 1957 met fin
à sa vie politique.
AD

CARLTON David, Anthony Eden, a biography, Allen Lane, 1981.


→ BALDWIN, CED, CHAMBERLAIN, CHURCHILL, MUNICH
(ACCORDS DE), MUSSOLINI, NASSER, SUEZ (CANAL)

EISENHOWER Dwight David (1890-1969)

La carrière de ce général de brigade, qui sert notamment aux Philippines,


alors protectorat américain, sous les ordres de MacArthur (1935-1939),
connaît une brusque accélération avec l’entrée des États-Unis dans la
Seconde Guerre mondiale. Nommé commandant en chef du théâtre
européen (juin 1942), remplissant une mission autant politique et
diplomatique que militaire, il supervise les débarquements en Afrique du
Nord (novembre 1942), en Sicile et en Italie (1943), puis en Normandie
(juin 1944). C'est à son PC, à Reims, qu’est signée la capitulation de
l’armée allemande (7 mai 1945). Commandant suprême des forces de
l’OTAN (1951-1952), il accepte d’être le candidat du parti républicain pour
les élections présidentielles. Élu en novembre 1952, réélu en 1956, il
achève son second mandat en janvier 1961. Dominée par la confrontation
avec l’Union soviétique en particulier marquée par la course aux
armements, la politique étrangère de son administration est largement
l’œuvre du secrétaire d’État, John Foster Dulles. Contrairement aux
promesses de sa campagne électorale, il s’agit non de refouler le
communisme (rollback) mais de l’endiguer (containment). Cette politique
est marquée par la négociation de l’armistice en Corée (1953),
l’intervention au Guatemala (1954), l’échec de la CED (août 1954) et
l’entrée de la RFA dans l’OTAN (mai 1955), la condamnation de
l’expédition anglo-franco-israélienne de Suez (1956). À la fin des années
1950, il cherche une entente avec l’URSS et reçoit Khrouchtchev à Camp
David (septembre 1959), mais la conférence au sommet de Paris (mai 1960)
est un échec, en raison de l’incident de l'U2, monté en épingle par le
responsable soviétique.
AD

AMBROSE Stephen, Eisenhower, the President, New York, Simon &


Schuster, 1985.
MELANSON Richard A., MAYERS David Allan (ed.), Reevaluating
Eisenhower : American foreign policy in
the 1950s, Urbana, Ill., Chicago, Ill., University of Illinois press, 1987.
→ CED, CORÉE (GUERRE DE), DULLES, ENDIGUEMENT,
KHROUCHTCHEV, OTAN

ÉLARGISSEMENT → CEE-UE

ELTSINE Boris (1931-2007)

Il est le premier président d’une Russie qui s’érige en État successeur de


l’URSS, sans en avoir conservé les moyens d’une grande politique
étrangère. Ingénieur des travaux publics, il adhère au parti communiste de
l’Union soviétique en 1961 et devient en 1976 premier secrétaire du parti de
la région de Sverdlovsk, où il se fait connaître de Mikhaïl Gorbatchev. En
avril 1985, ce dernier le fait nommer premier secrétaire du Parti pour la
ville de Moscou. Il est démis de ses fonctions en 1987 pour avoir dénoncé
les privilèges et la corruption au sein de la nomenklatura. Après une brève
traversée du désert, il est élu en 1989 député de Moscou au Congrès des
députés du peuple, puis député de Sverdlovsk au premier Parlement de
Russie. Élu président de la République socialiste fédérative soviétique de
Russie le 29 mai 1990, il prend une part décisive dans l’échec du putsch
d’août 1991 contre Gorbatchev, mais pousse ensuite à la dissolution de
l’URSS qui est effective le 25 décembre 1991. Devenu ainsi le chef d’un
État internationalement reconnu, il tente d’appliquer une politique étrangère
visant à intégrer la Russie parmi les grandes démocraties occidentales à
économie de marché, tout en évitant que les pays européens anciennement
communistes ne forment à ses frontières une zone tampon l’isolant de
l’Ouest, et enfin à lui faire reconnaître un rôle spécifique dans les États de
l’ex-URSS, que la Russie définit comme son « étranger proche ». En fait,
en dépit de la bienveillance initiale des Occidentaux, la Russie d’Eltsine
sera peu à peu empêchée de faire entendre sa voix sur les grands problèmes
internationaux, ses difficultés intérieures aidant. Ainsi la signature le 3
janvier 1993 du traité START II, qu’Eltsine ne pourra faire ratifier par la
Douma russe, apparaît comme un revers pour la Russie, puisqu’il prévoit
l’élimination des armes qui ont fait la puissance militaire soviétique : les
missiles basés à terre à ogives multiples, tout en épargnant les sous-marins
lance-engins, qui font la puissance américaine. Et ce alors que les
Américains entendent déployer un système de défense antimissile, destiné
officiellement à les protéger contre les « États voyous » mais qui pourrait
aussi concerner les missiles russes. Craignant de se voir écartée du
continent européen, la Russie joue la carte de la Conférence sur la sécurité
et la coopération en Europe (CSCE) pour s’opposer à la carte
transatlantique que défendent les États-Unis. Mais les Américains
remportent cette lutte d’influence en créant en 1991 le Conseil de
coopération nord-atlantique (COCONA) puis le Partenariat pour la paix en
janvier 1994. Même si la Russie participe à ces organismes, elle n’en est
qu’un membre parmi d’autres. Prenant conscience de son incapacité à
s’opposer à l’élargissement de l’Alliance atlantique à d’anciens membres du
pacte de Varsovie, Eltsine tente d’en limiter les conséquences en signant
l’Acte fondateur entre la Russie et l’OTAN du 27 mai 1997. Celui-ci crée
un Conseil conjoint permanent Russie-OTAN où Moscou voudrait trouver
le moyen d’un partage formel de décision tant politique que militaire. Mais
en pratique il ne s’agira que d’un simple forum ne remettant nullement en
cause le rôle décisif du Conseil de l’OTAN. Ce qu’on pourra constater au
printemps 1999 lorsque la Russie sera incapable d’empêcher les
bombardements de la Serbie par l’OTAN. Même dans « l’étranger proche »,
Eltsine en est réduit à la défensive face aux initiatives américaines. Certes la
Communauté des États indépendants (CEI) fondée en décembre 1991
regroupe les ex-républiques soviétiques (à l’exception des pays baltes, et
jusqu’en 1993 de la Géorgie) mais elle ne sera pas le cadre d’une
intégration poussée sur le modèle de l’Union européenne. En 1999, elle a
adopté un millier d’accords la plupart inapplicables et qui, à l’instar du
défunt COMECON, fonctionnent essentiellement sur une base bilatérale.
Après que l’Ukraine a accepté en janvier 1994 le démantèlement de
l’arsenal nucléaire qu’elle avait hérité de l’URSS, les Américains auront
pour politique de renforcer son indépendance vis-à-vis de la Russie et
soutiendront son rapprochement avec les structures euro-atlantiques. En
octobre 1997 les États-Unis encouragent la formation par l’Azerbaïdjan, la
Géorgie, l’Ukraine et la Moldavie du groupe GUAM (Organisation pour la
démocratie et le développement) destiné à permettre le transit des
hydrocarbures de la Caspienne en évitant le territoire russe. Dans l’espoir
de remédier à la perte d’influence de la Russie en favorisant l’émergence
d’un monde multipolaire, Eltsine signe des accords de « partenariat
stratégique » avec la plupart de ses interlocuteurs asiatiques, notamment la
Chine et l’Inde – mais aussi européens. Il parvient à faire rentrer son pays
dans les instances économiques mondiales : club de Paris et de Londres,
G7, ASEAN, APEC, mais la place qu’y occupe la Russie n’est que
marginale. Boris Eltsine, réélu pour un second mandat présidentiel de
quatre ans en juillet 1996 mais affaibli par les problèmes de santé et les
accusations de malversation contre son entourage, démissionne le 31
décembre 1999 en faveur de son Premier ministre Vladimir Poutine.
Beaucoup de ses compatriotes le tiennent pour responsable de la
dégradation du statut international de la Russie.
AD

BOYER Yves, FACON Isabelle, La politique de sécurité de la Russie :


entre continuité et rupture, Paris, Fondation pour la recherche stratégique,
Ellipses, 2000.
COOPER Leo, Russia and the world : new state-of-play on the
international stage, London, Macmillan press, New York, St. Martin’s
press, 1999.
→ ASEAN, COCONA, COMECON, CSCE/OSCE, G7/G8/G20,
GORBATCHEV, KOSOVO, OTAN, POUTINE, START, VARSOVIE
(PACTE DE)

ÉLYSÉE (TRAITÉ DE L')

La réconciliation franco-allemande ne date pas du retour de De Gaulle au


pouvoir en 1958. La IVe République a déjà fait le choix du rapprochement
avec la République fédérale d’Allemagne, en particulier par l’association
dans la construction européenne (CECA, CEE), en résolvant les problèmes
les plus délicats : celui de la souveraineté de l’Allemagne, du réarmement,
de la Sarre. Mais la rencontre de deux personnalités au pouvoir (Colombey-
les-Deux-Églises en 1958) joue comme un déclic, et à travers des formes
diverses, la volonté de réconciliation s’exprime d’une façon
particulièrement solennelle lors de la signature du traité de l’Élysée. Les
événements de l’année 1962 (échec du plan Fouchet, voyages d’Adenauer à
Paris et de De Gaulle en Allemagne, crise de Cuba, proposition de force
multilatérale faite à Nassau aux Britanniques), rapprochent le général de
Gaulle et le chancelier Adenauer. Au cours de leurs entretiens, tous deux
critiquent la politique américaine et regrettent l’absence de concertation
entre leurs deux États face aux deux blocs. Mais des divergences de fond
existent : la proposition de participer à la MLF est faite également à
Adenauer le 14 janvier 1963, jour où de Gaulle, dans sa conférence de
presse, annonce son refus de faire entrer la Grande-Bretagne dans la CEE.
Adenauer fait savoir au Général qu’un rapprochement franco-allemand ne
peut se faire aux dépens des relations avec Washington.
Signé le 22 janvier 1963, le traité doit marquer l’importance de l’axe
Paris-Bonn au sein de l’Europe, et face aux États-Unis. Il prévoit des
consultations au moins bisannuelles entre les chefs d’État et de
gouvernement, quatre fois par an au minimum entre les ministres des
Affaires étrangères et entre les ministres de la Défense et des Armées, pour
suivre les questions de coopération franco-allemande et européenne, dans
les domaines militaires notamment : en matière de défense, les doctrines
doivent être rapprochées ainsi que les liens entre les personnels, et la
fabrication d’armements doit pouvoir se faire en partie en commun. Le
texte prévoit aussi la création d’un Office franco-allemand pour la jeunesse
(OFAJ) pour les questions d’éducation. Ce traité est important sur le plan
symbolique, marquant la réconciliation après trois guerres en moins d’un
siècle. Plus immédiatement, le général de Gaulle y voit un substitut au plan
Fouchet pour rééquilibrer l’Europe et l’affranchir de l’Alliance atlantique.
Pour Adenauer, il est un moyen de pression sur les Américains et un
instrument qui permettrait d’accroître le prestige de l’Allemagne. La
politique de réconciliation est généralement admise, mais dans les deux
pays, sa forme est parfois contestée : les partisans d’une Europe fédérale
dans le cadre atlantique redoutent la priorité accordée au renforcement du
couple franco-allemand. Ainsi, craignant que le traité rende l’intégration
européenne plus difficile, Jean Monnet propose un préambule que vote, en
juin 1963, le Bundestag, stipulant qu’il ne doit pas nuire à la défense
commune dans le cadre atlantique, ni à la participation de la Grande-
Bretagne à la CEE, ce qui vide le traité de sa substance et va à l’encontre du
souhait de De Gaulle. À l’extérieur, l’idée que la France et l’Allemagne
veuillent faire cavaliers seuls aux dépens de l’Europe des Six est parfois
mise en avant ; les Soviétiques dénoncent une collusion entre l’Allemagne
revancharde et la France gaullienne ; les Américains craignent qu’Adenauer
ne choisisse la stratégie gaullienne au détriment de l’Alliance atlantique, ce
qui incite le président Kennedy à se rendre en Allemagne, en particulier à
Berlin (« Ich bin ein Berliner ») quelques semaines après la ratification du
traité par le Bundestag (16 mai), et à développer des relations spéciales avec
la RFA. En outre, Ludwig Erhard (1887-1977), ministre de l’Économie et
champion de « l’économie sociale de marché », succède à Adenauer
(octobre 1963) ; il est nettement moins favorable à un axe Paris-Bonn et
adopte une politique étrangère plus tournée vers les États-Unis.
Modèle reconnu pour la réconciliation entre des pays longtemps ennemis,
le traité de l’Élysée a aussi une autre vertu : longtemps resté une coquille
presque vide, il est invoqué continuellement, après quarante ans, pour
justifier une coopération franco-allemande, en particulier comme moteur de
la construction européenne.
MV
SOUTOU Georges-Henri, Une alliance incertaine, Fayard 1996.
VAïSSE Maurice, La Grandeur : la politique étrangère du général de
Gaulle 1958-1969, Fayard, 1998.
→ ADENAUER, ALLIANCE ATLANTIQUE, CECA, CEE, DE
GAULLE, FORCE MULTILATÉRALE, FOUCHET (PLAN),
MONNET, RÉARMEMENT DE L'ALLEMAGNE

EMBARGO

À l’origine, c’est l’interdiction faite à un navire étranger de sortir d’un


port. De nos jours, cette mesure est prise à l’encontre d’un État sous la
forme d’un arrêt des exportations, et destiné à le contraindre à se soumettre
à la volonté de l’autre. Il s’agit d’une des sanctions aux mains d’un État,
d’un groupe d’États ou de la communauté internationale contre les États
agresseurs ; il y en a d’autres, comme le boycott ou le retrait de la clause de
la nation la plus favorisée. L'article 16 du pacte de la SDN dispose que le
Conseil peut recommander les mesures militaires et navales qui doivent
contribuer à la défaite d’un agresseur. Incapable de décider de sanctions
militaires, la Société des Nations utilise le moyen de l’embargo contre
l’Italie, coupable d’avoir envahi l’Éthiopie : interdiction de livraisons
d’armes à l’Italie et sanctions économiques et financières ; l’embargo ne
concerne pas le fer, l’acier, le pétrole, si bien qu’il ne réussit pas et que les
sanctions ne font qu’irriter l’Italie sans la gêner dans la poursuite de sa
guerre d’agression. La charte des Nations unies est encore plus précise et
l’article 41 spécifie les sanctions économiques. De fait, les sanctions sont
rarement appliquées de façon universelle. Il en est ainsi de la politique
appliquée entre 1966 et 1979 à l’initiative de l’ONU contre la Rhodésie
(Zimbabwe) dont le gouvernement blanc proclame l’indépendance, mais
qui bénéficie du soutien et du ravitaillement de l’Afrique du Sud et de
sociétés multinationales. Dans la guerre du Golfe (1990-1991), l’ONU
utilise également une vaste gamme de sanctions contre l’Irak : blocus naval
(résolution 665), embargo sur les importations de biens et de services, sur le
trafic aérien. Cet embargo interdit en particulier à l’Irak de vendre son
pétrole sur le marché mondial, tant qu’il n’aura pas procédé à un
désarmement complet sur le plan des armes bactériologiques. Cet embargo,
qui affaiblit les populations concernées y compris sur le plan nutritionnel,
pose le problème du recours à l’arme alimentaire dans les interventions
humanitaires.
Les États-Unis ont plusieurs fois utilisé l’arme de l’embargo, contre Cuba
depuis la prise du pouvoir par Fidel Castro, contre l’Union soviétique
(embargo sur le blé à la suite de son intervention en Afghanistan, 1980) ou
la Libye (gel des avoirs libyens, 1986). En 1996, la loi Helms-Burton
renforce l’embargo déjà existant, en menaçant de sanctions les responsables
des entreprises étrangères qui utiliseraient ou exploiteraient à Cuba des
biens ayant appartenu à des citoyens américains avant leur confiscation lors
de la révolution de 1959. De même, la loi d’Amato-Kennedy (1996) vise à
sanctionner les entreprises étrangères qui investiraient dans les États réputés
terroristes de Libye et d’Iran.
L'embargo peut certes porter un coup sérieux à l’économie de
l’adversaire mais il paraît d’une faible efficacité lorsqu’il recherche le
renversement d’un régime (Fidel Castro, Saddam Hussein, Milosevic) ou le
changement d’une politique (apartheid).
MV

LABBÉ Marie-Hélène, L'arme économique dans les relations


internationales, PUF, 1994.
→ AFGHANISTAN, AGRESSION, CASTRO, ÉTHIOPIE
(GUERRE D’), GOLFE (GUERRE DU), HELMS-BURTON (LOI),
MULTINATIONALES (FIRMES), ONU, SDN

ENDIGUEMENT/CONTAINMENT

Doctrine américaine élaborée contre la menace soviétique perçue en plein


essor après 1945, le containment (endiguement) est conçu par le diplomate
George Kennan, dans le « long télégramme » qu’il envoie de Moscou le 22
février 1946, puis dans l’article « Sur les sources de l’attitude soviétique »
signé X dans la revue Foreign Affairs de juillet 1947 où il analyse la
tradition expansionniste russe et la nécessité d’une politique américaine
d’endiguement qui, à terme, mettrait à jour les contradictions internes du
système soviétique. Si la mise en œuvre de la stratégie renvoie à des réalités
sensiblement différentes, le mot recouvre de manière commode l’essentiel
de l’activité américaine pour contrer l’URSS et le communisme tout au long
de la guerre froide. L'endiguement trouve sa première expression officielle
avec l’énoncé le 12 mars 1947 de la doctrine Truman. En demandant au
Congrès une aide de 400 millions de dollars au profit de la Grèce et de la
Turquie, le Président américain affirme publiquement qu’il existe une
menace soviétique ; il renonce implicitement à défier l’emprise de l’URSS
sur son glacis mais proclame son intention de lui fermer tous les pays qui
n’y sont pas encore soumis. Le plan Marshall et la mise en place de
l’OTAN en sont par ailleurs les premières applications. Centré à l’origine
sur l’Europe occidentale et de caractère essentiellement non militaire dans
l’esprit de Kennan, le containment se fait plus militaire avec l’adoption le
14 avril 1950 de la directive NSC-68 et avec l’intensification de la guerre
froide en Asie. C'est d’ailleurs la volonté d’endiguement du communisme
qui mène à un engagement américain direct dans les deux conflits armés
asiatiques, la guerre de Corée puis la guerre du Vietnam. Critiqué par
l’administration Eisenhower qui lui reproche d’être trop défensif, voire
défaitiste, et lui préfère une stratégie annoncée de refoulement du
communisme ou roll back, le containment prévaut pourtant dans la réalité.
En proclamant la théorie des dominos, Eisenhower y ajoute un corrélat
lourd de conséquences en Asie. En fait, qu’il soit contesté ou qu’on veuille
le dépasser comme Nixon avec sa politique de détente, l’endiguement est
bien la stratégie américaine de référence et la fin de l’Union soviétique en
décembre 1991 a pu être interprétée comme le succès final de cette
stratégie.
PMD

GADDIS John Lewis, Strategies of Containment : A Critical Appraisal of


Postwar American National Security Policy, New York, 1982.
MAY E.R. (éd.), American Cold War strategy : Interpretating NSC 68,
Boston, 1993.
→ CORÉE (GUERRE DE), DOMINOS (THÉORIE DES),
EISENHOWER, GUERRE FROIDE, MARSHALL (PLAN), NIXON,
OTAN, TRUMAN
ENTENTE CORDIALE

La rivalité coloniale franco-britannique éclate au grand jour lors de la


crise de Fachoda (1898) et pousse au rapprochement entre Londres et
Berlin. Mais l’échec des pourparlers anglo-allemands, le soutien allemand
aux Boers, la concurrence commerciale des produits « made in Germany »,
le défi lancé par la Weltpolitik de Guillaume II sont à l’origine du
rapprochement franco-britannique voulu par Théophile Delcassé, ministre
des Affaires étrangères (1898-1905), malgré une opinion violemment
hostile. Favorisé par le roi Edouard VII qui veut sortir son pays de son «
splendide isolement », l’accord est négocié par le marquis de Lansdowne
(chef du Foreign Office) et Paul Cambon, ambassadeur français à Londres.
Le rapprochement avec la France s’opère sous la forme d’un accord
colonial qui règle un vieux contentieux franco-britannique. La France
renonce à son droit de pêche exclusif à l’ouest de Terre-neuve, un accord est
conclu sur leurs zones d’influence respectives au Siam et les modalités de
l’administration conjointe des Nouvelles-Hébrides, enfin la France promet
de ne pas entraver l’action de la Grande-Bretagne en Égypte, la Grande-
Bretagne reconnaissant de son côté « qu’il appartient à la France de veiller à
la tranquillité du Maroc ». L'Entente cordiale est signée le 8 avril 1904. Le
choix des termes vagues est un coup de maître diplomatique, car ils
semblent impliquer une alliance, qui n’existe pas encore.
Par-delà ses dispositions immédiates, cet accord contribue en effet à
l’amélioration des relations diplomatiques entre Paris et Londres. Après le
coup de semonce de Tanger (mars 1905) et la démission de Delcassé, le
rapprochement franco-anglais est consolidé en 1906 lorsque l’Angleterre
appuie la France dans la première crise marocaine, permettant le triomphe
des vues françaises à la conférence d’Algésiras. À partir de 1907, les deux
états-majors sont en contact régulier. Ainsi l’Europe est-elle organisée en
deux systèmes d’alliance antagonistes, la Triple-Entente et la Triple-
Alliance, vivant une sorte de « paix armée » qui repose sur un fragile
équilibre des puissances. Les crises se succèdent et culminent dans les
guerres balkaniques de 1912-1913, prélude au conflit mondial de 1914 sans
en être toutefois la cause.
FG
BELL Philip, France and Britain, 1900-1940, Longman, 1996.
ROLO P. J. V., Entente cordiale, The origins and negociations of the
Anglo-French agreements of 8 april 1904, 1969.
VAïSSE Maurice (dir.), L'Entente cordiale de Fachoda à la Grande
Guerre, Complexe, 2004.
VIOT Jacques (dir.), L'Entente cordiale dans le siècle, Odile Jacob, 2004.
→ DELCASSÉ, FACHODA, MAROCAINES (CRISES), TRIPLE-
ALLIANCE, TRIPLE-ENTENTE

ENVIRONNEMENT

Question dont l’importance en matière de relations internationales n’a


cessé de croître. Depuis les idées du Club de Rome – créé en 1968 par
l’Italien Aurelio Peccei et réunissant des personnalités d’origines et de
nationalités diverses pour une prospective globale des interactions
économiques et politiques – et l’objectif de la croissance zéro, la protection
de l’environnement est au premier plan des préoccupations internationales,
car ce phénomène, qui ne connaît pas de frontières, exige une approche
transnationale, d’où le développement de la diplomatie multilatérale, la
formation d’un droit spécifique de l’environnement et la notion de
développement durable (sustainable development), lancée en 1987 par le
rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le
développement, dit « Rapport Brundland »
Après la conférence des Nations unies sur l’environnement (CNUED),
tenue à Stockholm en 1972, qui voit s’affronter les pays en voie de
développement préoccupés d’abord par leur développement, les « sommets
de la Terre » de Rio de Janeiro (1992) et de New York (1997) expriment
avec peine l’émergence d’une conscience planétaire et renforcent les
principes juridiques. Un accord est conclu, à la conférence de Kyoto
(décembre 1997), pour une réduction par rapport aux émissions de 1990 des
rejets de gaz nocifs à effet de serre d’ici à 2012, pour lutter contre le
réchauffement de la température à la surface du globe. Les conséquences en
seraient une élévation du niveau des mers, la disparition d’écosystèmes, des
pénuries alimentaires, des migrations, etc. Mais ces engagements peuvent
être contrebalancés par des mécanismes de subsidiarité, destinés à rendre le
système plus souple (permis négociables). Au cours des années 2000, la
concomitance des désordres météorologiques (sécheresse, tempêtes) avive
le débat sur le changement climatique. Mais des scientifiques et des
politiques dénoncent « l’alarmisme environnementaliste », les prévisions
pessimistes du « Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du
climat » (GIEC) et ils considèrent que le réchauffement climatique n’est pas
d’origine humaine. Et les États-Unis, sous les administrations Clinton et
Bush junior, qui sont les plus gros émetteurs des gaz à effet de serre de la
planète, refusent de ratifier le protocole de Kyoto, car les pays émergents
(Chine, Inde qui, eux aussi, émettent beaucoup de gaz nocifs) considèrent
que cela restreindrait leur développement. Les États-Unis signent (2005-
2006) avec ces pays un accord de partenariat Asie-Pacifique sur le
développement propre et le climat. Mais la Californie décide en 2006 de se
mettre en conformité avec le protocole de Kyoto. Néanmoins, celui-ci,
ouvert à ratification le 16 mars 1998 et ratifié par 172 pays, est entré en
vigueur en février 2005.
La référence au patrimoine commun de l’humanité envahit le droit
maritime, spatial et constitue une limite à la souveraineté étatique. Dans le
domaine de l’eau, elle pose en principe la non-appropriation de la haute mer
et des fonds marins (convention de Montego Bay, 1982), en dehors de la
zone économique exclusive à 200 milles nautiques, et une nouvelle
définition du plateau continental (traité de 1959, renouvelé en 1991), de
l’Antarctique, territoire dont l’exploitation minière est ajournée, comme de
l’Espace, de la Lune et des corps célestes (traité de 1967). Elle prévoit la
démilitarisation, l’interdiction du stockage d’armes nucléaires sur les fonds
marins (1971) et de mise en orbite d’armes de destruction massive (1967,
1979). Elle impose le respect de l’environnement par la convention de
1954, prohibant la pollution par les hydrocarbures qui provoquent des
catastrophes écologiques à répétition (Amoco-Cadiz en 1978, Erika en
2000).
MV

Atlas du changement climatique, Autrement, 2009.


LE PESTRE Philippe, Protection de l’environnement et relations
internationales, Armand Colin, 2005. VEYRET Yvette (dir.), Dictionnaire
de l’environnement, Armand Colin, 2007.
→ CATASTROPHE NATURELLE, DIPLOMATIE, EAU, ONU

ESPACE (CONQUÊTE DE L')

Entre rêve, science-fiction et pensée stratégique, la maîtrise des


technologies de l’espace occupe une place à part dans les relations
internationales dès les années 1950 en raison du potentiel d’emploi militaire
qu’elles génèrent. Pendant la guerre froide, la conquête spatiale est reliée au
développement de l’arme nucléaire à plus d’un titre : d’abord parce que les
missiles balistiques intercontinentaux et les lanceurs spatiaux reposent sur
la même technologie ; ensuite parce que les satellites de reconnaissance
constituent des moyens d’espionnage efficaces et jouent un rôle décisif dans
les plans de guerre des étoiles. Même si des traités internationaux
interdisent l’installation d’armes nucléaires dans l’espace, zone
d’exploration scientifique par excellence, les équipements de recherche
peuvent rapidement céder leur place à des systèmes d’armes. Même en cas
de conflit conventionnel, les satellites de surveillance, d’observation et de
télécommunication confèrent une supériorité technique indéniable dans la
conduite des opérations militaires. C'est particulièrement vrai dans les
situations de conflit « post-guerre froide », avec des opérations
multilatérales en coalitions complexes face à un adversaire parfois mal
défini : une connaissance parfaite du terrain et la possibilité d’intervenir à
distance donnent alors un avantage certain. D’où la priorité accordée en
continu par les grandes puissances aux programmes spatiaux.
Après le lancement de la première fusée allemande A-4 en octobre 1942,
plus connue sous le nom de V2, restée de triste mémoire, Américains et
Soviétiques intensifient leurs recherches dans ce domaine. En privilégiant
les progrès de l’aviation, les États-Unis perdent une occasion d’être les
premiers à lancer un missile. C'est ainsi l’Union soviétique qui réussit en
octobre 1957 à lancer le premier satellite Spoutnik dans l’espace suivi un
mois plus tard de Spoutnik 2 qui emporte à son bord un animal vivant. Les
Américains suivent trois mois plus tard avec Explorer 1. La même année,
en 1958, ils créent leur agence spatiale nationale, la NASA (National
Aeronautics and Space Administration). En avril 1961 le cosmonaute russe
Youri Gagarine réalise un premier vol orbital. En juillet 1969 les
Américains Neil Armstrong et Buzz Aldrin sont les premiers hommes à se
poser sur la lune (mission Apollo 11).
En juillet 1975 les deux satellites Apollo et Soyouz, l’un américain et
l’autre soviétique, se rencontrent dans l’espace, geste symbolique de la
volonté de détente des deux Grands. En même temps l’espace prend une
importance considérable dans la vérification des traités de contrôle des
armements (SALT I et SALT II) ainsi que pour la navigation aérienne et
maritime. Outil de recherche conçu et utilisé par le Département de la
Défense américain depuis 1958, le GPS (Global Positioning System) prend
sa forme actuelle d’instrument de positionnement par satellites dans les
années 1980 et devient accessible au grand public à partir de 2000.
Très tôt, malgré quelques réussites britanniques et françaises, l’Europe
note son retard dans la conquête spatiale. La création de l’agence spatiale
européenne ESA en 1975 répond à la nécessité de partager les coûts
prohibitifs des programmes spatiaux. En 1979, le lancement de la première
fusée européenne, Ariane, marque un tournant, avant de permettre une
réussite commerciale beaucoup plus tard. Dès lors, l’Europe entend rester
dans la course à l’espace au même titre que ses deux grands rivaux.
Les différents laboratoires spatiaux, notamment la station spatiale
internationale ISS créée en 1998, complètent le dispositif actuel des
activités spatiales. Aujourd’hui les missions scientifiques sont de plus en
plus souvent effectuées dans le cadre de coopérations internationales,
présentant des économies importantes pour chaque pays participant et une
marge de sécurité supplémentaire pour tous. Les systèmes restent
néanmoins dépendants des navettes américaines et des capsules russes en
termes de transport et de sauvetage. Parallèlement, alors que des pays
comme la Chine ont annoncé leur intention de se lancer dans la compétition
spatiale, un phénomène nouveau se développe : l’exploitation commerciale
de l’espace. Les hautes technologies spatiales (télécommunications,
microélectronique, matériaux avancés, manipulations technologiques) se
prêtent toutes à un usage civil dont les enjeux financiers sont considérables.
Les satellites destinés à la communication ou à la météorologie sont
devenus très rentables et constituent un marché compétitif sur lequel
l’Europe fait maintenant concurrence aux États-Unis et à la Russie, ce qui
s’accompagne souvent de tensions politiques, comme par exemple lors du
lancement du projet européen de navigation par satellite Galileo. Sans que
la viabilité de telles initiatives soit toujours bien connue, une privatisation
de l’espace est en cours depuis 2001, date à laquelle des particuliers
fortunés ont commencé à prendre part à des missions scientifiques dans
l’espace. Quelques sociétés américaines ébauchent pour leur part des plans
futuristes de tourisme spatial.
Ainsi, compétition inégale réservée à un petit nombre de pays à la pointe
de la technologie, la conquête de l’espace renforce la hiérarchie des
puissances, aggrave les inégalités entre États et représente en soi un facteur
de déséquilibre international.
FG

MCDOUGALL Walter A., The Heavens and the Earth : a political history
of the space age, New York, Basic books, 1985.
PASCO Xavier, « Haute technologie spatiale et conflits », in Annuaire
français de relations internationales, volume 1, Bruylant, 2000, p. 831-841.
→ GUERRE DES ÉTOILES, SALT (ACCORDS)

ESPAGNE (GUERRE D’) (1936-1939)

Proclamée en 1931, la République espagnole est éphémère puisqu’elle


est vaincue après trois ans de guerre civile menée par les troupes
nationalistes. Frappée comme les autres pays européens par la crise
économique, l’Espagne connaît des tensions sociales fortes : le Frente
popular élu en 1936 s’oppose à l’extrême droite, dominée par la Phalange.
Ce mouvement est créé par José Primo de Rivera, fils du dictateur, en 1933,
prônant un État nationaliste et tenté par le fascisme. On y trouve les conflits
majeurs entre démocratie et fascisme. Les heurts entre républicains et
nationalistes sont de plus en plus importants.
Un soulèvement a lieu le 17 juillet 1936 dans la garnison de Melilla,
enclave espagnole au Maroc, dont le général Franco prend rapidement la
tête, débarquant en Andalousie avec ses troupes. L'armée se divise :
certaines troupes se rallient au Movimiento, d’autres restent fidèles au
gouvernement républicain, mais très vite, les troupes rebelles s’emparent de
plusieurs provinces et un gouvernement est installé à Burgos ; toutefois les
nationalistes échouent devant Barcelone et Valence, Madrid reste aux mains
des légalistes. Au bout de trois jours, l’Espagne est divisée en deux, avec un
léger avantage au gouvernement. Le conflit se prolonge pendant deux ans et
demi, avec, de part et d’autre, un soutien actif de l’étranger. En effet, avec
l’intervention, officielle ou non, des puissances étrangères, la guerre civile
s’internationalise.
Dès le 22 juillet 1936, Franco, dorénavant seul chef de la rébellion,
adresse une demande de matériel, d’avions et d’experts à Hitler qui accepte.
La Légion Condor, commandée par un général allemand est créée en
échange de livraison de minerais (c’est cette Légion qui bombarde, le 26
avril 1937, la ville basque de Guernica, faisant 800 à 1 000 victimes
civiles). De son côté, Mussolini envoie en Espagne près de 70 000 soldats.
Léon Blum est décidé à honorer le traité de commerce signé entre la
France et l’Espagne en 1935, qui prévoyait des livraisons d’armes, et la
solidarité entre les deux gouvernements de Front populaire laisse espérer
une aide efficace de la France. Cependant, la politique d’apaisement des
Britanniques, qu’entend suivre le ministre français des Affaires étrangères,
Yvon Delbos, n’oriente pas Paris dans le sens souhaité initialement. Après
la conférence de Nyon (10-14 septembre 1937), un pacte de non-
intervention est signé par vingt-cinq pays ; le comité de Londres contrôle
les frontières à la suite d’infractions multiples qui sont un prétexte pour
l’Allemagne et l’Italie de se retirer de ce comité et poursuivre leur aide.
Staline, signataire du pacte, affiche son soutien aux républicains ; Blum
décide de « relâcher » la surveillance et facilite le transfert d’armes et
d’avions et de combattants volontaires.
En effet, de nombreux volontaires de soixante-dix pays ont constitué des
Brigades internationales (BI) pour combattre aux côtés des républicains, et
passent outre les décisions de non-intervention des gouvernements. Les
premières BI sont rassemblées à l’instigation du Komintern. Tout au long de
la guerre civile, quelque 30 à 40 000 brigadistes ont combattu en Espagne
(par exemple, André Malraux, Ernest Hemingway, le futur maréchal Tito).
Les accords de Munich (30 septembre 1938) sonnent le glas des espoirs
d’un engagement plus massif des démocraties, sur lequel comptaient encore
les républicains alors que les offensives franquistes sont de plus en plus
meurtrières et victorieuses.
En décembre 1938, les franquistes lancent une grande offensive contre la
Catalogne ; un mois plus tard, le 26 janvier 1939, ils entrent dans
Barcelone ; le gouvernement républicain dirigé par Juan Negrin est
renversé. Le 28 mars, la guerre civile qui a duré près de trois ans est
terminée, faisant près de 500 000 morts.
Cette guerre, résumé des conflits idéologiques du 20e siècle, sert de
champ d’expérimentation pour les armes allemandes et soviétiques. La
SDN montre une fois encore sa timidité : lorsque, en novembre 1936, les
Espagnols lui demandent de réagir à l’intervention des Allemands et des
Italiens, elle les renvoie au comité de Londres. Cette guerre révèle aussi à
Hitler le manque de résolution des démocraties face au nazisme et le poids
du pacifisme (dès le 27 février, la France et la Grande-Bretagne ont reconnu
le gouvernement de Franco). Il en tire la leçon rapidement.
Une loi d’amnistie est votée en 1977, deux ans après la mort de Franco,
au nom de la réconciliation nationale, mais une autre, de réhabilitation des
victimes du franquisme, est votée en 2007.
Ch. M

BENNASSAR Bartolomé, La guerre d’Espagne et ses lendemains, Perrin,


2004.
GODICHEAU François, La guerre d’Espagne, Odile Jacob, 2004.
HERMET Guy, La Guerre d’Espagne, Le Seuil, 1989.
→ APPEASEMENT, BLUM, FRANCO, KOMINTERN, MUNICH
(ACCORDS DE), SDN, TITO

ESSAIS NUCLÉAIRES

La mise au point des armes nucléaires a nécessité des essais pour étudier
le comportement de la matière dans des conditions extraordinaires (par
exemple, les températures se comptent en centaines de millions de degrés).
Afin d’expérimenter et de perfectionner leurs armes, les puissances
membres du club atomique ont multiplié les expérimentations dans les
années 1950.
Des démarches pour aboutir à l’interdiction des essais nucléaires sont
contemporaines de la période d’expérimentation des deux superpuissances.
La pression de l’opinion publique, inquiète des retombées des essais qui
se font alors dans l’atmosphère, y est pour beaucoup et le désarmement
nucléaire est un thème de propagande rêvé en pleine guerre froide.
Plusieurs questions se posent : d’abord le passage des essais aériens en
essais souterrains, ensuite la possibilité d’un contrôle sur site, enfin la
nécessité invoquée par les puissances nucléaires de continuer leur
expérimentation afin de tester leurs armes. Un traité total d’interdiction
(Comprehensive test-ban treaty, CTBT) apparaissant utopique, les États
nucléaires négocient des accords partiels de limitation des essais : après
bien des négociations, les États-Unis, l’Union soviétique et le Royaume-Uni
concluent en juillet 1963 à Moscou le traité de limitation des essais
nucléaires dans l’atmosphère et sous l’eau.
Des moratoires soviétique, américain et français prolongent
l’interdiction. La Chine poursuit ses tirs. La France les reprend en 1995-
1996 pour une ultime série, afin d’acquérir une expérience en matière de
simulation, et peut s’associer au traité d’interdiction totale et définitive des
essais nucléaires (CTBT), signé en 1996, mais non encore entré en vigueur.
Les essais indiens et pakistanais (1998), le projet
Les premières expérimentations nucléaires des cinq membres
du Club atomique

16 juillet 1945 1er essai atomique américain à Alamogordo

6 et 9 août 1945 Bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki

14 juillet 1949 1re bombe atomique soviétique

3 octobre 1952 1re bombe atomique britannique

31 octobre 1952 1re bombe H américaine


12 août 1953 1re bombe H soviétique

15 mai 1957 1re bombe H britannique

13 février 1960 1re bombe A française

16 octobre 1964 1re bombe A chinoise

17 juin 1967 1re bombe H chinoise

24 août 1968 1re bombe H française

Les essais nucléaires 1945-1998

américain de défense anti-missiles ABM et le rejet par le Sénat américain


de la ratification du traité (octobre 1999) font planer un doute sur sa
validité. Et la Corée du Nord annonce le 9 octobre 2006 qu’elle a procédé à
un essai nucléaire.
MV

→ ABM, ARMES NUCLÉAIRES, DÉSARMEMENT, GUERRE


FROIDE

ÉTATS VOYOUS

Traduction de l’américain rogue states, le concept d’États voyous est


développé à partir de 1994 par le State Department pour désigner tout État
qui, par des activités jugées illégales telles que le trafic de drogue, le
soutien au terrorisme ou la mise en place d’un programme de destruction
massive, se mettrait de lui-même, et pour des États-Unis s’érigeant pour
l’occasion en seuls juges de la légalité internationale, en dehors du concert
des nations. Né alors que semblait encore possible le rêve en un nouvel
ordre mondial, de la perception de nouvelles menaces par Washington après
une brève période euphorique qualifiée de « fin de l’histoire » ou selon
d’autres analyses, de la nécessité pour les États-Unis post-guerre froide,
orphelins d’adversaires à leur taille, de trouver de nouveaux ennemis pour
démontrer la force de l’Amérique et légitimer l’hyperprésence américaine
dans le monde, ce concept d’États voyous, « États préoccupants » ou plus
récemment « axe du Mal » de la doctrine Bush, les qualificatifs évoluant en
fonction des différentes administrations au pouvoir à la Maison-Blanche,
aboutit à l’établissement d’une liste de « proscrits ». Sans être tout à fait
officielle et strictement arrêtée, cette liste d’États voyous ne constitue
pourtant pas un mystère et correspond en fait aux ennemis de l’Amérique,
dictatures ou régimes instables qui sont autant de dangers potentiels.
L'Afghanistan des talibans, l’Irak de Saddam Hussein, l’Iran, le Soudan, la
Corée du Nord ou la Syrie sont ou ont été les États les plus communément
pointés du doigt, d’autres ont un statut plus flottant et la liste pourrait aussi
s’étendre à la Palestine, le Belarus, le Venezuela… La liste est d’ailleurs
évolutive, et la Libye, après deux décennies d’isolement, a ainsi vu
disparaître en mai 2006 cette marque d’infamie la concernant. Au terme de
sa logique, le concept vient surtout justifier des opérations militaires,
qu’elles soient préventives ou non, à l’instar des récentes interventions en
Afghanistan (2001) et en Irak (2003), ou la mise en place de mesures
économiques de coercition. Comme tel, cette notion d’États voyous a été
l’objet de frictions entre Washington et ses alliés traditionnels qui y ont vu
une des marques de l’unilatéralisme américain.
PMD

COURMONT Barthélémy, ed., Washington et les États voyous. Une


stratégie plurielle ?, Paris, Iris-Dalloz, 2007.
→ AFGHANISTAN, BUSH (GEORGE W.), HUSSEIN (SADDAM),
UNILATÉRALISME
ÉTHIOPIE (GUERRE D’) (octobre 1935-mai 1936)

Elle s’inscrit dans le projet politique et économique de Mussolini de


fonder un vaste empire colonial en Afrique orientale à partir de la Somalie
italienne, et de venger le désastre d’Adoua où une armée italienne fut battue
le 1er mars 1896 et qui reste dans les mémoires une profonde blessure
d’amour-propre national. Un premier incident le 5 décembre 1934 à Ual
Ual, en Ogaden, entre Abyssins et une unité italienne, sert de prétexte à
Mussolini pour protester et concentrer des troupes en Somalie. L'Éthiopie
propose sans succès de soumettre le différend à l’arbitrage et à la Société
des Nations dont elle est membre depuis 1923. L'arbitrage échoue. Le
président du Conseil français, Pierre Laval, ayant besoin de l’alliance
italienne contre l’Allemagne, signe le 7 janvier 1935 les accords de Rome
par lesquels il cède à Mussolini la bande d’Aouzou au nord du Tchad et
semble vouloir lui laisser les mains libres en Éthiopie. Devant les
préparatifs militaires italiens, l’Éthiopie fait de nouveau appel à la SDN le
17 mars 1935, mais en vain. La Grande-Bretagne et la France, lors de la
conférence de Paris (15-18 août 1935), refusent l’annexion de l’Éthiopie par
l’Italie et proposent l’établissement d’un mandat des trois puissances avec
une prépondérance italienne ; Mussolini rejette ce compromis. Ni la France
ni l’Angleterre n’ont une politique bien définie, la flotte britannique est
envoyée en Méditerranée, mais Londres ne veut pas s’engager dans un
conflit. Le 3 octobre 1935, sans déclaration de guerre, Mussolini ordonne à
ses troupes d’envahir l’Éthiopie. En décembre, Laval et Samuel Hoare, le
secrétaire au Foreign Office, proposent un plan, qui est repoussé, par lequel
l’Éthiopie deviendrait un protectorat italien. La guerre dure jusqu’au 2 mai
1936 et se solde par la défaite de l’empereur Haïlé Sélassié, qui s’exile à
Londres. Le 9 mai, l’Éthiopie est annexée au royaume d'Italie. Le 1er juin
1936, Rome proclame la création de l’Afrique orientale italienne. La SDN
condamne l’Italie, prend des sanctions économiques et financières limitées
mais inefficaces, n’étant accompagnées d’aucun moyen exécutoire. Ce coup
de force de l’Italie contre un État indépendant, membre de la SDN, marque
la dernière guerre de colonisation, où les Italiens ont recours à des moyens
illicites comme les gaz asphyxiants et des bombes à ypérite. Sur le plan
international, la conséquence la plus grave de cette affaire est de
déconsidérer la SDN et d’amener Mussolini à se rapprocher d’Hitler pour
former l’axe Rome-Berlin.
CB

ACTES DU COLLOQUE DE L'INALCO, Paris, 14 décembre 1984, La


guerre d’Éthiopie et l’opinion mondiale, 1934-1941.
HENZE Paul, Histoire de l’Éthiopie, Moulin du Pont, 2004.
LE HOUEROU Fabienne, Éthiopie-Érythrée, L'Harmattan, 2000.
→ AOUZOU (BANDE D'), FRONTIÈRE, HAïLÉ SÉLASSIÉ,
HITLER, HOARE, LAVAL, MUSSOLINI, ROME-BERLIN (AXE),
SDN

EURATOM (COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE DE L'ÉNERGIE


ATOMIQUE, CEEA)

L'Assemblée de la CECA est sensible à la nécessité d’une coopération


dans le domaine des nouvelles ressources d’énergie, notamment le nucléaire
civil ; la conférence de Messine relance l’idée d’accroître la coopération et
le Rapport Spaak (1956) y est favorable.
Le traité de Rome créant Euratom est signé en même temps que celui de
la CEE, le 25 mars 1957. Le but est de fournir à de bonnes conditions
l’énergie nécessaire aux Six. Une agence d’approvisionnement dispose
d’une option d’achat sur les minerais, les matières brutes et fissiles
produites dans les pays membres, et du droit exclusif de conclure des
contrats. Il ne s’agit donc pas de regrouper l’ensemble de la production des
Six et de renforcer le bloc occidental, mais les Soviétiques y voient une
menace pour l’équilibre des forces, avec une dangereuse domination des
plus forts au sein d’Euratom.
L'inefficacité de la Communauté se révèle vite ; la surabondance du
pétrole sur le marché de l’énergie n’incite pas à la recherche dans le
domaine nucléaire. L'absence d'accord sur les objectifs, de définition d’une
politique énergétique et le saupoudrage des crédits entre les pays membres
en limitent l’intérêt. De plus, la France dont l’avance dans le domaine
nucléaire est nette, tient à son indépendance notamment quant au nucléaire
militaire, et développe sa propre filière à l’uranium naturel jusqu’en 1969.
Ses partenaires attendent d’Euratom une aide à leur industrie nationale et
préfèrent la filière américaine à l’uranium enrichi, vendu à un prix
avantageux. Ainsi, aucun esprit communautaire n’existe dans ce domaine
perçu comme relevant de la souveraineté nationale. Après la fusion des
exécutifs en 1967, le Conseil prend peu de mesures dans le sens d’une
politique énergétique européenne, et la proposition française, en 1969, de
construire une usine européenne de séparation isotopique, afin de relancer
Euratom a peu d’échos. En 1973, lors du premier choc pétrolier, les
membres de la Communauté réagissent en ordre dispersé. D’une manière
générale, Euratom n’a qu’un rôle de contact entre les responsables des
programmes nationaux, et plus encore, les Européens ont créé deux groupes
rivaux pour fabriquer de l’uranium enrichi selon des procédés différents, en
dehors d’Euratom.
La CEEA n’a pas fusionné avec l’Union européenne mais elle est gérée
par les mêmes institutions. En outre, depuis les accords des années 1970
avec l’Agence internationale de l’énergie atomique la Grande-Bretagne, la
France et les pays non militairement nucléaires de la CECA exercent un
contrôle conjoint Euratom-AIEA sur les utilisations du matériel nucléaire et
elle poursuit son rôle dans le domaine de la recherche.
Ch. M

DUMOULIN Michel, GUILLEN Pierre, VAïSSE Maurice (dir.), L'Énergie


nucléaire en Europe, Peter Lang, 1994.
PIROTTE Olivier, Trente ans d’expérience Euratom, la naissance d’une
Europe nucléaire, Bruylant, 1988. VAïSSE Maurice (dir.), La France et
l’atome : études d’histoire nucléaire, Bruylant, 1994.
→ AIEA, CECA, CEE, PÉTROLE ET RELATIONS
INTERNATIONALES, ROME (TRAITÉS DE)

EUROCOMMUNISME
Ce phénomène médiatique du milieu des années 1970, récusé d’abord
puis repris à leur compte par les dirigeants communistes concernés,
l’eurocommunisme naît de la détente et de l’évolution des partis
communistes occidentaux. Mouvement informel symbolisé par le parti
communiste italien et son premier secrétaire Enrico Berlinguer, et qui séduit
les partis communistes français, espagnol, finlandais et ceux d’autres petits
pays, il est le fruit d’une vision convergente des relations internationales et
d’une volonté commune d’indépendance à l’égard de l’URSS, alors que le
PCI et le PCF opèrent à des degrés divers des révolutions internes. Rejetant
l’idée d’un parti ou d’un État guide, l’eurocommunisme prône une
troisième voie entre Est et Ouest, qui mêlerait socialisme, liberté et
démocratie. Apogée du mouvement, le sommet de Madrid en mars 1977 et
la rencontre « historique » entre ses trois leaders, l’Italien Berlinguer,
Georges Marchais et l’Espagnol Carillo, en marque le début du déclin. Les
crises d’Afghanistan et de Pologne y mettent fin, confirmant des
divergences préalables entre les Français qui refusent de critiquer Moscou
et les Italiens.
PMD

MARCOU Lilly, Les Pieds d’argile, le communisme mondial au présent,


1970-1986, Ramsay, 1986.
→ KOMINFORM

EUROMISSILES

Dans les années 1970, l’URSS entreprend le déploiement en Europe


centrale et orientale de nouveaux missiles nucléaires de portée
intermédiaire, pointés vers l’Europe de l’Ouest. Ces missiles n’entrent pas
dans la catégorie des missiles visés par les SALT, puisque leur portée est
inférieure à 5 500 km (Intermediate Range Nuclear Forces, INF). L'OTAN
leur attribue le nom de code SS-20. Plus performants que les engins
balistiques SS-4 et SS-5, les SS-20 ont un rôle précis dans la stratégie
militaire et diplomatique soviétique : intimider les pays d’Europe
occidentale, en les menaçant d’une guerre limitée dans laquelle Washington
n’oserait pas prendre le risque d’intervenir : l’arsenal nucléaire soviétique,
dont les missiles stratégiques ont la capacité de frapper le sol américain, a
un effet dissuasif. À moyen terme, les dirigeants du Kremlin tentent ainsi de
neutraliser l’Europe de l’Ouest (on parle de finlandisation, par référence – à
tort – à la situation de la Finlande face à l’Union soviétique) en découplant
son sort de celui des États-Unis. Pour ce faire, ils misent sur les divisions
internes en Europe et surtout sur de fortes tendances neutralistes et
pacifistes en Allemagne de l’Ouest. En brisant la communauté de destin
stratégique qui unit l’Europe occidentale et les États-Unis, l’URSS
deviendrait la puissance dominante sur tout le continent européen.
Dans ce contexte, le chancelier ouest-allemand Helmut Schmidt
prononce un discours retentissant le 28 octobre 1977, devant l’Institut
international des études stratégiques de Londres. Il somme les États-Unis de
négocier avec l’URSS un accord sur les euromissiles ou, à défaut, de
déployer sur le territoire ouest-européen des forces nucléaires équivalentes
à celles du pacte de Varsovie, afin de mettre un terme au déséquilibre des
forces nucléaires de portée intermédiaire (FNI) sur le théâtre européen et au
découplage entre la sécurité ouest-européenne et américaine. Malgré les
réticences exprimées par ceux de ses membres qui ne veulent pas
compromettre les acquis de la détente, l’OTAN avalise la recommandation
du sommet du G7 tenu à la Guadeloupe en janvier 1979, et adopte le 12
décembre suivant la « double décision ». Elle prévoit le déploiement, à
partir du mois de décembre 1983, de 572 FNI américains (108 missiles
Pershing II d’une portée de 1 800 km et 464 missiles Cruise d’une portée
de 2 500 km) en Allemagne de l’Ouest, en Grande-Bretagne, en Belgique,
aux Pays-Bas et en Italie, dans l’éventualité où il serait impossible de
parvenir avant cette date à un accord avec l’URSS sur le retrait des SS-20.
Ronald Reagan propose l’option zéro, c’est-à-dire l’élimination des SS-20
en contrepartie du non-déploiement des Pershing et Cruise. Après de
longues tractations, l’URSS rompt les négociations à l’automne 1983,
contraignant l’OTAN à procéder au déploiement.
Durant les quatre années qui séparent l’adoption de la « double décision
» du début de l’installation des 572 FNI, les passions se déchaînent, la crise
des euromissiles divisant aussi bien opinions publiques que partis politiques
en Europe du Nord mais aussi en Italie et en Espagne. En France, qui n’est
pas concernée par le déploiement des missiles américains, le président
Mitterrand proclame : « Les pacifistes sont à l’Ouest et les missiles à l'Est. »
C'est en Allemagne de l’Ouest que le mouvement pacifiste prend le plus
d’ampleur, débouchant parfois sur un neutralisme radical. Il culmine à
l’automne 1982 lorsque le gouvernement Schmidt de centre-gauche (SPD-
FDP), désavoué par une fraction importante du SPD qui s’oppose au
déploiement des missiles américains, doit se retirer au profit d’une coalition
de centre-droit (CDU/CSU-FDP) menée par Helmut Kohl. Le déploiement
des FNI américains constitue un échec cuisant pour l’URSS. Cette crise
s’achève en décembre 1987 avec la signature du traité de désarmement
nucléaire soviéto-américain, éliminant les FNI. Le dialogue ainsi amorcé se
poursuivra avec les accords START.
FG

TATU Michel, La Crise des Euromissiles, Fondation pour les études de


Défense nationale, 1983.
→ ALLEMANDE (QUESTION), ARMES NUCLÉAIRES, KOHL,
MITTERRAND, OTAN, PACIFISME, REAGAN, VARSOVIE
(PACTE DE)

ÉVIAN (ACCORDS D’)

Le 18 mars 1962 sont signés à Évian, entre les représentants du


gouvernement français et les représentants du Front de libération nationale
(FLN) algérien, des accords mettant fin à sept ans et cinq mois de guerre
d’Algérie. Ils sont l’aboutissement d’une longue série de négociations,
commencées à Melun (24-29 juin 1960), reprises, sous la conduite du
ministre des Affaires algériennes, Louis Joxe, à Évian (20 mai-13 juin
1961), puis de nouveau à Lugrin (juillet 1961) pour aboutir à la dernière
conférence d’Évian (7-18 mars 1962). Les principales clauses peuvent être
classées sous quatre rubriques : le cessez-le-feu, l’organisation des pouvoirs
publics durant la période intérimaire avant le scrutin d’autodétermination, le
scrutin d’autodétermination, l’organisation de l’Algérie après
l’autodétermination et la coopération franco-algérienne. Ces textes sont
complétés par une série de déclarations de principes, dont une déclaration
des garanties qui a été l’objet d’âpres discussions, concernant tous les
Algériens et les Français d’Algérie (les Français disposent pendant trois ans
des droits civiques algériens ; au terme de cette période, ils peuvent opter
pour la seule citoyenneté algérienne ou devenir citoyens français résidant en
Algérie comme étrangers). D’autres textes portent sur la coopération
économique et financière (l’Algérie continue à faire partie de la zone franc
et reçoit une aide privilégiée), la mise en valeur des richesses du sous-sol
saharien, la coopération technique et culturelle (la place de la langue et de
la culture françaises sont reconnues), et les questions militaires
(l’évacuation des forces françaises doit être réalisée dans les trois ans, à
l’exception de la base de Mers el-Kébir concédée pour quinze ans et celles
du Sahara pour cinq ans ; les troupes sont évacuées le 15 juin 1964 sauf les
bases). Les accords d’Évian visent à la constitution d’un État algérien
indépendant et souverain en coopération avec la France. Le 19 mars,
Christian Fouchet est nommé haut-commissaire de France à Alger,
Abderrahmane Farès préside l’Exécutif provisoire algérien. Les Accords
sont acceptés par référendum en France le 8 avril. Le 1er juillet, les
Algériens se prononcent en faveur de l’indépendance, qui est proclamée le
3. Pendant la période de négociations, l’OAS (Organisation de l’Armée
secrète) pro-Algérie française, se livre à l’action terroriste et à la politique
de la terre brûlée. Près de 900 000 pieds-noirs quittent l’Algérie en trois
mois. Les accords d’Évian sont très vite contournés par le pouvoir algérien
en place, mais jamais formellement dénoncés. De 1963 à 1971, par des
mesures successives de nationalisation, commençant par les terres agricoles
françaises (octobre 1963) et se terminant par les hydrocarbures et les
oléoducs (février 1971), l’Algérie achève sa décolonisation et établit des
relations d’égal à égal avec la France.
MV

Vers la paix en Algérie, les négociations d’Évian, Bruylant, 2003.


→ ALGÉRIE (GUERRE D’), DÉCOLONISATION
F

FACHODA

Dans la course à la conquête de territoires, la question d’Égypte et du


Haut-Nil (1894-1898) provoque une grave crise dans les relations franco-
britanniques, qui faillit aboutir à une véritable épreuve de force (1898).
L'origine de l’expédition de Fachoda remonte à 1893, alors que la Grande-
Bretagne, qui a abandonné le Soudan égyptien en 1885 à la suite du
mouvement mahdiste, commence depuis 1890 la préparation diplomatique
de la reconquête. La France n’a pas abandonné l’espoir de remettre en
question la domination de fait des Anglais en Égypte depuis 1882. Pour y
parvenir, les milieux officiels songent à une action dans l’ex-Soudan
égyptien, soumis à l’autorité du khalife d’Omdurman. Le 29 juin 1894, le
gouvernement britannique qui, sur la question du Haut-Nil, a déjà obtenu le
désistement de l’Italie, de l’Allemagne et de l’État indépendant du Congo,
prévient le gouvernement français que l’envoi d’une mission vers le Haut-
Nil provoquerait entre les deux États un très grave conflit. Après l’insuccès
de la mission Liotard (nom du haut-commissaire en Haut-Oubangui), le
gouvernement français charge le capitaine Marchand d’établir une liaison
Congo-Haut-Nil-Djibouti qui arrive à Fachoda le 10 juillet 1898, précédant
de peu (25 septembre) le corps expéditionnaire anglo-égyptien du général
Kitchener à la reconquête du Haut-Nil. Le gouvernement britannique exige
l’évacuation de Fachoda. Delcassé, ancien ministre des Colonies (1894-
1895) et ministre des Affaires étrangères (1898-1905), très favorable à la
politique coloniale comme complément à la politique de prestige de la
France en Europe, est décidé à ne pas céder, mais il est contraint de
s’incliner devant la volonté du président du Conseil, Rouvier, et du
président de la République, Félix Faure : la France ne dispose pas des
forces navales permettant d’envisager une guerre, et le 7 novembre,
Marchand évacue. Apogée des rivalités coloniales franco-britanniques,
l’affaire de Fachoda se solde par une défaite diplomatique de la France qui
permet toutefois l’apaisement ultérieur préparé par le traité de délimitation
des frontières du 21 mars 1899 et la signature de l’Entente cordiale en 1904.
La France reçoit en compensation des territoires au Tchad (le Ouadaï, le
Kanem, le Baguirmi et le Tibesti), provoquant alors de vives réactions
turques. Cet accord consacre la domination britannique sur la vallée du Nil,
domination confirmée par la création le 19 janvier 1899 du condominium
anglo-égyptien sur le Soudan placé sous l’autorité de Kitchener.
CB

GUILLEN Pierre, L'Expansion 1881-1998, Imprimerie nationale, 1984.


→ DELCASSÉ, ENTENTE CORDIALE, FRONTIÈRE

FAROUK Ier (1920-1965)

Roi d’Égypte, en 1936, après la mort de son père Fouad Ier, il tente de
gouverner en se rapprochant successivement du parti nationaliste et libéral
Wafd et de l’occupant britannique. Le 22 décembre 1936, il ratifie le traité
d’indépendance négocié avec les Britanniques par le Premier ministre
wafdquiste Nahas Pacha, qui permet, l’année suivante, l’abolition des «
capitulations » et l’entrée de l’Égypte à la SDN. Au début de la Seconde
Guerre mondiale, Farouk affiche des sympathies pour l’Axe et proclame la
« non-belligérance » de l’Égypte. Le 4 février 1942, l’ambassadeur
d’Angleterre lui impose manu militari de ramener au pouvoir Nahas Pacha,
évincé le 30 décembre 1937, le seul à pouvoir mobiliser le peuple égyptien
en faveur des alliés. Dès lors Farouk s’aligne sur la politique de Londres :
avec l’aval britannique, le 8 octobre 1944, il écarte Nahas au lendemain de
la signature du protocole d’Alexandrie instituant la Ligue arabe qu’il espère
pouvoir contrôler. Il le rappelle en 1950, mais désapprouve sa position «
neutraliste » lors de la guerre de Corée, son refus du « plan de défense
commune » projeté par les Anglo-Saxons, et la dénonciation, en octobre
1951, du traité anglo-égyptien de 1936. D’où, en janvier 1952, un dernier
renvoi de Nahas Pacha. Mais, le 23 juillet 1952, Farouk est renversé par des
militaires qui le tiennent pour responsable de leur défaite de 1948 en
Palestine, laissant la place au général Néguib et au colonel Nasser.
AD

LUTHI Jean-Jacques, L'Égypte des rois : 1922-1953, L'Harmattan, 1997.


→ CORÉE (GUERRE DE), LIGUE ARABE, NASSER, SDN

FCE (TRAITÉ)

Ce traité sur les forces armées conventionnelles en Europe, négocié entre


les États membres de l’OTAN et ceux du pacte de Varsovie, est signé à
Paris le 19 novembre 1990. Son but : établir un équilibre conventionnel,
éliminer la capacité à lancer une attaque par surprise ou entreprendre une
action offensive de grande envergure. Il fixe des plafonds également
répartis entre les armements terrestres les plus offensifs et les avions de
combat, ce qui entraîne la destruction de près de 50 000 équipements. Mais
il était conçu dans une logique de bloc à bloc et il ne correspondait plus à de
nouvelles menaces : ainsi il contraignait la Russie à restreindre le
déploiement de ses forces sur son territoire, en particulier sur ses « flancs ».
Les limitations ont fait l’objet d’une actualisation lors du sommet de
l’OSCE à Istanbul, en novembre 1999. Mais les pays de l’OTAN n’ont pas
ratifié cette nouvelle version, arguant du maintien des troupes russes dans
des régions séparatistes pro-russes de Géorgie et de Moldavie. En décembre
2008, la Russie, qui dénonce l’extension de l’OTAN vers ses frontières et le
projet de bouclier antimissile américain en Europe, annonce son intention
de suspendre sa participation au traité FCE si l’OTAN ne ratifie pas la
version révisée de celui-ci.
MV

CHILLAUD Mathieu, « Les avatars du traité FCE », in Défense nationale,


janvier 2009.
→ CSCE/OSCE, GUERRE FROIDE, OTAN

FORCE MULTILATÉRALE (MLF)


Au début des années 1960, les États-Unis, qui disposent d’une
prépondérance sur le plan de l’armement nucléaire, veulent prévenir la
constitution de forces nucléaires indépendantes par leurs alliés en dehors de
celles du Royaume-Uni, et en particulier par la France, en proposant la
constitution d’une force nucléaire multilatérale OTAN. Concrètement, ils
offrent de vendre à leurs alliés des engins Polaris qui seraient basés à terre,
sur des navires de surface ou des sous-marins. Ces missiles américains,
achetés en commun, deviendraient propriété collective, mais les ogives
nucléaires fournies par les États-Unis demeureraient sous leur garde. La
question principale de savoir qui déciderait de l’emploi final de cette force
n’est pas abordée. La RFA, l’Italie, la Turquie, la Belgique et les Pays-Bas
réagissent favorablement à l’offre du secrétaire d’État, Herter, la Grande-
Bretagne est plus réservée, la France est opposée au principe d’un contrôle
politique fondé sur un système multilatéral. Les engins qui lui seraient
fournis doivent rester à sa disposition, les têtes nucléaires étrangères
entreposées sur son territoire, rester sous contrôle national.
La nouvelle administration Kennedy laisse en sommeil le projet, tandis
que se met en place la nouvelle doctrine de « riposte flexible ». La MLF
resurgit à l’occasion de la rencontre anglo-américaine de Nassau (17-21
décembre 1962). L'accord qui est signé prévoit la création d’une force
multinationale OTAN, essentiellement anglo-américaine, d’une force
multilatérale OTAN et la fourniture par les États-Unis de missiles Polaris
(sans leurs têtes nucléaires) pour les sous-marins britanniques inclus dans la
force multilatérale OTAN, sauf si les intérêts nationaux suprêmes
britanniques étaient menacés. Une offre semblable est faite au président de
Gaulle. Ce dernier, voyant une tentative des États-Unis pour récupérer les
forces de dissuasion européennes, c’est-à-dire britannique et française, fait
connaître dans sa conférence de presse du 14 janvier 1963 son double refus
de laisser entrer dans le Marché commun une Grande-Bretagne aussi
dépendante des États-Unis et de participer à une Force nucléaire
multilatérale. Dès lors, la France se tient et est tenue à l’écart du débat. Le
projet de MLF est relancé et prend une autre inflexion, devenant un
instrument pour isoler la France et attirer la RFA du côté atlantique et non
plus européen. La signature du traité de l’Élysée le 22 janvier 1963 fait
craindre aux Américains une éventuelle coopération allemande à la force de
frappe française. De 1963 à 1965, le projet de MLF se développe, atteint
son apogée par la déclaration Johnson/Erhard du 12 juin 1964 sur la
signature prochaine d’un traité, pour disparaître à la fin de 1964. Au peu
d’empressement des Britanniques d’entrer dans une force qui semblait être
uniquement germano-américaine, s’ajoute l’hostilité de l’URSS qui
n’entend pas laisser les Allemands accéder à l’armement nucléaire. Le
temps de la MLF est passé. Conçue à l’origine dans la crainte du missile
gap, la MLF n’a plus sa place dans un environnement de détente, par
ailleurs, aucune solution n’avait été trouvée au problème essentiel de savoir
qui aura le pouvoir de décider de son emploi.
CB

BOZO Frédéric, Deux stratégies pour l’Europe. De Gaulle, les États-Unis


et l’Alliance atlantique (1958-1969), Plon, 1996.
KISSINGER Henry A., Les malentendus trans-atlantiques, Denoël,
1965.
→ ARMES NUCLÉAIRES, DE GAULLE, ÉLYSÉE (TRAITÉ DE
L'), GUERRE FROIDE, JOHNSON, KENNEDY, NASSAU
(ACCORDS DE)

FOUCHET (PLAN)

À la suite de l’échec de la conférence au sommet de mai 1960, le général


de Gaulle propose aux cinq autres membres de la CEE une coopération
européenne dans les domaines politique, économique, culturel et de
défense, avec réunions des chefs d’État ou de gouvernement, des
organismes spécialisés subordonnés aux gouvernements pour se démarquer
des Communautés, chaque État devant garder sa souveraineté. Une
Commission d’étude est placée sous la présidence de Christian Fouchet,
diplomate français fidèle de De Gaulle.
Le premier plan, proposé en octobre 1961, prévoit une « union d’États » :
un conseil des chefs d’État ou de gouvernement, avec les ministres des
Affaires étrangères prendrait les décisions à l’unanimité avec possibilité
d’abstention ; une commission politique permanente préparerait les travaux
du Conseil, le Parlement serait consulté sur les propositions débattues. Mais
après l’annonce par les Britanniques de leur intention de poser leur
candidature à la CEE, les Néerlandais et les Belges, craignant une
suprématie du couple franco-allemand, demandent la participation
britannique à tout projet d’union politique.
Malgré les réticences de ses partenaires, le 18 janvier 1962, Paris propose
une nouvelle rédaction du projet qui ne mentionne ni les traités de Rome, ni
l’Alliance atlantique, et qui ne prévoit pas de clauses de révision. De leur
côté, les Cinq élaborent un projet qui renforce le rôle du Parlement et
introduit le vote à la majorité qualifiée, avec un système institutionnel plus
fédéraliste. Les positions sont donc inconciliables. L'échec de l’union
politique marque l’opposition entre la vision gaullienne de l’Europe et celle
de ses partenaires dont le Président français a sous-estimé l’attachement au
cadre du marché commun et à l’Alliance atlantique : ils ne sont pas prêts à
sacrifier leurs relations avec les États-Unis et la Grande-Bretagne.
À l’échec de ce projet d’union politique est substitué un renforcement de
l’axe franco-allemand avec le traité de l’Élysée du 22 janvier 1963, et à
l’opposition de la France à l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE.
Ch. M

DEIGHTON Anne, MILWARD Alan (ed.), Widening and acceleration : the


European Economic community, 1957-1963, Bruylant, 1999.
VAïSSE Maurice, La Grandeur : la politique étrangère du général de
Gaulle 1958-1969, Fayard, 1998.
→ ADENAUER, CEE, ÉLYSÉE (TRAITÉ DE L'), DE GAULLE,
OTAN, ROME (TRAITÉS DE)

FRANCO Bahamonde Francisco (1892-1975)

Sa carrière militaire, avant comme après l’abdication du roi Alphonse


XIII, qui suit la victoire des républicains en 1931, connaît une ascension
rapide. Ses collègues généraux, soulevés contre la République le 18 juillet
1936, le nomment généralissime le 12 septembre, puis chef du nouvel État
espagnol le 1er octobre suivant, fonction qu’il conserve jusqu’à sa mort.
Durant la guerre d’Espagne, il reçoit le soutien appuyé de l’Italie de
Mussolini et de l’Allemagne d’Hitler, alliées sans lesquelles sa victoire sur
les républicains, obtenue le 1er avril 1939, eût été impossible. Cependant il
veille à maintenir d’assez bonnes relations avec les États-Unis, qui lui
fournissent l’indispensable pétrole, et avec l’Angleterre à laquelle il donne
des assurances quant à l’évacuation de l’Espagne par les troupes étrangères
une fois la guerre finie. En dépit de ses sympathies pour les puissances de
l’Axe et des bénéfices coloniaux en Afrique du Nord qu’il aurait pu
escompter en cas de défaite définitive de la France et de la Grande-
Bretagne, le général Franco maintient l’Espagne en dehors de la Seconde
Guerre mondiale. Il est conscient de son impréparation militaire et des
divisions de ses partisans sur le sujet ; de plus Hitler, peu intéressé par le
théâtre méditerranéen, refuse de payer au prix fort l’entrée en guerre de
l’Espagne, que Franco semble lui avoir proposée lors de l’entrevue
d’Hendaye le 23 octobre 1940. Une victoire des Alliés devenant de plus en
plus probable, il multiplie à partir de l’automne 1943 les gestes envers eux :
le 1er octobre 1943, l’Espagne abandonne sa position de « non-belligérance
», adoptée le 12 juin 1940 pour manifester symboliquement son soutien à
l’Axe, et revient à une neutralité classique ; le 3 novembre elle met fin à sa
participation à la « croisade antibolchevique » en rappelant les volontaires
espagnols de la Division bleue. Les ambiguïtés de Franco n’empêchent pas
les vainqueurs de 1945 de mettre son régime au ban des nations en le
faisant condamner par l’ONU en janvier 1946. Mais la guerre froide sauve
le Caudillo : dès 1948 les États-Unis renoncent à l’abattre ; en 1953, ils lui
apportent leur soutien économique et leur caution diplomatique en signant
les accords hispano-américains du 23 septembre. L'Espagne est admise à
l’UNESCO en 1952 en raison de son patrimoine culturel, et le 14 décembre
1955 à l’ONU. Cependant si Franco met fin en 1956 à sa politique
d’autarcie et ouvre économiquement son pays sur l’extérieur, le maintien du
caractère autoritaire de son régime empêche de son vivant l’entrée de
l’Espagne dans le pacte Atlantique, le Conseil de l’Europe ou la CEE.
En 1969, il désigne pour successeur l’un des petits-fils d’Alphonse XIII,
qui prête serment devant le Caudillo et les Cortes. Juan Carlos de Bourbon
instaure une monarchie constitutionnelle dès son arrivée au pouvoir, mettant
fin, sans crise, au régime franquiste qui a duré trente-neuf ans.
AD

BACHOUD Andrée, Franco ou la réussite d’un homme ordinaire, Fayard,


1997.
BENNASSAR Bartolomé, Franco, Perrin, 1995.
→ ALLIANCE ATLANTIQUE, CEE, CONSEIL DE L'EUROPE,
ESPAGNE (GUERRE D’), GUERRE FROIDE, HITLER,
MUSSOLINI, ONU, UNESCO

FRANCOPHONIE

Si la langue française ne compte qu’environ 200 millions de locuteurs, y


compris 72 millions de locuteurs partiels et si la place du français a
beaucoup reculé par rapport à l’anglais dans toutes les instances
internationales, une cinquantaine d’États se réclament de la francophonie.
Les francophones se répartissent en Europe (42 %), en Afrique du Nord (11
%) et en Afrique subsaharienne (39 %). Mais, dans la nouvelle société de
l’information, au moins 60 % des sites internet sont en anglais, si ce n’est
plus, contre 6 % en français.
La Francophonie a ses institutions, les sommets franco-africains d’abord,
depuis 1974, puis plus largement francophones depuis 1986, avec la tenue à
Paris du premier sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays «
ayant en commun l’usage du français ». Depuis lors, dix sommets de la
Francophonie se sont tenus (Canada, 1987), Sénégal (1989), France (1991),
Maurice (1993), Bénin (1995), Vietnam (1997), Canada (1999), Liban
(2002), Burkina Faso (2004), Roumanie (2006). Lors de ce dernier sommet,
quatre pays ont été accueillis comme membres de plein droit (Albanie,
Andorre, Macédoine et Grèce), deux pays comme membres associés
(Chypre, Ghana) et trois comme observateurs (Mozambique, Serbie et
Ukraine). Le XIIe sommet se tient en octobre 2008 au Canada.
En 1997 au sommet d’Hanoï, elle se donne une dimension plus nettement
politique avec l’élection de Boutros Boutros-Ghali comme secrétaire
général. Lui succède, en 2002, Abdou Diouf, réélu le 29 septembre 2006
pour un second mandat par le XIe Sommet de Bucarest (Roumanie). Le
Secrétaire général est la clé de voûte du dispositif institutionnel de la
Francophonie, il dirige l’Organisation internationale de la Francophonie
(OIF), conduit l’action politique et en est le représentant officiel au plan
international, ce qui fait de l’OIF une organisation internationale à part
entière, à vocation éthique et politique, regroupant pays riches et pays
pauvres.
CB

BARRAT Jacques, MOISEI Claudia, Géopolitique de la francophonie : un


nouveau souffle ?, Paris, La Documentation française, 2004.
DENIAU Xavier, La francophonie, Paris, PUF, 2001. VAïSSE Maurice,
La puissance ou l’influence ? La France dans le monde depuis 1958, Paris,
Fayard, 2009.
→ AFRIQUE, BOUTROS-GHALI, DÉCOLONISATION,
DÉVELOPPEMENT

FRONTIÈRE

Ligne juridique qui marque les limites d’un État et de sa compétence


territoriale. La frontière peut être « naturelle » : insularité, chaîne de
montagnes, fleuve, mais dans les faits, son tracé résulte toujours d’accords,
de négociations, d’arbitrages, d’ententes, de partages, d’explorations, de
conquêtes. La frontière n’est ni intangible ni définitive. On assiste au cours
du 20e siècle à la création ou la modification de nombreuses frontières
notamment en Europe et au Proche-Orient, résultant du démembrement des
Empires centraux et ottoman après les traités de paix de 1918-1923 créant
de nouveaux États, ou de l’effondrement du monde communiste en 1989-
1991 : la ligne Oder-Neisse, limite germano-polonaise, est un sujet de
discussion voire de tension à chaque moment de l’histoire de chacun des
États. Le processus n’est pas terminé, ainsi par exemple en Indonésie
(Timor). Dans le dernier quart du siècle, l’accroissement des échanges
économiques et des progrès techniques conduit au développement des
interdépendances économiques et politiques régionales et par conséquent à
un relatif effacement des frontières (Union européenne et espace de
Schengen, ALENA). L'on parle désormais d’espace, de région.
Les frontières africaines, à l’exception de celles de l’Éthiopie, du Liberia,
du nord du Maghreb, ne sont à l’origine que des limites administratives de
territoires colonisés. Contrairement à une idée reçue, elles ne furent pas
fixées à la conférence de Berlin (1884-1885), mais par des accords entre
Français, Britanniques, Belges, Portugais et Allemands entre 1880 et 1914,
où furent définis 70 % des limites des États africains actuels. Les
découpages qui en résultent brisent les unités politiques antérieures,
fragmentent des ethnies, constituent des regroupements artificiels, sources
de tensions externes et d’implosion interne. La décolonisation ne donne pas
lieu à un bouleversement des limites territoriales imposées par les
colonisateurs par crainte de conflits : l’Organisation de l’Unité africaine
(OUA) adopte, à la réunion du Caire, en juillet 1964, le principe de
l’intangibilité des frontières issues de la colonisation, ce qui n’empêche pas
les tentatives de remises en cause ni les revendications de Grande Somalie,
du Maroc et de l’Algérie sur leurs confins sahariens et la notion de Grand
Maroc, Maroc/ex-Sahara espagnol, Mauritanie-Sahara espagnol, Éthiopie-
Érythrée, Libye-Nord du Tchad, pour n’en citer que quelques-unes.
Le droit d’ingérence pour raisons humanitaires remet en cause
l’intangibilité des frontières, ce qui ne laisse pas de provoquer des
interprétations diverses et de susciter de nouveaux conflits.
MV

FOUCHER Michel, Fronts et Frontières : un tour du monde géopolitique,


Fayard, 1988.
→ ALENA, DÉCOLONISATION, INGÉRENCE, ODER-NEISSE
(LIGNE), OUA, SCHENGEN (ESPACE), TRAITÉS DE PAIX
G

G7/G8/G20

Le Groupe des Sept rassemble les sept pays les plus riches du monde :
Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni.
L'initiative est due au président Valéry Giscard d’Estaing, qui invite les
dirigeants allemand, américain, japonais et anglais à Rambouillet en 1975 ; le
Canada et l’Italie y sont admis quelques mois plus tard. À partir de 1977, le
président de la Commission des Communautés européennes y participe et en
devient membre en 1998. La Russie y est admise progressivement, après
1991. Du coup, le G7 devient G8.
Les sommets des pays industrialisés (G7 et G8)

1975 – 15-17 novembre : Rambouillet

1976 – 27-28 juin : Porto-Rico

1977 – 7-8 mai : Londres

1978 – 16-17 juillet : Bonn

– 28-29 décembre : Jamaïque (entretiens non officiels)

1979 – 5-6 janvier : Guadeloupe (sommet informel)

– 28-29 juin : Tokyo

1980 – 22-23 juin : Venise

1981 – 19-21 juillet : Ottawa

1982 – 4-6 juin : Versailles

1983 – 28-30 mai : Williamsburg

1984 – 7-9 juin : Londres


1985 – 2-3 mai : Bonn

1986 – 5-6 mai : Tokyo

1987 – 8-10 juin : Venise

1988 – 19-21 juin : Toronto

– 14-15 juillet : Paris « sommet de l’Arche »

1990 – 9-11 juillet : Houston

1991 – 15-17 juillet : Londres

1992 – 6-8 juillet : Munich

1993 – 7-9 juillet : Tokyo

1994 – 8-10 juillet : Naples

1995 – 16-17 juin : Halifax

1996 – 27-28 juin : Lyon

1997 – 20-21 juin : Denver (le G7 devient G8)

1998 – 15-18 mai : Birmingham

1999 – 18-20 juin : Cologne

2000 – 21-23 juillet : Okinawa

2001 – 20-22 juillet : Gênes

2002 – 26-27 juin : Kananaskis (Canada)

2003 – 1er-3 juin : Évian

2004 – 6-8 juin : Sea Island (États-Unis)

2005 – 6-8 juillet : Gleneagles (Grande-Bretagne)

2006 – 15-17 juillet : Saint-Pétersbourg

2007 – 6-8 juin : Heiligendamm (Allemagne)


2008 – 7-9 juillet : Toyako (Japon)

2009 – 8-10 juillet : L'Aquila (Italie)

Source : Maurice Vaïsse, Les relations internationales depuis 1945, Paris, Armand Colin, 11e
édition, 2008.

Ce n’est pas une institution mais la réunion annuelle d’un sommet des
chefs d’État et de gouvernement et plus fréquemment des ministres des
Finances et des gouverneurs des Banques centrales, pour discuter des
solutions à apporter aux problèmes économiques mondiaux, mais peu à peu
les discussions s’étendent à tous les domaines. Le G7 ne prend pas de
décisions, mais les orientations influencent la politique économique de
l’ensemble de la planète. C'est ainsi que sont pris les accords du Plaza
(septembre 1985) destinés à organiser une baisse du dollar, puis ceux du
Louvre (février 1987) pour stabiliser la valeur de la monnaie américaine, en
chute libre.
Au moment de la désintégration de l’Union soviétique, le G7 décide un
programme d’aide et de réduction de dette. Mais l’institution fait l’objet de
critiques en raison de ses réunions trop ostentatoires. À la suite du sommet de
Gênes (juillet 2001), les dirigeants du G8 se préoccupent davantage des
besoins de la société civile : lutte contre les pandémies, changement
climatique, aide aux États africains, dont on efface les dettes. Bien que des
dirigeants d’autres États soient invités à titre personnel aux réunions du G8,
l’institution est de plus en plus critiquée et semble perdre de sa substance au
profit du G20. Créé en 1999 après les crises asiatique et russe, le G20 associe
les pays industrialisés du G7 avec les principaux pays émergents (Afrique du
Sud, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud,
Inde, Indonésie, Mexique, Russie et Turquie). Le G20 représente 85 % de la
richesse et les deux tiers de la population mondiale. La crise économique et
financière qui s’abat sur le monde entier en 2008-2009 rend nécessaire une
régulation renforcée et une relance mondiale : elle renforce la légitimité du
G20. Lors de sa réunion du 15 novembre 2008, il énonce un certain nombre
de pistes pour lutter contre la crise et il se prononce rigoureusement contre
toute tentation de protectionnisme. Les 1er et 2 avril 2009, le G20 tente
d’enrayer la crise économique et financière qui sévit depuis 2008.
MV
GANDHI Indira (1917-1984)

Femme politique indienne, elle tente de poursuivre la politique menée par


son père Nehru, de 1947 à 1964 ; elle est Premier ministre de l’Inde de 1966
à 1977 et de 1980 à 1984. La défaite de l’Inde face à la Chine en 1962 et
l’affrontement avec le Pakistan conduisent Indira Gandhi à abandonner la
politique de non-alignement et à nouer une alliance défensive avec l’URSS,
devenue officielle en 1971. L'Inde mène alors une politique de grande
puissance régionale qui domine le Pakistan lors du conflit en 1971 et acquiert
la bombe atomique en 1974. Elle meurt victime du séparatisme qui sévit au
Punjab, assassinée par ses gardes sikhs le 31 octobre 1984.
AD

JAYAKAR Pupul, Indira Gandhi, trad., Plon, 1994.


→ NEHRU, NON-ALIGNÉS (MOUVEMENT DES)

GANDHI Mohandas Karamchand (1869-1948)

À la fois chef politique et spirituel, il domine la vie politique indienne de


1918 à 1948 en menant un double combat, non violent, contre la domination
britannique et l’immobilisme de la société indienne. Originaire d’une famille
aisée de l’Inde du nord-ouest, il fait des études de droit en Angleterre puis
exerce son métier d’avocat en Afrique du Sud où il prend la défense des
immigrés indiens (1893-1914). De retour en Inde (1915), il apporte son
soutien aux Britanniques durant la Première Guerre mondiale mais se fait très
vite le porte-parole du nationalisme indien, représenté par le parti du Congrès
auquel il sait donner une assise populaire. De 1922 à 1938, il alterne les
actions offensives, basées sur le boycottage des produits anglais, les jeûnes et
la grève de l’impôt, et les compromis avec le colonisateur. Prêchant la pureté
dans ses voyages en Inde, il y gagne le surnom de Mahatma (grande âme).
Après l’octroi d’une constitution à l’Inde par les Britanniques (1935), il
encourage le parti du Congrès à participer aux élections de 1937. En
septembre 1939, contre l’avis d’une partie des nationalistes indiens prêts à
monnayer leur aide aux Britanniques contre l’indépendance, il refuse, au nom
de la non-violence, l’entrée en guerre de l’Inde décrétée par le vice-roi. Tous
ses disciples, dont Nehru, sont alors emprisonnés, mais l’ampleur du
mouvement de résistance passive déclenché par Gandhi contraint Churchill à
les amnistier à la fin de 1941, puis à proposer le droit pour l’Inde de déclarer
son indépendance à la fin des hostilités (mission Cripps mars-avril 1942).
Mais Gandhi exige l’indépendance immédiate et fait voter par le Congrès
national indien (9 août 1942) la motion Quit India (« Quittez l’Inde ») ; il est
immédiatement interné jusqu’en mai 1944. Une fois le principe de
l’indépendance de l’Inde admis par le gouvernement travailliste à la fin de
1945, Gandhi assiste impuissant à sa partition entre musulmans et hindous
(février 1947). Alors qu’il tente de protéger la minorité musulmane restée
dans l’État indien accédant à l’indépendance le 15 août 1947, il est assassiné
par un fanatique hindou le 30 janvier 1948.
AD

LIMAYE Madhu, Mahatma Gandhi and Jawaharlal Nehru : a historic


partnership : 1916-1948, Delhi, B.R. publ. corporation, 1989-1991.
→ DÉCOLONISATION, NEHRU

GATT (GENERAL AGREEMENT ON TARIFFS AND TRADE)

En quête, après 1945 d’un nouvel ordre mondial, après la naissance de


l’ONU et d’institutions financières internationales (FMI, BIRD), les
Américains, soutenus par des grands économistes tels John M. Keynes,
veulent éviter l’escalade protectionniste des années 1930. Ils souhaitent une
structure qui permette de négocier de façon multilatérale l’élimination
progressive des obstacles aux échanges (droits de douane et protections non
tarifaires) et promouvoir le libre-échange ; ils voudraient une institution
spécialisée de l’ONU.
L'Accord général sur les Tarifs douaniers diffère pourtant des institutions
d’après-guerre par les conditions de sa naissance. Signé à Genève en octobre
1947 comme simple pré-accord à une organisation internationale du
commerce, qui n’a pas abouti à cause de la non-ratification par le Congrès
américain en 1950, le GATT devient le cadre principal des négociations
mondiales du commerce. De vingt-trois signataires à l’origine, il en compte
cent vingt en 1994 lors de la signature de l’accord final de l’Uruguay Round.
Bien que des pays aussi importants que la Chine ou l’URSS en soient
absents, il représente alors près de 90 % du commerce international.
N’étant pas une organisation internationale stricto sensu, ne comptant pas
de membres mais des « parties contractantes », le GATT est géré par une
structure très légère, siégeant à Genève. L'organe essentiel est le secrétariat
général qui n’a connu que quatre directeurs : le Britannique Eric Wyndham
White (1948-1968), les Suisses Olivier Long (1968-1979) et Arthur Dunkel
(1980-1993) et l’Irlandais Peter Sutherland (1993-1995). Il s’appuie sur les
trente-huit articles de sa charte d’origine, qui structurent le commerce
international ; la clause de la nation la plus favorisée, selon

laquelle tout avantage accordé par un pays à un autre doit l’être à tous (art.
I) ; la déclaration de « consolidation » des droits de douane par chaque État,
c’est-à-dire qu’on ne revient pas sur les réductions tarifaires (art. II) ; le
traitement national qui oblige à traiter également produits nationaux et
étrangers, une fois les droits de douane acquittés (art. III) ; la transparence
des politiques commerciales (art. XI) visant à éliminer les barrières à
l’importation autres que les droits de douane ; la réciprocité des concessions
tarifaires (art. XXVIII). De nombreuses exceptions aux principes existent
pour certains produits (agricoles ou textiles) ou en faveur d’unions
douanières et de zones de libre-échange (art. XXIV), comme pour les pays en
voie de développement qui, depuis 1964, grâce à l’action de la CNUCED,
sont exemptés de l’obligation de réciprocité.
Si le GATT a pour rôle d’assurer une concurrence loyale entre États et
instruit les différends commerciaux entre parties contractantes, son objectif
essentiel reste une libéralisation continue des échanges. Il organise
régulièrement des cycles de négociations multilatérales ; ce forum permanent
est scandé par des rounds selon l’expression anglaise.

Les cycles de négociation

Deux périodes se dégagent : aux quatre premiers « minirounds » qui


portent surtout sur l’abaissement des barrières tarifaires dont les niveaux sont
sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, succèdent, à
partir du Tokyo Round, des discussions sur les barrières douanières non
tarifaires, tandis que la durée des sessions augmente avec des participants
toujours plus nombreux et la complexité croissante des dossiers. Si le cycle
Dillon, du nom du secrétaire d’État adjoint américain, Douglas C. Dillon,
marque les débuts de la CEE en tant que négociateur commun de ses six
membres, le Kennedy Round voit les premières confrontations entre cette
CEE devenue puissante et les États-Unis, notamment autour de la PAC.
Après quatre ans de négociations, le cycle se conclut en 1967 par une baisse
des tarifs douaniers de 35 % en moyenne, sans précédent dans l’histoire.
Mais il y a des exceptions : ainsi les accords multifibres (AMF) sont conclus
en 1974 pour limiter les exportations de vêtements des PVD vers les pays
développés.
Six ans après, le Tokyo Round se distingue par l’irruption du Japon sur le
devant de la scène, et celle des PVD qui jouent pour la première fois un rôle
significatif même si les résultats ne sont pas à la hauteur de leurs espérances.
Modelé par l’affrontement des trois pôles de l’économie mondiale (États-
Unis, Europe, Japon) aux intérêts divergents, par les revendications de
nouveaux pays, et gêné par la crise économique des années 1970 et le retour
des pressions protectionnistes, le cycle des négociations s’attaque aux
barrières techniques, au commerce et aux pratiques internes à chaque État,
obstacle principal à l’établissement d’un véritable libre-échange, en
instaurant des règles communes sur les subventions, les marchés publics ou
les pratiques antidumping. Face à la dégradation de leur balance
commerciale, les Américains adoptent, en 1974, le Trade Act : le président
des États-Unis est autorisé à engager des représailles contre un pays aux
pratiques commerciales restrictives et contraires aux intérêts américains. Il
s’agit d’une des armes de la politique commerciale, comme la technique
protectionniste de l’American Selling Price (qui détermine les droits de
douane de produits importés sur la base du prix de vente sur le territoire
américain et non du prix proposé par le producteur étranger) à laquelle les
Américains renoncent en 1980.
Lancé à Punta del Este à l’initiative des États-Unis en septembre 1986,
l’Uruguay Round, dernier des cycles du GATT, le plus ambitieux, est le plus
difficile. Visant à baisser encore les barrières douanières non tarifaires, il
intègre de nouveaux secteurs à son domaine de contrôle : l’agriculture,
diminuant ainsi la protection dont elle a toujours bénéficié, le textile,
démantelant le système de l’AMF, les services (banques, assurances…) qui
représentent une part croissante du commerce mondial avec l’accord GATS
(General Agreement on Trade of Services), les propriétés intellectuelles avec
l’accord TRIPS (Trade Related aspects of Intellectual Property Rights). On
peut interpréter cet événement comme une tentative des dirigeants
américains, sous la pression du lobby des firmes de services, d’obtenir un
droit d’accès aux marchés étrangers et de restaurer ainsi leur leadership
économique. Si la question des obstacles à l’investissement direct étranger
aboutit à un accord, dont les lacunes suscitent toutefois plus tard le projet
d’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI/ MAI), l’Uruguay Round
dominé par l’opposition entre les États-Unis et l’Europe sur les subventions
agricoles et les questions culturelles, ne parvient pas à un accord sur tous les
sujets de négociation, l’aéronautique, l’acier et l’audiovisuel notamment, et
un traitement spécial – exception culturelle – est consenti à l’Europe.
L'organisation GATT met fin à son activité « provisoire » de presque
quarante ans, et organise sa propre succession en instituant l’OMC,
gestionnaire à partir de 1995 de l’accord GATT de 1947 révisé et des
différents accords de l’Uruguay Round.
Ch. M

JACKSON John H., The World Trading System. Law and Policy of
International Economic Relations, MIT Press, Cambridge, 1992.
PANTZ D., Institutions et politiques commerciales internationales du
GATT à l’OMC, Armand Colin, 1998.
→ CEE, CNUCED, INSTITUTIONS FINANCIÈRES
INTERNATIONALES, OMC, PAC
GENÈVE (CONVENTIONS DE)

Le droit de la guerre (jus in bello) est une idée très ancienne. La notion
évolue, du droit de la guerre, établi par la convention de La Haye de 1907 aux
conventions de Genève.
Plusieurs conférences de paix se sont réunies à La Haye en 1899 et 1907,
pour mettre au point un droit qui réglemente les opérations militaires et
interdit l’usage de certaines armes. Plusieurs traités s’y rattachent par la
suite : en 1925, l’emploi des armes chimiques et bactériologiques, celui des
gaz asphyxiants et toxiques est interdit ; en 1997, le traité d’Ottawa interdit
l’utilisation, la fabrication, le stockage et le commerce des mines
antipersonnel qui font près de 20 000 victimes chaque année dans le monde ;
il s’agit d’un véritable traité de désarmement, signé par 137 États, mais pas
par les États-Unis, la Chine, la Russie par exemple, qui en possèdent des
millions.
Les conventions de Genève visent davantage à préserver les victimes de
guerre et à codifier les moyens utilisés par les armées régulières. Cette idée
est ancienne, puisqu’elle remonte au carnage de la bataille de Solferino en
1859 : une première convention, en 1864, suscitée par le Suisse Henri
Dunant, permet la création du Comité international de la Croix-Rouge. Après
les deux guerres mondiales, d’autres conventions ont été signées.
En 1929 est mis en place un statut des prisonniers de guerre, en 1949, une
nouvelle convention complète et précise la précédente en insistant notamment
sur la nécessité d’établir les camps de prisonniers en dehors des zones de
combats, et en autorisant des visites de la Croix-Rouge. « Les prisonniers de
guerre ont droit en toutes circonstances au respect de leur personne et de leur
honneur. » (article 14)
En 1977, de nouvelles conventions font la différence entre les objectifs
militaires et civils : par exemple, les prises d’otages sont interdites, de même
que les pillages, la déportation et les internements arbitraires. Il s’agit du
pilier du droit humanitaire.
Comme les terroristes ne sont pas considérés comme des soldats, George
W. Bush a décidé de créer, après les attentats du 11 septembre 2001, une
commission militaire spéciale contournant ainsi le droit international, pour
juger les « combattants ennemis ».
Ch. M

COCHET François, Soldats sans armes, Bruylant, 1998.


VAïSSE Maurice, La Paix au XXe siècle, Belin, 2004.
→ BUSH (GEORGE W.), NUREMBERG (PROCÈS), ONZE
SEPTEMBRE

GÉNOCIDE

C'est le type même de la notion portemanteau auquel on a trop souvent


recours pour désigner toute forme de répression. Bernard Bruneteau en
propose la définition suivante : « La destruction de masse planifiée de
groupes sans défense, ciblés sur des critères définis unilatéralement par une
autorité politique et idéologique. » Même si depuis la plus haute Antiquité
l’histoire abonde en massacres de toutes sortes, le 20e siècle, qui commence
avec le génocide arménien, se poursuit avec la Shoah et se termine par les
crimes commis en Bosnie (1992) et au Rwanda (1994), est bien « le siècle
des génocides ».
Le mot est forgé en 1944 par Raphaël Lemkin pour désigner un nouveau
crime au regard du droit international, qui se différencie de la notion de «
crime contre l’humanité » invoqué par le tribunal de Nuremberg (créé par
l’accord de Londres du 8 août 1945) et reconnu comme « le plus grand des
crimes contre l’humanité » par une résolution des Nations unies du 11
décembre 1946. La notion est officialisée par une résolution du 9 décembre
1948, adoptant la Convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide qui définit aussi le génocide comme tout acte « commis avec
l’intention de détruire, totalement ou en partie, un groupe national ethnique,
racial ou religieux, comme tel ». L'imprécision relative de cette définition
explique les débats autour de la reconnaissance de tel ou tel génocide. Ainsi
en 2005, une commission internationale de juges commanditée par l’ONU a
dénié le terme de génocide au Darfour, parce que l’intention génocidaire des
autorités du Soudan ne semble pas exister, malgré la mort de 350 000
victimes en deux ans.
MV
BRUNETEAU Bernard, Le siècle des génocides, massacres et processus
génocidaires de l’Arménie au Rwanda, Armand Colin, 2004.
LEFEBVRE B., FERHADJAN Sophie, Comprendre les génocides du XXe
siècle, Bréal, 2007.
SEMELIN Jacques, Purifier et détruire. Usages politiques des massacres
et génocides, Le Seuil, 2005. SEMELIN Jacques, ANDRIEU Claire,
GENSBURGER Sarah, La résistance au génocide : de la pluralité des actes
de sauvetage, Presses de Sciences Po, 2008. TERNON Yves, L'État criminel,
les génocides du XXe siècle, 1995.
Encyclopédie électronique sur les massacres et les génocides, site du
CERI.
→ ARMÉNIEN (GÉNOCIDE), CPI, ONU, RWANDA,
YOUGOSLAVIE

GISCARD D’ESTAING Valéry (1926)

Il est nommé inspecteur des Finances en 1954, après des études à l’École
polytechnique et à l’ENA. Directeur-adjoint du cabinet du président du
Conseil Edgar Faure (juin-décembre 1954), élu député (Centre des
indépendants et paysans le 2 janvier 1956), il approuve en juin 1958 le retour
au pouvoir du général de Gaulle et devient secrétaire d’État aux Finances
(janvier 1959), puis ministre des Finances (1962-1966). Bien que le parti
qu’il fonde en 1962, les républicains indépendants, reste l’allié des gaullistes,
il prend ses distances en 1966 et appelle à voter non au référendum d’avril
1969. Il est à nouveau ministre de l’Économie et des Finances du président
Pompidou (1969-1974). Élu président de la République le 19 mai 1974, il
conduit une politique libérale et européenne. Mais il doit faire face à la
récession mondiale, à la crise de l’énergie et à une « stagflation » que son
Premier ministre Raymond Barre ne parvient pas à juguler. Le chômage passe
alors de 1,5 % de la population active à 7,5 % avec une inflation de 10 à 11
%. Pour réduire la dépendance de la France à l’égard du pétrole, il multiplie
les initiatives en faveur d’une concertation entre les pays du Nord et du Sud,
et d’une relance du dialogue euro-arabe. La politique africaine de Giscard
d’Estaing est marquée par l’institutionnalisation des sommets franco-africains
et leur ouverture à des États autres que les anciennes colonies françaises,
ainsi que par de fréquentes interventions militaires : Kolwezi (mai 1978),
Tchad, conflit du Sahara occidental. Dans le domaine monétaire, bien qu’il
soit partisan de taux de changes fixes, il se résigne à signer les accords de la
Jamaïque (9 janvier 1976).
Coopérant étroitement avec le chancelier H. Schmidt, il pousse à
l’accélération de la construction européenne par le développement des
institutions de la CEE : insertion temporaire du franc dans le serpent
monétaire, création du système monétaire européen (1979), élargissement de
la CEE à la Grèce (1976), accord pour l’entrée de l’Espagne et du Portugal,
renforcement de la coopération industrielle, institution des conseils
européens, signature des accords de Lomé en 1975 dans le cadre de l’aide au
développement, élection du Parlement européen au suffrage universel (10
juin 1979).
Il approuve l’acte final de la CSCE (1er août 1975), refuse de prendre
publiquement position sur la question des euromissiles et, malgré l’invasion
de l’Afghanistan par les Soviétiques, rencontre Brejnev à Varsovie (19 mai
1980), dans l’espoir de diminuer ainsi la tension entre les blocs. Battu par F.
Mitterrand lors des élections présidentielles du 10 mai 1981, il retrouve un
rôle politique important en décembre 2001 lorsque le Conseil européen de
Laeken le nomme à la tête de la Convention sur l’avenir de l’Europe, chargé
de simplifier les différents traités européens en rédigeant un projet de traité
constitutionnel qui tienne compte des changements institutionnels
qu’implique l’élargissement de l’Union européenne. Mais le projet de
constitution européenne, qu’il présente le 15 juillet 2003, est abandonné après
que les électeurs français et néerlandais ont refusé de l’approuver par
référendum en 2005.
AD

COHEN Samy, SMOUTS Marie-Claude (dir.), La Politique extérieure de


Valéry Giscard d’Estaing, Presses de la FNSP, 1985.
→ AFGHANISTAN (GUERRES D’), BREJNEV, CEE, CSCE/OSCE,
DE GAULLE, EUROMISSILES, G7, LOMÉ (ACCORDS DE),
MITTERRAND, POMPIDOU, SAHARA OCCIDENTAL
GOLFE (GUERRE DU)

Un contentieux ancien

Situé entre l’Irak et l’Arabie Saoudite, le Koweït appartient, sous l’Empire


ottoman, à la province de Bassorah. Il devient protectorat anglais, par un
accord du 23 janvier 1899 entre le gouverneur britannique de l’Inde et le
cheikh Al-Sabah, dont la famille règne encore aujourd’hui sur l’émirat. Il
reste donc en dehors du royaume d’Irak (théoriquement indépendant en
1931), constitué sur le territoire du mandat mésopotamien confié au
Royaume-Uni par la SDN au lendemain de la Première Guerre mondiale. De
riches ressources pétrolières y sont découvertes avant la Seconde Guerre
mondiale et exploitées à partir de 1946.
Après le renversement de la monarchie pro-britannique de Bagdad le 14
juillet 1958 et la fin du protectorat anglais sur le Koweït en 1961, le président
irakien Kassem refuse de reconnaître l’existence de cet État dont la frontière,
tracée par les Britanniques, prive l’Irak de riches champs pétroliers et d’un
débouché en eaux profondes sur le golfe Persique. L'indépendance
koweïtienne n’est alors sauvegardée que par le déploiement de troupes
britanniques puis de la Ligue arabe. La guerre froide et la période de prix
élevés du pétrole qui permet à l’Irak de se développer, gèlent le conflit sans le
résoudre.

Le poids de la guerre Iran-Irak

En 1988, à l’issue de la guerre Iran-Irak, la situation a complètement


changé. Le président irakien Saddam Hussein estime avoir mené une guerre
contre la contagion de la révolution iranienne, au profit des pétromonarchies.
En retour, il leur demande, pour « prix du sang », l’annulation de la dette
considérable que l’Irak a dû contracter pour mener cette guerre.
Il accuse en outre le Koweït de « voler » une part des revenus irakiens en
dépassant son quota de production de pétrole fixé par l’OPEP et en exerçant
de ce fait une pression à la baisse sur les cours mondiaux. Il réclame des
facilités pour créer un port en eaux profondes sur le territoire koweïtien.
Plusieurs médiations arabes tentent sans succès de trouver un compromis.
Le 27 juillet 1990 l’ambassadrice américaine à Bagdad déclare au président
irakien que les États-Unis comprennent ses exigences sur les prix du pétrole,
qu’ils n’ont pas de point de vue sur le différend frontalier irako-koweïtien et
souhaitent que S. Hussein le résolve par les voies qu’il jugera « adéquates ».

Le coup de force et la réaction de l’ONU

Le pouvoir irakien prétend répondre à l’appel d’un gouvernement


provisoire koweïtien lorsque ses troupes envahissent l’émirat dans la nuit du
1er au 2 août 1990, puis le 8, lorsque le Koweït est rattaché à l’Irak, avant de
devenir, le 28, la 19e province irakienne.
C'est la première fois qu’un État membre de l’ONU occupe et annexe
totalement un autre membre. Cet acte inacceptable en droit international a
lieu dans le contexte de l’après-guerre froide, ce qui permet à l’ONU
d’intervenir.
Dès le 2 août, le Conseil de sécurité de l’ONU exige un retrait irakien «
immédiat et inconditionnel », et la Ligue arabe condamne l’agression. Le 6,
le Conseil de sécurité décrète un embargo contre l’Irak (fermeture des
oléoducs turc et saoudien évacuant le pétrole irakien) et autorise, le 25,
l’emploi de la force pour le faire respecter. Par sa résolution 678 du 29
novembre, il fixe au 15 janvier 1991 l’ultimatum pour l’évacuation du
Koweït, sans susciter l’opposition de l’Union soviétique en pleine
décomposition.

La coalition internationale

Le 8 août 1990, les États-Unis puis l’Angleterre déploient des troupes en


Arabie (la division française Daguet s’intègre en septembre au dispositif
Bouclier du désert) et le 10, malgré de profondes divisions, un sommet de la
Ligue arabe condamne l’Irak et décide l’envoi de contingents arabes pour
défendre les États du Golfe. En réponse, l’Irak retient, à partir du 18, les
ressortissants des « nations agressives » présents sur son territoire, place 500
boucliers humains sur des sites stratégiques (tous ces otages sont libérés en
décembre) et, le 24, décrète le blocus des ambassades qui, à Koweït, refusent
de fermer.
Durant l’automne, les médiations du secrétaire général de l’ONU, Javier
Perez de Cuellar et de l’émissaire soviétique Evgueni Primakov se heurtent à
l’exigence irakienne de lier son retrait du Koweït à l’évacuation des
territoires occupés par Israël, ainsi que des forces israéliennes et syriennes du
Liban. L'échec de la rencontre du 9 janvier 1991 entre le secrétaire d’État
James Baker et l’Irakien Tarek Aziz, puis le rejet par Washington du plan de
paix français prévoyant une conférence internationale sur le Proche-Orient
ouvrent la voie à la confrontation armée entre l’armée irakienne (700 000
hommes) et les forces de la coalition d’une trentaine de pays que les États-
Unis ont groupés autour d’eux. Celles-ci comptent 745 000 hommes venant
de 33 pays, dont 540 000 Américains, 36 000 Anglais, 35 600 Égyptiens, 19
000 Français ; l’Allemagne et le Japon, qui n’ont pas troupes engagées, ainsi
que l’Arabie Saoudite et les émirats participent largement au financement de
leur déploiement.

La reconquête du Koweït : opération « Tempête du désert »

Du 16 janvier au 23 février, les forces aériennes de la coalition détruisent


l’essentiel du potentiel de défense et des infrastructures économiques de
l’Irak. Contrairement à l’information contrôlée par le commandement
américain, ces bombardements touchent durement les populations civiles
(entre 60 000 et 100 000 morts). La propagande irakienne en direction des
opinions arabes dénonce le « deux poids, deux mesures » (guerre contre
l’Irak mais inaction dans le problème palestinien), et S. Hussein tente
d’élargir le conflit en tirant sur Israël des missiles Scud. L'État hébreu se
réserve le droit de répliquer, mais les États-Unis appellent ses responsables à
la retenue et déploient sur son territoire des missiles anti-missiles Patriot
destinés à rassurer son opinion. L'Irak tire également des Scuds sur l’Arabie,
provoque une marée noire dans le golfe Persique, qui menace les usines de
dessalement émiraties et incendie les puits de pétrole koweïtiens.
Du 24 au 27 février, les forces au sol de la coalition libèrent le Koweït et le
28, le président Bush suspend les opérations (moins de cent morts pour la
coalition qui fait 175 000 prisonniers) avant qu’elles ne pénètrent en Irak.
Soulèvement chiite et kurde

La mission de la coalition n’étant pas de renverser le régime irakien, ses


troupes s’arrêtent à la frontière koweïtienne, mais le Président américain
incite les minorités chiite et kurde d’Irak à se révolter. La coalition n’apporte
cependant aucun soutien aux insurrections qui se déclenchent alors, laissant
S. Hussein conduire une brutale répression dans le sud chiite comme au nord,
dans le Kurdistan irakien. L'aviation, l'artillerie lourde, le napalm et le
phosphore sont utilisés contre les insurgés. Au Kurdistan, la répression
provoque le départ vers la Turquie de 700 000 civils qui se retrouvent dans
des conditions d’extrême dénuement. Dans le cadre d’une nouvelle
conception des relations internationales, favorable au droit d’ingérence, les
États-Unis lancent une opération d’aide humanitaire, Provide Comfort, tandis
que le Conseil de sécurité de l’ONU condamne la répression. Le 7 avril 1991,
Américains, Anglais et Français imposent à l’Irak une zone d’exclusion
aérienne au-dessus du Kurdistan irakien (une seconde sera établie au-dessus
du sud chiite en août 1992). À la fin du mois d’avril, les organisations
humanitaires estiment à plus de deux millions le nombre des personnes
déplacées au Kurdistan. Les Alliés contraignent alors l’Irak à négocier avec
les partis kurdes une autonomie garantie par la communauté internationale.

Douze ans d’embargo

Après la libération du Koweït, le Conseil de sécurité subordonne la levée


de l’embargo international imposé à Bagdad à la reconnaissance du Koweït et
de la délimitation de sa frontière, ainsi qu’au démantèlement du potentiel
irakien de production d’armes chimiques et nucléaires. La France, la Russie
et la Chine obtiennent cependant, en août 1991, la reprise d’exportations
limitées de pétrole irakien dans le cadre d’un accord géré par l’ONU « pétrole
contre nourriture ». Mais elles se heurtent au refus des Anglo-Américains
d’alléger les sanctions au fur et à mesure que l’Irak remplit ses obligations,
en dépit des conséquences catastrophiques de l’embargo sur l’état sanitaire de
la population. La pénurie alimentaire et médicale provoque en effet une
hausse considérable de la mortalité ; elle renforce aussi l’emprise du régime,
qui monopolise une grande partie des approvisionnements, sur une
population souvent privée de l’indispensable. Enfin, on découvrira qu’une
partie des revenus dégagés par ces échanges a été détournée au profit de
sociétés et responsables politiques occidentaux.
Quant au processus de désarmement confié à l’UNSCOM (United Nations
Special Commission), il provoque une réactivation récurrente des tensions
entre l’Irak et les Alliés. Considérant que les résolutions existantes le leur
permettent, les Anglo-Américains procèdent, à partir de la fin de 1998, à des
frappes aériennes sur l’Irak sans information du secrétaire général ni
autorisation du Conseil de sécurité. Ainsi l’ONU qui, pour la première fois
depuis la guerre de Corée, avait mis en œuvre des dispositions de sécurité
collective, se montre-t-elle incapable de dégager un consensus sur une issue
politique au conflit, face à la stratégie punitive des Anglo-Américains et la
perpétuation, durant douze ans, d’un isolement de l’Irak dont la principale
victime est sa population.
Si la guerre du Golfe entraîne provisoirement les États-Unis à rechercher
de manière plus active une solution au problème palestinien (conférence de
Madrid, accords d’Oslo), le nouvel ordre mondial dont le président Bush
annonce l’avènement à la fin du conflit, reste une formule vide de sens et la
politique de force menée à l’égard de l’Irak, conduit, après l’arrivée des néo-
conservateurs de George W. Bush au pouvoir aux États-Unis et les attentats
du 11 septembre 2001, l’invasion de l’Irak en 2003.
OD

GUELTON Frédéric, La Guerre américaine du Golfe : Guerre et puissance à


l'aube du XXIe siècle, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996. LAURENS
Henry, L'Orient arabe à l’heure américaine : De la guerre du Golfe à la
guerre d’Irak, Paris, Armand Colin, 2005.
LUIZARD Pierre-Jean, La Question irakienne, Paris, Fayard, 2002.
STERN Brigitte, GHERARI Habib, DELORME Olivier, Guerre du Golfe,
le dossier d’une crise internationale, 1990-1992, coll. « Retour aux textes »,
Paris, La Documentation française, 1993.
→ CORÉE (GUERRE DE), EMBARGO, GUERRE FROIDE,
HUSSEIN (SADDAM), INGÉRENCE, IRAN-IRAK (GUERRE),
KURDE (PROBLÈME), LIBAN (GUERRES DU), LIGUE ARABE,
MADRID (CONFÉRENCE DE), MANDATS, ONU, OSLO (ACCORDS
D’), PALESTINIEN (PROBLÈME), SDN
GOMULKA Wladyslaw (1905-1982)

Dirigeant communiste polonais, fils d’un serrurier, il adhère au parti


socialiste polonais (1921), puis au parti communiste clandestin (1926).
Emprisonné par les autorités polonaises pour ses activités syndicales en
1932-1934 et en 1935-1939, il échappe de ce fait au massacre des cadres du
PC polonais qui suit sa dissolution sur ordre du Komintern en 1938. Durant
l’occupation allemande, il participe à la création du parti ouvrier polonais,
dont il est nommé secrétaire général en novembre 1943. Vice-président du
gouvernement formé à Lublin par les communistes en 1944, il est chargé en
juin 1945 des territoires annexés sur l’Allemagne. Voulant construire le
socialisme en tenant compte des particularités de la Pologne, hostile à une
collectivisation trop rapide des terres, il exprime sa différence lors de la
condamnation de Tito par le Kominform, ce qui lui vaut d’être destitué de son
poste de secrétaire général en septembre 1948 au profit de Boleslaw Bierut,
puis exclu du gouvernement en janvier 1949 et du parti en novembre. Il est
emprisonné de 1951 à 1954, mais en octobre 1956, dans le climat de grande
agitation qui accompagne en Pologne la déstalinisation, le « printemps
polonais », Khrouchtchev se résigne au retour de ce tenant d’un communisme
national à la tête du POUP. Renonçant à réformer le régime en profondeur,
jugeant indispensable le maintien de l’alliance avec l’URSS, sa popularité
s’effrite rapidement. En 1968, il approuve la répression du printemps de
Prague. En 1969, il amorce un rapprochement avec la RFA, qui aboutit à la
signature (décembre 1970) du traité germano-polonais reconnaissant la ligne
Oder-Neisse comme frontière de la Pologne. À la suite des émeutes ouvrières
des villes de la Baltique, qu’il fait réprimer, il doit presque aussitôt céder le
pouvoir à Edward Gierek.
AD

BETHELL Nicholas, Le Communisme polonais : 1918-1971, Gomulka et sa


succession, Le Seuil, 1971.
→ KHROUCHTCHEV, KOMINFORM, KOMINTERN, LUBLIN
(COMITÉ DE), ODER-NEISSE (LIGNE), TITO

GORBATCHEV Mikhaïl Sergueïevitch (1931)


Issu d’une famille paysanne, il fait des études de droit à Moscou et y
adhère au PCUS (1952). En 1955, il entame une carrière d’apparatchik dans
sa région natale comme responsable du Komsomol puis du Parti. En 1978, il
est nommé à Moscou secrétaire du PCUS en charge de l’agriculture. En
1980, membre titulaire du bureau politique, il est élu à la mort de
Tchernenko, le 11 mars 1985, secrétaire général du PCUS. Pour pouvoir
mener à bien sa politique de modernisation économique et de réforme du
régime (« perestroïka »), il doit limiter les engagements internationaux et les
dépenses militaires de l’URSS dont l’armée s’enlise en Afghanistan.
Alors que l’opposition Est-Ouest est marquée par la querelle des
Euromissiles, il lance une campagne en faveur du désarmement pour contrer
l’Initiative de défense stratégique du président Reagan. La proposition de
Gorbatchev est d’abord reçue avec prudence par les Occidentaux car elle
s’accompagne d’un projet de « Maison commune européenne » qui rappelle
trop le vieil objectif soviétique d’une Europe dénucléarisée et neutralisée.
Cependant, il renoue rapidement le dialogue américano-soviétique sur les
armes nucléaires. Dès sa première rencontre avec R. Reagan à Genève en
novembre 1985, il accepte le principe d’un démantèlement des SS-20 contre
celui des Pershing et des Cruise. Seule son insistance à obtenir des
Américains une limitation des expérimentations nécessaire à leur projet de «
guerre des étoiles » empêche la rencontre de Reykjavik, en octobre 1986,
d’aboutir à un accord. Le 28 février 1987, l’abandon du lien entre tous les
dossiers du désarmement permet la signature du traité de Washington (8
décembre), qui prévoit la destruction de tous les missiles soviétiques et
américains de portée intermédiaire stationnés en Europe. Enfin il signe avec
le président américain Bush, à Moscou le 31 juillet 1991, le traité START qui
doit entraîner une réduction de 25 % à 30 % de leurs armements nucléaires
stratégiques.
Sonnant le repli soviétique de différentes parties du monde, il s’attache
également à tenter de régler les conflits locaux nés de la guerre froide ou
attisés par elle. Jugeant que son offensive de paix ne peut être crédible aussi
longtemps que l’Afghanistan est occupé, il conclut le 14 avril 1988 un accord
sur le retrait soviétique, qui s’achève le 15 février 1989. Sous sa pression, les
Vietnamiens évacuent le Cambodge en avril 1989, ce qui permet à l’Union
soviétique de renouer le dialogue avec la Chine puis de normaliser les
relations sino-soviétiques après sa visite à Pékin (16 au 18 mai 1989).
Constatant l’échec des ambitions soviétiques sur l’Afrique, il abandonne le
régime Mengistu en Éthiopie, accepte le retrait des troupes cubaines
d’Angola, où un cessez-le-feu est conclu le 8 août 1988, rendant possible le
règlement de l’affaire de Namibie. En Amérique latine, Gorbatchev ne
convainc pas Fidel Castro de l’intérêt de la perestroïka, cesse de lui accorder
une aide économique et entame le retrait de ses troupes de Cuba. Il contribue
également largement à la fin des guerres civiles au Nicaragua et au Salvador.
Il condamne l’invasion du Koweït par l’Irak en août 1990 et reste, bien
qu’avec hésitation, solidaire des Occidentaux tout au long de la guerre du
Golfe. Renouant des relations diplomatiques avec Israël le 30 septembre
1990, il annonce en juillet 1991 avec le président Bush la convocation
conjointe à Madrid d’une conférence sur la paix au Proche-Orient.
C'est néanmoins en Europe que le désengagement gorbatchévien a les
conséquences les plus profondes. Rompant avec la doctrine Brejnev,
Gorbatchev ne fait rien pour empêcher la décomposition du régime de la
RDA qui s’accélère après la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. Dès
le 3 janvier 1990, il reconnaît le caractère inéluctable de la réunification
allemande, et lors d’une rencontre avec le chancelier Kohl le 16 juillet dans le
Caucase, il va jusqu’à admettre le maintien de l’Allemagne unie dans
l’OTAN. Aucun des régimes communistes d’Europe ne survit longtemps à
celui d’Erich Honecker ; le COMECON est dissous le 28 juin 1991 et le
pacte de Varsovie le 1er juillet, ce qui relativise l’importance du traité sur la
réduction des forces conventionnelles en Europe signé le 19 novembre 1990 à
Paris : aboutissement de la politique de détente en Europe de Gorbatchev, il y
établit la parité militaire entre l’OTAN et le pacte de Varsovie.
Si sa politique extérieure le rend très populaire en Occident où se
développe la « Gorbymania », à l’intérieur, le Secrétaire général du PCUS,
chef de l’État et du gouvernement, est réduit à l'impuissance. L'échec du
putsch d’août 1991, ourdi par des conservateurs qui n’ont pas bougé lors de
l’émancipation des pays d’Europe de l’Est mais qui ne peuvent admettre le
risque d’un éclatement de l’Union soviétique, ne le sauve pas. Privé de la
réalité du pouvoir par Boris Eltsine, il démissionne de ses fonctions de chef
d’État le 25 décembre, prenant ainsi acte de la disparition de l’URSS.
AD
MCCAULEY Martin, Gorbatchev, London, New York, Longman, 1998.
THOM Françoise, Le moment Gorbatchev, Hachette, 1991.
→ AFGHANISTAN (GUERRES D’), BERLIN, BREJNEV, BUSH
(GEORGE), CASTRO, COMECON, DÉSARMEMENT, GOLFE
(GUERRE DU), GUERRE DES ÉTOILES, GUERRE FROIDE, START
(ACCORDS), VARSOVIE (PACTE DE), WASHINGTON (TRAITÉ DE)

GRÉCO-TURCS (DIFFÉRENDS)

Outre Chypre et la question des minorités dont le sort est réglé par le traité
de Lausanne mais qui reste un sujet de tension récurrent entre les deux États,
la Grèce et la Turquie, membres de l’OTAN bénéficiant d’une aide militaire
américaine, s’opposent sur la fixation des eaux territoriales et de l’espace
aérien autour des 154 îles grecques habitées en mer Égée, la militarisation des
îles grecques les plus proches de la Turquie et les droits d’exploitation
exclusifs (hors eaux territoriales) du plateau continental.
Les revendications turques sur ces divers dossiers visent à ne reconnaître à
la Grèce qu’une souveraineté limitée dans la moitié orientale de l’Égée et
s’appuient sur une menace de recours à la force qui a conduit les deux pays
au bord du conflit armé en 1974, 1976, 1987 et 1996 autour de l’îlot d’Imia.
La Turquie récuse en outre la convention de 1982 sur le droit de la mer (le
Parlement a voté, en 1995, les pleins pouvoirs au Gouvernement pour
déclarer la guerre à la Grèce au cas où celle-ci porterait à 12 milles la limite
de ses eaux territoriales) ainsi que l’arbitrage éventuel de la Cour
internationale de justice de La Haye. Depuis 1987, les deux pays ont
seulement réussi à s’entendre sur le gel des prospections dans les zones
contestées afin d’éviter les risques d’escalade. Cette situation de tension
permanente conduit la Grèce à tenter de compenser son infériorité
stratégique. Elle maintient un effort soutenu en matière d’armement (le pays,
en 1999, est l’un des premiers acheteurs d’armes au monde). Elle exerce des
pressions sur le fonctionnement de l’OTAN (retrait de l’organisation militaire
intégrée par Caramanlis, de 1974 à 1980, refus de participer aux manœuvres
où l’armée turque est présente et demande que l’Alliance n’en organise plus
dans l’espace égéen). Elle bloque l’aide financière européenne destinée à
accompagner l’union douanière entre la Turquie et l’UE ainsi que la
candidature turque à l’Union. Elle conclut des accords avec la Syrie et
l’Arménie afin de contrebalancer sur le plan régional l’alliance turco-
israélienne de 1996.
Les tensions s’apaisent à partir de l’été 1999 lorsque, à l’occasion d’un
séisme, la Grèce dépêche une aide humanitaire en Turquie. Cette détente
résiste même à l’adhésion de la seule République de Chypre à l’Union
européenne en 2004 et la Grèce ne s’oppose plus à une adhésion de la
Turquie à l’Union. Malgré de bonnes relations personnelles entre les
Premiers ministres Caramanlis et Erdogan, l’intensification des échanges
entre les deux pays, la croissance considérable des investissements grecs en
Turquie, aucun progrès significatif n’a été accompli en dix ans sur les
dossiers en litige. Au contraire, depuis mai 2008, les provocations turques
dans l’espace maritime et égéen connaissent une augmentation inquiétante,
montrant que la situation reste éminemment précaire.
OD

BERTRAND Gilles, Le Conflit helléno-turc ; la confrontation des deux


nationalismes à l’aube du XXe siècle, Paris, Maisonneuve et Larose, 2004.
→ CARAMANLIS, CHYPRE, HUMANITAIRE (AIDE), LAUSANNE
(TRAITÉ DE), OTAN, UE

GREENPEACE

Greenpeace est née de l’association de militants écologistes à des


déserteurs et objecteurs de conscience américains refusant de servir au cours
de la guerre du Vietnam, des Quakers, dont l’idéologie imprègne le
mouvement, ainsi que des pacifistes. Les premiers militants prennent en 1971
le nom de Greenpeace qui lie le souci de l’écologie à l’opposition aux armes
nucléaires et en particulier aux essais nucléaires américains puis français, à
travers le combat en solitaire du futur leader du mouvement,
le Canadien David McTaggart (1932-2001). Jusqu’en 1975, la lutte contre
le nucléaire demeure d’ailleurs la seule mission de Greenpeace qui diversifie
ensuite ses activités en organisant des expéditions et des campagnes contre la
chasse à la baleine ou au bébé phoque, avant de dénoncer toute forme
d’agression faite par l’homme à l’environnement.
Organisation non gouvernementale, Greenpeace joue un grand rôle dans
les relations internationales, en influençant les États mais aussi le
comportement des collectivités et des communautés à travers le monde. Son
principal instrument est l’action sur l’opinion publique, comme l’illustre en
1985 l’affaire du Rainbow Warrior qui la propulse sur le devant de la scène
internationale lorsque les services secrets français coulent le navire du groupe
dans la baie d’Auckland (Nouvelle-Zélande), causant accidentellement la
mort d’un membre de l’équipage resté à bord. En plus de déclencher un
battage médiatique sans précédent, Greenpeace saisit l’opinion publique
mondiale, entraînant une brouille diplomatique entre la France et la Nouvelle-
Zélande.
Greenpeace, comme d’autres organismes transnationaux dans son sillage,
définit un code de bonne conduite en matière d’environnement. C'est
aujourd’hui une véritable multinationale dotée d’un budget de 140 millions
de dollars provenant des dons effectués par ses 6 millions de membres.
Greenpeace est présente dans dix-huit pays, en Amérique du Nord et du Sud,
en Europe, en Asie et en Océanie.
MV

WEYLER Rex, Greenpeace, London, 2004.


www.Greenpeace.org/international
→ ENVIRONNEMENT, ESSAIS NUCLÉAIRES, ONG

GRENADE (INTERVENTION DE)

Cette intervention militaire américaine, la première dans les Caraïbes


depuis la crise dominicaine de 1965, vise à renverser le gouvernement
marxiste de Grenade, après l’assassinat du Premier ministre Bishop le 19
octobre 1983. Les troupes américaines envahissent la petite île le 25 octobre
1983 pour protéger les mille citoyens américains mis en danger selon le
président Reagan par la dictature marxiste. Elles renversent le gouvernement
en moins d’une semaine et évacuent l’île à la fin de l’année 1983. Pour
l’administration Reagan désireuse de sauver la face après le désastre de
l’engagement américain au Liban, l’intervention est un succès politique et
militaire, sans grands risques, il est vrai – l’opération se solde par la mort de
18 marines contre 45 soldats de Grenade et 24 Cubains. Plus important
encore, elle redonne confiance au pays dans sa capacité à intervenir dans les
pays du Tiers Monde.
PMD

DUNN Peter M., WATSON Bruce W., eds., American Intervention in


Grenada, Boulder, 1985.
→ REAGAN

GROMYKO Andreï Andreïevitch (1909-1989)

Un des principaux représentants de la diplomatie soviétique de la Seconde


Guerre mondiale à la période Gorbatchev. Spécialiste des relations avec les
États-Unis, il est en particulier ambassadeur à Washington de 1943 à 1946,
puis représentant de l’Union soviétique à l’ONU de 1946 à 1948. Il succède
en 1957 à Molotov, écarté du ministère des Affaires étrangères. Il est dès lors
l’incarnation de la diplomatie soviétique dans toutes les négociations de la
guerre froide jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev. En juillet
1985, il est désigné comme président du praesidium du Soviet Suprême,
fonction honorifique, dont il doit démissionner en 1988.
MV

LÉVESQUE Jacques, L'URSS et sa politique internationale de Lénine à


Gorbatchev, Armand Colin, 1988.
→ BREJNEV, GORBATCHEV, ONU

GUAM (DOCTRINE DE)

Déclaration de politique étrangère du président Nixon devant un groupe de


reporters le 25 juillet 1969 à Guam (Îles Mariannes), en pleine guerre du
Vietnam, par laquelle Nixon cherche à contrôler l’engagement militaire
américain dans les conflits du Tiers Monde en précisant les conditions du
soutien à des gouvernements alliés en butte à une agression communiste. À
moins qu’une autre grande puissance n’intervienne, les États-Unis
n’engageraient pas de troupes. Ils fourniraient l’aide économique et militaire
nécessaire pour vaincre les guérillas, mais le pays aurait à combattre lui-
même. Si une nation est peu motivée ou incapable de se défendre, alors,
affirme Nixon, un engagement américain direct serait sans effet. La doctrine
justifie ainsi la politique de vietnamisation, le retrait unilatéral en cours des
troupes américaines du Vietnam. Sorte de corollaire à la détente entre les
États-Unis et l’URSS, au rapprochement avec la Chine, et au rejet de la
théorie des dominos, la doctrine de Guam constitue pour Nixon l’assurance
qu’il n’y aura plus de Vietnam dans le futur, même s’il doit violer l’esprit,
sinon la lettre de sa propre doctrine lors des invasions du Cambodge et du
Laos en mai 1970 et en février 1971. Elle conduit en outre à des ventes
d’armes sans précédent aux pays d’Asie et du Moyen-Orient engagés dans la
guerre froide.
PMD

LITWAK Robert, Detente and the Nixon Doctrine : Foreign Policy and the
Pursuit of Stability, Cambridge, 1984.
→ DOMINOS (THÉORIE DES), GUERRE FROIDE, NIXON,
VIETNAM (GUERRE DU)

GUERRE DES ÉTOILES (IDS)

Lancée théâtralement par Reagan le 23 mars 1983 lors d’un discours


télévisé où il exhorte la communauté scientifique américaine à développer
une défense anti-missiles qui rende l’arme nucléaire obsolète, l’Initiative de
Défense Stratégique (SDI en américain), vite surnommée « guerre des étoiles
», constitue un tournant majeur dans l’orientation stratégique américaine.
L'idée est que les politiques de dissuasion nucléaire, l’équilibre par la terreur
et la destruction mutuelle assurée, qui ont commandé la relation stratégique
américano-soviétique, ont vécu. Entre rêve, science-fiction et réalité, la «
vision » reaganienne d’un bouclier spatial, à défaut terrestre, qui utiliserait
des canons-laser ou un réseau de missiles anti-missiles et protégerait les
centres de population civile et/ou les sites de missiles, est le fondement de la
nouvelle politique de défense de l’administration, et un défi pour l’avenir
lancé aux militaires et aux scientifiques.
Caractéristique de la méthode Reagan où l’effet d’annonce prime sur la
préparation, l’IDS retient immédiatement l’attention du public, prend au
dépourvu les milieux officiels américains et bouleverse les équilibres
internationaux. Le Président a à peine évoqué la question devant les militaires
et n’a pas prévenu les membres de son cabinet, suivant plutôt les
encouragements d’un groupe informel de vieux amis, « le kitchen cabinet » et
de scientifiques enthousiastes dont « l’inventeur » de la bombe H. Edward
Teller. Le programme suscite aussitôt des critiques. La plupart des experts
doutent qu’un tel bouclier puisse exister et être fiable et robuste pour
annihiler une attaque nucléaire massive, d’autant que le système ne pourrait
être testé et devrait être opérationnel d’emblée. Les économistes contestent
que l’économie américaine, gravement endettée, puisse faire face au coût
prohibitif du programme. D’autres remarquent que le projet viole les accords
SALT I sur les ABM, l’URSS de Gorbatchev exigeant d’ailleurs des États-
Unis par la suite une limitation de l’IDS comme préalable à toute négociation
sur la limitation des armements. Les alliés européens des États-Unis enfin,
inquiets de la mentalité de « forteresse Amérique » derrière le projet,
craignent de se voir laisser seuls vulnérables face à la menace soviétique.
Malgré les attaques du Congrès et grâce à la réélection de Reagan en 1984, la
demande initiale de 26 milliards de dollars sur cinq ans est obtenue et un
bureau de l’IDS créé au Pentagone. L'administration républicaine réussit à
maintenir à flot le projet avec un budget de quatre milliards de dollars par an
jusqu’en 1990 puis trois milliards. La guerre du Golfe et la menace des Scuds
irakiens renforcent le soutien du Congrès, et si l’administration Clinton en
1993 déclare la fin de l’ère de la guerre des étoiles, le Congrès relance au
début de 1999 le projet THAAD d’un bouclier anti-missiles (Theater High
Altitude Area Defense) prévu à l’horizon 2007 et autorisé par la nouvelle
prospérité américaine. Quinze ans après l’annonce de Reagan et la dépense
de quelque 30 milliards de dollars, le programme survit mais vidé de son
concept grandiose originel. Le projet de système de défense antimissile
(NMD pour National Missile Defense) doit protéger le seul territoire nord-
américain contre toute attaque intempestive de missiles lancés par les États
parias, mais soulève les critiques des Européens qui craignent une relance de
la course aux armements et surtout, il pose la question de la révision du traité
ABM.
PMD
BROAD William J., Teller’s War : The Top-Secret Story behind the Star Wars
Deception, Simon and Schuster, New York, 1992.
MELANDRI Pierre, Reagan, une biographie totale, Robert Laffont, 1988.
→ ABM, ARMES NUCLÉAIRES, CLINTON, DISSUASION,
GOLFE (GUERRE DU), GORBATCHEV, REAGAN, SALT
(ACCORDS)

GUERRE FROIDE

Née au 14e siècle sous la plume de Juan Manuel d’Espagne, l’expression «


guerre froide » utilisée en 1947 par Bernard Baruch conseiller de Roosevelt
et popularisé par l’éditorialiste Walter Lippmann, désigne essentiellement la
confrontation soviéto-américaine qui façonne les relations internationales
pendant près de 50 ans. À une époque où la guerre était pour reprendre
Clausewitz, la continuation de la politique par d’autres moyens, en succède
une où l’arme nucléaire interdit toute confrontation directe. La dissuasion
nucléaire appelle même une certaine rationalité entre deux belligérants qui,
s’ils usent de l’intimidation, de la propagande, la subversion, la guerre locale
par alliés interposés, s’emploie d’abord à ce que cette guerre froide ne se
réchauffe pas trop. « Guerre improbable, paix impossible » selon la formule
de Raymond Aron, guerre idéologique surtout, menée par deux pays «
universalistes » au nom de la « démocratie » et de la « paix », la guerre froide
n’en a pas moins provoqué une course aux armements, la mort de millions
d’hommes, dans le Tiers Monde en particulier. Partageant le monde en deux
sphères politiques, économique et militaire, peu de régions échappant à son
emprise, elle modèle aussi la politique intérieure des deux grands. Donnant
l’occasion aux États-Unis d’étendre leur influence sur le monde, d’assumer,
en prenant la tête du monde libre, un leadership longtemps repoussé, la
guerre froide fournit en outre au régime soviétique une raison d’être, un
ennemi extérieur à combattre.

Le débat sur les origines


Aussi la question des origines, des responsabilités de la guerre froide
nourrit-elle un débat historiographique passionné, essentiellement américain,
les Russes s’en tenant à l’histoire officielle soviétique mettant en cause
l’Amérique pour avoir introduit l’élément atomique dans leurs relations. Si
côté américain, la thèse orthodoxe rejetant la responsabilité de la guerre
froide sur l’URSS règne longtemps sans partage, opposant moralement le
totalitarisme et l’expansionnisme de l’URSS aux valeurs américaines de
liberté, le débat qui épouse les rythmes de la vie intellectuelle américaine
prend corps lorsqu’une école révisionniste autour de Williams, auteur de The
Tragedy of American Diplomacy (1959), remet en cause « l’innocence » des
États-Unis : par-delà l’idéalisme affirmé, la politique étrangère américaine,
liée aux milieux d’affaires, s’avérerait résolument impérialiste, ouvrant le
monde à ses ambitions et à son économie. Dans cette perspective, l’URSS en
position d’infériorité, confrontée à l’expansionnisme économique et
idéologique de l’Amérique, est constamment sur la défensive. La
responsabilité américaine lui apparaît d’autant plus engagée que la supériorité
écrasante des États-Unis aurait dû lui permettre d’envisager plus sereinement
la montée des antagonismes. Mais que l’URSS ait été mue davantage par la
hantise de la sécurité que par ses ambitions idéologiques, que les
responsables américains aient diabolisé leur adversaire et surestimé la
menace soviétique n’empêche pas l’école postrévisionniste, aujourd’hui
dominante, de vouloir remettre les choses à leur place et souligner qu’à
vouloir trop stigmatiser les travers américains, les révisionnistes ont gommé
la nature effroyable et la culpabilité fondamentale du régime soviétique. La
fin de la guerre froide n’a fait que relancer la controverse : justifie-t-elle 40
ans après, la politique d’endiguement de Truman, les États-Unis pouvant
s’enorgueillir d’avoir triomphé, après le nazisme, de l’autre grand régime
totalitaire du siècle, ou l’effondrement de l’URSS sans combat prouve-t-il au
contraire que la menace soviétique n’était qu’un alibi masquant l’aspiration
américaine à l’hégémonie ? La question des responsabilités n’est peut-être
pourtant la plus pertinente. Qu’on la fasse remonter en 1917 (où la révolution
bolchevique était perçue par l’Amérique comme un formidable défi), malgré
la grande alliance constituée à partir de 1941 contre l’ennemi fasciste
commun, cette guerre froide, sans doute, était-elle inévitable. Dénoncé par
l’école révisionniste pour avoir rompu avec la politique de coopération
instaurée par Roosevelt, parfois même accusé d’avoir recouru à l’arme
atomique à la seule fin d’impressionner l’URSS, Truman voit sa politique
largement réhabilitée aujourd’hui.

Le déclenchement de la guerre froide

Ce n’est qu’une fois acquise la conviction qu’il n’y a plus rien à attendre
des négociations avec l’URSS que la politique de fermeté défendue par
George Kennan dans son « long télégramme » du 22 février est
définitivement adoptée en 1946, du discours de Fulton le 5 mars où Churchill
dénonce l’apparition d’un rideau de fer jusqu’au limogeage par Truman en
septembre d’Henry Wallace, secrétaire au commerce partisan d’une politique
de conciliation avec l’URSS, en passant par la première confrontation en
Iran, où après avoir lancé un véritable ultimatum, les États-Unis obtiennent
en mai le retrait des troupes soviétiques du nord du pays. L'année 1947
marque un véritable tournant : l’énoncé de la doctrine Truman le 5 mars,
mettant en place la stratégie de l’endiguement à laquelle répond la doctrine
Jdanov, puis l’annonce du plan Marshall le 12 juin entérinent la division de
l’Europe en deux blocs. Quand l’URSS avance son glacis de sécurité en
Europe de l’Est, que le coup de Prague en février 1948 fait tomber la
Tchécoslovaquie sous la coupe communiste, il s’agit pour les Américains de
préserver, sur le continent européen, la moitié sur laquelle le rideau de fer
n’est pas encore tombé. L'Europe polarise les rivalités, et l’Allemagne, dont
le basculement dans un camp ou l’autre déciderait de l’issue de la guerre
froide, est au cœur de cette lutte. Berlin, par son blocus par les Soviétiques à
partir de juin 1948 et le pont aérien des alliés pour le défendre jusqu’en mai
1949, en est le symbole, même lorsque la guerre froide quitte l’Europe, à
peine après l’avoir effleurée, pour l’Asie avec le passage de 500 millions de
Chinois au communisme et le déclenchement de la guerre de Corée le 25 juin
1950.
Après s’être dotés le 26 juillet 1947 avec le National Security Act de leur
appareil de guerre froide (Conseil de Sécurité Nationale, NSC et CIA), les
États-Unis adoptent, en 1950, leur stratégie de lutte contre l’URSS. Vraiment
mondiale désormais, guerre de propagande aussi où chaque camp entend
gagner les esprits, programmes de la Voice of America diffusés derrière le
rideau de fer contre socialisation à marche forcée des pays de l’Est et
campagne pacifistes du Komintern, la guerre froide façonne une véritable
culture dans chaque camp. Une véritable hystérie collective, le
maccarthysme, s’empare des États-Unis après la « perte » de la Chine qui,
pour certains, ne peut qu’être due à une trahison. Le sénateur Joseph
McCarthy est le grand prêtre de cette chasse aux sorcières, qui de Hollywood
au département d’État particulièrement mis en cause, s’attaquant même à
l’institution militaire, débusque le communiste et le traître. En 1953, les
époux Rosenberg sont exécutés pour avoir transmis des secrets nucléaires à
l’URSS.
De fait, l’exclusivité nucléaire américaine diminue ; les États-Unis ne
devancent l’URSS pour la bombe H (1953) que d’un an. La guerre froide
entre alors vraiment dans l’ère de l’équilibre de la terreur et de la dissuasion
nucléaire, les rencontres au sommet, les projets de limitation des armements,
parfois à fin de propagande, rythmant dès lors son histoire que les tensions et
les crises, depuis la proposition de « cieux ouverts » d’Eisenhower lors de la
conférence de Genève en 1955, la suspension des essais nucléaires par les
Soviétiques en 1958 bientôt suivis des Occidentaux, jusqu’aux programmes
SALT des années 1970.

