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La démocratie malade des médias

Nous votons sans savoir

par Daniel MARTIN


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La démocratie malade des médias
Nous votons sans savoir
Mise à jour : 14/06/2006

Note : les renvois comme [109] indiquent des sources en fin de texte

Introduction : but de ce texte


Il est 17 heures, l'autobus est bondé. Une joyeuse bande d'étudiants y monte quand
même, bousculant un peu les autres passagers pour se faire une place.
Le conducteur proteste : - "Les jeunes, descendez !"
Un étudiant qu'il ne peut pas voir : - "Nous sommes ici par la volonté du peuple et
nous n'en sortirons que par la force des baïonnettes."
Le conducteur : - "Qui c'est qui a dit ça ?"
Un autre étudiant : - "C'est Mirabeau."
Le conducteur : - "Mirabeau, descendez !"

Cher lecteur j'espère que vous avez souri, que vous êtes maintenant détendu, parce
que je vais vous parler de choses sérieuses. Commençons par trois comparaisons.
 Parmi les quinze pays de l'Union européenne, deux sont traînés en justice par sa
Commission, la France et l'Allemagne. Ils ont trop de déficit, ils risquent de
lourdes amendes. (Voir [109]).
 La comparaison [108] montre que la France utilise une bien plus grande partie
de son énergie, c'est-à-dire du travail de son peuple, en administration interne et
subventions diverses que d'autres pays avancés.
 Selon les statistiques officielles [72], [73] et [84] page 1, par rapport à
l'Angleterre, l'Irlande, la Finlande ou l'Espagne, le niveau de vie des Français
progresse moins vite.

La France est donc moins bien gouvernée depuis de longues années. Elle est moins
bien gouvernée parce que notre suffrage démocratique a élu trop de gens qui ne
sont pas à la hauteur. Les citoyens ont donc mal voté.

J'explique dans ce livre que les citoyens votent mal parce qu'ils sont mal informés : la
plupart d'entre eux ne comprennent rien à l'économie et à la politique. Ils ne sont
donc pas en mesure d'évaluer objectivement les propositions qui leur sont faites, et
encore moins la qualité de ceux qui les font.

La principale source d'informations des citoyens est un ensemble de médias :


télévisions, radios, journaux, magazines et aujourd'hui Internet. Ces médias nous
informent mal en matière de politique et d'économie, quand ils ne nous désinforment
pas. Je vous en donnerai beaucoup d'exemples.

Ce livre décrit des dysfonctionnements des médias, en expliquant leurs causes. Il


propose aussi des remèdes, ou parfois plus modestement des pistes de réflexion.

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Pour que les lecteurs puissent juger mes arguments, j'en livre en annexe les
sources, toutes les sources. La plupart de celles-ci étant accessibles gratis sur
Internet, il est facile de les vérifier et d'évaluer la pertinence de mes conclusions.

Contrairement à la grande majorité des gens au pouvoir (et cela inclut les
journalistes, qui savent bien qu'ils sont le quatrième pouvoir du pays, pouvoir qui ne
rend des comptes à aucune autorité et n'est pas soumis au verdict des urnes), je
réponds à ceux qui m'écrivent. Mon adresse de messagerie est disponible dans la
page http://www.danielmartin.eu/adressemail.htm .

Bonne lecture.

Compléments à ce livre
Un court résumé de ce livre est disponible dans "Le gouvernement prisonnier des
médias - Témoignage d'un ministre"
http://www.danielmartin.eu/Livre/GouvMedias.htm .

Ce livre se plaint que les médias et le gouvernement n'informent pas suffisamment


les citoyens en matière d'économie. Pour donner moi-même les informations de base
nécessaires, j'ai écrit et mis sur Internet début 2005 les textes suivants :
 "Cours d'économie pour citoyens qui votent - Ne vous en laissez pas conter !"
Tome 1 : "PIB et emploi" http://www.danielmartin.eu/Cours/Cours-Economie.htm
Tome 2 : "Mondialisation et délocalisations"
http://www.danielmartin.eu/Cours/CoursT2.htm
 "Chômage : savoir et agir" http://www.danielmartin.eu/Cours/Lutte-Chomage.htm
 "Mondialisation et frustrations" http://www.danielmartin.eu/Cours/Mondialisation-
Frustrations.htm
 "France en panne, entreprises en fête"
http://www.danielmartin.eu/Cours/FranceEnPanne.htm

Daniel MARTIN
http://www.danielmartin.eu/adressemail.htm

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Avertissement au lecteur :
pas de procès d'intention politique, SVP !

En écrivant ce livre j'ai voulu militer pour des médias qui concourent à la démocratie,
pas pour faire triompher des opinions politiques.

Mais pour faire comprendre certaines explications, j'ai dû utiliser des exemples
politiques :
 Informations non révélées par les médias à propos de la guerre préventive en
Irak ;
 Mauvaise couverture de débats de société dans des domaines comme la
mondialisation ou les OGM ;
 Affirmations de la CGT ou d'ATTAC que je désapprouve ;
 Promesses du président Chirac ou de M. Raffarin que je trouve utopiques ;
 Etc.

Il est possible et même probable que des lecteurs désapprouvent certaines de ces
opinions politiques, mais je les prie d'oublier mes positions sur ces sujets, car :
 Ce livre n'est pas un livre de politique ou d'économie ; en l'écrivant je n'ai voulu
convaincre personne dans ces domaines ;
 Ces opinions politiques n'impactent nullement mes diagnostics sur les médias et
les solutions proposées pour qu'ils aident la démocratie.

Comme tout le monde, j'ai des opinions politiques. Mais je respecte et tolère les
autres chaque fois qu'elles sont basées sur deux principes simples :
 Le respect des droits de l'homme, qui tolèrent toutes les opinions et permettent
leur libre expression ;
 La bonne foi, qui refuse de recourir aux mensonges, à la désinformation ou à la
violence pour faire triompher un point de vue.

En fait je les sollicite, ces opinions contraires aux miennes, car la confrontation des
points de vue enrichit et la démocratie ne peut s'en passer. C'est ainsi que je lis aussi
des journaux, magazines ou textes Internet écrits par des gens dont je ne partage
pas les opinions, parce que si je ne lisais que des gens qui pensent comme moi je
n'apprendrais rien.

Je prie donc instamment le lecteur d'ignorer mes opinions politiques, exprimées ici
seulement à titre d'exemples d'oublis ou de désinformation des médias, pour ne tenir
compte que du sujet, les médias et la démocratie.

Pour comprendre pourquoi je crois possible d'avoir un comportement politiquement


neutre tout en ayant des opinions politiques voir le court texte
http://www.danielmartin.eu/Medias/Neutralite.htm .
Daniel MARTIN

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Table des matières
1. Les reproches aux médias............................................................ 10
1.1 Exemples de mauvais journalisme..................................................................10
1.1.1 L'«affaire» Dominique Baudis .............................................................................10
1.1.2 Exemples de scoops inventés de toutes pièces et de plagiats ........................11
1.1.3 Exemples de partialité et d'agressivité...............................................................12
1.1.3.1 Interview d'un ministre américain par un journaliste français ................12
1.1.3.2 Interview d'un ministre français par un journaliste arabe.......................17
1.1.4 Désinformation due à l'opinion politique des journalistes ...............................17
1.1.4.1 La guerre à outrances - Comment la presse nous a désinformés sur
l'Irak.......................................................................................................18
1.1.4.2 Désinformation par outrance journalistique dans L'Express..................22
1.1.4.3 Une information à sens unique..............................................................24
1.1.5 Déformation des informations due à la peur des terroristes ............................25
1.1.6 Prévisions boursières et économiques..............................................................25
1.1.7 Désinformation économique par manque de rigueur .......................................25
1.1.8 L'impunité des journalistes et le « quatrième pouvoir » ...................................26
1.2 Caractéristiques des médias ...........................................................................27
1.2.1 Définition du mot "médias".................................................................................27
1.2.2 Prépondérance de la télévision ..........................................................................27
1.2.3 Crédibilité des médias et confiance du public...................................................28
1.2.4 Indépendance des journalistes. Autolimitation .................................................29
1.2.5 Influence et réputation des médias ....................................................................30
1.2.6 Le choc des images.............................................................................................31
1.2.7 Journalisme d'information ou d'investigation ...................................................32
1.2.8 Agence France-Presse ........................................................................................32
1.3 Information et communication.........................................................................33
1.3.1 Définitions : information, connaissance, communication, émetteur, cible .....33
1.3.2 Conditions nécessaires à une communication efficace ...................................34
1.3.2.1 Inspirer la sympathie .............................................................................34
1.3.2.2 La raison de l'homme est inséparable de son cœur ..............................34
1.3.2.3 L'abstrait s'appuie toujours sur du concret ............................................35
1.3.2.4 Ce que le public attend des médias ......................................................36
1.3.3 Règles de communication...................................................................................37
1.3.3.1 Conditions de compréhension d'un message........................................37
1.3.3.2 Persuasion : respect ou discrédit de l'auteur.........................................38
1.3.3.3 Equilibre du message : argumentation à sens unique ou non ...............38
1.3.4 Les filtres de choix des programmes .................................................................39
1.3.4.1 La taille de l'audience concernée : culture de masse ou culture élitiste 40
1.3.4.2 La durée ................................................................................................42
1.3.4.3 Le contenu émotif..................................................................................43
1.3.4.3.1 L'obligation de divertir 44
1.3.4.3.2 La recherche du sensationnel 45
1.3.4.3.3 Exemples d'omissions entraînant une désinformation 46
1.3.4.3.4 L'émotion doit être immédiate 48
1.3.4.4 Le talent médiatique de l'intervenant .....................................................48
1.4 L'information politique et économique à la télévision...................................49
1.4.1 Journaux télévisés : des journaux de faits divers.............................................49
1.4.2 Autres émissions .................................................................................................50
1.4.3 Des informations, mais pas assez de connaissances utilisables ....................50

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1.5 Les médias nous ont désinformés à propos de la guerre en Irak ................51
1.5.1 Existence d'armes de destruction massive en Irak ...........................................52
1.5.1.1 Conclusions...........................................................................................54
1.5.1.2 L'art de raisonner faux pour convaincre ................................................56
1.5.1.3 Et en 2004… .........................................................................................56
1.5.1.4 On a trouvé des programmes de développement d'armes de destruction
massive .................................................................................................57
1.5.1.5 On a trouvé des obus chimiques et prouvé l'existence de stocks cachés
..............................................................................................................58
1.5.2 Liens entre l'Irak et le terrorisme ........................................................................58
1.5.3 Justification de la guerre préventive ..................................................................60
1.5.3.1 Justification stratégique .........................................................................60
1.5.3.2 Guerre préventive et droit international .................................................61
1.5.3.3 Pourquoi une intervention en Irak et pas en Corée du nord ? ...............62
1.5.4 Arguments de droit justifiant l'intervention en Irak...........................................62
1.5.4.1 Viol de 17 résolutions des Nations unies...............................................62
1.5.4.2 Non-respect des engagements conditionnant la fin de la guerre de 1991
..............................................................................................................63
1.5.5 Conséquences de cette désinformation des médias ........................................63
1.5.6 En Allemagne aussi, les télévisions désinforment............................................64
1.6 Médias et démocratie .......................................................................................64
1.6.1 Faible intérêt du public pour la politique ...........................................................64
1.6.1.1 Conséquences sur le choix des programmes par les médias ...............66
1.6.2 Les déçus de notre démocratie ..........................................................................66
1.6.3 Les citoyens qui votent mal sont ceux qui sont mal informés .........................67
1.6.3.1 Les carences de l'enseignement ...........................................................68
1.6.3.2 Les carences des médias......................................................................68
1.6.3.3 Le silence des gouvernements..............................................................70
1.6.3.4 Les électeurs ne s'informent pas vraiment ............................................71
1.6.3.5 Conclusion : la démocratie souffre de carence d'informations ..............71
1.6.4 Droits de l'Homme et liberté d'expression .........................................................71
1.6.4.1 Dans l'Union européenne ......................................................................71
1.6.4.2 En France..............................................................................................72
1.6.4.3 Aux Etats-Unis.......................................................................................73
1.6.4.4 Le droit à l'information et son pluralisme ...............................................73
1.6.4.5 Messieurs du gouvernement, parlez donc aux Français ! ....................74
1.6.5 La responsabilité sociale des médias ................................................................75
1.6.6 Contraintes législatives, réglementaires : limitations de la liberté d'informer 75
1.6.6.1 Loi Léotard : télécommunication, communication audiovisuelle ............76
1.6.6.2 Le cas des données et services accessibles par Internet .....................76
1.6.6.3 Information limitée par la loi sur la publicité...........................................77
1.6.6.4 Cahiers des charges de France Télévisions et Radio France ...............78
1.6.6.5 Contrôle des chaînes de télévision par le CSA .....................................80
1.6.7 Les médias "sonnette d'alarme".........................................................................81
1.6.8 Médias, populisme et démagogie .......................................................................82
1.6.9 Le gouvernement prisonnier des médias ..........................................................85
1.6.9.1 Les crédits budgétaires fonction de l'émotion médiatique .....................85
1.6.9.2 Annonces gouvernementales publicitaires et démagogiques................86
1.6.9.3 Utiliser les médias pour se faire entendre .............................................87
1.6.9.4 Ne pas aborder à la télévision les sujets qui fâchent.............................88
1.6.9.4.1 Les intermittents du spectacle 88

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1.6.9.4.2 Le pouvoir et les privilèges exorbitants des syndicats 90
1.6.9.4.3 La CGT égoïste, au-dessus des lois et utopiste 91
1.6.9.4.4 Pourquoi la France est moins bien gouvernée 93
1.6.10 Médias et mondialisation ....................................................................................93
1.6.10.1 Mondialisation et exception culturelle....................................................94
1.6.10.2 Les reproches faits à la mondialisation .................................................95
1.6.10.3 Responsabilité des médias dans l'impact de la mondialisation .............98
1.6.10.4 Les véritables effets de la mondialisation..............................................99
1.6.10.4.1 La France investit plus à l'étranger que les étrangers en France 99
1.6.10.4.2 Délocalisations 100
1.6.10.4.3 Les "cols blancs" et la délocalisation 104
1.6.10.4.4 Principe de la valeur ajoutée 105
1.6.10.4.5 La France résiste à la désindustrialisation 106
1.6.10.4.6 L'Amérique résiste aussi, quoi qu'en disent les antimondialistes 107
1.6.10.4.7 Innovation et esprit d'entreprise, la force des pays riches 107
1.6.10.4.8 La Chine et l'Inde n'ont pas d'autre choix que la croissance rapide 108
1.6.10.4.9 Criminalité internationale et contrefaçons 109
1.6.10.5 Le silence coupable des médias sur les sujets économiques majeurs109
1.6.10.5.1 La France ne travaille pas assez 109
1.6.10.5.2 Les Français sont de plus en plus un peuple d'assistés 113
1.6.10.5.3 Une dette insupportable pour nos enfants et qui empêche l'investissement 114
1.6.11 Médias et valeurs de notre société...................................................................115
1.6.12 Médias et idéologie............................................................................................116
1.6.12.1 Exemple du "droit au travail" réclamé par des politiciens français.......116
1.6.12.2 Exemple des droits de l'Homme selon ATTAC....................................121
1.6.12.3 Comparaison des droits demandés par ATTAC avec les textes officiels
............................................................................................................122
1.6.12.4 Conséquences sur les propositions d'ATTAC et sa nature .................123
1.6.12.5 Une carence d'information qui fausse le jugement des électeurs........125
1.6.13 Autoroute et société de l'information ...............................................................126
1.6.13.1 Définition : autoroute de l'information ou réseau Internet ....................126
1.6.13.2 Caractéristiques essentielles...............................................................127
1.6.13.3 Impact sur notre vie quotidienne .........................................................127
1.6.13.4 Impact sur notre société ......................................................................128
1.6.13.5 Désinformation par Internet .................................................................131
1.6.13.6 L'antagonisme digital...........................................................................132
1.6.14 Les filtres de l'auditoire .....................................................................................133
1.6.14.1 On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif ........................................133
1.6.14.2 On n'écoute que ceux qui pensent comme nous.................................133
1.6.14.3 Quand et comment les médias influencent-ils les électeurs ? .............133
1.6.14.3.1 L'attente du public 135
1.7 Qualité des informations politiques et économiques..................................135
1.7.1 Intérêt..................................................................................................................135
1.7.2 Respect du sujet ................................................................................................136
1.7.3 Véracité...............................................................................................................136
1.7.3.1 Preuves de véracité.............................................................................137
1.7.3.2 Pas de publicité cachée ......................................................................137
1.7.4 Objectivité ..........................................................................................................138
1.7.4.1 Proportionnalité ...................................................................................138
1.7.4.2 Rigueur................................................................................................139
1.7.4.3 Modération ..........................................................................................139
1.7.5 Complétude ........................................................................................................140

8
1.7.6 Indépendance.....................................................................................................140
1.7.7 Impartialité .........................................................................................................142
1.7.8 Origine ................................................................................................................143
1.7.9 Nouveauté et fraîcheur des informations.........................................................143
1.7.10 Synthèse.............................................................................................................144
1.7.10.1 Absence de recul et de synthèse. Exemple "OGM" ............................144
1.7.10.2 Absence de commentaires politiques. Spécificité des médias ............145
1.7.11 Qualité rédactionnelle .......................................................................................146
1.7.12 Ethique ...............................................................................................................147
1.7.12.1 Ethique d'un média..............................................................................147
1.7.12.2 Ethique personnelle d'un journaliste....................................................148
1.7.12.3 Les codes d'éthique journalistique.......................................................148
1.7.13 La norme internationale de qualité ISAS BC 9001 :2003.................................148
1.7.14 Exemples d'information de qualité médiocre ..................................................149
1.7.14.1 Un journal de France Inter...................................................................149
1.7.14.2 Le journalisme en Irak à l'été 2003......................................................149
1.8 Les médias au service des extrémistes et des minorités ...........................150
1.8.1 Extrémistes violents et terroristes ...................................................................150
1.8.2 Nos fréquentes erreurs d'appréciation.............................................................151
1.8.2.1 Jugement selon celui qui commet l'acte condamnable........................151
1.8.2.2 Jugement selon le but de l'acte condamnable.....................................152
1.8.2.3 Jugement selon la victime de l'acte condamnable ..............................152
1.8.3 Médias et groupuscules ....................................................................................153
1.8.4 Médias, petits partis, associations politiques et courants .............................154
1.8.5 Une audience disproportionnée .......................................................................155
1.8.5.1 Importance du temps d'antenne, de la place accordée à un événement,
un parti ou une personne ....................................................................155
1.8.5.2 Audience et représentativité ................................................................156
1.9 Les contraintes du métier de journaliste ......................................................156
2. Comment les médias peuvent aider la démocratie................... 158
2.1 Une tâche difficile ...........................................................................................158
2.2 Actions du gouvernement..............................................................................159
2.2.1 Parler aux Français............................................................................................159
2.2.2 La formation à l'économie.................................................................................162
2.2.2.1 Pour les jeunes....................................................................................162
2.2.2.2 Pour les adultes...................................................................................162
2.2.3 Un électeur = une voix, mais une voix récompensée......................................163
2.2.4 Faire respecter les règles par "l'autorité des médias" ....................................165
2.3 Comportement des médias............................................................................167
2.3.1 Respect des règles de qualité de l'information ...............................................167
2.3.2 Respect par les journalistes de règles de déontologie ...................................168
2.3.3 Nécessité d'un respect non imposé .................................................................168
2.4 Comportement des citoyens..........................................................................168
3. Sources ........................................................................................ 170

9
1. Les reproches aux médias
1.1 Exemples de mauvais journalisme
1.1.1 L'«affaire» Dominique Baudis
Sources : [51] et [52]. Voici les conclusions du plus grand scandale de presse que la
France ait déploré depuis plusieurs années, "l'affaire Dominique Baudis".

Pendant plusieurs mois, au printemps 2003, des journalistes de radio, de télévision


et de grands quotidiens ont diffusé des "révélations" qui se sont avérées parfaitement
mensongères, sur des faits inventés de toutes pièces. Ils ont diffusé ces informations
en s'arrangeant pour que le public croie des personnalités connues coupables de
méfaits abominables. On peut faire à ces journalistes les reproches suivants :
 Ils ont propagé des informations provenant de témoins non crédibles : deux
prostituées, un tueur en série et un travesti.
 Ils se sont arrangés pour qu'on devine les noms de personnalités importantes,
comme Dominique Baudis, Président de la région Midi-Pyrénées, personnalités
accusées par ces témoins de méfaits incroyables :
 Viols ;
 Participation à des soirées sadomasochistes ;
 Consommation de cocaïne ;
 Couverture de meurtres ;
 Participation aux bénéfices tirés de la prostitution...
 Ils ont diffusé ces informations malgré leur manque évident de vraisemblance, dû
à leur caractère trop sensationnel pour être crédible sans vérifications
approfondies. En diffusant ces informations, ils ont diffamé et sali ces
personnalités. Et ils l'ont fait à plusieurs reprises, pendant plusieurs semaines.
 Certains journalistes ont signé un contrat d'édition avec des prostituées, pour
révéler d'autres cochonneries imaginaires dans le cadre de cette affaire.
 Une chaîne de télévision a même laissé Karl Zéro, un animateur, c'est-à-dire un
amuseur public qui fait le journaliste, présenter dans son émission Le Vrai
Journal une interview d'une des prostituées, qui avait été payée pour cela. Non
seulement ce témoignage n'était pas crédible, car émanant d'une prostituée qui
avait déjà fait des déclarations si fracassantes qu'on devait en douter, mais un
témoignage payé n'a aucune valeur, dans aucun pays. On voit donc bien que
Karl Zéro et sa chaîne étaient prêts à n'importe quel méfait pour diffuser des
déclarations sensationnelles.
 Les journalistes qui ont si mal agi appartenaient à plusieurs chaînes de radio et
télévision, et aux journaux Sud-Ouest, La Dépêche du Midi et Le Figaro. Sans
reconnaître explicitement avoir mal agi, ce dernier a quand même publié un
article [52] quelques semaines après, affirmant que Dominique Baudis a été
blanchi de tout soupçon.

10
Conclusions
 L'exemple ci-dessus n'étant pas unique, il y a des journalistes et des pseudo-
journalistes qui se comportent mal, eux et les médias où ils s'expriment.
 Si de tels médias et journalistes, agissant de la même façon, fournissent à des
citoyens des informations politiques et économiques sur lesquelles ils basent
ensuite leurs votes, ces votes pourraient choisir des hommes ou des
programmes qui n'auraient pas été retenus par des citoyens bien informés :
des médias qui informent mal impactent donc la démocratie dans un sens
regrettable.
Ce livre est écrit pour dénoncer les comportements des médias qui font souffrir
la démocratie, en favorisant l'élection de gens qui ne le méritaient pas sur des
programmes aberrants.

Bien sûr, il ne faut pas faire de généralisation abusive :


 Tous les journaux ne sont pas mauvais, mais certains peuvent déraper à
l'occasion, nous en verrons d'autres exemples.
 Tous les journalistes ne sont pas si avides de scoops et de sensationnel qu'ils
sont prêts à publier n'importe quoi. Beaucoup sont des gens sérieux et
responsables, qui font bien leur métier.

Lorsque plusieurs médias (radios, chaînes de télévision, journaux...) parlent d'une


même affaire, on a une campagne de presse de fait. Lorsque cette campagne
diffame des gens connus, elle peut leur faire énormément de tort.
(Exemple : voir "Le gouvernement prisonnier des médias"
http://www.danielmartin.eu/Livre/GouvMedias.htm .)
Si, par exemple, des élections ont lieu pendant ou après une telle campagne, les
candidats diffamés peuvent en souffrir ; le fonctionnement de la démocratie est alors
faussé par la faute de médias sans scrupule.

Proposition
Pour éviter que le public soupçonne de méfaits des personnes qui, n'ayant pas été
condamnées, sont réputées innocentes, il n'y a qu'un seul moyen : interdire
purement et simplement qu'un média cite le nom d'une personne convoquée par un
juge, mise en examen ou citée comme témoin, et sanctionner les contrevenants.
Avant un jugement, les médias pourraient citer des "affaires", mais ni des noms ni
des qualités de personnes permettant au public de les reconnaître.

Les exemples suivants montrent que des journalistes de grands quotidiens peuvent
faire de la mauvaise information politique, au détriment de l'information de leurs
lecteurs.
1.1.2 Exemples de scoops inventés de toutes pièces et de plagiats
Il n'y a pas qu'en France que des journalistes écrivent n'importe quoi pour faire les
gros titres. Le journal américain Insight on the News a publié en mai 2004 sur son
site Insight Online http://www.insightmag.com/ une longue liste d'exemples de
méfaits scandaleux commis par des journalistes aux USA, voir [135].

11
1.1.3 Exemples de partialité et d'agressivité

1.1.3.1 Interview d'un ministre américain par un journaliste français


Voici une interview publiée dans Le Figaro du 04/12/2003 :
Rumsfeld : «En Irak, ce qui compte pour Bush, c'est de faire ce qui est juste»
Ci-dessous :
 En caractères italiques et en retrait : les extraits successifs de l'article ;
 En caractères droits alignés à gauche, mes commentaires.

"LE FIGARO – Lors des précédentes réunions ministérielles de l'Otan, vous


n'aviez pas caché votre irritation quand les Européens parlaient de se doter de
forces distinctes et surtout d'un état-major parallèle à celui de l'Otan. Cette
année, vous vous êtes montré beaucoup plus modéré. Pourquoi ?"
Dans sa question, le journaliste affirme implicitement que le ministre était ennuyé et
qu'il a été obligé de changer d'avis : c'est une manifestation d'hostilité à son égard ou
à celui de sa politique.
"Donald RUMSFELD – Je n'ai pas changé d'opinion. Je pense toujours que
l'Otan est terriblement importante pour préserver la sécurité du monde. Alors
quand nos alliés envisagent de nouvelles initiatives, j'appelle à la prudence. Mon
critère est simple : ces nouvelles propositions vont-elles renforcer l'Otan ou
l'affaiblir ? Le monde actuel est dangereux. C'est un monde de désordres. Parce
que l'Otan a fait la preuve de son efficacité depuis les attentats du 11 septembre,
ma priorité est de protéger l'Otan."
Le ministre lui répond qu'il n'a nullement été obligé de changer d'avis.
"LE FIGARO – Certains journaux anglo-saxons affirment que vous avez baissé
le ton pour mieux convaincre d'autres pays de l'Alliance atlantique d'envoyer des
troupes en Irak. Vous auriez même des espoirs du côté de la France. Est-ce
vrai ?"
Le journaliste ignore sa réponse, selon laquelle il n'a pas changé d'avis. Il insiste que
le ministre a baissé le ton, pour lui faire avouer qu'il est si ennuyé de la situation
désastreuse des Etats-Unis en Irak qu'il essaie d'obtenir des renforts. Il lui prête
l'espoir d'une aide de la France, espoir parfaitement absurde parce qu'aucune
déclaration, en France ou ailleurs, n'a permis cet espoir. En somme, le journaliste
essaie de faire mettre en colère le ministre par son agressivité et ses sous-entendus.
"Donald RUMSFELD – Il ne s'agit pas de marchander. Ce qui est en jeu, c'est
l'avenir de l'Otan pour les décennies à venir. Il s'agit d'un processus.
Parallèlement à l'évolution de l'Europe, il y a une évolution de l'Otan. Et, pendant
ce mouvement, nous devons nous appliquer à ce que l'Otan reste en bonne
santé. Avant même le début des opérations en Afghanistan et en Irak, nous
avons dit et répété que nous voulions que tout le monde se joigne à nous. Nous
sommes allés le demander à l'Otan, à l'ONU. Et le résultat est plutôt flatteur :
vingt-six pays sont engagés en Afghanistan, trente-quatre en Irak. Mais
contrairement à ce que vos questions veulent impliquer, ne croyez pas que tout
soit négociable. Il est exclu d'échanger la promesse de renforts en Irak contre
quelque chose qui risquerait d'avoir un impact négatif sur l'avenir de l'Otan."

12
Le ministre lui répond qu'il ne s'agit pas de marchander, donc qu'il n'a pas eu à
baisser le ton, et que de nombreux pays se sont joints aux Etats-Unis. Il a la
politesse de ne pas relever l'absurdité des "espoirs du côté de la France".
"LE FIGARO – Même s'il s'agissait de renforts français ? Ou allemands ?"
Le journaliste insiste encore, avec son hypothèse absurde.
"Donald RUMSFELD – Je vous répète que non. Mais je me demande quand les
éditorialistes cesseront d'écrire que les Américains ont choisi de faire cavaliers
seuls ? En Irak, nous avons été accompagnés par dix-huit des vingt-six
membres de l'Otan. Face aux terroristes, nous pouvons compter sur ce qui est
probablement l'une des plus grandes coalitions de l'histoire. Bien sûr que nous
aimerions avoir des partenaires supplémentaires. Mais il faut regarder le monde
tel qu'il est. Un Etat prend ses décisions en fonction de ses intérêts nationaux. Si
certains de nos amis nous disent non, cela ne rendra pas les Etats-Unis plus
tristes."
Le ministre balaie son hypothèse et attaque à son tour les éditorialistes.
"LE FIGARO – Mais ne faites-vous pas de nouveaux efforts pour convaincre la
France et l'Allemagne ?"
Le journaliste continue à insister avec son hypothèse, en ajoutant l'Allemagne à la
France, citant ainsi deux pays que le ministre avait qualifiés de "Vieille Europe".
"Donald RUMSFELD – Ces deux pays connaissent parfaitement nos arguments,
ils sont conscients des efforts que nous avons faits pour les convaincre, de nos
raisons pour demander de l'aide. Ils savent ce que nous voulons. Mais c'est à
eux seuls de décider."
"LE FIGARO – La modération que vous avez montrée à Bruxelles ne
s'expliquerait-elle pas aussi par la crainte de perdre la guerre contre le
terrorisme ? Si l'on en juge par le récent mémorandum que vous aviez distribué
à vos collaborateurs du Pentagone et dont la presse américaine s'est fait l'écho,
c'est en effet une question que vous vous posez."
Le journaliste continue à essayer de faire avouer au ministre qu'il craint de perdre la
guerre. Il essaie d'exploiter une note de service du ministre à ses collaborateurs,
montée en épingle par la presse pour essayer de prouver qu'il est démoralisé et
craint une défaite face au terrorisme ; en réalité, cette note était seulement destinée
à faire réfléchir ces collaborateurs, et la presse a eu tort d'en parler.
"Donald RUMSFELD – Dites tout de suite que c'est l'âge qui me ramollit. Il y a
soixante et onze ans que j'écris ce genre de note. C'est ainsi que je réfléchis et
que je fonctionne. Depuis que je suis revenu à Washington en janvier 2001, je
me livre à cet exercice à peu près tous les deux mois. Ce jour-là, j'étais au
Pentagone, en train de participer à une conférence vidéo avec un certain
nombre de chefs militaires qui me parlaient depuis leurs terrains d'opération. En
les écoutant, différentes questions me traversaient l'esprit. Dans tel cas avons-
nous choisi la bonne tactique ? Et dans tel autre ? Est-ce que les choses ont
changé sur le terrain depuis que nous avons pris cette décision ? Je ne suis pas
un génie. Je n'ai pas de réponse à tout. Il faut que je pose des questions. Il faut
que je trouve les experts qui ajouteront à mes informations des connaissances,
des lumières, un diagnostic qui me permettront de trancher."

13
Devant tant d'agressivité, le ministre se fâche. Sa réponse montre que les
journalistes ont essayé d'exploiter, par souci de sensationnel, un court document
interne qui ne méritait pas d'être publié.
"LE FIGARO – Les critiques constantes de la presse européenne ne finissent-
elles pas par vous décourager ?"
Le journaliste essaie à présent de lui faire avouer un découragement. A l'évidence, il
n'interviewe pas le ministre pour lui faire décrire ou analyser sa politique, il veut
l'agresser pour qu'il se mette en colère.
"Donald RUMSFELD – J'ai un job qui est dur. Mon rôle, ce n'est pas de jouer au
Père Noël et de distribuer des cadeaux pour rendre les gens heureux. Je ne
m'attends donc pas à susciter l'unanimité, en Europe ou ailleurs. Lorsque, à
Washington, je dois traiter avec le Congrès, c'est la même chose : il peut y avoir
200 voix pour et 300 voix contre."
"LE FIGARO – En Irak, les événements ne vous ont-ils pas donné tort ? En
décidant d'accélérer le transfert de pouvoir aux Irakiens, les Etats-Unis n'ont-ils
pas dû se résigner à changer de stratégie ?"
Constatant qu'il n'arrive pas à le faire sortir de ses gonds, le journaliste essaie une
autre piste d'agression : il veut à présent faire avouer au ministre qu'il s'est trompé de
politique.
"Donald RUMSFELD – Absolument pas. Contrairement à toutes les accusations,
le but de notre intervention en Irak n'a jamais été de contrôler les gisements de
pétrole ou de dominer le Proche-Orient. L'objectif a toujours été de donner au
peuple irakien la responsabilité de sa propre sécurité et de lui rendre une
souveraineté totale. Les seuls points d'interrogation portaient sur la méthode :
comment et quand pouvait-on le faire ? Ce n'est donc pas la stratégie qui a
changé, c'est la tactique. Il fallait s'adapter à la situation."
Le ministre répond à côté de la question, qui portait sur la résistance irakienne après
le conflit. Il dit la vérité, mais ce n'est pas celle qu'attendait le journaliste.
"LE FIGARO – Si ce n'est pas l'armée américaine qui perd en Irak, n'est-ce pas
vous qui avez perdu de l'influence à Washington ?"
Le journaliste essaie de faire choisir le ministre entre avouer que son armée perd la
guerre ou que lui-même subit une défaite politique. Son insolence est incroyable. Il
continue à transformer son interview en une suite d'agressions verbales dont les
réponses (les justifications données par le ministre) ne pourront rien apprendre à ses
lecteurs sur la politique des Etats-Unis en Irak. Il fait donc du mauvais journalisme.
"Donald RUMSFELD – Soyons sérieux. C'est le président qui est en charge du
dossier. Aujourd'hui, bien sûr, le Pentagone a un rôle spécial à jouer puisque les
priorités restent militaires. Mais, de plus en plus, ce sont les considérations
politiques et économiques qui vont l'emporter. Le Pentagone devra donc
s'effacer devant le département d'Etat. Car le dénouement que nous voulons,
c'est l'établissement de relations normales entre l'Irak et les Etats-Unis : avec, de
chaque côté, un ambassadeur."
Le ministre fait preuve de patience et lui répond qu'il a toujours la confiance de son
président. Il ajoute que la soi-disant perte d'influence de son ministère est normale
après la fin d'une guerre, où les militaires doivent s'effacer devant les diplomates.

14
"LE FIGARO – La question est ouvertement posée au Congrès. L'armée
américaine en Irak a-t-elle assez de soldats pour faire face à la guérilla ?"
Autre tentative de critique du journaliste, qui dit implicitement que les Américains
risquent de perdre en Irak parce qu'ils n'ont pas les moyens militaires de gagner, ce
qui constitue une nouvelle critique de la politique des Etats-Unis.
"Donald RUMSFELD – Le président est tout à fait décidé à envoyer des renforts
s'ils se révèlent nécessaires. Et il est tout aussi décidé à maintenir nos troupes
sur place aussi longtemps qu'il le faudra. Mais, aujourd'hui, pas un seul de nos
chefs militaires n'estime nécessaire d'augmenter nos effectifs. Les accrochages
militaires en Irak ne durent généralement pas plus de deux minutes. Au
maximum, quinze minutes. Pour faire face à ces incidents, nous alignons, outre
nos GI, 140.000 Irakiens et des dizaines de milliers d'hommes fournis par les
autres contingents de la coalition. C'est largement suffisant. Les soldats irakiens
patrouillent sur les frontières et gardent les sites militaires ou industriels. Les
soldats américains, eux, passent le plus clair de leur temps à installer des
générateurs électriques, à ouvrir les écoles, à faire tourner les hôpitaux. Si leurs
missions militaires ne les mobilisent que peu de temps, c'est pour une raison
toute simple. En Irak, nous sommes seulement confrontés qu'à ce que les
spécialistes appellent un conflit de basse intensité."
Le ministre explique pourquoi la critique implicite du journaliste ne tient pas.
"LE FIGARO – Selon le dernier sondage de Gallup, les Américains sont
maintenant 54% à juger négativement l'action américaine en Irak. A un an de la
présidentielle de novembre 2004, n'est-ce pas de mauvais augure pour la
réélection du président ?"
Nouvelle marque d'hostilité du journaliste, qui attaque le ministre en disant que le
peuple américain désavoue la politique de son gouvernement et que le président
peut craindre pour sa réélection.
"Donald RUMSFELD – Moi, je ne fais pas de politique. Tout ce que je puis dire,
c'est que le président accomplit un travail extraordinaire et qu'il est parfaitement
conscient de l'importance vitale de l'enjeu. Au fil des semaines, les sondages
vont monter et descendre. Mais George W. Bush n'abandonnera pas le cap."
Le ministre a suffisamment d'expérience politique pour continuer à rester calme et
botter en touche.
"LE FIGARO – Comment le président peut-il gagner l'élection s'il ne gagne pas
la guerre ?"
A court d'idées pour mettre le ministre en difficulté, le journaliste revient à son
agression précédente.
"Donald RUMSFELD – Vous vous répétez. Ma meilleure explication, la voici. La
semaine dernière, j'étais en Corée du Sud et une journaliste, visiblement née
bien après la guerre de Corée, m'a demandé pourquoi les Sud-Coréens
devraient aller en Irak risquer leur vie pour les Américains. Je lui ai expliqué que
je revenais d'une cérémonie à la mémoire des soldats américains tombés en
Corée et que, sur le mur du monument, j'avais pu lire le nom d'un camarade de
lycée qui avait été tué le dernier jour de cette guerre. Il y a cinquante ans, un
journaliste américain aurait donc pu poser la même question : «Pourquoi de
jeunes Américains devaient-ils aller risquer leur vie à l'autre bout du monde ?»
Eh bien, regardez par la fenêtre et vous aurez la réponse. La Corée du Sud est

15
une société vibrante d'énergie, un miracle économique, une démocratie
dynamique. Mais quand, la nuit, les satellites américains survolent la Corée du
Nord, la seule lumière visible provient de la capitale Pyongyang. Partout ailleurs,
c'est l'obscurité. Au nord, les gens crèvent de faim. Ils sont opprimés, torturés,
enfermés dans des camps de concentration. En Irak aussi, ce qui compte pour le
président Bush, c'est de faire ce qui est juste."
Le ministre constate que le journaliste ne sait plus comment le déstabiliser et lui dit
qu'il se répète. Il reproche au journaliste de ne pas comprendre qu'en combattant le
terrorisme, les Etats-Unis combattent pour tous les pays démocratiques, y compris la
France. A travers son exemple coréen, il veut que les Français comprennent que des
Américains sont venus mourir en France en 1944 pour les libérer des Allemands,
donc qu'au lieu de critiquer les Américains, les Français devraient combattre à leur
côté en Irak et leur être reconnaissants.
"LE FIGARO – A condition de réussir..."
Le journaliste affirme implicitement de nouveau que les Etats-Unis sont en train de
perdre en Irak. Il n'interviewe toujours pas le ministre, il l'agresse. Il n'a donc
nullement l'intention d'obtenir des renseignements intéressants pour ses lecteurs,
mais seulement de profiter de sa position de journaliste pour manifester le maximum
possible d'hostilité et de parti pris à un Américain qu'à l'évidence il déteste.
"Donald RUMSFELD – C'est ce que nous faisons. Le peuple irakien est libéré du
joug d'un dictateur qui avait rempli les fosses communes avec des milliers de
ses concitoyens. Un dictateur qui avait utilisé des armes chimiques contre son
propre peuple. Aujourd'hui, les Irakiens ont au moins une chance de vivre
mieux."
"LE FIGARO – Le «National Journal», une publication influente de Washington,
a récemment titré : «La France avait raison». N'est-ce pas l'annonce d'un
retournement d'opinion aux Etats-Unis ?"
N'arrivant pas à prendre l'avantage sur le ministre avec ses propres arguments, le
journaliste essaie un argument d'autorité : "il y a même une publication influente..."
(en fait, le National Journal est un journal local de la région de Washington, qui a,
dans cette région, 5 fois moins de lecteurs que le Washington Post et 3 fois moins
que le New York Times) "qui pense que la France avait raison, donc qu'étant
Français j'avais raison et vous, tort."
"Donald RUMSFELD – Ah ! vous croyez ! Quand, après le 11 septembre 2001,
nous avons porté le fer en Afghanistan, les opérations avaient à peine
commencé que certains des journaux américains les plus prestigieux prédisaient
déjà un enlisement à la vietnamienne. Même réaction au moment de
l'intervention contre l'Irak. Nous étions à mi-chemin de Bagdad mais la presse
annonçait la défaite. Aujourd'hui aussi, la mode est aux pronostics négatifs. Or je
constate que les écoles irakiennes fonctionnent à nouveau. De même que les
hôpitaux et les cliniques. La Banque centrale a rouvert ses portes. Une nouvelle
monnaie a été mise en circulation. Tout cela en cinq mois et alors que des gens
se font tuer tous les jours. En Allemagne et au Japon, après la Seconde Guerre
mondiale, pour en arriver au même point, il avait fallu cinq ans."
Le ministre lui montre, exemple à l'appui, que les journaux se sont souvent trompés
en prédisant des malheurs qui ne se sont pas produits. Nous vérifierons ci-dessous
que c'était particulièrement vrai en France. C'est lui qui a le dernier mot.

16
Conclusion
Cette interview montre qu'il y a des journalistes, comme celui qui a interviewé M.
Rumsfeld, dont l'antiaméricanisme est tel qu'ils perdent toute objectivité. Ils en
deviennent incapables de faire correctement leur métier, qui consiste à rapporter des
faits et des événements, et à les analyser de manière impartiale. Du coup, les
articles comme le précédent (qui occupe 2/3 de la page 2 du Figaro) sont dénués de
valeur : ayant obligé la personnalité interviewée à se défendre contre des agressions
verbales sans jamais lui faire décrire sa politique, le journaliste n'y apporte
strictement rien de nouveau à un lecteur. Pire même, ils déconsidèrent ce journaliste
et la rédaction du journal qui publie un tel texte.

1.1.3.2 Interview d'un ministre français par un journaliste arabe


Le Figaro magazine du 10/01/2004 publie page 8, le court article Muselier, le voile et
le Boeing, dont voici un extrait :
"…Renaud Muselier, juste de retour de Charm el Cheikh, a fait part à ses
collègues de son indignation au sujet des questions posées par certains
journalistes à la conférence de presse qu'il avait donnée en Egypte. Le
représentant d'al Jezira, notamment, a demandé au secrétaire d'Etat français s'il
confirmait que «l'attentat (sic) contre le Boeing de Flash Airlines était dû à
l'interdiction du voile en France…»"

Comme quoi l'agressivité verbale envers un ministre, insolente et incapable de


produire une réponse utile au public d'un journaliste, n'est pas l'apanage d'un
journaliste français !
1.1.4 Désinformation due à l'opinion politique des journalistes
Nous allons voir maintenant que les exemples ci-dessus ne sont pas isolés : le
manque d'objectivité sur un sujet donné peut être déploré pendant plusieurs
semaines, chez de nombreux journalistes de grands quotidiens.

Les exemples ci-dessous, "La guerre à outrances - Comment la presse nous a


désinformés sur l'Irak", etc., ont été rédigés en novembre 2003. Comme ils
constituent un grave désaveu pour de nombreux journalistes, on pourrait penser que
ceux-ci ont compris la leçon et qu'après cette preuve de leur partialité et de leur
manque de sérieux ils abandonneraient leur antiaméricanisme pour plus d'objectivité.
Mais hélas, pour nombre d'entre eux, la leçon n'a pas porté et ils ont continué à
écrire n'importe quoi, à exprimer leur haine absurde de l'Amérique et de son
président G. W. Bush jusqu'en novembre 2004, date où les exemples ci-dessus,
particulièrement scandaleux, ont été relevés :
 Le lynchage médiatique de G. W. Bush par la presse française du 4 novembre
2004 http://www.danielmartin.eu/Politique/Lynchage.htm (11 exemples d'âneries
colossales par antiaméricanisme dans les journaux français du lendemain des
élections américaines).
 Questions sur la France anti-Bush http://www.danielmartin.eu/US/Questions.htm
(un excellent article du Figaro au lendemain de l'élection américaine, qui fait le
point sur les nombreuses dérives antiaméricaines des médias français et les
explique).

17
1.1.4.1 La guerre à outrances - Comment la presse nous a désinformés sur l'Irak
Le titre de ce paragraphe est celui de l'ouvrage [4], dont je recommande la lecture à
ceux qui veulent approfondir les problèmes de pratique journalistique. Il rapporte en
détail la manière dont cinq quotidiens français ont couvert la guerre en Irak en mars
et avril 2003. Il s'agit de grands quotidiens : Le Monde, Le Figaro, Ouest-France,
Libération et La Croix, et de nombreux journalistes ou commentateurs qui y ont
publié des textes sur cette guerre.

Les fautes professionnelles décrites ci-dessous, commises pendant la guerre d'Irak


et devenues patentes par la suite, n'ont pas pour autant modifié l'opinion des
journalistes antiaméricains cités, qui le sont restés. Les journalistes n'ayant pas
l'habitude de s'excuser et de s'amender après des fautes, mêmes graves, la presse
écrite et la télévision continuent trop souvent, longtemps après, à nous fournir une
vue biaisée des événements, et à orienter les interviews pour essayer de faire dire
aux interviewés ce qu'ils souhaitent entendre.

Ci-dessous en italiques et en retrait de courtes citations extraites de [4] et, en


caractères droits cadrés à gauche, mes commentaires illustrant des pratiques
journalistiques qui désinforment le public.

Pages 18 à 20 :
"Entre le 20 mars et le 10 avril 2003, chaque quotidien [ci-dessus] produit 19
éditions, sauf Ouest-France qui, avec son édition dominicale, en publie 22. Cela
représente au total 98 [pages] unes."
"Parmi elles, pas moins de 42 - plus de 4 sur 10, une proportion énorme -
donnent une image défavorable de l'entreprise américano-britannique à l'égard
de l'Irak, que ce soit en critiquant l'administration Bush, en soulignant des
problèmes stratégiques ou tactiques, ou en relevant des conséquences néfastes
pour les civils irakiens et le reste du monde."
A aucun moment, la presse française n'a souligné la justesse d'une guerre faite à un
dictateur qui a causé la mort d'environ 2 millions de personnes pendant les 35
dernières années, par des assassinats, en réprimant des révoltes ou en faisant la
guerre. Pas un n'a souligné le fait qu'il s'est moqué, depuis 1991, de 17 résolutions
du Conseil de sécurité des Nations unies, qui pourtant le menaçaient de guerre s'il
ne s'amendait pas.
"Parmi ces 42 pages une, 21 insistent sur l'enlisement des troupes de la coalition
et/ou sur la résistance des forces de Saddam Hussein. Dans l'art de présenter
l'intervention américano-britannique comme un fiasco, Libération est le
champion. En effet, sur ses 19 éditions, 8 unes soulignent le diptyque
enlisement/résistance."
"En trois semaines, les cinq quotidiens ne relaient les avancées militaires
américaines et anglaises que sur 30 unes [moins du tiers]. C'est peu quand on
pense que la coalition va l'emporter."
"Entre le 20 mars et le 10 avril, les cinq quotidiens consacrent 2746 titres à la
guerre en Irak. Il n'y en a que 356 qui donnent une image favorable de
l'entreprise américano-britannique [13%]. Il y en a 29 qui condamnent le
dictateur irakien et 135 blâmant George W. Bush [4,5 fois plus !] Le Monde

18
publie 7 titres anti-Saddam pour 49 titres anti-coalition [7 fois plus] et Libération 3
titres anti-Saddam pour 31 titres anti-coalition [10 fois plus !]"
Ces statistiques montrent bien l'antiaméricanisme de ces quotidiens et le manque
d'objectivité qui en résulte.

Page 25 :
"Pendant toute la première partie du conflit, George W. Bush et ses 280 millions
de concitoyens sont caricaturés, voire diabolisés. De ce fait, ils se retrouvent
rapidement disqualifiés en tant qu'amis et alliés, mais aussi en tant qu'êtres
humains intelligibles par les habitants sages et cultivés du Vieux Continent. A lire
les quotidiens français, l'Amérique semble n'être peuplée, à l'exception d'une
poignée d'admirables pacifistes, que de déplaisants «patriotes» écervelés,
égoïstes et violents. Quand à leurs dirigeants, ils se révèlent bellicistes, ignares
et irresponsables. Telle est du moins la vision que propose Sergueï dans son
dessin du Monde du 21 mars : Bush met le feu à la planète avec des allumettes
à tête humaine..."
Page 35 :
"La foi explicite de George W. Bush est assimilée au fanatisme mortifère des
islamistes combattants. Les expressions du type «morgue messianique» (Le
Figaro des 22-23 mars), «idéologues imprégnés de messianisme» (Le Monde du
2 avril) ou «croisés de Washington» font leur effet. Elles n'atteignent cependant
pas le niveau de certains titres frappants, «GWB et le djihad à l'américaine»
dans Le Figaro des 29-30 mars ou «Le choc de deux fondamentalismes» dans
Le Monde du 1er avril."
Les journaux s'émeuvent parfois de la désinformation qui sévit dans certains pays
arabes, où on enseigne aux enfants la haine des chrétiens et des juifs, en leur
faisant croire que c'est ce que préconise la religion musulmane. Mais la haine des
Américains qu'ont propagée certains quotidiens français pendant la guerre d'Irak n'a
rien à envier à celle que propagent certains enseignants islamistes.

Page 58 :
"«La tension monte dans le monde arabe», titre Le Figaro du 24 mars. «Onde de
choc dans le monde musulman», prévient Le Monde du 30 mars."
Quand on sait qu'en réalité aucun pays arabe n'a bougé, qu'aucun ne peut bouger
tant les régimes arabes répriment durement la moindre manifestation... On apprécie
ainsi la déontologie de journalistes qui veulent faire croire à des événements et des
situations imaginaires, pour inquiéter leurs lecteurs et les persuader qu'ils ont raison
de détester, comme eux, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

Page 61 :
"C'est avec des a priori aussi tranchés que la presse écrite reçoit et évalue les
informations quotidiennes en provenance du théâtre des opérations militaires.
Dès lors, comment pourrait-elle ne pas surestimer ou, au contraire, minimiser
certains faits, selon qu'ils confortent ou non ses convictions ?"

Page 88 :

19
"Dans Le Monde du 26 mars, le correspondant à Washington, Patrick Jarreau,
remet les pendules à l'heure : «Les Américains ont pris conscience que le
scénario le plus optimiste ne s'est pas réalisé. Le régime irakien ne s'est pas
effondré. Les troupes ne se rendent pas en masse.»"
Une semaine après le début de la guerre, ce journaliste reproche aux Américains de
s'être trompés en échafaudant un scénario prévoyant un effondrement du régime
irakien dès la première semaine, avec une reddition massive des troupes. Il n'existe
aucun scénario de cette nature ; à aucun moment les militaires américains n'ont
prévu une victoire totale aussi rapide, notamment parce qu'il n'était pas possible à
leurs troupes de parcourir les 400 km du port de Oum Kasr à Bagdad en si peu de
temps. Nous avons donc là un exemple d'appréciation («ils se sont trompés») portant
sur un scénario imaginaire.

Page 90 :
"«Militairement, pour l'instant du moins, la stratégie irakienne est un coup de
maître» a écrit Isabelle Lasserre dans Le Figaro du 26 mars."
Si l'art d'être totalement vaincu en 3 semaines prouve une stratégie de maître, c'est
qu'on est une journaliste qui écrit n'importe quoi.

Page 91 :
"Parmi les éditorialistes, le directeur de Libération est le premier à émettre un
jugement définitivement négatif sur la phase initiale de la guerre. Et ce, dès la
première fois qu'il prend la plume pour écrire sur le conflit, le mardi 25 mars.
Serge July estime qu'«un spectre hante désormais Washington : être condamné
à mener militairement la bataille de Bagdad». Le lendemain, il revient à la charge
dans un nouvel éditorial. «Prévue pour durer quelques jours, écrit-il, la guerre
terrestre se profile désormais sur plusieurs semaines, un mois, peut-être deux,
s'il faut en croire George W. Bush lui-même»."
Bien que M. July ne soit pas un spécialiste des questions militaires, bien qu'il ne
dispose pas des renseignements des militaires du front, il se permet de juger le
déroulement de la guerre. Détestant les Américains, il leur prête une inquiétude qu'ils
n'ont certainement jamais eue, à en juger par la manière expéditive dont ils ont mené
leur offensive. Bien qu'incompétent, M. July prédit une bataille à Bagdad et une
longue durée pour la guerre, et se trompe lourdement. Et, ce qui achève de
ridiculiser le directeur de Libération, il invente une prise de position du président
George W. Bush qui n'a jamais existé.

Page 92 :
"Cela n'empêchera pas Serge July de réaffirmer son point de vue le vendredi 28
mars, dans un troisième éditorial intitulé «Constat d'échec». Quarante-huit
heures plus tôt, il évoquait «un mois, peut-être deux». Désormais «les
échéances se mesurent en mois» prévient-il ; «la tragédie est en marche»."
C'est une caractéristique commune à beaucoup de journalistes : ils persévèrent dans
l'erreur. Quand ils ont commis une faute (ici : prévoir l'avenir sans compétence ni
informations, et laisser leur antiaméricanisme prendre le pas sur l'objectivité) ils
recommencent à la première occasion. Pour les rares lecteurs qui prennent le temps
de réfléchir à ce qu'ils lisent, ils sont simplement ridicules. Mais la plupart des
lecteurs, hélas, sont désinformés.

20
Page 100 :
"A la une du Monde publié dans l'après-midi du 29 mars, c'est «La guerre
imprévue du Pentagone». La synthèse rédigée pour la première page martèle
qu'«il ne fait plus de doute que les forces américaines et britanniques sont
engagées dans un conflit long et meurtrier»."
Aveuglés par leurs opinions personnelles (ici l'antiaméricanisme) les journalistes
affirment parfois sans preuve. Comment Le Monde aurait-il su quelle sorte de guerre
le Pentagone avait prévu ? Leur antiaméricanisme leur fait prévoir un conflit long et
meurtrier. Nous savons qu'il n'a été ni l'un ni l'autre. Encore de la désinformation.

Page 106 :
"Arrêtons-nous un instant pour illustrer un procédé utilisé par la presse pour faire
dire aux généraux américains ce qu'ils ne formulent pas, mais que les
journalistes français aimeraient tellement qu'ils disent. Dans un article de
Libération du 31 mars, Philippe Grangereau parle ainsi d'un «conflit en escalade
qui risque de durer de longs mois». Selon lui, le général Franks «le reconnaît à
demi-mot». Confronté à cette confession, le lecteur est assurément convaincu
que les soldats de la coalition ne sont pas près d'entrer dans Bagdad."
Ni le général Franks ni aucun militaire américain n'a fait de déclaration sur la durée
de la guerre. Et, lorsque les journalistes demandaient une prévision de durée, ils
répondaient de manière vague, à la fois pour ne pas renseigner l'ennemi sur leurs
prévisions réelles et pour ne pas s'engager sur un délai qui risquerait d'être démenti
par les faits, la conduite de la guerre n'étant pas une science exacte. Mais les
journalistes antiaméricains, qui cherchaient un aveu d'échec, interprétaient la
réponse vague comme l'aveu d'échec attendu, ou le refus d'avouer un échec dont ils
étaient, eux, convaincus. C'est pourquoi le journaliste à écrit «le reconnaît à demi-
mot», incitant ainsi ses lecteurs à croire ce qui n'était pas.

En somme, au lieu de rapporter objectivement les faits, il arrive que les journalistes
les interprètent d'une façon si erronée qu'ils désinforment leur public. On sait qu'un
artiste peintre ne représente pas ce qu'il voit, mais ce qu'il veut montrer ; hélas, les
journalistes font trop souvent de même.

Page 108 :
"Dans son «scénario du pire», Serge July écrit dans Libération le 1er avril «On
pouvait redouter le pire, c'est encore pire que prévu. L'échec de la parade
militaire américaine dans le désert, destinée, en principe, à faire imploser la
dictature en quelques jours, est un revers pour Donald Rumsfeld et toute la
bande des Folamour de la démocratie de force.»"
M. July ne savait pas que la statue de Saddam Hussein tomberait, à Bagdad, 8 jours
après ; à l'évidence, il espérait toujours que les Américains auraient de gros ennuis.
Mais présenter ces ennuis comme un fait, une affirmation, est une désinformation
manifeste. Cet exemple prouve que les journalistes peuvent, à l'occasion, se
comporter de manière irresponsable, en rapportant une vérité sortie tout droit de leur
imagination. Faut-il préciser que ni M. July, ni aucun des journalistes qui se sont
lourdement trompés à propos de la guerre en Irak - et ont trompé leurs lecteurs - n'a
reconnu ensuite ses erreurs et ne s'est excusé ?

21
Pages 108-109 :
"Le 1er avril, le correspondant à Washington du Figaro, Jean-Jacques Mével,
suppute qu'il faudra «des semaines» ne serait-ce que pour «attendrir» par un
«bombardement tactique» les lignes de défense de la capitale irakienne. Du
coup, poursuit-il, «la vraie poussée sur Bagdad viendra sans doute beaucoup
plus tard». Or, à l'heure où il écrit, elles sont déjà laminées..."
Cet autre exemple d'erreur montre que M. July n'a pas le monopole des informations
inventées et des prévisions fantaisistes à l'origine d'une désinformation.

Conclusions
L'exemple ci-dessus illustre les fautes professionnelles suivantes :
 Manque d'objectivité amenant un journaliste à déformer la réalité.
 Jugements de valeur, sur des dirigeants et leurs politiques ou stratégies, qui ne
sont pas basés sur des faits certains, donc sans valeur et susceptibles de
tromper les lecteurs.
 Prévisions sur le déroulement futur de la guerre faites par des journalistes sans
compétence militaire et n'ayant pas accès aux informations du champ de
bataille.
 Volonté de dramatiser la réalité, même au prix d'une déformation.

1.1.4.2 Désinformation par outrance journalistique dans L'Express


Sur la couverture de L'Express n° 2736 du 11 au 17/12/2003 une photo de George
W. Bush emplit toute la page, avec cette légende : George W. Bush - L'homme qui
nous a gâché l'année.

J'avoue que si on m'avait demandé de choisir l'homme qui m'a le plus gâché l'année,
j'aurais pensé à Ben Laden, à cause de ses attentats. Je pense que le président
Bush, en luttant contre le terrorisme, en envoyant ses soldats mourir en Irak et en
Afghanistan pour défendre toutes les démocraties, donc la France, a plutôt bien fait
que mal fait. En débarrassant le monde d'un dictateur sanguinaire, Saddam Hussein,
qui aidait et abritait le terrorisme et menaçait de déstabiliser une région pétrolière
vitale pour l'économie du monde, il mérite des louanges et de l'aide, pas une insulte
comme cette couverture de L'Express. En tentant de faire progresser la démocratie
dans le monde arabe, qui génère du terrorisme précisément parce que ses régimes
tyranniques désespèrent leurs citoyens, il rend service au monde, donc à notre pays.
En faisant tout cela avec l'argent de ses contribuables, il est généreux pour nous.

En tout cas, il ne mérite pas ce genre de rejet, qui déshonore L'Express. Cette page
de couverture annonce, en fait, un article 100% négatif dans la vision qu'il donne de
la politique américaine, donc dénué d'objectivité, étalant sur 7 pages (c'est énorme !)
son antiaméricanisme et ses exagérations : L'homme qui nous a gâché l'année.
Dans un hebdomadaire qui prétend être objectif et respecter ses 500.000 lecteurs,
c'est là un journalisme détestable, méprisable.

22
La page du site Internet dont l'article L'homme qui nous a gâché l'année a été extrait
le 16/12/2003, http://www.lexpress.fr/express/info/monde/dossier/bush/dossier.asp,
comprend aussi des liens vers les autres articles de L'Express sur le même sujet :
 Bush dans l'adversité (24/07/2003)
 Bush, président impérial (14/11/2002)
 L'inquiétant M. Bush (29/08/2002)
 Portrait d'un président mal élu (14/12/2000)

Comme ces titres le montrent, ils sont tous anti-Bush. L'Express méprise donc
l'opinion des dizaines de millions d'Américains qui ont élu et réélu ce président, et qui
approuvaient donc sa politique. En rendant mal compte de la réalité, L'Express
désinforme ses lecteurs.

L'Express et le souci de la rigueur


Voici le texte que j'ai envoyé à L'Express au sujet de la couverture précédente et ce
qu'ils ont publié. On admirera dans leur texte les insultes qu'ils me font proférer après
les avoir inventées : "Saddam, ce salopard intégral" et "Chirac, petit souverain qui
continue à se croire homme d'Etat". Si j'étais un homme politique candidat à une
élection, leur message me ferait beaucoup de tort. Ou peut-être L'Express a-t-il
profité de mon message pour insulter deux politiciens qu'il n'aime pas ? Après un tel
manque de rigueur, comment faire confiance à ce magazine ?

Texte du message envoyé à L'Express Texte publié par L'Express


(forum@lexpress.fr) le 16/12/2003 le 26/01/2004 page 106

Sur la couverture de L'Express n° 2736 du


11 au 17/12/2003 une photo de George W.
Bush emplit toute la page, avec cette
légende : George W. Bush - L'homme qui
nous a gâché l'année.
J'ai du mal à comprendre en quoi M. Bush
aurait gâché l'année aux Français. Qu'il l'ait
J'avoue que si on m'avait demandé de
gâchée à Saddam, ce salopard intégral que
choisir l'homme qui m'a le plus gâché
la France a soutenu jusqu'au bout, d'accord.
l'année, j'aurais pensé à Ben Laden, à cause
(…) Bush n'est pas l'homme qui m'a gâché
de ses attentats. Je pense que le président
l'année, bien au contraire. Celui qui me l'a
Bush, en luttant contre le terrorisme, en
gâchée s'appelle Chirac, petit souverain qui
envoyant ses soldats mourir en Irak et en
continue à se croire homme d'Etat et qui
Afghanistan pour défendre toutes les
ferait mieux (…) de s'intéresser à ce qui se
démocraties, donc la France, a plutôt bien
passe en France.
fait que mal fait.

En débarrassant le monde d'un dictateur D. Martin (courriel)


sanguinaire, Saddam Hussein, qui aidait et
abritait le terrorisme et menaçait de
déstabiliser une région pétrolière vitale pour
l'économie du monde, il mérite des louanges
et de l'aide, pas une insulte comme cette
couverture de L'Express.

23
En tentant de faire progresser la démocratie
dans le monde arabe, qui génère du
terrorisme précisément parce que ses
régimes tyranniques désespèrent leurs
citoyens, il rend service au monde, donc à
notre pays.

En faisant tout cela avec l'argent de ses


contribuables, il est généreux pour nous.

En tout cas, il ne mérite pas ce genre de


rejet, qui déshonore L'Express. Cette page
de couverture annonce, en fait, un article
100% négatif dans la vision qu'il donne de la
politique américaine, donc dénué
d'objectivité, étalant sur 7 pages (c'est
énorme !) son antiaméricanisme et ses
exagérations.

Dans un hebdomadaire qui prétend être


objectif et respecter ses 500.000 lecteurs,
c'est là un journalisme détestable,
méprisable.

Daniel MARTIN

Avec une belle constance dans son antiaméricanisme, le numéro suivant de


L'Express, daté du 25/12/2003, persiste et signe avec, en première page après la
couverture, un dessin pleine page de Plantu représentant un président Bush
caricaturé de manière à paraître stupide et entêté, sur fond de texte en gros
caractères répété 10 fois : «Attention, je peux aussi vous pourrir toute l'année 2004».
Et à côté de Bush un petit terroriste barbu, bombe sous le bras, qui dit : «Moi aussi».
J'ai donc décidé de lire moins souvent L'Express et annulé mon abonnement.

1.1.4.3 Une information à sens unique


Comme les Français, la grande majorité des journalistes sont ou sont devenus
antiaméricains depuis l'invasion de l'Irak. Nous l'avons vu, ils ont tendance à ne pas
être objectifs dès qu'il s'agit de politique des Etats-Unis, et nous le verrons de
manière encore plus affirmée. Cela les conduit souvent à publier des informations à
sens unique, c'est-à-dire des informations qui ne respectent pas la règle d'impartialité
pourtant à la base de leur métier. Concernant l'Irak, par exemple, ils ne publient que
les mauvaises nouvelles.

