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Lahbib Oubbi

Université Mohammed V de Rabat Année 2022-2023


Ecole Normale Supérieure Takaddoum Licence d’Enseignement
Département de Mathématiques des Mathématiques
Semestre III

Cours d’algèbre 4,

Réduction des endomorphismes et


Applications

Lahbib Oubbi

1
Lahbib Oubbi

2
Chapitre 2

Polynômes d’endomorphismes

2.1 Sous-espaces vectoriels, compléments


Nous commençons par donner quelques compléments sur les sous-espaces vectoriels
d’un espace vectoriel et leurs sommes.

Définition 2.1. Soient E un espace vectoriel sur K, F1 , F2 , . . . , Fp des sous-espace


vectoriels de E. On dit que F1 , F2 , . . . , Fp sont en somme directe si le sous-espace
vectoriel F := F1 + F2 + · · · + Fp est la somme directe de F1 , F2 , . . . , Fp .
On dit que F1 , F2 , . . . , Fp sont supplémentaires si F = E, i.e., si E = ⊕pi=1 Fi .

Proposition 2.2 (et Définition). Soient E un espace vectoriel sur K et F1 , F2 , . . . , Fp


des sous-espaces vectoriels supplémentaires de E. Si Bi := (ei,1 , . . . , ei,ni ) est une base
de Fi , i = 1 . . . p, alors la famille B := (e1,1 , . . . , e1,n1 , e2,1 , . . . , e2,n2 , . . . , ep,1 , . . . , ep,np )
est une base de E.
Une telle base est dite adaptée à la décomposition E = F1 ⊕ F2 ⊕ · · · ⊕ Fp .

Démonstration. Si x ∈ E, alors, pour tout i = 1, . . . , p, il existe xi ∈ Fi tel que


x = x1 + x2 + · · · + xp . Mais chaque xi est exprimé dans la base Bi . Donc x est exprimé
aussi dans la base B. Par suite B est génératrice. Maintenant si une combinaison
linéaire x des éléments de B est nulle, en regroupant les termes de cette combinaison
p
X
provenant de Fi en un élément xi de Fi , on obtient que x = xi = 0. Comme la
i=1
Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

somme est directe, chaque xi est nul. Maintenant puisque Bi est une base de Fi , tous
les termes de la combinaison x sont nuls. D’où B est aussi libre.

Comme sorte de réciproque à la supplémentarité, si partant des bases Bi des Fi , on


obtient que B est une base de E, alors les Fi sont supplémentaires.

Proposition 2.3. Si F1 , F2 , . . . , Fp sont des sous-espaces vectoriels supplémentaires


d’un espace vectoriel E sur K et si f, g ∈ L(E), alors
1. f est nulle si et seulement si la restriction de f à chaque Fi est nulle, i.e.,
(f = 0) ⇐⇒ (f|Fi = 0, ∀i = 1, . . . , p).
2. f = g sur E si et seulement si les restrictions de f et de g à chaque Fi sont égales,
i.e.,
(f = g) ⇐⇒ (f|Fi = g|Fi , ∀i = 1, . . . , p).

Démonstration. 1. Découle de la proposition 2.2 et du fait qu’une application linéaire


est nulle si et seulement si elle est nulle sur les éléments d’une base.
2. Découle de 1. en considérant f − g.

Attention : La restriction de f ∈ L(E) à un sous-espace vectoriel F de E n’est pas


nécessairement un endomorphisme de F . Tout ce qu’on peut affirmer est que f|F ∈
L(F, E).

Définition 2.4. Soient f ∈ L(E) et F un sous-espace vectoriel de E. On dit que F


est stable (ou invariant) par f si f (F ) ⊂ F , i.e. si f|F est un endomorphisme de F .

Théorème 2.5. Soient E un espace vectoriel sur K et f, g ∈ L(E) deux endomor-


phismes commutant entre eux (i.e., tels que f ◦ g = g ◦ f ). Alors, pour tout λ ∈ K,
Im(f − λI) et ker(f − λI) sont stables par g. En particulier Im(f ) et ker(f ) sont stables
par g.

Démonstration. Si x ∈ ker(f − λI), alors (f − λI)(g(x)) = f ◦ g(x) − g(λx) = g ◦ (f −


λI)(x) = 0. Donc g(x) ∈ ker(f − λI). D’où ker(f − λI) est stable par g.
Maintenant si y ∈ Im(f − λI), alors il existe x ∈ E tel que y = (f − λI)(x). Donc
g(y) = (g ◦ (f − λI))(x) = (f − λI)(g(x)). Donc g(y) ∈ Im(f − λI)(x).

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Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

Remarque 2.6. Soit E un espace vectoriel de dimension n et soit f ∈ L(E). Si F


est un sous-espace vectoriel de E stable par f , et G est un supplémentaire de F , alors
! base de E adaptée à la décomposition E = F ⊕ G est de
la matrice de f dans toute
A B
la forme , où A ∈ Mm (K), B ∈ Mm,n−m (K), C ∈ Mn−m,n−m (K) et
0n−m,m C
0n−m,m est la matrice nulle de Mn−m,m (K). Ici m désigne la dimension de F .
C’est une matrice triangulaire supérieure par blocs. Ses blocs sont A, B, C et 0n−m,m .
Si en plus G est aussi stable par f , alors B = 0m,n−m et la matrice de f est diagonale
par blocs.
Plus généralement, si E = ⊕pi=1 Fi et B est une base adaptée à cette décomposition
de E et si chaque Fi est stable 
par f , alors la matrice
 de f dans B est une matrice
A1
A2 0 
 

diagonale par blocs de la forme 

..
, où Ai est une matrice carrée
 0 . 

Ap
d’ordre ni , la dimension de Fi . En fait Ai est la matrice de f|Fi dans la base considérée
dans Fi et qui a donné B.
Si en particulier la dimension de chaque Fi est 1, alors la matrice de f est une matrice
diagonale. C’est à dire, s’il existe une base de E formée de vecteurs ei , i = 1, . . . , n, tels
que la droite Kei est stable par f , alors la matrice de f dans cette base est diagonale.

Définition 2.7. Soit E un espace vectoriel sur K et f ∈ L(E). On dit que x ∈ E est
un vecteur propre de f s’il est non nul et s’il existe un scalaire λ tel que f (x) = λx.
Un tel λ est dit une valeur propre de f associée au vecteur propre x.

Remarque 2.8. 1. D’après Remarque 2.6, si E admet une base B = (e1 , . . . , en )


formée de vecteurs propres de f , alors la matrice de f dans cette base est diagonale,
soit Diag(λ1 , . . . , λn ), λi étant la valeur propre associée à ei .
2. Il est possible qu’une valeur propre soit associée à plusieurs vecteurs propres. e.g.,
la valeur 1 est une valeur propre de IdE associée à tous les vecteurs de E.

Dans toute la suite, nous nous intéresserons à la réduction des endomorphismes


et des matrices. C’est à dire à la réponse à la question suivante : étant donné(e) un
endomorphisme f de E (ou une matrice carrée M ), existe t-il une base de E dans

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Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

laquelle la matrice de f est diagonale (existe t-il une matrice diagonale semblable à
M ) ? Nous verrons que la réponse n’est pas toujours dans l’affirmative. Dans ce cas,
nous chercherons à trouver une base dans laquelle la matrice de f est la plus simple
possible (la plus simple matrice semblable à M ).
Comme pour les endomorphismes, on a :

Définition 2.9. On dit que λ ∈ K est une valeur propre de la matrice M ∈ Mn (K)
s’il existe X ∈ Mn,1 (K) tel que X 6= 0 et M X = λX.
Un vecteur de x ∈ E est dit un vecteur propre de M associé à la valeur λ si M X = λX,
X n
où X désigne le vecteur colonne correspondant à x. C’est à dire si x = xi ei , alors
i=1
 
x1
x2
 
 
X :=  ..  = xt .
.
 
 
xn
Dans la suite, nous confondrons quelques fois le vecteur x avec son vecteur colonne
associé. Nous noterons par X t le vecteur ligne associé à X.
   