La coexistence pacifique

La phase de coexistence pacifique, rendue possible aussi par la mort de


Staline en 1953, marquée par l’esprit de Genève et la signature à Vienne le 15
mai 1955 du traité d’État qui met fin à l’occupation de l’Autriche, n’est
pourtant pas exempte de rivalités. La création du pacte de Varsovie en 1955
institutionnalise la confrontation. Surtout, la décolonisation et l’émergence du
Tiers Monde offrent des occasions à l’URSS, en ouvrant une fenêtre de
vulnérabilité pour des États-Unis alliés à des puissances coloniales. En
menaçant de l’arme nucléaire les puissances européennes, en se posant en
défenseur de la cause arabe, Moscou, qui profite aussi de la crise de Suez
pour rétablir l’ordre en Hongrie, fait surgir la guerre froide dans le Moyen-
Orient essentiel à l’Europe pour son pétrole, suscitant en retour la doctrine
Eisenhower en 1957 et le débarquement anglo-américain au Liban en 1958.
Si toujours en 1958, une nouvelle épreuve de force autour du détroit de
Formose tourne court (crise de Quemoy et Matsu), la réussite du Spoutnik en
1957 démontre que les États-Unis sont désormais vulnérables aux missiles
soviétiques.
L'Afrique indépendante semble entrer à son tour dans la guerre froide avec
la crise du Congo en 1960. Les États-Unis voient leur sphère d’influence
entamée, avec la révolution à Cuba en 1959 installant à leur porte Castro et
un régime pro-communiste qui essaime une flamme révolutionnaire en
Amérique latine. Alors qu’une certaine détente se profile avec le voyage de
Khrouchtchev aux États-Unis en septembre 1959, la guerre froide se focalise
à nouveau sur Berlin : incident de l'U2, avion espion abattu au-dessus de
l’URSS annulant en 1959 la conférence de Paris sur le statut de la ville.
L'épreuve de force soviétique se solde par la reprise des essais nucléaires
soviétiques et l’édification du mur de Berlin dans la nuit du 12 au 13 août
1961. La crise des fusées à Cuba en octobre 1962, point d’orgue de ce nouvel
accès de fièvre, entraîne une détente symbolisée par la mise en place du
téléphone rouge entre Washington et Moscou.

La détente et ses limites

La détente n’est qu’un avatar de la guerre froide où les deux grands


doivent faire face aux contestations qui naissent dans leurs camps : l’URSS,
affaiblie par le conflit sino-soviétique, écrase en 1968 le socialisme à visage
humain du printemps de Prague ; les États-Unis sont contestés au sein de
l’OTAN.
Ce « condominium » de la détente, voulu par Brejnev, trouve ses limites
dans les années 1970 avec l’essor de la puissance militaire soviétique : dans
un Tiers Monde enclin aux turbulences où les communistes remportent autant
de victoires : militaire au Vietnam en avril 1975, politique en Afrique après la
décolonisation portugaise en 1975 (Angola, Mozambique et Guinée-Bissau),
au Nicaragua aussi où triomphe la guérilla sandiniste en juillet 1979, l’URSS,
profitant en quelque sorte du désengagement américain, avance ses pions, le
plus souvent par États interposés, comme en Angola où les forces cubaines
interviennent en 1975, en Éthiopie en 1977, ancien bastion américain perdu
lors du renversement de l’empereur Sélassié en 1974, avec enfin l’invasion
du Cambodge par le Vietnam en 1978.
L'invasion de l’Afghanistan par l’URSS en décembre 1979 signe bien la
mort de la détente : Moscou relance aussi la course aux armements en
modernisant son arsenal, sans trahir toutefois la lettre des accords de
désarmement précédents, avec notamment la mise au point des SS-20 en
1975. Carter demande en réponse au Sénat de suspendre l’examen de SALT
II et impose un embargo sur les exportations de blé et de haute technologie
vers l’URSS. C'est Reagan qui incarne la nouvelle volonté américaine de
combattre l’URSS jusqu’à la réduire définitivement et de gagner cette guerre
froide, relançant les crédits militaires, la course aux armements avec le projet
de guerre des étoiles en mars 1983, combattant l’influence soviétique dans le
Tiers Monde en soutenant les insurgés afghans, angolais, en finançant les
Contras au Nicaragua… La crise des euromissiles en 1983, la vague de
pacifisme qu’elle suscite dans une opinion publique à la fois travaillée par la
propagande soviétique et lasse de la logique nucléaire, sont les dernières
manifestations de la guerre froide en Europe.
Plus que militaire, la faillite soviétique est économique et réside dans son
incapacité à entrer en compétition avec la société de consommation
occidentale. Aussi l’arrivée de Gorbatchev au pouvoir en 1985 marque-t-elle
une modification de la politique soviétique. Témoin de cette nouvelle
politique soviétique, la signature des accords de Washington en décembre
1987 entre Reagan et Gorbatchev où, en écho à la proposition de l’« option
zéro » de Reagan lors de la crise des euromissiles, Gorbatchev avance
l’option « double zéro », suggérant, dans une volonté accrue de désarmement,
l’élimination des missiles d'une portée supérieure à 500 km. L'amélioration
des relations Est-Ouest et le relâchement de la course aux armements
permettent à l’URSS de moins ressentir la nécessité, pour sa sécurité, de
maintenir sa sphère d’influence en Europe de l’Est, ouvrant ainsi la voie à la
réunification allemande, à l’acceptation de l’effondrement des régimes
communistes en Europe de l’Est, au retrait d’Afghanistan début 1989,
entraînant enfin le relâchement des tensions dans le Tiers Monde.

La fin de la guerre froide

Ainsi, lorsque Bush et Gorbatchev se rencontrent au sommet de Malte en


décembre 1989, Washington accorde à l’URSS la clause de la nation la plus
favorisée souhaitant la voir intégrer l’économie libérale, et accueille
favorablement son souhait de réduire les armements, prémices de l’accord
START ; c’est bien du premier sommet de l’après-guerre froide qu’il s’agit.
La fin de la guerre froide est marquée par la chute du mur de Berlin (1989) et
la désintégration de l’URSS (1991). Si elle marque pour les historiens la fin
d’un court 20e siècle débuté en 1914, elle ne signe pas la mort des relations
privilégiées entre États-Unis et URSS puis Russie, la situation déliquescente
alliée à l’arsenal nucléaire de la Russie et de l’Ukraine en fait un partenaire à
ménager. Elle laisse en revanche la diplomatie américaine orpheline de son
idéologie de guerre froide. D’aucuns, tel le sénateur Paul Tsongas, affirment
même, dans le contexte de crise économique et de débat sur le déclin
américain, que « la guerre froide est finie, c’est le Japon qui l’a gagnée » ;
cette fin étrange, unique dans l’histoire où un pays s’effondre de lui-même,
ne peut que susciter des débats ; et si fin de la guerre froide il y a, elle
commence à peine pour les historiens avec l’ouverture progressive des
archives à l’Est. Au-delà du conflit idéologique d’ailleurs, géopolitique et
géostratégie sont certainement pour beaucoup dans l’opposition entre la
puissance maritime et la puissance continentale que sont les États-Unis et la
Russie. Aussi la politique américaine de l’après-guerre froide à destination de
l’Europe de l’Est, l’ancienne zone d’influence soviétique, a-t-elle été
rapidement interprétée comme autant d’actes inamicaux par Moscou qui, au
fur et à mesure de l’amélioration de sa situation économique, sous Vladimir
Poutine, particulièrement grâce à la montée du prix des hydrocarbures, a
mené une politique de plus en plus nationaliste et adopté une posture de plus
en plus agressive. Après la révolution des roses en Géorgie et la révolution
orange en Ukraine, le président américain George W. Bush en déclarant à
Bratislava en 2005 qu’il entendait soutenir tous les soulèvements pacifiques
dans l’ex-Empire soviétique, ravivait les tensions autant que la décision
américaine de poursuivre le développement de son bouclier antimissile. En
bien des domaines et sur de nombreux espaces, les intérêts des deux pays
restent trop divergents, même si sur la question du nucléaire en particulier, le
dialogue se continue. Le traité START qui arrive à échéance à la fin 2009
sera ainsi à renégocier entre les deux « partenaires », maintenant en quelque
sorte le temps du duopole. Marquées historiquement, culturellement par la
guerre froide, les relations entre le Kremlin et la Maison-Blanche peuvent-
elles vraiment y échapper ?
PMD

Dictionnaire de la guerre froide, Larousse, 2008. FONTAINE André, La


tache rouge, le roman de la guerre froide, La Martinière, Paris, 2004.
GADDIS John Lewis, We now know, Rethinking Cold War History,
Clarendon Press, Oxford, 1997. GROSSER Pierre, Les temps de la guerre
froide, Complexe, Paris, 1995.
SOUTOU Georges, La guerre de cinquante ans, Fayard, Paris, 2002.
Pour des archives régulièrement mises à jour sur différents épisodes de la
guerre froide, voir Cold War International History Project, www.
Wilsoncenter.org
→ AFGHANISTAN (GUERRES D’), ARMES NUCLÉAIRES,
BERLIN, BREJNEV, BUSH (GEORGE H.), BUSH (GEORGE W.),
CARTER, CASTRO, CHURCHILL, CIA, CONGO, CORÉE (GUERRE
DE), CUBA (CRISE DE), DÉCOLONISATION, DÉSARMEMENT,
EISENHOWER, EMBARGO, ENDIGUEMENT, EUROMISSILES,
GUERRE DES ÉTOILES, GORBATCHEV, HAÏLÉ SÉLASSIÉ,
KOMINTERN, KHROUCHTCHEV, MARSHALL (PLAN), PÉTROLE
ET RELATIONS INTERNATIONALES, POUTINE, PRAGUE (COUP
DE), QUEMOY ET MATSU, REAGAN, ROOSEVELT (FRANKLIN
D.), SALT, STALINE, START, SINO-SOVIÉTIQUE (CONFLIT),
TIERS MONDE, TRUMAN, VARSOVIE (PACTE DE), VIETNAM
(GUERRE DU), WASHINGTON (ACCORDS DE)

GUEVARA Ernesto (dit « EL CHE ») (1928-1967)

Leader révolutionnaire argentin, fils d’un architecte, il fait des études de


médecine, adhère au marxisme, parcourt l’Amérique latine et se convainc que
seule une stratégie révolutionnaire s’appliquant à l’ensemble du continent
peut réussir. En 1956, au Mexique, il rencontre Fidel Castro, participe à son
débarquement à Cuba (décembre 1956) et à sa guérilla contre Batista. Après
la victoire de la révolution cubaine (janvier 1959), il prend la nationalité
cubaine et devient directeur de la Banque nationale puis ministre de
l’Industrie (1961-1965). À la tribune de l’ONU, lors de la conférence
interaméricaine de Punta del Este (1961) et à la conférence mondiale sur le
commerce de Genève (1964), il se fait le porte-parole du Tiers Monde.
Critiquant l’attitude des Soviétiques vis-à-vis des pays sous-développés et
confronté à l’échec de sa politique volontariste d’industrialisation de Cuba,
Guevara renonce à ses fonctions et à la nationalité cubaine en avril 1965 pour
répandre le message révolutionnaire à travers le monde. Après une vaine
tentative au Congo ex-belge, il gagne clandestinement la Bolivie (novembre
1966) dans le but de coordonner et d’organiser les guérillas castristes des
différents pays d’Amérique du Sud. Découvert en mars 1967, avant d’avoir
mis en place son dispositif, ne bénéficiant pas d’appuis dans la population
locale, il est traqué par l’armée bolivienne et ses conseillers américains qui le
capturent et l’abattent (9 octobre 1967). Sa fin tragique contribue à la
naissance d’un « mythe » Guevara, celui de la pureté de l’engagement
révolutionnaire.
AD

TAIBO Paco Ignacio, Ernesto Guevara, connu aussi comme le Che, Métailié-
Payot, 1997.
→ CASTRO, CONGO, OMC, ONU, TIERS MONDE

GUILLAUME II (1859-1941)

Roi de Prusse et empereur d’Allemagne de 1888 à 1918, Guillaume II


s’oppose d’emblée au chancelier Bismarck sur une question de politique
étrangère et le contraint à démissionner en 1890. Porté par des ambitions
extérieures, le jeune empereur entend abandonner la politique d’alliances
pour faire accéder l’Allemagne, qui est devenue un géant politique et
démographique, au cercle des puissances coloniales. Partisan d’une politique
impérialiste, Guillaume II confie en 1898 à l’amiral Tirpitz, ministre de la
Marine, le soin de bâtir une flotte de guerre allemande, capable de
concurrencer la puissance navale de la Grande-Bretagne. Lors de la guerre du
Transvaal (1899-1902) il apporte son soutien aux Boers en lutte contre la
suzeraineté britannique, provoquant ainsi un rapprochement franco-anglais
qui aboutit à la signature de l’Entente cordiale quelques années plus tard. Se
sentant lésé par le partage des colonies opéré jusque-là par les grandes
puissances européennes, l’Empereur réclame une compensation. En 1905
puis en 1911 il remet en cause l’influence prépondérante de la France au
Maroc et finit, au risque de déclencher la guerre, par obtenir une colonie en
Afrique, une partie du Congo français (crises marocaines). En 1914 après
l’assassinat de l’héritier du trône austro-hongrois François-Ferdinand à
Sarajevo, il attise les passions et assure l’Autriche de son soutien
inconditionnel en cas de conflit. Une fois la guerre déclarée, cet empereur
belliciste et péremptoire n’est pas en mesure de garder le contrôle sur son
état-major qui, aux mains de Hindenburg et de Ludendorff, lui échappe,
entraînant l’Allemagne dans une guerre d’usure aux conséquences
dramatiques. Contraint d’abdiquer en 1918, Guillaume II trouve refuge aux
Pays-Bas. Différentes demandes d’extradition pour jugement par un tribunal
allié sont refusées. Espérant que ses sympathies pour le national-socialisme
permettent la restauration de la monarchie en Allemagne, Guillaume II
entretient à la fin de sa vie des rapports plus qu’ambigus avec le Troisième
Reich, allant jusqu’à féliciter Hitler de la prise de Paris en 1940.
FG

RöHL John C. G., Wilhelm II., trois volumes, München, C. H. Beck, 1993-
2008.
→ BOERS (GUERRE DES), ENTENTE CORDIALE, HITLER,
MAROCAINES (CRISES)
H

HAÏLÉ SÉLASSIÉ Ier (1892-1975)

Héritier de son oncle, l’empereur d’Abyssinie Ménélik II depuis 1916, il


obtient l’admission de son pays à la SDN, en 1923, après être allé lui-même
plaider sa cause à Genève. Couronné empereur le 2 novembre 1930, il mène
une prudente politique de modernisation en recourant à des crédits et des
techniciens étrangers. Il doit faire face aux visées italiennes dans la corne de
l’Afrique, mais ne peut résister à l’invasion des troupes de Mussolini
(1935), et la fin de la guerre d’Éthiopie l’oblige à se réfugier en Grande-
Bretagne en mai 1936. Cet exil, considéré comme une fuite par beaucoup
de ses sujets, lui donne pourtant une stature internationale. Le 28 juin 1936,
il lance un appel pathétique et infructueux à la sécurité collective depuis la
tribune de la SDN, car les puissances sont soucieuses d’un rapprochement
avec Rome, jusqu’en juin 1940, avec l’entrée en guerre de l’Italie.
Cependant si le gouvernement anglais utilise l’atout que représente la
légitimité du Négus, il le maintient sous tutelle. Ainsi Haïlé Sélassié peut
regagner Addis-Abeba le 5 mai 1941, mais il doit attendre le 31 janvier
1942 pour être rétabli dans ses prérogatives, et l’Éthiopie ne retrouve une
souveraineté complète qu’en 1954. Après la guerre, le Négus se pose en
figure de proue du Tiers Monde et de l’Afrique en particulier,
l’Organisation de l’unité africaine créée en 1963, sur son initiative, a son
siège à Addis-Abeba. Il reste cependant un fidèle allié des Occidentaux.
Bénéficiant de leur soutien à l’ONU il obtient, en 1950, que l’ancienne
colonie italienne d’Érythrée soit fédérée à l’Éthiopie. Mais, après en avoir
proclamé l’annexion en 1962, il doit y affronter des guérillas
indépendantistes. Mis en cause dans la famine qui frappe son pays au cours
de l’hiver 1973-1974, il est renversé, en septembre 1974, par des militaires,
qui l’assassinent le 27 août 1975.
AD
JUNIAC Gontran (de), Le dernier Roi des rois, L'Harmattan, 1994.
→ ÉTHIOPIE (GUERRE D’), MUSSOLINI, ONU, OUA, SDN,
SÉCURITÉ COLLECTIVE

HALLSTEIN (DOCTRINE)

Walter Hallstein, secrétaire d’État aux Affaires étrangères du chancelier


Adenauer de 1951 à 1958, n’est pas l’auteur de la doctrine du même nom
qui a constitué le socle de la politique étrangère ouest-allemande de 1955 à
la fin des années 1960. Formulée par un autre diplomate, le
constitutionnaliste Wilhelm Grewe (1911-2000), au retour du voyage du
chancelier à Moscou en 1955, elle désigne la position diplomatique adoptée
par la République fédérale allemande à l’égard de la question allemande.
Refusant d’accepter la division de l’Allemagne, Bonn revendique à elle
seule la légitimité de représenter l’Allemagne et proclame qu’elle rompra
désormais ses relations diplomatiques avec tout État reconnaissant
l’existence de la RDA, à l’exception de l’URSS. À deux reprises, envers la
Yougoslavie en 1957 puis Cuba en 1963, la République fédérale met en
pratique cette doctrine. Avec les débuts de l’Ostpolitik de Willy Brandt, la
doctrine Hallstein perd sa raison d’être.
FG

LAPPENKÜPER Ulrich, Die Außenpolitik der Bundesrepublik


Deutschland 1949 bis 1990, München, Oldenbourg, 2008 (Enzyklopädie
deutscher Geschichte).
http://www.bundesarchiv.de/bestaende_findmittel/editionen/dzd/01307/
→ ADENAUER, ALLEMANDE (QUESTION), BRANDT,
OSTPOLITIK

HAMMARSKJÖLD Dag (1905-1961)

Fils d’un Premier ministre suédois, il préside la délégation de son pays à


l’Assemblée générale des Nations unies lorsqu’il en est élu, le 10 avril
1953, secrétaire général, prenant la succession de Trygve Lie. Il est réélu en
1957, bien qu’il ait déçu les cinq Grands qui souhaitaient voir ce diplomate,
originaire d’un pays neutre, se cantonner à des tâches administratives ; c’est
avec lui que le rôle du secrétaire général connaît son apogée. En effet
Hammarskjöld veut assurer l’indépendance des fonctionnaires
internationaux placés sous son autorité, et il profite de l’imprécision des
termes fixant les limites du mandat du secrétaire général pour prendre des
initiatives : lors de la crise de Suez de 1956 où il obtient l’envoi de Casques
bleus, dans celle du Liban en 1958 ou dans celle de Bizerte en 1961. Il
s’engage aussi personnellement aux côtés de l’Assemblée générale pour
tenter d’infléchir la politique d’apartheid en Afrique du Sud (1960).
Il espère que les États nés de la décolonisation, nouvellement admis à
l’ONU, puissent former une « troisième force » neutre, à l’écart de la guerre
froide, mais en 1960 la crise du Congo, où il s’est beaucoup impliqué, brise
l’unité afro-asiatique. Il réussit à faire adopter une résolution sur le rôle
central de l’ONU dans le règlement de la crise du Congo, sans passer par
les autres puissances (ce que veulent les Soviétiques et les Français
notamment). Il subit alors les attaques des premiers qui réclament le
remplacement du secrétaire général par une « troïka », exécutif collectif qui
donnerait à l’Union soviétique la capacité d’intervenir. C'est en se rendant
au Congo pour négocier avec Moïse Tschombé qu’il trouve la mort dans un
accident d’avion.
AD

SMOUTS Marie-Claude, Le secrétaire général des Nations unies, Armand


Colin, 1971.
→ APARTHEID, BIZERTE (AFFAIRE DE), CONGO,
DÉCOLONISATION, GUERRE FROIDE, LIBAN (GUERRES DU),
LIE, ONU

HASSAN II (1929-1999)

Moulay Hassan est le premier fils du sultan du Maroc Mohammed V.


Après des études de droit à Bordeaux, il accompagne son père en exil à
Madagascar après qu’il ait été déposé par les autorités du protectorat
français le 20 août 1953. À partir de septembre 1954, il prend part en tant
que prince héritier aux pourparlers engagés par le gouvernement français
avec Mohammed V. Le 16 novembre 1955, il est associé au retour
triomphal du sultan à Rabat. Une fois l’indépendance du Maroc obtenue le
2 mars 1956, il est chargé de missions officielles, et il conduit en mai 1956
à Paris les négociations qui aboutissent à la création des forces armées
royales (FAR) dont il devient le chef d’État-major en 1958. Le 26 mai 1960,
il est nommé vice-président du Conseil du gouvernement. Le 26 février
1961, le jour de la mort de son père, il est proclamé roi. Il parvient à
maintenir jusqu’à sa mort son pouvoir autocratique en alternant les phases
de répression contre l’opposition et celles de démocratisations formelles.
Sur le plan des relations internationales, il est amené à une réorientation de
la politique étrangère du Maroc en prenant ses distances avec le neutralisme
qu’incarne le groupe de Casablanca, fondé en janvier 1961 à l’initiative de
son prédécesseur. Il se rapproche des Occidentaux et excelle à jouer l’un
contre l’autre ses principaux protecteurs : la France et les États-Unis,
notamment lors des deux crises qui l’opposent au général de Gaulle. Après
que, le 1er octobre 1963, le Maroc a récupéré les terres de colonisation
appartenant à des Français, Paris suspend son aide financière jusqu’à
l’accord du 24 juillet 1964 prévoyant une indemnisation partielle. Une
nouvelle crise bien plus grave éclate lorsque le 29 octobre 1965 l’opposant
marocain Medhi Ben Barka est enlevé en plein Paris et assassiné.
Soupçonné d’en être l’instigateur et peut-être l’auteur, le général Oufkir,
ministre de l’Intérieur marocain, est condamné par contumace par la justice
française, le roi du Maroc refuse de se séparer de son ministre et les
relations diplomatiques sont rompues entre Paris et Rabat de décembre
1966 à janvier 1970. D’autre part, sous le règne d’Hassan II se développe
une politique irrédentiste visant à permettre au Maroc de recouvrer les
territoires qui, selon les nationalistes marocains, lui appartenaient avant les
partages coloniaux des 19e et 20e siècles. Considérant la Mauritanie comme
une dépendance, le Maroc s’oppose à l’indépendance que la France lui
accorde le 28 novembre 1960, mais il ne peut empêcher son admission à
l’ONU le 31 octobre 1961. Refusant de négocier des rectifications de la
frontière maroco-algérienne avec la France, il signe le 6 juillet 1961 avec le
gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) un accord
stipulant que les problèmes frontaliers existant entre les deux pays seraient
résolus par la négociation dès que l’Algérie aurait acquis son indépendance.
Mais une fois celle-ci obtenue en juillet 1962, le gouvernement algérien
refuse de prendre en compte l’accord du 6 juillet au nom du principe de
l’intangibilité des frontières issues de la colonisation. D’où à partir du 8
octobre 1963 un affrontement armé entre l’Algérie et le Maroc. Hassan II
sort militairement vainqueur de cette « guerre des sables », mais isolé
diplomatiquement il doit accepter la médiation de l’Organisation de l’Unité
africaine qui impose un cessez-le-feu le 2 novembre et le repli des forces
marocaines. En 1969 il reconnaît l’indépendance de la Mauritanie et le 15
janvier de la même année il conclut avec l’Algérie le traité d’amitié et de
coopération d’Ifrane, complété le 15 juillet 1972 par un accord frontalier
qui implique la renonciation du Maroc à ses revendications territoriales sur
l’Algérie. En normalisant ses relations avec ses voisins il espérait obtenir
leur appui pour un règlement en sa faveur de la question de la
décolonisation du Sahara occidental alors sous souveraineté espagnole. Le 6
novembre 1975, Hassan II lance contre la frontière du Sahara espagnol sa «
marche verte » de centaines de milliers de civils marocains désarmés.
N’osant pas s’y opposer par la force, le gouvernement de Madrid cède et
conclut avec Rabat et Nouakchott l’accord de Madrid du 14 novembre 1975
qui consacre le retrait espagnol et le partage du territoire entre le Maroc et
la Mauritanie en ignorant les deux autres parties prenantes de la crise :
l’Algérie et son allié le Front Polisario. Après ce succès, les difficultés
militaires et diplomatiques s’accumulent pour Hassan II. Certes les FAR
sortent à nouveau victorieuses d’une courte guerre avec l’Algérie (27
janvier-15 février 1976) mais jusqu’en 1980 elles subissent une série de
revers face à la guérilla du Front Polisario avec lequel la Mauritanie est
contrainte de conclure une paix séparée le 5 août 1979. Et la République
arabe sahraouie démocratique (RASD), émanation du Polisario, proclamée
le 20 mai 1976 est reconnue par 75 États principalement africains et est
même admise à l’OUA en 1982, entraînant le retrait du Maroc de
l’organisation le 12 novembre 1984. Néanmoins à partir de 1982 les FAR,
qui bénéficient depuis 1979 d’une importante aide américaine, parviennent
pratiquement à chasser les forces du Polisario du Sahara occidental
maintenant protégé par un « mur » de défense continu. Par ailleurs le Roi
s’applique à gagner la bataille de l’opinion internationale. En 1979 il
devient président du Comité Al Qods (le comité Jérusalem) créé en 1975
par l’Organisation de la conférence islamique (OCI), ce qui lui permet de se
poser en défenseur du « troisième lieu saint de l’Islam » occupé par Israël et
de se rapprocher des « durs » du monde arabe. En août 1984 il conclut le
traité d’Oudja qui donne naissance à l’Union arabo-africaine avec la Libye,
qui ne dure que deux ans mais confirme la réconciliation du Maroc avec
l’un des premiers soutiens du Polisario. Parallèlement il donne des gages
aux Occidentaux en intervenant militairement au Zaïre en 1977 et en 1979
pour venir en aide au régime du président Mobutu, et il conforte son image
de faiseur de paix et de messager de la tolérance en recevant en mars 1981 à
Marrakech Shimon Peres, alors chef de l’opposition israélienne, puis en
accueillant à Ifrane le premier sommet israélo-égyptien en août 1984, de
même qu’il accueille, le 19 août 1985, le pape Jean-Paul II à Casablanca.
Ainsi renforcé, il peut accepter le plan de paix de l’ONU de décembre 1984
qui réaffirme le droit des Sahraouis à l’autodétermination et appelle à des
négociations directes entre Maroc et le Polisario, à un cessez-le-feu et à
l’organisation d’un référendum, qu’Hassan II compte gagner car les
immigrants marocains sont devenus majoritaires dans le territoire. L'espoir
de paix dans le conflit saharien permet un certain réchauffement de ses
relations avec Alger, qui culmine le 17 février 1989 avec la création de
l’Union du Maghreb arabe (UMA) qui regroupe le Maroc, l’Algérie, la
Tunisie, la Libye et la Mauritanie, mais elle ne donne que peu de résultats
avant qu’une nouvelle dégradation des relations maroco-algériennes en août
1994 ne la fasse entrer en crise ouverte. Entre-temps la médiation onusienne
a permis un cessez-le-feu au Sahara le 6 septembre 1991, puis elle bute sur
l’insurmontable problème de la définition du corps électoral du référendum
d’autodétermination. Quand son fils lui succède en 1999 sous le nom de
Mohammed VI, il hérite de ce conflit non réglé et il n’est pas parvenu à ce
jour à lui trouver une solution.
FG

DALLE Ignace, Le règne d’Hassan II, 1961-1999 : une espérance brisée,


Paris, Maisonneuve & Larose ; Casablanca, Tarik éd., 2001.
VERMEREN Pierre, Histoire du Maroc depuis l’indépendance, Paris, La
Découverte, 2002.
→ ALGÉRIE (GUERRE D’), BOUTEFLIKA, DE GAULLE,
ISRAÉLO-ARABES (CONFLITS), JEAN-PAUL II, KADHAFI,
MOBUTU, OUA, SAHARA OCCIDENTAL

HAUT-COMMISSARIAT AUX RÉFUGIÉS (HCR)

Dans le cadre de la SDN, un Haut-Commissariat pour les réfugiés est


prévu à titre temporaire : en 1921 pour les personnes qui fuient l’Union
soviétique et bénéficient du passeport Nansen, en 1933 pour les réfugiés
d’Allemagne (mais l’organisme est indépendant de la SDN dont
l’Allemagne est membre).
En 1950, un nouveau programme est créé par l’Assemblée générale de
l’ONU pour relayer l’Organisation des Nations unies pour le secours et le
relèvement (United Nations Relief and Rehabilitation Administration/
UNRRA) qui a été créée au lendemain de la Seconde Guerre : le Haut-
Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) (United Nation
High Commissionner for Refugees). Les modifications de frontières et les
multiples conflits lui donnent un rôle essentiel. Il prend en charge la
protection juridique, la réinstallation des réfugiés, (un million jusqu’en
1958, environ 17 millions actuellement) dans des pays d’asile et tente de
faciliter leur insertion économique. Son budget dépend des contributions
volontaires des États membres et de sources privées. L'Agence de secours et
de travaux pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) est créée en 1949. Au
moment de la révolution hongroise en 1956, le HCR aide les Hongrois qui
le souhaitent, à s’installer ailleurs. Après l’indépendance de la Namibie
(1988), il s’occupe des réfugiés et de la libération des prisonniers politiques
en liaison avec les Nations unies, avant la mise en place des nouvelles
institutions. Dès 1980, le HCR apporte une aide humanitaire au Cambodge
en proie au génocide des Khmers rouges et à l’offensive vietnamienne ;
après les accords de Paris (1991), il assure le retour dans des camps à la
frontière thaïlandaise de 370 000 réfugiés qui bénéficient pendant un an du
Programme alimentaire mondial. Il participe à l’aide humanitaire en
Somalie dans les années 1990. Le HCR est aussi à l’œuvre dans la crise de
l’ex-Yougoslavie, de même qu’au Rwanda, entre autres opérations. Le
rapatriement des réfugiés afghans d’Iran est l’objet d’un accord entre le
gouvernement iranien et le HCR en février 2000. La coopération entre les
ONG et le HCR est la plus fréquente pour faire face aux multiples
nécessités et aux urgences.
Ch. M

BEIGBEDER Yves, Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les


réfugiés, PUF, 1999. http://www.unhcr.fr
→ MIGRATIONS, ONG, ONU

HEATH Edward (1916-2005)

D’origine ouvrière, il est élu député conservateur en 1950 et, dès 1951,
participe aux gouvernements de Churchill puis d’Eden. Européen
convaincu, le Premier ministre Macmillan le charge, en juillet 1960, de
mener les négociations pour l’entrée de la Grande-Bretagne dans la CEE,
interrompues en janvier 1963 à la suite du veto du général de Gaulle.
Devenu leader du parti conservateur en 1965, il est Premier ministre après
la victoire aux élections de juin 1970. Bénéficiant de la nouvelle politique
d’ouverture française, personnifiée par Georges Pompidou, il ouvre aussitôt
des pourparlers sur l’adhésion du Royaume-Uni à la CEE, qui est effective
en janvier 1973. En juin 1972, il est contraint de laisser flotter la livre
sterling qui doit sortir du serpent monétaire européen. La hausse des prix
attribuée aux effets du Marché commun explique largement sa défaite lors
des élections du 28 février 1974, et l’éloigne des responsabilités
gouvernementales au profit d’Harold Wilson.
AD

CAMPBELL John, Edward Heath : a biography, London, J. Cape, 1993.


→ CEE, CHURCHILL, DE GAULLE, EDEN, MACMILLAN

HELMS-BURTON (LOI)
Adoptée par le Congrès américain le 6 mars 1996, la loi Helms-Burton
dite « de liberté et de solidarité démocratique avec Cuba » marque une
offensive diplomatique et économique sans précédent de Washington à
l’encontre de Cuba. La loi prévoit des sanctions contre les compagnies
étrangères qui commercent avec elle, utilisant ou exploitant des biens
confisqués aux firmes américaines par la révolution castriste. Le texte
permet à des citoyens lésés par ces expropriations d’engager des poursuites
en dommages et intérêts devant les tribunaux américains contre les
entreprises étrangères mises en cause, et à la justice américaine d’interdire
l’entrée sur le sol des États-Unis des dirigeants de ces mêmes compagnies.
Cette loi provoque une vague de protestations dans les pays partenaires de
Cuba, l’Union européenne en particulier, au nom de la liberté du commerce
international. Avec la loi d’Amato contre les rogue states (États voyous)
que sont l’Iran et la Libye, et contre leurs partenaires commerciaux, elle
s’inscrit dans la panoplie législative républicaine visant à réglementer le
commerce international selon le bon vouloir américain, en dehors des
termes adoptés par le GATT.
PMD

→ CUBA (CRISE DE), GATT

HELSINKI (CONFÉRENCE D’)

Cette conférence marque le point d’orgue de la détente. Dès 1954,


l’Union soviétique, soucieuse de garantir les frontières européennes issues
de la Seconde Guerre mondiale, réclame une conférence sur la sécurité
européenne. Les Occidentaux, qui n’acceptent pas la situation de fait née de
Yalta et le rideau de fer, posent comme condition la conclusion d’un accord
sur Berlin, ainsi que la participation des États-Unis et du Canada. La
détente donne l’occasion d’ouvrir des pourparlers préparatoires (novembre
1972-juin 1973) entre trente-cinq États (membres du pacte de Varsovie, de
l’Alliance atlantique et des neutres), avant de véritables négociations entre
juillet 1974 et juillet 1975.
Cette Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE)
adopte le 1er août 1975 un texte, signé par de nombreux chefs d’État et de
gouvernement, dont Leonid Brejnev et Gerald Ford. Subdivisé en trois
chapitres ou « corbeilles », l’Acte final (sans valeur juridique contraignante)
consacre de grands principes : égalité des États, non-ingérence dans les
affaires intérieures d’un autre État, autodétermination des peuples,
inviolabilité des frontières européennes et renonciation au recours à la force
pour régler les conflits. Il prévoit le développement de la coopération
économique, scientifique et technique. Enfin, avec la troisième corbeille, il
garantit la défense des droits humains et en particulier la notion de libre
circulation des personnes et des idées.
Ch. M

ANDRÉANI Jacques, Le Piège, Helsinki et la chute du communisme, Odile


Jacob, 2005. GHEBALI Victor-Yves, La diplomatie de la détente : la CSCE
d’Helsinki à Vienne (1973-1989), Bruylant, 1989.
« Helsinki, vingt ans après », numéro spécial de Politique internationale,
1995.
MARESCA John, To Helsinki, the Conference on Security and
Cooperation in Europe, 1973-1975, Londres, Duke University Press, 1985.
→ ALLIANCE ATLANTIQUE, BERLIN, BREJNEV, CSCE/OSCE,
DROITS HUMAINS, FRONTIÈRE, GUERRE FROIDE,
INGÉRENCE, RIDEAU DE FER, VARSOVIE (PACTE DE), YALTA

HENDERSON Arthur (1863-1935)

Ce dirigeant travailliste britannique dote son parti d’un véritable


programme de politique extérieure et défend après la Première Guerre
mondiale l’idéal d’une paix durable garantie par la SDN. Ancien ouvrier
fondeur, élu député en 1903, secrétaire général du parti travailliste (1912-
1934), il approuve en 1914 l’entrée en guerre du Royaume-Uni et fait partie
des gouvernements Asquith (mai 1915-décembre 1916), puis Lloyd George
(décembre 1916-août 1917), dont il démissionne pour n’avoir pu faire
accepter une participation britannique à la conférence des socialistes prévue
à Stockholm en 1917. Après l’armistice, que ce soit comme président de la
deuxième Internationale, ministre de l’Intérieur (1924) puis des Affaires
étrangères (1929-1931) dans les gouvernements McDonald, il tente de
mobiliser les forces du mouvement ouvrier britannique et international en
faveur du désarmement et de l’arbitrage international. Coauteur du
protocole de Genève pour le règlement des différends internationaux
(1924), il préside la conférence de Genève sur le désarmement (1932) et
reçoit le prix Nobel de la paix en 1934.
AD

LEVENTHAL Fred Marc, Arthur Henderson, Manchester University Press,


1989.
→ DÉSARMEMENT, INTERNATIONALE SOCIALISTE, LLOYD
GEORGE, MACDONALD, SDN

HERRIOT Édouard (1872-1957)

Homme politique français, incarnation de la république des professeurs.


Agrégé des lettres, il devient un notable local : maire de Lyon de 1905 à
1940 et de 1940 à 1957. Sénateur du député du Rhône, il commence au
cours de la Grande Guerre une carrière ministérielle, qui l’amène comme
président du parti radical à conduire le Cartel des gauches à la victoire
électorale en 1924. Le nouveau président du Conseil doit accepter
l’évacuation de la Rhur en contrepartie d’un règlement des réparations par
le plan Dawes (août 1924), tenter d’instaurer de nouvelles relations avec
l’Allemagne, à travers la notion de Sécurité collective et le rôle de la SDN
et il noue des relations diplomatiques avec l’Union soviétique. Victime du «
mur d’argent », il doit démissionner en avril 1925. Redevenu président du
Conseil en juin 1932, il est confronté aux mêmes problèmes lancinants : il
doit accepter de consentir l’égalité des droits aux armements à l’Allemagne
sans obtenir davantage de garanties de sécurité des Anglo-Américains, il
doit consentir à la suspension des réparations par l’Allemagne dans le cadre
du moratoire Hoover sans pouvoir davantage lier le règlement des dettes : il
choisit de se faire renverser le 14 décembre 1932 sur la question du
versement des dettes de guerre par la France aux États-Unis. Dès lors,
Édouard Herriot n’occupera plus de responsabilités ministérielles liées aux
affaires étrangères, mais il est l’un des partisans de la fermeté face à Hitler
et plutôt anti-munichois. Sous la IVe République, il cumule les honneurs :
président du parti radical, maire de Lyon, président de l’Assemblée
nationale (1947-1954), mais il sort de sa réserve de sage de la République
pour s’opposer à la ratification de la CED.
MV

BERSTEIN Serge, Édouard Herriot ou la République en personne, Presses


de la FNSP, 1985.
→ CED, RÉPARATIONS, RHUR, SDN, SÉCURITÉ COLLECTIVE

HIRO-HITO (1901-1989)

Fils de l’empereur Yoshi-Hito, il monte sur le trône le 25 décembre 1925,


après avoir assuré la régence depuis 1921. Constitutionnellement maître de
l’exécutif et chef des armées, il perd tout contrôle sur elles dès 1931, lors de
l’affaire de Mandchourie. Les militaires mettent peu à peu en place un
régime totalitaire et expansionniste en Chine et en Asie du Sud-Est. Hiro-
Hito en couvre de son autorité les initiatives : conquête de la Mandchourie
(1932), retrait de la SDN (mars 1933), guerre sino-japonaise (1937), et
finalement entrée en guerre contre les États-Unis (7 décembre 1941). Il ne
retrouve un pouvoir d’arbitrage que lorsque les milieux dirigeants sont trop
divisés sur la conduite à tenir. C'est ce qui se produit le 20 juillet 1944
quand il obtient la démission du gouvernement du général Tojo (reconnu
coupable de crimes de guerre par le tribunal international militaire pour
l’Extrême-Orient, il est exécuté en 1948), espérant favoriser ainsi
l’ouverture de pourparlers de paix. À nouveau, après les bombardements
atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki et l’entrée en guerre de l’URSS
contre son pays en août 1945, il impose l’acceptation d’une capitulation
selon les termes de la déclaration de Potsdam, c’est-à-dire sans que les
Alliés garantissent le maintien de l’institution impériale. Laissé en place par
les Américains qui jugent sa coopération indispensable à la pacification de
la société japonaise, il ne joue plus aucun rôle politique réel jusqu’à sa
mort. Son fils Akihito lui succède avec aussi peu de pouvoir que lui.
AD

BEHR Edward, L'empereur ambigu, Librairie générale française, 1991.


GRAVEREAU Jacques, Le Japon : l’ère de Hirohito, Imprimerie
nationale, 1988.
→ MANDCHOURIE (CONFLIT DE), POTSDAM (CONFÉRENCE
DE), SDN, SINO-JAPONAISE (GUERRE)

HITLER Adolf (1889-1945)

Fils d’un fonctionnaire des douanes autrichien (il ne prend la nationalité


allemande qu’en 1932), il mène une médiocre vie de bohème à Vienne puis
à Munich, avant de s’engager dans l’armée allemande au début de la
Grande Guerre.
Il ne semble s’être véritablement politisé qu’après le choc de la défaite
allemande de 1918, qu’il attribue comme tant d’autres au « coup de
poignard dans le dos » des « judéo-bolcheviques ». Revenu alors à Munich
et demeuré dans la Reichswehr, il est recruté comme informateur par ses
services de renseignement. Sous l’influence de cours d’éducation politique,
il cristallise sa doctrine, faite de pangermanisme, de darwinisme social,
d’antisémitisme et d’anticommunisme, étroitement liés dans son esprit.
Devenu chef du groupusculaire « parti ouvrier allemand » (DAP) après sa
démission de l’armée (1920), il parvient à en gonfler les effectifs et le
rebaptise « parti national-socialiste des ouvriers allemands » ou NSDAP
(Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei). Après le putsch manqué
de Munich en 1923, il est emprisonné treize mois, durant lesquels il rédige
le premier tome de Mein Kampf. Libéré, il reconstitue son parti et met à
profit la décomposition de la coalition de Weimar, qui suit la crise de 1929,
pour parvenir par des voies légales au pouvoir. Appelé au poste de
chancelier le 30 janvier 1933 par le président de la République, le maréchal
Hindenburg, il se fait accorder deux mois plus tard par le Reichstag les
pleins pouvoirs et élimine rapidement ses alliés conservateurs.
En politique étrangère, son premier objectif est la révision du traité de
Versailles. De fait, ses prédécesseurs ont déjà réussi à mettre fin aux
réparations et à acquérir l’égalité des droits aux armements. Il lui reste à
réarmer l’Allemagne. Dans cette perspective, il agit à la fois avec prudence
et brutalité. En 1933, il négocie tout d’abord au sein de la conférence du
désarmement de Genève, puis n’obtenant pas satisfaction, il quitte la
conférence et la SDN (octobre 1933). La seule réaction de fermeté qu’il
suscite est celle du cabinet de Gaston Doumergue (1934) où Louis Barthou
conduit une politique de sécurité et d’alliances, propre à décourager
l’apprenti dictateur. Mais celui-ci se rend vite compte que les démocraties
sont trop faibles pour s’opposer à ses entreprises : le 16 mars 1935, il
rétablit le service militaire obligatoire, il obtient de S. Hoare un accord
naval avec l’Angleterre et, surtout, il décide le 7 mars 1936 la
remilitarisation de la Rhénanie. Ce coup de bluff auquel les puissances
signataires du traité de Versailles et des accords de Locarno ne réagissent
pas, lui démontre qu’il n’a rien à redouter de ses initiatives plus
aventureuses. Car il veut appliquer sa théorie de l’espace vital (lebensraum)
qu’il entend trouver en Europe centrale et orientale. Après avoir hésité dans
la priorité à accorder à ses ennemis, il décide en 1936 de neutraliser les
puissances occidentales avant de se tourner vers la Russie. La guerre
d’Éthiopie et surtout la guerre d’Espagne favorisent le rapprochement avec
Mussolini et une même haine du communisme soviétique mène au pacte
anti-komintern (25 novembre 1936) avec le Japon. Par le plan de quatre
ans, mis en œuvre par Goering, ministre de l’Air, Hitler lance le
réarmement accéléré de l’Allemagne, le remplacement de son ministre des
Affaires étrangères von Neurath par von Ribbentrop signifie que le temps
de la prudence est révolu. Celui des conquêtes commence : l’Anschluss en
mars 1938, les Sudètes après les accords de Munich en septembre 1938,
puis toute la Bohême en mars 1939 ; Hitler comprend-il alors que, du côté
franco-britannique, le temps de l’appeasement est terminé ? La garantie
franco-britannique plonge l’Allemagne dans la guerre, où elle semble
triompher grâce à des victoires-éclairs, sur la Pologne (septembre 1939),
puis sur les Pays-Bas, la Belgique, la France (mai-juin 1940). Peu à peu,
toute l’Europe continentale, sauf la Suisse, la Suède et la péninsule
Ibérique, est soumise à l’occupation hitlérienne, qui se traduit par le pillage
des territoires occupés et la déportation des habitants tenus à travailler pour
l’économie du Reich. L'invasion de l’Union soviétique (opération
Barbarossa, juin 1941), d’abord victorieuse, tourne au désastre. Elle est
rapidement suivie de la mise à exécution de la « solution finale » du
problème juif. À partir de l’été 1942, la politique extérieure d’Hitler vise
surtout à préserver les acquis essentiels. Le succès des premières offensives
passé, l’art de la guerre du Führer révèle vite ses limites. Incapable d’un
travail régulier, prisonnier de son fanatisme, sourd aux recommandations
tactiques de ses généraux et à la souffrance des Allemands dont il se
détache peu à peu, Hitler accumule les erreurs dans la conduite des
hostilités, surtout sur le front est. Victime de ses contradictions, il se suicide
le 30 avril 1945 juste avant la prise de Berlin par les troupes soviétiques.
FG

BLOCH Charles, Le IIIe Reich et le monde, Paris, Impr. Nationale, 1986.


HILDEBRAND Klaus, Deutsche Aussenpolitik 1933-1945, Stuttgart,
Kohlhammer, 1976. KERSHAW Ian, Hitler, 1889-1936 : Hubris, Hitler :
1936-1945 : Némésis, London, Penguin Books, 2001.
STEINER Marlis, Hitler, Fayard, 1991.
→ ALLEMANDE (QUESTION), ANSCHLUSS, APPEASEMENT,
BARTHOU, BERLIN, DÉSARMEMENT, ESPAGNE (GUERRE D’),
ÉTHIOPIE (GUERRE D’), HOARE, LOCARNO (PACTE DE),
MUNICH (ACCORDS DE), MUSSOLINI, NUREMBERG
(TRIBUNAL DE), RÉPARATIONS, SDN, TRAITÉS DE PAIX

HOARE Samuel (1880-1959)

Un des politiciens conservateurs britanniques qui incarnent la politique


d’appeasement face à Mussolini et Hitler. Député depuis 1910, il est
ministre de l’Air (1922-1924 et 1924-1929) et contribue à faire de la Royal
Air Force une arme indépendante. Secrétaire d’État à l’Inde (1931-1935), il
mène les négociations qui conduisent en 1935 à l’octroi d’une constitution à
ce pays. Secrétaire d’État au Foreign Office dans le gouvernement Baldwin
(juin 1935-mai 1937), il signe l’accord naval anglo-allemand du 18 juin
1935, par lequel les Britanniques accordent aux Allemands, unilatéralement
et en dépit du traité de Versailles, le droit de construire une flotte égale à 35
% de la leur. Après le déclenchement de la guerre d’Éthiopie (2 octobre
1935), soucieux de garantir les possessions britanniques en Afrique
orientale et d’éviter un affrontement avec l’Italie, il élabore avec le
président du Conseil français Pierre Laval, les 7 et 8 décembre 1935, un
projet de règlement qui permettrait à l’Italie d’annexer les deux tiers de
l’Éthiopie et d’exercer un protectorat de fait sur le reste. La révélation par la
presse, le 13 décembre, de ce « plan Hoare-Laval » le contraint à la
démission le 18. Retrouvant un poste ministériel dès juin 1936, Hoare
appuie Neville Chamberlain lors de la conférence de Munich (septembre
1938), et le suit dans sa chute le 10 mai 1940. Nommé par Churchill
ambassadeur en Espagne (1940-1944) il s’efforce de dissuader Franco
d’entrer en guerre aux côtés des puissances de l’Axe.
AD

CROSS John Arthur, Sir Samuel Hoare : a political biography, London,


Cape, 1977.
→ APPEASEMENT, BALDWIN, CHURCHILL, FRANCO,
HITLER, LAVAL

HONG KONG

Quand on parle de Hong Kong, il faut avoir présent à l’esprit qu’il s’agit
à la fois d’une île et de la péninsule de Kowloon. Sur la côte méridionale de
la Chine, au sud de Canton, Hong Kong occupe une situation qui en fait la
porte d’entrée vers le continent chinois. Au 19e siècle, au temps des guerres
de l’opium (1839-1842), l’île de Hong Kong est occupée par les
Britanniques et cédée au Royaume-Uni par le traité de Nankin (août 1842).
En 1898, l’extension de cette colonie de la Couronne sur le continent fait
l’objet d’un bail de 99 ans. Elle est occupée par les Japonais de décembre
1941 à août 1945.
L'accession au pouvoir de Mao Zedong en Chine provoque un afflux de
population à Hong Kong, qui en profite sur le plan économique : grâce à
une main-d’œuvre abondante, Hong Kong devient dans les années 1980 un
des dragons de l’Asie du Sud-Est. Mais la Chine populaire refuse de
reconnaître la souveraineté britannique sur Hong Kong et en réclame la
rétrocession, sans recourir à la violence. Finalement, par la déclaration
commune sino-britannique signée le 19 décembre 1984, il est convenu que
Hong Kong cessera d’être une colonie britannique le 1er juillet 1997. La
rétrocession qui intervient dans le calme laisse à Hong Kong et à ses
habitants une certaine autonomie à l’égard de l’autorité centrale chinoise,
qui voit l’intérêt de profiter de la prospérité de cet îlot capitaliste, devenu
l’un des plus importants centres commerciaux et financiers du monde. Elle
devient une « région administrative spéciale », assurée de conserver
pendant 50 ans après la rétrocession son système juridique antérieur et son
autonomie.
MV

HOOVER Herbert (1874-1964)

Le président des États-Unis (1929-1933) incarne l’échec des


Républicains face à la dépression. Ingénieur des mines, il se trouve en
Chine en 1900 et y fait la preuve de ses talents d’organisateur en secourant
les victimes de la révolte des Boxers. Après le déclenchement de la Grande
Guerre, il est chargé du ravitaillement de la Belgique puis des pays alliés
(1917) et enfin des populations d’Europe centrale et orientale (1919-2020).
Partisan de la Société des Nations, il devient le secrétaire au Commerce du
président Harding (1921), poste qu’il conserve sous le président Coolidge,
auquel il succède en 1929. Poursuivant la politique isolationniste de ses
deux prédécesseurs, Hoover refuse les engagements militaires et
diplomatiques extérieurs mais entend promouvoir le désarmement, aussi
fait-il participer les États-Unis à la conférence navale de Londres (1930) et
à la conférence de Genève sur le désarmement (1932). Après l’invasion de
la Mandchourie par les Japonais, il déclare refuser les annexions par la
force (doctrine Hoover-Stimson 7 janvier 1932). En Amérique latine, il
renonce aux interventions armées (politique de « bon voisinage »). Sa
présidence commence sous le signe de la crise économique d’octobre 1929.
Hoover refuse d’impliquer l’État fédéral dans une politique de relance et
reste fidèle à l’orthodoxie libérale. Il fait adopter le tarif douanier Hawley-
Smoot très protectionniste (1930), impose, pour soulager l’Allemagne, un
moratoire d’un an sur les dettes entre États (juillet 1931), puis le
renoncement aux réparations (conférence de Lausanne 1932), tout en
exigeant de ses anciens alliés le paiement de leurs dettes de guerre. Il est
également à l’origine de la conférence de Londres de juin 1933 sur la
reconstruction du système monétaire international, réunie après sa défaite à
l’élection présidentielle de 1932 face à Franklin D. Roosevelt. Par la suite,
H. Hoover préside aux aides américaines aux pays d’Europe et d’Asie au
lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
AD

MYERS William Starr, The Foreign policies of Herbert Hoover, New York,
Garland Pub., 1979.
→ DÉSARMEMENT, DETTES DE GUERRE, ISOLATIONNISME,
MANDCHOURIE (CONFLIT DE), ROOSEVELT (FRANKLIN D.),
SDN, STIMSON

HOUPHOUËT-BOIGNY Félix (1900-1993)

Fils d’un chef traditionnel baoulé devenu médecin africain, créateur du


premier syndicat agricole africain transformé en parti politique, il est élu à
l’Assemblée nationale en 1945 où il obtient la fin du travail forcé. C'est
sous la IVe République donc qu'il fait son apprentissage de la vie politique
et forme son parti intercolonial, le RDA, Rassemblement démocratique
africain. Allié dans un premier temps au parti communiste, il rompt ses
attaches avec le PC en 1950, et ce retournement, et la victoire du RDA aux
élections de 1956, font de lui l’homme fort de l’Afrique française sur lequel
dès lors s’appuieront les autorités françaises. Nommé au gouvernement, il
participe à l’élaboration de la loi-cadre Defferre. Farouche antifédéraliste, il
s’oppose à Senghor et combat la fédération du Mali. Ministre d’État du
général de Gaulle, il fait campagne pour le oui au référendum de 1958, et
l’emporte partout sauf en Guinée. En 1960, il devient le premier président
de la Côte d’Ivoire. Dirigé par un parti unique, de manière à la fois
paternaliste et efficace, le pays affirme haut et clair une politique pro-
occidentale et capitaliste, invitant tous les investisseurs étrangers. Sur la
scène africaine, Houphouët-Boigny s’oppose ainsi aux leaders de l’Afrique
radicale, Sékou Touré et Kwame N’Krumah. La Côte d’Ivoire connaît alors
une exceptionnelle croissance économique sous le nom de « miracle
ivoirien » qui se perpétue jusque dans les années 1980. Plus qu’une pièce
maîtresse de la politique française sur le continent, il exerce une influence
considérable sur celle-ci, notamment à l’occasion de la sécession du Biafra.
Libéralisant quelque peu le régime à partir des années 1980, il conserve
largement le soutien populaire, en dépit du dernier caprice de son règne, le
transfert de la capitale d’Abidjan à Yamoussoukro, son village natal,
accompagné de l’édification de la plus grande église chrétienne du monde.
Père fondateur de son pays, figure dominante de la vie politique de
l’Afrique de l’Ouest pendant plus de 50 ans, homme politique français
d’abord, africain, « parrain » de la vie politique régionale, sa mort en 1993
laissa un vide alors même que son pays traversait une sérieuse crise
économique et la guerre civile, et que la bataille faisait rage entre Henri
Konan-Bédié et Alassane Ouattara.
PMD

NANDJUI Pierre, Félix Houphouët-Boigny, l’homme de la France en


Afrique, L'Harmattan, Paris, 1995.
→ BIAFRA, DÉCOLONISATION, DE GAULLE, N’KRUMAH,
OUA, SÉKOU TOURÉ, SENGHOR

HOXHA (ou HODJA) Enver (1908-1985)

Alors que l’Albanie fait encore partie de l’Empire ottoman, Enver Hoxha
naît dans une famille commerçante et musulmane de Girokastër, au sud du
pays où dominent le dialecte tosque, le christianisme orthodoxe et la grande
propriété, alors que le nord, de dialecte guègue, est peuplé de montagnards
islamisés rétifs à tout pouvoir central. Sa vie restera marquée par la
solidarité issue de cette origine ethnique et sa méfiance envers les Guègues,
dont ceux du Kosovo et de Macédoine yougoslaves.
Dans les années 1930, il étudie à Montpellier, puis séjourne à Paris et
Bruxelles où il fréquente les milieux communistes. De retour en Albanie,
occupée par l’Italie fasciste et unie à la Couronne italienne en avril 1939, il
enseigne au lycée français de Korçë jusqu’à son éviction pour raisons
politiques.
Hoxha anime un groupe de communistes tosques et, lorsque le
Komintern envoie deux Yougoslaves pour structurer le Parti communiste
d’Albanie créé le 8 novembre 1941, il devient secrétaire provisoire de son
comité central. Au début de 1942, avec le développement de la guérilla, il
tente de fédérer les mouvements de résistance dans un Front de libération
nationale (FLN). Mais il ne peut empêcher l’émergence d’une Union
nationale, anticommuniste et favorable au maintien de la grande Albanie,
comprenant le Kosovo, la Macédoine occidentale, et une partie du
Monténégro détachés de la Yougoslavie par les fascistes, perspective à
laquelle est hostile le PC yougoslave, principal protecteur du jeune parti
albanais.
Après la capitulation italienne du 8 septembre 1943, la lutte se poursuit
contre la résistance anticommuniste et contre les Allemands qui rétablissent
l’indépendance albanaise dans les frontières de 1941. Chef de l’Armée de
libération en juillet 1943, Hoxha devient, le 20 octobre 1944, Premier
ministre et ministre de la Défense du Gouvernement provisoire d’une
Albanie que les Allemands finissent d’évacuer en novembre. L'élimination
de toute opposition permet au Front démocratique qui a remplacé le FLN de
gagner les élections de décembre 1945 avec 93 % des voix, puis d’adopter
la Constitution de la République populaire d’Albanie calquée sur le texte
soviétique de 1936.
L'Albanie conserve l’Épire du nord dont la population, de langue grecque
et de religion orthodoxe, sera constamment brimée. D’ailleurs le pays reste
en état de guerre avec la Grèce jusqu’en 1987, malgré le rétablissement de
relations diplomatiques en 1971. Mais Hoxha et le Parti, dominé par les
Tosques, restituent à la Yougoslavie de Tito les territoires, peuplés de
Guègues, qui en avaient été détachés en 1941.
De 1945 à 1948, Hoxha temporise face aux projets titistes
d’incorporation de l’Albanie dans une fédération balkanique. La rupture
Tito-Staline lui permet d’épurer le gouvernement et le Parti (devenu Parti
du Travail) des partisans de la fusion, avec l’aide de Mehmet Shehu, né en
1913, Tosque lui aussi, ministre de l’Intérieur (1948-1954), puis Premier
ministre de 1954 à son « suicide » en 1981. Mais la contestation de leur
ligne stalinienne, du culte de la personnalité et de la suprématie des Tosques
reprend avec la déstalinisation et le rapprochement entre Khrouchtchev et
Tito, qui considère Hoxha comme un ennemi personnel.
De nouvelles purges accompagnent la prise de distance avec l’URSS,
condamnée idéologiquement. Les relations diplomatiques sont rompues le
25 novembre 1961, puis l’Albanie se retire du COMECON en 1962.
L'aide économique et technique que la Chine apporte à l’Albanie depuis
1956 ne cesse dès lors de s’accroître. Mais la révolution culturelle et la
pensée de Mao heurtent l’orthodoxie léniniste et stalinienne d’Hoxha. Le
rapprochement sino-américain et la volonté de Pékin de promouvoir une
alliance entre l’Albanie, la Yougoslavie et la Roumanie entraînent, en 1975-
1976, la liquidation des pro-Chinois du Parti et de l’armée puis, en 1978, la
fin de l’aide chinoise qui aggrave encore la situation économique
désastreuse d’une société dont les structures familiales, claniques,
religieuses (Hoxha a proclamé l’Albanie premier État athée du monde, en
1967) ont été systématiquement détruites.
Auteur prolifique, dictateur impitoyable, Hoxha fait en outre interdire,
dans la Constitution de 1976, toute alliance avec des pays étrangers. À sa
mort, le 11 avril 1985, il laisse le pouvoir à Ramiz Alia (Guègue) qui
dirigera, avec la caution de la veuve d’Hoxha, un pays totalement isolé du
monde, jusqu’à la chute du régime à la fin de 1990.
OD

CASTELLAN Georges, Histoire de l’Albanie et des Albanais, Brest,


Armeline, 2001.
JANDOT Gabriel, L'Albanie d’Enver Hoxha, 1944-1985, Paris,
L'Harmattan, 2000.
→ COMECON, KHROUCHTCHEV, KOMINTERN, KOSOVO,
MACÉDOINE (QUESTION DE), STALINE, TITO, YOUGOSLAVIE
HU JINTAO (1942)

Président de la République populaire de Chine depuis le 15 mars 2003,


réélu le 15 mars 2008 pour un mandat de cinq ans, secrétaire général du
Parti communiste chinois (PCC) depuis 2002, Hu Jintao né en décembre
1942 à Jixi, province de l’An-hui (Chine de l’Est), dans une famille de
commerçants, est un Han. Après des études d’ingénieur hydro-électricien à
l’université Quinhua de Pékin, il adhère au parti communiste en 1964. Sa
carrière se déroule sur quarante années, alternant des séjours dans la
capitale et dans les régions pauvres de l’Ouest. Il fait deux séjours au Gansu
en 1968 et en 1974. Instructeur politique à son université entre 1965 et
1968, pendant la Révolution culturelle, il est très apprécié des principaux
leaders chinois qui deviendront ses protecteurs : Song Ping, conservateur,
secrétaire du comité provincial du parti pour le Gansu, Hu Yaobang, libéral,
qui le fait nommer chef de la Ligue de la jeunesse communiste chinoise en
novembre 1984. En juillet 1985, à l’âge de quarante-trois ans, il est nommé
secrétaire du Comité du parti pour la province de Guizhou, la plus pauvre
du pays, mais il est alors le plus jeune secrétaire provincial du parti. C'est
alors que s’ouvre pour Hu Jintao le plus grand défi de sa carrière politique ;
il est nommé, le 9 décembre 1988, grâce au soutien de Deng Xiaoping,
secrétaire du comité du parti pour la région autonome du Tibet, en rébellion.
Hu devient le premier secrétaire civil du parti pour la région autonome du
Tibet de toute l’histoire de la République populaire chinoise. Il a été choisi
à cause de sa jeunesse (46 ans), de son engagement idéologique et de la
grande expérience des minorités acquise lors des quatorze années passées
dans le Ganzu et le Guizhou. Il réprime brutalement la révolte du Tibet,
impose la loi martiale du 7 mars 1989 au 30 avril 1990, pour la première
fois en trente ans. Pendant que Hu mate la révolte tibétaine, Deng Xiaoping
et le comité central du PCC sont confrontés à une grave crise à Pékin, le
mouvement pour la Démocratie occupe la place Tian An Men, le 4 juin,
paralysant la capitale. La troupe ouvre le feu sur les manifestants tuant
plusieurs centaines de civils. C'est alors que Hu Jintao, malade, doit quitter
Lhassa pour venir se soigner à Pékin, où il reste deux ans. Il fait bonne
impression à Deng Xiaoping qui le charge des préparatifs pour
l'organisation du 14e congrès du PCC en 1992. Ce congrès marque la
victoire de Deng Xiaoping et l’élévation dans le parti de Jiang Zemin. La
mort de Deng le 20 février 1997 est le point de départ d’importants
changements politiques à Pékin. En mars 1998, lors du 9e congrès national,
Hu, à l’âge de 56 ans, devient le plus jeune vice-président dans l’histoire de
la RPC. De ce poste honorifique, Hu fait un poste de puissance et cumule
les fonctions : membre du comité permanent du bureau politique du comité
central du PCC, membre du secrétariat militaire central du PCC, vice-
président de la RPC, vice-président de la Commission militaire centrale de
la RPC, président de l’École du parti. Il est élu président de la RPC le 15
mars 2003 et réélu pour cinq ans le 10 mars 2008 par l’Assemblée nationale
populaire.
Le programme politique de Hu se résume en l’établissement d’une «
société harmonieuse » en développant le concept de développement
scientifique et en luttant contre les forces hostiles. Les inégalités sociales se
creusent entre les classes et entre les régions, entraînant une multiplication
des manifestations sociales. Il lutte contre la corruption et entreprend
plusieurs campagnes anti-corruption dans des zones politiques sensibles,
dans le Guangdong par exemple et à Pékin, dans la province de Fujian. Par
contre Hu n’a jamais été ministre des Finances ou de l’Économie et il n’a
pas entrepris de réformes économiques importantes dans le Guizhou ou au
Tibet. Adepte de l’ordre comme l’a montré son emploi de la force militaire
au Tibet et le soutien qu’il a immédiatement apporté à la répression de la
manifestation de la place Tian An Men, de même que le démontre sa lutte
contre le mouvement spirituel Falun gong. Si Hu n’a pas eu d’expérience
diplomatique tout au long de son cursus, il entend faire jouer à son pays un
rôle moteur sur la scène internationale et pour cela d’aller dans le sens de la
mondialisation et de la multi-polarisation sur le plan politique. L'enjeu
principal demeure la poursuite de l’expansion économique qui implique de
s’assurer des disponibilités en matières premières, ce qui pousse la
République populaire à se tourner vers l’Afrique, l’Amérique latine et
l’Asie centrale et à s’afficher comme le porte-parole du Tiers Monde.
CB

EWING Richard Daniel, « Hu Jintao : The making of a Chinese General


Secretary », The China Quarterly n° 173, March 2003.
→ DEN XIAOPING, JIANG ZEMIN, TIBET (CONFLIT DU)
HULL Cordell (1871-1955)

Secrétaire d’État du président Franklin Roosevelt (1933-1944), cet


homme de loi, démocrate du Tennessee est élu à la Chambre des
Représentants (1907-1921, 1923-1931), puis au Sénat (1931-1933). Il s’y
fait l’avocat de la Société des Nations et d’un abaissement des tarifs
douaniers. En le mettant à la tête de la diplomatie américaine dès son entrée
en fonction, Roosevelt récompense un politicien influent dans le parti
démocrate et au Congrès mais sans expérience des problèmes
internationaux ; aussi se réserve-t-il les dossiers importants. Ce n’est qu’en
Amérique du Sud que Hull a les mains libres pour appliquer la « politique
de bon voisinage », qui se met en place lors des conférences panaméricaines
de Montevideo (1933), Buenos Aires (1936) et Lima (1939). S'il conduit la
délégation américaine à la conférence économique de Londres (juin 1933),
il y est désavoué par Roosevelt lorsqu’il accepte l’idée d’un abaissement
général des droits de douane. Après s’être résigné à une politique
isolationniste vis-à-vis de l’Europe, il ne voit pas son rôle s’accroître après
l’entrée en guerre des États-Unis. En revanche, il se consacre à la mise sur
pied de l’Organisation des Nations unies. Après la réélection de Roosevelt
en novembre 1944, il démissionne pour raisons de santé.
AD

PRATT Julius William, Cordell Hull, 1933-1944, New York, Cooper


Square Publishers, 1964.
→ ISOLATIONNISME, ONU, ROOSEVELT (FRANKLIN D.), SDN

HUMANITAIRE (AIDE, DROIT, ACTION, INTERVENTION)

Il convient de distinguer l’aide humanitaire apportée bénévolement à


l’occasion de catastrophes naturelles, de l’intervention humanitaire qui
implique une ingérence non souhaitée dans les affaires intérieures d’un État.
Longtemps, le principe de non-ingérence a prévalu sur la volonté de faire
respecter les droits de l’homme. L'origine remonte à la guerre du Biafra
(1968), pendant laquelle le gouvernement fédéral nigérian interdit à la
Croix-Rouge l’accès aux populations Ibos en détresse. Ce constat
d’impuissance des organisations humanitaires traditionnelles incite en 1971
des médecins français à créer Médecins sans frontières (MSF). Il s’agit de
venir en aide aux victimes quels que soient leur camp et leur nationalité. À
partir de 1975 naissent des conflits dits « périphériques », guerres civiles ou
de résistance (Angola, Éthiopie, Salvador, Sri Lanka, Afghanistan). L'ONU
et la Croix-Rouge ne reconnaissent que les guerres entre États, d’où la
multiplication d’organisations humanitaires non gouvernementales qui
interviennent sur la scène internationale en dehors de toute autorité
étatique : Amnesty International, Oxfam, MSF, Greenpeace. Depuis les
années 1990, les nouvelles formes de conflits embrasent des régions du
monde comme au Rwanda, en Bosnie et au Kosovo : les États font irruption
dans l’action humanitaire et le Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU
a recours aux ONG pour le seconder dans sa tâche d’assistance.
Considérées jusqu’alors comme une menace au principe de souveraineté et
à son corollaire, le principe de non-intervention dans les affaires d’autrui,
des interventions humanitaires se multiplient (Somalie, Haïti, Liberia,
Rwanda, Bosnie), aux risques d’un échec (illustré par le retrait américain de
Somalie en 1992), de récupération politique (cas d’Haïti en 1994) ou d’une
surmédiatisation (on parle d’« effet CNN »).
MV

DUMOULIN André, Militaires humanitaires, Complexe, 2002.


RIEFF David, L'Humanitaire en crise, Le Serpent à plumes, 2004.
RUFIN Jean-Christophe, L'Aventure humanitaire, Gallimard, 1994.
→ AFGHANISTAN (GUERRES D’), BIAFRA (GUERRE DU),
CATASTROPHE NATURELLE, DROITS HUMAINS,
GREENPEACE, HCR, INGÉRENCE, ONG, ONU

HUSSEIN IBN TALAL (1935-1999)

Troisième souverain de Jordanie, « le petit roi » parvient à maintenir


l’existence de son État, qui depuis l’annexion de la Cisjordanie à la faveur
de la guerre israélo-arabe de 1948 fait coexister difficilement Bédouins et
Palestiniens grâce à ses soutiens occidentaux. Monté sur le trône à 17 ans
en mai 1953 après l’assassinat de son grand-père, le roi Abdallah (20 juillet
1950) et la déposition pour incapacité mentale de son père le roi Talal (11
août 1952), Hussein maintient d’abord péniblement l’équilibre entre les
régimes arabes pro-occidentaux et ceux, menés par l’Égypte de Nasser, qui
se réclament du nationalisme arabe. En janvier 1956, il renonce à adhérer
au pacte de Bagdad, congédie le chef (britannique) de son armée, appuie
l’Égypte durant la crise de Suez et obtient des Britanniques, le 13 mars
1957, l’abrogation du traité de 1948 et le retrait de leurs forces de Jordanie.
Mais voulant donner des gages aux Occidentaux, il congédie son Premier
ministre pro-nassérien et doit aussitôt écraser un soulèvement militaire
encouragé par l’Égypte et la Syrie. Puis, pour répliquer à l’union syro-
égyptienne (1er février 1958), il conclut avec son cousin le roi Fayçal II
d’Irak une union arabe qui ne survit pas au renversement des Hachémites de
Bagdad le 14 juillet ; des parachutistes britanniques sont alors envoyés à
Amman pour protéger son régime. Après l’éclatement de l’union syro-
égyptienne (septembre 1961), ses relations avec l’Égypte se détendent.
Cependant si Hussein limite au maximum les activités de l’OLP sur son
territoire par peur des réactions israéliennes, il est contraint, par son opinion
publique et son armée, de se rapprocher de Nasser à la veille de la guerre
des Six jours et de signer, le 31 mai 1967, un accord de défense avec
l’Égypte. Le 5 juin, il entre en guerre contre Israël puis accepte, le 7, un
cessez-le-feu, après avoir perdu la Cisjordanie et le secteur est de
Jérusalem. Il ne peut empêcher les fedayin palestiniens d’établir leurs bases
en Jordanie pour lancer des attaques contre Israël. Cependant à partir de
1970, fort de la fidélité d’une armée reconstituée et du soutien des
Américains et des Israéliens, il parvient à chasser l’OLP, ce qui lui vaut
d’être mis au ban du monde arabe. Après la guerre du Kippour (octobre
1973), à laquelle il ne participe pas, il prend acte de la reconnaissance par le
sommet arabe de Rabat (octobre 1974) de l’OLP comme unique
représentant des Palestiniens, renoue avec les pays arabes et se tient à
l’écart du processus de paix israélo-égyptien (novembre 1977-mars 1979).
À plusieurs reprises depuis 1972, il propose en vain la constitution d’une
union jordano-palestinienne qui lui permettrait de récupérer la Cisjordanie,
mais Arafat ne l’envisage que quand il est très affaibli : cette idée tourne
court. Durant la guerre Iran-Irak (1980-1988), le roi Hussein soutient l’Irak,
avec l’aval des monarchies arabes du Golfe, et lui fournit un accès à la mer.
Après l’invasion du Koweït par l’Irak (2 août 1990), pour des raisons
intérieures, il ne peut se désolidariser de l’Irak, au grand mécontentement
des Américains. Ayant survécu à cette épreuve, il profite de la relance du
processus de paix et des accords israélo-palestiniens de Washington (13
septembre 1993) pour conclure un traité de paix avec Israël (26 octobre
1994).
AD

DALLAS Roland, King Hussein : a life on the edge, New York, Fromm
International, 1999.
→ ARAFAT, BAGDAD (PACTE DE), GOLFE (GUERRE DU),
ISRAÉLO-ARABES (CONFLITS), KIPPOUR (GUERRE DU),
NASSER, SIX JOURS (GUERRE DES)

HUSSEIN Saddam (1937-2006)

Saddam Hussein est né en 1937 à Takrit, sur le Tigre, à la pointe nord du


triangle arabe sunnite qui forme, entre le sud arabe chiite et le nord kurde,
le centre du mandat mésopotamien que les Britanniques ont érigé en
royaume d’Irak, théoriquement indépendant depuis 1930. C'est dans cet Irak
monarchique fondé sur la prééminence de la minorité arabe sunnite et
gouverné par le Premier ministre Nouri Saïd, en étroite communion avec la
Grande-Bretagne, que grandit S. Hussein. Devenu orphelin de père, il se
serait enfui de chez lui pour échapper à la tutelle violente de son beau-père
et est élevé à Bagdad par l’oncle dont il épousera la fille.
Lycéen et militant du parti Baath, défenseur du panarabisme, qui appuie
la révolution républicaine du général Kassem (14 juillet 1958), il participe
en octobre 1959 à l’attentat contre celui-ci qui s’appuie de plus en plus sur
les communistes et a éliminé du gouvernement les baathistes favorables à la
fusion de l’Irak avec la République arabe unie.
Réfugié en Syrie, où il rencontre Michel Aflak, un des fondateurs du
Baath, puis en Égypte, S. Hussein rentre en Irak après la révolution du 8
février 1963, organisée par le général Abdel Salam Aref, admirateur de
Nasser, et par le Baath. Il connaît alors une rapide ascension au sein du
parti, dans le sillage du général Hasan al-Bakr, un Takriti auquel il est
apparenté, qui a participé à la révolution de 1958 et devient le Premier
ministre d’Aref. Mais lorsque, en novembre 1963, ce dernier se retourne
contre un Baath divisé entre civils et militaires, partisans et adversaires de
l’union avec la Syrie devenue elle aussi baathiste, S. Hussein rentre dans la
clandestinité.
Emprisonné deux ans (1964-1966), S. Hussein est l’un des artisans du
coup d’État baathiste du 17 juillet 1968 contre Abdel Raman Aref, qui a
succédé à son frère, mort en 1966. Puis, dès 1969, il devient le n° 2 du
régime baathiste dirigé par le général al-Bakr.
Le nouveau gouvernement négocie avec les Kurdes une autonomie du
nord. Mais son étendue et ses modalités d’application raniment une guérilla
finalement réduite après la signature des accords d’Alger, le 6 mars 1975,
qui la privent du soutien de l’Iran du shah. L'Irak signe un traité d’amitié et
de coopération avec l’URSS (1972), mais développe également ses
relations avec les pays occidentaux. Après la visite officielle de S. Hussein
à Paris, en septembre 1975, la France devient l’un des principaux
fournisseurs d’armes de l’Irak et construit le réacteur nucléaire Osirak
(détruit par un raid israélien le 7 juin 1981). Favorable à des prix élevés du
pétrole, l’Irak nationalise son industrie pétrolière (1972-1975). Il utilise ses
revenus à un développement planifié (infrastructures routières, irrigation,
électrification) qui lui permet d’atteindre l’autosuffisance alimentaire en
1980 et de sortir du sous-développement. Une politique active
d’alphabétisation et d’émancipation des femmes (plus de 95 % des filles
sont scolarisées en 1982) est conduite et un système de santé moderne est
créé.
Le régime baathiste n’en est pas moins autoritaire et réprime toute
opposition, ne tolérant que les partis qui acceptent la tutelle du Front
national progressiste. En juillet 1979, l’effacement du général Bakr (mort en
1982) consacre le pouvoir absolu du clan familial de S. Hussein, lui-même
objet d’un culte de la personnalité, à la tête du Baath (21 membres de sa
direction sont exécutés en août), de l’État, du gouvernement, de l’armée et
des services de sécurité.
Après avoir pris la tête d’un Front du refus arabe aux accords israélo-
égyptiens de Camp David (1978), S. Hussein engage son pays dans la
guerre Iran-Irak (1980-1988). Il bénéficie de la neutralité plus ou moins
active des Occidentaux (la France lui « prête » des avions) et du soutien
financier des pétromonarchies inquiètes d’une contagion révolutionnaire.
Ce conflit meurtrier mais sans vainqueur marque un durcissement du
régime qui multiplie les purges jusque dans la famille de S. Hussein.
L'endettement auprès des pétromonarchies et le dépassement par elles des
quotas de production de pétrole fixés par l’OPEP qui fait chuter les prix et
prive l’Irak, selon S. Hussein, des revenus nécessaires à sa reconstruction,
conduit à une tension avec le Koweït et à son invasion par l’armée irakienne
(2 août 1990). La défaite irakienne face à une coalition internationale dans
la guerre du Golfe n’entraîne cependant pas la chute du dictateur.
L'embargo international aux conséquences humanitaires désastreuses sous
lequel vit l’Irak pendant plus de dix ans renforce au contraire le contrôle du
régime sur la société.
La guerre d’Irak (mars-avril 2003) déclenchée par le président américain
George W. Bush, sous le double prétexte d’une aide de l’Irak à Al-Qaïda et
de la détention par l’Irak d’armes de destruction massive, conduit à la chute
du régime le 29 avril 2003.
Arrêté par l’armée américaine dans une cache souterraine de Takrit, S.
Hussein est jugé, à partir d’octobre 2005, par un tribunal spécial irakien qui
le condamne à la peine de mort (pourtant supprimée quelques mois plus
tôt), pour crimes contre l’humanité. S. Hussein est exécuté par pendaison le
30 décembre 2006.
OD

LUIZARD Pierre-Jean, La Question irakienne, Paris, Fayard, 2002.


→ AL QAïDA, CAMP DAVID (ACCORDS), GOLFE (GUERRE
DU), IRAN-IRAK (GUERRE), KURDE (PROBLÈME), MANDATS,
PANARABISME
I

IBN SA’UD (1887-1953)

Fils de l’imam des Wahhabites, c’est au nom de sa variante rigoriste de


l’Islam sunnite, qu’il entreprend en 1902 la reconquête du Nejd, ancien
royaume de son grand-père situé dans la péninsule Arabique. Après avoir
monnayé aux Britanniques sa neutralité durant la Première Guerre
mondiale, il s’empare de La Mecque en 1926 et devient roi du Hedjaz. En
1930, il n’hésite pas à solliciter l’aide financière des Soviétiques, proclame
le royaume d’Arabie Saoudite (8 septembre 1932), qu’il parvient à faire
reconnaître internationalement, et en fixe définitivement les frontières après
une guerre contre l’imam du Yémen (1934). En 1943, le président F. D.
Roosevelt lui achète le droit d’utiliser ses ports, dans le cadre du
ravitaillement de l’URSS via l’Iran, en le faisant bénéficier de la loi prêt-
bail. De retour de Yalta, le Président américain rencontre, en mer Rouge,
Ibn Sa’ud (14 février 1945) qui lui concède une base militaire à Dahran et
un quasi-monopole de l’exploitation des pétroles saoudiens pour les
compagnies américaines. Quittant ainsi la zone d’influence britannique pour
se tourner vers les États-Unis, il se pose de plus en plus en champion du
fondamentalisme musulman pour faire pièce à la montée du nationalisme
arabe.
AD

BESSON Yves, La Fondation du royaume d’Arabie Saoudite : essai sur la


stratégie d’Abdul’Aziz ibn’Abdul Rahman al Sa’ud, Lausanne, Éditions des
trois continents, 1980.
→ ISLAMISME, ROOSEVELT (FRANKLIN D.)

IMPÉRIALISME
Souvent symbolisé par l’expansion de l’Europe depuis 1500, même s’il
est de toutes les époques (l’impérialisme de Rome) et de toutes les
civilisations, l’impérialisme est la tendance d’États puissants à se
subordonner par la force d’autres États ou territoires, tendance qui peut
sembler légitime et inéluctable, dans une société internationale sans règle.
Par extension, l’impérialisme est la doctrine des partisans de cette
expansion, cette acception naissant au cours du 19e siècle avec le renouveau
d’un impérialisme où, sous le nom plus courant de colonialisme,
l’exploitation économique se mêle à la « mission civilisatrice » de l’homme
blanc, et prime désormais sur une conquête militaire et une sujétion
politique. En fait, ce n’est qu’avec l’essor du capitalisme dans sa phase
moderne et industrielle que le concept prend toute sa signification. Apogée
du colonialisme, la fin du 19e et le début du 20e siècle voient s’accélérer la
course pour la possession de territoires qui doivent procurer marchés,
matières premières et débouchés pour des capitaux accumulés prêts à
s’investir. Les deux grandes puissances impériales, la Grande-Bretagne et la
France, finissent par s’affronter devant Fachoda en 1898, tandis que
l’Allemagne ou l’Italie, entrées tardivement dans la compétition impériale,
partent à leur tour à la conquête des derniers territoires « sans maître » pour
se faire « une place au soleil ». Ce désir impérial n’épargne pas les États-
Unis qui, après avoir conquis et dominé leur territoire-continent, s’opposent
en 1898 à un empire en déclin, l’Espagne, s’emparent des Philippines, de
Puerto-Rico et établissent un protectorat sur Cuba, cette nouvelle volonté
impériale s’incarnant dans la personnalité du président Theodore Roosevelt.
L'appétit d'expansion des uns ne peut plus être arrêté que par celui des
autres et les heurts entre impérialismes, comme lors des crises marocaines
de Tanger et Agadir en 1905 et 1911, sont inévitables, apparaissant même
comme l’une des causes de la Première Guerre mondiale.
Avec le 20e siècle, le terme même d’impérialisme prend une forte
connotation péjorative et son concept subit un double choc. Avec Lénine,
dans son ouvrage de 1916, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme,
la notion d’impérialisme est définitivement liée à celle de capitalisme où le
monopole a remplacé la concurrence, et qui recherche, dans des pays
lointains et faibles, des espaces économiques à conquérir. Mais
contrairement au schéma léniniste, le choc entre les impérialismes ne
débouche pas inéluctablement sur la guerre. Le wilsonisme et les différents
systèmes de sécurité collective qui en découlent condamnent tout dessein
impérial. Alors ambivalent, le terme ne désigne plus forcément la négation
directe d’une souveraineté mais un rapport de force plus flou. Qualifiant
désormais tout rapport de domination de manière souvent schématique et
manichéenne, il constitue une prise de position polémique ou politique
condamnant le capitalisme. Dans l’entre-deux-guerres, le Japon fait montre
d’un impérialisme particulièrement dynamique et établit en Asie sa « sphère
de coprospérité », comme en témoigne la crise de Mandchourie. Les États-
Unis élaborent un empire sans barrières ni contrôle, avec leurs
investissements à l’étranger, la « diplomatie du dollar » et une doctrine de la
porte ouverte (Open door policy) qui prône le libre accès aux marchés et
aux matières premières, jetant ainsi les bases de l’impérialisme
contemporain.
En effet, si l’après-guerre voit l’ancien système colonial voler en éclats,
l’impérialisme reparaît sous la forme du néocolonialisme ou la figure de la
firme multinationale. Immuable dans son essence, l’impérialisme, lié au
système capitaliste évolue dans ses formes au rythme de l’évolution du
capitalisme lui-même. Pour le Tiers Monde qui se constitue politiquement à
Bandoung en 1955, l’indépendance politique ne lève pas tous les obstacles ;
et les théories de la « dépendance » des années 1960, directement issues du
léninisme, expliquent le sous-développement en recourant au concept
d’impérialisme, suscitant un fort courant anti-impérialiste qu’incarne la «
Tricontinentale ». Quand les multinationales minières ou industrielles
rapatrient les profits réalisés vers les pays d’origine des capitaux, l’aide
publique au développement dans le Tiers Monde apparaît alors comme un
simple moyen de favoriser les dirigeants les plus dociles, de s’assurer des
marchés et de pérenniser le système. Les États-Unis (dollars et « Coca-
colonisation ») incarnent à eux seuls cet impérialisme de la multinationale
qui n’exclut pas un impérialisme traditionnel à l’emprise territoriale : la
puissance militaire américaine essaime des bases partout, suscite des
contestations virulentes, et pas uniquement dans le Tiers Monde. Si dans les
années 1970-1980, la domination économique américaine connaît des
déboires, l’impérialisme américain ne s’est jamais autant affirmé que dans
l’après-guerre froide. L’impérialisme culturel et la domination du modèle de
société anglo-saxon qui l’accompagnent ont une part évidente dans les
craintes que suscite aujourd’hui la mondialisation.
MV

ZORGBIBE Charles, L’impérialisme, PUF, QSJ, 1996.


→ BANDOUNG (CONFÉRENCE DE), FACHODA,
MANDCHOURIE (CONFLIT DE), MONDIALISATION,
MULTINATIONALES (FIRMES), ROOSEVELT (FRANKLIN D.),
SÉCURITÉ COLLECTIVE, TIERS MONDE, WILSON

INDOCHINE (GUERRE D’)

En Indochine, l’occupation japonaise pendant la Seconde Guerre


mondiale a été décisive. Le 9 mars 1945, les Japonais liquident en effet les
restes de l’administration française. Le 11 mars 1945, l’indépendance du
Vietnam est proclamée et aboutit à la création d’un gouvernement de
coalition dirigé par Ho Chi Minh qui proclame la République. L'empereur
Bao-Dai reconnaît cette République, mais préfère quitter le territoire. Dès la
fin de la guerre, le général de Gaulle décide de constituer une force
expéditionnaire, confiée au général Leclerc, pour reprendre pied en
Indochine, évacuée par les Japonais et occupée au nord par les Chinois, au
sud par les Anglais. Les difficiles négociations entre Français et
Vietnamiens aboutissent le 6 mars 1946 à un accord permettant aux troupes
françaises de réoccuper le Tonkin. En contrepartie, la France reconnaît la
république du Vietnam qui devrait comprendre les trois régions : le Tonkin
au nord, l’Annam au centre, la Cochinchine au sud. La Fédération des États
indochinois, comprenant le Vietnam, le Cambodge et le Laos, serait
associée à l’Union française. Mais la mise en œuvre de cet accord est
difficile. L'amiral Thierry d’Argenlieu, nommé haut-commissaire en
Indochine, érige la Cochinchine en République indépendante sous la tutelle
française. Cependant, en septembre 1946, Ho Chi Minh et le gouvernement
français signent les accords de Fontainebleau. Sur place, en Indochine, la
situation s’aggrave brusquement après des incidents à Haiphong et le
bombardement de la ville par la marine française. Le 19 décembre 1946,
une guerre commence, qui va durer près de huit ans ; la France constate
qu’elle ne peut pas imposer le retour pur et simple à la situation d’avant-
guerre, si bien que par les accords de la baie d’Along elle met en place en
juin 1948 un État vietnamien, avec à sa tête l’empereur Bao-Dai, et auquel
elle promet l’indépendance totale. À partir du déclenchement du conflit de
Corée, la guerre d’Indochine devient un autre front de la guerre idéologique
entre l’Ouest et l’Est. En janvier 1950, Ho Chi Minh obtient la
reconnaissance diplomatique de son gouvernement par Moscou et Pékin,
qui lui apporte une importante aide militaire. En octobre 1950, les forces
franco-vietnamiennes subissent un grave revers, ce qui prouve la montée en
puissance du Viêt-minh. De son côté, l’armée française, commandée par le
général de Lattre de Tassigny et puissamment aidée sur le plan matériel et
financier par les Américains, redresse un temps la situation.
Mais la position militaire franco-vietnamienne ne tarde pas à s’aggraver
en raison du renforcement du Viêt-Minh et de la décision du Haut
Commandement français d’organiser dans le Tonkin occidental, à Diên
Biên Phû, un centre de résistance que l’armée viêt-minh attaque en mars
1954. Pendant les cinquante-six jours de combat, l’intervention directe des
États-Unis d’abord envisagée est ensuite écartée.
Alors qu’une conférence se réunit à Genève pour discuter de la paix en
Corée (après l’armistice de Pan-Mun-Jon de 1953) et d’un armistice en
Indochine, survient la nouvelle de la chute de Diên Biên Phû, le 7 mai, qui
accélère le processus de paix. Les négociations piétinent à Genève à propos
de la ligne d’armistice entre le Sud et le Nord et sur la date des élections qui
devaient permettre la réunification du Vietnam. Finalement, un armistice est
signé le 20 juillet 1954 qui divise l’Indochine en deux le long du 17e
parallèle : le Vietnam du Nord où dominent les communistes, le Vietnam du
Sud où règnent les nationalistes menés par Ngô Dinh Diêm et soutenus par
les Américains, dont l’influence se substitue à celle de la France. Les
troupes françaises doivent évacuer l’Indochine dans un délai de quelques
mois et des élections être organisées dans un délai de deux ans, pour
envisager une réunification du Vietnam. Après la Corée et l’Allemagne, un
nouveau pays est divisé par une frontière idéologique, le « rideau de
bambou ». C’est aussi la source de nouveaux conflits car les États-Unis sont
décidés à soutenir Ngô Dinh Diêm, qui élimine bientôt l’empereur Bao-Dai
à la faveur d’une consultation populaire. Pour la France, c’est à la fois la fin
du boulet indochinois et le terme mis à une présence de près de trois quarts
de siècle dans cette région du monde, car les accords de Genève
sanctionnent la victoire d’un mouvement révolutionnaire sur une puissance
européenne et ouvrent la voie à la décolonisation du second grand empire
colonial.
MV

DALLOZ Jacques, La guerre d’Indochine, Le Seuil, 1987.


• Dictionnaire de la guerre d’Indochine, Armand Colin, 2006.
TERTRAIS Hugues, Atlas des guerres d’Indochine 1940-1990,
Autrement, 2004.
VALETTE Jacques, La guerre d’Indochine, 1945-1954, Armand Colin,
1994.
→ BAO-DAI, CORÉE (GUERRE DE), DÉCOLONISATION, DE
GAULLE

INGÉRENCE

La non-intervention dans les affaires intérieures d’un État, posée en


principe, souffre bien des exceptions au 20e siècle avant d’être résolument
battue en brèche dans le dernier quart du siècle. Le débat entre les
idéalistes, portés à faire de la défense des droits de l’homme le critère de
leur action internationale, et les réalistes soucieux de ne pas perturber le
statu quo parcourt tout le siècle. Déjà, l’article 11 du pacte de la SDN
établissait que « toute guerre ou menace de guerre intéresse la Société tout
entière », et dès avant la SDN, il est admis qu’un État peut être obligé
d’intervenir pour protéger la vie de ses nationaux, comme c’est le cas dans
l’expédition des puissances en Chine en 1901 pour contraindre le
gouvernement impérial à réprimer l’action des Boxers. Dans d’autres cas,
les puissances conviennent au contraire de ne pas intervenir : c’est le cas de
la guerre d’Espagne où le gouvernement français propose, le 8 août 1936,
aux autres puissances de « s’abstenir rigoureusement de toute ingérence,
directe ou indirecte dans les affaires intérieures » de l’Espagne, ce qui a
indirectement l’inconvénient de nuire au gouvernement républicain légal.
Les conflits de décolonisation constituent un autre exemple d’ingérence.
C’est le cas par exemple lors de la guerre d’Algérie, de la reconnaissance
par nombre d’États comme gouvernement légal du Gouvernement
provisoire de la République algérienne créé en septembre 1958, alors que
les hostilités se poursuivent et que le FLN ne peut même pas asseoir sa
légitimité sur un territoire. L'interdiction faite à l’ONU, en vertu de l’article
2 paragraphe 7 de la charte de San Francisco, d’intervenir dans les affaires
intérieures des États semble exclure dans son principe toute ingérence des
Nations unies. L’évolution de la pratique diplomatique, fondée sur
l’application du chapitre VII de la Charte relatif au cas de « menace de la
paix », joue en sens inverse. Déjà l’adoption de la Déclaration universelle
des droits de l’homme en 1948 manifeste une évolution sensible. C'est ainsi
qu’une Force des Nations unies au Congo intervient entre 1960 et 1963,
d’ailleurs à la demande du gouvernement congolais, pour y rétablir l’ordre.
Et la protection des ressortissants étrangers dans un pays en guerre ou en
crise est souvent un argument utilisé pour justifier des interventions (Suez
en 1956, Saint-Domingue en 1965). La pression des organisations non
gouvernementales aboutit après la chute du mur de Berlin à multiplier les
interventions humanitaires et à légitimer le droit d’ingérence dans le cadre
des Nations unies par les résolutions de décembre 1988 et décembre 1990.
Elles seront mises en œuvre dans le cas des populations kurdes en Irak
(opération Provide Comfort autorisée par la résolution 688 d’avril 1991), de
l’anarchie somalienne (opération Restore Hope de décembre 1992), de la
tragédie yougoslave (février 1992), où la FORPRONU doit jouer le rôle de
force d’interposition, et des massacres ethniques au Rwanda (mai 1994).
MV

BETTATI Mario, Le Droit d’ingérence, Odile Jacob, 1996.


MOREAU DEFARGES Philippe, Un monde d’ingérences, Presses de la
FNSP, 2001.
ZORGBIBE Charles, Le Droit d’ingérence, PUF, 1994.
→ ALGÉRIE (GUERRE D’), BERLIN, CONGO, DROITS
HUMAINS, ESPAGNE (GUERRE D’), HUMANITAIRE (AIDE),
KURDE (PROBLÈME), ONG, ONU, SAN FRANCISCO (CHARTE
DE), SDN, YOUGOSLAVIE

INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES

L'expansion du commerce international aussi bien que la volonté de


contribuer à l’équilibre économique et monétaire dans le monde, conduisent
à la création de diverses institutions financières internationales.
À la suite de la Grande Guerre où les États européens ont suspendu la
libre convertibilité des monnaies en or, la conférence internationale de
Gênes (10-avril-19 mai 1922) admet le remplacement de l’étalon-or (Gold
Standard) par l’étalon de change-or (Gold Exchange Standard), qui permet
de restaurer des changes fixes et d’augmenter les liquidités. Tout a été
balayé par la crise de 1929.
La Banque des règlements internationaux (BRI), dont le siège est à
Bâle, est créée en 1929, afin de gérer les paiements des réparations
allemandes. Mais avec la suspension du règlement des dettes
intergouvernementales, elle devient un lieu de rencontre des gouverneurs
des banques centrales des principaux pays européens, et à partir des années
1960, des États-Unis, du Canada et du Japon, ce qui lui confère un rôle
original au centre de la coopération monétaire internationale.
Pour remédier à la crise de 1929, la SDN réunit la conférence
économique de Londres (juin-juillet 1933) où sont lancées des idées
reprises plus tard par le FMI et le GATT. La décision du président
américain, Franklin D. Roosevelt, de dévaluer le dollar ruine tout espoir de
solution, et contribue à la constitution de zones monétaires et au
nationalisme économique.
Après la Seconde Guerre, l’organisation monétaire internationale s’étoffe
à partir des conclusions de la conférence de Bretton Woods (États-Unis) en
juillet 1944. Il s’agit de reconstruire le système monétaire international mis
à mal par la grande crise des années 1930 et la guerre. Le nouveau système
est fondé sur l’étalon de change-or : les monnaies sont en principe
rattachées à un certain poids d’or, en fait au dollar (avec la parité de 35
dollars l’once d’or). Tous les pays adhérents s’engagent à respecter les
règles de fixité du taux de change qui peut être modifié en cas de
déséquilibre fondamental, après consultation du FMI. À Bretton Woods, les
États signataires acceptent ainsi de se priver d’une partie de leur
souveraineté en faveur d’instances internationales, mais ils concèdent aussi,
en 1944, aux Américains et au dollar un rôle prépondérant en matière
monétaire.
Le Fonds monétaire international (FMI) détient une provision de
devises fournies par chacun des États adhérents en fonction de leur place
dans les échanges internationaux. Il doit s’efforcer de maintenir la stabilité
des changes et par voie de conséquence l’équilibre des balances de
paiement. Sa fonction consiste à permettre les opérations de compensation
entre les États membres, à remédier aux problèmes créés par les crises
financières et à rappeler à ses membres les règles d’orthodoxie monétaire.
La Banque internationale pour la reconstruction et de
développement (BIRD) a pour mission d’aider les cent quatre-vingt-cinq
États membres à financer leur développement. Son objectif est de favoriser
les investissements à long terme nécessaires à la reconstruction des pays
atteints par la guerre, et de développer le potentiel économique de tous les
États. Elle dispose d’un capital propre souscrit par les membres, et utilisé
soit à des prêts soit à la garantie de prêts. La BIRD a deux filiales :
l’Association internationale pour le développement (AID) créée en 1960
pour résoudre les problèmes des pays en voie de développement, et la
Société financière internationale (SFI) dont la mission est d’aider les
entreprises des pays les moins développés. L'ensemble de ces trois
institutions constitue la Banque mondiale.
Le fonctionnement de ces institutions, fondé sur des cotisations versées
par les États ou la fraction de capital souscrit, donne la part belle aux États-
Unis.
Le régime créé par Bretton Woods ne résiste pas à la chute de la monnaie
américaine lors des chocs pétroliers des années 1970. Le système d’étalon
de change dollar est ébranlé par le déficit de la balance américaine des
paiements, en raison des investissements des compagnies multinationales
américaines en Europe notamment (mécanisme des eurodollars) et des
paiements réalisés pour le pétrole auprès des pays de l’OPEP (pétrodollars).
Leur masse est telle au début des années 1970 que leur remboursement en
or par la Banque de réserve fédérale américaine serait impossible, et cela
sape la confiance dans le dollar. Sa chute sanctionne le déclin de l’économie
américaine et le coût de la guerre du Vietnam. En août 1971, Nixon détache
le dollar de l’or, ce qui équivaut à une dévaluation de fait, renouvelée en
février 1973. Le système de Bretton Woods est mort.
Pour reconstruire le système monétaire international, diverses thèses
s’opposent : la politique française, qui consiste plus ou moins à un retour à
l’étalon-or, se heurte à l’opposition des États-Unis, ceux-ci font adopter leur
politique à la conférence de la Jamaïque (janvier 1976), où l’on décide de
supprimer toute référence à l’or. Les accords de la Jamaïque, finalement
ratifiés en 1978, entérinent la victoire des États-Unis qui imposent leur
vision d’un nouveau système monétaire international et parviennent à
préserver la prééminence du dollar. Les principes en sont des changes
flottants, et la démonétisation de l’or, tandis que les droits de tirage
spéciaux, DTS (Special Drawing Rights), apparus en 1970, y sont consacrés
comme principale monnaie de réserve. Les DTS sont une monnaie
fiduciaire qui n’est pas gagée sur l’or ou sur une monnaie nationale, mais
calculée en fonction d’un ensemble de cinq devises (dollar, yen, livre
sterling, deutschemark, franc français). Du coup le FMI perd son rôle de
gardien du système de taux de change fixe. Il retrouve un nouveau rôle dans
les années 1980-1990 quand, face à la crise des dettes du Tiers Monde, il
fait dépendre son aide de l’adoption de programmes d’ajustement structurel.
Institutions officieuses, le Club de Paris réunit les représentants des États
créanciers, et le Club de Londres, l’ensemble des banques créancières,
étudient les solutions à apporter aux problèmes d’endettement.
Avec la chute du mur de Berlin et l’ouverture des pays d’Europe de l’Est,
il apparaît nécessaire d’apporter une aide pour gérer leur transition vers
l’économie de marché et la démocratie. C'est la mission attribuée à la
Banque européenne pour la reconstruction et de développement (BERD)
fondée en avril 1991, dont le siège est à Londres. Son rôle est double :
favoriser les privatisations et financer la création ou la répartition des
infrastructures.
Dans les années 1990, ces institutions sont remises en cause comme
symboles de la mondialisation.
Ch. M
ANDREWS David M., Orderly change : international monetary relations
since Bretton Woods, Ithaca, University Press, 2008.
DENIZET Jean, Le Dollar. Histoire du système monétaire international
depuis 1945, Fayard, 1985.
LENAIN Patrick, Le FMI, La Découverte, 1993.
http://www.imf.org
http://www.banquemondiale.org
http://www.ebrd.com/fr
→ CHOCS PÉTROLIERS, GATT, MARSHALL (PLAN),
MULTINATIONALES, OMC, RÉPARATIONS, TIERS MONDE

INTERNATIONALE SOCIALISTE

Rassemblant 143 partis et associations socialistes, sociaux-démocrates et


travaillistes de tous les continents, l’Internationale socialiste, mise en place
sous sa forme actuelle en 1951, est l’héritière de l’Association
internationale des travailleurs (1864-76), la Ire Internationale (1864), la IIe
Internationale ouvrière (1889-1914) et de l’Internationale ouvrière socialiste
de l’entre-deux-guerres. Née avec l’essor des mouvements socialistes au 19e
siècle, la notion d’internationalisme prolétarien est au cœur de la pensée
socialiste et de la critique marxiste de la nation. Théorisant le fait national
comme le produit artificiel d’un système d’exploitation de classe, le
marxisme appelle le prolétariat, qu’aucun intérêt ne lie à la nation, à
constituer l’Internationale pour briser ce cadre capitaliste. C’est pourtant le
nationalisme qui fait voler en éclat la IIe Internationale. Ayant d’emblée
associé son nom au pacifisme, l’Internationale, puissante en apparence (3,3
millions d’adhérents) lorsqu’elle tient à Bâle en novembre 1912, en réponse
aux guerres balkaniques, son congrès extraordinaire ouvert par un discours
de Jean Jaurès, subit ainsi bien plus les événements qu’elle ne les domine,
impuissante à imposer le principe de la grève générale contre la guerre.
Malgré l’opposition des leaders de gauche comme Lénine et Rosa
Luxemburg, elle finit par admettre qu’il existe des « guerres justes »,
défensives, auxquelles le prolétariat peut participer. En 1914, chaque parti
socialiste vote ainsi les crédits militaires, apportant un cinglant démenti aux
déclarations théoriques d’internationalisme. Des socialistes participent à des
gouvernements d’union nationale : Vandervelde, le président de
l’Internationale, en Belgique, Jules Guesde, Marcel Sembat puis Albert
Thomas, futur ministre de l’Industrie et de l’Armement en France.
Regroupant les opposants à cette politique d’union sacrée alors que
l’Internationale n’a aucune activité durant la guerre, les réunions de
Zimmerwald (septembre 1915) et Kienthal (avril 1916), mêlant pacifistes et
révolutionnaires, ont pu être considérées comme l’acte de naissance de la
IIIe Internationale ou Komintern. Ce naufrage de la IIe Internationale
hypothèque les tentatives de reconstitution, d’autant que le rayonnement de
la révolution bolchevique est tel que l’héritage des Ire et IIe Internationales
paraît assumé aux yeux de nombreux militants par l’Internationale
communiste. Reconstituée à la conférence de Genève en février 1920, la IIe
Internationale perd aussitôt son unité, sa gauche fondant à Vienne en 1921
une « communauté de travail des partis socialistes », à égale distance entre
la foi révolutionnaire de Moscou et le manque d’enthousiasme de Genève.
Réunifiée au congrès de Hambourg en 1923, l’organisation qui incarne
désormais le socialisme démocratique n’a plus le prestige ni l’influence de
l’Internationale d’avant 1914, la question de ses relations avec
l’Internationale communiste restant toujours en arrière-plan. Réunie pour sa
dernière conférence à Paris en 1933, elle s’avère un appareil totalement
désarmé face à la montée du fascisme et s’effrite définitivement en octobre
1938. Au congrès de Francfort en juillet 1951, les socialistes refondent
l’Internationale dans une condamnation en règle du communisme. Avec un
congrès, un conseil général où chaque parti est représenté, son exécutif
(président, vice-présidents, secrétaire général), l’Internationale et ses
branches associées (Internationale socialiste des femmes, Union
internationale de la Jeunesse socialiste) vise à établir le socialisme
démocratique et coordonner les attitudes politiques de ces partis par libre
consentement. Ce n’est pourtant qu’en 1976 qu’elle connaît un réel
renouveau avec l’élection à sa tête de Willy Brandt, marquant la volonté
d’accroître son prestige et symbolisant une politique de détente vis-à-vis du
monde communiste. S'appuyant sur un secrétariat général renforcé et la
puissance financière des PS d’Europe du Nord, assisté de l’Autrichien
Bruno Kreisky et du Suédois Olof Palme, Brandt transforme
l’Internationale, frappée d’européocentrisme depuis les origines, en
organisation véritablement mondiale (en 1978, elle réunit à Vancouver son
premier congrès hors d’Europe). Devenue un lieu de réflexion,
s’investissant dans les débats sur le désarmement, les questions de la paix
au Proche-Orient, de la démocratie en Amérique latine et en Afrique, de
l’aide au développement et des rapports Nord-Sud, elle y acquiert en outre
une visibilité nouvelle. Pierre Mauroy, qui succède à Willy Brandt en 1992,
poursuit son action d’élargissement. Lors de son XXe congrès à Paris en
novembre 1999, qui voit l’élection à la présidence du Premier ministre
Antonio Guterres, elle réaffirme les valeurs du socialisme devant les
tentations du modèle social-libéral de l’Angleterre de Tony Blair et face aux
craintes de la mondialisation.
PMD

BRAUNTHAL Julius, History of the International, Westview Press,


Boulder, Co, 3 vol, 1961-1981. DONNEUR André, L’Internationale
socialiste, PUF, 1983.
→ BALKANIQUES (GUERRES), BLAIR, BRANDT,
DÉSARMEMENT, KOMINTERN, LÉNINE

INTIFADAS (SOULÈVEMENTS)

Le contexte du déclenchement de la première Intifada

Après avoir rompu avec l’Égypte lors des accords de Camp David
(1978), l’OLP de Yasser Arafat est encore affaiblie lorsque les Israéliens en
1982, puis les Syriens en 1983, démantèlent ses infrastructures militaires au
Liban et contraignent la plupart de ses combattants ainsi que sa direction au
départ vers Tunis.
Par ailleurs, les gouvernements israéliens de la droite nationaliste du
Likoud (1977-1984) puis les cabinets de coalition entre celui-ci et les
travaillistes (1984-1990), poursuivent et accélèrent la politique de
colonisation israélienne à Jérusalem, en Cisjordanie et dans la bande de
Gaza, occupés par Israël depuis la guerre des Six jours.
Face à la disparition de toute perspective de règlement du problème
palestinien venant de pays arabes divisés ou d’une OLP marginalisée et de
plus en plus lointaine, les Palestiniens de l’intérieur s’engagent, à la fin de
1987, dans un mouvement de révolte contre l’occupant israélien.

Caractéristiques de la première Intifada

Parti de la bande de Gaza à la suite de la mort accidentelle de quatre


Palestiniens renversés par un véhicule de l’armée israélienne, ce
mouvement spontané s’étend rapidement à l’ensemble des territoires
occupés. Il est bientôt encadré par une direction unifiée composée de
notables palestiniens liés à l’OLP.
Il se caractérise par une forte implication des femmes, des actions de
désobéissance civile, des grèves, des démissions de fonctionnaires, des
assassinats de Palestiniens collaborant avec l’occupant, et surtout par des
manifestations dirigées contre les forces israéliennes. Armés de pierres et de
cocktails molotov, les manifestants, souvent très jeunes, font face à une
armée dotée de tous les équipements modernes mais qui, depuis 1967, n’a
jamais eu à rétablir l’ordre et qui reçoit du ministre de la Défense du
gouvernement d’union nationale, Itzhak Rabin, des consignes extrêmement
dures.
Internements administratifs, jeunes ou enfants passés à tabac, tortures,
bouclages et couvre-feux, fermeture des universités, représailles collectives,
dynamitage de maisons, violences exercées par des colons en arme : la
réponse des Israéliens est exclusivement répressive. Elle conduit les Arabes
d’Israël à manifester de plus en plus leur solidarité avec les Palestiniens des
territoires occupés et favorise l’émergence, notamment dans la bande de
Gaza, de mouvements islamistes radicaux, issus des Frères musulmans, le
Hamas et le Jihad islamique.

L'Intifada, Hussein et Arafat


Y. Arafat n’a ni organisé ni contrôlé l’Intifada. Mais la reconnaissance de
son leadership par la Direction unifiée du soulèvement lui donne une
nouvelle légitimité. Dès le 31 juillet 1988, Hussein de Jordanie, qui craint la
contagion du mouvement aux Palestiniens de son royaume, annonce la
rupture de tous les liens administratifs avec la Cisjordanie, occupée par
l’émirat de Transjordanie en 1948, puis annexée en 1951 lors de sa
transformation en royaume hachémite de Jordanie.
Cette décision met fin aux espoirs de nombreux responsables israéliens
d’un règlement de la question palestinienne par la création d’une fédération
jordano-palestinienne sous direction hachémite. Elle constitue pour Arafat
un succès diplomatique capital. Dès lors, il fait adopter par le Conseil
national palestinien de novembre 1988, réuni à Alger, la reconnaissance des
résolutions 181 (1947), 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité de
l’ONU. Par là, l’OLP, poussée par la direction de l’Intifada, se rallie au
principe du partage de la Palestine en deux États et proclame un « État
indépendant de Palestine » voué à s’installer sur les territoires occupés par
Israël en 1967.
Cette reconnaissance implicite du droit d’Israël à l’existence dans des «
frontières sûres et reconnues » (résolution 242) sera complétée par des
déclarations sur la renonciation de l’OLP au terrorisme et la caducité (Paris,
mai 1989) de sa charte prévoyant la destruction de l’État hébreu.

La recherche d’une issue

Les images de la « guerre des pierres » largement diffusées par les


médias marquent les opinions arabe, internationale mais aussi israélienne.
Le rejet de plans américains par l’ensemble des parties est suivi d’une
proposition (1989) du Premier ministre de droite, Itzhak Shamir,
d’organiser des élections locales avant une négociation, avec les
représentants ainsi élus, du statut des territoires. Mais le refus de Shamir
d’associer l’OLP à ce processus et de le placer, comme le demande Arafat,
sous l’égide de l’ONU condamne cette initiative à l’échec.
Les manifestations de soutien à l’Irak de Saddam Hussein durant la
guerre du Golfe montrent les dangers du pourrissement de la situation, et
font prendre conscience à nombre de responsables politiques israéliens, de
la nécessité de contacts directs avec l’OLP, prohibés par la loi israélienne.
Pourtant, Shamir refuse la présence d’une délégation de l’OLP à la
conférence de Madrid (1991). Les États-Unis y imposent cependant la
présence de Palestiniens des territoires dans une délégation jordano-
palestinienne qui participe aux négociations en contact étroit avec la
direction de l’OLP.
L'Intifada ne cesse qu’après la victoire des travaillistes aux élections
législatives israéliennes de 1992 et la signature des accords d’Oslo, l’année
suivante, par Rabin et Arafat.

Le bilan

L’Intifada a fait environ 1 300 victimes palestiniennes (dont un tiers de


femmes et plus de 200 enfants) ainsi que des milliers de blessés, tandis
qu’on dénombre moins de 200 morts israéliens. Plus de 700 maisons ont été
détruites ou vidées de leurs habitants, 12 000 Palestiniens ont été
emprisonnés, la vie administrative et économique des territoires occupés a
été profondément bouleversée par les bouclages, les blocus, les grèves, la
rupture des liens avec la Jordanie ou la disparition des revenus des
Palestiniens qui travaillaient en Israël.

Le contexte du déclenchement de l’Intifada Al-Aqsa

Après l’assassinat d’I. Rabin (novembre 1995), la victoire aux élections


législatives israéliennes du Likoud de Benyamin Netanyahou (mai 1996)
conduit à l’enlisement du processus de paix fixé par les accords d’Oslo et à
la reprise des attentats suicides par les adversaires de tout compromis avec
Israël (Hamas et Jihad islamique).
Ni la victoire du travailliste Ehud Barak (mai 1999), ni la forte
implication du président américain Clinton (sommet de Camp David en
juillet 2000) ne permettent de progrès significatifs. La colonisation
israélienne se poursuit alors qu’Arafat doit faire face à la concurrence d’un
Hamas dont la propagande présente le retrait israélien du Liban (juin 2000)
comme un succès de la lutte armée du Hezbollah.
C’est dans ce contexte explosif que le 28 septembre 2000, Ariel Sharon,
leader de l’opposition de droite et violemment hostile aux accords d’Oslo,
décide de se rendre sur l’Esplanade des Mosquées de Jérusalem, dont le
statut est l’un des dossiers les plus épineux des discussions israélo-
palestiniennes.
Cause réelle ou prétexte ? Colère spontanée ou organisée par la direction
palestinienne ? Cette provocation, à un endroit où se trouve la mosquée Al-
Aqsa, lieu d’où Mahomet se serait élevé jusqu’au ciel, et site de l’ancien
temple de Salomon, dégénère en affrontements entre les Palestiniens et les
forces de sécurité qui ouvrent le feu sur la foule, puis en agressions des
Palestiniens contre les Juifs qui prient au Mur des lamentations situé au-
dessous.
La conférence de Taba (janvier 2001) se termine de nouveau par un
échec. Les concessions israéliennes ont permis pour la première fois de
dégager les voies d’un compromis possible, mais le Premier ministre qui les
a faites n’a plus de réelle autorité politique : le 6 février 2001, il est
largement battu par A. Sharon lors de l’élection du Premier ministre au
suffrage universel.

Déroulement de l’Intifada Al-Aqsa

Dès lors, plus rien ne peut enrayer le cycle de la violence. D’autant que
l’accession au pouvoir du président George W. Bush puis les attentats du 11
septembre 2001 laissent les mains libres au gouvernement israélien.
Par rapport au premier soulèvement, cette Intifada Al-Aqsa est moins un
mouvement populaire qu’une série d’affrontements, parfois d’une extrême
violence (lynchage de trois réservistes israéliens à Ramallah en octobre
2001 ou attaque israélienne contre Naplouse en février 2006) entre forces
israéliennes et groupes armés, principalement du Fatah. Les combattants
bénéficient néanmoins d’un large soutien de la société palestinienne,
désespérée par la disparition de toute perspective de règlement politique.
Car la réponse israélienne ne se borne pas à l’utilisation de moyens
militaires (tirs à balles réelles, utilisation de blindés, d’hélicoptères,
d’avions) que beaucoup d’observateurs jugent disproportionnés. Elle touche
un grand nombre de familles par les arrestations massives (plus de 9 000),
désorganise l’économie, fait exploser le chômage et rend la vie quotidienne
de plus en plus difficile pour les populations civiles qui sont collectivement
punies par les bouclages répétés, les confiscations de terres et arrachage
d’oliviers, les destructions de maisons, et des déplacements entravés par
d’innombrables barrages. Elle provoque aussi, dès janvier 2002, des
mouvements de soldats israéliens refusant de servir dans les territoires
occupés.
Surtout, elle va jusqu’à remettre en cause les acquis de la période
précédente. Sharon accusant Arafat de ne pas combattre le terrorisme et
Arafat répondant à Sharon qu’il lui enlève les moyens de le faire, le
gouvernement israélien ordonne la réoccupation (septembre 2002) des
territoires confiés à l’Autorité palestinienne, détruit ses bâtiments
administratifs et ses emblèmes ainsi que nombre d’infrastructures réalisées
grâce aux aides européennes, puis soumet à un siège la résidence d’Arafat
dont Sharon cherche à obtenir l’exil.
À la mort de Y. Arafat (11 novembre 2004), Mahmoud Abbas, membre
fondateur du Fatah, principal négociateur palestinien des accords d’Oslo et
éphémère Premier ministre en 2003, est élu président de l’Autorité
palestinienne (9 janvier 2005). Il demande la démilitarisation de l’Intifada
et tente de renouer le dialogue avec Israël. Mais il ne peut ni obtenir que les
Israéliens négocient avec lui leur retrait décidé unilatéralement de la bande
de Gaza (été 2005), ni empêcher la construction d’un mur de 700 km,
entreprise en 2003, dont le tracé empiète largement sur la Cisjordanie
d’avant 1967, incorporant de fait au territoire israélien les principales zones
de colonies ainsi que des villages palestiniens entiers, ou des terres
dépendant de villages situés de l’autre côté de cette « barrière de sécurité ».

Bilan de l’Intifada Al-Aqsa et conséquences politiques

Le bilan humain de la seconde Intifada est lourd : de 4 000 à 5000 morts


et 31 000 blessés palestiniens pour un millier d’Israéliens (militaires et
civils victimes d’attentats). Près de 8 000 maisons ont été détruites et des
milliers d’arbres arrachés.
Mais le bilan politique l’est plus encore : l’échec du processus de paix
engagé en 1993 a renforcé ceux qui s’y étaient opposés dès l’origine.
Vainqueur des élections législatives palestiniennes de janvier 2006, le
Hamas constitue un gouvernement sous la direction d’Ismaël Haniyeh.
Mais son inscription sur la liste des organisations terroristes et sa non-
reconnaissance d’Israël entraînent la suspension de l’aide internationale à
l’Autorité palestinienne. Le non-paiement des fonctionnaires et les heurts
meurtriers entre Fatah et Hamas débouchent, à l’issue d’une médiation
saoudienne (février 2007), sur la constitution d’un gouvernement d’union
nationale, toujours présidé par Haniyeh, dans lequel le Hamas ne dispose
plus que de neuf portefeuilles sur vingt-deux. Il est renvoyé par M. Abbas
(juin 2007) lorsque le Hamas s’empare du pouvoir par la force dans la
bande de Gaza. À la suite de tirs de roquettes sur Israël, la bande de Gaza
est soumise à un blocus et à des raids israéliens de janvier à juin 2008. Une
trêve est alors conclue par l’entremise égyptienne. Mais une intervention
israélienne contre les tunnels passant sous la frontière entre la bande de
Gaza et l’Égypte provoque une reprise des tirs à la fin 2008.
La conjonction entre la fin du mandat du président américain George W.
Bush et une campagne électorale israélienne dans laquelle les partis au
pouvoir sont accusés par la droite du Likoud de sacrifier la sécurité d’Israël,
entraîne une intervention armée, aérienne et terrestre, d’une extrême
brutalité (27 décembre 2008-18 janvier 2009).
Bombardement d’écoles, d’hôpitaux, utilisation d’armes au phosphore
dans des zones à très forte densité de population, une fois encore, la
population civile palestinienne paye un lourd tribut : on dénombre plus de
mille morts palestiniens, dont de très nombreux enfants, pour treize
Israéliens.
OD

ENDERLIN Charles, Le Rêve brisé : Histoire de l’échec du processus de


paix au Proche-Orient (1995-2002), Paris, Fayard, 2002.
• Les Années perdues : Intifada et guerres au Proche-Orient 2001-2006,
Paris, Fayard, 2006.
PAPPÉ Ilan, Une terre pour deux peuples : Histoire de la Palestine
moderne, trad. O. Demange, Paris, Fayard, 2004.
→ ARAFAT, CLINTON, GOLFE (GUERRE DU), HUSSEIN (IBN
TALAL), HUSSEIN (SADDAM), JÉRUSALEM, LIBAN (GUERRES
DU), MADRID (CONFÉRENCE DE), ONU, OSLO (ACCORDS D’),
PALESTINIEN (PROBLÈME), RABIN, SIX JOURS (GUERRE DES)

IRAN-IRAK (GUERRE)

Le contexte

Les accords d’Alger (6 mars 1975) entre l’Irak et l’Iran avaient réglé les
contentieux frontaliers opposant les deux pays depuis la création du mandat
mésopotamien au profit des Britanniques. Ils avaient notamment déplacé la
frontière de la rive orientale à la ligne de thalweg du Chatt el-Arab (entre le
confluent Tigre-Euphrate et le golfe Persique), et entraîné la cessation de
l’aide apportée par chacun des deux États au mouvement autonomiste kurde
présent sur le territoire de l’autre.
Mais en 1979, la révolution islamiste de l’ayatollah Khomeyni change la
donne régionale. Les pétromonarchies (notamment après l’occupation de la
grande mosquée de La Mecque par un groupe islamiste en novembre 1979)
autant que le pouvoir irakien craignent la contagion révolutionnaire
iranienne. D’autant que le régime de Téhéran soutient les mouvements qui,
dans la majorité chiite de la population irakienne, contestent le pouvoir de
Bagdad, officiellement laïc depuis le coup d’État du parti Baathiste,
défenseur du panarabisme de 1968 et dominé par les sunnites depuis
l’époque du mandat.
Au printemps 1980, un attentat contre le ministre des Affaires étrangères
irakien, Tarek Aziz, est suivi de mesures contre les chiites irakiens et de
nombreux accrochages frontaliers. Pariant sur l’isolement diplomatique de
l’Iran et sur la désorganisation, par la révolution, de son armée privée de
pièces de rechange par l’embargo américain, le président irakien Saddam
Hussein dénonce les accords d’Alger le 17 septembre 1980 et revendique
notamment la souveraineté irakienne exclusive sur le Chatt el-Arab ainsi
que l’évacuation des îles occupées par l’Iran dans le détroit d’Ormuz depuis
1971.

Les phases de la guerre

L'offensive irakienne lancée le 23 septembre en territoire iranien vise le


Khouzistan (Arabistan pour les Irakiens), région pétrolifère, de peuplement
arabe, où se situe le centre de raffinage d’Abadan. L’armée irakienne
occupe des territoires iraniens mais n’emporte aucun succès décisif. La
résistance iranienne (contre-offensive de mars 1982) contraint l’Irak à une
guerre longue qui nécessite de plus en plus de moyens matériels et humains.
Le retrait irakien sur la frontière et la proclamation d’un cessez-le-feu
unilatéral n’empêchent pas la pénétration des troupes iraniennes sur le
territoire irakien, puis l’évolution du conflit vers une guerre de position
ponctuée d’offensives limitées mais meurtrières.
Ni le blocus du terminal pétrolier iranien de l’île de Kharg (1982), ni la
guerre des villes (échange de missiles sol-sol visant les populations civiles),
initiée par l’Irak en 1984, n’aboutissent à une décision militaire et les
tentatives de médiation internationale échouent. Pourtant, la pression
iranienne sur Bassorah puis, indirectement, sur le Koweït et la sécurité de la
navigation dans le golfe Persique (violents accrochages maritimes
américano-iraniens), conduisent le Conseil de sécurité de l’ONU à adopter à
l’unanimité, en juillet 1987, la résolution 598. Acceptée par l’Irak, elle
prévoit un cessez-le-feu immédiat avant l’engagement d’une négociation de
paix. Mais le refus iranien, l’intensification de la guerre des villes et une
offensive de printemps irakienne victorieuse prolongent les combats.
Le 18 juillet 1988, l’Iran accepte finalement la résolution 598 et le
cessez-le-feu intervient le 20 août. En août 1990, alors qu’il vient d’envahir
le Koweït, S. Hussein reconnaît le retour aux accords d’Alger et commence
la libération des prisonniers qui s’étalera sur plusieurs années. Aucun traité
de paix n’a été signé.
Alliances et soutiens

Dans le monde arabe, l’Irak a bénéficié du soutien financier des


pétromonarchies auprès desquelles elle a contracté une dette considérable,
qui sera l’une des causes de la guerre du Golfe. Le roi Hussein de Jordanie
lui a également apporté un soutien actif, notamment en lui permettant
d’utiliser le port d’Akaba et S. Hussein, leader du front du refus aux accords
de Camp David, s’est réconcilié avec le président égyptien Hosni
Moubarak. Au contraire, l’hostilité des régimes baathistes de Damas et
Bagdad a conduit la Syrie d’Hafez el-Assad à resserrer ses liens avec l’Iran.
L'aide de l’URSS, engagée en Afghanistan, n’a été ni massive ni
permanente. L’Irak a donc dû diversifier son armement, notamment auprès
de la France qui va jusqu’à lui « prêter » des avions Super-Étendard. Quant
aux États-Unis, si l’Irangate révèle qu’ils ont secrètement vendu des armes
à l’Iran, leur neutralité puis les pressions qu’ils ont exercées sur lui à partir
du moment où le conflit menaçait la sécurité des communications dans le
golfe Persique, ont avantagé l’Irak.

Conséquences et bilan

Cette guerre sans vainqueur révèle la solidité du régime iranien. Elle


accentue aussi le caractère autoritaire et personnel de la dictature de S.
Hussein. Dans l’ensemble, la communauté chiite irakienne est restée sourde
aux appels à la subversion de Téhéran. En revanche, le soutien iranien a
permis aux deux partis kurdes irakiens d’entretenir un front secondaire.
L’utilisation d’armes chimiques par l’armée irakienne contre les populations
kurdes d’Irak, à Halabja notamment (mars 1988), sera retenue comme
crime contre l’humanité lors de la condamnation à mort de S. Hussein en
2006.
Avec sans doute plus d’un million de morts (trois à quatre fois plus
d’Iraniens que d’Irakiens), ce conflit est le plus meurtrier depuis la Seconde
Guerre mondiale.
OD
JEANDET Noël, Un golfe pour trois rêves. Le triangle de crise, Iran, Irak,
Arabie, Paris, L’Harmattan, 1993.
→ AFGHANISTAN (GUERRES D’), ASSAD, CAMP DAVID
(ACCORDS DE), GOLFE (GUERRE DU), HUSSEIN (IBN TALAL),
HUSSEIN (SADDAM), IRANGATE, KHOMEINY, KURDE
(PROBLÈME), MANDATS, MOUBARAK, ONU, PANARABISME

IRANGATE

Mot formé sur le modèle du Watergate, l’Irangate ou Iran-Contragate est


le scandale qui éclabousse l’administration Reagan à l’automne 1986 et
manque d’emporter le Président. Une série d’initiatives secrètes sont
conduites au sein de l’administration par le National Security Council
(NSC), motivées par le double désir de libérer les otages américains du
Liban et de contourner l’interdiction faite par le Congrès de soutenir les
forces rebelles ou Contras au Nicaragua. Sont ainsi associées deux
politiques initialement sans le moindre rapport, sinon l’illégalité : d’une part
la vente d’armes à l’Iran, contraire à un embargo promulgué par les
Américains eux-mêmes, dans l’espoir de nouer des liens avec des Iraniens
modérés et surtout d’obtenir la libération des otages du Liban, d’autre part
l’aide militaire secrète aux Contras qui combattent le gouvernement
sandiniste du Nicaragua, la première de ces opérations contribuant
largement au financement de la seconde. Les enquêtes du Congrès et de la
justice mettent en cause le directeur de la CIA, William Casey, et trois
responsables du NSC, ses directeurs successifs Robert McFarlane et John
Poindexter et le lieutenant-colonel Oliver North, chef de l’opération. Le
scandale renouvelle aux États-Unis le débat sur les questions du secret et
des rapports entre l’exécutif et le législatif en matière de politique
étrangère.
PMD

DRAPER Theodore, A Very Thin Line : The Iran-Contra Affairs, New


York, 1991.
MELANDRI Pierre, Reagan, une biographie totale, Robert Laffont,
1988.
WALSH Lawrence E., Firewall : The Iran-Contra conspiracy and cover-
up, New York, 1997.
→ CIA, IRAN-IRAK (GUERRE), REAGAN

IRRÉDENTISME

Il s’agit d’un mouvement de revendication né à partir de l’unité italienne


en 1861, puisque les Italiens réclament le rattachement de territoires italiens
restés dans l’Empire austro-hongrois.
Au cours de la Première Guerre mondiale, l’Italie accepte de faire
alliance avec la Triple-Entente aux dépens de la Triplice, dans la mesure où,
par le traité secret de Londres du 23 avril 1915, les Alliés lui promettent le
rattachement des terres irrédentes après la victoire. Après la signature du
traité de Versailles, les déceptions ne manquent pas : si l’Autriche cède à
l’Italie le Trentin et le Tyrol méridional, les choses sont plus difficiles pour
la Vénétie julienne, le port de Trieste ainsi que la Dalmatie et le port de
Fiume (petit port artificiel qui servait de débouché au commerce hongrois
avant la guerre). Les revendications italiennes, soutenues par Orlando
s’opposent aux Yougoslaves et, dans une certaine mesure, à Wilson (point
9). Certaines personnalités s’en mêlent, comme le poète Gabriele
d’Annunzio qui débarque à Fiume à la tête de quelques volontaires le 12
septembre 1919 et fait de la ville un État indépendant avec l’intention de
démontrer son caractère italien. Le traité de Rapallo, signé le 12 novembre
1920 entre l’Italie et la Yougoslavie fixe la frontière, sans que toutes les
parties soient satisfaites. En 1924, le pacte de Rome signé par Mussolini et
Pachitch, le chef du gouvernement yougoslave reconnaît la souveraineté
italienne sur Fiume et yougoslave sur Port-Baros. Cela n’empêche pas que
la propagande fasciste continue de s’appuyer sur les revendications
irrédentistes, d’autant que certains autres territoires, comme le Haut-Adige
et quelques vallées des Grisons, sont aussi revendiqués contre la Suisse.
En mai 1945, les troupes de Tito occupent Trieste. En 1947, le traité de
Paris transfère de l’Italie à la Yougoslavie plusieurs territoires (Dalmatie,
Istrie, Fiume) ; le traité italo-yougoslave donne une partie de l’Istrie et de la
Vénétie julienne à la Yougoslavie, Trieste est divisé en deux entre l’Italie et
la Yougoslavie.
Par extension, l’irrédentisme concerne les manifestations nationalistes
avec revendication de rattachement de certains territoires : plusieurs régions
des Balkans après le démembrement de l’Empire ottoman, l’Argentine et
les Malouines, le Pakistan réclame le rattachement du Cachemire, le Maroc
sur le Sahara occidental aux dépens de la Mauritanie.
Ch. M

DUROSELLE Jean-Baptiste, Le Conflit de Trieste, 1943-1954, Éditions de


l’Institut de sociologie de l’Université libre de Bruxelles, 1966.
MILZA Pierre, Histoire de l’Italie des origines à nos jours, Fayard,
2005.
→ BALKANIQUES (GUERRES), CACHEMIRE (CONFLIT DU),
MALOUINES (GUERRE DES), MUSSOLINI, SAHARA
OCCIDENTAL, TRAITÉS DE PAIX, TRIPLE-ALLIANCE, TRIPLE-
ENTENTE, WILSON, YOUGOSLAVIE

ISLAMISME

Les grandes religions connaissent, dans le dernier quart du 20e siècle, une
forte poussée d’intégrisme : ultra-orthodoxes juifs, islamistes musulmans,
intégristes ou traditionalistes catholiques. L'essor d’un Islam radical, le plus
visible, se traduit par la formation d’un mouvement idéologique,
l’islamisme, à la fois politique et religieux, reposant sur une interprétation
politique des préceptes du Coran afin de diriger la société civile. Pour le
Sud, c’est l’un des événements les plus importants qui suit la
décolonisation. Par l’affirmation du retour aux valeurs traditionnelles,
l’islamisme s’impose comme la revanche contre le modèle de la société
occidentale. Tout comme l’Islam, l’islamisme est divers, ayant ses
extrémistes et ses modérés. Les islamistes, qui se recrutent dans toutes les
couches de la société, veulent que dans un monde musulman, et pas
seulement arabe, politiquement unifié sous une même autorité, l’État et la
société soient conformes aux règles du droit islamique, telles qu’établies par
le Coran, la sunna (récits et actions du prophète) et les hadith
(commentaires). Internationalistes, leur stratégie est mondiale, avec le
développement dans plus de soixante pays répartis sur les cinq continents
de réseaux islamistes révolutionnaires, ultra-radicaux, anti-Occidentaux,
visant à empêcher l’intégration des musulmans installés dans des pays non
musulmans. Six États s’affichent islamistes : le Pakistan (1977), l’Iran
(1979), le Soudan (1983), l’Afghanistan (surtout avec la radicalisation des
talibans), la Malaisie, la Mauritanie, les Comores. L’Iran, foyer central de la
révolution islamique (1979), bien que chiite (branche hétérodoxe et
minoritaire de l’Islam qui ne reconnaît qu’Ali pour légitime successeur de
Mahomet et que les descendants d’Ali pour imams, c’est-à-dire chefs
spirituels de la communauté), bénéficie, sous l’autorité de l’ayatollah
Khomeiny, d’un prestige dont il tente de profiter en répandant son
idéologie ; il se heurte à l’Arabie Saoudite, sunnite (branche orthodoxe et
majoritaire de l’Islam, caractérisée par l’observation de la sunna et par la
reconnaissance de la légitimité des quatre premiers califes), gardienne des
deux plus grands lieux saints : La Mecque et Médine, pour la suprématie au
sein du monde musulman. L’islamisme est une force politique servant à
légitimer la volonté de contrôle d’un milliard de fidèles environ de la
Mauritanie à Mindanao. Les analyses de Samuel Huntington sur « le choc
des cultures » (clash of civilizations) s’appliquent en partie aux relations de
l’Islam avec le reste du monde. L’Afrique est, pour l’Islam, terre de mission
privilégiée, par suite de son poids démographique et l’émigration de ses
habitants vers l’Europe. Les pays musulmans bordant la Méditerranée sont
tous plus ou moins concernés par le phénomène islamiste ; le problème qui
se pose à leurs dirigeants est soit de maîtriser le terrorisme islamiste, soit
d’accepter la participation au pouvoir des islamistes. En Algérie,
l’islamisme est compris tout d’abord comme le retour aux traditions d’une
nation détruite par la colonisation française ; il reflète des aspirations
religieuses, politiques, sociales et économiques souvent contradictoires. De
modèle culturel, il devient mouvement révolutionnaire et politique, à la fin
des années 1970. Le mouvement islamique sunnite algérien se constitue en
juillet 1982, le Front islamique du Salut est fondé le 10 mars 1989 et
légalisé comme parti politique en septembre, entraînant l’Algérie dans la
guerre civile. Au Maroc et en Tunisie, des mouvements islamistes
s’implantent au début des années 1960-1970 et commencent à jouer un rôle
politique comme en Égypte dans les années 1990, avec les Frères
musulmans et au Nigeria, en 2000. La montée en puissance des islamistes
est-elle irréversible ou le processus post-islamiste est-il en cours comme
certaines orientations le suggéreraient ? Le jihad attire encore quelques
jeunes islamistes en Afghanistan, en Tchétchénie ou en Bosnie, mais
l’islamisme (FIS, Hezbollah, Hamas et même Taliban) semble devenir
nettement nationaliste.
CB

KEPEL Gilles, Djihad, expansion et déclin de l’islamisme, Gallimard,


2000.
ROY Olivier, L'Échec de l’islam politique, Le Seuil, 1992.
• Généalogie de l’islamisme, Hachette, 2001.
→ AFGHANISTAN (GUERRES D’), AL QAïDA, IBN SA’UD,
KHOMEINY, RELIGION

ISOLATIONNISME

Principe et tendance lourde de la politique américaine, il se fonde sur le


discours d’adieu de G. Washington en 1796 préconisant « d’éviter les
alliances permanentes » et celui d’investiture de T. Jefferson en 1801
dénonçant les « alliances contraignantes », et triomphe jusqu’à la Seconde
Guerre mondiale. Il ne s’agit pas de refuser les contacts extérieurs comme
le prouve l’expansion économique et commerciale des États-Unis, mais de
protéger le pays d’engagements, particulièrement en Europe, où il aurait
tout à perdre. Alors que le pays se déclare neutre au début du conflit, son
entrée en guerre en avril 1917 est une entorse au principe que répare, en
1919, le rejet par le Sénat du traité de Versailles et du système international
organisé autour de la SDN. Confrontés à la crise économique et à la montée
des périls à partir de 1931, les États-Unis vivent dans l’isolationnisme dans
les années 1930. Après la mise en cause sans preuve des profiteurs de
guerre par la Commission Nye (1934-1936) enquêtant sur les causes de
l’entrée en guerre du pays, trois lois de neutralité (1935, 1936, 1937)
établissent un embargo sur les ventes d’armes et sur les prêts à des
belligérants. La clause Cash and Carry de la loi de 1937 qui autorise la
vente de matières premières à des belligérants, pourvu que l’acheteur paie
comptant et emporte lui-même sa marchandise, souligne pourtant les
ambiguïtés d’un pays, échaudé par le précédent de 1917, mais qui
revendique une part du commerce fructueux avec les pays en guerre.
Multipliant les précautions, proposant même que toute déclaration de guerre
soit soumise au référendum, le Sénat reflète alors l’isolationnisme
constitutif de l’opinion américaine dont les citadelles sont le Middle West et
les grandes plaines. Roosevelt s’ingénie à préparer l’opinion à la guerre et
fait des États-Unis, avec la formule du prêt-bail finalement votée par le
Congrès le 11 mars 1941, le « grand arsenal de la démocratie » en ne
prêtant plus d’argent comme autrefois mais directement des armes à une
Grande-Bretagne déjà insolvable. Mais il subit la pression des
isolationnistes, dont le comité America First de l’aviateur Charles
Lindbergh. L'attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941 oblige les
Américains à abandonner « immédiatement et pour toujours », comme le
déclare le Président deux jours après, l’illusion de pouvoir s’isoler du reste
de l’humanité. Plus encore, l’après-guerre où ils sont le pivot d’un système
international construit autour de l’ONU, et surtout la guerre froide marquent
la rupture définitive avec la tradition isolationniste. Autorisant les États-
Unis à entrer en temps de paix dans un système d’alliance hors de leur
continent, permettant à terme l’Alliance atlantique, la résolution
Vandenberg, du nom du sénateur républicain qui l’a fait adopter le 11 juin
1948, est ainsi révolutionnaire ; la participation des États-Unis aux affaires
mondiales s’impose dans les esprits, malgré la présence persistante dans le
parti républicain de partisans d’une stratégie de « forteresse Amérique ». Si
un néo-isolationnisme apparaît avec la guerre du Vietnam dans la campagne
électorale de G. McGovern en 1972 et son slogan Come home America, ou
avec l’arrivée de B. Clinton à la présidence en 1993, il diffère de
l’isolationnisme traditionnel, étant plutôt un recentrage sur les affaires
intérieures du pays. Fatigués parfois d’être les « gendarmes du monde », les
États-Unis sont pourtant plus que jamais partout engagés.
Il y a peu en effet et assez paradoxalement entre wilsonisme et
isolationnisme, les deux faces antithétiques de l’attitude des États-Unis face
au monde. Plus que le « leadership à temps partiel » clintonien, la
présidence de George W. Bush a amplement démontré ce paradoxe,
d’apparence simplement. S’affirmant décidé à s’occuper des Américains et
des seuls Américains, lui qui durant sa campagne se vantait presque de
n’être jamais allé à l’étranger, hors le Mexique, le Président républicain a
été tragiquement rappelé à la réalité par les attentats du 11 septembre, une
réalité qui pour les États-Unis d’aujourd’hui évidemment ne pouvait être
que mondiale, et s’engageait dès lors dans une véritable croisade très
wilsonienne pour la démocratie. Perwez Musharraf, le président pakistanais
dont, candidat, il avouait volontiers être incapable de citer le nom, devenait
ainsi tout d’un coup un allié majeur dans sa campagne contre le terrorisme.
Longtemps symbole de cet isolationnisme proclamé, voire de son peu
d’intérêt pour les affaires publiques, son ranch de Crawford, Texas, a été le
passage obligé pour tous les leaders mondiaux. Parce que les États-Unis
sont les États-Unis, la puissance indispensable et nouvel « Empire du
Milieu », le retrait du monde ne peut plus être qu’un rêve, tout
isolationnisme s’avérant désormais totalement impossible.
PMD

ADLER Selig, The Isolationist Impulse. Its Twentieth Century reaction,


New York, 1957.
TUCKER Robert, New Isolationism, NY, 1972.
→ ALLIANCE ATLANTIQUE, CLINTON, GUERRE FROIDE,
ONU, ROOSEVELT (FRANKLIN D.), SDN, TRAITÉS DE PAIX,
WILSON

ISRAÉLO-ARABES (CONFLITS)

Chronologie

1896 : Théodor Herzl publie L'État juif.


