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L’INFORMATION PAR LE SON ET L’IMAGE : RADIO ET TÉLÉVISION AU XXe

SIÈCLE

Au XXe s., la radio et la télévision modifient en profondeur la culture


informationnelle. Le flux d’information est immédiat, à domicile et en
permanence. Le « direct » devient fondamental.

Repères p270-271 : L’accélération de l’information à gde échelle

La double page repères aide à bien saisir l’accélération des progrès techniques depuis deux
cents ans en matière d’information. Les documents révèlent qu’une transmission efficace
des informations repose sur la constitution de réseaux. Comme le montre le doc. 1, dès
Gutenberg et l’imprimerie, les universités européennes, déjà liées par un réseau de maîtres
itinérants, se dotent d’imprimeries. Le télégraphe optique Chappe lui-même repose sur un
réseau de bâtons que l’on actionne pour former un code (doc. 2).

Le télégraphe (doc. 2)
1794 : invention du télégraphe optique par Claude Chappe. Samuel Morse est l’inventeur en
1843 d’un système de télégraphe qui permet de transmettre à travers un câble des messages
avec des impulsions électriques. Il suffit d’alterner des impulsions courtes et des impulsions
longues pour former un code renvoyant à un alphabet, le plus célèbre étant le « SOS » (le
signal de détresse). Le succès est immédiat et, dès 1851, un câble transmanche est installé
entre la France et l’Angleterre. À partir de 1866, un autre câble relie pour la première fois
l’Europe à l’Amérique du Nord. Des compagnies majeures se forment pour exploiter cette
innovation comme la Western Union Telegraph, fondée en partie par Morse et la Eastern
Telegraph Company à capitaux anglais, basée à Londres. À la fin du xixe siècle, la Grande-
Bretagne domine un réseau télégraphique mondial de plus de 130 000 km. Ces compagnies
favorisent ainsi l’apparition des grandes agences de presse comme Havas en France ou
Reuters au Royaume-Uni.

Il en est de même du réseau de câbles télégraphiques (doc. 3) puis téléphoniques,


permettant dans les dernières décennies, l’explosion d’Internet. La diffusion de
l’information a donc été facilitée par d’importants progrès techniques depuis plus de deux
cents ans, à la fois dans l’imprimerie, mais aussi dans le son et l’image. Chaque innovation a
contribué à l’accélération de l’information, jusqu’à la quasi-instantanéité de la
retransmission de l’évènement. Ces progrès ont abouti à une plus grande
professionnalisation des journalistes et à une remise en cause permanente de leur travail,
soulevant de nouveaux enjeux démocratiques, politiques et sociaux. Le rapport à
l’information change aussi, dans la mesure où les progrès techniques engendrent une
abondance d’informations, et les transforment en produits de consommation de masse.

1. La révolution du son

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La seconde industrialisation repose entre autres sur la maitrise de l’électricité,
permettant l’essor des télécommunications (l’ensemble des procédés de
transmission d’info à distance). La transmission d’informations à distance est
facilitée par l’invention du télégraphe électrique puis du téléphone en 1876. La
diffusion du téléphone, principalement aux EU d’abord, montre le rôle
croissant du Nouveau monde dans le domaine technologique.

1886-1888 : Heinrich Rudolf Hertz met en évidence les ondes radio par le biais de
l'expérience de Hertz. Elles seront appelées « ondes hertziennes » en son honneur.
1889 : Tesla réalise un générateur hautes fréquences (15 kHz)
1890 : Édouard Branly découvre le principe de la radioconduction et met au point le
premier détecteur d'ondes sensible, le radioconducteur, qui prendra le nom
de cohéreur contre l'avis de son inventeur. L'origine du mot cohéreur est anglophone
et latine ; le verbe 'cohero, -ere', 'to cohere' signifie se rattacher... exactement comme
les grains de limaille de fer se rattachaient les uns aux autres dans le radioconducteur.
1891 et 1893 : Tesla brevette le système sans fil Tesla (radio télégraphe) et met au point
des lampes électroniques froides.
1901 : Marconi effectue la première liaison radio transatlantique entre Terre-Neuve et
la Cornouailles
La maîtrise de la communication est aussi un outil de pouvoir : si le RU domine
le monde à la fin du XIXe siècle, c’est aussi parce qu’il contrôle l’information
commerciale et financière grâce à un réseau télégraphique puis téléphonique
intercontinental. Ce réseau relie Londres à Melbourne à partir de 1872.

En 1901, la première transmission radio transatlantique est réalisée grâce à la


mise au point de la télégraphie sans fil (TSF), qui utilise des ondes magnétiques
pour transmettre l’info à distance.
Utilisée à des fins militaires pendant la Première Guerre mondiale, elle se
répand dans ses usages civils. Les premiers programmes radiophoniques
réguliers sont diffusés aux Etats-Unis dès 1921. Radio Tour Eiffel apparaît en
1921. Le monopole de l’Etat sur la radio est vite contesté par des radios privées.

La radio se développe rapidement dès les années 1930. Des émissions


quotidiennes variées (musique, information) voient le jour et rythment la vie
des auditeurs.9 millions d’Anglais, 13 millions d’Allemands, 5 millions de
Français possèdent une radio à la veille de la seconde Guerre mondiale. Aux
Etats-Unis, 7 habitants /10 écoutent régulièrement la TSF.

Pendant la 2de Guerre mondiale, la radio devient un moyen d’information


essentiel.

Etude p274-275 : Radio Londres

2
À travers l’exemple de Radio Londres, on peut évoquer la situation de la radio
dans les années 1940. Il s’agit d’abord d’un média de masse qui, depuis les
années 1930, équipe une très large partie des foyers français et européens. On
dénombre près de 5 millions de postes de radio en 1939 en France. Les régimes
totalitaires avaient déjà bien compris l’enjeu stratégique et politique de la
radio comme instrument efficace de propagande. Lorsque le général de Gaulle
lance son appel le 18 juin 1940, sur les ondes de la BBC, il a parfaitement
conscience du rôle nouveau de la radio, et décide d’en faire immédiatement un
outil de résistance et une arme efficace contre l’occupation allemande et contre
Radio-Paris, la radio collaborationniste (doc. 1). Il confie à Maurice Schumann
la tâche d’organiser Radio Londres et de s’entourer d’une équipe. Parmi eux,
on retrouvera le résistant Jean-Louis Crémieux-Brilhac (doc. 4), qui saisit
d’emblée la capacité de la radio à influencer l’opinion et soutenir son moral
(doc. 3), ou à maintenir le contact avec les forces résistantes de l’intérieur
(doc. 2). Soucieux de l’influence grandissante de Radio Londres sur l’opinion
publique dans une France occupée, le régime de Vichy ne cesse de dénoncer
une radio au service des Juifs et de l’« étranger » (doc. 5).

