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Adoptez l'esprit Proofmaking Mathias

Béjean & Stéphane Gauthier &


Constance Leterrier & Matthieu Cesano
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e-gauthier-constance-leterrier-matthieu-cesano/
Adoptez l’esprit
PROOFMAKING
Dépassez l’incertitude, innovez et propulsez
vos projets
Édition : Laurianne Bleuzé
Mise en pages : Straive
Couverture : Carl Brand

© 2022 Pearson France. Tous droits réservés.

Publié par Pearson France


2, rue Jean Lantier
75001 Paris

ISBN : 978-2-3260-6019-7

Dépôt légal : mars 2022

Aucune représentation ou reproduction, même partielle, autre que celles prévues à


l’article L. 122-5 2° et 3° a) du Code de la propriété intellectuelle ne peut être faite
sans l’autorisation expresse de Pearson France ou, le cas échéant, sans le respect
des modalités prévues à l’article L. 122-10 dudit code.
Sommaire

Préface
Remerciements des auteurs
Biographies des auteurs
Introduction

Chapitre 1 - Qu’entend-on par preuve ?


Cas introductif : Henkel – Innover dans la colle

Chapitre 2 - La signification
Cas 1 : Decathlon – Corde à linge
Cas 2 : SNCF TGV Atlantique – Embarquement à bord
Cas 3 : Capgemini Engineering (invité) – « Interface cerveau-machine »

Chapitre 3 - L’usage
Cas 4 : Decathlon – Zero gravity
Cas 5 : City of London (invité) – Parvis de cathédrale

Chapitre 4 - La viabilité
Cas 6 : Air Liquide – Bouteille de gaz connectée
Cas 7 : Collectif – Easybreath Covid

Chapitre 5 - La transformation
Cas 8 : AAQIUS – Énergie de mobilité
Cas 9 : Domaine médical (invité) – Empty box

Chapitre 6 - La narration
Cas 10 : Decathlon – Product story
Cas 11 : Honda – Great journey

Fiches pratiques
Collecter des indices et donner sens à la situation
Formaliser et formuler des options à tester
Tester et évaluer des artefacts en condition réelle
Consolider et communiquer les preuves transformatives

Conclusion
Postface
Glossaire
Index
Préface

L’innovation : une nécessité si difficile, une


approche en constant renouvellement
Depuis plusieurs années, l’innovation est une nécessité indiscutable,
un enjeu de compétitivité à tous les niveaux, tant pour les
entreprises que pour les économies nationales. Sous l’effet de la
nouvelle révolution industrielle émanant du digital, de la data et de
l’intelligence artificielle, mais aussi des nouvelles approches du
travail, les produits et services évoluent radicalement, modifient les
usages, les rapports à l’objet, les modèles économiques, les
processus de vente et de fabrication.
Quelques success-stories inspirent tous les acteurs économiques :
Apple, Amazon et Google bien sûr, mais aussi Airbnb, Tesla, Spotify,
Ubisoft, Dyson ou encore Decathlon.
Ces histoires sont belles, mais souvent réécrites a posteriori. On
cherche désespérément le « secret » qui explique que ces
entreprises parviennent à innover de manière répétée et
construisent ainsi avec brio l’économie et la compétitivité de demain.
Culture d’entreprise, méthode d’innovation, équipe originale et
multidisciplinaire, leader éclairé, organisation atypique, rapport au
risque différent, moyens financiers colossaux (ce qui leur confère
une connotation beaucoup moins romantique)…
On s’interroge sur les raisons de ces succès répétés et on se
demande comment les répliquer. Les ouvrages et les travaux de
recherche sont légion sur le sujet depuis 30 ans.
Les gouvernements cherchent à encourager l’innovation, qu’ils
voient comme une des clés de la compétitivité et de l’emploi, mêlant
allègrement encouragement à la R&D, à l’innovation et à
l’entrepreneuriat, partant du principe que les uns nourrissent les
autres et qu’au final leur économie en ressortira gagnante. Pourtant,
au niveau européen, les résultats peinent à émerger et force est de
constater que les nouveaux géants de demain sont peu européens.
En revanche, les écosystèmes semblent toujours plus porteurs aux
États-Unis et en Asie.
Les entreprises, qui sont les moteurs de ce mouvement, savent
qu’elles doivent innover, de plus en plus souvent et de plus en plus
vite, pour rester dans la course, mais elles font face à des taux
d’échec impressionnants. Plus que jamais, la phrase désespérée du
dirigeant d’entreprise dessiné par Pessin est d’actualité : « J’hésite
entre innover et me planter ou ne rien faire et disparaître. » Il est
d’ailleurs frappant que les taux d’échec des innovations ne diminuent
pas depuis 30 ans, alors que les pratiques d’innovation évoluent et
que l’innovation prend de l’envergure.
C’est à ce paradoxe et à cette nécessité que cet ouvrage tente de
répondre. Avec à la manoeuvre une équipe pluridisciplinaire de
designers et de spécialistes du management de l’innovation. Ils sont
aussi à la fois consultants et enseignants, praticiens et universitaires.
Une équipe mixte à l’image de ce que doit être l’innovation
aujourd’hui, hybride dans son approche, ses pratiques et ses
fondements conceptuels.

Le proofmaking : une logique d’apprentissage


et de progrès façon « test and learn »
Cet ouvrage sur le proofmaking présente une approche de
l’innovation que j’ai eue l’occasion d’observer et qui répond
parfaitement aux enjeux et difficultés du sujet :
pratiquer l’innovation avec méthode tout en restant ouvert à
l’inattendu ou, en d’autres termes, avoir le courage de
l’incertitude qui est souvent à l’origine des innovations réussies ;
rester à l’écoute des utilisateurs/usagers et revenir en
permanence vers eux pour les faire réagir, surmontant ainsi le
paradoxe d’étudier des marchés qui n’existent pas et
d’interroger des consommateurs sur des pratiques qu’ils n’ont
pas (encore) adoptées ;
lire les signaux faibles, si faibles parfois qu’ils pourraient être
invisibles ;
expérimenter, dans une logique d’apprentissage et de progrès
façon « test and learn » ;
s’ancrer dans le réel avec un nombre significatif d’« histoires »
racontées (les cas). Elles seront, sans aucun doute, une grande
source d’enseignement pour le lecteur afin de comprendre
comment, concrètement, on peut innover avec méthode tout en
restant contingent, en s’adaptant aux situations et aux
problématiques rencontrées.
Toutes ces caractéristiques en font un ouvrage passionnant qui
permet d’entrer au coeur de l’innovation tout en renouvelant ses
propres conceptions, convictions et pratiques.

Bonne lecture !

Delphine Manceau
Professeure de management,
spécialiste de marketing et d’innovation,
Directrice générale de NEOMA Business School
Remerciements des auteurs

Les auteurs sont rarement les uniques personnes responsables de la


naissance d’un livre…
Le nôtre puise son origine dans une variété de rencontres et
d’expériences vécues sur le terrain pendant de nombreuses années.
Il n’aurait pu voir le jour sans les multiples échanges et discussions
menés avec nos collègues, élèves et partenaires. Tous autant qu’ils
sont, ils nous ont donné envie d’aller plus loin dans notre pratique de
l’innovation ; qu’ils et elles en soient tous et toutes remercié(e)s ici.
En particulier, le présent ouvrage doit beaucoup à la confiance et
au soutien des organisations suivantes : la SNCF, Decathlon, Henkel
France, Capgemini Engineering, la mairie de Londres, Air Liquide, le
conglomérat Covid Easybreath, AAQIUS, Honda.
Nous remercions évidemment les proofmakers « invités » d’avoir
accepté de participer à cette aventure et de partager leurs
expériences. Merci en particulier aux membres fondateurs de la
FRAT (Deborah Benzimra, Raphaèle Legrand, Laure Garreau,
Thomas Pocard, Philippe Lajat, Maxime Roux), ainsi qu’à Michael
Hayman, Blandine Bréchignac, Marc Chataigner, Zoé Aegerter et
Norent Saray-Delabar.
Nous tenons également à témoigner toute notre gratitude envers
Delphine Manceau, pour ses encouragements et son soutien sur
notre façon d’aborder l’innovation, un domaine qu’elle maîtrise si
bien, ainsi qu’à Fabien Brosse, pour nous avoir « embarqués » dans
ses projets transformatifs et nous avoir permis d’expérimenter et de
développer le proofmaking.
Nous sommes très heureux qu’ils aient accepté de pré- et
postfacer notre ouvrage : un grand merci à eux !
Enfin, un grand merci également à la maison d’édition Pearson,
en particulier à Fabienne Boulogne et Laurianne Bleuzé, d’avoir cru à
notre projet et de nous avoir soutenus dans sa concrétisation.
Merci à tous et toutes.

Constance, Mathias, Matthieu et Stéphane


Biographies des auteurs

Mathias Béjean

Diplômé de l’ESCP Business School et docteur de Mines ParisTech,


Mathias est maître de conférences HDR en sciences de gestion à
l’université Paris-Est Créteil. Pendant ses études, une expérience
d’entrepreneur au sein d’une agence de création de jardins l’incite à
se tourner vers la recherche académique. Passionné par l’innovation,
il explore différents secteurs industriels (spatial, aéronautique,
transport) avant de s’orienter vers les domaines de la santé et de
l’éducation. Musicien, il porte une attention particulière aux temps et
aux rythmes dans les processus de création.

Stéphane Gauthier
Formé à l’école Boulle et diplômé des Arts décoratifs de Paris en
design, Stéphane commence sa carrière dans un grand cabinet
d’architecture navale qui le forme à l’équilibre entre technologie et
usage. Il prolonge son expérience en Corée dans un grand groupe
d’électronique, puis dans des agences de design et de stratégie en
France. Désormais, il accompagne les entreprises dans la
transformation de leur stratégie d’innovation. Depuis 15 ans, il
enseigne dans des écoles de renom. Son credo : « La valeur d’usage
est le facteur clé de succès de l’innovation. »

Constance Leterrier

Formée en géographie et développement durable à la Sorbonne,


puis spécialisée en innovation par le design à l’ENSCI – Les Ateliers,
Constance travaille tout d’abord dans une mutuelle d’assurance
avant d’accompagner des entreprises et des organisations dans leur
stratégie de transformation. Sa pratique de l’innovation et son attrait
pour l’approche de terrain l’ont poussée à développer une vision
critique des méthodes d’innovation dans une quête de sens et
d’impact.

