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Thème

4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication



A) Les grandes révolutions techniques de l’information

1) L’information imprimée : de la diffusion de l’imprimerie à la presse à grand tirage
1.1) La révolution de l’imprimé
1.2) Vers une information universelle : le projet des Lumières
1.3) Des révolutions techniques à l’origine d’une révolution de l’information
1.4) La Belle Époque, âge d’or de la presse écrite

2) L’information par le son et l’image : radio et télévision au XX° siècle
2.1) La radio : instantanéité et profondeur de diffusion
2.2) La télévision : la consécration de l’image

3) L’information mondialisée et individualisée : naissance et extension du réseau Internet
3.1) Internet : l’information en réseau
3.2) L’ère d’Internet : la coexistence de tous les médias

B) Liberté ou contrôle de l’information

1) L’information dépendante de l’opinion ? L’affaire Dreyfus et la presse
1.1) L’enracinement de la république et l’essor de la presse
1.2) Le traitement médiatique de l’affaire Dreyfus

2) L’information entre le marché et l’État : histoire de l’Agence Havas et de l’AFP
2.1) La première agence de presse : l’agence Havas
2.2) De 1945 à 1981 : renouveau démocratique et nouveaux médias
2.3) De 1981 à nos jours, libéralisation et difficultés économiques

3) Information et propagande en temps de guerre : les médias et la guerre du Vietnam
3.1) Guerres et contrôle des médias
3.2) La médiatisation de la guerre du Vietnam (1964-1973)

C) L’information à l’heure d’internet

1) De la source unique contrôlée par l’État à l’information fragmentée et horizontale
1.1) Une information fragmentée
1.2) Une information de plus en plus horizontale
1.3) Témoignages et lanceurs d’alerte

2) Information et réseaux sociaux
2.1) De nouvelles sources d’information
2.2) Réseaux sociaux et nouveaux acteurs de l’information
2.3) Face aux réseaux sociaux, un nouveau journalisme ?

3) Les limites de l’information sur Internet.
3.1) Les menaces sur la fiabilité de l’information
3.2) Des réseaux entre complotisme et désinformation.
3.3) Contrôler Internet ?

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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

P196-259
Caricature «L’animal de compagnie du président, Nate Beeler, 2017 »

Vocabulaire et notions
Agence de presse Agrégateur d’informations
Biais de confirmation Blog
Bourrage de crâne Bulle de filtre
Censure CSA
Data journalisme Dépêche
Espace public Fake news / infox
Hacker Hypermédiatisation
Internet Journaux d’information
Journaux d’opinion Lanceur d’alerte
Média Média de masse
Médias sociaux Mondovision
Opinion publique Presse de référence
Propagande Pure player
Radio libre Réseau social
Rotative Rumeur
Scoop Support de communication
Théorie du complot TIC
Transistor Une
World Wide Web

Acteurs
Théophraste Renaudot (1586-1653) Pierre Lazareff (1907-1972)
Charles-Louis Havas (1783-1858) Walter Cronkite (1916-2009)
Émile de Girardin (1806-1881) Bob Woodward (1943)
Émile Zola (1840-1902) Carl Bernstein (1944)
Georges Clémenceau (1841-1929) Donald Trump (1946)
Édouard Drumont (1844-1917) Nick Ut (1951)
Joseph Pulitzer (1847-1911) Steve Jobs (1955-2011)
Jean Jaurès (1859-1914) Julian Assange (1971)
William Randolph Hearst (1863-1951) Edward Snowden (1983)
Bernard Lazare (1865-1903) Mark Zuckerberg (1984)
Albert Londres (1884-1932)










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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

Dates
La Bible, premier livre imprimé par Gutenberg : 1455 L’Humanité : 1904
Création du Dépôt légal en France : 1537 Première émission de radio : 1914
Le pape créé l’Index des livres interdits : 1559 Première émission de télévision : 1926
La Gazette de Renaudot : 1631 Le Monde : 1944
Diffusion de l’Encyclopédie : à partir de 1751 Agence AFP : 1944
The Times : 1785 Premier journal télévisé : 1949
Presse à imprimer à vapeur : 1820 Eurovision : 1954
Le Figaro : 1826 Mondovision : 1962
Développement du télégraphe électrique : à partir Guerre du Vietnam : 1964-1973
de 1830
Agence Havas : 1835 Offensive du Têt : janvier 1968
La Presse de de Girardin : 1836 Réseau Arpanet : 1ier septembre 1969
Imprimerie rotative : 1845 Premier PC : 1976
New York Times : 1851 Loi sur la communication audiovisuelle libre : 29
juillet 1982
Washington Post : 1877 Invention du World Wide Web : 1990
Loi sur la liberté de la presse : 29 juillet 1881 Internet grand public : 1994
Affaire Dreyfus : 1894-1906 Premier smartphone : 2007
Télégraphie sans fil (TSF) : 1898 1 milliard d’internautes : 2008
Les Protocoles des Sages de Sion : 1901


Dossier p198-199 « Une pratique différente de l’information : plus libre, plus massive, plus complexe »

Introduction

L’agora, espace public du débat politique, est constitutif des sociétés démocratiques : c’est le lieu de l’échange
d’arguments, de la publicité des discours et des décisions qui participent à la formation d’une opinion
publique. Le territoire de la polis s’élargit, d’abord progressivement, avec l’adoption de l’imprimé au XV°
siècle, puis de manière exponentielle avec l’apparition des médias de masse au XIX°, presse à grand tirage
radio, télévision et Internet. Cette démocratisation de la parole publique est prise en charge par les médias qui
proposent une image du réel par la collecte de faits, puis la diffusent auprès de citoyens qui, à leur lumière, se
forgent une opinion, à l’origine de la prise de décision politique.
Les mutations technologiques influencent profondément le périmètre et la nature de cet espace
démocratique : l’accroissement de la collecte des informations, de la profondeur et de la vitesse de leur
diffusion, la massification des récepteurs, et plus récemment des émetteurs, révèlent les tensions entre raison
et émotion, fait et opinion, et bouleversent la hiérarchie entre journalistes et consommateurs d’informations
jusqu’à remettre en cause la fonction même des médias dits « traditionnels »

Problématiques
Quelles sont les conséquences des mutations technologiques sur la fabrique et la diffusion de l’information ?
Quels liens la démocratie entretient-elle avec la liberté d’information en France depuis la fin du XIX° siècle ?
La presse suit-elle ou fait-elle l’opinion ?
Pourquoi les périodes de guerre sont-elles difficiles pour la liberté de la presse ?
Comment Internet a-t-il bouleversé le monde de l’information ?

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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

A) Les grandes révolutions techniques de l’information

Photo p202 « Bible polyglotte de Christophe Plantin, 1568-1572 »
Photo p203 « Data center de Facebook à Lulea en Suède, 2013 »

Quelles sont les conséquences des mutations technologiques sur la fabrique et la diffusion de l’information ?

1) L’information imprimée : de la diffusion de l’imprimerie à la presse à grand tirage
Texte 3 p205 « 1789-1792 : trois années de liberté de la presse »

En quoi la création de l’imprimerie a-t-elle permis une diffusion plus large et plus fiable de l’information ?
Pourquoi la circulation de l’information s’accélère-t-elle encore au XIX° siècle ?

1.1) La révolution de l’imprimé
Dossier p204-205 « L’information imprimée et sa lente diffusion « XVI° - XIX° siècle »

Vers 1450, Gutenberg invente l’imprimerie moderne. La technique de l’impression est maîtrisée par les
Chinois dès le VIII° siècle et les caractères mobiles sont utilisés par les Coréens au XIII° siècle. Mais l’imprimeur
de Mayence est le premier à combiner une presse à vis et des caractères mobiles en métal. Ceux-ci
permettent de rendre les textes plus lisibles, de réduire le coût et le temps de production et donc d’accroître
la diffusion de l’information.
L’imprimerie se développe rapidement en Europe. Vers 1500, le continent compte environ 250 ateliers
d’imprimeurs. Entre 1455 et 1500, 12 millions d’ouvrages sont imprimés dans une Europe peuplée de 100
millions d’habitants, dont seulement 2 à 3 millions savent lire. Cette circulation des connaissances est au cœur
du projet des humanistes. La colonisation européenne permet aussi d’exporter l’imprimerie sur les autres
continents : à Mexico en 1539, à Goa en 1556, Lima en 1583, à Manille en 1593.

