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CHIMIE ORGANIQUE III

Partie II
Stratégies de synthèse

VANDEN EYNDE J.J.


TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION

Chapitre 1. EQUILIBRE ET CINETIQUE 1

1. L’équilibre chimique 1
2. La cinétique chimique 4
3. La catalyse 5
4. Les réactions réversibles 6
5. Les réactions compétitives 11

Chapitre 2. A PROPOS DES ACIDES ET DES BASES 13

1. La théorie de Bronsted et Lowry 13


1.1. Généralités 13
1.2. Les acides et les bases de Bronsted Lowry en chimie organique 13
1.3. La relation de Hammett 16
1.4. Les réactions de type acide-base en milieu non aqueux 18
2. La théorie de Lewis 19
3. La théorie HSAB 20
4. Basicité et caractère nucléophile 22
5. Basicité et caractère nucléofuge 24

Chapitre 3. POURQUOI ET COMMENT PROTEGER UN GROUPE FONCTIONNEL ? 26

1. Généralités 26
2. Le cas des amines 27
2.1. La protection sous forme de carbamate 27
2.2. La protection sous forme d’amide 28
3. Le cas des acides carboxyliques 29
4. Le cas des aldéhydes et cétones 31
5. La protection des alcools 32
5.1. La protection sous forme d’éther 32
5.2. La protection sous forme d’acétal 33
5.3. La protection sous forme d’ester 34
Exercices 35

Chapitre 4. LES DERIVES DU PHOSPHORE A L’APPUI DE LA CHIMIE ORGANIQUE 37

1. La nomenclature et les étages d’oxydation 37


2. La RMN 37
3. Le caractère oxophile 38
4. Les phosphines 38
4.1. La chiralité 38
4.2. L’acidité 38
4.3. Le caractère nucléophile du phosphore 38
Chapitre 5. LES REACTIONS PALLADO-CATALYSEES 42

1. Généralités 42
1.1. La réaction de Fridel-Crafts 42
1.2. La réaction de Grignard 42
2. Le palladium 43
3. Les réactions pallado-catalysées 44
3.1. Le couplage de Suzuki 45
3.2. Le couplage de Sonogashira 47
3.3. Le couplage de Stille 49
3.4. Le couplage de Mizoroki-Heck 50
3.5. La carbonylation 52

Chapitre 6. DES REACTIONS D’OXYDATION ET DE REDUCTION 53

1. Les réactions d’oxydation 53


1.1. L’oxydation au chrome 53
1.2. L’oxydation au diméthylsulfoxyde activé 54
1.3. Les oxydations sans épimérisation du carbone en α 54
1.4. Des oxydations particulières 55
2. Les réactions de réduction 56
2.1. La réduction par les hydrures 56
2.2. L’hydrogénation catalytique 57
2.3. L’amination réductrice 57

DES EXERCICES 59

Chapitre 7. UNE INITIATION A LA SYNTHESE ASYMETRIQUE 62

1. Le vocabulaire de la chiralité 62
1.1. Généralités 62
1.2. La configuration R et S 63
1.3. D’autres définitions 64
2. Le vocabulaire de la sélectivité 67
3. L’addition sur la double liaison carbone-carbone 69
3.1. L’addition énantiosélective 69
3.2. L’addition stéréosélective 72
4. L’attaque sur le carbonyle 74
4.1. Généralités 74
4.2. L’attaque énantiosélective 74
4.3. L’attaque diastéréosélective 76
5. L’attaque énantiosélective en α du carbonyle 77
5.1. Les copules d’Evans 77
5.2. Les hydrazones lithiées 78
6. L’inversion de configuration 79
7. La synthèse peptidique 81
7.1. La protection 81
7.2. L’activation du groupe carboxylique 81

Chapitre 8. LES REACTIONS RADICALAIRES 83

1. Généralités 83
2. La formation des radicaux libres 85
2.1. La rupture homolytique 85
2.2. A partir d’espèces chargées 85
2.3. A partir de métaux 85
2.4. A partir d’iodure de samarium 86
2.5. A partir de triacétate de manganèse 86
3. La réactivité des radicaux libres 86
3.1. La réaction en chaîne 86
3.2. La réaction non-chaîne 87
4. Des exemples de réactions radicalaires 87
4.1. L’halogénation 87
4.2. La réduction des dérivés halogénés 87
4.3. La formation de liens carbone-carbone 88
5. Les règles de Baldwin 89
6. Des applications 89

Chapitre 9. L’ACTIVATION PHOTOCHIMIQUE 90

1. Généralités 90
2. Les réactions photochimiques 91
2.1. La réaction de Norrish type 1 91
2.2. La réaction de Norrish type 2 91
2.3. La photoréduction intermoléculaire 92
2.4. La photoisomérisation cis-trans 92

Chapitre 10. LES REACTIONS PERICYCLIQUES 94

1. Introduction 94
2. Les réactions de cycloaddition 94
2.1. Généralités 94
2.2. La formation de cycles à six chaînons : la réaction de Diels-Alder 95
2.3. La formation de cycles à 4 chaînons 98
2.4. La formation de cycles à 5 chaînons :
les réactions 1,3-dipolaires et la click chemistry 99
3. Les réactions sigmatropiques 100
4. Les réactions électrocycliques 102

Chapitre 11. LES CARBENES 103

1. Généralités 103
2. Préparation 103
3. Réactivité 103

Chapitre 12. RETROSYNTHESE ET SYNTHONS 106

DES EXERCICES 107

BIBLIOGRAPHIE 110
Chapitre 1

EQUILIBRE ET CINETIQUE

1. L’équilibre chimique

K
A B
OH
O
H3C CH2
H3C CH3
Par définition :

[B] - G / RT
K= =e
[A]

Le sens du déplacement de l’équilibre dépend de la stabilité (contenu énergétique) des


composants et de la température.

B
E E E

A A B A

Dans le cas de l’acétone, le calcul des valeurs des énergies de dissociation des liaisons dans
les formes cétonique et ènolique indique que l’équilibre est déplacé vers la forme cétonique (> 99.999
%).

Forme cétonique Forme ènolique


C=O 177 kcal/mole C-O 88 kcal/mole
C-C 84 kcal/mole C=C 149 kcal/mole
C-H 98 kcal/mole O-H 111 kcal/mole
359 kcal/mole 347 kcal/mole

De même, le calcul indique que la valeur de la chaleur d’hydrogénation de la forme cétonique


de l’acétone (pour donner de l’isopropanol) est moins élevée que la valeur de la chaleur
d’hydrogénation de la forme ènolique correspondante.

L’un des moyens de déplacer un équilibre est de modifier la stabilité d’un composant en
solution (= soluté) en changeant, par exemple, la nature du solvant.

On identifie ainsi les solvants organiques

• protiques caractérisés par la présence d’un groupe –OH, ce sont les alcools et
les acide carboxyliques,
par opposition aux solvants organiques aprotiques comme le chloroforme, le
dichlorométhane, l’hexane, l’acétone, ….

• polaires caractérisés par une constante diélectrique (ε) élevée, souvent


supérieure à 15-20, ce sont les alcools, l’acétone, l’acétonitrile, …
par opposition aux solvants non polaires ou apolaires comme le
chloroforme, l’hexane, …

1
Classification des solvants organiques courants

Solvant protique aprotique polaire apolaire ε


Eau V V 78
Diméthylsulfoxyde V V 47
Acétonitrile V V 38
N,N-diméthylformamide V V 37
Méthanol V V 33
Hexaméthylphosphotriamide V V 30
HMPA, O=P(NMe2)3
Ethanol V V 25
Acetone V V 21
Dichlorométhane V V 9
Tétrahydrofurane V V 8
Acide acétique V V 6
Chloroforme V V 5
Diéthyl éther V V 4
Benzène V V 2
Hexane V V 2

D’une manière générale, les solvants polaires protiques complexent à la fois les espèces
cationiques et anioniques. Par contre les solvants polaires aprotiques solvatent (stabilisent) plus
facilement les espèces cationiques que les espèces anioniques. On peut, de la même façon, stabiliser
un m étal cation au moyen d’un agent chélatant comme la tétraméthyl éthylènediamine (TMEDA) ou
un éther-couronne.

ROH
(+) (-) H
M X M (+) O X (-) H O
R R

approche facile du cation O O


CH3
O O (-) H3C M (+)
CH3 CH3 N N
H N O O
H (+) N H3C
M (+) CH3
CH3 CH3
approche difficile de l'anion

Les équilibres tautomères sont très sensibles aux effets de solvants. Ainsi, dans le cas du 2-
hydroxy-7-isopropyl-1,4-diméthylazulène, l’équilibre tautomère peut être déplacé (quasi) totalement
vers l’une ou l’autre forme en fonction du solvant employé.

O HO

HH H

Solvant % de forme ènolique


Chloroforme 0
Cyclohexane 5
Méthanol 20
1,4-dioxane 55
Diméthylsulfoxyde 95

2
Les composés 1,3-dicarbonylés peuvent exister sous forme dicarbonylée ou sous formes
cétoènoliques E ou Z, la forme cétoènolique Z étant stabilisée par la formation d’un lien H
intramoléculaire dans un pseudo-cycle à six chaînons. Comme nous l’avons vu, chacune de ces
formes donne lieu à ses propres signaux en RMN. Le spectre de la 2,4-pentanedione en solution dans
le chloroforme illustre ce cas. Le passage à une solution dans le diméthylsulfoxyde modifie la position
de l’équilibre.
H
H O
O O O O
H

H H H O

3
2. La cinétique chimique

k
A B

Par définition
-Ea/RT
k=A e

C’est l’équation d’Arrhénius, proposée en 1889, dans laquelle

• A est le facteur pré-exponentiel caractérisant la fréquence des chocs efficaces



#
Ea est l’énergie d’activation, Ea = ∆H + RT

Ou encore
kbT - G # / RT
k= e
h
#
expression dans laquelle ∆G est l’énergie d’activation de Gibbs

CT

E
B
Ea E
A G#
A G

G
B

réaction exothermique réaction endothermique

CR CR

Le plus couramment, les réactions chimiques sont d’ordre 1 ou d’ordre 2 en un réactif :


1 2
v = k [A] ou v = k [A]

Pour une réaction d’ordre 1, la relation ln [A] en fonction de t est une droite de pente égale à –
k ; pour une réaction d’ordre 2, la relation 1/[A] en fonction de t est une droite de pente égale à k.

4
3. La catalyse

Un catalyseur est une substance qui permet d’accélérer la vitesse d’une transformation
chimique (augmenter le nombre de chocs efficaces) et que l’on récupère intégralement à la fin du
processus. Il ne diminue pas l’énergie d’activation de la réaction proprement dite mais il permet à cette
réaction de suivre un autre chemin réactionnel nécessitant moins d’énergie. Ceci n’est généralement
pas reflété par les graphiques énergie/coordonnées réactionnelles.

réaction non catalysée

réaction catalysée
E

CR
La catalyse peut être

• homogène, si le catalyseur est dissous dans le milieu réactionnel. C’est le cas, par
exemple, de l’utilisation de traces d’acide inorganique pour activer un groupement
carbonyle.
+ H H
O O O
+
+ H
+

-
O

+
• hétérogène, si le catalyseur est dans une phase distincte de celle(s) des réactifs.
C’est le cas, par exemple, de l’utilisation du palladium (solide) pour réaliser les
réactions d’hydrogénation des doubles liaisons.

Exercice

Quelles sont les caractéristiques spectroscopiques du produit de départ et du produit final ?

5
La catalyse enzymatique est un cas particulier de catalyse qui conduit souvent à des
6
accélérations de la vitesse d’une réaction par un facteur 10 . L’une des manières dont une enzyme
agit consiste à modifier sa conformation de façon à amener les réactifs à proximité l’un de l’autre.

4. Les réactions réversibles

K
k1
A B
k -1

Il s’agit ici de tenir compte de la constante de l’équilibre mais aussi des vitesses de chacune
des deux réactions composant cet équilibre.

Diverses situations possibles sont représentées ci-dessous :

6
E E E

A A A

B B B

CR CR CR

E E E

A B A B A B

CR CR CR

E E
E
B B B

A A A

CR CR CR

Généralement, la réaction d’estérification catalysée par un acide est une réaction d’équilibre.
Pour déplacer l’équilibre vers la formation de l’ester il faut souvent recourir à diverses astuces
expérimentales comme l’emploi d’un appareil de Dean Stark.

7
Les réactions de substitution nucléophile en série aliphatique font aussi appel à la notion de
réactions réversibles. Elles sont très sensibles aux effets de solvants, mais pour des raisons
différentes quand il s’agit d’une SN2 ou d’une SN1
Dans le cas d’une SN2, les solvants polaires protiques solvatent et stabilisent les nucléophiles
anioniques de manière plus importante que les solvants polaires aprotiques (voir plus haut). Ainsi, le
chlorométhane réagit avec l’ion iodure moins vite dans le méthanol que dans le N,N-
diméthylformamide..

8
Dans le cas d’une SN1, les solvants polaires (protiques ou aprotiques) stabilisent le
6
carbocation intermédiaire. Le 2-chloro-2-méthylpropane réagit quelque 3 10 fois plus vite dans l’eau,
plus polaire (ε = 78), que dans l’éthanol (ε = 25).

9
Le pouvoir séparateur de charges d’un solvant (Y) se détermine au moyen de l’équation de
Grunwald-Winstein qui est de la forme :

log k/k0 = ms Y

dans laquelle

k est la constante de vitesse d’une réaction de solvolyse dans le solvant ou mélange de


solvants considéré(s)
k0 est la constante de vitesse d’une réaction de solvolyse dans un mélange éthanol/eau 80/20
ms est caractéristique du produit subissant la solvolyse, ms vaut 1 dans le cas du chlorure de
tertio-butyle. Pour les substrats réagissant par SN1, ms est supérieur ou égal à 1. Ce facteur
est inférieur à 1 pour les mécanismes allant vers la SN2.

Solvant Y
EtOH (100 %) -2.0
EtOH / H2O (80 / 20) 0
EtOH / H2O (50 / 50) 1.66
H2O 3.50
MeOH -1.09
MeOH / H2O (50 / 50) 1.98
AcOH - 1.64

La catalyse enzymatique est caractérisée par une cinétique particulière appelée cinétique de
Michaelis-Menten. Elle est basée sur deux réactions réversibles consécutives.
Dans cette théorie, la réaction enzymatique se déroule en 2 étapes successives.
La première au cours de laquelle l’enzyme E réagit avec un substrat S pour former un
complexe enzyme – substrat ES. Cette première étape est un équilibre réversible rapide. Une quantité
importante de l’enzyme réagit avec le substrat S.
Au cours de la deuxième étape le complexe ES se dissocie pour libérer le produit final P et
régénérer l’enzyme E. Cette étape réversible est plus lente et directement liée à la disponibilité de ES.