Matthieu Cesano
Ingénieur en conception mécanique, spécialisé en innovation à
l’École centrale de Paris, Matthieu est un « maker » infatigable. Il
met sa créativité et son savoir-faire au service de l’élaboration
d’artefacts et de protocoles de confrontation les plus innovants. C’est
un spécialiste de l’industrie et des nouvelles formes de travail
collaboratif. Pour lui, piloter l’innovation, c’est savoir fédérer des
communautés, favoriser les échanges et dynamiser la cocréation.
L’innovation est collaborative – ou elle n’est pas.
Introduction

1. Si vous lisez ces premières lignes…


Si vous lisez ces premières lignes, c’est que vous vous intéressez de
près ou de loin à la question de l’innovation et que vous êtes curieux
ou curieuse de savoir ce qu’est le « proofmaking », ce qu’il peut bien
apporter à vos projets et, sans doute aussi, qui nous sommes, avant
de poursuivre (éventuellement) la lecture… On vous comprend !
Pour commencer les présentations, sachez que notre raison
d’être, c’est d’innover pour réellement transformer les choses et pour
un maximum de monde.
Concrètement, nous essayons de proposer une approche globale
de l’innovation qui permet d’apporter de la valeur à toutes les parties
prenantes, en particulier aux utilisateurs finaux. Pour y parvenir,
nous n’avons pas de « baguette magique », ni de méthode toute
faite, mais de nombreuses réflexions, expériences et pratiques à
partager avec vous.
Le coeur de notre propos, c’est de vous montrer comment créer
des « preuves » de toutes sortes et à tout moment de vos projets
pour tester et faire mûrir vos hypothèses, rendre robustes et
tangibles vos propositions les plus radicales et convaincre à moindre
coût vos différents commanditaires – de votre client à votre
direction, en passant par vous-même !

2. Pourquoi avons-nous écrit ce livre ?


Aujourd’hui, vous devez déjà savoir que l’innovation est une
nécessité pour les entreprises. Celles-ci font face à des mutations
sociétales, d’usage, technologiques et économiques qui leur
demandent de s’adapter et d’adapter leurs offres en permanence.
Face à une concurrence intensive, leur taille et leur antériorité ne
leur assurent plus de rente de position dans leurs domaines
d’intervention, ni sur leurs marchés. Menacées de se faire «
disrupter » à tout moment par un nouvel entrant, elles doivent
innover et se réinventer continuellement. Dans ce contexte, la
plupart d’entre elles se tournent vers les « méthodologies
d’innovation »…

2.1 Un foisonnement de méthodes pour


innover… ou pas

Depuis les années 2000, le nombre de méthodes d’innovation n’a


cessé de croître. Parmi celles qui ont eu le plus d’écho, on peut citer
le design thinking (Tim Brown et David Kelley, années 1990), la
stratégie Océan Bleu (W. Chan Kim et Renée Mauborgne, 2005), le
lean startup (Steve Blank et Bob Dorf, 2012 ; Eric Ries, 2015) ou,
plus récemment, le value proposition design (Yves Pigneur et
Alexander Osterwalder, 2015).
Il en existe bien d’autres encore, plus ou moins inspirées les unes
des autres. Toutes promettent de contribuer au passage d’un sujet,
d’un problème ou d’une appétence pour un marché, à un concept
implémentable. Elles peuvent couvrir l’intégralité d’un projet ou plus
spécifiquement certaines étapes de l’innovation : la créativité,
l’observation, le prototypage, etc. Bon nombre d’entre elles font
l’objet de publications, de mises à jour et de formations.
Pour les utilisateurs de ces approches, la méthode est souvent
perçue comme un moyen rationnel et contrôlé visant à passer d’un
voeu incantatoire d’innovation à sa mise en oeuvre, voire à son
industrialisation. En outre, les méthodologies d’innovation ne font
pas qu’aider à organiser une démarche, elles permettent aussi de la
légitimer auprès des équipes comme des décideurs. La méthode
structure autant qu’elle rassure.
Toutefois, malgré ce foisonnement de méthodes, le taux d’échec
des innovations n’a jamais été aussi élevé1. Les principales causes
de ces échecs relèvent souvent de l’inadéquation du concept
proposé avec le marché et d’un manque d’anticipation d’un nouveau
concurrent ou d’un nouvel usage révolutionnant les pratiques, l’offre
et par conséquent le marché.

2.2 Mais faut-il accuser les méthodes


d’innovation ?

Devant l’échec d’une innovation, certains croient que c’est la


méthode qui « ne marche pas », ils s’en détournent et se mettent
immédiatement à en rechercher une autre, en espérant que cette
dernière fonctionnera mieux. De ce fait, ils ne capitalisent pas sur le
projet qu’ils considèrent comme raté. C’est souvent un spectaculaire
gâchis de temps et de ressources.
Or, ce qui est en cause, ce ne sont peut-être pas les méthodes,
mais plutôt l’utilisation qui en est faite. Si l’utilisation d’une méthode
suffisait à résoudre un problème et à réussir, il n’y aurait
probablement plus de problématiques d’innovation ! C’est
l’application à la lettre d’une méthode, sans prise de hauteur, ni
considération des spécificités du sujet traité ou de son contexte, qui
aboutit fréquemment à des déceptions et à l’échec des projets.
Il ne faut peut-être pas oublier que si une méthode est théorisée
et souvent schématisée, c’est avant tout pour faciliter son
appropriation et sa diffusion, mais pas pour édicter une manière
unique et mécanique de l’employer. Utiliser littéralement une
méthode d’innovation revient à faire fi du caractère dynamique des
sujets sur lesquels elle s’attache à travailler.
En matière d’innovation, nous pensons qu’il convient plutôt de «
pratiquer avec méthode » et non d’appliquer une méthodologie toute
faite. La pratique – du grec praxis – intègre une notion dynamique,
vivante et d’adaptation chemin faisant. En résumé, mettre de la
méthode dans l’innovation, c’est aussi mettre de l’innovation dans la
méthode !

FIGURE I.1 Suivre la méthode vs procéder avec méthode

Illustration : Stéphane Gauthier.

3. Qui sommes-nous ?

3.1 Nous sommes quatre passionné(e)s


d’innovation

Vous vous demandez qui vous parle depuis le début et si vous


pouvez nous faire confiance.
Sachez que nous sommes quatre passionné(e)s d’innovation.
Chacune et chacun à notre manière, nous aimons mener des projets
originaux, sortir des sentiers battus, accompagner des acteurs en
quête de renouvellement et aider les organisations à se transformer.
Certains d’entre nous sont des praticiens de l’innovation, d’autres
sont universitaires. Certains sont des « makers » de haute volée,
d’autres peinent à enfoncer un clou pour installer leur tringle à
rideau… La force de notre équipe est de combiner des perspectives
et pratiques différentes, mais partageant toutes les mêmes valeurs
et les mêmes motivations.
Même si nous commençons à avoir une petite expérience des
problématiques d’innovation, nous ne nous définissons pas comme
des « experts ». La connaissance compte beaucoup dans nos
projets, c’est même un principe fondamental de nos pratiques
d’expérimentation, mais, en innovation, nous trouvons difficile de se
restreindre à une expertise particulière…
Nous aimons aussi réfléchir à nos pratiques, partager nos
expériences avec nos pairs et les transmettre à toutes celles et ceux
qui,
comme nous, ont envie de pousser plus loin leur compréhension
des processus d’innovation. Vous pouvez donc douter de ce que l’on
vous propose (ce serait même plutôt sain !), mais soyez sûr(e) que
notre motivation est sincère.

3.2 Nous avons aussi des invités très spéciaux


!

Parce qu’à plusieurs, la fête est plus folle, nous avons convié
d’autres « proofmakers » à apporter leur contribution à l’écriture de
ce livre. Pour nous, le proofmaking est avant tout une pratique qui
s’explore et se partage à plusieurs. L’idée d’écrire ce livre tout seuls
ne nous satisfaisait pas. C’est pourquoi nous avons souhaité l’ouvrir
à des « invités ».
Ces invités, nous les avons rencontrés dans des contextes variés,
que ce soit au cours de nos missions, lors des formations que nous
donnons ou à l’occasion de projets de recherche. Nous leur avons
demandé s’ils accepteraient de contribuer à cet ouvrage et, plus
largement, au développement des pratiques de proofmaking. À notre
grand plaisir, ils ont accepté !
Le livre comporte donc des études de cas « invités », rédigées par
celles et ceux qui ont mené ces projets réels sur le terrain. Nous
sommes très peu intervenus dans leur rédaction. Pour nous, la
richesse de ces expériences permet d’illustrer le partage de valeurs
et de principes génériques, tout en montrant la variété possible des
pratiques de proofmaking.

4. Concrètement, c’est quoi le proofmaking ?


Le proofmaking est une pratique d’innovation qui cherche à élaborer
avec méthode des situations de preuve et d’épreuve à différents
stades d’un projet pour générer des propositions innovantes,
robustes et à forte valeur pour les parties prenantes. C’est une
démarche rigoureuse d’expérimentation qui requiert d’inventer des
protocoles ad hoc visant à dépasser les croyances dogmatiques ou
infondées et à s’orienter dans des contextes à forte incertitude. Il ne
s’agit donc pas d’une doctrine, ni d’une nouvelle méthodologie, mais
plutôt d’un état d’esprit, d’une manière de pratiquer l’innovation.

4.1 Une pratique dynamique et transformative


de l’innovation

Le proofmaking ne prétend pas prévoir les résultats qui seront


obtenus sur un sujet donné. Il invite plutôt à accepter que les
véritables découvertes se fassent le plus souvent chemin faisant. Il
fait ainsi écho à une vieille maxime d’Héraclite : « Si on n’espère
pas, on ne trouvera pas l’inespéré ; car on ne peut le chercher, il
n’est pas de voie vers lui2. » Autrement dit, c’est par le processus
lui-même que l’on peut générer du nouveau, de l’inattendu.
Le proofmaking vise à créer, malgré de forts niveaux d’incertitude,
des convictions étayées, de sorte à anticiper et lire des signaux
faibles (usages, changements sociétaux, etc.) permettant
d’enclencher des transformations profondes dans les marchés
comme dans les organisations. En cela, il s’agit d’une pratique qui
cherche à éclairer la décision et à réduire l’incertitude – ou plutôt à
en tirer parti – et les risques inhérents aux projets d’innovation.
Il est aussi dans l’esprit du proofmaking de considérer que les
solutions aux problèmes d’innovation sont toujours multiples,
rarement optimales et presque jamais définitives3. Il ne s’agit donc
pas de trouver l’unique solution à un problème fixé pour de bon,
mais de structurer et d’accompagner une transformation collective
en vue d’aboutir à une ou des propositions à forte valeur ajoutée
pour les acteurs en présence et leur écosystème.
Le proofmaking s’inscrit donc dans une vision dynamique et
transformative de l’innovation. S’efforçant de requestionner
régulièrement la signification et les données du projet, il vise à
élaborer un chemin de transformation allant d’une situation initiale
vers une situation plus satisfaisante pour un maximum de parties
prenantes, en particulier les utilisateurs finaux.

4.2 Sept principes fondamentaux

Sept principes fondamentaux résument l’esprit du proofmaking :


1. Mettre de l’innovation dans la méthode.
Pourquoi : pour tout sujet d’innovation, il faut innover dans la
méthode afin d’inventer des protocoles vivants et pertinents,
adaptés aux spécificités des contextes locaux.
2. Reformuler les sujets d’innovation pour intégrer l’usage.
Pourquoi : reformuler les sujets pour identifier la problématique
d’usage permet d’offrir de la valeur à toutes les parties prenantes
et d’accroître l’appropriation des innovations.

