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ANALYSE DE DISCOURS POLITIQUE | ÉRIC ZEMMOUR : «CE N’EST QUE LE DÉBUT»

Universidad de Salamanca
Cultura Francesa III
Semestre de Printemps
Marcelo Antônio CAVALCANTE FERNANDES

INTRODUCTION:

Le présent discours, « Ce n’est que le début », a été proférée par le politique, journaliste et essayiste
Éric Zemmour le 10 avril 2022, jour de la première tour des Présidentielles Françaises de 2022, où
monsieur Zemmour était le candidat choisi pour représenter les idéales politiques de la Reconquête
(R! ou encore REC).

Le discours a été proféré dans le huitième arrondissement de Paris, dans le siège de la Reconquête,
quelques heures plus tard après que résultats de la première tour sont devenus publics. De cette façon,
M. Zemmour remportera 7% des votes valides et ainsi décrochera la quatrième position dans le
ranking des présidentielles de 2022, avec Emmanuel Macron (La République en Marche, LREM),
Marine Le Pen (Rassemblement National, RN) et Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise).

Les élements visuelles qui peuvent être identifiés dans la scène du discours en question sont, d’abord

Le discours est vite devenu célèbre dans le cosmos de la politique française et a immédiatement été
diffusé par les principaux médias, dans l’échelle nationale et internationale. Il reste aujourd’hui
comme un des prononcements plus remarquables de l’extrême droite française du XXIᵉ siècle, bien
que M. Zemmour n’aie remporté que 7% des votes. Comme nous allons le voir, ce discours
représentera donc une sorte de graine de l’activité politique d’une toute nouvelle extrême droite
française, qui désormais, dans l’imaginaire populaire, n’est plus forcément associé directement à
l’image politique des anciens symboles de cette extrême-droite, comme le Rassemblement National
ou madame Le Pen elle-même.

INTÉRÊT DU DISCOURS EN QUESTION

Les choix d’analyse de ce discours en particulière a été fait en partant de la théorie politique de
l’ascension des extrêmes droites décrite par le politologue néerlandais Cas Mudde chez The Far Right
Today. Ainsi, selon Mudde, dans le contexte de l’europe néolibérale du XXIᵉ, l’ascension de l’extrême
droite représente un projet politique qui doit passer pour plusieurs étapes, donc une de eux doit être la
«relativisation» des droites politiques, ce qui est accordé par le clivage des mouvements des droites et
postérieure radicalisation d’une de ces droites, ce qui cause naturellement la stupéfaction sociale dû à
la banalisation des discours violents, et la naturalisation des intolérances telle que le racisme,
l'homophobie et, dans le cas français, notamment l’antislamisme. Ainsi, par la suite, dû au fait de
qu’une des ces droites est maintenant vue comme «radicale» l’électorat politique aura donc une
tendance à relativiser les propositions politiques de cette «deuxième droite», qui désormais est vue
comme «souple» et« moderée», même si elle aussi aura un projet politique basé sur l’intolérance, ce
qui semble être le cas de la dichotomie entre Reconquête et Rassemblement National.
Il nous semble donc intéressant de nous demander quel sont les éléments proférées par M. Zemmour
qui nous permettent de lui accorder ce caractère de «radicalisme politique», qui sera responsable pour
«assouplir» l’agenda politique de madame Le Pen et du Rassemblement National.

ANALYSE DU DISCOURS: «CE N’EST QUE LE

CE N’EST QUE LE DÉBUT

Mes chers compatriotes, mes chers amis,

Vous êtes plus de deux millions à m’avoir apporté vos suffrages aujourd’hui. Je veux avant tout
m’adresser à vous. Merci. Merci infiniment de votre confiance, de l’espoir et de la force que vous
me donnez ce soir. Grâce à vous, je peux faire une promesse : je continuerai de défendre la
France, et nos idées, et je suis certain, que bientôt, nous l’emporterons

Dès le titre, l’auditeur peut constater un des éléments clés du discours, celui de que le «graine» pour
l’avènement d’une France de Droite a été donc semée avec succès. Selon le discours en question,
l’avenir de la France doit être bâti par un gouvernement de droite, et la campagne électorale de
Zemmour ne représentera donc qu’un début à cet avenir. Il est tout de même intéressant de porter
attention au choix de vocatif employé par M. Zemmour, « compatriotes » et puis « amis », ce qui
l’approche du peuple et est aussi un des éléments qui mettent en évidence le caractère populiste de sa
campagne politique. Les vocatifs sont exactement les mêmes employés dans le discours de Emmanuel
Macron dans la même journée, ce qui atteste le goût (ou la faiblesse) particulière des français pour le
populisme politique.

Je vous remercie aussi pour la France, car je prends chacune de vos voix comme le cri d’un
peuple qui ne veut pas mourir. Le fait que vous ayez été deux millions à soutenir un homme
parti de rien, qui n’était pas un politicien, montre que mon message a été entendu. C’est un
élément fondamental qui ne devra pas être oublié dans les prochains jours et dans les
prochaines années. Votre voix ne pourra plus jamais être négligée, quel que soit l’issue du
second tour qui vient. Tout le monde comprendra que nos idées valent beaucoup plus que notre
score d’aujourd’hui.