Au début de la réaction, la [P] est presque nulle et on ne peut pas tenir compte de la réaction
E + P ES.
La vitesse initiale de la réaction V0 est donc donnée par la réaction la plus lente
ES P + S:
V0 = k2 [ES]
La [ES] est difficilement mesurable. On introduit le terme [E]t qui représente la concentration
totale en enzyme :

10
[E]t = [E] + [ES]

La concentration en enzyme libre [E] vaut


[E] = [E]t - [ES]

L’enzyme étant le catalyseur [E] <<< [S], on peut supposer que [ES] <<< [S]

Si Km, appelé constante de Michaelis – Menten, égale (k-1 + k2 )/k1 et si Vmax = k2 [E]t, alors
on peut montrer que

Vmax . [S]
Vo = -------------
[S] + KM

5. Les réactions compétitives

Dans un tel cas de figure, l’orientation de la réaction dépend de l’énergie d’activation de


chacune des réactions composantes et de la stabilité des produits.

Schématiquement la situation peut être représentée de la façon suivante :

Si les réactions ne sont pas réversibles, c’est l’énergie d’activation qui est le facteur principal à
considérer. Le produit qui se formera majoritairement (exclusivement) est le produit à la formation
duquel est associée la plus petite énergie d’activation (formation de C). On dit que la réaction est sous
contrôle cinétique.

Si les réactions sont réversibles et que l’on fournit peu d’énergie au système, seul le produit C
se formera, on est également sous contrôle cinétique. Par contre, si l’on fournit suffisamment
d’énergie au système, C sera à même de se décomposer pour redonner A et A pourra réagir en
franchissant une barrière d’ énergie plus élevée et déplacer ainsi l’équilibre vers le produit le plus
stable (B). On dit que la réaction est sous contrôle thermodynamique.

11
L’addition d’acide bromhydrique sur le 1,3-butadiène illustre cette notion. A basse
température, il se forme essentiellement du 3-bromo-1-butène, la réaction procède via le carbocation
secondaire plus stable. A température ambiante, c’est la formation du 1-bromo-2-butène, l’alcène le
plus substitué donc le plus stable, qui est favorisée.

- 80 °C 81 % 19 %

HBr + Br
Br
20 °C
44 % 56 %

H+

H
+
La réaction de sulfonation du naphtalène est un autre exemple.

Exercice

Les spectres ci-dessous sont ceux du naphtalène et du produit cinétique de la sulfonation. En


déduire la structure du produit cinétique et du produit thermodynamique. Justifier la différence de
stabilité. Décrire le mécanisme de la réaction de sulfonation du naphtalène et justifier la différence
d’énergie d’activation.

12
Chapitre 2

A PROPOS DES ACIDES ET DES BASES

1. La théorie de Bronsted et Lowry

1.1. Généralités

Un acide de Bronsted-Lowry est un composé ou un ion qui peut donner un proton à une autre
molécule ou un autre ion. Une base de Bronsted-Lowry est un composé ou un ion qui peut accepter
un proton d’une autre molécule ou d’un autre ion.

HCl + H2O H3O (+) + Cl (-)


acide base conjuguée

base acide conjugué

Il s’agit d’une réaction d’équilibre et l’on définit :

[H3O (+)] [A (-) ]


K a = K [H2O] =
[HA]
et pKa = - log Ka

L’équation de Henderson-Hasselbalch permet de calculer le pH d’une solution aqueuse d’un


acide faible de concentration donnée :

[A (-)]
pH = pKa + log
[AH]

1.2. Les acides et les bases de Bronsted-Lowry en chimie organique

Il s’agit souvent d’acides carboxyliques et d’amines

RCO2H + H2O RCO2 (-) + H3O (+)

(+)
RNH3 + H2O
RNH2 + H3O (+)

pKa

Souvent on parle de pKa d’une amine. Il s’agit en fait du pKa de son acide conjugué.

13
14
15
1.3. La relation de Hammett

La mesure de la constante d’acidité de divers acides benzoïques dans l’eau à 25 °C permet


de mettre en évidence de subtiles variations de pKa.

O OH O O (-)

(+)
+ H
R R

R pKa
méta para
-NH2 4.60 4.86
-OH 4.08 4.60
-OMe 4.09 4.47
-Me 4.27 4.37
-H 4.20
-F 3.86 4.13
-Cl 3.83 4.00
-Br 3.82 3.97
-I 3.85 4.00
-CN 3.61 3.56
-NO2 3.45 3.45

Si l’on calcule « pKa acide benzoïque –pka acide benzoïque substitué », on obtient les valeurs
reprises dans le tableau ci-dessous. Ces valeurs sont caractéristiques du substituant porté sur le
noyau aromatique et de sa position. Elles portent le nom de « sigma de Hammett pour un
substituant ».

R σ
σm σp
-NH2 - 0.40 - 0.66
-OH 0.12 - 0.40
-OMe 0.11 - 0.27
-Me -0.07 - 0.17
-H 0.00
-F 0.34 0.07
-Cl 0.37 0.20
-Br 0.38 0.23
-I 0.35 0.18
-CN 0.59 0.64
-NO2 0.75 0.75

16
On observe alors que les relations log [K(R) / K(H)]

sont des relations linéaires de type log [K(R) / K(H)] = ρσ

où ρ (> 0 ou < 0) est appelé constante de réaction. Par définition, ρ vaut 1 pour la dissociation des
acides benzoïques.

L’équation est vraie aussi pour les constantes cinétiques : log [k(R) / k(H)] = ρσ

Une valeur positive de ρ indique qu’un groupe capteur augmente la vitesse de la réaction, une
valeur négative indique que c’est un groupe donneur qui augmente la vitesse.

Quelques valeurs de ρ sont données ci-dessous.

ρ
Ionisation des acides benzoïques dans l’eau à 25 °C 1.0
Ionisation des phénols dans l’eau à 25 °C 2.1
Ionisation des sels d’anilinium dans l’eau à 25 °C 2.8

Nitration dans l’anhydride acétique à 18 °C - 5.9


Estérification des phénols par le chlorure de benzoyle sans solvant à 20 °C 0.6
-
Hydrolyse basique (OH ) des esters éthyliques des dérivés de l’acide benzoïque 2.6
Hydrolyse acide des esters éthyliques des dérivés de l’acide benzoïque 0.1

Il est à noter que les valeurs de σ caractérisent la somme d’effets mésomères et inductifs. Des
r i
valeurs de σ et σ sont d’ailleurs connues.

Sur la base du modèle de Hammett, il a été montré qu’en série aliphatique, il est également
*
possible de quantifier l’effet inductif d’un substituant. C’est la notion de σ de Taft, définie à partir des
constantes de vitesse de l’hydrolyse alcaline des esters d’acides carboxyliques aliphatiques.

OH - O
O
R + H2O R + C2H5OH
O C2H5 O-

log [ k (R) / k (CH3) ] = ρ * σ *

R σ * (R) σ * (CH2R) R σ * (R) σ * (CH2R)


Me 0.00 - 0.10 OMe - 0.22 + 0.52
Et - 0.10 - 0.10 F + 1.10
n-Pr - 0.10 - 0.13 Cl + 1.05
isoPr - 0.19 Br + 1.00
n-But - 0.13 I + 0.85
Ph + 0.60 + 0.22 NO2 + 1.40
PhCH2 + 0.08 CN + 1.30

17
1.4. Les réactions de type acide-base en milieu non aqueux

Vu la faible solubilité des composés organiques en milieu aqueux, de nombreuses synthèses


sont menées dans un solvant organique. Dans ces cas, on utilise comme

acides forts :

• H2SO4 concentré (98 – 100 %), pKa ~ - 9

H2SO4 H3SO4 (+) + HSO4 (-)

(+) H
O
O

H3SO4 (+) + H2SO4 +

• HCl gazeux dissous dans un éther ou un alcool, pKa ~ - 4

3 H
K éq ~ 10 (+)
O O
(-)
+ HCl + Cl

c'est l'acide

• Acide para- toluènesulfonique, pKa ~ – 7

OH O (-) (+) H
O S O O O S O O

O O
+ +

CH3 CH3

acides faibles

• des acides carboxyliques, pKa ~ 5

bases fortes

• des alcoolates, RONa, ROK, pKa ~ 15

• l’hydrure de sodium, NaH, dans l’hexane ou l’éther, pKa ~ 35

NaH R'X
R R R
NH N (-) N R'
R R R

• des amidures, pKa ~ 40

Comme l’amidure de sodium, NaNH2, dans l’ammoniac liquide (ou un alcane ou un éther)

K ~ 1013
-
HC CH + NH2 HC C -
+ NH3

18
Comme les amidures de lithium, par exemple diisopropylamidure de lithium (LDA)

(+) (-) (-) (+)


ButBr + 2 Li ButLi + LiBr

ButLi + HN
LiN + ButH

• des alkyllithiums, RLi, pKa ~ 50

(+) (-) (-) (+)


RBr + 2 Li RLi + LiBr

bases faibles

• des amines aliphatiques, pKa ~ 10-12


• des amines aromatiques, pKa ~ 5
• de la pyridine, pKa ~ 5

2. La théorie de Lewis

Toute molécule ou tout ion pouvant accepter une paire d’électrons est un acide. Les
molécules et ions qui réagissent en donnant une paire d’électrons sont des bases de Lewis.

Par exemples :
F(-)
F B F
F O
+ H5C2 C2H5 O
B H5C2 C2H5
F F (+)

acide de Lewis base de Lewis

(+)
(+) ROH2
H + ROH

AlCl3 + RX AlCl3X (-) R (+)

(-)
O (+) O ZnCl2
ZnCl2 +

C'est une classification qui équivaut à distinguer, de manière générale, les électrophiles et
les nucléophiles.
(+) (-) (+) (-)
H X ,R X , RNH2, ROH

En synthèse organique, les acides de Lewis sont aussi utilisés comme catalyseurs courants.
Ainsi la réaction de Friedel-Crafts utilise souvent comme catalyseur l’acide de Lewis AlCl3. Il faut
savoir que cette réaction est réversible. La polysubstitution en ortho et para est à considérer comme
un processus sous contrôle cinétique. Pour des raisons de décompression stérique, la trisubtitution en
méta est favorisée.

19
Cl (-)
AlCl3 + RX (+)
Cl Al Cl + R
Cl
(+)
R
R H
H
(+)

(-) Cl
Cl Al Cl
Cl
R H R
H
(+) + HCl + AlCl3

AlCl3

+ Br

3. La théorie HSAB

HSAB est l’abréviation de hard and soft acids and bases.


Cette théorie classe les acides, et plus généralement les électrophiles, ainsi que les bases
(nucléophiles) en dérivés « durs » et « mous ».

Acides (électrophiles) Bases (nucléophiles)


+ + + + 2+ + - - - - –
Durs H , Li , Na , K , Mg , AlCl3, RCO H2O, OH , F , Cl , AcO , ROH, RO NH3,
RNH2
2+ + + + - - -
Limites Fe , NO , C6H5 , R3C (selon Y ) PhNH2, pyridine, N3 , Br
+ + 2+ - - - - -
Mous Ag , Cu , Pd , I2, RH, carbènes, Br2, R2S, RSH, RS , I , R3P, CN , H , R
+ +
Cu , Ag

20
Les acides durs sont des atomes de type accepteurs, de petite taille, avec une forte charge
positive, ils n'ont pas de paire d'électrons sur la couche de valence, ils sont faiblement polarisables et
ont une électronégativité importante.

Les acides mous sont des atomes de type accepteurs, volumineux, avec une faible charge
positive, ils ont une paire libre d'électrons sur la couche de valence p ou d, ils sont fortement
polarisables et ont une électronégativité faible.

Les bases dures sont des atomes de type donneurs, ils sont faiblement polarisables et ont
une électronégativité importante, ils sont difficiles (durs) à oxyder.

Les bases molles sont des atomes de type donneurs, ils sont fortement polarisables et ont
une électronégativité faible, ils sont faciles à oxyder.

On définit la dureté en valeur absolue, comme

η = (I – A) / 2

avec I = potentiel d'ionisation et A = électronégativité

Selon la théorie HSAB, les interactions dur-dur et mou-mou sont favorables, fortes, au
(-) (+) (+) (-)
contraire des interactions dur-mou. Ainsi OH et H interagissent fortement, H et I interagissent
faiblement.

Dans le cas d'interactions dur-dur, on dit de ces interactions qu'elles sont sous contrôle
électrostatique (combinaison de charges). Dans le cas d'interactions mou-mou, on dit qu'elles sont
sous contrôle orbitalaire (interactions HOMO-LUMO).

Le principe HSAB trouve une de ses applications dans la réactivité des éthers vis-à-vis de HI
dans l’eau.
I-
+ -
H3C H3O / I H3C +
O O H CH3I + CH3OH
H3C H3C

Un autre exemple est l'alkylation 1,2 ou 1,4 des composés carbonylés α,β-insaturés au moyen
d'un organométallique.

4 3
R (-) Y (+) R H
2 O R
1 O
OH

(+)
(-)
O O O (-)
(+)
1, 4 mou
1, 2
dur

(+) (+)
Si Y = Li (dur), l'addition 1,2 sera favorisée :

1) CH3Li
4 3
2) NH4Cl / NH4OH
2 O CH3
1
OH

21
(+) (2+) (-)
Si Y = Mg Cl , alors l'addition 1,4 sera favorisée :

1) CH3MgBr
4 3
2) NH4Cl / NH4OH H3C H
2 O O
1

Pour favoriser l’interaction de type « mou-mou » (addition 1,4), on peut augmenter encore plus

le caractère mou de R en l’associant à un atome de cuivre à l’étage d’oxydation + 1. On utilise ainsi
les cuprates de Gilman ou de Normant que l’on prépare selon :

2 ButLi + CuI But2CuLi cuprate de Gilman

2 H2C=CHMgBr + CuBr.SMe2 (H2C=CH)2CuMgBr cuprate de Normant

L’orientation de la réaction d’alkylation d’une cétone ènolisable est également régie par la
théorie HSAB. En effet on sait que cette réaction, via la forme ènolique, peut avoir lieu soit sur l'atome
d'oxygène soit sur l'atome de carbone. Dans la théorie HSAB, l'O-alkylation sera favorisée en utilisant
(+) (-)
des agents alkylants durs de type R X . Expériementalement on observe que le pourcentage de O-
alkylation est moins élevé en utilisant RI plutôt qur RCl.
(-)
X dans RX O-alkylation
O O (-)

Cl (-)
60 H

(-)
Br 40
RX

(-) 15 O
I

O OR (-)

+
R

4. Basicité et caractère nucléophile

Les amines sont des substances basiques au sens de Bronsted-Lowry et nucléophiles au


sens de Lewis. Quand on souhaite exploiter uniquement le caractère basique au sens de Bronsted-
Lowry, on utilise des amines fortement encombrées. Les amidines cycliques et les amidures
encombrés sont également des bases fortes peu (non) nucléophiles.

