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le shofar

REVUE MENSUELLE DE LA COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE LIBÉRALE DE BELGIQUE

N° d’agréation P401059 SEPTEMBRE 2006 — N°277 / Eloul 5766

SYNAGOGUE
BETH HILLEL
BRUXELLES

Am Israël Haï!
Le Shofar est édité par la
COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE LIBÉRALE
N°277 septembre 2006 / Eloul 5766 DE BELGIQUE A.S.B.L.
N° d’agréation P401059 N° d’entreprise : 408.710.191
Synagogue Beth Hillel
RE VUE MENSUELLE DE L A
80, rue des Primeurs,
COMMUNAUTÉ ISR AÉLITE
LIBÉR ALE DE BELGIQUE
B-1190 Bruxelles
Tél. 02 332 25 28
EDITEUR RESPONSABLE : Fax 02 376 72 19
Rabbin Abraham Dahan www.beth-hillel.org
COORDINATION : info@beth-hillel.org
Jacqueline Wiener-Henrion CBC 192-5133742-59
COMITÉ DE RÉDACTION :
Rabbi Abraham Dahan, Rabbi RABBINS : Abraham Dahan
Floriane Chinsky, Ralph Bisschops, et Floriane Chinsky
Serge Boruchowitch, Gilbert
Lederman, Philippe Lewkowicz, CONSEIL D’ADMINISTRATION :
Jacqueline Wiener, Emmanuel Wolf Patrick Ebstein, Paul-Gérard Ebstein,
Ephraïm Fischgrund, Josiane
ONT EGALEMENT COLLABORÉ A Goldschmidt, Gilbert Lederman, Philippe
CETTE LIVRAISON : Lewkowicz, Willy Pomeranc, Chantal
Rabbin Alain Michel, Mischaël Renson, Elie Vulfs, Jacqueline Wiener-
Modrikamen, Nathan Giroul, Anna Henrion, Emmanuel Wolf, Sabrine Wolf.
Erckens, Joël Hochner, Josiane
Goldschmidt, Monique D’Heu, Kris Les textes publiés n’engagent que
Richard-Letz, Paul-Gérard Ebstein. leurs auteurs.

MISE EN PAGES :
www.inextremis.be
Sommaire
ÉDITORIAL
05 De generation en generation on s’est dressé
contre nous pour nous anéantir…,
par Rabbi Abraham Dahan

07 LE MOT DU PRÉSIDENT
par Philippe Lewkowicz

JUDAÏSME
08 L’homme peut-il changer?
Par Rabbi Abraham Dahan

11 Les fêtes de Tichri, relire le passé


à la lumière d’un nouvel avenir,
par Rabbi Floriane Chinsky

14 Changer vers quoi? Tichri, le courage


d’explorer des territoires inconnus,
par Rabbi Floriane Chinsky

16 Parashat Devarim, Les paroles de la Torah,


par le rabbin Alain Michel

18 Les Juifs et la vengeance,


par Ralph Bisschops, Dr. Phil.

10 COMMUNAUTÉ – CULTURE
20 Agenda

21 Am Israël Haï,
par Emmanuel Wolf

22 Israël, sentinelle de notre liberté,


par Mischaël Modrikamen

23 Nos Bné Mitsva,


par Nathan Girou, Anna Erckens et Joël Hochner

25 Talmidi, petit poisson deviendra grand…,


par Josiane Goldschmidt

18 26 Talmidi, le talmud tora de Beth Hillel

27 L’Histoire d’Ies,
par Monique D’Heu

28 Le monde ne nous aime pas…,


par Kris Richard-Letz

29 A propos du devoir de mémoire,


par Paul-Gérard Ebstein

30 A la mémoire d’Hiram Harry Bingham

31 Un peu d’humour

48 31 Informations utiles
Pour l’organisation de vos Simhot
Un nom: Solange!
Un numéro: 0497.57.47.27!
ÉD I TO R I A L le shofar

De génération en génération
on s’est dressé contre nous
pour nous anéantir… (Haggadah de Pessach)
Par Rabbi Abraham Dahan

Nous sommes le 10 août, le 18 Av, et à l’ho- en jeu. Car il ne faut pas s’y tromper. Il ne
rizon déjà se profilent les fêtes de Tichri. s’agit pas ici d’un problème de colonies ou
Notre cri d’espérance, vieux comme notre de territoires occupés, comme certains en
peuple, s’élèvera encore silencieux et puis- Europe- et ils sont nombreux malheureuse-
sant de nos cœurs, comme si nous frappions ment – feignent de le croire. Il s’agit de la
de toute la force de nos poings aux portes destruction totale d’Israël et de son peuple.
de l’univers: «Seigneur, pourquoi? Jusqu’à C’est le projet proclamé, le programme et
quand la violence, la guerre, déchireront-ils le but des ennemis impitoyables d’Israël.
notre pauvre planète et nos vies? Pourquoi S’ils en avaient le pouvoir militaire pour un
le point infime qu’est la terre, dans ton uni- jour, rien qu’un jour, Israël n’existerait plus.
vers immense et infini, est-il secoué sans Et l’Europe le sait. Et alors, en Europe, on 5
cesse de convulsions mortelles? Jusqu’à ferait de grandes manifestations, de grands
quand et pourquoi, Maître de l’Univers?» discours de compassion, un enterrement de
première classe. Nous connaissons le misé-
Il y a quelques années, un livre, «La fin de rable refrain.
l’histoire», défendait la thèse qu’après la
chute de l’Union Soviétique, il n’y aurait L’angoisse étreint nos cœurs. Alors, où
plus de conflits majeurs et que notre monde puiser l’espoir? Comment trouver les mots
pouvait enfin connaître une ère de paix. Et pour l’exprimer encore? C’est vrai que no-
voici que du chapeau des choses humaines tre vieux peuple a de tous temps connu des
sort un nouveau diable, l’islamisme radical, épreuves épouvantables. Notre histoire peut
qui porte ses coups mortels partout, une vio- se lire comme un long catalogue d’écrase-
lence tous azimuts, qui frappe sans distinc- ments, de persécutions, d’accusations, de
tion de lieux et de peuples juifs, chrétiens, déchéances, jusqu’à l’impensable, jusqu’à la
musulmans…. Une violence terrifiante, caricature. Et nous avons survécu. Disper-
aveugle, absurde et au nom de Dieu. sés, éparpillés, honnis, bannis, nous avons
traversé empires et civilisations immen-
Voici qu’Israël, qui vibrait de l’espoir fou ses et qui paraissaient éternels. Ils se sont
qu’enfin, la paix commencerait à s’ouvrir écroulés et nous en sommes sortis blessés,
avec ses voisins pour créer un espace meurtris, mais vivants et présents.
d’éducation de nos enfants en commun de
prospérité, d’échange et de sécurité pour Comme les vagues de la mer qui déboulent
toute la région, se voit plongé sans l’avoir et grondent avant de s’éteindre, sont les
voulu dans une guerre cruelle, où la vie civilisations et les cultures. Elles se suc-
même du peuple d’Israël et du pays est mise cèdent, passent sur le minuscule galet d’Is-
ÉD I TO R I A L

raël, le secouent, le projettent violemment, que génération ils se sont dressés contre
l’écrasent, mais aussi le polissent dans son nous pour nous anéantir et nous avons été
humanité avant de disparaître pour être sauvés» (Haggadah de Pessach).
remplacés par d’autres… Je ne me rappelle
plus quel roi d’un pays d’Europe demanda, Israël ne veut pas la guerre. Israël souffre. Il
paraît-il, un jour à un de ses ministres la est déchiré de voir tomber ses enfants, dé-
preuve de l’existence de Dieu: Sire, les Juifs, chiré de devoir tuer pour survivre. La guer-
fut la réponse du ministre. re, il ne s’en réjouit jamais, ni de la mort de
ses ennemis. Il ne la danse ni ne la chante. Is-
Le peuple juif, comme Israël aujourd’hui, raël sait que la guerre est toujours violence,
a été toujours dans l’œil du cyclone. Pour- qu’elle est toujours un échec, même quand
quoi? Peut-être parce que de tous temps, sa elle est imposée, même quand il la faut pour
différence intriguait, effrayait. Parce que sauver son pays et son peuple, même quand
les grandes religions qui sont nées du Ju- on en sort vainqueur. Même s’il est minus-
daïsme ont longtemps cru que pour exister cule par rapport à ceux qui l’assiègent et
il fallait tuer le père et l’ont accablé de tou- projettent sa fin impitoyablement, même s’il
tes les malédictions imaginables et inima- est souvent seul, Israël est fort étonnement
ginables. Mais surtout, parce que le peuple et debout. Mais surtout, il nous a, à nous,
juif a été de tous temps et reste minuscule, Juifs de la diaspora. Il a notre soutien, no-
éparpillé, sans pouvoir réel qui puisse faire tre présence et notre solidarité sans failles.
le poids par rapport aux multitudes. En po- Son but ultime et son projet, c’est la paix
litique, il n’y a pas d’amis ou de sentiments, avec ses voisins. Puisse la multitude des
mais uniquement des intérêts… peuples arabes le comprendre et accepter
6 au sein de leur immense territoire le petit
Notre survie n’est pas logique, mais elle est Etat d’Israël, à côté de l’Etat Palestinien,
là. D’ailleurs, rien dans l’histoire d’Israël libres et souverains, avec eux et parmi eux
n’est logique. pour le bien et la prospérité de toute cette
région. Nos prières de Roch Hachana et de
Une rétrospective rapide de cette histoire Yom Kippour diront encore et encore notre
nous montre très vite, comme le fait la Hag- espérance et la fraternité en Abraham qui
gadah de Pessach, que depuis Laban, le doit unir tous ceux qui invoquent le Dieu
propre beau-père de Yakov Israël, en pas- Un. Et c’est justement l’histoire d’Abraham,
sant par le pharaon, Amalek alors que les notre père commun, qui est au cœur de la
hébreux sont hagards dans le désert juste liturgie de Roch Hachana. ■
après leur libération, Balak le roi de Moab,
Hamman et tous les tyrans et les Staline de Chana Tova à toutes et à tous,
l’histoire, jusqu’à Hitler, leur projet ultime
était la destruction du peuple juif: «A cha- Rabbi Abraham Dahan.

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L E M OT D U PR ÉS I D E N T le shofar

Des vœux et de l’espoir Philippe Lewkowicz

C’est la mi août, les impératifs techniques obligent à clôturer la remise des articles afin que no-
tre périodique soit entre vos mains en ce début septembre. Dans un billet précédent, je précisais
déjà que notre démarche et notre périodicité ne prêtait pas à suivre l’actualité.
Mais comment écrire un souhait de bonne année quand j’entends à la télévision la sirène appeler
les habitants de Haïfa aux abris ou en voyant le deuil des familles qui viennent de perdre un
proche victime de la terreur des extrémistes islamistes.
De la même façon, je ne peux que me morfondre en voyant ce que subit le Liban pris en otage
par le Hezbollah.
Le cessez feu si fragile nous nourrit d’espoirs et d’inquiétudes pour l’avenir. La dernière vitupé-
ration du président iranien affirmant que nous n’en sommes qu’au début de la guerre et que la
bataille continuera plus tard nous effraie.
La paix est elle un rêve si fou ?
Notre action ici, loin d’être dérisoire, doit être celle d’une communauté unie dans sa diversité.
Nous devons continuer à poser des actes positifs de solidarité.
Notre vigilance face à la désinformation doit être maintenue face à une presse belge qui dans
sa toute grande majorité a déjà désigné le coupable sans tenir aucun compte de la réalité des
faits, et quand celle-ci va par trop à l’encontre de leurs thèses, il leur est si facile de ne rien dire
ou pis encore de noyer une information qui ne leur convient pas par des analyses ou des images
contraires ou déformées dans des proportions absurdes.
Au fil de l’histoire, Israël, l’Etat, mais aussi Israël, le descendant de Yaacov, le peuple juif, a 7
toujours été vilipendé. Les historiens répondront mieux que moi sur l’origine de ce rejet. Mais je
ne peux me résoudre à n’y voir que des causes négatives. Bien au contraire, je pense que notre
histoire riche de textes et de traditions explique bien des choses.
Notre culture fondamentale, c’est l’étude, celle de la Torah bien sûr, mais au-delà, celle de la vie,
de l’apprentissage en vue de la compréhension. Cela induit la responsabilité individuelle de cha-
cun en vue de la construction ou à tout le moins de l’amélioration du monde qui nous entoure.
Car sans cette conscience, cette éthique, notre connaissance devient inhumaine. Nous devons,
nous voulons, nous espérons faire quelque chose qui grandit le monde. Et tout acte, même in-
fime, est important. C’est cette démarche si extraordinaire qui dérange probablement car elle
ne laisse pas les coudées franches à ceux qui ont le pouvoir ou qui veulent le prendre.
Mais le paradoxe est que cette même démarche emplit de bonheur celui qui en a conscience,
qu’il soit juif ou non. Mais en tant que juif, savoir que l’étude et l’éthique font partie de mon patri-
moine, que je l’ai reçu en héritage et qu’il m’appartient de le transmettre, quelle joie.
Alors c’est résolument avec optimisme que je souhaite à tous nos membres une belle et douce
année 5767 où chacun pourra, avec joie et santé, accomplir ses projets et verra s’épanouir ceux
de ses proches.
Au nom de toute la communauté, j’adresse un vibrant Chana Tova à Israël et à ses représentants
en Belgique. Que dans un avenir proche, la lumière de la paix éclaire enfin ce Moyen Orient trop
longtemps ébranlé par la guerre et la terreur.
Je présente enfin mes meilleurs vœux au Ychouv, qui je n’en doute pas trouvera les ressources
pour construire une communauté harmonieuse dans ses relations internes et des partenaires
pour un dialogue intercommunautaire riche et fécond où toutes formes d’extrémisme et de
refus seront enfin bannis.
J U DA Ï S M E

L’homme peut-il changer?


Par Rabbi Floriane Chinsky

La période qui va du 1er Eloul à Yom Kippour, le 10 Tichri, c’est-à-dire cette an-
née du jeudi 24 août au lundi 2 octobre, est marquée du sceau de la miséricorde,
«Yemé Rakhamim». C’est au bout de ces 40 jours que Moïse redescendit du Sinaï
avec les deuxièmes Tables de la Loi et le pardon pour Israël.

C’est un temps particulièrement propice bien: «Connais ton problème, reconnais-le


au pardon, à l’interrogation, une temps de et agis-le».
conscience plus aigue sur le sens de nos
vies et de nos actes, pour faire remonter - Donc, retour, réponse, formulation, action,
du tréfonds de la pâte souvent opaque, dure tout cela est dans la tchouva, mais aussi
et trouble de nos êtres – affleurer et vibrer l’idée de regretter, avoir honte, rougir. En
et s’éclairer «l’humain». hébreu «busha», la honte, le regret.

A cette démarche notre vieux Judaïsme Mais l’homme peut-il changer? Nous sa-
donne, depuis l’aube des temps, le nom si- vons que nombreux sont ceux qui pensent
8 gnificatif de «Tchouva», mot qui dérive de que non. Dès le jeune âge, les traits essen-
la racine «chouv», revenir, retour, retour à tiels du caractère et de la personnalité sont
soi, à son créateur. D’où l’idée de repentan- fixés. C’est ce que semble indiquer ce verset :
ce, qui souvent est utilisée pour traduire la «Dans ses jeux déjà, se révèle le caractère
notion de «tchouva». d’un enfant».

Mais «tchouva» signifie aussi réponse. Car Les sages semblent partager cette opinion.
la repentance vraie implique interrogation Un Esaü ne se transformera pas, bien sûr,
et réponse quant à notre vie, ce que nous en Jacob, ni le contraire. Et cependant, il y
en faisons et le sens que nous lui donnons. a dans la pensée rabbinique un refus cons-
La liturgie des fêtes de Tichri résume cette tant du fatum, d’un destin inexorable et
exigence par une formule saisissante «out- fermé. La lucidité, chez eux, ne rejoint ja-
chouva, outefila, outsedaka ma’avirim et mais la démission. Rabbi Abahu: «Grande
roa hagzéra», littéralement: la tchouva, la est la tchouva, car elle a été prévue avant
prière et la tsedaka font passer la souffran- la création» et il cite un verset à l’appui
ce du décret. Mais une lecture au deuxième de son opinion, dont il bouscule un peu,
degré donnerait : la réponse, sa formulation c’est vrai, le sens premier: «Avant que les
claire - car la prière c’est d’abord ce qui est montagnes ne fussent nées, tu as prévu la
dit- , et l’action positive sont une condition tchouva, le retour possible jusqu’au der-
de la transformation de nos êtres. nier moment (Beréchit Rabba 1).