3. Incarner les hypothèses d’innovation par des artefacts.


Pourquoi : en matérialisant les hypothèses par des artefacts4,
on peut les confronter à des situations concrètes pour enrichir et
consolider les réflexions par des données réelles.

4. Expérimenter pour accroître le potentiel de


transformation.
Pourquoi : à tout moment, l’expérimentation introduit des
éléments générant de nouvelles dynamiques permettant
d’accroître le potentiel de transformation.

5. Mettre à l’épreuve pour révéler des « inducteurs » de


transformation.
Pourquoi : les situations d’épreuve peuvent révéler des «
inducteurs », c’est-à-dire des éléments émergeant de la situation
avec la capacité de la transformer en profondeur.

6. Éclairer la décision de façon dynamique


et continue.
Pourquoi : l’expérimentation en continu permet d’enrichir et
d’actualiser l’espace de choix des décideurs en l’éclairant de
nouvelles données, options et connaissances.

7. S’immerger pour ouvrir des chemins inattendus.


Pourquoi : c’est en se plongeant dans les situations que l’on
s’ouvre à l’inattendu, que l’on trouve quelque chose de précieux
que l’on ne cherchait pas forcément au départ…
FIGURE I.2 Pratiquer le proofmaking pour susciter des transformations réelles

5. Pourquoi continuer la lecture ?


Nous avons écrit cet ouvrage en pensant à toutes les personnes
ayant à traiter, piloter ou programmer un sujet ou une stratégie
d’innovation. Notre objectif n’est ni de remplacer votre approche, ni
de vous/ nous comparer à d’autres méthodes, mais de vous aider
dans les situations où l’on attend de vous des indicateurs de
performance, voire des obligations de résultat. Pour vous, nous nous
sommes efforcés de formaliser des moyens de compréhension, de
structuration et d’argumentation simples mais robustes, permettant
de mener à bien les projets d’innovation qui vous/nous font vibrer.
5.1 Appréhender cinq phases de conception
incontournables

Ce livre vous aidera à appréhender cinq grandes phases de


conception dans vos projets :
1. La signification,
2. L’usage,
3. La viabilité,
4. La transformation,
5. La narration.
Ces cinq phases de conception nous semblent incontournables dans
tout projet d’innovation. Cependant, elles ne définissent pas des
invariants ou des étapes à suivre linéairement. Elles sont plutôt un
moyen d’orienter votre raisonnement dans l’inconnu. La temporalité
de votre exploration sera toujours bien plus tourbillonnaire que
l’enchaînement proposé ici !
Le chapitrage retenu pour présenter ces phases respecte une
logique de conception. Par exemple, il est prématuré de travailler la
viabilité (3) d’un projet innovant tant qu’on n’a pas encore
suffisamment exploré sa signification (1) ou ses conditions d’usage
(2). De même, il faut suffisamment comprendre les dynamiques de
transformation en jeu (4) avant de communiquer sur une
reconfiguration plus large de l’identité de votre organisation (5).

5.2 Découvrir des expériences réelles de


transformation

Pour vous présenter ces phases, nous avons opté pour des études
de cas. Après une courte introduction, l’idée sera de vous plonger
dans des expériences réelles. Les cas balayent des problématiques
et domaines d’innovation variés, allant du nouveau produit à la
refonte d’une offre de services en passant par les technologies de
rupture.
À chaque fois, nous verrons comment appréhender un domaine et
évaluer les productions. Les critères utilisés seront divers et,
généralement, ils ne seront pas tous connus dès le départ.
L’important sera surtout de ne pas embarquer trop de croyances
dogmatiques mais de raisonner, le plus possible, sur ce que nous
appelons une collection de « preuves » (voir chapitre 1).
Une preuve correspond à un élément matériel ou à un
raisonnement propre à établir une vérité ; par exemple, un indice
collecté sur le terrain, le résultat d’une expérimentation ou encore
celui d’une démonstration logique. Souvent, ces preuves ont une
visée de connaissance. Cependant, vous verrez qu’en innovation
certaines preuves visent aussi à transformer.
Vous verrez également que les décisions ne peuvent pas être
gagnantes à coup sûr, mais qu’elles ne relèvent pas non plus
seulement du pari ou du hasard. Les choix seront rarement définitifs,
des itérations étant souvent nécessaires. À mesure que les projets
avancent, il n’est donc pas rare de traiter plusieurs de ces phases de
conception en parallèle…

5.3 Progresser dans vos pratiques grâce à des


fiches et canevas détaillés

Pour ne pas vous laisser seulement avec de belles histoires, nous


avons également souhaité partager avec vous les « ficelles du métier
». Le dernier chapitre regroupe ainsi un ensemble de fiches
pratiques et de canevas détaillés issus de nos expériences. Nous
avons beaucoup réfléchi à trouver un format qui puisse être
réutilisable sans devenir rigide.
Les fiches pratiques présentent à chaque fois :
un hashtag précisant le lien avec les cinq phases/chapitres de
conception (par exemple, « # signification » pour renvoyer au
chapitre sur la signification) ;
les enjeux à ne pas oublier, au-delà des aspects techniques
détaillés dans la fiche ;
les objectifs concrets ;
les moments où cette pratique peut être utile dans un projet
d’innovation ;
les fondamentaux, pour ceux et celles qui veulent se sensibiliser
à cette pratique ;
des retours d’expérience, pour connaître les outils concrets les
plus utiles et éviter certains écueils de base ;
une section « Pour aller plus loin », pour ceux et celles qui
souhaitent… aller plus loin !
Nous espérons vous avoir convaincu(e)s et que vous êtes prêt(e)s à
vous lancer… Si tel est le cas, vous avez le choix : soit vous foncez
lire nos belles histoires pour commencer l’aventure (chapitre 2 et
suivants), soit vous avez encore un peu de temps et d’appétit
intellectuel, et on vous conseille alors de lire le prochain chapitre
(chapitre 1) pour comprendre les bases conceptuelles de notre
approche.

Dans tous les cas, bonne lecture !

1 En 2017, le taux d’échec des innovations était en moyenne de 85 % selon le


European Institute for Creative Strategies & Innovation (2018). Marc Giget,
Les Nouvelles Stratégies d’innovation 2018-2020. Vision prospective 2030, Les
éditions du Net, 2018.
2 Héraclite, Fragment 18, traduit et commenté par Simone Veil dans La source
grecque, Paris, Gallimard, 1953.
3 On pourra ici se référer à la notion de « wicked problem ». Voir H. W. Rittel et
M. M. Webber, « Dilemmas in a general theory of planning », Policy Sciences,
vol. 4, n° 2, 1973, p. 155-169.
4 Par artefacts, il faut entendre toute sorte d’objet ou dispositif intermédiaire
permettant d’incarner un concept ou une proposition, par exemple des
storyboards, des maquettes, des prototypes, des démonstrateurs…
Chapitre 1

Qu’entend-on par preuve ?

Dans l’introduction, nous avons évoqué le rôle central que jouent les
preuves dans la pratique du proofmaking. Mais qu’entend-on par «
preuve » dans ce livre ? En quoi le proofmaking contribue-t-il
spécifiquement à la conduite de projets d’innovation par la preuve ?
Ce chapitre vise à répondre à ces questions en montrant
comment le proofmaking s’inscrit dans une perspective dynamique
et intégrative de la notion de preuve en innovation. En nous
appuyant sur une revue simplifiée des types de preuves dans des
domaines variés, nous proposerons une articulation raisonnée des
différents usages de la preuve en innovation et indiquerons
comment elles interviennent dans la pratique d’un proofmaker.

1. Aborder la preuve en innovation


De façon générale, une preuve est un fait ou un raisonnement
propre à établir une vérité. En anglais, on distingue la preuve
empirique (evidence) de la preuve de raisonnement (proof). En
français, les deux termes sont confondus. Les preuves jouent un rôle
dans des domaines variés, comme les enquêtes, la recherche
expérimentale ou les démonstrations logico-mathématiques. Selon
les contextes, leurs formes et leurs visées peuvent différer.
Pour préciser notre typologie des usages de la preuve en
innovation, nous allons introduire une notion déterminante : le
temps. Comme le disait Blaise Pascal, le temps fait partie des termes
primitifs de notre langue qu’il est « impossible et inutile de définir
»1. Nous nous bornerons donc essentiellement à introduire trois
termes communément admis lorsqu’on se réfère à la temporalité : le
passé, le présent et le futur.
Considérer le temps permet de distinguer quatre types de preuves
:
la preuve rétrospective, concernant un événement passé ;
la preuve expérimentale, concernant un événement en cours,
étudié à un instant t ou sur une période donnée ;
la preuve prospective, concernant un événement à venir ou
inachevé ;
la preuve formelle, concernant des choses et des symboles
manipulés dans la permanence d’un éternel présent.

FIGURE 1.1 Quatre usages classiques de la preuve

Dans la suite de ce chapitre, nous caractériserons plus finement


chacun de ces types de preuves, puis illustrerons comment ils
peuvent intervenir dans un processus d’innovation. Au préalable,
nous souhaitons introduire un cinquième type de preuve, crucial
dans notre approche : la preuve transformative. Comme l’illustre la
figure 1.2, elle s’inscrit dans une démarche visant non pas à mieux
connaître les situations présentes, mais à les transformer. Nous
verrons qu’elle est au coeur des pratiques de proofmaking.

FIGURE 1.2 Rencontre du cinquième type : la preuve transformative

2. Cinq types de preuves en innovation

2.1 La preuve rétrospective : collecter des


indices

Comme son nom l’indique, ce premier type de preuve fait intervenir


des raisonnements rétrospectifs, c’est-à-dire, pour citer le logicien
français Robert Blanché : « ceux par lesquels, à partir de données
actuelles, on tente de reconstruire le passé »2. La preuve
rétrospective renvoie aux modèles de l’enquête ou de l’historien. La
démarche de démonstration est analytique et régressive : partant
des effets observables pour remonter aux causes, elle procède par
recherche d’« indices » en vue d’établir la vérité de ce qui a eu lieu.
Ces indices correspondent à des éléments de preuve empirique tels
que des traces ou des témoignages. Comme ils peuvent prêter à des
interprétations divergentes, il n’y a pas à proprement parler de
preuve définitive. Il s’agit d’un « faisceau d’indices » permettant de
se forger la conviction qu’il est plausible que les choses se soient
déroulées ainsi. En droit, le seul cas où une preuve définitive semble
incontestable correspond à la situation d’un flagrant délit, celui-ci
s’apparentant d’ailleurs en quelque sorte à un cas limite de preuve
expérimentale3.