1916 : Accords Sykes-Picot.
Novembre 1917 : Déclaration Balfour.
1919 : Mandat britannique sur la Palestine.
1939 : Livre blanc britannique sur la Palestine.
29 novembre 1947 : Plan de partage de la
Palestine par l’ONU.
14 mai 1948 : Proclamation de l’État d’Israël.
Mai 1948-février 1949 : 1re guerre israélo-arabe.
26 juillet 1956 : Nasser nationalise le canal de Suez.
22-24 octobre 1956 : Accords secrets de Sèvres.
29 octobre-6 novembre 1956 : Guerre israélo-égyptienne. L'armée
israélienne fonce vers le Canal. Intervention franco-britannique.
15 novembre 1956 : Arrivée des forces de l’ONU.
28 mai-2 juin 1964 : Création de l’OLP. 19 mai 1967 : L’Égypte exige le
départ des Casques bleus et bloque par la suite le détroit de Tiran.
5-10 juin 1967 : 3e guerre israélo-arabe : guerre des Six jours. L’armée
israélienne conquiert la Cisjordanie et le Golan.
22 novembre 1967 : L'ONU vote la
Résolution 242.
4 février 1969 : Yasser Arafat devient président de l’OLP.
Septembre 1970 : Conflits jordano-palestiniens : « Septembre noir ».
28 septembre 1970 : Mort du colonel Nasser. Juillet 1972 : Le président
Sadate demande à l’URSS de retirer ses conseillers militaires d’Égypte.
6-24 octobre 1973 : 4e guerre israélo-arabe : guerre du Kippour.
19-21 novembre 1977 : Visite de Sadate en Israël.
Septembre 1978 : Entretiens de Camp David entre Carter-Sadate-Begin.
26 mars 1979 : Traité de paix israélo-égyptien.
6 juin 1982 : Opération « Paix en Galilée » lancée par Israël au Liban.
9 décembre 1987 : Début de l’Intifada dans les territoires occupés.
12-16 novembre 1988 : L'OLP proclame l’État palestinien et accepte la
Résolution 242.
30 octobre-1er novembre 1991 : Conférence de Madrid.
13 septembre 1993 : Accords d’Oslo signés à Washington. Déclaration de
principe sur l’autonomie palestinienne : reconnaissance mutuelle Israël-
OLP.
17 octobre 1994 : Traité de paix israélo-jordanien.
4 novembre 1995 : Assassinat d’Itzhak Rabin.
29 mai 1996 : Premier ministre d’Israël (mai 1996-mai 1999),
Netanyahou décide l’extension des colonies juives dans les territoires
occupés.
23 octobre 1998 : Accords de Wye Plantation sur la restitution de
territoires à l’autorité palestinienne.
4 septembre 1999 : Accord israélo-palestinien à Charm el-Cheikh sur un
calendrier concernant le statut définitif des territoires palestiniens.
Juillet 2000 : Négociations infructueuses de Camp David.
Octobre 2000 : Crise israélo-palestinienne. Début d’une nouvelle
Intifada.
Janvier 2001 : Plan Clinton. Négociations de Taba.
28 mars 2002 : Adoption par la Ligue arabe d’une initiative de paix
repoussée par Israël. Mars-avril 2002 : Réoccupation partielle de la
Cisjordanie : opération « Mur de protection ».
Avril 2003 : Lancement de la « Feuille de route » par le Quartet.
11 novembre 2004 : Mort à Paris de Yasser Arafat.
Septembre 2005 : Évacuation par Israël de la bande de Gaza.
25 janvier 2006 : Victoire du Hamas aux élections palestiniennes
Juin 2006 : Opération « Pluie d’été » contre la bande de Gaza
Été 2006 : Opération « Punition adéquate » de l’armée israélienne au
Liban.
Novembre 2006 : Opération israélienne contre le Hamas à Gaza.
Printemps 2007 : Blocus de la bande de Gaza
Novembre 2007 : Rencontre d’Annapolis entre Ehoud Olmert, Mahmoud
Abbas et George W. Bush.
Décembre 2008-janvier 2009 : Opération
« Plomb durci » de l’armée israélienne contre la bande de Gaza.

MV

BARNAVI Elie, Israël au xxe siècle, PUF, 1982.


• Une histoire moderne d’Israël, Flammarion, 1988. DIECKHOFF Alain,
Israéliens et Palestiniens, l’épreuve de la paix, Aubier, 1996.
HARSGOR Michaël, STROUN Maurice, Israël-Palestine, l’histoire au-
delà des mythes, Metropolis, 1999. MORRIS Benny, Righteous Victims : an
History of the Zionist-Arab Conflict, 1881-1991, London, J. Murray, 1999.
• Histoire revisitée du conflit israélo-sioniste, Complexe-CNRS, 2003.
SCHLAïM Avi, The Iron Wall, Israel and the Arab world, New York,
Knopf, 1999.
→ INTIFADAS, KIPPOUR (GUERRE DU), SIX JOURS (GUERRE
DES)
L'Organisation européenne de coopération économique de
1948 à 1960
La Pologne de 1939 à 1945
L’Allemagne de 1938 à 1945
Berlin divisé en quatre secteurs d’occupation (1945)
L'Indochine en temps de guerre
La décolonisation de l’Afrique
Le Vietnam en temps de guerre
Israël de 1967 à 2002
Jérusalem
Le Liban
Les États issus de l’ex-Yougoslavie
L’Irak en 1998
L'Union européenne à Vingt-Sept (2008)
Les ensembles économiques de l'Amérique latine
Le Caucase
J

JARUZELSKI Wojciech (1923)

Cet officier polonais adhérent du Parti communiste (Parti ouvrier


polonais) devient député et ministre de la Défense nationale en 1968.
Dans la crise politique et sociale que traverse la Pologne en 1980, il
apparaît comme le recours face au mouvement de contestation incarné par
le syndicat Solidarité et son chef, Lech Walesa. Nommé Premier ministre
en février 1981, subissant les pressions de Moscou, Jaruzelski proclame «
l’état de guerre » le 13 décembre, ce qui facilite la répression de
l’opposition. Mais face à la popularité de Solidarité, soutenu par la
population et par l’Occident (Walesa reçoit le prix Nobel de la paix en
octobre 1983), il abroge la loi martiale et amnistie les chefs de Solidarité
emprisonnés (juillet 1984). Dans le sillage des réformes entreprises en
Union soviétique, il reconnaît la légalité du syndicat Solidarité (janvier
1989) et le pluralisme syndical. Élu président de la République en juillet
1989, il doit se résoudre à appeler un membre de Solidarité comme Premier
ministre et lui-même à mettre fin à ses fonctions en septembre 1990, auquel
succède Lech Walesa en décembre. En 2006, Jaruzelski est inculpé de «
crime communiste » pour avoir instauré la loi martiale en 1981.
MV

→ WALESA

JEAN-PAUL II (1920-2005)

Premier pape non italien depuis le 16e siècle, il tente de réaffirmer


l’autorité de l’Église dans le monde après la crise des années 1960. Fils
d’un officier polonais, Karol Wojtyla entame en 1938 des études de
philosophie interrompues par la guerre. Entré au séminaire clandestin de
Cracovie en 1942, il est ordonné prêtre en 1946 ; il étudie la théologie à
l’Angelicum de Rome (1946-1948). Il est nommé évêque auxiliaire (1958),
puis archevêque (1963) de Cracovie et participe au concile Vatican II
(1962-1965). Cardinal en 1967, il est élu pape le 16 octobre 1978 après les
décès de Paul VI et de Jean-Paul Ier. Se posant en champion des droits de la
personne et des thèmes traditionnels de la foi catholique, il acquiert au fil de
ses très nombreux voyages dans le monde entier une grande popularité, aidé
par ses dons de polyglotte et d’acteur. Adepte d’une énergique reprise en
main du clergé et des fidèles en matière de doctrine et de morale, il ne
relance pas véritablement le dialogue avec les autres Églises chrétiennes,
mais multiplie les contacts avec les représentants des religions non
chrétiennes (rencontre d’Assise, 27 octobre 1986). S'il met en garde prêtres
et religieux du Tiers Monde contre l’engagement politique, il joue lui-même
un rôle politique important en Europe de l’Est, en prônant la liberté
religieuse comme toutes les libertés. Son voyage en Pologne en juin 1979
sert de catalyseur au mouvement qui donne naissance au syndicat Solidarité
et à la grave crise de 1980-1983. Et jusqu’à la fin du régime communiste, il
multiplie les encouragements à l’opposition polonaise notamment lors de
ses voyages de 1983 et 1987. Aussi les services secrets bulgares, et derrière
eux soviétiques, sont-ils soupçonnés d’être à l’origine de l’attentat perpétré
par Mehmet Ali Agça qui manque de lui coûter la vie le 13 mai 1981. Le
rayonnement du pape polonais participe à l’effritement du communisme en
Europe de l’Est, mais il déplore le matérialisme du capitalisme (encyclique
Evangelium vitae de 1995). Quant à ses relations avec les États-Unis, elles
ne sont pas sans conflits. Jean-Paul II désapprouve la guerre du Golfe
(1991), l’invasion de l’Irak (2003), le maintien de l’embargo sur Cuba, et
les représentants du Saint Siège s’opposent à ceux des Américains à propos
du droit à l’avortement lors de la conférence du Caire sur la population et le
développement (1994). Parfois conspué par des populations qui le jugent
trop conservateur, il s’appuie autant sur l’Opus Dei que sur la communauté
de Sant’Egidio qui intervient dans des conflits divers comme le problème
algérien. À l’égard du problème palestinien, ses voyages de 1999-2000 sont
d’une grande importance : après la reconnaissance d’Israël (1993), celle du
droit des Palestiniens est spectaculaire.
AD
ONORIO Joël-Benoît (d’), La diplomatie de Jean-Paul II, Paris, Éditions
du Cerf, 2000.
→ CUBA (CRISE DE), EMBARGO, GOLFE (GUERRE DU),
GUERRE FROIDE, PALESTINIEN (PROBLÈME), WALESA

JÉRUSALEM

La ville des trois monothéismes

La vieille ville de Jérusalem, qui concentre sur moins d’1 km2 les lieux
saints des trois religions monothéistes (Mur occidental où prient les Juifs
depuis la destruction de leur Temple au IIe siècle après J.-C., mosquée Al-
Aqsa et Dôme du rocher sur l’Esplanade des Mosquées qui le domine,
basilique chrétienne du Saint-Sépulcre), est hautement symbolique pour les
mémoires concurrentes qui fondent les identités palestinienne et israélienne.
Aussi lors des accords Sykes-Picot en 1916, puis de l’élaboration du plan
de partage de la Palestine en 1947 par accords de l’ONU, Jérusalem est-elle
destinée à une administration internationale. Mais lors du règlement de la
situation au Proche-Orient par la SDN après la Première Guerre mondiale,
la ville est finalement intégrée au mandat britannique sur la Palestine où, en
vertu de la déclaration Balfour, doit s’établir un foyer national juif. Et
lorsque se termine la guerre israélo-arabe de 1948-1949, elle se trouve
partagée. La ville « européenne », qui s’est développée hors des remparts
aux 19e-20e siècles, à l’ouest, est occupée par Israël qui en fait sa capitale
(non reconnue internationalement). La vieille ville, à l’est, y compris le Mur
occidental, dont l’accès, en principe garanti aux Juifs, ne leur sera jamais
effectivement assuré, est occupée par l’émirat de Transjordanie. Elle y est
annexée en 1951, en même temps que toute la Cisjordanie, au sein du
royaume hachémite de Jordanie.
Lors de la guerre des Six jours en 1967, Jérusalem-est est occupée et
annexée par l’État hébreu qui déclare en 1980, dans l’article 1 de sa Loi
fondamentale, que « Jérusalem entière et réunifiée est la capitale éternelle
d’Israël ».
Croissance et colonisation

Peuplée de moins de 20 000 habitants dont 45 % de Juifs en 1865, de 260


000 habitants dont 75 % de Juifs en 1967, Jérusalem est aujourd’hui la
première agglomération d’Israël/Palestine avec plus de 700 000 habitants
dont 66 % de Juifs – la population arabe ayant connu, depuis 1967, une
croissance (de 68 000 à plus de 230 000) plus rapide que la population
juive. Malgré l’annexion, les Arabes de Jérusalem n’ont pas reçu la
citoyenneté israélienne et boycottent massivement les élections municipales
afin de ne pas entériner cet état de fait que nombre d’États étrangers
refusent également de reconnaître.
Depuis 1967, Jérusalem fait l’objet d’une politique systématique de
colonisation. Les implantations juives se sont multipliées, par rachat ou
intimidation, dans les quartiers arabes de la vieille ville. Surtout, les limites
de la municipalité ayant été étendues, dès 1967, sur 64 km2 à l’est de celle-
ci, l’expropriation des territoires, en grande partie ruraux, a permis
d’installer une ceinture de colonies qui isole désormais la ville arabe du
reste de la Cisjordanie.
Cette politique, illégale au regard du droit international, a été poursuivie
par tous les gouvernements israéliens, quelle que soit leur orientation
politique, avant comme après les accords d’Oslo, et s’accompagne de refus
discriminatoires des permis de construire sollicités par des Arabes. Elle est
destinée à créer le fait accompli irréversible de l’unification-annexion
même si, pour les responsables israéliens acquis à l’idée de la création d’un
État palestinien, les zones colonisées autour de Jérusalem doivent donner
lieu à compensations territoriales.
De plus, la construction de la « barrière de sécurité », entamée par le
gouvernement d’Ariel Sharon en 2002 et condamnée par la Cour de justice
internationale en 2004, isole désormais totalement Jérusalem-Est du reste
de la Cisjordanie, incorporant de facto au Grand-Jérusalem 100 km2
supplémentaires où la colonisation juive progresse chaque jour.

Quelle solution ?
Lors du sommet de Camp David (juillet 2000), convoqué par le président
américain Clinton, le Premier ministre travailliste Ehud Barak propose à
Yasser Arafat la rétrocession aux Palestiniens d’1 % du territoire israélien,
dans le Néguev, en échange des zones les plus colonisées, notamment
autour de Jérusalem, soit 9 % d’une Cisjordanie ainsi réduite à environ 92
% de sa superficie de 1967. Concernant le statut de Jérusalem, il maintient
le principe d’une souveraineté israélienne exclusive, assortie d’un «
contrôle » palestinien sur une partie de Jérusalem-Est et sur l’Esplanade des
mosquées. Arafat refuse.
Le 28 septembre 2000, Ariel Sharon, leader de l’opposition de droite et
hostile à toute concession sur Jérusalem, se rend sur l’esplanade des
mosquées, provoquant les troubles qui marquent le début de la deuxième
Intifada.
Les discussions continuent néanmoins entre Barak et Arafat. Lors de la
conférence de Taba (janvier 2001), elles progressent même de manière
significative : Israël propose une compensation presque totale des zones de
colonisation destinées à l’annexion, et la partie palestinienne produit pour la
première fois des cartes. Sous la pression du président Clinton, E. Barak
accepte également le principe d’une souveraineté partagée sur Jérusalem
dans le cadre d’une administration conjointe ; la ville pourrait en outre être
la capitale d’Israël comme celle du futur État palestinien, et chaque partie
disposerait de la souveraineté sur ses lieux saints. Mais les discussions
achoppent sur la zone attenante au Mur occidental et le statut du sous-sol.
Le Premier ministre israélien, qui ne dispose plus de majorité parlementaire
depuis décembre, décide de les interrompre. Il est battu, lors de l’élection
du Premier ministre au suffrage universel le 6 février 2001, par A. Sharon
qui refuse dès lors toute reprise des négociations au profit d’une politique
de force.
OD

DIECKOFF Alain, Les Espaces d’Israël : essai sur la stratégie territoriale


israélienne, Paris, Presses de la FNSP, 1989.
ENDERLIN Charles, Le Rêve brisé : Histoire de l’échec du processus de
paix au Proche-Orient (1995-2002), Paris, Fayard, 2002.
PAPPÉ Ilan, Une terre pour deux peuples : Histoire de la Palestine
moderne, trad. O. Demange, Paris, Fayard, 2004.
→ ARAFAT, BALFOUR (DÉCLARATION), CLINTON,
INTIFADA, MANDATS, ONU, OSLO (ACCORDS), SDN, SIX JOURS
(GUERRE DES), SYKES-PICOT (ACCORDS)

JEUX OLYMPIQUES

Le sport est un aspect particulier des relations internationales. Dès le


début des Jeux olympiques modernes, en 1896, et malgré l’intention de
Pierre de Coubertin d’en faire le cadre d’une compétition pacifique, les
rivalités et les tensions se reflètent dans ces gigantesques rencontres
internationales que sont les Jeux olympiques. Hitler entend faire de ceux de
Berlin en 1936 la démonstration de la suprématie physique de la race
aryenne, mais les athlètes noirs américains dominent les courses. À Munich
en 1972, un attentat palestinien vise les athlètes israéliens. Les Jeux
olympiques sont également instrumentalisés du temps de la guerre froide,
pour démontrer la supériorité des deux camps à des fins de propagande. À
la suite de l’invasion de l’Afghanistan par l’Union soviétique, certains pays
occidentaux boycottent les Jeux de Moscou (1980). Ceux de Los Angeles
(1984) sont désertés par les pays du bloc de l’Est. Pour des raisons
d’apartheid, la République d’Afrique du Sud est exclue de la participation
aux Jeux de 1960 à 1994. Aux Jeux de Sydney (septembre 2000), les
délégations des deux Corée défilent ensemble. Arbitré par le Comité
international olympique, le choix des sites des Jeux est également un enjeu
des relations internationales contemporaines. Ainsi le choix de Pékin pour
les JO de 2008 est-il interprété comme la reconnaissance de la Chine
populaire comme une nouvelle grande puissance. Celui de Londres, de
préférence à Paris, pour ceux de 2012 est perçu en France comme le signe
du déclin français.
MV

Relations internationales : numéros 111 et 112. RIORDAN James,


KRÜGER Arnd (eds), The International politics of sport in the XXe century,
London, 1999.
→ AFGHANISTAN (GUERRES D’), APARTHEID, CORÉE
(GUERRE DE), GUERRE FROIDE, HITLER

JIANG ZEMIN (1926)

Cet homme d’État chinois, qui a été président de la République populaire


de Chine entre 1993 et 2003, est né le 17 août 1926 à Yangzhou (province
du Jiangsu), dans une famille d’intellectuels aisés, et est le fils adoptif de
Jiang Shangqing, son oncle paternel, militant marxiste. Ingénieur en
télémécanique, diplômé de l’université Jiaotong de Shanghai, il adhère au
parti communiste chinois (PCC) en 1946. Son ascension est lente mais
continue au sein du parti. Il est nommé vice-président de la commission
pour les investissements étrangers de 1980 à 1982 puis successivement
vice-ministre et ministre de l’industrie électronique. Maire de Shanghai en
1985, il est secrétaire général du comité du PCC de cette ville en 1987. Sa
véritable ascension politique, Jiang Zemin la doit à la répression des
manifestants de la place Tian An Men, qu’il soutient, acquérant ainsi
l’admiration de l’homme fort du pays, Deng Xiaoping. En juin 1989 il
succède à Zhao Ziyang comme secrétaire général du PCC et en novembre
1989 est nommé président de la commission militaire centrale du parti
communiste chinois. Ce sont les deux postes les plus importants en
République populaire de Chine. Jiang Zemin est devenu, alors, à son tour
l’homme fort de la RPC. Il poursuit la politique d’ouverture et de réformes
initiée par Deng Xiaoping. Il accède au poste de président de l’État en 1993
et le demeure jusqu’en 2003, date à laquelle il remet ses attributions de
secrétaire général du parti et de président de la République à Hu Jintao,
alors vice-président. Il conserve toutefois la présidence de la commission
militaire centrale jusqu’en 2004. Sous son mandat, il préside à la
rétrocession de Hong Kong (1997) et de Macao (1999). La politique
étrangère de la République populaire de Chine est mise au service de la
stabilité et de l’expansion économique. Jiang Zemin se rend en Europe en
octobre 1999 (Grande-Bretagne, France) où il est interpellé sur le thème des
droits de l’homme. Si les relations avec les États-Unis connaissent des hauts
et des bas, de forts liens d’interdépendance lient les deux pays. Il fait
adhérer la République populaire de Chine à l’Organisation mondiale du
Commerce le 11 décembre 2001. Sur le plan intérieur, il lutte contre tous les
séparatismes, seule l’unité du pays pouvant favoriser le développement
économique du pays.
CB

→ DENG XIAOPING, HU JINTAO

JOHNSON Lyndon (1908-1973)

D’une famille de petits notables, ce politicien démocrate texan manifeste


un soutien sans faille au New Deal et à l’anti-isolationnisme de Franklin
Roosevelt, qui favorise personnellement sa carrière. Élu à la Chambre des
Représentants (1937), il est nommé membre de la Commission des affaires
navales. Sénateur du Texas (1948), il devient leader du parti démocrate au
Sénat en 1952. Colistier de J. F. Kennedy pour les présidentielles de 1960, il
lui succède à la Maison-Blanche après son assassinat le 21 novembre 1963.
Surtout préoccupé par l’extension des lois sociales et des droits civiques
aux Noirs (« la Grande Société »), Johnson est à la fois peu formé en
politique étrangère et persuadé que les États-Unis ont l’obligation d’agir
partout où le communisme risque de l’emporter. Ainsi n’hésite-t-il pas à
intervenir en Amérique latine (débarquement des Marines à Saint-
Domingue en avril 1965) et à faire savoir (doctrine Johnson) que les États-
Unis seraient prêts désormais à soutenir tout gouvernement d’Amérique
latine dont les intérêts seraient compatibles avec ceux des États-Unis, sans
référence à leur caractère démocratique. Dès le 7 août 1964, après l’«
incident du golfe du Tonkin », il obtient du Congrès carte blanche au
Vietnam. Après avoir été confirmé triomphalement dans ses fonctions lors
des présidentielles de novembre 1964, suivant les conseils de Dean Rusk,
secrétaire d’État nommé à l’époque de Kennedy, il prend la décision d’«
américaniser » la guerre du Vietnam que ses alliés de Saigon sont
incapables de remporter seuls. L’offensive Viêt-cong du Têt (31 janvier
1968) marque l’échec de cette politique. Face au malaise de l’armée et à la
résistance croissante de l’opinion américaine à l’égard de ce conflit, il
annonce le 31 mars 1968 qu’il ne briguera pas un nouveau mandat, amorce
un désengagement américain du Vietnam et propose des négociations.
Parallèlement, après avoir rencontré A. Kossyguine à Glassboro (1967), il
poursuit la politique de détente avec l’Union soviétique, en menant et
faisant aboutir des négociations de désarmement (TNP en 1968). En 1968,
la puissance américaine semble amorcer un déclin.
AD

COHEN Warren, BERNKOPS TUCKER Nancy, eds, Lyndon Johnson


confronts the World, American Foreign Policy, 1963-1968, Cambridge
University Press, 1994.
DALEK Robert, Flawed Giant, Lyndon Johnson and his times 1961-
1973, Oxford U. Press, 1998.
→ DÉSARMEMENT, ISOLATIONNISME, KENNEDY,
ROOSEVELT (FRANKLIN D.), VIETNAM (GUERRE DU)
K

KADAR Janos (1912-1989)

De son vrai nom Csermanek, ouvrier, il adhère en 1932 au parti


communiste hongrois clandestin et est emprisonné quatre fois à l’époque du
régent Horthy. En 1945, il est chef de la police de Budapest et secrétaire du
parti pour la capitale, puis il est nommé membre du bureau politique et
secrétaire adjoint du parti. Ministre de l’Intérieur en 1948, il prépare le
procès de son prédécesseur, László Rajk, accusé de titisme avant d’être
arrêté pour le même motif (1951-1954). La déstalinisation, qui provoque
l’éviction du premier secrétaire Rakosi, lui permet d’être réélu au bureau
politique en juillet 1956. Après l’insurrection du 23 octobre 1956, grâce à
son passé de victime du stalinisme, il devient premier secrétaire du parti (25
octobre) et entre dans le gouvernement d’Imre Nagy (27 octobre). Mais
Kadar est effrayé par l’ampleur de la révolte et les initiatives de Nagy qui
proclame la neutralité de la Hongrie et dénonce le pacte de Varsovie (1er-3
novembre). Le 2 novembre il rejoint les Soviétiques, le 4, il forme un
gouvernement qui accepte de couvrir leur intervention armée. Revenu à
Budapest après l’écrasement du soulèvement, il conduit la « normalisation »
et obtient de Khrouchtchev l’exécution de Nagy (1958). Cependant, une
fois son pouvoir consolidé, il entame en 1961 une politique de détente
intérieure : réforme de l’économie, relative liberté d’expression et prudente
ouverture sur le monde occidental, tout en veillant à rassurer l’URSS en se
posant en allié modèle. Ainsi, il soutient d’abord discrètement le printemps
de Prague avant de se rallier à contrecœur à l’intervention du pacte de
Varsovie (1968). Mais après l’avènement de Gorbatchev sa prudence
semble excessive à ses lieutenants qui, encouragés par Moscou, le
destituent lors d’un congrès du parti en mai 1988.
AD
FELKAY Andrew, Hungary and the USSR, 1956-1988 : Kádár’s political
leadership, New York, Greenwood Press, 1989.
→ GORBATCHEV, KHROUCHTCHEV, VARSOVIE (PACTE DE)

KADHAFI Mouammar (1942)

Maître depuis 1969 de la Libye et de ses ressources pétrolières, il se pose


en disciple de Nasser et multiplie les entreprises : réalisation de l’unité
arabe, constitution d’un Empire arabo-africain, lutte contre l’impérialisme
américain et Israël. D’origine bédouine, il reçoit une éducation moderne,
participe avec d’autres jeunes officiers au coup d’État du 1er septembre 1969
contre le roi Idriss, et s’impose très vite à la tête du Conseil de la révolution.
Il contraint Américains et Britanniques à évacuer leurs bases aériennes en
Libye (1970) et nationalise les compagnies pétrolières étrangères (1973).
Ses tentatives pour réaliser une union avec l’Égypte (1969-1971), puis avec
la Tunisie (1974) tournent court, ses partenaires refusant une fusion totale.
Reprenant la politique d’expansion des Ottomans, du colonisateur italien et
de la confrérie musulmane Sanusiya au sud du Sahara, Kadhafi finance la
diffusion de l’Islam et de la langue arabe en Afrique noire. À partir du
milieu des années 1970, il s’implique dans la guerre civile du Tchad,
espérant y imposer un régime à sa dévotion et annexer la bande d’Aouzou.
Si dans cette entreprise, il bénéficie du soutien des Soviétiques, malgré son
anticommunisme, il se heurte à la France et aux États-Unis et ne remporte
que des succès éphémères. Après la guerre du Kippour (1973), dont il est
exclu par l’Égypte, il refuse une paix de compromis et soutient non
seulement les groupuscules palestiniens extrémistes, mais aussi tous les
mouvements (IRA, bande à Baader, Black Muslims, nationalistes corses,
etc.) qui peuvent nuire aux alliés occidentaux d’Israël. En 1986, Kadhafi,
déjà affaibli par la chute du prix du pétrole, est abandonné par Mikhaïl
Gorbatchev. En riposte à une série d’attentats, Ronald Reagan fait
bombarder Tripoli et Benghazi (14 avril 1986). L'isolement du régime
libyen s’accroît encore en 1992 lorsque l’ONU le met en cause dans les
attentats contre les avions de la Pan Am (21 décembre 1988) et d’UTA (19
septembre 1989) et décrète un embargo que renforce la loi d’Amato-
Kennedy. Kadhafi tente de réagir en relançant sa politique africaine, nouant
des relations étroites avec certains pays qu’il a aidés, s’interposant dans les
conflits en qualité de médiateur, constituant en 1998 la Comessa
(Communauté des États sahélo-sahariens) et proposant en 2000 à l’OUA
une Charte des États-Unis d’Afrique qui a été partiellement acceptée.
Surtout, alors qu’il est lui-même en butte à une guérilla islamiste liée à Al
Qaïda et soutenue par les Anglo-Saxons, il met à profit les attentats du 11
septembre 2001 pour se rapprocher spectaculairement des Occidentaux.
Après son acceptation d’indemniser les familles des victimes des attentats
dont on l’accuse et sa renonciation à ses programmes d’armes de
destruction massive (19 décembre 2003), il peut renouer des relations
diplomatiques avec les États-Unis (15 mai 2006). En juillet 2007, il parvient
à restaurer son prestige auprès de ses compatriotes en n’acceptant de libérer
cinq infirmières bulgares et un médecin d’origine palestinienne, accusés par
la justice libyenne d’avoir volontairement transmis le SIDA à 400 enfants
libyens, que contre le versement d’une indemnité de 460 millions de dollars
et sans reconnaître leur innocence. Il obtient un succès plus grand encore
dans ses relations avec l’Italie en septembre 2008. En effet, pour solder le
contentieux de l’époque coloniale et obtenir la coopération de Tripoli dans
la lutte contre l’immigration clandestine, le gouvernement de Rome accepte
de verser à la Libye 200 millions de dollars pendant 25 ans.
AD

MARTEL André, La Libye 1835-1990. Essai de géopolitique historique,


PUF, 1991.
→ AOUZOU (BANDE D’), GORBATCHEV, ONU, OUA

KENNEDY John Fitzgerald (1917-1963)

Issu d’une riche famille de Boston, catholique d’origine irlandaise, fils


d’un ancien ambassadeur à Londres, il est élu sénateur démocrate du
Massachusetts en 1952, et président des États-Unis en novembre 1960 sur
le programme de la « nouvelle frontière ». Persuadé que l’Amérique est en
train de perdre la course aux armements nucléaires, que le missile gap (en
fait imaginaire) risque d’encourager l’agressivité de l’URSS, il lance des
programmes militaires massifs, tant nucléaires que classiques. Au temps de
la coexistence pacifique, il s’agit d’associer fermeté et dialogue (rencontre
avec Khrouchtchev à Vienne en juin 1961). Si cette politique ne dissuade
pas Khrouchtchev d’ériger le mur de Berlin (août 1961), elle lui permet,
dans une négociation « au bord du gouffre », de le faire reculer lors de la
crise des fusées de Cuba (octobre 1962), puis d’entamer avec lui des
négociations sur les questions nucléaires qui débouchent sur le traité de
Moscou de limitation des essais nucléaires (5 août 1963), après avoir
manifesté la présence américaine à Berlin (« Ich bin ein Berliner »). Mais
les autres entreprises de Kennedy se traduisent par des revers. Outre l’échec
du débarquement anticastriste de la Baie des Cochons (avril 1961), son
projet d’« Alliance pour le progrès » (mars 1961) ne modifie pas les
rapports des États-Unis avec l’Amérique latine, alors que son « grand
dessein » de partnership entre les États-Unis et l’Europe (juillet 1962) et
ses propositions de force nucléaire multilatérale, tout comme les accords
qu’il conclut à Nassau (décembre 1962) avec Macmillan sur la fourniture de
missiles Polaris aux Britanniques, sont vues par certains Européens, en
particulier de Gaulle, comme des instruments de domination, d’autant plus
que la doctrine nucléaire américaine s’achemine alors vers la riposte
graduée. De plus Kennedy – augmentant le nombre des militaires
américains au Vietnam – est largement responsable de l’engagement
américain, et le renversement, avec son approbation, du président Diem (1er
novembre 1963) n’a rien réglé. Les circonstances mystérieuses de son
assassinat ont contribué à créer un mythe Kennedy.
AD

GIGLIO James N., The presidency of John F. Kennedy, University press of


Kansas, 1991. PATERSON T. (ed.), Kennedy’s quest for victory, American
foreign policy, 1961-1963, Oxford Univ. Press, 1989.
→ ALLIANCE POUR LE PROGRÈS, ARMES NUCLÉAIRES,
CUBA (CRISE DE), DE GAULLE, DÉSARMEMENT,
KHROUCHTCHEV, MACMILLAN, MLF, NASSAU (ACCORDS
DE), VIETNAM (GUERRE DU)
KENYATTA Jomo (1893-1978)

Cet anthropologue kenyan, de son vrai nom Kamau wa Ngengi, est né


dans une famille kikuyu, dans le village de Gatundu (Kenya). Il est élevé
chez les missionnaires chrétiens de l’Église d’Écosse d’où sa conversion au
christianisme et son baptême en 1914. Sa connaissance de l’anglais, du
swahili et du kikuyu l’amène à faire des traductions pour la Kikuyu Central
Association (KCA), association pour la défense des intérêts africains. En
1924, par le biais du KCA, il fait son entrée en politique. En 1928, il débute
une carrière de journaliste en devenant l’éditeur du journal du parti, le
Mwigwithania (le Réconciliateur) et en 1929 est envoyé à Londres pour y
défendre les intérêts fonciers des Kikuyu. Il collabore à différents journaux
britanniques puis travaille à partir de 1931 pour le Woodbrooke Quaker
College de Birmingham. En 1931-1932, aidé par le riche militant
communiste de Trinidad, George Padmore, il quitte la Grande-Bretagne
pour Moscou, où il étudie l’économie à l’école du Komintern. Revenu à
Londres, il poursuit des études d’anthropologie sociale à la London School
of Economics, publie sa thèse en 1938 intitulée Au pied du mont Kenya.
Travailleur agricole en Grande-Bretagne durant la Seconde Guerre
mondiale, il revient en 1946 au Kenya et devient le secrétaire général de la
Kenya African National Union (KANU), mouvement indépendantiste. À la
suite de l’insurrection des Mau-Mau (1952), suspecté d’intelligence avec
les insurgés, il est condamné à sept ans de prison par les Britanniques et est
incarcéré avec son ami Daniel Arap Moi. Appelé à la tête de la KANU en
1960, alors qu’il est maintenu en détention, il est finalement libéré en 1961.
Jomo Kenyatta participe aux deux dernières conférences de Lancaster
House (janvier 1960, janvier 1962, mars 1963), à Londres, qui ont pour but
de préparer l’indépendance du pays. En mai 1963, la KANU gagne les
élections législatives et Jomo Kenyatta est nommé Premier ministre en juin
1963. L'indépendance du Kenya est proclamée le 12 décembre 1963.
Kenyatta est élu premier président de la République le 12 décembre 1964 et
le demeura jusqu’à sa mort survenue le 22 août 1978. Son successeur est
Daniel Toroitich Arap Moi. Sous la présidence de Kenyatta, le Kenya, resté
dans le Commonwealth, est considéré comme un modèle de prospérité
économique et politique et semble une oasis de relative stabilité. La
poursuite de la politique de l’ancien colonisateur orientée vers l’Occident,
rassure les investisseurs étrangers ce qui favorise le développement
économique. Toutefois, au fil des années, le Kenya subit une certaine
dégradation de sa situation intérieure par suite des antagonismes ethniques
et socio-économiques traditionnels (pasteurs contre agriculteurs), de
l’aggravation des problèmes fonciers, du banditisme, et des violences contre
les populations. Les principes de base de sa politique étrangère sont : le
respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des autres États, du
bon voisinage et de la coexistence pacifique, du règlement pacifique des
conflits, de non-alignement et de l’adhésion à la Charte des Nations unies et
de l’Union africaine. Le Kenya s’est largement investi dans les opérations
de prévention des conflits et de maintien de la paix.
CB

DELF G., Jomo Kenyatta. Towards truth about « the light of Kenya »,
Londres, Victor Gallancz Ltd., 1961.
MURRAY-BROWN J., Kenyatta, Londres, George Allen & Unwin Ltd.,
1972.
→ COMMONWEALTH, DÉCOLONISATION, NYERERE

KGB/FSB

À proprement parler le KGB, sigle du russe Komitet Gossoudarstvennoï


Bezopasnosti, soit le Comité pour la sécurité de l’État est l’organisation qui,
de 1954 à novembre 1991, date de sa dissolution, fut en charge de la
sécurité de l’Union soviétique. Principal service de renseignement de
l’Union soviétique évidemment, il avait également à l’intérieur de cet État
fonction d’instrument de contrôle politique et social. Moscou n’a pourtant
pas attendu le milieu des années 1950 pour mettre en place pareille
institution, bien au contraire. Mise en place dès les premières semaines du
pouvoir bolchévique, la police politique fut en effet, tout au cours de
l’histoire de l’URSS, un élément central du système politique soviétique,
mais fort de sa légende, le terme de KGB a fini par être utilisé de manière
générique pour évoquer cet appareil d’État qui, depuis sa fondation sous le
nom de Tchéka en 1917 par Félix Dzerjinski en passant à partir de 1923 par
le « Guépéou » puis le NKVD en 1934, a rythmé véritablement l’histoire
soviétique.

Fonctions et organisation

Le KGB a donc d’abord pour vocation d’exercer une fonction de


surveillance, à la fois discrète et musclée, de la population, de pourchasser,
dans le cadre de la « légalité socialiste », les dissidents, d’orchestrer les
purges comme d’étouffer toute velléité séparatiste. Son siège de la
Loubianka à Moscou repris aujourd’hui par le FSB et de triste mémoire
pour nombre de ces opposants, est comme naturellement donc devenu le
symbole de cette répression. En charge en outre de la gestion des immenses
ensembles pénitentiaires du goulag, et en tant que tel responsable de
millions de morts, il constitue un véritable « État dans l’État », une
administration proprement tentaculaire employant à la fin des années 1940,
plus d’un million et demi de fonctionnaires civils et militaires selon
certains, sans compter les indicateurs, assurément l’un des premiers
employeurs et producteurs du pays au temps du NKVD, mais seulement
pourrait-on dire 480 000 employés dont 217 000 garde-frontières aux dires
du gouvernement soviétique dans les années 1970. Selon d’autres
estimations encore, ce sont environ 30 % des employés du ministère des
Affaires étrangères qui étaient agents du KGB. Au-delà de la sphère interne
en effet, le domaine d’action du KGB recoupait plus ou moins les mêmes
fonctions et pouvoirs que ceux exercés aux États-Unis tout à la fois par la
CIA, le service de contre-espionnage du FBI et les services de sécurité du
Secret Service, … sans toutefois les contraintes propres au contrôle
démocratique. Aussi, et en dépit d’une soumission fonctionnelle aux plus
hautes autorités de l’État et du parti à savoir le politburo et le secrétaire
général du parti communiste de l’URSS, le KGB développa-t-il une latitude
d’action qui en fit l’un des centres de pouvoir de l’ancienne URSS. À partir
de 1978 d’ailleurs son directeur est de droit membre du politburo, ce qui
permettra à Youri Andropov, indéboulonnable, à sa tête depuis 1967,
d’atteindre en définitive le sommet en succédant à Leonid Brejnev au poste
de secrétaire général du PCUS en 1982.
Les succès de la guerre froide : la constitution de la légende

En fait, les services de renseignement soviétiques obtinrent rapidement


des succès remarquables du fait surtout de la faiblesse voire de l’inexistence
des services de sécurité américains et britanniques, du moins dans un
premier temps, qui constitua une opportunité unique pour Moscou. Leur
action aux États-Unis se développe à partir de 1932, à l’occasion de la crise
économique et sociale dans le pays, et se renforce pendant la Seconde
Guerre mondiale où ils parviennent à infiltrer l’administration Roosevelt
comme le démontrera l’affaire Alger Hiss après guerre. Incontestablement,
le succès le plus important de l’époque n’en reste pas moins l’obtention
d’informations détaillées concernant le projet Manhattan, possible grâce à
des agents infiltrés tels que Klaus Fuchs et Theodore Hall qui, adjoint à un
espionnage qui se poursuivra avec succès en la matière (affaire Rosenberg),
permettra à l’URSS de combler plus rapidement son retard dans le
nucléaire. Si l’entre-deux-guerres avait déjà permis d’infiltrer les
administrations étrangères, en liaison avec le Komintern et les partis
communistes locaux, l’implantation de nombreux illégaux partout dans le
monde, ce travail incombe de plus en plus aux « résidences » installées dans
les représentations diplomatiques. Il est couronné de succès et représenté
par le réseau de Cambridge, les Magnificent Five, dont Kim Philby, agents
du MI-5 et MI-6, recrutés dès leurs études à Cambridge dans les années
1930, et découverts seulement au début des années 1960 alors qu’ils
occupent des postes d’importance au sein des services britanniques.
Tout au long de la guerre froide, le KGB permit aussi la prise de contrôle
des pays « libérés » en Europe orientale par l’Armée rouge. Il en fait des
démocraties populaires et en organise sur son modèle leurs services de
renseignement. Il utilise d’ailleurs ces pays dans la conduite de nombreuses
missions de renseignement, d’opérations de désinformation…, à l’instar de
la Bulgarie particulièrement (affaire du « parapluie bulgare » ou encore la
tentative d’assassinat de Jean-Paul II, jamais clairement élucidée) ou de la
RDA grâce à laquelle par exemple il infiltre le gouvernement de
l’Allemagne de l’Ouest sous Willy Brandt par l’intermédiaire de la Stasi.
Avec les conflits engendrés par la décolonisation, le KGB et
particulièrement son premier directoire général (PDG) en charge de ces
actions, s’engage aux côtés des insurgés, en coordonnant l’assistance
diplomatico-militaire des pays communistes (débats à l’ONU, envoi
d’armes, de conseillers, propagande), le soutien au terrorisme venant
parfois à partir des années 1970 prolonger cette activité. L'essoufflement
des vocations idéologiques après la répression de l’insurrection de Budapest
en 1956 et surtout le printemps de Prague en 1968, l’influence moindre du
communisme en Occident marquèrent un inexorable déclin dans les
capacités opérationnelles du KGB, frappé en outre par des défections
importantes, comme celles d’Oleg Gordievsky pour la Grande-Bretagne.
Aussi le triomphe apparent que constitue l’accession de son directeur Youri
Andropov au sommet du pouvoir marque-t-il plutôt le repli du KGB sur
l’intérieur et la société soviétique, l’institution prise dans une paranoïa
nourrie d’une certaine méconnaissance du monde semblant en définitive
elle-même se leurrer sur la situation effective du système… un comble pour
une agence de renseignement. C’est la chute du système qui lui est
d’ailleurs fatal lorsque, pour contrecarrer les réformes mises en œuvre, le
KGB est compromis avec son président Vladimir Krioutchkov dans la
tentative de putsch de Moscou d’août 1991, visant à renverser Gorbatchev,
ce qui provoque finalement sa dissolution.
Le système Poutine : le KGB au pouvoir ?
Depuis la dernière élection de Vladimir Poutine à la présidence de la
Fédération de Russie, les services secrets sont redevenus, après la
dissolution du KGB, un élément important dans la géographie du Kremlin
et un vivier naturel de cadres pour le pays. Petit à petit, ils se sont à
nouveau affirmés comme l’un des éléments essentiels en mesure d’appuyer
aussi efficacement que discrètement le pouvoir. Le président Poutine, issu
de leur rang, n’a pas hésité à s’entourer largement de ces experts. Ils
comptent parmi les mieux formés du pays et sont habitués à agir dans les
situations difficiles ce qui est précisément le cas d’une Russie à laquelle le
Kremlin veut rendre sa place de puissance de premier plan. Les hommes du
FSB (Service fédéral de sécurité) sont ainsi depuis une petite dizaine
d’années, comme leur emblème le suggère, le bouclier et le glaive de cette
politique volontariste. Ils sont actifs sur le plan tant de la sécurité intérieure
que de la sécurité économique de la Russie. L'action extérieure de la
communauté du renseignement russe a aujourd’hui, dans un contexte certes
différent, atteint des niveaux équivalents à celui des années 1970. Ces
derniers mois, l’assassinat de la journaliste Anna Politkovskaïa ou encore
l’empoisonnement à Londres de l’ex-agent du FSB Maxim Litvinenko à
l’automne 2006 ont été attribués, sans preuve, par les médias occidentaux
aux nouveaux espions du Kremlin. La présence de « tchékistes » passés
dans le privé et reconvertis dans la nouvelle économie de marché légale et
illégale ou devenus cadres à tous les échelons du pays et de la société est en
tout cas une réalité forte de la Russie d’aujourd’hui.
PMD

ANDREW Christopher, GORDIEVSKY, Oleg, Le KGB dans le monde,


1917-1990, Fayard, Paris, 1990.
BLANC Isabelle, KGB Connexion, le système Poutine, Hors Commerce,
Paris, 2004.
WOLTON Thierry, Le KGB au pouvoir, Buchet-Chastel, Paris, 2007.
→ ARMES NUCLÉAIRES, BRANDT, BREJNEV, CIA,
DÉCOLONISATION, GORBATCHEV, GUERRE FROIDE, JEAN-
PAUL II, POUTINE, RENSEIGNEMENT, ROOSEVELT
(FRANKLIN D.)
KHOMEINY Rouhollah (1900-1989)
Issu d’une famille de religieux iraniens, uléma lui-même, il enseigne la
théologie à la faculté de Qom (1930), reçoit le titre de grand ayatollah
(1961) et prend la tête de la communauté de l’Islam chiite (1962). Hostile
aux réformes de Reza Shah qui portent atteinte aux propriétés foncières de
la hiérarchie chiite, il est emprisonné (juin 1963) puis expulsé vers la
Turquie (1964). Il gagne alors la ville sainte irakienne de Nadjaf d’où il
appelle au renversement de la monarchie iranienne, impie et inféodée aux
Américains. Expulsé d’Irak, il s’installe à Neauphle-le-Château en région
parisienne (5 octobre 1978) et y orchestre le soulèvement populaire qui
contraint le Shah à l’exil (16 janvier 1979). Khomeiny peut alors rentrer en
Iran le 1er février 1979 et s’empare du pouvoir en tant que Guide de la
Révolution après l’insurrection de Téhéran (12 février 1979). Il y instaure le
règne des « mollahs » (docteurs de la foi) et impose la charia à la société
iranienne. Mettant fin à l’alliance irano-américaine, ignorant les règles
habituelles de la diplomatie, il entend combattre les « impérialismes de
l’Est et de l’Ouest ». Il invite les musulmans du monde entier, et en
particulier ceux d’Irak, à imiter le modèle iranien et est l’un des inspirateurs
de l’islamisme des années 1980. Ainsi couvre-t-il la prise d’otages des
diplomates américains de Téhéran (4 novembre 1979-20 janvier 1981),
soutient-il la résistance anti-soviétique en Afghanistan et a-t-il des liens
avérés avec les preneurs d’otages du Liban et des auteurs d’attentats dans
les capitales occidentales, ce qui aboutit à un isolement à peu près complet
de l’Iran. Certes, après le début de la guerre Iran-Irak (22 septembre 1980),
l’unité de la nation iranienne se refait autour de sa personne et les forces
irakiennes sont refoulées d’Iran en juin 1982. Mais, voulant obtenir la chute
de Saddam Hussein, Khomeiny refuse alors les propositions de paix
irakiennes et n’accepte un cessez-le-feu qu’en juillet 1988 devant
l’évidence de sa défaite.
AD

MONTAZAM Mir Ali Ashar, The life and times of Ayatollah Khomeiny,
London, Anglo-European Pub., 1994.
→ AFGHANISTAN (GUERRES D’), HUSSEIN (SADDAM),
IMPÉRIALISME, IRAN-IRAK (GUERRE D’), ISLAMISME, LIBAN
(GUERRES DU)

KHROUCHTCHEV Nikita Sergueïevitch (1894-1971)

Contremaître dans une mine avant la révolution bolchevique, il doit sa


carrière au Parti communiste auquel il milite en Ukraine puis à Moscou. Cet
apparatchik voit sa carrière favorisée par les purges. Prenant parti pour
Staline, il est membre du Comité central du PCUS (1934), premier
secrétaire du parti de Moscou (1935), premier secrétaire du parti ukrainien
(1938) et membre du bureau politique du PCUS (1939). Commissaire
politique durant la guerre, il y gagne le grade de général et retourne en
Ukraine dès sa libération (novembre 1943). En 1949, il reprend la direction
du parti pour la ville de Moscou et devient secrétaire du Comité central
(1952). Après la mort de Staline (5 mars 1953), il lui succède, en
septembre, comme premier secrétaire du PCUS et manœuvre habilement
pour émerger face à Malenkov, écarté du pouvoir en 1955. Il dénonce les
crimes de Staline dans le rapport secret lu devant le XXe Congrès du PCUS
(février 1956). Il impose son autorité dans les démocraties populaires en
écrasant la révolte hongroise d’octobre 1956 puis, une fois Molotov et
Kaganovitch expulsés de la direction (juin 1957), il se fait nommer chef du
gouvernement (mars 1958) et établit véritablement son pouvoir. Il engage
l’URSS dans la voie de la détente et de la coexistence pacifique avec les
États-Unis, qu’il visite en 1959. Mais, surestimant les ressources de
l’URSS, grisé par la possession de fusées intercontinentales et par le soutien
verbal de Mao Zedong, il se croit capable d’assurer, sans guerre, le
triomphe du camp socialiste, allié naturel du Tiers Monde, sur
l’impérialisme en déclin, en menant une politique extérieure aventureuse.
S’il essuie des déboires au Congo et dans d’autres pays d’Afrique et ne
parvient pas à ramener la Yougoslavie dans le bloc des pays frères, il
développe l’influence soviétique au Proche-Orient, ce qui est loin de
compenser sa rupture avec Mao qui refuse déstalinisation et coexistence
pacifique et met en cause le révisionnisme de Khrouchtchev (1960). À
Berlin, la crise qu’il déclenche se termine par la construction du Mur qui
marque en fait l’échec de sa tentative de chasser les Occidentaux de Berlin-
Ouest (1958-1962). La coexistence pacifique est démentie par les crises et
par l’échec de la conférence au sommet de Paris (mai 1960). De plus il doit
reculer face à Kennedy lors de l’affaire des fusées de Cuba (octobre 1962),
par refus du risque de l’affrontement nucléaire, qui amène les deux Grands
à conclure le traité de Moscou (1963). Ses revers en politique extérieure
sont une des causes de sa destitution par le Comité central en octobre 1964.
AD

FURSENKO Alexander, NAFTALI Thimoty, Kruschev’s cold war, The


inside story of an American adversary, New York, Norton, 2006.
WERTH Alexander, Russia under Khrushchev, Westport, Conn.,
Greenwood Press, 1975.
→ BERLIN, CONGO, CUBA (CRISE DE), DÉSARMEMENT,
GUERRE FROIDE, KENNEKY, KOMINFORM, MALENKOV, MAO
ZEDONG, MOLOTOV, TIERS MONDE
KIPPOUR (GUERRE DU)

En 1973, l’occasion d’une guerre paraît propice au successeur de Nasser,


Anouar el-Sadate. Israël est désapprouvé par plusieurs États européens,
dont la France, en raison de son obstination à garder les territoires conquis
en 1967. Son isolement diplomatique est croissant. Malgré les efforts du
nouveau Premier ministre israélien, Mme Golda Meir, qui voyage partout,
les pays arabes réussissent à obtenir de nombreux pays, en particulier
africains, qu’ils rompent leurs relations avec Israël.
Les efforts de l’ONU sont dans l’impasse. Le Conseil de sécurité se
prononce le 26 juillet 1973 sur un texte vague mentionnant l’évacuation des
territoires occupés par Israël, voté par treize États, la Chine s’abstenant et
les États-Unis mettant leur veto. Le monde arabe a retrouvé une certaine
unité, voire une certaine puissance. Il a acquis le concours de l’URSS, qui
soutient plus que jamais la cause arabe.
L’attaque égypto-syrienne est déclenchée le 6 octobre 1973, en plein
Ramadan (fête musulmane), le jour même de Kippour (fête juive). La
surprise est donc totale. Les Égyptiens bousculent la défense israélienne,
franchissent le canal et avancent dans le Sinaï sur un front de 180 km,
tandis que les Syriens pénètrent dans le Golan, s’emparent du mont Hermon
et de la ville de Kuneitra. Les premières contre-attaques israéliennes sont
infructueuses, car elles se heurtent à une forte résistance des Syriens et des
Égyptiens, très bien équipés en armes modernes. Néanmoins, à partir du 12
octobre, les Israéliens regagnent du terrain. Le 19 octobre, non seulement
ils ont reconquis tout le Golan, mais ils avancent jusqu’à 30 km de Damas.
Le redressement israélien est plus lent au Sinaï, les forces égyptiennes étant
plus nombreuses. Toutefois dès le 8 octobre, une division israélienne,
commandée par le général Ariel Sharon, s’enfonce entre la deuxième et la
troisième armée égyptienne, atteint le canal de Suez le 15, et établit même
une tête de pont sur la rive ouest.
Chacune à leur tour, les grandes puissances s’efforcent de parvenir à un
cessez-le-feu. Le 19 octobre, Brejnev invite Kissinger à Moscou et c’est
dans la nuit du 21 au 22 que le Conseil de sécurité, par 14 voix et une
abstention (Chine), vote la Résolution 338 : cessez-le-feu dans les douze
heures, application de la résolution 242, négociations pour une paix juste et
durable. Mais les Israéliens poursuivent les opérations jusqu’au 23 pour
achever d’encercler la troisième armée égyptienne et avancent jusqu’à 70
km du Caire. Aussitôt, les Soviétiques menacent d’intervenir pour voler au
secours de Sadate et les Américains mettent leurs forces stratégiques en
alerte. La guerre atomique est évitée car la collaboration globale américano-
soviétique découlant des accords SALT est plus importante que la
confrontation régionale. De leur côté, les Américains poussent fortement les
Israéliens à négocier directement avec les Égyptiens. Ces négociations du
kilomètre 101 vont aboutir à un premier accord, le 11 novembre, puis à un
second plus complet en janvier 1974.
La guerre du Kippour a plusieurs conséquences importantes. En premier
lieu, elle révèle une chose totalement nouvelle : l’égalité de valeur sur le
champ de bataille entre Arabes et Israéliens. Même si Israël a remporté la
victoire, les Arabes ont bien combattu, à la fois sur le plan humain et sur le
plan technique. L'humiliation de juin 1967 est bien loin. La deuxième leçon
de la guerre, c’est la vulnérabilité d’Israël, qui incite l’État hébreu à une
prudence encore plus grande en ce qui concerne le sort des territoires
occupés. La troisième leçon, c’est que la guerre ne résout rien. Elle incite
donc à la négociation. L’initiative diplomatique revient aux États-Unis,
seuls susceptibles de faire pression sur Israël. Mais les Arabes continuent de
refuser la conclusion de toute paix séparée. La question palestinienne
apparaît désormais comme le problème n° 1.
La portée essentielle de la guerre du Kippour est d’avoir poussé les États
producteurs de pétrole riverains du golfe Persique à utiliser un formidable
moyen de pression sur le monde occidental, l’augmentation du prix du
pétrole, qui quadruple en trois mois. Cette décision est la cause immédiate
de la crise économique dans laquelle le monde bascule en 1973, et qui
change radicalement le contexte international. Alors que les deux Grands
imposent aux belligérants un arbitrage mettant fin à la guerre et qu’ils
confirment ainsi un véritable condominium américano-soviétique sur les
affaires mondiales, sous le signe de la détente, la déstabilisation gagne peu à
peu pour aboutir à une « nouvelle guerre froide ».
MV

MAGHOORI Ray, The Yom Kippour War, Washington, 2001.


→ BREJNEV, GUERRE FROIDE, ISRAÉLO-ARABES
(CONFLITS), KISSINGER, MEIR, NASSER, ONU, PÉTROLE ET
RELATIONS INTERNATIONALES, UE (CONSEIL DE SÉCURITÉ)

KISSINGER Henry (1923)

Né dans une famille d’enseignants allemands qui, fuyant l’antisémitisme,


s’installe à New York en 1938. Après des études à Harvard, il y devient
professeur et anime de 1951 à 1960 un séminaire de relations
internationales, ce qui l’introduit dans les milieux dirigeants américains et
étrangers. Auteur d’un ouvrage bienveillant sur Metternich (A World
Restored : Metternich, Castlereagh, and the Problem of Peace, 1812-1822),
et d’un livre sur l’influence des armes atomiques sur la politique étrangère,
il développe une théorie pragmatique des relations internationales, méfiante
à l’égard des « idéologies » et légitimant l’usage de la force en politique
étrangère pour défendre les « intérêts nationaux » américains. S'il ne rejette
pas l’idée de guerre, il estime qu’on doit l’empêcher d’évoluer vers un
conflit généralisé par des contacts diplomatiques entre les adversaires
(politique des petits pas) qui peuvent ainsi éviter les méprises sur leurs
intentions respectives. Remarqué par le président Richard Nixon, qui le
nomme secrétaire exécutif du Conseil de sécurité nationale en janvier 1969,
il dirige en fait la diplomatie américaine depuis la Maison-Blanche, bien
avant sa nomination comme secrétaire d’État le 22 août 1973. Avant tout
préoccupé par les relations américano-soviétiques, il voit dans la reprise de
contacts avec la Chine populaire, en 1971, un moyen indirect de les
améliorer. Il veut hâter le désengagement américain du Vietnam, que les
accords de Paris de janvier 1973 rendent possible, aboutissement qui lui
vaut le prix Nobel de la paix avec son partenaire vietnamien, Le Duc Tho.
Souhaitant réaffirmer la présence des États-Unis en Europe alors que la
CEE vient de s’élargir, il prétend faire de 1973 « l’année de l’Europe ».
Mais son projet de « nouvelle charte Atlantique » tourne court. Après la
guerre du Kippour (octobre 1973), ses talents de négociateur lui permettent
de jouer un rôle important dans le renforcement de l’influence américaine
au Proche-Orient en réussissant à faire signer des accords entre Israël et les
pays arabes. Le choc pétrolier qui suit ce conflit est pour Kissinger
l’occasion de regrouper, face aux pays producteurs, la plupart de ses alliés
dans l’Agence internationale de l’énergie. Il reste secrétaire d’État du
président Gerald Ford (1974-1976) et garde une certaine influence après la
fin de ses fonctions officielles, surtout lors de la présidence de R. Reagan.
AD

HANIMAKI Jussi, The flawed architect : Henry Kissinger and American


foreign policy, Oxford University Press, 2004.
ISAACSON Walter, Kissinger, New York, 1992.
→ AIE, KIPPOUR (GUERRE DU), NIXON, PÉTROLE ET
RELATIONS INTERNATIONALES, REAGAN, VIETNAM
(GUERRE DU)

KOHL Helmut (1930)

Chef de la CDU (Union chrétienne-démocrate) en 1973, Helmut Kohl


devient chancelier de la République fédérale en 1982, à la faveur de la crise
des euromissiles. Il est confirmé à ce poste quatre fois de suite jusqu’en
1998. Revendiquant l’héritage d’Adenauer, ce Rhénan qui a réussi le
recentrage de son parti mène une politique d’intégration à l’Ouest, sans
renier pour autant les acquis de l’Ostpolitik de l’ère Brandt-Schmidt. Avec
la chute du mur de Berlin en 1989, il saisit l’occasion historique offerte à
l’Allemagne par la fin de la guerre froide et prend tout le monde de vitesse
en rendant public un programme en dix points qui vise à la réalisation de
l’unité allemande (28 novembre 1989). Après des discussions avec
Maizière, chef du gouvernement de RDA, le traité d’union monétaire,
économique et sociale est signé le 18 mai et entre en vigueur le 3 octobre
1990. À Ottawa (février 1990), il facilite les négociations du traité « 2 + 4 »
préalables à la réunification des deux États, en convainquant Gorbatchev
d’accepter la participation de l’Allemagne unie à l’OTAN et obtient le
départ d’Allemagne de l’Est des centaines de milliers de soldats
soviétiques. Le traité, signé le 12 septembre, fixe les frontières de
l’Allemagne réunifiée, et notamment la ligne Oder-Neisse dont F.
Mitterrand voulait s’assurer de l’intangibilité pour la Pologne. Jusqu’à ce
que le pouvoir lui échappe en 1998, il œuvre en coopération avec F.
Mitterrand aux progrès de l’intégration européenne, en étant l’un des plus
fervents artisans du traité de Maastricht en même temps que le champion de
l’élargissement à l’Est. Considérant que la monnaie unique provoquera
l’union politique, il accepte d’abandonner le mark pour l’euro. En 1999,
impliqué dans une affaire touchant au financement de la CDU, Helmut Kohl
voit son image politique ternie.
FG

DREHER Klaus, Helmut Kohl : Leben mit macht, Stuttgart, DVA, 1998.
PICAPER J.-P., PRUYS K. H., Helmut Kohl. Fayard, 1996.
→ ADENAUER, BERLIN, BRANDT, EUROMISSILES, GUERRE
FROIDE, MITTERRAND, ODER-NEISSE (LIGNE), OSTPOLITIK,
OTAN, UE (TRAITÉ DE L')

KOMINFORM

Créé lors de la réunion à Szklarska-Poreba (Pologne) des sept partis


communistes est-européens et des PCI et PCF en septembre 1947, le
Kominform (Bureau d’information des partis communistes) est interprété
par les Occidentaux comme la résurrection du Komintern. Dans son
rapport, le représentant soviétique, Andreï Jdanov (1896-1948), idéologue
du PCUS et dauphin présumé de Staline, oppose au camp impérialiste,
antidémocratique et porteur de guerre, le camp démocratique, socialiste,
porteur de paix, qui ne doit plus collaborer avec les forces bourgeoises et les
sociaux-démocrates, alliés objectifs de l’impérialisme. Ne s’identifiant
pourtant pas avec l’Internationale communiste, le Kominform a une faible
armature institutionnelle, ne regroupe que les partis européens et a une
finalité défensive, malgré l’agressivité de ses déclarations. D’agence de
coordination des PC qui doivent resserrer les rangs autour de l’URSS, il se
transforme avec le conflit entre Tito et Moscou en tribunal du communisme
avec pouvoir d’excommunication, ses résolutions (le rapport Gheorghiu Dej
dans le cas du titisme) ayant force de loi. Orchestrateur du Mouvement de
la paix en 1950 auquel il finit par s’identifier, il décline dans les années
1950. Perdant sa raison d’être avec le rapprochement soviéto-yougoslave de
1955 et le XXe Congrès du PCUS en 1956 qui annonce une ère de
coexistence pacifique, le Kominform, instrument de la guerre froide, est
dissous le 18 avril 1956.
PMD

MARCOU Lilly, Le Kominform, le communisme de guerre froide, Presses


de la FNSP, 1977.
→ GUERRE FROIDE, IMPÉRIALISME, KOMINTERN,
STALINE, TITO

KOMINTERN IIIe INTERNATIONALE)

Initiée par Lénine malgré les Allemands qui trouvent l’initiative


prématurée, la IIIe Internationale communiste (Komintern), dont le premier
congrès largement improvisé en mars 1919 vise seulement à prendre de
vitesse les tentatives pour raviver la IIe Internationale socialiste, est
véritablement fondée lors de son deuxième congrès du 19 juillet au 9 août
1920. Après l’aventure de la république des conseils autour de Bela Kun en
Hongrie, alors que l’Armée rouge, poursuivant sa reconquête en Pologne,
ouvre à nouveau de grands espoirs pour la révolution en Europe, les 21
conditions d’adhésion marquent la rupture définitive avec la social-
démocratie à l’intérieur de chaque pays et même de chaque parti, comme en
France lors du congrès de Tours : elles prônent une centralisation à
l’extrême et une discipline quasi militaire qui rejettent toute autonomie des
sections nationales, la nécessité révolutionnaire de l’action clandestine, et
elles exigent nommément l’expulsion de nombreuses personnalités
réformistes. Énorme machine administrative siégeant à Moscou avec huit
bureaux géographiques et des départements par action (Agit.-prop,
Orgburo, presse…), complété par des internationales de la jeunesse, des
femmes, des paysans ou des syndicats, chargé de coordonner les luttes à
l’échelle planétaire (il étend son champ d’action au monde colonial avec la
conférence de Bakou), le Komintern n’a conduit aucun de ses partis au
pouvoir, ni fait triompher une pratique révolutionnaire, abandonnée en fait
dès 1923. Il impose à ses sections des changements de cap au gré des
circonstances, du « front unique prolétarien », alliance à la social-
démocratie imposée par la politique de la NEP ; au slogan d’« Allez aux
masses » qui rompt avec la culture clandestine pour asseoir l’influence
communiste ; il devient avec la bolchevisation de 1924 l’instrument de la
politique internationale de l’URSS, au service de la révolution dans ce seul
pays. Avec ses délégués, tel Eugen Fried auprès de Thorez en France dans
les années 1930, l’Internationale constitue désormais un véritable « œil de
Moscou », moyen de contrôle des partis nationaux et courroie de
transmission des directives soviétiques, formant en outre les hauts cadres du
communisme dans son École internationale Lénine. Aux mains de Staline à
partir de 1927 après l’élimination de son homme fort Zinoviev, remplacé
dans les années 1930 par le Bulgare Dimitrov, le Komintern se fait outil de
répression du pouvoir stalinien au sein du monde communiste. Staline
d’ailleurs ne s’intéresse guère à l’Internationale et à son mythe, ne réunit
que deux fois son organe suprême, le congrès mondial, en 1928 et en 1935.
Elle garde un rôle majeur dans la nouvelle campagne d’essor
révolutionnaire définie d’abord par le slogan « classe contre classe ! » et le
mouvement pacifiste « Amsterdam-Pleyel » de lutte contre la guerre
impérialiste, puis dans la lutte contre le fascisme pendant la guerre
d’Espagne et avec la création de fronts populaires. Mais après cette vaste
mobilisation des esprits et alors que Trotski en exil fonde en 1938 une IVe
Internationale, l'organisation est bouleversée par le pacte germano-
soviétique du 23 août 1939. C'est un organisme décadent que Staline
dissout le 17 mai 1943, à un tournant de la guerre, pour montrer à ses alliés
qu’il ne cherche plus la révolution mondiale. Dans l’après-guerre, et après
l’expérience du Kominform, dernier vestige organique d’une internationale,
un mouvement communiste international survit au travers de conférences
mondiales des partis communistes.
PMD

BROUÉ Pierre, Histoire de l’Internationale communiste, 1919-1943,


Fayard, 1997.
KRIEGEL Annie, COURTOIS Stéphane, Eugen Fried, le grand secret
du PCF, Le Seuil, 1997. PESCHANSKI Denis (dir.), Moscou-Paris-Berlin
(1939-1941), Tallandier, 2003.
→ ESPAGNE (GUERRE D’), INTERNATIONALE SOCIALISTE,
KOMINFORM, LÉNINE, STALINE

KOSOVO

Une région symbolique pour les Serbes

Soumis durant le Moyen Âge aux dominations byzantine ou bulgare, le


Kosovo est conquis au début du 13e siècle par le royaume serbe. Cœur de la
« Vieille Serbie », il est aussi celui de l’identité religieuse serbe, puisque
saint Sava fonde à Peć un archevêché « de Peć et de toutes les terres serbes
», élevé en 1325 au rang de patriarcat autocéphale (jusqu’en 1766). Le
patriarche de l’Église serbe, redevenue autocéphale en 1879, porte toujours
le titre d’archevêque de Peć, et de très nombreux monastères sont installés
dans cette région.
Dans la conscience nationale serbe, le Kosovo est aussi associé à la
bataille du « Champ des merles » (Kosovo Polje), près de Priština, où les
Ottomans défont la noblesse serbe, en juin 1389, avant de s’emparer
définitivement du Kosovo et de la Serbie. Lors de la seconde guerre austro-
turque (1683-1699), les Autrichiens étant parvenus au Kosovo (1689),
beaucoup de Serbes les suivent dans leur reflux (1690) pour s’installer en
Voïvodine.

Une région à majorité albanophone

L’origine des Albanophones reste discutée. Les nationalistes albanais se


considèrent descendants des antiques Illyriens et revendiquent le Kosovo au
nom du « droit du premier occupant ». Ils y deviennent majoritaires
probablement au cours du 19e siècle. Bénéficiant d’un très fort dynamisme
démographique, ils constituent 60 % de la population en 1931 et près de 82
% en 1991. À la même date, les Serbes (11 %) restent majoritaires au nord
de la région et forment d’importantes minorités au centre-est et sud-est.
De la Serbie à la Yougoslavie

Conquis par les Serbo-Monténégrins (octobre 1912) durant la première


guerre balkanique, le Kosovo est rattaché pour l’essentiel à la Serbie
(l’ouest, avec Peć, au Monténégro) par le traité de Bucarest (août 1913) qui
reconnaît l’indépendance de l’Albanie. Mais l’annexion se heurte
immédiatement à des révoltes de la population albanophone durement
réprimées. Occupé par l’Autriche en 1915, le Kosovo est intégré au
Royaume des Serbes, Croates et Slovènes en 1918.
La première Yougoslavie conduit une politique de colonisation serbe, aux
effets limités, et d’assimilation qui conduit au départ certains
Albanophones. En juillet 1921, une pétition, restée sans suite, est adressée à
la SDN demandant le rattachement à l’Albanie.

La Grande Albanie fasciste

En avril 1939, l’Albanie est occupée par les troupes de Mussolini puis
réunie à la couronne d’Italie. Après la capitulation yougoslave du 17 avril
1941, cette Albanie fasciste annexe l’essentiel du Kosovo, l’ouest de la
Macédoine serbe, le nord de l’Épire grecque (Tchamourie), ainsi qu’une
frange du territoire monténégrin.
Les Allemands occupent le nord-est du Kosovo à majorité serbe,
maintenu sous l’autorité nominative de Belgrade, où se trouvent des mines
de plomb et de zinc. Ils y mènent une politique pro-albanaise qui conduit au
harcèlement ou à l’expulsion des populations serbes. Après la capitulation
italienne de septembre 1943, ils occupent l’ensemble de la Grande Albanie,
protégeant au Kosovo l’essor d’un nationalisme albanais anti-slave et
anticommuniste qui aboutit à une expulsion massive de Serbes et de
Monténégrins.

Entre Tito et Hoxha

Durant la guerre, les deux partis yougoslave et albanais avaient envisagé


une autodétermination. Mais le PC albanais qui a, en partie libéré le
Kosovo, est encore très dépendant du PC yougoslave et dominé par les
Tosques du sud albanais, peu désireux de renforcer le poids des Guègues
par l’intégration du Kosovo à l’Albanie.
Les responsables yougoslaves hésitent sur le statut de la province qui, en
septembre 1945, est intégrée à la Serbie avec un statut de région puis de
province autonome garantissant des droits culturels étendus à la population
albanophone. Celle-ci se révolte cependant de manière sporadique, dès la
fin 1944.
En 1968, l’université de Pristina devient le centre d’une agitation qui
demande pour le Kosovo le statut de 7e République fédérée et pour les
Albanais celui de nation constitutive de la Yougoslavie, certains extrémistes
réclamant le rattachement à l’Albanie.
Si la répression constitue dans un premier temps la réponse du pouvoir
titiste, la détente albano-yougoslave de la fin des années 1960 entraîne un
assouplissement dont témoignent les compétences, proches de celles des
Républiques fédérées, qu’obtient la province autonome du Kosovo dans la
Constitution de 1974.
Quant au développement économique et au niveau de vie, ils restent très
inférieurs au reste de la fédération, même si le pouvoir met en place, au
milieu des années 1960, une politique de financement des régions les plus
pauvres par les régions les plus riches qui, sans aboutir à des résultats
convaincants, contribuera aux séparatismes slovène et croate.

Deux nationalismes antagonistes

Après la mort de Tito (4 mai 1980), le Kosovo dispose d’un siège à la


présidence collégiale de l’État fédéral. En 1981-1982, des troubles graves
affectent la province. Les Albanophones réclament de nouveau le statut de
République, mais cette fois des émeutes visent la population serbe : malgré
l’état d’urgence et une vigoureuse répression, 30 000 Serbes quittent la
province.
La tension permet à un courant nationaliste de s’affirmer à l’intérieur de
la Ligue des Communistes de Serbie. Il voit dans les événements du
Kosovo un des résultats de la politique titiste visant à affaiblir le poids des
Serbes. Président du présidium du comité central de cette Ligue depuis
1986, S. Milosevic se rend, en avril 1987, à Kosovo Polje, où il prend la
défense de manifestants serbes malmenés par la police locale.
Les troubles qui reprennent au début de 1989 permettent à S. Milosevic
de justifier, en mars, l’instauration de l’état d’urgence et la limitation de
l’autonomie kosovare. Puis il se rend à Kosovo Polje, en juin, pour célébrer
devant un million de Serbes le 600e anniversaire de la bataille de 1389.
Dans la province administrée par Belgrade, les écoles et médias en
albanais sont fermés et les Albanophones soumis à un régime de plus en
plus dur, malgré le passage au multipartisme qui permet la naissance de
partis albanophones dont la Ligue démocratique du Kosovo (LDK)
d’Ibrahim Rugova s’impose comme le plus important.
En juillet 1990, l’Assemblée du Kosovo proclame les Albanais nation
constitutive de la fédération et l’égalité du Kosovo par rapport aux
Républiques fédérées. Mais cette déclaration est qualifiée d’illégale par la
Serbie dont la Constitution de septembre 1990 supprime toute autonomie à
la province.

L'escalade de la violence

Face au centralisme et à la répression policière, les Albanais boycottent


les différents scrutins législatifs et présidentiels, tandis que la LDK organise
une résistance passive et une véritable société parallèle, bénéficiant du
financement de la diaspora et des Occidentaux. En septembre 1991, les
Albanophones se prononcent massivement, dans un référendum clandestin,
en faveur de l’indépendance puis, en mai 1992, I. Rugova est élu président
de la République.
La question du Kosovo n’est pas évoquée dans les accords de Dayton
(novembre 1995) mais, dès l’année suivante, elle attire l’attention de la
communauté internationale lorsque les extrémistes de l’Armée de libération
nationale du Kosovo (UÇK) lancent une série d’attentats. À l’automne
1996, I. Rugova signe avec S. Milosevic des accords qui restent lettre
morte. Malgré sa réélection en 1998, I. Rugova est débordé par la violence
de l'UÇK qui, soutenue par Tirana et liée à des clans mafieux, prend le
contrôle d’environ 30 % du territoire. Elle vise la population serbe, tandis
que le pouvoir serbe pousse par la force (répression, utilisation d’armes
lourdes, destruction de villages) de plus en plus d’Albanophones au départ
vers l’Albanie ou la Macédoine.
Le 23 septembre 1998, le Conseil de sécurité de l’ONU (résolution 1199)
exige un cessez-le-feu, le retrait des forces serbes et l’ouverture de
négociations. Puis l’OTAN adresse à la Serbie (13 octobre) un ultimatum
exigeant l’arrêt des opérations militaires et l’envoi sur le terrain d’une
mission de l’OSCE. L'acceptation de ces conditions par S. Milosevic laisse
place à une médiation américaine qui, après le rejet des deux parties en
décembre, débouche sur la reprise des violences.

De la conférence de Rambouillet à la guerre

Sous la menace de frappes de l’OTAN, Serbes et Albanophones se


retrouvent à Rambouillet (6-23 février, puis 15-19 mars). Mais, plus que de
négociations, il s’agit pour le « groupe de contact » (États-Unis, Russie,
France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie), et notamment pour les États-
Unis, d’obtenir la signature d’un plan de paix prévoyant la dissolution des
milices, la diminution des forces serbes, la restauration d’une large
autonomie et des élections libres.
Les Albanophones acceptent la proposition, sans doute en échange de
garanties sur un futur référendum d’indépendance. Les Serbes acceptent le
volet politique de l’accord mais, soutenus par la Russie, refusent le
déploiement d’une force de 30 000 hommes de l’OTAN qui, à leurs yeux,
remet en cause la souveraineté serbe sur la province. En s’attaquant à la
Yougoslavie, l’OTAN s’en prend, au nom du droit d’ingérence, à un État
qui n’a pas commis d’agression hors de ses frontières et le fait sans l’aval
de l’ONU.
Les violences et l’exode des populations, que prétend arrêter la campagne
de bombardements aériens de l’OTAN (opération « Force alliée ») qui
commence le 24 mars 1999, sont aggravés par les frappes. Celles-ci
touchent de nombreux civils et visent des infrastructures partout en
Yougoslavie, notamment à Belgrade où l’ambassade de Chine est touchée.
Le retrait partiel des forces serbes (10 mai) du Kosovo n’empêche ni
l’inculpation de S. Milosevic (27 mai) par le TPIY, ni la menace d’une
offensive terrestre de l’OTAN.
Le 3 juin, S. Milosevic accepte les conditions de l’OTAN, et le 9 est
signé, à Kumanovo, un cessez-le-feu qui prévoit le remplacement de
l’armée serbe par une force de l’OTAN (KFOR) à laquelle s’ajoute un
contingent russe.

Après la guerre

Le 10 juin 1999, le Conseil de sécurité (résolution 1244) entérine le


déploiement de la KFOR qui doit permettre le retour du million de réfugiés.
Il institue une administration civile intérimaire (MINUK). La mise en place
d’un Conseil intérimaire entre la LDK d’I. Rugova et l’UÇK, décidée à
obtenir l’indépendance, se révèle compliquée.
La KFOR a en outre bien du mal à protéger des attaques de l’UÇK les
populations civiles serbes, chassées des régions où elles étaient minoritaires
(plus de 250 000 refluent en Serbie) et les édifices religieux serbes : plus de
150 monastères orthodoxes, dont des joyaux de l’art médiéval, sont
vandalisés ou détruits. Le 17 novembre 2001, est élu un parlement kosovar
qui, à son tour, élit I. Rugova président du Kosovo le 4 mars 2002.

L’indépendance programmée

Les négociations entre Serbes et Kosovars, sous l’égide de l’ONU et en


présence du « groupe de contact », aboutissent à une impasse sur le statut
final du Kosovo. Le 21 janvier 2006, la mort d’I. Rugova laisse le champ
libre au Parti démocratique du Kosovo, dirigé par Hashim Thaçi, fondateur
de l'UÇK à la personnalité contestée pour sa responsabilité dans les
violences visant la population serbe et ses liens avec le crime organisé, qui
gagne les élections législatives de novembre 2007 et devient Premier
ministre en janvier 2008.
En mars 2007, le médiateur de l’ONU, Martti Ahtisaari présente au
Conseil de sécurité un plan qui prévoit une indépendance sous contrôle
international, en totale contradiction avec la position de la communauté
internationale, constamment réaffirmée au détriment des Serbes de Bosnie
ou de Croatie depuis 1991, ainsi que, dans la résolution 1244, sur
l’intangibilité des frontières internes de l’ancienne fédération yougoslave, et
alors que cette intangibilité est alléguée pour refuser à la Serbie et à la
majorité serbe des districts du nord-Kosovo, leur rattachement à la
République serbe.
Bénéficiant de l’appui inconditionnel des États-Unis, qui entretient
désormais une de ses bases militaires les plus importantes sur le territoire
kosovar, H. Thaçi proclame l’indépendance du Kosovo le 18 février 2008.
Outre l’absence de viabilité économique et la forte criminalisation de
l’économie, cette indépendance ranime dans la région les craintes de
reconstitution de la Grande Albanie de 1941-1945 et de déstabilisation de
l’ancienne République yougoslave de Macédoine par sa minorité albanaise.
Elle suscite également l’opposition des 50 000 Serbes, majoritaires dans les
districts du nord où se trouvent également les principales ressources
minières. Ceux-ci ont élu en juin 2008 un Parlement du Kosovo-et-
Métochie qui réclame le rattachement de la région à la Serbie.
Le Kosovo n’est pas admis à l’ONU. La Russie, mais aussi la Chine, le
Brésil et l’Inde, comme la Géorgie ou la Bosnie-Herzégovine, qui voient
dans son indépendance un encouragement à leurs propres minorités
séparatistes, sont hostiles à la reconnaissance de la sécession kosovare. Il en
va de même pour l’Espagne, en raison du Pays basque, de la Roumanie en
raison de la Transylvanie, de Chypre et de la Grèce en raison de la
République sécessionniste turque du nord, qui s’opposent à la
reconnaissance par l’Union européenne.
OD

BROSSARD Yves, VIDAL Jonathan, L'Éclatement de la Yougoslavie de


Tito, Désintégration d’une fédération et guerres interethniques, Les Presses
de l’Université Laval, Paris, L’Harmattan, 2003.
GARDE Paul, Vie et mort de la Yougoslavie, Paris, Fayard, 2000.
HARTMAN Florence, Milosevic, la diagonale, du fou, Paris, Gallimard,
coll. « Folio Documents », 2002. LORY Bernard, L’Europe balkanique de
1945 à nos jours, Paris, Ellipses, 1998.
WEIBEL Ernest, Histoire et géopolitique des Balkans de 1800 à nos
jours, Paris, Ellipses, 2002.
Les documents relatifs au procès Miloševic devant le TPIY sur le portail
Internet des tribunaux internationaux de La Haye (The Hague Justice
Portal) :
http://www.haguejusticeportal.net/eCache/DEF/6/122.c2V0TGFuZz1GUiZ
MPUZS.htmlLe texte intégral des « Accords de Rambouillet » :
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo_833/kosovo_650/colonne-
droite_2743/textes-reference_2741/accord-rambouillet-27.05.99_5375.html
La page de la KFOR sur le site de l’OTAN : http://www.nato.int/kfor/
Le texte de la résolution 1244 du 10 juin 1999
http://www.un.org/french/docs/sc/1999/99s1244. htm
→ BALKANIQUES (GUERRES), CSCE/OSCE, MILOSEVIC,
OTAN, TITO, UE, YOUGOSLAVIE

KOURILES (ÎLES)

Situé au nord du Japon, l’archipel des Kouriles est l’objet d’un litige
quasi permanent entre Tokyo et Moscou depuis le début du siècle. D’une
superficie de 13 000 km2, peuplé d’environ 20 000 habitants,
essentiellement des pêcheurs, il ne présente guère d’intérêt stratégique mais
revêt une valeur symbolique. Composé du minuscule archipel (3 000 km2)
d’Etorofu (ou Kouriles du Sud) et de celui des Kouriles du Nord,
découvertes par les Russes en 1714 (10 000 km2), cet ensemble est perdu
par la Russie en 1905 : le traité de Portsmouth qui met fin à la guerre russo-
japonaise la dépouille de toutes ses possessions au sud de Sakhaline au
profit du Japon. Mais en 1945, au lendemain de la capitulation du Japon,
l’URSS occupe unilatéralement l’archipel des Kouriles en présentant cet
agrandissement territorial comme un légitime retour de possessions qui lui
appartiennent de droit. En 1951, par le traité de San Francisco, le Japon
renonce aux Kouriles, mais Moscou qui refuse de le ratifier, conserve
fermement sa souveraineté sur cet archipel.
Les autorités japonaises insistent régulièrement, sous la pression du
puissant lobby de la pêche, pour un retour pacifique des Kouriles sous la
souveraineté de Tokyo. Elles ne bénéficient d’ailleurs d’aucun soutien
régional sur ce plan, en raison de la méfiance que suscite toujours Tokyo
depuis son rôle dans la Seconde Guerre mondiale. Un règlement est
envisagé en 1992 sous la forme d’un rachat de l’archipel par les Japonais
pour une somme de trois milliards de dollars, mais il échoue et le président
Eltsine annule un voyage au Japon précisément pour des motifs liés aux
Kouriles. La situation est aujourd’hui au point mort ; pourtant, un règlement
faciliterait l’entrée de la Russie dans l’APEC.
CB

→ APEC, RUSSO-JAPONAISE (GUERRE), SAN FRANCISCO


(TRAITÉ DE)

KURDE (PROBLÈME)

Les Kurdes habitent une région montagneuse de 530 000 km2 aux confins
de la Turquie (12 millions), de l’Iran (7 millions), de l’Irak (5 millions), de
la Syrie (1 million) et de l’Azerbaïdjan (350 000). De langue
indoeuropéenne apparentée au persan, ils sont à plus de 90 % musulmans en
majorité sunnites (minorités zoroastrienne, chrétienne et juive) ; ruraux et
pauvres, leur émigration a été massive – l’Allemagne compte la principale
communauté (environ 600 000).
Révoltés contre l’Empire ottoman en 1917, les Kurdes aident les Anglais
à occuper la haute Mésopotamie mais leurs délégués à la Conférence de la
paix n’obtiennent que l’autonomie au traité de Sèvres, ruiné par la contre-
offensive de Kémal Atatürk. Renvoyée à une décision ultérieure de la SDN,
la création d’un État kurde est recommandée en 1925 par la commission
spéciale d’arbitrage sur la région de Mossoul que le Conseil rattache
finalement à l’Irak sous mandat anglais où les Kurdes n’obtiennent même
pas l’autonomie prévue. L’indépendance de l’Irak (1932) n’améliore pas
leur sort et il faut attendre le coup d’État républicain du général Kassem
(juillet 1958) pour que la Constitution reconnaisse la nation irakienne
comme celle des « Arabes et des Kurdes associés ». Les Kurdes
emprisonnés sont libérés et le chef nationaliste Mostafa Barzani autorisé à
rentrer. Mais dès 1961, le pouvoir en revient à une politique de force. Le
régime fondé sur le parti Baath (1968) initie une nouvelle période de
détente (1970-1974) durant laquelle des Kurdes sont associés au
gouvernement, leur langue reconnue comme deuxième langue officielle et
une autonomie accordée à une partie du Kurdistan irakien. Mais la situation
se détériore de nouveau à partir de 1974 et les Kurdes révoltés contre
Bagdad sont gravement affaiblis par la réconciliation entre l’Iran et l’Irak
(accords d’Alger, mars 1975).
En mars 1988, le régime de S. Hussein en guerre avec l’Iran utilise des
gaz de combat contre sa population kurde et, à l’issue de la guerre du Golfe,
la répression provoque l’exode de deux millions de réfugiés. La zone
d’exclusion aérienne et le retrait imposés aux forces de Bagdad par l’ONU,
ainsi que l’élection d’un Parlement autonome en mai 1992, permettent aux
Kurdes irakiens de vivre dans une paix précaire, malgré les rivalités entre
l’Union patriotique du Kurdistan, soutenue par l’Iran, et le Parti
démocratique du Kurdistan, soutenu par la Turquie.
L'invasion américaine et le renversement du régime de Saddam Hussein
(2003) ont conforté la position des Kurdes d’Irak qui ont massivement voté
(90 %) aux élections législatives de janvier 2005 à la suite desquelles l’un
des leurs, Jalal Talabani (UPK), accède à la présidence de l’État irakien.
Signataire le 8 juillet 1937, avec l’Irak et la Turquie du pacte de
Saadabad qui organise la lutte transfrontalière contre le nationalisme kurde,
l’Iran a également toujours refusé l’autonomie à ses populations kurdes. En
janvier 1946, une République autonome kurde est cependant proclamée
dans la zone occupée par les Soviétiques ; elle est balayée dès leur départ à
la fin de l’année et le pacte de Bagdad (1955) reprend les dispositions
antikurdes de celui de Saadabad. À la chute du Shah (1979), le Parti
démocratique kurde iranien (PDKI) prend le contrôle du Kurdistan iranien
avec l’aide de l’Irak. Reconquise par la République islamique, la région est
agitée depuis par une guérilla sporadique, malgré l’assassinat des
principaux chefs du PDKI en exil.
En Turquie, Kémal promet en 1920 la création d’un « État des Turcs et
des Kurdes » et le traité de Lausanne garantit aux citoyens non turcophones
l’usage de leur langue. Pourtant, le centralisme kémaliste interdit
rapidement toute manifestation de particularisme et les révoltes de 1925,
1930 et 1937 sont durement réprimées. En dépit des ouvertures du président
Özal en 1983 (écoles et médias en langue kurde), la législation turque
assimile toute référence au fait kurde à une activité séparatiste et malgré son
audience électorale, le parti kurde modéré est périodiquement interdit. Le
15 août 1984, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK soutenu par la
Syrie) d’Abdullah Öçalan déclenche une guérilla qui, étendue à l’ensemble
du territoire après l’échec d’une trêve en 1993, provoque un effondrement
de l’activité touristique. La répression menée par l’armée turque toute-
puissante contraint la population kurde à se regrouper dans des « villages
stratégiques » ou bien à émigrer. En février 1999, Öçalan, qui a décrété le
cessez-le-feu et s’est déclaré prêt à négocier sur la base de la
reconnaissance du fait kurde, est capturé et condamné à mort. Les pressions
européennes en vue d’une éventuelle adhésion de la Turquie à l’Union
conduisent à la fois à l’abolition de la peine de mort (2002) qui ne sera donc
pas appliquée à Öçalan, ainsi qu’à quelques timides améliorations du sort
des populations kurdes dont le statut reste cependant très éloigné des
exigences de l’Union en matière de droit des minorités.
OD

BOZARSLAN Hamit, La Question kurde, États et minorités au Moyen-


Orient, Presses de la FNSP, 1997.
→ GOLFE (GUERRE DU), HUSSEIN (SADDAM), INGÉRENCE,
IRAN-IRAK (GUERRE), KÉMAL, ONU, SAADABAD (PACTE DE),
TRAITÉS DE PAIX, UE
L

LA HAYE (CONGRÈS)

Le Comité international de coordination des mouvements pour l’unité de


l’Europe, créé en 1947, organise les « états généraux » lors du congrès de
La Haye (7-10 mai 1948), patronné par Churchill, soutenu par le Suisse
Denis de Rougemont, avec huit cents délégués venus de dix-sept pays.
Deux courants s’opposent : les unionistes, partisans d’une coopération
intergouvernementale, avec Churchill, excluent tout abandon de
souveraineté, et les fédéralistes, qui ont gain de cause : en effet, la
résolution politique finale envisage la marche vers un transfert de
souveraineté des États, avec une assemblée européenne ouverte à tous les
États démocratiques, composée d’élus de leurs parlements ; cette assemblée
consultative doit pouvoir envisager des possibilités d’intégration politique.
Les Français y sont favorables car elle permettrait d’intégrer la future
Allemagne dans une structure démocratique ; les Britanniques le sont moins
du fait de leurs liens avec le Commonwealth. Le Mouvement européen, né
en 1948, contribue à la création du Conseil de l’Europe, travaille à la Charte
des droits de l’homme et lance des idées qui seront reprises par le plan
Schuman.
Ch. M

→ CHURCHILL, COMMONWEALTH, CONSEIL DE L’EUROPE

LAUSANNE (TRAITÉ DE)

Signé le 24 juillet 1923, entre les Alliés de l’Entente et la Turquie, après


la victoire des nationalistes de Kémal Atatürk sur le corps expéditionnaire
grec (armistice de Mudanya du 11 octobre 1922), ce traité révise celui de
Sèvres, prend acte de la disparition de l’Empire ottoman et reconnaît le
nouvel État dans les frontières réclamées par Kémal lors de sa révolte de
1919, à l’exception du Sandjak d’Alexandrette et de la région de Mossoul.
L’Arménie est limitée à la République soviétique proclamée en 1920 et le
projet d’État kurde est abandonné. La Turquie recouvre la Thrace orientale
indispensable à la défense d’Istanbul, ainsi que les îles d’Imbros et Ténédos
commandant l’accès aux Détroits ; les Capitulations et concessions
étrangères sont abolies, la dette ottomane renégociée et la Turquie est libre,
après 5 ans, de fixer ses tarifs douaniers. La convention bilatérale du 30
janvier 1923 sur l’échange obligatoire des minorités entre Grèce (430 000
musulmans) et Turquie (1,5 million de Grecs en partie chassés dès 1922) est
intégrée au Traité qui définit les garanties applicables aux minorités
dispensées de cet échange dont le sort continue à alimenter de façon
récurrente le différend gréco-turc.
La minorité grecque de Turquie (environ 300 000 personnes en 1923) n’a
jamais reçu le statut d’autonomie prévu par le Traité. Soumise (avec les
Arméniens et les Juifs) à un impôt discriminatoire durant la Seconde Guerre
mondiale, puis victime, à l’occasion de crises à Chypre, de pogroms
organisés par le gouvernement turc en 1955, du blocage de son patrimoine
et d’expulsions en 1964, elle compte moins de 3 000 personnes aujourd’hui.
La minorité musulmane de Thrace grecque qui compte environ 100 000
personnes contre 120 000 en 1923, reste défavorisée malgré des mesures de
discrimination positive.
OD

DUMONT Paul, 1923, Mustapha Kemal invente la Turquie moderne,


Bruxelles, Complexe, 1997.
→ ALEXANDRETTE (SANDJAK D’), CHYPRE, GRÉCO-TURCS
(DIFFÉRENDS), KÉMAL, KURDE (PROBLÈME)

LAVAL Pierre (1883-1945)

D’origine modeste, autodidacte, avocat, il s’engage tôt en politique dans


l’aile pacifiste et révolutionnaire de la SFIO. Élu député socialiste en 1914,
il est partisan d’une paix de compromis avec l’Allemagne. À partir de 1925,
il commence une carrière ministérielle et devient, à la suite de l’assassinat
de Barthou en 1934, ministre des Affaires étrangères du cabinet
Doumergue. Il se montre dès lors un partisan de la paix, au prix de tous les
compromis. Pour se concilier l’Italie face au danger allemand, il est ambigu
à propos de l’Éthiopie que Mussolini veut conquérir : le plan Laval-Hoare
qui prévoit le partage de l’Éthiopie apparaît comme la reconnaissance du
fait accompli et un déni pour la sécurité collective. Accédant de nouveau au
pouvoir à l’occasion de la défaite de juin 1940, il joue à fond la carte du
maréchal Pétain mais il est écarté du pouvoir en décembre 1940. Revenu au
pouvoir en avril 1942 sous la pression des Allemands, il applique une
politique de collaboration avec Hitler, en espérant en tirer profit pour la
France. Il est condamné à mort en octobre 1945 et aussitôt fusillé.
MV

COINTET Jean-Paul, Laval, Fayard, 1993. KUPFERMAN Fred, Laval,


Flammarion, 1988.
→ BARTHOU, HITLER, HOARE, MUSSOLINI, PÉTAIN

LÉNINE (1870-1924)

De son vrai nom Vladimir Ilitch Oulianov, avocat de formation dans la


Russie tsariste, il est acquis très tôt aux idées marxistes et vit en exil dès
1900. Principal dirigeant de la fraction bolchevique du Parti social-
démocrate russe depuis la scission de 1903, il participe durant la Première
Guerre mondiale aux conférences de Zimmerwald (1915) et de Kienthal
(1916), qui rassemble les socialistes européens opposés à la guerre, mais ne
peut faire adopter ses positions sur le refus de la « guerre impérialiste » et la
transformation de celle-ci en guerre civile (L'Impérialisme, stade suprême
du capitalisme). Rentré en Russie avec le concours du gouvernement
allemand après la révolution de février 1917, il profite de la rapide
déliquescence du Gouvernement provisoire pour organiser la prise du
pouvoir par les Bolcheviques (7 novembre 1917) au nom d’un Conseil des
commissaires du peuple qu’il préside. Pour Lénine, la révolution en Russie
n’est que le premier pas vers la révolution mondiale, mais le succès de cette
dernière est impossible sans la survie de l’État soviétique. Aussi après
l’échec d’un appel à une paix sans annexions ni indemnités (« décret sur la
paix » du 8 novembre), il se résout à signer la paix séparée de Brest-Litovsk
avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie (3 mars 1918). À l’été 1920, une
fois la guerre civile gagnée et la victoire semblant proche dans la guerre
soviéto-polonaise, il croit l’heure de la révolution en Europe venue et
pousse alors à la création de partis communistes appelés à adhérer au
Komintern créé en mars 1919. L’armée soviétique défaite devant Varsovie à
la mi-août, ses espoirs de révolution dans le monde colonial déçus après le
congrès de Bakou (septembre 1920), il se résigne à consolider l’acquis. Il
reprend le contrôle de toutes les régions de l’ex-Empire tsariste où ne se
sont pas constitués des États fortement soutenus par les Occidentaux
(Finlande, Pologne, pays Baltes) et par l’accord germano-soviétique de
Rapallo (16 avril 1922) joue l’opposition entre l’Allemagne et les Alliés.
Une attaque cérébrale met fin à son action politique en mars 1923.
AD

CARRÈRE D’ENCAUSSE Hélène, Lénine, le chef de sang et de fer,


Fayard, 1998.
→ BREST-LITOVSK (TRAITÉ DE), IMPÉRIALISME,
KOMINTERN, RAPALLO (TRAITÉ DE)

LIBAN (GUERRES DU)

De la protection française à la fin du mandat

Entre le littoral syro-palestinien et les chaînes montagneuses qui lui sont


parallèles (Liban et Anti-Liban séparés par les plaines de la Bekaa), le
Liban est en partie peuplé de chrétiens arabisés vers 1000. Par les
Capitulations de 1535, la France obtient par le sultan ottoman d’en être
reconnu la protectrice, ce qui la conduit à y envoyer un corps
expéditionnaire en 1860-1861, après les massacres dont la population
chrétienne a été victime de la part des Druzes.
La Syrie, comprenant le Liban, est dévolue à la France par les accords
Sykes-Picot de 1916, puis intégrée à son mandat sur le Levant. En 1920, la
France proclame, contre la volonté des nationalistes arabes partisans d’une
grande Syrie, un État du Grand Liban dont les frontières sont dessinées
(Mont Liban et plaine de la Bekaa) afin de détacher le plus possible de
musulmans de l’ensemble syrien tout en assurant la majorité aux chrétiens
(environ 50 % d’entre eux sont maronites).
Érigé en République en 1926, le Liban est promis à l’indépendance par
les accords Viénot de 1936 (non ratifiés). Durant l’été 1941, les Anglais et
les Français libres enlèvent à l’autorité de Vichy la Syrie et le Liban.
L’indépendance proclamée par le général Catroux dès le début des
opérations, sous réserve d’un traité qui la rend théorique tant que la guerre
n’est pas terminée, crée jusqu’en 1945 des tensions permanentes entre
Français libres et Anglais accusés par de Gaulle d’encourager les
nationalistes afin d’éliminer la France du Levant.
En 1943, le président Béchara El-Khoury (chrétien) et son Premier
ministre Riad Sohl (musulman sunnite) s’entendent sur un « pacte national
», accord non écrit et non officiel qui complète la Constitution : le président
de la République sera chrétien, le Premier ministre musulman sunnite et le
Président de la Chambre chiite ; les sièges de députés, les postes dans
l’armée et la fonction publique seront répartis entre communautés ; les
chrétiens renoncent à l’aide occidentale et les musulmans à celle du monde
arabe.
Le Liban participe à la fondation de la Ligue arabe et accède à la
souveraineté après l’évacuation, fin 1946, des troupes anglaises et
françaises. Il participe en 1948 à la guerre contre Israël et accueille alors
120 000 réfugiés palestiniens.

De la tentation panarabe à l’afflux des Palestiniens

Le Parti populaire syrien, favorable à l’union avec la Syrie pour laquelle


le Liban est un État de fait colonial qu’elle ne reconnaît pas, est décapité en
1949. Le débat sur l’identité et la place du pays est relancé par le
panarabisme de Nasser. Alors que les chrétiens restent majoritairement
partisans de liens étroits entre le Liban et les pays occidentaux, beaucoup de
musulmans réclament l’intégration du pays dans la République arabe unie
créée par l’Égypte et la Syrie (1958-1961). Devant les troubles qui
menacent de dégénérer en guerre civile, le président Chamoun fait appel, en
juillet 1958, à l’intervention militaire des États-Unis afin d’empêcher la
victoire des partisans de la fusion.
Les présidences du général Chéhab (1958-1964) et de Charles Hélou
(1964-1970) sont une période de paix civile et de prospérité. Mais l’attaque
israélienne contre l’aéroport de Beyrouth en décembre 1968 et l’afflux de
réfugiés palestiniens (guerre des Six jours en 1967, expulsion des fedayin
de Jordanie en 1970) bouleversent ce fragile équilibre. Contraint de
concéder la liberté d’action, dès 1969, aux organisations palestiniennes,
l’État est déstabilisé par la présence, dans ce pays de deux millions
d’habitants, de 600 000 Palestiniens concentrés dans des camps au moment
où, du fait du dynamisme démographique des musulmans et de la plus forte
émigration des chrétiens, ceux-ci deviennent minoritaires.

La guerre civile : les interventions syrienne et israélienne

Le fossé ne cesse de s’élargir entre les Palestiniens de l’OLP de Yasser


Arafat, qui construisent au Liban un véritable État dans l’État, et une
société libanaise qui reste profondément marquée par le clanisme
(particularisme de la Montagne druze), le clientélisme, l’occidentalisation
des élites chrétiennes et sunnites, la pauvreté de la minorité chiite, les
inégalités sociales.
Ce fractionnement favorise l’engrenage d’une guerre civile qui
commence, en avril 1975, par des heurts entre Palestiniens et armée
libanaise puis se complique du jeu complexe d’alliances instables entre les
milices chrétiennes, « progressistes », druze et chiites, avec Israël, la Syrie
ou l’Iran. Appelée à l’aide en 1976 par une faction chrétienne, la Syrie
d’Hafez el-Assad fait ratifier en octobre par les pays arabes (accords du
Caire) son intervention et utilise ses « casques verts » pour imposer au
Liban une souveraineté limitée sous tutelle syrienne.
De son côté, Israël occupe en mars 1978, le Sud-Liban (accès aux eaux
du Litani) afin de stopper les incursions palestiniennes sur son territoire
puis, lors de son retrait en juillet, empêche le déploiement des Casques
bleus de la FINUL que l’ONU veut installer dans une « zone de sécurité »
le long de sa frontière, où le général chrétien dissident Haddad proclame
(1979) un État du Liban libre.
En juin 1982, l’opération « Paix en Galilée » menée par Israël pour
repousser les forces palestiniennes à plus de 40 kms de la frontière israélo-
libanaise, conduit l’armée israélienne jusqu’à Beyrouth. Dans son sillage,
des milices chrétiennes y procèdent à des massacres de civils dans les
camps palestiniens de Sabra et Chatila (17 septembre), tandis que 15 000
fedayin sont contraints au départ, sous protection d’une force multinationale
envoyée par l’ONU. Puis en décembre 1983, Y. Arafat et 4 000 autres
combattants palestiniens encerclés à Tripoli par les Syriens quittent le Liban
par la mer, couverts, pour l’ONU, par des forces française et grecque.
Élu président de la République en août 1982, Béchir Gemayel (chef de la
milice chrétienne des Phalanges libanaises) puis, après son assassinat, le 14
septembre, son frère Amine, négocient avec Israël un traité (non ratifié) et
le retrait de ses forces sur le Litani.
À la demande du Gouvernement libanais, une force multinationale
(États-Unis, France, Angleterre, Italie) est envoyée par l’ONU à la fin
septembre 1982. Mais, en octobre 1983, des attentats meurtriers frappent les
contingents français et américain, attribués au mouvement chiite Hezbollah,
protégé et armé par la Syrie et l’Iran. La force internationale se retire au
début de 1984. C'est aussi le Hezbollah qui est fortement soupçonné d’avoir
enlevé, détenu et parfois assassiné plus de trente otages occidentaux entre
1985 et 1991.
Le conflit culmine en 1988 : devant l’impossibilité d’organiser une
élection à la fin de sa présidence, A. Gemayel confie le pouvoir au
commandant en chef, le général chrétien Aoun qui s’oppose aux milices et
proclame, en mars 1989, la « guerre de libération contre la Syrie ».

La « paix syrienne »
À Taëf (Arabie Saoudite), 62 députés libanais élus en 1972 s’entendent
en septembre 1989 sur la révision du Pacte national (augmentation du
nombre de députés, diminution des pouvoirs du président de la République
au profit du Premier ministre et du président de l’Assemblée, désarmement
des milices). La pérennisation de la présence militaire de la Syrie permet à
celle-ci d’influencer de manière déterminante l’élection présidentielle et la
constitution du gouvernement, puis de donner l’assaut au réduit encore
contrôlé par le général Aoun, le 12 octobre 1990, en profitant de la
neutralité occidentale que vaut à Hafez el-Assad, sa participation à la
coalition internationale contre l’Irak dans la guerre du Golfe. Un traité syro-
libanais (22 octobre) établit une « coopération » des deux États dans tous
les domaines.
La fin des années 1990 est marquée par deux personnalités, le Premier
ministre Rafic Hariri (1992-1998 puis 2000-2004) qui conduit la
reconstruction du pays dans une certaine opacité financière, en ménageant
la Syrie et avec les soutiens saoudien et occidental ; le général Émile
Lahoud, présidence de la République de 1998 à 2007, qui reconstitue
l’armée libanaise et désarme les milices, mais est de plus en plus contesté
pour ses liens privilégiés avec Damas.

Les guerres entre Israël et le Hezbollah

Le Hezbollah est la seule milice à ne pas être désarmée par l’armée


libanaise en raison de son combat contre le maintien, au Sud-Liban, de
l’occupation israélienne appuyée sur la milice chrétienne de l’Armée du
Liban-Sud. Ses tirs de roquettes sur le nord d’Israël provoquent (11-27 avril
1996) l’opération israélienne « Raisins de la colère » qui entraîne l’exode
de 300 000 civils libanais alors que le bombardement d’installations de
l’ONU à Cana se solde par la mort de 118 civils qui s’y étaient réfugiés.
En 2000, le Gouvernement travailliste d’Ehud Barak se retire du Sud-
Liban. Mais en décidant de le faire unilatéralement plutôt qu’au terme
d’une négociation avec le gouvernement de Beyrouth, à laquelle s’oppose la
Syrie tant qu’Israël n’évacue pas le Golan, le gouvernement israélien offre
une victoire symbolique au Hezbollah dont la propagande prétend dès lors
qu’il a réussi à contraindre Israël au départ et qui entretient une tension
permanente autour des fermes de Chebaa, dernier litige territorial entre
Israël et le Liban.
À la suite de nouveaux tirs de roquettes et d’une incursion du Hezbollah
sur le territoire israélien où il fait prisonniers deux soldats, Israël lance une
opération militaire qui, du 12 juillet au 14 août 2006, soumet Beyrouth et le
Liban tout entier à des frappes massives et disproportionnées contre les
infrastructures et les populations civiles bien plus que contre le Hezbollah.
Ces opérations provoquent l’exode de plus d’un million de Libanais, font
au moins 1 300 morts, dont de très nombreux enfants, provoquent une
marée noire et des destructions considérables.
Le 11 août, la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU demande
un cessez-le-feu, augmente les effectifs de la force d’interposition au Sud-
Liban (FINUL), recommande le désarmement des milices et le départ de
toutes les forces étrangères du sol libanais, sans même condamner Israël.

Le difficile retour à l’indépendance

La mort du président syrien Hafez el-Assad (2000) auquel succède son


fils Bachar ne change rien aux rapports inégaux que la guerre civile a
établis entre Syrie et Liban. Il faut attendre la réorganisation d’une
opposition libanaise regroupant chrétiens, druzes et sunnites hostiles à la
présence syrienne derrière Rafic Hariri, l’assassinat de ce dernier en février
2005, les manifestations populaires qu’il suscite et les pressions conjointes
de la France et des États-Unis qu’il provoque, pour que les forces armées et
les services de sécurité syriens évacuent le pays en avril et qu’un
gouvernement libanais accepté par l’opposition prépare les premières
élections libres depuis le début de la guerre civile.
La victoire de celle-ci au scrutin de juin 2005 ouvre une période de
tension entre la nouvelle majorité hostile à la Syrie et une coalition des
oppositions où se côtoient le Hezbollah et le général chrétien Aoun, alors
que la résolution 1636 (1er novembre 2005), du Conseil de sécurité de
l’ONU enjoint la Syrie de coopérer avec la Commission d’enquête
internationale indépendante de l’ONU créée pour déterminer les
responsables de l’assassinat de R. Hariri (la résolution 1757 du 30 mai 2007
crée un Tribunal international chargé de juger ses assassins).
Le 17 mai 2006, le Conseil de sécurité adopte la résolution 1680,
encourageant la Syrie à délimiter sa frontière avec le Liban et à établir des
relations diplomatiques complètes avec le Liban qu’elle n’a jamais reconnu
de jure. Mais l’opération israélienne au Sud-Liban, puis de nouveaux
attentats (assassinat du ministre des Transports, Pierre Gemayel, le 21
novembre 2006), les démonstrations de force du Hezbollah dans les rues de
Beyrouth, exacerbent les tensions internes, rendant impossible l’élection
d’un successeur au président Lahoud à la fin de son mandat (novembre
2007).
La reprise d’un dialogue avec Damas dans le courant du printemps 2008
permet cependant de dénouer la crise. Après avoir succédé à Émile Lahoud
en 1998 à la tête de l’armée libanaise, le général Michel Sleimane lui
succède à la tête de l’État le 25 mai 2008. Puis, grâce à la médiation
française (juillet), il se rend en août à Damas où est annoncé l’échange
d’ambassadeurs entre les deux pays qui scelle la reconnaissance par la Syrie
de l’existence du Liban.
OD

CORM Georges, Le Liban contemporain, Paris, La Découverte, réed. 2005.


• Le Proche-Orient éclaté, 1956-2007, Paris, Gallimard, coll. « Folio
Histoire », 2007.
KASSIR Samir, La guerre du Liban, de la dissension nationale au conflit
régional, Paris-Beyrouth, Karthala-CERMOC, 1994.
→ ARAFAT, ASSAD, DE GAULLE, EAU, GOLFE (GUERRE DU),
LIGUE ARABE, NASSER, ONU, PALESTINIEN (PROBLÈME),
PANARABISME, SYKES-PICOT (ACCORDS), MANDATS

LIE Trygve (1896-1968)

Ministre travailliste des Affaires étrangères du gouvernement norvégien


en exil, en 1941, il représente son pays à la conférence des Nations unies à
San Francisco et y entretient de bonnes relations avec Américains et
Soviétiques. Il apparaît comme un candidat de compromis et est élu, le 1er
février 1946, secrétaire général de l’ONU pour un mandat de 5 ans. En
1946-1947, lors des affaires d’Iran, de Grèce, de Trieste et de Palestine (où
il se fait le champion du plan de partage), Lie s’attache à élargir le champ
d’action du secrétariat général : possibilité de donner son opinion sur les
matières débattues par le Conseil de sécurité, d’ouvrir des enquêtes, de
disposer d’une véritable administration, d’avoir des entretiens privés. En
1950, il est favorable à l’admission de la Chine populaire à l’ONU, puis
lorsque éclate la guerre de Corée, il déclare la Corée du Nord agresseur, et
permet aux États-Unis de couvrir leur intervention d’un mandat de l’ONU.
L’opposition de l’URSS et de la Chine nationaliste empêche le Conseil de
sécurité de proposer à l’Assemblée générale sa candidature pour un second
mandat, mais, le 1er novembre 1950, celle-ci le proroge de 3 ans. Il
démissionne néanmoins le 10 novembre 1952, jugeant son action paralysée
du fait de la guerre froide.
AD

BARROS James, Trygve Lie and the cold war, the UN Secretary-general,
1946-1953, Northern Illinois University Press, Dekalb, 1989.
→ CORÉE (GUERRE DE), GUERRE FROIDE, ONU (CONSEIL
DE SÉCURITÉ), SAN FRANCISCO (CHARTE DE), SAN
FRANCISCO (CONFÉRENCE DE)

LIGUE ARABE

Soucieuse de pérenniser son influence au Proche-Orient, l’Angleterre


tente de canaliser au profit des gouvernements en place avec lesquels elle
est étroitement liée l’aspiration à l’unité des Arabes. En effet, la politique
d’immigration juive en Palestine à la suite de la déclaration Balfour et le
partage de la région entre mandats français et anglais (1920) renforcent une
position anti-occidentale (révolte de Rachid Ali en Irak en 1941, création du
parti Ba’ath en 1945). C'est à son instigation que se réunissent à Alexandrie
en septembre 1944, des représentants de l’Arabie Saoudite, de l’Égypte, de
l’Irak, du Liban, de la Syrie, de la Transjordanie et du Yémen qui signent le
22 mars 1945 le pacte de la Ligue des États arabes.
Avec la décolonisation, la Ligue s’élargit aux États du Maghreb (Libye,
Maroc, Tunisie, Algérie), puis au Soudan, aux émirats du Golfe (Koweït,
Bahrein, Émirats arabes unis, Oman, Qatar), au Yémen du Sud, à la
Mauritanie et à la Somalie, à la Palestine, Djibouti et aux Comores. Elle
compte 22 membres depuis la réunification du Yémen en 1994. La Ligue
est dirigée par un secrétaire général assisté de conseils ministériels et
d’agences spécialisées (coopération culturelle, éducative, économique, etc.),
mais le sommet des chefs d’État, institutionnalisé en 1964, est son véritable
organe politique et les résolutions n’engagent que les États qui les ont
votées. Aussi les rivalités pour le leadership arabe n’ont-elles jamais permis
à la Ligue de s’imposer comme arbitre des conflits entre ses membres mais
l’ont souvent conduite à la paralysie ou au bord de l’éclatement.
Cependant, l’alliance militaire et de coopération économique qui
complète le Pacte en 1950 fournit la base juridique à l’envoi, en 1961, de
troupes arabes au Koweït, afin de garantir ce pays nouvellement
indépendant contre une annexion de l’Irak, et à la participation de certains
de ses membres à la coalition internationale lors de la guerre du Golfe
(1990-1991). La Ligue est aussi à l’origine, en 1989, de la conférence de
Taëf qui ouvre la voie au règlement de la guerre civile au Liban.
Dans le conflit avec Israël, la Ligue rejette en 1947 le plan de partage de
la Palestine et déclare qu’elle s’opposera par la force à la création d’un État
juif. Elle approuve la guerre menée par l’Égypte, la Transjordanie, la Syrie,
le Liban et l’Irak (1948-1949) contre Israël, mais ne peut empêcher le roi
Abdallah de Transjordanie de négocier secrètement avec l’État hébreu, puis
d’annexer, en avril 1949, la Cisjordanie. En 1964, la Ligue crée une
Organisation de Libération de la Palestine qui s’autonomise après la guerre
des Six jours (1967) et l’accession en 1969 de Yasser Arafat à sa direction.
Affaiblie par la liquidation de ses forces armées en Jordanie en septembre
1970, l’OLP est reconnue, en 1973, par la Ligue comme seul représentant
du peuple palestinien. La signature d’une paix séparée égypto-israélienne
(26 mars 1979) la conduit à sa crise la plus grave : l’Égypte est suspendue
et le siège de l’organisation transféré du Caire à Tunis où il demeure
jusqu’en 1990. Mais le sommet de Fès (1982) accepte implicitement un
partage de la Palestine et l’existence d’Israël en proposant comme base de
la paix l’autodétermination des Palestiniens vivant dans les territoires
occupés par l’État hébreu depuis 1967, Hussein de Jordanie renonçant en
1988 à la Cisjordanie. Affaiblie par ses divisions au lendemain de la guerre
du Golfe, la Ligue ne joue aucun rôle réel dans le processus de paix israélo-
arabe engagé alors.
OD

LAURENS Henry, Paix et guerre au Moyen-Orient ; l’Orient arabe de


1945 à nos jours, Armand Colin, 1999.
→ ARAFAT, BALFOUR (DÉCLARATION), GOLFE (GUERRE
DU), HUSSEIN (IBN TALAL), MANDATS, SIX JOURS (GUERRE
DES)

LITVINOV Maxime Maximovitch (1876-1951)

De son vrai nom Walach, il adhère au parti social-démocrate de Russie en


1898 et se réfugie à Londres en 1902, où il devient un des proches de
Lénine. Représentant officieux de la Russie soviétique au Royaume-Uni
après la révolution d’octobre 1917, il en est expulsé en 1921. Il devient
alors l’adjoint de Tchitcherine, auquel il succède en 1930 comme
commissaire du peuple aux Affaires étrangères. Il dirige et représente avec
habileté à l’étranger la diplomatie soviétique. S'efforçant d’intégrer l’Union
soviétique au cercle des grandes puissances européennes en se faisant
l’avocat du désarmement et de la sécurité collective, Litvinov participe en
particulier à la conférence de Gênes sur les réparations (mai 1922) et à la
conférence de Genève sur le désarmement (1932-1934). En février 1929, il
parvient à réunir les États d’Europe centrale et l’URSS dans un même
système de non-agression : le protocole Litvinov, prolongement du pacte
Briand-Kellogg. Partisan de l’entrée de son pays à la SDN (1934-1938), il y
représente l’URSS et tente de s’opposer, au nom de la sécurité collective,
aux initiatives allemandes, japonaises et italiennes. Favorable à un
rapprochement avec les démocraties occidentales contre Hitler, il négocie
l’établissement de relations diplomatiques entre l’URSS et les États-Unis
(1934), ainsi que les pactes d’assistance mutuelle franco-soviétique avec
Laval (2 mai 1935), et tchéco-soviétique (16 mai 1935). Son hostilité
affirmée au nazisme et ses origines juives expliquent que Staline, qui
cherche à négocier avec Hitler, le remplace par Molotov le 4 mai 1939.
Après l’attaque allemande de juin 1941, Litvinov retrouve un dernier poste
important comme ambassadeur à Washington (novembre 1941-août 1943).
AD

PHILLIPS Hugh D., Between the revolution and the West : a political
biography of Maxim M. Litvinov, Boulder, Westview Press, 1992.
→ BRIAND-KELLOGG (PACTE), DÉSARMEMENT, HITLER,
LAVAL, LÉNINE, MOLOTOV, RÉPARATIONS, SDN, SÉCURITÉ
COLLECTIVE, STALINE

LLOYD George David (1863-1945)

Fils d’instituteur, ce juriste, nationaliste gallois modéré entre au


Parlement de Londres comme libéral en 1890 et est constamment réélu
jusqu’à sa mort. Remarqué pour ses attaques contre la guerre des Boers
(1899-1902), il entame une carrière de ministre après l’arrivée au pouvoir
des libéraux (1906). Chancelier de l’Échiquier du gouvernement Asquith, il
défend en 1908-1909 un « budget du peuple » destiné à rendre possible le
financement des réformes sociales et du réarmement naval face à
l’Allemagne. En 1914, il est d’abord hostile à l’entrée en guerre du
Royaume-Uni, mais l’invasion de la Belgique retourne ce champion des
petites nations. Comme chancelier de l’Échiquier, puis ministre des
Munitions (mai 1915) et ministre de la Guerre (juin 1916), il organise la
mobilisation de l’économie britannique. Accusant Asquith de faiblesse, il
démissionne, ce qui précipite la chute du cabinet, et derechef il le remplace
comme Premier ministre (7 décembre 1916). Après l’armistice, il remporte
les élections de décembre 1918 et peut, avec Clemenceau et Wilson, définir
le contenu des traités de paix. Arbitrant entre Américains et Français, il
atténue les conditions imposées à l’Allemagne sur le plan territorial, obtient
pour son pays des avantages coloniaux (Irak, Palestine, ex-colonies
allemandes d’Afrique) et une part importante des réparations. Tenté, au nom
de l’anticommunisme, par une guerre contre la Russie soviétique, il en est
dissuadé par les réactions de son opinion publique. En décembre 1921, il se
résigne à l’indépendance d’une partie de l’Irlande. Le retrait des
conservateurs de sa coalition (octobre 1922) entraîne sa démission. Le
déclin électoral du parti libéral rend impossible son retour au pouvoir.
Professant des idées pacifistes, il n’en dénonce pas moins la politique
d’appeasement de Neville Chamberlain, mais refuse d’entrer dans le
cabinet de Churchill en mai 1940.
AD

PACKER Ian, Lloyd George, New York, St. Martin’s Press, 1998.
→ APPEASEMENT, BOERS (GUERRE DES), CHAMBERLAIN,
CHURCHILL, CLEMENCEAU, RÉPARATIONS, TRAITÉS DE
PAIX, WILSON

LOCARNO (CONFÉRENCE, ACCORDS DE)

Convoquée au cœur de l’entre-deux-guerres dans un esprit de paix et de


réconciliation entre les peuples, la conférence de Locarno (Suisse) réunit du
5 au 16 octobre 1925 les représentants de l’Allemagne, de la Belgique, de la
France, de la Grande-Bretagne et de l’Italie, marqués par l’échec du
protocole de Genève (1924). Décidés à liquider les différends nés du traité
de Versailles, ceux-ci témoignent d’une volonté commune de parvenir à un
système de sécurité collective dans le cadre de la Société des Nations qui
puisse garantir la stabilité en Europe. Fait sans précédent, la rencontre
associe l’Allemagne vaincue à la construction de la paix en la traitant
comme un partenaire égal en droit. L'arrivée de Briand à la tête du Quai
d’Orsay, en France, n’est pas étrangère au revirement de la politique
étrangère de la France marquée jusque-là par la volonté d’exécution,
incarnée par Raymond Poincaré. Acquis au rapprochement avec
l’Allemagne, ce pacifiste convaincu instaure un climat propice au dialogue
dont Stresemann, son homologue allemand, sait tirer le meilleur parti dans
un contexte intérieur pourtant explosif depuis que l’occupation de la Ruhr
par les troupes françaises et belges (1923) suscite la colère des éléments
nationalistes. De la série de traités, pour la plupart bilatéraux, conclus à
l’issue de la conférence entre les puissances participantes, le plus important
est sans conteste le pacte rhénan préparé par Stresemann en étroite
collaboration avec la diplomatie britannique. Garantissant les frontières
occidentales de l’Allemagne avec la France et la Belgique, il signifie que le
Reich accepte la perte de l’Alsace et de la Lorraine imposée par le traité de
Versailles et renonce volontairement, moyennant une garantie anglo-
italienne, à toute révision des dispositions frontalières qu’il comporte dans
ce domaine. Un pacte de non-agression est conclu entre la France et
l’Allemagne. En échange, l’Allemagne obtient à Locarno la promesse de
son entrée à la SDN aux conditions posées par Stresemann et l’assurance de
l’évacuation de la zone de Cologne puis, à terme, des territoires rhénans
encore occupés. Ces accords marquent une réelle détente entre la France et
l’Allemagne, mais peut-on pour autant exalter « l’esprit de Locarno » ?
C’est un succès certain pour la diplomatie allemande et le point de départ
d’autres revendications, dans la droite ligne de la méthode inaugurée par le
ministre des Affaires étrangères Walter Rathenau (1867-1922) auprès des
alliés et qui, aux yeux de Stresemann, doit mener peu à peu à la révision
complète des contraintes de Versailles, ainsi qu’il l’explique dans son
programme de politique étrangère adressé au Kronprinz (1925). Aussi les
accords de Locarno laissent-ils béant le problème des frontières orientales
de l’Allemagne dont Stresemann espère obtenir la rectification malgré les
pressions de la France qui, constatant son manque d’influence, conclut des
accords défensifs avec la Pologne et la Tchécoslovaquie. Sans doute est-ce
la raison pour laquelle l’esprit de Locarno, au-delà d’un rapprochement
franco-allemand éphémère, n’apporte pas la détente escomptée ni ne survit
aux ambitions d’Hitler, qui viole les accords de Locarno en 1936 par la
remilitarisation de la Rhénanie. À diverses reprises par la suite, le précédent
de Locarno est utilisé pour tenter de résoudre les problèmes légués par la
Seconde Guerre mondiale.
FG

DOCKRILL, Michael, Locarno revisited : European diplomacy 1920-1929,


London, Frank Cass, 2004. JACOBSON Jon, Locarno diplomacy, Germany
and the West, 1925-1929, Princeton University Press, 1972.
→ ALLEMANDE (QUESTION), ALSACE-LORRAINE, BRIAND,
HITLER, POINCARÉ, RUHR, SDN, SÉCURITÉ COLLECTIVE,
TRAITÉS DE PAIX

LOMÉ (ACCORDS)/ AIDE AU DÉVELOPPEMENT

La première convention d’association des Pays et Territoires d’Outre-Mer


francophones au Marché commun européen, en vue de leur développement
économique et social, est signée le 25 mars 1957 pour cinq ans dans le
cadre du traité de Rome. Après leur accession à l’indépendance, les liens
avec la CEE ne sont pas rompus. La convention définissant leur statut
d’États associés est périodiquement renouvelée. Le 20 juillet 1963, la
nouvelle convention, dite de Yaoundé, établit une coopération financière,
technique et commerciale entre la CEE et dix-huit États africains et
malgache associés (EAMA). Le régime de libre-échange existant depuis
1957 entre la CEE et ces États est maintenu, des mesures d’accélération
destinées à favoriser les importations de produits tropicaux de ces pays sont
prévues, et les droits de douane supprimés pour la plupart des produits
importés dans la CEE. La convention établit une zone de préférence
douanière entre la CEE et les États associés. Les ressources du Fonds
européen de Développement (FED) pour financer des projets de
développement agricole en Afrique sont augmentées. Pour compléter les
actions du FED, la Banque européenne d’investissement peut intervenir
sous forme de prêts et d’avances pour régulariser les cours des produits
tropicaux. Cette première convention de Yaoundé est suivie d’une
deuxième, signée en 1969, élargissant les attributions du FED avec la
participation au capital d’entreprises industrielles africaines et l’octroi
d’aides exceptionnelles pour compenser la baisse des prix des produits
primaires. Avec l’élargissement de la CEE en 1972, les conventions de
Yaoundé et d’Arusha pour les pays anglophones sont remplacées par les
conventions de Lomé, comprenant désormais dans la coopération
communautaire les pays anglophones. L’ensemble de ces pays sont appelés
ACP (pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique). Cinq conventions se
succèdent depuis un peu plus de vingt ans. La première, Lomé I, est signée
le 28 février 1975 par la CEE et quarante-six États ACP (dix-neuf États déjà
associés à la CEE, vingt et un États appartenant au Commonwealth et six
États d’Afrique sans liens particuliers avec les pays de la CEE). Les trois
premières conventions sont signées pour cinq ans, Lomé II l’est le 31
octobre 1979 avec cinquante-sept ACP ; Lomé III, le 8 décembre 1984 avec
soixante-six ACP ; Lomé IV est signée le 15 décembre 1989 pour dix ans et
lie la CEE à soixante-dix pays ACP ; Lomé V est signée en juin 2000. Ces
conventions portent sur la coopération commerciale, industrielle, financière
et technique. Lomé I met en place le STABEX, système de stabilisation des
recettes d’exportation des ACP contre les fluctuations de prix de certains
produits de base de ces pays (café, coton, cacao, arachides). Lomé II
institue le SYSMIN qui garantit la couverture des produits miniers si la
baisse des cours est telle qu’elle menace le potentiel de production ou les
recettes d’exportation des produits miniers des ACP. Au terme de Lomé IV,
la quasi-totalité des produits des États ACP peuvent entrer sans restrictions
quantitatives ni droits de douane dans la CEE, sans obligation de
réciprocité. Les accords étendent la coopération à l’environnement, la lutte
contre la désertification, l’agriculture, la pêche, l’industrie, les services, et
sont complétés par une coopération financière et technique. La CEE devient
le premier partenaire commercial du Tiers Monde. En 1994-1995, des
négociations sont engagées pour la révision de certaines dispositions de
Lomé IV, la CEE souhaitant conditionner l’aide financière aux États ACP à
leur volonté de s’engager dans un processus de démocratisation et de
respect des droits de l’homme. Le 23 juin 2000, l’Union européenne et les
pays ACP signent à Cotonou (Bénin) un nouvel accord de partenariat qui
entre en vigueur le 1er avril 2003. Conclu pour vingt ans, cet accord réunit
les 79 États du groupe ACP et les 27 pays de l’Union européenne. Il
comporte une clause de révision tous les cinq ans (art. 95), un protocole
financier de cinq ans et lie l’aide au développement à une « dimension
politique ». La progression de la pauvreté dans un certain nombre de pays,
l’évolution démographique et les conditions de l’environnement mondial
conduisent à sa révision. Les négociations de révision de Cotonou sont
lancées en mai 2004, achevées le 23 février 2005, l’accord révisé est signé à
Luxembourg le 25 juin 2005. La réduction de la pauvreté et le
développement durable sont et restent la priorité. Parmi les nouvelles
dispositions figurent le renforcement du dialogue politique sur les droits de
l’homme, les principes démocratiques et l’État de droit, l’inclusion d’une
référence à la coopération dans la lutte contre le terrorisme, contre la
prolifération des armes de destruction massive, la prévention des activités
des mercenaires, une disposition sur la Cour pénale internationale et le
Statut de Rome. L’accord révisé contient des engagements sur les stratégies
de développement, des modifications à la facilité d’investissement et une
plus grande flexibilité dans l’allocation des ressources financières. Le
Fonds européen de développement (FED) est l’instrument principal de
l’aide communautaire.
CB

ALMEIDA-TOPOR Hélène, LAKROUM Monique, L'Europe et l’Afrique.


Un siècle d’échanges économiques, Armand Colin, 1994.
DEGRYSE Christophe, Dictionnaire de l’Union européenne, Éditions de
Boeck & Larcier, 3e édition, 2007.
TINTURIER Jacques, De la coopération à l’aide au développement en
Afrique, L'Harmattan, 2001.
→ CEE, DÉVELOPPEMENT, ROME (TRAITÉ DE), TIERS
MONDE, UE

LUBLIN (COMITÉ DE)

Réfugié à Londres après la défaite et le démembrement de la Pologne


prévu par le pacte germano-soviétique, le gouvernement dirigé par Sikorski
puis par Mikolajczyck appuie la résistance nationaliste polonaise qui, sur le
terrain, fait obstacle au projet soviétique d’implantation d’un gouvernement
allié qui serait disposé à accepter la ligne Curzon comme frontière
extérieure de la Pologne. Le Comité de libération de Lublin, pro-soviétique,
est le fruit du regroupement du Parti socialiste polonais et de communistes
actifs en Pologne. L’URSS installe d’abord le Comité à Chelm puis à
Lublin, le jour de l’insurrection de Varsovie (1er août 1944), tandis que
l’Armée rouge assiste impassible à la répression des forces démocratiques.
Seul gouvernement d’exil reconnu par Moscou, le Comité de Lublin est
chargé de l’administration des territoires polonais libérés par les troupes
soviétiques. Dès lors, les Occidentaux reconnaissent de facto ce
gouvernement reconnu de jure par l’URSS. Les thèses soviétiques
l’emportent d’ailleurs à Yalta où les Anglo-Saxons acceptent que l’exécutif
du Comité de Lublin fournisse le noyau du futur gouvernement provisoire
auquel s’ajoutent quelques membres du gouvernement de Londres. Les
élections truquées de 1947 donnent définitivement la victoire aux
communistes.
FG

GARLINSKI Jozef, Poland in the Second World War, New York,


Hippocrene Books, 1988.
→ CURZON (LIGNE), YALTA (CONFÉRENCE DE)

LUXEMBOURG (COMPROMIS DE)

Ce compromis est la conclusion de la crise institutionnelle de 1965-1966


entre la France et ses partenaires.
La Commission propose que les dépenses agricoles soient couvertes par
des ressources propres, le budget étant contrôlé par le Parlement européen,
ce qui élargirait les compétences de la Commission et du Parlement.
Considérant qu’il s’agit d’une entreprise supranationale, la France y est
hostile. Elle refuse également la clause du traité de Rome qui prévoit le vote
à la majorité qualifiée au Conseil, pour la troisième phase de la période
transitoire. Devant le désaccord persistant, Paris décide de suspendre sa
participation aux institutions européennes. Maurice Couve de Murville
quitte le Conseil qu’il préside alors. C’est « la crise de la chaise vide » qui
dure du 30 juin 1965 au 30 janvier 1966. Elle se termine à la conférence de
Luxembourg par un compromis, ou plutôt un constat de désaccord :
établissement d’une collaboration plus étroite entre la Commission et le
Conseil des ministres ; sauvegarde du principe du vote majoritaire mais
avec une application limitée (la règle de l’unanimité, que défend la France,
est maintenue quand un État considère que ses intérêts vitaux sont en jeu).
Ce compromis contribue à limiter le rôle de la Commission au profit du
Conseil des ministres.
Les travaux communautaires reprennent, notamment quant à la fusion
des exécutifs des Communautés (CECA, CEE, CEEA) ; un Conseil des
Communautés et une Commission unique entrent en fonction en juillet
1967. Jusqu’en 1985, le compromis de Luxembourg est mis en avant pour
faire de l’unanimité la procédure de délibération au sein du Conseil.
Ch. M

→ CEE, COUVE DE MURVILLE, PAC, ROME (TRAITÉS DE)


M

MAASTRICHT (TRAITÉ DE) → UNION EUROPÉENNE


(TRAITÉS DE L')

MACDONALD Ramsay (1866-1937)

Leader du parti travailliste britannique, il en fait un parti de gouvernement


avant de l’abandonner en 1931. Journaliste d’origine modeste, opposant à la
guerre des Boers, il est en 1906 un des premiers députés du nouveau parti
travailliste. Pacifiste, il refuse le vote des crédits de guerre le 5 août 1914,
démissionne de la présidence du groupe parlementaire travailliste, puis milite
pour une paix de compromis, ce qui lui vaut une défaite aux élections de
1918. Les déceptions de l’après-guerre et son anticommunisme affirmé lui
permettent de retrouver un siège de député et la présidence du groupe
parlementaire en 1922. Premier ministre, et ministre des Affaires étrangères,
du premier gouvernement travailliste homogène (22 janvier 1924-4 novembre
1924), MacDonald contribue à détendre la situation en Europe. Il reconnaît
l’URSS, accepte le plan Dawes, se rapproche de la France en concluant avec
Édouard Herriot le protocole de Genève pour le règlement des différends
internationaux, qu’il ne peut faire ratifier, et normalise les relations entre le
Royaume-Uni et l’État libre d’Irlande. De nouveau Premier ministre après la
victoire électorale travailliste de 1929, il fait adopter le statut de Westminster
qui crée un « Commonwealth britannique des nations », mais son
gouvernement est désemparé par la crise financière de 1931. MacDonald
n’hésite pas alors à prendre la tête d’une nouvelle majorité d’« union
nationale » avec les conservateurs qui dirigent en réalité le cabinet. Il
abandonne le Gold Exchange Standard (1931), puis le libre-échange (1932),
et adopte la politique douanière de « préférence impériale » à la conférence
d’Ottawa de 1932. Pour tenter de faire aboutir la conférence de Genève sur le
désarmement, il propose le principe de l’égalité des droits entre la France et
l’Allemagne. Cependant, prenant conscience au printemps 1935 du danger
allemand, il entame une politique de réarmement et fait participer, en avril,
son pays à la rencontre de Stresa, avant de céder son poste de Premier
ministre au conservateur Baldwin le 7 juin.
AD

MORGAN Austen, Ramsay MacDonald, Manchester, Manchester University


Press, 1987.
→ BALDWIN, COMMONWEALTH, HERRIOT

MACÉDOINE (QUESTION DE)

Question macédonienne et question d’Orient

Soumise à la domination ottomane à partir du 14e siècle, la Macédoine est


une mosaïque de populations slave, chrétienne ou islamisée (Pomaks),
grecque, turque, juive, albanaise, koutso-valaque roumanophone et tsigane.
Le réveil national bulgare et la création, en 1870, par le sultan, d’un exarchat
bulgare indépendant du patriarcat orthodoxe grec, y conduit à une rivalité des
Églises et des nationalismes serbe, grec et bulgare, alors que les dialectes
slavo-macédoniens sont, suivant les régions, plus ou moins proches du
bulgare ou du serbo-croate.
La victoire russe sur l’Empire ottoman crée, en mars 1878 (traité de San
Stefano), une Bulgarie indépendante comprenant l’ensemble de la
Macédoine. Mais, sous la pression austro-anglaise, en juillet 1878, le congrès
de Berlin transforme la Bulgarie en principauté vassale de la Porte, et restitue
la Macédoine à l’Empire ottoman, sous réserve de réformes en faveur de la
population chrétienne.
En 1893, la création de l’ORIM (Organisation révolutionnaire intérieure
macédonienne) fait émerger une revendication d’indépendance slavo-
macédonienne, qui s’affirme dans un terrorisme dirigé contre les Ottomans
mais également contre les populations non slaves, tandis qu’à Sofia est créé,
en 1895, un comité macédonien qui réclame le rattachement de la totalité de
la Macédoine à la Bulgarie.
L'insurrection de la saint-Élie et l’intervention européenne

En août 1903, l’ORIM déclenche une insurrection. La violente répression


ottomane fait plusieurs milliers de morts et détruit des centaines de villages,
provoquant l’émotion en Europe occidentale. L’Autriche-Hongrie et la Russie
s’entendent alors sur un programme de réformes, prévu par le traité de Berlin
et jamais mis en œuvre, approuvé par l’ensemble des puissances européennes
et qui est imposé au sultan. Le gouverneur ottoman est flanqué d’un Austro-
Hongrois et d’un Russe, tandis que des officiers italiens, russes, austro-
hongrois, français, britanniques et allemands sont chargés de réorganiser la
gendarmerie ottomane et de permettre l’insertion des chrétiens dans la vie
publique et administrative. Une réorganisation de la fiscalité est également
mise en œuvre, mais celle de la justice ne sera jamais appliquée puisque, en
signe de bonne volonté face à la révolution jeune-turque de 1908 et au
rétablissement de la Constitution ottomane de 1876, les puissances retirent
leurs missions en Macédoine, où l’administration ottomane en revient
aussitôt à ses anciennes pratiques.