22
diisopropyléthylamine diazobicyclooctane

DIEA, DIPEA N DABCO


N N
base de Hünig pKa ~ 9

pKa ~ 10

CH3 CH3
1,8-bis(diméthylamino)naphtalène
H3C N N CH3
proton sponge

pKa ~ 12

diazobicyclononène diazobicycloundecène
N N DBN DBU
N N
pKa ~ 13 pKa ~ 13

diisopropylamidure de lithium tétraméthylpipéridure de lithium


LiN
LDA LiN LTMP

pKa ~ 36 pKa ~ 37

hexamethyldisilylamidure (HMDS) de lithium

SiMe3 LHMDS
LiN
SiMe3 pKa ~ 26

Le caractère nucléophile est lié à l'énergie de l'orbitale moléculaire occupée la plus haute
(HOMO) d'une base. Un thiol est plus nucléophile qu'une amine primaire, plus nucléophile qu'un
alcool.
RSH > RNH2 > ROH

Le caractère nucléophile diminue avec l'augmentation de l'électronégativité de l'atome :


(-) (-) (-)
R2N >> RO >> F
(-) (-)
RS > RO

Le caractère nucléophile d'un hétéroélément augmente si il est attaché à un autre


hétéroélément identique. C'est ce que l'on appelle l'effet α, dû au chevauchement des orbitales des
deux hétéroéléments.

H2N-NH2 > RNH2


HOOH > H2O

23
Cas particulier : la réaction de (Morita)-Baylis-Hillman

Cette réaction met en jeu un aldéhyde et un alcène activé par un groupe capteur pour fournir,
en présence d’un catalyseur nucléophile, un alcool allylique.

OH
capteur H capteur H
R1
+ R1CHO
H H H H

Elle fut découverte en 1968 par Morita qui réalise l’expérience en présence de
tricyclohexylphosphine P(cyclohexyl)3 comme catalyseur nucléophile. Dans la version développée par
Baylis et Hillman en 1972, c’est le DABCO qui joue le rôle de catalyseur mais aussi, de façon
particulière, de nucléophile.

O
H
O
O OO R
N H R
H H
N H

H H H
H
N N
N N

O OH
transfert de proton H
R N
+
H H N

Un mécanisme alternatif a été proposé pour certains aldéhydes.

5. Basicité et caractère nucléofuge

Les bases faibles au sens de Bronsted-Lowry sont de bons groupes nucléofuges (partants).
Ainsi, l'aptitude nucléofuge des ions halogénures est :
(-) (-) (-) (-)
I > Br > Cl > F

Evidemment, l'énergie de la liaison à rompre est également un critère intervenant dans le


caractère nucléofuge.
(-) (-) (-) (-)
I > Br > Cl > F

(-) (-)
Les bases fortes, comme OH et RO sont de mauvais groupes partants. Ceci explique
pourquoi la substitution de ces groupes est activée par protonation, ce qui a pour effet de les
transformer en groupes partant, respectivement H2O et ROH, donc en bases faibles.

H (+) H - ROH
OR (+)
OR

24
Alternativement, on peut aussi "activer" le groupe OH en le transformant en un meilleur
groupe partant de type sulfonate au moyen des chlorures de sulfonyle correspondants.

O N O
R S Cl + HO R' R S O R'
O O

En série sulfonate, on a :

F3C SO3 - > H3C SO3 - > H3C SO3 -

triflate (OTf) tosylate (PTS, Tos, Ts) mésylate

trifluorométhylsulfonate para-toluènesulfonate méthanesulfonate

pKa approximatif de l’acide correspondant

- 13 -3 -2

25
Chapitre 3

POURQUOI ET COMMENT PROTEGER UN GROUPE FONCTIONNEL ?

1. Généralités

Pour réaliser une transformation chimique dans un composé polyfonctionnel, il est


parfois/souvent nécessaire de protéger certaines fonctions que l’on souhaite garder intactes mais qui
pourraient être affectées par la transformation à réaliser.

Plus tard dans la synthèse, il sera nécessaire de déprotéger la fonction protégée afin de lui
rendre ses propriétés initiales.

Les réactions de protection/déprotection sont fréquentes en synthèse organique, et tout


particulièrement lors de la synthèse de peptides et d’acides nucléiques.

Ainsi, la réaction entre deux acides aminés peut donner QUATRE dipeptides différents (et de
nombreux peptides).

H2N CO2H H2N CO2H


+
H CH3

O O O O
H H H H
H2N N CO2H H2N N CO2H H2N N CO2H H2N N CO2H

H CH3 CH3 H H H CH3 CH3

Afin de rendre la réaction sélective, il est nécessaire de recourir à la protection d’une fonction
amine dans l’un des acides aminés et d’une fonction carboxylique dans l’autre.

N-protection Z
HN CO2H
H2N CO2H
H
H

C-protection
H2N CO2H H2N CO2 - R

CH3 CH3

Z Z O
H
HN CO2H H2N CO2 - R HN N CO2 - R
+
H CH3 H CH3

déprotection

O
H
H2N N CO2H

H CH3

26
Afin de limiter les effets de ces réactions de protection/déprotection sur le rendement global
des transformations envisagées, il est nécessaire que les réactions de protection ET les réaction de
déprotection se fassent avec un rendement voisin de … 100 %. Le choix de ces réactions de
protection/déprotection est donc fondamental en synthèse organique.

De plus, ces réactions doivent être

• peu onéreuses
• non toxiques
• faciles à réaliser.

Il existe de nombreuses réactions de protection/déprotection. Dans la deuxième édition du livre


« protective groups in organic synthesis » (John Wiley and sons, Inc, New York) parue en 1991, T.W.
Greene et P.G.M. Wuts, en présentent plus de 500 et mentionnent plus de 200 abréviations pour ces
groupes ! La quatrième édition, parue en 2006, comprend deux fois plus de pages (1110 pages contre
473 en 1991).

Un choix très limité et arbitraire de réactions est donc donné ci-dessous.

2. Le cas des amines

2.1. La protection sous forme de carbamate

La protection est réalisée au moyen d'un chloroformate.

O O
H+
R NH2 + Cl O R N O R NH2
H
carbamate
chloroformate de tertio-butyle
O

R N O
H

t-BOC
R NH Boc
BOC

tertio-butyloxycarbonyle

+
La déprotection est réalisée au moyen d'un acide fort (H3O , TFA/CH2Cl2, HBr).

27
2.2. La protection sous forme d'amide

La protection est réalisée au moyen d'un chlorure d'acide ou d'un anhydride.

O O H2O / T

R NH2 + Cl CH3 R N CH3 R NH2


H
H + ou OH -

La protection résiste à NaBH4, aux oxydants ainsi qu'aux bases et aux acides modérés.

La protection ne résiste pas à LiAlH4.

La déprotection est réalisée au moyen d'un acide fort (HCl, H2SO4) ou d'une base forte (KOH)
et en chauffant. La stabilité vis-à-vis de l'hydrolyse augmente dans le sens

formyle < acétyle < benzoyle

trifluoroacétyle < trichloroacétyle < acétyle

28
29
3. Le cas des acides carboxyliques

la protection sous forme d'ester

H2O / T
O O H + ou OH - O
R + HO R' R R
OH O R' OH
H2 / Pd/C

Cette méthode est courante mais elle souffre de divers désavantages :


• La protection ne résiste pas aux acides et aux bases, aux réactifs nucléophiles comme les
réactifs de Grignard, aux agents réducteurs comme LiAlH4 ;
• Les réactions d'estérification sont souvent des réactions d'équilibre. Pour éviter l'élimination
d'eau, on recourt à l'activation de l'acide au moyen d'un carbodiimide ou l'on transforme
l'acide en chlorure d'acide.

R'' R''
+
O N O H N O R''
R + C R + C R NH
O H N - O
O N
R'' R'' N R''
carbodiimide

CH3
O
N N
R +
O R'' CH3 R''
N
R NH NH
DMAP (qté catal) -
O
O
N R'' N R''
N CH3
H 3C

O
R +
R''
N HO R'
NH O CH3
-
O R + + N N
N R'' O R' CH3
N CH3
H3C H
R''
+ NH
-
O
N R''

R''
O NH
R + HO
N NH N R''
O R'
C O
N NH

R''
dicyclohexylcarbodiimide NH
DCC O
HN R''

urée

Le choix de la carbodiimide est lié à des considérations de solubilité :


Dicyclohexylcarbodiimide (DCC)
DCC -> DCU : la DCU est insoluble en milieux organique et aqueux
Diisopropylcarbodiimide (DIC)
DIC -> DIU : la DIU est soluble en milieu organique
1-Ethyl-3-(3-dimethylaminopropyl)carbodiimide EDC, EDAC, EDCI
EDC -> EDCU : l’EDC est soluble dans l’eau

30
4. Le cas des aldéhydes et des cétones

La protection sous forme d'acétal / cétal

La protection se fait au moyen d'un alcool (deux équivalents), d'un diol ou d'un orthoester.

APTS ou HCl (g) OR H+


O + 2 HOR O + 2 HOR
OR

HO O HO
O + O +
HO O HO

La protection résiste aux bases et aux nucléophiles.

La protection ne résiste pas aux acides. Il est à noter que les acétals cycliques sont plus
stables que les acétals non cycliques vis-à-vis de l'hydrolyse.

Dans certains cas la déprotection s'effectue au moyen d'iodotriméthylsilane (TMSI).

SiMe3 H SiMe3
OR O H+ O +
H3C
H3C Si I O SiMe
OR H3C 3 O SiMe
3

H SiMe3
O + H2O OH
+ HO-SiMe3 + H +
O SiMe O SiMe
3 3

31
5. La protection des alcools

5.1. La protection sous forme d'éther

H+
ROH + XR' O ROH
R R'
R' = Me, ArCH2, Me3Si

La déprotection des éthers méthyliques se fait à l'aide de HI (T ambiante), HBr (à chaud) ou


d'un acide de Lewis comme BCl3 ou BBr3, ou encore à l'aide d'iodotriméthylsilane (TMSI) comme
décrit ci-dessus.

Cl
Cl B Cl
Cl Cl
B Cl
O R'
O R
R R'
H2O

ROH + BCl2(OH)

32
La déprotection des éthers benzyliques se fait aussi par hydrogénolyse (H2 / Pd/C) et par les
acides de Lewis de type BX3, AlX3.

La protection des alcools sous forme d'éther silylé est souvent utilisée pour augmenter la
volatilité des alcools précurseurs en vue d'analyses GC et MS (EI). L'encombrement d'un groupe TMS
conduit à une protection sélective des alcools primaires puis secondaires puis tertiaires. Les ions
fluorures sont de bons agents de déprotection de ces éthers silylés.

O + F- O-
R SiMe3 R + FSiMe3

H2O

ROH

5.2. La protection sous forme d'acétal

APTS
ROH + *
O RO O

dihydropyrane

DHP

H+ -H+

H H
ROH
H H
+ O
O R O+
H

La réaction crée un centre aymétrique (d'où la formation d'énantiomères ou de


diastéréoisomères). Pour éviter ce problème, on utilise un autre dihydropyrane :

OMe MeO OR
APTS
ROH +
O O

La protection ne résiste pas aux attaques acides.

33
5.3. La protection sous forme d'ester

est décrite dans le cas des acides carboxyliques

34
Exercices

1. Le chlorure de trityle (Ph3CCl) permet de protéger sélectivement les alcools primaires. Pourquoi ?
Expliquer le mécanisme de cette réaction.

2. Le tertio-butyldiphénylchlorosilane (TBDPSCl) permet de protéger sélectivement une seule fonction


alcool du butane-1,2-diol. Pourquoi ?

3. Soit le triol ci-dessous. Quelles seront les deux fonctions protégées par l'action du benzaldéhyde ?
Quelle sera la position des substituants ? Même question pour une protection avec la 3-pentanone.
Pour rappel, les réactions d'acétalisation sont des réactions réversibles

HO
OH OH

4. Comment préparer de la 6-hydroxyundécane-2,10-dione à partir de formiate d'éthyle et du produit A


(C5H9BrO)? Ce produit est utilisé pour synthétiser un alcaloïde connu sous le nom de poranthérine.

Spectre de A

35
5. Une cétone a été protégée, mais l’expérimentateur ne sait plus si il a utilisé du méthanol ou de
l’éthylène glycol. Pouvez-vous l’aider ? De quelle cétone s’agit-il ?

Spectres de la cétone

Spectres du produit protégé

36
Chapitre 4

LES DERIVES DU PHOSPHORE A L’APPUI DE LA CHIMIE ORGANIQUE

1. La nomenclature et les étages d’oxydation

Etage - 3 PH3

R3P phosphine

R4P+H

Etage - 1 R3P=O oxyde de phosphine

Etage 0 P phosphore

R
Etage + 1 R P O acide phosphinique
OH

OH
R P O acide phosphonique
Etage + 3 OH

OR
R P O dialkyl phosphite
OR

OR
RO P trialkylphosphite
OR

OR
phosphate
Etage + 5 RO P O
OR

2. La RMN
1 13 1 13
Le phosphore 31 a un spin nucléaire de ½. Il est couplé au H et au C (les H et C sont
31 3 4
donc aussi couplés au P). L’observation des constantes de couplage de type J et J est fréquente.

CH3CN
(+ impureté)
H2O

O
LiO P OCH
3

P OLi
H3CO
O

Décalage
TMS non miscible

37
3. Le caractère oxophile

Le phosphore a une grande affinité pour la création d’une liaison P=O, comme dans l’oxyde
de phosphine. La formation de cet oxyde est d’ailleurs la force motrice de nombreuses réactions
mettant en jeu des dérivés du phosphore.

4. Les phosphines

4.1. La chiralité

Tout comme dans le cas de l’atome d’azote, la chiralité peut être détruite par la rapidité de
l’inversion d’une forme vers l’autre (effet parapluie), mais cette inversion nécessite PLUS d’énergie
que dans le cas de l’atome d’azote. Il est donc possible d’isoler des phosphines énantiomères pures.

4.2. L’acidité

L’introduction d’un groupe alkyle sur l’atome de phosphore de la phosphine diminue son
acidité.

PH3 MePH2 Me2PH Me3P

pKa - 14 -3 +4 +9

4.3. Le caractère nucléophile du phosphore

Grâce au doublet électronique sur l’atome de phosphore, les phosphines sont de bons
nucléophiles, meilleures que les amines. Elles forment ainsi des sels de phosphoniums.

R1 R1 +
R4 R2 P R4
-
R2 P + X X
R3 R3

38
4.3.1. La réactivité vis-à-vis des halogènes et des tétrahalogènures de carbone

Les phosphines réagissent facilement avec les halogènes et les tétrahalogènures de carbone
pour fournir des sels de phosphonium très réactifs vis-à-vis des nucléophiles. Ce sont des précurseurs
de choix pour convertir les alcools en dérivés halogénés.

+
Cl
-
R3P + Cl Cl R3P Cl

+ - HCl +
O + R3P Cl
- -
Cl R3P O R' Cl
R' H
base
-
Cl

R3P O + R' Cl

La condensation rédox de Mukaiyama en est un autre exemple.

+
Cl
-
R3P + Cl CCl 3 R3P CCl 3

+ - CHCl3 +
+ R3P - -
O Cl CCl 3 R3P O R' Cl + CHCl3
R' H
base
-
Cl

R3P O + R' Cl

4.3.2. La réactivité vis-à-vis des dérivés monohalogénés : la réaction de Wittig

Les sels de phosphonium obtenus à partir de triphénylphosphine et d’un dérivé halogéné


peuvent facilement être déprotonés par une base. On forme ainsi un ylure de phosphore.