FIGURE 1.3 La preuve rétrospective : indice, analyse, régression

Les preuves rétrospectives sont très utilisées en innovation, souvent


dans les phases amont. Elles interviennent généralement pour
établir un diagnostic ou mener une analyse de l’existant sur un
problème donné. La plupart du temps, la démarche consiste à
collecter des informations sur des objets d’intérêt (par exemple, les
pratiques, les usages…) via des questionnaires, des entretiens ou
des observations in situ à la recherche d’indices éclairant la situation
actuelle. Les preuves prennent alors souvent la forme d’un rapport
écrit rassemblant l’ensemble des indices collectés, comme des
extraits de verbatim (témoignages), des photos ou des vidéos
(traces) associés aux situations analysées. Lorsque la démarche se
veut plus quantitative, ces rapports peuvent intégrer des analyses
statistiques dont la visée est d’expliquer les causes du problème de
façon chiffrée. Un point de vigilance est que ce type de preuve
intervient fréquemment en réponse à une question posée par le
commanditaire : encore faut-il que cette question soit pertinente et
n’exclue pas des aspects importants du problème soulevé.

2.2 La preuve prospective : organiser des


signaux faibles

Si la preuve rétrospective est régressive, la preuve prospective, elle,


se veut progressive. Partant également d’un signe présent, utilisé
comme indice, elle en tire, cette fois-ci, des conclusions sur un
événement futur ou encore inachevé. Elle correspond par exemple
aux modèles du prévisionniste ou du prospectiviste. Selon Blanché,
la démarche est synthétique, elle consiste à organiser des indices «
par lesquels nous pouvons avancer de la cause vers l’effet, du
présent vers l’avenir »4. De nouveau, les conclusions sont rarement
définitives et généralement associées à une incertitude encore plus
élevée. Celle-ci est mesurée par une marge d’erreur d’autant plus
importante que le modèle du phénomène est imprévisible. Toutefois,
dans certains cas, les preuves prospectives sont plus fiables que les
preuves rétrospectives. En effet, lorsque le phénomène étudié est
connu et que son comportement est prévisible, la preuve prospective
se ramène quasiment à une déduction formelle5. Certains vont ainsi
jusqu’à dire que l’on connaît parfois mieux le futur que le passé !

FIGURE 1.4 La preuve prospective : indice, synthèse, progression


Les preuves prospectives occupent une place significative dans les
pratiques d’innovation . Les activités d’innovation ont d’ailleurs
longtemps été confondues avec la prospective. On assimilait ainsi les
techniques d’extrapolation, visant à repérer des signaux faibles et à
en dégager des tendances lourdes (trends), ou la méthode des
scénarios, visant à mettre en récit des visions de l’avenir pour ouvrir
de nouveaux possibles, à des méthodes d’innovation . Aujourd’hui
encore, il n’est pas rare de trouver des directions « Innovation et
prospective » dans les grands groupes et les administrations. Si les
approches diffèrent, par exemple sur le niveau d’expertise requis ou
l’ouverture de la démarche à des non-spécialistes, toutes s’efforcent
de forger une capacité d’anticipation et visent à éclairer les décisions
au présent. En revanche, la réalité anticipée étant à venir, les
moyens de tester les hypothèses sur le futur sont souvent limitées à
l’attente d’une confirmation dans le temps, une modalité d’évaluation
qui n’est pas toujours compatible avec le rythme des innovations6.

2.3 La preuve expérimentale : prouver un


effet causal

La preuve expérimentale vise à établir une vérité empirique via une


expérience contrôlée. Elle renvoie au modèle des sciences
expérimentales, comme la physique ou la médecine. La
démonstration procède par un raisonnement hypothético-déductif.
Formulées préalablement, les hypothèses sont testées dans une
situation expérimentale contrôlée, le plus souvent un laboratoire,
confinant le réel à certains paramètres d’intérêt précis, nommés «
observables ». La mesure repose sur des dispositifs plus ou moins
instrumentés, ainsi que des indicateurs permettant de suivre le
comportement de ces observables dans le temps. Cependant, de
plus en plus de pratiques organisent des expérimentations en « vie
réelle ». Cette évolution ne va pas sans poser des difficultés en
raison des risques et biais associés à la multiplicité des facteurs
intervenant dans une situation réelle ; c’est le rôle des protocoles de
tenter d’en réduire les effets négatifs et de garantir une
reproductibilité des résultats.
Plus récent, l’usage de la preuve expérimentale en innovation est
aujourd’hui très en vogue. Il s’appuie sur l’idée que la confrontation
d’hypothèses spéculatives à des situations réelles aboutira à des
stratégies plus robustes. Le plus souvent, cette approche consiste à
tester une innovation en constituant deux groupes d’individus : un
groupe bénéficiant de l’innovation, nommée « traitement » en
référence aux essais cliniques, et un groupe contrôle sans
l’innovation.

FIGURE 1.5 La preuve expérimentale : indicateur, hypothèse, mesure

La preuve consiste à mesurer l’« effet causal »7 de l’innovation en


comparant les résultats sur des indicateurs d’impact retenus pour les
deux groupes avant (prétest ) et après (posttest ) le test. En
marketing, on parle par exemple de « A/B testing »8. On a souvent
reproché aux approches expérimentales le coût et la lourdeur de leur
mise en place. Le numérique semble réduire ce coût et faciliter leur
mise en oeuvre aujourd’hui. En revanche, les tests portant sur des
indicateurs d’impact prédéfinis, ils courent le risque de ne pas
suffisamment intégrer le nouveau et l’inattendu, pourtant décisifs en
innovation.

2.4 La preuve formelle : établir un


raisonnement valide

La preuve formelle renvoie à un raisonnement visant à établir la


vérité logique d’un énoncé. Elle correspond au modèle des sciences
démonstratives , comme la logique ou les mathématiques. Le temps
est celui de la permanence, la démarche consistant à manipuler des
symboles représentant des objets toujours identiques à eux-
mêmes9. La démarche de démonstration consiste à se fonder sur un
ensemble de vérités élémentaires. Ces dernières sont initialement
établies et acceptées comme vraies : soit sans aucune preuve
(axiomes), soit grâce à des preuves obtenues par des moyens
extérieurs à la démonstration (par exemple, les observations, les
théorèmes). Il s’agit alors de suivre une forme de raisonnement
valide, c’est-à-dire respectant des règles de déduction acceptables.
La preuve formelle est ainsi le résultat d’une opération abstraite.
Dans les cas les plus formalisés, comme en logique, elle devient
purement « syntaxique », c’est-àdire une opération transformant des
formules vraies (prémisses) en d’autres formules vraies
(conséquences). Attention, la vérité logique n’est pas synonyme de
vérité empirique !

FIGURE 1.6 La preuve formelle : descripteur, modèle, déduction


En innovation , les preuves formelles peuvent intervenir de façon
variée selon les contextes. Elles sont souvent utilisées dans les
phases d’analyse, où elles prennent la forme d’un raisonnement
structuré à propos d’un système technique ou social complexe, par
exemple lors d’une cartographie de processus ou de parties
prenantes . Il s’agit alors de s’extraire de la situation concrète, jugée
trop foisonnante, pour réfléchir de façon abstraite sur une version
simplifiée du système (ou problème) considéré, nommée « modèle
». La preuve consiste à établir des conclusions logiques démontrées
dans le cas du modèle, c’est-à-dire s’appuyant sur un traitement
valide des données. Dans la mesure où les raisonnements n’opèrent
pas sur le système réel, ces preuves aboutissent souvent à la
formulation d’hypothèses, testées ensuite dans une situation
concrète. La carte n’étant pas le territoire, le modèle fonctionne
grâce à une simplification du réel connu et peut écarter des
propriétés encore inconnues du système (ou problème) qui seront
pourtant cruciales dans le projet d’innovation considéré.

2.5 La preuve transformative : éprouver pour


transformer

Se rattachant aux sciences de la conception (par exemple,


l’architecture, l’ingénierie ou le design), ce cinquième type de preuve
possède une visée transformative. Le temps est ici celui d’une
maturation, c’est-à-dire d’un « temps qui fait » et non pas seulement
d’un « temps qui passe ». La démarche est « transductive », au sens
du philosophe Gilbert Simondon, c’est-à-dire d’une opération où «
chaque région de structure constituée sert à la région suivante de
principe de constitution, si bien qu’une modification s’étend ainsi
progressivement en même temps que cette opération structurante
»10. Par exemple, dans une solution saline sursaturée, un germe de
cristal peut se former puis se transmettre de proche en proche dans
le milieu aqueux, en s’appuyant sur la progression de sa propre
structure pour cristalliser (voir figure 5.1 pour un exemple illustré de
ce phénomène). Appliqué aux preuves transformatives, cette notion
signifie que la démonstration consiste à révéler, générer et évaluer
des « inducteurs » de transformation (les « germes » dans l’exemple
de la cristallisation), c’est-à-dire des éléments émergeant d’une
situation avec le pouvoir de la reconfigurer. Les transformations
potentielles que génère cette démarche sont foncièrement
indéterminées.

FIGURE 1.7 La preuve transformative : inducteur, artefact, reconfiguration


Les preuves transformatives sont très probablement les plus
pratiquées dans le monde de l’innovation et des start-ups. Elles
interviennent dans la plupart des processus de conception innovante
structurés en niveaux successifs de preuve11. Les preuves reposent
sur l’évaluation plus ou moins contrôlée d’artefacts intermédiaires
allant des maquettes aux story-boards en passant par une variété de
prototypes et démonstrateurs. Elles visent à faire mûrir des concepts
innovants en leur faisant subir des situations d’épreuves successives
permettant de réduire l’incertitude initiale et de mieux appréhender
les risques potentiels associés au projet. Ces artefacts sont probants
au sens où ils apportent une valeur démonstrative à un moment du
projet.
Mal comprises, les preuves transformatives sont souvent
confondues avec d’autres types de preuves classiques, en particulier
les preuves expérimentales. La preuve expérimentale, au sens strict
du terme, consiste à démontrer un effet causal grâce à une
expérience contrôlée et reproductible. En comparaison, la preuve
transformative n’a pas pour but de mieux connaître les situations,
mais de les transformer ; ses artefacts expérimentaux ne visent pas
une meilleure précision, mais un enrichissement des expériences et
des significations ; l’expérimentateur n’y joue pas le rôle d’un
spectateur extérieur, mais celui d’un agent par lequel s’opère une
transformation, qu’il ne contrôle d’ailleurs que partiellement. Si,
malgré ces différences, une confusion demeure encore avec la
preuve expérimentale, c’est peut-être que l’on croit encore trop
souvent que les pratiques d’expérimentation peuvent, ou doivent,
toutes s’unifier sous la bannière de la « méthode expérimentale ».
En ce sens, ce livre espère contribuer à mieux faire comprendre la
valeur propre des preuves transformatives.
3. Le proofmaker : devenir expert de la preuve
pour transformer
Nous venons de voir à grands traits comment les usages de la
preuve peuvent être variés. On pourrait penser que cette multiplicité
ouvre un formidable terrain de jeux aux experts de l’innovation.
Malheureusement, le plus souvent, ce sont surtout des conflits et
des oppositions qui émergent dans les projets, tel expert technique
ne reconnaissant pas la légitimité des preuves de tel autre. Nous
n’avons évidemment pas de recette magique pour dépasser ces
croyances dogmatiques, mais nous faisons le pari qu’en éduquant
davantage les experts de l’innovation à la variété des usages de la
preuve, nous pourrons les convaincre que tous peuvent être utiles à
un moment donné d’un projet innovant. Dans ce livre, nous
cherchons donc à développer et transmettre une vision dynamique
et intégrative de la preuve : dynamique, car elle repose sur une
compréhension du rôle du temps dans les démonstrations ;
intégrative, car elle s’appuie non pas sur l’opposition ou la
juxtaposition des différents usages de la preuve mais sur leur
articulation raisonnée pour l’innovation.

