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Lahbib Oubbi

Université Mohammed V de Rabat Année 2021-2022


Ecole Normale Supérieure Takaddoum Licence d’Enseignement
Département de Mathématiques des Mathématiques
Semestre III

Cours d’algèbre 4,

Réduction des endomorphismes et


Applications

Lahbib Oubbi
2.1 Endomorphismes et matrices diagonalisables
Dans cette section nous allons présenter quelques critères pour qu’un endomor-
phisme ou une matrice soit diagonalisable.

Définition 2.1. Soit E un K-espace vectoriel et f ∈ L(E). On dit que f est dia-
gonalisable si, et seulement si, il existe une base de E formée de vecteurs propres de
f.

Voici un exemple d’endomorphisme diagonalisable.

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Exemple 2.2. On prend n ≥ 2, E = Kn [X] l’espace des polynômes à une indéterminée


sur K de degré inférieur ou égal à n et f : E → E, P 7→ X 2 P 00 . On remarque
que f (1) = f (X) = 0. Donc 0 est une valeur propre et l’espace propre associé est
E0 := K1 [X]. De même pour tout 2 ≤ k ≤ n, f (X k ) = k(k − 1)X k . Donc k(k − 1)
est aussi une valeur propre simple. Son espace propre associé est la droite Ek := KX k .
Donc E admet une base (1, X, . . . , X n ) formée de vecteurs propres de f . Par suite f
est diagonalisable.

Remarquons que cette application n’est pas injective, donc elle n’est pas bijective.

Définition 2.3. Soit A ∈ Mn (K), On dit que A est diagonalisable si A est semblable
à une matrice diagonale.

La proposition suivante fait le lien entre la diagonalisabilité d’un endomorphisme


et celle de sa matrice.

Proposition 2.4. Si E est une espace vectoriel de dimension finie, f ∈ L(E) et B est
une base de E, alors f est diagonalisable si et seulement si MatB (f ) est diagonalisable.

Démonstration. Si f est diagonalisable, alors il existe une base B 0 de E dans laquelle la


matrice de f , MatB 0 (f ) est diagonale. Mais alors on aura M atB (f ) = P MatB 0 (f )P −1 ,
où P est la matrice de passage de B à B 0 .
Réciproquement s’il existe une matrice diagonale D et une matrice inversible P telle
que MatB (f ) = P DP −1 , alors en notant par B 0 la base donnée par les vecteurs colonnes
de P , on voit bien que P est la matrice de passage de B à B 0 et que P −1 est la matrice
de passage de B 0 à B. Donc la matrice de f dans la base B 0 est P −1 MatB (f )P . Mais
ce n’est rien que D qui est diagonale. Donc f est diagonalisable.

Théorème 2.5. Soit E un espace vectoriel de dimension finie et f ∈ L(E). Alors f


est diagonalisable si et seulement si E est somme directe des sous-espaces propres de
f.

Démonstration. Nécessité : Soit B une base de E formée de vecteurs propres de f .


Alors, en regroupant les vecteurs propres correspondant à chaque valeur propre λi , on
obtient une base Bi = (ei,1 , ei,2 , . . . , ei,ki ) de l’espace propre Ei associé à λi , de sorte

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que B soit une base adaptée à la somme directe ⊕m


i=1 Eλi , m étant le nombre des valeurs
propres de f . Or B est une base de E, donc génératrice. Par suite E = ⊕m
i=1 Eλi .
Suffisance : Si E = ⊕m
i=1 Eλi et (ei,1 , ei,2 , . . . , ei,ki ) est une base de Eλi , alors B :=
(e1,1 , e1,2 , . . . , e1,k1 , e2,1 , . . . , e2,k2 , . . . , em,1 , . . . , em,km ) est une base adaptée à la décomposition
E = ⊕m
i=1 Eλi . Or chaque ei,j est un vecteur propre de f .

Corollaire 2.6. Soit E un espace vectoriel de dimension finie et sp(f ) = {λ1 , λ2 , . . . , λp }


et si ni est la dimension du sous-espace propre Ei associé à λi , alors f est diagonali-
sable si et seulement si n = n1 + n2 + · · · = np .
Si p = n, alors chaque Ei est une droite vectoriel.

2.2 Polynômes caractéristique


2.2.1 Polynômes caractéristique d’une matrice
Définition 2.7. Soit A ∈ Mn (K). On appelle polynôme caractéristique de A le po-
lynôme PA := det(A − XIn ). C’est un polynôme de degré n dont le terme du plus haut
degré est (−1)n X n .

Rappelons qu’un scalaire λ est dans le spectre de A si et seulement si PA (λ) = 0.


   
3 2 4 3−X 2 4
Exemple 2.8. 1. Soit A =  2 1 3 . Alors A−XI3 =  2 1−X 3 .
   

0 0 2 0 0 2−X
3−X 2
En développant suivant la troisième ligne, on obtient det(A−XI3 ) = (2−X) .
2 1−X
Donc
√ √
PA = (2 − X)[(3 − X)(1 − X) − 4] = (2 − X)(X − (2 − 5))(X − (2 + 5)).

Ainsi
√ √
sp(A) = {2, 2 − 5, 2 + 5}.
Puisqu’on a 3 valeurs propres distinctes, pour chacune d’elles, le sous-espace propre
associé est la droite engendrée par un vecteur propre associé à cette valeur. La matrice
A est diagonalisable, puisque la somme des dimensions des espaces propres est 3.