Cela rejoint étonnement une formule de Ainsi, dans la loi implacable qui gouverne
notre savoir actuel que les psy connaissent nos vies, dans certains domaines ont été
le shofar

prévues, avant même la création, des dé- si vous m’ouvrez un tout petit espace
rogations. Si l’homme le veut vraiment, il comme le chas d’une aiguille, je l’agran-
peut se transformer. Il y a comme des fenê- dirai pour vous en un portail où pour-
tres de grâce. ront s’engouffrer voitures et charriots
(Chir Hachirim Rabba 24).
C’est le même horizon qu’ouvre la conclu-
sion d’une discussion de deux ans et demie 4. Un choix toujours ouvert.
entre les écoles de Shammai et de Hillel: La prière est comparable à un mikvé, à
eut-il mieux valu que l’homme fut créé ou une piscine. Tantôt ouvert, tantôt fer-
ne fut pas créé? C’est déjà le fameux «to mé. La tchouva, c’est comme l’océan.
be or not to be» de Shakespeare. Et la ré- Ses portes sont toujours ouvertes.
ponse stupéfiante est la suivante: il eut
mieux valu que l’homme ne fut pas créé, 5. Une mystérieuse alchimie
mais maintenant que nous sommes là, il y a Resh Lakish: grande est la tchouva, car
des choses que nous pouvons entreprendre elle peut inverser des fautes volontaires
et améliorer. La notion de «tikkun», restau- en involontaires, et cela, c’est quand
ration, réparation, si centrale à notre tradi- seule la crainte la motive. Mais quand le
tion, s’exprime ici clairement. moteur, c’est l’amour, les fautes volon-
taires, commises sciemment, peuvent
Je vous propose quelques courts midra- s’inverser en mérites (Yoma 86 b). 9
chim sur la tchouva.
6. Pas une formule magique, mais un
1. Une démarche difficile mais possi- effort réel.
ble. Celui qui dit ‘je fauterai puis je me repen-
Deux choses sont proches et en même tirai’, sa tchouva est nulle (Yoma 85b).
temps lointaines pour chacun de nous:
la mort et la tchouva (Kohelet Rabba 8). 7. La vraie tchouva
C’est quand on se trouve devant la tenta-
2. La puissance de la tchouva tion de retomber dans son ancienne er-
Rav Hunna rapporte ces paroles de Rab- reur à plusieurs reprises et que, chaque
bi Hanina: «Caïn sortit devant l’Eternel fois, on y résiste et tient bon (Yoma 86b).
(Gen. 9.16). Après son crime il sortit
apaisé. Il rencontra son père Adam qui 8. Quand l’erreur devient expérience
lui demanda quel était son verdict. Il ré- La place de celui qui a fait tchouva est
pondit: ma tchouva a permis de trouver inaccessible au tsadik, à celui qui a tou-
un compromis (Vayikra Rabba 10) . jours été juste et n’a pas connu la ten-
tation et la faute. «La paix, la paix pour
3. Un tout petit effort peut avoir de celui qui est loin et pour celui qui est
grands résultats. proche»(Isaïe 57.19). Le prophète met
«Ouvre-moi ma sœur, mon amie, ma co- en premier celui qui est loin. Celui qui
lombe…» (Cantiques 5.2). C’est le Saint revient de loin. ■
béni soit-il qui dit à Israël: mes enfants, Chana Tova!
J U DA Ï S M E

Les fêtes de Tichri,


relire le passé à la lumière
d’un nouvel avenir Par Rabbi Chinsky

Les fêtes de Tichri marquent le recommencement, nous en faisons et ce que


l’anniversaire de la création du monde (Roch nous en ferons.
Hachana), la reprise du récit de la création
(SimHat Torah), le renouvellement de nos projets Ceci est vrai du monde en
et celui de nos relations à nos proches1. général, à l’échelle de l’hu-
manité. Pourtant, ceci nous
concerne plus intimement
Le Chofar, que nous faisons résonner pen- encore. En effet, la valeur de nos vies dé-
dant les fêtes lie la création du monde, le pend également de ce que nous décidons de
don de la Tora, et la rédemption future. réaliser. Notre naissance elle-même prend
10 Ces trois évènements sont accompagnés son sens dans nos actions présentes.
par ce son retentissant, cette déclaration
qu’un moment crucial est arrivé pour la Pour cette raison également, le passé n’est
Création entière. pas figé dans notre tradition. La Téchouva,
la « reprise en main » de nos vies éclaire
De Dvarim à Béréchit , du dernier livre de la le passé d’une lumière différente. Le passé
Tora au premier, de la parole de Moïse à la est lu à la lumière du présent. Le passé ne
parole divine, de la parole sociale à la pa- nous lie pas, il ne nous contraint à rien,
role créatrice, les fêtes de Tichri marquent nous pouvons changer d’orientation. Nous
le recommencement. Béréchit n’est pas gardons la capacité de changer. Notre pas-
réellement un commencement, mais plutôt sé lui-même prendra alors une signification
une reprise de l’année précédente. C’est différente. Il sera réécrit. L’espoir n’est ja-
la fin de l’histoire qui donne son sens au mais épuisé.
début « sof ma’assé bémaHchava téHila ».
C’est le livre de Dvarim qui donne un sens Notre tradition nous invite à saisir cette
au livre de Béréchit . C’est ce que nous fai- chance. Elle met en place pour nous l’am-
sons aujourd’hui qui donne un sens à la biance très particulière des fêtes de Tichri.
création entière. Cette ambiance nous permet un épanche-
ment des sentiments, une cristallisation
Pour cette raison que notre tradition con- des décisions ; elle remplit notre cœur de
sidère que la valeur du monde est jugée en confiance et d’espoir. A Roch Hachana,
chaque début d’année. L’univers n’a pas de nous prenons le temps de penser à notre vie.
valeur intrinsèque. Sa valeur tient à ce que Pendant les dix jours de « réflexion », nous
le shofar

testons nos décisions et nous demandons Que ces fêtes soient une occasion pour cha-
pardon à nos proches, nous pratiquons l’ac- que être humain de juger de son impact sur
te de tsédaka . Le jeûne de Yom Kippour, le monde, une occasion de favoriser les ap-
sa liturgie touchante et son intensité émo- pels à la responsabilité, une occasion d’aug-
tionnelle nous permettent de « sceller » menter la connaissance, le discernement et
nos décisions, de mettre notre cœur et nos le courage des dirigeants de tout bord. Que
sentiments en accord avec nos décisions. ces principes commencent, continuent ou
Souccot marque un retour à l’harmonie inspirent toujours davantage tous ceux qui
et à la confiance, la souc- prennent position sur la
ca , la cabane qui devient situation difficile qu’Israël
temporairement notre « Bénis sois-tu, traverse. Que cette année
habitation principale, est Eternel, qui bénit soit meilleure, et donne à
une souccat chalom , une son peuple Israël en chacun la chance de vivre
soucca de paix, celle que lui donnant la paix. » dans la paix, la sécurité et
l’Eternel étend selon notre le bonheur. Que s’accom-
demande de la prière du plisse la bénédiction que
soir « oufros alénou souccat chéloméHa ». nous répétons trois fois par jour et qui con-
SimHat Torah, enfin, marque le recom- clut la Amida :
mencement de la lecture de la Torah, no- « Bénis sois-tu, Eternel, qui bénit son peu-
tre conscience que notre relation au texte ple Israël en lui donnant la paix. »
n’est jamais finie, qu’il a toujours une cho-
se nouvelle à nous enseigner et que nous Comme chaque année, nous partagerons
avons toujours une nouvelle façon de le l’expérience extraordinaire de cette suc- 11
faire vivre. cession de fêtes qui nous amène de la
réflexion solennelle et de la prise de cons-
Ces fêtes s’inscrivent dans l’universalité2. cience parfois douloureuse à la joie. Ce
C’est le monde dans son intégralité dont on partage et cette intimité seront l’occasion
commémore la naissance et dont on estime de nous rapprocher encore en tant que
la valeur en ces jours de fêtes solennelles. communauté.
Elles sont un rappel pressant de notre res-
ponsabilité collective en tant qu’humanité. Chana Tova à chacun d’entre-nous. Que
Elles sont la façon spécifiquement juive cette année encore, nous nous inscrivions
d’exprimer et d’essayer d’assumer cette ensemble dans le livre des mérites, de la
responsabilité partagée. vie et du bien. ■

1 Roch Hachana, Yom Kippour, et la période de dix jours qui les séparent. Cette période est une période
de Téchouva, d’examen du passé et de nos relations passées, de réexamen critique, de décision de
changement dans nos vies et nos relations à autrui, de demande de pardon à nos proches pour les torts
qu’on a pu lui causer et de pardon à Dieu pour nos erreurs plus générales.

2 Voir l’article d’Alain Michel qui commente la paracha Dvarim dans le contexte de la signification de la
rentrée en terre d’Israël.
J U DA Ï S M E

Changer vers quoi ?


Tichri, Le courage d’explorer
des territoires inconnus Par Rabbi Chinsky

Sommes-nous satisfaits de nos vies ? Sommes-nous mon avis celle du judaïsme


heureux de notre quotidien, de nos relations avec tel qu’il s’est développé au
les autres, avec nos partenaires, nos enfants, nos cours des âges.
parents, nos collègues de travail ? La réponse peut
être positive ou négative. Si elle est négative, cet- Notre approche n’est pas
te réponse appelle un changement plus ou moins celle du dogme, elle est
pressant. Si elle est positive, peut-être avons-nous celle de l’exploration du
perdu toute ambition. Peut-être dans ce cas égale- terrain, du tâtonnement
ment devons-nous envisager de nous remettre en et de l’observation, de la
question, laHzor béchééla1. connaissance générale du
12 paysage qui nous permet
de rechercher librement la
Il est facile de souhaiter « que les choses meilleure orientation. Plus qu’un chemin
changent ». La difficulté est de définir le balisé, notre tradition est une recherche
changement et les moyens de l’effectuer. de la vérité, qui procède par approches
Ici encore, nous sommes confrontés à un successives. Le midrach 2 nous en donne
paradoxe : si nous savions clairement ce un exemple saisissant :
que nous cherchons, l’atteindre ne serait
pas très compliqué. Il suffirait de suivre le
plan, de lire les noms de rue au passage,
de demander son chemin aux passants, Moïse a dit : « Il rappelle la faute des pères
pour se retrouver au lieu de nos désirs (sur les enfants). » Ezéchiel est venu il l’a
de façon certaine. Certains d’entre-nous, annulé et il a dit : « L’âme qui a fauté, elle
adoptent cette approche. Ils trouvent des seule mourra. »
« modes d’emploi » et des guides, des « how
to » qu’ils suivent en croyant arriver à bon Ce texte soulève trois problèmes majeurs :
port. En tant que juifs, nous avons pour • Pourquoi Moïse affirme-t-il que la faute
devoir d’étudier la Torah. Certains peuvent des parents rejailli sur les enfants ? Cha-
la considérer comme un itinéraire fléché, cun n’a-t-il pas droit à sa propre chance
et investissent certains rabbins du rôle de dans la vie ?
l’agent de police, parfois réprobateur et • Pourquoi l’âme qui a fauté doit-elle
parfois « panneau indicateur ». mourir selon Ezéchiel ? Pourquoi la
condamner ?
Ce n’est pas l’approche de Beth-Hillel. Ce • Comment un prophète peut-il venir et
n’est pas celle du judaïsme libéral, ni à corriger ce qui a été dit dans la Torah
le shofar

elle-même, alors que la Torah revêt une Ce texte représente tout d’abord la recon-
autorité supérieure ? Quel prophète peut naissance d’une réalité sociale : le mode
se croire supérieur à Moïse ? de vie des parents rejailli nécessairement
sur les enfants, ne serait-ce que de par les
L’Etude de Torah ne consiste pas à appren- spécificités intrinsèques à la condition hu-
dre par cœur des textes et à les prendre maine : l’enfant humain ne parvient que
pour argent comptant. Elle consiste à lire très tard à l’indépendance, tout le temps où
des phrases et à laisser notre compréhen- il reste chez ses parents, son mode de vie
sion du monde s’y confronter. C’est pour est conditionné par leurs choix. Quand il
cela que les questions et les contestations prend ensuite sa vie en main, qu’il organise
ne nous font pas peur, de même qu’elles son espace et son temps, il applique natu-
n’inquiétaient pas les sages du passé. Le rellement les enseignements de sa maison
texte est là pour soulever notre enthou- de naissance. Il le copie ou en prend le con-
siasme, notre colère, notre réflexion, pour tre-pied. Réussir à sortir complètement
nous confronter à un paysage jusqu’ici in- des habitudes acquises dans l’enfance est
connu. La Torah n’a pas raison ou tort sur plus improbable. Ainsi, de fait, les fautes
le fond des histoires et des enseignements des parents ont un impact sur les enfants
qu’elle nous raconte. Il est d’ailleurs inter- et peuvent traverser les générations.
dit de tirer un enseignement direct de la
Torah elle-même : elle n’a aucun sens lors- Mais l’inverse aussi est vrai. Les bonnes
qu’elle n’est pas accompagnée de la sages- habitudes familiales influencent les généra-
se humaine et vécue de ceux qui l’étudient tions à venir. Chose incroyable, le texte de
et sont les dépositaires du savoir de ceux l’Exode affirme même que cette influence
qui l’ont étudiée précédemment 3. reste active jusqu’à la millième génération. 13
Le déséquilibre entre mauvaises et bonnes
Reprenons les questions qui émergent de influences est flagrant. L’espoir illimité.
notre midrach . Essayons d’imaginer les mille générations
qui nous ont précédées. Combien des justes
En quoi la faute des parents rejailli- ont pu les traverser ? Combien des sages-
rait-elle sur les enfants ? ses diverses sont-elles en germes dans cet
Les commentaires ne manquent pas. Reve- héritage ? Combien de graines de connais-
nons, ainsi qu’il faut toujours le faire, au sance ne demandent qu’à ce que nous pre-
texte lui-même. Le midrach cite ici le tex- nions la peine de les arroser ? Imaginons
te du deuxième des dix commandements les générations qui nous suivront. Imagi-
(Ex. XX :3-6) : nons-les imbibées de toutes nos qualités,
« Tu n’auras pas d’autre dieu que moi. Tu de celles de nos parents et de nos enfants.
ne te feras point d’idole, ni une image quel- Quel impact et quel enjeu que le développe-
conque de ce qui est en haut dans le ciel, ment de nos sagesses personnelles !
ou en bas sur la terre, ou dans les eaux au
dessous de la terre. Tu ne te prosternera Mais n’est-ce pas utopique ? Comment
point devant elles, tu ne les adoreras point croire qu’une telle préservation de nos
; car moi Eternel, ton Dieu, je suis un Dieu qualités serait possible ? Le doute est per-
jaloux (exclusif), qui poursuit le crime des mis. La réponse, à mon sens, réside dans le
pères sur les enfants jusqu’à la troisième réseau extraordinaire que tisse pour nous
et à la quatrième génération, pour ceux qui notre tradition. Elle est pour nous comme
m’offensent. Et qui étend ma bienveillance une corde qui vibre à travers les âges, qui
à la millième, pour ceux qui m’aiment et vibre de toutes les notes, de toutes les to-
gardent mes commandements. » nalités qui ont accompagné la vie de nos
J U DA Ï S M E

prédécesseurs, de nos ancêtres, de nos pa- sages sont considérés comme vivant même
rents. La corde de la Torah a vibré de tous après leur mort 4, car leur vie, même ache-
ces commentaires, qui nous parviennent vée, reste porteuse de sens. Les « mauvais »
encore, et accompagnent nos vies de leur sont assimilés à des morts, car même vi-
musique. La corde de nos traditions porte vants, ils se sont écartés du chemin de la
les sonorités de ce qu’elles représentaient vie. Ainsi peut-on également comprendre
pour nos parents, à la génération précé- la bénédiction de la Amida qui nous fait
dente, ou bien à celle d’avant, ou encore réaffirmer trois fois par jour : « Béni sois-
plus loin dans le passé. Combien de musi- tu Eternel, qui fait revivre les morts »,
ques insoupçonnées se réveillent en nous « BarouH ata adonaï, méHayé hamétim ».
lorsque nous entendons les mélodies sai-
sissantes des fêtes de Tichri, lorsque nous Le texte du prophète Ezéchiel réaffirme le
nous laissons entourer de leur nostalgie, choix individuel. Chacun peut « vivre » ou
de leur espoir, de leur désespoir ou de leur « mourir ». Nous pouvons tous, malgré le
joie éclatante ? Oui, les erreurs et les démérite des trois générations qui nous ont
réussites de nos parents rejaillissent précédés, nous appuyer sur le savoir faire
sur nos vies, il nous revient, à l’aide de et le savoir vivre de mille générations pour
ce mode de vie juif qui nous porte, de nous remettre au rythme de la vie et de la
faire résonner les réussites et les qua- recherche du sens. Notre vie et notre mort
lités dont nous sommes les héritiers sont dans nos mains. Tel est également le
pour les mille générations suivantes. sens des vœux que nous échangeons en
Tichri : soyez inscrits puis scellés dans le
L’âme qui a fauté doit-elle vraiment livre de la vie.
14 mourir selon Ezéchiel ?
Le sens de la citation (Ezéchiel XVIII : 20) du Perdre son chemin n’est pas quelque
midrach est très claire lorsqu’on en retrou- chose de définitif lorsqu’on peut s’ap-
ve le contexte : puyer sur le recommencement mis en
« C’est la personne qui pêche qui mourra ; place par les fêtes de Tichri, la té-
le fils ne portera pas la faute du père, ni le chouva – examen, compréhension de
père la faute du fils ; la justice est impu- ce qui arrive, décision d’y remédier, la
table au juste, la méchanceté du méchant téfila – prière, auto-examen quotidien,
au méchant. » cristallisation des décisions, et la tsé-
daka – justice sociale, inscription de
Il s’agit ici de définir l’application de la la décision sur le plan collectif, redé-
Justice. Si, sur le plan sociologique, les en- couverte de la capacité à faire le bien
fants peuvent subir les conséquences des autour de soi.
actes des parents, c’est bien sûr totalement
inacceptable sur le plan judiciaire. Comment un prophète peut-il venir et
corriger ce qui a été dit dans la Torah
Rappelons ici brièvement que la peine de elle-même, alors que la Torah revêt
mort ne doit pas être prise ici au sens pro- une autorité supérieure ?
pre. La littérature talmudique la rend en ef- L’audace des dépositaires de notre tradi-
fet quasiment impraticable déjà à l’époque, tion a permit à notre peuple de s’adapter
et absolument impraticable de nos jours. et de traverser l’histoire. Les sages du Tal-
Elle doit être prise ici au sens figuré. Per- mud ne font pas exception. Une première
dre le chemin de sa vie, s’exposer à perdre remarque doit être soulevée : d’après le mi-
le sens, perdre son âme, ne plus savoir ce drach, « Moïse a dit que ». La Torah est ici
que nous faisons là, c’est mourir. Ainsi les attribuée à Moïse et non à l’Eternel.
le shofar

Bien sûr, nous considérons qu’une vérité cheurs seront poursuivis par le mal. » On
éternelle s’exprime par l’intermédiaire a demandé à la Prophétie : « Le pêcheur,
de Moïse. Mais qui peut retranscrire une quelle est sa peine ? » Elle a dit : « L’âme
vérité si complexe ? Le message de Moïse qui a fauté mourra. » On a demandé à la
éclaire certaines des septante facettes de Torah : « Le pêcheur, quelle est sa peine ? »
la Torah. Ses suivants continuent leur re- Elle a dit : « Il amènera une expiation et
cherche. C’est l’étude de la Torah qui équi- il lui sera pardonné. » On a demandé au
vaut à tous les commandements, et non Saint, béni soit-il, « Le pêcheur, quelle est
pas sa répétition mécanique. sa peine ? » Il a dit : « Il changera (téchou-
vah) et il lui sera pardonné. C’est pour cela
Le deuxième des dix commandements nous qu’il est dit l’Eternel est bon et droit, pour
le rappelle dans ses premiers versets : cela il enseigne aux pêcheurs en chemin,
« Tu n’auras pas d’autre dieu que moi. car il leur enseigne la manière (dérèH)
Tu ne te feras point d’idole, ni une image pour qu’ils changent (téchouvah).
quelconque de ce qui est en haut dans le
ciel, ou en bas sur la terre, ou dans les Cette mise en scène est riche d’enseigne-
eaux au dessous de la terre. Tu ne te pros- ment et nous sommes tous invités à nous
ternera point devant elles, tu ne les ado- en inspirer. Nous retiendrons dans le con-
reras point ; car moi Eternel, ton Dieu, je texte de notre présente étude la pluralité
suis un Dieu jaloux (exclusif) » des approches. La sagesse, observation
des réalités sociologiques, la prophétie,
Il ne faut pas faire d’image figée de ce qu’on capacité de prévoir le déroulement proba-
ne connaît pas. L’imagination doit être li- ble des évènements à long terme, la Torah,
bre de progresser et d’explorer des terri- mise en place de mécanismes qui rétablis- 15
toires nouveaux. Si l’Eternel est un dieu sent l’espoir, définissent un espace en trois
« exclusif », c’est qu’on ne peut pas à la fois dimensions, concret et saisissable.
être libre et esclave, on ne peut pas à la fois
rechercher la vérité et figer sa représenta- La quatrième dimension est celle de la
tion du monde. possibilité d’un changement total, de l’ins-
tallation d’un autre mode de vie nous pro-
Cette « correction » du texte de Moïse par jetant dans d’autres valeurs, d’autres types
celui d’Ezéchiel est un nouvel éclairage, de relations à l’autre. Elle est accessible
qui doit être fait à chaque génération. Le uniquement pour celui qui sait trouver
midrach5 , encore lui, met en scène diffé- une dimension d’espoir et de confiance,
rentes vérités qui se confrontent à propos car elle nous emmène vers des paysages
de ce qui doit advenir de celui qui est en- totalement inconnus. Comment découvrir
gagé dans l’impasse de la faute : l’Amérique sans accepter de traverser des
océans inexplorés ?
Il n’est pas question ici de remise en
cause d’une autorité, mais d’examen
de la réalité à partir de différents
points de vue. Il s’agit d’une explora-
tion du monde, du monde physique et
du monde des relations humaines.

