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de l’environnement
SOUS LA DIRECTION DE
SIMON DUFOUR ET LAURENT LESPEZ
Géographie
de l’environnement
La nature au temps de l’Anthropocène
Illustration de couverture : Landscape with Cost at Connemara in Ireland,
© grafxart – Shutterstock.
1. https://www.cbd.int/convention/
8 ! Géographie de l’environnement
Objectif de l’ouvrage
L’objectif de cet ouvrage est de présenter la contribution des approches
naturalistes à la géographie de l’environnement et, au-delà, aux questions
environnementales en général. Il s’agit en particulier de mettre en lumière
les concepts et les pratiques actuels, ainsi que la dimension réflexive des tra-
vaux conduits en géographie biophysique. Ce manuel souhaite montrer que
l’acquisition de données sur les processus biophysiques repose sur l’analyse
de toutes les dimensions des milieux géographiques et donc qu’elle nourrit la
compréhension des grands enjeux environnementaux contemporains d’une
part, et des logiques spatiales et territoriales d’autre part. En effet, même
si les approches naturalistes se concentrent d’abord sur la dimension bio-
physique de l’environnement, elles ne sont pas sourdes aux enjeux que ces
travaux possèdent dans la sphère sociale (aide à la gestion, instrumentalisa-
tion des indicateurs et des résultats produits, rôle politique de l’expertise).
Cette dimension socio-politique, trop souvent non explicitée, est clairement
présente aussi bien dans des situations d’expertise que dans l’analyse des
dynamiques socio-écologiques. Il s’agit également de montrer que rejeter
hors de la géographie l’étude des processus biophysiques renforcerait la sépa-
ration sciences naturelles/sciences humaines et sociales alors même que les
appels pour les rapprocher se multiplient.
[ex. ARNOULD et SIMON, 2007 ; DE BÉLIZAL et al., 2017] et aux manuels déve-
loppant les branches de la géographie physique [ex. ALEXANDRE et GÉNIN,
2011 pour la végétation ; FORT et al., 2015 pour la géomorphologie, etc.].
Il complète également les ouvrages développant une approche globale à base
régionale ou zonale [ex. DELANNOY et al., 2016].
Ce manuel souhaite à la fois faire un état des lieux, ouvrir un espace de
réflexion et être force de proposition. Il présente des approches natura-
listes en géographie ayant intégré les dimensions sociales qui interagissent
en permanence avec les composantes biophysiques de l’environnement,
mais en restant fidèle aux fondamentaux disciplinaires et sous-disciplinaires
[TRICART et KILIAN, 1979 ; GUNNELL, 2009]. Pour cela, il offre un panorama
de pratiques qui prennent en charge l’étude de la dimension spatiale de struc-
tures et de processus biophysiques hybridés avec des processus sociaux, qui
renouvellent les méthodes de recherche et qui se soucient de l’analyse des
grands enjeux environnementaux contemporains dans le cadre d’une pos-
ture réflexive. Dans ce domaine non plus, il ne prétend pas à l’exhaustivité,
mais il s’agit de proposer aux étudiants avancés en géographie un manuel
qui reflète le large éventail des réflexions et des pratiques contemporaines
des géographes qui étudient l’environnement par une entrée à dominante
biophysique.
L’ouvrage est une proposition collective. Au-delà des éditeurs, il a été
construit à partir de plusieurs réunions regroupant la plupart des contributeurs.
Organisé en cinq parties, il résulte de la collaboration de 30 contributeurs.
La première expose les positionnements conceptuels ; elle fait une large part
aux réflexions épistémologiques sur la nature des milieux contemporains
(chapitre 1) et sur la nature de la dimension biophysique de l’environnement
(chapitre 2), ainsi qu’aux conséquences à en tirer pour les pratiques de la
recherche en matière de réflexivité et d’engagement (chapitre 3). Elle contient
également une réflexion sur l’importance de la façon de nommer et de repré-
senter les objets et les processus biophysiques (chapitre 4).
La deuxième partie aborde les pratiques méthodologiques mises en œuvre
dans la production de données biophysiques qu’elle soit le fait de scienti-
fiques (chapitres 5 et 6) ou d’autres acteurs (chapitre 7).
Les deux parties suivantes s’appuient sur une série d’exemples afin de
montrer comment les géographes biophysiciens analysent les trajectoires
des géosystèmes, anthroposystèmes ou socio-écosystèmes (troisième par-
tie) et des objets et thèmes environnementaux (quatrième partie). L’enjeu
de la prise en compte des dynamiques temporelles et de leurs implica-
tions en termes de gestion, est exposé en s’appuyant sur les démarches
géoarchéologiques (chapitre 8) et géohistoriques (chapitre 9) alors que
les transformations actuelles de l’environnement et de ses conceptions
renouvellent également les pratiques des géographes biophysiciens.
14 ! Géographie de l’environnement
Positions et concepts
Chapitre 1
La nature
de l’Anthropocène :
nature anthropisée,
nature hybridée
L’anthropisation de la nature
La question du rôle des activités humaines dans le façonnement de leur envi-
ronnement est consubstantielle à la géographie dès lors qu’elle s’interroge sur
la nature de la face de la Terre [PINCHEMEL et PINCHEMEL, 1994]. Elle accom-
pagne les questionnements classiques de la discipline autour des notions de
paysage, de ressource, de contrainte et de risque qui sont toujours d’actualité.
18 ! Géographie de l’environnement
1. AEC : Avant l’ère commune ; EC : Ère commune. Elle utilise comme référence le début du calen-
drier grégorien utilisé à l’échelle internationale.
20 ! Géographie de l’environnement
Dans tous les cas, au XIXe siècle, l’anthropisation des systèmes morphogé-
niques est effective et le développement des grands deltas mondiaux, qui a en
grande partie été stimulé par l’accélération de l’érosion du fait des activités
humaines [ANTHONY et al., 2014 ; BRAVARD, 2019], nous rappelle que les
sociétés humaines ont transformé la géomorphologie de la Terre à un rythme
et des échelles croissantes dans de nombreuses régions du globe de manière
directe par les entreprises de terrassement ou de manière indirecte par
la mise en valeur agricole des sols. Si, dans le monde occidental tempéré, la
rétractation de certains espaces agricoles et le développement des pratiques
antiérosives explique que les taux d’érosion ont généralement diminué, il
n’en est pas de même ailleurs, comme au Brésil ou en Asie du Sud-Est, où
les dynamiques stimulent une crise érosive contemporaine. Comprendre
les causes et les conséquences de ces transformations stimule la définition
de cadres empiriques et théoriques qui intègrent les forces biophysiques et
socioculturelles.
La nature de l’anthropisation
Le terme d’anthropisation vient du grec anthrôpos qui signifie homme ou
être humain et du suffixe -isation indiquant un processus qui induit un chan-
gement. La définition la plus couramment acceptée désigne un processus de
22 ! Géographie de l’environnement
Étendue globale des anthromes et des terres sauvages en 2000 et diagramme conceptuel
illustrant les relations générales entre les anthromes, la densité de population, l’utilisa-
tion des terres, les habitats et les proportions relatives des espèces indigènes, exotiques et
domestiques dans les communautés biotiques.
Source : d’après ELLIS, 2013.
24 ! Géographie de l’environnement
Du géosystème au socio-écosystème
La connaissance du poids des sociétés dans le façonnement de la face de
la Terre a depuis longtemps stimulé la question des interactions entre
la nature et les sociétés. Elle est ainsi à l’origine du concept de « milieu
géographique », proposé par Maximilien Sorre avant la Seconde Guerre
mondiale, et de nombreuses réflexions au sein de la géographie bio-
physique pour essayer d’articuler dynamiques naturelles et actions des
sociétés. C’est à la suite de ces travaux que les approches intégrées déve-
loppées au sein de la géographie biophysique ont produit des cadres de
réflexion qui ont permis de renouveler cette articulation [ex. TRICART et
KILIAN, 1979].
Ainsi, George Bertrand [1968] n’a cessé de promouvoir une approche
systémique des environnements anthropisés à travers la notion de géo-
système (figure 1.3). Celle-ci les envisage comme des systèmes dans
lesquels interagissent des phénomènes ou des objets d’origine anthro-
pique et biophysique. Ce concept se distingue nettement de l’écosystème
en intégrant dès l’origine la société au cœur du système producteur de
l’environnement et ne lui réservant pas le rôle d’un perturbateur exté-
rieur. Ce cadre a favorisé l’intégration des enjeux sociaux, au-delà du seul
impact d’un groupe humain sur son environnement, à travers le concept
de géosystème-territoire-paysage (GTP) qui articule les approches maté-
rielles, représentationnelles, phénoménologiques et socio-politiques.
La diffusion de ces concepts au-delà de la discipline a stimulé l’émer-
gence de concepts voisins. Ainsi, le concept d’anthroposystème marque
le poids prépondérant du social dans l’agencement des milieux biophy-
siques contemporains [LÉVÊQUE et al., 2003]. Pour ces promoteurs,
« l’anthroposystème, peut être défini comme une entité structurelle et
fonctionnelle prenant en compte les interactions sociétés-milieux, et
intégrant sur un même espace un ou des sous-systèmes naturels et un ou
des sous-systèmes sociaux, l’ensemble coévoluant dans la longue durée ».
La coévolution des systèmes naturels et sociaux est déjà présente chez
Jean Tricart et Georges Bertrand. Ce dernier la qualifie de « combinaison
socio-écologique ». Cette coévolution met au cœur de l’étude de l’envi-
ronnement les interactions entre des processus sociaux et des processus
biophysiques, le plus souvent qualifiés de naturels.
Après avoir été critiquée pour son manque d’approche temporelle et
spatiale, l’écologie a également profondément modifié ses approches au
cours des 40 dernières années. Abandonnant l’idée d’équilibre naturel pour
promouvoir une conception selon laquelle la nature est en changement
constant, où les perturbations, même chaotiques, sont normales, l’écologie
a vu les recherches sur les trajectoires se développer.
La nature de l’Anthropocène : nature anthropisée, nature hybridée ! 25
Nature hybridée
Les hybrides
La question de l’hybridité a été promue par les travaux de philosophie de
Michel Serres [1990] et d’anthropologie de Bruno Latour [1991]. Ils refusent
le dualisme des Modernes qui oppose le monde réel des objets dont la science
serait capable de comprendre le fonctionnement, et le monde de la société,
1. Toutes les traductions présentes dans l’ouvrage ont été réalisées par les auteurs.
La nature de l’Anthropocène : nature anthropisée, nature hybridée ! 27
De fait, ces rivières sont des organismes hybrides animés par des flux
qui obéissent à des lois physiques ou biologiques, mais dont la matérialité,
l’agencement et les conditions de fonctionnement sont déterminés depuis
plusieurs millénaires par les sociétés et leurs activités.
Ils correspondent à une matérialité hétérogène constituée d’objets
qui possèdent des trajectoires spécifiques, résultats directs ou indirects
d’interactions entre des activités humaines et des processus biophy-
siques intervenus à différents moments et selon différentes durées, si nous
conservons la lecture dualiste des Modernes. Autrement dit, les cours
d’eau contemporains sont un palimpseste de fragments de socio-nature,
c’est-dire que comme tous les objets d’étude de la géographie, ils sont des
fragments d’espaces-temps anthropisés. La première utilité du concept
d’hybride, c’est donc qu’il rappelle que matériellement il n’est plus possible
de distinguer des dynamiques sur la base d’une opposition entre naturel et
anthropique et que c’est irréversible. Les forces physiques, la spontanéité
et les processus biologiques continuent de s’exercer, mais dans un espace,
dans des systèmes anciennement et progressivement reconfigurés par les
pratiques humaines. La limite n’est plus dans le matériel, elle est mainte-
nant d’abord dans nos esprits où le dualisme perdure.
Mais nous pouvons être plus précis sur l’hybridation et les hybrides.
Contrairement à ce qui domine dans la littérature scientifique contem-
poraine, ce ne sont pas seulement les organismes complexes comme les
géosystèmes, les paysages, les écosystèmes qui sont hybridés, mais bien les
briques élémentaires qui constituent la matérialité de ces systèmes pour
les géographes. Revenons sur l’exemple des cours d’eau et considérons
leurs plaines alluviales en Europe tempérée. Celles-ci sont encore souvent
dominées par un paysage de prairies permanentes où paissent des bovins
à moins que l’agriculteur ne les fauche. Évidemment, ce paysage végétal
est le produit de l’activité agricole (intégrant les pratiques de l’agriculteur,
le fonctionnement physiologique des plantes, etc.) et constitue par défi-
nition un hybride, mais il en est de même pour le substrat sur lequel il
s’est développé. Les limons de débordement accumulés au cours des deux
à trois derniers millénaires sont les grains de quartz issus de l’érosion des
limons éoliens recouvrant les plateaux qui ont subi l’érosion hydrique
puis qui ont été transportés le long de drains élémentaires, de rus, de ruis-
seaux jusqu’à être déposés lors d’une crue par le débordement du cours
d’eau. L’exhaussement de ces plaines alluviales a permis de les exonder une
grande partie de l’année et d’y faire pousser les graminées. Celles-ci ont, en
retour, avec le concours des agriculteurs qui ont drainé le fond de vallée,
permis le développement d’un sol brun alluvial qui favorise le maintien de
cette végétation artificielle. Ainsi, le grain de quartz de la taille des limons
dans son voyage terrestre a-t-il parfois été directement soumis à l’action de
30 ! Géographie de l’environnement
Conclusion
La géographie biophysique reconnaît depuis longtemps la nature hybride
des systèmes qu’elle étudie (géosystèmes, paysages). Mais les objets et les
processus élémentaires qui font système sont également hybrides. Ils sont
hybrides par construction, comme un cultivar ou une forêt plantée, ou par
métabolisme, parce que l’ensemble de leur fonctionnement (cycles bio-
géochimiques, comme celui du carbone ; chaînes trophiques, etc.) repose
sur l’interaction de fragments de socio-nature, c’est-à-dire de processus
artificiels ou d’origine naturelle modifiée ou coconstruits par l’anthro-
pisation. La spontanéité, le sauvage, l’autonomie pour les non-humains
sont, en tous lieux et en permanence contraints, dirigés, transformés par
les effets de nos pratiques présentes et passées. C’est cela qu’ajoute la
géographie depuis plus d’un siècle. Il y a bien des entités vivantes ou non
vivantes mais nous avons coconstruit la planète que nous habitons et bien
plus intimement que les premiers géographes ne le pensaient. L’hybridité
La nature de l’Anthropocène : nature anthropisée, nature hybridée ! 31
est dominée par les études sur la physique, parfois considérée comme
l’archétype des sciences empiriques. Or, il n’y a pas de structure et de fonc-
tionnement épistémologique unique valable pour toutes les disciplines
et le cas de la physique est mal adapté pour décrire celui de la géographie
biophysique.