C'est pourquoi je salue le contre-exemple suivant, extrait d'un article de l'envoyé


spécial du Figaro en Irak, Renaud Girard, publié dans Le Figaro du 14/11/2003 sous
le titre La rue irakienne à l'écart de la nouvelle guerre :
"Le miroir grossissant des images télévisées ne donne pas un reflet toujours
exact de la situation en Irak..."

24
"Sur 90% du territoire, la vie suit son cours tranquillement et, dans son écrasante
majorité, la population ne regrette pas le régime de Saddam Hussein. Les
Américains n'ont guère de problèmes pour travailler avec les institutions locales
(conseils de quartier, conseils de district) qu'ils ont créées, ni pour recruter des
Irakiens dans les nouvelles forces de sécurité (police, sécurité civile, armée)."
Il est triste que des messages positifs sur l'Irak comme celui-ci soient rarissimes
dans les médias français, car un point de vue à sens unique négatif désinforme le
public. Connaissant l'opinion des citoyens et se gardant bien de rétablir la vérité des
faits, la grande majorité de classe politique adopte alors, elle aussi, une politique
étrangère antiaméricaine, qui finit par faire du tort à la France.
1.1.5 Déformation des informations due à la peur des terroristes
L'agence de presse anglaise d'importance mondiale Reuters reconnaît qu'elle
adoucit ses communiqués relatifs aux terroristes islamistes (voir [144]) par peur de
représailles.
1.1.6 Prévisions boursières et économiques
Les exemples ci-dessus concernent la politique internationale. Mais les affirmations
fantaisistes sévissent également dans d'autres domaines. Exemple : les prévisions
boursières et économiques à quelques mois, qui s'avèrent souvent par la suite
grossièrement infirmées par les faits. C'est ainsi que, dans l'article [84] page 2 :
 les prévisions faites en juin 2003 pour l'indice CAC 40 au 31/12/2003 (qui a été
de 3557,90 exactement) variaient selon les "experts" de 2300 (-35%) à 3735
(+5%) ;
 les prévisions faites en décembre 2003 pour l'indice CAC 40 au 31/12/2004
variaient de 1750 à 4550, valeurs dans un rapport de 1 à 2,6.

Il suffit de constater, lorsqu'un journal publie côte à côte les prévisions à 6 mois
d'analystes financiers sur une même variable, comme l'indice boursier CAC 40, que
les valeurs données diffèrent largement. Dans ces conditions, quel crédit apporter
aux opinions et prévisions de ces analystes ? Et, sachant que de telles erreurs de
prévision se répètent, année après année, comment se baser sur ces prévisions pour
risquer ses économies en bourse ?
1.1.7 Désinformation économique par manque de rigueur
L'ouvrage La guerre des deux France, celle qui avance et celle qui freine [125]
signale page 107 l'article paru dans Le Monde du 20/03/2003, intitulé :
"Les groupes français affichent des pertes historiques en 2002"
Voici l'extrait de cet article qu'on trouve sur le site Internet du journal :
"Implantées dans l'industrie ou les services, les trente premières sociétés cotées
ont enregistré 28,7 milliards d'euros de pertes cumulées, contre un bénéfice de
8,5 milliards lors de l'exercice précédent. Rarement l'économie française aura
connu une aussi spectaculaire destruction de valeur. Les trente premières
sociétés françaises industrielles ou de services cotées à Paris ont enregistré un
résultat négatif cumulé de 28,7 [milliards] d'euros en 2002, alors qu'en 2001 elles
affichaient encore un bénéfice cumulé de 8,5 milliards d'euros."
Les lecteurs avaient de quoi être effrayés en apprenant que les 30 premières
sociétés cotées à Paris avaient fait de telles pertes en 2002. Toutefois, en examinant
dans l'article le tableau de leurs résultats détaillés, on s'apercevait que 2 entreprises

25
avaient affiché des pertes colossales : Vivendi Universal (-23,3 milliards d'euros) et
France Télécom (-20,7 milliards d'euros), c'est-à-dire 44 milliards d'euros à elles
deux. Les 28 autres entreprises avaient donc, en réalité, gagné 44 - 28,7 = 15,3
milliards d'euros.

Sachant, en mars 2003, que la gestion de Vivendi Universal et de France Télécom


avait été un désastre de grande ampleur, exceptionnel par son mauvais
management et par conséquent non significatif, il ne fallait pas le prendre en compte
en même temps que les autres entreprises, qui avaient été gérées normalement. En
le prenant en compte, l'auteur de l'article a désinformé ses lecteurs : il a fait la même
erreur qu'un physicien qui, dans une suite d'expériences, aurait tenu compte de 2
résultats sur 30, à l'évidence non significatifs.

La désinformation est d'autant plus grande que :


 13 des 28 autres entreprises du tableau avaient fait, en 2002, des bénéfices
supérieurs à ceux de 2001 ;
 Sur ces 28 entreprises, 6 seulement avaient perdu de l'argent, 7,4 milliards
d'euros au total. Et parmi ces 6, une seule, Alcatel, notoirement mal gérée elle
aussi, représentait à elle seule 4,7 milliards d'euros de pertes, c'est-à-dire
4,7 :7,4 = 64% des pertes totales de ces 6 entreprises.

En réalité, donc, malgré le ralentissement observé en 2002, les 28 entreprises aux


résultats significatifs avaient plutôt progressé. En aucun cas, on ne pouvait parler de
pertes historiques.

Nous avons là un exemple de désinformation par manque de rigueur journalistique et


volonté de faire du sensationnel ("pertes historiques") au mépris de la réalité. Et Le
Monde est considéré comme un journal de référence !

L'exigence de rigueur est décrite ci-dessous dans la section "Qualité des


informations politiques et économiques".
1.1.8 L'impunité des journalistes et le « quatrième pouvoir »
Les journalistes ne rendent de compte à personne de leurs méfaits éventuels : c'est
là une situation d'impunité inacceptable, compte tenu de la puissance des médias,
véritable «quatrième pouvoir» (après les trois premiers, qui sont l'exécutif, le législatif
et le judiciaire). Les médias constituent tantôt un puissant moyen, pour le pouvoir en
place, d'influencer son peuple, tantôt un contre-pouvoir limitant celui des trois
pouvoirs classiques. Mais les médias français n'ont guère de contre-pouvoir crédible,
à l'exception du journal satirique Le Canard Enchaîné, de quelques sites Internet
insuffisamment connus et d'un grand nombre de livres lus, hélas, par une petite
minorité de citoyens. La télévision, en particulier, fait ce qu'elle veut, nous le verrons.

Voir aussi le paragraphe Médias, populisme et démagogie.

26
1.2 Caractéristiques des médias
1.2.1 Définition du mot "médias"
Dans la suite de ce texte nous appellerons médias des outils ou des moyens
(matériels, entreprises) permettant à des hommes de s'exprimer et de communiquer
avec autrui.

On distingue trois catégories de "médias" selon leur support :


 Les médias autonomes : livres, journaux, CD, DVD, disques d'ordinateur, etc.
avec des matériels comme le magnétoscope, le lecteur de CD, etc.
 Les médias de télédiffusion : radio, télévision, satellites.
 Les médias de télécommunication : (réseau téléphonique commuté, réseau
d'ordinateurs comme Internet).

Cette section s'intéresse aux caractéristiques des seuls médias suivants :


 journaux et magazines,
 émissions de radio et de télévision,
 serveurs de données, sons et images du réseau Internet,
au point de vue de leur impact sur le bon fonctionnement de la démocratie, et
seulement à ce point de vue-là. Exemple : Nous nous intéresserons à l'impact des
journaux télévisés sur les opinions des électeurs.
1.2.2 Prépondérance de la télévision
Selon [8] page 754, voici les réponses à un sondage effectué en France de février à
mars 2001 (période électorale), qui a posé la question : «Comment vous informez-
vous sur ce qui se passe dans le monde ?»

Réponses % des sondés


Télévision 64%
Journaux 20%
Radio 8%
Magazines 5%
Internet 2%
Télétexte 1%

Conclusion : le public s'informe d'abord en regardant la télévision, ensuite en lisant


les journaux et magazines, enfin en écoutant la radio. Les magazines, les livres et
Internet ne touchent qu'une minorité.

Pour plus de détails sur France Télévisions, voir la fin du paragraphe Responsabilité
sociale des médias.

Voir aussi le texte "La désinformation par la télévision"


http://www.danielmartin.eu/Arg/Desinformation.htm .

27
1.2.3 Crédibilité des médias et confiance du public
Selon [8] page 753, voici les réponses à un sondage effectué en France en
décembre 2000, qui a posé la question :
"Face à une nouvelle importante, à quel média faites-vous le plus confiance ?"

à la
à la à la
Réponse : je fais confiance... presse
télévision radio
écrite

pour avoir connaissance de cette


48% 25% 19%
nouvelle

pour expliquer en détail cette


43% 36% 14%
nouvelle

Il est dommage qu'en France la radio n'occupe pas une place plus importante en
matière d'information politique et économique, parce que deux radios offrent pas mal
d'émissions valables dans ces domaines : France Inter et Europe 1.

Voici un exemple d'événement qui met à mal la crédibilité d'un journal et, par
amalgame parce qu'il est très connu, celle de toute la presse. Il est publié par Le
Figaro économie du 14/01/2004.
"Le 11 mai 2003, le New York Times révélait que l'un de ses brillants reporters,
Jayson Blair, 27 ans, était l'auteur d'une quarantaine d'articles fabriqués ou
plagiés. Mea culpa aux lecteurs, réunions publiques, démissions forcées dont
celle du rédacteur en chef contesté Howell Raines... La réputation du Times est
alors sérieusement écornée."

Voici un extrait des pages 337 et 338 de [101], ouvrage de référence sur l'impact des
médias sur la démocratie, partout dans le monde. Il concerne les M*A*R*S (Moyens
d'Assurer la Responsabilité Sociale, c'est-à-dire des pratiques déontologiquement
correctes) des médias français au service de la démocratie :
"Au fond, les médias, de droite et de gauche, élitistes ou populaires, sont
coupables de s'être peu souciés, pendant de longues années, de phénomènes
graves mais dérangeants pour les gouvernements successifs : par exemple
l'alcoolisme, le dopage dans le sport, le financement occulte des campagnes
électorales, la protection du consommateur, la défense de l'environnement, la
corruption dans les milieux gouvernants à tous les niveaux.
Mais en fait, ce qui frappe le grand public, ce sont les grosses bavures. Il s'en
est produit beaucoup en France dans les années quatre-vingt-dix : photos
truquées, interviews truquées, documentaires truqués. Corruption (comme dans
l'affaire Botton) et inventions (tel le vol d'organes sur enfants latino-américains).
Violations de vie privée et dénonciations à effets mortels, comme le suicide du
Premier ministre Bérégovoy, et l'accident de la princesse Diana. Sans parler
d'une collusion trop évidente des médias et du pouvoir : y a-t-il une autre
démocratie où l'on verrait le président (François Mitterrand en 1992) être

28
interrogé à la télévision par deux journalistes qui se trouvaient être les épouses
de deux de ses ministres ?
Tous ces cas ne constituent pas des accidents isolés, mais des manifestations
de vieilles traditions, aggravées par des dérives nouvelles. L'observateur aguerri
est à peine choqué par les jugements de correspondants étrangers en poste à
Paris parlant en privé de leurs collègues français : "Tous corrompus et débiles...
ils ne font que de la publicité... le travail dans les quotidiens est de prendre l'AFP
et de l'embellir... ils écrivent pour ne rien dire... catastrophiques surtout en
économie... ils se croient très importants et indispensables... ils sont au service
du gouvernement... la révélation d'un grand scandale ne sera pas possible en
France."
Accablant, non ? Et que dire de l'extrait suivant de la page 350 de [101] ?
"Des usages [journalistiques] sont nés de la tradition d'assujettissement au
pouvoir en place ou à un parti - plutôt que de dévouement à l'intérêt des
citoyens. Ces usages ? Ils consistent en une indifférence à la recherche des
faits, à l'exactitude factuelle, à la qualité des sources ; en un souci de qualité
littéraire accompagnée de dédain pour l'expertise et le travail de préparation ; en
l'habitude de mêler ses opinions personnelles aux informations, des
commentaires d'ailleurs sans intérêt bien souvent en raison de l'incompétence
de leur auteur. Le manque de professionnalisme est évident."
1.2.4 Indépendance des journalistes. Autolimitation
Les lecteurs et auditeurs ne se font pas trop d'illusions sur l'indépendance des
journalistes. D'après [8] page 752, un sondage de janvier 2001 a donné les réponses
suivantes à la question :
"Croyez-vous que les journalistes sont indépendants, c'est-à-dire qu'ils
résistent..."

Non, ils ne
Oui, ils sont Sans
Réponse sont pas
indépendants opinion
indépendants

...aux pressions des partis


59% 32% 9%
politiques au pouvoir

...aux pressions de l'argent 69% 20% 11%

Exemple : l'ouvrage de Fareed Zakaria [82] explique de manière très convaincante


que la vraie démocratie, la démocratie constitutionnelle, ne peut être instaurée ou ne
peut perdurer dans un pays où manquent l'état de droit et un PIB par habitant
supérieur à environ $6000 par an. Il donne maints exemples à l'appui. Et, à propos
de l'Irak et de l'Afghanistan, il se contente de souhaiter que les choses s'arrangent, il
ne tire pas la conclusion évidente de sa propre démonstration : ces deux pays n'ont
aucune chance de parvenir à la démocratie constitutionnelle dans les prochaines
années, parce qu'ils n'ont ni état de droit ni un PIB suffisant, et ne risquent pas de les
avoir rapidement (voir "Irak, Afghanistan : la démocratie impossible"
http://www.danielmartin.eu/Politique/Irak-Afghanistan-la-democratie-impossible.htm ).

29
Je lui ai envoyé un message pour lui faire part de mon étonnement : docteur en
sciences politiques, il est un des journalistes les plus connus et les plus influents du
monde ; ses analyses dans Newsweek, où il est Directeur de la rédaction
internationale, tiré chaque semaine à plus de 4 millions d'exemplaires, frappent par
leur clarté et leur pertinence. Il a énormément travaillé pour son livre et s'est fait aider
par des collègues qui ont cherché des informations pour son compte. Un pareil
professionnel ne pouvait pas passer à côté d'une conclusion aussi évidente. Il l'a
pourtant fait.

Je ne vois qu'une raison : en tant que personne très influente, véritable leader
d'opinion, il n'a pas voulu prédire l'échec de la politique de son pays sur un point
fondamental : il a manqué d'indépendance. Il lui arrive pourtant de critiquer un point
de détail de la politique américaine, ou un politicien américain, mais il n'a pas osé
tirer toutes les conséquences de sa propre démonstration.

Il n'a pas répondu à mon message, alors qu'il encourage les lecteurs de Newsweek à
lui écrire en donnant son adresse de messagerie.

Cette attitude de M. Zakaria est un exemple d'autolimitation, assez courant chez les
journalistes de médias à forte audience. L'autolimitation fait obstacle à la diffusion
d'informations nécessaires à la formation d'opinion des électeurs.
1.2.5 Influence et réputation des médias
Indépendamment de ses journalistes, un média exerce une influence politique qui
dépend fortement de sa réputation. Le Monde, par exemple, est qualifié de "journal
de référence" parce qu'il s'est construit, dans ses premières années, une référence
de sérieux et d'impartialité. Même si cette réputation a été attaquée récemment par
des ouvrages comme [9], beaucoup d'intellectuels continuent à faire confiance au
Monde. De même, Le Figaro offre souvent des articles sérieux, bien documentés et
objectifs, à l'opposé des exemples cités dans ce texte à propos de la guerre en Irak.

Lorsqu'on lit un article bien écrit, objectif, qui couvre bien son sujet, dans un journal
qu'on respecte, on se laisse plus facilement convaincre que s'il est publié par un
journal auquel on ne fait pas confiance. De même, les informations de 12h sur
Europe 1 sont en général animées par des journalistes sérieux. Dernier exemple,
Yves Calvi fait un excellent travail dans son émission télévisée quotidienne
d'informations "C dans l'air", sur France 5, qui a dépassé sa millième émission.

A force d'obtenir le respect de leur audience, certains médias acquièrent une


réputation qui leur confère une influence importante, donc le respect un peu craintif
des politiciens.

Inversement, lorsqu'un média désinforme son public, il perd sa confiance au moins


en partie. C'est ainsi qu'à la suite du scandale de l'émission Today de la BBC, qui a
diffusé à 6 millions d'auditeurs des informations fausses, un sondage [53] a révélé
que 30% des Anglais avaient désormais moins confiance dans la BBC. Le
28/01/2004, le très respecté juge Lord Hutton a déposé un rapport affirmant que la
BBC avait accusé sans fondement le gouvernement britannique d'utiliser des
renseignements [sur les armes de destruction massive irakiennes] dont il connaissait
la fausseté. Ce mensonge de la BBC contre le gouvernement du Royaume-Uni s'est

30
ainsi retourné contre elle ; son président, M. Gavyn Davies, a dû démissionner, ainsi
que le directeur général M. Greg Dyke et le journaliste coupable. (Voir [117]).

L'influence des médias est indispensable en démocratie, pour contrebalancer la


propagande éventuelle des politiciens, au pouvoir ou dans l'opposition, et la publicité
des groupes financièrement puissants. C'est pourquoi on appelle souvent les médias
des "contre-pouvoirs".
1.2.6 Le choc des images
Des images fortes, à la télévision, peuvent faire découvrir aux spectateurs, des faits
ou des situations qu'ils ignoraient. Exemples :
 Le choc des images du 11 septembre 2001, avec les tours du World Trade
Center en flammes, ont fait découvrir au monde, et d'abord aux Américains,
qu'ils n'étaient pas invulnérables et que des terroristes pouvaient les tuer par
milliers, dans leur propre pays. La force de ces images a été telle qu'il a été
facile ensuite, au président George W. Bush, d'entraîner son pays dans les
guerres d'Afghanistan et d'Irak.
 Le choc des images de l'attentat islamiste du 16 mai 2003 à Casablanca, a
permis au roi du Maroc de surmonter l'opposition des religieux musulmans, qui
durait depuis des années, pour imposer une réforme considérable du droit des
femmes, devenues début 2004 les égales des hommes dans ce pays musulman
([13]).

Les médias savent profiter de l'impact des images-chocs pour obtenir quelque chose
des citoyens. C'est ainsi, par exemple, qu'on peut obtenir des dizaines de milliers de
dons d'argent ou d'objets pour des Africains misérables, en montrant des enfants
décharnés et couverts de mouches dans les bras de mères squelettiques.

De telles campagnes de sensibilisation sont justifiées, bien sûr, mais lorsque toutes
les télévisions du monde ont montré les "fosses communes de Timisoara", en
Roumaine, elles ont révolté des millions de téléspectateurs avec un montage, car les
victimes de tortures présentées étaient en réalité des morts d'un cimetière voisin
exhumés pour l'occasion, pour être filmés par les journalistes !

Les téléspectateurs doivent donc être vigilants : lorsque les images qu'ils voient
trahissent une volonté manifeste de journalistes de choquer, voire de révolter, ils
doivent rester un peu sceptiques et attendre, avant de se faire une opinion, qu'une
confirmation soit fournie, de préférence par un autre média, indépendant du premier.

La télévision peut aussi faire découvrir un candidat, auparavant peu connu. C'est
ainsi que, à l'élection présidentielle américaine de 1960, tous les sondages donnaient
Richard Nixon élu contre son adversaire peu connu, John Kennedy. Il a suffi d'un
débat télévisé, où Kennedy surclassa nettement son adversaire, pour que les
sondages basculent et que Kennedy soit finalement élu.

La télévision peut aussi briser une carrière. En 1986, à 39 ans, M. Laurent Fabius
était Premier ministre et pouvait espérer devenir président. Il a suffi d'un seul débat
télévisé avec M. Jacques Chirac, qui l'a nettement surclassé, pour que ses espoirs
s'envolent et que la gauche qu'il dirigeait perde les élections.

31
Mais il peut aussi arriver que la télévision ne fasse pas changer d'avis un
pourcentage significatif d'électeurs et ne départage pas des candidats. Exemple : le
duel Chirac - Mitterrand de mai 1988.
1.2.7 Journalisme d'information ou d'investigation
Par définition :
 Le journalisme d'information, en anglais news-reporting, diffuse les informations
reçues de sources habituelles : agences comme l'AFP, Agence France-Presse,
communiqués de presse, interviews, etc. en les commentant éventuellement.
 Le journalisme d'investigation, en anglais news-making, cherche des
informations en faisant des enquêtes. Ces informations doivent être vérifiées,
puis analysées et résumées avant d'être enfin diffusées.
Ce type de journalisme demande bien plus de temps, d'efforts et d'argent que le
journalisme d'information. Il présente aussi un danger plus grand, celui
d'inventer, de déformer, d'extrapoler ou de généraliser abusivement.
1.2.8 Agence France-Presse
Sources : [55] et [8] page 318. L’Agence France-Presse est une des trois grandes
agences mondiales d’information, avec Associated Press (USA) et Reuters (Grande-
Bretagne). Comme ces dernières, ses fonctions sont :
 Recueillir des nouvelles dans tout le monde, grâce à leurs nombreux
correspondants locaux, et les redistribuer aux médias, aux administrations
publiques (gouvernements) et à d'autres abonnés.
Les divers médias reçoivent donc tous les mêmes informations de chaque
agence, il faut le savoir pour juger de la qualité de leur journalisme d'information.
La plupart des journalistes se contentent de rapporter les nouvelles reçues des
agences, sans aller eux-mêmes les chercher, parce que les agences constituent
une mise en commun de moyens financièrement indispensable.
 Les nouvelles distribuées comprennent souvent des analyses, des photos, des
enregistrements sonores et vidéo.

Héritière de l’Agence Havas fondée en 1932, elle est dotée d’un statut spécial
définitif par la loi du 10 janvier 1957. Cette loi garantit à l’AFP une indépendance
réelle par rapport au pouvoir politique, de par la composition du conseil
d’administration et l’élection de son président. Le président-directeur général de
l’Agence est élu pour trois ans renouvelables par le conseil, lui-même constitué de
représentants des entreprises de la presse écrite (huit) et audiovisuelle (deux), de
représentants de certains services publics (trois) et du personnel de l’Agence (deux).

L’AFP dispose d’un immense réseau de transmission par câbles, liaisons hertziennes
et satellites. Elle emploie environ 2000 personnes dont 850 journalistes. Présente
dans 167 pays, elle compte, parmi ses clients, plus de 100 magazines nationaux,
7000 quotidiens, 2500 radios, 400 télévisions et 96 agences de presse nationales.
Pour satisfaire tous ces clients, elle diffuse en six langues : français, anglais,
espagnol, portugais, arabe et allemand.

La concurrence est extrêmement vive entre les grandes agences mondiales. L'AFP
est en retard par rapport à ses concurrents Reuters et Associated Press dans le

32
multimédia, et quasi absente de l'information audiovisuelle. C’est pourquoi elle a
entrepris un plan de modernisation :
 Informatisation de la rédaction et des réseaux de collecte et transmission ;
 Mise en place d’une banque de données (Agora) disponible sur le réseau
télématique ;
 Développement de services spécialisés, économique en particulier ;
 Développement du secteur photos-images par le rachat de Keystone et la
création d’un département infographie, c’est-à-dire un service d’illustrations
graphiques de l’actualité (dessins, graphiques, tableaux) réalisées sur ordinateur
et distribuées par télécommunication.

Si son statut protège en principe son indépendance structurelle par rapport au


gouvernement, l’équilibre financier dépend, lui, largement de l’État, puisque 40%
environ des abonnements sont souscrits par l’Administration (ministères, préfectures,
ambassades, par exemple). En pratique donc, l'AFP ne pouvant survivre sans les
subventions de l'Etat, son indépendance n'est pas absolue.

1.3 Information et communication


1.3.1 Définitions : information, connaissance, communication, émetteur,
cible
Dans le reste de cet ouvrage, voici comment nous définissons ces termes.
 Une information (appelée parfois information brute) est la description d'un fait ou
l'annonce d'un événement. Elle se présente souvent, de nos jours, sous forme
de données informatiques (nombres, textes, sons, images). C'est pourquoi
certains l'appellent "donnée".
 Un ensemble d'informations brutes (faits ou événements) devient de la
connaissance lorsqu'il est structuré. Les faits ou événements sont alors reliés
entre eux, une synthèse en a été faite, constituant une valeur ajoutée : il y a eu
conceptualisation, effort d'abstraction, de compréhension.
Une connaissance est utilisable, une information brute l'est rarement.
Les journalistes qui diffusent des informations politiques et économiques doivent
donc apporter à leur public cible cette valeur ajoutée, pour qu'il comprenne ces
informations et en apprécie l'importance. Ils doivent donc avoir une formation
dans ces domaines ou faire appel à des spécialistes, mais hélas on voit trop de
cas où ils massacrent des sujets qu'ils n'ont pas pris le temps d'étudier.
Remarque : ceux qui appellent "donnée" ce qu'on appelle ici "information",
appellent "information" ce qu'on vient de définir par "connaissance".
 La communication est l'action de transmettre des informations et des
connaissances entre un "émetteur" (personne ou média qui les diffuse) et une
"cible" (un ou plusieurs destinataires).
La communication a un but : informer la cible, la distraire ou la convaincre. Elle
est dite efficace si elle a atteint son but. Lorsque la cible comprend de
nombreuses personnes, l'efficacité est la proportion de personnes qu'on a réussi
à informer, à distraire ou à convaincre.

33
Exemple : si la cible de l'émission "100 minutes pour convaincre" est l'ensemble
des téléspectateurs présents devant leur téléviseur ce soir-là, une efficacité de
14% signifie que la part d'audience de l'émission a été de 14% des
téléspectateurs.
Ne pas confondre la "communication entre émetteur et cible" que nous venons
de définir, avec la "communication publicitaire" ou le sens de "communication"
dans l'expression "Direction de la communication", direction chargée des
relations avec les médias et de la publicité, dans une entreprise, une
administration ou un parti politique.
1.3.2 Conditions nécessaires à une communication efficace

1.3.2.1 Inspirer la sympathie


Blaise Pascal avait remarqué que les hommes sont portés à trouver vrai ce qui plaît
et faux ce qui déplaît. Il en a déduit qu'une argumentation devait remplir deux
conditions d'efficacité pour convaincre sa cible : il faut séduire le cœur et persuader
la raison (voir [39]).

En somme, si celui qui veut convaincre paraît antipathique, ou on ne l'écoute pas ou


on ne le croit pas, même si ses arguments sont bons. C'est pourquoi les politiciens
s'efforcent d'être souriants et agréables lorsqu'ils sont en public.

Les spécialistes de la communication affirment même que la grande majorité des


gens sont plus sensibles à la forme de la communication qu'au fond. Ils prétendent
qu'à moins de proférer des absurdités évidentes, un communicateur talentueux aura
de fortes chances de convaincre.
 Un auteur doit adopter un style clair et agréable à lire. Il doit prendre soin de
présenter ses idées avec la modération nécessaire pour ne pas choquer les
convictions de ses lecteurs. Il doit émailler son texte d'anecdotes et d'exemples
pour le rendre vivant et concret.
 Un présentateur de télévision, un politicien interviewé ont d'autant plus de
chances de plaire aux téléspectateurs, donc de les convaincre qu'ils sont beaux,
bien habillés, souriants et parlent d'un ton agréable (voir [46]).

Lorsque le sujet est sérieux, voire grave (chômage, insécurité...) un politicien qui
parle attirera la sympathie, donc convaincra, s'il donne une image de détermination,
de confiance et de compassion pour les victimes. Il doit aussi faire en sorte que ceux
qui l'écoutent se sentent proches de lui : il évoquera donc des situations qu'ils
connaissent, avec les émotions qu'ils ont et un langage qu'ils comprennent.

1.3.2.2 La raison de l'homme est inséparable de son cœur


C'est à l'âge de 17 ans que j'ai lu Pascal, que j'ai été frappé par sa règle : pour
convaincre il faut séduire le cœur et persuader la raison. En y réfléchissant les jours
suivants, je me suis aperçu que l'on peut généraliser cette règle en affirmant :
L'émotion est une dimension de toute activité de l'esprit.
Etant élève de lycée, je devais apprendre des choses et m'en souvenir. J'ai
remarqué que lorsque j'avais compris une démonstration mathématique ou une
expérience de physique, j'avais éprouvé du plaisir. Par la suite, le souvenir agréable
des sensations de ce plaisir revenait chaque fois que je repensais à cette

34
démonstration ou cette expérience, impossible de l'en empêcher. J'ai pris l'habitude
d'associer délibérément les diverses sensations de plaisir avec la chose à
mémoriser, ce qui m'a aidé à m'en souvenir.

En somme, en transformant les informations de la démonstration ou de l'expérience


en connaissances, j'introduisais le plaisir comme élément à part entière de cette
connaissance, et le type de plaisir, ses détails, m'aidaient à appréhender et à
mémoriser les informations.

Exemple : si j'avais dû passer une demie heure à comprendre une démonstration un


peu subtile de géométrie, le plaisir de comprendre avait autant de sensations
particulières qu'il y avait eu de difficultés à vaincre. Chaque difficulté, c'est-à-dire
chaque étape importante de la démonstration, était associée à un plaisir particulier et
l'ordre des étapes en devenait plus facile à mémoriser.

En résumé, compréhension et mémorisation ont aussi une dimension d'émotion


(plaisir, souffrance, surprise, indignation...) en plus de la partie rationnelle, et les
deux parties concourent à la connaissance. La dimension émotionnelle est autant
partie intégrante, incontournable, d'un raisonnement ou d'une mémorisation que la
couleur est partie intégrante et incontournable de la vision.

Lorsqu'on est convaincu par une communication politique, on adhère par le cœur
autant que par la raison. Lorsque cette conviction se traduit en action (exemple :
voter) celle-ci s'explique autant par un sentiment que par un raisonnement, parce
que ces deux dimensions sont indissociables.

1.3.2.3 L'abstrait s'appuie toujours sur du concret


La communication doit transmettre des connaissances. Celles-ci ont été élaborées à
partir d'informations brutes par un processus d'abstraction : la conceptualisation.
Voici quelques règles de conceptualisation, suivies d'exemples.
1 - Toute conceptualisation est un processus d'abstractions successives, qui part
d'informations si immédiates, si familières qu'elles paraissent concrètes.
Un exemple simple part des notions familières de maison et église pour construire
(par induction) le concept de village, qui regroupe des maisons et une église.
2 - Même les concepts les plus abstraits sont, dans notre cerveau humain,
construits à partir d'informations ou de sensations bien concrètes : images, sons,
etc. La construction peut demander une ou plusieurs étapes d'abstraction.
3 - Une abstraction pure, qu'on ne peut rattacher à aucune notion concrète
n'existe pas, parce qu'elle est inexprimable.
4 - Une abstraction est d'autant plus facile à comprendre qu'elle se déduit
d'informations concrètes par un nombre réduit d'étapes de conceptualisation.

Pour bien comprendre une abstraction, beaucoup de gens ont besoin de se


représenter les informations ou les abstractions qui la composent et leurs opérations
d'association en utilisant un schéma. Un schéma aide l'esprit à faire des analogies
graphiques de certaines propriétés des abstractions qu'on manipule.

L'art de la communication prescrit :

35
 De ne pas dépasser le niveau de conceptualisation de sa cible (le public à qui on
s'adresse), en partant de notions qu'il maîtrise bien, puis en effectuant des
abstractions successives au moyen d'opérations bien claires, appuyées sur des
exemples ;
 De faire le point de temps en temps : où en sommes-nous, qu'avons-nous
appris, que nous reste-t-il à faire, quelles sont les conséquences ?
 Si en plus la communication est destinée à convaincre, il est bon d'apporter des
preuves de ce qu'on avance. On peut vérifier sa conclusion sur un exemple, ou
déduire de sa conclusion une proposition évidente, ou montrer que la proposition
contraire est absurde, etc.

Il ne faut pas confondre communication à autrui de la pensée et élaboration


personnelle de cette pensée.
On peut trouver un bon exemple d'élaboration d'une pensée dans le Discours de
la Méthode de Descartes, téléchargeable gratis à partir de la page
http://abu.cnam.fr/cgi-bin/donner_html?methode3.

La communication suppose, pour chaque abstraction, un raisonnement par induction


et/ou analogie, alors que l'analyse utilise surtout des déductions. Ignorer cette
différence conduit souvent à des communications inefficaces, qui partent d'une
abstraction incomprise, la décomposent par une analyse difficile à comprendre pour
une personne qui n'a pas compris l'abstraction de départ, etc.

Exemple : si on essaie d'expliquer la notion de "république" comme le fait un


dictionnaire, par la phrase :
Etat gouverné par un corps de représentants de la nation, élus pour un temps
on bute sur les notions d'Etat et de nation. Il vaut mieux expliquer d'abord ce qu'on
entend par Etat, ce qui peut demander plusieurs étapes, puis ce qu'on entend par
nation, et enfin introduire la notion de république grâce à celle de gouvernement.

En analysant la manière dont un auteur ou un conférencier qui a du métier s'adresse


à son public, on peut se faire une idée de ce public, de son niveau. C'est
particulièrement intéressant lorsqu'il s'agit d'un électorat potentiel : on peut ainsi
deviner quelle est la clientèle électorale visée. J'en donne un exemple avec une
interview de M. Thibault (CGT) à l'Humanité.

1.3.2.4 Ce que le public attend des médias


En matière d'informations politiques ou économiques, les lecteurs ou auditeurs
attendent des médias :
 Qu'ils rapportent les événements et les faits, qui sont des informations ;
 Qu'ils les transforment en connaissances, en les analysant et en déduisant leurs
conséquences.

Il arrive, hélas, que les journalistes dérapent :


 En rapportant des faits inexacts ou tronqués. Cela arrive, notamment, lorsque
leurs opinions politiques empiètent sur leur objectivité.

36
 En exagérant ou en minimisant l'importance de certains faits ou événements.
 En faisant des procès d'intention ou en laissant croire à des opinions que ceux
qu'ils interviewent n'ont pas exprimées.
 En faisant des prédictions fantaisistes, etc.

Pour plus de détails sur les dérapages possibles, voir les règles de qualité des
informations.
1.3.3 Règles de communication

1.3.3.1 Conditions de compréhension d'un message


La compréhension d'un message est fonction :
 Du débit du média retenu (auditif, visuel ou audiovisuel). Un présentateur qui
parle trop vite est souvent mal compris. Des images trop brèves, se succédant
trop vite, ne laissent pas au téléspectateur le temps de les comprendre et de les
retenir. Inversement, un débit trop lent lasse ou même endort. Un débit trop
régulier devient vite monotone, puis soporifique.
 De la simplicité des arguments et de leur nombre. Des mots et des
raisonnements abstraits sont plus difficiles à comprendre et compris par moins
de gens. Un ou deux mots incompris permettent souvent de comprendre quand
même l'essentiel du discours ; mais trop de mots incompris peuvent empêcher
de comprendre, ou faire comprendre autre chose que ce que l'émetteur voulait
dire.
 De l'utilisation d'un exemple, judicieusement choisi, à l'appui de toute information
abstraite ou nouvelle.
 De l'association de deux sens, comme la vue et l'ouïe, qui facilite la
conceptualisation. Une explication audiovisuelle passe mieux, est mieux
mémorisée, qu'une explication exclusivement visuelle ou auditive.
 De l'utilisation par le conférencier ou l'auteur de signes familiers à l'audience, qui
appartiennent à son milieu culturel. Pour convaincre un auditoire ou des lecteurs,
il faut leur parler de problèmes et situations qu'ils connaissent, en des termes
qu'ils comprennent ; il faut évoquer des émotions qu'ils ressentent ou peuvent
facilement ressentir.
 De la redondance du message. Un bon conférencier qui explique quelque chose
de complexe sait revenir sur les points essentiels, pour que son auditoire les
comprenne bien et les situe par rapport à l'ensemble.
Plus généralement, la répétition d'un message qui ne choque pas contribue à le
faire comprendre et à convaincre la cible. Cet effet de répétition est très connu et
utilisé par la publicité : à force d'entendre parler d'un produit, on a tendance à le
considérer comme familier et à en envisager l'achat ; à force de voir les visages
heureux des gens qui s'en servent dans le spot publicitaire, on l'associe à un
plaisir, on en acquiert une image favorable. A force d'entendre parler d'insécurité
dans chaque journal télévisé, dans les mois qui ont précédé les élections de
2002, les électeurs en ont fait leur première préoccupation.

37
1.3.3.2 Persuasion : respect ou discrédit de l'auteur
Pour la persuasion, la compréhension du message compte moins que le crédit
accordé à la personne qui le délivre. Il y a des personnalités qui sont tellement
respectées qu'elles emportent automatiquement la conviction.
 Lorsque l'abbé Pierre parle des sans-logis, on le croit ; s'il demande des dons,
on les envoie.
 Lorsque le général De Gaulle parlait, il en imposait tellement que nul ne savait
argumenter contre lui. Des gens dont les convictions étaient très fortes et
l'intelligence très vive devenaient muets devant lui ; c'est le cas de Mme Golda
Meir, premier ministre d'Israël, devant le charisme de laquelle le général Moshe
Dayan lui-même pliait. Elle s'avouait impressionnée par De Gaulle et honorée
lorsqu'il lui a parlé de manière aimable. Seuls des politiciens exceptionnels
comme Winston Churchill savaient tenir tête à De Gaulle, tout en l'admirant et en
le respectant.

En dehors de telles personnalités d'exception, le respect accordé à l'auteur d'un


message est un élément majeur de la conviction.
 Une personne dont l'honnêteté est connue, dont les actions ont une signification
claire et constante, inspire confiance, donc convainc. Il faut vraiment qu'elle
profère des énormités pour qu'on refuse de se laisser persuader.
 Une personnalité connue (artiste, sportif, élu, universitaire, PDG, etc.) est
réputée compétente dans son domaine d'activité ou d'étude. On cite facilement
en exemple son opinion, même sur un sujet hors de ce domaine.

Inversement, lorsqu'une personne n'est pas respectée, il lui est à peu près
impossible de convaincre. C'est pourquoi les scandales affectant la classe politique
française l'ont tellement discréditée : financement des partis politiques par fausses
factures, fonds secrets dont les bénéficiaires ne paient pas d'impôts, politiciens
faisant bénéficier leur famille et leurs amis de logements de luxe à prix insignifiant ou
de voyages aux frais de l'Etat, utilisation privée de véhicules ou de salariés payés par
la collectivité, etc.

C'est parce que le discrédit est si important en politique, que de nombreux politiciens
parlent plus souvent pour discréditer leurs adversaires que pour faire une proposition
constructive. Chaque citoyen doit donc être vigilant, pour se rendre compte de la
finalité de tels discours et se créer une barrière mentale contre eux, voire même
retourner le discrédit contre ceux qui le lancent.

1.3.3.3 Equilibre du message : argumentation à sens unique ou non


Lorsqu'on s'adresse à un auditoire intelligent et instruit pour le convaincre, on doit
prendre soin de présenter le pour et le contre dans une argumentation, même si on
privilégie l'un de ces aspects. En ne présentant que des arguments à sens unique,
on risque d'être discrédité pour manque d'honnêteté intellectuelle, ou de laisser sans
réponse des arguments dans l'autre sens qui viendraient à l'esprit des auditeurs.

L'équilibre du message est un exercice difficile, parce qu'il demande du temps pour
couvrir tous les aspects de l'argumentation, et dans une interview ou un débat

38
télévisé on n'a presque jamais ce temps. Ce point est développé au paragraphe La
durée.

Si l'auditoire n'est pas d'aussi bon niveau, on peut se permettre d'argumenter à sens
unique. Les professionnels de la politique et les syndicalistes le savent, ils en
tiennent compte. Lorsqu'on écoute un message politique ou syndical, si les
arguments sont à sens unique on peut être certain que le discours s'adresse à une
"clientèle" de niveau modeste. Inversement, les membres de l'association politique
ATTAC étant en majorité des intellectuels, les innombrables textes de combat
politique d'ATTAC abordent le pour et le contre des divers sujets, tout en biaisant
fortement l'argumentation dans le sens voulu. Pour plus de détails, voir la section
"Désinformation par Internet".
1.3.4 Les filtres de choix des programmes
Parmi tous les programmes possibles, la radio et la télévision choisissent ceux qu'ils
vont diffuser selon certains critères d'audience et de coût, qui constituent des filtres :
 La taille de l'audience concernée : émission de masse ou élitiste.
 La durée de l'émission, et de chaque séquence ou intervention au cours d'une
émission donnée.
 Le contenu émotif des messages et des images.
 Le talent médiatique de l'intervenant ou des intervenants.

Intérêt de l'information
A ces filtres s'ajoutent quatre critères concernant l'information elle-même, lorsqu'il
s'agit d'une émission d'information ; ces critères sont valables aussi pour la presse
écrite :
 La nouveauté de l'information : un journaliste veut toujours faire savoir ce qui est
nouveau. Et plus c'est nouveau, plus c'est surprenant, plus ça vaut.
 Ce dont on parle : un journaliste veut, lui aussi, parler de ce dont on parle. Il peut
s'agir d'un événement politique (petite phrase ou annonce, par exemple), du
mariage d'une personnalité, d'un scandale, tout ce qui fait débat. Les journalistes
ont de ce fait un comportement moutonnier : si plusieurs en parlent, ou si un
média de référence en parle, ceux qui n'en ont pas encore parlé le font. De ce
fait, l'événement est amplifié, médiatisé, parfois surmédiatisé.
Ce phénomène crée parfois la notoriété en quelques jours, par exemple pour
une vedette de cinéma, plus rarement pour un personnage politique. Il peut
aussi lancer une mode.
Les journalistes ont tellement présent à l'esprit le besoin de parler de ce dont on
parle, qu'il y a même une émission d'information de France 5 appelée "C dans
l'air". Elle commente l'actualité sous forme de débats entre experts, d'excellente
qualité au sens des connaissances (informations plus valeur ajoutée de
synthèse) qu'elle apporte, et de son animation très professionnelle par M. Yves
Calvi.
 Ce qui est utile : un journaliste veut rendre service à son public en lui fournissant
des informations utiles : hausse de prix, nouvel avantage fiscal, apparition d'un
article utile, etc.

39
 Ce qui est proche du public ciblé : un journaliste d'un quotidien alsacien donnera,
toutes choses égales d'ailleurs, la priorité aux événements situés en Alsace ; il
évitera manifestement des nouvelles concernant la Bretagne, sauf si celles-ci
sont d'importance nationale selon les critères précédents.
Plus généralement, la notion de proximité a trait aux préoccupations de la cible :
il peut s'agir de nouvelles intéressant des investisseurs - mais seulement des
investisseurs, ou les amateurs de sport - et eux seulement, etc.

Nous abordons ci-dessous chacun des filtres d'audience et de coût avec ses
conséquences.

1.3.4.1 La taille de l'audience concernée : culture de masse ou culture élitiste


Plus encore que la radio, la télévision propage une culture "de masse", c'est-à-dire
une culture à la portée du plus grand nombre d'auditeurs. Elle ne fait pratiquement
aucune place à la culture classique, réputée plus élitiste, c'est-à-dire aux concerts de
musique classique, aux ballets, aux opéras, aux pièces de la Comédie française, etc.
Lorsqu'elle investit beaucoup d'argent dans des productions "d'expression française",
destinées à défendre notre langue contre l'envahissement de l'anglais, il s'agit
toujours de fictions susceptibles de plaire à un large public, comme "Les rois
maudits" ou "Les Thibaults".

La nation française s'est unifiée autour d'un certain nombre de valeurs communes,
dont la littérature, le théâtre et la musique constituent une partie importante. Les
hommes politiques prétendent, chaque fois qu'ils en ont l'occasion, défendre
«l'exception culturelle» française, en la protégeant de la conquête de l'audience par
le cinéma, les chansons et la musique des Etats-Unis. Mais en réalité ils laissent la
télévision de service public oublier ce patrimoine artistique. Au lieu de nous faire
entendre au moins de temps en temps la vraie langue française, celle de Molière et
de Balzac, la télévision et la radio diffusent une langue appauvrie, pleine de fautes,
souvent prononcée à la manière des jeunes issus de l'immigration. Au lieu de la
politesse française, célèbre depuis des siècles dans tout le monde et qui a fait un
temps de notre langue celle des diplomates, l'Etat laisse la télévision française nous
abreuver de grossièretés.

Lorsqu'on a dit au président de France Télévisions, lors d'une émission


d'informations "C dans l'air" sur France 5 en décembre 2003, que beaucoup de
téléspectateurs étaient choqués par la diffusion fréquente, sur la télévision de service
public, d'émissions immorales comme "C'est mon choix", il a répondu deux choses :
 notre télévision de service public doit présenter la société française comme elle
est ;
 il y a un public qui aime ce genre d'émission.

En somme, il veut que le service public donne parfois de la société française une
image immorale, sous prétexte que certains téléspectateurs apprécient ce genre
d'émission. Il refuse de considérer le mal que fait une telle image, l'exemple de
moralité déplorable qu'elle donne à beaucoup d'auditeurs, notamment à des jeunes ;
ceux-ci en concluront que la société est telle qu'on la leur présente et que les
comportements immoraux qu'ils voient sont courants, donc permis ou au moins
tolérés.

40
C'est exactement le raisonnement que font M6 et TF1, chaînes (sur ce point
bassement) commerciales, pour justifier leurs émissions de "télé réalité". Sachant
que le public qui cherche ce type d'émission peut le trouver sur les chaînes privées,
on ne voit pas pourquoi la télévision de service public les offre aussi, aux frais des
citoyens qui paient la redevance et au risque de propager des comportements
immoraux.

Toutes les télévisions considèrent leurs diverses émissions, même les journaux
télévisés, comme des produits de consommation, qu'elles adaptent à leur marché.

Comment le service public espère-t-il développer le niveau culturel des Français en


ne leur montrant jamais les plus belles œuvres d'art ? Comment des jeunes qui ne
lisent presque jamais (à l'exception récente de Harry Potter !) découvriront-ils la
beauté des vers de Racine et Hugo, si on ne leur montre pas leur théâtre ? Comment
des gens qui n'entendent qu'une musique faite de bruits pourront-ils découvrir
l'harmonie de la musique classique ? Comment ceux qui ne connaissent que les
chanteurs braillards pourront-ils faire la comparaison avec des chanteurs qui ont une
vraie voix, comme ceux qu'on entend à l'opéra ? Comment ceux qui ne connaissent
qu'une danse qui gigote pourront-ils découvrir la grâce du ballet ? En somme,
comment espère-t-on défendre la culture française en laissant les Français l'oublier
et en ne développant pas leur bon goût ?

Et comment espère-t-on que les citoyens que sont les téléspectateurs acquerront la
culture politique et économique nécessaire pour voter, si la télévision, leur première
source d'informations, ne la leur donne pas ?

La télévision de service public chasse l'audience exactement comme la télévision


commerciale, avec des émissions de bas niveau. Elle a si peur de perdre son public
qu'elle utilise les mêmes procédés abêtissants que la télévision privée. Et, comme
celle-ci, elle évite les émissions de politique, qui attirent moins d'audience que les
jeux. Ceux-ci, du reste, ont bien changé. Il y a de longues années qu'ils ne mettent
plus en valeur la culture générale de haut niveau, comme le faisait "La tête et les
jambes" ; ils font gagner de l'argent, au contraire, à des gens comme tout le monde,
qui brillent plus par leurs lacunes que par leurs connaissances.

A force de ne jamais voir la connaissance valorisée dans notre société, dont la


télévision est l'image la plus fréquente, notre jeunesse étudiante se détourne des
disciplines scientifiques et techniques, qui demandent de gros efforts. Notre situation,
à cet égard, est la même que celle des Etats-Unis, où plus de la moitié des étudiants
en sciences sont issus de l'immigration récente, qui ne représente qu'un pourcentage
infime de la population. Nous perdons notre compétence scientifique comme nous
perdons notre culture, faute de leur accorder de la valeur sociale, faute de respecter
les scientifiques et les artistes classiques.

Conformément à son cahier des charges de service public, la télévision offre, en plus
des divertissements, des émissions d'information de qualité comme "C dans l'air" ou
"France Europe Express", mais à des heures de faible audience et sans se donner le
mal de les faire connaître. Et comme les hebdomadaires de programmes
n'annoncent en général ces émissions que par le titre sans le contenu, leur audience

41
est insignifiante. Le résultat pratique est que le public, à qui la redevance donne un
droit à la culture et à l'information, ne reçoit pratiquement ni culture, ni information
politique ou économique.

1.3.4.2 La durée
Toutes les émissions, notamment les émissions d'information politique ou culturelle,
respectent la contrainte qui prétend qu'un auditeur ou un téléspectateur n'est pas
capable d'une attention soutenue pendant plus de quelques minutes. En somme, ces
programmes d'information sont conçus comme pour de jeunes enfants. Les
conséquences sont :
 Lors d'une interview, le journaliste ou l'animateur ne laissera l'interviewé
répondre à une question que pendant une trentaine de secondes maximum.
Tant pis si celui-ci ne peut, alors, développer son argumentation. Tant pis si il ne
peut décrire correctement son programme ou ses propositions. Tant pis si le
sujet demande plusieurs minutes d'explications, parce qu'il n'est pas simple. S'il
trouve l'interviewé trop bavard, le journaliste n'hésitera pas à lui couper la parole
pour lui rappeler que l'heure tourne ou lui faire changer de sujet. Exemple de
journaliste qui se comporte comme cela, malgré ses 25 ans d'expérience et sa
qualité de Directeur de l'information de France 2 : M. Olivier Mazerolle,
animateur de "100 minutes pour convaincre".
L'impossibilité d'aborder un sujet un tant soit peu complexe fait qu'il y a des
sujets importants qui sont carrément occultés à la télévision et à la radio
françaises : on fait comme s'ils n'existaient pas, comme s'il n'existait que des
situations et des problèmes politiques et économiques simples. Donc, comme
ces médias constituent la première des sources d'informations politiques et
économiques, la seule pour beaucoup de Français, nos citoyens se trouvent
littéralement désinformés. J'en donne un exemple au paragraphe "Comment les
médias ont désinformé les Français en occultant la complexité.
 La contrainte imposée par cette limitation du temps de chaque intervention fait
qu'il n'y a plus guère aujourd'hui d'émission politique comme les conférences de
presse du général De Gaulle. Celles-ci se déroulaient toujours en deux temps :
d'abord le général parlait le temps nécessaire pour exposer sa politique, par
exemple une demie heure. Comme il avait un esprit très clair, on comprenait
parfaitement ce qu'il voulait dire et on s'en souvenait ensuite. Puis le général
répondait aux questions des journalistes, sérieusement mais avec un humour qui
lui attirait toujours une vaste audience, qui attendait ses bons mots.
A l'époque on admettait donc qu'un auditoire était capable d'écouter
attentivement un exposé politique pendant une demie heure, voire plus.
Aujourd'hui on considère les Français comme des enfants, incapables d'une
attention si prolongée. La conséquence est terrible : on n'aborde plus à la radio
ou à la télévision les sujets qui demandent une explication de plus de deux
minutes. Sur ces sujets, les gens intéressés doivent s'informer par eux-mêmes,
en lisant la presse "sérieuse" ou les documents officiels sur Internet. Très peu le
font.
 Dans une émission de débats, on interrompt systématiquement ceux-ci au
moment où ils sont les plus intéressants, pour projeter un reportage. Celui-ci est
destiné à laisser le téléspectateur se reposer, après l'effort d'attention soutenue
au débat qu'il vient de fournir pendant quelques minutes. En réalité, on remplace

42
ainsi un débat qui informe les téléspectateurs par un reportage qui les repose
sans vraiment les informer.
 La raison de la faible valeur informative de ces reportages est double :
 Ils se contentent de quelques cas particuliers : interview de Mme Michu
pendant qu'elle fait ses courses, etc.
 Ils sont construits plus pour donner une impression, pour générer une
émotion, que pour communiquer une information.
 Parce que l'animateur ne laisse jamais une argumentation se développer, parce
qu'il ne présente presque jamais de synthèse des informations qui viennent
d'être diffusées, pour leur conférer une structure et en faciliter l'assimilation,
l'information diffusée par les émissions de débat est atomisée. C'est une suite de
petites phrases sans schéma d'ensemble, conforme au modèle de l'ensemble de
la culture diffusée par la radio et la télévision : une culture faite de petits bouts de
savoir déconnectés. L'assimilation par les auditeurs ou les téléspectateurs des
informations ou de la culture diffusées par la radio ou la télévision française est
donc minime : ils ont perdu le plus clair de leur temps.
Du reste, beaucoup d'animateurs d'émissions de débat ne suivent pas vraiment
ce que disent les participants. Lorsque la caméra montre, de manière fugitive,
leur expression pendant qu'un des participants parle, on voit qu'ils n'écoutent
pas vraiment, qu'ils attendent impatiemment que ce bavard se taise. De ce fait,
ils l'interrompent souvent pour poser une question qui n'a aucun rapport avec ce
qui vient d'être dit, et qui fait perdre le fil des idées aux téléspectateurs comme
au participant qui parlait.
Heureusement il existe des journalistes, hélas trop rares, qui ne tombent pas
dans ces travers, comme Jean-Marie Cavada (ancien PDG de Radio France),
André Dumas, Christine Ockrent ou Yves Calvi.
Voir en complément :
 "Le gouvernement prisonnier des médias - Témoignage d'un ministre"
http://www.danielmartin.eu/Livre/GouvMedias.htm
 "La désinformation par la télévision"
http://www.danielmartin.eu/Arg/Desinformation.htm .

1.3.4.3 Le contenu émotif


Selon [8] page 784, les journalistes américains caractérisent l'intérêt des informations
par le dicton "Good news are bad news", pour dire que les bonnes nouvelles
n'intéressent pas le public, et que seules les mauvaises nouvelles méritent d'être
diffusées. Pour un journaliste, une nouvelle est bonne (c'est-à-dire digne d'être
diffusée) si elle inquiète, surprend ou scandalise le public. En français, les médias
d'information parlent "des trains qui déraillent, non de ceux qui arrivent à l'heure".

Ce phénomène n'est pas seulement Français : voir l'exemple allemand.

En fait, les journalistes ne considèrent comme intéressantes que les informations qui
peuvent surprendre ou choquer leur public, c'est-à-dire celles qui ont un contenu
émotif. Parmi les informations surprenantes, il y a les "scoops", événements
nouveaux non encore abordés par les médias.

43
Exemple de règle de choix : c'est la peur du public (réelle ou supposée par les
journalistes) qui fait l'audience, d'où l'incitation à programmer des émissions (sur des
sujets ou avec des invités) qui inquiètent. C'est ainsi que les personnages les plus
extrémistes seront les plus programmés, donc finalement valorisés grâce à l'effet de
répétition. Les terroristes islamistes deviendront ainsi, pour de nombreux spectateurs
ou auditeurs, des héros, comme José Bové est devenu une personnalité.

1.3.4.3.1 L'obligation de divertir


A cette règle du contenu émotif, commune à tous les journalistes, ceux de la
télévision ajoutent celle de divertir, le plaisir du téléspectateur étant une forme
d'émotion qu'ils jugent indispensable pour retenir son intérêt et l'empêcher de
changer de chaîne.

Exemple : L'Express du 18/12/2003 page 24, article "On n'est pas des Mickey !"
"Le 2 décembre 2003, un débat sur l'audiovisuel opposait les PDG de TF1 et de
France Télévisions, Patrick Le Lay et Marc Tessier, en présence d'Alain Juppé et
de Philippe Douste-Blazy. Réagissant à une question de la salle -«Pourquoi TF1
ne lance-t-elle pas une grande émission de politique ?» Le Lay est sorti de ses
gonds : «C'est toujours la même chose», s'est écrié le PDG, «quand je rencontre
des producteurs de dessins animés, ils veulent plus de dessins animés. Quand
je croise un forgeron, il me parle d'émissions sur les forges. Et quand je
rencontre des politiques, ils me réclament toujours plus de politique à
l'antenne !» Commentaire pincé de Philippe Douste-Blazy, en aparté : «C'est
agréable de se voir comparer à des fabricants de dessins animés...»"

Cet exemple montre :


 Que le public demande une grande émission de politique et reproche son
absence à TF1.
 Que pour le PDG de TF1 l'information politique a le même intérêt qu'un
divertissement quelconque. A l'évidence, il ne se sent nullement tenu d'informer
le public, à ses yeux seul compte l'argent.
Notons que les chaînes de télévision de service public, au contraire, considèrent
de leur devoir d'informer les citoyens en matière de politique et d'économie,
même si de telles émissions ne sont pas rentables en termes d'audience. C'est
ainsi que selon [56], pendant les campagnes électorales de 2002, France 2 et
France 3 ont diffusé 77% du volume des émissions consacrées par l'ensemble
des chaînes françaises à l'élection présidentielle. On ne peut que féliciter le
service public de cette attitude.

Cette règle du contenu émotif est si importante aux yeux des journalistes de
télévision, que la télévision donne toujours la priorité au divertissement sur
l'information. Du reste, de nombreuses émissions censées informer les
téléspectateurs sur les événements ou débats d'actualité ne sont pas présentées par
des journalistes, mais par des "animateurs" spécialistes du divertissement des
auditoires, et qui n'ont pas le professionnalisme de journalistes. Exemple : Thierry
Ardisson.

44
Cette exigence de divertir l'auditoire entraîne celle du maximum de contenu émotif.
On diffusera donc en priorité les informations accompagnées d'images révoltantes,
inquiétantes ou au minimum surprenantes. Inversement, lorsqu'une information n'est
pas accompagnée d'images suggestives ou, pire, lorsque son contenu est technique
ou abstrait, on s'abstiendra de la diffuser.

Autre exemple de volonté de divertir à propos de politique : la tentative de TF1 de


diffuser de la "politique réalité" (émission "36 heures") montrant pendant 36 ou 48
heures un homme politique "immergé dans une famille française". Cette tentative a
échoué, le gouvernement ayant refusé son concours. (Source : Le Figaro du
01/09/2003 : Raffarin dit non à la politique-réalité). Dans Le Figaro du 05/09/2003
page 6 : "M. Copé a précisé qu'il «est hors de question (…) d'être dans des
émissions de divertissement dans lesquelles les hommes politiques ne
s'exprimeraient pas sur des sujets exclusivement politiques»" (noter : "de
divertissement").

Enfin, sans autre commentaire, rappelons l'existence de l'émission "Les guignols de


l'info".

Conclusion : Tant pis pour l'information politique et économique, plus austère, la


télévision privilégie les thèmes qui divertissent et génèrent de l'audience, comme les
crimes et délits, la télé réalité, la santé, l'amour, les scandales, la fortune, les
spectacles, etc.

1.3.4.3.2 La recherche du sensationnel


Variante de l'obligation d'émouvoir, il y a celle de surprendre avec des informations
sensationnelles. Pour un scoop, certains journalistes ne reculent devant rien.
 Source : Newsweek du 13/10/2003 page 23. Les journalistes américains n'ont
pas hésité à révéler le nom d'un agent secret, Valerie Plame ; cette révélation
nuisant à la sécurité des Etats-Unis, mettant en danger la vie de l'agent et
mettant un terme à sa carrière ; la loi américaine punit sévèrement une telle
révélation. Mais des journalistes sont passés outre, par amour du scoop.
 Lorsque certains électeurs ont perdu espoir que les partis traditionnels apportent
une solution aux problèmes, ils se tournent vers des extrémistes de droite ou de
gauche. Certains médias ont alors un rôle désastreux pour la démocratie : ils
amplifient la diffusion des prises de position des candidats, suffisamment
médiatiques, qui sont extrémistes ou se situent en dehors des partis
traditionnels, ils en font des vedettes, ils donnent de la vigueur et de la crédibilité
à leurs programmes. Exemples : Jorg Haider en Autriche, Pim Fortuyin aux
Pays-Bas, Arnold Schwarzenegger aux USA.
En étant des porte-voix sans analyse critique, en organisant des débats du type
match-pugilat où l'on cherche l'émotion plus que l'information des électeurs,
certains médias favorisent l'élection de gens dont la compétence pour gérer les
affaires publiques est plus que douteuse. Exemple : Fortuyin fut un personnage
100% négatif, qui n'a jamais rien construit et géré, mais seulement critiqué.
Soutenu par une campagne médiatique, son parti de nouveaux venus en
politique a remporté les élections.

Voir aussi la section Extrémistes violents et terroristes.

45
1.3.4.3.3 Exemples d'omissions entraînant une désinformation
Voici trois exemples d'informations passées sous silence par les télévisions, ou
traitées de manière trop courte parce que dénuées de contenu émotif.

Les rapports des Nations unies


Un rapport des Nations unies qui ne contient aucune révélation sensationnelle,
comme les rapports d'inspection qui ont précédé la guerre de 2003 en Irak.

Des chiffres économiques


Des chiffres économiques, comme une comparaison des croissances de la
productivité entre divers pays.

La politique sociale
Source : Le Figaro du 07/01/2004, article Fillon, ce ministre clé qui ne parvient pas à
sortir de l'ombre. Le Ministre a déclaré :
"...Les avancées importantes sur la formation ou le dialogue social sont
présentées comme des sujets trop techniques pour retenir l'attention du grand
public."
Ce sont les télévisions qui considèrent ces sujets comme trop techniques, ou les
Français comme incapables de s'y intéresser. Elles se donnent là une bonne excuse
pour se soustraire à leur devoir d'informer les citoyens. La vérité est simplement que
de tels sujets demandent une émission d'une heure pour être abordés correctement,
de manière didactique, et que les chaînes préfèrent réserver de telles émissions à
des divertissements ou des fictions. Lorsque M. Fillon a essayé de passer à la
télévision pour ces sujets, il s'est heurté à un refus.

Quant au journaliste du Figaro qui considère que M. Fillon "ne parvient pas à sortir
de l'ombre", il devrait plutôt écrire "que les télévisions boycottent parce qu'il n'est pas
assez charismatique pour leur rapporter une bonne audience."

La désinformation sur des licenciements


(Ce paragraphe est extrait de [30]).

Pendant trois semaines, au printemps 2001, il a énormément été question à la


télévision des licenciements chez Marks & Spencer et Danone. Chaque journal
parlait de ces problèmes. Nous avons été abreuvés d'images et d'interviews de
salariés qui protestent et se disent désespérés, de syndicalistes et de politiciens de
gauche qui s'indignent et réclament des lois anti-licenciements. Des gens ont même
lancé un boycott des produits Danone, on nous l'a dit plusieurs fois interviews à
l'appui.

On n'a pas dit, du tout, que les dix-huit grandes surfaces françaises de Marks &
Spencer représentent un remarquable réseau de distribution, opérationnel, avec des
salariés de qualité, donc que la reprise de la chaîne et de son personnel ne poserait
probablement pas de problème. On n'a pas dit que, dans ces conditions, peu de
salariés risquaient de perdre leur emploi. On a vu, en octobre 2001, que la reprise de
Marks & Spencer s'est faite sans licenciement, ce qui montre à quel point la
présentation inquiétante du problème par les journaux télévisés déformait la vérité.

46
Il fallait vraiment prêter l'oreille, se trouver à l'écoute au bon moment, pour apprendre
qu'en fait Danone proposerait 3 postes à chaque salarié licencié, et que les
licenciements précédents de ce groupe avaient été tout aussi exemplaires, avec plus
de 90% du personnel recasé.

En fait, la télévision s'est contentée de fournir les messages les plus percutants, ceux
qui angoissent, révoltent ou désespèrent. Peut-être que les informations sur ce qui
va mal sont les seules qui intéressent les journalistes, peut-être que pour avoir de
l'audience il faut à tout prix générer de l'émotion.

En tout cas, l'effet de répétition de ce genre de message produit un résultat bien


connu des spécialistes de la publicité : il finit par persuader la plupart des gens que
l'économie va mal, que l'on licencie à tout va, que beaucoup de braves gens risquent
de se retrouver sans emploi, que le capitalisme est injuste et récompense des
salariés fidèles par un licenciement aussi brutal qu'inattendu. On ne s'étonnera pas,
alors, que de février à mai 2001, tous les sondages d'opinion ont montré que le moral
des ménages français baissait constamment.

Bien entendu, ceux qui, pour des raisons politiques ou d'image de leur syndicat, ont
intérêt à exploiter la publicité faite à ces licenciements, l'ont fait sans retenue,
profitant de la tribune que les chaînes de télévision leur offraient complaisamment. Ils
ont ainsi ajouté à l'inquiétude du public.

Pour le public, le résultat net s'appelle de la désinformation.