Le partage de la Macédoine

Enjeu principal des guerres balkaniques, la Macédoine est partagée au


traité de Bucarest (août 1913), entre la Grèce (Macédoine égéenne et
Salonique, 34 000 km2), la Serbie (Macédoine du Vardar, 26 000 km2) et la
Bulgarie. Celle-ci n’obtient que la Macédoine du Pirin (7 000 km2) alors
qu’elle revendique la totalité du territoire macédonien, ce que lui promet
l’Allemagne afin de l’entraîner à ses côtés dans la Première Guerre mondiale
en 1915.
Mais en 1918 le partage est maintenu et les échanges de minorités
contribuent à homogénéiser la population de chacune des trois Macédoine.
Après la victoire de Kémal en Turquie et le traité de Lausanne (1923), de
nombreux réfugiés grecs d’Asie Mineure sont installés en Macédoine
égéenne.
Durant l’entre-deux-guerres, l’ORIM entretient, par ses attentats, un climat
de tension entre la Bulgarie et le royaume yougoslave qui considère les
Macédoniens comme des Serbes du sud. L'ORIM coopère en outre avec les
terroristes croates du mouvement oustachi (assassinat de Louis Barthou et du
roi Alexandre de Yougoslavie à Marseille en 1934).
Entre 1941 et 1945, la Bulgarie alliée à l’Axe annexe la plus grande partie
de la Macédoine yougoslave (l’ouest est annexé par l’Albanie fasciste), ainsi
que l’est de la Macédoine égéenne (Thessalonique et l’ouest restent sous
contrôle allemand) où elle pratique une meurtrière politique de slavisation
forcée.

La Macédoine dans la guerre froide

En 1945, Tito fait de la Macédoine du Vardar une des six républiques


fédérées de la République populaire fédérative de Yougoslavie. Dès 1944, il
envisage avec le Bulgare Dimitrov (1882-1949) la création d’une fédération
balkanique, dont la Macédoine réunifiée serait l’une des composantes. Puis, il
exige le ralliement à ce projet, en échange de son aide matérielle et militaire,
des communistes grecs qui, après la Libération, s’engagent dans une guerre
civile contre le Gouvernement monarchiste grec soutenu par les Anglo-
Américains.
Mais Staline voit dans ce projet de fédération une tentative d’hégémonie
yougoslave sur les Balkans et la condamnation de Tito par le Kominform en
1948 gèle la question macédonienne.

Un divorce à l’amiable

Malgré la politique de développement régional, la République de


Macédoine est l’une des régions les plus pauvres de la Yougoslavie en 1991.
Durant le processus de dissociation, ses responsables se posent en médiateurs
et tentent de trouver une solution politique permettant une rénovation de la
fédération.
Les premières élections libres en novembre-décembre 1990 se déroulent
dans un climat de tension entre la majorité slave et la minorité albanaise (un
tiers de la population), majoritaire dans la frange occidentale du territoire
adossée à l’Albanie. L'ORIM (VMRO en macédonien) reconstituée s’impose
comme la première force politique, mais la coalition des partis issus de la
Ligue des communistes est majoritaire au parlement qui élit le titiste Kiro
Gligorov président de la République (réélu en 1994).
Le 8 septembre 1991, 95 % des votants optent pour l’indépendance, le
texte soumis à référendum prévoyant néanmoins le maintien dans la
fédération si celle-ci parvient à se rénover. L’abstention est forte dans les
minorités albanaise et serbe. Le retrait de l’armée fédérale, dans l’hiver 1991-
1992, se déroule pacifiquement.

Une reconnaissance internationale compliquée

En janvier 1992, la commission Badinter, créée par le Conseil européen


pour apprécier la recevabilité des demandes de reconnaissance des États issus
de la Yougoslavie, obtient la modification de deux articles de la Constitution
macédonienne pouvant apparaître comme irrédentiste. Le 16, la Bulgarie
reconnaît l’existence de l’État macédonien, mais non la nation macédonienne
qu’elle continue à concevoir comme une partie de la nation bulgare. Quant à
la Grèce, elle bloque la reconnaissance de la nouvelle République par la
Communauté européenne pour trois raisons :
• le préambule de sa Constitution qui fait référence à la Macédoine d’avant
le partage de 1913 ;
• le drapeau adopté par le nouvel État, utilisant le symbole de la dynastie
macédonienne antique dont la capitale et la nécropole sont situées en
Macédoine grecque ;
• l’utilisation de la dénomination « République de Macédoine », sans autre
qualificatif, apparaît aux Grecs comme l’expression d’une volonté de
monopoliser le nom de la région et donc de remettre en cause son partage.
À la suite d’une médiation de l’ONU, le nouvel État devient membre des
Nations unies sous le nom provisoire d’Ancienne République Yougoslave de
Macédoine (ARYM ou FYROM en anglais). Soumise à un embargo décrété
par la Grèce en avril 1994, l’ARYM accepte, en septembre 1995 de changer
son drapeau en échange de la normalisation de la situation. La Grèce est
devenue depuis le premier investisseur en ARYM, dont elle est aussi le
premier partenaire commercial. Mais toutes les négociations sur le nom ont
échoué entraînant, à l’été 2008, le maintien du veto grec à l’entrée de
l’ARYM dans l’OTAN.
Un État fragile

Le 11 décembre 1992 (résolution 795), le Conseil de sécurité de l’ONU


déploie en ARYM, pour la première fois préventivement, un contingent de
Casques bleus de la FORPRONU à forte participation américaine.
Depuis l’indépendance, les tensions, aggravées par une situation
économique catastrophique, ne cessent de croître entre la majorité slave et la
minorité albanaise. Cette minorité au fort dynamisme démographique est
représentée par des partis ethniques, dont les deux principaux sont associés
aux différents Gouvernements depuis mars 1991. Mais en janvier 1992, 90 %
des Albanais d’ARYM se prononcent, lors d’un référendum illégal, pour une
autonomie politique et territoriale de la région où ils sont majoritaires et où se
sont installés, dès 1981, de nombreux Albanais du Kosovo qu’une loi
d’octobre 1992 empêche d’accéder à la nationalité macédonienne.
Soutenu par Tirana, puis par l’Armée de libération nationale kosovare
(UÇK), nourri du sentiment de nombreux Albanophones d’être discriminés,
le courant ultra-nationaliste albanais multiplie les incidents. Les émeutes qui
accompagnent l’ouverture d’une université albanaise libre à Tetovo, en
février 1995, amorcent un cycle de violences et de répression qui s’exacerbe
avec la détérioration de la situation au Kosovo (nombreux attentats à la
bombe de l’UÇK en 1997-1998).
En décembre 1998, l’OTAN déploie une force destinée à protéger les
observateurs de l’OSCE, mais la guerre qu’elle mène au Kosovo en 1999
entraîne l’afflux de plus de 200 000 réfugiés en ARYM, parmi lesquels
nombre de combattants, et d’armes, de l'UÇK.

L’épreuve de force de 2001

Partisan d’une sécession des Albanais de Macédoine dans un Grand


Kosovo ou une Grande Albanie reconstituée, l’UÇK-Macédoine prend le
contrôle (février 2001) de plusieurs villages et agglomérations le long de la
frontière du Kosovo, bombarde Tetovo (mars) et progresse jusqu’aux abords
de la capitale, Skopje.
L’intervention armée de l’OTAN impose la paix aux belligérants, puis une
médiation américaine et européenne aboutit à l’acceptation par les parties de
l’Accord-cadre d’Ohrid (13 août 2001). La réforme constitutionnelle qui en
découle étend les droits linguistiques des Albanophones. La langue albanaise
est autorisée au Parlement, dans les administrations, la justice, et reçoit un
statut de deuxième langue officielle dans les régions où les Albanophones
constituent plus de 20 % de la population. Les députés albanophones
obtiennent un droit de veto pour les textes législatifs concernant la minorité.
Les rapports n’en restent pas moins tendus entre les deux principales
communautés d’un pays dont l’existence et l’équilibre restent largement
tributaires de l’assistance internationale.

La stabilisation

En avril 2003, l’Union européenne a pris le relais de l’OTAN, qui reste


néanmoins présente dans le pays, pour sa première mission militaire
(Concordia), avant la mise en place en 2004 et 2005 des missions de police
Proxima et EUPAT.
Le 9 avril 2001, l’ARYM a signé un accord de stabilisation et
d’association avec l’Union européenne qui lui reconnaît, en 2005, le statut de
candidat à l’adhésion.
OD

CHICLET Christophe, LORY Bernard (dir.), La République de Macédoine,


Paris, L'Harmattan, coll. « Les cahiers de Confluences », 1998.
LONDRES Albert, Les Comitadjis, 1932, Paris, Le Serpent à plumes,
rééd., 2002.
RUPNIK Jacques, De Sarajevo à Sarajevo, l’échec yougoslave, Bruxelles,
Complexe, 1999.
TERNON Yves, Empire ottoman, Le déclin, la chute, l’effacement, Paris,
Éditions du Félin, poche/Éditions Michel de Maule, 2005.
WEIBEL Ernest, Histoire et géopolitique des Balkans de 1800 à nos jours,
Paris, Ellipses, 2002.
→ BALKANIQUES (GUERRES), BARTHOU, KÉMAL,
KOMINFORM, KOSOVO, MILOSEVIC, ONU, OTAN, STALINE,
TITO, UE, VÉNIZÉLOS, YOUGOSLAVIE
MACMILLAN Harold (1894-1986)

Éditeur, député conservateur à partir de 1923, son opposition à


l’appeasement lui vaut son entrée dans le gouvernement Churchill (10 mai
1940). Après le débarquement en Afrique du Nord (8 novembre 1942), il est
envoyé à Alger en tant que ministre-résident auprès du Quartier général des
forces alliées en Méditerranée (décembre 1942-mai 1945). Il y négocie avec
Eisenhower et de Gaulle, s’occupe des affaires italiennes et pousse à une
intervention britannique dans la guerre civile grecque. Lors du retour au
pouvoir des conservateurs en 1951, il retrouve des responsabilités
gouvernementales. Après l’échec de l’expédition de Suez, il succède comme
Premier ministre à Anthony Eden (10 janvier 1957), et répare le tort causé
par cette affaire aux relations anglo-américaines. Puis il mène à bien (sauf en
Rhodésie) la décolonisation de l’Afrique britannique (1957-1961). Pour
préserver l’existence du Commonwealth, il accepte que l’Afrique du Sud en
soit exclue de fait pour cause d’apartheid. Enclin aux concessions durant la
crise de Berlin (1958-1961), il n’hésite pas à se rendre à Moscou pour tenter,
vainement, de négocier avec Khrouchtchev (février 1959). En 1961,
Macmillan semble vouloir intégrer son pays à l’Europe en posant sa
candidature au Marché commun. Mais après la signature avec Kennedy des
accords de Nassau (décembre 1962), de Gaulle y oppose son veto (janvier
1963). Affaibli par cette rebuffade et par la compromission d’un membre de
son cabinet dans une affaire d’espionnage soviétique (l’affaire Profumo), il
joue encore un rôle dans la conclusion du traité de Moscou sur l’interdiction
des essais nucléaires dans l’atmosphère (juillet 1963), mais démissionne le 18
octobre 1963.
AD

ALDOUS Richard, Harold Macmillan and Britain’s world role, London,


Macmillan press, 1996. HORNE Alistair, Harold Macmillan, New York,
Penguin Books, 1991.
→ APARTHEID, APPEASEMENT, CEE, CHURCHILL,
COMMONWEALTH, DÉCOLONISATION, DÉSARMEMENT, EDEN,
EISENHOWER, KENNEDY, KHROUCHTCHEV, NASSAU
(ACCORDS DE)
MADRID (CONFÉRENCE DE)

S'ouvrant à Madrid le 30 octobre 1991 au lendemain de la guerre du Golfe,


la conférence de paix au Proche-Orient naît de la volonté de Washington
d’exploiter sa victoire militaire contre l’Irak pour régler un conflit vieux de
plus de quarante ans et lancer le « nouvel ordre mondial » promis par G.
Bush. Co-parrainée par les États-Unis et l’URSS (en passe de disparaître) qui
rétablit alors ses relations diplomatiques avec Israël rompues depuis 1967,
mais en l’absence remarquée de l’Europe, la conférence réunit pour la
première fois les pays arabes (l’Égypte, la Syrie, le Liban et la Jordanie), les
Palestiniens et Israël, grâce à l’obstination américaine, particulièrement celle
du secrétaire d’État James Baker. Israël excluant tout dialogue avec l’OLP, la
diplomatie américaine tourne la difficulté en lui faisant admettre la présence
dans la délégation jordanienne d’une délégation palestinienne représentant les
territoires occupés mais négociant à l’évidence un lien avec l’OLP. La
réunion de Madrid ne fait qu’initier un processus fait de négociations
bilatérales et multilatérales consacrées aux grandes questions régionales (eau,
désarmement, développement, environnement), qui se poursuit non sans mal
à Moscou et Washington en 1992. Mais les négociations s’enlisent avec
l’administration Clinton bien plus favorable à l’allié traditionnel israélien, et
c’est en marge du parrainage américain que les représentants du
gouvernement israélien et de l’OLP négocient l’accord d’Oslo en 1993 qui
tente de réduire les conflits israélo-arabes.
PMD

NEFF Donald, Fallen Pillars, US Policy towards Palestine and Israël since
1945, Washington, 1995.
→ BUSH (GEORGE), CLINTON, DÉSARMEMENT, EAU,
ENVIRONNEMENT, GOLFE (GUERRE DU), ISRAÉLO-ARABES
(CONFLITS), LIBAN (GUERRES DU)

MAINTIEN DE LA PAIX

En anglais, on distingue « peacekeeping » de « peacemaking ». Si la


seconde activité est plus proche de la diplomatie traditionnelle, elle est
difficilement dissociable de la première qui implique le recours à la
contrainte sinon à la force armée. C’est pourquoi, après l’échec de la SDN,
l’ambition de l’ONU est le maintien de la paix, mission confiée au Conseil de
sécurité (chap. VI et VII) par la

Opérations de maintien de la paix de l’ONU


charte des Nations unies. Mais elle se heurte vite à des conceptions
différentes dans l’atmosphère de confrontation des blocs qui paralyse le
Conseil de sécurité. Bien que la notion de maintien de la paix ne se trouve
pas dans la Charte, en 1956 le secrétaire général, D. Hammarskjöld, et le
Canadien Lester Pearson proposent de créer une force des Nations unies
(UNEF I) pour mettre fin à la crise de Suez : ce sont les « Casques bleus » ;
l’opération de l’ONU au Congo en 1960 illustre l’ambiguïté de la notion de
maintien de la paix. Dans les années 1990, grâce à la fin de la guerre froide et
à l’absence de blocages, les opérations de maintien de la paix sont conduites
sous l’autorité du Conseil de sécurité. Elles prennent même le pas sur les
actions économiques et sociales, représentent 55 % des ressources de l’ONU
et impliquent des personnels civils et militaires toujours plus nombreux (pour
la Namibie, la Yougoslavie, le Cambodge, le Mozambique et la Somalie). Les
missions sont très variées : mission d’observation (en Angola, UNAVEM II),
acheminement de l’aide humanitaire (en Somalie : ONUSOM I et II),
négociations aussi bien que promotion et défense des droits de l’homme,
organisation d’élections (mission de l’APRONUC au Cambodge), contrôle et
destruction d’armes ABC (en Irak après la guerre du Golfe). La FORPRONU
mise en place en mars 1992 dans l’ex-Yougoslavie a pour but de créer les
conditions nécessaires à la paix pour la négociation entre les États en
protégeant les populations dans trois zones à démilitariser. Son mandat est
plusieurs fois modifié : son champ géographique s’étend ; sa mission s’élargit
pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire en Bosnie-
Herzégovine, pour aider le HCR, enfin pour contrôler le respect de
l’interdiction des vols militaires dans son espace aérien ; la compétence de la
FORPRONU est étendue à la Macédoine à la demande de son Président pour
protéger la zone frontalière. La multiplication des opérations et la doctrine
avancée par le secrétaire général de l’ONU, Boutros Boutros-Ghali, dans son
Agenda pour la paix en 1992, aboutissent à développer la notion de maintien
de la paix au risque de faire sortir l’ONU de son rôle d’arbitre et de la
discréditer dans des opérations risquées (Somalie). Or depuis l’adoption en
1999 du rapport Brahimi, qui a établi le socle des opérations de maintien de
la paix, les effectifs des opérations de maintien de la paix sont passés de
moins de 14 000 personnes à près de 112 000 en 2009, réparties dans 18
missions. C’est dire qu’elles sont victimes de leur succès et exposées à des
risques considérables.
MV

DURCH William J., The Evolution of peacekeeping, New York, St-Martin


Press, 1993.
→ ARMES NUCLÉAIRES, BOUTROS-GHALI, CONGO,
DIPLOMATIE, DROITS HUMAINS, HAMMARSKJöLD, HCR,
HUMANITAIRE (AIDE), NAMIBIE, ONU, UE (CONSEIL DE
SÉCURITÉ), YOUGOSLAVIE

MAKARIOS III (1913-1977)

Né dans une famille paysanne, Michel Moukos est élu en 1950, sous le
nom de Makarios III, archevêque de Chypre. Héritier de la tradition qui fait
du dirigeant de cette Église orthodoxe autocéphale l’ethnarque ou « chef de la
nation » grecque de l’île (82 % de la population) face au pouvoir ottoman
avant 1878, Makarios négocie avec le gouverneur britannique (1955-1956)
un statut d’autonomie mais, confronté aux surenchères de l’extrême gauche et
de l’extrême droite qui déclenche la lutte armée, il ne peut conclure les
pourparlers et est déporté aux Seychelles par les Anglais.
Favorable au rattachement de l’île à la Grèce (Enosis), il souscrit à Londres
(février 1959), sous la pression du Premier ministre grec Caramanlis, à une
indépendance qui prive les Chypriotes du droit à l’autodétermination, mais
sur laquelle se sont accordés Anglais, Grecs et Turcs. Élu président de la
République (1959, 1968 et 1973), il propose avec le soutien d’Athènes, en
1963, une révision de la Constitution qui provoque des heurts inter-
communautaires, le retrait des Chypriotes turcs des institutions de l’État, une
menace d’intervention turque dans l’île et de conflit entre Grèce et Turquie.
Devenu l’une des figures du Mouvement des non-alignés, Makarios noue
avec les pays du bloc soviétique et la Chine des liens qui valent à ce « Castro
de la Méditerranée » la méfiance de Londres et Washington. Ayant exigé de
la junte des colonels au pouvoir à Athènes (qui lui est hostile) le rappel des
officiers grecs encadrant la Garde nationale chypriote, il est chassé de
Nicosie, le 15 juillet 1974, par un putsch qui fournit à la Turquie un prétexte
pour envahir le nord de l’île. Mais il est de retour dans l’île quelques mois
plus tard et tente alors, par des concessions, d’obtenir l’évacuation des
troupes turques et la réunification de Chypre.
OD

VANEZIS P. N., Makarios, Life and Leadership, London, Abelard-Schuman,


1979.
→ CARAMANLIS, CASTRO, CHYPRE, NON-ALIGNÉS
(MOUVEMENT DES)

MALENKOV Gheorghi Maximilianovitch (1902-1988)

Engagé dans l’Armée rouge en 1919, ce militant au parti communiste


soviétique en 1920 (dont il est permanent en 1930) est dès lors un des chefs
de file de la jeune génération stalinienne. Membre du Comité central en 1939,
il est suppléant au Bureau politique (1941), puis titulaire (1946), et participe à
la création du Kominform (1947). Après la mort de Staline (5 mars 1953),
Malenkov fait partie, avec Molotov et Béria, et en tant que président du
Conseil des ministres et premier secrétaire du parti, de la troïka qui lui
succède. Celle-ci entreprend une politique de détente : armistice en Corée (27
juillet 1953), reprise des relations avec la Yougoslavie, conférence des quatre
ministres des Affaires étrangères à Berlin (janvier-février 1954), mais doit
faire face à l’agitation en Europe de l’Est : émeute en Tchécoslovaquie (juin
1953), révolte des ouvriers de Berlin-Est (16-17 juin 1953). Cependant
Malenkov, qui doit rapidement céder à Khrouchtchev son poste de premier
secrétaire du parti, est évincé, en février 1955, de la présidence du Conseil
des ministres au profit de Boulganine. En 1957, il perd définitivement ses
autres fonctions pour appartenance au « groupe antiparti ».
AD

PIERRE André, Malenkov, ou le nouveau destin de la Russie, Paris, Denoël,


1953.
→ BERLIN, CORÉE (GUERRE DE), KHROUCHTCHEV,
KOMINFORM, LITVINOV, STALINE

MALOUINES (GUERRE DES)

Il s’agit d’un conflit territorial entre la Grande-Bretagne qui occupe les îles
Malouines (ou Falkland) depuis 1833 et l’Argentine qui récuse la
souveraineté britannique et les revendique comme son propre territoire. Ce
conflit potentiel dégénère en un affrontement aéronaval lorsque le président
argentin Galtieri fait occuper par surprise, le 2 avril 1982, Port Stanley, la
capitale des Malouines. La guerre tourne à l’avantage de la Grande-Bretagne,
dirigée depuis 1979 par Margaret Thatcher, la « dame de fer », qui n’hésite
pas à envoyer toute la marine anglaise à 11 000 km de Londres pour
récupérer des îles où vivent seulement 1 600 personnes. Le 14 juin 1982, les
forces britanniques reprennent Port Stanley.
D’un point de vue géopolitique, l’enjeu est peut-être le contrôle du détroit
de Drake, c’est-à-dire l’itinéraire des sous-marins soviétiques entre l’océan
Atlantique et l’océan Pacifique. Sur le plan politique, la crise des Malouines
est mal venue pour l’Occident, qui affronte une contradiction fondamentale.
Les États-Unis doivent choisir entre deux types d’alliance, celle de
l’Atlantique-Nord et celle du continent américain. Le président Reagan prend
le parti de soutenir le Royaume-Uni, s’attirant ainsi le ressentiment de
l’Argentine et de nombreux États latino-américains (l’Organisation des États
américains reconnaît la souveraineté argentine sur les Malouines) et
permettant aux Russes et aux Cubains de marquer des points dans la région.
La défaite face au Royaume-Uni explique la chute du régime militaire et
l’avènement d’un régime libéral en Argentine.
MV

FREEDMAN Lawrence, Britain and the Falklands War, Oxford, Blackwell,


1988.
FREEDMAN Lawrence, GAMBA-STONEHOUSE Virginia, Signals of
War : the Falklands conflict of 1982, London, 1991.
MAISONNEUVE Charles, RAZOUX Pierre, La guerre des Malouines,
Larivière, 2002.
→ IRRÉDENTISME, OEA, REAGAN, THATCHER

MANDATS

Ce système organisé par le pacte de la SDN consiste à confier


l’administration de territoires non autonomes, retirés aux puissances vaincues
à la suite de la Première Guerre mondiale (Allemagne et Empire ottoman),
afin de les conduire au « bien-être et au développement ». La SDN attribue
ainsi à l’Angleterre, à l’Australie, aux États-Unis, à la France, au Japon, à la
Nouvelle-Zélande et à l’Union sud-africaine des mandats sur les possessions
allemandes d’Océanie, d’Afrique (Cameroun, Togo, Est et Sud-Ouest
africains). À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’ONU substitue le
régime de tutelle à celui des mandats, les territoires concernés accédant à
l’indépendance ou étant rattachés à des États voisins à partir de 1957.
Le Sud-Ouest africain, dont l’annexion en 1949 par l’Afrique du Sud n’est
pas reconnue par l’ONU, est le dernier à obtenir son indépendance sous le
nom de Namibie en 1990.
Quant au Proche-Orient qui, en 1916, fait l’objet d’un projet de partage
lors des accords Sykes-Picot, il est divisé par la Conférence de la paix puis
par celle de San Remo (avril 1920) entre mandats français et anglais, avant
même que l’Empire ottoman y renonce au traité de Sèvres. La France reçoit
la Cilicie (rétrocédée à la Turquie de Kémal en 1921), le Liban, le Sandjak
d’Alexandrette et la Syrie où les autorités mandataires s’imposent par la force
aux nationalistes arabes à qui l’Angleterre avait promis l’instauration d’un
royaume indépendant.
Divisé en cinq États et territoires, le mandat français est, après l’échec
d’une tentative de fédération en 1923, organisé en républiques syrienne et
libanaise dont les accords Viénot de 1936 prévoient l’indépendance. Mais le
traité n’est pas ratifié lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale. Proclamée
en 1941 sous réserve d’importantes prérogatives pour la France jusqu’à la fin
de la guerre, la fin du mandat provoque plusieurs crises entre France Libre et
Angleterre accusée de soutenir les nationalistes syriens et libanais, ainsi
qu’entre les autorités françaises et celles des nouveaux États (arrestation des
gouvernements syrien et libanais en 1943, bombardement de Damas en
1945). En avril 1946, les troupes françaises et britanniques quittent la Syrie et
le Liban.
Quant aux mandats britanniques (Mésopotamie, Transjordanie, Palestine),
W. Churchill préconise, en 1922, la mise en œuvre partielle des promesses
anglaises de royaume arabe faites à Hussein, émir du Hedjaz. L’Angleterre
crée au profit de son fils aîné, Abdallah, un émirat de Transjordanie, érigé en
royaume en 1946, et pour le cadet, Fayçal, chassé de Damas par les Français
en 1920, un royaume d’Irak qui reçoit de la SDN, en 1925, la région
pétrolifère de Mossoul peuplée de Kurdes. Fayçal obtient la fin du mandat en
1930 et l’Irak adhère à la SDN en 1932. En Palestine, l’Angleterre exerce
directement son mandat. En vertu de la déclaration Balfour, elle y favorise
l’immigration juive puis s’efforce de l’endiguer à partir de la révolte arabe de
1936 et du Livre blanc de 1939 ; ce renversement de politique entraîne le
développement, à partir de 1944, d’un terrorisme juif contre les Anglais qui
recourent à l’arbitrage des Nations unies : le 29 novembre 1947 l’Assemblée
générale de l’ONU adopte un plan de partage en deux États, juif et arabe,
accepté par l’Agence juive mais repoussé par la Ligue arabe. Le mandat
britannique en Palestine et Transjordanie prend fin le 14 mai 1948.
OD
LAURENS Henry, L’Orient arabe. Arabisme et islamisme de 1798 à 1945,
Armand Colin, 2002.
• La Question de Palestine, tome premier : 1799-1922, L'Invention de la
Terre sainte et Tome deuxième : 1922-1947, Une Mission sacrée de
civilisation, Paris, Fayard, 1999 et 2002.
→ ALEXANDRETTE (SANDJAK D’), BALFOUR
(DÉCLARATION), CHURCHILL, KÉMAL, KURDE (PROBLÈME),
LIBAN (GUERRES DU), LIGUE ARABE, NAMIBIE, ONU, SDN,
SÈVRES (TRAITÉ DE), SYKES-PICOT (ACCORDS)

MANDCHOURIE (CONFLIT DE)

Située au nord-est de la Chine, la Mandchourie constitue depuis toujours le


point d’entrée dans le pays et le passage obligé des envahisseurs étrangers,
russes et japonais pour l’essentiel. À la fin du 19e siècle, elle fait partie des
concessions à bail obtenues par les puissances occidentales dans le cadre du
dépècement opéré à fins de monopole industriel et commercial : la Russie
hérite de ces privilèges en Mandchourie en 1894. Le Japon est alors obligé de
restituer Port-Arthur et la presqu’île de Liaotong. Mais, à l’issue de la guerre
russo-japonaise de 1904-1905, le Japon victorieux récupère le Liaotong par le
traité de Portsmouth de septembre 1905 et conquiert sa liberté d’action en
Mandchourie. Fort de sa victoire sur la Russie en 1905, il annexe Formose en
1905 puis la Corée en 1910, ce qui constitue une menace directe contre
l’intégrité de la Chine, contrainte par ailleurs de céder Sakhaline à la Russie
en 1906.
Après l’avènement de la République de Chine en 1911, le traité des Neuf
puissances est conclu le 6 février 1922 lors de la conférence navale de
Washington entre les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Italie, le
Japon, la Chine, les Pays-Bas, la Belgique et le Portugal, garantissant la
souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Chine. Les
signataires s’engagent en outre à respecter le principe de l’Open Door et à ne
pas chercher à obtenir des privilèges pour leurs citoyens en Chine. Le traité
s’oppose donc aux traités inégaux du 19e siècle et aux concessions
territoriales obtenues sous la dynastie mandchoue. Les Japonais se retirent
ainsi en 1923 de Shantung, l’ancienne concession allemande qu’ils ont
obtenue en 1919 lors de la conférence de la paix de Paris. Pour autant, le
traité ne supprime pas les différentes sphères d’influence et reprend les
principales dispositions de l’accord Lansing-Ishi d’avril 1917 entre les États-
Unis et le Japon, reconnaissant au Japon des « intérêts spéciaux » en Chine.
La guerre civile qui oppose dans les années 1920 les communistes aux
nationalistes du Kuo Min Tang permet au Japon d’avancer ses pions et de
procéder à une emprise grandissante sur la Chine à partir de 1930.
Profitant de l’incident de Moukden en septembre 1931, le Japon se saisit
par surprise de la Mandchourie. La réaction américaine est exprimée dans les
notes diplomatiques du secrétaire d’État Stimson, le 7 janvier 1932, envoyées
au Japon et à la Chine. Sans menace d’intervention armée, la déclaration des
États-Unis affirme considérer l’agression expansionniste japonaise en
Mandchourie comme une violation du traité des neuf puissances et du pacte
Briand-Kellogg, et ne reconnaître aucun gain territorial ou autre avantage,
obtenus par l’usage de la force. Mais Henry L. Stimson favorise surtout une
politique de sanctions économiques à l’encontre du Japon, et c’est le
président anti-interventionniste Herbert Hoover, décidé à ne pas engager les
États-Unis en Extrême-Orient alors que le pays s’enfonce dans la crise
économique, qui s’oppose à toute réponse américaine ferme sur la
Mandchourie. Les Japonais répondent à cette condamnation américaine par
l’attaque de Shanghai puis l’annonce le 18 février 1932 de la création du
nouvel « État » du Mandchoukouo.
En contradiction avec le traité des Neuf puissances, le conflit de
Mandchourie suscite une crise internationale : suivant en partie les
conclusions du rapport Lytton, refusant d’admettre le fait accompli, la SDN
condamne, le 24 février, le Japon pour son action mais ce dernier la quitte le
4 mars ; il s’infiltre en Chine du Nord à partir de la Mandchourie, et profite
de la guerre qui sévit entre communistes et nationalistes chinois pour marquer
des points jusqu’à ce que Tchang Kaï-chek soit désigné chef unique de la
lutte contre l’occupant, en 1936. En novembre 1936, le Japon signe le pacte
anti-Komintern ce que, du fait de la présence japonaise aux frontières de son
territoire, l’URSS perçoit comme une menace. Des combats ont lieu à l’été
1938 puis d’avril à juillet 1939 sur tout le territoire de Mandchourie : la
communauté internationale ne vient pas au secours de la souveraineté
chinoise violée et se contente de réprobations diplomatiques face à la
progression en territoire chinois. À partir de l’attaque de Pearl Harbour, de la
prise de Hong Kong (décembre 1941), puis de Singapour (février 1942), le
Japon ne cesse de marquer des points en Asie. La Mandchourie vit depuis
1931 isolée du reste de la Chine, sous administration du Japon qui en pille ses
ressources et menace ainsi dangereusement une URSS occupée sur le front
occidental, jusqu’à ce que celle-ci lui déclare la guerre au lendemain
d’Hiroshima, le 8 août 1945, et envahisse la Mandchourie. Le Japon capitule
le lendemain et restitue la Mandchourie qui passe définitivement sous
souveraineté chinoise en 1946, après une brève occupation soviétique.
CB

IRIYE Akira, After Imperialism : The Search for a New Order in the Far
East, 1921-1931, Cambridge, 1965.
MATSUSAKA Yoshihisa Tak, The making of Japanese Mandchuria,
1904-1932, London, Harvard University Asia Center, 2001.
THORNE Christopher, The limits of foreign policy :
the west, the league and the far eastern crisis of 1931-1933, London, 1972.
→ BRIAND-KELLOGG (PACTE), HONG KONG, HOOVER,
RUSSO-JAPONAISE (GUERRE), SDN, STIMSON (DOCTRINE),
TCHANG KAï-CHEK

MANDELA Nelson (1918)

Symbole de la lutte des Noirs sud-africains contre l’apartheid, il est le


premier dirigeant noir de l’Union sud-africaine. Fils du chef d’une tribu
Xhosa, il fait des études de droit et rejoint en 1944 l’African National
Congress, parti nationaliste noir modéré, dont il devient rapidement un des
dirigeants. Après le massacre de Sharpeville et l’interdiction de l’ANC
(1960), il oriente son mouvement vers l’action armée. À l’issue d’un voyage
de six mois en Afrique et en Europe, il est arrêté et condamné à la réclusion à
perpétuité (1964). Il n’est libéré que le 11 février 1990 après que le
gouvernement sud-africain s’est engagé sur la voie de la négociation avec
l’ANC légalisé le 2 février et qui aboutit à la conclusion avec le président De
Klerk d’un accord prévoyant des élections multiraciales au suffrage universel
le 27 avril 1994. Élu président de la République (mai 1994-juin 1999), il
refait de son pays un membre à part entière de l’ONU qui lève ses sanctions
économiques, et du Commonwealth, l’intègre à l’OUA et au mouvement des
non-alignés. Il s’efforce de faire jouer à l’Afrique du Sud un rôle de
puissance régionale et tente de profiter de son prestige pour jouer les
médiateurs dans divers conflits africains, notamment celui du Congo.
AD

MEREDITH Martin, Nelson Mandela : a biography, New York, St. Martin’s


Press, 1998.
→ APARTHEID, COMMONWEALTH, CONGO, NON-ALIGNÉS
(MOUVEMENT DES), ONU, OUA

MAO ZEDONG (1893-1976)

Le Grand Timonier de la révolution chinoise est le fils d’un paysan riche


qui a fait des études d’instituteur. Aide-bibliothécaire à l’université de Pékin,
il participe à la création du parti communiste chinois (juillet 1921) et est élu à
son Comité central en 1923. Après la rupture du PCC et du parti nationaliste
Kuomintang (1927), il se fait le champion d’une révolution par la
paysannerie et non, comme le préconise le Komintern, par le prolétariat
urbain. Ainsi Mao organise un gouvernement des Soviets chinois dans le
Hunan et en est élu président (1931). Sous la pression des troupes de Tchang
Kaï-chek, il entreprend la Longue Marche (octobre 1934-octobre 1935) qui le
conduit dans le Shanxi, et durant laquelle il prend la tête du PCC qu’il
conserve jusqu’à sa mort. Pendant la guerre sino-japonaise (1937-1945), il
observe une trêve avec le Kuomintang. Vainqueur de la guerre civile qui suit
la capitulation japonaise (1946-1949), Mao proclame la République populaire
de Chine (1er octobre 1949) ; il est président du Conseil, puis de la République
en 1954. Il se range aussitôt aux côtés des Soviétiques dans la guerre froide
en concluant l’alliance sino-soviétique du 14 février 1950. De plus, il donne
son accord à l’invasion de la Corée du Sud par la Corée du Nord (25 juin
1950), qu’il sauve de la défaite par l’envoi de « volontaires » chinois (16
octobre 1950). De même il reconnaît la République du Viêt-minh (18 janvier
1950) et lui apporte son aide contre la France. Cependant après la mort de
Staline, il accepte de signer l’armistice en Corée (27 juillet 1953) et la Chine
aide à la conclusion des accords de Genève qui mettent fin à la guerre
d’Indochine (juillet 1954). Mao soutient Khrouchtchev dans les affaires de
Pologne et de Hongrie (1956) ; il en est récompensé par l’accord de 1957 sur
la fourniture aux Chinois des technologies nucléaires. Pourtant les relations
sino-soviétiques s’enveniment rapidement. Mao récuse la déstalinisation, la
coexistence pacifique, et a conscience que l’URSS refuse de voir la Chine
devenir une grande puissance, comme le démontre le faible soutien qu’elle
lui apporte lors de l’affaire de Quemoy et Matsu (août 1958) et dans son
conflit frontalier avec l’Inde. Après la rupture avec les Soviétiques de 1960-
1962, il prétend inaugurer une nouvelle politique mondiale de lutte contre
l’impérialisme et le révisionnisme en s’appuyant sur les mouvements de
libération nationale du Tiers Monde, appelé à jouer dans la Révolution
mondiale le rôle de la paysannerie dans la Révolution chinoise. Mais en fait
Mao, qui abandonne la présidence de la République (1959), se tient en retrait
après l’échec du grand Bond en avant (1957-1961). Revenant sur le devant de
la scène en 1966 à la faveur de la Révolution culturelle, il entame en 1969,
alors que des affrontements armés l’opposent aux Soviétiques sur l’Oussouri,
un spectaculaire rapprochement avec les États-Unis, symbolisé par la visite
en Chine du président Nixon (février 1972). Cela permet à Pékin d’occuper le
siège de la Chine au Conseil de sécurité de l’ONU, jusque-là détenu par les
nationalistes réfugiés à Taiwan (25 octobre 1971), sans pour autant résoudre
le problème des deux Chine.
AD

CHEVRIER Yves, Mao et la révolution chinoise, Casterman, 1993.


DOMENACH Jean-Luc, RICHER Philippe, La Chine, Le Seuil, 1995.
SHORT Philip, Mao Tsé-Toung, Paris, Fayard, 2005.
→ CHINE (PROBLÈME DES DEUX), CORÉE (GUERRE DE),
GUERRE FROIDE, IMPÉRIALISME, INDOCHINE (GUERRE D’),
KHROUCHTCHEV, KOMINTERN, NIXON, ONU, QUEMOY ET
MATSU, SINO-JAPONAISE (GUERRE), STALINE, TCHANG KAï-
CHEK, TIERS MONDE
MAROCAINES (CRISES : TANGER EN 1905 ET AGADIR EN 1911)

Elles marquent un tournant dans les relations franco-allemandes et la


montée des périls. Un des derniers territoires africains à ne pas être colonisé,
le Maroc, en pleine anarchie, est convoité par les grandes puissances
européennes. La France est la principale intéressée, voulant réaliser l’unité de
ses territoires d’Afrique du Nord. Paris signe avec Londres, le 8 avril 1904,
un accord d’Entente cordiale, par lequel les deux pays se promettent un appui
diplomatique mutuel pour leur arrangement relatif à l’Égypte et au Maroc
d’où l’Allemagne est exclue. L'Allemagne entend se servir du Maroc non
seulement comme objet de compensation mais également pour affaiblir
l’Entente cordiale et briser l’alliance franco-russe. Le 31 mars 1905,
l’empereur Guillaume II, qui faisait une croisière en Méditerranée, débarque
à Tanger et dans un discours se pose en protecteur de l’indépendance du
royaume chérifien, déclenchant ainsi la première crise marocaine. Un conflit
franco-allemand à propos du Maroc risque de déboucher, par le jeu des
alliances, sur une guerre européenne. La France mène deux politiques
contradictoires : celle de Delcassé pour la fermeté et l’intransigeance, celle
du président du Conseil, Rouvier, favorable à la conciliation et aux
négociations, qui l’emporte. Cette crise se termine par la conférence
internationale d’Algésiras (Espagne), du 16 janvier au 7 avril 1906, à laquelle
participent onze puissances européennes, plus les États-Unis et le sultan du
Maroc, où les thèses françaises l’emportent. Le 17 mars 1906, devant la
politique d’intimidation allemande, le gouvernement de Washington et le
président T. Roosevelt conseillent énergiquement à l’Allemagne de ne pas
provoquer l’échec de la conférence. Pour la première fois, les États-Unis
interviennent dans les relations entre les grandes puissances européennes.
En mars 1911, à la suite d’une rébellion contre le sultan Moulaï Hafid, les
Européens, établis à Fez, sont bloqués et menacés. Le gouvernement français
y envoie un corps expéditionnaire le 4 mai. Tel est le prétexte qui permet à
l’Allemagne de rouvrir la question marocaine, en déclarant que l’acte
d’Algésiras est violé. Le er juillet 1911, l’Allemagne se livre à une manœuvre
d’intimidation : le Panther, navire de guerre, débarque un contingent à
Agadir pour protéger les ressortissants allemands. Lorsque la discussion
diplomatique reprend, au milieu de juillet, l’Allemagne entend obtenir, en
échange de la liberté d’action de la France au Maroc, tout le Congo français
avec pour objectif de dominer l’Afrique centrale. L’attitude très ferme de
l’Angleterre oblige l’Allemagne à reculer. Le 4 novembre 1911, le président
du Conseil, Joseph Caillaux, et le secrétaire d’État aux Affaires étrangères,
Kiderlen-Wächter, parviennent à un accord : l’Allemagne s’engage à ne pas
entraver l’action de la France au Maroc, et obtient la partie du Congo
français, entre le Cameroun et le Congo belge, avec un accès à l’Atlantique.
La guerre est évitée. Le 24 mars 1912, la France soumet au sultan un traité de
protectorat. La crise aurait pu aboutir à un rapprochement franco-allemand ;
en fait elle a pour effet de renforcer l’Entente cordiale et de réactiver la
course aux armements.
CB

ALLAIN Jean-Claude, Agadir 1911, Publications de la Sorbonne, 1976.


→ DELCASSÉ, ENTENTE CORDIALE, GUILLAUME II,
ROOSEVELT (THEODORE)

MARSHALL (PLAN)

Pour reconstruire l’Europe à la suite de la Seconde Guerre mondiale, et


dans le cadre d’une politique d’endiguement, le général George Marshall,
secrétaire d’État, propose le 5 juin 1947, à tous les États libres d’Europe, une
aide « contre la faim, le désespoir et le chaos » : à la fin de 1947, de
nombreux pays ne pourront plus payer les produits que seuls les États-Unis
peuvent leur fournir, à cause de la pénurie de dollars (dollar gap). Après des
hésitations, l’URSS participe à la conférence de Paris (juin-juillet 1947) mais
décline l’offre en faisant des exigences délibérément inacceptables, entraînant
à sa suite les démocraties populaires. Le plan proposé doit assurer le
relèvement économique, soutenir implicitement les efforts contre le
communisme et permettre à l’économie américaine de maintenir sa
prospérité. L'Europe reconnaît la nécessité de l’aide américaine et d’une
solution globale ; seize États l’acceptent malgré la campagne des
communistes et la crainte d’avoir à payer un prix politique trop élevé à
l’égard des États-Unis.
Un Comité de coopération, coordonné par Robert Marjolin, proche de Jean
Monnet, chiffre l’aide à vingt-deux milliards de dollars sur quatre ans. Après
avoir levé les réticences des Américains peu enclins à payer plus d’impôts
pour l’Europe, et à la suite du coup de Prague (février 1948) et au début de la
crise de Berlin, le président Truman réussit à faire voter par le Congrès, en
avril 1948, l’European Recovery Program (ERP) : cette loi permet l’aide
américaine par des prêts (10 %) et des dons en nature (90 %) : les produits
américains sont envoyés aux gouvernements qui les vendent aux industriels.
La gestion oblige les États à se regrouper dans l’Organisation européenne de
coopération économique (OECE), créée le 16 avril 1948 pour répartir l’aide
et concrétiser la coopération.
L’aide américaine s’élève à près de treize milliards de dollars entre avril
1948 et octobre 1951. L’Union européenne des paiements (UEP), créée en
1950, permet de soutenir le commerce entre les pays d’Europe occidentale
grâce au financement par des capitaux américains et des contributions des
Européens ; les crédits automatiques dynamisent et favorisent les échanges
entre les pays membres. Le plan Marshall contribue ainsi à développer la
solidarité économique entre les États d’Europe occidentale (prémices de la
Communauté économique européenne), mais la vision nationale reste
dominante, en dépit de certaines expériences comme la création du Benelux
dès 1948. Il contribue aussi à accentuer la coupure entre les deux blocs : la
création du Comecon en 1949 en est la réponse. L’UEP est dissoute en
décembre 1958 lorsque les monnaies européennes redeviennent convertibles
et que les États se conforment entièrement aux institutions financières
internationales nées des accords de Bretton Woods.
Ch. M

BOSSUAT Gérard, L'Europe occidentale à l’heure américaine, 1944-1952, le


plan Marshall et l’unité européenne, Bruxelles, Complexe, 1992.
OECE, La Reconstruction européenne : bibliographie sur le plan Marshal
et l’OECE, 1996.
→ CEE, COMECON, INSTITUTIONS FINANCIÈRES
INTERNATIONALES, OCDE/OECE

MASARYK Tomas (1850-1937)


Fils d’un cocher slovaque, il devient professeur de philosophie en 1882 à
l’Université de Prague. Patriote tchèque proche des sociaux-démocrates et
hostile aux nationalistes de droite, il est député au Reichsrat de Vienne (1891-
1893 puis 1907-1914). Il y acquiert une réputation internationale en
défendant le droit à l’indépendance des Tchèques. Dès octobre 1914, il
propose à l’Entente de créer un État regroupant les Tchèques et les
Slovaques. Réfugié à Londres (décembre 1914), il fonde en février 1916 le
Conseil national tchécoslovaque. En mai 1917, il se rend en Russie où il
encourage la formation d’une légion tchèque qui combat les puissances
centrales puis les Bolcheviques. Aux États-Unis en avril 1918, il rallie le
président Woodrow Wilson à l’idée de l’indépendance tchécoslovaque. Après
l’effondrement de l’Autriche-Hongrie, il est élu président de la République
tchécoslovaque le 14 novembre 1918 (son mandat est renouvelé en 1920,
1927 et 1934). Sous sa direction, la Tchécoslovaquie signe les traités de
Saint-Germain-en-Laye et de Trianon, elle englobe la région des Sudètes, la
Ruthénie, le territoire de Tezsín, et une région peuplée de Magyars au sud de
la Slovaquie. Pour se protéger des aspirations révisionnistes de l’Allemagne
et de la Hongrie, Masaryk table sur la Petite Entente (1920-1921), et plus
encore sur une alliance directe avec la France (janvier 1924). S'il accorde des
droits culturels à toutes les minorités, il leur refuse l’autonomie, en dépit des
promesses faites aux Slovaques (accord de Pittsburg, juin 1918). Devant la
menace hitlérienne, il se rapproche des Soviétiques. Après avoir reconnu
l’URSS (juin 1934), la Tchécoslovaquie signe un pacte défensif avec elle (16
mai 1935). Malade, Masaryk abandonne la présidence de la République en
décembre 1935, son ministre des Affaires étrangères Benes lui succède.
AD
SOUBIGOU Alain, Thomas Masaryk, Paris, Fayard, 2002.
ZEMAN Zbynek, The Masaryks : the making of Czechoslovakia, London,
St Martin’s Press, 1990.
→ BENÈS, PETITE ENTENTE, SUDÈTES (CRISE DES), TRAITÉS
DE PAIX, TRIPLE-ENTENTE, WILSON

MEIR Golda (1898-1978)


Golda Mabovitch (elle hébraïse son nom en 1956) émigre en Palestine en
1921, après une jeunesse passée aux États-Unis. Cette militante de la gauche
sioniste se lie avec Ben Gourion et devient chef du département politique de
l’Agence juive en 1946. À la veille de la première guerre israélo-arabe, elle
négocie avec le roi Abdallah de Transjordanie un accord sur le partage des
territoires dévolus à l’État arabe par le plan de l’ONU de novembre 1947.
Elle est le premier ambassadeur d’Israël à Moscou (1948-1949), elle est
ensuite pendant dix ans ministre des Affaires étrangères (juin 1956-janvier
1966). G. Meir veille à renforcer les relations israélo-américaines. Le 7 mars
1969, apparaissant comme un candidat de compromis entre les factions du
parti travailliste qui s’opposent sur le sort à réserver aux territoires occupés à
la suite de la guerre des Six jours, G. Meir est nommée Premier ministre. Elle
adopte des positions intransigeantes dans le règlement du conflit israélo-
arabe. Si elle est en effet sensible aux arguments historiques des partisans
d’une annexion des territoires occupés, elle craint en outre de diviser la
société israélienne en acceptant le principe de concessions territoriales et est
persuadée de l’impossibilité d’une attaque arabe. Si durant l’été 1970, sous la
pression des Américains, elle finit par accepter de parler d’un retrait des
territoires occupés, elle laisse le parti travailliste adopter en août 1973 une
plate-forme électorale (le « document Galili ») qui ferme la porte à tout
compromis acceptable par les États arabes. Très ébranlée par la guerre du
Kippour en octobre 1973, elle remporte néanmoins les élections du 31
décembre. Mais en butte aux critiques sur l’impréparation militaire du pays
elle démissionne de son poste de Premier ministre le 10 avril 1974.
AD

AVALLONE Michael, Une femme nommée Golda, Paris, J’ai lu, 1985.
→ BEN GOURION, ISRAÉLO-ARABES (CONFLITS), KIPPOUR
(GUERRE DU), ONU, SIX JOURS (GUERRE DES)

MENDÈS FRANCE Pierre (1907-1982)

Un des rares chefs de gouvernement de la IVe République à envisager de


traiter les grands problèmes de la politique extérieure de la France. Né dans
une famille de la bourgeoisie juive parisienne, il est membre du parti radical à
dix-sept ans, député de l’Eure à vingt-cinq, et sous-secrétaire d’État au Trésor
à trente et un dans le second gouvernement Blum (mars-avril 1938).
Emprisonné par Vichy (30 août 1940), il s’évade, rejoint de Gaulle à Londres
(1942), devient commissaire aux Finances du CFLN (1943) puis ministre de
l’Économie du GPRF (1944), poste dont il démissionne (5 avril 1945), ne
pouvant faire adopter une politique de rigueur. Sous la IVe République, il joue
le rôle de Cassandre, rappelant sans cesse la nécessité de faire face à la
décolonisation et de choisir une politique économique rigoureuse. Après la
chute de Diên Biên Phû, l’Assemblée nationale l’investit le 18 juin 1954 et
s’en remet à lui pour dégager la France de la guerre d’Indochine. Mendès
France y parvient le 20 juillet en signant les accords de Genève. Son autorité
renforcée par ce succès, il se rend à Tunis (31 juillet 1954) et promet
l’autonomie interne à la Tunisie, gage d’une future indépendance ; il accepte
le rattachement des cinq comptoirs français à l’Union indienne. Voulant en
finir avec le débat sur la CED qui divise ses ministres, il laisse l’Assemblée
nationale repousser ce projet (30 août 1954) mais négocie les accords de
Londres (5 octobre 1954) et de Paris (23 octobre 1954), créant l’Union de
l’Europe occidentale et aboutissant au réarmement et au rétablissement de la
souveraineté de la RFA. Surpris par le début de la guerre d’Algérie (1er
novembre 1954), il réagit avec fermeté tout en annonçant un programme de
réformes, mais son cabinet est renversé le 5 février 1955. Après la victoire du
Front républicain en janvier 1956, il est ministre d’État, mais en désaccord
avec la politique algérienne de Guy Mollet, il démissionne dès le 23 mai.
Opposé au retour au pouvoir de De Gaulle en 1958, il jouit sous la Ve
République d’un grand prestige intellectuel et moral qui contraste avec sa
marginalisation politique.
AD

GIRAULT René, Pierre Mendès France et le rôle de la France dans le


monde, Presses universitaires de Grenoble, 1991.
LACOUTURE Jean, Pierre Mendès France, Le Seuil, 1981.
ROUSSEL Éric, Pierre Mendès France, Paris, Gallimard, 2007.
→ ALGÉRIE (GUERRE D’), BLUM, CED, DÉCOLONISATION, DE
GAULLE, INDOCHINE (GUERRE D’), RÉARMEMENT, UEO
MERCOSUR (ESPAGNOL), MERCOSUL (PORTUGAIS)

Les pays d’Amérique latine décident, en 1991, de créer un organisme


économique régional dont l’intégration sera plus poussée que l’ALENA. Le
traité d’Asuncion crée le Mercado comun del sur (en espagnol), pendant du
Pacte Andin, qui avait été organisé pour les pays septentrionaux du sous-
continent. Il regroupe le Brésil et l’Argentine, les principaux pays émergents,
le Paraguay et l’Uruguay ; le Venezuela y adhère en 2005. La Bolivie, le
Chili, le Pérou et l’Équateur en sont des membres associés.
La déclaration de Cuzco, le 8 décembre 2004, prévoit l’intégration du
Mercosur dans une union politique et économique de toute l’Amérique du
Sud, avec la fusion du Mercosur avec la Communauté andine (Colombie,
Équateur, Pérou et Bolivie) et l’intégration d’autres États.
La coopération a permis d’accroître les échanges, mais le développement
économique trop inégal pose des problèmes. Cependant, la volonté de
développer la démocratie est une réussite dans la mesure où l’exclusion des
États dans lesquels il y aurait des coups d’État est prévue (déclaration
d’Ushuaia en juin 1998).
Le Mercosur étend son influence économique : par exemple, en 2008, des
accords sont passés pour libérer les échanges avec la Turquie ou la Jordanie.
Ch. M

Atlas du MERCOSUR, www.iheal.univ-


paris3.fr/mercosur_frhttp://www.mercosur.int
→ ALENA

MIGRATIONS

Les flux migratoires, qui ne sont pas un phénomène propre au 20e siècle, se
diversifient, changent de direction et de nature. Ils sont tour à tour souhaités
puis craints au point de susciter une politique de quotas. Au début, les grands
pays d’immigration sont les pays neufs, États-Unis, Canada, Australie,
Argentine, Brésil ; dès la fin de la Première Guerre mondiale, les
déplacements liés à la Révolution bolchevique et au régime nazi s’accroissent
d’abord dans le reste de l’Europe puis ailleurs. Pour permettre aux réfugiés et
apatrides de franchir les frontières en direction de l’État d’accueil, la Croix-
Rouge internationale leur délivre le passeport Nansen (1922) du nom de
l’explorateur norvégien (1861-1930) reconverti dans l’humanitaire. Après la
Seconde Guerre mondiale, l’Europe devient importatrice de main-d’œuvre
pour sa reconstruction et son développement. Les flux migratoires vont dans
le sens sud-nord, des pays méditerranéens proches (Italie, Espagne, Portugal,
Turquie), puis du Maghreb, et d’Afrique noire vers l’Europe. En Amérique,
les populations du golfe du Mexique se dirigent vers les États-Unis et le
Canada, provoquant une croissance significative de la communauté hispano-
américaine. Avec la fin de la guerre froide, on assiste également à des
mouvements de population est-ouest, les immigrants venant d’Europe
centrale et orientale vers l’Europe occidentale. L'Asie connaît aussi des
migrations est-ouest, de l’Inde ou du Pakistan vers les pays pétroliers du
Moyen-Orient, est-est et sud-est, du Pakistan à la Corée, et en Australie. Les
principales causes de ces flux sont à rechercher dans les déséquilibres
économique et démographique, ainsi que dans des situations de violences
racistes, de crises politiques graves qui peuvent s’accompagner de
déplacements forcés de populations ou d’exodes massifs (Français d’Afrique
du Nord après la guerre d’Algérie, Kurdes, Palestiniens, Libanais). Ces
déplacements sont parfois sous contrôle de l’ONU et du Haut-Commissariat
aux réfugiés. À la fin des années 1970, sur onze millions d’étrangers recensés
dans les pays de la CEE, sept, soit 63,5 % proviennent des pays
méditerranéens. Avec l’apparition de la crise économique en 1974, l’Europe
se ferme à l’immigration, sans l’arrêter. Les flux migratoires continuent de se
développer sous la forme de mouvements de clandestins, de réfugiés
politiques et économiques et posent à l’Europe une question cruciale pour
son avenir quant à la politique à adopter face à cette forte pression
migratoire : l’interdiction ? le contrôle ? L’Europe répond par la défensive en
fermant ses frontières externes et en prenant un ensemble de dispositions
sécuritaires. Les accords de Schengen, signés le 14 juin 1985 par la France,
l’Allemagne et les pays du Benelux, définissent la notion de frontières
extérieures communes et engagent les signataires dans une coopération
policière et judiciaire à l’égard de l’immigration clandestine. Ces accords
sont suivis le 19 juin 1990 d’une convention d’application concernant le
contrôle des frontières et la circulation des personnes. L’Italie (1990),
l’Espagne et le Portugal (1991) et la Grèce, directement confrontés à la
pression migratoire du Sud, rejoignent le groupe de Schengen. La
Communauté européenne ne peut apporter une réponse uniquement négative
en s’érigeant, dans l’immédiat, en forteresse, elle engage un début de
réflexion à plus long terme sur une politique commune de l’immigration pour
dépasser ces déséquilibres dramatiques avec la conférence de Barcelone de
novembre 1995, initiant un programme de coopération avec douze pays
méditerranéens, d’autant que la question de la main-d’œuvre se pose à
nouveau à côté de la pression démographique du Sud.
En ce début de 21e siècle, la progression des mouvements migratoires est
frappante : 75 millions d’immigrés en 1965, 155 millions en 1990, près de
200 millions en 2007, soit 3 % de la population mondiale. Les migrants
bousculent les frontières, les identités et s’imposent comme des acteurs « par
le bas » de la mondialisation et des relations internationales.
MV

DOMENACH Hervé, PICOUET Michel, Les Migrations, PUF, 1995.


RAVENEL Bernard, Méditerranée : Le Nord contre le Sud ?, L'Harmattan,
1990.
WIHTOL DE WENDEN Catherine, BENOîT-GUYOD Madeleine, Atlas
mondial des migrations, Autrement, 2009.
→ ALGÉRIE (GUERRE D’), CEE, FRONTIÈRE, HCR,
HUMANITAIRE (AIDE), KURDE (PROBLÈME), SCHENGEN
(CONVENTION)

MILOSEVIC Slobodan (1941-2006)

Né à Pozarevac (Serbie) dans une famille d’enseignants dont le père est


monténégrin et la mère serbe, S. Milosevic adhère en 1959 à la Ligue des
communistes de Yougoslavie. Il épouse en 1965 Mirjana Markovic, fille d’un
partisan communiste devenu cadre du parti et d’une mère morte pendant la
guerre, exécutée par les Allemands ou pour traîtrise par les partisans, selon
les versions. Elle joue auprès de lui un rôle important de conseillère et dirige,
à partir de 1995, le parti néo-communiste de la Gauche yougoslave (JUL).
Après une carrière dans des sociétés d’État, industrielle puis bancaire, S.
Milosevic accède en 1984 à la direction de la Ligue des communistes de
Belgrade. Dans un contexte de crise économique, de manque de cohérence de
la direction fédérale (collégialité, présidence annuelle) et de montée des
revendications nationalistes, S. Milosevic fonde son discours sur la défense
de l’orthodoxie socialiste et d’un nationalisme serbe nourri du sentiment que
Tito a constamment désavantagé les Serbes. Élu, en février 1986, président
du présidium du comité central de la Ligue des communistes de Serbie, il est
envoyé, en avril 1987, au Kosovo où il prend vigoureusement la défense de la
minorité serbe en conflit avec la majorité albanophone de cette région dotée
depuis 1974 d’une large autonomie à l’intérieur de la République fédérée de
Serbie. En septembre, il élimine la vieille garde titiste du comité central de la
Ligue des communistes de Serbie.
S. Milosevic fait adopter une réforme de la Constitution (mars 1989)
limitant les autonomies (supprimées dans la Constitution de septembre 1990)
de la Voïvodine où vit une importante minorité hongroise, ainsi que du
Kosovo où il mène désormais une politique de force. Grâce aux deux sièges
de ces provinces et au soutien du Monténégro, il contrôle désormais trois des
neufs sièges de la présidence collégiale fédérale. Élu président de la
République serbe (8 mai 1989) par le Parlement, il s’oppose sans succès aux
sécessions slovène et croate. Dans le cadre de l’introduction du
multipartisme, il devient président du Parti socialiste serbe qui remplace
(juillet 1990) la Ligue des communistes, et remporte la majorité absolue des
sièges aux premières élections législatives libres, mais boycottées par les
Albanophones du Kosovo. S. Milosevic est réélu président de la République
serbe au suffrage universel direct le 9 décembre 1990.
De janvier à juin 1991, S. Milosevic échoue à faire accepter par la Slovénie
et la Croatie le maintien d’un État fédéral. Jouant alors sur la peur d’un retour
des atrocités anti-serbes de l’État oustachi croate sous protection nazie, il
soutient politiquement et militairement, directement ou non, les mouvements
sécessionnistes des Serbes, que les frontières internes à la fédération
dessinées par Tito ont rattachés à la Croatie (Krajina, Slavonie) ou à la
Bosnie-Herzégovine. Il sera accusé d’être le véritable responsable des crimes
et « nettoyage ethnique » commis par ces milices sécessionnistes.
Artisan de la formation d’une nouvelle République fédérale de
Yougoslavie (27 avril 1992) formée de la Serbie et du Monténégro, il
remporte de nouveau les élections législatives fédérales (31 mai), boycottées
par l’opposition démocratique. Réélu président de la République serbe (20
décembre), il ne supporte pas que le Premier ministre fédéral (renversé le 29
décembre par une motion de censure) ni le président fédéral (destitué le 1er
juin 1993) s’écartent de la ligne qu’il a fixée et gouverne avec l’extrême
droite nationaliste serbe qui a progressé aux élections législatives serbes de
décembre 1993.
Désireux d’alléger les sanctions internationales qui pèsent sur la nouvelle
Yougoslavie depuis mai 1992, S. Milosevic revient partiellement sur son
soutien aux Bosno-Serbes à l’été 1994 tout en refusant, en décembre, de
reconnaître les frontières de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie. Mais
après la reconquête par les Croates de la Slavonie et de la Krajina (juillet-août
1995), puis les bombardements de l’OTAN visant les Bosno-Serbes
(septembre), il accepte de signer les accords de Dayton (21 novembre 1995)
imposés par les États-Unis.
S. Milosevic obtient en échange la levée des sanctions internationales
contre la Yougoslavie et conduit la normalisation des relations avec la
Croatie. N’étant plus rééligible à la présidence serbe, il est élu président de la
République fédérale de Yougoslavie, le 15 juillet 1997, par le Parlement
fédéral où son parti et ses alliés monténégrins ont de nouveau obtenu la
majorité lors des élections législatives fédérales du 3 novembre 1996.
Mais le 17 novembre 1996, l’opposition démocratique remporte les
élections municipales à Belgrade ainsi que dans d’autres grandes villes. Elle
entame une épreuve de force avec S. Milosevic qui ne reconnaît cette victoire
qu’en février 1997, tandis qu’au Kosovo, où les attentats de l’UÇK (Armée
de libération nationale kosovare) contre les Serbes se multiplient depuis le
début de 1996, S. Milosevic continue à mener une politique de répression
brutale. L'accord signé à l’automne avec le leader kosovar modéré Ibrahim
Rugova restera lettre morte.
Le refus de S. Milosevic de voir remise en cause la souveraineté serbe sur
le Kosovo par le déploiement d’une force de l’OTAN prévue dans le plan de
paix de Rambouillet (février-mars 1999) entraîne une campagne de frappes
aériennes de l’OTAN contre la Yougoslavie, du 24 mars aux accords de
cessez-le-feu signés à Kumanovo le 9 juin.
Le 22 mai 1999, S. Milosevic a par ailleurs été inculpé de crimes contre
l’humanité par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Le 7
juillet 2000, la Constitution fédérale est amendée afin de faire élire le
président au suffrage universel et de permettre à S. Milosevic de briguer un
nouveau mandat. Mais le 24 septembre, c’est le candidat de l’opposition qui
l’emporte et l’invalidation des résultats provoque des manifestations
populaires qui contraignent S. Milosevic à reconnaître sa défaite.
Le Parti socialiste serbe est de nouveau battu aux législatives serbes de
décembre et S. Milosevic, placé en résidence surveillée en janvier.
L’intensification des pressions américaines impose son arrestation, le 1er avril
2001, malgré la résistance de ses partisans. Il est transféré en juin à La Haye,
où il est incarcéré en attendant l’ouverture de son procès devant le TPIY
(février 2002). S. Milosevic est le premier chef d’État déféré devant une
juridiction pénale internationale (le président croate Franjo Tudjman est mort
avant sa probable inculpation), sa défense nie toute légitimité au TPIY et
toute valeur aux incriminations.
S. Milosevic meurt le 11 mars 2006 d’un infarctus du myocarde, après
avoir demandé à plusieurs reprises d’être soigné en Russie. Il laisse derrière
lui une lettre évoquant un possible empoisonnement, hypothèse écartée par
l’enquête du TPIY. Il a été inhumé dans sa ville natale en présence d’une
foule importante.
OD

HARTMAN Florence, Milosevic, la diagonale, du fou, Paris, Gallimard, coll.


« Folio Documents », 2002.
Les documents relatifs au procès Milosevic devant le TPIY sont
disponibles sur le portail Internet des tribunaux internationaux de La Haye
(The Hague Justice Portal) :
http://www.haguejusticeportal.net/eCache/DEF/6/122.c2V0TGFuZz1GUiZM
PUZS.html
→ BOSNIE-HERZÉGOVINE (GUERRE DE), KOSOVO,
MACÉDOINE (QUESTION DE), OTAN, TITO, YOUGOSLAVIE

MISSILE GAP → ARMES NUCLÉAIRES


MITTERRAND François (1916-1996)

Avant d’accéder à la présidence de la République qu’il exerce pendant


deux mandats consécutifs (1981-1995), François Mitterrand est un homme
politique issu des organisations de résistance et leader d’un petit parti
charnière, l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), élu
député de la Nièvre à 30 ans et onze fois ministre au cours de la IVe
République, sans toutefois exercer de responsabilités dans le domaine de la
politique étrangère. L’accession de De Gaulle au pouvoir en 1958 fait de lui
un opposant : il prend parti contre sa politique européenne, contre la sortie de
l’OTAN, contre la force de frappe. Candidat aux élections présidentielles, il
échoue à celles de 1965 et de 1974, mais ce candidat de l’union de la gauche
sort vainqueur de celles de 1981. Entre-temps, il a beaucoup changé.
Comme président, il reprend à son compte les principes gaulliens
d’indépendance nationale et se montre un partisan déterminé de la force de
dissuasion, au point de multiplier les essais nucléaires ; malgré les
protestations internationales, et de s’y opposer par la force (affaire du
Rainbow Warrior). Par sa longévité dans la fonction (malgré deux périodes
de cohabitation en 1986-1988 et 1993-1995), comme par sa passion pour les
affaires étrangères, F. Mitterrand a assurément marqué de son empreinte la
politique de la France, tout en reprenant en partie la trace laissée par le
général de Gaulle. Il accorde une grande importance à la construction
européenne et renoue avec la tradition du traité de l’Élysée dans le domaine
franco-allemand, avec la création de la brigade franco-allemande. Ferme à
l’égard de l’Union soviétique et bravant une opinion allemande hostile, il
approuve le déploiement des euromissiles lors de son discours devant le
Bundestag (20 janvier 1983), apportant ainsi son soutien au chancelier H.
Kohl. Après la chute du mur de Berlin, il doit se résigner à la réunification de
l’Allemagne, non sans insister sur la reconnaissance de la frontière Oder-
Neisse. De concert avec H. Kohl, il réussit à faire adopter le plan d’union
économique et monétaire (décembre 1991), voter le traité de Maastricht qui
institue l’Union européenne (20 septembre 1992), entrer en vigueur le marché
unique (1er janvier 1993). Inquiet face à la désintégration de l’Union
soviétique et de la Yougoslavie, il voit dans M. Gorbatchev l’homme de la
stabilité et freine les tentatives centrifuges. Favorable à un rapprochement
avec les États-Unis, il va cependant manifester ses réserves face à leur
politique dans le Tiers Monde (discours de Cancun, Nicaragua), à leur
leadership excessif et à leur volonté (après 1989) de transformer et d’élargir
l’Alliance atlantique. Connaissant bien les pays d’outre-mer par ses
responsabilités ministérielles sous la IVe République, F. Mitterrand poursuit la
politique de coopération de ses prédécesseurs, y compris par des
interventions militaires (Tchad). Mais il l’infléchit, à la suite de la fin de la
guerre froide, en incitant les États africains à la démocratisation (discours de
La Baule, juin 1990). Au Proche-Orient, il entend rééquilibrer la politique
française en faveur d’Israël où il se rend en visite officielle (mars 1982), mais
il va apporter son soutien au chef de l’OLP Yasser Arafat à plusieurs reprises
et engager la France dans la défense du Liban contre la mainmise syrienne.
Dans la guerre Iran-Irak, il appuie le régime de Bagdad contre lequel il va
prendre parti, dans la guerre du Golfe, aux côtés des Américains en raison de
l’agression et de l’annexion du Koweït par l’Irak.
En 1995, après 14 ans de présidence de F. Mitterrand, la situation de la
France en Europe et dans le monde est moins solide qu’elle ne l’était en
1981, en raison de la fin de la guerre froide, à laquelle elle n’a pas fini de
s’adapter.
MV

BOZO Frédéric, Mitterrand, la fin de la guerre froide et l’unification


allemande : de Yalta à Maastricht, Odile Jacob, 2005.
FAVIER Pierre, MARTIN-ROLAND Michel, La Décennie Mitterrand, 4
tomes, Le Seuil, 1990-2001. LACOUTURE Jean, Mitterrand, une histoire de
Français, Le Seuil, 1998.
VÉDRINE Hubert, Les mondes de François Mitterrand : à l’Élysée 1981-
1995, Fayard, 1996.
→ BERLIN, CNUCED, DE GAULLE, ESSAIS NUCLÉAIRES,
EUROMISSILES, GOLFE (GUERRE DU), GUERRE FROIDE, IRAN-
IRAK (GUERRE), ISRAÉLO-ARABES (CONFLITS), KOHL,
ODERNEISSE (LIGNE), OTAN, UE (INSTITUTIONS DE, TRAITÉ
DE L')

MOBUTU SESE SEKO (Joseph Désiré MOBUTU dit) (1930-1997)


Il est l’un des dictateurs de l’Afrique post-coloniale allié aux Occidentaux
durant la guerre froide. Élève des missionnaires catholiques belges, il est
contraint de s’engager dans la Force publique (armée coloniale du Congo
belge) (1950-1956), dont il devient sergent. Poursuivant des études de
journalisme à Bruxelles (1959-1960), il se lie au militant anticolonialiste
Patrice Lumumba et participe à ses côtés à la table ronde belgo-congolaise
(avril-mai 1960) qui aboutit à l’indépendance du pays (30 juin 1960). Après
la mutinerie de la Force publique (5 juillet 1960), il est nommé chef d’État-
major par le gouvernement Lumumba, avec le grade de colonel et pour
mission de reprendre les troupes en main. Avec l’appui de la Belgique qui
réorganise l’armée, il élimine Lumumba, qui vient de faire appel aux
Soviétiques, en septembre 1960. Par un coup d’État (24 novembre 1965),
Mobutu, promu général, s’assure un pouvoir sans partage. Il est élu président
de la République (6 janvier 1966), met fin à la rébellion katangaise
(novembre 1967), et rebaptise le Congo, Zaïre (décembre 1967). Mais,
incapable d’établir ou de maintenir les structures d’un véritable État, il se
contente d’amasser une des premières fortunes privées du monde, se
maintenant au pouvoir grâce à ses soutiens extérieurs. Si ses relations avec
l’ancienne métropole sont jalonnées de crises, comme après la nationalisation
des compagnies minières belges en 1974, il peut compter sur les États-Unis,
et dans une moindre mesure sur la France, ainsi que sur le Maroc, Israël et
l’Afrique du Sud. Pour complaire à ses protecteurs, il intervient dans la
guerre civile angolaise (1975-1989), d’abord directement, puis en ravitaillant
l’UNITA. Il en est récompensé par des interventions armées françaises,
marocaines et belges lors des incursions depuis l’Angola des gendarmes
katangais en 1977 et 1978. Il soutient également Américains et Français
durant le conflit tchadolybien des années 1980. Cependant la fin de
l’affrontement Est-Ouest affaiblit le maréchal (depuis 1982) Mobutu. Seule la
France le sort brièvement de son isolement lors de l’« opération Turquoise »
au Rwanda en 1994. Mais c’est justement avec le soutien des Tutsis du
Rwanda et du Zaïre que son régime est abattu par Laurent-Désiré Kabila en
mai 1997.
AD

BRAECKMAN Colette, Le Dinosaure. Le Zaïre de Mobutu, Fayard, 1992.


→ CONGO, GUERRE FROIDE, RWANDA
MOLOTOV Viatcheslav Mikhaïlovitch (1890-1986)

L'homme qui incarne la diplomatie soviétique de la guerre froide,


surnommé « M. Niet », est issu d’une famille bourgeoise ; il adhère au parti
bolchevique dès 1906 et est l’un des fondateurs de la Pravda (1912). Membre
du Comité central du Parti communiste soviétique (1921), son soutien à
Staline après la mort de Lénine (1924) en fait le président du Komintern
(1929-1934) et du Sovnarkom (Premier ministre) de 1930 à mai 1941. En mai
1939, il remplace Litvinov aux Affaires étrangères pour signer avec
Ribbentrop le pacte de non-agression du 23 août. Après l’attaque allemande
de juin 1941, il négocie l’alliance soviéto-britannique (mai 1942), participe
aux conférences de Téhéran (1943), Yalta, San Francisco, Potsdam en 1945, à
la conférence de la paix de Paris (1946). Suspect aux yeux de Staline dès
1946, il perd son poste de ministre des Affaires étrangères en mars 1949,
pour le retrouver après la mort de ce dernier (mars 1953). Il participe alors
aux conférences de Berlin (janvier-février 1954), de Genève sur l’Indochine
(avril-juillet 1954) et met un terme à l’espoir d’une réunification allemande
lors de la conférence des ministres des Affaires étrangères (octobre-novembre
1955). Mais continuant de représenter la tendance stalinienne la plus dure, il
entre en conflit avec Khrouchtchev en refusant la réconciliation avec Tito, et
doit abandonner définitivement les Affaires étrangères (1956). Il perd toutes
ses fonctions en 1957 pour appartenance au « groupe antiparti », et est exclu
du PCUS en 1962. Il est réintégré en 1984.
AD

BROMAGE Bernard, Molotov : the story of an era, London, P. Owen, 1956.


→ GUERRE FROIDE, KHROUCHTCHEV, KOMINTERN,
LÉNINE, LITVINOV, POTSDAM (CONFÉRENCE DE), SAN
FRANCISCO (CONFÉRENCE DE), STALINE, TITO, YALTA
(CONFÉRENCE DE)

MONDIALISATION

Le monde a connu à plusieurs reprises des processus de mondialisation


interrompus par des crises ou des guerres. Depuis le début des années 1990,
la « mondialisation » désigne l’intégration au niveau planétaire de
phénomènes économiques, financiers, écologiques et culturels. Ces
phénomènes globaux (en anglais, globalization) dépassent le niveau de
solution d’un État et impliquent le recours à une autorité internationale ou
supranationale. C'est d’une certaine façon l’application du concept des
économies d’échelle, mais c’est aussi l’idée que la fin de la guerre froide,
avec la fin du monde bipolaire, voit le triomphe du libéralisme économique et
de la démocratie qui se répandent sur toute la planète. Fruit d’un
développement du commerce, des flux financiers et de la mise en place de
réseaux mondiaux d’information, la mondialisation pose le problème de la
division internationale du travail qui voit l’émergence de nouvelles
puissances régionales et des délocalisations correspondantes dont profitent
les multinationales. Elle concerne aussi des types d’échanges autres
qu’économiques, de la culture à l’information (avec CNN) en passant par les
techniques, faisant du monde un « village planétaire », selon l’expression du
Canadien McLuhan.
Par le biais des institutions financières internationales, du G7 et ses
avatars, du GATT et du FMI, la mondialisation touche un très grand nombre
d’acteurs, des pays industrialisés aux pays les moins avancés qui vivent des
délocalisations et des stratégies des multinationales.
La mondialisation connaît toutefois des résistances. Tandis que les
technologies et les modes de vie sont diffusés à l’échelle planétaire, une
grande partie de l’humanité est laissée pour compte, provoquant des
migrations toujours plus importantes. Ainsi, contrairement à l’opinion que la
mondialisation serait un facteur de paix, les conflits se multiplient : pour
remédier à l’accroissement des inégalités et à l’information culturelle, la
société civile internationale se mobilise. En 2008-2009, la crise du système
bancaire international provoque un malaise dans la mondialisation. Dans le
domaine commercial, les opposants à l’OMC manifestent, notamment lors du
sommet de Seattle (décembre 1999) ; dans le domaine culturel, la lutte contre
l’américanisation mettant en avant l’exception culturelle (comme la France et
la francophonie), mais de façon plus radicale, les diverses manifestations du
fondamentalisme, et notamment l’islamisme, en apportent souvent
dramatiquement des preuves.
MV
ADDA Jacques, La mondialisation de l’économie, La Découverte, 2006.
DOLLFUS Olivier, La mondialisation, Presses de Sciences Po, 2001.
Sciences humaines, février 2007.
→ FRANCOPHONIE, G7/G8/G20, GATT, INSTITUTIONS
FINANCIÈRES INTERNATIONALES, ISLAMISME,
MULTINATIONALES (FIRMES), OMC, TIERS MONDE

MONNAIE (L'EUROPE ET SA)

Le processus d’harmonisation des monnaies européennes a été lent et


délicat. Il a fallu fixer les parités monétaires, harmoniser les politiques,
accepter des abandons de souveraineté en la matière, avant de pouvoir
adopter une monnaie unique que tous les membres de l’Union européenne
n’utilisent pas encore.
En 1970, le Premier ministre luxembourgeois, Pierre Werner, propose
d’établir une harmonisation des politiques budgétaires, la libre circulation des
capitaux et la limitation des marges de fluctuation entre les monnaies
européennes.
La dégradation de la situation monétaire mondiale (le dollar n’est plus
convertible en or en août 1971) rend la coopération encore plus nécessaire.
Par les accords de Bâle, en mars 1972, le Serpent monétaire européen est
créé. Dans le but d’organiser une zone de relative stabilité face au désordre
international, les banques centrales réduisent leurs marges de fluctuation des
monnaies communautaires à 2,25 % au maximum (c’est le serpent monétaire
dans le tunnel international). Mais le flottement des monnaies, dès 1973, met
un terme au système de Bretton Woods, et les monnaies flottent librement par
rapport au dollar ; le franc, la livre sterling et la lire sortent du Serpent. Le
Fonds européen de coopération monétaire (FECOM), créé pour maintenir les
parités sous le contrôle du Conseil, manque d’efficacité car le principe de la
mise en commun des réserves de change n’est pas adopté. L’expérience du «
serpent monétaire » est brève : en mars 1978, il est dissous.

Système monétaire européen (SME)


Après l’échec du Serpent monétaire, le choc pétrolier (1973), la récession
économique (1975) et l’augmentation des déséquilibres au sein de la CEE
laissent penser qu’une union monétaire serait la solution pour assurer le
minimum de stabilité des monnaies européennes, et pour faire
progressivement converger les politiques monétaires et économiques des
pays membres de la CEE. En 1978, sous l’impulsion de Valéry Giscard
d’Estaing et d’Helmut Schmidt, le Conseil européen admet le principe de la
création d’un système monétaire européen (SME) très proche du Serpent
monétaire, qui entre en vigueur en mars 1979.
L’ECU (European Currency Unit) devient monnaie de compte à partir d’un
panier constitué de toutes les monnaies européennes : leur quantité varie en
fonction de l’évolution économique et de la place de chacune dans le
commerce intracommunautaire (la Grande-Bretagne refuse de participer au
flottement des monnaies, mais la livre sterling entre dans la définition de
l’ECU). Celui-ci sert de moyen de règlement entre les autorités monétaires de
la Communauté. Chaque monnaie a un taux pivot rattaché à l’ECU, avec des
marges de fluctuation limitées à 2,25 % par rapport à ce taux. Les
mécanismes de crédit sont renforcés : tout en restant propriétaire, chaque
pays dépose 20 % de ses réserves d’or et de devises au FECOM, pour les
transformer en ECU ; la composition du panier est révisable tous les cinq ans.
Il y a des monnaies fortes (mark, florin), d’autres faibles (franc, lire), du
coup, le SME apparaît plus comme une « zone mark » que comme une « zone
ECU ».
Avec la crise du franc en 1983, Paris suspend ses réformes sociales et
économiques pour rester dans le SME et accepte l’aide de la RFA. À partir de
1990, pour financer la reconstruction de l’ex-RDA, l’Allemagne emprunte
sur le marché mondial et relève ses taux d’intérêt, ce qui a des répercussions
sur les autres États. Le SME ne peut empêcher de fortes dévaluations
compétitives (comme celle de la livre et de la lire en 1992). En 1992-1993,
une grave crise pousse les partenaires du SME à augmenter la marge de
fluctuation de 2,25 à 15 %.
Globalement, le SME a bien fonctionné, malgré l’abstention britannique, le
désistement du Portugal puis de la Grèce. Mais le décalage entre une
politique monétaire commune et des politiques économiques différentes est
gênant : la stabilité monétaire n’est réalisable qu’avec une coordination des
politiques monétaires nationales. C’est ce que vise l’UEM prévue par l’Acte
unique européen. Le SME est abandonné le 1er janvier 1999, au moment de
l’introduction de la monnaie unique.

L'Union économique et monétaire (UEM)

En 1989, le « Rapport Delors », du nom du président de la Commission


européenne, est approuvé par la Commission. Il définit l’UEM, selon les
termes qui avaient été mis en avant par le plan Werner de 1970.
Le but est de parvenir à l’adoption d’une monnaie unique, afin de faciliter
la libre circulation des hommes, le développement des échanges et de
dynamiser la croissance. Pour ce faire, les initiateurs considèrent que la
convertibilité des monnaies doit être totale et irréversible, les mouvements
des capitaux complètement libérés ; aussi une parité fixe entre les monnaies
européennes est à déterminer, de même qu’il faut harmoniser les politiques
fiscales et budgétaires. À terme, cela exige le transfert de certaines
compétences économiques et monétaires nationales à l’Union européenne, et
la création d’une monnaie unique.
Cela ne va pas sans opposition, car nombreux sont ceux, dans tous les pays
et de tous bords politiques, qui refusent les abandons de souveraineté que cela
implique. La Grande-Bretagne y est hostile et rejette d’emblée ce projet,
l’Allemagne accepte avec, en contrepartie, des avancées politiques pour
l’Union. L’UEM est adoptée à Maastricht, le 7 février 1992 et doit être mise
en place en plusieurs étapes.
La première phase (1990-1994) est marquée par la libéralisation des
mouvements de capitaux. Lors de la deuxième (1994-1998), l’Institut
monétaire européen (IME), composé des gouverneurs des Banques centrales
et d’un président, coordonne les politiques monétaires des États membres et
promeut l’ECU par l’introduction d’une monnaie unique en 1999. Les États
s’accordent sur une politique de rigueur budgétaire concrétisée par des
critères de convergence : stabilité des prix (taux d’inflation très limitée) ;
convergence des taux d’intérêt à long terme ; limitation du déficit budgétaire
national à 3 % du PIB ; dette publique inférieure à 60 % du PIB.
Au sommet de Madrid de décembre 1995, le Conseil européen arrête le
calendrier du passage à la monnaie unique, et adopte le terme d’« euro ». Les
États qui remplissent les critères de convergence deviennent membres de
l’UEM dès le 1er janvier 1999 ; n’en sont pas la Grèce et le Danemark ; la
Suède et la Grande-Bretagne ne souhaitent pas y participer. Le pacte de
stabilité budgétaire et de croissance est complété lors du sommet
d’Amsterdam (juin 1997) par une résolution sur la croissance et sur l’emploi.
La troisième phase débute le 1er janvier 1999 avec l’instauration des parités
fixes avec des moyens de paiement en euros ou dans les monnaies
nationales ; la double circulation est maintenue jusqu’en 2002, date à laquelle
l’UEM est réalisée ; les espèces en euros remplacent l’ensemble des
monnaies nationales.
La Banque centrale européenne (BCE) succède à l’Institut monétaire
européen en 1998 et elle est installée à Francfort. Les banques centrales
nationales de la zone euro et la BCE forment le Système européen de banques
centrales (SEBC). Sa mission est de définir et de mettre en œuvre la politique
monétaire communautaire, de gérer les réserves de changes des États
membres, et de veiller à la stabilité des prix. La BCE est la seule habilitée
pour autoriser l’émission des billets de banque dans la zone euro.

La zone euro (« Euroland »)

C'est la zone géographique qui inclut les États de l’Union européenne dont
l’euro est la monnaie unique. Onze États participent à l’euro dès le 1er janvier
1999 : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande,
Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal. Le premier élargissement, le 1er
janvier 2001, concerne la Grèce. La Slovénie l’intègre le 1er janvier 2007.
Depuis 2008, avec l’entrée de Chypre et Malte dans la zone euro, celle-ci
compte quinze membres, et la Slovaquie la rejoint en 2009, car les nouveaux
États membres de l’UE doivent adopter l’euro le plus rapidement possible, à
condition de remplir les critères de Maastricht.
On est encore loin d’une monnaie vraiment unique pour l’ensemble de
l’UE, et l’euro reste assez critiqué. Alors que les Danois, en 2000, et les
Suédois, en 2003, l’ont rejeté par référendum, le Monténégro et le Kosovo
qui ne sont pas membres de l’UE, l’utilisent de fait. Les petits pays de la «
nouvelle Europe » y trouvent des avantages pour accéder à un grand marché,
alors que les grands États débattent sur les bienfaits de cette monnaie unique :
les consommateurs reprochent souvent la rigidité des politiques monétaires,
la hausse des prix est importante lors du passage à l’euro en dépit de la lutte
contre l’inflation ; les exportations souffrent face à un dollar plus bas.
Cependant, cette réforme a permis de faire disparaître les coûts des changes
dans les transactions à l’intérieur de l’Europe et cette monnaie unique facilite
la transparence en matière de concurrence. Dans la crise économique qui
secoue le monde capitaliste à partir de l’été 2008, l’« Euroland » apparaît
comme une zone relativement protégée ; la difficulté des pays de la zone euro
à s’entendre pour harmoniser leurs politiques pose la question de la priorité
des intérêts nationaux, toutefois, la coopération de la Grande-Bretagne
rappelle aussi que la dimension des problèmes et de leurs solutions dépassent
largement les frontières.
Ch. M

BEKERMAN Gérard, SAINT MARC Michèle, L’écu, QSJ, PUF, 1993.


• L'euro, QSJ, PUF, 1999.
BÉNASSY-QUÉRÉ Agnès, CœURÉ Benoît, Économie de l’Euro, La
Découverte, 2002.
DÉVOLUY Michel, L'Europe monétaire : du SME à la monnaie unique,
Hachette, 1998.
→ CEE, DELORS, GISCARD D’ESTAING, PÉTROLE ET
RELATIONS INTERNATIONALES, UE (TRAITÉS DE L')

MONNET Jean (1888-1979)

Après de nombreux voyages à travers l’Europe pour le compte de


l’entreprise viticole familiale, il participe, à Londres en 1917-1918, à la
création de l’Allied Maritime Transport Council, chargé de la distribution du
fret entre les Alliés. Secrétaire général-adjoint de la SDN en 1919, il
démissionne en 1923 de ce poste sans pouvoir réel et mène alors une carrière
d’expert économique et financier aux États-Unis, en Europe de l’Est et en
Chine. Chargé par Daladier, à la fin de 1938, des achats d’avions militaires
aux États-Unis, il est nommé, une fois la guerre déclarée, président du
Comité de coordination franco-britannique à Londres. C’est de là qu’il tente
d’empêcher la signature d’un armistice par la France en proposant, le 16 juin
1940, un audacieux projet d’union franco-britannique. Il ne croit pas à
l’efficacité de la France Libre et devient, dès août 1940, fonctionnaire et
diplomate britannique. Comme vice-président du British Supply Council à
Washington, il contribue à l’élaboration du Victory Program de Roosevelt.
Chargé par ce dernier, en 1943, de jouer les conciliateurs entre Giraud et de
Gaulle, il entre au Comité français de la Libération nationale. En 1946, il
préside à l’élaboration du Plan de modernisation et d’équipement de la
France, dont il restera commissaire général jusqu’en 1952. Convaincu que
seule la création d’une Europe unifiée dans un cadre supranational peut
permettre la réconciliation franco-allemande et le développement
économique des démocraties occidentales, il persuade Robert Schuman de
lancer, en mai 1950, le projet de Communauté européenne du charbon et de
l’acier. Premier président de la Haute Autorité de la CECA (1952-55), il
assiste à l’échec, en août 1954, du projet de Communauté européenne de
défense, du fait des réticences françaises. En octobre 1955, il crée le Comité
d’action pour les États-Unis d’Europe, organisme privé qui, pendant vingt
ans, milite pour la création d’une Europe fédérale, et qui promeut donc une
conception de l’Europe opposée à celle de De Gaulle. L'influence de Jean
Monnet et des experts de son Comité est indéniable à différents stades de la
construction européenne : lors de l’élaboration des traités de Rome de 1957,
de l’adhésion du Royaume-Uni au Marché commun, ou de la création du
Conseil européen, ce qui lui vaut d’être honoré comme l’un des « Pères de
l’Europe ».
AD

ROUSSEL Éric, Jean Monnet : 1888-1979, Fayard, 1996.


→ CECA, CEE, DALADIER, DE GAULLE, ROME (TRAITÉS DE),
SCHUMAN

MONROE (DOCTRINE)

Déclaration de politique étrangère du président James Monroe faite au


Congrès le 2 décembre 1823, la doctrine Monroe définit l’Amérique latine
comme zone d’influence américaine en y interdisant toute intervention
européenne. Elle devient un principe fondamental de la politique étrangère
américaine. En prolongement, le « corollaire Roosevelt » énoncé en 1904 par
le président Theodore Roosevelt, affirme le droit des États-Unis à intervenir
dans les pays d’Amérique latine alors en proie à de lourdes dettes auprès des
puissances européennes, pour éviter que celles-ci ne cherchent à récupérer de
force leurs créances, à protéger aussi la zone du canal de Panama, considérée
comme stratégique ; elle justifie une série d’interventions militaires dans les
Caraïbes et en Amérique centrale jusqu’en 1934, date où la « politique du
bon voisinage » de Franklin D. Roosevelt renonce à toute ingérence dans la
région. En 1948, la nouvelle Organisation des États américains (OEA)
s’inscrit dans la même vision d’une Amérique domaine propre aux
Américains. Avec la guerre froide, la doctrine Monroe s’apparente à la simple
application régionale de la politique américaine de lutte contre le
communisme : au Guatemala en 1954, dans le Cuba de Castro depuis les
années 1960, en République dominicaine en 1965, au Nicaragua ou au
Salvador dans les années 1980.
PMD

DENT David W., The Legacy of the Monroe doctrine : a reference guide to
US involvement in Latin
America and the Caribbean, Westport, 1999. MAY Ernest, The Making of
the Monroe doctrine, Cambridge, 1975.
PERKINS Dexter, A History of the Monroe Doctrine, Boston, 1955.
→ CASTRO, GUERRE FROIDE, OEA, PANAMA (CANAL DE),
ROOSEVELT (THEODORE)

MONTREUX (CONVENTION DE)

Après l’armistice de Moudros (1918) et l’occupation d’Istanbul par les


Alliés, l’Empire ottoman doit accepter l’internationalisation du Bosphore et
des Dardanelles avec la liberté de passage pour toutes les forces navales,
imposée par le traité de Sèvres en 1920. La Turquie de Kémal récupère en
1923, au traité de Lausanne, sa souveraineté sur les Détroits sous réserve de
leur démilitarisation.
Signée le 20 juillet 1936 par la Bulgarie, la France, la Grèce, le Japon, la
Roumanie, le Royaume-Uni, la Turquie, l’URSS et la Yougoslavie, la
convention de Montreux réaffirme le principe de liberté de navigation
commerciale dans les Détroits en temps de paix, mais restitue à la Turquie le
droit de les fortifier, la charge de faire respecter certaines contraintes
imposées aux bâtiments de guerre (préavis, tonnage limité pour les États non
riverains de la mer Noire, passage en surface des sous-marins, interdiction
des porte-avions) et lui attribue, en cas de conflit, un pouvoir de régulation du
trafic quasi discrétionnaire si elle ou un de ses alliés est belligérant.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la Turquie, neutre mais liée par un
traité d’amitié avec l’Allemagne en 1941, autorise le seul passage des
bateaux de l’Axe. Lors de la conférence de Potsdam (juillet-août 1945),
l’URSS obtient des Anglo-Américains, l’ouverture des Détroits sans
restriction pour les flottes des pays riverains de la mer Noire en temps de
guerre puis réclame sans succès une base militaire dans les Dardanelles.
Avec l’adhésion de la Turquie à l’OTAN en 1952, le règlement de
Montreux permet à l’Alliance atlantique de maintenir une présence en mer
Noire et de surveiller le passage des navires soviétiques en Méditerranée,
bien que l’usage se soit établi de ne pas déclarer les armes embarquées non
spécifiées dans la convention (missiles et armes atomiques). Avec la détente,
la Turquie tolère le transit de porte-avions, qualifiés de bâtiments antisous-
marins afin de respecter la lettre de la convention dont la révision est évoquée
par les Américains en 1986 puis par la Turquie qui, sous prétexte
d’intensification du trafic, souhaite voir élargie sa latitude de régulation.
OD

MACFIE A. L., The Straits Question, 1908-1936, Thessalonique, Institute for


Balkan Studies, 1993.
→ ALLIANCE ATLANTIQUE, KÉMAL, LAUSANNE (TRAITÉ
DE), POTSDAM (CONFÉRENCE DE), SÈVRES (TRAITÉ DE)

MOUBARAK Hosni (1928)

La guerre de Kippour en octobre 1973 est l’occasion pour cet officier de


l’armée de l’Air de passer général en octobre 1973 et d’être nommé à la vice-
présidence de la République par Sadate en 1975. Au lendemain de
l’assassinat du raïs, le 6 octobre 1981, Moubarak prend le contrôle du pays,
conformément à la Constitution et décrète l’état d’urgence, qu’il n’a toujours
pas levé. Il est élu à l’unanimité par l’Assemblée du peuple, vote entériné par
référendum (98,4 % de oui). Son mandat présidentiel est renouvelé
régulièrement tous les six ans par des consultations électorales de pure forme.
Alors qu’il subit des pressions américaines en faveur d’une démocratisation
de son régime, il concède des réformes démocratiques apparentes, avec
l’organisation d’une élection présidentielle à candidatures multiples en
septembre 2005.
Le raïs égyptien veut jouer le rôle de leader du monde arabe, avec plus ou
moins de succès. Il prend une posture de relative neutralité dans le conflit
israélo-arabe. En effet, dès sa prise de fonction, Moubarak réaffirme
l’adhésion de l’Égypte aux accords de Camp David signés avec Israël en
1979, et obtient le 25 avril 1982, le retrait israélien du Sinaï (à l’exclusion de
la petite enclave de Taba, sur le golfe d’Aqaba, qui ne sera évacuée
totalement qu’en 1989). Parallèlement il s’efforce de mettre fin au boycott
dont l’Égypte est l’objet de la part de la majorité des États arabes qui ont
rompu leurs relations diplomatiques avec Le Caire et ont suspendu son
appartenance à la Ligue arabe depuis sa paix séparée avec Israël, en
multipliant les gestes de fermeté à l’égard de l’État hébreu avec lequel il
n’établit qu’une « paix froide » ; il refuse de signer un accord sur l’autonomie
des Palestiniens des territoires occupés pour ne pas compromettre leur droit à
l’autodétermination, et renoue avec l’OLP après la rupture entre
l’Organisation de libération de la Palestine et la Syrie, après l’invasion du
Liban en juin 1982.
Le conflit qui oppose l’Irak à l’Iran depuis septembre 1980 permet à
Moubarak de retrouver sa place au milieu des pays arabes. Ayant un besoin
vital de livraison d’armes égyptiennes, le gouvernement de Bagdad, pourtant
un des ténors du « front du refus » (de la paix avec Israël) rétablit en 1982 des
contacts officiels avec Le Caire, comme tous les pays arabes pro-occidentaux
(Tunisie, Maroc, Jordanie et Arabie Saoudite). Le 21 mai 1989, Le Caire
retrouve sa place dans la Ligue arabe.
En même temps, le président Moubarak renforce les liens avec divers pays.
Les États-Unis ont une place privilégiée du fait du problème israélo-arabe et
de l’aide économique et militaire qu’ils apportent à l’Égypte ; en 1983, il
conclut un accord de coopération militaire avec la Grande-Bretagne ; les
relations diplomatiques sont rétablies avec l’URSS en 1984 ; la France
finance notamment le métro du Caire inauguré en 1987. En 1991, au
détriment de la solidarité arabe, il s’engage dans la coalition contre l’Irak de
Saddam Hussein ; en contrepartie les Américains effacent la totalité de la
dette militaire de l’Égypte. Durant le déroulement du processus de paix
israélo-arabe lancé à Madrid en octobre 1991, la diplomatie égyptienne donne
une caution arabe, l’Égypte étant le cadre de la plupart des pourparlers
israélo-palestiniens. La gestion de ce dossier devient plus difficile après le
retrait israélien de la bande de Gaza en août 2005 : Moubarak ne peut se
désintéresser de ce territoire frontalier, du fait des liens entre les islamistes
qui y prennent le pouvoir en juin 2007 et les Frères musulmans égyptiens ;
mais il refuse la mission d’y assumer la sécurité comme pourraient le
souhaiter Israéliens et Américains.
En 2003, au nom du principe de souveraineté, le raïs désapprouve
l’invasion américaine de l’Irak, mais il envoie un corps expéditionnaire et
apporte son concours à la pacification du pays : collaboration des services de
sécurité égyptiens avec les forces américaines en Irak, formation de policiers
irakiens, organisation de la conférence internationale sur l’Irak de Charm el-
Cheikh en novembre 2004.
En juillet 2007, dans le cadre de son projet de réarmement des pays arabes
dits « modérés » face à l’Iran, l’administration américaine octroie une
importante aide supplémentaire à l’Égypte.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Moubarak, l’Égypte a vu son importance
géopolitique se transformer, en particulier aux yeux des Américains. En effet
depuis la fin de la guerre froide elle n’a plus à remplir le rôle de contrepoids
face aux régimes pro-soviétiques, elle n’est plus le seul État arabe à être
formellement en paix avec Israël, les préoccupations américaines se situent
surtout du côté de l’Irak et de l’Iran, et la diplomatie saoudienne concurrence
la sienne. Il entend cependant conserver le statut d’allié majeur de
Washington, poursuivre une politique de bons offices engagée sur plusieurs
théâtres d’opérations, tout en tolérant, voire en encourageant comme un
dérivatif aux frustrations de sa population, l’expression d’un
antiaméricanisme, d’un rejet d’Israël ou même d’un antisémitisme virulent.
Son cinquième mandat est assez contesté, sa fatigue ne fait guère de doute,
mais depuis 2000, il semblerait que l’un de ses fils, Gamal, soit prêt à prendre
la relève.
AD

FERRIÉ Jean-Noël, L’Égypte entre démocratie et


islamisme : le système Moubarak à l’heure de la succession, Autrement,
2008.
POMMIER Sophie, Égypte, l’envers du décor, La Découverte, 2008.
→ ARAFAT, BUSH (GEORGE W.), CAMP DAVID (ACCORDS DE),
GOLFE (GUERRE DU), HUSSEIN (SADDAM), ISRAÉLO-ARABES
(CONFLITS), KIPPOUR (GUERRE DU), LIGUE ARABE, NASSER,
PALESTINIEN (PROBLÈME), PANARABISME, SADATE

MULTILATÉRALISME

Forme de relations internationales qui privilégie les rapports de chaque


État avec plusieurs autres, plutôt qu’avec un seul d’entre eux (bilatéralisme).
Ce concept traduit aussi la volonté de rechercher des réponses collectives à
des défis globaux par l’élaboration de règles de droit et de normes. Il
s’oppose ainsi à une gestion des relations internationales par un seul État, qui
entendrait imposer sa politique et ses propres normes aux autres États
(unilatéralisme) sans se soucier d’une concertation des organismes
internationaux.
Même si la réalité (par SDN et ONU interposées) a précédé le mot, il
semble que le concept s’est imposé en français dans les années 1960, en
particulier pour les négociations en matière de commerce (Kennedy round) ou
de sécurité (cf. MLF du président Kennedy). Il s’est développé dans le cadre
de la CSCE, qui se conclut par l’adoption d’un code multilatéral de bonne
conduite, le décalogue d’Helsinki. Depuis 1989, pour tenter d’organiser le
désordre international de la période post-guerre froide, la notion de
gouvernance mondiale s’est développée sur l’espoir d’un ordre international,
fondé sur le respect de la règle internationale et l’association de tous les États
aux mécanismes de prise de décision, c’est-à-dire le multilatéralisme.
MV

BACOT-DÉCRIAUD Michèle (dir.), Le multilatéralisme, mythe ou réalité,


Bruylant, 2008.
BADIE Bertrand, DEVIN Guillaume (dir.), Le multilatéralisme, nouvelles
formes de l’action internationale, La Découverte, 2008.
→ CSCE/OSCE, DIPLOMATIE, GATT, OMC, ONU, SDN

MULTINATIONALES (FIRMES)

Le rôle des entreprises dans les relations internationales dépasse la sphère


économique. Dès le début du 20e siècle, Lénine dans Impérialisme, stade
suprême du capitalisme (1917) met en cause les firmes industrielles censées
être à l’origine de la Grande Guerre. Même si ce schéma est contredit par les
études historiques qui, au contraire, insistent sur l’intérêt du commerce
international pour le maintien de la paix, les firmes multinationales (en
anglais MNC) sont liées à certains produits de base : le pétrole, la bauxite,
l’aluminium. Dans l’entre-deux-guerres, la crise ralentit le mouvement de
création des multinationales et donne le jour aux cartels, comme le cartel de
l’acier. Après 1945, grâce à la croissance mondiale, aux progrès des
transports et au décloisonnement des marchés nationaux, l’essor des
multinationales est net, reflétant d’ailleurs l’hégémonie des États-Unis.
Dans les années 1960, les firmes multinationales sont accusées de
néocolonialisme en profitant de la faiblesse des États du Tiers Monde pour
utiliser leur main-d’œuvre et ponctionner plus facilement leurs richesses. Le
cas particulier des multinationales américaines est mis en évidence dans Le
Défi américain de Jean-Jacques Servan-Schreiber (1969), qui prédit que,
faute de réagir, l’Europe sera colonisée par les firmes industrielles
américaines. En Amérique latine, les multinationales américaines sont
créditées d’un redoutable pouvoir politique, susceptible de faire et défaire les
présidents en Amérique centrale (United Fruit) ; le coup de force organisé au
Chili contre le gouvernement de Salvador Allende en 1973 illustre l’influence
occulte de ces multinationales, ITT dans ce cas. Depuis le début des années
1980, dans un monde en voie d’intégration économique rapide, les
entreprises adoptent une perspective mondiale de leurs marchés, de leurs
unités de production et de leur organisation. Au cours des années 1980, pour
faire face à la crise, certaines firmes ont une stratégie de délocalisation
permettant de réduire les coûts de production en raison de la valeur de la
main-d’œuvre, ce qui provoque des tensions dans les États européens. Mais
d’un autre côté, ce processus étend la croissance à de nouvelles aires
géographiques. Une centaine de grands groupes industriels (comme General
Electric, Ford, Shell) sont les moteurs du système de production mondial
intégré.
Par ailleurs, la mondialisation des entreprises par leurs activités
transnationales met en cause la souveraineté des États et provoque un malaise
social par la déréglementation. L’échec des négociations sur l’Accord
multilatéral d’investissement (AMI) puis celui de la conférence de Seattle
(1999) montrent les limites de la mondialisation.
MV

→ ALLENDE, IMPÉRIALISME, LÉNINE, OPEP, PÉTROLE ET


RELATIONS INTERNATIONALES, TIERS MONDE

MUNICH (CONFÉRENCE ET ACCORDS DE)

La conférence qui réunit à Munich du 29 au 30 septembre 1938, au plus


fort de la crise des Sudètes, les chefs de gouvernement allemand (Hitler),
français (Daladier), anglais (Chamberlain) et italien (Mussolini), afin de
trouver une solution pacifique au conflit, marque profondément l’histoire des
relations internationales à la fin des années 1930.
Les accords de Munich décrètent l’évacuation du pays des Sudètes par les
Tchèques et son annexion pure et simple à l’Allemagne à compter du 10
octobre 1938. Il est prévu qu’une Commission internationale composée des
représentants des quatre puissances signataires et du gouvernement tchèque
définisse les frontières définitives de la Tchécoslovaquie et les zones
éventuellement soumises à plébiscite. Selon les termes de l’accord, les
Tchèques vivant dans les territoires annexés disposent d’un droit d’option de
six mois. Enfin, la Tchécoslovaquie doit céder une autre partie de son
territoire à la Hongrie (arbitrage de Vienne) et à la Pologne. Hitler, dont
l’essentiel des revendications est pris en compte, remporte une victoire facile
qui le laisse insatisfait. Loin d’enrayer la guerre, les accords de Munich
n’accordent qu’un sursis à la France et au Royaume-Uni prêts à tout sacrifier
à la cause de la paix, y compris par une déclaration de non-agression avec
l’Allemagne hitlérienne qu’ils élaborent en marge de la conférence. De retour
à Londres et à Paris, Chamberlain et Daladier sont acclamés par la foule,
signe que la politique d’appeasement correspond aussi à une attente profonde
de l’opinion. Quelques semaines plus tard commence pourtant le
démembrement de la Tchécoslovaquie. La garantie internationale des
nouvelles frontières tchèques prévue par les accords de Munich reste lettre
morte, permettant à la Pologne de s’emparer de la région de Teschen, à la
Hongrie de prendre possession d’un vaste territoire au sud de la Slovaquie et
à Hitler de décréter en mars 1939 un protectorat allemand sur la Bohême-
Moravie.
Premier fait significatif, la question sudète constitue une évolution majeure
dans les ambitions extérieures d’Hitler. Si, jusque-là, du réarmement à la
remilitarisation de la Rhénanie puis à l’Anschluss, les revendications
hitlériennes se maintiennent dans le cadre d’une révision du traité de
Versailles dont d’autres avant lui ont été les champions, l’annexion à
l’Allemagne de l’Autriche et des territoires sudètes représente une prétention
territoriale d’une nature différente, l’Autriche et les Sudètes n’ayant jamais
fait partie du Reich. Autre précédent, la conférence de Munich se déroule en
l’absence de la Tchécoslovaquie, principale intéressée, qui n’est pas invitée à
participer aux négociations mais est contrainte d’en accepter les conclusions
le jour même, sous la pression conjuguée de la France et du Royaume-Uni.
Ceci a pour effet de donner aux petits États le sentiment d’être le jouet des
grandes puissances. Leur confiance dans les démocraties occidentales en est
entamée, au point que tout le système français d’alliances de revers fondé sur
la Petite Entente avec les nouveaux États d’Europe orientale s’effondre.
Illustration de la faiblesse des démocraties occidentales décidées à
préserver la paix à tout prix mais favorisant, par aveuglement, la politique
d’annexion hitlérienne et ses desseins dictatoriaux, le souvenir de « Munich »
hante toujours la mémoire des responsables politiques que le présent,
souvent, confronte à d’autres totalitarismes. C'est en particulier le cas de
l’affaire de Suez et, à diverses reprises, des avancées de l’Union soviétique
au cours de la guerre froide.
FG

DUROSELLE Jean-Baptiste, La Décadence 1932-1939, Imprimerie


nationale, 1979.
LUKES I., GOLDSTEIN E., The Munich crisis, 1938 : prelude to World
War II, London, F. Cass, 1999.
→ ANSCHLUSS, APPEASEMENT, CHAMBERLAIN, DALADIER,
HITLER, MUSSOLINI, PETITE ENTENTE, TRAITÉS DE PAIX,
VIENNE (ARBITRAGE DE)

MUSSOLINI Benito (1883-1945)

Ce dirigeant socialiste se convertit en octobre 1914 à l’idée de


l’intervention de l’Italie dans la guerre. Nationaliste, défenseur de
l’irrédentisme après les déceptions des traités de paix, fondateur des
Faisceaux de combat (Fasci) en mars 1919 à Milan, il est nommé chef du
gouvernement, le 29 octobre 1922, par le roi Victor-Emmanuel III qui veut
éviter le risque, en réprimant la « marche sur Rome » que Mussolini a lancée
deux jours plus tôt, de renouer avec les troubles que l’Italie a connus en
1919-1921. Pour Mussolini, la politique étrangère est d’abord un moyen
d’achever la formation de la nation italienne toujours en cours depuis le
Risorgimento, en mobilisant les masses sur un programme de grandeur et
d’expansion nationale, prolongement de la Rome antique. Dès 1922, il pose
le principe d’une révision de l’ordre issu des traités de paix, et désigne la
Méditerranée et les Balkans comme les aires d’expansion de l’Italie. Cela ne
l’empêche pas de sembler poursuivre dans ses débuts la politique italienne «
traditionnelle », en y portant la marque de ses improvisations personnelles,
parfois violentes. Si dans l’affaire de la Ruhr, en 1923, il soutient
globalement la France, la même année, il attaque la Grèce, protégée de la
France, à Corfou. Si le 27 janvier 1924, il règle avec la Yougoslavie le
contentieux de Fiume, terre irrédente, il continue de soutenir les nationalistes
croates et de poursuivre une politique albanaise irritante pour la Yougoslavie
comme pour la France. Il est associé à la conciliation franco-allemande lors
de la conférence de Locarno mais il en ressort déçu par Briand et par
Stresemann. Il se rapproche alors de l’Angleterre en obtenant quelques
modifications des frontières de ses colonies en Afrique. À partir de 1926, le
Duce se pose de plus en plus en champion d’une révision des traités, se
tournant donc contre la France et se rapprochant des vaincus de la Grande
Guerre dans l’espoir d’en tirer profit pour son expansionnisme commercial et
colonial. Il reprend contact, en 1927, avec la Hongrie et la Turquie, appuie les
revendications allemandes ou autrichiennes et réaffirme les droits italiens sur
la Tunisie. Ainsi, à partir de 1933, la diplomatie mussolinienne joue un rôle
de premier plan, s’appuyant sur une vague de sympathies pro-fascistes et sur
certains pays qui, tels la Pologne de Pilsudski, la Hongrie, ou plus tard
l’Espagne de Franco, tendent à l’imiter. Pourtant il adopte d’abord une
attitude méfiante à l’égard de son admirateur Hitler. En 1933, il se fait le
promoteur d’un « pacte à Quatre » – Allemagne, Angleterre, France, Italie –
destiné à assurer la paix par la concertation des grandes puissances
européennes, puis en 1934, il assure à l’Autriche la protection italienne contre
une tentative d’Anschluss. C'est encore Mussolini qui fait accepter une
proposition de défiance face à l’Allemagne, lors de la conférence de Stresa
entre France, Angleterre et Italie en avril 1935 ; il est vrai qu’en janvier,
Laval lui a accordé contre son appui au maintien du statu quo dans l’Europe
danubienne, quelques avantages coloniaux et surtout les mains libres en
Éthiopie. Ce sont justement les sanctions prises par la SDN contre l’Italie
après son attaque de l’Éthiopie qui entraîne la rupture du « front de Stresa
» et l’enfermement de Mussolini dans une alliance de plus en plus inégale
avec Hitler. L'« Axe Rome-Berlin », qu’il proclame le 1er novembre 1936, se
renforce avec le soutien, que conjointement à Hitler, il apporte à Franco dans
la guerre d’Espagne, puis par l’adhésion de l’Italie au « pacte anti-Komintern
» du 6 novembre 1937. Son rôle apparent de sauveur de la paix lors de la
conférence de Munich peut faire croire qu’il tentera d’utiliser à son profit la
tension croissante entre les démocraties et l’Allemagne nazie ; en fait il se
laisse imposer par Hitler une alliance offensive, le « pacte d’Acier », signé le
22 mai 1939. Toutefois, conscient de son impréparation militaire, il n’entre
en guerre contre la France et l’Angleterre que le 10 juin 1940, en espérant
précéder son partenaire-concurrent dans la conquête des Balkans et de la
Méditerranée. Dès le printemps 1941 le Duce, après ses revers face aux
Britanniques et aux Grecs, perd sa « guerre parallèle » et seules son
inféodation à Hitler et sa volonté de préserver son régime l’empêchent d’y
mettre un terme. Devenu le principal obstacle à un retrait italien du conflit, il
est arrêté sur l’ordre du roi le 26 juillet 1943, après le vote dans la nuit du 24
au 25 d’une motion de censure par le Grand Conseil fasciste. Libéré par
Hitler qui l’installe à la tête d’un État fasciste reconstitué en Italie du Nord (la
République de Salò), il n’est plus qu’un fantoche de ce dernier jusqu’à sa
capture et son exécution par des partisans italiens.
AD

DE FELICE Renzo, Brève histoire du fascisme, Paris, L. Audibert, 2002.


MILZA Pierre, Mussolini, Fayard, 1999.
→ ANSCHLUSS, BRIAND, ESPAGNE (GUERRE D’), ÉTHIOPIE
(GUERRE D’), FRANCO, HITLER, IRRÉDENTISME, LAVAL,
LOCARNO (CONFÉRENCE DE), MUNICH (CONFÉRENCE DE),
PILSUDSKI, SDN, STRESEMANN, TRAITÉS DE PAIX
N

N’KRUMAH Kwame (1909-1972)

Dirigeant du premier État colonisé d’Afrique noire à accéder à


l’indépendance (6 mars 1957), le Ghana (ancienne Gold Coast britannique),
il se fait le champion et le théoricien du panafricanisme, conçu comme
devant aboutir à l’indépendance de toutes les colonies d’Afrique dans le
cadre d’États-Unis d’Afrique non alignés. De retour au Gold Coast après
des séjours aux États-Unis (1935-1945) et en Europe (1945-1947), il y
prend la tête du mouvement en faveur de l’autonomie interne puis de
l’indépendance. Après la victoire électorale de son mouvement le Gold
Coast People’s Party (8 février 1951), il est Premier ministre du Gold Coast
(22 mars 1952-1957) puis du Ghana indépendant (6 mars 1957-1960) et
enfin président de la République (1960). Après l’indépendance, il tente
d’appliquer sa conception du panafricanisme. Il réunit à Accra la première
conférence des chefs d’État africains (mars 1958) qui prône le non-
alignement et l’unification des diplomaties. Il accorde une aide financière à
la Guinée qui vient de rompre avec la France (novembre 1958), et lance un
projet d’union Guinée-Ghana-Mali. Il participe à l’envoi des casques bleus
au Congo ex-belge (1960-1961) et adhère au groupe de Casablanca, hostile
au néocolonialisme et aux essais nucléaires français au Sahara (janvier
1961). Mais aucun État africain n’étant prêt à renoncer à son indépendance
récemment acquise, N’Krumah ne peut faire aboutir ses projets de
regroupements régionaux, et son régime, miné par son autoritarisme et les
difficultés économiques, est renversé par un coup d’État militaire (24
février 1966).
AD

KABA Lansiné, Kwame N’Krumah et le rêve de l’Unité africaine, Éditions


Chaka, 1991.
→ CONGO, ESSAIS NUCLÉAIRES, NON-ALIGNÉS
(MOUVEMENT DES), OUA

NAMIBIE

Dénomination africaine de l’ancienne colonie allemande du Sud-Ouest


africain, la Namibie accède à l’indépendance le 21 mars 1990, après 75 ans
d’occupation sud-africaine et 23 ans de guérilla nationaliste. En 1920, le
pacte de la SDN donne mandat sur ce territoire à l’Union sud-africaine, qui
l’annexe simplement. Dès 1946, l’ONU est saisie de la question du statut
international du territoire, mais l’Afrique du Sud, ne voulant pas voir
entamer son glacis de protection, veut continuer à l’administrer comme
l’une de ses provinces, toutes les lois d’apartheid y étant appliquées. La
décolonisation suit un processus très complexe et marque finalement la
victoire des Nations unies. L'Organisation du peuple du Sud-Ouest africain
(South West African People’s Organization, SWAPO), mouvement de
libération nationale d’obédience marxiste et soutenu par l’URSS, créé en
1966, s’engage dans la lutte armée. Le 27 octobre 1966, l’ONU met
officiellement fin au mandat confié à l’Afrique du Sud, sans que la situation
évolue. Le 29 septembre 1978, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la
résolution 435, en principe acceptée par l’Afrique du Sud, fixant les
modalités de l’accession à l’indépendance de la Namibie après une période
de transition d’un an. La SWAPO, bénéficiant de l’aide de l’Angola et
appuyée par un fort contingent envoyé par Castro, se heurte à l’armée sud-
africaine dont l’objectif est de détruire ses sanctuaires dans le sud de
l’Angola, d’où un affrontement Afrique du Sud-SWAPO-Angola. Les États-
Unis et l’URSS, désireux de mettre un terme à un conflit régional, poussent
à la conclusion des accords des 8 août et 22 décembre 1988, qui prévoient
l’accession de la Namibie à l’indépendance au 1er avril 1990, et le retrait des
troupes cubaines d’Angola au ler juillet 1991, l’Afrique du Sud ayant lié les
deux questions. Le 1er janvier 1989, la résolution 435 de l’ONU est enfin
mise en œuvre sous contrôle international dans le cadre d’opérations de
maintien de la paix. La SWAPO, émanation de l’ethnie Ovambo,
majoritaire dans le pays, accède au pouvoir par la voie d’élections libres et
accepte l’instauration de la démocratie.
CB

→ APARTHEID, CASTRO, DÉCOLONISATION, MAINTIEN DE


LA PAIX, MANDATS, ONU (CONSEIL DE SÉCURITÉ), SDN

NASSAU (ACCORDS DE)

La rencontre de Nassau aux Bahamas entre Kennedy et Macmillan du 18


au 21 décembre 1962 succède à la crise de Cuba où les États-Unis ont agi
sans consulter leurs alliés, et surtout à la décision unilatérale américaine
d’abandonner le missile air-sol Skybolt qui devait équiper les forces
britanniques dès 1964, trop coûteux et aux tests peu concluants. Macmillan,
qui bâtit la politique étrangère britannique sur la Special Relationship, y
joue sa survie politique. Fort de sa relation avec Kennedy, il obtient en
échange de l’abandon du programme Skybolt, la livraison de fusées Polaris
et le droit de les utiliser de façon autonome à partir de sous-marins pour
défendre le territoire britannique. Ne souhaitant pas avantager la Grande-
Bretagne mais plutôt lui faire renoncer à une force nucléaire autonome en
intégrant à terme les Polaris dans une force multilatérale de l’OTAN, la
proposition américaine est aussi faite à la France. Mais de Gaulle, partisan
d’une politique d’indépendance française et européenne, refuse et interprète
les accords de Nassau comme le signe d’une allégeance britannique aux
États-Unis et la confirmation de la préférence du Royaume-Uni pour « le
grand large ». Aussi s’en sert-il pour refuser lors de sa conférence de presse
du 14 janvier 1963 l’entrée de la Grande-Bretagne, assimilée à un cheval de
Troie américain, dans la CEE.
PMD

CLARK Ian, Nuclear Diplomacy and the Special Relationship : Britain’s


Deterrent and America, 1957-1962, Clarendon Press, Oxford, 1994.
→ CUBA (CRISE DE), DE GAULLE, KENNEDY, MACMILLAN,
OTAN, SPECIAL RELATIONSHIP
NASSER Gamal Abdel (1918-1970)

Ce champion de l’unité arabe d’origine modeste entre à l’Académie


militaire du Caire (1937), et participe à la guerre israélo-arabe de 1948. Il
crée en 1949 le mouvement des « officiers libres » qui chasse du pouvoir le
roi Farouk Ier (23 juillet 1952), et place à sa tête le général Néguib, qu’il
écarte au printemps 1954 pour s’assurer la totalité du pouvoir. Il obtient le
départ des Anglais, par le traité signé le 19 octobre 1954 qui autorise le
retour de leurs troupes en cas de conflit. Pour obtenir des armes et les
crédits nécessaires à la construction du barrage d’Assouan, il se tourne vers
Washington qui, du fait de son refus d’adhérer à des pactes antisoviétiques,
ne lui accorde aucune aide financière. Après avoir participé, en avril 1955, à
la conférence de Bandoung, il achète, en septembre, des armes à la
Tchécoslovaquie, voulant prouver par là son non-alignement. Face au refus
des Occidentaux de financer la construction du barrage d’Assouan, il
nationalise le canal de Suez (26 juillet 1956) et sort politiquement
victorieux de la guerre que lui livrent à cette occasion Français,
Britanniques et Israéliens, grâce à la pression des Américains et des
Soviétiques. Devenu le symbole de la cause arabe, le raïs (guide) prêche
l’unité, il s’y épuise puis s’y brise : l’union de l’Égypte et de la Syrie dans
la RAU (1958-1961) tourne court, son armée s’enlise au Yémen du Nord
face aux monarchistes (1962-1967). Surtout, ne pouvant risquer de sembler
abandonner la Syrie dans la crise qui l’oppose à Israël, il se lance, en mai
1967, dans une surenchère qui mène à la guerre des Six jours et à une
dépendance accrue à l’égard de l’Union soviétique. Un instant
démissionnaire après sa défaite, il refuse de négocier en position de
faiblesse avec Israël et lance la « guerre d’usure » (23 juillet 1969). En
acceptant, le 23 juillet 1970, le cessez-le-feu proposé par le secrétaire d’État
américain William Rogers, il réoriente l’ensemble de sa diplomatie dans
une perspective plus égyptienne qu’arabe. Mais dès le 28 septembre, il
succombe à une crise cardiaque après avoir négocié la veille un accord de
cessez-le-feu jordano-palestinien. Son successeur Anouar el-Sadate
conserve les nouvelles orientations de la diplomatie égyptienne.
AD
LACOUTURE Jean, Nasser, Le Seuil, 1971. WOODWARD Peter, Nasser,
Longman, 1992.
→ BANDOUNG, FAROUK IER, ISRAÉLO-ARABES (CONFLITS),
NON-ALIGNÉS (MOUVEMENT DES), SADATE, SIX JOURS
(GUERRE DES), SUEZ (CRISE DE)

NEHRU Jawaharlal (1889-1964)

Militant nationaliste indien, se voulant laïque et progressiste, il est


Premier ministre, et ministre des Affaires étrangères, de l’indépendance (15
août 1947) à sa mort, et l’un des fondateurs du mouvement des non-alignés.
Fils d’avocat, il fait des études de droit en Angleterre. Il rencontre Gandhi
en 1916 et, sans en partager l’idéalisme, participe à toutes ses luttes et à
toutes les négociations qu’il mène avec les Britanniques. Membre du parti
du Congrès (1919) il le préside en 1929, et à ce titre, il forme un
gouvernement provisoire quand Londres accepte le principe de
l’indépendance de l’Inde (24 août 1946). Après la proclamation de celle-ci
(15 août 1947), il fait occuper le Cachemire à majorité musulmane et
entame ainsi un conflit avec le Pakistan que le cessez-le-feu de 1949 ne
règle pas. Se voulant dès l’origine non-alignée, la politique étrangère de
Nehru, qui maintient l’Inde dans le Commonwealth contre l’engagement
pris avant 1947, est en fait d’abord pro-occidentale. En 1954, il s’oriente
vers le neutralisme et se rapproche de la Chine avec laquelle il conclut un
accord sur le Tibet (29 avril 1954) dont le préambule contient les cinq
principes de la coexistence pacifique qui sont repris par la conférence de
Bandoung (1955). Mais s’il participe à la première conférence des pays
non-alignés à Belgrade (1-6 septembre 1961) et si « l’homme à la rose »
manifeste son énergie en chassant par la force les Portugais de Goa
(décembre 1961), dès la fin des années 1950, il cherche auprès des États-
Unis et de l’URSS aide économique et soutien contre la Chine, qui s’oppose
à l’Inde en 1962 dans un bref conflit armé au sujet de la délimitation de leur
frontière himalayenne.
AD
RAMACHANDRAM G., Nehru and world peace, London, Sangan Books,
1990.
→ BANDOUNG (CONFÉRENCE DE), CACHEMIRE (CONFLIT
DU), COMMONWEALTH, GANDHI (I.), NON-ALIGNÉS
(MOUVEMENTS DES), TIBET (CONFLIT DU)

NEUTRALITÉ

Situation d’un État qui déclare sa neutralité et entend le prouver en


restant en dehors d’un conflit, ce qui ne signifie pas d’ailleurs
nécessairement rester non armé, et ce qui implique l’impartialité entre les
belligérants. Cette neutralité peut être temporaire, pour le temps d’un
conflit, ou permanente. Cette notion juridique se distingue de la volonté
politique d’un État, qui n’entend pas se lier par une alliance militaire : le
neutralisme. C'est le choix de la Suède depuis la Seconde Guerre mondiale
et la situation de la Finlande telle qu’elle résulte du traité de paix du 6 avril
1948, dénommée « finlandisation » pour exprimer l’engagement de l’État
finnois de ne pas heurter l’Union soviétique et qui s’apparentait à une mise
sous tutelle du temps de la guerre froide.
Dans le cas d’une neutralité permanente, le statut juridique comporte des
droits : l’inviolabilité et le droit de légitime défense, et des obligations
d’impartialité, de refus de tout transit militaire étranger sur son territoire et
de non-appartenance à une alliance militaire.
Sur le plan historique, la Confédération helvétique voit reconnaître sa
neutralité lors du congrès de Vienne par la déclaration du 20 mars 1815.
Cette neutralité a été respectée depuis lors. En revanche, au début de la
Grande Guerre, l’Empire allemand fait fi de la neutralité de la Belgique
proclamée peu après la déclaration d’indépendance et, à la suite de
l’ultimatum du 2 août 1914 exigeant le libre passage des troupes sur son
territoire, l’armée du Reich envahit le territoire belge le 4 août. Au cours de
la Grande Guerre, plusieurs États se déclarent neutres : c’est le cas des États
scandinaves : Suède, Norvège et Danemark, qui réussissent à faire respecter
leur neutralité. Mais la durée et la violence du conflit expliquent pourquoi
les États belligérants exigent tant des États neutres, les soumettent au blocus
et leur imposent des interdictions. D’ailleurs, la Belgique renonce à son
statut de neutralité en 1919. Malgré quelques réticences, des États neutres
acceptent de participer à la Société des Nations, qui siège à Genève dans un
État neutre qui y adhère en faisant reconnaître d’avance qu’il n’entend pas
prendre part à une action multilatérale décidée par la SDN.
Bien plus encore que la Grande Guerre, la Seconde Guerre mondiale
impose des contraintes aux non-belligérants : comment demeurer neutres
dans un tel affrontement ? Depuis 1945, de nouveaux États optent pour la
neutralité : c’est le cas de l’Autriche, comme condition de l’évacuation des
troupes alliées en 1955 ; et la République de Panama, comme condition de
la restitution par les États-Unis de la zone du canal, le 1er janvier 2000.
MV

LANGENDORF Jean-Jacques, Histoire de la neutralité : une perspective,


Gollion, 2007.
VAïSSE Maurice, La Paix au XXe siècle, Belin, 2005. Dossier de la revue
Guerres mondiales et conflits contemporains, 1999.
→ GUERRE FROIDE, ONU

NEW LOOK

Doctrine stratégique fondée sur le principe des représailles massives,


adoptée pour des raisons essentiellement budgétaires par l’administration
Eisenhower afin d’assurer au pays le maximum de sécurité pour le moindre
coût, « A bigger bang for a buck » selon le résumé populaire. Promulgué le
30 octobre 1953, le New Look (NSC 162/2) est fondé sur la conviction que
pour contrer les ambitions soviétiques, la stratégie américaine doit être
asymétrique, reposer sur ses points forts et non chercher à rivaliser avec la
stratégie adverse. S’ils sont attaqués, les États-Unis choisiraient les moyens,
le lieu et l’intensité de leur riposte afin de maximiser leurs avantages contre
l’agresseur. Le secrétaire d’État John Foster Dulles déclare qu’un ennemi
potentiel « doit savoir qu’il ne peut pas toujours choisir les conditions de
bataille qui lui conviennent ». Aussi, étant donné la supériorité nucléaire
américaine, tous les plans stratégiques élaborés prévoient l’utilisation des
armes nucléaires, même en cas de guerre limitée. La doctrine est néanmoins
plus subtile qu’il n’y paraît, et s’ils renoncent à entretenir de trop
nombreuses forces armées, les États-Unis n’envisagent pas d’avoir comme
recours que la dissuasion atomique en cas de conflits localisés. Cette
doctrine se voit donc accompagnée de l’établissement par les États-Unis,
dans ce qui fut appelé une « pactomanie », de tout un réseau de traités
comprenant près de cinquante nations chargées de fournir les troupes de
combat dont l’emploi s’avérerait nécessaire.
PMD

IMMERMAN Richard (ed.), John Foster Dulles and the Diplomacy of the
Cold War, Princeton, 1990.
→ ARMES NUCLÉAIRES, DULLES, EISENHOWER

NIXON Richard Milhous (1913-1994)

Seul président américain à avoir démissionné, il débute sa carrière


politique dans le parti républicain, comme membre de la Chambre des
représentants à partir de 1946 en faisant montre d’un anticommunisme
virulent dans sa lutte contre les fonctionnaires suspects de menées anti-
américaines. En 1952, il est élu vice-président des États-Unis auprès
d’Eisenhower, réélu en 1956, mais il est battu de justesse aux élections
présidentielles de 1960 par John Kennedy.
Élu président en novembre 1968 en promettant « une paix dans l’honneur
» au Vietnam, il reprend à son compte les négociations commencées à Paris
en mai. À la suite de sa rencontre avec le président du Sud-Vietnam, le
général Thieu, en juin 1969, il annonce son intention de réduire
l’engagement militaire américain dans le monde (discours de Guam, juillet
1969). Mais il ne peut mettre cette décision en pratique qu’après avoir fait
bombarder et envahir le Cambodge (avril 1970) et le Laos (1971). À l’égard
de l’URSS, il mène une politique de détente (11 février 1971, traité de
dénucléarisation des fonds marins signé avec Moscou et Londres, mai 1972,
premiers accords sur la limitation des armements nucléaires SALT). Il veut
aboutir à la normalisation des relations avec la Chine populaire, consacrée
par son voyage à Pékin en février 1972, préparé par Henry Kissinger. Mais
les États-Unis refusent de lâcher Taiwan. La fin de son premier mandat est
marquée par une grave crise monétaire internationale, due à sa décision
unilatérale (en août 1971) de détacher le dollar de l’or. Réélu en 1972, il
obtient un cessez-le-feu au Vietnam par les accords de Paris (janvier 1973)
qui ne mettent pas fin à la guerre et développe la politique de détente avec
l’URSS fondée sur la parité nucléaire et le gel des tensions (accords SALT).
Concernant le Proche-Orient, il initie en juin 1970 un rapprochement entre
les belligérants et un cessez-le-feu est accepté le 7 août par Israël, la
Jordanie et l’Égypte. La diplomatie américaine joue un rôle décisif dans la
guerre du Kippour (octobre 1973) et obtient le retrait des troupes
israéliennes du Sinaï (janvier 1974). Avec la crise du Watergate et la
menace d’impeachment (destitution par le Congrès), il se résigne à
démissionner le 8 août 1974.
MV

AMBROSE Stephen, Nixon, 3 vol., New York, Simon & Schuster, 1985-
1991.
SMALL Melvin, The presidency of Richard Nixon, University Press of
Kansas, 1999.
→ CAMBODGE (CONFLIT DU), EISENHOWER, GUAM
(DOCTRINE DE), KENNEDY, SALT, VIETNAM (GUERRE DU)

NOBEL DE LA PAIX (PRIX)

Depuis 1901, conformément aux volontés testamentaires d’Alfred Nobel,


le prix Nobel de la paix est décerné par un comité de cinq membres élus par
le parlement norvégien et il récompense tous les ans « une personnalité
ayant le plus ou le mieux œuvré à la fraternité entre les nations, à l’abolition
ou à la réduction des armées permanentes comme à la formation et à la
diffusion de congrès pacifiques ». Au fil des ans, la définition de la paix
retenue a toujours été très large.
Conceptions de la paix et choix des lauréats

Avant la Première Guerre mondiale, le prix revient en priorité à des


pionniers du pacifisme. Sont récompensés des personnes et des
groupements, parlementaires ou non, qui œuvrent à la constitution de
mouvements de paix organisés, ainsi Frédéric Passy, en 1901, fondateur de
la Ligue internationale de la paix et de la Société pour l’arbitrage entre les
nations. Il partage le prix avec Henri Dunant, créateur de la Croix-Rouge
internationale, signe que des causes humanitaires font d’emblée partie des
critères de sélection. En 1917 le seul prix décerné pendant la guerre revient
au Comité international de la Croix-Rouge. Dans l’entre-deux-guerres, les
tenants de la paix par le droit, de l’arbitrage et de la médiation comme du
désarmement continuent à être récompensés : ainsi le président Wilson pour
son rôle dans la création de la Société des Nations. En parallèle, le prix
revient de plus en plus souvent à des hommes d’État pour une action
individuelle en faveur de la paix : Dawes et Chamberlain en 1925-1926,
Briand et Stresemann en 1926, Kellogg en 1929. Comme lors de la
Première Guerre mondiale le seul prix décerné entre 1939 et 1945 revient
en 1944 à la Croix-Rouge internationale. Pendant la guerre froide, des
considérations similaires président à l’attribution de plusieurs prix en
rapport avec l’ONU, à la désignation particulière en 1957 du Canadien
Lester Pearson pour son action en faveur du règlement de la crise de Suez
ou encore du chancelier ouest-allemand Willy Brandt en 1971 pour
l’Ostpolitik mais aussi à celle d’Albert Schweitzer pour raisons
humanitaires (1952). C’est dans cette période que la non-violence (Albert
Lutuli en 1960, Martin Luther King en 1964) et les droits de l’homme en
général (Amnesty International en 1977) deviennent un facteur décisif dans
le processus de sélection. À partir de 1990, le prix s’internationalise : de
plus en plus souvent les lauréats proviennent de tous les continents. Aux
motifs traditionnels s’ajoutent une prise en compte accrue des efforts en
matière de contrôle des armements (Jody Williams et l’International
Campaign to Ban Landmines ICBL en 1997) et des préoccupations
écologiques nouvelles (Al Gore et l’International Panel on Climate Change
IPCC en 2007).
Critiques et pérennité

Des nombreux prix de la paix existants, le prix Nobel est le seul à avoir
acquis autant de prestige en dépit et peut-être même à cause des
controverses qu’il a provoquées. À plusieurs reprises l’attribution du prix a
fait l’objet de critiques sévères. Elles portaient soit sur le choix du lauréat,
en général un homme politique controversé (Theodore Roosevelt en 1906,
Henry Kissinger avec Le Duc Tho en 1973, Yasser Arafat avec Yitzhak
Rabin et Shimon Peres en 1994), soit sur l’omission troublante de certaines
personnalités (le Mahatma Gandhi, le pape Jean-Paul II), soit encore sur le
message indirect transmis à la communauté internationale chaque fois que
le prix a attiré son attention sur des violations des droits de l’homme en
temps de paix (prix attribué au journaliste pacifiste et prisonnier politique
allemand Carl von Ossieztky en 1935) ou dans des conflits locaux, par
exemple au Timor Oriental (1996). Parfois même la composition et
l’indépendance du comité de sélection norvégien ont été remises en cause,
oubliant que le choix du comité s’appuie sur un long processus de
consultation internationale préalable. Sans doute l’influence actuelle du prix
sur les affaires internationales profite-t-elle de sa longue tradition. Mais elle
tient aussi au fait que le comité s’est efforcé d’emblée et dans toute la
diversité de ses nominations, à faire vivre un principe moral supérieur
auquel chacun peut s’identifier, y compris dans ce que ses réalisations ont
parfois d’ambigu ou d’inachevé.
FG

LEVINOVITZ Agneta Wallin, RINGERTZ Nils (eds.), The Nobel Prize :


The First 100 Years, Imperial College Press and World Scientific Publishing
rial College Press and World Scientific Publishing Co. Pte. Ltd., 2001.
VAïSSE, Maurice, La paix au XXe siècle, Paris, Belin, 2004.
Liste des 107 lauréats : http://nobelpeaceprize.org/
→ ARAFAT, BRIAND, BRIAND-KELLOGG (PACTE), BRANDT,
CHAMBERLAIN, DÉSARMEMENT, GANDHI (M.K.), GUERRE
FROIDE, JEAN-PAUL II, KISSINGER, OSTPOLITIK, PACIFISME,
ROOSEVELT (THEODORE), SDN, STRESEMANN, WILSON
NON-ALIGNÉS (MOUVEMENT DES)

Le mouvement des non-alignés est une organisation internationale


regroupant 118 États en 2008. Il a été créé en pleine guerre froide,
regroupant des pays soucieux de ne pas s’aligner sur l’un des deux blocs à
la suite de la conférence de Bandoung en avril 1955, et surtout celle de
Brioni (Yougoslavie) en juillet 1956, à l’initiative des présidents Nasser,
Nehru et Tito.
Lors de la première conférence, en septembre 1961, les non-alignés
appellent les superpuissances au dialogue et à la détente. Mais en voyant
croître le nombre de ses membres, le mouvement perd de sa cohérence et de
sa neutralité : anti-colonialiste, anti-capitaliste, il penche davantage du côté
du Bloc de l’Est ; mélangeant États pauvres et riches (monarchies
pétrolières), il peine à définir un nouvel ordre économique favorable au
Tiers Monde ; écartelé entre les options d’un Fidel Castro et d’un Tito,
affaibli par la fin de la guerre froide, il se réfugie dans un discours anti-
impérialiste et une revendication générale concernant la gouvernance
globale à travers la réforme des Nations unies.
MV

BRAILLARD Philippe, Mythe et réalité du non-alignement, PUF, 1987.