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   
3 -1 -4 3−X -1 -4
2. Soit B =  0 0 1 . Alors B − XI3 =  0 −X 1  . En
   

0 -3 4 0 -3 4−X
−X 1
développant suivant la première colonne, on obtient PB = (3 − X) .
-3 4−X
Donc

PB = (3 − X)[−X(4 − X) + 3] = (3 − X)(X 2 − 4X + 3) = −(3 − X)2 (X − 1).

Ainsi
sp(B) = {3, 1}.
Le sous-espace propre associé à 1 est la droite engendrée par le vecteur (−2, 1, 1)t .
Pour 3, le sous-espace propre associé est aussi la droite engendrée par le vecteur
(1, 0, 0)t . Comme la somme des dimension des sous-espaces propres n’est pas 3, B
n’est pas diagonalisable.

Définition 2.9. Soient A ∈ Mn (K) et λ ∈ sp(A). L’ordre de multiplicité (algébrique)


de λ est le plus grand nombre entier nλ tel que (X − λ)nλ divise PA .
- Si nλ = 1, on dit que λ est une valeur propre simple de A.
- Si nλ = 2, on dit que λ est une valeur propre double de A.
- Si nλ = 2, on dit que λ est une valeur propre multiple de A.

Le théorème suivant donne une relation entre le polynôme caractéristique de A et


quelques quantités liées à A telles que la trace et le déterminant.

Théorème 2.10. Pour toute matrice A ∈ Mn (K), on a

PA = (−1)n X n + (−1)n−1 tr(A)X n−1 + · · · + det(A).

Démonstration. On a
X
PA := (σ)bσ(1)1 bσ(2)2 . . . , bσ(n)n ,
σ∈Σn

avec bij = aij si i 6= j et bii = aii − X. Donc


X n
Y
PA = b11 b22 . . . bnn + (σ)bσ(1)1 bσ(2)2 . . . , bσ(n)n = (aii − X) + . . .
σ∈Σn i=1
σ6=In

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Mais lorsque σ 6= In , au moins deux indices, disant i et j, ne sont pas conservés, i.e.,
σ(i) 6= i et σ(j) 6= j. Donc (σ)bσ(1)1 bσ(2)2 . . . , bσ(n)n est au plus de degré n − 2.
Maintenant pour σ = In , on a
n
Y
b11 b22 . . . bnn = (aii − X)
i=1

= (−1)n X n + (−1)n−1 (a11 + a22 + · · · + ann ) + . . .


= (−1)n X n + (−1)n−1 tr(A) + . . .

Enfin le terme constant de tout polynôme P est P (0). Donc le terme constant de PA
est PA (0) = det(A).
Corollaire 2.11. Si A ∈ M2 (K), alors PA = X 2 − tr(A)X + det(A).
Attention : La trace d’une matrice A ∈ Mn (K) dont le polynôme caractéristique est
scindé est la somme de ses valeurs propres, chacune comptée un nombre de fois égal
à son ordre de multiplicité !
(algébrique). Si PA n’est pas scindé, ceci n’est pas vrai. Si,
0 -1
par exemple A = , alors tr(A) = (0 + 0) = 0. Mais A n’admet aucune valeur
1 0
propre du tout. Son polynôme caractéristique étant X 2 + 1 n’est pas scindé.
Cependant, comme tout polynôme sur C est scindé, la trace de toute matrice carrée
sur C est la somme de ses valeurs propres, chacune comptée un nombre de fois égal à
son ordre de multiplicité.
Exemple 2.12. Soit  
2 1 1
A= 1 2 1 .
 

1 1 2
On remarque que le rang de A − I3 est 1. Donc 1 est une valeur propre de A. De plus
les vecteurs colonnes de (A − 4I3 ) sont colinéaires (leur somme est nulle). Donc 4 est
aussi une valeur propre de A. Ainsi la trace de A, étant 6, nous permet de déterminer
l’autre valeur propre (sur C) et donc aussi le polynôme caractéristique de A. On a
tr(A) = 1 + 4 + λ = 6. Donc λ = 1. Comme 1 est réel, les valeurs propres de A sont 4
avec ordre de multiplicité 1 et 1 avec ordre de multiplicité 1. Il en résulte que

PA = (−1)3 (X − 4)(X − 1)2 .

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Théorème 2.13. Soient A et B deux matrices d’ordre n sur K. Alors


1. PAt = PA .
2. PAB = PBA .
3. Si A est semblable à B, alors PA = PB .
Démonstration. 1. On sait que pour toute matrice carrée M , on a det(M ) = det(t M ).
Or (A − XIn )t = At − XIn . Donc PAt = PA .
2. Remarquons d’abords que si A est inversible, alors

PAB = det(AB−XIn ) = det(A(B−XA−1 )) = det((B−XA−1 )A) = det(BA−XIn ) = PBA .