La désinformation consiste à fournir des informations qui font croire quelque chose
de contraire à la vérité. Dans les exemples ci-dessus, la désinformation prend deux
formes :
 Ne dire qu'une partie de la vérité, celle qui confirme le point de vue qu'on veut
défendre ou celle qui génère le plus d'émotion : c'est de la "désinformation par
omission". Un cas particulier de ce type de désinformation est la "simplification
outrancière" où, pour aller vite et rester simple, on escamote des aspects
essentiels de la vérité.
 Donner à certaines informations une importance ou un poids très différent de
leur poids réel, en faisant paraître important un fait qui en réalité l'est bien
moins : c'est de la "désinformation par exagération" ou "surmédiatisation".

Les deux types de désinformation relèvent de la même malhonnêteté intellectuelle,


les deux sont utilisés par les journalistes dans l'exemple précédent. Voici pourquoi.
 En réalité, dans les deux cas de licenciement cités, les risques de générer une
proportion significative de salariés chômeurs sont faibles, les médias ne l'ont pas
dit.
 Au printemps 2001, la France crée beaucoup plus d'emplois qu'elle n'en détruit :
(Le Figaro, 19-20 mai 2001) : "L'emploi a débuté l'année 2001 en fanfare…".
"…L'économie française a créé 124.000 emplois lors des trois premiers mois de
2001, soit une hausse de 0,8%. En un an, la progression atteint 3,5% avec
505.000 emplois créés…" En ne disant pas, jour après jour, que ces

47
licenciements concernent infiniment moins de personnes que les emplois créés,
les chaînes de télévision désinforment et sapent le moral des citoyens.
(Le Figaro, 23/05/2001) "Baisse des défaillances d'entreprises de 9% en 2000 :
entre 1999 et 2000, le nombre de défaillances d'entreprises jugées dans les
tribunaux français s'est replié de 9,3%, avec un total de 37.380 entreprises en
2000 contre 41.220 en 1999." Ici aussi, en insistant sur la défaillance de 2
entreprises, les télévisions désinforment. Le public n'apprend pas, ainsi, que les
deux entreprises citées ne constituent qu'une infime partie de celles qui
s'effondrent chaque année, et que le nombre de défaillances décroît, c'est-à-dire
que la situation des entreprises – donc des emplois – s'améliore.

En ne relativisant jamais, en ne diffusant que la partie négative, démoralisante, de


l'information, les chaînes ont désinformé le public par omission. En donnant une
importance énorme aux problèmes de deux entreprises parmi des milliers d'autres,
les chaînes l'ont désinformé par exagération.

1.3.4.3.4 L'émotion doit être immédiate


La règle du contenu émotif s'ajoute à celle de la durée pour exiger que l'émotion du
téléspectateur soit immédiate, instinctive. Une information qui exige, avant de
générer de l'émotion, que le téléspectateur ait réfléchi à ses conséquences, n'est pas
intéressante, car l'émotion sera retardée par rapport à la diffusion de l'information.

Exemple : la dette publique française par habitant (15.000€ en 2003, en croissance


rapide) est extrêmement inquiétante, une fois que le téléspectateur a compris qu'elle
fait peser sur les générations suivantes le poids des dettes que notre Etat contracte
en vivant au-dessus de ses moyens, en distribuant un argent qu'il n'a pas et
emprunte. Mais cette inquiétude ne peut être générée qu'après une explication qui
demande un peu de temps et une réflexion du téléspectateur. Celui-ci doit s'imaginer
ses enfants accablés de dettes et payant chacun 750€ par an d'intérêts, en plus du
remboursement des 15.000€. Cette information n'est donc pas bonne à diffuser, et
les télévisions n'en parleront que dans les émissions destinées à de rares
spécialistes. Le grand public, c'est-à-dire la quasi-totalité des électeurs, n'en aura
pas connaissance et n'en tiendra pas compte en votant, alors que la réduction de la
dette de l'Etat devrait être exigée des élus, en tant que priorité nationale.

1.3.4.4 Le talent médiatique de l'intervenant


Un aspect important de l'exigence de contenu émotif d'une émission est le choix de
l'intervenant : plus celui-ci est "médiatique", c'est-à-dire plus il génère d'émotion,
moins il laisse indifférent, plus on l'invitera à "passer à la télé". Interviennent dans le
caractère médiatique : la personnalité, l'aspect physique et la position sociale. Que
cet intervenant soit sympathique ou antipathique n'est pas important. C'est pour cela
qu'on interviewe souvent José Bové ou qu'on fait intervenir J-M Le Pen pour
contredire N. Sarkozy.

Inversement, malgré son intelligence et sa connaissance des dossiers, le ministre de


l'Education nationale Luc Ferry n'était pas facilement sollicité, ni souvent accepté
lorsque les responsables "communication" de son ministère sollicitaient les chaînes
privées. Son sérieux n'amusait pas ou ne scandalisait pas assez le public, paraît-il.

48
En 2003 M. François Fillon, ministre des Affaires sociales, désireux d'expliquer ses
propositions politiques sur un sujet en débat qui intéresse tous les citoyens, n'a pu
passer sur la chaîne de télévision TF1 parce que les journalistes ont estimé qu'il
n'était pas assez "médiatique" (voir [14]).

En refusant de donner la parole à certains et en la donnant trop à d'autres, la


télévision empêche l'expression démocratique et occulte certaines informations.

1.4 L'information politique et économique à la télévision


1.4.1 Journaux télévisés : des journaux de faits divers
Le contenu d'un JT dépend en premier lieu de l'actualité, et c'est normal. Mais ce qui
est anormal, c'est le temps insignifiant consacré aux sujets de politique et
d'économie, parce qu'il ne permet pas d'expliquer au public ce qui se passe. Avec si
peu de temps on ne peut diffuser que quelques images par sujet ; aucune
connaissance un tant soit peu élaborée ne peut être synthétisée : on ne peut
communiquer à chaque fois qu'une impression ou une émotion.

Quelle que soit la chaîne parmi TF1, France 2 et FR3, la valeur ajoutée aux
informations et images brutes est donc quasi-nulle : les téléspectateurs ne reçoivent
pratiquement jamais de connaissances en politique ou économie qui soient
utilisables par des citoyens qui votent.

Voici des répartitions de temps que j'ai relevées dans quelques JTs hors période
électorale.

Faits divers, Politique ou économie


Chaîne informations
Date
(*) générales et
divertissements Temps % du total

03/01/2004 TF1 + de 35 min (**) (**)


05/01/2004 FR3 24 min 40 s 0 0%
05/01/2004 TF1 40 min 15 s 0 min 35 s 2%
06/01/2004 FR3 18 min 30 s 8 min 30%
06/01/2004 TF1 38 min 10 s 4 min 20 s 10%
07/01/2004 FR3 24 min 30 s 2 min 10 s 11%
07/01/2004 TF1 36 min 6 min 17%
08/01/2004 FR3 18 min 30 s 9 min 30 s 34%
08/01/2004 TF1 35 min 6 min 10 s 15%
09/01/2004 FR3 25 min 2 min 7%
09/01/2004 TF1 32 min 25 s 8 min 15 s 20%
Journal du soir hors période électorale :
temps consacrés par type d'information

49
(*) La répartition des temps du journal de France 2 est semblable à celle de TF1.
(**) Après 35 minutes exclusivement consacrées à l'accident d'avion de Charm et
Cheikh, j'ai changé de chaîne.

Ce manque d'intérêt pour la politique n'est pas réservé aux télévisions françaises.
Selon [147], aux Etats-Unis un JT moyen d'une demi-heure sur une chaîne locale
consacre 6 minutes 21 secondes au sport et à la météo et seulement 38 secondes à
la politique étrangère, guère d'Irak comprise. Et beaucoup de téléspectateurs ne
regardent pas de chaîne nationale.

La nullité du JT de TF1 en matière de politique et d'économie a été reconnue par le


patron de l'information de la chaîne, Robert Namias, dans une interview donnée au
Figaro économie et publiée les 20 et 21/11/2004 sous le titre « Nos devoirs envers
les téléspectateurs », où on lit :
"Ce leadership de TF1 sur l'information nous donne des devoirs envers nos
téléspectateurs. Il nous faut améliorer les contenus, notamment en ce qui
concerne l'international, l'économie, la politique et les vrais faits de société. Mais
il faut gommer les faits divers qui n'ont pas de sens."
1.4.2 Autres émissions
Les téléspectateurs qui veulent des journaux de politique et d'économie ne peuvent
en trouver que sur LCI (La Chaîne Info) et LCP (La Chaîne parlementaire), chaînes
qui ne sont pas diffusées sur le réseau hertzien accessible à tous les téléspectateurs,
et dont l'audience est insignifiante.

Ils peuvent aussi suivre de trop rares émissions de débats, comme "France Europe
Express" ou "Une fois par mois", où Christine Ockrent fait merveille. L'émission "C
dans l'air", remarquablement animée par Yves Calvi, aborde aussi chaque jour, du
lundi au vendredi, des sujets de politique. L'émission "100 minutes pour convaincre",
centrée sur un personnage politique, permet de le connaître et sa politique ou ses
propositions à travers lui ; c'est une bonne émission, malgré un animateur plus
intéressé par l'heure que par le contenu des débats, et qui ne fournit guère de
synthèses pour aider les téléspectateurs. L'émission jumelle, "100 minutes pour
comprendre", permet un débat sur un sujet d'actualité.
1.4.3 Des informations, mais pas assez de connaissances utilisables
La télévision, le média le plus utilisé par les citoyens pour s'informer, le seul pour
beaucoup d'entre eux qui ne lisent guère de textes de politique ou d'économie,
diffuse chaque jour des journaux de faits divers et de nouvelles pratiquement sans
information politique et économique. Et, lorsque ces sujets y sont abordés, ils le sont
avec des informations à peu près dénuées d'analyse : les connaissances utiles à un
citoyen y sont donc à peu près nulles.

Les autres émissions citées disposent de plus de temps et offrent une proportion plus
grande d'analyse. Le temps plus important alloué à chaque prise de parole permet à
l'intervenant de développer un peu plus sa pensée, jusqu'à une vingtaine de phrases.
Le téléspectateur en tire donc des connaissances utiles pour comprendre les
problèmes et les solutions proposées.

Toutes ces émissions et journaux ont en commun le suivi de l'actualité : elles traitent
de ce qui fait débat. Mais aucune ne permet d'exposer des faits, des situations ou

50
des propositions un tant soit peu complexes, le temps de parole sans interruption ne
suffisant jamais. Il manque donc des émissions plus didactiques, fournissant aux
téléspectateurs une culture économique et politique de base. Exemples :
 En économie, comme le montre [91], il suffit à un citoyen de connaître une
dizaine d'indicateurs économiques et autant de lois simples pour comprendre les
principaux enjeux et faire un choix électoral ;
 En politique, il faut connaître une vingtaine de chiffres économiques et sociaux
français et quelques comparaisons de performance entre la France et ses
voisins ; il faut aussi suivre les débats sur les réformes proposées et connaître
au moins un peu le fonctionnement de l'Union européenne.

Comme la majorité des téléspectateurs ne s'intéressent guère à la politique, cette


culture économique et politique devrait être diffusée dans tous les JTs, deux minutes
à la fois, chaque jour, c'est-à-dire à doses homéopathiques. Elle devrait aussi être
disponible, sous forme de compléments écrits aux JTs et émissions d'informations,
sur les sites Internet des chaînes.

Il manque aussi des émissions de critique des propositions politiques du


gouvernement, des partis, des syndicats et des groupes d'opinion comme ATTAC ou
les altermondialistes. Nous allons voir, dans la suite de ce livre, de nombreuses
propositions ou prises de position extrêmement critiquables : il faudrait des émissions
d'une heure, par exemple une fois par semaine, pour les exposer et examiner leurs
arguments et les arguments opposés. Et, pour que les gens intéressés puissent
revenir sur les argumentations, celles-ci devraient être accessibles sur Internet.

Il manque, enfin, des émissions de critique des médias, de leurs omissions et de


leurs manquements à la déontologie, car les journaux ne sont responsables devant
personne et le CSA, organisme gouvernemental, n'exerce qu'une surveillance
insuffisante et peu indépendante des télévisions. Cette critique devrait être ouverte
aux citoyens, par exemple par l'intermédiaire d'un médiateur. Mais c'est là un vœu
pieux : les chaînes de télévision ne programmeront de telles émissions que
contraintes et forcées. Je propose donc d'autres moyens de critiquer les médias
dans la deuxième partie de ce livre.

1.5 Les médias nous ont désinformés à propos de la guerre en


Irak
Nous allons voir à présent comment la radio et la télévision ont appliqué les règles de
filtrage ci-dessus, notamment l'occultation de la complexité, désinformant ainsi leur
public. L'effet de ces règles s'est ajouté au manque d'objectivité de
l'antiaméricanisme viscéral de nombreux journalistes.

L'accusation de désinformer est grave, car elle implique de donner sciemment des
formations fausses ou tronquées, ou de travestir la réalité. Nous allons voir pourquoi
on peut affirmer que la radio et la télévision françaises, comme d'ailleurs la plupart
des télévisions européennes, ont tronqué les informations nécessaires pour
comprendre l'intervention américaine en Irak, désinformant ainsi leur public.

Pour énoncer, puis expliquer les arguments qui ont conduit les Américains et les
Anglais à intervenir en Irak, il fallait :

51
 (1er inconvénient) une émission d'au moins une heure, car ces arguments étaient
multiples, complexes et, pour certains d'entre eux, abstraits ;
 (2ème inconvénient) ces arguments ne concernaient, a priori, qu'une audience
modeste, celle qui s'intéresse à la politique étrangère et,
 (3ème inconvénient) ils ne présentaient guère de contenu émotif, faute d'images
comme on en a eu après la guerre en découvrant les nombreux charniers de
Saddam Hussein.

Voici les principaux arguments des alliés, accompagnés de renvois où les lecteurs
soucieux de rigueur pourront trouver les justifications et les détails. Je ne cite pas ces
arguments pour convaincre le lecteur que les Américains avaient raison d'envahir
l'Irak, mais pour lui présenter des exemples de non-information par les médias, et
tout particulièrement par la télévision. L'article [94] du 11 janvier 2004 cite d'ailleurs
trois rapports récents qui affirment qu'il n'existait pas, début 2003, d'armes de
destruction massive en Irak. Si ces rapports sont dans le vrai, les informations ci-
dessous, où les inspecteurs officiels de l'ONU indiquaient une forte probabilité
d'existence de ces armes, ont conduit les Etats-Unis à la guerre contre un Irak qui ne
les menaçait pas directement, mais seulement - c'est prouvé aujourd'hui - par
terroristes interposés.

Comme la plupart des autres décisions politiques, celle de faire cette guerre
préventive a été basée sur de fortes probabilités, pas sur des certitudes. On trouvera
ci-après les faits à l'origine de ces probabilités.

Que Saddam Hussein ait eu ou non des armes de destruction massive début 2003
m'est indifférent dans ce texte. Ce qui m'importe, c'est que les médias français ne
nous ont pas cité les arguments ci-dessous, nous laissant donc croire qu'ils
n'existaient pas, donc que les Etats-Unis partaient en guerre sans raison valable.
1.5.1 Existence d'armes de destruction massive en Irak
Tous les pays, y compris les Etats-Unis, la France, l'Allemagne, etc. ont cru que
Saddam Hussein avait des armes de destruction massive, avant de fouiller l'Irak et
de s'apercevoir qu'ils s'étaient trompés.
 Selon Rolf Ekeus, chef de la mission d'inspection des Nations unies en Irak
(UNSCOM) de 1991 à 1997, actuellement à la tête du Stockholm International
Peace Research Institute (voir [15]), Saddam Hussein a utilisé des armes
chimiques à deux reprises :
 contre l'armée iranienne, pendant la guerre de 1980 à 1988, pour éviter à
son armée d'être enfoncée par les Iraniens, plus nombreux,
 contre son propre peuple, les Kurdes irakiens, dont il a massacré plusieurs
milliers à Halabja.
Ces attaques chimiques ont tué ou blessé au total plus de 100.000 personnes.
Si Saddam Hussein a utilisé des armes chimiques, c'est qu'il en avait. Donc ceux
qui prétendent ne pas savoir si Saddam Hussein a disposé d'armes de
destruction massive se trompent ou sont de mauvaise foi.
 De 1991 (fin de la première guerre du Golfe) à 1995, Saddam Hussein a
prétendu qu'il n'avait pas d'armes biologiques. En 1995, suite à la défection de

52
son gendre, Hussein Kamal, responsable du programme d'armes de destruction
massive irakien, on a appris que l'Irak avait bien un programme de fabrication
d'armes biologiques, ce qui a été confirmé par les scientifiques irakiens qui y
travaillaient [15].
 En 1998, Saddam Hussein a chassé d'Irak les inspecteurs des Nations unies,
qui cherchaient ses armes de destruction massive. Pendant 4 ans, jusqu'à fin
2002, il n'y a plus eu d'inspections. Si Saddam Hussein a détruit ses armes de
destruction massive avant le retour des inspecteurs fin 2002, comme il l'affirmait,
c'était à lui de le prouver, comme le lui imposaient les Nations unies et non,
comme l'affirmaient certains politiciens français (voir par exemple la position de
l'UDF dans [17]), aux inspecteurs des Nations unies revenus fin 2002. Il n'a ni
prouvé cette destruction ni cité des témoins, qui pourtant auraient forcément
existé vu les quantités d'armes dont il s'agissait.
 A la veille de la guerre, le 17 mars 2003, le rapport [16] du nouveau responsable
des inspections de l'ONU, M. Hans Blix, citait encore une suite importante
d'armes de destruction massive, dont l'existence était prouvée en 1998, lors du
renvoi des inspecteurs UNSCOM, et dont l'Irak devait justifier la destruction :
«Following is a list of the issues which UNMOVIC has identified as key
disarmament tasks to be completed by Iraq. They are set out in detail in Annex 1.
Annex 2 contains the background information relating to each task identified,
under a heading relating to that task.
- Scud missiles and associated biological and chemical warheads ;
- SA-2 missile technology ;
- Research and development on missiles capable of proscribed ranges ;
- Munitions for Chemical and Biological agent fill (CBW) ;
- Spray devices and remotely piloted vehicles/unmanned aerial vehicles
(RPVs/UAVs) ;
- VX and its precursors ;
- Mustard gas and its precursors ;
- Sarin, Cyclosarin and their precursors ;
- Anthrax and its drying ;
- Botulinum toxin ;
- Undeclared agents, including smallpox ; and
- Any proscribed activities post 1998.»

Il y avait là des missiles interdits (que tous les Français ont vus à la télévision),
des munitions chimiques, des précurseurs pour armes chimiques, des bacilles
pathogènes, etc. Entre la réalité de l'existence des missiles interdits, prouvée par
la télévision au monde entier, et le sérieux incontestable du rapport [16] de
l'ONU, nous avons là une preuve de plus de la forte probabilité d'existence
d'armes de destruction massive en Irak, preuve que la diplomatie française a
délibérément ignorée en demandant de continuer les recherches d'armes
pendant le temps nécessaire. Pour que ces armes ne soient plus disponibles

53
début 2003, il fallait qu'elles aient été détruites sans témoin et sans laisser de
trace, ce qui était très improbable vu leur diversité et leur quantité.
 Dans ses rapports au Conseil de sécurité [18] et [19] M. Hans Blix montre
clairement que, plus de 3 mois après le début des inspections et la remise de
son rapport de 12.000 pages, l'Irak n'a toujours pas satisfait les exigences du
Conseil de sécurité concernant une coopération immédiate et complète. La
résolution 1441 (voir [20]) prévoyant qu'en cas de coopération inadéquate l'Irak
en subirait les graves conséquences, l'intervention militaire était justifiée.
 Le 27/01/2003, M. Hans Blix a présenté au Conseil de sécurité le rapport [21] qui
montre que l'Iraq a caché, ou détruit sans conserver de preuve de cette
destruction et sans pouvoir fournir de témoignage :
 environ 6500 bombes chimiques, représentant quelques 1000 tonnes
d'agents chimiques ;
 une quantité de bacilles du charbon (anthrax) suffisante pour produire
environ 5000 litres de solution concentrée ;
 un agent innervant très puissant, le VX, à l'état militarisé ;
 plusieurs milliers de missiles à charge chimique ;
 des missiles d'une portée et d'une taille supérieures aux limites autorisées
de 150 km et 600 mm, opérationnels dans l'armée irakienne, en violation
flagrante des résolutions de l'ONU ;
 l'importation jusqu'en décembre 2002 de matériel militaire prohibé,
notamment 380 moteurs de missile à portée plus longue que la limite
autorisée de 150 km.
 Le rapport de l'ONU [29] est très complet et particulièrement accablant pour
l'Irak, par l'inventaire qu'il donne de l'énorme arsenal d'armes de destruction
massive de ce pays à la date du 29/01/1999.
 Les divers rapports des inspecteurs des Nations unies soulignent la volonté
constante de l'Irak de cacher ses armes, de refuser de répondre aux questions
des inspecteurs, ainsi que les mensonges et omissions répétées des Irakiens.
On pouvait en conclure que si les Irakiens agissaient ainsi depuis des années,
c'est qu'ils avaient des armes cachées. Il était difficile d'imaginer qu'ils les
avaient toutes détruites sans noter cette destruction sur des documents
montrables aux inspecteurs, et sans pouvoir produire de témoins attestant ces
destructions.

1.5.1.1 Conclusions
Il résulte de tous ces documents officiels des Nations unies qu'à la veille de la guerre
il y avait toutes les raisons de penser que l'Irak avait caché des armes de destruction
massive. Cette conclusion est basée sur des rapports des Nations unies, pas sur de
l'espionnage sujet à caution. Mais comme la télévision a occulté systématiquement
les rapports des Nations unies, les Français n'ont rien su de ces raisons objectives
d'envahir l'Irak.

54
Cette conclusion est confirmée par l'interview du 01/02/2004 sur CNN de M. David
Kay, qui a été pendant 12 ans responsable des inspections en Irak pour les Etats-
Unis et a démissionné en janvier 2004. Celui-ci a affirmé que :
 Jusqu'au début de la guerre en mars 2003 tout le monde (c'est-à-dire les experts
des Nations unies, des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de
l'Allemagne, de la Russie et lui-même) était persuadé que l'Irak avait des armes
de destruction massive et les cachait.
 La pagaïe et la corruption qui régnaient en Irak rendaient faciles l'obtention de
telles armes par des terroristes.
 La perception du danger par les gouvernements Bush et Blair était donc
raisonnable ; il n'y avait pas besoin et il n'y a pas eu de pression sur les services
secrets pour qu'ils exagèrent la menace, il y a eu mauvaise interprétation par les
experts de la qualité des renseignements disponibles.
 Jusqu'à la veille du conflit il y a eu production de missiles prohibés et recherches
sur du poison à base de ricine.

La position française, consistant à la fois à demander une poursuite des recherches


d'armes par les inspecteurs des Nations unies - donc à faire confiance aux
inspections des Nations unies - et à affirmer qu'on n'avait pas de preuve de leur
existence, malgré les rapports précédents des inspecteurs et ceux des services
secrets français, était incohérente. La télévision n'a pas, non plus, expliqué cette
incohérence, pourtant évidente.

La stratégie française, basée sur le fait que les quelques mois d'inspections de fin
2002 à mars 2003 n'avaient trouvé que les missiles prohibés et quelques obus
chimiques vides, consistait à espérer que quelques mois d'inspections
supplémentaires ne trouveraient pas grand-chose non plus. La France pourrait alors
en conclure que l'Irak n'avait pas d'armes de destruction massive et demander au
Conseil de sécurité la levée des sanctions contre ce pays. Cela permettrait à
Saddam Hussein de rester au pouvoir et de continuer à tyranniser et assassiner ses
concitoyens, ainsi que de menacer les voisins de l'Irak et de subventionner les
terroristes palestiniens. Et cela permettrait à la France d'espérer que Total pourrait
extraire du pétrole irakien, conformément à l'accord signé avec Saddam Hussein.
Mais les télévisions n'ont accusé que les Américains de s'intéresser au pétrole
irakien.
En somme, la politique du président Chirac consistait à soutenir le tyran assassin
Saddam Hussein, et à chercher à ce qu'il reste au pouvoir et puisse continuer
ses méfaits : soutien du terrorisme, envahissement de pays voisins comme l'Iran
et le Koweït, assassinat de son propre peuple comme les Kurdes de Halabja,
etc.

Du point de vue des chaînes de radio et de télévision, tous les arguments qui
précèdent ont l'inconvénient d'être basés sur des documents officiels de l'ONU et des
interviews, difficiles à exploiter en respectant les règles de filtrage précédentes :
 Ils sont en anglais ;
 Ils sont indigestes et incapables de susciter l'émotion de téléspectateurs ;

55
 Ils ont l'inconvénient d'exiger d'un journaliste un travail de recherche et d'étude
des textes officiels, travail que beaucoup sont trop peu courageux et trop peu
anglophones pour faire ;
 Même s'il a réuni les documents nécessaires et en a fait une synthèse, il faut à
un journaliste une émission assez longue de politique étrangère pour présenter
l'argumentation aux téléspectateurs. Or la politique étrangère n'attire guère
l'audience.

Les journalistes se sont donc contentés de puiser dans leur antiaméricanisme pour
trouver des raisons simples et médiatiques à l'intervention américaine :
 George W. Bush, croyant, mène une croisade anti-musulmane du même type
que la croisade anti-occidentale d'al Qaida (sainte horreur !) ;
 Les Américains veulent s'emparer de l'Irak, en faire une colonie (les Etats-Unis
n'ont jamais, dans leurs 230 années d'histoire, eu de colonie, mais les
journalistes ne le savent pas ou ne veulent pas le savoir) ;
 Les Américains veulent s'emparer du pétrole irakien au profit de leurs
multinationales ;
 M. Bush fils veut "finir le travail" de M. Bush père, etc.

1.5.1.2 L'art de raisonner faux pour convaincre


 Concernant la présence d'armes de destruction massive en Irak, les anti-Bush
ont confondu "absence de preuve" et "preuve d'absence".
 Ils ont raisonné comme si, en politique, on exigeait des preuves incontestables
pour décider une action. C'est ainsi, par exemple, que M. François Bayrou,
opposé à l'intervention en Irak, justifiait sa position en déclarant : "Pas de
preuves, pas de guerre". De telles preuves n'existent pas, en général. Pourtant,
lorsque des milliers de vies sont menacées par des terroristes, il faut bien agir
pour les protéger, même si on n'a qu'une forte probabilité d'agir à bon escient.
 Pour tenter de prouver le peu de valeur des arguments américains concernant
les armes de destruction massive et les liens de l'Irak avec al Qaida, ils
utilisaient un vieux truc bien connu des avocats : ils prenaient un des arguments,
dont la validité n'était pas établie même si elle était très probable, et ils
montraient qu'il existe un doute sur cet argument ; puis ils affirmaient, par
analogie, que tous les autres arguments étaient aussi peu solides. C'est
intellectuellement malhonnête, mais cela marche avec beaucoup de gens (voir
[137]).

1.5.1.3 Et en 2004…
Fin janvier 2004, les journalistes français continuaient d'ignorer des faits importants,
comme [115] et [116], qui prouvent que l'Irak avait bien des programmes d'armes de
destruction massive constituant une menace, et que des terroristes y passaient et
auraient pu s'en procurer.

Leur manque d'objectivité se manifestait aussi dans le fait que les seules
informations que les journaux télévisés donnaient quotidiennement à cette époque
sur l'Irak étaient des attentats anti-américains. A aucun moment ils n'ont dit aux

56
Français comment le peuple irakien vivait, s'il avait de la nourriture et de l'eau, si les
écoles et hôpitaux fonctionnaient, et que les exportations de pétrole approchaient les
2,5 millions de barils par jour. Ces omissions constituent une désinformation.

1.5.1.4 On a trouvé des programmes de développement d'armes de destruction


massive
Fin mars 2004, les inspecteurs américains qui cherchaient en Irak des armes de
destruction massive n'en avaient toujours pas trouvé, mais :
 Ils ont trouvé un grand nombre de programmes de développement de ces armes
(voir [132], [133] et [134]) ;
 Ils ont prouvé que les Irakiens consacraient à ces programmes des budgets
importants, qui leur auraient certainement permis d'aboutir et de doter leur
armée de telles armes, ainsi que d'en donner à des terroristes.

Saddam ayant déjà attaqué l'Iran et le Koweït, et ayant déjà utilisé des armes
chimiques contre les Iraniens et ses propres Kurdes, la menace qu'il représentait
était réelle, même si elle n'était pas immédiate.

Il est scandaleux que les médias, dans tous les pays, aient gardé le silence sur les
programmes d'armes trouvés par les Américains après la guerre. Tout se passe
comme si, ayant déjà affirmé qu'il n'y avait pas d'armes de destruction massive en
Irak, ils refusaient toute preuve du contraire, pour pouvoir continuer à accuser le
gouvernement Bush d'avoir trompé ses citoyens sur la réalité de la menace
irakienne.

Les preuves présentées au Congrès des Etats-Unis par leurs responsables des
inspections en Irak en octobre 2003 et mars 2004 sont à la fois incontestables et
nombreuses : l'Irak travaillait bien, jusqu'à la veille de la guerre, à des armes de
destruction massive, en violation flagrante de ses engagements et de 17 résolutions
du Conseil de sécurité - voir http://www.un.org/documents/scres.htm.

Malgré la publication par le gouvernement américain des rapports au Congrès [133]


et [134], l'ensemble des médias, dans tous les pays, a fait comme s'ils concluaient à
l'inexistence d'une menace irakienne, alors qu'ils concluent exactement le contraire.

Comme le remarque le seul article qui a signalé les programmes d'armement


découverts, [132], tout s'est passé pour les chaînes de télévision, les magazines et
les journaux du monde entier, comme si les inspecteurs auraient dû trouver de
grands entrepôts, peints en jaune vif pour être bien visibles, et portant des enseignes
"Stock d'armes de destruction massive". N'ayant pas entendu parler de tels
entrepôts, les médias ont continué à croire et à faire croire au public que ces armes
n'existaient pas et que le gouvernement Bush l'avait trompé.

Exemple : The New York Times a publié le 11/01/2004 un important article


faisant le point sur les recherches d'armes de destruction massive irakiennes,
"The Faulty Weapons Estimates". Selon cet article, trois nouveaux rapports
publiés la semaine précédente permettent de douter que l'Irak ait disposé de
telles armes début 2003. L'article met en doute la validité de la position officielle
du gouvernement américain, selon laquelle ces armes existaient et constituaient

57
un danger pour le monde entier et les Etats-Unis en particulier. Il suggère que le
gouvernement américain a désinformé son opinion publique en déformant les
informations de ses services secrets.
Or, le rapport au Congrès [133], daté du 2 octobre 2003, contenait déjà une liste
impressionnante de preuves de programmes de développement d'armes
prohibées…

Pour dissimuler leurs programmes de développement d'armes chimiques, les


Irakiens avaient profité du fait que les matières premières nécessaires pour fabriquer
ces armes sont les mêmes que celles nécessaires à la fabrication de pesticides,
c'est-à-dire des composés organophosphorés.

Il y a eu, de la part des journalistes comme de nombreux spécialistes, une volonté


délibérée d'interpréter les trouvailles de ces composés comme celles d'inoffensifs
pesticides, par exemple sans tenir compte du fait que certains étaient stockés dans
des bunkers militaires souterrains, à côté d'un stock de munitions.

1.5.1.5 On a trouvé des obus chimiques et prouvé l'existence de stocks cachés


Les 17 et 18 mai 2004, des chaînes de télévision (CNN, TF1…) et de radio (Europe
1…) ont annoncé la découverte de deux obus contenant des gaz de combat, du
Sarin et du gaz moutarde. Nous savons aussi que la plupart des bombes artisanales
fabriquées par les terroristes irakiens sont à base d'obus d'artillerie, et que les
voitures et camions des attentats-suicides sont bourrés de tels obus. Il existe donc
des stocks d'obus, dont certains, chimiques, font donc partie des armes de
destruction massive, stocks que les Irakiens connaissent et que les inspecteurs de la
coalition n'ont pas encore découverts, sans quoi ils les auraient déjà éliminés. Nous
avons ainsi la certitude :
 Qu'il existe bien des stocks d'armes en Irak que les inspecteurs n'ont pas encore
trouvés ;
 Que certains obus de ces stocks sont des armes de destruction massive.

Ceux qui affirment que de telles armes n'existent pas en Irak, pour en conclure que
l'administration Bush a menti à leur sujet, ont donc tort. Et si, après la révélation de
l'existence des programmes et des stocks d'armes, ils persistent dans leur négation,
ils font preuve de malhonnêteté intellectuelle.
1.5.2 Liens entre l'Irak et le terrorisme
 Saddam Hussein et Ben Laden avaient les mêmes ennemis : les Américains et,
par extension, les autres occidentaux. Il est absurde d'imaginer que le premier
ne fournirait jamais au second des armes pour commettre des attentats à sa
place, tout en jurant qu'il n'est pour rien dans ces attentats. Il est puéril d'espérer
que Ben Laden, qui n'avait pas les moyens irakiens de se procurer des armes,
n'en demanderait pas à Saddam Hussein. Mais les télévisions n'en ont rien dit,
même en janvier 2004, où des documents comme [115] étaient disponibles.
 Dans son discours du 05/02/2003 au Conseil de sécurité [26], M. Colin Powell a
montré qu'il existe en Irak un groupe de terroristes islamistes dirigé par Abu
Musab Al-Zarqawi, qui a séjourné en Afghanistan et s'y est entraîné dans les
camps d'al Qaida. Ces terroristes ont participé à des attentats à l'étranger,

58
notamment en utilisant un poison d'origine végétale appelé "ricine". Mais la
plupart des diplomates présents ont refusé de le croire.
Une confirmation éclatante de ces affirmations de M. Colin Powell a été apportée
le 01/04/2003 par la correspondante du Figaro dans le nord de l'Irak, Delphine
Minoui. Dans l'article La traque du réseau terroriste Ansar al-Islam, publié ce
jour-là, elle écrit ce qui suit (extraits de son interview de Boorhan Saeed,
commandant des forces Kurdes de la région d'Halabja, qui combat Ansar al-
Islam depuis deux ans) :
"Nous avons découvert toute une série de papiers prouvant l'affiliation de ces
islamistes avec al Qaida", remarque-t-il, en précisant que les islamistes des
montagnes étaient parfaitement équipés en ordinateurs, téléphones satellites et
connexions Internet. "On a trouvé, entre autres, des disquettes contenant des
comptes-rendus de rencontres entre Ansar et al Qaida, mais aussi des carnets
de téléphones comprenant de nombreux numéros de téléphone en Europe et
aux Etats-Unis. On a également mis la main sur les discours d'Oussama Ben
Laden après le 11 septembre".
Les pacifistes, notamment français, qui avaient implicitement traité M. Powell de
menteur en refusant de croire son témoignage parce qu'il dérangeait leur
position anti-américaine et pro-Saddam, se trouvent ainsi confondus :
 Il y a bien des liens entre les islamistes Ansar al-Islam d'Irak et al Qaida.
 Ces islamistes irakiens sont liés à des terroristes opérant en Europe et aux
Etats-Unis, ce qui prouve que nous Français sommes aussi menacés par
des terroristes irakiens, donc qu'il est important de se débarrasser du régime
de Saddam Hussein en même temps que de ces terroristes.
Une autre confirmation éclatante est apportée par l'article [122], suite à la
capture en Irak d'un messager d'al Qaida, Hassan Gul, qui portait sur lui un CD-
ROM contenant un document de 17 pages et divers messages envoyés par
Ansar al-Islam à al Qaida. Ces documents établissent clairement les liens entre
les deux organisations et leur intention de fomenter une guerre civile en Irak.
Une nouvelle confirmation a été apportée avec la preuve d'une rencontre en
république tchèque entre Mohammed Atta (chef des terroristes du 11 septembre)
et un membre des services de renseignements irakiens : voir [136] et [137].
Mais les télévisions ne nous ont rien dit de tout cela... Au contraire, elles se sont
basées sur le rapport officiel [139] pour affirmer une fois de plus, toujours sans
preuve convaincante, que M. Bush et son administration avaient trompé leur
peuple. Le rapport [139] laisse pourtant place au doute, parce qu'il ne peut
justifier un trou dans l'emploi du temps de Mohammed Atta les 7 et 8 avril 2001
et qu'il ne peut prouver qu'Atta n'a pas voyagé ces jours-là à Prague sous un
nom d'emprunt.
Il y a encore d'autres preuves : voir [140]. C'est pourquoi le président Bush
continue à affirmer qu'il a des preuves de liens entre l'Irak et al Qaida.
 Saddam Hussein finançait les terroristes palestiniens. Il donnait $25.000 à
chaque famille palestinienne dont un membre s'était suicidé en faisant exploser
la bombe qu'il portait pour tuer des Israéliens, que ceux-ci soient des civils ou
des militaires. Saddam Hussein encourageait ainsi le terrorisme palestinien et

59
contribuait à l'instabilité chronique du Moyen-Orient. Mais pour les télévisions,
cela n'avait pas besoin d'être rapporté.

La presse écrite n'a guère cité ces arguments non plus, pour les mêmes raisons que
précédemment : ils concernent la politique internationale, ils demandent un peu de
temps à expliquer, n'ont pas d'images et ne génèrent pas d'émotion immédiate. Et,
inconvénient supplémentaire, ils étaient favorables aux Américains.
1.5.3 Justification de la guerre préventive

1.5.3.1 Justification stratégique


Voici, en résumé, la partie de la stratégie de sécurité des Etats-Unis qui nous
intéresse ici, telle qu'elle est exposée dans leur document officiel [22] du 17/09/2002.
Elle n'a pas été expliquée aux Français à la télévision, et n'a été abordée que de
manière insignifiante dans les journaux et magazines. Seul Le Monde en a publié
une fois des extraits commentés.
 Du temps de la guerre froide, la dissuasion nucléaire a empêché les puissances
atomiques d'attaquer, car un attaquant était certain d'être détruit à son tour. Les
puissances nucléaires avaient plus à perdre qu'à gagner en attaquant, il leur
suffisait donc d'attendre une improbable première frappe de l'ennemi et de
profiter de la paix en attendant.
 Aujourd'hui, les terroristes internationaux musulmans n'ont pas de pays qu'ils
redoutent de voir détruit, ils ne redoutent pas la mort et la recherchent même
pour la gloire d'être un martyr : la peur des représailles est donc sans effet sur
eux. Ils attaquent donc les premiers, pour avoir la satisfaction d'avoir massacré
ou terrorisé des infidèles et détruit leurs biens. C'est là une nouvelle forme de
guerre, une guerre sans ligne de front, et cette guerre concerne tous les pays,
avancés ou non. Ils nous font la guerre pour détruire notre société de liberté et
de démocratie et la remplacer par une société islamiste, où les femmes n'ont
que peu de droits et où la démocratie est remplacée par le gouvernement de
religieux, comme en Iran ou dans le régime taliban d'Afghanistan.
 Aujourd'hui, les grandes puissances ne se menacent plus entre elles, mais
chacune est menacée par des états terroristes comme l'Irak ou la Corée du nord,
essentiellement par le soutien qu'ils peuvent apporter à des organisations
comme al Qaida et les terroristes palestiniens, à qui ils peuvent fournir des
armes de destruction massive.
 La défense contre les terroristes (états ou groupes internationaux) n'est pas une
option, elle est incontournable. Une défense insuffisante provoque des milliers
de morts, comme les 3100 du 11 septembre 2001, parmi lesquels il y avait 200
musulmans, comme tous ceux des attentats islamistes ultérieurs. Notre défense
ne peut se contenter d'attendre de nouvelles attaques terroristes, elle doit
prendre les devants en détruisant leurs camps d'entraînement, leurs sources
d'armement et d'argent, et en utilisant tous les moyens à notre disposition. La
nouvelle situation justifie donc une guerre préventive contre les terroristes ou les
états terroristes qui peuvent les abriter, les armer ou les financer. Saddam
Hussein a déjà attaqué le premier, en occupant le Koweït en 1990, il ne faut pas
lui laisser les moyens de le faire de nouveau, surtout avec des armes de
destruction massive. Il ne faut pas, non plus, qu'il puisse donner de telles armes
à des groupes terroristes.

60
En résumé : "comme de nos jours on n'a plus le temps de voir venir une attaque
pour se protéger, il faut prendre les devants." : c'est la justification américaine de
la guerre préventive.

Mais la décision de partir en guerre suppose que l'on puisse compter sur les
renseignements concernant les terroristes et les pays qui les abritent ou les
aident ; la guerre de 2003 en Irak a montré que les renseignements dont tous les
pays disposaient n'étaient pas fiables.

Les Etats-Unis se sentent menacés par les terroristes, car ils ont été victimes de
nombreux attentats meurtriers, qui se multiplient depuis de nombreuses années et
tuent des Américains partout dans le monde. Ils ont craint que Saddam Hussein
attaque de nouveau ses voisins, déstabilisant ainsi un Moyen-Orient dont la
production de pétrole est indispensable aux pays consommateurs. Ils ont eu peur
que Saddam fournisse des armes ou de l'argent à al Qaida, comme il en a fourni aux
terroristes palestiniens. Ils ont donc attaqué.

A part ceux du Monde, les journalistes français n'ont pas pris le temps de lire la
trentaine de pages du document officiel [22], où les Etats-Unis avaient pourtant eu
soin de décrire en détail leur stratégie de lutte antiterroriste. Les autres journaux et la
télévision l'ont ignoré. Dans leur immense majorité, les Français n'ont donc pas eu
connaissance de ce document, pourtant d'une extrême importance puisqu'il introduit
la notion de guerre préventive et la justifie. Ils en ont conclu que les Américains
étaient des bellicistes, que leur politique étrangère est injustifiée et inacceptable.

Il y a une autre preuve de la non-couverture en 2002-2003, par les télévisions


françaises, des raisons américaines de faire une guerre préventive : l'émission du
10/02/2004 à 20h50 de la chaîne "arte" intitulée "La guerre selon l'Amérique". Cette
émission a enfin expliqué, correctement et en détail, les raisons de la guerre
préventive en Irak, avec plus d'un an de retard sur le moment où il aurait fallu donner
ces raisons aux publics français et allemand. Les explications ont clairement justifié :
 la position américaine ;
 la contradiction inhérente à la position française, consistant à soutenir le tyran
assassin Saddam Hussein et à déclarer illégale une intervention sans mandat de
l'ONU, en oubliant celle où la France est intervenue au Kosovo.

1.5.3.2 Guerre préventive et droit international


Au sens du droit international de légitime défense, tel qu'il est défini par la Charte des
Nations unies dans son article 51 (voir [24]) et la résolution 3314 du 14/12/74 (voir
[25]) «Aucune considération, de quelque nature que ce soit, qu'elle soit politique,
économique, militaire ou autre, ne peut justifier une agression.» les Etats-Unis
n'avaient pas le droit d'agresser l'Irak sans l'autorisation du Conseil de sécurité.

Cette partie du droit international, définie et justifiée il y a 30 ans, à une époque où la


seule menace était d'ordre militaire classique, n'est à l'évidence plus adaptée à notre
époque, où des terroristes peuvent frapper sans prévenir. C'est de cette
obsolescence que les Américains se sont prévalus pour faire à l'Irak une guerre
préventive. Mais aucun journaliste n'a expliqué ce point aux téléspectateurs...

61
1.5.3.3 Pourquoi une intervention en Irak et pas en Corée du nord ?
Cette question légitime a une réponse géostratégique : la Corée du nord ne menace
personne dans l'immédiat, malgré ses bombes atomiques et ses missiles. Par contre,
le terrorisme islamiste menace depuis longtemps et a frappé de nombreuses fois,
avant et après le 11 septembre.
Le terrorisme islamiste était soutenu par l'Afghanistan des talibans et son voisin
du Pakistan. La guerre d'Afghanistan et l'accord avec le Pakistan ont répondu à cette
partie de la menace. Il était aussi soutenu par quatre pays du Moyen-Orient : l'Arabie
saoudite, l'Iran, l'Irak et la Syrie. Tous quatre finançaient des terroristes, et tous sauf
l'Iran en abritaient dans des camps. Une guerre préventive se justifiait plus en Irak
que dans les trois autres pays, parce que Saddam Hussein avait déjà fait la guerre à
ses voisins (Iran et Koweït), qu'il y avait de bonnes raisons de croire qu'il possédait
des armes de destruction massive et pouvait en donner à des terroristes, enfin qu'il
massacrait ses concitoyens par centaines de milliers. Les Américains espéraient
aussi, en installant un régime démocratique à la place de celui de Saddam, qu'une
contagion aux trois autres pays les ferait progresser vers la démocratie, donc les
éloignerait du terrorisme.
1.5.4 Arguments de droit justifiant l'intervention en Irak
1.5.4.1 Viol de 17 résolutions des Nations unies
Depuis 1990, Saddam Hussein a violé les résolutions suivantes du Conseil de
sécurité des Nations unies [27], dont certaines (exemple : la résolution 688) étaient
assorties de graves menaces impliquant le recours à la guerre :

Date Résolution
29/11/90 678
02/03/91 686
03/04/91 687
05/04/91 688
15/08/91 707
11/10/91 715
15/10/94 949
27/03/96 1051
12/06/96 1060
21/06/97 1115
23/10/97 1134
12/11/97 1137
02/03/98 1154
09/09/98 1194
05/11/98 1205
17/12/99 1284
08/11/02 1441

Début 2003, cela faisait 17 résolutions que l'Irak ignorait ! Il est clair que, pour
Saddam Hussein, le Conseil de sécurité n'avait aucun pouvoir, qu'on pouvait
impunément mépriser ses injonctions et faire fi de ses menaces ! Le recours à la

62
guerre sans autre autorisation du Conseil de sécurité était donc acquis, sauf à vouloir
affirmer que celui-ci faisait des menaces en l'air. Mais cet argument n'a pas été
retenu par nos télévisions.

1.5.4.2 Non-respect des engagements conditionnant la fin de la guerre de 1991


Indépendamment de la résolution 1441, la résolution 687 du 03/04/1991 [28], que
l'Irak a acceptée par écrit et sans réserve pour obtenir l'arrêt des opérations militaires
alliées de la guerre du Koweït, interdisait à l'Irak de développer, construire ou acheter
des armes de destruction massive par le texte suivant :
«10 Decides further that Iraq shall unconditionally undertake not to use, develop,
construct or acquire any of the items specified in paragraphs 8 and 9 [chemical
and biological weapons and agents, ballistic missiles with a range greater than
150 km...]»
Or, comme la télévision l'a montré, l'Irak a construit des missiles Al Samoud 2, d'une
portée supérieure à 150 km (donc prohibés) et, pour ce faire, elle a importé jusqu'en
décembre 2002 380 moteurs de missile. De ce fait, l'Irak est en infraction avec la
résolution 687, en plus de ses infractions aux résolutions adoptées de 1991 à 2002.
En droit, l'Irak n'ayant pas respecté ses obligations découlant de la résolution 687,
les conditions de l'arrêt des hostilités de 1991 ne sont plus réunies et les Américains
pouvaient reprendre ces hostilités comme ils veulent et quand ils veulent, sans autre
autorisation du Conseil de sécurité que celle qui avait permis la guerre de libération
du Koweït en 1991.

En ne citant pas non plus ces arguments de droit permettant l'intervention en Irak, les
médias permettaient aux Français de penser que cette intervention était illégitime.
1.5.5 Conséquences de cette désinformation des médias
Nous venons de voir à quel point les médias, et d'abord les chaînes de télévision,
première source d'information des Français, ont désinformé ceux-ci en passant sous
silence les informations ci-dessus, pourtant indispensables à une compréhension des
raisons de l'intervention militaire en Irak.

La plupart des Français, comme la plupart des Européens, n'ont donc entendu parler
que de guerre injustifiée. Ils en ont conçu une animosité considérable contre les
Américains et les Anglais : les sondages ont montré que plus de 80% des Français
étaient contre une intervention en Irak, donc contre ceux qui partaient en guerre.

Les gouvernements de la France et de l'Allemagne, au lieu de fournir à leurs peuples


les informations que leurs médias omettaient, ont adopté une attitude démagogique.
Puisque leurs citoyens étaient contre la guerre, ils se sont aussi prononcés contre :
"La guerre est toujours la pire des solutions", a déclaré le président Chirac,
contredisant ainsi sa prise de position concernant l'intervention au Kosovo, qu'il avait
soutenue avec les Américains contre l'avis de l'ONU.

L'attitude d'hostilité de la France et de l'Allemagne envers les Etats-Unis, à l'ONU et


dans toutes sortes de déclarations, ainsi que leurs tentatives d'obstruction à l'OTAN,
ont valu à leurs peuples une hostilité durable des Américains, sans pour autant
empêcher ceux-ci de partir en guerre. Les retombées ont été : boycott de produits
français et allemands, tourisme en nette baisse, exclusion de la France et de
l'Allemagne des contrats de reconstruction de l'Irak, vote des Américains contre le

63
choix de Cadarache pour le réacteur de fusion ITER (un projet de 11 milliards de
dollars), etc. Les Américains considèrent que toutes les démocraties doivent lutter
contre le terrorisme, leur ennemi commun, et que leurs soldats mourront aussi pour
défendre la France et l'Allemagne, pays ingrats et donneurs de leçons.

Voilà pourquoi je trouve très grave le manquement des médias, télévisions en tête, à
leur obligation d'informer leur public de manière complète et honnête : mal informés
et soutenus par des gouvernements démagogiques, les citoyens ont fait les mauvais
choix politiques et les paieront pendant des années.
1.5.6 En Allemagne aussi, les télévisions désinforment
Voici des extraits de l'article de J-P Picaper La dramatisation des nouvelles
économiques publié dans Le Figaro économie du 02/08/2001.
"Dramatiser l'info. Telle est la tendance des médias allemands sur les sujets
économiques qui passionnent les téléspectateurs d'outre-Rhin. En effet, l'institut
Medien Tenor, basé à Bonn, est parvenu récemment à cette curieuse déduction.
Après avoir analysé ce type de nouvelles sur les chaînes publiques ARD et ZDF,
ainsi que sur les chaînes privées ProSieben, RTL et Sat1, sur la période 1995-
décembre 2000, les analystes se sont aperçus que les nouvelles négatives
concernant les entreprises dominent très largement, alors qu'il y aurait, dans la
vie économique au moins autant, sinon plus, d'informations positives à donner.
Ainsi les entreprises allemandes n'existent-elles à la télévision que sous les
rubriques faillites, fraudes, incapacités, licenciements, etc."
"Les experts parlent d'une “scandalisation” des informations, qui ne tiennent
guère compte des réalités économiques. Avec deux fois plus ou davantage de
nouvelles négatives que positives, l'Allemagne donne l'impression à un
téléspectateur qui ne vivrait pas sur son territoire d'être un pays en voie de
développement où dominent les banqueroutes, la fraude et la concussion, le
chantage et le trafic d'influence."
"En 1996-1997, alors que 900.000 entreprises nouvelles ouvraient leurs portes
tandis que 30.000 les fermaient, la proportion d'informations sur les faillites par
rapport aux créations d'entreprises a été de 30 contre 1 [au lieu de 1 contre 30] :
les speakers lisaient le rapport mensuel sur les faillites et ne disaient mot des
créations d'entreprises."
"Pourtant, 86% des téléspectateurs allemands sont persuadés, selon un
sondage commandé par la chaîne publique ARD, que le journal télévisé de 20
heures, la “Tagesschau”, “rend compte des choses telles qu'elles se sont
passées”."

La désinformation par les chaînes de télévision et de radio n'est donc pas un mal
exclusivement français : c'est une tare de notre société occidentale tout entière.

1.6 Médias et démocratie


1.6.1 Faible intérêt du public pour la politique
Les Français ne s'intéressent guère à la politique :
 L'Express du 19/01/2004 cite, page 47, un sondage Louis Harris des 13 et
14/01/2004 sur l'intérêt des Français pour les élections européennes, où 65%

64
des 1000 personnes intéressées ont déclaré ne pas être intéressées par ces
élections.
 Le Jeudi 20/11/2003, l'émission "100 minutes pour convaincre" de France 2 n'a
eu que 6 millions de téléspectateurs, bien qu'elle ait mis en vedette M. Nicolas
Sarkozy, ministre de l'Intérieur, et des contradicteurs très médiatiques, M. Le
Pen, M. T. Ramadan (intellectuel musulman) et un responsable d'ATTAC. Cette
audience, record de France 2, ne représente pourtant que 10% des Français ou
moins de 15% des électeurs, à une heure où l'immense majorité des gens
peuvent regarder la télévision si ils le désirent. Malgré l'importance du sujet pour
chaque citoyen (insécurité, immigration, etc., à une époque où chaque journal,
télévisé ou imprimé, aborde ces sujets) et les annonces préalables répétées
promettant un débat intéressant, 1 Français sur 7 seulement a pris le temps de
suivre l'émission. La très grande majorité des citoyens a ignoré cette occasion
de suivre le débat politique et de comprendre l'action du gouvernement.
Pourtant, ce soir-là il n'y avait aucun événement sportif majeur, aucun film ou
spectacle à ne pas manquer.
 On appréciera l'influence du caractère médiatique de l'intervenant sur l'auditoire
qu'il intéresse, en comparant les 6 millions de téléspectateurs de M. Sarkozy le
20 novembre avec les 3 millions de M. François Bayrou le 11 décembre, dans la
même émission, à peine 5% des Français.
 Le Journal télévisé le plus regardé de l'année 2003, toutes chaînes confondues,
a été celui de TF1 (Claire Chazal) du 5 janvier, avec 12,1 millions de
téléspectateurs, un peu moins que L'affaire Dominici du 13 octobre (record
absolu de l'année) avec 12,2 millions. (Source : Médiamétrie/Médiamat, citée par
Le Figaro du 06/01/2004 page 26).
En moyenne annuelle 2003, ce journal de TF1 a eu 9 millions de
téléspectateurs, soit 41% de part d'audience. Il faut savoir que les journaux
télévisés du soir de TF1, France 2 et France 3 ne parlent que très peu de
politique ou d'économie.
 La chaîne d'informations et de débats au parlement LCP ("La chaîne
parlementaire") a une audience à peu près nulle : les Français ne s'intéressent
pas assez à la manière dont leurs représentants débattent et décident. Elle offre
pourtant d'autres émissions que les débats parlementaires, et certaines sont fort
intéressantes. Je me souviens en particulier de l'émission sur la Chine animée
par Jean-Pierre Elkabbach où j'ai pu découvrir le dynamisme de M. Mer, ministre
de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, qui exhortait les Français à
s'implanter en Chine.
 Voici d'après [8], les statistiques pour l'an 2000 de lecture de la partie de la
presse française qui a des rubriques significatives de politique et d'économie :
 12,7% des Français lisent chaque jour un quotidien national autre que
L'Equipe, chiffre stable depuis 1990. Il s'agit de lecteurs plutôt instruits (46%
de niveau enseignement supérieur).
 38,4% des Français lisent chaque jour un quotidien régional, dont le contenu
politique et économique est beaucoup plus réduit que celui des quotidiens
nationaux.

65
 4,2% des Français lisent chaque semaine un hebdomadaire traitant de
politique et d'économie (L'Express, Le Point, Le Nouvel Observateur, Le
Figaro Magazine, Courier International, Marianne).
 D'après [8], l'audience de chacune des radios nationales traitant de politique et
d'économie (RTL, France Inter, France Info, Europe 1) est en moyenne de 12%.

On peut conclure de ces chiffres que les trois quarts au moins des 41,2 millions
d'électeurs français ne s'intéressent guère à la politique et à l'économie. L'une des
raisons de ce désintérêt est qu'un grand nombre de citoyens sont dégoûtés de la
politique et des politiciens, et que beaucoup souffrent de se sentir impuissants et
ignorés par la classe politique, alors qu'ils constatent la persistance de nombreux
problèmes dans notre société.

Quelle que soit la raison de ce désintérêt, il est certain qu'une majorité des électeurs
vote sans avoir les informations nécessaires à l'objectivité. Ils votent donc de
manière irrationnelle, en se basant sur l'impression que leur fait un candidat, des
phrases relevées dans son programme, des qualificatifs qui le concernent ou, hélas,
sur la volonté d'exprimer leur opposition à la classe politique en général.

Malgré tout, l'audience totale des journaux télévisés étant d'environ 22 millions de
téléspectateurs, ils constituent le meilleur moyen de s'adresser à beaucoup
d'électeurs pour leur communiquer, petit à petit et à doses homéopathiques, une
culture politique et économique.

1.6.1.1 Conséquences sur le choix des programmes par les médias


C'est à cause de ce manque d'intérêt du public que la télévision et la radio évitent de
programmer des émissions de politique ou d'économie. Et, lorsqu'elles en
programment une, elles la présentent de la manière la plus divertissante possible, en
évitant de demander le moindre effort intellectuel au public.

C'est pourquoi on voit tant d'émissions de politique conduites par des animateurs,
c'est-à-dire des amuseurs, au lieu de journalistes spécialisés : en mélangeant
politique et divertissement on espère plus d'audience. C'est pourquoi, aussi,
beaucoup d'émissions sont organisées pour que des disputes aient lieu, entre des
participants au caractère bien trempé et aux opinions bien affirmées. En somme, on
essaie de faire passer l'information politique ou économique au moyen de pugilats
entre personnes d'opinions opposées. Parfois, ce sont les journalistes qui jouent le
rôle d'opposants, qui posent au politicien interviewé des questions embarrassantes
et l'interrompent sans cesse. Enfin, en émaillant les dialogues de reportages
distrayants, on essaie de garder l'attention de l'auditoire en faisant passer des
messages illustrant un problème posé par des séquences qui inquiètent, étonnent ou
scandalisent.

Au sujet du peu d'intérêt des Français pour les informations de politique, voir aussi
"On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif".
1.6.2 Les déçus de notre démocratie
Selon l'article [32], le désenchantement et l’amertume d'une partie de l’opinion
publique se traduisent d’abord par un discrédit et une méfiance générale à l’égard du

66
gouvernement, des partis, des institutions. Le succès durable des «Guignols de
l’information» est à cet égard aussi significatif que ravageur.

La démocratie veut qu'un électeur vote pour le parti ou le candidat dont le


programme et les idées lui conviennent : parmi plusieurs partis ou candidats, il choisit
celui qu'il préfère. Parfois, entre plusieurs partis ou candidats qu'il n'aime guère, il
choisit celui qui lui déplaît le moins. Parfois enfin, furieux contre toute la classe
politique ou le parti au pouvoir, il vote de manière à exprimer le plus clairement
possible son rejet, son exaspération ; c'est ainsi par exemple qu'à un référendum, au
lieu de répondre à la question posée, il choisit la réponse qui contrarie le plus le
gouvernement en place. Une telle réponse de rejet peut aussi apparaître lorsqu'elle
sanctionne un programme politique aberrant ou mal défini.

C'est cette volonté de protester en votant qui explique les résultats [5] du premier
tour de l'élection présidentielle française 2002, où les votes extrémistes ou aberrants
(Le Pen + Laguiller + Mamère + Besancenot + Saint-Josse + Hue + Mégret +
Gluckstein) ont totalisé 42,5% des voix, et les abstentions 28,4% en plus. Autrement
dit, il n'y a que 100 - 42,5 - 28,4 = 29,1% des électeurs qui ont voté pour un candidat
traditionnel, approuvant ainsi implicitement le fonctionnement de notre démocratie
dans l'élection de son président. Notre démocratie est bien malade !

Le processus le plus démocratique, le vote d'un électeur, traduit donc souvent en


réalité un rejet et non un choix. Lorsqu'une proportion importante des électeurs
exprime un tel rejet, c'est la démocratie toute entière qui est malade, car son
fonctionnement est désavoué par un grand nombre de citoyens, exaspérés de ne
pouvoir se faire entendre autrement.

Hitler et Mussolini ont été élus démocratiquement, malgré des prises de position qui
auraient dû inciter leurs électeurs à se méfier. Ils ont été élus par des citoyens de
pays en crise, à qui ils ont proposé des solutions simplistes et un changement radical
avec l'environnement politique en place, réputé incapable de résoudre les
problèmes. C'est ce changement radical qui a été choisi par les électeurs exaspérés.

Jean-Marie Le Pen a eu plus de voix, à l'élection présidentielle française de 2002


que Lionel Jospin, parce que lui aussi proposait des solutions simplistes et radicales,
représentant un camouflet pour la classe politique gauche - droite en place.

Voir aussi "La France : pays figé, société démoralisée"


http://www.danielmartin.eu/Cours/Sinistrose.htm .
1.6.3 Les citoyens qui votent mal sont ceux qui sont mal informés
L'extrême gauche française a séduit beaucoup d'électeurs en 2002, bien que son
programme politique soit parfaitement utopique. Il consiste à remplacer notre société
et notre économie, basées sur la liberté d'entreprendre et le profit, par un
communisme de type marxiste-léniniste. Or l'histoire a prouvé que le communisme
ne conduit qu'à la privation de liberté des individus par des régimes totalitaires, et au
désastre économique, c'est-à-dire à la misère. Aucun régime communiste n'a jamais
rempli ses objectifs de démocratie et de prospérité : URSS, CUBA, Corée du nord,
Chine de Mao, Cambodge des Khmers rouges, etc. L'histoire a aussi prouvé que les
démocraties constitutionnelles assuraient à leurs citoyens une liberté et un niveau de

67
vie infiniment plus élevés que ceux des pays communistes, et une croissance bien
plus rapide.

Malgré ces faits, des millions de Français ont voté pour l'extrême droite ou l'extrême
gauche. Ces électeurs ignoraient l'histoire, ils ont cautionné des solutions politiques
qui n'ont conduit qu'au malheur et à la privation de liberté. Ils ignoraient les choix des
autres pays européens, qui tous se sont prononcés pour une économie libérale. Ils
ignoraient les engagements actuels de la France au sein de l'Union européenne,
basée sur l'économie de marché, et l'impossibilité de sortir de cette Union pour
adopter un régime politique communiste ou d'extrême droite. Bref, des millions de
citoyens ignoraient les faits passés et ignorent les faits actuels.

C'est pour cela qu'ils ne peuvent distinguer, parmi les programmes proposés, celui
ou ceux qui sont réalisables et constituent des choix réalistes. Ne voyant que de
mauvais programmes, souvent parce qu'ils ne voient que des politiciens discrédités,
ils rejettent alors toutes les solutions proposées et, avec elles, la classe politique qui
les propose.

C'est parce qu'ils ne connaissent pas les faits, politiques ou économiques, que de
trop nombreux citoyens votent extrémiste ou font de mauvais choix. Ils ne les
connaissent pas parce qu'on ne les leur explique pas assez.

1.6.3.1 Les carences de l'enseignement


Le manque d'informations politiques commence chez les jeunes, par l'enseignement,
qui confond neutralité politique nécessaire et occultation des faits. C'est ainsi qu'il y a
de nos jours dans les classes de nos écoles des sujets tabous, parce qu'ils touchent
à la Shoah, à la religion, à la race, à des pays du Moyen-Orient ou à la différence
entre libéralisme et dirigisme. Exemple tiré de [69] :
"Enseigner la culture religieuse sans verser dans le prosélytisme est un exercice
périlleux, face à des jeunes de plus en plus crispés sur le sujet. Ici, un jeune
musulman dénie à son prof, «impur», le «droit de parler du Coran». Là, un
adolescent juif refuse d'écrire le nom de Yahvé parce que sa foi le lui interdit."

Voir en outre l'accablant texte sur l'enseignement public français :


"L'enseignement victime de l'idéologie"
http://www.danielmartin.eu/Enseignement/Enseignement-Victime.htm .

1.6.3.2 Les carences des médias


Le manque d'informations politiques des adultes continue avec les médias, que rien
n'oblige à informer vraiment le citoyen, et qui préfèrent distraire plutôt qu'informer.

Exemple : l'Union européenne


La majorité des citoyens ne sait à peu près rien de l'Union européenne (voir [70]) et
des enjeux des élections au Parlement européen. C'est pour cela que beaucoup de
citoyens profitent de ces élections pour protester contre des aspects de politique
intérieure française qui sont hors sujet. Je suis consterné, par exemple, vu
l'importance du renforcement de l'Union européenne :

68
 Qu'il y ait eu, en France comme en Europe, plus de 50% d'abstentions aux
élections du Parlement européen (voir [71]) ; L'Express du 19/01/2004 cite
même, page 47, un sondage Louis Harris des 13 et 14/01/2004 sur l'intérêt des
Français pour les élections européennes, où 65% des 1000 personnes
intéressées ont déclaré ne pas être intéressées par ces élections.
 Que des Français aient présenté à ces élections un parti des chasseurs (CPNT :
Chasse, pêche, nature et traditions) qui accorde plus d'importance à ces passe-
temps qu'à l'Europe, et que selon [71] 1,3 million de personnes en France aient
voté pour eux, soit 6,77% des votants.

