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Cahiers Du Témoignage Chrétien Octobre 1942
Cahiers Du Témoignage Chrétien Octobre 1942
chrétien
X & XI
Collaboration
et Fidélité
«Il n''ya pas de doute que notre monde actuel ne soit une prison de l'esprit,
avant d'être
une prison du corps, qu'il est aussi.
pas pour nous une
L'honnêteté exige que nous ne refusions pas de voir ce qui est vrai ; et ce n'est
affaire, puisque notre conscience est déchirée par deux
puissances, celle qui nous donne le mensonge et celle qui nous refuse la vérité.
C'est notre droit et notre devoir d'être doublement prudents et méfiants, quand
qui nous parlent nous mettent dans l'impossibilité de recevoir autre chose
ceux
que
ce qu'ils disent. »
donc alerte ainsi notre vigilance ? C'est la Voix du Vatican, que
Qui
entendre chaque soir sauf le dimanche) à 21 heures, sur 49, 96 et 50, 26.
devez
vous
Radio-Vatican a de bonnes raisons pour parler ainsi. Elle sait que la censure,
en
tout pays sous le contrôle de la police nazie, « nous refuse la vérité » et que
propagande « nous donne le mensonge ».
la
Fils lumière, les chrétiens doivent savoir et ils doivent, témoigner. Sur leur
deà eux, qui est celui du Règne de Dieu et de sa Justice, nul opportunisme,
plan
»point
est
Nous attestons (et nul ne peut le contester sérieusement) que toute « colla-
boration »
économique ou politique avec la puissance nazie, dans des circons-
tances où collaboration signifie sujétion, entraîne
un proche danger de sujétion
domaine de la culture. Or la « culture » nazie est foncièrement anti-
le
dans
chrétienne, et ni les déclarations répétées des chefs nazis ni leurs actes renou-
ne sont à cet égard le moins du monde
velés
rassurants. Nous voulons donc mon-
tous le chrétiens, et tout autant à ceux qui, sans être croyants, sont atta-
trer
à
plus
chés qu'ils ne le pensent aux principes d'une civilisation chrétienne, que,
plan de l'esprit, le devoir est de résister et d'organiser la résistance
sur
ce
au
nazisme. Plus celui-ci "fera sentir fortement sa domination sur notre France,
plus il importera que cette résistance spirituelle devienne lucide et ferme.
Nous sommes de simples chrétiens. Nous ne parlons au nom d'aucune auto-
rité. Mais nous cherchons à informer honnêtement les consciences. Nous rappor-
tons des faits contrôlés et des documents authentiques. Nous rappelons les direc-
tives doctrinales émanées des chefs de l'Eglise. Ce faisant, nous accomplissons
le devoir qu'a tout croyant, engagé dans la vie temporelle, de porter témoignage
de sa foi, de la garder contre la corruption, de la défendre quand elle est mena-
cée. Ce serait une grande, erreur, fruit d'une grande lâcheté, que d'attendre pour
le faire, en toute circonstance, d'en avoir reçu officiellement mission. Les Cahiers
du Témoignage Chrétien sont le témoignage de chrétiens nombreux et divers
qui, sans arrière-pensée politique et sans prétendre engager d'aucune manière la
FRANCE...
prends garde de perdre ton âme !
[Le tirage du premier Cahier a été très insuffisant. En raison de son impor-
tance, nous le reproduisons presque textuellement ; il est plus actuel qu'il y a
un an.
« Un peuple entier est en train de perdre son âme », c'est ainsi qu'un
prélat
allemand caractérisait la situation de son pays, au moment où la marée nazie
commençait do le submerger.
Il y a plus des deux ans, la France était à son tour submergée et elle perdait
la libertés. Non seulement la libertés politique, à laquelle elle devait renoncer en
raison do sa défaite, mais aussi sa liberté spirituelle qu'elle entendait cependan
sauvegarder par un armistice conclu dans l'honneur. C'était mal connaître son
adversaire, qui n'est plus l'Allemagne impériale do 1914, mais l'Allemagne
hitlérienne. A celle-ci, il ne suffit plus d'asservir le corps des nations, il lui faut
également domestiquer leur âme, leur faire renier leurs raisons de vivre, pou
être plus assurée de leur soumission. Depuis deux ans, à côté du travail poli-
tique, toute une action souterraine proprement spirituelle s'est déployée, qui
tend à nous faire renoncer à ces valeurs chrétiennes, patrimoine commun, par
delà toutes les divisions de surface, de nos différentes familles spirituelles. De
l'esprit hitlérien.
III. — Sur leur application en France et les résultats déjà obtenus.
I. — Le National-Socialisme, mystique antichrétienne.
Il n'est pas
catholique qui no sache que le bolchevisme a entrepris d'ex- un
tirper la religion par
une persécution violente. Beaucoup, par contre, ignorent
que
le
national-socialisme est en son fond radicalement opposé au christianisme
partout où il domine, il déchaîne une persécution, aux dehors moins
etque
Sorge.
EN POLOGNE,
la persécution a été déchaînée aussitôt après la conquête et
et que la formes les plus violentes, parce qu'on ne craignait pas d'indiscrétion
Voir les population ne méritait aux yeux des persécuteurs aucun ménagement.
Voir les exemples et les chiffres cités par J. Lebreton
: L'occupation allemande
Pologne. La lutte contre le peuple et sa foi, Etudes. 5 juin 1940. Nous y
en
EN ALSACE ET EN LORRAINE,
la mise au pas n'a demandé que quelques
mois. Suppression de tout enseignement catholique, expulsion des évêques de
Strasbourg et de nombreux prêtres, sans parler des laïcs do tout genre.
Metz
et
pouvoir
toutessortes de ménagements, la, persécution sévit depuis la prise du
par Hitler et s'est même intensifiée pendant la guerre. Sans doute, les
restent
églises ouvertes et peuvent être, en apparence au moins, librement fré-
quentées, mais toute la machine d'Etat est, employée à faire le vide autour
de façon à faire périr la vie chrétienne par une lento asphyxie. Cf. les
d'elles
et Kurt Türner
:
: Noël sous la croix gammée, « Vie Intellectuelle », janvier
—
1937.
Citons
ces détails récents, publiés par Radio-Vatican dans son émission du
28 mars 1941
«Un grand nombre de maisons et d'institutions sont fermées. Nous déjà
donné la
avons
ouvents ainsi enlevés, le nombre n'en a fait, que croître.
ecrutement est devenu très difficile. Une loi du 29 septembre, en effet, édictée
par
leils
Ministre
Le
teraient
poste
où
du Travail, ordonne que tous jeunes hommes, toutes jeunes filles qui manifes-
désir d'entrer en religion soient dirigés par le Bureau du Travail vers
se mettront au service de l'Etat. un
Associations religieuses sont soumises à un règlement analogue et sont, par
«Les
condamnées à l'extinction.
séquent,
con-
les religieux expulsés de leurs maisons le sont en quelques heures et sans
«Souvent,
que le prétexte
apparence d'indemnité. Ils doivent abandonner l'espoir d'y rentrer, bien n'exista
employé pour les en faire sortir, donner un gîte aux Allemands rapatriés, plus
plusen
certains cas, les maisons ayant été immédiatement employées à d'autres fins.
Bon nombre de propagandistes répandent l'idée qu'il faudra reculer l'entrée dans
«
l'Eglise et le baptême jusqu'il la vingtième année. Avant cela, les enfants, sans grâces
sacramentelles, sans instruction religieuse, devront affronter l'ambiance, le service du
Mythe du XXe siècle. Le chef de la jeunesse allemande lui-même affirme que Rosenberg
catholique est donc
est le seul directeur spirituel de la jeunesse allemande. Le jeune uniquement me-
nacé, d'une part, de vivre, de grandir dans une atmosphère païenne et,
pourrait faire contre-poids
d'autre part, de ne recevoir aucune instruction religieuse quireligieux.