La guerre des ondes


La Seconde Guerre mondiale voit se dérouler également une très célèbre « guerre des
ondes » entre le chansonnier Pierre Dac, rallié à Londres, et Philippe Henriot,
secrétaire d’État à l’Information et à la Propagande du régime de Vichy, mais aussi
redoutable chroniqueur de Radio-Paris. Le 10 mai 1944, Henriot attaque violemment
sur les ondes Pierre Dac sur ses origines juives et son manque de patriotisme. Peu de
temps après, ce dernier lui répond, dans une chronique baptisée « Bagatelle sur un
tombeau », en convoquant la mémoire de son frère mort durant la Première Guerre
mondiale. Consciente du talent de Henriot, la résistance l’élimine chez lui à Paris, le
28 juin 1944.

1. Lorsque le général de Gaulle lance son appel le 18 juin 1940, il fonde Radio
Londres, voix de la résistance des Français qui refusent la défaite et l’armistice.
Il confie à Maurice Schumann le soin d’organiser les créneaux de diffusion que
les Britanniques accordent aux Français sur la BBC. Dès lors, l’émission « Les
Français parlent aux Français » permet la diffusion de messages à destination
de la résistance intérieure, mais aussi de chansons humoristiques imaginées
pour humilier les Allemands et les collaborateurs, comme la chanson des « V ».

2. Radio Londres est vitale pour tisser un lien entre la résistance extérieure et
la résistance intérieure. Les « nombreux messages personnels » coordonnent
les actions de multiples groupes de résistants ou de maquis isolés. Elle s’avère
également fondamentale pour préserver le moral des Français et leur donner
des informations auxquelles ils n’ont pas accès, du fait du poids de la censure.

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3. Les valeurs défendues par Radio Londres sont le patriotisme, la croyance en
la victoire, les valeurs de la République, les grandes libertés, l’humanisme et
l’universalisme.

4. Pour contrer l’influence croissante de Radio Londres, le régime de Vichy et


l’occupant allemand l’attaquent sur un double front. Ils fustigent d’abord une
radio de l’étranger, émettant depuis Londres, puis les personnalités de
confession juive qui ont rejoint de Gaulle et qui se sont engagées dans la
résistance auprès de lui.

5. Radio Londres est une arme efficace car elle diffuse des informations
auxquelles les Français occupés n’ont pas accès. En touchant le plus grand
nombre, par le biais des ondes, Radio Londres anime concrètement l’esprit de
résistance. Elle est une manifestation sonore et ouverte d’un mouvement de
résistance actif et structuré. Elle est une autre voix de la France à cette époque,
celle qui poursuit l’œuvre et l’esprit de la République. 6. Radio Londres illustre
l’engagement de la France combattante, qui résiste à l’intérieur comme à
l’extérieur, contre une France qui choisit la collaboration. La guerre se
poursuit donc sur un plan radiophonique.

L’invention du transistor en 1954 marque une nouvelle étape. Il permet les


radios portatives, pouvant être écoutées individuellement, en vacances, dans la
rue, à la plage. L’audience s’élargit rapidement dans les années 1960. La radio
devient un média de masse.

Les Grandes Heures de la radio, André-Jean Tudesq

Hier « pirates » ou « sauvages », aujourd'hui « libres », les radios privées sont les rejetons de
l'antique et austère TSF. Avec vaillance, André-Jean Tudesq a exploré le maquis touffu des
lois qui, en l'espace d'un demi-siècle, viennent d'accorder aux ondes une liberté surveillée.

De « pirates » ou « sauvages » qu'elles étaient hier, les radios privées sont devenues « libres », ou
presque, car leur affluence au portillon de la fréquence et la nécessité d'obtenir une autorisation
les empêchent de l'être tout à fait. Cette génération quasi spontanée de radios jeunes, dynamiques,
échevelées parfois, grandes pourvoyeuses de flots de musique, certaines jouant même le rôle de
club de rencontres via les ondes, nous fait presque oublier qu'elles ont pour aïeule l'austère TSF,
dont l'imposant boîtier occupait dans les foyers une place impressionnante, sans proportion avec le
nombre de stations émettrices (privées ou publiques - les deux coexistaient déjà). Les radios d'alors
associent musique et information - les premiers journaux parlés apparaissent en France en 1923.
Pourtant, le petit nombre des auditeurs - 60 000 environ - était insuffisant pour faire de la radio, à
l'échelle nationale, un moyen d'information et d'expression dans le domaine politique, trop lié à la
presse écrite. Ainsi, alors que nos hommes politiques se livrent aujourd'hui à des comptes

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d'apothicaire sur leur temps d'antenne, en mars 1928, le président du Conseil, Raymond Poincaré,
déclarait devant la Chambre des députés : « J'ai interdit la radiodiffusion des discours prononcés en
faveur du gouvernement. »

Un monopole incertain
Pas de politique à la radio, donc, mais en revanche une bataille acharnée concernant la politique
de la radio et le statut à lui donner. Sur ce terrain conflictuel s'affrontent le ministère des PTT et les
ministères de la Guerre, de la Marine, des Colonies et des Affaires étrangères, d'où la création en
1917 d'une commission interministérielle pour la Télégraphie sans fil. Débats ensuite dans la
presse et au Parlement, pour lesquels la radio n'est d'abord qu'un prolongement de la télégraphie
sans fil, elle-même monopole d'État depuis la Première Guerre mondiale. On étend donc en 1923 à
la radiodiffusion naissante (désignée sous le même sigle, TSF) ce monopole, interprété de façon
libérale et tolérante jusqu'à la fin de la IIIe République.