Maintenant si A est quelconque et λ ∈


/ sp(A), alors (A − λIn ) est inversible, donc
d’après ce qui précède,

det((A − λIn )B − XIn ) = det(B(A − λIn ) − XIn ). (1)

Comme le spectre de A est un ensemble fini ou vide, il existe une valeur propre non
nulle dont le module r est le plus petit de tous les modules des valeurs propres non
nulles. Ainsi la fonction λ 7→ det(A − λIn ) est définie sur tout le disque ouvert, peut
être pointé, D(0, r). Or quand on munit Mn (K) de la norme

kAk := sup{|aij |, 1 ≤ i, j ≤ n},

la fonction det est continue. En effet pour toutes A, B ∈ Mn (K), on a


X
| det(A − B)| := (σ)(aσ(1)1 − bσ(1)1 )(aσ(2)2 − bσ(2)2 ) . . . (aσ(n),n − bσ(n)n )
σ∈Sn
X
≤ (aσ(1)1 − bσ(1)1 )(aσ(2)2 − bσ(2)2 ) . . . (aσ(n)n − bσ(n)n )
σ∈Sn

≤ n!kA − Bkn .

D’où la continuité même uniforme de det. En faisant tendre λ vers 0 dans (1), on
obtient
det(AB − XIn ) = det(BA − XIn ).
D’où le résultat.
3. Si A et B sont semblables, alors il existe M ∈ GLn (K) telle que A = M BM −1 . Donc
d’après 2., PA = PM BM −1 = PM −1 M B = PB .

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2.2.2 Polynôme caractéristique d’un endomorphisme


Avant de donner la définition du polynôme caractéristique d’un endomorphisme,
rappelons que si f ∈ L(E), le déterminant de f est donné par :

det(f ) = det(f (e1 ), f (e2 ), . . . , f (en )),

où (e1 , e2 , . . . , en ) est une base de E. C’est donc le déterminant de la matrice de f dans
la base B. Comme on a vu en Théorème 2.13 (3), ce déterminant ne dépend pas de la
base choisie.

Définition 2.14. Le polynôme caractéristique d’un endomorphisme f d’un espace vec-


toriel E de dimension finie est défini par :

Pf = det(f − λIdE ).

On remarque alors que Pf = PA , quelle que soit la matrice A associée à f dans une
base quelconque de E.

Théorème 2.15. Soient λ une valeur propre d’un endomorphisme f d’un espace vec-
toriel E de dimension finie et Eλ le sous-espace vectoriel propre associé à λ. Si l’ordre
de multiplicité de λ est o(λ), alors

1 ≤ dim(Eλ ) ≤ o(λ).

Le même énoncé est aussi vrai pour une matrice carrée.

Démonstration. Si x est un vecteur propre associé à λ, alors la droite Kx est contenue


dans Eλ . D’où 1 ≤ dim(Eλ ). Maintenant soit (e1 , . . . , er ) une base de Eλ . On la complète
en une base (e1 , . . . , rr , . . . , en ). Alors la matrice de f dans la base B est de la forme
!
λIr M
MatB (f ) = .
0 N

Donc Pf = det((λ − XIr )PN = (λ − X)r PN . Par suite r ≤ o(λ).

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Remarque 2.16. En général les deux nombres dim(Eλ ) et o(λ) sont différents. Par
 
1 1 1
exemple si A =  0 1 0  , alors PA = (1 − λ)2 (2 − λ). Donc sp(A) = {1, 2}.
 

0 0 2
L’espace E1 est la droite Kx, où x = (1, 0, 0)t . Donc o(1) > dim(E1 ).

Corollaire 2.17. Si λ est une valeur propre simple de f , alors dim(Eλ ) = 1.

Corollaire 2.18. Un endomorphisme f ∈ L(E) (resp. une matrice A ∈ Mn (K)) est


diagonalisable si et seulement si Pf (resp. PA ) est scindé et pour tout λ ∈ sp(f ) (resp.
λ ∈ sp(A)) o(λ) = dim(Eλ ).

Corollaire 2.19. Si un endomorphisme f ∈ L(E), avec dim(E) = n, (resp. une


matrice A ∈ Mn (K)) admet n valeurs propres deux à deux distinctes (donc simples),
alors f (resp. A) est diagonalisable.
 
3 -1 0
Exemple 2.20. Soit A =  9 -3 0  . Alors PA = X 2 (X − 4). Donc dim(E4 ) = 1.
 

0 0 4
Pour λ = 0, on a Eλ = ker(f ), où f est associée à A. Or le rang de A = A − 0In est 2.
D’où dim(ker(E0 )) = 1 < o(0). Il en résulte que A n’est pas diagonalisable.

En Pratique : Diagonaliser un endomorphisme, quand il est diagonalisable, revient


à trouver une base formée de vecteurs propres de f , déterminer la matrice D de f
dans cette base et la matrice de passage P de l’ancienne base dans la nouvelle, ainsi
que P −1 . De manière similaire, diagonaliser une matrice A ∈ Mn (K), quand elle est
diagonalisable, revient à trouver une matrice diagonale D et une matrice inversible P
telle que
A = P DP −1 .

2.3 Endomorphismes ou matrices trigonalisables


Définition 2.21. Soit E un espace vectoriel de dimension n, f ∈ L(E) et A ∈ Mn (K).
On dit que f est trigonalisable si, et seulement si, il existe une base de E dans laquelle

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la matrice de f est triangulaire supérieure.


On dit que A est trigonalisable si, et seulement si, elle est semblable à une matrice
triangulaire supérieure.