C'est aussi parce que les Français, comme d'ailleurs la plupart des citoyens des
autres pays, perçoivent mal l'importance de l'Union européenne, que tant de
politiciens des gouvernements européens peuvent se permettre de dépenser plus
d'énergie pour conserver du pouvoir national que pour intégrer leur pays dans
l'Union, qui du coup n'avance pas. Comme l'écrit M. François Bayrou dans le numéro
92 (05/01/2004) du bimensuel d'information de l'UDF Démocratie info :
"...le renoncement au pacte de stabilité [limitant le déficit à 3% du PIB] avait
ouvert la voie : on savait désormais que les grands pays ne se sentaient plus liés
par leur signature."
"Mais il y a (presque) plus grave : la prétention mesquine des plus grands pays
de vouloir maintenir le budget européen sous la barre des 1% ( !) du PIB montre
ce qu'est désormais la dimension du projet... 1%, alors que les budgets
nationaux, politiques et sociaux, dépassent les 50%. Cela veut dire qu'il n'y aura
jamais de politique de défense sérieuse, de politique de recherche sérieuse, qu'il
n'y aura plus de politique agricole ou d'aménagement du territoire européen. Or
sans Europe, notre projet de société sera ballotté, projeté d'un bord sur l'autre,
et, au bout du compte, mis en pièces."
"Il est temps de reconstruire le projet européen et désormais de le défendre à
visage découvert."

L'avantage que les pays de l'Union européenne tirent de leur union commerciale est
en train de fondre comme neige au soleil du fait de la mondialisation, qui facilite
énormément les échanges avec la Chine et l'Inde, pays où les prix de production
sont incomparablement plus bas. Même des pays extérieurs à l'Union peuvent
désormais commercer avec ces géants d'Asie, à la fois producteurs compétitifs et
marchés immenses.
Pourquoi les télévisions ne nous avertissent-elles pas de cette situation, de ces
enjeux ?

Exemple : les régions


Connaissant mal leurs institutions, les Français ne sont guère motivés par les
élections régionales, pourtant de plus en plus importantes avec les progrès de la
décentralisation et l'élection des présidents de région au suffrage universel. Ils ne
connaissent pas les responsabilités respectives des cinq niveaux d'organisation
publique : Union européenne, France, région, département, commune. Et ni le
gouvernement ni les médias ne se préoccupent sérieusement de les aider à les
connaître, à comprendre leur raison d'être, leurs articulations et les enjeux
électoraux.

69
Exemple : le chômage et le niveau de vie, c'est-à-dire l'économie
Pour ceux qui craignent pour leur emploi, le chômage est depuis des années la
première des préoccupations. Pour les autres, le niveau de vie - fortement dépendant
de la santé de l'économie - est toujours une préoccupation importante. Or, ni les
gouvernements successifs, ni les médias, n'ont jamais entrepris de donner aux
citoyens le minimum de connaissances en économie nécessaires pour voter
intelligemment, en appréciant la pertinence et les implications des propositions
électorales. C'est pourtant facile, les exemples [91] et [125] le montrent.

A cette carence culturelle s'ajoute un déficit d'informations sur les événements


économiques majeurs qui surviennent en permanence : fluctuations des taux
d'intérêt, variations de la parité euro/dollar, du PIB, de l'emploi, de la productivité, de
la dette publique, etc.

Voir "Chômage : savoir et agir" http://www.danielmartin.eu/Cours/Lutte-Chomage.htm


et "Chômage des jeunes et CPE : dire enfin toute la vérité !"
http://www.danielmartin.eu/Economie/Chomage-Jeunes.htm

1.6.3.3 Le silence des gouvernements


Les gouvernements successifs ne parlent guère aux citoyens, sauf en période
électorale, pour leur publicité. Du coup, beaucoup de Français ignorent où nos
gouvernants mènent le pays ; ils ont l'impression d'une politique sans vision
directrice, dans tous les domaines à l'exception de la sécurité de M. Sarkozy. Ils en
concluent que les gouvernements successifs ignorent leurs problèmes, et ils votent
pour les sanctionner.

Il y a pourtant de grands sujets dont la classe politique devrait parler aux citoyens,
comme :
 La réforme de l'Etat, pour :
 redéfinir le champ d'intervention des services publics ; voir à ce sujet le
rapport [124] au gouvernement Jospin (accablant !) ;
 fournir aux citoyens de meilleurs services (respect, simplicité, qualité,
délais) ;
 supprimer les services publics inutiles. Exemple : la Banque de France a,
dans ses 211 agences, 17.000 agents, c'est-à-dire 6 fois plus que la Banque
d'Angleterre, qui a pourtant plus de travail parce qu'elle a une mission de
banque centrale, que la Banque de France n'a plus depuis l'adoption de
l'euro ; notre Banque de France a 3,5 succursales par million d'habitants
contre une moyenne de 1,4 chez nos voisins européens (Source [123]).
 maîtriser les déficits publics reportés d'année en année sur les générations
futures, grâce à des critères d'efficience de fonctionnement et un suivi, ainsi
qu'une rémunération au mérite des agents ;
 redéfinir les transferts sociaux pour mettre fin aux gaspillages ;
 La réforme des retraites et de l'assurance maladie, pour en garantir le
financement futur.

70
 Le service public minimum ou garanti, pour en finir avec les grèves des
transports publics où quelques milliers de grévistes prennent en otage des
centaines de milliers de voyageurs et des dizaines de milliers d'entreprises qui
attendent leurs marchandises, après quoi les contribuables doivent éponger le
déficit de la SNCF (250 millions d'euros en 2003).
 L'avancement des grands chantiers en cours, comme la redéfinition des
missions et du fonctionnement de l'Education nationale.
 La construction de l'Union européenne, trop souvent bloquée par des égoïsmes.

Lorsque le gouvernement Raffarin tente de réformer vraiment des domaines comme


les retraites, l'enseignement ou la santé, il n'explique pas assez aux Français ce qu'il
veut faire, pourquoi il veut le faire, ce que cela coûtera ou rapportera, etc. Cela se
traduit, dans les médias, par une place plus grande allouée aux inévitables
protestations de ceux qui défendent l'immobilisme ou leurs privilèges, qu'aux
explications nécessaires pour comprendre les enjeux et les propositions officielles.
Du coup, au lieu de soutenir des réformes parce qu'ils les comprennent, trop de
Français s'en moquent ou les rejettent, parce que les médias leur en donnent une
image plus souvent négative (les protestations) que positive (les explications).

1.6.3.4 Les électeurs ne s'informent pas vraiment


Les électeurs ne se donnent pas le mal de s'informer sur la politique et l'économie,
ce qui prend environ une heure par jour lorsqu'on le fait bien. La plupart attendent
passivement que les médias les informent. Et comme en la matière les médias
pratiquent le service minimum...

1.6.3.5 Conclusion : la démocratie souffre de carence d'informations


C'est ce manque d'informations politiques et économiques qui est le principal
obstacle au bon fonctionnement de notre démocratie, qui souffre de ce que les
électeurs choisissent sans savoir ou se révoltent à mauvais escient.

J'ai donc écrit ce livre pour expliquer et dénoncer le manque d'informations politiques
et économiques dont nous sommes tous victimes, nous citoyens des pays dits
évolués et riches, et particulièrement nous Français. Et pour proposer des pistes de
réflexion.
1.6.4 Droits de l'Homme et liberté d'expression
Droits de l'homme : voir le point de vue "officiel" de La Documentation française : Les
droits de l'homme aujourd'hui [119] et Liberté d'opinion et d'expression selon
l'ONU : voir [97].

1.6.4.1 Dans l'Union européenne


La Convention européenne des droits de l'homme [83] stipule :
"Article 10 - Liberté d'expression
1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté
d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des
idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans
considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de
soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un
régime d'autorisations."

71
"2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut
être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues
par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société
démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté
publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la
santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour
empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité
et l'impartialité du pouvoir judiciaire."

Selon [22] pages 55-56 :


La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt
Lehideux et Isorni du 23/10/1998 précise :
"La liberté d'expression vaut non seulement pour les informations ou idées
accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes,
mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le
pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de
société démocratique."

Cet arrêt signifie qu'on n'a pas le droit d'interdire l'expression d'informations ou
d'idées du seul fait de leur caractère choquant. C'est la porte ouverte à beaucoup
d'horreurs sous prétexte de liberté d'expression ; cela rapproche le droit européen du
droit américain : voir Premier amendement de la constitution américaine.

1.6.4.2 En France
Rappelons d'abord quelques extraits de la Déclaration des Droits de l'Homme [50] :
"Article 4. - La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui."
Donc, si la liberté d'expression des journalistes nuit au public par désinformation,
elle est contraire aux droits de l'Homme et il faut la limiter. Ce point est
important : de nos jours, les citoyens d'une démocratie ont doit à une information
de qualité ; c'est là un droit civique.
"Article 10. - Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses,
pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi."
Donc les journalistes peuvent exprimer leurs opinions, quelles qu'elles soient, à
condition que ces opinions ne troublent pas l'ordre public établi par la loi.
Comme la désinformation est nuisible par ses conséquences, elle peut troubler
l'ordre public et nous avons besoin de lois pour l'en empêcher, c'est-à-dire pour
limiter le droit des journalistes de couvrir un événement n'importe comment.
"Article 11. - La libre communication des pensées et des opinions est un des
droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire,
imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas
déterminés par la loi."
Si des lois définissaient le manque d'informations ou la désinformation comme
un abus de liberté, les journalistes seraient obligés d'être plus rigoureux dans
leur couverture des événements.

On voit qu'il faudrait disposer de lois qui définissent :

72
 Le minimum d'informations nécessaires à la vie citoyenne, pour pouvoir le
garantir ;
 La désinformation, pour pouvoir la limiter.

Et, au lieu que les journalistes ne soient responsables devant personne, il faudrait
disposer d'un organisme qui surveille leur déontologie, une sorte de CSA non-
gouvernemental surpuissant, compétent pour tous les médias.

1.6.4.3 Aux Etats-Unis


La liberté d'expression est plus grande aux Etats-Unis que chez nous.
Le Premier amendement de la Constitution américaine [102] stipule, concernant la
presse :
"Le législateur ne fera pas de loi … pour réduire la liberté d'expression ou celle
de la presse…"
En France, la loi peut limiter la liberté d'expression, aux Etats-Unis non. C'est
pourquoi on trouve en Amérique des publications révisionnistes (c'est-à-dire qui nient
la réalité du génocide des Juifs), etc. qui sont rigoureusement interdites en France.
En France, on peut légiférer sur les sectes, aux Etats-Unis non.

1.6.4.4 Le droit à l'information et son pluralisme


Pour que la démocratie fonctionne bien, toutes les opinions doivent pouvoir
s'exprimer, dans les limites citées ci-dessus, pour que le débat éclaire les choix des
citoyens. Cela implique la pluralité de ces opinions : nul ne peut détenir la vérité seul,
nul ne peut empêcher les autres de s'exprimer, pas même l'Etat.

Ce principe est battu en brèche, en pratique, lorsqu'un parti politique ou un


gouvernement monopolise l'accès aux médias : si il peut dominer l'expression à la
télévision, dans les journaux, etc., les citoyens ne connaîtront pas les points de vue,
les arguments, les propositions de ses adversaires. C'est ce qui se passe en 2003 en
Chine, par exemple, ou en Arabie saoudite. La démocratie est alors remplacée par
une tyrannie totalitaire.

Selon [8] page 270, Lénine a ouvertement et délibérément réduit la presse en


esclavage, au nom de la nécessaire dictature du prolétariat, en écrivant en 1906,
avant même d'être au pouvoir :
"Les journaux doivent devenir les organes des différentes organisations du Parti.
Les écrivains doivent absolument entrer dans les organisations du Parti. Les
maisons d'édition et les dépôts, les magasins et les salles de lecture, les
bibliothèques et les diverses librairies doivent relever du Parti. Le prolétariat
socialiste organisé doit surveiller toute cette activité, la contrôler à fond."
Cela implique la nationalisation de la presse et la censure préventive. La presse est
alors un instrument de propagande et d'agitation ("Agitprop") au service du Parti et
une courroie de transmission entre celui-ci et le peuple.

Lorsque, sans monopoliser les médias, un parti peut s'y exprimer plus souvent et
plus longtemps que les autres, l'effet publicitaire en sa faveur est important : c'est ce
qui s'est passé dans l'Italie de M. Berlusconi.

73
On admet aujourd'hui, selon [8] page 279 et bien que ce ne soit pas une loi écrite et
votée, la définition suivante du droit des citoyens à l'information :
"Le droit à l'information consiste, pour tous les citoyens, à pouvoir accéder à tous
les faits de l'actualité, que ceux-ci résident dans les événements eux-mêmes ou
dans l'expression de jugements ou d'opinions."
"Il faut donc que ces faits soient présentés de manière intelligible pour chacun,
faute de quoi la liberté deviendrait le privilège de quelques-uns."

Le droit des citoyens à l'information implique le droit d'accès aux documents publics :
lois et règlements, textes des débats au Parlement, rapports publics, etc. Il est
conforme à l'article 15 de la Déclaration des Droits de l'Homme [50] :
"Article 15. - La société a le droit de demander compte à tout agent public de son
administration."
Il est aussi conforme à l'article 14 :
"Article 14. - Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs
représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement,
d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la
durée."
C'est pour informer leurs lecteurs en exerçant ces droits que les journaux, par
exemple, publient de temps à autre des comptes-rendus de rapports publics, comme
ceux de la Cour des comptes. Il faut aussi féliciter les gouvernements récents de la
France d'avoir mis à disposition, en accès libre et gratuit, un très grand nombre de
documents publics sur les sites Internet [42], [43] et [44].

1.6.4.5 Messieurs du gouvernement, parlez donc aux Français !


Après ces félicitations, il faut déplorer que les divers gouvernements de la France
aient tous eu la déplorable habitude de parler peu aux Français, en oubliant que le
droit des citoyens à l'information exige d'eux une attitude active.
 Le Chef de l'Etat devrait venir au moins deux fois par trimestre expliquer à ses
concitoyens où il mène le pays. Il faut qu'il fasse davantage de discours comme
[86] (06/01/2004 : Loi de mobilisation pour l'emploi).
 Les membres du gouvernement devraient venir expliquer la politique de leur
ministère assez souvent pour que les Français aient une chance de la
comprendre. Et ils devraient le faire en commençant par un discours d'une
demie heure ou plus, sans interruption de journaliste, pour avoir le temps de
développer leurs explications.
 Enfin, l'opposition aurait automatiquement un droit de réponse après chacune de
ces interventions, pour que le débat soit démocratique.

En ne parlant pas assez aux Français, sinon pour dénigrer des opposants, nos
politiciens se coupent d'eux ; M. François Bayrou le dit très bien dans [57].

Divine surprise début novembre 2004 : j'ai découvert le livre de M. Nicolas Sarkozy
[145]. Voilà des années que je n'avais pas lu un livre de cette qualité écrit par un
politicien français. M. Sarkozy aborde un sujet qui fait débat, la République et l'Etat,

74
sans hésiter à présenter une analyse et des propositions personnelles. Il s'exprime
clairement, sans langue de bois.
Il faudrait des dizaines d'ouvrages de cette qualité pour que les Français
comprennent les problèmes du moment, en économie et en politique. Il faudrait
surtout qu'on en aborde le contenu à la télévision, pour atteindre les citoyens qui ne
lisent pas de livres sérieux.
1.6.5 La responsabilité sociale des médias
Selon [8] page 275, les Américains considèrent que le jeu de la libre concurrence ne
permet pas, à lui seul, de garantir la liberté d'expression nécessaire à la démocratie.
Des phénomènes de concentration des médias, d'influence des annonceurs, de
conflits d'intérêts entre propriétaires des médias et liberté des journalistes, peuvent
empêcher certaines opinions de s'exprimer, ou amplifier l'audience d'autres opinions.
Ils estiment donc que les médias ont une responsabilité sociale d'informer
correctement le public.

Par cette prise de position sur le rôle des médias, les Américains vont plus loin que
nous dans la méfiance vis-à-vis de l'économie de marché et le besoin d'un service
public d'information. C'est pourquoi, en plus des grandes chaînes privées de
télévision ABC, CBS et NBC et, pour l'information, CNN et FOX, ils ont des centaines
de stations privées non-commerciales constituant l'ensemble PBS (Public
Broadcasting Service). Selon [58], ces stations vivent de subventions publiques
(environ 36% du budget), de dons divers et de contributions des universités, et leur
personnel comprend beaucoup de bénévoles.

Notons que cette responsabilité sociale consiste le plus souvent à dire la vérité, toute
la vérité aux citoyens. Le plus souvent, mais pas toujours : il y a des circonstances
où l'éthique et la simple morale exigent que l'on n'aborde pas certains sujets, où
qu'on le fasse avec retenue. Si le Premier amendement de la Constitution empêche
la loi de restreindre la liberté d'expression, aucun texte n'empêche l'autolimitation.

En France, la radio et la télévision de service public sont chargées d'informer le


public sans trop se soucier de contraintes commerciales. Elles le font, mais avec les
contraintes dues à leur appartenance à l'Etat, qui limite leur indépendance, et aux
lois, qui encadrent ce qu'elles peuvent diffuser et la manière de le faire.
1.6.6 Contraintes législatives, réglementaires : limitations de la liberté
d'informer
Selon [8] pages 305 et 306 :
 Les autorités investies du pouvoir de police, maires et préfets, peuvent prendre
des mesures qui limitent la liberté de la presse au nom du "maintien" ou du
"rétablissement" de "l'ordre public". Ces mesures peuvent aller jusqu'à la saisie
administrative d'une publication. Mais la jurisprudence impose des conditions
très strictes au pouvoir de saisie : la menace à l'ordre public doit être grave et
urgente, sinon il y a voie de fait.
 Il existe un "délit de fausse nouvelle". Mais il n'est constitué que si celle-ci est
susceptible de troubler la paix publique (décret-loi du 03/10/1935) ou si elle est
de nature à ébranler la discipline ou le moral des armées, ou à entraver l'effort
de guerre de la nation (ordonnance du 06/05/1944).

75
On voit donc que les journalistes ont toute latitude pour diffuser des fausses
nouvelles, si celles-ci ne peuvent déclencher une émeute !
 La libre communication des pensées et des opinions exclut les opinions
anarchistes (loi du 28/07/1894).
Si ce point de droit était appliqué de manière stricte, certains groupuscules
français ne pourraient plus rien publier... Rappelons-nous aussi que M. Le Pen a
été poursuivi pour certains de ses propos.

1.6.6.1 Loi Léotard : télécommunication, communication audiovisuelle


Pour comprendre cette loi, nous avons besoin de comprendre le sens précis de
quelques termes. Voici les définitions nécessaires. Au sens de la loi Léotard sur la
liberté de communication [63], mise à jour en l'an 2000 :
 Les termes "télécommunication" et "communication audiovisuelle" sont définis
comme suit à l'article 2 :
"On entend par télécommunication toute transmission, émission ou réception de
signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de renseignements de toute
nature, par fil, optique, radio-électricité ou autres systèmes électromagnétiques."
"On entend par communication audiovisuelle toute mise à disposition du public
ou de catégories de public, par un procédé de télécommunication, de signes, de
signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont
pas le caractère d'une correspondance privée."
 L'expression "distributeur de services" est définie comme suit à l'article 2-1 :
"Pour l'application de la présente loi, les mots : distributeur de services désignent
toute personne qui établit avec des éditeurs de services des relations
contractuelles en vue de constituer une offre de services de communication
audiovisuelle mise à disposition auprès du public par voie hertzienne terrestre,
par câble ou par satellite. Est également regardée comme distributeur de
services toute personne qui constitue une telle offre en établissant des relations
contractuelles avec d'autres distributeurs."

1.6.6.2 Le cas des données et services accessibles par Internet


Pour Internet et en l'absence d'autres textes, cette loi implique que :
 L'accès à des textes, images, sons et vidéos stockés sur un serveur Internet est
de la télécommunication, car cet accès passe par un réseau (téléphonique,
câble, etc.) ;
 La mise à disposition du public des données d'un serveur Internet constitue une
communication audiovisuelle, soumise donc aux dispositions de la loi Léotard ;
 Un fournisseur d'accès à Internet (comme Wanadoo, AOL...) est un distributeur
de services soumis à la loi Léotard, lorsqu'il vend un accès par radio, câble ou
satellite au serveur Internet d'un éditeur de services avec qui il a un contrat.

Loi française, la loi Léotard ne peut s'appliquer à l'étranger. Les éditeurs de services
Internet situés hors de France n'y sont pas soumis. Tant qu'un fournisseur français
d'accès à Internet permet l'accès à leurs services sans avoir de contrat avec eux, il
n'est pas un distributeur de services soumis à la loi Léotard.

76
On voit sur cet exemple un problème posé par le caractère mondial du réseau
Internet : certains services, certaines données peuvent être accessibles en France
sans restriction légale. Lorsqu'on essaie de faire filtrer les accès à des serveurs
étrangers par des fournisseurs d'accès français, pour limiter les données accessibles
à des Français, on se heurte à d'immenses problèmes techniques, non résolus pour
le moment. C'est ainsi que la Chine, qui essaie d'empêcher sa centaine de millions
d'internautes d'accéder à des informations que les médias muselés du pays ne
peuvent diffuser, rencontre de grosses difficultés pour filtrer ces accès et emploie à
cet effet des milliers de censeurs.

Cet état de choses permet l'expression d'opinions politiques qu'on ne pourrait


diffuser à partir de la France, la diffusion à l'étranger pour réception en France
d'informations interdites, etc. Exemples d'informations ou services interdits en France
qui peuvent être accessibles à des Français sur un serveur Internet étranger :
 Des textes ou images pédophiles, racistes ou révisionnistes ;
 Des textes diffamatoires ;
 Des publicités ou des offres d'achat pour des produits interdits ;
 Des secrets militaires ou industriels intéressant la défense nationale : comment
fabriquer des armes bactériologiques, chimiques ou nucléaires, etc. ;
 Des incitations au terrorisme ;
 Des résultats de sondages d'opinion effectués en France hors des périodes
autorisées, etc.

Comme de plus en plus de gens ont accès à Internet, comme cet accès est de plus
en plus souvent à haut débit, il sera de plus en plus difficile d'empêcher la diffusion
d'informations incontrôlées par toutes sortes de médias basés sur Internet :
télévision, radio, textes, photos et, bien entendu, messages. Même si les
démocraties qui ont des valeurs morales semblables adoptaient des mesures
communes pour filtrer les communications indésirables - ce qui n'est pas près
d'arriver - il serait très difficile d'empêcher les autres pays de diffuser des messages
immoraux ou antidémocratiques. On n'a même pas réussi, aujourd'hui, à bloquer les
transferts électroniques de fonds entre banques vers ou depuis les paradis fiscaux...

1.6.6.3 Information limitée par la loi sur la publicité


Le décret [62], applicable aux éditeurs de services de télévision, contient les textes
ci-dessous (en italiques) que j'ai commentés en caractères droits :
"Article 3 : La publicité doit être conforme aux exigences de véracité, de décence
et de respect de la dignité de la personne humaine. Elle ne peut porter atteinte
au crédit de l'Etat."
Un journaliste doit donc veiller à ce que tout message qu'il diffuse, s'il critique l'Etat,
ne puisse être considéré comme une publicité pour un livre ou un magazine ! Ce
genre de limitation de la liberté des médias scandaliserait un Américain, puisqu'il
empêche de faire connaître des critiques de l'Etat.
"Article 5 : La publicité ne doit contenir aucun élément de nature à choquer les
convictions religieuses, philosophiques ou politiques des téléspectateurs."

77
Un journaliste doit aussi veiller à ne pas faire la publicité d'un texte ou film pouvant
choquer des convictions religieuses, philosophiques ou politiques. Il y a là une
discrimination à l'égard de certaines informations qui peut handicaper l'expression
démocratique. Il faut savoir qu'il suffit qu'un titre constituant la "une" (page de
couverture d'un magazine ou premier titre que l'on voit en ouvrant un journal) soit
une publicité ; à la une, un sujet comme "le voile islamique" est donc illégal.

La publicité politique est donc interdite à la télévision, première source de formation


d'opinion des citoyens, sous prétexte d'égalité des possibilités d'expression des
partis ou candidats, qui ne disposent pas des mêmes moyens financiers. Pourtant,
cette égalité est battue en brèche par plusieurs règles qui tiennent compte des
résultats électoraux, comme le financement des partis ou candidats aux élections et
l'attribution des temps d'antenne. Cette interdiction entraîne un déficit d'information
des citoyens et une inégalité des temps de parole des divers courants d'opinion.

1.6.6.4 Cahiers des charges de France Télévisions et Radio France


Les missions des médias du service public prennent en compte les contraintes
législatives et le droit des citoyens à l'information. On distingue trois types de
missions : informer, distraire et promouvoir la culture française. Elles sont bien
résumées dans le cahier des charges de France 2 [59], dont les cahiers des charges
des autres chaînes de télévision et de radio sont assez proches. En voici des
extraits, en italiques, commentés en caractères droits.
"Les sociétés nationales de programme de télévision poursuivent, dans l'intérêt
général, des missions de service public."
L'Etat reconnaît donc le droit du public à l'information, c'est-à-dire le besoin d'un
service public. Selon [56], pendant les campagnes électorales de 2002, France 2 et
France 3 ont diffusé 77% du volume des émissions consacrées par l'ensemble des
chaînes françaises à l'élection présidentielle, c'est-à-dire quatre fois plus que TF1 et
M6 réunies.
"L'attention qu'elles portent à leur audience exprime plus une exigence vis-à-vis
du public qu'une volonté de performance commerciale."
En tant qu'exigence, c'est-à-dire intention, celle-ci est louable. Mais la réalité est
différente, comme le prouve le rapport Missika [66], dont voici un extrait :
«Quand le Parlement vote le budget de la chaîne [France 2], il indique
implicitement un objectif de part d'audience en prenant acte du niveau des
ressources publicitaires prévisionnelles. Dans l'implicite le plus absolu, cet
objectif contraint France 2 à une concurrence directe avec TF1. Mais parce
que cela reste dans le non-dit, il sera toujours possible de reprocher à
France 2 ses "dérives", d'être "à la remorque de TF1", d'être devenue une
"télévision commerciale d'Etat" et de parler doctement de sa crise d'identité
ou de sa schizophrénie. Il n'en reste pas moins que, budgétairement, la
chaîne est sommée de concurrencer frontalement TF1 tandis que,
idéologiquement, elle est sommée de marquer sa différence dans ses
programmes comme dans sa programmation. Une télévision qui serait à la
fois concurrentielle et complémentaire, c'est un couteau sans lame auquel il
manque le manche.»
Suite des extraits du cahier des charges de France 2 :

78
"Elles [c'est-à-dire les sociétés nationales de programme de télévision]
concourent au développement et à la diffusion de la création intellectuelle et
artistique et des connaissances civiques, économiques, sociales, scientifiques et
techniques."
Le service public de télévision a donc bien mission d'informer le public en matière
d'économie et de politique. S'il ne le fait pas assez, il manque à son devoir, parce
qu'il manque de volonté de contribuer au bon fonctionnement de la démocratie et
parce que nul ne contrôle son respect de ce point particulier.
"Les sociétés nationales de programme ont vocation à constituer la référence en
matière d'éthique, de qualité et d'imagination. Elles conservent à ce titre le souci
d'éviter toute vulgarité."
"Dans le respect du principe d’égalité de traitement et des recommandations du
Conseil supérieur de l’audiovisuel, la société assure l’honnêteté, l’indépendance
et le pluralisme de l’information ainsi que l’expression pluraliste des courants de
pensée et d’opinion."
"La société s'interdit de recourir à des procédés susceptibles de nuire à la bonne
information du téléspectateur."
"[La société]... s'interdit toute présentation partiale des faits."
Toutes ces intentions sont louables. En agissant ainsi, les médias français
diffuseraient bien une information conforme aux critères de qualité. Mais, comme le
montrent plusieurs exemples dans cet ouvrage, l'objectivité, l'impartialité et la
complétude des informations qu'ils diffusent laisse parfois à désirer. C'est pourquoi il
faut mettre en place un mécanisme de contrôle de la qualité des informations
politiques et économiques diffusées plus strict que celui du CSA d'aujourd'hui. Et cet
organisme devrait pouvoir faire respecter les mêmes critères de qualité par les autres
médias : chaînes privées, journaux et magazines. Seul Internet, par sa nature même,
ne peut être encadré.
"Article 9 : Sous réserve des dispositions des articles 10 à 15 du présent cahier
des missions et des charges, il est interdit à la société de diffuser des émissions
ou des messages publicitaires produits par ou pour des partis politiques, des
organisations syndicales ou professionnelles, ou des familles de pensée
politiques, philosophiques ou religieuses, qu'ils donnent lieu ou non à des
paiements au profit de la société."
La méfiance à l'égard de la publicité est, ici, contestable. La publicité ne sert pas
systématiquement à tromper son auditoire, elle sert aussi et surtout à l'informer.
Lorsque les temps d'antenne sont insuffisants pour présenter aux citoyens des
programmes et des candidats, il n'y a pas d'autre moyen que la publicité pour le faire.

Il faut alors s'assurer que l'auditoire est averti du caractère publicitaire de l'émission,
pour qu'il conserve son esprit critique. Il faut aussi prendre position sur le problème
posé par la différence de moyens financiers entre des partis et candidats riches et
d'autres qui le sont moins : faut-il limiter les temps ou les budgets publicitaires ?
Faut-il subventionner ?
"Article 10 : La société assure à tout moment la réalisation et la programmation
des déclarations et des communications du gouvernement, sans limitation de
durée et à titre gratuit."

79
"Elle met en œuvre le droit de réplique suivant les modalités fixées par le Conseil
Supérieur de l'Audiovisuel."
Voilà qui permet au gouvernement d'expliquer sa politique et de compléter
l'information des citoyens lorsque les médias n'ont pas assez couvert un sujet. Il
dispose même d'un temps d'antenne illimité pour cela, privilège dont son opposition
ne jouit pas. Mais hélas, les gouvernements successifs de la France ont pris la
mauvaise habitude de trop peu parler aux citoyens, de trop peu rendre compte de ce
qu'ils font et des difficultés du pays.

Cet article permet aussi de compenser, par le canal des chaînes du service public,
les omissions d'information des chaînes privées, bien plus soucieuses de leurs
profits que des informations politiques et économiques.
"Article 14 : En complémentarité avec la société France 3, la société [France 2]
diffuse des émissions régulières consacrées à l'expression directe des
organisations syndicales et professionnelles représentatives à l'échelle
nationale, dans le respect des modalités définies par le Conseil Supérieur de
l'Audiovisuel."
Cet article permet l'expression des syndicats de salariés et de patrons, nécessaire en
démocratie. Mais quand est-il appliqué ? Je n'ai pas remarqué d'émission organisée
pour cette expression.

Il y a un autre problème : en France, l'ensemble des syndicats de salariés ne


représente que 8% de ceux-ci ; en outre, les salariés syndiqués sont, dans leur
grande majorité des fonctionnaires ; la représentativité des syndicats de salariés est
donc très faible.

1.6.6.5 Contrôle des chaînes de télévision par le CSA


La loi Léotard sur la liberté de communication [63] définit le rôle principal du Conseil
supérieur de l'audiovisuel (CSA) par la phrase suivante de son article 13 :
"Le Conseil supérieur de l'audiovisuel assure le respect de l'expression pluraliste
des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de
radiodiffusion sonore et de télévision, en particulier pour les émissions
d'information politique et générale."
Un exemple d'action du CSA pour faire respecter l'équilibre des temps de parole
entre la majorité et l'opposition est cité par [8] page 418 :
"Le CSA a engagé une procédure contre France 2 et France 3 au vu des
déséquilibres constatés dans les temps de parole impartis aux personnalités
politiques au cours du 1er semestre 1994, les chaînes ayant favorisé le
gouvernement. Une procédure a été simultanément engagée, pour les mêmes
motifs, contre TF1."
"Le CSA ayant constaté un «rééquilibrage» des temps de parole entre
gouvernement, majorité et opposition, au second semestre de 1994, a décidé de
clore la procédure et de ne pas sanctionner les trois chaînes. D'autres
procédures ont néanmoins été engagées contre France 2 et France 3 en 1994 et
1995 pour des cas de publicité clandestine."

Le CSA veille donc à une certaine impartialité, mais il n'est pas chargé de veiller au
respect de certaines autres qualités des informations diffusées, pourtant importantes,

80
comme l'objectivité et la complétude. Nous ferons des propositions en ce sens plus
loin.
1.6.7 Les médias "sonnette d'alarme"
Comme nous l'avons vu ci-dessus, la démocratie ne peut fonctionner correctement si
les médias informent mal les citoyens. Voici des exemples de cas où des journaux
ont attiré l'attention du public sur des problèmes de la société, obligeant ainsi un
gouvernement à réagir pour ne pas perdre des voix aux prochaines élections.
 (The New York Times 19/10/2003) : State Dept. Study Foresaw Trouble Now
Plaguing Iraq. Le New York Times a révélé que 10 mois de travaux préparatoires
menés par le Département d'état (ministère américain des affaires étrangères),
pour un coût de 5 millions de dollars, ont été tenus pour quantité négligeable par
le Pentagone dans sa planification de l'après-guerre d'Irak. Plus de 200 experts
irakiens - juristes, ingénieurs, hommes d'affaires en exil - avaient participé à 17
groupes de travail sur des sujets aussi variés que la réforme de la justice, les
institutions de défense, le redressement de l'économie et des infrastructures, la
libéralisation des médias, la démocratisation, la lutte contre la corruption, le
rétablissement de la société civile, etc. Le document résultant, Projet pour
l'avenir de l'Irak, riche de 2000 pages de recommandations réparties en 13
volumes, a pratiquement atterri à la poubelle lorsque les militaires ont été
préférés aux diplomates pour gérer l'après-guerre.
Parmi les conseils avisés contenus dans ce rapport et qui n'ont pas été suivis,
celui de se prémunir contre «le risque de pillage immédiatement après le
changement de régime, en particulier sur des infrastructures vitales et des
installations gouvernementales clés». Ou celui de démanteler l'armée irakienne
«sans trouver un emploi aux troupes démobilisées», qui pourraient se retourner
contre les forces d'occupation.
On voit ici comment un journal peut faire éclater un scandale contre un
gouvernement qui a mal agi.
 (Le Figaro du 23/10/2003 page 6) : La BBC dénonce le racisme dans la police :
la chaîne BBC1 a diffusé le 21/10/2003 au soir un document filmé secrètement,
The Secret Policeman, qui illustrait le racisme de plusieurs policiers de la
Greater Manchester Police. L'auteur du reportage, Mark Daly, en accord avec la
BBC, s'était engagé dans la police en janvier 2003 pour filmer en secret le
comportement de ses agents sur le terrain. Il avait suivi les cours de l'école de
police de Warrington (Cheshire), puis avait travaillé comme policier de terrain
pendant 7 mois. Le reportage incriminait, preuves filmées à l'appui, le
comportement raciste de certains policiers.
On voit ici comment un journaliste peut se donner du mal pour obtenir des
informations destinées à révéler un scandale à l'opinion publique, pour que le
gouvernement y mette un terme.
 (Newsweek du 13/10/2003 page 19) : Entre 1995 et 2005, le Japon aura
dépensé environ 6200 milliards de dollars en travaux publics, c'est-à-dire 3 à 4
fois plus que les USA, pays pourtant 20 fois plus étendu et plus de 2 fois plus
peuplé. Par clientélisme, le parti au pouvoir, responsable de cet immense
gaspillage, a ainsi favorisé son électorat, qui profite de ce travail artificiel
(autoroutes et ponts ne menant nulle part, etc.) au détriment du reste du pays.
Les Japonais étant des gens très instruits qui s'informent beaucoup, ce scandale

81
aurait été impossible si les médias l'avaient dénoncé. Faute d'une telle
dénonciation, le parti démocratiquement élu a pu poursuivre, pendant de
longues années, une politique clientéliste, bénéfique à son électorat mais
ruineuse pour le pays.
1.6.8 Médias, populisme et démagogie
(Source : le texte de cette section sur l'Italie est proche des articles [31]).

A propos de M. Silvio Berlusconi


En Italie, M. Silvio Berlusconi possède :
 3 réseaux télévisés : Canale 5, Rete Quattro, Italia Uno, qui représentent 50%
de l’audience ;
 Videotime, qui réalise les émissions ;
 Elettronica Industriale, qui les diffuse ;
 Publitalia, qui recueille la publicité ;
 Une chaîne de 300 cinémas ;
 [Des intérêts dans] l'édition, avec 90% de Mondadori et les magazines
Panorama, Epoca, Grazia, Casaviva, Sorrisi e Canzoni, Telepiù, etc.

Il a utilisé ses chaînes de télévision pour une violente campagne contre son rival
politique M. Romano Prodi.

La part d'audience de la télévision étant très supérieure à celle des journaux, en Italie
comme en France, une partie significative des budgets publicitaires est passée des
journaux et magazines à la télévision. Certains de ces médias imprimés en ont été
fragilisés et, perdant de l'argent, sont passés sous la coupe de grands groupes
comme FIAT ; ils ont ainsi perdu de leur indépendance éditoriale. Le résultat net a
été une influence encore plus forte de M. Berlusconi, magnat de la télévision.

Au crédit de M. Berlusconi il faut noter que la culture médiatique diffusée par la


télévision berlusconienne est certes à base de divertissement, mais elle y mêle
l’éloge du travail acharné, l’idéalisation de l’entrepreneur et, partant, les normes d’un
individualisme concurrentiel sans limites. Le personnage de Berlusconi est à l’image
de ce conservatisme ultramodernisateur, où l’exaltation de la réussite n’exclut pas
l’éloge du travail soigné, où le culte de l’apparence se marie avec la célébration des
vertus de la famille.

La "purification éthique" de la classe politique italienne par M. Berlusconi


Utilisant la puissance de ses médias, M. Berlusconi a liquidé à partir de 1992 la
classe politique italienne, lors de l'opération "Mani pulite" ("Mains propres"). Il a
dévoilé et démonté le système de corruption dont vivait la partitocratie italienne
depuis près d’un demi-siècle, réussissant ainsi ce que personne d'autre n'avait su
faire.

82
Médias et populisme
Le terme "populiste" est péjoratif, de strict usage polémique : un populiste est soit un
fasciste, soit un démagogue. Il s’ensuit que le populisme se définit par son caractère,
antidémocratique pour le fascisme ou pseudo-démocratique pour la démagogie.

L'ascension politique de M. Berlusconi a été foudroyante, grâce au succès de son


populisme. Il a lancé au début de janvier 1994 un nouveau mouvement politique,
Forza Italia, et mis en place une coalition électorale hétéroclite avec la Ligue du
Nord, parti fédéraliste dirigé par Umberto Bossi, et l’Alliance nationale, parti de droite
"postfasciste" issu du néo-fasciste M.S.I. (Mouvement social italien). Contre toute
attente, cette coalition, le Pôle de la liberté, a gagné les élections législatives des 27-
28 mars 1994. Le gouvernement Berlusconi, intronisé le 10 mai, a duré sept mois :
sa chute, le 22 décembre 1994, aura été aussi rapide que son ascension.

En dépit de sa brièveté, cet épisode de la vie politique italienne jette un éclairage


précieux sur les interférences contemporaines du politique, du démagogique et du
médiatique : la communication télévisuelle se substitue au fonctionnement
démocratique ; elle devient une nouvelle pratique de la démocratie, une sorte de
réalisation symbolique du rêve de démocratie directe. Le télépopulisme est une
vidéodémagogie : le démagogue agit sur son auditoire en se donnant à voir plus
qu’en se faisant entendre.

Le contraste entre la nouvelle démagogie télévisuelle (le sourire "clean" du


présentateur vedette Silvio Berlusconi) et la classique démagogie de l’orateur
prenant la parole en public (la voix rocailleuse, le ton agressif et les effets
"expressionnistes" d’Umberto Bossi) s’est fortement accentué, alors même que se
nouait une alliance conjoncturelle entre ces deux générations typiques de
démagogues.
 L’un pratiquait un populisme élitiste paradoxal et défendait un nationalisme
ethnique des "riches" (la Ligue du Nord défendant les "meilleurs", ceux du Nord,
dont les intérêts sont menacés par le "fardeau" qu’incarnent ceux du Sud) dans
le cadre d’une vision régionaliste et fédéraliste ;
 L’autre s’orientait vers un populisme populacier, transformant la communication
politique en spectacle de masse, diffusant un message politique minimal (un
libéralisme vague inséré dans un style "branché"), sur la base "scientifique"
fournie par les enquêtes d’opinion, censées établir la "volonté du peuple", la
saisir dans son évolution et ses variations.

Le berlusconisme de l’année 1994 ne fait ainsi que grossir les traits caractérisant les
pratiques de la démocratie d’opinion, dont les stratèges manifestent une double
volonté de maîtrise : pouvoir connaître l’opinion publique pour s’y adapter, posséder
les moyens médiatiques de l’exploiter, de l’orienter, de la fabriquer.

Encore faut-il préciser le type de télévision regardée par tel ou tel public : il s’avère
que le facteur déterminant est moins la télévision que le type de télévision regardée.
L’opinion de l’électorat berlusconien a été formée par les émissions de variétés,
privilégiées par le réseau des chaînes appartenant au groupe Fininvest de
Berlusconi, tandis que l’électorat de gauche se motivait en regardant les émissions
politiques de la R.A.I.

83
L’expérience berlusconienne est exemplaire, elle déborde les spécificités de la
conjoncture italienne récente. Selon la thèse suggestive de Paul Virilio, la
"purification éthique" de la classe politique italienne, sa liquidation au nom de la vertu
et du désir de transparence, n’aurait servi qu’à "justifier le premier coup d’État
médiatique de l’histoire européenne", illustrant l’émergence d’un "nouveau genre
d’alternance, non plus entre la gauche et la droite parlementaire mais, cette fois,
entre le politique et le médiatique".

Le coup de force médiatico-démagogique de 1994 n’a certes pas installé en Italie un


pouvoir stable. A travers l’échec, quelques mois après, de ce nouveau "grand
communicateur", on a pu faire l’expérience des limites de la vidéopolitique. Cet
échec ne doit pourtant être jugé qu’en tant que provisoire ou contingent : ce n’est pas
le tribunal de l’histoire qui a condamné définitivement le télépopulisme, c’est dans
une conjoncture particulière que celui-ci s’est illustré pour un temps, avant d’être
vaincu par les circonstances.

Berlusconi s’est avéré un séducteur "populiste" par sa maîtrise, esthétique,


rhétorique et financière, du quatrième pouvoir, qui, devenu mondial, peut néanmoins
fonctionner localement avec une intensité maximale. La mondialisation de la
communication se manifeste aussi dans cette forme nouvelle et planétaire de
populisme : démagogie de l’âge médiatique ajustée aux défaillances de la
démocratie représentative.

De l’ère des masses à l’âge de l’individu spectateur ?


"La télévision cesse ainsi de n’être qu’un instrument des partis politiques pour
devenir un acteur indépendant de la concurrence politique, qui exerce une forte
influence, à la fois sur la popularité des acteurs politiques, sur la nature et sur
l’impact des questions débattues."
"Mais on peut aussi aborder un problème plus ardu : la vidéopolitique étant
devenue l’horizon indépassable des leaders politiques de notre temps, le
télépopulisme doit-il être considéré comme un facteur de dépolitisation, voire
comme le degré zéro de la communication politique ? Doit-il au contraire être
interprété comme une forme nouvelle de l’affrontement politique ?"
"La démocratie plébiscitaire de l’ère des masses pourrait trouver dans la
vidéopolitique un nouveau mode d’accomplissement. L’identification avec le
"sauveur" médiatique produirait une apathie des gouvernés, les citoyens étant
réduits au rôle de spectateurs, de consommateurs de spectacles. Bref, pour
certains sociologues, la soumission du politique à la médiatisation paraît
engendrer une nouvelle figure du peuple : celui-ci apparaîtrait comme «mineur»,
et serait donc traité en incompétent ou en irresponsable par nature. Un nouveau
danger pour la démocratie se profilerait avec l’entreprise télécratique, générant
des processus de décitoyennisation. Pour les partisans d’une démocratie active
ou participative, c’est là le «mal démocratique» : une baisse d’intensité qui
revient à une démission des citoyens, voire à un effacement insensible de la vie
démocratique."

84
Un gouvernement populiste peut-il arriver au pouvoir en France ?
Absolument, si la situation est analogue à celle qui a permis ce phénomène en Italie :
 Existence d'un mécontentement assez répandu et d'un sentiment de crise à
propos d'un sujet important, comme le chômage, la sécurité, etc. ;
 Classe politique considérée par beaucoup de gens comme incapable de
répondre à leurs attentes ;
 Plusieurs politiciens de premier plan déconsidérés, par exemple par des
scandales ou de la corruption ;
 Présence d'un personnage connu, n'appartenant à aucun des partis au pouvoir,
auxquels il s'oppose, ambitieux, médiatique et pouvant facilement s'exprimer à la
télévision et dans des journaux.
1.6.9 Le gouvernement prisonnier des médias
Les idées de cette section sont empruntées à [30].
Voir aussi "Le gouvernement prisonnier des médias - Témoignage d'un ministre"
http://www.danielmartin.eu/Livre/GouvMedias.htm .

1.6.9.1 Les crédits budgétaires fonction de l'émotion médiatique


Avez-vous remarqué l'énormité de la couverture donnée par la télévision, sous le
gouvernement Jospin, aux problèmes de sécurité alimentaire, notamment la "vache
folle" (ESB) et la "fièvre aphteuse" ? Bien sûr, nous ne voudrions pas tomber
malades et nous demandons qu'on nous protège. Seulement, les médias ont très
peu dit que :
 dans l'hypothèse la plus pessimiste, le nombre de personnes en France qui
risquent de mourir de la forme humaine de l'ESB est de quelques milliers dans
les 30 prochaines années, soit tout au plus 100 par an ;
 la fièvre aphteuse est désagréable, mais n'est mortelle ni pour l'homme ni pour
les bêtes.

Hélas, le résultat de la surmédiatisation de l'ESB a été tel, sur le public, que la


consommation de viande bovine a baissé et que le gouvernement s'est cru obligé
d'allouer des crédits de recherche sur cette maladie hors de proportion avec le risque
qu'elle fait courir : 70 millions de francs en 2000, 210 millions de francs en 2001
(sources : www.recherche.gouv.fr/discours/2000/dprion.htm et
http://www.cjd.ed.ac.uk/figures.htm).

En revanche, on peut estimer à moins de 600 millions de francs par an les crédits
alloués à la recherche sur le cancer, y compris ceux collectés par les associations
"La Ligue" (150 millions de francs) et "ARC" (250 millions) dont les fonds ne
proviennent pas de l'Etat. Voici ce qu'on trouve au sujet du cancer dans le rapport du
Sénat http://www.senat.fr/rap/l97-085-4/l97-085-4_mono.html#toc1572 :
"Le budget de la santé ne comporte pratiquement pas de moyens
spécifiquement consacrés à la politique de lutte contre le cancer. Le cancer reste
la seconde cause de mortalité après les maladies cardio-vasculaires, avec 28%
des décès, et la première cause de mortalité prématurée, avec 37% des décès
avant 65 ans."

85
Le cancer, qui représente des dizaines de milliers de décès par an, reçoit donc moins
d'argent du gouvernement Jospin que l'ESB. En comptant les subventions des
associations (La Ligue, ARC), la recherche sur le cancer ne dispose que de 2,5 à 3
fois plus de crédits que celle sur l'ESB, qui représente pourtant un risque des
centaines de fois plus faible pour la population.

Du fait de la surmédiatisation de l'ESB, le gouvernement Jospin a donc gouverné en


fonction de l'émotion générée par les médias. Et ce constat, valable en son temps
pour un gouvernement de gauche, l'a aussi été, en d'autres occasions, pour d'autres
gouvernements.

1.6.9.2 Annonces gouvernementales publicitaires et démagogiques


Le gouvernement Jospin n'a pas fait que réagir aux informations surmédiatisées, il a
parfois pris les devants pour faire sa publicité.

En septembre 2001, il a annoncé une grande politique de renouvellement urbain,


pour laquelle il a promis de débloquer 35 milliards de francs (somme énorme, effet
publicitaire garanti !) d'ici à 2006. Cette somme était destinée à améliorer la
tranquillité des banlieues, en démolissant en 2001 et 2002 deux fois 10.000
logements de type "tour" ou "barre", et 30.000 logements de ce type par an à partir
de 2003. Le gouvernement prétendait ainsi que c'est ce type d'habitat qui engendre
la délinquance, donc qu'en le remplaçant par des immeubles plus petits on accroîtra
la sécurité. Sachant à quel point les Français sont sensibles aux problèmes
d'insécurité, l'effet publicitaire de cette mesure spectaculaire était certain. En réalité :
 Il est facile de montrer, par un exemple, que l'effet criminogène des tours est une
pure invention. La ville de Thonon les Bains compte 29.000 habitants au bord du
lac Léman. Il n'y a pas de grand ensemble, pas de tour ni de barre. Les
immeubles ont quatre étages au maximum et sont très propres.
Pourtant, c'est dans cette petite ville tranquille que l'on a vu, en octobre 2001,
des scènes de guérilla urbaine d'une violence incroyable, après la mort par
accident automobile de quatre jeunes voyous qui tentaient d'échapper à un
contrôle de police nocturne. Trois d'entre eux avaient déjà été condamnés par la
justice. Après l'accident, leurs amis ont incendié des voitures et donné l'assaut à
un commissariat de police. Dans l'une des voitures incendiées, ils ont mis quatre
bouteilles de 13 kg de butane, dont l'explosion a détruit un immeuble de trois
étages, ne faisant, par miracle, aucune victime.
Remplacer à coups de milliards des tours et barres par de petits immeubles ne
changera rien à l'insécurité, dont la première cause (après l'exclusion et le
chômage) est l'impunité des délinquants, elle-même provenant essentiellement
du manque d'effectifs de police et justice et de la capacité insuffisante des
prisons.
 Le caractère purement démagogique des 35 milliards annoncés en septembre
2001 était évident :
 le budget français est tellement serré à cause des 100 milliards de francs de
dépenses annuelles pour les "35 heures" que cette somme ne pourra pas
être débloquée d'ici 2006 ;

86
 on ne s'apercevrait de la non-tenue des promesses ainsi faites qu'après les
élections de 2002 : ces promesses n'engageaient donc pas le gouvernement
Jospin, elles n'engageaient que ceux qui les croyaient ;
 depuis les années 1980 des milliards ont déjà été dépensés en pure perte
pour les cités, sans autre résultat qu'une montée inexorable de la
délinquance.

Cet exemple montre qu'un gouvernement pratique parfois une politique-spectacle,


favorisant la démagogie publicitaire au détriment de l'efficacité pour les citoyens.
Nous avons vu à partir du gouvernement Raffarin qu'une approche plus répressive
pouvait diminuer la délinquance, sans effet "35 milliards".

1.6.9.3 Utiliser les médias pour se faire entendre


En 1977, j'étais président d'une association de défense des riverains d'un petit
aérodrome des Yvelines contre le bruit des avions. Depuis des années, nous
demandions une réduction du bruit des quelques 140.000 décollages, atterrissages
et survols annuels de petits avions, souvent démunis de silencieux. Malgré
d'innombrables réunions en préfecture, à Versailles, avec le Préfet et Aéroports de
Paris, gestionnaire de l'aérodrome, nous n'avions rien obtenu. Le bruit des petits
avions, par ailleurs bien sympathiques et pilotés par des enthousiastes comme mon
propre fils, restait vraiment très gênant.

Mon association avait le soutien des maires des communes environnantes, dont
plusieurs étaient membres. Lors d'une réunion de l'association, un soir, j'ai obtenu la
présence des 5 sénateurs des Yvelines et du député de la circonscription, qui ont
tous adhéré à l'association. Dès la semaine suivante, le député posait une question à
l'Assemblée nationale au ministre des transports, M. Joël Le Theule, sur ce qu'il
comptait faire pour réduire les nuisances. Puis un des sénateurs en a fait autant au
Sénat. Mais les réponses écrites à ces questions n'ont rien apporté : à l'évidence,
l'administration faisait la sourde oreille.

Alors un samedi j'ai organisé une manifestation. Une centaine de voitures sont allées
de l'aérodrome à Versailles en klaxonnant tout le long du chemin. Une fois arrivés,
nous nous sommes arrêtés dans une des grandes avenues menant au château, qui
s'est ainsi trouvé bloquée. Des CRS sont venus en cars bloquer notre progression.
Nous avons discuté avec eux, et eux par radio avec la préfecture. Nous demandions
à voir le préfet. Il ne nous a pas reçus. Nous sommes repartis à petite vitesse en
klaxonnant de nouveau.

Il n'y avait eu aucune violence, pas même verbale, mais nous avions bloqué la
circulation d'une partie de Versailles et des milliers de personnes étaient désormais
au courant de nos revendications. Des journalistes nous accompagnaient, les CRS
les ont vus et l'ont dit au Préfet. Le surlendemain, un collaborateur du ministre des
transports me convoquait au ministère, où le ministre m'a serré la main et m'a décrit
les mesures qu'il prenait. Celles-ci satisfaisaient 100% de nos revendications : nous
avions gagné.

Moralité : ce qui importe avec l'administration, ce n'est pas d'avoir raison, ni même
d'avoir l'appui de personnalités comme des maires, un député et des sénateurs, c'est
qu'elle craigne des désordres sociaux visibles par les médias. Des manifestations de

87
mécontentement relayées par les médias risquent d'être exploitées par des
opposants au pouvoir en place et d'avoir des retombées électorales : un
gouvernement digne de ce nom doit tout faire pour les éviter.

L'Etat français, qu'il soit de gauche ou de droite, n'écoute presque jamais aucune
demande ou revendication. C'est là une habitude qu'il a depuis des décennies,
particulièrement depuis que son budget est si serré qu'il n'a jamais les moyens de les
satisfaire. En même temps, il a horreur des troubles sociaux et craint de perdre des
voix si la télévision donne l'impression que les gens sont mécontents. C'est pourquoi
tous ceux qui n'ont pas réussi à se faire entendre déclenchent des conflits sociaux
durs et tentent d'obtenir le maximum d'échos dans les médias. Obtenir par cette
pression ce qu'on n'a pu obtenir par les élections et la concertation est
antidémocratique, mais efficace. Exemples :
 C'est la stratégie classique des syndicats des transports publics : SNCF, RATP,
Air France.
 C'est la méthode des routiers : barrages de routes et blocage de dépôts
d'essence.
 C'est à quoi sont réduits les chercheurs, les médecins et les infirmières, pas
assez nombreux, sous-payés et insuffisamment respectés.
 C'est ce qu'ont tenté les intermittents du spectacle, mais eux ont semé la pagaïe
pour rien ; malgré les rangs de leurs manifestations grossis de nombreux
contestataires non-intermittents, ils n'ont pas été assez nombreux et n'ont pas pu
suffisamment inquiéter le gouvernement pour obtenir quelque chose.

Les médias sont donc aussi un moyen de faire entendre des revendications. Mais
lorsqu'il s'avère que les mécontents ne sont pas assez nombreux, les manifestations
médiatisées se retournent contre les manifestants : le gouvernement les ignore.

Quel que soit le vainqueur d'une manifestation médiatisée, il y a un perdant : le


public. Il est perdant parce que les télévisions consacrent tout le temps d'antenne à
montrer les défilés et à interviewer quelques personnes. Il ne leur reste jamais de
temps pour analyser et expliciter les positions respectives des diverses parties
prenantes. Comme d'habitude, les télévisions génèrent de l'émotion au moyen
d'informations parcellisées en clips de quelques secondes, elles ne génèrent pas ce
dont le public a besoin : la connaissance, la compréhension des problèmes.

1.6.9.4 Ne pas aborder à la télévision les sujets qui fâchent


Les gouvernements français ont aussi tendance à ne pas aborder, par le canal de la
télévision, les sujets qui fâchent. Ils se comportent souvent comme si les mesures
indispensables qu'ils vont prendre sont forcément incompréhensibles par les
Français, donc génératrices d'impopularité. Voici des exemples.

1.6.9.4.1 Les intermittents du spectacle


La France est le seul pays qui a laissé perdurer pendant des années une niche
fiscale, dont une minorité minuscule de travailleurs profitait aux frais des salariés du
secteur privé (les fonctionnaires étant exemptés de ce fardeau). Les textes en
vigueur permettaient à des entreprises de spectacles d'économiser des charges
sociales ; ils permettaient à leurs employés intermittents de ne travailler qu'un tiers

88
de l'année, tout en étant payés presque à plein temps. Le gâchis fiscal et l'injustice
vis-à-vis des autres salariés et des autres entreprises du secteur privé représentaient
près d'un milliard d'euros par an.

En 2003, l'absence de marge de manœuvre budgétaire était devenue si sévère, et


les charges sociales sur les salariés du privé si dissuasives pour l'emploi, que le
gouvernement a été obligé de limiter le gaspillage. Mais à aucun moment un ministre
n'est venu à la télévision expliquer posément et complètement le problème et la
solution. Savoir si cette absence est due à une crainte de mouvements sociaux à
l'initiative des syndicats conservateurs, ou à un mépris de l'opinion des citoyens
comme certains opposants l'ont suggéré, est sans intérêt : le gouvernement n'a
jamais dit ce qu'il fallait aux Français sur ce sujet.

Ni le gouvernement ni les médias n'ont dénoncé cette prétention de certains


chômeurs de rester à la charge de leurs concitoyens tant qu'ils n'ont pas trouvé un
travail dans leur spécialité, à un niveau qu'ils estiment être le leur, avec un salaire
qu'ils estiment juste et près de leur domicile. Ces chômeurs constituent une catégorie
sociale dont les intermittents font partie. Ils ne veulent pas comprendre que si
l'activité, le salaire et le lieu de travail qu'ils estiment être leur dû ne leur sont pas
offerts, c'est à eux d'en trouver d'autres.

Un industriel qui fabrique un article qui ne plaît pas se met à en fabriquer d'autres,
sans demander à la collectivité de l'indemniser pour ses invendus. Le caprice de
quelques-uns ne doit pas s'imposer à la société, car ce serait injuste. La solidarité
veut que la société aide ceux qui sont frappés par le sort, mais seulement à condition
qu'ils cherchent à s'en sortir. S'il en était autrement, des petits malins inventeraient
une activité dont personne ne veut et demanderaient qu'on leur paie des indemnités
de chômage tant qu'ils ne peuvent l'exercer.

L'absence de scandale médiatique sur l'injustice de leurs exigences a permis aux


intermittents de spéculer sur la crainte du gouvernement de voir des désordres
sociaux rapportés à la télévision. Profitant de ce que face à de tels mouvements ce
gouvernement avait déjà reculé dans le passé, les manifestations des intermittents et
leurs blocages de représentations se sont multipliés et ont duré 7 mois en 2003. Et la
cohorte habituelle des opposants systématiques de gauche et d'extrême gauche
s'est jointe aux manifestations, pour en amplifier la portée devant des médias qui en
rendaient toujours compte.

Si le gouvernement avait expliqué l'injustice fiscale aux Français et les avait pris à
témoin, s'il avait annoncé une décision irrévocable et une opposition résolue aux
blocages de spectacles illégaux, nous aurions eu moins de blocages, moins de
touristes étrangers écœurés et persuadés que les Français sont peu fiables, car
incapables de se gouverner.

Ce refus d'aborder les sujets qui fâchent à la télévision contraste avec les
déclarations répétées du gouvernement sur sa volonté de privilégier la concertation
dans l'étude des réformes. Le Chef de l'Etat avait clairement expliqué, dans son
intervention du 14 juillet 2003, qu'il fallait privilégier la concertation. Le gouvernement
interprète ce message comme l'ordre de se concerter avec les syndicats, qui
représentent les seuls salariés et seulement 8% d'entre eux, choisis essentiellement

89
parmi les fonctionnaires. A l'évidence, sa volonté de concertation ne va pas jusqu'au
devoir de parler aux citoyens autrement que par petites phrases.

1.6.9.4.2 Le pouvoir et les privilèges exorbitants des syndicats


Voir "Pour des syndicats utiles" http://www.danielmartin.eu/Syndicats/Syndicats-
Utiles.htm .

Voici quelques réalités que les télévisions devraient rappeler de temps en temps.

Depuis le XIXème siècle, le syndicalisme a joué un rôle important dans l'amélioration


des salaires et conditions de travail. Si important, même, que sans lui le capitalisme
aurait peut-être été remplacé par le communisme prévu par Marx à la faveur d'une
révolution. Aujourd'hui encore, les syndicats sont des intermédiaires incontournables
du dialogue social ; ils apportent aux travailleurs qu'ils défendent une organisation et
une compétence indispensables.

Il y a en France deux grandes familles de syndicats :


 Les syndicats réformistes, comme la CFDT, la CGC et la CFTC admettent
l'économie libérale et cherchent à améliorer le sort de leurs adhérents dans le
cadre de cette réalité économique ;
 Les syndicats contestataires, comme SUD et la CGT, refusent l'économie
libérale qu'ils voudraient remplacer par une économie collectiviste. Parmi eux,
FO est fortement influencé par le Parti des Travailleurs d'extrême gauche.

Comme l'explique si bien [78], les syndicats (qui, rappelons-le, représentent


seulement 8% des travailleurs actifs, essentiellement des fonctionnaires) jouissent de
privilèges exorbitants et constituent, dans bien des cas, les véritables maîtres des
administrations publiques, capables de s'opposer au gouvernement et au parlement.
 Bien que manipulant des sommes considérables, ils ne sont pas tenus d'avoir et
de publier une comptabilité : ce qu'ils font des millions de leurs adhérents est
leur secret.
Seule la CFDT, depuis quelques années, publie ses comptes. Leur examen fait
apparaître que seule une partie de ses ressources est révélée. C'est ainsi que
les 220 millions de francs annoncés pour 2000, dont 104 de cotisations et 60 de
subventions de l'Etat, sont bien loin de couvrir les salaires et les charges
sociales des 3000 permanents dont cette centrale syndicale est créditée par
l'ouvrage de D. Labbé Syndicats et syndiqués en France depuis 1945.
 Privilège encore que les ressources du comité d'entreprise d'EDF, géré pour
l'essentiel par la CGT, comité qui reçoit automatiquement chaque année 1% du
chiffre d'affaires de l'entreprise, soit environ 280 millions d'euros.
 Pouvoir exorbitant que celui des syndicats de cheminots, qui déclenchent de
temps en temps une grève de quelques milliers d'agents qui bloque des
centaines de milliers d'usagers, et fait perdre des centaines de millions à des
entreprises qui attendent des marchandises. Ces grèves ont coûté aux
contribuables 250 millions d'euros en 2003, le déficit de la SNCF. Rappelons que
le "service minimum" n'a jamais pu être instauré en France, malgré le souhait

90
d'une forte majorité de la population, tant est grand le pouvoir des syndicats qui
s'y opposent.
 La puissance du Syndicat national unifié des impôts (SNUI) en fait souvent le
véritable maître de cette administration. Dans [78] on lit, page 43 :
"C'est surtout à partir de mai 1989 que le SNUI a pris conscience de sa capacité
d'imposer ses vues à l'administration : après 6 mois de grève, Pierre Bérégovoy
dut accorder au personnel des Impôts une prime spéciale et supprimer toute
possibilité de modulation individuelle de salaire pour environ la moitié des agents
(catégories B et C)."
"Cette «action» fut suivie d'une grève nationale le 26 avril 1990 et, en novembre
1995, le SNUI fut l'un des syndicats les plus en pointe pour s'opposer au plan
Juppé sur la Sécurité sociale : deux mois de grève."
C'est le SNUI qui a réussi à bloquer la réforme proposée par le ministre des
Finances Christian Sautter, l'obligeant finalement à démissionner le 28 mars
2000.

L'ouvrage [78] a 280 pages de tels exemples de scandales dus au pouvoir des
syndicats sur les administrations et à l'impuissance des gouvernements successifs.
Mais connus ou pas, la télévision n'en parle pas plus que ces gouvernements, parce
que ce sont des sujets qui fâcheraient les syndicats. Pour informer le public, elle
pourrait pourtant présenter en détail des critiques de nos syndicats et des
comparaisons avec nos voisins européens, les syndicats disposant du temps de
réponse nécessaire, prévu dans le cahier des charges du service public.