3.1 Collecter des indices pour donner sens et


formuler des options

Pour le proofmaker, les preuves rétrospectives et prospectives sont


utiles chaque fois que son objet d’intérêt n’est pas directement
accessible, soit parce qu’il intègre des éléments de situations
passées ou oubliées, soit parce qu’il est encore à venir ou inachevé.
Dans les deux cas, la preuve consistera à collecter des indices, à les
organiser et les matérialiser dans des formes cohérentes, puis à les
communiquer avec des niveaux de certitude allant du plausible au
probable, en passant par le possible. L’intérêt de ces preuves sera
d’étayer soit la compréhension d’une situation, soit l’imagination de
nouveaux possibles associés à un projet. En revanche, ces deux
types de preuves étant entachés d’une certaine incertitude, et c’est
normal, le proofmaker veillera à ne pas se fixer définitivement sur
les conclusions obtenues à un moment donné du projet. De même,
conscient que l’exhaustivité des indices ne peut être atteinte que
dans de rares cas, il cherchera à les compléter par d’autres types de
preuves sans attendre que le temps vienne un jour lui donner
éventuellement raison.

FIGURE 1.8 Des indices pour donner sens et formuler des options

3.2 Se doter d’indicateurs et de descripteurs


pour évaluer le changement

Dans les cas où de hauts niveaux de certitude seraient requis, le


proofmaker pourra recourir aux preuves expérimentales et formelles.
Confinant le réel à une situation expérimentale contrôlée, les
premières n’utilisent plus des indices, mais des indicateurs décrivant
l’évolution de paramètres dans le temps. L’intérêt sera de pouvoir
tester in vitro, puis in vivo des hypothèses, objets ou principes
d’action sur des paramètres précis et de manière indépendante. Les
preuves formelles, elles, fournissent des niveaux de certitude encore
plus élevés grâce au contrôle de leur système de descripteurs et de
règles. L’intérêt sera de soutenir des analyses nécessitant un certain
niveau d’abstraction pour « démêler les fils » de problèmes
complexes (par exemple, tirer des conclusions sur un écosystème
d’acteurs et leurs flux d’échanges). Dans les deux cas, le proofmaker
n’oubliera pas que la certitude est obtenue ici au prix d’une
simplification du réel qui peut écarter des aspects inconnus ou
inattendus qu’il doit, lui, absolument considérer12.

FIGURE 1.9 Des indicateurs et descripteurs pour évaluer le changement

3.3 S’appuyer sur des inducteurs de


transformation stratégique

En innovation, quel que soit le type de preuve recherché, intégrer


l’inattendu est primordial. C’est à partir d’éléments nouveaux,
générés ou révélés lors de la démarche d’innovation, qu’une idée
initiale peut s’avérer progressivement transformative. Ces éléments
moteurs, ces germes de changement, nous les nommons inducteurs
de transformation. Ils sont au coeur de la pratique du proofmaker.
C’est en apprenant à les identifier, les susciter et les évaluer qu’il
pourra engager des transformations radicales au sein de son
écosystème. L’intérêt des preuves transformatives n’est ainsi pas de
prouver que quelque chose est vrai ou faux dans la situation
considérée, mais d’évaluer le pouvoir de reconfiguration d’une série
d’inducteurs capables d’impulser des transformations fécondes à
forte valeur. Ce travail requiert des compétences de conception
particulières pour imaginer puis monter des situations fictives où des
artefacts incarneront les hypothèses de transformation qui seront
testées. Le terme « proofmaking » exprime cette volonté de
combiner preuve de raisonnement (proof) et preuve empirique
(evidence) par la création d’« artefacts » (making). De même qu’il
est question de « données probantes » en médecine, nous parlons
ici d’« artefacts probants » (voir glossaire).

FIGURE 1.10 Des inducteurs de transformation pour reconfigurer les situations

Pour conclure ce chapitre, nous présentons maintenant un cas


illustrant de façon didactique une manière d’articuler les cinq types
de preuves définis dans cette section. Les prochains chapitres
détailleront les cinq phases de conception identifiées : la
signification, l’usage, la viabilité, la transformation et la narration.
Cas introductif : Henkel –
Innover dans la colle
Période : 2010-2011
Équipe d’innovation : Catherine Clément, Thomas Cruciani, Stéphane Gauthier
(Plan Créatif) ; Sophie d’Aurelle, Marie Bernheim, Émilie Jacquillard, Thierry
Taveau, Amélie Vidal (Henkel)

1. Formuler une question qui ouvre un champ


d’expérimentation

En 2010, Henkel fait le constat que, sur les 15 dernières années, le


marché du bricolage a connu une croissance importante. Pourtant,
l’entreprise leader de la colle de bricolage possède une marque
référente, « Ni clou ni vis », qui a progressé deux fois moins que le
marché global. L’équipe marketing s’interroge sur les raisons de leur
moindre performance par rapport au marché et souhaite travailler
sur le sujet.
Le service marketing d’Henkel sollicite Plan Créatif pour aider
l’entreprise à innover dans la colle de bricolage et créer un nouveau
produit correspondant aux attentes du marché. Selon l’équipe
marketing, le retard d’Henkel s’explique par un manque dans leur
offre. La directrice marketing d’Henkel France explique à l’agence
Plan Créatif que l’objectif est d’imaginer une offre innovante : «
Nous avons une offre de 17 cartouches de colle, aidez-nous à créer
la 18e qui manque à notre gamme. » L’objectif est de leur faire
rattraper le retard sur la croissance de ce marché.
Le premier réflexe de Plan Créatif est de replacer les
questionnements techniques (propriétés matérielles de la colle) et
marketing (centré produit, vision en termes de gamme) dans une
perspective d’usage. Un travail sur la signification conduit à la
reformulation suivante : « Comment faire de la colle un produit de
référence pour les bricoleurs d’aujourd’hui ? » Une question
formulée de façon aussi ouverte implique que plusieurs dimensions
nécessitent d’être explorées. En revenant aux usages des bricoleurs,
il s’agit de collecter des indices (« preuves rétrospectives ») pour
mieux connaître les besoins, attentes et difficultés que ceux-ci
rencontrent, ainsi que de caractériser l’écosystème dans lequel ils
évoluent aujourd’hui.

2. Collecter des preuves rétrospectives pour


faire sens de la situation

L’enquête sur les usages des bricoleurs débute avec les questions
suivantes :
Qui sont les bricoleurs d’aujourd’hui ?
Quels sont leurs besoins et leurs pratiques (de l’achat du
matériel à la fin des travaux) ?
Quelle est la place de la colle dans leurs travaux ?
Quels sont les prescripteurs pour les acheteurs de matériel de
travaux ?

Pour répondre à ces questions, la méthodologie retenue est la


suivante :
collecte de données, via des observations à domicile et des
entretiens auprès de 15 foyers recrutés par un panéliste. Les
personnes recrutées mènent et réalisent elles-mêmes un projet
de transformation de leur habitat. Elles sont en train de faire du
bricolage ou ont fini le chantier depuis moins de trois mois dans
de grandes villes et en province ;
analyse des données, selon une analyse thématique des notes
d’observation ainsi que des entretiens. Elle est menée pour
comprendre et identifier leurs pratiques du bricolage et le statut
de la colle au sein de cette pratique.

Les résultats permettent d’identifier sept freins à l’usage de la colle


dans le bricolage, en particulier :
la colle est associée à la réparation et non à la construction ;
la colle est associée à la petite enfance (adulte, on passe aux
clous, aux vis, etc.) ;
la colle est perçue comme relevant de l’éphémère, pas du
durable.

Ces éléments sont présentés à l’équipe marketing. Un peu surprise


par la démarche très exploratoire, qui ne semble pas encore
converger vers la définition d’une « 18e cartouche de colle », elle a
besoin d’être rassurée. L’équipe d’innovation va alors tenter de
démontrer par un raisonnement formel qu’il est encore nécessaire de
poursuivre l’enquête.

3. Établir une preuve formelle pour formuler


de nouvelles hypothèses

En interprétant ces éléments de preuve rétrospective, l’équipe


d’innovation commence à formaliser les schémas mentaux des
bricoleurs. En particulier, elle démontre que les gens cultivent et
assument d’étranges paradoxes dans leurs usages de la colle. Par
exemple : « la colle, je n’ai pas confiance, ce n’est pas solide…, mais
le miroir de ma salle de bain est collé, et je ne sais pas comment le
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reconcile their habits, views, and interests with those of the South
and West. The latter are beginning to rule with a rod of iron.”
Pickering knew that the Federalist majority in Massachusetts was
none too great. The election in May, four months later, showed a
Federalist vote of 30,000 against a Republican minority of 24,000,
while in the Legislature Harrison Gray Otis was chosen Speaker by
129 votes to 103. Pickering knew also that his colleague, Senator
Adams, was watching his movements with increasing ill-will, which
Pickering lost no chance to exasperate. Nothing could be more
certain than that at the first suggestion of disunion Senator Adams
and the moderate Federalists would attack the Essex Junto with the
bitterness of long-suppressed hatred; and if they could not command
fourteen votes in the Legislature and three thousand in the State, a
great change must have occurred since the year before, when they
elected Adams to the Senate for the long term over Pickering’s head.
Pickering concealed his doings from his colleague; but Tracy was not
so cautious. Adams learned the secret from Tracy; and the two
senators from Massachusetts drew farther and farther apart, in spite
of the impeachments, which tended to force them together.
The Essex Junto, which sent Pickering to Washington, and to
which he appealed for support, read his letter with evident
astonishment. George Cabot, Chief-Justice Parsons, Fisher Ames,
and Stephen Higginson, who were the leaders consulted,[104]
agreed that the scheme was impracticable; and Cabot, as gently as
possible, put their common decision into words.
“All the evils you describe,” he said,[105] “and many more, are to
be apprehended; but I greatly fear that a separation would be no
remedy, because the source of them is in the political theories of our
country and in ourselves. A separation at some period not very remote
may probably take place,—the first impression of it is even now
favorably received by many; but I cannot flatter myself with the
expectation of essential good to proceed from it while we retain
maxims and principles which all experience, and I may add reason
too, pronounce to be impracticable and absurd. Even in New England,
where there is among the body of the people more wisdom and virtue
than in any other part of the United States, we are full of errors which
no reasoning could eradicate if there were a Lycurgus in every village.
We are democratic altogether; and I hold democracy in its natural
operation to be the government of the worst.
“There is no energy in the Federal party, and there could be none
manifested without great hazard of losing the State government.
Some of our best men in high stations are kept in office because they
forbear to exert any influence, and not because they possess right
principles. They are permitted to have power if they will not use it.... I
incline to the opinion that the essential alterations which may in future
be made to amend our form of government will be the consequences
only of great suffering or the immediate effects of violence. If we
should be made to feel a very great calamity from the abuse of power
by the National Administration, we might do almost anything; but it
would be idle to talk to the deaf, to warn the people of distant evils. By
this time you will suppose I am willing to do nothing but submit to fate.
I would not be so understood. I am convinced we cannot do what is
wished; but we can do much, if we work with Nature (or the course of
things), and not against her. A separation is now impracticable,
because we do not feel the necessity or utility of it. The same
separation then will be unavoidable when our loyalty to the Union is
generally perceived to be the instrument of debasement and
impoverishment. If it is prematurely attempted, those few only will
promote it who discern what is hidden from the multitude.”