Par définition, les sciences empiriques se caractérisent par la place cen-
trale de l’expérience sensible dans le dispositif scientifique sous deux formes :
l’observation et l’expérimentation. L’observation est majoritaire en géogra-
phie biophysique, mais l’expérimentation est tout de même présente via, par
exemple, les sites expérimentaux, la modélisation spatiale et les modèles phy-
siques (cf. chapitre 12). Schématiquement, l’observation permet une approche
globale ou holistique de la matérialité alors que l’expérimentation fait le choix
d’une approche réductionniste afin de comprendre avec précision l’enchaî-
nement des processus dans des conditions contrôlées. Une des spécificités
de la production géographique sur les questions d’environnement est proba-
blement la capacité à produire des réflexions holistiques et réductionnistes,
en mobilisant plusieurs styles de pensées (ex. classificatoire, évolutionnaire,
probabiliste, etc.) ou plusieurs modes d’articulation entre théorie et données
(cf. encadré). Cette combinaison est imposée par la nature systémique, et
donc la diversité des interactions, des objets étudiés. Par exemple, l’évolution
d’une forêt sous l’effet du changement climatique peut s’étudier en mesurant
expérimentalement et in situ l’effet des variations de différents paramètres
(température, précipitations, CO2 atmosphérique, etc.) sur la régénération
et la croissance des différentes espèces qui la composent, puis en combinant,
a posteriori, ces informations pour établir des projections par une approche
réductionniste à partir de modèles numériques. Mais, la qualité de ces pro-
jections sera améliorée si d’autres données, comme l’évolution des usages,
des politiques publiques et des populations d’herbivores, sont associées aux
résultats expérimentaux dans un modèle systémique. La géographie possède
d’ailleurs des outils performants pour dépasser ce clivage, des outils comme
les modèles spatialement explicites capables de coupler expérimentation et
démarche systémique.
Figure 2.1 Différentes relations possibles pour relier cause (C), loi (L)
et effet (E), souvent le lien passe par des causes intermédiaires (I)
Déduction Induction Abduction Causes/effets
multiples
C C CCC C1 C2 C3
I1 I3
L L L
I4
I2
E E E E1 E2
Ces logiques se différencient en fonction des éléments connus (en noir) et de ce qui est
déterminé à partir de ces éléments connus (en gris). NB : les interactions complexes de
type rétroactions ne sont pas représentées.
Source : modifié d’après INKPEN, 2005.
Conclusion
Les enjeux environnementaux contemporains associent des processus phy-
siques, biologiques et sociaux. Faire une géographie de l’environnement
implique donc d’embrasser cette diversité de processus qui, s’ils résultent
d’une catégorisation construite, présentent des caractéristiques différentes
qui impliquent le recours à approches méthodologiques variées. La géogra-
phie biophysique est globalement empirique, mais cet empirisme combine
études de cas et généralisations par la mobilisation conjointe de démarches
déductives, inductives et abductives au sein d’un modèle épistémologique
original.
Chapitre 3
le fait de la population locale, une différence qui n’a pas été faite lors des
ateliers et qui est même contestée par certains acteurs. De même, un petit
cours aux eaux turbides est négativement évalué par le système expert qui
le considère comme de mauvaise qualité alors que, pour les autres acteurs,
cette situation est considérée comme naturelle. Les géographes impli-
qués dans ce processus en tirent deux conclusions [TADAKI et al., 2015b].
Premièrement, l’évaluation environnementale au moyen d’un concept
scientifique comme les services écosystémiques ne consiste pas seulement
à révéler des processus biophysiques objectifs, ils imposent aussi une ratio-
nalité particulière dans le processus de prise de décision. Deuxièmement,
ils concluent à l’importance, en tant que scientifiques acteurs du proces-
sus, d’avoir conscience du fait que leurs pratiques scientifiques impliquent
des jugements discutables sur la façon dont les structures et les processus
biophysiques sont liés les uns aux autres ainsi que sur la valeur sociale de
ces structures et de ces processus.
Conclusion
Dans la sphère francophone, l’analyse détaillée des pratiques et des position-
nements contemporains fait encore défaut pour caractériser avec précision la
pratique réflexive et critique dans la géographie biophysique contemporaine
et le renouveau des débats sur le rôle et le positionnement des géographes
biophysiciens n’a pas encore donné lieu à l’expression d’un cadre concep-
tuel formalisé, contrairement à ce qui a émergé dans le monde anglophone.
Au-delà de l’effet « label », dont les dimensions institutionnelles ne sont bien
sûr pas neutres, la géographie physique critique a le mérite de proposer un
cadre formalisé, notamment épistémologique, pour pratiquer une géogra-
phie de l’environnement à base naturaliste, réflexive et critique. Plutôt que de
promouvoir un nouveau label, l’effort réflexif anglophone est probablement
l’occasion de construire une véritable revue de ces pratiques (individuelles
et collectives) dans le monde francophone et de promouvoir des arènes où
l’effort réflexif et critique puisse s’exprimer.
Chapitre 4
Nommer et représenter
les processus biophysiques :
enjeux scientifiques
et sociopolitiques
IL EST IMPORTANT de poser la question des mots utilisés pour désigner les
objets ou les processus étudiés. Cela vaut pour les sciences sociales, où cela
a été depuis longtemps l’objet de recherches spécifiques, mais également en
géographie biophysique, comme pour les sciences naturelles en général, où
certains héritages positivistes tendent parfois à faire oublier que nous discu-
tons toujours des faits par le biais de représentations [CHATELIN et RIOU,
1986 ; BALLOUCHE, 2016]. En effet, pour accéder aux faits et aux réalités, il y
a besoin de médias (mots, termes, instruments d’observation). Le choix des
termes, des concepts et des catégories d’analyses pour désigner un phénomène
influence les manières de l’appréhender tout comme l’entrée dans une ques-
tion à partir d’un champ sémantique révèle également un positionnement face
au problème posé. Le travail de dénomination des phénomènes biophysiques
est donc utile pour se positionner, notamment lorsque les questions environ-
nementales abordées sont conflictuelles.
consument dans les espaces tropicaux. Ces feux, dans la littérature francophone,
sont généralement adossés à un des deux termes suivants : savane, brousse.
La comparaison des définitions proposées par différents dictionnaires
met en évidence les éléments communs qui s’expriment souvent à un niveau
général (la végétation), les éléments distinctifs à un niveau plus fin de des-
cription (types de végétations, lieux/espaces, relations aux sociétés) et enfin
des connotations (négatives pour la brousse notamment) (tableau 4.1). Ainsi,
parler de feux de savane, oriente davantage l’étude vers la compréhension des
effets des feux sur les végétations du monde tropical (dégradation, change-
ments de la composition floristique par exemple). Parler de feux de brousse
propose davantage d’aborder les feux en lien avec les campagnes des pays
tropicaux et les processus d’anthropisation associés. De fait, le recours à cer-
tains termes plutôt qu’à d’autres inscrit l’analyse dans une discipline ou dans
une approche plutôt que dans une autre et renvoie à des finalités et à des
méthodes différentes. Cela n’est donc pas qu’un constat lexical et de divi-
sions disciplinaires, car les disciplines construisent des définitions normées
qui guident les recherches alors que les termes participent également à l’ins-
cription des travaux dans des groupes ayant des méthodes propres.
À gauche, un pôle orienté sur le terme brousse avec des filiations en SHS autour des
notions de territoires notamment ; à droite, une orientation autour de la savane, plutôt
naturaliste avec un espace essentiellement pensé par les localisations.
Nommer et représenter les processus biophysiques ! 57
Chaque approche possède ses biais et ses limites. La discussion sur les
choix sémantiques ne doit donc pas clore la réflexion en définissant des
incompatibilités ou des incompréhensions, mais doit être plutôt envisagée
comme un point d’étape qui guide la réflexion sur le terme à employer et sa
justification en amont de la recherche qui va être déployée.
1. Extrait de DERIOZ P., 1991, « Les conséquences spatiales de la déprise agricole en Haut-Languedoc
occidental : l’éphémère victoire de la friche », Revue de géographie de Lyon, vol. 66, n°1, pp. 47-54.
Nommer et représenter les processus biophysiques ! 61
intéresserons ici aux choix qui sont opérés pour représenter ou non, certains
traits des phénomènes biophysiques plutôt que d’autres. Les questions clas-
siques du commentaire de cartes sont alors à mobiliser et à questionner : qui
produit la carte ? à quelle date ? dans quel contexte ? pourquoi ? avec quelles
sources ? avec quelle organisation de la légende ?
sur des questions potentiellement différentes. Les questions sont alors celle
de la gestion politique, de la riveraineté mais la cartographie fera oublier
les enjeux comme ceux des crues et des inondations pourtant au cœur de
problématiques d’aménagement du territoire. Il est ainsi à parier que si nous
avions pris l’habitude de cartographier le lit mineur et le lit majeur de tous
nos cours d’eau, la pédagogie du risque d’inondation y aurait certainement
gagné.
1. https://www.afes.fr/referentiel-pedologique/
Nommer et représenter les processus biophysiques ! 63
Figure 4.2 Deux catégorisations des types de sols sur un même espace
Que ce soit dans le processus d’élaboration de la carte ou dans son analyse, la représen-
tation graphique traduit ainsi des connaissances mais aussi des intentions et des valeurs.
En géographie biophysique, après un intense travail de terrain ou des analyses poussées
en laboratoire, la carte est parfois trop peu discutée pourtant elle constitue souvent une
entrée majeure pour positionner les processus biophysiques dans des débats scientifiques
et dans des enjeux de société.
Conclusion
L’étude des phénomènes biophysiques est un champ couvert par de nom-
breuses disciplines pour lesquelles les concepts et méthodes mobilisés sont
souvent cloisonnés. Nommer, catégoriser et représenter les processus bio-
physiques apparaissent comme des démarches essentielles pour repenser la
place du biophysique dans nos milieux contemporains et au sein de la disci-
pline. Ainsi, commencer par analyser les mots et les valeurs spontanément
associées aux processus décrits permet de sortir de l’illusion de la neutralité
scientifique et d’affirmer la nécessité de la réflexion sémantique pour étu-
dier les dynamiques environnementales même quand on les aborde par les
dimensions biophysiques, car elles sont toujours en relation avec des enjeux
sociopolitiques.
DEUXIÈME PARTIE
Méthodes
Chapitre 5
Produire et analyser
des données biophysiques
en géographie
dans les rocailles. Les genévriers (Juniperus macrocarpa, plus rarement J. Oxycedrus)
dominent d’une manière presque exclusive. Ce type de végétation s’insinue par
toutes les coupures de la muraille montagneuse. »
SORRE, 1930, « Les aspects de la végétation et des sols en Yougoslavie »,
Annales de géographie, no 219, pp. 311-316.
Par exemple, Kearney et ses collègues [2019] ont développé une méthode de
classification multivariée, sur la base de données climatiques, édaphiques,
d’occupation du sol et de densité des infrastructures routières, permettant
de cartographier ce qu’ils appellent les écoanthromes dans la province de
l’Alberta au Canada. Cette approche est utilisée en gestion environnemen-
tale afin de surveiller et planifier la restauration de population d’espèces
menacées, notamment en identifiant des contextes favorables à une espèce
aussi bien en matière de conditions biophysiques que de contraintes de
déplacement.
Il s’agit enfin d’une façon pour la géographie d’articuler des observations
locales avec des fonctionnements plus généraux soit par agrégation soit par
désagrégation. La régionalisation par agrégation permet de gommer cer-
taines micro-variabilités qui génèrent du bruit dans l’expression spatiale des
phénomènes. La création des régions permet ainsi de se passer des détails qui
n’ont pas d’influence sur un grand ensemble spatial. À l’inverse, la régionali-
sation par désagrégation permet une descente dans les niveaux scalaires qui
intègre les conditions spécifiques à une échelle inférieure.
bancs), alors que la station témoin présente des formes du lit moins mar-
quées sans structure spatiale particulière (amortissement de la fonction dans
l’intervalle de confiance).
La forêt amazonienne
La forêt amazonienne constitue le tiers des forêts tropicales humides de la
planète. Elle s’étend dans neuf pays d’Amérique du Sud sur 6,7 millions de
km2 dont une grande partie de forêts denses. Selon une synthèse récente
[CARDOSO DA SILVA et al., 2005], on y recense au moins 40 000 espèces de
plantes, 427 de mammifères, 1 294 d’oiseaux, 378 de reptiles, 427 d’amphi-
biens et environ 3 000 espèces de poissons. Elle constitue ainsi le plus riche
des écosystèmes terrestres avec 10 % des espèces connues sur Terre. Souvent
considérée comme le poumon vert et un trésor écologique planétaire, chaque
atteinte à son intégrité est considérée comme une menace globale comme en
atteste la crise internationale issue des incendies de l’été 2019.
Cette luxuriance du vivant a décontenancé les Européens dès leur arrivée.
Issus d’un monde tempéré transformé par les pratiques agropastorales, les
explorateurs ont été profondément surpris par le climat équatorial hyper-
humide, la profusion végétale et animale ainsi que les paysages amphibies
Analyser la nature hybridée : renforcer le dialogue intra- et interdisciplinaire ! 83
des corridors fluviaux qui furent les principales voies de cette découverte.
De là sont nés plusieurs mythes, de l’Eldorado jusqu’à celui de la forêt vierge.
L’ouverture aux explorations scientifiques n’a pas dissipé cette méprise et
l’Amazonie fut encore largement considérée comme une nature vierge tout
au long du XXe siècle. Ce point de vue reste populaire malgré les preuves
de plus en plus nombreuses de l’importance et de l’ancienneté de l’action
des hommes. En effet, depuis une trentaine d’années, les recherches archéo-
logiques, éthnobotaniques, paléoenvironnementales, géoarchéologiques et
géographiques sont à l’origine d’une écologie historique qui redéfinit l’impact
des sociétés précolombiennes sur la forêt équatoriale et met en évidence trois
types de transformations précoces comme l’explique Stephen Rostain [2018].
Les noms des espèces identifient les origines connues ou suspectées (avec « ? ») de la domestication de 20 espèces de plantes cultivées par les
indigènes d’Amazonie. Les centres de diversité génétique des plantes cultivées contiennent des concentrations importantes de ressources génétiques
des plantes cultivées.
Source : d’après CLEMENT et al., 2015.
Analyser la nature hybridée : renforcer le dialogue intra- et interdisciplinaire ! 85
L’Amazonie anthropisée
Cette domestication a permis le développement de pratiques agricoles
complexes. Les recherches interdisciplinaires montrent que l’apparition de
systèmes d’agriculture élaborés remonte à 6 000 ans environ, en particulier
dans certains espaces, les terra preta (terres noires), principalement localisés
le long des grands cours d’eau. En effet, les sols des plaines alluviales, riches
en nutriments, ont constitué des espaces de peuplement anciens. Formant
environ 10 % du territoire amazonien [CLEMENT et al., 2015], les analyses
paléopédologiques et micromorphologiques montrent que ces terres noires
sont aussi le résultat des pratiques de brûlage, de paillage et de compostage
dans les jardins et les parcelles cultivées et de la gestion des déchets autour des
villages comme celle des excréments. Ces sols fortement anthropisés, anthro-
sols, se sont surtout développés depuis 2 500 ans accompagnant l’expansion
des sociétés sédentaires.
Une autre grande découverte de ces dernières années est l’importance
des structures construites par les sociétés en Amazonie [CLEMENT et al.,
2015 ; ROSTAIN, 2016]. Les archéologues ont en effet découvert des ter-
rassements divers dans nombreuses parties de la forêt : pistes, tertres
d’habitat, fossés, recoupements de méandres, étangs artificiels, construc-
tions à but cérémoniel, monuments funéraires, champs cultivés, etc. Le
paysage anthropique le plus étudié par les recherches interdisciplinaires
est celui des buttes de culture séparées de zones déprimées qui forment
des champs surélevés identifiés dans de nombreuses régions amazoniennes
comme Llanos de l’Orénoque, l’Amapa au nord-est du Brésil et les côtes
guyanaises. L’analyse des photographies aériennes et des images satellites
complète le nouveau visage de la forêt amazonienne qui se peuple de ces
géoglyphes. Ils peuvent former localement des réseaux qui articulent mon-
ticules, places, fossés, murs et pistes en dessinant la trame d’un paysage
anthropique. Dans la région de Sangay en Équateur, ou dans la partie infé-
rieure de l’Amazonie, les premiers complexes ont été occupés il y a plus
de 5 000 ans alors que d’importants travaux réalisés dans les deux millé-
naires de notre ère ont été identifiés le long de la plaine d’inondation de
l’Amazone et dans les zones frontalières du nord et du sud de l’Amazonie.