1.6.9.4.3 La CGT égoïste, au-dessus des lois et utopiste


Voici enfin, pour illustrer l'éthique et les pratiques de la CGT jamais dénoncées par
les médias, un extrait commenté de la contribution qu'elle a fournie par écrit au Sénat
au sujet du "service minimum" dont celui-ci étudiait la possibilité. Cet extrait est dans
l'annexe 2 du rapport 194 (98-99) du Sénat [85].
"La CGT, respectueuse de ce droit [de grève] fondamental des salariés,
s'oppose à toute réglementation et même à (toute) forme de négociation de ce
droit…"
Autrement dit, la CGT considère que la souffrance de centaines de milliers d'usagers
des transports, les pertes économiques de dizaines de milliers d'entreprises et les
centaines de millions de coût pour les contribuables n'entrent pas en ligne de compte
devant le droit absolu de faire grève de quelques milliers de salariés des transports.
Belle affirmation d'égoïsme et de droit du plus fort !
"… ce droit des salariés qui peut s'exercer même sans concertation préalable."
Autrement dit, la CGT revendique le droit pour les salariés de frapper d'abord, même
avant toute tentative de dialogue, pour imposer par la force la satisfaction de leurs
revendications.
"C'est au contraire l'interdiction de licencier ou de sanctionner tout salarié
exerçant une action revendicative qu'il faut assurer."
Et la CGT réclame l'impunité pour ce genre de grévistes, quelque soit le mal qu'ils
ont fait au public.

91
"Aucun service minimum ne doit être instauré, ni par la voie législative, ni par la
voie réglementaire, encore moins par la négociation avec les organisations
syndicales…"
Toujours le droit absolu des salariés d'obtenir par la force ce qu'ils réclament, quel
qu'en soit le coût pour le public pris en otage.
"Dans la santé, comme dans le secteur de l'énergie, celui des transports, des
communications et bien d'autres, les salariés en lutte savent organiser les
mouvements de grèves afin que les services vitaux soient assurés ; souvent ce
savoir-faire était toléré par des directions. Ce savoir-faire a conduit plus
récemment à adopter des modalités d'action ne portant aucun préjudice aux
usagers, bien au contraire (gratuité des transports, des péages, basculement
des compteurs [EDF] en heures de nuit)."
La CGT est donc fière d'un savoir-faire et d'actions parfaitement malhonnêtes et
illégales au détriment des entreprises de transport ou d'EDF, donc des contribuables,
en affirmant qu'elles bénéficient aux usagers. Elle a exprimé sa fierté par écrit aux
sénateurs dans un texte qui constitue une menace de recourir à de telles actions.

De telles prises de position montrent le caractère irresponsable de la CGT, qui se


comporte ici comme si l'Etat et les entreprises étaient infiniment riches et que les
voler n'est pas du vol. Avec de tels propos, la CGT ne peut s'adresser qu'aux
salariés incapables de distinguer ce qui est honnête de ce qui ne l'est pas, et ce qui
est possible de ce qui ne l'est pas.

Il est consternant que, dans son rapport [85], la Commission du Sénat n'ait pas
commenté ce texte comme il le mérite. Il est aussi consternant que personne, au
Sénat, au gouvernement ou dans les médias, ne l'ait porté à la connaissance du
public pour faire éclater le scandale d'une CGT au-dessus des lois !

Pour que l'on comprenne bien la CGT, voici des extraits d'une interview au journal
l'Humanité donnée le 11 mai 2001 par M. Bernard Thibault, son secrétaire général :
"Dès lors qu’un licenciement pour motif économique réel et sérieux intervient
pour un ou plusieurs salariés, les employeurs doivent être solidairement
responsables, notamment dans une même branche professionnelle ou un même
territoire, pour formuler des propositions concrètes à leurs personnels (nouvel
emploi, congé de conversion, reclassement, formation professionnelle…). La
validité des propositions doit être suivie par une commission territoriale tripartite
(élus locaux, organisations syndicales, patronat)."
"Cette obligation pour l’employeur et cette garantie pour le salarié doivent se
matérialiser par le maintien du contrat de travail jusqu’à une solution durable,
satisfaisante pour le salarié. Elles doivent également s’appliquer pour les
groupes nationaux ou internationaux dont les décisions stratégiques affectent
tout autant les effectifs de leur firme que les emplois induits par leur activité,
entre autres parmi leurs sous-traitants."
Cette demande de la CGT revient à rendre le licenciement impossible, puisque le
contrat de travail serait maintenu jusqu'à ce que le salarié ait reçu une proposition qui
lui plaise ! Les salariés pourraient ainsi impunément formuler des exigences
déraisonnables, comme de trouver exactement le type de travail qu'ils aiment, quelle

92
que soit leur qualification, tout près de chez eux, avec un excellent salaire, etc., et
refuser toutes les autres propositions… tout en continuant à toucher leur salaire.

En outre, les entreprises concurrentes de celle qui licencie devraient être solidaires
avec elle pour payer ses anciens salariés, comme si les entreprises avaient jamais
été disposées à épauler un concurrent en difficulté, comme si elles étaient assez
riches pour cela.

Si une loi rendait obligatoires de telles dispositions, plus aucune entreprise


n'embaucherait de salarié avec un contrat à durée indéterminée, toutes les
entreprises qui le peuvent délocaliseraient, plus aucune société étrangère
n'investirait en créant des emplois en France. Les salariés en souffriraient
énormément, ils seraient les premières victimes. Et il est probable que l'Union
européenne s'y opposerait fermement en votant des lois contraires, lois qui
prévaudraient sur la loi française.

Avec des propositions aussi irresponsables, la CGT ne défend pas les travailleurs,
elle cherche seulement l'adhésion de ceux qui manquent de discernement.

Voir aussi la discussion du "droit au travail".

1.6.9.4.4 Pourquoi la France est moins bien gouvernée


Je peux donc, à ce point de l'exposé, préciser ce passage de mon introduction :
"La France est moins bien gouvernée depuis de longues années. Elle est moins
bien gouvernée parce que notre suffrage démocratique a élu trop de gens qui ne
sont pas à la hauteur."
La France est moins bien gouvernée parce que, ses institutions et leurs syndicats
bloquant les réformes indispensables, les politiciens au pouvoir n'ont pas été
capables de les réformer. C'est aussi en ce sens-là qu'ils n'ont pas été à la hauteur,
au moins jusqu'à présent.
1.6.10 Médias et mondialisation
Cette section décrit un certain nombre de faits que les médias devraient faire
connaître au public sur la mondialisation. Il y a là un exemple de connaissances et
d'argumentations de base en matière d'économie et de politique libérales. Cette
section est un court résumé ; pour un argumentaire très complet en faveur de la
mondialisation, voir [126].

Définition (qui n'a jamais été donnée par une télévision)


On appelle mondialisation le développement à l'échelle mondiale des entreprises
multinationales, la facilitation et l'accélération du commerce, des transferts de
fonds et des communications informatisées.
Mondialisation se disant "globalization" en anglais, certains Français parlent de
"globalisation".

Quelques aspects de la mondialisation


 La mondialisation est une libéralisation du commerce international, des transferts
de fonds et des communications informatisées, ce qui entraîne une intégration
des économies nationales entre elles et des entreprises entre elles.

93
 Elle suppose la disparition progressive des barrières douanières et
réglementaires qui freinent le commerce.
 Elle entraîne la disparition progressive de la censure empêchant la propagation
des idées, des œuvres et des informations diverses ; exemples : en Russie et en
Chine les gouvernements ont de plus en plus de mal à freiner la communication
à connotation politique.
 Intégration et propagation des idées et des œuvres entraînent à leur tour une
plus grande diffusion des cultures et des modes de vie, donc une meilleure
compréhension entre les peuples et une diminution du risque de guerre.
 La libéralisation, la facilitation et l'accélération du commerce entraînent un
développement de celui-ci, donc de la concurrence, donc de la productivité, donc
des biens et services disponibles, c'est-à-dire du niveau de vie moyen. C'est
ainsi, d'après [118], que la mondialisation a permis, entre 1950 et 2000 :
 une multiplication par 20 du commerce international ;
 une multiplication par 6 de la production mondiale, conséquence de celle du
commerce.
Mais elle n'a pas le pouvoir de réduire les inégalités entre régions ou entre
personnes, car c'est un phénomène économique ; il appartient aux
gouvernements de corriger ces inégalités par une politique sociale et à des
associations d'agir pour aider les défavorisés.

Voir aussi le tome 2 "Mondialisation et délocalisations"


http://www.danielmartin.eu/Cours/CoursT2.htm du "Cours d'économie pour citoyens
qui votent" http://www.danielmartin.eu/Cours/Cours-Economie.htm .
Voir enfin, pour d'autres vérités sur la mondialisation, l'excellente étude [138].

1.6.10.1 Mondialisation et exception culturelle


Si la France veut promouvoir sa culture à l'étranger, elle peut le faire sans le secours
des subventions et discriminations généralement appelées "exception culturelle",
notamment en utilisant Internet pour faire connaître les œuvres de ses riches
musées, les musiques libres de droits de ses compositeurs, les livres et pièces de
ses auteurs. Cela ne coûte à peu près rien et permet d'atteindre de plus en plus
d'internautes, à l'étranger comme en France.

La politique de subventions des artistes, des films de cinéma et de télévision permet


la survie de beaucoup de médiocrité : films et téléfilms sans intérêt où la langue
française est massacrée autant que la décence, artistes vivant essentiellement des
indemnités de chômage versées aux intermittents du spectacle, sociétés de
production utilisant les statuts d'intermittent pour payer moins de charges, etc.

Destinée à défendre la culture française contre l'envahissement de la langue


anglaise et des productions industrialisées de Hollywood, cette politique n'empêche
pas les œuvres en langue anglaise de parvenir jusqu'au public français, qui les
compare toujours aux œuvres françaises et choisit celles qui lui plaisent le plus. De
même, lorsqu'une création française est bonne, elle a du succès à l'étranger ; les
subventions de l'exception culturelle peuvent tout au plus la faire mieux connaître.
On ne devrait plus, de nos jours, subventionner la création artistique et la survie

94
d'artistes qui ne peuvent s'imposer par leur talent, précisément parce que la
mondialisation permet à chaque œuvre, chaque artiste, de toucher un public plus
vaste que naguère.

Toute culture vit sans cesse et évolue au contact d'autres cultures. Considérer la
culture française comme quelque chose de pur et libre d'influences étrangères est
contraire aux faits. Une culture figée comme les œuvres des poètes latins est morte
et n'a plus d'impact populaire. Et la première manière de faire vivre et prospérer la
culture française est de la faire connaître et apprécier des Français, à l'école, au
théâtre, à la télévision, etc. Or l'Education nationale massacre notre culture, comme
le montre avec de nombreux exemples le texte "L'enseignement victime de
l'idéologie" http://www.danielmartin.eu/Enseignement/Enseignement-Victime.htm .

Pour la protection de la langue française, voir les commentaires sur l'article de


Maurice Druon http://www.danielmartin.eu/Textes/Langue-en-danger.htm .

1.6.10.2 Les reproches faits à la mondialisation


La majorité de l'opinion publique française se méfie des grandes entreprises et du
capitalisme libéral. Voici des reproches que les médias passent en général sous
silence et quelques explications qu'ils ne donnent pas souvent à leur public.

Les multinationales sont accusées de faciliter :


 L'hégémonie des Etats-Unis, qui écrase la France.
Sur le plan commercial, ce reproche n'est plus fondé depuis des années, les
règles du commerce international étant négociées à l'OMC, et la France étant
capable de se défendre avec succès, comme l'a montré le récent conflit des
droits d'importation des aciers aux Etats-Unis. En outre, environ 2 millions
d'emplois aux Etats-Unis dépendent d'entreprises à forte proportion de capitaux
français, à peine moins que le nombre d'emplois en France où interviennent des
capitaux américains : il n'y a pas écrasement, il y a interdépendance.
Sur le plan culturel, en revanche, la France est envahie de productions
américaines : musique, films, etc. parce que ces productions, fabriquées en
grande quantité, sont vendues à un prix raisonnable, et qu'elles plaisent à un
large public. La France peut et doit défendre sa culture, en l'enseignant en
France et à l'étranger en même temps que notre langue, ainsi qu'en produisant
des œuvres à la fois de qualité et plaisant à beaucoup de gens, ce qui n'est pas
facile. Elle doit aussi faire connaître les œuvres françaises à l'étranger, même si
ce marketing doit être subventionné. Pour plus de détails sur la défense de la
langue française, voir l'admirable article de Maurice Druon
http://www.danielmartin.eu/Textes/Langue-en-danger.htm .
 Une mondialisation qui exploite les pays pauvres et leurs agriculteurs.
Il est exact que les Etats-Unis et l'Union européenne ont une politique injuste vis-
à-vis des agriculteurs des pays pauvres, dont les exportations sont gravement
freinées par les énormes subventions aux agriculteurs américains et européens,
ainsi que par les quotas et taxes d'importation. Il n'y a pas exploitation (terme
issu du vocabulaire marxiste) des agriculteurs pauvres, il y a commerce
inéquitable. Le problème est qu'aux Etats-Unis, comme en Europe, aucun
gouvernement n'ose supprimer les subventions agricoles, de peur de perdre les

95
voix des agriculteurs. Pourtant, ces subventions coûtent cher à leurs citoyens, en
plus du mal qu'elles font aux pays pauvres.
 Le gaspillage des ressources naturelles de notre planète et sa pollution,
notamment par l'effet de serre.
Ce n'est pas la mondialisation, c'est-à-dire le développement des échanges et
celui de la production qu'il entraîne, qui gaspillent les ressources et polluent, ce
sont les activités humaines. Les hommes et les entreprises doivent respecter les
lois et règlements : c'est aux gouvernements qu'il appartient de créer ces lois et
de les faire respecter. Ne nous trompons pas de coupable.
 Les scandales financiers qui profitent aux patrons et aux grands actionnaires, au
détriment des salariés et des petits épargnants.
Cette dernière accusation est particulièrement injuste : s'il est vrai qu'aux Etats-
Unis et en Italie des scandales financiers récents (Enron, Parmalat, etc.) ont
dépouillé des petits actionnaires au profit de dirigeants crapuleux, en France ce
sont des scandales dus à des dirigeants grands commis de l'Etat qui sont arrivés
au même résultat (Crédit Lyonnais, France Télécom, etc.) sans que ces hauts
fonctionnaires s'enrichissent. Et ce sont des élus qui ont dépouillé les
contribuables au profit de partis politiques, au moyen de fausses factures,
d'emplois fictifs et de fonds secrets. Il ne faut donc pas, chez nous, accuser les
patrons et les grands capitalistes de méfaits dus à notre propre système politique
trop étatique ou à nos élus.
Il faut aussi comprendre que le concept de mondialisation est associé par trop
de gens de gauche à celui de sociétés multinationales, dont la plupart sont
américaines, donc pour eux automatiquement détestables. En désapprouvant la
mondialisation, ils combattent en fait ces sociétés, donc les Américains.
 Les licenciements "boursiers", qui sacrifient les travailleurs au profit des
actionnaires.
Non seulement les gens de gauche antiaméricains oublient que de nombreuses
multinationales sont d'origine française, mais ils oublient que les licenciements
qu'ils qualifient de "boursiers" sont dus d'abord aux innovations de produits,
caractéristiques du progrès moderne. De nos jours, de nombreux articles
fabriqués par millions deviennent obsolètes quelques mois ou quelques années
après.
Exemples : les téléphones portables, les PC et les circuits intégrés qui les
animent, les carburateurs remplacés par des systèmes d'injection, les
disques en vinyle remplacés par des CD-ROMs, eux-mêmes remplacés
progressivement par des DVDs, les appareils photo et caméras optiques
remplacés par des modèles numériques, etc.
Certaines entreprises qui n'ont pas su suivre cette évolution disparaissent avec
leurs produits, dont le marché ne veut plus, licenciant leur personnel. Mais
d'autres entreprises naissent, pour de nouveaux produits, et embauchent pour
les concevoir et les fabriquer. Le progrès technique à l'origine de ces évolutions
de produits n'est coupable de rien. Pourtant, il explique infiniment plus de
licenciements industriels que la politique de ressources humaines des
multinationales.
L'ouvrage [78] explique ce phénomène en s'appuyant sur l'étude [80] de 2003 :

96
"Aux Etats-Unis, où le licenciement est libre, souvent même sans préavis, les
entreprises qui se créent accroissent leurs emplois de 160% dans les premières
années après leur création, alors que cette croissance est seulement de 20% en
Italie, où le droit de licenciement était, jusqu'aux récentes lois introduites par
Berlusconi, aussi restrictif qu'en France ; et il est même nul dans les entreprises
françaises du secteur manufacturier."
Les licenciements "boursiers" eux-mêmes sont inévitables pour protéger la
profitabilité des entreprises. En effet, une entreprise qui fait moins de bénéfices
que ses concurrents dispose de moins de moyens financiers qu'eux pour
investir, à la fois par autofinancement et parce que, peu rentable, les
investisseurs externes lui refuseront leurs capitaux. Elle sera alors battue par ces
concurrents et fera faillite, licenciant tout son personnel. Le licenciement partiel
par souci de rentabilité est donc inévitable, car c'est une condition de survie de
l'entreprise et d'emploi pour le personnel restant.
Comme l'explique si bien [78] page 177, en France une société qui licencie un
salarié doit lui verser des indemnités représentant entre 3 et 6 mois de salaire.
Pour de nombreuses sociétés en difficulté, le licenciement d'une partie du
personnel est de ce fait si onéreux qu'elles ne peuvent le financer et doivent
déposer leur bilan. Les lois françaises anti-licenciements sont tellement
contraignantes que plus de 90% de ces dépôts de bilan se transforment en
liquidation, contre seulement 30 à 40% dans la plupart des pays étrangers.
D'après les calculs de l'IFRAP [78], environ 58.000 emplois sont ainsi détruits
chaque année, alors que des lois comme à l'étranger auraient permis de l'éviter.
Il y a de nombreux pays comme le Royaume-Uni, les Etats-Unis, la Suisse, etc.
où les citoyens votent depuis des décennies en faveur d'une société libérale où
les licenciements sont faciles. Ces citoyens seraient-ils fous ? Non, parce que le
libéralisme apportant, dans un pays développé, une économie saine, un
chômeur retrouve rapidement un emploi, comme l'attestent les taux de chômage
bas de ces pays.

La mondialisation ne peut, par elle-même, supprimer ou même atténuer les inégalités


sociales. La raison en est simple : le développement du commerce, qui entraîne le
développement d'industries et de services, ne concerne pas automatiquement et
aussi intensément tous les types d'activité et toutes les régions. C'est ce qui explique
la différence de développement, en France même, entre des régions comme l'Ile de
France et l'Auvergne, la différence de salaire net annuel moyen étant de 22.447€
contre 15.957€, soit 40% (source : Bilan du Monde 2003, publié par Le Monde). C'est
à chaque Etat d'établir des péréquations pour compenser le plus possibles ces
différences, notamment par des incitations fiscales à l'emploi et le développement
d'infrastructures. Mais il est absurde de reprocher à la mondialisation de laisser
perdurer ces inégalités, car le commerce n'a pas, en lui-même, vocation à faire
œuvre sociale.

Il est aberrant que ces notions-là, élémentaires en économie, ne soient presque


jamais énoncées et expliquées par les médias. Si le public les connaissait aussi bien
que les stars du football ou du "show business", que les médias montrent à plaisir,
les politiciens et les syndicalistes qui s'en servent comme arguments cesseraient
d'abuser de son manque de culture économique. Ils cesseraient de promettre des
solutions aberrantes, comme la sauvegarde des emplois par interdiction des

97
licenciements ou la surtaxation des entreprises qui licencient, solutions pourtant
prônées du temps du gouvernement Jospin.

1.6.10.3 Responsabilité des médias dans l'impact de la mondialisation


Cette méfiance est liée à l'antiaméricanisme (voir [47]). Elle est en grande partie due
aux médias, qui diffusent bien plus souvent des points de vue négatifs que des
points de vue positifs sur les Etats-Unis. Ils oublient ce faisant de signaler l'essentiel,
comme le font si bien [48] et [49] : la France et les Etats-Unis sont des pays qui
partagent les mêmes valeurs de civilisation, la démocratie, l'économie de marché
ouverte aux exportations et importations. Et ils sont tous deux attaqués par le
terrorisme, contre lequel ils devraient lutter ensemble.

Il est pourtant facile de résumer objectivement les avantages et les inconvénients de


la mondialisation de la manière ci-dessous, comme le fait [61] en analysant l'effet du
marché commun USA - Canada - Mexique, créé en 1992 sous le nom de NAFTA
(North American Free Trade Association) en s'inspirant de l'Union européenne :
"Par son abaissement des barrières douanières et réglementaires, la
mondialisation :
 Développe le commerce, donc la production, donc certains types d'emplois ;
 Enrichit globalement les pays participants ;
 Augmente le niveau de vie moyen de leurs citoyens.
Les bénéfices résultant du développement de la production et de l'intensification
de la concurrence produisent des effets qui ne sont jamais spectaculaires au
niveau des citoyens. La grande majorité de ceux-ci profite d'une croissance de
son pouvoir d'achat, mais si lentement et si progressivement qu'elle ne s'en
aperçoit guère qu'au bout d'au moins une décennie.
Au contraire, les emplois perdus du fait de délocalisations ou de licenciements
«boursiers», qui ne touchent qu'une faible partie des salariés, frappent beaucoup
plus les esprits parce que la souffrance infligée à ces salariés est très visible et
l'est immédiatement, notamment parce que les médias l'amplifient."

Les opposants à la mondialisation peuvent donc facilement trouver des exemples de


travailleurs qui ont souffert de la mondialisation, pour argumenter contre celle-ci. Ils
se gardent bien de citer le bénéfice réel qu'en tire la majorité des gens. Ils ne citent
pas non plus la croissance des exportations des pays avancés vers les pays en voie
de développement, qui crée des emplois et des bénéfices dans les pays avancés. Ils
ne citent pas, enfin, la croissance des exportations des pays pauvres vers les pays
riches, pourtant évidente lorsqu'on regarde les chiffres. Et les médias français, eux,
ne citent jamais ces progrès, conformément au principe "de l'intérêt médiatique des
seuls trains qui déraillent, non de ceux qui arrivent à l'heure". Pour trouver des
arguments chiffrés sérieux contre les inégalités dues à la mondialisation il faut
examiner ce qui se publie aux Etats-Unis, comme [111] ; ces arguments existent et
(oh surprise pour certains !) ils sont plus clairement dénoncés aux Etats-Unis, pays
"ultralibéral", que chez nous.

En fait, pour que la mondialisation profite à la majorité en lésant le moins possible


des minorités, il faut un accompagnement social :

98
 formation ;
 investissements en infrastructures pour attirer les emplois ;
 investissements en recherche pour créer des produits innovants, etc.

Il faut aussi un accompagnement médiatique, pour expliquer aux gens :


 l'importance d'une formation continue pour protéger leur employabilité ;
 la protection qu'offre une qualification dans un métier porteur ;
 le caractère inéluctable du transfert progressif des emplois peu qualifiés vers les
pays en développement ;
 le besoin des entreprises et des gens de s'adapter en permanence aux
changements, etc.

L'accompagnement médiatique est aussi indispensable pour montrer au public les


exemples étrangers dont la France devrait s'inspirer, comme le libéralisme tel qu'il
est pratiqué en Grande-Bretagne et en Irlande, pays en croissance plus rapide avec
moitié moins de chômage que chez nous (voir [73]). Il y a aussi des pays européens
qui ont résolu les problèmes de financement de la sécurité sociale et des retraites,
comme la Suède (voir [78] page 236) : pourquoi la télévision ne compare-t-elle
jamais en détail leurs solutions avec les nôtres ?

En résumé, la mondialisation a absolument besoin d'un accompagnement par les


médias, pour que les citoyens en connaissent les effets, et ce qu'ils doivent faire pour
en être les bénéficiaires, non les victimes. Hélas, cet accompagnement n'existe pas
aujourd'hui en France : les émissions et articles qui évoquent les aspects sociaux de
la mondialisation sont consacrés à la polémique et aux luttes idéologiques, au lieu
des explications factuelles et des conseils pratiques dont les citoyens ont besoin.

1.6.10.4 Les véritables effets de la mondialisation


Voici ce que les médias devraient dire aux Français, pour que chacun en tire les
conséquences sur le métier et l'entreprise qu'il choisit, la formation continue dans
laquelle il investit du temps, et la manière de voter le moment voulu.

1.6.10.4.1 La France investit plus à l'étranger que les étrangers en France


Voici ce qu'on apprend de l'article [131], basé sur des données du très officiel
Commissariat général du Plan :
 De 1997 à 2003, les investissements directs français à l'étranger ont dépassé
systématiquement les investissements étrangers en France. Les Français
achètent donc des entreprises étrangères plus que des étrangers achètent des
entreprises françaises : contrairement à ce que les antimondialisation voudraient
nous faire croire, nous ne sommes pas en train de passer sous contrôle
étranger. Du reste :
 les investissements en France proviennent à 71% de l'Union européenne ;
 la part détenue par les non-résidents dans le capital des entreprises
françaises est minoritaire : en moyenne de 28,7% (23,2% pour les
entreprises non cotées en bourse, 37,8% pour les entreprises cotées en

99
bourse ; fin 2002, la Banque de France écrivait que 42,4 % du capital des
entreprises de l'indice CAC 40 était détenu par des étrangers).
 2 millions de salariés en France travaillent dans des entreprises sous contrôle
étranger, environ 13% du total des salariés du secteur privé.
 Lorsque des étrangers investissent en France, ils y créent des emplois, ils
financent son économie et lui apportent des techniques ou du savoir-faire.
Lorsque des Français achètent une entreprise étrangère, par exemple aux Etats-
Unis, c'est souvent pour accéder à sa technologie, à ses brevets et au marché
américain.

Puisque les français investissent beaucoup à l'étranger (exemple : 200 milliards


d'euros en l'an 2000 et 50 milliards en 2003 et en 2005) on peut craindre que ce soit
pour délocaliser des activités françaises. Les paragraphes suivants abordent cette
question.

1.6.10.4.2 Délocalisations
Il est bon d'aborder ce sujet par des exemples, qui montrent à la fois :
 l'intérêt des délocalisations pour l'emploi en France et nos consommateurs ;
 la désinformation des citoyens par les médias et le gouvernement.

Voir le tome 2 "Mondialisation et délocalisations"


http://www.danielmartin.eu/Cours/CoursT2.htm du "Cours d'économie pour citoyens
qui votent" http://www.danielmartin.eu/Cours/Cours-Economie.htm .

Pourquoi la délocalisation pour nos industriels


La stabilité politique et l'état de droit sur lesquels on peut désormais compter dans
certains pays émergents (Inde, Chine, Tunisie, etc.) nous permet d'y investir du
capital sans grand risque. Et cet investissement y sera plus rentable que chez nous
chaque fois que les coûts de la production qu'il permet seront plus bas, ou que le
développement de l'économie du pays cible sera plus rapide.

On ne saurait trop insister sur l'intérêt, pour des entreprises françaises, de


s'implanter en Chine, où l'économie se développe extrêmement vite, pour y vendre
des produits français, pour y acheter ou y fabriquer des articles chinois, pour rendre
des services comme la distribution de l'eau dans les villes, l'assurance ou la banque.
Avec un capital donné et un savoir-faire, l'investissement en Chine est aujourd'hui
extrêmement rentable, qu'il passe par une filiale ou par un partenariat avec une
entreprise chinoise. Une entreprise qui fabrique moins cher peut vendre plus de
produits, donc gagner davantage.

Les Français ne savent pas assez que la mondialisation permet aussi à de


puissantes entreprises de Chine ou d'Inde de s'implanter chez nous, en achetant des
réseaux de vente qui leur permettent ensuite d'inonder notre marché de leurs
produits ou services. C'est ce que la Chine a déjà fait aux Etats-Unis, pour y écouler
de l'électroménager à des prix irrésistibles. Selon le Financial Times Deutschland du
08/01/2004, c'est ce que cherche à faire le puissant conglomérat indien Tata, qui
offre d'acheter à l'allemand ThyssenKrupp sa filiale de services informatiques

100
Triaton, afin de prendre pied sur le marché allemand des services avec ses milliers
d'informaticiens de haut niveau.

Lorsqu'une entreprise hindoue ou chinoise n'achète pas une entreprise occidentale,


elle peut monter une entreprise commune dont elle assurera la direction. C'est ce qui
s'est passé lors de l'alliance du français Thomson avec le chinois TCL, pour fabriquer
des téléviseurs et des DVD en Chine pour un marché mondial.

Chine, Inde et haute technologie


Dans ces pays émergents, l'enseignement supérieur forme à présent chaque année
des millions de travailleurs intelligents, hautement compétents et très motivés. L'Inde
compte environ 1050 millions d'habitants, la Chine environ 1300 millions, et le taux
de scolarisation y est de plus en plus voisin de celui de l'Union européenne. Des
jeunes de formation scientifique sont prêts à travailler à un coût (salaires, charges et
frais annexes) 5 à 10 fois plus bas que chez nous. D'après [121], il y a 30% de
chômeurs parmi les diplômés de l'enseignement supérieur chinois, dont le salaire de
début a baissé d'un tiers depuis trois ans. Cela fait des centaines de milliers de
diplômés prêts à se donner du mal pour trouver du travail.

La présence dans ces pays de spécialistes compétents leur permet d'assimiler très
vite les technologies transférées des pays avancés, donc de rattraper ceux-ci. Selon
l'OCDE, la Chine est aujourd'hui au troisième rang mondial pour les dépenses en
matière de recherche et développement ; et elle a lancé un homme dans l'espace, ce
que l'Union européenne n'a pas fait.

En outre, de nombreux jeunes ressortissants de pays d'Asie viennent se former dans


les pays avancés. En 2003, il y avait d'après [118] 60.000 étudiants chinois aux
Etats-Unis… dont beaucoup ne retournent pas ensuite chez eux (10% seulement en
1999).

Coopération par Internet


Le réseau Internet permet aujourd'hui des communications à haut débit avec ces
pays, c'est-à-dire la coopération d'équipes qui y travaillent dans des usines, bureaux
et laboratoires de recherche avec des équipes de nos pays, pour étudier et fabriquer
des articles innovants plus vite et moins cher. Ces équipes peuvent dialoguer en
temps réel, par textes, messages, données, schémas, images, voix et même
vidéophone interposés, le tout sur Internet. Cela permet la coopération d'entreprises
spécialisées, chacune travaillant dans son domaine d'excellence, pour créer des
produits et fournir des services au moindre coût et dans les meilleurs délais : il y a
intégration économique par Internet.

Externalisation de services
Internet permet aussi l'externalisation de services, comme les centres d'appel
téléphonique en Tunisie animés par des francophones pour des clients français. Les
emplois ainsi créés en Tunisie ne sont pas délocalisés, car ils n'existaient pas en
France auparavant ; ils n'ont pu être créés au bénéfice de clients français que parce
que leur coût était raisonnable.

101
Les accords de libre-échange se multiplient, à l'OMC comme sous forme d'accords
bilatéraux au coup par coup, ce qui abaisse les barrières douanières et
réglementaires, favorisant le développement du commerce. De plus en plus, les
concurrents d'entreprises européennes ne sont plus d'autres entreprises
européennes, mais des entreprises asiatiques, d'Europe de l'est, de Tunisie, etc.

Il y a des activités de services, parfois de haute technicité, dont la délocalisation est


économiquement rentable.
 Exemple 1 : le développement et le support de logiciels en Inde, dans la région
de Bangalore. Les Hindous ont fait toutes leurs études en anglais et un bon
informaticien hindou, même bien payé, coûte beaucoup moins cher qu'un
Européen ou un Américain.
 Exemple 2 : la délocalisation, toujours en Inde, de services comptables de
multinationales. Ces délocalisations sont rendues possibles par la disponibilité
d'Internet, qui permet des communications instantanées et quasi-gratuites entre
l'Inde et l'Europe.

De ce fait, la délocalisation concerne désormais, en plus des activités de production


industrielle, des activités de recherche et développement Ceux qui espéraient qu'une
fuite en avant vers la haute technologie, par la formation et la recherche, nous
permettrait indéfiniment de conserver notre avance vont déchanter : il nous faudra de
gros efforts.

Activités non délocalisables


Les domaines d'activité qui échappent à la délocalisation sont :
 Le commerce local : magasins, vendeurs...
 Des activités exigeant une culture très occidentale et une connaissance de nos
habitudes de vie : marketing-publicité, métiers d'art, définitions de produits
(exemple : le cahier des charges d'un logiciel pour études d'huissier de justice ne
peut être rédigé qu'en France).
 Des services de proximité : fonction publique et assimilés (administrations
diverses, enseignement, police, justice, hôpitaux, transports publics...), bâtiment,
entretien, hôtellerie-restauration-tourisme, banque à guichets, taxis, coiffeurs,
jardinage, etc.
 Des activités d'économie solidaire (associations, coopératives, mutuelles de
santé, d'assurance, de services bancaires) qui représentent en France près de 2
millions d'emplois.
 L'agriculture et l'élevage, appelés à se développer pour produire la nourriture
que les pays émergents devront importer en quantités croissantes. Non
seulement leur population croît, mais son niveau de vie s'élève, ce qui lui fait
consommer, par exemple, plus de viande ; or produire de la viande consomme
beaucoup de produits végétaux. Et des problèmes comme le manque de
surfaces cultivables et d'eau obligeront de plus en plus ces pays à importer.

Il existe aussi des fabrications que la délocalisation menace peu :

102
 Celles dont le coût de main d'œuvre est insignifiant par rapport aux coûts de
recherche-développement et d'investissement en matériel. Exemple : la
fabrication des cartes mères de PC, processus totalement automatisé, de la
fabrication des composants à leur montage sur une carte et au test de celle-ci.
De telles activités ont intérêt à être localisées là où le matériel de haute
technologie peut le plus facilement être monté, exploité et entretenu, ce qui
demande une haute technicité. Les pays avancés restent donc aujourd'hui assez
bien placés dans ce domaine. Le risque de délocalisation pour cause
d'économies est faible pour le moment.
 Celles qui font intervenir une marque de luxe mondialement connue : vêtements
haut de gamme, maroquinerie, parfums et cosmétiques, etc. Il faut préciser ici
que seule la marque et la conception ne sont pas menacées, la fabrication
proprement dite risque, elle, d'être délocalisée.
 Celles dont la livraison doit être si rapide qu'elles ne peuvent guère être
éloignées de leurs clients. Exemple 1 : les produits alimentaires frais, qui ne
supportent pas un transport prolongé. Exemple 2 : le montage des PC, où on
assemble très peu de pièces (châssis, alimentation, carte mère, disque dur,
lecteur de CD ou DVD) ; il ne faut que 10 minutes de main d'œuvre pour
assembler et tester un PC. Bien sûr, en faisant ce travail en Chine, on
économiserait quelques euros sur ces 10 minutes. Mais le transport économique
jusqu'en Europe coûterait plus cher et surtout demanderait 2 mois : le temps
d'arriver, le PC serait techniquement dépassé, donc invendable ! La meilleure
solution est donc de fabriquer les PC pour l'Union européenne sur place.

Freins à la délocalisation
La délocalisation est freinée par plusieurs facteurs d'environnement des pays
émergents :
 L'infrastructure de transports, moins dense et moins performante que la nôtre ;
 L'infrastructure de communications (téléphone, poste), qui freine le
développement de l'activité économique en même temps que la diffusion du
savoir-faire dans la population ;
 Les services financiers (banques, bourses) très loin des nôtres en matière de
collecte des capitaux et de crédit ;
 Les services aux entreprises, moins développés et moins performants que chez
nous ;
 La bureaucratie administrative et des réglementations paralysantes,
particulièrement en Inde, ainsi que la corruption ;
 Le savoir-faire des managers en matière de conduite de projets, d'organisation
du travail, de maîtrise des coûts et des délais : c'est parce que les Chantiers de
l'Atlantique sont les mieux organisés du monde qu'ils ont emporté tant de
contrats de construction de navires ;
 Le développement économique des pays émergents eux-mêmes. Lorsqu'une
entreprise chinoise cherche des marchés pour se développer, elle s'aperçoit que
celui qui se développe le plus vite est le marché local, où il n'y a pas de barrière
linguistique, culturelle, réglementaire, douanière, etc. Elle ne décidera de

103
travailler à l'exportation que lorsque son marché local ne pourra plus absorber
toute sa production ;
 La barrière linguistique : si les Hindous parlent anglais, ce n'est pas encore le
cas de beaucoup de Chinois. Et il n'y a pour ainsi dire pas de bilingues chinois-
français, allemand ou italien.

Faire travailler des étrangers au lieu de subventionner leurs pays


Il faut aussi connaître le rôle important que joue l'immigration chez nous de
travailleurs originaires de pays pauvres sur les transferts de fonds vers ceux-ci :
d'après [118], ces travailleurs envoient chez eux chaque année 72 milliards de
dollars, c'est-à-dire une fois et demie le montant des aides publiques au
développement.

1.6.10.4.3 Les "cols blancs" et la délocalisation


Parce que les médias n'en expliquent pas l'évolution rapide, trop de Français
ignorent le défi technologique et scientifique de la Chine et de l'Inde, plus grave
encore pour nous que leur défi industriel. C'est ainsi, par exemple, que les Chinois
ont lancé un homme dans l'espace à l'automne 2003, ce que l'Union européenne est
incapable de faire, faute d'efforts.

De puissantes sociétés, comme IBM et Microsoft, ont délocalisé des milliers


d'emplois d'informaticien en Inde et vont le faire en Chine (voir [114]). La
concurrence que ces pays commencent à nous faire ne reste pas limitée aux emplois
industriels, elle s'étend déjà à des emplois de haut niveau technique, comme ceux
qui permettent l'explosion des industries informatiques à Taiwan. Et de son côté, le
puissant groupe allemand SIEMENS, délocalise 12.000 emplois d'informatique en
Europe de l'est.

Voici, selon Le Figaro économie du 17/03/2004, deux comparaisons de coûts


d'ingénieurs :

104
1.6.10.4.4 Principe de la valeur ajoutée
Comme l'explique si bien [127], dans une paire de chaussures Nike, vendue 70€ au
consommateur final, il n'y a que 3€ de main d'œuvre locale dans le pays où la
fabrication est délocalisée et 12€ de matières et frais divers de fabrication. Il y a
aussi 2€ de transport, soit au total 17€. La valeur ajoutée de 70 - 17 = 53€ n'est pas

105
délocalisée, elle reste dans les pays riches qui achètent ces chaussures. Il s'agit de
conception de produit, promotion de marque, marketing, services d'accompagnement
éventuels et bénéfices de la multinationale, des grossistes et détaillants.

Cette valeur ajoutée représente 53 :70 = 76% du prix du produit, c'est-à-dire sa


grande majorité, et elle n'est pas perdue par délocalisation. Non seulement elle n'est
pas perdue, mais la délocalisation permettant une baisse des coûts, même si elle est
peu importante, entraîne une croissance des ventes. Cette croissance entraîne celle
de la valeur ajoutée dans les pays riches, croissance qui se traduit par des emplois
dans des domaines autres que la fabrication, avec une main d'œuvre de qualification
différente.

En pratique, comme le montre le paragraphe suivant, le nombre total d'emplois dans


les pays riches ne décroît pas avec la mondialisation et les délocalisations, au mieux
il augmente, au pire il stagne. Mais cette augmentation globale est acquise au prix de
pertes d'emplois peu qualifiés et d'une croissance du nombre d'emplois qualifiés.

1.6.10.4.5 La France résiste à la désindustrialisation


Selon l'excellent article [128], qui rend compte d'une étude de la DATAR (Délégation
à l’aménagement du territoire et à l’action régionale, organisme officiel), le graphique
ci-dessous extrait de l'étude montre que, de 1982 à 1999 :

 Le nombre d'emplois de production concrète (fabrication, logistique, etc.) en


France a baissé de 1,3 million ;
 Le nombre d'emplois de conception, gestion, marketing, etc. a augmenté de
901.000 ;
 Le nombre d'emplois dans les services, dont une bonne partie sont des services
à l'industrie (nettoyage, distribution, etc.) a augmenté de 737.000 ;
 Le nombre d'emplois dans les services collectifs (administration, loisirs, santé,
etc.) a augmenté de 1,3 millions ;
 Le poids de l'industrie dans notre PIB (qui a augmenté d'environ 40% depuis
1982) est resté stable, passant de 20,1% en 1982 à 19,5% en 2002 ;

106
 La part de marché de l'industrie française dans le monde est restée stable
depuis 1970, alors que celles du Royaume-Uni et de l'Allemagne ont reculé ;
 Les délocalisations ne représentent que 4% des investissements français à
l'étranger et les dix secteurs industriels qui ont le plus investi à l'étranger ont créé
100.000 emplois entre 1997 et 2000.
 Les pays en développement constituent aussi des clients pour la France ; ces
pays nous achètent d'autant plus de biens industriels et de services que leur
économie se développe.

Au lieu de nous diffuser des nouvelles, en général inquiétantes, sur les


conséquences de la mondialisation et des délocalisations, les médias devraient donc
nous rassurer.

1.6.10.4.6 L'Amérique résiste aussi, quoi qu'en disent les antimondialistes


Source : Le Figaro économie du 17/03/2004 page 2.
"L'Amérique reste la première destination mondiale de l'investissement étranger.
L'investissement industriel direct des sociétés non américaines aux Etats-Unis a
doublé en 2003, pour atteindre 82 milliards de dollars. La balance [positive] des
échanges dans les activités des services juridiques, informatiques et bancaires
atteint 54 milliards de dollars. En 2003, des sociétés étrangères ont choisi les
Etats-Unis pour y faire réaliser plus de 131 milliards de dollars de prestations ; le
mouvement inverse n'a été que de 77 milliards de dollars. Le discours caricatural
selon lequel l'emploi américain serait vidé par la sous-traitance étrangère ne
résiste donc pas à l'analyse."

1.6.10.4.7 Innovation et esprit d'entreprise, la force des pays riches


Dans notre monde ouvert, le travail nécessaire sera de plus en plus assuré par les
pays et les gens à même de le faire au meilleur prix, qu'il s'agisse de production de
biens ou de services rendus à partir de l'étranger, comme l'administration et la vente
à distance, la télémédecine, le support des utilisateurs d'ordinateurs. La
délocalisation et l'externalisation (sous-traitance d'activités aujourd'hui françaises) est
inévitable et ira croissant.

Ce phénomène est inéluctable, car il résulte du progrès technique et des efforts des
pays en voie de développement pour accéder à un meilleur niveau de vie. Et comme
la France a absolument besoin d'acheter certains produits à l'étranger (pétrole, fruits
exotiques…) elle doit avoir quelque chose à leur vendre et à vendre à ses
partenaires de l'Union européenne. La seule politique possible est :
 La voie de l'innovation (création de nouveaux produits et services susceptibles
d'intéresser des acheteurs chez nous et à l'étranger) ;
 La recherche (susceptible de trouver des techniques nouvelles, des matériaux
nouveaux, de nouveaux médicaments, etc.) ;
 La mise au point de techniques de fabrication performantes et d'organisations
efficaces du travail, des services et du marketing d'origine française ou
européenne, que des multinationales à capitaux français ou européens
utiliseront dans les pays où elles sont les moins chères.

107
Le progrès technique et organisationnel n'a pas de fin. Dans une course contre soi-
même, on peut toujours se dépasser. C'est pourquoi il ne faut pas craindre l'avenir.
Comme l'écrivait l'éditorialiste Thomas L. Friedman dans le New York Times du
07/03/2004 :

"L'Amérique est la source d'innovations la plus féconde de tous les temps,


source qui n'est pas près d'être égalée car elle résulte d'une multitude de
facteurs :
 Une liberté de penser totale ;
 Une prédilection pour des réflexions indépendantes ;
 Un flot continu d'immigration de nouveaux esprits ;
 Une culture qui aime prendre des risques et ne culpabilise pas les échecs ;
 Une administration non-corrompue ;
 Des marchés financiers et des capitaux-risques qui n'ont pas leur égal dans
l'art de transformer des idées nouvelles en produits de classe mondiale."

Voilà un message que nos télévisions devraient faire passer jusqu'à ce que les
Français aient compris que la réponse aux délocalisations et sous-traitances n'est
pas d'interdire les licenciements ou de réclamer des aides, mais de se former,
d'innover et d'entreprendre.

1.6.10.4.8 La Chine et l'Inde n'ont pas d'autre choix que la croissance rapide
La Chine a déjà tellement accaparé des productions industrielles comme le textile,
que les Etats-Unis ont perdu de son fait, en deux ans, 2,5 millions d'emplois. Ses
exportations mondiales dans ce marché du textile doublent chaque année et doivent
atteindre 120 milliards de dollars en 2005, étouffant la quasi-totalité des autres
producteurs.

La Chine n'a pas le choix : depuis qu'elle a ouvert son marché en signant des
accords à l'OMC, elle doit faire migrer des millions d'emplois agricoles vers l'industrie
et les services, et (selon Le Figaro économie du 10/03/2004, qui cite le ministre
chinois du Travail) créer pour cela 24 millions d'emplois urbains en 2004 :
 10 millions d'emplois pour de nouveaux arrivants sur le marché du travail ;
 8 millions d'emplois pour les chômeurs ;
 6 millions d'emplois pour les ouvriers licenciés, comptabilisés séparément des
chômeurs.

L'Inde n'a pas le choix non plus. D'après Newsweek du 15/03/2004 pages 29 et 30,
qui cite la Commission de planification du gouvernement, il y a aujourd'hui plus de 40
millions de personnes qui ont signalé à l'administration du travail qu'ils cherchent un
emploi ou un changement d'emploi. En outre, 35 millions de personnes vont arriver
sur le marché du travail d'ici fin 2007. Une réponse parfaite à ce besoin de travail
exigerait la création de 75 millions d'emplois en 3 ans !

108
A ces deux pays géants on peut ajouter l'Indonésie (220 millions d'habitants), les
Philippines (82 millions), etc. Tous ces pays veulent croître. Leurs salariés travaillent
dur pour vivre mieux, sans se limiter à des semaines de 35 heures et sans profiter
d'avantages sociaux qui handicapent la compétitivité.

1.6.10.4.9 Criminalité internationale et contrefaçons


Les contrefaçons (imitation de produits de marque, usurpation de marque, etc.) sont
aujourd'hui industrialisées. Des groupes de criminels puissants, disposant de
capitaux, d'une logistique de transport et de moyens de pression (menaces,
assassinats) font fabriquer de faux produits de marque dans tous les domaines :
textile, maroquinerie, pièces détachées, horlogerie, pharmacie, etc., pour les
revendre ensuite dans tous les pays. Leur chiffre d'affaires mondial est estimé à des
centaines de milliards de dollars par an et sert parfois à financer le terrorisme.

La mondialisation facilitant les échanges de marchandises et d'argent, la contrefaçon


en profite. On estime à 30.000 le nombre d'emplois perdus en France du fait de la
contrefaçon de produits de marque français et à 43% la proportion de logiciels
utilisés en entreprise, en France, après copie ou réinstallation violant la licence.

A part l'imitation pure et simple de produits, la plupart du temps en Asie, il y a aussi


des sous-traitants de multinationales qui fabriquent un peu plus de produits de
marque que ceux qui lui ont été commandés, pour les écouler ensuite par
l'intermédiaire de réseaux criminels. Certains de ces produits sont dangereux :
médicaments inefficaces, mal dosés ou constituant des poisons, pièces détachées
d'automobile ou d'avion qui peuvent s'user plus vite et casser en provoquant un
accident, vins frelatés, etc.

1.6.10.5 Le silence coupable des médias sur les sujets économiques majeurs
La mondialisation est un sujet commode pour les polémiques idéologiques, où
chaque partie défend en fait sa vision de la société. Mais ces polémiques sont peu
importantes à côté des grands problèmes économiques de la France, que ni les
gouvernements successifs ni les médias n'abordent. Leur silence prive les Français
des informations indispensables pour leurs choix politiques. Ceux-ci ne savent pas,
alors, reconnaître l'absurdité de certaines propositions politiques, le caractère
illusoire des promesses de progrès qui les accompagnent. Voici des exemples de
sujets non abordés de manière pédagogique par les médias ou les candidats. Il s'agit
de problèmes importants, qui conditionnent aujourd'hui l'avenir économique du pays.

1.6.10.5.1 La France ne travaille pas assez


Au pouvoir, la Gauche a basé sa réforme des "35 heures", la "Réduction du Temps
de Travail" (RTT), sur une aberration économique tellement colossale qu'aucun autre
pays n'a fait comme nous. Elle a pensé :
 Qu'il n'y avait pas assez de travail pour tous les salariés (première erreur,
dénoncée par tous les économistes étrangers, qui se sont moqués de la
France) ; pourquoi y en a-t-il assez au Royaume-Uni, en Irlande, etc. ?
 Donc qu'il fallait répartir le travail disponible entre davantage de salariés, par
souci d'équité, donc empêcher certains de trop travailler pour laisser du travail à
d'autres (deuxième erreur).

109
Et, par idéologie égalitaire, elle a imposé à toutes les professions la même limite : 35
heures par semaine. Ce fut là une troisième erreur, la limite s'avérant inapplicable
dans certaines professions comme l'hôtellerie-restauration et les hôpitaux, de par la
nature même de l'activité ou le manque de personnel.

Le fait que la quantité de travail disponible n'est pas limitée est attesté par tous les
autres pays, notamment ceux qui réussissent beaucoup mieux que nous, tout en
travaillant davantage et en ayant moins de chômeurs : USA, Royaume-Uni, Irlande,
etc. (voir les statistiques [73] et [74]). A contrario, l'Allemagne qui travaille moins
d'heures que nous (1444 heures par an contre 1545) a des problèmes de chômage
et de déficit plus aigus que les nôtres. Les médias n'ont pas dénoncé l'absurdité de
cette "limite du travail disponible", ni le lien entre travailler moins et produire moins de
richesses, donc s'appauvrir.

Ils n'ont pas, non plus, expliqué en détail ce que coûtent la RTT et ses mesures
d'accompagnement : 10 à 15 milliards d'euros par an. Sachant que selon les
socialistes eux-mêmes (voir [77]) cette dépense a permis de créer 400.000 emplois,
chaque emploi a coûté et coûte encore 25.000 à 37.500€ par an, plus donc que de
payer son bénéficiaire à ne rien faire ! Les médias n'ont pas expliqué que l'Etat ne
peut créer que des infrastructures propices à la création d'emplois, la création de
vrais emplois productifs étant réservée aux entreprises, qui ont empoché l'argent de
la RTT en tant qu'aubaine.
 Les médias n'ont pas expliqué qu'en empêchant des gens de travailler plus
d'heures qu'une limite arbitraire, on limite la création de richesses, ce qui
appauvrit la nation. Et on favorise le travail au noir.
 Ils n'ont pas expliqué que cette limitation diminuait pour beaucoup de salariés
modestes leur nombre d'heures supplémentaires, donc leurs revenus.
 Ils n'ont pas expliqué que les employeurs feraient l'impossible pour ne pas
embaucher de personnel supplémentaire, préférant d'abord réorganiser le travail
pour le rendre plus productif, donc souvent plus stressant pour les salariés (voir
[89]).
 Ils n'ont pas expliqué l'impossibilité d'appliquer la même limite d'heures à toutes
les catégories de salariés, dans toutes les entreprises, comme l'impossibilité de
faire respecter cette limite par la totalité de ses propres fonctionnaires.
 Ils n'ont pas rappelé une évidence : il n'existe pas de fraction de salarié, donc
partout où la RTT entraînerait l'embauche de salariés, le nombre en serait limité
à l'entier inférieur - lorsqu'on trouve le personnel nécessaire, bien entendu.
 Enfin, ils n'ont pas prévu que les entreprises profiteraient de l'occasion pour
négocier et obtenir des horaires plus souples, qui leur permettraient une
meilleure productivité et des économies de personnel.

La télévision n'a jamais organisé, à propos de la RTT, de grande émission


pédagogique expliquant ce qui précède. Elle n'a pas, non plus, présenté de
comparaison détaillée entre la situation du travail en France et chez ses voisins
européens. Si les Français avaient pu connaître les résultats des comparaisons [74]
et [75], ils auraient vu l'absurdité de la situation créée :

110
 Les Français ont une carrière 10% plus courte que les Anglais ; en moyenne, ils
travaillent 4 ans de moins qu'eux.
 Les Français travaillent chaque année 10% de moins que les Anglais, 1545
heures contre 1710. Cela se voit sur le graphique suivant extrait de [129] :

Durée annuelle du travail par employé (ensemble de l’économie, en heures)

 Le taux d'activité des Français est environ 10% inférieur à celui des Anglais, qui
sont donc plus nombreux que nous à travailler, donc à produire des richesses.
 L'Angleterre favorise l'activité des entreprises et l'emploi, avec un taux moyen de
charges sociales de 11% du salaire brut, alors qu'en France il est de 53%.

C'est cette différence d'activité qui fait que le Royaume-Uni a une croissance
économique bien supérieure à celle de la France et moitié moins de chômeurs.

Les chiffres anglais ci-dessus sont même tellement meilleurs que les chiffres français
correspondants, qu'on peut se demander pourquoi la différence de PIB entre les
deux pays n'est pas encore plus grande en faveur de l'Angleterre. La réponse est
simple : la productivité des Français qui travaillent est très supérieure (la richesse
qu'un Français produit en une heure, 33,72$ est bien plus grande que celle que
produit un Anglais, 27,45$). A l'évidence, les Français travaillent plus dur et sont
mieux organisés. Leur productivité est, d'ailleurs, la meilleure du monde après celle
des Américains : (34,55$ par heure, selon La guerre des deux France - Celle qui
avance et celle qui freine [125] page 91 et selon l'étude de la Banque de France de
janvier 2004 [129]).

Et la comparaison de la France avec l'Irlande est encore plus étonnante : encore plus
de croissance, moins de chômeurs et un meilleur niveau de vie !

111
Pourquoi la télévision ne nous dit-elle rien de nos voisins, qui ont pourtant bien des
recettes de succès à nous apprendre ?

Voir aussi le rapport [124] établi à la demande du gouvernement Jospin (accablant !).

Le poids économique de la France dans l'Union européenne a baissé depuis 1999


La différence de performance économique entre la France et ses partenaires de
l'Union européenne est confirmée par l'article [84] page 1, où on apprend que, tous
les 5 ans, la Banque centrale européenne (BCE) réévalue la proportion de son
capital à souscrire par les divers pays membres. Cette proportion varie en fonction
de l'évolution du PIB et de la population de chaque pays : lorsqu'elle augmente, c'est
que le poids relatif de l'habitant moyen du pays dans l'économie européenne a
augmenté, sinon c'est qu'il a diminué. Voici quelques résultats :
 Le poids de la France a diminué de 0,3162% ;
 Le poids de l'Allemagne a diminué de 1,0895% ;
 Le poids du Royaume-Uni a augmenté de 1,2953% ;
 Les poids de l'Espagne, des Pays-Bas et surtout de l'Irlande ont augmenté.

Evolution d'une économie industrielle à une économie de services


La télévision n'a pas expliqué un changement fondamental intervenu dans
l'économie des pays avancés depuis une vingtaine d'années : le passage d'une
société industrielle à une société de services. Aujourd'hui, beaucoup plus de gens
ont une activité de services qu'il y a vingt-cinq ans, à tel point que, selon [99], le
nombre d'emplois industriels est passé de 5,6 millions en 1980 à 3,7 millions en
2002, la part de l'industrie dans le PIB ayant reculé dans le même temps de 20,5 à
14% :
 Il faut de moins en moins de gens pour fabriquer les articles dont nous avons
besoin, la productivité augmentant grâce à une meilleure automatisation,
davantage d'informatique et une spécialisation plus poussée des entreprises.
 Il faut de moins en moins d'usines chez nous, à cause de la productivité et de la
délocalisation.

Sur le plan social, cette évolution vers une économie de services se traduit par une
évolution bien plus rapide des métiers, des activités et des lieux de travail.
Contrairement à l'industrie, caractérisée par des activités évoluant lentement, les
activités des services sont bien plus évolutives. La majorité des contrats de travail
doivent aujourd'hui tenir compte de cette évolutivité, en prévoyant une souplesse de
plus en plus grande :
 Changements plus fréquents de métier, un même travailleur pouvant en
pratiquer trois ou quatre dans sa vie active.
 Formation continue, tout au long de la vie, pour améliorer et adapter
l'employabilité de chacun à l'évolution des métiers.
 Changements plus fréquents d'employeur, pour profiter d'opportunités de
carrière, d'où le besoin d'une législation facilitant embauches et démissions.

112
 Licenciements plus faciles, pour pouvoir plus facilement embaucher, d'où le
besoin de législation adaptée, comme les "Contrats de projet" (où la durée du
contrat de travail est celle d'un projet).

Tous les pays de l'Union européenne ont compris cette évolution vers une économie
de services, à l'exception de la France et, sauf depuis début 2004, l'Allemagne. Il est
pourtant indispensable que la télévision, média de masse, l'explique aux Français,
pour qu'ils en tirent les conséquences : effort de formation permanente et fin des
luttes d'arrière-garde des syndicats non-réformistes, restés au modèle social "classe
ouvrière" du XIXème siècle et refusant tout changement.

Je suis frappé par le refus de certains d'accepter ce phénomène, pourtant inéluctable


de nos jours, de changement plus fréquent d'activité et d'employeur : ils le baptisent
"précarisation". Pourtant, cette évolutivité qu'ils refusent pour les salariés, ils
l'acceptent :
 pour des artisans, qui n'ont souvent qu'un ou deux mois de travail d'avance,
sans indemnité de chômage lorsqu'ils manquent de contrats (mais il n'en
manquent guère : combien faut-il attendre l'intervention d'un plombier ?) ;
 pour des travailleurs saisonniers, qui changent de métier au moins deux fois par
an ;
 pour les professions libérales : médecins, avocats, etc.

A l'évidence, pour eux, les salariés à contrat CDI classique ont, comme les
fonctionnaires, des droits que d'autres travailleurs n'ont pas.

Voir aussi, sur la politique de l'emploi des gouvernements français, l'étude [138].

1.6.10.5.2 Les Français sont de plus en plus un peuple d'assistés


D'après l'étude officielle [128] :
"Les transferts sociaux contribuaient ces dernières années à près du tiers à la
formation du revenu brut des ménages et constituent, après les salaires (environ
60 %), le second poste de ressources des ménages français. On notera, du
reste, qu’en une génération la part des transferts sociaux a augmenté passant
d’environ 25 % à la fin des années soixante-dix à environ 30 % au début des
années 2000."

113
On le voit sur le graphique suivant extrait de l'étude [128] :

"Selon une autre source (INSEE – «Revenu des ménages dans les régions» in
INSEE Première, n° 436, mars 1996), l’importance des revenus de transfert varie
en métropole entre 32,5 % pour l’Alsace et 44,2 % pour le Limousin ou même
47,1 % pour la Corse, pour une moyenne de 36,1 % pour la France
métropolitaine."
Avec une population qui vieillit, il y aura de moins en moins d'actifs pour payer toutes
ces allocations, et en plus ils auront à rembourser une dette nationale de plus en
plus énorme.

Pourquoi le gouvernement et les médias ne nous disent-ils rien de tout cela,


pourquoi nous laissent-ils nous enfoncer dans ce cul de sac ?

1.6.10.5.3 Une dette insupportable pour nos enfants et qui empêche


l'investissement
Les largesses du gouvernement Jospin ont distribué un argent qu'il n'avait pas, pour
lequel il s'est endetté, voir [76], [109] et [118]. Et, au début de 2004, le gouvernement
Raffarin n'avait pas encore inversé la tendance : la dette des administrations
publiques françaises augmentait toujours et augmentera encore pendant plusieurs
années. En 2003, la France a dû emprunter 28,1 milliards d'euros pour financer ses
dépenses courantes, cette somme n'étant affectée à aucun investissement.
Actuellement, à eux seuls, les intérêts annuels payés par les contribuables pour la
dette de 1000 milliards d'euros de l'Etat représentent 50 milliards d'euros (830 € pour
chacun des 60 millions de Français, les trois quarts de l'impôt sur le revenu). Et à
cette dette de 1000 milliards s'ajoutent les 700 milliards d'euros de droits acquis par
les fonctionnaires pour leurs retraites !

Lorsque nos enfants entreprendront de rembourser cette énorme dette, ils auront en
plus à payer nos retraites, dont le financement n'est pas encore complètement
assuré, malgré la réforme du gouvernement Raffarin. Il est très probable qu'ils seront
moins nombreux que nous, donc que chacun paiera encore plus. La charge fiscale
deviendra si énorme qu'elle découragera de nombreux Français, les plus capables,
qui préféreront émigrer : dans 20 ans, ce n'est pas la misère qui causera l'émigration

114
comme il y a un siècle, c'est la pression fiscale et la stagnation économique qu'elle
entraîne.

Pire, même : les emprunts faits par l'Etat pour ses dépenses courantes excessives
sont financés par des investisseurs actuels, pas futurs. L'argent de ces investisseurs
ne va pas à des investissements productifs (infrastructures, recherche et
développement, outils de production, etc.) mais à des salaires de fonctionnaires et
des transferts sociaux (chômage, assurance maladie, allocations, etc.). La France
investit donc moins qu'elle devrait pour rester compétitive et préparer son avenir.

En outre, l'importance des emprunts de l'Etat fait monter les taux d'intérêt, ce qui
pénalise les entreprises qui voudraient emprunter pour investir. En rémunérant
correctement les emprunts publics, l'Etat rend moins intéressants pour les
investisseurs les placements en actions, plus risqués : les entreprises disposent donc
de moins de capitaux pour se développer, donc leur croissance est plus lente et elles
embauchent moins. En résumé, les gouvernements successifs s'achètent de la
popularité en dépensant un argent emprunté, au détriment des investissements
productifs et de la création d'emplois, et en forçant les générations suivantes à
rembourser !

Enfin, constatant que l'économie ne croît pas et ne fait pas baisser le chômage, les
gens sont inquiets : au lieu de dépenser leur argent (ce qui ferait marcher les
affaires) ils l'épargnent et prêtent leurs économies à l'Etat, qui les gaspille. Il y a là un
cercle vicieux.

Voilà ce que nos médias et nos gouvernements auraient dû nous dire, et qu'ils ont tu.

Remarque : les Etats-Unis ont, eux aussi, un gros problème non résolu de
croissance de la dette de l'Etat fédéral : voir [87].
1.6.11 Médias et valeurs de notre société
Notre société souffre de la dévalorisation du savoir, du travail et de la tolérance : voir
"La France : pays figé, société démoralisée"
http://www.danielmartin.eu/Cours/Sinistrose.htm .
On s'aperçoit du peu d'estime actuel pour le savoir et le travail en considérant le
nombre insuffisant d'étudiants en sciences, disciplines où il faut travailler dur. On s'en
aperçoit aussi dans certaines cités de banlieue, où celui qui sait est rejeté par une
majorité qui cultive l'ignorance. Le manque de tolérance se mesure à l'intensité du
débat national sur "le voile islamique" et "le communautarisme", et l'énergie qu'il a
ainsi gaspillée.

A force de travailler peu, notre pays sera dépassé par des pays aujourd'hui plus
pauvres mais plus courageux, situés en Europe de l'Est ou en Asie. Leurs
ressortissants viendront chez nous prendre les postes que nous n'avons pas le
courage de remplir. Plus actifs et plus riches, ils risquent d'imposer leurs valeurs à
notre peuple, devenu passif car vieillissant et moins fortuné. Avec davantage de
scientifiques et d'ingénieurs, ils nous imposeront leurs technologies et nous devrons
payer pour importer leurs articles et exploiter leurs brevets.

115
A force de mépriser la compétence et le travail, nous risquons d'oublier que la
sauvegarde de nos emplois passe par une formation continue qui exige de chaque
personne un effort constant, pendant des années. Compléments : voir [68].

A force d'intolérance, nous n'arriverons pas à profiter des ressources d'une partie de
la population, à la fois parce que nous la rejetons, nous n'osons lui confier certaines
tâches, et nous gaspillons notre temps à polémiquer sur l'intégration et les droits
respectifs.

Les médias peuvent jouer un rôle important pour nous éviter une telle évolution, en
diffusant des images valorisantes du savoir, du travail et de la tolérance. Il faut
profiter de ce que beaucoup de jeunes apprennent à la télévision les repères de
notre société.

Il y a déjà des émissions qui vont dans le bon sens, comme "L'instit" et "Docteur
Sylvestre", il en faudrait beaucoup plus. Il faut des jeux où ceux qui savent et ceux
qui se dépassent sont vraiment valorisés, comme "La tête et les jambes" d'il y a
quelques années. Il faut des films valorisant les aventures scientifiques et techniques
comme la course à l'espace, la construction des grands paquebots et la recherche
en biologie. Il faut aussi des films valorisant ceux qui travaillent dur et montrant leur
ascension sociale. Et il faut moins de films et d'émissions montrant des marginaux,
des déviants sexuels et des voleurs sous un jour sympathique.