Remarque 2.22. 1. f est trigonalisable si et seulement si sa matrice dans une base


quelconque est trigonalisable.
2. Puisque toute matrice triangulaire supérieure est semblable à une matrice triangu-
laire inférieure, on peut bien remplacer ”supérieure” dans le définition par ”inférieure”.

Théorème 2.23. Un endomorphisme f ∈ L(E) est trigonalisable si et seulement son


polynôme Pf caractéristique est scindé.
Une matrice A ∈ Mn (K) est trigonalisable si et seulement son polynôme caractéristique
PA est scindé.

Démonstration. Pour la nécessité, puisque f est trigonalisable, il existe une base B 0


de E dans laquelle la matrice M := (aij )ij de f est triangulaire supérieure. Mais
n
Y
P f = PM = (aii − X). Donc Pf est scindé.
i=1
Pour la suffisance, On raisonne par récurrence sur n. Initiation de la récurrence : Toute
matrice carrée d’ordre 1 × 1 est triangulaire supérieure. Donc le résultat est vrai pour
n = 1.
Hypothèse de récurrence : Supposons que si Pf est scindé et que dim(E) = n, alors f
est trigonalisable.
Pas de la récurrence : Si E est de dimension n + 1 et si Pf est scindé, alors f admet au
moins une valeur propre λ1 et un vecteur propre e1 . Complétons e1 en une base B ! :=
λ1 L1
(e1 , . . . , en+1 ) de E. Alors la matrice de f dans B est de la forme M = ,
0 N
n+1
Y
n+1
où N ∈ Mn (K) et L1 ∈ M1,n (K). Comme PM = (−1) (X − λi ) = −(X −
i=1
n+1
Y n+1
Y
n n
λ1 )(−1) (X − λi ), et comme PM = −(X − λ1 )PN , on a PN = (−1) (X − λi ).
i=2 i=2
Donc PN est aussi scindé. Soit g ∈ L(Kn ) telle que MatB0 (g) = N , où B0 est la base
canonique de Kn . D’après l’hypothèse de récurrence, il existe une base B00 de Kn dans

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laquelle la matrice T de g est triangulaire supérieure. Alors N = P T P −1 , où P est la


matrice de passage de B0 à B00 . Posons maintenant
!
1 0
P0 = .
0 P

C’est une matrice carrée d’ordre n + 1. Puisque det(P 0 ) = det(P ) 6= 0, P 0 est inversible.
De plus !
1 0
P 0−1 = .
0 P −1
!
λ1 L1 P
Soit T 0 = . Alors T 0 est triangulaire supérieure et l’on a
0 T
! ! !
1 0 λ1 L1 P 1 0
P 0 T 0 P 0−1 =
0 P 0 T 0 P −1
! !
1 0 λ1 L1
=
0 P 0 T P −1
!
λ1 L1
=
0 P T P −1
= M.

Donc M est semblable à T . Si B 0 est la famille des vecteurs colonnes de T 0 , alors B 0


est une base de E et la matrice de f dans B 0 est T 0 . Elle est triangulaire supérieure.
Le cas des matrices découle de celui des endomorphismes puisque A est trigonalisable
si et seulement si tout endomorphisme qui lui est associé l’est aussi.

Corollaire 2.24. Tout endomorphisme sur un C−espace vectoriel de dimension finie


est trigonalisable.
Toute matrice carrée sur C est trigonalisable.
 
6 -6 5
Exemple 2.25. Soit la matrice réelle A =  14 10 . Alors PA = −(X + 1)3 .
-13
 

7 -6 4
Donc sp(A) = {−1}. On a rg(A + I3 ) est strictement plus petit que 3, car ses première

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et troisième lignes sont colinéaires. De plus l’un de ses mineur 2 × 2 est non nul. Donc
Elle est de rang 2. Par suite dim(E1 ) = 1. Ainsi A n’est pas diagonalisable. Cependant
puisque PA est scindé, A est trigonalisable.

En pratique : Trigonaliser un endomorphisme f , lorsque son polynôme caractéristique


est scindé, revient à trouver une base dans laquelle sa matrice est triangulaire supérieure
et puis déterminer l’endomorphisme triangulaire correspondant.
Pour ce faire,
1. on détermine les valeurs propres et les sous-espaces propres de f qui leur sont associés,
2. On détermine une base Bi de chacun d’eux.
3. On mets de côté les valeurs propres λi dont la dimension de Eλi est égale à son ordre
de multiplicité.
4. Pour chaque valeur propre λi telle que ri := dim(Eλi ) < o(λi ), on prend une base
Bi = (ei,1 , . . . , ei,ri ) de Eλi et on cherche pi := o(λi ) − ri vecteurs ui,0 , ui,1 , . . . , ui,pi tels
que : ui,0 est l’un des ei,j et

f (ui,k+1 ) − λui,k+1 = uik .

Ainsi la famille formée par tous les vecteurs ei,j et les ui,k constitue une base de E dans
laquelle la matrice de f est triangulaire supérieure.
Lorsque la somme des dimension des sous-espaces propres est égal à n − 1, on
complète la famille des ei,j en une base de E par un vecteur quelconque qui soit
indépendant des ei,j .
 