-1 4 -2 1
Exemple 2.10. 1. Si A =  0 3 -2 , alors u =  1  est un vecteur propre
   

-1 1 1 1
de A et la valeur propre associée est 1. Car

−1 × 1 + 4 × 1 − 2 × 1 = 1,
0 × 1 + 3 × 1 − 2 × 1 = 1,
−1 × 1 + 1 × 1 + 1 × 1 = 1.

2. Si E = F ⊕ G et p est la projection sur F parallèlement à G (i.e., si x = a + b,


avec a ∈ F et b ∈ G, alors p(x) = a), alors tout vecteur non nul de F est propre et est
associé à la valeur propre 1. De même tout vecteur non nul de G est un vecteur propre
associé à la valeur propre 0.

Proposition 2.11. 1. A tout vecteur propre d’une application linéaire f (ou d’une
matrice M ) est associée une seule valeur propre.

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Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

2. Si λ1 , . . . , λp sont des valeurs propres de f (ou de M ) deux à deux distinctes et


si x1 , . . . , xp sont des vecteurs propres associés à λ1 , . . . , λp respectivement, alors la
famille (x1 , . . . , xp ) est libre.

Démonstration. 1. découle du fait qu’un vecteur propre x est non nul. Donc λx = 0 si
et seulement si λ = 0. p
X
2. Supposons qu’une combinaison linéaire x := ai xi est nulle. Il s’agit de montrer
i=1
que tous les ai sont nuls. Nous allons raisonner par récurrence sur p. D’après 1. la
propriété est vérifiée pour p = 1. Supposons que pour p la proposition est vraie et
p+1
X
montrons la pour p + 1. Pour ceci, on suppose que ai xi = 0. En appliquant f à x
i=1
p p+1
X X
t
(ou M à X = x ), on obtient que ai λi xi = 0. Mais aussi on a λp+1 ai xi = 0. En
i=1 i=1
p
X
faisant la différence, on obtient (λi − λp+1 )ai xi = 0. Par hypothèse de récurrence,
i=1
on a (λi − λp+1 )ai = 0 pour tout i = 1, . . . p. Comme λi 6= λp+1 pour tout i, on obtient
ai = 0 pour tout i = 1, . . . , p. Il en résulte que ap+1 xp+1 = 0. D’où ap+1 = 0 et la famille
des (xi )i=1,...,p+1 est libre.

Remarque 2.12. Une application linéaire (une matrice) peut ne pas admettre de
π
valeurs propres du tout. Par exemple si f : R2 → R2 est la rotation d’angle , c’est
2
à dire définie par f (x, y) = (−y, x), alors seul (0, 0) vérifie f ((0, 0)) = λ(0, 0) pour
un certain λ ∈ R. Donc f n’admet aucune valeurs propre, donc aussi aucun vecteur
propre. !
0 -1
La matrice correspondant à f est R := . En tant que matrice sur R, elle
1 0
n’admet pas de vecteur propre non plus.
π π
Si on confond R2 avec C, l’application f n’est que le produit z 7→ ei 2 z par i = ei 2 .
π π
Sa matrice est donc (ei 2 ) ∈ M1 (C). Elle admet une valeur propre qui est i = ei 2 et
tout vecteur non nul est propre.
Attention : Si on considère R comme matrice sur C, alors elle admet deux valeurs
propres qui sont i et −i. En effet si (x, y) ∈ C2 est non nul et tel que R(x, y)t = λ(x, y)t ,

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Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

alors x = −λ2 x et y = −λ2 y. Comme (x, y) 6= (0, 0), λ2 = −1. Donc λ = ±i. D’ailleurs
(1, −i) est un vecteur propre associé à i et (1, i) est un vecteur propre associé à −i.

Définition 2.13. L’ensemble des valeurs propres d’un endomorphisme f d’un espace
vectoriel de dimension finie E s’appelle le spectre de f . Il est noté sp(f ).
L’ensemble des valeurs propres d’une matrice carrée M ∈ Mn (K) s’appelle le spectre
de M . Il est noté sp(M ).
Lorsqu’il y a risque de confusion on précise aussi le corps de base et l’on note spK (f )
(spK (M )).

Attention : Comme un espace vectoriel complexe E est aussi un espace vectoriel réel,
pour tout endomorphisme f sur E on peut considérer à la fois spR (f ) et spC (f ).
De même comme Mn (R) ⊂ Mn (C), pour toute matrice M ∈ Mn (R)) on peut
considérer spR (M ) et spC (M ).
Ces deux ensembles ne sont pas les mêmes en général comme le montre Remarque
2.12 ci-dessus.

Proposition 2.14. Soit f ∈ L(E) (resp. M ∈ Mn (K)) avec dim(E) < +∞. Alors
1. λ ∈ sp(f ) ⇐⇒ f − λIE est non inversible.
2. λ ∈ spK (M ) ⇐⇒ M − λIn est non inversible.

Démonstration. 1. On a : λ ∈ sp(f ) si, et seulement si, il existe x ∈ E non nul tel que
f (x) = λx, si, et seulement si, il existe x ∈ E non nul tel que (f − λIE )(x) = 0, si, et
seulement si, f − λIE est non injective, si, et seulement si, f − λIE est non inversible.
2. On a : λ ∈ sp(M ) si et seulement s’il existe X ∈ Mn,1 (K) avec X 6= 0 tel que
M X = λX, si et seulement s’il existe X 6= 0 tel que (M − λIn )X = 0, si et seulement
si (M − λIn ) est non inversible.

Puisqu’un endomorphisme f ∈ L(E) (ou une matrice carrée) est inversible si et


seulement si son déterminant est non nul, on a le corollaire suivant

Corollaire 2.15. Soit E un espace vectoriel de dimension finie, f ∈ L(E) et M ∈


Mn (E). Pour tout λ ∈ K, on a :
1. λ ∈ spK (f ) si et seulement si det(f − λIn ) = 0.
2. λ ∈ spK (M ) si et seulement si det(M − λIn ) = 0.

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Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

Corollaire 2.16. 1. Tout endomorphisme f sur un espace vectoriel de dimension n


sur K admet au plus n valeurs propres.
2. Toute matrice M ∈ Mn (K) admet au plus n valeurs propres.

Démonstration. Car le déterminant de f et celui de M est un polynôme de degré n.


Donc il admet au plus n racines. Par suite f et M admettent au plus n valeurs propres
chacun.

On sait qu’un endomorphisme (resp. une matrice) sur R n’admet pas nécessairement
de valeur propre. Cependant on a :

Théorème 2.17. 1. Tout endomorphisme f sur un espace vectoriel E de dimension


finie sur C admet au moins une valeur propre (i.e. ∀f ∈ LC (E)), sp(f ) 6= ∅).
2. Toute matrice M ∈ Mn (C), admet au moins une valeur propre.

Démonstration. 1. Soit f ∈ LC (E). Comme le déterminant de f est un polynôme P de


degré n et comme C est un corps algébriquement clos, le polynôme P admet au moins
une racine λ. Donc d’après Corolaire 2.15, λ ∈ sp(f ).
Le raisonnement est le même pour 2.

2.2 Sous-espaces propres


Il est facile de démontrer la proposition suivante.