Il devient de plus en plus difficile de donner l'enseignement En effet, le prêtre
trouve
De
une
de
contact entre le clergé et les fidèles, doivent être employés avec unedetelle circonspection
qu'ils en deviennent presque inutiles. Ces petites feuilles, menacées desuppression,
chaleur, et
sont
sans cesse accusées de ne pas prendre parti pour le régime avec assez
c'est
« Toute
contenter du rôle d'un parti au milieu et à côté d'autres partis. Elle exige impérieusement
exige
de l'univers qu'il la reconnaisse sans réserve et exclusivement, comme elle
la trans¬
formation totale de la vie publique en conformité avec ses principes… Cette loit s'applique
exactement aux religions. Le christianisme, lui aussi, ne s'est pas contenté, et ne pouvait
se contenter d'élever ses propres autels. Une nécessité logique le conduisait à abattre les
autels du paganisme. La foit doctrinale ne pouvait naître que sur ce fond d'intolérance
« Les hommes qui ont la volonté de libérer notre peuple d'Allemagne de son état actuel
n'ont pas à se casser la tête sur des regrets stériles. Toute leur application d'esprit doit
aller à la recherche des moyens propres à supprimer l'état de fait. Une conception du
monde faite d'infernale intolérance ne peut être brisée que par une nouvelle idée absolu-
ment pure et vraie nourrie par le même esprit de fanatisme, défendue par la même force
de volonté.
mais il y a un fait qu'il ne pourra contester, c'est à savoir que, depuis cette date, l'uni-
vers est dominié par cette loi de contrainte et que seule la contraite brise la contrainte
de même que seule la terreur brise la terreur. C'est seulement à partir du moment où est
monde,
olitiques inclinent par nature au compromis ; les conceptions du
politiques composent avec l'adversaire, les conceptions
monde proclament leur infaillibilité.
» — Mein Kampf, pp. 452-453.
jamais.
Les partis
Idée qui fut réaffirmée 1935
au Congrès de Nüremberg de :
Le national-socialisme comme conception philosophique s'il pas «
veut
sacrifier lui-même est contraint d'être intolérant, c'est-à-dire, de ne défendre se
se et
d'imposer la justesse de ses conceptions dans toutes les circonstances ». (Pour
Berlin, p. 72)
B)Justification
exposée Rosenberg
mystique antichrétienne
du
national-socia-
le Mythe du XXe siècle le Racisme !
rationnelle
par dans
la
lisme
de
:
Toute l'histoire du monde s'explique par l'opposition de deux
les
races races nordiques, principe mâle de l'humanité qui est à l'originegroupes de
ce forme,
qui :
ture humaine. est
mesure; ordre, harmonie, fécondité créatrice de toute
de
races orientales, principe femelle, origine do tout
dissolution,
deux groupes
Les
supposent comme Apollon et Dionysos dans la mythologie
ce
ivresse orgiaque, sensualité débridée, démonisme, magie.
qui
que
si
régénérer l'Europe par le
le sang
culte de la race. Régénération qui exige
du sang germanique par des mesures qui
race donnent naissance
qui prendra la place des anciennes religions.
mythe du sang et de la race
religieux
une épura-
ne pourront être acceptées
à un véritable culte et à un mythe
sera le mythe du XXe siècle. Ce
tale
et la
« L'âme raciale nordique… comprend enfin qu'il ne peut y avoir une coexistence avec
droits égaux de valeurs absolues différentes, qui s'excluent nécessairement… Elle com-
prend que ce qui a une parenté raciale et spirituelle peut être intégré dans un tout orga-
nique, mais que tout ce qui étranger doit être irrémédiablement éliminé, et, si besoin
est, anéanti par la force. Non pas parce que cela serait « faut » ou « mauvais », mais
tien.
«
peuples dont fondée dans leur
rang, ne santé est
Les connaissent pas l'individua-
lisme,
comme
la des valeurs, aussi peu qu'ils reconnaissent l'universalisme.
critère
Indivi¬
dualisme et universalisme, absolument et historiquement parlé, sont les métaphysiques de
la décadence. » (p. 539.)
Celui d'une vérité et d'un droit objectif, décidant du « vrai » et du « faux »,
du juste et de l'injuste. Pour le nazisme, un seul principe est absolu : l'honneur
racial :
« L'Idée de l'honneur, de l'honneur national, devient pour nous commencement et fin de
toute notre pensée et de toute notre action. Elle ne supporte à côté d'elle aucun centre
de gravité qui ait valeur égale, quel qu'il soit : ni l'amour chrétien, ni l'humanitarisme de
la franc-maçonnerie, ni la philosophie romaine. » (p. 514.)
Enfin, celui du Droit naturel universel, tel que les païens eux-mêmes l'ont
irremplaçable
reconnu et que le christianisme a définitivement établi comme base
de toute société humaine :
« Le droit n'est pas plus un schéma exsangue que ne
l'est la religion ou l'art, mais est
lié éternellement à un sang déterminé avec lequel il apparaît, et disparaît. » (p. 572.)
« Le nouveau Reich exige de tout Allemand qui se trouve dans la vie publique, un ser-
national
ment non pas sur une fourme d'état, mais le serment de reconnaître l'honneur
allemand, partout et selon ses moyens et possibilités, comme la norme suprême de son
action. Si un fonctionnaire, uni maire, un évêque, un superintendant, etc.,. ne peut 543.) prêter
un pareil serment, il perd du coup ses droits il revêtir une fonction publique. ». (p.
Le droit et le non-droit ne se promènent pas (à travers le monde) en disant : Nous
«
voilà. Le droit, dit l'un des plus sages proverbes hindous, c'est ce que les aryens jugent
être le droit, et non-droit ce qu'ils rejettent. Cet adage, ajoute Rosenberg. exprime pure-
ment et simplement la conscience qu'on a prise du fait qu'une direction juridique déter-
minée naît d'un caractère racial et national déterminé et qu'elle disparaît avec ce der-
nier. (Rosenberg : Lebensrecht, nicht Fofmalrecht. Deutsches Recht. 1934, p. 231.)
»
604.)
entraînait les foules et que tout le monde suivait : voilà l'idéal formateur qui, pour nous,
n-
se dégage comme une lumière des évangiles. Mais non pas l'agneau du sacrifice de la
propagande juive, ni le crucifié. Et si cet idéal ne peut se dégager des évangiles, alors les
fond spirituel juif, pour ainsi dire le côté talmudique et oriental deecclésias-
« l'église
fication, le de
romaine et l'église luthérienne Ce qu'on n'accordera jamais dans les milieux
tique, c'est que Saint Paul a donné une portée internationale à une insurrection natio-
de l'amour qui voulait embrasser également toutes les créatures du monde, un coup sen-
sible avait été porte contre l'âme de l'Europe nordique… le christianisme n'a pas connu
l'idée de l'honneur… »
a défini la méthode qui permettra de les faire triompher et la fin vers laquelle
ral,
La grande masse du peuple, dans la simplicité primitive de
llementvictime
dse petits
grand ses sentiments sera plus
mensonge que d'un petit. Elle ne commet elle-même,
mensonges, tandis qu'elle aurait trop de honte à de
en
d'un
que commettre
ne
chez d'autres,
pourra pas concevoir une telle fausseté et elle ne pourra
possibilité
en pa Elle
cution, Hitler conclut par cette phrase qui, rapprochée de celle citée plus haut
« Toute tentative de combattre un système moral par la force matérielle finit par
échouer, à moins que le combat ne prenne la forme d'une attaque au profit d'une nouvelle
position spirituelle. Ce n'est que dans la lutte mutuelle entre deux conceptions philoso-
phiques que l'arme de la force brutale, utilisée avec opiniâtreté et d'une façon impitoyable,
tous les peuples du service du peuple allemand, que la pureté de sa race nor-
« L'hyperindividualisme
de notre race
nous a
coûté la domination du monde. Si le
peuple
au cours de son histoire,
allemand avait
cette unité grégaire qui a été si possédé,
d'autres peuples, le Reich allemand serait aujourd'hui le maître du globe. L'his-
utileà
monde aurait pris un autre cours et personne n'est à même de décider si l'hu-
n'aurait pas, suivant route, atteint le but auquel
tant de pacifistes aveu-
manité cette
glés espèrenten aujourd'hui parvenir par leurs pleurnicheries,
ssurée
par
garantie par
une paix
rameaux d'olivier qu'agitent, la larme facile, des pleureuses
victorieuse d'un peuple de maîtres, qui met le monde paci- mais
lesl'épée
quiconsiste
fistes,
non
« Le Reich, en tant du'Etat, doit comprendre tous les Allemands
seulement réunir et
uple possède en éléments primitifs de
de
et se donner
conserver les réserves précieuses que de
sa race, mais de les faire arriver
sûrement à une situation prédominante. » (Id., p. 396.) et
3° L'attitude de l'Eglise
en face du national-socialisme :
Par l'encyclique Mit brennender Sorge
(14 mars 1937), le Pape condamne
tous ses principes spirituels. Citons quelques radicalement
passages essentiels.