H2 +
-
Ph3P + C Cl Ph3P CH2 Cl
H3C H3C

+ base + -
- Ph3P CH
Ph3P CH2 Cl
H3C - HCl H3C

ylure

39
En présence d’un aldéhyde (ou d’une cétone, plus difficilement), cet ylure réagit pour former
un oxophosphetane qui se clive spontanément pour fournir un alcène et l’oxyde de
triphénylphosphine.

O C -
O C

+ - + O
Ph3P CH Ph3P CH Ph3 P
H3C H3C H3C

oxophosphetane

O
O
Ph3P
Ph3 P
H 3C

C’est la réaction de Wittig qui permet de former un alcène à partir d’un composé carbonylé
(aldéhyde ou cétone) et d’un dérivé halogéné.

La réaction de Wittig

Ph3P R'
O
R' CH2X +
base

La réaction est Z-sélective avec les ylures non stabilisés (R’ = alkyle)

La réaction est E-sélective avec les ylures stabilisés (R’ = R’’-C=O).

Pour expliquer cette sélectivité, il faut admettre que la réaction de formation de


l’oxophosphétane cis, cinétiquement favorisé, est irréversible dans le cas d’un ylure non stabilisé.

R''
O C
H R''
Ph H R'' H R"
- cinétique O
+ O
C R'
Ph3P C Ph P
H Ph3 P H R'
H R' C H
Ph R' faible interaction
H
faible interaction

R''
O C
H H
Ph R'' H
+ - O thermodynamique H R''
C C O
Ph3P Ph P H H R'
H R' R'' Ph3 P
C
R'
Ph R' forte interaction
H
faible interaction

40
Exemples
H
+ O H
Br
H

O OHC O H
Br + O
EtO O EtO O
H O

Exercice

Expliquer la séquence suivante :

C6H13Br
Ph3P / base 1) TsCl / pyridine C4H9
wittig H+ 2) NaI ? OH
H
O O
H
CHO
C5H11

4.3.3. Une variante de la réaction de Wittig : la réaction de Horner-Wadsworth-Emmons

Dans cette variante, on forme un ester α,β-insaturé (E, la géomètrie est liée à la stabilisation
de l’ylure) à partir d’un aldéhyde, d’un phosphonate et d’une base.

La réaction de Horner-Wadsworth-Emmons

OCH3 1) base R' H


H3CO P
O H O
O 2) R'CHO
H3CO H3CO

Le phosphonate s’obtient par la réaction d’Arbuzov :

réaction d'Arbuzov

OCH3
H3CO H3CO +
H3CO P R X H3CO P R CH3X + H3CO P R
O
-
O X O
CH3 CH3
triméthylphosphite phosphonate

Si R = H2C - CO2CH3
c'est le précurseur de
la réaction de
Horner-Wadsworth-Emmons

4.3.4. Une autre variante de réaction de Wittig : la réaction de Corey-Fuchs

Cette réaction consiste à préparer, via un ylure de phospore et un aldéhyde, un


dibromoalcène. Celui-ci en présence d’une base très forte génère un carbène qui se réarrange en
alcyne vrai.

La réaction de Corey-Fuchs

O CBr2
..
+ - R
BuLi C
CBr2 + R R
Ph3P R Li
H H
H

41
Chapitre 5

LES REACTIONS PALLADO-CATALYSEES :


UN AUTRE FACON DE FORMER UN LIEN CARBONE-CARBONE

1. Généralités

Parmi les réactifs les plus utilisés pour former un lien carbone-carbone, on peut certainement
citer les dérivés halogénés et parmi les réactions les plus fréquentes, la réaction de Friedel-Crafts et la
réaction de Grignard.

1.1. La réaction de Friedel-Crafts


AlCl3 R

+ RX + HX

+ - + -
AlCl3 R X AlCl3 R + AlCl4
R X

AlCl3 + Cl -

1.2. La réaction de Grignard

Mg H2O
R R
O + RX OH
OMgX

R X + Mg RMgX

2 RMgX R2Mg.MgX2 R2Mg + MgX2

R Mg X

Le réactif de Grignard est en équilibre avec une forme dimère qui peut se dissocier en R2Mg
et MgX2. C’est l’équilibre de Schlenk. Un solvant de type éther (ou THF ou moins usité le
diméthoxyéthane, DME) qui stabilise la forme réactive monomère est à même de solubiliser le réactif.

42
La réaction de formation du réactif de Grignard implique l’insertion du métal dans un lien
carbone-halogène. Il s’agit d’une addition oxydante, le métal passe de l’étage d’oxydation 0 à l’étage
+ 2 ; l’atome de carbone change de polarité (principe d’inversion de polarité).

R R
M(0) M (+ 2)
X
X

(+) (-)
R R (2 +)
M M
X
X (-)
(-)

R .
R
M(0)
. R
M (+ 2)
M X
X X

La réaction inverse est l’élimination réductrice.

Y
Y
M (+ 2) M(0)
X X

2. Le palladium

Le palladium est un métal de transition ayant 10 électrons de valence qui peut former des
liaisons avec des coordinats, aussi appelés ligands, de façon à remplir ses trois sous-couches, c’est à
2 10 6
dire à atteindre la structure électronique à 18 électrons ns (n-1)d np . Pour atteindre cet état, il faut
donc apporter 8 électrons, souvent sous la forme de 4 doublets.

L 0 L
Pd Pd(0)L4
L L

Les réactions pallado-catalysées mettent généralement en jeu des complexes du palladium


zérovalent. L’interconversion entre les états Pd(0) et Pd(II) est aisée, si bien que pratiquement on
utilise souvent des complexes de P(II) à partir desquels on génère, in situ, le complexe de Pd(0) par
réduction.

Le chlorure de palladium(II), PdCl2, est un oligomère insoluble dans la plupart des solvants
organiques. En présence de ligands donneurs, comme la triphénylphosphine, la structure oligomère
est cassée et il se forme des monomère PdCl2L2, stables à l’air et solubles dans la plupart des
solvants organiques. Le complexe PdCl2(PPh3)2 est un solide jaune stable à l’air.

Cl Cl
Cl
Pd

Cl Cl Cl

2 PPh3
[PdCl2]n PdCl2(PPh)3

43
L’acétate de palladium(II) est aussi un produit commercial fréquemment utilisé pour générer,
in situ par réduction, les complexes de Pd(0).

Pd(OAc)2

Le complexe de Pd zérovalent Pd(PPh3)4 est également commercial.

3. Les réactions de couplage pallado-catalysées

Il s’agit de réactions mettant en jeu un réactif RX porteur d’un groupe halogène (Cl, Br, I) ou
2
triflate, souvent lié à un atome de carbone sp (alcène, aryle) et un coréactif YR’. Ces réactions
conduisent à la formation d’un lien carbone-carbone entre R et R’.

En fonction de la nature de Y-R’, on parle de


• couplage de Suzuki-Miyaura
• couplage de Kumada
• couplage de Stille
• couplage de Hiyama
• couplage de Negishi
• couplage de Sonogashira
• couplage de Buchwald-Hartwig
• cyanation
• couplage de Heck
• carbonylation

Après formation du catalyseur au palladium (0) et addition oxydante du précurseur R-X, ces
réactions procèdent
soit par transmétallation (pour les huit premières)

RX
R
L Pd L
L Pd(0) L addition oxydante
X
X Y
Y R'
R R' où Y est un métal
R
transmetallation
évolution et
élimination L Pd L
réductrice
R'

soit par insertion migratoire (pour les deux dernières).

44
3.1. Le couplage de Suzuki

Il s’agit d’une méthode générale de formation d’un lien carbone-carbone mettant en jeu un
précurseur R-X et un borane.

Le couplage de Suzuk i

R'' Pd(0)
RX + R' B R R'
R'' base

Les dérivés du bore

La nomenclature

BR3, BH3 borane

B(OH)3 acide borique

RB(OH)2 acide boronique

R2B(OH) acide borinique


(-)
R4B boronate

BH3 est un acide de Lewis. La lacune électronique conduit à la formation de dimère B2H6
(diborane) ainsi qu’à des complexes stables BH3.THF, BH3.OEt2, … Les acides boroniques et leurs
esters sont généralement stables à l’air et thermiquement

Préparation

Le siamyle borane (Sia)2 BH


H
B
THF / 0 °C
2 + BH3

via une addition en syn, le bore se plaçant sur l'atome de carbone le MOINS encombr é

H B

Le 9-borobicyclononane (9-BBN)
H
B

+ BH3 BH

cyclooctadiène

Le dicyclohexylborane
H
B
2 + BH3

45
Le mécanisme de la réaction de Suzuki

Le catalyseur au Pd(0), très sensible à l’air, est généré in situ, à partir d’un sel de Pd(II) et d’une base
qui sert à la réduction de Pd(II) et à piéger l’acide formé au terme de la réaction (pour simplifier
l’écriture, les ligands ne sont pas mentionnés). Le catalyseur au Pd(0) forme alors avec l’espèce
portant le groupe partant un complexe π. Le catalyseur au Pd(0) s’insère dans la liaison carbone-
groupe partant en passant à l’étage d’oxydation +2 (addition oxydante).

L’étape suivante est une réaction de transmétallation (qui en réalité, dans la réaction de Suzuki, a
demandé l’échange préalable du groupe partant X par un anion) puis une élimination réductrice qui
régénère le catalyseur au Pd(0).

46
Le cycle catalytique simplifié se représente donc :

Exemple

H H Ph
H
H
O + Ph H
B
Br H H
H O

Exercice

Quelle est la structure du produit de couplage de Suzuki obtenu au départ des réactifs
suivants ? Quelle est la structure du produit totalement déprotégé ?

O O O

O
I
B(Sia)2 +

3.2. Le couplage de Sonogashira

Il s’agit d’une réaction de formation d’un lien carbone-carbone mettant en jeu le réactif RX et
un acétylènure de cuivre.
Le couplage de Sonogashir a

Pd(0)
RX + H R" R R"
base / CuI

47
Les acétylènures cuivreux sont explosifs. L’utilisation de Cu(I) en quantités catalytiques rend
la réaction possible dans des conditions moins dangereuses.

Les premières étapes de la réaction conduisent à la formation du complexe R-Pd(II)-X.

D’autre part l’iodure de cuivre réagit avec l’acétylènique vrai

CuI + H R" Cu R"

Par transmétallation, on obtient

R R
+ Cu R" Pd R" + CuX
Pd (+ 2)
X

Par élimination réductive, on forme

Y
Y
M (+ 2) M(0)
X X

R
Pd R" R R"

Soit le cycle catalytique

48
3.3. Le couplage de Stille

Il s’agit d’une méthode générale de formation de lien carbone-carbone mettant en jeu le réactif
RX et un stannane.

Le couplage de Stille

Pd(0)
RX + R'' 3Sn R' R R'
base

Les dérivés de l’étain

Les stannanes d’alkyle s’obtiennent par l’action d’un réactif de Grignard sur un oxyde de
bis(trialkylétain) ou un halogènure de trialkylétain.

RX + Mg R MgX R SnBu3

O
Bu3Sn SnBu3

Cl
SnCl4 + 3 SnBu4 SnBu3

Contrairement aux réactifs de Grignard, les organoétains sont stables et distillables. Ils sont
toutefois très toxiques.

Le mécanisme de la réaction de de Stille

Le mécanisme est similaire à celui du couplage de Sonogashira, la transmétallation Pd-Sn


remplaçant la transmétallation Pd-Cu.

Exemple

Br O SnMe3 O
+ CO2Et
CO2Et

49
3.4. Le couplage de (Mizoroki - ) Heck

Il s’agit d’une méthode de formation d’un lien carbone-carbone à partir du réactif RX et un alcène.

Le couplage de Heck

H Pd(0)
R" R
RX + R"
H H
base

Par ce couplage,

• c’est l’oléfine la MOINS encombrée qui se forme préférentiellement


• la stéréochimie de l’oléfine contenant le groupe partant est conservée
• de nombreux groupes fonctionnels ne sont pas altérés.

Il est à noter que ce couplage permet, entre autres, d’obtenir des dérivés de type stilbène,
comme la réaction de Wittig.

Le mécanisme proposé est le suivant :


Le catalyseur au Pd(0), très sensible à l’air, est généré in situ, à partir d’acétate de Pd(II), de
triphénylphosphine et de quantités stœchiométriques de triéthylamine. Celle-ci sert à la réduction de
Pd(II) et à pièger l’acide formé au terme de la réaction.

Le catalyseur forme avec l’espèce portant le groupe partant un complexe π, comme vu


précédemment. Le catalyseur Pd(0) s’insère dans la liaison carbone-groupe partant en passant à
l’étage d’oxydation +2 (addition oxydante).
complexe pi

R R Pd(0) R
Pd(0) Pd (+ 2)
X
X X

Le catalyseur au Pd(II) forme un nouveau complexe π avec l’alcène puis il s’additionne en cis sur
l’alcène, le groupe R se fixant sur l’atome de carbone le moins encombré. C’est une réaction de
carbopalladation régiosélective.

H R"
R H H H
R" R" PdX
Pd (+ 2) +
X H H X R (+2)
R Pd
(+2)
Une libre rotation amène un atome d’hydrogène de l’atome de carbone ayant accueilli le groupe R’ et
le groupe Pd sur l’atome de carbone voisin en syn l’un par rapport à l’autre. Ces deux groupes sont
éliminés de la molécule (β-élimination, β par rapport au Pd) pour reformer la double liaison et libérer
un hydrure de Pd(II).

L’élimination réductrice de HX (piégé par la base) régénère le catalyseur au Pd(0).

50
En considérant le cycle catalytique, on peut donc écrire :

Exemple

I CHO
+ CHO
H H
H H

Exercices

CHO
I +
H
H
H

OSO2CF3 + CO2CH3

Br
+

51
3.5. La carbonylation

L’insertion palladocatalysée de monoxyde de carbone sur un précurseur de type RX est


effectuée en présence d’un nucléophile selon :
L'inser tion de monoxyde de carbone

Pd(0) O
RX + CO + NuH R C
base Nu

Le cycle réactionnel est :

Si le nucléophile est de l’hydrogène, on obtient un aldéhyde.


Si le nucléophile est un alcool, on obtient un ester.
Si le nucléophile est une amine, on obtient un amide.
Si le nucléophile est un organomagnésien, on obtient une cétone.

Il est à noter que d’autres catalyseurs peuvent être utilisés, il s’agit de catalyseurs à base de
cobalt ou de rhodium. L’application la plus importante est la réaction d’hydroformylation des alcènes,
connue sous le nom de procédé OXO dans l’industrie. Elle est à la base de la production de millions
de tonnes d’aldéhydes. Partant des aldéhydes, on accède aux alcools ou aux acides. L’isomère
linéaire est souvent prédominant.