Dans ce paragraphe, Zemmour, visiblement très émou, fait un appel direct à une idée pas mal employé
dans sa campagne électorale, celle de que «La France était en train de mourir», ce qui était amplement
utilisé dans le domaine économique, mais également dans le contexte social, où cette notion
s’associait directement au Multiculturalisme présent dans la nation, et notamment dans l’ascension du
capital culturel des manifestations artistiques, sociales et religieuses typiquement maghrébines.

Je n’ai pas su convaincre assez de nos compatriotes. L’Histoire dira pourquoi nous n’y sommes
pas parvenus, alors qu’une majorité de Français partagent nos inquiétudes et nos espoirs.
Peut-être en raison de l’absence de campagne et de débat, peut-être en raison du traitement qui
nous a été réservé, de la situation internationale, et peut-être aussi simplement par ma faute.
Bien sûr, j’ai commis des erreurs. Je veux dire que je les assume toutes. J’en porte l’entière
responsabilité. Je dois beaucoup de mes succès à mon équipe, je ne leur dois aucun de mes
échecs.
Mais à la fin de cette campagne, j’ai la fierté de ne pas être devenu un politicien. Je n’ai jamais
menti pour gagner un point dans les sondages, je n’ai jamais travesti ma pensée et je n’ai
jamais trahi.

Dans l’extrait en dessus, un des aspects fondamentaux interpellés par M. Zemmour, c'est le fait que,
lors de sa campagne électorale, il était effectivement le seul candidat politique avec une vraie
influence sur les médias à n’avoir pas eu précédemment de carrière politique. Ce fait était amplement
employé par lui et par son équipe comme une attestation de «l’état de maladie sociale et politique
française», où un «simple journaliste» était en charge de «lutter» pour une classe politique corrompue
qu’était en train de noyer une nation. Ce mécanisme de sauveur politique a été étudié par Tzvetan
Todorov, politologue et linguiste franco-bulgare dans son dernier livre « Les ennemis intimes de la
démocratie». Todorov nommera donc ce mécanisme de « Messianisme Politique », et le classifiera
comme une adaptation moderne de l’ancien populisme politique, comme était dans l’époque de
géneral De Gaulle.

Il nous semble intéressant également de renforcer le fait de que bien que Zemmour n’ait pas
effectivement eu de carrière politique établie auparavant, il est quand même diplomé de la principale
école d’élites politiques françaises, Sciences Po Paris, même école qui a formé Macron, Sarkozy et
François Hollande.

Dans les jours qui viennent, vous allez entendre tout le monde vous expliquer ce que nous
avons raté, moi je veux vous dire tout ce que nous avons réussi. Je veux dire à ces millions de
Français : grâce à vous, rien ne sera plus jamais comme avant. Je vous demande de rester
dignes, de rester forts, de garder la foi. Vous avez été admirables pendant cette campagne.
Votre vote est un vote pionner, c’est un vote d’avenir, c’est un vote d’espoir, car les vérités que
nous avons dites à la France pendant cette campagne s’imposeront à tous dans les années qui
viennent.

Je veux remercier du fond du cœur tous ceux qui m’ont aidé. A toute mon équipe, à tous nos
militants, je dis un immense merci ! Votre énergie, votre ferveur, votre grandeur d’âme, votre
générosité, votre organisation ont impressionné la France toute entière. Je me souviens encore
du mois de mai dernier. À l’époque, nous n’étions qu’une dizaine, ce n’était qu’une idée. Nous
constations le blocage de la vie politique française, l’état de la France, des vieux partis à bout
de souffle… Nous ne savions pas quel accueil les Français nous réserveraient mais nous étions
convaincus qu’il était de notre devoir de nous lever. Je me suis levé.

Dans cette partie, Zemmour remerciera ses électeurs d’une façon émouvante, et renforcera une
relation de confiance mutuelle avec eux, en faisant un appel particulier que son électorat continue à
s’engager et à lutter pour les idéaux de l’extrême droite (ce qui, naturellement, dans la fin du discours
sera un des éléments qui justifiera le soutien de Zemmour à la candidature de Le Pen)

Un an plus tard, nous voici finalement face au duel qui était annoncé depuis 2017. Alors…
électoralement rien ne change, mais politiquement tout a changé. Tout a changé parce que nous
sommes arrivés. Nous avons fait irruption dans la vie politique et regardez : nous avons
dépassé les vieux partis moribonds. Nous avons fait en trois mois ce qu’aucun politicien n’avait
jamais réussi à faire en 15 ans. Nous avons construit le plus grand parti de France.
A mes côtés, une jeunesse s’est levée : cette jeunesse, c’est l’interdiction de désespérer, car elle
ne disparaitra pas. Les drapeaux qui ont flotté au Trocadéro ne s’abaisseront plus jamais !
Alors, oui, nous sommes déçus. Mais nous avons gagné dans cette campagne quelque chose qui
n’a pas de prix : la puissance et l’expérience. Je vous le dis : chez Reconquête, nous sommes
puissants, nous sommes forts, nous avons des militants présents dans toute la France, nous
avons des intelligences redoutables, des compétences inégalées. Nous nous projetons déjà vers
l’avenir. Je ne m’en tiendrai pas là ! Car Reconquête n’abandonnera rien tant que la France ne
sera pas reconquise !

