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UNIVERSITE SULTAN MOULAY SLIMANE

FACULTE POLYDISCIPLINAIRE

BENI-MELLAL

Rapport de projet de fin d’études


Licence d’études fondamentales :

Sciences Mathématiques et Applications

ESPACES DE SOBOLEV

Réalisé par Meryem BOURHIM

Encadré par Pr. Said HAKIMI

Soutenu le 4 Juillet 2022 devant la commission d’examen composée de :

Président Pr S. HAKIMI FP-Beni Mellal

Examinateur Pr A. OUSSARHAN FP-Beni Mellal

Examinateur Pr A. RETBI FP-Beni Mellal

Rapporteur Pr M. A. IDRISSI FP-Beni Mellal

Année Universitaire : 2021-2022


Remerciements

Au début et avant tout on rend grâce à Dieu le tout puissant, qui m’a

donné le courage, la patience, la volonté et la santé pour rédiger ce travail.

Je tiens à exprimer, mes sincères remerciements et reconnaissance à mon

encadrant Monsieur Said Hakimi d’avoir accepté de me diriger pendant la

réalisation de ce mémoire et pour les conseils efficaces et les encouragements

et encore plus pour tout le temps qu’il m’a consacré pour me suivre pendant

la rédaction de ce travail.

Mes remerciements s’adressent ensuite aux professeurs du filière Sciences Ma-

thématiques et Applications qui nous ont accompagné depuis le début de

cette formation.

Enfin, je suis très reconnaissante envers ma famille sans qui on aurait pu

mener ce projet jusqu’au bout : à mes parents, pour leur soutien depuis le

début de notre existence, à mon frère et mes soeurs et à toutes les personnes

qui sont chers et ont été toujours à mes côtes.

2
Introduction générale

Ce travail porte sur les espaces de Sobolev qui sont des espaces

fonctionnels imposés comme l’outil clé pour la recherche des solutions des

équations aux dérivées partielles, ils permettent d’étudier la régularité des

solutions.

Dans le premier chapitre, on s’intéresse à un rappel sur les espaces de

Lebesgue, ses principales propriétés et des fonctionnelles linéaires. Nous

terminerons ces rappels avec les notions principales de dérivation au sens

faible.

Au chapitre 2 nous introduisons les espaces de Sobolev définis sur un in-

tervalle réel que nous appelerons Ω. Nous nous restreindrons dans un premier

temps aux espaces notés W m,p (Ω), qui contiennent les fonctions intégrables

au sens de Lebesgue dont la dérivée au sens des distributions est aussi

intégrable. Nous en verrons les propriétés essentielles, en particulier qu’une

fonction dans un tel espace est continue, et même bornée si l’intervalle Ω est

borné. Par suite, en utilisant le fait qu’un bord est lipschitzien pour intro-

duire l’opérateur trace qui donne un sens même si la fonction défini par lui

n’est pas continue.

3
Dans les problèmes variationnels ou les équations aux dérivées partielles, on

donne souvent des conditions au bord sur les fonctions u recherchées. Pour

cela, on utilise en général les espaces W01,p (Ω), qui contiennent toutes les

fonctions continues sur Ω s’annulant sur ∂Ω. Nous donnerons les principales

propriétés de ces espaces et nous terminerons le chapitre en définissant les

espaces de Sobolev d’ordre entier négatif.

Malheureusement, toutes les propriétés montrées sur un intervalle réel ne

sont plus toujours vraies lorsque nous observons de tels espaces dans un sous-

ensemble de Rn . En effet, les fonctions n’y sont plus forcément continues et

il devient plus compliqué d’en étudier la régularité. Puisque tous les ouverts

ne sont pas réguliers, il devient fastidieux de définir la valeur de la fonction

sur le bord d’un domaine.

Finalement, on va étudier un problème aux limites mixte général de se-

cond ordre dont lequel on va déterminer la formulation variationnelle asso-

ciée à ce problème. Ensuite, on va montrer qu’elle admet une unique solution

faible déduit d’un lemme de Lax-Milgram, puis on montre que cette solution

faible devient une solution du problème précédent.

4
Table des matières

1 Généralités 7

1.1 Les espaces Lp . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

1.1.1 Définitions et propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

1.1.2 Forme linéaire et dual de Lp . . . . . . . . . . . . . . . 10

1.1.3 Convergence faible dans les espaces Lp . . . . . . . . . 12

1.2 Distributions et dérivées faibles . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

1.2.1 Définitions et propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

1.2.2 Dérivée des distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

1.3 Produit de convolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

1.3.1 Définitions et propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

1.3.2 Suites régularisantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

2 Espaces de Sobolev 19

2.1 Définitions et propriétés des espaces d’ordre entier . . . . . . . 19

2.2 Espace de Sobolev W0m,p . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

2.3 Régularité de la frontière d’un domaine . . . . . . . . . . . . . 27

2.4 Théorèmes de densités et d’injections . . . . . . . . . . . . . . 28

5
2.5 Traces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

2.6 Espaces de Sobolev d’ordre entier négatif . . . . . . . . . . . . 35

3 Application 37

3.1 Rappel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

3.2 Problème aux limites mixte général de second ordre . . . . . . 39

Bibliographie 44

6
Chapitre 1

Généralités

Dans tout ce chapitre, Ω désigne un ouvert de Rn pour un entier n non

nul.

1.1 Les espaces Lp

1.1.1 Définitions et propriétés

Définition 1.1

Soit p ∈ R, 1 ≤ p < +∞. On définit Lp l’espace des fonctions de puissance

p-ième intégrable comme suit :


Z
p
L (Ω) = {f : Ω → R/ |f |p dx < +∞}.

L’ensemble Lp (Ω) est défini comme l’ensemble des classes d’équivalence de

Lp (Ω) pour la relation d’équivalence R (= presque partout) :

Lp (Ω) = Lp (Ω) .
R

7
Si p = +∞, on définit L∞ = {f : Ω → R/ ∃c ∈ R+ , |f | ≤ c presque partout }.

Remarques 1.1

i/ S’il n’y a pas d’ambigüité, on identifie f ∈ Lp avec sa classe fe ∈ Lp .

R  p1
ii/ L’application f 7→ ||f ||p où ||f ||p = Ω
|f |p dx est une norme sur Lp (Ω).

iii/ De même, on a f 7→ ||f ||∞ où ||f ||∞ = inf{α > 0/ |f (x| ≤ α presque partout x dans Ω}

est une norme sur L∞ .

• On désigne par Lploc (Ω) l’espace des fonctions f ∈ Lp (K) pour tout compact

K de Ω. Les fonctions de Lploc (Ω) sont dites localement intégrables.

Proposition 1.1 On a les trois propriétés suivantes :

a) Lp est un espaces de Banach pour tout 1 ≤ p ≤ ∞.

b) Lp est un espace séparable pour tout 1 ≤ p < ∞.

c) Lp est un espace réflexif pour 1 < p < ∞.