Les imprimeurs ne produisent plus seulement des œuvres religieuses en langue latine. Ils publient également
des livres profanes en langue vernaculaire, comme La Chronique de Nuremberg en 1493 qui prétend raconter
l’histoire du monde.
Les ateliers impriment aussi des textes d’informations diffusés par les colporteurs. Il peut s’agir
« d’occasionnels », comptes rendus d’évènements jugés importants, ou de « canards » qui relatent des faits
divers étranges ou terrifiants. Rapidement les souverains comprennent la nécessité de contrôler la
publication d’informations.

Dès le XIV° siècle, des « nouvelles à la main » circulent en France et en Italie. Ces périodiques manuscrits
présentent l’essentiel de l’actualité d’une ville ou d’une région. En 1605, à Strasbourg, Johann Carolus imprime
la toute première gazette et publie chaque semaine des informations politiques, diplomatiques et militaires. Il
est imité en 1631 par Théophraste Renaudot qui lance la Gazette de France, premier journal français.

1.2) Vers une information universelle : le projet des Lumières

En France, l’imprimerie est contrôlée par le pouvoir royal. La censure est assurée par la direction de la
Librairie, qui vérifie les manuscrits avant d’autoriser leur publication par les imprimeurs-libraires parisiens,
seuls habilités à publier des livres inédits.

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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

Il est toutefois possible de contourner le système. Les libraires de province ne respectent pas toujours le
monopole parisien et publient des livres de contrefaçon. Surtout, les imprimeurs des pays frontaliers (Bâle,
Neuchâtel, Genève) sont spécialisés dans la production et la diffusion en France de livres interdits, politiques
ou pornographiques.

L’aventure de l’Encyclopédie est une aventure culturelle et intellectuelle novatrice. L’objectif est de faire la
synthèse de tous les savoirs de l’époque. Pour cela, il faut aussi bien manipuler les sciences, révolutionnées au
XVII° siècle par Galilée et Newton, que la philosophie des Lumières ou les techniques. Diderot et d’Alembert
collaborent avec 120 auteurs pour rédiger les 72 000 articles du Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et
des métiers (1751-1772).
Le projet est plébiscité par le grand public éclairé. La publication, entravée par la censure royale en 1752, puis
par la condamnation de l’Église en 1759, est néanmoins menée jusqu’au bout, parfois de manière clandestine
(Cf. l’attitude équivoque de Malesherbes, directeur de la Librairie). A la veille de la Révolution, 25 000
collections des 17 volumes de l’Encyclopédie ont été vendues dans toute l’Europe.

1.3) Des révolutions techniques à l’origine d’une révolution de l’information

L’utilisation des nouvelles sources d’énergie révolutionne le transport. Suite à la première industrialisation, le
chemin de fer se développe. Les premières lignes ferroviaires transcontinentales sont ouvertes aux États-
Unis en 1869 et en Russie en 1904. Les voies ferrées couvrent progressivement « l’ensemble » de la planète :
35 000 km en 1850, plus de 1 million en 1914. L’utilisation industrielle du pétrole à partir de 1850 et la mise au
pont du moteur à explosion vers 1880 permettent ensuite le développement de l’automobile et de l’aviation.
La maîtrise de l ‘électricité, sur laquelle repose la seconde industrialisation, permet l’essor des
télécommunications. La transmission d’informations à distance est facilitée par l’invention du télégraphe
électrique puis du téléphone. La diffusion de ce dernier, principalement aux États-Unis, montre le rôle
croissant du Nouveau Monde dans le domaine technologique. En 1901, la première transmission radio
transatlantique est réalisée grâce à la mise au point de la télégraphie sans fil (TFS). Dans le domaine de
l’image, l’Américain Edison réalise les premiers films en 1891 et les frères Lumières en 1895.

Ces progrès permettent de raccourcir les distances et d’accélérer la diffusion des informations à toutes les
échelles. Si la mise au point du navire à vapeur a permis de diviser par trois le temps que met une information
pour traverser l’Atlantique, l’utilisation du télégraphe permet de le diviser par dix. Les agences de presse,
comme l’agence Havas fondée en France en 1835, utilisent ainsi le téléphone et le télégraphe afin de
collecter et de transmettre l’information plus rapidement. Ces bouleversements accroissent l’interconnexion
entre les différents territoires de la planète et alimentent ainsi le processus de mondialisation.
La maîtrise de la communication est aussi un outil de pouvoir. Si le Royaume-Uni domine le monde à la fin du
XIX° siècle, c’est aussi parce qu’il contrôle l’information commerciale et financière grâce à un réseau
télégraphique puis téléphonique intercontinental. Ce réseau relie par exemple Londres à Melbourne en 1872.








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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

1.4) La Belle Époque, âge d’or de la presse écrite
Texte 6 p206 « Emile de Girardin et les premiers journaux bon marché »

L’imprimerie entre dans l’ère industrielle de la production de masse grâce à deux innovations. La rotative
remplace progressivement la presse traditionnelle à partir de 1860. Dans les années 1880, la linotype facilite
la composition des textes à imprimer, car il n’est plus nécessaire d’insérer les caractères mobiles un à un.
Ces progrès techniques révolutionnent l’édition. Ils permettent de grands volumes de texte dans des délais
beaucoup plus courts. Ils rendent ainsi possible le développement de la presse quotidienne autour de 1900,
grâce à une réactivité impossible auparavant.

La liberté de la presse est renforcée. Instituée en Angleterre en 1695, elle est consolidée au XIX° siècle avec la
réduction de la taxe sur les journaux, qui empêchait une partie de la population d’y accéder. En France,
théoriquement garantie depuis 1789 par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen, la
liberté de la presse est remise en cause pendant tout le XIX° siècle. Il faut attendre la III° République et la loi
du 29 juillet 1881 pour qu’elle soit inscrite dans la loi : les journaux peuvent alors paraître librement, sans
autorisation préalable.
Parallèlement, un large public se constitue. Dès 1871, le taux d’alphabétisation atteint 88%. En Italie, il passe
de 20% à 50% entre 1861 et 1901. En France, les lois de Jules Ferry sur l’instruction publique (1881-1882)
parachèvent un commencé dès le début du XIX° siècle (loi Guizot en 1833) : à la veille de la Première Guerre
mondiale, 95% des français savent lire et écrire.

Lire la presse devient une pratique quotidienne. Les Français sont les plus grands lecteurs du monde : le tirage
des journaux est multiplié par trois entre 1880 et 1914, 9 millions de journaux sont vendus chaque jour en
1913 et on dénombre 60 titres parisiens et 250 en province. Les ventes sont dominées par les grands
quotidiens populaires, comme Le Petit Journal, journal le plus au monde dans les années 1890. Le Petit
Parisien tire à 1 400 000 en 1913 ! Ces titres cherchent à s’adapter aux attentes du lecteur en privilégiant les
faits divers et les divertissements.
La presse d’opinion, moins diffusée, n’en demeure pas moins très influente. Chaque mouvement politique
fonde son journal et la presse engagée couvre tout l’éventail politique (L’Action française, royaliste ; La
Lanterne, anticlérical ; La libre Parole, nationaliste et antisémite ; l’Humanité, socialiste ; La Croix, catholique ;
Le Temps, centre gauche et le Figaro de droite). Cette presse d’opinion est à l’origine d’une dynamique
civique : le citoyen a dorénavant les moyens de lire le journal pour se forger une opinion et participer au
débat démocratique

Conclusion
La production, la diffusion et la consommation des informations ont longtemps été réservées à une élite de
lettrés. Avec l’imprimerie à partir du XV° siècle, bouleversée par la révolution industrielle et le développement
de l’économie libérale au XIX° siècle, l’essor de la grande presse accompagne la constitution des sociétés
démocratiques.