Contrairement à ce que l’on a longtemps pensé, ces structures n’indiquent
pas une déforestation complète, elles sont le plus souvent disposées au sein
d’un environnement anthropisé mais qui est resté souvent forestier et leur
rémanence dans de nombreuses régions amazoniennes atteste de l’ampleur
de l’empreinte laissée par les pratiques agricoles dans les paysages contem-
porains. La mainmise de l’espèce humaine sur l’Amazonie est donc bien
plus ancienne et profonde que ce à quoi les explorateurs, scientifiques ou
non, nous avaient préparés.
86 ! Géographie de l’environnement
L’Amazonie hybridée
Les recherches sur l’Amazonie révèlent aussi la rémanence des actions
humaines et leur hybridation avec les dynamiques spontanées du vivant.
De fait, les champs surélevés de Guyane, abandonnés il y a plusieurs siècles
sont toujours parfaitement visibles dans le paysage, ce qui ne laisse pas de
surprendre dans un environnement où à la fois les abats d’eau sont impres-
sionnants (3-4 m de précipitations annuelles) et la flore et la faune sont si
dynamiques. Les travaux de Doyle McKey et ses collègues ont montré
« qu’après leur abandon, des organismes ingénieurs du sol tels que les four-
mis, les termites, les vers de terre et des plantes ont réorganisé les champs
surélevés. Les matières organiques et minérales que tous ces organismes
apportent aux monticules compensent les pertes liées à l’érosion » [ROSTAIN,
2018]. Les espèces ingénieurs entretiennent donc un hybride, un héritage
anthropique, qu’elles se sont approprié (figure 6.2).
Stimulés par ces découvertes, les paléoécologues ont poursuivi leurs tra-
vaux sur de nombreux géoglyphes identifiés par la télédétection mais mal
connus, comme les paysages à bosses fréquents en Amazonie [ROSTAIN,
2018]. Certains monticules se sont révélés être des nids édifiés par des four-
mis dans des milieux anthropisés alors que d’autres, comme les surales,
monticules de terre de 1 à 2 mètres de diamètre, couvrant certaines savanes
inondables du bassin de l’Orénoque, sont construites par l’accumulation
d’excreta de vers de terre sans que les sociétés précolombiennes soient res-
ponsables directement ou indirectement de leur élaboration. Dans la forêt
amazonienne se côtoient donc des formes construites par l’Homme, des
rémanences de constructions humaines entretenues par des écosystèmes de
substitution et des constructions spontanées issues de la faune et de la flore
natives de ces régions.
En haut, savane inondable des Llanos de Mojos, Bolivie. En bas, savane inondable près
d’Oyo, République du Congo.
Sources : © D. Renard avec un drone Pixy ; © Image Google Earth ; interprétation D. McKey.
Figure tirée de ROSTAIN, 2018.
88 ! Géographie de l’environnement
Chaque approche a ses objets favoris. Par conséquent, l’approche socio-écologique inter-
disciplinaire souffre souvent d’une base étroite où chaque objet du système est en fait
souvent étudié par l’une ou l’autre des approches disciplinaires. Par exemple, en général,
les sciences sociales n’étudient pas le chenal sauf pour de grandes rivières où la question
de la baignade est redevenue d’actualité.
Conclusion
Les leçons de l’Amazonie et des rivières urbaines nous conduisent à la même
conclusion : il nous semble opportun d’ouvrir un espace dans lequel la for-
mule de Claude et Georges Bertrand [2002] prenne tout son sens : « Savoirs
hybridés, savoirs débridés ». L’expérience géographique [CASTREE, 2005] est
un bel endroit pour approfondir ces démarches de recherche autour d’une
intradisciplinarité renouvelée, même si ce n’est sans aucun doute pas le seul.
Il s’agit donc bien d’une proposition de renouvellement scientifique que les
hybrides nous suggèrent, pour les comprendre eux-mêmes, mais aussi pour
étudier le métabolisme et la matérialité du monde à venir.
Chapitre 7
La géographie biophysique
participative
1. www.vigienature.fr
2. www.ourradioactiveocean.org
3. coastal.er.usgs.gov/icoast/ ou #NTshiftingshores par The National Trust.
4. Programme agro-écologie EcoAgri (Fondation de France, 2018-2020) sur les paysages ali-
mentaires en vallée de la Rance et de la Côte d’Émeraude et réunissant plusieurs acteurs : Cœur
Émeraude, UMR LETG, Agrocampus Ouest, CIDREC, Les Mordus de la Pomme, Pôle Fruiter de
Bretagne.
98 ! Géographie de l’environnement
1. https://www.oldweather.org/
La géographie biophysique participative ! 101
Projet Spipoll.org du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) sur le suivi photogra-
phique des insectes pollinisateurs.
Source : d’après https://www.spipoll.org/.
ou d’agrégation spatiale sont alors souvent utilisées pour garantir une cer-
taine protection et il est important de garantir aux participants le respect du
règlement général sur la protection des données (RGPD). Enfin, la relation de
confiance repose aussi sur une restitution régulière des résultats et sur une
information claire quant à l’utilisation concrète des données.
Conclusion
La géographie biophysique est touchée par les transformations récentes de
la production des savoirs scientifiques par des non-scientifiques pourtant
ancienne. Les initiatives se multiplient et même si leur visibilité reste encore
réduite, elles sont de plus proposées voire suggérées par les appels d’offres
auxquels doivent répondre les géographes. Ces approches renforcent les
échanges entre acteurs sur un territoire, entre disciplines scientifiques et
modifient les pratiques, les méthodes, voire les orientations de la recherche.
Au-delà de la collecte massive de données, les recherches participatives sont
associées à une démocratisation de la science et à une volonté de sensibilisa-
tion à la culture scientifique et de production de savoirs actionnables. Cette
forme de participation citoyenne renforce l’esprit critique et la citoyenneté
environnementale. Si un équilibre entre les différentes parties est globale-
ment respecté, elle peut renforcer les liens entre science et société et amener
une recherche dont l’objectif est aussi de faire vivre la démocratie.
TROISIÈME PARTIE
Trajectoires
Chapitre 8
La géoarchéologie, la nature
des sociétés du passé
Démarche et thématiques
La géoarchéologie s’est d’abord fixée pour objectif de comprendre l’environ-
nement des habitats (site catchment analysis) et de définir l’évolution d’un site
archéologique en tant qu’objet géomorphologique et les processus ayant pu
l’affecter depuis son abandon (site formation process). Ainsi, les investigations
géomorphologiques conduites par les géoarchéologues permettent de mettre
au jour des sites anciens enfouis sous des sédiments déposés plus récemment
dans les plaines alluviales ou littorales. Cette fossilisation met en évidence
l’importance des processus taphonomiques1. Ils expliquent que la connais-
sance archéologique repose sur une base incomplète, une partie des archives
Il en résulte que les milieux de vie des animaux ou des végétaux anciens identifiés
participent à la reconstitution des paysages anciens.
La confrontation avec les données obtenues sur les sites archéologiques et dans
les archives historiques fait émerger l’environnement au moment de l’occupation
du site ou de la formation des archives sédimentaires. L’analyse des résultats
obtenus sur plusieurs périodes permet ensuite de mesurer l’impact de l’homme
sur son environnement au cours du temps (défrichements, mises en culture, en
pâture, etc.) et de reconstruire les paysages qui ont été le cadre de vie des popula-
tions au cours des derniers millénaires [GERMAIN et LESPEZ, 2016].
Le Paléo-anthropocène
Les recherches géoarchéologiques contribuent à poser les bases d’une his-
toire de l’anthropisation dont les grands rythmes se retrouvent partout
à la surface du globe même si le tempo et les modalités sont propres à
chaque espace. Ces travaux ont contribué à faire émerger le concept d’un
« Paléo-anthropocène », c’est-à-dire l’idée qu’à l’échelle des territoires mis
en valeur par les activités agropastorales depuis le Néolithique, la marque de
l’homme sur la nature est bien plus ancienne que celle sur son atmosphère
qui date de la Révolution industrielle [MAGNY, 2019]. La connaissance de
l’évolution des environnements méditerranéens a par exemple beaucoup
progressé au cours de ces vingt dernières années du fait de la multipli-
cation des recherches géoarchéologiques et paléoenvironnementales et
l’exemple de la plaine de Philippes1 en Grèce du Nord va nous permettre
d’illustrer la profondeur temporelle de ces transformations [LESPEZ, 2008 ;
GLAIS et al., 2017].
1. La ville antique de Philippes est localisée dans le département de Kavala mais géographique-
ment dans la plaine de Drama du nom de la plus grande ville contemporaine de cette plaine située
à son extrémité septentrionale.
La géoarchéologie, la nature des sociétés du passé ! 113
les données polliniques attestent d’une emprise croissante sur les milieux
forestiers pour laquelle le développement des célèbres mines de Macédoine
a dû jouer un rôle important. Ainsi, l’ensemble des connaissances dispo-
nibles permettent de brosser le portrait d’un espace totalement organisé
et maîtrisé par les sociétés antiques. Ils montrent l’émergence de paysages
culturels, c’est-à-dire de paysages où s’inscrivent les modes de production,
d’organisation sociale et les représentations des populations qui les ont pro-
duits et qui permettent de les distinguer d’autres paysages construits selon
les mêmes principes mais par des modalités différentes. De ce point de vue,
le façonnement des paysages par les sociétés dans la région de Philippes date
de bien avant la Révolution industrielle. Comme dans l’ensemble du monde
Méditerranéen, les milieux biophysiques grecs expérimentent un Paléo-
anthropocène depuis l’Antiquité au moins.
1. Paragraphe XIV du Livre V de son traité de botanique intitulé De Causis Plantarum. Fin du IVe siècle
AEC. Traduction de Claude Vatin [1984].
116 ! Géographie de l’environnement
Le déterminisme et la question
de l’effondrement des sociétés anciennes
La géoarchéologie contribue également à la réflexion sur les causes naturelles
susceptibles d’expliquer l’état des sociétés et leurs mutations. Cette réflexion
renvoie à la question du déterminisme qui est une préoccupation sans cesse
renouvelée de la science occidentale et de la géographie en particulier.
Georges Bertrand a promu l’idée « d’un déterminisme “relativé” par les seuils
agrotechniques ». Cela signifie un renversement théorique car les caractéris-
tiques biophysiques n’ont plus qu’un poids relatif conditionné par le rôle
déterminant des capacités techniques des sociétés.
Dans cette logique, les études géoarchéologiques ont longtemps recher-
ché les causes des schémas de peuplement pour les époques protohistoriques
ou historiques. Mais ces arguments ont souvent été convoqués de manière
contradictoire et tiennent rarement face aux études précises des conditions
biophysiques des habitats mis en évidence par la recherche archéologique. Par
exemple, dans la plaine de Philippes, il possible d’identifier quatre groupes de
sites pour le Néolithique récent qui, bien que contemporains, ont été implan-
tés dans des conditions très différentes quant à la nature des sols, la pente des
terrains environnants et la proximité des zones humides. Cette observation
permet de relativiser le rôle des prédispositions naturelles supposées, comme
l’attrait pour la complémentarité des terroirs ou l’accès aux sols légers plus
facile à travailler, et suggère la persistance de choix opportunistes ou aléa-
toires plus qu’une application systématique de principes de localisation. La
question des prédispositions environnementales doit donc être remplacée
par une interrogation plus pragmatique et localisée sur les interactions entre
nature et société.
Au cours de la fin de l’Âge du Fer alors que la basse vallée connaît une ré-estuarisation
notable qui permet le développement de l’exploitation du sel (en haut), autour de l’An Mil
alors que les premiers aménagements se font jour (chaussées transversales) mais que le
marais reste principalement un lieu de prélèvement de ressources minérales et végétales et
de parcours pour les communautés riveraines (au milieu) puis après les grands aménage-
ments et le drainage entrepris au cours de l’époque moderne (en bas).
Source : CADOR et LESPEZ in LESPEZ, 2012.
120 ! Géographie de l’environnement
Elles soulignent tout d’abord l’instabilité des paysages des zones humides
[LESPEZ, 2012]. À plusieurs reprises, comme au début de l’époque gallo-
romaine (IIe s. AEC-Ier s. EC), ces zones constituèrent un vaste estuaire. En
revanche, pendant de longues périodes comme au cours d’une grande par-
tie du Moyen Âge, elles formèrent de vastes marais continentaux tourbeux,
plus ou moins arborés. Du point de vue de l’impact des sociétés humaines,
elles ont connu la succession d’au moins quatre grandes périodes environne-
mentales au cours des derniers millénaires (figure 8.3). Elles furent d’abord
un espace marginal pour les sociétés du Mésolithique et du Néolithique,
avant d’être fréquentées et utilisées au cours de l’Âge du Bronze, de l’Âge du
Fer et de l’Antiquité gallo-romaine puis, progressivement transformées au
cours d’un long Moyen Âge et enfin, profondément aménagées et asséchées
au cours des époques moderne et contemporaine. Si pendant les deux pre-
mières périodes, elles furent principalement contrôlées par des dynamiques
et des forçages d’origine naturelle (climat, remontée du niveau marin, suc-
cessions écologiques, etc.), elles ont depuis été profondément travaillées par
les sociétés. Les travaux d’endiguement des marais littoraux ou des cours
d’eau de la fin du Moyen Âge à la période moderne ont accompagné la mise
en valeur agricole. La dernière période qui court du XVIe au XVIIIe siècle est
celle des empiétements progressifs des puissants de l’époque (seigneur ou
grand bourgeois) qui, avec la complicité de l’État, vont progressivement chas-
ser les pratiques collectives qui se développaient dans ces espaces encore en
grande partie considérés comme des communaux au début de la période.
Du XVIIIe au XIXe siècles, l’investissement foncier légitimé par les théories
économiques (physiocratie) puis sanitaires (hygiénisme) et l’émergence des
savoirs techniques des ingénieurs des ponts et chaussées (cf. chapitre 9) vont
finalement avoir raison des zones humides amphibies pour leur substituer un
paysage d’herbages permanents parcourus de drains, de canaux et de rivières
endiguées comme dans la plupart des marais atlantiques.
Aujourd’hui, malgré la résistance de l’élevage bovin et le développement
d’un élevage spécialisé (équin), les signes du déclin de la vocation agricole se
multiplient, comme le montrent le développement des friches, le mauvais
entretien du réseau de drainage et la multiplication des peupleraies, alors
même que de nouvelles activités cynégétiques (chasse au gibier d’eau) et
piscicoles façonnent de plus en plus les paysages et que l’essor des considéra-
tions écologiques pose la question de la vocation de ces espaces.