Remarque 1.1

Pour p = 2, l’espace L2 (Ω) est un espace de Hilbert muni du produit scalaire

suivant
Z
< f, g >L2 (Ω) = f (x) g(x) dx.

8
Théorème 1.1 (Théorème de convergence dominée de Lebesgue)

Soit (fn )n une suite d’éléments de Lp (1 ≤ p < +∞) telle que :

1. fn −→ f presque partout.

2. ∃g ∈ Lp telle que |fn | ≤ g presque partout pour tout n dans N. Alors


 
p
R p
f est intégrable et fn −→ f dans L i.e Ω |fn − f | dx −→ 0 .
n→+∞

Proposition 1.2

Si Ω est un domaine borné, et p, q ∈ R+ tels que 1 ≤ p < q ≤ +∞, alors

Lq (Ω) ,→ Lp (Ω).

Proposition 1.3
1 1
Soient p, q et r ∈ [1, +∞] tels que P
+ q
= 1r .

Si f ∈ Lp et g ∈ Lq alors f g ∈ Lr et on ||f g||r ≤ ||f ||p ||g||q .

Définition 1.2

Pour une fonction continue f : Ω → R, le support de f est défini comme

étant le plus petit fermé en dehors duquel la fonction f est nulle, on le note

supp(f ) et on écrit :

Supp(f ) = {x/f (x) ̸= 0}.

Remarque 1.2

C’est le plus petit fermé en dehors duquel f = 0 presque partout.

Proposition 1.4 Soient f et g deux fonctions continues, on a :

• Supp(f + g) ⊂ Supp(f ) ∪ Supp(g).

• Supp(λf ) ⊂ Supp(f ), ∀λ ̸= 0.

• Supp(f g) ⊂ Supp(f ) ∩ Supp(g).

9
Définition 1.3

On désigne par Cc (Ω) l’espace des fonctions continues sur Ω à support

compact, c’est à dire :

Cc (Ω) = {f /Supp(f ) ⊂ Ω}.

Théorème 1.2

Pour tout 1 ≤ p < ∞, l’espace Cc (Ω) est dense dans Lp (Ω).

Remarque 1.3

Le théorème ci-dessus n’est pas vrai si p = ∞. En effet, soit (fε ) une suite

d’éléments de Cc (Ω) qui converge vers une fonction f dans L∞ (Ω), alors f est

continue. En effet

||fε − f ||L∞ (Ω) < ε,

et donc fε converge uniformément vers f, ce qui nous assure la continuité de

f.

Ainsi une fonction dans L∞ discontinue sur un ensemble de mesure non nul

ne possède aucune suite (fε ) dans Cc (Ω) qui converge vers f dans L∞ .

1.1.2 Forme linéaire et dual de Lp

Proposition 1.5

Une forme linéaire f dans E est continue si et seulement s’il existe une

constante c > 0 une constante telle que ||f ||E ≤ c.

10
Définition 1.4

Soit E un espace de Banach. On désigne par E’ le dual topologique de E. Plus

explicitement

E ′ = {f : E → R, f une forme linéaire continue}.

E’ est muni de la norme duale suivante

||f ||E ′ = sup |f (x)|.


x∈E

Définition 1.5

Soit Ω un ouvert de Rn , le dual topologique de l’espace Lp (Ω) pour


′ 1 1
1 < p < +∞ est (Lp (Ω)) = Lq (Ω) avec p
+ q
= 1 (q est le conjugué de p).

Ceci veut dire qu’à toute forme linéaire continue φ ∈ (Lp (Ω)) correspond

une unique fonction g ∈ Lq (Ω) telle que


Z
φ(f ) = f (x) g(x) dx, ∀f ∈ Lp (Ω).

De plus,

||φ||(Lp )′ = ||g||Lq .

Lemme 1.1

Soit f ∈ L1loc (Ω) tel que


Z
f u = 0, ∀u ∈ Cc (Ω).

Alors f = 0 presque partout sur Ω.

11
1.1.3 Convergence faible dans les espaces Lp

Définition 1.6

Si 1 ≤ p < +∞, on dit qu’une suite (un )n d’éléments de Lp converge

faiblement vers u dans Lp si


Z
lim [un (x) − u(x)]φ(x)dx = 0, ∀φ ∈ Lq (Ω),
n→+∞ Ω

avec q est le conjugué de p, et on écrit un ⇀ u.

Proposition 1.6

Soit Ω ⊂ Rn un ouvert borné. Alors on a les propositions suivantes :

1. Si un −→ u, alors un ⇀ u dans Lp pour tout 1 ≤ p < +∞.

2. Si 1 ≤ p ≤ +∞ et si un ⇀ u dans Lp , alors il existe une constante

C > 0 telle que

||un ||Lp ≤ C et ||u||Lp ≤ lim inf ||u||Lp .


n→+∞

3. Si 1 < p < +∞ et s’il existe une constante c < 0 telle que ||un ||Lp ≤ c,

alors il existe une sous suite uni converge faiblement dans Lp .

Exemple

Soit (fn )n∈N une suite de fonctions définie par :

1
fn (x) = √ 1[n,2n] (x).
n

Alors (fn )n converge faiblement vers 0 dans L2 ([0, +∞[). En effet, si g est

une fonction à support compact, alors il existe une constante C tel que

12
R +∞
0
g(x)dx ≤ C pour tout x dans [0, +∞]. Ainsi
Z +∞ Z 2n
1
lim |fn (x)| g(x)dx = lim √ g(x)dx
n→+∞ 0 n→+∞ n n

C
≤ lim √
n→+∞ n

= 0.

Cependant, fn ne converge pas fortement vers une fonction f dans L2 ([0, ∞]).

En effet, si c’est le cas, alors il existe une sous-suite de f qui converge presque

partout vers f, donc f = 0 est la seule limite possible. Mais


Z +∞
1
||fn ||2L2 = 1[n,2n] (x)
0 n
Z 2n
1
= dx
n n

= 1.

Ceci pour tout n, donc ||fn ||L2 ne converge pas vers ||f ||L2 = 0.

1.2 Distributions et dérivées faibles

1.2.1 Définitions et propriétés

Définition 1.7

On appelle fonction test, toute fonction définie dans Rn à valeurs dans R ou

C indéfiniment dérivable (c’est-à-dire de classe C ∞ ) et à support compact.

On note par D(Rn ) l’ensemble des fonctions tests dans Rn .

13
Si Ω est un ouvert de Rn , on définit D(Ω) l’ensemble des fonctions tests

sur Ω, par

D(Ω) = {φ ∈ D(Rn )/ Supp(φ) ⊂ Ω}.

Proposition 1.7

• D(Ω) est un espace vectoriel sur R ou C.

• ∀φ ∈ D(Ω), ∀f ∈ C ∞ (Rn ), on a f φ ∈ D(Ω).

• D(Ω) est dense dans Lp (Ω).

Exemple :

La fonction nulle est un élément de D(Rn ).

Définition 1.8

On appelle distribution sur Ω toute forme linéaire continue sur D(Ω).

L’ensemble des distributions sur Ω est noté D′ (Ω) qui n’est autre que le dual

topologique de D(Ω).