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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

2) L’information par le son et l’image : radio et télévision au XX° siècle
Photo 3 p209 « Les ondes, instruments politiques, juin1940 »
Photo « Pétain à Radio Vichy, 1940 »

2.1) La radio : instantanéité et profondeur de diffusion

La radio apparaît au début du XX° siècle avec la technique de la télégraphie sans fil (TSF). Utilisée à des fins
militaires pendant la Première Guerre mondiale, elle se répand dans les usages civils en Europe et aux États-
Unis où les premiers programmes radiophoniques réguliers sont diffusés dès 1920. Ailleurs, les premières
stations de radio publiques sont créées : Radio Tour Eiffel en 1921, Radio Milan en 1926.
Le monopole de l’État sur la radio est vite contesté par des stations privées. Toutefois, les situations sont
diverses : en Italie, en Allemagne et en Grande Bretagne, l’emprise de l’État reste forte et la publicité est
interdite ; aux États-Unis, les radios privées et la publicité dominent ; en France, secteurs public et privé
cohabitent.

En Occident, la radio se développe rapidement dans les années 1930. Des émissions quotidiennes variées
(musique, information, fictions) sont diffusées et rythment la vie d’un nombre d’auditeurs croissant : 9
millions d’Anglais, 13 millions d’Allemands, 5 millions de Français possèdent une radio à la veille de la Seconde
Guerre mondiale. Aux États-Unis, où presque 40 millions de postes ont déjà été vendus, 7 habitants sur 10
écoutent régulièrement la TSF.
Pendant la Seconde guerre mondiale, la radio devient un moyen d’information essentiel. Ce média univoque
et omniscient est un des outils de contrôle de l’information et des populations qui permet aux régimes
fasciste en Italie, et nazi en Allemagne de consolider leur dictature dans les années 1930. Après 1939, elle est
utilisée par les États en guerre et les mouvements de résistance à des fins de propagande. En France, « la
guerre des ondes » oppose Radio Vichy, station officielle de l’État français du maréchal Pétain, à Radio
Londres sur la BBC qui sert de relai entre la France libre conduite par le général De Gaulle et la résistance
intérieure.
L’invention du transistor en 1954 marque une nouvelle étape. En effet, il permet le développement des radios
portatives moins couteuses pouvant être écoutées individuellement. L’audience s’élargit et se diversifie dans
les années 1960, accompagnant la naissance de la radio moderne qui se diffuse partout en Europe et aux
États-Unis et devient un média de masse. Conséquemment, l’offre est de plus en plus segmentée. En France
par exemple, Salut les Copains sur Europe 1, est le symbole de la constitution d’une nouvelle catégorie
d’auditeurs spécifiques : les « jeunes ».

2.2) La télévision : la consécration de l’image
Photo 8 p211 « 26 septembre 1960, premier débat présidentiel télévisé ; Nixon – Kennedy »

Dès la fin de 1930, de grands évènements sont retransmis à la télévision (les JO de Berlin en 1936, le
couronnement de Georges VI en Angleterre). Toutefois, le public est encore très restreint, mais ces
retransmissions révèlent les possibilités de ce nouveau média.

Freiné par la guerre, le véritable essor de la télévision commence après 1945. Elle se diffuse rapidement aux
États-Unis et en Grande Bretagne, plus tardivement dans le reste de l’Europe. Alors que 20 000 récepteurs
fonctionnent dans la région londonienne en 1939, la France n’en compte que 300.


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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

A partir des années 1960, la télévision devient une source d’information dominante et influente sur l’opinion.
Elle cohabite avec la radio et dévient un outil de communication politique. Le débat télévisé entre Les
candidats John Kennedy et Richard Nixon à la présidence des États-Unis en 1960 ou l’usage qu’en fait le
général de Gaulle à partir de son accès au pouvoir en 1958 (conférence de presse, adresse directe aux
Français) en sont des manifestations.

La diffusion des grands événements permet un essor fulgurant. En 1953, pour le couronnement de la reine
Élisabeth II, la télévision dépasse pour la première fois la radio en audience. La retransmission des grandes
compétitions sportives attire le public (Coupes du monde de Football, Jeux Olympiques, basket, football
américain, base-ball aux États-Unis). L’assassinat du président des États-Unis John Kennedy en 1963, les
premiers hommes sur la lune en 1969, la guerre du Vietnam de 1964 à 1973, les guerres au Proche et Moyen-
Orient depuis la guerre des 6 jours en 1967, la prise d’otage de Munich en 1972, celle des diplomates états-
uniens de l’ambassade d’Iran en 1979, l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine en 1986, la
révolution roumaine en 1989 ou la chute du mur de Berlin la même année, les attentats du 11 septembre
2001 sur les États-Unis sont retransmis dans le monde entier, parfois en direct.

Même si elle est initialement révélée par Bob Woodward et Carl Bernstein, journalistes au Washington Post,
l’affaire du Watergate qui éclate en 1972, dans laquelle le président des Etats-Unis Richard Nixon est
impliqué, est reprise par les grands réseaux de télévision qui livrent les informations, retransmettent en direct
les commissions parlementaires et les interventions de Richard Nixon. Ecrasé par une pression médiatique
soutenue et inquiété par la menace d’une procédure d’impeachment, le président est contraint à la démission
le 9 août 1974. La presse d’investigation, garante des libertés publiques, est alors considérée par certains
comme un quatrième pouvoir.

Notons que cette presse peut être parfois instrumentalisée par un pouvoir. Ainsi, en 2003, de fausses
informations sur l’arsenal de l’armée irakienne obtenues « officieusement » par les journalistes, sont diffusées
par le New York Times et le Washington Post. Ces journaux participent ainsi à la formation d’une opinion
publique majoritairement favorable à l’intervention de l’armée étatsunienne en Irak.

A ses débuts, dans de nombreux États européens, la télévision reste dépendante du pouvoir. En France,
l’ORTF contrôle ainsi les programmes : il faut attendre 1974 pour que le monopole d’État sur l’audiovisuel soit
assoupli et 1982 pour qu’il soit supprimé. A contrario, aux États-Unis, les chaînes sont essentiellement
privées et commerciales.

Conclusion
Au XX° siècle, avec la généralisation de la radio puis de la télévision, les médias perdent en indépendance ce
qu’ils gagnent en audience et en capacité de persuasion. L’émotion liée au son et à l’image pénètre dans la
plupart des foyers. C’est l’avènement des médias de masse.








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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

3) L’information mondialisée et individualisée : naissance et extension du réseau Internet
Graphique 5 p214 « Un monde connecté »

3.1) Internet : l’information en réseau

Développé par l’armée étatsunienne dans les années 70, étendu aux universitaires dans les années 80,
Internet devient un réseau accessible au grand public dans les années 90. C’est le média qui connaît la plus
forte croissance de l’histoire des moyens de communication. C’est une révolution dans l’accès à l’information
qui bouleverse l’équilibre des médias. En 2018 on compte 4,3 milliards d’internautes dans le monde.

C’est un média d’information interactif. Chacun peut produire une information et la diffuser instantanément
dans le monde entier, ce qui pose la question de la fiabilité des sources. Le développement des smartphones
et des tablettes a permis à chaque utilisateur d’avoir accès à l’information partout et à tout moment.

3.2) L’ère d’Internet : la coexistence de tous les médias

La concurrence d’Internet, qui peut se substituer aux médias traditionnels, pousse ces derniers à s’adapter. La
plupart des journaux, des radios et chaînes de télévision propose aujourd’hui des contenus en ligne. Le
Washington Post décide en 1998 de rendre accessible l’intégralité de son contenu sur Internet : en un an, le
journal passe de 10 000 à 400 000 lecteurs en ligne.