Alors que la question de la préservation de ces zones humides est
aujourd’hui posée, l’approche sur le temps long invite à pondérer les volon-
tés de conservation à tout prix des paysages contemporains de prairies et de
canaux. Elles nous rappellent :
1. leur précarité face à l’élévation du niveau marin induite par le change-
ment climatique en cours ;
La géoarchéologie, la nature des sociétés du passé ! 121
Conclusion
La géoarchéologie est une démarche pluridisciplinaire qui est devenue une
approche d’interface centrale dans la compréhension de la relation qu’ont
nouée les sociétés du passé avec leur environnement. Déplaçant la question
dans le temps, elle favorise, comme l’ethnographie par exemple, le décentre-
ment du regard et met en évidence d’autres modes de relation au milieu que
ceux que nous a légués la modernité occidentale. Elle contribue ainsi à une
meilleure compréhension des enjeux contemporains de la relation entre la
nature et les sociétés humaines.
Chapitre 9
La géohistoire :
la trajectoire incertaine
des systèmes fluviaux
LES COURS D’EAU et leurs plaines alluviales sont depuis longtemps un objet
de recherche en géographie physique, mais ils y ont acquis une place cen-
trale au cours des trois dernières décennies. À partir des années 1990, on
passe d’une géomorphologie dynamique qui abordait surtout la définition
des formes ou la fréquence et la magnitude des processus morphogéniques à
des approches pluridisciplinaires qui formalisent la notion d’hydrosystème.
Le cours d’eau apparaît désormais constitué de flux d’eau, de sédiments natu-
rels ou anthropogéniques et d’organismes dont les interactions dominent la
genèse de formes et de biocénoses en évolution permanente [BRAVARD et
PETIT, 1997]. Parallèlement, les études géoarchéologiques ou paléoenviron-
nementales pour lesquelles les alluvions sont un matériau essentiel de l’étude
du passé (cf. chapitre 8) ont accentué la focalisation sur les fleuves. Elles les
révèlent comme des intégrateurs des forçages climatiques et des contrôles
anthropiques qui s’exercent à des échelles spatiotemporelles variées sur
l’environnement. Les effets de rétroaction, d’héritages, les phénomènes de
résilience voire d’hystérésis s’y expriment de façon complexe [FRYIRS et
BRIERLEY, 2013]. Dans le même temps, les géographes ont été de plus en plus
souvent saisis en tant qu’experts sur des questions relatives à l’aménagement
du territoire. Le contexte hydrologique, comme la recrudescence d’événe-
ments hydrologiques extrêmes dans le sud de la France, ou réglementaire à
différents échelons territoriaux (Directive cadre sur l’eau, DCE ; Loi sur l’eau
et ses déclinaisons réglementaires ; Plans de prévention des risques d’inonda-
tion, PPRI ; études d’impacts, projets de paysage) a contribué à multiplier les
études comme les mises en contact avec d’autres spécialistes mais aussi avec
des acteurs extra-académiques : gestionnaires, associations et ayants droit.
L’éventail des expériences a été élargi : évaluation et gestion des risques,
124 ! Géographie de l’environnement
A : dynamiques détritiques et fluctuations des planchers alluviaux ; B : évolution du risque à Lalevade, vallée de l’Ardèche, de 1827 à nos jours.
Source : Jacob-Rousseau, 2019.
La géohistoire : la trajectoire incertaine des systèmes fluviaux ! 129
Conclusion
Les approches géohistoriques révèlent les trajectoires environnementales
des cours d’eau et décryptent le rôle central des contrôles anthropiques à
des échelles spatio-temporelles fines. Elles ouvrent ainsi plusieurs champs de
réflexion. En montrant que le passé peut être la clé du présent, ces recherches
déstabilisent les postulats de la démarche actualiste et rendent incontour-
nable une approche biophysique consciente qu’elle travaille en conditions
influencées. Elles soulignent aussi la nécessité de porter un regard critique
sur les modèles de référence comme sur les pratiques qui guident actuelle-
ment les opérations de restauration ou de désaménagement. En pointant des
incertitudes qu’accroissent encore les évolutions climatiques globales, l’étude
des trajectoires invite à questionner les évolutions à venir. Dans ces condi-
tions, mesurer les processus qui agissent dans un cours d’eau, c’est avant tout
chercher à comprendre, peut-être à anticiper, l’ajustement inédit de formes
hybrides à de nouvelles pressions, à de nouveaux usages, mais aussi à des
déprises, afin de fournir un éclairage indispensable à toute action publique
d’aménagement ou de gestion des hydrosystèmes.
134 ! Géographie de l’environnement
À cet égard, les géographes sont sans conteste parmi les mieux armés,
par leur positionnement disciplinaire. La pratique de l’interdisciplinarité, du
dialogue entre sciences naturalistes et sciences humaines, de la connexion
entre les temps courts et les temps longs, permet notamment, en multipliant
les sources informatives, de déjouer le risque d’une conception fixiste des
environnements du passé, ou d’éviter d’ériger en archétypes les paysages et
les milieux que nous présente l’abondante et très accessible iconographie du
XIXe siècle.
Chapitre 10
Évaluer la géodiversité :
le poids des valeurs sociétales
Dans la première édition de son ouvrage Geodiversity paru en 2004, Murray
Gray discute des « valeurs » (values) que l’on peut attribuer à la géodi-
versité, en distinguant des valeurs intrinsèques, culturelles, esthétiques,
économiques, fonctionnelles et éducatives, ceci dans l’objectif d’évaluer les
besoins de conservation d’une nature abiotique de plus en plus menacée par
les activités humaines : Valeurs de la géodiversité x Menaces = Besoin de
conservation.
Les valeurs intrinsèques relèvent principalement d’une vision éthique
selon laquelle tout élément dans la nature aurait une valeur pour ce qu’il
est et non pour l’usage que l’on en fait. La valeur culturelle de la géodiver-
sité résulte déjà d’une certaine représentation de la société : elle comprend
des éléments du folklore (mythes et légendes indigènes), de l’histoire et de
l’archéologie (grottes ornées, peintures rupestres…), des valeurs spirituelles
(lieux sacrés : exemple du Mont Uluru en Australie) ou encore de l’attache-
ment au lieu des habitants (le sense of place des Anglo-Saxons). Les valeurs
esthétiques intègrent la dimension pittoresque des sites, notamment de cer-
taines formes de relief, comme les chaos gréseux du massif de Fontainebleau,
qui peuvent être source d’inspiration artistique. Les valeurs fonctionnelles
sont essentiellement liées aux valeurs écologiques et aux fonctions écosys-
témiques de la géodiversité. Quant aux valeurs économiques et éducatives,
elles relèvent directement de « valeurs d’usage » [sensu REYNARD et al., 2016],
les premières ayant une valeur marchande (exploitation économique des
ressources du sous-sol, vente de minéraux et fossiles, géotourisme, etc.), les
secondes ayant une vocation pédagogique ou scientifique (valorisation didac-
tique des géosites, contribution à la connaissance de l’histoire de la Terre,
apport pour l’histoire des sciences).
Ce système de valeurs se retrouve dans les méthodes d’évaluation des
géosites développées depuis bientôt une vingtaine d’années par la commu-
nauté scientifique, en particulier par les géographes-géomorphologues qui
ont largement contribué à leur mise au point. Chaque méthode d’évalua-
tion propose son propre système de valeurs, qui accorde tantôt une grande
importance aux valeurs scientifiques appréciées selon des critères de rareté,
d’intégrité ou encore d’exemplarité, tantôt plus de place aux valeurs socié-
tales projetées sur les sites et les objets en fonction de leur perception et de
leur usage. Cela pose la question des valeurs qui sous-tendent les processus
de patrimonialisation de la nature abiotique : faut-il privilégier les critères
scientifiques, les mêmes qui servent généralement de critères officiels pour
élaborer les politiques d’inventaire et de protection, ou accorder plus d’im-
portance aux valeurs dites de société, celles qui sont à la base du processus
140 ! Géographie de l’environnement
Valeurs additionnelles
culturelle Valorisation
esthétique pédagogique
écologique touristique
intrinsèques qui ne peuvent entrer dans la catégorie des services – ces der-
niers étant définis comme « les bénéfices que les êtres humains tirent des
écosystèmes » [MILLENIUM ECOSYSTEM ASSESSMENT, 2005]. Ces « ser-
vices géosystémiques » ou « services écosystémiques abiotiques », partie du
capital naturel de la Terre dont la géodiversité serait l’assise non vivante,
sont classiquement rangés en quatre catégories : les services d’approvision-
nement, les services de régulation, les services culturels et les services de
support (figure 10.4).
Services de régulation
1. Processus océaniques et atmosphériques (e.g., régulation du climat et de la qualité de l’air, cycle hydrologique)
2. Processus continentaux (e.g., cycles biogéochimiques, séquestration du carbone et régulation climatique)
3. Régulation des inondations marines et fluviales (e.g., infiltration et réserve hydrique du sol, barrières littorales)
4. Régulation de la qualité des eaux (e.g., sols et roches comme filtres naturels)
Notons l’existence de services en partie influencés par des paramètres biotiques comme la
séquestration du carbone dans les sols. Au sein des services culturels, la partie inférieure de
l’encadré correspond aux services qui contribuent à la connaissance et à la science.
Source : modifié et adapté d’après GRAY, 2013.
142 ! Géographie de l’environnement
2019]. Basée sur une procédure d’analyse spatiale sous SIG, la méthodologie
comprend trois étapes :
1. calculer un indice de géodiversité, sur la base d’une évaluation quantitative
(géostatistique) des différentes composantes de la géodiversité (c.-à-d. diversités
géologique, géomorphologique, pédologique et hydrologique) ;
2. calculer un indice de menace, lui-même basé sur l’intégration de trois sous-
indices : niveau de protection environnementale, degré de dégradation des terres
et type d’occupation du sol ;
3. croiser l’indice de géodiversité et l’indice de menace, de façon à identifier et carto-
graphier les secteurs de forte géodiversité caractérisés par un degré de menace élevé.
Inspirée des méthodes de « priorisation » définies dans le domaine de la biologie
de la conservation, cette proposition méthodologique offre un cadre cohérent
et un outil opérationnel destiné à identifier des zones prioritaires de conser-
vation de la géodiversité, applicable à une échelle régionale ou nationale. Elle
est complémentaire des stratégies de création d’aires protégées élaborées par
échantillonnage territorial (sélection des géosites) sur la base des inventaires géo-
patrimoniaux.
Conclusion
Les recherches sur la géodiversité, particulièrement dynamiques au niveau
international depuis une dizaine d’années, sont en train de renouveler la
façon de concevoir la nature, trop souvent limitée à sa seule portion vivante
(biodiversité), notamment dans les politiques publiques environnementales.
Le renouveau épistémique apporté par ce concept d’apparition récente au
sein de la géographie environnementale contribue à changer et à élargir
les regards sur la nature, sans omettre la prise en compte des paramètres
d’ordre culturel qui agissent autant sur la biodiversité que sur la géodiversité
des territoires. Enrichi d’une dimension multiscalaire (du global au local) et
de valeurs sociétales, le concept de géodiversité émerge comme un nouveau
paradigme géographique pouvant servir de cadre de référence pour élaborer
les politiques de conservation et de valorisation appliquées à la composante
abiotique du paysage. Cela passe par la réalisation d’inventaires géopatrimo-
niaux à base naturaliste, conçus pour refléter la géodiversité dans ce qu’elle a
de plus remarquable (sélection des géosites), mais aussi par le développement
de nouvelles méthodes de quantification et de spatialisation de la géodiversité
pour lesquelles les géographes ont une expertise à faire valoir et à partager au
sein d’une communauté scientifique élargie.
Chapitre 11
Le changement
climatique
Approche géographique
du changement climatique
et des questions environnementales
L’appropriation progressive de la thématique
du changement climatique par les géographes
L’étude du changement climatique ne se limite pas à la recherche fonda-
mentale menée à l’échelle globale par la communauté des physiciens de
l’atmosphère, spécialistes de la dynamique atmosphérique générale et déve-
loppeurs des modèles du système Terre-atmosphère dont sont issues les
projections du changement climatique. En effet, le changement climatique
est aussi une thématique de recherche des géographes spécialisés dans le
domaine de l’environnement s’intéressant au climat aux échelles régionales
et locales. Le traitement de cette question aux échelles fines a confronté les
géographes à deux problèmes majeurs.
Tout d’abord, un grand nombre de géographes furent, jusque dans les
années 1990, réticents à utiliser des données issues de modèles climatiques
en raison des biais importants constatés par rapport aux observations, et
a fortiori les projections à l’horizon 2100 issues des modèles globaux. La
résolution spatiale n’était alors pas adaptée aux enjeux sociétaux d’échelles
inférieures. Mais cette réticence s’est estompée avec l’évolution techno-
logique et la production de données modélisées avec des résolutions plus
fines issues de modèles régionaux. Au départ, constitués uniquement d’une
composante atmosphérique, ce sont dorénavant des modèles couplés du
système Terre-atmosphère qui ont, pour certains, la capacité d’avoir une
résolution horizontale augmentée (maille de 50 km environ) permettant
des études régionales. Ensuite, le développement de méthodes de désa-
grégation des simulations de basse résolution a permis la production de
données régionalisées encore plus adaptées aux études géographiques. Les
simulations issues de modèles atmosphériques régionaux disponibles à
des résolutions spatiales inférieures à 5 km, voire de l’ordre de la centaine
de mètres, prenant en compte la dynamique générale ainsi que la dyna-
mique locale générée par les facteurs géographiques locaux (topographie,
proximité de l’océan, occupation du sol) au moyen de grilles imbriquées
sont largement utilisées par la communauté des géographes car elles sont
plus adaptées aux problématiques territoriales et peuvent être validées par
les mesures et observations sur le terrain. Deux exemples d’utilisation de
ces modèles régionaux pour traiter des thématiques environnementales
peuvent être cités : la modélisation de la brise de mer et de ses impacts cli-
matiques sur des vignobles côtiers comme outil d’aide à la délimitation de
Le changement climatique ! 149
1. https://www.ipcc.ch/
150 ! Géographie de l’environnement
Changement climatique
et îlot de chaleur urbain (ICU)
Les modifications du climat par les activités humaines ne se limitent pas
aux conséquences globales de l’effet de serre [DUBREUIL, 2018] ou conti-
nentales des changements d’utilisation des sols comme la déforestation
tropicale. À l’échelle plus locale des agglomérations, les changements des
états de surface liés à l’urbanisation ont des effets climatiques majeurs. En
effet, l’artificialisation des surfaces, inhérente au processus d’urbanisation,
se traduit notamment par leur imperméabilisation, l’extension des volumes
bâtis, la réduction du couvert végétal et l’accroissement des flux de trans-
ports d’hommes et de marchandises. Toutes ces transformations entraînent
une altération du bilan radiatif local ainsi qu’une modification profonde des
conditions d’écoulement de l’air et de l’eau. La présence d’espaces urbanisés
va donc modifier le climat.