C’est ainsi que notre premier exemple est


On a demandé à la Sagesse : « Le pêcheur, Abraham, nommé Ivri, celui qui traverse le
quelle est sa peine ? » Elle a dit : « Les pê- fleuve.
J U DA Ï S M E

C’est ainsi que Moïse conclut en recomman- Pour notre part, chacun d’entre-nous, à
dant à Josué d’être fort et courageux, Hazak notre niveau et ensemble, il est de notre
véémats 6 lors de sa traversée du Jourdain devoir de rechercher tout appui qui nous
(Dt. XXXI :23) et de l’entrée en Canaan. permettra d’évoluer, de tirer rapidement
les conséquences de nos erreurs avant
Qui est un héros, selon les pirké avot ? Ce- qu’elles ne nous rattrapent, de construire
lui qui maîtrise son instinct7, c’est-à-dire entre-nous et avec l’extérieur des rela-
qui sait le retravailler et le civiliser, qui sait tions toujours plus humaines et plus nour-
lui ouvrir de nouveaux horizons. Celui qui rissantes.
maîtrise ses craintes et réussi à traverser le
pont très étroit de la vie sans avoir peur8. Merci à chacun de sa présence dans ce
projet commun, et que nous soyons tous
En ces périodes inquiétantes pour la terre scellés dans le livre de la vie et de l’espoir
d’Israël, espérons que ses habitants et di- pour l’année à venir. Que ces fêtes de Ti-
rigeants auront la force et l’occasion d’ex- chri soient pour nous l’occasion d’explo-
plorer de nouvelles manières d’aborder la rer, avec le soutien de notre tradition, de
crise terrible que traverse la région. Espé- nouvelles façons d’orienter nos vies. ■
rons qu’ils trouveront des partenaires.

1 L’expression LaHazor béchééla prend le contre-pied de laHazor bitchouva. En Israël, elle est utilisée
16 pour les juifs qui quittent un mode de vie Harédi, ultra orthodoxe. Elle est assimilée à quitter la tradi-
tion juive. La question étant tellement importante dans notre tradition, cette expression est pour moi le
signe d’un vrai retour, d’un vrai changement, de la reprise en main de notre liberté éclairée.
2
3 C’est ce que l’on nomme « Torah chébéal pé », l’enseignement oral, indissociable de l’enseignement
écrit.
4
5
6

7
8 Rabbi NaHman de Bratslav : kol haolam koulo guécher tsar méod véaikar lo léfaHed klal, le monde
entier est un pont très étroit et le plus important c’est de ne pas avoir du tout peur...

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Parashat Devarim
Les paroles de la Torah Par Rabbin Alain Michel *

La parasha Devarim ouvre le cinquième et dernier de Moïse lorsque Dieu lui


livre de la Torah, le Deutéronome. Celui-ci est en confie la mission d’aller ré-
fait la copie du long discours de Moïse avant sa clamer à Pharaon la liberté
mort, le témoignage de ses dernières recomman- de son peuple. Prétextant
dations à la génération qui va entrer en terre d’Is- une difficulté liée à un bé-
raël, la conquérir et s’y installer. Après quarante gaiement, Moïse tente, ap-
ans, le but premier de la sortie d’Egypte va enfin paremment, de se soustraire
être réalisé et la promesse faite aux Patriarches à cette mission: «Je ne suis
et renouvelée à Moïse va enfin s’accomplir: le ren- pas un homme de paroles»
dez-vous entre le peuple et sa terre s’apprête à de- (Exode, 4, 10)! 40 ans plus
venir réalité. tard, la mémoire collective
n’a pas oublié cette attitude
Mais on ne prend pas possession de la terre et le peuple lui en fait le grief: «à l’époque,
d’Israël comme d’une quelconque conquê- pour nous sortir d’Egypte, tu ne savais pas
te. Les futurs habitants doivent complé- parler, mais maintenant, pour nous impo-
ter leur formation juive, et qui mieux que ser tes conseils, tu es devenu bavard!». 17
Moïse, le prophète incomparable, peut ac-
complir cette tâche de préparation. Ainsi, Le midrash, au nom de Rabbi Yitshak, nous
pendant plusieurs jours, Moïse prodigue donne une interprétation originale. Moïse
ses conseils et avertissements tout en rap- savait qu’aux côtés de Pharaon siégeaient
pelant une grande partie de la législation 70 conseillers, chacun parlant une langue
de la Torah qui devra être appliquée dans différente. Ainsi Pharaon pouvait s’entre-
le pays. C’est ce discours ultime qui forme tenir avec tout visiteur. Mais Moïse n’était
la majorité de notre cinquième livre que pas l’envoyé d’un pays particulier, mais
nous entamons donc à présent. celui du créateur du monde, créateur éga-
lement des 70 nations. Comment pouvait-
En hébreu, le Deutéronome se nomme «Dé- il être pris au sérieux, puisqu’il n’était pas
varim», «les paroles», d’après le deuxième «un homme de paroles», c’est-à-dire un
mot du livre. Mais ce nom convient très homme pouvant utiliser toute parole, dans
bien à cet acte de Moïse, à ce long discours toutes les langues existantes? Il avait peur
formé par ses «paroles». Le midrash Tan- de ne pas représenter comme il convenait
houma s’interroge sur cette capacité de le Saint, béni soit-il.
Moïse de discourir ainsi pendant plusieurs
jours devant un public en nous rappelant Mais pourquoi la situation est-elle différen-
un incident lié au début de sa carrière pro- te 40 ans après? C’est que dans le désert,
phétique: «Le peuple d’Israël lui a dit: dans Moïse ne s’est pas contenté de recevoir la
le passé tu as affirmé que «tu n’étais pas Torah et de la transmettre, mais il l’a éga-
un homme de paroles (dévarim)», et main- lement étudié, et celui qui sait pénétrer à
tenant tu parles autant que cela?!» Rappe- fond les soixante-dix faces de la Torah sait
lons-nous effectivement l’étrange attitude également parler les soixante-dix langues
J U DA Ï S M E

du monde. Et le midrash de conclure «qu’à dans les Yeshivot n’avait pas à être liée
la fin des 40 ans après la sortie d’Israël avec le monde de l’actualité, avec l’univers
d’Egypte, il a commencé à expliquer la To- des nations. Mais lorsqu’Israël rentre sur
rah dans les soixante-dix langues». sa terre, que ce soit au temps biblique ou
au XXIe siècle, la Torah se doit d’être com-
Quel est donc le message que veut nous mentée «dans la langue des soixante-dix
transmettre le Midrash, message repris nations», dans la langue de la modernité.
d’ailleurs par Rashi dans son commentai- Car le Judaïsme de la Torah est bien un
re? Il nous semble que l’explication est la particularisme qui s’inscrit dans l’univer-
suivante: tant que le peuple d’Israël était er- sel, une civilisation ouverte sur le monde,
rant dans le désert, il pouvait se contenter selon l’idéal tracé par la tradition des maî-
d’étudier et de comprendre la Torah d’une tres du midrash. ■
manière univoque, ontologique, sans prise
réelle avec la réalité extérieure. N’est-ce * Rabbin, historien, directeur du Bureau Fran-
pas ce que les Juifs ont fait pendant deux cophone de l’Ecole Internationale pour l’En-
mille ans d’exil? L’étude de la Torah menée seignement de la Shoah, Yad Vashem.

Les juifs et la vengeance


18 Ralph Bisschops, Dr. phil

Insupportable injustice vies entières, dont l’unique leitmotiv est la


Vivre avec une mauvaise conscience, c’est vengeance. Le fils qui venge son père en est
bien commode. On se trouve des raisons. un des exemples classiques.
Elles sont faciles à trouver. Les biblio-
thèques sont remplies d’ouvrages qui lé- Types de vengeance
gitiment les crimes et les bains de sang. Dès qu’on se penche sur le phénomène de
Chacun y trouve à son compte pour justi- la vengeance, on découvre une multitude
fier son méfait. Parmi tous les sentiments de nuances : le ressentiment, la rancune,
difficiles à gérer, le remords se trouve en la vendetta, le règlement de compte, la pu-
fin de liste. Même le regret de ne pas avoir nition, la tête de turc, etc. La vengeance
commis une magouille est parfois plus gê- peut être ouverte ou sournoise. Elle peut
nant que le remords. être immédiate, comme dans le cas de la
vendetta, mais elle peut également être
Il est, par contre, beaucoup plus douloureux différée ou même supprimée. Dans ce der-
de vivre avec une injustice subie. Même le nier cas, elle revêt un caractère mielleux
fait d’avoir été témoin d’une injustice fla- et perfidement souriant.
grante peut devenir insupportable. C’est
ce qui explique le désir de vengeance. On La vengeance, une caractéristique juive ?
peut, dans un élan de suffisance, faire de la La mauvaise conscience, c’est l’apanage des
morale là dessus. Mais le fait est bien là que natures fortes et actives ou des personnes
l’histoire humaine est tissée de règlements qui détiennent un pouvoir. Elle peut même
de comptes. On n’y échappe pas. Il est des revêtir le malfrat d’une certaine dignité,
le shofar

comme c’est le cas pour les maffieux qui fas- et sa glorification de l’aristocratisme anti-
cinent les amateurs du film Le Parrain (the que ne furent appréciées que du public juif
Godfather). Incarnée par Al Pacino (dans la (l’article de Morris Cohen sur Nietzsche
troisième partie du Parrain), la mauvaise s’intitula notamment « le radicalisme aris-
conscience inflige même le respect. tocratique »), il changea de ton et se mit à
glorifier le judaïsme biblique comme étant
La vengeance, par contre, est attribuée un des grand témoignages de l’antiquité.
aux natures faibles ou à ceux qui se trou- Ce tournant lui valut qu’après la Shoah,
vent plus bas dans l’échelle de l’hiérarchie. nombre d’intellectuels juifs (comme Léon
Le fait qu’elle soit une réaction à une ac- Poliakov) tentèrent de le réhabiliter. Sans
tion subie trahit un manque de noblesse. leurs plaidoiries, Nietzsche aurait irrévo-
Mais la vengeance est à son tour créatrice cablement été discrédité comme étant un
de valeurs. Selon le philosophe allemand précurseur du nazisme.
Frédéric Nietzsche, le ressentiment serait
à l’origine des valeurs chrétiennes, que Mais d’où Nietzsche, comme beaucoup
Nietzsche rejette comme étant des anti-va- d’autres, tenait-il cette idée que le désir de
leurs allant à l’encontre de toute noblesse vengeance serait une qualité éminemment
humaine. Plus concrètement : ce serait une juive ? Et comment se fait-il que dans le
caractéristique typiquement juive. discours des médias, les actions de Tsa-
hal soient presque exclusivement décrites
Nietzsche et les Juifs en des termes ayant la vengeance comme
Selon Nietzsche, le Christianisme serait connotation (comme par exemple « action
une vengeance exercée par les Juifs dans punitive »). Certes, il y a le commande-
le but d’affaiblir les nations. Cette religion ment « œil pour oeil » mal interprété par 19
d’amour et de compassion, qui préconise les chrétiens ; il y a les passages talmudi-
de tendre l’autre joue, serait, selon Nietzs- ques, peu flatteurs pour les nations, sortis
che, un venin moral conçu pour miner la de leur contexte et ainsi divulgués par des
fierté romaine. Ici, un Juifs convertis au christianisme. Mais la
des stéréotypes les théologie chrétienne s’en tient surtout à la
plus redoutables con- notion de peuple juif comme peuple déici-
cernant les Juifs appa- de. Ce que, dans l’histoire de l’antisémitis-
raît à la surface: le Juif me, on oublie, c’est le théâtre qui, jusqu’à
comme être assoiffé l’avènement du cinéma, forgea l’imagina-
de vengeance. Non tion collective.1 Or, parmi les stéréotypes
pas de la vengeance concernant les Juifs, aucun n’a été aussi
immédiate et violente puissant, aussi ingénieusement visualisé
du cocu avec son cou- que celui du Juif Shylock dans la pièce de
teau, mais d’une ran- Shakespeare « Le marchand de Venise ».
cune tellement subtile, La presse antisémite s’y référait souvent,
intelligente et raffinée, qu’elle alla jusqu’à le génie n’étant pas censé être partial.
inventer une nouvelle religion ! Paradoxa-
lement, c’est à ses lecteurs et admirateurs Shylock, prototype du juif rancunier
juifs que Nietzsche dut son succès. Sans Le lecteur contemporain ne connaît proba-
eux, à commencer par Morris Cohen (pseu- blement plus cette pièce, à moins qu’il n’ait vu
donyme : Georg Brandes) qui le rendit célè- le film de Michael Radford (2004) avec Al Pa-
bre, il aurait passé sa vie dans l’anonymat cino (le re-voilà) dans le rôle de Shylock. Mais
le plus complet. Lorsque Nietzsche se ren- avant la guerre, il était presque impossible de
dit compte que sa critique du christianisme ne pas la connaître. Jouer Shylock constituait
J U DA Ï S M E

le couronnement de la rant: le Juif comme légaliste et le Juif


carrière d’un acteur qui comme usurier. Mais le tout est porté
se respectait (pensons par un élément de suspense théâtral,
notamment à Harry notamment le Juif comme être assoiffé
Baur en 1910). Même de vengeance. Le fait que cette pièce ait
après la guerre, Michel été écrite par un génie n’arrange pas les
Simon, Orson Welles et choses. Shylock y apparaît comme un
Laurent Olivier n’ont pu personnage de chair et de sang. La raison
résister à la tentation de sa rancœur est clairement mise à jour
d’interpréter ce person- : le mépris et l’humiliation que les Juifs
nage diabolique. doivent subir jour après jour de la part
des chrétiens. Le choix de Venise comme
Je simplifie l’histoire : cela se passe à Veni- lieu du drame n’est pas un hasard. Ce fut
se. Shylock prête de l’argent à un chrétien, la ville où le premier ghetto fut érigé. Le
Antonio, alors que celui-ci l’avait dénigré fait que Shylock renonce à un gain énor-
comme usurier et lui avait même craché me pour faire valoir sa soif de vengeance
dessus quelques jours auparavant. Shylock lui confère quelque chose de tragique
montre ostensiblement « l’autre joue » et et de grandiose. Du coup, une kyrielle
renonce à tout intérêt. La seule chose qu’il d’hommes et des femmes de lettres s’est
veut voir stipuler dans le contrat notarial empressée de disculper Shakespeare.
est qu’en cas de défaut, Antonio devra Shylock serait trop humain, trop comple-
payer d’une livre de sa propre chair. Ce- xe, trop tragique pour qu’on puisse taxer
lui-ci acquiesce, car il n’a rien à craindre : son père spirituel d’antisémitisme. Faux !
20 il possède trois bateaux sur mer, qui ne Car l’argument de ces esthètes consiste
tarderont pas à rentrer à Venise, emplis de seulement à dire que Shylock serait inté-
marchandise. Mais ces navires font nau- ressant. C’est vrai. Mais ce n’est que dans
frage. Shylock, exaspéré par le fait qu’en- le western bidon que le truand n’est pas
tre temps, sa fille Jessica ait fugué avec un intéressant. Pour un homme de métier
non-juif, réclame l’exécution du contrat. comme Shakespeare, cela aurait été im-
Son argument principal : La loi, c’est la loi, pardonnable de venir sur scène avec un
et Venise perdrait toute crédibilité auprès méchant pâle, effacé ou insipide.
des marchands étrangers si elle ne veillait
pas à ce qu’un contrat soit respecté. Les Il importe de noter que très probable-
amis du débiteur lui offrent pourtant le tri- ment, Shakespeare n’a jamais rencon-
ple de la somme empruntée. Mais Shylock tré un seul Juif dans sa vie, les Juifs
reste inflexible. Au terme du long procès qui ayant été expulsés d’Angleterre trois
s’ensuit, le juge estime que l’exécution du siècles auparavant. Ce qui nous amène
contrat équivaudrait au meurtre et que l’in- au cœur même du mécanisme qui cons-
tention de Shylock serait homicide (fallait- truit les stéréotypes juifs.
il d’un procès pour s’en rendre compte ?!?).
Shylock perd le procès, sa fortune lui est Précisons. S’il est vrai que Shylock est un
confisquée et il se voit contraint de se con- personnage de chair et de sang, en d’autres
vertir au Christianisme. mots « intéressant », tout le contexte de
l’action, par contre, est artificiel dès le
La genèse d’un stéréotype départ. Le contrat dont il est question
Dans cette pièce, deux stéréotypes écu- n’a, légalement parlant, jamais pu exister.
lés apparaissent en un amalgame écœu- Ainsi, le procès qu’il engendre est irréel.
le shofar