Proposition 2.18. Soient E un K-espace vectoriel, f ∈ L(E) et M ∈ Mn (K). Alors


1. Si λ est une valeur propre de f , alors l’ensemble des vecteurs x ∈ E tel que f (x) = λx
est un sous-espace vectoriel de E.
2. Si λ est une valeur propre de M , alors l’ensemble des vecteurs x ∈ Kn tel que
M xt = λxt est un sous-espace vectoriel de Kn .
En confondant E avec Kn , l’ensemble des vecteurs x ∈ E tel que M xt = λxt est un
sous-espace vectoriel de E.

Définition 2.19. Soient E un K-espace vectoriel, f ∈ L(E) et M ∈ Mn (K).


1. Si λ est une valeur propre de f , le sous-espace vectoriel Eλ := {x ∈ E : f (x) = λx}

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Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

s’appelle l’espace propre de f associé à la valeur propre λ.


2. Si λ est une valeur propre de M , le sous-espace vectoriel Eλ := {x ∈ E : M X = λX}
s’appelle l’espace propre de M associé à la valeur propre λ.

Théorème 2.20. Soient E un K-espace vectoriel, f ∈ L(E) et M ∈ Mn (K). Si


λ1 , λ2 , . . . , λp sont des valeurs propres deux à deux distinctes de f (resp. de M ), alors
X
la somme Eλi est une somme directe.
i=1,...p

Démonstration. On va raisonner par récurrence sur p. Si p = 1, le résultat est évident.


Supposons la propriété vraie pour p et supposons que λ1 , λ2 , . . . , λp+1 sont des valeurs
propres deux à deux distinctes de f (resp. de M ) et que la somme correspondante n’est
X X
pas directe. Alors il existe x := xi ∈ Eλp+1 ∩ Eλi , avec x non nul et xi ∈ Eλi .
i=1,...p i=1,...p
En appliquant f à x, on obtient :
X X
λp+1 xλi = λi xi .
i=1,...p i=1,...p

Il en résulte que :
X
(λp+1 − λi )xi = 0.
i=1,...p
X
Comme la somme Eλi est une somme directe, on obtient λi − λp+1 xi = 0, pour
i=1,...p
tout i. Comme x 6= 0, il existe i0 tel que xi0 6= 0. D’où λi0 = λp+1 . Ceci contredit le
fait que les λi sont deux à deux distinctes.
On raisonne de la même manière pour M .
X
Remarque 2.21. Si on a EλI = E, alors le spectre de f est exactement λ1 , . . . , λp
i=1,...p
et la matrice de f dans une base B adaptée à cette décomposition est une matrice
diagonale, à savoir :

Diag(λ1 , λ1 , . . . , λ1 , λ2 , . . . , λ2 , . . . , λp , . . . , λp ).

où λi est répétée ni fois, avec ni la dimension de Eλi .

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Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

2.3 Endomorphismes et matrices diagonalisables


Dans cette section nous allons présenter quelques critères pour qu’un endomor-
phisme ou une matrice soit diagonalisable.

Définition 2.22. Soit E un K-espace vectoriel et f ∈ L(E). On dit que f est dia-
gonalisable si, et seulement si, il existe une base de E formée de vecteurs propres de
f.

Voici un exemple d’endomorphisme diagonalisable.

Exemple 2.23. On prend n ≥ 2, E = Kn [X] l’espace des polynômes à une indéterminée


sur K de degré inférieur ou égal à n et f : E → E, P 7→ X 2 P 00 . On remarque
que f (1) = f (X) = 0. Donc 0 est une valeur propre et l’espace propre associé est
E0 := K1 [X]. De même pour tout 2 ≤ k ≤ n, f (X k ) = k(k − 1)X k . Donc k(k − 1)
est aussi une valeur propre simple. Son espace propre associé est la droite Ek := KX k .
Donc E admet une base (1, X, . . . , X n ) formée de vecteurs propres de f . Par suite f
est diagonalisable.

Remarquons que cette application n’est pas injective, donc elle n’est pas bijective.

Définition 2.24. Soit A ∈ Mn (K), On dit que A est diagonalisable si A est semblable
à une matrice diagonale.

La proposition suivante fait le lien entre la diagonalisabilité d’un endomorphisme


et celle de sa matrice.

Proposition 2.25. Si E est une espace vectoriel de dimension finie, f ∈ L(E) et B


est une base de E, alors f est diagonalisable si et seulement si MatB (f ) est diagonale.

Démonstration. Si f est diagonalisable, alors il existe une base B 0 de E dans laquelle la


matrice de f , MatB 0 (f ) est diagonale. Mais alors on aura M atB (f ) = P MatB 0 (f )P −1 ,
où P est la matrice de passage de B à B 0 .
Réciproquement s’il existe une matrice diagonale D et une matrice inversible P telle
que MatB (f ) = P DP −1 , alors en notant par B 0 la base donnée par les vecteurs colonnes
de P , on voit bien que P est la matrice de passage de B à B 0 et que P −1 est la matrice

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Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

de passage de B 0 à B. Donc la matrice de f dans la base B 0 est P −1 MatB (f )P . Mais


ce n’est rien que D qui est diagonale. Donc f est diagonalisable.

Théorème 2.26. Soit E un espace vectoriel de dimension finie et f ∈ L(E). Alors f


est diagonalisable si et seulement si E est somme directe des sous-espaces propres de
f.

Démonstration. Nécessité : Soit B une base de E formée de vecteurs propres de f .


Alors, en regroupant les vecteurs propres correspondant à chaque valeur propre λi , on
obtient une base Bi = (ei,1 , ei,2 , . . . , ei,ki ) de l’espace propre Ei associé à λi , de sorte
que B soit une base adaptée à la somme directe ⊕m
i=1 Eλi , m étant le nombre des valeurs
propres de f . Or B est une base de E, donc génératrice. Par suite E = ⊕m
i=1 Eλi .
Suffisance : Si E = ⊕m
i=1 Eλi et (ei,1 , ei,2 , . . . , ei,ki ) est une base de Eλi , alors B :=
(e1,1 , e1,2 , . . . , e1,k1 , e2,1 , . . . , e2,k2 , . . . , em,1 , . . . , em,km ) est une base adaptée à la décomposition
E = ⊕m
i=1 Eλi . Or chaque ei,j est un vecteur propre de f .

Corollaire 2.27. Soit E un espace vectoriel de dimension finie et f ∈ L(E). Si


λ1 , λ2 , . . . , λp sont les valeurs propres de f et ni est la dimension du sous-espace propre
Ei associé à λi , alors f est diagonalisable si et seulement si n = n1 + n2 + · · · = np .
Si p = n, alors chaque Ei est une droite vectoriel.

2.4 Polynômes caractéristique

2.4.1 Polynômes caractéristique d’une matrice


Définition 2.28. Soit A ∈ Mn (K). On appelle polynôme caractéristique de A le po-
lynôme PA := det(A − XIn ). C’est un polynôme de degré n dont le terme du plus haut
degré est (−1)n X n .

Rappelons qu’un scalaire λ est dans le spectre de A si et seulement si PA (λ) = 0.


   
3 2 4 3−X 2 4
Exemple 2.29. 1. Soit A =  2 1 3 . Alors A−XI3 =  2 1−X 3 .
   

0 0 2 0 0 2−X

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Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi


3−X 2
En développant suivant la troisième ligne, on obtient det(A−XI3 ) = (2−X) .

2 1−X
Donc
√ √
PA = (2 − X)[(3 − X)(1 − X) − 4] = (2 − X)(X − (2 − 5))(X − (2 + 5)).