Ce phénomène a été décrit en Angleterre dès le XIXe siècle, mais n’est
étudié de manière scientifique qu’à partir des années 1960. Ces recherches
se sont d’abord développées aux États-Unis et en Europe du Nord, là où
le phénomène de métropolisation a posé très tôt des problèmes de pollu-
tion et d’amplification des vagues de chaleur liés à la croissance urbaine. En
Asie, ainsi que dans certains pays émergents comme le Brésil, où l’urbani-
sation a explosé dans le dernier tiers du XXe siècle, l’engouement pour ces
recherches a également été précoce alors que ces études se sont développées
plus tardivement en France. Partout, la généralisation de stations et de cap-
teurs météorologiques à bas coût, a permis la mise en place de campagnes de
mesures de températures ponctuelles (réseaux d’observations pérennes) ou
itinérantes (méthodes des transects). Ainsi, à Rennes, par exemple, un réseau
d’une vingtaine de stations automatiques (mesurant, entre autres, la tempé-
rature) a été implanté à partir de 2004. Cela résulte d’une demande sociale
forte du fait de la gestion délicate d’espèces aviaires invasives ainsi que d’une
152 ! Géographie de l’environnement
1. À la suite des différents épisodes de canicules, puis de la mise en place des premiers plans climat
et la généralisation des PCAET à partir de la décennie 2010, de nombreuses métropoles se sont
lancées dans la mise en place de réseaux d’observation, généralement dans le cadre de partena-
riats avec des laboratoires de recherches mobilisant fortement les géographes (Dijon, Paris, Lyon,
Toulouse).
Le changement climatique ! 153
1. Adaptation of Viticulture to Climate Change: High Resolution Observations of Adaptation Scenario for
Viticulture.
2. Simulating Environmental Impacts on Viticultural Ecosystems.
Figure 11.3 Structure du modèle multi-agent SEVE
(Simulating Environmental Impacts on Viticultural Ecosystems)
156 ! Géographie de l’environnement
Conclusion
La question du changement climatique et de ses impacts sur les sociétés,
tout comme celle des activités humaines sur l’évolution du climat sont large-
ment traitées en géographie, comme dans de nombreuses autres disciplines.
Comme le dit Vincent Dubreuil [2018], le « thème des changements clima-
tiques est éminemment géographique, tant par les processus mis en œuvre qui
relèvent des interactions “société-nature” que par la diversité des échelles et
rétroactions mises en cause ». Il met en évidence la capacité des géographes-
climatologues à s’insérer dans des réseaux de recherche interdisciplinaire
pour participer à (voire piloter) des recherches sur ces questions complexes.
Celles-ci sont exemplaires de notre monde contemporain où l’état de l’atmo-
sphère et les modes d’utilisation du sol mis en place pour assurer nos activités
productives bien que de manière différente sont largement le résultat de pro-
cessus socio-économiques et de décisions (ou non) politiques pour assurer
nos activités.
QUATRIÈME PARTIE
Objets
Chapitre 12
Le fonctionnement
des bassins-versants
anthropisés
1. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000030556761&dateTexte=
20180930.
Le fonctionnement des bassins-versants anthropisés ! 165
A. Interruption du transfert sédimentaire et ajustements morphologiques en amont et aval des barrages ; B. Comparaison de la largeur des tron-
çons fluviaux en amont et en aval d’ouvrages (pour supprimer l’effet taille, la largeur est pondérée par la taille du bassin-versant), la droite y = x
Le fonctionnement des bassins-versants anthropisés
indique une égalité des largeurs entre l’amont et l’aval des ouvrages, mesure effectuée sur 15 sites du Maryland et de la Pennsylvanie.
!
Conclusion
Que ce soit par de grands aménagements ou par une évolution paysagère,
l’intervention humaine contribue aujourd’hui à modeler les dynamiques
hydrologique, écologique, sédimentaire des bassins-versants, en en faisant
un objet hybride à l’interface entre nature et société, parfois au-delà de leurs
limites physiques. Si les aspects physiques, en particulier par l’intermédiaire
de la gravité, constituent bien le support de l’ensemble des processus, les
sociétés définissent désormais pleinement les dynamiques qui y ont cours.
Les activités humaines doivent dès lors être considérées non pas comme
un simple forçage parmi d’autres, mais davantage comme une composante
cruciale de l’hydrosystème complexe que constitue le bassin-versant. Ainsi,
le géographe biophysicien, de par son attachement à l’analyse des relations
nature/société, sa capacité à comprendre les phénomènes spatiaux à diffé-
rentes échelles spatiales et temporelles et sa capacité à mobiliser des outils de
mesure permettant de quantifier et d’analyser finement les processus internes
aux bassins-versants, constitue un interlocuteur central à la fois pour les ques-
tions de fonctionnement, mais également de gestion des bassins-versants.
Chapitre 13
La végétation,
entre dynamiques
écologiques et territoriales
Positions des relevés (n = 252) sur les deux premiers axes factoriels de l’AFC selon les groupes
obtenus par CAH.
Source : ROUSSEL, 2017.
180 ! Géographie de l’environnement
Conclusion
À l’heure de l’Anthropocène, la biogéographie offre ainsi un cadre théorique,
méthodologique et des outils pour lier enjeux écologiques et territoriaux.
Chaque espèce rencontrée nous dit quelque chose du rapport des acteurs de
l’aménagement des espaces végétalisés, habitants, institutions, élus, à un lieu,
à un environnement. Par-delà les discours sur la nature, l’étude géographique
de la végétation donne ainsi à voir les dynamiques sociales, les choix poli-
tiques et l’intrication des fonctions attribuées aux espaces végétalisés.
Chapitre 14
Les limnosystèmes :
les retenues d’eau
en arrière des barrages
artificiels
un lieu des eaux superficielles dont la durée peut-être très variable. Ainsi, en
moyenne, malgré des exceptions, le temps de séjour des eaux dans les plans
d’eau retenus derrière un barrage artificiel est plus court que celui des plans
d’eau naturels. En effet, les digues ou les chaussées barrent un bassin hydro-
graphique qui possédait un réseau fluvial hiérarchisé, alors que nombre de
plans d’eau naturels (lacs volcaniques de caldeira, de cratère, de maar, lacs de
culot de glace morte de type kettle, etc.) ne sont alimentés que par un bassin-
versant élémentaire ou de petite taille. Ainsi la moyenne du temps de séjour
de l’eau dans les 14 289 étangs limousins est de 28 heures et une moyenne
pondérée par leur superficie donne 9 jours. Ces valeurs sont évidemment
variables d’un étang à l’autre (tableau 14.1).
Le limnosystème : un anthroposystème
Même dans le cas des lacs naturels, donc a fortiori dans celui des plans d’eau
d’origine artificielle, Laurent Touchart et Pascal Bartout [2018] militent pour
reconnaître dans tout plan d’eau un limnosystème considéré comme un
anthroposystème limnique (figure 14.1). Cela signifie que le plan d’eau doit
être envisagé comme un système interactif entre l’écosystème et le sociosys-
tème, fondé sur leur coévolution fonctionnelle [LÉVÊQUE et al., 2003]. Cela
conduit les scientifiques à étudier les processus physiques à l’œuvre au sein du
plan d’eau et les activités humaines, les uns et les autres étant en interaction
permanente, mais l’image que les sociétés riveraines ont du plan d’eau est éga-
lement transformée par cette approche. Se distinguant de l’hydrosystème, trop
souvent fluvio-centré, le limnosystème assume d’être centré sur le plan d’eau,
trop souvent présenté comme un accident dans l’hydrosystème, donc un per-
turbateur, même quand il est d’origine naturelle. Il constitue à la fois un aval
collecteur et un amont moteur des processus biophysiques, rend des services
écosystémiques, crée de la valeur économique, contribue au lien social et par-
ticipe à l’identité territoriale, et construit de véritables « territoires limniques »
[BARTOUT et TOUCHART, 2017]. Ces réflexions conceptuelles peuvent s’appli-
quer concrètement et se décliner à de multiples échelles, comme la limnorégion,
le territoire limnique ou encore la personnalité géographique de chaque lac.
188 ! Géographie de l’environnement
GÉOGRAPHIE LIMNOLOGIQUE
ÉCOSYSTÈME
Interrelations BIOGÉOCENOSE
biocénose
biotope Système
ouvert
ANCI spatialisé
EN
Relat LIMNOSY
ions
bassi STÈME
MICROCOSME n - la
c
Système
LIMNOSYSTÈME
fermé - centré sur le plan d’eau
- opérationnel pour le plan d’eau
Échelles
- coévolution homme - nature spatio-temporelles GÉOSYSTÈME
en plan d’eau naturel ou artificiel structure,
- liens multiscalaires : fonctionnement,
entre système internes comportement
fermé et ouvert au plan d’eau
SOCIO- Valorisation Géolimnosystème Limnogéosystème
SYSTÈME des actions
sociales
SYSTÈME Caractérisation
HYDRO-SOCIAL
lac - étang - mare 4 dimensions
Coévolution
nature - société HYDROSYSTÈME
ANTHROPOSYSTÈME
Saint-Germain-de-Confolens :
un lac de petite taille et son bassin-versant
Le lac de Saint-Germain-de-Confolens a été mis en eau en 1972, sur l’Issoire
(bassin de la Loire), pour alimenter en eau potable le Confolentais, un territoire
d’environ 14 000 habitants (figure 14.2). Cette fonction exclusive représente un
enjeu considérable pour la population et le syndicat d’eau, structure qui gère la
retenue et la distribution de l’eau, dans le sens où, depuis toujours, la qualité de
l’eau pose un problème. En effet, dès la création du lac, la présence dans l’eau
brute de métaux, de pesticides, d’algues toxiques ou encore de matières orga-
niques, dont les teneurs atteignent la limite de potabilisation, dégrade sa qualité
et multiplie les traitements coûteux, parfois inefficaces, avant distribution.
L’objectif du syndicat était donc de connaître les paramètres environnemen-
taux responsables de cette situation pour, in fine, conserver la distribution
d’une eau répondant aux normes de potabilité. Le protocole d’étude a été arti-
culé autour des volets sédimentologiques et physico-chimiques.
Pour le lac, l’ensemble des techniques mises en œuvre a pour objectif le
diagnostic physique de l’état du lac : observations et mesures directes, instru-
mentation in situ (sondes thermiques et sédimentomètres), échantillonnage
d’eau et de sédiments pour analyses puis traitements informatiques des don-
nées recueillies (figure 14.3).
Afin d’expliquer l’origine des problèmes de qualité de l’eau lacustre, l’étude
s’est intéressée à l’évolution de l’occupation du sol dans le bassin-versant depuis
la création du lac. Pour cela, un travail de photo-interprétation à partir des images
aériennes de 1972 et 2011, des données topographiques, cadastrales et agricoles,
a permis de connaître les changements d’affectation du sol et du linéaire des
haies. De plus, pour identifier l’origine des perturbations et connaître le rôle
du bassin-versant sur la qualité de l’eau, dix sites de prélèvement dans l’Issoire
et quelques-uns de ses affluents ont fait l’objet de trois campagnes d’échantil-
lonnage d’eau pour analyses (les mêmes paramètres que pour l’eau lacustre).
Les limnosystèmes : les retenues d’eau en arrière des barrages artificiels ! 191
Conclusion
À l’inverse des milieux lotiques que sont les cours d’eau, les plans d’eau, les
milieux lentiques utilisés par l’homme et parfois construits par eux, sont
représentatifs de l’imbrication du social et du biophysique. Ils sont par
définition des milieux biophysiques anthropisés ou des milieux artificiels,
autrement dit des objets hybrides. Certains voudraient les voir disparaître
malgré les multiples services qu’ils rendent à la société (loisirs, pisciculture,
irrigation, climatisation…) et de leur participation potentielle à la transition
énergétique par la production d’une électricité verte. Mais d’autres les consi-
dèrent comme des monuments naturels à conserver, tant ils peuvent avoir
un rôle important à jouer en ce XXIe siècle. À l’heure de la privatisation des
barrages, l’étude biophysique des étangs et des lacs montre que leur gestion
est définitivement un problème qui possède des dimensions spatiales et poli-
tiques multiples.
Chapitre 15
Le permafrost
de montagne face
au changement
climatique
(figure 15.1.a). Seuls ces derniers, qui constituent des masses de débris
rocheux mélangés à de la glace, peuvent attester de la présence de perma-
frost sur les versants. Dans les parois, cette présence n’est révélée que par
les écroulements rocheux dont la niche d’arrachement est souvent nappée
de glace (figure 15.1.b).
Le permafrost de montagne occupe une superficie plus vaste que celle
des glaciers. Si le rapport entre ces deux composantes de la cryosphère n’est
que de 1 à 3 dans les Alpes (7 124 et 2 092 km², respectivement), la dispro-
portion est considérablement plus élevée lorsque l’on considère l’ensemble
des montagnes du monde : le permafrost y occupe en effet 3,72 M de km²
alors que les glaciers n’y couvrent que 0,25 M de km². La partie superfi-
cielle des terrains à permafrost, soumise au dégel pendant l’été, est appelée
couche active (figure 15.2). Elle peut atteindre plusieurs mètres d’épaisseur
et est fonction des conditions climatiques de l’année, de l’exposition et du
type de terrain. Ainsi, dans les parois de l’Aiguille du Midi (3 842 m, massif
du Mont Blanc), pendant la période 2010-2013, l’épaisseur de la couche
active a varié de 1,8 à 5,9 m selon l’année et l’exposition [MAGNIN et al.,
2015]. En revanche, dans le glacier rocheux de Bellecombe (2 750 m, massif
des Écrins), la couche active atteint 2,5 m de profondeur et varie très peu
d’une année sur l’autre.
Le permafrost de montagne s’explique par le climat mais ses évolu-
tions et son épaisseur, parfois de plusieurs centaines de mètres, suggèrent
qu’il est avant tout un héritage des périodes froides qui ont ponctué le
Quaternaire. Dans les parois rocheuses non englacées ou dans les forma-
tions superficielles, le permafrost est donc bien souvent en déséquilibre
vis-à-vis du climat de la période interglaciaire actuelle et ce déséquilibre
s’accentue avec l’accélération du réchauffement climatique. Une synthèse
récente des mesures de température du permafrost à l’échelle globale a
mis en évidence un réchauffement de 0,19 ± 0,05 °C entre 2007 et 2016,
plus rapide que celui de l’air pour ces massifs, estimé à 0,1 ± 0,5 °C pour la
même période. Conséquence du réchauffement, la dégradation du perma-
frost se traduit par son amincissement et une réduction de sa superficie,
phénomènes qui s’accompagnent généralement de la diminution de sa
teneur en glace (laquelle, lorsqu’elle fond, maintient le milieu à 0 °C et
ralentit la propagation de la chaleur).
Le permafrost de montagne face au changement climatique ! 197
a. glacier rocheux actif du Marinet avec, au fond, l’Aiguille de Chambeyron (3 412 m, Haute-
Ubaye) ; un glacier rocheux est dit « actif » s’il se déplace, « inactif » s’il possède encore de la
glace mais sans déplacement, ou « fossile » si sa glace a totalement fondu ; b. glace massive
présente dans la cicatrice d’un écroulement rocheux de 44 000 m3 survenu dans la face
nord de l’Aiguille du Midi (3 842 m) en septembre 2017 ; le secteur présenté de la cica-
trice, photographié par drone, est large d’environ 30 m ; c. un pylône du télésiège du col
de Vés (Tignes) dont la base a été modifiée pour adapter l’ouvrage au fluage/affaissement
du terrain ; d. vue aérienne de la zone du village de Bondo, en Suisse, impactée par la lave
torrentielle déclenchée suite à l’écroulement survenu dans la face nord du Piz Cengalo au
cours de l’été 2017 ; e. secteur de transit et de dépôt de l’écroulement (40 000 m3) de 2007
de la Cima Una (Dolomites, Italie) ; f. vue aérienne du secteur impacté par la lave torren-
tielle d’août 2015 du torrent de l’Arcelle (Maurienne, Savoie). Sur la moitié inférieure de la
photo, on distingue le glacier rocheux déstabilisé du col du Lou qui se termine par un front
raide dans lequel une niche d’arrachement est clairement visible ; en contrebas le village de
Lanslevillard, où ont été déposés les matériaux emportés par la lave.