• Tiers Monde et relations internationales, Masson, 1984.
→ BANDOUNG (CONFÉRENCE DE), CASTRO, GUERRE
FROIDE, NASSER, NEHRU, TIERS MONDE, TITO

NORODOM Sihanouk (1922-2008)

Placé sur le trône du Cambodge en avril 1941 par l’amiral Decoux,


gouverneur général de l’Indochine, il s’efforce de préserver l’indépendance
de son pays et de neutraliser ses opposants intérieurs. Sous l’occupation
japonaise (mars 1945), Sihanouk dénonce le traité de protectorat, proclame
l’indépendance du Cambodge (12 mars 1945), mais il doit mener de
longues négociations avec la France après la capitulation japonaise pour
obtenir une indépendance sous protectorat en 1949. En 1953, Sihanouk
lance, avec l’armée khmère, une « croisade pour l’indépendance » ; la
pleine souveraineté du pays est reconnue, confirmée à la conférence de
Genève (juillet 1954). En mars 1955, il abdique en faveur de son père, pour
consolider son pouvoir comme chef de parti, et il est Premier ministre et
ministre des Affaires étrangères. Malgré l’aide américaine, après la
conférence de Bandoung (avril 1955), neutraliste de plus en plus convaincu,
il s’appuie sur la Chine (Traité sino-khmer d’amitié du 19 décembre 1960),
espérant ainsi se garantir des agressions des deux Vietnam, et refuse
d’adhérer à l’OTASE. Pariant sur une victoire communiste dans la guerre
du Vietnam, il renonce à l’aide américaine (1963), et soutient le FNL sud-
vietnamien (février 1964), au mécontentement des Américains qui y voient
l’influence de la politique de neutralisation prônée par la France (discours
de Phnom Penh du général de Gaulle le 1er septembre 1966). Après l’échec
de l’offensive du Têt (janvier-février 1968), il se rapproche des États-Unis
et autorise leurs forces à poursuivre les communistes vietnamiens au
Cambodge (janvier 1969). Il n’en est pas moins renversé le 18 mars 1970
par des militaires pro-américains conduits par le général Lon Nol et dès
lors, joue un rôle ambigu dans le conflit cambodgien. Retiré en Chine,
Sihanouk, sur le conseil de Chou En-lai, forme un gouvernement de
coalition en exil que dominent les Khmers rouges. Après leur victoire (17
avril 1975), Sihanouk rentre au Cambodge où il reste leur otage jusqu’à
l’invasion vietnamienne de janvier 1979. Réfugié en Corée du Nord, il
accepte, pour obtenir l’aide de la Chine et des États-Unis, de prendre la
présidence du Gouvernement de coalition du Kampuchéa démocratique
(1982) reconnu par l’ONU, regroupant les forces cambodgiennes en lutte
contre les Vietnamiens, Khmers rouges compris. Acceptant de négocier
directement avec le régime pro-vietnamien de Phnom Penh, contre la
volonté de ses protecteurs, Sihanouk contribue à marginaliser les Khmers
rouges. Après l’accord de Paris (1991), signé sous les auspices de l’ONU, il
rentre à Phnom Penh où il est reconnu comme chef de l’État (20 novembre
1991). L’Assemblée constituante élue en mai 1993 rétablit la monarchie à
son profit le 24 septembre. Affaibli par la maladie et les dissensions de la
famille royale, il laisse la réalité du pouvoir aux ex-communistes pro-
vietnamiens de Hun Sen, jusqu’à son abdication en 2004 en faveur de son
fils le prince Sihamoni.
AD

HAMEL Bernard, Sihanouk et le drame cambodgien, Paris, L'Harmattan,


1993.
→ BANDOUNG (CONFÉRENCE DE), CAMBODGE (CONFLIT
DU), CHOU EN-LAI, DE GAULLE, ONU, OTASE, VIETNAM
(GUERRE DU)

NUREMBERG (TRIBUNAL INTERALLIÉ DE)

Dans le but de punir les responsables du déclenchement de la guerre et


des crimes d’une violence inégalée qui y ont été perpétrés, un tribunal
interallié d’exception se réunit à Nuremberg, en Bavière, du 20 novembre
1945 au 30 septembre 1946. Au-delà du châtiment des coupables, il s’agit
de mettre en œuvre un nouveau droit international qui mette hors la loi toute
guerre d’agression par l’introduction de préceptes juridiques permettant de
réguler la vie des peuples selon des principes de justice et d’humanité.
Composé de magistrats des quatre puissances victorieuses, le tribunal
retient quatre chefs d’accusation contre 22 hauts dignitaires nazis : le « plan
concerté ou complot » visant à la domination du continent européen au
moyen d’une guerre d’agression ; les crimes contre la paix définis par la
violation de traités internationaux ; les crimes de guerre ayant entraîné
pillages, esclavages et assassinats ; et les crimes contre l’humanité
caractérisés par la persécution et l’extermination systématique d’adversaires
politiques et de minorités raciales et religieuses. Si seul le dernier est une
nouvelle notion juridique, le jugement de six grands organismes du Reich
(NSDAP, SS, SA, SD, Gestapo et haut commandement militaire) accusés de
crimes constitue aussi une innovation.
L'idée de châtier les criminels de guerre remonte loin. Déjà en 1919, le
traité de Versailles prévoit le jugement de Guillaume II, mais l’entreprise
n’aboutit pas. Le souvenir de cet échec, jumelé à l’ampleur de la barbarie
nazie, incite les gouvernements réfugiés à Londres à publier, en janvier
1942, une déclaration exigeant la punition des crimes de guerre. En 1943, à
Moscou, une conférence jette les bases de la charte du tribunal international
entérinée à Londres le 8 août 1945. Le choix de la ville de Nuremberg
procède de raisons à la fois symboliques et pratiques : lieu triomphal des
grandes manifestations hitlériennes et de la promulgation des lois raciales,
cette ville a vu son palais de justice et sa prison épargnés par les
bombardements. À l’exception d’Hitler, Goebbels, Himmler et Ley qui se
sont suicidé, et de Bormann, disparu et jugé par contumace, les principaux
hiérarques nazis sont appelés à comparaître. Douze d’entre eux sont
condamnés à mort (Goering, Ribbentrop, Rosenberg, Streicher,
Kaltenbrunner, Frank, Sauckel, Seyss-Inquart, Frick, Keitel, Jodl et
Bormann), sept à la prison à vie ou à de longues peines (Funk, Hess,
Raeder, von Schirach, Speer, von Neurath et Dönitz) et trois sont acquittés
(Papen, Schacht et Fritzsche).
Par la suite, ont lieu de nombreux procès devant les juridictions militaires
alliées et jusque dans les années 1970, devant les tribunaux allemands, des
actions en justice ultérieures se réclament des principes de Nuremberg,
comme les procès d’Eichmann et de Barbie.
Expérience unique en son genre qui consiste pour les vainqueurs à juger
les hauts responsables d’un régime vaincu, le procès de Nuremberg révèle
au monde les atrocités et le génocide de plusieurs millions de Juifs et de
Tziganes. Il marque un tournant historique par la définition de nouvelles
règles et pratiques du droit international. C'est l’un des derniers exemples
de solidarité de la Grande Alliance avant le début de la guerre froide.
FG

UEBERSCHäR Gerd (dir.), Der Nationalsozialismus vor Gericht : Die


Allieerten Prozesse gegen Kriegsverbrecher und soldaten 1943-1952,
Frankfurt, Fischer, 1999.
WIEVIORKA Annette, Le Procès de Nuremberg, Rennes, Ed. Ouest-
France/Mémorial de Caen, 1995.
→ ALLIANCE (GRANDE), CPI, GENÈVE (CONVENTIONS DE),
GÉNOCIDE, GUERRE FROIDE, RIBBENTROP, TRAITÉS DE PAIX

NYERERE Julius Karambage (1922-1999)


Surnommé le « mwalimu » (le maître d’école, l’éducateur) parce qu’il est
le premier diplômé du Tanganyika, Julius Nyerere, père de la nation
tanzanienne, est né en 1922 à Butiama, près des chutes du lac Victoria dans
ce qui est à l’époque le Tanganyika, sous administration britannique. Après
être diplômé de l’université de Makerere, brillant et ambitieux, il poursuit
ses études à l’université d’Édimbourg dont il est diplômé en 1952. Dès lors,
il forge son destin politique. Rentré au Tanganyika, il fonde un parti
politique en 1954, la TANU (Tanganyika African National Union) et de
1954 à 1961 entreprend une lutte pacifique pour l’indépendance qui est
accordée par la Grande-Bretagne le 9 décembre 1961. Nyerere est Premier
ministre puis devient le premier président de la République du Tanganyika à
la suite des élections de décembre 1962. Il prône le socialisme
démocratique et l’existence d’un parti unique. Partisan de l’unité africaine,
c’est un panafricaniste convaincu qui fréquente George Padmore et Kwame
N’Krumah. Avec Tom Mboya et Joseph Murumbi, Nyerere va jeter les
bases de ce qui sera le mouvement panafricain pour l’Afrique centrale et de
l’Est (Pafmeca), organisation régionale qui existe jusqu’en 1977. Il soutient
les mouvements de libération africains comme l’ANC (African National
Congress) et le PAC (Panafrican Congress) en lutte contre l’apartheid en
Afrique du Sud, le Frelimo (Front de libération du Mozambique) et la Zania
(Zimbabwe African National Liberation Army) dans ce qui s’appelait alors
la Rhodésie et condamne les dictatures.
Le 26 avril 1964, le Tanganyika se réunit à l’île de Zanzibar,
successivement sultanat indépendant (1861-1890), puis protectorat
britannique (1890-1963), devenu indépendant (1963-1964), située dans
l’océan Indien, le long de la côte orientale de l’Afrique, pour donner
naissance à la République unie de Tanzanie dont Nyerere devient le
président.
Février 1967 marque le grand tournant. Inspiré à la fois par sa visite en
République populaire de Chine et par les pères dominicains de Mwanza,
Nyerere le chrétien, annonce, dans la déclaration d’Arusha, la mise en place
d’un socialisme africain appelé « Ujamaa » ou village coopératif et lance la
politique de « self reliance » (auto-suffisance), fondée sur le développement
rural des villages et la collectivisation (1973-1979). C'est un échec
économique et politique retentissant.
En 1978, Nyerere engage la guerre contre le président ougandais, Idi
Amin Dada, dont l’armée a envahi une partie du territoire tanzanien et veut
l’inclure dans l’Ouganda. Les troupes tanzaniennes repoussent
l’envahisseur et entrent dans Kampala. C’est la première fois qu’un État
africain en envahit un autre et s’empare de sa capitale. Cette guerre
débouche sur la chute du régime du président Idi Amin Dada qui se réfugie
en Libye puis en Arabie Saoudite, coûte très cher à la Tanzanie, obligée de
faire appel au FMI et de subir un programme d’ajustement structurel.
Nyerere se retire en 1985, déclarant qu’il avait échoué, sans toutefois rejeter
le socialisme. Il reste encore cinq ans président du CCM (le parti au
pouvoir) jusqu’en 1990, puis se retire définitivement dans son village natal
à Butiame. Il est encore le médiateur dans le conflit burundais en 1996. Il
décède le 14 octobre 1999 à Londres des suites d’une leucémie. Grâce à sa
stabilité politique, la Tanzanie, membre de l’ONU, joue un rôle majeur dans
la promotion de la paix et du dialogue, participe à la résolution du conflit en
République démocratique du Congo, accueille le Tribunal pénal
international pour le Rwanda, dont le siège est à Arusha, est membre du
groupe de contact international sur la Somalie et contribue à la renaissance
de la Communauté d’Afrique de l’Est.
CB

GAZUNKI David, AD’OBE OBE, (1995), Rencontres avec Julius K.


Nyerere, Descartes et Cie, 1995.
SMITH William Edgette, Nyerere of Tanzania, Harare, Zimbabwe, 1981.
→ DÉCOLONISATION, KENYATTA, ONU
O

ODER-NEISSE (LIGNE)

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne doit céder 24 % de


son territoire de 1937 à la Pologne et à l’URSS (région de Königsberg). Par
cette translation d’est en ouest, Staline cherche à dédommager la Pologne de
la perte des territoires promis à l’URSS lors de la signature du pacte
germano-soviétique du 23 août 1939, dont l’objectif était de ramener la
frontière polonaise orientale à la ligne Curzon. Devant l’insistance de Staline
à Yalta (1945), Churchill et Roosevelt approuvent de facto ce transfert mais
laissent planer un doute quant au tracé de la frontière germano-polonaise
définitive qui, par ailleurs, ne fait pas l’unanimité entre le gouvernement
polonais en exil à Londres et le comité de Lublin. Placés devant le fait
accompli par l’URSS dont les troupes occupent toute l’Europe centrale et
orientale, les États-Unis et la Grande-Bretagne doivent finalement accepter à
Potsdam que la frontière polonaise soit délimitée par le cours de l’Oder et de
la Neisse occidentale, transfert territorial qui s’accompagne de migrations
forcées de population. Afin de créer un espace susceptible de recevoir les
réfugiés polonais des régions orientales, la population allemande vivant dans
les zones situées à l’est des fleuves Oder et Neisse, soit près de 10 millions
d’habitants, est en effet expulsée tandis que ces territoires anciennement
allemands sont placés sous « administration polonaise », le tracé des
frontières germano-polonaises définitives étant laissé au soin d’une future
conférence de la paix. Aussi, le statut international des territoires de l’Est
conserve-t-il un caractère provisoire jusqu’à la réunification allemande de
1990. La RDA reconnaît la ligne Oder/Neisse, en tant que « frontière de
l’amitié » par le traité de Görlitz signé avec la Pologne le 6 juillet 1950. La
RFA confirme ce tracé comme « frontière occidentale de la Pologne », par les
traités de Moscou (12 août 1970) (reconnaissance du statu quo des frontières
en Europe et l’inviolabilité de la ligne Oder/Neisse) et de Varsovie (7
décembre 1970), aux termes duquel les deux pays reconnaissent
l’inviolabilité des frontières issues de la conférence de Potsdam (1945) en
renonçant à toute revendication territoriale. L’Allemagne réunifiée et la
Pologne reconnaissent définitivement la ligne Oder/Neisse comme frontière
commune par le traité germano-polonais signé à Varsovie le 14 novembre
1990… L'Allemagne se montre un soutien fidèle de la Pologne dans sa
politique d’intégration à l’Ouest : entrée dans l’OTAN en 1999 et dans
l’Union européenne en mai 2004.
FG

FONDATION POUR LES ÉTUDES DE DÉFENSE NATIONALE, La ligne


Oder-Neisse et l’évolution des rapports germano-polonais, Fondation pour
les Études de Défense nationale, 1990.
LEPESANT Gilles, Géopolitique des frontières orientales de l’Allemagne,
L'Harmattan, 1998.
→ CURZON (LIGNE), FRONTIÈRE, GUERRE FROIDE,
MIGRATIONS, OSTPOLITIK, POSTDAM, YALTA (CONFÉRENCE
DE)

ONZE SEPTEMBRE (« 9-11 »)

L'attaque terroriste

Il est moins de neuf heures du matin sur la côte Est des États-Unis ce
mardi 11 septembre 2001 lorsque dix-neuf pirates de l’air originaires de pays
arabes prennent le contrôle de quatre avions de ligne américains peu après
leur décollage. Le premier avion, un Boeing 767 de la compagnie American
Airlines, est lancé contre la tour nord du World Trade Center à New York.
Vingt minutes plus tard un deuxième avion fonce sur la tour sud. Entre-
temps, les chaînes de télévision du monde entier retransmettent en direct les
images de ces attaques terroristes d’un genre nouveau. La vision des tours en
feu qui se détachent du ciel très clair de Manhattan et finissent par s’effondrer
dans un amas de poussière restera pour de nombreux contemporains le
symbole de la puissance américaine soudain ébranlée. Peu de temps après, un
troisième appareil frappe le Pentagone, à Washington. Le quatrième avion qui
manque manifestement sa cible, le Capitole, s’écrase en rase campagne. En
tout près de 3 000 personnes trouvent la mort dans ces attentats qui frappent
les États-Unis sur leur propre sol. La stupeur est immense, le traumatisme
moral indescriptible. D’emblée la responsabilité de l’attaque est attribuée au
réseau terroriste d’Al Qaïda et à son chef Oussama Ben Laden, responsabilité
qui sera très vite confirmée.

Les réactions dans les pays occidentaux et au Moyen-Orient

Dans les pays occidentaux la condamnation des attentats suicides est


unanime. Les réactions de joie de foules déchaînées au Moyen-Orient laissent
entrevoir en revanche une rupture inquiétante qui conforte les thèses de
Samuel Huntington sur le « choc des civilisations ». Passé l’émotion et la
confusion des premiers instants qui révéleront des défaillances troublantes en
matière de protection de l’espace aérien comme de renseignement, la réponse
des États-Unis s’organise. Dès le lendemain, le Conseil de sécurité de l’ONU
condamne le terrorisme par les résolutions 1368 et 1373 et appelle tous les
pays à le combattre sans merci. Le 2 octobre, le Conseil de l’OTAN constate
le cas de guerre (selon l’article 5 du traité de Washington). À l’intérieur
l’administration américaine renforce la législation répressive (Patriot Act) et
le contrôle des frontières puis met en place un département pour la sécurité
intérieure (Department of Homeland Security). Au nom de la guerre contre le
terrorisme, les États-Unis s’engagent aussitôt dans une guerre contre
l’Afghanistan, accusé de servir de repère à la mouvance Al Qaïda. En 2003,
suivant la même logique et sur la base de preuves dont une commission
d’enquête du Congrès montrera plus tard l’inanité, Washington déclare la
guerre à l’Irak.

La portée de l’événement

Le 11 septembre 2001, c’est le visage de la menace qui a changé. Face au


terrorisme islamiste, les États-Unis considèrent être en proie à un nouvel
ennemi invisible, multiforme, qui ne s’identifie pas à un État national
particulier et ne formule pas non plus de revendications territoriales ou
politiques classiques mais proclame vouloir éradiquer le mal représenté par
l’Occident judéo-chrétien. Les attentats suicides du 11 septembre ont montré
que cet ennemi est puissant, qu’il dispose de nombreuses ramifications, de
sympathisants et de soutiens au Moyen-Orient, probablement ailleurs aussi,
et surtout qu’il maîtrise les technologies modernes. Ses combattants qui ont
servi pour les plus anciens d’entre eux parmi les moudjahidines en
Afghanistan dans les années 1980, et en Bosnie dans les années 1990 sont des
soldats aguerris ou au contraire des novices recrutés parmi les déçus du
système occidental auquel ils ont été confrontés dans leur jeunesse, entraînés
ensuite dans les camps en Afghanistan. Dans tous les cas, ils déjouent le droit
de la guerre en ce qu’ils n’accordent qu’une valeur instrumentale à la vie
humaine et acceptent donc de la perdre pour simple promesse d’un au-delà
toujours décrit comme particulièrement enchanteur. Huit ans plus tard la
campagne américaine contre le terrorisme n’est pas achevée. Le
commanditaire de nine eleven n’a toujours pas été capturé.
FG

The 9/11 Commission Report, 2004. En français : 11 septembre – Rapport de


la commission d’enquête (Rapport final de la Commission nationale sur les
attaques terroristes contre les États-Unis), éd. des Équateurs, 2004. Site
Internet : http://www.9-11commission.gov/
MELANDRI Pierre, Histoire des États-Unis contemporains, Paris, André
Versaille éditeur, 2008.
→ AFGHANISTAN (GUERRES D’), AL QAïDA, ONU, OTAN,
RENSEIGNEMENT, TERRORISME

ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS (OEA)

Dans la tradition de coopération régionale (dont l’Union panaméricaine de


1890), l’Organisation des États américains naît le 30 avril 1948 lors de la 9e
conférence des États américains à Bogota. L'acte de Chapultepec (février-
mars 1945) est fondateur du panaméricanisme : la première conférence
interaméricaine, à Mexico (février-mars 1945), stipule que « toute atteinte
d’un État à l’intégrité et à l’inviolabilité du territoire, à la souveraineté ou à
l’indépendance d’un État américain, devra être […] considérée comme un
acte d’agression contre les États qui ont signé cette déclaration ». Il est
remplacé par le pacte de Rio (août-septembre 1947), traité interaméricain
d’assistance réciproque, et la charte de Bogota. Ces trois éléments constituent
le cœur du système interaméricain dans les domaines de sécurité et de
défense de l’après-Seconde Guerre mondiale. Rattachée au système des
Nations unies, siégeant à Washington, l’OEA doit promouvoir la coopération
politique, économique et culturelle entre les États membres. Regroupant vingt
membres à l’origine, aujourd’hui les États-Unis, 32 nations des Caraïbes, de
l’Amérique latine et le Canada depuis 1989 (25 autres pays du monde ont un
statut d’observateurs permanents), l’OEA est historiquement dominée par le
poids des États-Unis, particulièrement en matière de sécurité et de
développement économique. Ils y ont un intérêt direct : les pays signataires
s’engagent à traiter convenablement les capitaux étrangers et à ne pas
exproprier les propriétés étrangères sans compensations. L'OEA est
structurée autour d’une assemblée générale se réunissant tous les ans, d’un
secrétariat général (l’Union panaméricaine) et d’un conseil permanent,
organe exécutif de l’Organisation composé d’un représentant par pays avec
rang d’ambassadeur qui peut convoquer une réunion des ministres des
Affaires étrangères ou un comité consultatif de défense. Elle prévoit un
règlement pacifique des conflits entre États membres et interdit l’action
militaire d’un État contre un autre, sauf en cas d’autodéfense. Résolument
anticommuniste à sa conception, l’OEA est une arme de la guerre froide et de
la politique d’endiguement sur le continent : elle apporte ainsi son soutien
aux interventions américaines et à l’United Fruit au Guatemala en 1954 et en
République dominicaine en 1965. En 1962, elle exclut Cuba dont l’action
révolutionnaire et les liens avec l’URSS sont dénoncés ; mais si les États-
Unis cherchent le soutien de l’OEA pour isoler Cuba, aucune politique
commune n’émerge, et de nombreux pays qui ont rejoint l’embargo
américain renouent dans les années 1970-1980 des liens avec l’île qui
demeure en dehors de l’OEA. En revanche, elle ne joue pas son rôle de
défense de l’Argentine lors de la guerre des Malouines en 1982.
Dans les années 1980-1990, le développement économique et social, la
question des droits de l’homme (création en septembre 1979 de la Cour
interaméricaine des droits de l’homme) et du développement des institutions
démocratiques prennent le pas sur la lutte contre le communisme et les États
latino-américains veulent contrebalancer les diplomaties américaine et
européenne par des organismes qui agissent en marge de l’OEA. Ainsi, créé
en 1983, le groupe de Contadora réunit le Mexique, la Colombie, le
Venezuela et Panama. Désireux de promouvoir le renforcement de la
démocratie et la défense des droits de l’homme, il constitue aussi une
tentative pour le Mexique de jouer un rôle diplomatique à l’échelle régionale.
Les sujets d’intérêts majeurs pour le groupe de Contadora sont alors le
Nicaragua où le régime sandiniste en place depuis 1979 suscite une
opposition grandissante, et le Salvador ravagé par la guerre civile depuis
1980. Dissous en 1987, le groupe de Contadora est relayé par une
organisation régionale plus ambitieuse, le groupe de Rio. En outre, le groupe
de Carthagène né en 1984 tente de résoudre le problème de l’endettement.
Comme d’autres organisations internationales, l’OEA est confrontée à la
nécessité de réduire significativement ses coûts et son administration,
d’autant que la poursuite de son large éventail d’activités est affectée par les
problèmes économiques internes de nombreux membres, et par la réduction
au début des années 1990 de la contribution des États-Unis de 66 à 49 % du
budget courant de l’Organisation.
PMD

SHEMAN Ronald, The Inter-American Dilemma : The Search for Inter-


American Cooperation at the Centennial of the Inter-American System, New
York, 1988.
→ DROITS HUMAINS, EMBARGO, ENDIGUEMENT, GUERRE
FROIDE, MALOUINES (GUERRE DES), ONU

ORGANISATION EUROPÉENNE DE COOPÉRATION ÉCONOMIQUE


(OECE) (en anglais OEEC)

L'OECE est créée par le traité de Paris du 16 avril 1948, signé par seize
pays européens (l’Allemagne la rejoint en 1949 et l’Espagne en 1959). Cette
Organisation, née sous l’influence des États-Unis, vise à mettre en œuvre le
plan Marshall et le programme de reconstruction (European Recovery
Program). L'aide américaine est en effet conditionnée à une répartition
coordonnée de la manne en dollars. Structure intergouvernementale et non
supranationale, l’OECE est dotée d’un Conseil des ministres des États
membres, qui prend les décisions à l’unanimité avec droit de veto (et
possibilité pour un État de s’abstenir sur une question qu’il ne sera pas tenu
d’appliquer) ; d’un Comité exécutif ; d’un secrétaire général (le Français
Robert Marjolin) ; de comités techniques. Son siège est à Paris.
L’OECE permet le développement du commerce intra-européen, en
libéralisant les échanges avec des accords limitant les contingentements ; de
1950 à 1958, la mise en place de l’Union européenne des paiements (UEP)
facilite la convertibilité des monnaies et permet aux pays membres de
recevoir son aide et surveille leur déficit commercial. Elle crée un climat de
coopération, rapproche les politiques économiques.
Toutefois, la reconstruction ne se fait pas sur le plan européen mais dans
des cadres nationaux, sans coordination. À l’initiative britannique, le Conseil
de l’OECE envisage l’organisation d’une zone de libre-échange qui devient
l’AELE, au moment où, en 1957-1958, les six membres de la petite Europe
créent la CEE, union douanière, à laquelle les États-Unis donnent leur appui,
y voyant un début de fédération.
Secouée par de nombreuses crises internes du fait des divergences quant à
la stratégie commerciale (CEE et AELE), l’OECE se transforme, sur la
proposition de Jean Monnet, en organe de coopération économique atlantique
englobant les États-Unis et le Canada, par une convention signée à Paris le 14
décembre 1960 ; elle crée ainsi l’Organisation de coopération et de
développement économique (OCDE/OECD). Ses objectifs de coopération
internationale et d’aide au développement sont plus généraux ; au cours des
années 1960-1970, elle s’élargit au Japon, la Finlande, l’Australie et la
Nouvelle-Zélande – c’est le « Groupe des Vingt-Quatre ». Sa structure est
proche de celle de l’OECE, mais le G7 exerce en son sein un véritable
magistère, et la Commission de l’Union européenne participe à ses travaux.
Son objectif est de promouvoir le développement économique des pays
membres et l’aide au Tiers Monde. C’est dans son cadre qu’a été négocié
l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI). Elle est un centre
d’observation économique majeur, dont les études portent de plus en plus sur
les interactions des différentes politiques les unes sur les autres, les effets de
la mondialisation avec ses atouts et les résistances qu’elle peut susciter. Ses
travaux portent sur des questions aussi diverses que l’agriculture, l’éducation,
le développement durable ou la gouvernance. À côté des trente pays membres
de l’OCDE, cinq pays sont candidats à l’adhésion (le Chili, Israël, l’Estonie,
la Russie et la Slovénie), cinq autres (le Brésil, la Chine, l’Indonésie, l’Inde et
l’Afrique du Sud) bénéficient d’un engagement renforcé.
Ch. M

BOSSUAT Gérard, L'Europe occidentale à l’heure américaine, 1944-1952, le


plan Marshall et l’unité européenne, Bruxelles, Complexe, 1992.
MARJOLIN Robert, Le Travail d’une vie, mémoires, 1911-1986, Robert
Laffont, 1986.
OECE, La Reconstruction européenne : bibliographie sur le plan Marshal
et l’OECE, 1996. http://www.oecd.org
→ AELE, CEE, G7/G8/G20, MARSHALL (PLAN), TIERS MONDE

ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE (OMC) (en anglais


WORLD TRADE ORGANIZATION, WTO)

Née le 1er janvier 1995 à la suite des accords de l’Uruguay Round, l’OMC
succède au GATT : en plus de la libéralisation du commerce des
marchandises, la nouvelle organisation doit développer celui des services et
de la propriété intellectuelle. Son but est de garantir les accords du commerce
international, de constituer un forum de négociations multilatérales entre les
pays membres. De cent vingt-sept membres en 1996, l’OMC est passée à cent
cinquante-trois en 2008 (entrée de l’Ukraine) ; trente-deux des quarante-neuf
pays les moins avancés (PMA) en font partie ; dix autres sont en cours de
négociation (Afghanistan, Bhoutan, Éthiopie, Guinée équatoriale, Laos, Sao
Tomé-et-Principe, Samoa, Soudan, Vanuatu et Yémen.)
Les négociations avec la Chine qui souhaite intégrer l’OMC débutent en
1995 ; un accord est conclu avec les États-Unis en 1999, mais les discussions
sont difficiles avec l’UE car chaque partenaire veut obtenir l’ouverture la plus
large du marché chinois dans certains domaines. La Chine est membre de
l’OMC en 2001.
Pour établir et maintenir des règles transparentes, les États doivent
maintenir leur politique commerciale dans les limites prévues par l’OMC ;
les accords commerciaux régionaux (UE, ALENA, ASEAN, etc.), qui
pourraient être en contradiction avec ceux de l’OMC, peuvent souvent les
renforcer dans la mesure où une organisation est mieux apte à négocier qu’un
État isolé. Dans la mesure où les trois quarts des pays membres sont peu
développés, l’OMC leur accorde des conseils particuliers pour les aider à
parvenir à l’économie de marché.
L'OMC est dotée d’une conférence ministérielle composée de
représentants de tous les États membres, elle doit se réunir tous les deux ans ;
d’un conseil général qui a la véritable direction et qui se réunit au moins tous
les deux mois pour régler les différends, il doit aussi examiner les politiques
commerciales des membres ; et de trois conseils spécialisés. À la tête du
secrétariat, un directeur général est nommé par la conférence ; le poste est
occupé par l’Italien Renato Ruggiero (1995-1999), le Néo-Zélandais Mike
Moore (1999-2002), le Thaïlandais Supachai Panitchpakdi (2002-2005). Le
Français Pascal Lamy l’occupe depuis 2005.
La première conférence ministérielle a eu lieu à Singapour en 1996, la
quatrième à Doha (Qatar) en 2001. Elle a mis au point un Programme de
Doha pour le développement (PDD) dont les aspects principaux concernent
l’accès au marché pour les pays en développement, la suppression
progressive de toutes les subventions pour l’agriculture (et notamment pour
l’UE). Lors de chaque conférence ultérieure, la détermination à poursuivre
les objectifs fixés à Doha est soulignée, mais en 2006, l’OMC suspend sine
die les négociations commerciales multilatérales. Le Programme de Doha sur
la libéralisation du commerce échoue à cause de la question agricole des pays
industrialisés (baisse des droits de douane à l’importation et réduction des
subventions). En dépit de quelques tentatives, à la fin de 2008, le cycle de
Doha n’est toujours pas repris.
Conférences ministérielles

Singapour 1996

Genève 1998

Seattle 1999

Doha 2001

Cancun 2003

Hong Kong 2005


D’autres négociations qui devaient aboutir à un accord multilatéral sur
l’investissement (AMI), commencées en 1995 ont échoué en 1998,
notamment du fait de la France qui défend l’idée d’« exception culturelle »
face à l’interdiction de la discrimination concernant les investissements dans
ce domaine.
Il apparaît nécessaire, au bout de quelques années de réformer l’OMC, afin
de rendre plus réelle l’égalité entre les États membres, et de renforcer les
liens avec les institutions spécialisées de l’ONU (OIT, OMS), avec les ONG
(ATTAC, l’Association pour la taxation des transactions financières pour
l’aide aux citoyens), ou encore les institutions financières internationales
(Banque mondiale ou FMI). Face à la crise financière de 2008, le directeur de
l’OMC, Pascal Lamy appelle à un « nouveau Bretton Woods », pour réviser
les règles des relations financières et commerciales internationales.
Ch. M

BEN HAMMOUDA Hakim, L’Afrique, l’OMC et le développement,


Maisonneuve et Larose, 2005. RAINELLI Michel, L'Organisation mondiale
du commerce, Repères, 2007. http://www.wto.org http://docsonline.wto.org
→ GATT, INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES,
ONU (INSTITUTIONS SPÉCIALISÉES)

ORGANISATION DES NATIONS UNIES (ONU/UNO)

Prévue par la Charte de San Francisco, l’ONU se met en place en quelques


années : outre l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le Secrétariat, le
Conseil économique et social, le Conseil de tutelle et la Cour internationale
de justice, elle compte des organes relevant directement d’elle comme les
forces de maintien de la paix, le HCR et des institutions spécialisées telles
que l’UNESCO, la FAO, l’OIT, le GATT ou l’OMS.
Le siège de l’ONU est fixé à New York et non à Genève qui rappelle
l’échec de la SDN.
Selon l’évolution des relations internationales, la suprématie revient tantôt
à l’Assemblée générale, tantôt au Conseil de sécurité, tantôt au Secrétaire
général. Mais l’Organisation n’a pas réussi à créer une communauté
internationale ni un gouvernement du monde suivant le vœu de certains, et les
projets de réformes sont récurrents.
Depuis la fin de la guerre froide, l’ONU a un rôle accru, y compris par
l’intervention dans les affaires intérieures des États, du fait du droit
d’ingérence. Sur le plan des droits de l’homme le lien entre l’ONU, les
institutions spécialisées et les ONG permet des interventions en dépit d’une
aide souvent éparpillée.

Les organes principaux

L'Assemblée générale est aujourd’hui formée de 192 États. Sa


composition se modifie lentement au gré du contexte international. Ainsi, de
51 membres lors de la signature de la Charte en 1945, l’Assemblée en compte
60 en 1950 ; la guerre froide suscite des blocages, mais avec le début de la
détente en 1955, le principe d’une acceptation en bloc des candidats est voté,
seul moyen de passer outre les oppositions idéologiques.
Malgré les positions favorables à la décolonisation, il faut attendre 1961
pour que soit retenu le principe qu’un État nouvellement indépendant soit
accepté. La République populaire de Chine remplace la République
nationaliste (Taiwan) en 1971, les États divisés restent longtemps en dehors :
les deux Allemagne sont admises en 1973, le Vietnam en 1977 après la fin de
la guerre, les deux Corée en 1991.
La Yougoslavie est un des membres fondateurs de l’ONU, mais son
démembrement a entraîné l’indépendance puis la reconnaissance de plusieurs
États qui sont devenus membres des Nations unies, à partir de 1992. De
même, après l’effondrement de l’Union soviétique les républiques d’Asie
centrale ont été admises. Le 192e État membre de l’ONU est le Monténégro
qui a proclamé son indépendance vis-à-vis de la Serbie en 2006.
L’Assemblée tient une session ordinaire par an, mais elle peut être
convoquée à un autre moment par le Conseil de sécurité, ou à la majorité de
ses membres. Sept commissions spécialisées s’occupent des questions
politiques, économiques et sociales, administratives et budgétaires, des
questions de tutelle et des territoires non autonomes. Elle n’intervient pas
dans les questions de sécurité pour lesquelles elle ne peut que faire des
recommandations au Conseil de sécurité. Chaque État dispose d’une voix,
mais les membres se regroupent souvent par affinités politiques, suivant les
questions abordées, comme ce fut particulièrement le cas pendant la guerre
froide (groupes latino-américains, afro-asiatique, pays socialistes, les
Occidentaux sont moins soudés).
Le Secrétariat assure le suivi du travail de l’ONU. Le secrétaire général
est le plus haut fonctionnaire, totalement indépendant des États – comme
l’ensemble du personnel ; selon une règle tacite, il n’est jamais ressortissant
d’un État membre permanent du Conseil de sécurité (en 1945, le général
Eisenhower, proposé comme premier secrétaire général par les États-Unis,
n’a pas été accepté). Son rôle est important : il assiste aux réunions de
l’Assemblée et du Conseil dont il peut attirer l’attention sur une situation qui
mettrait la paix en danger ; il met en œuvre leurs décisions. Élu pour cinq ans
et rééligible, son poste qui ne devait être que celui du chef de
l’administration, lui donne finalement une grande influence et en fait un
véritable leader moral, mais son rôle dépend de sa personnalité et de la marge
de manœuvre que lui laissent les membres permanents.
Les secrétaires généraux de l’ONU :
Trygve LIE (Norvégien) :
2 février 1946-10 novembre 1952
Dag HAMMARSKJÖLD (Suédois) :
31 mars 1953-18 septembre 1961
Sithu UTHANT (Birman) :
3 novembre 1961-31 décembre 1971
Kurt WALDHEIM (Autrichien) :
1er janvier 1972-31 décembre 1981
Javier PEREZ de CUELLAR (Péruvien) :
1er janvier 1982-31 décembre 1991
Boutros BOUTROS-GHALI (Égyptien) :
1er janvier 1992-31 décembre 1997
Kofi ANNAN (Ghanéen) :
1er janvier 1997-31 décembre 2006
Ban KI-MOON (Coréen) :
depuis le 1er janvier 2007

Le Conseil de sécurité est composé de cinq membres permanents (Chine,


États-Unis, Fédération de Russie, France, Royaume-Uni) et de dix membres
non permanents, élus pour deux ans par l’Assemblée générale à partir de
1963, pour accroître la représentation du Tiers Monde (la moitié est
renouvelée chaque année).
Au titre de l’article 24 de la Charte, le Conseil a en charge le maintien de la
paix et la sécurité. En cas de menace contre la paix, d’acte d’agression, il
prend des décisions à caractère obligatoire pour tous les États (chapitre VII
de la Charte). Elles vont de l’interdiction partielle ou totale des relations
économiques (contre la politique d’apartheid en Afrique du Sud dans les
années 1960, ou contre la République fédérale de Yougoslavie en 1992 et
1993), à des mesures d’ordre militaire contre l’agresseur (après l’invasion de
l’Arabie Saoudite par l’Irak en août 1990, et avec le vote de plusieurs
résolutions : condamnation, blocus, puis opérations militaires pour le 15
janvier 1991), en passant par des directives de cessez-le-feu pour éviter
l’extension des conflits ou encore l’envoi des casques bleus dans les zones de
tension (plateau du Golan).
Les membres permanents disposent d’un droit de veto si bien que pendant
la guerre froide, le Conseil de sécurité a souvent été paralysé. Par exemple, le
veto soviétique, en 1946 et en 1947, empêche l’admission de l’Irlande ou du
Portugal car ce sont des pays catholiques ou proches de la Grande-Bretagne,
ou celle de la Corée du Sud ; de même les Occidentaux s’opposent à l’entrée
de la Corée du Nord. Lors de la guerre de Corée, l’intervention des forces de
l’ONU, les casques bleus, est rendue possible par l’absence l’Union
soviétique au Conseil de sécurité.
Aucun accord n’a pu aboutir à une mise au point d’un système de sécurité
collective prévu par la Charte ni en matière de désarmement, ni pour
l’organisation d’une force armée : l’ONU ne dispose pas de forces propres. Si
nécessaire, les membres doivent en mettre à sa disposition et établir des
accords spéciaux. Depuis 1948, plusieurs dizaines d’opérations de maintien
de la paix ont été menées par l’ONU, comme au Congo ; les effectifs
déployés montent à plus de 720 000 hommes, soixante-dix-sept pays
fournissent du personnel de police civile et des contingents. On peut noter les
missions de maintien de la paix à Chypre depuis 1964, ou des missions
d’observation dans divers pays, comme la Mission d’observation des Nations
unies en Afrique du Sud (MONUAS) créée en 1992, en Géorgie (MONUG)
en 1993. L'ONU intervient aussi pour protéger les populations : ainsi, la
Force de protection des Nations unies (FORPRONU/UNPOR-FOR) est
envoyée dans l’ex-Yougoslavie en mars 1992, ou la Mission d’intervention
des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR) est créée en 1993
pour protéger la ville de Kigali. Depuis 1948, soixante-trois missions sur le
terrain ont été montées, et actuellement l’ONU compte seize missions de
maintien de la paix dans le monde.
Le Conseil économique et social (ECOSOC) est une nouveauté de
l’ONU. Il est composé de membres élus pour trois ans par l’Assemblée
générale (de dix-huit au début, ils passent à cinquante-quatre en 1973). Les
sièges sont répartis en fonction de leur représentation géographique : Asie,
Afrique, Europe orientale, Amérique latine et Caraïbes, Europe, et les autres
États. Il tient deux sessions par an, l’une à New York et l’autre à Genève.
Sa compétence est vaste : questions sociales, culturelles et économiques
comme la promotion de la femme, coopération en vue de lutter contre la
pauvreté, aide aux personnes vulnérables en cas de conflits par exemple.
C'est la Division des droits de l’homme, sous la tutelle de l’ECOSOC, qui a
rédigé la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948. La création
d’une division du développement durable est due à l’évolution des besoins.
L’ECOSOC formule des recommandations à l’Assemblée générale, au
Conseil de sécurité et aux institutions spécialisées. Les quatre commissions
régionales favorisent une relative décentralisation des études et des
discussions.
Le Conseil de tutelle est l’organe principal chargé de la surveillance des
territoires placés sous le régime international de tutelle en remplacement du
principe des mandats de la SDN.
La Cour internationale de justice succède à la Cour permanente de
Justice internationale, créée en exécution de l’article 14 du pacte de la SDN,
et siège à La Haye comme elle. La Cour internationale de Justice est le
principal organe judiciaire de l’ONU. Ses quinze juges sont élus par
l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité. Son rôle est double : statuer
sur des conflits internationaux et donner des avis autorisés. C’est ainsi qu’elle
intervient dans des questions aussi variées que la délimitation des eaux
territoriales, des droits de pêche ou l’affaire de tutelle exercée par l’Afrique
du Sud sur la Namibie, déclarée illégale en 1971, et finalement abandonnée
en 1989. Instrument capital du règne de la loi dans les conflits internationaux,
la Cour de Justice internationale n’est pas exempte de critiques, et la
nécessité de juger les crimes de guerre ou crimes contre l’humanité a abouti à
la création d’autres organismes, telle que les tribunaux pénaux internationaux
et la Cour pénale internationale : instrument de prévention et de répression, la
CPI doit contribuer à faire des droits de l’homme une préoccupation
essentielle des relations internationales.

Le budget de l’ONU

Le budget ordinaire de l’ONU est d’environ quatre milliards de dollars


pour l’année 2008-2009, alimenté par les membres en fonction de leur
capacité à payer.
Les dépenses les plus importantes, qui concernent le fonctionnement et les
rétributions du personnel, sont alimentées par les versements obligatoires des
États membres. Les activités économiques, sociales et humanitaires
bénéficient des principales ressources, provenant de versements volontaires :
cela permet aux États contributeurs de choisir les activités qu’ils souhaitent
mettre en action et de modifier éventuellement les priorités décidées par
l’Assemblée générale. Enfin, les opérations de maintien de la paix sont
financées par tous les États membres, mais avec des contributions distinctes
et les membres permanents versent une part plus importante du fait de leurs
responsabilités particulières en ce domaine. Au 1er janvier 2007, les dix
principaux contributeurs sont les dix pays les plus riches (les États-Unis : 22
%, le Japon : plus de 19 %, l’Allemagne : 8 %, la Grande-Bretagne et la
France : un peu plus de 6 %).
Les contributions obligatoires sont susceptibles d’être utilisées comme
moyen de pression ; c’est ce que firent la France et l’URSS hostiles à la
politique d’intervention au Congo entre 1961 et 1963, ou les États-Unis, qui,
par l’amendement Kastenbaum, en 1985, décident la réduction de 20 % de
leur contribution si un système de vote pondéré n’est pas introduit pour les
décisions d’ordre financier ; ce n’est qu’en 1999 qu’ils acceptent de verser
une partie de leur dû.
Cette Organisation soixantenaire est, de façon récurrente, l’objet de
critiques et d’attentes nouvelles : faut-il des réformes de structure ? ou au
moins accroître ses capacités d’action en fonction des transformations
géopolitiques ?

Quelle ONU au 21e siècle ?

Par la Déclaration du millénaire votée par l’Assemblée en septembre


2000, les Nations unies réaffirment leur volonté de maintenir et d’accentuer
la concrétisation des principes de l’Organisation et de la Charte. Mais le
monde a changé et l’ONU ne peut plus être au 21e siècle celle qu’elle était en
1945.
Comme il l’avait fait dès 1997, le secrétaire général, Kofi Annan, propose,
en 2005, une réforme d’ensemble afin d’insister sur les liens entre
développement, paix, sécurité et droits de l’homme. La Commission des
droits de l’homme est remplacée par le Conseil des droits de l’homme ; en
matière humanitaire, le Central Emergency Response Fund (CERF) doit
mobiliser les moyens financiers nécessaires pour faire face aux crises aiguës.
Le droit d’ingérence, et non plus seulement le droit de la communauté
internationale, est reconnu en cas de génocide, de nettoyage ethnique, crimes
de guerre ou contre l’humanité, si un pays est incapable de protéger ses
populations.
La question de la réforme du Conseil de sécurité n’est pas nouvelle. Exclus
parce que vaincus en 1945, le Japon et l’Allemagne sont actuellement les
principaux contributeurs financiers après les États-Unis ; ils pourraient
devenir membres permanents du Conseil de sécurité ; la contestation vient
surtout du Sud qui y est le moins bien représenté. Mais les membres
permanents ne sont pas pressés de voir leur cercle élargi, puisque cela
transformerait l’équilibre qu’ils se sont construit (par exemple, la Chine ne
souhaite pas voir arriver le Japon ou l’Inde). En 2005, le « G4 » (Allemagne,
Japon, Inde et Brésil) propose six nouveaux sièges permanents (eux-mêmes
et deux États africains) sans droit de veto, et quatre nouveaux sièges non
permanents (Asie, Europe orientale, un pour le groupe des pays d’Amérique
latine et Caraïbes et un pour l’Afrique). Cette proposition en a suscité
d’autres : par exemple, l’Union africaine suggère un élargissement à vingt-six
membres avec six permanents ayant droit de veto.
En 2007, un groupe issu de l’Assemblée générale propose une réforme
transitoire qui permettrait de débloquer et d’avancer sur ce sujet.
Ch. M

BAILEY Sydney, The procedure of the UN Security Council, Oxford,


Clarendon Press, 1988. CHAUMONT Charles, L'ONU, PUF, 1992.
GHEBALI Victor-Yves, La crise du système des Nations unies, Paris, La
documentation française, 1988. PELLET Alain, COT Jean-Pierre, La Charte
des Nations unies : commentaire article par article, Economica, 1991.
Pouvoirs n° 109, « L'ONU ».
http://www.unsystem.org/fr/
http://www.un.org
http://www.icj.org
→ COUR PÉNALE INTERNATIONALE, DÉCOLONISATION,
DROITS HUMAINS, FRONTIÈRE, GÉNOCIDE, GUERRE FROIDE,
HCR, INGÉRENCE, INSTITUTIONS FINANCIÈRES
INTERNATIONALES, MAINTIEN DE LA PAIX, ONG, ONU
(INSTITUTIONS SPÉCIALISÉES), SAN FRANCISCO (CHARTE DE),
SDN, UNESCO

ORGANISATION DES NATIONS UNIES (INSTITUTIONS


SPÉCIALISÉES)

Certains organismes des Nations unies sont en charge de la coopération


intergouvernementale en dehors du domaine politique. Les États, intéressés
par des questions particulières, peuvent adhérer à l’une ou l’autre sans être
membre de l’ONU, et ceux-ci peuvent rester à l’écart pour des raisons
idéologiques. Le Conseil économique et social fait le lien avec l’ONU.
Certaines de ces institutions ont survécu à la SDN, d’autres sont nées des
principes de la Charte de San Francisco.
L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (Food
and Agriculture Organization-FAO)

Elle entre en fonction en 1945 pour aider les États à atteindre le meilleur
degré de nutrition, améliorer la production agricole et la distribution ; son
siège est à Rome. En 1960, est lancée la première campagne contre la faim
pour sensibiliser les particuliers et associations non gouvernementales. Elle
apporte une aide structurelle ou d’urgence aux pays qui souffrent de la faim ;
c’est elle qui a exécuté la composante agricole du Programme « pétrole
contre nourriture » en Irak et a mis sur pied le Programme de « secours et de
réhabilitation de l’agriculture » en Afghanistan, par exemple.

L'Organisation internationale du Travail (OIT)

Après la Première Guerre mondiale, les vainqueurs sont convaincus de


l’importance de la paix sociale dans le contexte de la révolution bolchevique.
L'OIT, créée avant même la SDN, est insérée dans le traité de Versailles ; son
but est de développer la coopération entre groupes sociaux et entre États : y
sont représentés toutes les nations (y compris l’Allemagne), le patronat, les
syndicats. Le Bureau international du Travail (BIT) en est le secrétariat
permanent. Le premier directeur, Albert Thomas, député SFIO, ami de Jean
Jaurès, s’impose rapidement et agit avec efficacité ; il reste à la tête du BIT
jusqu’en 1932, date de sa mort.
En 1946, l’OIT et le BIT sont rattachés à l’ONU et gardent les mêmes
objectifs : créer des emplois, développer la protection et la justice sociales et
une activité de plus en plus tournée vers l’assistance technique et la formation
professionnelle. Toutefois l’Organisation n’est pas sans rivalités politiques et
idéologiques : ainsi lorsqu’un Soviétique est nommé directeur en 1970, les
États-Unis se retirent, en partie sous la pression de syndicats, et reviennent y
siéger en 1980.
Des conventions sont tôt établies sur la limitation du temps de travail, la
sécurité, la formation professionnelle, mais plus tardivement adoptées par les
parlements nationaux. Son programme pour l’abolition du travail des enfants,
créé en 1992, est présent dans plus de quatre-vingts pays. Face à la crise
financière qui débute en 2008, l’OIT, forte de cent soixante-dix-huit
membres, entend collaborer avec diverses institutions internationales, dont le
G20, pour protéger au maximum les personnes ou les entreprises.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS)

La constitution de l’OMS, entrée en vigueur en 1948, siège à Genève et a


pour mission d’élaborer des normes en matière sanitaire pour lutter contre les
épidémies et aider les États à

Institutions de l’ONU
atteindre le « niveau de santé le plus élevé possible » ; elle fait entrer en
vigueur un règlement sanitaire en 1952, organise un service de
renseignements épidémiologiques, une pharmacopée internationale et apporte
une assistance sanitaire aux pays en développement.
Les préoccupations sanitaires sont étendues et plusieurs programmes sont
mis au point. Ainsi, en 1995 est créé le Programme commun des Nations
unies contre le sida (Onusida) géré par dix organisations des Nations unies,
dont l’OMS et l’UNICEF, les représentants de vingt-deux pays et plusieurs
Organisations non gouvernementales. En 2001, la déclaration du millénaire a
mis l’accent sur la mise en commun des moyens en faveur de la recherche sur
le VIH/sida et en 2006, une nouvelle déclaration a été adoptée par l’ensemble
de l’Assemblée générale de l’ONU pour faciliter l’accès universel à la
prévention et au traitement du sida.

Institutions économiques et financières

La coopération économique se fait par l’intermédiaire d’institutions


financières internationales installées à Washington, prévues à la conférence
de Bretton Woods.
Le Fonds monétaire international (FMI) fonctionne dès 1945, pour la
promotion de la coopération monétaire internationale, la stabilité des taux de
change. La Banque internationale pour la reconstruction et le développement
(BIRD) entre en activité en juin 1946 ; elle fait des prêts à long terme pour
permettre des investissements dans les pays où les capitaux privés sont
insuffisants, sous réserve d’une garantie de l’État concerné ; elle lance des
obligations sur les marchés étrangers pour se procurer de l’argent. Ces deux
institutions visent au bon fonctionnement de l’économie libérale sur le plan
mondial, aussi les pays socialistes n’en faisaient pas partie. Le pouvoir des
États membres au sein de ces institutions dépend de leur poids économique et
de leur participation financière.
Le commerce international aboutit à l’Accord général sur les tarifs
douaniers et le commerce (General Agreement on Tariffs and Trade-GATT),
signé à Bruxelles en 1947 ; il s’agit d’un traité commercial multilatéral géré
par un secrétariat sis à Genève. La conférence de Marrakech crée
l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) qui remplace le GATT.
Les communications sont aussi l’objet de coopération internationale grâce
à l’Union internationale des télécommunications, l’Union postale universelle,
l’Organisation de l’aviation civile internationale, l’Organisation
météorologique mondiale, et l’Organisation maritime internationale.
Ch. M

ALCOCK Anthony, History of the International Labour Organization,


London, Mac Millan, 1971. BARTOLOMEI DE LA CRUZ Hector,
EUZÉBY Alain, L'Organisation internationale du travail (OIT), PUF, 1997.
BLANCHARD Francis, L'Organisation internationale du travail : de la
guerre froide à un nouvel ordre mondial, Le Seuil, 2004.
ZARB Antoine, Les Institutions spécialisées du système des Nations unies,
Pedone, 1980.
www.fao.org
http://www.ilo.org
www.who.int/fr
www.imf.org
http://www.unaids.org/fr
→ CNUCED, HCR, HUMANITAIRE (AIDE), INSTITUTIONS
FINANCIÈRES INTERNATIONALES, OMC, ONG, ONU, SDN

ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES (ONG/NGO)

Ces associations sans but lucratif, indépendantes des États, cherchent à


infléchir l’action des acteurs des relations internationales. Elles sont de plus
en plus nombreuses (plus de cinq mille), dont une grande partie est accréditée
à l’ONU pour qui elles sont de réels interlocuteurs ; l’ECOSOC a d’ailleurs
un comité chargé des ONG. Il est difficile de les citer toutes et même de faire
une sélection du fait de leur nombre et de leur diversité. Certaines sont
internationalement connues et reconnues (Oxfam international, Care),
d’autres agissent à un échelon plus modeste mais avec autant d’efficacité.
Leurs objectifs sont divers : humanitaires, comme la Croix-Rouge, Médecins
sans frontières (MSF) qui a vu le jour au moment de la guerre du Biafra,
Action contre la faim, ou encore Handicap International ; écologiques
(Greenpeace) ; politiques (l’Internationale socialiste) ; religieux (Conseil
œcuménique des Églises) ; sportifs (Comité international olympique) ou
syndicaux.
Ces ONG sont très souvent consultées par des organisations
intergouvernementales. Ainsi, la Croix-Rouge, fondée par le Suisse Henri
Dunant en 1864, à la suite de sa visite sur le champ de bataille de Solferino
en 1859 et destinée à porter secours aux victimes des guerres, participe à
l’élaboration des conventions de Genève (1949, 1977). La Croix-Rouge, le
Croissant-Rouge dans certains pays, est l’organisation humanitaire la plus
importante du monde et en temps de guerre, le Comité international de la
Croix-Rouge (CICR) apporte des secours en toute neutralité, visite les camps
de prisonniers. Amnesty International, créé en 1961 en Angleterre, est
représentée à la Commission des droits de l’homme de l’ONU, et vise à
défendre les droits humains en dénonçant les actes illégaux
(emprisonnements, torture, disparitions d’opposants politiques). Human
Rights Watch a été fondée en 1978 pour vérifier que l’URSS respecte bien les
accords d’Helsinki.
Certaines ONG spécialisées dans le commerce équitable, comme Artisans
du monde, qui agit pour le commerce équitable entre le Nord et le Sud, sont
très actives et présentes à la réunion du Forum social mondial. Les ONG
peuvent constituer des groupes de pression auprès des gouvernements et des
Nations unies (en particulier dans la création de la CPI), mais le droit
d’ingérence qu’elles supposent est en contradiction avec le respect des
affaires intérieures des États, et la contestation de l’OMC lors des sommets
de Seattle (1999) et de Cancun (2003) est parfois violente.
Cependant, beaucoup d’ONG sont critiquées : trop riches, inefficaces, trop
liées au pouvoir politique ou à des milieux financiers dont elles dépendent
souvent pour leur financement. Beaucoup sont présentes sur les zones de
conflit (Irak, Afghanistan) ou de crise alimentaire et sanitaire aiguë
(Éthiopie), au risque de la vie de ses membres. Aussi sont-elles souvent
saluées pour leur utilité : Amnesty international reçoit deux fois le prix Nobel
de la paix (pour son président en 1974 et pour elle-même en 1977) ; en 1997,
la campagne d’un ensemble d’ONG est distinguée par cette Académie pour
son travail contre les mines antipersonnel ; deux ans plus tard,
c’est au tour de MSF et en 2008, c’est Human Rights Watch qui est
récompensée.
Ch. M/MV

DOUCIN Michel, Les ONG : le contre-pouvoir ?, Toogezer, 2007.


DUPUY Pierre-Marie, BETTATI Mario, Les ONG et le droit humanitaire,
Economica, 1986.
RYFMAN Philippe, Les ONG, La Découverte, 2004.
→ BIAFRA (GUERRE DU), CONSEIL œCU-MÉNIQUE, DROITS
HUMAINS, GENÈVE (LES CONVENTIONS DE), GREENPEACE,
HELSINKI (CONFÉRENCE), HUMANITAIRE, INGÉRENCE,
INTERNATIONALE SOCIALISTE, NOBEL DE LA PAIX (PRIX)

ORGANISATION DES PAYS EXPORTATEURS DE PÉTROLE (OPEP)

Fondée en septembre 1960 et siégeant à Vienne, l’Organisation des pays


exportateurs de pétrole (OPEP, en anglais OPEC) comprend actuellement
douze membres (Arabie Saoudite, Iran, Irak, Koweït, Venezuela, Qatar,
Libye, Émirats arabes unis, Algérie, Niegeria, Équateur, Angola).
L’Indonésie, qui en était membre depuis 1962, a annoncé en 2008 sa sortie de
l’organisation, car elle n’exporte plus de pétrole. L'origine de ce cartel
remonte à l’organisation du marché du pétrole avant la décolonisation.
Avant 1939, les compagnies concessionnaires, essentiellement anglo-
saxonnes, disposaient de très vastes concessions, pour exploiter le pétrole, en
contrepartie du versement de royalties. Suscitant un énorme besoin en
carburant, la guerre instaure un nouveau rapport de forces. En 1948, le
Venezuela obtient le partage des revenus pétroliers avec les compagnies
concessionnaires. En 1949, l’Américain Paul Getty offre à l’Arabie des «
royalties » importantes ; les autres compagnies ne peuvent que suivre. La
même année, le Venezuela propose à des pays producteurs de pétrole du
Moyen-Orient (l’Iran, l’Irak, le Koweït et l’Arabie Saoudite) de réfléchir à
une stratégie commune. Le problème du partage des revenus pétroliers se
pose avec acuité en Iran où l’État ne touche que 9 % des royalties de l’Anglo-
Iranian Company qui refuse toute augmentation. En mars 1951, sous la
pression des milieux nationalistes, menés par le Premier ministre Mossadegh,
le Parlement iranien décide de nationaliser les pétroles. Cette crise tourne à
l’épreuve de force entre l’Iran et le Royaume-Uni et à un conflit interne
grave : Mossadegh est finalement arrêté le 24 août 1953. Les intérêts anglais
et américains retrouvent leur assise dans un régime autoritaire sous la
direction du Shah. Dans la phase continue de croissance, au cours des années
1950, les pays occidentaux ont besoin d’une énergie à bon marché, fournie à
bas prix par les compagnies pétrolières qui baissent en 1959 et en 1960 le
prix du baril de pétrole. Aussitôt les cinq principaux producteurs (Iran, Irak,
Arabie Saoudite, Koweït et Venezuela), tous pourtant pro-occidentaux,
exception faite de l’Irak du Maréchal Kassem voulant protéger leurs revenus,
annoncent, le 14 septembre 1960, la création de l’OPEP, qui va devenir le
forum des principaux pays producteurs du Tiers Monde. En 1968, des
pétromonarchies créent l’Organisation des pays arabes exportateurs de
pétrole.
Par adhésions successives, les pays membres de l’OPEP parviennent à
contrôler en 1973 53 % de la production et 90 % des exportations mondiales.
Pendant la première décennie de son existence, les prix restent stables ($ 2 le
baril) mais l’OPEP exige la hausse des « royalties » versées par les
compagnies aux pays propriétaires des gisements. Mais l’instabilité du dollar
(monnaie de référence pour le pétrole) et sa chute poussent les producteurs à
négocier avec les compagnies les premières hausses de prix proprement dites
(accords de Téhéran de 1971). Pour mieux maîtriser leurs revenus et se doter
d’un moyen de pression politique, certains pays nationalisent à leur tour leur
pétrole (Algérie, Irak et Libye de 1971 à 1973). Avec la guerre du Kippour de
1973, le pétrole devient une arme politique contre un Occident coupable de
soutenir Israël et les prix quadruplent d’octobre 1973 à janvier 1974. C'est le
premier choc pétrolier. L’OPEP parvient à s’accorder jusqu’en 1982 sur une
politique de prix élevés, à nouveau stimulée par le second choc pétrolier de
1979 consécutif à l’effondrement du régime du Shah en Iran. Après 1973, les
revenus pétroliers de certains pays (Arabie, EAU, Koweït et Qatar) sont
multipliés pour aboutir à un excédent commercial de $ 47 milliards en 1978.
Incapables de l’absorber, ils les recyclent dans les circuits mondiaux et créent
ainsi les « pétrodollars » ; l’OPEP crée aussi en 1976 un Fonds pour le
développement international destiné au Tiers Monde. Mais la hausse des prix
et des revenus a également pour effet de susciter les réactions des pays
consommateurs (Agence internationale de l’énergie), certains pays, comme la
France, décident de gérer leurs ressources énergétiques sans être dépendants
de l’OPEP, grâce au choix du nucléaire ; l’accroissement de la production
chez des pays non membres de l’OPEP crée un marché abondant, donc fait
baisser les cours. Dans les années 1980, l’OPEP perd son caractère militant et
des divisions apparaissent entre producteurs à forte population et pays à
faible population dont les intérêts ne sont pas identiques, entre
pétromonarchies et pays « de la fermeté » à l’égard de l’Occident, entre pays
favorables ou hostiles à l’Irak. En imposant en mars 1999 une baisse de la
production, les pays producteurs emmenés par l’OPEP ont réussi à faire
remonter les cours du baril de 10 à 30 dollars. Après l’effondrement des
cours en 1998 et une crise interne, l’OPEP retrouve en 2000 son unité et son
influence. Ses membres possèdent les trois quarts des réserves estimés de
pétrole et fournissent plus de 40 % de la production mondiale de pétrole brut.
Mais elle n’est plus seule à dicter les prix, en raison des grands producteurs
non membres du Cartel comme la Russie, le Mexique, l’Angola, la Norvège,
etc. Depuis la fin des années 1990, le prix du pétrole – comme celui des
matières premières – a eu tendance à augmenter très sensiblement, dépassant
les 135 dollars par baril en mai 2008. La raison en est la demande croissante
de pétrole des pays émergents comme la Chine, et des États-Unis, et la
crainte d’une pénurie, du fait de la raréfaction des ressources. Mais la crise
économique mondiale (2008/2009) affecte le cours du pétrole et l’OPEP est
dans l’incapacité d’agir pour faire remonter les prix.
MV

MIHAILOVITCH L., PLUCHARD Jean-Jacques, L'OPEP, PUF, 1985.


TERZIAN Pierre, L'étonnante histoire de l’OPEP, Jeune Afrique, 1983.
→ AIE, DÉCOLONISATION, KIPPOUR (GUERRE DU), PÉTROLE
ET RELATIONS INTERNATIONALES

ORGANISATION DE L’UNITÉ AFRICAINE (OUA, en anglais


OAU)

Elle est créée à Addis-Abeba le 26 mai 1963, à l’issue du premier sommet


panafricain auquel participent trente chefs d’État ou de gouvernement des
pays indépendants d’Afrique et à l’initiative d’Haïlé Sélassié. Les premiers
jalons d’un regroupement unitaire du continent africain sont posés par
différentes conférences africaines où s’affrontent les idées panafricaines de
N’Krumah et les conceptions réalistes d’un système d’États souverains.
L'anticolonialisme et plus particulièrement la critique de la France encore en
guerre en Algérie sont les points communs de toutes les rencontres.
La première conférence des États indépendants d’Afrique, idée lancée par
N’Krumah en mars 1957, se tient à Accra du 15 au 22 avril 1958. Les huit
pays alors indépendants y participent : Éthiopie, Liberia, Libye, Maroc,
RAU, Soudan, Tunisie et Ghana ; l’Afrique du Sud, invitée, s’abstient. Cette
conférence est une étape importante dans la prise de conscience d’une «
personnalité africaine ». Pour la première fois, des Africains affirment leur
volonté de prendre en main les intérêts du continent. Les résolutions et le
communiqué final, relativement modérés, ont pour thèmes principaux le refus
des blocs, le panafricanisme et l’anticolonialisme. La conférence affirme le
droit des peuples d’Afrique à l’indépendance.
Les chefs d’État et de gouvernement de douze États africains d’expression
française, réunis à Brazzaville du 15 au 19 décembre 1960, constituent le
groupe de Brazzaville. Leurs principes sont la recherche de la paix, le refus
de toute coalition dirigée contre l’un d’entre eux, le respect des frontières des
États au moment de leur indépendance, la non-ingérence dans les affaires
intérieures de chacun, la coopération économique et culturelle sur la base de
l’égalité, et une diplomatie concertée en vue d’une politique internationale
commune. Ils prennent position sur le problème du Congo, et invitent la
France à mettre fin à la guerre d’Algérie. La conférence de Brazzaville est à
l’origine de la création de l’Union africaine et malgache et de l’Organisation
africaine et malgache de coopération économique. Une conférence rivale à
Conakry, les 23-24 décembre, avec le Mali, le Ghana et la Guinée, condamne
tous les regroupements africains fondés sur les langues des puissances
coloniales.
L'Union africaine et malgache (UAM), groupant douze États africains
d’expression française, est créée le 7 septembre 1961, lors de la conférence
de Tananarive. L’UAM se propose d’organiser, dans tous les domaines de la
politique extérieure, la coopération entre ses membres pour renforcer leur
solidarité, assurer leur sécurité collective, aider à leur développement,
maintenir la paix en Afrique, à Madagascar et dans le monde. La conférence
définit la politique générale. Le premier président en est M. Léopold Sédar
Senghor. Les Douze se prononcent pour une politique de non-alignement, et
créent un groupe de l’UAM aux Nations unies. Le Rwanda y adhère en mars
1963, et le Togo en juillet de la même année. À la suite de la création de
l’OUA, l’UAM se transforme en 1964, et fait place à l’Union africaine et
malgache de coopération économique (UAMCE) rebaptisée OCAM en 1965.
Du 3 au 7 janvier 1961, sur l’invitation du sultan du Maroc, Mohammed V,
les dirigeants africains de cinq États indépendants (Maroc, Ghana, Guinée,
Mali, RAU, plus Ferhat Abbas, représentant l’Algérie) se réunissent à
Casablanca. Convoquée pour examiner le problème du Congo, la conférence
met l’Occident en accusation, la France tout particulièrement, du fait de la
poursuite de la guerre d’Algérie et de ses essais nucléaires au Sahara. La
Charte proclame la détermination du groupe de Casablanca à réaliser l’unité
africaine, à liquider le colonialisme et le néo-colonialisme. Ce groupe se
caractérise par son progressisme, et son hostilité aux groupes de Brazzaville
et de Monrovia, rassemblant les États de l’Afrique dite modérée et réformiste.
Miné par des dissensions internes, le groupe de Casablanca ne survit pas à la
création de l’OUA en 1963.
Plus réformiste et s’opposant aux tendances révolutionnaires du groupe de
Casablanca, le groupe de Monrovia se constitue à la suite de la réunion des
responsables politiques de vingt États africains indépendants, francophones et
anglophones, à Monrovia (Liberia) du 8 au 13 mai 1961. La conférence
définit certains principes fondamentaux : non-recours à la violence, non-
ingérence dans les affaires intérieures d’un autre État, respect de l’intégrité
territoriale, égalité dans la coopération. La politique d’apartheid pratiquée
par l’Afrique du Sud est condamnée sans réserve et un appel est lancé à
toutes les puissances atomiques pour qu’elles arrêtent la fabrication, le
stockage ou les expériences de bombes atomiques.
Les pays membres de l’Organisation de l’Unité africaine (mars
1993)
Algérie
Mali
Angola
Maroc*
Bénin
Maurice (île)
Botswana Mauritanie
Burkina Fasso
Mozambique
Burundi
Namibie
Cameroun
Niger
Cap-Vert
Nigeria
Comores
Ouganda
Congo
République arabe Sahraouie
Côte-d’Ivoire
République centre-africaine
Djibouti
Rwanda
Égypte
Sao Tomé
Érythrée
Sénégal
Éthiopie
Seychelles
Gabon
Sierra Leone
Gambie
Somalie
Ghana
Soudan
Guinée
Swaziland
Guinée Bissau
Tanzanie
Guinée équatoriale
Tchad
Kenya
Togo
Lesotho
Tunisie
Liberia
Zaïre

Libye Zambie

* À la suite de l’admission, en 1982, de la République Sahraouie, le Maroc a quitté l’OUA.


Le groupe de Monrovia se retrouve à Lagos en janvier 1962, puis à Addis-
Abeba en mai 1963, où il jette les bases de l’Organisation de l’Unité
africaine, dont l’idée est lancée dès 1961 par Sékou Touré. La création de
l’OUA est le résultat de concessions mutuelles de la part des États « modérés
» (groupe de Monrovia) et des États considérés comme « révolutionnaires »
(groupe de Casablanca) et consacre la défaite de N’Krumah par le rejet de
son programme. Félix Houphouët-Boigny (1905-1993), président de la Côte
d’Ivoire de 1960 à sa mort, considère l’OUA comme un cercle de
concertation, non comme la tribune du panafricanisme. La charte de l’OUA
affirme trois grands principes : égalité souveraine des États membres, non-
ingérence dans leurs affaires intérieures, respect de la souveraineté, de
l’intégrité territoriale et du droit inaliénable de chacun d’eux à une existence
indépendante. L'intangibilité des frontières issues de la décolonisation est
proclamée. Les organes principaux de l’OUA qui siège à Addis-Abeba sont :
le Conseil des chefs d’État et de gouvernement, qui se réunit une fois par an,
le Conseil des ministres des Affaires étrangères, qui se réunit deux fois par
an, le Secrétariat général. Cinq commissions spécialisées sont créées pour les
questions économiques et sociales, ainsi qu’un conseil de Défense, un conseil
scientifique et une commission de médiation, de conciliation et d’arbitrage.
Aux trente États membres de 1963, viennent s’ajouter, à mesure de leur
accession à l’indépendance, tous les autres États africains.
L’OUA réunit actuellement cinquante et un États. Le Maroc s’en retire en
novembre 1984 pour protester contre l’entrée de la République arabe
Sahraouie démocratique ; l’Afrique du Sud y fait son entrée en mai 1994,
aussitôt après l’élection de Nelson Mandela à la présidence de la République.
Le 35e sommet de l’OUA, à Alger (juillet 1999), marque le retour de
l’Algérie sur la scène internationale. L'Organisation ne dispose ni d’un
budget, ni d’une armée permanente lui permettant de remplir pleinement ses
tâches. Son action, dont l’objectif ultime et lointain est l’unité africaine,
demeure très contrastée et a connu des échecs et des succès. En 1993, un
mécanisme pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits est créé.
À Lomé (Togo), le 12 juillet 2000, le sommet des chefs d’État africains
adopte l’acte constitutif de l’Union africaine qui devrait, à terme, remplacer
l’OUA.
CB
GONIDEC Pierre, L’OUA trente ans après, Karthala, 1993.
JOUVE Edmond, L'Organisation de l’unité africaine, PUF, 1984.
→ ALGÉRIE (GUERRE D’), ANTICOLONIALISME, APARTHEID,
CONGO, DARFOUR, DÉCOLONISATION, ESSAIS NUCLÉAIRES,
FRONTIÈRE, HAÏLÉ SÉLASSIÉ, MANDELA, N’KRUMAH, NON-
ALIGNÉS (MOUVEMENT DES)

ORLANDO Vittorio Emanuele (1860-1952)

Son nom reste associé à l’échec de la diplomatie italienne au lendemain de


la Grande Guerre. Professeur de droit, député libéral (1897-1924), plusieurs
fois ministre dans les gouvernements de Giolitti depuis 1903, partisan de
l’entrée en guerre de l’Italie (mai 1915), il occupe différentes fonctions
ministérielles dans les gouvernements de guerre. En octobre 1917, après la
défaite de Caporetto, il prend la tête d’un cabinet d’union nationale et
parvient à redresser la situation militaire. Chef de la délégation italienne à la
conférence de la paix, il comprend vite qu’il lui sera difficile d’obtenir les
avantages territoriaux aux dépens de l’Autriche, de la Turquie et des
possessions allemandes en Afrique, prévus par le pacte de Londres (26 avril
1915) négocié par Sidney Sonnino, son ministre des Affaires étrangères. En
mars 1919, il prend un gage en faisant débarquer des troupes en Turquie.
Wilson adresse alors une proclamation directement au peuple italien. Devant
cet affront, Orlando et Sonnino rentrent à Rome où ils sont plébiscités par la
Chambre et l’opinion. Mais Clemenceau et Lloyd George s’apprêtent à
déclarer que, devant cet état de fait, ils ne sont plus liés par le pacte de
Londres. Les négociateurs italiens retournent donc secrètement en France le 5
mai. Au traité de Saint-Germain-en-Laye (10 septembre 1919), ils ne peuvent
obtenir comme terres irrédentes que le Trentin et le Haut-Adige, ainsi que
Trieste et l’Istrie, mais doivent renoncer à la Dalmatie centrale et à Fiume.
Résultat d’une intransigeance sans rapport avec les forces réelles de l’Italie,
cette « victoire mutilée » provoque la chute d’Orlando. Se cantonnant après
1925 dans une opposition passive au fascisme, il ne retrouve des fonctions
honorifiques qu’en 1944.
AD
HAYWOOD Geoffrey A., Failure of a dream : Sidney Sonnino and the rise
and fall of liberal Italy 1847-1922, Firenze, L.S. Olschki, 1999.
→ CLEMENCEAU, IRRÉDENTISME, LLOYD GEORGE,
TRAITÉS DE PAIX, WILSON

OSLO (ACCORDS D’)

Le contexte

Après la guerre du Golfe et alors que la première Intifada dure depuis la fin
de 1987, l’administration américaine doit faire face, dans l’opinion arabe, à
l’accusation du « deux poids, deux mesures » à l’égard du Koweït et des
territoires qu’Israël occupe et colonise depuis la guerre des Six jours en 1967.
Le gouvernement de droite d’Itzhak Shamir accepte de participer à la
conférence de Madrid (1991) convoquée par les Américains, mais celle-ci ne
débouche sur aucun résultat.
En juin 1992, les travaillistes gagnent les élections législatives et Itzhak
Rabin devient Premier ministre. Dès la fin de l’année, il fait lever par la
Knesset l’interdiction de contact avec l’OLP, puis il confie à Yossi Bellin,
vice-ministre des Affaires étrangères, sous l’autorité de son ministre Shimon
Peres, la tâche d’engager, grâce aux bons offices norvégiens, des
conversations directes et secrètes avec l’OLP.
Du côté palestinien, Mahmoud Abbas (qui deviendra président de
l’Autorité palestinienne après la mort de Yasser Arafat) est le principal
négociateur.

Contenu et mise en place

Le texte résultant des négociations d’Oslo est une déclaration de principes


de vingt pages sur les dispositions intérimaires d’autogouvernement des
Palestiniens dans les territoires occupés en 1967. Elle prévoit l’élection, sous
contrôle international, d’un Conseil palestinien, une période transitoire de
cinq ans et un agenda de négociation en quatre étapes concernant :
– l’autonomie de la bande de Gaza et du secteur de Jéricho avec formation
d’une police palestinienne qui assurera le maintien de l’ordre après le retrait
des forces israéliennes ;
– le transfert à l’Autorité palestinienne des compétences en matière
d’éducation, de culture, de santé, de protection sociale, de fiscalité et de
tourisme pour l’ensemble des territoires occupés ;
– l’extension progressive de l’autonomie à l’ensemble des territoires, le cas
de Jérusalem-Est et des colonies étant réservé à la négociation finale ;
– le statut définitif des territoires occupés, dont la négociation devra
commencer au plus tard trois ans après le début de la période transitoire et se
terminer à la fin de sa cinquième année.
Le 13 septembre 1993 à Washington, sous le patronage du président
américain William Clinton, l’accord est paraphé par I. Rabin et Y. Arafat, qui,
avec S. Peres, recevront le prix Nobel de la paix 1994.
Puis les négociateurs finalisent l’accord « Gaza et Jéricho d’abord », signé
au Caire le 4 mai 1994. Il s’agit d’un document de 300 pages et six cartes, qui
règle les questions de sécurité, d’administration, de législation et les relations
économiques dans les premiers territoires à passer sous le contrôle de
l’Autorité palestinienne. Le 1er juillet 1994, Y. Arafat s’installe à Gaza.
En septembre 1995 (à Taba le 24, puis à Washington le 28), est signé
l’accord intérimaire (dit Oslo II) sur les élections et l’extension de
l’autonomie. Le territoire palestinien est divisé en trois zones. La zone A (20
% de la population, 4 % du territoire) comprend sept nouvelles villes de
Cisjordanie transférées à l’Autorité palestinienne. Dans les zones B
(essentiellement rurales) de contrôle partagé, et C (73 % du territoire) sous
contrôle israélien, sont prévus trois redéploiements de l’armée israélienne
dans les dix-huit mois suivants.
Les élections du Conseil palestinien et du président de l’Autorité,
initialement prévues en juillet 1994, se tiennent le 20 janvier 1996. Malgré le
rejet du processus d’Oslo par le mouvement islamiste Hamas, et son refus de
participer aux scrutins, la participation dépasse 78 %. Le Fatah obtient 55 des
88 sièges du Conseil et Y. Arafat est élu président avec 88,2 % des voix.

L'enlisement du processus de paix


Dès 1993, le Hamas commet ses premiers attentats suicides dans les
territoires occupés. En réponse au massacre de 29 musulmans au Caveau des
patriarches d’Hébron par un rabbin fondamentaliste, le 25 février 1994, il
lance ses premières opérations kamikazes à l’intérieur d’Israël. Ce terrorisme
ne cessera plus d’envenimer le climat. Il fournira aussi à Israël, qui a naguère
favorisé le développement du Hamas afin d’affaiblir l’OLP, le prétexte pour
différer les redéploiements prévus de son armée, notamment à Hébron où des
colons extrémistes vivent en plein centre d’une ville massivement arabe.
L'assassinat d’I. Rabin par un sioniste religieux le 4 novembre 1995 prive
l’Autorité palestinienne d’un interlocuteur qui disait vouloir continuer le
processus de paix comme s’il n’y avait pas de terrorisme et combattre le
terrorisme comme s’il n’y avait pas de processus de paix. La victoire du
Likoud aux élections législatives de mai 1996 porte au pouvoir Benyamin
Netanyahou, adversaire résolu de l’accord d’Oslo. Sans rompre le dialogue
avec l’Autorité palestinienne, celui-ci ne tient aucun des engagements
israéliens, n’applique pas les accords (Wye Plantation en octobre 1998) qu’il
accepte de signer sous la pression des États-Unis, et accélère la colonisation
qui n’a jamais cessé depuis 1993.
Les élections législatives ramènent les travaillistes au pouvoir en mai
1999, date prévue en 1993 comme terme pour la conclusion d’un accord sur
le statut définitif. À Charm el-Cheikh (septembre 1999), Israéliens et
Palestiniens s’entendent sur un nouveau calendrier. Mais le sommet de Camp
David organisé en juillet 2000 par le président Clinton est un échec. Ehud
Barak ne propose de compenser qu’à 92 % les territoires colonisés de
Cisjordanie qu’Israël veut annexer, et repousse toute souveraineté partagée
sur Jérusalem. Y. Arafat refuse de transiger sur le droit au retour des
Palestiniens réfugiés en 1948 et 1967.
Le dialogue se poursuit néanmoins entre E. Barak et Y. Arafat, notamment
sur la question de Jérusalem, lorsque le nouveau leader du Likoud, Ariel
Sharon, provoque par sa visite sur le Mont du Temple/Esplanade des
mosquées (28 septembre 2000) les émeutes qui marquent le début de la
deuxième Intifada.
La conférence de Taba (janvier 2001) se conclut par un nouvel échec.
Pourtant, les concessions palestiniennes sur la question des réfugiés ainsi que
celles d’Israël sur Jérusalem permettent à une véritable négociation de
s’engager. Israël accepte de compenser presque totalement la superficie des
colonies qu’il souhaite annexer, et les Palestiniens fournissent pour la
première fois des cartes. Les progrès accomplis semblent susceptibles de
déboucher sur un compromis, quand E. Barak, qui n’a plus de majorité
parlementaire depuis décembre, ajourne la discussion sur des désaccords
mineurs relatifs à Jérusalem.
Le 6 février 2001, A. Sharon remporte l’élection du Premier ministre au
suffrage universel avec plus de 62 % des voix. Il engage alors une politique
de force contre l’Intifada et l’Autorité palestinienne, bénéficiant de l’appui du
président George W. Bush, qui rompt avec la forte implication personnelle de
son prédécesseur dans le soutien à un processus d’Oslo désormais condamné.
OD

ENDERLIN Charles, Le Rêve brisé : Histoire de l’échec du processus de


paix au Proche-Orient (1995-2002), Paris, Fayard, 2002.
PAPPÉ Ilan, Une terre pour deux peuples : Histoire de la Palestine
moderne, trad. O. Demange, Paris, Fayard, 2004.
→ ARAFAT, GOLFE (GUERRE DU), INTIFADAS, JÉRUSALEM,
MADRID (CONFÉRENCE DE), NOBEL DE LA PAIX (PRIX), PERES,
RABIN, SIX JOURS (GUERRE DES)

OSTPOLITIK

À la fin des années 1960, pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouve
le règlement de la question allemande, le gouvernement de grande coalition
dirigé par Kurt Kiesinger renonce peu à peu à la doctrine Hallstein et entame
un processus timide de rapprochement avec la RDA. Les premières mesures
sont destinées à améliorer le sort des familles séparées. Avec l’arrivée au
pouvoir en 1969 du chancelier social-démocrate Willy Brandt, ancien
bourgmestre de Berlin-Ouest, l’évolution amorcée prend une tout autre
dimension : celle d’une nouvelle politique à l’Est, Ostpolitik en allemand. De
1970 à 1975, à l’initiative de la RFA, une série d’accords internationaux
mettent un terme à la non-reconnaissance mutuelle des deux États allemands,
garantissent les frontières existantes et mènent à une normalisation des
relations avec l’Union soviétique :
– Traité de Moscou entre la RFA et l’URSS (1970) : traité de renonciation
à la force ; affirmation de l’inviolabilité des frontières existantes.
– Traité de Varsovie entre la RFA la Pologne (1970) : reconnaissance de
facto par la RFA de la ligne Oder-Neisse comme frontière occidentale de la
Pologne.
– Accord quadripartite sur Berlin (1971) : confirmation de l’autorité des
quatre puissances alliées sur Berlin ; assouplissement des communications
entre les deux parties de la ville.
– Traité fondamental entre la RFA et la RDA (1972) : traité de
reconnaissance mutuelle des deux États allemands ; amélioration des
relations économiques interallemandes et des voies de communication entre
Berlin et la RFA.
L’année suivante, en 1973, la RFA et la RDA sont admises à l’ONU. Le
monde prend acte de la coupure de l’Allemagne. Dès lors, alors que son
action en faveur de la détente a été saluée par l’attribution du prix Nobel de la
paix en 1971, certains reprochent à Brandt d’entériner la division de
l’Europe. Néanmoins, l’Ostpolitik se poursuit avec le traité de 1973 entre la
RFA et la Tchécoslovaquie qui abroge les accords de Munich et permet un
certain apaisement des tensions entre les deux pays. Contraint à la démission
après la découverte d’un espion est-allemand dans son entourage proche,
Willy Brandt voit sa politique aboutir à la signature de l’Acte final de la
conférence d’Helsinki en 1975, confirmant au plan européen des
engagements pris jusque-là entre la RFA et les pays de l’Est sur une base
bilatérale. Vingt ans plus tard, la chute du mur de Berlin donne raison aux
tenants de l’Ostpolitik.
FG

HAFTENDORN Helga, Deutsche Außenpolitik 1945-2000, Stuttgart, DVA,


2001.
→ ALLEMANDE (QUESTION), BERLIN, BRANDT, HALLSTEIN
(DOCTRINE), HELSINKI (CONFÉRENCE), MUNICH
(CONFÉRENCE ET ACCORDS DE), NOBEL DE LA PAIX (PRIX),
ODER-NEISSE (LIGNE)
OTAN (ORGANISATION DU TRAITÉ DE L’ATLANTIQUE-NORD)

Alliance militaire la plus efficace de l’histoire selon une formule en vogue


à la fin de la guerre froide, l’OTAN, de fait, s’est parfaitement acquittée
d’une tâche que Lord Ismay, son premier secrétaire général définissait
cyniquement comme celle de « contenir les Soviétiques, impliquer les
Américains et soumettre les Allemands » (Keep Russians out, Americans in,
Germans down). Alliance défensive chargée de dissuader l’URSS et de
stopper une éventuelle offensive de l’Est, elle assure pendant près d’un demi-
siècle la paix en Europe et entend aujourd’hui encore garantir la stabilité du
continent.

Les organisations civiles et militaires

Née du déclenchement de la guerre de Corée en juin 1950 qui incite


l’Alliance atlantique à se doter d’une structure permanente, l’OTAN (NATO
en anglais) substitue à partir de décembre 1950 une « force intégrée » à la
précédente juxtaposition d’armées nationales. Une organisation militaire est
créée, un Quartier général des Forces alliées en Europe, le SHAPE (Supreme
Headquarters of Allied Powers in Europe) établi à Rocquencourt, près de
Versailles, avec à sa tête le général Eisenhower. Un vaste effort pour
simplifier, harmoniser les structures existantes est entrepris et l’OTAN
définitivement organisée à la conférence de Lisbonne en février 1952 où, en
outre, sur recommandation d’un comité de sages (Jean Monnet, Averell
Harriman, sir Eric Plowden), on adapte les demandes des militaires aux
possibilités économiques, adoptant aussi la procédure essentielle de «
l’examen annuel » de l’effort militaire de chaque allié. Son siège enfin étant
fixé à Paris, c’est un Anglais, Lord Ismay qui est nommé à sa tête le 12 mars.
Rassemblant des États indépendants et souverains, l’OTAN fonctionne selon
la règle du consensus. Au sein du Conseil atlantique, organe suprême de
l’Alliance, les États ont les mêmes droits, quelle que soit leur importance
militaire, économique ou démographique, disposant tous en fait du droit de
veto. Réuni régulièrement au niveau ministériel, parfois au niveau des chefs
d’État et de gouvernement, le Conseil assure avec des représentants
permanents le bon fonctionnement de l’Organisation, assisté par de
nombreux comités (comité scientifique, économique, de l’infrastructure…) et
par le secrétaire général, désigné par consensus par le Conseil, responsable
devant lui et qui le préside depuis 1957. Principal porte-parole de
l’Organisation, jusqu’à présent toujours européen, les États-Unis se réservant
le commandement militaire, celui-ci assure la direction du secrétariat
international, la bureaucratie de l’organisation, et doit favoriser le processus
de consultation et de prise de décision.
À cette structure civile s’ajoutent les organes militaires intégrés avec, à
leur tête, le comité militaire créé en octobre 1949 et placé sous l’autorité
politique du Conseil. Composé des chefs d’état-major ou de leurs
représentants, il constitue l’interface entre le pouvoir politique et un groupe
stratégique permanent (Standing

Secrétaires généraux SACEUR

1952-1957 : Lord Ismay (Royaume-Uni) 1951-1952 : Dwight Eisenhower

1952-1953 : Matthew Ridgway

1953-1956 : Alfred Gruenther

1957-1961 : Paul-Henri Spaak (Belgique) 1956-1962 : Lauris Norstad

1961-1964 : Dirk U. Stikker (Pays-Bas)

1964-1971 : Manlio Brosio (Italie) 1963-1969 : Lyman Lemnitzer

1971-1984 : Joseph Luns (Pays-Bas) 1969-1974 : Andrew Goodpaster

1974-1979 : Alexander Haig

1984-1988 : Lord Carrington (R-U) 1979-1987 : Bernard Rogers

1988-1994 : Manfred Wörner (Allemagne) 1987-1992 : John Galvin

1992-1993 : John Shalikashvili

1994-1995 : Willy Claes (Belgique) 1993-1997 : George Joulwan

1995-1999 : Javier Solana (Espagne) 1997-2000 : Wesley Clark

1999-2003 : George Robertson (R-U) 2000-2003 : Joseph Ralston


2004-2009 : Jaap de Hoop Scheffer (Pays-Bas) 2003-2006 : James L. Jones

2009- : Anders Fogh Rasmussen (Danemark) 2006- : John Craddock

group), organe exécutif établi à Washington et composé des représentants


américain, britannique et français, en charge de planifier la stratégie de
l’Alliance. Sur le terrain, en dehors d’un groupe stratégique régional Canada-
États-Unis et du commandement suprême allié de la Manche, dissous en
1994, l’OTAN s’organise autour de deux commandements suprêmes, l’un,
uniquement naval pour l’Atlantique, installé à Norfolk en Virginie avec à sa
tête un amiral, commandant suprême allié de l’Atlantique (le SACLANT) et
l’autre, le commandement suprême allié en Europe (le SACEUR), en fait le
plus important. Le SACEUR (Supreme Allied Commander in Europe), un
général nommé par le Président américain sans concertation avec les alliés,
également commandant des forces américaines en Europe, est l’autre figure
de l’OTAN avec le secrétaire général. Depuis le SHAPE transféré à Mons en
Belgique en 1966, il doit assurer en cas d’attaque soviétique la défense du
continent divisé en quatre commandements régionaux (Nord-Ouest, Centre,
Sud et Méditerranée).
Couronnant l’activité de la diplomatie américaine, la conférence de
Lisbonne fixe les objectifs militaires de l’Organisation (96 divisions en 1954)
nécessaires pour faire face aux 175 divisions dont on crédite alors l’URSS et
ses alliés, d’autant que l’armée française combat en Indochine et que les
Américains ne veulent pas défendre seuls l’Europe. Si les États-Unis
n’hésitent plus dans ce contexte à imposer l’entrée de la Grèce et de la
Turquie le 18 février 1952, le réarmement de l’Allemagne semble trouver une
solution dans la CED, conçue par les Français pour tourner la difficulté,
signée le 27 mai 1952, mais dont l’échec final plonge l’OTAN dans une crise
finalement dénouée par la conclusion des accords de Paris (23 octobre 1954).
Ceux-ci transforment l’Union occidentale en Union de l’Europe occidentale
(UEO), donnent à l’Allemagne sa totale souveraineté et le droit de réarmer
sous l’autorité du SACEUR, à l’exception des armes ABC et de certains
armements lourds. Le 5 mai 1955, la RFA intègre l’OTAN l’année de la
création du pacte de Varsovie. L'intégration du partenaire allemand entraîne
d’ailleurs la transformation radicale de la doctrine militaire de l’OTAN, d’une
défense en profondeur utilisant toute la largeur du territoire allemand à une
défense de l’avant, cherchant à stopper au plus tôt l’offensive soviétique.
Avec la coexistence pacifique, l’Alliance connaît un reflux. Dans un
contexte de paix, la cohésion alliée est aussi fragilisée par le glissement de la
guerre froide vers le Tiers Monde qui multiplie les occasions de tensions
entre les États-Unis et leurs alliés qui y ont des intérêts. Lorsque certains,
dans ce contexte et contre des Américains peu enthousiastes, cherchent avec
la nomination de trois « sages » (Lester Pearson, Halvard Lange et Gaetano
Martino) à donner vie à l’article 2 du Traité et faire de l’Alliance une
véritable « communauté », la crise de Suez les rappelle à la réalité. Aux
Britanniques qui préfèrent renouer leurs liens spéciaux avec les États-Unis,
s’opposent des Français qui, déçus des restrictions apportées à la solidarité
atlantique, décident de s’engager plus avant dans leur recherche nucléaire et
la construction européenne.

Malentendus transatlantiques

En fait, en 1958, quand Washington, qui connaît ses premières difficultés


économiques, réclame un partage du fardeau plus équitable, l’Europe qui
s’est reconstruite n’accepte plus sa subordination aux États-Unis, et renâcle à
trop contribuer à une défense dont l’instrument essentiel, la dissuasion
nucléaire, reste aux mains des États-Unis. Si la stratégie des représailles
massives semble une solution bon marché aux Américains, elle fait du
continent en champ de bataille offert au feu nucléaire, et lorsque les États-
Unis deviennent à leur tour vulnérables aux missiles soviétiques, le problème
est désormais de savoir si Washington sacrifiera réellement New York pour
défendre Paris. Les Américains cherchent à satisfaire l’aspiration des
Européens à un partage nucléaire (le système de « double clé » par exemple
où la Grande-Bretagne, l’Italie et la Turquie, qui acceptent de recevoir des
missiles, les contrôlent, les Américains gardant les têtes pour les équiper),
mais ils se trouvent confrontés à la nécessité technique du « seul doigt sur la
gâchette » pour la crédibilité de la dissuasion. À son tour, le « Grand dessein
» de Kennedy, dévoilé à Philadelphie le 4 juillet 1962, proposant
l’établissement d’une « communauté atlantique » avec deux piliers, les États-
Unis d’Amérique et ceux d’Europe, s’il a l’ambition de redéfinir les rapports
entre les États-Unis et leurs alliés en un partnership entre égaux, ne peut
résoudre l’équation. La proposition qui l’accompagne d’une force
multilatérale qui ferait de l’OTAN une puissance nucléaire propre, dont
l’emploi est décidé par consentement unanime des États partenaires, pose
problème. Au même moment, l’annonce de la doctrine de riposte graduée par
l’administration Kennedy fait craindre aux alliés que seuls les intérêts
américains soient défendus, impliquant en outre une augmentation des forces
conventionnelles à la charge principalement des Européens. La doctrine n’est
adoptée par l’OTAN qu’en 1967 après six ans de débats.
En fait, même si la crise des missiles de Cuba en octobre 1962 confirme le
leadership américain et démontre la cohésion de l’Alliance devant le péril,
les années 1960 restent pour l’OTAN celles de la contestation, marquées par
la montée des rivalités franco-américaines et l’affirmation du défi gaullien.
Prenant acte de l’échec de la réforme de l’Alliance dans le sens du tripartisme
(États-Unis, Grande-Bretagne et France) proposée dans le mémorandum du
17 septembre 1958, de Gaulle éloigne la France de l’Organisation, jugeant la
participation française à l’armée intégrée incompatible avec l’indépendance
de la France. Partisan d’une Europe européenne contre une Europe atlantique
sous tutelle américaine, de Gaulle prononce l’arrêt de mort du « grand
dessein » le 14 janvier 1963 dans une conférence de presse, rejetant tout à la
fois la proposition de Kennedy et la candidature britannique au Marché
commun, et lui opposant avec le traité de l’Élysée un axe franco-allemand.
Annoncé par le mémorandum de 1958 faute de réforme de l’OTAN,
prévisible depuis le retrait dès 1959 de la flotte de Méditerranée du
commandement intégré, en 1963 de celui de la flotte de l’Atlantique et la
non-affectation des troupes retirées d’Algérie à la défense de l’avant, le
retrait de la France de l’organisation militaire intégrée de l’OTAN, est rendu
public le 21 février 1966. L’offensive tous azimuts lancée contre l’hégémonie
des États-Unis et le voyage du Général en URSS en juin 1966, constituent
pourtant un choc pour les alliés. La décision française affaiblit et désorganise
l’Organisation, impliquant ainsi l’évacuation, achevée en avril 1967, des
bases OTAN établies en France ; elle crée une difficulté réglée par un accord
bilatéral avec l’Allemagne où 60 000 soldats français font partie des unités de
l’OTAN. Elle entraîne aussi un déménagement à grande échelle : le SHAPE
et l’état-major américain sont déplacés en Belgique, le commandement
Centre-Europe aux Pays-Bas et le collège de défense de l’OTAN, sorte
d’École de guerre atlantique créée en 1951, à Rome. Le Conseil atlantique,
dont le départ n’est pas demandé, quitte pourtant en octobre 1967 la place
Dauphine pour Bruxelles. La France reste présente dans les instances civiles
de l’OTAN et continue de collaborer à certains éléments d’infrastructure
comme le réseau radar d’alerte NADGE. Mais elle cesse de participer à ses
activités militaires, même au sein du Conseil où elle n’envoie plus que son
ministre des Affaires étrangères ; le comité des plans de défense créé en 1963
et un groupe des plans nucléaires établi à cette occasion deviennent les
organes où se discutent sans elle les affaires militaires, tandis qu’un état-
major international remplace le Standing Group.

Le temps des crises

Délivrés de la contestation française et de son obstruction à la riposte


graduée, les Américains peuvent alors s’essayer à renforcer la cohésion de
l’OTAN et leur leadership : la doctrine McNamara est enfin adoptée en
décembre 1967, en même temps que le rapport Harmel, du nom du ministre
des Affaires étrangères belge chargé de réfléchir aux tâches futures de
l’Alliance. En affirmant que l’OTAN doit, au-delà de l’impératif de sécurité,
chercher à favoriser une politique de détente, le rapport, s’il répond à la
volonté européenne de renforcer la dimension politique de l’Alliance et à une
sensibilité européenne face à l’URSS déterminée par la géographie, assoit
aussi le leadership américain sur l’alliance, la détente n’étant pas l’occasion
de la dissolution des blocs voulue par de Gaulle, mais s’opérant dans une
approche bloc à bloc selon la conception américaine. Cette unité atlantique
retrouvée s’abîme pourtant vite sur l’écueil de la crise économique. Mise à
mal par le Vietnam, l’hégémonie américaine connaît dans les années 1970
une érosion économique et monétaire, les Européens et la CEE apparaissant
alors plus comme des rivaux, et le débat au sein de l’OTAN se déplaçant du
stratégique vers l’économique. Le Congrès résonne du slogan « l’Europe
paiera », certains sénateurs proposent même un retrait des forces américaines
d’Europe, la question du « partage du fardeau » devient récurrente dans la vie
de l’organisation. Admonestés de participer plus à leur défense, les
Européens reprochent en retour aux Américains d’avoir trop négligé l’OTAN,
même si en 1973, Kissinger et Nixon, en lançant l’idée d’une « année de
l’Europe », entendent montrer leur engagement vis-à-vis de l’OTAN.
L’ambition de refonder l’Alliance par une nouvelle Charte atlantique aboutit
avec la déclaration d’Ottawa de juin 1974 au rappel des fondements de
l’Alliance, reconnaissant le caractère crucial de la présence américaine pour
la défense de l’Europe comme le rôle dissuasif propre des deux forces
nucléaires française et britannique. L'Organisation n’est pas non plus
épargnée par les crises : la guerre gréco-turque à propos de Chypre (été
1974), qui entraîne le retrait de la Grèce de l’armée intégrée de 1974 à 1980,
installe une crise durable entre elle et la Turquie, affaiblissant un flanc sud-est
de l’Organisation marqué aussi en 1974 par le départ de Malte du quartier
général de l’OTAN, provoqué par l’arrivée au pouvoir sur l’île des
travaillistes. L'accession de communistes au pouvoir dans des pays membres,
au Portugal en avril 1974 avec la Révolution des œillets, en France en 1981,
pose une autre difficulté à l’OTAN. Démocrate désormais, l’Espagne intègre
l’OTAN en juin 1982 tout en demeurant à l’écart de la structure militaire.
Expression de la « nouvelle » guerre froide qui s’engage à la fin des années
1970, la bataille des euromissiles, dernière grande confrontation Est-Ouest,
constitue surtout une mise à l’épreuve pour l’OTAN. Avec l’installation en
1983 des premières fusées Pershing II en RFA après le succès de la CDU aux
élections de mars, l’OTAN remporte un succès d’autant plus éclatant qu’il
semblait inespéré, parvenant ainsi à résister au découplage entre la défense
américaine et celle de l’Europe, menace que les Européens perçoivent aussi
dans le projet de guerre des étoiles lancé en 1983 par Reagan.

Victoire de l’OTAN

Avec la disparition du pacte de Varsovie, l’OTAN doit repenser à la fois sa


raison d’être et son organisation militaire. On débat sur le maintien de
l’Alliance après la guerre froide mais la thèse américaine de son maintien
justifié par son succès l’emporte sans peine sur la thèse française opposée ;
l’Organisation est presque refondée après les sommets de Londres (1990) et
Rome (1991) où la doctrine de la riposte graduée est abandonnée. Au repli de
l’Armée rouge répond la réduction de moitié des effectifs militaires
américains en Europe tandis que le dispositif militaire de l’OTAN est
restructuré avec la création d’une force de réaction rapide en mai 1991, et de
corps d’armée multinationaux, germano-américains en particulier, en 1993
qui répond à la décision franco-allemande en 1991 de créer un Eurocorps,
embryon d’une future défense européenne. Cette refondation de l’OTAN,
d’initiative essentiellement américaine, doit en effet prendre en considération
la volonté de l’Union européenne de se doter d’une politique de sécurité avec
l’UEO pour bras armé, l’OTAN reconnaissant en 1991 à la Communauté
européenne, l’UEO et la CSCE un rôle à jouer dans la sécurité du continent.
En substituant à la fonction de défense le concept plus large de sécurité,
l’OTAN s’assigne de nouvelles missions, s’affirmant comme le facteur de
stabilité dans un continent en recomposition. Répondant aux besoins de
sécurité des pays de l’ex-Europe de l’Est, inquiets de se trouver dans un vide
stratégique et qui pour certains demandent leur adhésion pure et simple,
l’OTAN institutionnalise un dialogue avec ses anciens adversaires par la
création en 1991 du COCONA (Conseil de coopération nord-atlantique) puis
en 1994 d’un partenariat pour la paix qui vise à promouvoir une coopération
militaire entre les anciens adversaires, afin de geler un temps la question de
l’élargissement de l’Alliance, et ménager la susceptibilité de la Russie devant
ce qu’elle perçoit comme un nouvel impérialisme de l’OTAN. Ce n’est qu’en
mai 1997 que la Russie donne son accord à l’élargissement souhaité par les
États-Unis, contre la signature à Paris de l’acte fondateur OTAN-Russie, et
l’établissement d’un conseil conjoint permanent, l’associant à toutes les
décisions sur la sécurité en Europe. Aussi, en juillet 1997, au sommet de
Madrid, la Pologne, la Hongrie et la République tchèque, du groupe de
Visegrad, sont invitées à rejoindre l’Alliance (l’intégration est effective en
mars 1999) ; d’autres pays, la Roumanie et la Slovénie sont pressentis. Quand
l’Espagne intègre en décembre 1997 la structure militaire de l’OTAN, la
France, elle, à l’initiative de Jacques Chirac, reprend sa place au comité
militaire (décembre 1995) et au conseil des ministres de la Défense de
l’Alliance (juin 1996), mais doit constater en juillet 1997 que les conditions
de son retour plein et entier ne sont pas remplies. C'est l’échec de la
transformation en profondeur de l’OTAN qu’elle préconise, en vue d’une
défense européenne (candidat européen comme secrétaire général en 1995, et
pour le commandement Sud) ; ses partenaires européens ne suivent pas ses
propositions pour une défense européenne, et Washington rappelle son
leadership sur l’Alliance. La rénovation de l’Alliance en vue de l’adapter à
l’élargissement de ses missions et de ses contours géographiques, adoptée au
Conseil atlantique de Berlin en juin 1996, ne change finalement rien au fond,
à commencer par l’indiscutable prédominance politique, militaire et
financière des États-Unis. Pour répondre à la volonté européenne de jouer un
rôle autonome en son sein, l’accord prévoit la possibilité d’opérations avec
les moyens de l’OTAN sans les Américains mais sous leur contrôle, au sein
de groupes de forces armées internationales (GFIM, en anglais : Combined
Joint Task Forces) ; si les États-Unis entendent toujours partager le fardeau,
ils ne veulent pas pour autant d’une défense européenne indépendante ou
céder leur domination. Champ d’action pour cette OTAN de l’après-guerre
froide, la Yougoslavie et son éclatement en sont l’illustration lors du conflit
en Bosnie où l’OTAN pourtant, après avoir surmonté l’une de ses plus graves
crises euro-américaines, démontre son efficacité avec le déploiement en 1996
de l’IFOR (Implementation Force) pour faire respecter les accords de
Dayton. La crise au Kosovo, la rapide intervention « Force alliée » contre la
Yougoslavie de Milosevic (24 mars-9 juin 1999) qui tire les leçons de la
Bosnie, première intervention hors zone de l’OTAN, si elle n’évite pas les
dissensions, notamment sur la légitimité et la légalité d’une telle action sans
mandat de l’ONU contre un État souverain, affirme le caractère indispensable
de l’OTAN pour la sécurité de l’Europe, même si elle n’a pas toujours été
convaincante d’un point de vue militaire. Démontrant encore le rôle
indispensable des États-Unis, elle a suscité une prise de conscience chez les
Européens de la nécessité d’accélérer la politique de défense européenne
commune proclamée au sommet franco-anglais de Saint-Malo en décembre
1998.

L’OTAN dans le monde d’aujourd’hui

Cette volonté affirmée a beau avoir fait long feu, elle est symptomatique
des divergences euro-américaines qui se font alors jour. Car même si elle
compte désormais 26 membres après l’adhésion en mars 2004 de sept
nouveaux pays (Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Roumanie, Slovaquie
et Slovénie) et s’est dotée, depuis le sommet de Prague en novembre 2002,
d’une nouvelle force de réaction rapide (NATO Response Force ou NRF)
capable d’intervenir dans des scénarios analogues à l’opération en
Afghanistan de l’automne 2001, l’organisation est en crise, et le lien
transatlantique a dans une certaine mesure à être redéfini. Sauvée depuis la
chute de l’Union soviétique, en pratique, en participant à la stabilisation de
l’ex-Yougoslavie, l’alliance peine depuis lors à définir sa raison d’être, ou
plutôt de survivre. Si les attentats du 11 septembre ont été l’occasion
d’invoquer la clause de défense mutuelle de l’Alliance, pour la première fois
depuis sa création, son rôle inexistant dans la campagne d’Afghanistan et la
participation très limitée des alliés, pris individuellement, ont mis en
évidence une certaine marginalisation de l’institution atlantique dans la
stratégie américaine, les Américains jouant même alors du concept de
coalition de volontaires (coalition of the willings) presque en lieu et place
d’un outil otanien dédaigné. Il faut dire que les Européens, les premières
représailles passées, ont montré d’évidentes réticences devant les objectifs de
l’administration Bush. Et l’opération « Liberté pour l’Irak », dont l’Alliance
atlantique est formellement restée à l’écart, a révélé au grand jour ces
dissensions. À cette occasion, les Américains ont pu jouer des divisions
européennes, et de l’influence bien réelle qu’ils ont sur la « nouvelle »
Europe, ces nouveaux membres de l’OTAN récemment libérés de la férule
soviétique, contre la « vieille » Europe opposée à eux sur ce dossier irakien.
L'aide de l’OTAN à la Pologne pour son engagement en Irak, l’acceptation
par plusieurs pays de l’Alliance d’assurer chez eux la formation de forces de
sécurité irakiennes n’ont pu panser toutes les plaies.
L'une d’elles cependant, parmi les plus anciennes et profondes, serait-elle
en passe de cicatriser définitivement ? En tout cas, après l’ébauche d’un
rapprochement sous Jacques Chirac entre la France et l’OTAN, l’annonce par
N. Sarkozy à l’occasion du sommet atlantique de Bucarest en 2008 d’une
normalisation à venir des relations France/OTAN et le retour de la France
dans le commandement intégré qui a été officialisé à l’occasion du sommet
de Strasbourg pour le 60e anniversaire de l’organisation en avril 2009,
constitue à n’en pas douter une révolution diplomatique et culturelle en se
détachant de préceptes gaulliens quasi identitaires. Symbolique, la France
étant d’ores et déjà l’un des premiers contributeurs financiers de l’Alliance et
participant à la plupart de ses opérations militaires, mais les symboles ont de
l’importance, cet « abandon » de l’autonomie française se fera apparemment
à quelques conditions près, dont la principale, l’agrément par Washington de
la PESD, et un rééquilibrage de l’Alliance entre les deux rives de
l’Atlantique. Mais entre ce débat euratlantique permanent et l’idée d’une
OTAN mondiale défendue par Washington, comme une nouvelle armée de
l’Occident ou celle des États-Unis aidée de simples « supplétifs », c’est loin
de l’espace transatlantique désormais, en Afghanistan, où l’OTAN, au risque
de l’enlisement, est confrontée avec une opération de quelque 55 000
hommes aujourd’hui à un terrible défi, que l’organisation joue sans doute son
avenir.
PMD

KAPLAN Lawrence, NATO and the United States : The Enduring Alliance,
New York, 1994. SCHMIDT Gustav (sd), A History of NATO, Palgrave,
2001.
VAïSSE Maurice, MELANDRI Pierre, BOZO Frédéric (sd), La France et
l’OTAN, 1949-1996, Bruxelles, Complexe, 1996.
ZORGBIBE Charles, Histoire de l’OTAN, Bruxelles, Complexe, 2002.
www.nato.int
→ ABM, ALLIANCE ATLANTIQUE, BOSNIE-HERZÉGOVINE,
CED, CEE, CHIRAC , CHYPRE, COCONA, CORÉE (GUERRE DE),
CSCE/OSCE, CUBA (CRISE DE), DE GAULLE, EISENHOWER,
ÉLYSÉE (TRAITÉ DE L’), EUROMISSILES, FML, GRÉCO-TURCS
(DIFFÉRENDS), GUERRE DES ÉTOILES, GUERRE FROIDE,
KENNEDY, KISSINGER, KOSOVO, MONNET, NIXON, ONU, PESD,
REAGAN, RÉARMEMENT, REPRÉSAILLES MASSIVES, SPAAK,
SUEZ (CRISE DE), TIERS MONDE, UEO, VARSOVIE (PACTE DE),
YOUGOSLAVIE

OTASE (ORGANISATION DU TRAITÉ DE L'ASIE DU SUD-EST) (en


anglais SEATO)

Organisation de sécurité collective créée par le traité de Manille du 8


septembre 1954, l’OTASE, ou pacte de Manille, regroupe les États-Unis, la
France, le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, le
Pakistan et la Thaïlande. S'inscrivant dans la stratégie américaine
d’endiguement et de pactomanie, formant avec ses pairs, l’OTAN et le pacte
de Bagdad, un cordon sanitaire autour du monde communiste, l’OTASE est
en quelque sorte la réaction américaine aux concessions faites sur l’Indochine
à la conférence de Genève à laquelle les États-Unis n’ont pas voulu être
associés. Si la France et la Grande-Bretagne, rétives à l’idée du pacte, ne s’y
impliquent jamais vraiment, l’administration Eisenhower, inquiète des
menées de la Chine communiste en Indochine, cherche à établir dès le début
de 1954 une alliance de sécurité régionale et est l’instigatrice d’un pacte
destiné à prévenir toute nouvelle avancée communiste dans la région après
l’accès à l’indépendance du Cambodge, du Laos et du Vietnam et la division
temporaire du Vietnam qui laisse la moitié nord du pays aux communistes.
L’accord prévoit (article 4) une action commune en cas d’agression armée
contre l’un de ses membres, même si les États-Unis, dans une déclaration
spéciale, ne s’engagent à intervenir militairement qu’en cas d’agression
communiste. En outre, un protocole séparé inclut dans la zone du traité le
Laos, le Cambodge et le Sud-Vietnam, empêchés par la conférence de
Genève d’intégrer une alliance militaire et les désigne comme essentiels à la
paix et à la sécurité des signataires. Établie à Bangkok en Thaïlande autour
d’un conseil, sans limitation de durée (le traité peut être dénoncé par chaque
partie après préavis d’un an), l’OTASE n’en est pas moins une organisation
défaillante. À la différence de l’OTAN, elle ne compte pas de forces armées
propres et est essentiellement un organe consultatif. De plus, le pacte ne
réussit pas à obtenir le soutien de pays asiatiques clés comme l’Inde, la
Birmanie ou l’Indonésie, tandis qu’Hong Kong et Taiwan, reflétant en cela
leur statut ambigu vis-à-vis de la Chine continentale, n’y sont pas associés. Si
l’alliance en tant que telle n’est pas directement engagée dans la guerre du
Vietnam (la Thaïlande et les Philippines y envoient néanmoins des troupes),
les États-Unis citent en 1964 dans la résolution du golfe du Tonkin leurs
engagements de l’OTASE pour justifier l’emploi des forces armées
américaines au Sud-Vietnam. À la fin des années 1960, l’efficacité de
l’Organisation se trouve encore amoindrie par les divergences de vue
croissantes entre ses membres en matière de politique étrangère. En 1973, le
Pakistan se retire formellement. Avec la fin de la guerre du Vietnam et le
nouveau climat qui suit la reprise des relations entre les États-Unis et la
Chine, l’Organisation, perçue comme dépassée, est dissoute en 1977.
PMD

COHEN Warren, IRIYE Akira, eds., The Great Powers in East Asia, 1953-
1960, New York, 1990.
→ BAGDAD (PACTE DE), CAMBODGE (CONFLIT DU),
EISENHOWER, ENDIGUEMENT, HONG KONG, OTAN, VIETNAM
(GUERRE DU)
P

PACIFISME

Le 20e siècle, siècle de la guerre, est aussi celui où se développent de


nombreuses initiatives en faveur de la paix. Des congrès internationaux
condamnent la guerre et expriment clairement une volonté de concorde
internationale et de paix. L'inventeur de la dynamite, Alfred Nobel (1833-
1896), institue par testament le prestigieux prix de la Paix (attribué pour la
première fois, en 1901, au créateur de la Croix-Rouge Henri Dunant). En
1899 et 1907, des conférences de la paix, réunies à La Haye à l’initiative du
tsar Nicolas II, sont le carrefour de diverses inspirations : l’arbitrage, le
désarmement et l’humanisation de la guerre, qui aboutissent aux
conventions de Genève (1929, 1949).
Ces initiatives manifestent la force d’un double courant pacifiste : celui
de la paix par le droit et celui du socialisme internationaliste. Les partisans
de la paix par le droit se recrutent parmi les juristes et les intellectuels. Le
pacifisme socialiste est, quant à lui, fondé sur le principe révolutionnaire de
la lutte des classes. À ses débuts, la Deuxième Internationale ne s’intéresse
pas activement à la prévention de la guerre. Mais, à partir de la montée des
périls, le socialisme tente de conjuguer internationalisme, patriotisme et
antimilitarisme. Empêcher la guerre – considérée comme la conséquence
des rivalités impérialistes – est une de ses priorités dans les années qui
précèdent 1914. Mais à l’été 1914, incapable d’intervenir efficacement et
réduite à l’impuissance, la Deuxième Internationale s’effondre. Presque
partout, les socialistes se rallient à la défense nationale (comme Léon
Jouhaux, en France, qui rallie l’Union sacrée). Pendant le premier conflit
mondial, les manifestations d’opposition à la guerre ont lieu en dehors de la
Deuxième Internationale (conférences de Zimmerwald en 1915, et Kienthal
en 1916) et sa déconfiture est proclamée, dès 1915, par Lénine qui crée en
mars 1919 la IIIe Internationale (Komintern).
Entre les deux guerres, le pacifisme semble consubstantiel à l’esprit du
temps. Un pacifisme transnational se surajoute aux pacifismes nationaux.
L’objection de conscience s’organise sur de nouvelles bases et rejoint la
doctrine de la non-violence, pour laquelle prêche en Inde, alors soumise à
l’autorité britannique, le Mahatma Gandhi (1869-1948) dont le prestige est
alors immense : la désobéissance de masse qui fait obtenir l’indépendance
de l’Inde aura plus tard une influence sur le mouvement des droits civils
aux États-Unis (Martin Luther King), le mouvement sud-africain (ANC) et
le mouvement Solidarnosc en Pologne.
Créée à l’initiative du président Wilson, la Société des Nations synthétise
les aspirations pacifistes, mais le Pacte, fait de compromis, est un
instrument imparfait qui a du moins l’avantage de répandre l’idéal de paix
dans les opinions publiques.
La mystique sociétaire touche aussi les Églises. Ainsi, le mouvement
œcuménique se prononce, au cours de ses conférences de Stockholm (1925)
et d’Oxford (1937), pour le pacifisme et pour une limitation progressive des
armements. Le Saint-Siège s’engage également dans le combat pour la paix,
d’où un foisonnement de mouvements pacifistes catholiques, alors qu’ils
étaient davantage protestants.
Aux États-Unis, si le pacifisme est divisé sur l’attitude à adopter face à la
SDN, c’est une idéologie de masse, sans distinction de classe. Leur projet –
la mise de la guerre hors-la-loi –, donne lieu au pacte Briand-Kellogg,
solennellement signé par 60 nations en 1928. Dans l’Allemagne de Weimar,
où pèsent les restrictions imposées par le traité de Versailles, le pacifisme se
situe à gauche. Toutes tendances confondues, les Anglais accordent la
priorité au désarmement sur la sécurité : le parti travailliste milite en faveur
du désarmement et de la révision des traités ; moins sentimentalement
pacifistes et plus méfiants à l’égard des accords internationaux, les tories
sont également touchés. La vigueur du mouvement pacifiste est
considérable et se manifeste par l’essor de la Ligue anglaise pour la SDN, et
l’appeasement devient la ligne de conduite des gouvernements britanniques.
En France, en revanche, avant les années 1930, le pacifisme est loin
d’être universel. Socialistes et syndicalistes veulent éviter à tout prix les
engrenages qui conduisent à la guerre : la politique d’armement et la
diplomatie d’alliance. Un pacifisme chrétien se développe aussi après 1925
et la « dépression pacifiste » n’épargne finalement aucune catégorie sociale.
Le parti socialiste est le parti pacifiste par excellence, même s’il est traversé
(comme la Ligue des Droits de l’Homme) par des courants contradictoires.
À partir du Front populaire, à la fin des années 1930, la gauche n’est pas la
seule à être pacifiste, et Munich illustre la convergence des pacifismes.
Mais les partisans de la fermeté apparaissent dans les organisations les
plus imprégnées d’esprit pacifiste. De fait, le recul du pacifisme se précipite
après Munich. Selon la formule bien connue de Winston Churchill, les
démocraties choisissent la honte et ont la guerre. L'immense effort de paix
aboutit ainsi à une autre guerre. Le pacifisme dans les démocraties n’a-t-il
pas encouragé les adversaires totalitaires dans leur esprit de conquête ?
Fondée sur le précédent de la SDN et soucieuse de ne pas rééditer cette
expérience malheureuse, l’Organisation des Nations unies est dotée de
moyens réels pour faire respecter la paix. Les institutions liées à l’ONU
(dont la Cour internationale de Justice de La Haye) ne sont pas les seules à
œuvrer pour la paix. Ainsi, le Saint-Siège réaffirme-t-il à plusieurs reprises
son message de paix (encyclique Pacem in Terris, 1963).
La division du monde en deux blocs transforme les mouvements de paix.
La guerre froide s’installe entre l’Europe occidentale et les États-Unis d’une
part, l’URSS, l’Europe orientale et bientôt la Chine populaire d’autre part.
Une première forme de pacifisme consiste dans le refus d’entrer dans la
logique des deux blocs, c’est le neutralisme qui penche d’abord nettement à
gauche et vise plus le non-alignement. À la fin des années 1940 et dans les
années 1950, il n’est rien d’autre qu’un désir de paix.
Un autre pacifisme se développe à l’initiative du mouvement communiste
international, qui organise à Wroclaw (Pologne), en août 1948, un Congrès
mondial des intellectuels pour la paix, destiné à soutenir la politique
soviétique. L'appel de Stockholm (19 mars 1950) vise exclusivement l’arme
nucléaire ; lancé lors du déclenchement de la guerre de Corée, il connaît un
grand succès et aurait été signé par 14 millions de personnes dans le monde,
mais il ne se transforme pas en mouvement de masse. Ce pacifisme est
également utilisé par les Allemands et les Japonais de la fin des années
1950 dans leur combat contre l’entrée d’armes nucléaires sur leur territoire.
Rompant le silence observé par le mouvement de la paix occidentale
pendant la guerre froide, une opposition à la guerre refait surface dans un
manifeste d’intellectuels : le groupe Pugwash (prix Nobel de la paix en
1997) est un laboratoire du désarmement nucléaire. Le relais populaire est
assuré en Grande-Bretagne par la Campaign for Nuclear Disarmament,
constituant en 1958 un authentique mouvement pacifiste de masse.
Au temps des luttes de décolonisation, le pacifisme antinucléaire cède le
pas aux mouvements de lutte anticolonialistes, en particulier contre les
guerres d’Indochine et d’Algérie. Le pacifisme est d’État : à l’âge des
guerres totales, l’autre élément de l’alternative est la coexistence pacifique.
La reprise de la tension Est-Ouest, qui suit l’invasion de l’Afghanistan,
donne un nouvel élan aux mouvements pacifistes. L’origine directe de cette
nouvelle vague se trouve dans la décision de l’OTAN, en décembre 1979,
d’opposer aux SS-20 soviétiques déployés depuis 1977 en Europe centrale
des missiles américains, Pershing et Cruise, en Europe occidentale. Au
fond, c’est tout le mécanisme rassurant de la dissuasion que le pacifisme
met en question : peur d’une guerre nucléaire suscitée par l’apparition de
nouvelles armes, marquée par la crainte d’une guerre limitée à l’Europe. Il
s’étend de l’Europe nordique et protestante vers l’Europe méridionale et
catholique, en Amérique et au Japon, comme en témoigne l’influence de
Greenpeace : aux États-Unis, le mouvement pacifiste, suscité par
l’opposition à la guerre du Vietnam, est relancé par la politique de
réarmement de Reagan. Ainsi, les évêques catholiques américains jugent-ils
« immoral » le recours à l’arme nucléaire.
En Europe, le pacifisme, qui trouve son terrain d’élection dans les
groupes contestataires ou dans les partis de gauche, bénéficie ensuite
d’adhésions beaucoup plus diversifiées. Au Royaume-Uni, le principal
mouvement pacifiste, la Campaign for Nuclear Disarmament (3 000
membres) peut à l’automne 1981 se targuer de 250 000 adhérents ! En
Allemagne fédérale, la hiérarchie de l’Église évangélique prend le relais en
juin 1981 ; les Verts sont des militants pacifistes actifs. Le mouvement se
répand largement. La France, malgré les efforts du Mouvement de la Paix et
d’importantes manifestations, reste à l’écart de cette vague, et l’épiscopat
français opte clairement, le 8 novembre 1983, pour la dissuasion nucléaire.
Le 20 janvier 1983, dans un discours au Bundestag à Bonn, le président
Mitterrand apporte même un soutien spectaculaire à l’implantation des
euromissiles en Allemagne.
Le pacifisme est loin de présenter une apparence homogène. Il
n’empêche que le refus de toute contrainte par la violence est une
caractéristique du 20e siècle.
MV

BROCK Peter, A history of pacifism, vol. 3, XXth century pacifism, New


York, Von Nostrand Reinhold, 1970.
SANTAMARIA Yves, Le Pacifisme, une passion française, Armand
Colin, 2005.
VAïSSE Maurice, La Paix au XXe siècle, Belin, 2004. WITTNER
Laurence, Resisting the Bomb, 1954-1970, Stanford University Press, 1997.
→ APPEASEMENT, BRIAND-KELLOGG (PACTE),
DÉSARMEMENT, DROITS HUMAINS, EUROMISSILES, GANDHI
(M.K.), GENÈVE (CONVENTIONS DE), GREENPEACE, GUERRE
FROIDE, KOMINTERN, MUNICH (CONFÉRENCE DE), SDN,
TRAITÉS DE PAIX, WILSON

PALESTINIEN (PROBLÈME)

Le problème palestinien
MV

BARON Xavier, Les Palestiniens. Genèse d’une nation, Le Seuil, 2000.


BOTIVEAU Bernard, L’État palestinien, Presses de Sciences-Po, 1999.
PICAUDOU Nadine, Les Palestiniens, un siècle d’histoire, Bruxelles,
Complexe, 1999.
→ ARAFAT, INTIFADAS, JERUSALEM, ONU, OSLO (ACCORDS
D’)

PANAMA (CANAL DE)

Situé au sud-est de l’Amérique centrale, l’isthme de Panama est choisi


par Ferdinand de Lesseps, dans le sillage du succès du canal de Suez, pour
y créer le fameux canal de Panama.
Celui-ci permettrait de relier l’océan Atlantique à l’océan Pacifique,
évitant ainsi aux navires le détour par le cap Horn, soit un raccourcissement
considérable des trajets. La construction commence en 1881, mais elle
connaît bien des déboires : aux problèmes techniques et financiers
s’ajoutent les difficultés humaines (épidémies) et elle ne se termine qu’en
1914, sous direction américaine. Entre-temps, le territoire qui faisait partie
de la Colombie est le théâtre d’une sécession d’indépendantistes soutenus
par les États-Unis : l’indépendance du Panama y est proclamée en 1903 et
la souveraineté des États-Unis sur la zone du Canal reconnue par un accord
à perpétuité signé aussitôt.
Depuis son ouverture, le canal, long de 80 km et composé de trois jeux
d’écluses, connaît un tel succès que des travaux d’élargissement
commencent en 2007 et doivent s’achever en 2014, permettant à des navires
de plus gros tonnage d’emprunter le canal.
Dans les années 1960 et 1970, la contestation de la présence américaine
est vive dans la population panaméenne, si bien que le président J. Carter,
soucieux d’améliorer l’image des États-Unis, accepte de négocier la
rétrocession du canal, malgré la forte opposition du Sénat. Le 16 juin 1978,
le président du Panama, le général Omar Torrijos, signe avec le président
Carter le traité qui prévoit d’accorder au Panama la souveraineté sur la zone
du canal au plus tard le 31 décembre 1999. Cela n’empêche pas, par la
suite, les Américains, après deux ans de pressions diplomatiques,
d’intervenir, en décembre 1989, par une opération militaire qui, sous
prétexte de restaurer le processus démocratique menacé par le général
Noriega, a pour but de maintenir des troupes américaines dans la zone du
canal. Finalement, le canal est effectivement cédé au Panama le 31
décembre 1999.
MV

FISCHER Georges, Les États-Unis et le canal de Panama, L'Harmattan,


1979.
MAJOR John, Prize possession : the United States and the canal of
Panama, 1903-1979, Cambridge Universty Press, 1993.
→ CARTER, ROOSEVELT (THEODORE)

PANARABISME

Les sources

L'expédition française d’Égypte (1798-1801) provoque un choc dans les


élites égyptiennes qui s’interrogent sur le « retard » pris par l’Empire
ottoman par rapport à l’Occident chrétien. De ce choc naît la Nahda, ou
renaissance arabe, mouvement littéraire, religieux, scientifique et technique
qui tente de dégager les voies d’une accession des Arabes à la modernité.
Dans le domaine politique, la réflexion porte d’abord sur la place des
Arabes dans un Empire ottoman à rénover. Mais lorsque le régime issu de la
révolution jeune-turque de 1908 se transforme en dictature fortement teintée
de nationalisme turc, émerge dans le sillage des nationalismes européens,
notamment des unités italienne et allemande, la revendication d’un État
arabe indépendant. Durant la Première Guerre mondiale, ce sentiment
national est exploité par les Britanniques, qui promettent la création d’un
royaume arabe au chérif Hussein (gardien des lieux saints de l’Islam, émir
du Hedjaz et vassal du sultan), en échange d’une révolte contre l’Empire
ottoman, effectivement déclenchée en 1916. Mais en même temps la
Grande-Bretagne signe les Accords Sykes-Picot qui prévoient un partage du
Proche-Orient entre puissances européennes. Et lorsque Fayçal, fils du
chérif Hussein, tente en 1920 d’établir à Damas le royaume arabe promis, il
est chassé par les Français.

Panarabisme et États arabes

Durant l’entre-deux-guerres, les territoires peuplés d’Arabes se


retrouvent donc divisés en colonies française ou italienne (Afrique du
Nord), protectorats ou territoires sous mandat britanniques ou français
(Proche-Orient), auxquels s’ajoute l’État wahhabite formé en Arabie par
Ibn Sa’ud. L’Égypte en 1922, puis l’Irak en 1931, obtiennent une
indépendance qui reste largement formelle, tandis que s’installe en Palestine
un foyer national juif en vertu de la déclaration Balfour. C'est contre
l’impérialisme occidental et le morcellement territorial imposé de
l’extérieur que s’affirme d’abord le nationalisme arabe.
Sati Husri (1880-1967, né au Yémen d’une famille syrienne de
confession chrétienne) en est le principal penseur. Il développe le concept
d’un nationalisme panarabe, fondé sur la langue et l’histoire (y compris
préislamique), non sur la religion. Pour lui « est Arabe celui qui parle arabe,
qui se veut Arabe et qui se dit Arabe ». Il voit en l’Égypte le pays qui doit
jouer le rôle de la Prusse dans l’unité allemande.
Idées socialistes et séduction fasciste, révolte arabe de 1936 en Palestine,
cession par la France à la Turquie du sandjak d’Alexandrette, défaite
française de 1940, coup d’État de Rachid Ali puis combats entre vichystes
et Anglo-gaullistes en Syrie et au Liban en 1941, espoirs de certains
nationalistes égyptiens placés dans le succès de l’offensive de Rommel,
hostilité américaine au maintien des dominations coloniales, création de
l’État d’Israël, tous ces facteurs concourent à exacerber, au Proche-Orient,
dans les années 1930-1950, les aspirations à l’unité et au rejet des tutelles
occidentales. C'est pour tenter de maintenir son influence tout en canalisant
cette aspiration que le Royaume-Uni parraine, en 1944, la conférence qui
conduit à la création de la Ligue arabe.

Le Baathisme

Cette même année, Michel Aflaq (1910-1989, chrétien né à Damas) et


Salah Bitar (1912-1980, musulman sunnite né à Damas) fondent le parti
Baath (Renaissance) arabe, qui tient son premier congrès public à Damas en
1947.
L’idéologie du Baath fonde l’identité arabe, comme Husri, sur une
langue, une histoire, une culture. Elle voit dans l’Islam une de ses
composantes culturelles essentielles, une « âme » de la nation arabe, mais
reconnaît la liberté de religion et prône la laïcité de l’État et du droit. Elle se
donne pour but de construire une unité qui devra faire disparaître les
frontières imposées par les impérialismes occidentaux. Elle promeut un
socialisme arabe, distinct du marxisme et de la lutte des classes considérés
comme étrangers au monde arabe, destiné à assurer la cohésion d’une
société solidaire tout en respectant la propriété.
Organisé sur un mode pyramidal, le Baath regroupe ses branches
régionales sous une direction nationale arabe dominée par des Syriens…
vite accusés de défendre les intérêts de la Syrie plutôt que ceux de l’unité.
Son histoire est émaillée de multiples scissions, luttes et exclusions, entre «
gauchistes » et modérés, laïcistes intransigeants ou tolérants, politiques et
militaires, Syriens et Irakiens : bien qu’Hafez el-Assad et Saddam Hussein
appartiennent en théorie au même parti baathiste et que leurs deux régimes
visent l’unité arabe, ils ne cesseront de se combattre.
Quant à Michel Aflak, après avoir soutenu la formation puis la
dissolution de la République arabe unie, il est déchu de sa nationalité par
des Baathistes syriens en 1966. Réfugié à Bagdad, il y sera honoré mais
réduit au rôle de caution sous étroite surveillance.

Nassérisme et panarabisme

Au contraire du Baath qui, à partir de l’idéologie, se montre incapable,


lorsqu’il arrive au pouvoir, de mettre en œuvre ses objectifs, le nassérisme
apparaît d’abord comme un pragmatisme politique qui cherche dans le
panarabisme une justification à sa pratique fortement teintée de
nationalisme égyptien.
La fusion de l’Égypte et de la Syrie dans la République arabe unie
(février 1958) provoque au Liban un début de guerre civile entre les
partisans de panarabisme et ceux d’une indépendance libanaise finalement
garantie par le débarquement de troupes américaines. De même, des troupes
britanniques sont-elles alors envoyées à Amman où la monarchie hachémite
s’unit avec celle de Bagdad dans une Union de Jordanie et d’Irak constituée
en réponse à la RAU. Mais cette union est dissoute après le coup d’État
républicain à Bagdad du 14 juillet 1958. Enfin, en mars 1958, le Yémen du
Nord s’unit à la RAU par des liens fédéraux pour constituer des États-Unis
arabes.
Mais en Syrie, la RAU est vite vécue comme une mise sous tutelle du
pays par l’appareil d’État égyptien. Un coup d’État militaire à Damas, le 28
septembre 1961, met fin à l’union. La décision du Yémen, quelques
semaines plus tard, de recouvrer sa pleine indépendance, conduit à un coup
d’État d’officiers nassériens en septembre 1962. Celui-ci marque le début
d’une guerre civile (jusqu’en 1969) opposant des républicains appuyés par
un corps expéditionnaire égyptien (rappelé en 1967) aux monarchistes
soutenus par l’Arabie et la Jordanie.

Avatars et échecs du panarabisme depuis les années 1970

Si les États arabes continuent à utiliser largement la rhétorique panarabe,


ni la Ligue arabe, ni l’Union du Maghreb arabe (créée en 1989) ne sont
parvenues à faire progresser cet idéal. La Fédération des États arabes entre
l’Égypte, l’Irak et la Syrie en 1963 est dissoute avant d’avoir trouvé un
début de réalisation. Il en ira de même des diverses tentatives du colonel
Kadhafi : union de l’Égypte, du Soudan et de la Syrie en 1969 ; Union des
républiques arabes (Libye, Égypte, Syrie) en 1971 ; fusion égypto-libyenne
en 1972 ; fusion tuniso-libyenne en 1974 ; fusion syrolibyenne en 1980.
Quant aux tentatives d’union par la force, elles ont également échoué.
L'Irak qui considère le Koweït comme une création britannique doit
renoncer à l’annexion en 1961 (déploiement de troupes britanniques
relevées par celles de la Ligue arabe) puis en 1990 (guerre du Golfe). Quant
à la Syrie qui considère le Liban comme une création française, si elle
réussit à y établir un protectorat de fait à la faveur des guerres civiles des
années 1975-1990, elle doit finalement reconnaître son indépendance en
2008.
OD

CARRÉ Olivier, Le Nationalisme arabe, Petite Bibliothèque Payot, Paris,


Éditions Payot & Rivages, 2004.
CORM Georges, Le Proche-Orient éclaté (1956-2007), Paris, Gallimard,
coll. « Folio Histoire », 200), Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire ?,
dernière édition 2007.
→ ALEXANDRETTE (SANDJAK D’), ASSAD, BALFOUR
(DÉCLARATION), GOLFE (GUERRE DU), HUSSEIN (SADDAM),
IBN SA’UD, KADHAFI, LIBAN (GUERRES DU), LIGUE ARABE,
MANDATS, NASSER, SYKES-PICOT (ACCORDS)

PERES Shimon (1923)

Né à Vishneva, en Pologne (aujourd’hui en Biélorussie), Szymon Persky


émigre avec ses parents en Palestine sous mandat britannique en 1934.
Militant de la gauche sioniste dès sa jeunesse, il adhère au Mapaï (Parti
travailliste) et s’engage dans la Haganah (force paramilitaire organisée par
la gauche du mouvement sioniste).
Remarqué par Ben Gourion, il quitte le kibboutz des rives du lac de
Tibériade où il s’est établi pour devenir, après la proclamation de l’État
d’Israël (14 mai 1948), haut fonctionnaire (1952) puis directeur général du
ministère de la Défense (1953). Il est l’un des artisans essentiels du
rapprochement franco-israélien qui conduit à une coopération étroite en
matière de renseignement et de recherche nucléaire (construction du
réacteur de Dimona) ainsi qu’à l’équipement par la France de l’armée
israélienne (Mirage III notamment) et, finalement, à la mise au point du
plan secret franco-anglo-israélien contre Nasser lors de la crise de Suez.
Député à partir de 1959, constamment réélu, il est vice-ministre de la
Défense de 1959 à 1965 et suit Ben Gourion dans sa tentative de création
d’un parti dissident du Mapaï. Plusieurs fois ministre à partir de 1969, il
détient le portefeuille de la Défense de 1974 à 1977 dans le premier
gouvernement Rabin, et joue un rôle important dans les accords de
désengagement israélo-égyptiens qui suivent la guerre du Kippour.
Président du parti travailliste de 1977 à 1992, vice-président de
l’Internationale socialiste, il devient Premier ministre d’un gouvernement
d’Union nationale avec le Likoud (droite) de 1984 à 1986 puis, dans le
cadre d’un accord de « rotation » à la tête du cabinet, vice-Premier ministre
et ministre des Affaires étrangères du Premier ministre Likoud Itzhak
Shamir de 1986 à 1988. Il négocie alors avec le roi Hussein de Jordanie un
transfert partiel du contrôle de la Cisjordanie, mais l’intransigeance de
Shamir et le début de la première Intifada conduisent le roi (juillet 1988) à
rompre tous les liens administratifs entre son royaume et les territoires à
l’ouest du Jourdain. Après avoir de nouveau échoué aux élections
législatives de 1988, il reste vice-Premier ministre, avec le portefeuille des
Finances, dans un nouveau cabinet Shamir (1988-1990).
Itzhak Rabin ayant conduit les travaillistes à la victoire aux législatives
de 1992, S. Peres redevient ministre des Affaires étrangères. Rallié à l’idée
d’un État palestinien indépendant, il conduit les négociations avec l’OLP de
Yasser Arafat qui conduiront aux accords d’Oslo le 9 septembre 1993.
Récompensé l’année suivante, avec Arafat et Rabin, par le prix Nobel de la
paix, S. Peres est également l’artisan du traité de paix avec le roi Hussein de
Jordanie (26 octobre 1994). D’accord avec Rabin sur les perspectives d’un
retrait israélien du Golan (occupé en 1967, annexé en 1981) qui ouvrirait la
voie d’une normalisation avec la Syrie et donc avec le Liban, il défend
l’idée d’un nouveau Proche-Orient fondé sur la paix et la prospérité
économique que permettrait une coopération étroite entre Israël et les États
arabes.
Après l’assassinat d’I. Rabin le 4 novembre 1995, S. Peres lui succède à
la tête du gouvernement. Ayant renoncé à provoquer des élections
législatives immédiates, il perd le scrutin de mai 1996 au profit d’une droite
qui va aussitôt remettre en cause l’application des accords d’Oslo.
Ministre de la Coopération régionale sans véritable pouvoir dans le
cabinet travailliste d’Ehud Barak (1999-2001), il est de nouveau vice-
Premier ministre et ministre des Affaires étrangères dans le cabinet d’union
nationale d’Ariel Sharon (2001-2002) dont il défend sur la scène
internationale le projet de « barrière de sécurité » et la politique de force
face à la deuxième Intifada.
Battu aux élections internes au Parti travailliste, Peres redevient vice-
Premier ministre d’Ariel Sharon en janvier 2005 et participe à ses côtés à la
fondation du nouveau parti centriste Kadima. De nouveau vice-Premier
ministre d’Ehud Olmert après l’hémorragie cérébrale de Sharon et la
victoire de Kadima aux législatives de 2006, S. Peres est élu 9e président de
l’État d’Israël le 13 juin 2007.
OD

BAR-ZOHAR Michel, Shimon Peres et l’histoire secrète d’Israël, trad. M.


