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UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES

FACULTÉ DES SCIENCES APPLIQUÉES


SERVICE DE CHIMIE ORGANIQUE

CONTRIBUTION À L'ÉTUDE
DE LA STRUCTURE ET
DES PROPRIÉTÉS
DES LAQUES DE GARANCE

Jana SANYOVA

Promoteurs :
Prof Jacques Reisse Thèse présentée en vue
Dr. Liliane Masschelein - Kleiner de l'obtention du grade de
Directeur de l’IRPA Docteur en Sciences Appliquées

Bruxelles
2000/2001
UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES
FACULTÉ DES SCIENCES APPLIQUÉES
SERVICE DE CHIMIE ORGANIQUE

CONTRIBUTION À L'ÉTUDE
DE LA STRUCTURE ET
DES PROPRIÉTÉS
DES LAQUES DE GARANCE

Jana SANYOVA

Promoteurs :
Prof Jacques Reisse Thèse présentée en vue
Dr. Liliane Masschelein - Kleiner de l'obtention du grade de
Directeur de l’IRPA Docteur en Sciences Appliquées

Bruxelles
2000/2001
i

TABLE DES MATIÈRES:

I. INTRODUCTION GÉNÉRALE : OBJET DE CE TRAVAIL 1

I.1. Garance, teintures et laques 1


I.2. Définitions : laques, pigments, complexes, chélates 3
I.3. Complexes anthraquinones-aluminium 4
I.4. Extraction des colorants présents dans les laques 5
I.5. Composition, couleur et vieillissement des laques 6
I.6. Annexes 6

II. LA GARANCE À TRAVERS LES ÂGES 7

II.1. Introduction 7
II.2. Description botanique 8
II.3. Cultures anciennes 9
II.4. Colorants de la garance et chimie organique du XIXe siècle 10
II.5. Teintures, "rouge turc" 11
II.6. Laques 12

II.6.1. Terminologie 12
II.6.2. Laque et teinturiers, origine de la laque 13
II.6.3. Le "secret" de la préparation des laques de garance 14
II.6.4. Utilisation des laques de garance comme pigments artistiques 16
II.6.5. Préparation de la laque de garance - procédé 17

II.6.5.1. Extraction 18
II.6.5.2. Substrats et mordants 19

II.6.6. Falsification 22

III. ÉTUDE SPECTROSCOPIQUE DES COMPLEXES D'ANTHRAQUINONES


ET D'ALUMINIUM 23

III.1. Introduction 23
III.2. Complexes alizarine-aluminium : étude bibliographique 24
III.3. Rappels théoriques : complexes, stabilité et spéciation 29

III.3.1. Définitions: 29
Complexes, ligands, chélates, degré de complexation, spéciation
III.3.2. Stabilité des complexes : nature et nombre des liaisons de
complexation 29
III.3.3. Équilibres, constantes et diagrammes de spéciation 31

III.3.3.1. Effet des concentration sur la répartition en formes


libres ou associées 32
ii

III.3.3.2. Effet de dilution 34


III.3.3.3. Dissociation ou association successives 36
III.3.3.4. Constantes successives et constantes globales 37
III.3.3.5. Nombre moyen de protonation ou de complexation 38
III.3.3. 6. Compétition entre protonation et complexation:
cas du HF 39
III.3.3. 7. Compétition entre protonation et complexation :
cas d'un ortho-diphénol 42
III.3.3. 8. Conclusions 44

III.4. Spectres d'absorption dans le visible 45

III.4.1. Introduction 45
III.4.2. Alizarine 48

III.4.2.1. Couleurs et spectres de l'alizarine dans différents


solvants en l'absence d'ions d'aluminium 48
III.4.2.2. Complexes de l'alizarine et de l'aluminium à pH 5-6 51
III.4.2.3. Complexes de l'alizarine et de l'aluminium
à pH 0.3 - 3.3 : compétition entre H+ et Al3+ 52

III.4.3. Quinizarine 55

III.4.3.1. Couleurs et spectres de la quinizarine dans différents


solvants en l'absence d'ions d'aluminium 55
III.4.3.2. Complexes de la quinizarine et de l'aluminium
à pH 5-6 56
III.4.3.3. Complexes de la quinizarine et de l'aluminium
à pH 0.3 - 3.3 : compétition entre H+ et Al3+ 57

III.4.4. Purpurine 58

III.4.4.1. Couleurs et spectres de la purpurine dans différents


solvants en l'absence d'aluminium 58
III.4.4.2. Complexes de la purpurine et de l'aluminium
à pH 5-6 60
III.4.4.3. Complexes de la purpurine et de l'aluminium
à pH 0.3 - 3.3 : compétition entre H+ et Al3+ 61

III.4.5. Spectres de solides : poudres d'alizarine et de laques d'alizarine


et d'aluminium 63
III.4.6. Résumé et conclusions 65

III.5. ESI - MS 66

III.5.1. Introduction 66
III.5.2. Matériel et méthodes 66
III.5.3. Résultats 67
iii

III.5.4. Discussion 68

III.5.4. 1. Signification des séries de pics à intervalles réguliers :


perte de chaînons neutres 68
III.5.4. 2. Oligomères de complexes d'alizarine
(intervalle m/z 288) 69
III.5.4. 3. Nœud de réticulation (m/z 1202,5) 70

III.5.4. 3.1. Réticulation par bifurcation des chaînes 71

III.5.4. 3.2. Réticulation par liaisons latérales entre chaînes 71

III.5.5. Résumé et conclusions 73

III.6. SIMS 74

III.6.1. Introduction 74
III.6.2. ToF-S-SIMS : principe 74
III.6.3. Matériel et méthodes 74

III.6.3. 1. Préparation des échantillons 74


III.6.3. 2. Équipement 75

III.6.4. Résultats et discussion 75

III.6.4. 1. Alizarine (PM 240) 75


III.6.4. 2. Quinizarine (PM 240) 76
III.6.4. 3. Purpurine (PM 256) 78

III.6.5. Résumé et conclusions 78

III.7. FTIR 79

III.7.1. Introduction 79
III.7.2. Résultats 80
III.7.3. Discussion 86

III.8. Étude spectroscopique des complexes alizarine-aluminium :


Résumé et conclusions 87

III.8.1. Structure et couleur des complexes 87


III.8.2. Stabilité des complexes en solution 88

IV. MÉTHODES D'EXTRACTION ET D'ANALYSES 89

IV.1. Introduction 89
iv

IV.2. Matériel et méthodes 90

IV.2.1. Extraction 90
IV.2.2. Analyse par HPLC 90
IV.2.3. Molécules de référence 91
IV.2.4. Chromatogrammes 91
IV.2.5. Étalonnage 93
IV.2.6. Reproductibilité des analyses 93

IV.3. Extraction par HF/Li+/DTPA 94


IV.4. Rationalisation de la méthode d'extraction : rôle du pH et des ions F-
dans la libération de l'alizarine 96

IV.4.1. Extraction et décomplexation de l'alizarine 96


IV.4.2. Dissociation des complexes en solution par l'éluent H3PO4
lors de l'alnalyse par HPLC 98
IV.4.3. Dissociation des particules de laques en suspension par
l'éluent H3PO4 lors de l'alnalyse par HPLC 100
IV.4.4. Rôles de l'ion F+ et du DTPA 101

IV.5. Résumé et conclusions 101

V. INFLUENCE DE DIFFÉRENTS PARAMÈTRES SUR LA COMPOSITION,


LA COULEUR ET LA STABILITÉ DES LAQUES 103

V.1. Introduction 103


V.2. Préparation des laques et des laines teintes 104
V.3. Résumés des modes opératoires de référence 105
V.4. Rendements des préparations de laques 106

V.4.1. Calcul des quantités de laque attendues 106


V.4.2. Comparaison avec les quantités obtenues 107

V.5. État physique des laques. 109

V.6. Composition chimique des laques 113

V.6.1. Thermogravimétrie : estimation des teneurs en aluminium,


alizarine et eau d'adsorption. 113
V.6.2. ICP : teneurs en aluminium et potassium 116
V.6.3. HPLC : teneurs en alizarine et autres colorants 121

V.7. Couleur et cordonnées colorimétriques 126

V.7.1. Introduction 126


V.7.2. Exemples : spectres et coordonnées colorimétriques de la
laque RT2 et d'une laine teinte de référence 131

V.7.2.1. Spectres de réflectance 132


v

V.7.2.2. Spectres d'absorbance. 132


V.7.2.3. Diagrammes rg et xy 133
V.7.2.4. Diagrammes a*b* 135

V.7.3. Effet de l'état physique des échantillons


(poudres pressées ou fixées sur filtre) 136

V.7.4. Composition et couleur des laques d'anthraquinones


de synthèse 142

V.7.4.1. Alizarine 142


V.7.4.2. Purpurine 146
V.7.4.3. Quinizarine 147
V.7.4.4. Mélanges d'anthraquinones 148
V.7.4.5. Acide rubérythrique 149
V.7.4.6. Discussion 150

V.7.5. Composition et couleur des laques d'extraits de Rubiacées 153

V.7.5.1. Température du bain d'extraction 156


V.7.5.2. Extraction sélective de la pseudopurpurine :
"laque de Kopp" 157
V.7.5.3. Macération des racines dans l'eau avant extraction
des colorants 158
V.7.5.4. Composition et pH du bain d'extraction 159
V.7.5.5. Nature de la base utilisée pour la précipitation 160
V.7.5.6. Intérieur ou écorce de la racine 161
V.7.5.7. Laques de colorants récupérés de laines teintes 162
V.7.5.8. Genre et espèce de Rubiacées utilisées 163
V.7.5.9. Laques d'extraits de Rubiacées :
résumé et conclusions 166

V.8. Résistance au vieillissement 167

V.8.1. Évolution dans les diagrammes xy et a*b* 167


V.8.2. Vitesse de décoloration et grades de résistance 173
V.8.3. Composition après vieillissement 175

V.9. Composition, couleur et stabilité des laques : résumé et conclusions 177

V.9.1. État physique et composition 177


V.9.2. Couleur et photodégradation 177
V.9.3. Conclusions 178

VI. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS GÉNÉRALES 179

V.1. Résumé 179


vi

V.1.1. Structure chimiques des laques


d’hydroxyanthraquinones 179
VI.1.2. Stabilité thermodynamique des complexes et implications
pour les méthodes d’analyse des laques 180
VI.1.3. Composition, propriétés et couleurs des laques
d’anthraquinones de synthèse et d’extraits de
Rubiacées 180
VI.1.4. Résistance au vieillissement 181

VI.2. Conclusions 182

VII. BIBLIOGRAPHIE 185

ANNEXES:

A1. MATÉRIEL ET MÉTHODES 199

A1.1. Origine des plantes, des échantillons de référence et des réactifs 199

A1.1.1. Plantes 199


A1.1.2. Anthraquinones de référence 199
A1.1.3. Laque de garance commerciales 200
A1.1.4. Réactifs 201

A1.2. Préparation des laques et autres échantillons 202

A1.2.1. Six modes opératoires de référence:


Aliz4, AD-Aliz1, RT2, RT-L1, RT17, RT27 202
A1.2.2. Autres modes opératoires. Aliz0, RT19, RT26 204
A1.2.3. Liste des échantillons préparés au laboratoire 205

A1.3. Méthodes de caractérisation et d'analyse 208

A1.3.1. UV-vis spectrophotométrie 208


A1.3.2. ES-MS 208
A1.3.3. ToF SIMS 208
A1.3.4. FTIR 208
A1.3.5. HPLC 209
A1.3.6. Granulométrie par diffraction de la lumière 209
A1.3.7. Microdiffraction des rayons X 210
A1.3.8. Surface spécifique (BET) 210
A1.3.9. Analyse thermogravimétrique (TGA) 211
A1.3.10. ICP - AES 211
A1.3.11. Microspectrophotométrie en refléxion (colorimétrie) 212
A1.3.12. Vieillissement accéléré (Xenotest) 212
vii

A2. TEXTES ANCIENS CONCERNANT LA GARANCE 215

A2.1. Vitruve (Ier s. av J.C): 218


Chapitre XIV. Couleurs obtenues par teinture à partir de végétaux

A2.2. Papyrus de Stockholm (IIIe s.): 218


recette 112. Teinture en rose 218
recette 159. Teinture en pourpre à la garance 218

A2.3. Mappae Clavicula (entre le VIIe et le XIIe s.) : 218


Chap. clxxv. Pandius et Chap. clxxxviij. Item 219

A2.4. Théophile (fin XIe - début XIIe s.):


Liber III, Cap. XCIV. Staining Bone Red 219

A2.5. Jehan Le Bègue (1431):


183. As before. - You make the same sinopis in
a different manner 219
LII. [242] On the mixture of colors, and what the colors
are, particulary lakes, which are used for want of other
colors 220
LV. [245] Of lakes ; and how they are made of various
substances in various manners 220

A2.6. Violon Varnish (1550 - 1750):


Fermentation of Madder 220
Preparation of Potassium Rosinate Solution 221
Preparation of Red Aluminium Rosinate 221

A2.7. Neri A. (1612) :


Cap. CXVI. Lacca di Chermesi per pittori 221
Cap. CXVII. Maestra per cavare il colore dal chermesi 222
Cap. CXVIII. Laccha del Verzino, & della Robbia, assai bello 223

A2.7.1. Traduction anglaise par Christopher Merrett (1662):


Chap. CXVIII Lake of Brasil and Madder very fair 223
A2.7.1. Traduction allemande par Johanes Kunckel (1689):
Das 118. Chapitel. Im 118. Chapitel 224

A2.8. Marggraf M. (1753) : 224

A2.8.1. Diderot D. & D'Alembert M. (1777) :


Lacque artificielle. Laque rouge fort durable, propre à la
peinture, secret perdu, retrouvé par M. Margraff 224

A2.8.2. Pfingsten J. H. (1789):


Verfertigung einer dauerhaften rothen Farbe für die
Maler, welche verlohren gegangen war und wieder
entdeck ist: von Herrn Markgraf 227
viii

A2.9. de Massoul C. (1797): Lake from vegetables substances 227

A2.10. Tingry P. F. (1803) :


Laque N°2 - Laque carminée extraite de la Garance 228

A2.10.1. Edition anglaise de Tingry P. F. (1830) :


Carminated lake from Madder 228
Another process for Madder Lake 229

A2.11. Marcucci L. (1816) :


Cap. I. Delle lacche vegetabili, Lacca rossa di Robbia 229

A2.12. Leuch J. CH. (1829) : Action de la lumière, encre rouge 230


A2.13. Mérimée J.-F.-L.(1830) : Laque de garance 230
A2.14. Schmidt CH. (1857): Kraplack 234
A2.15. Goovaerts A. (1896) : Ordonnances faictes pour les paintres
et voiriers de la ville et cité de
Tournay Art. 44 235
A2.16. Perkin A.G. / Everest A.E. (1918) :
Kopp's Process for the Extraction of Madder 237
Commercial Preparations of Madder 237
Madder lakes 238

A2.17. Schweppe H. / Winter J. (1997):


Purpurine madder lake. D'après Pubetz A.(1872) 239
Madder Lakes. D'après De Puyster B.(1920) 239
Rose madder (pink madder). D'après Cohn C. (1930) 240
Alizarine lake. D'après Wagner H. (1939) 240

A3. UTILISATION DE LA GARANCE DANS LES ŒUVRES D'ART 241

A4. SPECTRES ET FORMULES DES COMPOSANTS DE RT 245

A5. SPECTRES OBTENUS PAR TOF-SIMS 251

A6. RECHERCHE D'UNE MÉTHODE D'EXTRACTION PRÉSERVANT LES


PRÉCURSEURS 259

A6.1. Hydrolyse par HCl 259


A6.2. Hydrolyse par acide trifluoroacétique 261
A6.3. Extraction par les solvants seuls 263
A6.4. Extraction par les agents chélatants 263
A6.5. Extraction par les agent chélatant / Li2CO3 / HF/DTPA 265
A6.6. Résumé 266

A7. APPLICATION DE LA MÉTHODE LIF /HF/DTPA À QUELQUES


ÉCHANTILLONS DE GLACIS PRÉLEVÉS DANS DES ŒUVRES D'ART 267
I. INTRODUCTION : OBJET ET PLAN DE CE TRAVAIL

I.1. Garance, teintures et laques (II)

La garance des teinturiers, Rubia tinctorum L., est une plante de la famille des
Rubiacées.
Les différents colorants présents dans les Rubiacées appartiennent à la famille
chimique des anthraquinones : ils ont tous le même squelette de base, auquel
s'ajoutent des groupements (hydroxyles, glycosiles, carboxyles ...) qui en modulent
les propriétés et les couleurs. Les deux plus célèbres sont l'alizarine et la purpurine
(fig. I.1). La découverte d'une voie de synthèse de l'alizarine par Graebe et
Lieberman en 1868 peut être considérée comme un des principaux fondements
historiques du développement de la chimie organique et de la production de
colorants synthétiques.

O O OH O OH
8 1 OH
OH
7 9 2

6 10 3
5 4
O O O OH
(a) (b) (c)

Fig.I.1. Structures chimiques de l'anthraquinone (a), de l'alizarine (b) et de la


purpurine (c).

La garance a été utilisée à travers les siècles pour teinter des tissus. La belle teinte
rouge a été obtenue le plus souvent par un mordant à l'aluminium (alun) qui forme
avec les colorants des complexes qui se fixent sur la fibre de textile ou précipitent
et sédimentent dans le fond du bain. Ce sédiment présentant les qualités esthétiques
de la teinture à la garance offre en outre l'avantage d'être insoluble et de pouvoir
par conséquent être utilisé comme pigment organique - laque (cfr § II.2 où sont
discutées les différentes significations des termes "laque" et "pigment"). Comment
ne pas voir là l'origine de l'usage de la laque de la garance dans les arts picturaux ?
Pline décrit les habitudes des teinturiers tyriens (Tyr, actuel Liban), qui séchaient
l'écume collectée dans le bain de leurs cuves et vendaient au prix fort la poudre
pourpre aux peintres. Au XVIIe siècle encore, les teinturiers vénitiens laissaient
2

évaporer les bains épuisés pour obtenir les laques utilisées par les artistes
(Caniparius, 1619).
On connaît par les textes diverses applications dans les arts décoratifs: craie
imbibée de son extrait (Vitruve); os, ivoire, corne teints par bain (Théophile);
résine de lierre colorée par cuisson en sa présence (Jean Le Bègue) en sont des
exemples (cfr annexe 2).
On serait tenté de considérer, vu la pauvreté des sources, que l'emploi de la garance
comme pigment n'avait pas une grande importance à une époque où pourtant sa
place dans la vie économique et culturelle, particulièrement dans le domaine de la
teinturerie, laisse supposer le contraire. L'absence de recettes de laques de garance
avant le XVIIe siècle (Neri, 1612), alors que la littérature contemporaine offre
nombre de recettes de laques d'autres sources, telles que le brésil, le kermès ou la
gaude, intrigue de la même manière.
L'apport de la chimie à la connaissance des matériaux et des techniques artistiques
a depuis lors permis de confirmer l'intuition selon laquelle la laque de garance était
bel et bien utilisée depuis l'Antiquité et les exemples ne manquent pas (cfr annexe
3).
Au XIXe siècle, des chimistes comme Chaptal (1809) ou Russel (1892) suggèrent
d'après leurs analyses la présence de garance dans des pigments gréco-romains,
mais leurs résultats restent cependant à prendre avec précaution, car leurs
méthodes d'analyses ne permettaient pas de séparer les constituants d'un mélange.
Les techniques d'analyse chromatographique ont donné un nouvel essor à
l'identification des colorants présents dans les laques. Masschelein (1967, 1968) a
développé une méthode d'analyse des laques par chromatographie en couche
mince (TLC) et confirmé la présence d'alizarine et de purpurine dans des peintures
et sculptures médiévales de nos régions (Didier et al, 1990). Ensuite une méthode
d'extraction et d'analyse quantitative par la chromatographie liquide à haute
pression (HPLC), développée pour les colorants des textiles (Wouters, 1985,
1989), appliquée à une série d'échantillons de laques anciennes, nous a également
permis de détecter ces deux colorants dans des couches picturales (Sanyova, 1993;
Sanyova/Wouters, 1993; Kirby/White, 1996; Sanyova, 1999). L'HPLC est à l'heure
actuelle la technique la plus utilisée pour les analyses des laques et des colorants de
textile. Elle permet aussi la comparaison entre les proportions d'alizarine et de
purpurine dans des laques et dans des teintures anciennes (Wouters, 1987, 1990,
1993). Sur les fibres on trouve en général plus d'alizarine, réputée plus stable au
vieillissement, que de purpurine. Par contre dans les échantillons de laques
anciennes on trouve plus de purpurine que d'alizarine et il n'est pas exceptionnel
qu'on trouve des laques de garance qui ne contiennent que de la purpurine (Kühn,
1990b et 1993; Sanyova/Wouters, 1993; Karmous et al, 1995 et résultats non
publiés)
Les raisons de ces différences de composition entre teintures et laques restent à
déterminer. Une hypothèse serait l'utilisation d'espèces végétales différentes,
comme le suggèrent les interprétations d'analyses de textiles par Schweppe (1976),
Masschelein/Maes (1978), Hendriks (1989) ou Wouters (1993) qui ont montré la
présence de purpurine mais pas d'alizarine. Il se peut aussi que ces différences
trouvent leur origine dans l'âge (Hill/Richter, 1937) ou les conditions de culture de
la plante, ou dans la méthode de préparation des laques (Kopp, 1864; Kühn,
1990b).
Il est également possible que la purpurine, identifiée après une hydrolyse acide
dans les échantillons, se trouve dans les laques (ou les fibres) sous forme de
3

pseudopurpurine, laquelle est aussi stable à la lumière que l'alizarine (Saunders,


1990; Schweppe/Winter, 1997). Afin de pouvoir vérifier cette hypothèse, il faut
utiliser une méthode d'extraction plus douce qui n'affecte pas les anthraquinones
aux groupements susceptibles d'être hydrolysés : carboxyle ou glycosyle (chapitre
IV).

I.2. Définitions : laques, pigments, complexes, chélates

Les mots "laque" et "pigment" peuvent être pris dans de nombreux sens différents,
et il faut, avant d'aller plus loin, définir ceux qui leur sont donnés ici.
Le mot laque peut signifier : résine végétale (laque de Chine), colorant et résine
d'origine animale (laque indienne, gomme laque) ou pigment organique composé
d'un substrat inorganique (par exemple l'alumine) sur lequel est fixé le colorant.
D'autres significations encore sont dérivées des trois premières. Les laques de
garance dont il est question ici ne sont ni des vernis, ni des résines colorées mais
bien des pigments organiques formés par la complexation et l'adsorption du
colorant organique sur un substrat inorganique, le plus souvent des précipités
d'alumine.

Le mot pigment, du latin pigmentum, possède les définitions suivantes selon les
domaines où il est employé: substance colorée produite par un être vivant
(hémoglobine, pigment biliaire, urinaire, etc.) - en biochimie, matière colorante
végétale (chlorophylle, anthocyanines) - en botanique et matière colorante
insoluble dans l'eau, couleur en poudre - en peinture
A nouveau ces différentes significations sont distinctes : la chlorophylle, par
exemple, est un pigment au sens de la première définition mais pas de la troisième,
puisqu'elle est soluble dans l'eau. Le pigment artistique est insoluble dans le liant
avec lequel il forme la peinture.

Même en partant d'une signification donnée, les spécialistes de différents domaines


ont tendance à remodeler la définition en fonction de leur approche et de leurs
centres d'intérêt propres, de la peinture à la botanique en passant par la chimie.

Il y a un certain consensus sur le sens des mots pigment et laque dans le cadre de la
technologie des colorants. Herbst et Hunger (1993) séparent les colorants en
teintures et pigments, selon qu'ils sont appliqués sous forme dissoute ou insoluble,
et les pigments en inorganiques et organiques ou laques. Une définition plus
élaborée est donnée par Taylor et Marks (1966) : une laque est un pigment
insoluble dans l'eau, formé, à partir d'un colorant quelque peu soluble dans l'eau,
par un processus de chélatation ou de formation d'un sel, processus dans lequel la
présence d'un substrat est nécessaire et ce substrat forme une partie intégrante du
produit final.

Zollinger (1991) propose "sels, insolubles dans l'eau, de colorants ("dyes")


anioniques ou cationiques", définition qui met déjà plus l'accent sur l'aspect
chimique, c.- à.- d. la formation de sels ou complexes cation-colorant, et néglige le
substrat décrit dans la définition précédente.
4

Pour les bio- et phytochimistes, les mots "colorant" et "pigment" sont souvent
synonymes, comme on peut le voir par exemple dans la description par Harborne
(1988) des anthocyanines comme des pigments solubles dans l'eau intensément
colorés.

Nous adoptons dans ce travail la définition de Taylor et Marks (1966) donnée ci-
dessus, selon laquelle le mot laque désigne un pigment constitué d'un sel ou un
complexe cation-colorant, et du substrat, ici l'alumine.

Il est encore utile de rappeler qu'un "complexe" est une association de plusieurs
molécules ou ions, p. ex. ici une ou deux molécules d'alizarine, probablement
déprotonées, et un ion Al+++. Un "chélate", du mot grec signifiant pince de crabe,
est un complexe dans lequel la molécule organique n'est pas liée au cation par une
seule mais par plusieurs liaisons. On dit p. ex. que l'EDTA est en agent chélatant
ou agent complexant "hexadentate", parce que, à pH suffisamment élevé, il forme
simultanément, par ses quatre carboxylates et ses deux atomes d'azote, six liaisons
avec le cation. Grâce à ces multiples liaisons, les chélates sont plus stables que les
complexes monodentates correspondants.

I.3. Complexes antraquinones-aluminium (III)

Dans le cas présent, les "complexes" dans les laques que nous étudions sont des
associations entre anthraquinones et aluminium, dans lesquelles selon toute
probabilité un ou plusieurs hydroxyles ont perdu leur proton au profit d'une liaison
avec l'aluminium. Il est plus que probable qu'il s'agit de chélates bidentates, mais la
question de savoir quels seraient les deux groupements impliqués dans le cas de
l'alizarine est une des controverses les plus anciennes de la chimie, et n'est pas
encore tranchée.

Récemment encore, les travaux de Soubayrol (1996) et ceux de Wunderlich (1993)


les ont amenés à des conclusions opposées à ce sujet (cfr § III.2). Dans la structure
proposée par Soubayrol, le "site de complexation" des complexes alizarine-
aluminium comprendrait un groupement carbonyle et le groupement hydroxyle le
plus proche. Dans celle déterminée par Wunderlich par diffraction des rayons X, il
ne comprendrait pas de carbonyle, mais bien les deux hydroxyles voisins. Les deux
structures globales proposées ont ceci en commun qu'elles sont de stœchiométrie
2:4 (Al2aliz4) : elles font intervenir quatre molécules d'alizarine, liées à deux
atomes d'aluminium par un total de huit liaisons, et liées entre elles par des liaisons
secondaires. Il faut cependant noter que, dans les deux cas, les conclusions sont
basées sur des "laques" préparées spécialement en fonction des techniques
analytiques envisagées : par exemple celles de Wunderlich étaient en fait des
complexes purifiés et recristallisés pour les rayons X. De plus l'aluminium avait été
ajouté non pas en excès comme cela se fait d'habitude, mais en rapport 1:2 par
rapport au colorant. Il est donc loin d'être certain que ces structures, même si elles
ont été correctement interprétées, soient représentatives des laques.
Il reste donc de nombreuses questions concernant la structure et la stabilité des
complexes d'alizarine et d'aluminium, par exemple :
5

- le site de complexation comprend-il un hydroxyle et un carbonyle, ou deux


hydroxyles ?
- se peut-il que ces deux sites coexistent, ou existent chacun dans certaines
conditions ?
- si les deux sites peuvent se former, en quoi leurs propriétés spectroscopiques, et
en particulier leurs couleurs, différent-elles ?
- en quoi les complexes dans les solides diffèrent-ils des complexes dans la
solution aqueuse à partir de laquelle la laque est précipitée ?
- dans les laques, l'alizarine est-elle "chimisorbée" (fixée par des liaisons semi-
covalentes à un atome d'aluminium constitutif de l'alumine) ou "physisorbée" sous
forme de complexe (simple adsorption physique du complexe aluminium-alizarine,
entité indépendante, sur l'alumine) ?
- quels sont les aspects de la structure des complexes qui sont indispensables à leur
couleur, et quels sont ceux qui au contraire peuvent varier en fonction des
conditions, sans affecter leur potentialités à l'utilisation comme laque ?
- est-il possible de mesurer la stabilité de ces complexes, en vue d'une part de
contribuer à l'élucidation de leur structure par comparaison avec des complexes
connus, et d'autre part de mieux connaître les conditions susceptibles de les
dissocier et les extraire des laques à analyser ?

Dans le troisième chapitre de ce travail, nous essayons d'apporter des éléments de


réponse à ces questions par l'étude des complexes en solution diluée (spectres UV-
visible), dans les gels élastiques formés dans certaines conditions (spectres de
masse ES-MS) et dans des laques - pigments, c.à.d. plus riches en aluminium qu'en
colorant (spectres FTIR et spectres de masse SIMS).

I.4. Extraction des colorants présents dans les laques (IV)

Une application directe d'une meilleure connaissance de la stabilité des complexes


est la nécessaire mise au point d'une méthode d'extraction douce, susceptible de
décomplexer l'aluminium et ainsi libérer les colorants, sans hydrolyser ceux-ci,
pour pouvoir les analyser par HPLC. Cette extraction se fait généralement à l'aide
d'un acide concentré (HCl 6 M), à pH inférieur à zéro. Ce pH est largement
suffisant pour, par simple compétition entre ions H+ et Al+++, entraîner la
dissociation des complexes en solution, mais ne suffit pas toujours à dissocier tous
les complexes pris dans la laque, et surtout conduit à l'hydrolyse des plusieurs
colorants potentiellement présents dans les laques de garance, ne laissant
principalement que l'alizarine et la purpurine.

Le chapitre IV. montre comment, grâce à l'addition d'agents destinés à complexer


l'aluminium, on peut utiliser un pH plus élevé (pH 1,5-2). Cette méthode préserve
les colorants que HCl 6 M aurait hydrolysé, et donne en outre de meilleurs
rendements dans l'extraction de l'alizarine.
6

I.5. Composition, couleur, et vieillissement des laques (V)

L'outil nouveau que constitue la méthode d'extraction douce décrite plus haut
permet une analyse plus fine de la composition des laques de garance, et de
l'influence de différents paramètres sur leur composition, leur couleur et leur
vieillissement.

Pour l'historien d'art, il est important de disposer non seulement de résultats


d'analyse détaillés et fiables, mais aussi des points de comparaison et des critères
d'interprétation permettant, à partir de ces résultats d'analyses, d'inférer les
techniques picturales passées. Or, peu de choses sont encore connues sur les
relations entre mode de préparation des laques et espèce végétale utilisée d'une
part, composition, couleur et résistance au vieillissement d'autre part.

Le cinquième chapitre de ce travail décrit la préparation, dans différentes


conditions, d'une série de laques d'anthraquinones de synthèse et d'extraits de
diverses Rubiacées, la caractérisation de leur composition et de leur couleur, et une
étude exploratoire sur les paramètres affectant leur résistance au vieillissement.

I.6. Annexes

Afin d'alléger le texte, un certain nombre d'éléments ont été reportés en annexe.

L'annexe 1 donne la liste complète des échantillons décrits dans le texte, le détail
des modes opératoires de préparation de référence et leurs variantes, et les
conditions expérimentales des spectrométries et autres techniques de
caractérisation.

L'annexe 2 décrit quelques "recettes" de préparation des laques trouvées dans les
textes historiques.

L'annexe 3 donne la liste des œuvres d'art dans lesquelles une laque de garance a
été identifiée par différentes méthodes d'analyses.

L'annexe 4 donne les spectres UV-visible et les formules chimiques des différents
composants de la garance cités dans le texte et/ou analysés par HPLC-UV.

L'annexe 5 donne les spectres de masse des colorants et des laques obtenues par
ToF-SIMS.

L'annexe 6 décrit certaines observations complémentaires faites lors de la


recherche d'une méthode d'extraction appropriée.

L'annexe 7 est une liste d'échantillons d'œuvres d'art qui ont pu être analysés à
l'aide de la méthode d'extraction décrite dans ce travail.
II. LA GARANCE À TRAVERS LES ÂGES

II.1. Introduction

Jusqu'à la découverte des colorants de synthèse, la garance des teinturiers, a été


dans nos régions la principale source de colorant rouge. Connue depuis l'antiquité,
elle a autrefois été cultivée sur de grandes étendues et constitué un enjeu
économique important. On la trouve encore de nos jours à l'état sauvage, surtout
dans les environs des anciennes aires de culture (Cardon/Chatenet, 1990;
Delamare/Guineau, 1999). Elle est cultivée localement à la demande des artistes,
pour la préparation des laques1, ou des pharmaciens, qui l'utilisent pour certains
médicaments (Krizsán et al., 1996).

L'intérêt pour cette plante s'est ravivé ces dernières années dans le cadre de la
recherche de colorants naturels en chimie alimentaire, bien qu’elle s'avère ne pas
être totalement inoffensive parce qu'elle contient également des substances
mutagènes, telle la lucidine (Kawasaki et al., 1992; Krizsán et al., 1996). L'extrait
aqueux n'est toutefois pas mutagène.

La plupart des noms utilisés pour désigner la garance proviennent de l'une ou


l'autre racine signifiant "rouge". En latin c'est le mot "rubia" ou " herba rubia "
("rubea"), en grec "erythrodanon" ou "ereuthrodanon", en vieux français
"warantia", "warencia" (André, 1949, 1956, 1985). Merrifield (1849) donne une
série de noms rencontrés dans les manuscrits qu'elle a étudiés: Rubea Tinctoria,
Robbia overo Roza di Fiandra, Sandis, Granza, Garancia, Rubea Major et
Waranz.

Les noms actuels ou récents de la garance sont en néerlandais krap, meekrap, crap,
crapmede, en allemand Krapp ou Färberrothe, en anglais madder, en italien robbia,
en espagnol rubia.

Dans les pays méditerranéens on appelle la racine de garance lizari ou alizari, de


l'arabe al'-usàra, "le jus" (Cardon/Chatenet, 1990; Schaefer, 1941). Ce mot a donné
son nom à l'alizarine, le colorant principal de la garance.

L'alizarine et d'autres colorants de la garance des teinturiers peuvent également être


obtenus à partir de divers autres espèces de la famille des Rubiacées? Souvent
d'ailleurs le même nom est utilisé pour plusieurs espèces voisines. Aussi par

1
On peut acheter des racines de garance séchées et broyées dans les établissements suivants:
Droguerie Le Lion, Kremer, Senelier
8

exemple dans l'antiquité romaine le mot expressif "lappa" désignant plusieurs


plantes grimpantes dont la garance des teinturiers (R. tinctorum), la garance
sauvage (R. peregrina) et le gratteron (Galium aparine L.) (André, 1985).
Aujourd'hui encore en Bosnie-Herzegovine, une certaine confusion règne à ce
propos : un même nom pourrait désigner la garance sauvage, l'aspérule des
teinturiers et plusieurs espèces de gallium (Cardon/Chatenet, 1990). Les
spécialistes en chimie des colorants tels que Schweppe et Winter (1997) ou Kirby
(1996), regroupent donc sous le nom de laque de garance (madder lake) des laques
des Rubiacées.

II.2. Description botanique

La famille des Rubiacées comprend environ six mille espèces, regroupées en cinq
cents genres. Dans nos régions, les rubiacées sont représentées par les six genres
Rubia, Galium, Asperula, Vaillantia, Crucinella et Sherardia, avec soixante et une
espèces principales.
La garance est une plante herbacée, vivace, grimpante, commune en Europe
méridionale (Espagne, Italie, Midi de la France). Les tiges droites à section carrée
sont munies d'aiguillons crochus. Les feuilles sont lancéolées, groupées avec les
stipules en verticilles de quatre à six ensembles. Les fleurs très petites, blanc crème
(couleur de miel), sont groupées en cymes à l'aisselle des feuilles au bout de la
tige. Elles fleurissent en juillet. Les fruits sont de petites baies d'abord rouges puis
noires, lisses, brillantes et mûres en septembre. A l'automne la partie aérienne de la
plante meurt. Seule la racine survit. Ces racines, la partie la plus riche en colorants,
sont de section ronde, très ramifiées. Sur la coupe transversale de la racine
(Decaisne 1837, planche 8, fig.6 = ici fig.II.1) on observe quatre parties :

Fig. II.1 Coupe transversale d'une racine de garance,


déssiné par Decaisne (1837), planche 8, fig.6.

a - assise épidermique (écorce, appelée "billon" par les


fabricants)
b - parenchyme cortical, phloème (une espèce de liège,
appelé "aubier des fabricants" )
c - couche des cellules allongées ( vaisseaux propres)
d - système vasculaire, xylème (centre ligneux, cœur )

Les colorants ne sont pas répartis uniformément. Ils se trouvent en plus grande
concentration sous l'écorce, dans le phloème. Les recherches de Hill et Richter
9

(1937) ont également montré que l'alizarine se trouve surtout dans la partie
extérieure du phloème et la pseudopurpurine et rubiadine dans sa partie intérieure.
L'écorce, elle, en contient en quantité plus faible, avec beaucoup de tanins, ce qui
rend les couleurs obtenues plus foncées.
D'autre part, au cours de la vie de la plante, la concentration en colorants
augmente, principalement la pseudopurpurine et l'alizarine, et leur rapport se
modifie au profit de l'alizarine. Hill et Richter (1937) ont observé que dans les
rubiacées en général, l'alizarine ne se trouve pas dans les jeunes plantes et dans les
tiges fines, tandis que la galiosine (précurseur de la pseudopurpurine) y est
abondante.

La qualité du sol et le climat influencent également la composition en colorants


(Leuch, 1829; Decaisne, 1837; le comte de Gasparin, 1857; Schützenberger, 1857;
Boussingault, 1857).
En octobre ou novembre on arrache les plantes âgées d'au moins dix-huit mois,
lorsque les racines contiennent une quantité suffisante de colorants. Dans les
garancières du Midi de la France, on récoltait la racine au bout de trois ans, et en
Iran au bout de sept. Dans le sud de la France les racines sont séchées à l'ombre
pendant trois à quatre jours, puis battues pour les débarrasser de la terre. En
Hollande (Zélande) où il fait humide, elles sont séchées dans des chambres
chauffées. La racine (3 - 6 mm d'épaisseur) est alors brune à l'extérieur et jaune-
orange à l'intérieur, et facile à casser. Après séchage, les racines débarrassées de la
terre sont soit moulues avec leur écorce (garance "robée"), soit séparées d'abord de
celle-ci par battage et moulues ensuite (garance "non robée").

II.3. Cultures anciennes

Pline l'Ancien (Livre XXXIV, chap. LVI, LVII) et son contemporain Dioscoride
signalent que la garance est cultivée dans les champs d'oliviers près de Ravenne en
Italie, et qu'elle y existe aussi à l'état sauvage (Schaefer, 1941). Au VIIIe siècle, le
"Capitulare de villis" témoigne de l'importance accordée à la garance sur les terres
de l'empire de Charlemagne (Leggett, 1944; Brunello, 1973).

À la fin du XVe siècle les Pays-Bas septentrionaux connaissent une standardisation


de la production, ce qui rend la qualité reproductible et leur garance fort appréciée
dans toute l'Europe (Schaefer, 1941; Chenincer, 2000). Á partir du XVIIIe siècle, la
France apparaît comme un concurrent sérieux des Pays-Bas. La production
française représente pendant quelques décennies au XVIIIe siècle la moitié de la
production mondiale (Perkin/Everest, 1918; Schaefer, 1941).

La découverte en 1868 de l'alizarine de synthèse et sa commercialisation mirent un


terme à ces cultures.
10

II.4. Colorants de la garance et chimie organique du XIXe siècle

La structure chimique de base des colorants présents dans la garance est


l'anthraquinone dont les hydrogènes sont substitués par des fonctions comme
hydroxyles, glycosiles, carboxyles, méthyles, hydroxyméthyl... qui modifient les
propriétés chimiques et physique.

Les deux colorants principaux sont l'alizarine et la pseudopurpurine (ce dernier


donne la purpurine par décarboxylation), mais on peut y trouver également de
l'anthragallol, la munjistine, la lucidine, la rubiadine, la xanthopurpurine et d'autres
encore. On trouvera en annexe 3 la liste des composants isolés et identifiés que
nous avons repérés dans la littérature. Ces colorants se trouvent dans la plante, soit
sous forme de glycosides, soit libres. La racine en contient la plus grande
proportion, 2 à 3,5%. Burnett et Thompson (1968) ont isolé 19 anthraquinones
d'une garance de plus d'un an d'âge, mais seulement 4 d'une racine d'un an.
Schweppe (1992) rapporte que Rubia tinctorum L. renferme en totalité 28 dérivés
d'anthraquinone. Cinq d'entre eux sont des O-glycosides: l'acide rubérythrique
(alizarine-2-β-primvéroside, le plus important par sa concentration), la galiosine
(pseudopurpurine-2-β-primvéroside), la rubiadine-3-β-primvéroside, la rubiadine-
3-β-glucoside, et de la lucidine-3-β-primvéroside. Il y a aussi un C-glycoside, la
rubianine (rubiadine-2-C-glucoside). Kawasaki et al (1992) décrivent la séparation,
à partir de l'extrait dans le chloroforme et le méthanol, de vingt molécules, dont
certaines diffèrent de celles citées par Schweppe. Ces molécules ont été identifiées
par ES-MS, RMN et UV-VIS spectrométrie et sont également reprises dans le
tableau en annexe 4.

À coté de ces anthraquinones colorées ou non, la racine produit des métabolites


biologiquement actifs, dérivés de la naphtoquinone (molugin, lapachol méthyle
éther et scopoletin) ou du benzène (3-alkyl ester de l'acide phérulique) (Kawasaki
et al., 1992), ainsi que des enzymes, des tanins, des pectines.

Les anthraquinones de la garance ont été le sujet d'un grand nombre de recherches
scientifiques au XIXe siècle.
Robiquet et Colin sont parvenus à isoler l'alizarine de la garance en 1826, et en
1828 ils ont commercialisé un produit appelé "Garancine", une poudre brune, avec
un pouvoir tinctorial quatre à cinq fois plus élevé que celui de la garance. La
"Garancine" est obtenue par décoction des racines de garance dans de l'acide
sulfurique concentré (Perkin/Everst, 1918; Schweppe/Winter, 1997).

En 1851 Schunck isole un composé qu'il appelle rubiadine, et Rocheler, la même


année, purifie l'acide rubérythrique, dont la formule exacte est définie par
Liebermann et Bergami en 1887 (Perkin/Everest, 1918; Schweppe/Winter, 1997).
Kopp est parvenu en 1861 à séparer la purpurine de l'alizarine par un procédé basé
sur la différence de résistance de leurs précurseurs à l'hydrolyse (Perkin/Everest,
1918, cfr Annexe 2). Son produit, contenant essentiellement de la purpurine, est
commercialisé sous le nom "purpurine de Kopp". Schützemberger et Schiffert ont
démontré en 1864 que ce produit contient non seulement de la purpurine, mais
aussi de la pseudopurpurine, de la xanthopurpurine et de la munjistine.
11

La synthèse de l'alizarine (brevet déposé à Londres en 1869 par Graebe et


Lieberman) a réorienté l'intérêt des chimistes organiciens vers la recherche des
nouveaux colorants, qui allait transformer en industrie l'art de la teinturerie, avec
des implications économiques importantes en Europe (Chenincer, 2000). La
fabrication de l'alizarine est mise au point très vite après la découverte et déjà en
1872 elle représente 50% du chiffre d'affaires total de la production des colorants
en Allemagne. Cette concurrence va ruiner en moins de 15 ans les cultures de la
garance aux Pays-Bas et en France. L'Allemagne devient le principal producteur de
ces colorants et en 1914 cette production représente 88% du marché mondial
(Delamare/Guineau, 1999).

II.5. Teintures, "rouge turc"

La garance a été utilisée à travers les siècles dans l'art des teinturiers, ce dont
témoignent les sources historiques ainsi que les nombreuses analyses de fragments
de textiles.

Elle a été identifiée sur des textiles de la civilisation de la vallée de l'Indus, à


Mohenjo Daro (3000 av. J.C.) (Hofmann, 1989; Chenincer, 2000). Un autre
exemple de son utilisation très ancienne est constitué par les textiles égyptiens des
dix-huitième et vingtième dynasties, entre le XVIe et le Xe siècle av. J.C.
(Schweppe/Winter, 1997; Wouters et al., 1990). D'après Brunello (1973) on
l'utilisait à cette époque avec un mordant d'aluminium. Elle est mentionnée dans
les recettes néo-babyloniennes du VIIe siècle av. J.C. pour la teinture de la laine
(Frinkel).

Au premier siècle de notre ère, Pline l'Ancien, citant son contemporain Dioscoride,
mentionne que la plante appelée "rubia" sert à la teinture des laines et des cheveux,
et au tannage de cuirs (André, 1972). Les recettes de teintures rose et pourpre à la
garance sont aussi données dans le Papyrus de Stockholm (Papyrus Holmiensis) de
la fin du IIIe ou du début du IVe siècle, traduit et discuté par Haleux (1981) (cfr
annexe 2). Plusieurs études ont montré sa présence abondante dans les textiles
coptes (Masschelein-Kleiner/Maes, 1978; Wouters, 1993).

À partir du XIIIe siècle, les manuscrits et les traités contenant les recettes et les
règlements des teinturiers se multiplient. Le plus ancien règlement indépendant des
teinturiers vénitiens "Capitolaribus de Tinctorum" date de 1243, et est suivi par
d'autres règlements de guildes en Italie, France, Espagne, Angleterre, Pays-Bas ou
Allemagne, dont Brunello (1973) donne une description exhaustive. Ces œuvres,
parfois rééditées comme Tbouck vã Wondre, Brussel, 1513 (Braekman, 1986) ou
Plictho de l'arte de tentori, 1548 (Edelstein/Borghetty, 1969), demeurent une
source de renseignements très importante.

Le célèbre "rouge d'Andrinople" appelé aussi "rouge turc" ou "rouge des Indes"
était une teinture de garance sur coton. Les propriétés physico-chimiques des
anthraquinones rendent leur fixation sur le coton aussi difficile qu'elle est facile sur
la laine. Le secret qui permettait de contourner ces difficultés résidait dans la
préparation du coton, et a assuré la prospérité des régions dans lesquelles cette
12

teinture était pratiquée. Il est à noter qu'il s'agit d'une des méthodes les plus
compliquées de teinture connues. La technique, développée en Inde, s'est répandue
via la Perse, l'Arménie, la Syrie jusqu'à la Turquie, il y a mille ans. Elle consiste en
une dizaine de longues opérations y compris la préparation du coton
«...une hallucinante succession de bains d'huile ou de graisse - rances de
préférence - allant, suivant les pays, du suif à l'huile de baleine ou de poisson,
additionnées de cendre de bois et de fiente de mouton, de bouse de vache ou de
crottes de chiens...» (Cardon/Chatenet, 1990).
À partir du XVIIIe siècle, ce procédé est très souvent étudié et les pays qui
maîtrisent son secret se multiplient. Le sujet reste attrayant même pour les
scientifiques du XXe siècle et plusieurs thèses en chimie lui ont été consacrées
(Hoffmann, 1937; Rutishauser, 1940; Kiel/Heertjes, 1963; Roussel, 1984;
Wunderlich, 1993; Soubayrol, 1996)

II.6. Laques

La garance a aussi été utilisée pour la préparation de "laques" de teinte rose, rouge,
brune et pourpre, utilisées comme pigment organique dans l'art pictural. Une
grande confusion règne quant à la définition du mot « laque », comme d'ailleurs du
mot «pigment». Bien que nous ayons déjà très brièvement décrit dans
l'introduction différentes significations possibles du mot "laque", il n'est pas inutile
de revenir à cette question car encore aujourd'hui on rencontre régulièrement un
emploi inapproprié de ce mot.

II.6.1. Terminologie

Le mot « laque » possède trois significations principales auxquelles s’ajoutent des


sens dérivés.
On peut, en résumé, synthétiser de la façon suivante l'étymologie et les définitions
qui en sont habituellement données :

LAQUE (N. f., réfection de lache (1500) est un emprunt à l’arabe lakk, lui même
repris au persan lãk, qui dérive du sanskrit lãksã qui a deux significations : tache
et cent mille (symbole de quantité XIVe s.) (Rey, 1992).

1/ (N.f.) gomme-résine rouge-brun, fournie par des arbres de la famille des


Anacardiacées: Rhus vernicifera (laque de Chine et du Japon) et Rhus succedanea
(laque du Vietnam et de Taiwan) et Melanorrhoea usitata (laque de Birmanie)
(Niimura, Miyakoshi, 1999, Grand Larousse, 1960)
(N.m.) objets d'art préparés à partir de cette résine

2/ (N.f). pigment organique, obtenu par la précipitation d'une matière


colorante organique soluble, naturelle ou artificielle, sur un support généralement
minéral (Roberts/ Etherington, 1999; Kirk/Othmer, 1985).
13

3/ (N.f.) laque - insecte (Kerria lacca Kerr, 1782) une des cochenilles à laque
produisant une substance résineuse colorée par un colorant rouge (laque
indienne) (Cardon/Chatenet, 1990)
(N.m.) masse résineuse sombre produite par la cochenille à laque (sous-
genre Kerria Targioni-Tozzetti, 1884), appelée plus communément gomme-laque
ou "shellac" en anglais (Cardon/Chatenet, 1990; Roberts/Etherington, 1999).

Par analogie le terme s'applique dès le XVIe siècle à un vernis coloré ou à une
peinture transparente (1548), puis aussi à une préparation culinaire de couleur
rouge qui enduit un mets (1896), ainsi qu'à un produit qui fixe la chevelure (1957),
inventé aux États-Unis en 1955 et employé en France dès 1956 (Rey, 1992).

Les ouvrages encyclopédiques plus anciens présentent des notices plutôt confuses.
Ainsi le Dictionnaire universel de Furetière (1690) mélange-t-il allègrement toutes
les acceptions possibles du terme, y compris le sens "grand nombre" du sanscrit.
On y lit en particulier :

«Laque, subst. fém.


Espèce de gomme dont on fait la cire d'Espagne. Elle se fait aux Indes par
un concours d'une infinité de petits moucherons qui s'amassent sur de petits
bâtons gluants qu'on dispose exprès pour les attirer, on les ratisse ensuite.
Il y a aussi une gomme laque qui dégoutte des arbres qui sont dans le pays
de Siam, Cambodge, Peru. On fait de la fine laque de l'extrait ou de la lie,
de la cochenille, qui sert aux teinturiers .»

Plus loin, dans ses explications sur la laque - pigment pour les artistes, Furetière
fait la distinction entre les laques produites naturellement qui se forment au fond
des bains après plusieurs teintures («... la laque naturelle, il s'en fait de la lie et
fondrée2 de plusieurs teintures pour les peintres...»), et les laques artificielles,
préparées à partir d’extraits de plantes et d'insectes subissant des traitement variés.
Cette expression "laque artificielle" sera encore utilisée par Diderot et d'Alembert
un siècle plus tard (1777) (cfr annexe 2).

II.6.2. Laque et teinturiers. Origine de la laque

La préparation de ces "laques artificielles" est sans doute liée à l'art des teinturiers,
et on peut supposer que c'est l'esprit d'économie de ces artisans qui a valorisé les
bains "épuisés" de colorant en faisant sécher les suspensions contenant ces belles
poudres (cfr § I.1). Pline raconte dans son XXXVe livre, chap. XXVI, qu'on
fabrique les couleurs en imprégnant de teinture de la craie en même temps que les
étoffes à teindre en pourpre et que la craie absorbe cette couleur plus vite que la
laine. Ensuite il mentionne de la garance utilisée de la même manière. Ce texte
rappelle la recette de Vitruve (cfr annexe 2), qui aurait pu lui servir de source, car
l'œuvre de Vitruve se trouve citée dans la "bibliographie" de Pline (Livre I) .

2
fondrée n.f. (XVIe s.) ~ Lie, sédiment (Greimas/Keane, (1992), p.299, sub verbo "fondrer").
14

On a fait, dans le passé, l'hypothèse que c'est la teinture à "laque indienne" (laccha
en italien), qui est à l'origine du mot laque - pigment (lacca en italien), parce que
les premières laques provenaient justement des bains de cette teinture. Caniparius,
un écrivain vénitien, décrit en 1619 les pratiques des teinturiers de laisser évaporer
le déchet du bain de laque indienne pour obtenir de la laque artificielle utilisée par
les peintres (Caniparius, 1619; Perkin/Everest, 1918).
Mérimée écrit également : «... Il est assez probable que les premières laques
employées en Europe venaient de l'Inde et provenaient de la résine-laque, très
abondante dans ce pays, et de laquelle on retire une matière colorante pourpre,
fort recherchée aujourd'hui pour la teinture...» (Mérimée, 1830)

Des laques préparées à partir de chutes de textile teint, reprises dans de nombreux
textes médiévaux, témoignent aussi de la collaboration entre les peintres et les
teinturiers. Ces documents sont surtout fréquents entre le XIVe et le XVIe siècle,
spécialement en ce qui concerne le kermès et la cochenille (Neri, 1612; Kirby,
1987; Saunders/Kirby, 1994).

II.6.3. Le "secret" de la préparation des laques de garance

La laque de garance occupe parmi toutes ces laques rouges une position
privilégiée. Elle est considérée comme la plus belle et la plus stable. Mais elle est
aussi la plus difficile à préparer correctement! On s'en rend bien compte, en lisant
les 20 pages de Mérimée (1830) à propos de la préparation de cette laque. Mérimée
tient compte des recherches chimiques contemporaines, il applique de nombreux
procédés d'extraction à l'acide sulfurique, l'acide "muriatique" (HCl) ou au "sous-
carbonate de soude" (NaHCO3), mais il est visiblement dépassé par toutes les
réactions acido-basiques complexes des "matières pourpre, violette et fauve" ou de
la "matière extractive brune" comme il appelle les composants de la garance (cfr
annexe 2, § A2.13).

Les recueils de recettes médiévaux sont avares d'informations à propos des laques
de garance, contrairement à toute attente, vu l'importance de la culture de la plante,
son large emploi en teinture et l'abondance des recettes pour les autres laques
rouges, de la cochenille, de la laque indienne, et surtout pour celles du bois rouge
(Caesalpinia sp.), cependant critiqué pour sa faible stabilité à la lumière.
Les historiens s'accordent à estimer que l'absence de recettes de laque de garance
dans les sources antérieures au XVIIe siècle (recette de Neri en 1612, cfr § A2.7),
ne signifie pas qu'elle n'a pas été employée dans la pratique des artistes
(Diderot/d'Alembert, 1777; Mérimée, 1830; Merrifield, 1849; Thomson, 1937;
Laurie, 1967)
Une explication s'impose tout naturellement, à savoir que la préparation difficile de
la laque de garance, était un secret, soigneusement gardé par les peintres, et
transmis oralement dans les ateliers. Dans les sources, du Xe au XIXe siècle, se
dessine une évolution des pratiques des peintres, qui corrobore aussi cette
interprétation. Mérimée décrit cette évolution de la manière suivante:

« Pendant long-temps, les peintres préparèrent ou firent préparer sous leurs yeux
les couleurs, les huiles et les vernis qu'ils emploient. Les élèves étaient chargés de
15

ce soin: c'est par là que commençait leur apprentissage; de sorte qu'avant de


manier le pinceau, ils étaient déjà instruits de ce qu'il convient de faire pour
rendre la peinture durable. Dans la suite, ces détails devinrent exclusivement
l'occupation de marchands, qui songèrent bien plus à leur profit qu'à la
conservation des tableaux.»

Les manuscrits antérieurs au XVe siècle sont le plus souvent des compilations des
sources précédentes, souvent transcrites par des profanes en la matière, obscures,
dépourvues des détails importants permettant d'obtenir une bonne couleur. La
recette n° 183 du recueil de Jean Le Bègue en est un exemple (cfr annexe 2,
§A2.5).
Au XVIe siècle, lorsque l'imprimerie est déjà bien répandue et que les publications
se multiplient, on remarque la volonté de dévoiler les secrets (Piemontese, 1564;
Merrifield, 18493) et les traités du XVIIe deviennent de plus en plus spécialisés et
théoriques. On voit apparaître les encyclopédies (Furetière, 1690). L'apprentissage
des peintres dans les ateliers disparaît petit à petit au profit d'un enseignement plus
théorique dans les Académies4.
Malgré cette "explosion" des traités au XVIIe siècle, nous n'avons trouvé qu'une
seule recette pour la laque de garance, le n° 118 de l'Arte vetraria de Antonio Neri
(1612). Celle-ci ne donne pas les détails nécessaires pour l'extraction de la garance,
mais est en réalité une adaptation d'une autre recette, celle d'une laque préparée au
départ de laine teinte à la cochenille (cfr annexe 2, § A2.7).
Il faut attendre le milieu du XVIIIe siècle (Margraaf, 1753) pour trouver une laque
de garance bien décrite en détail, qui met en évidence sa différence d'avec les
autres préparations. Cette recette est présentée dans l'Encyclopédie de Diderot et
d'Alembert (1777) sous le titre "laque artificielle", ainsi que dans un traité de
Pfingsten (1789), comme un secret perdu et retrouvé par M. Margraaf (cfr annexe
2, § A2.8).
À la fin du XVIIIe siècle on trouve encore une description abrégée mais bien claire
de la préparation de la garance dans le traité sur l'art de la peinture et de la
composition des couleurs par de Masoul (1797) (cfr annexe 2, § A2.9).
La laque de garance ne perd pas sa position privilégiée au XIXe siècle. Les traités
des couleurs sont abondants et les recettes de laque de garance sont parfois noyées
au milieu de renseignements sur les recherches des chimistes, ce qui rend ces
recettes difficiles à comprendre et à reproduire. Les applications de la recherche
sur la garance, notamment l'isolement des colorants principaux, permettent le
développement de nouvelles laques contenant essentiellement l'un de ces colorants,
celles d'alizarine (préparée au départ de la "Garancine" cfr annexe 2, §A2.16), et
de purpurine et/ou pseudopurpurine (laque de la "Purpurine de Kopp" cfr annexe
2, §A2.16). Après la découverte de la synthèse de l'alizarine puis d'autres colorants,
on commence à disposer des laques de nouvelle génération, qui remplacent les
laques naturelles.
Toutfois les laques de garance n'ont pas tout à fait disparu, et sont fabriquées
encore aujourd'hui, bien sûr en quantité beaucoup moins importante qu'au XIXe
siècle.

3
Manuscrit de Bologne - "Segreti per colori" , Manuscrit de la bibliothèque Marciana de Venise - "
Secreti diversi" .
4
L'Académie Royale de Peinture et de Sculpture à Paris a été créée en 1648, l'Académie des
Sciences en 1666.
16

Aujourd'hui on compte sous le nom "laques de garance" les laques provenant de la


Rubia tinctorum L. et des espèces voisines (Kirby/White, 1996 ; Chenciner, 2000),
d'un mélange de garance et d'alizarine synthétisée, ainsi que de l'alizarine, de la
purpurine ou de la pseudopurpurine isolées de la garance ou synthétisées
(Schweppe/Winter, 1997; Color Index, 1971). Elles sont classées dans le "Color
Index" (1971) dans deux groupes de colorants, C.I. Pigment Red 83 , n° 58.000:1
et C.I. Natural Red 9. Dans ce dernier paragraphe on trouve la description des
laques du XIXe siècle: la laque de la "Garancine" (n° 75330) et la laque de
"Purpurine de Kopp" (n° 75420). Elles sont utilisées pour préparer les couleurs
artistiques (aquarelles, crayons), les encres d'impression, les vernis colorés. Elles
sont employées aussi pour la coloration des plastiques, des dentifrices ou en
cosmétologie (Color index, 1971).

II.6.4. Utilisation des laques de garance comme pigments artistiques

Les hypothèses sur l'utilisation des laques de garance avant le XVIIIe siècle ne sont
toutefois pas fondées uniquement sur ces rares informations et les déductions que
l'on peut tirer de l'existence du commerce de la garance.
On dispose, à ce sujet, de plus en plus souvent de renseignements provenant des
études actuelles de laques provenant des œuvres d'art. Les méthodes analytiques et
leur fiabilité ont évolué depuis les premières analyses qui datent du XIXe siècle, de
la microchimie en passant par les méthodes spectroscopiques (UV-vis, IR, Raman),
puis vers les méthodes chromatographiques, permettant de séparer les composants
(cfr § I.1).
Dans la liste chronologique d'analyses publiées qui ont mis en évidence la présence
de la laque de garance (cfr annexe 3), on voit qu'elle était utilisée comme fard
cosmétique à Carthage au IIIe siècle av. J.C. (Karmous et al., 1995), ou comme
pigment au IIIe siècle av. J.C. en Grèce (Wallert, 1995) et à Corinthe au IIe siècle
av. J.C. (Farnsworth, 1951). Elle a été identifiée parmi les pigments dans la
boutique d'un marchand de couleurs à Pompéi (Schweppe/Winter, 1997), et sur des
peintures murales à Stabies près de Naples et à Vaison-la-Romaine en Provence
(Guichart et al., 1990; Barbet, 1997). On peut également trouver la laque de
garance parmi les matériaux de l'ancienne Égypte (Lucas, 1934; Horak, 1998).
Ensuite, la garance a été identifiée dans les pigments d'enluminures françaises des
XIIe et XIIIe siècles, étudiés par Flieder (1968). Masschelein a identifié par TLC
(Serck et al., 1978) une laque de garance sur une sculpture du XIIIe siècle5. Un
nombre plus important d'œuvres des XIVe - XVe siècles ont été soumises à
l'examen de laboratoire et on a constaté que les laques de garance sont
régulièrement présentes dans les glacis rouges ou les couches roses et violettes.
D'après Kirby et White (1996) la garance était le colorant le plus important en
Europe du Nord (Flandre, Hollande, Allemagne) aux XVe et XVIe siècles, ce que
confirment nos analyses de retables anversois et bruxellois de cette période
(Sanyova/Wouters, 1993) ainsi que les nombreuses analyses de peintures et de
sculptures allemandes (Kühn, 1985; 1990a; 1990b; 1993; Brachert et al., 1981;
Taubert, 1978). Au XVIe siècle, on remarque plus fréquemment, à coté de la

5
La sculpture en bois polychromé remonte aux alentours de l'an Mil. Les polychromies des XIe et
XIIe siècles ne comportent que des pigments minéraux, au XIIIe siècle apparaissent des glacis
(couches transparentes colorées) contenant de la laque rouge.
17

garance, la présence d'un autre colorant, comme du kermès, de la cochenille ou du


bois rouge (Kirby/White, 1996, Sanyova/Wouters, 1993).
Les analyses des substrats sont malheureusement moins souvent présentées. Les
laques égyptiennes ont pour substrat le sulfate de calcium (Lucas, 1934; Horak,
1998) et les laques gréco-romaines de l'alumine (Farnsworth, 1951). Les laques
régulièrement trouvées dans le peintures et les polychromies de nos régions
contiennent de l'alumine et du carbonate de calcium6.

II.6.5. Préparation de la laque de garance - procédé

La grande diversité de nuances des laques de garance, due à leur mode de


préparation, est mentionnée par les fabriquants de pigments et de peintures pour les
artistes, par exemple Watin (Baudrimont, 1882) Blockx (1922). On y lit:
«…La laque de garance est une combinaison de la matière colorante de la
garance avec l'alumine; elle se trouve dans le commerce à l'état rose, rouge, brun.
Sous le nom de laque de Smyrne, on vend des produits remarquables par leur
éclat, leur transparence, leur solidité; il y en a de roses, de pourpres, de brunes, de
jaunes, avec toutes les nuances intermédiaires.»
(Baudrimont, 1882)

«…laques de garance rose, rouge, pourpre - composées d'alumine et du principe


colorant de la racine de garance ou alizarine.
La nuance des laques de garances naturelles varie du rose pâle jusqu'au rouge
sang intense; les unes sont plus pourprées que les autres, suivant leur mode de
fabrication et la qualité des racines employées. »
(Blockx, 1922)

Ils n'ont, bien sûr, pas dévoilé leurs secrets, mais il est clair que les paramètres de
la préparation jouent une rôle décisif dans l'obtention de la couleur et de la teinte
d'une laque de garance.
La préparation de ces laques comprend en général l'extraction des colorants de la
plante ou du textile teint, la complexation (ou formation d'un sel) de ces colorants
avec un métal et la fixation de ce complexe / sel sur un substrat. Le précipité
(laque) est ensuite lavé, filtré et séché. Le schéma de cette préparation est esquissé
dans la figure II.2.

6
Ce carbonate de calcium est partiellement transformé en sulfate de calcium par la réaction avec le
sulfate d'aluminium (cfr § I.6.5.2)
18

1/ Extraction
extraction des précurseurs solubles
dans l'eau, déglycolysation de ces
précurseurs en aglycones

2/ Complexation
complexation des aglycones avec
un cation métallique (Al3+, Fe3+,
Cr3+, Ca2+, Ba2+…)

3/ Fixation sur un substrat


précipitation du substrat (alumine,
gypse, blanc fixe) en présence de
colorant ou addition du substrat
préparé (craie)

4/ Rinçage, séchage et broyage


filtration du précipité, rinçage,
séchage et broyage

Fig. II.2.
Schéma de préparation d'une laque de garance.

II.6.5.1. Extraction

C'est sans doute la première phase, à savoir l'extraction, qui est la plus complexe. Il
est probable qu'antérieurement au XVIIIe siècle, avant que ne puisse être appliquée
l'approche scientifique à ce problème, il était difficile d'obtenir une bonne qualité
de laque de garance. Il était beaucoup plus aisé d'extraire des colorants d'autres
sources biologiques, telles que cochenille, kermès, bois rouge, leur teinte n'est pas
aussi nuancée, et d'ailleurs les recettes de ces laques antérieures au XVIIIe s. ne
manquent pas. Au XIXe siècle, l'isolement des anthraquinones de garance et
l'influence des conditions de l'extraction sont de mieux en mieux comprises.
Le choix de la plante, la durée, la température ou le pH du bain d'extraction,
peuvent modifier la quantité et la composition des colorants extraits, et donc
affecter la qualité de la laque.
Quant à la plante, c'est son âge, sa provenance ou la partie utilisée qui vont
conditionner la composition qualitative et quantitative des extraits. La garance de
Hollande était très recherchée et souvent recommandée dans les recettes, car la
rigueur dans sa culture garantissait la reproductibilité de la bonne qualité de la
plante. De plus, le tamisage des racines séchées broyées permettait de séparer
l'écorce de l'intérieur des grosses racines. Leuch (1829) décrit les fractions des
produits hollandais ainsi:
« Onberoofder. Composée de toute la racine de la garance, de bois et écorce.
Twee en één. Composée de 2/3 de la racine, et 1/3 de partie extérieure.
Eén en één. Composée d'égale partie de racine entière et de partie intérieure
seulement.
19

Mullen ou korte. Poussière de vannage, qui est principalement composée de


poussière de l'écorce et des petites racines. Elle n'est pas aussi bonne pour le
rouge; elle est ordinairement employée pour les noirs et les bruns.»

La durée d'extraction, la température et le pH influencent l'importance des


réactions enzymatiques et affecte l'extraction d'autres substances, comme par
exemple les tanins.

On sait déjà que les colorants qu'on cherche à extraire se trouvent dans la plante
sous forme glycosidique (cfr annexe 4). Le glycoside le moins résistant à
l'hydrolyse enzymatique est la galiosine, qui est transformée en pseudopurpurine
(0,005mg de racines extrait dans 3 ml d'eau à 18°C) en moins de 20 minutes,
(Hill/Richter, 1937). Vient ensuite le primvéroside de la lucidine. Le précurseur le
plus stable est l'acide rubérythrique. A température élevée (100°C) ou à pH acide,
les enzymes sont dénaturés. La déglycosilation est donc chimique, et beaucoup
plus lente que la déglycolysation enzymatique. Une température élevée peut
également provoquer la décarboxylation de la pseudopurpurine en purpurine, qui
est moins stable à la lumière, et modifier ainsi la stabilité de la laque finale.

Les aglycones libérés par hydrolyse enzymatique ou chimique sont très peu
solubles dans l'eau et précipitent. Une extraction prolongée peut ainsi diminuer le
rendement final de l'extraction, suite à l'adsorption des aglycones sur les débris des
racines et leur élimination par la filtration. Inversement une température élevée lors
de l'extraction augmente le rendement final, en favorisant l'extraction des
glycosides tout en inhibant leur hydrolyse et la précipitation des aglycones.

Les traités et les manuscrits du XIVe au XVIe siècle mentionnent souvent une
extraction indirecte, à partir de déchets de textiles teints à la cochenille ou au
kermès. Comme on ne dispose d'aucune recette de laque de garance de cette
période, on ne peut que faire l'hypothèse que cette méthode a été également
appliquée aux teintures de garance. On peut poursuivre ce raisonnement et estimer
que les difficultés liées à l'extraction des matières indésirables de la plante
pourraient être résolu par cette technique indirecte. En effet, la laine mordancée à
l'aluminium et plongée dans un bain avec des racines de garance fixe uniquement
les molécules susceptibles se complexer avec ce métal. Dans un deuxième temps,
la récupération des colorants se fait par dissolution en milieu basique et
précipitation sous forme de laque par addition de sulfate d'aluminium.
Il est vrai aussi que cette méthode d'extraction indirecte est plus économique, car
on utilise les chutes de textile et on limite les pertes de colorant.
L'influence de ces deux modes d'extraction sur la stabilité des laques à la lumière a
été étudiée à la National Gallery de Londres par Kirby et Saunders (1994). Selon
eux, les pigments préparés directement à partir des sources biologiques seraient
plus stables que ceux préparés à partir de déchets de textile.

II.6.5.2. Substrats et mordants

Gettens et Stout (1966) notent que les vraies laques sont précipitées sur les
substrats transparents tel que l'alumine, craie ou gypse, mais aujourd'hui, par
20

extension du mot "laque", on inclut parmi les substrats d'autres matériaux au faible
pouvoir couvrant, par exemple le sulfate de baryum (blanc fixe), l'oxyde de zinc
(blanc de zinc) et l'oxyde d'étain.
Les recettes de laques de garance du XVIIe au XIXe siècle que nous avons
consultées indiquent presque toujours de l'alumine comme substrat, à l'exception
de l'encre de Leuch (1829), qui met un peu de craie dans l'extrait de garance
comment le rapportent déjà Vitruve au Ier siècle av. J.C. et Heraclius au Xe s. (cfr
annexe 2, § A2.1 et A2.5).

Nos analyses de routine de laques prélevées dans des œuvres d'art, montrent
souvent la présence de calcium à côté de l'aluminium.
Il est intéressant de donner un exemple de ce type de laque, trouvé sur une
polychromie du retable anversois d'Opitter (1540), dans le manteau d'un soldat du
"Couronnement d'épines". Les analyses indiquent que le substrat est de la craie et
le mordant (métal complexant), de l'aluminium. Les complexes colorant-
aluminium sont ainsi adsorbés à la surface de la craie. Sur la photo (figure II.3) de
la coupe transversale d'un échantillon prélevé sur la pièce mentionnée plus haut, on
observe un gros grain de carbonate de calcium (+/-100 µm) dont la surface, est
rouge.

Fig. II.3.
Coupe transversale d'un grain du
carbonate de calcium (manteau
d'un soldat du retable sculpté d'Opitter).

Les analyses par SEM EDX (figure II.4) montrent que cette coloration rouge
coïncide avec la présence d'aluminium. On voit également du soufre, (sous forme
de sulfate de calcium), disposé de manière discontinue à la surface du grain.

a b c

Fig. II.4. Cartes de répartition du calcium (a), de l'aluminium (b) et du soufre (c) sur la
coupe de la figure II.3.
21

On peut supposer sur base de ces analyses que cette laque est un exemple du
procédé particulier de préparation dans lequel, au lieu de neutraliser le mélange de
colorants et d'alun par une base soluble, on y ajoute de la craie. Celle-ci devient
alors le substrat, sur lequel se fixent les complexes de colorants et d'aluminium et
dont la surface est partiellement transformé en sulfate de calcium. Nous n'avons
jamais rencontré une recette décrivant une telle procédure pour la laque de garance,
bien qu'il n'en manque pas pour d'autres colorants. Il est possible que les auteurs
des recettes qui recommandent d'ajouter de la craie dans l'extrait de garance sans
passer par la complexation avec l'aluminium (Vitruve, Heraclius et Leuch, cfr
annexe 2), omettent de dire une chose "évidente pour eux", à savoir que cet extrait
contient déjà de l'alun, mais cela reste une hypothèse.

Dans la plupart des cas, depuis Neri (1612) jusqu'à De Puster (1920) (cfr l'annexe
2) le mélange de colorants et d'alun est neutralisé par une base soluble (carbonate
de sodium, de potassium ...), ce qui entraîne la précipitation de l'aluminium en
excès sous forme d'alumine. Celle-ci est alors le substrat, à la surface et/ou dans la
masse duquel se fixent les complexes colorés. Dans les procédés modernes
(Wagner, 1939; Taylor/Marks, 1966; Patton, 1973; Color index, 1971), l'alumine
est d'ailleurs précipitée avant l'addition du colorant. Pour modifier le substrat, on
ajoute parfois du chlorure de baryum. Le baryum précipite les sulfates de
l'aluminium, et ce précipité de BaSO4, lui-même un pigment appelé "blanc fixe",
fait partie du substrat. On remplace parfois le BaCl2 par du CaCl2 : on obtient alors
un précipité de gypse (CaSO4), constituant de la laque appelé "satin white"
(Taylor/Marks, 1966).

Al2(SO4) 3 + 3 Na2CO3 + 3 H2O → 2 Al(OH) 3 + 3 Na2SO4 + 3CO2


3 Na2SO4 + 3 BaCl2 → BaSO4 + 6 NaCl

On peut remplacer le sel d'aluminium par d'autres, comme par exemple le sel
d'étain (IV), de baryum, de fer (III), de plomb, de magnésium, de calcium ou de
cuivre. On obtient alors des laques des couleurs suivantes: rose (Sn), pourpre (Ca,
Ba, Pb), brun-noir (Fe), violet (Mg) ou jaune (Cu) (Soubayrol, 1996; Pratt, 1947).
D'autres métaux que l'aluminium sont introduits dans l'industrie des teintures au
XVIe siècle, et leur utilisation augmente progressivement aux siècles suivants. Pour
les laques, cette pratique ne commence qu'à la fin du XVIIIe siècle, et reste moins
fréquente (Kirby, 1987). Dans notre série de recettes, le premier procédé, qui
conseille d'utiliser l'étain pour faire une laque de garance et pernambouc, est celui
de Gürth, cité par Schmidt en 1857. On trouve encore des exemples d'addition
d'acétate de plomb à l'extrait de garance dans des procédés décrits par Tingry
(1803) et par Perkin et Everest (1918).
La présence de fer, impureté naturelle de l'alun était à éviter, justement parce qu'il
est complexé préférentiellement par l'alizarine, et lui donne une couleur brun-noir.
Même en faible quantité, il assombrit le rouge brillant des laques de garance. Deux
variétés d'alun commercial sont le plus souvent citées: l'alun de Rome, le plus pur,
et l'alun de roche, considéré comme impur (Baudrimont, 1882).

Dans la littérature moderne sur les pigments organiques (Pratt, 1947; Patton,
1973), et bien que les recettes de préparation en soient absentes, on trouve
l'énumération de laques d'alizarine contenant différents cations et donnant les
couleurs suivantes: aluminium (rouge), fer (brun noir), étain (rouge), calcium
22

(pourpre rouge), magnésium (violet). Les couleurs des laques de garance données
par Schweppe et Winter (1997) diffèrent légèrement des précédentes, mais
correspondent à celles trouvées dans le Color Index (1971): rouge et orange pour
l'aluminium, rouge et rouge bleuâtre pour le calcium, pourpre et violet pour le fer.

II.6.6. Falsification

Les recherches destinées à définir la composition des différentes sortes de produits


de garance (racines moulues ou laques) mises sur le marché, afin d'en évaluer la
qualité, ont mis en évidence différentes falsifications.
Baudrimont (1882) donne dans son encyclopédie de la falsification la liste des
matériaux utilisés à cette fin. Des racines entières ou en poudre ont été
additionnées d'eau, de brique pilée, d'ocre rouge ou jaune, de sable, de sciure de
bois, de bois de campêche ou de brésil, de garance déjà utilisée ... Parmi les
falsifications de laques de garance, on retrouve des laques de bois rouge, ou bien
des laques rehaussées avec du carmin et de la laque carminée (Baudrimont, 1882).
III. ÉTUDE SPECTROSCOPIQUE DES COMPLEXES
D'ANTHRAQUINONES ET D'ALUMINIUM

III.1. Introduction

Le contexte et les objectifs principaux de cette étude spectroscopique ont été déjà
été décrits dans l'introduction générale : il s'agit de déterminer si possible la
structure ("site de complexation") du ou des complexes formés, et de mesurer leurs
constantes de stabilité. Ces deux questions sont liées, puisque la stabilité des
complexes dépend de la nature et du nombre des liaisons, et donc du site de
complexation. Rappelons que celui-ci serait selon certains auteurs constitué par le
carbonyle (O-9) et l'hydroxyle (déprotoné) le plus proche (O-1), selon d'autres par
les deux hydroxyles (O-1 et O-2, déprotonés). Dans la suite de ce texte, nous
appellerons "céto-phénolate" et "diphénolate" ces deux sites de complexation
hypothétiques.