H O
Co ou Rh O
R + CO + H2 R R
H +
*
linéaire ramifié

52
Chapitre 6

DES REACTIONS D’OXYDATION ET DE REDUCTION

1. Les réactions d’oxydation

1.1. L’oxydation au chrome

Le mécanisme général est :

O
CrO3 OH
R R Cr base R
OH O O
O
H H

Les dérivés du chrome sont toxiques et polluants. De l’oxydant le plus puissant au moins
puissant, on trouve

Oxyde les alcools secondaires en


cétones
et les alcools primaires en
CrO3 / H2SO4 Réactif de Jones acides
2-
Cr2O7 / H2SO4 / acetone Réactif de Jones acides

CrO3 / pyridine Réactif de Collins aldéhydes

Chlorochromate de pyridinium (PCC) Réactif de Corey aldéhydes


-
+ Cl CrO3
N
H

Dichromate de pyridinium / DMF acides

+ Cr2O7 2 -
N
H
2

Dichromate de pyridinium / CH2Cl2 aldéhydes

53
1.2. L’oxydation au diméthylsulfoxyde activé

1.2.1. L’oxydation de Swern

Elle transforme les alcools primaires en aldéhydes. Le mécanisme est :

H3C
S O
H3C
RCH2OH RCHO
Cl O
Et3N
Cl O

Cl O

H 3C Cl O H3C + + Cl - +
S O O H3C
S O S Cl
H3C H3C
Cl O - Cl - - CO H3C
- CO2
- Cl -

+
H3C
S Cl NEt3 CH3
CH3 H
H3C H R C O S+
RCH2OH R C O S +
H CH2 -
H CH2
- Cl- H

RCHO + Me2S

malodorant

1.2.2. L’oxydation de Moffat

Elle met en jeu de la dicyclohexylcarbodiimide (DCC) et du DMSO. Elle transforme les alcools
primaires en aldéhydes.

1.3. Les oxydations sans épimérisation du carbone en α

Elles sont réalisées dans des conditions expérimentales douces.

1.3.1. L’oxydation de Dess-Martin

Elle transforme les alcools primaires en aldéhydes. Le réactif est un periodane.

AcO OAc
I OAc
O

1.3.2. L’oxydation au moyen d’oxyde de N-méthylmorpholine en présence de


perruthénate de tétrapropylammonium (TPAP)

Elle transforme les alcools primaires en aldéhydes. Le TPAP est utilisé en quantité
catalytique.

H3C
N+ O Pr4N + RuO4 -
-
O

54
1.3.3. L’oxydation au moyen d’hypochlorite de sodium en présence de nitroxyle
de tétraméthylpipéridine (Tempo)

Elle transforme les alcools primaires en aldéhydes. Le Tempo est utilisé en quantité
catalytique.

NaClO
N
O .
1.4. Des oxydations particulières

1.4.1. L’oxydation de Wacker

Il s’agit d’une réaction palladocatalysée d’intérêt industriel qui permet de préparer


• de l’acétaldéhyde à partir d’éthylène
• des méthylcétones à partir d’alcènes ayant la double liaison en bout de chaîne.

PdCl2
CuCl2 / H2O
O
H2C CH2 + O2 H3C
H
PdCl2
CuCl2 / H2O
R + O2 R
CH3
O
1.4.2. L’oxydation d’Oppenauer

Elle permet de transformer un alcool en aldéhyde ou cétone par l’action d’une base dérivée de
l’aluminium en présence d’une cétone (acétone), qui est réduite.

O Al(O-iBu)3 OH
OH O
+ H3C CH3 + H3C CH3
R1 R2 R1 R2

iBu
O
OH Al(O-iBu)3 Al O iBu
O
R1 R2 R1 R2
H

iBu
O
Al O iBu iBu
O O O
+ Al O iBu
R1 R2 R1 R2 O
H
H3 C CH3
O H

H3 C CH3

La réaction « inverse », c’est à dire la réduction d’une cétone par un alcool (isopropanol) porte
le nom de réduction de Meerwein-Pondorf-Vedleg.

1.4.3. L’oxydation au dioxyde de manganèse

Le dioxyde de manganèse activé permet d’oxyder sélectivement les alcools (primaires ou


secondaires) allyliques et benzyliques en aldéhydes et cétones.

55
2. Les réactions de réduction

2.1. La réduction par les hydrures

La réduction des esters en alcools par l’hydrure de lithium aluminium se fait selon le
mécanisme suivant :
Li + Li
O O
O
+ Li + AlH4 - R OR'
R OR' H
R OR'
H
- AlH
3

O + R'OH
R H
-
Li +
Li + AlH3
O O- O
AlH3
Li + AlH4 - R H H R H
R H
H
H
- AlH
3 H+

H
O

R H
H

La réduction des cétones en alcools par le borohydrure de sodium se fait selon un mécanisme
comparable :

Na+ H OEt Na + -
BH3 H+ OH
O NaBH4 O O -
BH3 O

EtOH H
H H H

H
- BH
3

LiAlH4 réduit les esters en alcools


les amides en aldéhydes et amines ; les aldéhydes obtenus peuvent ensuite être à
nouveau réduits en alcools.

BH3 réduit les acides en alcools, mais ne réduit pas les chlorures d’acide ni les esters
les amides en amines.

LiAlH4 et NaBH4 convertissent les dérivés halogénés en alcanes.

Le DIBAL (ou DIBALH ou DIBAH) est l’hydrure de diisobutylaluminium.

Le DIBAL réduit les esters en aldéhydes et alcools


les nitriles en aldéhydes
les lactones en lactols (hémiacétals cycliques).
les amides et chlorures d’acide en aldéhydes par réduction des amides de
Weinreb intermédiaires. Ces amides sont obtenus en faisant réagir le
précurseur avec la N,O-diméthylhydroxylamine.

CH3
O
HN O DIBAL AliBu H+
O R CH3 O O
H3C R
R N O R CH3
Y H3C HN O H
H3C
amide de Weinreb
Y = OH, Cl

56
2.2. L’hydrogénation catalytique (hydrogènolyse)
L’hydrogénation catalytique se fait
• préférentiellement sur
les chlorures d’acide pour donner des aldéhydes,
c’est la réaction de Rosenmund
les groupes nitro
les alcynes, qui sont transformés en alcènes cis
c’est la réduction de Lindlar (qui se fait avec du Pd de Lindlar)

• puis sur
les aldéhydes
les alcènes

• puis sur
les cétones
les dérivés N- et O-benzyliques, qui sont débenzylés (déprotection)

• très difficilement sur


les nitriles
les esters
les dérivés aromatiques.

2.3. L’amination réductrice

L’amination réductrice consiste à faire réagir un composé carbonylé (aldéhyde ou cétone)


avec une amine et à réduire l’imine formée pour conduire ainsi à une amine.

R
O N réduction NHR
+ RNH2
H

Cette réaction peut être réalisée en une seule étape au moyen de cyanoborohydrure de
sodium, NaCNBH3, réactif sélectif qui ne réduit pas le dérivé carbonylé.

57
Le tableau ci-dessous résume l’action de différents réducteurs

BH3 NaBH4 NaCNBH3 9-BBN AlH3 LiAlH4 DIBAL H2 catal.


Aldéhyde Alcool Alcool Pas de Alcool Alcool Alcool Alcool
réaction
Cétone Difficile Alcool Pas de Alcool Alcool Alcool Difficile
réaction
Acide Alcool Alcool
Ester Difficile Pas de Difficile 2 alcools 2 alcools Aldéhyde Difficile
réaction + alcool
Lactone Diol Pas de Diol Diol Diol Lactol Difficile
réaction
Ester Alcool
allylique allylique
Amide Amine Pas de Amine Aldéhyde Amine Difficile
réaction (puis alcool)
+ amine
Chlorure Pas de Aldéhyde Pas de Alcool Alcool Aldéhyde
d’acide réaction puis réaction
alcool
Nitrile Amine Pas de Difficile Amine Amine Aldéhyde difficile
réaction
Nitro Pas de Pas de Pas de Pas de Amine Amine
réaction réaction réaction réaction
Imine Amine
Alcène Alcane Pas de Alcane Pas de Pas de Alcane
réaction réaction réaction
Alcyne Alcène
puis alcane
Dérivé Alcane Alcane
halogéné
Epoxyde Pas de Pas de Difficile Alcool Alcool Difficile
réaction réaction
N- et O- Débenzylation
benzyle

58
DES EXERCICES …. en vrac

1. Compléter la séquence

1) (CF3CO)2O
H
H3CO N 2) Heck

CH3
H3CO I H
CH3

2. Expliquer la réaction suivante

H3C Pd(0) H3C

I CO O O
HO

3. Compléter la séquence

Pd(0)
OTf
+ Bu3Sn

4. Compléter et justifier la séquence

Br I 1) TosCl
NHAc
2) Pd(0)
N CO2CH3
H
HO
3) Pd(0)

5. Compléter

OH
OH
H
TPAP / NMO

OH
OH

6. Le papillon femelle du ver à soie attire ses compagnons en émettant une phéromone appelée
bombykol. Voici sa synthèse, quelle est la formule de cette phéromone ?
Comment déterminer la géométrie des doubles liaisons ?

O
CH2Br n-C4H9Br LiAlH 4
H
OHC
CO2CH3
PPh3 / base PPh3 / base

7. Quel est le produit de la réaction suivante :

H3C CHO
CO2C2H5 H3C Br PPh3
+ N
CH3 KHMDS

59
8. Quelle est la structure du produit de la réaction suivante ?

H
H H PdCl2(CH3CN)2
H9C4
SnBu3 +
H DMF
I

OH

9. Quelle est la structure du produit de la réaction suivante ?

H3C Pd(0)(PPh3)4
O O O H SnBu3
O
H
H3CO I

10. Expliquer

OH 1) DMSO / (COCl)2

2) O
N CN
PPh3 base
Br O

11. Expliquer

H3C
O H+ O
S S S S
H3C O O
O H
O O

12. Compléter

2 HCHO
NH3 NaCNBH3
O NaCNBH3
CH3

13. Comment préparer de l’alanine à partir d’acide pyruvique par une réaction d’amination réductrice ?

14. compléter la séquence suivante qui permet de préparer du salmefanol, un médicament pour lutter
contre l’asthme

O O LiAlH4
NaBH4 H2 / Pd sur C / H +
H3C N
O
H3C O
O
CH3
O

60
15. Compéter la séquence suivante.
Justifier l’orientation de la première réaction d’ioduration, quel est le groupement le plus donneur ?
Comment le savez-vous ?
Négliger les mécanismes de cyclisation et formylation.
Quels critères spectroscopiques permettent de confirmer la structure des produits obtenus ?

Br O
O
O 1) H 2 cat NaH / PhCH2Br I2 / Ag2SO4
H
CH3
O O 2) LiAlH4
PPh3 / base
CH3

H O

O I
I2
H3C O 3 O
O O
Pd(0) / CuI / TEA
CH3 O
H3C

t-BuLi H
O
BBr3
O O 3 O
N O
O
H O
CH3
H3C

61
Chapitre 7

UNE INITIATION A LA SYNTHESE ASYMETRIQUE

1. Le vocabulaire de la chiralité

1.1. Généralités

Une substance est optiquement active lorsqu’elle est à même de faire tourner le plan de
polarisation d’une lumière polarisée. Cet effet se mesure à l’aide d’un polarimètre.

On définit :

[ α ] D = α lu / l c
[ α ] D = pouvoir rotatoire spécifique
l = longueur du tube en dm
c = concentration en g / ml.

Si la substance ne fait pas tourner le plan de polarisation de la lumière, elle est optiquement
inactive. Si la substance fait tourner le plan de polarisation de la lumière vers la droite, elle est dite
dextrogyre, on lui attribue le signe (+). On attribue le signe (-) à une substance lévogyre.

Cette activité optique est liée à la présence d’une asymétrie dans la molécule. Cette
asymétrie rend cette molécule différente de son image dans un miroir. La molécule est dite chirale.
On parle d’un couple d’énantiomères.

Une molécule possédant un atome de carbone substitué par quatre groupements différents
est chirale.

R1
R4
R2 R3

L’activité optique peut aussi être rencontrée dans le cas des allènes et des biphényles
substitués. On parle alors d’atropoisomérie, l’isomérie étant liée à l’absence de rotation au sein de
ces systèmes.

R1 R3 R3 R1
. .
R2 R4 R4 R2

R4 R1
R1 R4

R3 R2
R2 R3

62
1.2. La configuration absolue R et S

Les règles de priorité de Cahn – Ingold – Prelog permettent de déterminer la configuration


absolue.

Le passage de la représentation de Cram à la représentation de Fisher suppose que les liens


verticaux représentent ce qui s’éloigne de l’observateur. Les liens horizontaux représentent ce qui se
trouve vers l’observateur.

Il n’existe aucun rapport entre le signe du pouvoir rotatoire et la configuration absolue


(R ou S).

CO2H
OH
N
NH2 H

(S)-(+)-2-aminopropan-1-ol acide (S)-(-)-azétidine-2-carboxylique

[α] = + 21.8 [α] = - 125

Les notations D pour les sucres et L pour les acides aminés font référence à la position
du groupe OH ou NH2 dans la projection de Fisher et sont issues de la structure du glycéraldéhyde.

H O
CO2H H O
OH H O
H2N H
HO H H HO H
H OH
OH CONH2 CH2OH CH2OH
OH
CH2OH D-glycéraldéhyde L-glycéraldéhyde
acide aminé L
(asparagine)
sucre D

63
1.3. D’autres définitions

Des stéréoisomères sont des substances ayant la même formule brute, le même enchaînement des
atomes mais ils différent par l’arrangement spatial des atomes.

Des énantiomères ou antipodes optiques sont des stéréoisomères. Ils ont une configuration
opposée à tous les centres chiraux.

CH2OH CH2OH
HO H H OH
H OH HO H
CH3 CH3

A part le sens de rotation du plan de polarisation de la lumière polarisée, des énantiomères ont des
propriétés identiques. En RMN, on peut assister à une complication des spectres en raison du
phénomène de diastéréotopie.

Cas de la 3-méthylpentane-2-one

Un mélange racémique est un mélange 1:1 d’énantiomères.

CH2OH CH2OH
HO H H OH
H OH HO H
CH3 CH3

Une forme méso est achirale car la molécule présente un plan de symétrie.

64
Des dérivés racémiques et méso ont des propriétés différentes, notamment des spectres IR différents.
C’est le cas pour l’acide tartrique.

Un composé erythro a deux carbones asymétriques portant chacun un substituant identique du


même côté des liaisons verticales dans la projection de Fisher.

CH2OH
H OH
H OH
CH3

Un composé threo a deux carbones asymétriques portant chacun un substituant identique de part et
d’autre des liaisons verticales dans la projection de Fisher.

CH2OH
HO H
H OH
CH3

Des diastéréoisomères sont des stéréoisomères. Ils ont une configuration identique à un ou
plusieurs centres stéréogènes mais une configuration opposée aux autres centres.

CH2OH CH2OH
H OH H OH
HO H H OH
CH3 CH3

Des épimères sont des diatéréoisomères qui ne se distinguent que par la configuration d’un seul
centre stéréogène.

CH2OH CH2OH
H OH H OH
H OH H OH
H OH HO H
CH3 CH3

65
La résolution des énantiomères, comme la séparation d’un mélange racémique, se fait souvent
par formation de diatéréoisomères.

Ainsi, la synthèse à l’échelle du kilogramme d’acides aminés peut être réalisée par la réaction
de Stecker. C’est au niveau de l’intermédiaire de type nitrile que se fait la résolution.

KCN
NH2 NH2
O H + / H2O
NH4Cl O
R * C R *
R H N OH

CN

NH3 NH2 NH2


OH OH2
R H R H R H

66
2. Le vocabulaire de la sélectivité

La chimiosélectivité est associée à la différence de réactivité entre différents groupes fonctionnels.