Pour lancer des stations d'émissions radiophoniques, trois instances sont à l'œuvre. L'armée
d'abord, qui diffuse, dès 1922, depuis la Tour Eiffel, des émissions régulières, bulletins météo, par
exemple, ou cours de la bourse, l'industrie privée ensuite, la Compagnie générale de TSF, groupe
industriel fabriquant du matériel radio-électrique ; son fondateur, Émile Girardeau, qui avait vu
fonctionner aux États-Unis le groupe RCA et souhaitait fabriquer des postes récepteurs, avait
obtenu en 1922 l'autorisation d'émettre sur un poste bientôt nommé Radio-Paris.

Enfin, l'administration des PTT, détentrice du monopole, dispose en 1923 d'un poste émetteur à
ondes moyennes, baptisé Paris-PTT par la suite. On assiste alors à la naissance, à Paris et en
province, d'une dizaine de postes privés, soumis par le décret de 1923 à l'autorisation préalable des
PTT (même si plusieurs se dispensent de la demander) et ils diffusent souvent des concerts. Et le
journal radical L'Œuvre de s'émouvoir : « Pourquoi l'État français garde-t-il un droit de regard sur
une simple distraction ? » En 1924, sous la pression des syndicats, le Cartel des Gauches (dont le
leader est le radical Édouard Herriot) élabore une politique de la radio - un monopole strict de
l'État, appliqué par les PTT -, qui ne fut pas mise en œuvre à cause du manque de moyens, de temps
ou de détermination.

Rapidement, la radio devient un enjeu dans la vie politique. Les communistes, en particulier,
s'intéressent à cet instrument. Inaugurant en 1926 une chronique hebdomadaire consacrée à la
radio, L'Humanité découvre les confusions et les compromissions accompagnant ses débats. Ainsi
on peut y lire, à propos d'un contrat de publicité liant Stavisky, déjà arrêté pour malversation, au
poste d'État de la Tour Eiffel : « Qu'apprennent en effet brusquement députés et sénateurs ? D'abord
que la TSF existe, qu'elle est une force, une puissance formidable de diffusion et d'éducation, et non
une amusette [...] La TSF abandonnée par l'État est en France entre les mains des financiers. »

Un enjeu disputé

Quand est lancé le journal parlé, sur presque tous les postes, l'information est relativement
insignifiante en raison de la neutralité politique qui lui est imposée. Malgré tout, les revues de
presse y font essentiellement état d'opinions conservatrices ou ministérielles, ce qui leur attire les
foudres des députés et des journaux de gauche. Toutefois, le rôle politique de la radio est encore
loin d'être perçu par tous. C'est le cas de la SFIO : Le Populaire du 23 mars 1927 souligne « que le

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parti ne peut ignorer plus longtemps cette force morale et sociale qui naît au monde moderne à un
moment où le socialisme est assez fort pour ne pas la laisser truquer par les puissances d'argent ».
Malgré un statut très bancal, fait de mesures hétéroclites, superposées parfois de façon
contradictoire, le nombre des auditeurs s'accroît : près d'un million de postes sous le deuxième
ministère Tardieu, en 1932. Témoin attentif de l'envolée de la radio aux États-Unis, André Tardieu
en multiplie l'utilisation : il s'adresse en anglais aux Américains et fait radiodiffuser ses discours
électoraux. Des candidats de l'opposition, seuls les députés radicaux Édouard Herriot et Joseph
Caillaux s'expriment à la radio d'État. Le socialiste Léon Blum, qui n'y a pas accès, proteste dans Le
Populaire, et Le Canard Enchaîné parle de « Radio-Tardieu ».

La place de la radio dans la vie politique s'élargit en 1934. Les manifestations d'extrême droite, le 6
février, près de la Chambre des députés, sont rapportées inégalement par les différentes radios.
Peu après, imitant Roosevelt, le nouveau président du Conseil, Paul Doumergue, s'adresse à six
reprises aux Français pour présenter et justifier sa politique : « Les conversations à la radio,
écoutées dans les familles, doivent accroître la confiance déjà accordée par le pays et méritée par les
actes du gouvernement », commente Le Temps. Or cette innovation est perçue dans la classe
politique comme un moyen de s'adresser à l'opinion par-delà le Parlement et provoque d'autant
plus d'inquiétude chez les partis et les journaux de gauche que Paul Doumergue en use pour
annoncer un projet de révision institutionnelle. Dans Le Populaire, Léon Blum s'émeut : « C'est le
pouvoir personnel. Il cherche à placer d'emblée son ministère puis les Chambres sous le coup d'une
injonction populaire qui ne serait pas un référendum mais vraiment un plébiscite. »

Au printemps 1936, Georges Mandel organise la première campagne électorale radiophonique : sur
les postes d'État, le temps de parole est équitablement réparti entre les différentes formations
politiques. Au micro de Radio-Paris, Maurice Thorez prononce le fameux discours de « la main
tendue » aux ouvriers et employés catholiques.

Sous le gouvernement du Front populaire, des hommes politiques jusqu'alors éloignés du micro
prennent la parole et sont entendus par des auditeurs hostiles ou indifférents qui ne seraient pas
allés les écouter dans une réunion publique. Léon Blum, chef de ce gouvernement, recourt
beaucoup à la radio. Préparant les « accords Matignon », le 5 juin 1936, son allocution est diffusée
deux fois dans la journée. Quatre millions de postes récepteurs implantés fin 1936 font plus pour le
gouvernement du Front populaire que la grande presse qui, dans sa majorité, lui est peu favorable.
A présent, c'est au tour des journaux et des partis de la droite et du centre de dénoncer l'utilisation
de la radio par le gouvernement.

Haro sur les journaux parlés !


A l'époque du Front populaire, d'importants changements ont lieu dans le personnel de la radio,
notamment à la direction. Plusieurs journalistes de droite et des directeurs de postes d'État de
province sont évincés. La multiplication des émissions parlées et des chroniques économiques et
sociales mécontente beaucoup d'auditeurs et prête le flanc à l'accusation de propagande ; Paris-Soir
se plaint de « l'excès de bavardage dans les émissions radiophoniques et du danger d'ennui que
représentent ces journaux parlés, farcis d'informations insignifiantes ». La centralisation
administrative est renforcée par deux décrets du 27 octobre 1936 instituant un Conseil supérieur
des émissions - présidé de droit par le président du Conseil -, et diminuant, dans les conseils de
gérance, le nombre de représentants élus des auditeurs, tout en limitant l'activité de ces conseils

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par la création d'un secrétaire des émissions nommé.