Deuxièmement : aucun Juif ne concevrait ce n’est pas la question ici. Il s’agit de l’es-
un tel contrat, vu l’intention homicide de prit dans lequel cela se dit. Cet esprit est
ses termes mêmes. Troisièmement, et ceci diamétralement opposé à celui de Shylock.
est le point le plus important, réclamer Comment le savoir? Les Psaumes nous
l’exécution du contrat serait, dans la pers- fournissent la réponse, car ce sont eux qui
pective juive, un hilloul ha-shem, une dé- exposent – de façon fragmentaire - ce que
sacralisation du nom de Dieu. Si Shylock l’on peut appeler la « philosophie » bibli-
avait été vraiment un Juif « comme les que. Dans le psaume 94, David s’adresse à
autres », ce que la pièce insinue, il n’aurait Dieu en l’appelant à la fois « juge » (shofet)
jamais jeté le discrédit sur sa communauté et « Dieu des vindictes (nekamoth) ». La
en insistant sur l’exécution de ce contrat. raison de cette appellation apparaît quel-
Il n’aurait pas été jusqu’à la déchéance, au ques versets plus loin : « Se peut-il que tu
cours d’un procès publique, de tenter de tolères près de toi un trône criminel ? »
couper une livre de chair du corps d’un Alors que Shylock se rend coupable du
être humain vivant (l’avocat de la partie hilloul ha-Shem, la notion biblique de la
adverse lui donne un couteau et l’incite à le vengeance s’inscrit dans la sanctification
faire, mais au moment où Shylock est sur du Nom divin (kiddouch ha-Shem). L’in-
le point de couper, l’avocat lui rappelle que justice, en tant que telle, jette le discrédit
le contrat stipule, en effet, qu’il aurait droit sur la création et profane ainsi le nom de
à une livre de la chair de son débiteur, mais Dieu. L’injustice génère le soupçon qu’il y
pas à son sang). ait une faille dans la création (un « bug »
dans le système). Mais ceci est également
La vengeance dans la Bible un vécu universel. C’est la raison pour
L’étude des stéréotypes est devenue une laquelle aucun être humain ne peut vivre 21
science académique. Au début, les cher- dans un climat d’injustice. Cela sape le
cheurs avaient tendance à affirmer que moral et rend, à la longue, dépressif et ma-
les stéréotypes ne correspondaient aucu- lade. La justice peut se manifester comme
nement à la réalité. Actuellement, il existe la défaite de ceux qui nous font subir une
une école qui consiste à dire que dans le injustice ou qui nous portent une haine
stéréotype, il y aurait toujours un brin de gratuite, mais également comme une ré-
vérité (les Italiens ne mangent pas toujours compense. « Donne nous des jours de sa-
du spaghetti, mais ils en mangent quand tisfaction aussi longs que les jours où tu
même pas mal). Le cas de Shylock atteste, nous as affligés », demande Moïse, dans
cependant, qu’un stéréotype peut être fa- le psaume 90 (v. 15). Cette récompense est
briqué de toutes pièces. Le seul « brin de également comprise comme sanctifica-
vérité » consiste dans le fait que le Tanakh tion de Dieu, « non pour nous, mais pour
traite de la vengeance avec un sans-gène faire honneur à Ton Nom. » (Ps. 115,1).
qui déroute les âmes sensibles. Il en traite Mais il s’agit là d’un rêve fou, un immense
comme il parle des autres choses de la vie. bonheur, dont on se demande s’il est bien
La Torah confère au parent d’une personne programmé dans le logiciel de la créa-
assassinée le droit et même le devoir de la tion. Pour cette raison, les Psaumes s’en
venger : «la terre où a coulé le sang ne peut tiennent à l’espérance plus réaliste et in-
être lavée de cette souillure que par le sang finiment plus modeste que l’injustice soit
de celui qui l’a répandu » (Nombres : 35, extirpée. Si, dans la Bible, le motif de la
33). On peut ne pas être d’accord avec cette vengeance est si fréquent, c’est seulement
pratique expéditive de la justice, d’ailleurs parce que la récompense est une chose
fortement restreinte par les rabbis, mais que nous osons difficilement espérer. ■
C O M M U N AU T É – C U LT U R E

Am Israël Haï Par Emmanuel Wolf

Aujourd’hui Israël et tout le peuple juif pleure tes à l’épaule. Ils se précipitent vers une ensei-
ses morts inutiles. Je sais qu’une vie vaut une gnante qui, désespérément, essaie d’allonger
autre vie, qu’une vie juive n’est pas plus impor- ses bras pour les envelopper tous, leur donner
tante qu’une vie libanaise ou arabe, mais, à la sa tendresse et son amour, et eux piaillent
veille des fêtes de Tichri, permettez-moi de me autour d’elle comme des moineaux devant le
préoccuper de notre peuple et d’Israël…. nid de la mère…
Ecoutez les noms de ceux qui ont donné leur Pas un mot de haine, mais des chants d’espoir
vie pour que nous puissions vivre en tant que pour la paix et une vie normale.
Juifs, même en diaspora. Ecoutez les âges de Pensez à cela quand ces enfants viendront
ces «gamins» de 19/20 ans, des enfants… nous rendre visite à Bruxelles. N’oubliez pas
Nous vénérons la vie alors que nos ennemis que certains d’entre eux retourneront en Israël
vénèrent la mort. Lorsqu’il y a une bavure, ou pour rejoindre l’armée…
lorsque des enfants sont tués au Liban, nous
présentons des excuses. Lorsque des enfants Il y eut aussi le bruit de la sirène qui résonne
juifs sont assassinés dans les bras de leur chaque année le jour de Yom Hazikaron. Et là
mère, en face, on fait des feux de joie… aussi quelques images extraordinaires et inou-
22 Toutes ces réflexions me sont venues après bliables. Comme ces amoureux qui arrêtent
un voyage en Israël. A Yom Hazikaron, nous de s’embrasser et restent figés au garde à vous
assistions à la cérémonie de commémoration pendant ces deux longues minutes. Comme
à l’Internat Levovitch, dont nous invitons les cette femme, minuscule – elle me rappelait ma
enfants tous les ans. tante – qui, debout dans la rue donnait l’im-
J’aimerais vous décrire deux moments d’émo- pression de bloquer deux camions de 20 ton-
tion que j’ai vécu ce jour-là: nes, chauffeurs au garde à vous…
Dans ces moments d’intense émotion, on se
Deux enfants de 14/15 ans se tiennent sur la sent tellement seul, et en même temps telle-
scène. Derrière eux arrivent une soixantaine ment ensemble.
d’enfants vêtus de noir, une rose rouge à la Aussi longtemps que le peuple juif restera uni,
main. Commence alors la lecture des noms de nous vaincrons nos ennemis. Unis par la pen-
ceux qui sont morts au combat ou dans les at- sée et, surtout, par les actes.
tentats terroristes, leurs amis, leurs copains, Manifestez-vous lorsque la presse dérape,
frères et sœurs qui fréquentaient le même col- venez à la synagogue, participez au kaddich
lège. A l’énoncé de chaque nom, un enfant des- pour ceux qui sont tombés et, surtout, soyez
cend de scène, dépose sa fleur au monument généreux lorsque l’on vous demande votre aide
aux morts dans la cour et s’assied au pied du pour Israël. Nous avons survécu par la Tseda-
monument. La scène se vide petit à petit à cha- ka et nous survivrons par elle, car elle est la
que nom énoncé et, à la fin, il ne reste plus per- preuve de notre engagement aux côtés de nos
sonne. C’est alors qu’un père d’un enfant tué frères et sœurs qui paient le prix du sang.
monte sur la scène et dit le kaddich pour tous. Chana Tova à tous,
Cette scène nous a marqués à jamais.
Pendant ce temps, un groupe de dix soldats est Am Israël Haï!
entré dans la cour, filles et garçons, mitraillet- (Le 8 août 2006)
le shofar
Nous reproduisons ci-dessous l’excellent texte écrit par notre ami et ancien président et publié
dans La Libre Belgique sous la rubrique «Opinions», le 3 août 2006.

Israël, sentinelle de notre liberté par Mischaël MODRIKAMEN

La guerre est parfois nécessaire. Les leaders du terres arabes, mais unique-
G 8 l’ont bien compris. Par réalisme, ils ont donné ment la destruction totale
leur feu vert implicite à Israël pour faire le sale d’Israël. Tant qu’il y aura
boulot contre les «nazislamistes». des «nazislamistes», Israël
ne doit plus l’oublier avant
Le 11 septembre 2001, l’islam jihadiste a of- de renoncer à la Judée et à la Samarie, au
ficiellement ouvert les hostilités contre le coeur même du pays.
monde libre, musulman et non musulman,
commettant au nom de sa lecture de l’islam Les Etats-Unis se battent, l’Angleterre et
les pires atrocités, en majorité contre des ci- l’Australie s’impliquent dans cette confron-
vils. L’islamisme voue une haine mortelle au tation mondiale contre les forces du mal.
monde non musulman et à l’Occident. Hélas, une large partie de notre vieille Euro-
pe hésite, refuse de choisir son camp. L’Es-
Darfour, Ethiopie, Israël, Gaza, Liban, Irak, pagne d’Aznar était exemplaire. Celle de
Iran, Afghanistan, Inde, Pakistan, Bali Phi- Zappatero est honteusement munichoise. Le
lippines... les zones de conflits larvés ou syndrome «EURABIA» comme le dénonçait
ouverts s’étendent, mois après mois. L’isla- fort justement «The Economist», dans une 23
misme se développe comme un cancer sur le couverture récente. L’Europe, héritière de
terreau de l’islam, orphelin de sa grandeur, Jérusalem, Rome et Athènes, ne croit plus
tout comme l’hitlérisme s’est épanoui en rai- à grand-chose. Le relativisme et la perte de
son du culte de l’autorité et du nationalisme nos valeurs ont gangrené notre pensée et
extrême dans la tradition germanique. notre analyse.

Israël, à nouveau agressé gratuitement, dé- Apparemment, de nombreux faiseurs d’opi-


montre au quotidien sa détermination, le nions (enseignants, journalistes...) et dé-
courage de sa population et de ses soldats, cideurs (à gauche et à droite) ont d’ores
face aux «nazislamistes» du Hamas et main- et déjà fait leur choix. Ils se rendent sans
tenant du Hezbollah. Avez-vous remarqué: combattre à l’islamisme. Au «besser rot
ils défilent comme leurs mentors iraniens en dan tod» des pacifistes, a succédé le choix
faisant le salut hitlérien? A chacun ses réfé- de la soumission molle aux diktats. Ils op-
rences. Les pertes de Tsahal sont lourdes, la tent pour la dhimmitude intellectuelle, un
population d’Israël souffre. 750 000 citoyens statut d’inférieur accordé aux non-musul-
israéliens dorment depuis trois semaines mans chrétiens en terre d’islam. Selon les
dans les abris, mais la détermination de ce rapports officiels de l’éducation nationale,
petit peuple démocratique demeure intacte on ne peut déjà plus enseigner certaines
face à ses ennemis sanguinaires... théories scientifiques ou encore la Shoa
dans nombre d’écoles en France à forte pro-
Depuis Gaza et le «Hezbollaland», dont portion d’élèves maghrébins, sous peine de
Israël s’était définitivement retiré, les «na- provoquer une émeute. Nul ne s’en offusque
zislamistes» adressent un message clair: parmi les dirigeants français. Frileux? Non,
leur seul objectif n’est pas la libération de simplement capitulards!
C O M M U N AU T É – C U LT U R E

Ces faiseurs d’opinions et autres décideurs israélien. Ils savent pourtant que la guerre
anticipent déjà l’évolution qui nous est pro- consiste à «terrasser l’adversaire afin de le
mise ouvertement par certains leaders du mettre hors d’état de résister» (Clausewitz)
monde arabo-musulman. Le président al- et répond à certaines contraintes tactiques
gérien Boumédienne ne prédisait-il pas que et stratégiques. La guerre n’est jamais belle ni
«les musulmans conquerront l’Europe avec morale mais elle est parfois nécessaire. Les
le ventre de leurs femmes», déclaration réi- leaders du G 8 l’ont bien compris. Par réalisme
térée par Khadafi qui déclarait en avril 2006 et non par cynisme, ils ont donné leur feu vert
au Mali que les 50 millions de musulmans implicite à Israël pour faire le sale boulot...
d’Europe, avec l’aide de la Turquie, feront de
l’Europe une terre d’islam et ce sans com- Et la situation des chrétiens du Liban? Pour-
bat. Les projections démographiques dé- quoi passer sous silence le soutien de nom-
montrent que nombre de capitales et villes breux chrétiens du Liban à cette guerre? Eh
d’Europe seront à brève échéance à majorité oui, ils demandent à Israël de finir le travail
musulmane (Amsterdam, Marseille...). L’ap- et de les débarrasser de la bête islamiste.
plication de la charia y est un des objectifs Ils savent eux, vrais Libanais, qu’une paix
déclarés des islamistes. durable peut s’établir entre le Liban et Is-
raël avec lequel n’existe aucun contentieux
La «lâcheté» des combattants du Hezbol- territorial. Plus fort encore, de nombreux
lah, dénoncée par M. Egeland, secrétaire médias arabes font porter clairement la res-
adjoint de l’Onu dans un communiqué de ponsabilité du bain de sang sur le Hezbol-
ce 24 juillet, qui s’abritent volontairement lah. L’«Arab Times» du Koweït écrit que «les
au milieu des civils, est passée sous silence. opérations de Tsahal au Liban vont dans le
24 Ces boucliers humains ne sont-ils pas que sens des intérêts arabes et de la communau-
des martyrs à leurs yeux? Pourtant Israël té internationale». Oui, vous avez bien lu!
et ses pilotes font le maximum pour éviter
les pertes de vies humaines dans la popula- Très inquiétant enfin, certains notamment à
tion civile. Chaque frappe, guidée par laser l’extrême gauche et à l’extrême droite sont
et satellite, fait l’objet d’un premier passage d’ores et déjà les alliés actifs des «nazisla-
de reconnaissance visuelle pour tenter de mistes» avec qui ils partagent leur haine
s’assurer que des civils ne seront pas tou- du monde libre. Leurs héros sont les dicta-
chés. Certaines actions, notamment contre teurs Castro, Chavez ou encore Louchenko
le QG du Hezbollah à Beyrouth, sont précé- et le nazi iranien Amadinhejad. Ils appellent
dées de lâchers de tracts, invitant les popu- ouvertement à un nouvel holocauste d’Is-
lations à s’éloigner de la zone de combat. raël et donc du seul état juif de la planète.
Un général canadien, ancien casque bleu, Certains quotidiens, pourtant respectables,
déclarait qu’Israël «mettait à l’évidence tout leur réservent déjà leurs colonnes...
en oeuvre pour limiter les pertes civiles».
L’intervention de l’Occident pour libérer le Face à ces menaces, de nombreux citoyens
Kosovo, une campagne de frappes aérien- européens votent malheureusement avec
nes intensives, a elle causé la mort de 10 000 leur pied. Ils partent. Ils désertent une Eu-
personnes, essentiellement civiles. rope, pour eux en perdition. Il faut savoir
que pour la première fois dans son histoire,
Alors que le Hezbollah tire ses milliers de ro- le nombre de Hollandais de souche qui ont
quettes et missiles sur Israël, des analystes quitté les Pays-Bas (en grande majorité
en chambre dénoncent une riposte «dispro- pour les Etats-Unis et l’Australie) a dépassé
portionnée» de l’Etat hébreu au motif qu’il y en 2005 le nombre d’immigrants chez notre
aurait plus de morts côté libanais que côté voisin du nord.
le shofar

Mais néanmoins, un courant d’opinion se vons que notre heure viendra. Entretemps,
dessine en Europe même. Il rejette la pen- Washington et Jérusalem sont fermement
sée dominante réductrice. A ses yeux, Israël résolus à lutter et restent les phares du mon-
est la sentinelle de notre liberté. Ce courant de libre. Ils sont des repères courageux et
est peut-être minoritaire et même conspué, réconfortants pour une Europe à la dérive.
comme l’était Churchill en 1932, considéré Grâce à eux et à tous ceux qui refusent la
comme un fauteur de troubles et un va-t-en- soumission, nous vaincrons le «nazislamis-
guerre par ses concitoyens parce qu’il dé- me», avec l’aide courageuse des musulmans
nonçait déjà le danger nazi et plaidait pour lucides qui oeuvrent au renouveau pacifique
la liquidation immédiate de Hitler. Nous sa- de leur civilisation. ■

Les Jeunes de l’Internat


Levovitch reviennent !
Ils séjourneront une semaine à Bruxelles
et présenteront trois spectacles pour des écoles juives
et non juives de Belgique. 25
Une soirée vous est réservée
le samedi 25 novembre à 20h00 à Beth Hillel

Réservez dès à présent vos places pour cette repré-


sentation, qui sera rehaussée par la présence de
S.E. Monsieur l’ambassadeur d’Israël et Madame
Kinar, ainsi que d’autres personnalités.