-
Al +++
a/ Al +++ b/ O O
- -
O O O
OH

Fig. III. 1. Sites de complexation "céto-phénolate" (a) et "diphénolate" (b).

Ce chapitre commence par une brève étude bibliographique des différentes


structures qui ont été proposées pour les complexes d'alizarine et d'aluminium.

Suit un rappel théorique sur les complexes, leurs équilibres, l'influence du pH et les
diagrammes de spéciation. L'interprétation des résultats expérimentaux de l'étude
par spectrométrie UV-visible est basée sur certaines propriétés de ces diagrammes
de spéciation.

Les complexes aluminiques sont rouges, alors que la forme acide (H2aliz) est
jaune. Il est donc aisé de déterminer, par spectrométrie UV-visible ou par simple
observation visuelle, dans quelles conditions de pH et de concentration en
aluminium les complexes peuvent se former en solution aqueuse diluée. Les
diagrammes de spéciation expérimentaux ainsi obtenus peuvent nous donner à la
24

fois la formule (AlHaliz++, Alaliz+ ...) et la constante de stabilité des complexes


formés dans différentes conditions.

La structure des complexes n'est pas nécessairement la même dans les laques et
dans les solutions aqueuses diluées. Au départ d'une solution plus concentrée
(alizarine : sodium : aluminium en rapport molaire 2:1:1), nous avons obtenu un
gel élastique, ce qui implique que des polymères ont été formés. Les spectres de
masse (ES-MS) de ce gel confirment ce fait et permettent de déduire la
composition des complexes formant les "chaînons" de ces polymères. Enfin, des
laques sous forme solide ont été étudiées par spectrométrie infra-rouge (FTIR) et
par spectrométrie de masse (SIMS). En SIMS (Secondary Ion Mass Spectrometry),
le solide est bombardé par des ions lourds tels que Ga+, qui éjectent de la surface
du solide des fragments de celui-ci, analysés par le spectromètre de masse. En
FTIR, les positions de celles des bandes de vibration qui sont influencées par
l'environnement du carbonyle peuvent, par comparaison avec les spectres d'autres
anthraquinones, donner des informations sur le site de complexation.

III.2. Complexes alizarine-aluminium : étude bibliographique

En 1893 Liebermann (Gerstner, 1959), sur base du fait que la quinizarine,


contrairement à l'alizarine, ne serait pas un colorant "à mordant"1, a conclu que
l'aluminium dans ses complexes avec l'alizarine était lié simultanément aux deux
fonctions phénols déprotonées (site de complexation que nous appelons
diphénolate, (fig. III.2) plutôt qu'aux fonctions carbonyle en C-9 et phénolate en C-
1 (site céto-phénolate).
AlOH
O O
O

Fig. III. 2. Structure du complexe alizarine-


aluminium proposée par Lieberman
O en 1893.

Cette hypothèse aurait pu être confirmée ou infirmée par le caractère à mordant ou


non de l'hystazarine (2,3-dihydroxyanthraquinone), mais cette molécule n'était pas
disponible à l'époque. Il faut d'autre part mentionner que les différents auteurs ne
s'accordaient pas toujours sur le caractère mordant ou non des colorants. Dans la
revue de Gerstner (1959) on voit que Noelting (1902) considère comme mordants
aussi bien la quinizarine que l'hystazarine, alors que Bucherer les range parmi les
"non-mordants".

En 1911 Pfeiffer a montré que, en solution dans le benzol, l'étain sous forme de
SnCl4 se liait, avec élimination d'une molécule d'HCl et donc déprotonation de la
fonction hydroxyle, à une série de molécules porteuses d'un site de complexation
1
le caractère "à mordant" d'un colorant est son aptitude à former un chélate avec un métal
complexant, le "mordant"
25

de type céto-phénolate hexagonal (ortho-hydroxy-acétophénone, alizarine,


quinizarine) mais pas à la méta-hydroxy-acétophénone, ni à l'hystazarine (fig.
III.3), pourtant potentiellement porteuses d'un site de type diphénolate.

SnCl3
O O O
OH

o-hydroxy-acétophenone m-hydroxy-acétophenone

SnCl 3
O O O
OH OH

OH
O O
alizarine hystazarine

Fig. III. 3. Fixation ou non du SnCl4 (en solution dans le benzol avec élimination de HCl), en
fonction de la présence ou non d'un hydroxyle en position ortho par rapport au
carbonyle, selon Pfeiffer (1911).

Inversement, lors de la recristallisation des hydroxyanthraquinones à partir d'une


solution dans la pyridine, les molécules telles que l'alizarine, la purpurine et
l'hystazarine, qui ont toutes un hydroxyle en position C-2, fixent une molécule de
pyridine, alors que la quinizarine n'en fixe aucune. Pfeiffer en a conclu que
l'hydroxyle en C-2 est beaucoup plus acide que celui en C-1, à cause de la
stabilisation de ce dernier par la formation d'un pont hydrogène avec le carbonyle
proche (cycle hexagonal, analogue à celui formé avec l'aluminium).
Or les complexes d'alizarine et d'étain préparés par Pfeiffer coloraient la soie et la
laine grâce au caractère hydrophobe de celles-ci, mais pas le coton. La teinture
d'alizarine sur coton, célèbre sous le nom de "rouge d'Andrinople", est constituée
non seulement d'alizarine et d'aluminium, mais aussi de calcium. Pfeiffer a donc
avancé l'hypothèse que l'aluminium serait lié au carbonyle et à l'hydroxyle en C-1
(site céto-phénol), tandis que le cation neutraliserait l'hydroxyle en C-2 et jouerait
un rôle important dans la fixation du complexe sur le coton.

En 1937 Hoffman a obtenu dans la pyridine un précipité de micro-cristaux, auquel


il a attribué une structure (fig.III.4) dans laquelle deux complexes [Al(aliz)2]+ sont
liés l'un à l'autre par trois ions calcium, via des liaisons (O-2)-Ca-(O-2) et Al--OH-
Ca--OH-Al. Deux molécules de pyridine et sept molécules d'eau complètent la
formule.
26

O O

N H2O

O Ca O
O O
H2O H O H2O O O
2
HO HO
Al Ca Al
HO HO
O O H2O H2O O O Fig. III. 4.
O Ca O Structure du complexe de
l'alizarine - aluminium -
N
calcium cristallisé dans la
H2O
pyridine, selon Hoffman
O O (1937).

Partant de l'hypothèse que le rouge d'Andrinople devrait avoir une structure


chimique bien définie et donc idépendant du mode de préparation, Fierz-David et
Rutishauer (1940) ont préparé des laques en milieu aqueux aussi bien
qu'organique, et ont proposé une structure (fig.III.5) assez proche de celle de
Hoffman mais avec une seule liaison Al-O-Ca par atome d'aluminium, au lieu de
deux.

O O

H2O
O Ca O
O O O O
H 2O

H 2O Al O Ca O Al H2O

O O H 2O O O Fig. III. 5.
Structure du complexe
O Ca O
alizarine-aluminium-calcium
préparés en milieux aqueux
et organique, proposée par
Fierz-David et Rutishauser
O O (1940).

Kiel et Heertjes (1963) ont jugé cette stoechiométrie (Al : alizarine : Ca 2:4:3) et
l'existence de liaisons Al-O-Ca-O-Al peu probables, et ont étudié la composition et
les propriétés de laques purifiées. La structure qu'ils en ont déduite (fig. III.6) est
de stoechiométrie Al:alizarine:Al (1:2:1) ([Al(aliz)2(OH)(H2O)].Ca)). L'aluminium
-
y est lié de manière covalente au carbonyle et au phénolate en C-1, à un ion OH et
une molécule d'eau. La liaison entre le calcium et le phénolate en C-2 n'est
qu'ionique, et n'implique pas de position bien définie pour l'ion calcium.
27

Fig. III. 6.
Structure du complexe alizarine-
aluminium-calcium préparé en
milieux aqueux, selon Kiel et
Heertjes (1963).

Le modèle de Kiel et Heertjes a fait autorité pendant de nombreuses années, mais


plus récemment Wunderlich (1993) et Soubayrol (1996) ont tous deux proposé des
structures dans lesquelles deux complexes [Al(aliz)2]- sont liés l'un à l'autre par des
ponts d'oxygène ("µ-O-" et "µ-OH") entre les atomes d'aluminium ( fig.III.7).

O OH
Al Al Al Al
OH
O

Fig. III. 7. Ponts "µ-O-" (a) et "µ-OH" (b) des structures proposées par Wunderlich
(1993) et Soubayrol (1996) pour le complexe alizarine-aluminium

Dans la structure proposée par Wunderlich (1993), le site de complexation de


l'aluminium est le diphénolate, tandis que la sphère de coordination du calcium
englobe le carbonyle (O-9) et l'hydroxyle en O-1 (fig. III.8). Cette structure a été
proposée sur base des diagrammes de diffraction des rayons X de monocristaux
obtenus dans le diméthylformamide.

Fig. III. 8.
Structure du complexe
alizarine- aluminium-
calcium crystallisé dans le
DMF, proposée par
Wunderlich (1993).

Inversement, dans le modèle de Soubayrol (fig.III.9), chaque ion Al est lié à deux
dianions d'alizarine par leurs sites "céto-phénolates", et chaque molécule
d'alizarine est liée à une molécule de l'autre complexe (Al(aliz)2)- par des liaisons
carbonyle (O-10) - eau - phénolate (O-2). La charge résiduelle (4-) du cœur du
28

complexe [(Al(aliz)2)-2(OH)-2]4-, due à la déprotonation des hydroxyles en O-2, est


compensée par p. ex. quatre ions Na+, dont deux contribueraient à la stabilité des
complexes en s'intercalant entre les cycles aromatiques superposés de deux
molécules d'alizarine ("sandwich benzénique", fig.III.10).

Fig. III. 9.
Structure du complexe
alizarine-aluminium- sodium
préparé en milieux aqueux
et dans le methanol,
proposée par Soubayrol
(1996).

Fig. III. 10.


Vue en perspective d'une moitié de la structure
proposée par Soubayrol (cfr fig. III.9) :
ion Na+ en "sandwich benzénique" et ponts H2O
entre molécules d'alizarine.

De Hoffman à Soubayrol, toutes les structures proposées l'ont été sur base
d'échantillons qui avaient été soit préparés en milieu organique soit purifiés jusqu'à
l'obtention de laques qui peuvent être très différentes de celles obtenues par les
méthodes traditionnelles, en milieu aqueux et en présence d'un excès d'aluminium.
Certains auteurs estiment que la ressemblance de couleur garantit la
représentativité de leurs laques purifiées, mais il est connu que par exemple la
couleur dépend essentiellement du cation multivalent au cœur du complexe (Al,
Fe, Cr...) et que la nature du cation secondaire alcalin ou alcalino-terreux
l'influence peu (Gerstner, 1959, référence 19). Il est dès lors évident que certains
détails de la structure globale du complexe peuvent être changés sans pour autant
modifier la couleur. Il faut donc essayer d'établir la limite entre les caractéristiques
essentielles des laques, responsables de leurs couleurs, et leurs caractéristiques
secondaires, qui peuvent varier avec le mode de préparation.

Dans la présente étude, nous essayons entre autres de tracer cette limite, et de
vérifier si le site de complexation est de type céto-phénolate ou diphénolate
29

III.3. Rappels théoriques : complexes, stabilité et spéciation

Les structures et les propriétés des chélates en solution aqueuse sont très bien
décrites et expliquées par exemple dans le livre de Chaberek et Martell (1959).
Nous nous limitons ici à rappeler quelques définitions et notions indispensables
pour la discussion.

III.3.1. Définitions :
Complexes, ligands, chélates, degré de complexation, spéciation

Le mot "complexe" peut, selon le domaine particulier de la chimie dans lequel il


est utilisé, désigner des entités très différentes : associations molécule-molécule,
molécule-ion, ion-ion, en phase liquide, gazeuse, et même solide.

Le point commun de ces différents complexes, en phase liquide ou gazeuse, est


qu'ils sont des associations spontanées et réversibles. Il y a donc généralement
équilibre entre complexes et ions ou molécules libres.

Cette définition des complexes par leur caractère réversible ne s'applique bien sûr
qu'aux phases liquide ou gazeuse. Quand on parle de complexes en phase solide,
c'est généralement parce qu'il s'agit de précipités d'associations considérées en
solution comme des complexes.

On appelle "ligands" les molécules (NH3, RCOO-...) ou anions inorganiques (F-,


CN-...) associés au cation. Dans une même molécule il peut y avoir plusieurs
groupements distincts liés simultanément au cation. On parle alors de ligand
bidentate, tridentate, etc. Par exemple, l'EDTA4-, un des agents complexants les
plus puissants connus, est un ligand "hexadentate" grâce à ses quatre fonctions
carboxylates (RCOO-) et ses deux fonctions amines (R3N), et doit à ces six liaisons
l'exceptionnelle stabilité de ses complexes. On appelle "chélate", du mot grec
signifiant pince de crabe, tout complexe formé d'un cation et d'un ligand bi- ou
multidentate.

Le § III.3.2 rappelle de manière qualitative l'influence de la nature et du nombre de


liaisons de complexation sur la stabilité des complexes en solution aqueuse. Le §
III.3.3 est consacré aux aspects quantitatifs des équilibres de complexation, et
montrent comment on peut, qu'on s'intéresse au cation ou au ligand, prévoir dans
quelles conditions de pH et concentrations l'espèce majoritaire sera la forme libre
ou tel ou tel complexe. Cette spéciation est loin de se réduire à une curiosité
académique : les équilibres de complexation, d'autant plus subtils que le plus
souvent plusieurs cations et ligands différents sont en présence, sont d'une
importance fondamentale aussi bien dans de nombreux processus biologiques
(l'hémoglobine et la chlorophylle, pour ne citer qu'elles, sont des chélates) et
environnementaux (séquestration ou transfert de cations, dans le sol et les eaux, par
les acides humiques, les citrates, etc.), que dans des procédés industriels (tannage,
certaines polymérisations, pigments ...) et analytiques (titrages de cations).
30

III.3.2. Stabilité des complexes : nature et nombre des liaisons de


complexation

Les grandes différences entre les constantes de stabilité des différents complexes
s'expliquent essentiellement par la nature des liaisons (degré de covalence), et par
leur nombre (effet chélate).
Les liaisons sont souvent décrites comme électrostatiques (ioniques), semi-
covalentes, ou purement covalentes, tout en sachant que la composante
électrostatique n'est jamais nulle quand les entités associées sont des ions (Al3+,
H+, F- ...) ou des dipôles (H2O, NH3 ...).

On dit qu'une liaison est semi-covalente, lorsque des orbitales du ligand et du


cation se recombinent entre elles, ce qui permet à certains électrons d'occuper des
orbitales plus basses en énergie que celles du cation et du ligand pris séparément.
Ces recombinaisons d'orbitales modifient souvent les spectres (UV-vis., RPE ...)
du ligand et/ou du cation, ce qui permet de les détecter et les étudier. L'énergie
totale de complexation, dans des complexes à caractère semi-covalent, peut être
décomposée en une composante électrostatique et une composante semi-covalente.

Les cations alcalins et alcalino-terreux forment des liaisons purement ioniques. Par
contre les métaux de transition et d'autres cations comme Al3+, forment avec divers
ligands des liaisons semi-covalentes plus ou moins fortes, et leurs constantes de
complexation sont généralement beaucoup plus élevées que celles des alcalino-
terreux.

Pour un même ligand, la stabilité des complexes suit généralement les tendances
suivantes :
- selon la charge : monovalents << divalents < trivalents
- parmi les divalents : alcalino-terreux << Fe < Co < Ni < Cu
- parmi les trivalents : Al < Fe

Les constantes de complexation des alcalino-terreux et surtout des alcalins sont


généralement tellement faibles que la complexation peut être négligée. Les chélates
tels que ceux de l'EDTA4- font exception grâce aux nombre élevé de liaisons
(quatre liaisons ioniques simultanées). Même dans ce cas, les constantes de
stabilité sont beaucoup plus faibles que quand il y a liaison semi-covalente : log
K(M-EDTA) = log ([M-EDTA(4-n)-]/[Mn+].[EDTA4-]) = 10,6 (Mn+ = Ca2+), 18,8 (Cu2+),
et 16,1 (Al3+).

Pour un même cation, on observe généralement les tendances suivantes :


- selon les fonctions chimiques :
carbonyle << éther, alcool < ion carboxylate < amine < ions énolate et OH-
- selon le nombre de liaison (effet chélate):
monodentate < bidentate

La première séquence est valable surtout pour les métaux de transition : l'ion Al3+,
contrairement à ceux-ci, n'a qu'une très faible tendance à se lier aux ligands azotés.
On constate que la stabilité des complexes croît avec la basicité des ligands. Les
ligands peu basiques comme les alcools et les éthers forment avec les cations des
liaisons dont l'énergie diffère peu de celle des liaisons d'hydratation. Rappelons
31

que toute complexation en solution aqueuse correspond en fait au déplacement


d'une ou plusieurs des molécules d'eau d'hydratation du cation par le ligand, même
si on omet généralement ces molécules d'eau dans l'écriture de la réaction. Par
exemple la complexation de l'ion Al+++ par un alcool, écrite de manière simplifiée

Al+++ + ROH Al(ROH)+++


correspond en fait à

Al(H2O)6+++ + ROH Al(ROH)(H2O)5+++ + H2O

L'énergie libérée par cette réaction étant très faible, la formation des complexes
alcool - cation est négligeable. La complexation n'est importante qu'avec les
ligands basiques (RNH2, RCOO-, RO-…). Pour ceux-ci le proton entre en
compétition avec le cation multivalent et il se formera en fonction des cations soit
le complexe soit la forme acide du ligand (RNH3+, RCOOH, ROH…).

Les éventuelles modifications des spectres, soit du ligand soit du cation, donnent
d'abord l'information qualitative qu'il y a bien modification des orbitales et donc
liaison semi-covalente. Elles peuvent ensuite donner des informations plus précises
sur la nature et la stabilité de ces liaisons, soit directement par la nature de l'effet
spectroscopique observé, soit indirectement en permettant de mesurer le degré de
complexation dans différentes conditions, et donc la valeur de la constante de
stabilité. Celle-ci permet bien souvent, par comparaison avec d'autres complexes
connus, d'élucider la nature exacte de la ou des liaisons.

III.3.3. Équilibres, constantes et diagrammes de spéciation

Le degré de complexation à l'équilibre est déterminé par la "loi d'action des


masses", traduite mathématiquement par la constance du rapport entre
concentrations de complexe et de molécule et ion libres. Ce rapport est appelé
"constante de complexation", ou encore "de formation", "de stabilité", ou
"d'association". Pour le complexe Al-EDTA cette constante est définie par
KAl-EDTA = [AlEDTA-] / [Al3+].[EDTA4-].

Les constantes ainsi définies en termes de concentrations (mole/L) varient avec


entre autres la force ionique de la solution. On les appelle parfois constantes
conditionnelles, pour les distinguer des constantes dites "vraies". Dans ces
dernières les concentrations sont remplacées par les activités, égales aux
concentrations multipliées par les coefficients d'activité, qui sont fonction surtout
de la force ionique. Dans le cadre de ce travail, seules les constantes
conditionnelles sont utilisées, et leurs unités (mole/L, ...) sont omises.

On utilise aussi parfois la constante "de dissociation" ou "d'instabilité", définie


comme l'inverse de la constante d'association.

L'analogie entre constante de dissociation et constante d'acidité n'est pas que


formelle : de bien des façons la protonation, l'association entre le proton et la base
A (p. ex. NH3, CH3COO-), peut être considérée comme un cas particulier de
complexation, et la compétition entre les ions H+ et les autres cations pour
32

s'associer aux molécules basiques joue un rôle central dans les subtils équilibres de
complexation en solution.

III.3.3.1. Effet des concentrations sur la répartition en formes libres ou


associées

Une des notions de base de la chimie des solutions aqueuses est qu'un acide faible
comme l'acide acétique (fig. III.11) sera, en solution aqueuse, majoritairement sous
forme protonée à pH acide ([CH3COOH] > [CH3COO-]) et déprotonée à pH
basique ([CH3COO-] > [CH3COOH]), et que l'égalité entre ces deux formes
([CH3COOH] = [CH3COO-]) sera atteinte quand le pH sera égal au pKHA (= -log
KHA), en d'autres termes quand la concentration [H+] sera égale à la constante de
dissociation KHA.

1.0
CH3COOH CH3COO
-

0.8

0.6 [A] / ([A]+[HA]),


degré de déprotonation

0.4 [HA] / ([A]+[HA]),


degré de protonation

0.2 pH = pK(HA->H+A) = 4,75

0.0
0 2 4 6 8 10
pH

Fig. III. 11. Spéciation de l'acide acétique en fonction du pH.

L'équivalent pour les complexes (fig. III.12) est que la molécule complexante ou
ligand "L" (RNH2, RCOO-...) sera majoritairement sous forme de complexe ([ML]
> [L]) ou sous forme libre ([L] > [ML]), selon que la concentration en cation "M"
libre (Ca2+, Cu2+, Al3+...) sera supérieure ou inférieure à une certaine limite, égale à
nouveau à la constante de dissociation, c.-à-d. à l'inverse de la constante
d'association :

[ML] > [L] ⇔ [M] > 1/KML

Pour donner un exemple concret :

[AlF++] > [F-] ⇔ [Al+++] > 1/KAlF = 10-6,1 mol/L


33

Inversement le cation sera lui aussi majoritairement sous forme libre ou sous forme
de complexe (fig.III.13), selon que la concentration en ligand libre est inférieure ou
supérieure à la même constante d'association :

[ML] > [M] ⇔ [L] > 1/KML

ou, dans l'exemple,

[AlF++] > [Al+++] ⇔ [F-] > 1/KAlF = 10-6,1 mol/L

1.0
- ++
F AlF

0.8

0.6 [L] / ([L]+[ML])


[ML] / ([L]+[ML])

0.4

+++
0.2 log [Al ] = - log K(Al+F->AlF) = - 6,1

0.0
-10 -8 -6 -4 -2 0
+++
log [M] (log [Al ])

Fig. III. 12. Spéciation du fluor en fonction de log [Al+++].

1.0
+++ ++
Al AlF

0.8

0.6

[M] / ([M]+[ML])
[ML] / ([M]+[ML])
0.4

-
0.2 log [F ] = - log K(Al+F->AlF) = - 6,1

0.0
-10 -8 -6 -4 -2 0
log [L] (log [F-])

Fig. III. 13. Spéciation de l'aluminium en fonction de log [F-].


34

Une conséquence pratique de ces relations est que, si par exemple le degré de
complexation du cation peut être mesuré grâce à une différence entre les spectres
UV-visible du complexe et de la forme libre, comme c'est parfois le cas avec les
métaux de transition (Cu2+, Ni2+...) la constante d'association est donnée par la
concentration en ligand au "virage", c.-à-d. au point auquel [ML] = [L] :

[ML] = [M] ⇔ [L] = 1/KML

Inversement si c'est le degré de complexation du ligand qui peut être mesuré grâce
à une modification de son spectre UV-visible, comme c'est le cas avec les
complexes aluminium-alizarine, la constante d'association est donnée par la
concentration en cation au "virage", du jaune au rouge pour les complexes
aluminium-alizarine :

[ML] = [L] ⇔ [M] = 1/KML

III.3.3.2. Effet de la dilution

Un autre point commun entre dissociation acide et dissociation de complexes est


que, toujours suite à la loi d'action des masses, un acide autant qu'un complexe est
d'autant plus dissocié que la solution est diluée.

La figure III.14 montre le degré de dissociation de l'acide fluorhydrique (HF, pK =


3,2) en fonction de la concentration totale, en l'absence d'autre soluté et d'autre
réaction, ce qui implique que tous les ions H+ proviennent du HF et donc que [H+]
= [F-]. On peut aisément montrer que, dans ces conditions ([H+] = [F-]), à
l'équilibre ([H+].[F-] = K.[HF]) et au "virage" ([F-] = [HF]), la concentration totale
([F-]+[HF]) est égale à deux fois la concentration en protons (HFtot = [F-] + [HF] =
2.[F-] = 2.[H+]). Donc les courbes de HF et F- se croisent à log HFtot = log K + log
2 = -3,2 + 0,3 = -2,9. Bien sûr la condition [H+] = [F-] n'est plus strictement
respectée quand il y a autoprotolyse de l'eau (pH ~ 7) ou, si la solution est en
équilibre avec l'atmosphère (dissociation de l'acide carbonique dissout (pH ~
5,65)). On peut voir sur la figure III.16. que les corrections pour l'autoprotolyse et
la carbonatation font plafonner le pH à ~7 et ~5,65 respectivement, mais
n'affectent pas de manière visible les courbes de répartition [F-]/[HF], qui se
croisent à pH beaucoup plus faible.
35

1.0
+ -
H,F HF

0.8

8
-
0.6 F HF
auto
proto
lyse
(pH
-> 7) 6
0.4 carbonatation
(pH -> 5,65)

log K (HF->H+F) = -3.2 log K (HF->H+F) + log 2 = -2.9


(pK = 3.2) (pK - log 2 = 2.9) 4
0.2

pH
pK = pH = 3,2

HF (p
K=
3,2) 2
0.0 ac
-8 -6 -4 -2 0 ide
f ort
- (pK
log HAtot = log Atot (= log HFtot = log Ftot = log ([HF]+[F ]) log Ftot = <-
2)
-pK + log 2 = 0
-2,9

-8 -6 -4 -2 0
-
log Atot (log Ftot, log ([HF]+[F ])

Fig. III. 14. Spéciation (degré de dissociation) de HF en fonction de la concentration


totale (en absence de toute autre réaction) et pH d'une solution HF en
fonction de la concentration totale (avec correction pour l'autoprotolyse
d'eau et de la carbonatation).

De la même manière, si on met en solution équimolaire un cation tel que


l'aluminium et un agent complexant tel que le fluorure, on n'aura de complexes en
quantités non négligeables que si les concentrations totales en aluminium et en
fluorure sont plus élevées que la valeur numérique de la constante de dissociation
de AlF2+ (= 10-6,1 M = 0,8 µM) (fig. III.15).

1.0
+++ - ++
Al ,F AlF

0.8

0.6

0.4
log K (AlF->Al+F) = -6,1 log K (AlF->Al+F) + log 2 = -5,8

0.2

0.0
-10 -5
+++ ++
log Mtot = log Ltot (= log Altot = log Ftot = log ([Al ]+[AlF ])

Fig. III. 15. Spéciation (degré de dissociation) de AlF++ en fonction de la


concentration totale (en absence de tout autre réaction).
36

III.3.3.3. Dissociations ou associations successives

L'acide carbonique est caractérisé par deux valeurs de pk successives (6,4 et 10,3),
notées pour cette raison avec un k minuscule. En conséquence les trois formes,
H2CO3, HCO3- et CO32- dominent chacune dans une certaine gamme de pH (fig.
III.16).

1.0
- --
H2CO3 HCO3 CO3

0.8
[H2A] / ([H2A]+[HA]+[A])
[HA] / ([H2A]+[HA]+[A])
0.6 [A] / ([H2A]+[HA]+[A])

pk(H2A->H+HA) =
0.4
pH = 6,4 pk(HA->H+A) =
pH = 10,3

0.2

0.0
4 6 8 10 12 14
pH

Fig. III. 16. Spéciation de l'acide carbonique en fonction du pH.

De même l'ion Al3+ peut fixer, par additions successives, jusqu'à six ions F-. Les
constantes de complexation successives (log ki = [AlFi(3-i)+] / [AlFi-1(4-i)+].[F-]) sont
les suivantes :

log k1 = [AlF2+] / [Al3+].[F-] = 6,1


log k2 = [AlF2+] / [AlF2+].[F-] = 5,0
log k3 = 3,85
log k4 = 2,7
log k5 = 1,6
log k6 = 0,5

Chacun des complexes successifs AlFi est majoritaire dans une certaine gamme de
concentrations en ions F- libres (ki < [F-] < ki+1) (fig. III.17).
37

1.0
+++
Al AlF6
---

0.8

++ +
AlF AlF2 AlF3 AlF - AlF5
--
4
0.6

0.4

0.2

0.0
-10 -8 -6 -4 -
-2 0
log [F ]

Fig. III.17. Spéciation de l'aluminium en fonction de log [F-].

III.3.3.4. Constantes successives et constantes globales

On peut, pour les déprotonations comme pour les complexations, considérer la


réaction globale plutôt qu'une seule étape, p. ex. :

H2CO3 → 2 H+ + CO32-

Al3+ + 4 F- → AlF4-

avec
pK (H2CO3 → 2 H + HCO3) = pk (H2CO3 → H + HCO3) + pk (HCO3 → H + CO3) =
6,4 + 10,3 = 16,7

log K (Al + 4 F → AlF4) = Εi log ki = Εi log k (AlF(i-1) + F → AlFi)

On distingue d'habitude les constantes globales des constantes successives par


l'emploi de majuscules (Ki) et de minuscules (ki) respectivement, p. ex. :

K4 = K (Al + 4 F → AlF4) = k1 . k2 . k3 . k4

Charlot (1963) applique également cette convention aux constantes d'acidité, et


utilise même l'indice "1" pour le premier proton fixé (p.ex. pk(diss)1 = -log ([CO32-
].[H+]/[HCO3-]) et non le premier proton libéré (pk1 = -log ([HCO3-
].[H+]/[H2CO3]). Nous n'appliquerons pas cette convention supplémentaire, parce
qu'elle n'a pas été retenue par l'usage, bien qu'elle ait eu l'avantage d'uniformiser,
dans la direction de l'association croissante, la numérotation des constantes de
protonation et de complexation.
38

III.3.3.5. Nombre moyen de protonation ou de complexation

On peut définir pour le carbonate un "nombre moyen de protonation" Nmoy(H) =


(2.[H2CO3]+[HCO3-]) / CO3 tot, et pour l'aluminium un "nombre moyen de
complexation" Nmoy(F) = ( Εi.[AlFi]) / Altot. Dans le cas de l'acide carbonique, les
deux étapes de déprotonation sont bien distinctes (fig.III.18). On peut aisément
montrer que le nombre moyen de protonation est de 1,5 à pH = pk1 = 6,4, et de 0,5
à pH = pk2 = 10,3.

2.0

H2CO3
1.5
- +
HCO3 + H -
nmoy(H) = (2.[H2CO3] + [HCO3 ]) / CO3 tot
nmoy(H)

1.0

-
HCO3
0.5 pK(HA->H+A) =
pH = 10,3
--
CO3 + H
+ pK(H2A->H+HA) =
pH = 6,4

0.0
4 6 8 10 12 14
pH

Fig. III. 18. Nombre moyen de protonation du carbonate en fonction du pH.

Comme on l'a déjà vu à la figure III.17 (Répartition de l'aluminium en fonction de


la concentration en ions F- libres), les constantes de formation des complexes
successifs AlFi sont trop proches l'une de l'autre pour que les concentrations en
complexes de AlF2+ à AlF52- puissent dépasser deux tiers de l'aluminium total. En
conséquence, le nombre moyen de complexation augmente presque linéairement
en fonction de log [F-] (fig.III.19). Cependant il reste possible, si une telle courbe
peut être obtenue expérimentalement, de déterminer combien de ligands (ions F-)
peuvent être fixés par ion Al3+, et quelles sont les valeurs des constantes de
complexation successives (log ki = log [F-] quand Nmoy(F) = i-0,5). Nombre des
constantes d'équilibre publiées dans la littérature ont été calculées à l'aide de
méthodes dérivées de ce principe. Pour la mesure du degré de complexation, on a
classiquement recours à l'abaissement du pH (déplacement d'ions H+, à partir de
HF par exemple) qu'entraîne la formation des complexes. Cette baisse du pH est
due à la compétition entre le proton (H+) et le cation (Al3+) pour le ligand (F-), sujet
du paragraphe suivant.
39

6
---
- AlF6
nmoy(F) = 5,5 : log k6 = -log [F ] = 0,5

5 AlF5
--

-
nmoy(F) = 4,5 : log k5 = -log [F ] = 1,6

4 -
AlF4
-
nmoy(F) = 3,5 : log k4 = -log [F ] = 2,7
nmoy(F) = Εi (i.[AlFi]) / Al tot.
nmoy(F)

3 AlF3
-
nmoy(F) = 2,5 : log k3 = -log [F ] = 3,85

2 AlF2
+

-
nmoy(F) = 1,5 : log k2 = -log [F ] = 5

1 ++
AlF
-
nmoy(F) = 0,5 : log k1 = -log [F ] = 6,1
+++
Al
0
-10 -8 -6 -4 -2 0
-
log [F ]

Fig. III. 19. Nombre moyen de complexation de l'aluminium en fonction de log [F-].

III.3.3.6. Compétition entre protonation et complexation : cas du HF

Pour qu'une solution soit à l'équilibre thermodynamique, toutes les


réactions réversibles possibles doivent être à l'équilibre simultanément. Les
concentrations s'ajustent donc pour que soient respectées toutes les équations
d'équilibre. Par exemple, l'addition de sulfate d'aluminium à une solution de HF
entraîne la formation de complexes AlF2+, AlF2+, etc., et donc diminue la
concentration en fluorure libre [F-], ce qui à son tour entraîne la dissociation de
molécules de HF et donc la libération de protons et la baisse de pH. On peut donc,
d'un point de vue thermodynamique, considérer la réaction comme le déplacement
du proton par l'aluminium, même si les deux étapes, libération de proton et fixation
de l'aluminium, sont successives et non simultanées. On écrit alors la réaction sous
la forme

HF + Al3+ H+ + AlF2+

On utilise généralement, pour les "constantes d'échange" ou "constantes de


déplacement" correspondantes, la lettre B:

BAlF = B(HF+Al→H+AlF) = [AlF2+].[H+] / [HF].[Al3+]

Cette constante de déplacement ou d'échange est le produit des constantes des deux
réactions (complexation et déprotonation) prises séparément :

[AlF2+].[H+] / [HF].[Al3+] = ([AlF2+]/ [F-].[Al3+]) . ([F-].[H+] / [HF])


40

⇒ B (HF+Al→H+AlF) = K (Al+F→AlF) . K (HF→H+F)

⇒ log BAlF = log KAlF - pKHF

= 6,1 - 3,2 = 2,9

Les relations entre ces réactions et les constantes correspondantes peuvent être
représentées schématiquement comme suit :

++
AlF
log Kass = 6,1

lo
g
B éc
h
=
2,
9
-
F HF
log Kass = pKdiss = 3,2

Fig. III. 20. Schéma et constantes d'association et d'échange entre HF, F- et AlF++.

La compétition entre protons et autres cations est en fait à la base de la méthode la


plus classique et la plus largement applicable de détermination de la stabilité des
complexes. Le pH est mesuré avec la plus grande précision possible pendant un
titrage du ligand sous sa forme protonée (RCOOH, RNH3+...). Cette première
courbe de titrage permet de mesurer la constante d'acidité. Puis le titrage est
recommencé, cette fois sur un mélange du ligand protoné et d'un sel du cation à
complexer. L'anion de ce sel (NO3-, ClO4-, SO42-...) est en général un complexant
tellement faible qu'on peut le négliger dans le calcul des équilibres en solution.
Suite à la compétition du cation pour le ligand, le pH est légèrement plus bas, tout
au long de la courbe de titrage avant le virage, qu'en l'absence du cation. Cette
baisse de pH permet de calculer successivement les concentrations en proton,
ligand protoné, ligand déprotoné, complexe, et cation non complexé, et donc la
constante d'échange et la constante de complexation.

La constante d'échange et la constante de complexation sont aussi valables l'une


que l'autre, quel que soit le pH. Dans les tables c'est le plus souvent la constante de
complexation que l'on trouve. Cependant, quand la forme protonée (HF) excède
largement la forme déprotonée (F-) (ici à pH < 3,2), la constante d'échange est à la
fois plus pertinente et moins sujette à erreur. Le "diagramme de spéciation" de la
figure III.21 le montre en délimitant, dans l'espace (log [H+], log [Al3+]) ou (pH,
pAl), les domaines dans lesquels les espèces F-, AlF2+ et HF sont majoritaires (pour
pouvoir négliger les complexes AlF2+ à AlF63- dans l'élaboration de cette figure, on
a posé que en tout point la concentration totale en fluor est inférieure à la
concentration totale en aluminium):
- La limite entre les domaines de HF et de F- est verticale (pH = pK = 3,2), puisque
l'aluminium n'intervient pas dans la réaction. L'éventuelle formation de complexes
41

d'aluminium se fera principalement aux dépens de l'espèce dominante, donc HF à


pH < 3,2 et F- à pH > 3,2.
- Inversement la limite entre les domaines de F- et de AlF2+ est horizontale (pAl =
log K = 6,1), puisque aucun ion H+ n'intervient dans cette réaction : à pH > 3,2, le
complexe domine quand log [Al3+] > -6,1.
- Enfin, à pH < 3,2, la limite entre les domaines de HF et de AlF2+ est oblique,
puisque H+ et Al3+ sont en compétition dans cette réaction. La pente est égale à 1,
puisque un ion H+ est déplacé pour un ion Al3+ complexé.

A titre d'exemple, voici comment la position de la limite AlF2+ / HF est calculée :


elle est l'ensemble des points où [AlF2+] = [HF], d'où

BAlF = [AlF2+].[H+] / [HF].[Al3+] = [H+]/[Al3+]

⇒ [Al3+] = [H+] / BAlF

⇒ log [Al3+] = log [H+] - log BAlF

⇒ pAl3+ = pH + log B = pH + 2,9

⇒ à pH 0 : pAl3+ = log B = 2,9

+
log [H ]
-8 -6 -4 -2 0
0 0

2 -2
H +

+++
log [Al ] = - log B = -2,9
+
++
F
Al

4 -4
log [Al
>
<-

++
pAl

AlF
F
H
+
+
++

+++
Al

+++ - ++
]

6 Al + F <-> AlF -6
H + F <-> HF

+++
log [Al ] = HF
-
- log K = -6,1 F
-

8 -8
+

8 6 4 2 0
pH pH = pK = 3,2

Fig. III. 21. Equilibre entre F-, AlF2+ et HF. Espèces majoritaires en fonction du pH
et de log[Al+++].
42

III.3.3.7. Compétition entre protonation et complexation :


cas d'un ortho-diphénol

La valeur de la constante d'échange est d'autant plus importante que, dans la


pratique, le fort pouvoir complexant (log kass élevé) d'un ligand est souvent
tempéré par une tendance à peu près aussi forte à la protonation (pk d'acidité
élevé). Le domaine de pH dans lequel la forme dominante est le ligand déprotoné
sera donc d'autant plus restreint. Ainsi par exemple les catéchols (ortho-diphénols)
ont généralement, sous leur forme totalement déprotonée (L2-), des constantes de
complexation de l'aluminium très élevées (log K > 16), mais ont également des pK
successifs assez élevés (pk1 ~ 6, pk2 ~ 10, pKtot ~ 16), ce qui d'une part restreint à
pH > 10 le domaine dans lequel le dianion peut être majoritaire, et d'autre part
ramène la constante d'échange

BAlL++ = [AlL+].[H+]2 / [H2L].[Al3+]

à une valeur finalement plus faible (log B ~ 0) que celle de HF calculée ci-dessus
(log B = 2,9). De plus la stoechiométrie de la réaction (deux H+ pour un Al3+)
accentue l'influence du pH sur le degré de complexation, comme nous allons le
voir.

Imaginons p. ex. un catéchol (H2L) capable de former un complexe monodentate


AlHL2+ aussi bien qu'un complexe bidentate AlL+, et qui aurait comme constantes :

pk1 = pkH2L = 6,5 (= - log [H+].[HL-]/[H2L] = log [H2L]/[H+].[HL-])


pk2 = pkHL- = 10,3 (= - log [H+].[L2-]/[HL-] = log [HL-]/[H+].[L2-])
log kAlL+ = 16 (= log [AlL+]/[Al3+].[L--])
log kAlHL++ = 7 (= log [AlHL2+]/[Al3+].[HL-])

On peut construire le schéma suivant :

+ 2+
AlL AlHL
log kAlHL++ = 7
log kAlL+ = 16

2- -
L HL H2L
pkHL- = 10,3 pkH2L = 6,5

A partir de ces quatre constantes on peut en calculer une série d'autres :

a) constante d'acidité globale de la molécule: pKH2L = pkH2L + pkHL- = 6,5 + 10,3 =


16,8
b) constante d'acidité du complexe AlHL2+ : pkAlHL++ = - log kAlL- + pkHL+ + log
kAlHL++ = -16 + 10,3 + 7 = 1,3
c) constante d'échange bAlHL++ : log bAlHL++ = - pkH2L + log kAlHL++ = -6,5 + 7 = 0,5
d) constante d'échange bAlL+ : log bAlL+ = - pkHL- + log kAlL+ = -10,3 + 16 = 5,7
43

e) constante d'échange globale : log BAlL+ = - pkH2L - pkHL- + log kAlL+ = -6,5 - 10,3
+ 16 = -0,8

Ce qui permet de compléter le schéma de la manière suivante :

lo
g
BA
lL
+
=
-0
,8
pKAlHL++ = 1,3
+ 2+
AlL AlHL

log kAlHL++ = 7
log kAlL+ = 16

lo
g
lo

b Al
g
b Al

H
L+
L+

+
=
=

0,
5,

5
7

2- -
L HL H2L
pkHL- = 10,3 pkH2L = 6,5

pK = pkH2L + pkHL- = 16,8

Fig. III. 22. Schéma et constantes de protonation et de complexation d'un catéchol en solution
diluée.

On peut vérifier la cohérence du schéma: en additionnant ou soustrayant les


constantes selon le sens des flèches, quelque soit l'itinéraire choisi, on aboutit à la
même valeur.

Si on néglige à nouveau les complexes de stoechiométrie autre que 1:1


(Al(Haliz)2+, Al(aliz)2-), donc si on se restreint à des concentrations en catéchol
relativement faibles, on peut construire le diagramme de spéciation de la figure
III.23. Il est naturellement plus compliqué que celui du HF, mais on peut y
constater qu'à nouveau les limites entre les différents domaines sont :
- verticales quand seul le proton intervient dans la réaction (protonation de L-, HL-
et AlL++ : pH = pk = 10,3, 6,5 et 1,3 respectivement)
- horizontale quand seul l'aluminium intervient (Al3+ + L ↔ AlL : log [Al3+] = log
k = 16)
- de pente 1 quand un proton est déplacé par un ion aluminium (HL + Al3+ ↔ AlL
+ H ; H2L + Al3+ ↔ AlHL + H) ; les intersections avec l'axe vertical (pH = 0) se
situent à pAl3+ = log b = 0,5 et 6,7 respectivement
- de pente 2 quand deux protons sont déplacés par un ion aluminium (H2L + Al3+
↔ AlL + 2 H) ; l'intersection avec l'axe (pH = 0) se situe à log B = -0,8.
44

log [H ]
+
pH = pkAlHL++ = 1,3
-14 -12 -10 -8 -6 -4 -2 0 2
-2 2 pAl =

H + AlL <-> HAlL


2+
HAlL log bAlHL++ =

H
+
L
0 0

Al
0,5

H
>
<-
2L
H
2 -2

+
Al
4 -4

H
+2
6 -6

AlL
<->
2L
8 -8

log [Al+++]
+

+H
AlL

Al
pAl

10 -10
H2L
12 -12
H
+
L
Al
>

14 -14
<-
L
H

H+ HL <-> H2L
+
Al

Al + L <-> AlL
16 -16
H + L <-> HL

pAl = -
2- HL
log kAlL+ = 18 L -18

16
20 -20
14 12 10 8 6 4 2 0 -2
pH
pH = pkHL- = 10,3 pH = pkH2L = 6,5

Fig. III. 23. Equilibre entre les différentes formes possibles du catéchol en solution
diluée et en présence d'aluminium (constante hypothétiques, cfr texte).
Espèces majoritaires en fonction du pH et de log[Al+++].

III.3.3.8. Conclusions

Le diagramme de spéciation du catéchol ci-dessus rappelle qu'on doit s'attendre à


ce que la nature des complexes, ainsi que la concentration en aluminium nécessaire
à leur formation, dépendent du pH. Ce schéma n'est d'ailleurs valable que pour des
concentrations en catéchol suffisamment faibles pour qu'on puisse négliger les
complexes de stoechiométrie 1:2. Dans le cas où inversement la concentration en
catéchol serait suffisamment élevée pour que la majorité des complexes soient de
stoechiométrie 1:2, les pentes des limites entre les domaines des différentes formes
seraient à nouveau égales au nombre de protons déplacés par la réaction : pente 2
pour les réactions (Al3+ + 2 HL- → AlL2- + 2 H+) et (Al3+ + 2 H2L → Al(HL)2+ + 2
H+), pente 4 pour la réaction (Al3+ + 2 H2L → AlL2- + 4 H+).

Dans le § III.4 (spectres UV-visible des anthraquinones et de leurs complexes


aluminiques) cette propriété des diagrammes de spéciation sera mise à profit pour
déterminer la formule des complexes formés à certains pH et concentrations en
aluminium.
45

III.4. Spectres d'absorption dans le visible

III.4.1. Introduction

La spectroscopie UV-visible peut donner des informations sur les complexes de


manière directe, par l'existence, la position et les caractéristiques de l'une ou l'autre
bande d'absorption, ou indirecte, par les conditions dans lesquelles telle ou telle
bande peut être observée, et donc la nature des réactions éventuellement subies par
ces complexes, et leurs constantes d'équilibre.

Les informations indirectes sont par exemple le pH limite au-dessous duquel un


complexe se dissocie suite à la compétition des protons. Comme dans le cas des
études de la complexation par pH-métrie (§ III.3.6), la stoechiométrie de la réaction
et la constante de stabilité des complexes peuvent alors être estimées par des calculs
qui tiennent compte de la constante d'acidité du ligand (RCOOH, NH4+, ROH...),
supposée connue, et des concentrations à l'équilibre. Les méthodes pH-métriques,
les plus utilisées pour la détermination des constantes de stabilité des complexes en
solution aqueuse, ne sont pas applicables ici, parce que les anthraquinones sont
tellement peu solubles dans l'eau, et donc tellement peu concentrées en solution
aqueuse, que l'effet que leur déprotonation peut avoir sur le pH n'est pas détectable.
Par contre, même en solution relativement diluée (10-5 à 10-6 mol/L, soit 2,5 à 0,25
mg/L), la formation de complexes alizarine-aluminium s'accompagne d'un
changement du spectre dans le visible et donc de la couleur, du jaune de la forme
protonée au rouge des complexes, aisément détectable à l'œil nu. On peut donc, en
faisant varier les rapports H+/Al+++ et en observant le virage, déterminer
expérimentalement une partie du diagramme de spéciation en fonction de log [H+] et
log [Al3+], décrit théoriquement aux § III.3.6 et III.3.7). Comme on l'a vu à la figure
III.23, dans l'espace (log [H+], log [Al3+]), la pente de la droite séparant le domaine
du complexe de celui de la forme acide est égale au nombre de protons déplacés par
la complexation. Cette pente sera donc par exemple de 2 si la réaction observée est
la formation d'un complexe de stoechiométrie 1:1 et de type diphénolate à partir de
la forme acide de l'alizarine (H2aliz + Al3+ → Al(aliz)+ + 2 H+).

D'autres auteurs ont utilisé les spectres UV pour obtenir indirectement des
informations sur la complexation. Les méthodes de calcul par lesquelles les
constantes sont dérivées des résultats expérimentaux sont souvent difficiles à suivre,
et parfois inappropriées.

Ainsi les "courbes de formation" de Masoud et al. (1984) sont manifestement


faussées par l'un ou l'autre artefact. Elles sont normales, c.-à-d. croissantes, avec la
1-OH-anthraquinone, mais elles sont décroissantes avec l'alizarine. Si elles étaient
correctes, cela voudrait dire qu'une addition d'alizarine entraînerait une diminution
de la concentration en complexe. Or, de la même manière que par exemple une
augmentation de la concentration en ions H+ (diminution du pH) ne peut qu'entraîner
une augmentation et non une diminution des rapports [H2CO3]/[HCO3-] et [HCO3-
]/[CO32-], une augmentation de la concentration en alizarine ne peut qu'entraîner une
46

augmentation et non une diminution du degré de complexation (rapport complexes /


alizarine non complexée). Les stoechiométries et les sites de complexation proposés
par ces auteurs sont tout aussi improbables, comme par exemple le site tridentate
impliquant à la fois le carbonyle et les deux oxygènes phénoliques, qui est
impossible en raison de la distance séparant le carbonyle de l'oxygène phénolique en
C-2.

Utilisant d'autres méthodes graphiques, Biryuk et al. (1968) concluent à une


stoechiométrie 1:2 (Al(aliz)2-), qui, bien qu'éventuellement majoritaire dans
certaines conditions, n'est certainement possible que si la stoechiométrie 1:1
(Al(aliz)+ ou Al(Haliz)2+) l'est aussi. Le complexe majoritaire sera alors
probablement, comme c'est le cas pour AlF2+ et AlF2+ (fig.III.17), de stoechiométrie
1:1 ou 1:2 selon que la concentration en ligand est plus ou moins faible.

Selon Pilipenko et al. (1970), l'évolution progressive des spectres avec le pH


montrerait que l'aluminium est lié aux deux phénols en C-1 et C-2, tous deux sous
forme protonée (Al(H2aliz)3+) à pH 3-4, un des deux déprotoné (Al(Haliz)2+) à pH
6,5-7.

Cette conclusion semble contestable. En effet, comme il a déjà été rappelé au §


III.3.2, la complexation de l'ion Al3+ par l'alizarine sous forme H2aliz reviendrait en
fait à remplacer deux liaisons Al3+-H2O par deux liaisons Al3+-ROH. L'avantage
numérique des molécules d'eau sur les molécules d'alizarine n'étant pas compensé
par une forte exothermicité de la réaction, le nombre de complexes de ce type ne
peut être que négligeable.

Par contre, la liaison entre l'ion Al+++ et le groupement phénolate est suffisamment
forte pour que le complexe AlHaliz++ soit majoritaire dans une certaine gamme de
pH et de concentration en aluminium, comme le montre le diagramme de spéciation
du catéchol de la fig.III.23. Dans le cas du catéchol, une fois la stabilité du complexe
assurée par cette liaison forte avec le groupement phénolate, une liaison secondaire
peut éventuellement se former avec le second groupement phénol, non déprotoné.
Cependant cette liaison ne contribuera pas de manière significative à la stabilité des
complexes. Dans le cas de l'alizarine, une liaison secondaire peut se former avec le
carbonyle. Les carbonyles isolés ne sont pas de meilleurs complexants que l'eau ou
les alcools, mais ici les atomes d'oxygène en C-9 (carbonyle) et en C-1 (phénolate)
sont en résonance, et le caractère quasi-aromatique du cycle hexagonal formé avec
l'Al3+ contribue significativement à la stabilité du chélate ainsi formé.

Il est donc plus probable que, en solution modérément acide, l'aluminium prenne la
place du proton de la fonction phénol en C-1, et soit comme lui stabilisé par une
liaison secondaire avec le carbonyle (site céto-phénolate). En solution neutre ou
basique, il se peut que le second proton phénolique soit déplacé, et que la liaison
secondaire avec le carbonyle soit remplacée par une deuxième liaison forte avec le
second phénolate.

La conclusion de Pilipenko et al. (1970) pourra être confirmée ou infirmée


expérimentalement en introduisant l'influence des concentrations en H+ et Al3+ sur la
complexation: la formation de Al(H2aliz)3+ serait indépendante du pH, contrairement
à la formation de Al(Haliz)2+.
47

L'objectif des expériences décrites ci-dessous est d'identifier les complexes formés
dans différentes conditions et d'estimer leur stabilité. L'alizarine, la quinizarine et la
purpurine sont étudiées successivement. Pour chacune de ces trois molécules, les
spectres de la forme neutre (p. ex. H2aliz) et du monoanion (p. ex. Haliz-) sont
d'abord observés dans différents solvants. Puis les spectres des complexes obtenus à
différents pH sont comparés. Les formules, les structures et les constantes de
stabilité des complexes sont déduites des rapports [Al3+]/[H+] nécessaires à leur
formation.
48

III.4.2. Alizarine

III.4.2.1. Couleurs et spectres de l'alizarine dans différents solvants, en


l'absence d'ions aluminium

L'alizarine est un acide faible. Les constantes d'acidité mesurées par Masoud et al.
(1984) sont pK1 = 6,5 +/- 0,2 et pK2 = 10,3 +/- 0,2 (dans 0,14 M NaClO4). Le pK1
mesuré par Biryuk et al. (1968) (dans 40 % éthanol) est très proche (6,71).

La déprotonation de l'alizarine entraîne à la fois une augmentation de l'intensité


(effet hyperchrome) et un déplacement vers les plus grandes longueurs d'onde (effet
bathochrome, ou "red shift") de la bande d'absorption de l'alizarine dans le visible.
Concrètement, l'alizarine diprotonée (H2aliz, pH < 6) est jaune pâle, son monoanion
(Haliz-, pH entre 7 et 10) est rouge plus intense, et le dianion (aliz--, pH > 11) violet
très intense.

On peut distinguer le spectre (dans l'eau, avec 10 % MeOH) des trois formes, H2aliz,
Haliz- et aliz--, sur la figure III.24. La forme jaune H2aliz (pH < 6) absorbe
faiblement à 428 nm, la forme rouge Haliz- (pH 7 à 10) plus fortement à 520 nm. Le
dianion aliz-- (pH > 11) est bleu-violet et présente deux maxima, à 570 et 610 nm.

1.2

1.0 Aliz-- pH 1 (HClO4)


pH 1 (HClO4) (x4)
570 nm pH 6 (citr.)
abs (AU)

0.8 610 nm pH 6,5 (phosph.)


AlizH2
pH 7 (phosph.)
428 nm AlizH-
0.6 pH 8 (phosph.)
520 nm pH 12 (KOH)
pH 13 (KOH)
0.4

0.2

0.0
300 400 500 600 700
wl (nm)

Fig. III. 24. Spectres UV-vis de l'alizarine dans l'eau (44µM) à différents pH.

C'est le virage jaune-rouge, à un pH proche de la neutralité, qui a fait de l'alizarine


un des principaux indicateurs colorés pour les titrages acide-base. Le second virage
est peu utile, et n'est en fait observé que si on a pris soin d'éviter la carbonatation des
solutions de NaOH ou KOH utilisées, dont le pH effectif peut sinon être inférieur de
plusieurs unités au pH théorique. Les tampons basiques au borate ne peuvent être
utilisés pour observer la couleur du dianion, parce qu'ils modifient cette couleur en
formant des complexes borate-alizarine. De plus les anthraquinones ne résistent pas
très longtemps à un milieu fortement basique, et la couleur violette des solutions
perd rapidement de son intensité.
49

Le solvant influence relativement peu la position de la bande d'absorption de


l'alizarine neutre (H2aliz), toujours située entre 420 et 435 nm (fig.III.25). Par contre
la bande d'absorption du monoanion (Haliz-) subit un effet bathochrome (red shift)
prononcé dans les solvants organiques : de 520 nm dans l'eau (fig.III.24), elle passe
à 570 nm dans le DMF (fig.III.26). C'est suite au transfert d'un proton vers une
molécule de solvant que le monoanion de l'alizarine apparaît dans les solvants
organiques relativement basiques comme le DMF. La figure III. 27 permet de
vérifier que dans le DMF, l'éthanol, le méthanol, l'acétonitrile et l'acétone, le degré
de déprotonation augmente avec la dilution, comme on peut s'y attendre avec un
acide faible en solution diluée (§ III.3.3.2). Parallèlement, la couleur des solutions
est de moins en moins intense et passe du jaune à différentes nuances de jaune-vert.
Le maximum de la bande d'absorption du monoanion se situe à environ 540 nm dans
le méthanol et l'acétone, 548 nm dans l'éthanol, 560 nm dans l'acétonitrile, et 570
nm dans le DMF.
acétone CHCl3 eau
méthanol
425 nm 426 nm 428 nm ?
429 nm
CH3CN
DMF
421 nm
430 nm
éthanol
CH3CN
433 nm
acétone
CHCl3
MeOH
DMF
EtOH

400 450 500 550 600 650


wl (nm)
Fig III. 25. Spectres dans le visible de l'alizarine 100 à 200 µM dans différents solvants.

AlizH2,
1.2
430 nm

1.0

200 µM
0.8 140 µM
80 µM
Abs (AU)

0.6 40 µM
20 µM
-
AlizH , 10 µM
0.4
570 nm

0.2

0.0
400 500 600
wl (nm)
Fig. III.26. Spectres dans le visible de l'alizarine à différentes concentrations dans le DMF.
50

414-422 nm 423-425 nm

CH3CN acétone

100 µM
80 µM
AlizH2
AlizH- 40 µM
20 µM
560 nm
8 µM

200 µM
10 µM

400 450 500 550 600 650 400 450 500 550 600 650
nm nm
426 nm 429-432 nm

CHCl3 MeOH

200 µM
100 µM
80 µM
40 µM
20 µM
200 µM 8 µM
100 µM
80 µM
40 µM
20 µM
8 µM

400 450 500 550 600 650 400 450 500 550 600 650
nm nm
432-437 nm 546 nm
445 nm 430 nm
200 µM
140 µM
EtOH DMF 80 µM
570 nm 40 µM
20 µM
10 µM

200 µM
100 µM
80 µM
40 µM
20 µM
8 µM

400 450 500 550 600 650 400 450 500 550 600 650
nm nm

Fig. III. 27. Spectres dans le visible de l'alizarine à différentes concentrations dans six
solvants organiques.

Wunderlich et al. (1994) aussi ont observé, dans un mélange DMF:eau 9:1, des
maxima de l'ordre de 432 nm pour l'alizarine diprotonée et 567 nm pour le
monoanion, bleu-violet. Le dianion, bleu-azur, absorbait à 592 nm et 636 nm, soit
un "red shift" de 20 à 30 nm par rapport à son spectre dans l'eau (570 et 610 nm, fig.
III.24).
51

III.4.2.2. Complexes d'alizarine et d'aluminium à pH 5-6

Le pH d'une solution aqueuse diluée d'alizarine (5 g/L, soit 20 µM, dans 1 %


méthanol) est d'environ 5,9. L'alizarine y est donc majoritairement (80%) sous forme
acide, et la couleur est jaune (bande à 430 nm). Le titrage spectrométrique (les
spectres ont été corrigés pour la dilution) de cette solution par une solution de sulfate
d'aluminium 107 µM (215 µM en aluminium, pH ~4,75) fait passer la solution du
jaune au rouge, ce qui correspond au remplacement de la bande d'adsorption à 430
nm par une bande à 484 nm (fig.III.28). Cette longueur d'onde est plus basse de ~35
nm que celle du monoanion Haliz- (~520 nm), qui de toute façon ne devrait
apparaître qu'à pH plus élevé. La bande à 484 nm est donc bien due à un complexe.
Le spectre n'évolue que jusqu'à un rapport Al/aliz d'environ 2. La plupart des
molécules d'alizarine sont alors sous forme de complexes, et le spectre résultant est
pratiquement celui du complexe pur.

0.55

0.50
0.12
abs (AU) (corr. pour dil.)
0.45 0.10
M/L (Al/aliz) =
0.40 0,1 0.08
abs (AU) (corr. pour dil.)

0,5 0.06
0.35
0,5
1 0.04
0.30
1,5
0.02
0.25 2
2,5 0.00
0 1 2
0.20 3 M/L (Al/aliz)
4
0.15 5

0.10

0.05

0.00
200 300 400 500 600 700 800
wl (nm)

Fig. III. 28. Spectres d'alizarine 20 µM en présence d'Al2(SO4)3 en concentration croissante.

Le même déplacement de la bande d'absorption, de ~ 430 nm à ~ 484 nm suite à


l'addition de sulfate d'aluminium, est encore observé avec une solution encore dix
fois plus diluée en alizarine (0,5 mg/L, 2 µM, pH approximatifs 6,6 à 5,5) (fig.
III.29). Mais cette fois l'évolution du spectre avec le rapport Al/aliz continue
jusqu'au moins Al/aliz = 10, ce qui indique que seule une partie de l'alizarine est
complexée, même en présence de dix fois plus d'aluminium. On approche donc des
limites de dilution au-delà desquelles les complexes ne se forment pas (§ III.3.3.2).
On constate d'ailleurs, probablement pour la même raison, un épaulement vers 520
nm sur le spectre de l'alizarine 2 µM avant addition d'aluminium ce qui trahit un
degré de dissociation (formation de Haliz-) plus important que pour l'alizarine
20µM.
52

M/L (Al/aliz) =
0.015 0
0,1
0,5
0,9
0.10 0.010

abs (AU)
1,8

0.005
abs (AU)

0.05 0.000
400 500 600
wl (nm)

0.00
200 300 400 500 600 700 800
wl (nm)
Fig. III. 29. Spectres d'alizarine 2 µM en présence d'Al2(SO4)3 en concentration croissante.

III.4.2.3. Complexes d'alizarine et d'aluminium à pH 0,3-3,3 : compétition


entre H+ et Al3+

On a vu plus haut (§ III.3.7 et III.3.8) que, si la complexation implique le


déplacement de un ou deux protons, alors il doit y avoir, pour chaque concentration
donnée en ions aluminium libres [Al3+], un pH limite au-dessous duquel la
concentration en protons est suffisante pour, par compétition, empêcher que
l'alizarine ne se lie avec l'aluminium. La solution sera donc rouge au-dessus de ce
pH, jaune au-dessous. Ce pH sera fonction de [Al3+], et la pente de cette fonction
sera déterminée par la stoechiométrie de la réaction (fig.III.23).

On peut vérifier l'existence de ce virage, et son interdépendance avec la


concentration en aluminium, en observant sur photo la couleur des tubes à essai (fig.
III.30).

Chacun de ces tubes contient une solution d'alizarine (10 µM), de sulfate
d'aluminium (de 0,25 à 25 mM, soit 0,5 à 50 mM Al), et d'HClO4 (500 à 0,5 mM,
soit des pH approximatifs de 0,3 à 3,3), dans 25% MeOH). À la plus haute
concentration en aluminium (50 mM, première rangée sur la photo), le virage entre
la forme protonée H2aliz (jaune) et le complexe (rouge) se situe entre pH 1,6 et pH
2,3, c.-à-d. à concentration en proton [H+] entre 25 et 5 mM. À concentration en
aluminium dix fois plus faible (5 mM, deuxième rangée), le virage se situe une unité
pH plus haut, entre 2,6 et 3,3 ([H+] entre 2,5 et 0,5 mM). Finalement, à
concentration dix fois plus faible encore (Al3+ 500 µM), le virage n'est pas
observable sur la photo : il se situe probablement entre pH 3,6 et 4,3 ([H+] entre 250
et 50 µM)., donc en-dehors de la gamme de pH étudiée ici.

Dans ces solutions, les ions aluminium sont en tel excès par rapport à l'alizarine que,
même quand celle-ci est majoritairement sous forme de complexes (solutions
rouges), on peut faire l'approximation que la concentration en aluminium libre [Al3+]
53

est pratiquement égale à la concentration totale, notée CAl. De même, [H+] est
pratiquement égal à la concentration totale en acide perchlorique, notée CHClO4. Les
"axes" log CHClO4 et log CAl de ce montage photographique peuvent dès lors être
considérés comme équivalents aux axes log [H+] et log [Al3+] du diagramme
théorique de spéciation de la fig.III.23.

Cette simple expérience permet donc en quelque sorte d'illustrer, grâce au


changement de couleur de l'alizarine, une fraction du diagramme de spéciation de
l'alizarine, correspondant au coin supérieur droit ([H+] et [[Al3+] relativement
élevées) du diagramme de la fig III.23. La figure III.31 montre la fraction du
diagramme de spéciation observée expérimentalement, et trois extrapolations au
reste du diagramme, compatibles avec les résultats expérimentaux. Dans la zone
entre pH = 0,3 et 3,3, la pente de la frontière entre les domaines du complexe rouge
et de H2aliz jaune est égale à 1 : le rapport [H+]/[Al3+] au virage est constant. Cela
implique qu'il y a un proton déplacé pour chaque ion aluminium complexé, et que le
complexe formé est Al(Haliz)2+.

H2aliz + Al3+ Al(Haliz)2+ + H+

On peut donc exclure la formation, à ces pH, du complexe "diphénolate", qui


libérerait deux protons pour chaque ion aluminium complexé. Pour la même raison,
on peut exclure dans les présentes conditions expérimentales (faible concentration
en alizarine, et large excès d'Al3+ par rapport à l'alizarine) la formation d'un
complexe de stoechiométrie 1:2 (Al(Haliz)2+), parce que lui aussi libérerait deux
protons par aluminium complexé (§ III.8).

Fig. III. 30. Alizarine 10 µM : virage dû à la compétition entre H+ et Al3+.

pkcompl = 3,6 +
log [H ]
pkcompl = 6 +
pkcompl = 7 +
log [H ] log [H ]
-14 -12 -10 -8 -6 -4 -2 0 2 -14 -12 -10 -8 -6 -4 -2 0 2 -14 -12 -10 -8 -6 -4 -2 0 2
-2 2 -2 2 -2 2
++ ++
HAlL HAlL
0 0 0 0 0 0
++
H A lL
2 -2 2 -2 2 -2

4 -4 4 -4 4 -4
+
A lL
6 -6 6 -6 6 -6 log [Al
log [Al ]

log [Al ]

+
AlL
pAl

pAl

pAl
8 -8 8 AlL
+ -8 8 -8
H2L
+++

+++

+++

H2L ]
H2L
10 -10 10 -10 10 -10

12 -12 12 -12 12 -12


-
14 - -14 14 -- HL -14 14 - -14
L
-- HL L L
-- HL

16 -16 16 -16 16 -16


14 12 10 8 6 4 2 0 -2 14 12 10 8 6 4 2 0 -2 14 12 10 8 6 4 2 0 -2

pH pH pH

Fig. III. 31. Spéciation de l'alizarine 10 µM en fonction du pH et de log [Al3+] : trois possibilités
(pkcompl = 3.6; 6 et 7) compatibles avec les résultats expérimentaux à pH 0,3-33.
54

La valeur du rapport [H+]/[Al3+] au virage donne la valeur de la constante de


déplacement :

BAl(HAliz) = [Al(Haliz)2+].[H+] / [H2aliz].[Al3+]

= [H+] / [Al3+] = 0,1 à 0,5

log BAl(Haliz) = -1 à -0,3

En utilisant 6,5 comme valeur de pk1, on peut calculer la valeur de la constante


d'association :

log KAl(Haliz) = log [Al(Haliz)2+]/[Haliz-].[Al3+] = log BAl(Haliz) + pk1 = 5,5 à 6,2

Le spectre de ces complexes, obtenus à pH 2 à 3 en présence d'aluminium 50 à 5


mM, est pratiquement identique au spectre des complexes obtenus précédemment à
pH 5 à 6 en présence d'aluminium 40 µM. La fig.III.32 permet de comparer les
spectres des quatre formes : alizarine diprotonée (H2aliz, 426 - 430 nm), complexe
-
aluminique (AlHaliz++, 484 - 488 nm), monoanion (Haliz , 520 nm) et dianion (aliz--,
534 nm). On peut conclure de la ressemblance des spectres à pH 2 - 3 et 5 - 6 que
soit il s'agit du même complexe, soit les éventuelles différences entre les complexes
n'affectent leurs spectres que de manière négligeable. Nous reviendrons sur ce point
au § III.4.5, dans lequel les spectres sont comparés également à ceux d'une laque en
poudre.

- --
AlizH2 complexes Al AlizH Aliz
426 nm 484-488 nm 520 nm 570 nm

610 nm

400 500 600


wl (nm)

aliz 10 µM (25% MeOH), Al 25 mM, pH 0,3 (HClO4)


aliz 10 µM, Al 25 mM, pH 3,3 (HClO4)
aliz 20 µM (1% MeOH), Al 20 µM, pH 6
aliz 10 µM, pH 1 (HClO4)
aliz 10 µM, pH 7 (phosph.)
aliz 10 µM, pH 13 (KOH)

Fig. III. 32. Résumé : spectres dans le visible de l'alizarine et de ses complexes avec
l'aluminium.
55

III.4.3. Quinizarine

III.4.3.1. Couleurs et spectres de la quinizarine dans différents solvants, en


l'absence d'ions aluminium

La quinizarine est moins acide encore que l'alizarine (index Merck : pK1 = 9,5 ;
Kiraly et Martin (1982) : pk1 = 9,92 +/- 0,01, pk2 13,7 +/- 0,01), et plus difficile à
solubiliser dans l'eau.

Dans une solution aqueuse (H2O/MeOH, 96/4, V/V) la quinizarine donne des
solutions légèrement basiques (pH 8), suggérant qu'une partie se trouve sous forme
de sel, le plus probablement de quinizarinate de sodium. La présence de sodium
dans cette quinizarine a été confirmée par les analyses SIMS. Après quelques
heures, le pH n'est plus que de 6,5, sans doute à cause de la carbonatation. A ce pH
comme à pH 1, le spectre dans le visible est constitué d'une bande relativement
large, dont le maximum se situe vers 468 nm. Dans le méthanol et plus encore dans
l'éthanol, on peut distinguer cinq bandes très proches l'une de l'autre, vers 458, 468,
482, 500 et 514 nm (fig.III.33).

467-469 nm
456-458 nm 480-482 nm

498-500 nm

512-514 nm

400 450 500 550 600 650


wl (nm)
Quin 39 µM / 17:83 MeOH:H20
Quin 19 µM / MeOH
Quin 37 µM / EtOH

Fig. III. 33. Influence du solvant sur le spectre dans le visible de la quinizarine.

Au-dessus de pH 11, la solution aqueuse (10% MeOH) passe au violet et le spectre


montre deux bandes d'absorption, mal résolues, à 556 et 594 nm (fig.III.34). Cette
couleur s'estompe progressivement suite à l'hydrolyse basique de la quinizarine.
56

468 nm 560 nm 594 nm

pH ~13

pH 3 (HClO4)
pH 9 (phosph.)
pH ~12
KOH 0,1 mM (pH ~10)
KOH 10 mM (pH ~12)
KOH 100 mM (pH ~13)
pH ~10

pH 9

pH 3

400 450 500 550 600 650


wl (nm)

Fig. III. 34. Spectres dans le visible de la quinizarine (~40 µM, 10% MeOH) à différents pH.

III.4.3.2. Complexes de quinizarine et d'aluminium à pH 5-6

L'effet de l'addition de sulfate d'aluminium (107 µM, pH 4,75) sur le spectre d'une
solution de quinizarine (24 µM, H2O/MeOH 9/1, V/V) est beaucoup moins marqué
(fig.III.35) que celui observé avec l'alizarine (fig.III.37), au moins en partie parce
que, en l'absence d'aluminium, le maximum de la bande d'absorption de la
quinizarine (env. 468 nm) est déjà proche de celui des complexes alizarine-
aluminium (484-488 nm). L'addition d'aluminium diminue l'intensité de cette bande
d'absorption et en modifie la forme. Quand l'aluminium est en large excès (173 µM,
soit Al3+/aliz = 7,2) le maximum est situé vers 482 nm, et deux épaulements sont
visibles vers 515 et 550 nm.
468 nm
251 nm 515 nm
0.3 0.06
550 nm
0.04 M/L = 0
abs (AU) (corr. pour dil.)

M/L = 1,6
482 nm
0.2 M/L = 2,3
0.02 M/L = 7,2

0.00
0.1 400 450 500 550 600 650

0.0
200 300 400 500 600 700 800

wl (nm)
Fig. III. 35. Spectres de quinizarine 24 µM en présence d'Al2(SO4)3 en concentration croissante.
57

III.4.3.3. Complexes de quinizarine et d'aluminium à pH 0,3-3,3 :


compétition entre H+ et Al+++

En présence de sulfate d'aluminium 2,5 et 25 mM (Al3+ 5 et 50 mM), un virage peut


être observé (fig.III.36) approximativement aux mêmes pH qu'avec l'alizarine (pH
1,6-2,3 à 50 mM Al3+, pH 2,6-3,3 à 5 mM Al3+). Il s'agit donc à nouveau de
complexes de type céto-phénolate, les seuls d'ailleurs que peut former la quinizarine.
Ces complexes sont de teinte magenta. Leurs spectres d'absorption dans le visible
présentent trois maxima, situés à 556 nm, 517 nm et 486 nm par ordre d 'intensité
décroissante (fig.III.37). La constante de déplacement est située dans la même
fourchette que celle de l'alizarine : (§ III.4.2.3) : log B = -1 à -0,3.

Fig. III. 36. Quinizarine 10 µM : virage dû à la compétition entre H+ et Al3+.

A nouveau, les spectres des complexes semblent indépendants du pH au moins


jusque pH 6 (fig.III.37).

470 nm 556 nm 594 nm

517 nm

Quin 100 µM, Al 25 mM, pH 0 (HClO4), 25% MeOH


Quin 100 µM, Al 25 mM, pH 2,3 (HClO4), 25% MeOH
Quin 100 µM, Al 25 mM, pH 4,4, 25% MeOH
486 nm Quin 40 µM, Al 25 mM, pH 4,4, 10% MeOH
Quin 40 µM, Al 25 µM, pH 8 (phosph.), 10% MeOH
Quin 40 µM, pH 6 (citr.), 10% MeOH
Quin 40 µM, pH ~13 (KOH 0,1 M), 10% MeOH

400 450 500 550 600 650

wl (nm)

Fig. III. 37. Résumé : spectres dans le visible de la quinizarine et de ses complexes
avec l'aluminium.
58

III.4.4. Purpurine

III.4.4.1. Couleurs et spectres de la purpurine dans différents solvants,


en l'absence d'ions aluminium

La purpurine, légèrement plus acide que l'alizarine, donne en solution aqueuse des
solutions jaunes et roses à pH acide (large maximum entre 425 et 500 nm,
épaulement vers 520 nm), rouges entre pH 6 et pH 8 (max. vers 510 nm, épaulement
vers 540-550 nm). A partir de pH 10, une couleur bleu-violet intense apparaît, mais
disparaît si rapidement que les solutions étaient déjà presque incolores quand les
spectres ont été pris, d'où l'absence de bande d'absorption significative dans le
visible (fig.III.38 et III.39).

0.8

pH 1 (HClO4)
0.6
pH 4 (HClO4)
abs. (AU)

pH 6 (cit.)
0.4 pH 7 (phos.)
pH 6-7 pH ~10 (KOH)
pH ~11 (KOH)
0.2 pH 4
pH 1
pH 10-11
0.0
200 300 400 500 600 700

wl (nm)

Fig. III. 38. Spectres UV-vis de la purpurine (~40 µM, 10% MeOH) à différents pH.

pH 6-8 : 509 nm
pH 1-4

pH 1 (HClO4)
pH 2 (HClO4)
pH 10 pH 4 (HClO4)
pH 6 (cit.)
pH 6,5 (cit.)
pH 7 (phos.)
pH 8 (phos.)
pH ~10 (KOH)
pH ~11 (KOH)
pH 11-13
pH ~12 (KOH)
pH ~13 (KOH)

400 450 500 550 600 650

wl (nm)

Fig. III. 39. Spectres dans le visible de la purpurine (~40 µM, 10% MeOH) à différents pH.
59

Les bandes sont à nouveau caractérisées par une largeur moindre dans les solvants
organiques (fig.III.40 et III.41). Dans le chloroforme, l'acétone et l'acétonitrile, les
spectres sont indépendants de la concentration entre 10 et 40 µM. Les maxima dans
ces trois solvants sont à 484, 482 et 478 nm respectivement, avec des épaulements
vers 455 nm et 510 nm. Il s'agit probablement là du spectre de la forme protonée
(H3purp, neutre), qui donne dans l'eau un très large maximum entre 425 et 500 nm
(fig.III.38). Dans MeOH et EtOH, il y a clairement équilibre entre deux formes. La
forme neutre, prédominante à plus haute concentration (40 µM), absorbe surtout
vers 485 nm, comme dans les trois solvants précédents. La forme déprotonée
(H2purp-, monoanion), dont l'importance relative augmente avec la dilution (§
III.3.3.2), absorbe à 513 nm dans le MeOH et 522 nm dans l'EtOH, avec des
épaulements vers 485 et 550 nm. Puisque son coefficient d'absorption molaire est
probablement, comme celui du monoanion de l'alizarine, beaucoup plus élevé que
celui de la forme neutre, le fait que son spectre domine ne signifie pas
nécessairement qu'il est majoritaire en solution. Dans le DMF, le maximum
d'absorption d'une solution 80 µM se situe déjà vers 530 nm, avec des épaulements
vers 460, 550 et 600 nm. Avec la dilution, les bandes aux plus hautes longueurs
d'onde (550 et 600 nm) augmentent par rapport à celles à 460 et 550 nm. Les
spectres obtenus sont probablement à nouveau dus à la superposition des spectres de
la forme neutre et du monoanion en proportions variables.

Il y a donc, comme pour l'alizarine, peu d'influence du solvant sur la forme neutre,
mais un effet hyperchrome et bathochrome plus ou moins prononcé sur les bandes
du monoanion.