Mais la radio est devenue un fait de masse. Les grands quotidiens profitent de la chute du
ministère Blum pour mener campagne contre l'information à la radio, dont la presse écrite
n'accepte pas la concurrence. Une grande offensive éclate en 1937. Au cours d'un banquet de
directeurs de journaux, le directeur du Matin, journal de la droite, déclare : « La presse dépense
chaque année plusieurs centaines de millions pour les informations et ses nouvelles acquises à prix
d'or [...] la TSF s'en empare sans aucune rétribution, sous l'ingénieux prétexte de revues de presse : le
public informé par les ondes n'achète plus les journaux. » h in décembre, la Fédération des postes
privées accepte de limiter les informations. Pour le réseau d'État, en 1938, un plan gouvernemental
supprime les revues de presse et réduit le volume des informations à trois brefs bulletins par jour.

Mais ce plan ne résiste pas à l'épreuve des événements. Au moment de la crise de Munich, le
ministère des Affaires étrangères exerce un contrôle sur la diffusion des nouvelles de l'étranger et
un double contrôle sur le « Radio-Journal de France », notamment par l'entremise de Pierre
Brossolette, son rédacteur en chef et secrétaire général de la section informations du Conseil
supérieur des émissions. Il n'empêche que « pendant quinze jours, la radio a commandé le monde ».
Elle a permis de suivre la crise tchécoslovaque, l'entrevue de Munich du 29 septembre 1938 et
provoqué l'accueil chaleureux des Parisiens qui sont venus à l'aérodrome pour acclamer Édouard
Daladier à sa descente d'avion. Désormais la radio contribue elle-même à l'événement. Le 21 août
de la même année, par un appel radiodiffusé, Daladier avait déclaré qu'il était indispensable
d'aménager la loi des 40 heures - ce qui entraîne la démission de deux ministres socialistes.

Contre la grève générale décrétée par la CGT pour le 30 novembre 1938, il utilise encore la radio,
réquisitionne son personnel et confie ce jour-là les informations à deux journalistes conservateurs.
« C'est la grève générale de fin novembre qui révéla au public français ce que pouvait être la radio aux
mains d'un gouvernement décidé à diriger l'opinion » (Mon Programme, janvier 1939).

Ignorant les frontières, la radio modifie aussi les relations internationales. A partir de janvier 1939,
L'Humanité exhorte ses lecteurs à suivre les émissions en langue française diffusées par Radio-
Moscou. Devant la propagande antifrançaise de l'Italie à destination de l'Afrique du Nord, Daladier
se rend en Tunisie début janvier 1939 pour répondre aux attaques sur la politique de la France ; les
plus importants de ses discours sont radiodiffusés. En direction de l'Empire colonial, on s'efforce de
rendre Paris-Mondial (le poste international ondes courtes de la radio française) plus audible, on
installe des postes émetteurs à Dakar et à Saigon, et celui de Tananarive est renforcé.

La guerre des ondes


Peu à peu, le gouvernement a pris en charge l'information radiophonique. Les pouvoirs des
conseils de gérance sont réduits, la radio est transférée du ministère des PTT à la présidence du
Conseil : elle est devenue trop importante pour échapper à la centralisation. En 1939, avec la
guerre, la création d'un Haut Commissariat à l'information contribue à renforcer le rôle de l'État et
à donner plus d'importance à l'information dans les programmes de radio.

Au début de la guerre, la propagande par la radio s'organise. Au moment de l'exode et de la retraite


du gouvernement et des grands quotidiens de Paris, la radio est le seul moyen d'informer les
populations en désarroi. Sa puissance de dramatisation et de personnalisation est exploitée pour

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conditionner l'opinion et lui désigner le maréchal Pétain comme un sauveur. Sous Vichy, la
propagande de la Révolution nationale est assurée à la radio par P. Creyssel et Philippe Henriot.
Dans la zone occupée, Radio-Paris est sous le contrôle des Allemands et de quelques journalistes
français à leur solde. Le pouvoir de l'État sur la radio est renforcé par la loi du 7 novembre 1942
qui lui donne des structures administratives.

Instrument de collaboration et enjeu au sein du gouvernement de Vichy, la radio devient aussi un


instrument de résistance. Même s'il fut ce jour-là peu écouté, l'appel du 18 juin du général de
Gaulle riposte à la demande d'armistice de la veille : « La flamme de la Résistance ne doit pas
s'éteindre et ne s'éteindra pas. » Les émissions françaises de Londres - brouillées par les occupants
mais néanmoins audibles - déjouent les propagandes allemande et vichyssoise, et leur écoute est le
principal geste de la résistance de beaucoup de Français. Elles favorisent aussi le ralliement aux
mouvements de Résistance et diffusent les messages codés qui leur donnent des directives. Au sein
de la Radiodiffusion nationale, un groupe de noyautage prépare la Libération. Le 22 août 1944, c'est
l'appel à l'insurrection. La radio joue un rôle essentiel dans le soulèvement de Paris. Dès la
Libération, les rares émetteurs que les Allemands n'ont pas détruits transmettent les directives du
Conseil national de la Résistance puis du gouvernement provisoire de De Gaulle.

Un enjeu confisqué
Au lendemain de la Libération, une ordonnance de mars 1945 retire toutes les autorisations aux
postes privés et établit le monopole absolu de l'État sur les émissions. L'épuration provoque un
renouvellement et un rajeunissement du personnel. Les changements de directeurs de la RDF
(Radio-Diffusion française) témoignent de l'importance politique que les gouvernants attachent à la
radio. Après plusieurs changements, le nouveau directeur, en 1946, est Wladimir Porché ; le
Conseil supérieur des émissions et un Conseil central sont présidés par le député socialiste Paul
Rivet et un chargé de mission, Henri Noguères, rédacteur en chef du journal socialiste Le Populaire,
assure la liaison entre la présidence du Conseil et la radio. Bien qu'elle soit sous le contrôle étroit
des ministères successifs, les gouvernants n'arrivent pas à maîtriser la radio. Dans son Journal du
septennat, Vincent Auriol rapporte qu'en février 1947, on se plaint qu'« à la radio, tout le monde
parle à longueur de journée. Les adversaires ont plus de voix que les partisans du gouvernement [...]
C'est le journal du "Canard Enchaîné" ».