Cabot’s letter, more clearly than any writing of Alexander


Hamilton himself, expressed the philosophy and marked the tactics
of their school. Neither Cabot nor Hamilton was a lively writer, and
the dust which has gathered deep on their doctrines dulls whatever
brilliancy they once possessed; but this letter showed why Cabot
was considered the wisest head in his party, to whose rebuke even
Hamilton was forced to bow. For patient and willing students who
have groped in search of the idea which, used by Hamilton and
Jefferson, caused bitterer feeling and roused deeper terrors than civil
war itself, Cabot’s long and perhaps pedantic letter on the policy of
disunion was full of meaning. “We shall go the way of all
governments wholly popular,—from bad to worse,—until the evils, no
longer tolerable, shall generate their own remedies.” Democracy
must end in a crisis, experience and reason pronounced it
impracticable and absurd, Nature would in due time vindicate her
own laws; and when the inevitable chaos should come, then
conservative statesmanship could set society on a sound footing by
limiting the suffrage to those citizens who might hold in their own
right two thousand dollars value in land. Meanwhile disunion would
be useless, and the attempt to bring it about would break up the
Federalist party. “A war with Great Britain manifestly provoked by our
rulers” was the only chance which Cabot foresaw of bringing the
people of New England to a dissolution of the Union.
Pickering was not so intelligent as Cabot, Parsons, and Ames;
his temper was harsher than theirs; he was impatient of control, and
never forgot or wholly forgave those who forced him to follow
another course than the one he chose. Cabot’s letter showed a
sense of these traits; for though it was in the nature of a command or
entreaty to cease discussing disunion, if the Federalist party in
Massachusetts were to be saved, it was couched in gentle language,
and without affecting a tone of advice suggested ideas which ought
to guide Federalists in Congress. Pickering was to wait for the crisis.
Inaction was easy; and even though the crisis should be delayed five
or ten years,—a case hardly to be supposed,—no step could be
taken without a blunder before the public should be ready for it. With
this simple and sound principle to guide them, conservatives could
not go wrong. Cabot there left the matter.
Such gentleness toward a man of Pickering’s temper was a
mistake, which helped to cost the life of one whom conservatives
regarded as their future leader in the crisis. Pickering was restive
under the sense that his friends preferred other counsellors; whereas
his experience and high offices, to say nothing of his ability, entitled
him, as he thought, to greater weight in the party than Hamilton,
Cabot, or Rufus King. Backed by Tracy, Griswold, and other men of
standing, Pickering felt able to cope with opposition. His rough sense
and democratic instincts warned him that the fine-drawn political
theories of George Cabot and Theophilus Parsons might end in
impotence. He could see no reason why Massachusetts, once
corrupted, might not wallow in democratic iniquities with as much
pleasure as New York or Pennsylvania; and all that was worth saving
might be lost before her democracy would consent to eat the husks
of repentance and ask forgiveness from the wise and good. Cabot
wanted to wait a few months or years until democracy should work
out its own fate; and whenever the public should yearn for repose,
America would find her Pitt and Bonaparte combined in the political
grasp and military genius of Alexander Hamilton. Pickering, as a
practical politician, felt that if democracy were suffered to pull down
the hierarchy of New England, neither disunion nor foreign war, nor
“a very great calamity” of any kind, could with certainty restore what
had once been destroyed.
Cabot’s argument shook none of Pickering’s convictions; but the
practical difficulty on which the home Junto relied was fatal unless
some way of removing it could be invented. During the month of
February, 1804, when the impeachment panic was at its height in
Congress, Pickering, Tracy, and Plumer received letter after letter
from New England, all telling the same story. The eminent Judge
Tapping Reeve, of Connecticut, wrote to Tracy:[106] “I have seen
many of our friends; and all that I have seen and most that I have
heard from believe that we must separate, and that this is the most
favorable moment.” He had heard only one objection,—that the
country was not prepared; but this objection, which meant that the
disunionists were a minority, was echoed from all New England. The
conspirators dared not openly discuss the project. “There are few
among my acquaintance,” wrote Pickering’s nephew, Theodore
Lyman,[107] “with whom I could on that subject freely converse; there
may be more ready than I am aware of.” Plumer found a great
majority of the New Hampshire Federalists decidedly opposed.
Roger Griswold, toward the end of the session, summed up the
result in his letter to Oliver Wolcott:—
“We have endeavored during this session to rouse our friends in
New England to make some bold exertions in that quarter. They
generally tell us that they are sensible of the danger, that the Northern
States must unite; but they think the time has not yet arrived.
Prudence is undoubtedly necessary; but when it degenerates into
procrastination it becomes fatal. Whilst we are waiting for the time to
arrive in New England, it is certain the democracy is making daily
inroads upon us, and our means of resistance are lessening every
day. Yet it appears impossible to induce our friends to make any
decisive exertions. Under these circumstances I have been induced to
look to New York.”
The representatives of the wise and good looked at politics with
eyes which saw no farther than those of the most profligate
democrat into the morality of the game. Pickering enjoyed hearing
himself called “honest Tim Pickering,” as though he were willing to
imply a tinge of dishonesty in others, even in the Puritan society of
Wenham and Salem. Griswold was to the end of his life a highly
respected citizen of Connecticut, and died while governor of the
State. That both these worthy men should conspire to break up the
Union implied to their minds no dishonesty, because they both held
that the Republican majority had by its illegal measures already
destroyed the Constitution which they had sworn to support; but
although such casuistry might excuse in their own consciences the
act of conspiracy, neither this reasoning nor any other consistent
with self-respect warranted their next step. Griswold’s remark that
the procrastination of New England had led him to look to New York
was not quite candid; his plan had from the first depended on New
York. Pickering had written to Cabot at the outset, “She must be
made the centre of the confederacy.” New York seemed, more than
New England, unfit to be made the centre of a Northern confederacy,
because there the Federalist party was a relatively small minority. If
Massachusetts and Connecticut showed fatal apathy, in New York
actual repulsion existed; the extreme Federalists had no following.
To bring New York to the Federalism of Pickering and Griswold, the
Federalist party needed to recover power under a leader willing to do
its work. The idea implied a bargain and an intrigue on terms such as
in the Middle Ages the Devil was believed to impose upon the
ambitious and reckless. Pickering and Griswold could win their game
only by bartering their souls; they must invoke the Mephistopheles of
politics, Aaron Burr.
To this they had made up their minds from the beginning. Burr’s
four years of office were drawing to a close. The Virginians had paid
him the price he asked for replacing them in power; and had it been
Shylock’s pound of flesh, they could not have looked with greater
care to see that Burr should get neither more nor less, even in the
estimation of a hair, than the exact price they had covenanted to pay.
In another year the debt would be discharged, and the Virginians
would be free. Burr had not a chance of regaining a commanding
place among Republicans, for he was bankrupt in private and public
character. In New York the Clintons never ceased their attacks, with
the evident wish to drive him from the party. Cheetham, after
publishing in 1802 two heavy pamphlets, a “Narrative” and a “View,”
attempted in 1803 to crush him under the weight of a still heavier
volume, containing “Nine Letters on the Subject of Aaron Burr’s
Political Defection.” Nov. 16, 1803, the “Albany Register” at length
followed Cheetham’s lead; and nearly all the other democratic
newspapers followed the “Register,” abandoning Burr as a man who
no longer deserved confidence.
Till near the close of 1803 the Vice-President held his peace. The
first sign that he meant energetic retaliation was given by an
anonymous pamphlet,[108] which won the rare double triumph of
political and literary success, in which ability and ill temper seemed
to have equal shares. The unexpected appearance of “Aristides”
startled New York. This attack recalled the scandal which Alexander
Hamilton had created four years before by his pamphlet against his
own President. “Aristides” wrote with even more bitterness than
Hamilton, and the ferocity of his assault on the personal and political
characters of the Republican leaders made the invectives of
Hamilton and Cheetham somewhat tame; but the scandal in each
case was due not so much to personalities of abuse as to breaches
of confidence. “Aristides” furnished to the enemies of the Clintons
and Livingstons an arsenal of poisoned weapons; but what was
more to the purpose, his defence of Burr was strong. That it came
directly from the Vice-President was clear; but the pamphlet showed
more literary ability than Burr claimed, and the world was at a loss to
discover who could be held responsible for its severities. Cheetham
tried in vain to pierce the incognito. Not till long afterward was
“Aristides” acknowledged by Burr’s most intimate friend, William
Peter Van Ness.
An attempt to separate what was just from what was undeserved
in Van Ness’s reproaches of the Clintons and Livingstons would be
useless. The Clintons and Livingstons, however unprincipled they
might be, could say that they were more respectable than Burr; but
though this were true so far as social standing was concerned, they
could not easily show that as a politician the Vice-President was
worse than his neighbors. The New England Federalists knew well
that Burr was not to be trusted, but they did not think much worse of
him than they thought of De Witt Clinton, or John Armstrong, or
Edward Livingston, at this moment removed from office by Jefferson
for failing to account for thirty thousand dollars due to the United
States Treasury. As a politician Burr had played fast and loose with
all parties; but so had most of his enemies. Seeing that he was about
to try another cast of the dice, all the political gamblers gathered
round to help or hurt his further fortunes; and Van Ness might fairly
have said that in the matter of principle or political morality, none of
them could show clean hands.
Although Vice-President until March, 1805, Burr announced that
he meant to offer himself as a candidate for the post of governor of
New York in April, 1804. At the same time Governor Clinton privately
gave warning of his own retirement. De Witt Clinton was annoyed at
his uncle’s conduct, and tried to prevent the withdrawal by again
calling Jefferson to his aid and alarming him with fear of Burr.
“A certain gentleman was to leave this place yesterday morning,”
wrote De Witt to the President.[109] “He has been very active in
procuring information as to his probable success for governor at the
next election. This, I believe, is his intention at present, although it is
certain that if the present Governor will consent to be a candidate, he
will prevail by an immense majority.... Perhaps a letter from you may
be of singular service.”
Jefferson declined to interfere, putting his refusal on the ground
of Burr’s candidacy.
“I should think it indeed a serious misfortune,” was his reply,[110]
“should a change in the administration of your government be
hazarded before its present principles be well established through all
its parts; yet on reflection you will be sensible that the delicacy of my
situation, considering who may be competitors, forbids my
intermeddling even so far as to write the letter you suggest. I can
therefore only brood in silence over my secret wishes.”
No real confidence ever existed between Jefferson and the
Clintons. A few days after these letters were written, “Aristides”
betrayed the secret that Governor Clinton, in the spring of 1800,
declared Jefferson to be “an accommodating trimmer, who would
change with times and bend to circumstances for the purposes of
personal promotion.” This revelation by “Aristides,” supported by the