Ainsi
√ √
sp(A) = {2, 2 − 5, 2 + 5}.
Puisqu’on a 3 valeurs propres distinctes, pour chacune d’elles, le sous-espace propre
associé est la droite engendrée par un vecteur propre associé à cette valeur. La matrice
A est diagonalisable,
 puisque lasomme des dimensionsdes espaces propres est 3.
3 -1 -4 3−X -1 -4
2. Soit B =  0 0 1 . Alors B − XI3 =  0 −X 1  . En
   

0 -3 4 0 -3 4 − X

−X 1
développant suivant la première colonne, on obtient PB = (3 − X) .

-3 4−X
Donc

PB = (3 − X)[−X(4 − X) + 3] = (3 − X)(X 2 − 4X + 3) = −(3 − X)2 (X − 1).

Ainsi
sp(B) = {3, 1}.
Le sous-espace propre associé à 1 est la droite engendrée par le vecteur (−2, 1, 1)t .
Pour 3, le sous-espace propre associé est aussi la droite engendrée par le vecteur
(1, 0, 0)t . Comme la somme des dimension des sous-espaces propres n’est pas 3, B
n’est pas diagonalisable.

Définition 2.30. Soient A ∈ Mn (K) et λ ∈ sp(A). L’ordre de multiplicité (algébrique)


de λ est le plus grand nombre entier nλ tel que (X − λ)nλ divise PA .
- Si nλ = 1, on dit que λ est une valeur propre simple de A.
- Si nλ = 2, on dit que λ est une valeur propre double de A.
- Si nλ = 2, on dit que λ est une valeur propre multiple de A.

Le théorème suivant donne une relation entre le polynôme caractéristique de A et


quelques quantités liées à A telles que la trace et le déterminant.

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Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

Théorème 2.31. Pour toute matrice A ∈ Mn (K), on a

PA = (−1)n X n + (−1)n−1 tr(A)X n−1 + · · · + det(A).

Démonstration. On a
X
PA := (σ)bσ(1)1 bσ(2)2 . . . , bσ(n)n ,
σ∈Σn

avec bij = aij si i 6= j et bii = aii − X. Donc


X n
Y
PA = b11 b22 . . . bnn + (σ)bσ(1)1 bσ(2)2 . . . , bσ(n)n = (aii − X) + . . .
σ∈Σn i=1
σ6=In

Mais lorsque σ 6= In , au moins deux indices, disant i et j, ne sont pas conservés, i.e.,
σ(i) 6= i et σ(j) 6= j. Donc (σ)bσ(1)1 bσ(2)2 . . . , bσ(n)n est au plus de degré n − 2.
Maintenant pour σ = In , on a
n
Y
b11 b22 . . . bnn = (aii − X)
i=1

= (−1)n X n + (−1)n−1 (a11 + a22 + · · · + ann ) + . . .


= (−1)n X n + (−1)n−1 tr(A) + . . .

Enfin le terme constant de tout polynôme P est P (0). Donc le terme constant de PA
est PA (0) = det(A).

Corollaire 2.32. Si A ∈ M2 (K), alors PA = X 2 − tr(A) + det(A).

Attention : La trace d’une matrice A ∈ Mn (K) dont le polynôme caractéristique est


scindé est la somme de ses valeurs propres, chacune comptée un nombre de fois égal
à son ordre de multiplicité !
(algébrique). Si PA n’est pas scindé, ceci n’est pas vrai. Si,
0 -1
par exemple A = , alors tr(A) = (0 + 0) = 0. Mais A n’admet aucune valeur
1 0
propre du tout. Son polynôme caractéristique étant X 2 + 1 n’est pas scindé.
Cependant, comme tout polynôme sur C est scindé, la trace de toute matrice carrée
sur C est la somme de ses valeurs propres, chacune comptée un nombre de fois égal à
son ordre de multiplicité.

14
Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

Exemple 2.33. Soit  


2 1 1
A= 1 2 1 .
 

1 1 2
On remarque le rang de A − I3 est 1. Donc 1 est une valeur propre de A. De plus
les vecteurs colonnes de (A − 4I3 ) sont colinéaires (leur somme est nulle). Donc 4 est
aussi une valeur propre de A. Ainsi la trace de A, étant 6, nous permet de déterminer
l’autre valeur propre (sur C) et donc aussi le polynôme caractéristique de A. On a
tr(A) = 1 + 4 + λ = 6. Donc λ = 1. Comme 1 est réel, les valeurs propres de A sont 4
avec ordre de multiplicité 1 et 1 avec ordre de multiplicité 2. Il en résulte que

PA = (−1)3 (X − 4)(X − 1)2 .

Théorème 2.34. Soient A et B deux matrices d’ordre n sur K. Alors


1. PAt = PA .
2. PAB = PBA .
3. Si A est semblable à B, alors PA = PB .

Démonstration. 1. On sait que pour toute matrice carrée M , on a det(M ) = det(t M ).


Or (A − XIn )t = At − XIn . Donc PAt = PA .
2. Remarquons d’abords que si A est inversible, alors

PAB = det(AB−XIn ) = det(A(B−XA−1 )) = det((B−XA−1 )A) = det(BA−XIn ) = PBA .

Maintenant si A est quelconque et λ ∈


/ sp(A), alors (A − λIn ) est inversible, donc
d’après ce qui précède,

det((A − λIn )B − XIn ) = det(B(A − λIn ) − XIn ). (1)

Comme le spectre de A est un ensemble fini ou vide, il existe une valeur propre non
nulle dont le module r est le plus petit de tous les modules des valeurs propres non
nulles. Ainsi la fonction λ 7→ det(A − λIn ) est définie sur tout le disque ouvert, peut
être pointé, D(0, r). Or, pour tout p ∈ N∗ , quand on munit Mn (K) de la norme

kAk := sup{|aij , 1 ≤ i, j ≤ n},

15
Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

la fonction λ 7→ det(M + λN ) est continue en 0 pour tout couple de matrices (M, N ) ∈


Mp (K). En effet soit M, N ∈ Mp (K). Le cas N = 0 est évident. Maintenant si N 6= 0,
alors kN k > 0 et l’on a

Y p p 
X  Y
| det(M + λN ) − det(M )| := (σ) mσ(i)i + λnσ(i)i ) − mσ(i)i
σ∈Sp i=1 i=1
p p

X Y  Y
≤ mσ(i)i + λnσ(i)i ) − mσ(i)i .



σ∈Sp i=1 i=1

p
Y
Mais on sait que l’application (x1 , x2 , . . . , xp ) 7→ xi est continue de Kp dans K.
i=1
Donc Pour tout  > 0, il existe η > 0 tel que : si |yi − xi | < η pour tout i = 1, . . . , p
p p
Y Y 
(i.e., si k(y1 , y2 , . . . , yp ) − (x1 , x2 , . . . , xp )k < η), alors xi − yi < . Ainsi, si


i=1 i=1
p!
η
|λ| < , alors on aura |mσ(i)i + λnσ(i)i − mσ(i)i | ≤ |λ|kN k < η pour tout i = 1, . . . , p.
kN k
p p
Y  Y 
Par suite mσ(i)i + λnσ(i)i ) − mσ(i)i < , quel que soit i = 1, . . . , p. Comme


i=1 i=1
p!
on a p! permutations dans Sp , on arrive à


| det(M + λN ) − det(M )| < p! = .
p!

D’où la continuité. Maintenant, en prenant dans (1) une fois M = AB − XIn et une
autre M = BA − XIn et N = B, et en faisant tendre λ vers 0, on obtient

det(AB − XIn ) = det(BA − XIn ).

D’où le résultat.
Remarquons que par le même raisonnement on montre que l’application det : M 7→
det(M ) est continue sur Mp (K).
3. Si A et B sont semblables, alors il existe M ∈ GLn (K) telle que A = M BM −1 . Donc
d’après 2., PA = PM BM −1 = PM −1 M B = PB .