H 3purp H purp -
2

CHCl3 : 484 nm MeOH : 513 nm


acét. : 481 nm EtOH : 522 nm 40 µM, CHCl3
CH3CN : 478 nm 20 µM, CHCl3
450-455 nm 10 µM, CHCl3
550 nm 40 µM, CH3CN
20 µM, CH3CN
10 µM, CH3CN
40 µM, acétone
20 µM, acétone
10 µM, acétone
40 µM, EtOH
10 µM, EtOH
40 µM, MeOH
10 µM, MeOH

400 450 500 550 600 650

wl (nm)

Fig. III. 40. Spectres dans le visible de la purpurine dans différents solvants.
60

530 nm 550 nm

460 nm 600 nm

80 µM, DMF
40 µM, DMF
20 µM, DMF
10 µM, DMF

400 450 500 550 600 650

wl (nm)
Fig. III. 41. Spectres dans le visible de la purpurine dans le DMF

III.4.4.2. Complexes de la purpurine et de l'aluminium à pH 5-6

En solution aqueuse diluée non tamponnée (1% MeOH, 14 µM, pH 6,5), la


purpurine est majoritairement sous forme monoanionique et donne un groupe d'au
moins trois bandes d'absorption, avec un maximum vers 508 nm. Le titrage d'une
solution aqueuse de purpurine 14 µM par une solution de sulfate d'aluminium fait
apparaître deux maxima à 497 et 530 nm, et un épaulement vers 468 nm (fig.III.42).
En intensité, l'absorption évolue relativement peu : elle diminue légèrement en
valeur absolue, augmente légèrement en valeur corrigée pour la dilution. Par contre
la forme du spectre continue à évoluer régulièrement jusque au moins M/L = 25.

497 nm
530 nm
0.15

468 nm
M/L = 0
abs (AU) (corr. pour dil.)

M/L = 1,08
0.10 M/L = 7,71
M/L = 12,3
508 nm

0.05

0.00
400 450 500 550 600 650
wl (nm)

Fig. III. 42. Spectres de purpurine 14 µM en présence d'Al2(SO4)3 en concentration croissante


61

III.4.4.3. Complexes de purpurine et d'aluminium à pH 0,3-3,3 :


compétition entre H+ et Al3+

Les pH en-dessous desquels l'acidité empêche la complexation sont plus bas d'une
unité que ceux observés avec l'alizarine et la quinizarine. En conséquence, un virage
supplémentaire peut être observé sur la fig.III.43. Les trois virages se situent à pH
0,6-1,3 à 50 mM Al3+, pH 1,6-2,3 à 5 mM Al3+, et pH 2,6-3,3 à 0,5 mM Al3+
(fig.III.43). A nouveau, la pente séparant le domaine de la forme protonée (H3purp,
neutre) jaune de celui du complexe rouge est égale à 1 (un changement d'une unité
de log(Al3+) déplace d'une unité le pH du virage jaune-rouge). Il s'agit donc à
nouveau de complexes céto-phénolates de stoechiométrie 1:1, et la réaction peut
s'écrire

H3purp + Al3+ Al(H2purp)2+ + H+

Cette fois le virage se situe entre [H+]/[Al3+] = 1 et [H+]/[Al3+] = 5. La constante de


déplacement (B Al(H2purp) = [Al(H2purp)2+].[H+]/[H3purp].[Al3+]) est donc située entre
1 et 5 (log B entre 0 et 0,7), soit dix fois plus haut que celles de l'alizarine et de la
quinizarine (B entre 0,1 et 0,5, log B entre -1 et -0,3).

Fig. III. 43. Purpurine 10 µM : virage dû à la compétition entre H+ et Al3+

Les spectres des complexes présentent deux maxima, à 505 et 542 nm en présence
d'aluminium 50 mM (fig.III.44), et à 500 et 530 nm aux plus faibles concentrations
(fig.III.45 et III.40).
62

H3purp complexes
(pH < 1,3) (pH > 1,3)
480 nm 505 nm 542 nm Al (50mM)/ HClO4 (0,5mM)/ pH 3,3
457 nm Al (50mM)/ HClO4 (2,5mM)/ pH 2,6
Al (50mM)/ HClO4 (5mM)/ pH 2,3
Al (50mM)/ HClO4 (25mM)/ pH 1,6
Al (50mM)/ HClO4 (50mM)/ pH 1,3
Al (50mM)/ HClO4 (100mM)/ pH 1
Al (50mM)/ HClO4 (250mM)/ pH 0,6
Al (50mM)/ HClO4 (500mM)/ pH 0,3

400 500 600

wl (nm)

3+
Fig. III. 44. Spectres dans le visible de la purpurine (100 µM, 25% MeOH) en présence d'Al
50 mM, à différents pH.

complexes (pH 3,3 - 4,9)


500 nm 530 nm

Al (5mM)/ HClO4 (0,5mM)/ pH 3,3


Al (5mM)/ HClO4 (0mM)/ pH 3,8
Al (0,5mM)/ HClO4 (0,5mM)/ pH 3,3
Al (0,5 mM)/ HClO4 (0 mM)/ pH 4,3
Al (50 µM)/ HClO4 (0 mM)/ pH 4,9

Al 50 µM

Al > 50 µM

400 500 600

wl (nm)

3+
Fig. III. 45. Spectres dans le visible de la purpurine (100 µM, 25% MeOH) en présence d'Al
50 µM à 50 mM, à différents pH.
63

-
H2purp , complexes (Al 5 mM),
~510 nm ~500 et ~530 nm
H3purp,
~480 nm complexes (Al 50 mM),
~505 et ~540 nm

-- ---
Hpurp et/ou purp

purp 100 µM (25% MeOH), Al 50mM, pH 0,3 (HClO4)


purp 40 µM (10% MeOH), pH 6 (citr.)
purp 100 µM (25% MeOH), Al 5mM, pH 3,3 (HClO4)
purp 100 µM (25% MeOH), Al 50 mM, pH 3,3 (HClO4)
purp 40 µM (10% MeOH), pH ~11 (KOH)

400 450 500 550 600 650

wl (nm)

Fig. III. 46. Résumé : spectres dans le visible de la purpurine et de ses complexes avec
l'aluminium.

III.4.5. Spectres de solides :


poudres d'alizarine et de laques d'alizarine et d'aluminium

Pour caractériser la couleur d'un solide, on mesure son spectre en réflexion. Ensuite
on extrait de ce spectre trois "coordonnées colorimétriques", qui permettent de
comparer de manière objective et standardisée la couleur de ce solide, telle qu'elle
sera perçue par un "observateur de référence" sous une lumière définie. La relation
entre spectre et coordonnées colorimétriques est expliquée en détail au § V.7, dans
lequel les couleurs de différentes laques sont comparées.

A ce stade-ci, nous nous contentons de présenter à titre d'exemple les spectres de


poudres d'alizarine pure et d'une laque typique, afin de les comparer aux spectres de
solutions (fig.III.47). La comparaison des spectres d'alizarine en solution et en
poudre montre que les bandes d'absorption sont, dans les solides, fortement élargies,
surtout vers les longueurs d'onde élevées. Si on fait abstraction de cet élargissement,
le spectre de la laque est tout à fait comparable à ceux des complexes en solution
acide ou neutre.
64

On peut conclure de cette ressemblance entre les spectres que :


- soit il s'agit, dans les solutions neutres et dans la laque, des mêmes complexes
qu'en solution acide, et donc de Al(Haliz)2+ (ou éventuellement Al(aliz)2+), de site
céto-phénolate ;
- soit les formules et les structures des complexes diffèrent, mais en n'affectant les
spectres dans le visible que de manière négligeable.

Par rapport aux complexes Al(Haliz)2+ de site céto-phénolate formés en solution


acide, les principales différences qu'on peut envisager sont :
- de stoechiométrie : Al(aliz)2+
- de formule : Al(aliz)+ et/ou Al(aliz)2-
- de structure : dans Al(aliz)+ et Al(aliz)2-, le site de complexation peut être céto-
phénolate ou diphénolate

Nous revenons sur ce point à la fin du chapitre III, après les études de suspensions et
de laques par d'autres méthodes spectroscopiques.

H2Aliz : complexes Al :
soln poudre soln poudre -
Haliz

2-
aliz

400 450 500 550 600 650


wl (nm)

aliz 10 µM (25% MeOH), Al 25 mM, pH 0,3 (HClO4)


aliz 10 µM, Al 25 mM, pH 3,3 (HClO4)
aliz 20 µM (1% MeOH), Al 20 µM, pH 6
aliz poudre
aliz4 poudre
aliz 10 µM, pH 7 (phosph.)

Fig. III. 47. Comparaison des spectres d'alizarine et de ses complexes dans le visible,
en solution (spectres d'absorption) et en solide (spectres de réflexion).
65

III.4.6. Résumé et conclusions

En l'absence d'aluminium, l'alizarine sous forme protonée (H2aliz, pH < 6) donne


des solutions aqueuses jaunes (absorption max. à 420 nm), le monoanion (Haliz-, 7 <
pH < 10) des solutions rouges (520 nm), et le dianion (aliz2-, pH > 11) des solutions
bleu-violet (570 + 610 nm). La quinizarine et la purpurine sous forme protonée
absorbent à plusieurs longueurs d'onde dans la région 430-520 nm, ce qui confère à
leurs solutions une teinte jaune-orange.

Le solvant peut influencer fortement le spectre des monoanions en solution, et dans


une moindre mesure celui des dianions.

En présence d'ions aluminium en concentration suffisante, une coloration intense


apparaît, due à une bande à 484-488 nm dans le cas de l'alizarine, et à plusieurs
bandes entre 470 et 560 nm dans ceux de la quinizarine et de la purpurine. Les
figures III.32, III.37 et III.46 permettent de comparer, pour les trois molécules, les
spectres de la forme protonée, du monoanion et des complexes.

Les complexes ne se forment, à trois concentrations différentes en aluminium (50,


0,5 et 0,05 mM) qu'à partir d'un pH tel que le rapport [H+]/[Al3+] soit inférieur à une
certaine valeur constante, égale à 0,1 pour l'alizarine et la quinizarine, et à 1 pour la
purpurine (fig.III.29, III.36 et III.43). Quand le rapport [H+]/[Al3+] est cinq fois plus
élevé que cette valeur, la compétition des protons empêche la complexation. Le fait
que le "virage" entre le complexe et la forme protonée (H2aliz, H2quin, H3purp) se
fasse ainsi à rapport [H+]/[Al3+] constant démontre (§.III.6 à III.8 et III.4.2.3) que les
complexes formés sont respectivement Al(Haliz)2+, Al(Hquin)2+ et Al(H2purp)2+. Le
site de complexation est donc constitué d'un groupement phénol déprotoné, et plus
que probablement du carbonyle proche (site "céto-phénolate").

Les constantes de déplacement sont tirées directement des rapports [H+]/[Al3+] aux
virages :
- pour l'alizarine et la quinizarine :
log B = log [Al(HL)2+].[H+]/[Al3+].[H2L] = -1 à -0,3

- pour la purpurine :
log B = log [Al(H2purp)2+].[H+]/[Al3+].[H3purp] = 0 à 0,7

La constance du rapport [H+]/[Al3+] au "virage" de complexation a été observée


expérimentalement entre pH 0,6 et pH 3,3. Il est malheureusement impossible de
vérifier par la même méthode que les complexes formés à pH 5-6 obéissent à la
même loi, à cause de la dilution excessive que cela impliquerait (Al3+ < 10 µM,
colorant < 1 µM). Cependant les spectres des complexes d'alizarine en solution
neutre, ainsi d'ailleurs que les spectres de laques, différent peu de ceux des
complexes en solution acide, identifiés comme Al(Haliz)2+ de site céto-phénolate.
Cela implique que soit tous ces complexes sont de même type, soit les éventuelles
différences n'en affectent pas les couleurs.
66

III.5. Spectres ES-MS de complexes alizarine-aluminium en solution


semi-gélifiée

III.5.1. Introduction

Les équilibres de complexation de l'aluminium en solution de colorant diluée nous


ont permis de montrer que les complexes formés dans ces conditions sont
constitués d'un ion aluminium (Al+++) et d'un monoanion du colorant (AlHaliz++,
AlHquin++ et AlH2purp++), et que le site de complexation est donc le "céto-
phénolate". Cependant il est fort possible que les complexes formés dans les
solutions plus concentrées utilisées pour la préparation des laques soient différents.
En particulier on peut envisager une stoechiométrie 1 : 2 (p. ex. Al(Haliz)2+) si le
colorant est en excès par rapport à l'aluminium. Les laques de Soubayrol (1996)
ont été préparées dans des conditions de ce type : de l'alizarine, de la soude et du
sulfate d'aluminium ont été mis en solution en rapport molaire c(aliz) : c(NaOH) : c(Al)
2:5:1 (§ A1.2, annexe 1).

Dans les mêmes conditions et avec 12,5 g d'alizarine par litre (50 mM), nous avons
obtenu une suspension colloïdale, que nous avons étudiée par spectrométrie de
masse avec "electrospray" (ES-MS). Cette technique permet de détecter les ions et
complexes avec la charge (z) qui était la leur en solution, et non une charge
artificielle due au bombardement de l'échantillon par des ions, comme dans la
spectrométrie SIMS utilisée plus loin pour les laques sous forme solide.

Au repos, la suspension colloïdale, rouge comme les solutions diluées étudiées par
spectroscopie UV-visible, s'est lentement transformée en un gel élastique, ce qui
suggère la formation de chaînes polymères de complexes alizarine-aluminium. Les
spectres de masse, pris avant la gélification, permettent de confirmer la formation
de chaînes polymères et de déterminer la composition de celles-ci.

III.5.2. Matériel et méthodes

Dans la source "electrospray", l'échantillon liquide est pompé à faible débit à


travers un capillaire dont l'extrémité est soumise, à pression atmosphérique, à un
fort champ électrique. À la sortie du capillaire, les charges présentes dans le liquide
s'accumulent à la surface, et le liquide se rompt en fines gouttelettes hautement
chargées. Le solvant s'évapore ensuite, réduisant encore la taille des gouttelettes
jusqu'à ce que, sous l'effet de la charge de surface croissante, les ions s'en
désorbent (De Hoffmann, 1994).

Cette technique nous permet d'observer les espèces intactes, y compris les
complexes formés par des liaisons non-covalentes, originellement présentes dans la
suspension sub-micronique de la laque d'alizarine préparée dans le milieu aqueux.

Les spectres ont été réalisés sur un spectromètre de masse à trappe d'ions, modèle
"LCQ" de ThermoQuest Finnigan, (Labo de démonstration, Veenendaal ), équipé
d'une source "electrospray". L'échantillon est introduit par injection directe via une
67

seringue automatique au faible débit de 3µL/min ("nano-electrospray"). Les


spectres ont été enregistrés en modes positif et négatif dans la gamme de 200 à
4000 amu .

III.5.3. Résultats

L'aluminium (sulfate), l'alizarine et le NaOH en rapport molaire 1:2:5 en


suspension aqueuse à 90°C (préparation de laque selon la méthode de Soubayrol,
(cfr plus haut) : sulfate d'aluminium 12,5 mM, alizarine 50 mM, et NaOH 125
mM) forment une suspension colloïdale très fine, qui après quelques jours de repos
à température ambiante se transforme en un gel élastique. Un spectre ES-MS de la
suspension, avant la gélification totale de celle-ci, donne en mode positif (fig.
III.48) un grand pic à m/z apparent 1202,5, suivi par une série de six pics séparés
chaque fois de 288 à 289 unités m/z (1490,6 - 1779,9 - 2068,1 - 2357 - 2644,9 -
2993,1 ; intervalle moyen 288,4). Le spectre en mode négatif est dominé par une
série de pics espacés de 142 (141,9) unités m/z, dont le premier se trouve à m/z
119 (118,9). Après dilution par un même volume de méthanol et sonication
pendant 10 minutes, ces pics sont remplacés par ceux à 505 (505,3) en mode
positif (fig. III.49.) et 503 (503,3) en mode négatif, obtenus également par SIMS
de laques solides (§ III.6.4.1.), et attribués respectivement aux complexes positifs
[(HAliz)2Al]+ et négatifs [(Aliz)2Al]-.

Fig. III.48. Spectre de masse, ES-MS en mode positif de la suspension gélifiante


« Aliz 0 ».
68

Fig. III.49. Spectre de masse en mode positif de la suspension gélifiante « Aliz 0 »


après sonication de 10 minutes et de dilution par le MeOH 1/1.

III.5.4. Discussion

III.5.4.1. Signification des séries de pics à intervalles réguliers : perte


de chaînons neutres par des oligomères

Une série de pics régulièrement espacés est généralement due à une série de
polymères, ou plutôt d'oligomères, tous de même charge mais de degré de
polymérisation différents. La charge est donc due à une des extrémités de la
chaîne, ou éventuellement aux deux. Par exemple, en mode négatif, la série
observée (m/z = 119 + n.142) est attribuée à des oligomères de sulfate de sodium :
[NaSO4- + n.Na2SO4] (masse exacte 119,05 + n. 142,04). Le premier pic (m/z
118,9) est dû au fragment monochargé NaSO4- (m = 119,05, z = -1), le second (m/z
260,7) au fragment [NaSO4- + Na2SO4] (m = 261,1, z = -1), lui aussi monochargé.
La distance entre les pics correspond donc à la masse des maillons neutres
constituant l'oligomère, divisée par la charge de celui-ci (si le fragment de départ
-- -
était SO4 et non NaSO4 , les pics se trouveraient à m/z = 96/2 = 48, (96+142)/2 =
119, etc., avec donc des intervalles de 142/2 = 71). Dans les spectres en mode
négatif de mélanges d'alizarine et de sulfate d'aluminium neutralisés par KOH
plutôt que NaOH, on retrouve une série analogue de pics séparés cette fois de
173,8 unités m/z en moyenne (K2SO4 : m = 174,26).
69

III.5.4.2. Oligomères de complexes d'alizarine (intervalle m/z 288)

En mode positif, la série observée à m/z = 1202,5 + n. 288,4 est plus


intéressante que celle observé en mode négatif (fig. III.48), car elle ne semble pas
pouvoir être attribuée à des oligomères inorganiques (sulfates). Or la
transformation d'une suspension en un gel élastique, observée après la prise des
spectres, implique la formation d'un réseau tridimensionnel, constitué de chaînes
polymères liées l'une à l'autre par des liaisons (points ou nœuds de réticulation)
stables. Les pics espacés de 288 unités m/z doivent donc correspondre à différents
précurseurs oligomères, de degré de polymérisation croissants.

La masse apparente des chaînons neutres est 288,4, ou un multiple de


288,4 si la charge globale de l'oligomère auquel ils appartiennent est supérieure à
1. Or il se fait que dans toute combinaison imaginable d'ions Al+++, Na+ et K+, et de
molécules ou ions organiques composés de C, H, et O, le nombre de masse m est
pair si z est pair, et impair si z est impair. Le chaînon étant neutre, son nombre de
masse doit donc être pair : 288 si la charge de l'oligomère est +1, et 576 ou
éventuellement 578 si cette charge est +2. Or, puisque le gel ne se forme qu'en la
présence simultanée d'aluminium et d'alizarine, il doit se trouver au moins un ion
Al et une molécule d'alizarine par chaînon. Le nombre de masse de l'espèce (Aliz--
Al+++), monocationique, est 265 (masse exacte 265,04). Il faudrait donc, pour
arriver à un neutre de masse 288, y ajouter une combinaison d'atomes donnant une
masse 23 et une charge négative, ce qui ne semble pas possible.

Si par contre la charge des fragments détectés (m/z = 1202,5) est +2, alors
la masse de ceux-ci est en réalité 2405, et celle des chaînons neutres 2 x 288 = 576.
La combinaison de deux molécules d'alizarine (monoanion HAliz-), un ion Al, un
oxygène, un proton et trois molécules d'eau est neutre et donne le nombre de masse
voulu 576 (masse exacte 576,17). Dans ce cas le site de complexation serait
probablement le céto-phénolate, et la formule du chaînon serait Al+++(Haliz-)2(OH-)
(H2O)3. Si le site était le diphénolate, les deux protons supplémentaires déplacés
par l'aluminium devraient être réaffectés aux molécules d'eau, ce qui donnerait soit
-- - --
Al+++(aliz )2(OH )(H3O+)2(H2O) soit Al+++(aliz )2(H3O+)(H2O)3, deux éventualités
nettement moins plausibles que la première.

Ces résultats suggèrent donc une structure polymère composée de


complexes de type céto-phénolate monochargés (Al(Haliz)2)+, neutralisés et
enchaînés l'un à l'autre par des liaisons Al-O-Al. Les deux liaisons Al-O(-Al) de
chaque ion Al seraient situés à deux sommets opposés de l'octaèdre de
coordination. Les quatre sommets restants, situés dans le plan "équatorial",
perpendiculaire à l'axe ...-O-Al-O-Al-..., seraient occupés par les quatre atomes
d'oxygène des sites céto-phénolates des deux ions Haliz-. Ces derniers seraient
donc coplanaires, et perpendiculaires à l'axe de la chaîne (figure III.50).
70

m = 576
+H z= 0
+3H2O

Fig. III.50. Structure proposée pour les oligomères de complexes alizarine-


aluminium dans la solution gélifiante.

III.5.4.3. Noeuds de réticulation (m/z 1202,5)

Les fragments oligomères détectés à m/z = 1202,5, porteurs comme on l'a


vu plus haut de deux charges positives, sont probablement des noeuds de
réticulation plus résistants à la fragmentation que les entre-noeuds linéaires.

L'interprétation de leur masse est moins univoque que celle des fragments
neutres. Pour les raisons données plus haut, le nombre de masse doit être pair si le
fragment est doublement chargé, et peut donc être en principe 2404 ou 2406 mais
pas 2405 (s'ils étaient monochargés, leur masse pourrait être 1203 mais pas 1202).
Cependant pour des masses aussi élevées, la différence entre le nombre de masse
(somme des masses des atomes, arrondies à l'unité) et la masse précise peut
approcher d'une unité. La différence entre la masse réelle et la masse mesurée
expérimentalement peut également augmenter.

On peut imaginer a priori au moins deux types de nœuds de réticulation :


(a) bifurcations des chaînes ...Al-O-Al-O...ou (b) liaisons latérales entre chaînes
non ramifiées.
71

III.5.4.3.1. (a) Réticulation par bifurcation des chaînes ...-Al-O-Al-O-... :


p.ex. ...-Al-O-Al-(O-Al-...)2

Dans ce premier cas, l'ion Al au centre de la ramification serait lié non pas à
deux ions Haliz- et deux -O-Al..., mais à au moins trois groupements -O-Al-... et au
plus un ion Haliz-. On peut par exemple imaginer un "cœur" AlO4, reliant quatre
complexes [Al(Haliz)2]+ (fig. III.51), et complété par 3 H+ et 16 H2O (m = 2402,
masse précise = 2402,71, z = 2). Il est aussi possible de compléter par 2 H+, 15 H20
et 1 Na+ (m = 2406, masse précise = 2406,68, z = 2. Ces deux possibilités, ainsi
que probablement d'autres, donnent la charge attendue z = 2, mais diffèrent de 1 à
3 amu de la masse observée 2405. De plus il reste à vérifier si elles sont possibles
d'un point de vue stérique.

O
O

O
O

Fig. III.51. Nœuds de réticulation du gel alizarine-aluminium : hypothèse (a)

III.5.4.3.2. (b) Réticulation par liaisons latérales entre chaînes

Si les oligomères sont bien formés de complexes (Haliz)2Al+ reliés entre


eux par des ponts Al-O-Al, les molécules d'alizarine des complexes successifs sont
probablement, comme indiqué plus haut, dans des plans parallèles entre eux et
perpendiculaires à l'axe Al-O-Al. Les chaînes seraient donc comparables à des
rameaux de plantes (fig. III.50) à chaque niveau desquels deux feuilles (les
molécules d'alizarine) situées de part et d'autre de la tige (la chaîne Al-O-Al),
s'étalent dans un plan perpendiculaire à celle-ci. On peut imaginer que deux
72

chaînes parallèles entre elles s'interpénètrent, chacune glissant une ou plusieurs de


ses molécules d'alizarine entre celles de l'autre (fig. III.52.). Les interactions entre
cycles aromatiques stabiliseraient ces liaisons entre chaînes polymères, au point de
permettre la formation du gel élastique observé. On peut par ailleurs envisager que
certains des espaces entre molécules d'alizarine soient occupés par des ions Na+ ou
autres, pris dans des "sandwiches dibenzéniques" comme dans les structures
proposées par Soubayrol.

Fig. III.52. Réticulation par liaisons latérales entre chaînes.

Dans cette hypothèse, la masse recherchée (2405) pour le noeud de


réticulation peut être obtenue par la combinaison de dix-sept molécules d'eau, deux
Na+, et deux rameaux parallèles, chacun constitué de deux complexes Al(Haliz)2+
reliés par un oxygène, soit [{(Haliz)2Al-O-Al(Haliz)2)}2.Na2.(H2O)17 ]++ (m =
2404, masse précise = 2404,70, z = 2).
73

III.5.5. Résumé et conclusions

L'aluminium, l'alizarine et le NaOH en rapport 1:2:5 en suspension aqueuse


à 90°C forment après repos un gel élastique. Ceci implique la formation d'un
réseau tridimensionnel, constitué de chaînes oligo- ou polymères linéaires, liées
l'une à l'autre ("cross-linked") par des liaisons stables, de nature analogue ou non à
celles liant entre eux les chaînons. Le poids moléculaire de ces chaînons nous est
donné par les spectres ESMS. En effet la perte d'un ou plusieurs chaînons neutres,
par des fragments probablement dicationiques, donne naissance, dans le spectre
electrospray-MS en mode positif, à une série de pics espacés de 288,4 unité m/z.
Les chaînons neutres seraient donc de masse 288 x 2 = 576, compatible avec la
formule [Al+++(Haliz-)2(OH-)(H2O)3], donc avec le site de complexation céto-
phénolate. Ils formeraient des chaînes linéaires alternant Al et O, avec, pour
chaque couple Al-O, deux ions AlizH-, un proton et trois molécules d'eau. Les ions
Haliz- seraient situés dans un même plan perpendiculaire à l'axe de la chaîne, et
occuperaient par leurs sites céto-phénolates les quatre positions restées libres dans
l'octaèdre de coordination de l'Al.

Le premier pic de la série, à m/z = 1202,5, serait dû aux nœuds de


réticulation, dicationiques et moins facilement fragmentés que les entre-nœuds
neutres. Au moins deux hypothèses distinctes peuvent être proposées quant à leur
nature : bifurcation des chaînes Al-O-Al, et interpénétration des molécules
d'alizarine de deux chaînes parallèles. La première hypothèse permet d'imaginer
des combinaisons proches (m = 2402 et 2406, masses exactes = 2402,7 et 2406,7)
de la masse observée (m=2505, z=2), mais est peu plausible d'un point de vue
stérique. La seconde permet de proposer la combinaison [{(Haliz)2Al-O-
Al(Haliz)2)}2.Na2.(H2O)17 ]++, de masse théorique 2404,7, soit seulement 0,3 amu
de différence avec la masse observée, et donc parfaitement compatible avec les
résultats expérimentaux. Les ions Na+ pourraient être pris en sandwich entre les
cycles benzéniques des deux chaînes parallèles et contribuer ainsi à la réticulation.
On ne peut cependant exclure que le pic observé corresponde en fait à un autre
type de structure encore, et que la réticulation des gels mette en jeu un autre
mécanisme que ceux qui ont été proposés ici.
74

III.6. SIMS

III.6.1. Introduction

Les virages de couleur des anthraquinones en solution aqueuse diluée (§ III.4) et


les spectres de masse des oligomères de complexes d'alizarine et d'aluminium en
solution plus concentrée (§ III.5) ont montré que le site de complexation était le
"céto-phénolate" dans les deux cas, mais que la stoechimoétrie dépendait de la
concentration : (1:1) en solution diluée (aliz 2 - 20 µM, Al en excès), (1:2) et
oligomères de complexes (1:2) en solution plus concentrée (aliz 50 mM, Al 25
mM). On peut s'attendre à ce que, lors de la préparation d'une laque, le passage à
l'état solide par précipitation basique modifie encore la forme et la stoechiométrie
des complexes. La spectrométrie de masse SIMS permet de déterminer la masse
des constituants présents à la surface d'un échantillon solide. Nous l'avons
appliquée à trois laques de référence, d'alizarine, de quinizarine et de purpurine
respectivement.

III.6.2. ToF -S-SIMS : principes

Contrairement à la spectrométrie ES-MS dans laquelle la charge naturelle des


composés en solution ou en suspension est préservée, la technique SIMS, qui met
en jeu de relativement hautes énergies, induit fréquemment des transferts
d'électrons (on peut observer des fragments de charge inattendue, comme CH4O+,
O-, etc.), avec comme conséquence que la charge des ions détectés n'est pas
nécessairement représentative de leur état dans le solide.

La spectrométrie S-SIMS (Static Secondary Ion Mass Spectrometry) permet de


caractériser des constituants de la dernière couche mono-moléculaire d'un
échantillon organique ou inorganique en phase solide (Van Vaeck and al., 1999).
Elle est basée sur l'analyse des ions secondaires éjectés de la surface de
l'échantillon suite au bombardement de celle-ci par un faisceau d'ions primaires
(Ga+, Cs+, Xe+) avec une énergie de l'ordre du keV. Ce faisceau peut être focalisé
avec un diamètre submicronique, ce qui range cette méthode parmi les méthodes
micro-analytiques. Le mode statique, contrairement au mode dynamique, implique
un débit d'ions primaires n'excédant pas 1012 ions par cm², c'est à dire 1 ion
primaire par 1000 atomes de la surface analysée (Bertrand / Weng, 1996).

Le détecteur, qui sépare les différentes masses par leur temps de vol ("ToF") plus
ou moins long, permet, grâce à sa haute résolution, la détection de faibles débits
d'ions secondaires. De plus la gamme des masses des ions qui peuvent être détectés
s'étend au moins jusque m/z = 10.000, ce qui permet l'analyse des polymères.

III.6.3. Matériel et méthodes

III.6.3.1. Préparation des échantillons

Les échantillons sous forme de poudre de trois laques (ALIZ 4, QUI 2 et PU 2) et


des trois molécules de références correspondantes (alizarine (Sigma), quinizarine
75

(Extrasynthèse) et purpurine (Sigma)), ont été pressés sur une feuille d'indium
utilisée comme support. Le mode de préparation des laques est décrit en détail aux
§ V.3 et A1.2. Les concentrations de départ dans les solutions dont ont été
précipitées ces laques étaient 2 mM anthraquinone et 10 mM Al2(SO4)3 (20 mM
Al+++, rapport M/L = 10).

III.6.3.2. Équipement

Les spectres SIMS en mode statique (positif et négatif), ont été obtenus à l'aide
d'un spectromètre de masse à haute résolution à temps de vol (ToF) de la firme
Charles Evans and Associates, au laboratoire de Physico-Chimie et de Physique
des Matériaux de l'UCL.

La surface des poudres était bombardée avec un faisceau pulsé (duré de pulsation 5
ns) d'ions primaires de 69Ga+ (15 keV) finement focalisé (diamètre 0.5µm). La
surface balayée par ce faisceau était de dimensions 130 µm x 130 µm. Le temps
d'acquisition est 5 minutes pour chaque spectre, ce qui correspond à flux total des
ions primaires ~1012 ions/cm² , et garantit donc une analyse en mode statique
(Poleunis et al, 1997). Les ions secondaires désorbés de la surface de l'échantillon
sont accélérés jusqu'à une énergie cinétique de 3keV (l'énergie initiale est
négligeable) avant leur séparation d'après leur temps de vol à travers un tunnel de 2
m de long, qui est proportionnel à la racine carrée de leur masse (2µs = 1m/z, 63 µs
= 1000 m/z).

III.6.4. Résultats et discussion

Les spectres SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et leurs


laques (Aliz4, Qui2, Pu2) en modes positif et négatif sont donnés à l'annexe 5.

III.6.4. 1. Alizarine (PM 240)

En mode positif, la laque donne un pic à 505 m/z, attribuable à l'espèce


[Al(Haliz)2]+, dans laquelle le site de complexation est forcément le céto-
phénolate. En mode négatif, le pic est situé à 503 m/z, correspondant à l'espèce
[Al(aliz)2]-. Le site de complexation peut y être soit le diphénolate soit à nouveau
le céto-phenolate (voir au § III.2, la structure proposée par Kiel et Heertjes, dans
lesquelles le site est céto-phénolate mais le deuxième phénol également est
déprotoné).

Le fait que des complexes de stoechiométrie 1:1 ne soient pas détectés n'implique
pas leur absence. En effet dans de tels complexes il reste à l'atome d'aluminium la
possibilité de former jusqu'à quatre liaisons avec des atomes d'oxygène de
l'alumine. On peut donc s'attendre à ce qu'ils soient beaucoup plus difficiles à
éjecter intacts de la surface de l'alumine
76

HO

O O
Al(Haliz)2, m = 505, z = +1
Al

O O
OH

Fig. III.53. Structure du complexe Al(Haliz)2+ (m = 505, z = +1) détectés en mode positif.

O Al(aliz)2, m = 503, z = -1

O
O

O O
O
Al
Al O O
O O O O
O O

O O
a b

Fig. III.54. Deux structures possibles pour les complexes alizarine-aluminium détectés à m/z
= 503 en mode négatif : site céto-phénolate (a) et diphénolate (b).

III.6.4.2. Quinizarine (PM 240)

En mode positif, la laque de quinizarine donne un pic à 505 m/z, comme


l'alizarine, plus une série de pics à 770, 1035 et 1299 m/z. Par contre en mode
négatif, elle ne donne pas un pic à 503 m/z comme l'alizarine, mais à nouveau un
pic à 505 m/z.
77

Celui-ci est attribué à l'ion Al(Hquin)2 normalement positif, ce qui rappelle que la
haute énergie d'ionisation (15keV) utilisée en SIMS peut entraîner la formation
d'ions de charge inattendue.

L'absence du pic à m/z 503, attribué dans le cas de l'alizarine à l'espèce [Al(aliz)2]-,
peut indiquer deux choses : (1) soit le site de complexation dans [Al(aliz)2]- est
diphénolate et donc naturellement impossible avec la quinizarine, (2) soit il est
céto-phénolate et devrait être possible avec la quinizarine, mais le second
hydroxyle de celle-ci, situé en C-4, naturellement moins acide que l'hydroxyle en
C-2 et beaucoup plus éloigné de l'aluminium que celui-ci, perd moins facilement
son proton.

Les intervalles réguliers (m/z 265, 265 et 264) entre les pics observés en mode
positif suggèrent immédiatement une structure polymère de type Hquin-Al-quin-
Al-quin ... (fig.III.55), rendue possible par la présence de deux sites céto-
phénolates sur les molécules de quinizarine.

O OH

O O
Al
O O

O O

Al
O O

O O
OH

Fig. III.55. Structure de l'oligomère de complexe (Hquin-Al-quin-Al-Hquin)+


(m/z = 770, z = +1; cfr text) détecté en mode positif.

La masse de [Alquin]+, c.à.d. une molécule de quinizarine dianionique et un ion


aluminium, fait bien 265 unités de masse. Par contre un tel chaînon est chargé, et la
charge globale devrait augmenter d'une unité pour chaque chaînon [Alquin]+
ajouté. Les ions oligomères devraient alors être détectés à m/z 770/2 = 385, 1035/3
= 345, et 1300/4 = 325. À nouveau c'est suite aux hautes énergies impliquées dans
les processus d'ionisation et désorption que les oligomères sont partiellement
déchargés, et détectés comme monochargés.
78

III.6.4.3. Purpurine (PM 256)

La laque de purpurine n'a donné aucun pic significatif. Plusieurs hypothèses


peuvent être avancées pour expliquer cela. Dotée de trois sites potentiels de
complexation, la purpurine pourrait former des oligomères non linéaires plus
difficiles à désorber que les complexes bimoléculaires de l'alizarine ou les
oligomères linéaires de la quinizarine. La structure de ces complexes peut
également être trop diversifiée, entraînant une distribution du signal sur un trop
grand nombre d'ions. Le troisième hydroxyle de la purpurine peut encore former,
avec l'alumine du substrat ou avec d'autres molécules, des liaisons qui
défavoriseraient la désorption.

III.6.5. Résumé et conclusions

Les laques d'alizarine donnent en SIMS des complexes [Al(Haliz)2]+ et [Al (aliz)2]-
. La stoechiométrie des premiers implique un site céto-phénolate, tandis que celle
des seconds est compatible avec l'un ou l'autre site. Les laques de quinizarine ne
donnent que les premiers, plus une série d'oligomères de formule [Hquin-Al-quin-
Al-...], rendus possibles par la présence de deux sites céto-phénolates sur chaque
molécule.

Il n'est donc pas nécessaire que le colorant soit en excès par rapport à l'aluminium
pour qu'au moins une partie se trouve sous forme de complexes de stoechiométrie
1:2 (p. ex. [Al(Haliz)2]+ ) se forment. L'aluminium excédentaire précipite sous
forme d'alumine. On peut supposer que les complexes sont chimisorbés à la
surface de l'alumine à la fois par leurs fonctions phénols et par leur ion aluminium.
Cette dernière liaison, entre l'aluminium du complexe et un atome d'oxygène de
l'alumine, remplace la liaison Al-O-Al des oligomères de complexes observés par
ES-MS (§ III.5) à rapport M/L = 1/2. L'excès d'aluminium empêche donc la
polymérisation des complexes et la formation d'une suspension trop fine ou d'un
gel, et permet la précipitation d'une laque dont les propriétés physiques, à part la
couleur, sont proches de celles de l'alumine qui est leur constituant principal.
79

III.7. FTIR

III.7.1. Introduction

La bande d’absorption des carbonyles entre 1600 et 1700 cm-1 est fort
sensible à l’environnement de ceux-ci, et est donc susceptible de nous renseigner
sur leur éventuelle implication dans la chélatation de l’aluminium. Ainsi par
exemple dans le cas des substances humiques une augmentation des bandes à 1600
et 1400 cm-1 indique la participation des carboxylates à la complexation (Tan,
1978, cité par Stevenson et Vance, 1989).

Les carbonyles de l’anthraquinone non substituée absorbent tous deux à


1675 cm-1. Ceux de la 2-OH-AQ absorbent à une longueur d'onde légèrement plus
faible, 1667 cm-1. Quand un des carbonyles est voisin d'un hydroxyle, comme avec
la 1-OH-AQ et l'alizarine, une seconde bande apparaît vers 1630 cm-1. Quand les
deux carbonyles sont voisins d'un hydroxyle (quinizarine, purpuine), on n'observe
plus que cette seconde bande vers 1630 cm-1.

L'interprétation de ce déplacement d'une des bandes C=O vers les nombres


d'onde plus faible reste controversée dans la littérature. Hilbert et al. (1936) (réf 4
de Bloom et al., 1959) l'ont attribué à ce qui a été appelé plus tard "chélation
conjuguée" de l'hydrogène. Selon Bloom et al. (1959), les spectres de la 2-NH2-AQ
seraient en désaccord avec cette interprétation. En effet la bande d'un des deux
carbonyles de cette molécule est déplacée plus bas encore (1625 cm-1) que celle du
carbonyle en C-9 de la 1-OH-AQ (1631 cm-1), alors que la fonction amine en C-2
est trop éloignée des carbonyles pour une liaison hydrogène intermoléculaire. Ce
déplacement serait donc selon eux plutôt dû à une modification de la répartition de
la densité électronique sous l'effet des substituants. Puisque l'influence de la
fonction amine se fait sentir à plusieurs liaisons de distance, il s'agirait
principalement d'un effet mésomère, donneur d'électrons. L'oxygène ou l'azote en
C-1 peut en effet transmettre par résonance un électron à l'oxygène du carbonyle
en C-9 (fig. III.56), ce qui modifie la constante de force de la liaison C=O et donc
la position de la bande IR correspondante.
H H
O N H (-) (+)
O N H
OH OH
a/

O O

H H
(-) (+)
O O O O
OH OH

b/

O O
Fig. III. 56. Résonance entre l'oxygène (a) ou l'azote (b) en C-1 et l'oxygène du
carbonyle du C-9.
80

L'azote en C-2 peut également jouer un rôle de donneur mésomère, mais


cette fois au second carbonyle, en C-10 (fig.III.57). Bloom et al. (1959) pensent
que, dans le cas des hydroxyanthraquinones également, la chélatation de
l'hydrogène n'a qu'un effet indirect sur le spectre IR, par sa contribution à la
stabilité des formes dans lesquelles l'oxygène en C-1 est ionisé et donc fortement
donneur d'électrons.

O H O H
(+)
N N H
H

O O(-)

Fig. III. 57. Résonance entre l'azote en C-2 et l'oxygène du carbonyle du C-9.

Quoi qu'il en soit, il est intéressant d'examiner les modifications de ces


absorptions lors de la complexation de Al+++ qui accompagne la formation des
laques.

III.7.2. Résultats

Les principales bandes d’absorption observées (fig.III.58 à III.65) sur les


spectres de diverses anthraquinones, alumines et préparations d’anthraquinones et
d’aluminium, sont résumées dans le tableau III.1, et détaillées dans le tableau III.2.

Ces spectres d’anthraquinones pures confirment les attributions proposées


par Hilbert et al. (1936), Bloom et al. (1959) et Kiel et Heertjes (1963).
L’anthraquinone (non hydroxylée) absorbe à 1673 cm-1, l’alizarine et l’acide
rubérythrique (OH en C-1) à 1660/1634 et 1665/1634 cm-1, la quinizarine et la
purpurine (OH en C-1 et C-4) à 1630 et 1621 cm-1. Les bandes à 1621-1630 cm-1
correspondent donc bien aux groupes carbonyles avec un hydroxyle voisin.

La plupart des bandes d’absorption des anthraquinones, dont celle à env.


1630 cm-1, coïncident avec l’une ou l’autre de celles des alumines. La bande à env.
1673 cm-1 fait heureusement exception, ce qui permet d’observer sa disparition des
spectres des laques d’alizarine. L'absence de cette bande peut également être
constatée sur les nombreux spectres de laques d'alizarine publiés dans la littérature
(Masschelein, 1967; Schweppe, 1993, 1997; Sinclair, 1989; Duff et al., 1988).
Nous avons de plus observé que même un simple mélange physique d’alizarine et
d'alumine passe, au broyage, du jaune pâle au rose, changement de teinte
symptomatique d’une réaction de complexation, avec une disparition simultanée de
la bande à env. 1670 cm-1.
81

Tableau III. 1. Interprétation des principales bandes d'absorption IR observées


sur les spectres des anthraquinones et des leurs laques.

nombre d’onde (cm-1) anthraquinones alumine

~1660 C=O libre


~1630 C=O « chélaté » (C=O..H, C=O..M) AlOH
~1580 vibration système aromatique
~1530 vibration système aromatique AlOH
~1460 vibration système aromatique AlOH
~1400 AlOH

Tableau III. 2. Principales bandes d'absorption des spectres IR d'alumine, des


anthraquinones et de leurs laques.

IR Absorption [cm-1]

~1660 ~1630 ~1580 ~1530 ~1456 ~1400


alumine pptn. 1627 1527 (pt) 1464
alumine TLC 1633 1527 1389
alumine std 1638 1530
anthraquinon (AQ) 1673 1632 (ép) 1581 1473 1451
AQ / alumine (1/1) 1673 1632 (ép) 1581 1514(ép) 1471 1450
AQ / alumine (1/10) 1675 1633 1586 1513 1439
AQ / Al2(SO4)3 (1/6) 1673 1627 1588 1465
Al2(SO4)3 1672
alizarine 1660 1634 1588 1457
Aliz 0 (M/L=0.5) 1641 1589 1525 1464
Aliz 2 (M/L = 2) 1637 1588 1527 1464
Aliz 1 (M/L = 7.5) 1639 1592 1466
Alizarine + alumine 1636 1593 1517 1463
AD - Aliz6 6 1634 1528 1399
AD - ALIZ 4 (sur SiO2) 1640
AD - Aliz 8 (alumine std.) 1635 1521 1393
quinizarine 1630 1588 1452
QUI 1 (M/L = 2) 1628 1582 1528 1449
QUI 2 (M/L = 10) 1628 1580 1527 1447
purpurine 1621 1581 1460 1436
PU 2 (M/L=10) 1624 1573 1532 1455 1378
ALPU (M/L = 10) 1634 1583 1527 1466
ALQU (1/1, M/L = 10) 1630 1581 1527 1463
AcRub (pral + prlc) 1665 1634 1594 1454
AR1 (M/L =2) 1627 1588 1530 (ép) 1422
pt = petit ép = épaulement
82

70

65

60

55

50

45
%Transmittance

40

615
35

30

810
25

937
1164
20

15

1673
10

1581

1283

693
5

4000 3500 3000 2500 2000 1500 1000 500


Wavenumbers (cm-1)

Fig. III.58. Spectre IR de l'anthraquinone non substituée (KBr pastille).

80

75

70

65

60

55
3
1
7
e 50
c
n 0
at 6
ti 45 6
1 4 3
m
s 3 8 9
n 6 8 1
ar 1 5 1
40 3
T 7, 1
% 3
35 7
3
3

30 7
5
4
1
25

20
2
15 9
2
1
10

4000 3500 3000 2500 2000 1500 1000 500


Wavenumbers (cm-1)

Fig. III.59. Spectre IR de l'alizarine (KBr pastille).


83

60

55

3
7
50 8
7 8
9 7
5 4 6 5
92 6
45 60 9 6
01 2
1 7
e
c
n 40
at
ti
m
s
n 3
ar 35 7,
T 7
% 4
4
3
30

2
1 5
3 1
25 7 1 1
5 1
3
1
8
20 8
7 7
1 5
5 2
7 4 1 9
8 1 1
15 0 5 2
3 1 1
6
1

4000 3500 3000 2500 2000 1500 1000 500


Wavenumbers (cm-1)

Fig. III.60. Spectre IR de la quinizarine (KBr pastille).

75

70

65

60
e
c
n
at
ti
55
m
s
n
ar
T
% 50
4
7
1
1
0
45 2
6
1

40
6
3
4
1
1 7
8 8
35 5 2
1 1
3
9
3
3
4000 3500 3000 2500 2000 1500 1000 500
Wavenumbers (cm-1)

Fig. III.61. Spectre IR de la purpurine (KBr pastille).


84

65

60

55
2
1
9
50

45
7
e 47 8 9
2
c 40 5 4 51 6 1
n 6 9 44 3
1
at 6 4 5 11
ti 1 3 1
m
s 6
35 1 2
n 3
ar 1
T 1
%
30
8 6
2 9
9 9
25 2
7
5
0
1
20

15

10 9
9
3
3
4000 3500 3000 2500 2000 1500 1000 500
Wavenumbers (cm-1)

Fig. III.62. Spectre IR de l'acide rubérythrique technique (KBr pastille).

72

70

68
4
3,
66 3 1
5 2,
7
3 4
6 6
64 7, 4
7 1
1 5
0, 3
2
62 7
5
8 1
e 2 9,
c 6
n 60 2
at 6
ti 1
m 4
s 58 9 2,
n 4, 5
ar 1
T 4 1
2 1
% 56 9
2

54

52
0
0,
6
50 0
6

48
1
9,
46 7
4
4
3
4000 3500 3000 2500 2000 1500 1000 500
Wavenumbers (cm-1)

Fig. III.63. Spectre IR de l'alumine précipitée (KBr pastille).


85

80

75

70

65
e
c
n
at
ti
m 60 0
s 2
n 0
ar 1 6
6
T 7
% 9
55 8 8
5 3
1 8

6 1
50 2 4 7
5 5 6
1 3
9 1 7
3 1
6 7
45 1
4
9
5
6
4 6
3 4
40 4 1
3 2
8
2
1
4000 3500 3000 2500 2000 1500 1000 500
Wavenumbers (cm-1)

Fig. III.64. Spectre IR de la laque Aliz 3 (M/L = 2) (KBr pastille).

65

60

55

50

45

40 9
e 8
c 2
n 1
at 35
ti 8
m 6 8
s 3 5
n 30 6 1
ar 1
T 3
6
% 4
7 1
25 1
5
1
20

15

10
5
1
5 1
1
3
3
4 2
0 3 1
6
4000 3500 3000 2500 2000 1500 1000 500
Wavenumbers (cm-1)

Fig. III.65. Spectre IR de l'alizarine broyé avec l'alumine précipitée (KBr


pastille).
86

III.7.3. Discussion

La disparition de la bande de 1670 cm-1 et la présence d'une en 1630 cm-1


pourrait amener à conclure que le carbonyle intervient bien dans la complexation
de l'aluminium par l'alizarine et donc que le site est la céto-phénolate. Or il faut se
rappeler que cette bande n’est justement pas due au carbonyle en C-9 mais à celui
en C-10, beaucoup trop éloigné des hydroxyles pour former avec eux un site de
chélatation. Il ne peut pas non plus complexer l'aluminium à lui tout seul : nous
avons vérifié que, dans le cas de l’anthraquinone non substituée, ni la teinte visible
ni l’absorption à 1675 cm-1 ne sont affectées par broyage avec l'alumine,
contrairement au cas de l'alizarine. Le déplacement de la bande du carbonyle en C-
10 dans le spectre de l'alizarine est donc probablement la conséquence de la
déprotonation de l'hydroxyle en C-2, qui augmente son pouvoir donneur
d'électrons. Comme dans le cas de la 2-NH2-AQ (§ III.7.1), c'est par effet
mésomère que l'influence du groupe donneur d'électrons en C-2 est ressentie par le
carbonyle en C-10.

Inversement la déprotonation de l'hydroxyle en C-2 ne permet pas non plus


de conclure que le site de complexation est le "diphénolate". Elle peut être due à la
formation d'une liaison avec l'ion aluminium (site diphénolate), mais la charge
négative peut aussi être compensée à distance par l'un ou l'autre cation, comme
dans le modèle de Kiel et Heertjes (1963) (site céto-phénolate).
87

III.8. Étude spectroscopique des complexes alizarine-aluminium :


résumé général et conclusions

III.8.1. Structure et couleur des complexes

La couleur rouge ou jaune (fig.III.30) de solutions d'alizarine et


d'aluminium diluées (alizarine 10 µM) et acides (pH ≤ 3,3) et les spectres ES-MS
de solutions plus concentrées (alizarine 50 mM, Al2(SO4)3 12.5 mM, et NaOH 125
mM) et gélifiantes montrent que, dans ces deux types de conditions, l'alizarine
dans les complexes se trouve sous forme de monoanion (Haliz-), et le site de
complexation est donc céto-phénolate (fig. III.1(a) : aluminium lié simultanément
avec les fonctions carbonyle en C-9 et phénolate en C-1). La stoechiométrie est 1:1
(Al(Haliz)2+) dans les solutions diluées, 1:2 (Al(Haliz)2+) dans les solutions
gélifiantes. Dans ces dernières, les complexes polymérisent par des liaisons Al-O-
Al (fig.III.48).

A la surface des laques solides, on détecte par spectrométrie s-SIMS les


mêmes complexes (Al(Haliz)2+), mais aussi des complexes (Al(aliz)2-) dans
lesquels l'alizarine se trouve sous forme de dianion. Les premiers ne peuvent à
nouveau être que de site céto-phénolate. Dans les seconds, il est possible que
l'aluminium soit lié à la seconde fonction phénolate, et que le site soit alors plutôt
le diphénolate (fig. III.1(b)). Cependant il est également possible que ces
complexes correspondent au modèle de Kiel et Heertjes (fig.III.6), dans lequel le
site de complexation est encore le céto-phénolate, et le second phénolate est
compensé par l'un ou l'autre cation sans intervention d'une liaison à caractère
covalent.

Les spectres IR semblent confirmer la déprotonation du second hydroxyle.

Cette déprotonation de l'hydroxyle en C-2 affecte peu la couleur des complexes : le


rouge des laques est très proche de celui des complexes en solution (λmax ~ 485 nm
et ~ 500 nm respectivement, fig.III.47). Il est d'ailleurs connu (Gerstner, 1959, p.
54) que, dans les laques mixtes, la couleur est influencée surtout par la nature du
cation central (Al, Fe, Cr ...) lié au site céto-phénolate, et très peu par celle du
second cation.
Il semble dès lors que la couleur caractéristique des laques et des complexes en
solution soit essentiellement due à la chélatation de l'aluminium par des liaisons
carbonyle-aluminum et phénolate-aluminium, avec donc formation d'un cycle
hexagonal.

La stoechiométrie des complexes et la déprotonation de l'hydroxyle en C-2


sont donc, du point de vue de la couleur des complexes, sans grande importance.
On peut en conclure que les complexes de stoechiométrie 2:4 obtenus par
Soubayrol sont des cas particuliers, et que la ressemblance de couleur n'implique
pas qu'ils sont représentatifs des complexes en solution ou dans les laques
classiques. De même les complexes obtenus par Wunderlich sont des cas
particuliers, stables seulement dans une atmosphère saturée en DMF, et ne sont pas
88

représentatifs des vraies laques. Dans celles-ci, la stoechiométrie est plus


probablement 1:2, les complexes sont chimisorbés sur l'alumine qui joue le rôle de
substrat, et la couleur est due à la complexation de l'aluminium en site céto-
phénolate.

III.8.2. Stabilité des complexes en solution

En solution acide, la compétition entre ions H+ et Al3+ pour le site de


complexation peut empêcher la formation de complexes aluminiques, ou entraîner
la dissociation de ceux-ci s'ils sont déjà formés. Les constantes d'échange (p.ex.
logbAlHaliz = log ([AlHaliz 2+] . [H+] / [Al3+] . [H2aliz])) sont de l'ordre de -1 à -0,3
pour l'alizarine et la quinizarine, de 0 à 0,7 pour la purpurine. L'importance de ce
processus pour l'analyse des laques est évidente : pour pouvoir être analysés par
HPLC, les colorants doivent d'abord être extraits de leurs complexes dans les
laques.
IV. METHODE D'EXTRACTION ET D'ANALYSE

IV.1. Introduction

L'analyse chromatographique des colorants constituants des laques dans les


couches picturales des œuvres d'art pose un problème majeur : leur extraction sans
modification de leur structure. La méthode classiquement utilisée est l'extraction à
l'aide d'un acide fort
(HCl, H2SO4), à concentration élevée dans un mélange eau/solvant organique
(Masschelein, 1968; Schweppe, 1977, 1988; Walert, 1986; Wouters, 1989;
Sanyova/Wouters, 1993).

Dans la méthode d'extraction proposée par J. Wouters (1989), par exemple,


l'échantillon est hydrolysé par l'HCl 6 M dans un mélange méthanol : eau 1:1 à
chaud (100°C) pendant 10 minutes, évaporé à sec sous vide, puis repris dans un
solvant organique pour l'analyse par HPLC. Or cette méthode a été développée non
pour les laques mais pour les textiles, et présente l'inconvénient de détruire ou
modifier certains des constituants. Ainsi par exemple l'acide rubérythrique,
primvéroside (glycoside précurseur) de l'alizarine, est transformé en son aglycone,
l'alizarine. De même la pseudopurpurine (3-carboxy-, 1,2,4-
trihydroxyanthraquinone) et le primvéroside de la purpurine sont dégradés en
purpurine.

Compte tenu de l'importance de cette étape d'extraction qui conditionne la


pertinence de toutes les conclusions qui peuvent être tirées des analyses ultérieures,
nous avons cherché une méthode d'extraction plus douce, susceptible de fournir
des rendements satisfaisants en aglycones tout en préservant les différents
précurseurs.

Après de nombreux essais (différents pH, acides, températures, solvants, agents


complexants) sur une laque de garance (Rubia tinctorum L.) (annexe 6), une telle
méthode a été trouvée : l'extraction à température ambiante par un mélange
HF/Li+/DTPA à pH 1,5. Elle a été utilisée, en parallèle avec la méthode classique à
l'HCl 6N, pour l'extraction de dizaines d'échantillons de différentes laques avant et
après vieillissement (§ V.6.3, V.7.5 et V.8.3), et de quelques échantillons
d'oeuvres d'art (annexe 7). Ces nombreuses analyses ont confirmé que des
précurseurs étaient présents dans les laques que nous avons préparées à partir de
diverses Rubiacées, et étaient récupérés par la méthode HF/Li+/DTPA. De plus les
90

rendements en alizarine étaient régulièrement plus élevés qu'avec l'extraction par


HCl 6 M (§ IV.3).

Le rôle et l'importance des différents ingrédients dans l'extraction de l'alizarine ont


alors été étudiés, cette fois sur une laque préparée à partir d'alizarine synthétique.
-
Ces derniers essais ont montré le rôle central de l'ion F , qui libère l'alizarine en
complexant l'aluminium, et ont permis de rationaliser la méthode (§ IV.4).

IV.2. Matériel et méthodes

IV.2.1. Extraction

a/ HCl 6M dans MeOH/H2O.


Extraction par HCl 6 M : la laque (0,2 à 0,3 mg) est mise en suspension dans 250
µL de solution HCl 6 M (MeOH/H2O, 1/1). Après 10 min. à ébullition dans un
bloc chauffant, la suspension, de couleur jaune, est évaporée à sec sous vide. Le
résidu est repris dans 50 µL d'un mélange MeOH/H2O 1/1, qui prend une teinte
jaune à rose. Après filtration de ce mélange (0,5 µm), 20 µL sont analysés par
HPLC.

b/ HF/LiF/DTPA.
Extraction par HF/LiF/DTPA : la laque est mise en suspension dans 300 µL de
solution HF 2 M, LiF 120 mM, et DTPA 4 mM (H2O/MeOH/DMF/AcEt 2/1/1/1),
à température ambiante. La laque se décolore rapidement. Le surnageant jaune est
filtré (0,5 µm) pour l'analyse par HPLC.

Note:
Le pH du mélange HF/LiF/DTPA n'a pas été mesuré, le HF concentré pouvant
détériorer les électrodes pH en verre. Mais on peut calculer que, le HF étant un
acide relativement faible (pKa 3,2), le pH théorique d'une solution aqueuse 2 M
devrait être 1,5. Le LiF et le DTPA, beaucoup moins concentrés que le HF, ne
devraient pas modifier le pH de plus de quelques dixièmes d'unité. Il a été vérifié
que les pH mesurés dans des solutions aqueuses de HF moins concentrées (0,2 et
0,02 M) correspondaient bien, à moins de 0,1 près, aux pH calculés (1,9 et 2,5).
L'extraction se fait donc à pH beaucoup plus élevé que dans la méthode à l'HCl 6
M (pH < 0).

IV.2.2. Analyses par HPLC

Système HPLC :
Pompe : Waters 616, à quatre solvants
Injection : vanne manuelle Rheodyne, boucle de 20 µL
colonne : Lichrosorb RP18 (Merck), 5µm, 4 x 125 mm
Détecteur: UV-vis à barrettes de diodes ("DAD"), Waters 991
91

Méthode : La méthode HPLC utilisée est celle développée par J. Wouters (1989).
Éluants : A : méthanol grade HPLC (Merck)
B : eau (MilliQ)
C : acide phosphorique (Acros, 5% dans eau MilliQ, soit 0,1 M, pH 1,2)
Débit : 1,2 ml min-1
Gradient : de 0 à 3 min : isocratique, 30% A, 60% B, 10% C
de 3 à 29 min : gradient linéaire, jusque 80% A, 10% B, 10% C
de 29 à 30 min : isocratique, 80% A, 10% B, 10% C

La concentration en acide phosphorique est donc maintenue constante à 0,5 %, soit


0,01 M, ce qui en solution aqueuse donnerait un pH de 1,7. Le pH mesuré dans
l'éluant à 15 min, soit environ 55 % méthanol, est de 2,1.
Les spectres sont enregistrés entre 200 et 800 nm, et le chromatogramme est
intégré à 255 nm.

IV.2.3. Molécules de référence

Les molécules suivantes sont d'origine commerciale : alizarine : Sigma, 98% ;


purpurine : Sigma ; quinizarine : Extrasynthèse, 97% ; acide rubérythrique
(primvéroside de l'alizarine : Extrasynthèse, grade technique (ce dernier s'est avéré
être un mélange à peu près 1:1 d'acide rubérythrique et du primvéroside de la
lucidine).
La munjistine, la pseudopurpurine, la lucidine et la xanthopurpurine ont été
offertes par le prof. Thomson, de l'université d'Aberdeen, au Dr J. Wouters.
La pseudopurpurine, la rubiadine, et les primvérosides de l'alizarine (acide
rubérythrique), de la lucidine et de la rubiadine ont été offertes par le prof. Golikov
au Dr J. Wouters.

IV.2.4. Chromatogrammes

Un exemple de chromatogramme est donné à la figure IV.1. Il s'agit d'un extrait


par HF/Li2CO3/DTPA d'une laque de Rubia tinctorum L. ("RT4").

On peut y voir les pics correspondant à l'alizarine, la purpurine, la rubiadine,


l'anthragallol, et la pseudopurpurine, et ceux des primvérosides de l'alizarine et de
la lucidine. Ces pics ont été identifiés par comparaison des temps de rétention et
des spectres UV-vis avec ceux des molécules de référence (annexe 4).

La molécule non identifiée à tR = 27' pourrait être un précurseur de la purpurine :


sa disparition après hydrolyse acide semble corrélée avec une augmentation de la
concentration de celle-ci. Une autre inconnue a été souvent détectée (à tR = 7,5')
dans les toutes premières minutes de l'extraction aqueuse de racines de Rubiacées.
Elle est rapidement hydrolysée en pseudopurpurine par les enzymes libérés par les
racines. Il pourrait s'agir du 1-β-D-primvéroside de la pseudopurpurine, appelé
galiosine (Hill/ Richter, 1937). Les spectres UV-vis de ces deux inconnues (7,5' et
27') sont fort semblables (annexe 4).
92

0.8

pseudopurpurine

0.6

detail de 23' à 25'


alizarine
Au.s / mg

0.4 xanthopurpurine
-0.006

lucidine rubiadine
primvéroside
alizarine
-0.008
primvéroside

0.2 24 25
inc 27

pupurine
anthragallol

0.0

6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28
temps
Fig. IV.1. Chromatogramme extrait de la laque RT4 par HF/LiF/DTPA.

Tabl. IV.1. Temps de rétention et abréviations utilisées pour les molécules de


référence (les formules et les spectres se trouvent en annexe 4).

Temps de
Nom usuel Abreviation
rétention
Alizarine 1,2-Dihydroxyanthraquinone al (aliz) 19
Xanthopurpurine 1,3-Dihydroxyanthraquinone xp 21,8
Quinizarine 1,4-Dihydroxyanthraquinone qu (qui) 26,9
Anthragallol 1,2,3-Trihydroxyanthraquinone ag 17,4
Purpurine 1,2,4-Trihydroxyanthraquinone pu (purp) 21,6
Rubiadine 1,3-Dihydroxy-2-methylanthraquinone ru 26
Lucidine 1,3-Dihydroxy-2-hydroxymethylanthraquinone lc 19,3
Munjistine 1,3-Dihydroxy-2-carboxyanthraquinone mu 18,3
Pseudopurpurine 1,2,4-Trihydroxy-3-carboxyanthraquinone pp 18,9
Galiosine Pseudopurpurine-1-β-O-primvéroside pp-pr 7,5
Acide rubérythrique Alizarine 2-β-O-primvéroside al-pr 12
Lucidin primvéroside Lucidine - 3-β-O-primvéroside lc-pr 13
Rubiadine primvéroside Rubiadine- 3-β-O-primvéroside ru-pr 17,5
INC 27 composant de Rubia tinctorum L. à 27' inc 27 27
93

IV.2.5. Étalonnage

La plupart des molécules de référence n'étaient pas disponibles en quantité


suffisante pour réaliser un étalonnage satisfaisant.

Pour la xanthopurpurine, la pseudopurpurine, la munjistine et la rubiadine, nous


avons utilisé la pente de la droite d'étalonnage de l'alizarine, corrigée par les
coefficients calculés par J. Wouters (1985) sur base des coefficients molaires aux
maxima d'absorption donnés par Thomson (1971) et des spectres observés.

Les coefficients pour la lucidine et l'anthragallol, qui n'étaient pas donnés par
Wouters, ont été calculés de la même manière

Pour le primvéroside de l'alizarine, un rapport de coefficient molaire (primv. / aliz)


de 0,8 a été calculé sur base des analyses des échantillons ACRUB et AR2
(rapports 0,80 et 0,83 respectivement), pour lesquels l'extraction par LiF donnait la
quantité de précurseur, alors que l'extraction par HCl fournissait la quantité
d'alizarine équivalente. Pour le primvéroside de la lucidine, le même coefficient
0,80 est utilisé.

IV.2.6. Reproductibilité des analyses

Les quantités de laque disponibles pour analyse sont le plus souvent extrêmement
faibles, qu'il s'agisse de prélèvements d'œuvre d'art ou d'échantillons de laques
récupérés après des tests de vieillissement. Cela a pour conséquence des
incertitudes concernant les pesées (surtout au-dessous du mg), et plus encore quant
à la représentativité des échantillons.

Un test des balances analytiques utilisées au laboratoire, par une série de pesées
d'alizarine pure et dosages par HPLC, a montré que la RSD, bonne au-dessus du
mg (< 3% à 1-1,2 mg) passe à 17% pour des poids de l'ordre de 0,2 à 0,3 mg.

Avec la laque "RT1" (annexe 1), la RSD sur quatre extractions d'environ 0,2 mg
par HCl 6 M à 100°C était encore nettement plus élevée (46% pour l'alizarine),
probablement à cause de l'hétérogénéité de la laque. Si les erreurs de pesée
n'affectent que le calcul des teneurs absolues, les problèmes d'hétérogénéité par
contre peuvent modifier également les rapports apparents entre les différents
constituants. De fait les rapports purpurine/alizarine dans ces quatre extraits
variaient entre 0,7 et 1,4, avec une moyenne de 1,08 et une RSD de 30%.

Il est donc important de ne pas oublier, lors de l'interprétation des résultats


d'analyse, cette variabilité importante des résultats liée à la nature même des
échantillons examinés.
94

IV.3. Extraction par HF/Li+/DTPA

La figure IV.2 permet de comparer le chromatogramme de l'extrait de la laque de


garance RT2 par HF/LiF/DTPA, et celui d'un extrait de la même laque par HCl 6
M. Le premier chromatogramme confirme que des précurseurs (primvérosides de
l'alizarine et de la lucidine, pseudopurpurine, et molécule non identifiée à 27') sont
présents dans la laque. Le second montre que ceux-ci sont hydrolysés par
l'extraction par HCl 6 M. La transformation de la pseudopurpurine en purpurine
par décarboxylation est particulièrement évidente. On retrouve aussi moins
d'alizarine dans cet extrait, alors que l'hydrolyse de son précurseur aurait dû au
contraire en augmenter la teneur.

2.0 alizarine
purpurine
pseudopurpurine

1.5 HF 4N / Li+/ DTPA HCl 6N


OD / mg

1.0 inc 27

précurseur précurseurs
d'alizarine de lucidine
0.5

anthragallol

0.0

5 10 15 20 25
temps

Fig. IV.2. Chromatogramme de l'extrait de la laque RT2 par HF/LiF/DTPA à 20°C


(bleu) et par HCl à 100°C (rouge).

Le plus faible rendement en alizarine est encore plus évident dans la fig. IV.3, dans
laquelle les rendements d'extraction d'une série de laques d'alizarine synthétique
sont comparés pour les deux méthodes d'extraction.

Ces rendements d’extraction sont calculés en considérant une laque idéale, c.-à.-d.
constituée d’un mélange de complexe et d’alumine, en proportions fixées par les
réactifs utilisés. Pour ces calculs approximatifs, on a supposé que les formules des
95

complexes étaient analogues à celles des complexes décrits par Soubayrol (1996),
soit par exemple, pour la laque neutralisée par du bicarbonate de potassium, Al2(µ-
OH)2(C14H6O4)4(H2O)6K4. Le pourcentage idéal en alizarine calculé pour cet
exemple est égal à 240 / (1304/4 + 78*(M/L - 1/2)), où M/L est le rapport molaire
aluminium/alizarine dans les réactifs, 240 g/mol est le PM de l’alizarine, 1304
g/mol celui du complexe, et 78 g/mol celui de l’alumine Al(OH)3 formée par
l’aluminium en excès. Le calcul tient donc compte d’une eau de constitution
estimée à 1,5 molécules par molécule d’alizarine, mais pas de l’eau d’hydratation.

Extraction des laques d'alizarine synth. par HCl et HF/LiF/DTPA


1.0
0.9
0.8
0.7
rendement

0.6
0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
0.0
ALIZ ALIZ 1 ALIZ 2' ALIZ 3 ALIZ 4 ALIZ 5 ALIZ 6 ALIZ 7 ALIZ 8
HCl 6M / 100°C HF 2M/LiF 0.12M/DTPA 4mM / 20°C

Fig. IV.3. Extraction des laques ALIZ 1 à ALIZ 8 HF/LiF/DTPA et par HCl.
96

IV.4. Rationalisation de la méthode d'extraction :


rôles du pH et des ions F- dans la libération de l'alizarine

IV.4.1. Extraction et décomplexation de l'alizarine

+
Des essais complémentaires ont montré qu'en fait l'addition d'un sel de Li (LiF ou
Li2CO3) et de DTPA à l'HF ne semble pas améliorer les rendements d'extraction,
tels que mesurés par HPLC. Les principales différences avec l'extraction par HCl 6
M seraient donc le pH et la présence d'ions F-.
+++
Les ions F- sont connus pour former des complexes très stables avec l'Al
(Nordstrom / May, 1989; Robinson, 1993). Duval (1957) rapporte que cette
+++
réaction a été mise à profit dans différentes méthodes de titrage, soit des ions Al ,
soit des ions F-, et que le HF déplace l'aluminium ainsi que d'autres cations de
leurs complexes, notamment de leurs laques colorées.
+
Les ions H , quant à eux, entrent en compétition avec l'aluminium pour l'alizarine.
Nous avons vu (§ III.4.2) qu'en solution aqueuse un rapport [H+]/[Al3+] de 0,5 est
suffisant pour déplacer l'aluminium de ses complexes avec l'alizarine. Dans le cas
des extractions de laques, il est fort probable que le rapport [H+]/[Al3+] nécessaire
pour déplacer l'aluminium soit plus élevé, et donc le pH plus acide, pour deux
raisons. D'une part la libération de l'aluminium à partir des laques exige
probablement des conditions plus drastiques que la dissociation des complexes en
solution. D'une part la présence de solvants organiques dans le mélange
d'extraction (eau:DMF:MeOH 2:1:1) augmente la solubilité des colorants, mais
diminue celle des ions Al3+ et devrait donc défavoriser la dissociation des
complexes.

La présence d'ions F-, en diminuant très fortement la concentration en ions Al+++


libre, doit permettre d'élever le pH du virage. Ce qui est une autre manière de dire
+
que les ions F- et H coopéreraient pour libérer l'alizarine, l'un en captant
l'aluminium, l'autre en le remplaçant auprès de l'alizarine.

La fig IV.4 montre les couleurs d'une série d'extraits de la laque préparée à partir
d'alizarine synthétique "Aliz4", décrite plus en détail en annexe 1, § A1.2.1. Trois
acides (HCl, TFA et HF) sont comparés à même pH (1,5 avant mélange avec le
DMF et le MeOH) et à trois températures. Dans chacun des tubes à essai, environ
2,5 mg de laque ont été mis en suspension dans un mélange de 500 µL de solution
aqueuse de l'acide à pH 1,5 (HCl 30 mM, TFA 30 mM et HF 2 M) et 500 µL de
DMF : MeOH 1:1.
97

Fig. IV.4. Extraction de l'alizarine de la laque ALIZ 4 par HF, HCl et TFA (pH
~1.5) à trois températures différentes.

Cette laque ayant une teneur en aluminium (partiellement sous forme d'alumine)
d'environ 30% en poids, la quantité totale d'aluminium est de l'ordre de 0,75 mg
dans 1 mL, soit ~30 mM. S'il s'agissait non d'une laque en suspension dans un
mélange H2O/DMF/MeOH mais de complexes en solution aqueuse, le virage
rouge-jaune de décomplexation devrait (§ III.4.2) se situer à une concentration
[H+] entre 0,5 et 0,1 fois 30 mM, soit un pH entre 1,8 et 2,5. Or ici seuls les extraits
par HF sont jaunes, et même ceux-ci contiennent encore des traces de laque rouge,
surtout à basse température. Il y a donc, comme on pouvait s'y attendre, à la fois
solubilisation incomplète des laques quel que soit l'acide, et non-décomplexation
de l'aluminium dans HCl et TFA.

La figure IV.5 permet de situer les pH des virages de décomplexation par les trois
acides HF, HCl et TFA. Avec HCl et TFA à pH 0,2, le surnageant est jaune, ce qui
indique que les complexes solubilisés ont été dissociés, mais l'important dépôt
rouge qui subsiste montre qu'une fraction non négligeable de la laque n'est toujours
pas dissoute. Même à pH inférieur à 0, des traces de laque sont encore visibles.
Inversement avec HF le virage jaune-rouge du surnageant se situe entre pH 1,9 et
2,1. A pH 1,9, il reste assez bien de laque non solubilisée, mais à pH 1,5,
pratiquement toute la laque est solubilisée.

L'extraction peut donc se faire dans HF à ce pH de 1,5, suffisamment élevé pour


éviter l'hydrolyse des précurseurs.
98

Fig. IV.5. Extraction de l'alizarine de la laque ALIZ 4 par HF, HCl et TFA à différents pH.

IV.4.2. Dissociation des complexes en solution par l'éluant H3PO4 lors de


l'analyse par HPLC

Une constatation surprenante à première vue est que, si on analyse par HPLC les
surnageants rouges, on ne détecte pas les complexes, à la sortie de la colonne
HPLC, mais bien la molécule libre, identifiable par son temps de rétention et par
son spectre (absorption à 430 nm, et donc couleur jaune). Les teneurs mesurées se
situent entre 75 et 100% de celles des extraits par HF (fig.IV.6).
99

extraction ALIZ4 par HF, HCl, TFA


70

60

50
rdt [%]

40

30

20

10

0
HCl 100°C HCl 20°C TFA 100°C TFA 20°C HF 100°C HF 20°C

Fig. IV.6. Extraction de l'alizarine de la laque ALIZ 4 par HCl, TFA et HF à 100°C et à 20°C

L'alizarine, injectée sous forme de complexes sur la colonne HPLC, est donc
libérée au cours de l'étape de séparation. Le pH de l'éluant étant légèrement plus
élevé que celui des extraits, la seule explication semble être la complexation de
l'aluminium par les ions phosphates de l'éluant. De fait, une fois mélangé (1:1)
avec l'éluant, l'extrait par HCl 30 mM est devenu jaune. Utilisé dans les mêmes
conditions que les autres acides (fig. IV.7), l'H3PO4 5% (0,1 M, pH 1,2) a donné
une solution jaune, mais n'a décoloré qu'une partie de la laque. Les ions phosphates
restent donc moins efficaces que les fluorures pour libérer l'alizarine des ses
laques.

Fig. IV.7. Extraction de l'alizarine de la laque ALIZ 4 par H3PO4, H2SO4 ou HClO4 à
différents pH.
100

Ceci est probablement dû surtout à leur trop grande taille, qui non seulement
ralentit leur diffusion dans le substrat (mélange d'alumine et de complexes
alizarine-aluminium), mais les empêche d'atteindre les ions Al+++ séquestrés au
cœur des complexes.

IV.4.3. Dissociation des particules de laques en suspension par l'éluant


H3PO4 lors de l'analyse par HPLC

Puisque les ions phosphates sont capables d'extraire une partie de l'alizarine même
d'une laque solide (fig.IV.7), la turbidité dans les surnageants des extraits par HCl
et TFA laisse supposer que l'alizarine qui y a été détectée par HPLC s'y trouvait en
fait sous forme de particules trop fines pour être retenues par le filtre 0,5 µm, et n'a
été libérée de ces particules qu'après l'injection sur la colonne HPLC, au contact de
l'éluant. Ceci a été vérifié par une seconde analyse des mêmes extraits, après
centrifugation (10 ' à 10 000 RCF): les teneurs des extraits par HCl et TFA
diminuent de 10 à 45%, contrairement à celles des extraits par HF (fig. IV.8).

comparaison filtration / centrifugation


70
filtr
60
centrif
50

40
rdt. %

30

20

10

0
C

M
°C

C
C
°C

°C

FO
20
00

20
10
10
l2

D
l1

F
C

4/
F
A

TF

H
C

H
TF

O
H

3P
H

Fig. IV.8. Extraits de laque ALIZ 4 par HCl, TFA et HF centrifugée ou non avant
l'injection dans le système HPLC.

L'éluant HPLC pallie donc, mais partiellement et de manière peu reproductible, le


manque d'efficacité de l'HCl et du TFA à pH > 1. Une conséquence en est que la
comparaison des teneurs mesurées par HPLC n'est pas un bon critère de l'efficacité
de la méthode d'extraction, qui peut être vérifiée d'une manière à la fois plus aisée
et plus sûre par un simple contrôle visuel de la couleur et de la limpidité des
extraits.
101

IV.4.4. Rôles de l'ion F + et du DTPA

Ceci nous amène à reconsidérer les rôles du lithium et de l'agent chélatant, DTPA
ou DFOM. Il a été dit au début de ce paragraphe que ces deux réactifs
n'amélioraient pas de manière significative les rendements de l'extraction par HF,
mesurés par HPLC. Or les extraits obtenus en présence de HF, Li+ et DTPA sont
tout à fait limpides (fig. IV.5), contrairement aux extraits par HF seul, HF + LiF et
HF + DFOM, qui sont jaunes, mais parfois légèrement troubles et/ou dans lesquels
on peut encore détecter la présence de grains rouges de laque. Il semble donc que
la combinaison du lithium et de l'agent chélatant, sans avoir un rôle aussi central
que celui de la combinaison des ions H+ et F-, complète l'action de ceux-ci.