Il faut d'abord voir clairement la
situation :
« Les expériences des dernières années mettent les responsabilités en pleine lumière
elle révèlent des intrigues qui, dès le début, ne visent qu'à une guerre d'artermination. »
Dieu
Le fait que le Führer invoque Dieu et la Providence à la fin de ses discours
ne doit pas dissimuler la falsification que ces mots subissent en passant dans sa
bouche :
« Ne croit pas en Dieu celui qui se contente de faire usage du mot Dieu dans ses dis-
cours, mais celui-là seulement qui à ce mot sacré unit le vrait et digne concept de la
Divinité.
Dieu aux dimensions du monde ou élevant le monde à celle de Dieu, n'est pas de ceux
qui croient en
« Qui veut voir bannies de l'Eglise et de l'école l'histoire biblique et la sagesse des
du Tout-Puissant, érige une pensée humaine étroite et limitée en juge des desseins divins
sur
de
du
ses
monde.
bourreaux
Il renie
la divine
devant la foi
action
au Christ
sacerdotale
véritable
le drame
de
tel
sa
qu'il
mort
universel
d'un peuple quidevaitlecrucitier.
rédemptrice,
est apparu
du
dans
FilsdeDieu
don-
qui
oppo
Il la
nant ainsi, dans la nouvelle alliance, son accomplissement, son terme et son couronnement
à l'ancienne. »
inconciliable avec le mythe du Sang et
La Révélation du Christ est
Race :
nitif, il oblige pour toujours. Cette Révélation ne connaît pas de complément apporté de
main d'homme, elle n'admet pas davantage d'être évincée et remplacée par d'arbitraires
destruction
L'Eglise catholique et l'amour divin qui est sa valeur centrale est si peu un
principe dissolvant, qu'au contraire tout ce qui se construit en dehors d'elle est
voué à la
eu a :
« Toute reforme
vraie et
durable, dernière analyse,
en
son point
de
départ dans la
enflammés
sainteté, dans des
prochain.
et
hommes
Généreux,
cependant
prêts
qui étaient
à écouter tout appel de Dieu et à le
sûrs d'eux-mêmes parce que leur vocation,
les lumières et les rénovateurs de
et
poussés
temps. La,
par
réaliser
l'amour
assitôt
grandi
sûrs de ils
leur ont jusqu'àdevenir
aucontraire,
où
lezèl
en
eux,
de
Dieu
etdu
teur n'a pas jailli de la pureté personelle, mais était l'expression et l'explosion de la
d'une fois le point de départ d'aberrations plus fatales que les maux auxquels il comptait
ou prétendait remédier. »
Après avoir mis en garde contre la perversion du sens de tous les mots reli-
« Tel est le fatal entraînement de nos temps, qu'il détache du fondement divin de la
Révélation, non seulement la morale, mais aussi le droit théorique et pratique. Nous pen-
sons ici en particulier à ce qu'on appelle le droit naturel, inscrit de la main même du
Créateur, sur les tables du coeur humain (Rom., 11-14 sq.) et que la saine raison peut y
lire quand elle n'est pas aveuglée par le péché et la passion. C'est les commande¬
ments de ce droit de nature que tout droit positif, de quelque législateur qu'il vienne,
feut être apprécié dans son contenu moral, et, par là même, dans l'autorité qu'il a d'obli-
ger en conscience. Des lois humaines qui sont en contradiction insoluble avec le droit
naturel sont marquées d'un vice originel qu'aucune contrainte, aucun déploiement exté-
rieur de puissance ne peut guérir. C'est à la lumière de ce principe qu'il faut juger
l'axiome : « Le droit c'est l'utilité du peuple ». On peut, certes, donner à cette proposition
un sens correct, si on lui fait dire que ce qui est moralement, défendu ne peut jamais
servir au véritable bien du peuple. Cependant, le paganisme ancien reconnaissait, déjà que
l'axiome, pour être pleinement exact, doit être, en réalité, retourné, et s'exprimer ainsi :
« Il est impossible qu'une chose soit utile si elle n'est pas en même temps moralement
bonne.
Et ce n'est point ; parce qu'elle est utile qu'elle est moralement bonne, mais parce
qu'elle est moralement bonne qu'elle est utile. » (Cicéron, De officiis, III. 30.) Affranchi
de cette règle morale, ce principe signifierait, dans la vie Internationale, l'état de guerre
perpétuel entre les différentes nations. Dans la vie nationale, il méconnaît, par Famal-
game qu'il fait des considérations de droit et d'utilité, le fait fondamental, que l'homme
tant que personne, possède des droits qu'il tient de Dieu, et qui doivent demeurer vis-
en
à-vis de la collectivité, hors de toute atteinte qui tendrait à les nier, à les abolir ou à
les négliger. Mépriser cette vérité, c'est oublier que le véritable bien commun est déter-
miné et reconnu, en dernière analyse, par la nature de l'homme, qui équilibre harmonieu-
sement droits personnels et obligations sociales, et par le but de la société, déterminé
aussi par cette même nature humaine... S'écarter de cet ordre, c'est ébranler les colonnes
sur lesquelles
repose la société, et donc compromettre la tranquillité, la sécurité et l'exis-
tence même de la société. »
Enfin, après une exhortation à la jeunesse, aux prêtres et aux religieux et
aux fidèles du laïcat, le Pape insiste sur l'importance de ce jugement porté
contre le national-socialisme :
« Nous avons pesé chacun des mots de cette, lett re à la balance de la vérité et
de l'amour aussi », et termine par des paroles de confiance en demandant la
générosité et le courage en face de la persécution :
« Comme d'autres époques de l'histoire de l'Eglise, celle-ci sera le prélude
d'une nouvelle ascension et d'une purification intérieure, à la seule condition
que les fidèles se montrent assez fiers dans la confession do leur foi au Christ,
assez généreux en face de la souffrance pour opposer à la forme matérielle des
oppresseurs de l'Eglise, l'intrépidité d'une foi profonde, la fermeté inébranlable
d'une espérance sûre de l'éternité, l'irrésistible puissance d'une charité agis-
sante. »
Pervertir ou détruire :
3°
Et voici le résultat : Les lâches devenus complices et pervertis : « Un reli-
.
le Dr Brettle, se chargeait d'expliquer aux lecteurs de la viennoise
gieux,
revue
Katholische Aktion ce qu'était le national-socialisme authentique, tel qu'il avait
« appris à le connaître et à l'aimer : ordre, service du peuple, honneur, fidélité,
ravail, vertu, esprit de sacrifice pour l'idéal de la nation, qui ne peut trouver
son expression propre que dans les valeurs du sol et du Ce sont là des
sang.
valeurs purement, chrétiennes ». Si les horreurs de la persécution raciste soule-
vaient des âmes trop délicates, le Dr Brettle se faisait un jeu de les rassurer
:
« Dans ces jours de révolution nationale, beaucoup m'ont demandé comment je
pouvais concilier avec l'amour chrétien le fait que les Juifs soient partout pour-
suivis et dispersés. J'ai répondu que cette dispersion avait toujours été dans les
Plans de la Providence divine... Comme personne n'avait osé, chez nous, régler
la difficile question juive, notre Führer la résout aujourd'hui d'une façon radi-
ale et définitive, humaine et libératrice, à la fois pour les Aryens et pour les
Juifs. » (L'Autriche souffrante, par P. Chaillet, p. 117.)
Les résistants : le Cardinal Innitzer lui-même, peu après son accueil empressé,
faillit être la victime des Nazis. Les séminaires sont fermés, les couvents disper-
ses. Voici, dressé quelques mois plus tard,
a collaboration loyale :
par le Cardinal Innitzer, le bilan de
« On nous a misérablement trompés. L'Allemagne venait à nous comme une
mere à ses enfants ; nous maintenant ce que cela signifie. La haine du
savons
nationalsocialisme, égale à celle du communisme, s'est ici déchaînée sans retenue
contre. l'Eglise. On veut faire de l'Autriche champ d'expériences, pour voir
un
jusqu'où peut aller l'anéantissement du christianisme. Cela ne peut plus durer.
on ne répond même pas à nos protestations incessantes. Il faudra bien en venir
la lutte ouverte. Les évêques ont été loyaux
et confiants, on les a systémati-
quement abusés. Il faut qu'on le sache...