16
Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

2.4.2 Polynôme caractéristique d’un endomorphisme


Avant de donner la définition du polynôme caractéristique d’un endomorphisme,
rappelons que si f ∈ L(E), le déterminant de f est donné par :

det(f ) = det(f (e1 ), f (e2 ), . . . , f (en )),

où (e1 , e2 , . . . , en ) est une base de E. C’est donc le déterminant de la matrice de f dans
la base B. Comme on a vu en Théorème 2.34 (3), ce déterminant ne dépend pas de la
base choisie.

Définition 2.35. Le polynôme caractéristique d’un endomorphisme f d’un espace vec-


toriel E de dimension finie est défini par :

Pf = det(f − λIdE ).

On remarque alors que Pf = PA , quelle que soit la matrice A associée à f dans une
base quelconque de E.

Théorème 2.36. Soient λ une valeur propre d’un endomorphisme f d’un espace vec-
toriel E de dimension finie et Eλ le sous-espace vectoriel propre associé à λ. Si l’ordre
de multiplicité de λ est o(λ), alors

1 ≤ dim(Eλ ) ≤ o(λ).

Le même énoncé est aussi vrai pour une matrice carrée.

Démonstration. Si x est un vecteur propre associé à λ, alors la droite Kx est contenue


dans Eλ . D’où 1 ≤ dim(Eλ ). Maintenant soit (e1 , . . . , er ) une base de Eλ . On la complète
en une base (e1 , . . . , rr , . . . , en ). Alors la matrice de f dans la base B est de la forme
!
λIr M
MatB (f ) = .
0 N

Donc Pf = det((λ − XIr )PN = (λ − X)r PN . Par suite r ≤ o(λ).

17
Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

Remarque 2.37. En général les deux nombres dim(Eλ ) et o(λ) sont différents. Par
 
1 1 1
exemple si A =  0 1 0  , alors PA = (1 − λ)2 (2 − λ). Donc sp(A) = {1, 2}.
 

0 0 2
L’espace E1 est la droite Kx, où x = (1, 0, 0)t . Donc o(1) > dim(E1 ).

Corollaire 2.38. Si λ est une valeur propre simple de f , alors dim(Eλ ) = 1.

Corollaire 2.39. Un endomorphisme f ∈ L(E) (resp. une matrice A ∈ Mn (K)) est


diagonalisable si et seulement si Pf (resp. PA ) est scindé et pour tout λ ∈ sp(f ) (resp.
λ ∈ sp(A)) o(λ) = dim(Eλ ).

Corollaire 2.40. Si un endomorphisme f ∈ L(E), avec dim(E) = n, (resp. une


matrice A ∈ Mn (K)) admet n valeurs propres deux à deux distinctes (donc simples),
alors f (resp. A) est diagonalisable.
 
3 -1 0
Exemple 2.41. Soit A =  9 -3 0  . Alors PA = X 2 (X − 4). Donc dim(E4 ) = 1.
 

0 0 4
Mais pour λ = 0, on a Eλ est de dimension 1, puisque le rang de A = A − 0In est 2.
D’où dim(ker(E0 )) = 1 < o(0). Il en résulte que A n’est pas diagonalisable.

En Pratique : Diagonaliser un endomorphisme, quand il est diagonalisable, revient


à trouver une base formée de vecteurs propres de f , déterminer la matrice D de f
dans cette base et la matrice de passage P de l’ancienne base dans la nouvelle, ainsi
que P −1 . De manière similaire, diagonaliser une matrice A ∈ Mn (K), quand elle est
diagonalisable, revient à trouver une matrice diagonale D et une matrice inversible P
telle que
A = P DP −1 .

2.5 Endomorphismes ou matrices trigonalisables


Définition 2.42. Soit E un espace vectoriel de dimension n, f ∈ L(E) et A ∈ Mn (K).
On dit que f est trigonalisable si, et seulement si, il existe une base de E dans laquelle

18
Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

la matrice de f est triangulaire supérieure.


On dit que A est trigonalisable si, et seulement si, elle est semblable à une matrice
triangulaire supérieure.

Remarque 2.43. 1. f est trigonalisable si et seulement si sa matrice dans une base


quelconque est trigonalisable.
2. Puisque toute matrice triangulaire supérieure est semblable à une matrice triangu-
laire inférieure, on peut bien remplacer ”supérieure” dans le définition par ”inférieure”.

Théorème 2.44. Un endomorphisme f ∈ L(E) est trigonalisable si et seulement son


polynôme Pf caractéristique est scindé.
Une matrice A ∈ Mn (K) est trigonalisable si et seulement son polynôme caractéristique
PA est scindé.

Démonstration. Pour la nécessité, puisque f est trigonalisable, il existe une base B 0


de E dans laquelle la matrice M := (aij )ij de f est triangulaire supérieure. Mais
n
Y
P f = PM = (aii − X). Donc Pf est scindé.
i=1
Pour la suffisance, On raisonne par récurrence sur n. Toute matrice carrée d’ordre 1 × 1
est triangulaire supérieure. Donc le résultat est vrai pour n = 1. Supposons que si Pf
est scindé et que dim(E) = n, alors f est trigonalisable. Maintenant supposons que
E est de dimension n + 1 et que Pf est scindé. Alors f admet au moins une valeur
propre λ1 et un vecteur propre e1 . Complétons e1 en une base B!:= (e1 , . . . , en+1 ) de
λ1 L 1
E. Alors la matrice de f dans B est de la forme M = , où N ∈ Mn (K) et
0 N
n+1
Y n+1
Y
L1 ∈ M1,n (K). Comme PM = (−1)n+1 (X − λi ) = −(X − λ1 )(−1)n (X − λi ), et
i=1 i=2
n+1
Y
comme PM = −(X − λ1 )PN , on a PN = (−1)n (X − λi ). Donc PN est aussi scindé.
i=2
Soit g ∈ L(Kn ) telle que MatB0 (g) = N , où B0 est la base canonique de Kn . D’après
l’hypothèse de récurrence, il existe une base B00 de Kn dans laquelle la matrice T de g
est triangulaire supérieure. Alors N = P T P −1 , où P est la matrice de passage de B0 à

19
Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

B00 . Posons maintenant !


1 0
P0 = .
0 P
C’est une matrice carrée d’ordre n + 1. Puisque det(P 0 ) = det(P ) 6= 0, P 0 est inversible.
De plus !
1 0
P 0−1 = .
0 P −1
!
λ1 L1 P
Soit T 0 = . Alors T 0 est triangulaire supérieure et l’on a
0 T
! ! !
1 0 λ1 L1 P 1 0
P 0 T 0 P 0−1 =
0 P 0 T 0 P −1
! !
1 0 λ1 L1
=
0 P 0 T P −1
!
λ1 L1
=
0 P T P −1
= M.

Donc M est semblable à T . Si B 0 est la famille des vecteurs colonnes de T 0 , alors B 0


est une base de E et la matrice de f dans B 0 est T 0 . Elle est triangulaire supérieure.
Le cas des matrices découle de celui des endomorphismes puisque A est trigonalisable
si et seulement si tout endomorphisme qui lui est associé l’est aussi.

Corollaire 2.45. Tout endomorphisme sur un C−espace vectoriel de dimension finie


est trigonalisable.
Toute matrice carrée sur C est trigonalisable.
 
6 -6 5
Exemple 2.46. Soit la matrice réelle A =  14 10 . On remarque que rg(A+
-13
 

7 -6 4
I3 ) = 1. En effet ses lignes vérifient l2 = 2l1 = 2l3 . Par suite -1 est une valeur propre et
dim(E−1 ) = 2. Donc l’ordre de multiplicité o(−1) de -1 est au moins 2. Comme PA est

20
Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

de degré 3, il est nécessairement scindé. Donc A est rigonalisable. Maintenant si λ est


l’autre valeur propre de A, alors elle vérifie : tr(A) = −3 = −1 + −1 + λ. Donc λ = −1.
Par suite PA = −(X + 1)3 . Puisque dim(E−1 ) = 2 < 3, A n’est pas diagonalisable.