names of persons who heard the remark, forced Governor Clinton
into an awkward denial of the charge, and led to an exchange of
letters[111] and to professions of confidence between him and
Jefferson; but time showed that neither the Governor nor his nephew
loved the Virginians more than they were loved by Burr.
The threads of intrigue drew together, as they were apt to do
before a general election. The last week in January came. Three
days before Senator Pickering wrote his conspiracy letter to George
Cabot, a letter which implied co-operation with Burr in making him
governor of New York, Burr asked for a private interview with
Jefferson, and formally offered him the choice between friendship or
enmity. The President thought the conversation so curious that he
made a note of it.
“He began,” said Jefferson,[112] “by recapitulating summarily that
he had come to New York a stranger, some years ago; that he found
the country in possession of two rich families,—the Livingstons and
Clintons; ... that since, those great families had become hostile to him
and had excited the calumnies which I had seen published; that in this
Hamilton had joined, and had even written some of the pieces against
him.... He observed, he believed it would be for the interest of the
Republican cause for him to retire,—that a disadvantageous schism
would otherwise take place; but that were he to retire, it would be said
he shrank from the public sentence, which he would never do; that his
enemies were using my name to destroy him, and something was
necessary from me to prevent and deprive them of that weapon,—
some mark of favor from me which would declare to the world that he
retired with my confidence.”
Jefferson, with many words but with his usual courtesy, intimated
that he could not appoint the Vice-President to an Executive office;
and Burr then united his intrigues with those of Pickering and
Griswold. Thenceforth his chance of retaining power depended on
the New York election; and his success in this election depended on
the Federalists. Before George Cabot had yet written his answer to
Pickering’s questions, Pickering could no longer resist the temptation
to act.
The effect of what passed at Washington was instantly felt at
Albany. Toward the middle of February, about three weeks after
Jefferson had civilly rejected the Vice-President’s advances, Burr’s
friends in the New York legislature announced that they should hold
a caucus February 18, and nominate him as candidate for governor.
The Federalists at once called a preliminary caucus to decide
whether they should support Burr. Alexander Hamilton, who
happened to be engaged in law business at Albany, Feb. 16, 1804,
attended the Federal caucus, and used his influence in favor of the
regular Clinton candidate against Burr’s pretensions. The drift of his
argument was given in an abstract of reasons which he drew up for
the occasion.[113] Unfortunately the strongest of these reasons was
evidently personal; the leadership of Hamilton would not tolerate
rivalry from Burr. Hamilton pointed out that Burr’s elevation by the
Federalists of New York would present him as their leader to the
Federalists of New England, and would assist him to disorganize
New England if so disposed; that there “the ill-opinion of Jefferson,
and jealousy of the ambition of Virginia, is no inconsiderable prop of
good opinions; but these causes are leading to an opinion that a
dismemberment of the Union is expedient. It would probably suit Mr.
Burr’s views to promote this result,—to be the chief of the Northern
portion; and placed at the head of the State of New York, no man
would be more likely to succeed.”
If the Union was to be severed, Hamilton was the intended chief
of the Northern portion; but he wanted no severance that should
leave the germs of the democratic disease. His philosophy was that
of George Cabot, William Pitt, and Talleyrand; he waited for the
whole country to come to its senses and restore sound principles,
that democracy might everywhere die out or be stifled. Burr’s
methods were democratic, and would perpetuate in a Northern
confederacy the vices of the Union; they would break up the
conservative strength without weakening democracy. Within a few
days the danger which Hamilton foresaw came to pass. Burr’s little
band of friends in the Legislature, Feb. 18, 1804, set him in
nomination; and a large majority of Federalists, in defiance of
Hamilton’s entreaties, meant to vote for him.
As the situation became clearer, Hamilton’s personal feeling
became public. While at Albany, February 16, he dined with Judge
Taylor, and at table talked of the political prospect. One of the
company, Dr. Charles D. Cooper, an active partisan, wrote an
account of the conversation to a certain Mr. Brown near Albany:
“General Hamilton and Judge Kent have declared, in substance, that
they looked upon Mr. Burr to be a dangerous man, and one who
ought not to be trusted with the reins of government.” The letter was
printed, and went the rounds of the press. As it roused some
question and dispute, Cooper wrote again: “I could detail to you a
still more despicable opinion which General Hamilton has expressed
of Mr. Burr.” This letter also was printed; the “Albany Register” of
April 24 contained the correspondence.
The news of Burr’s nomination reached Washington at the
moment when Pickering and Tracy received answers to their
disunion scheme; and it served to keep them steady to their plan.
The Federalists, who professed to consider Hamilton their leader,
seldom followed his advice; but on this occasion they set him
somewhat unkindly aside. Too much in awe of Hamilton to say
directly to his face that he must be content with the place of Burr’s
lieutenant, they wrote letters to that effect which were intended for
his eye.
Of all Federalist leaders, moderate and extreme, Rufus King, who
had recently returned from London, stood highest in the confidence
of his party. He was to be the Federalist candidate for Vice-
President; he had mixed in none of the feuds which made Hamilton
obnoxious to many of his former friends; and while King’s manners
were more conciliatory, his opinions were more moderate, than those
of other party leaders. To him Pickering wrote, March 4, 1804, in a
tone of entreaty:—
“I am disgusted with the men who now rule, and with their
measures. At some manifestations of their malignancy I am shocked.
The cowardly wretch at their head, while like a Parisian revolutionary
monster prating about humanity, would feel an infernal pleasure in the
utter destruction of his opponents.”
After avowing his hopes of disunion, Pickering next touched the
New York election:[114]—
“The Federalists here in general anxiously desire the election of
Mr. Burr to the chair of New York, for they despair of a present
ascendency of the Federalist party. Mr. Burr alone, we think, can
break your democratic phalanx, and we anticipate much good from his
success. Were New York detached, as under his administration it
would be, from the Virginia influence, the whole Union would be
benefited. Jefferson would then be forced to observe some caution
and forbearance in his measures. And if a separation should be
deemed proper, the five New England States, New York, and New
Jersey would naturally be united.”
Rufus King was as cautious as Pickering was indiscreet. He
acknowledged this letter in vague terms of compliment,[115] saying
that Pickering’s views “ought to fix the attention of the real friends of
liberty in this quarter of the Union, and the more so as things seem
to be fast advancing to a crisis.” Even King’s cool head was
possessed with the thought which tormented Hamilton, Cabot,
Ames, Pickering, Griswold, and Tracy,—the crisis which was always
coming, and which, in the midst of peace, plenty, and contentment
such as a tortured world had seldom known, overhung these wise
and virtuous men like the gloom of death.
A week later Roger Griswold followed Pickering’s example by
writing to another of Hamilton’s friends, Oliver Wolcott, who
apparently sent the letter to Hamilton.[116] A Congressional caucus,
February 25, nominated George Clinton as the Republican candidate
for Vice-President by sixty-five votes against forty-one,—Burr’s
friends absenting themselves. This nomination showed some
division between the Northern and Southern democrats; but
Griswold rightly argued that nothing could be done in Congress,—
the formation of a Northern interest must begin at home, and must
find its centre of union in Burr. The arguments for this course were
set forth with entire candor.
“I have wished to ascertain,” wrote Griswold, “the views of Colonel
Burr in relation to the general government; but having had no intimacy
with him myself, and finding no one on the spot calculated, or indeed
authorized, to require an explanation, I have obtained but little
information. He speaks in the most bitter terms of the Virginia faction,
and of the necessity of a union at the northward to resist it; but what
the ultimate objects are which he would propose, I do not know. It is
apparent that his election is supported in New York on the principle of
resisting Virginia and uniting the North; and it may be presumed that
the support given to him by Federal men would tend to reconcile the
feelings of those democrats who are becoming dissatisfied with their
Southern masters. But it is worthy of great consideration whether the
advantage gained in this manner will not be more than
counterbalanced by fixing on the Northern States a man in whom the
most eminent of our friends will not repose confidence. If Colonel Burr
is elevated in New York to the office of governor by the votes of
Federalism, will he not be considered, and must he not in fact
become, the head of the Northern interest? His ambition will not suffer
him to be second, and his office will give him a claim to the first rank.”
Having proposed this question, Griswold argued it as one in
which the interests of New York must yield to the larger interests
behind, and decided that “unpleasant as the thing may be,” Burr’s
election and consequent leadership of the Federalist party was “the
only hope which at this time presents itself of rallying in defence of
the Northern States.... What else can we do? If we remain inactive,
our ruin is certain. Our friends will make no attempts alone. By
supporting Mr. Burr we gain some support, although it is of a doubtful
nature, and of which, God knows, we have cause enough to be
jealous. In short, I see nothing else left for us.”
Had this been all, though it was a rude blow to Hamilton, it might
have passed as a difference of opinion on a point of party policy; but
Griswold’s object in writing these excuses was to explain that he had
already done more, and had even entered into personal relations
with Colonel Burr in view of a bargain. What this bargain was to be,
Griswold explained:—
“I have engaged to call on the Vice-President as I pass through
New York. The manner in which he gave me the invitation appeared to
indicate a wish to enter upon some explanation. He said he wished
very much to see me, and to converse, but his situation in this place
did not admit of it, and he begged me to call on him at New York. This
took place yesterday in the library. Indeed, I do not see how he can
avoid a full explanation with Federal men. His prospects must depend
on the union of the Federalists with his friends, and it is certain that his
views must extend much beyond the office of governor of New York.
He has the spirit of ambition and revenge to gratify, and can do but
little with his ‘little band’ alone.”
Even George Cabot deserted Hamilton, and wrote from Boston to
Rufus King a long letter, in the tone of indolent speculation which
irritated restless fighters like Pickering and Griswold:[117]—
“An experiment has been suggested by some of our friends, to
which I object that it is impracticable, and if practicable would be
ineffectual. The thing proposed is obvious and natural; but it would
now be thought too bold, and would be fatal to its advocates as public
men; yet the time may soon come when it will be demanded by the
people of the North and East, and then it will unavoidably take place.”
He explained his favorite thesis,—the last resource of failing
protestants,—that things must be worse before they were better; but
closed by wishing success to Burr. “I should rejoice to see Burr win
the race in your State, but I cannot approve of aid being given him by
any of the leading Federalists.”
Ten days later, March 27, Congress adjourned; and
thenceforward the intrigue centred about Burr and Hamilton in New
York. No sooner did Griswold reach that city, a week afterward, on
his way from Washington to Connecticut, than he kept his
engagement with Burr, and the conversation strengthened him in his
policy.[118] Burr was cautious, but said that in his present canvass
“he must go on democratically to obtain the government; that if he