Réservations: tél. 02.332.25.28


email: info@beth-hillel.org

Prix des places: 15.- euros


Étudiants: 5.- euros

La pièce, «Un enfant, mort ou vif» relate ce


que pourrait être la vie d’adolescents dans un
futur imaginaire où la violence, les passions
et les pulsions seraient extrêmes. Le sujet,
ainsi que les dialogues interpellent les jeunes
d’aujourd’hui avec un langage d’aujourd’hui.
Il ne convient donc pas pour des enfants de
moins de 15 ans.
AG EN DA

SEPTEMBRE/OCTOBRE 2006
Vendredi 1er septembre 2006 20h00: Office de Kabbalat Chabbat
19h00: Lecture en hébreu Suivi d’un Oneg Chabbat offert par
(avec Avishaï) le Conseil d’Administration
19h30: Les visages de la prière
(avec Rabbi Chinsky): Samedi 16 septembre 2006
préparation des fêtes de Tichri 23 Eloul 5766
20h00: Office de Kabbalat Chabbat Chabbat NITZAVIM - VAYELEKH
Chabbat Slihot
Samedi 2 septembre 2006 10h30: Office
9 Eloul 5766
Chabbat KI TETSE Dimanche 17 septembre 2006
10h30: Office 10h30: Mini seder de Roch Hachana
pour parents et enfants
Mercredi 6 septembre 2006 Première réunion des Post Bar/Bat
19h30: Réunion avec les parents Mitsva avec Mireille Dahan
du Talmud Tora et inscriptions 13h30: Brunch, réunissant
les deux groupes.
Jeudi 7 septembre 2006
20h00 à 21h30: Cours adultes Lundi 18 septembre 2006
Midrach dans le texte 20h00 à 21h30: Cours Adultes:
26 avec Rabbi Dahan Notre judaïsme, pensée
et pratiques avec Rabbi Chinsky
Vendredi 8 septembre 2006 (Préparation des fêtes de Tichri)
19h00: Lecture en hébreu
(avec Avishaï) Mercredi 20 septembre 2006
19h30: Les visages de la prière 14h00 à 17h00: Talmud Tora
(avec Rabbi Chinsky)
20h00: Office de Kabbalat Chabbat Jeudi 21 septembre 2006
20h00 à 21h30: Cours adultes
Samedi 9 septembre 2006 Midrach dans le texte avec Rabbi Dahan
16 Eloul 5766
Chabbat KI TAVO Vendredi 22 septembre 2006
Bar Mitsva David Boyker EREV ROCH HACHANA
10h30: Office 19h00: Office

Mercredi 13 septembre 2006 Samedi 23 septembre 2006


14h00 à 17h00: ROCH HACHANA I.
Premier cours du Talmud Tora 10h00: Office du matin
11h00: Office des enfants
Vendredi 15 septembre 2006 19h00: Office du soir
19h00: Lecture en hébreu
(avec Avishaï) Dimanche 24 septembre 2006
19h30: Les visages de la prière ROCH HACHANA II.
(avec Rabbi Chinsky) 10h00: Office
le shofar

ELOUL 5766/TICHRI 5767


Lundi 25 septembre 2006 Mercredi 4 octobre 2006
Pas de Cours Adultes 14h00 à 17h00: Talmud Tora
17h00: Construction de la Soucca
Mercredi 27 septembre 2006
Pas de Talmud Tora Jeudi 5 octobre 2006
20h00 à 21h30: Cours adultes
Vendredi 29 septembre 2006 Midrach dans le texte avec Rabbi Dahan
19h00: Lecture en hébreu
(avec Avishaï) Vendredi 6 octobre 2006
19h30: Les visages de la prière EREV SOUCCOT
(avec Rabbi Chinsky) 19h00: Office
20h00: Office de Kabbalat
Chabbat Samedi 7 octobre 2006
15 Tichri 5767 - SOUCCOT I.
Samedi 30 septembre 2006 10h00: Office de Souccot
8 Tichri 5767
Chabbat HA’AZINOU Lundi 9 octobre 2006
Bar Mitsva Arthur Szechtman 20h00 à 21h30: Cours Adultes:
10h30: Office Notre judaïsme, pensée et pratiques
avec Rabbi Chinsky
Dimanche 1er octobre 2006 27
EREV YOM KIPPOUR Mercredi 11 octobre 2006
11h00: Pèlerinage à Gan Hashalom 14h00 à 17h00: Talmud Tora
19h00: Office de KOL NIDRE
Vendredi 13 octobre 2006
Lundi 2 octobre 2006 EREV CHMINE ATSERET
YOM KIPPOUR SIMHAT TORA
10h00: Début de l’office 19h00: Office
de Yom Kippour
16h30: Office des enfants Samedi 14 octobre 2006
17h45: Yiskor 22 Tichri 5767 – SIMHAT TORA
Fin du jeûne à 19h59. 10h00: Office

Avez-vous déjà réglé votre cotisation pour 5767?


Compte C.B.C. 192-5133742-59
AG EN DA

Les fêtes de Tichri à Beth Hillel


ROSH HASHANA

Vendredi 22 septembre Office à 19h00


Samedi 23 septembre Office à 10h00
Office des enfants à 11h00
Office du soir à 19h00
Dimanche 24 septembre Office à 10h00

PELERINAGE À GAN HASHALOM :

Dimanche 1er octobre à 11h00

YOM KIPPOUR
28
Dimanche 1er octobre à 19h00 KOL NIDRE
Lundi 2 octobre Office à 10h00
Office des enfants à 16h30
Yiskor à 17h45
Fin du jeûne à 19h59

SOUCCOT

Construction de la Soucca le mercredi 4 octobre à 17h00


Apportez feuillages, fruits,
légumes pour la décorer
Erev Souccot le vendredi 6 octobre Office à 19h00
Souccot I. le samedi 7 octobre Office à 10h00
Chmini Atseret/Simhat Tora le vendredi 13 octobre Office à 19h00
le shofar

Les cours à Beth Hillel - année 5767


TALMUD TORA
L’approche de notre Talmud Tora est tournée vers l’expérience juive.
Une conteuse animatrice propose des activités aux enfants à partir de cinq ans, tandis
que les plus grands profitent de deux niveaux de préparation à la Bar/Bat Mitsva.

Réunion avec les parents et inscriptions: mercredi 6 septembre à 19h30


Premier cours: mercredi 13 septembre de 14h00 à 17h00

COURS POUR ADULTES


LES VISAGES DE LA PRIERE
Au cours de ces rencontres hebdomadaires, nous explorerons le sens de la prière juive à
travers lectures et discussions, mélodies et réflexions.
Le vendredi avant la prière de Kabbalat Chabbat, de 19h30 à 20h avec Rabbi Chinsky
A partir du 1er septembre 2006 (préparation des fêtes de Tichri)

MIDRACH
L’interrogation infinie du Texte. Débat autour des vertigineuses audaces d’interpréta-
tions de nos sages. 29
Le jeudi, tous les quinze jours, de 20h00 à 21h30 avec Rabbi Dahan
Premier cours le 7 septembre 2006

NOTRE JUDAÏSME, PENSEE ET PRATIQUES


Le judaïsme est une tradition riche et complexe. Pour apprendre ou revoir les bases et ce
qu’elles signifient pour chacun d’entre nous.
Le lundi, de 20h00 à 21h30 avec Rabbi Floriane Chinsky
Premier cours le 18 septembre 2006 (préparation des fêtes de Tichri)

LILMOD VELELAMED
Séminaire approfondi. Prière de prendre contact avec Rabbi Floriane Chinsky
(02.332.25.28)

OULPAN D’HEBREU
Cours conviviaux avec un professeur israélien. Nombre de places limité.
Participation aux frais : 170 €

Inscriptions et premier cours:


Classe Aleph (pour débutants) mercredi 18 octobre de 19h00 à 20h30
Classe Beth (moyens) mardi 24 octobre de 19h00 à 20h30
C O M M U N AU T É – C U LT U R E

Nos Bne Mitsva


Extraits de la dracha de Nathan Giroul Extraits de la dracha d’Anna Erckens
13 mai 2006 – 15 Yiar 5766 1er juillet 2006 – 5 Tamouz 5766
Ma PARACHA s’appelle EMOR, ce qui signifie : …I red the story of Hansel and Gretel again
« parle dis, aux enfants d’Israël », du troisiè- recently. It was nice to read it again. I found
me livre de la TORAH, le LEVITIQUE. it is a good story. I remembered how it was
Elle parle des prêtres, de leurs obligations et for me to hear that story as a Kid. I guess it
de leurs contraintes… is the same thing when you read the torah
every year. When you read it again, you feel
• Pourquoi ces contraintes ? the connection with the person you were the
• Pourquoi demander à un groupe particulier year before, and you learn new things about
d’obéir à des règles particulières ? the story. You keep it in your head…
• Pourquoi demander aux prêtres qui sont un ‘Korach’, the Torah section that will be red
groupe particulier dans le peuple juif d’avoir this week, was written in the 4th book of the
des règles différentes ? Thora. In Hebrew, this book is called ‘Bami-
• Et une question importante qui y ressemble ; dbar’ and it tells the story of the Jewish peo-
pourquoi le peuple juif a des règles différen- ple while they were crossing the desert after
tes dans le groupe des humains ? their exile from Egypt.
30 • Pourquoi les autres groupes ont chacun Korach, Moses and his brother Aaron are all
leurs propres règles ? descendants of Levi, the 3rd son of Jacob and
• Pourquoi créer un groupe dans le peuple Leah. The tribe of the Levites were priests
juif ? and responsible for various religious tasks.
Aaron had been chosen by G-d as ‘Cohen Ga-
En fait, prendre tout le peuple risque d’être dol’, which is sort of a higher priest. He alone
trop difficile et ils ne seront pas forcement could performs duties that the other Levites
tous d’accord ! Pourtant la TORAH nous dit weren’t allowed to.
que le peuple juif est un peuple de prêtres. Korach was very jealous of Aaron because of
this. Together with Datan and Aviram and 250
Normalement, c’est le premier né de chaque important leaders of the tribes and their fa-
famille qui devrait jouer le rôle de prêtre. milies, he started to rebel against Moses and
Aaron.
Être un prêtre, ce n’est pas prier pour les Datan and Aviram were descendants of Rue-
autres !! ben, the eldest son of Jacob. As descendants
Dans le judaïsme chacun a sa responsa- of a first-born son, Datan and Aviram thou-
bilité… ght they had the right to be the leader of the
…Aider, c’est le rôle de chacun ; mais par- Jewish people and not Moses.
fois, on a du mal à écouter les autres. La In their uprising, they first accused Moses
solitude, le sentiment d’être délaissé peut and Aaron that they put themselves above
nous renfermer. Il est donc important qu’il all the other people because of their chosen
y ait des gens qui ne se laissent pas enfer- position.
mer dans la tristesse et savent être là pour Then they accused Moses of the fact that he
les autres. (Ça doit aussi être le rôle d’Israël hadn’t yet brought them to the land of milk
vis-à-vis des Nations)… and honey, as he had promised, but instead
le shofar

had let people die in the wilderness of the The most important thing for me in that
desert. story was that KoraH was Jalous. In the
Moses and Aaron reacted in shock. They Ten Commandments it is said: “don’t be
had only done what G-d had asked them to jealous of the property of someone else”.
do. But the rebellious people would listen. In life, many times, you can’t have every-
Moses and Aaron turned to G-d for advice. thing you want immediately. You need to
G-d gave Moses the task to call all the re- work for it. Jealousy is a strong feeling. It
bels for a meeting the following day. All of is not enough to say: I won’t be jealous any-
them were to bring an offering of incense more.
before G-d, which was a task only a Cohen What can help you not being jealous?
and not a Levite was allowed to bring. 1 Be satisfied with what you have can help
The next day at the meeting, Moses and Aa- us not being Jealous. Being proud of what
ron tried to persuade the rebels to change you are and being happy of what you have
there minds, but it was to no avail. is important. This is what our tradition tea-
ches us. Our sages teach: “who is rich? The
Then Moses begged to G-d: “Please G-d, do one who is satisfied with what he has.”
not punish all, because of the sins of one My parents tell me good and bad things. It
person!” is interesting that I only see the bad things.
But G-d was pretty mad by then and gave I feel that it is important to enjoy the good
Moses and Aaron the order to step aside things too. How can we learn that? Just
from the group of rebels…Right after he had open your eyes for the good things and en-
spoken, the earth started shaking, split in joy it for the moment you have. This is the
two and swallowed Korach, Datan, Aviram, teaching of the jewish blessings: you have
their followers and all their belongings. blessings about everything telling: enjoy 31
All the others were very much in shock the rainbow, enjoy the candies, enjoy nice
with what they had just witnessed. They clothes, and enjoy the present time just like
were very upset with Moses. They didn’t I just said two minutes ago: ChehéHeyanou
believe the rebels had died because of G- la zman haze”: thank you God to have brou-
d’s action, but because of a trick by Moses ght me to the present time.
and Aaron. 2 Another way not to be jealous is to avoid
When G-d saw this rebellion, He got even despair. If you have hope, you wouldn’t be
angrier than before and sent the Plague to jealous, you would say: he has what I want
all who were involved. Many people died but I can have it too.
and it wasn’t until Aaron intervened by But how can you get back to a feeling of
bringing a peace offering of incense, that hope? Trust in yourself. That is the mea-
the Pague stopped. ning of the blessing that parents do to kids:
And yet, still people doubted the chosen “be blessed, succeed in what you try.”
leadership of Moses and Aaron. Hey guys, it is your turn to do it for me in a
G-d gave a last test. few minutes. Don’t forget it!
Aaron and the 12 leader of the tribes had to You need to learn not to look at other peo-
take a rod on which they should write their ple but at yourself. Good friends can help
names and then put in front of the tent of you when you are in trouble. This was
the Holy Ark. exactly the problem of KoraH. KoraH didn’t
By the next day, only Aaron’s rod had understand that it was not about property
grown buds, bloomed blossoms and bore but about serving, doing well (good for) to
ripe almonds. others.
Then the people believed that G-d chose I hope we all learned something about don’t
Moses and Aaron to lead them… be jealous…
C O M M U N AU T É – C U LT U R E

Extraits de la Dracha de Joël Hochner 8 Miriam, avoir de l’eau «coulait de source» et


juillet 2006 – 12 Tamouz 5766 tout semblait facile.
L’extrait de la Torah qui est lu cette semaine, Pour Moïse, c’est plus compliqué: il est devant
Houkat, je l’ai lue et relue, j’ai appris à la lire un peuple en pleine révolte. Il est stressé et
en hébreu, j’y ai réfléchi, j’ai essayé d’en com- frappe le rocher par 2 fois alors que D. lui
prendre le sens en français… L’histoire se avait demandé de lui parler. Moïse et Aaron
déroule après la sortie d’Egypte, alors que les parlent au peuple et lui disent: «Or, écoutez
enfants d’Israël sont dans le désert… Parmi ô rebelles! Est-ce que de ce rocher nous pou-
toutes les questions soulevées dans cette pa- vons faire sortir de l’eau pour vous? (Les
rasha, celle qui m’a le plus intriguée concerne Nombres, chap.XX, verset 10).
la révolte des enfants d’Israël en manque Comme tout le monde, il m’arrive d’être énervé,
d’eau. Pourquoi manquent-ils d’eau? «d’être rebelle».Dans ces cas-là, voici ce que
Tout au long de l’exode depuis l’Egypte, Mi- j’aimerais qu’on me dise: «Calme-toi, rassure-
riam, la soeur de Moïse, accompagna le peu- toi, on va trouver de l’eau, on va trouver la solu-
ple. C’est elle qui suivit Moïse quand il était tion.» Mais pourquoi n’ont-ils pas parlé ainsi?
dans son berceau, sur le Nil. Elle était comme Je pense que c’est à cause du stress.
une seconde mère pour lui et pour le peuple, Voici quelques moyens de vaincre le stress: re-
elle était une prophétesse. garder les choses autrement, prendre du recul,
Voici ce que nous dit le texte: «Les enfants s’oxygéner et ce que nous raconte le texte:
d’Israël, toute la communauté arrivèrent Le peuple se plaignit de D. et de Moïse d’avoir
au désert de Cîn, dans le premier mois, et été tiré d’Egypte pour mourir dans le désert,
le peuple s’arrêta à Kadêch, Miriam mou- car il n’y avait ni eau ni pain. L’Eternel se fâcha
rut en ce lieu et y fut ensevelie. Or, la com- et envoya des serpents venimeux qui mordi-
32 munauté manqua d’eau, et ils s’ameutèrent rent le peuple. Ce dernier s’excusa auprès de
contre Moïse et Aaron.» (Les Nombres, chap. Moïse d’avoir pêché et l’Eternel lui dit de faire
XX, versets 1 et 2). un serpent d’airain et de le fixer en haut d’une
Dans ces versets, Miriam meurt et tout de sui- perche. Quiconque avait été mordu, levait les
te après, le peuple manque d’eau. Le Midrach yeux vers le serpent d’airain et était sauvé.
donne un explication: il dit que tout au long Cela veut nous dire que quand on est préoc-
du trajet, un puits suivit le peuple grâce au cupé par un problème ou par des difficultés,
mérite de Miriam. C’est pour ça que sa mort on a parfois besoin de lever les yeux pour s’en
entraîna un manque d’eau. sortir ou pour s’en échapper.
Mais y avait-il vraiment un puits? C’est peut- Je crois que dans la vie, une des choses les
être une façon imagée de nous faire compren- plus importantes est la confiance car, avec
dre quelque chose d’important. elle, on peut résoudre tous les problèmes.
Et qu’est-ce qui entraîna la révolte? Certaine- Cette dernière phrase faisait allusion au peu-
ment le manque d’eau, mais surtout la perte ple qui avait confiance en Miriam et donc, qui
de la confiance que suscitait Miriam. Avec n’avait pas de problème d’eau… ■

Les rabbins et les membres du Conseil


d’Administration de Beth Hillel présentent à Corinne, Philippe, Raphael, Deborah
la communauté et au Yichouv leurs vœux les et Leah LEWKOWICZ
plus fervents pour Rosh Hashana. vous souhaitent une belle année
Que la nouvelle année soit pour nous tous 5767, en paix et en douceur.
une année de santé, de prospérité, de réus-
site dans les efforts de chacun et qu’elle voie
enfin s’éclairer les rayons de paix et d’harmo-
nie dont Israël et le monde ont tant besoin.
le shofar

Talmidi, petit poisson


deviendra grand...
Nos enfants nous sont plus chers que tout au Notre tradition souligne à la fois l’importan-
monde. Cette conscience que nous avons en ce de l’individu et celle de la communauté :
tant que parents, nous l’avons aussi en tant chacun soutient la communauté et la com-
que communauté. munauté soutient chacun.
Pour cette raison, au cours de cette année,
l’équipe de Talmidi a investi beaucoup de A Beth Hillel, la Bar/Bat Mitzva s’inscrit
temps et de réflexion dans le développement dans ce projet : la préparation à la Bar/Bat
du Talmud Tora. Mizva permet à l’enfant de s’épanouir, de
Ces réflexions, nous voudrions les partager se dépasser ! Nous avons le bonheur d’en
avec vous. être témoins quotidiennement.
Notre plus grand souhait serait que nos en- Pour aider certaines familles, nous es-
fants et leurs parents, malgré la vie trépidan- sayons de concilier l’impossible, et de
te qu’ils mènent souvent, puissent trouver à la réduire les temps de préparation lorsque
synagogue l’accueil et l’écoute dont ils ont be- cela semble incontournable.
soin. C’est d’autant plus vrai que notre socié-
té vit une période de transition. Le dialogue La Bar/Bat Mitzva ne peut être chez nous
entre générations est de plus en plus difficile. « un examen de plus », qu’on potasse à la 33
Nous sommes entraînés à perdre le sens, la maison pendant 6 mois avant de passer un
valeur et le goût des choses. A travers ces dif- « examen oral » comprenant la récitation
ficultés, comme tout au long de notre histoire systématique de mots écrits par d’autres.
en tant que peuple, notre tradition est là pour En tant qu’enseignante, mon expérience
donner un éclairage de sens et d’humanité à m’a appris que chaque enfant a besoin de
ce que nous vivons. Elle nous accompagne temps pour « faire sien » ce qu’il va commu-
depuis l’enfance. Cette lumière devrait donc niquer aux autres à sa façon personnelle.
être cultivée dès le plus jeune âge.
C’est notre désir en tant que communauté d’ac- Chaque enfant nous est cher, nous l’ac-
compagner chaque famille dans son cycle de vie. cueillons individuellement et nous le
C’est notre désir en tant que Talmud Tora faisons bénéficier de l’apport du « groupe-
d’accompagner chaque enfant, de la petite classe ».
enfance à la grande adolescence. Tout ceci, c’est ensemble que nous pouvons
le réaliser. Nous vous remercions pour cet-
te collaboration que nous apprécions par-
dessus tout.
L’équipe de TALMIDI souhaite Nous nous réjouissons à l’avance de vous
une excellente année d’étude, rencontrer le mercredi 6 septembre 2006 à
enrichissante et pleine de joie. 19h30 à Beth Hillel, pour initier et affiner le
projet de vos enfants pour l’année à venir. ■

Josiane Goldschmidt
Directrice du Talmidi
E-mail : jomigold @ yahoo.com
C O M M U N AU T É – C U LT U R E

Talmidi
Le Talmud Tora de Beth Hillel
Pour votre enfant
de 5 ans ou plus…

Pour les jeunes qui seront
Bar/Bat Mitsva
dans deux ou trois ans…

Pour les post Bar/Bat Mitsva…

Offrez-leur ce cadeau qui les portera toute leur vie !