Notation :

La valeur d’une distribution T en φ sera notée, en général, par T (φ) ou

< T, φ > ....

Exemple :

L’application :

δa : D(Ω) → K

φ 7→ δa (φ) = φ(a),

est une distribution sur Ω, appelée la distribution de Dirac au point a.

Si de plus a = 0, δa se note par δ.

14
1.2.2 Dérivée des distributions

Définition 1.9

Soit u une fonction localement intégrable sur Ω.

On appelle la dérivée faible d’ordre α de u, toute fonction v localement

intégrable telle que


Z Z
|α|
φv dx = (−1) u Dα φ dx, ∀φ ∈ D|α| (Ω).
Ω Ω

Et, on écrit v = Dα u.

Théorème 1.3

Soient u et v deux fonctions localement intégrables sur Ω.

Alors v = Dα u si et seulement s’il existe une suite de fonctions (un )n dans

C ∞ (Ω) converge vers u dans L1loc (Ω) et Dα u converge vers v dans L1loc (Ω).

Définition 1.10

Soit T ∈ D′ (Ω).

On définit la dérivée de T qu’on note T’ comme suit :

< T ′ , φ >= − < T, φ′ >= −T (φ′ ), ∀φ ∈ D(Ω).

Plus généralement, soit α ∈ Nn , alors on définit la dérivée partielle d’indice

α de T par :

< D(α) T, φ >= (−1)|α| < T, D(α )φ > .

Exemples

i/ Distribution de Dirac :

∀ϕ ∈ D, < δ ′ , ϕ >=< −δ, ϕ′ >= −ϕ′ (0).

15
ii/ La fonction de Heaviside définie de R dans R par :


 1 si x ≥ 0

H(x) = X[0,+∞] (x) = ,
 0 sinon

alors pour tout φ ∈ D(Ω), on a :


< TH , φ > = − < TH , φ′ >
Z
= − H(x)φ′ (x)dx
ZR
=− φ′ (x)dx
R+

= φ(0)

= δ0 .

D’où H ′ = δ.

1.3 Produit de convolution

1.3.1 Définitions et propriétés

Convolution de deux fonctions

Définition 1.11

On appelle produit de convolution des fonctions f, g ∈ L1 (Rn ), la fonction

définie par l’intégrale suivante (lorsqu’elle existe)


Z Z
f ∗ g(x) = f (y)g(x − y)dy = f (x − y)g(y)dy.
Rn Rn

La convolution est clairement bilinéaire et commutative.

16
Proposition 1.8

1. Si f ∈ L1 (Rn ) et g ∈ Lp (Rn ) (1 ≤ p < ∞), alors

f ∗ g ∈ Lp (Rn ) et ||f ∗ g||Lp ≤ ||f ||L1 ||g||Lp .

2. Si f ∈ Lp (Rn ) et g ∈ Lq (Rn ) où q est le conjugué de p ∈ [1, +∞[,

alors

f ∗ g ∈ L∞ (Rn ).

Et

||f ∗ g||L∞ ≤ ||f ||Lp ||g||Lq .

3. Soient f, g ∈ L1 (Rn ), alors

Supp(f ∗ g) ⊂ Supp(f ) + Supp(g),

de plus, Supp(f ) + Supp(g) est fermé si Supp(f ) ou Supp(g) est

compact.

4. Si f ∈ L1loc (Rn ) et g ∈ D(Rn ), alors f ∗ g est de classe C ∞ sur Rn

et on a

∂ α (f ∗ g) = f ∗ ∂ α g, ∀α ∈ Nn .

1.3.2 Suites régularisantes

Définition 1.12

On appelle suite régularisante toute suite (ρk )k de fonctions telle que pour

tout k ∈ N, on ait ρk (x) = k n ρ(kx), où

17
i. ρ ∈ D(Rn ).

ii. Supp(ρ) ⊂ Bf (0, 1).


R
iii. Rn ρ(x)dx = 1.

iv. ρ ≥ 0.

Exemple

  
−1



 exp 1−||x||2
si ||x|| < 1

ψ(x) = ,



 0 si ||x|| ≥ 1

ψ dλ, (d ∈ N∗ ) alors on la suite régularisante


R
prenons C = Rd
  
nd −1 1



 C
exp 1−n2 ||x||2
si ||x|| < n
1 d 
ρn (x) = n ψ(nx) = .
C 


 0 si ||x|| ≥
 1
n

Proposition 1.9

Soit (ρk )k une suite régularisante et T ∈ D′ (Rn ), alors lim T ∗ ρk = T dans


k−→∞
′ n
D (R ).

En particulier, C ∞ (Rn ) est dense dans D′ (Rn ).

Corollaire 1.1

D(Rn ) est dense dans D′ (Rn ).

Théorème 1.4

Pour tout ouvert connexe Ω de Rd avec d ∈ N∗ , et pour tout p ∈ [1, +∞[

D(Ω) = Cc∞ (Ω) est dense Lp (Ω).

18
Chapitre 2

Espaces de Sobolev

Dans tout ce chapitre, Ω un intervalle de R pas forcément borné.

2.1 Définitions et propriétés des espaces d’ordre

entier

Définition 2.1

Soit m un entier positif et p ∈ [1, +∞]. On définit l’espace de Sobolev d’ordre

m, W m,p (Ω), par

W m,p (Ω) = {u ∈ LP (Ω), ∀α ∈ Nn , |α| ≤ m, Dα u ∈ Lp (Ω)},

où Dα u est la dérivée au sens de distribution de u.

On munit W m,p (Ω) de la norme suivante :


 ! p1

||Dα u||pp
 P

 , 1≤p<∞
||u||m,p = 0≤|α|≤m .

 max ||Dα u|| , si p = ∞



0≤|α|≤m

19
Théorème 2.1

i/ W m,p (Ω) est un espace de Banach si 1 ≤ p ≤ ∞.

ii/ W m,p (Ω) est séparable si 1 ≤ p < ∞.

iii/ W m,p (Ω) est réflexif si 1 < p < ∞.

Preuve

i/ Soit un une suite de Cauchy dans W m,p (Ω). Alors Dα u est de Cauchy

dans Lp (Ω) pour 0 ≤ α ≤ m. Puisque Lp (Ω) est complet, alors il existe deux

fonctions u et uα , 0 ≤ α ≤ m, telles que un −→ u et Dα un −→ uα dans

Lp (Ω) lorsque n tend vers l’infini.

Or Lp (Ω) ⊂ L1loc (Ω), et donc un détermine une distribution Tun ∈ D′ (Ω).