En pratique : Trigonaliser un endomorphisme f , lorsque son polynôme caractéristique


est scindé, revient à trouver une base dans laquelle sa matrice est triangulaire supérieure
et puis déterminer l’endomorphisme triangulaire correspondant. Pour ce faire,
1. on détermine les valeurs propres λ1 , . . . , λp de f et les sous-espaces propres Ei de f
qui leur sont associés,
2. On détermine une base Bi := (ei,j )1≤j≤ri de chacun des Ei , 1 ≤ i ≤ p.
3. Si la somme des dimension des sous-espaces propres est égal à n − 1, on complète la
famille des (ei,j )1≤i≤p,1≤j≤ri , en une base B 0 de E par un vecteur quelconque qui soit
indépendant des ei,j . La matrice de f dans B 0 est triangulaire supérieure.
p
X
4. Si ri < n − 1, on mets de côté les valeurs propres λi dont la dimension de Eλi est
i=1
égale à son ordre de multiplicité, et pour chaque valeur propre λi telle que ri < o(λi ),
on prend une base Bi = (ei,1 , . . . , ei,ri ) de Eλi et on cherche pi := o(λi ) − ri vecteurs
ui,1 , . . . , ui,pi tels que : -. f (ui,1 ) − λi ui,1 = ei,j , pour un certain ei,j , et
-. f (ui,k+1 ) − λi ui,k+1 = ui,k , pour tout k = 1, . . . , pi − 1.
de sorte que la famille formée par tous les vecteurs ei,j et les ui,k constitue une base
0 0
B de E. Ainsi la matrice de f dans
 B est triangulaire
 supérieure.
6 -6 5
Dans le cas de la matrice A =  14 -13 10  ci-dessus, on a PA = −(X + 1)3 .
 

7 -6 4
On a donc une seule valeur propre -1. L’espace propre associé à -1 a pour équation
7x − 6y + 5z = 0. C’est un plan dont une base est (e01 , e02 ) où e01 = (5, 0, −7)t et
e02 = (0, 5, 6)t . Ici 3 − dim(E−1 ) = 1. Dans une telle situation, on complète la famille
(e01 , e02 ) arbitrairement en une base B 0 de R3 par un vecteur e03 . On prend par exemple
e03 := (0, 0, 1)t . On a A(e03 ) s’écrit comme ae01 + be02 + ce03 . Ainsi la matrice A est
semblable à la matrice T dont les vecteurs colonnes sont A(e01 ) = −e01 , A(e02 ) = −e02
 
-1 0 a
et A(e03 ) = (5, 10, 4)t , c’est à dire T :=  0 -1 b . Elle est bien triangulaire
 

0 0 c

21
Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

supérieure. La matrice inversible P qui donne A = P T P −1 −1


 ou T = P  AP est celle dont
5 0 0
0 0 0
les vecteurs colonnes sont e1 , e2 et e3 . C’est à dire : P =  0 5 0 . On détermine
 

-7 6 1
−1
P par l’une quelconque des méthodes connues ; par exemple en exprimant les vecteurs
1 7 1 6
de la base canonique dans la base B 0 . Ceci nous donne e1 = e01 + e03 , e2 = e02 − e03
5 5 5 5
1
 
 5 0 0 
1
et e3 = e03 . Ainsi P −1 = 
 
 0 5
0 . Maintenant on peut déterminer a, b, c en
 7 6 
− 1
5  5   
-5 0 5 -1 0 1
effectuant P −1 AP . On a AP =  0 - 5 10  et T = P −1 AP =  0 -1 2 .
   

7 6 4 0 0 -1
On en tire que a = 1, b = 2 et c = −1.

Une situation différente se présent avec la matrice suivante :


 
-1 1 2 0
 
 0 6 -6
5 
A=
 0
.
 14 -13 10 

0 7 -6 4

On remarque que PA = (X + 1)4 . Donc la seule valeurs propre de A est −1 et le


sous-espace propre de −1 est le plan engendré par les vecteurs e01 := (0, −2, 1, 4)t et
e02 = (1, 0, 0, 0)t . On cherche e03 tel que (A + I4 )(e03 ) = e02 . On obtient que e03 est de la
7
forme (x, 1 − 2z, z, − + 4z), x et z étant quelconques. On choisit x et z de sorte que
5
7
la famille (e1 , e2 , e3 ) soit libre. On prend x = z = 0 et l’on obtient e03 = (0, 1, 0, − ).
0 0 0
5
Maintenant, puisqu’il ne nous reste qu’un vecteur pour atteindre une base de Kn , on
complète la famille (e01 , e02 , e03 ) en une base par un vecteur quelconque e04 . Par exemple,
on prend e04 = e4 , c’est à dire (0, 0, 0, 1) et on pose

B 0 = (e01 , e02 , e03 , e04 ).

22
Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

Ainsi la matrice de passage de B à B 0 est

 
0 1 0 0
 
 -2 0 1 0 
P = .
 
 1 0 0 0 
 7 
4 0 - 1
5

On cherche son inverse en exprimant les ei en fonction de e0i . On a :

e01 = −2e2 + e3 + 4e4


e02 = e1
7
e03 = e2 − e4
5
0
e4 = e4

Il en résulte



 e1 = e02
 e2 = e03 + 7 e04



5
6

 e3 = e1 + 2e03 − e04
0
5



 e = e0

4 4

et donc que P −1 est donnée par

 
0 0 1 0
 
 1 0 2
0 
P −1 = .
 
 0 1 0 0 
 7 6 
0 − 1
5 5

On vérifie que P P −1 est bien l’identité.

23
Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

La matrice trigonalisante de A est T = P −1 AP . or


  
-1 1 2 0 0 0 1 0
  1 0 2

0 
 0 6 -6 5 
AP =   
 0 14 -13 10   0 1 0 0 

  7 6 
0 7 -6 4 0 - 1
  5 5
0 -1 1 0
 
 2 0 -1 5 
= .
 
 -1 0 0 10 
 7 
-4 0 4
5

Il en résulte que
  
0 0 1 0 -1 0 0 0
 
 1 0 2 0  0 -1 -2

0 
−1 
P AP = 

 
 0 1 0 0 
 7 6  1 0 2 0 

0 − 1 4 0 4 1
 5 5 
-1 0 0 10
 
 0 -1 1 0 
= 0
.
 0 -1 25 

0 0 0 -1

C’est la matrice triangulaire semblable à A. On peut maintenant en tirer l’image de


e04 exprimée dans la base B 0 , soit : A(e04 ) = 10e01 + 25e03 − e04 . Elle est donnée par la
quatrième colonne de T .

2.6 Théorème de Cayley-Hamilton

2.6.1 L’algèbre des polynômes en f ou en A


Soient E un espace vectoriel sur K, f ∈ L(E) et A ∈ Mn (K).

24
Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

r
X r
X
i
Proposition 2.47. L’application θf : K[X] → L(E), P = ai X 7→ ai f i est un
i=0 i=0
homomorphisme d’algèbre, où f 0 = IdE . Il en est de même de θA : K[X] → Mn (K),
r
X r
X
P = ai X i 7→ ai Ai , A0 = In .
i=0 i=0

Démonstration. On raisonne pour f , la même chose marche pour A.


Il est clair que θf est linéaire. Il reste à montrer que θf est multiplicatif, i.e.,

θf (P Q) = θf (P ) ◦ θf (Q), ∀P, Q ∈ K[X].