»
politique. Le Français qui lira ces lignes n'aura pas de peine à reconnaître sa
aspect politique de cette équivoque : il l'a déjà reconnu, puisque la politique
« collaboration » n'est, pas sans éveiller chez beaucoup une inquiétude gran-
dissante. Dans ces pages, nous ne développerons que l'aspect religieux de l'équi-
*
Plus le chrétien dans la voie de la compromission, et, dans
ce but, continuer
. séduire
ala pour perpétuer l'équivoque, le comble de l'habileté consistant à la
faire proposer par ceux mêmes qui devraient l'en défendre.
Comme
on présente au Français cette équivoque par son gouvernement, on
la propose
au chrétien par certaines personnalités influentes du monde religieux.
C'est ce qui a déjà été réussi grâce aux déclarations « collaborationnistes » du
Cardinal Baudrillart dont les nazis ont exploité la vieillesse et les tendances à
confondre l'Ordre avec la Force. De son côté le P. M.-M. Gorce a publié dans
l'Emancipation nationale l'expression de sa chaude adhésion à l'
« ordre nou-
hitlérien dans l'illumination du désastre, il n'a pas rougi d'écrire un livre pro-
pour « bon usage de la défaite » ; pendant que le P. Bruno, carme
litlérien
Le
directeur des Etudes Garmélitaines, donne sa collaboration à La Gerbe de M. de
Chateaubriant ! On souhaiterait obtenir d'autres concours encore. Aussi, parmi
de soi-disants catholiques allemands ou les catholiques français déjà gagnes à
cause de l'ordre, nouveau, on choisit des émissaires. Porteurs des plus belles
la
promesses, ces émissaires sont envoyés aux évêques et aux prêtres qu'on juge
influents. Ils leur glissent à l'oreille combien les Allemands ont été frappés de
la puissance du catholicisme en France, « la seule institution qui soit restée
debout dans l'effondrement universel
», et de la différence entre le catholicisme
français « nullement politique » et celui de l'épiscopat allemand catholicisme
«
au Centre ». On va plus loin et voici qui indique jusqu'à quoi point on espère
—
perversion totale : après avoir rappelé que le racisme de Rosenberg reste
une
place opinion privée » n'inspirant nullement les actes de Hitler, chef qui se
place uniquement sur le plan politique, on sollicite doucement les évêques fran-
çais de bien vouloir dire
au Pape à quel point les Allemands se montrent en
» et « compréhensifs à l'égard du catholicisme », de lui expli-
France « corrects
quer le « malentendu
», provoque par les évêques allemands, qui a suscité la
condamnation de l'Encyclique Mit brénnender Sorge, de lui suggérer que cette
condamnation pourrait être rapportée
France rendrait ainsi le plus signalé ou du moins laissée en veilleuse... L'Eglise
de
service à la cause de la paix religieuse
Allemagne
en qu'on se rappelle les insinuations de von Papen au Cardinal
—
Innitzer
— Pour l'en récompenser, il n'est pas douteux que le gouvernement
français serait mené à envisager do nouveau la question d'un concordat pour
la
!
France
—
qui aurait, sans doute autant de valeur que celui de l'Allemagne. —
coup toutes les difficultés financières des diocèses, de leurs oeuvres et des
Du
moins généraux que l'allemand qui — on ne l'ignore pas — paie largement son
clergé !
Tout cela n'est pas de la fiction, mais ne fait que résumer un certain nombre
d'« ouvertures », qui ont déjà eu lieu !
La même méthode, spécifique de la 5e colonne culturelle, est employée vis-à-vis
des institutions, collèges, séminaires, personnalités plus ou moins en vue. Par-
tout où un Allemand peut se glisser, il développe les mêmes arguments,
adaptant et les proportionnant au milieu et aux auditeurs, et no désirant rien
tant que de transformer ceux-ci, une fois convaincus et bien stylés, en nouveaux
apôtres de la « collaboration ». C'est ainsi que M. Tricot, professeur à l'Institut
catholique dé Paris, est venu déployer son zèle à Vichy et que des membres de
l'Action Catholique de Paris se sont vantés d'avoir pu obtenir sans difficultés
des laissez-passer pour la zone dite libre. C'est ainsi que des curés se font en
chaire les apôtres de la « collaboration ».
Pour gagner la masse des fidèles, il suffira de favoriser la remise en honneur
de cérémonies inoffensives : pèlerinages, processions à l'extérieur des églises, etc.,
pendant que toute la presse et la radio ne cesseront, do perpétuer l'équivoque en
concentration sont remplis do Juifs laissés dans un abandon qui défie toute
humanité, tel le fameux camp de Gurs entre bien d'autres. Tout, récemment
encore, à Paris, cinq mille, pères de famille juifs sont emmenés sans autre forme
de procès dans un camp de travail forcé dans le Loiret, pendant que toute allo-
cation et secours sont refusés à leurs femmes et: enfants... Le Français ignore
tout do ces faits et ce sont des comités internationaux américains, suisses ou
suédois, qui doivent s'ingénier pour apporter quelque soulagement à ces mal-
heureux plus maltraités que des bêtes. En même temps littérature et cinéma
font passer l'antisémitisme dans les âmes. A Paris, chaque semaine, douze ciné-
mas sur cent soixante environ font l'ignoble film Le Juif Suss. Film pro-
passer
jeté également en zone libre. Si un hebdomadaire comme Temps Nouveau dé-
nonce le
« caractère antichrétien de cette production d'importation étrangère »,
il est supprimé pour
un mois et bientôt pour toujours. Quotidiens et hebdoma-
participent à la même campagne. Tous ceux de la zone occupée naturelle-
daires
tel
Le juif
surtout Gringoire... Des livres enfin vulgarisent les thèses racistes de Rosenberg: :
cet inconnu de Fayolle-Lefort qui développe le thème suivant :
Les valeurs raciales juives sont diamétralement opposées aux valeurs raciales
«
européennes » (p. 10). Le christianisme et la charité n'y sont pas encore ouver-
tement attaqués, l'auteur y fait même gloire au catholicisme du âge
moyen
d'avoir su se
«cabrer instinctivement devant la notion juive de justice » (p. 50).
Simple atténuation qui l'avantage de retrouver
a une thèse maurassienne — neu-
tralisation du « poison juif » par le catholicisme romain moins anti-
— non
chrétienne que celle de Rosenberg, mais plus familière aux Français. La pre-
mière leur permettra d'assimiler
peu à peu la seconde.
Enfin, il arrive que des jalons soient posés, tendant à implanter directement
mystique antichrétienne du nazisme et faisant même un appel à peine déguisé
la
se sont mis à la recherche de Dieu, d'un Dieu qui serait le Dieu de tous et la
ennemis
écoutez. Ecoutez bien. C'est le seul moment de votre vie, où vous entendrez la
l'Infini,
Détruire : cela veut dire d'abord bâillonner et étouffer toute voix qui oserait
dénoncer l'équivoque de la collaboration l'ordre nouveau — et ligoter
pour
activité apostolique qui risquerait de gêner le développement des activités
toute
vice de tous en restant soi-même, il faut d'abord être quelque chose ou quelqu'un.
« Plus on parle de s'intégrer, plus il faut parler d'être soi, d'être soi-même, d'avoir une
valeur personnelle, plus il faut songer à défendre et à augmenter cette valeur.
« Les chasseurs d'esclaves peuvent prétendre qu'ils demandent à des villages de nègres
une certaine collaboration. Il vaut mieux cependant que les villageois, sous la protection
de quelque prince du sang, s'assurent d'abord de la valeur des mots, avant de sortir de
social, aucune patrie, aucune nation n'a le droit de s'interposer entre l'homme pouvoir
et ses fins dermeres
que
qu'il
;
l'ordre des cités temporelles ne peut pas être pétri selon la fantaisie des
hommes,
mais est soumis à des rapports divins de justice que ni les parti-
culiers, ni les Etats n ont le droit d'enfreindre, en
qu'il est aucun cas ;
seulement immoral et antichrétien mais encore antipolitique
non
d'expulser la inorale de la politique ;
que les cités humaines deviennent des tyrannies et perdent le droit d'exiger
l'obéissance pour autant qu'elles attentent aux droits naturels et primordiaux
de la personne humaine
;
que l'homme étant fait à l'image de Dieu a un droit souverain à la vérité, à
justice, à l'amour, et qu'il est inique de le nourrir de mythes, de mensonges,
la
qu'il faut « se garder des idoles » (I, Jean, V, 21) Dieu seul est ado-
que
rable, non la classe, la race et leurs dictateurs ; que la vérité ; à la fin l'emportera
sur la violence et l amour sur la haine ;
s'il est donc sur la terre une foi qui croie tout cela et Eglise qui l'annonce,
une
il est clair que cette foi et cette Eglise, du seul fait qu'elles existent vont barrer
route à toutes les tentatives inhumaines de fabriquer l'homme de l'ordre nou-
dira
la
Cf. la
solennelle protestation du cardinal von Faulhaber, dans le sermon qu'il
1942
se
qui
:
a prononcé à Munich, le 31 décembre 1941; traduit dans la Liberté du 9 mai
pose
Les deux grandes communautés chrétiennes d'Allemagne savent que ce
pour elles, en ce moment, est une question de vie ou de mort. Il y va
des fondements mêmes du christianisme, des Saintes Ecritures, de la
foi au
Christ de l'Evangile... Ce qui se passe aujourd'hui devant
du monde c'est un chapitre de l'Apocalypse, un épisode denos
yeux sur la scène
la lutte éternelle de
umière et des ténèbres. Prenez garde que la lumière qui est en vous ne
devienne ténèbre ». Cardinal dit encore : « Ce Christ qu'on veut arracher au
peuple allemand, est le roi de l'histoire universelle, aucune souris
jamais grignoter le moindre fil de
ne pourra
son manteau royal ».