La centralisation parisienne s'accentue aux dépens des émissions régionales qui sont réduites ; les
postes régionaux servent principalement de relais aux chaînes parisiennes. Les émissions
d'information sont plus nombreuses. Attaqués par les communistes et par les gaullistes qui se
plaignent d'être interdits d'antenne, les ministères multiplient leurs interventions dans
l'information radio-phonique. La propagande communiste s'exprime dans des émissions en langue
française diffusées par Radio-Moscou ou par des radios des démocraties populaires. Aux critiques
des partis d'opposition s'ajoutent celles de journaux qui, comme L'Aurore, souhaitent le retour de
postes privés ou, comme Le Figaro, exagèrent l'incompétence de certains réalisateurs et
demandent la réintégration d'animateurs épurés à la Libération.

La RDF, devenue après 1950 la RTF (Radio-Télévision française), n'a toujours pas de statut propre :
ni autonomie, ni responsabilité morale. De nombreux projets de statuts sont déposés sous la IVe
République sans aboutir à un vote. A plusieurs reprises, les journalistes de la radio s'élèvent «

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contre des manœuvres diverses qui ont pour résultat d'accentuer considérablement l'emprise
gouvernementale sur l'information radio-phonique » (déclaration des journalistes du syndicat Force
Ouvrière le 24 octobre 1952).

Les appels de l'abbé Pierre


A présent, la radio est le plus important moyen d'information et de distraction en France. De 1951 à
1958, le nombre des récepteurs est passé de sept millions à plus de dix millions et demi. En 1954,
près des trois quarts des foyers écoutent la radio à 20 heures. Cette année-là, les appels
radiodiffusés de l'abbé Pierre en faveur des sans-logis provoquent un vaste élan de générosité.
Après la dramatique chute de Dien Bien Phu,
Pierre Mendes France s adresse régulièrement aux Français au cours d allocutions raaioainusees
pour expliquer les grandes lignes de sa politique. Les députés de l'opposition l'accusent d'« installer
une propagande par tous les moyens et surtout sur les ondes ». En fait, la RTF n'est ni plus ni moins
dépendante sous ce ministère qu'avant ou après lui, mais l'effort d'adaptation de la parole
gouvernementale aux auditeurs la rend plus efficace. Par ailleurs, le monopole de la radio est
atténué par l'existence des postes périphériques : Europe n° I, Radio-Monte-Carlo, Andorradio et
Radio-Luxembourg ; en 1958, l'écoute de ce dernier poste atteindra quatorze millions d'auditeurs.
L'information radiophonique fait désormais partie intégrante de l'événement aussi bien lors du
voyage de Guy Mollet à Alger en 1956, lorsqu'elle diffuse en direct les cris de la population d'origine
européenne hostile à sa politique, que pendant l'insurrection de Budapest à l'automne de la même
année.
Le retour de De Gaulle au pouvoir en 1958 et l'établissement de la Ve République provoquent
l'habituel ballet des responsables de la radio : nouveau directeur général (Christian Chavanon),
nouveau directeur des informations (Louis Terrenoire). Frustrés d'antenne depuis plus de dix ans,
de Gaulle et les gaullistes entendent utiliser la radio et la télévision pour renouer avec l'époque
héroïque où le Général s'adressait aux Français sur les ondes de la BBC et contrebalancer la
méfiance et les critiques de la presse quotidienne, peu favorable dans sa majorité à l'UNR (Union
nationale pour la République). Une ordonnance du 4 février 1959 donne enfin un statut à la RTF : il
s'agit d'un établissement public à caractère industriel et commercial mais sans autonomie.
L'évolution de la question algérienne contribue au renforcement du contrôle gouvernemental sur
l'information radiophonique. Néanmoins, le gouvernement, peu satisfait, dénonce le poids des
clans et le corporatisme. Alain Peyrefitte, ministre de l'Information, reconnaît en 1962 que « les
quatre chaînes de la RTF ont perdu du terrain par rapport aux postes périphériques ». La loi du 27
juin 1964 crée l'Office de Radio-Télévision Française (ORTF), placé sous la tutelle du ministre de
l'Information et dont le conseil d'administration comprend une majorité de membres nommés par
l'État.

1961 : la radio sauve la République


Le développement de la télévision et son pouvoir de fascination entraînent un certain reflux de la
radio, qui perd ses auditeurs, surtout le soir. Ce qui amène à décaler vers le matin et la mi-journée
les émissions les plus écoutées et à supprimer certains genres, comme le feuilleton, le théâtre
radiophonique et les reportages documentaires. Pourtant, la radio dispose d'atouts nouveaux : le
transistor et l'autoradio, qui individualisent l'écoute et la rendent plus mobile. Au moment du
putsch des généraux à Alger en avril 1961, l'écoute sur des transistors de l'appel de De Gaulle,
enjoignant aux soldats du contingent de ne pas suivre les généraux révoltés, a sauvé la République.
Les techniques de sondage s'affinent et permettent une meilleure connaissance des publics dont

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elles soulignent la pluralité. Face à la télévision, la radio se révèle davantage comme un instrument
de communication, utilisant le téléphone en vue d'une interactivité qui donne le ton aux émissions
de Ménie Grégoire sur RTL ou à des émissions de nuit. Plus diversifiée, plus musicale, la radio
touche un public moins passif que celui de la télévision et, à la différence de celle-ci - monopole
d'État, jusqu'à ce jour -, elle bénéficie d'un pluralisme de fait car elle ignore les frontières.

Conscient de son rôle dans le système d'information, le gouvernement favorise le développement


technique de la radio au sein de l'ORTF. Sous l'impulsion de Roland Dhordain, France-Inter, créé en
1963, reprend en 1967 la première place dans l'audience. En 1966, Radio-Luxembourg, devenu RTL,
accueille Jean Prouvost dans son administration ; avec Jean Farran, la station se modernise, rallie
un public plus jeune et fait appel à des présensateurs, vedettes venues de la télévision. Mais les
jeunes écoutent surtout Europe n°1, dont l'émission « Salut les copains », lancée par Daniel
Filipacchi, devient un fait de société.