succeeded, he should administer it in a manner that would be
satisfactory to the Federalists. In respect to the affairs of the nation,
Burr said that the Northern States must be governed by Virginia, or
govern Virginia, and that there was no middle course; that the
democratic members of Congress from the East were in this
sentiment,—some of those from New York, some of the leaders in
Jersey, and likewise in Pennsylvania.” Further than this he would not
go; and Griswold contented himself with such vague allurements.
On the other hand, Rufus King’s library was the scene of grave
dissensions. There Pickering went, April 8, to urge his scheme of
disunion, and retired on the appearance of his colleague, Senator
Adams, who for the first and last time in his life found himself fighting
the battle of Alexander Hamilton, whom he disliked as decidedly as
Pickering professed to love him. As the older senator left the house
at his colleague’s entrance, King said to Adams:[119] “Colonel
Pickering has been talking to me about a project they have for a
separation of the States and a Northern Confederacy; and he has
also been this day talking of it with General Hamilton. Have you
heard anything of it at Washington?” Adams replied that he had
heard much, but not from Colonel Pickering. “I disapprove entirely of
the project,” said King; “and so, I am happy to tell you, does General
Hamilton.”
The struggle for control between Hamilton and the conspirators
lasted to the eve of the election,—secret, stifled, mysterious; the
intrigue of men afraid to avow their aims, and seeming rather driven
by their own passions than guided by the lofty and unselfish motives
which ought to inspire those whom George Cabot emphatically
called the best! The result was a drawn battle. Hamilton prevented
leading Federalists from open committal of the party, but he could
not prevent the party itself from voting for Burr. The election took
place April 25, 1804; and although Burr succeeded in carrying to the
Federalists a few hundred voters in the city of New York, where his
strength lay, giving him there a majority of about one hundred in a
total vote of less than three thousand, he polled but about twenty-
eight thousand votes in the State against thirty-five thousand for the
Clinton candidate. The Federalists gained nothing by supporting him;
but only a small portion of the party refused him their aid.
The obstinacy of Pickering and Griswold in pressing Burr on the
party forced Hamilton to strain his strength in order to prevent what
he considered his own humiliation. That all Hamilton’s doings were
known to Burr could hardly be doubted. When the election closed, a
new era in Burr’s life began. He was not a vindictive man, but this
was the second time Hamilton had stood in his way and vilified his
character. Burr could have no reason to suppose that Hamilton was
deeply loved; for he knew that four fifths of the Federal party had
adopted his own leadership when pitted against Hamilton’s in the
late election, and he knew too that Pickering, Griswold, and other
leading Federalists had separated from Hamilton in the hope of
making Burr himself the chief of a Northern confederacy. Burr never
cared for the past,—the present and future were his only thought; but
his future in politics depended on his breaking somewhere through
the line of his personal enemies; and Hamilton stood first in his path,
for Hamilton would certainly renew at every critical moment the
tactics which had twice cost Burr his prize.
Pickering and Griswold saw their hopes shattered by the result of
the New York election. They gained at the utmost only an agreement
to hold a private meeting of leading Federalists at Boston in the
following autumn;[120] and as Hamilton was to be present, he
probably intended to take part only in order to stop once for all the
intrigues of these two men. Such an assemblage, under the
combined authority of Cabot, King, and Hamilton, could not have
failed to restore discipline.
Nearly two months passed after the New York election, when, on
the morning of June 18, William P. Van Ness, not yet known as
“Aristides,” appeared in Hamilton’s office. He brought a note from
Vice-President Burr, which enclosed newspaper-cuttings containing
Dr. Cooper’s report of Hamilton’s “despicable” opinion of Burr’s
character. The paragraph, Burr said, had but very recently come to
his knowledge. “You must perceive, sir, the necessity of a prompt
and unqualified acknowledgment or denial of the use of any
expression which would warrant the assertions of Dr. Cooper.”
General Hamilton took two days to consider the subject; and then
replied in what Burr thought an evasive manner, but closed with two
lines of defiance: “I trust on more reflection you will see the matter in
the same light with me; if not, I can only regret the circumstance, and
must abide the consequences.”[121]
These concluding words were the usual form in which men
expressed themselves when they intended to accept a challenge to
a duel. At first sight, no sufficient reason for accepting a challenge
was shown by Hamilton’s letter, which disavowed Dr. Cooper’s report
so far as Burr was warranted in claiming disavowal. Hamilton might
without impropriety have declined to give further satisfaction. In truth,
not the personal but the political quarrel drew him into the field; he
knew that Burr meant to challenge, not the man, but the future
political chief, and that an enemy so bent on rule must be met in the
same spirit. Hamilton fought to maintain his own right to leadership,
so rudely disputed by Burr, Pickering, and Griswold. He devoted
some of his moments before the duel to the task of explaining, in a
formal document, that he fought only to save his political influence.
[122] “The ability to be in future useful, whether in resisting mischief
or effecting good, in those crises of our public affairs which seem
likely to happen, would probably be inseparable from a conformity
with public prejudice in this particular.”
Always the crisis! Yet this crisis which brought Hamilton in July to
the duelling-ground at Weehawken was not the same as that which
Pickering and Griswold had so lately tried to create. Pickering’s
disunion scheme came to a natural end on Burr’s defeat in April. The
legislatures of the three Federalist States had met and done nothing;
all chance of immediate action was lost, and all parties, including
even Pickering and Griswold, had fallen back on their faith in the
“crisis”; but the difference of opinion between Hamilton and the New
Englanders was still well defined. Hamilton thought that disunion,
from a conservative standpoint, was a mistake; nearly all the New
Englanders, on the contrary, looked to ultimate disunion as a
conservative necessity. The last letter which Hamilton wrote, a few
hours before he left his house for the duelling-ground, was a short
and earnest warning against disunion, addressed to Theodore
Sedgwick, one of the sternest Massachusetts Federalists of
Pickering’s class.[123]
“Dismemberment of our empire,” said Hamilton, “will be a clear
sacrifice of great positive advantages, without any counterbalancing
good; administering no relief to our real disease, which is democracy,
—the poison of which, by a subdivision, will only be the more
concentred in each part, and consequently the more virulent.”
The New Englanders thought this argument unsound, as it
certainly was; for a dissolution of the American Union would have
struck a blow more nearly fatal to democracy throughout the world
than any other “crisis” that man could have compassed. Yet the
argument showed that had Hamilton survived, he would probably
have separated from his New England allies, and at last, like his
friends Rufus King and Oliver Wolcott, would have accepted the
American world as it was.
The tragedy that actually happened was a fitter ending to this
dark chapter than any tamer close could have been. Early on the
morning of July 11, in the brilliant sunlight of a hot summer, the two
men were rowed to the duelling-ground across the river, under the
rocky heights of Weehawken, and were placed by their seconds face
to face. Had Hamilton acted with the energy of conviction, he would
have met Burr in his own spirit; but throughout this affair Hamilton
showed want of will. He allowed himself to be drawn into a duel, but
instead of killing Burr he invited Burr to kill him. In the paper
Hamilton left for his justification, he declared the intention to throw
away his first fire. He did so. Burr’s bullet passed through Hamilton’s
body. The next day he was dead.
As the news spread, it carried a wave of emotion over New
England, and roused everywhere sensations strangely mixed. In
New York the Clinton interest, guided by Cheetham, seized the
moment to destroy Burr’s influence forever. Cheetham affected to
think the duel a murder, procured Burr’s indictment, and drove him
from the State. Charges were invented to support this theory, and
were even accepted as history. In the South and West, on the other
hand, the duel was considered as a simple “affair of honor,” in which
Burr appeared to better advantage than his opponent. In New
England a wail of despair arose. Even the clergy, though shocked
that Hamilton should have offered the evil example of duelling, felt
that they had lost their champion and sword of defence. “In those
crises of our public affairs which seemed likely to happen,”
Hamilton’s genius in council and in the field had been their main
reliance; he was to be their Washington, with more than
Washington’s genius,—their Bonaparte, with Washington’s virtues.
The whole body of Federalists, who had paid little regard to
Hamilton’s wishes in life, went into mourning for his death, and held
funeral services such as had been granted to no man of New
England birth. Orators, ministers, and newspapers exhausted
themselves in execration of Burr. During the whole summer and
autumn, undisturbed by a breath of discord or danger, except such
as their own fears created, they bewailed their loss as the most fatal
blow yet given to the hopes of society.
The death of Hamilton cleared for a time the murky atmosphere
of New York and New England politics. Pickering and Griswold,
Tracy and Plumer, and their associates retired into the background.
Burr disappeared from New York, and left a field for De Witt Clinton
to sacrifice in his turn the public good to private ambition. The bloody
feuds of Burr’s time never again recurred. The death of Hamilton and
the Vice-President’s flight, with their accessories of summer-morning
sunlight on rocky and wooded heights, tranquil river, and distant city,
and behind all, their dark background of moral gloom, double
treason, and political despair, still stand as the most dramatic
moment in the early politics of the Union.
CHAPTER IX.
President Jefferson was told from day to day of the
communications that passed between Burr and the Connecticut
Federalists. Of all members of the Government, the most active
politician was Gideon Granger, the Postmaster-General, whose
“intimacy with some of those in the secret,” as Jefferson afterward
testified, gave him “opportunities of searching into their
proceedings.”[124] Every day during this period Granger made a
confidential report to the President; and at the President’s request
Granger warned De Witt Clinton of Burr’s intrigues with the
Federalists. What passed in Rufus King’s library and in Burr’s private
room seemed known at once by Granger, and was reported within a
few days to Jefferson, who received the news with his innate
optimism, warranted by experience.[125]
“It will be found in this, as in all other similar cases, that crooked
schemes will end by overwhelming their authors and coadjutors in
disgrace, and that he alone who walks strict and upright, and who in
matters of opinion will be contented that others should be as free as
himself, and acquiesce when his opinion is fairly overruled, will attain
his object in the end.”
If Jefferson and his Virginia friends in 1798, when their own
opinions were overruled, had expressed the idea of acquiescence as
strongly, the nation might perhaps have been saved the necessity of
proving later the truth of his words; but Jefferson could afford to treat
with contempt the coalition between Burr and Pickering, because, as
he wisely said, it had no cohesive force to hold it together, no
common principle on which to rest. When Burr’s defeat in April and
Hamilton’s death in July dissolved the unnatural connection,
Jefferson let the secret die; he wanted no scandal. He stood a little in
awe of the extreme Federalists, whom he called incurables, and was
unwilling to exasperate them without an object.
The Administration had every reason to rejoice that Burr’s
factious influence in the State of New York was at an end; for other
causes of anxiety gave the President more personal annoyance. The

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