Aujourd’hui, ces trois médias d’information nés au XX° siècle coexistent, se complètent et s’enrichissent
mutuellement. Par l’intermédiaire d’Internet, la radio et la télévision n’ont plus de limite géographique et
peuvent être écoutés et visionnés partout dans le monde. Si la presse imprimée a souffert de l’essor
d’Internet, la radio comme la télévision n’ont pas perdu leur statut de médias populaires.

Conclusion
La généralisation des technologies de l’information et de la communication et de l’Internet au début du XX°
siècle, permet de combiner les différents supports et d’accroître l’immédiateté d’une diffusion toujours plus
large, individualisée et interactive, qui bouleverse les rapports entre émetteurs et récepteurs.

Tableau « Les grandes révolutions techniques de l’information »


B) Liberté ou contrôle de l’information

Photo « Le président Franklin Delano Roosevelt lors d’une émission de radio en 1942 »

1) L’information dépendante de l’opinion ? L’affaire Dreyfus et la presse
Une 3 p221 « J’accuse, l’Aurore, 13 janvier 1898 »

Quels liens la démocratie entretient-elle avec la liberté d’information depuis la fin du XIX° siècle ?
La presse fait-elle ou suit-elle l’opinion ?
Quel rôle la presse a-t-elle joué dans la mobilisation de l’opinion publique durant l’affaire Dreyfus ?


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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

1.1) L’enracinement de la république et l’essor de la presse

La liberté d’information est indissociable de la démocratie. A l’exception des périodes de guerre, cette
dernière est définitivement installée en France depuis la fin du XIX° siècle. Elle repose sur le vote au suffrage
universel qui reflète l’opinion publique générale. Or les citoyens doivent être informés afin de pouvoir faire
leur choix, tandis que leurs opinions doivent pouvoir s’exprimer entre deux votes. C’est alors que les médias
interviennent.

Sous la III° République, la démocratie s’enracine alors que la presse française connaît un âge d’or et devient un
média de masse. La loi du 29 juillet 1881 lui confère une liberté quasi-totale et permet l’apparition de
journaux d’opinion (La Croix, L’Intransigeant) et d’information comme Le Petit Parisien. L’essor de la presse
ouvre alors un espace propice aux débats contradictoires, participant à la formation de l’opinion publique
tout en constituant le reflet. L’affaire Dreyfus (1894-1906) constitue un des meilleurs exemples
d’affrontement politique par presse interposée.

1.2) Le traitement médiatique de l’affaire Dreyfus
Dossier p222-223 « L’affaire Dreyfus, une campagne de presse antisémite et nationaliste »

En décembre 1894, le capitaine Dreyfus est condamné à la déportation sur l’île du Diable pour espionnage. En
novembre 1896, Le Matin publie un bordereau ayant permis de condamner Dreyfus qui entraîne
l’identification du coupable, Esterhazy, par le colonel Picquart. La presse relaie d’abord la condamnation du
capitaine Dreyfus, puis peu à peu, les « preuves » censées justifier sa culpabilité. La lettre ouverte d’Émile
Zola au président de la République, parue à la une de l’Aurore en janvier 1898, relance l’affaire. Dès lors, la
presse alimente un véritable feuilleton judiciaire dans lequel des dizaines de journaux s’engagent pour ou
contre la culpabilité de Dreyfus, pour ou contre la révision du procès. La caricature, simplificatrice et directe,
devient un moyen efficace de diffuser les idées de chaque camp.
En juillet 1898, Picquart est emprisonné et Zola condamné pour son article s’exile à Londres. En août, Jean
Jaurès écrit une série d’articles sur l’affaire dans La Petite République. En juillet 1889, Esterhazy reconnaît sa
culpabilité dans un récit publié par Le Matin. En 1899, Dreyfus condamné au terme de son second procès, est
gracié.

Face aux dreyfusards qui combattent au nom de la justice et des droits de l’homme, les antidreyfusards
défendant l’honneur de l’armée et la raison d’Etat, alimentent une violente campagne antisémite contre le
« Juif Dreyfus », notamment dans La Libre Parole d’Edouard Drumont. Le revirement progressif de la presse,
d’abord majoritairement antidreyfusarde, témoigne du ralliement progressif de la frange républicaine
modérée à l’idée de l’innocence de Dreyfus.
En février 1898, 48 journaux (87% des titres et 92% des tirages) sont antidreyfusards, 3 (5% des titres et 2%
des tirages) sont pour la révision du procès, 2 (7% des titres et 2% des tirages) sont Dreyfusards.
En septembre 1899, 28 journaux (52% des titres et 58% des tirages) sont antidreyfusards, 9 (16% des titres et
27% des tirages) sont pour la révision du procès, 17 (31% des titres et 15% des tirages) sont Dreyfusards.






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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

Psst… et Le Sifflet, deux quotidiens consacrés à la caricature, sont fondés en février 1898 à l’occasion de
l’affaire Dreyfus et se répondent mutuellement pendant toute une année.

« L’affaire Dreyfus a pris naissance et a été porté devant l’opinion publique en 1896, le jour où fut publié dans
Le Matin le fac-similé du fameux bordereau.
Peu à peu, l’affaire se transforma en question politique, divisant le pays et la presse en deux camps ennemis,
prêts à se mesurer, prêts à en venir aux mains. Il a fallu aux caricaturistes, bleus, blancs ou rouges, se déclarer
dreyfusiens ou anti-dreyfusiens, de même que, toujours pour obéir aux nécessités du moment, ils commencent
à s’appeler sémites ou antisémites.
Esclaves de l’actualité, ce grand mal moderne, journaux à images et dessinateurs sont donc forcés de
descendre dans l’arène, chaque fois que surgit un événement nouveau. »
John Grand-Carteret, 1898, journaliste pionnier de l’iconologie.

Conclusion
D’abord contenue dans le huis-clos de la justice militaire, la condamnation du capitaine Dreyfus devient une
affaire quand elle est médiatisée par la presse. Feuilleton judiciaire à sensation qui facilite les ventes, c’est
aussi une affaire politique dans laquelle la presse d’opinion polémique et participe à la division de l’opinion
publique autant qu’elle en est le reflet.

2) L’information entre le marché et l’État : histoire de l’Agence Havas et de l’AFP
Carte « L’AFP dans le monde aujourd’hui »

Comment l’agence Havas devenue AFP se positionne-t-elle face au pouvoir économique et au pouvoir d’État ?
Comment une agence de presse comme Havas, devenue l’AFP, assume-t-elle sa mission d’information ?

2.1) La première agence de presse : l’agence Havas

En 1835, Charles-Louis Havas crée à Paris la première agence d’information internationale : Havas. Dès 1845,
l’adoption du télégraphe garantit aux journaux abonnés des nouvelles régulièrement actualisées. En dix ans,
l’agence s’assure le quasi-monopole de l’information en France. La branche publicité, crée en 1852, finance la
branche information, en permanente évolution technique. Très rapidement, la nature des clients se diversifie
avec l’abonnement aux fils de dépêches d’entreprises et d’administrations.

Entre 1848 et 1851, le modèle fait des émules en Europe puis aux États-Unis. En 1859, pour faire face au coût
élevé des transmissions télégraphiques, les agences Reuter (Londres), Wolff (Berlin), et Havas s’entendent
pour se partager le monde en zone pour la collecte et la diffusion des informations. En 1870, Associated Press
(New York) rejoint cette alliance qui prend fin en 1934.

Le contexte de la Seconde Guerre mondiale, qui requiert la mobilisation de toutes les ressources, facilite la
mainmise des États sur les organes de presse et le rétablissement de la censure à des fins de propagande.
En France, la défaite de 1940 et l’occupation allemande entraînent la suspension de la liberté d’information.
La branche information de l’agence Havas devient l’OFI (office français d’information) sous tutelle des forces
d’occupation. A Londres, des journalistes résistants créent l’AFP (agence française de presse). D’autres créent
en France une agence clandestine, l’agence d’information et de documentation (AID).