Pour tout ϕ ∈ D(Ω), on a


Z
|Tun (ϕ) − Tu (ϕ)| ≤ |un (x)u (x)| |ϕ(x)| dx ≤ ||ϕ||p′ ||un − u||p ,

par l’inégalité de Hölder, où p’ est l’exposant conjugué de p. Par conséquent

Tun (ϕ) −→ Tu (ϕ) pour tout ϕ ∈ D(Ω) quand n tend vers l’infini. De même,

TDα un (ϕ) −→ Tuα (ϕ) pour tout ϕ ∈ D(Ω). Il s’ensuit que

Tuα (ϕ) = lim TDα un (ϕ) = lim (−1)|α| Tun (Dα ϕ) = (−1)|α| Tu (Dα ϕ), ∀ϕ ∈ D(Ω).
n→+∞ n→+∞

Ainsi uα = Dα u au sens des distributions sur Ω, pour 0 ≤ |α| ≤ m, d’où

u ∈ W m,p (Ω).

Or lim ||un − u||m,p = 0, l’espace W m,p (Ω) est complet.


n→+∞

ii/ Sans perdre de généralité, on montre que W 1,p (Ω) est séparable si 1 ≤ p <

∞. En effet, l’espace produit E = Lp (Ω)×Lp (Ω) est séparables ; donc T (W 1,p )

est aussi séparable (T (W 1,p ) est un sous espace de E). Par conséquent W 1,p

20
est séparable.

iii/ Sans perdre de généralité, on montre que la proposition est vraie pour

W 1,p .

En effet, l’espace produit E = Lp (Ω) × Lp (Ω) est réflexif. L’opérateur T :

W 1,p → E défini par Tu = [u, u′ ] est une isométrie de W 1,p dans E ; donc

T (W 1,p est un sous espace fermé de E. Il en résulte que T (W 1,p ) est réflexif,

et par suite W 1,p l’est aussi.

Notation

Pour p = 2, on pose H m (Ω) = W m,2 (Ω), alors l’espace de Sobolev H m (Ω)

sera définit comme suit

H m (Ω) = {u ∈ L2 (Ω), ∀α ∈ Nn , |α| ≤ m, Dα u ∈ L2 (Ω)}.

On munit H m (Ω) du produit scalaire suivant, pour u, v ∈ H m (Ω) on a


X Z X
< u, v >m,Ω = ∂ α u(x)∂ α v(x)dx = < ∂ α u, ∂ α v >L2 (Ω) . (2.1)
|α|≤m Ω |α|≤m

Et de la norme suivante
  21
X Z
||u||m,Ω =  |∂ α u(x)|2 dx . (2.2)
|α|≤m α

Exemple

• Pour m = 0 et n = 2, on a
Z
0 2
H (Ω) = L (Ω), et < u, v >0,Ω = u(x) v(x)dx.

• Pour m = 1, on a

∂u
H 1 (Ω) = {u ∈ L2 (Ω)/ ∈ L2 (Ω), ∀i ∈ {1, ..., n}}.
∂xi

21
H 1 (Ω) est muni du produit scalaire
Z n Z
X ∂u ∂v
< u, v >1,Ω = u(x)v(x)dx + dx,
Ω i=1 Ω
∂xi ∂xi

et de la norme
Z n Z
! 21
X ∂u 2
||u||1,Ω = |u(x)|2 dx + | | dx
Ω i=1 Ω ∂xi
1
= (||u||2L2 (Ω) + ||u′ ||2L2 (Ω) ) 2 .

Remarques 2.1

1. Quand il n’y aura pas de confusion, on écrira H m au lieu de H m (Ω).

2. On peut aussi définir l’espace H m (Ω) en terme de distribution ; en

disant qu’une fonction u de L2 (Ω) appartient à H m (Ω) si et seulement

s’il existe une fonction vα dans L2 (Ω) tel que TDα u = Tvα = Dα Tu ,

pour tout α dans Nn tel que |α| ≤ m.

Exemple

Soit Ω =] − 1, 1[ / f (x) = |x|.

On a f ∈ H 1 (Ω), en effet f est continue sur un borné alors elle appartient à

L2 (Ω), et or

(Tf )′ = (|.|)′ = 1R+ − 1R− ∈ L2 (Ω),

avec 1R+ et 1R− sont deux fonctions définies par



 1 si x ∈ R+

1R+ : R −→ {0, 1} x 7−→ ,
 0 sinon

et 
 1 si x ∈ R−

1R− : R −→ {0, 1} x 7−→ .
 0 sinon

22
Alors (Tf )′ ∈ L2 (Ω).

D’où f ∈ H 1 (Ω).

Remarque

f n’appartient pas à H 2 (Ω).

Théorème 2.2

H m (Ω) est un espace de Hilbert séparable.

Preuve

On vérifie facilement que (2.1) est un produit scalaire sur H m (Ω), c’est à

dire que H m (Ω) est un espace préhilbertien. Montrons alors que H m (Ω) est

complet pour la norme (2.2) associée au produit scalaire (2.1).

Soit (uk )k une suite de Cauchy dans H m (Ω) :

∀ε > 0, ∃N ∈ N, tel que ∀p, q ≥ N, on a ||up − uq ||m,Ω < ε.

Or, pour tout α ∈ Nn , tel que |α| ≤ m, on a


  21
Z  21 X Z
|∂ α (up − uq )|2 dx ≤ ||up − uq ||m,Ω =  |∂ α (up − uq )|2 dx ,
Ω |α|≤m Ω

donc
Z  12
α 2
∀ε > 0, ∃N ∈ N, tel que ∀p, q ≥ N, on a |∂ (up − uq )| dx < ε.

Ainsi pour tout α, tel que |α| ≤ m, on a (∂ α uk )k est une suite de Cauchy

dans L2 (Ω) donc

lim ∂ α uk = vα dans L2 (Ω), ∀α tel que |α| ≤ m (2.3)


k→+∞

23
avec

lim uk = v0 dans L2 (Ω). (2.4)


k→+∞

Montrons que pour tout α, tel que |α| ≤ m, on a vα = ∂ α v0 dans L2 (Ω). On

a la convergence (2.3) entraîne la convergence au sens des distributions :

lim ∂ α uk = vα dans D′ (Ω), ∀α tel que |α| ≤ m, (2.5)


k→+∞

ceci puisque pour tout φ ∈ D(Ω), on a


Z
α
< ∂ uk − vα , φ >= (∂ α uk − vα ) φ dx,

par suite
Z
α
| < ∂ uk − vα , φ > | ≤ |∂ α uk − vα | |φ| dx.