On avait trop tôt prophétise son déclin... En mai 1968, la radio manifeste sa vitalité. Europe n°1 et
RTL sont même accusés d'avoir amplifié les émeutes d'étudiants par leurs reportages en direct et
l'utilisation du micro par les leaders étudiants, notamment Daniel Cohn-Bendit. Fin mai,
l'allocution, uniquement radiodiffusée, du général de Gaulle suscite une manifestation monstre sur
les Champs-Élysées et sa reprise en main de la situation. La grève de l'ORTF, principalement de la
télévision, avait, en effet, conduit les Français à ouvrir leurs transistors. D'ailleurs, le nombre des
récepteurs ne cesse d'augmenter - 36 millions en 1978 - et la remontée de l'écoute s'accompagne
d'une valorisation des émissions d'information : « Les petits déjeuners politiques » de France-Inter
et « Le club de la presse » d'Europe 1 sont des événements politiques ; à la fin des années soixante-
dix, les éditoriaux radio-phoniques de Jean-François Kahn ou d'Alain Duhamel sont cités dans les
revues de presse.

La fin d'un monopole ?


Grâce aux progrès de la modulation de fréquence et l'exemple de pays voisins, la France, qui
n'avait eu jusqu'alors que peu de radios pirates, découvre le phénomène des radios libres. Au soir
des élections municipales de mars 1977, Brice Lalonde, sur le plateau de télévision, tire de sa poche
un petit transistor et fait entendre la première Radio-Verte à Paris. « Pirates », « libres » ou «
sauvages », ces radios suscitent un débat dans la presse et les émetteurs plus ou moins clandestins
prolifèrent : écologistes, comme Radio-Verte-Fessenheim ; de contestation politique, comme Radio-
Lorraine-Coeur-d'acier, ou de contestation politique, comme Radio-Riposte pour laquelle François
Mitterrand est inculpé en 1979. Une loi de juin 1978 avait prévu des sanctions dans le cas de non-
observation du monopole de diffusion. Les radios libres, donc illégales, sont de plus en plus
souvent brouillées, puis saisies.
En 1981, la victoire de François Mitterrand éveille l'espoir d'une libération des ondes et provoque
une floraison de nouvelles radios aux préoccupations politiques, commerciales ou culturelles,
souvent en rapport avec la vie associative. La loi du 9 novembre 1981 aménage les dérogations au
monopole pour la diffusion de programmes à modulation de fréquence et celle du 29 juillet 1982
donne leur statut aux radios locales privées, placées sous le régime d'une triple autorisation. La
commission sur les radios locales privées reçoit plus de 2 000 demandes d'autorisation. Le nombre
limité des fréquences disponibles ne permet pas de les satisfaire toutes et des fusions entre
plusieurs radios sont imposées. Des radios exclues continuent d'émettre et, fin 1984, des saisies
interrompent des radios autorisées qui outrepassent les limites de puissance prescrites.

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A Pans surtout, ces radios ont une portée politique ; en province, beaucoup interviennent dans les
élections municipales de 1983 et de nombreuses municipalités financent ou appuient une radio
privée. Ainsi, les radios privées, dites libres, qui avant 1981 donnaient de préférence la parole à des
catégories souvent exclues des grands médias, s'intègrent dans le système d'information. Enjeu
économique depuis que la loi de 1984 les autorise à utiliser la publicité, elles sont aussi un enjeu
politique pour les divers partis, pour la presse écrite et pour les groupes de communication. La
politique de décentralisation renforce aussi leur rôle.
Après l'effervescence et l'euphorie des mois qui suivirent une libération des ondes bientôt
réglementée, les radios privées de la bande FM affrontent avec des succès divers la concurrence
des radios périphériques et des radios nationales. Radio-France installe une quinzaine de radios
locales publiques, avec la collaboration des conseils généraux des départements où elles sont
établies. Ses stations décentralisées disposent d'un personnel, d'un équipement et d'un budget très
supérieurs à ceux des radios privées de province et sont en voie de transformer le système de
l'information locale.
Alors que les feux de l'actualité sont braqués sur les nouvelles techniques de communication :
satellites de télédiffusion, télévision câblée et télématique, la radio retrouve une nouvelle vitalité
en devenant parfois une radio de pays et de proximité, rapprochée de l'auditeur. Ne vit-on pas, le 8
décembre 1984, plusieurs dizaines de milliers de jeunes manifester dans les rues de Paris pour
protester contre la suspension de NRJ, une radio qui a trop dépassé la puissance d'émission
autorisée ? Enjeu politique certes, la radio est aussi un enjeu économique et culturel.

Les ondes font le mur : les radios, armes de propagande de la guerre froide

Il y a d’abord eu Voice of America, lancée pendant que les combats faisaient rage contre le
nazisme. Au temps de l’affrontement avec l’URSS, les États-Unis élargirent encore leur "soft
power" radiophonique en ouvrant deux nouvelles stations dédiées aux peuples bloqués de l’autre
côté du Rideau de fer : Radio Free Europe et Radio Liberty.

Le National Committee for a Free Europe (Comité national pour une Europe libre) est fondé en
juin 1949 à New York2. Radio Free Europe, qui est dès ce moment une radio privée, dépend alors
de cette organisation3. Le siège de Radio Free Europe est installé à Munich et diffuse pour la
première fois le 4 juillet 1950 en ondes courtes pour la Tchécoslovaquie.
L'organisation reçoit ses fonds du Congrès des États-Unis via la Central Intelligence Agency (CIA),
mais aussi des financements privés

Podcast : le grand retour du son

 Histoire d’une radio : la BBC

100 ans de la BBC, un siècle de musique


Le 18 octobre 2022 marque le 100e anniversaire de la première mouture de la British

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Broadcasting Corporation. L’occasion de retracer l’histoire de cette prestigieuse entreprise, et
de découvrir l’importance de la musique au cœur de sa mission d’information, d’éducation et
de divertissement.
Il y a exactement cent ans est née l’une des institutions médiatiques les plus emblématiques
au monde : la British Broadcasting Corporation. Cet événement majeur au Royaume-Uni
marque également la naissance de la première radio nationale de l’histoire.
Après un siècle d’existence, aucune autre institution n'est aussi profondément ancrée dans la
vie quotidienne britannique que la BBC, affectueusement surnommée la « Beeb » par son
public. Incontournable au Royaume-Uni, la BBC a su également étendre sa portée à travers le
monde entier : il est estimé que près d’un demi-milliard de personnes partout dans le monde
lisent, écoutent ou regardent un contenu de la BBC chaque semaine.