6 -6 5
Dans le cas de la matrice A =  14 10  ci-dessus, on a PA = −(X + 1)3 .
-13
 

7 -6 4
On a donc une seule valeur propre -1. L’espace propre associé à -1 a pour équation
7x − 6y + 5z = 0. C’est un plan dont une base est (e01 , e02 ) où e01 = (5, 0, −7)t et
e02 = (0, 5, 6)t . Ici 3 − dim(E−1 ) = 1. Dans une telle situation, on complète la famille
(e01 , e02 ) arbitrairement en une base B 0 de R3 par un vecteur e03 . On prend par exemple
e03 := (0, 0, 1)t . On a A(e03 ) s’écrit comme ae01 + be02 + ce03 . Ainsi la matrice A est
semblable à la matrice T dont les vecteurs colonnes sont A(e01 ) = −e01 , A(e02 ) = −e02

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 
-1 0 a
et A(e03 ) = (5, 10, 4)t , c’est à dire T :=  0 -1 b . Elle est bien triangulaire
 

0 0 c
supérieure. La matrice inversible P qui donne A = P T P −1 −1
 ou T = P  AP est celle dont
5 0 0
les vecteurs colonnes sont e01 , e02 et e03 . C’est à dire : P =  0 5 0 . On détermine
 

-7 6 1
−1
P par l’une quelconque des méthodes connues ; par exemple en exprimant les vecteurs
1 7 1 6
de la base canonique dans la base B 0 . Ceci nous donne e1 = e01 + e03 , e2 = e02 − e03
5 5 5 5
1
 
 5 0 0 
1
et e3 = e03 . Ainsi P −1 = 
 
 0 5 . Maintenant on peut déterminer a, b, c en
0 
 7 6 
− 1
5  5   
-5 0 5 -1 0 1
effectuant P −1 AP . On a AP =  0 - 5 10  et T = P −1 AP =  0 -1 2 .
   

7 6 4 0 0 -1
On en tire que a = 1, b = 2 et c = −1.

Une situation différente se présent avec la matrice suivante :


 
-1 1 2 0
 
 0 6 -6
5 
A=
 0
.
 14 -13 10 

0 7 -6 4

On remarque que PA = (X + 1)4 . Donc la seule valeurs propre de A est −1 et le


sous-espace propre de −1 est le plan engendré par les vecteurs e01 := (0, −2, 1, 4)t et
e02 = (1, 0, 0, 0)t . On cherche e03 tel que (A + I4 )(e03 ) = e02 . On obtient que e03 est de la
7
forme (x, 1 − 2z, z, − + 4z), x et z étant quelconques. On choisit x et z de sorte que
5
7
la famille (e1 , e2 , e3 ) soit libre. On prend x = z = 0 et l’on obtient e03 = (0, 1, 0, − ).
0 0 0
5
Maintenant, puisqu’il ne nous reste qu’un vecteur pour atteindre une base de Kn , on
complète la famille (e01 , e02 , e03 ) en une base par un vecteur quelconque e04 . Par exemple,

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on prend e04 = e4 , c’est à dire (0, 0, 0, 1) et on pose

B 0 = (e01 , e02 , e03 , e04 ).

Ainsi la matrice de passage de B à B 0 est


 
0 1 0 0
 
 -2 0 1 0 
P = .
 
 1 0 0 0 
 7 
4 0 - 1
5

On cherche son inverse en exprimant les ei en fonction de e0i . On a :

e01 = −2e2 + e3 + 4e4


e02 = e1
7
e03 = e2 − e4
5
0
e4 = e4

Il en résulte 


 e1 = e02
 e2 = e03 + 7 e04



5
0 0 6 0

 e 3 = e1 + 2e 3 − e4
5



 e = e0

4 4

et donc que P −1 est donnée par


 
0 0 1 0
 
 1 0 2
0 
P −1 = .
 
 0 1 0 0 
 7 6 
0 − 1
5 5

On vérifie que P P −1 est bien l’identité.

23
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La matrice trigonalisante de A est T = P −1 AP . Or


  
-1 1 2 0 0 0 1 0
  1 0 2

0 
 0 6 -6 5 
AP =   
 0 14 -13 10   0 1 0 0 

  7 6 
0 7 -6 4 0 - 1
  5 5
0 -1 1 0
 
 2 0 -1 5 
= .
 
 -1 0 0 10 
 7 
-4 0 4
5

Il en résulte que
  
0 0 1 0 -1 0 0 0
 
 1 0 2 0  0 -1 -2

0 
−1 
P AP = 

 
 0 1 0 0 
 7 6  1 0 2 0 

0 − 1 4 0 4 1
 5 5 
-1 0 0 10
 
 0 -1 1 0 
= 0
.
 0 -1 25 

0 0 0 -1

C’est la matrice triangulaire semblable à A. On peut maintenant en tirer l’image de


e04 exprimée dans la base B 0 , soit : A(e04 ) = 10e01 + 25e03 − e04 . Elle est donnée par la
quatrième colonne de T .

2.4 Théorème de Cayley-Hamilton

2.4.1 L’algèbre des polynômes en f ou en A


Soient E un espace vectoriel sur K, f ∈ L(E) et A ∈ Mn (K).

24
Lahbib Oubbi

r
X r
X
i
Proposition 2.26. L’application θf : K[X] → L(E), P = ai X 7→ ai f i est un
i=0 i=0
homomorphisme d’algèbre, où f 0 = IdE . Il en est de même de θA : K[X] → Mn (K),
r
X r
X
P = ai X i 7→ ai Ai , A0 = In .
i=0 i=0

Démonstration. On raisonne pour f , la même chose marche pour A.