En appliquant l’inégalité de Hölder, on aura

| < ∂ α uk − vα , φ > | ≤ ||∂ α uk − vα ||L2 (Ω) ||φ||L2 (Ω) dx,

ainsi par passage à la limite, on obtient la convergence au sens des distribu-

tions. De même, la convergence (2.4) entraîne que

lim uk = v0 dans D′ (Ω), (2.6)


k→+∞

par conséquent, d’après la continuité de l’application dérivation ∂ α de D′ (Ω)

dans D′ (Ω), on a

lim ∂ α uk = ∂ α v0 dans D′ (Ω), ∀α tel que |α| ≤ m. (2.7)


k→+∞

En vertue de l’unicité de la limite dans D′ (Ω), on conclut des convergences

(2.5) et (2.7) que ∂ α v0 = vα dans D′ (Ω). Ensuite, la densité de D(Ω) dans

24
L2 (Ω) permet d’avoir vα ∈ L2 (Ω) et on peut montrer que ∂ α v0 = vα dans

L2 (Ω). En effet, comme ∂ α v0 − vα ∈ L2 (Ω), il existe une suite (φk )k de D(Ω),

telle que

lim φk = ∂ α v0 − vα dans L2 (Ω).


k→+∞

D’après l’inégalité de Hölder, on a


Z
(φk − (∂ α v0 − vα ))(∂ α v0 − vα ) dx ≤ ||φk −(∂ α v0 −vα )||0,Ω ||∂ α v0 −vα ||0,Ω ,

par passage à la limite, lorsque k tend vers ∞, on conclut que


Z Z
α
lim φk (∂ v0 − vα )dx = (∂ α v0 − vα )2 dx,
k→+∞ Ω Ω

or
Z
φk (∂ α v0 − vα )dx = 0, ∀k,

donc

∂ α v0 = vα dans L2 (Ω)

Ainsi on aura montré que

lim uk = v0 dans L2 (Ω),


k→+∞

et

lim ∂ α uk = ∂ α v0 dans L2 (Ω), ∀α, |α| ≤ m,


k→+∞

par conséquent
  21
X
lim ||uk − v0 ||m,Ω = lim  ||∂ α uk − ∂ α v0 ||2L2 (Ω)  = 0. (2.8)
k→+∞ k→+∞
|α|≤m

25
Par suite, la suite (uk )k vonverge vers v0 dans H m (Ω).

D’autre part, l’espace produit E = Lp (Ω)×Lp (Ω) est séparable ; donc T (W 1,p )

est aussi séparable.

D’où le résultat.

2.2 Espace de Sobolev W0m,p

Définition 2.2

On définit l’espace W0m,p (Ω) comme étant la fermeture de D(Ω) dans W m,p (Ω).

Pour p = 2, on note W0m,p (Ω) = H0m (Ω), donc

H m (Ω)
H0m (Ω) = D(Ω) .

Remarques 2.2

On a les propriétés suivantes :

1. Sans risque de confusion, on notera souvent W01,p et H01 au lieu de W01,p (Ω)

et H01 (Ω).

2. L’espace W01,p est muni de la norme induite par W 1,p ; l’espace H01 est

muni du produit scalaire induit par H 1 .

3. Il est clair que H0m (Ω) est un sous espace fermé de H m (Ω) : donc c’est un

espace de Hilbert muni du produit scalaire induit par celui de H m (Ω), noté

< ., . >m,Ω .

4. W 0,p (Ω) = Lp (Ω) et si 1 ≤ p < ∞ alors W00,p (Ω) = L2 (Ω).

5. En général, D(Ω) n’est pas dense dans H m (Ω). Cependant, on a la densité

dans certains cas comme :

26
L2 (Ω) H 0 (Ω)
• Si m = 0, comme D(Ω) = L2 (Ω), on a H00 (Ω) = D(Ω) = H 0 (Ω)

donc H 0 (Ω) = L2 (Ω), et on a bien D(Ω) est dense dans L2 (Ω).

H m (Rn )
• Si Ω = Rn , D(Rn ) dense dans H m (Rn ), en effet D(Rn ) = H m (Rn ),
H m (Rn )
donc H0m (Rn ) = D(Rn ) = H m (Rn ). 6. Notons qu’en général on a

H0m (Ω) ̸= H m (Ω) à l’exception de ces deux derniers cas.

Dans la suite, il est important de faire des hypothèses supplémentaires sur

la régularité géométrique du domaine Ω, afin de mieux caractériser l’espace

H0m (Ω) à l’aide de ”la trace”.

2.3 Régularité de la frontière d’un domaine

Définition 2.3

Le domaine Ω est dit de bord ∂Ω = Γ lipschitzien, s’il existe une famille finie

de boules ouvertes (Bi )1≤i≤p , telle que Γ = ∂Ω ⊂ pi=1 Bi et sur chaque Bi , il


S

existe un système de coordonné (x1 , ..., xd ) est une fonction ψi lipschitzienne,

telle que

Ω ∩ Bi = {(x1 , ..., xd ) ∈ Bi / xd < ψi (x1 , ..., xd−1 }.

Intuitivement, cela signifie que la frontière de Ω, peut être vue localement

comme le graphe d’une fonction lipschitzienne.

Exemple

La plupart des domaines classiques sont de frontières lipschitziennes, en par-

ticulier les plygones en dimension deux sont de frontières lipschitziennes.

27
Un exemple de domaines de frontières non lipschitziennes, c’est celui des do-

maines dont la frontière présente un point de remboursement ou une fissure

entrant dans le domaine.

O n peut aussi définir des domaines plus réguliers.

Définition 2.4

• On dira que Ω est de frontière de classe C m lorsque les fonctions (ψi )1≤i≤p

sont de classe C m .

• On dira que Ω est de frontière de classe C ∞ si elle est de classe C m , ∀m ∈ N.

Exemple

• B(0,1) est de classe C ∞ dans Rn .

• Ω = {(x, y) ∈ R2 / x2 < y} est de classe C ∞ dans R2 .

Dans la pratique, on utilise souvent des ouverts de classe C 1 par morceaux.

Définition 2.5

Un ouvert Ω de Rn est dit de classe C 1 par morceaux si Ω est localement d’un

seul côté de ∂Ω et si ∂Ω = ni=1 Γj où Γj est de classe C 1 , ∀j.


S

Exemple

• Un rectangle dans le plan est de classe C 1 par morceaux.

• Un pavé, le produit d’intervalles dans Rn , est de classe C 1 par morceaux.

2.4 Théorèmes de densités et d’injections

Théorème 2.3 (Opérateur de prolongement)

Soit 1 ≤ p ≤ ∞ . Si Ω est régulier alors il existe un opérateur de prolongement

P : W 1,p (Ω) → W 1,p (R) linéaire et continu tel que :

28
1. P u|Ω = u, pour tout u ∈ W 1,p (Ω).

2. ||P u||Lp (R) ≤ c||u||W 1,p (Ω) , pour tout u ∈ W 1,p (Ω).

3. ||P u||W 1,p (R) ≤ c||u||W 1,p (Ω) , pour tout u ∈ W 1,p (Ω).

Théorème 2.4 (Théorème de densité)

Soit u ∈ W 1,p (Ω) avec 1 ≤ p ≤ ∞. Alors, il existe une suite (un )n∈N dans

Cc∞ (R) telle que un |Ω → u dans W 1,p (Ω)

Lemme 2.1

Soit ρ ∈ L1 (R) et soit v ∈ W 1,p (R) avec 1 ≤ p ≤ ∞. Alors ρ ∗ v ∈ W 1,p (R)

et (ρ ∗ v)′ = ρ ∗ v ′ .

Preuve du théorème 2.3

Soit u ∈ W 1,p (Ω). On peut supposer que Ω = R, sinon il suffit de prolonger u

en une fonction de W 1,p (R) par le théorème 2.2. On fixe ensuite une fonction

φ ∈ Cc∞ (R) telle que 0 ≤ φ ≤ 1 et



 1, si|x| ≤ 1,

φ(x) =
 0, si|x| ≥ 2.