25 juillet 1941. Il joint, en annexe à sa propre lettre, l'encyclique Mit brennender Sorge
de Pie XI, et il s'écrie : « Qu'aurions-nous dit, alors que l'Eglise était persécutée sous
Néron ou sous Dioctétien, au Mexique ou en Russie, si les catholiques d'un pays quel-
conque avaient applaudi les tyrans et fait preuve d'indifférence à l'égard des souffrances
de leurs frères dans la foi ?... La main qui est levée contre le Christ, qui frappe notre
mère l'Eglise, et qui s'abat sur nos frères dans la foi, sera toujours la main qui nous
frappera... Que ce soit au Mexique ou en Russie, en Allemagne, en Pologne, en Hollande,
ou dans n'importe quel autre pays, nos coeurs et nos sympathies iront toujours vers nos
« Quiconque étudie de près l'histoire du monde après la venue du Christ est frappé de
constater que précisément, la descente de la lumière chrétienne dans les ténèbres de l'hu-
manité a eu pour premier effet d'augmenter immensément la puissance du mensonge ».
Caudillo. Si nous signalons ce point, c'est pour qu'on apprenne enfin a distinguer entre
Ces frères, nous le faisons remarquer avec émotion, ce sont aussi les protestants de
Hollande et de Norvège. L'unique Eglise unit
en elle tout ce qu'un amour éprouvé par la
persécution unit en Dieu.
pur sang aryen, et avaient droit à la vie civile. » (Jacques Maritain.) Et comment
expliquer autrement le succès de ces atroces invitations au suicide adressées aux Juifs
certains pays ?
dans
plusde son être, pour l'asservir, le réduire au silence, de le mettre hors d'état d'être
bas
dangereux. La technique moderne a ici encore multiplié les ressources.
Pourtant, l'esprit est plus fort que la technique. Mais il faut qu'il veille. Le
danger des peuples est do détourner leur espérance do la Colombe lors-
pire
qu'elle passe
sur les eaux de l'histoire.
O peuples prisonniers de vos terreurs profondes
et dont l'âme croupit dans le sang de vos morts.
O peuples sans écho que nul cri ne révolte
vînt-il du plus secret des pierres torturées.
peuples pourrissant sur pied dans votre histoire
O
responsabilités
les de l'Eglise et celles des gouvernements, si « catholiques qu'ils
paraissent.
Il est clair que les peuples, surtout s'ils sont petits, qui font passer le souci
de leurs intérêts économiques avant celui de leur vocation spirituelle, sont
d'avance perdus pour l'histoire. « Aucun peuple n'a survécu aux épreuvesde
l'histoire que parce que, dans la masse ou dans quelques prédestinés, il est
resté certain de son coeur et de sa mission, quand tout semblait perdu. Et tout
était perdu, en effet, sans une telle certitude. Dans un homme qui préfère tout
à l'acceptation d'une chose abominable, il secrète confiance
y a au moins une
naturelle dans le principe de l'être, même s'il ne sait pas son nom, et dans la
source de la justice. Mais se résigner, pour des raisons de soi-disant réalisme
politique, à l'asservissement d'un pays, c'est conduire ce pays aux grands cime-
tières de l'histoire parce qu'on ne croit plus à la force de vie qui fait son exis-
tence. »
Mais croire en l'esprit, ce n'est pas négliger la machine, la technique, la
l'amour ; c'est refuser de croire que cette libération politique puisse résulter
d'un emploi illimité, et sans égard aux lois morales, de la machine, de la tech-
nique, de la force. »
Abbé Charles JOURNET,
Professeur de Théologie à Fribourg.
PROTESTATIONS FRANÇAISES
Contre un défi odieux aux lois morales — la déportation inhumaine des Juifs
réfugiés en France et la. livraison des victimes par des autorités françaises à la
barbarie nazie — des voix courageuses viennent d'élever la protestation de la
conscience chrétienne, pour que la France ne mérite pas de descendre « aux
grands cimetières do l'histoire », malgré la complicité allègre ou résigné de
ceux qui se mettent au service du dessein hitlérien de nous avilir par la parti-
cipation au crime.
Voici les faits. — Ils ont été contestés vainement par les services de propa-
gande et d'information de Paris et de Vichy, par les journaux dévoués à l'hi-
tlérisme, comme Je suis partout, Le Pilori, Gringoire, L'Union Français, Le
ZONE OCCUPÉE
Ces précisions sont extraites d'un rapport circonstancié fourni par une des
glandes oeuvres françaises d'assistance. La massive arrestation de Juifs date
des 16 et 17 juillet. Hommes, femmes et enfants à partir de deux ans ont fait
promiscuité, sévices.
plombé, sans paille ni possibilité d'hygiène. Souvent les familles ont été sépa-
rées, le mari et la femme ne
partant pas ensemble ; des enfants de 12 à 15 ans
été déportés avant leurs parents. Scènes horribles de la séparation : nom-
ont
comme des bêtes tranquées, sans moyen d'existence ; ils ne pourront bientôt plus
plusieurs enfants qui ne couchent pas deux nuits de suite même mères
avec
endroit des jeunes filles qui n'auront d'autre choix que de mourir de au faim ou
omber aux mains des trafiquants, suicide ou prostitution...
Le
septembre, un millier de Juifs français, internés au camp de Pithiviers,
embarqués vers l'Est. Avant le départ, fouille générale les femmes,
ont
été
20
:
les vieillards, dont la générale Lévy et
même
une autre de 83 ans, ont été obli-
de se déshabiller et ont été fouillées par les policiers. Jamais
encore la
gées
des
brutalité services de police allemands (S. S.) et des services français de la
rue de Greffuhle
ne s'est exercée avec autant de violence.
déportés envoyés de zone libre par les services de Vichy subissent le
Les
même sort.
ZONE NON OCCUPÉE •
quelques détails près, les faits sont semblables à ceux cités ci-dessus
A
zone occupée. Même brutalité, même désordre, même mépris de la
la
pour
même haine surexcitée de quelques énergumènes, même
personne
passivité, même
humaine,
tiaux, la part des hauts fonctionnaires. Entassés dans les wagons à bes-
de
au
28, se sont succédés de plus en plus impératifs, ordonnant des mesures de
18
en plus plus
sévères et trahissant de plus en plus la crainte des réactions de
l'opinion publique. Il semble que Vichy ait eu hâte de satisfaire les exigences
allemandes et que, bien souvent, il soit allé au-devant.
Laval a essayé de cacher la vérité aux journalistes étrangers. Au
M.
cours
;
d'une réunion de presse, il leur a déclaré que, seuls les Israélites étrangers entrés
en France après 1936 seraient déportés. Le lendemain, il était démenti par
Gringoire qui le félicitait de nous débarrasser de tous les israélites étrangers.