Bessières, Paris, Odile Jacob, 2008.
→ ARAFAT, BEN GOURION, HUSSEIN (IBN TALAL),
INTIFADAS, KIPPOUR (GUERRE DU), LIBAN (GUERRES DU),
NASSER, NOBEL DE LA PAIX (PRIX), OSLO (ACCORDS D’),
RABIN, SUEZ (CANAL ET CRISE DE)

PÉTAIN Philippe (1856-1951)

Philippe Pétain sort de Saint-Cyr en 1878 à un rang modeste. Sa carrière


n’a rien de fulgurant, mais, lorsqu’il est professeur adjoint à l’École de
Guerre, il s’oppose à la doctrine défendue par l’État-major qui prône
l’offensive à outrance, en rappelant que « le feu tue ». Il allait prendre sa
retraite, à 58 ans, lorsque la déclaration de la guerre change son orientation
et son destin. Il est promu général et obtient rapidement ses étoiles grâce à
sa détermination au combat, à Verdun notamment, en 1916, tout en restant
toujours soucieux des vies humaines. En 1917, il est nommé commandant
en chef de l’armée. Le 19 novembre 1918, il obtient son bâton de maréchal,
couronnement de sa carrière militaire. Il est vice-président du Conseil
supérieur de guerre et inspecteur général de l’armée ; en 1925, alors que
l’armée peine face aux troupes d’Abd-el-Krim, dans la guerre du Rif, il est
envoyé au Maroc pour commander les troupes, ce qui entraîne la démission
de Lyautey.
C'est une carrière plus politique qui se dessine quand, en 1934, il est
ministre de la Guerre dans le cabinet de Gaston Doumergue ; en 1939, à la
fin de la guerre civile, Daladier le nomme ambassadeur de France en
Espagne. Appelé comme vice-président du Conseil dans le cabinet de Paul
Reynaud, le 18 mai 1940, pendant la campagne de France, il est l’un des
membres du gouvernement à recommander l’armistice.
Le 16 juin, le président Lebrun le nomme président du Conseil à la
démission de Reynaud. Aussitôt, il demande à Hitler les conditions de
l’armistice, ce qui fait immédiatement réagir de Gaulle, lui aussi membre du
gouvernement comme sous-secrétaire d’État et général à titre temporaire,
qui lance un appel à la résistance le 18 juin. L’armistice est signé à
Rethondes le 22 juin, aux conditions imposées par Hitler : occupation de la
zone nord de la France, armée réduite à 100 000 hommes dans la zone libre,
et retour de la flotte à ses ports d’attache ; entretien de l’armée d’occupation
aux frais de la France, maintien des prisonniers de guerre jusqu’à la
conclusion de la paix ; livraison des opposants politiques étrangers ; seul
l’empire colonial reste sous la souveraineté française.
Perçu comme un homme providentiel en ce temps de débâcle, le «
vainqueur de Verdun » obtient par un vote de l’Assemblée nationale, le 10
juillet, les pleins pouvoirs pour promulguer une nouvelle constitution. À 84
ans, il entend que la Révolution nationale puisse redresser la France : «
Travail, Famille, Patrie », cette nouvelle trilogie résume son programme et
remplace la devise républicaine.
Devenu chef de l’État français, il mène une politique de collaboration
avec Hitler (entrevue de Montoire le 24 octobre 1940). Convaincu de la
victoire de l’Allemagne et désireux de donner à la France une place de
choix dans l’Europe allemande, le chef de l’État français n’hésite pas à aller
au-devant des souhaits d’Hitler (statut des Juifs, résistance au débarquement
anglo-américain en Afrique du Nord le 9 novembre 1942). De plus en plus,
il laisse faire Laval et les collaborationnistes.
Après les débarquements de 1944, Pétain est transféré à Sigmaringen où
il se considère prisonnier. Après avoir été rendu aux autorités françaises,
son procès s’ouvre en juillet 1945 : la Haute Cour de justice le condamne à
l’indignité nationale et à la peine capitale ; en raison de son âge, il est gracié
et interné à l’île d’Yeu – jusqu’à sa mort à 95 ans –, où il est enterré. Son
vœu d’être enterré à Verdun continue à susciter des polémiques.
Ch. M

FERRO Marc, Pétain, Fayard, 1987. PEDRONCINI Guy, Pétain, 2 vol.,


Perrin, 1989-1995.
→ DE GAULLE, HITLER, LAVAL, RIF (GUERRE DU)

PETITE ENTENTE (LA)

C'est le nom donné à l’alliance constituée en 1920, à l’initiative du


ministre des Affaires étrangères tchèque, Benès, entre la Tchécoslovaquie,
la Yougoslavie (alors royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes) et la
Roumanie, nouveaux États nés des traités de paix de 1919-1920, et alliés de
la France. Le 14 août 1920, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie signent à
Belgrade un traité d’alliance contre une agression non provoquée de la
Hongrie. La Roumanie fait aussitôt connaître son adhésion, mais ne
l’officialise qu’en signant les traités du 23 avril 1921 avec la
Tchécoslovaquie et du 7 juin 1921 avec la Yougoslavie. Les trois États sont
hostiles à la révision des clauses territoriales du traité de Trianon (2 juin
1920) et à une restauration monarchique éventuelle des Habsbourg. La
Petite Entente n’est dirigée que contre la Hongrie et non contre
l’Allemagne. Elle est soutenue par la France et devient un des moyens
d’action de la diplomatie française dans le maintien de l’Europe de
Versailles, alors que l’Italie, qui appuie les pays révisionnistes, Hongrie et
Bulgarie, y est hostile. La France signe un accord avec la Tchécoslovaquie
le 25 janvier 1924, complété le 16 octobre 1925 par une promesse
d’assistance armée, conclut une alliance avec la Roumanie le 10 juin 1926
et avec la Yougoslavie le 11 novembre 1927. Mais la Petite Entente est
fragile : la Yougoslavie n’est pas garantie contre les revendications
italiennes, la Roumanie ne peut pas compter sur ses deux alliés pour
défendre la Bessarabie contre la Russie soviétique, la Tchécoslovaquie ne
trouve aucun appui pour faire face à la question des Allemands des Sudètes.
Le pacte à Quatre (1933), imaginé par Mussolini, est perçu par les États de
la Petite Entente comme une menace révisionniste. La tentative de Barthou
(1934) de solidifier les alliances orientales de la France tourne court. Dès
1936, la Yougoslavie, qui souhaite se rapprocher de l’Allemagne et de
l’Italie, reprend sa liberté d’action et signe le 25 mars 1937 un pacte de non-
agression et de consultation avec l’Italie. Les accords de Munich (30
septembre 1938) marquent la fin de la Petite Entente et la dislocation du
système français d’alliances.
CB

MAGDA Adam, The Little Entente and Europe (1920-1929), Budapest,


Akadémia K., 1993.
WANDYYCZ Piotr, France and her eastern allies, 1919-1925 ; the
twilight of French eastern alliances, 1926-1936, Princeton UP, 1988.
→ BARTHOU, BENÈS, MUNICH (ACCORDS DE), MUSSOLINI,
TRAITÉS DE PAIX

PÉTROLE ET RELATIONS INTERNATIONALES

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le pétrole devient une


arme politique pour les jeunes États indépendants. Le marché du pétrole est
contrôlé par des compagnies pétrolières anglo-saxonnes (majors) depuis
1928, et le pouvoir des sept majors (Royal Dutch Shell, British Petroleum,
Standard Oil of New Jersey, Chevron, Mobil, Texaco, Gulf ) s’accroît après
1945. Vendue à bas prix, cette source d’énergie essentielle constitue le
principal vecteur de la croissance permettant aux pays industrialisés de
connaître les Trente Glorieuses, de 1945 à 1973. Avec un prix ajusté par les
pays producteurs, par le biais de regroupements géographiques ou de cartels
créés pour défendre les revenus pétroliers, le pétrole devient peu à peu une
arme redoutable. Cinq épisodes marquants illustrent l’usage de l’arme du
pétrole dans les relations internationales. Le premier est constitué par les
événements d’Iran qui, mécontent du montant des dividendes versés par
l’Anglo-Iranian Oil Company, nationalise le pétrole, en mars 1951 et saisit
les installations pétrolières étrangères. La fermeté du Premier ministre
Mossadegh aboutit à la rupture des relations diplomatiques avec la Grande-
Bretagne, mais il est déstabilisé par des troubles intérieurs (août 1953) et
par la solidarité des compagnies anglo-saxonnes ; la crise se dénoue à
l’avantage de l’Occident : un consortium de compagnies américaines et
anglaises remplace l’Anglo-Iranian que l’Iran doit indemniser. La crise de
Suez en octobre 1956 exprime la capacité nouvelle des producteurs à peser
sur les relations internationales. En juillet 1956, sur décision du colonel
Nasser, l’Égypte nationalise le canal de Suez et prétend en réglementer la
circulation, qui concerne essentiellement des navires pétroliers allant du
golfe Persique en Europe. Le canal, rendu impraticable par l’Égypte qui
coule des navires, est fermé du 29 octobre 1956 au 15 avril 1957. L'Europe
subit un déficit d’environ 100 millions de tonnes par an (25 % de sa
consommation). Cette crise internationale a pour effet de stimuler un
nationalisme panarabe qui prend la mesure de l’arme que peut constituer le
pétrole, sa production ou son transport.
La prise de conscience de l’existence d’intérêts communs aux pays
producteurs de pétrole s’accélère : initiée par le Venezuela, l’idée d’un
regroupement fait son chemin et aboutit à la création, en septembre 1960,
de l’OPEP. Elle devient un véritable pouvoir politique entre les pays
producteurs du Tiers Monde, capable d’imposer de brutales hausses de prix
du pétrole aux pays consommateurs. Les premières hausses unilatéralement
décidées par des pays de l’OPEP ont lieu en 1971-1972. Elles ne font
qu’anticiper le premier choc pétrolier de 1973-1974 qui met fin aux Trente
Glorieuses, en multipliant par quatre le prix du baril. Le pétrole est
instrumentalisé dans le cadre d’une guerre économique menée par un Tiers
Monde, anciennement colonisé, contre un monde occidental accusé de
l’avoir trop longtemps pillé.
De nouveaux États – tels l’Iran, l’Arabie Saoudite, les pays du Golfe –
deviennent des acteurs majeurs de la politique internationale. Les chocs
pétroliers successifs ont pour origine des développements politiques
affectant le Proche-Orient : la guerre du Kippour en octobre 1973, la chute
du Shah en janvier 1979 et le déclenchement de la guerre Irak-Iran en
septembre 1980, qui oppose deux des principaux producteurs de pétrole de
la région. En revanche, la guerre du Golfe, menée en janvier-février 1991
contre l’Irak par une coalition internationale dirigée par les États-Unis, a
pour origine des considérations liées au pétrole. L’Irak accuse le Koweït et
les Émirats du Golfe de ne pas respecter les quotas pétroliers et d’être
responsables de la chute des cours, ce qui contribue à l’appauvrir. L'Irak
espère s’approprier les ressources pétrolières du Koweït. De son côté,
Washington souhaite conserver le contrôle du Golfe en y préservant un
glacis de nations aux régimes pro-occidentaux, dont le Koweït fait partie.
Jusqu’en 1973, les pays consacrent leurs revenus pétroliers au financement
de leurs importations. Après 1975, l’excédent commercial fait plus que
doubler. Les sommes disponibles, dépassant les besoins des pays, sont
investies ou recyclées dans les circuits financiers mondiaux. À l’instar des
eurodollars, le terme de pétrodollar désigne des avoirs, en devises
étrangères, détenus par des ressortissants des pays ayant des revenus
pétroliers. Cet argent, qui circule librement, revêt les mêmes
caractéristiques que le dollar, devise internationale. La baisse des cours,
amorcée en 1981, atténue le phénomène.
Depuis lors, la variation des cours du pétrole est affectée à la hausse par
l’invasion du Koweït par l’Irak (1990) et celle de l’Irak par les États-Unis
(2003), et à la baisse par la crise financière asiatique (1999). Mais depuis
l’an 2000, la hausse est continue, atteignant et même dépassant les 140
dollars au printemps 2008. Mais avec la récession mondiale (2008-2009), la
baisse de la demande est telle que le prix descend alors au-dessous de 50
dollars.
MV

NOUSCHI André, Pétrole et relations internationales depuis 1945, Armand


Colin, 1999.
YERGIN Daniel, The Prize, the epic quest for oil and power, New York,
1991.
Revue Pétrostratégie.
→ GOLFE (GUERRE DU), KIPPOUR (GUERRE DU), NASSER,
OPEP, SUEZ (CRISE DE), TIERS MONDE

PILSUDSKI Jozef (1867-1935)

Dans la Pologne tsariste, ce militant socialiste a pour objectif


l’indépendance de son pays, et comme moyen le terrorisme. L’occasion de
parvenir à ses fins lui est donnée par la guerre, où il crée une légion
polonaise combattant contre les Russes, et par la révolution russe. La
première Diète polonaise l’investit des pouvoirs politiques et militaires
(novembre 1918-février 1919). Lors de la guerre entre la Pologne et la
Russie bolchevique, il réussit à rétablir la situation à Varsovie (août 1920),
avec le concours de la mission militaire française dirigée par le général
Weygand. Après s’être retiré de 1923 à 1926, le maréchal Pilsudski reprend
le pouvoir à la faveur d’un coup d’État militaire en 1926, et reste jusqu’à sa
mort le véritable maître de la Pologne. Sur le plan de la politique étrangère,
il prend ses distances avec la France pour se rapprocher de l’Allemagne
avec laquelle est signé le pacte de non-agression du 26 janvier 1934.
MV

JEDRZEJEWICZ Waclaw, Jozef Pilsudski, une biographie, Lausanne,


L'Âge d’homme, 1986.
→ BARTHOU, BECK, CURZON (LIGNE), DE GAULLE,
HITLER, TERRORISME

PIRATERIE

La piraterie maritime est aussi vieille que la navigation. Le Bureau


maritime international la définit comme « tout acte d’abordage contre un
navire avec l’intention de commettre un vol ou tout autre crime, et avec la
capacité d’utiliser la force pour accomplir cet acte ». Certaines contrées
sont d’ailleurs connues pour être le refuge de pirates : c’est le cas de la Côte
des Pirates (aujourd’hui Émirats arabes unis), dans le Golfe persique, des
Caraïbes, des côtes de l’Afrique du Nord dont les méfaits sont à l’origine
d’expéditions punitives des royaumes chrétiens : France, Espagne contre les
Barbaresques.
La surveillance exercée par les grandes puissances navales depuis le 19e
siècle fait disparaître la piraterie jusqu’à la fin du 20e siècle. La Convention
des Nations unies sur le droit de la mer, adoptée en 1982 à Montego Bay,
engage les États à coopérer dans la répression de la piraterie. La difficulté
principale réside dans le fait que la piraterie s’exerce en dehors des eaux
territoriales et crée une situation juridique exceptionnelle. Mais dans les
années 2000, on constate une nette recrudescence de la piraterie maritime,
puisqu’un rapport du Bureau maritime international recense en 2008 293
attaques de navires. Les actes de piraterie ont lieu principalement dans le
détroit de Malacca (entre l’Indonésie et la Malaisie), en mer Rouge et dans
le golfe d’Aden (au large de la Somalie), le long des côtes du Sénégal et en
mer des Caraïbes. Mais c’est surtout le long des côtes somaliennes que la
piraterie s’est développée. En 2008, la France et les États-Unis prennent
l’initiative de deux résolutions des Nations unies relatives à la lutte contre
la piraterie. En septembre 2008, le Faina, cargo ukrainien transportant de
l’armement, est pris d’assaut par des pirates somaliens. Le 15 novembre
2008, un superpétrolier saoudien, le Sirius Star, est capturé au large de la
Somalie. C’est pour lutter contre de tels actes que l’Union européenne
décide alors la mise sur pied d’une opération navale au large de la Somalie
et dans le golfe d’Aden (Eunavfor Atalanta). À la différence de la piraterie
maritime, dont les motifs sont majoritairement crapuleux, la piraterie
aérienne, qui consiste dans le détournement illicite d’un avion, est le plus
souvent le fait de terroristes.
MV

Revue diplomatique n° 35, « Piraterie maritime : quelle sécurité pour les


mers ? ».
Site de l’ONU: http://www.imo.org
→ ONU, TERRORISME

PLATT (AMENDEMENT)

Amendement à la loi de financement de 1901 de l’armée américaine qui


cite les conditions posées pour mettre fin à l’occupation militaire
américaine de Cuba (1899-1902) et sert de base aux relations américano-
cubaines de 1901 à 1934. À l’opposé de l’amendement Teller de 1898 selon
lequel Cuba est « de droit, libre et indépendant », l’amendement Platt dénie
toute souveraineté nationale : il interdit à Cuba de se lier par traité avec une
puissance étrangère, l’oblige à céder aux États-Unis de quoi établir une base
navale et donne surtout aux États-Unis, dans son article 3, le droit
d’intervenir pour « maintenir un gouvernement apte à protéger la vie, la
propriété et la liberté individuelle ». Il est imposé en février 1901 par les
États-Unis comme appendice à la nouvelle Constitution cubaine et par la
suite incorporé au traité permanent de 1903 entre les États-Unis et Cuba. Il
permet ainsi aux Américains de contrôler étroitement les affaires cubaines,
autorisant trois interventions militaires (1906-1909, 1912, 1917-1922) et
une très large surveillance des questions fiscales et budgétaires. Devenu
l’objet d’une forte mobilisation politique et un puissant catalyseur du
nationalisme, l’amendement Platt est abrogé en 1934, à l’exclusion de la
clause relative à la base navale américaine de Guantanamo.
PMD

PEREZ JR. Louis A., Cuba Under the Platt Amendment, 1902-1934,
Pittsburgh, 1986.

POINCARÉ Raymond (1860-1934)

Cet avocat lorrain, républicain du centre et patriote, est une figure


essentielle de la vie politique française dans le premier quart du siècle.
Député (1887-1903), ministre pour la première fois en 1893 (Instruction
publique) puis ministre des Finances en 1894, il se tient à l’écart du pouvoir
pendant les dix années suivantes. Sénateur à partir de 1903, il entame sa
grande carrière politique en janvier 1912 comme président du Conseil. À la
politique pacifique de Caillaux, il substitue une politique de fermeté à
l’égard de l’Allemagne. Il s’attache à renforcer l’alliance franco-russe,
l’Entente cordiale avec le Royaume-Uni, et, pour faire pièce à l’Allemagne,
pousse à l’adoption de la loi portant le service militaire à trois ans. Du coup,
il y gagne une réputation de belliciste froid et insensible : « Poincaré-la-
guerre ». Élu président de la République (17 janvier 1913), il se rend en
Russie après l’attentat de Sarajevo et se fait le champion de l’Union sacrée
durant la guerre de 1914-1918, mais sa fonction ne lui donne pas
d’influence réelle pendant cette période. En novembre 1917, il se résout à
nommer Clemenceau, son ennemi personnel, à la présidence du Conseil, le
jugeant seul capable de mener la guerre jusqu’au bout. Il s’oppose à lui en
1918, jugeant prématuré l’armistice avec l’Allemagne, puis durant la
négociation du traité de Versailles en tentant d’imposer une occupation
définitive de la Rhénanie et en y encourageant les tendances séparatistes.
De retour au Sénat en 1920, il est à nouveau président du Conseil et
ministre des Affaires étrangères sous le Bloc national (janvier 1922-mars
1924). Afin de faire appliquer le traité de Versailles, il opte pour une
politique de force et fait occuper la Ruhr le 11 janvier 1923, pour
contraindre l’Allemagne à verser les réparations. Mais l’isolement de la
France, abandonnée par les Anglo-Saxons, et les difficultés financières lui
font accepter le plan Dawes. Les élections de 1924, remportées par le Cartel
des gauches, ne l’éloignent pas longtemps du pouvoir. En raison de la crise
du franc, Poincaré est, une fois encore, rappelé à la tête du gouvernement en
juillet 1926 et parvient à stabiliser le franc en 1928 sans recourir à une aide
extérieure. Quoique toujours très méfiant à l’égard de l’Allemagne, il laisse
Briand, son ministre des Affaires étrangères, mener une politique extérieure
plus conciliante et accepte les conclusions du plan Young. Il démissionne en
juillet 1929.
AD

KEIGER John, Poincaré, Cambridge U. Press, 1997.


MIQUEL Pierre, Poincaré, Fayard, 1984.
ROTH François, Raymond Poincaré, un homme d’État républicain,
Fayard, 2000.
→ CLEMENCEAU, ENTENTE CORDIALE, RÉPARATIONS,
RUHR, TRAITÉS DE PAIX

POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE (PAC)

Le traité de Rome (art. 39) fixe les objectifs de la politique agricole


(productivité, sécurité des approvisionnements et des marchés, revenus
équitables aux producteurs et prix convenables pour les consommateurs).
La Politique agricole commune est proposée par la Commission
européenne en 1960, à la demande insistante du général de Gaulle : il s’agit,
pour lui, de doter la France d’un moyen de favoriser l’agriculture française,
secteur essentiel dans l’économie du pays, face aux avantages que peut tirer
l’Allemagne fédérale en matière industrielle. C’est une contrepartie à
l’ouverture des frontières aux produits industriels et la France espère en
profiter pour moderniser un secteur qui représente une part importante de
son économie et de sa population. Bénéficiant de prix agricoles bas sur le
marché mondial, l’Allemagne fédérale y est moins intéressée.
Pressée par le général de Gaulle, soutenue par les Pays-Bas, la
Commission aboutit à un accord, le 14 janvier 1962. La PAC ne concerne
pas seulement les aspects douaniers mais implique une véritable politique
commune, avec la règle de la préférence communautaire qui implique des
prélèvements en cas d’importations de pays tiers. L'ouverture du marché
aux produits agricoles se fait par étapes au cours de discussions à Bruxelles,
qualifiées de « marathons », qui ont pour objectif d’équilibrer les revenus
des producteurs par des subventions, des prélèvements, par le biais du
Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA).
Le financement est l’objet de nombreuses propositions de réformes ; il
provoque notamment la « crise de la chaise vide » qui se termine par le
compromis de Luxembourg en janvier 1966.
La PAC permet l’augmentation de la production et des exportations
(entre 1958 et 1970, les échanges intracommunautaires ont été multipliés
par 7, de 1961 à 1971, la productivité est passée de 100 à 188). Mais les
excédents sont subventionnés par la CEE, ce qui accroît les dépenses du
FEOGA (elles ont quadruplé entre 1962 et 1968). Sur la proposition du
commissaire à l’agriculture, Sicco Mansholt, le Conseil adopte, en 1972, un
plan de modernisation, édulcoré par rapport au plan initial : diminution des
surfaces cultivées, développement des aides pour cessation d’activité ou
conversion, modernisation des exploitations et meilleure formation des
agriculteurs. Mais les déséquilibres budgétaires sont très critiqués. Les
dépenses du FEOGA représentent deux tiers du budget communautaire à la
fin des années 1970, le soutien des prix est plus important que les dépenses
de modernisation. Les producteurs de produits laitiers doivent participer
aux frais de stockage et d’écoulement en payant une taxe de
coresponsabilité, des quotas de production sont imposés. Le Livre vert
(1985) prévoit d’orienter la production vers les secteurs déficitaires et l’aide
à la protection de l’environnement. Le FEOGA ne doit pas dépasser un
certain plafond de dépenses : entre 1986 et 1989, les prix de soutien
diminuent.
En mai 1992, une réorientation radicale de la PAC est décidée pour
endiguer les excédents, freiner les dépenses. Les prix garantis sont réduits ;
les agriculteurs reçoivent des primes pour geler une partie de leurs terres,
réduire leurs têtes de bétail, prendre des mesures de protection de
l’environnement et favoriser l’agriculture et l’élevage extensifs ; l’aide au
départ à la retraite est accrue. Ces réformes sont parfois mal accueillies
(France) et accentuent l’opposition au traité de Maastricht. Dans le cadre
des négociations du GATT, l’Uruguay Round aboutit en décembre 1993 à
un accord qui permet une augmentation des exportations agricoles
américaines et la limitation des subventions pour l’exportation de certains
produits. Lors de la première réunion de l’Organisation mondiale du
commerce (OMC) à Seattle en décembre 1999, l’Europe verte montre sa
détermination face aux États-Unis.
L'Agenda 2000, publié par la Commission européenne, fait des
propositions pour la période 2000-2006, notamment sur la part des
prélèvements agricoles dans le financement. La réforme de 2003 clarifie un
certain nombre de points : par exemple, les droits du tarif douanier
s’appliquent à l’importation et des subventions à l’exportation ; mais la
conclusion du cycle de Doha à l’OMC en 2001 prévoit un abaissement de la
protection tarifaire à l’horizon 2013. Depuis 2007, le FEOGA est remplacé
par deux fonds qui financent les mesures du premier pilier de la PAC
(paiement accordé en fonction de la superficie de l’exploitation, sans
obligation de cultiver), et les programmes de développement rural. Le but
de cette réforme est de réduire le coût de la PAC et de réorienter le
développement rural.
L'évolution de la politique agricole et sa réforme reflètent la réussite de
ses objectifs initiaux. Le budget agricole représente à peu près 40 % du
budget global de l’UE en 2008 alors qu’il était de 70 % à la fin des années
1970 ; les produits agricoles sont moins subventionnés qu’auparavant, alors
que les fonds destinés à la protection de la nature et du développement des
zones rurales s’accroissent, tout en étant une aide directe aux agriculteurs.
Le coût de la PAC n’est pas plus élevé que pour l’agriculture américaine ou
japonaise. L'autosuffisance alimentaire des pays de l’UE est assurée. Les
problèmes sont déplacés puisqu’ils concernent davantage des problèmes
plus nouveaux comme la protection de l’environnement ou les questions
sanitaires et les partenaires de l’UE jugent de façon presque unanime
l’importance de ces questions pour l’avenir. Le soutien apporté aux
agriculteurs ne dépend plus de la production, mais du respect des normes de
sécurité alimentaire, de la protection de l’environnement. Les sondages
montrent que ces deux volets sont les premiers cités par les populations des
Vingt-Sept.
Ch. M

Dictionnaire de la PAC, Paris, Agra-Europe, 1981.


LOYAT Jacques, PETIT Yves, La Politique agricole commune/PAC, La
Documentation française, 2008.
→ CEE, DE GAULLE, GATT, LUXEMBOURG (COMPROMIS
DE), OMC, ROME (TRAITÉS DE), UE (TRAITÉS DE L’)

POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ COMMUNE (PESC)

Le traité d’Amsterdam de 1997 a donné naissance à la PESC, qui est le


deuxième pilier de l’Union européenne. Elle est conduite par un Haut-
Représentant qui est en même temps secrétaire général du Conseil de
l’Union européenne ; il est, en fait, ministre des Affaires étrangères.
Personnalité qui a une stature politique internationale, le premier Haut-
Représentant pour la PESC, nommé au conseil européen de juin 1999, est
l’Espagnol Javier Solana, ancien secrétaire général de l’OTAN.
S'il ne dispose pas d’un droit d’initiative dans le domaine de la politique
étrangère et de sécurité et s’il doit avoir un mandat des États membres, il
assiste le Conseil pour prendre et mettre en œuvre les décisions sur les
questions de son ressort ; il participe ou mène seul les conversations avec
des tiers.
L'Union européenne a du mal à mener une politique vraiment commune,
cependant, dans certains cas, elle est reconnue comme partenaire dans les
négociations. En 2003 à Skopje, l’UE a mené sa première opération de
gestion de crise ; elle est membre du « Quartet », aux côtés des États-Unis,
de la Russie et des Nations unies et on lui doit pour une part le plan de paix
(« la feuille de route » au Moyen-Orient). Pendant le processus électoral en
République démocratique du Congo (RDC) en 2006, elle mène une
opération militaire d’appui à la mission de l’ONU (la MONUC), dénommée
opération EUFOR RD Congo.
Avec le traité de Lisbonne de 2007, le Haut-Représentant pour la PESC
et le commissaire européen chargé des relations extérieures sont remplacés
par un Haut-Représentant de l’Union européenne.
Le traité de Lisbonne, signé en 2007, prévoit que la PESC sera sous
l’autorité d’un Haut-Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et
la politique de sécurité qui remplace le Haut-Représentant pour la PESC et
le commissaire européen chargé des relations extérieures. Il présidera le
Conseil des Affaires étrangères. Les termes du traité insistent sur le fait que
la PESC a un caractère intergouvernemental, comme le souhaitaient la
France et la Grande-Bretagne.
Ch. M

→ CONGO, ISRAÉLO-ARABES (CONFLITS), OTAN, UE


(TRAITÉS DE L’)
POLITIQUE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE
(PESD)

La déclaration de Petersberg, près de Bonn, a été adoptée en juin 1992


par l’UEO dont de nombreux membres sont dans l’Union européenne. Elle
précise les missions que l’UE doit mener dans le cadre de la politique
européenne de sécurité et de défense (PESD), l’une des composantes de la
PESC.
Ces « missions de Petersberg » sont reprises dans les traités
d’Amsterdam et de Lisbonne. Il s’agit de pouvoir mener des missions
humanitaires, de maintien de la paix, des forces de combat pour la gestion
des crises ou le rétablissement de la paix.
Les décisions de telles missions doivent être prises à l’unanimité, mais en
vertu de « l’abstention constructive », un pays peut admettre que, malgré
son refus, il accepte que la décision « engage l’Union européenne ».
Les Britanniques sont traditionnellement plus tournés vers les États-
Unis ; cependant, par l’accord de Saint-Malo (4 décembre 1998) entre la
France et la Grande-Bretagne, Tony Blair accepte l’idée d’une capacité de
défense commune avec la fusion de l’UE et de l’UEO, confirmant et
amplifiant ainsi la politique européenne dans le sens d’une puissance
militaire.
Cependant, la PESD ne permet pas à l’UE de peser seule sur l’évolution
des grands enjeux géostratégiques, car la plus ou moins grande proximité
avec les États-Unis entraîne une diversité des ambitions européennes, et
cela d’autant que les Vingt-Sept sont souverains en matière de diplomatie et
de défense. Certains considèrent que l’Union doit avoir un rôle secondaire,
et que l’OTAN garde sa suprématie ; d’autres, comme la France, la
Belgique ou le Luxembourg, sont d’un avis contraire. Les divergences ont
été particulièrement marquantes au moment de la crise avec l’Irak à partir
de 2002 où les tensions ont été très vives entre les pays favorables à la
coalition dirigée par les États-Unis, dont ceux de la « nouvelle Europe », et
ceux de la « vieille Europe », elle-même divisée.
De nombreuses opérations sont menées un peu partout, par l’Union seule
ou en coopération avec d’autres acteurs internationaux, en Europe. C'est en
Bosnie-Herzégovine, en janvier 2003, que l’UE a lancé sa première
opération au titre de la PESD dans le cadre de l’EUFOR : une mission de
formation de la police et par la suite au Kosovo, en Afghanistan, en
Géorgie, en Afrique (aide au Darfour), au Moyen-Orient et en Asie.
Ch. M

→ AFGHANISTAN (GUERRES D’), BLAIR, CHIRAC, GOLFE


(GUERRE DU), KOSOVO, PESC, UE (TRAITÉS DE L'), UEO

POMPIDOU Georges (1911-1974)

Fils d’instituteurs, agrégé de lettres, normalien, il abandonne sa carrière


d’enseignant pour devenir chargé de mission au cabinet du général de
Gaulle (1944-1946), avant d’être maître de requêtes au Conseil d’État
(1946-1954), administrateur et directeur général de la banque Rothschild
(1956-1962). Lors de son retour au pouvoir, de Gaulle lui demande de
diriger son cabinet (1er juin 1958-7 janvier 1959), et le charge de contacts
secrets avec le FLN pendant la guerre d’Algérie (1961). Après les accords
d’Évian, il est appelé par le président de la République à Matignon où il
succède à Michel Debré, en avril 1962. Il est écarté de Matignon après la
crise de mai 1968 dans la résolution de laquelle il a pourtant joué un rôle
déterminant. À la suite de la démission du Général (avril 1969), il est élu
président de la République (15 juin 1969). Se posant en continuateur de la
politique d’indépendance nationale gaullienne, il développe la force de
dissuasion. Favorable à l’élargissement de la CEE, il y facilite l’entrée du
Royaume-Uni pour y faire contrepoids à la RFA qui développe son
Ostpolitik, et fait adopter le principe d’une Union politique et monétaire de
l’Europe par la conférence au sommet de Paris (octobre 1972). Poursuivant
la politique gaullienne de rapprochement avec l’URSS, il accepte, en
octobre 1970, l’idée soviétique d’une CSCE, à condition qu’elle soit «
dûment préparée ». Les derniers mois de la vie de G. Pompidou, après le
choc pétrolier de la fin 1973, sont marqués par une dégradation de ses
relations avec les États-Unis, du fait de son refus d’un accord général des
pays consommateurs, auquel il préfère un dialogue euro-arabe.
AD

DIALLO Thierno, La politique étrangère de Georges Pompidou, Librairie


générale de droit et de jurisprudence, 1992.
ROUSSEL Éric, Georges Pompidou, Jean-Claude Lattès, 1994.
→ ALGÉRIE (GUERRES D’), CEE, CSCE/OSCE, DE GAULLE,
OSTPOLITIK

POTSDAM (CONFÉRENCE DE)

Dans le prolongement des conférences interalliées tenues par la Grande


Alliance, à Téhéran et à Yalta, les trois grands vainqueurs de l’Allemagne
nazie se réunissent une dernière fois à Potsdam (près de Berlin) du 17 juillet
au 2 août 1945 pour préciser le sort réservé au vaincu. En dépit de la
victoire commune sur les forces de l’Axe ayant entraîné la capitulation sans
conditions de la Wehrmacht les 7 et 8 mai 1945, le climat des négociations a
changé, les hommes aussi. Aux côtés de Staline, Truman occupe désormais
le siège du président Roosevelt décédé quelques mois plus tôt, tandis que
Churchill doit céder sa place à Attlee après la défaite électorale des
conservateurs en Grande-Bretagne.
Les dirigeants de la Grande Alliance s’accordent pour établir une autorité
suprême interalliée en Allemagne dont le pouvoir réel appartient à un
Conseil de contrôle quadripartite formé par les commandants militaires des
différentes zones d’occupation : américaine au sud-est, britannique au nord-
ouest, française à l’ouest et soviétique à l’est. Il s’agit d’une organisation
administrative de l’Allemagne : en aucun cas les Alliés n’envisagent à
Potsdam la division politique du pays. Ils définissent par ailleurs un
programme en « quatre D », dénazification, démilitarisation,
décartellisation et démocratisation, destiné à servir de fondement à la
reconstruction du pays. Toutes les organisations national-socialistes seront
dissoutes, l’administration épurée, les criminels de guerre châtiés par un
tribunal international siégeant à Nuremberg. Afin d’éviter la reconstitution
d’une Allemagne menaçante, les Trois Grands décident de saper les bases
de sa puissance par la dissolution des forces militaires et paramilitaires, la
destruction des armes et des munitions, le démantèlement des industries
d’armement et des grands conglomérats industriels, mais ils se déclarent
attachés à l’unité économique du territoire. La démocratisation passera par
la renaissance des partis politiques et des syndicats, par l’organisation
d’élections au niveau local et par le rétablissement des libertés civiles.
Les Trois Grands remettent à leur ministre des Affaires étrangères
respectif le soin de préparer un traité de paix définitif avec l’Allemagne,
mais ne parviennent à aucun accord sur le tracé de la frontière germano-
polonaise ni sur le montant des réparations à exiger du vaincu. Staline
exploite le flou des dispositions prises à Yalta concernant la ligne Oder-
Neisse pour repousser encore plus à l’ouest la frontière germano-polonaise,
le long de l’Oder et, cette fois-ci, de la Neisse occidentale. Placés devant le
fait accompli – Staline a déjà cédé à la Pologne l’intégralité du territoire
allemand situé à l’est de cette ligne –, la Grande-Bretagne et les États-Unis
prennent acte en réservant leur position définitive sur la question des
frontières pour une prochaine conférence de la paix. Ce transfert territorial
s’accompagne de l’expulsion de plus de dix millions d’Allemands des
territoires de l’est et du déplacement forcé de populations d’Europe centrale
et orientale dont beaucoup ne parviendront jamais à destination. Quant aux
réparations de guerre, les Alliés conviennent, au terme d’âpres discussions,
qu’elles seront prélevées à partir des zones d’occupation tandis que l’URSS
recevra 25 % de l’outillage industriel des zones occidentales dont 15 %
devront faire l’objet d’un échange sous forme de produits alimentaires.
Par-delà la croyance proclamée en la responsabilité collective des
grandes puissances dans l’établissement d’une paix juste et concertée, par-
delà l’adhésion unanime aux principes de la charte de l’Atlantique,
l’attitude des Alliés lors de la conférence de Potsdam laisse poindre des
divergences idéologiques et des ambitions nationales inconciliables qui
hypothèquent l’avenir de la Grande Alliance.
FG
→ ALLIANCE (GRANDE), ATTLEE, NUREMBERG (TRIBUNAL
DE), ODER-NEISSE (LIGNE), ROOSEVELT (FRANKLIN D.),
STALINE, TRUMAN, YALTA (CONFÉRENCE DE)
POUTINE Vladimir (1952)

Depuis qu’il dirige l’État russe, il s’efforce d’en restaurer l’unité et la


puissance extérieure, que ce soit dans la coopération ou l’opposition avec
les Occidentaux. Après des études de droit à l’Université de Leningrad, il
devient en 1976 membre du KGB, pour lequel il travaille en RDA à partir
de 1985. Mis en réserve après la réunification allemande en 1990, il rejoint
le maire de Saint-Pétersbourg Anatoli Sobtchak, son ancien professeur à
l’Université, en tant que conseiller aux affaires internationales du Soviet de
la Ville. Appelé dans l’administration présidentielle en 1995, il en franchit
rapidement divers échelons et est nommé en 1998 à la tête du FSB (Service
fédéral de sécurité), l’un des organismes issus du KGB, pour devenir, le 9
août 1999, le Premier ministre d’un Boris Eltsine désemparé qui se cherche
un successeur. Il profite de la reprise de la guerre en Tchétchénie en
septembre pour se poser en homme à poigne auprès d’une population russe
lasse du chaos qui s’est installé depuis la chute de l’URSS. Ce qui lui
permet, alors qu’il est président par intérim de la Fédération de Russie
depuis la démission d’Eltsine le 31 décembre 1999, d’être facilement élu
Président le 26 mars 2000. Réélu en mars 2004, après l’expiration de son
second mandat le 7 mai 2008, respectant formellement la constitution qui
lui interdit de briguer un troisième mandat consécutif, il devient derechef
Premier ministre du nouveau président Dimitri Medvedev, précédemment
son Premier ministre ! Arrivé au pouvoir dans un pays au statut
international dégradé et affaibli économiquement par la crise financière de
1998, déçu par l’attitude des Occidentaux, il surprend en se rapprochant
dans un premier temps de ces derniers. C'est qu’il juge que les
investissements et les transferts de technologies étrangers sont
indispensables à la restauration de la puissance de la Russie, et qu’elle est
trop faible pour pouvoir s’opposer ouvertement aux initiatives américaines
sans perdre la face. Ainsi, lorsque l’OTAN décide, en novembre 2002, de
continuer son élargissement à l’Est, notamment en incluant les pays Baltes,
ex-républiques soviétiques, ou lorsque, le 13 décembre 2001, les États-Unis
se retirent du traité anti-missiles balistiques (ABM), il marque sa
désapprobation mais affecte d’y voir « des erreurs mais pas des tragédies ».
Par ailleurs il multiplie les gestes de bonne volonté : ratification du traité
Start II le 14 avril 2000 puis, le 24 mai 2002, du traité SORT (Strategic
offensive reduction treaty), annonce, le 17 octobre 2000, de la fermeture des
deux dernières installations militaires que la Russie conservait hors du
territoire de l’ex-URSS : la station de surveillance électronique de Lourdes
(Cuba) et les bases militaires de Cam Ranh (Vietnam). Surtout, après les
attentats du 11 septembre 2001, V. Poutine apporte son soutien aux
Américains, notamment en leur permettant d’intervenir en Afghanistan
depuis des bases situées dans les ex-républiques soviétiques d’Ouzbékistan
et du Tadjikistan. Il en profite pour justifier a posteriori la guerre de
Tchétchénie en la présentant comme une contribution à la « guerre contre le
terrorisme ». Cette politique conciliante permet à V. Poutine d’enregistrer
d’autres succès, comme la création le 28 mai 2002 d’un nouveau Conseil
OTAN-Russie où, à la différence de la situation qui prévalait dans l’ancien
Conseil conjoint permanent Russie-OTAN créé à l’époque d’Eltsine, la
Russie dispose d’une voix égale à celle des autres membres sur neuf sujets
reconnus d’intérêt commun avec ses partenaires de l’OTAN, la
reconnaissance par les États-Unis en juin 2002 de la Russie comme
économie de marché, et son admission au G8 comme membre de plein
droit, enfin la mise en place, lors du sommet de Saint-Pétersbourg en mai
2003, d’un mécanisme de dialogue régulier entre la Russie et l’Union
européenne. Cependant, à partir de 2003, les relations entre les Occidentaux
et Poutine se tendent progressivement, car il pense ne pas en avoir obtenu
toutes les gratifications espérées : le partenariat avec les Américains reste
limité, ils semblent peu pressés d’honorer la promesse qu’ils lui avaient
faite de limiter dans le temps leur présence militaire en Asie centrale, les
négociations sur l’admission de la Russie à l’Organisation mondiale du
commerce (OMC) piétinent alors que, dans le même temps, la hausse du
prix du pétrole et surtout du gaz, dont la Russie est le premier exportateur
mondial, accroît ses ressources et ses moyens de pression sur ses voisins.
Une première phase de tension entre la Russie et les États-Unis se manifeste
début 2003 lorsque la Russie, la France et l’Allemagne cherchent à utiliser
l’ONU pour empêcher l’invasion de l’Irak par les États-Unis. Mais ce sont
les révolutions dites « de couleur » dans l’ex-URSS (la révolution des roses
en Géorgie en novembre 2003, et surtout la révolution orange en Ukraine
fin 2004) qui entraînent le raidissement de l’attitude de V. Poutine. L'arrivée
au pouvoir à Tbilissi et Kiev de dirigeants pro-occidentaux qui ne tardent
pas à solliciter l’admission de leurs pays dans l’OTAN marque l’incapacité
de la Russie à se présenter comme une force d’attraction dans son «
étranger proche » et font craindre à Poutine une déstabilisation interne de la
Fédération de Russie par un phénomène de contagion. Il prend alors des
mesures de rétorsion économique contre la Géorgie (interruption des
liaisons aériennes, maritimes et postales avec la Géorgie le 2 octobre 2006)
et l’Ukraine (interruption des livraisons de gaz russe à l’Ukraine en janvier
2006 pour la forcer à accepter de le payer au prix du marché mondial),
renforce ses liens avec la Chine, ménage les dirigeants de Téhéran en
refusant que le Conseil de sécurité de l’ONU ne vote des résolutions
impliquant des sanctions sévères contre l’Iran du fait de son programme
nucléaire. Il menace d’installer des missiles dans l’enclave russe de
Kaliningrad afin de neutraliser les éléments du bouclier anti-missiles que
les Américains, à partir de 2007, projettent d’installer en Pologne et en
République tchèque. Le 26 avril 2007, il annonce que la Russie appliquera
un moratoire sur le Traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE).
Du 7 au 12 août 2008, un conflit armé oppose la Russie à la Géorgie après
que les troupes géorgiennes ont tenté de reprendre le contrôle de la
république sécessionniste d’Ossétie du Sud que Moscou soutient depuis
l’éclatement de l’URSS. Vainqueur sur le terrain, V. Poutine accepte un plan
de cessez-le-feu proposé par l’Union européenne, puis reconnaît le 26 août
2008 l’indépendance des régions géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du
Sud, en arguant du précédent de la reconnaissance par les États-Unis et la
plupart des membres de l’Union européenne de l’indépendance
unilatéralement proclamée par le Kosovo le 17 février 2008... ce que la
Russie avait aussitôt condamné ! Ainsi, V. Poutine a pu démontrer que la
Russie avait retrouvé une certaine liberté d’action en politique étrangère,
mais en prenant le risque de dégrader ses relations avec ses voisins de l’ex-
Empire soviétique et l’ensemble des puissances occidentales, et alors que
son regain de puissance n’est dû pour l’essentiel qu’à ses exportations
d’hydrocarbures, et est donc tributaire des fluctuations de leurs prix.
AD

TINGUY Anne de (dir.), Moscou et le monde : l’ambition de la grandeur,


une illusion ?, Paris, Autrement, 2008.
YAKEMTCHOUK Romain, La politique étrangère de la Russie, Paris,
L'Harmattan, 2008.
→ ABM, ELTSINE, FCE, FSB, G7/G8/G20, HUSSEIN (SADDAM),
KGB, KOSOVO, OMC, OTAN, START

PRAGUE (COUP DE)

Le coup de Prague de février 1948, par lequel les communistes


tchécoslovaques de Klement Gottwald instaurent une dictature, constitue un
moment fort de la scission de l’Europe en deux blocs antagonistes. Par sa
situation géographique, la Tchécoslovaquie ne peut échapper à la
satellisation économique et politique des pays se trouvant dans la sphère
d’influence soviétique depuis 1945.
Si elle accueille les soldats de l’Armée rouge en libérateurs, conservant
un douloureux souvenir de Munich, la population n’opte pas pour autant
pour un régime communiste. Seul pays d’Europe de l’Est à expérimenter
avec succès la démocratie parlementaire durant l’entre-deux-guerres, la
Tchécoslovaquie organise des élections libres en 1946. Avec 38 % des voix,
le parti communiste prend la direction d’un gouvernement de coalition
tandis que le libéral Edvard Benès est réélu président de la République.
En réaction à l’annonce du plan Marshall, l’URSS accélère en 1947 sa
mainmise sur ses voisins. Elle les contraint à refuser l’aide américaine et
place leur parti communiste sous la tutelle idéologique du Kominform. À
Prague, cet alignement aggrave le malaise social et pousse les ministres
libéraux du cabinet à la dissidence. Malgré la résistance de Benès, qui doit
finalement démissionner au profit de Gottwald, et le suicide de Jan
Masaryk, la crise se solde en juin 1948 par l’exclusion des libéraux du
pouvoir, prélude à une épuration administrative. Suivi par le blocus de
Berlin, le « coup de Prague » suscite une prise de conscience en Occident et
favorise la création de l’Union de l’Europe occidentale puis de l’Alliance
atlantique.
FG

FEJTö François, Le Coup de Prague 1948, Le Seuil, 1976.


→ ALLIANCE ATLANTIQUE, BENÈS, BERLIN, GUERRE
FROIDE, KOMINFORM, MARSHALL (PLAN), MASARYK, UEO

PROCESSUS DE BARCELONE (EUROMED)

À l’initiative de l’Union européenne, douze pays méditerranéens


(Algérie, Maroc, Tunisie, Turquie, Chypre, Malte, Égypte, Jordanie, Liban,
Syrie, Israël et l’Autorité palestinienne) se sont engagés dans un partenariat
en novembre 1995. Ont rejoint le partenariat Euromed la Libye en 2004,
l’Albanie et la Mauritanie en 2007.
L’outil principal du Processus est l’accord d’association, qui doit être
multilatéral : c’est-à-dire que chaque État doit négocier avec tous les pays
de l’Union européenne et que chaque accord doit être ratifié par tous les
parlements, ce qui n’est pas sans provoquer des lenteurs.
Ce partenariat comporte plusieurs volets. Sur le plan économique, il vise
à créer un marché de libre-échange en 2010 et l’UE incite à un processus
d’intégration économique Sud-Sud : ainsi, le Processus d’Agadir a mis en
place, en 2004, un accord de libre-échange entre l’Égypte, la Jordanie, la
Tunisie et le Maroc ; sur le plan politique, les partenaires décident de
s’impliquer dans le processus de paix israélo-arabe, mais avec le
développement du terrorisme, des mesures de sécurité et de défense
nouvelles sont prises ; dans le domaine social et culturel, il vise à
développer les échanges dans trois directions avec Euromed Audiovisuel,
Euromed Héritage, Euromed Jeunesse, ainsi que la coopération
universitaire.
En mai 2007, le nouveau président français, Nicolas Sarkozy, a proposé
de construire une « Union méditerranéenne ». L’Union pour la Méditerranée
a vu le jour en juillet 2008 ; elle compte quarante-quatre membres : Algérie,
Autorité palestinienne, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Ligue arabe, Maroc,
Mauritanie, Syrie, Tunisie, Turquie, mais aussi Albanie, Bosnie-
Herzégovine, Croatie, Monaco, Monténégro, et les Vingt-Sept de l’Union
européenne.
Ch. M
ALIBONI Roberto, « 10 ans de dialogue politique et de sécurité au sein du
processus de Barcelone : une tentative d’évaluation », Géoéconomie, n° 35,
2005.
BERRAMDANE Abdelkhaleq (dir.), Le Partenariat euro-méditerranéen
à l’heure de l’élargissement de l’Union européenne, Karthala, 2005.
→ UE

PROLIFÉRATION/NON-PROLIFÉRATION/CONTRE-
PROLIFÉRATION

La politique de non-prolifération, qui a pour but d’arrêter, d’empêcher ou


de réduire la prolifération des armes et technologies de destruction massive,
est d’abord liée à la naissance de l’arme nucléaire.
Dans le cadre des négociations entreprises pour empêcher la prolifération
de l’arme nucléaire, l’ONU crée le 14 janvier 1946 une Commission de
l’énergie atomique. Les Américains y présentent le plan Baruch, du nom de
l’auteur de la proposition consistant à remettre à un organisme international
l’autorité pour le développement atomique, la propriété des mines
d’uranium et la mise en place d’un contrôle efficace, préalable à l’arrêt de la
production des bombes. Les Soviétiques repoussent le projet et préconisent
l’interdiction de l’usage de l’énergie atomique à des fins militaires et la
destruction des bombes existantes. Du coup, le débat est un enjeu de la
guerre froide. De fait, on distingue la prolifération horizontale (extension du
club nucléaire à de nouveaux membres) de la prolifération verticale
(amélioration et augmentation des arsenaux nucléaires des puissances déjà
pourvues de l’arme).
Sur le plan nucléaire, la prolifération a dans un premier temps concerné
les États ayant accédé à la capacité atomique militaire autres que les États-
Unis (1945), l’Union soviétique (1949), le Royaume-Uni (1951) et la
France (1960), malgré les efforts américains pour la dissuader d’acquérir la
bombe, puis la Chine populaire (1964).
À la suite de longues négociations indéfinies, est signé en juillet 1968 le
traité de non-prolifération (NPT : non proliferation treaty). Le TNP
présente une particularité puisqu’il reconnaît juridiquement l’existence de
cinq États dotés de l’arme nucléaire (Chine, États-Unis, France, Royaume-
Uni, URSS) alors que les 182 autres États signataires (seuls Israël, l’Inde, le
Pakistan et Cuba n’y adhèrent pas) s’engagent à ne pas l’acquérir. Il s’agit
de mettre un terme à la prolifération horizontale et d’établir un système de
sauvegarde sous l’égide de l’Agence internationale pour l’énergie atomique,
qui doit avoir un accès total aux programmes nucléaires civils des États non
nucléaires, y compris le droit de conduire des inspections périodiques de
leurs installations. Il s’agit enfin de maîtriser la prolifération verticale, en
enjoignant aux signataires de mettre un terme à la course aux armements.
L'article 7 encourage aussi à créer des régions dénucléarisées (en anglais :
nuclear-free zone). L’article 8 prévoit un examen tous les cinq ans des
progrès du régime de non-prolifération. Pas plus que le traité de Moscou
(juillet 1963) d’interdiction des essais nucléaires dans l’atmosphère, dans
l’eau, le traité de non-prolifération nucléaire (TNP) ne réussit à empêcher
Israël, l’Inde et le Pakistan d’accéder à l’atome militaire. Confrontés à ce
début de prolifération, les membres du Club créent en 1975 le Club de
Londres pour empêcher les fournisseurs d’exporter vers des pays à risques.
Le Brésil et l’Argentine renoncent en 1990, la République sud-africaine en
1991. D’autres puissances ont des visées nucléaires, ouvertes (Corée du
Nord, Irak) ou cachées (Iran, Algérie, Japon), malgré les pressions
américaines combinées avec les investigations de l’Agence internationale
pour l’énergie atomique. La désintégration rapide de l’Union soviétique
contribue à la prolifération par le biais des matières et des experts, que
l’Occident tente de contrer par des aides financières, l’assistance pour le
démantèlement, bien que la Biélorussie, le Kazakhstan et l’Ukraine
adhèrent au TNP et se déclarent non nucléaires.
À la différence de la convention sur les armes chimiques qui place tout le
monde sur le même pied, le traité de non-prolifération est vicié dans son
principe par la distinction entre États nucléaires et États non nucléaires. Il
est en outre entamé dans sa crédibilité par les révélations des failles du
système de contrôle (cf. le cas de l’Irak). Aussi bien, un protocole
additionnel est adopté en 1997, qui permet aux inspecteurs de l’AIEA de se
déplacer en dehors des installations nucléaires officiellement déclarées.
Plusieurs pays, signataires du TNP, refusent d’y souscrire, comme la Syrie
et l’Iran. Entré en vigueur en 1970 pour une période de vingt-cinq ans, le
TNP est prorogé en l’état en 1995 (la France y adhère en août 1992) pour
une période illimitée, en contrepartie de l’engagement pris par les États
nucléaires de ne pas s’en prendre aux autres, et éventuellement même de
leur porter secours s’ils sont attaqués.
La validité du TNP est mise en doute par la volonté de plusieurs États de
se doter d’armes nucléaires, favorisés en cela par le trafic illégal de réseaux
comme celui du père de la bombe pakistanaise, le Dr Khan. Si la Libye
renonce en décembre à son programme d’ADM et si celui de l’Irak est
démantelé par l’AIEA et par les inspections de l’UNS-COM (devenue
UNMOVIC), la Corée du Nord et l’Iran donnent du fil à retordre à la
communauté internationale, qui essaie de les dissuader par un mélange de
sanctions et d’incitations politiques et économiques. Mais ces pays se
jouent des règles internationales. En janvier 2003, la Corée du Nord
annonce son retrait du TNP et expérimente une arme nucléaire en octobre
2006. L'accord de février 2007 prévoit le démantèlement des installations
nucléaires nord-coréennes mais après les négociations sont au point mort.
Quant à l’Iran, malgré les tentatives des pays européens et les sanctions
prises par l’ONU, sa détermination à se doter d’une arme nucléaire est
indéniable. Commencé dès les années 1980, malgré son adhésion au TNP,
le programme iranien de matières fissiles est resté clandestin jusqu’en 2002.
Les efforts des États européens pour convaincre les Iraniens de mettre fin à
leur programme n’ont pas été suivis d’effet et l’arrivée au pouvoir du
président Mahmoud Ahmadinejad, en mai 2005, a accentué le caractère de
défi, d’où la transmission en février 2006 des manquements constatés par
l’AIEA au Conseil de sécurité, qui décide (décembre 2006-mars 2007) de
sanctions restées modestes en raison des réserves russes. L'incapacité de la
communauté internationale à stopper la prolifération des ADM est une
grosse menace pour la sécurité dans le monde, à laquelle tente de remédier
l’Initiative de sécurité contre la prolifération lancée en mai 2003 pour
intercepter les transferts d’ADM. Bien que l’Inde n’ait pas signé le TNP, les
États-Unis signent avec cet État un accord de coopération nucléaire.
La prolifération balistique constitue une menace bien plus grave dans
l’immédiat, en raison des qualités du missile : instable, polyvalent,
imprévisible et difficile à contrer. Seuls Américains et Soviétiques
possèdent des missiles anti-missiles, et les États-Unis restent seuls en
mesure d’y faire face à la suite de l’Initiative de défense stratégique (guerre
des étoiles de 1983), abandonnée au profit du GPALS (Global Protection
Against Limited Strikes). En 1987, les États occidentaux s’engagent à
limiter l’exportation de matériels et techniques sensibles en instituant le
régime de contrôle de la technologie des missiles (MTCR), convention qui
n’est pas toujours respectée, par l’achat aux producteurs principaux que
sont les États-Unis, l’Union soviétique et la Chine ou la fabrication
combinée au perfectionnement (augmentation de la portée et de la capacité
d’emport, plus grande précision). Car une quinzaine d’États (outre les
grandes puissances) possèdent des missiles de moyenne portée et peuvent y
avoir recours pour créer des effets de surprise. En 1988, pendant la guerre
Iran-Irak, quelque 800 missiles atteignent les populations des grandes
agglomérations. En novembre 2002, le code de conduite adopté à La Haye
contre la prolifération balistique n’est pas un instrument contraignant et
n’est même pas signé par l’Inde, le Pakistan, l’Iran, la Corée du Nord, Israël
et la Syrie.
La prolifération chimique. À la suite de la réprobation contre la guerre
des gaz au cours de la Grande Guerre, le Protocole de 1925 interdit l’emploi
des produits chimiques et bactériologiques. Cependant, les grandes
puissances n’en constituent pas moins des stocks importants, qui ne sont
pas utilisés durant la Seconde Guerre mondiale. En revanche, les armes
chimiques sont parfois employées dans des conflits régionaux ou des
guerres de décolonisation. La découverte des produits binaires (séparés et
inclus avant l’emploi) permet une fabrication plus rapide, un maniement
plus pratique et un stockage facile, au point que l’on peut parler de «
dissuasion du pauvre ». Au cours de la guerre Iran-Irak et de la guerre du
Golfe, les armes chimiques sont utilisées, et l’ONU détruit l’arsenal
chimique de l’Irak. Les événements encouragent la mise au point en 1993,
après des années de négociations, de la convention d’interdiction des armes
chimiques, qui en prohibe non seulement l’emploi mais aussi la production,
le stockage, la possession, l’exportation et en prévoit la destruction
automatique. La convention entre en vigueur en 1997.
MV
LABBÉ Marie-Hélène, La grande peur du nucléaire, Presses de Sciences-
Po, 2000.
LE GUELTE Georges, Les armes nucléaires, mythes et réalités, Acte
Sud, 2009.
→ AIEA, ARMES NUCLÉAIRES, DÉSARMEMENT, ÉTATS
VOYOUS, GOLFE (GUERRE DU), IRAN-IRAK (GUERRE), ONU

PROTOCOLE DE GENÈVE → DÉSARMEMENT


Q-R

QUEMOY ET MATSU

Ces deux îles sont, depuis 1949, le symbole de la division entre les deux
Chine, car elles sont contrôlées par Taiwan mais revendiquées par Pékin.
Des crises récurrentes, parfois violentes, ponctuent l’histoire de ces
territoires : des troupes communistes tentent en vain de prendre pied à
Quemoy, située à deux kilomètres de ses côtes, et à Matsu, plus éloignée,
dès l’automne 1949. La présence de la flotte américaine dans la région
pendant la guerre de Corée interdit à la RPC de faire une nouvelle tentative.
Mais dès 1954, les bombardements chinois reprennent et durent plusieurs
mois, sans que les Américains n’interviennent du fait de l’opposition de
leurs alliés qui ne veulent pas risquer une guerre plus importante.
Cependant, ces îles sont protégées par le traité de défense mutuelle signé en
1955 par les États-Unis et Taiwan.
Par la suite, les tensions relèvent davantage de la guerre psychologique et
de propagande, avant de trouver un certain apaisement : en 1922,
l’administration de Quemoy et Matsu passe sous l’autorité civile de Taiwan
alors qu’elles étaient jusqu’alors sous l’autorité militaire, et depuis 2001,
des liaisons maritimes directes sont établies entre ces deux îles et les ports
chinois.
Les tensions dont Quemoy et Matsu sont l’enjeu se rattachent bien à la
guerre froide.
Ch. M

SZONYI Michael, Cold war island : Quemoy on the front line, Cambridge
university press, 2008.
→ CHINE (PROBLÈME DES DEUX), GUERRE FROIDE, SINO-
SOVIÉTIQUE (CONFLIT)
RABIN Itzhak (1922-1995)

Sabra, c’est-à-dire né en Palestine sous mandat britannique, Itzhak Rabin


fait des études d’ingénieur agricole puis s’engage, dès 1940, dans le
Palmach, l’unité d’élite des forces paramilitaires organisée par la gauche du
mouvement sioniste (Haganah). En 1948-1949, il prend part à la guerre
entre le nouvel État d’Israël (proclamé le 14 mai 1948) et ses voisins
arabes, puis suit une brillante carrière militaire qui fait de lui le chef d’état-
major général d’une armée (1964) qu’il conduit à la victoire éclair de la
guerre des Six jours (1967).
Ambassadeur aux États-Unis (1968) dans une période cruciale après la
prise de distance de la France qui fournissait jusque-là l’essentiel des armes
à l’armée israélienne, il est élu député travailliste le 31 décembre 1973.
Entré le 13 mars 1974 comme ministre du Travail dans le dernier
gouvernement Golda Meir, il devient Premier ministre le 3 juin.
Malgré le succès du raid destiné à libérer les otages du vol Air France
Tel-Aviv-Paris détourné sur Entebbe en Ouganda (juillet 1976), le
gouvernement doit démissionner du fait de la crise du parti travailliste et
d’un scandale touchant le Premier ministre qui a illégalement conservé un
compte en banque aux États-Unis après 1973.
Le Likoud (droite) ayant largement remporté les élections législatives de
1977, I. Rabin doit attendre 1984 pour revenir au gouvernement, comme
ministre de la Défense, dans les cabinets d’union nationale dirigés par le
travailliste Shimon Peres (1984-1986) puis par le leader du Likoud Itzhak
Shamir (1986-1988 et 1988-1990).
Durant la première Intifada, il donne à l’armée des consignes de
répression brutale (« S'il le faut, brisez-leur les bras et les jambes »), mais le
pourrissement de la situation qui profite aux plus radicaux (Hamas, Jihad
islamique) et l’enlisement de la conférence de Madrid (1991) le
convainquent de la nécessité d’une issue politique négociée avec l’OLP.
Largement vainqueur des élections législatives de juin 1992, I. Rabin
constitue son deuxième gouvernement dans lequel il détient le portefeuille
de la Défense. Il fait lever l’interdiction des contacts avec l’OLP et confie à
son éternel rival au sein du parti travailliste, S. Peres, la tâche d’engager des
contacts secrets sur lesquels il conserve un étroit contrôle.
La signature des accords d’Oslo (13 septembre 1993) vaut à Rabin, Peres
et Yasser Arafat le prix Nobel de la paix 1994. L’installation d’une Autorité
palestinienne à Gaza et Jéricho entame un processus de paix israélo-
palestinien qui ouvre la voix à la signature du traité israélo-jordanien (26
octobre 1994). I. Rabin engage également, par l’entremise américaine, des
discussions avec la Syrie d’Hafez el-Assad et annonce qu’un éventuel
accord sur la restitution à celle-ci du plateau du Golan (occupé en 1967,
annexé en 1981) sera ratifié par référendum.
Victime d’une violente et haineuse campagne de la droite, I. Rabin est
assassiné par un étudiant en droit appartenant à la mouvance des sionistes
religieux, le 4 novembre 1995, à l’issue d’une vaste manifestation publique
en faveur de la paix organisée à Tel-Aviv.
OD

HOROVITZ David, The Jerusalem Reports, Rabin : Mission inachevée,


trad. L. Bergemer et N. Heriau, Paris, Bayard, 1996.
→ ARAFAT, ASSAD, INTIFADAS, MADRID (CONFÉRENCE DE),
MANDATS, MEIR, PERES, SIX JOURS (GUERRE DES)

RAPALLO (TRAITÉ DE)

Signé en marge de la conférence économique de Gênes, le 16 avril 1922,


le traité de Rapallo s’inscrit dans le cadre du rapprochement qui s’ébauche
au début des années 1920 entre deux États au ban de l’Europe pour des
raisons différentes : l’Allemagne vaincue et la Russie soviétique, sur la base
d’intérêts économiques et diplomatiques communs.
Réclamée par de larges courants de la droite issus des milieux d’affaires,
de l’armée (général von Seeckt) et de la Wilhelmstraße, favorisée par le
comte Brockdorff-Rantzau, ambassadeur du Reich à Moscou, l’orientation à
l’Est de la politique allemande répond au besoin de disposer d’une solution
de rechange vis-à-vis des puissances occidentales dont l’intransigeance au
sujet des réparations vient de se manifester lors des conférences de Londres.
C'est aussi, pour les cercles nationalistes, un moyen de pression afin
d’obtenir la rectification des frontières polonaises fixées par le traité de
Versailles. D’abord réticent, le ministre des Affaires étrangères allemand
Walther Rathenau, figure de proue du parti démocrate, se laisse finalement
convaincre de l’utilité de cette entente qui prévient le risque d’une alliance
anglo-franco-russe dans la question des réparations et redonne à
l’Allemagne une forme d’autonomie diplomatique face aux Alliés.
Simple accord de « liquidation et de normalisation » par lequel
l’Allemagne et la Russie soviétique renoncent à des réparations mutuelles,
l’Allemagne abandonnant toute prétention sur ses biens nationalisés en
Russie, le traité de Rapallo prévoit la reprise de relations diplomatiques
(c’est la première reconnaissance de l’URSS) et des échanges commerciaux
accrus entre les deux pays, qui en ressortent gagnants sur le plan
international. Par des clauses secrètes, l’URSS autorise l’armée allemande à
s’entraîner sur son territoire, à l’expérimentation d’armes interdites par le
traité de Versailles. Pour la France, ce traité symbolise la perte de l’alliance
de revers et la coalition de deux ennemis potentiels ; le camp occidental,
effrayé par l’éventualité d’une bolchevisation de l’Allemagne, croit y voir
le produit de tractations secrètes là où l’URSS est animée de considérations
économiques ; ainsi est né le mythe de Rapallo, vivace dans
l’historiographie.
FG

FINK Carole, FROHM Axel, HEIDEKING Jürgen (dir.), Genoa Rapallo


and european reconstruction in 1922, Cambridge UP, 1991. FRITSCH-
BOURNAZEL Renata, Le Mythe de Rapallo, Presses de la FNSP, 1974.
→ RÉARMEMENT DE L'ALLEMAGNE, RÉPARATIONS,
TRAITÉS DE PAIX

REAGAN Ronald (1911-2004)

Acteur avant la guerre, et même président du syndicat des acteurs


d’Hollywood (1947-1952), il participe aux purges anticommunistes de
l’époque du maccarthysme. Il adopte des idées de plus en plus
conservatrices et adhère au parti républicain (1962). Son talent de grand
communicateur lui permet d’être élu deux fois gouverneur de Californie
(1966 et 1970), puis de remporter les élections présidentielles de 1980
contre Jimmy Carter. Voulant rendre confiance aux Américains après les
humiliations du Vietnam et d’Iran, ne voyant dans la détente qu’une
dangereuse illusion, il veut affirmer la puissance des États-Unis («
l’Amérique est de retour ») et croit possible de faire reculer l’URSS, qu’il
qualifie d’« empire du mal ». Pour ce faire, il augmente massivement le
budget de la Défense et soutient toutes les guérillas anti-soviétiques
(Afghanistan, Angola, Cambodge, Nicaragua), mais il n’intervient
directement qu’à la Grenade (octobre 1983) et au Liban (1982-1983). Dans
la bataille des euromissiles, après le rejet par les Soviétiques de sa
proposition d’« option zéro », il fait installer les premières fusées Pershing
II en Allemagne fin 1983. Le 23 mars 1983, il annonce le lancement de
l’Initiative de défense stratégique (« guerre des étoiles »), projet de bouclier
spatial antimissile. Cette relance de la course aux armements contribue
effectivement à épuiser l’URSS. Après une facile réélection en 1984, il peut
engager le dialogue en position de force avec Mikhaïl Gorbatchev, et signe
avec lui le traité de Washington sur la destruction des euromissiles (8
décembre 1987). Ce succès explique en partie le rétablissement de la
popularité de Reagan après la révélation, début 1987, de l’affaire de
l’Irangate. Son vice-président George Bush lui succède en 1989.
AD

FISCHER Beth A., The Reagan reversal : foreign policy and the end of the
Cold War, Columbia, University of Missouri Press, 1997.
MELANDRI Pierre, Reagan, une biographie totale, Laffont, 1988.
→ AFGHANISTAN (GUERRES D’), BUSH (GEORGE),
CAMBODGE (CONFLIT DU), CARTER, EUROMISSILES,
GORBATCHEV, GRENADE (INTERVENTION DE), GUERRE DES
ÉTOILES, LIBAN (GUERRES DU), VIETNAM (GUERRE DU),
WASHINGTON (TRAITÉS DE)

RÉARMEMENT DE L’ALLEMAGNE
Afin d’en finir avec le militarisme prussien, le traité de Versailles impose
à l’Allemagne vaincue une armée de métier de 100 000 hommes (donc la
suppression de la conscription), l’interdiction de l’usage de l’artillerie
lourde, des chars, des sous-marins, et la démilitarisation de la rive gauche
du Rhin et d’une zone de 50 km sur la rive droite. Afin de faire admettre
cette diminutio capitis, les auteurs du traité précisent qu’il s’agit là d’un
prélude au désarmement général, un des objectifs fixés par la SDN. Or, au
cours des années 1920, Français et Britanniques ne réussissent pas à faire
avancer le dossier du désarmement : seul le désarmement naval progresse à
la conférence de Washington. Du coup, la République de Weimar, tout en
réarmant clandestinement grâce à la collaboration soviétique conclue à
Rapallo, a beau jeu de réclamer l’égalité des droits qu’elle obtient
finalement dans le cadre de la conférence du désarmement, en décembre
1932, ce qui n’empêche pas Hitler, une fois arrivé au pouvoir, de la quitter,
de lancer un vaste programme de réarmement, de proclamer le 16 mars
1935 le rétablissement du service militaire obligatoire et de remilitariser la
Rhénanie un an plus tard. L'absence de réaction des puissances signataires
du traité de Versailles est due à la politique d’appeasement poursuivie par
les Anglais et les Français.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne, ayant capitulé, n’a plus
d’armée, et les responsables de la nouvelle Allemagne de l’Ouest sont
divisés quant à l’idée du réarmement après le choc moral de la période
hitlérienne, de la guerre et de la défaite. C'est la guerre froide qui est à
l’origine du réarmement de l’Allemagne de l’Ouest. Les Américains
(déclaration de Dean Acheson du 12 septembre 1950) souhaitent que des
soldats allemands participent à la défense de l’Europe aux côtés des autres
membres de l’Alliance atlantique. Farouchement opposés à la renaissance
du militarisme allemand, les Français sont amenés à imaginer le projet
d’une armée européenne dans laquelle seraient intégrés des contingents
allemands, sans pour autant reconstituer une armée allemande. Le traité de
Communauté européenne de défense n’est finalement pas ratifié par la
France (août 1954), mais les accords de Londres autorisent le réarmement
allemand (sous réserve de l’interdiction des armes ABC, des fusées, des
gros navires de guerre) et la création de la Bundeswehr. En 1955,
l’Allemagne devient un membre à part entière de l’Alliance atlantique.
FG

BENNETT Edward W., German Rearmament and the West, 1932-1933,


Princeton University Press, Princeton, New Jersey, USA, 1979.
CASTELLAN Georges, Le réarmement clandestin du Reich (1930-1935),
Plon, 1954.
→ ACHESON, ALLIANCE ATLANTIQUE, APPEASEMENT,
CED, DÉSARMEMENT, GUERRE FROIDE, HITLER, RAPALLO
(TRAITÉ DE), SDN, TRAITÉS DE PAIX

RELIGION

Alors que certains le donnaient pour marginalisé sous le double coup des
progrès de la science et de la raison, le fait religieux imprègne toute
l’histoire du 20e siècle. Plus encore, à la fin des années 1970 marquées par
la révolution iranienne puis par l’effondrement du bloc soviétique, les
clivages entre religions participent à l’apparition de nouveaux conflits
internationaux.
Au début du siècle, la « question orientale » (libertés religieuses et
civiques des minorités chrétiennes au sein de l’Empire ottoman) préoccupe
les grandes puissances européennes. Chacune se veut « protectrice » de ces
minorités, avec pour objectif une nette expansion territoriale et des
protectorats en Afrique du Nord, au Proche-Orient et dans les Balkans (voir
guerre de 1912). Le colonialisme est ainsi motivé par l’évangélisation des
peuples « sauvages » d’Afrique et d’Asie. Les Églises et des mouvements
populaires partout en Europe et en Amérique du Nord soutiennent cette
politique.
À partir de la révolution bolchevique de 1917, le refus du communisme
et l’hostilité envers l’Union soviétique viennent en grande partie du rejet de
son athéisme violent et souvent meurtrier. Dans les années 1960, des
changements socioculturels en Europe qui tendent à réduire l’influence des
cultes (sécularisation, effacement des Églises du domaine public) rendent
possible une politique de détente tandis que le communisme léniniste gagne
du terrain en Amérique latine (Cuba, Nicaragua, Mexique). Le monde
musulman, lui, résiste très largement au communisme, sauf dans les États
laïques (Égypte, Syrie, Irak) qui acceptent des alliances avec Moscou.
Après la décolonisation en Afrique et en Asie, les Églises chrétiennes
assurent un lien entre les nouveaux États souverains et le vieux monde,
même si les colons blancs sont expulsés et les relations économiques et
administratives rompues.
La religion est souvent au cœur du séparatisme : séparation de l’Irlande
catholique de l’Angleterre protestante en 1921 ; partition de l’Inde
britannique en deux États, l’Inde majoritairement hindouiste et le Pakistan
musulman ; formation de l’État d’Israël en 1948 « État hébreu » par rapport
aux Palestiniens musulmans. Elle est souvent aussi prétexte à des
exactions : expulsions de populations, nettoyages ethniques ou même
génocides de minorités (Arménie en 1915, antisémitisme, shoah hitlérienne
en 1939-1945, guerres en ex-Yougoslavie entre 1992 et 1999, persécutions
des populations chrétiennes au Nigeria pendant la guerre du Biafra et au
Soudan).
La religion sert également à forcer l’union dans les conflits
internationaux : crise du pétrole après la guerre des Six jours en 1973,
soutien apporté aux organisations palestiniennes par le monde arabe,
soutien aux musulmans du Cachemire, au Tibet bouddhiste. Les diasporas
politiques sont souvent portées aussi par des questions éthiques et des
convictions religieuses.
La plupart des forces religieuses agissent sans disposer d’une
organisation vraiment centralisée. Le monde musulman est fortement divisé
entre courants sunnite, chiite et soufisme, entre autres, sans avoir de
structure hiérarchique ni bureaucratique. Les Églises chrétiennes reposent
en général sur une organisation solide, sauf pour le protestantisme « libre »,
mais elles sont trop étroitement liées aux États pour mener une politique
extérieure vraiment indépendante. Ceci est surtout vrai pour l’orthodoxie et
les grands ensembles protestants comme l’Église anglicane qui reconnaît
l’autorité suprême de la reine d’Angleterre. L'Église catholique, dirigée par
un État souverain (le Saint-Siège à Rome), est une exception. Son
souverain, le pape, est tout à la fois chef d’État et autorité spirituelle en sa
qualité d’évêque de Rome. Même s’il ne dispose plus de divisions armées,
comme le remarquait Staline, son influence politique au niveau mondial
reste considérable. Il se prononce sur les changements sociaux et culturels
qui touchent États et sociétés (divorce, contraception, enseignement,
doctrine économique, rôle des femmes…) ainsi que sur les conflits
interétatiques (impérialisme soviétique en Europe, troubles du Moyen-
Orient, politique nucléaire, guerre d’Irak de 2003 par exemple). Le pape Pie
XII a même été critiqué pour n’avoir pas lutté plus ouvertement contre le
nazisme et n’avoir pas fait assez pour sauver des Juifs. Jean-Paul II a été
applaudi pour son soutien appuyé aux mouvements syndicalistes et des
droits de l’homme en URSS, notamment en Pologne. Beaucoup ont vu dans
l’action de ce pape polonais le déclic qui précipita l’effritement du bloc
communiste. Tous les papes ont essuyé des critiques sévères pour leur refus
d’autoriser des moyens physiques de contrôle de la surpopulation mondiale
mais aussi pour leur condamnation du socialisme et de la lutte contre les «
Yankees » en Amérique latine (théologie de la libération).
La révolution iranienne (1979) de l’ayatollah Khomeiny donne un nouvel
élan à l’islamisme, vu comme ordonnancement religieux de la vie politique,
économique et personnelle fondé sur une seule loi, la charia. L’ayatollah
Khomeiny lui-même ne prône pas le retour à une vie archaïque dont la
science et les techniques modernes seraient absentes. Il veut avant tout
arrêter le progrès du nihilisme spirituel tel qu’il pense le voir à l’œuvre dans
le monde occidental. À ses yeux, il n’y a aucune incompatibilité entre la
charia, la télévision, les avions et les armes militaires les plus sophistiquées.
Un islamisme plus radical a depuis bouleversé le monde musulman,
surtout en Afghanistan et au Pakistan. Les monarchies du pétrole et les
républiques laïques (Syrie, Égypte, Algérie et d’autres encore) sont
maintenant soumises à une forte pression islamiste organisée par les « frères
musulmans » ou par Al Qaïda. Les luttes sanglantes entre le Hamas et le
Fatah, chacun soutenu de l’extérieur (aide financière, armes, appuis
diplomatiques) sont révélatrices de cette évolution. Le Liban représente un
mélange unique de tensions religieuses et ethniques, relayées par des
diasporas importantes et des partenaires étatiques (Syrie, Israël, France,
États-Unis).
Après la guerre des Six jours de 1967, la solidarité musulmane joue un
rôle dans la crise pétrolière qui consiste à punir les amis de « l’agresseur
hébreu », surtout les USA et l’Europe occidentale. La « finance islamique »
s’insère au monde de la finance globale (prêts sans intérêts mais profits
ajoutés au prix de vente). La « bombe islamique » existe déjà au Pakistan.
Que l’Iran persiste à la réclamer comme un droit naturel depuis plusieurs
années représente une source de fortes tensions avec les États-Unis mais
aussi avec tous les États qui défendent une politique de non-prolifération
stricte.
L’Occident réagit de façon différenciée face à ce retour du religieux. Aux
États-Unis où le discours religieux n’a jamais été absent comme
justification de l’action individuelle et collective, des convictions
religieuses servent d’argument à l’administration Bush pour étayer ses
initiatives internationales. En comparaison, la « vieille Europe » laïque,
sinon athéiste, semble plus hermétique à cette nouvelle pensée religieuse
mais elle n’en respecte pas moins le sacré, lui conférant un caractère
inviolable et absolu. Ce qui ne va pas sans ambiguïté ni faiblesse face à des
actes prétendument religieux et qui ne sont parfois que l’expression de
doctrines idéologiques.
Les communautés religieuses les plus nombreuses aujourd’hui sont le
christianisme (2,2 milliards de fidèles), l’islam (1,4 milliard), l’hindouisme
(890 millions), et le bouddhisme (380 millions). Afin de transformer les
religions en force de la paix, certains s’efforcent de régler leurs conflits
internes. Au sein du christianisme, des initiatives œcuméniques cherchent à
réduire les tensions entre l’Église catholique et les Églises protestantes et
orthodoxes. Le « dialogue des religions » s’appuie sur une volonté de
coopération entre les trois grandes religions monothéistes (judaïsme, islam,
christianisme), parfois énoncée par les autorités spirituelles elles-mêmes.
D’autres encore préconisent de se pencher sur les motifs plus profonds qui
pourraient expliquer pourquoi des foules se tournent en masse vers la
religion : pauvreté, injustice, corruption, peur, illettrisme…
FG

ALBRIGHT Madeleine, Dieu, l’Amérique et le monde, Paris, Salvator,


2008.
DURIEZ Bruno, MABILLE François, ROUSSELET Kathy (dir.), Les
ONG confessionnelles : religions et action internationale, Paris,
L’Harmattan, 2007.
→ AL QAïDA, ARMÉNIEN (GÉNOCIDE), BALKANIQUES
(GUERRES), BIAFRA, BUSH (GEORGE W.), DÉCOLONISATION,
GÉNOCIDE, ISLAMISME, JEAN-PAUL II, KHOMEINY, SIX
JOURS (GUERRE DES), TIBET (CONFLIT DU)

RENSEIGNEMENT

La place et le rôle du renseignement dans le domaine des relations


internationales sont indéniables.
Sans considérer les diplomates comme des espions autorisés, il est
évident que l’une de leurs missions consiste à informer leur gouvernement,
donc à se renseigner sur l’État où ils sont accrédités, et les limites entre le
licite et l’illicite sont ténues. Ensuite, les agents qui se livrent à
l’espionnage le font parfois sous couvert de l’ambassade, sans appartenir à
la carrière diplomatique. C'est en particulier le cas des adjoints aux attachés
militaires.
Au 20e siècle, les guerres mondiales ont favorisé le développement des
moyens et des réseaux d’espionnage (le déchiffrement d’Enigma a peut-être
raccourci la durée de la Seconde Guerre mondiale) mais, avec la guerre
froide, même en temps de paix, le renseignement a connu un fantastique
développement, en rapport avec le secret entourant la mise au point des
armes nucléaires et des vecteurs suscitant des tensions renouvelées entre
l’Union soviétique et les États-Unis (affaire Rosenberg). La guerre froide
voit se développer de nouvelles formes d’espionnage, adaptées aux
nouvelles technologies, qui ont eu des répercussions sur les relations
internationales, comme l’avion-espion U2 (qui survole l’Union soviétique
en 1960 et provoque l’échec de la conférence au sommet de Paris de mai
1960, et celui qui repère les rampes de lancement de missiles soviétiques à
Cuba en 1962), de même que les satellites espions, les AWACS, et le réseau
d’écoute anglo-saxon Echelon, machine d’interception, d’écoute et de
décryptage des communications articulée sur 120 satellites d’observation.
Les nouvelles formes de renseignement sigint (signal intelligence), elint
(electronic intelligence) n’ont pas rendu inutile l’humint (human
intelligence) – c’est-à-dire l’espionnage. Pourtant, les efforts considérables
consacrés au renseignement n’ont pas évité de graves échecs dans la
prévision, les cas les plus fameux étant la guerre du Kippour (1973) et celle
des Malouines (1982).
MV

AUMALE Geofroy (d’), FAURE Jean-Pierre, Guide de l’espionnage, Le


Cherche-Midi, 1998.
FORCADE Olivier, LAURENT Sébastien, Secrets d’État. Pouvoir et
renseignement dans le monde contemporain, Armand Colin, 2005.
Questions internationales, n° 35, janvier-février 2009.
→ ARMES NUCLÉAIRES, CIA, CUBA (CRISE DE), GUERRE
FROIDE, KGB/FSB, KIPPOUR (GUERRE DU), MALOUINES
(GUERRE DES)

RÉPARATIONS

Aux termes du traité de Versailles, l’Allemagne doit verser des


réparations de guerre dont le montant correspond aux dommages causés ; la
conférence de Spa en détermine la répartition entre les vainqueurs. Elles se
montent à 132 milliards de marks-or, payables en dollars sur plusieurs
décennies. L'Allemagne fait un premier versement en 1921 et demande
aussitôt un moratoire à cause de l’effondrement du mark. Les relations
franco-allemandes se tendent et, en 1923, Raymond Poincaré, président du
Conseil, envoie les troupes françaises occuper la Ruhr pour non-paiement.
Après l’arrivée de Gustav Stresemann au ministère des Affaires étrangères,
une conférence internationale est convoquée à Londres pour régler la
question. Le banquier américain Charles Dawes établit un plan aux termes
duquel les réparations sont fixées en fonction des capacités de paiement de
l’Allemagne et non plus d’après la valeur des destructions ; les annuités
sont déterminées en liaison avec le redémarrage de son économie. Le plan
Dawes est une réussite diplomatique – la Ruhr est évacuée –, et économique
– les crédits américains permettent de gager le Reichsmark créé en 1924 et
de relancer l’industrie. Sur l’ensemble des paiements à la France, les deux
tiers sont constitués de prestations en nature.
Les Anglais et les Français veulent lier les réparations à leurs dettes
envers les États-Unis et l’Allemagne veut alléger ses versements. Aussi une
nouvelle conférence est-elle réunie au début de 1929, sous la présidence de
l’américain Owen Young. À l’initiative de Schacht, ministre des Finances
allemand, est créée la Banque des règlements internationaux dont le capital
est détenu par les banques centrales des pays membres ; elle doit
coordonner les versements prévus par le plan Young jusqu’en 1988 et se
substitue à la Commission des réparations. La question relève désormais du
domaine financier et non plus politique.
La grande dépression des années 1930 provoque l’effondrement de ce
plan ainsi que celui de toutes les tentatives de coopération internationale en
matière monétaire. Le moratoire Hoover, proposé par le président des États-
Unis à la conférence de Lausanne en 1932 suspend, et en fait supprime
définitivement, le versement des réparations, mais les États-Unis refusent
d’associer à ce moratoire les dettes de guerre dues par les Anglais et les
Français. L’Allemagne a versé 23 milliards de Reichsmarks, sans que son
économie ait été gênée.
FG

BARIETY Jacques, Les relations franco-allemandes après la Première


Guerre mondiale, Pedone, 1977.
→ DETTES DE GUERRE, HOOVER, POINCARÉ, RUHR,
STRESEMANN, TRAITÉS DE PAIX

REPRÉSAILLES MASSIVES

Cette doctrine d’emploi des armes nucléaires est adoptée dans le cadre du
New Look, à l’instigation de l’amiral Radford. Les États-Unis n’ont plus le
monopole de l’arme atomique et la guerre de Corée apparaît comme le
modèle d’une guerre limitée mais meurtrière, impopulaire et inefficace.
Réfugiés dans le sanctuaire mandchou, les Chinois sont hors d’atteinte.
L'arme atomique ne permettrait-elle pas d’imposer sa volonté à moindres
frais, à condition de ne pas limiter les représailles à un seul territoire ? Les
républicains adoptent, en 1953, la nouvelle stratégie qui se résume par trois
formules : représailles massives (massive retaliation), riposte immédiate
(instant retaliation), pas de sanctuaire (no sheltering). À toute attaque, les
États-Unis ont donc l’intention de répondre immédiatement par l’arme
atomique. Ainsi estiment-ils obtenir le maximum de sécurité au coût le
moins élevé.
À cette stratégie, qui apparaît bientôt comme irréaliste, est substituée la
doctrine de la riposte graduée, avancée du temps de l’administration
Kennedy, mais adoptée par l’OTAN en 1967, en raison de l’opposition
française. Cette stratégie vise à proportionner la riposte à la menace et à
l’enjeu, suivant une escalade savante allant du conflit conventionnel à la
guerre nucléaire. Elle implique donc la possession d’une panoplie complète
d’armes, et en particulier le renforcement des forces conventionnelles chez
les Américains et surtout chez leurs alliés.
MV

→ ARMES NUCLÉAIRES, CORÉE (GUERRE DE), KENNEDY,


NEW LOOK, OTAN

RIBBENTROP Joachim (1893-1946)

Ce ministre des Affaires étrangères du IIIe Reich adhère au parti nazi


tardivement (1932), plus par opportunisme et sous l’influence de sa femme
que par conviction personnelle. Joachim Ribbentrop épouse au sortir de la
Grande Guerre la fille du riche producteur de champagne Henkell et se
lance avec succès dans le négoce international des vins et spiritueux. En
janvier 1933, il facilite par hasard l’accession d’Hitler au pouvoir en jouant
de ses relations.
Dès lors, Hitler décide de sa carrière politique, lui confie des missions
diplomatiques spéciales et le nomme même ambassadeur à Londres en
1936. Ne parvenant pas à conclure d’alliance avec la Grande-Bretagne qui
laisse à l’Allemagne le champ libre pour la réalisation de ses projets
expansionnistes en Europe de l’Est, Ribbentrop développe une anglophobie
prononcée. À la surprise générale, Hitler le propulse en 1938 ministre des
Affaires étrangères, plus pour sa soumission inconditionnelle à sa personne
que pour ses capacités politiques. Après avoir conduit à leur terme les
pourparlers germano-soviétiques qui aboutissent au pacte Molotov-
Ribbentrop, il décide Hitler à attaquer la Pologne à l’été 1939 en le
persuadant que Londres n’interviendra pas. À la Wilhelmsstrasse,
Ribbentrop devient l’artisan d’une politique de force qui, du pacte d’Acier
au pacte germano-soviétique, conduit à la guerre. Jusqu’à la fin, devant le
tribunal de Nuremberg qui le condamne à mort pour son rôle dans le
déclenchement et la conduite du conflit, comme pour sa participation aux
déportations de populations civiles des territoires occupés, il reste fidèle au
Führer.
FG
BLOCH Michael, Ribbentrop, Plon, 1996.
→ HITLER, MOLOTOV, NUREMBERG (TRIBUNAL DE)

RIDEAU DE FER

Si Winston Churchill forge, dès le 12 mai 1945, dans un télégramme


secret au président Truman la formule de rideau de fer pour désigner la
division hermétique qui s’opère sur le front entre l’Europe de l’Ouest et de
l’Est, c’est en simple parlementaire et leader du parti conservateur qu’il la
reprend en public le 5 mars 1946 dans un discours prononcé en présence de
Truman à Fulton (Missouri) devant les étudiants de Westminster College.
Délivré à l’approbation des autorités américaines, ce « discours de Fulton »
constitue un choc politique et est généralement considéré comme l’un des
coups d’envoi de la guerre froide : « De Stettin sur la Baltique à Trieste sur
l’Adriatique, un rideau de fer s’est abattu sur le continent. Derrière cette
ligne sont les capitales des anciens États d’Europe centrale et de l’Est […].
Les gouvernements policiers y prévalent dans presque tous les cas, et
jusqu’à présent, excepté en Tchécoslovaquie, il n’y a pas de vraie
démocratie. » Que Churchill lance ainsi la guerre froide ou qu’il dresse un
simple constat, selon la position que l’on adopte dans le débat sur les
origines de la guerre froide, l’expression est lourde de conséquences. Le
coup de Prague, le 25 février 1948, qui inquiète vivement les Occidentaux,
vient achever ce partage en faisant basculer la Tchécoslovaquie dans le
camp soviétique. Derrière ce rideau de fer, seules la Yougoslavie (certes
communiste, mais où Tito s’oppose à Staline) et la Finlande ne tombent pas
sous la coupe soviétique. Cette dernière obtient en 1948, par un traité russo-
finlandais de coopération et d’assistance mutuelle, sa liberté intérieure et le
maintien de la démocratie contre une neutralité absolue, en fait une
subordination diplomatique aux désirs de l’URSS connue sous le nom de «
finlandisation ». Partageant l’Europe en deux systèmes politiques,
économiques et sociaux, le rideau de fer, frontière idéologique invisible
d’abord, se matérialise vite par des barbelés et des postes de garde, le
paroxysme en étant atteint avec l’édification du mur de Berlin dans la nuit
du 12 au 13 août 1961. Incarnant presque la guerre froide à elle seule, la
formule de rideau de fer se décline, avec l’évolution de celle-ci et son
déplacement en Asie, en « rideau de bambou ». Avec l’ouverture de la
frontière austro-hongroise en mai 1989, première brèche, suivie de la chute
du mur de Berlin en novembre, c’est la fin du rideau de fer et de la guerre
froide.
PMD

HARBUTT Frase, The Iron Curtain : Churchill, America and the origins of
the Cold War, Oxford University Press, New York, 1986.
→ BERLIN, CHURCHILL, GUERRE FROIDE, PRAGUE (COUP
DE), STALINE, TITO, YALTA (CONFÉRENCE DE)

RIF (GUERRE DU) (1921-1926)

Le Rif, région montagneuse au nord du Maroc, bordant la Méditerranée,


est séparé de l’Espagne par le détroit de Gibraltar. Le traité de Protectorat
du 30 mars 1912 partage le Maroc entre la France et l’Espagne qui reçoit, le
27 novembre 1912, une zone d’influence au nord (le Rif ) et au sud
(Tarfaya, Ifni). Début juin 1921, les tribus montagnardes riffaines, unifiées
et regroupées autour d’Abd el Krim, ancien cadi (juge) de Melilla,
s’opposent à la pénétration européenne, se rebellent contre les Espagnols
commandés par le général Sylvestre, qui subissent une terrible défaite à
Anoual, le 21 juillet 1921, et se replient sur Tétouan. Profitant de ce succès,
Abd el Krim renforce son pouvoir, proclame, au début de 1923, une
République du Rif indépendante, regroupant les tribus confédérées de la
zone espagnole. Le 12 avril 1925, son armée attaque les postes français du
Maroc, s’élance en direction de Fès, menace Taza, l’accès à l’Algérie et la
présence française. Le maréchal Lyautey, résident général de France au
Maroc, refuse d’évacuer Taza mais, partisan d’une action diplomatique, il
demande au gouvernement français de reconnaître l’indépendance du Rif.
Le gouvernement Painlevé ne le suit pas et, en juillet 1925, envoie des
renforts placés sous le commandement du maréchal Pétain, commandant en
chef désigné des armées françaises, entraînant la démission de Lyautey le
25 septembre 1925. Une contre-offensive des Français au sud, et des
Espagnols au nord aboutit au printemps de 1926 à la capitulation d’Abd el
Krim, qui se rend à la France le 27 mai. La guerre du Rif entraîne des
réactions en chaîne au Maroc, en France, en Espagne, en Turquie, en URSS
et jusqu’en Extrême-Orient : Abd el Krim joue le rôle de précurseur
révolutionnaire, luttant pour l’indépendance, contre le colonialisme. En
France même, il suscite une vague de solidarité rassemblant les
communistes (l’un des enjeux du congrès de Tours de décembre 1920 est la
condamnation du colonialisme), les socialistes, les anarchistes et les
écrivains surréalistes. Le 14 mai 1925, le PCF crée un comité d’action
contre la guerre du Rif ; le 12 octobre, à l’appel de la CGTU et de la CGT,
900 000 travailleurs français font la grève contre cette guerre coloniale et
contre les impôts, précipitant la désagrégation du Cartel des Gauches.
L’insurrection du Rif prélude au grand mouvement d’émancipation des
peuples colonisés de la seconde moitié du 20e siècle.
CB

AYACHE Germain, La guerre du Rif, L'Harmattan, 1996.


→ IMPÉRIALISME, PÉTAIN

ROME (TRAITÉS DE, 1957)


Après la conférence de Messine (1er-3 juin 1955) qui marque la relance de
la construction européenne après l’échec de la CED, une conférence
intergouvernementale des Six aboutit au rapport Spaak proposant la
création de deux communautés ; la Communauté européenne de l’énergie
atomique (CEAA) ou Euratom, et la Communauté économique européenne
(CEE) ; les deux traités sont signés à Rome, au Palais du Capitole le 25
mars 1957, sans limitation de durée ni possibilité de retrait. Le siège des
Communautés est à Bruxelles.
Alors que l’Europe manque cruellement de pétrole, elle doit développer
l’énergie nucléaire et encourager la recherche : c’est la mission d’Euratom.
Le traité de la CEE prévoit la mise en œuvre de la liberté de circulation des
capitaux, des marchandises, de la main-d’œuvre avec l’élimination
progressive des droits de douane intracommunautaires et fixe les règles de
bases en vue d’une concurrence loyale. Il n’est pas question de politique
économique ni de politique monétaire communes. Une coopération est
envisagée pour améliorer les conditions de vie et de travail, un Fonds social
européen (FSE) doit financer, avec les États, la reconversion des chômeurs
de longue durée. La Banque européenne d’investissement (BEI) peut
accorder des prêts pour stimuler le développement des régions ou des
secteurs défavorisés. Le budget de la CEE est constitué des contributions
des États membres, mais il peut être alimenté par des ressources propres.
Les institutions, qui entrent en vigueur dès le 1er janvier 1958, après une
ratification rapide des traités, reprennent une partie du schéma de la CECA :
la Cour de justice et l’Assemblée parlementaire sont compétentes pour les
deux nouvelles Communautés. L'Assemblée de Strasbourg est composée de
142 membres délégués des parlements nationaux jusqu’en 1979. Mais, à la
différence de la CECA, la supranationalité est limitée : à la Haute Autorité
sont substitués une Commission dont les membres, nommés par les
gouvernements pour quatre ans, ne les représentent pas, et un Conseil des
ministres présidé à tour de rôle par chacun des membres, pendant six mois,
qui prend les décisions exécutées par la Commission. Les commissaires ont
un rôle de proposition et d’incitation.
De plus, l’unanimité des voix du Conseil est requise pendant un délai de
six ans. Mais il prend les décisions à la majorité dans un nombre de plus en
plus fréquent de cas pour leur mise en œuvre, sauf pour l’admission d’un
nouveau membre ou l’association d’un pays tiers. Le vote majoritaire est
pondéré en fonction de la puissance des États (Allemagne, France, Italie ont
quatre voix ; Belgique et Pays-Bas en disposent de deux et le Luxembourg
d’une seule ; la majorité qualifiée est fixée à douze sur dix-sept).
Le traité fixe le calendrier de la libéralisation des échanges sur une
période transitoire de douze ans divisée en étapes, en fait l’union douanière
est achevée dès le 1er janvier 1968, un an plus tôt que prévu.
Le traité de Rome II, qui établit une constitution européenne, est signé à
Rome en 2004 par les Vingt-Cinq membres ; il devait entrer en vigueur en
2006, mais n’a pas été ratifié par les Français et les Néerlandais. C’est de
son échec qu’est issu le traité simplifié de Lisbonne.
Ch. M

LIVI Bino, GIACONE Alessandro, L'Europe difficile : histoire politique de


la construction européenne, Gallimard, 2007.
SERRA Enrico (ed.), La relance européenne et les traités de Rome,
Bruylant, 1989. www.ena/lu
→ CECA, CEEA, CEE, UE (INSTITUTIONS EUROPÉENNES,
TRAITÉS DE L’)

ROME-BERLIN (AXE)

C’est le nom donné par Mussolini au protocole d’amitié germano-italien


signé le 23 octobre 1936 par le comte Ciano, son gendre et ministre des
Affaires étrangères, et Hitler. Cette entente, qui confine les intérêts italiens à
l’aire méditerranéenne et oriente ceux de l’Allemagne vers l’Europe de
l’Est, se veut un moyen de pression sur l’Angleterre afin de la gagner aux
revendications des deux États. Il s’agit d’un revirement majeur car, jusqu’à
son attaque de l’Éthiopie (1935), l’Italie observe une attitude de neutralité
entre les démocraties occidentales et l’Allemagne nazie, en bloquant
notamment la première tentative d’Anschluss en 1934.
L'embargo imposé à l’Italie par la SDN pendant la guerre éthiopienne
favorise le rapprochement Rome-Berlin : l’Allemagne, qui procure à
l’agresseur une aide économique, est la première à reconnaître l’annexion
de l’Éthiopie à l’été 1936. Face à l’inertie des puissances occidentales lors
de la remilitarisation de la Rhénanie décidée par Hitler la même année en
violation du traité de Versailles, Mussolini mesure de quel côté penche
désormais le rapport de forces en Europe.
Si l’intervention conjointe du IIIe Reich et de l’Italie dans la guerre
d’Espagne et leur complicité à Munich s’avèrent décisives pour la
consolidation de l’Axe, l’introduction en Italie, en 1938, de lois racistes
calquées sur le modèle nazi n’en est pas moins importante, marquant la
convergence idéologique de deux totalitarismes. Cette collaboration
culmine avec la signature en 1939 d’une alliance militaire, le pacte d’Acier.
FG

BLOCH Charles, Le IIIe Reich et le monde, Imprimerie nationale, 1986.


→ ANSCHLUSS, EMBARGO, ESPAGNE (GUERRE D’),
ÉTHIOPIE (GUERRE D’), HITLER, MUNICH (CONFÉRENCE DE),
MUSSOLINI, SDN, TRAITÉS DE PAIX

ROOSEVELT Franklin Delano (1882-1945)

Apparenté au président Theodore Roosevelt, avocat, il est élu sénateur


démocrate (1910). En 1912, il soutient la candidature de Woodrow Wilson,
qui, élu président, en fait son secrétaire adjoint à la Marine (1913-1920).
Victime, en 1921, de la poliomyélite, il surmonte son handicap et devient
gouverneur de l’État de New York (1929-1932). Élu président des États-
Unis en 1932, il est réélu en 1936, 1940 et 1944. Malgré l’aggravation de la
situation internationale, il se résigne à une politique isolationniste, tout en
cherchant à faire évoluer l’opinion et le Congrès. En octobre 1937, suite à
l’attaque japonaise contre la Chine, il propose la « mise en quarantaine »
des États agresseurs. En octobre 1939, il fait amender les lois de neutralité,
votées par le Congrès en 1934-1935, dans un sens favorable à la France et à
l’Angleterre. Il refuse d’entrer en guerre à leurs côtés mais, après la défaite
de la France, il s’efforce d’aider directement les Britanniques par le vote de
la loi du prêt-bail (mars 1941) et par la conclusion de la charte de
l’Atlantique (août 1941). Très méfiant à l’égard de De Gaulle, il maintient
les contacts avec Vichy avant d’accepter, en novembre 1942, de traiter avec
l’amiral Darlan et de tenter d’imposer le général Giraud. S'intéressant dès
1940 à la possibilité de produire des armes atomiques, il lance en 1942 le
projet Manhattan. À l’automne 1940, il prend des mesures d’embargo
contre le Japon, refusant ainsi son expansionnisme en Asie. Après l’attaque
sur Pearl Harbor (7 décembre 1941), Roosevelt entre en guerre ; il impose
l’idée d’une reddition sans conditions de l’Allemagne et du Japon (janvier
1943) et, tenant à l’écart son secrétaire d’État Cordell Hull, conduit lui-
même la diplomatie des États-Unis en multipliant les contacts, directs ou
par des émissaires personnels tel son ambassadeur à Moscou Averell
Harriman, avec les hommes d’État étrangers. Il s’efforce de renforcer le
special relashionship anglo-américain et les liens avec l’URSS. En espérant
pouvoir prolonger la « grande alliance » après-guerre par un système de
sécurité collective, s’inspirant de la charte de l’Atlantique, dans lequel les
États-Unis, l’URSS l’Angleterre et, peut-être, la Chine de Tchang Kaï-chek
doivent jouer un rôle prépondérant. Il en fait adopter le principe lors des
conférences de Dumbarton Oaks (août-octobre 1944). Par contre, comme il
le signifie à Churchill à la conférence de Québec (11-15 septembre 1944), il
repousse l’idée d’un nouveau partage du monde. Pour l’éviter, Roosevelt
cherche à empêcher un retour de l’Angleterre à une diplomatie
traditionnelle, et montre une relative compréhension aux demandes de
Staline, notamment au sujet de la Pologne (conférence de Yalta, février
1945), malgré un raidissement dans les dernières semaines de sa vie, que
son successeur, le vice-président Truman, accentue.
AD

DALLEK Robert, Franklin D. Roosevelt and American Foreign Policy


(1932-1945), New York/ London, 1979.
KASPI André, Franklin D. Roosevelt, Fayard, 1988.
→ ARMES NUCLÉAIRES, CHURCHILL, DE GAULLE, HULL,
ISOLATIONNISME, ROOSEVELT (THEODORE), SAN
FRANCISCO (CONFÉRENCE DE), SÉCURITÉ COLLECTIVE,
TCHANG KAï-CHEK, TRUMAN, WILSON, YALTA
(CONFÉRENCE DE)
ROOSEVELT Theodore (1858-1919)

Sous sa présidence (1901-1909), la puissance des États-Unis s’affirme


dans les deux Amériques. Historien de formation, il entre en politique en
1882 comme Représentant républicain de l’État de New York. Sous-
secrétaire à la Marine sous la présidence de McKinley, il s’enthousiasme
pour la guerre contre l’Espagne au sujet de Cuba, à laquelle il participe
personnellement (1898). Devenu un héros national, il est élu à la vice-
présidence (1900), succède à McKinley à la présidence après son assassinat
(1901) et est réélu en 1904. Il domine donc la politique américaine jusqu’en
1908 et y impose la politique du « big stick ». En Amérique latine,
Roosevelt provoque la sécession de Panama, de la Colombie (1903), et
obtient du nouvel État qu’il cède aux États-Unis la zone du futur canal. Le 6
décembre 1904, il affirme que la doctrine Monroe, qui interdit les
interventions européennes en Amérique du Sud, a pour corollaire de
contraindre les États-Unis à exercer des pouvoirs de police dans les autres
États américains. Il développe considérablement la flotte de guerre
américaine, et joue ainsi les médiateurs lors de la guerre russo-japonaise de
1904-1905, ce qui lui vaut en 1906 le prix Nobel de la paix. Rompant avec
la politique d’isolationnisme des États-Unis vis-à-vis de l’Europe, il
intervient dans la crise marocaine en participant à la conférence d’Algésiras
(1906). Candidat à l’élection présidentielle de 1912 contre le président
sortant Taft, il divise les républicains et c’est le candidat démocrate
Woodrow Wilson qui est élu. En 1915, il prône l’intervention des États-
Unis dans le conflit mondial, puis il s’oppose au projet wilsonien de Société
des Nations.
AD

RICARD Serge, Theodore Roosevelt : principes et pratique d’une politique


étrangère, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, Aix-
Marseille 1, 1991.
→ ISOLATIONNISME, MAROCAINES (CRISES), MONROE
(DOCTRINE), PANAMA (CANAL DE), RUSSO-JAPONAISE
(GUERRE), SDN, WILSON
RUHR

Il s’agit d’un important bassin houiller situé sur la rive droite du Rhin,
fondement de la puissance industrielle et donc militaire de l’Allemagne.
Incapable de faire face au paiement des réparations au lendemain de la
Grande Guerre, le gouvernement allemand demande un moratoire aux
Alliés. Mais ceux-ci se divisent sur l’attitude à adopter. Poincaré exige des
gages et, devant l’échec des conférences de Londres (décembre 1922) et
Paris (janvier 1923), décide, avec le soutien de la Belgique – malgré la
désapprobation britannique –, l’occupation du territoire de la Ruhr à partir
du 11 janvier 1923. La pression des industriels lorrains et un certain
revanchisme à vouloir faire payer « le Boche » amènent donc Poincaré à
cette solution extrême. Les Allemands organisent alors une « résistance
passive », ce qui entraîne l’établissement d’un cordon douanier entre la
Ruhr et le reste du territoire allemand. De plus, les Français soutiennent le
mouvement séparatiste contre l’avis majoritaire de la population. En raison
des problèmes de pénurie, le nouveau gouvernement allemand, présidé par
Stresemann, décide l’arrêt de la grève générale en septembre 1923, mais l’«
action de Poincaré » a des effets pervers : outre qu’elle offre le beau rôle à
la Grande-Bretagne qui propose sa médiation et un terreau favorable aux
nationalistes allemands pour la révision du traité de Versailles, elle entraîne
une vive contestation du Cartel des gauches, qui emporte les élections de
mai 1924, et un compromis sur le règlement des réparations. L'acceptation
du plan Dawes (août 1924) par la France lui permet de rompre un isolement
politique dangereux et elle s’engage donc à évacuer la Ruhr, ce qui est fait
progressivement d’octobre 1924 à juillet 1925. Les années de prospérité qui
suivent permettent à la Ruhr d’augmenter grandement sa productivité et le
soutien financier des grands industriels (Krupp, Thyssen) à la politique
d’Hitler en fait le fief du réarmement allemand.
Durant la Seconde Guerre mondiale, si les raids massifs des Anglo-
Américains détruisent à plus de 50 % tous les grands centres de la région,
ils n’entament en rien sa production qui atteint même son apogée en 1944.
Mais la Ruhr est conquise dans les premières semaines d’avril 1945 par une
grande manœuvre d’encerclement des armées américaines et incluse dans la
zone d’occupation britannique. Pour des raisons matérielles autant que
symboliques, les Alliés sont divisés concernant son avenir. Si l’Union
soviétique veut le contrôle quadripartite des industries avec le maintien de
la Ruhr dans l’ensemble allemand, la France exige au contraire son
détachement du Reich. À la suite des accords de Londres (1948), une
Autorité internationale de la Ruhr est créée en avril 1949 afin d’assurer un
contrôle conjoint des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et du
Benelux sur la production du bassin, et les Konzern, qui avaient fait aussi la
puissance de la Ruhr, sont démembrés. C’est en partie pour « désintoxiquer
» les relations franco-allemandes du poison de la Ruhr que le plan Schuman
propose en 1952 la création de la Communauté européenne du charbon et
de l’acier (CECA). La République fédérale d’Allemagne ne recouvre la
pleine souveraineté qu’avec la signature des accords de Londres et de Paris
en octobre 1954.
FG

JEANNESSON Stanislas, Poincaré, la France et la Ruhr, 1922-1924,


Presses universitaires de Strasbourg, 1998.
→ ALLEMANDE (QUESTION), HITLER, POINCARÉ,
RÉARMEMENT DE L'ALLEMAGNE, RÉPARATIONS, SCHUMAN,
TRAITÉS DE PAIX

RUSSO-JAPONAISE (GUERRE) (1904-1905)

À l’heure où les grandes puissances occidentales sont à la tête


d’immenses empires coloniaux, la Russie et le Japon ne souhaitent pas être
en reste et ont tous deux des vues sur la Chine, prémisses de conflits entre
eux.
La Chine, qui a déjà subi un premier dépècement par les puissances
européennes en 1885 (partage du « gâteau chinois »), autorise, par le traité
de Shimonoseki de 1895, la Russie à faire passer le transsibérien par la
Mandchourie. Le Tsar prend progressivement pied dans cette province
chinoise ainsi que sur la presqu’île de Liaotung où il installe une garnison à
Port-Arthur. Mais l’ambition de Nicolas II ne s’arrête pas là car la nécessité
d’avoir un port en eau libre au sud de Vladivostok se fait sentir, et il entre
inévitablement en concurrence avec un Japon modernisé et non moins
expansionniste.
Les Japonais ripostent sans déclaration de guerre en attaquant Port-
Arthur dans la nuit du 7 au 8 février 1904. Les forces sont inégales : le
Japon peut aligner une flotte et une armée bien équipées, ainsi que des
contingents nombreux ; les Russes sont éloignés de leur base (le
transsibérien, inachevé, ne permet pas de transporter les troupes rapidement
sur le front extrême-oriental, ce qui oblige la flotte à passer par
l’Atlantique, à contourner l’Afrique pour rejoindre l’océan Indien et la mer
de Chine – soit un périple de sept mois). Aussi accumulent-ils les défaites :
à Vladivostok au cours de l’été, puis plusieurs navires russes sont coulés
dans la rade de Port-Arthur dont la garnison capitule le 2 janvier 1905.
Après la bataille de Moukden en mars, les Russes évacuent la Mandchourie,
et la flotte russe, arrivée épuisée de la Baltique, est coulée au large des îles
Tsushima (entre la Corée et le Japon), les 27-28 mai.
Les pertes russes sont considérables, tant en hommes (plus de cinq milles
Russes sont tués et six mille faits prisonniers) qu’en navires, alors que les
Japonais ne déplorent la perte « que » de six cents hommes et presque pas
de destructions matérielles.
Nicolas II est contraint à accepter des négociations de paix que propose
le président Theodore Roosevelt, qui sort pour la première fois les États-
Unis de leur isolationnisme. Le traité est signé à Portsmouth le 5 septembre
1905. La Russie cède le sud de la presqu’île de Sakhaline, la base de Port-
Arthur, ses droits sur la Mandchourie ; le Japon a toute liberté en Corée. La
Chine reconnaît les droits des Japonais sur la Mandchourie.
La situation est d’autant plus dramatique pour le régime tsariste qu’en
janvier 1905, une révolution éclate à Saint-Pétersbourg (dimanche
sanglant). Alors que Nicolas II espérait une victoire rapide, c’est l’inverse
qui se produit : il est humilié par cette première victoire d’un État extra-
européen sur une puissance européenne, ébranlé politiquement, les
conséquences de cette guerre locale, proche, à certains égards, d’un conflit
issu de rivalités coloniales, sont beaucoup plus importantes qu’il n’y paraît.
Ch. M
GEYER D., Russian imperialism : The interaction of Domestic and Foreign
Policy, 1860-1914, Oxford, Berg Publishers, 1987.
ROTEM Kowner (dir.), The impact of the russo-japanese War, London,
Routledge, 2007.
→ ISOLATIONNISME, MANDCHOURIE, ROOSEVELT
(THEODORE)

RWANDA

Dans le cas du génocide rwandais, qui a fait près de 800 000 morts en
1994, la France est accusée d’avoir soutenu le régime hutu, dont les milices
ont voulu éliminer les Tutsis et les Hutus modérés. En réalité, le conflit
ethnique préexiste à l’indépendance, en 1962, de cette colonie belge : à
partir de 1959, les Tutsis minoritaires (15 % de la population) sont l’objet
de vexations de la part de la majorité hutue et s’exilent dans les pays
voisins, d’où ils tentent de revenir. De 1990 à 1993, dans le cadre des
accords de coopération avec le pouvoir en place à Kigali signés en 1975, la
France a formé des militaires des forces armées rwandaises. À l’automne
1990, le Front patriotique rwandais (FPR) – tutsi –– lance son offensive
dans le nord du pays – à partir de l’Ouganda voisin –, provoquant
l’intervention des troupes françaises et belges, qui sauve provisoirement le
régime du président – hutu – du Rwanda, Juvénal Habyarimana (au pouvoir
depuis 1973) : la France devient donc son principal soutien.
Prévoyant la participation du FPR à un gouvernement d’union nationale,
les accords d’Arusha (4 août 1993) mettent théoriquement fin à la guerre
civile ; la création de la Mission des Nations unies au Rwanda (MINUAR)
(octobre 1993) doit permettre le retour à la paix civile. En réalité, des
tueries ont lieu, la propagande émet des appels au meurtre et la trêve ne
tient qu’à un fil. Rien ne peut arrêter la progression du FPR. La guerre
civile éclate vraiment à la suite de l’attentat contre le Président rwandais
hutu, le 6 avril 1994 ; par l’opération Amyrillis (9-17 avril 1994), la France
et la Belgique évacuent leurs ressortissants ; le FPR s’empare de Kigali
(juillet 1994) et les massacres s’étendent alors aux Hutus. Le ministre
français des Affaires étrangères, Alain Juppé, plaide pour une mobilisation
internationale et obtient aux Nations unies le vote de la résolution 929
autorisant la France à intervenir pour protéger les Hutus en fuite devant la
contre-attaque des Tutsis : c’est l’opération Turquoise menée par 2 500
soldats français du 22 juin au 22 août 1994, qui doit créer une « zone
humanitaire sûre » dans le sud-ouest du pays, où se réfugient de nombreux
Hutus. À la fin du mois d’août, les Français cèdent la place à la mission
MINUAR II.
La question du rôle de la France reste au centre des débats. La polémique
tient à la présence entre 1990 et 1994 de militaires français qui ont formé
des soldats hutus alors que des extrémistes hutus appelaient à chasser les
Tutsis. D’où naît la thèse de la complicité française dans le génocide. Au
lieu de protéger les Tutsis traqués, des soldats français auraient prêté main-
forte aux forces armées hutues et assisté les miliciens dans ce qui est
devenu un génocide. Quel crédit accorder à cette accusation ? Des archives
de l’Élysée dévoilées par Le Monde semblent indiquer que la France a
soutenu le régime de Kigali malgré les signaux présageant des massacres à
venir. Au nom de la francophonie, face à une rébellion d’exilés tutsis venue
de l’Ouganda anglophone dominée par le Front patriotique rwandais de
Paul Kagamé, la France a-t-elle fermé les yeux et armé les futurs tueurs en
faisant preuve d’un cynisme coupable ? Au nom de la défense de la
présence militaire française en Afrique contre l’immixtion américaine, la
France a-t-elle ignoré les objectifs des extrémistes hutus ? Le rapport de la
mission d’information parlementaire présidée par Paul Quilès, déposé le 15
décembre 1998, reconnaît que la France a développé sa coopération
militaire dans un contexte de tensions ethniques, de massacres et de
violences dont elle a sous-estimé la gravité ; mais il conclut que la France «
n’a en aucune manière incité, encouragé ou soutenu ceux qui ont orchestré
le génocide » et qu’elle a été la première à reconnaître en mai 1994 la
réalité du génocide au Rwanda. Au terme d’une mise au point brève mais
de bonne facture, Roger Faligot et Jean Guisnel concluent qu’on ne peut
accuser la France d’une implication militaire dans le génocide mais que la
responsabilité politique de François Mitterrand est bel et bien engagée. En
avril 2000, la Belgique et l’ONU font leur mea culpa, et Paul Kagamé, élu
président du Rwanda, insiste pour que la France reconnaisse « sa part de
responsabilité morale ». Le rapport de l’Organisation pour l’Unité africaine
conclut en juillet 2000 que la France a été l’allié le plus proche du
gouvernement rwandais. Depuis lors, les relations entre Paris et Kigali sont
tendues et même rompues en novembre 2006 à la suite du rapport du juge
Bruguière, qui met directement en cause Paul Kagamé dans l’assassinat du
président du Rwanda. Dans cette affaire, la France est isolée et son image
discréditée car elle y perd l’aura de la traditionnelle puissance protectrice.
MV

CHRÉTIEN Jean-Pierre, L'Afrique des Grands lacs, Flammarion, 2003.


LANOTTE Olivier, La France au Rwanda (1990-1994), Bruxelles, Peter
Lang, 2007.
LUGAN Bernard, François Mitterrand, l’Armée française et le Rwanda,
Éditions du Rocher, 2005. PÉAN Pierre, Noires fureurs, Blancs menteurs,
Rwanda 1990-1994, Mille et Une Nuits, 2005. PRUNIER Gérard, Rwanda
1959-1996, Dagorno, 1997.
SAINT-EXUPÉRY Patrick (de), L'inavouable. La France au Rwanda,
Les Arènes, 2004.
→ CPI, GÉNOCIDE, MAINTIEN DE LA PAIX, ONU (CONSEIL
DE SÉCURITÉ), OUA
S

SAADABAD (PACTE DE)

Conclue dans le palais d’été du Shah à Saadabad le 8 juillet 1937,


l’Entente orientale ou pacte de Saadabad rassemble l’Iran, la Turquie, l’Irak
et l’Afghanistan. Destiné à jouer un rôle de bloc régional à la SDN, c’est un
traité de consultation, de non-agression et de non-intervention dans les
affaires intérieures des quatre pays, qui entendent d’abord affirmer leur
souveraineté face à la Grande-Bretagne. Mais avec la transformation de la
scène internationale et la signature du pacte germano-soviétique, le pacte
devient une mesure de défense contre l’URSS. Aussi Moscou exige-t-il en
1945-1946 l’abrogation formelle du pacte, pourtant totalement oublié après-
guerre, comme prix du retrait soviétique du nord de l’Iran.
PMD

DANN U., ed., The Great Powers in the Middle East 1919-1939, New
York, 1988.
→ KURDE (PROBLÈME), SDN

SADATE Anouar el- (1918-1981)

Né dans une famille de la petite bourgeoisie rurale, il se lie, vers 1939,


avec Nasser, officier comme lui. Après le coup d’État des « officiers libres
» de 1952, il est un collaborateur de Nasser qui, en le nommant à la vice-
présidence de la République, le désigne à sa succession. Président de la
République par intérim après la mort du raïs (septembre 1970), il consolide
son pouvoir et réoriente la politique extérieure de l’Égypte dans un sens
pro-occidental. En mai 1971, il élimine Ali Sabry et l’aile prosoviétique du
régime. En juillet 1972, il obtient des Soviétiques le retrait de leurs 15 000
conseillers militaires, mais l’URSS continue à fournir des armes payées
comptant grâce à l’aide financière que lui procure son rapprochement avec
l’Arabie Saoudite. Sadate a ainsi les mains libres pour se lancer, le 6
octobre 1973, dans une nouvelle confrontation armée avec Israël aux buts
limités : démontrer à l’adversaire que le temps ne travaille pas pour lui et
obtenir des États-Unis qu’ils débloquent les négociations ; c’est la guerre du
Kippour qui tourne à l’avantage d’Israël. Malgré sa défaite militaire, le
Président égyptien sort renforcé de l’épreuve et les pays arabes manifestent
leur solidarité par le recours à l’arme du pétrole. Il rétablit, le 7 novembre
1973, les relations diplomatiques avec Washington et s’engage dans la
politique des « petits pas » d’Henry Kissinger. Cependant, s’il obtient ainsi
des retraits partiels du Sinaï, il ne met pas fin à l’état de guerre et la
situation intérieure de l’Égypte se dégrade gravement. Il entame des
négociations de paix directes avec Israël, au risque de n’être pas suivi par
ses partenaires arabes. Après son voyage à Jérusalem, et son discours à la
Knesset (19-21 novembre 1977), qui débouche sur les accords de Camp
David (17 septembre 1978) négociés sous l’égide du président Carter par
Begin et Sadate, un traité de paix égypto-israélien est signé à Washington le
26 mars 1979. C'est un résultat remarquable, même s’il ne s’agit que d’une
paix séparée qui ne fait pas progresser le dossier palestinien. C'est la fin de
l’état de guerre existant entre Israël et le plus puissant de ses voisins arabes.
L’Égypte obtient la restitution de ses terres occupées depuis 1967 : en
exécution du traité, l’évacuation du Sinaï par l’armée israélienne est chose
faite en avril 1982. Malgré l’augmentation de l’aide américaine, les effets
du boycott arabe sur l’Égypte se font durement sentir. Aussi, lorsqu’il est
assassiné par des islamistes hostiles à sa politique de rapprochement avec
Israël, c’est dans l’indifférence de son peuple.
AD

BEATTIE Kirk J., Egypt during the Sadat years, New York, Palgrave, 2000.
HEIKAL Mohamed, L'Automne de la colère : l’assassinat de Sadate,
Ramsay, 1983.
→ BEGIN, CAMP DAVID (ACCORDS DE), CARTER, KIPPOUR
(GUERRE DU), KISSINGER, PALESTINIEN (PROBLÈME),
PÉTROLE ET RELATIONS INTERNATIONALES
SAHARA OCCIDENTAL

Situé le long de la côte Atlantique, bordé par le Maroc, l’Algérie et la


Mauritanie, le Sahara occidental, colonie espagnole depuis 1884, devient
province espagnole d’Afrique en 1958. Comprenant le Rio de Oro et la
Seguia el-Hamra, ce territoire est revendiqué à la fois par le Maroc et la
Mauritanie au moment de leur décolonisation. Dès les années 1950, le
Maroc, rêvant d’un grand Maroc de la Méditerranée au Sénégal, fait valoir
ses droits historiques ; la Mauritanie également, mais elle y renonce en
1969. Des mouvements de libération se manifestent contre l’Espagne qui,
en 1974, accorde tardivement un statut d’autonomie interne. Le 10 mai
1973, le Front Polisario (Front populaire pour la libération de la Saguia el
Hamra et du Rio de Oro) est créé, revendiquant l’indépendance totale et
passant, pour l’obtenir, à la lutte armée. Le Front se rapproche de l’Algérie.
Par un accord tripartite signé à Madrid le 14 novembre 1975, l’Espagne
abandonne sa colonie au Maroc et à la Mauritanie qui se partagent le
territoire, refusant de reconnaître au peuple sahraoui tout droit à
l’autodétermination, en dépit des résolutions de l’ONU. Le Polisario refuse
cet arrangement, proclame le 28 février 1976 la création de la République
arabe sahraouie démocratique (RASD), reconnue par de nombreux États et
membre de l’OUA. Après trois ans d’affrontements avec le Polisario, la
Mauritanie conclut un accord de paix le 5 août 1979. Dès lors le conflit
tourne à l’opposition entre le Front Polisario, revendiquant un État sahraoui,
et le Maroc qui occupe l’essentiel du territoire depuis la Marche verte de
1975. Le conflit prend rapidement une dimension internationale, impliquant
les États africains, l’Algérie, l’OUA et les puissances étrangères, en
fonction de leurs intérêts. Le référendum d’autodétermination, prévu sous le
contrôle de l’ONU, qui entretient à cet effet une mission d’un millier
d’observateurs (la MINURSO) pour le début de 1992, repoussé à plusieurs
reprises, n’a pas encore eu lieu. L’enjeu est pour partie économique, pour
partie militaire. L’armée marocaine contrôle la côte, très poissonneuse, et
les mines de phosphate. Le Maroc pratique un double jeu, réaffirmant son
attachement au référendum, et ne cessant d’en retarder la tenue en mettant à
profit la difficulté d’identifier, dans une société nomade, le corps électoral
appelé à se prononcer. Le Polisario est très affaibli par suite de la guerre
civile en Algérie. La question est de savoir qui est prêt à faire des
concessions pour sortir de l’impasse.
Depuis le cessez-le-feu du 6 septembre 1991, le statut légal du Sahara
occidental n’est toujours pas fixé. En 2001 et 2003, deux projets d’accord-
cadre (plans Baker I et Baker II) sont présentés par James Baker, envoyé
personnel du Secrétaire général de l’ONU. Le premier plan est rejeté par le
Front Polisario et l’Algérie. Le second, qui prévoit un régime d’autonomie
pour une durée de cinq ans, suivi d’un référendum comportant l’option de
l’indépendance, est rejeté par le Maroc. À dater de 2003, certains
documents de l’ONU qualifient le Maroc d’« autorité administrante », lui
donnant ainsi le droit d’exploiter les ressources naturelles du territoire,
statut que revendique également le gouvernement de la République arabe
sahraouie démocratique (RASD). Dans un rapport publié en 2006 par Kofi
Annan, alors Secrétaire général des Nations unies, il est indiqué qu’aucun
État membre de l’ONU ne reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara
occidental. En 2006, le Maroc a décidé de donner à ce qu’il considère
comme son territoire une autonomie interne. Le Polisario considère que le
Sahara occidental est un territoire occupé, dont le gouvernement légitime
est la République arabe sahraouie démocratique, et appelle au droit
d’autodétermination du peuple sahraoui qui doit pouvoir s’exprimer dans un
référendum, référendum toujours repoussé. Le Polisario et l’Algérie
refusent toute solution qui ne comporte pas l’option de l’indépendance du
territoire contesté. L’Algérie n’a pas de revendications territoriales sur le
Sahara occidental, elle n’est pas partie prenante dans le conflit qui oppose la
RASD et le royaume du Maroc mais elle soutient politiquement,
diplomatiquement et militairement le Front Polisario. Le seul objectif de
l’Algérie est de faire obstacle à ce qu’elle appelle « l’expansionnisme
chérifien ».
En avril 2007, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 1754,
engageant les parties à négocier « en vue de parvenir à une solution
politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui permette
l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ». Les négociations qui
s’engagent alors à Manhasset, dans l’État de New York de juin 2007 à mai
2008 entre le Maroc et le Front Polisario, en présence des États voisins,
l’Algérie et la Mauritanie, se terminent sur un constat d’échec. Le 30 avril
2008, le Conseil de sécurité, par la résolution 1813, renouvelle le mandat de
la MINURSO jusqu’au 30 avril 2009 et fait sienne la recommandation
formulée dans le rapport selon laquelle « il est indispensable que les parties
fassent preuve de réalisme et d’un esprit de compromis afin de maintenir
l’élan imprimé au processus de négociation ».
CB

BARBIER Maurice, Le conflit du Sahara occidental, L'Harmattan, 1982.