On définit la suitenφn (x) = φ( nx ), pour n = 1, 2, ....

Soit f ∈ Lp avec 1 ≤ p < ∞. Puisque φn f → f dans R, on a par le

théorème de la convergence dominée, φn f → f dans Lp . Choisissons une

suite régularisante (φn )n . Montrons que la suite un = φn (ρn ∗ u) converge

vers u dans W 1,p (Ω). Or ||un − u||Lp → 0.

En effet, on écrit

un − u = φn [(φn ∗ u) − u] + [φn u − u],

29
et donc

||un − u||Lp ≤ ||(φn ∗ u) − u||Lp + ||φn u − u||Lp −→ 0.

Ensuite, grâce au lemme 2.1, on a

u′n = φ′n (φn ∗ u) + φn (ρn ∗ u′ ).

Par conséquent,

||u′n − u′ ||Lp ≤ ||φ′n (φn ∗ u)||Lp + ||φn (ρn ∗ u′ ) − u′ ||Lp


c
≤ ||u||Lp + ||(‘ρn ∗ u′ ) − u′ ||Lp + ||φn u′ − u′ ||Lp −→ 0,
n

où c = ||φ′ ||L∞ .

Définition 2.6

Soient X et Y deux espaces de Banach dans Ω tel que Y ⊂ X.

On dit que Y s’injecte continûment dans X, et on écrit Y ,→ X, si :

(∃c ∈ R+ )(∀u ∈ Y ), ||u||X ≤ c||u||Y .

On dit que Y s’injecte de manière compacte dans X, si :

Id : Y → X est compacte.

C’est à dire pour toute suite (yn )n de Y N bornée, il existe x ∈ X et une

sous-suite (ynk ) de (yn ) tel que Id(ynk ) → x dans X.

Définition 2.7

Soit Ω un ouvert de Rn et k ∈ N, on désigne par C k (Ω) l’espace des fonctions

définies sur Ω à valeurs dans R ou C, qui sont k-fois continûment dérivables.

30
On désigne par C k (Ω) le sous-espace de C k (Ω) des fonctions réelles ou com-

plexes dont les dérivées partielles jusqu’à l’ordre k existent et sont continues

jusqu’au bord de Ω.

L’espace C k (Ω) est muni de la norme

||f ||C k = sup ||∂ α f ||∞ ,


|α|≤k

C k (Ω) muni de cette norme est un espace de Banach.

Théorème 2.5 (Théorème d’injection)

Il existe une constante C (dépendant seulement de mes(Ω) ≤ ∞) telle que

||u||L∞ (Ω) ≤ C||u||W 1,p (Ω) , ∀u ∈ W 1,p (Ω), 1 ≤ p ≤ ∞, (2.9)

autrement dit W 1,p (Ω) ⊂ L∞ (Ω) avec l’injection continue pour tout

1 ≤ p ≤ ∞.

1. L’injection W 1,p (Ω) ⊂ C(Ω) est compacte pour 1 < p ≤ ∞.

2. L’injection W 1,1 (Ω) ⊂ Lp (Ω) est compacte pour 1 ≤ p < ∞.

Preuve

La première étape de montrer (2.9) pour Ω = R, le cas général s’en déduit

grâce au théorème de prolongement.

Soit v ∈ Cc1 (R). Si 1 ≤ p < ∞, on pose G(s) = |s|p−1 s, la fonction w = G(v)

appartient à Cc1 (R) et w′ = G′ (v)v ′ = p|v|p−1 v ′ .

Puisque [G(v(x))]′ = G′ (v(x))v ′ (x), on a pour tout x ∈ R


Z x
G(v(x)) = p |v(t)|p−1 v ′ (t)dt,
−∞

31
car lim G(v(y)) = 0 ; puisque G(v) ∈ Cc1 (R). Estimons maintenant |v(x)|p .
y→∞

Par l’inégalité de Hölder, on a


Z
p
|v(x)| = |G(v(x))| ≤ p|v(t)|p−1 |v ′ (t)|dt
R

≤ p||v||p−1
Lp

′ ||v ||Lp .

p
En se rappelant que p′ = p−1
, on obtient

|v(x)|p ≤ p||v||p−1 ′
Lp ||v ||Lp .

Si on applique l’inégalité de Young et les deux inégalités

1 1 1
(ap + bp ) p ≤ |a| + |b|, p p ≤ e e ,

on obtient,

||v||L∞ ≤ C||v||W 1,p ∀v ∈ Cc1 (R), (2.10)


1
où C = e e est une constante universelle.

La démonstration se termine en raisonnant par densité. On prend u ∈ W 1,p

et d’après le théorème de densité, il existe une suite (un )n ∈ Cc1 (R) telle

que un → u dans W 1,p (R). En appliquant (2.10), on remarque que (un )n est

de Cauchy dans L∞ . Donc un → u dans L∞ et on obtient notre inégalité

cherchée.

Nous démontrons maintenant la seconde partie. Prenons F la boule unité de

W 1,p (Ω) avec 1 < p ≤ ∞. Pour u ∈ F et grâce à l’inégalité de Hölder, on

obtient
Z y 1 1
|u(x) − u(y)| = u′ (t)dt ≤ ||u′ ||Lp |x − y| p′ ≤ |x − y| p′ ; ∀x, y ∈ Ω.
x

32
D’après le théorème d’Arzela-Ascoli, on F est relativement compact dans

C(Ω).

Par linéarité de la compacité, on obtient que W 1,p (Ω) est relativement com-

pact dans C(Ω).

La seconde partie se base sur un théorème assez technique dont nous ne par-

lerons pas ici. Nous admettrons, donc la seconde partie sans démonstration.

Pour les intéressés vous pouvez consulter [2].

Théorème 2.6 (Théorème de Rellich)

Si Ω est un ouvert borné de Rn à bord lipshitzien. Alors

H m (Ω) ,→c H m−1 (Ω), pour tout m ∈ N∗ .

En particulier, pour tout m dans N, H m (Ω) ,→c L2 (Ω).

De plus, H01 (Ω) ,→c L2 (Ω).

2.5 Traces

Le but essentiel de ce paragraphe est de montrer que la restriction d’une

fonction u sur ∂Ω a un sens même si u n’est pas continue.

Définition 2.8

On note par dσ la mesure sur ∂Ω induite par la mesure de Lebesgue dans

Rn , et on considère l’espace L2 (∂Ω) défini par

L2 (∂Ω) = {fonctions de carré intégrable sur ∂Ω par rapport à dσ}.

33
Théorème 2.7 (Admis)

Soit Ω un ouvert à bord lipschitzien , alors l’application

γ0 : C ∞ (Ω) → L2 (∂Ω)

u 7→ u|∂Ω ,

s’étend à une fonction continue de H 1 (Ω) dans L2 (∂Ω), cet opérateur appelé

opérateur trace.