On le montre d’abord pour les éléments de la base canonique de K[X]. On a θf (X i X j ) =


θf (X i+j ) := f i+j = f i ◦j = θf (xi ) ◦ θf (X j ). Donc la multiplicativité est vérifiée par les
éléments de la base. Maintenant, la linéarité permets de conclure pour tous P, Q ∈
K[X].

Notation : On convient de noter θf (P ) par P (f ) et θA (P ) par P (A). On notera


aussi par K[f ] et par K[A] l’algèbre image de θf et de θA respectivement.
Il ne faut pas le confondre avec le polynôme caractéristique Pf (PA ).

Définition 2.48. L’algèbre K[f ] (resp. K[A]) s’appelle l’algèbre des polynômes en f
(resp. en A). C’est une sous-algèbre commutative de L(E) (resp. de Mn (K)).

Définition 2.49. On appelle commutant de f (resp. de A), l’ensemble

C(f ) := {g ∈ L(E) : f ◦ g = g ◦ f } ( resp. C(A) := {B ∈ Mn (K) : AB = BA}).

Proposition 2.50. C(f ) est une sous-algèbre de L(E) et K[f ] est une sous-algèbre
commutative de C(f ).
De même C(A) est une sous-algèbre de L(E) et K[A] est une sous-algèbre commutative
de C(A).

2.7 Polynômes annulateurs et polynôme minimal


Dans cette sous-section, nous allons associer à tout endomorphisme (à toute matrice
carrée) d’autres polynômes.

25
Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

Définition 2.51. On appelle polynôme annulateur de f ∈ L(E) (resp. de A ∈ Mn (K)),


tout polynôme Q ∈ K[X] tel que Q(f ) = 0 (resp. Q(A) = 0.)

Proposition 2.52. L’ensemble If (resp. IA ) des polynômes annulateurs de f (resp.


de A) est un idéal de K[X].

Théorème 2.53. Soit E un espace vectoriel de dimension n sur K, f ∈ L(E) et


A ∈ Mn (K). Alors il existe au moins un polynôme non nul P ∈ K[X] (resp. Q ∈ K[X])
tel que P (f ) = 0 (resp. Q(A) = 0).
2
Démonstration. Puisque dim(L(E)) = n2 = dim(Mn (K)), la famille (IdE , f, f 2 , . . . , f n )
2
(resp.(In , A, A2 , . . . , An )) est liée. Donc il existe a0 , a1 , . . . , an2 ∈ K (resp. b0 , b1 , . . . , bn2 ∈
X X X
K) tels que ai f i = 0 (resp. bi Ai = 0). Pour le polynôme P := ai X i
i=1,...n2 i=1,...n2 i=1,...n2
X
i
(resp. Q := bi X ), on a P (f ) = 0 (resp. Q(A) = 0). Il en résulte que If (resp.
i=1,...n2
IA ) n’est pas réduit à {0}.

Théorème 2.54. Soit E un espace vectoriel de dimension n sur K, f ∈ L(E) et


A ∈ Mn (K). Alors il existe un unique polynôme unitaire non nul Qf (resp. QA ), de
degré minimal tel que Qf (f ) = 0 (resp. QA (A) = 0). De plus If = Qf K[X] (resp.
IA = QA K[X]).

Démonstration. Soit m = min{deg(P ), P ∈ If , P 6= 0} et si P ∈ Ff est tel que


deg(P ) = m. Alors le polynôme normalisé Qf de P répond à la question. En effet
Qf (f ) = 0. De plus si Q ∈ If , alors deg(Q) ≥ deg(Qf ). Soit S, R ∈ K[X] tels que
Q = SQf + R avec deg(R) < deg(Qf ). Alors R ∈ If . Si R n’est pas nul, on obtient
une contradiction avec la minimalité de deg(Qf ). Il en résulte que Q est un multiple
de Qf . Donc If ⊂ Qf K[X]. D’autre part, il est clair que Qf K[X] ⊂ If . D’où l’égalité.
Pour l’unicité, si P et Q satisfont ces conditions, alors il sont colinéaires. Comme ils
sont tous les deux unitaires, ils sont égaux.

Définition 2.55. On appelle polynôme minimal de f ∈ L(E) (resp. de A ∈ Mn (K),


l’unique polynôme unitaire Qf (resp. QA ) tel que If = Qf K[X] (resp. IA = QA K[X]).

26
Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

Exemple 2.56. Soit P est une projection propre de E (i.e. p2 = p, p 6= 0 et p 6= IdE ).


Si P = X(X − 1), alors P (p) = 0. Donc P est un multiple de Qf . Comme p est propre,
le polynôme minimal de p est Qp = X(X − 1).

Théorème 2.57. Soit E un espace vectoriel de dimension n sur K, f ∈ L(E) et F un


sous-espace vectoriel de E stable par f . Alors le polynôme caractéristique Pf|F de f|F
divise celui de f Pf et le polynôme minimal Qf|F de f|F divise Qf , celui de f , où f|F
est la restriction de f à F .

Démonstration. Soient (e1 , . . . , ep ) une base de F et B = (e1 , . . . , en ) une base de E


qui complète
! (e1 , . . . , ep ). Alors la matrice de f dans B est de la forme MatB (f ) =
A C
, où A ∈ Mp (K) est la matrice de f dans la base (e1 , . . . , ep ) de F ,
0 B
C ∈ Mp,n−p (K) et B ∈ Mn−p,n−p (K). Ainsi Pf = PA PB . Mais PA = Pf|F . Donc
Pf|F divise Pf . C’est dire que Pf = Pf|F PB .
Par ailleurs, Qf (f ) = 0. Donc pour tout x ∈ E, Qf (f )(x) = 0. En particulier
Qf (f )(ei ) = 0, pour i = 1, . . . , p. Comme f (ei ) = f|F (ei ) pour tout i = 1, . . . , p,
Qf (ff|F ) = 0. D’où Qf|F divise Qf .

Théorème 2.58 (Théorème de Cayley-Hamilton). Soit E un espace vectoriel de di-


mension n sur K, f ∈ L(E) et A ∈ Mn (K). Alors Pf (f ) = 0 et PA (A) = 0. C’est
à dire : tout endomorphisme de E (resp. toute matrice carrée) annule son polynôme
caractéristique.

Démonstration. Il s’agit de montrer que Pf (f ) est l’endomorphisme nul. Soit donc


x ∈ E. Si x = 0, puisque Pf (f ) ∈ L(E), Pf (f )(x) = 0. On suppose maintenant que
x 6= 0. Soit
Nx = {k ∈ N∗ : (f 0 (x), f (x), . . . , f k−1 (x)) est libre }.

Puisque f 0 (x) = x 6= 0, Nx est non vide. De plus Nx est majoré par n. Soit donc
p := max(Nx ). Alors (f 0 (x), f (x), . . . , f p−1 (x)) est libre et il existe a0 , a1 , . . . , ap−1 ∈ K
p−1
X
p
tels que f (x) = ai f i (x). On complète la famille (f 0 (x), f (x), . . . , f p−1 (x)) en une
i=0
base de E par (ep+1 , . . . , en ). La matrice de f dans cette base est alors de la forme

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Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

!
A C
M= , avec A ∈ Mp (K), B ∈ Mn−p et C ∈ Mp,n−p (K). Il en résulte que
0 B
Pf = PM = PA PB . Mais

f (x) f 2 (x) ... f p−1 (x) f (f p−1 )(x) .


 
0 0 ... 0 a0
1 0 ... 0 a1 
 

 
 0 1 0 0 a2 
A= .
 
 0 0 1 0 a3 
.. .. .. .. .. 
 
. . . . . 