SAINT MAURICE Thomas (de), Sahara occidental 1991-1999,
L'Harmattan, 2000.
→ DÉCOLONISATION, IRRÉDENTISME, MAINTIEN DE LA
PAIX, ONU, OUA

SAKIET Sidi Youssef (1958)

Au cours de la guerre d’Algérie, les incidents à la frontière algéro-


tunisienne se multiplient en raison des tentatives de l’ALN de perpétrer des
actions sur le territoire algérien à partir de la Tunisie. Exerçant son droit de
suite, l’aviation française bombarde le village tunisien de Sakiet Sidi
Youssef le 8 février 1958, faisant 69 tués et 130 blessés parmi la population
civile. À la suite de quoi, le gouvernement tunisien exige l’évacuation de
toutes les bases militaires françaises, y compris Bizerte, et saisit le Conseil
de sécurité (13-21 février). La France dépose une plainte contre l’aide
apportée par la Tunisie aux rebelles algériens. Paris et Tunis acceptent une
offre de « bons offices » menée par les diplomates Robert Murphy et
Harold Beeley. L'affaire de Sakiet Sidi Youssef a aussi des répercussions
politiques. En effet, le gouvernement Gaillard et le ministre résident R.
Lacoste ont tout ignoré des préparatifs de l’aviation, qui a frappé sans
autorisation et outrepassé ses pouvoirs. Une zone interdite est créée le long
de la frontière tunisienne, protégée par un barrage électrifié. Le 15 avril
1958, Félix Gaillard rend compte à l’Assemblée nationale des résultats de la
mission de « bons offices » et préconise l’acceptation de leurs propositions.
Il est mis en minorité, le gouvernement est renversé. Le bombardement de
Sakiet Sidi Youssef ouvre la crise politique qui aboutit au 13 mai 1958 et au
retour au pouvoir du général de Gaulle.
CB

→ ALGÉRIE (GUERRE D’), DE GAULLE, ONU (CONSEIL DE


SÉCURITÉ)

SALT (ACCORDS) (STRATEGIC ARMS LIMITATION TALKS)

Dans le but de limiter la course aux armements nucléaires et préoccupés


par leur coût croissant, Américains et Soviétiques ouvrent à Helsinki, en
novembre 1969, des négociations dénommées SALT qui, à la suite de
nombreuses réunions, permettent à Nixon et à Brejnev de signer à Moscou,
le 26 mai 1972, les accords SALT.
Ceux-ci comprennent deux parties : un accord provisoire et un traité
d’une durée illimitée. L’accord consiste en un gel pour cinq ans des
armements stratégiques, l’arrêt de la construction des rampes de lancement
fixe pour les missiles intercontinentaux (ICBM) et des lanceurs balistiques
installés sur sous-marins (SLBM). Le plafond pour les ICBM est de 1 054
pour les Américains, 1 618 pour les Soviétiques. Le traité, par lequel les
deux puissances conviennent de renoncer pratiquement à des armements
nucléaires défensifs, limite à deux sites, l’un autour de chacune des
capitales, l’autre autour d’une zone d’ICBM, les systèmes de défense
antimissiles (ABM). Ce déploiement est ramené à un site par le protocole
de 1974. La logique de l’équilibre de la terreur est ainsi poussée à
l’absurde ; pour que la dissuasion aboutisse à empêcher la guerre, il faut
qu’au feu nucléaire de l’autre chacun (des deux Super-Grands) livre sa
population en otage.
Les accords SALT symbolisent la détente. Pour la première fois, les deux
superpuissances limitent effectivement la production de certains types
d’armements. Elles abandonnent la confrontation et la politique du «
brinkmanship » (« bord du gouffre ») pour des relations stables
d’adversaire-partenaire. C'est la consécration de la bipolarité. Les
Américains reconnaissent l’accession à la parité de l’URSS. Les
Soviétiques, qui ont fait des progrès considérables, acceptent de ne pas
rechercher une quelconque supériorité. Arguant de la situation stratégique
défavorable dans laquelle leur pays se trouve en raison de ses difficultés
d’accès aux mers libres, alors que les États-Unis disposent de bases
avancées, les Soviétiques obtiennent même certains avantages quantitatifs
sur les Américains, notamment dans le domaine des sous-marins : 62 pour
les premiers, 44 pour les seconds.
Cet accord provisoire doit servir de base à la conclusion d’un traité de
limitation des armements. Mais cet accord n’implique pas pour autant la fin
de la course aux armements, notamment dans le domaine qualitatif.
Américains et Soviétiques se lancent ainsi dans une modernisation forcenée
de leur arsenal. L'Union soviétique déploie de nouveaux missiles comme les
SS-20 mobiles et très précis. À l’imitation des États-Unis, elle met au point
le « mirvage » des missiles en les dotant de têtes multiples à trajectoires
séparées, et elle lance la construction de sous-marins plus performants. Du
coup, le nombre d’ogives nucléaires à la disposition de chacun des deux
pays passe entre 1972 et 1979, pour l’URSS de 2 500 à 6 000 environ et
pour les États-Unis de 5 700 à 10 000.
Dans le même ordre d’idées, Américains et Soviétiques parviennent à
s’accorder (22 juin 1973, Washington) sur l’idée de prévenir la guerre
nucléaire, non seulement entre les deux superpuissances, mais aussi entre
les tierces puissances. En juin 1974, Nixon et Brejnev conviennent de
limiter les expériences nucléaires souterraines. En novembre 1974, à
Vladivostok, Brejnev et le nouveau président américain Ford prévoient un
plafond numérique égal pour tous les lanceurs d’engins, qui doit servir de
cadre aux futurs accords SALT. Les négociations SALT II aboutissent à
Vienne (15-18 juin 1979) à la signature par Brejnev et Carter d’un accord
succinct. Ce dernier limite le nombre (d’abord 2 400 puis 2 250) et le type
(1 320 missiles à têtes multiples maximum dont 820 pour les engins ICBM
sol-sol) des lanceurs nucléaires inter-continentaux pour chacun des deux
pays. Le traité ne met pas fin à la course aux armements, il se contente d’en
freiner la progression. Mais dans le contexte de l’intervention soviétique en
Afghanistan et de la crise des euromissiles, le Sénat américain refuse de
ratifier les accords SALT II, jugés trop favorables à l’Union soviétique.
Chacun des gouvernements déclare, néanmoins, sa volonté de les appliquer.
Cela jusqu’en mai 1986, date à laquelle les États-Unis font savoir qu’ils ne
s’estiment plus tenus par les accords.
Avec les accords SALT II, on touche les limites de l’arms control,
incapable de suivre les progrès technologiques et d’aboutir à un véritable
désarmement. C’est ainsi que si chacun des deux pays respecte les plafonds
et les limites, définis par l’accord, mais cherche à optimiser son potentiel,
on constate que chacun peut parvenir à un chiffre d’environ 18 000 ogives,
soit un nouveau doublement par rapport aux chiffres de 1980.
MV

GOLLER-CALVO Notburga, CALVO Michel, Les accords SALT,


Bruxelles, Bruylant, 1987.
→ ABM, AFGHANISTAN (GUERRES D’), ARMES
NUCLÉAIRES, ARMS CONTROL, BREJNEV, CARTER,
EUROMISSILES, NIXON

SAN FRANCISCO (CHARTE ET CONFÉRENCE DE)

Lors d’une conférence à Dumbarton Oaks, près de Washington (août-


octobre 1944), Américains, Anglais, Soviétiques puis Chinois, élaborent le
projet d’une organisation internationale, modifiée par rapport à la SDN pour
éviter de retomber dans la même paralysie. Le communiqué de la
conférence de Yalta (février 1945) annonce la tenue d’une conférence à San
Francisco, dès le 25 avril 1945, en vue de la mise au point de l’Organisation
des Nations unies. Les pays invités sont ceux qui ont déclaré la guerre à
l’Allemagne et au Japon, et qui ont signé la Déclaration des nations unies le
1er janvier 1942. Les délégations de cinquante pays (dont les petits États) se
retrouvent, menées par les ministres des Affaires étrangères et parfois par
les chefs de gouvernement, dans une atmosphère de confiance et d’espoir,
malgré la mort du président Roosevelt, son inspirateur. La séance est
ouverte par Edward Stettinius, secrétaire d’État et chef de la délégation
américaine. La conférence discute pendant deux mois sur la base du texte
de Dumbarton Oaks dans les deux langues de travail, l’anglais et le
français, comme à la SDN. La Charte des Nations unies est adoptée à
l’unanimité le 25 juin, et signée le lendemain.
Ce document est constitué de cent onze articles avec, en annexe, le statut
de la Cour internationale de justice de La Haye. Un préambule proclame les
intentions et la force juridique de la Charte et les premiers articles indiquent
les buts et les principes de l’Organisation des Nations unies que chaque
membre s’engage à respecter : maintenir la paix et la sécurité sans que
l’ONU puisse intervenir dans les affaires intérieures des États. Les organes
principaux sont mentionnés. Sont précisées les actions en cas de menace
contre la paix et d’actes d’agression, le règlement pacifique des différends,
et les accords régionaux. Le Conseil de sécurité prend des mesures en cas
de menace (sanctions économiques ou action militaire). Les États membres
mettent des forces armées à sa disposition, dont l’emploi est décidé par le
Conseil de sécurité assisté d’un Comité d’état-major. Le secrétaire général
peut attirer l’attention sur une affaire qui menace la paix et la sécurité. La
Charte n’entre en vigueur qu’après ratification par la Chine, la France, la
Grande-Bretagne, les États-Unis et l’URSS, ainsi que par la majorité des
autres États, le 24 octobre 1945.
Ch. M

COT Jean-Pierre, PELLET Alain (dir), La Charte des Nations unies :


commentaire article par article, Economica, 2005.
GOODRICH Leland, HAMBO Edward, Commentaire de la Charte des
Nations unies, Neuchâtel, La Baconnière, 1946. RUSSEL Ruth, A History
of the United Nations Charter, the role of the United States, Washington, the
Brookings Institute, 1957.
→ ONU, ROOSEVELT (FRANKLIN D.), SDN, YALTA
(CONFÉRENCE DE)

SAN FRANCISCO (TRAITÉ DE SÉCURITÉ)

La paix avec le Japon est laissée en suspens depuis 1945. La victoire


communiste en Chine en 1949, l’alliance sino-soviétique du 14 février 1950
et le déclenchement de la guerre de Corée la rendent urgente ; c’est l’objet
du traité de San Francisco (8 septembre 1951). Convoquée par les États-
Unis, la conférence reflète les profonds désaccords de la communauté
internationale. L'Inde, la Chine et l’URSS refusent le traité, finalement
signé par 49 États. Le Japon renonce à des territoires en fait abandonnés
depuis 1945 : la Corée, Formose, les îles Pescadores et Kouriles, la partie
sud de Sakhaline et ses anciens mandats, l’ensemble des îles Ryukyu au sud
du 29e parallèle et toutes les îles au sud de l’archipel, sont placés par l’ONU
sous administration américaine. La suppression des réparations suscite le
mécontentement de plusieurs États. Les troupes étrangères doivent se retirer
90 jours au plus tard après l’entrée en vigueur du traité qui prévoit
cependant la conclusion d’accords permettant le stationnement de forces
armées étrangères sur le sol japonais. En autorisant un réarmement nippon à
l’exception des armes offensives et l’établissement d’une force nationale de
sécurité (110 000 hommes en 1952), les États-Unis modifient radicalement
leur politique (l’article 9 imposé par MacArthur dans la Constitution de
1946 interdisait au Japon toute force armée) et mettent fin au « shogunat »
de MacArthur.
Le Japon accède directement du statut de vaincu occupé à celui d’allié
naturel des États-Unis en Asie, par le pacte de sécurité nippo-américain
signé aussitôt après le traité de paix. Bilatéral, il remplace un projet de pacte
régional pacifique sur le modèle du pacte Atlantique, mort-né suite à
l’opposition des Britanniques, de leurs dominions et des pays qui ont
souffert de l’occupation japonaise. Ce texte définit les objectifs de la
présence militaire américaine au Japon, dont les conditions spécifiques font
l’objet d’un accord le 28 février 1952. Si le traité de paix offre des
conditions très généreuses pour le Japon, celui de sécurité nippo-américain
est inégal : il concède aux États-Unis de nombreuses bases militaires avec
quasi-régime d’extraterritorialité, le droit d’y introduire des armes de toute
nature, la possibilité pour eux d’agir librement contre la poussée
communiste dans l’archipel ou dans l’ensemble de l’Extrême-Orient. Le
Japon ne peut ni dénoncer le traité ni conclure d’autres accords de défense
ou concéder des bases à des pays tiers. Enfin, s’il lui est laissé le soin de
régler ses rapports avec la Chine, Washington fait pression sur le
gouvernement Yoshida pour qu’il négocie un traité bilatéral avec Taiwan,
signé en avril 1952. Les deux traités déchaînent la polémique, celui de paix
en Asie et celui de sécurité dans les milieux nationalistes japonais. Mais le
Japon, après ratification des traités par son Parlement, est rétabli dans son
statut d’État de droit international le 28 avril 1952, et le pacte de sécurité,
contesté et renégocié en 1960 sous la pression populaire, reste la pierre
angulaire de sa politique de sécurité, à la quête d’un équilibre entre une
protection assurée à bon compte et l’affirmation de sa souveraineté.
Le Japon signe des traités de paix avec plusieurs États d’Asie du Sud-Est
entre 1954 et 1959, et surtout la Chine populaire en août 1978 ; ses
négociations de paix avec l’URSS non signataire à San Francisco, relancées
par Gorbatchev et Eltsine, butent sur la question des îles Kouriles, malgré la
volonté commune réitérée depuis 1993 de parvenir à la conclusion d’un
traité.
PMD

JOYAUX François, La nouvelle question d’Extrême-Orient, t. I, 1945-1959,


Payot, 1985. YOSHITSU Michael M., Japan and the San Francisco Peace
Settlement, New York, 1983.
→ CORÉE (GUERRE DE), ELTSINE, GORBATCHEV,
KOURILES (îLES)

SAN REMO (CONFÉRENCE DE) (18-26 avril 1920)

Elle réunit les chefs de gouvernement français, anglais et italien


(Millerand, Lloyd George, Nitti), au sujet de la non-exécution par
l’Allemagne des clauses du traité de Versailles. Dix-huit mois après
l’armistice, l’Allemagne n’a rempli ses engagements ni sur le plan du
désarmement (destruction du matériel de guerre, réduction des effectifs
militaires), ni sur celui des réparations (fournitures de charbon et frais des
armées d’occupation). La conférence refuse à l’Allemagne une armée de
200 000 hommes (au lieu des 100 000 prévus par le traité) demandée par le
ministre allemand de la Guerre sous le prétexte que c’est une nécessité pour
le maintien de l’ordre et que la SDN n’a encore rien fait pour étendre le
désarmement à d’autres États. L'Allemagne est invitée à une conférence
avec les chefs des gouvernements alliés afin de fixer le montant total de ses
obligations. Par ailleurs, la conférence arrête les conditions du traité de
Sèvres avec la Turquie (10 août 1920), alliée de l’Allemagne, et fixe les
frontières du nouvel État ottoman. La conférence attribue à la France le
mandat sur la Syrie, y compris le Liban, à l’Angleterre, les mandats sur la
Palestine et l’Irak. Le protocole de San Remo rattache à l’Irak, et non à la
Syrie, le district pétrolier de Mossoul que les accords Sykes-Picot (1916)
ont placé dans la zone d’influence française mais que Clemenceau a
concédé à la Grande-Bretagne en décembre 1918. Le 24 juillet 1920, le
général Gouraud, haut-commissaire français au Levant, occupe Damas et
expulse l’émir Fayçal, fidèle allié de la Grande-Bretagne, proclamé roi de
Syrie et de Palestine le 8 mars précédent.
CB
→ CLEMENCEAU, DÉSARMEMENT, LLOYD GEORGE,
MANDATS, RÉPARATIONS, SDN, SÈVRES (TRAITÉ DE), SYKES-
PICOT (ACCORDS), TRAITÉS DE PAIX

SARRE

Territoire frontalier entre la France et l’Allemagne, la Sarre est l’objet


d’un contentieux territorial durable. En compensation des destructions
subies par les mines du nord de la France pendant la Grande Guerre, le
traité de Versailles accorde la propriété des charbonnages sarrois à la France
et confie l’administration de la Sarre à la SDN pour une durée de quinze
ans, au-delà de laquelle les habitants sont consultés pour choisir une des
options : le maintien du régime international, l’union avec la France ou
l’union avec l’Allemagne. Par le référendum du 13 janvier 1935, les
Sarrois, soumis à la propagande d’Hitler, choisissent le retour à
l’Allemagne.
Après la Seconde Guerre mondiale, la Sarre est détachée de l’Allemagne,
intégrée à l’espace économique français et dirigée par un haut-commissaire
français, Gilbert Grandval. Elle est une des pommes de discorde entre la
France et l’Allemagne de l’Ouest, que tente de résoudre le projet de
Communauté européenne du Charbon et de l’Acier. La pression des
Allemands, la volonté de conciliation des Français finissent par aboutir au
référendum du 23 octobre 1955, qui est un succès pour les partisans du
rattachement à l’Allemagne. En échange de contrats de vente de charbon et
de la mise en œuvre de la canalisation de la Moselle, la Sarre est rattachée à
la RFA le 1er janvier 1957 sur le plan politique, et le 1er janvier 1960 sur le
plan économique.
FG

FREYMOND Jacques, Le conflit sarrois, 1945-1955, Bruxelles, Solvay,


1959.
→ CECA, HITLER, SDN, TRAITÉS DE PAIX

SCHENGEN (CONVENTION, ESPACE)

Un espace sans frontières intérieures est né d’un accord signé par


quelques pays membres de la CEE (Allemagne, France, Benelux) dans cette
ville du Luxembourg en 1985.
Depuis le 30 mars 2008, l’Espace Schengen, comptant vingt-quatre pays,
s’étend sur un territoire de 3,6 millions de km2 et est peuplé de 400 millions
de personnes. C’est le résultat d’un lent processus qui a duré dix ans, car les
points de vue et les réticences sont nombreux : faut-il laisser circuler
librement dans l’UE les seuls ressortissants des États membres et donc
maintenir des contrôles aux frontières ? Ou au contraire, les ouvrir sans
restriction ? Une réponse est apportée par l’Eurobaromètre de la fin de 2008
qui signale que près de la moitié des Européens associe en premier lieu
l’Union européenne et la liberté de voyager, étudier et travailler dans les
vint-sept pays membres.
Des accords intergouvernementaux créent un espace sans frontières
administratives, donnant ainsi naissance à l’Espace Schengen. Une
Convention d’application, adoptée en 1990, entre en vigueur en 1995 pour
les cinq premiers signataires auxquels se joignent l’Italie, l’Espagne, le
Portugal, la Grèce et l’Autriche, puis le Danemark, la Finlande et la Suède
en 1996 (la Norvège et l’Islande sont membres associés de l’Espace
Schengen : en effet, depuis 1954, l’union nordique des passeports constituée
par ces cinq États a supprimé les contrôles à leurs frontières communes).
Les pays membres sont soumis à une réglementation commune pour la
politique des visas, du droit d’asile et de l’immigration. La Convention de
Schengen est incluse dans le traité d’Amsterdam de 1997. Bien que, depuis
2004, tout nouveau membre de l’UE doive adhérer à l’Espace Schengen,
tous les États n’en font pas partie : la Bulgarie, la Roumanie, Chypre (à
cause de la partition de l’île) ; la Grande-Bretagne et l’Irlande bénéficient
de dérogations : elles participent à la coopération policière en matière
pénale, à la lutte contre les stupéfiants mais conservent le droit d’exercer
des contrôles à leurs frontières (visas, droit d’asile, immigration). En
revanche, la Suisse adhère à l’Espace Schengen en 2008. Tout ressortissant
d’un des États de l’Espace peut se déplacer librement, mais il doit disposer
de revenus suffisants pour s’installer dans un autre État plus de trois mois ;
pour obtenir un droit de séjour permanent dans le pays d’accueil, il doit y
avoir résidé pendant cinq ans consécutifs, en toute légalité. Parallèlement, il
faut travailler en commun à la sécurisation des frontières extérieures de
l’Espace, avec une coopération policière et judiciaire, un droit de poursuite.
L’Espace Schengen est-il une forteresse ? Certains le pensent du fait du
visa Schengen, mais d’autres ont une opinion opposée. Des accords, signés
à Dublin en 1990, ont instauré une politique d’asile commune, mais la
politique d’immigration est rendue beaucoup plus difficile, du fait des
centres de rétention où sont cantonnés les étrangers en situation irrégulière
avant leur admission ou leur expulsion, et des accords de réadmission qui
sont signés avec les pays extracommunautaires permettent le rapatriement
des clandestins. La convention de Dublin stipule que le pays par lequel un
migrant est entré dans l’Espace Schengen est responsable de son accueil ;
aussi les pays de la périphérie de l’UE, (par exemple, près de 150 000
clandestins sont entrés en Grèce en 2008), sont en butte à une immigration
clandestine difficile à résorber, et les politiques de régularisation des sans-
papiers sont loin d’être harmonisées. Toutefois les expulsions d’un pays de
l’Union vers le pays d’arrivée, particulièrement l’Espagne, l’Italie et la
Grèce, sont plus ou moins suspendues pour alléger le poids qui pèse sur
eux, alors qu’ils ne peuvent satisfaire à toutes les demandes d’asile.
Ch. M

www.visa-schengen.info
→ CEE, UE (TRAITÉS DE L’)

SCHUMAN Robert (1886-1963)

L'engagement de ce « père de l’Europe » est d’abord le produit d’une


histoire personnelle. Fils d’une Luxembourgeoise et d’un Lorrain, il est
Allemand jusqu’en 1918. Après des études dans les universités allemandes,
il est avocat à Metz en 1912. Député conservateur modéré de la Moselle en
1919, il le demeure durant l’entre-deux-guerres. R. Schuman soutient la
politique extérieure de Briand, mais non son projet d’Union européenne
(1929), combat par anticommunisme le pacte franco-soviétique signé par
Laval (1935), admire Franco et, en dépit de son hostilité au nazisme,
approuve les accords de Munich (1938). Ministre des Réfugiés dans le
gouvernement Reynaud (1940), il vote les pleins pouvoirs à Pétain, ce qui
lui vaut d’être frappé d’indignité nationale à la Libération, malgré son
internement par les Allemands (septembre 1940-août 1942). Après un non-
lieu en sa faveur obtenu sur intervention de De Gaulle en septembre 1945, il
est député du Mouvement républicain populaire (1945-1962). Partisan
d’une Europe unie, il y consacre l’essentiel de son action gouvernementale.
Ministre des Finances (juin 1946-novembre 1947), président du Conseil
(novembre 1947-juillet 1948), il est surtout ministre des Affaires étrangères
pendant quatre ans (juillet 1948-décembre 1952). Confronté aux problèmes
de décolonisation en Indochine et en Tunisie, il ne réussit pas à y apporter
des solutions satisfaisantes. En revanche, convaincu que la sécurité de la
France ne peut être assurée qu’en intégrant l’Allemagne dans une
communauté européenne, il veut mettre à profit le fait que Konrad
Adenauer et De Gasperi sont comme lui des démocrates chrétiens. Le «
plan Schuman », élaboré par le commissaire au Plan, J. Monnet, est
présenté par le ministre des Affaires étrangères le 9 mai 1950, jour où
Adenauer annonce l’adhésion de l’Allemagne au Conseil de l’Europe. Pour
sauvegarder la paix, dans le contexte de la guerre froide et de la question
allemande, le gouvernement français propose de placer l’ensemble de la
production allemande et française du charbon et de l’acier sous une Haute
Autorité commune, première étape vers une organisation ouverte à d’autres
pays de l’Europe. L'objectif est de proposer « des réalisations concrètes
créant d’abord une solidarité de fait » pour éliminer la traditionnelle rivalité
franco-allemande. Ce Plan donne naissance à la CECA.
Le succès de l’entreprise l’encourage à chercher une solution au
problème du réarmement allemand dans un projet de Communauté
européenne de défense (octobre 1950). L'enlisement de ce dossier, et de
celui de la Sarre, entraîne son départ du Quai d’Orsay. S'éloignant de De
Gaulle après son retour au pouvoir (1958), il ne peut jouer un rôle de
premier plan sous la Ve République.
AD

POIDEVIN Raymond, Robert Schuman, homme d’État 1886-1963,


Imprimerie nationale, 1986. ROTH François, Robert Schuman, Fayard,
2008.
→ ADENAUER, ALLEMANDE (QUESTION), BRIAND, CECA,
CED, CONSEIL DE L'EUROPE, DE GASPERI, DE GAULLE,
GUERRE FROIDE, INDOCHINE (GUERRE D’), MONNET,
MUNICH (ACCORDS DE), SARRE

SÉCURITÉ COLLECTIVE

Notion signifiant que la sécurité et l’intégrité territoriale d’un État


reposent, non sur son effort militaire propre, mais sur la recherche de
solutions négociées (bons offices, médiations) ou sur la garantie collective.
S'agissant de négociations, des procédures sont parfois mentionnées,
comme dans le traité de Locarno qui prévoit un recours obligatoire à
l’arbitrage dans le cas d’un conflit. Ce principe est le fondement des pactes
de la SDN et de l’ONU, qui suppose l’acceptation par les pays membres des
décisions collectives et leur volonté de les appliquer, y compris par la force.
Pour ce qui est des organisations internationales (SDN, ONU), le pouvoir
de mettre en œuvre la sécurité collective repose sur le Conseil de sécurité
qui, lui-même, dépend de la volonté des membres permanents, c’est-à-dire
des grandes puissances. D’où l’échec de la SDN à mettre en pratique la
sécurité collective (Mandchourie en 1931, Éthiopie en 1935, etc.). Quant à
l’ONU, elle manifeste l’hostilité de la communauté internationale à un acte
d’agression en deux occasions : en pleine guerre froide, pour faire face à
l’invasion de la Corée du Sud par son voisin du Nord, en profitant de
l’absence de l’Union soviétique du Conseil de sécurité, en 1950-1953 ; et
pour faire échec à l’invasion du Koweït par l’Irak provoquant la guerre du
Golfe en 1990-1991. Faire échec à l’agression apparaît comme un succès de
la sécurité collective, mais l’ONU ne joue qu’un rôle limité car en fait ce
sont les Américains qui, dans les deux cas, dirigent les opérations militaires
conduites au nom des Nations unies. Dans d’autres cas, il s’agit
d’opérations de maintien de la paix menées avec des forces placées sous le
contrôle des Nations unies, et généralement pour des conflits intra-
étatiques. Mais le problème de fond de la sécurité collective est que, pas
plus que la SDN, l’ONU ne dispose d’une véritable force militaire
internationale. Pour remédier à ces carences, les organisations régionales,
comme l’OUA et l’OSCE, prennent plus de responsabilités et l’OTAN se
transforme en une organisation de sécurité collective à vocation universelle.
MV
→ CORÉE (GUERRE DE), CSCE/OSCE, ÉTHIOPIE (GUERRE
D’), GOLFE (GUERRE DU), GUERRE FROIDE, LOCARNO
(CONFÉRENCE DE), MAINTIEN DE LA PAIX, MANDCHOURIE
(CONFLIT), ONU (CONSEIL DE SÉCURITÉ), OUA

SÉKOU TOURÉ (1922-1984)

L'homme qui a dit « non » à de Gaulle le 28 septembre 1958, le


syndicaliste anticolonialiste, le panafricaniste sur le modèle de Kwame
N’Krumah (Ghana), entre dans l’Histoire par son refus de la proposition de
communauté franco-africaine et par la rupture immédiate avec la France qui
s’ensuit. Président de la République de Guinée, il devient le leader africain
charismatique, autoritaire, cynique, charmeur et cruel. Mais le chemin est
long pour ce cadet d’une famille de huit enfants, à la date de naissance
incertaine (entre 1918 et 1920 ou 1922) et à l’ascendance tout aussi
incertaine : un de ses ancêtres est-il l’illustre Almamy Samori Touré,
farouche opposant à la colonisation française en Afrique de l’Ouest ? Après
avoir suivi un enseignement professionnel, exercé plusieurs petits métiers, il
entre en 1944 comme commis auxiliaire aux PTT. Ambitieux, de 1946 à
1956, Sékou Touré construit son personnage et, de syndicaliste, devient un
homme politique. En 1946, secrétaire général du syndicat des PTT, il est
invité au congrès de la CGT à Paris. À son retour, il contribue à la création
de plusieurs syndicats et devient en 1951 secrétaire général du comité de
coordination des syndicats CGT d’AOF-Togo. Élément subversif, fauteur
de grèves, le 25 janvier 1951, Sékou Touré est définitivement révoqué de
l’administration coloniale et se consacre au syndicalisme révolutionnaire.
Député guinéen du Rassemblement démocratique africain (RDA), il
s’inscrit dans le groupe des apparentés à l’Union démocratique et sociale de
la Résistance (UDSR) de François Mitterrand et siège à la Commission du
travail et de la sécurité sociale, tout en suivant de près l’élaboration de la
loi-cadre de 1956 dite « loi Defferre » d’où va dépendre l’avenir de
l’Afrique. Son apogée se situe en 1958. Lorsque le général de Gaulle,
revenu au pouvoir le 1er juin 1958, fait son grand tour d’Afrique du 20 août
au 1er septembre 1958 pour appeler les colonies africaines à entrer dans la
Communauté dans le cadre de la Constitution de la Ve République, il se
rend successivement à Tananarive, Brazzaville, puis continue par Abidjan,
Conakry et Dakar. Si l’accueil est chaleureux, Sékou Touré prononce devant
le général de Gaulle et la foule assemblée un discours anticolonialiste,
polémique, enflammé et s’écrie : « Nous préférons la pauvreté dans la
liberté à la richesse dans l’esclavage » et encore : « Nous ne renoncerons
pas et nous ne renoncerons jamais à notre droit légitime et naturel à
l’indépendance. » Le sort de la Guinée est réglé. Le 28 septembre 1958, le
projet de Constitution est adopté par près de 80 % des Français. Le même
jour, les possessions françaises d’outre-mer approuvent leur intégration
dans la Communauté française, seule la Guinée répond « Non » et est, de ce
fait, immédiatement indépendante. Le 2 octobre 1958, Sékou Touré,
Président, devient dès lors le maître de la Guinée et instaure un régime
totalitaire à parti unique, la « révolution guinéenne », dictature violente qui
glisse vers la tyrannie (des milliers de victimes et deux millions d’exilés,
pour la grande majorité des intellectuels). Il est le maître incontesté pendant
26 ans mais est très critiqué, qualifié de « despote », et de « tyran ». Sous sa
férule, la Guinée est respectée et obtient le soutien des pays capitalistes et
communistes (URSS, République populaire de Chine, Cuba), il reçoit le
prix Lénine pour la paix en 1961, mais connaît des tensions avec les États
voisins, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, ne cesse d’invoquer des complots en
1961, 1965, 1969, et même une tentative de subversion portugaise (1970). Il
entretient de difficiles relations avec la France, allant jusqu’à la rupture des
relations diplomatiques le 20 novembre 1965. La visite du président
Giscard d’Estaing, le 26 janvier 1978, entraîne une certaine libéralisation du
régime et signe la rupture avec les pays de l’Est. Ayant pris ses distances
avec les pays socialistes, Sékou Touré se rapproche des pays modérés, des
non-alignés et se rend même aux États-Unis en 1982. Le président
Mitterrand le reçoit en 1982 et 1983. Conakry accueille le 20e sommet de
l’OUA en 1982. Sékou Touré décède à Cleveland (Ohio), États-Unis, lors
d’une opération de chirurgie cardiaque le 26 mars 1984. Son régime est
balayé, laissant un pays exsangue et miséreux. L'armée s’empare du
pouvoir.
CB

KAKÉ Ibrahima Baba, Sékou Touré, le héros et le tyran, Jeune Afrique


Livres, 1987.
LACOUTURE Jean, De Gaulle, Le politique, 1944-1959, Paris, Le Seuil,
1985.
LEWIN André, Sékou tel que je l’ai connu, in Jeune Afrique Plus, n° 8,
juin 1984.
SORRY Charles E., Sékou Touré, L'ange exterminateur, Un passé à
dépasser, L'Harmattan, 2000.
→ COMMUNAUTÉ FRANCO-AFRICAINE ET MALGACHE,
DÉCOLONISATION, DE GAULLE, GISCARD D’ESTAING,
MITTERRAND, OUA, UNION FRANçAISE

SENGHOR Léopold Sedar (1906-2001)

Ce « petit Sérère entêté » comme Senghor aimait à se qualifier, chef


d’État, poète, essayiste, naquit à Joal, petite ville côtière au sud de Dakar,
dans une famille aisée, catholique, appartenant à une ethnie minoritaire, les
Sérères. Après de bonnes études dans des institutions privées au Sénégal,
passionné de littérature française, il arrive en France en 1928 et commence
ce qu’il appellera plus tard ses « seize années d’errance » dans le monde des
lettres. Entré à l’École normale supérieure, il y côtoie Paul Guth, Henri
Queffélec, Georges Pompidou qui deviendra son ami. Il y rencontre aussi le
poète Aimé Césaire. Agrégé de grammaire en 1935, premier Africain à
pouvoir revendiquer cette distinction, il poursuit une carrière d’enseignant
en France, tout en suivant des cours de linguistique négro-africaine à
l’École pratique des hautes études et à l’institut d’ethnologie de Paris.
Naturalisé français en 1932, il est enrôlé comme fantassin dans un régiment
d’infanterie coloniale en 1939. Fait prisonnier par les Allemands, il est
libéré en 1942 pour cause de maladie. Durant ces deux années de captivité,
Senghor se consacre à la poésie. La guerre terminée, il reprend la chaire de
linguistique à l’École nationale de la France d’outre-mer, chaire qu’il
occupera jusqu’à l’indépendance du Sénégal en 1960. 1945 marque le début
de son entrée en politique. Élu député du Sénégal, il est constamment réélu,
en 1946, 1951, 1956. Secrétaire d’État à la présidence du Conseil dans le
Cabinet Edgar Faure (23 février 1955-24 janvier 1956), il est élu maire de
Thiès, au Sénégal, en novembre 1956. Ministre-conseiller du gouvernement
de Michel Debré, du 23 juillet 1959 au 19 mai 1961, il fut aussi membre de
la commission chargée d’élaborer la constitution de la Ve République,
conseiller général du Sénégal, membre du Grand Conseil de l’Afrique
occidentale française et membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil
de l’Europe. Il est élu premier président de la République du Sénégal le 5
septembre 1960. Marié en 1946 en premières noces avec Ginette Éboué,
fille de Félix Éboué, gouverneur général de l’Afrique équatoriale française,
dont il eut deux fils, Francis-Arphang (1947-) et Guy-Wali (1948-1984), il
divorce en 1956 et se remarie l’année suivante avec une Française
originaire de Normandie, Colette Hubert, qui lui donna un fils, Philippe-
Maguilen (1958-1981). Constamment réélu président de la République en
1963, 1968, 1973, 1978, il se démet de ses fonctions le 31 décembre 1980.
Léopold Sédar Senghor est un écrivain et un poète reconnu,
successivement poète de la contestation anti-coloniale et anti-esclavagiste,
chantre de la négritude. Ses premiers poèmes paraissent en 1945 aux
éditions du Seuil. En 1964, est publié le premier d’une série de cinq
volumes intitulée « Liberté », recueils de discours, allocutions, essais et
préfaces, le dernier, « Liberté 5, dialogue des cultures » est édité en 1993.
Grand-croix de la Légion d’honneur, Commandeur des Arts et Lettres, il est
titulaire de très nombreuses distinctions culturelles françaises et étrangères :
il est médaille d’or de la langue française, grand prix international de poésie
de la Société des poètes et artistes de France et de langue française (1963),
médaille d’or du mérite poétique du prix international Dag Hammarskjöld
(1965), pour ne citer que quelques-uns de ses nombreux prix, docteur
honoris causa de trente-sept universités, dont Paris-Sorbonne, il est élu à
l’Académie française le 2 juin 1983, au fauteuil du duc de Lévis-Mirepoix.
Il est le premier Africain à siéger à l’Académie française. Il prononce son
discours de réception le 29 mars 1984, en présence de François Mitterrand.
Outre ses activités d’écrivain, il soutient la création de la Francophonie et
fut le vice-président du Haut-Conseil de cette institution.
Léopold Sédar Senghor est décédé le 20 décembre 2001 à Vernon, en
Normandie. Ses obsèques sont célébrées le 29 décembre 2001 à Dakar.
CB

BOURGES Hervé, Léopold Sedar Senghor, Lumière noire, Paris, Mengès,


2006.
ROUS Jean, Léopold Sedar Senghor, La vie d’un président de l’Afrique
nouvelle, Paris, Didier, 1967. VAILLANT Janet, Vie de Léopold Sedar
Senghor, Noir, Français et Africain, Karthala, 2006.
→ DÉCOLONISATION, FRANCOPHONIE, NON-ALIGNÉS
(MOUVEMENT DES), ONU, OUA

SÈVRES (TRAITÉ DE)

Signé le 10 août 1920, ce traité est imposé à un Empire ottoman dont les
délégués ont été expulsés de France en juin et dont le territoire est en partie
occupé par les Alliés. Il consacre les projets de démembrement des accords
Sykes-Picot et les promesses faites à l’Italie (accord de Saint-Jean-de-
Maurienne en 1917) et à la Grèce de Vénizélos.
En 433 articles, il prévoit une zone internationale (occupation d’Istanbul)
autour des Détroits, la perte du Proche-Orient et de la Cilicie placés sous
mandats français ou anglais, la cession du sud-ouest anatolien à l’Italie et de
la Thrace à la Grèce qui administre le district de Smyrne/Izmir (peuplé en
majorité de Grecs) dont l’annexion devra être ratifiée par plébiscite après
cinq ans. Les États-Unis refusent un mandat sur l’Arménie qui est érigée en
État indépendant, et la création d’un État des Kurdes est renvoyée à une
décision ultérieure de la SDN. L'Empire ottoman se trouve réduit à un
quadrilatère anatolien disposant d’un débouché sur la mer Noire, son armée
est limitée à 15 000 hommes assistés de gendarmes, les Capitulations (actes
par lesquels le Sultan a accordé, depuis 1528, des privilèges aux
ressortissants des États occidentaux) sont étendues et les finances de l’État
remises à des experts étrangers.
La dureté de ce traité permet à Kémal de rallier à sa révolte contre le
Sultan nombre de députés de l’Assemblée élue à l’automne 1919.
Son alliance avec la Russie bolchévique et ses victoires contre les
Arméniens, les Français en Cilicie, et les Grecs en Anatolie (armistice de
Mudanya, le 11 octobre 1922) ouvrent la voie à la conclusion, en juillet
1923, d’un nouveau traité entre les Alliés et la Turquie, à Lausanne, puis à
la disparition, en octobre, du vieil Empire ottoman au profit de la
République turque.
OD

MANTRAN Robert, Histoire de l’Empire ottoman, Fayard, 1989.


→ KURDE (PROBLÈME), LAUSANNE (TRAITÉ DE),
MANDATS, SDN, SYKES-PICOT (ACCORDS), TRAITÉS DE PAIX,
VÉNIZÉLOS

SFORZA Carlo (1873-1952)

Diplomate italien depuis 1896, spécialiste des Balkans, il est secrétaire


d’État (1919-1920) puis ministre des Affaires étrangères (1920-1921).
Ambassadeur à Paris (février 1922), il démissionne à l’avènement de
Mussolini et vit en exil à Bruxelles puis, à partir de 1940, aux États-Unis.
Revenu en Italie après la chute du régime fasciste (1943), il est élu à la
Constituante de 1946. En 1947, il devient ministre des Affaires étrangères
de De Gasperi ; en plein accord avec lui, Sforza fait ratifier, en septembre
1947, le traité de paix de Paris, et jusqu’à son départ pour raison de santé en
juillet 1951, mène une politique résolument favorable à l’alliance
occidentale et à la construction européenne : création du Conseil de
l’Europe (mai 1949), de la CECA (avril 1951), adhésion de l’Italie à
l’OTAN (1949). Carlo Sforza joue aussi un rôle important dans la
négociation concernant le sort des colonies italiennes non réglé par le traité
de paix, qui fait l’objet de contestations ; même un compromis avec le
secrétaire au Foreign Office, Ernest Bevin, échoue en juin 1949, ce qui
aboutit à l’indépendance de la Libye, à une tutelle italienne provisoire sur la
Somalie, et à l’association de l’Érythrée à l’Éthiopie.
AD

GIORDANO Giancarlo, Carlo Sforza, Milano, F. Angeli, 1992.


→ CECA, CONSEIL DE L'EUROPE, DE GASPERI, MUSSOLINI,
OTAN

SINO-JAPONAISE (GUERRE)

Issue des agressions répétées du Japon depuis l’affaire de Mandchourie


en 1931 et d’une nouvelle fermeté imposée à Tchang Kaï-chek par ses
opposants, la guerre sino-japonaise naît, sans être déclarée, le 7 juillet 1937,
d’un incident mineur sur le pont Marco Polo près de Pékin avec les forces
japonaises stationnées là en vertu du protocole des Boxers. « Incident
chinois », comme on s’obstine à le dire tout au long de la période côté
nippon ou « guerre de 15 ans », comme l’appellent aujourd’hui les
historiens japonais, elle peut en tout cas être considérée à bon droit comme
le vrai début de la Seconde Guerre mondiale. Elle s’ouvre sur une
spectaculaire avancée japonaise, la prise de Pékin en deux jours, de
Shanghai le 27 octobre 1937, la chute de Nankin le 13 décembre marquée
par des brutalités (viols d’environ 20 000 femmes et meurtres de plus de
100 000 soldats et 40 000 civils), et enfin en octobre 1938, la chute de
Wuhan. Le conflit est ensuite quasi paralysé, l’armée japonaise confrontée à
la guérilla communiste, alors que le gouvernement nationaliste, «
échangeant l’espace contre du temps » selon Tchang Kaï-chek, s’est retiré à
Chongqing et que les Japonais installent un gouvernement collaborateur à
Nankin. Ce n’est qu’entre avril et décembre 1944, alors que la défaite
japonaise se profile dans le Pacifique, que la guerre se ravive. Ayant coûté à
la Chine 800 000 soldats et 2,5 millions de civils, le conflit a largement
contribué à la modification du rapport de force entre nationalistes et
communistes ; il a surtout démontré l’incapacité de la SDN à faire échec à
l’agression par la sécurité collective et à faire respecter les règles
internationales, le Japon pratiquant une politique contraire au traité des neuf
puissances signé à Washington en 1922 et au pacte Briand-Kellogg.
PMD

IRIYE Akira, The Origins of the Second World War in Asia and the Pacific,
Longman, London, 1987.
→ BRIAND-KELLOGG (PACTE), HIRO-HITO, MANDCHOURIE
(CONFLIT DE), SDN, SÉCURITÉ COLLECTIVE, TCHANG KAï-
CHEK, WASHINGTON (TRAITÉ DE)

SINO-SOVIÉTIQUE (CONFLIT)

En 1949, la conquête du pouvoir par les communistes en Chine semble


garantir d’étroites relations sino-soviétiques, symbolisées par le voyage de
Mao Zedong à Moscou et l’accord du 14 février 1950, renforcées à la mort
de Staline avec la visite de Khrouchtchev à Pékin en octobre 1954, la
signature de dix accords de coopération et l’abandon des dernières bases
soviétiques en Mandchourie, issues des traités inégaux. Un accord sur le
nucléaire civil est conclu et Moscou s’engage secrètement le 15 octobre
1957 à aider la Chine à se doter de l’arme nucléaire. La déstalinisation
entraîne la crise car la Chine prétend, avec Mao, à une place au sein du
monde communiste : vu son poids, elle ne peut être un simple satellite, et
elle est trop pauvre et jeune dans le communisme pour être reconnue par
l’URSS comme un partenaire égal. La coexistence pacifique oppose encore
une Chine qui croit à la seule valeur de la révolution à une URSS qui, forte
de sa nouvelle parité nucléaire avec les États-Unis, pense que la rivalité doit
désormais se limiter à l’économie. Ainsi, lors de la crise de Quemoy et
Matsu en 1958, Pékin constate le faible soutien soviétique tandis que le «
grand bond en avant » suscite l’incompréhension totale de Moscou. La
Chine reproche à l’URSS de devenir l’alliée objective des États-Unis,
l’URSS la taxe de dogmatisme et d’aventurisme dangereux à l’ère
nucléaire. Aussi le traité secret de défense est-il dénoncé par l’URSS le 20
juin 1959 ; dans la question tibétaine qui oppose la Chine à l’Inde, l’URSS,
sans prendre parti, accorde son aide à l’Inde ; le voyage de Khrouchtchev à
Pékin en octobre 1959, après un séjour aux États-Unis où il a désapprouvé
les pays qui veulent exporter leur révolution, souligne des désaccords
croissants, marqués par le rappel des experts soviétiques, le renvoi des
étudiants chinois et l’interruption des actions de coopération. La rupture se
cristallise alors autour du plus petit pays communiste européen, l’Albanie
(l’accord qu’elle signe avec la Chine en janvier 1962 démontre a contrario
l’isolement chinois).
Peu à peu, l’opposition doctrinale entre partis se transforme en une
confrontation entre États. Moscou soutient l’Inde dans son conflit frontalier
avec la Chine de septembre 1962 autour de la ligne Mac-Mahon ; en
octobre 1962, la crise de Cuba permet à Pékin de dénoncer le «
capitulationnisme » de Khrouchtchev. Les premiers incidents de frontière
éclatent entre l’URSS et la Chine dans le Sinkiang (1962). Dans l’exaltation
nationaliste au ton antisoviétique de la Révolution culturelle, le conflit
devient un conflit de puissances très classique, avec ses revendications
territoriales et frontalières, auquel l’accès de la Chine au club atomique le
16 octobre 1964 donne une dimension particulière. Un sanglant incident de
frontière le 2 mars 1969 sur l’Oussouri porte la tension à son comble. Si des
négociations reprennent le 20 octobre 1969, les rapports ne s’améliorent pas
et la Chine, voyant dans les menées de son voisin une stratégie
d’encerclement, prépare une volte-face diplomatique couronnée en 1971 et
1972 par les voyages de Kissinger et Nixon à Pékin, sa reconnaissance par
Washington et son entrée en lieu et place de Taiwan au Conseil de sécurité
de l’ONU. Depuis 1975, la politique d’hégémonie du Vietnam dans la
péninsule Indochinoise ajoute un facteur d’opposition entre la Chine et
l’URSS qui s’affrontent par puissances interposées : les Soviétiques
soutiennent le Vietnam, y installent des bases militaires après la
réunification, la Chine aide ouvertement le régime des Khmers rouges au
Cambodge. Des signes de reprise apparaissent pourtant : l’accord de
navigation sur l’Amour et l’Oussouri (octobre 1978), surtout, l’URSS, en
dépit du traité du 3 novembre 1978 avec le Vietnam, s’abstient d’intervenir
lorsque la Chine envahit temporairement le Tonkin en mars 1979.
Prétextant l’expiration prochaine du traité d’amitié de 1950, la Chine
propose en mai 1979 l’ouverture de nouvelles négociations – un
ambassadeur chinois est à nouveau nommé à Moscou en janvier 1980 –
suspendues lors de l’invasion de l’Afghanistan.
L'arrivée de Gorbatchev au pouvoir en 1985 permet de débloquer la
situation. À Vladivostock en juillet 1986, il déclare possible un règlement
négocié de la frontière extrême-orientale, et les « trois grands obstacles » à
la sécurité chinoise sont levés un à un : relâchement de la pression militaire
soviétique sur la frontière chinoise en 1988, engagement au retrait
vietnamien du Cambodge avant septembre 1989, évacuation de
l’Afghanistan. Les Chinois accueillent Gorbatchev du 15 au 18 mai 1989
pour trouver un début de solution aux litiges frontaliers en retenant pour
frontière les chenaux principaux de l’Oussouri et de l’Amour, et cet accord
marque la normalisation des relations entre les deux États. Mais les
incidents de Tian’anmen, la perestroïka et la glasnost ne facilitent guère la
collaboration entre deux régimes qui évoluent idéologiquement et
politiquement en sens contraire. Aussi est-ce avec une tiédeur diplomatique
que Li Peng, l’homme fort de Pékin, est reçu à Moscou en avril 1990.
L'effondrement de l’URSS, qui semble conforter la condamnation chinoise
du révisionnisme soviétique, laisse la Chine seule représentante de taille du
communisme.
PMD

BETTATI Mario, Le Conflit sino-soviétique, Armand Colin, 1971.


FETJö François, Chine-URSS. De l’alliance au conflit, 1950-1977, Le
Seuil, 1978.
→ AFGHANISTAN (GUERRES D’), CAMBODGE, CUBA (CRISE
DE), GORBATCHEV, KHROUCHTCHEV, KISSINGER, MAO
ZEDONG, NIXON, ONU, QUEMOY ET MATSU, STALINE

SIONISME
Ce mouvement a pour objet de favoriser le retour et l’établissement des
Juifs en Palestine. Il naît à la fin du 19e siècle en réaction aux persécutions
antisémites en cours dans certains pays d’Europe centrale (Russie,
Roumanie, Ukraine). C'est sous l’inspiration du journaliste juif hongrois
(1860-1904) Theodor Herzl que le premier congrès sioniste a lieu à Bâle en
1897 « pour assurer au peuple juif un foyer en Palestine, garanti par le droit
international ». La vague d’antisémitisme suscitée en France par le scandale
de Panama (1890) et l’affaire Dreyfus contribue à accélérer le mouvement.
Diverses propositions d’implantation ailleurs qu’en Palestine (dont
l’Ouganda) sont refusées avec vigueur. Le mouvement a pour siège Vienne
puis, après la mort de Herzl, Cologne en 1904 et Berlin en 1911. Des
colonies agricoles (les kibboutz) s’implantent en Palestine, vite grossies par
une immigration plus ou moins clandestine. Depuis la publication de L'État
juif de Th. Herzl en 1896, le mouvement acquiert une dimension politique.
En 1909 est fondée, à côté de la vieille cité arabe de Jaffa, la nouvelle ville
juive de Tel-Aviv, avec écoles primaires et secondaires : l’hébreu y devient
langue officielle. Le sionisme marque un point avec la déclaration Balfour
de 1917 par laquelle le Royaume-Uni accepte, après la guerre, de «
favoriser en Palestine l’établissement d’un foyer national pour le peuple juif
», à condition qu’aucune atteinte ne soit portée aux droits des Arabes. Mais,
parallèlement à cet engagement fait à Chaïm Weizmann, le chef du
sionisme, Londres multiplie les promesses aux Arabes pour les entraîner à
la révolte contre les Ottomans. La déclaration Balfour crée un malentendu
entre les sionistes et le gouvernement anglais : celui-ci entend bien ne
favoriser qu’un foyer national et non un État juif. En 1920, la SDN confie le
mandat sur la Palestine au Royaume-Uni, ce qui suscite la déception des
Juifs aussi bien que des Arabes. Le mouvement sioniste se fixe alors pour
but de réussir l’implantation économique des Juifs en Palestine : le Fonds
national juif multiplie les achats à bas prix de terres exploitées selon un
modèle collectiviste, le kibboutz. L'énergie des colons juifs, leur efficacité
professionnelle, leur ardeur au travail, leur formation européenne suscitent
rapidement la jalousie des Arabes dont le niveau de vie est distancé par
celui des Juifs.
Les premiers heurts entre Juifs et Arabes se produisent en 1929. Tous ces
éléments se conjuguent pour nourrir une sympathie accrue en Europe
envers le mouvement sioniste de la part de ceux des Juifs qui craignaient
que l’émigration vers la Palestine ne dévalorise leur position dans les pays
européens. L'arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933 favorise une vague
d’immigration juive vers la Palestine. La création d’un État juif indépendant
devient alors l’objectif du mouvement sioniste, d’autant que les chefs
arabes nationalistes prennent contact avec le régime hitlérien. Mais le
Royaume-Uni, craignant de dresser contre lui les populations arabes en
favorisant les Juifs, limite sévèrement l’émigration en 1939 et la stoppe
complètement en 1940-1941. À partir de cette date, le sionisme n’hésite pas
à avoir recours à l’action terroriste contre les Anglais : l’organisation
militaire clandestine de l’Irgoun pratique des attentats contre des
fonctionnaires britanniques et des civils arabes. En 1945-1946, le groupe
d’auto-défense Haganah s’allie aux mouvements terroristes Stern et Irgoun
car les Anglais, malgré le sort réservé aux Juifs pendant la guerre,
n’assouplissent pas leur politique d’immigration – malgré des demandes des
États-Unis en ce sens. L'affaire de l’Exodus envenime la situation en 1947.
Saisie par Londres, l’ONU soumet un plan de partage de la Palestine en
novembre 1947 : les Juifs se voient attribuer un territoire de 14 000 km2 (de
bonnes terres), le secteur de Jérusalem-Bethléem devenant une enclave
internationale gérée par l’ONU. Le mandat anglais prend fin le 14 mai
1948, jour de la proclamation d’Israël par David Ben Gourion. Le sionisme
gagne une grande victoire, mais il se retrouve confronté seul à seul à ses
pires ennemis, les nations arabes. Refusant le partage de la Palestine, ceux-
ci déclenchent une guerre contre Israël dès mai 1948 que l’État hébreu
gagne début 1949. C'est le début des conflits israélo-arabes. Dès lors, le
sionisme, parallèlement à l’établissement de structures administratives et
sociales nouvelles en Israël, se consacre à la défense de son territoire pour
sa survie, dans un environnement hostile.
À la collectivité incarnée sur le plan intérieur par le kibboutz, fait écho,
sur le plan extérieur, un vif sentiment d’unité nationale fondé sur le
souvenir de la shoah et le danger représenté par la nation arabe. Des années
1940 aux années 1970, les principales figures du sionisme, financièrement
soutenu par la diaspora juive, sont David Ben Gourion et Golda Meir.
À la suite de la guerre du Kippour, une majorité de l’assemblée générale
de l’ONU autour du groupe afro-asiatique vote une résolution disposant que
« le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale ».
MV

DEROGY Jacques, Le siècle d’Israël : les secrets d’une épopée, 1895-


1995, Paris, Fayard, 1994. FRANCK Claude, Le sionisme, Paris, PUF,
1993, coll. « Que sais-je ? » n° 1801.
LAQUEUR Walter, Histoire du sionisme, Calmann-Lévy, 1973.
→ BALFOUR (DÉCLARATION), BEN GOURION, HITLER,
ISRAÉLO-ARABES (CONFLITS), KIPPOUR (GUERRE DU),
MANDATS, MEIR, ONU, SDN, SIX JOURS (GUERRES DES)

SIX JOURS (GUERRE DES)

À la suite de la crise de Suez (1956), les Casques bleus stationnent d’une


part le long de la frontière israélo-égyptienne, du côté égyptien, d’autre part
à Charm-el-Cheikh, position fortifiée à l’est du Sinaï dans le golfe d’Akaba
proche du port israélien d’Eilat, le seul débouché d’Israël sur la mer Rouge.
Cette paix instable voit se confirmer les positions des grandes puissances
dans la région. L'Union soviétique renforce ses liens avec l’Égypte de
Nasser, et les États-Unis remplacent la France dans son rôle de protecteur
de l’État d’Israël.
Le 18 mai 1967, Nasser demande au secrétaire général de l’ONU, U
Thant, de retirer les forces de l’ONU du territoire égyptien – en particulier
de Charm-el-Cheikh – et interdit aussitôt après le golfe d’Abaka à tout
trafic israélien. Tandis que l’Égypte reçoit le soutien de l’URSS et des pays
arabes (Syrie et Jordanie), le parti de la guerre l’emporte en Israël qui reçoit
l’appui des États-Unis.
La guerre préventive, déclenchée le 5 juin par une attaque de l’aviation
israélienne, se solde par une éclatante victoire d’Israël. L'armée israélienne
fonce vers le Sinaï, s’emparant de Gaza à l’ouest et de Charm-el-Cheikh à
l’est, s’installe sur la rive est du canal de Suez et lève le blocus du golfe
d’Akaba. Dès le 7 juin commence une offensive vers le nord-est, la
Cisjordanie et la vieille ville de Jérusalem, qui jusque-là faisait partie de la
Jordanie. Les Israéliens prennent le plateau du Golan aux Syriens. Tant que
le cessez-le-feu n’est pas accepté, les Israéliens continuent d’avancer ou de
fortifier leurs positions le long du canal. L'Égypte se résigne au cessez-le-
feu le 8 ; la Syrie, le 10. Au moment où se termine cette offensive, le
territoire occupé par les Israéliens passe de 20 300 km2 à 102 400 km2. Dès
le 23 juin, malgré l’opposition des Nations unies et des grandes puissances,
le Parlement israélien annexe la partie arabe de Jérusalem.
Les négociations au sein et en marge des Nations unies aboutissent le 22
novembre 1967 au vote de la résolution 242 des Nations unies qui stipule
qu’Israël doit se retirer de tous les territoires occupés, selon le texte
français, et de certains des territoires occupés, selon une interprétation de la
version anglaise, et affirme le droit de chaque État de la région de vivre en
paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues.
Du point de vue israélien, la guerre des Six jours est ambiguë, car elle se
solde par une victoire mais pose à Israël le problème de savoir que faire des
territoires occupés. Elle est humiliante pour les Arabes, qui entendent bien
les récupérer.
Différentes voies sont explorées pour rechercher un règlement. Le
général de Gaulle, qui a pris parti d’emblée contre l’agression israélienne et
décidé du coup l’embargo sur les avions, puis sur les pièces de rechange,
propose une concertation des quatre grandes puissances, idée rejetée à la
fois par les Israéliens et par les Arabes. Les Nations unies décident
d’envoyer un médiateur, l’ambassadeur suédois Gunnar Jarring, qui propose
un plan comprenant le retrait des forces israéliennes, la fin de la
belligérance, la liberté garantie de la navigation, y compris des navires
israéliens sur le canal de Suez et dans le golfe d’Akaba, et enfin une
solution apportée au problème des réfugiés palestiniens. En dépit de
plusieurs années d’efforts, cette mission échoue en 1971.
Les Américains déploient une grande activité diplomatique car ils
estiment que le déséquilibre en faveur d’Israël créé par la guerre des Six
jours est mauvais. Le secrétaire d’État William Rogers mène une
négociation limitée pour aboutir à un véritable cessez-le-feu. En effet, de
part et d’autre du canal de Suez, Égyptiens et Israéliens continuent une
guerre d’usure : fusillades et opérations limitées. La mission Rogers permet
la conclusion d’un accord de cessez-le-feu le 7 août 1970, prolongé
jusqu’en mars 1971. Cet accord n’est pas renouvelé, mais les accrochages
ont à peu près cessé. Il a fallu plus de trois ans pour qu’on aboutisse à un
arrêt des combats après la guerre des Six jours.
MV

RAZOUX Pierre, La guerre des Six Jours, Economica, 2004.


SEGEV Tom, 1967 : six jours qui ont changé le monde, Denoël, 2007.
→ EMBARGO, ISRAÉLO-ARABES (CONFLITS), NASSER, ONU,
U THANT

SOCIÉTÉ DES NATIONS (SDN)

Issue des rêves internationalistes, comme celui qui prônait la solidarité


des nations de Léon Bourgeois (1851-1925), la SDN est née, à la fin de la
Grande Guerre, du souci d’assurer l’indépendance et la sécurité des États.
C'est ce que le président américain, Wilson, propose en janvier 1918 dans le
dernier de ses quatorze points et il impose que le Pacte de la SDN fasse
partie intégrante des traités de paix. Adopté dès avril 1919 par le Conseil
des Dix (représentants des États vainqueurs et des délégués des moyens et
petits États), le Pacte (composé d’un Préambule et de vingt-six articles)
rappelle le but de la Société des Nations : le maintien de la paix contre toute
agression par l’arbitrage. La France souhaite affecter une force
internationale à la SDN, mais les Britanniques y voient une atteinte à la
souveraineté nationale. Chaque État garde le contrôle exclusif de ses
affaires intérieures et peut se retirer de la Société.
Cette nouvelle diplomatie rompant la tradition isolationniste des États-
Unis, le Sénat refuse la ratification du traité. Du coup, ils n’en font pas
partie. Les vaincus en sont exclus, à la vive protestation de l’Allemagne
(admise en 1926), et de la Russie bolchevique (en 1934). Sont représentés
les États d’Europe et d’Amérique ; en Afrique, encore largement colonisée,
on ne compte que le Liberia et l’Afrique du Sud ; en Asie, la Perse, l’Inde,
le Siam, la Chine et le Japon.
Installés à Genève, les organes de la SDN sont composés d’un Conseil et
d’une Assemblée qui doivent prendre les décisions à l’unanimité, pour
préserver la souveraineté nationale. Le Conseil compte des membres
permanents (quatre en 1920, six à partir de 1922, neuf en 1926) et des non-
permanents. Chaque État membre est représenté à l’Assemblée. Pour la
première fois, des hommes venus du monde entier travaillent en commun
au maintien de la paix, relayés par la presse qui devient un exceptionnel
instrument de propagande. Le Secrétariat est placé sous la responsabilité du
Britannique sir Eric Drummond auquel succède le Français, Joseph Avenol.
La SDN se voit confier l’organisation de la paix instaurée par les traités :
administration de la Sarre, application du statut de Dantzig, protection des
minorités en Europe, question des anciennes colonies des vaincus (qui sont
placées sous mandats), organisation de la sécurité collective et, à terme,
désarmement.
Après la Première Guerre mondiale, les vainqueurs sont convaincus de
l’importance de la paix sociale dans le contexte de la révolution
bolchevique. Un organisme annexe, l’Organisation internationale du Travail
(OIT), créé avant même la SDN, est inséré dans le traité de Versailles. Son
but est de développer la coopération entre groupes sociaux et entre États : y
sont représentés toutes les nations (y compris l’Allemagne), le patronat, les
syndicats. Le Bureau international du Travail (BIT) en est le secrétariat
permanent. Le premier directeur, Albert Thomas, député SFIO, ami de
Jaurès, s’impose rapidement et agit avec efficacité ; il reste à la tête du BIT
jusqu’en 1932, date de sa mort. Le BIT établit des conventions ou des
recommandations sur les normes internationales du travail (limitation du
temps de travail, sécurité, formation professionnelle), dont certaines sont
intégrées dans les lois nationales, en dépit de réticences fréquentes.
D’autres conventions, comme le pacte de Saadabad de 1937, ont pour but
d’affirmer ses principes à l’échelle régionale.
La SDN ne peut agir qu’avec le soutien des grandes puissances. Or,
l’absence des États-Unis et de l’URSS se fait sentir. La France et la Grande-
Bretagne peinent à se mettre d’accord sur les modalités de la sécurité
collective : la France veut la sécurité avant le désarmement, alors que pour
la Grande-Bretagne, le désarmement doit entraîner la sécurité. En 1924, le
protocole de Genève propose l’arbitrage obligatoire en cas de conflit, dont
le refus entraînerait des sanctions ; une conférence de désarmement
convoquée en 1925 ne se réunit qu’à partir de 1932 et n’aboutit pas. Mais
l’esprit de Genève subsiste à travers le traité de Locarno (1925) et le pacte
Briand-Kellogg (1928).
Malgré de nouvelles adhésions, la consolidation espérée n’aboutit pas.
Pendant les années 1930, la SDN, écartelée entre des exigences et des
ambitions contradictoires des États membres, ne réussit pas à imposer son
autorité. En 1931, une tentative d’union (Anschluss) économique entre
l’Allemagne et l’Autriche, interdite par le traité de Versailles, est portée
devant le Conseil qui reste ferme. Après l’invasion de la Mandchourie par
le Japon et la création du Mandchoukouo (1932), la SDN dénonce cette
occupation illégale à l’appel de la Chine, mais propose une Mandchourie
autonome sous souveraineté chinoise et contrôle japonais. Le Japon refuse
et quitte la SDN (1933). Cet échec montre l’incapacité de la Société des
Nations à assurer la protection de ses membres, et qu’une agression peut
rester sans sanction réelle. Sous prétexte que l’égalité des droits n’est pas en
fait reconnue à l’Allemagne, Hitler décide de quitter la conférence de
désarmement et la SDN en octobre 1933, puis il se lance dans un
réarmement accéléré. Dans sa politique d’alliance de revers, le ministre
français des Affaires étrangères, Louis Barthou, recherche un contrepoids à
l’Est et favorise l’entrée de l’URSS dans la SDN (1934). Malgré la réussite
de l’administration de la Sarre, le plébiscite de 1935, qui la rattache à
l’Allemagne, soulage la SDN de cette gestion, mais marque aussi la victoire
de la propagande nazie sur l’esprit de Genève auprès des Sarrois.
Lorsqu’Hitler établit la conscription puis remilitarise la Rhénanie en mars
1936, contrevenant au traité de Versailles, le Conseil de la SDN ne peut que
constater qu’elle manque à ses obligations. Quant à Mussolini, il s’en prend
à l’Éthiopie, membre de la SDN depuis 1923, qui est limitrophe des
colonies italiennes d’Érythrée et de Somalie. Malgré l’appel d’Haïlé
Sélassié à l’arbitrage de la SDN, le Duce annonce, le 2 octobre 1935,
l’entrée de ses forces dans l’Empire éthiopien. La SDN déclare la violation
du Pacte par l’Italie, mais la seule sanction proposée est un semblant
d’embargo sur les ventes d’armes et quelques autres produits ; le 9 mai
1936, le roi d’Italie, Victor Emmanuel III, est proclamé empereur
d’Éthiopie et la SDN lève toutes les sanctions.
À la veille de la guerre, on ne peut que constater l’échec de la sécurité
collective : les intérêts particuliers, les problèmes non résolus, le retrait de
plusieurs États (Japon, Allemagne, puis Italie en 1939), des disparitions
(Autriche après l’Anschluss en mars 1938), l’exclusion de l’URSS après la
signature du pacte germano-soviétique (1939), affaiblissent le principe
d’universalité de la Société des Nations. Aucun belligérant ne la saisit en
septembre 1939. Elle poursuit ses activités (aide aux réfugiés, projets de
reconstruction économique) jusqu’à sa dissolution en 1946.
Ch. M

BARIÉTY Jacques (sd), Aristide Briand et la Société des Nations, Presses


universitaires de Strasbourg, 2007.
MARBEAU Michel, La Société des Nations, PUF, 2001. WALTER
Francis, A History of the League of Nations, Oxford University Press, 1960.
http://www.unog.ch
→ ALEXANDRETTE (SANDJAK D’), ANSCHLUSS, BRIAND-
KELLOGG (PACTE), CHACO (GUERRE DU), ÉTHIOPIE
(GUERRE D’), DÉSARMEMENT, HAïLÉ SÉLASSIÉ, LOCARNO
(CONFÉRENCE, ACCORD DE), MANDATS, ONU (INSTITUTIONS
SPÉCIALISÉES), SAADABAD (PACTE DE), SARRE, SÉCURITÉ
COLLECTIVE, TRAITÉS DE PAIX, WILSON

SPA (CONFÉRENCE DE)

C'est à Spa en Belgique, du 5 au 16 juillet 1920, que se tient la première


conférence entre les Alliés et l’Allemagne vaincue, en vue de régler la
question des réparations de guerre dans le sens voulu par le traité de
Versailles. Au terme de négociations difficiles, les vainqueurs reportent à
une date ultérieure la détermination du montant total des réparations mais
parviennent à s’entendre sur leur répartition : la France recevra 52 % des
versements allemands, le Royaume-Uni 20 %, l’Italie 10 % et la Belgique 8
%.
Malgré ses protestations, l’Allemagne est menacée d’une occupation de
la Ruhr si elle ne respecte pas les livraisons de charbon fixées par le
protocole de Spa. Cette politique de fermeté des Alliés dans l’application
des dispositions du traité se manifeste aussi dans le domaine militaire où
l’Allemagne est contrainte de ramener ses forces à 100 000 hommes.
FG
→ RÉPARATIONS, RUHR, TRAITÉS DE PAIX

SPAAK Paul-Henri (1899-1972)

Neveu de l’ancien Premier ministre belge Paul-Émile Janson, avocat, il


est élu député socialiste de Bruxelles en 1932. Ministre des Travaux publics
(1935), il reçoit le portefeuille des Affaires étrangères en 1936 et assume la
politique belge de retour à la neutralité. Premier chef de gouvernement
socialiste de Belgique (1938-1939), il redevient ministre des Affaires
étrangères dans le gouvernement en exil à Londres (1939-1945) et le
demeure jusqu’en 1947. De Londres, en 1944, il lance l’idée du Benelux
qui entre en vigueur en 1948. À nouveau Premier ministre (1947-1950) et
chef de la diplomatie belge de 1954 à 1957, sa politique est celle d’un
atlantiste convaincu : il fait rentrer la Belgique dans l’OTAN en 1949 ;
partisan de l’unification européenne, il tient un rôle central dans toutes les
négociations européennes. Il est le premier président de l’Assemblée
consultative du Conseil de l’Europe (1949) et le premier président de
l’Assemblée commune de la Communauté européenne du charbon et de
l’acier (1952), et soutient le projet de Communauté européenne de défense.
Après son rejet par la France (août 1954), il propose une relance
européenne par une transformation de la CECA en Communauté
économique européenne (4 avril 1955). De 1956 à 1957, il préside le comité
qui prépare les traités de Rome du 25 mars 1957. Secrétaire général de
l’OTAN (1957-1961), il retrouve des responsabilités gouvernementales
comme vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères belge
(1961-1966). Souhaitant la constitution d’une Europe supranationale qui
inclurait le Royaume-Uni pour fournir aux petits États un contrepoids à la
France, à la RFA et à l’Italie, il s’oppose au plan Fouchet (1961-1962),
s’indigne du veto de De Gaulle contre l’entrée des Britanniques dans la
CEE (14 janvier 1963), mais approuve néanmoins sa conception de la
Politique agricole commune. Par ailleurs, il intervient militairement dans
l’ancien Congo belge en 1964. Après la défaite électorale des socialistes en
1966, il se retire de la vie politique.
AD

DUMOULIN Michel, Spaak, Bruxelles, Racine, 1999.


→ CECA, CED, CEE, CONSEIL DE L'EUROPE, MONNET,
OTAN, PAC

SPECIAL RELATIONSHIP

Utilisée depuis 1945 pour caractériser les rapports anglo-américains,


l’expression Special Relationship (relation spéciale ou privilégiée) souligne
les points de convergence entre les deux pays : communauté de langue et de
culture, liens historiques, même attachement à la démocratie libérale, cause
commune dans les organisations internationales ou dans des secteurs clés
(nucléaire, renseignement). Si le maintien des relations étroites nouées
pendant la Seconde Guerre mondiale est un souci constant de la diplomatie
britannique, entravé parfois par les heurts de la décolonisation et les
blessures d’amour-propre des Britanniques qui voient l’hégémonie
américaine succéder à la leur, la relation spéciale est particulièrement
cultivée par les gouvernements conservateurs. Elle triomphe sous le second
gouvernement Churchill de 1951 à 1955, avec Macmillan après la crise de
Suez et avec Margaret Thatcher, inspiratrice de la révolution reaganienne et
qui partage avec le Président américain les mêmes principes néo-libéraux.
Participant à la fois de l’illusion britannique et de la fiction politique jouée
avec plus ou moins de politesse par les Américains selon laquelle États-
Unis et Grande-Bretagne seraient des partenaires égaux, la relation spéciale
s’essouffle dans les années 1980 avec l’affirmation de l’Union européenne
et le déclin économique relatif de la Grande-Bretagne qui ne permet plus
l’instauration d’une pseudo-relation d’égalité, les États-Unis préférant
d’ailleurs traiter avec l’Union européenne dans son ensemble.
PMD
LOUIS Roger W., BULL Hedley, eds., The « Special Relationship » :
Anglo-American Relations since 1945, Oxford University Press, 1986.
→ ARMES NUCLÉAIRES, CHURCHILL, DÉCOLONISATION,
MACMILLAN, RENSEIGNEMENT, SUEZ (CRISE DE),
THATCHER

STALINE Joseph (1879-1953)

De son vrai nom Joseph Vissarionovitch Djougachvili, cet ancien


séminariste orthodoxe géorgien rejoint le mouvement social-démocrate en
1899 et est coopté en 1912 au Comité central du parti bolchevique de
Lénine. Après la révolution d’Octobre, il est commissaire du peuple aux
Nationalités (novembre 1917-22), admis au Politburo (mars 1919), puis
nommé, le 3 avril 1922, secrétaire général du comité central du PCUS, ce
qui lui permet de prendre le contrôle du parti avant même la mort de Lénine
(21 janvier 1924). Hostile à la révolution permanente prônée par Trotski et
tenant du « socialisme dans un seul pays », il donne la priorité aux intérêts
de l’État soviétique sur la révolution mondiale et sur les partis communistes
étrangers. Une fois ses rivaux Zinoviev et Kamenev éliminés, puis Trotski
exilé (1929), il exerce un pouvoir sans partage. En 1934, la consolidation du
régime nazi le pousse à se rapprocher de la France et de l’Angleterre, à faire
entrer l’URSS dans la SDN et à la faire participer à la sécurité collective par
le biais de son ministre Maxime Litvinov, d’où la prudence de son soutien à
ses partisans espagnols durant la guerre d’Espagne. Mais, doutant de la
détermination des Occidentaux, ne voulant pas risquer une guerre avec
l’Allemagne alors que son armée est désorganisée par les purges massives,
et en partie immobilisée en Extrême-Orient face aux Japonais, il recherche,
après Munich (septembre 1938) où il voit les prémices d’une entente
franco-anglo-allemande, un accord avec Hitler. Négocié par son nouveau
ministre des Affaires étrangères V. Molotov, le pacte germano-soviétique
d’août 1939, qui procure à l’URSS des avantages territoriaux importants
(dont les pays Baltes), n’empêche pas l’invasion allemande de juin 1941
(Opération Barbarossa). Staline se nomme alors commissaire à la Guerre
(19 juillet), commandant en chef (7 août), maréchal (1943), généralissime
(1945), ouvrant la voie à un culte de la personnalité. Avec ses alliés, il se
montre de plus en plus exigeant sur l’ouverture d’un second front et les
futures frontières de l’URSS. Grâce à la victoire de l’Armée rouge, il
obtient sur le terrain et lors des conférences de Yalta et de Potsdam un rôle
prépondérant en Europe centrale. Après la guerre, surestimant l’agressivité
américaine à son égard, il rejette l’aide Marshall (juillet 1947), se lance
dans une course aux armements avec les États-Unis, impose partout des
régimes de « démocratie populaire » dans son « glacis » est-européen, crée
le Kominform (septembre 1947) pour discipliner le camp socialiste.
Cependant, bien qu’il dispose depuis 1949 de l’arme atomique, il évite
soigneusement les confrontations armées directes, que ce soit avec la
Yougoslavie de Tito, lors de la crise de Berlin ou en Corée, et il ne songe
pas à tirer parti des mouvements anticolonialistes autres que communistes.
Sa mort est aussi un événement important sur le plan international, car elle
ouvre la voie à un début de dégel.
AD

CARRÈRE D’ENCAUSSE Hélène, Staline, l’ordre par la terreur,


Flammarion, 1979. ELLEINSTEIN Jean, Staline, Marabout, 1986. MARIE
Jean-Jacques, Staline, 1878-1953, Fayard, 2001.
→ ARMES NUCLÉAIRES, BALTES (PAYS), BERLIN, CORÉE
(GUERRE DE), ESPAGNE (GUERRE D’), HITLER, KOMINFORM,
LÉNINE, LITVINOV, MOLOTOV, POTSDAM (CONFÉRENCE DE),
SDN, SÉCURITÉ COLLECTIVE, YALTA (CONFÉRENCE DE)

START (STRATEGIC ARMS REDUCTION TALKS)

Derrière l’équilibre quantitatif défini par les SALT, la compétition


stratégique continue. Les Soviétiques décident d’implanter des missiles SS-
20 en Europe centrale. Le président Carter se résout à autoriser le
déploiement du missile mobile MX. Bientôt, le président Reagan lance son
programme de guerre des étoiles. Pendant un temps, les négociations sur les
armements stratégiques sont laissées de côté par les négociations sur les
FNI, mais une fois le dossier des euromissiles réglé par le sommet de
Washington le 8 décembre 1987, les négociations ouvertes en juin 1982 à
Genève peuvent déboucher.
Au cours des entretiens Bush-Gorbatchev à Washington et à Camp David
(30 mai-3 juin 1990), une série d’accords fixe les grandes lignes d’un traité
de réduction des armements stratégiques, signé le 31 juillet 1991. Pour la
première fois, les deux plus grandes puissances de la planète vont réduire et
non plus seulement limiter leurs armements nucléaires (comme c’était le
cas des accords SALT). Pour la première fois aussi (à la différence des
accords SALT), l’objectif est de diminuer leurs charges nucléaires, et pas
seulement leurs arsenaux d’armes nucléaires à longue portée, ayant pour
vecteurs des missiles, qu’ils soient à bord de sous-marins ou de
bombardiers intercontinentaux. La réduction prévue de 50 % est en fait de
30 %, selon les catégories d’armements. Si les accords START avaient été
appliqués, le potentiel (et non le maximum), tous vecteurs confondus, serait
passé pour l’arsenal américain de 11 500 à 7 500 têtes et l’arsenal
soviétique de 11 800 à 6 500 têtes. Mais, les accords START à peine signés
(31 juillet), le 18 août 1991 survient à Moscou un coup d’État contre M.
Gorbatchev, suivi de l’éclatement de l’Union soviétique. C'est une nouvelle
donne mondiale.
La confrontation nucléaire américano-soviétique est alors complètement
transformée. Le président Bush supprime par exemple l’état d’alerte
permanent des bombardiers nucléaires américains. Ses négociations avec le
nouveau président de la Russie, Boris Eltsine, aboutissent le 17 juin 1992, à
Washington, à des déclarations d’intention concernant de nouvelles
réductions des arsenaux stratégiques, qui vont bien au-delà du traité START
de juillet 1991. Les deux pays conviennent de limiter dans un délai de onze
ans les arsenaux stratégiques à 3 500 ogives nucléaires pour les États-Unis
et à 3 000 pour la Russie. Moscou s’engage à abandonner tous ses missiles
déployés au sol et équipés de plusieurs ogives comme les SS-18 et SS-24 ;
Washington
Les arsenaux stratégiques des deux grands avant le traité
START du 31/7/1991 (Portée supérieure à 5 500 km)
abandonne pour sa part les MX Peakeeper et Minuteman 3. Les missiles
placés sur sous-marins lanceurs d’engins seront plafonnés à 1 750. Ces
limitations interviendraient avant 2003 aux termes du traité START II signé
le 3 janvier 1993. La ratification, repoussée par la Douma pour protester
contre l’élargissement de l’OTAN, les frappes américaines sur l’Irak ou la
guerre du Kosovo, est finalement chose faite en avril 2000.
Cette diminution considérable des arsenaux nucléaires pose le problème
du démantèlement des armes stratégiques, qui s’ajoute à celui des milliers
d’armes tactiques, décidé unilatéralement par les présidents Bush et
Gorbatchev, respectivement en septembre et octobre 1991. En mai 1992, les
armes nucléaires tactiques « soviétiques » ont été retirées des États de la
Communauté des États indépendants et rassemblées dans des dépôts en
Russie. Quant aux armements stratégiques, ils sont répartis sur les
territoires de quatre États membres de la CEI : la Russie (80 %), l’Ukraine
(10 %), le Kazakhstan (6 %) et la Biélorussie (4 %), mais sont placés sous
le contrôle et le commandement unique de la Russie.
MV
→ ARMES NUCLÉAIRES, ARMS CONTROL, BUSH (GEORGE),
CARTER, EUROMISSILES, GORBATCHEV, GUERRE DES
ÉTOILES, OTAN, REAGAN, SALT

STIMSON (DOCTRINE)

Réaction américaine à l’agression japonaise en Mandchourie (1931), la


doctrine Stimson, du nom du secrétaire d’État américain, est exprimée dans
les notes diplomatiques du 7 janvier 1932 envoyées au Japon et à la Chine.
Ne comportant aucune menace d’intervention armée, cette déclaration
d’intention se résume à une condamnation morale de l’agression. Les États-
Unis affirment considérer l’agression expansionniste japonaise en
Mandchourie comme une violation du traité des neuf puissances et du pacte
Briand-Kellogg, et ne reconnaître aucun gain territorial ou autre avantage,
obtenus par l’usage de la force. Si, paradoxalement, le nom d’Henry L.
Stimson (1867-1950) est resté attaché à la doctrine, ce dernier favorise, au
contraire, une politique de sanctions économiques à l’encontre du Japon, et
c’est le président anti-interventionniste Herbert Hoover, décidé à ne pas
engager les États-Unis en Extrême-Orient alors que le pays s’enfonce dans
la crise économique, qui s’oppose à toute réponse américaine ferme sur la
Mandchourie. Les Japonais répondent à cette condamnation américaine par
l’attaque de Shanghai puis l’annonce le 18 février 1932 de la création du
nouvel État du Mandchoukouo.
PMD

IRIYE Akira, The Origins of the Second World War in Asia and the Pacific,
New York, 1987.
→ AGRESSION, BRIAND-KELLOGG (PACTE), HOOVER,
MANDCHOURIE (CONFLIT DE), SDN

STRESEMANN Gustav (1878-1929)

Fondateur du parti populiste allemand après la guerre de 1914-1918,


favorable à l’acceptation de la constitution de Weimar et des traités de paix,
Stresemann dirige en 1923 un gouvernement de coalition qui met un terme
à la résistance passive dans la Ruhr occupée par la France. Ministre des
Affaires étrangères de 1923 à 1929, il parvient à établir un climat de
conciliation entre la France et l’Allemagne dans l’espoir de favoriser la
révision du traité de Versailles. Après le plan Dawes en 1924, les accords de
Locarno et sa rencontre fameuse avec A. Briand à Thoiry (1925), il obtient
l’entrée de l’Allemagne à la Société des Nations en 1926 (ce qui lui vaut de
partager le prix Nobel de la paix avec Aristide Briand), la réduction du
versement des réparations et l’évacuation de la Rhénanie. Pour autant,
Stresemann n’est pas le « bon Européen » que certains contemporains ont
dépeint. Nationaliste révisionniste, il cherche avant tout à restaurer la
puissance de l’Allemagne et à rétablir sa prépondérance sur le continent
européen.
FG

BAECHLER Christian, Gustav Stresemann (1878-1929). De l’impérialisme


à la sécurité collective, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg,
1996.
→ BRIAND, LOCARNO (CONFÉRENCE DE), NOBEL DE LA
PAIX (PRIX), RUHR, SDN, TRAITÉS DE PAIX

SUDÈTES (CRISE DES)

Cette population germanophone du pourtour de la Bohême fait partie


jusqu’en 1918 de l’Autriche. Lors du démembrement de l’Empire austro-
hongrois, les Sudètes demandent leur rattachement à l’Allemagne mais sont
inclus dans le nouvel État tchécoslovaque. C'est un des problèmes liés aux
traités de paix, qui ont du mal à concilier droit des peuples à disposer d’eux-
mêmes et nouvelle carte de l’Europe. De fait, les Sudètes sont plus de 3
millions, soit plus de 20 % de la population de l’État tchécoslovaque en
1930. C'est la minorité germanophone la plus importante hors des frontières
de l’Allemagne. Jusqu’en 1933, malgré un certain irrédentisme, les choses
se passent bien avec le gouvernement de Prague, qui fait preuve d’une
grande volonté de conciliation : les Sudètes jouissent de grandes libertés et
les tensions nationalistes y sont faibles. Tout change après l’apparition, en
1933, d’un parti des Sudètes (Sudentendeutsche Partei) dirigé par Konrad
Henlein. Dans quelle mesure celui-ci était-il téléguidé par Hitler ? Ce qui
est sûr, c’est que le prétexte nationaliste de regroupement des populations
germanophones cache en fait un objectif essentiel de la politique étrangère
d’Hitler : déstabiliser puis faire disparaître la Tchécoslovaquie, dont le rôle
est stratégique (quadrilatère de Bohême), diplomatique (alliée de la France),
militaire (son armée est puissante), économique (c’est une puissance
industrielle). Dès le 5 novembre 1937 (protocole Hossbach), Hitler prend la
décision de conquérir l’Autriche et la Tchécoslovaquie. Reste à susciter les
occasions. Au moment de l’Anschluss (mars 1938), il assure la
Tchécoslovaquie que l’Allemagne n’a pas de visées sur son territoire. La
tension n’en est pas moins évidente en raison de pressions intérieures, du
fait du parti d’Henlein, et extérieures : le gouvernement britannique,
donnant libre cours à sa politique d’appeasement, demande aux Tchèques
de faire des concessions aux Sudètes (mission de lord Runciman), que le
président Benès accepte. Mais le 12 septembre, au congrès de Nuremberg,
Hitler exige que les Sudètes bénéficient de l’autodétermination. Dès lors,
logique de guerre (la France et l’Union soviétique se sont engagées à
défendre les frontières tchécoslovaques) et processus diplomatique vont de
pair. Chamberlain joue l’intermédiaire et propose que Prague cède à Berlin
tous les districts habités par plus de 50 % de germanophones sans
plébiscite, mais Hitler exige davantage. Au moment où la guerre semble
inévitable (la France et le Royaume-Uni mobilisent), une conférence de la
dernière chance est convoquée à Munich.
FG

BRANDES Detlef, Die Sudetendeutschen im Krisenjahr 1938, München,


Oldenbourg, 2008.
→ ANSCHLUSS, APPEASEMENT, BENÈS, CHAMBERLAIN,
DALADIER, HITLER, IRRÉDENTISME, MUNICH (ACCORDS
DE), PETITE ENTENTE, TRAITÉS DE PAIX

SUEZ (CANAL ET CRISE DE)

Dès l’antiquité, on envisage d’aménager l’isthme de Suez qui sépare la


Méditerranée de la mer Rouge pour créer une voie navigable. Au 19e siècle,
dans le sillage des saint-simoniens, Ferdinand de Lesseps entreprend de
creuser un canal avec la complicité du roi Saïd Pacha. Le canal de Suez est
inauguré en 1869 après bien des déboires et la reprise en main par le
Royaume-Uni qui est devenu le principal actionnaire de la Compagnie
universelle du Canal de Suez et instaure sa tutelle sur l’Égypte à partir de
1882. Ses forces militaires exercent le contrôle sur la zone du canal et y
demeurent malgré la reconnaissance de l’indépendance de l’Égypte (1922)
jusqu’après l’arrivée au pouvoir du colonel Nasser, qui obtient le départ des
Britanniques en juin 1956. L'Égypte est alors en pointe dans le mouvement
de décolonisation, et le colonel Nasser, avec le Yougoslave Tito, libéré du
conflit de Trieste, et l’Indien Nehru, lance l’idée du non-alignement auquel
la conférence de Bandoung (1955) donne un contenu positif : la lutte pour
la décolonisation. Il veut sortir son pays du sous-développement et espère
obtenir des États-Unis le financement du barrage d’Assouan, destiné à
assurer l’irrigation en Haute-Égypte et à produire de l’énergie électrique.
Mais, après avoir hésité, le secrétaire au Département d’État, Foster Dulles,
refuse le 19 juillet 1956 toute aide financière à un pays décidément trop
neutraliste, au moment précis de la conférence de Brioni (18-20 juillet).
La riposte de Nasser est immédiate : le 26 juillet, il annonce la
nationalisation du canal de Suez, propriété d’une compagnie où les intérêts
français et britanniques sont majoritaires. Il s’agit d’un triple défi : défi à
l’ancienne puissance colonisatrice britannique qui accepte mal la perte
d’une des clés de son empire, défi à la France qui reproche à l’Égypte de
soutenir la rébellion algérienne, défi à Israël auquel Nasser compte bien
interdire le droit à ses navires d’emprunter le canal de Suez. Les trois
puissances ont ainsi des intérêts convergents à mettre en échec le colonel
Nasser. Pour les Français, la nationalisation est l’occasion d’éliminer
l’homme qui – tels les dictateurs des années 1930 – entend bâtir un empire
arabe et de mettre un terme à la rébellion algérienne. Pour les Anglais, il
s’agit d’empêcher qu’un pays ne s’empare d’un point de passage vital pour
leur nation et ne contrôle le canal de Suez. Pour les Israéliens, il s’agit de
déjouer la menace mortelle qui pèse sur leurs approvisionnements et en
réalité sur leur existence même en tant qu’État. Les négociations traînent.
Une conférence internationale réunie à Londres (1er-23 août 1956) ne
parvient pas à faire fléchir Nasser, non plus que la conférence des usagers à
Londres (18-22 septembre) et le Conseil de sécurité à New York (5-15
octobre). Entre les Franco-Britanniques et les Égyptiens, l’épreuve de force
se prépare, Moscou soutenant l’Égypte, Washington refusant d’envisager
une solution de force en pleine période d’élection présidentielle. Une
opération franco-britannique, mise au point à Sèvres le 22 octobre sous la
direction du président du Conseil français, Guy Mollet, et du Premier
ministre britannique, Anthony Eden, est finalement lancée – après bien des
tergiversations – en coordination avec une attaque préventive israélienne.
Les troupes égyptiennes perdent alors le contrôle du Sinaï et de la plus
grande partie du canal de Suez. Mais, le 5 novembre, l’Union soviétique
menace la France et la Grande-Bretagne de ses fusées atomiques. Les États-
Unis, qui considèrent l’intervention comme un mauvais coup porté à
l’Alliance atlantique et aux Nations unies, se désolidarisent de leurs Alliés
et pèsent sur la livre sterling. Les pressions parviennent à faire céder Eden,
puis Mollet. À l’Assemblée générale de l’ONU, la France et le Royaume-
Uni sont condamnés. Les forces franco-britanniques sont stoppées sur leur
lancée le 6 novembre à minuit. Les Anglo-Français évacuent leur tête de
pont en décembre et les Israéliens, leurs conquêtes, au début de 1957.
L'ONU interpose entre Israël et l’Égypte des unités internationales de
Casques bleus, placées également à Charm-el-Cheikh, garantissant ainsi la
liberté de navigation dans le détroit de Tiran.
La crise de Suez ruine l’influence traditionnelle de la France et de la
Grande-Bretagne dans la région. Leur intervention militaire apparaît comme
une volonté de sauvegarder leurs intérêts économiques et politiques, c’est-
à-dire comme une évidente manifestation de colonialisme. Mais cette
politique de la canonnière a lamentablement échoué. Du coup, elle
démontre que les puissances moyennes n’ont plus de liberté d’action. Elles
ont été « lâchées » par leurs alliés, ce qui déclenche une crise au sein de
l’OTAN. Le colonel Nasser, qui a imposé la nationalisation du canal, sort
victorieux de cette crise et devient le champion incontesté du nationalisme
arabe et de la décolonisation. L'URSS se fait une image de défenseur des
petites puissances contre l’impérialisme. Moscou apparaît ainsi comme le
principal allié du monde arabe et enregistre une percée au Proche-Orient, où
son prestige est confirmé auprès de l’opinion publique arabe. Son influence
s’affirme non seulement en Égypte mais aussi en Syrie.
Les États-Unis, grâce à une attitude nuancée, réussissent à préserver leur
image dans la région. Par leur appui à la dynastie hachémite, ils font
basculer la Jordanie du roi Hussein dans leur camp. Ils ne sont pas disposés
à abandonner à l’Union soviétique le contrôle politique du Proche-Orient.
La doctrine Eisenhower (5 janvier 1957), qui comporte une aide
économique et une assistance militaire des États-Unis à tout pays du
Proche-Orient soucieux de prévenir l’agression ou la subversion, est
destinée à combler le vide au Proche-Orient. L'Union soviétique y réplique
par le plan Chepilov (11 février 1957) qui préconise la non-intégration des
États proche-orientaux dans des blocs militaires, la liquidation des bases
étrangères, etc.
L'effet le plus clair de l’affaire de Suez est l’élimination des influences
française et anglaise de la région, où les deux superpuissances, appuyées
l’une sur l’Égypte et la Syrie, l’autre sur le pacte de Bagdad, la Jordanie et
l’Arabie Saoudite, se retrouvent face à face. Quant au canal de Suez, il est
rendu inutilisable par les sabordages égyptiens, ce qui gêne énormément
l’approvisionnement pétrolier de l’Europe, et il est désormais contrôlé par
l’Égypte.
Au cours de la guerre des Six jours, le canal est de nouveau fermé à la
navigation jusqu’en juin 1975. Entre-temps, le choc pétrolier modifie le
trafic maritime : les super-pétroliers se rendant du Golfe en Europe
empruntent la route du Cap grâce à des travaux d’aménagement. Depuis
décembre 1987, des pétroliers géants peuvent emprunter le canal de Suez.
La fréquentation de cette route maritime, la plus fréquentée du monde, est
en baisse de 25 % en 2009, à cause des actes de piraterie et de la crise
économique.
MV

KYLE Keith, Suez, Weidenfeld and Nicolson, 1991.


LOUIS Roger, OWEN Roger (éd.), Suez 1956, Clarendon, 1991.
→ BAGDAD (PACTE DE) BANDOUNG (CONFÉRENCE DE),
BRIAND, DÉCOLONISATION, DULLES, NASSER, NON-ALIGNÉS
(MOUVEMENT DES), ONU, PÉTROLE ET RELATIONS
INTERNATIONALES

SYKES-PICOT (ACCORDS)

Signés à Londres le 16 mai 1916, ces accords négociés entre le


Royaume-Uni (sir Mark Sykes) et la France (François Georges-Picot)
prévoient le démembrement de l’Empire ottoman entre l’Angleterre, la
France et la Russie.
L'Angleterre administrera la Mésopotamie, de Bagdad au golfe Persique,
ainsi qu’une zone côtière en Palestine de Haïfa à Saint-Jean-d’Acre (le reste
de la Palestine sera dotée d’une administration internationale) et exercera
son influence sur la Transjordanie, le nord de l’Arabie et l’ouest
mésopotamien. La France administrera le reste du littoral levantin, de Saint-
Jean-d’Acre à l’ouest d’Adana, ainsi que la Cilicie, et exercera son
influence sur la Syrie et la haute Mésopotamie (région pétrolifère de
Mossoul de peuplement kurde). La Russie administrera une zone dans les
Détroits et l’Arménie.
Ce règlement est complété en avril 1917 par les accords de Saint-Jean-
de-Maurienne qui attribuent à l’Italie le sud-ouest anatolien dont une partie,
autour de Smyrne/Izmir, est également promise à la Grèce de Vénizélos.
Rendu public à l’automne 1917 par la presse bolchevique, cet
arrangement secret provoque le mécontentement des nationalistes arabes
qui, aux termes de la correspondance de 1915-1916 entre le chérif Hussein
(gardien des lieux saints de l’Islam, émir du Hedjaz et vassal du Sultan) et
le Haut-Commissaire britannique en Égypte, sir Henry Mac Mahon,
espèrent, en échange de la révolte de Hussein contre l’Empire ottoman
(déclenchée en juin 1916, elle soulage l’offensive britannique en Palestine
et Syrie), la création d’un royaume arabe indépendant.
Remis en cause par la déclaration Balfour puis lors de la Conférence de
la paix, les accords Sykes-Picot sont à la base du traité de Sèvres et du
partage du Proche-Orient entre mandats français et anglais.
OD

LAURENS Henry, La Question de Palestine, tome premier : 1799-1922,


L'Invention de la Terre sainte, Paris, Fayard, 1999.

→ BALFOUR (DÉCLARATION), KURDE (PROBLÈME),


MANDATS, SÈVRES (TRAITÉ DE), VÉNIZÉLOS
T

TARDIEU André (1876-1945)

Intelligent et cultivé, André Tardieu « le mirobolant » n’a pas eu la


brillante carrière politique à laquelle on aurait pu s’attendre. Diplomate,
journaliste, nommé commissaire général de France à Washington en avril
1917, à la suite de l’entrée en guerre des États-Unis, il prouve son efficacité
dans la planification de l’aide américaine aux Alliés. Il participe aux
négociations de paix auprès de Clemenceau et détient plusieurs portefeuilles
ministériels dans les années 1920, jusqu’à ce qu’il devienne président du
Conseil (novembre 1929-décembre 1930). Il abandonne alors la politique
de rigueur financière instaurée par Poincaré, tout en essayant, avec l’aide
des Alliés, de régler le problème des réparations allemandes par le plan
Young, qui prévoit un rééchelonnement de la dette jusqu’en 1967. Nommé
ministre de la Guerre en janvier 1932, il participe à la conférence de
Genève sur le désarmement et soumet un projet révolutionnaire et irréaliste
consistant en l’abandon par chaque État de leur aviation de bombardement
et de leur artillerie lourde au bénéfice de la Société des Nations qui
disposerait ainsi d’une force internationale. À nouveau président du Conseil
en février 1932, il s’adjoint de plus le poste de ministre des Affaires
étrangères et crée le ministère de la Défense nationale en regroupant les
ministères de l’Air, la Marine et la Guerre. Mais les élections de 1932,
favorables à la gauche, le renvoient à l’opposition. À la suite des
événements du 6 février 1934, le gouvernement d’union nationale fait appel
à lui mais il ne consent qu’au poste de ministre d’État. Exerçant une grande
influence intellectuelle, il est à l’origine du refus français d’accorder à
Hitler un réarmement partiel de l’Allemagne, pourtant commencé. Atteint
par la maladie, il se retire sur la Côte-d’Azur et cesse toute activité publique
à la veille de la guerre.
AD
JUNOT Michel, André Tardieu, le mirobolant, Denoël, 1996.
→ CLEMENCEAU, DÉSARMEMENT, POINCARÉ,
RÉARMEMENT, RÉPARATIONS, SDN

TCHANG KAÏ-CHEK (1887-1975)

Issu d’un milieu de négociants, alors qu’il poursuit au Japon des études
d’officier, il se lie, en 1910, au chef révolutionnaire chinois Sun Yat-Sen
(premier président de la République chinoise en 1912) et lui succède à la
tête du parti nationaliste Kuomintang à sa mort le 12 mars 1925, et en
réorganise l’armée. En avril 1927, il fait massacrer ses anciens alliés du
parti communiste chinois, rompant ainsi l’alliance conclue en 1923 entre le
Kuomintang et les Soviétiques, et installe le gouvernement nationaliste à
Nankin en 1928. Il établit alors de bonnes relations avec Londres et
Washington ainsi, au moins jusqu’en 1938, qu’avec Mussolini et Hitler qui
réorganise son armée. Face au Japon de Hiro-Hito qui a entrepris depuis
1931 l’annexion de la Chine du Nord, il temporise, préférant utiliser ses
forces dans une tentative d’écrasement définitif des communistes.
Toutefois, après l’« incident de Xi’an » (décembre 1936), où il est capturé
par des généraux hostiles à sa politique, il accepte de former avec le PC un
front anti-japonais. Face à la reprise de l’expansion menée par le Japon qui
a signé le pacte anti-komintern avec l’Allemagne (novembre 1936), la
guerre éclate en juillet 1937. Aidé seulement par l’URSS, Tchang Kaï-chek
tente de résister et de lutter sur deux fronts. Allié des Américains après
Pearl Harbor, il apparaît en 1945 comme l’un des vainqueurs de la Seconde
Guerre mondiale, ce qui permet à son pays de retrouver tous ses territoires
perdus depuis 50 ans, d’abroger les « traités inégaux » et d’obtenir une
place de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Cependant,
son régime très affaibli ne résiste pas à la relance de la guerre civile par les
communistes chinois. Contraint de se réfugier en décembre 1949 à Taiwan,
il retrouve la protection américaine face à Mao Zedong après le
déclenchement de la guerre de Corée. Il reste à la tête de la Chine
nationaliste et conserve même le siège de la Chine au Conseil de sécurité
jusqu’en 1971, sans que la question des deux Chine soit résolue.
AD
FURUYA Keiji, Chiang Kai-Shek : his life and times, New York, St John’s
university, 1981.
→ CHINE (PROBLÈME DES DEUX), CORÉE (GUERRE DE),
HIRO-HITO, HITLER, KUOMINTANG, MAO ZEDONG,
MUSSOLINI, ONU

TCHÉTCHÉNIE (GUERRES DE)

Des revendications sécessionnistes anciennes

Région musulmane et rurale du Caucase, peuplée de montagnards


hostiles à toute domination extérieure, la Tchétchénie finit par être rattachée
à l’Empire russe en 1859 après la reddition du grand chef de guerre Chamil,
emblème de la résistance nationale. Russifiée puis intégrée à l’Union
soviétique, la Tchétchénie connaît au cours du premier 20e siècle une
alternance de phases de relative autonomie et de stricte soumission sans que
les mesures de coercition ni les déportations ordonnées par le pouvoir
central ne parviennent à briser ses structures traditionnelles claniques ni
n’atteignent sa volonté d’indépendance. Constituée en république socialiste
soviétique autonome avec l’Ingouchie à partir de 1957, la Tchétchénie
profite de l’effondrement de l’URSS en 1991 pour se séparer des Ingouches
puis proclamer son indépendance (République d’Itchkéria). Menés par le
leader Djokhar Doudaiev, les nationalistes tchétchènes bénéficient d’une
indépendance de fait pendant quelques années avec la complicité supposée
du gouvernement de Boris Eltsine. Mais la situation intérieure dégénère du
fait de nombreuses oppositions. Lorsque des exactions commises par des
milices tchétchènes extrémistes et leurs liens avec des mouvements
islamistes arabes deviennent de plus en plus manifestes, Moscou se décide à
intervenir pour rétablir l’ordre par la force. La petite république est riche en
ressources naturelles et fait partie de l’ensemble caucasien dont Moscou
veut rester maître.
Les deux guerres de 1994-1996 et 1999-2000

De 1994 à 1996, le Kremlin s’engage dans une guerre qui se solde par un
échec militaire et diplomatique pour la Russie. Malgré l’importance des
moyens militaires engagés, Moscou ne vient pas à bout de la guérilla
tchétchène. La brutalité des combats, la violation répétée des droits de
l’homme et les pertes humaines considérables de part et d’autre suscitent la
désapprobation internationale. En 1997, un traité de paix est signé. La
Tchétchénie devient une république autonome au sein de la Fédération de
Russie. Pour autant, certains rebelles tchétchènes refusent de cesser le
combat pour l’indépendance et réclament la création d’un Caucase
islamique. Avec l’appui de mouvements islamistes extérieurs, ils multiplient
les actes terroristes contre les forces russes mais aussi contre des civils dans
les républiques voisines et à Moscou en 1999. Vladimir Poutine, alors
Premier ministre, déclenche la seconde guerre de Tchétchénie (1999-2000).
Ployant sous les bombes, la capitale Grozny se rend en 2000. La fin
officielle des hostilités n’empêche pas la persistance de poches de
dissidence.

Un après-guerre sanglant

Saisissant l’occasion que lui offrent les attentats du 11 septembre 2001,


Poutine se lance dans une vaste offensive anti-terroriste destinée à rétablir
son autorité dans la région du Caucase en arguant du fait que les groupes
tchétchènes résistants sont proches des réseaux d’Al Qaïda. Une violence
inouïe se déchaîne pendant plusieurs années entre rebelles, militaires russes
et forces tchétchènes pro-fédérales (prise d’otages dans une école de Beslan
en 2004). La communauté étrangère en est d’autant plus émue que les
opérations militaires se déroulent dans des circonstances troubles. À partir
de 2003, des élections ont lieu qui amènent au pouvoir le clan Kadyrov,
fidèle au pouvoir central. La population tchétchène reconnaît la
Constitution de la Fédération de Russie. Des structures politiques locales
voient le jour. En particulier, le maintien de l’ordre est transféré aux seules
forces tchétchènes. Un programme de reconstruction économique porte ses
fruits. Depuis 2006, au prix de pertes chiffrées à plusieurs dizaines de
milliers de morts et de destructions majeures, le calme semble rétabli en
Tchétchénie, en apparence. Des ONG présentes sur le terrain n’en
continuent pas moins à dénoncer les enlèvements, l’usage de la torture et la
politique d’islamisation forcée que pratiquent les commandos de Kadyrov.
FG

EVANGELISTA Matthew A., The Chechen wars : will Russia go the way
of the Soviet Union?, Washington DC, the Brookings Institution, 2002.
→ AL QAïDA, CAUCASE (CONFLITS DU), DROITS HUMAINS,
ELTSINE, ONG, ONZE SEPTEMBRE, POUTINE, TERRORISME

TERRORISME

Il s’agit d’un phénomène complexe que l’on a de la peine à définir tant il


est protéiforme. Dans tous les cas, il s’agit d’utiliser la violence pour
menacer, intimider, prendre un gage, terroriser, mais aussi pour faire parler
de soi et de ses revendications. La médiatisation est en effet un des objectifs
recherchés par les terroristes, qui estiment n’avoir pas d’autre moyen pour
faire connaître leur combat et triompher leur cause. Enfin, une action peut
être baptisée de terroriste ou de résistante selon les points de vue, car cela
renvoie à la légitimité de l’action.
Ce moyen d’action du faible au fort peut prendre différentes formes selon
les circonstances : le plus courant est l’attentat ou assassinat. L'attentat (28
juin 1914) contre l’archiduc héritier du trône d’Autriche-Hongrie François-
Ferdinand est le prototype de ces actions terroristes menées contre un
gouvernement jugé illégitime. Cela peut être le sabotage de voies de
communication ou d’installations militaires, comme le combat mené contre
des troupes d’occupation. Cela peut être enfin l’enlèvement et la prise
d’otages, comme celle de Beslan (Tchétchénie) en 2004, où 34 terroristes
tchétchènes prennent plus de 1 000 personnes en otage dans une école
d’Ossétie du Nord.
Mais si le terrorisme est généralement le fait d’individus plus ou moins
organisés visant à faire pression sur un État, les États eux-mêmes sont aussi
susceptibles de recourir à ces moyens (terrorisme d’État) et l’on peut en
trouver des exemples très variés, comme l’attentat en juillet 1985 contre le
navire de l’Organisation Greenpeace, le Rainbow Warrior, dans le port
d’Auckland organisé par des agents des services secrets français, les
attentats organisés par les services libyens contre des avions, ou les
assassinats ciblés israéliens. Le recours à des armes de destruction massive
par des terroristes changerait la donne. Et l’on parle de cyber-terrorisme.
Généralement, le terrorisme est un moyen d’action utilisé pour lutter
contre une puissance coloniale ou occupante mais, au 20e siècle, il est de
plus en plus un instrument dans les relations internationales. Les attentats
contre les forces militaires ou des populations civiles sont menés pour
déstabiliser un pays dans des guerres de libération, comme ce fut le cas
pendant la guerre d’Algérie (1954-1962) ou en Irak depuis 2003. Dans les
années 1970, les attentats palestiniens ont souvent lieu à l’extérieur de
l’État d’Israël. Le plus fameux est la prise en otages d’athlètes israéliens,
qui a lieu lors des Jeux olympiques de Munich le 5 septembre 1972, par le
groupe palestinien Septembre noir, mais des actions terroristes prennent
également pour cibles des bateaux (Achille Lauro, octobre 1985) ou des
avions qui peuvent être détournés ou pris en otage, ce qui implique une
audience maximum auprès du public par chaînes de télévision interposées.
Par la suite, on connaît les actions du terrorisme islamiste, dont la plus
fameuse, les attentats du 11 septembre 2001 contre les symboles de la
puissance américaine, en particulier les tours du World Trade Center, élevée
au rang d’événement planétaire, et a été suivie par les attentats de Madrid
(11 mars 2004) et de Londres (7 juillet 2005), sans parler de ceux de Charm
el-Cheikh (23 juillet 2005) ou de Bali (1er octobre 2005), attribués à Al
Qaïda. On parle même d’« hyperterrorisme », qui apparaît – peut-être à tort
– comme un réseau planétaire, auquel s’agrègent des terroristes locaux,
comme en Irak et en Afghanistan malgré la présence d’importantes forces
militaires. La riposte à cette généralisation du terrorisme s’est organisée sur
le plan national et international, avec la constitution d’unités spéciales
formées pour faire face au défi terroriste, comme le GIGN créé en France
en 1973 qui réussit à délivrer des enfants pris en otage en février 1976 par
des terroristes somaliens et à mettre fin au détournement d’un avion par le
GIA (Groupement islamique armé) algérien. À la suite des attentats du 11
septembre 2001, la lutte anti-terroriste s’est portée au niveau international,
au point d’encombrer l’agenda des relations internationales au détriment
d’autres problèmes. L'administration Bush « déclare la guerre à la terreur »
(global war on terror), utilise l’expression « Axe du mal » pour désigner
des pays accusés de soutenir les terroristes comme l’Irak, l’Iran ou la Corée
du Nord, s’attaque au régime des talibans en Afghanistan censé protéger Al
Qaïda et signe avec un certain nombre de pays des conventions de
coopération dans ce sens, au prix d’un renforcement des normes de sécurité
et d’un amenuisement des libertés publiques, comme le Patriot Act, loi
votée le 26 octobre 2001 par le Congrès des États-Unis pour renforcer les
pouvoirs de contrôle et de police. Le terrorisme international est un des
prétextes que les Américains ont utilisé pour justifier la guerre contre l’Irak
en 2003.
Comme les États, l’ONU s’est engagée dans la lutte contre le terrorisme
et est à l’origine de 27 instruments juridiques internationaux ou régionaux
relatifs à cette menace, en particulier la résolution 1624 du 8 décembre
2005 qui condamne tous les actes terroristes et celle du 8 septembre 2006, «
la stratégie antiterroriste mondiale ».
MV

BAUD Jacques, Encyclopédie des terrorismes et violences politiques,


Lavauzelle, 2008.
CHALIAND Gérard, BLIN Arnaud (dir.), Histoire du terrorisme : de
l’Antiquité à Al-Khaïda, Bayard, 2004.
GUISNEL Jean, Guerres dans le cyberespace, Services secrets et
Internet, La Découverte, 1997.
« Qu’est-ce que le terrorisme ? », entretien accordé par Jacques Derrida
au Monde diplomatique, janvier 2004.
Site de l’ONU : www.undcp.org/terrorism.html.
→ AL QAïDA, CAUCASE, GUERRE, JEUX OLYMPIQUES,
ONZE SEPTEMBRE, PALESTINIEN (PROBLÈME), PIRATERIE

TIBET (CONFLIT DU)


L'origine du conflit

Au cours de la première moitié du 20e siècle, le Tibet, revendiqué par la


Chine depuis le 18e siècle, bénéficie d’une indépendance de fait, profitant
des troubles qui agitent son puissant voisin. La situation change en 1949
avec la proclamation de la République populaire de Chine. Sur ordre de
Mao Zedong, l’armée populaire de libération entre au Tibet en 1950 sans
rencontrer de véritable résistance de la part d’une population qui dispose de
troupes peu nombreuses et mal équipées. La communauté internationale ne
réagit pas. Un an plus tard, un accord est signé entre des représentants du
dalaï-lama, autorité spirituelle et temporelle des Tibétains, et Pékin : il
transforme le Tibet en région autonome du Tibet au sein de la République
populaire de Chine. Alors que le gouvernement central assure respecter le
particularisme du peuple tibétain, et en particulier la religion bouddhiste,
des mesures de sinisation forcée provoquent une vague de protestations
contre l’occupant à partir de 1956. Elle est réprimée dans le sang en 1959.
Selon des chiffres qui constituent un sujet de désaccord permanent entre les
parties en présence, le nombre de Tibétains victimes de la répression
s’élèverait à 90 000. Le dalaï-lama est contraint à l’exil en Inde, suivi par
plus de 100 000 Tibétains.

Répression et Révolution culturelle

La population restée au Tibet subit jusqu’aux années 1980 une politique


de maoïsation radicale qui culmine lors de la Révolution culturelle. Les
monastères sont pillés, les moines persécutés, tortures et exécutions
sommaires deviennent pratique courante. Toute tentative d’opposition est
broyée. Des organisations humanitaires dénoncent des stérilisations forcées.
Après la mort de Mao, ses successeurs semblent tout d’abord accorder un
certain répit au Tibet mais recourent finalement à des méthodes similaires
pour écraser les émeutes de 1987 dans la capitale, Lhassa, et dans le reste
de la région. Malgré tout, la rébellion reste vive jusqu’en 1989. Les
protestations de l’opinion internationale et le prix Nobel de la paix attribué
cette année-là au dalaï-lama n’empêchent pas Pékin de réprimer très
durement les Tibétains. Au début des années 1990, le gouvernement central
renforce ses moyens de surveillance et de coercition sur place tout en
changeant de stratégie. Il encourage l’implantation de colons chinois, les
Hans, pour modifier les équilibres démographiques locaux, il pratique une
politique de sécularisation massive à l’égard des pratiques religieuses afin
de briser les repères et solidarités traditionnels et renforce l’exploitation
économique de la région, riche en ressources naturelles. En 2008, en marge
des Jeux olympiques qui s’ouvrent à Pékin, les Tibétains essaient une fois
encore d’attirer l’attention de la communauté internationale sur leur sort
mais les autorités chinoises mettent rapidement fin aux émeutes.

Le gouvernement tibétain en exil

Durant ces années qui ont vu la mort de 1,2 million de Tibétains d’après
les statistiques avancées par le gouvernement en exil, et contestées par
Pékin, le dalaï-lama s’est fait porteur d’un message de paix et de non-
violence. Ses nombreux efforts pour engager des négociations d’autonomie
avec le gouvernement chinois sont restés vains. Aux yeux de la République
populaire de Chine, la présence chinoise au Tibet est légitime : que ce soit
dans la région autonome du Tibet ou dans les entités autonomes tibétaines
des provinces du Qinghai, du Gansu, du Sichuan et du Yunnan (le « Grand
Tibet » du gouvernement d’exil). Les tentatives d’opposition au pouvoir
central sont assimilées à du sécessionnisme auquel Pékin entend répondre
par la répression et l’assimilation culturelle forcée.
FG

LEVENSON Claude B., Tibet : la question qui dérange, Paris, Albin


Michel, 2008.
→ JEUX OLYMPIQUES, MAO ZEDONG, NOBEL DE LA PAIX
(PRIX), RELIGION

THATCHER Margaret (1925)

D’origine modeste, elle est élue député conservateur britannique en 1959.


Ministre de l’Éducation dans le gouvernement d’Edward Heath (1970-
1973), elle lui succède à la tête du parti tory (1975) et devient Premier
ministre après sa victoire électorale du 4 mai 1979. Elle remporte à nouveau
les élections en 1983 et 1987. D’un nationalisme ombrageux, la « Dame de
fer », proche du président Reagan tant en politique intérieure qu’en ce qui
concerne l’attitude à adopter face aux Soviétiques, privilégie l’alliance avec
les Américains : elle les soutient dans la crise des euromissiles en acceptant
qu’ils soient installés sur son territoire. Quant à eux, les États-Unis
n’hésitent pas à mécontenter leurs alliés latino-américains en l’aidant
pendant la guerre des Malouines (avril-juin 1982). Championne du
libéralisme économique et très hostile aux structures supranationales,
Margaret Thatcher repousse l’idée d’intégration européenne et obtient de
ses partenaires de la Communauté européenne qu’ils acceptent un « juste
retour » de la contribution britannique, par ailleurs fortement réduite, au
budget commun (conférence de Fontainebleau, 25-26 juin 1984). Mais elle
approuve l’Acte unique européen (1986), y voyant une étape vers la
transformation de la Communauté en simple zone de libre-échange. Ne
voulant pas sacrifier les intérêts britanniques en Afrique du Sud, elle rentre
en conflit avec les autres membres du Commonwealth, par contre elle met
fin au conflit rhodésien (1964-1980) en permettant à la majorité noire
d’accéder au pouvoir. Dans la question d’Irlande, elle est d’une
intransigeance absolue face à l’IRA mais pratique une politique de
rapprochement avec l’Irlande du Sud, n’hésitant pas à lui reconnaître un
certain droit de regard sur l’Ulster (1985-1986). Après l’arrivée au pouvoir
de Mikhaïl Gorbatchev (1985), elle prend très vite au sérieux sa volonté de
mettre fin à la guerre froide, puis elle cherche, en vain, son appui pour
s’opposer à la réunification allemande (1989-1990). Sa rigidité sur les
questions européennes, et surtout l’impopularité de sa politique fiscale,
finissent par provoquer le désaveu de sa majorité et sa démission (20
novembre 1990).
AD

SERGEANT Jean-Claude, La Grande-Bretagne de Margaret Thatcher,


1979-1990, PUF, 1994.
→ CEE, COMMONWEALTH, EUROMISSILES, GORBATCHEV,
GUERRE FROIDE, HEATH, MALOUINES (GUERRE DES),
REAGAN, UE

TIERS MONDE

Le terme, que l’on doit au démographe Alfred Sauvy, par analogie avec
le Tiers État, a fait fortune. Son mérite est de rappeler dans les années 1950
l’existence d’une zone intermédiaire, en grande partie sous la tutelle
coloniale des métropoles européennes, au moment où la guerre froide
semble partager le monde en deux camps. La décolonisation de l’Asie puis
de l’Afrique amène les anciennes colonies à s’organiser à partir de la
conférence de Bandoung en 1955, à revendiquer le non-alignement et à
réclamer une aide au développement dans le cadre multilatéral de la
CNUCED, en particulier. Représentant bientôt une majorité à l’Assemblée
générale de l’ONU, le groupe afro-asiatique est courtisé par les deux
Grands, et le tiers-mondisme a le vent en poupe. Certains des États du Tiers
Monde, riches en ressources pétrolières, s’organisent en OPEP et, en
augmentant le prix du pétrole, provoquent la panique en Occident. L'apogée
signifie aussi son déclin : la solidarité du Tiers Monde se lézarde entre pays
riches et pays pauvres. L'endettement grève lourdement les finances de
certains d’entre eux, qui regimbent face aux contraintes imposées par le
FMI. À la mystique des droits de peuples à disposer d’eux-mêmes succède
l’exigence des droits de l’homme, que précisément certains des États du
Tiers Monde ne respectent pas. Enfin, la disparition du monde socialiste
affecte aussi l’environnement international d’États qui trouvaient dans la
bipolarité leur équilibre.
MV

BALANDIER Georges, Le Tiers du Monde, sous-développement et


développement, PUF, 1956, préface d’Alfred Sauvy.
JOUVE Edmond, Le Tiers Monde, PUF, 1996.
→ BANDOUNG, CNUCED, DÉCOLONISATION, DROITS
HUMAINS, GUERRE FROIDE, NON-ALIGNÉS (MOUVEMENT
DES), ONU, OPEP, PÉTROLE ET RELATIONS
INTERNATIONALES
TITO (1892-1980)

Homme d’État yougoslave, à la tête de son pays de 1945 à 1980. Né de


père croate et de mère slovène, l’ouvrier métallurgiste Josip Broz, sous-
officier dans l’armée austro-hongroise, est fait prisonnier par l’armée
tsariste (mai 1915). Après la révolution d’Octobre 1917, il rejoint les
Bolcheviques puis gagne la Yougoslavie au printemps 1920. Il adhère alors
au parti communiste yougoslave et est emprisonné pour ses activités (1928-
1933). En 1935-1936, il travaille pour le Komintern en URSS ; en août
1937, il prend de fait la direction du PCY et adopte le surnom de Tito.
Après l’invasion allemande de la Yougoslavie (6 avril 1941), il attend
l’entrée en guerre de l’URSS (juin 1941) pour entamer une guerre de
partisans. Il lutte contre les occupants allemands et italiens, mais également
contre les résistants monarchistes serbes de Mihajlovic. Il est aidé par
Churchill, grâce auquel il s’impose à la tête de la Yougoslavie. Le 7 mars
1945, il constitue à Belgrade un gouvernement d’union nationale dominé
par les communistes. Une fois la guerre finie, il abolit la monarchie
(novembre 1945) et, restant Premier ministre, reconstitue l’État yougoslave
sur une base confédérale, tout en multipliant les provocations à l’égard des
Occidentaux : occupation de Trieste, aide aux communistes dans la guerre
civile grecque, incidents militaires avec les Américains. Ces initiatives de
Tito, ainsi que sa volonté de constituer une confédération balkanique avec
la Bulgarie et l’Albanie, inquiètent Staline qui le fait condamner par le
Kominform (18 juin 1948), puis rompt les relations économiques et
diplomatiques avec la Yougoslavie dans l’espoir de provoquer son
renversement par des staliniens yougoslaves. Mais Tito, qui se fait élire
président de la République en 1953, assure la survie de son régime,
provoquant ainsi la première brèche dans l’Internationale communiste. Il se
rapproche des Occidentaux dont il reçoit crédits et armements, et conclut
même avec la Grèce et la Turquie le traité de Bled (9 août 1954),
prolongement de l’OTAN. Après la mort de Staline (5 mars 1953),
Khrouchtchev renie l’anti-titisme de son prédécesseur (visite à Belgrade
juin 1955). Cependant Tito refuse de réintégrer le « camp socialiste »,
préférant patronner avec Nasser et Nehru le mouvement des non-alignés
dont il reçoit à Belgrade la première conférence (1er-6 septembre 1961). S'il
approuve la répression soviétique en Hongrie (1956)et soutient le printemps
de Prague (1968), lors de la conférence des non-alignés à La Havane (3-9
septembre 1979), il s’oppose aux thèses pro-soviétiques de Castro. Après sa
mort, la Yougoslavie qui, grâce à lui, a joué un rôle international sans
commune mesure avec sa puissance réelle, ne survit qu’une dizaine
d’années à la résurgence des nationalismes favorisés par les difficultés
économiques et la fin de la guerre froide.
AD

DJILAS Milovan, Tito, mon ami, mon ennemi, biographie critique, Fayard,
1980.
→ BLED (TRAITÉ DE), CASTRO, KHROUCHTCHEV,
KOMINFORM, KOMINTERN, NON-ALIGNÉS (MOUVEMENT
DES), OTAN, STALINE, VARSOVIE (PACTE DE), YOUGOSLAVIE

TRAITÉS DE PAIX (1919-1920)

Ensemble des traités qui règlent les problèmes issus de la Grande Guerre,
à la suite des armistices signés à la fin de 1918, selon les principes exposés
par Wilson dans ses quatorze points.
Le traité de Versailles, signé avec l’Allemagne le 28 juin 1919, est le
plus important des traités préparés par la Conférence de la paix qui se tient
à Paris, regroupant près de trente pays et dont l’organe de décision est le
Conseil des Quatre, réunissant les chefs des gouvernements français
(Clemenceau), anglais (Lloyd George), italien (Orlando), et le président
américain Wilson. L'Allemagne et les autres États en sont écartés. L'objectif
est de rabaisser la puissance politique et économique de l’Allemagne et
d’assurer la sécurité en Europe. La conférence définit d’abord les statuts de
la Société des Nations (SDN) constituant le préambule de tous les traités de
paix. L'Allemagne se voit imposer des conditions draconiennes : perte de
l’Alsace-Lorraine au profit de la France, de la Posnanie et de la Prusse
occidentale au profit de la Pologne reconstituée, soit plus de 88 000 km2 de
son territoire et 1/10e de sa population, perte de ses colonies ; détachement
de Dantzig, peuplée en majorité d’Allemands, ville libre, placée sous
contrôle de la SDN ; scrutins d’autodétermination en Prusse orientale,
Schleswig du Nord (qui revient au Danemark), Eupen et Malmédy (qui
reviennent à la Belgique), Haute-Silésie. La Sarre est placée sous le
contrôle de la SDN et administrée par la France pendant quinze ans. Par
l’article 231 du traité, l’Allemagne doit se reconnaître responsable de «
toutes les pertes, de tous les dommages subis par les gouvernements alliés
et associés et leurs nationaux », ce qui justifie les réparations. À cela
s’ajoutent des sanctions militaires : démilitarisation de la rive gauche du
Rhin, désarmement de l’Allemagne et limitation des effectifs de son armée
pendant quinze ans. L'occupation par les Alliés de la rive gauche du Rhin et
de têtes de pont sur la rive droite doit servir de garantie d’exécution du
traité. La France obtient la promesse de traités de garantie franco-
britannique et franco-américain en cas d’agression allemande. Des traités
séparés sont négociés avec les autres pays vaincus. Ils remodèlent la carte
politique de l’Europe centrale, fondée sur le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes, mais peu adaptés aux réalités économiques et ethniques,
groupant des populations hétérogènes, foyers futurs d’affrontement. Le
traité de Saint-Germain (10 septembre 1919) réduit l’Autriche à un petit
territoire peuplé de six millions et demi d’habitants. Le traité de Neuilly
(27 novembre 1919) fait perdre à la Bulgarie la Thrace occidentale et la
Dobroudja. Par celui de Trianon (4 juin 1920), la Hongrie perd la
Transylvanie et le Banat. Celui de Sèvres avec la Turquie (10 août 1920)
démembre l’Empire ottoman ; il est annulé en 1923 par les accords de
Lausanne. Les nouveaux États (Pologne, Tchécoslovaquie et Yougoslavie)
ainsi que la Roumanie sont les grands bénéficiaires des traités. Mais ils
regroupent beaucoup de minorités. Quant à la Pologne, elle récupère sa
frontière occidentale de 1772, gagnant la Posnanie sur l’Allemagne, mais
Dantzig est érigée en ville libre à l’extrémité du corridor qui lui donne un
accès à la mer. À l’est, elle refuse la ligne Curzon, et poursuit la guerre
contre l’Union soviétique. Aux termes de la guerre polonosoviétique, par le
traité de Riga (mars 1921), l’URSS lui cède une bande de 200 km au-delà
de la ligne Curzon. L'Italie, entrée en guerre en vertu des promesses
secrètes, n’est pas satisfaite : elle obtient le Trentin, le Tyrol, Trieste et
l’Istrie, mais non la Dalmatie et Fiume, laissant ouverte la question de
l’irrédentisme.
Les traités en eux-mêmes ne constituent pas une paix bâclée. Les
responsabilités sont ailleurs. Le Sénat américain, en refusant en 1920 de
ratifier le traité de Versailles, annule les garanties anglo-américaines à la
France et diminue la portée du pacte de la SDN. La France et la Grande-
Bretagne dominent l’Europe née des traités de 1919-1920. Mais, rassurée
quant à la menace allemande, l’Angleterre revient à sa politique d’équilibre
des puissances et se désintéresse vite de l’Europe centrale. Seule pour
consolider l’Europe de Versailles alors que naît à l’Est le régime
révolutionnaire des Soviets, la France constitue une alliance de revers avec
les nouveaux États d’Europe centrale, dont certains sont regroupés dans la
Petite Entente. Dès 1920, l’Allemagne, qui voit dans le traité de Versailles
un diktat, s’oppose à toutes les clauses du traité et avant tout aux
réparations. Le 16 mars 1935, Adolf Hitler dénonce unilatéralement les
termes du traité que l’Angleterre, par souci d’appeasement, laisse
démanteler comme c’est le cas avec la remilitarisation de la Rhénanie
(1936).
CB

LAUNAY Michel, 1919, Versailles, une paix bâclée ?, Complexe, 1999.


RENOUVIN Pierre, Le traité de Versailles, Paris, Flammarion, 1969.
→ ALSACE-LORRAINE, APPEASEMENT, CLEMENCEAU,
CURZON (LIGNE), DANTZIG (COULOIR DE), DÉSARMEMENT,
HITLER, IRRÉDENTISME, LAUSANNE (TRAITÉ DE), LLOYD
GEORGE, ORLANDO, PETITE ENTENTE, RÉPARATIONS,
SARRE, SDN, SÈVRES (TRAITÉ DE), WILSON

TRAITÉS DE PARIS (10 février 1947)

Il s’agit des traités de paix entre les satellites de l’Allemagne nazie


(Italie, Roumanie, Hongrie, Bulgarie et Finlande) et les vainqueurs de la
Seconde Guerre mondiale. Les conférences de Yalta et de Potsdam décident
d’ajourner la signature des traités de paix avec les États vaincus, après la
mise en place de régimes démocratiques. Elles prévoient tout de même de
priver le Japon de toutes ses colonies et de céder le sud de Sakhaline et les
Kouriles à l’URSS. Elles acceptent l’annexion par l’URSS des trois États
baltes érigés en républiques socialistes, et le déplacement des frontières de
la Pologne au profit de l’URSS qui récupère ainsi l’ouest de la Biélorussie
et de l’Ukraine (annexées par la Pologne en 1921) au détriment de
l’Allemagne qui perd la Poméranie et la Silésie à l’est de la ligne Oder-
Neisse.
La signature d’un traité de paix avec l’Allemagne apparaît problématique
en raison de l’opposition naissante américano-soviétique. C'est pourquoi les
alliés décident de régler d’abord le sort de ses satellites. L'Italie doit verser
des réparations, elle perd les territoires conquis (Albanie, Dodécanèse). Elle
cède à la Yougoslavie une partie de ses terres irrédentes (l’est de l’Istrie)
sauf Trieste, ville libre placée sous la tutelle de l’ONU. Le sort de ses
colonies africaines (Tripolitaine, Érythrée, Somalie) fait l’objet de longs
débats et est renvoyé à plus tard, malgré le compromis Sforza-Bevin. La
Finlande cède à l’URSS la Carélie. La Hongrie est ramenée à ses frontières
de 1920 (traité de Trianon). La Roumanie cède à l’URSS la Bessarabie,
arrachée à la Russie en 1918 et la Dobroudja à la Bulgarie, mais récupère la
Transylvanie et le Banat, pris par la Hongrie en 1938.
Les rectifications de frontières et le versement de réparations profitent
surtout à l’URSS. Ces traités sont loin d’être satisfaisants mais, en raison de
la guerre froide et de l’opposition des deux blocs, les frontières qui en sont
issues sont respectées jusqu’à l’effondrement de l’URSS.
MV

→ BALTES (PAYS), IRRÉDENTISME, KOURILES (îLES), ODER-


NEISSE (LIGNE), ONU, SFORZA, TRAITÉS DE PAIX, YALTA
(CONFÉRENCE DE)

TRICONTINENTALE

Créée en janvier 1966 à La Havane, lors de la conférence de solidarité


des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique. La décolonisation pour elle
n’est que formelle, la domination économique du Tiers Monde toujours à
l’œuvre et l’impérialisme plus que jamais au cœur de relations
internationales, séparant un centre ou métropole d’une « périphérie »
constituée de l’ensemble des pays dominés. Une division internationale du
travail de caractère impérialiste cantonne les pays « sous-développés » dans
un rôle de pourvoyeurs de produits de base pour un système industriel
impérial qui en dépend de plus en plus et, du même coup, entend contrôler
directement ou indirectement ces sources de matières premières, tout en se
montrant résolument hostile à une véritable industrialisation du Tiers
Monde.
PMD

→ DÉCOLONISATION, IMPÉRIALISME, TIERS MONDE

TRILATÉRALE

Association internationale informelle, la Commission trilatérale tire son


nom du trilatéralisme, concept de partenariat « naturel » entre l’Amérique
du Nord, l’Europe occidentale et le Japon. Créée en 1973 par David
Rockefeller, président de la Chase Manhattan Bank, elle réunit quelque 300
personnalités des trois pôles de l’Occident industrialisé, issues de
l’université, des affaires, des médias, et nombre d’anciens hommes d’État
comme H. Kissinger, R. Barre, V. Giscard d’Estaing, Y. Nakasone, J.
Callaghan ou G. Bush. Elle se consacre principalement à la promotion du
commerce mondial, à la stabilité monétaire internationale et de plus en plus
aux questions du Tiers Monde, produisant des rapports très remarqués.
Groupe d’influence majeur de la politique américaine, comptant des
libéraux et des conservateurs des deux partis, la Commission fournit
régulièrement des hommes au gouvernement américain pour ses plus hauts
postes. En raison de son élitisme et du mystère qui l’entoure, la
Commission trilatérale a pu être perçue, par un courant politique
isolationniste, comme une main internationaliste dominant la politique
étrangère américaine.
PMD
SKLAR Holly, ed., Trilateralism : The Trilateral Commission and The
Planning for World Management, Boston, 1980.
→ BUSH (GEORGE), GISCARD D’ESTAING, KISSINGER,
TIERS MONDE

TRIPLE-ALLIANCE

Apogée du système bismarckien qui ligue les puissances d’Europe


centrale, la Triple-Alliance (ou Triplice) est signée en 1882 entre
l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie. Accord défensif constamment
renouvelé jusqu’en 1914, elle est perçue par ses signataires comme un gage
de stabilité et d’équilibre sur le continent européen face au péril que
représentent le contentieux franco-allemand sur l’Alsace-Lorraine à l’ouest
et la rivalité entre la Russie et l’Autriche-Hongrie dans les Balkans. Pour
l’Italie, qui veut sortir de son isolement, le choix d’une alliance avec
l’Allemagne s’inscrit dans une logique de puissance. Par ailleurs, ses
relations avec la France achoppent sur la question de la Tunisie. Enfin, bien
que la France contrôle 80 % de la dette publique italienne, les Italiens
commercent davantage avec le Reich, fournisseur de charbon et de matières
premières. En contrepartie, l’Allemagne contraint de facto l’Italie à protéger
ses frontières alpines en cas de guerre contre la France tandis que l’alliance
lui permet d’atténuer temporairement, sinon de contrôler, la vieille hostilité
austro-italienne.
Le cœur de la Triplice est néanmoins l’alliance conclue entre les deux
empereurs Guillaume II et François-Joseph. Elle seule demeure vivace
après le rapprochement franco-italien qui s’opère à partir de 1898 et mène,
par la convention de Londres, à l’entrée en guerre de l’Italie aux côtés de
l’Entente en mai 1915.
FG
→ ALSACE-LORRAINE, BALKANIQUES (GUERRES), TRIPLE-
ENTENTE

TRIPLE-ENTENTE
Ensemble diplomatique construit en trois étapes par le rapprochement
franco-russe de 1890-1894, l’Entente cordiale franco-britannique (1904) et,
dans une moindre mesure, par le règlement colonial anglo-russe de 1907, la
Triple-Entente naît de l’inquiétude que suscite l’isolement diplomatique de
ces trois pays face à la Triple-Alliance.
Pilier de cette construction, l’alliance franco-russe comporte un accord
politique et une convention militaire dont Théophile Delcassé, ministre
français des Affaires étrangères, est l’artisan principal. Isolée depuis la
défaite de 1871, désireuse de récupérer les deux provinces perdues d’Alsace
et de Lorraine, la France fait de la Russie, aux prises avec l’Autriche-
Hongrie dans les Balkans, son alliée dans une stratégie d’encerclement des
Empires centraux. Elle reçoit le soutien de la Grande-Bretagne qui cherche
ainsi à se protéger de la concurrence commerciale et navale allemande.
Conformément aux accords signés par les trois puissances avant 1914, leur
solidarité en temps de guerre reste sans faille jusqu’à la révolution
bolchevique d’octobre 1917.
FG

MCCULLOUGH Edward E., How the First World War Began. The Triple-
entente and the Coming of the Great War of 1914-1918, Montréal, Black
Rows, 1998.
→ ALSACE-LORRAINE, BALKANIQUES (GUERRES),
DELCASSÉ, ENTENTE CORDIALE, TRIPLE-ALLIANCE

TRUMAN Harry (1884-1972)

Sénateur démocrate du Missouri en 1934, la notoriété que lui vaut, depuis


1941, son action à la tête du comité d’enquête sur le programme de Défense
nationale explique sa désignation comme candidat à la vice-présidence par
le parti démocrate (juillet 1944). À la mort de Roosevelt (12 avril 1945), il
lui succède sans être vraiment prêt à exercer ses fonctions. Disposant de
l’arme atomique, il n’hésite pas à l’employer pour mettre fin à la guerre
contre le Japon (Hiroshima et Nagasaki en août 1945). Désespérant de
pouvoir s’entendre avec Staline, il engage une politique d’endiguement,
officialisée par la « doctrine Truman » qu’il énonce lors de la demande
d’aide de la Grèce et de la Turquie (12 mars 1947), définie comme le «
soutien à la liberté des peuples en butte à l’agression de minorités armées
ou de pressions extérieures ». Le plan Marshall (juin 1947), l’aide à
l’Allemagne occidentale (avec le pont aérien de Berlin) et au Japon, le pacte
Atlantique (avril 1949) sont autant de manifestations de cette diplomatie qui
marque une rupture définitive avec le traditionnel isolationnisme américain.
Dans une atmosphère manichéenne qui mène à la « chasse aux sorcières »,
les États-Unis deviennent le « gendarme » du monde libre : d’où la
conclusion de pactes, en Asie avec les Philippines, le Japon (1951) et du
pacte de l’ANZUS, en Europe le soutien à la construction européenne. Élu
pour un second mandat en novembre 1948, Truman se résigne à la victoire
communiste en Chine, mais engage les troupes américaines en Corée (juin
1950) ; il y manifeste sa fermeté en désavouant toutefois le général
MacArthur, partisan de bombardements sur la Chine populaire et en
soutenant l’effort de guerre français en Indochine. La lassitude engendrée
par le prolongement de la guerre de Corée explique largement sa défaite
face à Eisenhower lors des élections présidentielles de novembre 1952. Sur
le plan de la politique extérieure, les années Truman représentent un
tournant capital.
AD

MCCULLOUGH David, Truman, New York, Simon & Schuster, 1992.


→ ALLIANCE ATLANTIQUE, ARMES NUCLÉAIRES, ANZUS,
BERLIN, CORÉE (GUERRE DE), EISENHOWER, ENDIGUEMENT,
INDOCHINE (GUERRE D’), ISOLATIONNISME, ROOSEVELT
(FRANKLIN D.)
U

ULBRICHT Walter (DOCTRINE)

Formé à l’école stalinienne à Moscou, Walter Ulbricht (1893-1973)


s’impose dès son entrée à Berlin en 1945 avec les troupes soviétiques comme
l’architecte du régime communiste est-allemand. On appelle « doctrine
Ulbricht » à la fois sa conception du socialisme à l’allemande et la politique
de soviétisation qu’il pratique en RDA dans les années 1950. Membre du
Politburo du SED (Parti socialiste unifié) puis président de la RDA, Ulbricht
instaure un régime copié sur le modèle soviétique. En faisant de son parti un
« parti de type nouveau », Ulbricht amplifie sa force et son pouvoir. Le 2e
congrès du SED (1952) sert ainsi de tremplin à la « construction du
socialisme » autour de quatre axes principaux : consolidation des bases
socialistes du pouvoir de l’État, intensification de la lutte des classes,
élimination des éléments subversifs, durcissement de la dictature politique.
Élaborée dès le début de la guerre froide, la stratégie d’Ulbricht consiste à
renverser par la subversion la démocratie ouest-allemande, à détacher la RFA
de l’OTAN comme des États-Unis, en y encourageant les sentiments
pacifistes dans le but ultime de faire de l’Allemagne unie un pays socialiste.
L'édification du mur de Berlin en 1961 en constitue tout à la fois le symbole
et l’échec. Ulbricht qui, après 1956, s’oppose à la déstalinisation, amorce un
virage dans les années 1960. Convaincu que la RDA, « communauté humaine
socialiste », a atteint un niveau d’évolution supérieur à celui de l’URSS, il
refuse l’idée de réforme et doit démissionner en 1971, victime de ses propres
contradictions.
FG

WAGNER Armin, Walter Ulbricht und die Geheime Sicherheitspolitik der


SED, Berlin, Ch. Links, 2002. WEBER Hermann, DDR. Grundriß der
Geschichte 1945-1990. Hanovre, Fackelträger, 1991.
→ BERLIN, GUERRE FROIDE, HALLSTEIN, OTAN
UNESCO (UNITED NATIONS EDUCATION, SCIENCE AND
CULTURE ORGANIZATION, ORGANISATION DES NATIONS
UNIES POUR L'ÉDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE)

Cette Organisation spécialisée de l’ONU prend la suite de l’Institut


international de coopération intellectuelle (IICI) créé avec la SDN. Elle entre
en fonction en novembre 1946, un an après sa fondation à Londres par trente-
sept pays ; son siège reste à Paris, comme l’ICII. Son champ d’activité
s’étend à tous les domaines culturels, la science, perçue comme un enjeu de
taille après l’explosion des bombes sur Hiroshima et Nagasaki, a été ajoutée
in fine.
Les membres de la conférence générale et du conseil exécutif, comme les
fonctionnaires du secrétariat général, sont indépendants pour sauvegarder leur
liberté d’action. Le secrétaire général est élu par la conférence.
Mais l’Unesco n’échappe pas aux crises internationales, souvent pour des
raisons idéologiques qui entravent son action culturelle. Sous la pression des
États-Unis, dans le cadre du maccarthysme, un contrôle sévère est exigé à
l’encontre des fonctionnaires, américains ou non, qui seraient suspects. En
1954, leur statut est modifié car ils deviennent les représentants des États
membres. En 1956, l’Afrique du Sud se retire à cause des reproches sur sa
politique d’apartheid ; elle réintègre l’Unesco sous la présidence de Mandela
en 1994. Israël est exclu en 1974 en raison de fouilles archéologiques qu’il
entreprend dans les territoires occupés, déclenchant le boycott de plusieurs
intellectuels arguant du non-respect du principe d’universalité. En 1981,
l’administration Reagan critique la gestion de l’Unesco autant que son
incompatibilité avec la politique définie par le Président américain. En 1985,
les États-Unis la quittent (jusqu’en 2003), suivis de la Grande-Bretagne
(jusqu’en 1997) puis de Singapour. En 2007, le Monténégro est le 192e État
membre de l’Unesco.
Le champ des préoccupations et des réalisations de l’Unesco est vaste. Sur
le plan culturel, l’aide aux pays en développement a une place importante :
assistance technique et enseignement professionnel, programmes régionaux
d’alphabétisation, création d’universités. L'Unesco partage de plus en plus
cette mission avec d’autres organisations comme l’OIT ou le Programme des
Nations unies pour le développement (PNUD) créé en 1965 et directement
placé sous l’autorité de l’ECOSOC qui coordonne le tout. En matière
scientifique, la réflexion sur la création de laboratoires de recherche
internationaux concerne davantage les pays développés mais n’exclut
personne : il s’agit de limiter le saupoudrage des crédits et d’éviter les
doubles emplois. Ainsi le Centre d’études et de recherches nucléaires
(CERN) à Lausanne, s’il n’est pas directement issu de l’Unesco, est le
résultat d’un travail de chercheurs et fonctionnaires de nombreux pays dans
cet esprit et il envoie parfois des représentants à la conférence générale de
l’Unesco. En 1972, l’Unesco adopte une Convention sur la Protection du
patrimoine culturel et naturel mondial, grâce notamment à une aide financière
(le sauvetage du temple d’Abou-Simbel après la construction du barrage
d’Assouan l’a précédé en 1960) : sont inscrits au patrimoine mondial près de
neuf cents biens aussi divers que le Mont Saint-Michel et sa baie (1979), le
Parc national d’Iguaçu au Brésil (1986), la Casbah d’Alger (1992), la
cathédrale de Cologne (1992), la vallée de Bamiyan en Afghanistan (2003).
Prenant en considération les nouvelles technologies, l’Unesco crée, en
1992, un programme « Mémoire du Monde » qui a pour but de protéger les
richesses des bibliothèques et des collections d’archives écrites, sonores,
cinématographiques et télévisuelles. Et sous son impulsion, en 1998,
l’Assemblée générale de l’ONU adopte la Déclaration universelle sur le
génome humain et les droits de l’homme, adoptée par l’Unesco un an plus
tôt. Actuellement, un programme sur « l’homme et la biosphère » se penche
sur la sauvegarde de la biodiversité dans le cadre des sciences naturelles et
sociales.
Ch. M

DROIT Roger-Pol, L'Humanité toujours à construire : regard sur l’histoire


intellectuelle de l’UNESCO, 1945-2005, Unesco, 2005.
MAUREL Chloé, L'Unesco de 1945 à 1974, thèse Paris 1, 2005.
MYLONAS Denis, La Genèse de l’Unesco (1942-1945), Bruxelles,
Bruylant, 1976. http://portal.unesco.org/fr
→ OIT, ONU, SDN

UNILATÉRALISME
Principe selon lequel un État impose ses choix à son environnement
extérieur au lieu de les concerter ou négocier avec un autre partenaire dans le
cadre du bilatéralisme, ou de les élaborer collectivement au sein d’une
organisation internationale dans ce que l’on appelle communément
multilatéralisme, dont le néologisme unilatéralisme est devenu l’exact
antonyme. Si le terme est général et désigne la tendance de n’importe quelle
puissance à conduire sa politique étrangère à l’aune de ses seuls intérêts, et
éventuellement au mépris de ceux des autres acteurs du système international,
et que l’action de l’URSS par exemple fut un modèle d’unilatéralisme au sein
de son espace de domination, c’est à l’occasion de la guerre préventive contre
l’Irak en 2003 et avant avec la révolution reaganienne, que la question de
l’unilatéralisme, et donc spécifiquement de l’unilatéralisme américain advint
sur le devant de la scène. L'unilatéralisme a, il est vrai, une longue histoire et
une longue tradition aux États-Unis, se fondant sur l’exceptionnalisme
américain et le fameux message d’adieu de 1796 de George Washington
préconisant « d’éviter les alliances permanentes ». En cela il est sans doute,
comme le note l’historien américain A. Schlesinger, « la plus vieille doctrine
de la politique étrangère américaine ». Après que l’isolationnisme, une autre
expression, et peut-être la plus pure, de l’exceptionnalisme, s’est avéré vain,
l’entrée progressive en guerre froide entre 1946 et 1950 va contraindre les
dirigeants américains à modifier le projet wilsonien réhabilité par Franklin
Roosevelt, et les États-Unis vont afficher toujours davantage de scepticisme
envers le « multilatéralisme onusien ». Cette évolution, découlant de la
déception que l’ONU leur a causée, comme parfois de leur irritation face à
des alliés accusés de ne pas assumer leurs responsabilités, les a même fait
renouer avec une version dure de l’unilatéralisme consistant non pas à agir
indépendamment de leurs alliés, mais bien à leur imposer des politiques
contre leur volonté. Les présidences Carter et surtout Reagan allaient être
déjà marquées par cette dégradation des relations, mais c’est l’arrivée de
l’administration de George W. Bush et plus encore, les attentats terroristes
qui allaient porter cette tendance à son paroxysme. L'image « unilatéraliste »
du président était affirmée d’emblée pour devenir franchement « archi-
unilatéraliste » après le 11 Septembre. Sécurité et Amérique d’abord,
proclamait alors l’administration : « quand il s’agit de notre sécurité, nous
n’avons besoin de la permission de personne », affirmait ainsi Bush en 2003.
Le « Gulliver américain » selon l’expression de Stanley Hoffmann, se voulait
libéré de tous les Liliputiens plus ou moins bien intentionnés. Plutôt que
d’unilatéralisme s’agissant de la politique de Bush et des États-Unis en
général, d’aucuns préfèrent cependant évoquer un « multilatéralisme à la
carte », Washington choisissant la voie, multilatérale ou unilatérale, qui lui
convient le mieux, selon les circonstances.
PMD

BADIE Bertrand, DEVIN Guillaume, eds, Le multilatéralisme, Paris , La


Découverte, 2007. MELANDRI Pierre, RICARD Serge, eds., Les États-Unis
entre uni- et multilatéralisme de Woodrow Wilson à George W. Bush, Paris,
L'Harmattan, 2008.
→ BUSH (GEORGE W.), IRAN-IRAK (GUERRE),
ISOLATIONNISME, MULTILATÉRALISME, ONZE SEPTEMBRE,
REAGAN, WILSON

UNION AFRICAINE

L'Union africaine, dont l’acte constitutif est adopté le 12 juillet 2000 à


Durban (Afrique du Sud), succède le 10 juillet 2002 à l’Organisation de
l’unité africaine (OUA), elle-même créée en 1963. L'UA compte 53 pays
membres, soit tous les pays d’Afrique, à l’exception du Maroc. Ses
institutions : commission, parlement panafricain et conseil de paix et de
sécurité, sont mises en place lors du sommet de Maputo (Mozambique), en
juillet 2003. Le premier président est le Sud-Africain, Thabo Mbeki, ancien
président de l’OUA, puis lui succèdent Joaquim Chissano (Mozambique)
(juillet 2003-juillet 2004), Olusegun Obasanjo (Nigeria) (juillet 2004-janvier
2006), Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) (janvier 2006-janvier 2007),
John Kuofor (Ghana) (janvier 2007-février 2008), Jakaya Kikwete (Tanzanie)
(février 2008-janvier 2009). Créée à l’image de l’Union européenne, l’UA
s’est transformée au fil des années d’une organisation de coordination en
institution d’intégration. Elle a complété ses institutions par différents
organes qui témoignent d’une intention de partage de l’autorité : la
conférence, le conseil exécutif, le conseil économique, social et culturel, la
cour de justice, la cour africaine des droits de l’homme et des peuples, une
banque centrale et un fonds monétaire. Ses objectifs, définis le 12 octobre
2004, sont, dans le champ politique, de promouvoir la paix, la sécurité, la
démocratie, les droits de l’homme, l’intégration régionale et, dans le champ
économique, le développement du continent africain, par l’augmentation des
investissements extérieurs grâce au programme du nouveau partenariat pour
le développement de l’Afrique (NEPAD), engagé en 2001 par plusieurs chefs
d’État africains dont le Sénégalais, Wade, le Sud-Africain, Mbeki, le
Nigerian, Olusegun Obasanjo, l’Égyptien, Hosni Moubarak et l’Algérien,
Abdelaziz Bouteflika. Ce qui différencie l’UA de l’OUA est le droit
d’ingérence qu’elle s’est octroyée dans certaines situations : au Burundi en
avril 2003 avec le déploiement de la MIAB (mission africaine au Burundi),
au Togo en 2005, lors de la guerre civile au Darfour (2005-2006), mais ses
missions connaissent des problèmes de financement et de logistique. L'UA
souffre d’un manque de consensus.
CB

MFOULOU Jean, L'OUA, triomphe de l’unité ou des nationalités : essai


d’une sociologie politique de l’Organisation de l’unité africaine, Paris,
L'Harmatl'Organisation de l'unité africaine, Paris, L'Harmattan, 1988.
SASSOU ATTISSO Fulbert, De l’unité africaine de Nkrumah à l’Union
africaine de Kadhafi, Paris, L'Harmattan, 2008.

UNION EUROPÉENNE (UE)

C'est le traité de Maastricht du 7 février 1992 qui donne naissance à


l’Union européenne en lieu et place de la Communauté économique
européenne ; elle entre en vigueur le 1er novembre 1993. L'Union européenne
est aussi confrontée à l’élargissement. À ce moment, l’UE compte douze
membres et elle en accueille quinze nouveaux, entre 1995 et 2007 (à
Helsinki, en décembre 1999, les quinze États membres décident d’accepter la
candidature de douze États d’Europe centrale et orientale).
L'Union européenne doit faire face à son approfondissement, c’est-à-dire à
la réforme des institutions européennes difficile à réaliser : l’Union
économique et monétaire avec la mise en place de l’euro, la mise sur pied
d’une défense européenne sous la forme d’une politique étrangère et de
sécurité commune (PESC), adoptée par le traité d’Amsterdam (octobre 1997,
entré en vigueur en 1999) qui incorpore les missions de Petersberg définies
par l’UEO et précisée par le Conseil européen de Nice (décembre 2000).