R R R
O O O
H R O
R

CO2H CH2OH
+ BH3
CO2R CO2R
sélectif de l'acide

La régiosélectivité implique une réaction préférentielle sur un site plutôt que sur un autre.

H Cl H
+ HCl CH2 O attaque en 1,2 ou en 1,4
H3C
H3C

HH Cl
CH2

La stéréosélectivité est la formation préférentielle d’un stéréoisomère parmi tous les stéréoisomères
possibles. On distingue alors

l’énantiosélectivité

c’est-à-dire la formation préférentielle d’un énantiomère dans un couple de diastéréoisomères.


On parle d’excès énantiomèrique (ee).

H H
époxydation
H H
O O
+
H H
HO HO
HO
95 : 5

ee = 90 %

la diastéréosélectivité

c'est-à-dire la formation préférentielle d’un diastéréoisomère parmi les diastéréoisomères


possibles. on utilise la notation ds = a : b ( : c : …).
Par exemple, l’addition de brome sur une double liaison non symétriquement substituée donne
préférentiellement le diastéréoismère trans. La réaction est diastéréosélective.

Br Br
Br2 / CCl4
Br + Ph Br
Ph Ph
CH3 CH3 CH3
78 : 22

ds = 78 : 22

67
Des réactions sont stéréospécifiques si des stéréoisomères précurseurs différents donnent des
stéréoisomères finaux différents.
CH3 CH3
+ Br2 H Br Br H
H3C CH3
Br H H Br
CH3 CH3

CH3 CH3
+ Br2 H Br
H3C H Br
CH3

Deux réactions sont stéréoconvergentes si des stéréoisomères précurseurs différents donnent des
stéréoisomères finaux identiques.

AcO O
AcO Br
AcO

AcO O
AcO O
AcO CH3
AcO O
AcO
AcO Br

L’induction de chiralité, c’est l’influence d’un centre chiral de configuration donnée sur la formation
d’un autre centre.

C2H5O2C O

+ Br CH2 CO2C2H5
C2H5O2C O

68
3. L’ addition sur la double liaison carbone – carbone

3.1. L’addition énantiosélective

Sharpless a mis au point une méthode d’époxydation énantiosélective des alcools


allyliques primaires et secondaires.

(1) H H
O
OH
H H H

OH
H
H H
(2)
O
OH
H

HO CO2C2H5
(1) L-(+)-DET (10 %)
L Lower face
HO CO2C2H5
tartrate de diéthyle énantiopure

HO CO2C2H5
(2) D-(-)-DET (10 %)
HO CO2C2H5
tartrate de diéthyle énantiopure

tert-BuOOH (hydroperoxyde de tertio-butyle, oxydant) un équivalent

Ti(Oi-Pr)4 (5 - 10 %), permet "d'unir" les réactifs et l'additif chiral

tamis moléculaire ( 3 A)

69
Exemple
O O
O
H O H
H O
O + O
O OH
OH OH
H H H

sans additif chiral 1 : 2.3

L-(+)-DET 22 : 1

D-(-)-DET 1 : 90

L’intérêt de la procédure réside dans le fait que les époxydes sont précurseurs de
nombreuses fonctions organiques.

HO HO

Br R

HBr
RMgX

CH3ONa O
HO HO
RNH2
H3O +
H3CO RNH
HO

HO

En milieu acide, l'attaque du nucléophile se fait sur

• l'atome de carbone le plus encombré

• avec inversion de configuration


En milieu basique, l'attaque du nucléophile se fait sur

• l'atome de carbone le moins encombré

• avec inversion de configuration

Exercice

La séquence suivante est utilisée industriellement pour préparer la dispature (une phéromone).

Br H2 / Cat
PDC
HO

Sharpless Wittig
D-(-)-DET

70
Noyori a développé des complexes catalytiques à base de BINAP (2,2’-
bis(diphénylphosphino)-1,1’-binaphthyle) et de palladium, rhodium ainsi que ruthénium. Ces
catalyseurs permettent l’hydrogénation énantiosélective de la double liaison carbone-carbone dans
certains alcools allyliques et acides acryliques.

H2
CHR CH2R CH2R
ou
1
R1 CO2H R CO2H R1 CO2H
H H
selon la nature du catalyseur

[(R)-BINAP]Ru(OAc)2
ou
[(S)-BINAP]Ru(OAc)2

H3C H
H2
CO2H CO2H
H3C H3C
O O
[(S)-BINAP]Ru(OAc) 2

O-Pivaloyle = tert-butyl-CO2-

71
Les prix de ces catalyseurs à base de BINAP sont très élevés mais ils sont particulièrement
efficaces à des concentrations inférieures au millième de % en mole. Ceci les rend rentables même
dans l’industrie.

Une variante du BINAP, le DIPAMP (bis[(2-methoxyphenyl)phenylphosphino]ethane, R,R ou


S,S), a été développé par Knowles chez Monsanto et est utilisé pour préparer la L-dopa, un
médicament prescrit dans le traitement de la maladie de Parkinson.

Le catalyseur chiral conduit à la formation de deux complexes diastéréoisomères dont l’un


réagit plus vite que l’autre avec l’hydrogène, expliquant ainsi la sélectivité.

H
H2 HH HH
O CO2H O CO2H HO CO2H
H3 C H 3C
H H
H3 C NHAc H 3C NHAc NH2
O [DIPAMP]RhL2+ O HO
L-DOPA

3.2. L’addition diastéréosélective

De telles additions ont lieu soit en cis soit en trans.

- On citera, pour l’addition en cis :

L’ozonolyse

R2 R1 R2
R1 R2 R1 O
O O
+ O (+) O
3 4 (-)
O R3 O
R R R4 O
3
ozonide R R4

R2 R2
1 R2 R1 R1 O
et R O O
mais pas O ni O
O O
O R3 O 3 4
R3 R4 R R
R4

72
L’oxydation des doubles liaisons par le tétroxyde d’osmium

R2 R2
R1 R2 R1 O
O R1
H2O OH
O O Os
+ Os
R3 O
R3 R4 O O R4
O R3 OH
R4

L’époxydation des doubles liaisons par les acides percarboxyliques

O R2
R1 R2 R1
O
+ O O
R
R3 R4 H R3 4
R

O H
H O
+ O O
H H H

Cl

L’addition de borane
D D
BH2 H2O2 / NaOH OH
D
BH2
+ H
H H D
D D

L’hydrogénation catalytique

D
H
D
H
+
H H
D D

- On citera, pour l’addition en trans :

L’addition des halogènes (via le cation halogénium)


H H
H Br
+ Br Br Br (+)
Br
H - Br ( - ) H H
Br ( - )

L’addition d’acides hypohalogénés

Elle se fait avec HOX, mais aussi à la NBS (en présence d’eau) ou à la chloramine-T (en présence
d’eau).

O H H
H DMSO Br
+ Br N Br (+)
H OH
H2O H H
O
HO ( - )
halohydrine

O
chloramine-T = Cl HN S
O

73
4. L’attaque sur le carbonyle

4.1. Généralités

Pour minimiser les interactions entre le nucléophile et une paire d’électrons libre de l’atome
d’oxygène, le nucléophile n’attaque pas le carbone du carbonyle suivant un angle de 90 °
(perpendiculairement à la liaison) mais bien selon un angle d’environ 105 - 110 °. C’est la trajectoir e
(l’angle) de Burgi-Dunitz.

Comme le plan du carbonyle coupe l’espace en deux parties, le nucléophile peut attaquer le
carbonyle par chacune de ces deux parties de l’espace. On parle d’une attaque par la face re ou par
la face si.

En conséquence, l’attaque fournit deux énantiomères. On dit que les faces re et si ont une
relation énantiotopique.

Si le composé carbonylé contient un centre chiral, on formera deux diastéréoisomères. On dit


alors que les deux faces ont une relation diastéréotopique.

4.2. L’attaque énantiosélective

A priori, un nucléophile attaquera le groupe carbonyle par les deux faces et l’on obtient un
racémique.

74
Il est toutefois possible d’aboutir à un excès énantiomèrique

en utilisant un réactif volumineux qui attaque préférentiellement d’un côté.

C8H17 C8H17

réduction
H
H
HO
O H
H

H H

HO
O H H H

ee = 76 %

LiAlH4
attaque axiale force
le OH en position équatoriale

LiBu3BH, plus volumineux

H H

H
O H OH H

ee = 60 %

en utilisant un catalyseur volumineux qui attaque préférentiellement d’un côté.

C’est le cas du réactif CBS (Corey, Bahski, Shibita), qui est du borane complexé à un catalyseur lui-
même à base de bore.
Le catalyseur se prépare selon :

Le réactif est :

O
réactif CBS HO H
CH3
CH3

ee = 97 %

75
L’attaque se fait préférentiellement du côté portant le plus petit substituant.

en utilisant un groupement auxiliaire (chiral) volumineux.

Ainsi la séquence suivante permet de préparer l’alcool décrit avec un excès énantiomèrique de 83 %.

O OH
OH OH
R R
O
LAH

O réduction sélective OH
O O
R de la cétone R
O O

ester de 8-phénylmenthol

4.3. L’attaque diatéréosélective

Divers modèles permettent de décrire la diastéréosélectivité de l’attaque d’un nucléophile sur


un dérivé carbonylé possédant un centre chiral en alpha de ce carbonyle.

Le modèle de Cram (modèle empirique)

Dans ce modèle, le groupement « gros » sur le carbone en α du carbonyle est éclipsé par le
groupement carbonyle.

Le nucléophile attaque TOUJOURS du côté du groupement « petit ».

Exemple

76
Le modèle de Felkin (modèle théorique)

Dans ce modèle, le groupement ‘gros’ (qui, dans certains cas, peut être le plus électronégatif
plutôt que le plus volumineux) est placé perpendiculairement au groupe carbonyle. Le substituant
« petit » est en position syn par rapport à R. L’attaque se fait par le côté opposé au groupement
« gros ».

Dans certains cas, il est possible de modifier la diastéréosélectivité de l’attaque en « forçant » le


groupe carbonyle dans une position donnée, par exemple par chélation avec un cation.

5. L’attaque énantiosélective en α du carbonyle

5.1. Les copules d’Evans

Les copules d’Evans sont un autre exemple d’auxiliaires chiraux permettant de modifier la
sélectivité d’une réaction.

Il s’agit d’oxazolidinones obtenues par l’action du phosgène ou d’un carbonate d’alkyle sur un
aminoalcool de configuration donnée.

Cl
O
OH Cl 1
5 O 2
NH2 (S) O
ou
4 N
H 3
RO
O
(S)-phénylglycinol RO

L’action d’un chlorure d’acide sur cet hétérocycle fournit un réactif prêt pour la synthèse
asymétrique.

O
O
O Cl (S) O
O N
(S)
N O
H

77
Le cycle présent dans cette molécule est plan. Le substituant en position 4 confère à une face
un encombrement notable. L’attaque d’un électrophile en α du carbonyle exocyclique se fera donc
préférentiellement par la face la moins encombrée, donnant ainsi un excès énantiomèrique.

Exemple
O O
base O
(S) O
O E (+) (S) O
N (S) N
N
O O
O (-)
E

E (+) = R (+) de RX, Br (+) de NBS, ...


On sépare la copule chirale au moyen
d’un alcoolate et on obtient un ester
O
(S) O RO (-) RO
N O
O
E
E

d’hydroxyde de lithium et on obtient un acide


O
(S) O 1) LiOH HO
N O
O
2) H (+) E
E

de borohydrure de lithium ou d’hydrure de lithium et aluminium et on obtient un alcool


LiBH4
O ou
(S) O LiAlH4
HO
N
O
E
E

5.2. Les hydrazones lithiées

L’alkylation d’hydrazones lithiées est un moyen de préparer des composés carbonylé α-


alkylés énantiomériquement purs. Il s’agit de procédés appelés SAMP ou RAMP d’Enders. SAMP est
l’acronyme de (S)-aminoprolinolméthyléther. RAMP est l’acronyme de (R)-aminoprolinolméthyléther.

O H (+) LDA
+ N N
(S) N (S)
H H2N

O O
CH3 CH3

R-X
N
N N N Li (S)
(S) N Li (S)
N
O
O O
(-) CH3
CH3 CH3
R-X
Li (+)
trans-azaènolate

O3 O Zn/AcOH N
N H 2N (S)
N (S) (S)
N (S) + O N
(S) H O
O R O CH3
R CH3 recyclable
CH3

78
La situation est inversée dans le cas de l’auxiliaire RAMP.

Exemple

RAMP
O CH3I O
H3C
(S)

6. L’inversion de configuration

La réaction de substitution nucléophile bimoléculaire en série aliphatique est une réaction qui
s’accompagne d’une inversion de configuration, appelée inversion de Walden.

Dans cette réaction, les alcools doivent être activés afin d’augmenter le caractère nucléofuge
du groupe hydroxyle. Celui-ci peut être protoné ou converti en ester d’acide sulfonique comme nous
l’avons déjà vu. La réaction de Mitsunobu, aussi appelée inversion de Mitsunobu, permet également
« d’activer » un alcool qui réagira ensuite avec un nucléophile selon un mécanisme de type SN2. De
façon originale, cette réaction met en jeu, en une seule fois, l’alcool, le nucléophile, de la
triphénylphosphine et de l’azadicarboxylate de diéthyle (DEAD).

O
H5C2O N
N OC2H5
O

R OH + NuH R Nu

PPh3

Avec NuH = acide carboxylique, phénol, sulfonamide, phthalimide, acide thiocarboxylique,


...

Dans une première étape, la phosphine s’additionne sur la double liaison N=N. Cet anion
arrache un proton à l’alcool créant ainsi un anion alcoolate qui attaque l’atome de phosphore chargé
positivement. C’est une SN2 sur le phosphore. Le nouvel anion azoté formé arrache un proton au
nucléophile, qui doit donc être suffisamment acide (pKa < 11). Le nucléophile chargé négativement
attaque le substrat qui libère l’oxyde de phosphine. La réaction se fait avec une inversion de
configuration au niveau de l’atome de carbone porteur de la fonction alcool.

79
La réaction de Mitsunobu permet, entre autres, de former des esters avec inversion de
configuration de l’alcool, contrairement à ce qui se passe dans une réaction d’estérification classique.

CH3 O CH3 O
R OH +
Cl R' R O R'

CH3 O CH3 O
PPh3
R OH +
HO R' R O R'
DEAD

Il est à noter que cette réaction d’estérification peut être exploitée pour inverser la
configuration d’un alcool.

CH3 O CH3 O
PPh3
R OH +
HO R' R O R'
DEAD

CH3
hydrolyse
R OH

Toutefois, expérimentalement la réaction est difficile car elle nécessite une purification parfois
fastidieuse du produit final.

80
Exemple

S S
O
S S
OH OH Mitsunobu O

O O
OH OH
O
O S S
S S

Exercice

Quel est le produit de la réaction de Mitsunobu suivante :

OH

O OH

HO PPh3 / DEAD

7. La synthèse peptidique

7.1. La protection

Voir chapitre 3

7.2. L’activation du groupe carboxylique

On peut activer le groupe carboxylique par formation d’un chlorure d’acide.