34 Laissez-les construire leur boîte à souvenirs…..

Notre Talmud Tora accueille nos enfants dès 5 ans !


Comprendre qui nous sommes, vivre nos traditions, trouver sa place dans la communauté,
c’est important à tout âge !
La Bar/Bat Mitsva en est l’aboutissement.
Le groupe des Post Bar/Bat Mitsva en est la réalisation communautaire

C’est la même Tora, mais c’est une autre lumière !

Vous souhaitez poser vos questions, prendre connaissance de l’organisation de l’année,


vous impliquer davantage en tant que parents?
Venez nous rencontrer

le mercredi 6 septembre 2006 à 19h30


A Beth Hillel

Inscriptions: dès le 6 septembre 2006


Premier cours: le 13 septembre 2006, de 14h00 à 17h00
le shofar

L’histoire d’Ies Par Monique d’Heu

1. Qui et pourquoi ? Quand j’ai lu le document, j’ai fait la pro-


L’homme a toujours eu besoin d’autres qui messe spontanée de raconter son histoire
peuvent lui servir d’exemple, de modèle. In- à “mes” enfants – en classe, mais surtout à
consciemment et intentionnellement, nous Amsterdam, sa ‘ville adoptive’, en nous pro-
cherchons à nous développer en observant menant le long des rues et des canaux, ou en
les autres. Nous copions ou rejetons, nous faisant une petite unité sur la cour intérieu-
modifions, nous choisissons des détails in- re de l’ “Amsterdams Historisch Museum”,
téressants d’une gamme de pensées, paro- sentant “ l’Autre” nous approcher, sentant le
les, actions, d’éléments de comportement et Passé toucher notre Présent.
de valeurs. Pour quelques-uns, l’histoire d’un peuple
En général nous choisissons nos modèles dont ils ne font pas partie, qui n’est que “des
parmi les gens que nous rencontrons hommes vêtus de noir, couverts de cha-
dans nos vies. Ça peut sembler banale mais peaux enrobés d’un plastique”, l’histoire des
en réalité c’est une chose très belle: voir Juifs pendant la guerre, reste au niveau de l’“
dans l’autre ces aspects, ces valeurs qui émotion, leçon, interrogation, examen, in-
nous aident à développer notre humanité. différence” . Au milieu du bruit de la rue, un
silence nous enveloppe, et dans ce silence
Je suis enseignante dans une école moyen- croît la compréhension du coeur. Et pendant
ne. Mes élèves sont des adolescents typi- que l’émotion se dirige vers le personnage 35
ques, âgés de 16 à 18 ans. De plus en plus central de l’histoire, le message qu’elle porte
parmi eux luttent contre des problèmes psy- est interprété comme message presque indi-
chologiques et -ou familiales. Quelques-uns viduel. Les élèves écoutent l’histoire d’Ies et
ne savent plus communiquer. nombre d’ entre eux reconnaissent l’Exem-
Moi, je suis leur enseignante d’anglais. Je ple…
cherche le matériel surtout littéraire sus-
ceptible de les aider à s’ouvrir, à mieux se L’histoire commence en 1938 à Gelsenkir-
comprendre – et comprendre l’autre. chen, en Allemagne.
Par ailleurs, je me trouve dans la situa-
tion privilégiée où mon matériel littéraire 2. Prologue en Allemagne - 1938
me permet de leur passer le message de la Gelsenkirchen? C’est la coupe du monde de
Shoah. Comme mes parents l’ont fait avec football, c’est la débâcle anglaise après le tir
moi, selon la tradition exprimée par les pa- de réparation de Ronaldo! C’est la ville de
roles de Deut. 6 : 21 / Ex. 13 : 8. Schalke 04….
Bien sûr, nous avons tous pu déguster ce
Il y a six ans, j’ai fais la connaissance d’Is- court film qui nous montrait une ville spa-
raël (Ies) Yaoz, un Israélien d’origine ger- cieuse, souriante.
mano hollandaise. Il me donna un document
sur son enfance pendant la Shoah et sur sa En 1938, la ville nous présente une image
vie d’adulte en Israël. moins attractive. C’est une ville industrielle
Maintenant, Ies a septante-sept ans. Sa fem- qui se situe dans la Ruhr, région d’usines à
me, qui est d’origine grecque, s’appelle Syl- hautes cheminées produisant sans cesse des
via. Ils ont trois fils et deux petits-enfants. nuages de fumée. Région de charbonnages
Ils habitent aux environs de Tel-Aviv. et de terrils, ville laide aux façades noircies
C O M M U N AU T É – C U LT U R E

par la suie des usines, des trains aux loco- Roman Vishniac, déguisé en officier S.S.,
motives à vapeur et du lignite qui chauffe les prend la photo du visage d’un enfant pen-
maisons. Le dessin classique des façades est dant la Kristallnacht. (“A Vanished World”
celui des maisons de maître du tournant du photo n° 173).
siècle comme nous le connaissons dans les L’auteur néerlandais-allemand G.L. Durla-
villes européennes telles Anvers, Bruxelles, cher qui, à ce moment là, avait presque le
… et que nous reconnaissons à Cracovie même âge qu’Ies et qui habitait à Baden-Ba-
ou à Yad Layeled , le centre éducatif sur la den, nous a laissé son impression enfantine
Shoah qui nous montre le “décor” du point dans son livre “Drenkeling” (“Le Noyé”) :
de vue d’un enfant. (Le centre appartient au la peur et la tension incompréhensibles des
kibboutz Lohamei ha-Geta’ot.) adultes qui s’expriment dans la colère ou
dans les larmes pendant que l’enfant, lui
En 1938, le championnat de football se dé- aussi, reçoit sa portion d’un antisémitis-
roule en France. Les Allemands espèrent que me bouleversant et agressif. Cette atmos-
le talent de Fritz Szepan, joueur de Schalke, phère de danger inévitable, de résistance
va les conduire à la victoire. Malheureuse- courageuse d’un enfant désespéré, André
ment ( ?), l’équipe de “Gross-Deutschland” Schwarz-Bart la peint dans “ Le dernier
est éliminée dans la première manche. La des Justes”.
raison? Après avoir fait le salut hitlérien, ils
ont dû jouer sous un barrage incessant de 3. La fuite
tomates, oeufs, bouteilles et sifflets. Quelle Que faisait Jacob quand il se prépara pour
humiliation… la confrontation avec son frère aîné, le dan-
Quelle différence d’atmosphère avec le “Va- gereux Esaü?
36 terland”, où règne la terreur du nazisme.
“ Jacob fut fort effrayé et plein d’anxiété. Il
La famille d’Israël n’habite pas loin de la distribua son monde, le menu, le gros bétail
vieille gare de Gelsenkirchen, le “Haupt- et les chameaux, en deux camps, se disant :
bahnhof”. Elle fréquente la synagogue si Esaü attaque l’un des camps et le met en
strictement orthodoxe dans la Hindenbur- pièces, le camp restant sera sauvé.’” (Genè-
gerstrasse; la grande synagogue libérale se se 32, 8-9)
trouve très proche dans la Gildenstrasse. Ce sont des mots simples et secs. Derrière
Son père travaille pour un marchand de eux se cache un amour profond en une dou-
textile. À neuf ans (presque dix !), Ies est le leur déchirante.
frère aîné de trois soeurs et d’un petit frère. La famille Durlacher s’enfuit. D’autres ont
réussi à mettre leurs enfants sur un “Kin-
Qu’est-ce que ça vaut, ce championnat de dertransport” vers l’Angleterre. Les parents
football pour Ies et les siens? Rien. Les pe- d’Ies, eux, que peuvent-ils faire?
tits garçons juifs ne reproduisent plus les Face à la réalité de la laideur de l’inhumain,
grands matchs, ni dans la rue, ni au parc. ils ne perdent néanmoins pas leur confiance
en l’homme – juif et non-juif. Janvier 1939 :
La nuit du 9 au 10 novembre 1938, la grande ils laissent partir leur fils de dix ans et sa
synagogue brûle. Le magasin de textile est soeur Recha, huit ans et demi. Comme l’ont
détruit. Kristallnacht. Et Ies en est le témoin. fait les parents des enfants cachés, ils les
confient à des inconnus…
Chaque conflit moderne, depuis l’invention Un “bon” jour d’école, les deux enfants pren-
de la photographie, nous offre des images nent leurs sacs à dos et montent dans le
qui, en témoignant, pour toutes sortes de train pour Nijmegen en Hollande. Ils ne con-
raisons, veulent nous choquer. naissent ni le pays, ni la ville, ni la langue…
le shofar

Leur wagon est plein d’écoliers hollandais “Amsterdams Historisch Museum” (“Musée
qui fréquentent les écoles allemandes – de l’histoire d’Amsterdam”), situé entre Kal-
pour la meilleure qualité de l’éducation?- Le verstraat, St. -Luciënsteeg et Nieuwezijds
contrôleur, les douaniers, le SS : ils jettent Voorburgwal. On n’a pas voulu oublier la
un coup d’oeil sur cette bande d’enfants fonction originale du bâtiment et l’on y voit
– et … rien. des références aux orphelins.
Les deux petits sans-papiers passent la fron- De l’optique d’un enfant, les bâtiments for-
tière. ment un complex énorme, impressionnant.
Les orphelins de la ville y ont vécu depuis
Ies, beaucoup d’années plus tard : “ C’était le dix-septième siècle sous un régime très,
un jour sans classe, presque une aventure. très strict. On sépare les garçons des filles.
Ce n’est qu’après quelques semaines que j’ai Une petite porte indique la ‘frontière’…C’est
compris. Et beaucoup plus tard encore, je là qu’Ies est autorisé à parler à sa soeur.
me suis rendu compte de l’importance de ce Le conseil de l’institut, avec l’énergique Mme
moment particulier : c’était un passage déci- Wijsmuller-Meyer, cherche des familles qui
sif, irrévocable.” Un ‘alea iacta est’. veulent bien “adopter” les réfugiés. Recha,
étant une fille, une belle fille, peut quitter
Le train s’arrête à Nijmegen, gare terminus. l’orphelinat très vite. Ies doit attendre en-
Les deux enfants restent seuls dans le train. core quelques semaines, jusqu’au moment
Un contrôleur curieux, inquiet, les approche. où les Pakkedrager, des gens très cultivés,
Ies: “ Nous sommes des Juifs, nous venons le choisissent comme “fils aîné”. Ils vont
d’Allemagne!” le protéger, lutter pour lui comme s’il était
“Quoi?! Qui vous accompagne?! Où sont vos vraiment leur propre enfant. Après la guer-
parents?” re, on lui racontera comment, par exemple, 37
une démarche de la jeune mère l’a sauvé
Le contrôleur appelle le chef, qui appelle une d’un transport : au début de l’Occupation, la
représentante juive de la ville, qui appelle … Gestapo venait chercher les garçons d’ori-
Une chaîne d’adultes au coeur grand et cou- gine allemande sans liens, des proies faciles.
rageux va les aider. Pourquoi faire ? Ies chercha et découvrit la
À Gelsenkirchen , très tard le soir, les pa- vérité : les Allemands les envoyaient dans un
rents se disent que les petits se trouvent en camp de concentration où on les tuait en les
sécurité – sûrement ?! faisant subir des expériences au poison.
Quelques jours plus tard ils essaient le Amsterdam… le nom, les images dans sa
même procédé avec Esther, six ans, mais mémoire, ils le font sourire.
elle est trop jeune. Les autorités hollandai- Amsterdam, avant le déménagement forcé,
ses la renvoient en Allemagne. c’est la maison familiale dans le quartier
spacieux qui s’appelle “Rivierenbuurt” où vit
4. Une nouvelle chance aussi une “colonie” de réfugiés allemands,
Une organisation juive qui s’occupe de réfu- des intellectuels surtout.
giés allemands mineurs organise six semai- Amsterdam, c’est devenir un petit écolier
nes de “vacances” en bord de mer pour les néerlandais qui dévore les livres d’enfant
deux enfants, dans une sorte de “colonie”. populaires de Johan Kievit. Ensuite, l’école
Ies et Recha sont très tristes, leurs parents moyenne au Stadstimmertuinen, proche de
leur manquent terriblement. l’Amstel et le théâtre Carré.
Puis on les fait entrer à l’orphelinat à Ams- C’est aussi la vie sociale de la kehila, le sio-
terdam, le “Burgerweeshuis”. nisme et les leçons d’Ivrit – pour “après”,
Les touristes qui visitent Amsterdam pour un futur qui sera la réalisation du rêve,
aujourd’hui le connaissent sous le nom de de l’espoir.
C O M M U N AU T É – C U LT U R E

C’est le moment heureux et profondément Et Recha? Et la famille à Gelsenkirchen?


triste de sa bar-mitsva.
Amsterdam… avec le Waterlooplein, le mar- Depuis que les deux enfants habitent chez
ché aux puces presque au bord du quartier leurs familles adoptives respectives, le con-
pauvre. Ce marché populaire, à l’ambiance tact est normalisé, ils se voient chaque se-
sympathique, où les vendeurs amusants maine jusqu’à l’été 1943. (1)
vantent leur marchandise, parlent le dia-
lecte d’Amsterdam et le yiddish, son mame- Avec la famille à Gelsenkirchen -et plus tard
loshen. à Varsovie - ils maintiennent une correspon-
Quand on se promène à Amsterdam avec dance le plus longtemps possible.
des groupes d’élèves et d’adultes non-juifs,
qu’on leur indique les bâtiments et les rues À la fin de l’été 1943, Amsterdam doit être
que l’on retrouve dans l’histoire d’Ies, “Judenfrei” . Un camion du S.S. vient cher-
de l’écrivain Marga Minco, de Hannah Gos- cher les Pakkedrager et à l’ “Amstelstation”,
lar ou de cette petite fille cachée qui pour ils rejoignent la foule qui attend l’arrivée du
tant de gens est devenue une sorte de “star” train pour Westerbork d’où chaque mardi
de la Shoah, on peut observer une réaction matin, un train part pour l’est. Quelle des-
remarquable : malgré le caractère unique tination? Sobibor? Theresiënstadt? Belsen?
d’Amsterdam, le décor de ces histoires in- Auschwitz?
dividuelles, situées dans les années trente-
quarante, leur est suffisamment familier Les Pakkedrager sont déportés à Belsen. (2)

que pour les aider à s’y identifier . Les fa- Ies a seize ans.
çades du dix-neuvième siècle, celles du
38 modernisme pratique :…. “Mais oui, ma Et puis? Le retour en Hollande, les listes de
famille habite dans une maison identique, la Croix Rouge. Comme le font tant d’autres,
à …!”Cette découverte provoque un petit il reprend sa vie. Il cherche une famille : “Je
choc qui les déséquilibre un peu ; juste as- ne voulait plus l’orphelinat, non, plus ça!”
sez pour que les “personnages” puissent
entrer dans leurs vies. Soudain, l’Histoire Jaap van Amerongen (Jaäcov Arnon) (3) et
- qui pour bien des gens n’est que l’histoire sa femme l’accueillent dans leur famille. Il
“des autres” – est vivante dans leur Présent se jette sur ses études, combine les années
et Ies, le petit garçon, les tire discrètement manquées et termine l’école moyenne à l’âge
par la manche. prévu . “ J’avais un dix pour néerlandais!” se
souvient-il, fier et souriant.
5. Amsterdam - Belsen - Amsterdam
Amsterdam, pour Ies, est vraiment une 6. Donner un sens…
ville aux bras ouverts et quand la guerre Il part pour Israël – traverse la Belgique,
atteint les Pays-Bas et que le système des reste quelques mois en France chez un oncle
mesures antisémites mène là aussi aux qui a survécu à la guerre, déguisé en pasteur
camps et à la catastrophe, il assiste à des catholique.
témoignages de courage et de sympathie, La Ciotat, non loin de Marseille , est le port
le “Non!” au dédain nazi pour l’autre être où des milliers embarquent sur des bateaux
humain. pour Israël, des bateaux type “cercueil flot-
L’école de boxe de Joël Cosman, par exem- tant”, comme les gens le connaissent du film
ple, organise un “commando” juif, des hom- “Exodus”.
mes de main ; et au mois de février 1941, la Le jour suivant le débarquement à Haïfa, Ies
grève des ouvriers est en partie une expres- devient soldat dans l’armée israélienne.
sion de solidarité avec “leurs” Juifs. Nous sommes en juillet 1948.
le shofar