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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

2.2) De 1945 à 1981 : renouveau démocratique et nouveaux médias

A la Libération, la démocratie et la liberté de l’information sont rétablies, tandis que la presse est
restructurée. Les journaux ayant continué de paraître sous l’Occupation sont interdits. La presse se diversifie :
la presse quotidienne régionale (Midi Libre, Ouest France) et les magazines d’information se développent
(L’Express, Le Nouvel Observateur) tandis que la presse quotidienne nationale se renouvelle (Le Monde).

En août 1944, d’anciens agenciers et des journalistes issus de la Résistance émettent depuis les locaux d’Havas
la première dépêche de ce qui va devenir l’Agence France-Presse (AFP), placée sous la tutelle de l’État. Elle est
considérée par le pouvoir comme un outil de présence et d’influence sur la scène internationale. Elle est
étroitement liée à la volonté politique de défendre la France dans le monde et de faire entendre sa voix.

En 1957, cette dernière est privatisée et dotée d’un statut spécifique lui assurant ressources (aides de l’État) et
indépendance. L’agence doit répondre à sa mission de produire « de façon régulière, une information
exacte, impartiale et digne de confiance au rayonnement mondial». C’est un organisme autonome doté de
la personnalité civile et dont le fonctionnement est assuré suivant les règles commerciales. L’AFP ne peut tenir
compte d’influences ou de considérations de nature à compromettre l’exactitude ou l’objectivité de
l’information ; elle ne doit, en aucune circonstance, passer sous le contrôle de droit ou de fait d’un
groupement idéologique, politique ou économique.

Contrairement à la presse écrite, la radio et la télévision sont sous monopole d’État. Médias dominants, elles
sont gérées par l’intermédiaire de la RTF (Radiodiffusion-télévision françaises) puis l’ORTF (Office de
radiodiffusion-télévision françaises en 1964). Le gouvernement, par le biais du ministère de l’information,
contrôle et censure le contenu des émissions et les prises de parole politiques.

Des radios « périphériques » (Radio Luxembourg, Europe 1) se développent. Elles émettent de l’étranger pour
faire entendre des voix divergentes de celles des radios officielles. La censure est l’objet de critiques
récurrentes, en particulier lors de la crise de 1968, aboutissant en 1974 à la suppression de l’ORTF et du
ministère de l’information.

2.3) De 1981 à nos jours, libéralisation et difficultés économiques
Dossier p226-227 « L’AFP, une agence de presse de dimension internationale »

Dans le cadre de la mise en œuvre de la généralisation de la liberté de l’information, les radios libres sont
autorisées à émettre, puis la loi du 29 juillet 1982 affirme que « la communication audiovisuelle est libre ».
Le paysage audiovisuel s’enrichit de nouvelles chaînes privées comme Canal + en 1984, la 5° et la 6° en 1985.
La diversification de l’offre télévisuelle s’accélère au début du XXI° siècle, avec le câble, le satellite et la TNT.
Les chaînes d’information en continu, inventées aux États-Unis, se développent en France.

Il existe toujours un service public de l’information. Ce sont les chaînes du groupe France Télévision et du
groupe Radio France. Leur liberté est garantie par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), autorité
indépendante du gouvernement, qui veille au pluralisme politique, défend la liberté de communication
audiovisuelle et participe à la nomination des dirigeants des entreprises publiques de médias.



12
Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

Les médias traditionnels sont cependant entrés dans une période de crise parallèle à celle de la démocratie.
Depuis le début du XXI° siècle, la révolution numérique bouleverse la façon de s’informer. Par ailleurs, la
concentration des entreprises de presse s’accentue. Détenues par des patrons de grandes entreprises (LVMH,
Dassault, SFR), leur dépendance à l’égard du système économique s’accroit, alimentant la défiance des
Français à l’égard des journalistes.

En 1999, le président de l’AFP propose un plan de privatisation de l’agence qui suscite une vive opposition et
est finalement abandonné. En effet, l’État demeure le premier client de l’AFP par le biais d’abonnements qui
représentent la moitié de son chiffre d’affaires. Ni établissement public, ni société privée, l’AFP est une espèce
de coopérative où la presse française est à la fois cliente et administrateur. Agence à vocation mondiale, l’AFP
n’a jamais pu se donner les moyens de cette ambition ou les obtenir auprès de l’État. Comment financer son
développement et ses missions face aux mutations du monde des médias tout en préservant son
indépendance vis à vis de acteurs économiques privés ?

Aujourd’hui, l’AFP est l’une des trois grandes agences mondiales d’information, 201 bureaux dans 151 pays
pour 5000 dépêches par jour en 6 langues. Dans un contexte de forte concurrence, elle est confrontée à un
manque chronique de moyens financiers. En 2017, le budget de l’AFP est composé aux deux tiers de recettes
commerciales, et pour un tiers des sommes versées par l’État en compensation de la mission d’intérêt général
assuré par l’agence. « L’AFP est un actif stratégique du soft power français » Emmanuel Hoog, patron de
l’AFP en 2017.

Conclusion
Produit d’une initiative privée contemporaine du développement du télégraphe, l’agence Havas, devenue AFP
en 1944, est au cœur des enjeux économiques et politiques d’une information mondialisée. Outil planétaire
de collecte d’informations fiables à destination de la presse nationale mais aussi des décideurs politiques et
économiques, c’est aussi un vecteur de diffusion du soft power de la France dans le monde.

3) Information et propagande en temps de guerre : les médias et la guerre du Vietnam
Photo « Soldats américains interrogés par un journaliste de NBC, Vietnam 1970 »

Entre information et propagande, pourquoi les médias peuvent-ils être considérés comme un acteur majeur de
la guerre du Vietnam ?
Comment l’impact médiatique de la guerre du Vietnam explique-t-il en partie la défaite étatsunienne ?

3.1) Guerres et contrôle des médias

En période de guerre, la liberté de l’information est remise en cause, y compris dans les pays démocratiques.
Au XX° siècle, la guerre devient totale et mobilise les civils autant que l’armée. L’État contrôle alors la diffusion
de l’information et utilise les médias comme moyens de propagande.
Les journalistes s’interrogent sur leur positionnement. A la fois journalistes et citoyens, ils sont soumis à une
exigence qui peut devenir contradictoire entre leur devoir d’informer et celui de soutenir leur pays.





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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

Pendant la Première Guerre mondiale, la liberté de la presse, établie en France depuis 1881, est suspendue. La
loi du 4 août 1914 rétablit la censure et, surtout, la presse s’autocensure par esprit patriotique. La
propagande se généralise et devient systématique, on parle alors de « bourrage de crâne ».
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les États exercent toujours un contrôle étroit sur la presse. Ce contrôle
concerne aussi la radio et le cinéma, chargés de mobiliser l’opinion et d’assurer une propagande de masse.
Par exemple, en France, dès 1940, la censure est rétablie. Après la défaite face à l’Allemagne nazie, le
contrôle sur la presse, la radio et les actualités cinématographiques est total : il est effectué par l’Allemagne
en zone occupée, par le gouvernement de Vichy dans la zone Sud. Les médias libres sont ceux de la
résistance : la radio depuis Londres (les résistants gaullistes utilisent la BBC), la presse clandestine des
mouvements de résistance sur le territoire.

3.2) La médiatisation de la guerre du Vietnam (1964-1973)

L’intervention militaire étatsunienne au Vietnam s’inscrit dans le cadre de la lutte contre l’expansion du
communisme. Elle se traduit d’abord par des bombardements massifs sur le Nord-Vietnam, puis par la
présence d’un contingent toujours plus nombreux de soldats pour assurer la défense et l’existence du Sud-
Vietnam (23 000 en 1965, 540 000 en 1969).