IV.5. Résumé et conclusions

Les méthodes classiques d'extraction des colorants des laques dans les couches
picturales des œuvres d'art utilisent des acides concentrés (HCl 6 M, H2SO4
1,8M), et ont dès lors le désavantage d'hydrolyser certaines molécules plus fragiles
que l'alizarine ou la purpurine, comme les précurseurs glycosidiques de celles-ci ou
la pseudopurpurine. Une acidité modérée permet d'éviter cette hydrolyse (pH 1,5
dans la solution aqueuse avant mélange 1:1 avec le DMF:MeOH 1:1). Avec les
acides chlorhydrique et trifluoroacétique, ce pH est insuffisant pour assurer la
solubilisation des laques et la dissociation des complexes alizarine-aluminium : un
dépôt rouge important subsiste, et le surnageant est rouge. Avec l'acide
fluorhydrique, la complexation de l'aluminium par les ions fluorures permet la
dissociation des complexes solubilisés (le surnageant est jaune) jusque pH > 1,9, et
la solubilisation quasiment totale de la laque (le dépôt rouge est éliminé presque
totalement) jusque pH > 1,5. Il s'avère que les conditions d'élution (éluant H3PO4),
lors de l'analyse par HPLC, sont propices à la dissociation des complexes. Il est dès
lors possible d'injecter des solutions de complexes (surnageants rouges), et même
des suspensions de fines particules de laque en suspension (surnageants troubles),
et de détecter, à la sortie de la colonne HPLC, au moins une partie de l'alizarine
sous sa forme libre. L'addition de LiF et de DTPA au mélange d'extraction permet
de parfaire la solubilisation des laques (disparition du dépôt rouge) et de la
dissociation des complexes (disparition du trouble dans le surnageant) dans les
échantillons, avant leur injection dans le système HPLC.
102
V. INFLUENCE DE DIFFÉRENTS PARAMÈTRES SUR LA COMPOSITION,
LA COULEUR ET LA STABILITÉ DES LAQUES

V.1. Introduction

Il est utile, avant toute chose, de rappeler ce que l'on entend par laque dans le
contexte de ce travail. Une laque est un pigment organique insoluble dans l'eau,
formé, à partir d'un colorant quelque peu soluble dans l'eau, par un processus de
chélatation ou de formation d'un sel, processus dans lequel la présence d'un
substrat est nécessaire et ce substrat forme une partie intégrante du produit final (§
I.2).
Il apparaît donc qu'une laque est un mélange, de stoechiométrie variable,
impliquant une ou plusieurs molécules colorées et un support solide. Colorants et
support interagissent et il y a simultanément chimi- et physisorption. La couleur
telle que perçue par l'observateur d'un objet peint avec une laque dépendra bien
évidemment d'un ensemble de facteurs et pas uniquement du spectre d'absorption
des colorants tel qu'il peut être mesuré en solution grâce à un spectrophotomètre.

Par ailleurs, pour l'historien d'art, il est important de pouvoir analyser une laque
ancienne pour en retrouver si possible les constituants initiaux et en inférer les
techniques picturales passées. Cette tâche est difficile compte tenu du phénomène
extrêmement complexe de vieillissement des laques dans leur milieux d'application
- peinture.

Dans la pratique de l'identification des colorants tels que l'alizarine et la purpurine


dans des œuvres d'art anciennes, on rencontre fréquemment des problèmes non
seulement d'extraction (comme déjà discuté au chap. IV), mais aussi
d'interprétation des résultats, suite à l'absence de recherche systématique sur la
composition des laques et sur leur résistance à la lumière, en fonction de leur
origine végétale ou animale et de leur mode de préparation.

Nous avons préparé par des techniques standardisées une série de laques au départ
de molécules de synthèse et aussi d'extraits de Rubiacées, et étudié les relations
entre leur composition chimique, leurs caractéristiques physiques, leur couleur et
104

leur résistance au vieillissement. Nous nous posions entre autres les questions
suivantes :

- le mode de préparation des laques influence-t-il leur composition et leur


résistance au vieillissement?
- des précurseurs glycosidiques des anthraquinones peuvent-ils être
retrouvés dans les laques ?
- si oui, quelle influence ont-ils sur la couleur ?
- dans quelle mesure la composition, avant ou après vieillissement, permet-
elle de déterminer la nature de la plante à partir de laquelle la laque a été
préparée ?

V.2. Préparation des laques et des laines teintes

Les recettes du passé, dont quelques-unes sont présentées à l'annexe 2, sont


souvent obscures. Pour ce travail, nous nous sommes inspirées de la recette
d'extraction des colorants et de préparation des laques à partir de racines de
"garance", décrite par Marcucci en 1816 (Marcucci, 1816), qui a la qualité
d'indiquer les proportions. Nous l'avons appliquée à neuf Rubiacées européennes
différentes et en avons fait varier différents paramètres. Nous avons aussi préparé
des laques à partir d'anthraquinones de synthèse, ainsi que d'anthraquinones
préalablement fixées sur de la laine, selon le procédé, couramment utilisé dans le
passé, de récupération des colorants à partir de chutes de textiles teints (Kirby,
1987). Enfin nous avons appliqué, toujours à Rubia tinctorum L., la méthode de
Kopp au XIXe siècle (Perkin/Everest, 1918; Schweppe, 1992; Schweppe/Winter,
1997), qui permet, grâce à la précipitation sélective des précurseurs, de préparer
une laque contenant de la purpurine mais pas d'alizarine.

Quelques laques encore ont été préparées selon de tout autres modes opératoires,
inspirés d'autres auteurs, ou achetées dans le commerce.

Parmi les nombreux modes opératoires différents de préparation de tous ces


échantillons, six ont été choisis comme références (§A1.2.1 de l'annexe 1). Trois
autres ("Aliz0", "RT19" et "RT26") diffèrent sensiblement des précedents et sont
décrit en annexe 1 (§ A1.2.2). La plupart des autres modes opératoires peuvent être
considérés comme des variantes de ces six modes opératoires de référence qui sont
résumés ci-dessous, et détaillés dans l'annexe 1. Les différences par rapport au
mode opératoire de référence (rapport aluminium/colorant, température, base
utilisée pour la précipitation...) sont données dans le texte au fur et à mesure que
sont décrits les échantillons et leurs caractéristiques. La liste systématique de tous
les échantillons est donnée dans le tableau A1.5 de l'annexe 1.
105

V.3. Résumés des modes opératoires de référence (cfr annexe 1).

- mode op. "Aliz4", laque d'alizarine de synthèse : complexation avec l'aluminium


en rapport molaire Al/colorant (M/L) = 10 à température ambiante, précipitation du
complexe par K2CO3.
- mode op. "AD Aliz1", laque d'alizarine de synthèse, préparée par adsorption
(chimisorbtion) de la solution méthanolique de l'alizarine sur un substrat
commercial (alumine ou silice).
- mode op. "RT2", laque d'extrait de Rubia tinctorum L. : extraction des colorants à
partir de racines pendant 1h à 60°C, complexation avec l'aluminium, précipitation
par K2CO3.
- mode op. "RT-L1", laine teinte : mordançage de la laine par l'alun en présence de
tartrate de sodium et potassium pendant 45 min à 100°C, puis teinture dans un bain
contenant des racines, 1 h à 60 °C.
- mode op. "RT17", laque de colorant récupéré de laine teinte : extraction, dans
K2CO3 pendant 2 h à 60°C, des colorants d'une des laines teintes, puis
complexation et précipitation par l'alun.
- mode op. "RT27" laque d'extrait de Rubia tinctorum L. d'après la recette de
Marcucci (cfr annexe 2): extraction des colorants à partir de racines à l'eau
bouillante, complexation avec l'aluminium, précipitation par Na2CO3.
106

V.4. Rendements des préparations de laques

Après leur précipitation, les laques ont été récupérées par filtration, rincées à l'eau
distillée sur le filtre, puis séchées trois jours à l'air, à température ambiante et à
l'abri de la lumière. Elles ont ensuite été pesées sur leur filtre, afin de vérifier si les
quantités obtenues sont proches de celles qu'on pouvait attendre.

V.4.1. Calcul des quantités de laque attendues

Dans le cas des laques d'anthraquinones de synthèse, les quantités exactes


d'aluminium et de colorant mises en oeuvre lors de la préparation sont connues. Il
est donc possible d'estimer le poids de laque qu'on peut espérer obtenir, en
supposant que toute l'alizarine présente se retrouve sous forme de complexes, et
l'aluminium en excès sous forme d'alumine. La formule attribuée aux complexes
influençant les résultats de ces calculs, ils ont été faits sur base de trois formules
hypothétiques (ou des formules équivalentes après remplacement de K par Na ou
de l'alizarine par la purpurine ou un autre colorant) :

(a) aliz4Al2(µ-OH)2K4(H20)6 : PM 1304, 4,1% Al, 74% alizarine, 12% K


(b) aliz2AlK : PM 542, 5% Al, 89% alizarine, 7,2%K
(c) aliz2AlH : PM 504, 5,4% Al, 95% alizarine

La formule (a) a été proposée par Soubayrol (1996) (cfr fig.III.9), et est
équivalente à celle proposée par Wunderlich (1993) (cfr fig.III.8), après
remplacement des 2 Ca par 4 K et des 4 DMF par 4 H2O. La formule (b) est proche
de celle proposée par Kiel et Hertjes en 1963 (cfr fig.III.6).

Par exemple le poids de laque attendu (mg), si la laque est composée du complexe
de PM 1304 et d'alumine non hydratée, est calculé en multipliant le nombre de
mmole d'alizarine par (1304/4 + 78 (Al/aliz - 1/2)). Comme dans les laques
l'alumine est généralement en large excès par rapport au complexe (le calcul de sa
contribution théorique au poids sec des laques donne environ 25%, 70% et 92%
pour les rapports aluminium/colorant 2, 10 et 50 respectivement), les trois
hypothèses donnent finalement des résultats très proches.

Il serait encore possible de supposer qu'aucun complexe colorant-aluminium n'est


formé, et que les laques sont constituées d'un mélange d'alumine et de colorants,
sous forme de grains ou adsorbés sur l'alumine. Les quantités attendues seraient
pratiquement identiques à celles données par l'hypothèse (b) ci-dessus.

Dans le cas des laques d'extraits de racines, tous ces calculs sont impossibles, la
quantité exacte de colorants mis en œuvre n'étant pas connue. On peut seulement
calculer la quantité de "laque", ou plutôt d'alumine pure, qu'on aurait récupéré si on
avait omis les micro-fragments de racines lors de la préparation, et si tout
l'aluminium se retrouvait donc sous forme d'Al(OH)3.
107

V.4.2. Comparaison avec les quantités obtenues

Le poids des laques d'anthraquinones commerciales est généralement plus élevé


que calculé (tableau V.1). Pour les laques de rapport aluminium/colorant proche de
10, le rapport entre quantité obtenue et quantité attendue est systématiquement de
l'ordre de 1,25 (de 1,21 +/- 0,09 à 1,30 +/- 0,10 selon l'hypothèse de calcul). Cette
différence entre poids mesurés et poids attendus est due principalement à l'eau
d'hydratation de l'alumine. Nous reviendrons sur ce problème ultérieurement.

Si on compare, pour l'ensemble des laques, les quantités obtenues avec celles qu'on
aurait attendues si les laques se réduisaient à de l'alumine pure, les rapports sont
1,94 +/- 0,64 pour les laques d'anthraquinones commerciales en général, 1,70 +/-
0,17 pour celles dont le rapport aluminium/colorant est proche de 10, et 2,3 +/- 1
pour les laques d'extraits de racine (tableau V.2). Ces excès de 94%, 70% et 130%,
par rapport à la quantité maximale d'alumine non hydratée récupérable, sont trop
élevés pour être entièrement dus à l'hydratation de l'alumine effectivement
présente. Ils confirment donc que les laques obtenues ne contiennent pas que de
l'alumine, et que l'extraction des colorants des racines est réussie, en ce sens qu'une
quantité relativement importante de composés d'origine végétale se retrouve
incorporée dans les laques d'extraits de racine.

Tableau V.1. Laques d'anthraquinones commerciales : quantités de réactifs (colorant : 1


mmole total, sauf Aliz1 : 0.43 mmole), rendements.

rendement apparent
mmole Al [g] laque
(a) (b) (c)
ALIZ 1 3.2 0.498 1.33 1.42 1.46
ALIZ 2 2 0.389 0.88 1.00 1.06
ALIZ 3 2 0.450 1.02 1.16 1.22
ALIZ 4 10 1.350 1.27 1.33 1.36
ALIZ 5 10 1.214 1.14 1.20 1.22
ALIZ 6 50 2.872 0.69 0.69 0.70
ALIZ 7 10 1.283 1.22 1.28 1.29
ALIZ 8 12.5 1.497 1.18 1.24 1.26
ALPU 10 1.199 1.12 1.18 1.20
ALQU 10 1.124 1.05 1.11 1.13
COL3 10 1.279 1.19 1.26 1.28
COL4 10 1.454 1.27 1.33 1.36
PU 1 2 0.553 1.21 1.37 1.44
PU 2 10 1.249 1.15 1.21 1.24
PU 3 10 1.399 1.29 1.36 1.39
AR 1 2 0.339 0.45 0.49 0.50
AR 2 10 1.217 0.89 0.92 0.94
QUI 1 2 0.441 1.00 1.14 1.20
QUI 2 10 1.422 1.33 1.41 1.43
sur toutes les laques : moy. 1.09 1.16 1.19
SD 0.23 0.24 0.25
%RSD 21.10 20.83 20.86
sur les laques de M/L~10 : moy. 1,21 1,28 1,30
SD 0,09 0,10 0,10
%RSD 7,3 7,5 7,6
(a)-(c) : alumine + complexes de type (a) à (c), cfr texte
108

Tableau V.2. Laques d'extraits de racines :


quantités de réactifs, rendements.

Echantillon racine [g] alun1 [g] Al [g] laque [g]


RT1 2.00 1.476 0.084 0.404
RT2 2.01 1.509 0.086 0.575
RT3 1.99 1.501 0.085 0.403
RT4 2.01 1.507 0.086 0.464
RT5 2.00 1.497 0.085 0.399
RT6 1.99 1.437 0.082 0.417
RT7 1.99 1.501 0.085 0.485
RT8 2.00 1.494 0.085 0.489
RT9 2.01 1.502 0.086 2.091
RT10 1.99 1.504 0.086 0.464
RT11 2.00 1.517 0.086 0.568
RT13 2.01 1.502 0.086 0.478
RT14 2.00 3.061 0.174 1.707
RT15 2.01 1.501 0.085 0.534
RT16 (laine) 2.262 1.131 0.064 0.600
2
RT17 (laine) 2.43 1.513 0.086 0.797
RT18 (laine) 2.412 3.349 0.191 0.958
RT19 0.18 0.150 0.008 0.045
RT27 10.01 6.67 0.380 2.251
RT28 10.00 6.67 0.380 2.203
RT29 10.00 6.67 0.380 2.203
RP2 2.01 1.506 0.086 0.503
RP3 2.01 1.502 0.086 0.444
RP7 1.99 1.497 0.085 0.472
RP12 2.00 1.494 0.085 0.452
GA2 2.04 1.518 0.086 0.458
GA3 2.01 1.503 0.086 0.464
GA8 1.99 1.450 0.085 0.512
GB2 2.02 1.489 0.085 0.454
GM2 1.98 1.509 0.086 0.530
GM3 2.00 1.502 0.086 0.433
GM8 2.01 1.503 0.086 0.452
GO2 2.01 1.509 0.086 0.469
GS2 1.92 1.499 0.085 0.451
GS3 1.99 1.503 0.086 0.439
GS8 2.03 1.510 0.086 0.488
GV2 1.99 1.507 0.086 0.468
GV3 2.00 1.503 0.086 0.450
GV12 2.00 1.505 0.086 0.428
AT2 2.04 1.505 0.086 0.436
1
alun = KAl(SO4)2.12H2O
2
g de racines utilisés pour teindre les ~2g de laine, dont les colorants ont été ensuite
réextraits
109

V.5. État physique des laques

Certains des précipités étaient très fins (p.ex. Aliz2), et même parfois proches de
colloïdes (Aliz 0, 3 et 5, préparées à haute température). Le filtre de porosité 50
µm était alors insuffisant, et la filtration était répétée avec des porosités de 10 ou
0,45 µm.

À l'inverse la laque Qui2 (quinizarine, M/L = 10) par exemple a donné une pâte
brune, qui en séchant est passée au rose-violet.

La plupart des laques, soit parce qu'elles formaient des pâtes (en général, les laques
contenant de la quinizarine) soit parce qu'elles contenaient de gros grains, ont été
broyées dans un mortier après séchage.

L'observation des laques au microscope optique (grossissement 200 à 400) montre


que les poudres obtenues sont essentiellement constituées de grains d'alumine
colorée, dont la taille peut approcher les 100 µm.

Les photos sur la fig. V.1 montrent la laque Aliz4 (M/L = 10, temp. amb.),
observée sous forme de poudre fixée sur un filtre Millipore en ester de cellulose
(MF HA013), lui-même placé sur un fond blanc ou sur un fond noir, sous une
lumière incidente polarisée ou non. Le fond noir permet de mieux distinguer les
grains individuels et leur taille. La lumière polarisée supprime les reflets à la
surface des grains. Les grains les plus gros sont au moins aussi colorés que les plus
petits. Nous verrons plus loin que leur coloration résiste aussi beaucoup mieux au
vieillissement, ce qui suggère que la substance colorante n'est pas simplement
adsorbée à la surface externe des grains, mais qu'elles se trouve à l'intérieur de
ceux-ci, que ce soit à la surface des pores ou dans la masse de l'alumine.

a b

||
100 µm
c
Fig. V.1.
Laque Aliz4 vue au microscope optique
en conditions d'éclairage différentes : (a)
lumière incidente sur fond blanc, (b)
lumière incidente sur fond noir et (c)
lumière incidente polarisée sur
fond noir.
110

La distribution granulométrique d'une laque typique (RT29, laque de Rubia


tinctorum L., recette Marcucci (annexe 1) , pptn par Na2CO3), fig. V.4) est donnée
aux figures V.2 (distribution en volume) et V.3 (distribution en nombre). Une
sonication legère, permet de dissocier les éventuels agrégats, et de s'assurer que la
distribution granulométrique observée est bien celle des grains individuels et non
d'agrégats de ceux-ci. La sonication plus longue casse aussi les grains. Le "mode"
(maximum de la distribution) en nombre est de 0,93 µm (6,4% des grains ont un
diamètres entre 0,89 et 0,97 µm), alors que le mode en volume est de 51 µm (les
grains entre 48,9 et 53,5 µm forment 5,1% du volume total de la laque). Le point
d'inflexion vers 20 µm dans la courbe de distribution en volume suggère nettement
l'existence de deux populations, une de ~50 µm, l'autre de 5-10 µm.

Fig. V.2. Courbes de la distribution granulométrique (en volume) avant et après


sonication de la laque RT29 pendant 30 sec.

Fig. V.3. Courbes de la distribution granulométrique (en nombre) avant et après


sonication de la laque RT29 pendant 30 sec.
111

|| ||
100 µm 100 µm

Fig. V.4. Laque de garance (RT29) vue au microscope sous lumière incidente
polarisée à deux grossissements différents.

Aucune cristallinité des laques n'a pu être détectée par diffraction des rayons X.

Les surfaces spécifiques des laques (fig. V.5), mesurées par adsorption / désorption
d'azote et d'hélium (méthode B.E.T.), sont du même ordre de grandeur (96 +/- 18
m2/g) que celles de l'alumine précipitée en l'absence de colorants (échantillon
"Al2O3 ppté.", 93 m2/g) et de l'alumine TLC (échantillon "AD - PU 3", constitué de
purpurine adsorbée sur une alumine TLC, 134 m2/g). Elles sont essentiellement
dues à la porosité interne de l'alumine. Les laques d'alizarine aliz2 (25°C) et aliz3
(90°C), de faible rapport Al/aliz (=2), font exception, avec seulement 2 à 4 m²/g,
proches des 3 à 13 m2/g des poudres d'anthraquinones synthétiques. Ces faibles
valeurs sont typiques de grains de quelques microns dépourvus de porosité interne
: des grains sphériques de 1 µm et de densité 1 donneraient 6 m2/g. Inversement il
faudrait descendre à 60 nm pour atteindre, avec des grains sphériques dépourvus de
porosité, les 100 m2/g des laques riches en alumine, et à 12 nm pour atteindre les
500 m2/g de l'échantillon "AD-aliz4", alizarine adsorbée sur une silice.
112

m² / g
0 50 100 150 480 500

AT 2 102
GV 2 102
GS 2 104
GO 2 103
GM 3 126
GM 2 102
GB 2 117
GA 3 98
GA 2 107
RP 2 97
RT 25 40
RT 24 40
RT 23 34
RT 22 58
RT 21 56
RT 20 2
RT 18 62
RT 17 69
RT 16 74
RT 15 84
RT 13 86
RT 11 73
RT 10 109
RT 9 7
RT 8 113
RT 7 102
RT 6 114
RT 5 102
RT 4 106
RT 3 92
RT 2 106
RT 1 135

AD-ALIZ 4 483
SiO2 470
Al2O3 TLC 135
Al2O3 std. 98
Al2O3 ppté. 93
QUI 2 104
QUI 1 68
QUINIZ 3
AR 2 95
AR 1 77
PU 3 108
PU 2 107
PU 1 91
PURP 2
COL 4 71
COL 3 69
ALQU 57
ALPU 89
ALIZ 8 60
ALIZ 7 113
ALIZ 6 76
ALIZ 5 118
ALIZ 4 102
ALIZ 3 4
ALIZ 2 1
ALIZ 1 97
ALIZ 14

Fig. V.5. Surface spécifique (m²/g) des laques par la méthode B.E.T.
113

V.6. Composition chimique des laques

V.6.1. Thermogravimétrie :
estimation des teneurs en aluminium, alizarine et eau d'adsorption

Les courbes thermogravimétriques d'une alumine, de d'alizarine pure, et de


quelques laques sont données à la fig V.6.

alizarine
100

sublimation
80 de l'alizarine
aliz3

60 perte AlPu
% perte

d'eau aliz5
aliz6
40 alumine

20
décomposition
de l'alizarine
0
0 200 400 600 800 1000

Température (°C)

Fig. V.6. Analyse thermogravimétrique (TGA).

Selon Sato et al (1980), l'eau adsorbée sur l'alumine s'élimine vers 130 °C, l'eau de
constitution vers 250-350 °C. Sur la courbe de l'alumine de la figure V.6 ces deux
étapes ne peuvent être séparées. La légère perte de poids vers 850 °C est
probablement due au passage de l'alumine de la forme η à la forme θ (Léonard et
al., 1969). À 1000 °C il ne reste que de l'Al2O3, qui permet de calculer une teneur
en aluminium de 30% en poids, correspondant à une teneur initiale en Al(OH)3 de
86% Les 14% restant sont probablement l'eau adsorbée (Al(OH)3. nH20, n = 0,8).

L'alizarine en poudre sublime entre 250 et 350 °C, et la fraction non sublimée se
décompose entre 450 et 550 °C. Cette dernière correspond peut-être à la fraction
sous forme sodique (HalizNa) dans l'échantillon commercial.

La courbe de perte en poids d'une laque typique (aliz5, Al/aliz = 10) commence
comme celle de l'alumine, avec perte d'eau (~33%) jusque vers 350 °C. Ensuite
l'alizarine (~17%) se décompose entre 400 et 550 °C.
114

La courbe de la laque Aliz3, plus pauvre en aluminium (Al/aliz = 2) confirme cette


interprétation. Le premier saut, correspondant à la perte d'eau par l'alumine, y est
plus petit (perte de ~15%), tandis que le second, correspondant à la sublimation et
la décomposition de l'alizarine, y est plus grand (perte de ~50%).
Il semble donc que quantitativement on puisse non seulement calculer la teneur en
aluminium à partir du résidu à 1000 °C, mais aussi estimer la teneur en alizarine
(ou alizarine + purpurine) à partir de la perte en poids vers 400 - 550°C. Les
teneurs en aluminium et en alizarine ainsi obtenues (Tableau V.3) sont assez
proches des teneurs attendues sur base des calculs décrits plus haut (exemple de
calcul : le pourcentage en aluminium, si la laque est composée du complexe de
PM 1304 et d'alumine, est donné par %Al = 100 x 27 x Al/aliz / (1304/4 + (Al/aliz
- 1/2) x 78)). Dans les cas de l'alumine et des laques de rapport aluminium/colorant
élevé, on trouve légèrement (5% à 25%) moins d'aluminium que prévu,
probablement surtout parce que l'eau adsorbée sur l'alumine a été négligée dans le
calcul des valeurs attendues.

Tableau V.3. Teneurs en aluminium et en alizarine, mesurées par


thermogravimétrie.

% aluminium : % alizarine :
calculé (cfr texte) pour calculé (cfr texte) pour
Échan- Rapport
alumine + compl. de exp : alumine + compl. de type exp :
tillon : Al/aliz :
type : :
(a) (b) (c) (a) (b) (c)
alumine 34,6 29,6 0 0
Aliz 0 0 100 98
AlPu 10 25,1 26,5 27,0 22,8 23,1 24,3 24,8 20
Aliz2 2 12,2 13,9 14,6 17,5 54,2 61,9 65,0 33
Aliz3 2 12,2 13,9 14,6 16,9 54,2 61,9 65,0 50
Aliz5 10 25,3 26,7 27,2 24,4 22,5 23,7 24,2 17
Aliz6 50 32,2 32,7 32,8 24,9 5,7 5,8 5,8 5

La TGA confirme donc que les laques sont assimilables à des alumines colorées,
que leur composition est proche de celle qu'on peut attendre sur base des
proportions de réactifs utilisés, et que, en équilibre avec l'atmosphère, elles
adsorbent probablement de 5 à 25% de leur poids en eau.

La courbe de perte en poids donnée par Soubayrol (1996) pour son complexe
(aluminium : alizarine : NaOH en rapport molaire 1:2:5) a une allure à première
vue similaire à celles présentées ici, avec une perte de ~15% par déshydratation
avant 300 °C, puis une seconde perte de 15 à 20%. Il y a cependant deux
différences : la seconde perte en poids se situe à température beaucoup plus élevée
(550 - 650 °C) que sur nos courbes, et le résidu à 800 °C fait encore 65% du poids
initial. Sur base de la composition attribuée par Soubayrol à son complexe, le
résidu final devrait être composé de Al2O3 et Na2O en rapport molaire 1:2, et on
peut calculer qu'un résidu de 65% correspondrait à des teneurs de 16% en
115

aluminium et 26% en sodium, soit quatre fois plus qu'attendu. Les conditions
expérimentales choisies par Soubayrol diffèrent des nôtres en deux points, qui tous
deux peuvent contribuer à expliquer les différences dans les résultats. D'une part
l'atmosphère de son expérience était inerte (N2), ce qui peut avoir retardé ou
empêché la décomposition de l'alizarine. D'autre part le gradient de température
était assez élevé (5 °C/min.), peut-être trop élevé pour que l'équilibre ait été atteint:
dans des expériences préliminaires, nous avions constaté que dans nos conditions 3
°C / min était déjà un peu trop rapide, et les courbes de la figure V.6 ont été
obtenues à 2 °C/min.

L'interprétation proposée par Soubayrol pour cette courbe est qu'on peut y
distinguer les deux familles de molécules d'eau d'hydratation qu'il attribue à son
complexe : quatre molécules fortement liées, deux moins liées. Or dans la zone 0-
300 °C, cette courbe est tout à fait comparable aux nôtres, et il semble très
hasardeux d'essayer d'y distinguer plusieurs populations de molécules d'eau.
116

V.6.2. ICP : teneurs en aluminium et potassium

Dans les formules proposées dans la littérature, les complexes aluminiques


d'alizarine contiennent souvent, en plus de l'aluminium, un cation alcalin (K+, Na+)
ou alcalino-terreux (Ca++), provenant de la base utilisée dans la préparation de la
laque, dans notre cas le carbonate de potassium (à l'exception de "Aliz0", mode op.
de Soubayrol : Al / aliz / NaOH en rapports molaires 1/2/5).

Les teneurs en aluminium et en potassium dans les laques, mesurées par ICP, sont
données dans les tableaux V.4 et V.5.

Tableau V.4. Laques d'anthraquinones commerciales: teneur en aluminium et


potassium, valeurs attendues et mesurées par ICP.

% aluminium : % potassium :
Échan- Rapport calculé (cfr texte) pour calculé (cfr texte) pour
tillon : Al/aliz : alumine + compl. de type : exp : alumine + compl. de type: exp :
(a) (b) (c) (a) (b) (c)
ALIZ 0 0 0 0 0,07 0 0 --
ALIZ 0 0,5 4,35 5,13 5,36 4,29 0 0 - 0
ALIZ 1 7,4 23,12 24,69 25,28 25,1 4,51 2,41 - 2,1
ALIZ 2 2 12,19 13,92 14,63 22,2 8,8 5,03 - 2,3
ALIZ 3 2 12,19 13,92 14,63 19,8 8,8 5,03 - 2,9
ALIZ 4 10 25,3 26,68 27,19 30,6 3,66 1,93 - 0,3
ALIZ 5 10 25,3 26,68 27,19 32,5 3,66 1,93 - 0,7
ALIZ 6 50 32,24 32,67 32,82 34,7 0,93 0,47 - 0,4
ALIZ 7 10 25,69 26,89 27,19 35,4 0 0 - 0
ALIZ 8 12,5 26,74 27,96 28,41 32 3,09 1,62 - 0,6
ALPU 10 25,12 26,47 26,97 33,6 3,63 1,91 - 0,6
ALQU 10 25,3 26,68 27,19 28,5 3,66 1,93 - 0,9
COL3 10 25,18 26,54 27,04 27,8 3,64 1,92 - 0,1
COL4 10 23,53 24,71 25,15 28,3 3,4 1,78 - 0,3
PURPU 10 0 0 -- 0,1 0 0 - 0,3
PU 1 2 11,76 13,37 14,03 21,2 8,5 4,83 - 0,8
PU 2 10 24,93 26,26 26,76 27,2 3,6 1,9 - 1,8
PU 3 10 24,93 26,26 26,76 32,8 3,6 1,9 - 0,8
ACRUB 0 0 -- -- 0,1 0 0 - 7,4
AR 1 2 7,21 7,78 8 16,3 5,21 2,81 0,3
AR 2 10 19,66 20,49 20,79 25,3 2,84 1,48 - 0,6
QUINIZ 0 0 0 -- 0 0 0 - 0,5
QUI 1 2 12,19 13,92 14,63 19,6 8,8 5,03 - 0
QUI 2 10 25,3 26,68 27,19 33,4 3,66 1,93 - 0,8
ALUMINE -- 34,62 34,62 34,62 39,7 0 0 - 3,2

La figure V.7 permet de comparer, pour les laques d'anthraquinones commerciales,


teneurs mesurées et teneurs attendues, calculées comme décrit plus haut (§ V.4.1)
pour des mélanges d'alumine et de complexes des types hypothétiques (a), (b) et
(c). On trouve régulièrement un peu plus d'aluminium que prévu, y compris pour
l'alumine pure (40% au lieu des 35% théoriques). Les rapports entre teneur
117

mesurée et teneur attendue sont de 1,35+/-0,31 et 1,22+/-0,25 pour des complexes


de type (a) et (c) respectivement.

40

30
% Al

20

10

ALUMINE
PURPU

ACRUB

QUINIZ
ALIZ 0

ALIZ 1

ALIZ 2

ALIZ 3

ALIZ 4

ALIZ 5

ALIZ 6

ALIZ 7

ALIZ 8

ALQU

QUI 1

QUI 2
COL3

COL4
ALPU

PU 1

PU 2

PU 3

AR 1

AR 2
ALIZ

6
%K

0
ALUMINE
PURPU

ACRUB

QUINIZ
ALIZ 0

ALIZ 1

ALIZ 2

ALIZ 3

ALIZ 4

ALIZ 5

ALIZ 6

ALIZ 7

ALIZ 8

ALQU

QUI 1

QUI 2
COL3

COL4
ALPU

PU 1

PU 2

PU 3

AR 1

AR 2
ALIZ

exp. (ICP)
calc. (alum. + compl. type Aliz4Al2(µ-OH)2K4(H20)6)
calc. (alum. + compl. type Aliz2AlK)
calc. (alum. + compl. type Aliz2AlH)

Fig. V.7. Teneur en aluminium et en potassium des laques des anthraquinones


commerciales, mesurés par ICP.
118

Tableau V.5. Laques des plantes de la famille des Rubiacées: teneur en aluminium et
en potassium, mesuré par ICP et teneur maximales possible (cfr texte -
poids Al utilisé / poids laque obtenu).

% aluminium : % potassium :
Èchantillon : calculé calculé
exp. : exp. :
(cfr texte) : (cfr texte) :
RT1 20.8 24.2 17.1 2.2
RT2 15.0 21.6 17.4 2.5
RT3 21.2 19.8 15.4 2.1
RT4 18.5 20.8 15.7 2.0
RT5 21.3 27.3 15.4 1.9
RT6 19.6 21.5 16.2 1.5
RT7 17.6 22.4 17.4 2.0
RT8 17.4 23.1 18.7 2.2
RT9 4.1 4.0 0.0 0.0
RT10 18.5 23.5 18.7 0.5
RT11 15.2 17.5 13.0 2.1
RT13 17.9 21.0 15.5 1.9
RT14 10.2 23.0 0.0 0.9
RT15 16.0 22.2 0.0 0.8
RT16 10.7 17.3 0.0 4.7
RT17 10.8 17.7 22.2 5.9
RT18 19.9 23.1 12.7 10.1
RT19 18.8 21.9 16.5 3.9
RT26 29.0 17.9 0.6 0.0
RT27 17.3 21.3 0.0 0.1
RT28 17.3 21.5 29.3 0.0
RT29 17.3 22.2 0.0 0.0
RP2 17.1 25.9 19.9 2.5
RP3 19.3 27.2 20.5 1.9
RP7 18.1 23.5 21.6 2.5
RP12 18.8 22.2 19.5 1.9
GA2 18.9 22.8 16.0 0.7
GA3 18.5 22.0 15.1 1.7
GA8 16.7 21.5 20.8 2.3
GB2 18.7 22.3 21.1 2.2
GM2 16.2 21.2 20.9 1.9
GM3 19.8 23.1 18.7 1.6
GM8 18.9 26.3 21.5 2.4
GO2 18.3 22.1 17.3 2.0
GS2 18.9 23.1 18.8 1.8
GS3 19.5 25.0 19.6 2.0
GS8 17.6 20.0 20.5 1.9
GV2 18.3 27.8 19.1 2.3
GV3 19.0 25.3 17.4 1.4
GV12 20.0 25.0 19.0 2.0
AT2 19.7 27.3 20.2 2.6
119

On peut également calculer la teneur maximale possible en aluminium, sur base de


la quantité de sulfate d'aluminium utilisé et du poids de laque récupérée. Ce calcul,
contrairement au précédent, est applicable aussi aux laques d'extraits de racine. On
s'aperçoit que les teneurs mesurées sont systématiquement trop élevées, avec un
rapport de 1,27 +/- 0,24 pour les laques préparées à partir d'extraits de racine (tabl.
V.5 et fig. V.8), et 1,46 +/- 0,31 pour les laques d'anthraquinones commerciales.
Il y a donc bien une surestimation systématique de l'aluminium dans nos mesures
par ICP. L'hydratation des laques ne peut être invoquée, parce qu'elle entraînerait
au contraire une diminution de la teneur apparente en aluminium. Une seule
explication que nous puissions suggérer consiste en une erreur systématique de
pesée.

Inversement on retrouve généralement très peu de potassium, et certainement


beaucoup moins que prévu. Il semble donc que dans la plupart des cas, si les
complexes aluminiques sont porteurs de charges négatives, celles-ci sont
compensées plutôt par des ions H+ (H3O+) que par des cations alcalins. Trois
laques seulement (Aliz1, 2 et 3, rapports Al/aliz = 7,4; 2 et 2 respectivement)
contiennent du potassium en quantités approchant celles calculées à partir de la
formule ((aliz2Al)K). Il est possible qu'il fasse partie intégrante du complexe, mais
sa présence pourrait aussi résulter d'un lavage moins efficace de ces laques après
leur filtration.
120

Al%calc. %K (ICP)
% Al (ICP)

0 10 20 30 0 2 4 6 8 10

RT1
RT2
RT3
RT4
RT5
RT6
RT7
RT8
RT9
RT10
RT11
RT13
RT14
RT15
RT16
RT17
RT18
RT19
RT20
RT21
RT22
RT23
RT24
RT25
RT26
RT27
RT28
RT29
RP2
RP3
RP7
RP12
GA2
GA3
GA8
GB2
GM2
GM3
GM8
GO2
GS2
GS3
GS8
GV2
GV3
GV12
AT2

% Al %K

Fig. V.8. Teneurs en aluminium et en potassium des laques des plantes de la


famille des Rubiacées mesuré par ICP.
121

V.6.3. HPLC : teneurs en alizarine et autres colorants

Les teneurs en colorants dans les laques, mesurées par HPLC (§ IV.2.2) après
extraction par les méthodes LiF et HA décrites au § IV.2.1, sont données en détail
dans les tableaux V.6, V.7, V.8, V.9, V.10 et V.11. Pour les laques
d'anthraquinones commerciales, ces teneurs mesurées sont comparées aux teneurs
attendues, calculées pour les formules hypothétiques (a) à (c) décrites plus haut (§
V.4.1).

Tableau V.6. Teneurs (%) en alizarine dans les laques d'anthraquinones commerciales,
mesurées par HPLC et calculées.

mesuré après calculé (cfr texte) pour Rendements apparents


Rap
Échan extraction alumine + compl. de
port extraction par LiF extraction par HCl
tillon par : type :
Al/col LiF HCl (a) (b) (c) (a) (b) (c) (a) (b) (c)
ALIZ 0 74 61.9 100 100 100 0.74 0.74 0.74 0.62 0.62 0.62
ALIZ 0 0.5 60 31.5 76.8 90.5 94.6 0.78 0.66 0.63 0.41 0.35 0.33
ALIZ 1 7.4 13 2.1 27.5 29.4 30.1 0.48 0.45 0.44 0.08 0.07 0.07
ALIZ 2 2 34 1.2 53.7 61.3 64.6 0.64 0.56 0.53 0.02 0.02 0.02
ALIZ 3 2 31 0.6 53.7 61.3 64.6 0.59 0.51 0.49 0.01 0.01 0.01
ALIZ 4 10 10 2.3 22.3 23.5 24.0 0.44 0.42 0.41 0.10 0.10 0.10
ALIZ 5 10 7.3 0.9 22.3 23.5 24.0 0.33 0.31 0.30 0.04 0.04 0.04
ALIZ 6 50 4.1 2.8 5.7 5.8 5.8 0.72 0.71 0.70 0.48 0.48 0.48
ALIZ 7 10 16 6.5 22.7 23.7 23.9 0.71 0.68 0.67 0.29 0.27 0.27
ALIZ 8 12.5 9.1 2.2 18.9 19.7 20.0 0.48 0.46 0.45 0.12 0.11 0.11
ALPU 10 10 6.2 11.1 11.7 11.9 0.91 0.86 0.85 0.56 0.53 0.52
ALQU 10 5.0 4.6 11.2 11.8 12.0 0.45 0.43 0.42 0.41 0.39 0.38
COL3 10 5.5 3.5 7.4 7.8 7.9 0.74 0.70 0.69 0.47 0.45 0.44
COL4 10 4.0 1.6 5.2 5.5 5.6 0.77 0.73 0.72 0.32 0.30 0.30
ACRUB 0 0.1 4.6 0 0 0 - - - - - -
AR 1 2 0.2 2.2 0 0 0 - - - - - -
AR 2 10 0.04 0.6 0 0 0 - - - - - -
moy 0.63 0.59 0.57 0.28 0.27 0.26
sd 0.17 0.16 0.16 0.22 0.21 0.21
RSD 26.6 27.3 27.8 76.7 78.0 78.5
122

Tableau V. 7. Teneurs (%) en purpurine dans les laques d'anthraquinones commerciales,


mesurées par HPLC et calculées.

mesuré ap. calculé (cfr texte) Rendements apparents


Rap
Èchan port extraction pour alumine +
par : compl. de type : extraction par LiF extraction par HCl
tillon
Al/col LiF HCl (a) (b) (c) (a) (b) (c) (a) (b) (c)
PURP 0 53 72 100 100 100 0.53 0.53 0.53 0.72 0.72 0.72
PU 1 2 20 0.7 55.34 62.87 66.06 0.36 0.31 0.30 0.01 0.01 0.01
PU 2 10 17 2.7 23.45 24.71 25.19 0.73 0.69 0.68 0.12 0.11 0.11
PU 3 10 19 0.8 23.45 24.71 25.19 0.80 0.76 0.74 0.04 0.03 0.03
ALPU 10 11 2.7 11.81 12.45 12.69 0.92 0.87 0.86 0.23 0.22 0.21
COL3 10 6.8 1.4 7.90 8.32 8.49 0.87 0.82 0.81 0.18 0.17 0.16
COL4 10 4.6 0.8 5.53 5.81 5.92 0.82 0.78 0.77 0.15 0.14 0.14
moy 0.72 0.68 0.67 0.21 0.20 0.18
sd 0.20 0.20 0.19 0.24 0.24 0.23
RSD 28.3 28.8 29.0 116.4 120.1 126.9

Tableau V. 8. Teneurs (%) en quinizarine dans les laques d'anthraquinones


commerciales, mesurées par HPLC et calculées.

mesuré ap. calculé (cfr texte) Rendements apparents


Rap
Èchan extraction pour alumine +
port extraction par LiF extraction par HCl
tillon par : complexe de type :
Al/col LiF HCl (a) (b) (c) (a) (b) (c) (a) (b) (c)
QUINIZ 0 79 70 100 100 100 0.79 0.79 0.79 0.70 0.70 0.70
QUI 1 2 36 2.7 53.72 61.34 64.59 0.66 0.58 0.55 0.05 0.04 0.04
QUI 2 10 19 1.9 22.31 23.52 23.98 0.86 0.81 0.80 0.08 0.08 0.08
ALQU 10 7.6 3.9 11.15 11.76 11.99 0.68 0.65 0.64 0.35 0.33 0.33
COL3 10 4.6 3.1 7.40 7.80 7.95 0.62 0.59 0.58 0.42 0.40 0.39
COL4 10 4.0 1.7 5.19 5.45 5.55 0.77 0.73 0.72 0.33 0.31 0.30
moy 0.73 0.69 0.68 0.32 0.31 0.31
sd 0.09 0.10 0.11 0.24 0.24 0.24
RSD 12.2 14.6 15.7 73.8 76.4 77.5

Pour l'alizarine, la purpurine et la quinizarine, les rapports entre teneurs mesurées


et teneurs attendues, calculées pour les formules hypothétiques (a) à (c) décrites
plus haut (§ V.4.1), sont de l'ordre de 0,6 - 0,7 et 0,2 - 0,3 pour les extractions par
LiF et HA respectivement (voir aussi fig. IV.3, § IV.3). Le rendement d'extraction
est manifestement meilleur avec LiF, mais reste inférieur à 1. Ceci s'explique
certainement en partie, mais en partie seulement, par le taux d'hydratation probable
de 5 à 25% des laques, dont il n'a pas été tenu compte dans le calcul des teneurs
123

attendues. Le reste de la différence peut être dû à l'incertitude sur les pesées ou une
extraction incomplète du colorant, mais aussi à une teneur éventuellement plus
faible qu'attendue, suite à la perte d'une partie du colorant (en solution ou en très
petites particules) lors de la filtration des laques.

Tableau V. 9. Teneurs (%) en primvéroside de l'alizarine et de la lucidine dans les laques


d'anthraquinones commerciales, mesurées par HPLC (après extraction par
LiF) et calculées.

calculé (cfr texte)


Rap mesuré après extraction par Rendements
pour alumine +
Echantil port LiF: apparents
complexe de type :
lon
pral+ pral /
Al/col pral prlc (a) (b) (c) (a) (b) (c)
prlc prlc
ACRUB 0 9.7 9.1 18.8 1.07 100 100 100 0.19 0.19 0.19
AR 1 2 9.7 7.8 17.5 1.24 72.63 78.39 80.65 0.24 0.22 0.22
AR 2 10 1.3 1.0 2.3 1.29 39.62 41.27 41.89 0.06 0.06 0.06
COL4 10 0.8 0.2 1.0 4.02 11.85 12.45 12.67 0.08 0.08 0.07

moy 0.14 0.14 0.13


sd 0.09 0.08 0.08
RSD 61.1 60.3 60.1

L'acide rubérythrique commercial s'est avéré être un mélange de primvérosides de


l'alizarine et de la lucidine (§ IV.2.2.3). L'extraction par HCl des laques préparées à
partir de ce mélange hydrolyse les glycosides et ne donne qu'un peu d'alizarine
(0,6% à 4,6%, tabl. V.9). L'extraction par LiF permet de récupérer une partie des
glycosides (par exemple 10% d'acide rubérythrique et 8% de précurseur de la
lucidine dans la laque AR1, rapport Al/colorant 2), mais moins du quart de la
valeur attendue (73 à 81% dans la laque AR1).
124

Tableau V. 10. Teneur des colorants (mg colorant / g de laque) dans les laques des
plantes de la famille des Rubiacées, mesurés par HPLC après extraction
par LiF.

inc. à rdt
mg/g pral prlc ag pp al pu ru some
27' plante*
RT1 13 2.6 1.5 9.6 7.2 0.7 0.2 23 58 11.7
RT2 3.3 1.6 0.5 7.2 5.4 0.5 0.0 7.7 26 7.5
RT3 62 57 0.0 11 2.6 2.4 0.0 0.5 135 27.1
RT4 17 21 1.4 24 10 1.9 0.1 12 87 20.2
RT5 0.8 2.2 0.4 1.1 2.1 0.4 0.0 2.6 9.5 5.9
RT6 10 11 0.1 1.6 2.5 0.2 0.0 2.0 28 5.8
RT7 2.7 3.3 0.6 2.2 5.4 0.5 0.1 9.1 24 5.8
RT8 0.0 0.0 0.6 5.2 8.1 2.1 0.0 11 27 6.5
RT9 0.3 0.1 0.1 0.7 1.7 0.1 0.0 2.0 5.0 5.2
RT10 3.4 3.3 0.6 7.9 7.2 1.1 0.1 11 34 7.9
RT11 0.6 0.3 1.8 0.0 20 3.1 0.0 24 50 14.2
RT13 0.0 0.0 0.4 0.0 2.1 1.8 0.0 3.8 8.0 1.9
RT14 13 6.4 0.5 1.9 4.1 0.4 0.0 3.7 30 25.4
RT15 12 6.2 0.9 6.5 6.7 0.8 0.1 9.9 43 11.3
RT16 0.0 0.0 0.2 0.2 1.5 0.7 0.0 0.4 3.0 0.8
RT17 0.0 0.0 0.2 4.0 4.0 3.3 0.3 1.0 13 4.2
RT18 0.0 0.0 0.0 0.5 0.7 0.1 0.0 0.0 1.4 0.6
RT19 0.2 0.1 0.0 9.1 0.0 1.3 0.0 0.0 11 2.7
RT20 0.7 0.0 2.0 0.0 5.8 15 0.0 1.0 24
RT20 0.6 0.0 1.3 0.0 4.5 12 0.0 0.3 20
RT21 0.0 0.0 0.0 0.0 14 244 0.0 0.0 258
**com.
RT22 0.0 0.0 0.0 0.0 1.9 42 0.0 0.0 44
RT23 0.0 0.0 0.0 101 0.0 31 0.0 0.0 132
RT24 0.0 0.0 0.0 1.6 0.0 0.2 0.0 0.0 1.7
RT25 0.0 0.0 0.0 6.5 0.0 3.1 0.0 0.0 9.6
RT26 0.6 0.0 1.0 8.0 11 0.7 0.2 24 47 13.9
RT27 0.6 0.2 0.0 0.4 1.4 0.4 0.0 0.0 3.4 0.7
RT28 0.3 0.1 0.0 5.4 5.2 0.8 0.0 0.0 14 3.0
RT29 0.6 0.6 0.4 0.2 2.9 0.6 0.0 0.0 5.3 1.2
RT31 0.0 0.0 1.7 4.0 9.7 0.0 0.0 0.0 16 com.
RP2 0.0 0.0 0.1 0.9 0.0 0.2 0.0 1.5 2.8 0.7
RP3 0.0 0.5 0.2 1.5 0.0 0.4 0.0 0.3 2.9 0.7
RP7 0.0 0.2 0.3 1.1 0.0 0.1 2.8 0.0 4.6 1.1
RP12 0.0 0.0 0.0 1.0 0.3 0.0 0.3 0.0 1.6 0.4
GA2 0.0 1.4 0.2 5.6 0.0 0.5 0.1 4.7 12 2.8
GA3 0.0 4.9 0.0 9.4 1.0 0.0 0.0 0.0 15 3.5
GA8 0.0 0.0 0.0 0.7 0.0 1.1 0.0 0.9 3.6 0.9
GB2 0.0 0.0 0.4 0.2 6.1 0.5 0.1 2.7 10 2.2
GM2 0.0 0.0 0.0 1.2 1.1 0.2 0.0 1.1 3.6 1.0
GM3 0.0 4.1 0.0 3.0 0.7 0.7 0.1 0.0 8.7 1.9
GM8 0.0 0.0 0.1 0.6 0.0 0.5 0.0 0.0 1.1 0.3
GO2 0.0 0.1 0.0 0.5 0.0 0.1 0.0 0.2 1.6 0.4
GS2 0.0 1.3 0.2 0.3 2.6 0.3 0.0 1.8 6.7 1.6
GS3 0.0 3.3 0.0 2.6 0.6 0.4 0.0 0.2 7.0 1.6
GS8 0.0 0.0 0.0 0.8 0.7 0.5 0.0 0.9 2.8 0.7
GV2 0.0 0.1 0.0 0.3 0.0 0.0 0.0 0.1 0.4 0.1
GV3 0.0 0.4 0.0 0.6 0.0 0.1 0.0 0.0 1.0 0.2
GV12 0.0 0.0 0.0 0.1 0.1 0.1 0.0 0.2 0.4 0.1
AT2 0.0 4.9 2.2 4.9 0.2 0.6 4.6 7.6 25 5.3
*rdt mg colorants /g racines
**com. laque de garance commerciale
125

Tableau V. 11. Teneur des colorants (mg colorant / g de laque) dans les laques des
plantes de la famille des Rubiacées, mesurés par HPLC après extraction
par HCl.

rdt [%]
mg/g ag al pu ru inc. à 27' some
plante
RT1 0.7 4.8 4.9 0.1 3.4 14 2.9
RT2 0.8 4.3 6.3 0 2 14 4
RT3 0.4 23 35 0.3 0 59 11.9
RT4 0.8 9.7 22 0 4.6 38 8.7
RT5 0 1.5 1.2 0 0.8 3.7 2.3
RT6 0 4.9 2.2 0.1 0.6 8.2 1.7
RT7 1.7 19 7.9 0 12 41 10
RT8 0.4 2.9 5.9 0 1.3 11 2.7
RT9 0 0.5 0.8 0 0.3 1.7 1.8
RT10 0.6 5.3 9.4 0 2.5 19 4.3
RT11 0.4 5.1 4.3 0 4.6 15 4.1
RT13 0.1 1.5 1.9 0.1 0.8 4.5 1.1
RT14 0.4 7.3 6.3 0 1 15 12.8
RT15 0.6 12 16 0.1 4.3 33 8.7
RT16 0.4 1.5 1.1 0.2 0 3.2 0.9
RT17 0.1 0.9 1.5 0 0 2.5 0.8
RT18 0 0 0 0 0 1.2 0.5
RT19 0 0 9.2 0 0 9.5 2.4
RT20 3 0 0 0 0 3 com.*
RT26 1.2 10 27 0.2 3.6 44 12.8
RT31 0.3 1.8 0 0 0 3 com.*
RP2 0 0 0.3 0 0.4 0.7 0.2
RP3 0 0 0.5 0 0 0.5 0.1
RP7 0.1 0 0.2 0.2 1.1 1.8 0.4
RP12 0 0 1.2 0 0 1.3 0.3
GA2 0.2 0 9.8 0.2 1.3 12 2.6
GA3 0.2 1.4 10 0.3 0 12 2.8
GA8 0 0 0.5 0 0 1.1 0.3
GB2 0.3 2.9 3.4 0.1 0.2 6.9 1.6
GM2 0.1 0.5 1.6 0.1 0.1 2.6 0.7
GM3 0 0.6 2.8 0.5 0 3.9 0.8
GM8 0.1 0.1 0.5 0 0.3 1.1 0.3
GO2 0.9 0 0.6 0 0 1.8 0.4
GS2 0.1 0.7 1.6 0 0 31 0.7
GS3 0.9 0.5 1.4 0.1 0 2.8 0.6
GS8 0 0.2 0.1 0 0 0.4 0.1
GV2 0 0 0.04 0 0 0 0.01
GV3 0 0 0.2 0 0 0.3 0.1
GV12 0 0 0.2 0 0 0.3 0.1
AT2 1.5 0 3.7 1.2 0 7.9 1.7
AT2-2 0 0 0.1 0.1 0 0.2 0.1
com.* = laque de garance commerciale

L'effet de différents paramètres sur la composition des laques sera abordé en même
temps que leur effet sur la couleur, après la description de la méthode de
caractérisation et quantification des couleurs.
126

V.7. Couleur et cordonnées colorimétriques

V.7.1. Introduction

Il va être fait appel dans l'étude des couleurs à des notions relativement peu
familières en chimie, dont il peut être utile d'expliquer d'abord la signification.
La caractérisation des couleurs est une question particulièrement complexe, dont
les différents aspects sont traités en détail dans de nombreux manuels
(Hunter/Harold, 1987; Henry, 1980; Corno-Martin, 1981). Nous nous contenterons
ici d'esquisser la démarche et les méthodes permettant de calculer, à partir des
spectres de réflectance, les paramètres "xyz" et "L*a*b*" ou "L*C*h*" pour un
"observateur de référence". Dans le paragraphe suivant nous les illustrerons par les
exemples d'une laine bleue et d'une laque rouge.

La couleur est une perception, contrairement au spectre (d'émission, de réflectance


ou de transmittance) qui, elle, est une caractéristique physique intrinsèque d'un
objet, indépendante de l'observateur. Pour des raisons neuro-physiologiques,
l'ensemble des couleurs que peut percevoir un être humain forme un espace
tridimensionnel fini. C'est pourquoi on peut décrire une couleur de différentes
manières, chaque fois par une combinaison de trois paramètres: RGB
(composantes primaires rouge, verte et bleue, XYZ ("tristimulus"), L*a*b*
(luminosité et positions sur un axe vert-rouge et un axe bleu-jaune), L*C*h*
(luminosité, saturation et teinte). Chacune de ces combinaisons de trois paramètres
correspond à une manière différente de structurer l'espace des couleurs et d'y
choisir un système de coordonnées.

Le système RGB est né de la constatation empirique que toutes les teintes


perceptibles peuvent être reproduites par la combinaison de trois lumières
monochromatiques dites "primaires". On utilise, par tradition et par commodité, la
combinaison rouge-vert-bleu [700 - 546.1 - 435.6 nm]. Historiquement, les
paramètres RGB de la couleur d'un objet étaient souvent déterminés dans des
"colorimètres trichromatiques", par comparaison visuelle avec la couleur résultant
du mélange de trois rayons lumineux rouge, vert et bleu sur une surface blanche.
Mais la perception de la couleur n'est pas constante d'un individu à l'autre. Pour
contourner ce problème et pour pouvoir caractériser la couleur à l'aide des
spectrophotomètres de plus en plus utilisés par l'industrie (Hunter/Harold, 1992), la
CIE (Commission Internationale de l'Éclairage) a proposé en 1931 des "fonctions
colorimétriques" permettant de calculer les paramètres RGB à l'aide de
transformations linéaires des spectres, ajustées afin de donner un résultat aussi
proche que possible que celui de la moyenne des observateurs humains. Ces
fonctions de réponse neurophysiologique rmoy, gmoy et bmoy, constituées des
composantes RGB de chaque longueur d'onde monochromatique, forment
l'"observateur de référence colorimétrique CIE 1931".

Les paramètres RGB sont issus de transformations linéaires des spectres. En


conséquence, l'espace (RGB) a la propriété de respecter l'additivité des couleurs :
toute couleur obtenue par combinaison de deux lumières colorées donnera une
couleur située sur la droite reliant les couleurs des deux lumières utilisées. Les
valeurs absolues des coordonnées RGB dépendent de l'intensité de la lumière. Pour
la comparaison des couleurs, les valeurs relatives (rgb) (où r = R/(R+G+B), etc)
127

sont plus appropriées. Les diagrammes (r,g) respectent eux aussi l'additivité des
couleurs (fig. V.8). Les coordonnées des trois primaires (R;G;B) y sont les
sommets du triangle ((0,1), (1,0), (0,0)) : vert pur (g = 1, r = b = 0), rouge pur (r =
1, g = b = 0) et bleu pur (b = 1, r = g = 0)). Toutes les couleurs qu'on peut obtenir
par une combinaison de deux primaires se trouvent sur la droite qui les relie, et
toutes celles qu'on peut obtenir par une combinaison de trois primaires se trouvent
dans le triangle qu'elle délimitent. Les couleurs des lumières monochromatiques,
dites "couleurs spectrales", forment une courbe qui part du bleu (r = 0, g = 0),
passe par le bleu-vert ou cyan (r < 0, g > 0) avant d'atteindre le vert (r = 0, g = 1),
puis par le jaune et l'orange (r + g = ~1) avant d'atteindre le rouge (r = 1, g = 0). La
droite reliant le bleu ( 435,6 nm, r = 0, g = 0) au rouge (700 nm, r = 1, g = 0) est le
lieu des couleurs dites "non spectrales", les pourpres, qui ne correspondent à
aucune lumière monochromatique. Toutes les couleurs perceptibles se trouvent
dans la région délimitée par la courbe des couleurs spectrales et la droite des
couleurs non spectrales. Quelque part vers le centre de cette région se situe la
couleur d'un objet parfaitement réfléchissant, et donc en principe blanc. Le point
D65 sur la figure V.8. représente la couleur d'un tel objet quand il est éclairé par
l'illuminant de référence D65 (éclairé perpendiculairement, et observé à un angle
solide de 2° avec la perpendiculaire). Suite à la propriété d'additivité géométrique
décrite plus haut, toutes les couleurs situées sur un même segment de droite reliant
le blanc (ici le point D65) et une couleur spectrale seront un mélange de cette
couleur et de blanc : elles auront la même teinte que la couleur spectrale, et seront
d'autant plus saturées qu'elles sont proches de celle-ci. La longueur d'onde de la
couleur spectrale est appelée "dominante" de la teinte. Elle est généralement
proche de, mais pas égale à la longueur d'onde du maximum dans le spectre de
g (= G / (R+G+B))

réflectance. XYZ12400.opj, Grrgwl, Tue, 000425 18:37

couleurs qu'on ne peut pas obtenir


par mélange des primaires RGB

515 2
510 couleurs spectrales (bleu à vert à rouge)
520
505
525
primaire verte (G),
530
500 mélange des 546,1 nm
primaires 535
couleurs qu'on peut obtenir
bleue et verte 540
par mélange des primaires RGB
495 1 545
550 surface blanche sous
FDom. 555
490 nm, illuminant D65, 2°
490 560
"dominante" F 565
570
de la couleur F 485 575 primaire rouge (R),
580
480 585 700 nm
475
D65 590
600
470 610
465 620
380 780
775
770
765
760
755
750
745
740
735
730
725
720
715
710
705
700
r (= R / (R+G+B))
-1 0 1
primaire bleue (B),
435,6 nm couleurs non-spectrales
(pourpres)
Fig. V.8. Diagramme rg (CIE), explications.
128

Un problème du système RGB est que si toutes les teintes peuvent être reproduites
par un mélange des trois primaires, elles n'atteignent généralement pas la saturation
d'une couleur spectrale pure. Cela s'observe aisément sur le diagramme (r,g) (fig.
V.8). Le bleu-vert obtenu par addition de lumières bleue et verte (435.6 et 546.1
nm) sera plus blanchâtre que celui d'une lumière monochromatique à 490 nm.
Celui-ci peut malgré cela être décrit par des paramètres RGB, mais en attribuant
une valeur négative au paramètre R. Dans la pratique il est bien sûr impossible
d'envoyer une quantité négative de lumière rouge sur la surface blanche. Pour
mesurer un paramètre R négatif à l'aide d'un colorimètre trichromatique, on
ajouterait donc la quantité équivalente de lumière rouge à la lumière blanche
frappant l'objet bleu-vert dont on veut mesurer la couleur.

Pour éviter que l'un des paramètres puisse avoir une valeur négative, la CIE a
complété l'"observateur de référence" par une deuxième série de trois fonctions
colorimétriques (xmoy, ymoy, zmoy), basées cette fois sur des primaires imaginaires.
Étant imaginaires, et ne correspondant donc à aucune longueur d'onde réelle, ces
primaires ne peuvent bien sûr pas être utilisées pour construire un colorimètre
trichromatique. Elles ne sont qu'une fiction mathématique permettant d'extraire des
spectres de nouveaux paramètres, appelés "tristimulus" et notés XYZ (ou leurs
valeurs relatives xyz, où x = X/(X+Y+Z), etc), beaucoup plus proches des
paramètres significatifs pour l'observateur que sont la luminosité, la saturation et la
teinte.

Mathématiquement, le passage des paramètres RGB aux paramètres XYZ


correspond à une transformation linéaire de l'espace RGB et une redéfinition des
axes, qui permettent de n'avoir que des coordonnées positives pour toutes les
couleurs existantes, et d'associer un des axes (Y) à la perception de luminosité.
Dans ce but, la fonction colorimétrique ymoy a été posée égale à la "fonction de
luminosité", qui traduit la relation entre la perception de luminosité et l'énergie
physique réelle du rayonnement à chaque longueur d'onde, et dont le maximum se
situe vers le milieu du spectre (520 nm). La transformation d'axes peut être
visualisée en comparant le diagramme de chromaticité (x,y) (fig. V.9) au
diagramme (r,g) (fig. V.8). Dans le nouveau système d'axes (x,y), les anciens axes
r et g se superposent aux droites reliant les primaires B-R et B-G respectivement.
On voit que toutes les couleurs réelles se situent maintenant dans le quadrant
positif du diagramme. Le changement d'axes correspondant au passage à des
primaires imaginaires peut donc être vu comme une manière de gauchir l'espace et
prendre du recul (déplacer l'origine) par rapport aux couleurs réelles pour les
resituer à des coordonnées positives.

Comme le diagramme (r,g), le diagramme de chromaticité (x,y) respecte


l'additivité des couleurs. Les régions des différentes couleurs sont plus équilibrées
et mieux réparties autour du point blanc, et la coordonnée (y) donne une bonne
idée de la luminosité relative. Par contre, étant issu de transformations linéaires du
spectre, l'espace XYZ reste peu fidèle au caractère non linéaire de la perception de
la couleur : la même distance entre deux points XYZ peut correspondre à une
129

différence de couleur frappante ou imperceptible, selon la région de l'espace XYZ


dans laquelle ils se trouvent.

XYZ12400.opj, Grxywl, Tue, 000425 18:40

primaire
imaginaire Y

(R+G+B))
y (= Y / (X+Y+Z))

g (= G /
primaire
verte (G),
520525 546,1 nm
515 530
535
510 540
545 couleurs qu'on peut obtenir
550
505 555 par mélange des primaires RGB
560
couleurs qu'on ne 565
primaire
peut pas obtenir 500
570
575 rouge (R),
par mélange des 580
585 700 nm
primaires RGB
495 590
))
595
G+B
600
605 (R+
610
( = R/
490 D65 620
630 r
A B 780
700
primaire
485
imaginaire X
480
475
470
460
380

x (= X / (X+Y+Z))
couleurs non-spectrales
(pourpres)
primaire imaginaire Z primaire
bleue (B),
435,6 nm

Fig. V.9. Diagramme xy (CIE), explications.


130

Pour tenter de définir un espace de couleurs aussi régulier et isotrope que possible
en termes de résolution entre les couleurs, de nouveaux paramètres, L*a*b* et
L*C*h*, fonctions de la racine cubique des paramètres XYZ, ont été proposés par
la CIE en 1976 (fig.V.10). Ces fonctions ont été définies de manière à ce que l'axe
vertical (L*) corresponde le plus fidèlement possible à la luminosité. Sur cet axe, la
teinte est nulle (a* = b* = 0) : il va donc du noir (L* = 0) au blanc (L* = 100).
L'axe a* va du vert (a* < 0) au rouge (a* > 0), et l'axe b* du bleu (b* < 0) au jaune
(b* > 0). Une verticale parallèle à l'axe L* mais distinct de celui-ci ira par exemple
d'un bleu très sombre à un bleu très clair. Les coordonnées L*C*h* sont la version
cylindrique des coordonnées L*a*b* : C* est la saturation, et h* (paramètre
angulaire) la teinte. L'espace ainsi défini ressemble à l'"arbre des couleurs" de
Munsell (Taylor / Marks, 1966). La distance entre deux couleurs, égale à la racine
carrée de ((∆(L*)2+∆(a*)2+∆(b*)2), est notée ∆(E). Un ∆(E) égal à 1 est à peu près
la plus petite différence perceptible entre deux couleurs pour un observateur
moyen.
b* > 0

C*
h*

a* < 0 a* > 0
b* < 0

XYZ12400.opj, GrLabcoul, Tue, 000425 18:42

Fig. V.10. Diagramme a*b* (CIE), explications.


131

V.7.2. Exemples : spectres et coordonnées colorimétriques de la laque RT2


et d'une laine teinte de référence

À titre d'exemples, les figures V.12 et V.13 donnent les spectres (obtenus par
microspectrophotométrie en réflectance), sous forme linéaire (R) et logarithmique
(absorbance A = log (1/R)), et les positions dans les diagrammes (r,g), (x,y) et
(a*,b*), de la laque RT2 (fig. V.11), et de la laine bleue N° 8, référence classique
dans les études de stabilité à la lumière (fig. V.11). La laque RT2 a été étudiée sous
deux formes: poudre pressée sur une lame de verre, et, en vue des études de
vieillissement, poudre fixée sur un filtre Millipore spécial (§ V.7.3). La laine était
entourée autour d'une lame de verre. À chaque fois, deux spectres ont été pris dans
deux zones différentes de l'échantillon.

Fig. V.11. Vue au microscope de la laque RT2 (gr. 200x) et de la laine bleue de
référence N°8 (gr. 50x) .

laque RT2,
0.3 pressée

455 nm
0.2
R

laque RT2,
sur filtre
0.1
510 nm
590 nm
laine bleue,
STD 8

400 450 500 550 600 650 700


wl (nm)

Fig. V.12. Spectre de réflectance de la laque RT2 et de la laine de référence N°8.


132

510 nm

1.6 590 nm

1.4
log (1/R)

laine bleue,
1.2
STD 8

1.0
laque RT2,
sur filtre
0.8
laque RT2,
455 nm pressée
0.6
400 450 500 550 600 650 700
RFLX_EX1.opj, GrABS, Thu, 000427 17:40
wl (nm)

Fig. V.13. Spectre d'absorbance (A = log(1/R)) de la laque RT2 et de la laine de


référence N°8.

V.7.2.1. Spectres de réflectance

Les spectres de réflectance (fig.V.12) de la laine montrent qu'elle réfléchit le bleu


(430-490 nm : R > 14%), avec un maximum vers 455 nm, et absorbe le vert et
surtout le rouge (530-715 nm : R < 9%). Inversement la laque RT2, pressée ou
filtrée, absorbe le bleu et le vert, et réfléchit le rouge. Cependant la laque pressée
réfléchit beaucoup plus de rouge (R ~ 30%) que la laque filtrée (R ~ 10%), alors
que toutes deux ont la même faible réflectance dans le bleu lointain (~ 9% à 380
nm). Cette composante bleue doit donc faire tendre la couleur vers le violet surtout
pour la laque sur filtre.

Avec la laine bleue, les deux spectres pris dans des zones différentes de la laine
bleue sont quasiment identiques. Par contre avec la laque pressée il y a une
différence de 3 % à 700 nm, et avec la laque sur filtre une différence de 1,5 %
entre 380 et 550 nm, attribuables à l'hétérogénéité des échantillons.

V.7.2.2. Spectres d'absorbance

Les spectres d'absorbance (A(réfl) = log(1/R)) donnent bien sûr une courbe d'allure
identique mais inversée (fig.V.13). On y distingue mieux les positions des maxima
d'absorbance de la laine vers 590 nm et de la laque vers 510 nm. C'est cette fois
entre les deux spectres de la laque filtrée qu'il y a le plus de différence : 0,2 entre
450 et 550 nm, contre 0,05 à 700 nm pour la laque pressée.
133

V.7.2.3. Diagrammes rg et xy

La couleur de la laine bleue, calculée pour l'illuminant D65 à partir des spectres de
réflectance, se situe dans les diagrammes (r,g) et (x,y) (fig.V.14 et V.15) entre le
point blanc (D65) et la région bleue de la courbe des couleurs spectrales. La
"longueur d'onde dominante" (intersection de la droite passant par la couleur et le
point D65 avec la courbe des couleurs spectrales) est 480 nm, légèrement plus
élevée que le maximum de réflectance (455 nm).

Suite à la présence d'une composante bleue dans les spectres de réflectance des
deux échantillons de laque RT2, les droites passant par le point D65 et par les
couleurs des deux échantillons, dans les diagrammes (r,g) et (x,y), ne coupent pas
la courbe des couleurs spectrales, mais la droite des pourpres. Ce caractère pourpre
est, comme attendu, plus marqué pour la laque sur filtre que pour la laque pressée.

Dans les deux diagrammes, la différence de couleur entre deux zones de


l'échantillon paraît plus grande pour la laque sur filtre que pour la laque pressée.

g (= G / (R+G+B))

1
laine
bleue, laque RT2,
std 8 sur filtre

dominante : laque RT2,


480 nm pressée
D65

r (= R / (R+G+B))
-1 0 1

Fig. V.14. Exemple : Cordonnées colorimétriques rg (CIE) de la laque RT2 et de la


laine de référence N°8.
.
134

y (= Y / (X+Y+Z))
XYZ12400.opj, Grexemplesxy, Tue, 000425 18:49

))
(R+G+B
1

g (= G /

laque RT2,
sur filtre
laine laque RT2,
bleue, pressée
D65 ))
std 8 G+B
/ (R+
R
r (=

dominante :
480 nm

x (= X / (X+Y+Z))
0 1

Fig. V.15. Exemple : Coordonnées colorimétriques xy (CIE) de la laque RT2 et de


la laine de référence N°8.
135

V.7.2.4. Diagrammes a*b*

Dans le diagramme (a*,b*), la couleur de la laine est très proche de l'axe b*, côté
bleu (b* < 0). Celles des deux échantillons de laque RT2 sont proches de l'axe a*,
côté rouge (a* > 0). La couleur de la laque sur filtre est plus près de l'origine, donc
moins saturée, et plus proche des pourpres (h* ~ -2 contre ~ 13) que celle de la
laque pressée.

La différence de couleur entre deux zones de l'échantillon est ici aussi plus
importante pour la laque sur filtre (∆Ε=4,5) que pour la laque pressée (∆Ε=1,8).
Elle reste cependant faible par rapport aux 16 à 20 unités qui séparent la laque sur
filtre de la laque pressée.

laque RT2,
laque RT2, pressée
10 sur filtre
D65

0
-10 0 10 20 30 40

laine -10 a*
laque RT2,
bleue,
sur filtre
std 8 -20

-30
b*

-40

Fig. V.16. Exemple : Coordonnées colorimétriques a*b* (CIE) de la laque RT2 et


de la laine de référence N°8.
136

V.7.3. Effet de l'état physique des échantillons


(poudres pressées ou fixées sur filtre)

Dans ce travail, deux séries de mesures des couleurs des laques ont été réalisées :
d'une part, une sélection de laques d'anthraquinones de synthèse et de laques
d'extraits de Rubiacées sous forme de poudres fixées sur filtres, en vue des études
de vieillissement (tabl. V.13 et V.14), et d'autre part l'ensemble des laques
d'extraits de Rubiacées, sous forme de poudres pressées (tabl. V.12). Or les figures
V.14 à V.16 montrent qu'il y a une différence significative entre les couleurs que
peut donner une même laque, selon qu'elle est pressée sur une lame de verre ou
fixée sur un filtre en ester de cellulose (Millipore MF HA013). Heureusement, les
positions relatives des couleurs de laques différentes ne sont que peu affectées,
comme on peut le voir p.ex. sur la figure V.17 (coordonnées (a*,b*) de quatre
laques de Rubia tinctorum L., pressées et sur filtre). On peut donc comparer entre
elles les couleurs de laques différentes, à condition de veiller à ce qu'elles soient
dans le même état physique.

20

pressées
sur filtre
RT15

RT10
b* (CIE)

10
RT15
RT9
RT2

RT10

RT9
RT2
0
0 10 20 30 40

a* (CIE)

Fig. V.17. Laques pressées et laques sur filtre : déplacement des couleurs dans le
diagramme a*, b* (CIE)
137

Fig. V.18. Alizarine, purpurine, quinizarine et leurs laques, Aliz5, Pu3, Qui2.
Poudres vues au microscope (gr. 200x), peintures sur toile
138

Tableau V.12 Coordonnées colorimétriques a*, b* (CIE) des laques d'extraits de


Rubiacées sous forme de poudres pressées sur lame de verre.

L* a* b* C h x y Y
RT1 34 37 15 40 23 0.49 0.32 8
RT2 29 37 8 38 13 0.47 0.30 6
RT3 31 39 26 47 33 0.54 0.34 7
RT4 24 34 11 36 18 0.49 0.31 4
RT5 43 32 13 35 22 0.44 0.33 13
RT6 40 38 23 44 31 0.49 0.34 11
RT7 47 21 13 25 31 0.40 0.34 16
RT8 26 33 8 34 13 0.46 0.30 5
RT9 69 31 9 32 16 0.39 0.32 39
RT10 28 36 12 38 19 0.49 0.31 5
RT11 28 33 15 36 24 0.49 0.32 6
RT13 39 18 11 21 30 0.40 0.34 11
RT14 38 36 18 40 27 0.48 0.33 10
RT15 31 34 16 38 26 0.49 0.33 7
RT16 58 25 10 27 22 0.39 0.33 26
RT17 47 37 7 38 11 0.42 0.31 16
RT18 75 20 11 23 29 0.37 0.34 49
RT19 66 38 -4 39 -6 0.37 0.29 35
RT20 42 34 13 37 20 0.45 0.32 12.2
RT21 25 34 9 36 15 0.49 0.30 4.5
RT22 37 43 4 43 5 0.45 0.28 10
RT23 33 44 6 45 8 0.47 0.28 8
RT24 68 46 -3 46 -3 0.39 0.29 38
RT25 56 54 1 54 1 0.42 0.28 24
RT26 38 38 9 39 14 0.45 0.31 10
RT27 51 27 9 28 18 0.40 0.32 19
RT28 50 32 7 33 13 0.41 0.31 18
RT29 50 32 10 33 18 0.42 0.32 18
RT30 19 21 14 25 34 0.48 0.35 3
RT31 53 47 20 51 23 0.48 0.32 20.8
RP2 54 29 6 29 12 0.39 0.32 22
RP3 47 32 7 32 12 0.41 0.31 16
RP7 46 20 11 23 29 0.40 0.34 15.5
RP12 57 25 9 27 20 0.39 0.33 24.5
GA2 36 29 9 30 16 0.43 0.32 9
GA3 34 31 14 34 25 0.46 0.33 8
GA8 41 19 6 20 18 0.39 0.33 11.7
GB2 38 32 11 34 19 0.44 0.32 10.3
GM2 46 34 9 35 15 0.42 0.31 16
GM3 37 33 14 36 24 0.46 0.33 10
GM8 47 21 6 22 17 0.39 0.32 16.0
GS2 41 31 11 33 20 0.43 0.32 12
GS3 43 35 16 38 25 0.46 0.33 13
GS8 50 24 9 26 19 0.40 0.33 18.7
GV2 60 18 8 20 24 0.37 0.33 28
GV3 56 23 11 25 26 0.39 0.34 24
GV12 55 8 10 13 53 0.36 0.35 22.9
AT2 31 24 12 27 27 0.44 0.34 7
139

Fig. V.19. Anthraquinones de synthèse et leurs laques (rapport aluminium/colorant


entre parenthèses). Poudres vues au microscope (gr. x200)
140

Tableau V.13. Cordonnées colorimétriques a*, b* (CIE) des laques d'extraits de


Rubiacées sous forme de poudres fixées sur filtre Millipore, et de la laine
teinte par Rubia tinctorum L.

L* a* b* C h x y Y
RT1 25 24 6 25 15 0.43 0.31 5
RT2 25 24 0 23 1 0.40 0.29 4
RT3 23 24 15 28 31 0.48 0.34 4
RT6 32 18 6 19 19 0.39 0.33 7
RT7 26 24 8 25 18 0.44 0.32 5
RT9 58 10 1 10 6 0.33 0.32 25
RT10 23 25 4 25 10 0.43 0.30 4
RT15 24 20 9 22 23 0.43 0.33 4
RT17 42 29 3 29 6 0.40 0.30 12
RT19 62 25 -11 27 -23 0.33 0.28 30
RT24 58 32 -12 35 -21 0.34 0.27 26
RP2 44 10 -7 13 -35 0.31 0.30 19
GA2 29 20 3 20 8 0.39 0.31 6
GB2 32 20 3 21 9 0.39 0.31 7
GM2 38 16 -4 17 -14 0.34 0.30 13
GS2 36 21 6 22 15 0.39 0.32 9
GV2 53 7 -3 8 -19 0.32 0.32 25
AT2 27 17 6 17 19 0.39 0.33 5
RT-L2 21 24 10 26 23 0.47 0.32 3

Tableau V.14. Coordonnées colorimétriques a*, b* (CIE) des anthraquinones de


synthèse, de leurs laques, sous forme de poudres fixées sur filtre
Millipore, et des laines teintes par ces anthraquinones.