L'UE de Douze à Vingt-Sept

La CEE a un réel pouvoir d’attraction, mais tout adhérent doit accepter les
acquis communautaires et le traité de Maastricht (1992), pour éviter que
l’élargissement nuise au renforcement de l’Union européenne. Les
négociations s’ouvrent au début de 1993 avec l’Autriche, la Suède, la
Finlande et la Norvège ; les neutres (Autriche, Suède et Finlande) sont prêts à
assumer la PESC. Le peuple norvégien refuse à nouveau de ratifier le traité.
Le 1er janvier 1995, l’Union européenne s’élargit à quinze.
En juin 1992, le conseil européen de Lisbonne repousse la candidature de
la Turquie (associée depuis 1963) qui a été posée en 1987, et lui propose une
union douanière en vue de sa modernisation, signée en 1995 ; son adhésion
est subordonnée à un développement économique suffisant, au règlement de
la question chypriote, à des progrès satisfaisants en matière de défense des
droits de l’homme ainsi qu’à la reconnaissance du génocide arménien, qui est
aussi une condition avancée. La candidature de Chypre (1990) est aussi
suspendue à une solution politique au problème de la partition de l’île ; des
accords d’association avec elle et Malte doivent aider les deux postulants.
L'ouverture aux pays d’Europe centrale et orientale (PECO) constitue un
enjeu politique pour l’UE, mais leur niveau de développement est jugé
insuffisant. Des « accords européens » (décembre 1991) avec le groupe de
Visegrad (la Pologne, la Hongrie, la Tchécoslovaquie font l’apprentissage de
la coopération régionale, présentée comme un préalable à l’adhésion), et
d’autres, permettent le développement commercial entre six d’entre eux et
l’UE. Le sommet de Copenhague (1993) émet les mêmes restrictions que
pour la Turquie. Ces critères de Copenhague sont les conditions à remplir
pour devenir membre de l’UE (institutions stables, démocratie, respect des
droits de l’homme, acceptation de l’économie de marché).
Relancé à Luxembourg en 1997, le processus d’élargissement est à
nouveau discuté au sommet d’Helsinki (décembre 1999). Il concerne dix pays
d’Europe centrale et orientale (PECO), Chypre et Malte ; les négociations
sont conduites à des rythmes différents suivant l’état de préparation des
candidats. Le premier élargissement a lieu en 2004 pour la République
tchèque, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne, la
Slovénie, la Slovaquie, Malte et Chypre. La Bulgarie et la Roumanie sont
devenues membres de l’UE en 2007.
Pour la Turquie, la situation est plus complexe : l’importance
démographique du pays, la religion musulmane de sa population et
l’islamisme de ses gouvernants font craindre son entrée dans l’Union, en
particulier en France. Elle bénéficie toutefois du statut de candidat et un
accord est signé en 2005 permettant l’ouverture des négociations ; les progrès
et les réformes pour remplir les critères de Copenhague sont encourageants
mais ne sont pas jugés suffisants par tous les membres.
La grande avancée de l’Union européenne est sans doute signe de son
succès et marque son pouvoir d’attraction. Il faut noter toutefois que les
considérations politiques et économiques sont parfois contradictoires, qu’une
trop grande ouverture présente un risque de dilution vers une grande zone de
libre-échange et que la course en avant empêche tout approfondissement de
l’Union, au risque de son inefficacité.
Ch. M

DEHOUSSE Renaud, DELOCHE-GAUDEZ Florence, DUHAMEL Olivier


(dir.), Élargissement : comment l’Europe s’adapte, Presses de Sciences Po,
2006.
LEQUESNE Christian, RUPNIK Jacques, L'Europe des Vingt-Cinq : 25
cartes pour un jeu complexe, Autrement, 2005.
RUPNIK Jacques (dir.), Les Européens face à l’élargissement. Perception,
acteurs, enjeux, Presses de Sciences Po, 2004. http://europa.eu/
→ AELE, CARAMANLIS, CEE, CHIRAC, CHYPRE,
COMMONWEALTH, DELORS, MITTERRAND, PESC, PESD, ROME
(TRAITÉS DE), SCHENGEN (ESPACE DE), UE (CHARTE DES
DROITS FONDAMENTAUX, TRAITÉS DE L')

UNION EUROPÉENNE (CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX


DE L')
La Charte symbolise l’attachement de l’Union aux droits humains. Elle est
nouvelle dans la mesure où tous les traités concernant la construction
européenne ne s’intéressaient qu’aux questions économiques et sociales, mais
pas humanitaires ni morales ; la référence était la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme, signée en 1950 et qui concerne les pays
membres du Conseil de l’Europe. L'initiative de ce texte revient aux
Allemands et l’importance des transferts de compétence depuis le traité de
Maastricht a incité les membres de l’UE à renforcer la protection des droits
fondamentaux au sein de l’Union.
Le texte a été élaboré, à partir de décembre 1999, par une Convention
composée de parlementaires et responsables des exécutifs de l’UE et
nationaux. La Charte a été proclamée juste avant l’ouverture du Conseil
européen de Nice, le 7 décembre 2000. Le traité de Lisbonne lui donne un
caractère obligatoire, car elle a désormais une valeur juridique.
En sept chapitres et cinquante-quatre articles, le texte reprend, bien sûr, les
principes de la Déclaration universelle des droits humains et de la Convention
européenne des droits de l’homme, met en avant les valeurs communes des
membres de l’Union : dignité, liberté, égalité (pas de discrimination d’aucune
sorte), solidarité, citoyenneté, justice. Elle tient aussi compte de la diversité
des traditions des États membres et défend le principe de la démocratie et de
l’État de droit.
La Charte est un compromis qui ne supplante pas le droit national en
matière de protection des droits fondamentaux. À cet égard, un débat a eu
lieu sur la référence à la diversité religieuse : la France y était opposée au
nom de la laïcité ; un accord a été trouvé sur les termes de « patrimoine
spirituel et moral ».
Par ce texte, l’Union contribue à la préservation et au développement des
valeurs communes dans le respect de la diversité des cultures, ainsi que de
l’identité nationale des États membres ; elle cherche à promouvoir un
développement équilibré et durable et assure la libre circulation des
personnes, des biens, des services et des capitaux, ainsi que la liberté
d’établissement.
Ch. M
www.europarl.europa.eu/charter
→ DROITS HUMAINS, ONU, SCHENGEN (CONVENTION), UE
(TRAITÉS DE L')

UNION EUROPÉENNE (INSTITUTIONS DE L')

La CEE puis l’UE sont dirigés par trois organismes principaux : Conseil,
Parlement, Commission. Le Conseil des ministres et le Conseil européen sont
les deux institutions européennes qui représentent les États, le Parlement
représente les citoyens et la Commission, les intérêts communautaires. Avant
le traité de fusion des exécutifs en 1965, il y avait un conseil et une
commission pour chacune des Communautés (CECA, CEE, CEEA). S'y
ajoutent la Cour de Justice et la Cour des comptes. Rappelons que le droit
communautaire prime sur les droits nationaux.

Le Conseil des ministres

Il est la principale instance de décision. Composé des ministres des États


membres, il exprime les intérêts nationaux et, par là même, entretient des
relations parfois conflictuelles avec le Parlement et la Commission. Les
ministres qui se réunissent sont ceux qui sont en charge de la question à
l’ordre du jour. Le traité de Maastricht a élargi ses compétences à la sécurité
et la coopération en matière judiciaire. Chaque État exerce la présidence du
Conseil pour six mois à tour de rôle, en alternance à Bruxelles et à
Luxembourg. Un organe administratif le seconde, le Comité des représentants
permanents (COREPER), composé de diplomates, relais entre les
administrations nationales et communautaires. Le Conseil adopte les
propositions de lois de la Commission (discutées avec le Parlement), définit
la coopération en politique étrangère, arrête le budget. Initialement, le vote de
la plupart des directives et des règlements se faisait à l’unanimité, qui
autorise le droit de veto. En 1965-1966, la France s’oppose vigoureusement à
l’élargissement du vote majoritaire (compromis de Luxembourg) ; avec le
nombre croissant de membres de l’UE, le vote à la majorité qualifiée se
développe pour éviter toute paralysie au moment de la prise de décisions : ce
système donne à chaque État un nombre de voix pondéré par son importance
démographique ; il permet d’éviter des blocages si l’un d’eux émet des
réserves ; il a été étendu par l’Acte unique en 1986. Le traité de Lisbonne
prévoit, à moyen terme, une double majorité fondée sur l’importance de
l’État et le poids de sa population.

Le Conseil européen

C'est sous l’impulsion de Valéry Giscard d’Estaing qu’est né le Conseil


européen en 1974. Cette novation est institutionnalisée par l’Acte unique puis
le traité de Maastricht de 1992 : il réunit au moins deux fois par an les chefs
d’État ou de gouvernement et le président de la Commission, sous la
présidence de celui qui exerce la présidence du Conseil ; il oriente la
politique générale de l’Union et discute des questions d’actualité
internationale. Ses compétences sont élargies par le traité d’Amsterdam de
1997 (passage à l’euro, emploi, politique étrangère, développement durable
par exemple).
Le traité de Lisbonne (2007) prévoit qu’il doit se réunir au moins quatre
fois par an avec le président de la Commission et le Haut-Représentant de
l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Plus nouveau
encore est la décision d’une présidence stable, grâce à une élection par les
chefs d’État ou de gouvernement pour un mandat de deux ans et demi,
renouvelable une fois ; cela évite la rotation tous les six mois des Vingt-Sept,
sans exclure la présidence du Conseil de l’Union pour six mois.
Les Conférences intergouvernementales (CIG) sont convoquées par le
président du Conseil, après consultation des autres institutions
éventuellement, pour réviser les traités sur lesquels est fondée l’Union
européenne. Toutes les modifications doivent obtenir un accord unanime. Six
CIG se sont réunies depuis la naissance de la CEE : en 1963, pour décider de
la fusion des exécutifs ; en 1985, pour modifier le traité de Rome et qui
aboutit à l’Acte unique européen ; en 1990, deux conférences sur l’UEM et
l’Union politique ont abouti au traité de Maastricht ; la CIG de 1996 aboutit
au traité d’Amsterdam ; enfin, celle qui s’est réunie en 2000 a abouti au traité
de Nice.

Le Parlement
Jusqu’en 1979, il est composé de députés délégués par les parlements
nationaux. Depuis, ils sont élus au suffrage universel direct pour cinq ans, sur
des listes nationales constituées de candidats qui peuvent être ressortissants
de n’importe quel pays membre et qui se regroupent par affinités politiques.
Le nombre de députés varie au gré des élargissements : de 142, il passe à 198
en 1973 et à 626 en 1995 ; il s’élève momentanément à 785 députés du fait de
l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie en 2007, soit entre deux élections
parlementaires, mais le nombre de députés ne pourra excéder 736.
Les pouvoirs du Parlement sont renforcés depuis le traité de Maastricht. Il
investit la Commission après sa désignation par les gouvernements et peut la
contrôler par le biais du vote d’une motion de censure déposée à la majorité
qualifiée des deux tiers, ou de commissions d’enquête. Il ratifie les traités
internationaux, y compris ceux qui concernent les nouvelles adhésions. Il
partage avec le Conseil l’autorité sur le budget. En matière législative, il
arrête les directives communautaires avec le Conseil des ministres. L'Acte
unique européen lui donne un pouvoir de codécision dans certains domaines
(marché intérieur, recherche, environnement) ; les traités successifs
accroissent encore ses pouvoirs de codécision avec le Conseil : il est donc
directement lié au travail législatif et son accord final est nécessaire pour le
vote des actes législatifs. Le Parlement exerce en outre un contrôle plus
important sur la Commission européenne, la Banque centrale (BCE).
Ses pouvoirs, qui ne cessent de croître, font de lui un acteur essentiel.

La Commission

L'indépendance de la Commission à l’égard des États est fondamentale :


Jean Monnet y voyait la garantie du développement équitable de la
Communauté. Les commissaires, dont le nombre a varié, a eu quatorze
membres à ses débuts pour être fixé à vingt-sept depuis 2007, sont nommés
pour 5 ans. Ils doivent s’engager à respecter le caractère supranational de
cette Commission et travailler en collégialité. Le président, choisi par les
chefs d’État ou de gouvernement après consultation du Parlement européen,
participe aux conseils européens, représente l’UE dans les rencontres
internationales ; il présente le programme annuel de la Commission au
Parlement. La Commission propose des lois (règlements ou directives) à
soumettre au Conseil et au Parlement, elle est l’instance exécutive pour la
mise en place des

Les institutions spécialisées


politiques et des lois communautaires. Si ses pouvoirs sont parfois tempérés
par divers comités composés de représentants des États qui peuvent, à la
majorité qualifiée, faire obstacle à une de ses décisions, elle connaît un
développement de son rôle grâce aux différents traités depuis celui de
Maastricht (1992), notamment dans le domaine de la PESC et de la justice.
Avec le traité de Lisbonne, le pouvoir de la Commission sera accru car elle
pourra exiger la démission d’un commissaire, mais devra compter aussi avec
le président de l’UE, avec celui du Conseil européen ainsi qu’avec le haut-
représentant pour la politique étrangère.

La Cour de justice

Elle veille au respect de la législation communautaire, règle les litiges


entre les États membres, les particuliers et les institutions communautaires.
Ch. M

COSTA Olivier, SAINT-MARTIN Florent, Le Parlement européen, La


Documentation française, 2009.
LEQUESNE Christian, DOUTRIAUX Yves, Les Institutions de l’Union
européenne, La Documentation française, 2005.
MOREAU-DEFARGES Philippe, Les Institutions européennes, Armand
Colin, 1993.
→ CECA, CEE, CEEA, LUXEMBOURG (COMPROMIS DE),
GISCARD D’ESTAING, MONNAIE (EUROPE ET SA), PESC, ROME
(TRAITÉS DE), UE (TRAITÉS DE L')

UNION EUROPÉENNE (TRAITÉS DE L')

Acte unique européen (1986)

Pour dynamiser les institutions européennes, plusieurs projets sont


élaborés dans les années 1980. Un Livre blanc de la Commission précise
l’idée d’un grand marché unique lancé par son président Jacques Delors. En
septembre 1985, il est prévu de regrouper dans un même document les textes
et les amendements au traité de Rome, et un préambule sur l’Union
européenne.
L'Acte unique européen (AUE), qui en est issu, est signé à Luxembourg le
17 février 1986 par l’Allemagne, les pays du Benelux, l’Espagne, la France,
l’Irlande, le Portugal et le Royaume-Uni, et le 28 février 1986 à La Haye par
le Danemark, la Grèce et l’Italie ; il entre en vigueur le 1er juillet 1987.
Il tend à réaliser un grand marché intérieur qui assure la liberté de
circulation des marchandises, des personnes, des capitaux et des services
entre les États membres ; une union économique et monétaire progressive ;
l’extension des compétences communautaires aux questions
d’environnement, de la recherche et de la technologie ; le développement du
dialogue social. En matière de politique étrangère, la règle de l’unanimité est
maintenue mais les États sont invités à ne pas gêner la formation d’un
consensus. Le principe de la subsidiarité entend que la Communauté ne peut
légiférer dans les domaines relevant des compétences nationales.
L'AUE s’accompagne de quelques réformes institutionnelles : la majorité
qualifiée est instaurée au Conseil pour les décisions concernant le marché
intérieur, les pouvoirs du Parlement européen renforcés, la coopération en
matière de politique étrangère accrue.
L'Acte unique européen permet de progresser vers l’Union européenne,
mise en place par le traité de Maastricht le 31 décembre 1992.

Traité de Maastricht (1992)

Deux conférences intergouvernementales (décembre 1990) sur l’Union


économique et monétaire et l’union politique aboutissent au traité de
Maastricht (Pays-Bas). Adopté en décembre 1991, signé le 7 février 1992,
c’est la suite attendue de l’Acte unique européen. Il entre en vigueur le 1er
novembre 1993.
En créant l’Union européenne (UE) en lieu et place de la CEE, il modifie
les traités antérieurs et élargit leur mission. Dans le processus d’intégration, il
insiste sur l’approfondissement, en renforçant les institutions
communautaires et en prévoyant la substitution progressive du vote à la
majorité qualifiée à la règle de l’unanimité et l’extension des pouvoirs du
Parlement européen. Le traité repose sur trois piliers : le pilier
communautaire et les deux autres, intergouvernementaux, qui sont sous
l’autorité du Conseil, concernent la politique étrangère et de sécurité
commune (PESC), et les dispositions de police et de justice.
Les compétences du pilier communautaire sont élargies avec le
renforcement de l’Europe sociale (santé, sécurité du travail, libre circulation
des travailleurs) ; tout en respectant le principe de subsidiarité, l’Union
européenne peut intervenir dans d’autres secteurs (environnement,
transports). L'Union économique et monétaire (UEM) est mise sur pied. La
citoyenneté européenne est reconnue à tous les ressortissants d’un État
membre : tout citoyen résidant dans un État dont il n’est pas ressortissant a le
droit de vote et d’éligibilité pour les élections européennes et locales.
La politique étrangère et de sécurité commune (PESC) est conçue comme
un système d’unification des politiques des membres, destinée à se substituer
au système de simple coopération dans le domaine de la politique étrangère,
devant permettre à l’UE d’affirmer son identité sur la scène internationale,
par l’adoption d’une position commune ou la définition d’une action
commune, la règle de l’unanimité restant toutefois en vigueur dans ce
domaine. La PESC inclut la politique de défense qui peut conduire à une
défense commune. L'UEO, dont les liens avec l’OTAN sont maintenus,
devient le bras armé de l’UE. Un haut-commissaire est nommé en juin 1999.
La coopération en matière de police et de justice est le troisième pilier. Elle
est liée au problème de la libre circulation des personnes au sein de l’UE et
implique la coopération intergouvernementale : contrôle aux frontières
extérieures, politique d’immigration, droit d’asile, visas, lutte contre le trafic
de drogue, le terrorisme et la grande criminalité.
La ratification du traité est lente. Il est parfois nécessaire de réviser la
Constitution (France, Allemagne, Espagne, Portugal). Les « eurosceptiques »
se manifestent, les critiques révèlent la peur des Européens et la Commission
de Bruxelles sert souvent de bouc émissaire. La ratification est faite par la
voie parlementaire (Allemagne, Belgique, Espagne, Grèce, Italie,
Luxembourg, Pays-Bas et Portugal) ; par voie référendaire (Irlande, France
qui l’accepte avec juste 51 % de oui). Après un premier refus (2 juin 1992) et
un statut restrictif, en matière monétaire et de défense, le référendum danois
est tout juste positif (mai 1993). La Grande-Bretagne où les anti-européens et
les eurosceptiques sont très actifs, le ratifie en dernier lieu (août 1993). Les
quinze autres membres de l’UE, qui ont adhéré plus tard, le font
automatiquement.
C'est une étape importante dans le processus d’intégration, mais les
difficultés de ratification du traité montrent que les « eurocrates » doivent
davantage compter avec l’opinion publique.
Traité d’Amsterdam (1997)

Après deux ans de préparation, un nouveau traité a été signé à Amsterdam


le 2 octobre 1997 et ratifié par les États membres le 1er mai 1999.
Il va plus loin dans le processus d’intégration et accorde plus de pouvoirs
au Parlement. Ce traité porte plus d’attention aux droits des personnes, aux
principes de liberté et de démocratie ainsi qu’aux rapports entre l’UE et

ses citoyens. Le respect de ces droits devient une condition d’adhésion et les
manquements peuvent être sanctionnés par le Conseil.
Deux des trois piliers du traité de Maastricht sont revus : à propos de la
PESC d’une part, et la coopération policière et judiciaire d’autre part (lutte
contre la criminalité, coopération avec Europol, coopération entre les
autorités judiciaires, rapprochement des règles de droit pénal). Ce sont les
deux piliers à caractère intergouvernemental, alors que celui qui a un
caractère supranational, englobant les trois Communautés européennes (CE,
CECA, Euratom), n’est pas concerné par ce traité.

Traité de Nice (2001)

Les perspectives d’élargissement de l’Union européenne aux pays


d’Europe centrale et orientale (PECO), à Chypre et à Malte, rendent
nécessaires la réforme des institutions. Une Conférence intergouvernementale
se réunit au cours de l’année 2000, pour réfléchir notamment à la
représentation des États. Il est décidé de limiter le nombre de commissaires à
un par État, de maintenir la parité entre les « grands États » : le nombre de
voix au conseil des ministres est le même en dépit des différences
démographiques, au détriment de l’Allemagne mais au profit de la Pologne et
l’Espagne ; en revanche, l’Allemagne obtient davantage de sièges au
Parlement. Le champ du vote à la majorité qualifiée est étendu, et le recours à
des coopérations renforcées est facilité.
Ce traité, signé en 2001, entre en vigueur en 2003 après avoir soulevé
beaucoup d’oppositions : il a fallu notamment à l’Irlande deux référendums
avant de l’accepter. Du coup, une Convention présidée par Valéry Giscard
d’Estaing représentant les États membres, la Commission européenne, le
Parlement européen et les parlements nationaux se réunit entre février 2002 et
juillet 2003 pour élaborer un projet de traité constitutionnel, signé en 2004 à
Rome. C'est ce traité qui régit l’Union européenne tant que le traité de
Lisbonne n’est pas ratifié par tous les membres.

Traité de Lisbonne (2007)

La Convention, présidée par Valéry Giscard d’Estaing, met au point un


projet de Constitution, adopté en octobre 2004. Après l’échec (référendums
négatifs en France et aux Pays-Bas en 2005), le Conseil européen décide
d’une « période de réflexion » sur l’avenir de l’Europe, qui débouche sur un
traité simplifié.
Le traité de Lisbonne, signé en décembre 2007, reprend les lignes
principales de la Constitution, et en modifie les aspects contestés.
Il apporte des amendements aux autres traités sans les abroger, et comporte
plusieurs réformes institutionnelles. Un président du Conseil européen sera
élu pour deux ans et demi ; la PESC sera dirigée par un haut-représentant qui
présidera un Conseil des Affaires étrangères. Les pouvoirs du Parlement
européens seront accrus mais les parlements nationaux pourront se réclamer
du principe de subsidiarité face à certaines propositions de la Commission.
La Charte des droits fondamentaux deviendra juridiquement contraignante
pour les Vingt-Cinq, sauf pour la Grande-Bretagne et la Pologne qui
bénéficient d’une dérogation.
Si ce traité est ratifié par la majorité des États (la Hongrie a été le premier
pays à le faire, la France a préféré la voie parlementaire à la voie référendaire
qui avait abouti au rejet de la Constitution en 2005), l’Irlande, qui ne peut
qu’utiliser le référendum, l’a rejeté en juin 2008. Contrairement à ce qui s’est
passé pour le précédent, les États membres décident de poursuivre la
ratification, qui est en attente de la ratification de trois États : l’Irlande, La
Pologne et la Tchéquie.
Ch. M

BARTHON DE MONTBAS Alexandre, L'Europe en question(s), Ellipses,


2008.
JEAN-VICTOR Louis, L'Acte unique européen, Éditions de l’Université
de Bruxelles, 1987. PORTELLI Hugues, « Le Référendum sur l’Union
européenne », Regards sur l’actualité, n° 184, sept-oct. 1992, p. 3-12.
PRIOLLAUD François-Xavier, SIRITZKY David, Le traité de Lisbonne ;
texte et commentaire, La Documentation française, 2008.
Traité de Maastricht, mode d’emploi, 10/18, 1992. WORMSER Gérard,
L'Europe, le miroir brisé, Parangon, 2006. http://europa.eu/
→ CEE, DELORS, GISCARD D’ESTAING, PESC, PESD, ROME
(TRAITÉS DE), UE, UEM, UEO

UNION DE L'EUROPE OCCIDENTALE (UEO)

Après l’échec de la CED, les accords de Paris (23 octobre 1954)


transforment l’Union occidentale, créée par le traité de Bruxelles en 1948, en
Union de l’Europe occidentale qui s’ouvre à l’Allemagne fédérale et à
l’Italie. Ces accords, vite ratifiés, entrent en vigueur le 5 mai 1955 et
l’Assemblée de l’UEO siège à Paris.
Il s’agit d’une alliance défensive qui prévoit une assistance mutuelle
automatique en cas d’agression de l’un des membres. Mais son efficacité est
limitée en raison de la prééminence de l’OTAN et de l’incapacité à mettre sur
pied une défense européenne. En outre, les activités sociales et culturelles de
l’UEO sont transférées au Conseil de l’Europe en 1960.
L'UEO est réactivée par la plate-forme de La Haye (27 octobre 1987) sur «
les intérêts européens en matière de sécurité », reconnaissant la
complémentarité de l’identité européenne et de l’alliance avec les États-Unis
en matière de défense européenne. Le traité de Maastricht fait de l’UEO le
bras armé de l’Union européenne en vue d’une politique de sécurité
commune (PESC). Le Conseil de l’UEO précise ses domaines d’intervention
(1992) : missions humanitaires, de maintien et de rétablissement de la paix.
Les États membres, que rejoignent l’Espagne et le Portugal en 1990, la Grèce
en 1995, sont libres d’y participer ou non. Ses moyens militaires sont
constitués de l’Eurocorps (1990) formé, en théorie, de 35 000 à 50 000
hommes, opérationnel depuis 1995, noyau éventuel d’une force européenne
relevant de l’UEO, et de groupes de forces multinationales tels que l’Eurofor,
l’Euromarfor. Les Américains, voulant garder leur prééminence, finissent par
accepter ce principe, dans la mesure où l’Eurocorps peut être utilisé dans le
cadre de l’OTAN. Mais l’absence de commandement intégré limite
l’efficacité de l’UEO qui est, finalement, mise en sommeil en 1999, après le
transfert de ses compétences en matière de défense à l’Union européenne.
Trente-neuf pays européens, dont tous ceux de l’UE et les membres
européens de l’OTAN, peuvent envoyer des délégations, généralement des
parlementaires, à l’Assemblée de l’UEO.
Cette dernière fait des recommandations sur des sujets divers : par
exemple, à l’occasion de la guerre de Géorgie en août 2008, dans le sens
d’une concertation avec la Russie, l’OTAN, l’OSCE et les États-Unis. Elle
assure les implications de la coopération avec l’OTAN ; elle permet une
politique plus active de l’UE grâce à la crédibilité de la PESD, pour chercher
des solutions aux conflits « gelés » en Europe dans le sens d’une meilleure
garantie de la sécurité et de la stabilité ; ou encore elle mène une réflexion
autour de « la guerre informatique » (définition des menaces, harmonisation
de la législation par exemple).
Ch. M

ADAM Bernard, DAVID Dominique, DUMOULIN André (et al.), La


Nouvelle architecture de sécurité en Europe, Bruxelles, Complexe, 1999.
MAURY Jean-Pierre, La construction européenne, sécurité et défense, PUF,
1996. www.assembly-weu.itnetwork.fr
→ BRUXELLES (PACTE DE), CED, CONSEIL DE L'EUROPE,
HUMANITAIRE (AIDE), MAINTIEN DE LA PAIX, OTAN, PESC,
PESD, UE (TRAITÉS DE L')
UNION FRANÇAISE

C'est l’entité juridique figurant dans la Constitution de la IVe République


de 1946 (Titre VIII). La Seconde Guerre mondiale a singulièrement affaibli le
prestige de la France outre-mer ; les nouvelles grandes puissances (États-Unis
et URSS) sont ouvertement anticolonialistes, l’ONU pousse à la
décolonisation. Il faut donc réformer l’Empire français. L'Union française est
un ensemble formé de la République française (France, départements
d’Outre-mer, territoires d’Outre-mer), des Territoires et États associés. Les
vieilles colonies (Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion) deviennent
des départements d’Outre-mer, partie intégrante de la République française ;
l’Algérie constitue un ensemble de trois départements soumis à un statut
spécial avec instauration du double collège électoral ; les colonies de l’AOF
et de l’AEF forment les Territoires d’Outre-mer ; les protectorats (Tunisie,
Maroc, Laos, Cambodge et Vietnam) deviennent des États associés, mais
uniquement de par leur adhésion volontaire ; les anciens mandats (Togo,
Cameroun), des Territoires associés. La citoyenneté française est étendue à
tous les ressortissants de l’Union française, mais en distinguant une
citoyenneté de statut métropolitain et de statut local, d’où la création d’un
double collège électoral. L'indigénat, le travail forcé, les juridictions
répressives spéciales sont supprimés. L'Union française est présidée par le
président de la République française. Elle comporte un Haut Conseil,
composé d’une délégation du gouvernement français et d’une représentation
des États associés, une Assemblée de l’Union française, comprenant, en
nombre égal, des représentants de la métropole et des divers pays d'Outre-
mer. La politique de la IVRépublique face à la décolonisation est chaotique :
la guerre d’Indochine dure de 1946 à 1954, des troubles éclatent à
Madagascar et en Afrique du Nord, il faut aménager l’Union française. En
1956, la loi-cadre Defferre, en permettant aux divers territoires d’Afrique
noire de gérer eux-mêmes leurs affaires, constitue une étape importante vers
une plus large autonomie (élargissement de la compétence des assemblées
élues, création de conseils de gouvernements). Mais alors, le Maroc et la
Tunisie sont indépendants depuis 1956, la République du Togo est proclamée,
le Cameroun reçoit le statut de République autonome. L'Union française ne
répond plus aux aspirations des États membres. Revenu au pouvoir en 1958,
le général de Gaulle propose aux territoires africains, par le titre XII de la
nouvelle Constitution, un droit à la libre détermination. Le référendum
constitutionnel du 28 septembre 1958 signifie, dans chaque territoire d’outre-
mer, soit l’acceptation du nouveau régime dit de la Communauté si l’on vote
« oui », soit son rejet si l’on vote « non » et par conséquent l’indépendance.
CB

BORELLA François, L'évolution politique et juridique de l’Union française


depuis 1946, Nancy, impr. du Centre, 1958.
→ COMMUNAUTÉ FRANCO-AFRICAINE ET MALGACHE,
DÉCOLONISATION, DE GAULLE, INDOCHINE (GUERRE D’), ONU

U THANT (1909-1974)

Après la mort accidentelle du Secrétaire général des Nations unies Dag


Hammarskjöld (18 septembre 1961), l’URSS voit dans l’élection au
Secrétariat général du candidat des Afro-Asiatiques, le diplomate birman U
Thant, un moyen de réduire l’importance et l’autonomie de l’institution.
Effectivement, même si dans un premier temps U Thant parvient à dégager
l’ONU du conflit du Congo et à mettre en place une force d’interposition
entre Grecs et Turcs à Chypre (1964), l’autorité du Secrétaire général décline
sous son long mandat (novembre 1961-décembre 1971). Cela s’explique par
la perte d’influence du groupe afro-asiatique miné par ses dissensions, par le
refus de l’URSS et de la France de toute délégation au Secrétaire général en
matière d’opération de maintien de la paix, mais également par l’attitude
timorée d'U Thant qui, à la différence de son prédécesseur, ne veut jamais
entrer en conflit avec une grande puissance membre de l’ONU ou avec la
majorité de cette dernière.
AD

NASSIF Ramses, U Thant in New York, 1961-1971 : a portrait of the third


UN Secretary General,
London, C. Hurst, 1988.
→ CHYPRE, CONGO, HAMMARSKJöLD, MAINTIEN DE LA
PAIX, ONU
V

VARSOVIE (PACTE DE)

Traité « d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle » établi le 14


mai 1955 en réplique au réarmement allemand et à l’intégration de la RFA
dans l’OTAN neuf jours auparavant, le pacte de Varsovie, copie conforme
de l’OTAN, rassemble sous commandement militaire soviétique toutes les
forces armées des pays d’Europe de l’Est, à l’exception de la Yougoslavie.
Institutionnalisant en fait des relations militaires établies par traités
bilatéraux entre 1945 et 1948 entre l’URSS et les pays de son glacis, à
l’exception de l’Allemagne de l’Est, le pacte est aussi un moyen pour
l’URSS, à la veille de la signature du traité d’État autrichien, de justifier sa
présence militaire en Hongrie et en Roumanie. Outre cette logique de
guerre froide, l’instauration du pacte s’inscrit dans les débuts de la
déstalinisation : au système stalinien où la mainmise soviétique sur des pays
satellites ignore les identités nationales, succède un pacte en théorie plus
égalitaire, mais Moscou joue un rôle prééminent en plaçant le
commandement unifié aux mains d’un maréchal soviétique, en déterminant
souverainement la politique militaire de cet organisme qui ne comporte pas
d’état-major comparable à celui de l’OTAN, et surtout, en installant des
troupes soviétiques dans plusieurs pays membres. Plus qu’une alliance
militaire véritable, le pacte de Varsovie vise essentiellement à maintenir
l’ordre en son sein et à préserver l’hégémonie politique et militaire de
l’URSS sur l’Europe de l’Est. Créé en effet pour une durée de vingt ans peu
après les premiers signes de fissures dans la sphère d’influence soviétique à
Berlin en juin 1953, le pacte connaît une vie mouvementée, même si seule
l’Albanie, partisane de la Chine dans le conflit sino-soviétique, le quitte en
1968. En 1956, la Hongrie de Imre Nagy, pour avoir voulu le quitter, se
proclamer neutre et abandonner le système de parti unique, subit
l’intervention militaire soviétique qui ne semble pas avoir été l’objet d’une
consultation des pays membres et transgresse les articles 1 et 8 du traité sur
la non-utilisation de la force et la non-ingérence dans les affaires internes à
chaque État. Dans la nuit du 20 août 1968, suite à une décision de Moscou
sans consultation du comité politique de l’organisation, 500 000 hommes
envoyés par tous les pays du pacte à l’exception de la Roumanie
envahissent la Tchécoslovaquie et mettent brutalement fin à la tentative
d’Alexandre Dubcek de construire un « socialisme à visage humain ». En
Pologne, la prise du pouvoir par le général Jaruzelski et l’instauration de
l’état de guerre le 13 décembre 1981 évitent une intervention du même type
au pacte devenu, avec le printemps de Prague, simple force de police pour
défendre les avancées du socialisme et bras armé de la doctrine Brejnev de
souveraineté limitée. Alors que les démocraties populaires revendiquent
avec de plus en plus de virulence un égal partage des responsabilités au sein
du pacte et un accès indépendant aux armes les plus avancées – en 1983, les
autorités est-allemandes et tchécoslovaques montrent ouvertement leur peu
d’enthousiasme face à la décision de Moscou de déployer des missiles SS-
20 sur leur territoire –, l’alliance connaît un regain de tensions avec
l’arrivée de Gorbatchev au pouvoir en mars 1985, le lancement de la
perestroïka et l’affaiblissement de l’Union soviétique qui l’accompagne.
Après l’effondrement des régimes communistes et celui du mur de Berlin
en 1989, les nouveaux gouvernements appellent à la transformation de cette
alliance militaire anachronique en une alliance politique. En juin 1990,
Gorbatchev les rejoint dans ce souhait et met fin à 45 ans de domination
militaire soviétique sur l’Europe de l’Est. Mais en septembre 1990,
l’Allemagne de l’Est quitte le pacte deux semaines avant la réunification.
La structure militaire du pacte est dissoute en mars 1991, et sa structure
politique en juillet. Les troupes soviétiques (564 000 hommes au total en
1990) sont rapatriées progressivement, de Hongrie et Tchécoslovaquie en
1991, de Pologne en 1993, d’Allemagne enfin en septembre 1994
conformément à l’accord « 2 + 4 » de réunification.
PMD

CARRÈRE D’ENCAUSSE Hélène, Le Grand Frère. L'URSS et l'Europe


soviétisée, Flammarion, 1983. DUPUY R. J. et BETTATI Mario, Le Pacte
de Varsovie, Armand Colin, 1969.
→ BERLIN, GORBATCHEV, GUERRE FROIDE, OTAN,
PRAGUE (COUP DE), RIDEAU DE FER, SINO-SOVIÉTIQUE
(CONFLIT)

VATICAN

La situation créée par l’achèvement de l’unité italienne et la fin du


pouvoir temporel des papes est résolue par les accords du Latran (11 février
1929), conclus entre l’État fasciste et le pape Pie XI. Cet État du Vatican
enclavé dans la ville de Rome a une influence dans les relations
internationales hors de proportion avec sa taille. Dans un monde d’États-
nations, où compte avant tout la force matérielle, la papauté possède une
autorité spirituelle et morale et elle entretient des relations diplomatiques
avec un grand nombre de pays, de même qu’elle participe à titre
d’observateur à un certain nombre d’organisations internationales (ONU,
Conseil de l’Europe, Communautés européennes). Elle en use pour faire
passer un message de paix comme la tentative de médiation de Benoît XV
en 1917 pendant la Grande Guerre, ou Jean XXIII qui publie l’encyclique
Pacem in Terris en 1963. Après Paul VI qui prend la parole devant
l’Assemblée générale de l’ONU en 1965, Jean-Paul II intervient devant
différentes instances internationales. À la suite de Paul VI (voyages à
Bombay 1964, à l’ONU 1965, à Bogota 1968), le pape Jean-Paul II entend
donner une impulsion particulière au dialogue international et multiplie les
déplacements hors d’Italie. Ses visites en Pologne (1979, 1983, 1987,
1991…) confirment le magistère d’influence de l’Église en Europe de l’Est.
L'ouverture du Bloc de l’Est permet au Vatican d’établir des relations
diplomatiques avec la Russie, la Hongrie, la Roumanie. Le pape Jean-Paul
II s’engage dans la recherche d’une solution au Proche-Orient, rencontrant
Yasser Arafat en 1990, établissant des relations diplomatiques avec Israël en
juin 1994. En janvier 1998, Jean-Paul II se rend à Cuba qui vit toujours
sous le régime d’embargo décrété par Washington, pour une visite qui
représente à la fois une reconnaissance du rôle de l’Église cubaine et un
succès diplomatique pour Fidel Castro.
MV
COLONNA CÉSARI Constance, Ubi et orbi : enquête sur la géopolitique
vaticane, La Découverte, 1992.

→ DIPLOMATIE, JEAN-PAUL II, RELIGION

VÉNIZÉLOS Éleftherios (1864-1936)

Né dans une Crète ottomane, qui obtient en 1896, un statut de semi-


autonomie, Vénizélos dirige le soulèvement de 1905 et inspire la
déclaration d’union à la Grèce (1908), repoussée par les Puissances.
Appelé au pouvoir à Athènes en 1910 par une ligue militaire moderniste,
il démocratise prudemment l’État et, partisan de la « Grande Idée »
(rassemblement dans l’État grec de tous les Grecs), conclut les alliances
avec la Serbie et la Bulgarie qui permettent à la Grèce, lors des guerres
balkaniques (traités de Londres et Bucarest en 1913), d’annexer la Crète,
l’Épire du sud, les îles de l’Égée (sauf le Dodécanèse, italien de 1912 à
1947) et une partie de la Macédoine.
Dès l’entrée en guerre de l’Empire ottoman aux côtés de l’Allemagne en
octobre 1914, il négocie avec l’Entente mais est renvoyé à deux reprises par
le roi Constantin Ier, beau-frère de Guillaume II et favorable à une neutralité
pro-allemande. Vénizélos permet néanmoins, en 1915, le débarquement
allié à Thessalonique où il forme en octobre 1916 un gouvernement
provisoire en rupture avec celui d’Athènes, neutraliste et fidèle au roi. En
novembre, le gouvernement vénizéliste déclare la guerre à la Bulgarie qui
occupe une partie de la Macédoine grecque depuis mai, puis à l’Allemagne
en juin 1917, après le débarquement français au Pirée et l’abdication forcée
de Constantin.
Par les traités de paix de Neuilly et de Sèvres, Vénizélos obtient des
concessions territoriales et l’administration du district de Smyrne/ Izmir où
un plébiscite doit décider, après cinq ans, d’un éventuel rattachement à la
Grèce et où les Alliés envoient, dès mai 1919, un corps expéditionnaire
grec.
Devant les succès de la révolte de Kémal, l’armée grecque s’engage en
Anatolie. Mais le revers de Vénizélos aux élections de 1920 entraîne son
départ en exil à Paris et le retour de Constantin dont se méfient des Alliés,
par ailleurs inquiets du rapprochement turco-soviétique. La défaite grecque
d’août 1922 et les massacres de Smyrne provoquent le départ d’un million
et demi de Grecs d’Asie Mineure, ou « Grande Catastrophe », entériné par
le traité de Lausanne.
Condamnant l’abolition de la monarchie en 1923, Vénizélos prend
néanmoins la tête d’un gouvernement républicain en 1928. En 1930, il signe
avec Kémal un traité d’amitié gréco-turc et élabore avec lui un projet de
fédération balkanique dont le pacte défensif de 1934 (Grèce, Roumanie,
Turquie, Yougoslavie) est la seule réalisation. Les difficultés sociales
engendrées par l’arrivée des réfugiés d’Asie Mineure et amplifiées par la
crise de 1929, ainsi que le refus du gouvernement de soutenir la demande
d’union à la Grèce des populations du Dodécanèse italien et la révolte des
Grecs de Chypre contre l’Angleterre, entraînent la démission de Vénizélos
en 1932.
De nouveau exilé en France, il soutient la restauration en 1935 mais est
condamné à mort par contumace sous la dictature du général Métaxas
(1936-1941) et meurt à Paris en 1936.
OD

PERSONNAZ Charles, Vénizélos, le fondateur de la Grèce moderne,


Bernard Giovanangeli, 2008.
→ BALKANIQUES (GUERRES), CHYPRE, KÉMAL, LAUSANNE
(TRAITÉ DE), MACÉDOINE (QUESTION DE), SÈVRES (TRAITÉ
DE), TRAITÉS DE PAIX, TRIPLE-ENTENTE

VIENNE (ARBITRAGE DE) (2 novembre 1938)

Cet accord est important en ceci que, dans la foulée de la conférence de


Munich, les frontières héritées des traités de paix sont l’une après l’autre
démantelées par les puissances révisionnistes. Les accords de Munich (30
septembre 1938), consacrant l’annexion des Sudètes par Hitler, permettent à
la Hongrie de récupérer une grande partie des territoires cédés en 1920 lors
du traité de Trianon. Aux termes de la conférence, les problèmes
territoriaux litigieux entre la Hongrie et la Tchécoslovaquie doivent être
traités dans une conférence des grandes puissances signataires. La Grande-
Bretagne et la France y renoncent. Début octobre, Budapest demande en
vain à Prague d’engager des négociations bilatérales immédiates. Le
gouvernement hongrois propose alors de recourir à l’arbitrage de
l’Allemagne et de l’Italie, proposition acceptée par la partie adverse. L'axe
Rome-Berlin joue donc le rôle d’arbitre. L'arbitrage a lieu le 2 novembre
1938 à Vienne. La frontière hungaro-tchécoslovaque est délimitée par
Ribbentrop et Ciano. Sont attribués à la Hongrie les territoires du Nord,
c’est-à-dire une partie des territoires tchécoslovaques et quelques districts
slovaques (12 000 km2 et une population d’un million d’habitants dont 50 %
au moins sont Hongrois). La Hongrie reçoit en outre le sud-ouest de la
Ruthénie (12 000 km2 et 700 000 habitants). Toutefois, cet arbitrage ne
satisfait pas Budapest car la Slovaquie et la totalité de la Ruthénie ne lui
sont pas rendues. La Hongrie n’obtient pas de frontière commune avec la
Pologne. Sur ce point, la thèse allemande a triomphé. La Pologne et l’Italie
se sont heurtées à l’Allemagne dont les intérêts coïncident avec celui de la
Tchécoslovaquie. Cet arbitrage se situe dans la continuation de Munich en
corrigeant le tracé d’anciennes frontières conformément au principe des
nationalités. Il est suivi d’un deuxième arbitrage, le 30 août 1940, rendant à
la Hongrie la Transylvanie du Nord aux dépens de la Roumanie.
CB

→ HITLER, MUNICH (ACCORDS DE), RIBBENTROP, ROME-


BERLIN (AXE), SUDÈTES (CRISE DES), TRAITÉS DE PAIX

VIETNAM (GUERRE DU)

Les accords de Genève de 1954 n’ont pas ramené la paix en Indochine.


Deux États se constituent de part et d’autre du 17e parallèle, le Nord-
Vietnam communiste et le Sud-Vietnam qui devient une république après
avoir éliminé, par référendum, l’empereur Bao-Dai. La clause, qui
prévoyait un référendum sur l’unification du Vietnam dans un délai de deux
ans, n’est pas respectée.
Les États-Unis soutiennent au Sud-Vietnam le régime du catholique Ngô
Dinh Diêm, le successeur de Bao-Dai. Mais le mécontentement d’une
population à majorité bouddhiste favorise au sud du 17e parallèle la
propagande du Front national de Libération (FNL) et la subversion des
Viêt-congs soutenus par le régime du Nord-Vietnam. Des unités nord-
vietnamiennes s’infiltrent au Vietnam du Sud. L'engrenage de la guerre est
enclenché. Les Américains estiment essentiel d’intervenir pour maintenir un
Vietnam du Sud indépendant et libre de toute influence communiste. Des
conseillers militaires américains assistent Saigon. En janvier 1961, le
président Kennedy décide d’augmenter leur nombre, qui atteint 16 000 à
l’automne 1963, au moment de la chute de Ngô Dinh Diêm (le 1er novembre
1963), devenu de plus en plus impopulaire. Le gouvernement américain est
alors décidé à prendre directement en charge la guerre du Vietnam.
L'incident du golfe du Tonkin (août 1964), lorsque des bâtiments de la
marine américaine sont attaqués par des vedettes nord-vietnamiennes, lui en
donne le prétexte.
Le président Johnson choisit, en août 1964, avec l’accord du Congrès,
d’intervenir massivement au Vietnam. Dès lors, les effectifs américains ne
cessent de croître jusqu’à atteindre 543 000 hommes en 1968. Les
bombardements au nord du 17e parallèle visent à partir de février 1965 les
objectifs militaires et, en juillet 1966, les abords d’Hanoi et d’Haiphong.
L'avion opère sans relâche au Nord comme au Sud. Malgré son énorme
supériorité matérielle, l’armée américaine s’enlise dans une guerre faite à la
fois de guérilla et de batailles de grande ampleur. Au Vietnam du Sud, la
guerre bouleverse la société et déstabilise le pouvoir ; la population aspire à
la paix, les bouddhistes réclament l’ouverture de négociations. Hanoi
intensifie, avec l’aide conjuguée de Pékin et de Moscou, son aide au FNL.
À la fin de l’année 1967, d’ailleurs, l’opinion américaine évolue. Lors d’un
sondage d’octobre 1967, il ressort qu’il y a plus d’Américains hostiles à la
guerre du Vietnam que d’Américains favorables. On voit se multiplier les
marches pour la paix dans de nombreuses villes américaines, notamment le
22 octobre à Washington, pour faire cesser les bombardements au Vietnam
du Nord.
Les responsables américains croient à une solution militaire jusqu’au 31
janvier 1968 où, à leur totale surprise, le Viêt-cong déclenche « l’offensive
du Têt » (nom du Nouvel An vietnamien) : plus de cent villes et bases sont
attaquées simultanément, y compris Hué et Saigon. La base américaine de
Khesanh est assiégée pendant plusieurs semaines ; la citadelle de Hué est
conquise. Des commandos viêt-congs pénètrent jusque dans le centre de
Saigon. Une telle offensive montre que la situation est beaucoup plus grave
qu’on ne l’avait cru. Les troupes américaines ne peuvent espérer la victoire.
Le malaise de l’armée et la résistance croissante d’une partie de l’opinion
américaine à l’égard de la guerre du Vietnam obligent le président Johnson
à annoncer, le 31 mars 1968, l’arrêt partiel des bombardements sur le Nord
et le retrait des troupes américaines du Vietnam du Sud si le Nord-Vietnam
en fait autant. Hanoi accepte d’ouvrir en mai des négociations à Paris.
Jointe aux autres difficultés du monde occidental, l’affaire vietnamienne
provoque aux États-Unis une crise morale d’autant plus profonde qu’ils
encourent la réprobation mondiale. La crise souligne les limites de la
puissance américaine ; elle soulève également une vive inquiétude dans les
régimes anticommunistes de Corée du Sud et du Vietnam du Sud, car les
Américains évoquent « la vietnamisation de la guerre » et la nécessité
accrue de trouver avec l’URSS un modus vivendi.
Tandis que les bombardements continuent entre le 17e et le 20e parallèle et
que les manifestations hostiles se développent, les négociations, qui
débutent le 13 mai 1968 à Paris, achoppent rapidement. Le 1er novembre
1968, Johnson annonce l’arrêt total des bombardements et l’élargissement
de la conférence de Paris au Viêt-cong et au Vietnam du Sud, bien que ces
deux belligérants refusent de siéger côte à côte.
Dès son entrée en fonction en janvier 1969, le nouveau président des
États-Unis, Nixon, met en application ses objectifs : la paix dans l’honneur
et la vietnamisation du conflit, qui permettrait de rapatrier progressivement
les troupes américaines. Mais en même temps, les États-Unis sont amenés à
intervenir contre les sanctuaires nord-vietnamiens du Cambodge et du Laos
où Hanoi soutient les Khmers rouges et le Pathet Lao, mouvement
nationaliste progressiste né en 1950 qui s’oppose au gouvernement laotien
et qui a pris depuis le nom de Neo Lao Hak-sat. Le premier retrait de
soldats américains – 25 000 hommes – a lieu dès juillet 1969. Au 1er mai
1971, il ne reste plus que 325 000 soldats américains.
La vietnamisation du conflit ne signifie pas forcément la fin des
hostilités, parce que le Vietnam du Nord – dont le dirigeant Ho Chi Minh
meurt le 2 septembre 1969 – tient à l’unification du pays et que la péninsule
indochinoise est secouée par des bouleversements. Au Vietnam du Sud, le
FNL crée un « gouvernement révolutionnaire provisoire » (GRP).
Au Cambodge, dont la neutralité avait été louée par le général de Gaulle
en 1966, le prince Norodom Sihanouk est renversé le 18 mars 1970 par un
coup d’État, fomenté par le général Lon Nol soutenu par les États-Unis.
Dans un premier temps, ceux-ci franchissent la frontière et vont intervenir
ensuite avec leur aviation pour bombarder des groupes de Khmers rouges
qui entretiennent la guérilla.
Pendant ce temps, Norodom Sihanouk crée un gouvernement
cambodgien en exil. Communistes cambodgiens et partisans de Sihanouk
entament la lutte contre le gouvernement de Lon Nol et contre leurs alliés
américains. Le 3 juin 1970, devant la pression de l’opinion américaine,
Nixon annonce que les forces d’intervention américaines au Cambodge –
soit à peu près 300 000 hommes – seront retirées avant le 1er juillet.
Quant au Laos, le régime neutraliste mis en place au début de 1960 avec
l’accord américain, consacré par le traité de 1962 et dirigé par le prince
Souvanna Phouma, il est sapé par les interventions de la CIA et attaqué par
les révolutionnaires laotiens, groupés autour du Pathet Lao, et commandés
par le prince Souphanouvong, qui est le demi-frère de Souvanna Phouma.
Une offensive générale de l’armée nord-vietnamienne et de celle du
Gouvernement révolutionnaire provisoire (GRP) déclenchée en mars 1972
amène les Américains à reprendre leurs bombardements sur le Nord-
Vietnam. L'échec de cette offensive facilite la reprise des pourparlers
secrets engagés à Paris entre Henry Kissinger, conseiller de Nixon, et le
Nord-Vietnamien Le Duc Tho. Américains et Nord-Vietnamiens se mettent
d’accord en octobre, mais le général Thieu, qui gouverne le Vietnam du
Sud, ne veut rien entendre et les bombardements américains reprennent. Le
27 janvier 1973, enfin, est conclu à Paris un accord de cessez-le-feu assorti
de dispositions complexes : retrait total des troupes étrangères (c’est-à-dire
surtout américaines) du Sud, formation d’un Conseil national de la
réconciliation comprenant des membres du FNL devenu GRP et prochaines
élections libres. Un accord semblable est conclu au Laos, un gouvernement
provisoire d’Union nationale rapidement contrôlé par le Pathet Lao est créé,
et un régime communiste instauré. Les accords de janvier 1973, confirmés
par la conférence de Paris (mars 1973), mettent théoriquement fin à la
guerre du Vietnam.
Au Cambodge, le général Lon Nol, proaméricain, est de plus en plus
menacé par les Khmers rouges. Au Vietnam même, les hostilités se
poursuivent entre Sud-Vietnamiens, Nord-Vietnamiens et GRP. Mais les
États-Unis ont récupéré une liberté d’action diplomatique. Le 29 mars 1973,
les troupes américaines ont achevé d’évacuer le Vietnam.
En août 1973 l’aviation américaine cesse d’intervenir au Cambodge. La
situation se détériore alors progressivement. L'affaiblissement puis le
remplacement de Nixon, démissionnaire le 8 août 1974 en raison de
l’affaire de Watergate, par Gerald Ford accentue le pourrissement de la
situation. Soutenus par la Chine et l’URSS, les Khmers rouges s’emparent
de Phnom Penh le 17 avril 1975. Sous couvert de créer un homme neuf, le
nouveau régime se livre à un véritable génocide.
Parallèlement, les soldats de Hanoi et du GRP progressent au Sud-
Vietnam. Pendant que les derniers Américains évacuent dans d’effroyables
conditions, les assaillants rejettent toute négociation avec le général Duang
Van Minh, nouveau chef du Vietnam du Sud, et le 30 avril 1975 Saigon est
prise et rebaptisée Ho Chi Minh-Ville. C'est la faillite de la politique
américaine d’intervention directe. Le prestige de l’Amérique, géant qui
s’est acharné sur un petit sans en venir à bout, en ressort terni.
MV

CESARI Laurent, L'Indochine en guerre 1945-1993, Belin, 1995.


HERRING George, America’s longest war : The US and Vietnam,
Philadelphia, 1986.
→ BAO-DAI, CAMBODGE (CONFLIT DU), CIA, INDOCHINE
(GUERRE D’), JOHNSON, KENNEDY, KISSINGER, NIXON,
NORODOM SIHANOUK
W-Z

WALESA Lech (1943)

C'est la figure emblématique du syndicat Solidarité, dont l’action a


contribué à la fin du système communiste en Pologne et à son émancipation
de la domination soviétique. Né dans une famille paysanne, il est à partir de
1967 électricien aux chantiers navals Lénine de Gdansk. Accusé d’avoir
participé à des activités syndicales clandestines, il en est licencié en 1976.
En août 1980, il rejoint les chantiers Lénine et y anime une grève,
provoquée par une hausse des prix, qui prend une ampleur nationale et
contraint le gouvernement polonais à négocier les accords de Gdansk du 31
août 1980, qui reconnaissent le droit de grève, la liberté de l’information et
autorisent la création du premier syndicat indépendant du monde
communiste : Solidarnosc (Solidarité). C'est en fait un mouvement de
libération nationale auquel le tiers de la population polonaise adhère et qui
est officiellement constitué en septembre 1980. Sans revendiquer le pouvoir
ou réclamer la sortie de la Pologne du bloc communiste, Solidarité appelle à
la démocratisation du pays, et notamment à la tenue d’élections
parlementaires libres. C'est plus que ne peuvent tolérer les Soviétiques, sous
la pression desquels le gouvernement polonais du général Jaruzelski décrète
« l’état de guerre » le 13 décembre 1981. La loi martiale est imposée,
Solidarité dissous, Lech Walesa incarcéré ainsi que des milliers d’autres
responsables du syndicat. Libéré en novembre 1982, il est placé en
résidence surveillée. En 1983, le prix Nobel de la paix lui est attribué.
Solidarité, réduit à la clandestinité, voit son efficacité fortement diminuée et
perd de son influence. Mais le gouvernement, incapable de redresser la
situation économique, entre autre du fait de la résistance passive de la
population et des sanctions internationales, qui demeurent toutefois
limitées, ne s’en trouve pas renforcé. À l’issue d’un nouveau mouvement de
grève en 1988, qu’il n’a pourtant pas déclenchée Solidarité parvient à
obtenir du général Jaruzelski, qui a l’aval de Mikhaël Gorbatchev,
l’ouverture en avril 1989 des négociations « de la table ronde », auxquelles
participe Lech Walesa. Les élections parlementaires en partie libres de juin
1989 qui en découlent sont un triomphe pour les candidats de Solidarité, et
elles permettent la mise en place le 12 septembre du gouvernement non
communiste de Tadeusz Mazowiecki. Le 9 décembre 1990, Lech Walesa se
fait élire président de la République de Pologne au suffrage universel,
contre l’avis d’une partie des dirigeants de Solidarité et en provoquant la
scission du mouvement qui commence là un rapide déclin. Sous la
présidence de L. Walesa, la transition vers l’économie de marché
commence et la Pologne établit des relations avec l’Europe de l’Ouest
(adhésion au Conseil de l’Europe et accord d’association avec la
Communauté économique européenne en 1991). Mais, confronté à une
situation sociale difficile, brouillé avec ses anciens amis de Solidarité,
devant faire face à une grande instabilité gouvernementale, il se rend
rapidement impopulaire. En 1993, les élections législatives anticipées, que
Lech Walesa a provoquées, portent au pouvoir les ex-communistes, lesquels
remportent également, contre lui, l’élection présidentielle de novembre
1995. Après une cuisante défaite à l’élection présidentielle de 2000 (moins
de 1 % des voix), il se retire de la vie politique.
AD

ASH Timothy Garton, The Polish revolution : Solidarity, London, Granta


books, Penguin books, 1991.
PERDUE William Dan, Paradox of change : the rise and fall of
Solidarity in the new Poland, Wesport (Comm.), London, Praeyer, 1995.
→ GORBATCHEV, GUERRE FROIDE, JARUZELSKI, NOBEL
DE LA PAIX (PRIX)

WASHINGTON (VILLE ET TRAITÉ DE)

Capitale fédérale américaine, Washington connaît au 20e siècle une


activité diplomatique proportionnelle à la place prise par les États-Unis sur
la scène internationale. Première manifestation de cette nouvelle
importance, la conférence de Washington, organisée par le secrétaire d’État
Charles Evans Hugues du 12 novembre 1921 au 6 février 1922, est
représentative de la diplomatie républicaine des années 1920, entre
pacifisme, refus de tout risque d’engagement armé et désir d’un ordre
international à moindre frais. Si elle voit la conclusion du traité des neuf
puissances sur la Chine, du traité « des 4 puissances » (États-Unis,
Royaume-Uni, Japon, France) de non-agression pour leurs possessions du
Pacifique signé pour 10 ans le 13 décembre 1921, elle traite essentiellement
des questions navales. Sous l’influence d’une opinion pacifiste et la
pression du Congrès, inquiet du développement de la flotte japonaise
comme des dépenses à consentir pour la marine alors que la Grande-
Bretagne annonce reprendre son programme de constructions navales, le
gouvernement américain y propose le premier des accords de désarmement.
Signé pour 15 ans le 6 février 1922, le traité dit des 5 puissances décide
l’arrêt pour 10 ans de la construction (naval holiday) des cuirassés et établit
des quotas pour chacune des flottes selon les proportions suivantes : 5 pour
les États-Unis et la Grande-Bretagne, 3 pour le Japon, 1,75 pour la France
et l’Italie (1 = 100 000 tonnes). Obtenu au détriment de la France réduite au
niveau italien malgré son empire et ses deux façades maritimes, l’accord,
qui entraîne pour les trois principales puissances navales le désarmement de
près de 70 navires, marque surtout l’abandon par l’Angleterre de sa doctrine
traditionnelle du Two power standard, exigeant d’avoir une flotte au moins
égale à la somme des deux autres flottes les plus fortes du monde. Objet de
toutes les craintes, le Japon se voit refuser par la coalition des États-Unis et
de la Grande-Bretagne la parité navale espérée. Les Anglo-Saxons
consentent en échange au maintien du statu quo pour les fortifications de
leurs possessions insulaires dans le Pacifique.
Après avoir été durant l’entre-deux-guerres le siège de différentes
conférences latino-américaines, Washington acquiert une place plus
importante encore après 1945. Sorte d’artefact de la guerre froide, la ville se
trouve au centre de la diplomatie de guerre froide comme de l’organisation
du monde d’après-guerre : signé le 4 avril 1949, le traité de Washington
fonde l’Alliance atlantique ; le 8 avril suivant, les accords de Washington
entre les puissances occidentales d’occupation accordent à l’Allemagne
toute l’autonomie compatible avec l’occupation alliée. La signature du
traité de paix israélo-égyptien à Washington le 26 mars 1979 vient, elle,
finaliser les accords de Camp David et symboliser ce succès diplomatique
américain. Retrouvant enfin l’esprit de désarmement de la conférence
navale de 1921-1922 en prévoyant ce qu’on appelle l’option « double-zéro
», c’est-à-dire l’élimination du théâtre européen non seulement des missiles
nucléaires sol-sol d’une portée de 1 000 à 5 000 km, mais aussi des armes
qui tirent entre 500 et 1 000 km, l’accord de Washington du 8 décembre
1987 annonce en fait la fin d’une guerre froide qui va affirmer encore le
rôle de pivot sur la scène internationale de la capitale fédérale américaine.
PMD

BUCKLEY Thomas H., The United States and the Washington Conference,
1921-1922, Knoxville, Tenn., 1970.
DINGMAN Roger, Power in the Pacific, Chicago, 1976.
→ ALLIANCE ATLANTIQUE, CAMP DAVID (ACCORDS DE),
DÉSARMEMENT, GUERRE FROIDE

WILSON (1856-1624) ET LE WILSONISME

Idéologie américaine par excellence née avec l’irruption des États-Unis


sur la scène mondiale en 1917-1918, le wilsonisme plonge ses racines dans
un vieux fonds culturel, l’idée de « destinée manifeste », d’un
exceptionnalisme américain. Pendant de l’isolationnisme, le wilsonisme
cherche, lui, à en promouvoir les principes dans les relations
internationales. Construit en rupture avec l’ordre ancien, européen, son
système d’équilibre des forces et sa diplomatie secrète, il se veut
l’expression d’une diplomatie où la morale aurait sa place. Le terme ne
désigne pas la politique étrangère du président des États-Unis de 1913 à
1921, Wilson, qui n’hésite pas à user de la force en Haïti en 1915 ou au
Mexique en 1916 pour asseoir l’impérialisme américain dans sa zone
d’influence.
Promesse, en plein carnage, d’un nouvel ordre mondial dont la guerre
serait bannie, le wilsonisme doit son origine à la psychologie de son
concepteur, fils de pasteur, comme à une tradition américaine, et s’inscrit
dans le contexte précis de la révolution bolchevique. Car si Wilson, d’abord
favorable à la neutralité, adopte dès le 22 janvier 1917 une position
ambitieuse en proposant aux belligérants une « paix sans victoire », si les
États-Unis prennent garde en entrant en guerre le 6 avril 1917 de s’associer
aux pays de l’Entente et non d’en être les alliés, pour ne pas être liés par les
traités secrets signés par eux, ce sont les Bolcheviques qui ont, semble-t-il,
poussé Wilson à exposer au plus vite un programme neuf. En appelant le 22
novembre 1917 à une paix « sans annexions ni indemnités » fondée sur le
désir des peuples et non l’impérialisme des gouvernements, en dénonçant le
contenu des traités secrets conclus entre les pays en guerre contre
l’Allemagne, où les puissances se partagent déjà les dépouilles du vaincu,
Lénine et les Bolcheviques s’adressent directement aux peuples d’Europe,
rompant avec la diplomatie traditionnelle. Formalisés dans un message au
Congrès le 8 janvier 1918, les « quatorze points » de Wilson sont un contre-
manifeste aux propositions de Lénine, inaugurant la rivalité entre les
messianismes américain et bolchevique. Ce discours s’inscrit en outre à
l’encontre des intentions de l’Entente sur la paix prochaine : ne pouvant
obtenir des alliés une déclaration commune (la mission en Europe du
colonel House, confident du Président, est un échec complet), Wilson y
formule unilatéralement les buts de guerre des États-Unis. Leur idéalisme
est propre à satisfaire le peuple américain, l’ancrant dans l’idée que les
États-Unis sont un pays décidément différent. Le discours en appelle aussi
directement aux peuples français et britannique pour faire pression sur leur
gouvernement, et a sans doute joué un rôle dans la décision allemande de
rechercher un armistice. Texte fondateur qui influence la réflexion et la
politique américaines pendant des décennies, les quatorze points ont été
inspirés par les travaux d’une équipe américaine d’experts, historiens,
économistes, politologues ou géographes, « The Inquiry » (l’Enquête), et
établie en septembre 1917 pour étudier les problèmes politiques de la future
paix.

Les quatorze points

La vision wilsonienne d’un nouvel ordre international offre une solution


à la crise immédiate, et une interprétation des causes de la guerre présente
comme de la guerre en général. Aux cinq premiers points généraux
succèdent ceux d’ordre territorial qui se réclament du droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes, le premier et le dernier point constituant l’armature
et les principes directeurs de l’ensemble. Le premier point implique l’offre
d’une paix négociée plutôt qu’imposée par les vainqueurs. Trouvant ses
racines dans la Constitution américaine qui requiert que tout traité soit
ratifié par le Sénat, cette exigence d’une diplomatie ouverte repose sur une
volonté de démocratisation du monde et sur la dénonciation, comme cause
de la guerre, de l’ancien système du secret. Le dernier point, le plus
important aux yeux de Wilson, vise à établir cette démocratie mondiale et
un système de sécurité collective par la création d’une association générale
des nations, pivot et garant du nouvel ordre international esquissé dans
l’ensemble du texte. Les autres points sont un catalogue en négatif des
causes de la guerre. Ainsi en appelant à la liberté absolue de navigation sur
mer en temps de paix comme de guerre, le deuxième renvoie aux difficultés
américaines avec la Grande-Bretagne entre 1914-1917 sur le droit des
neutres et au conflit avec l’Allemagne lors de la guerre sous-marine ; seule
est désormais prévue la possibilité d’un blocus naval imposé par l’ensemble
de la communauté internationale pour contenir une éventuelle agression ou
à titre de sanction. Trouvant ses racines dans la politique traditionnelle
américaine de la « porte ouverte » (Open Door Policy), le troisième point,
qui préconise la suppression des barrières économiques et l’établissement
de conditions commerciales égales pour toutes les nations consentant à la
paix et s’associant pour son maintien, repose sur l’idée que les rivalités
commerciales ont largement contribué à l’ouverture des hostilités, et
s’oppose aux menaces française et britannique d’une guerre économique à
l’encontre de l’Allemagne après la guerre. Tandis que le point 4, en
appelant à la réduction des armements « au minimum compatible avec la
sécurité intérieure », affirme que la course aux armements a mené à la
guerre, le cinquième reflète l’idée que les rivalités coloniales sont à la
source du conflit ; loin de se faire l’avocat de la libération et de
l’indépendance des peuples indigènes, il concerne le sort des colonies
allemandes du Pacifique et d’Afrique, et s’assure, en défendant l’idée d’une
pratique coloniale allemande plus brutale que les autres, de leur non-retour
à l’Allemagne.
Premier point territorial, le sixième exige des Allemands qu’ils se retirent
de l’ensemble du territoire russe et demande aux autres nations de
considérer avec sympathie la situation de ce pays qui doit pouvoir « décider
en pleine indépendance de son propre développement politique et de son
organisation nationale ». Le texte n’apporte aucune réponse au chaos russe,
révélant l’ambivalence de Wilson, soucieux certes de contenir le
bolchevisme mais n’envoyant qu’à contrecœur des troupes américaines en
territoire russe. Les autres points (7 à 13) prévoient l’évacuation et la
restauration de l’indépendance de la Belgique, le retour des territoires
envahis et la restitution de l’Alsace-Lorraine à la France, la modification
des frontières en Italie pour satisfaire les revendications irrédentistes,
l’indépendance des nationalités de l’Empire austro-hongrois, ancienne «
prison des peuples », le règlement de la question balkanique selon l’histoire
et les aspirations des peuples, le démembrement de l’Empire ottoman et la
libération des peuples placés sous la domination turque, enfin la
reconstitution et l’indépendance de la Pologne.

Le wilsonisme à l’épreuve

Mettant le wilsonisme en action et à l’épreuve, les États-Unis participent


pleinement à l’élaboration de la paix. Pour la première fois, un président
américain en exercice se rend en Europe, investi, pense-t-il, du devoir de
veiller à l’application de cet idéal et fort d’une opinion mondiale qu’il pense
avoir de son côté (il est reçu triomphalement). Le traité de Versailles trahit
pourtant autant les 14 points qu’il ne les applique. Les questions de
désarmement ou de levée des barrières commerciales ne sont pas même
évoquées. Si Wilson y obtient la création de la SDN, le démembrement de
l’Empire austro-hongrois ou le système des mandats, il doit concéder à la
France l’occupation de la Sarre, au Japon le contrôle du Shantoung et ne
peut convaincre les Italiens d’abandonner leurs revendications sur les
territoires promis dans le traité secret de Londres du 26 avril 1915. Aussi le
refus par le Sénat américain de ratifier le traité les 20 novembre 1919 et 19
mars 1920 et l’absence des États-Unis de la SDN entérinent-ils l’échec de
l’internationalisme wilsonien.
Mis en cause par les isolationnistes dans les années 1920-1930 pour avoir
engagé les États-Unis dans la guerre, perçu par S. Freud comme un «
prophète égaré » sur la scène internationale, Wilson n’en a pas moins exercé
une influence considérable sur la politique américaine : en recomposant le
système international, Franklin Roosevelt reprend l’œuvre avortée de son
prédécesseur. C'est cet héritage wilsonien, ce « syndrome de Wilson »,
mélange de moralisme et d’esprit de mission, d’idéalisme et de juridisme
que dénoncent lors de la guerre froide les tenants d’un « réalisme »
autoproclamé dont George Kennan et Henry Kissinger qui entendent
refonder la politique américaine autour d’une analyse pragmatique des
forces en présence, au nom de l’intérêt national. Avec la fin de la guerre
froide pourtant, le wilsonisme est remis à l’honneur : la guerre du Golfe est
menée pour une part au nom du droit international et le « nouvel ordre
mondial » promis par George Bush a de forts accents wilsoniens. De la
chute de l’Union soviétique naissent une exigence démocratique et un
mouvement de démocratisation sans précédent, tandis que de nouvelles
questions transnationales comme l’environnement semblent nécessiter
l’existence d’une démocratie mondiale.
PMD

NINKOVITCH Frank, The Wilsonian century, US foreign policy since


1900, Chicago UP, 1999. ZORGBIBE Charles, Wilson, un croisé à la
Maison-Blanche, Presses de Sciences-Po, 1998.
→ ALSACE-LORRAINE, BALKANIQUES (GUERRES), BUSH
(GEORGE W.), DÉSARMEMENT, ENVIRONNEMENT, GOLFE
(GUERRE DU), GUERRE FROIDE, IMPÉRIALISME,
IRRÉDENTISME, ISOLATIONNISME, KISSINGER, LÉNINE,
MANDATS, ROOSEVELT (FRANKLIN D.), SARRE, SDN,
SÉCURITÉ COLLECTIVE, TRAITÉS DE PAIX, TRIPLE-ENTENTE

YALTA (CONFÉRENCE DE)

Très répandu pendant la guerre froide, le mythe d’un partage du monde


auquel se seraient livrés les trois Grands à Yalta en Crimée, du 4 au 11
février 1945, n’a pas lieu d’être. Réunis pour coordonner leurs plans de
guerre alors que les opérations contre les puissances de l’Axe sont entrées
dans une phase décisive, Staline, Churchill et Roosevelt essaient de
parvenir à un accord aussi complet que possible sur une série de points
litigieux dans l’espoir de sauvegarder la Grande Alliance. C'est avec le
même esprit qu’ils se concertent sur l’avenir de l’Europe libérée de la
dictature hitlérienne.
Les événements récents jouent en faveur de l’URSS. Depuis le printemps
1944, l’Armée rouge remporte des succès foudroyants : à l’ouverture de la
conférence, elle est prête à amorcer sa marche finale sur Berlin dont elle
n’est plus distante que de 70 km, occupant de fait toute l’Europe centrale et
orientale. Surtout, Staline a signé un pacte de non-agression avec le Japon,
ce qui lui donne une position de force dans le règlement de la question
germano-polonaise. La situation militaire des Anglo-Saxons, engagés sur
deux théâtres d’opération distincts, est plus préoccupante. En Europe, leur
progression spectaculaire de l’été 1944 est ralentie par l’hiver. Le
Gouvernement provisoire de la République française est tenu à l’écart des
négociations, Roosevelt ayant refusé d’inviter son président, le général de
Gaulle, arguant du fait qu’il n’est pas un président démocratiquement élu.
Quatre résolutions principales sont prises à Yalta. L'Allemagne sera
démilitarisée et divisée en quatre zones d’occupation réparties entre
l’URSS, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France (à la demande de
Churchill). Elle devra s’acquitter de lourdes compensations financières en
plus de perdre la Prusse orientale et une partie de la Poméranie. Ses
frontières orientales sont fixées de facto le long de la ligne Oder-Neisse. La
Pologne, devant l’insistance de Staline, hérite à l’ouest d’une partie des
territoires ainsi amputés à l’Allemagne tandis que sa frontière orientale est
ramenée à la ligne Curzon reprise par le pacte germano-soviétique de 1939.
Le Comité de Lublin, acquis à Staline, constituera le cœur du futur
gouvernement provisoire, même si le dictateur soviétique ne peut s’opposer
à ce que quelques membres du gouvernement polonais exilé à Londres y
soient greffés. Par ailleurs, au-delà des intérêts nationaux et des tractations
géopolitiques, les décisions relatives aux Nations unies réaffirment la
responsabilité collective des grandes puissances dans l’organisation de la
paix. De même, dans leur Déclaration sur l’Europe libérée, les trois Grands
s’engagent à œuvrer à la reconstruction du continent européen par des voies
démocratiques en constituant des autorités gouvernementales largement
représentatives de tous les éléments non fascistes de ces populations. La
violation des accords par les Soviétiques conduit directement à la division
de l’Europe de part et d’autre du rideau de fer. D’où l’exploitation de ce
bilan désastreux par les Républicains aux États-Unis et par de Gaulle,
absent de Yalta, qui diffusent le mythe du partage du monde, perpétré à
Yalta.
MV

BRUNDU OLLA Paola (dir.), Yalta, un mito che resiste, Toma, edizione del
Ateneo, 1998.
FUNK Arthur, 1945, de Yalta à Potsdam, des illusions à la guerre froide,
Bruxelles, Complexe, 1982.
→ ALLIANCE (GRANDE), CHURCHILL, CURZON (LIGNE), DE
GAULLE, GUERRE FROIDE, LUBLIN (COMITÉ DE), ODER-
NEISSE (LIGNE), ONU, ROME-BERLIN (AXE), ROOSEVELT
(FRANKLIN D.), STALINE

YOUGOSLAVIE (CONSTITUTION ET DÉMEMBREMENTS)

Ambiguïtés de la création yougoslave

La Première Guerre mondiale trouve son origine dans l’assassinat (28


juin 1914) de l’archiduc héritier d’Autriche par un Serbe de Bosnie hostile à
l’occupation (1878) puis l’annexion (1908) de la Bosnie-Herzégovine. Il est
l’ultime épisode de la rivalité qui oppose, dans les Balkans, la double
monarchie à la Serbie, depuis qu’elle est devenue autonome de la Porte
ottomane (1829) puis indépendante (1878). En 1914, le gouvernement de
Belgrade se fixe comme but de guerre soit une Grande Serbie réunissant à
elle les Serbes d’Autriche-Hongrie, soit la création d’un État des Slaves du
Sud.
Par ailleurs, durant le 19e siècle, un mouvement national s’est développé
dans les territoires slaves de la double monarchie qui vise la création, autour
de la Croatie, d’un royaume des Slaves, sur le modèle du compromis
austro-hongrois de 1867. Le 20 juillet 1917, sous la pression alliée, est
signée entre la Serbie et un comité yougoslave en exil à Londres constitué
de Slaves d’Autriche-Hongrie, la déclaration de Corfou qui prévoit la
création, sous la couronne de la dynastie serbe des Karadjorjevic, d’une
monarchie parlementaire regroupant les Slaves du Sud. Mais elle ne précise
pas si cet État sera unitaire (projet serbe), ou fédéral (projet du comité
yougoslave).
Enfin, au traité secret de Londres (26 avril 1915), l’Italie obtient de la
Triple-Entente Trieste, la Dalmatie du Nord et la plupart des îles dalmates.

La première Yougoslavie

En octobre 1918, la tentative du dernier empereur austro-hongrois,


Charles Ier, de fédéraliser ses États aboutit à la réunion d’une Assemblée
nationale des Slovènes, Croates et Serbes à Zagreb. Celle-ci se résout à une
union avec la Serbie (23 novembre), ce que décide aussi (30 novembre) une
Assemblée nationale du Monténégro, libéré par l’armée serbe, qui déchoit
la dynastie nationale.
La fixation des frontières (1919-1925) du Royaume des Serbes, Croates
et Slovènes (39 % de Serbes, 24 % de Croates, 12 % de musulmans, 8,5 %
de Slovènes, 16,5 % de minorités diverses), allié de la France, suscite les
irrédentismes hongrois, bulgare, albanais, autrichien, et le Vatican est
hostile à cet État dont des sujets catholiques ont un souverain orthodoxe.
Quant à l’Italie, elle obtient au traité de Rapallo (12 novembre 1920), Zara
(Zadar) et quelques îles dalmates en échange d’un statut de ville libre pour
Fiume (Rijeka), finalement annexée par l’Italie fasciste le 27 janvier 1924.
La mise en place des institutions du royaume se heurte au caractère
ethnique de la plupart des formations politiques. La Constitution de 1921
fait prévaloir la conception serbe d’un État unitaire. Elle n’assure ni la
stabilité gouvernementale ni l’émergence d’un sentiment national
yougoslave, mais entretient une opposition croate de plus en plus radicale
au centralisme serbe (mouvement terroriste oustachi, fondé en 1929 par le
Croate sécessionniste Ante Pavelic, soutenu par l’Italie fasciste, la Hongrie
de l’amiral Horthy et l’Allemagne nazie).
Le coup d’État du roi Alexandre Ier (6 janvier 1929) transforme le pays en
Royaume de Yougoslavie. Il met en place un régime autoritaire qui renforce
la centralisation. À l’occasion d’une visite en France destinée à resserrer la
Petite Entente, le roi est assassiné (9 octobre 1934) avec le ministre des
Affaires étrangères français, Louis Barthou, par un extrémiste macédonien
agissant pour le mouvement oustachi.

Le premier éclatement de la Yougoslavie

À partir de 1936, le régent Paul cherche à se concilier l’Allemagne,


l’Italie, ainsi que le Vatican. L'Anschluss (mars 1938) puis l’occupation
italienne de l’Albanie (avril 1939) le conduisent à accorder une large
autonomie à la Croatie (août 1939). Le 25 mars 1941, il est contraint
d’adhérer au Pacte tripartite mais est renversé le lendemain par des officiers
serbes soutenus par le Royaume-Uni. Le 6 avril, Belgrade est bombardée et
la Yougoslavie envahie à partir de l’Italie, du Reich, de la Hongrie et de la
Bulgarie. Le 17 avril, l’armée yougoslave capitule.
Occupée au nord par les Allemands et au sud par les Italiens, le pays est
démembré : l’Allemagne et l’Italie se partagent la Slovénie ; l’Italie annexe
le littoral dalmate et les bouches du Kotor au Monténégro, dont le reste est
placé sous son protectorat ; la Voïvodine est annexée par la Hongrie ; la
Macédoine partagée entre la Bulgarie et l’Albanie fasciste qui annexe le
Kosovo. La Serbie est réduite à un État enclavé, et A. Pavelic prend la tête
d’une Grande Croatie comprenant la Bosnie-Herzégovine.
D’avril 1941 à mai 1945, cet État oustachi persécute, avec le soutien actif
du clergé catholique et d’une partie de la population musulmane de Bosnie,
les populations juive, tsigane et serbe : ces derniers (1 847 000 en 1941)
sont expulsés, convertis de force au catholicisme, massacrés ou exterminés
(400 000 à 700 000 victimes), notamment au camp de Jasenovac, «
l’Auschwitz des Balkans ».
Cette sauvagerie nourrit les rangs de la Résistance ; elle constitue aussi,
dans la mémoire des Serbes, un traumatisme majeur que réveilleront les
ambiguïtés du nationalisme croate lors du deuxième démembrement de la
Yougoslavie (1990-1991).

La Yougoslavie titiste

Ayant éliminé, avec le soutien britannique, la Résistance monarchiste


serbe (tchetniks), le mouvement des partisans organisé autour du
communiste croate Tito contrôle le pays en mai 1945. Au traité de Paris
(1947), Tito obtient l’Istrie et Rijeka (Fiume), Zadar et des îles italo-
dalmates ainsi que, en 1954, une partie du territoire libre de Trieste, sous
tutelle de l’ONU depuis 1947.
La République populaire fédérative de Yougoslavie (1945) puis
République socialiste fédérative de Yougoslavie (1963) est une dictature
personnelle et communiste, mais aussi un État fédéral dont les Constitutions
(1946, 1953, 1963 et surtout 1974) reconnaissent de larges compétences aux
six républiques fédérées, qui disposent du droit théorique de sécession :
Slovénie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Serbie, Monténégro, Macédoine.
Les frontières internes ne tiennent pas compte de la répartition ethnico-
linguistique des populations. Ainsi de nombreux Serbes installés au Moyen
Âge par les Habsbourg sur les marches (krajina) de leurs États, face aux
Turcs, sont-ils intégrés aux républiques de Croatie (Slavonie et Krajina) et
de Bosnie-Herzégovine. Les droits culturels et linguistiques des peuples
(serbe, croate, slovène, macédonien, monténégrin ; les Musulmans sont
reconnus comme tels en 1971), des nationalités (albanaise, hongroise,
italienne) et des groupes ethniques (tsiganes, ruthènes…) sont garantis.
La mort de Tito, le 4 mai 1980, fait passer la Yougoslavie d’un régime
personnalisé à un pouvoir collégial (9 membres disposant chacun d’un droit
de veto, comprenant le président de la Ligue des communistes de
Yougoslavie, les représentants des six républiques et des deux provinces
autonomes de Serbie, la Voïvodine et le Kosovo) renouvelé tous les ans.
La fin de la guerre froide aggrave la situation économique d’un système
socialiste autogestionnaire dépendant largement de crédits occidentaux qui
diminuent en même temps que l’intérêt stratégique de la Yougoslavie. Les
tensions sociales, les critiques du monopartisme, le refus des républiques
les plus riches (Slovénie, Croatie) de continuer à financer la croissance des
régions les plus pauvres, créent les conditions d’une crise politique dont le
XIXe congrès de la Ligue des communistes de Yougoslavie (20-23 janvier
1990) révèle la gravité.

Le second éclatement de la Yougoslavie

Le congrès reconnaît le multipartisme, mais les Slovènes, soutenus par


les Croates, accusent les Serbes de Slobodan Milosevic de viser une
hégémonie serbe, la suppression des autonomies de la Voïvodine et du
Kosovo (mars 1989) ainsi que la proximité serbomonténégrine, l’assurant
de quatre voix à la présidence fédérale. Le 4 février, la Ligue slovène rompt
ses liens avec la Ligue yougoslave et se transforme en Parti du changement
démocratique.
Les premières élections libres donnent la victoire au centre droit en
Slovénie et, en Croatie, au parti nationaliste HDZ de Franjo Tudjman,
ancien général qui tient un discours d’une grande ambiguïté sur le passé
oustachi. Elles sont remportées par les communistes en Serbie et au
Monténégro, tandis qu’en Macédoine, elles aboutissent à un gouvernement
de coalition entre communistes et nationalistes. Quant à l’électorat de la
Bosnie-Herzégovine, il se divise entre les trois partis nationalistes
musulman, croate et serbe.
Durant l’été de 1990, les Slovènes se prononcent par référendum pour la
souveraineté si aucune réforme de la fédération n’intervient. L'assemblée
croate prend des dispositions analogues, et d’autres (symboles, drapeau,
usage limité du cyrillique) qui rappellent le passé oustachi. En réaction, les
Serbes de Krajina proclament leur autonomie (1er octobre), puis leur
sécession de la Croatie (28 février 1991).
La Croatie et la Slovénie proclament leur indépendance le 25 juin 1991.
L'armée fédérale, où prédominent les Serbes, intervient en Slovénie le 27
juin, puis en Croatie le 3 juillet. La Communauté européenne décide un
embargo sur les armes à destination de la Yougoslavie puis obtient, le 7
juillet à Brioni, l’élection à la présidence fédérale, bloquée depuis mai par
la Serbie, du Croate Stipe Mesic, l’évacuation de la Slovénie par l’armée
fédérale en échange d’un moratoire de trois mois sur les indépendances.
Une Conférence de la paix sur la Yougoslavie réunit, le 7 septembre, les
douze Européens et les parties yougoslaves, sans succès ni accord sur
l’envoi d’une force de l’UEO. Plutôt que de promouvoir une négociation
sur des frontières internes d’autant plus contestées qu’elles se transforment
en frontières internationales, la Communauté européenne en affirme
l’intangibilité. Elle se déclare attachée au maintien d’une fédération
rénovée, alors que certains membres, dont l’Allemagne, sont favorables à la
dissociation.
Durant l’automne, l’armée fédérale intervient sur le littoral dalmate
(bombardements de Dubrovnik), ainsi qu’en Krajina et Slavonie
(destruction de Vukovar et Osijek), afin de soutenir les sécessionnistes
serbes qui pratiquent la première « épuration ethnique » du conflit et
proclament, le 19 décembre 1991, la République serbe de la Krajina.
Le 27 novembre 1991, le Conseil de sécurité de l’ONU (résolution 727)
autorise le déploiement d’une force d’interposition, la FORPRONU, créée
en février 1992 (résolution 743), qui gèle la situation sur le terrain. La
Slavonie et la Krajina seront reconquises par les Croates à l’été 1995 et «
l’épuration ethnique » dont les Serbes seront alors victimes vaudra au
général croate Gotovina, après les responsables de la République
sécessionniste serbe, d’être inculpé par le Tribunal pénal international pour
les crimes de guerre dans l’ex-Yougoslavie (TPIY créé le 22 février 1993
par la résolution 808 du Conseil de sécurité).
Le 8 septembre 1991, un référendum conduit à l’indépendance de la
Macédoine, d’où l’armée fédérale se retire, sans coup férir, durant l’hiver.
Le 5 décembre 1991, le président croate de la fédération, Stipe Mesic,
démissionne en prenant acte de la disparition de la Yougoslavie, suivi, le 20,
par le Premier ministre fédéral bosno-croate, Ante Markovic.
Les États-Unis restent réservés sur la reconnaissance des États
sécessionnistes. Le 16 décembre 1991, le Conseil européen décide que
celle-ci sera conditionnée par l’appréciation de conditions juridiques
confiée à une commission d’experts (dite « commission Badinter »). Mais
le 23 décembre, en contravention avec cette procédure, l’Allemagne
reconnaît les indépendances croate et slovène, suivie de peu par l’Autriche
et le Vatican.

L'échec de la Yougoslavie maintenue

Le 22 avril 1992 est proclamée une République fédérale de Yougoslavie


(Serbie et Monténégro), non reconnue internationalement, qui se veut seul
État successeur de la Yougoslavie. Elle est soumise le 30 mai 1992
(résolution 757) à un embargo international qui sera plusieurs fois renforcé
en raison de son soutien aux Serbes sécessionnistes de Krajina et de Bosnie-
Herzégovine. Ces sanctions sont allégées à partir de septembre 1994
(résolution 943) lorsque le président serbe Milosevic apporte son soutien au
plan de paix en Bosnie du « groupe de contact ». Elles sont supprimées
après les accords de Dayton paraphés à Paris le 14 décembre 1995, qui
entérinent la reconnaissance mutuelle des États issus de la Yougoslavie.
La crise du Kosovo et les sanctions qu’elle engendre conduisent à une
montée de la revendication indépendantiste au Monténégro. Les alliés de S.
Milosevic y sont battus à la présidentielle (octobre 1997) puis aux
législatives (mai 1998) par Milo Djukanovic qui, en juin 1998, retire les
soldats monténégrins du Kosovo.
Les promesses d’aide européenne encouragent le Monténégro, après la
chute de S. Milosevic (février 2003), à obtenir la transformation de la
République fédérale en une Communauté d’États Serbie et Monténégro
moins contraignante. Mais le référendum monténégrin du 21 mai 2006
aboutit, dans des conditions contestées par les partisans de l’union, à la
proclamation de l’indépendance, le 3 juin, par le Parlement monténégrin.

Bilan des guerres de sécession yougoslaves

Le bilan humain de ces conflits s’établit autour de 300 000 morts et un


million de personnes déplacées. Plus de 500 000 ex-Yougoslaves ont choisi
l’exil. La politique grand-serbe de S. Milosevic a conduit à un
affaiblissement de la Serbie, frappée pendant plus de dix ans par des
sanctions internationales qui ont accentué son retard de développement et
qui a dû absorber plus 500 000 déplacés ou réfugiés (257 000 du Kosovo,
près de 190 000 de Croatie, 100 000 de Bosnie…) pour un peu plus de dix
millions d’habitants.
La guerre de Bosnie-Herzégovine, les questions de Macédoine et du
Kosovo sont traitées dans des notices distinctes.
OD

BROSSARD Yves, VIDAL Jonathan, L'Éclatement de la Yougoslavie de


Tito, Désintégration d’une fédération et guerres interethniques, Les Presses
de l’Université Laval, L'Harmattan, 2003.
GARDE Paul, Vie et mort de la Yougoslavie, Paris, Fayard, 2000.
LORY Bernard, L'Europe balkanique de 1945 à nos jours, Paris,
Ellipses, 1998.
RUPNIK Jacques, Les Balkans : paysage après la bataille, Bruxelles,
Complexe, 1999.
• De Sarajevo à Sarajevo, l’échec yougoslave, Bruxelles, Complexe,
1999.
WEIBEL Ernest, Histoire et géopolitique des Balkans de 1800 à nos
jours, Paris, Ellipses, 2002.
« La Question serbe », Hérodote, n° 67, 4e trimestre 1992.
Le portail Internet du TPIY : http://www.haguejusticeportal.net/eCache/
DEF/5/888.c2V0TGFuZz1G
Sur la FORPRONU : http://www.operationspaix.net/-FORPRONU Le
texte des Accords de Dayton : http://www.ohr.int/dpa/default.asp?
content_id=380
→ ANSCHLUSS, BALKANIQUES (GUERRES), BARTHOU,
BOSNIE-HERZÉGOVINE (GUERRE DE), CEE, CSCE/OSCE,
KOSOVO, MACÉDOINE (QUESTION DE), MILOSEVIC, MUNICH
(CONFÉRENCE DE), ONU, OTAN, PETITE ENTENTE, TITO,
TRAITÉS DE PARIS, TRIPLE-ENTENTE, UE, UEO
YOUNG (PLAN) → RÉPARATIONS

ZORINE Valerian (1902-1986)

Un des grands artisans de la politique étrangère soviétique, de la Seconde


Guerre mondiale à l’époque de Brejnev. Membre du parti communiste
depuis 1922, il ne rejoint le commissariat du peuple aux Affaires étrangères
qu’en 1942 après vingt années dans divers postes de l’appareil du PCUS.
Dès 1943, chef de la 4e section européenne, il prépare la politique soviétique
d’après-guerre en Pologne et en Tchécoslovaquie, avant de l’appliquer lui-
même comme ambassadeur à Prague (1945-1947). Vice-ministre des
Affaires étrangères (1947-1955 et 1956-1957), il continue de superviser les
questions d’Europe orientale et retourne dans la capitale tchécoslovaque le
19 février 1948 pour surveiller l’exécution du coup de Prague. Le reste de
sa carrière l’implique dans les relations Est-Ouest. Zorine représente
l’URSS auprès de l’ONU (1952-1953 et 1960-1962) ; au moment de la
crise de Cuba (octobre 1962), il dément la présence de fusées soviétiques
quelques jours avant qu’elle ne soit admise par Khrouchtchev. Premier
ambassadeur soviétique à Bonn (1955-1960), il participe également au
début des années 1960 aux négociations internationales sur le
désarmement : la déclaration Zorine-McCloy (haut-commissaire américain
à Berlin) de 1961 est la première manifestation de l’acceptation du concept
de maîtrise des armements par les Soviétiques et les Américains. Alors qu’il
est membre du Comité central du PCUS (1961-1971) et troisième
personnage de la diplomatie soviétique, son ambassade à Paris (1965-1971)
illustre l’importance que Moscou attache à la France du général de Gaulle,
au moment où elle s’apprête à sortir de l’OTAN et veut pratiquer une
politique d’ouverture à l’Est marquée par son voyage en URSS en juin
1966.
AD
LEVESQUE Jacques, L'URSS et sa politique internationale de 1917 à
nos jours, Armand Colin, 1990.
→ BREJNEV, CUBA (CRISE DE), DÉSARMEMENT,
KHROUCHTCHEV, PRAGUE (COUP DE)
Assemblée générale de l’ONU 192 membres
(2008)

États Membres Date d’admission

Afghanistan 19 novembre 1946

Afrique du Sud 7 novembre 1945

Albanie 14 décembre 1955

Algérie 8 octobre 1962

Allemagne 18 septembre 1973

Andorre 28 juillet 1993

Angola 1er décembre 1976

Antigua-et-Barbuda 11 novembre 1981

Arabie Saoudite 24 octobre 1945

Argentine 24 octobre 1945

Arménie 2 mars 1992

Australie 1er novembre 1945

Autriche 14 décembre 1955

Azerbaïdjan 2 mars 1992

Bahamas 18 septembre 1973

Bahreïn 21 septembre 1971

Bangladesh 17 septembre 1974


Barbade 9 décembre 1966

Bélarus 24 octobre 1945

Belgique 27 décembre 1945

Belize 25 septembre 1981

Bénin 20 septembre 1960

Bhoutan 21 septembre 1971

Bolivie 14 novembre 1945

Bosnie-Herzégovine 22 mai 1992

Botswana 17 octobre 1966

Brésil 24 octobre 1945

Brunéi Darussalam 21 septembre 1984

Bulgarie 14 décembre 1955

Burkina Faso 20 septembre 1960

Burundi 18 septembre 1962

Cambodge 14 décembre 1955

Cameroun 20 septembre 1960

Canada 9 novembre 1945

Cap-Vert 16 septembre 1975

Chili 24 octobre 1945

Chine 24 octobre 1945

Chypre 20 septembre 1960

Colombie 5 novembre 1945


Comores 12 novembre 1975

Congo(1) 20 septembre 1960

Costa Rica 2 novembre 1945

Côte d’Ivoire 20 septembre 1960

Croatie 22 mai 1992

Cuba 24 octobre 1945

Danemark 24 octobre 1945

Djibouti 20 septembre 1977

Dominique 18 décembre 1978

Égypte 24 octobre 1945

El Salvador 24 octobre 1945

Émirats arabes unis 9 décembre 1971

Équateur 21 décembre 1945

Érythrée 28 mai 1993

Espagne 14 décembre 1955

Estonie 17 septembre 1991

États-Unis d’Amérique 24 octobre 1945

Éthiopie 13 novembre 1945

Ex-République yougoslave de Macédoine 8 avril 1993

Fédération de Russie 24 octobre 1945

Fidji 13 octobre 1970

Finlande 14 décembre 1955


France 24 octobre 1945

Gabon 20 septembre 1960

Gambie 21 septembre 1965

Géorgie 31 juillet 1992

Ghana 8 mars 1957

Grèce 25 octobre 1945

Grenade 17 septembre 1974

Guatemala 21 novembre 1945

Guinée 12 décembre 1958

Guinée-Bissau 17 septembre 1974

Guinée équatoriale 12 novembre 1968

Guyana 20 septembre 1966

Haïti 24 octobre 1945

Honduras 17 décembre 1945

Hongrie 14 décembre 1955

Îles Marshall 17 septembre 1991

Îles Salomon 19 septembre 1978

Inde 30 octobre 1945

Indonésie 28 septembre 1950

Iran (République-islamique d') 24 octobre 1945

Irak 21 décembre 1945

Irlande 14 décembre 1955


Islande 19 novembre 1946

Israël 11 mai 1949

Italie 14 décembre 1955

Jamahiriya arabe libyenne 14 décembre 1955

Jamaïque 18 septembre 1962

Japon 18 décembre 1956

Jordanie 14 décembre 1955

Kazakhstan 2 mars 1992

Kenya 16 décembre 1963

Kirghizistan 2 mars 1992

Kiribati (République de) 14 septembre 1999

Koweït 14 mai 1963

Lesotho 17 octobre 1966

Lettonie 17 septembre 1991

Liban 24 octobre 1945

Libéria 2 novembre 1945

Liechtenstein 18 septembre 1990

Lituanie 17 septembre 1991

Luxembourg 24 octobre 1945

Madagascar 20 septembre 1960

Malaisie 17 septembre 1957

Malawi 1er décembre 1964


Maldives 21 septembre 1965

Mali 28 septembre 1960

Malte 1er décembre 1964

Maroc 12 novembre 1956

Maurice 24 avril 1968

Mauritanie 27 octobre 1961

Mexique 7 novembre 1945

Micronésie (États fédérés de) 17 septembre 1991

Monaco 28 mai 1993

Mongolie 27 octobre 1961

Monténégro (République du) 28 juin 2006

Mozambique 16 septembre 1975

Myanmar 19 avril 1948

Namibie 23 avril 1990

Nauru (République de) 14 septembre 1999

Népal 14 décembre 1955

Nicaragua 24 octobre 1945

Niger 20 septembre 1960

Nigéria 7 octobre 1960

Norvège 27 novembre 1945

Nouvelle-Zélande 24 octobre 1945

Oman 7 octobre 1971


Ouganda 25 octobre 1962

Ouzbékistan 2 mars 1992

Pakistan 30 septembre 1947

Palaos 15 décembre 1994

Panama 13 novembre 1945

Papouasie-Nouvelle- Guinée 10 octobre 1975

Paraguay 24 octobre 1945

Pays-Bas 10 décembre 1945

Pérou 31 octobre 1945

Philippines 24 octobre 1945

Pologne 24 octobre 1945

Portugal 14 décembre 1955

Qatar 21 septembre 1971

République arabe syrienne 24 octobre 1945

République centrafricaine 20 septembre 1960

République de Corée 17 septembre 1991

République démocratique du Congo 20 septembre 1960

République démocratique populaire lao 14 décembre 1955

République de Moldova 2 mars 1992

République dominicaine 24 octobre 1945

République populaire démocratique de Corée 17 septembre 1991

République slovaque 19 janvier 1993


République tchèque 19 janvier 1993

République-Unie de Tanzanie 14 décembre 1961

Roumanie 14 décembre 1955

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord 24 octobre 1945

Rwanda 18 septembre 1962

Sainte-Lucie 18 septembre 1979

Saint-Kitts-et-Nevis 23 septembre 1983

Saint-Marin 2 mars 1992

Saint-Vincent-et-Grenadines 16 septembre 1980

Samoa 15 décembre 1976

Sao Tomé-et-Principe 16 septembre 1975

Sénégal 28 septembre 1960

Serbie 1er novembre 2000

Seychelles 21 septembre 1976

Sierra Leone 27 septembre 1961

Singapour 21 septembre 1965

Slovénie 22 mai 1992

Somalie 20 septembre 1960

Soudan 12 novembre 1956

Sri Lanka 14 décembre 1955

Suède 19 novembre 1946

Suisse 10 septembre 2002


Suriname 4 décembre 1975

Swaziland 24 septembre 1968

Tadjikistan 2 mars 1992

Tchad 20 septembre 1960

Thaïlande 16 décembre 1946

Timor-Leste 27 septembre 2002

Togo 20 septembre 1960

Tonga (Royaume des) 14 septembre 1999

Trinité-et-Tobago 18 septembre 1962

Tunisie 12 novembre 1956

Turkménistan 2 mars 1992

Turquie 24 octobre 1945

Tuvalu 5 septembre 2000

Ukraine 24 octobre 1945

Uruguay 18 décembre 1945

Vanuatu 15 septembre 1981

Venezuela 15 novembre 1945

Viet Nam 20 septembre 1977

Yémen 30 septembre 1947

Zambie 1er décembre 1964

Zimbabwe 25 août 1980

Source : ONU, Données officielles, 2008.


(1) anciennement Zaïre.

NB : D’autre part, 2 États jouissent du statut d’observateur auprès des


Nations unies : Saint-Siège, Suisse ; et un territoire : Palestine
Liste des sigles utilisés
Les organismes, même le plus souvent connus sous leur sigle, ont
leur entrée à leur nom complet.

ABM : Anti Ballistic Missile


ACCT : Agence de Coopération culturelle et technique
ACP : Pays d’Afrique-Caraïbes-Pacifique
AEF : Afrique équatoriale française
AELE / EFTA : Association européenne de libre-échange / European
Free trade Association
AID : Agence internationale de Développement
AIE : Agence internationale de l’Énergie
AIEA : Agence internationale de l’Énergie atomique
ALENA : Association de libre-échange nord-américaine
AMF : Accords multifibres
AMI : Accord multilatéral sur l’investissement
ANC : African National Congress
ANZUS : Australia-New Zealand-United States
AOF : Afrique occidentale française
APEC : Asia-Pacific Economic Cooperation / Coopération économique
des pays d’Asie Pacifique
ARYM : Ancienne République yougoslave de
Macédoine
ASEAN : Association des pays du Sud-Est asiatique
AUE : Acte unique européen
BCE : Banque centrale européenne
BERD : Banque européenne pour la Reconstruction et le Développement
BIRD : Banque internationale pour la Reconstruction et le
Développement
BRI : Banque des Règlements internationaux
CECA : Communauté européenne du Charbon et de l’Acier
CED : Communauté européenne de Défense
CEE : Communauté économique européenne
CEEA : Communauté européenne de l’Énergie atomique / Euratom
CENTO : Central Treaty Organization
CGT : Confédération générale du Travail
CGTU : Confédération générale du travail unitaire
CIA : Central Intelligence Service
CICR : Communauté internationale de la Croix-Rouge
CNUCED : UNCTAD : Conférence des Nations unies sur le Commerce et
le Développement
CNUED : Conférence des Nations unies sur l’Environnement
COCOM : Coordinating Committee for Multilateral Export Control
COCONA : Conseil de Coopération nord-atlantique
COMECON, CAEM : Conseil d’Aide économique mutuelle
COREPER : Comité des représentants permanents des États (CEE/UE)
CPI : Cour pénale internationale
CSCE : Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe
DTS : Droits de tirage spéciaux / Special Drawing Rights
ECOSOC : Conseil économique et social
ECU : European Currency Unit / Unité monétaire européenne
ERP : European Recovery Program
EURATOM : Communauté européenne de l’Énergie atomique
FAO : Food and Agriculture Organization / Organisation des Nations
unies pour l’Alimentation et l’Agriculture
FCE : Traité sur les forces conventionnelles en Europe
FECOM : Fonds européen de coopération monétaire
FEOGA : Fonds européen d’orientation et de garantie agricole
FINUL : Force intérimaire des Nations unies pour le Liban
FLN : Front de Libération nationale
FMI : Fonds monétaire international
FNI : Forces nucléaires de portée intermédiaire
FO : Force ouvrière
FORPRONU : Force de protection des Nations unies
FPLP : Front populaire de Libération de la Palestine
GATT : General Agreement on Tariffs and Trade / Accord général sur les
Tarifs douaniers et le Commerce
GFIM : Groupe de forces interarmées multinationales
GPALS : Global Protection Against Limited Strikes
/ Bouclier antimissile
HCR : Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés
ICBM : Missile balistique intercontinental
IDS / SDI : Initiative de défense stratégique
IICI : Institut international de Coopération intellectuelle
IME : Institut monétaire européen
IRA : Armée républicaine irlandaise
KFOR : Force de Paix au Kosovo
MINUAR : Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda
MINUK : Mission d’administration intérimaire des Nations unies au
Kosovo
MINURSO : Mission des Nations unies pour l’organisation d’un
référendum au Sahara occidental
MLF : Force multilatérale
MNA : Mouvement des non-alignés
MTCR : Missile Technology Controle Regime
NACC : North Atlantic Cooperation Council
NADGE : NATO Air Defence Ground Environment
NSC : National Security Council
OCAM : Organisation commune africaine et malgache
OCDE / OECD : Organisation de Coopération et de Développement
économique
OEA : Organisation des États américains
OECE / OEEC : Organisation européenne de
Coopération économique
OIT : Organisation internationale du Travail
OLP / PLO : Organisation de Libération de la Palestine
OMC / WTO : Organisation mondiale du Commerce
OMS : Organisation mondiale de la Santé
ONG : Organisation non gouvernementale
ONU : Organisation des Nations unies
OPEP / OPEC : Organisation des pays exportateurs de pétrole
ORIM : Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne
OSCE : Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe /
Organization for Cooperation
and Security in Europe
OTAN / NATO : Organisation du traité de l’Atlantique Nord
OTASE / SEATO : Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est
OUA / OAU : Organisation de l’Unité africaine PAC : Politique agricole
commune
PDKI : Parti démocratique kurde iranien
PECO : Pays d’Europe centrale et orientale
PESC : Politique étrangère et de sécurité commune
PESD : Politique européenne de Sécurité et de Défense
PKK : Parti des travailleurs du Kurdistan
PMA : Pays les moins avancés
RASD : République arabe sahraouie démocratique
RAU : République arabe unie
RDA : République démocratique allemande
RDC : République démocratique du Congo
RFA : République fédérale d’Allemagne
RFY : République fédérale de Yougoslavie
RPC : République populaire de Chine
SACEUR : Commandant suprême des Forces alliées en Europe
SACLANT : Commandant suprême des Forces alliées de l’Atlantique
SALT : Strategic Arms Limitation Talks
SDN : Société des Nations
SEBC : Système européen de banques centrales
SED : Sozialistische Einheitspartei Deutschlands / Parti socialiste unifié
d’Allemagne
SHAPE : Supreme Headquarters Allied Powers
Europe / Grand Quartier général des Puissances alliées en Europe
SLBM : Sous-marin lanceur de missiles balistiques
SME : Système monétaire européen
START : Strategic Arms Reduction Talks
SWAPO : South West African People’s Organization
TNP /NPT : Traité de non-prolifération
TPI : Tribunal pénal international
UAM : Union africaine et malgache
UAMCE : Union africaine et malgache de coopération économique
UCK : Armée de Libération du Kosovo
UE : Union européenne
UEM : Union économique et monétaire
UEO : Union de l’Europe occidentale
UEP : Union européenne de paiements
UNCTAD : United Nations Conference on Trade and Development
UNESCO : Organisation des Nations unies pour l’Éducation, la Science
et la Culture
UNITA : Union nationale pour l’Indépendance totale de l’Angola
UNRRA : Administration des Nations unies pour le Secours et la
Reconstruction
UNRWA : Agence de secours et de travaux pour les Réfugiés palestiniens
UPK : Union patriotique kurde
ZEE : Zone économique exclusive
Index*
* Les noms en gras correspondent aux notices du dictionnaire.

Abbas (Mahmoud) 187, 188, 194, 292, 294, 307


Abdallah (roi de Transjordanie) 51, 176, 236, 249, 254
Abd el Krim 332
Abdul-Hamid 36
Abou Nidal (Sabri Khalil al-Banna, dit) 40
Abubakar Tafewa Balewa 54
Acheson (Dean) 12, 327
Adenauer (Konrad) 12, 13, 20, 127, 128, 164, 224, 346
Aflak (Michel) 177, 309
Agça Mehmet Ali 211
Aguiyi-Ironsi 54
Ahmadinejad (Mahmoud) 323
Ahtisaari (Martti) 228
Akihito (empereur) 170
Aldrin (Buzz) 132
Alexandre Ier Karadjordjevic (roi de Yougoslavie) 49,
243, 397
Alia (Ramiz) 174
Allende (Salvador) 21, 85, 267
Alphonse XIII (roi d’Espagne) 142, 143
Amato (Alfonse M. d’) 87, 103, 129, 168, 217
Ames (Aldrich) 85
Andropov (Iouri Vladimirovitch) 65, 219, 220
Annan (Kofi) 63, 83, 285, 287, 340
Annunzio (Gabriele d’) 190
Aoun (général Michel) 234, 235
Arafat (Yasser) 32, 39, 40, 62, 177, 185, 186, 187,
193, 194, 213, 233, 234, 236, 259, 275, 294, 295,
306, 307, 310, 326, 387
Arap Moi (Daniel) 218
Arbenz (Jacobo) 84
Aref (Abdel Raman) 177
Aref (Abdel Salam) 177
Argenlieu (amiral Thierry d’) 181
Armstrong (Neil) 132
Aron (Raymond) 158
Asquith (Herbert Henry) 169, 237
Assad (Bachar el-) 40, 235
Assad (Hafez el-) 39, 40, 189, 233, 234, 235, 309, 326
Astor (lord Michaël) 31
Atatürk (Mustafa Kémal) 41, 229, 231
Attlee (Clement) 42, 319
Avenol (Joseph) 355
Aziz (Tarek) 152, 189
B
Baader (Andreas) 64, 216
Badinter (Robert) 59, 244, 399
Baker (James) 152, 246, 340
Bakr (Hasan al-) 177, 178
Baldwin (Stanley) 31, 43, 76, 81, 125, 171, 242
Balfour (Arthur James) 44, 51, 89, 193, 212, 236, 249, 308, 352, 363
Bao-Dai (empereur d’Annam puis du Vietnam) 28,
48, 49, 180, 181, 389
Barak (Ehud) 187, 213, 234, 295, 296, 307, 311
Barbie (Klaus) 277
Barre (Raymond) 150, 372
Barrère (Camille) 119
Barthou (Louis) 49, 116, 170, 232, 243, 312, 355, 397
Baruch (Bernard) 49, 158, 322
Barzani (Mostafa) 230
Batista (Fulgencio) 74, 162
Beck (Joseph) 49, 50, 106
Bedell Smith (Walter) 84
Beeley (Harold) 341
Begin (Menahem) 50, 72, 73, 193, 339
Bellin (Yossi) 294
Ben Ali (Zine el-Abidin) 61
Ben Barka (Medhi) 165
Benès (Edvard) 50
Ben Gourion (David) 44, 51, 254, 310, 353
Ben Laden (Oussama) 25, 85, 280
Benoît XV (Giacomo Della Chiesa, pape sous le nom de) 387
Béria (Lavrenti Pavlovitch) 248
Berlinguer (Enrico) 137
Bethmann-Hollweg (Theobald von) 54
Bevin (Ernest) 42, 125, 350, 371
Beyen (Johan Willem) 89
Bhutto (Ali) 48, 71
Bidault (Georges) 55
Bierut (Boleslaw) 154
Bishop (Maurice) 156
Bismarck (Otto von) 27, 45, 163
Bissell (Richard) 84
Bitar (Salah) 309
Blair (Tony) 56, 57, 185, 318
Blum (Léon) 57, 58, 77, 105, 133, 255
Bolivar (Simon) 77
Bollaert (Émile) 48
Bonar Law (Andrew) 43
Bormann (Martin) 277
Boulganine (Nikolaï Alexandrovitch) 248
Boumediene (Houari) 62
Bourgeois (Léon) 354
Bourgès-Maunoury (Maurice) 17
Bourguiba (Habib) 28, 56, 61
Bouteflika (Abdelaziz) 62, 376
Boutros-Ghali (Boutros) 63, 144, 247, 285
Bové (José) 26
Brandt (Willy) 20, 53, 63, 64, 164, 185, 220, 224, 274, 296
Brejnev (Leonid Illitch) 11, 64, 71, 151, 155, 161, 168, 219, 222, 341,
342, 386, 400
Briand (Aristide) 16, 44, 65, 66, 237, 238, 250, 269,
274, 304, 315, 346, 350, 355, 359, 360
Brockdorff-Rantzau (Ulrich von) 326
Brosio (Manlio) 297
Brown (Gordon) 57
Brundland (Gro Harlem) 131
Burton (Dan L.) 87, 129, 168
Bush (George) 11, 67, 68, 87, 115, 154, 155, 161, 246, 327, 358, 359,
372, 395
Bush (George W.) 11, 14, 15, 34, 57, 68, 69, 70, 80, 86, 116, 131, 135,
149, 152, 153, 162, 178, 187, 188, 193, 194, 296, 302, 307, 329, 367, 376
Byrnes (James) 58

Caillaux (Joseph) 252, 315


Callaghan (James) 372
Cambon (Jules) 119
Cambon (Paul) 119, 130
Caramanlis (Constantin) 72, 73, 83, 92, 156, 247
Carillo (Santiago) 137
Carrington (lord Alexander) 297
Carter (Jimmy) 14, 67, 72, 73, 74, 80, 161, 193,
308, 327, 339, 342, 358, 376
Cartier (Raymond) 108
Casey (William) 85, 190
Cassin (René) 121
Castro Ruz (Fidel) 21, 24, 69, 74, 78, 85, 103, 104,
129, 155, 160, 162, 248, 264, 270, 275, 370, 387
Catroux (général Georges) 233
Césaire (Aimé) 348
Challe (général Maurice) 17
Chamberlain (Arthur Neville) 31, 42, 44, 76, 77, 81,
105, 125, 171, 238, 267, 268, 274, 360
Chamberlain (Joseph Austen) 76
Chamil (Imam) 365
Chamoun (Camille) 233
Chavez (Hugo) 69, 74, 77, 78
Chéhab (général Fouad) 233
Cheney (Dick) 68
Chepilov 362
Chirac (Jacques) 57, 62, 69, 79, 80, 101, 301, 302
Chissano (Joaquim) 376
Chou En-lai 48, 81, 113, 276
Churchill (Winston) 23, 24, 41, 42, 77, 81, 110,
125, 147, 159, 167, 171, 231, 238, 245, 249, 279,
305, 319, 332, 335, 357, 369, 396
Ciano (Galeazzo) 334, 388
Clausewitz (Carl von) 158
Clay (général Lucius) 52
Clemenceau (Georges) 86, 237, 294, 315, 344, 364, 370
Clinton (William Jefferson, dit Bill) 11, 40, 67, 85,
87, 131, 158, 187, 193, 194, 213, 246, 295, 307
Constantin Ier 387
Coolidge (Calvin) 172
Coubertin (Pierre de) 213
Couve de Murville (Maurice) 103, 240
Curzon (Lord) 104, 240, 279, 371, 396

Dada (Idi Amin) 277, 278


Daladier (Édouard) 31, 77, 105, 263, 267, 268, 311
Daoud Khan (Sardar Mohammed) 13
Darlan (amiral François) 335
Davignon (Jacques) 93
Dawes (Charles Gates) 107, 118, 169, 242, 274, 315,
330, 336, 360
Debré (Michel) 318, 349
Deby (Idriss) 106
Decoux (amiral Jean) 275
Defferre (Gaston) 174, 347, 385
De Gasperi (Alcide) 110, 346, 350
De Gaulle (Charles) 13, 17, 18, 23, 24, 55, 71, 72,
90, 91, 103, 104, 109, 110, 111, 127, 128, 141, 142,
150, 165, 167, 173, 180, 217, 233, 245, 255, 258,
259, 264, 271, 276, 299, 311, 315, 316, 318, 335,
341, 346, 347, 348, 354, 357, 385, 390, 396, 400
Dej (Gheorghiu) 224
Delamare (Louis) 119
Delbos (Yvon) 133
Delcassé (Théophile) 111, 112, 130, 140, 252, 373
Delors (Jacques) 112, 262, 381
Deng Xiaoping 113, 174, 175, 214
Denktash (Rauf) 83
Diem Voir Ngô Dinh Diêm
Dillon (Douglas C.) 147, 148
Dimitrov (Georgi) 225, 243
Diouf (Abdou) 144
Dollfuss (Engelbert) 27
Dönitz (amiral Karl) 277
Donovan (William) 83
Doudaiev (Djokhar) 365
Doumergue (Gaston) 49, 170, 232, 311
Dreyfus (Alfred) 57, 352
Drummond (sir James Eric, lord Perth) 355
Dubcek (Alexandre) 77, 386
Dulles (Allen) 84
Dulles (John Foster) 43, 47, 122, 126, 273, 361
Dunant (Henri) 149, 274, 291, 304
Dunkel (Arthur) 147
Dzerjinski (Félix) 219

Éboué (Félix) 349


Eden (sir Anthony) 76, 82, 125, 167, 245, 361
Edouard VII 130
Eichmann (Adolf) 277
Eisenhower (général Dwight David) 15, 24, 84, 120,
122, 125, 129, 130, 160, 245, 273, 285, 297, 302,
362, 373
El-Khoury (Béchara) 233
Eltsine (Boris Nikolaïevitch) 115, 126, 127, 155,
229, 320, 321, 344, 358, 365
Enver Pacha 37, 38, 46, 84
Erhard (Ludwig) 13, 128, 142

Farès (Abderrahmane) 139


Farouk Ier 140, 141, 271
Faure (Edgar) 150, 349
Faure (Félix) 140
Fayçal II (roi d’Irak) 176
Fayçal (roi d’Irak) 44, 249, 308, 344
Ferry (Jules) 111
Fischer (Joschka) 21
Foch (maréchal Ferdinand) 86
Ford (Gerald) 73, 168, 223, 267, 342, 391
Fouad Ier 140
Fouchet (Christian) 90, 109, 127, 128, 139, 142, 357
Franco (Bahamonde Francisco) 18, 22, 57, 81, 133, 134, 142, 143, 171,
269, 346
François-Ferdinand 59, 163, 366
François-Joseph 372
Frank (Hans) 277
Freud (Sigmund) 395
Frick (Wilhelm) 277
Fried (Eugen) 225
Fritzsche (Hanz) 277
Fuchs (Klaus) 219

Gagarine (Youri) 132


Gaillard (Félix) 341
Galtieri (Leopoldo) 248
Gambetta (Léon) 111
Gandhi (Indira) 71, 146
Gandhi (Mohandas Karamchand) 28, 146, 147, 272, 275, 304
Gbagbo (Laurent) 100, 101
Gemayel (Amine) 234
Gemayel (Béchir) 234
Gemayel (Pierre) 235
Genscher (Hans Dietrich) 21
Georges-Picot (François) 362
Getty (Paul) 281
Gide (André) 28
Gierek (Edward) 154
Giolitti (Giovanni) 294
Giraud (général Henri) 23, 24, 264, 335
Giscard d’Estaing (Valéry) 15, 79, 145, 150, 261,
348, 372, 379, 383
Gligorov (Kiro) 244
Goebbels (Joseph) 27, 277
Goering (maréchal Hermann) 170, 277
Gomulka (Wladyslaw) 153
Gorbatchev (Mikhaïl Sergueïevitch) 14, 20, 67, 95, 126, 154, 155, 157,
158, 161, 216, 217, 220, 224, 259, 327, 344, 352, 358, 359, 368, 386, 392
Gordievsky (Oleg) 220
Goss (Porter) 86
Gottwald (Klement) 321
Gouraud (général Henri Eugène) 344
Gowon (colonel Yakubi) 54
Grandval (Gilbert) 345
Grewe (Wilhelm) 164
Gromyko (Andreï Andreïevitch) 65, 157 Gueï (général Robert) 100
Guesde (Jules) 184
Guevara (Ernesto « Che ») 74, 162, 163 Guillaume (Günther) 64
Guillaume II 54, 112, 130, 163, 252, 276, 372, 387 Guterres (Antonio)
185
H

Habache (Georges) 306


Haddad (général Saad) 234
Hafid (sultan du Maroc Moulaï) 252
Haig (Alexander) 297
Haïlé Sélassié 136, 164, 292
Halifax (lord Edward F.) 31, 106, 145
Hallstein (Walter) 13, 20, 53, 63, 90, 164, 296
Hammarskjöld (Dag) 56, 96, 164, 165, 247, 285, 349, 385
Haniyeh (Ismaël) 188
Harding (Warren G.) 172
Hariri (Rafic) 234, 235
Harmel (Pierre) 299
Harriman (William Averell) 297, 335
Hassan II 165
Havel (Vaclav) 77
Hayden (Michael) 86
Heath (Edward) 167, 368
Helms (Jesse) 87, 129, 168
Hélou (Charles) 233
Henderson (Arthur) 168
Henlein (Konrad) 360
Herriot (Édouard) 65, 116, 169, 242
Herter (Christian) 141
Herzl (Théodor) 44, 193, 352
Hess (Rudolf) 277
Himmler (Heinrich) 277
Hindenburg (maréchal Paul von) 54, 163, 170 Hiro-Hito 169, 364
Hiss (Alger) 219
Hitler (Adolf) 12, 27, 31, 38, 49, 50, 54, 63, 76, 81, 105, 106, 116, 133,
134, 136, 143, 163, 169, 170, 171, 213, 232, 237, 238, 267, 268, 269, 277,
311, 327, 331, 332, 334, 336, 345, 352, 355, 357, 360, 364, 371, 388
Hoare (sir Samuel) 31, 125, 136, 170, 171, 232 Ho Chi Minh 28, 48, 55,
85, 180, 181, 390, 391 Hodja (Enver) 84
Holbrooke (Richard) 60
Honecker (Erich) 20, 155
Hoover (Herbert Clark) 118, 169, 172, 250, 331, 359
Horthy de Nagybanya (amiral Nicolas) 216, 397
Houphouët-Boigny (Félix) 100, 173, 174, 293 House (colonel Edward
M.) 394
Hoxha (ou Hodja, Enver) 173, 174, 226 Hua Kuo-feng 113
Hugues (Charles Evans) 85, 393
Hu Jintao 174, 214
Hull (Cordell) 175, 335
Hun Sen 276
Hussein (roi de Jordanie, Ibn Talal) 32, 39, 124, 176, 177, 186, 189,
237, 310, 362
Hussein (roi du Hedjaz Ibn Ali) 44, 249, 308, 363
Hussein (Saddam) 15, 32, 57, 67, 68, 78, 85, 87, 129, 135, 151, 152,
177, 178, 186, 189, 190, 221, 230, 266, 309

Ibn Sa’ud (Abdel al-Aziz, dit) 179, 308


Idriss 106, 216
Ismay (général sir Hastings Lionel) 297
Izetbegovic (Alija) 59, 60
J

Janson (Paul-Émile) 356


Jarring (Gunnar) 354
Jaruzelski (général Wojciech) 211, 386, 392
Jaurès (Jean) 184, 289, 355
Jdanov (Andreï Alexandrovitch) 159, 224
Jean-Paul Ier (Albino Luciani, pape sous le nom de) 211
Jean-Paul II (Karol Wojtyla, pape sous le nom de) 49, 99, 166, 211,
220, 275, 329, 387
Jean XXIII (Angelo Giuseppe Roncalli, pape sous le nom de) 98, 387
Jefferson (Thomas) 192
Jiang Zemin 113, 175, 214
Jodl (général Alfred) 277
Johnson (Lyndon B.) 12, 24, 35, 82, 85, 120, 142, 214, 389, 390
Jouhaux (Léon) 304
Joxe (Louis) 138
Juan Carlos 143
Juppé (Alain) 338
Jusserand (Jean-Jules) 119

Kabila (Laurent-Désiré) 97, 260


Kadar (Janos) 216
Kadhafi (Mouammar) 29, 30, 216, 217, 309
Kadyrov (Ramzan) 366
Kagamé (Paul) 338
Kaganovitch (Lazare Moïsseïevitch) 221
Kaltenbrunner (Ernst) 277
Kamenev (Lev Borissovitch Rozenfeld, dit) 357
Karadzic (Radovan) 59, 60
Kasavubu (Joseph) 96
Kassem (général Abdel Karim) 85, 151, 177, 230, 291
Kastenbaum (Nancy Landon) 286
Keitel (maréchal Wilhelm) 277
Kellogg (Frank Billings) 16, 44, 66, 237, 250, 274, 304, 350, 355, 359
Kémal : Voir Atatürk
Kennan (George) 129, 159, 395
Kennedy (John Fizgerald) 12, 14, 24, 33, 53, 87, 104, 120, 128, 129,
141, 147, 148, 214, 215, 217, 222, 245, 266, 271, 273, 298, 299, 331, 389
Kenyatta (Jomo) 218
Kerry (John) 69
Keynes (John Maynard) 42, 117, 147
Khan (Docteur) 323
Khomeiny (Rouhollah) 191, 221, 329
Khrouchtchev (Nikita Sergueïevitch) 53, 64, 84, 104, 126, 154, 160,
174, 216, 217, 221, 245, 248, 251, 260, 351, 370, 400
Kiderlen-Wächter (Alfred von) 252
Kiesinger (Kurt Georg) 63, 296
Kikwete (Jakaya) 376
Kim-Il-Sung 99
Ki-Moon (Ban) 285
King (Martin Luther) 50, 274, 304
Kissinger (Henry) 15, 40, 72, 81, 222, 223, 273, 275, 300, 339, 351,
372, 390, 395
Kitchener (maréchal Herbert) 58, 140
Klerk (Frederik de) 30, 251
Kohl (Helmut) 21, 109, 138, 155, 224, 259
Konan-Bédié (Henri) 100, 173
Kossyguine (Alexeï Nikolaïevitch) 35, 215
Kreisky (Bruno) 185
Krioutchkov (Vladimir) 220
Kruger 58
Kun (Bela) 225
Kuofor (John) 376
Kutchuk (Fadil) 36, 82

Lacoste (Robert) 341


Lahoud (Émile) 234, 235
Lambrakis (Gregory) 73
Lamy (Pascal) 283, 284
Lange (David) 29
Lange (Halvard) 298
Laniel (Joseph) 55
Lattre de Tassigny (général Jean de) 67, 181
Laugier (Henri) 121
Laval (Pierre) 29, 136, 171, 232, 237, 269, 311, 346 Lebrun (Albert)
311
Leclerc (maréchal Philipppe de Hauteclocque, dit) 180
Le Duc Tho 223, 275, 390
Lemkin (Raphael) 121, 150
Lemnitzer (Lyman) 297
Lénine (Vladimir Illitch Oulianov, dit) 28, 38, 43, 65, 180, 184, 224,
225, 232, 237, 260, 267, 304, 348, 357, 392, 394
Léopold II 96
Lesseps (Ferdinand de) 307, 361
Ley (Robert) 277
Lie (Trygve) 165, 235, 236, 285
Lindbergh (Charles) 192
Liotard (Victor) 140
Liou Chao-chi 113
Li Peng 113, 352
Lippmann (Walter) 158
Litvinenko (Maxim) 220
Litvinov (Maxime Maximovitch) 237, 260, 357
Lloyd George (David) 43, 44, 81, 169, 237, 294, 344, 370
Long (Olivier) 147
Lon Nol (maréchal) 71, 276, 390, 391
Lumumba (Patrice) 85, 96, 259
Luns (Joseph) 297
Lutuli (Albert) 274
Luxemburg (Rosa) 184
Lyautey (maréchal Louis Hubert) 311, 333
Lytton (lord Victor Alexander) 250

MacArthur (général Douglas) 99, 125, 343, 373


Macdonald (James Ramsay) 242
MacDonald (James Ramsay) 43, 44, 242
Mac Mahon (sir Henry) 44, 363
Macmillan (Harold) 91, 104, 167, 217, 245, 271, 357
Mahomet 187, 191
Major (John) 56
Makarios (Mikhaïl Khristodhoulos Mouskos, en
religion Mgr) 73, 82, 83, 247
Malenkov (Gheorghi Maximilianovitch) 221, 248
Mandela (Nelson) 30, 251, 293, 374
Mansholt (Sicco Leendert) 316
Mao Zedong 78, 79, 81, 113, 172, 174, 221, 251, 252, 351, 365, 367,
368
Marchais (Georges) 137
Marchand (général Jean-Baptiste) 140
Marjolin (Robert) 253, 282
Markovic (Ante) 399
Marshall (général George Catlett) 12, 19, 22, 52, 88, 110, 129, 159,
253, 282, 321, 358, 373
Martino (Gaetano) 298
Masaryk (Jan M.) 51, 321
Masaryk (Tomas) 50, 253, 254
Mauroy (Pierre) 112, 185
Mayer (René) 92
Mazowiecki (Tadeusz) 392
Mbeki (Thabo) 101, 376
Mboya (Tom) 277
McCarthy (Joseph) 12, 160
McCloy (John Jay) 35, 114, 115, 400
McCone (John A.) 84
McFarlane (Robert) 190
McGovern (George) 193
McKinley (William) 335
McNamara (Robert Strange) 299
McTaggart (David) 156
Medvedev (Dimitri) 320
Mehmet (Ali) 83
Mehmet VI Vahideddin (sultan) 41
Meir (Golda) 51, 222, 254, 325, 353
Mendès France (Pierre) 61, 93, 108, 254, 255
Ménélik II 164
Mengistu (Haïlé Mariam) 154
Mesic (Stipe) 399
Métaxas (Joannis) 388
Metternich-Winneburg (Klemens von) 223
Mihajlovic (Draza) 369
Mikolajczyck (Stanislas) 240
Millerand (Alexandre) 65, 344
Milosevic (Slobodan) 60, 129, 227, 228, 256, 257, 258, 301, 398, 399,
400
Minh (Duang Van) 391
Mitsotakis (Konstandinos) 73
Mitterrand (François) 79, 109, 112, 122, 138, 151, 224, 258, 259, 306,
338, 347, 348, 349 Mladic (Radko) 60
Mobutu (maréchal Sese Seko Joseph Désiré) 85, 96, 97, 166, 259, 260
Mohammed Reza 73, 80, 85, 177, 221, 230, 281, 313, 339
Mohammed V 165, 292
Mohammed VI 167
Mollet (Guy) 17, 255, 361
Molotov (Viatcheslav Mikhaïlovitch Skriabine, dit) 47, 50, 55, 157,
221, 237, 248, 260, 332, 357
Monnet (Jean) 89, 92, 93, 128, 253, 263, 264, 283, 297, 346, 380
Monroe (James) 22, 264, 335
Montgomery (maréchal Bernard Law) 67
Moore (Mike) 283
Morales (Ivo) 69
Moreno-Ocampo (Luis) 102
Morgenthau (Henry) 19, 38
Mossadegh (Mohammed Hedayat, dit) 84, 291, 313
Moubarak (Hosni) 189, 265, 266, 376
Moulin (Jean) 55
Mujibur (Rahman) 48
Murphy (Robert D.) 341
Murumbi (Joseph) 277
Musharraf (Perwez) 193
Mussolini (Benito) 27, 29, 31, 76, 81, 105, 125, 133, 136, 143, 164, 170,
171, 190, 226, 232, 267, 268, 269, 312, 334, 350, 355, 364

Nagy (Imre) 216, 386


Nahas Pacha (Moustafa al-) 140, 141
Nakasone (Yasuhiro) 372
Nansen (Fridjof) 167, 256
Nasser (colonel Gamal Abdel) 17, 47, 48, 51, 123, 125, 141, 176, 177,
193, 216, 222, 233, 271, 275, 310, 313, 339, 353, 361, 362, 370
Negroponte (John) 86
Néguib (général Mohammed) 141, 271
Nehru (Jawaharlal) 48, 146, 147, 272, 275, 361, 370
Netanyahou (Benyamin) 187, 194, 295
Neurath (Konstantin von) 170, 277
Ngô Dinh Diêm 49, 85, 181, 389
Nguesso (Sassou) 376
Nguyen Van Thieu (général) 273, 390
Nicolas II 304, 337
Nitti (Francesco Saverio) 344
Nixon (Richard Milhous) 11, 67, 71, 73, 79, 85, 130, 157, 183, 223,
252, 273, 300, 341, 342, 351, 390, 391
N’Krumah (Kwame) 11, 173, 270, 277, 292, 293, 347
Nobel (Alfred) 15, 64, 66, 169, 211, 223, 274, 291, 295, 296, 304, 305,
310, 326, 335, 360, 368, 392 Noriega (Manuel) 67, 308
Norodom Sihanouk 71, 275, 390
Norstad (Lauris) 297
North (Oliver) 190
Nouri es Saïd 43, 177
Nye (Gerald P.) 192
Nyerere (Julius) 277, 278

Obama (Barack) 70, 86


Obasanjo (Olusegun) 376
Öçalan (Abdullah) 230
Olmert (Ehoud) 194, 307, 311
Orlando (Vittorio Emanuele) 190, 294, 370
Ossieztky (Carl von) 275
Ouattara (Alassane) 101, 174
Oufkir (général) 165
Oulianov : Voir Lénine
Owen (David) 59
Özal (Turgut) 230
P

Padmore (George) 218, 277


Painlevé (Paul) 333
Palme (Olof) 185
Papandréou (Andréas) 73
Papen (Franz von) 277
Passy (Frédéric) 274
Paul VI (Giovanni Battista Montini, pape sous le nom de) 99, 211, 387
Pavelic (Ante) 397
Pearson (Lester Bowles) 247, 274, 298
Peccei (Aurelio) 130
Peel (lord Robert) 51
Peres (Shimon) 166, 275, 294, 295, 310, 311, 325, 326
Perez de Cuellar (Javier) 63, 152, 285
Pétain (maréchal Philippe) 110, 232, 311, 312, 333, 346
Philby (Kim) 219
Pie XI (Achille Ratti, pape sous le nom de) 387
Pie XII (Eugenio Pacelli, pape sous le nom de) 329
Pilsudski (Jozef) 49, 50, 269, 314
Pinochet (général Augusto) 21
Platt (Orville H.) 314, 315
Pleven (René) 93
Plowden (Eric) 297
Poincaré (Raymond) 238, 315, 330, 336, 364
Poindexter (John) 190
Politkovskaïa (Anna) 220
Pol Pot (Saloth Sar, dit) 72
Pompidou (Georges) 79, 91, 103, 150, 167, 318, 348
Poutine (Vladimir) 34, 70, 116, 127, 162, 220, 319, 320, 321, 365
Primakov (Evgueni Maximovitch) 152
Primo de Rivera (José Antonio) 133
Profumo (John) 245

Quilès (Paul) 338

Rabin (Itzhak) 40, 186, 187, 194, 275, 294, 295, 306, 310, 325, 326
Rachid Ali el Gailoni 236, 308
Radford (amiral Arthur) 331
Raeder (amiral Erich) 277
Rajk (László) 216
Rakosi (Matyas) 216
Rapacki (Adam) 35, 113
Rasmussen (Anders Fogh) 297
Rathenau (Walther) 54, 238, 326
Reagan (Ronald Wilson) 11, 14, 40, 67, 74, 85, 87, 119, 138, 154, 157,
158, 161, 190, 217, 223, 248, 300, 306, 326, 327, 358, 368, 374, 376
Reynaud (Paul) 110, 311, 346
Ribbentrop (Joachim von) 47, 50, 106, 170, 260, 277, 331, 332, 388
Ridgway (général Matthew) 99, 297
Robertson (George) 297
Robinson (Mary) 122
Rockefeller (David) 372
Rogers (William) 271, 297, 354
Rommel (Erwin) 308
Roosevelt (Eleanor) 121
Roosevelt (Franklin Delano) 12, 23, 24, 41, 81, 110, 122, 125, 158, 159,
172, 175, 179, 183, 192, 214, 219, 264, 279, 319, 334, 335, 343, 373, 376,
395, 396
Roosevelt (Theodore) 179, 252, 264, 275, 334, 335, 337
Rosenberg (Alfred) 277
Rosenberg (Ethel et Julius) 160, 219, 330
Rougemont (Denis de) 231
Rouvier (Maurice) 140, 252
Roy (Manabendra Nath) 43
Ruggiero (Renato) 283
Rugova (Ibrahim) 227, 228, 258
Rumsfeld (Donald) 68
Runciman (lord Walter) 360
Rusk (Dean) 215

Sabry (colonel Ali) 339


Sadate (Anouar el-) 50, 63, 72, 73, 193, 222, 265, 271, 339
Sakiet (Sidi Youssef) 61, 341
Salan (Raoul) 18
Sarkozy (Nicolas) 62, 302, 320
Sauckel (Fritz) 277
Sauvy (Alfred) 369
Schacht (Hjalmar) 277, 331
Scheffer (Jaap de Hoop) 297
Schirach (Baldur von) 277
Schmidt (Helmut) 138, 150, 224, 261
Schröder (Gerhard) 21, 80
Schuman (Robert) 20, 55, 92, 103, 231, 264, 336, 346
Schuschnigg (Kurt Edler) 27
Schweitzer (Albert) 274
Seeckt (général Hans von) 54, 326
Sékou Touré 174, 293, 347, 348
Sembat (Marcel) 184
Senghor (Léopold Sédar) 173, 292, 348, 349
Servan-Schreiber (Jean-Jacques) 267
Seyss-Inquart (Arthur) 27, 277
Sforza (Carlo) 110, 350, 371
Shamir (Itzhak) 186, 294, 310, 325
Sharon (Ariel) 187, 213, 222, 295, 296, 307, 311
Sihamoni (prince) 276
Sihanouk : Voir Norodom Sihanouk
Sikorski (général Wladyslaw) 240
Simon (John) 31
Sleimane (Michel) 235
Sobtchak (Anatoli) 319
Soekarno (Achmed) 28, 48
Sohl (Riad) 233
Solana (Javier) 109, 297, 317
Sonnino (Giorgio Sidney) 294
Soro (Guillaume) 101
Souphanouvong (prince) 390
Soustelle (Jacques) 17, 18
Souvanna Phouma 390
Spaak (Paul-Henri) 89, 90, 136, 297, 333, 356
Speer (Albert) 277
Staline (Joseph Vissarionovitch Djougachvili, dit)
24, 51, 52, 82, 84, 88, 93, 133, 160, 172, 221, 224, 225, 237, 243, 248,
251, 260, 279, 319, 329, 332, 335, 351, 357, 358, 369, 370, 373, 396
Stettinius (Edward) 343
Stikker (Dirk U.) 297
Stimson (Henry L.) 16, 173, 250, 359
Stoph (Willi) 64
Streicher (Julius) 277
Stresemann (Gustav) 54, 66, 238, 269, 274, 330, 336, 359, 360
Sun Yat-Sen 364
Sutherland (Peter) 147
Sykes (sir Mark) 16, 44, 193, 212, 233, 249, 308, 344, 349, 362, 363
Sylvestre (général) 332

Taft (William Howard) 335


Talabani (Jalal) 230
Taraki 13
Tardieu (André) 364
Tchang Kaï-chek (maréchal) 24, 43, 78, 81, 123, 250, 251, 335, 350,
364
Tchernenko (Constantin Oustinovitch) 65, 154
Tchitcherine (Gheorghi Vassilievitch) 237
Teller (H. Edward) 158
Teller (Henry Moore) 314
Tenet (George) 86, 307
Thatcher (Margaret) 56, 248, 357, 368
Thieu : Voir Nguyen Van Thieu
Thomas (Albert) 184, 289, 355
Thorez (Maurice) 225
Tindemans (Léo) 109
Tito (maréchal Josip Broz, dit) 57, 82, 133, 154, 174, 191, 224, 226,
227, 243, 257, 260, 275, 332, 358, 361, 369, 370, 398
Tojo Hideki (général) 169
Torrijos (Omar) 308
Trotski (Lev Davidovitch Bronstein, dit) 65, 225, 357
Truman (Harry S.) 12, 72, 99, 122, 129, 159, 253, 319, 332, 335, 373
Tschombé (Moïse) 96, 165
Tsongas (Paul) 161
Tudjman (Franjo) 59, 60, 258, 398

Ulbricht (Walter) 20, 374


Uribe (Alvaro) 78
U Thant (Sithu) 82, 104, 285, 353, 385

Vance (Cyrus) 59
Vandenberg (Arthur) 22, 192
Vandervelde (Émile) 184
Vénizélos (Éleftherios) 41, 349, 362, 387, 388
Victor-Emmanuel III (roi d’Italie) 268
Viénot (Pierre) 16, 233, 249
Viollis (Andrée) 28
Vychinski (Andreï Ianouarievitch) 81
W

Wade (Abdoulaye) 376


Waldheim (Kurt) 285
Walesa (Lech) 211, 392
Wallace (Henry) 159
Washington (George) 192, 375
Weizmann (Chaïm) 44, 352
Werner (Pierre) 261, 262
Weygand (Maxime) 314
White (Eric Wyndham) 147
Williams (Jody) 274
Wilson (Harold) 91, 168
Wilson (Horace) 31
Wilson (Thomas Woodrow) 86, 118, 190, 237, 254, 274, 294, 304, 334,
335, 354, 370, 393, 394, 395 Wojtyla : Voir Jean-Paul II
Wolfowitz (Paul) 68
Wörner (Manfred) 297

Yamani (Ahmed Zaki al-) 15


Yoshida (Shigeru) 344
Yoshi-Hito 169
Young (Owen) 66, 118, 315, 331, 364, 400

Zaher Shah 13
Zhao Ziyang 113, 214
Zinoviev (Grigori) 43, 225, 357
Zorine (Valerian Alexandrovitch) 35, 114, 115, 400

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