Sources : a. © X. Bodin ; b. © L. Ravanel ; c. © P.-A. Duvillard ; d. © A. Badrutt ;
e. © C. Squarzoni ; f. © M. Marcer.
198 ! Géographie de l’environnement
a. profil vertical typique du permafrost ; la couche active (en gris foncé) dégèle en été et
regèle chaque hiver, tandis que la température du permafrost sensu stricto (en gris clair)
demeure inférieure à 0 °C ; MAGST = température moyenne annuelle à la surface du sol ;
b. températures modélisées au sein d’un massif rocheux idéalisé montrant l’influence de
l’exposition au rayonnement solaire.
Sources : a. L. Ravanel modifiée d’après http://www.unifr.ch/geoscience/geographie/ssg-
mfiches/pergelisol/3101.php ; b. d’après NOETZLI et al., 2007.
Le permafrost de montagne,
objet d’étude invisible
Le permafrost de montagne n’a fait l’objet d’études approfondies que
récemment, avec les premiers travaux dans les années 1970 sur les glaciers
rocheux, dans les Alpes, les Rocheuses et les Andes. Il est par essence invi-
sible et son étude requiert des méthodes spécifiques pour déterminer sa
distribution et son évolution. Dans le cas des parois rocheuses, la présence
de glaciers suspendus indique directement celle du permafrost, mais leur
absence ne signifie pas pour autant que le permafrost est absent. Dans
les formations superficielles, les formes de fluage du permafrost riche en
glace, comme les glaciers rocheux, sont communément utilisées comme
des indices de la présence de permafrost, mais avec une incertitude sur
son contenu en glace. Son étude nécessite donc de combiner plusieurs
approches méthodologiques pour déterminer sa distribution et sur son
évolution : mesures de température in situ à la surface ou en profondeur
du terrain, modélisation statistique, modélisation à base physique, télé-
détection ou sondages géophysiques.
Le permafrost de montagne face au changement climatique ! 199
Distribution du permafrost :
approche statistique et cartographique
La distribution du permafrost résulte principalement de la température de
l’air et du rayonnement incident direct, deux facteurs largement dépen-
dants de la topographie : altitude, orientation et pente. La distribution du
permafrost en profondeur dépend alors principalement de ces facteurs
topo-climatiques qui contrôlent les flux de chaleur dans le sol, lesquels
peuvent être modulés par l’enneigement. Ce dernier est modérément
important pour le régime thermique des parois, mais crucial pour celui des
formations superficielles (éboulis, glaciers rocheux) situées sur des terrains
moins raides. Les hivers peu et/ou tardivement enneigés facilitent le refroi-
dissement du sol, et vice-versa dans le cas d’un manteau neigeux tardif
et/ou peu épais. Aussi, évaluer la distribution du permafrost de montagne à
partir de sa température de surface reste délicat, des approches de modéli-
sation ou des indices de sa présence comme les glaciers rocheux sont alors
généralement utilisés.
L’estimation de la distribution du permafrost de paroi utilise généra-
lement des températures de surface de la roche (températures moyennes
annuelles mesurées à quelques centimètres sous la surface) pour relier sta-
tistiquement ces dernières avec le rayonnement solaire et la température
annuelle moyenne de l’air. En effet, la différence entre la température à la
surface des parois et la température de l’air augmente de façon linéaire avec
le rayonnement solaire direct. Dans les Alpes, un tel modèle a été formulé
à partir d’une cinquantaine de points de mesure répartis dans la chaîne et a
servi ensuite à cartographier le permafrost de paroi. Cette cartographie uti-
lise la température annuelle moyenne de l’air pour une période climatique
de référence (1961-1990) afin de tenir compte de l’effet de long terme du
climat. La température modélisée peut ensuite être convertie en probabi-
lité de présence du permafrost, permettant de mieux apprécier la présence
de permafrost selon les conditions locales comme le dépôt de neige par
exemple.
La distribution spatiale du permafrost dans les formations super-
ficielles s’apprécie en général également par des modélisations statistiques
(figure 15.3) utilisant des observations ou des mesures (directes ou indi-
rectes) pour attester de sa présence ou son absence. Les formes contenant
de la glace indiquant la présence de permafrost, les glaciers rocheux,
sont fréquemment utilisés comme moyen de validation des modèles. En
complément, des mesures ou observations peuvent également être utilisées :
mesure de la température sous le manteau neigeux, relevés géophysiques,
forages ou observations de glace par exemple. Pour les Alpes françaises, la
disponibilité d’un inventaire complet des glaciers rocheux (3 281 dont 46 %
200 ! Géographie de l’environnement
Infrastructures et risques
liés à la dégradation du permafrost
de montagne
Des paysages impactés
Les premières recherches sur le permafrost des parois rocheuses ont été
orientées sur les problèmes de stabilité des infrastructures du fait des consé-
quences du changement climatique. Dans les Alpes, le réchauffement mesuré
est ainsi deux fois supérieur à celui enregistré à l’échelle mondiale (+ 2 °C
dans les Alpes françaises entre 1900 et 2017 contre + 1,1 °C pour l’ensemble
du globe). Avec la dégradation du permafrost, les paysages de haute mon-
tagne se modifient et des phénomènes géomorphologiques comme les
écroulements surprennent par leur rapidité et les modifications profondes
qu’ils impriment aux versants, depuis la cicatrice d’arrachement jusqu’au
dépôt, en passant par le secteur de propagation (figure 15.1.e). Le paysage
peut être fortement affecté par la disparition ou la modification d’éperons, de
piliers, d’arêtes voire de sommets tout entiers. La déstabilisation des glaciers
rocheux est également une manifestation très visible de la dégradation du
permafrost de montagne et est à l’origine de phénomènes à risques.
L’étude de la face ouest des Drus et du versant nord des Aiguilles de
Chamonix [RAVANEL et DELINE, 2011] dans le massif du Mont Blanc offre
202 ! Géographie de l’environnement
que cela implique (figure 15.4). Il a ainsi été calculé que, pour la seule portion
des Andes chiliennes comprises entre 27 et 34 ° de latitude sud, les travaux
miniers avaient affecté 4,5 km² de glaciers rocheux, équivalents à un volume
en eau de l’ordre de 24 M m³. Les impacts se manifestent diversement : exca-
vations du terrain, dépôts de matériaux rocheux, infrastructures, notamment
les routes et pistes d’exploration. Selon les conditions socio-économiques et
politiques des pays concernés, la pression des activités minières peut évoluer
mais montre une accélération notable au cours des deux dernières décen-
nies. Afin de réguler les impacts sociaux et environnementaux de l’industrie
minière sur la haute montagne andine, le Chili et l’Argentine ont élaboré
des inventaires complets (environ 4 000 km de chaîne montagneuse) de la
cryosphère. Le gouvernement argentin a traduit cette nécessité d’évaluer et
de protéger les glaciers et les milieux périglaciaires dans sa législation1, une
première au niveau mondial.
Conclusion
Le permafrost de montagne a été profondément transformé au cours des
dernières décennies, avec des conséquences importantes sur la morphodyna-
mique des versants dont l’évolution à venir reste difficile à prévoir. En raison
des larges surfaces et de la mise en valeur souvent croissante des milieux
concernés et de l’évolution actuelle du permafrost, les risques associés à sa
dégradation sont importants. De nombreuses avancées scientifiques ont
été réalisées au cours de ces deux dernières décennies, en particulier depuis
l’été caniculaire 2003, déclencheur d’une prise de conscience en Europe sur
les effets du réchauffement climatique. L’étude du permafrost de montagne
illustre ainsi l’hybridité de nos géosystèmes contemporains. En grande par-
tie héritée des périodes froides du Quaternaire, soumis au réchauffement de
notre période interglaciaire, accéléré par le réchauffement d’origine anthro-
pique, sa dynamique récente fragilise des espaces de haute montagne de
plus en plus peuplés et aménagés pour assumer des activités productives ou
récréatives au poids économique grandissant. Alors que les études géotech-
niques ont longtemps parié sur la stabilité des conditions environnementales,
à l’heure de l’Anthropocène, les recherches géomorphologiques nous rap-
pellent que tout change aujourd’hui sous l’effet d’une pression anthropique
grandissante et de la transformation anthropogène de notre atmosphère.
Suivre et comprendre l’évolution des processus géomorphologiques dans un
espace hétérogène devient crucial pour anticiper les nouvelles vulnérabilités
et nourrir des politiques environnementales adaptées.
CINQUIÈME PARTIE
Expertiser et enseigner
Chapitre 16
L’expertise
géomorphologique
au service de la gestion
du littoral
Dans les pays développés, on assiste de façon assez générale à une prise de
conscience progressive de ces problématiques environnementales et socié-
tales, que ce soit par la société civile ou par les responsables politiques en
charge de la gestion des espaces côtiers. En France, l’épisode catastrophique
de la tempête Xynthia en mars 2010 a vivement relancé les débats sur la
nécessité de mieux se prémunir contre le risque de submersion marine. De
la même façon, l’érosion causée par les tempêtes de l’hiver 2014 a mis en
évidence la forte vulnérabilité de larges portions du littoral français à ce type
d’aléa. Malgré cette prise de conscience, la frange littorale reste un espace
très convoité et les solutions d’adaptation (relocalisation des biens et des
personnes, solutions douces ou basées sur la nature) se heurtent souvent à
la question de l’acceptabilité socio-économique et/ou politique. En posant
des diagnostics et en préconisant les mesures de gestion les plus adaptées
pour répondre à ces enjeux, l’expertise géomorphologique s’inscrit dans une
double démarche, scientifique (compréhension des dynamiques naturelles)
et sociétale (aide à la gestion, à la décision). Impliquée dans des processus de
concertation, elle se retrouve parfois confrontée à une pluralité d’acteurs aux
intérêts multiples. Elle donne lieu à des préconisations qui font parfois l’objet
de controverses. Elle exige enfin de la part des scientifiques, un engagement
pour se faire entendre des décideurs et un effort de pédagogie et de commu-
nication pour être comprise du grand public.
Ce chapitre a pour objectif de questionner la place de l’expertise géo-
morphologique dans la gestion de l’érosion/submersion côtière en France
au travers de quelques exemples issus de nos propres recherches menées
en Bretagne. Il s’agit de présenter de façon réflexive notre démarche d’ex-
pertise, les types de savoirs mobilisés, les discours et les controverses qui
l’accompagnent, notamment la façon dont ils sont compris et utilisés par les
parties prenantes.
Le diagnostic géomorphologique
Une aide aux politiques de gestion du littoral
Conséquence de l’urbanisation croissante du littoral français durant la
période 1970-1990, les élus locaux ont progressivement été confron-
tés à des problématiques de risques côtiers, liés notamment à l’érosion,
auxquelles ils ont généralement répondu dans l’urgence en recourant à
des ouvrages de défense en durs (épis, digues, brise-lames). L’expertise
scientifique a rarement été sollicitée dans le cadre de ces opérations, le
champ de la recherche académique étant resté le plus souvent cantonné
à des aspects fondamentaux. Toutefois, à partir des années 1980, avec la
création du Conservatoire du littoral en 1975, la promulgation de la loi
L’expertise géomorphologique au service de la gestion du littoral ! 211
1. Ce travail d’expertise a débuté en 2006 dans le cadre d’une convention de partenariat entre
l’université de Bretagne occidentale, via le laboratoire LETG-UMR 6554 du CNRS, et la commune
de Pleubian.
L’expertise géomorphologique au service de la gestion du littoral ! 213
L’expertise géomorphologique
au sein de la controverse
Quand l’expertise convainc
L’exemple de la plage du Vougot, située sur la commune de Guissény dans
le Finistère Nord, constitue un bel exemple de concertation réussie entre les
experts et les décideurs. La partie orientale de cette plage souffre d’une éro-
sion chronique depuis la construction en 1974 d’un ouvrage (jetée du Curnic)
qui a déstabilisé le fonctionnement hydrosédimentaire de l’ensemble du sec-
teur. Le recul de la côte est alors devenu un sujet préoccupant notamment
lorsqu’une tempête particulièrement morphogène survenait. Ainsi, après
l’hiver tempétueux de 1989-1990, la réponse gestionnaire face à l’érosion
s’est soldée par la mise en place d’un enrochement sur une section de 150 m.
Toutefois, l’inefficacité de cet ouvrage a de nouveau posé la question de la
protection du rivage au début des années 2000 lorsque le site du marais du
Curnic et la plage du Vougot ont été classés Natura 2000. Une des options
alors envisagées par la collectivité était de prolonger cet enrochement sur
une distance linéaire de 400 à 600 m. Cette « durcification » du trait de côte
devait également rassurer les riverains habitant directement derrière la dune
sachant que si cette dernière venait à disparaître, ils étaient directement
menacés par un risque de submersion marine [CARIOLET et al., 2012].
Avant de recourir à un choix pouvant s’avérer coûteux et inefficace, une
expertise scientifique a été lancée en juin 2004 à la demande de la commune
afin d’apporter des éléments de réflexion nécessaires à la politique de gestion
la plus cohérente à mettre en place. Ce travail a porté d’une part sur la mise en
place d’un suivi hydrodynamique et topomorphologique à haute fréquence
du système plage/dune afin de quantifier et d’analyser les modalités de recul
du trait de côte [SUANEZ et al., 2015]. Ainsi, les vitesses de recul maximum
mesurées à l’échelle des dernières décennies (0,7 m/an) ont montré que l’aléa
lié à l’érosion restait faible au regard d’autres secteurs français marqués par
des reculs supérieurs à plusieurs mètres par an, voire plus de 10 m/an. Cette
expertise a d’autre part porté sur l’évaluation du risque de submersion marine
en tenant compte des aspects dynamiques commandés par le recul du trait
de côte et l’élévation du niveau marin pour la fin du siècle. Ce travail a égale-
ment montré que le risque lié à l’aléa de submersion marine restait faible au
L’expertise géomorphologique au service de la gestion du littoral ! 215
Réalisation : © S. Suanez.
216 ! Géographie de l’environnement
Source : inconnue, photo fournie par la mairie de Trégastel. Cliché pris entre 1966 et 1972.
Conclusion
Comme jamais auparavant, l’expertise géomorphologique bénéficie
aujourd’hui de nombreux outils de mesure et d’analyse permettant de poser
rapidement et de façon pertinente des diagnostics appropriés face aux problé-
matiques locales d’érosion côtière. Ce faisant, elle est en mesure de proposer
des options en matière de gestion de l’érosion s’appuyant sur des jeux de
données de plus en plus importants, fiables et précis, difficilement contes-
tables. Les préconisations s’orientent le plus souvent vers des actions peu
coûteuses et bénéfiques à long terme. Toutefois, la mise en œuvre d’une poli-
tique de gestion raisonnée du trait de côte s’avère souvent incompatible avec
les fortes pressions foncières qui s’exercent sur la frange littorale. L’exemple
de la plage de la Grève Rose à Trégastel illustre ainsi la difficulté d’amorcer
une politique de relocalisation des habitats dans un secteur très prisé. Ce cas
d’étude souligne également l’importance des jeux de pouvoir entre riverains,
élus, experts et services de l’État dans les solutions finalement adoptées face
à l’érosion du rivage.