M/L L* a* b* C* h* x y Y
Aliz 38 17 39 42 67 0.49 0.42 10.3
Aliz 0 0.5 19 18 13 22 35 0.47 0.35 2.7
Aliz 1 7.4 16 19 9 21 26 0.46 0.33 2.1
Aliz 2 2 23 3 5 6 62 0.35 0.35 3.8
Aliz 3 2 22 7 3 8 23 0.36 0.33 3.5
Aliz 4 10 21 18 8 19 24 0.43 0.33 3.1
Aliz 5 10 18 19 8 21 24 0.45 0.33 2.5
Aliz 6 50 43 22 6 23 16 0.39 0.32 13.0
Aliz 7 10 19 19 9 21 25 0.45 0.33 12.8
Aliz 8 12.5 19 18 8 20 24 0.44 0.33 2.7
AlPu 10 31 30 9 32 17 0.45 0.31 6.7
AlQu 10 29 36 5 36 9 0.46 0.29 5.8
col3 10 37 38 6 39 8 0.44 0.29 9.3
col4 10 28 29 1 29 2 0.41 0.29 5.6
Purp 24 4 6 7 58 0.36 0.35 4.1
Pu 1 2 16 13 6 14 27 0.41 0.33 2.0
Pu 2 10 20 24 4 24 11 0.44 0.30 2.9
Pu 3 10 21 30 8 31 14 0.48 0.30 3.1
AcRub 20 15 8 17 28 0.42 0.34 2.9
AR 1 2 26 23 19 30 39 0.49 0.36 4.6
AR 2 10 44 19 14 24 35 0.41 0.35 14.0
Quiniz 32 12 15 19 51 0.41 0.37 7.3
Qui 1 2 22 15 10 18 32 0.42 0.34 3.6
Qui 2 10 19 32 -4 32 52 0.42 0.25 2.7
Aliz-L2 28 37 15 40 23 0.51 0.31 5
Pu-L2 31 44 22 49 27 0.55 0.32 7
Qui-L1 47 36 20 41 29 0.46 0.34 16
141

Fig. V.20. Anthraquinones de synthèse et leurs laques (rapport aluminium/colorant entre


parenthèses). Vue macroscopique des poudres.
142

V.7.4. Composition et couleur des laques d'anthraquinones de synthèse

La figure V.18 montre les aspects de l'alizarine, la purpurine et la quinizarine, et


d'exemples de leurs laques, sous trois formes: poudres fixées sur filtre
(photographiées au microscope), poudres posées sur de la porcelaine (photographie
digitale), et peintures sur toile (liant paraloïd ; digitalisées par scanner). Les figures
suivantes (V.19 à V.21 et V.23) montrent l'ensemble des laques préparées à partir
d'anthraquinones de synthèse, respectivement sous forme de poudres fixées sur
filtre, de poudres posées sur porcelaine, de peintures sur toile et de peintures sur
papier.

On savait déjà (chap. IV) que, comme attendu, la teneur en colorants dans les
laques d'anthraquinones de synthèse, mesurée par HPLC, diminue avec le rapport
aluminium / colorant M/L, de ~ 60% (Aliz0, M/L = 0,5) à ~ 4% (Aliz6, M/L = 50).
On peut voir sur les figures V.18, V.19, V.20, V.21 et V.23 que la couleur aussi est
influencée principalement par ce paramètre.
143

Fig. V.21. Anthraquinones de synthèse et leurs laques (rapport aluminium/colorant


entre parenthèses). Peintures sur papier.
144

V.7.4.1. Alizarine

On peut voir sur les figures V.18 à V.21 que l'alizarine sans aluminium est orange
(poudre) à orange-brun (peinture). Rappelons qu'en solution l'alizarine est jaune
sous sa forme acide (pH < 6) et rouge sous sa forme monodéprotonée
(monophénolate, 7 < pH < 10), propriété à la base de son utilité comme indicateur
de pH. Il est probable que la couleur orange de la poudre d'alizarine synthétique
utilisée ici est partiellement due à ce qu'une partie se trouve non sous forme acide
mais sous forme de sel. De fait de faibles quantités de sodium et d'aluminium ont
été détectées dans l'alizarine à l'occasion de l'étude par spectrométrie de masse
SIMS.

Les laques de rapport M/L = ~10 sont rouge foncé à rouge brun. Les laques Aliz2
et Aliz3, de rapport M/L = 2, sont rouge-brun (fig. V.20 et V.21). Inversement la
laque Aliz6, de rapport M/L = 50, est d'un rouge tirant sur le rose sous forme de
poudre (fig. V.19. et V. 20), et donne la couleur la plus belle et la plus lumineuse
sous forme de peinture sur toile (fig. V. 21 et V. 20).
Les spectres d'absorbance (log (1/R)) (fig. V.22) des laques rouges (M/L = 10) sur
filtres présentent une large bande d'absorption culminant vers 500 nm. En
comparaison, les spectres des laques brunes (M/L = 2) sont beaucoup plus plats, et
inversement la bande d'absorption de la laque Aliz6 (M/L = 50), en plus d'être
moins intense, est légèrement plus étroite.

430 nm 500 nm
(alizarine) (laques)
2.0

1.5
log(1/R)

ALIZ 2, 3, M/L 2

1.0
ALIZ 4,5,7,8 M/L 10
ALIZ 6, M/L 50
Fig.V.22. alizarine
Spectres d'absorbance (log (1/R) 0.5
400 450 500 550 600 650 700 750

wl (nm)

Dans le diagramme a*,b*(CIE), figure V.24, la couleur orange de l'alizarine pure


se situe bien au-dessus (a* = 17, b* = 39, h* = 67°) de celles des laques d'alizarine.
La saturation (C*, distance par rapport à l'origine) de ces dernières augmente avec
le rapport M/L : du brun (M/L = 2, a* = 3 à 7, b* = 3 à 5, C* = 6 à 8) au rouge
(M/L ~ 10, a* = 18 à 19, b* = 8 à 9, C* = 19 à 21), puis au rouge encore
légèrement plus saturé de la laque Aliz6 (M/L = 50, a* = 22, b* = 6, C* = 23).
Tous les échantillons ont une luminosité (L*) relativement basse (L* = 16 à 23),
sauf l'alizarine pure (L* = 38) et la laque la plus riche en alumine (Aliz6, M/L =
50, L* = 43).
145

Fig. V.23. Anthraquinones de synthèse et leurs laques. Peintures sur toile.


146

Comme dans le cas de la laque RT2 décrite en exemple plus haut, il y a une
certaine composante bleue dans la couleur des laques, due à l'absorbance plus
faible au-dessous de ~ 430 nm, et qui peut tirer leur teinte vers le pourpre.

L'influence de la température de préparation de la laque dépend du rapport M/L. À


M/L = 2, une température élevée donne une couleur plus saturée (laques Aliz2 et
Aliz3, préparées à température ambiante et 90 °C : a* = 3 et 7 respectivement). À
M/L = 10, aucune différence significative n'est observée.

40

Alizarine

30
b* (CIE)

20

Aliz - L2

M/L = 2
Aliz1,4,5,7,8
10

Aliz2
Aliz3
Aliz6
M/L > 2
0
10 20 30 40

a* (CIE)
Fig.V.24. Diagramme a*b* (CIE) de l'alizarine, ses laques (Aliz 1-8) et de la laine
teinte par alizarine (Aliz-L2)

Toujours à M/L ~ 10, il n'y a pas non plus de modification significative de la


couleur quand la laque a été précipitée par Na2CO3 (Aliz7) plutôt que K2CO3 , ni
quand le K2CO3 est ajouté avant le sulfate d'aluminium à la suspension d'alizarine
(Aliz8).
La couleur de la laine teinte à l'alizarine est beaucoup plus saturée que celles des
laques (fig.V.24)

V.7.4.2. Purpurine

La purpurine pure, en poudre ou en peinture, n'est pas orange comme l'alizarine,


mais brune (figures V.18 à V.21 et V23). Par contre les laques sont d'un rouge
foncé proche de celui des laques d'alizarine (figures V.18 à V.21 et V.23).

Sur filtre, le spectre d'absorbance de la purpurine est relativement plat (fig.V.25).


L'absorbance des laques augmente avec le rapport M/L dans le bleu et le vert (450-
147

550 nm) et diminue dans le rouge (> 600 nm). Deux maxima d'absorption peuvent
être distingués, à ~505 et ~540 nm.

505 nm 540 nm
2.0

1.5
log (1/R)

purpurine
PU1, M/L 2
1.0
PU 2,3 ; M/L 10

0.5
400 500 600 700
wl (nm)
Fig.V.25. Spectres d'absorbance (log (1/R) de la purpurine et de ses laques.

Les coordonnées colorimétriques du brun de la purpurine (a* = 4, b* = 6, C* = 7)


sont proches de l'origine (fig.V.26). La luminosité (L* = 24) est plus faible que
celle de l'alizarine. Les coordonnées des laques (M/L = 2 : a* = 13, C* = 14 ; M/L
= 10 : a* = 24-30, C* = 24-31) indiquent que leur rouge est plus saturé que celui
des laques d'alizarine de même rapport M/L.

20
Pu - L2
b* (CIE)

10 Pu3
Pu1
Pu2
Purpurine
M/L = 2 M/L > 2

0 10 20 30 40
a* (CIE)

Fig.V.26. Diagramme a*b* (CIE) de la purpurine, ses laques (Pu1 - 3) et de la laine


teinte par purpurine (Pu-L2).

À M/L = 10, la couleur est encore plus intense si la laque a été préparée à 90 °C
(Pu3 : a* = 30) qu'à température ambiante (Pu1 : a* = 24), alors qu'à ce rapport
M/L les laques d'alizarine n'étaient pas affectées par la température.
148

V.7.4.3. Quinizarine

En poudre ou en peinture, la quinizarine pure est brun-orange, et les laques de


rapport M/L = 2 et 10 sont respectivement rouge et rouge-violet (fig. V.18 à V.21
et V.23).

Sur filtre, la quinizarine absorbe fortement entre 400 - 580 nm (fig.V.27).


L'absorbance des laques augmente avec le rapport M/L et se déplace vers les plus
hautes longueurs d'onde dans la région 450-600 nm, avec des maxima à ~520 et
~565 nm. Inversement elle diminue fortement au-dessous de 450 nm, ce qui
explique la tendance au violet. 525 nm 567 nm

2.0

430 nm
1.5 532 nm
log (1/R)

QUI 1, M/L 2
1.0 Quinizarine
QUI 2, M/L 10

Fig.V.27.
Spectres d'absorbance (log (1/R) 0.5
de la quinizarine et de ses laques. 400 500 600 700

wl (nm)

Les coordonnées colorimétriques (fig. V.28) de la quinizarine la situent dans un


orange moins saturé (C* = 19) et plus proche du rouge (b* = 15, h* = 51°) que
celui de l'alizarine (C* = 42, b* = 39, h* = 67°). L'évolution de la couleur des
laques vers le rouge puis le rouge-violet se traduit dans le diagramme (a*,b*) par
un déplacement vers la droite (plus de rouge) et vers le bas (plus de bleu) (M/L = 2
: a* = 15, b* = 10, h* = 32° ; M/L = 10 : a* = 32, b* = -4, h* = -7°).
Qui - L1
20

Quinizarine

Qui1 M/L > 2


10
b*CIE

M/L = 2
0
0 10 20 30
a* CIE40

Qui2

-10

Fig.V.28. Diagramme a*b* (CIE) de la quinizarine, ses laques (Qui1 - 2) et de la


laine teinte par quinizarine (Qui-L2).
149

V.7.4.4. Mélanges d'anthraquinones

Les laques AlPu, AlQu et AlPuQu ont été préparées à partir de mélanges
alizarine/purpurine, alizarine/quinizarine et alizarine/purpurine/quinizarine, à
concentration totale en colorants constante.

Les poudres (fig.V.19 et V.20) et les peintures (fig.V.21 et V.23) sont de beaux
rouges, avec des variations dans les teintes qui reflètent leur composition. Ainsi
celles qui contiennent de la quinizarine tirent sur le violet.

Les coordonnées colorimétriques de ces laques déposées sur filtre (fig.V.29)


indiquent qu'elles sont plus saturées (a* = 28-37, C* = 29-39) que les laques de
même rapport M/L ne contenant qu'une anthraquinone (Aliz4 à Aliz8, a* = 18-22,
C* = 19-23 ; Pu2, a* = 24, C* = 24 ; Qui2, a* = 32, C* = 32). Elles sont aussi
moins jaunes ou plus pourpres (h* = 2°-17°) que les laques d'alizarine (h* = 16°-
25°)

M/L = 10

10
AlPu
b* (CIE)

AlQu col3

col4
0
10 20 30 40

a* (CIE)

Fig.V.29. Diagramme a*b* (CIE) des laques de mélanges d'anthraquinones (AlPu,


AlQui, 3col et 4col).

V.7.4.5. Acide rubérythrique

Comme déjà dit plus haut (§ IV.2.2.3 et V.6.3), l'échantillon d'acide rubérythrique
utilisé ici n'est pas une molécule de synthèse mais un extrait commercial, qui
contient en fait non seulement de l'acide rubérythrique vrai (1-OH, 2-O-
primvéroside), précurseur de l'alizarine, mais aussi un autre glycoside (1-OH, 2-
CH2-O-primvéroside, 3-OH), précurseur de la lucidine.

En poudre, ce mélange est brun-rouge, avec aussi des grains jaunes (fig.V.19 et
V.20). Une très petite quantité d'acide rubérythrique pur, obtenue par séparation
par HPLC à pH 2,5, était parfaitement jaune après séchage.
150

Les laques de rapport M/L = 2 et 10 sont rouge et rouge-orange respectivement. En


peinture (fig.V.21 et V.23), le mélange sans aluminium est jaune-brun, et les
laques sont rouge et orange respectivement.

Sur filtre, l'absorbance (fig. V.30) diminue avec le rapport M/L, surtout entre 500
et 600 nm, ce qui explique la tendance à l'orange.

Les coordonnées colorimétriques (fig.V.31) vont du brun-rouge du mélange sans


aluminium (a* = 15, b* = 8, h* = 28°) au rouge-orange des laques (a* = 19-23, b*
= 14-19, h* = 35°-39°).

2.0
482 nm

1.5
log(1/R)

492 nm
acide rubérythrique
1.0
AR 1, M/L 2

AR 2, M/L 10
0.5
400 500 600 700
wl (nm)

Fig.V.30. Spectres d'absorbance (log (1/R) de l'acide rubérythrique et de ses laques


(AR1 - 2).

30

20 AR1
b* (CIE)

AR2

10 AcRub

0
10 20 30
a* (CIE)

Fig.V.31. Diagramme a*b* (CIE) de l'acide rubérythrique et de ses laques


(AR1 - 2).
151

V.7.4.6. Discussion

Deux explications peuvent être données au fait que les laques aux couleurs les plus
saturées soient les plus riches non pas en colorant, comme on s'y serait attendu,
mais au contraire en alumine.

La première serait que l'excès de colorant (M/L = 2 : teneur théorique ~ 60%)


assombrisse la couleur et ainsi la désature. Mais on s'attendrait alors à ce que la
luminosité des laques soit plus faible à M/L = 2 qu'à M/L = 10, ce qui n'est pas le
cas. De plus il semble peu probable que cette explication puisse être invoquée dans
le cas de la couleur de la laque Aliz6 de rapport M/L = 50, qui, malgré plus grande
dilution dans le blanc de l'alumine reste légèrement plus saturée que celles des
laques de rapport M/L ~10.

Une autre explication serait le degré de complexation. En effet la réaction de


complexation n'est pas complète, comme on peut le voir sur les photos au
microscope : il reste des grains de colorant non complexé, d'autant plus visibles
que leur teinte diffère de celle des complexes. La proportion de colorant qui se
complexe avec l'aluminium devrait logiquement augmenter avec le rapport M/L.
Cette évolution est particulièrement nette dans le cas de la quinizarine, dont les
photos au microscope (fig. V.19) montrent que la laque de rapport M/L = 2 est
constituée d'un mélange de grains brun-orange (quinizarine non complexée) et
rouge-violet (alumine colorée par les complexes). Comme on l'a vu sur le
diagramme (a*,b*), ce mélange produit une couleur intermédiaire, en saturation
mais aussi en teinte (tendance au violet, diminution de b*), entre celles de la
quinizarine pure et de la laque de rapport M/L = 10.

L'influence de la température de préparation sur la couleur des laques est en accord


avec cette hypothèse. La température accélère la dissolution des colorants et leur
complexation avec l'aluminium, et la couleur finale est plus saturée. Ce phénomène
est observé avec les laques Aliz2 et Aliz3 (M/L = 2) et Pu2 et Pu3 (M/L = 10),
mais pas avec Aliz4 et Aliz5 (M/L = 10). Apparemment, avec l'alizarine, un
rapport M/L = 10 est suffisant pour que la réaction se fasse facilement même à
température ambiante.

A l'observation au microscope, la diminution de la proportion de grains de colorant


non complexé avec le rapport M/L semble plus forte pour l'alizarine que pour la
purpurine et surtout la quinizarine. Cette séquence résulte probablement des
différences de solubilité et de constante de complexation des molécules avec
l'aluminium.
152

Fig. V.32. Laques de Rubia tinctorum L. et d'autres Rubiacées. Vue macroscopique des
poudres.
153

V.7.5. Composition et couleur des laques d'extraits de Rubiacées

Les compositions des laques d'extraits de Rubiacées sont données dans les tableaux
V.10 (après l'extraction par LiF) et V.11 (après l'extraction par HCl) introduits
précédemment. Leurs couleurs, sous forme de poudres et de peintures sur toile,
peuvent être observées sur les figures V.32, V.34 et V.35. Les coordonnées
colorimétriques de ces laques sont rassemblées à la figure V.33 (pressées sur lame
de verre). Elles sont centrées sur une région (a* = 30-37, b* = 8-15) (fig. V.33).
Comme on l'a déjà vu plus haut (§ V.7.3), les positions dans les diagrammes
(a*,b*) (fig. V.17) indiquent que les couleurs sont systématiquement plus saturées
quand les laques sont pressées sur des lamelles de verre que quand elles sont fixées
sur les filtres Millipore (§ V.7.3).

30

RT3

RT6

20
RT14

RT15GS3
RT11 RT1
RT30 GA3 GM3
b* (CIE)

RT7 RT5
AT2 RT10
RT13 RT18 GV3 GS2 RT4
RT16 RT29
10 RT27 GA2 RT9 GM2 RT26
GV2 RT8 RT2
RT28 RT17
RP2 RT23

RT22

RT25
0
0 10 20 30 40 50
RT24
RT19

a* (CIE)

Fig.V.33. Diagramme a*b* (CIE) des laques d'extrait de Rubiacées (poudres pressées).

Nous allons maintenant observer l'influence de quelques paramètres sur la


composition et la couleur.
154

Fig. V.34. Laques de Rubia tinctorum L. Peintures sur toile.


155

Fig. V.35. Laques de Rubia tinctorum L. et d'autres Rubiacées. Peintures sur toile.
156

V.7.5.1. Température du bain d'extraction

Les laques RT1, RT2 et RT3 (fig. V.32 et V.34) ont été préparées par extraction de
racines de Rubia tinctorum L. pendant 60 min. à 20°C, 60°C et 90°C
respectivement, puis addition du KAl(SO4)2 et précipitation par K2CO3 (mode op.
"RT2" et variantes, § V.2, V.3 et annexe 1, tabl. A1.5).
Les compositions en colorants, mesurées par HPLC (fig. V.36), sont données dans
le tableau V.10 et V.11 (§ V.6.3).

primvéroside
d'alizarine
primvéroside
de lucidine
8

90 °C
6
20 °C
Au.s*10 / mg

4
60 °C pseudopurpurine inc. à 27
alizarine
précurseurs de
pseudopurpurine
2

anthragallol purpurine

5 10 15 20 25
minutes
Fig.V.36. Chromatogrammes des laques RT1 (20°C), RT2 (60°C) et RT3 (90°C)
après extraction par LiF.

On retrouve dans les trois laques de l'alizarine (2,6 à 7,2 mg/g), de la


pseudopurpurine (7,2 à 11 mg/g) et de la purpurine (0,5 à 2,4 mg/g). La principale
différence entre les laques est la teneur en deux glycosides, l'acide rubérythrique et
le précurseur de la lucidine : faible à 60°C (3,2 et 1,6 mg/g), mais élevée à 20°C
(13 et 2,6 mg/g), et encore plus élevée à 90°C (61 et 57 mg/g). Cela s'explique par
l'influence de la température sur l'activité enzymatique, responsable de l'hydrolyse
des glycosides : elle est moins élevée à 20°C qu'à 60°C, et totalement inhibée à
90°C par dénaturation des enzymes. On retrouve d'ailleurs à 90°C d'autres
glycosides, précurseurs de la pseudopurpurine, qui sont absents des laques
préparées à 20°C et 60°C. La perte des précurseurs à 20°C et 60°C ne se traduit
cependant pas par une augmentation équivalente de la teneur en aglycones,
probablement à cause de la faible solubilité de ceux-ci, qui fait que la plus grosse
partie est perdue, adsorbée sur les débris de racines, lors de la filtration.
30
Température
RT3

20
b* (CIE)

RT1

10
RT2 Fig.V.37.
Diagramme a*b* (CIE) des laques
RT1, RT2, RT3, (poudres pressées).
0
10 20 30 40
a* (CIE)
157

La présence des glycosides se traduit dans les couleurs par une légère tendance à
l'orange (fig.V.32 et V.34), visible aussi bien dans les coordonnées colorimétriques
des laques fixées sur filtre que des laques pressées : la valeur de b* est la plus
élevée pour RT3 (90°C) et la plus basse pour RT2 (60 °), alors que a* reste à peu
près constante (fig. V.37, tabl. V.12 et V.13).

V.7.5.2. Extraction sélective de la pseudopurpurine : "laque de Kopp"

Au siècle passé le chimiste allemand Kopp a proposé un traitement de la garance


permettant de séparer la pseudopurpurine1 de l'alizarine (Perkin/Everest, 1918;
Schweppe et Winter, 1997). Cette séparation est basée sur la plus grande résistance
de l'acide rubérythrique, précurseur de l'alizarine, à l'hydrolyse en milieu acide.

Nous nous sommes inspirés de cette procédure pour la préparation de RT19, laque
de pseudopurpurine. Les morceaux de racine ont été plongés une heure dans une
solution d'acide sulfurique 1% (~ 0,1 M, pH 0,7) à température ambiante. Après
élimination des débris de racine par filtration, la solution a été chauffée à 60°C
pendant une demi-heure. Les précurseurs de la pseudopurpurine se sont
transformés en pseudopurpurine, qui a précipité, tandis que l'acide rubérythrique a
résisté à l'hydrolyse et est resté en solution. Le précipité rouge a été récupéré par
filtration, puis redissout dans le sulfate d'aluminium pour la formation des
complexes avec l'aluminium, qui ont été précipités par ajout de K2CO3.

Comme prévu la laque ainsi obtenue contenait surtout de la pseudopurpurine (2


mg/g). Elle contenait aussi un peu de purpurine (0,2 mg/g) et des traces d'acide
rubérythrique (0,02 mg/g), mais pas d'alizarine.

La poudre est d'un rose (fig.V.32 et V.34) fort proche de celui d'une laque
commerciale (RT24 : "Garance rose clair" de Blockx, cfr. annexe 1), dont le
colorant principal est aussi la pseudopurpurine, mais en quantité plus faible (1,6
mg/g). On peut supposer que cette laque a aussi été préparée par une variante de la
méthode de Kopp. Dans son Compendium pour les artistes, Blockx ne livre pas
son secret mais précise que les nuances des différentes laques de garance sont
obtenues par des variations du mode de préparation.

Pressées ou sur filtre, les deux laques ont des valeurs négatives de b* (-3 à -12) et
h* (-3° à -23°) (fig.V.38), ce qui indique que leur couleur est plus pourpre ou
moins orange que celle des laques d'alizarine.

10 Laques RT19 et RT24 pressée


sur filtre
b* (CIE)

Fig.V.38. 0
Diagramme a*b* (CIE)
10 20 30 40 50
des laques de
RT24
pseudopurpurine, a* (CIE) RT19 RT24
(poudres pressées et sur filtre). RT19
-10

1
Qui donne la purpurine par décarboxylation.
158

V.7.5.3. Macération des racines dans l'eau avant extraction des colorants

Lors de la préparation des laques RT8 et RT13, les racines ont macéré dans l'eau à
température ambiante un et dix jours respectivement avant l'extraction à 60°C.

L'alizarine, de 5,4 mg/g (laque de référence RT2), monte à 8 mg/g (RT8, un jour
de macération) puis retombe à 2 mg/g (RT13, dix jours) (fig. V.39, tabl. V.10). La
pseudopurpurine tombe de 7,2 mg/g à 5,2 mg/g puis à 0, et les faibles quantités de
glycosides encore présents après 1 h (ac. rub. 3,2 mg/g, préc. luc. 1,6 mg/g) ont
disparu après 24 h.

alizarine
2.5
24 heures (RT8)
pseudopurpurine
2.0

1heure (RT2)
AUs*10/mg

1.5
inc. à 27'

1.0
240 heures (RT13)
purpurine
précurseur
d'alizarine
0.5 précurseur
de lucidine anthragallol

0.0

10 15 20 25
temps [min]

Fig.V.39. Chromatogrammes des laques RT8 (24h), RT2 (1h) et RT13 (240h)
après extraction par LiF.

La laque RT8 est d'un rouge proche de celui de la laque de référence RT2. Par
contre la laque RT13 est brune (fig.V.32, V.34 et V.40), probablement à la fois à
cause de la disparition de l'alizarine et de la pseudopurpurine, par précipitation à la
surface des débris de racines enlevés à la filtration, et de l'extraction progressive de
tannins.

20
Temps de macération
RT1

RT13
b* (CIE)

10
RT8

Fig.V.40.
Diagramme a*b* (CIE) des laques 0
RT2, RT8 et RT13 (poudres pressées). 10 20 30 40

a* (CIE)
159

V.7.5.4. Composition et pH du bain d'extraction

Dans le passé, les extractions des colorants végétaux pouvaient se faire à différents
pH; neutre dans "l'eau claire", acide dans les solutions de sulfate d'aluminium,
basique dans la "lessive de bois".

Pour nos laques RT6 et RT7 (fig. V.32 et V.35), les extractions des colorants des
racines se sont faites dans des solutions de sulfate d'aluminium (pH 4) et de K2CO3
(pH 8) respectivement.
Après l'extraction dans le sulfate d'aluminium (RT6, pH 4) on retrouve un
peu de glycosides (précurseurs de l'alizarine et de la lucidine, 10 et 11 mg/g) et très
peu d'aglycones (pseudopurpurine, alizarine, purpurine). La dégradation des
glycosides par les enzymes a pu être inhibée par le pH et par la forte concentration
en aluminium. Il est aussi possible que les aglycones, d'autant moins solubles que
le pH est acide, et les éventuels complexes avec l'aluminium aient été perdus lors
de la filtration des restes de racines.
La laque RT7 (K2CO3, pH 8) contient autant d'alizarine (5,4 mg/g) que la
laque RT2, mais nettement moins de pseudopurpurine (2,2 mg/g contre 7,2 mg/g),
probablement hydrolysée (fig. V.41).

alizarine
2.5 RT2
RT6
pH 8 (RT7) RT7

2.0 pseudopurpurine
pH 6 (RT2)
précurseur
d'alizarine précurseur
1.5 de lucidine
AUs*10/mg

pH 4 (RT6) inc. à 27'

1.0

0.5

purpurine
anthragallol
0.0

10 15 20 25
temps [min]
Fig.V.41.
Chromatogrammes des laques RT6 (pH 4), RT7 (pH 8) et RT2 (pH 6) après extraction par LiF.

Des trois laques, la RT6, riche en glycosides


et pauvre en aglycones, a la couleur la moins
RT6
saturée (fig.V.42). Bien que ce soit peu visible pH
à l’œil nu, le rouge de la RT7, riche en alizarine 20

mais pauvre en pseudopurpurine, est légèrement


RT7
plus orange (ou moins pourpre) que celui de
b* (CIE)

la RT2. 10 RT2

Fig.V.42. Diagramme a*b* (CIE) de laques 0

RT6, RT7 et RT2, (poudres pressées). 10 20 30 40

a* (CIE)
160

V.7.5.5. Nature de la base utilisée pour la précipitation

Dans les anciennes recettes on trouve des variations des bases utilisées lors de
l'étape de précipitation, le plus souvent le carbonate de potassium mais aussi de
sodium ou de calcium, éventuellement des urines (annexe A2).
Pour une série de laques, nous avons choisi d'autres bases que le K2CO3 : CaCO3
(RT9), Na2CO3 (RT10) et NH3 (RT15). La laque RT9 se distingue nettement des
autres par sa couleur rose pâle (fig.V.32 et V.34). Les chromatogrammes (fig.V.43)
confirment que cette laque est la moins riche en colorants. La teneur en glycosides,
le rapport alizarine / pseudopurpurine et les coordonnées b* et h* (fig.V.44) des
trois autres laques croissent dans le sens RT2 (K2CO3) < RT10 (Na2CO3) < RT15
(NH3).
RTPARAM2.opj, Graph1, Tue, 000425 15:11

alizarine
Na2CO3 (RT10)
2.5
pseudopurpurine
K2CO3 (RT2)
2.0
AUs*10/mg

1.5
NH4OH (RT15)inc. à 27'

1.0
précurseur CaCO3 (RT9)
d'alizarine précurseur
0.5 de lucidine purpurine
anthragallol

0.0

10 15 20 25

temps [min]

Fig.V.43. Chromatogrammes des laques RT10 (Na2CO3), RT2 (K2CO3), RT15


(NH4OH) et RT9 (CaCO3) après extraction par LiF.

20
Base RT15

RT10
b* (CIE)

10 RT9
RT2

Fig.V.44.
Diagramme a*b* (CIE) des
10 20 30 40 laques RT2, RT9, RT10 et
a* (CIE) RT15 (poudres pressées).
161

V.7.5.6. Intérieur ou écorce de la racine

Les anthraquinones ne sont pas réparties régulièrement dans la racine de garance (§


II. 2). La partie ligneuse à l'intérieur de la racine en contient plus que l'écorce, dans
laquelle on trouve aussi des tanins.

Les laques RT4 et RT5 ont été préparées à partir d'extraits non pas de la racine
entière coupée en morceaux, mais respectivement de l'intérieur et de l'écorce de la
racine. La première est foncée, la seconde claire (fig.V.32 et V.34). Dans les
coordonnées colorimétriques (poudres pressées) cette différence se traduit surtout
par la luminosité L* : 23 (intérieur) < 28 (racine entière) < 42 (écorce).

La laque RT4 (intérieur) est très riche en aglycones et glycosides (fig.V.45) : elle
contient assez bien d'alizarine (10 mg/g) et surtout de la pseudopurpurine (24
mg/g), ainsi que des précurseurs de l'alizarine (17 mg/g) et de la lucidine (21
mg/g). Inversement la laque RT5 (écorce) est très pauvre en colorants, et contient
deux fois moins de pseudopurpurine (1 mg/g) que d'alizarine (2 mg/g).

7 pseudopurpurine

6
intérieur (RT4)

alizarine
4
Au.s*10 / mg

primvéroside racine complète (RT2)


3 de lucidine
primvéroside
d'alizarine

2
écorce (RT5) inc. à 27

1 purpurine
anthragallol

5 10 15 20 25
temps (minutes)

Fig.V.45. Chromatogrammes des laques RT4 (intérieur), RT2 (racine complète), et


RT5 (écorce) après extraction par LiF.

20
intérieur ou écorce
RT5
RT4
b* (CIE)

10
RT2

. Fig.V.46.
Diagramme a*b* (CIE) des laques
RT4, RT2 et RT5 (poudres pressées). 10 20 30 40
a* (CIE)
162

La RT4, riche en glycosides mais aussi en pseudopurpurine (tendance au rouge ou


au pourpre), n'est que légèrement plus orange (b* = 11, h = 18°) que la RT2 (b* =
8, h = 13°). La RT5, pourtant pauvre en glycosides, tire plus vers l'orange (b* = 13,
h = 22°) que la RT4 et le RT2, probablement à cause du rapport
alizarine/pseudopurpurine élevé (fig.V.46).

V.7.5.7. Laques de colorants récupérés de laines teintes

Le procédé de préparation des laques à partir des colorants récupérés de textile


teint a été couramment utilisé dans la période du XIVe au XVIe siècle (Kirby
1987). Il est surtout rapporté au sujet de colorants d'insectes (cochenille, kermès),
mais, selon Saunders et Kirby (1994), était probablement le mode principal de
fabrication des laques, non seulement pour ces colorants, mais aussi pour la
garance. Il faut noter que très peu de recettes de laques de garance de cette époque
ont été trouvées, soit parce qu'elles ont été perdues, soit parce que ces laques
étaient d'un usage si commun et répandu, ce que confirment nos analyses d'œuvres
d'art de l'époque (Sanyova, Wouters 1994), que personne ne voyait l'intérêt de
coucher sur papier ce que tous savaient.

La laque RT17 a été préparée à partir de colorants récupérés d'un échantillon de la


laine RT-L2 par extraction dans K2CO3. Cette laine avait été teinte par Rubia
tinctorum L. dans un bain à 90°C après mordançage au sulfate d'aluminium
(description de mordançage et de teinture se trouvent en annexe 1, § A1.2.1,
Référence 3). Pour la laque RT16, un autre échantillon de la même laine a été
extrait dans une suspension de cendres de chêne. Pour RT18, une autre laine, RT-
L1, teinte à 60°C, a été extraite par K2CO3.

La couleur de RT17 est proche de celle de RT2 (fig.V.47). Celles de RT16 et RT18
sont moins saturées, la première parce que l'extraction à la cendre de chêne est
moins efficace, la seconde parce que la laine teinte à 60°C est plus pâle et pauvre
en colorants.
b* (CIE)

20

Laine et laques des laines

RT18
RT16
10
RT-L2 RT2
b*(laques) RT17
b*(laine)

0
10 20 30 40
a* (CIE)

Fig.V.47. Diagramme a*b* (CIE) de la laine teinte par Rubia tinctorum L., RT-L2,
et des laques RT2, RT16, RT17, RT18 (poudres pressées).
163

V.7.5.8. Genre et espèce de Rubiacée utilisée

Les sources alternatives des colorants anthraquinoniques sont connues.


Le choix de la plante ainsi que son âge et son environnement peuvent mener à de
grandes différences en quantité et en proportions dans les colorants extraits. Hill et
Richter (1937) ont trouvé de la pseudopurpurine dans leurs échantillons de chacune
des 23 espèces différentes de Rubiacées qu'ils ont étudiées, mais n'ont trouvé
d'alizarine que dans certaines d'entre elles (Rubia tinctorum L., Galium mollugo L.
et des traces dans Galium verum L.), et seulement dans des plantes d'un certain
âge.

Nous avons préparé des laques à partir de huit Rubiacées autres que Rubia
tinctorum L., des trois genres Rubia, Asperula et Galium : Rubia peregrina L.
(RP), Asperula tinctoria L. (AT), Galium aparine (GA), Galium boreale L. (GB),
Galium molugo L. (GM), Galium odoratum L. (Scop.) (GO) aussi appelée
Asperula odorata L., Galium sylvaticum L. (GS) et Galium verum L. (GV).
L'origine des échantillons de ces plantes est donnée dans le tableau A1.1. Plusieurs
nous ont été offerts par M. Van Belle, du Jardin Botanique National (JBN) de
Meise. D'autres ont été collectés dans la nature, et leur identification a été
confirmée par Mme Billet du JBN.

Le mode opératoire de référence "RT2" a été appliqué à toutes, et la variante


"RT3" (extraction à 90°C) à RP, GA, GM, GS et GV. Les laques sont identifiées
par les initiales de la plante, suivie du numéro du mode opératoire (p.ex. AT2,
GM3).

Les compositions de deux de ces laques, RT2, RP2 et GV2, peuvent être
comparées à celle de la RT2 dans le chromatogramme de la figure V.48). La laque
de Rubia peregrina L. contient cinq fois moins de pseudopurpurine (1 mg/g) que
Rubia tinctorum L., et peu ou pas d'alizarine. La laque de Galium verum L. est
encore plus pauvre, avec seulement 0,2 à 0,3 mg/g de son principal colorant, la
pseudopurpurine.
0.3 alizarine

pseudopurpurine

RUBIA TINCTORUM
(x 0,15)
0.2 inc. à 27'
Au.s*10 / mg

RUBIA PEREGRINA

GALIUM VERUM
0.1 (x 2,5)
précurseur
d'alizarine
précurseur de alizarine purpurine
lucidine

0.0

5 10 15 20 25
temps (minutes)
Fig.V.48. Chromatogrammes des laques RT2 , RP2, et GA2, après extraction par LiF.
164

Parmi les autres espèces, nous n'avons trouvé d'alizarine en quantité appréciable
(fig. V.49) que dans la laque de GB2 (Galium boreale L., 6,1 mg/g), et de
pseudopurpurine que dans GA2 (Galium aparine L., 5,6 mg/g ) et AT2 (Asperula
tinctoria L., 4,9 mg/g). Cette dernière contient également une quantité importante
des précurseurs de la lucidine (4,9 mg/g), trois fois plus que RT2.

al
pp
6 pral
mg colorant / g laque

prlc

0
RT2 RP2 GA2 GB2 GM2 GO2 GS2 GV2 AT2

Fig.V.49. Composition des laques préparées à partir de différentes Rubiacées


(HPLC, extraction par LiF)

Notre échantillon de Galium mollugo L. contenait un peu d'alizarine, comme celui


de Hill et Richter. Par contre notre Rubia peregrina L. contenait sept fois moins de
pseudopurpurine que notre Rubia tinctorum L., alors que l'échantillon de Hill et
Richter en était particulièrement riche (1,5 fois plus que leur Rubia tinctorum L.).
Galium aparine L., le gaillet gratteron tellement commun dans nos régions, est une
plante annuelle. Notre échantillon, récolté en automne, ne pouvait donc être vieux
de plus de quelques mois. Il ne contenait pas d'alizarine, comme on peut s'y
attendre avec une plante aussi jeune. Par contre la teneur en pseudopurpurine est
presque aussi élevée que dans Rubia tinctorum L. (rapport 8:10), alors qu'elle est
assez faible dans l'échantillon de Hill et Richter (rapport 3:10).

Ces comparaisons confirment la grande variabilité des teneurs et proportions de


colorants, non seulement entre espèces mais aussi entre échantillons d'une même
espèce.

Comme avec Rubia tinctorum L., les laques contiennent systématiquement plus de
précurseurs de la lucidine et de pseudopurpurine quand elles ont été préparées
après extraction à 90°C (fig.V.50).
165

60 précurseur de la lucidine 12
pseudopurpurine

2 (60°C) 10 2 (60°C)
3 (90°C) 3 (90°C)
5
mg colorant / g laque

8
4

6
3

4
2

1 2

0 0
RT RP GA GM GS GV RT RP GA GM GS GV

Fig.V.50. Influence de la température de préparation des laques des Rubiacées sur


leur composition en précurseur de la lucidine et en pseudopurpurine.
(HPLC, extraction par LiF)

Les laques GA2, GA3 et AT2 (figures V.32 et V.35), bien que riches en
pseudopurpurine (5,6, 9,4 et 4,9 mg/g) et pauvres en alizarine (0, 0,2 et 1 mg/g), ne
sont pas roses comme les laques de pseudopurpurine RT19 (recette adaptée de
Kopp) et RT24 (laque commerciale, Blockx), mais au contraire au moins aussi
oranges que RT2, comme en attestent leurs positions dans le diagramme (a*,b*)
(h* = 16°, 25° et 27° contre 13°) (fig. V.51). Cette tendance à l'orange peut être
attribuée aux précurseurs de la lucidine et probablement aussi à l'inconnue à ~27'
(seul pic plus important sur le chromatogramme de GA2 que sur celui de RT2).

30
Recette 2 et 3
RT3

20
GS3
b* (CIE)

GA3GM3
AT2
GV3 GS2GB2
10 GA2 GM2
GV2 RT2
RP3
RP2

0 10 20 30 40
a* (CIE)
Fig.V.51. Diagramme a*b* (CIE) des laques préparées des Rubiacées (poudres
pressées).
166

V.7.5.9. Laques d'extraits de Rubiacées : résumé et conclusions

Les principaux colorants retrouvés dans nos laques de Rubia tinctorum L. après
hydrolyse par la méthode LiF sont la pseudopurpurine, l'alizarine et les
précurseurs de l'alizarine et de la lucidine. Des quatre, seule l'alizarine est détectée
après hydrolyse par la méthode à l'HCl 6 M. Une partie de la pseudopurpurine est
détectée sous forme de purpurine.

Les couleurs des laques couvrent une large gamme de nuances : rouges, pourpres,
oranges, bruns, violets, roses.... Les diagrammes colorimétriques montrent qu'à
part la nature du colorant, le principal facteur influençant la couleur est le rapport
aluminium / colorant, qui augmente la saturation de la teinte (C*, distance par
rapport à l'origine), même si la couleur peut parfois paraître plus "pâle", ce qui
relève en fait de la luminosité (L*, axe vertical) et non de la saturation (distance
par rapport à cet axe). L'évolution de la couleur avec le rapport aluminium /
colorant dépend du ou des colorants présent(s) : les complexes aluminiques de la
pseudopurpurine et de la purpurine tirent la teinte vers le pourpre (paramètre
angulaire h* plus faible ou négatif), ceux des autres colorants (de l'alizarine et des
glycosides ?) vers l'orange (h* plus élevé).

Il est possible d'augmenter la teneur en précurseurs et en pseudopurpurine en


inhibant par la température l'activité enzymatique lors de l'extraction. Il est aussi
possible, grâce à la méthode de Kopp, d'extraire sélectivement la pseudopurpurine
afin d'obtenir une nuance rose (dont la teinte tire vers le pourpre). La teneur en
colorants dans les Rubiacées autres que Rubia tinctorum L. est relativement faible,
à l'exception de Galium boreale L. (alizarine), Galium aparine L.
(pseudopurpurine) et Asperula tinctoria L. (pseudopurpurine et précurseur de la
lucidine). Elle est aussi beaucoup plus faible dans l'écorce que dans l'intérieur de la
racine de Rubia tinctorum L. Avec les laques pauvres en alizarine et/ou en
pseudopurpurine, la couleur est plus aléatoire à cause de la contribution des
constituants secondaires tels que l'anthragallol, la xanthopurpurine ou la rubiadine.
167

V.8. Résistance au vieillissement

La résistance de la couleur d'une laque exposée à la lumière dépendra non


seulement d'une série de facteurs propres à celle-ci (teneurs et nature des colorants
et des autres constituants) mais aussi de la présence de liants et éventuellement
d'additifs, d'une couche de vernis, etc. Dans cette étude exploratoire, les laques ont
été comparées en l'absence de tout liant ou additif. Pour ce faire, elles ont été
fixées par filtration sur des filtres spéciaux en ester de cellulose (Millipore, 0,45
µm), qu'un mélange d'acétate d'amyle et d'éthyle ramollit suffisamment pour qu'il
emprisonne les grains par la base et les retienne après séchage (Jedwab, 1991). Les
laques ont été soumises sous cette forme à un test de vieillissement accéléré par
une lampe à arc au xénon (à l'éclairement énergétique 765 W/m² ~ 180 000 lux)
par exposition à une dose de l'éclairement lumineux plusieurs milliers de fois
supérieure à la dose normalement reçue par une œuvre d'art en exposition dans un
musée (Saudners, 1994; Thomson, 1967). La température de l'air dans l'enceinte de
l'appareil a été entretenu à 22±3°C par une ventilation permanente et l'humidité
relative a oscillé autour 45 % ± 10%. La description de l'appareil (Suntest CPS+) et
de la méthode d'expérience est détaillée en annexe 1, § A13.12.
Les spectres (microspectrophotométrie en réflectance, MSP 400 Zeiss, cfr §
A1.3.11) ont été enregistrés à différentes étapes du vieillissement. A l'issue de ce
test, de pratique courante dans l'industrie, la courbe de décoloration ∆E en fonction
du temps, où ∆E est la racine carrée de ((∆L*)2 + (∆a*)2 + (∆b*)2)), est comparée à
celles de huit échantillons de référence (laines teintes en bleu par les colorants de
différente stabilité, cfr § A1.3.12), et un grade de stabilité de 1 à 8 est attribué. La
méthodologie est détaillée en annexe 1, § A1.3.12.

Quelques-uns des échantillons après vieillissement peuvent être vus sur la figure
V.52. À chaque fois une moitié de l'échantillon a été protégée de la lumière par une
feuille d'aluminium, afin de servir de témoin et de s'assurer que le vieillissement
observé est bien dû à la photodégradation et non à un autre processus. On constate
d'une part que les plus gros grains gardent le mieux leur couleur, et d'autre part,
avec les anthraquinones de synthèse et leurs laques, que le vieillissement est
d'autant plus rapide que le colorant est dilué dans l'alumine.

V.8.1. Évolution dans les diagrammes de chromaticité

L'évolution des paramètres (x,y) et (a*,b*) de laines, d'anthraquinones et de laques,


en 5 à 15 jours d'exposition à la lumière intense, peut être observée aux figures
V.53 à V.59 Sur toutes ces figures, les couleurs évoluent et convergent plus ou
moins rapidement vers la région centrale des blancs (ou gris).
168

Fig. V.52. Sélection des échantillons (anthraquinones, ses laques et laques des
plantes) soumis au vieillissement, dont la moitié à gauche a été protégée.
169

0.8

0.6 laine 8
laine 6
y (CIE)

laine 1
0.4
laine 3

0.2

b* (CIE)
10

0.0 0
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 -10 0 10 20 30 40
x (CIE) a* (CIE)

-10

-20
laine8
Fig. V.53.
Diagrammes xy et a*b* (CIE) laine6 -30
de la décoloration des références - laines bleues.
Les noms des échantillons
sont à l'origine de la courbe (point t0).
-40
laine1

-50 laine3

0.8 Aliz2

Aliz4
Aliz6
0.6
y (CIE)

0.4
Alizarine

Alizarine
40
0.2

30
0.0
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8
x (CIE)
20
b* (CIE)

Aliz - L2

10
Aliz4
Aliz2
Aliz6

0
-10 0 10 20 30 40
Fig. V.54. a* (CIE)
Diagrammes xy et a*b* (CIE)
-10
de la décoloration de l'alizarine,
ses laques et de la laine teinte par alizarine.
170

Purpurine
Pu1
0.8

Pu2

0.6
y (CIE)

0.4

20
0.2

b* (CIE)
15

0.0
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 10
x (CIE) Purpurine Pu1

5 Pu2

0
-10 -5 0 5 10 15 20 25 30
Fig. V.55. a* (CIE)
Diagrammes xy et a*b* (CIE) -5
de la décoloration de la purpurine
et de ses laques.
-10

Quinizarine
0.8

Qui1

0.6
y (CIE)

Qui2
0.4

25
0.2

20
b* (CIE)

Quinizarine

0.0 15
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8
x (CIE) Qui1
10

5
a* (CIE)
0
-5 0 5 10 15 20 25 30 35
Qui2
-5
Fig. V.56.
Diagrammes xy et a*b* (CIE) -10
de la décoloration de la quinizarine
et de ses laques.
171

0.8
AR1

AR2 ACRUB

0.6
y (CIE)

0.4

25

b* (CIE)
0.2
20
AR1

15
AR2
0.0
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8
10
x (CIE)
AcRub

5
Fig. V.57.
Diagrammes xy et a*b* (CIE)
0
de la décoloration de l'"acide rubérythrique" -5 0 5 10 15 20 25 30

(commercial) et de ses laques. a* (CIE)


-5

-10

0.8 AlPu
col3
col 4 AlQu

0.6
y (CIE)

0.4

0.2

0.0
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8
x (CIE)
15
b* (CIE)

10
AlPu

AlQu
5 col3

col4
0
-5 0 5 10 15 20 25 30 35 40
Fig. V.58. a* (CIE)
Diagrammes xy et a*b* (CIE) -5
de la décoloration des laques
de mélanges d'anthraqinones.
-10
172

RT9 RT6
0.8 RT3

RT2

0.6
y (CIE)

0.4

0.2

0.0
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8
20
b* (CIE)

x (CIE)

15
RT3

10 RT7

5 RT6
Fig. V.59. RT9 RT2
Diagrammes xy et a*b* (CIE) 0
de la décoloration des laques -5 0 5 10 15 20 25 30

de Rubia tinctorum L. a* (CIE)


-5

-10

-15

Une exception manifeste, aussi bien sur les diagrammes xy que sur les diagrammes
a*b*, est le mélange vendu comme acide rubérythrique, dont la couleur évolue
dans une direction toute différente de celles de ses laques. Il perd l'essentiel de sa
couleur initiale brun-orange (a* = 15, b* = 8) dès les premières heures, puis se
stabilise dans un brun-jaune (a* = 0 - 4, b* = 8 -10). Il est probable que la
décoloration initiale rapide n'est due ni à l'acide rubérythrique proprement dit, ni au
précurseur de la lucidine également présent, mais à d'autres impuretés encore, et
que l'élimination de ces impuretés lors de la préparation des laques explique le
comportement plus classique de celles-ci.

On peut aussi distinguer des différences entres les couleurs finales vers lesquelles
tendent les laines d'une part, et les laques sur filtre d'autre part. Les laines, après
décoloration totale, sont jaunâtres (b* > 0) plutôt que blanches, d'où par exemple le
détour de la référence 1 par une teinte verdâtre (a* < 0) avant de continuer vers le
jaune pâle, couleur de la laine vieillie (après quinze jours elle atteint a* = -0,7 et b*
= 10). La référence 8, la plus résistante à la lumière, ne pâlit pratiquement pas sur
les quinze jours de vieillissement accéléré. Dans le cas des laques, après leur
décoloration totale, la couleur bleuâtre du filtre transparaît et tire les couleurs
finales, surtout celles d'extraits de Rubiacées, vers un point proche de l'axe b*, côté
négatif cette fois (b* = -10). La laque RT9, peu colorée mais contenant de la craie,
couvre mieux le filtre et tend vers un blanc plus pur après vieillissement (b* = -2).
173

V.8.2. Vitesse de décoloration et grades de résistance

Pour attribuer un grade de stabilité, on met en graphique ∆E en fonction du temps,


et on compare la courbe obtenue à celles de laines bleues de référence. On peut
voir un exemple à la figure V.60.

laine1 laine2 laine3


25
aliz6

20

15 aliz4

laine5
∆E

10 aliz1

laine6
5 alizarine
laine7
laine8
0
aliz3
aliz-L2

0 20 40 60 80 100 120
heures
Fig. V.60. Exemples d'attribution de grade de stabilité.

On y distingue bien l'évolution progressive, de la laine 1, très vite décolorée,


jusqu'à la laine 8, la plus stable. La laine 4 a donné une courbe plus atypique et a
été omise. La courbe de la laque Aliz1, par exemple, se situant entre celles des
laines 5 et 6, un grade 5-6 lui a été attribuée. Il peut arriver qu'une courbe de
décoloration plafonne non parce que la couleur de la laque est stable mais parce
qu'elle est déjà presque au bout de son processus de vieillissement, comme par
exemple la laque RT9 (fig.V.59). La décoloration initiale très rapide lui vaut un
grade de 1-2 seulement, même si la courbe coupe ensuite celles des laines 3 à 5.
Les grades attribués aux différents échantillons sont donnés dans le tableau
suivant.

Tableau V.15. Grade de stabilité à la lumière des échantillons soumis au xenotest.

Anthraquinones de synth. et leurs laques laques d'extrait des Rubiacéees


nom grade nom grade
Aliz 7-8 RT1 3-4
Aliz1 5-6 RT2 3-4
Aliz2 7-8 RT3 4-5
Aliz3 7-8 RT6 2-3
174

Aliz4 5-6 RT7 4-5


Aliz5 4-6 RT9 1-2
Aliz6 3-4 RT10 2-3
Aliz7 5-6 RT15 3-4
Aliz8 4-5 RT17 3-4
AcRub 0-1 RT19 2-3
AR1 4-5 RT24 1-2
AR2 2-3 AT2 4-5
Purp. 8 GA2 3-4
Pu1 6-7 GB2 3-4
Pu2 3-4 GM2 2-3
Pu3 3-4 GS2 2-3
Quiniz 6-7 GV2 3-4
Qui1 6-7 RP2 1
Qui2 4-5 Laines teintes
AlPu 4-5 Aliz L2 8
AlQu 4-5 Purp - L2 6-7
col3 3-4 Qui L1 4-5
col4 3-4 RT -L2

Ces grades sont élevés (>6) pour les anthraquinones pures et leurs laques de
rapport aluminium/colorant = 2, ils sont moyens (3-6) pour les laques plus riches
en aluminium. La figure V.61 montre bien, pour les laques d'alizarine, de
purpurine et de quinizarine, cette relation entre teneur en colorant et grade de
stabilité. On y vérifie aussi que les laques d'alizarine sont légèrement plus
résistantes que les laques de purpurine.

8 ,3
l iz2
A

7
i1 u1
Qu P

6 ,7
il z4 liz1
A A
grade

5
iz8 iz5
Al Al
i2
Qu
4 3
iz 6 2,
Al Pu

3
0 100 200 300 400 500 600 700
mg aliz / g laque (calc)

Fig. V.61. Grade de stabilité des laques anthraquinones de synthèse en


fonction de la concentration en colorant.
175

Sur les photos de la figure V.62 on constate que les plus gros grains se décolorent
moins vite que les plus petits. Malgré cela les laques de granulométrie plus fine
parce que préparées à 90°C (Aliz3, Aliz5 et Pu3) sont aussi stables, ou à peine
moins, que les laques correspondantes préparées à température ambiante (Aliz2,
Aliz4 et Pu2) (tabl.V.15 et fig.V.62). L'effet de la granulométrie sur la stabilité des
couleurs est donc beaucoup plus faible que celui de la concentration en complexes
colorants (fig.V.61).

Fig. V.62. Effet de la température de la préparation des laques (entre


parenthèses) sur leur granulométrie et la stabilité à la lumière.

La décoloration plus lente des gros grains pourrait a priori s'expliquer par la
protection des colorants au cœur de ceux-ci, soit par absorption de la lumière par
les couches externes, soit par ralentissement de la diffusion de l'oxygène, si celui-ci
contribue à la dégradation. Cependant les laques, composées principalement
d'alumine, ont une porosité et donc une surface spécifique importantes et largement
indépendantes de la taille de grains. L'oxygène, qui peut contribuer à la
dégradation des colorants, est libre de diffuser assez librement à l'intérieur des
grains. La première explication semble donc la plus plausible: la décoloration
progresserait à partir de la surface externe des grains. La vitesse de décoloration,
exprimée par exemple en microns par jour, serait d'autant plus faible que la
concentration en colorants, et donc l'absorption de la lumière par les couches
externes, sont importantes. Dans des peintures, le liant et le vernis limiteraient en
plus la diffusion de l'oxygène, ce qui pourrait ralentir encore le vieillissement.

La couleur de la laine teinte à l'alizarine Aliz-L2 est très résistante, ce qui


est en bon accord avec la supposition que la photodégradation est oxydative, quand
on tient compte du fait la laine est réductrice. Inversement on a retrouvé des traces
de munjistine dans l'échantillon d'acide rubérythrique commercial après
vieillissement : celle-ci pourrait provenir de la déglycosilation du primvéroside de
la lucidine, suivie de l'oxydation de groupement -CH2OH en -COOH.

V.8.3. Composition après vieillissement

Il aurait été intéressant de suivre la composition chimique des laques au cours du


vieillissement accéléré, mais cela était impossible, car le nombre d'échantillons
176

nécessaires aurait alors dépassé la capacité de l'appareil. Les laques n'ont donc été
récupérées et analysées par HPLC qu'à la fin du test, quand beaucoup étaient déjà
totalement décolorées. Les résultats sont donnés dans le tableau V.16. On retrouve
un peu d'alizarine, de purpurine, ou des primvérosides de l'alizarine et de la
lucidine, mais toujours en quantités très faibles, inférieures à un dixième des
quantités de départ. Même les poudres d'anthraquinones pures avaient perdu plus
de 90% du colorant originellement présent, malgré l'apparente stabilité de leur
couleur. Aucune trace de pseudopurpurine n'a été retrouvée, même dans les laques
qui en étaient riches au départ.

Tableau V.16. Teneurs en mg de colorant par g de laque des échantillons vieillis,


mesurées par HPLC après extraction par HCl et par LiF.

mg colorant / g laque
nom après extraction par HCl nom après extraction par LiF
al pu qui pra1 prlc al pu qui
Aliz 54.13 0 0 Aliz 0 0 40.12 0 0
Aliz1 0.70 0 0
Aliz2 1.85 0 0 Aliz2 0 0 15.45 0 0
Aliz3 1.99 0 0 Aliz3 0 0 3.93 0 0
Aliz4 0.05 0 0
Aliz5 0.08 0 0 Aliz5 0 0 0.85 0 0
Aliz6 0.01 0 0 Aliz6 0 0 0.40 0 0
Aliz7 0.03 0 0
Aliz8 0.05 0 0
AcRub 0 0 0 AcRub 0 0 0.27 0 0
AR 1 0 0 0 AR 1 0.33 0.05 0.02 0.012 0
AR 2 0 0 0 AR 2 0 0 0.01 0 0
AlPu 0.16 0.05 0
AlQu 0.20 0 0.215 AlQu 0 0 0.24 0.013 0.60
col3 0.06 0.045 0.032 col3 0 0 0.09 0.72 0
col4 0.01 0 0.003
Purp. 0.16 3.28 0 Purp. 0 0 0 46.5 0
Pu1 0.03 0.26 0
Pu2 0.04 0.17 0
Pu3 0.01 0 0 Pu3 0 0 0.01 1 0
Quiniz. 0.02 0.01 3.185 Quiniz. 0 0 0 0.41 50.11
Qui1 0 0 0.688 Qui1 0 0 0.12 0 17.35
Qui2 0 0 0.113
RT 1 0.02 0 0 RT 1 0 0 0.07 0 0
RT 2 0.007 0 0 RT 2 0 0 0.03 0 0
RT 3 0 0 0 RT 3 0.17 0.07 0.02
RT 6 0.003 0 0 0 0 0 0 0
RT 7 0.018 0 0 RT 7 0 0 0.037 0 0
RT 10 0.013 0.005 0 RT 10 0 0 0.038 0 0
RT 19 0.002 0 0 RT 19 0 0 0.010
RT 24 0.002 0 0 0 0 0
RT 15 0.003 0 0 0 0 0 0 0
RT 17 0.004 0 0 RT 17 0 0 0.014 0 0
GV 2 0.002 0 0 GV 2 0 0 0.003 0 0
GA 2 0 0 0 GA 2 0 0 0 0 0
GB 2 0.018 0.003 0 GB 2 0 0 0.030 0 0
GS 2 0.002 0 0 GS 2 0 0 0.016 0 0
GM 2 0.004 0 0 GM 2 0 0 0.013 0 0
AT 2 0 0 0 AT 2 0 0 0.015 0 0
RP 2 0.002 0 0 RP 2 0 0 0.013 0 0
177

V.9. Composition, couleur et stabilité des laques : résumé et conclusions

V.9.1. État physique et composition

Le constituant principal des laques étudiées ici est une alumine amorphe et
poreuse. Elle leur confère une surface spécifique élevée (~100 m2/g), indépendante
de la taille des grains, et une certaine hydratation (de l'ordre de 15% de son poids).
Les teneurs en colorants mesurées par HPLC après extraction au LiF sont
généralement de quelques mg par g, et, pour les laques d'anthraquinones de
synthèse pour lesquelles ce calcul est possible, proches des teneurs idéales
attendues sur base des proportions des réactifs mis en œuvre.

Dans les laques d'extraits de Rubia tinctorum L., on retrouve principalement de la


pseudopurpurine, de l'alizarine, les primvérosides précurseurs de l'alizarine (acide
rubérythrique) et de la lucidine, et un composé non identifié qui sort beaucoup plus
tard sur les chromatogrammes. L'extraction par HCl ne permet de détecter que
l'alizarine et la purpurine, la première en rendement inférieur à celui obtenu par
extraction par LiF, et la seconde, formée surtout par décarboxylation de la
pseudopurpurine par l'HCl, en quantités inférieures à celles de pseudopurpurine
présentes avant extraction. Les conditions d'extraction influencent fortement les
quantités et les proportions de colorants dans les laques. Par exemple une
extraction à 90°C, en bloquant l'activité enzymatique, donne des rendements très
élevés en primvérosides. Il est même possible d'obtenir une laque de Rubia
tinctorum sans alizarine, en extrayant sélectivement la pseudopurpurine selon la
méthode de Kopp. Parmi les autres espèces, nous n'avons trouvé d'alizarine en
quantité appréciable que dans la laque de G. boreale L., et de pseudopurpurine que
dans celles de G. aparine et A. tinctoria. Cette dernière contient également une
quantité importante de précurseur de la lucidine. Les comparaisons avec les
résultats de Hill et Richter (1937) confirment la grande variabilité des teneurs et
proportions de colorants, non seulement entre espèces mais aussi entre échantillons
d'une même espèce.

V.9.2. Couleur et photodégradation

Avec les laques d'anthraquinones de synthèse (alizarine, purpurine et quinizarine)


et de l'extrait commercial (primvérosides), les principaux facteurs affectant la
couleur sont le rapport aluminum/colorant et la nature du colorant. La teinte est
d'autant plus saturée (loin de l'origine, dans les diagrammes chromatiques a*b*)
que la teneur en colorant est faible (rapport aluminium/colorant élevé), ce qu'on
peut probablement attribuer à un meilleur degré de complexation (pourcentage du
colorant formant des complexes) grâce au large excès d'aluminium. Par rapport aux
complexes d'alizarine ou de purpurine, ceux de quinizarine tirent plus sur le
pourpre, ceux des primvérosides de l'alizarine et de la lucidine sur l'orange.

L'alizarine résiste légèrement mieux à la photodégradation que la purpurine. Les


primvérosides sont assez stables, et peuvent être retrouvés même après
vieillissement. Par contre il ne reste que des traces de la pseudopurpurine. Mais à
178

nouveau le principal facteur influençant la stabilité est le rapport


aluminium/colorant : les teintes des laques moins riches en colorant, bien que plus
saturées, vieillissent plus vite. La photodégradation est probablement oxydative : la
laine, réductrice, préserve la teinte de l'alizarine bien plus longtemps que les
laques. Souvent les grains plus gros gardent leur couleur plus longtemps que les
autres. Comme la présence de l'oxygène nécessaire à la réaction, si celle-ci est bien
oxydative, est assurée jusqu'au cœur des grains par les nombreux pores de
l'alumine, la plus grande stabilité des colorants dans les gros grains s'explique
probablement par le simple fait que les couches externes protègent l'intérieur en
absorbant la lumière, et ce d'autant plus que la teneur en colorant est élevée.

V.9.3. Conclusions

Pour revenir aux questions posées au début de ce chapitre, on peut donc leur
apporter les réponses suivantes :

- le mode de préparation des laques, l'espèce et l'origine de la plante influencent


fortement la composition des laques;

- la pseudopurpurine et les primvérosides de l'alizarine et de la lucidine sont


souvent présents en quantités importantes dans les laques, alors qu'inversement la
purpurine n'en est qu'un constituant mineur;

- les primvérosides tirent la teinte vers l'orange, la pseudopurpurine vers le


pourpre;

- tant de facteurs peuvent jouer un rôle qu'il est difficile d'identifier avec certitude
l'espèce utilisée en se basant sur la composition de la laque.
126

V.7. Couleur et cordonnées colorimétriques

V.7.1. Introduction

Il va être fait appel dans l'étude des couleurs à des notions relativement peu
familières en chimie, dont il peut être utile d'expliquer d'abord la signification.
La caractérisation des couleurs est une question particulièrement complexe, dont
les différents aspects sont traités en détail dans de nombreux manuels
(Hunter/Harold, 1987; Henry, 1980; Corno-Martin, 1981). Nous nous contenterons
ici d'esquisser la démarche et les méthodes permettant de calculer, à partir des
spectres de réflectance, les paramètres "xyz" et "L*a*b*" ou "L*C*h*" pour un
"observateur de référence". Dans le paragraphe suivant nous les illustrerons par les
exemples d'une laine bleue et d'une laque rouge.

La couleur est une perception, contrairement au spectre (d'émission, de réflectance


ou de transmittance) qui, elle, est une caractéristique physique intrinsèque d'un
objet, indépendante de l'observateur. Pour des raisons neuro-physiologiques,
l'ensemble des couleurs que peut percevoir un être humain forme un espace
tridimensionnel fini. C'est pourquoi on peut décrire une couleur de différentes
manières, chaque fois par une combinaison de trois paramètres: RGB
(composantes primaires rouge, verte et bleue, XYZ ("tristimulus"), L*a*b*
(luminosité et positions sur un axe vert-rouge et un axe bleu-jaune), L*C*h*
(luminosité, saturation et teinte). Chacune de ces combinaisons de trois paramètres
correspond à une manière différente de structurer l'espace des couleurs et d'y
choisir un système de coordonnées.

Le système RGB est né de la constatation empirique que toutes les teintes


perceptibles peuvent être reproduites par la combinaison de trois lumières
monochromatiques dites "primaires". On utilise, par tradition et par commodité, la
combinaison rouge-vert-bleu [700 - 546.1 - 435.6 nm]. Historiquement, les
paramètres RGB de la couleur d'un objet étaient souvent déterminés dans des
"colorimètres trichromatiques", par comparaison visuelle avec la couleur résultant
du mélange de trois rayons lumineux rouge, vert et bleu sur une surface blanche.
Mais la perception de la couleur n'est pas constante d'un individu à l'autre. Pour
contourner ce problème et pour pouvoir caractériser la couleur à l'aide des
spectrophotomètres de plus en plus utilisés par l'industrie (Hunter/Harold, 1992), la
CIE (Commission Internationale de l'Éclairage) a proposé en 1931 des "fonctions
colorimétriques" permettant de calculer les paramètres RGB à l'aide de
transformations linéaires des spectres, ajustées afin de donner un résultat aussi
proche que possible que celui de la moyenne des observateurs humains. Ces
fonctions de réponse neurophysiologique rmoy, gmoy et bmoy, constituées des
composantes RGB de chaque longueur d'onde monochromatique, forment
l'"observateur de référence colorimétrique CIE 1931".

Les paramètres RGB sont issus de transformations linéaires des spectres. En


conséquence, l'espace (RGB) a la propriété de respecter l'additivité des couleurs :
toute couleur obtenue par combinaison de deux lumières colorées donnera une
couleur située sur la droite reliant les couleurs des deux lumières utilisées. Les
valeurs absolues des coordonnées RGB dépendent de l'intensité de la lumière. Pour
la comparaison des couleurs, les valeurs relatives (rgb) (où r = R/(R+G+B), etc)
127

sont plus appropriées. Les diagrammes (r,g) respectent eux aussi l'additivité des
couleurs (fig. V.8). Les coordonnées des trois primaires (R;G;B) y sont les
sommets du triangle ((0,1), (1,0), (0,0)) : vert pur (g = 1, r = b = 0), rouge pur (r =
1, g = b = 0) et bleu pur (b = 1, r = g = 0)). Toutes les couleurs qu'on peut obtenir
par une combinaison de deux primaires se trouvent sur la droite qui les relie, et
toutes celles qu'on peut obtenir par une combinaison de trois primaires se trouvent
dans le triangle qu'elle délimitent. Les couleurs des lumières monochromatiques,
dites "couleurs spectrales", forment une courbe qui part du bleu (r = 0, g = 0),
passe par le bleu-vert ou cyan (r < 0, g > 0) avant d'atteindre le vert (r = 0, g = 1),
puis par le jaune et l'orange (r + g = ~1) avant d'atteindre le rouge (r = 1, g = 0). La
droite reliant le bleu ( 435,6 nm, r = 0, g = 0) au rouge (700 nm, r = 1, g = 0) est le
lieu des couleurs dites "non spectrales", les pourpres, qui ne correspondent à
aucune lumière monochromatique. Toutes les couleurs perceptibles se trouvent
dans la région délimitée par la courbe des couleurs spectrales et la droite des
couleurs non spectrales. Quelque part vers le centre de cette région se situe la
couleur d'un objet parfaitement réfléchissant, et donc en principe blanc. Le point
D65 sur la figure V.8. représente la couleur d'un tel objet quand il est éclairé par
l'illuminant de référence D65 (éclairé perpendiculairement, et observé à un angle
solide de 2° avec la perpendiculaire). Suite à la propriété d'additivité géométrique
décrite plus haut, toutes les couleurs situées sur un même segment de droite reliant
le blanc (ici le point D65) et une couleur spectrale seront un mélange de cette
couleur et de blanc : elles auront la même teinte que la couleur spectrale, et seront
d'autant plus saturées qu'elles sont proches de celle-ci. La longueur d'onde de la
couleur spectrale est appelée "dominante" de la teinte. Elle est généralement
proche de, mais pas égale à la longueur d'onde du maximum dans le spectre de
g (= G / (R+G+B))

réflectance. XYZ12400.opj, Grrgwl, Tue, 000425 18:37

couleurs qu'on ne peut pas obtenir


par mélange des primaires RGB

515 2
510 couleurs spectrales (bleu à vert à rouge)
520
505
525
primaire verte (G),
530
500 mélange des 546,1 nm
primaires 535
couleurs qu'on peut obtenir
bleue et verte 540
par mélange des primaires RGB
495 1 545
550 surface blanche sous
FDom. 555
490 nm, illuminant D65, 2°
490 560
"dominante" F 565
570
de la couleur F 485 575 primaire rouge (R),
580
480 585 700 nm
475
D65 590
600
470 610
465 620
380 780
775
770
765
760
755
750
745
740
735
730
725
720
715
710
705
700
r (= R / (R+G+B))
-1 0 1
primaire bleue (B),
435,6 nm couleurs non-spectrales
(pourpres)
Fig. V.8. Diagramme rg (CIE), explications.
128

Un problème du système RGB est que si toutes les teintes peuvent être reproduites
par un mélange des trois primaires, elles n'atteignent généralement pas la saturation
d'une couleur spectrale pure. Cela s'observe aisément sur le diagramme (r,g) (fig.
V.8). Le bleu-vert obtenu par addition de lumières bleue et verte (435.6 et 546.1
nm) sera plus blanchâtre que celui d'une lumière monochromatique à 490 nm.
Celui-ci peut malgré cela être décrit par des paramètres RGB, mais en attribuant
une valeur négative au paramètre R. Dans la pratique il est bien sûr impossible
d'envoyer une quantité négative de lumière rouge sur la surface blanche. Pour
mesurer un paramètre R négatif à l'aide d'un colorimètre trichromatique, on
ajouterait donc la quantité équivalente de lumière rouge à la lumière blanche
frappant l'objet bleu-vert dont on veut mesurer la couleur.

Pour éviter que l'un des paramètres puisse avoir une valeur négative, la CIE a
complété l'"observateur de référence" par une deuxième série de trois fonctions
colorimétriques (xmoy, ymoy, zmoy), basées cette fois sur des primaires imaginaires.
Étant imaginaires, et ne correspondant donc à aucune longueur d'onde réelle, ces
primaires ne peuvent bien sûr pas être utilisées pour construire un colorimètre
trichromatique. Elles ne sont qu'une fiction mathématique permettant d'extraire des
spectres de nouveaux paramètres, appelés "tristimulus" et notés XYZ (ou leurs
valeurs relatives xyz, où x = X/(X+Y+Z), etc), beaucoup plus proches des
paramètres significatifs pour l'observateur que sont la luminosité, la saturation et la
teinte.

Mathématiquement, le passage des paramètres RGB aux paramètres XYZ


correspond à une transformation linéaire de l'espace RGB et une redéfinition des
axes, qui permettent de n'avoir que des coordonnées positives pour toutes les
couleurs existantes, et d'associer un des axes (Y) à la perception de luminosité.
Dans ce but, la fonction colorimétrique ymoy a été posée égale à la "fonction de
luminosité", qui traduit la relation entre la perception de luminosité et l'énergie
physique réelle du rayonnement à chaque longueur d'onde, et dont le maximum se
situe vers le milieu du spectre (520 nm). La transformation d'axes peut être
visualisée en comparant le diagramme de chromaticité (x,y) (fig. V.9) au
diagramme (r,g) (fig. V.8). Dans le nouveau système d'axes (x,y), les anciens axes
r et g se superposent aux droites reliant les primaires B-R et B-G respectivement.
On voit que toutes les couleurs réelles se situent maintenant dans le quadrant
positif du diagramme. Le changement d'axes correspondant au passage à des
primaires imaginaires peut donc être vu comme une manière de gauchir l'espace et
prendre du recul (déplacer l'origine) par rapport aux couleurs réelles pour les
resituer à des coordonnées positives.

Comme le diagramme (r,g), le diagramme de chromaticité (x,y) respecte


l'additivité des couleurs. Les régions des différentes couleurs sont plus équilibrées
et mieux réparties autour du point blanc, et la coordonnée (y) donne une bonne
idée de la luminosité relative. Par contre, étant issu de transformations linéaires du
spectre, l'espace XYZ reste peu fidèle au caractère non linéaire de la perception de
la couleur : la même distance entre deux points XYZ peut correspondre à une
129

différence de couleur frappante ou imperceptible, selon la région de l'espace XYZ


dans laquelle ils se trouvent.

XYZ12400.opj, Grxywl, Tue, 000425 18:40

primaire
imaginaire Y

(R+G+B))
y (= Y / (X+Y+Z))

g (= G /
primaire
verte (G),
520525 546,1 nm
515 530
535
510 540
545 couleurs qu'on peut obtenir
550
505 555 par mélange des primaires RGB
560
couleurs qu'on ne 565
primaire
peut pas obtenir 500
570
575 rouge (R),
par mélange des 580
585 700 nm
primaires RGB
495 590
))
595
G+B
600
605 (R+
610
( = R/
490 D65 620
630 r
A B 780
700
primaire
485
imaginaire X
480
475
470
460
380

x (= X / (X+Y+Z))
couleurs non-spectrales
(pourpres)
primaire imaginaire Z primaire
bleue (B),
435,6 nm

Fig. V.9. Diagramme xy (CIE), explications.


130

Pour tenter de définir un espace de couleurs aussi régulier et isotrope que possible
en termes de résolution entre les couleurs, de nouveaux paramètres, L*a*b* et
L*C*h*, fonctions de la racine cubique des paramètres XYZ, ont été proposés par
la CIE en 1976 (fig.V.10). Ces fonctions ont été définies de manière à ce que l'axe
vertical (L*) corresponde le plus fidèlement possible à la luminosité. Sur cet axe, la
teinte est nulle (a* = b* = 0) : il va donc du noir (L* = 0) au blanc (L* = 100).
L'axe a* va du vert (a* < 0) au rouge (a* > 0), et l'axe b* du bleu (b* < 0) au jaune
(b* > 0). Une verticale parallèle à l'axe L* mais distinct de celui-ci ira par exemple
d'un bleu très sombre à un bleu très clair. Les coordonnées L*C*h* sont la version
cylindrique des coordonnées L*a*b* : C* est la saturation, et h* (paramètre
angulaire) la teinte. L'espace ainsi défini ressemble à l'"arbre des couleurs" de
Munsell (Taylor / Marks, 1966). La distance entre deux couleurs, égale à la racine
carrée de ((∆(L*)2+∆(a*)2+∆(b*)2), est notée ∆(E). Un ∆(E) égal à 1 est à peu près
la plus petite différence perceptible entre deux couleurs pour un observateur
moyen.
b* > 0

C*
h*

a* < 0 a* > 0
b* < 0

XYZ12400.opj, GrLabcoul, Tue, 000425 18:42

Fig. V.10. Diagramme a*b* (CIE), explications.


131

V.7.2. Exemples : spectres et coordonnées colorimétriques de la laque RT2


et d'une laine teinte de référence

À titre d'exemples, les figures V.12 et V.13 donnent les spectres (obtenus par
microspectrophotométrie en réflectance), sous forme linéaire (R) et logarithmique
(absorbance A = log (1/R)), et les positions dans les diagrammes (r,g), (x,y) et
(a*,b*), de la laque RT2 (fig. V.11), et de la laine bleue N° 8, référence classique
dans les études de stabilité à la lumière (fig. V.11). La laque RT2 a été étudiée sous
deux formes: poudre pressée sur une lame de verre, et, en vue des études de
vieillissement, poudre fixée sur un filtre Millipore spécial (§ V.7.3). La laine était
entourée autour d'une lame de verre. À chaque fois, deux spectres ont été pris dans
deux zones différentes de l'échantillon.

Fig. V.11. Vue au microscope de la laque RT2 (gr. 200x) et de la laine bleue de
référence N°8 (gr. 50x) .

laque RT2,
0.3 pressée

455 nm
0.2
R

laque RT2,
sur filtre
0.1
510 nm
590 nm
laine bleue,
STD 8

400 450 500 550 600 650 700


wl (nm)

Fig. V.12. Spectre de réflectance de la laque RT2 et de la laine de référence N°8.