Il est clair que θf est linéaire. Il reste à montrer que θf est multiplicatif, i.e.,

θf (P Q) = θf (P ) ◦ θf (Q), ∀P, Q ∈ K[X].

On le montre d’abord pour les éléments de la base canonique de K[X]. On a θf (X i X j ) =


θf (X i+j ) := f i+j = f i ◦j = θf (xi ) ◦ θf (X j ). Donc la multiplicativité est vérifiée par les
éléments de la base. Maintenant, la linéarité permets de conclure pour tous P, Q ∈
K[X].

Notation : On convient de noter θf (P ) par P (f ) et θA (P ) par P (A). On notera


aussi par K[f ] et par K[A] l’algèbre image de θf et de θA respectivement.
Il ne faut pas le confondre avec le polynôme caractéristique Pf (PA ).

Définition 2.27. L’algèbre K[f ] (resp. K[A]) s’appelle l’algèbre des polynômes en f
(resp. en A). C’est une sous-algèbre commutative de L(E) (resp. de Mn (K)).

Définition 2.28. On appelle commutant de f (resp. de A), l’ensemble

C(f ) := {g ∈ L(E) : f ◦ g = g ◦ f } ( resp. C(A) := {B ∈ Mn (K) : AB = BA}).

Proposition 2.29. C(f ) est une sous-algèbre de L(E) et K[f ] est une sous-algèbre
commutative de C(f ).
De même C(A) est une sous-algèbre de L(E) et K[A] est une sous-algèbre commutative
de C(A).

2.5 Polynômes annulateurs et polynôme minimal


Dans cette sous-section, nous allons associer à tout endomorphisme (à toute matrice
carrée) d’autres polynômes.

25
Lahbib Oubbi

Définition 2.30. On appelle polynôme annulateur de f ∈ L(E) (resp. de A ∈ Mn (K)),


tout polynôme Q ∈ K[X] tel que Q(f ) = 0 (resp. Q(A) = 0.)

Proposition 2.31. L’ensemble If (resp. IA ) des polynômes annulateurs de f (resp.


de A) est un idéal de K[X].

Théorème 2.32. Soit E un espace vectoriel de dimension n sur K, f ∈ L(E) et


A ∈ Mn (K). Alors il existe au moins un polynôme non nul P ∈ K[X] (resp. Q ∈ K[X])
tel que P (f ) = 0 (resp. Q(A) = 0).
2
Démonstration. Puisque dim(L(E)) = n2 = dim(Mn (K)), la famille (IdE , f, f 2 , . . . , f n )
2
(resp.(In , A, A2 , . . . , An )) est liée. Donc il existe a0 , a1 , . . . , an2 ∈ K (resp. b0 , b1 , . . . , bn2 ∈
X X X
K) tels que ai f i = 0 (resp. bi Ai = 0). Pour le polynôme P := ai X i
i=1,...n2 i=1,...n2 i=1,...n2
X
i
(resp. Q := bi X ), on a P (f ) = 0 (resp. Q(A) = 0). Il en résulte que If (resp.
i=1,...n2
IA ) n’est pas réduit à {0}.

Théorème 2.33. Soit E un espace vectoriel de dimension n sur K, f ∈ L(E) et


A ∈ Mn (K). Alors il existe un unique polynôme unitaire non nul Qf (resp. QA ), de
degré minimal tel que Qf (f ) = 0 (resp. QA (A) = 0). De plus If = Qf K[X] (resp.
IA = QA K[X]).

Démonstration. Soit m = min{deg(P ), P ∈ If , P 6= 0} et si P ∈ Ff est tel que


deg(P ) = m. Alors le polynôme normalisé Qf de P répond à la question. En effet
Qf (f ) = 0. De plus si Q ∈ If , alors deg(Q) ≥ deg(Qf ). Soit S, R ∈ K[X] tels que
Q = SQf + R avec deg(R) < deg(Qf ). Alors R ∈ If . Si R n’est pas nul, on obtient
une contradiction avec la minimalité de deg(Qf ). Il en résulte que Q est un multiple
de Qf . Donc If ⊂ Qf K[X]. D’autre part, il est clair que Qf K[X] ⊂ If . D’où l’égalité.
Pour l’unicité, si P et Q satisfont ces conditions, alors il sont colinéaires. Comme ils
sont tous les deux unitaires, ils sont égaux.

Définition 2.34. On appelle polynôme minimal de f ∈ L(E) (resp. de A ∈ Mn (K),


l’unique polynôme unitaire Qf (resp. QA ) tel que If = Qf K[X] (resp. IA = QA K[X]).

26
Lahbib Oubbi

Exemple 2.35. Soit P est une projection propre de E (i.e. p2 = p, p 6= 0 et p 6= IdE ).


Si P = X(X − 1), alors P (p) = 0. Donc P est un multiple de Qf . Comme p est propre,
le polynôme minimal de p est Qp = X(X − 1).

Théorème 2.36. Soit E un espace vectoriel de dimension n sur K, f ∈ L(E) et F un


sous-espace vectoriel de E stable par f . Alors le polynôme caractéristique Pf|F de f|F
divise Pf , celui de f et le polynôme minimal Qf|F de f|F divise Qf , celui de f , où f|F
est la restriction de f à F .