Avant la BBC, la musique


La British Broadcasting Company est fondée le 18 octobre 1922. Elle précède ainsi la British
Broadcasting Corporation que l'on connaît aujourd'hui et qui n'existe que depuis le 1er
janvier 1927. Dès le 18 octobre 1922, la BBC représente un consortium commercial de
plusieurs dizaines de fabricants de récepteurs sans fil.
En 1927, cette Company est remplacée par une organisation non-commerciale, désormais
propriété de la Couronne : la British Broadcasting Corporation. Selon la charte royale qui lui
est attitrée, cette nouvelle corporation a pour mission d’informer, d’éduquer et de divertir le
public. Mais au cœur de cette mission se trouve un engagement musical qui existe avant
même sa genèse.

Deux ans avant la fondation de la BBC en 1922, la musique est déjà au cœur de la
radiodiffusion britannique. En effet, la première émission publique en direct est réalisée en
juin 1920, depuis l'usine de la Marconi Wireless Telegraph Company à Chelmsford. À travers
les ondes, la voix de la célèbre soprano australienne Dame Nellie Melba vient captiver
l'imagination du peuple britannique, et marque un tournant important dans l'attitude du
peuple britannique à l'égard de la technologie radiophonique.
Autre phalange musicale incontournable dans l’histoire de la BBC : les Proms. Créé en 1895,
ce festival annuel de musique classique est l’un des moments musicaux les plus importants
du calendrier britannique. En 1927, alors que la BBC devient la Corporation, elle acquiert le
contrôle du prestigieux rendez-vous musical, qui devient alors l’un des projets musicaux
principaux de la BBC, comme l’affirme Alan Davey, directeur de Radio 3 [station
radiophonique britannique homologue de France Musique, ndlr] :
« La musique a toujours été au cœur de la mission de la BBC qui est d'informer, d'éduquer et de
divertir, et c'est un élément clé de ce que nous faisons aujourd'hui. Lorsque les Proms ont
rencontré des difficultés financières dans les années 1920 et que la BBC a pris le relais en 1927,
Sir Henry Wood, le fondateur des Proms, était très enthousiaste car cela donnait une scène
nationale et internationale à l'événement, avec un public de plusieurs millions de personnes,
tant au Royaume-Uni qu'à l'étranger. Ainsi, la musique a pris encore plus d'importance dans la
mission de la BBC, et c'est toujours le cas aujourd’hui, avec notamment ses cinq orchestres et
son chœur. »
Ce n’est pas uniquement pendant les Proms que l’on peut entendre de la musique classique
sur la BBC. De 1946 à 1967, il existe le Third programme, troisième chaîne de la BBC aux côtés
de la Home et la Light. Lorsque la Third est créée en 1946, elle ne diffuse que le soir. Elle

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propose alors généralement une partie musicale, souvent de la musique de chambre ou
symphonique, et des discussions jugées "très cérébrales", dans l’attente d’une écoute active et
attentive de la part de l'auditoire.
En 1967, un remaniement du secteur radiophonique de la BBC mène à la création de la Radio
3, station radio désormais dédiée à la diffusion de la musique classique tout au long de la
journée. Si la part croissante du temps dédié à la musique classique sur les ondes semble être
une bonne chose, ce changement ne manque pas d’interpeller plusieurs figures du monde de
la musique :
« Lorsque Radio 3 a été créée en 1967, nous avions tout de suite de nouvelles heures à remplir
pendant la journée, et il y avait beaucoup d'inquiétudes à l'époque, sur le fait que la musique
classique devienne désormais une musique d'arrière-plan. Certains compositeurs comme
Benjamin Britten étaient très préoccupés par l'idée que Radio 3 diffuse de la musique classique
constamment pendant la journée », explique Alan Davey.
Benjamin Britten craint en effet que la diffusion constante de la musique classique sur les
ondes ne mène progressivement à une écoute « passive » de la part des auditeurs et qu’ils ne
fassent plus réellement attention aux œuvres diffusées. La solution de la part de la BBC est
alors de varier l’offre musicale, avec des moments où l’écoute passive est privilégiée, en
contraste avec d'autres moments où l’écoute active du public est récompensée. « Au fil du
temps, nous avons fait évoluer nos réflexions à ce sujet. […] C'est ça l'art de la radio moderne, en
particulier lorsque vous êtes en concurrence avec d’autres services d’écoute et d'autres
plateformes », ajoute Davey.

Les défis du nouveau siècle

Exactement 100 ans après sa fondation, il est certain que la BBC a réussi sa mission
d’informer, d’éduquer et de divertir. Mais au seuil de ce nouveau siècle, les défis que doit
affronter le média public britannique, comme bon nombre de médias publics à travers le
monde, sont de taille. L'un des défis est notamment de trouver son public, quand celui-ci a
aujourd'hui le choix entre des médias nombreux et variés, à savoir les plateformes de
streaming et les applications de musique sur les portables. Mais ceci n’est pas forcément un
inconvénient, précise Alan Davey :
« Le jeune public comprend clairement la musique classique. Il n'a peut-être pas reçu
d'éducation musicale classique, mais il l'apprivoise en la découvrant par le streaming mais
aussi par des séries ainsi que des playlists éclectiques, qui contiennent tous types de musique.
Ainsi, leur présenter de la musique classique n'est pas un problème. Le défi est plutôt de leur
donner l'occasion de la découvrir. C'est pour cela que nous développons notre présence en
ligne. »
Malgré cet optimisme, une autre menace pèse sur la BBC, à l’instar des médias publics
français : la suppression de la redevance publique. Selon les annonces du gouvernement en
janvier 2022, celle-ci sera définitivement supprimée en 2027, ce qui provoquera un
bouleversement dans le financement de la BBC.
La BBC a choisi une solution originale pour y répondre, à savoir priver son public de ses
contenus. Une étude menée en mai 2022 par la BBC et l’agence de recherche MTM a permis
de révéler l’importance des médias publics dans la vie quotidienne des britanniques. Quatre-
vingt foyers à travers le pays, dont les occupants se disaient opposés à la redevance publique,
ont été privés d’accès aux contenus des médias publics pendant 9 jours : pas de télévision, de

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radio, de concerts, de presse ni de météo, pas d’articles ni d’extraits de séries produites par la
BBC sur les réseaux sociaux. A la fin de l’étude, près de 70 % des participants affirmaient
avoir changé d’avis, ayant sous-estimé leur consommation du contenu des médias publics.
« Je pense que le plus grand défi dans le domaine de la radio diffusion est d’attirer une part de
l'attention des gens pour leur faire voir notre valeur. Nous avons des gens ici qui sont
passionnés par la musique, et ce pouvoir de convocation et de curation dont dispose la radio est
quelque chose que nous avons vraiment besoin de saisir et de développer, ainsi que toutes les
ressources techniques à notre disposition. Il y aura toujours un public qui voudra écouter de la
musique de différentes manières. Nous devons être la meilleure porte d'entrée pour écouter ou
découvrir la musique », conclut Alan Davey.