132

510 nm

1.6 590 nm

1.4
log (1/R)

laine bleue,
1.2
STD 8

1.0
laque RT2,
sur filtre
0.8
laque RT2,
455 nm pressée
0.6
400 450 500 550 600 650 700
RFLX_EX1.opj, GrABS, Thu, 000427 17:40
wl (nm)

Fig. V.13. Spectre d'absorbance (A = log(1/R)) de la laque RT2 et de la laine de


référence N°8.

V.7.2.1. Spectres de réflectance

Les spectres de réflectance (fig.V.12) de la laine montrent qu'elle réfléchit le bleu


(430-490 nm : R > 14%), avec un maximum vers 455 nm, et absorbe le vert et
surtout le rouge (530-715 nm : R < 9%). Inversement la laque RT2, pressée ou
filtrée, absorbe le bleu et le vert, et réfléchit le rouge. Cependant la laque pressée
réfléchit beaucoup plus de rouge (R ~ 30%) que la laque filtrée (R ~ 10%), alors
que toutes deux ont la même faible réflectance dans le bleu lointain (~ 9% à 380
nm). Cette composante bleue doit donc faire tendre la couleur vers le violet surtout
pour la laque sur filtre.

Avec la laine bleue, les deux spectres pris dans des zones différentes de la laine
bleue sont quasiment identiques. Par contre avec la laque pressée il y a une
différence de 3 % à 700 nm, et avec la laque sur filtre une différence de 1,5 %
entre 380 et 550 nm, attribuables à l'hétérogénéité des échantillons.

V.7.2.2. Spectres d'absorbance

Les spectres d'absorbance (A(réfl) = log(1/R)) donnent bien sûr une courbe d'allure
identique mais inversée (fig.V.13). On y distingue mieux les positions des maxima
d'absorbance de la laine vers 590 nm et de la laque vers 510 nm. C'est cette fois
entre les deux spectres de la laque filtrée qu'il y a le plus de différence : 0,2 entre
450 et 550 nm, contre 0,05 à 700 nm pour la laque pressée.
133

V.7.2.3. Diagrammes rg et xy

La couleur de la laine bleue, calculée pour l'illuminant D65 à partir des spectres de
réflectance, se situe dans les diagrammes (r,g) et (x,y) (fig.V.14 et V.15) entre le
point blanc (D65) et la région bleue de la courbe des couleurs spectrales. La
"longueur d'onde dominante" (intersection de la droite passant par la couleur et le
point D65 avec la courbe des couleurs spectrales) est 480 nm, légèrement plus
élevée que le maximum de réflectance (455 nm).

Suite à la présence d'une composante bleue dans les spectres de réflectance des
deux échantillons de laque RT2, les droites passant par le point D65 et par les
couleurs des deux échantillons, dans les diagrammes (r,g) et (x,y), ne coupent pas
la courbe des couleurs spectrales, mais la droite des pourpres. Ce caractère pourpre
est, comme attendu, plus marqué pour la laque sur filtre que pour la laque pressée.

Dans les deux diagrammes, la différence de couleur entre deux zones de


l'échantillon paraît plus grande pour la laque sur filtre que pour la laque pressée.

g (= G / (R+G+B))

1
laine
bleue, laque RT2,
std 8 sur filtre

dominante : laque RT2,


480 nm pressée
D65

r (= R / (R+G+B))
-1 0 1

Fig. V.14. Exemple : Cordonnées colorimétriques rg (CIE) de la laque RT2 et de la


laine de référence N°8.
.
134

y (= Y / (X+Y+Z))
XYZ12400.opj, Grexemplesxy, Tue, 000425 18:49

))
(R+G+B
1

g (= G /

laque RT2,
sur filtre
laine laque RT2,
bleue, pressée
D65 ))
std 8 G+B
/ (R+
R
r (=

dominante :
480 nm

x (= X / (X+Y+Z))
0 1

Fig. V.15. Exemple : Coordonnées colorimétriques xy (CIE) de la laque RT2 et de


la laine de référence N°8.
135

V.7.2.4. Diagrammes a*b*

Dans le diagramme (a*,b*), la couleur de la laine est très proche de l'axe b*, côté
bleu (b* < 0). Celles des deux échantillons de laque RT2 sont proches de l'axe a*,
côté rouge (a* > 0). La couleur de la laque sur filtre est plus près de l'origine, donc
moins saturée, et plus proche des pourpres (h* ~ -2 contre ~ 13) que celle de la
laque pressée.

La différence de couleur entre deux zones de l'échantillon est ici aussi plus
importante pour la laque sur filtre (∆Ε=4,5) que pour la laque pressée (∆Ε=1,8).
Elle reste cependant faible par rapport aux 16 à 20 unités qui séparent la laque sur
filtre de la laque pressée.

laque RT2,
laque RT2, pressée
10 sur filtre
D65

0
-10 0 10 20 30 40

laine -10 a*
laque RT2,
bleue,
sur filtre
std 8 -20

-30
b*

-40

Fig. V.16. Exemple : Coordonnées colorimétriques a*b* (CIE) de la laque RT2 et


de la laine de référence N°8.
136

V.7.3. Effet de l'état physique des échantillons


(poudres pressées ou fixées sur filtre)

Dans ce travail, deux séries de mesures des couleurs des laques ont été réalisées :
d'une part, une sélection de laques d'anthraquinones de synthèse et de laques
d'extraits de Rubiacées sous forme de poudres fixées sur filtres, en vue des études
de vieillissement (tabl. V.13 et V.14), et d'autre part l'ensemble des laques
d'extraits de Rubiacées, sous forme de poudres pressées (tabl. V.12). Or les figures
V.14 à V.16 montrent qu'il y a une différence significative entre les couleurs que
peut donner une même laque, selon qu'elle est pressée sur une lame de verre ou
fixée sur un filtre en ester de cellulose (Millipore MF HA013). Heureusement, les
positions relatives des couleurs de laques différentes ne sont que peu affectées,
comme on peut le voir p.ex. sur la figure V.17 (coordonnées (a*,b*) de quatre
laques de Rubia tinctorum L., pressées et sur filtre). On peut donc comparer entre
elles les couleurs de laques différentes, à condition de veiller à ce qu'elles soient
dans le même état physique.

20

pressées
sur filtre
RT15

RT10
b* (CIE)

10
RT15
RT9
RT2

RT10

RT9
RT2
0
0 10 20 30 40

a* (CIE)

Fig. V.17. Laques pressées et laques sur filtre : déplacement des couleurs dans le
diagramme a*, b* (CIE)
137

Fig. V.18. Alizarine, purpurine, quinizarine et leurs laques, Aliz5, Pu3, Qui2.
Poudres vues au microscope (gr. 200x), peintures sur toile
138

Tableau V.12 Coordonnées colorimétriques a*, b* (CIE) des laques d'extraits de


Rubiacées sous forme de poudres pressées sur lame de verre.

L* a* b* C h x y Y
RT1 34 37 15 40 23 0.49 0.32 8
RT2 29 37 8 38 13 0.47 0.30 6
RT3 31 39 26 47 33 0.54 0.34 7
RT4 24 34 11 36 18 0.49 0.31 4
RT5 43 32 13 35 22 0.44 0.33 13
RT6 40 38 23 44 31 0.49 0.34 11
RT7 47 21 13 25 31 0.40 0.34 16
RT8 26 33 8 34 13 0.46 0.30 5
RT9 69 31 9 32 16 0.39 0.32 39
RT10 28 36 12 38 19 0.49 0.31 5
RT11 28 33 15 36 24 0.49 0.32 6
RT13 39 18 11 21 30 0.40 0.34 11
RT14 38 36 18 40 27 0.48 0.33 10
RT15 31 34 16 38 26 0.49 0.33 7
RT16 58 25 10 27 22 0.39 0.33 26
RT17 47 37 7 38 11 0.42 0.31 16
RT18 75 20 11 23 29 0.37 0.34 49
RT19 66 38 -4 39 -6 0.37 0.29 35
RT20 42 34 13 37 20 0.45 0.32 12.2
RT21 25 34 9 36 15 0.49 0.30 4.5
RT22 37 43 4 43 5 0.45 0.28 10
RT23 33 44 6 45 8 0.47 0.28 8
RT24 68 46 -3 46 -3 0.39 0.29 38
RT25 56 54 1 54 1 0.42 0.28 24
RT26 38 38 9 39 14 0.45 0.31 10
RT27 51 27 9 28 18 0.40 0.32 19
RT28 50 32 7 33 13 0.41 0.31 18
RT29 50 32 10 33 18 0.42 0.32 18
RT30 19 21 14 25 34 0.48 0.35 3
RT31 53 47 20 51 23 0.48 0.32 20.8
RP2 54 29 6 29 12 0.39 0.32 22
RP3 47 32 7 32 12 0.41 0.31 16
RP7 46 20 11 23 29 0.40 0.34 15.5
RP12 57 25 9 27 20 0.39 0.33 24.5
GA2 36 29 9 30 16 0.43 0.32 9
GA3 34 31 14 34 25 0.46 0.33 8
GA8 41 19 6 20 18 0.39 0.33 11.7
GB2 38 32 11 34 19 0.44 0.32 10.3
GM2 46 34 9 35 15 0.42 0.31 16
GM3 37 33 14 36 24 0.46 0.33 10
GM8 47 21 6 22 17 0.39 0.32 16.0
GS2 41 31 11 33 20 0.43 0.32 12
GS3 43 35 16 38 25 0.46 0.33 13
GS8 50 24 9 26 19 0.40 0.33 18.7
GV2 60 18 8 20 24 0.37 0.33 28
GV3 56 23 11 25 26 0.39 0.34 24
GV12 55 8 10 13 53 0.36 0.35 22.9
AT2 31 24 12 27 27 0.44 0.34 7
139

Fig. V.19. Anthraquinones de synthèse et leurs laques (rapport aluminium/colorant


entre parenthèses). Poudres vues au microscope (gr. x200)
140

Tableau V.13. Cordonnées colorimétriques a*, b* (CIE) des laques d'extraits de


Rubiacées sous forme de poudres fixées sur filtre Millipore, et de la laine
teinte par Rubia tinctorum L.

L* a* b* C h x y Y
RT1 25 24 6 25 15 0.43 0.31 5
RT2 25 24 0 23 1 0.40 0.29 4
RT3 23 24 15 28 31 0.48 0.34 4
RT6 32 18 6 19 19 0.39 0.33 7
RT7 26 24 8 25 18 0.44 0.32 5
RT9 58 10 1 10 6 0.33 0.32 25
RT10 23 25 4 25 10 0.43 0.30 4
RT15 24 20 9 22 23 0.43 0.33 4
RT17 42 29 3 29 6 0.40 0.30 12
RT19 62 25 -11 27 -23 0.33 0.28 30
RT24 58 32 -12 35 -21 0.34 0.27 26
RP2 44 10 -7 13 -35 0.31 0.30 19
GA2 29 20 3 20 8 0.39 0.31 6
GB2 32 20 3 21 9 0.39 0.31 7
GM2 38 16 -4 17 -14 0.34 0.30 13
GS2 36 21 6 22 15 0.39 0.32 9
GV2 53 7 -3 8 -19 0.32 0.32 25
AT2 27 17 6 17 19 0.39 0.33 5
RT-L2 21 24 10 26 23 0.47 0.32 3

Tableau V.14. Coordonnées colorimétriques a*, b* (CIE) des anthraquinones de


synthèse, de leurs laques, sous forme de poudres fixées sur filtre
Millipore, et des laines teintes par ces anthraquinones.

M/L L* a* b* C* h* x y Y
Aliz 38 17 39 42 67 0.49 0.42 10.3
Aliz 0 0.5 19 18 13 22 35 0.47 0.35 2.7
Aliz 1 7.4 16 19 9 21 26 0.46 0.33 2.1
Aliz 2 2 23 3 5 6 62 0.35 0.35 3.8
Aliz 3 2 22 7 3 8 23 0.36 0.33 3.5
Aliz 4 10 21 18 8 19 24 0.43 0.33 3.1
Aliz 5 10 18 19 8 21 24 0.45 0.33 2.5
Aliz 6 50 43 22 6 23 16 0.39 0.32 13.0
Aliz 7 10 19 19 9 21 25 0.45 0.33 12.8
Aliz 8 12.5 19 18 8 20 24 0.44 0.33 2.7
AlPu 10 31 30 9 32 17 0.45 0.31 6.7
AlQu 10 29 36 5 36 9 0.46 0.29 5.8
col3 10 37 38 6 39 8 0.44 0.29 9.3
col4 10 28 29 1 29 2 0.41 0.29 5.6
Purp 24 4 6 7 58 0.36 0.35 4.1
Pu 1 2 16 13 6 14 27 0.41 0.33 2.0
Pu 2 10 20 24 4 24 11 0.44 0.30 2.9
Pu 3 10 21 30 8 31 14 0.48 0.30 3.1
AcRub 20 15 8 17 28 0.42 0.34 2.9
AR 1 2 26 23 19 30 39 0.49 0.36 4.6
AR 2 10 44 19 14 24 35 0.41 0.35 14.0
Quiniz 32 12 15 19 51 0.41 0.37 7.3
Qui 1 2 22 15 10 18 32 0.42 0.34 3.6
Qui 2 10 19 32 -4 32 52 0.42 0.25 2.7
Aliz-L2 28 37 15 40 23 0.51 0.31 5
Pu-L2 31 44 22 49 27 0.55 0.32 7
Qui-L1 47 36 20 41 29 0.46 0.34 16
141

Fig. V.20. Anthraquinones de synthèse et leurs laques (rapport aluminium/colorant entre


parenthèses). Vue macroscopique des poudres.
142

V.7.4. Composition et couleur des laques d'anthraquinones de synthèse

La figure V.18 montre les aspects de l'alizarine, la purpurine et la quinizarine, et


d'exemples de leurs laques, sous trois formes: poudres fixées sur filtre
(photographiées au microscope), poudres posées sur de la porcelaine (photographie
digitale), et peintures sur toile (liant paraloïd ; digitalisées par scanner). Les figures
suivantes (V.19 à V.21 et V.23) montrent l'ensemble des laques préparées à partir
d'anthraquinones de synthèse, respectivement sous forme de poudres fixées sur
filtre, de poudres posées sur porcelaine, de peintures sur toile et de peintures sur
papier.

On savait déjà (chap. IV) que, comme attendu, la teneur en colorants dans les
laques d'anthraquinones de synthèse, mesurée par HPLC, diminue avec le rapport
aluminium / colorant M/L, de ~ 60% (Aliz0, M/L = 0,5) à ~ 4% (Aliz6, M/L = 50).
On peut voir sur les figures V.18, V.19, V.20, V.21 et V.23 que la couleur aussi est
influencée principalement par ce paramètre.
143

Fig. V.21. Anthraquinones de synthèse et leurs laques (rapport aluminium/colorant


entre parenthèses). Peintures sur papier.
144

V.7.4.1. Alizarine

On peut voir sur les figures V.18 à V.21 que l'alizarine sans aluminium est orange
(poudre) à orange-brun (peinture). Rappelons qu'en solution l'alizarine est jaune
sous sa forme acide (pH < 6) et rouge sous sa forme monodéprotonée
(monophénolate, 7 < pH < 10), propriété à la base de son utilité comme indicateur
de pH. Il est probable que la couleur orange de la poudre d'alizarine synthétique
utilisée ici est partiellement due à ce qu'une partie se trouve non sous forme acide
mais sous forme de sel. De fait de faibles quantités de sodium et d'aluminium ont
été détectées dans l'alizarine à l'occasion de l'étude par spectrométrie de masse
SIMS.

Les laques de rapport M/L = ~10 sont rouge foncé à rouge brun. Les laques Aliz2
et Aliz3, de rapport M/L = 2, sont rouge-brun (fig. V.20 et V.21). Inversement la
laque Aliz6, de rapport M/L = 50, est d'un rouge tirant sur le rose sous forme de
poudre (fig. V.19. et V. 20), et donne la couleur la plus belle et la plus lumineuse
sous forme de peinture sur toile (fig. V. 21 et V. 20).
Les spectres d'absorbance (log (1/R)) (fig. V.22) des laques rouges (M/L = 10) sur
filtres présentent une large bande d'absorption culminant vers 500 nm. En
comparaison, les spectres des laques brunes (M/L = 2) sont beaucoup plus plats, et
inversement la bande d'absorption de la laque Aliz6 (M/L = 50), en plus d'être
moins intense, est légèrement plus étroite.

430 nm 500 nm
(alizarine) (laques)
2.0

1.5
log(1/R)

ALIZ 2, 3, M/L 2

1.0
ALIZ 4,5,7,8 M/L 10
ALIZ 6, M/L 50
Fig.V.22. alizarine
Spectres d'absorbance (log (1/R) 0.5
400 450 500 550 600 650 700 750

wl (nm)

Dans le diagramme a*,b*(CIE), figure V.24, la couleur orange de l'alizarine pure


se situe bien au-dessus (a* = 17, b* = 39, h* = 67°) de celles des laques d'alizarine.
La saturation (C*, distance par rapport à l'origine) de ces dernières augmente avec
le rapport M/L : du brun (M/L = 2, a* = 3 à 7, b* = 3 à 5, C* = 6 à 8) au rouge
(M/L ~ 10, a* = 18 à 19, b* = 8 à 9, C* = 19 à 21), puis au rouge encore
légèrement plus saturé de la laque Aliz6 (M/L = 50, a* = 22, b* = 6, C* = 23).
Tous les échantillons ont une luminosité (L*) relativement basse (L* = 16 à 23),
sauf l'alizarine pure (L* = 38) et la laque la plus riche en alumine (Aliz6, M/L =
50, L* = 43).
145

Fig. V.23. Anthraquinones de synthèse et leurs laques. Peintures sur toile.


146

Comme dans le cas de la laque RT2 décrite en exemple plus haut, il y a une
certaine composante bleue dans la couleur des laques, due à l'absorbance plus
faible au-dessous de ~ 430 nm, et qui peut tirer leur teinte vers le pourpre.

L'influence de la température de préparation de la laque dépend du rapport M/L. À


M/L = 2, une température élevée donne une couleur plus saturée (laques Aliz2 et
Aliz3, préparées à température ambiante et 90 °C : a* = 3 et 7 respectivement). À
M/L = 10, aucune différence significative n'est observée.

40

Alizarine

30
b* (CIE)

20

Aliz - L2

M/L = 2
Aliz1,4,5,7,8
10

Aliz2
Aliz3
Aliz6
M/L > 2
0
10 20 30 40

a* (CIE)
Fig.V.24. Diagramme a*b* (CIE) de l'alizarine, ses laques (Aliz 1-8) et de la laine
teinte par alizarine (Aliz-L2)

Toujours à M/L ~ 10, il n'y a pas non plus de modification significative de la


couleur quand la laque a été précipitée par Na2CO3 (Aliz7) plutôt que K2CO3 , ni
quand le K2CO3 est ajouté avant le sulfate d'aluminium à la suspension d'alizarine
(Aliz8).
La couleur de la laine teinte à l'alizarine est beaucoup plus saturée que celles des
laques (fig.V.24)

V.7.4.2. Purpurine

La purpurine pure, en poudre ou en peinture, n'est pas orange comme l'alizarine,


mais brune (figures V.18 à V.21 et V23). Par contre les laques sont d'un rouge
foncé proche de celui des laques d'alizarine (figures V.18 à V.21 et V.23).

Sur filtre, le spectre d'absorbance de la purpurine est relativement plat (fig.V.25).


L'absorbance des laques augmente avec le rapport M/L dans le bleu et le vert (450-
147

550 nm) et diminue dans le rouge (> 600 nm). Deux maxima d'absorption peuvent
être distingués, à ~505 et ~540 nm.

505 nm 540 nm
2.0

1.5
log (1/R)

purpurine
PU1, M/L 2
1.0
PU 2,3 ; M/L 10

0.5
400 500 600 700
wl (nm)
Fig.V.25. Spectres d'absorbance (log (1/R) de la purpurine et de ses laques.

Les coordonnées colorimétriques du brun de la purpurine (a* = 4, b* = 6, C* = 7)


sont proches de l'origine (fig.V.26). La luminosité (L* = 24) est plus faible que
celle de l'alizarine. Les coordonnées des laques (M/L = 2 : a* = 13, C* = 14 ; M/L
= 10 : a* = 24-30, C* = 24-31) indiquent que leur rouge est plus saturé que celui
des laques d'alizarine de même rapport M/L.

20
Pu - L2
b* (CIE)

10 Pu3
Pu1
Pu2
Purpurine
M/L = 2 M/L > 2

0 10 20 30 40
a* (CIE)

Fig.V.26. Diagramme a*b* (CIE) de la purpurine, ses laques (Pu1 - 3) et de la laine


teinte par purpurine (Pu-L2).

À M/L = 10, la couleur est encore plus intense si la laque a été préparée à 90 °C
(Pu3 : a* = 30) qu'à température ambiante (Pu1 : a* = 24), alors qu'à ce rapport
M/L les laques d'alizarine n'étaient pas affectées par la température.
148

V.7.4.3. Quinizarine

En poudre ou en peinture, la quinizarine pure est brun-orange, et les laques de


rapport M/L = 2 et 10 sont respectivement rouge et rouge-violet (fig. V.18 à V.21
et V.23).

Sur filtre, la quinizarine absorbe fortement entre 400 - 580 nm (fig.V.27).


L'absorbance des laques augmente avec le rapport M/L et se déplace vers les plus
hautes longueurs d'onde dans la région 450-600 nm, avec des maxima à ~520 et
~565 nm. Inversement elle diminue fortement au-dessous de 450 nm, ce qui
explique la tendance au violet. 525 nm 567 nm

2.0

430 nm
1.5 532 nm
log (1/R)

QUI 1, M/L 2
1.0 Quinizarine
QUI 2, M/L 10

Fig.V.27.
Spectres d'absorbance (log (1/R) 0.5
de la quinizarine et de ses laques. 400 500 600 700

wl (nm)

Les coordonnées colorimétriques (fig. V.28) de la quinizarine la situent dans un


orange moins saturé (C* = 19) et plus proche du rouge (b* = 15, h* = 51°) que
celui de l'alizarine (C* = 42, b* = 39, h* = 67°). L'évolution de la couleur des
laques vers le rouge puis le rouge-violet se traduit dans le diagramme (a*,b*) par
un déplacement vers la droite (plus de rouge) et vers le bas (plus de bleu) (M/L = 2
: a* = 15, b* = 10, h* = 32° ; M/L = 10 : a* = 32, b* = -4, h* = -7°).
Qui - L1
20

Quinizarine

Qui1 M/L > 2


10
b*CIE

M/L = 2
0
0 10 20 30
a* CIE40

Qui2

-10

Fig.V.28. Diagramme a*b* (CIE) de la quinizarine, ses laques (Qui1 - 2) et de la


laine teinte par quinizarine (Qui-L2).
149

V.7.4.4. Mélanges d'anthraquinones

Les laques AlPu, AlQu et AlPuQu ont été préparées à partir de mélanges
alizarine/purpurine, alizarine/quinizarine et alizarine/purpurine/quinizarine, à
concentration totale en colorants constante.

Les poudres (fig.V.19 et V.20) et les peintures (fig.V.21 et V.23) sont de beaux
rouges, avec des variations dans les teintes qui reflètent leur composition. Ainsi
celles qui contiennent de la quinizarine tirent sur le violet.

Les coordonnées colorimétriques de ces laques déposées sur filtre (fig.V.29)


indiquent qu'elles sont plus saturées (a* = 28-37, C* = 29-39) que les laques de
même rapport M/L ne contenant qu'une anthraquinone (Aliz4 à Aliz8, a* = 18-22,
C* = 19-23 ; Pu2, a* = 24, C* = 24 ; Qui2, a* = 32, C* = 32). Elles sont aussi
moins jaunes ou plus pourpres (h* = 2°-17°) que les laques d'alizarine (h* = 16°-
25°)

M/L = 10

10
AlPu
b* (CIE)

AlQu col3

col4
0
10 20 30 40

a* (CIE)

Fig.V.29. Diagramme a*b* (CIE) des laques de mélanges d'anthraquinones (AlPu,


AlQui, 3col et 4col).

V.7.4.5. Acide rubérythrique

Comme déjà dit plus haut (§ IV.2.2.3 et V.6.3), l'échantillon d'acide rubérythrique
utilisé ici n'est pas une molécule de synthèse mais un extrait commercial, qui
contient en fait non seulement de l'acide rubérythrique vrai (1-OH, 2-O-
primvéroside), précurseur de l'alizarine, mais aussi un autre glycoside (1-OH, 2-
CH2-O-primvéroside, 3-OH), précurseur de la lucidine.

En poudre, ce mélange est brun-rouge, avec aussi des grains jaunes (fig.V.19 et
V.20). Une très petite quantité d'acide rubérythrique pur, obtenue par séparation
par HPLC à pH 2,5, était parfaitement jaune après séchage.
150

Les laques de rapport M/L = 2 et 10 sont rouge et rouge-orange respectivement. En


peinture (fig.V.21 et V.23), le mélange sans aluminium est jaune-brun, et les
laques sont rouge et orange respectivement.

Sur filtre, l'absorbance (fig. V.30) diminue avec le rapport M/L, surtout entre 500
et 600 nm, ce qui explique la tendance à l'orange.

Les coordonnées colorimétriques (fig.V.31) vont du brun-rouge du mélange sans


aluminium (a* = 15, b* = 8, h* = 28°) au rouge-orange des laques (a* = 19-23, b*
= 14-19, h* = 35°-39°).

2.0
482 nm

1.5
log(1/R)

492 nm
acide rubérythrique
1.0
AR 1, M/L 2

AR 2, M/L 10
0.5
400 500 600 700
wl (nm)

Fig.V.30. Spectres d'absorbance (log (1/R) de l'acide rubérythrique et de ses laques


(AR1 - 2).

30

20 AR1
b* (CIE)

AR2

10 AcRub

0
10 20 30
a* (CIE)

Fig.V.31. Diagramme a*b* (CIE) de l'acide rubérythrique et de ses laques


(AR1 - 2).
151

V.7.4.6. Discussion

Deux explications peuvent être données au fait que les laques aux couleurs les plus
saturées soient les plus riches non pas en colorant, comme on s'y serait attendu,
mais au contraire en alumine.

La première serait que l'excès de colorant (M/L = 2 : teneur théorique ~ 60%)


assombrisse la couleur et ainsi la désature. Mais on s'attendrait alors à ce que la
luminosité des laques soit plus faible à M/L = 2 qu'à M/L = 10, ce qui n'est pas le
cas. De plus il semble peu probable que cette explication puisse être invoquée dans
le cas de la couleur de la laque Aliz6 de rapport M/L = 50, qui, malgré plus grande
dilution dans le blanc de l'alumine reste légèrement plus saturée que celles des
laques de rapport M/L ~10.

Une autre explication serait le degré de complexation. En effet la réaction de


complexation n'est pas complète, comme on peut le voir sur les photos au
microscope : il reste des grains de colorant non complexé, d'autant plus visibles
que leur teinte diffère de celle des complexes. La proportion de colorant qui se
complexe avec l'aluminium devrait logiquement augmenter avec le rapport M/L.
Cette évolution est particulièrement nette dans le cas de la quinizarine, dont les
photos au microscope (fig. V.19) montrent que la laque de rapport M/L = 2 est
constituée d'un mélange de grains brun-orange (quinizarine non complexée) et
rouge-violet (alumine colorée par les complexes). Comme on l'a vu sur le
diagramme (a*,b*), ce mélange produit une couleur intermédiaire, en saturation
mais aussi en teinte (tendance au violet, diminution de b*), entre celles de la
quinizarine pure et de la laque de rapport M/L = 10.

L'influence de la température de préparation sur la couleur des laques est en accord


avec cette hypothèse. La température accélère la dissolution des colorants et leur
complexation avec l'aluminium, et la couleur finale est plus saturée. Ce phénomène
est observé avec les laques Aliz2 et Aliz3 (M/L = 2) et Pu2 et Pu3 (M/L = 10),
mais pas avec Aliz4 et Aliz5 (M/L = 10). Apparemment, avec l'alizarine, un
rapport M/L = 10 est suffisant pour que la réaction se fasse facilement même à
température ambiante.

A l'observation au microscope, la diminution de la proportion de grains de colorant


non complexé avec le rapport M/L semble plus forte pour l'alizarine que pour la
purpurine et surtout la quinizarine. Cette séquence résulte probablement des
différences de solubilité et de constante de complexation des molécules avec
l'aluminium.
152

Fig. V.32. Laques de Rubia tinctorum L. et d'autres Rubiacées. Vue macroscopique des
poudres.
153

V.7.5. Composition et couleur des laques d'extraits de Rubiacées

Les compositions des laques d'extraits de Rubiacées sont données dans les tableaux
V.10 (après l'extraction par LiF) et V.11 (après l'extraction par HCl) introduits
précédemment. Leurs couleurs, sous forme de poudres et de peintures sur toile,
peuvent être observées sur les figures V.32, V.34 et V.35. Les coordonnées
colorimétriques de ces laques sont rassemblées à la figure V.33 (pressées sur lame
de verre). Elles sont centrées sur une région (a* = 30-37, b* = 8-15) (fig. V.33).
Comme on l'a déjà vu plus haut (§ V.7.3), les positions dans les diagrammes
(a*,b*) (fig. V.17) indiquent que les couleurs sont systématiquement plus saturées
quand les laques sont pressées sur des lamelles de verre que quand elles sont fixées
sur les filtres Millipore (§ V.7.3).

30

RT3

RT6

20
RT14

RT15GS3
RT11 RT1
RT30 GA3 GM3
b* (CIE)

RT7 RT5
AT2 RT10
RT13 RT18 GV3 GS2 RT4
RT16 RT29
10 RT27 GA2 RT9 GM2 RT26
GV2 RT8 RT2
RT28 RT17
RP2 RT23

RT22

RT25
0
0 10 20 30 40 50
RT24
RT19

a* (CIE)

Fig.V.33. Diagramme a*b* (CIE) des laques d'extrait de Rubiacées (poudres pressées).

Nous allons maintenant observer l'influence de quelques paramètres sur la


composition et la couleur.
154

Fig. V.34. Laques de Rubia tinctorum L. Peintures sur toile.


155

Fig. V.35. Laques de Rubia tinctorum L. et d'autres Rubiacées. Peintures sur toile.
156

V.7.5.1. Température du bain d'extraction

Les laques RT1, RT2 et RT3 (fig. V.32 et V.34) ont été préparées par extraction de
racines de Rubia tinctorum L. pendant 60 min. à 20°C, 60°C et 90°C
respectivement, puis addition du KAl(SO4)2 et précipitation par K2CO3 (mode op.
"RT2" et variantes, § V.2, V.3 et annexe 1, tabl. A1.5).
Les compositions en colorants, mesurées par HPLC (fig. V.36), sont données dans
le tableau V.10 et V.11 (§ V.6.3).

primvéroside
d'alizarine
primvéroside
de lucidine
8

90 °C
6
20 °C
Au.s*10 / mg

4
60 °C pseudopurpurine inc. à 27
alizarine
précurseurs de
pseudopurpurine
2

anthragallol purpurine

5 10 15 20 25
minutes
Fig.V.36. Chromatogrammes des laques RT1 (20°C), RT2 (60°C) et RT3 (90°C)
après extraction par LiF.

On retrouve dans les trois laques de l'alizarine (2,6 à 7,2 mg/g), de la


pseudopurpurine (7,2 à 11 mg/g) et de la purpurine (0,5 à 2,4 mg/g). La principale
différence entre les laques est la teneur en deux glycosides, l'acide rubérythrique et
le précurseur de la lucidine : faible à 60°C (3,2 et 1,6 mg/g), mais élevée à 20°C
(13 et 2,6 mg/g), et encore plus élevée à 90°C (61 et 57 mg/g). Cela s'explique par
l'influence de la température sur l'activité enzymatique, responsable de l'hydrolyse
des glycosides : elle est moins élevée à 20°C qu'à 60°C, et totalement inhibée à
90°C par dénaturation des enzymes. On retrouve d'ailleurs à 90°C d'autres
glycosides, précurseurs de la pseudopurpurine, qui sont absents des laques
préparées à 20°C et 60°C. La perte des précurseurs à 20°C et 60°C ne se traduit
cependant pas par une augmentation équivalente de la teneur en aglycones,
probablement à cause de la faible solubilité de ceux-ci, qui fait que la plus grosse
partie est perdue, adsorbée sur les débris de racines, lors de la filtration.
30
Température
RT3

20
b* (CIE)

RT1

10
RT2 Fig.V.37.
Diagramme a*b* (CIE) des laques
RT1, RT2, RT3, (poudres pressées).
0
10 20 30 40
a* (CIE)
157

La présence des glycosides se traduit dans les couleurs par une légère tendance à
l'orange (fig.V.32 et V.34), visible aussi bien dans les coordonnées colorimétriques
des laques fixées sur filtre que des laques pressées : la valeur de b* est la plus
élevée pour RT3 (90°C) et la plus basse pour RT2 (60 °), alors que a* reste à peu
près constante (fig. V.37, tabl. V.12 et V.13).

V.7.5.2. Extraction sélective de la pseudopurpurine : "laque de Kopp"

Au siècle passé le chimiste allemand Kopp a proposé un traitement de la garance


permettant de séparer la pseudopurpurine1 de l'alizarine (Perkin/Everest, 1918;
Schweppe et Winter, 1997). Cette séparation est basée sur la plus grande résistance
de l'acide rubérythrique, précurseur de l'alizarine, à l'hydrolyse en milieu acide.

Nous nous sommes inspirés de cette procédure pour la préparation de RT19, laque
de pseudopurpurine. Les morceaux de racine ont été plongés une heure dans une
solution d'acide sulfurique 1% (~ 0,1 M, pH 0,7) à température ambiante. Après
élimination des débris de racine par filtration, la solution a été chauffée à 60°C
pendant une demi-heure. Les précurseurs de la pseudopurpurine se sont
transformés en pseudopurpurine, qui a précipité, tandis que l'acide rubérythrique a
résisté à l'hydrolyse et est resté en solution. Le précipité rouge a été récupéré par
filtration, puis redissout dans le sulfate d'aluminium pour la formation des
complexes avec l'aluminium, qui ont été précipités par ajout de K2CO3.

Comme prévu la laque ainsi obtenue contenait surtout de la pseudopurpurine (2


mg/g). Elle contenait aussi un peu de purpurine (0,2 mg/g) et des traces d'acide
rubérythrique (0,02 mg/g), mais pas d'alizarine.

La poudre est d'un rose (fig.V.32 et V.34) fort proche de celui d'une laque
commerciale (RT24 : "Garance rose clair" de Blockx, cfr. annexe 1), dont le
colorant principal est aussi la pseudopurpurine, mais en quantité plus faible (1,6
mg/g). On peut supposer que cette laque a aussi été préparée par une variante de la
méthode de Kopp. Dans son Compendium pour les artistes, Blockx ne livre pas
son secret mais précise que les nuances des différentes laques de garance sont
obtenues par des variations du mode de préparation.

Pressées ou sur filtre, les deux laques ont des valeurs négatives de b* (-3 à -12) et
h* (-3° à -23°) (fig.V.38), ce qui indique que leur couleur est plus pourpre ou
moins orange que celle des laques d'alizarine.

10 Laques RT19 et RT24 pressée


sur filtre
b* (CIE)

Fig.V.38. 0
Diagramme a*b* (CIE)
10 20 30 40 50
des laques de
RT24
pseudopurpurine, a* (CIE) RT19 RT24
(poudres pressées et sur filtre). RT19
-10

1
Qui donne la purpurine par décarboxylation.
158

V.7.5.3. Macération des racines dans l'eau avant extraction des colorants

Lors de la préparation des laques RT8 et RT13, les racines ont macéré dans l'eau à
température ambiante un et dix jours respectivement avant l'extraction à 60°C.

L'alizarine, de 5,4 mg/g (laque de référence RT2), monte à 8 mg/g (RT8, un jour
de macération) puis retombe à 2 mg/g (RT13, dix jours) (fig. V.39, tabl. V.10). La
pseudopurpurine tombe de 7,2 mg/g à 5,2 mg/g puis à 0, et les faibles quantités de
glycosides encore présents après 1 h (ac. rub. 3,2 mg/g, préc. luc. 1,6 mg/g) ont
disparu après 24 h.

alizarine
2.5
24 heures (RT8)
pseudopurpurine
2.0

1heure (RT2)
AUs*10/mg

1.5
inc. à 27'

1.0
240 heures (RT13)
purpurine
précurseur
d'alizarine
0.5 précurseur
de lucidine anthragallol

0.0

10 15 20 25
temps [min]

Fig.V.39. Chromatogrammes des laques RT8 (24h), RT2 (1h) et RT13 (240h)
après extraction par LiF.

La laque RT8 est d'un rouge proche de celui de la laque de référence RT2. Par
contre la laque RT13 est brune (fig.V.32, V.34 et V.40), probablement à la fois à
cause de la disparition de l'alizarine et de la pseudopurpurine, par précipitation à la
surface des débris de racines enlevés à la filtration, et de l'extraction progressive de
tannins.

20
Temps de macération
RT1

RT13
b* (CIE)

10
RT8

Fig.V.40.
Diagramme a*b* (CIE) des laques 0
RT2, RT8 et RT13 (poudres pressées). 10 20 30 40

a* (CIE)
159

V.7.5.4. Composition et pH du bain d'extraction

Dans le passé, les extractions des colorants végétaux pouvaient se faire à différents
pH; neutre dans "l'eau claire", acide dans les solutions de sulfate d'aluminium,
basique dans la "lessive de bois".

Pour nos laques RT6 et RT7 (fig. V.32 et V.35), les extractions des colorants des
racines se sont faites dans des solutions de sulfate d'aluminium (pH 4) et de K2CO3
(pH 8) respectivement.
Après l'extraction dans le sulfate d'aluminium (RT6, pH 4) on retrouve un
peu de glycosides (précurseurs de l'alizarine et de la lucidine, 10 et 11 mg/g) et très
peu d'aglycones (pseudopurpurine, alizarine, purpurine). La dégradation des
glycosides par les enzymes a pu être inhibée par le pH et par la forte concentration
en aluminium. Il est aussi possible que les aglycones, d'autant moins solubles que
le pH est acide, et les éventuels complexes avec l'aluminium aient été perdus lors
de la filtration des restes de racines.
La laque RT7 (K2CO3, pH 8) contient autant d'alizarine (5,4 mg/g) que la
laque RT2, mais nettement moins de pseudopurpurine (2,2 mg/g contre 7,2 mg/g),
probablement hydrolysée (fig. V.41).

alizarine
2.5 RT2
RT6
pH 8 (RT7) RT7

2.0 pseudopurpurine
pH 6 (RT2)
précurseur
d'alizarine précurseur
1.5 de lucidine
AUs*10/mg

pH 4 (RT6) inc. à 27'

1.0

0.5

purpurine
anthragallol
0.0

10 15 20 25
temps [min]
Fig.V.41.
Chromatogrammes des laques RT6 (pH 4), RT7 (pH 8) et RT2 (pH 6) après extraction par LiF.

Des trois laques, la RT6, riche en glycosides


et pauvre en aglycones, a la couleur la moins
RT6
saturée (fig.V.42). Bien que ce soit peu visible pH
à l’œil nu, le rouge de la RT7, riche en alizarine 20

mais pauvre en pseudopurpurine, est légèrement


RT7
plus orange (ou moins pourpre) que celui de
b* (CIE)

la RT2. 10 RT2

Fig.V.42. Diagramme a*b* (CIE) de laques 0

RT6, RT7 et RT2, (poudres pressées). 10 20 30 40

a* (CIE)
160

V.7.5.5. Nature de la base utilisée pour la précipitation

Dans les anciennes recettes on trouve des variations des bases utilisées lors de
l'étape de précipitation, le plus souvent le carbonate de potassium mais aussi de
sodium ou de calcium, éventuellement des urines (annexe A2).
Pour une série de laques, nous avons choisi d'autres bases que le K2CO3 : CaCO3
(RT9), Na2CO3 (RT10) et NH3 (RT15). La laque RT9 se distingue nettement des
autres par sa couleur rose pâle (fig.V.32 et V.34). Les chromatogrammes (fig.V.43)
confirment que cette laque est la moins riche en colorants. La teneur en glycosides,
le rapport alizarine / pseudopurpurine et les coordonnées b* et h* (fig.V.44) des
trois autres laques croissent dans le sens RT2 (K2CO3) < RT10 (Na2CO3) < RT15
(NH3).
RTPARAM2.opj, Graph1, Tue, 000425 15:11

alizarine
Na2CO3 (RT10)
2.5
pseudopurpurine
K2CO3 (RT2)
2.0
AUs*10/mg

1.5
NH4OH (RT15)inc. à 27'

1.0
précurseur CaCO3 (RT9)
d'alizarine précurseur
0.5 de lucidine purpurine
anthragallol

0.0

10 15 20 25

temps [min]

Fig.V.43. Chromatogrammes des laques RT10 (Na2CO3), RT2 (K2CO3), RT15


(NH4OH) et RT9 (CaCO3) après extraction par LiF.

20
Base RT15

RT10
b* (CIE)

10 RT9
RT2

Fig.V.44.
Diagramme a*b* (CIE) des
10 20 30 40 laques RT2, RT9, RT10 et
a* (CIE) RT15 (poudres pressées).
161

V.7.5.6. Intérieur ou écorce de la racine

Les anthraquinones ne sont pas réparties régulièrement dans la racine de garance (§


II. 2). La partie ligneuse à l'intérieur de la racine en contient plus que l'écorce, dans
laquelle on trouve aussi des tanins.

Les laques RT4 et RT5 ont été préparées à partir d'extraits non pas de la racine
entière coupée en morceaux, mais respectivement de l'intérieur et de l'écorce de la
racine. La première est foncée, la seconde claire (fig.V.32 et V.34). Dans les
coordonnées colorimétriques (poudres pressées) cette différence se traduit surtout
par la luminosité L* : 23 (intérieur) < 28 (racine entière) < 42 (écorce).

La laque RT4 (intérieur) est très riche en aglycones et glycosides (fig.V.45) : elle
contient assez bien d'alizarine (10 mg/g) et surtout de la pseudopurpurine (24
mg/g), ainsi que des précurseurs de l'alizarine (17 mg/g) et de la lucidine (21
mg/g). Inversement la laque RT5 (écorce) est très pauvre en colorants, et contient
deux fois moins de pseudopurpurine (1 mg/g) que d'alizarine (2 mg/g).

7 pseudopurpurine

6
intérieur (RT4)

alizarine
4
Au.s*10 / mg

primvéroside racine complète (RT2)


3 de lucidine
primvéroside
d'alizarine

2
écorce (RT5) inc. à 27

1 purpurine
anthragallol

5 10 15 20 25
temps (minutes)

Fig.V.45. Chromatogrammes des laques RT4 (intérieur), RT2 (racine complète), et


RT5 (écorce) après extraction par LiF.

20
intérieur ou écorce
RT5
RT4
b* (CIE)

10
RT2

. Fig.V.46.
Diagramme a*b* (CIE) des laques
RT4, RT2 et RT5 (poudres pressées). 10 20 30 40
a* (CIE)
162

La RT4, riche en glycosides mais aussi en pseudopurpurine (tendance au rouge ou


au pourpre), n'est que légèrement plus orange (b* = 11, h = 18°) que la RT2 (b* =
8, h = 13°). La RT5, pourtant pauvre en glycosides, tire plus vers l'orange (b* = 13,
h = 22°) que la RT4 et le RT2, probablement à cause du rapport
alizarine/pseudopurpurine élevé (fig.V.46).

V.7.5.7. Laques de colorants récupérés de laines teintes

Le procédé de préparation des laques à partir des colorants récupérés de textile


teint a été couramment utilisé dans la période du XIVe au XVIe siècle (Kirby
1987). Il est surtout rapporté au sujet de colorants d'insectes (cochenille, kermès),
mais, selon Saunders et Kirby (1994), était probablement le mode principal de
fabrication des laques, non seulement pour ces colorants, mais aussi pour la
garance. Il faut noter que très peu de recettes de laques de garance de cette époque
ont été trouvées, soit parce qu'elles ont été perdues, soit parce que ces laques
étaient d'un usage si commun et répandu, ce que confirment nos analyses d'œuvres
d'art de l'époque (Sanyova, Wouters 1994), que personne ne voyait l'intérêt de
coucher sur papier ce que tous savaient.

La laque RT17 a été préparée à partir de colorants récupérés d'un échantillon de la


laine RT-L2 par extraction dans K2CO3. Cette laine avait été teinte par Rubia
tinctorum L. dans un bain à 90°C après mordançage au sulfate d'aluminium
(description de mordançage et de teinture se trouvent en annexe 1, § A1.2.1,
Référence 3). Pour la laque RT16, un autre échantillon de la même laine a été
extrait dans une suspension de cendres de chêne. Pour RT18, une autre laine, RT-
L1, teinte à 60°C, a été extraite par K2CO3.

La couleur de RT17 est proche de celle de RT2 (fig.V.47). Celles de RT16 et RT18
sont moins saturées, la première parce que l'extraction à la cendre de chêne est
moins efficace, la seconde parce que la laine teinte à 60°C est plus pâle et pauvre
en colorants.
b* (CIE)

20

Laine et laques des laines

RT18
RT16
10
RT-L2 RT2
b*(laques) RT17
b*(laine)

0
10 20 30 40
a* (CIE)

Fig.V.47. Diagramme a*b* (CIE) de la laine teinte par Rubia tinctorum L., RT-L2,
et des laques RT2, RT16, RT17, RT18 (poudres pressées).
163

V.7.5.8. Genre et espèce de Rubiacée utilisée

Les sources alternatives des colorants anthraquinoniques sont connues.


Le choix de la plante ainsi que son âge et son environnement peuvent mener à de
grandes différences en quantité et en proportions dans les colorants extraits. Hill et
Richter (1937) ont trouvé de la pseudopurpurine dans leurs échantillons de chacune
des 23 espèces différentes de Rubiacées qu'ils ont étudiées, mais n'ont trouvé
d'alizarine que dans certaines d'entre elles (Rubia tinctorum L., Galium mollugo L.
et des traces dans Galium verum L.), et seulement dans des plantes d'un certain
âge.

Nous avons préparé des laques à partir de huit Rubiacées autres que Rubia
tinctorum L., des trois genres Rubia, Asperula et Galium : Rubia peregrina L.
(RP), Asperula tinctoria L. (AT), Galium aparine (GA), Galium boreale L. (GB),
Galium molugo L. (GM), Galium odoratum L. (Scop.) (GO) aussi appelée
Asperula odorata L., Galium sylvaticum L. (GS) et Galium verum L. (GV).
L'origine des échantillons de ces plantes est donnée dans le tableau A1.1. Plusieurs
nous ont été offerts par M. Van Belle, du Jardin Botanique National (JBN) de
Meise. D'autres ont été collectés dans la nature, et leur identification a été
confirmée par Mme Billet du JBN.

Le mode opératoire de référence "RT2" a été appliqué à toutes, et la variante


"RT3" (extraction à 90°C) à RP, GA, GM, GS et GV. Les laques sont identifiées
par les initiales de la plante, suivie du numéro du mode opératoire (p.ex. AT2,
GM3).

Les compositions de deux de ces laques, RT2, RP2 et GV2, peuvent être
comparées à celle de la RT2 dans le chromatogramme de la figure V.48). La laque
de Rubia peregrina L. contient cinq fois moins de pseudopurpurine (1 mg/g) que
Rubia tinctorum L., et peu ou pas d'alizarine. La laque de Galium verum L. est
encore plus pauvre, avec seulement 0,2 à 0,3 mg/g de son principal colorant, la
pseudopurpurine.
0.3 alizarine

pseudopurpurine

RUBIA TINCTORUM
(x 0,15)
0.2 inc. à 27'
Au.s*10 / mg

RUBIA PEREGRINA

GALIUM VERUM
0.1 (x 2,5)
précurseur
d'alizarine
précurseur de alizarine purpurine
lucidine

0.0

5 10 15 20 25
temps (minutes)
Fig.V.48. Chromatogrammes des laques RT2 , RP2, et GA2, après extraction par LiF.
164

Parmi les autres espèces, nous n'avons trouvé d'alizarine en quantité appréciable
(fig. V.49) que dans la laque de GB2 (Galium boreale L., 6,1 mg/g), et de
pseudopurpurine que dans GA2 (Galium aparine L., 5,6 mg/g ) et AT2 (Asperula
tinctoria L., 4,9 mg/g). Cette dernière contient également une quantité importante
des précurseurs de la lucidine (4,9 mg/g), trois fois plus que RT2.

al
pp
6 pral
mg colorant / g laque

prlc

0
RT2 RP2 GA2 GB2 GM2 GO2 GS2 GV2 AT2

Fig.V.49. Composition des laques préparées à partir de différentes Rubiacées


(HPLC, extraction par LiF)

Notre échantillon de Galium mollugo L. contenait un peu d'alizarine, comme celui


de Hill et Richter. Par contre notre Rubia peregrina L. contenait sept fois moins de
pseudopurpurine que notre Rubia tinctorum L., alors que l'échantillon de Hill et
Richter en était particulièrement riche (1,5 fois plus que leur Rubia tinctorum L.).
Galium aparine L., le gaillet gratteron tellement commun dans nos régions, est une
plante annuelle. Notre échantillon, récolté en automne, ne pouvait donc être vieux
de plus de quelques mois. Il ne contenait pas d'alizarine, comme on peut s'y
attendre avec une plante aussi jeune. Par contre la teneur en pseudopurpurine est
presque aussi élevée que dans Rubia tinctorum L. (rapport 8:10), alors qu'elle est
assez faible dans l'échantillon de Hill et Richter (rapport 3:10).

Ces comparaisons confirment la grande variabilité des teneurs et proportions de


colorants, non seulement entre espèces mais aussi entre échantillons d'une même
espèce.

Comme avec Rubia tinctorum L., les laques contiennent systématiquement plus de
précurseurs de la lucidine et de pseudopurpurine quand elles ont été préparées
après extraction à 90°C (fig.V.50).
165

60 précurseur de la lucidine 12
pseudopurpurine

2 (60°C) 10 2 (60°C)
3 (90°C) 3 (90°C)
5
mg colorant / g laque

8
4

6
3

4
2

1 2

0 0
RT RP GA GM GS GV RT RP GA GM GS GV

Fig.V.50. Influence de la température de préparation des laques des Rubiacées sur


leur composition en précurseur de la lucidine et en pseudopurpurine.
(HPLC, extraction par LiF)

Les laques GA2, GA3 et AT2 (figures V.32 et V.35), bien que riches en
pseudopurpurine (5,6, 9,4 et 4,9 mg/g) et pauvres en alizarine (0, 0,2 et 1 mg/g), ne
sont pas roses comme les laques de pseudopurpurine RT19 (recette adaptée de
Kopp) et RT24 (laque commerciale, Blockx), mais au contraire au moins aussi
oranges que RT2, comme en attestent leurs positions dans le diagramme (a*,b*)
(h* = 16°, 25° et 27° contre 13°) (fig. V.51). Cette tendance à l'orange peut être
attribuée aux précurseurs de la lucidine et probablement aussi à l'inconnue à ~27'
(seul pic plus important sur le chromatogramme de GA2 que sur celui de RT2).

30
Recette 2 et 3
RT3

20
GS3
b* (CIE)

GA3GM3
AT2
GV3 GS2GB2
10 GA2 GM2
GV2 RT2
RP3
RP2

0 10 20 30 40
a* (CIE)
Fig.V.51. Diagramme a*b* (CIE) des laques préparées des Rubiacées (poudres
pressées).
166

V.7.5.9. Laques d'extraits de Rubiacées : résumé et conclusions

Les principaux colorants retrouvés dans nos laques de Rubia tinctorum L. après
hydrolyse par la méthode LiF sont la pseudopurpurine, l'alizarine et les
précurseurs de l'alizarine et de la lucidine. Des quatre, seule l'alizarine est détectée
après hydrolyse par la méthode à l'HCl 6 M. Une partie de la pseudopurpurine est
détectée sous forme de purpurine.

Les couleurs des laques couvrent une large gamme de nuances : rouges, pourpres,
oranges, bruns, violets, roses.... Les diagrammes colorimétriques montrent qu'à
part la nature du colorant, le principal facteur influençant la couleur est le rapport
aluminium / colorant, qui augmente la saturation de la teinte (C*, distance par
rapport à l'origine), même si la couleur peut parfois paraître plus "pâle", ce qui
relève en fait de la luminosité (L*, axe vertical) et non de la saturation (distance
par rapport à cet axe). L'évolution de la couleur avec le rapport aluminium /
colorant dépend du ou des colorants présent(s) : les complexes aluminiques de la
pseudopurpurine et de la purpurine tirent la teinte vers le pourpre (paramètre
angulaire h* plus faible ou négatif), ceux des autres colorants (de l'alizarine et des
glycosides ?) vers l'orange (h* plus élevé).

Il est possible d'augmenter la teneur en précurseurs et en pseudopurpurine en


inhibant par la température l'activité enzymatique lors de l'extraction. Il est aussi
possible, grâce à la méthode de Kopp, d'extraire sélectivement la pseudopurpurine
afin d'obtenir une nuance rose (dont la teinte tire vers le pourpre). La teneur en
colorants dans les Rubiacées autres que Rubia tinctorum L. est relativement faible,
à l'exception de Galium boreale L. (alizarine), Galium aparine L.
(pseudopurpurine) et Asperula tinctoria L. (pseudopurpurine et précurseur de la
lucidine). Elle est aussi beaucoup plus faible dans l'écorce que dans l'intérieur de la
racine de Rubia tinctorum L. Avec les laques pauvres en alizarine et/ou en
pseudopurpurine, la couleur est plus aléatoire à cause de la contribution des
constituants secondaires tels que l'anthragallol, la xanthopurpurine ou la rubiadine.
167

V.8. Résistance au vieillissement

La résistance de la couleur d'une laque exposée à la lumière dépendra non


seulement d'une série de facteurs propres à celle-ci (teneurs et nature des colorants
et des autres constituants) mais aussi de la présence de liants et éventuellement
d'additifs, d'une couche de vernis, etc. Dans cette étude exploratoire, les laques ont
été comparées en l'absence de tout liant ou additif. Pour ce faire, elles ont été
fixées par filtration sur des filtres spéciaux en ester de cellulose (Millipore, 0,45
µm), qu'un mélange d'acétate d'amyle et d'éthyle ramollit suffisamment pour qu'il
emprisonne les grains par la base et les retienne après séchage (Jedwab, 1991). Les
laques ont été soumises sous cette forme à un test de vieillissement accéléré par
une lampe à arc au xénon (à l'éclairement énergétique 765 W/m² ~ 180 000 lux)
par exposition à une dose de l'éclairement lumineux plusieurs milliers de fois
supérieure à la dose normalement reçue par une œuvre d'art en exposition dans un
musée (Saudners, 1994; Thomson, 1967). La température de l'air dans l'enceinte de
l'appareil a été entretenu à 22±3°C par une ventilation permanente et l'humidité
relative a oscillé autour 45 % ± 10%. La description de l'appareil (Suntest CPS+) et
de la méthode d'expérience est détaillée en annexe 1, § A13.12.
Les spectres (microspectrophotométrie en réflectance, MSP 400 Zeiss, cfr §
A1.3.11) ont été enregistrés à différentes étapes du vieillissement. A l'issue de ce
test, de pratique courante dans l'industrie, la courbe de décoloration ∆E en fonction
du temps, où ∆E est la racine carrée de ((∆L*)2 + (∆a*)2 + (∆b*)2)), est comparée à
celles de huit échantillons de référence (laines teintes en bleu par les colorants de
différente stabilité, cfr § A1.3.12), et un grade de stabilité de 1 à 8 est attribué. La
méthodologie est détaillée en annexe 1, § A1.3.12.

Quelques-uns des échantillons après vieillissement peuvent être vus sur la figure
V.52. À chaque fois une moitié de l'échantillon a été protégée de la lumière par une
feuille d'aluminium, afin de servir de témoin et de s'assurer que le vieillissement
observé est bien dû à la photodégradation et non à un autre processus. On constate
d'une part que les plus gros grains gardent le mieux leur couleur, et d'autre part,
avec les anthraquinones de synthèse et leurs laques, que le vieillissement est
d'autant plus rapide que le colorant est dilué dans l'alumine.

V.8.1. Évolution dans les diagrammes de chromaticité

L'évolution des paramètres (x,y) et (a*,b*) de laines, d'anthraquinones et de laques,


en 5 à 15 jours d'exposition à la lumière intense, peut être observée aux figures
V.53 à V.59 Sur toutes ces figures, les couleurs évoluent et convergent plus ou
moins rapidement vers la région centrale des blancs (ou gris).
168

Fig. V.52. Sélection des échantillons (anthraquinones, ses laques et laques des
plantes) soumis au vieillissement, dont la moitié à gauche a été protégée.
169

0.8

0.6 laine 8
laine 6
y (CIE)

laine 1
0.4
laine 3

0.2

b* (CIE)
10

0.0 0
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 -10 0 10 20 30 40
x (CIE) a* (CIE)

-10

-20
laine8
Fig. V.53.
Diagrammes xy et a*b* (CIE) laine6 -30
de la décoloration des références - laines bleues.
Les noms des échantillons
sont à l'origine de la courbe (point t0).
-40
laine1

-50 laine3

0.8 Aliz2

Aliz4
Aliz6
0.6
y (CIE)

0.4
Alizarine

Alizarine
40
0.2

30
0.0
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8
x (CIE)
20
b* (CIE)

Aliz - L2

10
Aliz4
Aliz2
Aliz6

0
-10 0 10 20 30 40
Fig. V.54. a* (CIE)
Diagrammes xy et a*b* (CIE)
-10
de la décoloration de l'alizarine,
ses laques et de la laine teinte par alizarine.
179

VI. RÉSUMÉ GÉNÉRAL ET CONCLUSIONS

VI.1. Résumé

VI.1.1. Structure chimique des laques des hydroxyanthraquinones

Les laques de garance et la teinture connue sous le nom de rouge d'Andrinople,


dont les procédés de fabrication étaient souvent des secrets jalousement gardés, ont
depuis longtemps éveillé l'intérêt des chimistes. Le premier mode opératoire de
laque de garance décrit scientifiquement est dû à Marggrave en 1754, chimiste
allemand célèbre surtout pour la découverte du sucre de betterave, mais aussi des
formules du gypse (1750) et de l'alumine (1754). L'élucidation de la structure
chimique de l'alizarine par Graebe en 1868 est une des étapes fondatrices de la
chimie organique. Il a ensuite vite été reconnu que, dans les laques, l'alizarine se
trouve sous forme de complexes d'aluminium. Plusieurs structures ont été
proposées dans la littérature pour les complexes d'alizarine et d'aluminium. Le site
de complexation de l'aluminium y est constitué soit (Hoffmann, 1937, Fierz-David
et Rutishauser, 1940 ; Kiel et Heertjes, 1963; Soubayrol, 1996 ) par les fonctions
carbonyle en C-9 et phénolate en C-1 (site appelé ici céto-phénolate), soit
(Lieberman, 1893; Wunderlich, 1993) par les deux fonctions phénolates en C-1 et
C-2 (site diphénolate). Le rapport aluminium : alizarine est de 1:2 dans les
structures proposées par Kiel et Heertjes et de 2:4 dans celles proposées par
Hoffmann, Fierz-David et Rutishauser, Wunderlich et Soubayrol.

Nos résultats montrent que, au moins en solution aqueuse diluée et acide, le site de
complexation est le céto-phénolate et la stoechiométrie 1:1 (spectres UV-vis., §
III.4.2). En solution plus concentrée et neutre ou légèrement basique, il peut
également se former des complexes de stoechiométrie 1:2, dont la couleur est par
ailleurs pratiquement identique à celle des complexes de stoechiométrie 1:1. Quand
les réactifs sont mis en présence en rapport stoechiométrique et neutralisés par
NaOH (aluminium:alizarine:NaOH 1:2:5), les complexes 1:2 ainsi formés peuvent
même polymériser en formant entre eux des liaisons Al-O-Al (spectres ES-MS de
suspensions gélifiantes, § III.5). Cependant, dans la pratique de la préparation des
laques, aujourd'hui comme dans le passé, l'aluminium est présent en large excès
par rapport à l'alizarine. Dans ces conditions, les complexes, au lieu de
polymériser, s'adsorbent à la surface des grains d'alumine formés par l'aluminium
en excès (spectres SIMS de laque en poudre, § III.6). Nous n'avons trouvé aucune
indication de la formation de complexes 2:4, tels que ceux synthétisés par
180

Hofmann, Fierz-David et Rutishauer, Wunderlich ou Soubayrol. Il est probable que


de tels complexes ne sont, comme les gels que nous avons obtenus dans certaines
conditions, que des cas particuliers, non représentatifs de la structure des laques
réelles. L'hypothèse de Fierz-David et Rutishauer, selon laquelle le rouge
d'Andrinople doit être caractérisé par une structure chimique bien définie et
indépendante des conditions de préparation, semble donc devoir être revue à la
baisse : la caractéristique essentielle des laques d'alizarine et du rouge
d'Andrinople se ramènerait à la chélatation de l'aluminium par le site céto-
phénolate de l'alizarine, et à la couleur rouge qui en résulte. La stoechiométrie des
complexes et leur état physique ne seraient que des caractéristiques secondaires.
Dans le cas des laques utilisées comme pigments, il s'agirait de complexes 1:2 et
probablement aussi 1:1, adsorbés sur les grains d'alumine via des liaisons Al-O-Al.

VI.1.2. Stabilité thermodynamique des complexes


et implications pour les méthodes d'analyse des laques

La compétition entre ions H+ et Al3+ pour les phénolates est à la base de la


libération des molécules d'alizarine dans les méthodes classiques d'extraction des
colorants des laques par un acide pour leur analyse par HPLC. Nos résultats (§
III.4.2.3) montrent que la concentration en ions H+ nécessaire pour libérer les
colorants est proportionnelle à la concentration en ions Al3+ en solution. Dans la
pratique, le pH nécessaire est très bas (généralement < 1), ce qui a pour
conséquence négative d'hydrolyser certaines des molécules colorantes constitutives
des laques. L'addition d'ions F- (en remplaçant l'acide chlorhydrique par de l'acide
fluorhydrique) permet de pallier ce problème. En formant des complexes avec les
ions Al3+, les ions F- relèvent assez le pH minimum d'extraction pour éviter
l'hydrolyse des colorants moins stables (glycosides, pseudopurpurine...), et donnent
de plus des rendements d'extraction souvent meilleurs que ceux obtenus avec les
autres acides (HCl, H2SO4, TFA) (§ IV.4). L'addition d'ions Li+, qui par leur petite
taille peuvent plus facilement se glisser à l'intérieur des complexes, et d'agents
chélatants tels que le DFOM, qui contribuent à capter les ions Al3+, améliore
encore l'extraction des colorants.

VI.1.3. Composition, propriétés et couleurs des laques


d'anthraquinones de synthèse et d'extraits de Rubiacées

Des propriétés telles la granulométrie, la porosité et l'hygroscopicité des laques


sont celles de l'alumine qui constitue leur substrat. Quand des réactifs de synthèse
sont utilisés, la composition finale des laques est proche de celle attendue sur base
des quantités de réactifs, colorant et sulfate d'aluminium, mis en œuvre. Les
analyses de différentes laques d'extraits de Rubiacées montrent :

- la présence fréquente de pseudopurpurine et de glycosides précurseurs de


l'alizarine (acide rubérythrique) et de la lucidine; ces colorants ne sont détectés
qu'après extraction à pH ~2 (extraction par HF), parce qu'à pH plus acide
(extraction par HCl) ils sont hydrolysés.
181

- la teneur en différents colorants est influencée non seulement par l'espèce de


plante utilisée (Rubia tinctorum L., Asperula tinctoria L., Galium verum L...), mais
aussi par le mode de préparation des laques : il est même possible, comme l'avait
déjà indiqué Kopp au XIXe siècle, de préparer à partir de Rubia tinctorum, pourtant
riche en alizarine, une laque ne contenant que de la pseudopurpurine.

Ces constatations imposent la prudence dans l'interprétation de la composition des


laques, et justifient le choix d'auteurs tels que Kirby/White (1996) et Schweppe/
Winter (1997) d'appeler "laque de garance" toute laque de Rubiacées, sans
distinction de l'espèce végétale utilisée.

La couleur apparente et les spectres dans le visible des chélates aluminium-


anthraquinone (alizarine, purpurine ou quinizarine) sont bien distincts de ceux des
mêmes colorants en l'absence d'aluminium. Les paramètres L*a*b* et leur
équivalent en coordonnées cylindriques L*C*h*, calculés à partir des spectres de
réflectance, permettent de caractériser de manière objective la couleur des objets,
telle qu'elle serait perçue sous une lumière de spectre donné et par un "observateur
de référence", en termes de luminosité (L*, axe incolore noir-gris-blanc), teinte
(terme angulaire, h*= tan (b*/a*)), et saturation (C* = racine carrée de
((a*)2+(b*)2), distance par rapport à l'axe incolore) (§ V.7.1). On constate que la
teinte des laques dépend surtout de la nature des colorants présents sous forme de
chélates d'aluminium : la purpurine et la pseudopurpurine tendent vers un rouge
plus pourpre (h* et b* négatifs ou faiblement positifs), l'alizarine et les autres
colorants vers un rouge plus orange (h* et b* plus élevés). La saturation dépend
surtout du rapport aluminium/colorant, et augmente avec celui-ci, ce qu'on peut
attribuer à un meilleur rendement de la formation de complexes quand l'aluminium
est présent en plus large excès (§ V.7).

VI.1.4. Résistance au vieillissement

Alors que la structure chimique de base essentielle et responsable de la couleur des


laques et du rouge d'Andrinople, à savoir le chélate d'aluminium de site céto-
phenolique, est probablement la même dans les laques modernes et anciennes, ces
dernières résistent généralement beaucoup mieux à l'épreuve du temps. Pour mieux
comprendre les facteurs affectant la permanence des laques, une approche est de
soumettre des laques préparées dans des conditions connues à des tests de
vieillissement accéléré par une lampe à arc de xénon. Une première étude de ce
type a été menée sur des laques sous forme de poudres fixées sur des filtres.

L'évolution des couleurs en fonction du temps d'exposition suggère que les laques
d'alizarine sont légèrement plus stables que celles de quinizarine et de purpurine.
L'analyse des laques de Rubiacées après vieillissement montrent que :
- dans les laques fort concentrées au départ, la majorité des colorants peut être
dégradée sans que la couleur perceptible ait fort changé
- on retrouve des glycosides même après vieillissement, alors que la
pseudopurpurine disparaît totalement, peut-être transformée en purpurine par
décarboxylation.
182

A l'observation au microscope, on constate que les grains les plus petits ont
tendance à décolorer plus vite. Cependant globalement le principal facteur
affectant l'évolution de la couleur n'est pas la granulométrie mais la concentration
en colorants. Il semble donc que les complexes de colorants adsorbés à la surface
de la porosité interne des grains d'alumine soient protégés de la lumière par les
complexes adsorbés dans les couches plus externes, et que cette protection soit
proportionnelle à la concentration en colorant.

La photodégradation est probablement oxydative. Elle est d'ailleurs beaucoup plus


lente pour les teintures d'alizarine sur laine, grâce probablement aux propriétés
réductrices de la laine. Il faut donc s'attendre à ce que, dans les polychromies, la
présence des liants ralentisse le vieillissement en limitant la diffusion de l'oxygène,
ce qui n'était pas le cas dans nos laques poreuses vieillies au contact de l'air. C'est
là un des aspects que la suite des études de vieillissement accéléré devrait tenter
d'éclaircir.

VI.2. Conclusions

Le recours aux sciences exactes dans le cadre de l’étude des œuvres d’art s’est
particulièrement développé à partir des années Trente du XXe siècle. Les musées
font régulièrement appel au concours de chimistes, de physiciens, de biologistes…
afin de s’assurer de l’authenticité ou de l’intégrité d’un objet, de déterminer ses
conditions de conservation, d’identifier les techniques et les matériaux utilisés par
les artistes. Ils répondent ainsi à une demande commune des historiens et des
amateurs d’art qui, de plus en plus, portent leur intérêt sur l’ensemble des éléments
intervenant au sein du processus de création.

Le présent travail s'inscrit dans un programme de recherche destiné à améliorer


l'identification des colorants organiques dans les objets de musée. Depuis les temps
le plus reculés l'homme a en effet eu le goût de la couleur et il s'est efforcé de
trouver les matériaux et les techniques pour apporter cette qualité aux objets qu'il
fabriquait. Les colorants naturels sont abondamment utilisés pour teindre les
textiles mais aussi pour obtenir des laques picturales.
L'identification de ces substances est importante non seulement du point de vue de
l'étude des technologies, mais aussi pour guider le choix des conditions de
conservation et parfois pour apporter une aide à la datation d'un objet ou d'une
intervention sur cet objet. Les progrès de la chimie et le perfectionnement des
méthodes d’analyse, qui permettent de réduire la taille des échantillons à prélever,
offrent au chercheur la possibilité de juger de la validité des livres de recettes et de
percer les "secrets d’atelier". En effet, les artistes étaient et restent aujourd’hui
encore peu enclins à décrire les techniques qui sont les leurs, et dans le passé ces
techniques faisaient, volontairement ou non, partie d’une connaissance tenue
secrète.
La tâche des chimistes d’aujourd’hui s’apparente à l’enquête du détective et est
rendue difficile par l’état même des composants analysés, suite au processus de
vieillissement qui touche toutes les œuvres et de façon plus intense celles qui sont
demeurées à l’air et à la lumière, subissant les effets d’un environnement parfois
peu favorable. C’est le cas des sculptures polychromées et des peintures du Moyen
Âge et de la Renaissance qui retiennent plus particulièrement notre attention.
183

Le travail de détective précédemment évoqué est donc délicat et ceci d’autant plus
que le scientifique ne peut abîmer l’œuvre d’art qu’il soumet à l’analyse : il doit
donc nécessairement utiliser le plus souvent des méthodes de microanalyse et donc
des techniques très sensibles adaptées à des micro-échantillons.

Au cours de ce travail, nous avons tenté d’appliquer à l’étude des laques de


garance une approche intégrée en nous intéressant tout autant aux techniques
d’extraction des colorants au départ du végétal qu’à la fabrication des laques par
complexation des substances anthraquinoniques avec le cation aluminium, à
l’étude des colorants et laques qu’à l’extraction des colorants au départ de laques
modernes et anciennes, aux études spectroscopiques qu’aux méthodes permettant
de quantifier l’impression visuelle de couleur.

Cette liste de sujets abordés n’est pas exhaustive, mais elle permet de comprendre
notre démarche qui a consisté à pousser aussi loin qu’il nous était possible, l’étude
d’une classe importante de substances et matériaux colorants, en envisageant
certaines questions importantes auxquelles l’historien d’art attend des réponses.
Nous avons ainsi abordé le problème extrêmement difficile du vieillissement, mais
nous considérons que ce que nous avons pu faire dans ce domaine constitue au
mieux une ébauche de ce qui devrait être fait. Les transformations des vernis
laques, pigments, matériaux support, constituent sans aucun doute un des défis
scientifiques les plus ardus que rencontre le chimiste qui étudie des œuvres d’art.
Les simulations par vieillissement accéléré constituent une des voies d’approche
du problème et c’est celle que nous avons adoptée. Les quelques expériences que
nous avons pu mener débouchent sur une conclusion évidente : pour être conduite
à terme une telle étude requièrerait des années de travail. En effet, il conviendrait
de pouvoir effectuer de véritables études de cinétique de dégradation en analysant
à intervalles réguliers les produits formés sur de longues périodes de temps dans
des conditions d’irradiation différentes. L’hypothèse de base de ces simulations
selon laquelle une irradiation à haute intensité durant un temps court donne une
image de l’effet d’une irradiation à faible intensité durant des temps très longs,
devrait pouvoir être testée. Tout laisse à croire qu’il s’agit là au mieux d’une
hypothèse grossière : la coloration de la peau par irradiation solaire une demi-heure
chaque jour pendant quatorze jours n’est pas la même que celle obtenue par une
irradiation de sept heures consécutives ! Certes, cette comparaison est imparfaite et
doit être considérée comme une boutade. Elle doit toutefois nous rappeler que
l’apport de l’expérimentation au problème du vieillissement n’est pas aussi simple
qu’il ne pourrait paraître.
A l’issue de cette thèse, nous considérons donc que ce problème du vieillissement
des œuvres d’art reste l’une des grandes questions auxquelles les chimistes doivent
tenter d’apporter des réponses.

Un autre problème à la solution duquel nous pensons avoir contribué de manière


plus positive est celui de l’extraction des colorants au départ d’une laque en
veillant à limiter les transformations chimiques provoquées par l’extraction elle-
même. Ceci étant, dans ce domaine aussi des recherches complémentaires
devraient être entreprises.
184

Enfin, nous avons veillé dans ce travail à comparer des laques préparées selon les
recettes anciennes à des complexes anthraquinones–Al3+ tels que les chimistes
travaillant selon les standards actuels peuvent les préparer.

Lorsque l’on oriente ses recherches dans le domaine de la chimie au service de


l’histoire de l’art, ou de la restauration des œuvres d’art, il faut toujours garder en
mémoire que l’on doit faire aussi œuvre d’historien. Les éléments d’une recette
ancienne ne peuvent être ignorés sur la seule base de ce qu’ils nous apparaissent
inutiles, voir absurdes compte tenu des connaissances scientifiques d’aujourd’hui.
Ceci est particulièrement vrai dans le domaine des laques dont la structure est
complexe et pour lesquelles la présence "d’impuretés" peut avoir une incidence
majeure sur la couleur telle que nous la voyons et sur sa stabilité.

C’est sur cette dernière remarque que nous clôturerons cette conclusion : une
œuvre d’art est destinée à être vue le plus souvent et jugée sur base de critères
subjectifs. C’est un objet élaboré dans un contexte historique donné. Ces aspects :
"subjectivité" et "historicité" doivent pouvoir être intégrés à la démarche
scientifique du chimiste qui s’occupe d’œuvres d’art. Ce n’est pas toujours aisé !
185

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ANNEXES
197

ANNEXE 1
A1. MATÉRIEL ET MÉTHODES

A1.1. Origine des plantes, réactifs et échantillons de colorants

A1.1.1. Plantes

Plusieurs échantillons de Rubiacées nous ont été offerts par M. Van Belle, du
Jardin Botanique National (JBN) de Meise. D'autres ont été collectés dans la
nature. Leur identification a été confirmée par Mme Billet du JBN. Ils sont repris
dans le tableau A1.1 avec l'abréviation utilisée pour signaler les laques préparées à
partir de ces plantes.

Tableau A1.1. : Origine des échantillons de Rubiacées.

code nom(s) latin(s) nom(s) vulgaire(s) caractéristique origine


RT Rubia tinctorum L. Garance des teinturiers vivace JBN, plein air
région de Poitiers,
RP Rubia peregrina L. Garance sauvage vivace
plein air
AT Asperula tinctoria L. Aspérule des teinturiers vivace JBN, plein air
GA Galium aparine L. Gaillet gratteron annuelle Bruxelles, plein air
GB Galium boreale L. Gaillet boréale vivace JBN, cultivée en pot
GM Galium molugo L; Gaillet blanc, Caille-lait blanc vivace JBN, plein air
Galium odoratum
GO L.(Scop.) Aspérule odorante vivace JBN, plein air
Asperula odorata L.
GS Galium sylvaticum L. Gaillet de bois vivace JBN, cultivée en pot
GV Galium verum L. Gaillet vrai, Caille-lait jaune vivace JBN, cultivée en pot

A1.1.2. Anthraquinones de références (cfr § IV.2.3)

Quelques anthraquinones ont été fournies par Sigma et Extrasynthèse. D'autres ont
été offertes au Dr Wouters par le prof. Thomson de l'Université d'Aberdeen et par
le prof. Golikov de l'Université de Moscou. Ils sont repris dans le tableau A1.2
avec les codes utilisés dans ce travail.

Tableau A1.2. Origine des anthraquinones synthétisés ou isolés de plantes.

code Description et origine


al Alizarine, 98%, Sigma
pu Purpurine, 98%, Sigma
qui Quinizarine, 97%, Extrasynthèse

xp Xanthopurpurine offerte par le prof. Thompson,


ru Rubiadine offerte par le prof. Thompson
198

mu Munjistine offerte par le prof. Thompson


pp Pseudopurpurine offerte par le prof. Thompson et par prof. Golikov
lc Lucidine offerte par le prof. Thompson
pral Primvéroside de l'alizarine offert par le prof. Golikov
prlc Primvéroside de la lucidine offert par le prof. Golikov
prru Primvéroside de la rubiadine offert par le prof. Golikov
Acide rubérythrique technique, Extrasynthèse,
AcRub
mélange des primvérosides de l'alizarine et de la lucidine

A1.1.3. Laques de garance commerciales

Les laques de garance commerciales (tabl. A1.3) utilisées pour la comparaison


avec les laques préparées au laboratoire, ont été fournies par Kremer (Allgäu, D-
88317 Aichstetten) et par Blockx. Ces dernières ne sont plus fabriquées depuis la
deuxième guerre mondiale et ont été offertes par M. Blockx à M. Corremans,
premier directeur de l'IRPA, dans les années 50 - communication personnelle de
M. Blockx jr.
Une série de laques (tabl. A1.5) a été préparée en adsorbant les anthraquinones sur
des substrats commerciaux (tabl. A1.3).