Théorème 2.8

Soit Ω un ouvert de Rn à bord lipschitzien. Alors

H01 (Ω) = {u ∈ H 1 (Ω)/γ0 u = 0 sur ∂Ω}.

∂u
H02 (Ω) = {u ∈ H 2 (Ω)/γ0 u = γ0 = 0 sur ∂Ω},
∂ν
∂u
où ∂ν
:= ∇u ν appelée dérivée normale sur ∂Ω, avec ν est le vecteur unitaire

normal extérieur à ∂Ω.

Formule de Green : (Admis)

Soit Ω in ouvert borné de Rn à bord lipschitzien, alors pour toutes fonctions

u et v dans H 1 (Ω), on a
Z Z
∂u ∂v
v+u dx = γ0 u γ0 v νi ds, ∀i = 1, ..., n.
Ω ∂xi ∂xi ∂Ω

Corollaire 2.1

Si Ω est un ouvert borné de Rn à bord lipschitzien, alors pour tout u dans

H 2 (Ω) et v dans H 1 (Ω) on a


Z Z Z
∂u
∆u v dx = v ds − ∇u ∇v dx.
Ω ∂Ω ∂ν Ω

34
Démonstration du corollaire 2.1
∂u
∀i = 1, ..., n, on applique la formule de Green à ∂xi
à la place de u, et on

aura
Z   Z Z
∂ ∂u ∂u ∂v ∂u
v dx + dx = v νi ds,
Ω ∂xi ∂xi Ω ∂xi ∂xi ∂Ω ∂xi
donc
∂ 2u
Z Z Z
∂u ∂v ∂u
v dx + dx = νi v ds.
Ω ∂x2i Ω ∂xi ∂xi ∂Ω ∂xi
Par addition
n n n
∂ 2u
Z X Z X Z X
∂u ∂v ∂u
2
v dx + dx = νi v ds,
Ω i=1 ∂xi Ω i=1 ∂xi ∂xi ∂Ω i=1 ∂xi

Z Z Z
∆u v dx + ∇u ∇v dx = ∇u ν v ds.
Ω Ω ∂Ω

D’où
Z Z Z
∂u
∆u v dx = − ∇u ∇v dx + v ds.
Ω Ω ∂Ω ∂ν

2.6 Espaces de Sobolev d’ordre entier négatif

Définition 2.9

On désigne par H −m (Ω) (pour m ∈ N∗ ), le dual topologique de H0m (Ω) muni

de la norme

||u||H −m (Ω) = sup | < u, v >H −m (Ω),H0m (Ω) |


||v||H m (Ω) =1
0

35
Remarques 2.3

1. Si v ∈ L2 (Ω), on peut l’identifier à un élément de H − 1(Ω) en utilisant

la forme linéaire définie par le produit scalaire de L2 (Ω), i.e.


Z
< v, w >H −1 (Ω),H01 (Ω) = v w dx, ∀w ∈ H01 (Ω),

qui est linéaire par linéarité de l’intégrale. Sa continuité sur H01 (Ω)

découle des inégalités de H´’older et de Poincaré. En effet, soit w ∈

H01 (Ω), on a
Z
v w dx ≤ ||v||0,Ω ||w||0,Ω ≤ ||v||0,Ω c(Ω) |w|1,Ω ,

et on a
Z
||v||H −1 = sup v w dx ≤ c(Ω) ||v||0,Ω .
|w|1,Ω =1 Ω

On aura ainsi H01 (Ω) s’injecte continûment dans L2 (Ω) qui s’injecte

continûment dans H −1 (Ω) (i.e. H01 (Ω) ,→ L2 (Ω) ,→ H −1 (Ω)).

2. Si Ω = Rn , on aura

H 1 (Rn )
H01 (Rn ) = D(Rn ) = H 1 (Rn ),

et donc

H −1 (Rn ) = (H 1 (Rn )) .

Mais si Ω ̸= Rn , on n’a pas en général H −1 (Ω) = (H 1 (Ω) .

36
Chapitre 3

Application

3.1 Rappel

Soit V un espace de Hilbert muni du produit scalaire (., .)V et de la norme

||.||V . Soit a une forme bilinéaire continue

a:V ×V →R

(u, v) 7→ a(u, v).

La continuité signifie qu’il existe M > 0, tel que

|a(u, v)| ≤ M ||u||V ||v||V , ∀u, v ∈ V.

Nous considérons le problème variationnel abstrait suivant : Etant donné

F ∈ V ′ , trouver u ∈ V solution de

(P ) a(u, v) = F (v), ∀v ∈ V.

L’existence et l’unicité d’une solution de ce problème sont basées sur la coer-

civité de la forme bilinéaire a.

37
Définition 3.1

On dit que a est V-elliptique ou coercive sur V si et seulement il existe α > 0,

tel que

a(u, v) ≥ α ||u||2V , ∀u ∈ V.

Nous énonçons le résultat suivant connu sous le nom du lemme de Lax-

Milgram.

Théorème 3.1 Soit a une forme bilinéaire continue et V -elliptique, et F ∈

V ′ , alors le problème variationnel (P) admet une solution unique u ∈ V . De

plus, on a le résultat de continuité de la solution par rapport aux données :


1
||u||V ≤ ||F ||V ′ .
α
Inégalité de Poincaré dans H01 (Ω)

Soit Ω un ouvert borné, alors il existe une constanteC = C(Ω) > 0, telle que

||v||0,Ω ≤ C(Ω) ||∇v||0,Ω , ∀v ∈ H01 (Ω).

Inégalité de Poincaré dans HΓ10 (Ω)

Soient Ω un ouvert borné connexe de Rn de frontière ∂Ω de classe C 1 par

morceaux et Γ0 ⊂ ∂Ω, tel que mes(Γ0 ) > 0. On définit l’espace

HΓ10 (Ω) = {v ∈ H 1 (Ω)/ v/Γ0 = 0},

et on note par |.|1,Ω la semi–norme définie sur H 1 (Ω) par


n
! 21
X ∂v 2
|v|1,Ω = || ||0,Ω .
i=1
∂x i

En admettant que l’injection canonique de H 1 (Ω) dans L2 (Ω) est compacte.

De plus, |.|1,Ω induit une norme sur HΓ10 (Ω) équivalente à celle induite par la

norme ||.||1,Ω .

38
3.2 Problème aux limites mixte général de se-

cond ordre

Nous allons maintenant étudier un problème aux limites mixte général

d’ordre 2 de type Dirichlet-Neumann. Soit Ω un ouvert borné et connexe de

Rn de frontière Γ = ∂Ω de classe C 1 par morceaux. Soient Γ0 et Γ1 deux

parties complémentaires de Γ (i.e. Γ = Γ0 ∪ Γ1 et Γ0 ∩ Γ1 = ∅). On cherche

à montrer l’existence et l’unicité de la solution du problème suivant






 −∇.(k ∇u) = f dans Ω

 k. ∂u
∂ν
=g surΓ1 (3.1)



 u=0 surΓ0 ,


n
X ∂ ∂u
−∇.(k ∇u) = (k ),
i=1
∂x i ∂x i

avec k une fonction de C 1 (Ω), vérifiant :

∃α > 0, tel que k(x) ≥ α, ∀x ∈ Ω.