Puisque le gouvernement subventionne des films d'expression française, ne peut-il


imposer un petit quota de scénarios valorisant la connaissance et l'effort
persévérant ?

Si nous parvenons à faire évoluer la valeur sociale du savoir, un certain nombre de


gens auront soin d'augmenter leur culture économique et politique, donc voteront
mieux. Alors la démocratie y gagnera et notre pays sera mieux gouverné.

Pour une autre perspective sur la valeur du travail, voir aussi [74].
1.6.12 Médias et idéologie
Les médias ne font guère leur travail d'information politique lorsqu'il s'agit de
combattre des idées fausses très répandues. Ils choisissent des faits, des
événements ou des idées à diffuser selon la valeur que leur confèrent les filtres
précités. De telles idées perdurent donc, se renforçant même souvent dans l'esprit
des citoyens avec le temps qui passe. Ceux-ci croient alors à des choses fausses et
votent en conséquence.

1.6.12.1 Exemple du "droit au travail" réclamé par des politiciens français


J'ai entendu plusieurs fois, dans la bouche de politiciens français, des déclarations
qui impliquent l'existence d'un tel droit, comme s'il était naturel dans notre société.
Jusqu'au président Chirac, qui a parlé :
 Lors de ses vœux aux Français du 31/12/2003 à 20 heures :
"...d'instaurer de nouveaux droits au reclassement..."
"...de créer pour les jeunes de 16 à 24 ans un véritable droit à l'activité."

116
 Lors de son discours [86] du 06/01/2004 sur la Loi de mobilisation pour l'emploi,
où il a déclaré :
"... il est temps d'instituer, pour tous les salariés, de nouvelles garanties en
matière de reclassement..."
"...Nous devons répondre aux difficultés d’entrée dans la vie active des jeunes
de 16 à 24 ans en instaurant pour eux un véritable droit, droit à l’activité, à la
formation ou à l’emploi..."

Voici trois exemples de commentaires que les médias auraient dû faire au sujet de
ces prétendus droits, pour ne pas laisser aux citoyens l'illusion qu'ils existent ou
peuvent être créés.

1 - Commentaire sur l'attitude de chacun face au chômage


Le message sous-jacent du discours du président Chirac est :
Chômeurs, l'Etat vous materne, s'occupe de vous donner le travail auquel vous
avez droit, ou de remplacer celui que vous avez perdu.
Il aurait mieux valu qu'on dise aux chômeurs :
Prenez-vous en charge, et l'Etat vous aidera à trouver ou retrouver un travail.
Le second message encourage explicitement les chômeurs à être actifs, ce que le
premier ne fait pas. Le premier message propage l'idée fausse que l'Etat peut créer
les emplois nécessaires à tous les chômeurs et que chaque personne peut en
attendre un de lui.

Les médias auraient dû faire ce commentaire parce que la France est dans l'Union
européenne, qui a clairement et explicitement opté pour une économie libérale, et
qu'en ne le faisant pas on laisse perdurer une illusion.

Nous verrons un peu plus bas la politique de l'Union européenne concernant les
droits de l'homme en matière de chômage.

2 - Comparaison avec les solutions d'autres pays européens


Le président Chirac n'indique pas de solution précise pour mettre en pratique le droit
au travail qu'il promet. On peut en chercher dans les pays européens qui ont peu de
chômeurs, pour voir comment ils s'y prennent : Suisse, Irlande, Suède, etc.
L'exemple du Royaume-Uni, qui a la même population que la France mais seulement
5% de chômeurs, est particulièrement intéressant.
Les Anglais s'engagent à payer des indemnités de chômage à un salarié qui
vient de perdre son travail pendant 6 mois seulement, période pendant laquelle
l'agence gouvernementale pour l'emploi doit lui proposer 4 postes pour lesquels
il est qualifié. S'il les refuse tous les quatre, ou s'il en accepte un qu'il garde très
peu de temps, il est radié de la liste des chômeurs et n'est plus indemnisé, ce qui
le met dans une situation grave.
Un chômeur est donc fortement incité à accepter et conserver un des emplois
qu'on lui a ainsi proposé, et ce d'autant plus que les indemnités de chômage
sont nettement plus faibles qu'en France. S'il a accepté un poste à contre-cœur,

117
il peut toujours en chercher un autre tout en travaillant ; le faible taux de
chômage lui donne bon espoir.
Bien entendu, les emplois qu'on lui propose sont aussi proches que possible de
l'optimum : ils exploitent au mieux ses compétences et se trouvent le plus près
possible de son domicile. Mais si un tel emploi ne peut être trouvé en quelques
mois ou à proximité, le chômeur se verra proposer des emplois pour lesquels il
est surqualifié ou situés plus loin, et il devra en accepter un sous peine de perdre
ses indemnités.

Un syndicaliste français jugera forcément cette solution "ultralibérale", c'est-à-dire


cruelle pour les salariés car trop contraignante. Il demandera qu'en France, au
contraire, l'Etat solidaire indemnise décemment un chômeur et le fasse aussi
longtemps qu'il n'a pas trouvé un travail qui lui convient. La solution française
actuelle, généreuse pour les chômeurs, est plus coûteuse pour la nation et
génératrice d'injustices à l'égard des citoyens dont l'activité paie les chômeurs. En
effet, un chômeur qui n'a pas de compétence, ou pas de compétence pour laquelle il
existe un emploi à proximité, pourra ainsi rester longtemps à la charge de la
collectivité, ce qui encourage le parasitisme.

La mentalité française, illustrée par les notions de droit au travail et d'Etat qui
s'occupe de tout, encourage un tel parasitisme. La mentalité anglaise, au contraire,
encourage les gens au pragmatisme, à l'adaptation aux réalités économiques ; et elle
ne laisse pas une personne vivre indéfiniment aux frais de la société. La différence
entre les deux mentalités est très nette dans le cas des intermittents du spectacle,
statut impensable en Angleterre.

Entre les deux solutions, celle du Royaume-Uni et celle de la France de 2003, il n'y a
pas photo, comme on dit : les Anglais ont deux fois moins de chômeurs, leur niveau
de vie est supérieur et croît plus vite que le nôtre.

Tant que la solution préconisée par le président Chirac n'est pas connue en détail, on
peut toujours imaginer qu'elle ressemblera à la solution anglaise, le droit au travail ou
au reclassement consistant à un engagement de l'Etat à proposer un nombre réduit
de postes avec obligation d'en choisir un et de le conserver...

3 - Accorder un doit au travail est une erreur économique


La solution du Royaume-Uni consiste à inciter fortement les chômeurs à reprendre
un emploi disponible, qu'on leur offre à partir de listes. Elle a pour but de diminuer le
nombre de chômeurs (l'offre de travail) sans augmenter le nombre de postes (la
demande de travail). La France la pratique déjà, bien que de manière moins brutale,
grâce à l'ANPE et au dispositif du RMA.

La proposition du président Chirac sous-entend la création de postes, qui est


possible de deux manières : dans le secteur économique marchand et dans le
secteur non-marchand. Le texte qui suit s'appuie sur [90].

Définitions de ces secteurs


Le secteur marchand regroupe toutes les activités produisant des biens et
services qui ont un prix de marché.

118
Le secteur non-marchand regroupe l’ensemble des activités produisant des
biens et services auxquels on ne peut associer un prix de marché en rapport
avec leur coût de production, car leur financement ne dépend pas entièrement
de leur vente sur le marché, mais est partiellement assuré par des contributions
obligatoires (impôts, taxes) et volontaires (dons, cotisations ou main d'œuvre
bénévole). On y trouve :
 le secteur public et les services assimilés : administrations de l'Etat et des
collectivités territoriales, hôpitaux, transports publics, qui représentent entre
5 et 7 millions d'agents, selon le périmètre d'activité considéré ;
 les entreprises de l'économie sociale, comme les coopératives, les
associations et les mutuelles ayant une activité de production de biens ou de
services.
En France, le secteur de l’économie sociale représente presque deux millions de
salariés et plusieurs dizaines de milliers d’entreprises.
 Les mutuelles d’assurance y détiennent plus de 30% du marché de
l’assurance automobile, plus d’un Français sur deux est adhérent d’une
mutuelle de santé pour sa couverture sociale complémentaire de la Sécurité
sociale, la quasi-totalité des agriculteurs adhèrent à une coopérative.
 Dans le domaine bancaire, les établissements coopératifs (Crédit agricole,
Crédit mutuel, Banques populaires, Crédit coopératif) sont parmi les plus
importants.
Banques et assurances mutuelles sont aussi parmi les plus performants, si l'on
veut bien ne pas tenir compte de l'absence de rétribution d'un capital, les
bénéfices étant réinvestis ou déduits des cotisations.

Avantages et inconvénients de ces deux modes de création d'emplois


 Dans le secteur marchand, les mesures de création d’emplois engendrent de
nombreux effets pervers :
 Effet d’aubaine, lorsque les embauches auraient été réalisées de toute
façon : dans ce cas, les subventions sont gaspillées ;
 Effet de substitution, lorsque les mesures conduisent simplement les
entreprises à substituer l’embauche de chômeurs à d’autres embauches :
gaspillage, dans ce cas aussi ;
 Effet d’éviction, lorsque les mesures détruisent des emplois dans les
entreprises ne profitant pas des subventions pour l’emploi, par un effet de
concurrence : l'effet peut être pire que du gaspillage, il peut être destructeur
net d'emplois par la faillite d'entreprises déstabilisées qui licencient tout leur
personnel.
Exemple : chaque fois qu'on met en place une "zone franche", où des
entreprises bénéficient de franchises fiscales, ces entreprises font une
concurrence dure aux entreprises des zones non-franches du voisinage, les
menant parfois à la faillite : certains chômeurs embauchés en zone franche
ont été remplacés par d'autres en zone non-franche, parfois plus nombreux.
Ces effets réduisent très fortement l'impact des mesures sur les créations nettes
d’emplois dans l’économie, malgré leur coût élevé. Néanmoins, dans certains

119
cas, ce type de dispositifs permet de favoriser l’embauche de publics prioritaires
et les baisses de charges favorisent un peu la demande de travail non qualifié.
En rapprochant les niveaux de chômage et la proportion du PIB consacrée à ces
mesures dans divers pays, on s'aperçoit que les pays à chômage faible ne les
ont que très rarement utilisées pour réduire ce chômage. C'est ainsi qu'aux
Etats-Unis, qui consacrent 0,4% de leur PIB à lutter contre le chômage, il y a
moins de 6% de chômeurs et le pays n'a pratiquement jamais recouru à ce type
de mesure. Dans l'Euroland, où le pays qui dépense le moins pour lutter contre
le chômage est l'Espagne, avec 2,3% du PIB (presque 6 fois plus que les USA),
le chômage est nettement plus élevé.
En conclusion, subventionner des emplois dans le secteur marchand est une
erreur économique. L'Etat ferait mieux, avec les mêmes crédits, de créer des
infrastructures qui favorisent l'implantation et le développement d'entreprises ; il
pourrait aussi accorder des incitations fiscales à l'investissement, car les
croissances des investissements engendrent des embauches dans les mois qui
suivent. Il pourrait aussi aider la recherche, où le sous-investissement de notre
pays handicape l'avenir.
 Dans le secteur non-marchand, les mesures semblent plus efficaces en termes
d’emploi, en dépit d’un coût élevé. Les effets d’aubaine, de substitution et
d’éviction sont réduits, pour ces emplois, puisqu’il s’agit en principe d’emplois
nouveaux qui ne seraient pas créés spontanément dans l’économie
concurrentielle.
Les postes de fonctionnaires conduisent à des emplois stables, mais les salaires
et charges correspondants sont des frais généraux du pays, qui en réduisent la
compétitivité, exactement comme pour une entreprise. Et on constate que plus il
y a de fonctionnaires, plus l'administration est lourde et inefficace, plus elle
s'oppose aux évolutions pour préserver ses privilèges. La France ayant déjà, en
proportion, bien plus de fonctionnaires que tout autre pays de l'Union
européenne, accroître leur nombre pour réduire le chômage n'est pas une
solution. Seuls trois secteurs d'activité justifieraient des créations de postes, par
de meilleurs services à la population que celle-ci accepte alors de payer :
 La justice, où on manque de juges, de greffiers et de surveillants de prison ;
 La police et la gendarmerie, où on manque d'effectifs pour assurer la
sécurité des biens et des personnes ;
 Les hôpitaux, où on manque de personnel soignant mais on a déjà trop
d'administratifs.
En finançant des postes dans le secteur associatif et mutualiste, où une partie
de la main d'œuvre est bénévole, l'Etat peut multiplier l'effet de chaque euro de
subvention, ce qui est a priori intéressant si les biens ou services ainsi produits
apportent quelque chose d'utile au pays.
Le problème de ces emplois du secteur non-marchand est la sortie du dispositif.
Comme on ne peut envisager de subventionner indéfiniment ces emplois à
rentabilité non mesurable, il faut trouver une solution pour chaque travailleur à la
fin de son contrat. C'est ainsi que les "emplois-jeunes" créés pour cinq ans par le
gouvernement Jospin, dans l'Education nationale, des mairies, etc. ne
garantissaient nullement un poste à durée indéterminée, c'est-à-dire un "vrai

120
travail", après. Seule une faible proportion de jeunes y a acquis une qualification
et une expérience leur permettant ensuite de trouver un emploi.
En résumé, à part dans les trois secteurs de la fonction publique cités, la
création d'emplois non-marchands à l'aide de subventions n'est qu'une solution
temporaire. Pour qu'une solution d'emplois créés ou aidés par l'Etat soit durable,
il faudrait qu'elle soit financée par des impôts ; pour que cette dépense soit
rentable pour le pays, ces emplois devraient produire plus de biens ou services
qu'ils ne coûtent : ils seraient donc dans le secteur marchand et entreraient en
concurrence avec les emplois non subventionnés, concurrence
automatiquement déloyale. C'est pourquoi, en économie non-collectiviste, l'Etat
ne peut créer d'emplois durables.

Conclusion sur le droit au travail


Un doit au travail ne peut être accordé sans un coût économique disproportionné par
rapport aux emplois créés. C'est pourquoi un tel droit n'a existé que dans les régimes
communistes, comme ceux de l'ex-URSS, de Cuba ou de Corée du nord, qui n'ont
apporté à leurs citoyens que misère et privation de liberté.

Voilà le genre d'analyse et de commentaires qu'on devrait trouver dans les médias à
propos de promesses aussi importantes que celles du président Chirac dans son
discours sur la Loi de mobilisation pour l'emploi [86]. En l'absence de tels
commentaires, la plupart des citoyens ne sauraient pas qu'elles sont utopiques.

Confirmation : article Mon projet pour l'emploi du Premier ministre J-P Raffarin, dans
le Figaro magazine du 10/01/2004, pages 12 et 13
Quelques jours après le discours [86] du 06/01/2004 du président Chirac, le Premier
ministre a publié un article constituant un catalogue des mesures déjà prises et celles
qu'il compte prendre pour tenir compte des promesses du Chef de l'Etat.

Dans son article on ne trouve ni "droit au travail" ni "droit au reclassement". La seule


phrase de l'article qui s'en approche est :
"Créer une véritable assurance-emploi passe aujourd'hui par le développement
de la formation."
Quels que soient les mérites d'une formation, elle ne constituera jamais à elle seule
une assurance-emploi. Le qualificatif "véritable", qui demande que l'on croie à la
réalité de cette assurance, ne change rien à cette réalité.

Moralité : lorsque MM. Chirac ou Raffarin s'expriment sur des sujets aussi importants
que la lutte contre le chômage, il faut interpréter leurs déclarations à la lumière de ce
qui est possible. On aurait aimé que les médias le précisent, pour que le public -
notamment chaque chômeur qui souffre - ne nourrisse pas de faux espoirs.

Voir aussi : "Chômage : savoir et agir" http://www.danielmartin.eu/Cours/Lutte-


Chomage.htm .

1.6.12.2 Exemple des droits de l'Homme selon ATTAC


Voici un autre exemple de revendication de droits utopiques que les médias
devraient dénoncer comme tels. Il est extrait du site Internet de ATTAC, qui publie
dans sa page Internet [33] le texte suivant :

121
"Le nouveau Traité [de l'Union européenne] devra assurer le respect de la
dignité de tout être humain, en améliorant la Charte des Droits fondamentaux
(droit au logement, droit au travail, droit à un revenu minimum), ..."
Nous allons d'abord analyser ce texte, en comparant les droits demandés par
ATTAC à ceux que prévoient la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne [34] qu'ils citent et la Constitution française [35], puis nous en tirerons
les conséquences sur les propositions d'ATTAC et la nature profonde de cette
association.

1.6.12.3 Comparaison des droits demandés par ATTAC avec les textes officiels
Voici ce qu'on trouve sur ces droits dans la Charte des droits fondamentaux de
l'Union européenne [34] à laquelle ATTAC fait référence :

Article 15 : Liberté professionnelle et droit de travailler


1. Toute personne a le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie
ou acceptée.
2. Tout citoyen ou toute citoyenne de l'Union a la liberté de chercher un emploi, de
travailler, de s'établir ou de fournir des services dans tout État membre.
3. …

Article 34 : Sécurité sociale et aide sociale


1. ...
2. ...
3. Afin de lutter contre l'exclusion sociale et la pauvreté, l'Union reconnaît et respecte
le droit à une aide sociale et à une aide au logement destinées à assurer une
existence digne à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, selon
les modalités établies par le droit communautaire et les législations et pratiques
nationales.

Droit au logement
On constate que l'Union européenne prévoit une aide au logement, pas la fourniture
d'un logement comme le demande ATTAC : ce n'est pas la même chose.

Droit au travail
On constate aussi que l'Union européenne prévoit un "droit de travailler", c'est-à-dire
d'exercer une activité que l'on s'est donné la peine de trouver, pas un "droit au
travail" comme le voudrait ATTAC.

La Charte contient en plus l'article suivant :

Article 29 : Droit d'accès aux services de placement


Toute personne a le droit d'accéder à un service gratuit de placement.

Cet article prévoit une aide gratuite pour trouver du travail, mais toujours pas la
fourniture automatique d'un emploi. Du reste, le Préambule de la Constitution du 27
octobre 1946, cité dans la Constitution française de 1958 [35], contient notamment
les précisions suivantes :
"Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi."

122
En France, chacun a donc le droit d'obtenir un travail après l'avoir cherché et
demandé. Obtenir, pas recevoir : nul ne peut attendre de la société qu'un travail lui
soit attribué sans effort de recherche et d'adaptation de sa part. Il est important de
préciser ce point, car beaucoup de salariés croient, sous l'influence de certains
politiciens, syndicats et journalistes, que l'Etat ou leur employeur leur doivent du
travail, dans leur qualification, avec leur salaire actuel, près de leur domicile actuel. Il
n'en est rien.

Comme la constitution affirme que "chacun a le devoir de travailler", chacun a donc


le devoir de se donner du mal pour trouver un travail. Parfois, pour avoir un travail, se
donner du mal impliquera se former ou déménager.

Droit à un revenu minimum


On constate, enfin, que la Charte ne prévoit aucun "droit à un revenu minimum"
comme le voudrait ATTAC.

Remarques
 La Convention européenne des Droits de l'Homme en vigueur [83] cite beaucoup
de droits, mais aucun droit au logement, aucun droit au travail ou de travailler,
aucun droit à un revenu minimum.
 L'expression "droit au travail" utilisée par ATTAC est présente dans la version
française de la Déclaration universelle des doits de l'homme de1948 de l'ONU
[98], où on trouve dans l'article 23 :
"Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail…"
Mais cette version est simplement une traduction inexacte de la version
anglaise :
"Everyone has the right to work, to free choice of employment…"
où il est question de droit de travailler, pas de droit au travail. En anglais, si on
avait voulu dire "a le droit de recevoir un travail" on aurait écrit "is entitled to
work".

1.6.12.4 Conséquences sur les propositions d'ATTAC et sa nature


La société, que ce soit celle définie par la Charte européenne ou par la Constitution
française, a une obligation de solidarité, consistant à :
 aider les chômeurs à se former et à chercher du travail ;
 aider financièrement les gens démunis à payer le logement qu'ils ont trouvé.

Aucun texte européen ou français n'oblige l'Etat à fournir un travail, un logement et


un revenu à tous : que ceux qui se bercent d'illusions le sachent. Du reste, si de tels
droits existaient, les chômeurs, les mal logés et les sans ressources pourraient faire
un procès à l'Etat pour le forcer à respecter ces droits !

Les droits de chaque citoyen au travail, au logement et au revenu minimum que


réclame ATTAC ne peuvent s'adresser qu'à l'Etat, car on ne voit pas comment un

123
citoyen pourrait se tourner vers un particulier, une association ou une entreprise
privée pour réclamer ce genre de dû.

ATTAC demande donc en fait que l'Union européenne modifie ses textes
fondamentaux pour devenir une société où l'Etat est en mesure :
 De fournir un travail à tout citoyen qui en demande, dans son métier et si
possible dans sa région, car ce citoyen a droit à ce travail. Seul un Etat présent
dans tous les secteurs d'activité et toutes les régions pourrait fournir un tel
travail.
 De fournir un logement à tout citoyen qui le lui demande, dans la région où il
veut vivre. Seul un Etat disposant d'un énorme parc immobilier pourrait satisfaire
ce droit.
 De fournir un revenu minimum à tout citoyen. Seul un Etat disposant de
beaucoup d'argent pourrait satisfaire ce droit.

On voit que l'Etat réclamé par ATTAC serait présent dans tous les domaines
d'activité économiques. Les entreprises publiques d'un tel état seraient en
concurrence avec les entreprises privées, si celles-ci existaient, ce qu'ATTAC ne dit
pas. Une telle concurrence est une absurdité économique, vu la différence de
puissance financière entre entreprises publiques et privées, la possibilité de l'Etat de
faire les lois qui l'arrangent au détriment de ses concurrents privés, les relations
client-fournisseur inégales qui existeraient entre entreprises publiques et privées.

On voit facilement qu'une économie ne peut pas, non plus, être entièrement basée
sur des organisations d'économie solidaire, comme les coopératives, les
associations et les mutuelles, parce que celles-ci refusent la productivité au profit des
services rendus. Un constructeur d'automobiles ou d'avions, par exemple, ne peut
avoir une forme juridique d'association, de coopérative ouvrière ou de mutuelle.

En fait, la seule forme d'économie compatible avec les désirs d'ATTAC est une
économie collectiviste, où l'Etat est propriétaire des moyens de production et des
logements, et tous les citoyens sont ses salariés. Cette préférence est explicitement
énoncée par les altermondialistes du Forum Social Européen, qui adhère à la Charte
des Principes du Forum Social Mondial [40] et dont ATTAC est le principal
organisateur : ceux-ci veulent une économie basée sur la solidarité au lieu de la
concurrence ; en voici des preuves extraites de leurs textes :
Charte des Principes du Forum Social Mondial [40] point 4 :
"4. Les alternatives proposées au Forum Social Mondial s'opposent à un
processus de mondialisation capitaliste commandé par les grandes entreprises
multinationales et les gouvernements et institutions internationales au service de
leurs intérêts. Elles visent à faire prévaloir, comme nouvelle étape de l'histoire du
monde, une mondialisation solidaire qui respecte les droits universels de
l'homme..."
Dans Les 21 exigences d’ATTAC pour le «traité constitutionnel [de l'Union
européenne]» [41] :
La 1ère est : "La solidarité doit être une valeur et une norme de l’Union [au lieu de
l'économie concurrentielle]."

124
La 3ème est : "Le libre-échange ne répond pas au bien commun et ne saurait être
un principe de l’Union [européenne]."

Le type de société collectiviste voulu par ATTAC porte un nom : c'est une société
communiste. Et, avec ses dizaines de milliers de membres, ATTAC est en fait un
parti communiste qui n'avoue pas sa nature.

Il est intéressant de noter qu'ATTAC s'interdit d'utiliser cet adjectif, sans doute parce
qu'il évoque des systèmes économiques qui ont tous échoué, tout en privant leurs
peuples de liberté.

On peut aussi noter qu'ATTAC propose d'atteindre ce communisme sans révolution


et sans violence, en faisant évoluer la société libérale actuelle, que l'association
propose de modifier au niveau de ses textes fondamentaux. Malheureusement,
comme l'a montré Karl Marx dans sa science du matérialisme historique [36], c'est
impossible : seule une révolution peut renverser la société capitaliste. Et cette
société faisant progresser le niveau de vie de sa population, contrairement à ce
qu'avait prévu Marx et à ce qui s'est passé dans les pays communistes, les citoyens
ne la renverseront pas pour aller vers le communisme. Aucune démocratie prospère
comme la nôtre n'a jamais basculé dans le communisme, ni lors d'élections ni par
une révolution.

1.6.12.5 Une carence d'information qui fausse le jugement des électeurs


Ces propositions d'ATTAC sont donc utopiques et fallacieuses. Des millions de
Français, qui ont voté pour LO, LCR, PT, Les Verts ou le PC, les croyant réalistes, il
est indispensable en démocratie que la télévision (c'est-à-dire la première source
d'information) expose les arguments contraires ci-dessus, pour que les
téléspectateurs puissent y réfléchir et prennent position en toute connaissance de
cause lors des scrutins.

Les gouvernements successifs ne faisant rien pour éduquer les citoyens en matière
de politique et d'économie (enseignement scolaire, interviews, débats et exposés
télévisés à l'initiative de politiciens) c'est aux médias qu'il appartient de le faire, et ils
ne le font pas. Leur logique est :
 Il vaut mieux conserver des spectateurs, des auditeurs et des lecteurs, en les
divertissant. D'où, aux journaux télévisés du soir, dans des quotidiens comme Le
Parisien [37] et des magazines comme Paris Match [38], un maximum de temps
consacré aux faits divers générateurs d'émotion ("Le poids des mots, le choc des
photos"), au détriment des informations de politique ou d'économie.
 Lorsqu'on est obligé de parler de politique, il vaut mieux diffuser des informations
conformes aux idées du public, même fausses, que de risquer de le choquer,
donc de le perdre, en lui disant la vérité. (Hélas, trop de gens refusent d'entendre
des arguments opposés à ce qu'ils croient a priori. Voir aussi à ce sujet le
paragraphe "On n'écoute que ceux qui pensent comme nous").

Donc les médias empêchent un bon fonctionnement de la démocratie lorsqu'ils


propagent ou laissent perdurer la désinformation sur des sujets politiques et
économiques majeurs. Mal informés, les citoyens votent alors contre leur intérêt réel.
Exemple : à cause de croyances comme les "droits" ci-dessus, beaucoup de gens

125
votent contre l'Union européenne, et se dressent contre les engagements de la
France, qui a signé des textes clairement libéraux (traités de l'Union européenne,
accords OMC).

C'est aussi parce qu'il y a tant de salariés mal informés des réalités économiques
que la CGT peut se permettre de lutter contre la privatisation d'EDF-GDF, pourtant
incontournable parce qu'inscrite dans les textes de l'Union européenne... et conforme
à l'intérêt des consommateurs.

Cette attitude des médias nuit aussi directement aux entreprises, notamment les
multinationales, dont elle détourne certains clients et certains candidats à
l'embauche. Elle fait le jeu des gauchistes, qui luttent contre notre société libérale
sans pouvoir proposer de politique alternative crédible, c'est-à-dire non-utopique.

C'est parce que nos citoyens ne l'exigent pas que des efforts massifs de réforme de
l'Etat, de formation de haut niveau ainsi que de recherche et développement, ne sont
pas faits chez nous, et ils ne l'exigent pas parce qu'ils ne sont pas informés. Et ce
n'est pas en manifestant plus tard contre des suppressions de postes qu'ils
retrouveront un emploi, car alors il sera trop tard.

La France a de formidables atouts : construction d'avions, de trains, de navires, de


centrales électriques, d'automobiles, agriculture puissante, tourisme, etc. Son plus
grand handicap est l'effort insuffisant de compétitivité et de recherche, dû au manque
de prévoyance de ses citoyens, qui ne préparent pas assez l'avenir parce qu'ils ne le
voient pas arriver. Et ils ne le voient pas arriver parce qu'on ne les en informe pas.
1.6.13 Autoroute et société de l'information
(Les lecteurs qui connaissent bien Internet peuvent sauter directement au
paragraphe Impact sur notre société.)

Depuis le milieu des années 1995 un certain nombre d'enthousiastes nous


promettent, grâce à la disponibilité d'«autoroutes de l'information», l'émergence d'une
«société de l'information». Voyons de quoi il s'agit et ce qu'on peut attendre de ce
média pour la démocratie.

1.6.13.1 Définition : autoroute de l'information ou réseau Internet


Le développement des techniques de communication numérique basées sur des
ordinateurs connectés en réseau a rendu possible la création d'une infrastructure
mondiale de stockage et de diffusion des informations et des messages. Cette
infrastructure mondiale, baptisée «Autoroute de l'information» ou «Internet»,
comprend des millions d'ordinateurs reliés entre eux et offrant les services suivants :
 Stockage des informations dans des ordinateurs appelés serveurs :
 Bibliothèques entières : des millions d'ouvrages littéraires, artistiques,
scientifiques, techniques, etc. sont aujourd'hui stockés et accessibles de
manière gratuite ou payante.
 Musique, vidéos, photos en tous genres.
 Accès à ces informations depuis n'importe quel ordinateur (PC, assistant,
téléphone évolué) relié à un réseau téléphonique (ou parfois à un réseau câblé
de télévision ou à un réseau hertzien) où que ce soit dans le monde. Cet accès

126
comprend de puissantes possibilités de recherche des informations par nature,
mots clés, date, auteur, etc.
 Transmission instantanée et gratuite de messages d'une personne à une autre
ou à de nombreuses autres. Ces messages, le plus souvent textuels, peuvent
aussi contenir des sons, des photos, des vidéos. La longueur du texte transmis
peut varier d'un mot à des milliers de pages. De plus en plus, Internet est aussi
utilisé, en concurrence avec les satellites et les réseaux filaires, pour transmettre
la voix (exactement comme un téléphone, mais à peu près gratuitement) ou la
vidéo (télévision à la demande).

1.6.13.2 Caractéristiques essentielles


Les caractéristiques essentielles de ces services sont analogues à celles du réseau
téléphonique :
 Compatibilité mondiale : n'importe quel téléphone, quelques soient sa date de
construction et sa localisation, permet de parler avec n'importe quel autre,
quelque soit son type et où qu'il se trouve. De même, les données stockées dans
un serveur quelconque peuvent être retrouvées, transmises, recopiées et
visualisées par n'importe quel ordinateur accédant au réseau. Son utilisateur doit
simplement comprendre la langue du texte ou de la vidéo qu'il reçoit.
 Disponibilité permanente, à n'importe quelle heure de n'importe quel jour.
 Prix dérisoire du stockage et de l'accès. C'est ainsi qu'en France, un coût
forfaitaire, communications téléphoniques incluses, de l'ordre de 1€ par jour,
permet d'accéder à autant de données qu'on veut et d'envoyer et recevoir autant
de messages qu'on veut. Bien sûr, ce coût n'est pas dérisoire dans des pays où
les gens vivent avec un ou deux euros par jour et ne peuvent donc même pas
acheter un PC ou disposer de l'électricité et du téléphone : l'infériorité de leurs
possibilités d'accès à Internet par rapport à nous est appelée «fracture
numérique».

1.6.13.3 Impact sur notre vie quotidienne


Voici des exemples d'activités impactées par Internet :
 Commerce électronique, services bancaires, assurances ;
 Démarches administratives, textes législatifs et réglementaires (portail d'accès :
http://www.service-public.fr/) ;
 Télétravail permanent ou occasionnel, télémédecine pour accéder à de la
compétence depuis des lieux reculés (exemple : télédiagnostic
d'électrocardiogrammes depuis l'Inde), commande à distance de processus
industriels, téléaffichage ou télécollecte de données ;
 Messagerie par texte, son ou vidéo, mais hélas, le publipostage non sollicité
(spamming) se développe ;
 Forums de discussion par tableau d'affichage ("news", qui couvrent des dizaines
de milliers de sujets) ;
 Téléchargement de musique, vidéos et jeux, mais hélas, il y a aussi la
pornographie ;

127
 Renseignements culturels et touristiques, réservation et commande de billets ;
 Presse en ligne, avec ses archives ;
 Bibliothèques scientifiques, techniques, économiques, sociales et littéraires,
rapports et statistiques, cours...
 Accélération, simplification et quasi-annulation du coût de l'accès aux
informations, de la communication par messages par rapport à la poste, de la
publication des informations et opinions.

1.6.13.4 Impact sur notre société


Internet est un formidable vecteur d'intégration des personnes entre elles et des
sociétés humaines entre elles. Le réseau abolit les distances et met les mêmes
informations à la disposition de tous. Il permet à une petite entreprise présente sur le
réseau avec un excellent produit de le diffuser rapidement dans tout le monde, sans
avoir besoin de créer un réseau commercial traditionnel avec agences locales. Il
permet à un parti politique de mettre ses idées et propositions à la disposition de tous
ses électeurs pour un coût insignifiant, et de les tenir à jour. Il permet même à un
citoyen isolé de publier ses opinions politiques sur son site personnel.

Et il permet de publier instantanément, c'est-à-dire bien plus vite après un


événement qu'un journal ou même la télévision : comme cette dernière, il permet le
temps réel, par exemple avec une caméra Webcam diffusant instantanément ce
qu'elle voit.

Voici quelques impacts de ce réseau sur notre société :


 Il est pratiquement impossible d'empêcher l'accès aux informations et la
communication par messages, sauf à refuser l'accès à Internet, ce que font
certains régimes tyranniques. D'où la dénonciation facile du mensonge politique
gouvernemental et le recul de la dissimulation d'informations et de la censure.
N'importe qui peut publier ce qu'il veut. N'importe qui peut s'adresser par
message à n'importe qui, au risque de rester sans réponse si sa question est
embarrassante ou son interlocuteur débordé ou impoli (très fréquent en France
avec la classe politique, alors qu'aux USA lorsqu'on écrit poliment à son député
ou sénateur on a toujours une réponse). D'où disponibilité, rapidité et pluralité
des informations, donc formidable progrès de la démocratie. Internet est, avec le
téléphone, un puissant rempart contre la tyrannie.
 Il est difficile d'empêcher la diffusion de publicités émanant de lobbyistes ou
d'entreprises, de fausses nouvelles, de statistiques incontrôlées, de textes et
images immoraux ou incitant à la haine. On trouve aussi très fréquemment, sur
Internet comme dans la presse écrite et l'audiovisuel, des affirmations émanant
de journalistes qui manquent de rigueur : informations déformées faute de
vérification, procès d'intention, exagérations, amalgames, erreurs de jugement,
etc. Chaque lecteur ou auditeur doit donc savoir filtrer ce qu'il reçoit et juger de
sa pertinence. Et si celui qui publie ou envoie des informations veut être cru, il
doit en justifier la véracité en fournissant des références incontestables.
Cette règle entre en conflit avec la règle de dissimulation des sources pratiquée
trop souvent par des journalistes. Un journaliste qui révèle le nom de celui qui lui
a fourni une information peut nuire à son informateur, qui peut par la suite nier

128
l'information ou refuser d'en fournir d'autres. Hélas, certains journalistes abusent
de cette règle pour affirmer sans preuve des choses qui s'avèrent plus tard être
fausses. Ils ont trop l'habitude de demander qu'on les croie sur parole, alors que
nous avons vu à quel point ils désinforment parfois leur public. Quel que soit le
média, celui qui reçoit une information, qu'elle provienne ou non d'un journaliste,
doit donc avoir un esprit critique et s'interroger sur sa vraisemblance, si elle est
importante ou étonnante.
Le réseau Internet est donc à la fois un soutien de la démocratie et un danger
pour elle, par la désinformation qu'il peut propager et par l'absence de recul de
certaines informations, publiées avant d'avoir pris le temps de la vérification et
de la synthèse.
On doit donc conseiller, aux internautes qui cherchent des informations fiables
en matière de politique ou d'économie, de privilégier :
 Les sites qui ont une réputation de qualité de l'information à défendre,
comme ceux des journaux de référence : Le Monde, Le Figaro, The New
York Times, The Washington Post. Ces sites font l'objet d'efforts réels de
ces journaux ; exemple cité par [92] page 73 : la version électronique de
USA Today disposait en 1998 d'un effectif de 100 personnes, dont deux tiers
de journalistes, pour 6 millions de pages vues par jour.
 Les sites d'opinion ou d'information qui justifient celles-ci en donnant leurs
références et en adoptant des prises de position équilibrées, conformes aux
critères de qualité de l'information.
 Internet permettra peut-être un jour la démocratie électronique, c'est-à-dire la
consultation des citoyens sur des sujets en cours de débat. Par Internet, un
citoyen pourrait exprimer son avis ou même voter depuis chez lui ou n'importe
quel point du globe, à n'importe quelle heure ; cela permettrait de le consulter
fréquemment. Mais cette démocratie électronique pose d'énormes problèmes de
sécurité : les éditoriaux The Perils of Online Voting et Democracy at Risk publiés
par The New York Times le 23/01/2004, mettent en évidence des risques de
divulgation du choix d'un citoyen, de modification de ce choix par un pirate, de
votes multiples, de résultats d'ensemble modifiés et de problèmes dus aux
machines à voter : votes perdus, erreurs, fraudes, etc.
En évitant à certaines décisions de transiter par les élus, la démocratie
électronique remotiverait les citoyens que la démocratie indirecte avait
démotivés. Elle permettrait de réduire le coût des consultations politiques, mais
poserait le problème des pressions de l'entourage et supposerait que les
citoyens se tiennent au courant des problèmes de la cité.
Des sites Internet ont été créés par le gouvernement français pour collecter les
doléances ou les revendications de la population ou pour débattre de projets
publics (http://www.debatpublic.fr/).
 Grâce à Internet, un analyste politique comme moi trouve très souvent les
informations dont il a besoin, sans sortir de chez lui et sans perdre de temps :
rapports officiels des gouvernements, des Nations unies ou d'organismes
indépendants, statistiques économiques et sociales, textes législatifs, ouvrages
publiés gratis, cours publiés par des universités, description de produits et de

129
technologies, etc. La moitié des informations de cet ouvrage ont été trouvées sur
Internet, où n'importe qui peut les consulter.
Exemples de sites Internet offrant une mine d'idées et d'informations sur la
déontologie et les pratiques contestables des médias : [6], [93], [95], [103], [104],
[105] et [106]. Le site [107] explicite les règles de communication du
gouvernement des Etats-Unis, dont la France devrait s'inspirer.
 Internet profite énormément aux pays en développement comme la Chine et
l'Inde. Le nombre d'internautes y croît très vite, et avec lui la dissémination des
connaissances et de la vérité politique. Tous les Français savent bien que ces
pays à main d'œuvre abondante et bon marché deviennent rapidement les
usines du monde, en raflant des millions d'emplois industriels dans des activités
comme le textile, l'électroménager et l'électronique grand public.
Ces délocalisations constituent un phénomène inévitable, parce que le
commerce mondial est libre et qu'il crée une concurrence entre des régions
auparavant trop éloignées et trop séparées par des barrières douanières pour
être en compétition économique. Mais l'impact sur les divers secteurs d'activité
économique n'est pas nécessairement celui auquel on s'attend : voir la section
Médias et mondialisation.
Composante importante de la mondialisation, Internet impacte donc notre
société par des phénomènes de délocalisation et d'intégration économique. La
concurrence des pays à main d'œuvre moins chère conduira nécessairement,
chez nous, à des réactions de nos travailleurs. Ces réactions, de plus en plus
vives au fur et à mesure que l'intégration économique et les échanges se
développeront, seront exploitées par des syndicats et des politiciens pour tenter
d'obliger le gouvernement à prendre des mesures protectionnistes. De telles
mesures seraient sans lendemain, parce que leur logique de fermeture des
frontières produirait encore plus de chômage et des prix plus élevés pour nos
consommateurs. C'est pourquoi, nos partenaires de l'Union européenne les
refuseraient et nous obligeraient à nous aligner.
La seule solution est de réagir en nous adaptant, en produisant de nouveaux
articles et services que les pays qui fabriquent désormais pour nous veulent
acheter. Cela demande une évolution importante de notre enseignement, de
notre recherche, de nos investissements, de nos modes de travail, bref de toute
notre société.
Une telle évolution représente des efforts importants et prolongés, que nos
concitoyens n'accepteront que s'ils en ont compris l'importance et l'urgence.
Comme dans notre société démocratique le gouvernement ne peut imposer une
telle évolution, il doit informer ses citoyens jusqu'à l'obtention de leur
assentiment, jusqu'à ce que les tenants de l'immobilisme en général, et les
syndicats conservateurs en particulier, aient compris que l'adaptation est la seule
solution d'avenir. Elle consiste à ce que chaque pays, chaque entreprise se
spécialise dans les produits et les services où il (ou elle) excelle, vende ces
produits et services aux autres, et leur achète ce qu'ils (ou elles) produisent
mieux que lui (ou elle). C'est le progrès de la spécialisation et des échanges qui
permet la croissance de la productivité, donc de la masse des biens et services
disponibles pour les consommateurs, c'est-à-dire l'élévation du niveau de vie
général, dans les pays riches comme dans les pays pauvres.

130
 Menaces pour la sécurité : virus de PC et serveurs, attaques terroristes de
serveurs de banques, de multinationales, de commerce en ligne,
d'administrations, viol de secrets, fraudes à la carte bancaire...

1.6.13.5 Désinformation par Internet


Voici un exemple de lobbying qui désinforme, et que les médias, au premier rang
desquels des sites Internet d'opinions opposées, devraient dénoncer.

Dans l'article [2], dont je reprends ici des extraits, ATTAC écrit :
«[De 1993 à 2002] à la poste en Suède les tarifs ont augmenté de 70%, 25%
des bureaux ont été fermés. Un quart des emplois ont été supprimés.»
(Le 05/02/2004, M. Olivier Besancenot, interviewé par Yves Calvi dans le journal
"Europe midi" à propos de la grève des postiers, a aussi cité ces mêmes chiffres
pour prouver que la privatisation de la poste est catastrophique.)

Le prix du timbre est l'argument le plus souvent avancé pour montrer le «danger du
libéralisme dans les services publics». En réalité, il n'existe aucune relation de cause
à effet entre la hausse du prix du timbre et la fin du monopole de la poste suédoise.
Le prix du timbre a été majoré d'abord parce que l'Etat a décidé d'augmenter son
taux de TVA de 12% à 25% en 2003. En outre, si on tient compte de l'augmentation
du Konsumentprisindex, l'indice du prix à la consommation suédois, la hausse réelle
du prix des services postaux sur 10 ans est de 7% selon [143] ; elle correspond au
report sur les clients des pertes de 111 millions d'euros par an de la poste suédoise,
pertes supportées auparavant par le budget de l'Etat. II s'agit donc de l'effet d'une
décision politique de vérité consistant à reporter sur les clients de la poste des
dépenses supportées auparavant par les contribuables. La hausse de 70% que
dénonce ATTAC en l'attribuant à la libéralisation est donc imaginaire.

Quant aux 25% de bureaux de poste fermés, ils correspondent en réalité à un


transfert de leur activité à des supérettes, des stations-service et des bureaux de
tabac. En 1993, avant la libéralisation de la poste suédoise, il y avait 1800 bureaux
de poste et, en moyenne, chaque Suédois se rendait dans un tel bureau 1,8 fois par
an. En 2003, après la libéralisation, il y a 4200 points de service postal, dans des
locaux commerciaux où les Suédois se rendent en moyenne 1,6 fois par semaine.
Les heures d'ouverture de ces locaux sont bien plus nombreuses que celles des
postes, leur proximité est meilleure et les gens peuvent s'y rendre pour faire en
même temps autre chose. Contrairement à ce que ATTAC laisse entendre, la
suppression de 25% des bureaux de poste correspond à un accroissement du
nombre de points de service postal, de leur proximité et de leurs heures d'ouverture.

L'efficacité de la poste suédoise est un autre argument avancé [par les opposants au
libéralisme] pour faire de l'expérience suédoise un modèle à ne pas suivre. Pourtant,
les chiffres sont clairs. Une récente étude, réalisée par IBM Business Consulting
Services à la demande de Posten AB, montre que 96,2% des courriers envoyés en
Suède arrivent au destinataire dans les 24 heures (à comparer avec les 91,7% pour
la Grande-Bretagne, les 93,6% pour le Danemark et les 75% de la France) dans ce
pays dont la longueur équivaut à la distance de Copenhague à Rome. Ce chiffre était
de 95% en 1993, lorsque la poste suédoise n'était pas soumise à la concurrence.

131
L'argument de baisse de qualité du service public postal dénoncé implicitement par
ATTAC est donc l'exact contraire de la vérité.

Enfin, en laissant entendre que la privatisation de la poste suédoise, qui a supprimé


des emplois publics, a aussi généré du chômage, M. Besancenot et ATTAC se
trompent encore. Les employés licenciés qui n'ont pas choisi de prendre leur retraite
ont reçu des propositions d'emploi, la Suède ayant mis en place un système efficace
d'aide au reclassement où chaque demandeur d'emploi est pris en charge et aidé
individuellement. En matière de chômage, la Suède peut donner des leçons à la
France, avec (d'après *), un taux de 5,5% en Suède contre 9,5% en France en
septembre 2003.

Conclusions
 ATTAC désinforme en interprétant des chiffres exacts de manière fallacieuse.
 Plus généralement, Internet est un média dangereux, où les risques de
désinformation sont considérables. N'importe qui peut y publier n'importe quoi,
sans contrôle ni sanction, particulièrement s'il s'arrange pour le publier à partir
d'un serveur situé dans un pays étranger.
L'internaute doit donc accéder aux informations Internet avec beaucoup de vigilance
et de sens critique.

1.6.13.6 L'antagonisme digital


Les sites Internet de ATTAC sont un cas particulier civilisé de «l'activisme digital» qui
sévit sur Internet, dans un contexte d'antiaméricanisme et d'antilibéralisme. Voici des
extraits qu'on lit dans [96] page 419 :
"L'information et le savoir, devenus marchandises et enjeux de puissance
(exemple : les découvertes sur le génome) revêtent aujourd'hui l'importance
stratégique qu'avait hier l'industrie."
"D'où l'espoir placé par des "hacktivistes" (contraction de «hacker» et
d'«activiste») dans la capacité de transformer le «moyen de production
immatérielle» qu'est Internet en espace de subversion libéré de l'emprise
étatique. D'où les pratiques de désobéissance civile électronique par ces
«communautés virtuelles» sur Internet : occupation et blocus de sites, mise en
circulation gratuite de logiciels non-gratuits, diffusion de «contre-expertise»,
antagonisme digital."
Par suite du terrorisme qui sévit actuellement dans le monde, des millions de fraudes
(carte bancaire, etc.), de l'obligation des fournisseurs d'accès à Internet de révéler
des contenus de messages à la demande des autorités et de bloquer certaines
communications, certains considèrent ces mesures défensives comme d'intolérables
attaques contre la liberté. Ils diffusent donc des logiciels de piratage (exemples :
génération de numéros de carte de crédit utilisables, déplombage de la protection
anti-copie des CD et DVD, téléchargement gratuit de musique, etc.) D'autres
diffusent des procédés de réalisation artisanale de bombes et de poisons.

Les autres médias devraient prévenir régulièrement les internautes de la vigilance


nécessaire face au mépris des lois, à la désinformation et à la subversion politiques
qui fleurissent sur Internet.

132
1.6.14 Les filtres de l'auditoire
Les médias ne sont pas seuls responsables de l'ignorance du public en matière de
politique et d'économie. Voici des exemples d'informations que le public boude ou
refuse.

1.6.14.1 On ne fait pas boire un âne qui n'a pas soif


Malheureusement, la plupart des gens ne s'intéressent pas assez à la politique ou à
l'économie pour prendre le temps de s'informer, en recherchant des informations sur
Internet ou dans des textes imprimés. Ils n'utilisent même pas des possibilités
comme l'abonnement gratuit à la version Internet de certains journaux. Abonné au
New York Times, je reçois chaque jour un message contenant les titres de ses
principaux articles et éditoriaux, dont je peux obtenir gratis le texte intégral d'un
simple clic de souris ; je bénéficie ainsi de points de vue américains sur les
événements, rédigés par des journalistes dont j'apprécie la rigueur et l'intelligence
comme des millions de lecteurs de ce grand quotidien.

1.6.14.2 On n'écoute que ceux qui pensent comme nous


Autre problème : la plupart des gens ne veulent recevoir que les informations qui
confortent le point de vue qu'ils ont déjà. Avant des élections, ils n'écoutent que les
candidats qu'ils soutiennent. A la télévision, ils ne suivent que les interviews de
politiciens qu'ils approuvent. Dans un journal, ils ne lisent que les textes qui
expriment une opinion voisine de la leur. En résumé, il est rare que les médias soient
à l'origine de changements d'opinion chez un électeur donné. J'exagère à peine, car
presque personne n'est prêt à prendre du temps pour recevoir des informations qui
pourraient l'amener à changer d'avis !

Les idées toutes faites sont la première source de votes absurdes, le premier ennemi
de la démocratie. Elles traduisent une attitude très répandue de refus d'écouter les
autres et de chercher à les comprendre, quand ce n'est pas une franche hostilité
lorsqu'il s'agit de politiciens d'une autre opinion. Pourtant, comment être sûr d'avoir
raison si on n'a pas écouté d'autres points de vue, d'autres arguments ? Les idées
des autres sont souvent un complément utile à celles que l'on a déjà, quand elles ne
s'avèrent pas, après réflexion, meilleures.

Non seulement les gens filtrent les informations d'après leur nature, ils la filtrent aussi
selon leur émetteur et l'émotion qu'elles inspirent. On a tendance à ne pas lire ou
écouter les gens qu'on déteste et à se désintéresser des problèmes frustrants sur
lesquels on n'a pas prise. Peu cohérents, les auditeurs et lecteurs réclament la
vérité, tout en refusant les informations qui choquent leurs convictions, celles qui
viennent de sources qu'ils n'aiment pas et celles qui génèrent une émotion
désagréable !

1.6.14.3 Quand et comment les médias influencent-ils les électeurs ?


Cela se produit d'abord lorsqu'ils font prendre conscience aux électeurs de
l'importance de problèmes dont ceux-ci ne soupçonnaient pas, ou seulement
vaguement, la gravité. C'est ce qui s'est passé à l'occasion des élections françaises
de 2002 avec deux sujets : le chômage et l'insécurité. Sur chacun de ces sujets, la
plupart des journaux télévisés ou imprimés ont diffusé de nombreux messages
inquiétants pendant l'année qui a précédé les scrutins. Chaque auditeur ou lecteur a
ainsi reçu plusieurs centaines de fois un tel message. Ce véritable matraquage a fini

133
par persuader beaucoup d'électeurs que la Gauche au pouvoir avait été incapable de
faire reculer le chômage et l'insécurité, donc qu'il ne fallait pas voter pour elle en
2002.

Cela se produit ensuite lorsqu'un certain nombre d'émissions de télévision, en


principe destinées à divertir, font en réalité passer un message à forte signification
politique. Les téléspectateurs suivent de telles émissions sans trop d'esprit critique,
puisqu'elles présentent des situations imaginaires, des fictions. C'est ainsi que
lorsque de nombreuses émissions présentent de manière négative des entreprises et
la société libérale, et les salariés ou citoyens comme des victimes de multinationales,
une certaine culture antilibérale finit par s'imposer aux téléspectateurs, qui ne
reçoivent jamais de message positif sur ces sujets. De plus en plus de gens
s'identifient alors aux héros courageux victimes des abus de cette "société du fric" ;
ils se persuadent de son caractère intrinsèquement maléfique et inhumain, et du fait
que, dans une telle société, tricher ou voler est un moyen normal de défense des
victimes.

Notons que les gens ainsi influençables sont plutôt introvertis, les caractères
extravertis, bien dans leur peau et habitués à penser par eux-mêmes, étant
beaucoup moins influençables.

Ces mauvaises influences des médias peuvent être atténuées chez les individus
fortement intégrés à un groupe qui les influence. Exemples :
 Une famille d'origine "très catholique et bien pensante" permet souvent à ses
membres de refuser les messages des médias qui vont à l'encontre de ses
valeurs.
 Un membre d'une cellule de parti refusera d'adhérer aux conclusions que lui
suggèrent les médias, quand celles-ci contredisent la ligne du parti.
 Un salarié dans un service d'une entreprise où règne un fort esprit de solidarité,
affichera souvent des opinions semblables à celles des autres personnes du
service.

Mais hélas, de nos jours un individu est souvent isolé. Les familles, par exemple,
sont de plus en plus déstructurées et leur influence de plus en plus faible,
particulièrement sur les jeunes. Ne disposant pas d'un système de valeurs solide,
ceux-ci sont alors très influençables. Ils le sont d'autant plus que beaucoup d'entre
eux, issus ou non de l'immigration, ne lisent jamais et disposent d'un vocabulaire
insignifiant, de l'ordre de quelques centaines de mots, c'est-à-dire moins qu'un
chimpanzé bonobo, qui peut en apprendre jusqu'à mille ! Un vocabulaire réduit
implique un nombre de concepts minime, donc l'impossibilité de comprendre ce qui
se passe, notamment pour s'y adapter ou s'en protéger.

Un jeune qui est dans ce cas est particulièrement sensible aux images de la
télévision, qui constituent pour lui une source importante de repères. Comme ces
images comprennent une forte dose de violence et de réactions agressives des
héros, et que les jeunes à vocabulaire réduit ne savent pas exprimer par des mots ce
qu'ils ressentent, ils recourent facilement à la violence. Ils sont alors incapables de
s'intégrer dans notre société, car ils ne comprennent pas bien leur entourage et ne
peuvent communiquer avec lui. Inutile de préciser que la démocratie n'a pas de sens

134
pour eux, puisque si ils votent ils le font sans saisir les enjeux, et en se basant
uniquement sur des concepts très simples : sentiment d'être méprisé et rejeté,
répression, argent reçu sous forme d'allocations, communautarisme, etc.

1.6.14.3.1 L'attente du public


 Passif, le public attend des radios, télévisions, journaux et magazines que ces
médias l'informent de tout ce qu'il doit savoir et choisissent à sa place les
événements, les faits et les connaissances, ainsi que la manière de les lui
présenter (ludique, débat, etc.). D'où le succès de France Info.
 Actif, un internaute cherche sur Internet des renseignements comme :
 Quels textes de loi traitent de tel sujet ? Exemple : [44]
 Trouver un rapport officiel, un discours. Exemple : La documentation
française [43]
 Atlas mondial, Atlas géographique, Atlas des pays du monde, Atlas
économique. Statistiques géographiques sur les pays du monde : [45]
http://www.centraledesnations.com/

Dans tous les cas, le public veut une information politique ou économique de qualité.
Nous allons voir maintenant ce que ce mot signifie.

1.7 Qualité des informations politiques et économiques


Dans une démocratie, pour que le vote des citoyens ait le maximum de valeur, ceux-
ci doivent être bien informés de la situation économique et des contraintes politiques.
Pour que les choix qu'exprime un vote reflètent des aspirations réalistes et des
critiques fondées, les citoyens doivent être bien informés. Il appartient aux médias de
diffuser cette information, avant chaque élection, mais aussi tout le long de l'année
en suivant l'actualité. Il leur appartient aussi de développer la culture économique et
politique des citoyens, en diffusant (à doses homéopathiques pour ne pas lasser) les
connaissances de base nécessaires dans ces domaines.

Voir aussi le point de vue officiel de La Documentation française sur les médias et la
démocratie [119].

Pour preuve qu'il est facile d'expliquer les bases de l'économie, sans lasser les
lecteurs, il suffit de considérer les livres [91] et [125], dont chaque chapitre pourrait
parfaitement être diffusé à la télévision en dix minutes. Pourquoi aucune chaîne ne
programme-t-elle jamais une telle émission, alors que celles du service public (au
moins) ont une obligation culturelle dans leur cahier des charges ?

Nous allons définir les qualités suivantes d'informations diffusées, communes à tous
les médias : intérêt, respect du sujet, véracité, objectivité, complétude,
indépendance, impartialité, fraîcheur, synthèse, qualité rédactionnelle, éthique. Il
s'agit de qualités au sens du public cible, c'est-à-dire de respect de son droit à
l'information.
1.7.1 Intérêt
La diffusion d'une information sans intérêt est une perte de temps qui peut même, à
la limite, énerver le public cible. Pour un journaliste aussi, certaines informations sont

135
plus intéressantes à diffuser que d'autres : nous avons vu précédemment les critères
d'intérêt de l'information.
1.7.2 Respect du sujet
Dans un article ou un discours d'information, il faut éviter toute partie, phrase ou
qualificatif hors du sujet, parce que :
 Cela distrait le lecteur ou l'auditeur et risque de lui faire perdre le fil des idées. La
présence de mots superflus fait perdre de la force aux mots qui comptent, et
rend leur compréhension plus difficile.
 Cela fait perdre leur temps aux destinataires du message.
 Cela ennuie beaucoup de ces destinataires, qui risquent de "zapper".

Un message d'information doit donc être concis, contrairement à un texte littéraire ou


poétique, où l'auteur peut vouloir un effet artistique. Pour chaque partie ou phrase
d'un message à diffuser, son auteur devrait se poser la question : apporte-t-elle une
information intéressante à sa cible, justifie-t-elle le temps qu'elle passera à en
prendre connaissance ?

Avec un peu d'habitude, on apprend à distinguer dans des textes ou des discours
une pensée claire d'une pensée "spaghetti". Une pensée claire est concise,
structurée et va droit au but ; les détails de l'argumentation explicitent et illustrent
celle-ci. Une pensée "spaghetti" est pleine de méandres difficiles à suivre et de
digressions ; il faut s'en méfier, car on la rencontre souvent chez des personnes qui
manquent de rigueur, au point de penser faux à l'occasion.

Lors d'élections, on peut conseiller aux journalistes les règles suivantes de respect
du sujet :
 Lorsqu'il s'agit d'un candidat (personne ou parti) le sujet est ce que ce candidat
propose et les preuves qu'il a déjà données de sa valeur. Ce n'est pas la couleur
du costume qu'il porte, la profession de son conjoint ou l'endroit où il a passé ses
vacances.
 Chacune de ses propositions doit être analysée, notamment sur le plan de la
faisabilité, et son impact doit être évalué (à qui elle profiterait, à qui elle coûterait
et de quelle manière). Par contre, les intentions supposées du candidat sont
hors sujet, car elles mènent trop souvent au procès d'intention.
 Les anecdotes censées révéler la personnalité d'un candidat sont en général
hors sujet, car elles n'en révèlent que certains aspects, notamment ceux choisis
par ses adversaires ou son directeur de la communication ; elles risquent alors
de biaiser le jugement (voir ci-dessous la publicité cachée et les critères
d'objectivité, complétude et impartialité).
1.7.3 Véracité
Il est évident qu'une information diffusée doit être véridique. C'est évident, mais hélas
pas toujours le cas. Voici une mésaventure qui m'est arrivée.

Lorsque je travaillais comme conseil en informatique, j'avais fait beaucoup de


conférences et publié beaucoup d'articles ; j'étais donc connu et souvent interviewé.
L'une de ces interviews était faite par un journaliste professionnel de C..., une société

136
qui réalisait des films télévisés destinées à de la formation à l'informatique en
entreprise.

Pendant l'interview, le journaliste m'a posé une question simple concernant la base
de données d'IBM, DL/1. Ma réponse l'a surpris, parce qu'elle contredisait ce qu'il
croyait savoir. Je lui ai donc expliqué la vérité technique, tranquillement, micro fermé,
pour qu'il comprenne. Mais il avait l'esprit rigide et refusait d'admettre des faits
pourtant bien établis. Il m'a demandé de reformuler ma réponse, pour l'interview,
dans le sens de ses convictions personnelles. J'ai refusé, en expliquant que je ne
pouvais pas lui faire plaisir en mentant. L'interview s'est donc poursuivie sans que
j'aie changé ma réponse.

Quelques semaines après, un informaticien d'une entreprise où mon interview a été


projetée, m'a appelé. Il m'a dit que j'avais dit une bêtise concernant DL/1. J'ai
demandé à voir le film et me suis entendu proférer l'ineptie demandée par le
journaliste. Celui-ci avait doublé ma voix...

Fausser des déclarations à l'insu d'une personne interviewée est puni par la loi. Mon
préjudice était réel, dans la mesure où j'étais connu et avais une réputation
professionnelle solide. J'aurais donc pu faire un procès. J'ai préféré ne pas le faire,
mais j'ai appelé le journaliste, je l'ai traité de malhonnête et lui ai annoncé que je ne
lui donnerais plus jamais d'interview ou d'article.

Il est rare qu'un journaliste triche délibérément avec la vérité, mais cela peut arriver.
Il est plus fréquent qu'un journaliste reçoive des informations fausses, incomplètes
ou biaisées par de la publicité commerciale ou politique ; l'éthique journalistique
l'oblige alors à les vérifier.

1.7.3.1 Preuves de véracité


Pour être cru, il faut jouir d'une réputation en béton ou fournir des preuves. Un
journaliste doit donc prouver les faits qu'il avance, pour que son public puisse les
vérifier en cas de doute. C'est ce que je fais en donnant mes sources à la fin de ce
livre.

A part certaines informations provenant de sources qui exigent la discrétion, donc


que le journaliste protège, le seul problème posé par la fourniture des sources est la
place : place limitée dans un journal ou temps limité d'une émission. Je suggère donc
que les journalistes soucieux de fournir les sources de leurs affirmations le fassent
sur Internet, où la quasi-totalité des médias possèdent aujourd'hui leur site. Cela leur
demandera du temps, sans doute, mais en fournissant à chaque fois le moyen de
vérifier leurs informations, ils seront obligés d'être rigoureux, ce qui sera un gros
progrès pour certains.

1.7.3.2 Pas de publicité cachée


Il y a dans un média deux sortes de publicité, celle qu'on lui achète et celle qu'il fait
gratis. Dans les deux cas, le public (lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs) doit être
clairement averti. Dans certains cas, la publicité est interdite : c'est ainsi que la loi
Léotard [63] stipule dans son article 14 :
"Les émissions publicitaires à caractère politique sont interdites"
et cette interdiction est reprise dans le cahier des charges des télévisions publiques.

137
Exemples de publicités non annoncées :
 Diverses émissions de télévision (journal, débat, etc.) font intervenir un expert
extérieur à propos d'un sujet politique. Le présentateur ou l'intervenant en
profitent pour faire la publicité du dernier livre de celui-ci, qui en plus fait souvent
la publicité pour sa société de lobbying, ou les idées du parti politique pour qui
elle travaille à ce moment-là.
 A la fin d'un journal télévisé, le présentateur interviewe un acteur à propos d'un
film de celui-ci qui vient de sortir. Cette interview est, en fait, un moyen de faire la
publicité de ce film.

Plus généralement et comme le signale [92], les services de publicité des entreprises
ou des partis utilisent, pour attirer l'attention des journalistes, la technique de
«l'événement pour médias» : ils annoncent un événement, qui a donc le caractère de
nouveauté intéressant pour un journaliste, alors qu'en réalité il n'y a rien de nouveau.
Par exemple, cet événement reprend ce jour-là, avec un titre et des qualificatifs
nouveaux, une ancienne annonce, pour un produit déjà sur le marché, ou une
promesse politique déjà faite mais pas encore tenue.

De nombreuses sociétés ressortent périodiquement d'anciens produits sous un


nouveau nom ou avec un nouvel emballage. Des membres du gouvernement
annoncent la croissance d'un budget pour un domaine particulier, présenté comme
une priorité nationale, pour que les médias en parlent ; puis, même si le budget est
voté, le ministère du budget en annule ou gèle des crédits pour faire des économies,
mais sans le dire. Le budget finalement disponible est en réalité diminué, malgré
l'annonce. C'est ce qui est arrivé en 2002-2003 à la recherche française.

Les directions des communications des entreprises ou des partis politiques sont si
habiles que, dans de nombreux cas, l'information qui parvient aux journalistes est
orientée pour engendrer un effet promotionnel, comme l'explique parfaitement [92].
Les journalistes eux-mêmes risquent d'être manipulés par ces habiles
communicants. Il leur appartient donc de contrôler leurs sources et ce qu'ils diffusent
pour en éliminer la publicité ou, au contraire, la rendre explicite lorsqu'on ne peut en
éviter la présence.
1.7.4 Objectivité
Nous avons vu un exemple de manque d'objectivité des journalistes au paragraphe
"Désinformation due à l'opinion politique des journalistes".

1.7.4.1 Proportionnalité
Lorsqu'un événement est rare, comme un viol collectif, il faut le dire, pour ne pas
laisser les téléspectateurs, les auditeurs ou les lecteurs généraliser et penser que
c'est une réalité quotidienne et fréquente.