Photo 1 p228 « Kennedy en conférence de presse en novembre 1961 »
L’armée, dont les conférences de presse quotidiennes fournissent les informations officielles sur le conflit, a
reçu comme consigne de faciliter le travail des journalistes qui disposent d’une grande liberté pour se
déplacer. Les premiers reportages insistent sur le quotidien des GI’s et interrogent peu les raisons du conflit
dont la légitimité n’est pas remise en cause.

En janvier 1968, l’offensive du Têt, lancée par les Viêt-Cong et les soldats nord-vietnamiens qui assaillent
simultanément une centaine de villes du Sud-Vietnam, constitue un tournant. En effet, bien que cette
offensive soit un échec militaire, elle est filmée en direct par les caméras des journalistes occidentaux. Ainsi
vécue en direct à la télévision, elle fait littéralement entrer la guerre dans les foyers étatsuniens.
« La guerre survenait en direct, dans les rues, devant les journalistes et les caméras des actualités.
Normalement, les responsables encadrent les images de télévision de leurs explications à partir desquelles les
journalistes construisent leur commentaire en voix off.
L’offensive du Têt a perturbé pendant un temps cette relation étroite entre les sources et les messages
télévisés.
L’image a submergé la parole »
R. Entman et D. Paletz, La guerre du Vietnam et l’opinion publique américaine, 1991.











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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

Vidéo « La carrière de W. Cronkite en 10 dates »
Texte 9 p231 « Un journaliste retourne l’opinion publique »
Photo « Cliché d’Eddie Adams paru à la une du New York Times le 2 février 1968 »
Texte « Eddie Adams en 2001 »
Une « The plain dealer, 20 novembre 1969 »
Photo 5 p230 « Montrer la réalité crue : le rôle du journalisme de guerre »
En exprimant leurs doutes sur la capacité des États-Unis à sortir vainqueurs d’un conflit en permanente
escalade et en témoignant du quotidien de la guerre (dégâts physiques et psychologiques des GI’s,
bombardements, victimes civiles, crimes de guerre), les médias participent au retournement progressif de
l’opinion publique. De son côté, la propagande nord-vietnamienne utilise à son profit les mêmes images
pendant que ses reporters photographes immortalisent la lutte du peuple vietnamien contre « l’impérialisme
américain ».
Les commentaires du journaliste le plus populaire des États-Unis, Walter Cronkite sur CBS, constatant l’échec
militaire de l’armée américaine, la photographie d’Eddie Adams parue à la une du New York Times le 2 février
1968 (prix Pulitzer 1969), celle Nick Ut (prix Pulitzer 1973), la médiatisation du massacre de Mi Lay,
participent entre autres, à l’érosion du soutien public à la cause américaine au Vietnam. Les partisans de
l’escalade sont 50% en 1967, 25% en 1971, ceux du retrait, sont 10% en 1967, 70% en 1971. La manifestation
pacifiste massive le 24 avril 1971 à Washington incarne cette tendance.

Toutefois, le président Nixon promet le retrait progressif des troupes étatsuniennes du Vietnam et la
« vietnamisation » du conflit dès novembre 1968. Le 12 août 1972, les dernières troupes terrestres de combat
étatsuniennes quittent le Sud-Vietnam et les accords de Paris le 27 janvier 1973 mettent fin au conflit. Le 29
mars 1973, les dernières troupes étatsuniennes quittent le Sud-Vietnam.

Texte 9 p211 « La guerre du Golfe en 1991 : l’histoire en direct »
A la fin de la guerre, le gouvernement étatsunien considère les images « chocs » de la guerre comme l’un des
premiers facteurs d’affaiblissement du soutien des citoyens. Lors de la guerre du Golfe en 1991, l’armée, forte
des leçons de la guerre du Vietnam, limite considérablement la liberté des journalistes au profit d’une
propagande assumée.

Conclusion
L’encadrement de l’opinion publique en période de guerre, en fortiori dans les régimes démocratiques, est
une nécessité difficile à concilier avec la liberté de la presse. Les médias, soumis aux contraintes patriotiques,
deviennent des outils de la guerre. Dans le cadre de conflits idéologiques ou coloniaux plus lointains,
l’unanimité de l’union sacrée peut être remise en cause par le dévoilement par la presse de la réalité crue de
la guerre, comme lors de la guerre du Vietnam. Depuis, la maîtrise de la communication devient un enjeu
militaire à part entière.

Tableau « Liberté ou contrôle de l’information, un débat politique fondamental »







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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

C) L’information à l’heure d’internet

Image « Citation prêtée à Abraham Lincoln »

Comment la révolution numérique a-t-elle transformé le paysage médiatique et le rapport à l’information ?
Tous journalistes ?
Pourquoi Internet est-il un support privilégié de la propagation des théories complotistes ?


1) De la source unique contrôlée par l’État à l’information fragmentée et horizontale
Une « Edward Snowden seul face à l’Amérique, Der Spiegel, juillet 2013 »

1.1) Une information fragmentée

La prolifération des sources d’information est un défi pour les médias traditionnels. La presse, grande
perdante de la révolution numérique (baisse du nombre de tirages et disparition de nombreux titres), a dû
s’adapter. Depuis les années 2000, le data journalisme et les pure players renouvellent l’offre journalistique.
Ils proposent une information dont les analyses s’appuient sur des grilles de lecture alternatives et une
affirmation d’indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques et économiques.

L’information audiovisuelle a également traversé une période de mutations technologiques sans précédent
(satellite, haut débit, TNT) et a dû faire face à l’apparition de nouveaux acteurs comme les chaînes
d’informations en continu.

Le rapport à l’information devient ainsi de plus en plus fragmenté. L’offre s’individualise et devient de plus en
plus catégorielle en visant des groupes définis politiquement et sociologiquement. Ainsi, les biais de
confirmation se renforcent et participent à l’archipellisation d’une opinion publique de plus en plus difficile à
saisir malgré la multiplication des enquêtes d’opinion par les instituts de sondage.

1.2) Une information de plus en plus horizontale

Si la majorité des individus continue d’utiliser les sources classiques (presse écrite, radio, télévision) pour
s’informer, les jeunes générations privilégient l’usage d’Internet : les sites d’information et les réseaux sociaux
(64% des 16-24 ans utilisent Internet pour s’informer en 2017 selon l’INSEE). Le numérique change la nature
de la transmission de l’information qui perd sa verticalité, des médias vers le public. Cette transmission est
davantage horizontale : elle se partage entre les internautes, qu’il s’agisse de diffusion d’une information mise
en ligne par un individu ou du relais d’information provenant de médias.

Dans le modèle médiatique traditionnel, l’individu est un récepteur de l’information. Les nouveaux moyens de
communication en font un acteur car il peut transmettre et partager une information sur des réseaux sociaux.
Chacun peut ainsi devenir un émetteur d’informations. Les chaînes d’information en continue par exemple
multiplient les appels à témoin auprès de leurs téléspectateurs pour relayer des nouvelles locales.

Les conditions d’expression de la citoyenneté s’en trouvent modifiées. Les forums génèrent une nouvelle
forme de démocratie participative et permettent aux utilisateurs d’échanger en direct leurs informations,
leurs arguments, leurs idées. Aux États-Unis, par exemple, des études récentes indiquent que près de la moitié
des étatsuniens s’informent via Facebook.

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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

Hiérarchisation et contextualisation, fonctions initialement assignées aux journalistes, s’estompent, et
l’internaute doit faire face seul à des informations de plus en plus nombreuses et de plus en plus variées. De
plus, anonymat et instantanéité conjuguent leurs effets sur les forums dans des débats souvent polémiques
lors desquels invectives et insultes remplacent souvent les arguments.

1.3) Témoignages et lanceurs d’alerte
Texte 4 p261 « L’affaire Snowden, une affaire d’Etat, 2013 »

Les témoignages trouvent un large écho sur Internet. Dans les pays où la liberté des médias est contrôlée, des
blogs citoyens permettent de contourner la censure. Ils permettent parfois l’expression d’une opinion
publique non officielle à l’origine de vastes mobilisations qui peuvent critiquer ou remettre en cause les
régimes. Les militants des printemps arabes en 2011, les opposants au régime iranien en 2009 et en 2020 ou
encore ceux au régime chinois se sont souvent fédérés sur les réseaux sociaux pour organiser des
manifestations dans l’espace public.