Tableau A1.3. Laques de garance et substrats d'origine commerciale.

code Description et origine


Laques de garance
RT 20 Kremer 3720*B, - rouge moyen
RT 21 Blockx - carmin
RT 22 Blockx - rose foncé
RT 23 Blockx - pourpre
RT 24 Blockx - rose claire
RT 25 Blockx - rose
RT 31 Kremer 3720*C, - rouge clair
Substrats
Al2O3 TLC Camag, Aluminiumoxid für die Dünnschicht-Chromatographie

Al2O3 std Merck AG. Oxyde d'aluminium standardisé d'après Brockman


Merck, Gel de silice (60 – 120) pour la chromatographie sur colonnes,
SiO2
granulométrie 63 - 200µm
199

A1.1.4. Réactifs
Tableau A1.4. Origine, grade et masse moléculaire (M) des réactifs.

Formule / abrev. M Description et origine


H 2O 18,0 Milli-Q
K2CO3 138,2 grade p.a., (anhydre) Merck
Na2CO3 106 grade p.a., (anhydre) Merck
Li2CO3 73,9 grade p.a., 99%, May & Baker
CaCO3 100.1 grade p.a., Janssen Chimica
NH4OH 17,0 grade p.a., min. 25 %, Merck
NaOH 40,0 en pastille, grade p.a. , Merck
Al2(SO4)3.18H2O 666,4 grade p.a., 97%, Aldrich, A.C.S. reagent
KAl(SO4)2.12H2O 474,4 grade p.a., 99,5%, Janssen Chimica
LiF 25,9 grade p.a., 99,98%, Acros Organics
KBr 119,0 FT-IR grade, 99+%, Aldrich,
AcEt (C4H8O2) 88,1 Acétate d'éthyle, grade p.a., Acros Organics
MeOH (CH4O) 32,0 grade HPLC, Acros Organics
DMF (C3H7NO) 73,1 grade spectrophotométrique, 99%, Acros Organics
Chloroform (CHCl3) 119,4 grade spectrophotométrique, 99%, Acros Organics
Acetone (C3H6O) 58,1 grade p.a., Acros Organics
AcAmyle (C7H14O2) 130,2 Acétate d'amyle, grade p.a., 97%, Janssen Chimica
MEK (C4H8O) 72,1 Ethyle méthyle cétone, grade extra pure, Merck
372,2 Titriplex III - sel disodique de l'acide ethylènediamino
EDTA (C10H14N2Na2O8)
tetraacetique
393,4 Acide diethylènetriaminepentacétique, grade p.a., 97%,
DTPA (C14H23N3O10)
Acros Organics
Tartrate de K (C4H5KO6) 188,2 grade p.a., 99%, Aldrich
TFA 114,0 Acide trifluoroacétique
HF 20,0 grade p.a., 38 - 40 %, Merck
HCl 36,5 grade p.a., 37 %, Merck
HNO3 63,1 grade p.a., Acros Organics
H2SO4 98,1 grade p.a., Acros Organics
H3PO4 98,0 grade p.a., 85%, Acros Organics
HClO4 100,4 grade p.a., Acros Organics
Varsapon NZ9 détergent non ionique, typa PVAL, René Dejonghe
200

A1.2. Préparation des laques et autres échantillons

Les six modes opératoires de référence, dont un résumé a été donné au début du
chapitre IV, sont détaillés ci-dessous (A1.2.1)
Il sont suivi de trois modes opératoires qui ne peuvent pas être considéreé comme
des variantes des précédents (A1.2.2).
Le tableau A1.5. donne pour chacun des échantillons le mode opératoire de
référence les détails par lesquels sa préparation en diffère.

A1.2.1. Six modes opératoires de référence: "Aliz4", "AD Aliz1", RT2",


"RT-L1", "RT17", "RT27"

Référence 1: "Aliz4", exemples de laque d'anthraquinone de synthèse

Une suspension d'alizarine (241 mg ou 1 mmol dans 500 mL H2O, pH ~ 4,4) a été
soumise pendant 10 minutes à un bain à ultra-sons, puis agitée à l'aide d'un barreau
magnétique pendant 10 minutes à température ambiante (Notons que, selon l'index
Merck, la solubilité de l'alizarine dans l'eau à 25 °C n'est que de 2,5 µM, soit mille
fois moins que la concentration de la suspension préparée ici). Après addition de
50 mL d'une solution de sulfate d'aluminium chaude (Al2(SO4)3.18H2O, à 66,6 g/L
ou 100 mM, pH ~ 2,8, 95 °C, soit un rapport Al/aliz de 10), elle est restée 10
minutes sous agitation. La suspension rouge ainsi obtenue (pH ~ 3,3) a été
neutralisée par K2CO3, 0,1M jusqu'à pH 7. Un précipité a commencé à se former
dès les premiers ajouts de K2CO3. La suspension a été filtrée sur papier filtre noir
de porosité ~ 50 µm. Le filtrat était incolore. Le précipité sur le filtre a ensuite été
lavé abondamment avec de l'eau distillée. Le précipité, rouge foncé, a été séché
pendant 72 h, à l'air mais à l'abri de la lumière. Après rinçage, le précipité a été
pesé sur le filtre puis récupéré et broyé à l'aide d'un pilon et d'un mortier.

Référence 2: "AD Aliz1", exemple de laque d'anthraquinone de synthèse


adsorbé sur un substrat commercial

Cinq ml d'une solution méthanolique d'alizarine (20mg/L) sont versés sur un


gramme de l'alumine TLC (granulométrie <1µm). L'alumine devient
immédiatement rose et le surnageant incolore. La poudre rose est lavée à l'eau
distillée et séchée.

Référence 3: "RT-L1", exemple de laine teinte


(Dalby 1985; Duff et Sinclair 1989 )

a) Mordançage
La laine est lavée avec une solution à 3 % de "Varsapon NZ9" (détergent non
ionique, type R-O(CH2CH2O)n-1- CH2CH2OH), et soigneusement rincée d'abord
à l'eau courante, puis à l'eau déminéralisée.
Après essorage, elle est conditionnée à 65% d'humidité relative et à 20°C pendant
48 heures.
201

25 g de fibres sont agités dans 750 ml d'une solution contenant 2.5g (10% du
poids de la laine) du sulfate d'aluminium et de potassium (KAl(SO4) 3.12H2O) et
2.0 g (8% du poids de la laine) de tartrate de potassium (KOOC-CH(OH)-
CH(OH)-COOH) à température ambiante. La suspension est portée à 100°C en 60
minutes, maintenue à cette température pendant 45 min., puis ramenée lentement à
température ambiante. Les fibres sont rincées d'abord à l'eau courante, puis à l'eau
déminéralisée. A nouveau, après essorage, la laine est conditionnée à 65%
d'humidité relative et à 20°C pendant 48 heures.

b) Teinture
Un lot de la laine mordancée (~5g) est ajouté au bain de teinture constitué de 150
ml d'eau distillé et 5 g de racines de garance coupées en morceaux de 0.5 à 1 cm
(rapport laine : garance : eau 1:1:30). La température est amenée très lentement (30
minutes) à 60°C et y est maintenue pendant 60 minutes. On laisse la laine teinte
dans le bain jusqu'au refroidissement à la température ambiante. Elle est ensuite
abondamment rincée

Référence 4: "RT2",
exemple de laque d'extrait de Rubiacées : recette standardisée

Deux grammes de racines, coupées en morceaux de +/- 2 mm, éventuellement


macérées dans l'eau à température ambiante (variantes RT8, RT13, RP12, GM8,
GS8, GV12) sont plongés dans 150 mL d'eau distillée (pH 6,5), chauffée à 60°C.
Le mélange est agité à l'aide d'un barreau magnétique et maintenu à 60 °C pendant
une heure. Le pH de la solution change de 5,94 à 5,65. Après une heure, le volume
du bain d'extraction est ramené à 200 mL, puis filtré. Dix mL d'une solution de
sulfate d'aluminium et de potassium chaude (+/- 90 °C, 1,5 g KAl(SO4) 3.12H2O
par 10 mL, pH 2,9) sont ajoutés au filtrat, qui devient orange-rouge. Cette solution
est neutralisée par K2CO3, 0,1M jusqu'à pH 7.

Référence 5: "RT17", exemple de laque de colorant récupéré de laine teinte

2,4 g de laine teinte à la garance ("RT-L2") sont plongés dans 75 mL de solution


de K2CO3 (0,1M, pH 11,5) chauffée à 60°C et maintenue à cette température
pendant 120 minutes. Les colorants de la teinture sont partiellement extraits et
dissout donnant une solution rouge-violet. La laine, qui devient plus foncée encore
qu'au départ, est séparée de cette solution. Cette dernière est neutralisée par la
solution aqueuse de l'alun (KAl(SO4) 3.12H2O) chaude (+/- 90 °C, 150 g/L ou
0,3M, pH = 2,9).

Référence 6: "RT27", exemple de laque préparée d'après la "recette Marcucci",


(annexe 2)

Deux grammes de racines broyées ont été plongés dans 30 ml d'eau distillée et
portés à l'ébullition. Cette température a été maintenue pendant 35 minutes, jusqu'à
ce que le volume de l'eau soit réduit à 24 ml. Les racines ont été séparées encore
chaudes par filtration sur un tissu de coton puis ont été essorées pour en extraire la
202

solution (brun-rouge). Dans cette solution a été ajouté de l'alun (1,4g ou 2,8
mmol). La suspension formée a été transvasée dans un récipient contenant du
Na2CO3 (0,5g dans 2 ml ou 2,4 mmol). La laque précipitée a été filtrée, lavée et
séchée à l'air à l'abri de la lumière, pesée sur le filtre puis récupérée et broyée dans
un mortier.

A1.2.2. Autres modes opératoires

"Aliz0", reproduction de la laque préparée et étudiée par P. Soubayrol (1996)

Le mélange, dans 40 ml d'eau distillée, d'alizarine (480 mg ou 2 mmol),


d'hydroxyde de sodium (200 mg ou 5 mmol) et de sulfate d'aluminium
(Al2(SO4)3.18 H2O, 335 mg ou 0,5 mmol ~ 1mmol Al+++), est agité à l'aide d'un
barreau magnétique pendant 60 minutes au bain-marie. La suspension rouge foncé
est très fine et passe entièrement par le filtre de porosité 10 µm. Les particules sont
invisibles à l'œil nu. La séparation quantitative des phases liquide et solide n'est
pas possible par le filtre de porosité 10 µm.
Une partie de cette suspension a été mise de côté et s'est lentement transformée en
un gel élastique. Des spectres ES-MS (§ III.5) ont été pris pendant la phase de
gélification.
L'autre partie a été centrifugée, filtrée sur filtre Millipore 0,2 µm et rincée
abondamment avec de l'eau distillée. Le précipité rouge foncé récupéré sur le filtre
a été séché pendant 72 h, à l'air mais à l'abri de la lumière, puis récupéré et broyé
dans un mortier.

"RT19", laque de pseudopurpurine (cfr "laque de Kopp" annexe 2)

Les morceaux de racines (2g) sont plongés une heure dans une solution d'acide
sulfurique 1% (~0,1 M, pH 0,7) à température ambiante. Après élimination des
débris de racines par filtration, la solution est chauffée à 60°C pendant une demi-
heure. Les précurseurs de la pseudopurpurine se transforment en pseudopurpurine,
qui précipite, tandis que l'acide rubérythrique résiste à l'hydrolyse et reste en
solution. Le précipité rouge est récupéré par filtration, puis redissout dans l'alun
pour la formation des complexes avec l'aluminium, qui sont ensuite précipités par
ajout de K2CO3, 0,1M jusqu'à pH 7.
La laque a été ensuite filtrée, lavée, séchée et broyée.

"RT26", laque préparée d'après la "recette Tingry" , cfr annexe 2

Les morceaux de racines (2g) ont été mis dans un sac en coton et triturés dans un
mortier avec 2,5 ml d'eau distillée, puis essorés. Cette opération a été répétée 10
fois. Tout le liquide récupéré (+/- 5 ml de couleur brun - rouge) a été porté à
ébullition et on a observé la formation d'un précipité. Ensuite nous avons versé
cette suspension dans une solution bouillante de sulfate d'aluminium et de
potassium (KAl(SO4) 3.12H2O, 1,5 g dans 1,2ml d'eau). Puis tout en mélangeant,
on a ajouté 1 ml de la solution saturée de K2CO3 (500mg/ml ou 3,6M). On a laissé
203

refroidir et décanter le précipité rouge (laque), ensuite on filtre. Le filtrat était


jaune. La laque sur le filtre a été ensuite filtrée, lavée, séchée et broyée.

A1.2.3. Liste des échantillons préparés au laboratoire

Tableau A1.5. Liste de échantillons et des détails pour lesquels leurs préparation
diffère des modes opératoire de référence

n° code Description Mod op.

Mode opératoire :"Aliz0"


M/L (=Al3+ / Aliz) = 0,5, 90°C, (alizarine, NaOH , Al2(SO4)3,
01 Aliz0 Aliz0
18 H2O)

Mode opératoire de référence 1: "Aliz4"


02 Aliz1 M/L = 7,4; 80°C
03 Aliz2 M/L = 2; temp. ambiante; Al (ajouté à froid),
04 Aliz2' M/L = 2; temp. ambiante; Al (alun préchauffé )
05 Aliz3 M/L = 2; 90°C; (aspect colloïdal)
06 Aliz4 M/L = 10; temp. ambiante
07 Aliz5 M/L = 10; 90°C; (aspect colloïdal)
08 Aliz6 M/L = 50; 90°C;
09 Aliz7 M/L = 10; 90°C; précip. Na2CO3
10 Aliz 8 M/L = 12.5; 90°C; 'alizarine dans K2CO3; titration par alun;
11 AlPu M/L = 10; temp. ambiante; alizarine / purpurine =1/1
12 AlQu M/L = 10; temp. ambiante; alizarine / quinizarine =1/1 Aliz4
M/L = 10; temp. ambiante; alizarine / quinizarine / purpurine
13 3col
=1/1/1
M/L = 10; temp. amb.; alizarine/quinizarine/purpurine/ac.
14 4col
rubér. =1/1/1/1
15 Pu1 M/L = 2; temp. ambiante, purpurine
16 Pu2 M/L = 10; temp. ambiante, purpurine
17 Pu3 M/L = 10; 90°C, purpurine
18 AR 1 M/L = 2; temp. ambiante; acide rubérythrique
19 AR 2 M/L = 10; temp. ambiante; acide rubérythrique
20 Qui1 M/L = 2; temp. ambiante; quinizarine
21 Qui2 M/L = 10; temp. ambiante; quinizarine
22 Al2O3 pptn. pas de colorant
204

Mode opératoire de référence 2: "AD - Aliz1"

23 AD-Aliz1 0,104 mg d’alizarine adsorbée sur l'alumine TLC (rose)


24 AD-Aliz 2 0,0416 mg d’alizarine adsorbée sur le gel de silice (violacé)
25 AD-Aliz3 0,104 mg d’alizarine adsorbée sur le gel de silice (violacé)
26 AD-Aliz4 0,312mg d’alizarine adsorbée sur le de silice (violacé f.)
27 AD-Aliz5 0,0416 mg d’alizarine adsorbée sur l'alumine TLC (rose)
28 AD-Aliz6 0,312 mg d’alizarine adsorbée sur l'alumine TLC (rose)
AD-
29 AD-Aliz7 0,0416 mg d’alizarine adsorbée sur l'alumine std. (rose) Aliz1
30 AD-Aliz8 0,104 mg d’alizarine adsorbée sur l'alumine std. (rose)
31 AD-Aliz9 0,146 mg d’alizarine sur la cire de polyéthylène (incol)
32 AD-Pu1 0,114 mg de purpurine sur le gel de silice (rose - violet)
33 AD-Pu2 0,114 mg de purpurine sur l'alumine std. (rose)
34 AD-Pu3 0,114 mg de purpurine sur l'alumine TLC (rose)
35 AD-Qui 1 0,145 mg quinizarine sur le gel de silice (rose)
36 AD-Qui2 0,145 mg quinizarine sur l'alumine std. (rose)

Mode opératoire de référence 3: "RT-L1"


37 ALIZ-L1 137 mg alizarine, 4,9g laine , bain H2O, 60°C

38 ALIZ-L2 153 mg alizarine, 4,9g laine, bain H2O /MeOH 9/1, 80°C

39 PURP-L1 152 mg purpurine, 4,4g laine, bain H2O, 60°C


RT-L1
40 PURP-L2 150 mg purpurine, 4,8g laine, bain H2O /MeOH 9/1, 80°C

41 QUI-L1 105 mg quinizarine, 2,3g laine , bain H2O 60°C


2.5 g racines de garance des teinturiers, 2,3g laine, bain H2O,
42 RT-L1
60°C
2.5g racines de garance des teinturiers, 2,5g laine, bain H2O,
43 RT-L2
90°C

Mode opératoire de référence 4: "RT2"


44 RT 1 extraction à 20°C
racines complètes, extraction 1h, 60°C, + KAl(SO4)2.12H2O,
45 RT 2
précip. K2CO3
46 RT 3 extraction à 90°C
47 RT 4 intérieur de racine RT2
48 RT 5 écorce de racine
49 RT 6 extraction à pH=4 (0,066g KAl(SO4)2.12 H2O)
50 RT 7 extraction à pH=8 (30 mM K2CO3)
51 RT 8 macération 24 h ,
52 RT 9 précipitation CaCO3
205

53 RT 10 précipitation Na2CO3
extraction à pH=4 (1.5 mM KAl(SO4)2.12H2O) après 24 h de
54 RT 11
macération
RT2
55 RT 13 macération 240 h
56 RT 14 (erreur: 2x 3 mmole KAl(SO4)2.12H2O), précip. NH4OH
57 RT 15 précipitation NH4OH

Mode opératoire de référence 5: "RT 17"

Laine teinte à 90°C, colorants récupérés dans de la cendre de


58 RT 16 RT 17
chêne, laque préparée à partir de ce colorant
59 RT 17 colorants récupérés dans K2CO3
60 RT 18 laine teinte à 60°C, colorants récupérés dans K2CO3

Mode opératoire "RT 19"


RT 19
61 RT 19 laque de pseudopurpurine (laque de “Kopp”)

Mode opératoire "RT 26"


RT 26
62 RT 26 recette "Tingry"

Mode opératoire de référence 6: "RT 27"


63 RT 27 recette "Marcucci"
RT 27
64 RT 28 RT27, précipitation K2CO3
65 RT 29 RT27, sauf que la laque est décantée pendant 48h

Mode opératoire de référence 4: "RT 2"


66 RP 2 Rubia peregrina L.
67 RP 3 Rubia peregrina L., extraction à. 90°C
68 RP7 Rubia peregrina L., extraction à pH 8 (dans K2CO3 20 mM),
69 RP12 Rubia peregrina L., macération 48 h
70 GA 2 Galium aparine L.
71 GA 3 Galium aparine L., extraction à 90°C RT 2

72 GA8 Galium aparine L., macération 24 h


73 GB 2 Galium boreale L.
74 GO 2 Galium odoratum L.(Asperula odorata L.)
75 GM 2 Galium molugo L.
76 GM 3 Galium molugo L., extraction à 90°C
77 GM8 Galium molugo L., macération 24 h
206

78 GS 2 Galium sylvaticum L.
79 GS 3 Galium sylvaticum L., extraction à 90°C
80 GS 8 Galium sylvaticum L., macération 24 h
81 GV 2 Galium verum L. RT 2
82 GV 3 Galium verum L., extraction à 90°C
83 GV12 Galium verum L., macération 48 h
83 AT 2 Asperula tinctoria L.

A1.3. Méthodes de caractérisation et d'analyse

A1.3.1. UV-vis spectrophotométrie

ULB, Service de chimie organique (Faculté des Sciences Appliquées)


Spectrophotométrie des solutions des anthraquinones commerciales.

Les échantillons ont été solubilisés dans l'eau ou dans un solvant organique et
placés dans des cellules en quartz. Les spectres UV-Vis ont été enregristrés à l'aide
d'un spectrophotomètre de firme Hewlet Packard, modèle HP 8452 A à barrette de
diodes et/ou de Perkin Elmer, modèle Lambda 40 à monochromateur avec la
sélection des longueurs d’ondes.

A1.3.2. ES-MS (Electro-Spray Mass Spectrometry)

LCQ Finigan, TermoQuest (Veenendael, laboratoire de démonstration)


Spectrométrie de masse de la suspension gélifiante "Aliz0".

La préparation de l'échantillon analysé par cette méthode est décrite dans le §


A1.2.2 "Aliz 0". Il s'agit de la suspension gélifiante obtenue lors de la préparation
d'une laque sur base du mode opératoire de Subayrol (1996).
L'équipement (spectromètre de masse "LCQ" de Finigan) et la méthode d'analyse
sont décrits dans le § III.5.2.

A1.3.3. ToF SIMS (Time-of-Flight Secondary Ion Mass Spectrometry).

Unité PCPM – UCL, LLN


Spectrométrie de masse des fragment désorbés de la surface des poudres.

Préparation des échantillons:


Les poudres des anthraquinones de synthèse (alizarine purpurine et quinizarine) et
de leurs laques (Aliz4, PU2, Qui2, cfr § A1.2.3) ont été pressées sur une feuille
d'indium.
Équipement, le spectromètre de masse ("SIMS" de Charles Evans and Associates)
et la méthode d'analyse sont décrits dans le § III.6.3.
207

A1.3.4. FTIR (Furier Transform Infra-Red spectrometry)

IRPA
Spectrométrie infrarouge des poudres.

Préparation des échantillons.


Le mélange de KBr et de nos échantillons (anthraquinones synthétisé et leurs
laques) en poudre est homogénéisé dans un mortier d'agate et pressé sous forme de
pastilles transparentes.

Équipement: NICOLET 5DXC


Méthode d’analyse: KBr pastille comprimée
Source du rayonnement IR: Ni-Cr filament (1200 - 1250°C)
Détecteur : MCT (Mercury-Cadmium-Terurid)
Intervalle de nombre d'onde: 4000 - 400 cm-1 (longueurs d'onde : 2,5 - 25 µm)

A1.3.5. HPLC (High Performance Liquid Chromatography)

IRPA
Teneur en colorants des extraits des plantes et des laques.

Deux méthodes d'extraction (§ IV.2.1) des colorants à partir des laques et des
plantes ont été appliquées parallèlement. La première est l'extraction par le HCl 6N
dans un mélange MeOH/H2O, 1/1, et la deuxième l'extraction par HF 2N /LiF /
DTPA dans un mélange H2O/MeOH/DMF/AcEt, 2/1/1/1, avant l'injection dans
HPLC. Le chapitre IV est consacré au développement de cette deuxième méthode
d'extraction cfr IV.3.
L'équipement et la méthodes d'analyse des extraits par HPLC sont décrit au §
IV.2.2.

A1.3.6. Granulométrie par diffraction de la lumière

ULB, département de Chimie Industrielle (Faculté des Sciences Appliquées)


Mesure de la distribution granulométrique (en nombre et en volume) des laques.

Préparation des échantillons:


Les laques sont sous forme de poudres hétérodisperses. La suspension aqueuse de
ces poudres (~0,1g dans 25 ml d’eau dist.) est soumise au bain à l'ultrasons de
l'appareil (Coulter LS130) pendant 20 secondes afin de disperser les agrégats.

Équipement : Coulter LS 130 équipé d'une cellule PIDS

Principe : Diffraction du faisceau du laser par les particules dispersées


dans un liquide qui passe par une cellule de diffraction (3
mm d'épaisseur) en direction perpendiculaire au faisceau. Ce
faisceau laser dévié de sa trajectoire est ensuite focalisé par
une double lentille de Fourier sur les cellules de détection.
208

Détecteur : 126 photodiodes en trois séries pour des angles de diffraction


différents, pour les grosses, moyennes et petites particules
Source de la lumière: laser à 750 nm , 4 mW
Gamme particules de 0,4 µm à 800 µm de diamètre

Pour les particules plus petites que la longueur d'onde de la lumière (de 0,1 à
0,4µm) on utilise une cellule PIDS (Polarisation Intensity Differential Scattering).
Ce dispositif permet de mesurer le rapport entre la longueur d’onde de la lumière et
la taille de la particule.

A1.3.7. Diffraction des rayons X


(GADDS - General Area Detector Diffraction System)

ULB, Service de Géochimie, (Faculté des Sciences)


recherche de la structure cristalline des laques

Préparation des échantillons :


~50 mg d’échantillons sont broyés dans le mortier en agate, puis pressés sur un
support en aluminium.

Équipement : GADDS (Siemens )


Surface analysée: 500µm
Détecteur : HI-STAR
X-ray source : Tube de Cu (2000W) avec monochromateur en graphite
gamme de 2θ : de -110° à +160°

A1.3.8. Surfaces spécifiques (méthode BET)

ULB, Service de Chimie Industrielle (Faculté des Sciences Appliquées)


Mesure de la surface spécifique due à la porosité interne des poudres des
anthraquinones et de leurs laques.

Principe de la méthode:
La méthode est basée sur l'adsorption physique d'un gaz inerte, à une température
constante, sur la surface accessible aux molécules de gaz. L'équation de Brunauer,
Emet et Teller permet d'évaluer à basse pression le volume d'une couche
monomoléculaire adsorbée à la surface.

p 1 c −1 p 1
⋅ = ⋅ +
( p 0 − p ) V ads c ⋅V m p0 c ⋅V m
p = pression partielle du gaz adsorbé
po = tension de vapeur (pression de vapeur à saturation)
Vads = volume de gaz adsorbé à la pression p
Vm = volume de gaz nécessaire pour couvrir la surface d'une couche monomoléculaire
c = constante liée à la chaleur moyenne d'adsorption de la couche monomoléculaire du gaz.
209

La constante c est d'habitude très grande, ce qui permet de faire les approximations
c-1 = c et 1/c.Vm = 0, d'où
p 1 1 p
⋅ = ⋅
( p 0 − p ) V ads Vm p0

En portant le terme de gauche ((p / (p0-p)) (1/Vads)) en graphique en fonction de


(p/p0), on obtient une droite dont la pente (1/Vm) est inversement proportionnelle
au volume d'une monocouche de gaz adsorbé, et donc à la surface du solide
accessible à ce gaz.

Équipement:
Les mesures ont été réalisées sur un appareil Micromeritics 2200, sous un mélange
azote / hélium, 3/7. L'échantillon préalablement dégazé est plongé dans l'azote
liquide afin de provoquer l'adsorption, et ramené ensuite à température ambiante
pour la désorption. L'appareil calcule et affiche la surface de l'échantillon à partir
du volume de gaz désorbé.

A1.3.9. Analyses thermogravimétriques (TGA)

ULB, Service de Chimie Industrielle (Faculté des Sciences Appliquées)


Estimation des teneurs en colorants, aluminium et eau d'adsorption des laques.

Équipement:
La TGA permet de suivre les variation de poids d'un échantillon en fonction de la
température. L'équipement est composé d'une thermobalance (microbalance
Setaram mtb 10-8) à fléau à laquelle sont suspendus deux creusets en quartz, l'un
avec l'échantillon pesé avec précision et l'autre avec une référence. Les deux
creusets sont introduits dans un four allant jusqu'à 1000°C, équipé d'un système de
programmation de température. Nous avons utilisé un gradient de 2°C par minute.
La perte de poids et la température sont transmises à un enregistreur graphique.

A1.3.10. ICP - AES


(Induced Coupled Plasma-Atomic Emission Spectrometry)

CERVA, Tervuren
Analyse quantitative de l'aluminium et du potassium.

Préparation des échantillon :


Environ 1 mg d'échantillons est solubilisé dans 1 ml de HNO3 (conc.). Les
échantillons avec un dépôt ont été chauffés à 60°C et soniqués dans le bain à
l'ultra-sons pendant 25 min.

Équipement:
Les mesures par spectrométrie d’émission atomique ont été réalisées dans un
plasma d’argon à couplage inductif (ICP-AES) de marque Varian, modèle Liberty
220 (Mulgrave, Australie). Il s’agit d’un spectromètre sous vide à sélection
séquentielle des longueurs d’onde à l’aide d’un monochromateur. L’échantillon,
210

sélectionné et distribué par un passeur automatique (Varian SPS-5) est amené sous
forme d’aérosol par l’intermédiaire d’une pompe péristaltique et après passage
d’un nébuliseur pneumatique (type V-groove) et d’une chambre de brouillard
cyclonique (les deux Glass Expansion, Australie) dans le plasma (argon ionisé,
température entre 3 000 et 10 000°C) ou a lieu l’atomisation et l’excitation).
L’étalonnage de la méthode est préalablement réalisé à l’aide de solutions aqueuses
multi-éléments acidifiées (2% HNO3). Les éléments ont été mesurés aux longueurs
d’onde suivantes : Al 396.15 nm, K 769. 87 nm. Comme il s’agit d’une méthode
comparative, les inconnues sont comparées à une droite d’étalonnage
préalablement établie pour chaque élément. Les valeurs obtenues des
concentrations trouvées en solution sont ensuite automatiquement recalculées pour
les poids (en solide) et volumes (mise en solution) analysés de l’échantillon.

A1.3.11. Microspectrophotométrie en réflexion (colorimétrie)

INCC, Bruxelles
Mesures des coordonnées colorimétriques des poudres avant et pendant le test de
vieillissement (Les rapports entre spectres de réflectances et coordonnées
colorimétriques sont expliqués dans le § V.7.1- 4)

Préparation des échantillons (cfr § V.7.3):


Les échantillons (poudres) ont été pressés sur une lame de verre et/ou fixés sur un
filtre Millipore en ester de cellulose (MF HA013) en vue des études de
vieillissement.

Équipement: MSP 400 Microscope - spectrophotomètre (Zeiss)


Détecteur : PDA (à barrette de diodes) connecté au microscope
par les fibres optiques.
Microscope AXIOTECH (Zeiss)
Source de lumière : lampe halogène de 100 W
type de mesure: réflexion diffuse, fond noir
géométrie : 45° / 0°
objectif 10x
référence standard blanc, surface du PTFE1 pressé

A1.3.12. Vieillissement accéléré (Xenotest)

IRPA - INCC
Tests de vieillissement accéléré des poudres, attribution de grade de la résistence
à la lumière.

Principe:
Le vieillissement accéléré est un test qui permet d'évaluer, en temps relativement
court, la stabilité physique et chimique des matériaux à long terme. Le deuxième
objectif de ces tests est d'élucider les réactions chimiques (mécanisme de

1
polytetrafluorethylène
211

dégradation) et leurs conséquences physiques (décoloration ou coloration par des


produit de vieillissement, désintégration, perte d'adhésion ou solubilité...).
Un échantillon est exposé à la lumière artificielle dans des conditions prescrites, à
côté de huit échantillons de référence de laine teinte en bleu (tabl. A1.6). La
résistance à la lumière est évaluée par comparaison de la dégradation des
échantillons avec celle des références. Elle s’échelonne de 1 (très faible solidité) à
8 (très haute solidité des teintures).

Tableau A1.6. Liste de références de laines bleues pour le vieillissement

Référence Colorants (selon Color index)


1 CI Acid Blue 104
2 CI Acid Blue 109
3 CI Acid Blue 83
4 CI Acid Blue 121
5 CI Acid Blue 47
6 CI Acid Blue 23
7 CI Solubilized Vat Blue 5
8 CI Solubilized Vat Blue 8

Préparation des échantillons:


Les laques étudiées sont pesées (ca 2 - 3 mg) et lavées dans 20 - 30 ml d'eau
distillée dans le bain à ultra-sons pendant 15 minutes, ensuite filtrées sur un filtre
Millipore quadrillé (MF HA013, en esters de cellulose) avec des pores de diamètre
0.45 µm. Le filtre avec la laque régulièrement répartie est séché et ensuite collé sur
une lame de verre à l'aide d'un mélange d'acétates d'éthyle et d'amyle (Jedwab,
1991).
Les lames de verre avec les laques déposées sur le filtre sont observées au
microscope optique. Deux carrés les plus représentatifs sont choisis, chacun dans
une moitié du filtre. Il sont marqués de manière à les reconnaître pour chaque
mesure de spectre, le premier d'une croix et l'autre de deux barres parallèles.
Une moitié de l'échantillon est couverte avec une feuille d'aluminium. Le carré
marqué de deux barres, mesuré avant et après le test, sert de témoin, pour évaluer
l'influence de la température et de l'humidité.

Équipement:
Appareillage SUNTEST CPS+ de la firme Rycobel, à lampe à arc de xénon comme
source de rayonnement, et à refroidissement par air SUNCOOL. La lampe
(puissance 1600 W) éclairement énergétique 765 W / m² (~180 klux)) est entourée
d’un système de filtres constitué d’un cylindre en quartz (absorbe les radiations
inférieurs au 270 nm), d’un cylindre additionnel de verre spécial pour les UV (290
nm) et d’un cylindre de filtre à chaleur pour réduire de manière régulière le
rayonnement IR. L’espace entre la lampe à arc de xénon et le dispositif de filtration
est refroidi par un courant d’air qui est évacué à l’extérieur de l’appareil. La
surface de la zone irradiée est de 500 cm²
212

L’appareil d’exposition est maintenu dans une enceinte isolée afin de réduire les
effets des variations de la température ambiante. Un système de ventilation fournit
un volume d’air variable dans la chambre d’essai et sur les échantillons. La
température de l’air (22°C ± 3°C) et du panneau noir (35°C± 2°C) est
automatiquement contrôlé en modifiant la proportion du mélange d’air frais de
laboratoire et d’air chaud de l’appareil. L’appareil est également équipé d’une
minuterie afin de contrôler la durée d’exposition.
215

ANNEXE 2

A2. TEXTES ANCIENS CONCERNANT LA GARANCE


L'étude de recettes anciennes, leur reconstruction et le vieillissement accéléré des
matériaux produits, nous permet d'interpréter les résultats d'analyse des matériaux
anciens. Ainsi l'étude des sources écrites du passé est un des outils de la recherche de
matériaux et des techniques anciennes, dans notre cas la préparation des laques de garance
ou son utilisation dans l'art pictural, par exemple pour teindre la laine, l'ivoire ou une
résine. Parmi ces sources historiques on compte des notes des artistes ou des anecdotes
racontées par leurs amis (Cennini 1437, de Mayerne 1620, Mérimée 1830) et d'un autre
coté les traités des fabricants de couleurs (Watin 1772, Tingry 1803, Marcucci 1816).
Nous présentons, dans l'ordre chronologique, une série de transcriptions des textes anciens
mentionant l'utilisation de la garance dans la préparation des matériaux artistiques, en
premier lieu des laques, mais aussi des glacis, des vernis colorés, des textiles ou de l'ivoire
teints. Ces transcriptions proviennent des textes originaux, lorsqu'ils étaient disponibles
ou/et de leur traduction plus récente. Nos sources sont les suivantes:

Vitruve (Ier s. av J.C.): De l'architecture


Liou B., Zuinghedau M., Cam M-T. (1995): De l'architecture, Livre VII, Texte établi et
traduit par Bernard Liou et Michel Zuinghedau, commenté par Marie-Thérèse Cam. Paris,
Les Belles Lettres
p. 37. Chapitre XIV. Couleurs obtenues par teinture à partir de végétaux.

Papyrus de Stockholm (IIIe s.)


Halleux R. (1981) : Les alchimistes grecs. Paris, Les Belles Lettres
p. 140. recette 112. - Teinture en rose
p. 151. recette 159. - Teinture en pourpre à la garance

Mappae Clavicula (entre le VIIe et le XIIe s.)


Sir Th. Phillipps (1847), Preparation of Pigments during the Middle Ages. Archeologia,
vol. XXXII
p. 221. Chap. clxxv. Pandius
p. 223. Chap. clxxxviij. Item

Théophile (fin XIe - début XIIe s.) De Diuersis Artibus.


Dodwell C.R. (1961): Theophilus. The Various Arts. Translated from the Latin De
Diuersis Artibus. Thoma Nelson and Sons, London
p.168. Liber III, Cap. XCIV. Staining Bone Red.

Jehan Le Bègue (1431) Experimenta coloribus.


(compilation par Archérius entre 1392 - 1414)
Merrifield M.P. (1967): Original Treatises on Arts of Painting, London 1849, reprint
Dover, New York
p. 144. n°183. As before. - You make the same sinopis in a different manner. -
(MS of Petrus de S. Audemar)
p. 248. LII. [242] On the mixture of colors, and what the colors are, particulary
lakes, which are used for want of other colors.
(Eraclius de coloribus et artibus Romanorum )
p. 250. LV. [245] Of lakes ; and how they are made of various substances in
various manners. (Eraclius de coloribus et artibus Romanorum)
216

Violon Varnish (1550 - 1750)


Michelman J. (1946), Violon Varnish. A plausible Re-creation of the Varnish Used by the
Italian Violon Makers Between the Years 1550 and 1750, AD. Cincinnati, Ohio
p. 59. Fermentation of Madder.
p. 38. Preparation of Potassium Rosinate Solution
p. 80. Preparation of Red Aluminium Rosinate

Neri A. (1612) : L’arte vetraria


Neri Antonio (1612): L’arte vetraria distinta in libri sette del R.P. Antonio Neri,
fiorentino. Ne quali si scoprono, effetti maravigliosi, & insegnano secreti bellissimi del
vetro, nel fuoco, & altre cose curiose .
p. 99. Lacca di Chermesi per pittori. Cap. CXVI.
p. 100. Maestra per cavare il colore dal chermesi. Cap. CXVII.
p. 102. Laccha del Verzino, & della Robbia, assai bello. Cap. CXVIII.

Merrett Ch.(1662) : The Art of Glass wherein are show the wayes to make and colour
Glass, Pastes, Enamels, Lakes, and other Curiosities. Written in Italian by Antonio Neri,
and Translated into English, with some observations on the Author. London
p. 178. Lake of Brasil and Madder very fair. Chap. CXVIII.

Kunckel J. (1689): Ars Vitraria Experimentalis oder Vollkommene Glasmacher-Kunst.


Frankfurt und Leipzig. Fac-simile réalisé en 1992, Geor Olms Verlag, Hildesheim
p. 168. Im 118. Chapitel. (Commentaire au chapitre 118.)

Marggraf A.S. (1753)


1/ Diderot D. & D'Alembert M. (1777) : Supplément à l'encyclopédie ou dictionnaire
raisonné des sciences, des arts et des métier, par une société de gens de lettres. Tome
troisième. Amsterdam chez M.Rey. Nouvelle impression en fac-similé de la première
édition de 1777 Stuttgart - Bad Cannstatt 1967.
p. 696. Lacque artificielle, (Chymie, Peinture.) Laque rouge fort durable, propre à
la peinture, secret perdu, retrouvé par M. Margraff.

2/ Pfingsten J. H. (1789): Farbenmaterialen. Berlin,


p. 267. Verfertigung einer dauerhaften rothen Farbe für die Maler, welche
verlohren gegangen war und wieder entdeck ist: von Herrn Markgraf.

Massoul C. de (1797):
A Treatise on the Art of Painting and the Composition of Colours. London
p. 208. Lake from vegetables substances.

Tingry P. F. (1803) :
Traité théorique et pratique sur l'art de faire et d'appliquer les vernis. Genève
p. 72. Laque N°2 - Laque carminée extraite de la Garance.

Tingry P. F. (1830) :
The Painter's and Colourman's Complete Guide. 3rd ed., Sherwood, Gilbert & Piper,
London
p. 119. Carminated lake from Madder.
p. 120. Another process for Madder Lake.

Marcucci L. (1816) :
Saggio analitico-chimico sopra i colori minerali, 2 ed, Rome, 1816,
p.120. Cap. I. Delle lacche vegetabili
p.121. Lacca rossa di Robbia
217

Leuch J. CH. (1829) :


Traité complet des propriétés et de l'emploi des matières tinctoriales et des couleurs.
Traduit de l'allemand. Revu pour la partie chimique par M.E. Péclet. Première partie.
Matières tinctoriales. Paris à la Librairie Scientifique-Industrielle de Mahler et Cie
p. 278. Action de la lumière, encre rouge.

Mérimée J.-F.-L.(1830) :
De la peinture à l'huile, ou des procédés matériels employés dans ce genre de peinture,
depuis Hubert et Jean Van Eyck jusqu'à nos jours, Paris (fac-simile réalisé en 1981 pour
EREC Puteaux).
p. 144. Laque de garance.

Schmidt CH. (1857):


Vollständiges Farbenlaboratorium oder Anweisung zur Bereitung in der Malerei,
Staffirmalerei, Illumination, Fabrication bunter Papiere und Tapeten gebräuchlicge Farben
und namentlich der Erd-und Metall- oder Oxydfarben, Lackfarben, Saftfarben,
Honigfarben, Pastell- und Tuschfarben. 1. Auflage Weimar 1841 (Neuer Schauplatz der
Künste und Handwerke Bd. 117),
p. 159. Kraplack

Goovaerts A. (1896) :
Les ordonnances données en 1480, à Tournai, aux métiers des peintres et des verriers.
Compte rendu des séances de la Commission Royale d'Histoire, ou Recueil de ses
Bulletins, 5e série, VI.
p. 147. Ordonnaces faictes pour les paintres et voiriers de la ville et cité de
Tournay.
p. 178-180. Art. 44.

Perkin A.G. / Everest A.E. (1918):


The Natural Organic Colouring Matters. Longmans, Green and Co., London
p. 27. Kopp's Process for the Extraction of Madder.
p. 32 - 33 Commercial Preparations of Madder
p. 623 - 23. Madder lakes.

Schweppe H. / Winter J. (1997):


Madder and Alizarin. dans "Artists' Pigments - A Handbook of their History and
Characteristics", vol. 3, ed. E.West FitzHugh, Nat. Gall. of Art, Wash. - Oxford Univ.
Press, Oxford
p. 122. Purpurine madder lake. D'après Pubetz A.(1872) : Praktisches Handbuch
der gesamten Färberei und Druckerei, Berlin p. 298 -321 Krapp und
Krapplack.
p. 123. Rose madder (pink madder). D'après Cohn C. (1930): Farbstoffe,
natürliche, dans Ullmanns Enzyclopädie der technischen Chemie 5, p.135-
136.
p. 123. Madder Lakes. D'après De Puyster B.(1920) : Use of Organic Dyestuffs in
the Manufacture of Lakes: 9. Lokao - Mdder - Persian Berries, dans Color
Trade Journal 7, p. 25, 28 - 31
p. 123. Alizarine lake. D'après Wagner H. (1939): Die Körperfarben, 2nd ed.
Stuttgart, p. 340 et 408.
218

_________________

A2.1. Vitruve (Ie s. av. JC)

Chapitre 14: Couleurs obtenues par teinture à partir de végétaux.

1. On fait aussi des couleurs pourpres en teignant de la craie avec la racine de la garance,
et à partir de l'Hysgine, tout comme à partir d'autres fleurs on obtient d'autres couleurs.
c'est ainsi que les peintres de revêtements, lorsqu'ils veulent imiter le sil attique, jettent
dans un récipient, avec de l'eau, des violettes séchées, et les mettent au feu à bouillir;
ensuite, quand la décoction est à point, ils la versent dans un linge, puis, l'exprimant avec
les mains, recueillent dans un mortier l'eau colorée par les violettes; ils y versent de la
craie, la broient, et obtiennent du sil attique.

_________________

A2.2. Papyrus de Stockholm (IIIe s.)

112. Teinture en rose:

Teignez en rose comme suit : saupoudrez de cendre les pelotes de laine, faite pénétrer,
lavez avec le jus de la terre à potier, rincez, mordancez comme écrit plus haut (plusieurs
recettes de mordançage : alun (100), alun + urine (102); alun + fleur de cuivre + noix de
galle (99) scorie de fer + vinaigre(98), chaux, alun, urine, bain successifs (107)). Après le
mordançage, rincez à l'eau de mer. Ayez de l'eau de pluie chaude au point de n'y pouvoir
plonger la main. Ensuite, prenez de la racine séchée (garance) et pilée finement, un quart
de mine par mine de laine, et un quart de chénice de farine de haricots. Mêlez ensemble en
versant du vinaigre blanc. Saupoudrez-en le chaudron, remuez, mettez les laines dans le
chaudron et remuez de nouveau constamment pour homogénéiser. Quand elles vous
paraîtront avoir absorbé, donnez l'éclat par l'alun, rincez à l'eau de mer, séchez à l'ombre
en prenant garde à la fumée.

159. Teinture en pourpre à la garance.

Bleuissez les laines, saupoudrez de cendre et foulez convenablement. Ensuite, exprimez le


jus de la terre à potier, lavez-y la laine bleuie, rincez dans l'eau de mer et mordancez.
Vous verrez si le mordançage est bon quand la laine se déposera dans la cuve et que le
liquide sera transparent. Ensuite, chauffez de l'eau de pluie, au point de ne pouvoir y
plonger la main. Délayez de la racine, c'est à dire de la garance séchée, pilée, tamisée,
dans du vinaigre blanc en poids de 1/2 mine par mine de la laine, et délayez à nouveau
avec la garance 1/4 de chénice de farine de haricot. Ensuite, mettez dans un chaudron,
remuez, ensuite mettez la laine en remuant constamment, rendez homogène, enlevez,
rincez à l'eau de mer. Si vous voulez donner une belle couleur indélébile, donnez de l'éclat
avec de l'alun, rincez de nouveau à l'eau de mer, séchez à l'ombre en vous gardant de la
fumée.

_________________

A2.3. Mappae Clavicula (entre le VIIe et le XIIe s.)

Les recettes 175 à 189 décrivent un procédé de teinture en rouge appelé "pandius", dont le
sens est obscur (Berthelot 1893). Deux de ces alinéas (188 et 189) utilisent l'extrait de
garance "coctio rubiae".
219

Pandius. CLXXV.

Mitte vermiculum libram j. coccarin libram j. (Coccarin nascitur, sicut supra dictum est,
in foliis ceri) cinnaberin ; j, lazurin primi ; j. commisces ; tere diligenter in mortario, et
mitte de urina expumata libras XV. coques in cacabo novo, donec ad dimidiam partem
veniat ipsa urina. Postea pisa grana, cum cinnaberin trita, in lintheolo delava, sicut supra
continentur, donec consumetur.
Item CLXXXVIIJ.

Cinnaberin ; j. iotta conchilii ; j. coction rubiae ; coction finisci simul; teres primum
cinnaberin semotim ; post hoc commisces omnia, et repones in vase vitreo, sicut et cetera.

Item CLXXXVIIIJ.

Tolles iottam rubiae, et addis gallae ; iij. teresque utiliter ; tolles ex iotta rubiae libram ij.
et mittes in vase vitreo cum ipsa galla trita, et dimittes par ij. dies infundi : post haes
colas, et addas calcitrin z. j. cinnabarin solidos ij. utrumque teres, et mittes ea cum
supradictis rebus, et decoques donec veniat ad tertiam partem.

_________________

A2.4. Théophile (fin XIe - début XIIe s.)

XCIV. Staining Bone Red

There is a plant called madder (herba rubrica), the root of which is long, slender and red.
It is dug up, dried in the sun, pounded in a mortar with a pestle, lye is poured over it and it
is heated in an unused pot. After it has been well boiled, the tusk of an elephant, or bone of
a fish, or horn of stag, becomes red when placed in it. From these bones or horns, one can
make knops in turned work for the crosiers of bishops and abbots, and smaller knops
appropriate for various uses. When you have turned these with sharp tools, you smooth
them with shave-grass, then, collecting the scrapings in a linen cloth, you rub vigorously
on top of the work as it is rotated and they will shine all over. You can also polish horn
handles, hunting horns in a cloth but, finally, do not forget to rub them over with walnut
oil.

_________________

A2.5. Jehan Le Bègue (1431)

1/MS of Petrus de S. Audemar (Pierre de St. Omer)

183. As before. - To make the same sinopis in a different manner.

If you wish to make excellent sinopis, take lac, that is the gum of ivy, and madder, and boil
it for a short time in a jar with water, and afterwards take it out of the jar, and let it cool a
little. Then grind it well in a mortar, and strain it through a cloth, squeezing it well out,
and afterwards heat it carefully in a basin or saucer, taking care not to let it boil, but only
simmer. And while it is on the fire put it frequently with twig upon your rod to try it; if it is
thick enough, remove it from the fire, and let it cool and harden, so that you may be able
to make it into cakes, cut it up, and put it into a small hole, and keep it for use.
220

2/ MS of Eraclius de coloribus et artibus Romanorum.

LII. [242] On the mixture of colors, and what the colors are,
particulary lakes, which are used for want of other colors.

It is evident that all colours are corrupted by mixing them ; although, indeed, in tempering
"folium", lime made from hard stone is used, lest the colour should fade for want of body.
For when "folium" is distempered with a pernicious quantity of albumen, that is white of
egg, it can [not?] be employed with great beaty and advantage. The juice of dragon's
blood, and "sandis", that is, madder - is used either pure or with red chalk; other juice of
a similar kind are also mixed with green or yellow earth. "Crisicula" [chrysocolla] comes
from Macedon, and is dug in copper mines. Indicus by its name shows whence it is
brought.

LV. [245] Of lakes ; and how they are made of various substances in various manners.

Purple colours are also made by straining [a decoction of] boiled madder roots. So also
other colours are dyed with flowers. Thus, when painters wish to imitate sil atticum they
put dried violets (Viola lutea) into a vase of water over the fire to boil, and, when boiled
down, they are strained through a linen cloth, and rubbed down in a mortar with chalk,
and so a colour like sil atticum is made. In the same manner, tempering "vaccinium" with
milk, a very elegant purple colour is made ; so the herb which is called "litea" (Reseda
luteola) gives out an azure juice ; and a very deep green colour is also made. Thes are
called "infectivi"; and are used for want simple colours. In the same manner, also, mixing
formosa or angularia with glass, they make colours with it.

_________________

A2.6. Vernis de garance utilisé par les luthiers Italiens entre 1550 et 1750
(interprétations de l'auteur, sans faire les références à ses sources)

1/ Fermentation of Madder p. 59.


2/ Preparation of Potassium Rosinate Solution p. 38.
3/ Preparation of Red Aluminium Rosinate p. 80.

1/ Fermentation of Madder.
1200 cc. 1% Acetic Acid
120 gms. Ground Madder Root

The madder was powdered, RT, Dutch assay, Penick. It was suspended in the dilute acetic
acid solution with shaking so that thorough wetting occurred. The top of the container
remained open to the air and was merely covered with a piece of screening or netting. The
fermentation was permitted to continue for 24 hours in warm weather and longer in cooler
weather. The mixture was filtered on the cloth, and the madder was washed with very little
water, about 250 cc. to avoid loss of the colouring matter. The residue on the cloth was
removed to a plate and permitted to dry thoroughly; the filtrate was discarded.
The madder lost 15 to 20 % of this original weight in the fermentation and filtration.
Acetic acid may be preferable to tartaric acid as the latter is completely non volatile and
may remain in the madder requiring more thorough washing, with accompanying loss of
colouring matter.
221

2/ Preparation of Potassium Rosinate Solution

3000 cc. 1 % Potassium Hydroxide Solution


170 gms. Gum Rosin, WW Grade

The rosin should be in the form of small, clear pieces; powdered rosin that has
been exposed to air and oxidation should be rejected. The rosin is used in slight excess as
the resulting solution can be readily decanted from the undissolved residue. The potassium
hydroxide water solution is very dilute; about 1,0 % of a good commercial grade is
satisfactory; if it is more concentrated, then more rosin is added until a slight excess of
rosin remains undissolved.
After standing four to six days in a tightly stoppered bottle, with frequent shaking,
nearly all of the rosin dissolves and the solution acquires an amber colour. If warm water
is used, the solution of the rosin in the lye is more rapid. The bottle is then permitted to
stand for a few more days whereupon the clear solution of the potassium rosinate may be
decanted from residue.

3/ Preparation of Red Aluminium Rosinate

100cc. Potassium Rosinate Solution (2/)


20 cc. Ethyl Alcohol
2 gms. Dried Madder Extract (1/)
80 cc. Water
4 cc 5% Potassium Hydroxide Solution
70 cc. 5% Alum solution

The dried madder extract was completely soluble in the alcohol after warming. This
solution (10%) was added to the 80 cc. water, and the yellow mixture was then poured into
the potassium rosinate solution. Insufficient alkali was present to solubilize all the madder
extract, which necessitated the addition of 5 % KOH solution. More alum solution than
usual was required to produce an acid reaction because of the extra alkali added. The
filtrate gave a slight precipitate with diluted NH4OH solution indicating a very small
excess of aluminium salt

The resin produced in this preparation possessed the desired properties for varnish -
making. It was completely soluble in turpentine, and this solution yielded a transparent
film that was red in colour. A varnish was prepared containing 2,0 gms. resin, 4 cc.
turpentine, and 2 cc. raw linseed oil; the varnish was clear and the film on glass was
transparent.

_________________

A2.7. Neri A. (1612): L'arte vetraria.

Lacca di Chermesi per pittori. Cap. CXVI.

Piglia libra una di cimatura di panni lani bianchi, che siano di lana fine, tiene questa
cimatura in acqua fresca per uno giorno, poi spremi bene, & questo si fa per le-[p.
100]varli l’untuosita che ha quando si cima, che se li da sopra di cotenna, poi allumina
questa in questo modo cioè.

Piglia oncie quattro di allume di roccha, & oncie due di tartaro crudo polverizzato messo
in paioletto piccolo contre fiaschi di acqua in circa, come cominciera a bollire, metti
drento la cimatura, & lassala bollire drento per meza hora a fuoco lento, poi levala dal
222

fuoco, & lassala freddare per sei hore, poi cava la cimatura, & lavala con l’acqua chiara,
& lassavela stare per due hore poi spremi bene la cimatura dall’acqua è lasciala
asciugare.

Maestra per cavare il colore dal chermesi. Cap. CXVII.

Acqua fresca fiaschi quattro, crusca di grano libre quattro, Pilatro di levante oncie un
quarto, sieno Greco oncie un quarto, metti in paiuolo ogni cosa, & lassa sopra fuoco, che
venghi tiepida l’acqua, che vi possa tenere dentro le mani, & levala del fuoco, & cuopri il
paiuolo, con panno acciò il colore vi si mantenga assai lassa cosi per ventiquattro hore,
poi decanta questa liscia, o Maestra per il suo uso.

Piglia poi un paiuolo pulito, & drento metti tre fiaschi di acqua fresca, & un fiasco di
detta maestra, & quando bolle metti il chermesi pesto in questa maniera, in uno mortaio
di bronzo pesta oncie una di chermisi, & passalo per staccio che si pesto bene, passando
tante volte, che tutto passi per staccio, da ultimo piglia un poco di tartaro crudo, &
pestalo nel mortaio, & il tartaro piglierà tutto la tintura attaccata al fondo del mortaio, &
del pestello. questo tartaro mescolalo con il chermesi stacciato, & come l’acqua del
paiuolo bolle metti drento tutto il chermesi, & lassa tingere l’acqua, per il dire di uno
Miserere.

Piglia poi la cimatura di sopra alluminata, che prima sia stata in una catinella di acqua
fresca per mezza hora, & quando l’acqua è bene tinta dal chermesi, piglia la cimatura &
spremila bene da l’acqua, & cosi buttala nel paiuolo, & con un bastoncello rivolgi bene la
cimatura nel paiuolo, acciò si tinga bene, & lassa stare sopra fuoco meza hora, pero che
bolla pianamente, poi leva dal fuoco il paiuolo, & cava la cimatura mescolando con legno
pulito, & mettila [p. 101] in una catinella piena di acqua fresca & in capo di meza hora
scola tutta l’acqua,& metti nuova acqua fresca, poi scolo,& spremi bene, & metti a
sciugare [sic] in luogo che non vi calchi polvere tenendola distesa, acciò non muffassi, &
riscaldassi, avvertasi, che il fuoco sia sempre lento bene, perche con fuoco gagliardo la
tintura piglia il nero, di-poi farai una lisciain questa maniera, cioè.

Piglia cenere di Sermenti, o di Salci, o altra cenere di legne dolcie, mettila sopra uno
canovaccio lino addoppiato, & sopra metti acqua fresca pianamente, & lassa colare in
una Catinella, & ritorna il colato sopra le cenere due volte, & lassa la liscia posare
ventiquattro hore, acciò la cenere dia in fondo, & sia ben pulita, e chiara., e allora
decante in altra catinella lassando la terrestreità a parte che non é [sic] buona. Piglia di
questa liffia [sic], mettila in un paiuolo pulito, & dentro a freddo metti la cimatura tinta in
chermisi & fa bollire a fuoco temperatissimo, che in questa maniera la liscia si tingera in
colore rosso, & esubererà la tintura dalla cimatura, & per prima piglia in poco di
cimatura, & spremila bene, & se la troverai iscolorita leva dal fuoco il paiuolo che sara
segno che la liscia havera esuberato la tintura del chermisi dalla cimatura.

Habbi una calza di panno lino, che stia sospesa sopra una catinella grande capace, & per
questa calza di panno lino cola tutta la tintura del paiuolo, & la cimatura ancora vadi
nella calza, quando è scolata spremi la calza ove[sic] è la cimatura, per aver tutta la
acimatura poi lava la calza da i peli della cimatura arrovesciandola acciò venghi pulita &
netta.

Poi habbi oncie dodici di allume di rocca polverizzata, & messo in un bicchiere grande
d’acqua fresca, & lassalo stare tanto che tutta l’allume si dissolva nell’acqua, come è
dissoluto tutto in acqua accomoda bene la sua calza di panno lino bene lavata da’ peli
della cimatura, sopra duoi bastoni, che stia sospesa in aria, & larga in bocca, e stretta in
fondo bene, che sia cucite a foggia di piramide tonda, & sotto la calza si tenga una
223

catinella pulita, poi piglia acqua alluminata del bicchiere, & butta la tutta nella catinella
dove è la tintura del chermesi, che di subito vedrai che detta acqua fara separare la
tintura del chermesi, come un Congulo, allora con un pignatta pulito butta sopra la cal-
[p. 102]-za tutta la detta tintura, e liscia, che la liscia colera dalle calze chiara, & la
tintura del chermesi si attachera alla calza, e come è ben colata tutta l’acqua, se per sorte
colassi alquanto colorita tornala di nuovo sopra la calza, & cosi lascera tutta la tintura
nella calza, & la lissia [sic] a questa seconda volta colera biancha, & scarica di tintura,
& la tintura rimarrà tutta nella calza, allora piglierai uno mestoligno di legno pulito, & di
su la calza va mestiando la lissia, la quale vi sara attaccata grossa bene, habbi a ordine
mattoni nuovi cotti, & sopra essi distendivi pezzuole di lino, & sopra queste pezzuole
distendi la Lacca, che staccherai della calza, & lassala asciugare bene, distendendola non
molto grossa, acciò asciughi presto, che quando sta troppo ne l’humido muffa, & fa brutto
colore, però si potra quando il mattone hara succiato di molta humidità, pigliare un’altro
mattone nuovo, che in questa guisa secchera più presto, come è secca, si lieva dalle
pezzuole line, che sara Lacca buona per pittori, come io più volte ho fatto in Pisa,
avvertendo che se il colore fusse troppo carico se li dia più allume di roccho, & se è
troppo scarico manco allume di roccho, che cosi si fanno colori secondo i gusti, e volonta.

Laccha del Verzino, & della Robbia, assai bello. Cap. CXVIII.

Se vuoi cavare la laccha da questi materiali da ciascuno da per se, farai in tutto, & per
tutto, come sopra si dice del chermisi, tingendo l’acqua con uno di questi materiali, però
non darai tanto allume per oncia, come dai al chermisi ha la tintura più profonda che non
ha il verzino, & la robbia pero gli darai la sua proportione, che con la pratica troverrai,
& anco a una libra di cimatura darai più verzino, o robbia, perche non hanno tanta
tintura, un pezzo quanto ha il chermisi, & in questa maniera haverai lacca assai belle per
pittori, con manco spesa, che non è con il chermisi, & quella della robbia in particolare
verra bellissima & di colore assai vistolo.

_________________

A2.7.1. Neri - traduction anglaise par Christopher Merrett (1662)

Lake of Brasil and Madder very fair. Chap. CXVIII.

If you would make a Lake of these materials each of them by themselves, you shall do in
every thing as befor said of Cochineel, colouring the water with one of these materials, but
you shal not use to much Alum by an ounce as you did in Cochineel, for Cochineel hath
it's tincture deeper than Brasil, & Madder have. Wherfore you shall give them their
proportion, which you shall find by practice. And also to one pound of Flox you shall use
more Brasil or Madder, for they have not so great a tincture weight to weight as
Cochineel hath. And in this manner you shal have a very fair Lake for Painters, and with
less charge than from Cochineel, and that from Madder in particular will arrise most fair
and very fightly.

_________________
224

_________________

A2.7.2. Neri - traduction allemande par Johannes Kunckel (1689)

Das 118. Chapitel.

Eine sehr schoene Lacca aus dem Brasilien=Holz und der Faerbe=Roethe1 zu extrahiren.

Wann man aus dem Brasilien=holz oder dergleichen Specien eine Laccam extrahiren will;
so muss man auf eben solche Art / wie oben von den Kermesin=Beeren ist vermeldet
worden / verfahren / Jedoch also das man auf jede Unz des Brasilien=Holzes oder
Faerber=Roethe / weniger von dem Alaun / als zu den Kermesin=Beeren / nehme, denn es
lieget in den Beeren die Farb tieffer , verborgen / und stecket viel fester ? derinnen / als in
den andern benden.
Derowegen mus man den den Alaun mit Maas und Bescheibenheit / welches die Ubung
lehren wird / hinzu lezen.
Uber dieses / so mus man auf jedes Pfund der Wolle / mehr von dem Holz oder der
Faerber=Roethe nehmen / dennsie haben weniger Farb / als die Kermesin=Beer ben sich
: und solche Weise wird man aus diesen benden fuer die Mahler eine sehr schoene
Laccam bereiten koennen / auch mit geringern Untosten / als aus den Kermesin=Beeren.
Insonderheit kan solche mit der Faerber=Roethe geschehen / als welche eine serh schoene
Laccam von herrlicher Farb zu geben pfleget.

Commentaire de Kunckel au chapitre 118, page 168:

Im 118. Chapitel

Hat der Autor gelehrt / wie man eine Lacca aus der Brasilie machen sol. Diesen Modum
bin ich gesolget / und habe selbigen ganz richtig befunden / nachdeme habe ichs einen
guten Freund gewiesen der macht sie noch auf den heutigen Tag / und verkaufft solche
denen Mahlern mit guten Nuzen / als welchen sie weisn solche wol tieffet (wie die Mahler
reden) sonderlich dienstlich ist. Das Zugiessen des Alauns gibt sich selber. Imuebringen
hat hierinnen der Autor das geringste nicht verhalten. Was aber

_________________

A2.8. Marggraf A.S. (1753)

Andreas Sigismund Marggraf (Berlin 1709 - 1782), chimiste allemand, membre de


l'Académie des sciences de Berlin, directeuer de laboratoire de cette Académie. Il est
surtout connu pour avoir obtenu le premier, en 1747, le sucre de bettrave en état solide.
Mais on lui doit d'autres découvertes, notamment celle de l'acide formique (1749), de la
magnésie et de l'alumine (1754), de l'anhydre phosphorique. Il a établi la formule de gypse
(1750), distingué les sels de sodium et de potassium par la coloration donnée à la flamme
etc. (Grand Larousse, 1963)

1
Garance
225

A2.8.1. Diderot D., d'Alembert M. (1777) :

Lacque artificielle (chymie. Peinture.)


Laque rouge fort durable, propre à la peinture, secret perdu, retrouvé par M. Margraff.

Personne n'ignore combien les bons peintres font de cas des couleurs qui joignent à la
beauté la durée; & en effet, quelques perfections qu'ils mettent dans les productions de
leur art, si les couleurs qu'ils y emploient s'effacent, soit d'abord, soit à la longue, le
tableau perd tout son prix & ne ressemble plus à celui qui étoit sorti des mains du peintre.
C'est ce qui engage ces artistes à soumettre aux plus fortes épreuves les couleurs qu'ils
veulent employer. Pour cet effet ils prennent, autant que je le sais, celle qui soutiennent le
plus long-tems l'action des rayons du soleil, & ne s'y ternissent pas. Ils broient les
couleurs avec un peu d'huile du pavôt par expression, & font avec ces couleurs une ou
plusieurs raies sur les vitres d'une fenêtre qui soit l'exposition du soleil la plus forte & la
plus longue; & ils jugent de leur durabilité par le tems plus ou moins long pendant lequel
elles s'y soutiennent. La couleur qui survit, pour ainsi dire, à toutes les autres, est d'autant
plus estimée qu'elle subsiste le plus long-tems.
En 1753, quelques amis, dit M. Margraff, me donnerent une semblable couleur
rouge, qu'ils tenoient de M. Pesne, célèbre peintre de la cour de Berlin, qui l'employoit
comme une des plus durables, mais dont la composition étoit demeurée inconnue à la mort
d'un homme qui la fournissoit, & qui en possédoit seul la préparation, me priant de la
retrouver, s'il étoit possible. Le total n'alloit pas au delà d'une demi-dragme; ce qui
n'empêcha pas que je ne tentasse l'entreprise, & ne fisse les expériences suivantes.
Je posai un peu de cette couleur sur la lanque humide, & je remarquai qu'elle
avoit été attirée par la lanque & y étoit demeurée attachée. Là-dessus j'en jettai un peu
dans l'esprit de nitre; je ne remarquai point d'effervescence, mais la solution du mêlange
se fit fort tranquillement, sans que la surface s'élevât le moins du monde, d'où je conclus
que la base de cette couleur étoit une terre précipitée de l'alun par un alkali, & ensuite
bien édulcorée, à laquelle s'attachoient les parties de tel ou tel corps coloré, & souffroit
en même tems la précipitation. La base étant ainsi connue, il s'agissoit de trouver la partie
colorante.
Comme la cochenille passe pour donner une des couleurs rouges les plus belles &
les plus durables, & qu'on en fait aussi de belles lacques pour la peinture, j'essayai d'en
lier la substance colorée avec une terre d'alun. Je fis bouillir diverses quantités de
cochenille pulvérisée avec de bon alun de Rome & autant d'eau qu'il convenoit; je filtrai
la décoction par un papier brouillard; je précipitai la lessive colorée au moyen d'une
solution nette de sel alkali fixe, préparé du tartre, je l'édulcorai avec de l'eau bouillante,
je la fis sécher, & j'obtins quelques couleurs, belles à la vérité, mais inférieures
néanmoins pour la beauté & pour la durée à celle qu'on m'avoit donnée; elles tiroient plus
au cramoisi, & ne soutenoient pas long-tems les rayons du soleil, qui les privoient bientôt
de leur lustre. Je remarquerai ici que dans la préparation des couleurs susdites & de
celles dont j'ai encore à parler, je ne me suis servi que de l'alun de Rome, parce qu'il ne
contient point de parties martiales, & que j'ai toujours employé de l'eau distillée nette.
J'ai suivi les mêmes procédés pour diverses épreuves faites avec des grains de
kermès, avec de la gomme lacque en bâtons, avec ces grains qu'on trouve aux racines du
polyganum cocciferum, comme aussi avec toutes sortes de bois de teinture, tels que celui
de Fernambuc & autres; quelques-uns donnoient à la vérité d'assez beaux produits, mais
aucuns ne soutenoient long-tems les rayons du soleil, quelques-uns même s'y ternissoient
d'abord : sur-tout il ne s'en trouvoit point qui égalât la laque que j'avois reçue, par
rapport à la vivacité de la couleur, d'un rouge de sang enflammé.
Là-dessus je pensai à la garance, dont on fait un très-grand usage dans la
teinture. On en trouve chez tous les droguistes, mais de qualités fort différentes. La
meilleure, qui est celle de Hollande, coûte 12 à 16 gros la livre. J'en pris deux onces,
auxquelles je joignis autant d'alun de Rome le plus pur & le mieux choisi. Je fis dissoudre
l'alun dans un pot vernissé, où j'avois mis auparavant trois quartes d'eau distillée que
226

j'avois fait bouillir; je remis le pot au feu & l'en retirai aussi-tôt que l'eau commença à
bouillir; je jettai ensuite la quantité susdite de garance dans cette eau bouillante, je lui fis
faire encore un ou deux bouillons, je retirai le tout du feu, & je filtrai le mêlange par un
filtre double papier blanc. Je laissai reposer pendant une nuit cette liqueur, afin que le
peu de poussiere qui pouvoit avoir passé par le filtre, allât entièrement à fond. Je versai
tout doucement l'eau colorée d'un rouge clair dans le vaisseau de terre qui avoit été de
nouveau nettoyé; je fis chauffer encore une fois le tout, & je versai dessus une solution de
sel de tartre tout-à-fait limpide & aussi claire que de l'eau, jusqu'à ce que la garance eût
cessé de se précipiter. Je mis le précipité coloré sur un nouveau filtre double, je fis
entièrement écouler le fluide, & je versai sur la poudre rouge qui demeurée dans le filtre
de l'eau qui passoit au travers n'eût plus aucun goût salin; après quoi je fis sécher
entièrement la couleur sur un fourneau modérément chauffé, & elle se trouva du plus beau
rouge foncé, parfaitement semblable à la couleur qui m'avoit été donnée, & même d'une
plus belle apparence.
J'envoyai aussi-tôt à mes amis de cette couleur, afin qu'ils en donnassent à M.
Pesne pour l'éprouver, & à quelques temps delà, ils m'assurent que c'étoit non-seulement
la couleur perdue que j'avois retrouvé, mais qu'elle étoit beaucoup plus belle, & qu'il
résultoit des épreuves auxquelles on l'avoit soumise, qu'elle seroit parfaitement durable.
J'en ai moi-même tracé des raies sur une vitre, après l'avoir mêlée, comme je l'ai dit ci-
dessus, avec de l'huile de pavot; & depuis seize ans il n'est arrivé aucun changement à
cette couleur qui demeure aussi belle qu'elle l'étoit le premier jour. Ainsi elle est fort
préférable à toutes celles qu'on pourroit tirer tant de la cochenille que d'autres végétaux.
On voit aisément que cette couleur, par rapport aux drogues qui y entrent, sera
beaucoup moins coûteuse que celle qu'on feroit avec la cochenille ; cependant la grande
quantité d'eau distillée qu'il faut employer pour son édulcoration, en augmente assez
considérablement le prix; & si l'on vuoloit substituer de l'eau crue, fût-elle de rivière ou
de pluie, la couleur ne deviendroit jamais aussi belle qu'avec de l'eau distillée.
C'est en prenant, comme on l'a dit, parties égales de garance & d'alun, qu'on
obtient la couleur désirée, mais si l'on change les proportions dans la préparation, cela
donne toutes sortes de nuances de la même couleur. Deux parties de garance avec une
partie d'alun donnent une couleur fort foncée. J'ai pris encore une demi-partie de garance
& une partie d'alun, & les ayant traitées de la manière susdite, le produit a été fort beau,
mais plus clair. J'ai aussi tiré une couleur agréable d'une partie de garance avec deux
parties d'alun, mais encore de la claire. Une partie de garance & quatre parties d'alun
font un très beau rouge couleur de rose; & les variations répondent ainsi aux autres
changement que souffrent dans la préparation les proportions entre la garance & l'alun.
Au lieu de verser sur l'extraction qui venoit de parties égales de garance & alun,
une solution de sel de tartre, je servis pour la précipitation, d'une solution de lessive de
sang, composée de parties égales de sang, & d'une partie de sel de tartre , comme je l'ai
enseigné, dit M Margraff, dans mes Œuvres chymiques, tome I, p. 127. Cela me donna
aussi une belle couleur, mais beaucoup plus pâle que celle qu'avoit produite la solution de
l'alkali le plus pur. Je mêlai aussi quelque peu de cette extraction avec de la solution de
regne minéral, & j'eus de même un rouge, mais moins beau, je versai sur cette extraction
quelques gouttes de solution d'étain, qui réchauffe beaucoup la couleur rouge de la
cochenille, je n'obtins pas pourtant une couleur aussi belle que la premiere, mais elle étoit
plus noirâtre.
J'ai exactement mêlé ensemble le précipité que l'alkali avoit tiré d'une once d'alun
de Rome dissous dans de l'eau & qui avoit été auparavant édulcoré au mieux, avec
l'extraction filtrée de la solution d'une once de garance & d'une demi-dragme de sel de
tertre; & ayant de nouveau soigneusement édulcoré le tout avec de l'eau bouillante. J'ai
obtenu par ce moyen une couleur, belle à la vérité, mais pâle.
J'ai encore cherché à insinuer les parties colorantes de la garance dans une terre
calcaire en faisant bouillir le tout avec un peu de sel de tartre; je filtrai la solution qui
avoit beaucoup de peine à passer à travers le papier; je versai là-dessus une bonne
quantité de solution de craie avec l'acide de nitre; il se précipita quelque chose; j'y versai
227

de nouveau un peu de sel de tartre dissous, jusqu'à ce que toute la craie de la solution que
j'y avois précédemment mêlé, se fût précipitée; je fis ensuite l'édulcoration sur le filtre, &
j'obtins un précipité d'une couleur médiocrement foncée, mais qui après avoir été
desséchée, se laissa dissoudre tout de suite, en écumant avec force, dans l'acide tant du
nitre que du sel, aussi bien que dans le vinaigre concentré & distillé; & dans celui-ci il
trouva après que toute la terre calcaire eût été dissoute par le vinaigre, une substance
rouge qui s'attachoit aux doigts comme une espèce de résine.
Toutes ces couleurs, en particulier celle où entre la terre d'alun, sont fort utiles
pour les peintures à l'eau sur des murs, & s'y conservent sans moindre changement, tout
aussi bien que la peinture à l'huile; seulement elle ne sont pas aussi brillantes. Un examen
plus particulier de la garance que j'ai entrepris, me mettra peut-être en état de fournir de
plus grands détail sur la belle couleur que je n'aurois jamais cru se trouver renfermée
dans ce végétal & pouvoir en être tirée.

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A2.8.2. Pfingsten J.H. (1789)

Verfertigung einer dauerhaften rothen Farbe für die Maler, welche verlohren
gegangen war und wieder entdeck ist: von Herrn Markgraf.

Endlich nahm ich der besten Färberröthe 2 Unzen, und eben so viel des besten Römischen
Alauns, lösete den Alaun in 3 Quartier destilliertem Wasser in einem glasurten Topf auf,
setzte ihn an das Feuer, und nahm ihn wieder weg, sobald das Wasser zu kochen anfing.
Ich warf die Färberröthe hinein, und liess es einigemals aufstossen, und da es kalt
geworden, durch doppeltes weisses Löschpapier gehen. Diese Färbebrühe liess ich einige
Zeit stehen, damit sich die feinen mit durchgegangenen Unreinikeiten zu Boden setzen
mögten. In die abgegossene und etwas erwärmte Farbe goss ich langsam klar aufgelöstes
Weinsteinsalz, und zwar so lange, bis sich alle Teilchen präzipitiert hatten. Diesen
Niedeschlag süsste ich öfters mit reinem kochenden destillierten Wasser aus, bis kein
salziger Geschmack mehr bemerkt werden konnte, und trocknete ihn auf einem mässig
warmen Ofen. Auf diese Weise bekam ich eine sehr schöne dunkelrote Farbe.

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A2.9. de Massoul C. (1797):

Lake from vegetables substances.

"Lake from vegetable substances : Alum-Earth, impregnated with a colouring principle


extracted from different plants, or Lees (kal) of plants.
The general way of making it, is to bake coloured vegetable substance with Alum, and to
precipitate the tincture with fixed Alkali, or to colour Alum-Earth, newly precipitated.
To produce the finest Lake, precipitate the tincture by means of a solution of tin.
Florentine, or Chinese, and all Red Lakes of solid colour are extracted from Cochineal,
Kermes or Madder. For artificial Lakes they use Brazil and Fernambouc Wood.
The Lake the least liable to change, is that extracted from madder.
To make this Lake take Roman Alum; when it boils, add some Madder coarsely pulverized
- then boil it several times, and when cold, filter it through a cloth ; afterwards heat it
sufficiently to take off the chill, and precipitate it with a solution of vegetable fixed Alkali,
after which it is washed and dried.

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228

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A2.10. Tingry P. F. (1803)

Laque N°2 - Laque carminée extraite de la Garance.

L'expérience d'ailleurs éclaire assez vite sur la connaissance des choses convenables de la
substance principale et des réactifs. On fait bouillir 1 partie de la garance dans 12 - 15
parties d'eau propre et on continue l'ébullition jusqu'à ce que la liqueur du bain soit
réduite à 2 livres (2 parties) environ (978,29g). On passe cette décoction par un linge fort
que l'on exprime, on ajoute à la décoction 4 once de l'alun (122,28g). La teinte alors est
d'un beau rouge écarlate, qu'elle conserve, si on fait le mélange avec un argile propre.
Dans ce cas on expose la bouillie épaisse qui en résulte sur un filtre à linge qui reçoit un
simple lavage pour emporter l'excédent de l'alun. La laque qu'on retire des séchoirs
conserve cette couleur primitive éclatante donnée par l'alun.
Mais si pour le travail de cette laque on agit par décomposition en présentant au bain une
liqueur alcaline, l'alun se décompose prive le bain de son mordant et la laque qu'on
obtient après les lavages subséquents paroît avec la couleur du bain de garance sans
addition, elle est d'un rouge brun. Pour ce second travail, il faudroit employer 7 - 8 onces
de l'alun (244,57 g) pour chaque livre de garance (487,14 g). Ce genre de laque obtenue
par décomposition est très fine, mais elle n'a pas le rouge vif qu'on recherche; on peut
cependant le lui procurer si on détrempe avec eau alumineuse le précipité lavé et avant
qu'il soit sec.
Si on aiguise le bain aluminé de garance avec l'acétate de Pb (sel de saturne) ou avec
l'arséniate de potasse (sel neutre arsenical) on obtient par l'addition du Na2CO3 (alcali
minéral) une laque rose, dont la couleur est plus ou moins développée.

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A2.10.1. Tingry P. F. (1830)

Carminated lake from Madder.