(+)
O - H (+) O
HO O O
HO S
R O + S S R O Cl
Cl Cl R O Cl
(-)
NHP - Cl NHP NHP

Cl ( - )
O - SO2
R Cl - Cl ( - )

NHP

Cette réaction est toutefois rapidement suivie d’une réaction intramoléculaire conduisant à la
formation d’une oxazolone et à la perte de la chiralité par l’intervention d’un équilibre ènol-cétone.

O
R R O OH
H Cl R
H O
HN O
O N N
R'

Il est donc nécessaire de procéder à l’activation par des groupes peu sensibles à cette
réaction intramoléculaire comme la dicyclohexylcarbodiiimide (DCC), la diisopropylcarbodiimide (DIC)
ou la 1-éthyl-3-(3-diméthylaminopropyl)carbodiimide (EDC).

81
Cette réaction est éventuellement menée en présence de quantités catalytiques de 4-
diméthylaminopyridine (DMAP), d’hydroxybenzotriazole (BtOH), de pentafluorophénol ou de 4-
nitrophénol, qui activent une seconde fois la fonction carboxylique.

L’activation au moyen de carbonyldiimidazole est également décrite, mais pas pour la


synthèse peptidique.

N
N - NH
O - NH O O
O O
R + N N R
R O N
OH N
N N N - CO2
N
N
NH

82
Chapitre 8

LES REACTIONS RADICALAIRES

1. Généralités

Les radicaux libres sont issus de coupures homolytiques thermiques ou photochimiques.


.
A . . B
. .
A + B

coupure homolytique
A B

A . . B A + B

coupure hétérolytique
Les radicaux libres sont souvent peu stables, donc très réactifs. Ils sont mis en évidence par
RPE. Il s’agit d’espèces monoélectroniques. On dit aussi qu’ils possèdent un électron célibataire, un
électron libre ou encore un électron non apparié. Ce sont généralement des intermédiaires réactifs
ayant une durée de vie courte.
Tout comme on parle de HOMO et LUMO, dans le cas de la formation d’un radical, on parle
de SOMO pour « Semi Occupied Molecular Orbital.
LUMO

SOMO

HOMO

La facilité avec laquelle on forme un radical libre est liée à la force de la liaison rompue.

E liaison (kcal/mole) E liaison (kcal/mole)

C2H5 – I 53 PhO - H 86

C2H5 – Br 69 HOO - H 88

Bu3Sn – H 74 Me3Si - H 90

(Me3Si)3Si – H 78 H3CS - H 92

C2H5 – Cl 81 H3CO - H 105

PhS – H 82 HO - H 119

La stabilité est liée à la possibilité de délocaliser l’électron non apparié.

83
.
CH2 CH2
.
. CH
2

> . > . >


. .
> RO

On parle de radical capto-datif.


O O CH3
O O N
.
N N
CH3 CH3 O

On parle de radicaux persistants.

Ar
. Ar
Ar =
Ar

La présence des groupes tertio-butyles volumineux est importante pour éviter la dimérisation.
Les radicaux nitrosyles sont persistants.
. R' R' .
R + N O N O
R

nitroso
radical nitrosyle

N
O .
TEMPO
Un radical libre n’a pas la mémoire de la stéréochimie du produit de départ, l’inversion
pyramidale ne nécessite que quelques kJ/mole (moins de 10).

.
.

Il existe des radicaux électrophiles, ce sont des radicaux dont la SOMO est basse en
énergie.

. Cl . Br RO
. .CHX R
CO2R
. R
NO2
.
2
CO2R NO2

84
et des radicaux nucléophiles, dont la SOMO est haute en énergie.
. O N O .
. . .
R3Sn
.
Un radical et le carbanion correspondant peuvent avoir un caractère opposé, c’est une autre
illustration du principe d’inversion de polarité (cfr. Halogénure et réactif de Grignard ou de Wittig).
-

CO2R CO2R
R . R
CO2R CO2R

caractère caractère
électrophile nucléophile

2. La formation des radicaux libres

2.1. La rupture homolytique


C6H6 reflux
2 O
.
O O

peroxyde

N N 2 . + N2
NC CN NC

azobisisobutyronitrile

2.2. A partir d’espèces chargées

R+ + 1e- R+
.
R- + 1e- R-
.

2.3. A partir de métaux

Les métaux comme Li, Na, Mg dissous dans l’ammoniac liquid permettent la formation de
radicaux libres.

85
2.4. A partir d’iodure de samarium
Sm 0 excès
Sm 0 + I2 [SmI3] SmI2

solution solution
vert foncé bleu foncé

SmI2 I2Sm H2O


O
O OH
.

SmI2
.
R X R

2.5. A partir de triacetate de manganese

O O Mn(OAc)3
O O

.
3. La réactivité des radicaux libres

3.1. La reaction en chaîne

Une reaction en chaîne se déroule en trios étapes

1. l’initiation ou amorçage : c’est la formation d’un radical


2. la propagation : c’est l’étape rapide, le radical réagit sur le substrat et il se forme un produit
et un autre radical
3. la terminaison : deux radicaux s’associent.

3.1.1. L’initiation ou amorçage

Un initiateur, utilisé en quantité catalytique, va former des radicaux qui vont ensuite réagir
avec l’espèce propagatrice, utilisée en quantité stoechiométrique.
Exemples d’initiateurs :
Les peroxydes
R O O R R O
.

peroxyde de benzoyle

O
O
Ph O
. CO2 + Ph
.
Ph O Ph O

eau oxygénée

Fe 2+
+ H2O2 3+
.
Fe + 2 HO

86
L’AIBN

N N 2 . + N2
NC CN NC

azobisisobutyronitrile
Les hexaalkyl diétains
2 Bu3Sn
.
Bu3Sn-SnBu3

Exemples d’initiation :
R O O R R O
.
. .
R O + HBr R OH + Br
AIBN et Bu3SnH (hydrure de tributylétain) Bu3Sn
.

3.1.2. La propagation

Le radical propagateur, plus réactif que le radical initiateur, réagit sur le substrat et génère un
nouveau radical qui va évoluer.

.
Prop + Subst radical
.
Souvent ce radical réagit avec le propagateur lui-même pour former un nouveau radical
propagateur et permettre à la réaction de se poursuivre.
Prop
. . .
Prop + Subst radical Produit + Prop
Exemple
Initiation : RO-OR / HBr Br
.
H Br
. Br .
Propagation : Br + . Br
H + Br

3.1.3. La terminaison

La combinaison de deux radicaux ou la destruction des radicaux par un agent extérieur, un


piège à radical (l’eau par exemple, un alcool° met fin au processus.
Exemples
. .
Br + Br Br2

Br
Br
. + Br
. Br

3.2. La reaction non-chaîne

Dans ce cas, il n’y a pas d’initiateur et elle ne peut donc pas être inhibée par une quantité
catalytique de pièges à radicaux. La réaction non-chaîne avec transfert d’électrons conduit à la
formation de radicaux cations ou de radicaux anions.

87
4. Des exemples de réactions radicalaires

4.1. L’halogénation
lumière
Cl
+ Cl2

4.2. La reduction des dérivés halogénés


AIBN / chaleur
R-X + Bu3SnH R-H + Bu3SnX
benzéne

initiation
N N 2 . + N2
NC CN NC

azobisisobutyronitrile

. + Bu3SnH H + Bu3Sn
.
NC NC

propagation
Bu3Sn
. + R-X
.
Bu3SnX + R

. RH + Bu3Sn
.
R + Bu3SnH
Il est à noter que l’action des dérivés de l’étain sur les dérivés halogénés est la façon la plus
courante de former des radicaux alkyles.

4.3. La formation de liens carbone-carbone

Dans une réaction intramoléculaire :


Bu3SnH
RX + CN R
AIBN CN

. .
Bu3Sn + RX R

. .
R
R + CN CN

. H
.
R R + Bu3Sn
CN + Bu3SnH CN

Exemple :
Bu3SnH
O O O O
AIBN
EtO OEt + O EtO OEt
Cl O

forme un radical électrophile

88
Exercice
Expliquer pourquoi la réaction de copolymerisation radicalaire entre l’acétate de vinyle et l’
acrylate de méthyle fournit un polymère de structure bien déterminée.
CH3 CH3
Bu3SnH CH3
O O O O O
OAc AIBN O
OAc OAc
+

acétate de vinyle n
acrylate de méthyle

Dans une réaction intramoléculaire :


Bu3SnH
OSiMe3
Me3SiO AIBN
SPh CH3

Bu3Sn-H

radical

Me3SiO
. SnBu3 nucléophile

SPh Me3SiO OSiMe3


. CH2 .
Il est à noter qu’une reaction radicalaire intramoléculaire est souvent plus favorable qu’une
réaction radicalaire intermoléculaire.
En tandem (cascade, domino)
La puissance des réactions radicalaires réside dans la possibilité de poursuivre un processus pour
former plusieurs liaisons successivement.
SPh
Bu3SnH
Br AIBN

N N
H H

Bu3Sn

SPh SPh

. .
N N
H H

5. Les règles de Baldwin

Il s’agit de règles empiriques qui permettent de prévoir la taille du cycle formé dans une
réaction radicalaire de type

. ou

Le vocabulaire utilize est


Un chiffre pour indiquer la taille du cycle
Exo si le lien concerné se retrouve à l’extérieur du cycle
Endo si le lien concerné se retrouve à l’intérieur du cycle
Dig si le radical attaque un atome sp (triple liaison)

89
2
Trig si le radical attaque un atome sp (double liaison)
3
Tet si le radical attaque un atome sp (simple liaison)

.
5-endo-tet

6. Des applications
De nombreuses reactions métaboliques et biologiques sont de type radicalaire.

90
Chapitre 9

L’ACTIVATION PHOTOCHIMIQUE

1. Généralités

L’activation photochimique permet, même à basse température, d’augmenter considérablement le


contenu énergétique d’une molécule en la faisant passer de son état énergétique électronique
fondamental à un état électronique supérieur dit excité.

Dans son état fondamental, une molécule présente un spin global S nul. La multiplicité de
l’état fondamental, définie comme 2S + 1, vaut 1. L’état est dit singulet (S0).

Quand un électron passe dans l’orbitale LUMO, en général il garde son spin. La multiplicité de
cet état est donc encore 1. C’est l’état singulet excité, le premier niveau est dénommé S1.

Dans cet état S1, le principe de Pauli ne s’applique plus et le système peut évoluer vers une
situation dans laquelle les deux électrons ont des nombres quantiques de spin identiques. La
multiplicité de cet état vaut 3. C’est un état excité triplet T1.

La transition S1 -> T1 correspond au processus appelé passage inter-système. Ce passage


est thermodynamiquement favorisé car, d’après les règles de Hund, un état de type T1 est
généralement de plus basse énergie.
1 3
On note aussi (π,π*) et (π,π*) le passage vers l’état excité singulet ou triplet dans le cas de
l’excitation d’une double liaison carbone – carbone.

91
2. Les réactions photochimiques

2.1. La réaction de Norrish type 1 ou la coupure en α dans les dérivés carbonylés

Sous activation photochimique, les dérivés carbonylés peuvent subir une rupture de la liaison
α. C’est la réaction de Norrish, type 1. Elle affecte l’état excité singulet.

R .
lumière
R R * . O
O O
R R R

En série cyclique, les diradicaux formés peuvent évoluer de différentes manières.

.. O

O
O
..
O O
.
.
La réaction de Norrish type 1 est fréquente en phase gazeuse et, par suite d’une seconde
réaction de Norrish type 1, il y a extrusion de monoxyde de carbone.
O - CO . .
O
..

2.2. La réaction de Norrish type 2


3 *
Dans l’état excité triplet (n,π ), les composés carbonylés possédant un atome d’hydrogène
en γ peuvent donner naissance à des radicaux par arrachement de cet atome d’hydrogène par
l’atome d’oxygène du carbonyle excité. Le diradical formé évolue soit par fragmentation soit par
cyclisation pour former respectivement une oléfine ou un alcool.

O H
O H * O
H
.
R2 lumière 2
R R2
R 1
R1
R 1 .

HO R2
O 2
R R1
1 +
R CH3

92
2.3. La photoréduction intermoléculaire

Dans l’état excité triplet, les dérivés carbonylés peuvent facilement être réduits par
arrachement d’un atome d’hydrogène à une molécule donneur comme un alcool et plus
particulièrement l’isopropanol.

R'OH
R lumière R * R
. O
H .
O O + R'O
R R R

HO OH R
R R R OH R
R R H R OH
R'O
pinacole

2.4. La photoisomérisation cis – trans

Par excitation photochimique d’une double liaison carbone-carbone, un électron passe dans
une orbitale π anti-liante et conduit à la perte du caractère de double liaison. On passe alors par un
état relaxé qui évolue vers l’état fondamental aussi bien vers la forme cis que vers la forme trans. A
partir d’un isomère pur, on obtient donc un mélange dont la composition dépend, entre autres, de la
valeur du coefficient d’extinction molaire à la longueur d’onde de l’excitation.

93
Chapitre 10

LES REACTIONS PERICYCLIQUES

1. Introduction

Dans ce type de réactions, il n’y a pas de charge sur l’intermédiaire. Les électrons impliqués
se déplacent autour d’un cercle.

On distingue les réactions de cycloaddition, sigmatropiques et électrocycliques.

Réactions de cycloaddition

diène diènophile cycloadduit


2 liaisons sigma se forment

Réactions sigmatropiques

1 liaison sigma se forme et une liaison sigma se rompt

Réactions électrocycliques

1 liaison sigma se forme (ou se rompt)

Ces réactions obéissent à des règles particulières connues sous le nom de règles de
Woodward et Hoffmann. Elles sont basées sur la théorie des orbitales moléculaires. Elles seront
brièvement évoquées dans ce cours mais pas discutées dans les détails.

2. Les réactions de cycloaddition

2.1. Généralités

Il s’agit de réactions mettant en jeu deux partenaires qui vont s’additionner pour former un
cycle. L’exemple le plus connu est celui de la réaction de Diels et Alder. Cette réaction met en jeu un
diène (4 électrons π) et un diènophile (2 électrons π), elle est de type [4 + 2].

diène diènophile cycloadduit


- -
4e π 2e π

94
Les réactions de cycloaddition sont des réactions concertées synchrones, tous les
électrons étant en mouvement en même temps, les deux liaisons sigma se formant simultanément.

Si la réaction fait intervenir des centres de natures différentes pour la formation les liaisons
sigma, les distances entre les atomes impliqués ne sont pas identiques et la réaction est asynchrone,
un lien se formant plus vite que l’autre.

R R R
N N N
+
O O O

2.2. La formation de cycles à six chaînons : la réaction de Diels-Alder

La réaction de Diel-Alder est une réaction thermique et réversible qui met en jeu un diène
qui doit être en s-cis. Le diènophile peut être un dérivé acétylènique ou un benzyne formé in situ.

Un benzyne s’obtient

A partir de bromobenzène et d’amidure de sodium

Br - Br
Br
+ NH2

benzyne

Par diazotation de l’acide 2-aminobenzoique

O O O
NaNO2 OH T
OH OH O

NH2 N2 N2

O - CO2
- N2
O

N2

Un exemple de réaction de Diels-Alder impliquant un benzyne :

95
Souvent, le diène est riche en électrons tandis que le diènophile est pauvre en électrons.
Dans le cas de réactifs non symétriques, un problème de régiosélectivité se pose.