Lorsqu'un journaliste relate un événement ou un fait, il doit donc préciser son degré
de généralité, pour éviter à son public de généraliser à tort : son compte-rendu doit
être proportionné à l'importance relative de l'information ou contenir des informations
permettant de situer cette importance relative : pourcentages, montants, effectifs, etc.
(Voir aussi Exemple de viol de cette règle)

138
1.7.4.2 Rigueur
Plus généralement, le manque d'objectivité est lié à un manque de rigueur. Nous
avons vu dans l'exemple "Désinformation due à l'opinion politique des journalistes"
une désinformation due à l'opinion politique de certains journalistes. Le manque de
rigueur se manifeste aussi dans les cas suivants :
 Diffusion d'informations fausses, complètement ou partiellement, parce que le
journaliste n'a pas pris le temps de les vérifier.
 Les approximations ou amalgames, où le journaliste :
 Déduit une synthèse erronée de faits insuffisamment approfondis ou
détaillés. Exemple : "Désinformation par Internet".
 Compare des faits qui ne sont pas comparables. Exemple : comparer les
pourcentages de dépenses en infrastructure routière de deux pays aussi
différents que Singapour (où le pays est en fait une ville) et de l'Australie (où
le pays est un continent à peu près vide).
 Fait des raisonnements incorrects. Exemple : citer la performance d'une
entreprise en additionnant des résultats comptables certains et des
projections aléatoires de résultats provenant du service marketing.
 Extrapole à tort à partir d'un cas particulier...

Le manque de rigueur peut être dû à un manque d'honnêteté intellectuelle, mais c'est


rare. On en trouvera un exemple dans la section "Désinformation par Internet".

Il est plus souvent dû à des journalistes qui n'ont jamais appris à être rigoureux,
parce qu'on ne les a jamais sanctionnés pour leur manque de rigueur.

Il est aussi dû, hélas, à des journalistes qui pensent faux, comme ceux qui, dans la
presse arabe, présentent le tyran assassin laïc Saddam Hussein comme un grand
combattant pour la cause musulmane.

Enfin, si un journaliste a publié une information qui s'avère être une erreur, il doit
rectifier celle-ci le plus tôt possible, en faisant en sorte que le public qui a reçu
l'information erronée reçoive la rectification. Par exemple dans un journal, cela
implique de publier la rectification au même endroit (page, colonne) que l'erreur.

1.7.4.3 Modération
Des quotidiens comme Ouest France (qui, avec un tirage d'environ 800.000
exemplaires, est le quotidien le plus vendu de France) doivent être modérés du fait
de leur très large audience, où il faut éviter de choquer les lecteurs.

Au contraire, des journaux d'opinion comme La Croix (92.000 exemplaires) ou


L'Humanité (55.000 exemplaires) qui touchent un public plus restreint et qui attend
des prises de position particulières, doivent exprimer des opinions plus tranchées.

Dans les deux cas, la rigueur de l'information peut en souffrir par filtrage,
adoucissement ou exagération.

139
1.7.5 Complétude

Exemples d'informations incomplètes


 Un certain journaliste de LCI étant clairement et constamment anti-américain, ne
donne que les mauvaises nouvelles concernant l'Irak et les Etats-Unis :
attentats, morts, révolte de la population, désaveu du président Bush, etc. En
interviewant un spécialiste de politique internationale, il ne pose que des
questions orientées vers la critique des Etats-Unis et de leur politique. Et il
interrompt le spécialiste lorsque ses réponses sont favorables aux Etats-Unis,
pour contester ces réponses ou changer de sujet.
En lisant la presse internationale, toutefois, on apprend aussi d'autres nouvelles :
au 1/10/2003, 15.000 écoles avaient été remises en état et avaient rouvert ; tous
les hôpitaux du pays fonctionnent désormais normalement ; la production d'eau
et d'électricité a dépassé celle sous Saddam Hussein, même s'il y a toujours des
coupures ; il y a 60.000 policiers irakiens en activité et ils ont montré leur
efficacité en arrêtant des attentats ; la presse est libre et les irakiens achètent
des antennes satellite par centaines de milliers pour disposer enfin d'une fenêtre
sur le monde ; l'immense majorité des attentats sont dans 15% du territoire près
de Bagdad, dans le "triangle sunnite" ; etc.
Cet exemple montre qu'il arrive aux journalistes de ne donner que des
informations incomplètes. Le public ne peut alors se faire une idée de la situation
d'ensemble. Il arrive même qu'il s'en fasse une idée fausse.
 Selon [92] pages 52 à 54, voici deux exemples d'information incomplète :
"Le 29 mars 1998, TF1 annonce que le pont le plus grand d'Europe vient d'être
inauguré à Lisbonne. C'est l'œuvre d'une entreprise française, dont le nom n'est
pas cité. En revanche, les téléspectateurs qui regardent le journal de France 2
apprennent qu'il s'agit de Campenon-Bernard, concurrent de Bouygues,
l'actionnaire principal de TF1. Censure ou autocensure ; l'information a été filtrée
[par TF1, pour ne pas être favorable à un concurrent de son actionnaire
principal.]"
"Karl Zéro (animateur du «Vrai Journal» de Canal +) a révélé (Le Monde du
30/03/1998) avec une franchise partagée par peu de journalistes, quelles limites
lui ont été imposées lorsqu'il est entré à Canal +. L'accord spécifiait qu'«il y avait
trois sujets sur lesquels on ne pouvait pas enquêter : le football, le cinéma, la
CGE» [société filiale du groupe Vivendi, par ailleurs aussi actif dans le cinéma
avec Universal]." L'accord demandait donc à Karl Zéro de s'autocensurer.
 Autre exemple : voir le paragraphe "La désinformation sur des licenciements".

Un défaut de complétude aux conséquences redoutables est l'absence de contexte,


circonstance qui permet une interprétation fausse de l'information. Voir l'exemple.

Une information de qualité doit donc être complète.


1.7.6 Indépendance
Les médias peuvent ne pas donner certaines nouvelles ou les déformer, lorsque leur
diffusion peut gêner des intérêts politiques ou financiers : on dit alors qu'ils ne sont
pas indépendants. Exemples :

140
 Certains médias, comme le quotidien communiste L'Humanité, sont liés à un
parti politique. Ils filtrent donc parfois les informations en fonction des intérêts ou
de la ligne politique de leur parti.
 La télévision italienne privée est dominée par le groupe financier de M. Silvio
Berlusconi, Fininvest. Elle a donc tendance à étouffer certaines informations et à
aider M. Berlusconi lors des élections. Voir le paragraphe "Médias, populisme et
démagogie". Et, depuis que M. Berlusconi est Premier ministre, il peut aussi
influencer la télévision publique.
 La concurrence entre médias peut seule garantir la liberté d'expression, de choix
de l'information et l'absence de mainmise totalitaire. Mais elle risque la
surenchère de sensationnalisme et le populisme (dire au public ce qu'il veut
entendre, même si c'est faux ou déformé).
La concurrence est diminuée par le regroupement en groupes de presse
orientés profits. Selon [8] pages 94 et 261, la presse quotidienne régionale
française est dominée par deux groupes :
 Hersant, qui possède environ 20% du marché, avec Le Dauphiné Libéré,
Les Dernières Nouvelles d'Alsace, Le Maine Libre, etc.
 Hachette Filipacchi Média (groupe Lagardère), avec La Provence, Nice-
Matin et des participations dans Le Midi Libre et La Dépêche du Midi.
Selon Le Figaro du 09/07/2004, le groupe SOCPRESSE, présidé par M. Serge
Dassault, comprend quelque 70 titres, dont :
 Le groupe Figaro (Le Figaro, L'Indicateur Bertrand, Propriétés de France,
Cadremploi, Explorimmo, etc.)
 Le pôle BRA - Groupe Delaroche (Le Progrès, le Dauphiné Libéré, Le Bien
Public, Les Journaux de Saône-et-Loire, Télévision Lyon Métropole)
 Le groupe Express - Expansion Etudiant (L'Express, L'Expansion,
L'Etudiant, Lire, Mieux Vivre Votre Argent, etc.)
 Le pôle Ouest (Presse Océan, Le Maine Libre, Le Courrier de l'Ouest, TV
Nantes Atlantique à 49%, etc.)
 Le pôle Nord (La Voix du Nord, Nord Eclair, Le Soir)
 Les autres publications (TV Magazine, Version Femina, Paris Turf, Week
End).
Il est clair que les intérêts financiers d'un groupe seront plutôt favorisés par sa
presse, qui aura du mal à être neutre sur des sujets qui le concernent. Voici des
exemples tirés de [8] page 96 :
 Pathé est l'un des principaux actionnaires de Libération, qui a pour autre
actionnaire la société de capital-risque anglaise 3i ;
 Le groupe industriel LVMH a pris le contrôle des journaux économiques La
Tribune et Investir ;
 L'industriel Dassault contrôle Valeurs actuelles et le Journal des Finances ;
 François Pinault contrôle l'hebdomadaire Le Point ;
 Le fonds d'investissement américain Carlyle compte parmi les actionnaires
du Figaro.

141
Enfin, [22] signale page 23 que l'édition de livres est dominée aujourd'hui par
deux grands groupes :
 Vivendi Universal Publishing (Larousse, Bordas, Nathan, Plon-Perrin,
Laffont, La Découverte, 10/18...) ;
 Hachette Livre (Fayard, Calmann-Lévy, Stock, Grasset, Jean-Claude
Lattès...)
 Il peut arriver qu'un média se laisse influencer par les intérêts de ses
annonceurs, en refusant par exemple de dénoncer d'éventuelles mauvaises
pratiques de ces derniers. Ceux-ci menacent parfois de retirer leur budget
publicitaire si le média n'est pas compréhensif. Lorsqu'on sait que la publicité
constitue une ressource financière indispensable à la vie de tous les médias, il y
a clairement un lien entre indépendance et publicité.
L'importance des ressources publicitaires pour les trois principales chaînes de
télévision qui diffusent de l'information politique est donnée par le tableau ci-
dessous, cité par [8] page 427 à partir de statistiques CSA :

TF1 France 2 France 3

Redevance des
- 2639.3 3639.8
téléspectateurs

Publicité et
8273 2824.5 1784.7
parrainage

Autres 163 243.3 505.1

Chiffre d'affaires 8436 5707.1 5929.6

Proportion de la
publicité dans le 98% 49% 30%
chiffre d'affaires

Chiffres d'affaires des principaux diffuseurs nationaux d'informations en 1999 (MF)

Les contraintes que cette répartition des ressources impose aux chaînes publiques
sont précisées dans le rapport Missika.
1.7.7 Impartialité
Un média est impartial lorsque, dans un débat ou la couverture d'un sujet, il prend
soin d'aborder les divers points de vue avec le maximum d'équité. Chaque fois qu'il
existe plusieurs points de vue sur un sujet, il s'efforcera de les traiter tous. On ne
pourra pas, alors, par exemple, le classer politiquement à droite ou à gauche, pour
ou contre les OGM, etc.

Selon [8] page 334, les Américains considèrent l'impartialité si importante en matière
de politique qu'ils ont introduit :

142
 La "Fairness doctrine", qui oblige les chaînes de télévision de ne pas se limiter à
un seul point de vue dans la présentation d'une question publique controversée.
Chaque chaîne doit donc assurer une possibilité d'expression aux diverses
opinions ;
 La "personal attack rule", qui impose aux chaînes de faire parvenir dans les huit
jours une copie du programme concerné à tous ceux qui ont été nommément
attaqués à l'antenne, pour qu'ils puissent se défendre.
 Le droit de réponse, suite à une attaque ou à une prise de position contraire.

Il ne faut pas confondre objectivité et impartialité :


 L'objectivité consiste à diffuser une information conforme aux faits, sans la
déformer ou en supprimer des détails.
 L'impartialité consiste à traiter tous les points de vue sur un sujet, sans en
privilégier aucun.

L'impartialité et l'objectivité sont particulièrement difficiles à respecter lorsqu'un


média passe des informations aux connaissances, en offrant une synthèse. C'est à la
qualité de ses synthèses (parfois appelées "Analyses des informations" par certains
journalistes) qu'on peut apprécier le mieux le professionnalisme d'un média, par
ailleurs raisonnablement objectif et impartial.
1.7.8 Origine
Lorsqu'on cite une autre personne, il faut inclure son texte entre parenthèses. On lui
attribue ainsi le mérite ou la responsabilité de ce texte. Lorsqu'on reprend à son
compte le texte d'un autre, il faut lui en attribuer la paternité. Il vaut mieux, pour être
cru, citer le texte d'origine, sa date, son adresse Internet, bref ce qu'il faut pour
l'identifier et vérifier la citation.
1.7.9 Nouveauté et fraîcheur des informations

Nouveauté
Un journaliste est toujours à l'affût de ce qui est nouveau, qui vient de se produire,
pour juger de l'intérêt de le diffuser et, si possible, être le premier à le faire. La
nouveauté est ainsi un critère de qualité de l'information important pour un
journaliste, alors qu'il n'est pas aussi important pour son public.

Fraîcheur
Il arrive qu'un média diffuse des informations qui datent. C'est particulièrement
fréquent en matière de statistiques économiques. Parfois, cela peut induire en erreur
ceux qui raisonnent à partir de ces informations.

Exemple : en 2002 les Etats-Unis ont fortement réduit leurs achats de pétrole irakien,
pour que leurs approvisionnements ne dépendent plus de ce pays. Cette année-là
ces achats ne représentaient plus, en moyenne, que 167.000 barils par jour, c'est-à-
dire 1,7% de leurs importations. Or, pour soutenir l'argument selon lequel les
Américains envahissaient l'Irak pour s'emparer de son pétrole, un média d'extrême
gauche français a prétendu que les USA importaient d'Irak 900.000 barils de pétrole

143
par jour, quantité qui avait été exacte jusqu'en 2001, mais qui était devenue 5,4 fois
plus forte que la réalité en 2002.

Le danger d'être désinformé par des statistiques obsolètes est d'autant plus grand
que beaucoup de journalistes ne prennent pas la précaution, lorsqu'ils citent une
valeur, d'en indiquer la date. Et ils n'en citent pas assez souvent la source, pour
qu'on puisse la vérifier.
1.7.10 Synthèse
Nous avons vu que des informations brutes sont souvent peu exploitables si elles
n'ont pas été transformées en connaissances par une réflexion de synthèse (que
certains appellent "analyse des informations").

Cette synthèse apporte une véritable valeur ajoutée. Certains journalistes, très
compétents dans un domaine, peuvent ainsi fournir aux gens qui composent leur
public des hypothèses ou des conclusions que la plupart de ceux-ci n'auraient pas pu
formuler sans eux.

Exemple classique : les synthèses de faits sur des entreprises, des contrats
commerciaux, des opérations de bourse ou des situations économiques, conduisant
à des prévisions d'évolution d'indicateurs économiques ou de cours de bourse. Mais
hélas, même élaborées dans les règles de l'art par des gens dont la compétence et
le sérieux sont respectés, ces prévisions sont souvent démenties par les chiffres des
mois qui suivent. Elles n'en sont pas moins attendues par les investisseurs et
certains politiciens.

1.7.10.1 Absence de recul et de synthèse. Exemple "OGM"


Il est fréquent que les médias présentent des faits sans en faire la synthèse, c'est-à-
dire en laissant les lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs réfléchir par eux-mêmes à
la portée et aux conséquences des faits exposés.

Exemple : article L'Europe s'entrouvre aux OGM (Le Figaro des 25 et 26/10/2003,
page 10)
Voilà un article où le journaliste s'est donné du mal pour bien couvrir son sujet : la
traçabilité des OGM dans l'Union européenne. Il est long (2/3 de page), illustré d'une
carte des pays qui cultivent des OGM et muni d'un encadré sur l'insertion de gènes
utiles. Et il est structuré sous forme de questions que le public se pose sur les OGM :
 La levée du moratoire de l'Union européenne [sur la commercialisation de
nouveaux OGM] va-t-elle provoquer une déferlante d'OGM sur l'Europe ?
 Comment assurer la traçabilité des OGM dans les aliments ?
 Comment garantir une filière sans OGM ?
 Quels sont les risques pour la santé ? Pour l'environnement ?

Pourtant, la lecture de cet article me laisse sur ma faim. La problématique des OGM
y est présentée de manière trop simpliste pour qu'on puisse séparer les divers
problèmes et, pour chacun, connaître la position des scientifiques, les avantages,
inconvénients et risques des diverses décisions possibles : l'effort de synthèse est
insuffisant. Le lecteur est noyé dans des détails sans pouvoir se faire une opinion sur

144
la position qu'il doit prendre sur ce sujet. L'article ne l'aide pas à en savoir plus, car il
ne contient pas de liste de références.

L'insuffisance de l'effort de synthèse apparaît aussi dans le point essentiel suivant :


la politique de traçabilité de l'Union européenne permet-elle à un consommateur de
savoir quels aliments il peut acheter sans danger ? Hélas, la réponse à cette
question, qu'on ne trouve pas dans l'article, est NON. Cette traçabilité permet de
savoir si un aliment contient ou non des OGM (et encore, pas de manière certaine),
mais pas de savoir si la présence d'OGM nuit à la santé ou si l'absence d'OGM est à
coup sûr bénéfique pour la santé.

Après lecture de l'article, le consommateur n'est pas averti des faits suivants :
 Il n'a pas la compétence scientifique pour apprécier le caractère nocif éventuel
de la présence d'OGM dans ses aliments (tous les OGM n'ont pas les mêmes
propriétés) et aucun étiquetage européen ne l'en informe (alors que chaque
paquet de cigarettes informe clairement du danger de fumer).
 Il ne sait pas qu'en Amérique du nord (USA, Canada, Mexique) 400 millions de
consommateurs avalent des OGM depuis une vingtaine d'années sans qu'on ait
pu déplorer le commencement du début d'un problème de santé.
 Il ne sait pas que l'absence d'OGM n'est pas nécessairement bénéfique pour sa
santé. En effet, certaines cultures sans OGM exigent beaucoup plus de
pesticides ou d'engrais, dont l'homme mange ensuite les résidus.
 Il ne comprend pas forcément que la politique du gouvernement et de l'Union
européenne répond à ces préoccupations légitimes par une simple information
du consommateur en matière de traçabilité. Cela revient à dire : "vous ne pouvez
pas savoir ce qui est bon ou mauvais pour votre santé, vous pouvez simplement
savoir qu'il y a ou non des OGM". Cette politique est la même que pour les
divers adjuvants autorisés pour colorer, épaissir ou conserver des aliments, que
les étiquettes mentionnent sous la forme "Exxx" (E317, E420, etc.)

Voilà pourquoi l'absence ou l'insuffisance de synthèse dans un article ou une


émission d'information peut rendre cette communication inefficace.

Voir aussi, en annexe [88], un complément sur la traçabilité des OGM et le dossier
de l'INRA [113].

1.7.10.2 Absence de commentaires politiques. Spécificité des médias


Les journaux comme Le Figaro ou Le Monde, des magazines comme Le Point,
L'Express ou Le Nouvel Observateur, publient souvent des analyses et
commentaires sur des sujets politiques, en plus d'informations brutes comme une
situation ou une proposition. Ces commentaires politiques sont très utiles, parce que
des spécialistes y livrent aux lecteurs des réflexions intéressantes, qui transforment
les informations en connaissances.

Malheureusement, la télévision n'en fournit que très peu, parce que de tels
commentaires demandent du temps et ne génèrent guère d'émotion, donc peu
d'audience. Et comme, pour beaucoup de gens, la télévision est leur première source
d'informations - quand ce n'est pas la seule - ils ne bénéficient jamais des analyses

145
et commentaires politiques et économiques, et sont livrés à eux-mêmes. Les (très
succinctes) informations politiques et économiques qu'ils ont reçues de leur écran
n'ayant pas été transformées en connaissances, sont le plus souvent inutilisables.
Donc lorsqu'ils votent, ils n'ont compris ni les problèmes ni les solutions proposées,
ce qui est grave. Il y a donc deux reproches que l'on peut faire aux informations de
politique et économie diffusées par les télévisions généralistes, c'est-à-dire les plus
regardées :
 Il y a très peu de temps consacré aux sujets de politique et économie, que ce
soit dans les journaux télévisés, chaque jour, ou les émissions comme "100
minutes pour convaincre", et "100 minutes pour comprendre", trop rares ;
 La proportion de temps consacré aux informations brutes (comme un petit
reportage où on interviewe Madame Michu, son cabas à la main, sur la politique
d'un ministre, ou les critiques polémiques d'un politicien contre un autre) est trop
importante par rapport à celle consacrée aux connaissances : il n'y a donc pas
assez de synthèses, les informations reçues par les téléspectateurs sont trop
peu utilisables. Ce reproche peut aussi être fait, dans une moindre mesure, à la
radio et aux journaux : il y a trop de comptes-rendus superficiels par rapport aux
synthèses utiles, c'est-à-dire pas assez de valeur ajoutée journalistique.

La seule chaîne qui consacre, dans chaque journal d'une demie heure, environ la
moitié du temps aux informations de politique et d'économie est LCI ("La chaîne
info"). On y apprend donc beaucoup sur ces sujets, et on y apprendrait encore plus si
la proportion de temps consacrée aux synthèses était un peu plus grande. Hélas, LCI
n'attire qu'environ 2% des téléspectateurs : son impact sur la culture politique et
économique du grand public est à peu près nul.

La lecture d'un texte permet de s'arrêter pour réfléchir et de revenir en arrière : le


texte est donc un média bien adapté aux commentaires politiques et, de manière
plus générale, aux connaissances qui demandent réflexion. La télévision, au
contraire, impose un rythme peu compatible avec la réflexion et ne permettant le
retour arrière que si on a enregistré l'émission : elle est donc mieux adaptée à la
diffusion d'informations brutes. Les images et le son permettent de montrer
l'expression d'un visage, le ton d'une voix, la nature et la vitesse des réactions d'un
intervenant d'un débat, informations que le texte ne peut donner. Comme l'écrit [92]
page 66 : "La radio annonce, la télévision montre et la presse explique".

Télévision, journaux et magazines sont donc complémentaires pour qui veut


s'informer bien. Mais cette complémentarité ne garantit pas qu'un téléspectateur
cherchera un complément écrit aux informations qu'il a vues, ni qu'il les trouvera s'il
les cherche : il faut donc que l'émission télévisée lui indique l'emplacement de tels
compléments ou, mieux, les lui fournisse en prenant le temps nécessaire,
éventuellement à une heure de moindre écoute.

Voir aussi "L'information politique et économique à la télévision".


1.7.11 Qualité rédactionnelle
Une information incompréhensible rebute et décourage : sa communication est donc
inefficace. Mais ce qui est compréhensible pour un spécialiste du sujet ne l'est peut-
être pas pour la cible à laquelle l'émetteur s'adresse : il faut donc choisir une cible
adaptée et mettre l'information à sa portée. C'est tout un art.

146
Une information peut être compréhensible, mais mal exposée : un français plein de
fautes finit par énerver les lecteurs instruits, un texte mal structuré est difficile à
suivre, des phrases trop longues ou trop abstraites demandent une concentration qui
finit par lasser. La structure doit séparer clairement les grandes parties d'un texte ou
d'une émission, au moyen de titres et sous-titres, pour que le lecteur ou le
téléspectateur sache où il en est.

Elle doit aussi séparer les faits, c'est-à-dire les informations brutes, exposés d'abord,
de leur analyse et de leur conclusion. Cette séparation est indispensable, en plus de
la clarté, pour que le lecteur ou téléspectateur sache distinguer les faits
(indépendants de l'auteur) des déductions (formulées par lui). On lit trop d'articles,
même dans de grands quotidiens, où faits et opinions de l'auteur sont tellement
mélangés qu'on ne distingue pas ce qui est certain de ce qui est apport personnel.

Enfin, pour qu'un lecteur prenne le temps de lire un texte, même à sa portée et bien
écrit, il faut qu'il soit convaincu d'y trouver quelque chose : l'auteur doit le convaincre
de l'intérêt de son texte. Les Américains disent qu'il doit "le lui vendre". Il y a des
techniques rédactionnelles adaptées, sur lesquelles je ne peux m'étendre car ce
serait hors sujet. Et cette remarque est aussi adaptée à la télévision et à la radio.
1.7.12 Ethique

1.7.12.1 Ethique d'un média


 Lorsque une chaîne de télévision arabe comme Al Jezira ou Al Arabiyya diffuse
les appels de Ben Laden à la croisade des musulmans contre les Américains et
les Juifs, à leur assassinat et à l'assassinat du personnel humanitaire des
Nations unies ou de la Croix Rouge, ainsi qu'au meurtre des musulmans qui
travaillent avec eux ;
 Lorsque, ce faisant, elle ignore que des Américains sont morts pour débarrasser
les Irakiens et leurs voisins d'un tyran assassin, et elle ignore que le personnel
des Nations unies et de la Croix rouge est inoffensif et venu les aider ;
 Lorsque ces messages sont placés dans un contexte qui incite les musulmans à
se croire victimes des occidentaux, alors qu'ils ne sont victimes que de leurs
propres régimes totalitaires, féodaux ou corrompus,
cette chaîne se place en dehors de toute morale, musulmane, chrétienne, juive ou
même athée.

Elle renie alors notamment les commandements de la vraie religion musulmane, qui
ne prêche la guerre sainte que lorsque les croyants doivent se défendre et défendre
leur foi, et recommande de préserver la vie humaine et non de la massacrer. Elle se
conduit de manière immorale et irresponsable, en exploitant le fait que ses outrances
génèrent de l'audience. Elle n'hésite pas à être partiale en tronquant et en déformant
la vérité, quand elle pense que cela flatte les penchants à la vengeance violente de
populations frustrées qui ont perdu leurs repères.

Ces chaînes sont des exemples extrêmes parmi les médias irresponsables et
malfaisants, ennemis de la démocratie. Selon [120], nous recevons en France la
chaîne de télévision du Hezbollah libanais Al Manar TV, diffusée par l'opérateur de

147
satellite Eutelsat, qui contient des messages antisémites que le CSA qualifie de
«parfaitement intolérables». Mais la législation en vigueur ne permet pas au CSA de
forcer Eutelsat à censurer cette chaîne.

Plus discrètement, plus insidieusement, certains de nos médias nous désinforment, à


doses homéopathiques, jour après jour. Exemple.

Les journalistes du quotidien Le Monde doivent respecter un code d'éthique publié


en 2002 dans "Le Style du Monde", sous le titre "La déontologie".

Le Syndicat National des Journalistes (SNJ) publie le code de déontologie [130].

1.7.12.2 Ethique personnelle d'un journaliste


Après avoir, dans ce livre, beaucoup accusé certains journalistes de mal faire leur
métier à l'occasion, je dois reconnaître à leur décharge qu'ils sont constamment pris
entre deux exigences contradictoires : comment respecter les règles de qualité de
l'information tout en respectant les consignes d'une hiérarchie dont les motivations
sont commerciales, voire de ligne politique ou même idéologique ?

Je me souviens d'un journaliste de la presse écrite qui se plaignait du nombre de


papiers que sa hiérarchie lui imposait de pondre chaque semaine, nombre qui ne lui
laissait pas le temps de vérifier ses sources et de faire le tour de chaque sujet. Non
seulement son métier ne lui donnait guère de satisfactions, mais il savait qu'à force
d'écrire des textes superficiels, comprenant parfois des erreurs, il sabotait sa
réputation, son avenir.

Pour plus d'informations, voir [93] et [95].

1.7.12.3 Les codes d'éthique journalistique


Source : [93]. L'association des journalistes professionnels américains Sigma Delta
Chi, très active, publie un code d'éthique remarquable pour la profession, et des
périodiques sur les nouvelles en matière de respect de la déontologie journalistique
et de liberté des médias. Leur but est de protéger la liberté de la presse en tant que
pilier de la démocratie. Pour lire ce code, cliquer ici.

Voir aussi la liste des codes de déontologie de [104] et le Que Sais-Je : "La
déontologie des médias" par Claude-Jean Bertrand.
1.7.13 La norme internationale de qualité ISAS BC 9001 :2003
Voir [142]. Voici un extrait du paragraphe "Spécificités de l'industrie de radiodiffusion"
qui montre les préoccupations de la norme :
 Indépendance & Transparence
 Ethique et Politiques
 Proximité des identités culturelles
 Satisfaction de l’audience
 Accessibilité des média
 Innovation et Création

148
 Qualité de l’information
 Pertinence sociale
 Qualité des contenus
 Diversité des contenus
 Contribution à la citoyenneté
 Mission éducative
 Participation et interactivité
 Pluralisme
 Ouverture au monde
 Compétence du personnel du radiodiffuseur
 Investissement social de l’entreprise
 Religion
 Programmation des émissions
 Qualité des équipements

1.7.14 Exemples d'information de qualité médiocre

1.7.14.1 Un journal de France Inter


Pour illustrer les critères de qualité de l'information ci-dessus, prenons le journal de
France Inter diffusé à 07h00 le 22/08/2003. Le présentateur a affirmé :
"L'intervention du président Chirac sur la canicule n'a convaincu personne"
sans donner le détail de ce que le Président avait dit la veille. Pour un auditeur qui
n'avait pas entendu le Président, ce jugement de valeur n'apportait qu'une image
négative du Chef de l'Etat, image non justifiée par les raisons de ce reproche. Le
journaliste n'a pas non plus présenté de sondage ou de liste de personnes
interrogées à l'appui du qualificatif personne. Il a donc manqué au devoir de
complétude.

Pour justifier son jugement négatif, au lieu de résumer ce que le Président avait dit,
le journaliste a interviewé M. Yves Contassot, député Verts, donc systématiquement
opposé au Président. L'interview a montré que M. Contassot n'avait aucune mesure
concrète à proposer pour atténuer les effets de la canicule, et qu'il se contentait
d'être contre la droite au pouvoir et son président. En diffusant l'interview d'une
personne qui n'avait rien à dire sur le sujet (la canicule), le journaliste a manqué au
devoir de respect du sujet. En ne présentant aucun argument allant dans le sens des
propos du Président, il a aussi manqué au devoir d'impartialité.

1.7.14.2 Le journalisme en Irak à l'été 2003


Selon l'article Free and Reckless [54], publié dans Newsweek du 11/08/2003, il y
avait à cette époque-là en Irak près de 200 journaux et magazines. Mais l'information
qu'ils diffusaient était parfaitement fantaisiste, parce qu'elle contenait très peu de faits
et beaucoup de rumeurs. Exemples :

149
"Les Juifs projettent d'acheter des immeubles à Bagdad pour commencer la
transformation de l'Irak en nouvelle rive occidentale du Jourdain" ;
"De source digne de foi, le pétrole Irakien part en Israël" ;
"Mort aux espions et à ceux qui coopèrent avec les Etats-Unis - les tuer est un
devoir religieux".

Les chaînes de télévision de la région, irakiennes ou étrangères, ne valaient pas


beaucoup mieux. La tentative des Américains d'émettre des informations plus
crédibles sur leur chaîne Iraqi Media Network n'avait pas, dans ses premiers mois,
réussi à obtenir une audience. Les journalistes irakiens ayant été décimés par
Saddam Hussein ou réduits à une stricte servilité, il n'y avait pas à ce moment-là, en
Irak, de professionnels du journalisme.

Il ne faudrait pas généraliser : tous les journalistes, tous les médias arabes ne sont
pas systématiquement mauvais : voir le contre-exemple [79].

1.8 Les médias au service des extrémistes et des minorités


Tout événement qui sort de l'ordinaire est susceptible d'intéresser les médias, et
d'autant plus qu'il a une forte charge émotionnelle. Tout ce qui est inquiétant,
scandaleux ou révoltant est diffusé par les médias, au moins pendant un certain
temps, jusqu'à ce que le public soit las d'en entendre parler.

C'est ainsi qu'il faut comprendre aujourd'hui les efforts des extrémistes et des
groupuscules pour profiter des médias.
1.8.1 Extrémistes violents et terroristes
Les extrémistes violents et les terroristes sont, par définition, très minoritaires. Si
l'audience de leurs idées - donc leur influence - suivait les règles de la démocratie,
les médias leur accorderaient une place proportionnelle à leurs effectifs, c'est-à-dire
minime.

Mais les médias accordent aux informations une place proportionnelle à leur contenu
émotionnel, car c'est cette émotion (surprise, horreur, indignation, peur...) qui attire et
retient les lecteurs, auditeurs et téléspectateurs, et les empêche de passer à autre
chose, c'est-à-dire de "zapper".

Le premier but des extrémistes violents et des terroristes est d'impressionner les
foules, en faisant diffuser leurs messages et des images de leur pouvoir de nuisance
par les médias. Ils cherchent donc les actions les plus spectaculaires possibles, les
plus révoltantes : attentats à New York et Washington le 11 septembre 2001,
attentats suicides à Bagdad contre les personnels d'organisations humanitaires
comme la Croix Rouge ou les Nations unies, etc.

Une fois que leurs attentats leur ont apporté une notoriété médiatique, ils exploitent
celle-ci en envoyant aux chaînes de télévision des messages audio ou vidéo
menaçant les démocraties des pires atrocités. C'est le cas, par exemple, de Ben
Laden. C'était le cas de Saddam Hussein jusqu'à ce qu'on l'attrape.

150
Un exemple français d'extrémisme est celui, d'origine mafieuse, qu'on trouve en
Corse depuis de longues années. Pourquoi nos médias ne le dénoncent-ils pas pour
ce qu'il est ? Pourquoi ne signalent-ils pas qu'il est très minoritaire dans l'Ile de
beauté ?

C'est pourquoi je suggère d'obtenir que tous les médias du monde, en commençant
par ceux des démocraties, décident ensemble d'un silence total sur les attentats et
les déclarations des extrémistes et des terroristes. L'absence de publicité de leurs
crimes est la meilleure manière de les dissuader d'en commettre. L'absence de
publicité de leurs idées est une bonne manière d'en limiter la propagation auprès des
esprits faibles.

Les médias devraient expliquer que les terroristes, comme al Qaida et certains
Irakiens (voir http://www.danielmartin.eu/Religion/Terrorisme-islamiste.htm ),
détruisent pour détruire, sans respecter ni les innocents (femmes, enfants), ni leurs
coreligionnaires, ni ceux qui sont venus les aider (Croix rouge, personnel humanitaire
des ONG et de l'ONU), ni les infrastructures de leur propre pays. Le terrorisme n'a
pas de solution économique ou politique viable à proposer, pour aucun pays : il n'a ni
projet de constitution, ni théorie économique. Le terrorisme islamiste ne propose que
les lois coraniques, écrites il y a plus de 1000 ans pour énoncer des règles
spirituelles et morales, pas des lois juridiques, politiques, économiques et sociales
adaptées au XXIème siècle.

Les médias devraient donc expliquer aux esprits faibles prêts à se laisser séduire par
l'idéologie de mort des terroristes qu'il s'agit d'un nihilisme sans issue (voir [81]).

Les médias devraient se rappeler et rappeler de temps en temps, après avoir


rapporté une incitation à la haine, un acte terroriste ou une incitation à le commettre,
les articles 23 et 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse [146], qui
répriment fermement ces crimes et délits.

A ce propos, il ne faut pas confondre un terroriste, qui commet un attentat-suicide en


s'attaquant à des civils sans défense, et un kamikaze, pilote-suicide japonais qui
s'attaquait à des navires de guerre. Ils on en commun l'acceptation de la mort, mais
le premier est toujours coupable, le second était un héros. Le premier tue pour tuer et
terroriser des innocents, le second avait un but politique à haute valeur patriotique, la
victoire de son pays. Il est donc consternant que les journalistes appellent souvent
des islamistes auteurs d'attentats-suicides « kamikazes », car ce faisant ils font plus
que de les disculper, ils les valorisent.
1.8.2 Nos fréquentes erreurs d'appréciation
La présentation erronée des faits délictueux ou criminels que nous venons de voir
résulte d'une erreur d'appréciation fréquente, que nous allons maintenant examiner.
Il y a, dans nos sociétés occidentales et particulièrement en France, une fâcheuse
tendance à juger un acte condamnable différemment selon celui qui le commet ou
selon son but.

1.8.2.1 Jugement selon celui qui commet l'acte condamnable


C'est ainsi qu'en France beaucoup de gens ont tendance à considérer que les jeunes
délinquants de banlieue sont d'abord des victimes du manque de respect, du
manque d'intégration et de l'exclusion professionnelle. Cette qualité de victimes

151
excuse, selon eux, les comportements socialement condamnables :
communautarisme, vols, dégradations, refus de respecter les lois, sifflement de la
Marseillaise, tags "Vive Ben Laden" et même terrorisme islamiste (rare,
heureusement).
Qu'ils soient victimes du manque de respect, d'intégration, etc., est certain, et les
frustrations correspondantes expliquent la réaction de révolte. Elles l'expliquent
psychologiquement, mais ne la justifient pas. Les délits et les crimes sont toujours
condamnables, même si les cours d'assises considèrent qu'il existe parfois des
circonstances atténuantes - atténuantes, pas exonérantes.
C'est pourtant à cause de cette tendance à la commisération à l'égard de ces
jeunes que le gouvernement de gauche de M. Jospin n'a rien fait pour lutter contre
l'insécurité, c'est-à-dire pour protéger les victimes de la société, et les médias le lui
ont tellement reproché que cela lui a coûté les élections de 2002.

1.8.2.2 Jugement selon le but de l'acte condamnable


Faisant le même raisonnement faux, ces médias ont systématiquement tendance à
considérer les Palestiniens comme des victimes de la répression israélienne et donc
à présenter les attentats que commettent leurs terroristes comme une résistance à
l'oppression. L'erreur de jugement consiste, dans ce cas, à penser que les
Palestiniens victimes ne peuvent en même temps être des bourreaux.
Il est certain que les Israéliens occupent des territoires qu'ils n'ont aucun droit
d'occuper, et que cela justifie une résistance à cette occupation. Mais il y a une
différence entre la résistance à une armée d'occupation, qui s'en prend aux militaires
occupants, et l'assassinat de centaines de civils dans des autobus, des magasins et
des restaurants. La résistance est une forme de lutte parfaitement juste, qui lutte
contre des militaires capables de se défendre, alors que le terrorisme
(voir définition précise http://www.danielmartin.eu/Religion/Terrorisme-
islamiste.htm#Definitionterrorisme )
s'en prend à des civils sans défense et n'est donc jamais excusable.

Il est aussi scandaleux que les terroristes irakiens soient appelés « résistants » par
les journalistes, parce que cela les excuse dans l'esprit de beaucoup de
téléspectateurs. Lorsque, comme à Najaf le 20/12/2004, un terroriste s'est suicidé en
faisant exploser sa voiture contre un cortège funéraire, faisant 68 morts, son acte est
inexcusable, suicide ou pas. Or les journalistes de télévision n'appellent presque
jamais les auteurs de tels assassinats, décapitations, etc. « terroristes », préférant
les qualifier « d'insurgés » ou de « combattants », ce qui les excuse aux yeux des
téléspectateurs qui manquent de discernement.
Le but des terroristes irakiens, affiliés ou non à al Qaida, est de lutter par la
terreur et l'assassinat de civils contre l'instauration de la démocratie dans ce pays,
parce que ce régime donnerait les mêmes droits aux chiites, aux sunnites et aux
kurdes, les privant ainsi de leurs anciens privilèges d'exploiteurs et d'oppresseurs.
Cette lutte est un combat pour le mal, pour l'inégalité, la spoliation, les privilèges de
certaines tribus par rapport à d'autres. Il est inadmissible que nos télévisions ne
rappellent pas cette vérité lorsqu'elles présentent leurs attentats.

1.8.2.3 Jugement selon la victime de l'acte condamnable


Tout homme a des valeurs et une culture qui le font manquer d'objectivité dans
certaines circonstances. C'est ainsi qu'on peut expliquer l'antiaméricanisme viscéral
de nombreux Français, de nombreux Européens, de nombreux musulmans. C'est

152
pourquoi certains se sont réjouis des trois mille morts américains du 11 septembre
2001, c'est pourquoi ils excusent les assassinats des terroristes d'al Qaida.
C'est aussi pourquoi la presse française se livre de temps en temps à un
véritable lynchage médiatique du Président George W. Bush
http://www.danielmartin.eu/Politique/Lynchage.htm et de son gouvernement, allant
même jusqu'à diffuser de fausses nouvelles
http://www.danielmartin.eu/Livre/meddem.htm#Complexite tellement ils sont
aveuglés par leur haine des Américains ; ceux-ci sont considérés comme coupables
et méritant un châtiment même lorsqu'ils sont victimes. Il s'agit là de jugements
xénophobes, et il y en a aussi de racistes, comme ceux qui condamnent
systématiquement les Israéliens par antisémitisme, etc.
1.8.3 Médias et groupuscules
Les extrémistes non-violents agissent eux aussi en fonction des médias. Exemple : le
"démontage" (en fait la destruction, ayant entraîné plus de 100.000 € de dégâts) du
McDonald de Millau, par José Bové et ses amis. Comme les terroristes, les
extrémistes non-violents profitent de leur notoriété pour "passer à la télévision" le
plus souvent possible. José Bové et Arlette Laguiller le font avec beaucoup de talent.

Ces extrémistes sont toujours des groupuscules, eux aussi très minoritaires. Ils
cherchent à faire triompher leur point de vue par la pression médiatique, incapables
qu'ils sont de les faire triompher par les voies démocratiques. C'est le cas de
certaines "coordinations", c'est-à-dire d'associations qui ne regroupent que quelques
milliers de membres. Ces associations réussissent à capter l'attention des médias,
qui leur accordent une place sans rapport avec leurs effectifs.

Le cas de José Bové et de sa minuscule "Confédération Paysanne" est un bon


exemple. Voilà un homme dont l'action est 100% négative, c'est-à-dire sans
proposition concrète et réalisable. C'est un contestataire pur, qui s'oppose au
libéralisme, à la mondialisation, aux ONG, aux Américains, aux OGM, etc.
Professionnel de la contestation, il conteste pour contester. Du reste, quand il ne
trouve rien à contester en France, il court contester à l'étranger ; c'est ainsi qu'il est
allé en Israël contester le traitement infligé, selon lui, par les juifs aux Palestiniens.
C'est pourquoi, lorsqu'il déclare être un syndicaliste paysan, les médias devraient le
tourner en ridicule au lieu de l'encenser.

Contestataire pur, il n'a jamais de solution crédible à proposer pour remplacer ce qu'il
combat. Il combat les McDonalds, mais n'a pas de solution de remplacement à
proposer au million de Français qui mangent chaque jour dans un des 1000
restaurants français de la chaîne parce qu'ils y trouvent leur compte ; il n'a pas de
recette pour offrir une restauration rapide et bon marché, capable de séduire les
Français et de concurrencer les McDonalds, mais il a baptisé leurs repas
"malbouffe".

Il n'a pas de solution crédible pour remplacer les OGM, qu'il combat parce que
certaines recherches dans ce domaine sont faites par des multinationales, qu'il
déteste en tant que gauchiste parce que beaucoup sont d'origine américaine. Il n'a
pas de solution pour les paysans pauvres d'Afrique, à qui des cultures OGM peuvent
apporter une solution à leurs problèmes de parasites et de rendement. Lui qui se
déclare porte-parole des paysans pauvres, se contente de constater que, dans nos

153
pays riches, les OGM ne sont pas indispensables, et il arrache les cultures
expérimentales françaises destinées à trouver des plantes pour les pays pauvres.

José Bové est un personnage négatif, qui s'oppose et détruit sans jamais construire
une solution, sans même en proposer une. Il n'a pas plus de solution de
remplacement pour les McDonalds que pour les OGM, et pas de plan de paix à
proposer dans le conflit israélo-palestinien. Représentant un groupuscule, il utilise
son talent réel de communication pour obtenir dans les médias une place sans
rapport avec les effectifs de son association ou la valeur de ses idées. On lui a
proposé d'être candidat à une élection en France, mais il a refusé : en tant que
contestataire pur, il se voit bien en train de dénigrer et de détruire, mais pas en train
d'étudier, avec d'autres élus, des solutions constructives pour son pays.

Le cas Bové illustre l'instrumentation des médias par des extrémistes ou des
groupuscules. Il montre le manque de sérieux de journalistes qui leur donnent une
audience, donc une influence, injustifiées et disproportionnées. Il faut savoir que le
seul fait d'être cité dans les médias apporte de la notoriété, donc de la crédibilité ; et
que plus on est cité souvent sans critique claire, plus on est connu et influent. Dans
ce cas comme dans d'autres, la démocratie souffre du crédit apporté par les médias
à des idéologies extrémistes, marginales ou utopiques, et à des actions que la justice
ou la morale réprouvent.
1.8.4 Médias, petits partis, associations politiques et courants
Parmi les gens qui savent utiliser les médias pour obtenir une audience hors de
proportion avec leur part de l'électorat il y a les extrémistes, heureusement, très peu
nombreux. Il y a aussi les groupuscules, qui le sont un peu plus. Enfin, avec des
effectifs supérieurs tout en étant réduits, il y a à l'extrême gauche française :
 des associations politiques comme ATTAC ;
 des groupements hétéroclites de gens se proclamant "altermondialistes" ;
 des petits partis comme le Mouvement républicain et citoyen (MRC) de Jean-
Pierre Chevènement, Lutte ouvrière (LO) d'Arlette Laguiller, la Ligue communiste
révolutionnaire d'Alain Krivine et Olivier Besancenot (LCR), le Parti des
travailleurs (PT), microscopique mais dominant certains syndicats ;
 et des courants s'agitant au sein des grands partis, comme ceux de MM.
Emmanuelli et Montebourg au Parti Socialiste.

Ces petits partis et courants d'extrême gauche ont en commun avec ATTAC :
 Une représentativité du peuple qui est autoproclamée : ils ont beau être très
minoritaires au sein de la population, ils ne s'en prétendent pas moins ses
représentants.
 Un refus absolu du libéralisme :
 ils sont donc protectionnistes, négligeant le fait que plus du tiers des salariés
français travaillent dans des entreprises qui exportent, et ne pourraient pas
vivre sans un commerce international ouvert, donc aujourd'hui mondialisé ;
 ils sont pour un Etat fort, intervenant dans tous les secteurs de l'économie,
alors que l'expérience internationale a montré que le poids de la fonction

154
publique et son inertie aux changements freinent les progrès économiques,
et ont fait reculer la France par rapport à ses voisins européens depuis une
vingtaine d'années.
 Un rêve archaïque de retour de la France à des valeurs du XIXème siècle, après
sortie de l'Union européenne et de son marché ouvert aux multinationales,
malgré les énormes progrès économiques et sociaux apportés, depuis les
années 1950, par l'intégration européenne et le commerce mondialisé.
 Un rêve absurde de protection des acquis sociaux et culturels à l'abri de
frontières et de douanes, alors que, comme ses voisins, les Français profitent
énormément de l'ouverture européenne, et que la meilleure manière de
promouvoir leur culture est de la faire connaître et apprécier aux étrangers, dans
un contexte d'ouverture des frontières.
 Une attitude stérile d'opposition aux Etats-Unis, qui n'a que des inconvénients :
baisse de la fréquentation touristique, hésitation des Américains à investir en
France et à commercer avec nous, aucun gain de poids dans la conduite des
affaires du monde.

Cette extrême gauche française fabrique des illusions, ignore les leçons de l'Histoire
et tourne le dos au progrès par frilosité et refus du changement. Il est désolant que la
presse leur donne plus de visibilité qu'aux socialistes réalistes comme MM. Strauss-
Kahn et Fabius ou aux centristes comme M. Bayrou, qui veulent une mondialisation
libérale tempérée par des garde-fous destinés à protéger la justice sociale.

Notre démocratie souffre du silence des médias sur le caractère ultraminoritaire et


l'utopie des propositions de l'extrême gauche. Et elle souffre encore plus de la
publicité que leur font les médias, en leur accordant une place démesurée, injuste
par rapport à celle accordée aux partis traditionnels, crédibles, eux.
1.8.5 Une audience disproportionnée

1.8.5.1 Importance du temps d'antenne, de la place accordée à un événement, un


parti ou une personne
Pour se faire élire, pour voir ses idées et propositions partagées, un politicien a
besoin d'audience. Il a besoin d'une "image", c'est-à-dire d'être connu et que ses
idées le soient. Pour avoir de l'image, il faut que les médias lui accordent du temps
d'antenne et de la place imprimée. Il faut qu'ils le fassent assez fréquemment pour
qu'il y ait un effet de répétition, c'est-à-dire que les citoyens mémorisent leur image et
leurs idées à force d'en entendre parler. Image et idées leur paraîtront alors plus
familières, donc plus faciles à adopter.

C'est parce que le fait de "passer à l'antenne" et d'être imprimé constitue une
publicité efficace et indispensable, que la France s'est dotée de règles concernant le
temps de parole des partis sur les chaînes de télévision et de radio. Ces règles ont
pour but de donner une audience à tous les courants politiques proposant des choix
aux électeurs, sans donner trop d'audience à certains d'entre eux.

C'est parce que les médias ont accordé aux problèmes de sécurité de la France plus
de temps d'antenne et de surface imprimée qu'à n'importe quel autre problème, que
la sécurité est devenue le premier enjeu des élections 2002, et que le bilan de la

155
Gauche en matière de sécurité a été une des causes principales de sa défaite. Si, au
lieu de parler d'insécurité dans chaque journal imprimé, parlé ou télévisé, les médias
avaient parlé de chômage, l'enjeu principal des élections aurait été le chômage.

1.8.5.2 Audience et représentativité


Les médias donnent aux syndicats un temps d'antenne et une surface imprimée hors
de proportion avec leur représentativité. Ils ne tiennent pas compte, par exemple, du
fait que la proportion de salariés syndiqués en France est de 8%, c'est-à-dire que
l'ensemble des syndicats, s'ils parlaient d'une seule voix - ce qui est rarissime - ne
représenteraient qu'un salarié sur 12 (voir "Pour des syndicats utiles"
http://www.danielmartin.eu/Syndicats/Syndicats-Utiles.htm ). Donc, lorsque dans
leurs interviews, les leaders syndicalistes prétendent représenter "le peuple" ou "les
travailleurs", ils exagèrent et le journaliste interviewer devrait rétablir la vérité.

En outre, cette proportion de 8% du total masque le fait qu'il n'y a pratiquement plus
de syndiqués dans les entreprises privées, la grande majorité des syndiqués étant
des fonctionnaires. Et lorsque le gouvernement accorde autant de place aux
négociations avec les syndicats, il fait des 8% de travailleurs qui sont syndiqués,
c'est-à-dire les fonctionnaires les plus revendicatifs, les porte-parole de tous les
salariés, ce qui est antidémocratique.

Une règle déontologique devrait donc obliger les interviewers et rédacteurs d'articles
donnant la parole à des élus syndicaux ou politiques de citer leur représentativité : tel
parti a eu X% à telle élection, telle association a N membres, etc. Et ces nombres
d'adhérents devraient être vérifiables, les partis et associations devant publier une
comptabilité au moins sur Internet. En somme, il faut obliger les médias à respecter
la proportionnalité.

On en finirait ainsi avec certaines impostures des grands syndicats qui, financés par
des fonds publics, ne tiennent aucune comptabilité et ne justifient donc pas ce qu'il
font de l'argent reçu. Exemple : le scandale de la MNEF, mutuelle du syndicat
d'étudiants UNEF, qui servait de caisse noire et de circuit de financement occulte de
syndicalistes, de politiciens et de leurs amis.

Les syndicats, coordinations, associations, etc. qui bénéficient d'une audience


disproportionnée ont donc une influence disproportionnée, ce qui fausse le
fonctionnement de la démocratie.

1.9 Les contraintes du métier de journaliste


J'ai souvent accusé des journalistes dans ce texte. Il faut savoir à leur décharge
qu'un journaliste est constamment sujet à deux exigences contradictoires :
 Celles de sa hiérarchie, motivée par les profits et le respect d'une ligne
éditoriale, avec ses contraintes politiques et idéologiques, ainsi que par les
restrictions d'indépendance telles que l'appartenance à une holding financière ;
 Celles de la déontologie de la profession, de l'éthique personnelle et de la qualité
de l'information. Leur respect demande souvent, pour chaque information
diffusée, plus de temps que la hiérarchie n'en accorde et plus de liberté
personnelle.

156
En plus de ces exigences, certains journalistes courent des risques personnels
graves, comme en témoigne le Bilan 2003 de Reporters sans frontière
(http://www.rsf.fr), qui signale pour cette année-là :
 42 journalistes tués, notamment en Asie et Moyen-Orient (contre 25 en 2002) ;
 766 journalistes interpellés (692 en 2002) ;
 1460 journalistes agressés ou menacés (1420 en 2002) ;
 501 médias censurés (389 en 2002).

Au 1er janvier 2004, il y avait dans le monde 124 journalistes et 61 cyberdissidents


emprisonnés.

157
2. Comment les médias peuvent aider la démocratie
2.1 Une tâche difficile
Les gens n'aiment pas être obligés de modifier leur comportement. Quelles que
soient les solutions que je préconiserai pour que les médias servent mieux la
démocratie, elles demanderont à des journalistes, des patrons de presse et des
directeurs de l'information de chaînes de travailler autrement. Elles demanderont aux
politiciens, au pouvoir ou dans l'opposition, d'informer plus et mieux le peuple des
problèmes et des solutions proposées. Et, sachant que les citoyens ne s'intéressent
pas assez à l'information politique et économique, il faudra obtenir de chacun qu'il
consacre plus de temps et d'attention à ce sujet. La réaction de toutes ces personnes
est prévisible : allez au diable ! Je ne dois donc guère entretenir d'illusions sur ce que
je réussirai avec les propositions que je ferai dans cette deuxième partie de livre.

Mes propositions seront d'autant moins acceptées que les reproches de la première
partie m'ont rendu antipathique : aucun des acteurs concernés n'aime les reproches,
surtout lorsqu'ils sont justifiés. C'est ennuyeux, car pour réussir mes propositions ont
besoin du concours actif de ces acteurs : on n'améliorera pas le service rendu par les
médias à la démocratie contre la volonté de tous les acteurs concernés, ou s'ils ne
font rien. Or ces propositions auront besoin d'abord d'être connues, c'est-à-dire que
les médias acceptent de les faire connaître ; et comme je les ai critiqués et que je
leur demande des efforts, ils ont d'excellentes raisons de ne pas en parler. Il ne reste
donc qu'une solution : une diffusion gratuite sur Internet, indépendamment des
autres médias, en comptant sur le bouche à oreille.

Inutile aussi d'espérer publier sur papier chez un éditeur. D'abord mon texte aborde
un sujet qui n'intéresse pas les foules. Ensuite, pour qu'un livre se vende il faut que
les médias en parlent ; et comme un éditeur réaliserait qu'aucun ne le fera…

Ma tâche est donc difficile. Je ne peux espérer qu'apporter des idées à ceux qui
voudront bien les lire, en espérant qu'elles germent et portent des fruits dans les
esprits fertiles. Cette situation a un avantage : une liberté totale de proposer les
meilleures solutions possibles. Et Internet permettra un dialogue avec des lecteurs,
donc une amélioration progressive de ce texte, ce qu'un livre imprimé interdit. Je
rappelle donc que mon adresse de messagerie est à la page
http://www.danielmartin.eu/adressemail.htm .

Nous allons maintenant faire des suggestions et indiquer des pistes de réflexion pour
que les citoyens reçoivent des médias les informations nécessaires pour :
 comprendre les situations et les événements en politique et économie ;
 évaluer les solutions proposées par les politiciens, les syndicalistes, etc.,
c'est-à-dire pour pouvoir se faire une opinion et l'exprimer en connaissance de
cause.

158
2.2 Actions du gouvernement
2.2.1 Parler aux Français
Aujourd'hui, la classe politique ne parle pas assez aux Français. La plupart des
politiciens sont coupés du peuple.

Cela tient d'abord à leur homogénéité culturelle : beaucoup sont issus de la même
école, l'ENA, où on enseigne une façon d'aborder les problèmes plus centrée sur les
dossiers que sur les communications (voir [57]).

Il y a ensuite la forte proportion de fonctionnaires, qui ont l'habitude de se tenir à une


certaine distance de leurs administrés, de s'abriter derrière des textes et de ne guère
expliquer leur action. C'est ainsi que, sous le gouvernement Jospin, la moitié des
députés étaient issus de la fonction publique. Comment s'attendre, alors, à ce qu'ils
votent des lois qui imposent aux fonctionnaires un service minimum, des
réorganisations, des efforts supplémentaires ou des baisses d'effectifs ? C'est
d'autant moins possible que, s'ils ne sont pas réélus, ils voudront réintégrer leur
administration d'origine, où ils risquent d'être fort mal reçus s'ils ont voté de telles
lois.

Il y a aussi, chez de nombreux politiciens, originaires de la fonction publique ou


simplement de gauche, un rejet instinctif du profit, de l'économie de marché et de
l'initiative individuelle. Comme les hommes ont tendance à trouver faux ce qu'ils
n'aiment pas (citation de Blaise Pascal), ces politiciens ont tendance à ne pas
adhérer aux lois économiques, libérales par nature. Ils les ignorent ou les
considèrent tout au plus comme un mal nécessaire, voire comme une contrainte
imposée par la mondialisation, l'OMC, les multinationales, les Américains ou l'Union
européenne.

Lorsqu'une situation économique ou politique demande un choix entre une solution


plus libérale et une solution plus étatique, non seulement ils rejettent instinctivement
la première au profit de la seconde, mais ils refusent d'expliquer ce choix à leurs
concitoyens par des considérations objectives liées aux lois économiques. Ils mettent
en avant des notions de justice sociale, d'écologie, etc., basées sur des critères
moraux, mais sans justification économique objective, c'est-à-dire fréquemment
irréalistes.

Les débats contradictoires entre des libéraux et ces politiciens de gauche sont donc
souvent des débats de sourds, chaque camp se basant sur des critères différents de
domaines sans rapport entre eux, domaine d'objectivité économique contre domaine
de morale.

Il arrive aussi que ces politiciens préconisent une solution économiquement absurde,
parce que, refusant de raisonner selon les lois économiques, ils n'en ont pas vu
l'absurdité.
Exemple : lorsqu'on recommande, pour mieux payer les salariés d'une
entreprise, que celle-ci prélève l'argent sur la rétribution des actionnaires, on
ne réfléchit pas aux conséquences. Une telle décision diminue immédiatement
les bénéfices de l'entreprise, donc la rentabilité pour un actionnaire d'y investir
ses économies. Cela entraîne d'abord une forte baisse de la valeur des

159
actions de l'entreprise, si celle-ci est cotée en bourse, donc pour les retraités
détenteurs de ces actions une dévaluation de leurs économies, en plus de la
baisse des dividendes qu'ils en tiraient pour vivre : l'argent donné aux salariés
a donc été pris aux retraités, ce qui n'est pas forcément juste.
Cela entraîne ensuite un refus d'autres personnes d'investir dans cette
entreprise peu rentable. Pour se développer ou simplement lutter contre ses
concurrents, l'entreprise, qui a besoin d'investir, sera obligée de recourir à
l'emprunt, solution beaucoup plus coûteuse que l'augmentation de capital. Elle
investira donc moins, ou le fera en sacrifiant encore un peu plus sa rentabilité,
ce qui rendra encore plus difficiles des investissements futurs, etc. Au bout de
quelques années, elle sera battue par ses concurrents, qui ont sorti de
nouveaux produits ou des produits moins chers, grâce à des investissements.
Elle perdra alors des marchés, ses ventes baisseront et elle devra licencier,
ou accepter d'être rachetée à vil prix par un concurrent plus sain ; celui-ci
commencera pas la restructurer pour la rendre plus productive, en général en
licenciant au passage.
On voit donc que trop payer les salariés au détriment des actionnaires n'est
pas une solution valable à long terme. Il est clair aussi que trop rétribuer les
actionnaires, en maintenant les salaires très bas, fait fuir les salariés vers
d'autres emplois, ce qui handicape l'entreprise. Il faut donc un équilibre entre
les rétributions des salariés et des actionnaires, équilibre qui définit la juste
rétribution de chaque catégorie en fonction du contexte extérieur à l'entreprise.
Il est donc indispensable que les citoyens aient ces réalités et ce type de
raisonnement présents à l'esprit, quand ils évaluent une solution proposée et
jugent ceux qui la proposent. Il faut donc qu'ils les apprennent quelque part.
C'est à la classe politique de les leur apprendre, en passant par les médias,
par l'enseignement, ou par des textes disponibles en librairie ou sur Internet.

Les citoyens ont besoin d'une vision politique. Ils ont besoin de connaître et de
comprendre la direction dans laquelle le gouvernement conduit le pays, et celle que
propose chaque formation politique. Ils ont besoin de comprendre les justifications
avancées pour chaque vision, pour y adhérer. En l'absence de telles visions, les
citoyens ne voient pas les progrès que la classe politique prétend apporter à leur
situation matérielle, à leur sécurité, à leur santé, etc. Ils estiment alors que les
politiciens n'ont pas de vision, que ce sont de purs opportunistes qui ne cherchent
qu'à être élus et se désintéressent de leurs problèmes. Pas de vision implique pas
d'espoir, ce qui a des conséquences très néfastes :
 Ayant peur de l'avenir, les gens épargnent au lieu de consommer, ce qui freine
l'économie, réduit les investissements donc les embauches ; et ils refusent
d'avoir des enfants ;
 Les politiciens dont les citoyens attendent en vain une vision sont rejetés, ce qui
leur fait perdre des voix au profit de politiciens extrémistes qui en ont, eux,
exprimé une. Psychologiquement, les citoyens ont besoin que chacun de ceux
qui les gouvernent ait des qualités de chef, à qui ils peuvent faire confiance, et il
n'y a pas de chef sans vision.

Un politicien qui ne parle pas régulièrement aux citoyens de leurs problèmes, en


expliquant que son action, conforme à sa vision, s'efforce de les résoudre, est coupé

160
de ces citoyens ; il est pour eux un personnage lointain, vivant dans un autre monde
et qui ne fait rien pour eux. Lorsque ce politicien a une fonction éminente, comme le
Chef de l'Etat, le Premier ministre, etc., s'il manque à ce devoir d'expliquer sa vision
et ce qu'elle apportera aux citoyens pour leurs problèmes concrets, il fait une grave
erreur.

Les citoyens ont aussi besoin, pour chaque problème que le gouvernement promet
de résoudre, de connaître et comprendre les détails de cette solution. En somme,
une vision ne suffit pas, il faut du concret. Avant chaque loi importante, le ministre
responsable ou le Premier ministre devrait venir à la télévision expliquer le problème
et ce qu'il compte faire, en prenant le temps nécessaire et sans interruption de
journaliste.

Aucun sujet qui interpelle les citoyens ne doit être tabou pour le gouvernement, y
compris ceux qui fâchent. Un sujet non abordé est automatiquement exploité par ses
opposants, et les journalistes y voient une faiblesse du pouvoir ou un désir de cacher
quelque chose. Un sujet non abordé est souvent l'occasion de procès d'intention. Par
contre, aucun sujet en cours d'étude par le gouvernement ne doit faire l'objet de
déclarations autres que "nous y travaillons", parce que de telles déclarations
pourraient être mal interprétées.

Les explications des politiciens doivent convaincre.


 Elles doivent donc parler au cœur des citoyens autant qu'à leur esprit. A chaque
fois qu'un sujet est abordé, il faut d'abord convaincre le public cible qu'il est
concerné, puis que la solution présentée lui sera bénéfique. C'est là que les
spécialistes de la communication ont un rôle important à jouer.
 Elles doivent utiliser une forme de communication adaptée au public cible et au
contenu : discours - même long, interview, article dans la presse. Dans ce
dernier cas, son existence doit être signalée à la radio et la télévision, et le texte
doit être publié sur Internet. La "petite phrase" qu'adorent les journalistes est
dangereuse, parce que trop facile à mal interpréter et à sortir du contexte.

Le droit de réponse d'opposants politiques est sacré. Mais pour ne pas que les
polémiques durent si longtemps à la télévision qu'elles lassent, les argumentations
doivent finir par être publiées par écrit. Le mécanisme des forums de discussions
Internet ("news") convient, sachant qu'aujourd'hui la grande majorité des gens qui
lisent facilement accèdent au réseau, et que les réfractaires à l'informatique sont
rares.

Il faut, en plus, des émissions de suivi de l'actualité, organisées par exemple sous
forme de débats. Mais, contrairement à ce qui se fait aujourd'hui, il faut laisser à un
intervenant le temps de s'exprimer, même s'il parle plusieurs minutes. Au lieu de
s'impatienter et de l'interrompre après quelques dizaines de secondes, un animateur
devrait juger de l'intérêt de ce que l'intervenant apprend aux téléspectateurs, et le
laisser continuer tant que cet intérêt est soutenu. C'est tout un art. Il exige que
l'animateur se soit documenté sur le sujet avant l'émission, qu'il suive les débats et
fasse de temps en temps des synthèses de ce qui vient d'être dit.. L'exemple à ne
pas suivre est celui de l'animateur de "100 minutes pour convaincre".