Certains utilisent Internet pour alerter les opinions publiques en révélant ou en relayant massivement des
informations relatives à des menaces ou des préjudices à l’encontre des sociétés.
En 1971, c’est un employé du Pentagone, Daniel Ellsberg qui révèle au New York Times 7000 pages classées
secret défense à propos de la guerre du Vietnam (Pentagon Papers) et c’est un agent du FBI qui informe
clandestinement les journalistes du Washington Post lors de l’affaire du Watergate en 1972. Ces révélations
participeront au retrait étatsunien du Vietnam en 1973 et à la démission de Nixon en 1974.
Avec l’apparition d’Internet et du big data, la masse des données dérobées et diffusées devient exponentielle.

Certains sites révèlent des scandales de différentes natures (financiers, environnementaux, politiques) en
publiant et en diffusant des documents confidentiels.
Julian Assange fonde en 2006 l’organisation WikiLeaks qui par l’intermédiaire de son site propose de révéler
les informations de lanceurs d’alerte sur divers sujets.
En juin 2013, Edward Snowden, employé de la National Security Agency (NSA), communique à des journalistes
des centaines de documents montrant l’ampleur de la surveillance de masse des réseaux exercé au niveau
mondial sur les communications personnelles, les courriels privés, les données de localisation par l’agence
étatsunienne.

Textes 9 p243 « Définition, statut et limites d’action du lanceur d’alerte en France »
Ces révélations suscitent de vifs débats, notamment au sein de l’Union européenne qui a mis en place en mai
2018 un Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD).
En 2018, le statut de lanceur d’alerte est reconnu au Luxembourg au français Antoine Deltour, pour avoir
révélé des accords fiscaux conclus par des cabinets d’audit avec l’administration fiscale luxembourgeoise, pour
le compte de nombreuses firmes transnationales (scandale des Luxleaks). Son collègue, Raphaël Halet, reste
en revanche condamné pour détention et divulgation de documents conformément aux lois punissant la
substitution et la détention de documents.
Cette dynamique de révélations qui tendent vers la transparence suscite des interrogations légales,
concernant les liens contractuels liant les lanceurs d’alerte avec leurs anciens employeurs. De plus, les
motivations des auteurs et les manipulations dont ils peuvent être l’objet posent des questions politiques et
géopolitiques (par exemple la diffusion des Macronleaks lors de la campagne présidentielle française en 2017).


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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

2) Information et réseaux sociaux
Photo « Manifestation de gilets jaunes, Paris, janvier 2019 »

2.1) De nouvelles sources d’information
Texte 8 p 215 « Les réseaux sociaux, sources d’information et de propagande »

Les réseaux sociaux numériques sont apparus au milieu des années 2000. Ils permettent à leurs utilisateurs de
publier des textes, des images, des vidéos, et de les partager à grande échelle. Certains d’entre eux sont des
réseaux de contact à vocation généraliste (Facebook, Twitter), ou professionnelle (Linkedin, Viadeo) ; d’autres
sont des plateformes de partage de photos (Instagram) ou de vidéos (YouTube).
Les réseaux sociaux sont devenus des médias d’information. Venus concurrencer les « canaux » traditionnels
déjà présents sur Internet, ils permettent aux internautes de publier individuellement de l’information, de
manière simple et directe, potentiellement accessible dans le monde entier. Le 15 janvier 2009, l’amerrissage
d’un avion de ligne sur l’Hudson River à New York est le premier événement dont l’information est diffusée
mondialement en direct par un simple témoin sur Twitter, avant même d’être relayé par les journalistes.

Les réseaux sociaux constituent le moyen principal d’information pour un public de plus en plus nombreux.
C’est le cas notamment pour les populations les plus jeunes dans tous les pays du monde.
Les réseaux sociaux sont parfois le seul moyen d’accéder à une information libre et variée. Dans les régimes
autoritaires (Iran, Arabie saoudite, Cuba, Turquie), ils permettent de contourner la propagande médiatique
officielle pour s’informer et communiquer. Toutefois, la lenteur des connexions et la mise en place de
systèmes de filtrage gouvernementaux limitent cette liberté.

2.2) Réseaux sociaux et nouveaux acteurs de l’information

L’information diffusée par les réseaux sociaux a donné naissance à un nouveau type d’acteur. La production et
la diffusion d’informations, longtemps réservée aux professionnels, sont désormais accessibles à tous. C’est le
cas de nombreux bloggeurs ou de « youtubeurs » qui communiquent sur leurs sites ou chaînes et influencent
souvent des pratiques de consommation.
Les réseaux sociaux ont amplifié les témoignages et les actions des lanceurs d’alerte. Ils ont contribué à
l’émergence de mouvements de contestations planétaires (#MeToo) dénonçant des scandales.
Parfois l’égotisme du « quart d’heure warholien », associé à la contestation de toute parole experte
considérée comme forcement manipulatrice, propulsent sur le devant de la scène médiatique des opinions
formulées sans compétence qui peuvent fragiliser des politiques publiques, comme les campagnes de
vaccination par exemple.
Enfin, la dénonciation publique généralisée, sans les préventions du système judiciaire, constituent un tribunal
médiatique permanent qui rompt avec les principes élémentaires des règles du débat public dans l’espace
démocratique : distinction vie privée / vie publique, règle du contradictoire, présomption d’innocence, secret
de l’instruction.
Les médias qui jouent en démocratie le rôle fondamental de contre-pouvoir, sont en train, par la combinaison
d’Internet, des réseaux sociaux et des chaines d’information en continue, de devenir un anti-pouvoir qui
fragilise l’action des gouvernements des démocraties libérales.




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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

2.3) Face aux réseaux sociaux, un nouveau journalisme ?

Les réseaux sociaux font désormais partie de l’écosystème médiatique participant à la fabrication, à la collecte
et à la diffusion de l’information. En France, 95% des journalistes utilisent ces réseaux sociaux et ces
plateformes dans le cadre de leur activité professionnelle. De nombreux journalistes alimentent un blog pour
communiquer l’actualité, livrer leurs analyses et s’exprimer de manière indépendante.
Mais plusieurs problèmes peuvent apparaître face à la surcharge informationnelle. La pratique du « copier-
coller » (texte, image, son) et l’absence de vérification des sources remettent en question la fiabilité des
informations qui circulent. Certaines informations issues de sites parodiques sont parfois prises au sérieux et
relayées par des journalistes et des acteurs de la vie politique.

Vidéo « Journalistes, à quoi servent-ils ? France 2, février 2019, 3’04’’ – 27’58’’ »
Plusieurs types de journalisme cohabitent aujourd’hui, résultant de nouveaux usages d’Internet.
Un journalisme de l’information en continu (BFMTV, LCI, CNEWS) cherche à rivaliser avec l’actualité des
réseaux sociaux. Ceux-ci deviennent des sources et le « buzz » devient lui même une information
immédiatement et abondamment traitée qui permet au flux continu d’être en permanence alimenté.
D’autre part, un journalisme conservant une longueur de vue et d’analyse persiste pour rendre intelligible au
public les débats publics de fond. Mais sa diffusion étant moindre, la question de son financement et de sa
viabilité économique reste posée. De plus, sa diffusion limitée et socialement sélective peut participer à la
fragmentation de l’opinion publique entre les élites et le reste de la population.
Enfin, de nouveaux acteurs, journalistes autoproclamés, proposent une information qui se veut radicalement
indépendante et nouvelle, libérée de toutes contraintes. Mais ce journalisme « sauvage » ou « primaire », par
son refus des conventions professionnelles jugées obsolètes, verse le plus souvent dans une subjectivité
militante qui véhicule plus de confusion que de clarté.