La presse aux ordres de Vichy a essayé également de travestir la vérité : elle
a publié des informations mensongères tendant à disculper le gouvernementoffi-
à atténuer la réaction de l'opinion publique. Voici quelques télégrammes
ciels suffisamment, éloquents. Ils ont été adressés à tous les préfets et montrent
la résolution implacable de Vichy, son désir d'agir vite et son besoin de dis-
crétion :
le 19, un télégramme demande la déportation des israélites entrés en France
en 1933
le 20, un autre « autorise l'internement administratif de toute personne dont
acte ou attitude entraverait l'application des mesures ». Le même jour, il
recommandé d'agir avec la plus grande discrétion et de « procéder aux rafles
au petit jour, entre 4 heures et 5 heures du matin ;
le 21, un télégramme autorise les déportations des anciens combattants;
enfin, le 22, tous les préfets on treçu le télégramme suivant qu'il convient de,
citer tout entier :
« Le Chef du gouvernement tient à ce que vous preniez
personnellement
mains le contrôle des mesures décidées à l'égard des israélites étrangers. Vous
n'hésiterez pas a briser toutes les résistances que vous pourrez rencontrer dans
les populations et à signaler les foncitonnaires dont les indiscrétions, la passi-
vité ou la mauvaise volonté auraient compliqué votre tâche. D'autre part, dans
les jours qui suivront l'opération projetée, je vous demande de faire procéder
à des contrôles extrêmement sévères et à des vérifications d'identité par d'impor-
tantes forces de police, afin de libérer totalement votre région de tous les israé-
lites étrangers dont le regroupement est prévu par ma lettre du 15 août et
correspondance ultérieure. »
On ne peut pas reconnaître plus explicitement que ces mesures sont dés-
vouées par le pays tout entier et qu'elles ne sont que le signe de la soumission
totale du gouvernement à ses maîtres nazis.
Profondément ému par ce qu'on nous rapporte des arrestations massives d'israélites
opérées la semaine dernière et des durs traitements qui leur ont été infligés, notamment
au Vélodrome d'Hiver, nous ne pouvons étouffer ce cri de notre conscience.
C'est au nom de l'humanité et des principes chrétiens que notre voix s'élève pour
protestation en faveur des droits imprescriptibles de la personne humaine.
en
une
C'est aussi un appel angoissé à la pitié pour ces immenses souffrances, pour celles sur-
Fédération
Lettre personnelle adressée par le Pasteur Boegner, Président de la
Protestante de France, à M. le Maréchal de France, Philippe Pétain, Chef
de l'Etat Français.
Nîmes, le 20 août 1942.
Monsieur le Maréchal,
Lorsque vous m'avez fait l'honneur de me recevoir, le 27 juin dernier, j ai remis entre
vos mains la lettre par laquelle le Conseil de la Fédération Protestante de France confiait
à votre coeur de chrétien, de soldat, la douleur et l'émotion épreuvée par les Eglises
Protestantes devant les nouvelles mesures prises on zone occupée à l'égard des
israélites
et des chrétiens maintenus Juifs par la loi. Je me vois contraint, hélas ! de vous écrire
aujourd'hui au nom de ce même Conseil pour vous exprimer l'indicible tristesse que res-
sentent nos Eglises à la nouvelle des décisions prises par le gouvernement français à
l'encontre des israélites étrangers, convertis ou non au christianisme, et de la manière
dont elles sont exécutées.
Aucun Français ne peut demeurer insensible à ce qui se passe depuis le 2 août dans
es camps d'hébergement et d'internement. On répondra, on le sait, que la France ne fait
que rendre à l'Allemagne des Juifs que celle-ci a envoyés en automne 1940. La vérité est
que viennent d'être livrés à l'Allemagne des hommes et des femmes réfugiés en France
pour des motifs politiques ou religieux, et dont plusieurs savent d'avance le sort terrible
qui les attend.
Lechristianisme avait jusqu'à présent inspiré aux nations, à la France en particulier,
le respect du droit d'asile. Les Eglises Chrétiennes, quelle que soit la diversité de leurs
confessions, seraient infidèles il leur vocation première, si elles n'élevaient devant l'aban-
ce principe leurs douloureuses protestations.
don de
Je suis obligé d'ajouter, Monsieur le Maréchal, que la « livraison » de ces malheureux
étrangers s'est effectuée en maints endroits dans des conditions d'inhumanité qui ont
révolté les consciences les plus endurcies et arraché des larmes aux témoins de ces
mesures. Parqués dans des wagons à bestiaux, sans aucun souci d'hygiène, les étrangers
désignés
pour partir ont été traités comme du bétail. Les Quakers, qui font tout pour
soulager ceux qui souffrent sur notre sol, se sont vus refuser le droit de les ravitailler
à Lyon. Le Consistoire Israélite n'avait pus été autorisé à leur distribuer quelques vivres.
Le respect de la personne humaine que vous avez tenu à consacrer dans la Constitution
dont
vous voulez doter la France a été maintes fois foulé aux pieds. Ici encore les Eglises
sont tenues de s'élever contre une si grave méconnaissance par l'Etat de ses indéniables
responsabilités.
Le Conseil de la Fédération Protestante de France en appelle à votre haute autorité
morale
pour que des méthodes entièrement différentes soient introduites dans le traite-
ment des étrangers israélites de race, chrétiens ou non de religion, dont la « livraison »
a été consentie. Aucune défaite, vous nous l'avez rappelé vous-même, ne peut contraindre
a France à laisser porter atteinte à son honneur.
La fidélité obstinée de la France, même et surtout dans les journées tragiques qu'elle
vit depuis deux
ans, à ses traditions de générosité humaine et de noblesse spirituelle,
reste
une des causes essentielles du respect que continuent de lui vouer certaines nations.
ice-Président du Conseil OEcuménique des Eglises Chrétiennes, je ne puis pas ne pas
vous faire
part de l'émotiondéjà
profonde éprouvée par les Eglises de Suisse, de Suède et des
Etats-Unis, à la nouvelle connue du monde entier, de ce qui s'accomplit en ce
moment même en France.
Je vous supplie. Monsieur le Maréchal, d'imposer des mesures indispensables pour que
la France pas à elle-même une défaite morale dont le poids sera incalculable.
ne s'inflige
Veuillez agréer, Monsieur le Maréchal, l'assurance de ma profonde tristesse et de mon
ntier dévouement.
Marc BOEONER, Pasteur,
Président de la Fédération Protestante de France,
Vice-Président du Conseil OEcuménique.
Lettre de Mgr Saliège, archevêque de Toulouse, lue dans les églises le 30 août
1942.
Mes très chers Frères,
Il y a une morale chrétienne, il y a une morale humaine qui impose des devoirs et
reconnaît des droits. Ces devoirs et ces droits tiennent de la nature humaine. Ils viennent
de Dieu. On peut les violer. Il n'est au pouvoir d'aucun mortel de les supprimer. Que des
enfants,
que des femmes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau,
que des membres d'une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués
pour à temps de voir ce triste spectacle.
une destination inconnue, il était réservé notre plus
Pourquoi le droit d'asile de nos églises n'existe-t-il ?Pourquoi sommes-nous des
vaincus ? Seigneur
ayez pitié de nous. Notre-Dame priez pour la France. Dans notre dio-
cèse
des scènes d'épouvante ont lieu dans les camps de Noé et de Récébédou. Les Juifs
sont des hommes, les Juives sont des femmes. Les étrangers sont des hommes, les étran-
pères sont des femmes. Tout n'est pus permis contre eux, contre ces hommes et contre ces
femmes, contre humain. Ils sont
ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre
nos frères comme tant d'autres. Un chrétien ne peut l'oublier. France, patrie bien-aimée,
France
qui portes dans la conscience de tous tes enfants la traditiontudu respectrespon-
de la
personne humaine, France chevaleresque et généreuse, je ne doute pas, n'es pas
sable de ces horreurs.
Recevez mes Frères l'assurance de mon affectueux dévouement.
Jules-Géraud SALIÈGE, Archevêque de Toulouse.
Lettre de S. E. Mgr l'Evêque de Montauban sur le respect de la personne
humaine ». A lire sans commentaire à toutes les« messes dans toutesles
églises et chapelles du diocèse, le dimanche 30 août 1942.
Montauban, le 26 août 1942.
Mes bien chefs Frères,
Des scènes douloureuses et parfois horribles se déroulent en Frane sans que la France
soit responsable.
par des dizaines de milliers, des Juifs ont été traités avec la plus barbare
A Paris,
sauvagerie. Et voici que dans nos régions on assiste à un spectacle familles
sont disloquées, des hommes et des femmes sont traités comme navrant : des envoyés
un vil troupeau et
vers une destination inconnue, avec la perspective des plus graves dangers.