OMe OMe OMe


CO2H CO2H
+
CO2H

L’orientation peut être déterminée par les règles de Woodward-Hoffmann. Un raisonnement


simplifié en termes de délocalisation électronique, permet aussi de prévoir la structure du produit final.

MeO
MeO CO2H
+
CO2H

CO2H
MeO

En ce qui concerne la stéréosélectivité, il faut noter que

La géométrie du diènophile est conservée

CO2CH3
MeO
MeO H CO2CH3 H
+ H
H3CO2C H CO2CH3

Le dérivé exo est formé préférentiellement puisqu’il correspond à un encombrement moindre

+
CH3
CH3
H3C
exo
endo
préférentiellement

Toutefois, lorsque des interactions π – π favorables entre le diène et le diènophile peuvent exister,
alors cinétiquement le produit endo est favorisé (contrôle cinétique). Comme la réaction est réversible,
le système est à même d’évoluer vers le dérivé exo. De telles interactions ont lieu lorsque le
diènophile porte au moins un groupe carbonyle ou une autre insaturation.

+
CO2CH3
CO2CH3
H3CO2C
exo
endo
sous contrôle cinétique

O
OCH3

96
Lorsque le diène est de type cis – cis ou trans – trans, les substituants sur les atomes de
carbones terminaux se retrouvent en cis dans le produit final. Selon les règles de Woodward-
Hoffmann, cela correspond à un mouvement disrotatoire.

H
CO2CH3
CO2CH3
+
H
CO2CH3 H CO2CH3
H

Ph
CO2CH3 Ph
+ CO2CH3

CO2CH3 CO2CH3
Ph
Ph

CO2CH3 CH3
CH3 CO2CH3
+
CO2CH3 CO2CH3
CH3
CH3

Il existe

Des réactions de rétro Diels-Alder

Des réactions de Diels-Alder intramoléculaires

le produit trans est


thermodynamiquement plus stable

Des réactions hétéro-Diels-Alder


O O
+

Des réactions de Diels-Alder à demande inverse

Lorsque le diène est pauvre en électrons et le diènophile est riche en électrons.

CN CN
OCH3 OCH3
+

97
Des réactions de Diels-Alder catalysées

Un acide de Lewis peut augmenter le pouvoir électroattracteur dans le diènophile. Ceci renforce la
régiosélectivité.

O AlCl 3
CH3 AlCl3 CH3 O
OCH3 OCH3
+ +

CH3 O CH3

OCH3
O

OCH3

sans catalyseur 90 10

avec catalyseur 98 2

Des ène-réactions d’Alder

Il a été observé que l’anhydride maléique peut aussi réagir avec un alcène simple selon

O O

+ O O
H H
O O

L’anhydride maléique est l’un des rares « ènophiles » dicarbonés connu.

Enfin, il est à noter que la formation des cycles à 10 chaînons est thermiquement permise et répond
aux mêmes règles que la réaction de Diels-Alder.

O + O

2.3. La formation de cycles à 4 chaînons

2.3.1. Les cycloadditions photochimiques

En général les réactions de cycloaddtions [2 + 2] se font photochimiquement. Ainsi la


dimérisation des alcènes (2 + 2) est réalisée par excitation lumineuse.

O
O
lumière
+

98
Les composants gardent leur géométrie dans le produit final, géométrie qui est celle qui
correspond à un état de transition le moins encombré (il n’y a ni exo ni endo dans ce type de réaction).

O
O H3CO2C H H3CO2C
CO2CH3 O

+ H
CO2CH3 H3CO2C CH3 H3CO2C
CH3

En ce qui concerne la régiosélectivité, les règles sont inversées par rapport à ce qui se passe
thermiquement.

O O
H
H
+
H3C CH3 H3C CH
3

2.3.2. Les cycloadditions thermiques

Il existe des cycloadditions thermiques [2 + 2] qui mettent en jeu des cétènes et des
isocyanates.

O O

+ C

O O

+ C
N
N SO2Cl
SO2Cl

lactame

2.4. La formation de cycles à 5 chaînons : les réactions 1,3-dipolaires et la click


chemistry

Dans ces réactions 1,3-dipolaires, le diène est remplacé par un dipôle constitué de trois
atomes et quatre électrons. L’alcène porte le nom de dipolarophile. Les alcènes simples et les alcènes
déficitaires en électrons sont de bons dipolarophiles.

B
A A B

La régiosélectivité est interprétée en terme d’affinité du centre négatif pour un centre positif.

R O R
N + N O
O

R
O
R

99
La stéréochimie est liée à une approche du dipolarophile par son côté le moins encombré. Il
n’y a pas de règles endo/exo dans ces cas.

O
N
+ N O
O
H
R H
O
R

Le dipôle peut être

Une nitrone

R O R
N N O

Un oxyde de nitrile

O
N N O
C
R
R

Un diazoalcane

R R R R

N N
N N

Un azoture
R R
HN N
N
N
N
N

Ces réactions procèdent souvent avec d’excellents rendements dans des conditions
expérimentales douces. Elles font partie d’une tendance connue sous le nom de « click chemistry ».

3. Les réactions sigmatropiques

La sigmatropie est la migration d’une liaison sigma le long d’un système pi. On parle de
réarrangement (transposition) de type [n,m]. Les valeurs attribuées à n et m correspondent aux
positions que va occuper la liaison sigma après migration, la numérotation ayant été faite à partir de la
liaison rompue.

1 2 [3,3]
3
liaison O
qui va O
être rompue 1 3
2

100
Ce type particulier de réarrangement porte le nom de réarrangement de Claisen.

[3,3]
O O HO

Le réarrangement de Cope est une transposition sigmatropique [3,3] dans un pseudo-cycle ne


contenant que des atomes de carbone.

R R

La réaction de aza-Claisen ou aza-Cope fait intervenir un dérivé azoté.

R R
N N

Il existe aussi des transpositions [2,3] sigmatropiques

2
3 1
BuLi [2,3] H+
O O OH
O
O
2 1

2 1
S S
O O
3
R 1 R
2

éther sulfénique sulfoxyde

Il existe aussi des transpositions d’hydrogène [1,5] sigmatropiques. Dans cette numérotation,
1 signifie que l’ancienne et la nouvelle liaison sigma sont sur le même atome. C’est donc une
migration de cet atome autour d’un système conjugué.

R H 1
R
[1,5]
1 H H
2 5 H

3 4

A nouveau ce sont les règles de Woodward-Hoffmann qui gouvernent le déroulement de ces


réactions. On parle d’attaques supra-supra (antara-antara) et supra-antara selon le signe des orbitales
atomiques mises en jeu.

101
4. Les réactions électrocycliques

1 liaison sigma se forme (ou se rompt)

Il s’agit de réactions de fermeture ou d’ouverture de cycle qui ont lieu thermiquement ou


photochimiquement. Selon les règles de Woodward-Hoffmann, les réactions impliquant 4 électrons
dans une réaction thermique se font avec un mouvement conrotatoire des orbitales situées aux
extrémités du système. Ceci permet de prédire la géométrie du produit final.

CH3 T CH3
CH3
CH3

102
Chapitre 11

LES CARBENES

1. Généralités

Un carbène est une espèce neutre qui contient un atome de carbone n’ayant que six électrons
de valence.
orbitale p

H H
H H
C C

atome de carbone
orbitale sp2 hydridé sp2

carbène triplet
carbène singulet
observable par RPE
2. Préparation

On prépare les carbènes

• par photolyse du diazométhane et des dérivés azo

H2C N N N2 + : CH2

H2C N N
• par α-élimination

NaOH Cl
H Cl : C
Cl - HCl Cl
Cl

LDA R
H R : C
Cl Cl
Cl

3. Réactivité

• Les carbènes réagissent par insertion dans les doubles liaisons carbone-carbone pour former
des dérivés du cyclopropane

Cl
+ CCl2
Cl

CHBr3 H3C
H3C Br
t-BuOK Br
H3C
H3C

103
Les carbènes réagissent aussi par insertion dans une liaison carbone-hydrogène pour former
un lien carbone-carbone

H
R CH R C H
O O

:
H3 C H H3C H
H H H

:
H R
R CH O
O + O
O

Les carbènes attaquent les groupes O-H (N-H) pour former des liens O-R (N-R)

CH3
CH2
O O
R H
+ : CH2 O R
R H

ylure

Le diazométhane permet ainsi de préparer des esters méthyliques à partir d’acides et des
éthers méthyliques à partir d’alcools.

L’une des applications les plus importantes est vraisemblablement l’intervention des carbènes
dans les réactions de métathèse des oléfines.

Une réaction de métathèse des oléfines est un échange de groupements entre deux oléfines.

R1 R2 H H R1 R2 H H
+
+
H H R3 R4 R3 R4 H H

Il a été montré que les carbènes peuvent être stabilisés sous forme de complexes avec les
métaux de transition.

(Ph3P)nRuCl2 PPh3
Ph Cl Ru
N HC
N Ph Cl PPh Ph
3

complexe de Grubb

104
Le complexe de Grubb est un catalyseur (2 % en mole) dans la réaction de métathèse des
oléfines.

cycloaddition
[2 + 2]
N N
Tos Ph
Tos Ru
Ph3P
Cl Ru Ph métallocyclobutane
Cl PPh3

H
H C

N CH + Ph
N
Ph Tos Ru
Tos Ru

cycloaddition H C Ru
2
Ru [2 + 2]
HC C
H
N N
Tos Tos

H
C Ru nouveau complexe
cycloaddition H + qui va attaquer le substrat
H2C Ru
[2 + 2] HC CH
HC
N
N
Tos
Tos H H
cycloaddition -
[2 + 2] H H
N N H
Tos N
Tos Ru H
H Tos Ru
Ph3P
Cl Ru H
Cl PPh3

Ru

N
Ru Tos
ce complexe va perdre de l'éthylène
et ce sera ainsi dans la suite du cycle catalytique
N
H Tos
Ru
H +

N
Tos

105
Chapitre 12

Rétrosynthèse et synthons

Lorsque la structure d’une molécule cible est connue, on appelle rétrosynthèse ou analyse
rétrosynthétique la démarche intellectuelle qui consiste à partir de cette structure et à planifier sa
préparation, étape par étape, jusqu’aux précurseurs les plus simples ou commerciaux. On utilise une
flèche dite rétrosynthétique pour illustrer la démarche.

O O
Ph N CH3 + Cl CH3
H Ph NH2

Le fait de « casser » par la pensée un lien s’appelle une déconnexion et on parle de site de
déconnexion. On indique alors la nature du lien rompu par déconnexion et la fonction correspondante.
Les synthons sont les réactifs schématiques créés par la déconnexion. On leur associe une charge
(+ ou -) qui reflète la charge partielle des atomes impliqués dans la liaison.

O C-N amide
O
Ph N CH3 + CH3
H Ph NH

L’abréviation TGF est utilisée pour une « transformation de groupement fonctionnel », c'est-à-
dire une réaction n’impliquant pas la rupture d’une liaison dans la démarche rétrosynthétique.

TGF par réduction


H H
N N

On parle de déconnexion de type 1,2-diX pour impliquer un époxyde et 1,3-diX pour impliquer
une réaction sur un système carbonylé α,β-insaturé.
1,2-diX
N
H + H2N
OH O

1,3-diX O
O
Nu 3
Nu 2 1

Une déconnexion 1,2 C-C correspond à la rupture d’une liaison C-C dont un des atomes de
carbone est porteur d’un groupe carbonyle alors qu’une déconnexion 1,1 C-C correspond à la rupture
d’une liaison C-C dont un des atomes de carbone est porteur d’un hydroxyle. Ce dernier provient
vraisemblablement d’un groupe carbonyle dans le réactif réel.

1
CO2Et
2 CO2Et
1,2 C-C

1,1 C-C
OH
Ph OH O
CH2
H Ph
H H

106
DES EXERCICES … en vrac (II)

1.
O
O BrMg
O Cl O
O N
O NH
Me2S/CuBr/THF
NaH/THF
addition 1,4 pourquoi ?

O O
LiBH4/THF OH
O N TsCl/CH2Cl2

Et3N

OTs
Me (moins volumineux) vers le haut NaCN/DMF
(-)
add 1,4 en présence de Cu pour rendre R mou
(fin chapitre 2)
HO
O
CN
NaOH/H2O HO
LiAlH4/THF

THF = tétrahydrofurane (solvant)


DMF = N,N-diméthylformamide (solvant)
C. Lu et al., Eur. J. Org. Chem., 1078 (2009).

2.
HH
H
+ C N O
N
H O

le noyau aromatique gouverne la régiosélectivité


les 2 protons du groupe CH2 ne sont pas équivalents
de g à d sur le spectre CHO, CHCPh, CH2 (2 signaux)

3.
L’encombrement place deux noyaux aromatiques perpendiculairement au plan du cycle
cyclopentadiènone.

Ph O
Ph
O O
Ph
Ph O

107
4.
Bu3SnH
I H3C H H
AIBN
H3C H3C
H3C
H H

H3C H H
H3C
H3C H3C
H3C
H3C H H

5.

O O
Mn(OAc)3 CH3
CO2Et
AcOH
CH3 CO2Et

hydrolyse

O O
CO2Et CH3
CH3 CO2Et

6.

OBenzyle
SnBu3 OBenzyle
CO2Et
CO2Et
I
Et3B

7.
Norrish 1
CH3 lumière
CH3 CH3
O
H3C CH3
HO

108
8.

CH3 CH3 CH3


O O O

SPh R' SPh 2 étapes


O 2 étapes O R'
Br O
R' Bu3SnH
AIBN OR OR

RO

CH3
CH3
O
O

SPh R
O O
SPh
R' OR

RO

9. Quelle est la structure de NuH ?

O O
OH DEAD/PPh3/NuH S CH3 HS CH3
H3C Ph H3C Ph

109
BIBLIOGRAPHIE

Livres

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de Grenoble (1999). ISBN 2-7061-0833-9
- W.H. Brown dans “Organic Chemistry”, Harcourt Brace College Publishers, New York (1995).
ISBN 0-03-009618-9
- R. Brückner dans « Mécanismes réactionnels en chimie organique » De Boeck Université,
Bruxelles (1999). ISBN 2-7445-0052-6
- J. Clayden, N. Greeves, S. Warren, P. Wothers dans “Chimie organique” De Boeck Université,
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- N. Rabasso dans « Chimie organique » (2 volumes) De Boeck Université, Bruxelles (2006).
ISBN 978-2-8041-5210-9 et 978-2-8041-5233-8
- G.H. Schmid dans “Organic Chemistry”, Mosby Inc, St louis (1996). ISBN 0-8016-7490-5
- C. Reichardt dans “Solvents and solvent effects in organic chemistry” Wiley-VCH Verlag,
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(2008). ISBN 978-0-471-92964-2
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Articles

- G.M. Rubottom J. Chem. Educ., 51, 616 (1974)


- D.J. Calvert, C.J. O’Connor Aust. J. Chem., 32, 337 (1979)
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