3) Les limites de l’information sur Internet.
Image « Bande dessinée, Marc Dubuisson, 2019 »

3.1) Les menaces sur la fiabilité de l’information
Vidéo « Complotistes, témoignage Nenad Stanbolisky, Arte, 1’30’’- 5’11’’ »

La rumeur n’est pas un fait nouveau, mais Internet et les réseaux sociaux assurent une progression rapide
d’informations non vérifiées. L’absence de contrôle et la rapidité de diffusion des informations sur les réseaux
sociaux sont propices à la généralisation d’infox (ou fake news). Elles portent très généralement sur des sujets
polémiques (immigration, guerre, politique, finance), touchent des millions d’internautes et sèment parfois le
doute dans l’opinion. Tout individu maîtrisant les réseaux sociaux peut être à l’origine de fausses informations.
Certains États en diffusent également à des fins propagandistes.
L’explosion des « fausses informations » s’accompagne de la critique des médias traditionnels, soupçonnés
d’être à la solde de décideurs économiques et/ou politiques et de cacher la vérité aux citoyens.
L’accès à des sources sérieuses et raisonnées reste possible grâce à la référence que constituent encore les
médias traditionnels. Plusieurs journaux ont créé des services de vérification des faits (fact-checking).





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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

Texte « Trump : Twitter pour éviter les médias traditionnels »
Les bulles de filtre trient et conduisent par algorithmes les informations vers ceux qui souhaitent les lire. Dans
le cadre des réseaux sociaux, elles peuvent faciliter la prolifération des théories complotistes et des fake
news. Elles illustrent également la confusion grandissante entre information et opinion.
Donald Trump donne à ces « vérités alternatives » une certaine légitimité quand il les diffuse sur son compte
Twitter. L’utilisation compulsive des réseaux sociaux lui permet d’introduire une proximité avec son électorat
en contournant les filtres et les commentaires des médias traditionnels.

3.2) Des réseaux entre complotisme et désinformation.
Vidéo « Complotistes, témoignage collectif Spicee, Arte, 10’58’’ – 14’21’’ »

Texte 4 p246 «Internet, accélérateur du complotisme »
Les réseaux sociaux ont également favorisé le développement du complotisme. Ils accélèrent la remise en
cause de ce que les adeptes des théories du complot appellent la « vérité officielle ». Ces théories sont
largement diffusées après des attentats (Paris en 2015, Nice en 2016) et touchent plus particulièrement les
populations les plus jeunes. Des évènements historiques majeurs (la Shoah, l’assassinat du président des
États-Unis Kennedy en 1963, l’alunissage en 1969, les attentats du 11 septembre 2001) sont également
concernés.
La prolifération d’informations a entraîné une remise en cause du statut de la vérité des faits, lesquels, s’ils
contredisent la théorie complotiste, sont considérés comme de « fausses informations ».

Textes 1 p244 « Deux grandes théories du complot »
La mémoire d’Internet facilite la sédimentation d’informations approximatives, décontextualisées et non
vérifiées constitutives d’un raisonnement déterminé accréditant l’existence de complots dissimulés. Face à la
complexité du monde, une lecture simpliste et manichéenne donne un sens univoque aux évènements. La
mise en relation des conspirationnistes et la diffusion de leurs théories de façon virale renforce leur influence
sur l’opinion publique. Ainsi, le Protocole des Sages de Sion, faux publié en 1901, longtemps inaccessible au
plus grand nombre, est désormais disponible en ligne.
Les théories les plus anciennes, celles du complot Juif ou maçonnique, se conjuguent avec des inventions plus
contemporaines comme les Illuminati, les chemtrails ou les reptiliens. Elles entretiennent un doute généralisé
qui s’exprime notamment lors de crises sanitaires (origine des virus, rôle des laboratoires pharmaceutiques),
d’accidents industriels (conséquences sanitaires et environnementales, ou politiques (intentions des forces de
l’ordre lors de manifestations, rôle des lobbys)

Texte « Les bulles de filtre »
La crise des gilets jaunes en 2019 est, à bien des égards, exemplaire de ce que ce nouvel écosystème
médiatique peut générer comme relations entre pouvoirs, citoyens et médias : Organisation sur les réseaux
sociaux hors de tout corps intermédiaire, horizontalité farouche qui limite toute représentation et synthèse
des revendications, contestation de toute parole experte et valorisation « d’un bon sens populaire », contre-
informations et fausses informations partagées, critique et agression des médias traditionnels, appui et
légitimation de médias étrangers comme Sputnik er Russia Today et impasse politique du mouvement.





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Thème 4 : S’informer, un regard critique sur les sources et modes de communication

3.3) Contrôler Internet ?
Texte 6 p238 « La censure chinoise s’adapte aux nouvelles technologies »

La gouvernance d’Internet est « multipartenaire » car elle implique aujourd’hui fournisseurs d’accès,
gestionnaires de sites et États. La question de la gouvernance a été renforcée par la position dominante de
quelques entreprises (Google, YouTube, Facebook) installées dans la Silicon Valley aux États-Unis. Elles sont
capables aujourd’hui d’exercer un filtrage des contenus mais aucun processus légal ne peut les y contraindre.

Le réseau Internet recèle de gigantesques gisements de données personnelles, stockées dans les data
centers, risquant d’être révélées à la moindre défaillance des systèmes de protection. L’action des hackers
démontre régulièrement la fragilité de leur sécurisation.

Les États tentent d’adopter des réponses légales contre certaines dérives. L’Allemagne a voté en 2017 une loi
controversée, contraignant les réseaux sociaux à supprimer les contenus « manifestement illégaux », tandis
qu’en Italie les internautes peuvent signaler à la police les fausses informations sur un site dédié.
En 2018, une loi relative à la manipulation de l’information visant à « endiguer la diffusion de fausses
nouvelles » a été votée en France.
Certains États (Chine, Corée du Nord, Cuba, Iran) pratiquent la censure et empêchent l’accès à certains sites
(ONG, médias pluralistes), mais la surveillance d’Internet n’est pas propre aux régimes autoritaires : de
nombreux États démocratiques ont mis en place des outils technologiques et législatifs leur permettant de
surveiller Internet et d’avoir des informations relatives à des activités illicites comme la pédopornographie ou
le terrorisme.
Mais les obstacles restent nombreux : respect de la liberté d ‘expression et de diffusion des idées,
instantanéité de la diffusion, volume des flux à traiter, impunité des acteurs liées à l’anonymat, bon vouloir
des opérateurs quand à la médiation et au contrôle des contenus, droits nationaux inopérant face à
l’extraterritorialité légale des opérateurs.

Internet est également le support de rivalités entre États qui se livrent à une guerre de l’information. A
l’occasion de conflits géopolitiques annexion de la Crimée par la Russie en 2014, tensions en mer de Chine), la
Russie ou la Chine n’hésitent pas à pratiquer la désinformation et la propagande. La chaîne de télévision
Russia Today a récemment été créée pour refléter le point de vue des autorités de Moscou sur le monde. Les
tentatives de déstabilisation numérique, avérées ou supposées, lors des élections étatsuniennes de 2016, du
référendum sur le Brexit en 2016, des élections présidentielles françaises de 2017, imposent aux démocraties
un défi pour garantir l’impartialité et l’intégrité des suffrages.

Conclusion

Formidable outil de mise en relation des individus, Internet est une source inégalable d’informations à
l’origine de la diffusion et de la vulgarisation sans précédent de la connaissance. La généralisation de ces
nouvelles technologies de la communication et d’information bouleverse et redéfinit la notion d’espace
public, les hiérarchies scientifiques, culturelles et politiques traditionnelles et le périmètre d’action des Etats.
Dominer et accompagner ces mutations constituent un défi de taille pour les sociétés démocratiques dans
lesquelles libre expression et communication des idées sont consubstantielles à leur organisation et stabilité
politiques.

Synthèse p258-259

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