Je fais entendre la protestation indignée de la conscience chrétienne et je proclame que
tous les hommes, aryens ou nom-aryens, sont frères créés le Dieu
parce que par
que tous les hommes, quelles que soient leur race ou leur religion, ont droit
même
respect:
des individus et des Etats. au
Or les mesures antisémites actuelles sont un mépris de la dignité humaine,
des droits les plus sacrés de la personne et de la famille. une violation
QueDieu console et fortifie cuex qui indignement persécutés ! Qu'il accorde sontindignement au
femmes et des enfants qui n'ont commis aucune faute personnelle, dissocier les membres
d'une même famille et les envoyer peut-être à la mort, n'est-ce violer les sacrées
de la morale et les droits essentiels, de la personne humaine pas lois
et de la famille, droits qui
viennent de Dieu ?
C'est aussi manquer gravement à la charité et à la simple humanité d'exécuter
souvent du tels ordres dans des conditions absolument inhumaines. Nous que
sommes certains
mes très chers Frères, que vous partagerez notre réprobation et notre peine devant les
faits qui nous font si cruellement sentir notre défaite.
Prions ensemble pour ceux qui sont frappés et supplions Dieu d'épargner à notre pays
de nouvelles épreuves.
Que sa providence nous aide à garder à la France aimée âme chrétienne si chari-
son
table et à lui conserver sa pleine fidélité à l'idéal souvent rappelé par le Maréchal, qui le
proclame « fondé sur le respect de la personne humaine, sur le culte de la famille, de la
cité, de la patrie, de l'amour, de la justice et de l'humanité ».
Ce sont là, en effet, les seules bases solides de tout ordre créateur Paix
nouveau de la
qui ne peut utre qu'un ordre chrétien.
Croyez, nos très chers Frères, à notre paternel dévouement.
JEAN, Evêque de Marseille.
maladie. Le coeur se serre à la pensée des traitements subis des milliers d'êtres
humains et plus encore en songeant ii ceux qu'on peut prévoir. par
Nous n'oublions pas qu'il y a pour l'autorité française problème à résoudre, et nous
un
mesurons les difficultés auxquelles doit faire face le gouvernement.
qui voudrait reprocher à l'Eglise d'affirmer hautement, en cette heure sombre et
Mais
en présence de ce qui nous est imposé, les droits imprescriptibles de la personne humaine,
le caractère sacré des liens familiaux, l'inviolabilité du droit d'asile et les exigences
supérieuses de cette charité fraternelle dont le Christ a fait la marque distinctive de ses
disciples. C'est l'honneur de la civilisation chrétienne, et ce doit être l'honneur de la
France, de
ne jamais abandonner de tels principes.
Ce n'est pas sur la violence et la haine qu'on pourra bâtir l'ordre nouveau. On ne le
construira, et la Paix avec, lui, que dans le respect de la justice, dans l'union bienfaisante
des
esprits et des coeurs, à laquelle nous convie la grande voix du Maréchal, et où
fleurira le séculaire prestige de notre patrie.
Daigne Notre Dame de Fourvière nous aider à en hâter le retour !
Ferrand.
Monsieur le Préfet,
qualité de vicaire général du diocèse, et me sachant en accord avec la pensée de
Enma
fâcheuses qui pourraient résulter de l'ordre d'expulsion qui frappe les ressortissants Juifs
Alsaciens et Lorrains des départements de la région clennontaise. On me dit que 65 %
les Juifs accueillis dans ces départements sont des Alsaciens ou des Lorrains qui ont été
expulsés de chez
eux par les autorités occupantes en des conditions que vous connaissez.
La plupart sont certainement des petites gens qui jouissaient dans nos départements de
l'estime de leurs concitoyens.
crois en conscience pouvoir affirmer que la mesure dont ils font l'objet ne sera pas
Je
compatriotes juifs, avant tout des Français persécutés et malheureux, qui ont donné
ses
les autres réfugiés et expulsés les preuves de leur attachement à la France. Nos
comme
Alsace durant
en
toute la guerre et le fait d'avoir administré pendant six mois le diocèse
Strasbourg
de en l'absence de son évêque lors de l'occupation et jusqu'à mon expulsion.
permettent peut-être de donner un avis sur ce que pensent nos compatriotes restés
me
pays.
au
Signé : KOLB
sabilité,
c'est à vous, Monsieur le Rédacteur, que je viens dire toute mon indignation.
moment où nos évêques s'élèvent avec véhémence contre ce qu'ils appellent une
Au
violation inique de la personne, vous faites dans un journal catholique l'apologie de cette
violation, vous poussez l'odieux jusqu'à exhumer à la suite de je ne sais quel Saint-Julien
des textes d'encycliques et de canons de conciles tendant aussi selon vous à prouver que
qui ait suscité dans l'histoire de pareille foison d'écrits et de règlements. Pour s'y recon-
naître, il n'est pas trop d'être guidé par un historien de l'Eglise, comme d'ailleurs pour
interpréter la Somme Théologique, il n'est pas trop de votre documentation si ell
n'était propre surtout à jeter sur l'Eglise un discrédit qui doit aller aux seuls perse-
cuteurs. Croyez-vous d'ailleurs que ceux-ci observent la règle de Saint Thomas que vous
mentionnez tout à fait en passant : « On ne doit pas nuire aux Juifs en commettant des
injustices. » Voulez-vous me dire quelle règle d'une loi écrite ou non écrite autorise le
séparation violente d'une mère et de ses petits enfants, scène doit j'ai été moi-même le
même temps les maîtres de la presse et de la radio, ce qui leur permet de perpétrer leurs
forfaits mieux que du temps de la « Tchèka »?
Ce que nous parvenons cependant à savoir suffit pour qu'un coeur chrétien s'émeuve et
crie son indignation. C'est mon cas, et soyez sûr qu'il me reste encore assez de compas-
sion pour condamner toutes les autres atteintes au droit des personnes quels qu'en soient
les coupables, « judéo-bolchevistcs » ou exécuteurs d'otages. Il m'en restera encore pour
flétrir les exécutions futures même si les jésuites en font l'objet et si, pour jeter votre
fils en exil, on va chercher des raisons et des prétextes dans les actes de certains Papes.
Ce faisant d'ailleurs, j'ai conscience de travailler pour la patrie aussi bien pour
religion. Et les Evêques qui protestent aujourd'hui sont les défenseurs de la citéque aussi
la
bien que de la morale chrétienne. Comme eux je pense qu'il est bien vain de prétendre
conserver un territoire à la France par des mesures qui lui font perdre son âme. En tout
cas, il est inadmissible qu'un journal dirigé par des prêtres fassent si bon marché dela
hautes autorités de l'Etat. Il s'est associé pleinement à lui et l'a remercié de action.
son
Sans ignorer ni méconnaître l'extrême complexité des situations devant lesquellesles
autorités de Pays se voient placées, résolue plus que jamais à exercer avec loyalisme au
sein de la nation, la vocation spirituelle à laquelle Dieu l'a appelée, et fidèle à son
principe séculaire qui est de se refuser à toute intrusion dans le domaine de la politique
l'Eglise Réformée de France ne peut garder le silence devant la souffrance de milliers
d'êtres humains qui reçurent asile sur notre sol.
Une Eglise chrétienne aurait perdu son âme et sa raison d'être, si elle maintenait,
ne
pour la sauvegarde même de la nation au sein de laquelle Dieu l'a placée, la loi divine
au-dessus de toutes les contingences humaines. Et la loi divine n'admet pas que des
familles voulues par Dieu soient brisées, des enfants séparés des mères, le droit d'asile
et la pitié méconnus, le respect de la personne humaine transgressé et des êtres san-
défense livrés à un sort tragique.
Quels que soient les problèmes que l'Eglise n'a pas à résoudre, mais dont il est de son
devoir d'affirmer qu'ils ne sauraient être résolus contre la loi de Dieu, l'Evangile nou-
ordonne de considérer tous les hommes sans exception comme des frères pour qui le Sau-
veur est mort en croix. Comment l'Eglise pourrait-elle jamais oublier d'ailleurs que c'est
dans le peuple dont les Juifs sont les enfants selon la chair qu'est né le Sauveur du
monde ? Et comment ne serait-elle pas profondément meurtrie, elle en qui doit s'affirmer
l'unité du corps du Christ, par des mesures qui frappent aussi des chrétiens non-aryens,
membres de nos paroisses protestantes ?
Devant tant de faits si douloureux, l'Eglise se sent contrainte de faire entendre le cri
de la conscience chrétienne pour supplier, au nom de Dieu, tous ceux qui ont autorité
dans le monde de ne pas ajouter aux horreurs naturelles à la guerre, qui violent en elle
même le commandement suprême du Christ, des violations pires encore dont le résultat
d'entraver, de la façon la plus redoutable, la réconciliation. nécessaire des peuples
serait
dans un monde enfin repentant, soumis à Dieu et apaisé.