La BBC fête ses 100 ans, mais “son existence est terriblement fragilisée”
La BBC a tout juste un siècle. Créée le 18 octobre 1922, la BBC (British Broadcasting
Corporation), qui regroupe radio, télé et site internet, fait figure de légende vivante dans
l’univers des médias. 22 000 salariés dont 6 000 journalistes, une quarantaine de
programmes en langues étrangères, des émissions cultes et des shows suivis et adorés par
les Britanniques depuis des décennies… La « Beeb » tient une place singulière dans le
paysage culturel du Royaume-Uni, mais est la cible de nombreuses attaques des
gouvernements conservateurs. L’historien David Hendy, auteur de l’ouvrage The BBC. A
People’s History, revient sur sa création et les défis que le groupe relève aujourd’hui.

Pour saisir l’âme de la BBC et comprendre son lien intrinsèque avec le public, il faut
remonter à ses origines et à la philosophie insufflée par ses fondateurs en 1922 : trois
pionniers utopistes – John Reith, Cecil Lewis et Arthur Burrows – profondément marqués
par la Première Guerre mondiale et animés d’un désir de changer le monde. Ils ne sont pas
intéressés par l’outil radio en soi mais par le désir de diffuser des programmes culturels,
éducatifs, destinés au plus grand nombre. Ils sont convaincus que l’art, la musique, les
débats peuvent être les ciments pour créer une nouvelle unité nationale. Et qu’ils peuvent
utiliser ce nouveau médium pour diffuser des informations vérifiées et non biaisées
comme c’était le cas pendant la guerre. Cet ethos fondateur est à la fois conservateur –
créer une identité culturelle britannique commune – et social-démocrate, dans sa volonté
de divertir et d’informer en toute impartialité, la majorité des auditeurs britanniques.
L’ADN de la BBC, dont la devise reste encore aujourd’hui Inform, educate,
entertain (« Informer, éduquer, divertir »), est là dès sa naissance.

Parce qu’elle naît bien avant les chaînes commerciales et dispose alors d’une position de
monopole, la BBC occupe très vite une place centrale dans les foyers britanniques dont elle
devient la bande-son. Au fil des décennies, ses programmes s’imposent au quotidien : on
commence sa journée avec Today sur Radio 4, pour la terminer avec le grand journal
télévisé, Newsnight. On se divertit avec EastEnders, l’un des shows les plus célèbres de la
chaîne, et on révise même aujourd’hui ses cours en ligne avec Bitesize [Quiz de révisions
dont la popularité a explosé lors du confinement, ndlr].

Lorsqu’elle lance son site internet, au début des années 1990, il devient tout de suite le plus
populaire du pays. Pionnière, elle crée, en 2007 la version en ligne de ses programmes, qui,

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selon l’aveu de l’un des directeurs de Netflix, ouvrira la voie et inspirera les futures
plateformes de streaming. La BBC a réussi à s’adapter et à rester proche de la société du
Royaume-Uni qu’elle ausculte sans cesse et dont elle se veut le reflet. Il y a entre les deux
une relation très forte, presque passionnelle et quasi personnelle. Chez les Britanniques, il
y a aussi ce sentiment, inconscient, que la BBC – qu’ils financent via la redevance – leur
appartient un peu.

Près de 90 % des Britanniques continuent d’écouter, de regarder ou de lire en ligne la BBC


chaque semaine. Elle reste la chaîne la plus plébiscitée du pays, notamment lors de grands
événements comme, récemment, les funérailles de la reine. Aux yeux du peuple, la
Beeb siège au même rang que l’Église, le Parlement ou la monarchie. Elle fait partie, encore
aujourd’hui, de notre tissu identitaire et de notre patrimoine national. À tel point que le
public considère sa présence comme acquise alors que son existence est terriblement
fragilisée. Ce ne sont pas les plateformes qui menacent son avenir. Elle n’est pas liée à vie aux
formats télé et radio et peut tout à fait se réinventer en ligne si elle en a les moyens, comme
elle l’a prouvé par le passé. Sur Netflix, certains programmes à succès (Peaky
Blinders, Fleabag, Planet Earth) sont ainsi des productions de la BBC.
Le réel danger vient des ultra-conservateurs qui ne renouvelleront sans doute pas la charte
royale en 2027 telle qu’elle existe aujourd’hui. Si la BBC devenait alors un service auquel on
peut s’abonner, donc réservé à une minorité et avec un financement encore moindre, elle
perdrait l’essence même de sa philosophie première, celle d’offrir un riche éventail de
programmes au plus grand nombre… Cela signifierait la fin de cette idée d’une démocratie
culturelle pour la société.

2. La révolution de l’image

Il était une fois… la télévision : https://enseignants.lumni.fr/parcours/1129/il-


etait-une-fois-la-television.html

Dès la fin des années 1930, de grands événements sont retransmis à la


télévision (JO de Berlin, couronnement de George VI en Angleterre). Le public
est alors restreint, mais ces retransmissions révèlent les possibilités de ce
nouveau média.

Freiné par la guerre, le véritable essor de la télé intervient après 1945. A partir
de 1960, elle devient la source d’information dominante et influence l’opinion.
Elle cohabite avec la radio et devient un outil de communication politique. Le
débat télévisé entre Kennedy et Nixon en 1960, ou l’usage qu’en fait Charles de
Gaulle dès 1958. La diffusion des grands événements (en 1953 le couronnement
d’Elisabeth II) et les retransmissions sportives attirent le public.

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L’ORTF, histoire de la TV : https://www.youtube.com/watch?v=Qtktg5QnpZw

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