L’expertise géomorphologique au service de la gestion du littoral ! 221
La difficile production
des normes et de modèles
de référence : comment
définir des cours d’eau
de qualité
LA QUALITÉ D’UN COURS D’EAU, comme celle de tous les milieux naturels,
est une notion difficile à définir et à mesurer du fait de sa variabilité. Pour
certains, une rivière de qualité permet la baignade ou la navigation de loi-
sir, pour d’autres la production d’électricité ou l’irrigation, pour d’autres
encore il s’agit d’une rivière qui abrite une faune, une flore aquatique et une
ripisylve abondantes et diversifiées. Jusqu’à la fin du siècle dernier, étaient
perçues comme rivières de qualité celles qui pouvaient être maîtrisées, qui
ne débordaient pas ou qui pouvaient être facilement aménagées pour la
navigation ou les usages industriels. Depuis quelques années, la prise de
conscience environnementale collective a considérablement renforcé la
composante écologique dans cette notion de qualité. Aujourd’hui, le main-
tien et l’amélioration de la qualité écologique des rivières sont au moins
aussi importants que la protection contre les inondations et ont de plus
en plus de poids face à l’exploitation de la ressource et au développement
industriel.
Cette évolution sociale a été accompagnée par une transformation
des institutions gestionnaires de l’environnement et un cadre législatif
nouveau (Loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA), Gestion des
milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI)) qui s’est
progressivement mis en place notamment sous l’impulsion de la Directive
cadre européenne sur l’eau (DCE) promulguée en 2000. Ces nouvelles
224 ! Géographie de l’environnement
1. https://www.eaufrance.fr/
La difficile production des normes et de modèles de référence ! 225
L’indice biotique a été mis en place en France à la suite de la loi sur l’eau
de 1964, venant compléter l’EH pour repérer les pollutions accidentelles. Il
reposait sur l’abondance et la diversité de macroinvertébrés benthiques. Ils
ont été choisis car ils sont relativement sédentaires et inféodés à certains
types de substrat. Grâce à un inventaire réalisé à l’échelle nationale par le
Conseil supérieur de la pêche (devenu Agence française pour la biodiversité),
l’indice a pu être calibré : les stations révélant une valeur élevée de l’indice
étaient considérées comme de bonne qualité. L’indice a ensuite évolué dans
les années 1990 puis au début des années 2000 en un indice biologique glo-
bal normalisé (IBGN) puis un indice invertébré multi-métrique (I2M2) pour
permettre une évaluation plus complète de la qualité du cours d’eau (prise
en compte des caractéristiques hydromorphologiques) et pour répondre aux
exigences de la DCE.
1. http://www.riverhabitatsurvey.org/
La difficile production des normes et de modèles de référence ! 227
Échelle
Nom Descriptif
d’analyse
Syrah Système multi-échelles d’audit Croisement des pressions Tronçon
de l’hydromorphologie à l’échelle du bassin
des eaux courantes. avec les caractéristiques
naturelles des rivières pour
en déduire les risques
d’altération.
RHT Réseau hydrographique Réseau fournissant Tronçon
théorique. une description hydrologique
des tronçons issus
des modèles Estimkart.
ICE Information sur la continuité Protocole permettant Station
écologique. d’évaluer la continuité
écologique.
Carhyce Caractérisation Protocole de terrain et BD Station
hydromorphologique pour la caractérisation
des rivières. de l’hydromorphologie
des tronçons de rivières.
Comme pour la qualité de l’eau et des biocénoses, l’un des enjeux aux-
quels sont confrontés les acteurs de la restauration hydrogéomorphologique
est la question des conditions de référence. La DCE définit en effet le bon
état écologique mais concernant l’hydromorphologie, la communauté scien-
tifique a convenu que ces conditions de référence étaient soit inappropriées,
soit impossibles à atteindre. Dans nos régions, les conditions naturelles sont
en effet difficiles voire impossibles à trouver. Et si l’on se tourne vers le passé
pour identifier des références, les conditions changeantes ne permettent pas
d’espérer pouvoir revenir à cet état historique suite par exemple aux évo-
lutions climatiques séculaires ou à l’anthropisation progressive des bassins
(cf. chapitres 1, 8 et 9). Au lieu de conditions de référence correspondant à un
état naturel antérieur et idéalisé, des travaux récents suggèrent plutôt que la
restauration fluviale définisse un état géomorphologique correspondant aux
objectifs de la société et respectant le fonctionnement potentiel du système
hydromorphologique et écologique [DUFOUR et PIEGAY, 2009]. L’étude des
conditions passées devrait plutôt permettre de replacer les corridors fluviaux
considérés le long d’une trajectoire et ainsi mieux comprendre les processus
et les facteurs clés qui ont conduit à son évolution et, à terme, déterminer la
plage de variabilité historique de la rivière (Historical range of variability),
[BRIERLEY et FRYIS, 2013] afin de déterminer les options de restauration.
Cette discussion sur les conditions de référence résulte également d’un
débat plus large qui a opposé deux approches différentes des pratiques de
restauration des cours d’eau : celle reposant sur les formes et l’autre sur les
processus. La première concerne généralement les petits cours d’eau consi-
dérés à l’échelle du tronçon. Elle s’intéresse principalement à la géométrie du
lit et vise à restaurer les formes fluviales (séquences seuil-mouille, formes en
plan et substrat alluvial). La seconde approche englobe un éventail plus large
de types de cours d’eau et envisage une échelle plus large (du sous-bassin au
bassin-versant). Elle priorise les fonctions et les processus fluviaux comme
les connectivités latérales et longitudinales et les flux d’eau et de sédiments.
Si la première approche a été largement utilisée lors des premières restau-
rations fluviales, elle a également fait l’objet de nombreuses critiques. C’est
aujourd’hui la deuxième approche qui est plutôt préconisée par la commu-
nauté scientifique et de plus en plus prise en compte dans les opérations de
restauration. Cela étant dit, si ce positionnement scientifique est largement
accepté, il reste conceptuel et difficile à mettre en œuvre. Ainsi, les projets de
restauration sont souvent conçus et calibrés sur base d’une simple analyse de
documents historiques et d’évaluations partielles du fonctionnement hydro-
géomorphologique du cours d’eau. Cette opposition entre les pratiques de
terrain et le positionnement scientifique n’est pas nouvelle et est bien illus-
trée par ce que Lave [2012] a appelé les « guerres de Rosgen » qui ont affecté la
communauté de la restauration fluviale américaine ces 20 dernières années.
La difficile production des normes et de modèles de référence ! 229
1. Cette agence a été regroupée le 1er janvier 2020 avec l’Office national de la chasse et de la faune
sauvage pour devenir l’Office français de la biodiversité (OFB).
Figure 17.2 Protocole d’acquisition des données Carhyce
230 ! Géographie de l’environnement
a. Position des transects (Yevre, 18) ; b. Position des points de mesure ; c. Stations Carhyce du territoire métropolitain ; d. Hydro-éco-régions de
niveau 1 ; e. Modèle de référence de l’HER Massif Central Sud.
La difficile production des normes et de modèles de référence ! 231
lit (telle que la largeur ou la hauteur à plein bord). Pour cela, on utilise les
relations de géométrie hydraulique définies pour des régions homogènes,
les hydro-éco-régions [WASSON et al., 2002] (figures 17.2.c et 17.3.c). Les
modèles sont construits à partir d’un ensemble d’environ 500 stations, dites
de référence, considérées comme peu impactées par les activités et amé-
nagements anthropiques des dernières décennies. La majorité des rivières
françaises ayant été influencée, de façon plus ou moins importante, il s’agit
de tronçons qui présentent un degré d’altération le plus faible possible, ce
degré étant estimé sur la base d’une connaissance experte de terrain appor-
tée par des enquêtes réalisées auprès des agents de l’AFB. Ainsi les tronçons
retenus n’ont pas connu de recalibrage, ni de rectification de leur tracé, ni
d’extraction massive de sédiments et leurs débits liquides et solides ne sont
que faiblement modifiés.
L’écart d’une station donnée aux situations de références régionales
peut être quantifié et synthétisé par un indicateur, l’indicateur morpholo-
gique global (IMG). Il rend compte des écarts pour différentes composantes
de la morphologie des lits. Ainsi, il constitue une base pour l’interpréta-
tion de la réponse du cours d’eau à différentes variables (modification des
débits liquides ou solides…) et pressions directes (recalibrage, extraction
de granulat) ou indirectes (changement d’occupation du sol…) pouvant
mettre en évidence un déséquilibre du système fluvial (figure 17.3). Cet
indicateur fournit une vision globale des écarts aux références pour diffé-
rents paramètres de géométrie du lit mais il prend également en compte
la variabilité régionale. En effet, la valeur de l’IMG correspond à la somme
des résidus standardisés (en valeur absolue) à partir des valeurs du jeu
de références pour les différents modèles. Cette valeur est représenta-
tive du diagramme associé et doit nécessairement s’accompagner de cette
représentation pour être correctement interprétée dans le cadre d’un
diagnostic hydromorphologique. On voit, par exemple, pour le Tanyari
à Palau-del-Vidre, relevé en 2012, une station qui s’écarte fortement des
références pour la profondeur à plein bord et la surface mouillée. Cela
peut notamment s’expliquer par l’occupation du sol du bassin avec une
part importante de terres agricoles et zones urbanisées en amont de la
station.
L’IMG constitue un instrument utile pour : identifier les stations poten-
tiellement altérées, travailler sur l’impact des altérations sur les biocénoses,
proposer un cadre et évaluer l’efficacité des opérations de restauration et
être, en complément d’autres outils, utilisé comme outil d’analyse pour le
rapportage dans le cadre de la DCE. Il prendra d’autant plus de sens qu’il sera
analysé en regard d’autres graphiques ou paramètres tels que le recouvre-
ment de la ripisylve ou la diversité de la granulométrie ou encore étudié dans
sa variabilité temporelle.
La difficile production des normes et de modèles de référence ! 233
Conclusion
La mise en place de la DCE et des lois françaises qui en découlent a stimulé
en France la diffusion des recherches et de l’expertise sur les systèmes flu-
viaux en même temps qu’elle a imposé le terme d’hydromorphologie. L’IMG
et plus largement la base de données Carhyce, est l’un des dispositifs d’aide
à la décision mis en place dans ce cadre. Il ne répond évidemment pas à
toutes les questions, mais fait partie d’une boîte à outils aujourd’hui riche
de nombreuses méthodes à déployer en fonction des objectifs, de l’échelle
de travail et des moyens alloués. La majorité de ces méthodes se complètent
pour répondre aux questions posées par la nouvelle gestion des milieux flu-
viaux : depuis le rapportage à large échelle demandé par l’Union européenne,
en passant par le suivi de réseau de surveillance et l’étude fine des proces-
sus physiques responsables d’un déséquilibre constaté à l’échelle du tronçon.
Même si la tentation d’apporter des réponses simples à des problèmes com-
plexes demeure, la mise en œuvre de la DCE a contraint les administrations,
les gestionnaires et les consultants à faire un effort massif de formation. Cela
se traduit aujourd’hui par une meilleure compréhension générale du fonc-
tionnement des cours d’eau. Cette amélioration générale des connaissances
et la meilleure intégration de l’hydromorphologie dans la gestion des rivières
doivent être considérées comme l’un des succès de cette évolution à laquelle
les géographes ont largement participé même s’il convient de rester vigilant
sur les dérives potentielles des approches par indicateurs.
Chapitre 18
1. Le risque inverse d’une intégration maladroite des dimensions sociales par des étudiants en
sciences naturelles existant évidemment.
Enseigner les processus biophysiques en géographie aujourd’hui ! 241
Un va-et-vient permanent ?
Évidemment, ces deux approches représentent deux pôles théoriques oppo-
sés et la réalité des formations est souvent bien plus complexe. Dans les
faits, l’examen des maquettes du niveau licence dans plusieurs universités
françaises montre la diversité des situations. Ainsi, certains cursus font une
place relativement faible aux processus biophysiques (moins d’un cours
par semestre) et, dans ce cas, se positionnent sur une entrée « environne-
ment ». (Exemples d’intitulés de cours : L’homme dans son environnement,
Les milieux naturels et leurs aménagements, Géo-environnement). D’autres
présentent une structure de licence globalement bâtie sur les branches his-
toriques de la géographie biophysique avec 1 à 2 cours dédiés par semestres :
géomorphologie, climatologie, hydrologie, biogéographie, pédologie, etc.
Dans certains cas, en parallèle, des formations enseignent l’intégration de ces
branches dans les problématiques environnementales tout au long du cur-
sus via des cours plus transversaux comme l’approche intégrée de milieux,
les études d’impact, ou les changements environnementaux. Enfin, certaines
formations affichent une entrée par objets (ex. l’eau), par concepts (ex. géo-
système, paysage) ou par enjeux (ex. changement climatique et forêt) et non
par les branches.
Enseigner les processus biophysiques en géographie aujourd’hui ! 243
1965.
• La taïga
• La toundra
• Les formations forestières de la zone tempérée
• Les formations forestières de la zone subtropicales
• Les prairies de l’hémisphère boréal
• L’étagement de la végétation en altitude dans la zone
tempérée
• Les formations végétales des zones tempérées et froides
dans l’hémisphère sud
• La végétation littorale des zones tempérées et froides
La zone chaude non aride
• La forêt sempervirente
• Les mosaïques à grand format forêt-savane
• Les marges semi-arides de la mosaïque forêt-savane
• L’étagement de la végétation dans la zone intertropicale
Enseigner les processus biophysiques en géographie aujourd’hui ! 245
d’un paradigme ?
• Modèles alternatifs : continuum, gradient analyses
La végétation dans la géographie de l’environnement
Ouvrage 3
et du développement durable
• Le couvert végétal, marqueur de l’anthropisation
de la biosphère
• Le monde végétal, ressource pour les sociétés humaines
• Les forêts, entre idéal de nature et déforestation
• Vers une géographie prospective de la végétation ?
• La végétation et l’espace urbain
Analyse de la végétation : méthode et techniques
• Les données botaniques spatialisées : échelles,
échantillonnage, collecte
• Analyse spatiale d’un ensemble de données floristiques ;
exemple d’un transect phytoclimatique à travers
l’escarpe cévenole
• Paysage, écologie, environnement
Introduction
Les cheminements de la connaissance en biologie végétale
LABERCHE, Biologie végétale, 3e éd.,
L’organisation cellulaire
L’organisation tissulaire de la plante
La reproduction
La nutrition de la plante
La plante dans son milieu environnant
L’homme et les plantes
246 ! Géographie de l’environnement
1. Séquence de cours conçue par Johan Oszwald et Simon Dufour pour la licence 3 de Géographie
et d’Aménagement de l’université Rennes 2, années 2017-2020.
248 ! Géographie de l’environnement
Conclusion
Les débats autour du changement climatique et des réponses sociales qu’il
implique illustrent l’enjeu d’assurer une formation solide des citoyens et
des acteurs publiques, une formation qui permette de comprendre les pro-
cessus biophysiques et les dimensions sociales en jeu derrière les grandes
questions environnementales. Cela passe notamment par le maintien d’un
enseignement de la dimension biophysique dans les formations à domi-
nantes de sciences humaines et sociales et par une réflexion plus avancée
sur la formation continue. En parallèle des contenus, la transformation
numérique de la société questionne nécessairement les modes d’appren-
tissages, par exemple en matière d’articulation entre l’enseignement
présentiel et les supports en ligne. À ce titre, on peut noter la relative fai-
blesse des supports disponibles dans le supérieur par rapport aux efforts
faits dans le secondaire, et notamment des supports dédiés à la géographie
biophysique.