Démonstration. Soient (e1 , . . . , ep ) une base de F et B = (e1 , . . . , en ) une base de E


qui complète
! (e1 , . . . , ep ). Alors la matrice de f dans B est de la forme MatB (f ) =
A C
, où A ∈ Mp (K) est la matrice de f dans la base (e1 , . . . , ep ) de F ,
0 B
C ∈ Mp,n−p (K) et B ∈ Mn−p,n−p (K). Ainsi Pf = PA PB . Mais PA = Pf|F . Donc
Pf|F divise Pf . C’est dire que Pf = Pf|F PB .
Par ailleurs, Qf (f ) = 0. Donc pour tout x ∈ E, Qf (f )(x) = 0. En particulier
Qf (f )(ei ) = 0, pour i = 1, . . . , p. Comme f (ei ) = f|F (ei ) pour tout i = 1, . . . , p,
Qf (ff|F ) = 0. D’où Qf|F divise Qf .

Théorème 2.37 (Théorème de Cayley-Hamilton). Soit E un espace vectoriel de di-


mension n sur K, f ∈ L(E) et A ∈ Mn (K). Alors Pf (f ) = 0 et PA (A) = 0. C’est
à dire : tout endomorphisme de E (resp. toute matrice carrée) annule son polynôme
caractéristique.

Démonstration. Il s’agit de montrer que Pf (f ) est l’endomorphisme nul. Soit donc


x ∈ E. Si x = 0, puisque Pf (f ) ∈ L(E), Pf (f )(x) = 0. On suppose maintenant que
x 6= 0. Soit
Nx = {k ∈ N∗ : (f 0 (x), f (x), . . . , f k−1 (x)) est libre }.

Puisque f 0 (x) = x 6= 0, Nx est non vide. De plus Nx est majoré par n. Soit donc
p := max(Nx ). Alors (f 0 (x), f (x), . . . , f p−1 (x)) est libre et il existe a0 , a1 , . . . , ap−1 ∈ K
p−1
X
p
tels que f (x) = ai f i (x). On complète la famille (f 0 (x), f (x), . . . , f p−1 (x)) en une
i=0
base de E par (ep+1 , . . . , en ). La matrice de f dans cette base est alors de la forme

27
Lahbib Oubbi

!
A C
M= , avec A ∈ Mp (K), B ∈ Mn−p et C ∈ Mp,n−p (K). Il en résulte que
0 B
Pf = PM = PA PB . Mais

f (x) f 2 (x) ... f p−1 (x) f (f p−1 )(x) .


 
0 0 ... 0 a0
1 0 ... 0 a1 
 

 
 0 1 0 0 a2 
A= .
 
 0 0 1 0 a3 
.. .. .. .. .. 
 
. . . . . 


0 0 0 1 ap−1

Donc  
-X 0 ... 0 a0
1 -X ... 0 a1 
 

 
 0 1 X 0 a2 
A − XIp =  .
 
 0 0 1 -X a3 
.. .. .. .. .. 
 
. . . . . 


0 0 0 1 ap−1 − X
En développant suivant la pieme colonne, on obtient :
p−1
X
PA = (−1)p+i+1 ai ∆i + (ap−1 − X)(−X)p−1 ,
i=0

où
-X ... 0 0 0 ... 0
.. .. .. .. .. .. ..
. . . . . . .
0 1 -X 0 0 ... 0
0 0 1 -X 0 ... 0 (i − 1)eme place
∆i := .
0 ... 0 0 1 -X 0 (i + 1)eme place
.. .. .. .. ..
. . . . 0 .
0 0 0 0 0 0 −X
0 ... 0 0 0 0 1

28
Lahbib Oubbi

Donc ∆i = (−1)i X i . Par suite


p−1
X
p
PA = (X − (−1)p+1 ai X i ) + (−1)p X p
i=0
p−1
X
p p
= (−1) (X − ai X i ).
i=0

Il en résulte, par définition des ai , que PA (f )(x) = 0. D’où Pf (f )(x) = 0. Ceci est dû au
fait que Pf (f ) = PA PB (f ) = PA (f ) ◦ PB (f ) = PB (f ) ◦ PA (f ). Comme x est quelconque,
Pf (f ) = 0.

Corollaire 2.38. 1. Pour tout endomorphisme f sur un espace vectoriel de dimension


finie, le polynôme minimal Qf de f divise le polynôme caractéristique Pf de f .
2. Le polynôme minimal QA de toute matrice carrée A sur K divise son polynôme
caractéristique PA .

Théorème 2.39. Soit E un espace vectoriel de dimension n sur K, f ∈ L(E) et


A ∈ Mn (K). Si λ est une valeur propre de f (resp. si µ est une valeur propre de A),
alors pour tout polynôme P ∈ K[X], P (λ) est une valeur propre de P (f ) (resp. P (λ)
est une valeur propre de P (A)).
Par conséquent, si P ∈ If (resp. P ∈ IA ), alors P (λ) = 0.

Attention : 1. Une racine d’un polynôme annulateur de f (resp. de A) n’est pas


nécessairement dans le spectre de f (resp. de A).
2. Toute valeur propre de f (resp. de A) annule tous les polynômes annulateur de
f (resp. de A). En particulier Qf (λ) = Pf (λ) = 0, quelle que soit λ ∈ sp(f ) et
QA (λ) = PA (λ) = 0, quelle que soit λ ∈ sp(A).