Elle demande aux fidèles de se pencher avec la compassion du bon Samaritain sur la
détresse de ceux qui souffrent et d'intercéder sans relâche auprès de Dieu qui peut seul
nous délivrer tous du mal
par la grâce qu'il a manifestée en Jésus-Christ.
TARTUFE 1942
Des atrocités sont commises contre une foule innocente d'hommes, de femmes,
d'enfants, pour ce seul motif qu'ils appartiennent à la « race » juive. Ordon-
ées par Hitler, les mesures sont exécutées par là police française (bien souvent
avec répugnance) et des trains entiers de bétail humain sont livrés. Parmi les
victimes il
y a — ô honte ! — des hommes qui ont combattu pour la France,
sous l'uniforme français. La conscience humaine s'indigne ; l'honneur français
rougit ; la religion proteste contre une persécution qui ne trahit pas seulement
la charité et la justice, mais qui, à travers les héritiers de la Bible juive, vise
déjà le christianisme lui-même. Sans arrière-pensée d'ordre politique,
avec
leur double autorité de docteurs et de pasteurs, des évêques donnent
une voix
à la réprobation muette de ceux qui savent..
Quel écho cette voix des évêques va-t-elle trouver dans la presse ? Ecoutons.
le Grand Echo du Midi (3 septembre 1942).
Il parle d'abord pudiquement d' « événements auxquels ont été mêlés des
Juifs
». Il se plaint d'informations « grossies », les impute à « des gens qui ont
intérêt à entretenir le trouble des esprits ». Il laisse croire qu'il s'agit de saines
« mesures prises
par la révolution nationale ». — Première tartuferie : les faits
e sont pas avoués. On sait trop bien que leur seul énoncé révolterait tout hon-
« antisémite ».
nête homme, fût-il le plus
Cependant, les lettres épiscopales ne risquent-elles pas d'ouvrir certains yeux ?
Voici donc à leur adresse : « Ce qui frappe, c'est do voir certains chefs res-
ponsables de la conduite des hommes et de la direction des consciences, se laisser
aller par un esntiment certes très hautement honorable, mais d'expression com-
bien dangereuse, a aviver l'émotion publique et à fournir ainsi à des adver-
saires trop heureux de les trouver si bien forgées, des armes contre le gouver-
nement de la France, contre la Révolution nationale, contre l'unité française ».
: « Il n est pas permis a quelqu'un, si haute soit
Et encore
son autorité morale
et quelque respect que nous en ayons, do tenter de provoquer un mouvement qui
pût gravement compromettre l'oeuvre du Maréchal ». Deuxième tartuferie :
ceton patelin, ces intimidations « respectueuses — ces menaces voilées, ces
grands mots mis en avant de « maréchal » et d' « »,unité », pour empêcher les
évêques de remplir les devoirs sacrés d'une charge dont Dieu même les a
investis.
Ces évêques osent prendre la défense de Juifs ? Le Grand Echo du Midi va
leur administrer une leçon de théologie. Puisqu'ils méconnaissent à point « la
ce
doctrine générale et traditionnelle de l'Eglise catholique », il est bien obligé de
la leur « rappeler très objectivement
». Voilà donc des citations do saint Tho-
mas et de Benoît XIV, et des appels à la vraie conception de « l'ordre social
chrétien ». — Troisième tartuferie : couvrir la voix de l'Eglise prétendant
la faire entendre; abuser de l'ignorance du lecteur en
moyen en matière de doc-
trine aussi bien que d'histoire ; dans une masse énorme de documents répartis
sur vingt; siècles, en choisir un ou deux, mal cités, mal interprétés, pour en tirer
une apologie de la folie raciste antisémite. La vérité, tout au contraire, c'est que
a) Jamais, dans la législation concernant les Juifs, tant qu'elle fut influen-
en
cee par l'Eglise, ne se décèle le moindre trait d'esprit raciste; dans une société
croyante dont le principe d'unité était la foi, il était normal que les étrangers
a. cette foi, tels les Juifs ou les Musulmans, eussent un statut spécial ;
b) Toujours, lorsque des sévices graves furent exercés contre les Juifs, l'au-
torité religieuse intervint pour défendre les opprimés; à plus d'une reprise, les
chefs de la communauté juive en remercièrent solennellement l'Eglise catholique
Ces tartuferies apparaîtront beaucoup plus laides et lâches, si l'on observe
que, pendant que des journalistes prétendent nous enseigner la vraie doctrine
les gardiens de cette doctrine sont placés, par une censure rigoureuse, dans
l'impossibilité de l'exposer publiquement. Il est lâche d'attaquer quelqu'un qui
ne peut se défendre ; il est aussi lâche, et plus bas, de prétendre parler au nom
de quelqu'un qui no peut rectifier.
Le Grand Echo du Midi n'est qu'un exemple. C'est une grande partie de la
presse « française » qu'il faudrait citer, sans en excepter une partie de la
presse « bien pensante » et « cléricale » (dont on aurait bien tort, en ce cas,
de croire qu'elle reflète les sentiments du clergé). Voulez-vous avoir l'explication
de ce concert et savoir à qui imputer ces tartuferies ? Lisez simplement cette
Note d'orientation de Vichy du 4 septembre 1942 :
mêmes qui ne trouvèrent pas un mot de compassion pour les milliers de catholiques sup-
pliciés et exécutés par les rouges espagnols.
On soulignera enfin que toute cette agitation est entretenue dans la coulisse par les
adversaires de la révolution nationale. C'est là manoeuvre politique, qu'il convient de
déjouer, et il laquelle les catholiques ne doivent pas se laisser prendre.
S'il nous vient quelque désir d'effusion fraternelle, pensons plutôt aux douze cent mille
prisonniers qui, eux, du moins, sont d'authentiques fils de France. »
N° 2.212.
Les agents do l'hitlérisme
on France no se mettent pas en frais d'inventions.
Depuis plus de deux ans, c'est toujours de leur part le même argument, la
même tactique
: toute résistance spirituelle à l'envahissement du paganisme
nazi est dénoncée comme manoeuvre d'opposition politique
France. Nous ne cesserons de protester, contre l'équivoque
La
au gouvernement de
et de rétablir la
vérité. Nos Cahiers ne sont et
ne veulent être que l'écho du témoignage chrétien.
Les Cahiers se sont efforcés de montrer que tout ce qui vient des nazis ou
subit leur influence est essentiellement antichrétien, quelles que soient les pré-
autions prises pour voiler la vérité. Mais certains ne sont pas encore convain-
cus. Quelques-uns ne veulent pas reconnaître
que le nazisme s'en prend aux
valeurs essentielles de leur foi et sont prêts à lui faire confiance. D'autres, plus
mbreux, pensent que les disciples français des nazis suivent pas leurs
maîtres jusque dans leur antichristianisme, que les nazis n'en demandentno
E et qu une loyale collaboration avec eux nous conduit à l'organisation d'une pas
Europe ou la foi et la civilisation chrétiennes seront sauvegardées. Il est difficile
convaincre autant d'obstination aberrante. D'autant que nos nazis français
ont été jusqu'ici très prudents dans leurs attaques. Ils ont feint de
ujours très respectueux de la religion chrétienne et ils ont multiplié se montrer
les céré-
monies religieuses au cours de leurs manifestations. Certains ont voulu
signe d'un renouveau chrétien! y voir
Mais les voiles se déchirent. Si, parmi nos adversaires, ceux qui disent
chrétiens se
encore ont recours aux tartuferies dénoncées plus haut, il en est d'au-
res qui s'impatientent et
ne voilent plus leurs intentions. Cependant ils n'ont
l'audace cynique de leurs maîtres et ils introduisent encore, prudemment,
certaines distinctions propres à égarer les esprits. Aussi bien, dans
affectent d'appeler « les religions de Jésus », prennent-ils le soin de distinguer ce qu'ils
l'Evangile et les Eglises et d'assurer qu'ils s'en prennent qu'à ces dernières.
ne
Elles redeviennent notre gibier » écrit l'un d'eux, Lucien Rebattet, dans
«
CONSIGNE DE SECURITE
Tous nos amis doivent prendre conscience des nouvelles conditions
de travail en présence des troupes allemandes et de la Gestapo :
toute imprudence, toute indiscrétion seraient criminelles ; les listes de
noms et d'adresses doivent disparaître. Le Témoignage Chrétien res-
tera jusqu'à la délivrance un lien de fidélité et de confiance courageuse