Conclusion
Approfondissement et renouvellement
Que ce soit un enjeu de la recherche ou non, la géographie biophysique a
assimilé que « La nature en tant que grand Autre, voici ce qui en effet est
fini » comme l’écrit John Baird Callicott [1992]. Autrement dit, il n’est
plus aujourd’hui envisageable d’étudier les processus biophysiques comme
extérieurs aux pratiques humaines et à leurs conséquences cumulées dans
un temps long (figure 19.1). Le plus souvent, même si la dynamique éco-
logique, hydro-sédimentaire ou gravitaire, par exemple, demeure au
centre de l’étude, les recherches intègrent préalablement l’anthro-
pisation et les actions humaines. Soit parce que ces actions ont produit les
objets – aussi bien les infrastructures comme les digues (chapitre 9), les lacs
252 ! Géographie de l’environnement
Mais il est vrai aussi, que dans la géographie française, plus nombreux ont
été ceux à ne pas participer au débat plutôt que ceux qui s’y sont impliqués
directement [CHARTIER et RODARY, 2016]. Depuis une quinzaine d’années,
le développement de pratiques réflexives assumées [GUNNELL, 2009 ; GIUSTI,
2012] (chapitres 16 et 17) change petit à petit les choses. Les recherches prati-
quées sur la restauration écologique par les géographes biophysiciens en sont
un bon exemple. Partis de démarches empiriques de terrain visant à définir
des fonctionnements biophysiques optimaux en fonction des critères domi-
nant à l’époque de la recherche, elles se sont ainsi progressivement emparées
des questions des objectifs de la restauration et de leur dimension ontologique
[DUFOUR et PIÉGAY, 2009 ; LESPEZ et al., 2013 ; LESPEZ et GERMAINE, 2016]
(figure 19.2), de la question de la domination disciplinaire au sein des sciences
ou des connaissances impliquées dans les processus de restauration et de la
configuration des relations entre pouvoir et expertise [LESPEZ et al., 2013,
2016 ; LESPEZ et GERMAINE, 2016 ; DUFOUR et al., 2017]. Cependant , peu nom-
breux sont encore les chercheurs en activité à s’inscrire dans le débat au-delà
de la sphère de l’expertise et donc à s’emparer du politique sur ces questions.
254 ! Géographie de l’environnement
Enseigner la complexité
Pratiquer la géographie biophysique est exigeant, non seulement parce que
le programme scientifique change de plus en plus fréquemment et que les
nécessaires intradisciplinarité et interdisciplinarité demandent d’en faire
plus mais également parce que la connaissance scientifique est soumise au
doute par une part de plus en plus grande de nos citoyens.
Ce manuel rappelle la complexité des processus en jeu et leur difficile
réductibilité. Les recherches et le programme général exposé démontrent
l’inconséquence de la tentation réductionniste qui s’empare de nos sociétés
hypermédiatisées et à laquelle ne résistent pas certains éléments du monde
académique contemporain. La remise en cause de la crédibilité de la science
oblige l’enseignant-chercheur à faire l’apologie de la complexité dans la for-
mation qu’il dispense. En ce sens, les dynamiques médiatiques, en particulier
les réseaux sociaux, et des modes de production de la science, en particulier
Conclusion ! 257
les sciences participatives, offrent des opportunités pour faire sortir les
approches scientifiques du monde académique. Il s’agit alors de trouver la
distance entre la restitution de la complexité de notre monde contempo-
rain et la compréhension par le plus grand nombre, à commencer par les
étudiants, des phénomènes et des enjeux qu’étudie la géographie de l’envi-
ronnement au temps de l’Anthropocène.
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Index
A B
abiotique 14, 26, 135-136, 138-139, bassin-versant 14, 19-20, 28, 30, 79,
141-142, 145-146, 252 106, 125-127, 131-132, 161-168, 172,
agencement 24, 29-30, 36, 70, 77, 93, 190, 254
252 biodiversité 7, 9, 36, 51, 59, 88, 95,
agriculture 9, 14, 18, 20-21, 29, 36, 104-105, 118, 121, 124, 135-136, 138,
58-60, 62, 79, 85, 97, 100, 109, 114, 140, 142, 146, 173, 177, 180-182,
120, 125, 130-132, 147, 149-150, 161, 193, 226, 229, 237, 240-242, 252
164-165, 167, 172-173, 175-176, 178- biogéographie 8, 41, 55, 74, 101, 147,
179, 190, 192, 225, 232, 254 173, 184, 242-243, 247
agropastoral 19, 41, 51, 82, 88, 112- biotique 23, 26, 141, 226, 252
113
aléa 8, 34, 36, 60, 97, 125-127, 129,
204, 209-210, 214-215 C
aménagement 17, 19, 21-22, 35, 49, cadre de vie 8, 112, 173-174, 182-
59, 62, 80, 110, 119, 123-125, 129-130, 183, 246
132-133, 137, 149, 161, 169, 172-176,
capteur 68, 96, 100-101, 104, 106,
178, 180-184, 209, 212-213, 217-218,
150-151, 162
220, 232, 237, 242, 246-247, 252, 254
cartographie 61-62, 77, 142-143, 145,
analyse spatiale 69, 76, 78, 80, 143,
162, 165 164, 173, 179, 198-199
anthropisation 17-22, 24-26, 29-30, cause/causalité/causale 21, 40-43, 49-
35-36, 50, 54-55, 58, 79, 85-86, 88- 51, 55, 71, 76, 79, 90, 115-117, 129,
89, 112-113, 115, 123, 125-127, 130, 149, 174, 201-202, 216, 256
132-133, 135-137, 161, 163, 165, 167, chronologie 79
169-170, 173, 175, 177, 181-182, citoyen 95-102, 104-106, 149, 237,
185-186, 192, 194, 205, 209, 225, 249, 256
228, 232, 245, 251 climat/changement climatique 7, 14,
anthroposystème 13, 24-26, 33, 81, 17, 22, 27, 40-41, 43, 49, 51, 54, 57,
91, 187 82, 95-97, 104, 110, 112, 115, 117-
archéologie 83, 86, 109-110, 112, 118, 120, 127, 147-155, 161, 195-196,
117-118, 139, 145, 251 199, 201-202, 205, 209, 231, 237-238,
artificiel 29-30, 68, 85, 88, 132, 137-138, 240-242, 249, 251-252
163, 165, 185-187, 189, 193-194, 254 climatologie 68, 147, 151, 154, 242
272 ! Géographie de l’environnement
construction 10, 30, 41, 57, 62, 79, 192, 223-224, 226-228, 238, 243,
89-90, 124, 126, 175, 186, 190, 214, 245, 247-248, 251-252, 254-255
224-225, 229, 231, 234, 239, 241 empirisme/empirique 11, 21, 39-40,
constructiviste 11, 31, 81, 234, 255 43, 67, 69, 74, 82, 93, 162, 165, 167,
contrainte 17, 34-36, 50, 62, 68, 77, 253
91, 116, 144, 229 engagé/engagement 13, 46, 48, 95,
critique 45-52, 92, 106, 115-117, 126, 98, 101-102, 105-106, 210, 218, 254
133, 135, 142, 211, 228, 237, 246- érosion 18-22, 29, 35-37, 41, 50-51,
247, 252 57-58, 60-61, 68, 86, 89, 97, 110, 113,
115, 118, 121, 124, 126, 165, 170,
D 209-210, 212-216, 219, 240, 242, 252
espèce 9-10, 22-23, 38-41, 61, 68-69,
dégradation 54, 124, 131, 143, 192, 71-74, 77-78, 82-86, 97, 101, 111-
196, 201-205 112, 136, 138, 151, 177-179, 181-182,
distribution 36, 72-73, 77-78, 83, 127, 184, 218, 225, 243, 247-248
190, 198-200, 203, 246, 248 étang 187, 189
diversité 7, 11, 36, 40, 43, 47, 67-68, expérimentation 40, 56, 69, 103, 105
74-75, 82-84, 96-99, 135-137, 142- expert/expertise 12, 14, 47, 60, 62,
143, 161, 172-173, 176, 181, 226, 98, 106, 111, 123-125, 131, 144, 146,
231-232, 234, 238, 241-242, 246, 255
209-216, 219-221, 225-226, 232, 234-
données 12-13, 33-40, 43, 46, 61,
235, 237, 253
67-68, 71-72, 75-77, 83, 95-96, 98-
102, 104-106, 112-114, 118, 125-126,
143-145, 147-148, 150, 154-155, 173, F
177-178, 181, 190, 202-203, 209,
faune/faunistique 28, 86, 97, 113,
211-212, 214, 219, 225-226, 229-231,
135, 143, 183, 223, 225, 229, 247
233-235, 238-239, 245-247
feux 49, 53-56, 60, 82, 88, 113, 118,
149, 244
E flore/floristique 28, 54, 72, 86, 97,
eau 9, 28-29, 36, 43, 47, 49, 51, 57, 135, 143, 173-175, 177-178, 180-183,
62, 68, 70, 73, 75, 78-79, 83, 85-86, 192, 223, 225, 244-245, 247
88-92, 97, 110, 115, 120, 123-126, flux 19, 28-30, 37, 73, 78, 123, 151,
129-133, 138, 151, 161-167, 169-170, 153, 162, 165-166, 169, 192, 199, 228
175, 185-190, 192, 194, 202-204, forçage 58, 172
219, 223-226, 228-229, 231-232, 235, force 13, 21, 28-30, 35-39, 57-58,
238, 241-242, 244, 247, 251-252, 254 186, 214, 238-239, 252
échantillonnage 72, 143, 176-178, forme 8, 11, 18, 36, 39-40, 46-49, 59,
190, 245 61-62, 67-71, 74, 76-78, 82, 86, 92,
échelle 8-9, 19, 21-22, 31, 42, 50, 56, 96, 98, 101, 105-106, 113, 116, 123,
58, 68, 72, 74-77, 86, 88, 91, 95, 102, 125-126, 131-133, 136-139, 162, 165,
112, 118, 123, 133, 136-137, 142- 169, 178, 198-199, 228, 231, 238,
143, 147-151, 154-155, 161-167, 172, 240-241, 246-248, 254
174-175, 178, 182, 187, 193, 196,
200-201, 209, 213-214, 226-229, 231, G
233-235, 238, 243, 245-246
écologie 9, 24, 26, 41, 45, 51, 57, géodiversité 135-146, 252
59, 73, 82-83, 86, 88-90, 92, 97, 111, géologie 9, 18, 45, 61, 136, 143-144,
120, 124, 126, 130, 138-140, 143, 161, 164, 213
169-170, 172-175, 177, 180, 182-184, géomatique 75
Index ! 273
227-228, 231, 238, 240-242, 245-246, processus 10-14, 18, 20-22, 24, 26-
248, 251-255 30, 35, 37-40, 43, 45-46, 48-50, 53-
norme/normatif 33, 54, 57-60, 62, 71, 55, 57-63, 67-71, 74-75, 77-78, 80-81,
126, 131, 140, 190, 223-226, 233 88-89, 91-92, 96, 98, 100, 109, 123,
numérique 40, 68-69, 95, 100-102, 125, 127, 133, 135-136, 139, 143,
104, 144, 165, 176, 200, 203, 211, 151, 161-165, 169-170, 172, 187,
239-240, 249 192-193, 195, 202, 204-205, 210-213,
220-221, 226, 228, 235, 237, 239-243,
O 246-247, 249, 251-252, 254-256
Les auteurs 5
Introduction 7
Simon Dufour & Laurent Lespez
Environnement : enjeux sociaux et scientifiques 8
L’environnement, un concept ambigu, mais acceptable 8
L’Anthropocène, un héritage et une condition 9
De quelle science a-t-on besoin ? 10
Quelle géographie de l’environnement ? 10
Approches naturalistes et constructivistes 11
Objectif de l’ouvrage 12
La dimension biophysique au temps de l’Anthropocène 12
PREMIÈRE PARTIE
POSITION ET CONCEPTS
Chapitre 1 La nature de l’Anthropocène :
nature anthropisée, nature hybridée 17
Laurent Lespez & Simon Dufour
L’anthropisation de la nature 17
L’érosion anthropique et le détritisme alluvial 18
La nature de l’anthropisation 21
Du géosystème au socio-écosystème 24
Nature hybridée 26
Les hybrides 26
Faut-il considérer le géosystème et ses composants
comme des hybrides ? 28
Conclusion 30
DEUXIÈME PARTIE
MÉTHODES
Chapitre 5 Produire et analyser des données biophysiques
en géographie 67
Simon Dufour, Sébastien Caillault, Vincent Viel, Malika Madelin,
Candide Lissak, Romain Reulier, Laurent Lespez
Des méthodes majoritairement empiriques 67
Les lieux de production des données 67
Données quantitatives et qualitatives 70
Intégrer la dimension spatiale dans la stratégie d’observation 72
Prendre en compte la distribution du phénomène étudié 72
Prendre en compte les échelles d’observation 74
Le lien entre échelle et méthode d’observation 75
Les méthodes de traitement des données 76
Réduire la complexité du monde par des typologies
spatialisées 76
Révéler la distribution spatiale d’un phénomène
biophysique 77
Comprendre les flux et les transferts 78
Le patron spatio-temporel d’un phénomène
pour en déterminer l’origine 79
TROISIÈME PARTIE
TRAJECTOIRES
Chapitre 8 La géoarchéologie, la nature des sociétés
du passé 109
Laurent Lespez
Démarche et thématiques 109
Le Paléo-anthropocène 112
Du temps de la nature à la production des paysages agraires 112
La production de paysages culturels 114
Le déterminisme et la question de l’effondrement
des sociétés anciennes 116
La critique du déterminisme géographique 116
Le renouveau du déterminisme climatique et sa critique 117
Le temps long et les enjeux de la gestion contemporaine
des écosystèmes 118
Conclusion 121
QUATRIÈME PARTIE
OBJETS
Chapitre 12 Le fonctionnement des bassins-versants
anthropisés 161
Vincent Viel, Romain Reulier, Anne-Julia Rollet, Candide Lissak,
Laurent Lespez
Des approches renouvelées pour un objet classique 161
Définir le bassin-versant et ses écoulements 163
La délimitation des bassins-versants fortement anthropisés 163
La définition des cours d’eau dans les bassins-versants 163
L’organisation des transferts sédimentaires sur les versants
et leurs relations avec le cours d’eau 164
Complexité des dynamiques sédimentaires sur les versants 165
Apports de la simulation par SMA 166
Aménagement hydraulique des cours d’eau et continuité
longitudinale 169
Conclusion 172
CINQUIÈME PARTIE
EXPERTISER ET ENSEIGNER
Chapitre 16 L’expertise géomorphologique
au service de la gestion du littoral 209
Pierre Stéphan & Serge Suanez
Le diagnostic géomorphologique 210
Une aide aux politiques de gestion du littoral 210
Des outils et des méthodes d’analyse de plus en plus performants 211
Institutionnalisation des observatoires du trait de côte 213
L’expertise géomorphologique au sein de la controverse 214
Quand l’expertise convainc 214
Quand l’expertise est remise en cause 216
Conclusion 220
Conclusion 251
Laurent Lespez & Simon Dufour
Approfondissement et renouvellement 251
Une opportunité pour la discipline 255
Enseigner la complexité 256
Bibliographie 259
Index 271