Corollaire 2.40. Si le polynôme caractéristique Pf de f (resp. PA de A) est scindé,


alors il en est de même de son polynôme minimal Qf (resp. QA ).
p q p
Y Y Y
αi αi
c. à d., si Pf = (X − λi ) (resp. si PA = (X − µi ) ), alors Qf = (X − λi )βi
i=1 i=1 i=1
q
Y
(resp. QA = (X − µi )βi ), où 1 ≤ βi ≤ αi .
i=1

29
Lahbib Oubbi

Théorème 2.41. Soient E un espace vectoriel sur K, f ∈ L(E), A ∈ Mn (K) et P et


Q deux polynômes premiers entre eux. Alors
ker(P Q)(f ) = ker(P (f )) ⊕ ker(Q)(f ) et ker(P Q)(A) = ker(P (A)) ⊕ ker(Q)(A).
Démonstration. Soit U et V deux polynômes tels que U P +V Q = 1. Si x ∈ ker(P (f ))∩
ker(Q)(f ), alors (U P + V Q)(f ) = IdE . Donc (U (f ) ◦ P (f ) + V (f ) ◦ Q(f ))(x) = x. Mais
aussi (U (f )◦P (f )+V (f )◦Q(f ))(x) = 0. Donc ker(P (f ))∩ker(Q)(f ) = {0}. Maintenant
soit x ∈ ker(P (f )). Alors P Q(f )(x) = P (f ) ◦ Q(f )(x) = Q(f ) ◦ P (f )(x) = 0. Donc
ker(P (f )) ⊂ ker(P Q(f )). De la même manière ker(Q(f )) ⊂ ker(P Q(f )). Par suite
ker(P (f )) ⊕ ker(Q)(f ) ⊂ ker(P Q(f )).
Enfin si x ∈ ker(P Q(f )), alors x = (U (f ) ◦ P (f ) + V (f ) ◦ Q(f ))(x). Si on pose y :=
(U (f ) ◦ P (f ))(x) et z := (V (f ) ◦ Q(f ))(x), alors x = y + z. Comme (U (f ) ◦ P (f ))(x) ∈
ker(Q(f )), y ∈ ker(Q(f )). Similairement, puisque (V (f ) ◦ Q(f ))(x) ∈ ker(P (f )), on a
z ∈ ker(P (f )). Il en résulte que ker(P Q)(f )f = ker(P (f )) ⊕ ker(Q)(f ).
La même démonstration marche aussi pour A.
Théorème 2.42 (Lemme de décomposition des noyaux). Soient E un espace vectoriel
sur K, f ∈ L(E), A ∈ Mn (K) et P1 , P2 , . . . Pk des polynômes 2 à 2 premiers entre eux.
Alors
k
Y k
Y
ker( Pi )(f ) = ⊕ki=1 ker(Pi (f )) et ker( Pi )(A) = ⊕ki=1 ker(Pi (A)).
i=1 i=1
Démonstration. La démonstration pour f ou A est la même. On la fait pour f .
On raisonne par récurrence sur k. Pour k = 2, c’est Théorème ??. Supposons le
résultat vrai pour k et soient P1 , P2 , . . . P+1 k des polynômes 2 à 2 premiers entre eux.
Yk
Alors P1 k + 1 et Q := Pi sont premiers entre eux. Donc, d’après Théorème ??,
i=1
ker(Pk+1 Q)(f ) = ker(Pk+1 (f )) ⊕ ker(Q)(f ). Mais d’après l’hypothèse de récurrence,
ker(Q)(f ) = ⊕ki=1 ker(Pi (f )). Il en résulte que ker(P1 . . . Pk+1 )(f ) = ⊕k+1
i=1 ker(Pi )(f ).

k
Y
Corollaire 2.43. Si P ∈ If et P s’écrit P = Pi , avec Pi ∧ Pj = 1 pour tout i 6= j,
i=1
alors E = ⊕ki=1 ker(Pi )(f ).
Même énoncé pour A ∈ Mn (K).

30
Lahbib Oubbi

Pour finir,

Théorème 2.44. Soit E un espace vectoriel de dimension n sur K, f ∈ L(E) et A ∈


Mn (K). Alors f (resp. A) est diagonalisable si et seulement si, il existe un polynôme
P non nul scindé sur K à racines simples tel que P (f ) = 0 (resp. P (A) = 0).
n
Y
n
Démonstration. Suffisance : Si P = (−1) (X − λi ), alors d’après Corollaire ??,
i=1
E = ⊕ni=1 ker(f − λi )(f ). Mais ker(f − λi ) = Eλi . D’où f est diagonalisable.
Nécessité : Si f est diagonalisable, alors E = ⊕pi=1 Eλi et Pf est scindé. Posons Pf :=
p p
Y Y
(X − λi )αi . Si P = (X − λi ), alors pour tout i = 1, . . . , p et tout x ∈ Eλi , on a
i=1 i=1
P (f )(x) = 0. Puisque E = ⊕pi=1 Eλi , on a P (f ) = 0.

Comme corollaire, on obtient :

Corollaire 2.45. f (resp. A) est diagonalisable si, et seulement si, Qf (resp. QA ) est
p
Y
de la forme (X − λi ), avec sp(f ) = {λ1 , . . . , λp }.
i=1

31

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