Notwithstanding the unfavourable opinion entertained in regard to lakes extracted from


vegetables, a colouring substance is found in the root of madder, to which the addition of
alum gives a very warm tone of exceedingly bright purple red, and of such durability as
places this lake far above that obtained from a decoction of Brasil wood.
Boil one part of madder in from twelve to fifteen parts of water till it be reduced
to about two parts. Then strain the decoction trough a piece of strong linen cloth, which
must be well squeezed : and add to the decoction four ounces of alum. The tint is then a
beautiful bright red, which the matter will retain if it be mixed with proper clay. In this
case expose the thick liquid which is thus produced on a linen filter, and subject it to one
washing to remove the alum. The lake when taken from the driers, will retain this bright
primitive colour given by the alum.
But if in the process for making this lake decomposition be employed, by mixing an alkali
with the solution, the alum which is decomposed deprives the solution of its mordant, and
the lake obtain after the subsequent washing appears of the colour of madder bath without
any addition : it is of reddish brown. In the second operation seven or eight ounces of
alum ought to be employed for each pound of madder.
This kind of lake, obtained by decomposition, is exceedingly fine ; but it does not
possess that bright red colour so much sought after : it may, however, be communicated to
it, if the washed precipitate be mixed before it be dry with solution of alum.
If arseniate of potash or sugar of lead be added to the solution of alum and
madder, a rose-coloured lake will be obtained on the addition of carbonate of soda. It is
229

that marked N°3 in the comparative table.


The following is another process of obtaining lake from madder, communicated to the
Society of Arts by Sir H.C. Engelfield, a few years since.

Another process for Madder Lake.

Enclose two ounces troy of the finest crop madder in a bag of fine and strong
calico, large enough to hold three or four time as much. Put it into a large marble or
porcelain mortar, and pour on it a pint of cold, clear soft water. press the bag in every
direction, and pound and rub it about with pestle as much as can be done without tearing
it; and when the water is loaded with colour, pour it off. repeat this process till the water
comes off slightly tinged, for which about five pints will be sufficient. Heat all the liquor in
an earthen or silver vessel till it near boiling, and then pour it into a large basin, into
which a troy ounce of alum dissolved in a pint of boiling soft water has been previously
put. Stir the mixture together, and while stirring, pour in gently about an ounce and half of
saturated solution of subcarbonate of potash. Let it stand till cold to settle ; pour off the
clear yellow liquor; add to the precipitate a quart of boiling soft water, stirring it well;
and when cold separate, by filtration, the lake, which should weight half an ounce.
If less alum be employed the colour will be same-what deeper; with less than three-fourths
of an ounce the whole of colouring matter will not unite with the alumina.
Fresh madder root is equal, if not superior to the dry.

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A2.11. Marcucci L. (1816)

Delle lacche vegetabili

Vendedo che la sola parte estrattiva colorata ottenuta per mezzo dell'acqua dal
vegetabile, non formava che delle tinture senza corpo, le quali o poco, o nulla sarebbero
state atte agli usi per la pittura, a tale effetto si è cercato di darle un corpo unendola con
una terra sottile, che potesse abbracciare, ed a questa combinazione gli si è dato il nome
di Lacca. Due sono li mezzi posti in opera per ottenerla, e sono, o decomponendo per
mezzo di un alcali l'allune di rocca, o solfato d'allumina, che prima si era posta nella
tintura, ed in questo modo si precipita l'allumina unita alla parte colorante, e si ha la
lacca. O si cerca d'impregnare qualche terra argillosa con ripetute imerzioni di tinture
colorante ben cariche, e si viene in tal modo ad ottenere la stessa come si vedrà nel porre
in opera, questi metodi nelle diverse operazioni.

Lacca rossa di Rubbia.

Questa si fa colla decozione della detta radice, la quale è conosciuta sotto diversi nomi
perchè i Francesi la chiamano Garance, i tedeschi KrappWurzel, ed è la rubbia
Tinctorum de Linneo, la medesima alligna in molte parti, ma la migliore è quella che ci
viene dalla Zelanda. Il metodo di fare questa lacca, è di porre in un vaso di terre
inverniciato ben grande libre 15 (5086gr,08) di acqua, ed una lib. (339gr,07) di rubbia di
Zelanda, e si fa bollire finchè sia ridotto il fluido à libre 12. (4068gr,86) si filtra per tela
forte, e con aspressione si fa sortire tutto il fluido, a questo vi si uniscono oncie otto
(226gr,05) di allume di rocca, si passa il liquore in altro vaso, dove vi sia una libra
(339gr,07) di acqua piovana che tenga in soluzione oncie tre (84 gr,77) di sale de tartaro
alcalino, o carbonato di potassa, si formerà all'istante la precipitazione accompagnata da
effervescenza, per cui resterà sulla superficie del liquore della schiuma, che si deve
togliere, indi si raccoglie il precipitato sopra di un filtro di tela guarnito di carta suga, e
230

sopra il medesimo, si lava con acqua tiepida per lavarle il sapore di salso, e si fa seccare
all' ombra. Volendola di un colore più scuro si aumenta la dose della rubia, se vuole di
colore di rosa, la radice prima di adoperarla si lava co dell'acqua.
La sudetta lacca si può anche ottenere senza la precipitazione dell'allume anzi il Sig.
Tingry è di sentimento che il colore resti più vago, e si fa con unire la bolitura calda che
vi sieno discolte sole tre oncie (84 gr,77) di allume, ad una terra argillosa pura, questa
poi si raccoglie sopra il filtro, ed è sufficiente una sola lavatura per levarle l'allume
eccedente. Io sono di sentimento che la decomposizione dell'allume si possa fare prima di
unirla alla decozione, e quando questa è ben lavata si può farne uso invece della terra,
che possa superare l'allumina nella bianchezza, e nella sottigliezza della grana. Questa
fra le lacche vegetabili è la più stabile e sembra che ripeta la sua stabilità dell'esser una
tintura ricavata da una radice, alla quale sia communicata la parte colorante da sostanze
minerali nell' interno della terra. E del suo stabile colore non se ne può dubitare, essendo
stata adoperata dai pittori del secolo XV., il quale costantemente si vede che regge anche
a' tempi nostri, mentre nell'epoca delli sudetti sapiamo che non era giunta a noi la
cocciglia, giacchè si sà, che venne la prima volta in Inghilterra nell'anno 1665, epoca
posteriore dei grandi coloristi Italiani, e Fiamminghi. Il processo sudetto per la
formazione di questa lacca, può servire per fare tutte le altre lacche vegetabili, con le
tinture estratte dai legni, fiori e radici, ma poche sono quelle stabili nel colore.

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A2.12. Leuchs J. Ch. (1829):

Action de la lumière.

La lumière détruit très vite la matière colorante de la racine de la garance; aussi on la


préserve avec soin de la lumière dans le séchage et au moulin. L'infusion de garance dans
laquelle on ajoute de la craie, concentrée jusqu'à ce qu'on obtienne une encre rouge,
laisse sur papier des traits qui deviennent jaunes au soleil. La chaleur est aussi très-
préjudiciable à la couleur de la garance.

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A2.13. Mérimée J.-F.-L. (1830):

Laque de garance.

La laque de garance est non seulement la plus solide des couleurs extraites des matières
tinctoriales, elle est aussi celle qui donne les rouges les plus purs. J'ai déjà fait voir
qu'elle était connue des anciens et qu'elle a du être employée dès le XV. siècle.
Pour préparer cette laque, Néri prescrit de teindre d'abord avec de la garance des
tontures de laine, et lorsqu'elles sont chargées d'autant de teinture qu'elles peuvent en
prendre, de les faire débouillir dans une lessive de cendres, puis de précipiter avec de
l'alun la matière colorante, contenue dans le débouilli.
Je crois qu'il y a erreur dans cette description. La matière colorante pourpre contenue
dans la garance est très peu soluble dans les alcalis non caustiques, tels que celui d'une
lessive de cendres . il faut faire l'inverse, c'est à dire dissoudre dans une solution d'alun la
matière colorante contenue dans la teinture, et précipiter par un alcali. J'ai obtenu, par
231

ce moyen, de la laque très brillante. Je pense aussi qu'en employant de la potasse


caustique, on dissoudrait complètement la laine et avec elle la matière colorante 2.
Après l'importation de la cochenille en Europe, le carmin et les laques brillantes qu'on
en obtient durent faire abandonner l'emploi de la laque de garance, dont la préparation
présente beaucoup plus de difficultés; aussi elle n'était plus connue lorsqu'en 1754
Margraaf trouva un procédé qu'il publia quelques années après, et que l'on a inséré
depuis dans l'Encyclopédie.
Ce procédé consiste à extraire, au moyen d'une solution d'alun la matière colorante de la
garance, et à la précipiter par le sous-carbonate de potasse; à laver ensuite ce précipité
avec de l'eau bouillante, afin d'en séparer la matière fauve qui s'y trouve mêlée et la ternit.
Pour ce lavage, Margraaf prescrit comme condition essentielle l'emploi de l'eau distillée:
dès lors, son procédé n'est pas exécutable en grand. On pourrait, il est vrai, substituer à
l'eau distillée de l'eau légèrement alcaline, qui dissoudrait la plus grande partie de la
matière fauve sans attaquer sensiblement la couleur pourpre. J'en ai fait l'essai, et je suis
parvenu à préparer, par cet avivage, une assez belle laque couleur de sang. Je suis-
même persuadé qu'on peut l'obtenir beaucoup plus belle : je ne l'ai pas cherché, parce que
le procédé suivant m'a donné le moyen de préparer des laques d'un rouge pur, et qu'il ne
présente d'autre difficulté que l'emploi d'une prodigieuse quantité d'eau.
Il est fondé sur la différence de solubilité de plusieurs matières colorantes, qui, dans la
garance sont réunies avec la couleur pourpre, et dont il faut la débarrasser si l'on veut
obtenir cette couleur dans toute sa pureté.
Il y en a deux qui paraissent distinctes, l'une fauve et l'autre violette.
La première, qui est la plus abondante, se dissout aisément dans l'eau, et mieux encore
dans une eau alcaline. La couleur pourpre n'est pas attaquée sensiblement, même à chaud,
par les sous-carbonates alcalins, et elle est soluble dans de l'eau d'alun. Ces données
indiquent un moyen de séparer le rouge pur de la couleur fauve, qui ternirait la laque.
Si l'on fait bouillir de la garance dans de l'eau tenant en dissolution du sous-carbonate de
soude, on en extrait une grande quantité de couleur aussi intense et aussi brune qu'une
forte décoction de café. Cette teinture ne parait pas contenir de matière colorante
pourpre, du moins le coton aluné n'y prend qu'une couleur nankin.
Si on lave ensuite cette garance sur un filtre, les premières eaux qui s'écoulent sont encore
très colorées, cependant, à force d'eau, la teinte du liquide s'éclaircit; mais il en faut un
volume prodigieux avant qu'elle sorte claire du filtre; et arrivée à ce point, si l'on emploie
de l'eau chaude, elle dissout encore une grande quantité de matières colorantes fauves.
A mesure que cette matière est dissoute et entraînée par l'eau, le filtre se colore en violet
et la garance prend une teinte violâtre. L'eau acidulée par l'acide muriatique dissout cette
couleur, et fait virer la garance à la teinte orangée sale, qu'elle avait avant le lavage; la
liqueur, filtrée, est d'un jaune clair, et l'alcali en précipite une matière d'un violet peu
brillant, semblable à la couleur que prend le coton dans un bain de garance lorsqu'au lieu
d'alun on emploie pour mordant une dissolution de fer.
Dans ce précipité, la couleur violette est fixée sur une base calcaire provenant sans
doute de l'eau employée dans le lavage, et en partie de la garance même.
Après avoir, 'à deux ou trois reprises, versé sur le filtre de l'eau acidulée, le liquide qui
s'écoule, ne contenant plus de base calcaire, ne laisse plus rien précipiter par les alcalis;
mais sa couleur jaune est aussitôt virée en cramoisi plus ou moins foncé et brillant.
L'alun y détermine un précipité violet.
Lorsqu'on a retiré par ces lavages la plus grande partie des matières fauves et violettes, si
1) on verse sur la garance une- solution chaude d'alun. on voit aussitôt filtrer une teinture
écarlate très brillante" de laquelle les alcalis précipitent une laque rose, plus ou moins
intense, suivant la proportion d'alun employée.
Il n'est pas nécessaire que la solution d'alun soit chaude; mais si on la verse froide, il faut
vingt-quatre heures d'infusion pour qu'elle dissolve tout ce qu'elle peut dissoudre de la

2
J'ai lieu de croire que si on commençait par laver avec de l'eau acidulée la laine teinte, la
lessive alcaline dissoudrait ensuite la matière colorante, surtout à l'aide de la chaleur.
232

matière pourpre. On ne parvient pas, au moyen du lavage, à enlever complètement la


matière fauve et autres; d'ailleurs elles sont solubles dans l'eau d'alun c'est pourquoi les
premières portions qui filtrent donnent la laque la plus brillante, et si l'on range les
précipités d'après l'ordre d'écoulement des liquides dont on les a retirés, les derniers de la
série seront les plus pâles et les plus altérés par le mélange de la matière fauve.
D'après cet exposé, il semble que rien ne soit plus facile que de préparer en grand de
belles laques de garance, et qu'il suffise d'établir un filtre d'une capacité telle qu'on puisse
laver à la fois beaucoup de garance jusqu'à ce qu'elle soit dégagée des différentes
matières qui peuvent ternir la laque.
On serait bientôt arrêté par une difficulté dont il est important d'être prévenu. La garance
contient une telle quantité de matière gommeuse et sucrée, que la première teinture qui
s'en dégage se prend en gelée, si elle n'est étendue de beaucoup d'eau. L'écoulement se
ralentit à mesure du refroidissement du liquide, et s'arrête enfin totalement. On prévient
cet engorgement du filtre en versant d'abord la décoction sur une toile serrée, d'où on
l'exprime en pliant la toile et en la tordant fortement. Lorsque le liquide est écoulé, on
développe la toile et l'on verse sur le marc de l'eau bouillante, que l'on exprime de la
même manière. Deux lavages semblables suffisent pour dégager toute la matière
gommeuse, alors le filtre ne peut Plus s'engorger3: d'ailleurs, on le dispose de manière
que l'eau traverse la garance de bas en haut et sous une forte pression.
Voici comment je conçois l'appareil.
Je suppose un baquet en sapin, d'une capacité proportionnées la quantité de garance que
l'on veut laver, mais toujours beaucoup plus large que haut.
A 2 ou 3 centimètres du fond, on placerait une claie en osier recouverte d'un feutre ou
d'une toile de coton. Cette espèce de diaphragme devrait s'adapter exactement au baquet,
sans laisser aucun vide au pourtour.
Sur ce diaphragme, on étendrait la couche de garance, qui ne devait avoir guère plus de
i5 à .2o centimètres d'épaisseur; car le lavage s'opérera d'autant plus facilement que l'eau
aura une couche plus mince à traverser.
Pour contenir cette garance dans sa position, on la couvrirait avec un second
diaphragme, composé, comme le premier, d'une claie garnie d'un feutre ou d'un tissu
assez serré pour que le liquide passe parfaitement clair.
Ce second diaphragme devrait être fixé très solidement, avec des barres transversales
retenues par des vis en bois : c'est lui qui doit supporter tout l'effort de la pression de
l'eau.
Au dessus, il y aurait un robinet pour l'écoulement de l'eau ; il y en aurait un semblable au
fond du baquet, afin qu'on pût, lorsque le lavage serait terminé, faire sortir l'eau restée
dans la couche de garance.
C'est par le fond du baquet que l'eau entrerait pour sortir par le robinet supérieur . on
l'introduirait à l'aide d'un tube en plomb, de 12 à 15 centimètres de diamètre; et le robinet
servant à l'émission serait proportionné à la quantité de l'eau affluente.Enfin ce tube
communiquerait à un réservoir placé autant ait dessus du baquet que le permettraient les
localités et la résistance de l'appareil.On sait que les liquides pèsent en raison de leur
base, multipliée par leur hauteur : ainsi, quel que fût le diamètre du baquet, chaque grain
de garance serait pressé par la petite colon ne d'eau contenue dans le tube, tout aussi
fortement que si ce tube avait le diamètre du haquet. Le lavage, exécuté de cette manière,
se ferait donc plus rapidement et avec une moindre quantité d'eau.
Il est indispensable qu'il y ait dans cet appareil un petit tube communiquant avec le fond
du baquet, et dépassant le robinet supérieur : ce tube servirait au dégagement de l'air au
moment de l'introduction de l'eau. Il pourrait être en verre.

3
Ou peut, à ce moment, délayer la garance dans de l'eau acidulée par l'acide muriatique,
l'écoulement de l'eau en devient plus rapide.
233

Précipitation de la laque.

On peut employer également le sous-carbonate de soude ou le sous-carbonate de


potasse. Si on emploie le dernier, il est bon que la solution reste assez long-temps à l'air
pour absorber la quantité d'acide carbonique dont elle peut se saturer par son contact
avec l'air atmosphérique.
Lorsqu'on emploie un alcali caustique, la laque paraît très foncée lorsqu'elle est sèche;
mais elle est très dure et vitreuse, comme l'émail. dans sa cassure; enfin lorsqu'elle est
réduite en poudre, elle est très pâle. Au contraire, lorsque l'alcali est très carbonate, la
laque a peu d'intensité, est friable dans les doigts; mais lorsqu'on la broie à l'huile ou à la
gomme, elle reprend beaucoup de vigueur.
On peut aussi précipiter la laque avec le borate de soude il n'y a alors qu'une portion de
l'alumine précipitée, et c'est un avantages surtout lorsque le lavage de la garance n'a pas
été poussé assez loin. J'ai obtenu, par ce moyen, d'assez belles laques de garance qui
avait été lavée seulement pendant deux jours; je n'avais précipité qu'à moitié la
dissolution alunée. Cette laque était vitreuse et presque noire, étant sèche; mais ayant été
de nouveau broyée à l'eau, elle resta pulvérulente, et, broyée à l'huile, elle avait beaucoup
d'intensité.
De quelque espèce d'alcali qu'on se serve pour précipiter la dissolution de la matière
pourpre de la garance, il convient de ne pas précipiter la totalité de la matière colorante.
La portion de la couleur fauve qui a pu être dissoute par l'alun reste dans le liquide
surnageant, et le précipité est d'autant plus beau qu'il est en moindre proportion. Ainsi,
en fractionnant les précipités, on obtient plusieurs qualités de laque, dont l'intensité et
l'éclat décroissent prodigieusement, mais qui sont toujours d'un emploi avantageux dans
beaucoup de circonstances où l'on n'a pas besoin de rouges brillants.
Quoique l'alun ait une grande affinité pour la matière colorante rose de la garance,
cependant elle n'en dissout à la fois qu'une certaine proportion, et je n'ai pu parvenir, en
concentrant cette dissolution par l'évaporation, à la rendre assez intense pour en faire une
encre rouge : aussi est-il très difficile d'obtenir une laque de garance d'un rouge pur et en
même temps très intense. Le seul moyen que je connaisse est d'enlever une portion
d'alumine qui s'y trouve en excès. Or, la soude caustique a la propriété de dissoudre
l'alumine sans toucher à la couleur; elle la modifie et la fait virer au cramoisi; mais on
détruit cette teinte par un lavage avec de l'eau pure.
Avec les eaux de lavage qui contiennent les couleurs fauves de la garance, ainsi qu'une
très petite proportion de couleur brillante, on préparerait aisément des laques brunes,
susceptibles d'être employées comme les stils de grain - on peut donc utiliser ces eaux, en
réunissant dans un tonneau les eaux alcalines, et dans un autre les eaux acides, auxquelles
on ajouterait le résidu des dissolutions obtenues par l'alun et non complètement
précipitées ; on décanterait la partie claire de ces eaux, et on les précipiterait l'une par
l'autre.
On laverait ensuite ces laques jusqu'à ce que l'eau en sorte claire - par ce moyen, on
enlèverait avec les sels une partie de la matière gommeuse restée dans les précipités.
234

_________________

A2.14. Schmidt CH. (1857):


235

_________________

A2.15. Goovaerts A. (1896) :

Ordonnances faictes pour les paintres et voiriers4


de la ville et cité de Tournay.
27 novembre 1480.

Art. 44.

Item que does en avant il ne soit personne aucune qui puist ouvrer de painture, en nulle
manière que ce soit, ou puist estre, soit des couleurs, ostieux5 et estophes6 appartenants
ausdiets paintres cyaprès déclaré : c'est assavoir pour ledicts hostieulx, pinchiaux7,
brousses8, trinques, renelz, grateuses, et tous autres ostieux, appartenant audit mestier; ne

4
Voiriers pour verriers.
5
Ostieux ou hostieulx pour outils.
6
Estophes pour métaux.
7
Pinchiaux pour pinceaux.
8
Brousses pour brosses.
236

aussi des estophes, comme fin or, or partit, or clinquant, rgent, foelle de batteur, piau de
tainte de toutes coulleurs, ne de toutes autres estophes, dont on use à présent audit mestier
; ne aussi des coulleurs, comme blancq de plonc9, chéruse10, blanc et noir commun, et azur
de Liège, vermeillon 11, mynne12, roze13, sinopre14, lac15, graynne16, florée de warance17,
brésil, azur18, chendre d'azur19, florée20, inde21, lecquemous22, foel23, vert de gris24, vert de
montaigne25, vert de vessie, vert de glay, machicot26, orpieument27, okere28, brun d'ausoire,
rouge commun, bol arménicq29, ne de toutes autres coulleurs lesquelles se destempent à
olle, ou vernis, à colle ou gomme, ou choses semblables, se ceulx qui dessusdicts couleurs,
ostieux et estophes useroient, n'avoient à ce faire esté premiers receuz, sur encourre en dix
solz tournois d'amende, celui ou ceulx et pour chascune fois que ains le feroient.

9
Le blanc de plomb aussi dit ceruse pure, parce que c'est la plus beau blanc dont on puisse se servir en einture.
10
Chéruse pour céruse. La céruse est du blanc de plomb broyé avec de la craie ou marne.
11
Pour vermillon. Il y avait le vermillon véritable, fait de cinabre et le vermillon d'Angleterre, qui n'est qu'un
mélange de cinabre et de minium.
12
Mynne pour minium, chaux de plomb pulvérisé, d'un beau rouge orange, très vif.
13
Roze pour rose, teinte qui s'obtient par un peu de carmin, une pointe de vermillon et du blanc de plomb.
14
Sinopre pour sinople, c'est-à-dire vert.
15
Lac pour laque. Il y avait la laque fine de venise, faite de cochenille, et la laque rouge, faite de craie teinte
de bois d'écarlate, de boit du Brésil ou autres.
16
Graynne pour graine. On composait des jaunes qu'on appelait stil-de-grain. La graine d'Avignon, qui servait
à les faire, provient d'un arbrisseau nommé petit noirprun.
17
Warance pour garance.
18
Azur se disait en général de toute belle couleur bleu de ciel.
19
Chendre d'azur dite aussi cendre bleue. On la trouve dans les mines de cuivre en Pologne et aussi peu en
Auvergne.
20
Florée pour indigo moyen.
21
L'inde, plus clair et plus vive que l'indigo.
22
Lecquemous, c'est-à-dire tournesol.
23
Feul était une teinte bleue.
24
Vert-de-gris aussi dit verdet, préparé surtout en languedoc et en Provence.
25
Vert-de-montagne aussi dit vert-de-Hongrie, minéral qu'on trouve en petits grains comme du sable dans les
montagnes de Kernhausen, en Hongrie; broyé il fait foncer les couleurs.
26
Machicot pour massicot, qui est de la céruse opu de blanc de plomb, calciné per un feu modéré; il y avait de
trois sortes : du blanc jaunâtres, du jaune et du doré.
27
Orpieument pour orpiment, qui est une couleur jaune.
28
Okere pour ocre.
29
Bolarménicq pour bol d'Arménie, terre onctueuse et argileuse, douce, fragile, de couleur rouge ou jaune.
Autrefois, le bol d'Arménie venait du Levant et surtout d'Arménie.
237

_________________

A2.16. Perkin A.G. , Everest A.E. (1918)

Kopp's Process for the Extraction of Madder.

Based on this assumption, the commercial process of Kopp was devised, and this is
specially interesting as it afford a fairly complete method for the isolation of the phenolic
constituents of this dyestuff.
Ground Madder is extracted with a cold aqueous solution of sulphurous acid, and the
solution, after addition of 2 - 3 pr cent. of hydrochloric acid (33 per cent.), is heated to
60°C. A red flocculent precipitate of purpurin is thus thrown down which was collected,
washed, dried, and sold under the name of "commercial purpurin" or "Kopp's purpurin"30.
This product was until recently prepared to a very small extent in France for the
manufacture of a rose-red lake, and for this purpose gives results differing in some respect
from those produced by artificial dyestuff.
Kopp's purpurin, in fact is not pure purpurin, but consists mainly of a mixture of
this colouring matter with three other substances : pseudo-purpurin, purpuroxanthin, and
carboxylic acid or munjistin.

Commercial Preparations of Madder.

Garancine. The preparation of this product result from the observation in 1827 of
Robiquet and Colin, that by treating ground madder with an equal weight of concentrated
sulphuric acid the various principles of the madder were destroyed with the exception of
the colouring matter alizarine. We know further that the glucoside of the root is
decomposed by the action of the acid. This first product was termed "charbon
sulphurique", but soon the method of its preparation was slightly altered, and it then
received the name "garancine".
Garancine is made by mixing, in the wooden tank with false bottom, 100kilos. ground
madder, 1000 litres water, and 2 kilos. sulphuric acid, 168°T (sp. gr. 1,84), stirring up and
allowing the whole macerate for about twelve hours. The liquid is then drawn off, the
residue mixed with a little water and 30 kilos. strong sulphuric acid, and the whole boiled
for 2 - 3 hours. After running off the acid liquor, the garancine remaining is washed with
water till free from acid, drained, pressed, dried and ground.
The colouring power of garancine is three to four times that of good madder. it dyes more
readily, giving yellower toned reds and pinks, and greyer lilacs. They are not so fast to
soap as the madder colours, but since, in the case of printed calicoes, the unmordanted
white parts are not so much soiled in the dye-bath, the operation of soaping can be
omitted.

Garanceux or Spent Garancine was introduced in 1843 by L. Schwartz of Mulhouse. It


was simply a low quality of garancine prepared in the above manner from the spent
madder of the dye-bath, and made by each calico-printer for himself, by way of economy.
Its colouring power is about one-fourth that of good garancine.

Flowers of Madder was first made in 1851 by Julian and Rogner of Sorgues. It can be
prepared by macerating ground madder with sulphuric acid (1 - 2 per cent. on the weight
of madder), then washing, draining, pressing, drying, and grinding. In this manner all
soluble, mucilaginous, and sugary matter, etc., is removed, decomposition of the glucoside
by fermentation occurs, and residue has nearly double the colouring power of the original

30
C.I. Natural Red 15
238

madder. The waste liquor were neutralised, allowed to ferment with the addition of yeast,
and the distilled to gain the alcohol. 100 kilos. madder yielded 45 - 60 kilos. flowers of
madder and 10 litres alcohol, suitable for making varnish, etc.

Commercial Alizarine or Pincoffin was introduced in 1852 by Schunck and Pincoff, who
prepared it by submitting ordinary garancine to the action if high pressure and
superheated (150°C.à steam. By this treatment the veratin and rubiretin present in the
garancine were said to be destroyed, while the alizarin remained intact, and the product
yielded in consequence more brilliant purples, and less soaping was required to clear the
white or unmordanted portions of printed calicoes.

Madder lakes

In the preparation of madder-lake extraction of madder with boiling water was avoided, in
order not to dissolve those impurities which would cause the production of less brilliant
lake. It was usual, first of all, to decompose the glucoside of the madder, and thus increase
the actual colouring matter, by a steeping in slightly tepid water and allowing the mixture
to ferment for twenty-four hours, the to wash with cold water and extract with alum
solution at 60-70°C, employing about equal weight of madder and alum. The hot filtered
alum solution of colouring matter was precipitated as an alumina lake by adding sodium
carbonate and the precipitate was washed.
1/ Another method was to precipitate impurities from a hot filtered decoction of
madder by adding a small quantity of lead acetate, then filtered, add solution of alum and
precipitate with sodium carbonate.
2/ Matters could be arranged as to precipitate basic aluminium sulphate instead of
aluminium hydroxide, namely, by adding an insufficiency of sodium carbonate to the
cooled solution af alum and colouring matter and then boil the mixture.
3/ Garancine was preferable to madder for preparing madder-lake, since it does not
contain any of colouring matter in the form of glycoside ruberythric acid, and the soluble
impurities have also been for the most part removed. Thus 1 kilo garancine was repeatedly
extracted for several hours with 20 litre of boiling water containing 0.25 - 0.5 kilo alum,
and the solution filtered hot through flannel. On cooling, the colouring matter separated
from the filtrate as flocculent precipitate. This was collected and dissolved in ammonia,
and the filtered solution precipitated with alum, or stannous chloride, or a mixture of both.
The colour intensity of the lake varied with proportions of ammonia and precipitant
employed.31
4/ So-called "crystallised madder - lake" were such as contained a certain quantity
of potassium or sodium sulphate, etc.
5/ Madder-pink-lake was simply madder-lake diluted with about seven parts of
"blanc fixe" (precipitated barium sulphate)

_________________

A2.17. Schweppe H., Winter J. (1997)

A2.17.1. Pubetz A. (1872)

Manufacture of madder lakes

Pubetz (1872) describe the manufacture of madder lakes. Madder lakes can be
manufactured either from madder or madder preparation such as garancine or Kopp's

31
C.I. Natural Red 10, n° 75330
239

purpurin. The madder or the garancine is extracted by boiling it with an alum solution
and precipitated with a soda potassium arsenate or borax solution. Before extraction,
sugar can be removed from the madder by an alcoholic fermentation. The quality of
madder lake depends significantly on alum extract being precipitated hot; otherwise the
free alizarin, which separates as brown material from the alum solution during cooling,
will colour the madder lake brown. Madder lakes, according to the type of manufacture,
possess various red colours.

Purpurin madder lake is prepared from one part purpurin (or Kopp's purpurin) combined
with one part alum; the product is finely pulverised and washed with cold water. A
yellowish red liquid runs off, which yields a rose-red lake at 80°C with addition of a small
amount of soda. The extracted residue is treated with a 5% alum solution, the solution is
filtered boiling and is then saturated with magnesium carbonate until red flakes appears.
In this fashion a beautiful red lake is obtained.

A2.17.2. De Puyster B. (1920)

Three examples of madder lakes.

a/ For a fine quality product ground madder is allowed to stand for twenty-four hours in
water at 27°C to 38°C; then an alum solution is added that contains approximately the
same amount of alum as the madder used. The mixture is heated to 71°C, the liquid is
filtered and the madder lake is precipitated with sodium carbonate. Exceeding the
temperatures given above should be avoided as undesirable products, which may influence
the colour and brilliance of the madder lake, will otherwise be dissolved by the alum
solution.

b/ For a madder lake of moderate quality, the manufacturing process can be changed as
follow: 100 lbs. of ground madder is put into a fine-mesh cloth bag in a tank to which 250
gallons of water is added in small portions until the colouring matter is completely
extracted. The solution is filtered, brought to a boil, and a solution of 100 lbs. alum in 150
gallons if water is added, followed by 75 lbs. of potassium carbonate in 60 gallons of
water under constant agitation. The solution is allowed to stand for twelve hours and the
precipitated madder lake filtered off to avoid the extraction of brown products and
tannins, which are produced upon longer cooking. The lake is dried at a moderate
temperature.

c/ To prepare madder lake from garancine : 100 lbs. of garancine is boiled for three hours
with 250 gallons of water; 100 lbs. of alum dissolved in water is then added and combined
solution is boiled for two hours. It is the filtered hot though a flannel cloth, and a solution
of 1 3/4 lbs. of tin (II) chloride in water is added, using only enough to ensure complete
precipitation of the alumina lake; the alumina lake is filtered off using a flannel cloth, the
residue is rinsed well with water and dried at a moderate temperature.

A2.17.3. Cohn C. (1930)

Rose madder (pink madder)

Rose madder (pink madder) is prepared by extracting powdered madder for one day with
cold 3% to 4% sulfurous acid. Sulfuric acid, about 2%, is added to the extract, which is
heated to 55°C. The purpurin carboxylic acid (pseudopurpurin), which precipitated in
flakes, is redissolved in alum solution. The lake is precipitated from the liquid, warmed to
70°C, by the addition of soda (4.5 - 5 kg to 30 kg of alum). If the precipitation of rose
240

madder is performed on chalk (calcium carbonate) a brighter shade of color lakes can be
obtain by dissolving the pseudopurpurin in sodium hydroxide solution and precipitating
with aluminium sulfate.

A2.17.4. Wagner H. (1939)

Alizarin lake.

According to Wagner (1939), aluminium sulphate (100g) is dissolved in 1000 ml of water


at 60°C; it is treated with a solution of 50 g of anhydrous soda in 100 ml of water and the
precipitated aluminium hydroxide is rinsed once with water. To this hydroxide is added in
sequence 20 g sodium phosphate dissolved in 200 ml of water, 30 g calcium chloride
dissolved in 300 ml of water, and a paste of 200 g alizarin mixed with 40 g of Turkey red
oil (sulfated castor oil, a surfactant), and 200 ml of water. The mixture is diluted to 5000
ml and boiled for six hours with replenishment of the water. After cooling, the alizarin-
alumina-calcium lake is filtered of and dried at the lowest possible temperature.
241

ANNEXE 3

A3. LAQUES DE GARANCE DANS LES ŒUVRES D'ART


Recherche bibliographique

Origine, objet, auteur, Méthode référence


échantillon résultats
période titre d'analyse bibliographique
Carthage, fard cosmétique, poudre rose en HPLC Karmous et al., garance (mu et
nécropole trouvé dans un forme de 1995 pu) sur argile
punique coquillage cônes
IIIe s. av. J.C.
Grèce, bassin en marbre, peinture FS, UVS, Wallert, 1995 garance
320 - 280 av. polychromé pourpre TLC, XRF, sauvage,
J.C. purpurine sur
calcite
Égypte , pot de peinture poudre rose UVS Russel, 1892 cité garance sur
période gréco- d'une tombe de par Lucas, 1934; gypse
romaine Hawara Schweppe (comparaison
Ie s. av. J.C. /Winter, 1997 avec
purpurine)
Égypte , cartonnage de peinture rose- non Horak, 1998 garance
période gréco- momie violacé précisée
romaine
Ie s. av. J.C.
Corinthe, amas de pigments poudre rose- spectro - Farnsworth, garance sur
IIe s. av. J.C. roses trouvé dans violacé photométrie 1951 alumine
un puits de réflexion (comparaison
avec
purpurine)
Pompéi, Atelier de peintre poudre rose tests micro Chaptal, 1809 garance sur
Ie s. av. J.C. chimiques? cité par alumine
Schweppe
/Winter, 1997
Stabies, Peintures murales peinture micro- Guichard/Guinea garance sur
Vaison-la- violette Raman u, 1990 alumine
Romaine composée de (comparaison
Ie s. ap. J.C. bleu et rose avec l'extrait
de garance)
Paris, n° 10 B.N. lat enluminure IR Flieder, 1968 identification
XIe s. 1390: Vie de non certaine
Saint-Aubin
Paris, n° 10 B.N. lat enluminure IR Flieder, 1968 identification
XIe s. 12117: S. non certaine
Clément
Nord de la Fragment 15 enluminure IR Flieder, 1968 identification
France, XIIe s. non certaine
Diocèse de Fragment 16 enluminure IR Flieder, 1968 identification
Bourges, XIIe non certaine
s.
Liège, Sedes Sapientiae glacis rouge à TLC Serck et al, garance
1240 de la Collégiale la détrempe 1978/79
Saint-Jean
Cologne, vers Fragment du aile droite de TLC Kühn, 1990a,b garance, bois
1300 retable de la l'Ange, couche rouge +
Vierge, violette azurite
Annonciation
242

Cologne, vers Apôtres Jean et Paul, estrade à TLC Kühn, 1990a,b garance +
1330 Paul gauche, azurite
couche
violette
Cologne, vers Fragment de extérieur du TLC Kühn, 1990a,b garance (sans
1380-1400 retable de sainte manteau, alizarine) +
Elisabeth couche rose blanc de
plomb
Byzance, Icones byzantines glacis rouge TLC Vranopoulou, peut-être
XIVe - XVIIIe et postbyzantines 1993 garance
s.
Drove Vierge trônant glacis rouge non précisée Brachert /Kobler garance
XIVe s. (RealLexikon
1981) colonne
778
Milan, XVe s. Léonard de Vinci couches roses microchimie Kühn 1985 garance
: Cène et tous les
glacis rouges
Cologne, Maître de sainte glacis rouge TLC Kühn, 1990a,b garance, bois
1400 - 1405 Véronique: Petit rouge +
Calvaire azurite
Cologne, vers Maître ancien de glacis rouge TLC Kühn, 1990a,b garance
1410 la Sainte Parenté:
Polyptyque de la
Sainte Parenté
Cologne, Maître de sainte glacis rouge TLC Kühn, 1990a,b garance (pu
1400 - 1415 Véronique: brun sans
Vierge aux pois alizarine)
de senteur
Cologne, Crucifixion non précisé TLC Kühn, 1990a,b garance
1410 - 1420
Cologne, Martyre de sainte casque du TLC Kühn, 1990a,b garance+
1411- 1413 Ursule devant la premier soldat blanc de Pb,
ville de Cologne à gauche de la jaune double
ville oxyde,
azurite, noir
de charbon
Cologne, Maître de sainte glacis rouge TLC Kühn, 1990a,b garance +
1400 - 1415 Véronique: Christ du manteau de azurite
en croix avec Pierre
Marie, Jean et
sept apôtres
Cologne, Volet d'un vêtement du TLC Kühn, 1990a,b garance,
1415 - 1420 triptyque, Ange et Christ, gris blanc de Pb,
Marie de violet azurite, noir
l'Annonciation de charbon
Cologne, Calvaire de la cavalier droit, TLC Kühn, 1990a,b garance
1417 - 1420 famille glacis rouge
Wasservass du brocart
Cologne, Grande Passion: vêtement de TLC Kühn, 1990a,b garance (pu
1420 - 1425 Portement de la l'homme à sans
Croix gauche, alizarine)
couche rouge
Cologne, Grande Passion: Drapé en haut TLC Kühn, 1990a,b garance (pu
1420 - 1425 Flagellation du à droite, sans
Christ couche rouge alizarine)
semi -
transparente
243

Gand, 1432 Van Eyck : glacis rouge, HPLC Brikman et al., al, pu, + (mu,
Agneau Mystique agneau 1990 xp, ru, pp)

Bruxelles, R. van der robe rouge de HPLC Kirby/White, probablement


1440 Weyden: la personne à 1996 garance
Exhumation de gauche
saint Hubert
Cologne, Maître du Retable fine couche de TLC Kühn, 1990a garance
1440- 1450 de Hersterbach : glacis rouge
Retable de foncé sur or,
Hersterbach arrière-plan,
en haut à
droite
Cologne, vers Stefan Lochner: - ombre rouge TLC Kühn, 1990a, garance (pu
1445 Polyptyque - coté brun du 1993 sans
intérieur: Saints manteau de alizarine)
Marc, Barbe et Luc- manteau
Luc, coté rouge de
extérieur : Saints Cécile (?)
Ambroise, Cécile
(?) et Augustin
Louvain, 1460 D. Bouts : Vierge robe de Paul HPLC Kirby/White, garance
à l'Enfant avec les 1996
saints Pierre et
Paul
Italie, 1456 Missale non précisé UVS, XRD Wallert, 1986 (a) garance sur
Romanum, carbonate de
enluminure calcium
Nördlingen, Retable de couches de non précisée Taubert, 1978 garance
1462 Friedrich Herlin sang sombre et
glacis
Liesborn, Attribué au glacis rouge, HPLC Kirby/White, probablement
1465-1490 Maître de draperie du 2e 1996 garance
Liesborn: personnage à
Crucifixion avec gauche
saints
Rothenburg, Friedrich Herlin : glacis rouge TLC, IR, Taubert, 1978 garance
1466 Retable de saint sur or du saint
Jacques Jacques
Liesborn, Attribué au glacis rouge HPLC Kirby/White, probablement
1470-1480 Maître de de la robe de 1996 garance
Liesborn: Vierge saint Damien
avec les saints
Cosme et Damien
Louvain, Atelier de D. rouge de la HPLC Kirby/White, garance
1475 -1500 Bouts: Christ robe du Christ 1996
couronné d'épines
Anvers, 1495 Retable de glacis rouge HPLC Sanyova/ garance (a)
- 1500 Korspel (a), sang du Wouters, 1993 garance+
Christ (b) kermès(b)
Allemagne, Attribué à Dürer : fond rose sur HPLC Kirby/White, garance
1497 Père du peintre le coté gauche 1996
Cologne, vers Retable de saint vêtement TLC Kühn, 1993 garance
1499 Thomas rouge foncé de
l'Ange gauche
Flandre, vers Maître de Saint robe rouge du HPLC Kirby/White, garance +
1500 Gilles: Saint courtier 1996 kermès
Gilles et la biche
244

France, vers Maître de Moulin glacis rouge HPLC Kirby/White, garance (a),
1500 (Jean Hey) : du chapeau de 1996
Charlemagne et la Joachim (a);
rencontre de manteau rose probablement
Joachim et de garance (b)
d'Anne à la Porte Charlemagne
dorée (b)
Huy, 1510- Retable de saint manteau de HPLC Sanyova 1998 garance
1520 Quirin de Neuss saint Quirin
de Huy (sculp.)
Italie, 1520 - Altobello dei vêtement du HPLC Kirby/White, garance
1525 Melone: Christ 1996
Portement de
Croix
Anvers, 1530 Retable de la décor peint, HPLC Sanyova, 1999 garance +
Passion d'Oplinterrobe B1, kermès
sgrafitto,
manteau, bord
Genly Sainte Marguerite robe, lettre HPLC Sanyova 1996 garance +
(Hainaut), rouge cochenille
1535 - 40
Anvers, 1535 Retable d'Enghien glacis rouge HPLC Sanyova/ garance +
sur or Wouters, 1993 kermès, bois
rouge
Anvers, 1555 Retable de glacis rouge HPLC Sanyova/ garance +
Bouvignes sur or Wouters, 1993 kermès, bois
rouge
Zurich, 1600 - Verre peint: couche rouge FTIR Haff, 1999 probablement
1650 Vulcain surprend garance sur
Mars et Vénus alumine+
noir de
charbon
Delft, 1655 Jan Vermeer : IR Kühn 1968 (cité garance
Christ dans la par Schweppe
maison de Marthe 1997
et Marie

TLC Thin Layer Chromatography


FTIR Fourier Transforme Infrared Spectroscopy
IR Infrared Spectroscopy
HPLC High Performance Liquid Chromatography
UVS Ultraviolet-Visible Spectroscopy
FS Fluorescence Spectroscopy
XRF Energy Dispersive X-Ray Fluorescence
XRD X-Ray Diffraction
245

ANNEXE 4

A4. FORMULES, SPECTRES ET QUELQUES PROPRIETES


DES COMPOSANTS DE RUBIA TINCTORUM L.

n° nom formule spectre UV-VIS couleur, solubilité références


bibliographique
O
1 2-Hydroxy OH EtOH: jaune Sch weppe, 1993;
anthraquinone p. 201
242.5, 274, 340, 386nm EtOH
O

O
2 Tectoquinone 2-Methyl CHCl3 Kawassaki et al.,
CH3
anthraquinone 1992

3 Alizarine O OH 248.1 nm
orange Schweppe, 1993;
OH p. 200
1,2-Dihydroxy EtOH, MeOH, H2O
anthraquinone (peu) C.I. 75330
430.2 nm

O 200.00 250.00 300.00 350.00 400.00 450.00 500.00 550.00 600.00 650.00 700.00 750.00
nm

4 Xanthopurpurine jaune Schweppe, 1993;


203.3 nm
244.4 nm

O OH 281.9 nm

p. 202
1,3-Dihydroxy EtOH, MeOH
anthraquinone C.I. 75340
414.9 nm

OH 338.6 nm

O 00.00 2 50.00 300.00 3 50.00 400.00 4 50.00 500.00


nm
5 50.00 600.00 6 50.00 700.00 75 0.00

5 Quinizarine O OH 2 4 8 .1 n m
orange Schweppe, 1993;
p.Schweppe 204
1,4-Dihydroxy 2 2 5 .7

2 0 3 .3 n m
n m

CH3COOH EtOH-
anthraquinone rouge alcalie-violet C.I. 58050
2 7 8 .2 n m

4 8 0 .2 n m

O OH 3 2 7 .3 n m

2 0 0 .0 0 2 5 0 .0 0 3 0 0 .0 0 3 5 0 .0 0 4 0 0 .0 0 4 5 0 .0 0 5 0 0 .0 0 5 5 0 .0 0 6 0 0 .0 0 6 5 0 .0 0 7 0 0 .0 0 7 5 0 .0 0
nm

6 Purpurine O OH 255.7 nm
rouge Schweppe, 1993;
p. 207
1,2,4-Trihydroxy OH
203.5 nm
EtOH, Ether
anthraquinone H2O -mieux C.I. 75410
293.1 nm
479.5 nm
qu'alizarine
O OH 200.00 250.00 300.00 350.00 400.00 450.00 500.00 550.00 600.00 650.00 700.00 750.00
nm
purpurine (pu) 24.0 68 m inute s, 200 - 798 @ 3.9 nm , from purpurine

7 Anthragallol 281.9 nm

orange Schweppe, 1993;


O OH
207.0 nm
p. 206
1,2,3-Trihydroxy OH 244.4 nm
EtOH, Ether,
anthraquinone CH3COOH C.I. 58200
411.0 nm

OH 538.0561.
nm 3 nm 627.2 nm
670.0 nm708.9 736.
nm 1759.5 nm0 n
nm775.

O
200.00 250.00 3 00.00 3 50.00 4 00.00 450.00 500.00 550.00 600.00 650.00 700.00 7 50.00
nm
246

O
8 2-Méthoxy MeOH: jaune pâle Thomson, 1971;
anthraquinon OCH3 p.370
210, 272, 340, 390 nm EtOH

O
O OH
9 1 - Hydroxy - 2 - MeOH: jaune Schweppe, 1993;
CH3
méthyl antraquinone p. 201
230, 258, 275, 345, 388 nm EtOH

10 Alizarine-1- méthyl O OCH3 jaune pâle Schweppe, 1993;


éther 2-Hydroxy p. 202)
OH EtOH
- 1- méthoxy
antraquinone

O OH
11 Alizarine- 2- OCH3
jaune Schweppe, 1993;
méthylether 1- p. 202
Hydroxy - 2 - méthoxy EtOH
antraquinone
O

12 Alizarine- O OCH3 MeOH: MeOH Garland, 1986,


diméthylether OCH3 Weinsma et al,
1,2 - Diméthoxy 203, 231, 245, 288,340, 410 1986, (pas dans le
antraquinone nm Schweppe ni
O Thomson)

13 Xanthopurpurine - 3 - O OH jaune Thomson, 1971;


méthyl éther 1- p. 378
Hydroxy - 3 - méthoxy
antraquinone OCH3
O

Xanthopurpurine O OCH3 jaune Thomson, 1971;


14
diméthyléther 1,3- p. 378
Diméthoxy
anthraquinon OCH3
O
O OH
15 Quinizarin 2- CH2OH jaune Schweppe, 1993;
Hydroxyméthyl 1,4- p. 205
Dihydroxy - 2 -hydroxy
méthyl anthraquinone O OH

O OH
16 Quinizarin acide 2- jaune - orange Schweppe, 1993;
COOH
carboxylique 1,4- p. 205)
Dihydroxy -2 - carboxy
anthraquinone
O OH
O OH
17 Anthragalol - 2,3 - OCH3 MeOH: jaune Schweppe, 1993;
diméthyl éther p. 206
1Hydroxy - 2, 3 - 210, 250, 285, 410 nm EtOH, MeOH
OCH3
diméthoxy anthraquinon O

Anthragalol - 3 - O OH rouge-orange Schweppe, 1993;


18
méthyléther 1,2- OH p. 206
Dihydroxy - 3 - méthoxy
anthraquinon OCH3
O
247

O OH
19 Christofin rouge orange Schweppe, 1993;
O p. 205
H3C
O OH
203.3 nm

281.9 nm
244.4 nm

20 Lucidine O OH jaune Schweppe, 1993;


CH2OH p. 203
1,3-Dihydroxy - 2- EtOH
hydroxyméthyl OH 414.9 nm

anthraquinone O
00.00 2 50.00 300.00 3 50.00 40 0.00 450.00 50 0.00 550.00 6 00.00 650.00 700.00 75 0.00
nm

21 Lucidine - 2- EtOH, CHCl3 Kawassaki et al,


éthoxyméthyl O OH
1992.
CH2OCH2CH3
(conversion de
1,3-Dihydroxy-2 - lucidine dans le EtOH
OH
ethoxyméthyl bouillant?)
O
anthraquinone

22 Lucidine - 2- O OH MeOH Kawassaki et al,


méthoxyméthyl CH2OCH3 1992.
(conversion de
1,3-Dihydroxy-2 - OH lucidine dans le
méthoxyméthyl O MeOH bouillant?)
anthraquinone
278.1 nm
203.3 nm

23 Rubiadine O OH
244.4 nm
jaune Schweppe, 1993;
CH3 p. 202
1,3-Dihydroxy -2 - EtOH, non soluble
méthyl anthraquinone dans H2O et les C.I. 75350
OH 414.9 nm

O alcalies
00.00 2 50.00 30 0.00 350.00 4 00.00 4 50.00 50 0.00 55 0.00 600.00 6 50.00 70 0.00 75 0.00
nm

24 Rubiadine 1-méthyl O OCH3 jaune Thomson, 1971;


éther CH3 p. 379
EtOH
1-Méthoxy -2 -méthyl - OH
3-hydroxy
O
anthraquinone
248.0 nm

O OH
25 Munjistine orange Schweppe, 1993;
COOH
p. 203
289.4 nm

1,3-Dihydroxy -2 -
carboxy anthraquinone OH
O 418.7 nm

200.00 250.00 3 00.00 350.00 400.00 4 50.00 5 00.00 550.00 600.00 6 50.00 700.00 750.00
nm

26 Munjistine méthylester O OH CHCl3 (en Kawassaki et al.,


1,3-Dihydroxy -2 - COOCH3
quantité minime) 1992
méthylesther
OH
anthraquinone
O

259.4 nm

27 Pseudopurpurine O OH brun rouge Schweppe, 1993;


1,2,4-Trihydroxy - 3 - OH p. 207
carboxy anthraquinone 203.3 nm

C.I.75420 nat
COOH 491.7 nm

C.I.58220 syn
O OH
705.0 nm

200.00 25 0.00 300.00 350.00 400.00 450.00 5 00.00 550.00 600.00 650.00 700.00 750.00
nm

28 Nordamnacanthal 1,3- O OH jaunes Thomson, 1971;


Dihydroxy -2 - CHO p. 382) Schweppe,
carbaldehyde $ EtOH,CHCl3 1992; p. 203
anthraquinone OH
O
Kawassaki et al.,
1992
248

β - D-
O OH
29 Rubiadine-3-β orange Schweppe, 1993;
CH3
primvéroside p. 203
O CH2 O
O O
O HO HO OH
OH
OH OH

β- orange Schweppe, 1993;


266,8
Rubiadine-3-β 203,2

primvéroside 244,3 p. 203

407,2

200,00 400,00 600,00


nm

O OH
30 β - D-
Rubiadine-3-β CH3
Schweppe, 1993;
glucoside p. 230
O CH2 OH
O
O HO OH
OH

31 Acide rubérythrique O OH Krizan 1996


= O O CH2 O
O
HO OH
Alizarine 2β-D-
2β Kawassaki et al.,
HO OH
OH OH

primvéroside 1992
O

259.3 nm

acide rubérytrique
H2O, MeOH
référence de Golikov
1
414.9 nm

334.8 nm

00.00 250.00 300.00 350.00 400.00 450.00 500.00 550.00 600.00 650.00 700.00 75 0.00
nm

32 Galiosine O OH Hill etRichter, 1937


= O O CH2 O
O
β−D
β− HO HO OH
Pseudopurpurine1β− OH
OH
OH
-primvéroside COOH
O

251,9

Galiosine
203,3
= 289,5

Pseudopurpurine-1-
β-D- primvéroside 430,2

200,00 400,00 600,00


nm

Rubianine O OH Jaune pâle Schweppe, 1993;


33
CH2 OH p. 203
HO
O 244,264,408nm
OH
OH
OH
O

β -D-
Lucidine - 3-β O OH
CH2OH
34 primvéroside
O CH2 O
O O
O HO HO OH
OH
OH OH

203.3 nm

35 primvéroside de la 266.9 nm

H2O, MeOH
lucidine
référence de Golikov
3
407.2 nm

0 0.00 2 50.00 30 0.00 3 50.00 40 0.00 4 50.00 50 0.00 5 50.00 60 0.00 6 50.00 70 0.00 7 50.00
nm
249

OH
35 Molugine COOCH3 Kawassaki et al,
1992

O
H3C

36 Scopoletine H3CO O O CHCl3 Kawassaki et al,


1992

HO
O
37 Lapachol méthyl éther OCH3 CHCl3 Kawassaki et al.,
1992
CH3

O CH3

38 Hexadecyl ferulate H3CO COO(CH2)15CH3 CHCl3 Kawassaki et al.,


1992

HO
39 Octadecyl ferulate H3CO COO(CH2)17CH3 CHCl3 Kawassaki et al.,
1992

HO
40 Icosyl ferulate H3CO COO(CH2)19CH3 CHCl3 Kawassaki et al.,
1992

HO
251

ANNEXE 5
A5. SPECTRES OBTENUS PAR TOF - SIMS.

H+ Alizarine
Na + C5H12N+
CH 3O + Ca +
C3H5O 2+
Al+ C2H4O + C2H5O 2+ C3H5O 3+
ToF SIMS Intensity (counts)

Ga+

K+ Aliz 4

Al+

H+ Na + Ga+

Mass (m/z)

Ca+ Quinizarine

H+ C2H3+
NH 4+ C3H7O+
CH 3O+
ToF SIMS Intensity (counts)

Na +
Ga+

Al+ Qui 2

H+ K+
Na + Ga+

Mass (m/z)

H+ Purpurine
C2H3+ C2H8N+
CH 3O+
C3H7O + C3H5O 2+
C3H5O 3+
ToF SIMS Intensity (counts)

CH 3+
Na + Ga+

Al+
Pu 2

K+
H+ Na + Ga+

Mass (m/z)

Fig. A5.1. Spectres Tof-SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et de leurs
laques (Aliz 4, Qui 2, Pu 2) en mode positif, intervalle de m/z de 1 à 100 amu.
252

(AZ)+ Alizarine
ToF SIMS Intensity (counts)

C8H5O 3+ Aliz 4
(AZ)+

283 +

Mass (m/z)

(QUI)+
Quinizarine
ToF SIMS Intensity (counts)

(QUI)+ Qui 2

(QUI-AlO) +

(QUI-Al)+

Mass (m/z)

(PU)+
Purpurine

(AZ)+
ToF SIMS Intensity (counts)

(PU-CH 3)+
C8H5O3+ (QUI)+

C8H5O3+
Pu 2

(PU)+ 283+

Mass (m/z)

Fig. A5.2. Spectres Tof-SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et de leurs
laques (Aliz 4, Qui 2, Pu 2) en mode positif, intervalle de m/z de 100 à 300 amu.
253

(AZ 2-Al) + Alizarine

ToF SIMS Intensity (counts)

(AZ 2-Al) + Aliz 4

Mass (m/z)

348 +
Quinizarin
e

369 +
ToF SIMS Intensity (counts)

(QUI 2-Al) +
Qui 2

Mass (m/z)

314 +
Purpurine
477 +
505 +
ToF SIMS Intensity (counts)

(AZ 2-Al) +
Pu 2
(QUI 2-Al) +

Mass (m/z)

Fig. A5.3. Spectres Tof-SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et de leurs laques
(Aliz 4, Qui 2, Pu 2) en mode positif, intervalle de m/z de 300 à 600 amu.
254

707 +
Alizarine
ToF SIMS Intensity (counts)

811 +
Aliz 4

n
Mass (m/z)

664 + Quinizarin
e
ToF SIMS Intensity (counts)

995 +

(QUI 3-Al2)+
Qui 2

(QUI 4-Al3)+
(QUI 5-Al4)+
664 +

Mass (m/z)

Purpurine
ToF SIMS Intensity (counts)

Pu 2

Mass (m/z)

Fig. A5.4. Spectres Tof-SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et de leurs laques
(Aliz 4, Qui 2, Pu 2) en mode positif, intervalle de m/z de 800 à 1400 amu.
255

O- Alizarine

ToF SIMS Intensity (counts)


CH - OH -
C2H- Cl - C4H-
Cl -

O- Aliz 4

CH - OH - C2H-
C4H-
Cl -
Cl -

Mass (m/z)

Cl - Quinizarin
O- e
ToF SIMS Intensity (counts)

CH - OH - Cl -
C2H- C4H-

O-
Qui 2

OH - C2H- Cl -
CH - C4H-
Cl -

Mass (m/z)

O-
Purpurine

OH -
ToF SIMS Intensity (counts)

CH - C2H- C4H-
Cl - Cl -

O-
Pu 2
OH -

C2H- C4H-
CH -
Cl - Cl -

Mass (m/z)

Fig. A5.5. Spectres Tof-SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et de leurs laques
(Aliz 4, Qui 2, Pu 2) en mode négatif, intervalle de m/z de 10 à 50 amu.
256

(AZ)-
Alizarine
ToF SIMS Intensity (counts)

C6H- HSO 4-
210-

C6H-
Aliz 4

HSO 4-
(AZ)-
210-

Mass (m/z)

C6H-
(QUI)- Quinizarine
SO 3-
fatty ac. fatty ac.
HSO 4-
ToF SIMS Intensity (counts)

207 -
274 -

C6H-
Qui 2

HSO 4-
(QUI)-
210 -

Mass (m/z)

(PU)-

Purpurine
ToF SIMS Intensity (counts)

C6H- HSO 4-

AlO 2-
C2H3O 2- Pu 2
C6H-
HSO 4-
(PU)-

Mass (m/z)

Fig. A5.6. Spectres Tof-SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et de leurs
laques (Aliz 4, Qui 2, Pu 2) en mode négatif, intervalle de m/z de 50 à 300 amu.
257

319 -
Alizarine

ToF SIMS Intensity (counts)


477 - 533 -
503 -

(AZ 2-Al) -
Aliz 4

319 -

Mass (m/z)

319 -
Quinizarine
447 -
519 -
427 -
478 -
ToF SIMS Intensity (counts)

(QUI 2-Al) - Qui 2

476 -
447 -

Mass (m/z)

303 -
Purpurine
ToF SIMS Intensity (counts)

Pu 2

Mass (m/z)

Fig. A5.7. Spectres Tof-SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et de leurs
laques (Aliz 4, Qui 2, Pu 2) en mode négatif, intervalle de m/z de 300 à 600 amu.
258

Qui 2

Alizarine
ToF SIMS Intensity (counts)

768 - Aliz 4

Mass (m/z)

Quinizarine
ToF SIMS Intensity (counts)

(QUI 3-Al2)-
Qui 2

(QUI 4-Al3)- (QUI 5-Al4)-

Mass (m/z)

Purpurine
ToF SIMS Intensity (counts)

Pu 2

Mass (m/z)

Fig. A5.8. Spectres Tof-SIMS des colorants (alizarine, quinizarine et purpurine) et de leurs
laques (Aliz 4, Qui 2, Pu 2) en mode négatif, intervalle de m/z de 600 à 1400 amu.
259

ANNEXE 6

A6. RECHERCHE D'UNE METHODE PRESERVANT LES PRIMVEROSIDES


ET AUTRES PRECURSEURS (LAQUE RT1)

Dans les premiers essais, des échantillons d'environ 0,2 mg de laque de garance des
teinturiers (Rubia tinctorum L.) RT1, décrite au chap. IV, ont été extraits par 250 µL
d'HCl 6 N à 105 °C (Wouters, 1989), puis par des variantes de cette méthode, avec
HCl dilué(§ A6.1) et TFA (§ A6.2). La teneur en alizarine de cette laque étant de
l'ordre de 1%, la concentration dans ces extraits était au plus de l'ordre de 8 mg/L, soit
30 µM.

Dans les essais suivants (solvants seuls, agents chélatants, HF/Li2CO3, § II.C.3 à
II.C.5), suite à la présence d'importants résidus solides, l'évaporation de l'extrait a été
remplacée par la filtration du surnageant. Le volume total, n'étant plus limité par le
temps nécessaire à l'évaporation, a été porté à 1 mL, et la quantité d'échantillon à env.
10 mg (soit donc de l'ordre de 100 mg/L d'alizarine, ou 400 µM).

A6.1. Hydrolyses par HCl

Avec l'HCl ccé (6N, dans MeOH/H2O, 1/1; 10 min. à 100°C ; évaporé à sec sous vide,
repris dans le MeOH/H2O, 1/1) on retrouve principalement l'alizarine, la purpurine, et
la molécule non identifiée baptisée " RT27 ", toutes trois à 6-7 µg/mg (fig.A6.1). Trois
autres, l'anthragallol , la munjistine et la rubiadine, sont retrouvés à 0,5-1 µg/mg. Les
RSD% calculés sur quatre expériences indépendantes sont importantes (40 - 70%)

extraction RT1 par HCl 6N


12

10
µg colorant / mg laque

Fig. A6.1.
0
Extraction de la laque "RT1"
par HCl 6N dans MeOH/H2O pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27
1/1; 10 min à 100°C.
260

L'extraction à l'HCl plus dilué (0,6N) donne des résultats comparables (fig.A6.2) ,
compte tenu des barres d'erreur, pour les six molécules déjà citées. Toutefois on
retrouve en plus environ 1 µg/mg des primvérosides de l'alizarine et de la lucidine, ce
qui confirme leur présence dans la laque et leur hydrolyse par l'HCl concentré. Il serait
tentant d'attribuer la teneur légèrement plus élevée en alizarine, dans les extraits à
l'HCl concentré, à l'hydrolyse de son primvéroside, mais on ne peut conclure de
manière certaine, compte tenu des erreurs.
extraction de RT1 par HCl 0.6N

12

10
µg colorant / mg laque

Fig. A6. 2.
Extraction de la laque "RT1" 0
par HCl 0,6N dans MeOH/H2O
pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27
1/1; 10 min à 100°C.

La redissolution dans le DMF, plutôt que dans le MeOH, donne des résultats très
comparables (fig. A6.3), sauf pour le RT27, qui varie de manière apparemment assez
aléatoire.
extraction de RT1 par HCl :
influence de la conc. (6N, O,6N) et du solvant final (MeOH, DMF)
12
µg colorant / mg laque

10

0
pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27
HCl 6N ds. MeOH/H2O, pH -1.27, 100°C, évap., repr. d s MeOH
HCl 6N ds. MeOH/H2O, pH -1.27, 100°C, évap., repr. d s DMF
HCl 0.6N ds. MeOH/H2O, pH 0.08, 100°C, évap., repr. ds MeOH
HCl 0.6N ds. MeOH/H2O, pH 0.08, 100°C, évap., repr. ds DMF

Fig. A6.3. Extraction de la laque "RT1" par HCl 6N et 0,6Ndans MeOH/H2O, 1/1; 10 min à
100°C, ensuite évaporation sous vide et redissolution dans MeOH ou DMF.
261

Plus encore que la dilution de l'acide, la diminution de la température d'extraction à


60°C permet d'améliorer nettement les rendements (fig.A6.4). On retrouve à la fois
plus de primvéroside de l'alizarine (env. 3,5 µg/mg) et plus d'alizarine (env. 12,5
µg/mg), ce qui montre qu'il n'y a pas seulement moins de transformation du
primvéroside en alizarine, mais aussi un meilleur rendement au total (16µg/mg au lieu
de 7,5µg/mg). On détecte également, pour la première fois, de la pseudopurpurine (2,5
µg/mg). Par contre la purpurine chute de plus de 50%, ce qu'on peut certainement
attribuer en grande partie à la non-décarboxylation de la pseudopurpurine. Il faut
cependant mentionner que des pertes de purpurine non expliquées sont souvent
observées, comme l'avait déjà constaté J. Wouters (1985).

extraction de RT1 par HCl :


influence de la température (100°C, 60°C)
12

10
µg colorant / mg laque

0
pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27
HCl 6N ds. MeOH/H2O, pH -1.27, 100°C, évap., repr. ds MeOH
HCl 6N ds. MeOH/H2O, pH -1.27, 60°C, évap., repr. d s MeOH

Fig. A6.4. Extraction de la laque "RT1" par HCl 6N dans MeOH/H2O, 1/1; 10 min à 60°C et à
100°C.

A6.2. Hydrolyse par acide trifluoroacétique (TFA)

Le TFA (pKa 0,3) est un acide fort, bien que moins que l'HCl (pKa -7). Les
concentrations utilisées ici, 0,05-10%, correspondent à 6mM - 1,3M, et donnent des
pH compris entre 2,2 et 0,2. Les rendements apparents, croissants avec la
concentration en TFA (fig. A6.5), sont meilleurs que ceux obtenus avec l'HCl (fig.
A.6.6), sauf pour l'alizarine et la pseudopurpurine. Mais la diminution de l'alizarine
(7,3 µg/mg, soit 30,3 µmole/g), par rapport d'extraction à l'HCl 6N à 60 °C (12,5
µg/mg, soit 52 µmole/g), est à peu près compensée par l'augmentation de son
primvéroside, qui passe de 3,5 à 9,7 µg/mg (soit de 6,5 à 18,2 µmole/g). Celui-ci est
donc encore hydrolysé à 50% au moins par le HCl 6 N à 60 °C.
262

extraction de RT1 par TFA :


influence de la concentration
12

10
µg colorant / mg laque

0
pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27
TFA 0,05 % (6 mM) ds H2O:MeOH 1:1, 10' 100°C,évap., repr. ds MeOH
TFA 0,5 % (60 mM) ds H2O:MeOH 1:1, 10' 100°C, évap. ,repr. ds MeOH
TFA 1 % (130 mM) ds H2O:MeOH 1:1, 10' 100°C,évap., repr. dans MeOH
TFA 10 % (1,3 M) ds H2O:MeOH 1:1, 10' 100°C, évap., repr. ds. MeOH

Fig. A6.5. Extraction de la laque "RT1" par TFA de différentes concentrations (de 0,05% à 10%)
dans MeOH/H2O, 1/1; 10 min à 100°C.

extraction de RT1 par HCl


à 100°C et à 60°C, et par TFA à 100°C
12

10
µg colorant / mg laque

0
pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27
HCl 6N ds. MeOH/H2O, pH -1.27, 100°C, évap., repr. ds MeOH
HCl 6N ds. MeOH/H2O, pH -1.27, 60°C, évap., repr. d s MeOH
TFA 10 % (1,3 M) ds H2O:MeOH 1:1, 10' 100°C, évap., repr. ds. MeOH

Fig. A6.6. Extraction de la laque "RT1" par TFA 1,3M dans MeOH/H2O, 1/1; 10 min à 100°C et
par HCl 6N dans MeOH/H2O, 1/1; 10 min à 60°C et à 100°C.

A l'inverse, la pseudopurpurine, au moins partiellement préservée par l'HCl 6N à


60°C, est totalement absente dans des extraits au TFA à 100°C.
263

A6.3. Extraction dans des solvants seuls

Comme on pouvait s'y attendre, l'extraction par des solvants purs (10 mg de laque
dans 1 mL solvant, 30 min à 90 °C à reflux, surnageant filtré sur 0,5 µm) donne des
rendements très faibles (MeOH, DMF) à pratiquement nuls (AcEt) (fig. A6.7).

extraction de RT1 par les solvants :


MeOH, DMF, AcEt
12

10
µg colorant / mg laque

0
pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27

MeOH 90°C DMF 90°C AcEt 90°C

Fig. A6.7. Extraction de la laque "RT1" par MeOH, par DMF et par acétate d'éthyle; 30 min à
90°C.

A6.4. Extraction par EDTA et DTPA (agents chélatants)

Les constantes de complexation de l'ion Al+++ par les chélatants classiques EDTA et
DTPA sont de l'ordre de 17 et 19,5 respectivement (logK = 17,6 et 20,3, à force
ionique µ = 0,01 M, dans la compilation de Norvell (1977 ), 16,5 et 18,7 à µ = 0,1 M
dans celle de Orvig (1993)). Celles de quelques acides 1,2-hydroxy-benzene- et -
naphatalene-sulfoniques, molécules porteuses comme l'alizarine d'un groupement
alpha-diphénolate, vont de 14,9 à 16,6 (µ = 0,1 - 1 M)(Orvig 1993). Si, comme on
peut le supposer, la constante d'association de l'alizarine est du même ordre de
grandeur, l'EDTA et le DTPA devraient avoir une bonne chance, surtout en
concentrations élevées, de libérer l'aluminium de ses complexes avec celle-ci.
Cependant il faut rappeler que ces constantes expriment l'équilibre avec les formes
totalement déprotonées des molécules (dianion de l'alizarine, tétraanion de l'EDTA,
pentaanion du DTPA), qui sont très largement minoritaires en solution acide. La
complexation est donc d'autant plus inhibée que le pH est bas, et ce de manière
différente pour l'alizarine, l'EDTA et le DTPA en fonction de leurs différents pK.

Dans la pratique, les rendements obtenus avec EDTA et DTPA à différents pH (figs.
A6.8, A6.9 et A6.10) DTPA RT1 pH 2, DTPA RT1 pH 8,5, EDTA RT1) sont
264

relativement bons pour le primvéroside de l'alizarine et le inc. 27', mais faibles pour
les autres molécules, et surtout pour l'alizarine et la purpurine. Il est possible que ceci
s'explique par le jeu des concentrations et des constantes de complexation et d'acidité,
qui mènerait finalement chaque fois à des équilibres en faveur des complexes de
l'alizarine. Mais il se peut aussi qu'il s'agisse d'un problème non pas d'équilibre mais
de cinétique, et que, dans les laques, l'aluminium soit trop bien séquestré pour être
accessible aux molécules volumineuses que sont l'EDTA et le DTPA.

extraction de RT1 par DTPA


dans 80 % MeOH, DMF ou AcEt
12

10
µg colorant / mg laque

0
Fig. A6.8. pral ag pp pu RT27
Extraction de la laque "RT1"
DTPA(15 mM, pH 2,2)/MeOH; 1/4, 90°C
par DTPA à pH 2,2
dans 80% de MeOH, DTPA(15 mM, pH 2,2)/DMF; 1/4, 90°C
DMF et AcEt; 30 min à 90°C. DTPA(15 mM, pH 2,2)/AcEt; 1/4, 90°C

extraction de RT1 par DTPA (pH 8,5


dans 80% de MeOH, DMF ou AcEt)
12

10
µg colorant / mg laque

Fig. A6.9. 0
Extraction de la laque "RT1" pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27
par DTPA à pH 8,3
DTPA,NH4OH (15 mM, pH 8,3)/MeOH,1/4, 90°C
dans 80% de MeOH,
DTPA,NH4OH (15 mM, pH 8,3)/DMF,1/4, 90°C
DMF et AcEt; 30 min à 90°C.
DTPA,NH4OH (15 mM, pH 8,3)/AcEt,1/4, 90°C
265

extraction de RT1 par EDTA (pH 2,8 - 4,5)


dans 80% de MeOH, DMF ou AcEt
12

10

µg colorant / mg laque
8

Fig. A6.10. 2
Extraction de la laque "RT1"
par EDTA à pH 2,8 0
(25%meOH) et le sel disodique pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27
d'EDTA à pH 4,6
EDTA (3mM, pH 2,8)/MeOH; 1/4, 90°C
(25 % de DMF ou AcEt). EDTA-Na2 (134 mM, pH 4.6)/DMF; 1/4, 90°C
EDTA-Na2 (134 mM, pH 4.6)/AcEt; 1/4, 90°C

A6.5. Extraction par le mélange Li2CO3 / HF / DTPA

Dans l'espoir que de petits ions puissent se glisser au cœur des complexes et les
dissocier, des ions Li+ et F- ont été ajoutés au mélange d'extraction (Li2CO3 120 mM,
HF 2,7 M, DTPA 4 mM, pH env. 2,5).
Les résultats pour deux extractions, à deux rapports laque / solution différents (3 mg /
1650 µL et 0,3 mg / 425 µL), sont donnés à la fig. A6.11. Les rendements sont bons
pour toutes les molécules. Les écarts entre les résultats des deux extractions sont
inférieurs à 16% pour l'alizarine, les deux primvérosides et le inc. 27', mais de plus de
80% pour la purpurine.

extraction de RT1 par Li2CO3/HF


20
18
16
µg colorant / mg laque

14
12
10
8
6
4
2
0
pral prlc ag pp aliz pu ru RT27
Li2CO3 0.12M+HF4M+DTPA 4mM dans MeOH/DMF/AcEt (1/1/1), 20°C (9 mg laque / 1650 µL)
Li2CO3 0.12M+HF4M+DTPA 4mM dans MeOH/DMF/AcEt (1/1/1), 20°C (0.28 mg laque / 420 µL)
Li2CO3 0.12M+HF4M+DTPA 4mM dans MeOH/DMF/AcEt (1/1/1), 20°C, MOY

Fig. A6.11. Extraction de la laque "RT1" par Li2CO3 120 mM, HF 2,7 M, DTPA 4 mM, pH env.
2,5.
266

A6.6. Résumé

Dans cette étude exploratoire, deux méthodes ont été trouvées, l'extraction à 100°C par
TFA 1,3M (§A6.2) et l'extraction à température ambiante par un mélange
HF/Li2CO3/DTPA (§ A6.5), qui permettent d'égaler les rendements en alizarine de la
méthode HCl concentré à 100°C, tout en préservant les précurseurs tels que les
primvérosides de l'alizarine et de la lucidine. Les rendements des trois méthodes pour
la laque RT1 sont comparées à la figure A6.12.

extraction de RT1 :
comparaison HCl - TFA - Li2CO3/HF
16

14
µg colorant / mg laque

12

10

0
pral prlc ag mu pp aliz pu ru RT27
HCl 6N ds. MeOH/H2O, pH -1.27, 100°C, évap., repr. ds MeOH
TFA 10 % (1,3 M) ds H2O:MeOH 1:1, 10' 100°C, évap., repr. ds. MeOH

Li2CO3 0.12M+HF4M+DTPA 4mM dans MeOH/DMF/AcEt (1/1/1), 20°C, MOY

Fig. A6.12. Extraction de la laque "RT1" par HCl 6N dans MeOH/H2O, 1/1 à 100°C, par TFA
1,3M 6N dans MeOH/H2O, 1/1 à 100°C et par Li2CO3 120 mM, HF 2,7 M, DTPA 4
mM, pH env. 2,5.
267

ANNEXE 7

A7. APPLICATION DE LA METHODE LIF/HF/DTPA A QUELQUES


ECHANTILLONS
DE GLACIS PRELEVES DANS DES TABLEAUX ET SCULPTURES.

Les colorants présents dans une dizaine d'échantillons de glacis (couches transparentes
contenant des laques) rouges, prélevés sur des polychromies et des peintures dans le cadre des
études entourant leur restauration à l'IRPA, ont pu être analysés après extraction par le
mélange HF/LiF/DTPA. Bien qu'elle n'ait pas été optimisée pour les échantillons historiques,
dans lesquels les laques sont enrobées dans des liants le plus souvent oléo-résineux et
polymérisés par vieillissement, la méthode d'extraction par LiF/HF/DTPA a donné des
résultats prometteurs. Huit des dix échantillons contenaient de l'alizarine(al) et de la purpurine
(pu). Les deux autres contenaient respectivement de l'acide carminique (ca) de l'acide
flavokermésique (fk) et de l'acide kermésique (ka), les principaux constituants de la cochenille
et du kermès.

Description de
N° Oeuvre Localisation Composition
l'échantillon
St Jean Baptiste – Glacis rouge sur or 2 fk, 47 al,
EH 1 robe de St Jean Baptiste
sculpture XIXe s. poli 51 pu
Retable de la Parenté, Glacis rouge sur or
EH 2 robe de Salomé, 37 al, 63 pu
Bruges, XVIe s. mat
Glacis rouge sur une
EH 3 idem Raisin, élément végétal 100 ca
sous -couche bleue
Laque rose dans une
Zébédée, poudre grattée
EH 4 idem couche opaque au dos 39 al , 61 pu
au dos de la sculpture
de la statuette
Retable Ham-sur- Fragment Adoration brocart appliqué,
EH 5 53 al, 47 pu
Heure 1470 des Mages, Gaspard glacis rouge sur or mat
Fragment Visitation,
EH 6 idem glacis rouge sur or 71 al, 29 pu
Zacharie, manteau, col
Fragment Adoration
Glacis rouge foncé sur
EH 7 idem des Mages, Balthazar, 52 al, 48 pu
argent
turban

Vierge à l'Enfant – Fond doré avec le glacis


Glacis rouge sur or
EH 8 XVe, peinture suiveur en forme de gouttes 100 ka
mat
R.Van den Veyden (photo )
Vierge à l'Enfant – Fond doré avec le glacis Glacis rouge sur or 44 ka, 5 al, 51
EH 9 mat
XVe s., peinture en forme des gouttes pu

Berceau – bois Glacis rouge sur or


EH 10 Décoration du bord poli 22 al, 78 pu
polychrome – XVe s.

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