On l’envoie à Abu Gosh, à quinze kilomètres Les parents espèrent que leur nouveau-né
de Jérusalem: “ Je voulais tellement voir dont ils sont si fiers, va se développer en
Jérusalem. Je risquais d’être tué dans cet- adulte juste, intelligent, ‘a sheiner yid’. ..
te guerre; c’était impératif que j’y allasse.” Eh… on doit s’attendre à des petites décep-
À la première occasion, il se met en route. tions… Jusqu’à maintenant, nous avons eu
Les dix premiers kilomètres, il marche tout assez de problèmes avec cet enfant,
seul, entouré de collines nues. Pendant trois mais… il reste notre enfant, notre bébé…”
heures, aucun véhicule ne passe – sur cette Les premières années dans la “Terre Pro-
même route qui aujourd’hui est complète- mise” se résument en quelques mots :
ment saturée ! chercher du travail, chercher la femme,
Il atteint la ville et : “Je dansais presque dans chercher une maison.
les rues de Jérusalem, bien que les grenades Pendant quelques semaines, il passe la nuit
tombassent du ciel. Le rêve était devenue dans une banque de l’avenue Rothschild à
réalité…” Tel-Aviv : le romantisme du clochard… La
Et après la Guerre d’Indépendance, après la police veut l’arrêter, lui demande d’ouvrir
démobilisation, les pays voisins signeront son sac à cambrioleur. Elle n’y trouve qu’une
sûrement des traités de paix avec le nouvel batte de maçon : “J’avais suivi un cours.
Etat reconnu par les Nations Unies?! Après quelques semaines, j’étais un pro. On
“Ayant survécu à la grande tragédie, nous construisait de nouveaux bâtiments avec
étions d’avis que l’aliya était le seul moyen une telle rapidité et d’une telle médiocrité
pour lui donner un sens. Laisser derrière que mon style unique maçonnier ne déton-
nous cette vie protégée en Hollande avec un nait pas.”
futur sauf et garanti et partir pour un pays
dont on ne savait pas s’il pourrait continuer 7. Un emploi riche de possibilités 39
à exister. Nous étions plein d’idéalisme, d’es- Au début des années soixante, il obtient son
poir – et nous nous sentîmes tellement cou- insigne de guide touristique.
pables d’avoir survécu. Venir en Israël, c’était Quoi, il est devenu un de ces messieurs qui
donner un sens au ‘Yiddishkeit’, à l’histoire marchent à la tête d’une bête troupe de tou-
des Juifs aussi. Nous n’étions pas réalistes. ristes qui regardent à droite, à gauche et au
‘Quand l’Eternel ramena les captifs de Sion, parapluie fermé qu’ils tiennent en l’air?
nous étions comme des gens qui rêvent.’ Pas tout à fait. Comme Israël est un pays
(Psaume 126) particulier, avec ses trois religions mono-
Les choses ne se sont pas déroulées comme théistes, son histoire compliquée, sa situa-
nous les avons rêvées. Mais… tu veux con- tion actuelle encore plus compliquée, les
tribuer à cette communauté, ce monde, ce cours de guide et les examens sont très
Dieu – même si ça implique que tu sois li- durs. Et Ies, lui, il n’aime pas du tout l’image
mité dans la réalisation de tes autres rêves du guide- berger avec ses moutons au regard
ou désirs privés. La bible nous dit quelque vide.
part que nous devons être comme une lu- Qui sont les gens qui viennent en grands
mière pour les autres peuples de ce monde, nombres - à condition qu’il n’y ait pas de
un exemple… guerre, d’intifada ou quelque autre petite
‘Oui, tandis que les ténèbres couvrent la ter- problème - et qui s’installent dans un car
re et une sombre brume les Nations, sur toi climatisé, premier stop le Holy Land Hotel?
l’Eternel rayonne, sur toi sa gloire apparaît. Correcte, ce sont des Chrétiens de tous les
Et les peuples marcheront à ta lumière, les coins du monde. Évidemment, les guides
rois à l’éclat de ton aurore.’(Isaïe 60, 2-3) juifs israéliens sont bien préparés ; à la tête
Faisons la comparaison de la naissance de de leur petit troupeau, ils marchent sur les
l’Etat d’Israël avec celle d’un enfant: traces du Christ, l’édition chrétienne de la
C O M M U N AU T É – C U LT U R E

bible à la main. Aux arrêts conventionnels y ajoutent, ce qu’ils sont prêts à offrir
ils font la lecture d’un extrait du Nouveau d’eux-mêmes. Ies n’hésite pas à partager
ou de l’Ancien Testament, après laquelle les résultats de son étude permanente. Son
souvent un spécialiste, membre de la trou- comportement et ses paroles expriment une
pe, se sent religieusement obligé d’y ajouter compréhension de l’Autre et souvent, une
une interprétation, une “leçon”. Il sonne la compassion discrète. (Même les plus bêtes
cloche: “ Attention et n’oubliez pas que pour de ses ‘élèves’ se sentent à l’aise dans la clas-
nous le Messie est déjà venu. se de ‘reb Ies’.)
Le guide peut bien savoir beaucoup – mais
s’est nous qui en savons plus.” … 8. Le défi
Comme un hypernerveux qui ne veut pas À la fin des années soixante, Israël et ses
que les enfants de la visite touchent les bi- collègues sont confrontés à une demande
belots et qui les retourne à leur place, il pré- bouleversante.
cise le moment où la porte se ferme derrière En Allemagne, un nombre croissant de jeu-
les “pénétrateurs” de son domaine. nes gens expriment le désir de venir visiter
Avec Ies, la situation est un peu différente. Il Israël. De jeunes chrétiens qui, pour la plu-
est un guide touristique style ‘rabbi Dahan’ part, appartiennent à une organisation qui
J Le touriste amorphe au cerveau atrophié s’appelle “Aktion Sühnezeichen Friedens-
ne l’intéresse pas. Ies raconte, il lit à haute dienste” (Activités pour la conciliation et le
voix et puis pose des questions. “Qu’est-ce service de paix).
que ça veut dire ??!! Vous le savez!! Je vous Qui est disposé à les guider ? Qui est prêt à
l’ai expliqué hier soir! Alors? C’est pour apprendre l’allemand?
l’examen ça !” Ies , à Berlin en 2005 : “ Presque personne
40 Comme la question rhétorique de rabbi D.: ne voulait parler ni étudier l’allemand. Le
“Quelle est la chose la plus importante pour mot ‘Deutsch’ était tabou. J’ai réfléchi. Je
un Juif ?!! La tête, mes enfants, la tête!!” pouvais tourner le dos. Mais ces premiers
Bien sûr, notre petit guide qui , il y a tant groupes étaient composés de jeunes idéa-
d’années, a passé son examen de guide avec listes qui rêvaient de jeter des ponts entre
un “sans fautes” ne s’est jamais arrêté d’étu- l’Allemagne et mon pays. Peut-on refuser
dier lui-même. ‘À bible ouverte’– édition une main étendue, sans que l’autre ait la
chrétienne, ou la sienne. chance de s’expliquer? Et si je tournais le
dos, qu’est-ce que j’aurai accompli? Rien.”
Les gentilles petites blagues innocentes gen- Un autre élément à considérer dans ce “dé-
re “Bram et Moos” ou “Un jour Saint Pierre bat intérieur” était la position politico-éco-
entendit quelqu’un sonner à la porte du Pa- nomique du pays : “Nous avions besoin de
radis…” qu’il raconte bien dosées mais sys- contacts, d’alliés, car les pays voisins ara-
tématiquement, font que les gens lui ouvrent bes continuaient à douter de notre droit à
le coeur – la petite femme âgée qui arrange l’existence. Jusqu’aujourd’hui la situation
les chaises dans son église paroissiale aussi n’a pas changée…”
bien que le théologue - spécialiste. Le surplus (Selon le D.I.G., le “Deutsch-Israelische
de conscience de soi religieux disparaît de- Gesellschaft”, Israël considère d’abord les
vant ce “polisson savant” aux yeux brillants. Etats-Unis et en deuxième place l’Allema-
“Étrange, n’est-ce pas, que ce soit un Juif qui gne comme ses alliés les plus loyaux – juin
doive vous enseigner votre religion?” Ils s’ap- 2005)
prochent; ils sont prêts à l’écouter - et quel- Ies analyse les aspects de la question, les va-
ques-uns l’entendent même. leurs et les mille conséquences des réponses
En principe, tous les guides utilisent le possibles: “Non, parce que….” ou “Oui, je le
même matériel ; l’important, c’est ce qu’ils ferai.” Le “non” en outre n’est pas une vraie
le shofar

possibilité. Est-ce que son enfance ne lui a raël. Sur sa vie dans ce pays, avec ce pays ;
pas montré la bonne volonté des gens aussi, son service actif pendant la Guerre d’Indé-
la lumière de la grandeur de l’être humain ?... pendance, la guerre de ’56, la guerre de ’67.
Il accepte le défi. Ses espoirs, ses craintes – son inquiétude
surtout pour le futur de ses petits-enfants.
9. “Mon mal, n’est-il pas toujours là, sous On entend parler un être humain courageux
mes yeux ? ” (Ps. 38 : 18) et vulnérable. On écoute un homme très édu-
Et ils viennent, les groupes de jeunes. Les qué qui emploie les paroles simples de la sa-
groupes plus âgés les suivront. gesse.
Ces Chrétiens allemands qui sont en plein Par son travail de guide, il devient un “am-
processus de confrontation avec eux-mê- bassadeur ambulant”.
mes, leur histoire de famille –, le sentiment Le maire de Gelsenkirchen l’invite pour lui
de culpabilité individuelle et nationale. Qui offrir des excuses. Merci.
cherchent la catharsis. Qui veulent rééquili- Un jour, il retourne à Bergen-Belsen.
brer en faisant du volontariat. Qui de temps “Je ne peux pas faire le tour des écoles pour
en temps, ont besoin d’une tape dans le dos aller parler devant des enfants. Il y en a
de la part d’anciennes victimes. d’autres qui font ça très, très bien. Moi, je ne
peux pas…”
Dans les années septante, il met un tel grou- Pourquoi est-ce que tu m’as dit ça, Ies? Est-ce
pe en contact avec des écoliers israéliens, que tu crois vraiment que les confrontations
qui vont à sa rencontre sans préjugés, sans émotionnelles avec des écoliers ou les visi-
méfiance. tes éducatives mais épuisantes aux camps
Vient le moment de la première invitation au de concentration, les choses que tu ne sais
discours quelque part en Allemagne. pas faire, sont un meilleur ou même le seul 41
“Veuillez nous parler au sujet du “Tourisme hommage ? Que, par conséquent, tu n’es pas
au Moyen- Orient depuis Abraham”. Ou quel- à la hauteur de ta tâche ? Tu as un caractère
que chose de pareille. Et n’oubliez pas vos différent ; c’est logique que tu as choisi, une
blagues s.v.p. route différente vers le message du non-
Ce qu’ils veulent en réalité, ce sont des ex- oublier, vers le dialogue. Une autre manière
plications sur ce qu’ils lisent et entendent d’instruction.
dans la presse internationale. Ils ont fait sa Quand tu parles, ta clientèle aussi t’écoute ;
connaissance en Israël et ils savent que non généralement très intéressée, même prenant
seulement il sent un amour profond pour sa des notes : les Chrétiens qui après Lourdes
patrie mais qu’il éprouve aussi un grand res- et Santiago de Compostella veulent complé-
pect pour la vérité. ter leur ‘portefeuille’ avec les sites saints en
Il y va. Il donne son discours. Lui, l’adulte Israël.
avec ses mémoires terribles et en soi, très vi- Le touriste moyen, pour qui Israël n’est qu’un
vant encore, ce petit garçon à dix ans. nom sur sa liste de “musts” avant la maison
(Qu’ils ne le touchent pas, ne l’approchent de retraite. “L’année passée nous étions au
pas dans leur désir de réaliser leur propre Pérou. Les souliers y sont très bons marchés.
catharsis en “partageant des émotions” ou L’année prochaine nous verront la Chine.
dans le besoin d’une histoire individuelle qui Faut y aller avant qu’ils ne viennent chez
enrichit l’âme – et les conversations. Il faut nous. Haha.”
d’abord donner sa permission…) Les spécialistes. Les historiens et les archéo-
Les années passent. Il donne des conférences logues. Les journalistes… et…
et des leçons dans des églises et centres cul- les Chrétiens-idéalistes allemands qui veu-
turels allemands. Un “cours de base” sur le lent aider à réparer les klipot.
Judaïsme. Des conférences sur l’histoire d’Is- Un public mêlé comme l’ont tant de guides
C O M M U N AU T É – C U LT U R E

partout dans le monde. je le fais aussi pour mes parents, mes sœurs,
Quand ils ont des questions, ils osent les po- mon petit frère ? Est-ce que je ne devrais pas
ser, sachant que la réponse sera sincère. demander leur permission ?”
De temps en temps, quelques “élèves” tiennent Sur le Net, j’ai trouvé des réactions sur ton
les oreilles et le coeur fermés à double tour. travail. Sept ans après avoir visité ‘sa’ Terre
Comme le Belge antisémite et “anti-tous” qui Sainte en ta compagnie, un pasteur protes-
ne supportait pas ta gentillesse parce qu’il tant commence son sermon avec
avait décidé d’être fâché avec le Monde. Ou tes paroles, qui l’ont tellement touché. Une
les jeunes Hollandais qui insistaient pour journaliste catholique offre à ses lecteurs
que le car les menât à un quartier pauvre une analyse détaillée de ta manière de tra-
arabe pour te le montrer, convaincus, qu’ils vailler – ce qui mène à une enthousiaste con-
étaient en Croisade Morale. Et au nouveau clusion… une conclusion très chrétienne…
Yad Vashem, ce père allemand avec sa fille en Apparemment, le guide juif aide les ‘Autres’ à
larmes. Tu voulais l’expliquer, le symbolisme développer leurs identités spécifiques.
du “Trou Noir” à la fin de l’exposition. Mais Et les Allemands ?
le père t’interrompit, ne voyait que lui-même À l’occasion de la pose de la première pierre
dans son petit cosmos. Il se sentait trahi par de la nouvelle synagogue à Gelsenkirchen
les Juifs de Yad Vashem… comment avaient- (09.11.2004), Paul Spiegel, le président du
ils osé ne pas faire la distinction entre Al- Consistoire allemand, avertit son auditoire
lemands (non-coupables) et Nazis? C’était sur le danger du néonazisme en Allemagne.
sa deuxième visite à Yad Vashem ; “déjà”, il Les néonazis forment une minorité, mais ils
y avait amené sa jeune fille pour l’éduquer sont dangereux et ils n’hésitent pas à em-
– et la voilà pleurante après une leçon qui ne ployer la violence.
42 correspondait pas à ses préparations ! Il se Et la majorité, qu’est-ce qu’elle fait cette fois-
sentait insulté dans sa fierté et son identité ci ? Est-ce qu’elle se tait ? Est-ce que nous
allemande. pouvons entendre un silence total ?
“Mon Dieu, que devant ceux qui m’insultent, Regardons le Net encore une fois : nous
mon âme se taise et que j’apprenne l’humilité.” pouvons constater que des Allemands-Nou-
Même si tu ne les penses plus, ce sont les velle-Génération osent s’exprimer contre le
mots que ton être exprime. Surtout quand tu néonazisme, contre leur passé récent – ajou-
étais là, devant cet être humain qui pensait tant nom, prénom, occupation professionnel-
avoir trouvé la solution la plus simple sur la le,… et entre eux se trouvent ‘tes talmidim’,
question de la culpabilité et de la réputation le mouvement chrétien-allemand.
du grand-père…Et tu ne tournais pas le dos. Oy, Ies ! Que c’est beau ça ! Car ça nous donne
Tu continuais et continue encore à chercher de l’espoir ; ce sentiment heureux dont nous
la communication. avons tellement besoin, cette chaleur que
De temps en temps tu hésites : “Es-ce que j’ai nous voulons chérir. L’espoir, qui nous aide à
le droit de tendre la main aux Allemands, car continuer sur notre chemin. ■
je ne le fais pas seulement pour Israël Yaoz,

Notes
(1) Le père d’Ies (Oranienburg - date inconnu) - Sa mère, Esther, Mali et Sigmund (ghetto de Varsovie, ou … ? - date
inconnu) - Recha (Sobibor - 23.07.1943)
(2) Les parents Pakkedrager meurent à Bergen-Belsen ; la mère (29.12.1944) et le père (20.04.1945). Deux de leurs
enfants ont survécu la guerre.
(3) Jaap van Amerongen (Jaäcov Arnon) (1913-1995) a joué un rôle important dans l’après-guerre Commission de Coor-
dination Juive. Il était président de l’Association Sioniste Néerlandaise (Nederlandse Zionisten Bond). Aliya en
mars 1948. Carrière en Israël.
le shofar

Sources
Amsterdams Historisch Museum : brochures éducatives
Bankier, D. (éditeur) : “ The Jews Are Coming Back” , Jérusalem, 2005
Durlacher, G.L. : “Drenkeling” dans “ Verzameld Werk”, Amsterdam, 1997
(traduit en anglais “ Drowning” et en allemand “Ertrinken”)
Ies
Klinger, H. : “Es erinnert sich - H.K. im Gespräch mit Israël Yaoz” , Baden-Baden, 1988
Schwartz-Bart, A. : “ The Last of the Just” (titre original : “Le Dernier des Justes” , 1959)
Vishniac, R. : “A Vanished World” , New York, 1969
www.digberlin.de
www.gmx.net/de/wm-2006/historie/rueckblick/wm1938
www.uni-passau.de/verwaltung/aktuell/presse/pressemitteilungen/60_Jahre
www.zentralratdjuden.de

Suggestions
Une petite liste de livres assez courts et faciles pour ceux qui sont obligés de lire du néerlandais et de l’anglais “ pour
la liste”….
Asscher-Pinkhof, C. : “Sterrekinderen” (p. 206)
Becker, J. : “Jakob der Lügner” (p. 283 – originel allemand, existe en traduction anglaise )
Bolle, M. : “Ik zal je beschrijven hoe een dag er hier uitziet.” ( journal sous forme de lettres – p. 254)
Gold, A.L. et Goslar, H. : “Hannah Goslar Remembers” (p.134)
Herzberg, A. : “Amor Fati – zeven opstellen over Bergen-Belsen” (p.119)
Laird, C. : “Shadow of the Wall” (p.164) et « Beyond the Wall » (p.303)
Minco, M. : “Het Bittere Kruid” (p.90) et “De Glazen Brug” (p.111)
Oberski, J. : “Kinderjaren” (p.143)
Polak, C. : “Stenen Halzen” (p. 135)
Samuels, D. : “Kindertransport” ( pièce de théâtre de qualité supérieure – texte anglais). 43
Trois titres pour ceux qui doivent (veulent) donner une petite conférence au sujet de la présence juive en Amsterdam,
combiné avec des extraits de littérature ou pour ceux qui voudraient visiter l’ancien quartier juif à Amsterdam :
“ Joods Amsterdam”, une brochure touristique (existe en plusieurs langues)
Mak, G. : “ Een kleine geschiedenis van Amsterdam” , Amsterdam, 1994
Bregstein ,Ph. Et Bloemgarten S. : “ Herinnering aan Joods Amsterdam”, Amsterdam, 1978 , 2004.
Il est évident qu’on peut choisir une histoire individuelle comme celle d’Ies et d’en faire une présentation audio-visuelle,
complété avec des extraits littéraires. De cette manière par exemple, un élève ‘adopte’ un survivant de la Shoah et la
chaîne de témoignages n’est pas rompue. La Fondation d’Auschwitz pourra certainement aider avec du matériel et des
suggestions.