0 0 0 1 ap−1

Donc  
-X 0 ... ... 0 a0
1 -X ... ... 0 a1 
 

 
 0 1 -X ... 0 a2 
A − XIp =  .
 
 0 0 1 -X 0 a3 
.. .. .. .. .. .. 
 

 . . . . . . 
0 0 0 ... 1 ap−1 − X
En développant suivant la pieme colonne, on obtient :
p−1
X
PA = (−1)p+i+1 ai ∆i + (ap−1 − X)(−X)p−1 ,
i=0

où
-X ... 0 0 0 ... 0


.. .. .. .. .. .. ..

. . . . . . .


0 1 -X 0 0 ... 0
0 0 1 -X 0 ... 0 (i − 1)eme place
∆i := .

0 (i + 1)eme place

0 ... 0 0 1 -X
.. .. .. .. ..


. . . . 0 .


0 0 0 0 0 0 −X

0 ... 0 0 0 0 1

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Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

Donc ∆i = (−1)i X i . Par suite


p−1
X
PA = ( (−1)p+1 ai X i ) + (−1)p X p
i=0
p−1
X
p+1
= (−1) ( ai X i − X p ).
i=0

Il en résulte, par définition des ai , que PA (f )(x) = 0. D’où Pf (f )(x) = 0. Comme


x est quelconque, Pf (f ) = 0.

Corollaire 2.59. 1. Pour tout endomorphisme f sur un espace vectoriel de dimension


finie, le polynôme minimal Qf de f divise le polynôme caractéristique Pf de f .
2. Le polynôme minimal QA de toute matrice carrée A sur K divise son polynôme
caractéristique PA .

Théorème 2.60. Soit E un espace vectoriel de dimension n sur K, f ∈ L(E) et


A ∈ Mn (K). Si λ est une valeur propre de f (resp. si µ est une valeur propre de A),
alors pour tout polynôme P ∈ K[X], P (λ) est une valeur propre de P (f ) (resp. P (λ)
est une valeur propre de P (A)).
Par conséquent, si P ∈ If (resp. P ∈ IA ), alors P (λ) = 0.

Attention : 1. Une racine d’un polynôme annulateur de f (resp. de A) n’est pas


nécessairement dans le spectre de f (resp. de A).
2. Toute valeur propre de f (resp. de A) annule tous les polynômes annulateur de
f (resp. de A). En particulier Qf (λ) = Pf (λ) = 0, quelle que soit λ ∈ sp(f ) et
QA (λ) = PA (λ) = 0, quelle que soit λ ∈ sp(A).

Corollaire 2.61. Si le polynôme caractéristique Pf de f (resp. PA de A) est scindé,


alors il en est de même de son polynôme minimal Qf (resp. QA ).
p q p
Y Y Y
c. à d., si Pf = (X − λi )αi (resp. si PA = (X − µi )αi ), alors Qf = (X − λi )βi
i=1 i=1 i=1
q
Y
(resp. QA = (X − µi )βi ), où 1 ≤ βi ≤ αi .
i=1

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Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

Théorème 2.62. Soient E un espace vectoriel sur K, f ∈ L(E), A ∈ Mn (K) et P et


Q deux polynômes premiers entre eux. Alors
ker(P Q)(f ) = ker(P (f )) ⊕ ker(Q)(f ) et ker(P Q)(A) = ker(P (A)) ⊕ ker(Q)(A).
Démonstration. Soit U et V deux polynômes tels que U P +V Q = 1. Si x ∈ ker(P (f ))∩
ker(Q)(f ), alors (U P + V Q)(f ) = IdE . Donc (U (f ) ◦ P (f ) + V (f ) ◦ Q(f ))(x) = x. Mais
aussi (U (f )◦P (f )+V (f )◦Q(f ))(x) = 0. Donc ker(P (f ))∩ker(Q)(f ) = {0}. Maintenant
soit x ∈ ker(P (f )). Alors P Q(f )(x) = P (f ) ◦ Q(f )(x) = Q(f ) ◦ P (f )(x) = 0. Donc
ker(P (f )) ⊂ ker(P Q(f )). De la même manière ker(Q(f )) ⊂ ker(P Q(f )). Par suite
ker(P (f )) ⊕ ker(Q)(f ) ⊂ ker(P Q(f )).
Enfin si x ∈ ker(P Q(f )), alors x = (U (f ) ◦ P (f ) + V (f ) ◦ Q(f ))(x). Si on pose y :=
(U (f ) ◦ P (f ))(x) et z := (V (f ) ◦ Q(f ))(x), alors x = y + z. Comme (U (f ) ◦ P (f ))(x) ∈
ker(Q(f )), y ∈ ker(Q(f )). Similairement, puisque (V (f ) ◦ Q(f ))(x) ∈ ker(P (f )), on a
z ∈ ker(P (f )). Il en résulte que ker(P Q)(f )f = ker(P (f )) ⊕ ker(Q)(f ).
La même démonstration marche aussi pour A.
Théorème 2.63 (Lemme de décomposition des noyaux). Soient E un espace vectoriel
sur K, f ∈ L(E), A ∈ Mn (K) et P1 , P2 , . . . Pk des polynômes 2 à 2 premiers entre eux.
Alors
k
Y k
Y
ker( Pi )(f ) = ⊕ki=1 ker(Pi (f )) et ker( Pi )(A) = ⊕ki=1 ker(Pi (A)).
i=1 i=1
Démonstration. La démonstration pour f ou A est la même. On la fait pour f .
On raisonne par récurrence sur k. Pour k = 2, c’est Théorème ??. Supposons le
résultat vrai pour k et soient P1 , P2 , . . . P+1 k des polynômes 2 à 2 premiers entre eux.
Yk
Alors P1 k + 1 et Q := Pi sont premiers entre eux. Donc, d’après Théorème ??,
i=1
ker(Pk+1 Q)(f ) = ker(Pk+1 (f )) ⊕ ker(Q)(f ). Mais d’après l’hypothèse de récurrence,
ker(Q)(f ) = ⊕ki=1 ker(Pi (f )). Il en résulte que ker(P1 . . . Pk+1 )(f ) = ⊕k+1
i=1 ker(Pi )(f ).

k
Y
Corollaire 2.64. Si P ∈ If et P s’écrit P = Pi , avec Pi ∧ Pj = 1 pour tout i 6= j,
i=1
alors E = ⊕ki=1 ker(Pi )(f ).
Même énoncé pour A ∈ Mn (K).

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Chapitre 2. Polynômes d’endomorphismes Lahbib Oubbi

Pour finir,

Théorème 2.65. Soit E un espace vectoriel de dimension n sur K, f ∈ L(E) et A ∈


Mn (K). Alors f (resp. A) est diagonalisable si et seulement si, il existe un polynôme
P non nul scindé sur K à racines simples tel que P (f ) = 0 (resp. P (A) = 0).
n
Y
n
Démonstration. Suffisance : Si P = (−1) (X − λi ), alors d’après Corollaire ??,
i=1
E = ⊕ni=1 ker(f − λi )(f ). Mais ker(f − λi ) = Eλi . D’où f est diagonalisable.
Nécessité : Si f est diagonalisable, alors E = ⊕pi=1 Eλi et Pf est scindé. Posons Pf :=
p p
Y Y
(X − λi )αi . Si P = (X − λi ), alors pour tout i = 1, . . . , p et tout x ∈ Eλi , on a
i=1 i=1
P (f )(x) = 0. Puisque E = ⊕pi=1 Eλi , on a P (f ) = 0.

Comme corollaire, on obtient :

Corollaire 2.66. f (resp. A) est diagonalisable si, et seulement si, Qf (resp. QA ) est
p
Y
de la forme (X − λi ), avec sp(f ) = {λ1 , . . . , λp }.
i=1

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