Notre ligne a sa singularité et elle n’est représentée nulle part ailleurs :

Encore, le discours continue à émouvoir le public, qui l’applaudie et cri, comme nous constatons.
D’un côté, si l’électorat Zemmour est déçu, il reste engagé et il planifie résonner dans la jeunesse
française leurs idées politiques, Selon Zemmour, c’est également à cause de lui et de son parti que
l’extrême droite a finalement une voix considérable dans un éventuel deuxième tour, ce qu’il
développera plus tard dans son discours:

Nous sommes les seuls à défendre notre civilisation et notre identité dans la culture, à l’école,
dans la rue, dans nos mœurs, dans notre vision de l’écologie, de la politique, de la société ;

Nous sommes les seuls à vouloir réconcilier le peuple et les élites, les salariés et les patrons, les
gilets jaunes et la manif pour tous, les abstentionnistes et la politique.

Je suis déterminé à poursuivre le combat, avec tous ceux qui sont à mes côtés, tous ceux qui
nous rejoindront dans les semaines à venir, et je vous dirai très vite la forme que prendra notre
action.
Dans les extraits dessus, Zemmour revient à des points-clés de sa campagne électorale, comme les
notions globales de Civilisation et Identités Françaises, qui contrastât d’une façon antagoniste à des
notions comme le pluralisme culturel, l’éducation raciale et une vraie campagne pour
l’environnement. Le discours abord également sa volonté de réconcilier des groupes politique et social
divergents tels que le peuple et les élites, les salariés et les patrons, et également, un des groupes cible
de sa candidature, celui des gilets jaunes. Cette union des contrastes est aussi un des éléments
politiques qui a été employé pour tous les candidats à la présidentielle, mais qui a été conduite d’une
manière plus forte chez Emmanuel Macron, qui par coïncidence ou pas, a été celui qui a emporté la
victoire à l’Élysée.

Il nous reste intéressant aussi observer que Zemmour utilise d’une façon très intelligente les pronoms
personnels de la troisième personne du pluriel, en les représentant d’une façon presque parentaire, ce
qui est très fort comme recours stylistique de son discours.

Je veux dire pour finir, parce que je pense à la France avant tout, parce que c’était tout le sens
de ma candidature, que je ne peux pas rester les bras croisés devant les maux qui guettent notre
pays. J’ai bien des désaccords avec Marine Le Pen, je les ai abordés pendant cette campagne.
Je n’en referai pas la liste. Mais il y a en face de Marine Le Pen un homme qui a fait entrer
deux millions d’immigrés, un homme qui n’a pas dit un mot d’identité, de sécurité,
d’immigration pendant sa campagne et qui fera donc pire s’il était réélu.
Je ne me tromperai pas d’adversaire. C’est la raison pour laquelle, j’appelle mes électeurs à
voter pour Marine Le Pen. Il y a quelque chose de beaucoup plus grand que nous tous, c’est la
France. Je sais que certains de mes électeurs ne veulent pas voter pour elle. Je ne les juge pas,
car j’ai accepté les différences au sein de l’union des droites.

Certains auraient voulu que je négocie ces quelques mots : je ne suis pas un marchand. Je ne
vois pas la politique comme la négociation des intérêts, mais comme l’irruption de la volonté
humaine dans l’Histoire. Je me suis présenté par sens de la France. Je me suis présenté parce
que je crois que notre pays est en danger. Je me suis présenté parce que le duel qui était
annoncé depuis cinq ans me paraissait mener à l’échec de nos idées.

Je prie aujourd’hui le ciel de m’être trompé.

Vive la République, et surtout, vive la France !

Le candidat politique fini donc son discours avec deux éléments principales en tête: le premier c’est
celui de créer une narrative presque épopéique de son parcours électorale et de son sens d’engagement
politique qui est tout de même puissante, même après être vaincu. Cette narrative peut-être sera un des
éléments qui accordera à ce discours un caractère très personnel et passionnant, d’où sa diffusion aux
échelles nationales et internationales. Effectivement, Zemmour est désormais référence dans l’extrême
droite française, quand il y avait quelques années on pourrait l’accorder une situation de relatif
anonymat, malgré ses polémiques.

Encore une fois, le but principal de cet extrait, c'est de redirections son électorat envers la nouvelle
représentante de l’extrême droite: Le Pen. Il le fait de façon brève, mais très claire, et le résultat, c'est
celui que nous savons déjà: une relativisation de l’intolérance présente dans les discours de cette voie
et la montée de sa morale et de sa relevance politique.

BIBLIOGRAPHIE:

-MUDDE, C. (2019). The Far Right Today. https://lib.ugent.be/nl/catalog/rug01:002789397

- https://www.ericzemmour.fr/discours-10-avril-2022

-TODOROV, T. (2012). Les ennemis intimes de la démocratie. In Laffont eBooks.


http://ci.nii.ac.jp/ncid/BB09630698

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