Le B’nai B’rith de Bruxelles


vous invite à son premier

Carrefour des Lettres et des Arts


le dimanche 10 septembre 2006 de 14h00 à 18h00, en l’Abbaye de Forest.
Placé sous le patronage de Madame Corinne de Permentier, Bourgmestre de Forest
et Députée, ce carrefour rassemble une quarantaine d’écrivains issus de notre communauté.
Le profit de cette manifestation sera partagé en deux: la moitié pour une organisation
de secours aux enfants défavorisés de la Commune de Forest et la moitié pour
une organisation de secours à des enfants défavorisés en Israël.
C O M M U N AU T É – C U LT U R E

Le Monde ne nous aime pas…


par Kris Richard-Letz

J’éprouve toujours un réel plaisir à lire les des exterminations …et la domination de
publications de deux de nos émérites phi- diverses civilisations, chacune à son tour
losophes (chacun dans son genre) André avec l’intention d’apporter sa pierre à l’édi-
Glucksman et Alain Finkelkraut. fice, à la pyramide, à la ziggourat.
Mais par delà même les thèmes abordés, le On a eu les Philistins, les Assyriens, les
sentiment qui subsiste après lecture, c’est, Babyloniens qui ont détruit nos temples,
entre autres, que le Monde ne nous aime pas. nous ont interdit de pratiquer notre culte,
Nous, les Juifs bien sûr. Le Monde, le reste nous ont emmenés en esclavage ….
du monde, les autres…. Mais comme parfois, la roue de l’Histoire
On aurait pu penser qu’après la Shoah, pri- se met à tourner dans l’autre sens, Exit des
se de conscience et culpabilité mêlées dans Babyloniens, tombés sous la domination
“l’inconscient international” mettraient un perse. Avec les Perses, les Juifs retrouvè-
point final à cette haine, vieille de deux à rent leurs droits, y compris de pratiquer
trois mille ans. On sait aujourd’hui qu’il leur religion, leur esprit d’entreprise et le
n’en est rien. goût à la vie, quoi ! L’embellie s’est pro-
44 De Baal-Marduk au culte d’Isis, en pas- longée avec l’invasion d’Alexandre. C’est
sant par le Panthéon Gréco-romain, et j’en après sa mort que le sort des Juifs rede-
oublie, la Société Antique moyen-orientale viendra problématique, car témoins - ota-
et méditerranéenne s’est développée dans ges des conflits entre l’Egypte et la Syrie
le plus extraordinaire des syncrétismes. à propos de la succession d’Alexandre…
Alors, les Hébreux ont rencontré D. Tout le monde se rappelle (en tous cas à
Ils ont accepté l’alliance, le monothéisme, Hanoukka) le fameux épisode des Mac-
les commandements. Ce fut comme un cabées. Suivit une période trouble (mais
énorme coup de tonnerre dans le ciel bleu juive) avec les Hasmonéens, période qui ne
dur du monde antique : en rejetant d’une dura guère puisqu’elle prit fin avec l’arrivée
part l’idolâtrie, en respectant le shab- des Romains et des légions de Pompée.
bat d’autre part, les Juifs instituaient les La suite, on la connaît.
premières lois sociales dans un milieu En vrac: la révolte des Zélotes, les armées
où l’économie reposait en grande partie de Vespasien, Jésus, la seconde destruc-
sur la pratique de l’esclavage, c’est à dire tion du Temple. Massacres, déportations.
l’utilisation d’une main d’oeuvre gratuite, Quand ils le peuvent, les Juifs quittent la
corvéable à la demande et … facilement re- Judée, terre de leurs ancêtres. Une diaspo-
nouvelable. Les dents des grands entrepre- ra se créée tout autour de la Méditerranée,
neurs de l’époque (aussi longues que leurs à commencer par Alexandrie (où vivaient à
ambitions) ont dû grincer … l’époque romaine plus de 250000 juifs).
Ah, c’est sûr : on s’est fait des ennemis ! Petite accalmie sous le règne de Trajan,
Selon la logique de l’époque, on a subi des dont la mauvaise idée d’aller montrer aux
guerres, des invasions, des déportations, Parthes comment il s’appelle, se solde
le shofar

par une cuisante défaite. Voilà réveillé le d’inauguration, Avner Chalev, président
nationalisme juif. C’est la révolte de Bar de Yad Vashem.
Kochba, grand soulèvement populaire sou- Aujourd’hui, après la Shoah qui a vu dis-
tenu notamment par la “diaspora” juive, paraître plus de six millions d’entre nous,
portant en lui les espoirs de tout un peu- (ainsi que leur descendance, disparue
ple, chassé de son pays, écrasé, déclaré avec eux), si nous devions nous compter,
“dediticii” (ennemis) des Romains. opération quelque peu laborieuse étant
Hadrien, successeur de Trajan, brillant donnée la dispersion planétaire de notre
empereur romain amoureux de la Grèce peuple, combien sommes-nous ?
et de son raffinement, de son haut niveau Lors de la bat-mitsva de ma petite fille
de civilisation et de son rayonnement sur Hannah, à Copernic à Paris, le rabbin
le monde méditerranéen, sera le fossoyeur Williams nous a dit que selon ses derniè-
du Peuple Juif. res sources, nous devions être, à l’heure
J’ai envie de faire l’impasse sur cette obs- actuelle, environ douze millions. Dans le
cure et ignoble période du Moyen Age dont Monde ! Sur la planète ! Quand on songe
on a dit tout et n’importe quoi et où nous qu’à l’époque romaine, les Juifs étaient
fûmes accusés de tout et de son contraire, environ sept millions… Que d’énergie des-
humiliés, discriminés, terrorisés, exter- tructrice accumulée sur la tête d’un peu-
minés, notre culture bafouée, parce que ple d’à peine douze millions d’âmes (non
nous étions “le Peuple du Livre”, parce que inclus les laïques).
la naissance du Christianisme n’était à la Une de mes amies israéliennes me disait
base qu’un mouvement dissident du Judaïs- récemment : « oui, c’est vrai ! Mais vois-
me. En fait, parce qu’on était nés avant ! tu, je ne connais pas un peuple au monde
Quand on songe que même Erasme, grand qui s’aime autant que les Juifs ! Ceci com- 45
chantre de l’Humanisme, aurait dit : pense cela. Et puis, si le Monde ne nous
“Les Juifs, peut-on leur faire confiance ? aime pas, nous, les Juifs, ils n’aiment pas
Après tout, ce sont des Asiatiques!” les autres davantage. Regarde autour de
Fin de la citation. D’ailleurs il ne l’avait pas nous, rien qu’en Europe. Il aura fallu l’in-
dit, il l’avait écrit, ce qui est plus grave! tervention de Bill Clinton pour mettre fin
Peuple déicide, empoisonneurs, man- au conflit fratricide et ethnique de l’an-
geurs d’enfants, inventeurs du capitalisme cienne Yougoslavie ! Faut-il citer tous les
(parce qu’aucun métier “honnête” ne nous autres qui, régulièrement, nous attristent
était autorisé) fomenteurs de troubles et et nous atterrent ? La planète est peuplée
de révolutions. Oui, nous avons inventé de prédateurs ».
le “Bund”. Oui, nombre d’étudiants reje- Ce soir, c’est Shabbat. Et comme tous les
tés des universités européennes au nom Shabbat, j’allumerai mes bougies en son-
du sacro-saint “numérus closus” se sont geant à toutes les petites bougies qui, en
retrouvés dans le peloton des révolution- suivant les fuseaux horaires, seront allu-
naires russes de la première heure. Oui, mées tout autour de la planète. De l’Austra-
Theodor Herzl a relevé le défi, en créant le lie à l’Argentine, du Canada à l’Afrique du
Sionisme. Alimentant encore et toujours Sud, avec une pensée particulière pour ces
le ressentiment et la haine de nos détrac- toutes petites communautés de quelques
teurs mais alimentant également notre centaines de Juifs qui essaient de renaître,
“extraordinaire volonté de survivre, se en Tchéquie, en Pologne par exemple.
souvenir et reconstruire” ainsi que le dé- Baroukh Ata Adonaï Elohénou Melekh
clarait récemment, lors d’une cérémonie Haolam ■
C O M M U N AU T É – C U LT U R E

46
le shofar

A propos du devoir
de Mémoire Par Paul-Gérard Ebstein

6 juin 2006. Pas un mot dans mon quotidien Aujourd’hui j’ai peur devant ce silence, pour
habituel. Pas un mot sur les radios. Quelques qu’un jour nos 6 millions de Juifs disparus ne
images sur les écrans TV. rejoignent dans l’oubli ces Américains, An-
glais, Français, Belges morts pour nous.
6 juin 1944. Un non événement apparemment
ce jour-là. Et pourtant, il y a 62 ans, des mil- Jeunes, ne regardez pas ces événements en
liers d’hommes sont morts sur les plages de haussant les épaules et en pensant: «ce vieux
Normandie, des milliers d’hommes sont tom- radote». Prenez la relève en écoutant les pa-
bés pour nous libérer du joug nazi. roles des rares survivants qui peuvent et veu-
lent encore témoigner.
Pour nous permettre de retrouver les survi-
vants de la Shoa dont nous ne connaissions Tout peut encore - ou à nouveau - arriver pour
pas encore l’étendue. notre peuple…. ■

47
Oulpan d’Hebreu de Beth Hillel
(2ème année)
L’oulpan d’hébreu de Beth Hillel reprendra ses cours

le 18 octobre 2006.
Les cours, donnés par un professeur israélien, sont conviviaux et basés
sur la conversation et l’apprentissage de la lecture directe.

Classe Aleph: Une nouvelle classe pour débutants.


Classe Beth: Pour ceux qui étaient en classe Aleph l’année passée
et pour ceux qui ont déjà quelques notions d’hébreu.

Nombre limité d’élèves par classe

Inscriptions au secrétariat:
Tél.: 02.332.25.28 - email: secretariat@beth-hillel.org

Participation aux frais : 170 €


C O M M U N AU T É – C U LT U R E

A la mémoire
d’Hiram Harry Bingham
La représentation américaine en France,
sous le régime de Vichy, se garda bien de
se départir d’une attitude neutre, jusqu’à
l’entrée en guerre des Etats-Unis. Dans ce
contexte, elle reçut pour instruction de ne
délivrer aucun visa à des Juifs. Bingham,
outré par cette attitude qu’il estimait parfai-
tement immorale, passa outre.

Sa désobéissance l’entraîna à accorder plus


de 2500 visas américains à des Juifs, Français
ou réfugiés étrangers. Parmi eux, Marc Cha-
gall, Max Ernst, la famille de l’écrivain Tho-
Voici quelques mois, le Secrétaire d’Etat amé- mas Mann. Il ne se contenta pas de distribuer
ricain Colin Powell honora à titre posthume des documents administratifs salvateurs: son
48 Hiram (or Harry) Bingham, IV. Il a fallu plus domicile se transforma en véritable abri où il
d’un demi siècle pour que les autorités amé- hébergea nombre de Juifs auxquels il fit par-
ricaines reconnaissent officiellement le ca- venir de vrais nouveaux papiers d’identité.
ractère héroïque des actes Il collabora avec la Résis-
accomplis par Bingham tance française naissante,
durant la Seconde Guerre aida à faire passer des Juifs
Mondiale. Car jusqu’il y a en Espagne, distribua de
peu, ce Juste fut considéré l’argent prélevé sur sa cas-
par ses pairs comme un sette personnelle. En 1941,
fonctionnaire des servi- Washington, excédé, le
ces diplomatiques parfai- muta en Argentine. Là bas,
tement insubordonné et il rendit compte à ses su-
même dangereux… périeurs des présences de
criminels de guerre nazis
Bingham est né dans une sur le territoire sud améri-
famille illustre. Son père cain…
–dont la personnalité a
inspiré le personnage d’In- Bingham décéda en 1988,
diana Jones- fut l’ archéo- dans l’indifférence générale.
logiste qui découvrit le site C’est grâce à la découverte,
inca de Machu Picchu au après sa mort, de nombreux
Perou, en 1911. Harry em- documents figurant dans
brassa la carrière diplomatique et était en ses archives personnelles, qu’aujourd’hui, sa
poste à Marseille, en 1939, lorsque l’Allema- mémoire est enfin honorée. ■
gne envahit la Pologne. JWH
le shofar

Un peu d’humour…
Ci-dessous, la version d’une question « bo- d’une religion, nous pouvons projeter que
nus » de chimie donnée à l’Université de toutes les âmes vont en enfer...
Nanterre.
Maintenant, regardons la vitesse de change-
La réponse d’un étudiant a été si loufoque ment de volume de l’enfer parce que la Loi de
que le professeur l’a partagée avec ses col- Boyle spécifie que «pour que la pression et
lègues, via Internet, et c’est ainsi que nous la température restent identique en enfer, le
avons le plaisir de la partager, à notre tour, volume de l’enfer doit se dilater proportion-
avec vous : nellement à l’entrée des âmes. » Par consé-
quent, cela donne deux possibilités:
Question bonus : « L’enfer est il exothermi-
que (évacue de la chaleur) ou endothermi- * Si l’enfer se dilate à une vitesse moindre
que (absorbe de la chaleur) ?» que l’entrée des âmes en enfer, alors la tem-
pérature et la pression en enfer augmen-
La plupart des étudiants ont exprimé leur teront indéfiniment jusqu’à ce que l’enfer
croyance en utilisant la Loi de Boyle (« si un éclate.
gaz se dilate il se refroidit et inversement »)
ou ses variantes. * Si l’enfer se dilate à une vitesse supérieu-
re à la vitesse d’entrée des âmes en enfer, 49
Cependant un étudiant eut la réponse sui- alors la température diminuera jusqu’à ce
vante : que l’enfer gèle.

« Premièrement, nous avons besoin de con- Laquelle choisir ?


naître comment varie la masse de l’enfer
avec le temps. Nous avons donc besoin de Si nous acceptons le postulat de ma camara-
connaître à quel taux les âmes entrent et de de classe Jessica m’ayant affirmé durant
sortent de l’enfer. ma première année d’étudiant: « Il fera froid
en enfer avant que je couche avec toi », et en
Je pense que nous pouvons assumer sans ris- tenant compte du fait que j’ai couché avec
que qu’une fois entrée en enfer, l’âme n’en res- elle la nuit dernière, alors l’hypothèse doit
sortira plus. Du coup, aucune âme ne sort. être vraie. Ainsi, je suis sûr que l’enfer est
exothermique et a déjà gelé... Le corollaire de
De même pour le calcul du nombre d’entrée cette théorie c’est que comme l’enfer a déjà
des âmes en enfer, nous devons regarder le gelé, il s’ensuit qu’il n’accepte plus aucune
fonctionnement des différentes religions qui âme et du coup qu’il n’existe plus...laissant
existent de par le monde aujourd’hui. ainsi seul le Paradis, et prouvant l’existence
d’un Être divin ce qui explique pourquoi, la
La plupart de ces religions affirment que si nuit dernière, Jessica n’arrêtait pas de crier
vous n’êtes pas un membre de leur religion, «0h... mon Dieu !»... »
alors vous irez en enfer. Comme il existe
plus d’une religion exprimant cette règle et La note obtenue par cet étudiant ?
comme les gens n’appartiennent pas à plus 20 sur 20… ■
CA R N E T

Naissances

• Le 31 juillet 2006 est né Alexian, fils de Noémi et Gregory et arrière petit-fils de notre amie
Dahlia (Denise) Ruijtinx.
• Le 9 août 2006 est né le petit Sacha, fils de Sylvie et Danilo et petit-fils de nos amis Jacques
et Josiane Goldschmidt.

Aux parents, grands parents et arrière grands-parents, nous tenons ici à exprimer notre plus
chaleureux Mazal Tov!

Bné Mitsva`

• Le samedi 9 septembre 2006 – chabbat Ki Tavo: Bar Mitsva de David Boyker


• Le samedi 30 septembre 2006 – chabbat Ha’azinou: Bar Mitsva d’Arthur Szechtman

Mariage

• Le 15 octobre prochain, aura lieu le mariage de Fabrice Melchior et Amélie Huyghe.

Oneg Chabbat de la rentrée


50 Le 15 septembre, après l’office de Kabbalat Chabbat, les membres du Conseil
d’Administration invitent toute la communauté à l’Oneg Chabbat qu’ils offrent pour
célébrer la rentrée autour d’un verre de l’amitié.
Nous vous attendons nombreux!

Les activités de nos rabbins dans le Yichouv


Le jeudi 14 septembre à 20h30, dans le cadre des «Rendez-vous du Jeudi»du S.S.J.,
Rabbi Floriane Chinsky donnera une conférence au Service Social Juif, 68 avenue
Ducpétiaux, 1060 Bruxelles, sur le thème «Etre femme et rabbin»

Notre nouvelle Newsletter est prête!


Nous l’avons envoyée à tous ceux dont nous avons l’adresse email.
Si vous désirez vous abonner, envoyez votre adresse email sur info@beth-hillel.org
avec, comme communication: Abonnement Newsletter.

Notre Talmud Tora et le Keren Kayemet Leïsrael


Parmi les jeunes de notre Talmud Tora, cinq d’entre eux ont accepté de prendre une
cagnotte du K.K.L. Le total relevé en fin d’année de cours s’élève à 125,35 euros.
Bravo et merci à ces jeunes pour leur implication!
I N F O R M AT I O N S U T I L ES le shofar

VIE COMMUNAUTAIRE

OFFICES DE CHABBAT

Vendredi à 20h et samedi à 10h30

TALMUD TORA ET PREPARATION A LA BAR/BAT MITSVA

Tous les mercredis après-midi. Voir calendrier.

COURS ADULTES ET CERCLES D’ETUDE

Contactez Rabbi Abraham Dahan ou Rabbi Floriane Chinsky

YISKOR

Si vous voulez être tenus au courant des dates de Yiskor


pour des membres de votre famille, contactez Giny ( 02.332.25.28

SOCIÉTÉ D’INHUMATION

A.S.B.L. GAN HASHALOM

En cas de nécessité, téléphonez aux numéros suivants:


Le jour A Beth Hillel ( 02.332.25.28
Le soir Rabbi Abraham Dahan ( 02.374.94.80 ou 0495.268.260

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téléphonez à Willy Pomeranc
Le jour ( 02.522.10.24 • Le soir ( 02.374.13.76

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et ayant adhéré à la société d’Inhumation

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