On suppose que f ∈ L2 (Ω) et que g ∈ L2 (Γ1 ). En supposant que u ∈ H 2 (Ω)

soit solution de (3.1), en multipliant la première équation de (3.1) par v ∈

H 1 (Ω), puis en appliquant la formule de Green à l’équation


n Z Z
X ∂ ∂u
− (k )v dx = f v dx,
i=1 Ω ∂xi ∂xi Ω

on obtient
n Z n Z Z
X ∂u ∂v X ∂u
k dx − k νi v dσ = f v dx.
i=1 Ω ∂xi ∂xi i=1 Γ ∂xi Ω

39
Donc
Z Z Z
∂u
k∇u ∇v dx − k v dσ = f v dx.
Ω Γ ∂ν Ω

On remarque qu’on peut bien évidemment appliquer la formule de Green,


∂u
puisque k ∂x i
∈ H 1 (Ω), ceci parce que k ∈ C 1 (Ω) et u ∈ H 2 (Ω). Ainsi pour

tout v ∈ H 1 (Ω), telle que v/Γ0 = 0, on aura


Z Z Z
k∇u ∇v dx = f v dx + g v dσ.
Ω Ω Γ1

En prenant alors

V = {v ∈ H 1 (Ω)/ v/Γ0 = 0},


Z
a(u, v) = k∇u ∇v dx

Z Z
et F (v) = f v dx + g v dσ,
Ω Γ1

on aura ainsi montré que u est solution du problème variationnel suivant



 Trouver u ∈ V tel que

(3.2)
 a(u, v) = F (v), ∀v ∈ V

Inversement, si u est solution de (3.2), on au ∈ V et donc u/Γ0 = 0. D’autre

part, comme D(Ω) ⊂ V , on aura

a(u, v) = F (v), ∀v ∈ D(Ω),

donc
n Z Z
X ∂u ∂v
k dx = f v dx, ∀v ∈ D(Ω),
i=1 Ω ∂xi ∂xi Ω

d’où
n
X ∂u ∂v
<k , > = < f, v > ∀v ∈ D(Ω),
i=1
∂xi ∂xi

40
par suite
n
X ∂ ∂u
− < (k ), v > = < f, v > ∀v ∈ D(Ω).
i=1
∂xi ∂xi
Par conséquent

−∇.(k ∇u) = f dans D′ (Ω).

Or comme f ∈ L2 (Ω), alors

−∇.(k ∇u) = f presque par tout dans Ω.

Maintenant si u la solution de (3.2) est dans H 2 (Ω), comme k ∈ C 1 (Ω) alors


∂u
, k ∂xi
∈ H 1 (Ω), ∀i, tel que 1 ≤ i ≤ n. Ainsi, en appliquant la formule de

Green à (3.2), on obtient, pour tout v ∈ V


n Z   Z Z Z
X ∂ ∂u ∂u
a(u, v) = − k v dx+ k νi v dσ = f v dx+ g v dσ.
i=1 Ω ∂xi ∂xi Γ ∂xi Ω Γ1

Donc
Z Z Z Z
∂u
− ∇.(k ∇u) v dx − k v dσ = f v dx + g v dσ.
Ω Γ1 ∂ν Ω Γ1

Il résulte de cette formule que


Z  
∂u
k. − g v dσ = 0, ∀v ∈ V.
Γ1 ∂ν

En utilisant le résultat de densité de l’espace des traces sur Γ1 des fonctions

de V dans L2 (Γ1 ) (admis), comme k ∈ C 1 (Ω) ⊂ C(Ω) et u ∈ H 2 (Ω), alors


 
∂u
k. / − g ∈ L2 (Γ1 ),
∂ν Γ1

par suite il va exister une suite (vj )j ⊂ V , telle que

∂u
lim vj /Γ1 = − g dans L2 (Γ1 ).
j→∞ ∂ν

41
Il est alors facile de voir que
Z   Z  2
∂u ∂u
lim − g vj dσ = −g dσ.
j→∞ Γ1 ∂ν Γ1 ∂ν

Or comme
Z  
∂u
− g vj dσ = 0, ∀j,
Γ1 ∂ν
donc
Z  2
∂u
−g dσ = 0,
Γ1 ∂ν
d’où
∂u
= g presque par tout sur Γ1 .
∂ν
Par suite u est solution du problème (3.1).

Remarque

Dans la suite, nous allons montrer que la formulation variationnelle (3.2)

du problème aux limites mixte admet une solution unique dans V ⊂ H 1 (Ω)

appelée la solution faible de (3.1). Si l’ouvert Ω est assez régulier, on peut

récupérer la régularité H 2 (Ω) de cette solution et donc l’existence et l’unicité

d’une solution de (3.1).

Nous avons alors le résultat suivant

Théorème 3.2

Si l’ouvert Ω est de classe C 2 , alors la solution u de (3.2) est en fait dans

H 2 (Ω) et donc elle est l’unique solution de (3.1).

Montrons maintenant que le problème (3.2) admet une solution unique dans

V.

42
On a la forme a est bilinéaire par linéarité de l’intégrale. On a aussi a est

continue et coercive. En effet, soit (u, v) ∈ V × V, on a


Z
|a(u, v)| ≤ k ∇u ∇v dx

≤ ||k||∞ |u|1,Ω |v|1,Ω ,

donc a est continue sur V × V , de plus on a


Z
a(u, u) = k(∇u)2 dx ≥ α|u|21,Ω ,

par suite a est V -elliptique. D’autre part, la forme F est linéaire par linéarité

de l’intégrale et elle est continue sur V . En effet, soit v ∈ V , on a


Z Z
|F (v)| ≤ f v dx + gv dσ
Ω Γ1

≤ ||f ||0,Ω ||v||1,Ω + ||g||L2 (Γ1 ) ||v||L2 (Γ1 ) .

La continuité de l’application trace de H 1 (Ω) dans L2 (Γ1 ) entraîne qu’il existe

M > 0, tel que

||v||L2 (Γ1 ) ≤ M ||v||1,Ω .

Donc

|F (v)| ≤ (||f ||0,Ω + M ||g||L2 (Γ1 ) )||v||1,Ω

≤ C(Ω)(||f ||0,Ω + M ||g||L2 (Γ1 ) )|v|1,Ω ,

où C(Ω) est la constante de Poincaré. Par suite, d’après le lemme de

Lax-Milgram, il existe une unique solution u ∈ V de (3.2).

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Bibliographie

[1] A. Adams Sobolev Spaces. Elsevier, London, 2003.

[2] H. Brezis Analyse fonctionnelle : théorie et application. Masson, Paris,

1983.

[3] P. A. Raviart, J. M. Thomas, Introduction à l’analyse numérique des

équations aux dérivées partielles, Masson, (1992).

[4] C. Claude Zuily, Distributions et équations aux dérivées partielles, Exer-

cices corrigés, Hermann, (1994).

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