161
2.2.2 La formation à l'économie
Le citoyen du XXIème siècle ne peut plus se passer d'un minimum de connaissances
en économie et en informatique, sans lesquelles il ne peut comprendre le monde où
il vit et participer à sa gestion. L'acquisition de cette culture économique de base doit
commencer dès l'école, pour que ses principales définitions et mécanismes
importants soient assimilés.

2.2.2.1 Pour les jeunes


Dès l'école, il faut que les jeunes aient compris l'importance de les connaître, pour
participer à la vie de la société, c'est-à-dire ne pas être exclus, ne pas "se faire avoir"
par des promesses politiques utopiques. Ils apprennent plus vite que les adultes et
n'ont pas, comme certains d'entre eux, une peur instinctive de l'informatique. Ils
doivent savoir trouver sur Internet des statistiques économiques, des textes
réglementaires ou des rapports publics. Ils doivent aussi pouvoir en évaluer la
pertinence et l'objectivité, participer à des forums électroniques de discussion et
interroger des administrations sur des procédures ou des droits.

N'ayant jamais enseigné l'économie, je ne suis pas qualifié pour décrire le


programme à enseigner et la manière de le faire. Je me contente donc de suggérer
que l'on fournisse à tous les élèves de 16 ans ou plus des bases d'économie. On
pourra s'inspirer d'efforts comme MELCHIOR [108] de l'Institut de l'entreprise, qui
aide les professeurs des lycées à aborder les sciences économiques et sociales.
MELCHIOR offre sur son site :
 Une base de données économiques à jour qu'on peut interroger ;
 Des plans de cours très clairs et concrets ;
 Des tests et exercices ;
 Un glossaire ;
 Une bibliographie ;
 Etc.

Parmi les plans de cours disponibles, on trouve des sujets comme :


 Croissance, développement, changement social
 Capital, investissement et progrès technique ;
 Travail et emploi ;
 Internationalisation des échanges et mondialisation ;
 Intégration et solidarité ;
 Conflits et mobilisation sociale ;
 Stratification sociale et inégalités ;
 Intégration européenne et politiques économiques et sociales.

2.2.2.2 Pour les adultes


Pour la formation des adultes, qui doit être distillée à doses homéopathiques de deux
minutes maximum dans les journaux télévisés (seules émissions qui touchent au

162
moins la moitié d'entre eux), on peut s'inspirer de textes comme le petit ouvrage de
vulgarisation [91], qui explique très simplement, très clairement, des faits et des lois
économiques comme :
 Le PIB de la France croît, mais de moins en moins vite et moins vite que ceux de
ses partenaires l'Irlande et le Royaume-Uni, ou celui des Etats-Unis ;
 En 1981, après le deuxième choc pétrolier, le taux de chômage était le même en
France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis : 7%.
20 ans après, il était de 9% en France, 5% au Royaume-Uni, 6% aux Etats-
Unis ;
Dans les périodes de forte croissance économique mondiale, le chômage baisse
3 fois plus vite au Royaume-Uni qu'en France ;
 Les variations de l'emploi suivent les variations de la croissance avec un délai de
6 mois : c'est la croissance qui crée l'emploi, pas le contraire ;
 La croissance de la production précède celle de l'emploi, qui précède celle de la
consommation ; c'est donc en favorisant la production, c'est-à-dire le travail,
qu'on fait baisser le chômage et augmenter le niveau de vie ;
 La relance par la consommation, aux frais de l'Etat c'est-à-dire d'emprunts, ne
peut être qu'un coup de pouce dans des circonstances exceptionnelles ; elle ne
peut pas durablement générer des emplois ou de la croissance ;
 Quand les profits des entreprises baissent, l'emploi baisse 9 mois plus tard ;
quand ces profits montent, l'emploi monte neuf mois plus tard ; explication : les
profits génèrent l'investissement, qui génère l'emploi un peu plus tard ;
 Seule une baisse des dépenses de l'Etat, donc des impôts, favorise durablement
la consommation et l'investissement, donc le travail, etc.

Chaque émission d'information économique doit être accompagnée d'un texte sur
Internet, pour les téléspectateurs qui voudraient revenir sur les faits ou les
raisonnements. Et ils doivent aussi pouvoir accéder, facilement et gratuitement, à un
dictionnaire des termes économiques comme [112].
2.2.3 Un électeur = une voix, mais une voix récompensée
Dans la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 [50],
l'article 1er commence par :
"Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits."
De ce fait, lors d'un vote chaque citoyen dispose d'une voix, comme les autres
citoyens. Si un citoyen avait une voix et un autre plusieurs voix, leurs droits seraient
inégaux. C'est pourquoi la démocratie donne le même poids au vote de chaque
citoyen, sans se préoccuper de la manière dont ce citoyen est parvenu à l'opinion
qu'il exprime par son vote.

Si, par exemple, un citoyen était mal informé et qu'il a cru des promesses électorales
manifestement utopiques, tant pis : son opinion compte autant que celle d'un autre
citoyen mieux informé, qui a refusé de se laisser tromper par les promesses
fallacieuses. Et si les citoyens qui se sont fait avoir sont plus nombreux que les
autres, c'est leur choix qui prévaudra et conduira à une politique absurde.

163
Ce risque est si réel et si considérable qu'il m'a poussé à écrire ce livre, dans l'espoir
qu'avec son diagnostic et ses propositions il y aurait un jour davantage de citoyens
bien informés.

La plus grosse différence de niveau d'informations est entre deux citoyens qui sont,
l'un politicien professionnel, et l'autre citoyen ordinaire. Le premier a bien plus de
chances de connaître la réalité de la situation économique et les lois (de l'économie
et de la République) que le second. Le premier peut donc, pour se faire élire,
proposer des solutions irréalistes, sans que le second s'aperçoive de leur utopie.
Nous avons vu plusieurs exemples dans le texte qui précède.

Il y a un risque analogue en économie, «l'asymétrie d'information», situation qui


entraîne toutes sortes de distorsions dans les comportements économiques.
Exemples tirés de l'encyclopédie Universalis :
"La relation prêteur-emprunteur est fondamentalement perturbée par des
problèmes d’asymétrie d’information : l’emprunteur a plus d’informations que le
prêteur sur ses propres possibilités de remboursement, sur la qualité des projets
qu’il cherche à financer et sur sa capacité à les mener à bien."
"L’asymétrie d’information constitue la cause des paniques bancaires, les
déposants se ruant, pour en retirer leur argent, sur les banques solvables,
comme sur celles qui ne le sont pas pour la raison qu’ils ne peuvent pas faire la
distinction entre ces deux types de banques."
"A défaut de connaître le futur et de pouvoir prendre des décisions rationnelles,
les parties contractantes ne s’engageront sur le marché (du travail, du crédit, du
foncier, etc.) qu’à travers des contrats négociés entre eux. L’information de ces
parties contractantes est cependant asymétrique : acheteurs et vendeurs ne
disposent pas des mêmes informations sur les biens qu’ils échangent. D’où une
inégalité entre le «mandant» et le «mandataire», le mandataire pouvant exploiter
sa rente informationnelle au détriment du mandant."

Il y a asymétrie d'information entre le citoyen qui vote et le politicien professionnel qui


lui propose un programme électoral, ce qui peut conduire des électeurs à des choix
absurdes. Pour réduire ce risque, la seule solution est de mettre à la disposition de
tous les citoyens la culture économique et les informations factuelles nécessaires, ce
pourquoi je propose des solutions dans ce livre.

On peut craindre que l'asymétrie d'information économique et politique persiste tant


que chaque citoyen n'est pas devenu un spécialiste, c'est-à-dire un économiste
distingué et un politicien chevronné, mais ce n'est pas le cas en pratique. On
constate, en effet, que neuf fois sur dix les propositions contestables faites par
certains politiciens sont si grossièrement irréalistes qu'il est facile de s'en apercevoir
avec un minimum de connaissances et de réflexion : nous en avons vu des exemples
ci-dessus. En outre, un débat dans les médias (où des opposants critiquent chaque
proposition) a d'autant plus de chances d'éclairer le public que celui-ci a les
connaissances nécessaires pour le suivre.

Nous avons vu aussi que les Français ne s'intéressent pas assez à la politique. Je
propose donc des mesures pour les encourager à s'y intéresser davantage :

164
 Combattre l'indifférence, qui se manifeste par l'abstention, en offrant aux
électeurs une prime de vote, c'est-à-dire de l'argent lorsqu'ils prennent la peine
de voter. Il suffirait d'une somme minime, prélevée sur le budget de l'Union
européenne, de l'Etat, de la région, etc., selon la consultation. Un impôt sur tous
les citoyens, comme la TVA ou la CSG, servirait à le financer. En somme,
l'ensemble des votants et des abstentionnistes se cotiseraient pour récompenser
les premiers de leur sérieux.
 Combattre l'incompétence en matière d'économie et de politique, en vérifiant que
l'électeur a un minimum (modeste !) de connaissances de base, et s'est donné la
peine de suivre les débats sur les enjeux de l'élection considérée. On peut
imaginer un test, utilisant un imprimé avec des cases à cocher affiché par l'écran
informatique d'une machine à voter, où les questions seraient choisies
aléatoirement dans une longue liste. Ce procédé diminuerait le risque de voir un
électeur dévoiler les questions à un autre avant qu'il vote. Selon le résultat du
test, la prime de vote précédente serait plus ou moins élevée, et les citoyens
seraient d'autant plus récompensés qu'ils sont sérieux.
L'avantage de cette mesure, en plus de la motivation des électeurs, est de faire
connaître, par une statistique des réponses aux questions du test, quels sont les
domaines mal connus des électeurs, ou mal compris, qu'il faut donc leur
expliquer.
2.2.4 Faire respecter les règles par "l'autorité des médias"
En France on a l'habitude d'utiliser des limitations écrites (lois et règlements) pour
dire ce qui est interdit, ce qui est permis et dans quelles conditions. Il est clair
qu'aujourd'hui les médias ne sont pas tenus de respecter des règles de qualité de
l'information et de déontologie comme celles que nous avons vues précédemment. Il
faut donc que le législateur les décrive, décrive les sanctions encourues en cas de
non-respect et mette en place un organisme de contrôle qu'on appellera "autorité des
médias" à qui il attribuera une certaine autorité.

Le premier problème d'un tel organisme est son indépendance : s'il est nommé - ne
serait-ce qu'en partie - par le pouvoir exécutif, comme le CSA actuel, il y a un risque.
Il faut donc qu'il comprenne des représentants des citoyens, par exemple les
membres du bureau d'une "association pour la qualité des informations politiques et
économiques." Il faut aussi qu'il comprenne des représentants des sociétés de
médias et des représentants des journalistes, pour que ses délibérations et
recommandations soient raisonnables et équilibrées. L'idéal serait qu'il y ait autant de
représentants du public que de représentants des professionnels de l'information.
Mais pour être indépendant, il ne doit en aucun cas comprendre de représentant des
pouvoirs exécutif, législatif ou judiciaire.

Une fois constituée, l'autorité des médias doit pouvoir se faire écouter de ceux-ci. Si
chacune de ses recommandations doit faire l'objet d'une loi ou d'un décret, le
mécanisme sera trop lourd, donc trop lent, et trop politique parce que dépendant des
pouvoirs législatif et exécutif. Il vaut mieux qu'elle ait un pouvoir indirect, comme
celui, garanti par la loi, de retirer sa licence à un média ou un journaliste qui refuse
de l'écouter, ou celui de faire pression sur eux par l'intermédiaire de l'opinion
publique.

165
Cette autorité doit pouvoir s'auto-saisir ou être saisie par des citoyens qui ont un
reproche à formuler à un média ou au gouvernement, ou un souhait pour être mieux
informés. En ce XXIème siècle, Internet est un excellent moyen pour cela, en plus de
la poste. Il faut que l'autorité puisse faire appliquer la règle suivante :
Tout citoyen qui peut prouver, de manière incontestable, qu'un média a failli au
devoir de respect de la qualité de l'information, peut saisir l'autorité dans un délai
raisonnable, en fournissant ses preuves. L'autorité doit examiner ces preuves et,
si elle juge qu'un média a failli à l'obligation de qualité, lui imposer de rectifier
dans les plus brefs délais.

Elle doit se faire une opinion sur les problèmes en fonction des règles de qualité et
de déontologie préalablement adoptées. Elle doit aussi pouvoir proposer de
nouvelles règles ou des modifications de règles existantes.

Exemple de buts d'une telle autorité, le "conseil de presse"


Voici, selon [101] page 92, un extrait de l'article 2 des statuts du "Press Council"
britannique, qui a existé de 1963 à 1990 :
"Les buts assignés au Conseil sont les suivants :
1. préserver la traditionnelle liberté de la presse britannique ;
2. maintenir la presse britannique au plus haut niveau de qualité
professionnelle et commerciale ;
3. examiner des plaintes au sujet du comportement de la presse ou du
comportement de certaines personnes ou institutions vis-à-vis de la presse
[...] ;
4. surveiller les évolutions susceptibles de restreindre la diffusion
d'informations intéressantes et importantes pour le public ;
5. publier des rapports sur toute évolution menant vers une plus forte
concentration ou un monopole dans la presse [...] et publier des données
statistiques à ce sujet ;
6. intervenir quand les circonstances l'exigent auprès du gouvernement, des
Nations unies et des organisations de presse à l'étranger ;
7. publier régulièrement des rapports sur ses travaux [...]."

Fin 1990, le "Press Council" britannique a été dissous et remplacé par le "Press
Complaints Commission" (Commission des plaintes contre les journaux), organisme
indépendant du gouvernement, selon [101] page 123.

Et si le gouvernement ne fait rien ?


Lorsqu'un gouvernement veut résoudre un problème, il lui faut des ressources
(argent, etc.) ou au minimum déranger des gens, qui n'ont pas intérêt ou pas envie
de changer leurs habitudes. Pour qu'il agisse, il faut donc que le nombre de gens qui
approuveraient son action soit très supérieur à celui des gens qui seraient contre,
faute de quoi il perdrait des voix aux prochaines élections. En somme, un
gouvernement n'anticipe presque jamais sur un problème, il ne s'y attaque que

166
lorsqu'une majorité de ses citoyens (plus exactement : de sa base électorale) est
motivée pour qu'il agisse.

Exemple : un gouvernement ne dépense d'argent pour construire des digues


qu'après une inondation qui a déjà fait des ravages (plus exactement : une
inondation dont les médias se sont fait l'écho).

Le public français n'étant pas, aujourd'hui, conscient de la gravité du


dysfonctionnement de sa démocratie par manque d'information politique et
économique, il n'y a guère de chances qu'un gouvernement s'intéresse au problème.
Il n'y a guère de chances qu'un candidat mette dans son programme électoral une
solution à ce problème.

Les citoyens désirant une information politique et économique de qualité doivent


donc agir par eux-mêmes, pour obtenir une prise de conscience des autres citoyens
et du gouvernement. Et, comme je l'ai souligné plus haut, ils ne pourront guère
compter sur la bonne volonté des médias pour amplifier cette prise de conscience.

L'urgence de la situation ne justifiant pas la violence (qui attirerait l'attention des


médias) on ne peut pas, par exemple, réunir des manifestants pour démonter le
mobilier de la rédaction d'une chaîne de télévision, comme José Bové a "démonté"
un McDonald's. La violence n'est justifiée que dans les cas d'échec patent de la
démocratie, où le peuple qui souffre ne peut se faire entendre sans violer la loi. Nous
n'en sommes pas du tout là en France, heureusement ; c'est pourquoi le démontage
de M. Bové a été condamné.

Il ne reste donc que la possibilité de regrouper les citoyens et journalistes conscients


du problème en une association qui dénoncera les dysfonctionnements des médias,
proposera des remèdes et agira dans le cadre légal, par des publications sur
Internet, des manifestations, des pétitions, etc. Il faudra beaucoup de patience, de
persévération.

2.3 Comportement des médias


A part quelques dérapages signalés plus haut, les quotidiens nationaux et les
magazines couvrent correctement l'information politique et économique. Il y a, bien
sûr, des différences considérables entre des quotidiens comme Le Monde et Le
Figaro, d'une part, et Libération et Le Parisien d'autre part : ils ne s'adressent pas au
même public. Certains offrent même des forums Internet de discussion ; ceux-ci
permettent aux citoyens de s'exprimer sur des sujets d'actualité et, à ceux qui
comme moi s'intéressent à leurs réactions, d'avoir une idée de ces réactions.

Les chaînes de télévision couvrent l'information politique et économique de manière


trop superficielle, nous l'avons vu précédemment. Voici des suggestions pour que
cela change.
2.3.1 Respect des règles de qualité de l'information
Les règles de qualité ont été énoncées précédemment d'un point de vue du public
consommateur d'informations politiques et économiques. Si une seule de ces règles
est violée, l'information diffusée est de moindre qualité, les citoyens sont moins bien
informés ou même désinformés. Chacun doit donc recevoir les informations avec un

167
esprit critique, pour se protéger. De leur côté, les journalistes doivent veiller à les
respecter, même si cela leur demande du temps et restreint leur liberté.
2.3.2 Respect par les journalistes de règles de déontologie
Pour obtenir, vérifier, mettre en forme et diffuser des informations, les journalistes
doivent aussi respecter des règles de déontologie. Voir aussi [93], [95] et [6].
2.3.3 Nécessité d'un respect non imposé
Le respect des règles de qualité et de déontologie doit venir d'abord des journalistes
eux-mêmes et de leurs patrons, avant la crainte de l'autorité des médias. C'est en
diffusant des informations de qualité que les médias obtiendront le respect de leur
public.

Les médias doivent donc considérer l'autorité des médias comme un organisme
paritaire de protection de la qualité des informations dans l'intérêt du public, pas
comme un gendarme. Ils doivent donc collaborer avec cet lui.

Dans la mesure où tous les médias ont les mêmes contraintes de qualité, celles-ci
n'altèrent pas leur concurrence. Bien que la qualité coûte cher, les patrons des
médias ne pourront donc pas accuser ces contraintes d'être une source inacceptable
de frais supplémentaires. C'est la mauvaise information et la désinformation qui
coûtent trop cher au public.

2.4 Comportement des citoyens


Les citoyens doivent s'informer des événements politiques et économiques : les
médias, l'enseignement et le gouvernement doivent les en persuader. Un citoyen qui
n'est pas au courant gaspille son vote, et se fait avoir par des promesses utopiques
de politiciens.

Cette information personnelle demande du temps, environ une heure par jour. Mais
elle demande aussi une attitude critique vis-à-vis des médias, par exemple la
compréhension que les journaux télévisés de TF1, France 2 et France 3 sont des
journaux de faits divers, à contenu politique et économique insignifiant, quand il n'est
pas mauvais. Pour être bien informé en matière de politique et d'économie, il faut :
 Choisir les journaux télévisés de chaînes comme LCI et LCP ;
 Compléter leur information, au moins de temps en temps, par un point de vue
non-français, par exemple en écoutant CNN ou BBC World (chaînes en anglais
difficile, hélas) ;
 Suivre des émissions comme "C dans l'air", "France Europe Express" ou "Une
fois par mois", ainsi que "100 minutes pour convaincre/comprendre" ;
 Lire un quotidien de référence, comme Le Monde ou Le Figaro ; si possible,
compléter par The New York Times ou The Washington Post, accessibles gratis
sur Internet, pour avoir un point de vue américain ;
 Lire un magazine hebdomadaire, comme Le Point, L'Express ou Le Nouvel
Observateur, etc.
 Lire quelques-uns des rapports officiels au gouvernement ou aux Nations unies
sur Internet, etc.

168
Les citoyens motivés par le service que les médias doivent à la démocratie peuvent
aussi se regrouper en associations, comme expliqué ci-dessus. Je vais en créer une
pour cela.

169
3. Sources
[1] President Bush Discusses Freedom in Iraq and Middle East
téléchargé le 10 novembre 2003 de
http://www.whitehouse.gov/news/releases/2003/11/20031106-2.html

[2] Suède : le vrai bilan de la libéralisation postale - par Anna Stellinger - Le Figaro
économie du 01/12/2003 page VII. Cet article fait référence au document publié par
ATTAC Le Service Public, téléchargé le 09/12/2003 de la page
http://www.local.attac.org/finistere/AttacBrest-ServicePublic.pdf .

[3] Statistiques internationales d'assurance chômage, harmonisées pour les


différents pays en accord avec les critères du Bureau International du Travail (BIT).
http://www.assedic.fr/unipublics/index.php?idarticle=10569, téléchargé le 01/12/2003
En septembre 2003, le taux de chômage était de 5,5% en Suède et de 9,5% en
France.

[4] La guerre à outrances - Comment la presse nous a désinformés sur l'Irak


Par Alain Hertoghe, chez Calmann-Lévy (octobre 2003)

[5] Bilan du premier tour de l'élection présidentielle 2002 publié par le Conseil
constitutionnel le 24/04/2002.

[6] Association américaine pour des médias équitables : FAIR http://www.fair.org/

[7] Définition : "l’opinion publique" est une force sociale résultant de la similitude de
jugements portés sur certains sujets par une pluralité d’individus et qui s’extériorise
dans la mesure où elle prend conscience d’elle-même. (Georges BURDEAU,
professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris, dans l'article
Opinion publique de l'encyclopédie Universalis).

[8] Médias et sociétés 10ème édition, par Francis Balle, éditions Montchrestien

[9] La face cachée du Monde - Du contre-pouvoir aux abus de pouvoir, par Pierre
Péan et Philippe Cohen, éditions des Mille et une nuits.

[10] Black List - Quinze grands journalistes américains brisent la loi du silence, sous
la direction de Kristina Borjesson, éditions Les arènes.

[11] "Bien entendu... c'est off" - Ce que les journalistes politiques ne racontent
jamais, par Daniel Carton, chez Albin Michel

[12] Les vertus du mensonge... Information Déformation Manipulation, par Edouard


Dor et Bernard Valette, chez Sens&tonka

[13] Maroc - La femme égale de l'homme L'Express du 11/12/2003, pages 34-35.

[14] L'Express du 31/07/2003 page 16 : L'alternative Fillon

170
[15] Article de Rolf EKEUS sur les armes irakiennes
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A43468-2003Jun27.html téléchargé
le 29/06/2003

[16] ONU : inspections encore à faire au 17/03/2003


http://www.un.org/Depts/unmovic/documents/draftWP.pdf téléchargé le 24/03/2003

[17] Journal de l'UDF Démocratie info 13/01/2003 - Editorial IRAK – Notre ligne : pas
de preuves, pas de guerre

[18] ONU : rapport Blix du 06/03/2003


http://www.un.org/Depts/unmovic/documents/6mar.pdf téléchargé le 18/03/2003

[19] ONU : rapport Blix du 07/03/2003 (résumé verbal du précédent)


http://www.un.org/Depts/unmovic/SC7asdelivered.htm téléchargé le 18/03/2003

[20] ONU : résolution 1441 du 08/11/2002 (unanimité)


http://www.un.org/Docs/scres/2002/sc2002.htm téléchargé le 28/01/2003

[21] ONU : rapport Blix du 27/01/2003 http://www.un.org/Depts/unmovic/Bx27.htm


téléchargé le 28/01/2003

[22] Livre blanc Justice et édition : plaidoyer pour une justice adaptée, par le Syndicat
national de l'édition

[23] La stratégie nationale de sécurité des Etats-Unis d'Amérique


http://www.whitehouse.gov/nsc/nss.pdf téléchargé le 21/09/2002

[24] Charte des Nations unies (définitions : légitime défense et agression)


http://www.un.org/french/aboutun/charter.htm téléchargé le 06/10/2002

[25] Définition ONU de l'agression : résolution 3314 de l'Assemblée générale des


Nations unies du 14/12/74 http://www.jurist.law.pitt.edu/3314.htm téléchargé le
06/10/2002

[26] Discours de M. Colin Powell au Conseil de sécurité le 05/02/2003


http://www.whitehouse.gov/news/releases/2003/02/20030205-1.html téléchargé le
07/02/2003

[27] ONU : résolutions du Conseil de sécurité de 1946 à 2003


http://www.un.org/documents/scres.htm téléchargé le 28/01/2003

[28] ONU : résolution 687 du 03/04/1991


http://www.un.org/Docs/scres/1991/scres91.htm téléchargé le 23/01/2003

[29] ONU : rapport S/1999/94 du 29/01/1999 sur l'armement de l'Irak et ses efforts de
dissimulation (Incroyable !) http://www.un.org/Depts/unscom/s99-94.htm
téléchargé le 25/01/2003

171
[30] Propositions pour la France - Chiffres et argumentaires par Daniel Martin,
éditions Godefroy de Bouillon (2002).

[31] Encyclopédie Universalis 8, articles Populisme et Berlusconi

[32] Encyclopédie Universalis 8, article L'année politique 1996 - Une opinion


désenchantée

[33] Contribution [d'ATTAC] à la Convention sur le futur de l’Europe, téléchargé du


site http://france.attac.org/site/page.php?idpage=1393&langue le 13/11/2003 à
l'occasion du Forum social européen (FSE).

[34] CHARTE DES DROITS FONDAMENTAUX DE L'UNION EUROPÉENNE, texte


téléchargé le 17/12/2003 de http://europa.eu.int/eur-
lex/pri/fr/oj/dat/2000/c_364/c_36420001218fr00010022.pdf

[35] Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, http://www.conseil-


constitutionnel.fr/textes/p1946.htm cité dans la Constitution française de 1958
http://www.legifrance.gouv.fr/html/constitution/constitution2.htm ,modifiée à 17
reprises depuis (voir http://www.conseil-constitutionnel.fr/textes/modif.htm )

[36] Contribution à la critique de l’économie politique par Karl Marx (1859). Dans cet
ouvrage, Marx décrit les principes du "matérialisme historique", dont voici des
extraits :
"Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des
rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de
production qui correspondent à un degré de développement déterminé de leurs
forces productives matérielles. L’ensemble de ces rapports de production
constitue la structure économique de la société, la base concrète sur quoi
s’élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des
formes de conscience sociales déterminées."
"A un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de
la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou,
ce qui n’en est que l’expression juridique, avec les rapports de propriété au sein
desquels elles s’étaient mues jusqu’alors. De formes de développement des
forces productives qu’ils étaient, ces rapports en deviennent des entraves. Alors
s’ouvre une époque de révolution sociale."
"Le changement dans la base économique bouleverse plus ou moins rapidement
toute l’énorme superstructure. A grands traits, les modes de production antique,
féodal et bourgeois moderne peuvent être qualifiés d’époques progressives de la
formation sociale économique. Les rapports de production bourgeois sont la
dernière forme antagonique du processus de production sociale, non pas dans le
sens d’un antagonisme individuel, mais d’un antagonisme qui naît des conditions
d’existence sociale des individus ; cependant les forces productives qui se
développent au sein de la société bourgeoise créent en même temps les
conditions matérielles pour résoudre cette contradiction. Avec cette formation
sociale s’achève donc la préhistoire de la société humaine."

172
Marx considère le matérialisme historique comme une science, dont il énonce les
principes et les lois, et dont il déduit une prédiction fondamentale : le capitalisme ira
inéluctablement à sa perte, lors de la révolution prolétarienne.

Mais hélas Marx s'est trompé, en ne prévoyant pas le progrès social d'une société
capitaliste, la possibilité pour les travailleurs de progresser en niveau de vie, grâce à
l'action syndicale et au rôle redistributeur de l'Etat dans une démocratie. Il n'a pas
prévu, non plus, le progrès technique, permettant des innovations et une meilleure
productivité du travail. Il n'a pas vu qu'innovations et meilleure productivité
permettraient à leur tour une croissance des profits d'une entreprise. Il pensait que la
seule manière pour une entreprise d'augmenter ses profits était d'en pousser une
autre à la faillite, de la racheter ou de moins payer ses salariés, donc que l'activité
économique était stable, qu'elle ne pouvait croître de manière significative. Cette
pensée économique erronée a conduit le gouvernement Jospin à la théorie du
partage forcé du travail existant, donc à la RTT et ses "35 heures", alors que tous les
autres pays ont favorisé la croissance économique et l'accroissement du travail.

Loin d'aller vers la société communiste idéale, que Marx voyait comme phase ultime
de l'évolution de l'humanité, les divers régimes communistes n'ont engendré que
misère matérielle et négation des libertés humaines.

[37] Quotidien Le Parisien http://www.leparisien.fr/home/index.htm

[38] Magazine Paris Match http://www.parismatch.com/

[39] Les génies de la science - Pascal, http://www.pourlascience.com

[40] Charte des Principes du Forum Social Mondial


http://www.forumsocialmundial.org.br/main.asp?id_menu=4&cd_language=3
téléchargé le 12/11/2003

[41] Les 21 exigences d’ATTAC pour le « traité constitutionnel » téléchargé le


13/12/2003 http://france.attac.org/site/page.php?idpage=2763&langue=

[42] Portail d'accès aux divers ministères et services de l'administration française :


http://www.service-public.fr/

[43] La documentation française http://www.ladocumentationfrancaise.fr/ : discours,


rapports officiels, etc.

[44] Constitution, lois, règlements, conventions collectives, traités internationaux,


droit communautaire, Journal officiel, jurisprudence, etc.
http://www.legifrance.gouv.fr/

[45] Atlas mondial, Atlas géographique, Atlas des pays du monde, Atlas économique.
Statistiques géographiques sur les pays du monde :
http://www.centraledesnations.com/

[46] Le poids des apparences - Beauté, amour et gloire, éditions Odile Jacob

173
[47] L'obsession anti-américaine, par Jean-François REVEL, de l'Académie
française.
[48] Ouest contre Ouest, par André Glucksmann, éditions Plon

[49] Dostoïevski à Manhattan, par André Glucksmann, éditions Robert Laffont

[50] Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, téléchargée le


24/12/2003 de la page http://www.conseil-constitutionnel.fr/textes/d1789.htm

[51] Manipulations, intox, machination : les dessous de l'affaire Baudis - L'Express n°


2725 du 25/09 au 1/10/2003, pages 80 à 89

[52] Dominique Baudis sur la piste de la «pieuvre» - Le Figaro du 03/10/2003 page


11. Cet article a pour surtitre :
"Blanchi de tout soupçon, l'ancien maire de Toulouse s'est mué en guerrier
implacable : ce complot qui a voulu le tuer, il le démontera."

[53] Losing Trust in Auntie BEEB, Newsweek du 29/09/2003, page 30

[54] Article Free and Reckless, Newsweek du 11/08/2003, page 22

[55] Encyclopédie Universalis 8, article Agence France-Presse

[56] France Télévisions, page Rendez-vous politiques - Vivez la démocratie en direct


http://www.francetelevisions.fr/recup_data/recup_17.php?nav_url=4_11&lg=fr&mode
=html&emission=2&rubrique=1 téléchargée le 26/12/2003

[57] 2002, l'année de la relève, par François Bayrou, Le Figaro du 27/11/2001

[58] Encyclopaedia Britannica 2004, article Public Broadcasting Service

[59] Cahier des charges de France 2 téléchargé le 25/12/2003 :


http://charte.francetv.fr/charte%20de%20l'antenne/cahier%20des%20charges%20%
20france%202.htm

[60] Cahier des charges de France 3 téléchargé le 25/12/2003 :


http://charte.francetv.fr/charte%20de%20l'antenne/cahier%20des%20charges%20%
20france%203.htm

[61] Article Free Trade Accord at 10 : Growing Pains Are Clear, The New York Times
du 27/12/2003

[62] Décret applicable aux éditeurs de services de télévision : Décret 92-280 du 27


mars 1992 pris pour l'application des articles 27 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30
septembre 1986 et fixant les principes généraux définissant les obligations des
éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat.
Ce décret fait référence à la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à
la liberté de communication, et notamment le 1° de son article 27 (voir [63])
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=6598&indice=1&table=CONSOLIDE
&ligneDeb=1, téléchargé le 28/12/2003

174
[63] Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Loi
Léotard). Cette loi définit aussi le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel).
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=6343&indice=1&table=CONSOLIDE
&ligneDeb=1, téléchargée le 28/12/2003. En voici un extrait :
"Article 1 :
La communication audiovisuelle est libre."
"L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d'une
part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la
propriété d'autrui, du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée
et d'opinion et, d'autre part, par la sauvegarde de l'ordre public, par les besoins
de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes
techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité
de développer une industrie nationale de production audiovisuelle."
"Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité indépendante, garantit l'exercice
de cette liberté dans les conditions définies par la présente loi."
"Il assure l'égalité de traitement ; il garantit l'indépendance et l'impartialité du
secteur public de la radiodiffusion sonore et de la télévision ; il veille à favoriser
la libre concurrence et l'établissement de relations non discriminatoires entre
éditeurs et distributeurs de services ; il veille à la qualité et à la diversité des
programmes, au développement de la production et de la création audiovisuelles
nationales ainsi qu'à la défense et à l'illustration de la langue et de la culture
françaises. Il peut formuler des propositions sur l'amélioration de la qualité des
programmes."

[64] Les sociétés du secteur public de l'audiovisuel http://www.vie-


publique.fr/dossier_polpublic/audiovisuel/secteurpub/societes_pub.shtml téléchargé
le 28/12/2003

[65] Direction du développement des médias (DDM) - Plan su site


http://www.ddm.gouv.fr/plan_du_site/index.html

[66] Les entreprises publiques de télévision et les missions de service public


Rapport de mission au ministre de la culture et de la communication, par Jean-Louis
MISSIKA - décembre 1997, téléchargé le 28/12/2003
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/984000018/0000.rtf

[67] Site Internet qui publie cet ouvrage

[68] Au Travail ! par Frédéric Tiberghien, éditions Jean-Marie Laffont (paru le


05/12/2003) - Ce livre explique les idées fausses qui abondent sur l'emploi. Tous les
dossiers chauds de l'actualité sont passés en revue : 35 heures ; précarité ;
inégalités et discriminations ; inadaptation du droit du travail ; travail des femmes ;
restructurations et chômage..., ainsi que les réformes à conduire pour rendre notre
marché du travail plus efficace et plus juste.

[69] Article Faits religieux : cours très particuliers, L'Express du 25/12/2003 page 21

175
[70] Portail d'accès Internet de l'Union européenne : http://europa.eu.int/index_fr.htm

[71] Page de résultats de l'élection 1999 au parlement européen


http://membres.lycos.fr/etudeurope/Europe/resultat.html

[72] PIB par habitant à parité de pouvoir d'achat au 18/12/2003, selon les statistiques
officielles de l'Union européenne, téléchargé le 31/12/2003 de la page
http://europa.eu.int/comm/eurostat/Public/datashop/print-
product/FR?catalogue=Eurostat&product=2-18122003-FR-BP-FR&mode=download

[73] Parités de pouvoir d’achat et indicateurs économiques dérivés pour l’UE,


téléchargé le 31/12/2003 de la page
http://europa.eu.int/comm/eurostat/Public/datashop/print-
product/FR?catalogue=Eurostat&product=KS-NJ-03-064-__-N-FR&mode=download

Selon ce document officiel, en prenant comme base 100 le PIB moyen par habitant à
parité de pouvoir d'achat de l'Union européenne chacune des 8 années de 1995 à
2002, la comparaison de la France, de l'Allemagne, de l'Irlande et du Royaume-Uni
donne le graphique suivant :

On voit que depuis 1995 :


 Le niveau de vie des Français est resté au même niveau (~105) par rapport à la
moyenne 100 de l'Union européenne ; celle-ci a progressé (inflation déduite)
d'environ 10% de 1995 à 2002. Il a augmenté moins vite que celui des
Espagnols, (+9%) et que celui des Finnois, (+6%.)
 Le niveau de vie de l'Allemagne a baissé de 108 à 100, soit 8%.

176
 Le niveau de vie de l'Irlande a augmenté de 90 à 125, soit 39% et dépasse
largement aujourd'hui celui de la France. Et selon [3] ce pays ne compte en
septembre 2003 que 4,7% de chômeurs.
 Le niveau de vie du Royaume-Uni a augmenté de 100 à 107, soit 7%. Et ce pays
ne compte que 5% de chômeurs.
 La France et l'Allemagne, dont la croissance est mauvaise et le taux de
chômage voisin de 9,5%, ont en commun un déficit structurel important dû à des
transferts sociaux excessifs : allocations chômage, remboursements de sécurité
sociale, etc.
 Le Royaume-Uni et l'Irlande, au contraire, allient une croissance plus forte et un
taux de chômage plus faible. Ces deux pays sont, à l'évidence, mieux
gouvernés.

Voir aussi, ci-dessous la comparaison des taux d'activité.

[74] Taux d'activité comparés France - Royaume-Uni


Définition : On appelle taux d'activité le rapport de la population active à la population
en âge de travailler exprimé en pour-cent.

La France a une population de 59,2 millions d'habitants, le Royaume-Uni de 59,9.


Dans les deux pays, la population en âge de travailler est de 44,5 millions.

Voici les taux d'activité comparés en 2001 de la France et du Royaume-Uni selon les
pages sources suivantes téléchargées le 01/01/2004 :
http://www.retraites.gouv.fr/article59.html
http://www.senat.fr/rap/l03-059-3/l03-059-325.html
http://www.statistik.admin.ch/stat_int/fint_f.htm,
http://www.statistik.admin.ch/stat_int/fint_gb.htm

Femmes Hommes F&H F&H F&H F&H F&H


plus de plus de 50 à 54 55 à 59 60 à 64 65 à 69 70 à 74
15 ans 15 ans ans ans ans ans ans
France 48.9 62.7 75.8 49.3 9.9 2.1 0.9
Royaume
54.2 70.2 77.3 64.7 37.6 10.7 4.4
Uni
Taux d'activité (%) comparés de la France et du Royaume-Uni en 2001

L'âge moyen du départ à la retraite est 58,1 ans en France et 62,1 ans au Royaume-
Uni.

Conclusions, sachant que la France et le Royaume-Uni ont mêmes populations :


 Les Anglais sont en moyenne 10% plus nombreux à travailler que les Français.
 Les Anglais travaillent 4 années de plus que les Français avant de prendre leur
retraite, c'est-à-dire environ 10% plus longtemps sur une carrière de 40 ans.
 Compte tenu aussi du nombre moyen d'heures travaillées ci-dessous, la
prochaine génération aura d'énormes difficultés à payer les retraites de la nôtre tout
en remboursant la dette colossale que nous lui laissons.

177
[75] Nombre moyen d'heures travaillées par an et par personne dans divers pays
Source : Bureau International du Travail (BIT), étude publiée le 01/09/2003
http://www-ilo-mirror.cornell.edu/public/french/bureau/inf/pr/2003/40.htm
téléchargée le 02/01/2004.

On y relève notamment les nombres d'heures suivants pour 2002 :


France : 1545 ; Royaume-Uni : 1710 ; Irlande 1668 ; Allemagne : 1444

En France, le nombre d'heures est passé de 1800 en 1980 à 1545 en 2002 (-22%).
Pendant le même temps, il est passé de 1770 à 1710 au Royaume-Uni (-3.4%).
Aujourd'hui, un Anglais travaille chaque année 10% plus longtemps qu'un Français.

[76] Evolution du déficit et de la dette de l'Etat depuis 1995. - Sources : Bilan du


Monde 2003 et 2004, publié par Le Monde et Le Figaro économie du 10/03/2004.

La dette totale des administrations fin 2003 est d'environ 1000 milliards d'euros,
c'est-à-dire 63% du PIB ou 16.000€ par habitant de la France. C'est plus que la limite
de 60% du PIB imposée par l'Union européenne. Il ne faut pas croire qu'elle a baissé
en 1999, 2000 et 2001 : la moindre proportion du PIB qu'elle a représenté alors
traduit seulement une hausse, ces années-là, moins rapide que celle du PIB.

Le déficit 2003 de l'Etat est de 61,8 milliards d'euros (voir [118]) et l'Etat prévoit 55,1
milliards d'euros pour 2004 : la dette croîtra encore. Les baisses d'impôt décidées
pour 2004, environ 3,3 milliards d'euros, seront entièrement financées par de la dette
supplémentaire.

178
Si nos enfants remboursent la dette à fin 2003 en 20 ans avec des intérêts de 3%
par an, chacun devra payer 1075€ par an, c'est-à-dire 4300€ pour une famille de 4
personnes ou 4% du PIB actuel, proportion colossale, correspondant à une
croissance inespérée en France.

Et ceci suppose que la population reste la même, ce qui n'est pas possible sans une
importante immigration, car notre natalité est trop faible. Ceci suppose aussi que
nous cessions de faire croître la dette fin 2003, ce qui est impossible, l'Etat essayant
seulement de baisser son déficit à moins de 3% du PIB (environ 1580 milliards
d'euros en 2003) d'ici quelques années.

On voit que l'Etat dépense chaque année plus qu'il reçoit, s'endettant chaque fois un
peu plus. Un jour, nos enfants devront payer ce que nous avons dépensé sans en
avoir les moyens. Nous sommes en train de manger leur avenir. Comment pourrons-
nous compter sur eux pour payer nos retraites en plus du remboursement de nos
dettes ?

Les Etats-Unis ont, eux aussi, un problème non résolu de croissance de la dette de
l'Etat fédéral : voir [87].

[77] Programme du Parti Socialiste pour les élections 2001 La vie en mieux, la vie
ensemble, paragraphe 1.1 Une France plus solidaire, une société plus ouverte,
extrait :
"Pour l’emploi, nous avons mis en place les 35 heures qui s’appliquent aujourd’hui à
plus de la moitié des salariés et ont déjà créé 400 000 emplois..."

[78] La dictature des syndicats par Bernard Zimmern (X, ENA), publié chez chez
Albin Michel en octobre 2003. Ce remarquable ouvrage du fondateur de l'IFRAP
http://www.ifrap.org/ permet de comprendre l'extraordinaire puissance des syndicats
de la fonction publique et leur pouvoir de bloquer toute réforme qui diminuerait le
nombre de fonctionnaires ou leurs incroyables privilèges.
Voir aussi "Pour des syndicats utiles"
http://www.danielmartin.eu/Syndicats/Syndicats-Utiles.htm .

[79] Quotidien Al-Sharq al-Aswat, citation du chroniqueur Mushari Al-Dhayidi


rapportée par Le Figaro des 3 et 4/01/2004, page 8 :
"L'heure est venue pour nous de lire l'Histoire et le présent comme ils sont et non
comme nous souhaitons qu'ils soient. Ces couches épaisses de mensonge et
d'ignorance qui ont trop longtemps entouré nos esprits et nous ont privés d'air et de
lumière sont nos pires ennemis. Notre ennemi véritable, c'est l'ignorance. Pire, c'est
d'applaudir et d'entretenir cette ignorance."

[80] OCDE : Analyse comparative de la démographie et de la survie des entreprises


(16/01/2003) signalée dans [78] page 176, téléchargée le 04/01/2003 de la page
http://www.olis.oecd.org/olis/2003doc.nsf/43bb6130e5e86e5fc12569fa005d004c/baa
e13eab6398c35c1256cb0003894a4/$FILE/JT00137717.DOC
Ce papier propose une analyse des données démographiques et de survie
d’entreprises d’un groupe de dix pays de l’OCDE. L’évolution des entreprises
(création, croissance, survie) et de la croissance de l’emploi est décrite et analysée
selon les pays, les secteurs et le temps.

179
[81] Nihilisme : c'est une philosophie qui rejette tous les principes moraux
traditionnels. Elle prône la révolution, pour renverser notre société par la destruction
et la terreur. La doctrine est résumée dans l'Encyclopédie UNIVERSALIS (article
Nihilisme) et l'Encyclopaedia Britannica (article Nihilism). Ses conséquences
modernes, notamment le terrorisme, sont décrites dans les livres d'André
Glucksmann [48] et [49].

[82] Fareed Zakaria : L'avenir de la liberté - La démocratie illibérale aux Etats-Unis et


dans le monde (éditions Odile Jacob).

[83] Convention européenne des Droits de l'Homme (Convention de sauvegarde des


Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales telle qu'amendée par le Protocole
n° 11 - Rome, 4.XI.1950) téléchargée le 05/01/2004 de
http://www.justice.gouv.fr/textfond/europ1.htm

[84] Le Figaro économie du 05/01/2004, articles :


 La France recule au capital de la BCE, page 1
 [Indices boursiers] Leurs pronostics pour 2004, page 2

[85] Rapport 194 (98-99) du Sénat : Proposition de loi relative au service minimum en
cas de grève dans les services et entreprises publics téléchargé le 05/01/2004 de
http://www.senat.fr/rap/l98-194/l98-194.html contient, dans son Annexe 2 -
Contribution de la CGT, les extraits de texte repris au paragraphe "Ne pas aborder à
la télévision les sujets qui fâchent".

[86] Discours du président Chirac à l'occasion des vœux aux forces vives, Loi de
mobilisation pour l'emploi, le 06/01/2004 téléchargé le 07/01/2004 de la page
http://www.elysee.fr/magazine/actualite/sommaire.php?doc=/documents/discours/20
04/VXFV04.html. En voici deux extraits :
"... il est temps d'instituer, pour tous les salariés, de nouvelles garanties en matière
de reclassement"
"...Nous devons répondre aux difficultés d’entrée dans la vie active des jeunes de 16
à 24 ans en instaurant pour eux un véritable droit, droit à l’activité, à la formation ou à
l’emploi..."

[87] Newsweek du 12/01/2004, page 7, article Our Kids Will Pay the Bill
Cet article montre que les Américains ont les mêmes soucis à se faire que les
Français en matière d'endettement de l'Etat à faire supporter aux générations
futures. Comme en France jusqu'à la réforme des retraites du gouvernement
Raffarin, les politiciens américains ont systématiquement sacrifié l'avenir au présent,
et continuent à le faire : pour se faire apprécier du peuple, ils dépensent un argent
que les générations futures devront rembourser. Voici une traduction exacte d'un
passage de l'article :
"Pour les leaders des deux partis [Démocrate et Républicain], fâcher les électeurs
d'aujourd'hui avec des solutions impopulaires à des problèmes futurs est absurde.
Les Républicains comme les Démocrates sont prêts sans états d'âme à aggraver les
problèmes de demain pour gagner des suffrages aujourd'hui."

180
En 2003, l'intérêt payé par l'Etat fédéral sur ses dettes de 6.000 milliards de dollars a
déjà représenté 1,5% du PIB, c'est-à-dire 150 milliards de dollars. Pendant l'année
fiscale 2003, le déficit du budget fédéral a été de 374 milliards de dollars (3,7% du
PIB). Il est prévu qu'il atteindra 521 milliards de dollars en 2004, soit 5% du PIB.

Evolution du déficit fédéral des Etats-Unis depuis 1965

Evolution de la dette fédérale des Etats-Unis et des intérêts qu'elle coûte

[88] Implications de la réglementation sur la traçabilité des OGM


La traçabilité des OGM, obligatoire en Europe, a les implications suivantes :

Etiquetage
Tout aliment contenant moins de 1% d'OGM pourra faire figurer la mention "sans
OGM" sur son emballage et sa publicité commerciale. Exemple : une mayonnaise
contenant de l'huile de maïs ne sera "sans OGM" que si elle en contient moins de
1% et qu'elle ne contient aucun autre produit OGM.

Pourquoi 1% et pas 0% ? Parce que la pureté absolue ne peut ni être atteinte, ni être
mesurée. Une trace de produit OGM peut toujours subsister dans un récipient
insuffisamment lavé, ou avoir été apportée par l'air ambiant. On raisonne là comme
en matière de pureté de l'eau : une eau est dite potable si elle contient moins de x%
de pesticides, de y% de nitrates, etc. Donc, puisque le taux de 1% ne garantit pas
l'absence totale d'OGM, le label "sans OGM" ne garantira pas, lui non plus, l'absence
totale d'OGM : le consommateur doit le savoir.

En outre, l'obligation de situer chaque produit par rapport à son contenu OGM ne
concerne pas tous les produits. Elle concerne tous les aliments à destination
humaine et animale figurant dans un tableau annexé à la directive européenne. Ce
tableau exclut explicitement des aliments tels que :

181
 Les produits venant d'animaux nourris avec des aliments OGM : de la viande et
du lait provenant de bovins ayant mangé des aliments OGM, ou des œufs de
poules nourries aux OGM n'ont pas à porter d'étiquette OGM ; leur
consommateur n'a pas à savoir si les bovins ou les poulets d'origine étaient
nourris aux OGM ou non.
Les experts de la Commission considèrent, en effet, que le fait que ces animaux
aient mangé des OGM est sans conséquence pour leur viande, leur lait ou leurs
œufs. Ils n'expliquent pas pourquoi, dans ces conditions, l'homme subirait des
conséquences alors que d'autres êtres vivants n'en subissent pas et sont donc
comestibles.
 Les aliments produits avec l'aide d'une enzyme génétiquement modifiée : viande,
lait ou œufs comme ci-dessus, n'imposent pas non plus d'avertir le
consommateur, pour la même raison.

La position de l'Europe est, sur ces deux points, la même que celle des Etats-Unis.

En résumé "l'étiquetage OGM", obligatoire dans l'Union européenne, informe le


consommateur mieux que l'absence d'étiquette OGM, mais ne constituera ni une
garantie d'absence d'OGM ni une garantie de qualité supérieure.

Traçabilité
L'Union européenne impose, pour chaque produit, de connaître :
 Toutes les étapes de son élaboration, "de la ferme à la table".
 Les traitements ou ajouts en rapport avec des OGM à chaque étape.

Pour savoir ce qui se passe, on a prévu de lourdes procédures :


 D'autorisation des OGM dans l'alimentation humaine et animale.
 D'autorisation de dissémination volontaire dans l'environnement.

Ces procédures, les mêmes dans toute l'Union européenne, seront des évaluations
de risques réalisées par les comités scientifiques de l'Autorité alimentaire
européenne. Elles seront complétées par des procédures relatives aux semences
génétiquement modifiées.

Le surcoût des produits "garantis sans OGM", qui provient en grande partie du coût
de la traçabilité, sera moindre pour les produits dont un même fournisseur maîtrise
plusieurs étapes de la chaîne de production, acheminement et vente. C'est le cas,
par exemple, pour les produits aux marques des hypermarchés. L'étiquetage OGM
introduira donc, pour certains produits, une distorsion de la concurrence.

OGM et "bio"
En achetant des produits "bio" on évite automatiquement la présence de produits
OGM. Les organismes génétiquement modifiés et les produits dérivés de ces
organismes sont incompatibles avec la méthode de production biologique. Cette
interdiction résulte d'une réglementation européenne introduite par le règlement

182
n° 1804/99 du conseil du 19 juillet 1999, publié au Journal officiel des Communautés
européennes n° L222, du 24 août 1999.

Etiquetage européen et commerce international


Pour les Américains, notre décision d'étiqueter les aliments est aberrante sur le plan
scientifique et ne regarde que nous. Mais cette décision les concernera lorsqu'ils
voudront nous vendre des aliments provenant de chez eux. A moins de mettre en
place une traçabilité comme la nôtre et de la faire valider par des experts européens,
leurs aliments seront automatiquement du genre "OGM", donc refusés par de
nombreux consommateurs européens.

Pour les Américains, déjà furieux de notre refus de leur acheter du "bœuf aux
hormones", l'étiquetage OGM apparaît donc comme une manœuvre pour introduire
une barrière douanière déguisée de plus. Nous savons qu'ils réagissent violemment
à ce genre de manœuvre et nous devons nous attendre à des représailles
commerciales, qu'il faudra négocier à l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce).

[89] Le Figaro économie du 08/01/2004, page IV : selon une étude de l'Ifas, près d'un
salarié sur quatre souffrirait du excès de stress représentant un risque pour sa santé.

[90] Encyclopédie Universalis 8, articles Economie sociale et Emploi (politique de l')

[91] Des lions menés par des ânes - Essai sur le crash économique (à venir mais très
évitable) de l'Euroland en général et de la France en particulier, par Charles Gave,
spécialiste des marchés financiers, chez Robert Laffont (février 2003)
Ce petit ouvrage de vulgarisation, très facile et agréable à lire, donne des bases
d'économie et montre comment "les ânes" (les fonctionnaires et une bonne partie de
la classe politique) empêchent le développement économique des "lions" (les
Français). Voir aussi [125].

[92] Le défi de l'infocommunication - Le journalisme menacé par la communication ?,


par François de Muizon, éditions l'Age d'Homme, Lausanne, Suisse

[93] Society of Professional Journalists https://www.spj.org/spj_main.asp et ses


missions https://www.spj.org/spj_missions.asp, pages accédées le 11/01/2004.
Ce site de l'association des journalistes professionnels américains contient
énormément de textes utiles sur :
 la déontologie professionnelle (exemple en français : Code déontologique de la
Société des journalistes professionnels https://www.spj.org/ethics_codef.asp ) ;
 la pluralité et l'indépendance des informations ;
 des événements remarquables en matière de manquements au devoir de fournir
une information démocratique, notamment des périodiques : Quill magazine et
Freedom of Information alerts.

Voici le texte publié en français sur ce site, téléchargé le 11/01/2004 de la page


https://www.spj.org/ethics_codef.asp.

183
«Code déontologique de la Société des journalistes
professionnels Sigma Delta Chi
Traduction par Anne E. McBride et Chantal K. Saucier, © 2000.

Préambule
Les membres de la Société des journalistes professionnels estiment qu'un public
informé est précurseur de justice et la fondation même d'une démocratie. Le rôle du
journaliste est de faire avancer ces fins en recherchant la vérité et en fournissant des
comptes rendus équitables et simples des événements et sujets importants qu’il est
amené à relater. Quel que soit son média, le journaliste s'efforce de servir le public
avec minutie et honnêteté. L'intégrité professionnelle est la pierre angulaire de la
crédibilité d'un journaliste.

Les membres de la Société des journalistes professionnels partagent un souci


déontologique et adoptent ce code pour professer les principes et normes des
pratiques journalistiques de la Société.

Rechercher la vérité et l'exposer


Un journaliste doit être honnête, équitable et courageux dans ses efforts pour
rassembler, rapporter et interpréter l'information.

Un journaliste doit :
 Tester l'exactitude de l'information et de ses sources et être prudent afin d'éviter
toute erreur d'inattention. Il n'est jamais permis de délibérément déformer les
faits.
 Tenter assidûment de trouver les acteurs de ses reportages afin de leur donner
l'opportunité de répondre à toutes allégations de méfait.
 Identifier ses sources, lorsque c'est possible. Le public à droit à toute
l'information possible afin de juger de la crédibilité des sources.
 Toujours questionner les motifs de ses sources avant de promettre l'anonymat.
Clarifier les conditions attachées à toute promesse faite en échange de
l'anonymat. Tenir ses promesses.
 S'assurer que les titres, les flashs et les promotions, les photos, les images, le
son, les graphiques et les extraits d'entrevue ne sont pas présentés sous un faux
jour. Les journalistes ne devraient pas simplifier outre mesure ou souligner
certains événements hors de leur contexte.
 Ne jamais fausser le contenu des photos ou des images. Améliorer la qualité
technique des images est toujours permis. Identifier les montages et les
illustrations.
 Éviter les reconstitutions d'événements et les nouvelles fabriquées. Si une
reconstitution est nécessaire pour raconter l'histoire, identifiez-la comme telle.
 Éviter de travailler sous l'anonymat ou de recourir à d'autres méthodes
clandestines pour recueillir des informations, sauf quand les méthodes
traditionnelles ne permettent pas de transmettre des données essentielles au

184
public. L'utilisation de méthodes clandestines doit être expliquée dans le
reportage.
 Ne jamais plagier.
 Raconter l'histoire de la diversité et l'importance de l'expérience humaine
hardiment, même lorsque le sujet est impopulaire.
 Examiner ses propres valeurs culturelles et éviter de les imposer au public.
 Éviter de stéréotyper par race, genre, âge, religion, ethnie, géographie,
orientation sexuelle, infirmité, apparence physique ou rang social.
 Supporter ouvertement les échanges d'idées, même lorsque le sujet rebute le/la
journaliste.
 Donner la parole à ceux qui n’ont pas la parole ; les sources officielles et non-
officielles peuvent être également valides.
 Faire la distinction entre plaidoirie et nouvelles. Les analyses et les
commentaires doivent être identifiés et ne doivent pas déformer les faits ni leur
contexte.
 Faire la distinction entre nouvelle et publicité et éviter les informations qui mêlent
les deux.
 Reconnaître l'obligation spéciale que le/la journaliste a de s'assurer que
l’administration conduit ses affaires ouvertement et que les documents
gouvernementaux soient accessibles pour vérification.

Minimiser les torts


Les journalistes soucieux de déontologie traitent leurs sources, sujets et collègues
comme des êtres humains méritant respect.

Un journaliste doit :
 Montrer de la compassion pour ceux qui pourraient être affectés négativement
par le reportage. Faire preuve d'une sensibilité particulière avec les enfants et
les sources ou personnes inexpérimentées.
 Montrer de la sensibilité en demandant ou en utilisant des entrevues ou des
photos de gens frappés par un événement tragique ou par du chagrin.
 Reconnaître que rechercher et présenter des informations pour un reportage
peut occasionner du tort ou de l'inconfort.
 Admettre que les personnes privées ont un droit de contrôle supérieur sur leurs
données personnelles que n’ont les personnages publics et ceux qui cherchent
pouvoir, influence ou attention. Seule une nécessité publique prépondérante
peut justifier une intrusion dans la vie privée de quelqu’un.
 Faire preuve de bon goût. Éviter de se laisser attirer par une curiosité malsaine.
 Être prudent en identifiant des suspects mineurs ou des victimes de crimes
sexuels.
 Être judicieux en révélant les noms des suspects d’un crime avant que des
charges formelles aient été déposées.

185
 Équilibrer les droits d’un suspect à un procès équitable avec le droit du public à
être informé.

Agir indépendamment
Un/Une journaliste ne doit avoir d’autre intérêt que le droit à l'information du public.

Un journaliste doit :
 Éviter les conflits d’intérêt, réels ou perçus.
 Refuser de s’engager dans des associations et des activités qui pourraient
compromettre son intégrité ou nuire à sa crédibilité.
 Refuser les cadeaux, faveurs, voyages gratuits et traitements spéciaux, et éviter
les deuxièmes emplois, les engagements politiques, les fonctions publiques,
même dans des organisations locales, s’ils compromettent son intégrité
journalistique.
 Révéler les conflits inévitables.
 Être vigilant et courageux quand il s’agit de rappeler aux gens au pouvoir leurs
responsabilités).
 Refuser d’accorder des traitements spéciaux aux annonceurs et aux gens qui
présentent un intérêt particulier, et résister à leurs pressions d’influencer les
reportages.
 Être prudent avec les personnes qui offrent des informations en échange de
faveurs ou d’argent ; éviter de faire une surenchère pour de l'information.

Etre responsable
Un journaliste doit assumer ses responsabilités envers ses lecteurs, auditeurs,
spectateurs et collègues.

Un journaliste doit :
 Clarifier et expliquer les reportages et inviter le public à s’exprimer sur la
conduite des média.
 Encourager le public à exprimer ses reproches envers les média.
 Admettre ses erreurs et les corriger rapidement.
 Dénoncer publiquement les pratiques des journalistes et des médias qui ne sont
pas déontologiques.
 Respecter les mêmes règles de comportement qu’il/elle demande aux autres de
respecter.

Le premier Code déontologique de Sigma Delta Chi, rédigé en 1926, était emprunté
à la Société américaine des rédacteurs de journaux. En 1973, Sigma Delta Chi
rédigea son propre code, qui fut révisé en 1984 et en 1987. La version actuelle du
Code déontologique de la Société des journalistes professionnels fut adoptée en
septembre 1996.»

186
[94] The New York Times a publié le 11/01/2004 un important article faisant le point
sur les recherches d'armes de destruction massive irakiennes, The Faulty Weapons
Estimates. Selon cet article, trois nouveaux rapports publiés la semaine précédente
permettent de douter que l'Irak ait disposé de telles armes début 2003. L'article met
en doute la validité de la position officielle du gouvernement américain, selon laquelle
ces armes existaient et constituaient un danger pour le monde entier et les Etats-
Unis en particulier. Il suggère que le gouvernement américain a désinformé son
opinion publique en déformant les informations de ses services secrets.

[95] Page d'accueil de Journalism.org - Project for Excellence in Journalism and the
Committee of Concerned Journalists http://www.journalism.org/default.asp accédée
le 12/01/2004. Ce riche site donne des conseils sur les pratiques journalistiques.

[96] La France rebelle - Tous les foyers, mouvements et acteurs de la contestation,


éditions Michalon.

[97] ONU : Déclaration universelle des doits de l'homme de1948. Extrait :


Article 19
Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de
ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de
répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque
moyen d'expression que ce soit.
téléchargé le 15/01/2004 de http://www.un.org/french/aboutun/dudh.htm

[98] ONU : Déclaration universelle des doits de l'homme de1948. Extrait :


"Article 23
1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions
équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.
2. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.
3. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui
assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et
complétée, s'il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale."

Version anglaise du texte précédent, téléchargée le 15/01/2004 de


http://www.unhchr.ch/udhr/lang/eng.htm
"Article 23
Everyone has the right to work, to free choice of employment, to just and favourable
conditions of work and to protection against unemployment.
Everyone, without any discrimination, has the right to equal pay for equal work.
Everyone who works has the right to just and favourable remuneration ensuring for
himself and his family an existence worthy of human dignity, and supplemented, if
necessary, by other means of social protection."

[99] L'Express du 15/01/2004, article Le déclin de l'empire industriel, page 84 citant


Nicolas Baverez.

[100] ONLINE JOURNALISM REVIEW journal critique des médias publié par
l'Université de Californie du Sud. Particulièrement intéressé par les publications sur
Internet. http://www.ojr.org/ojr/aboutojr/1015887483.php téléchargé le 16/01/2004

187
[101] L'Arsenal de la démocratie - Médias, déontologie et M*A*R*S, sous la
direction de Claude-Jean Bertrand, agrégé d'anglais, docteur ès lettres, professeur
émérite à l'Institut français de presse (Université de Paris II), qui en a écrit l'essentiel.
Editions ECONOMICA, 49 rue Héricart, 75015 Paris. Claude-Jean Bertrand a écrit
ou dirigé l'écriture de très nombreux ouvrages et articles sur les médias, depuis
1974. Il a aussi enseigné le journalisme aux Etats-Unis. Ses articles ont été traduits
en une vingtaine de langues.

[102] Premier amendement de la Constitution des Etats-Unis d'Amérique


"Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting
the free exercise thereof ; or abridging the freedom of speech, or of the press ; or the
right of the people peaceably to assemble, and to petition the Government for a
redress of grievances."
On pourrait traduire cette disposition constitutionnelle par :
"Le législateur ne fera pas de loi sur l'implantation d'une religion ou pour empêcher
sa pratique ; ou pour réduire la liberté d'expression ou celle de la presse ; ou [pour
réduire] le droit des citoyens de se réunir pacifiquement et de s'associer pour
demander au gouvernement de remédier à des souffrances."
Notons que cet amendement impose, en plus d'une totale liberté d'expression des
citoyens et de la presse, une totale liberté religieuse : aux Etats-Unis, une loi sur le
voile islamique serait anticonstitutionnelle, une loi sur les sectes aussi.

[103] Les Pieds dans le PAF - Association nationale des téléspectateurs actifs -
(PAF = Paysage audiovisuel français) page accédée le 19/01/2004
http://www.piedsdanslepaf.com/html/ . On trouve sur ce site une "Déclaration des
droits des téléspectateurs"
http://www.piedsdanslepaf.com/html/modules.php?name=Sections&sop=viewarticle&
artid=3&page=2 et des critiques des télévisions comme "Censure et autocensure
dans le Service Public"
http://www.piedsdanslepaf.com/html/modules.php?name=News&file=article&sid=76

[104] Independent Press Councils http://www.presscouncils.org/aipce_index.php,


accédée le 19/01/2004. Site d'échanges de conseils de presse indépendants, qui
défendent la liberté de la presse. Page d'accueil des codes d'éthique :
http://www.presscouncils.org/html/frameset.php?page=library2

[105] Observatoire des médias ACRIMED (Action-critique-médias)


http://acrimed.samizdat.net accédée le 19/01/2004.
Texte fondateur (29/03/1996) :
http://acrimed.samizdat.net/article.php3?id_article=196

[106] Observatoire français des médias http://observatoire-medias.info/


téléchargé le 20/01/2004 . Mission :
"La défense du droit d’informer et la promotion du droit à une information libre et
pluraliste. L’OFM, qui fait partie du réseau international animé par l’Observatoire
international des médias/Media Watch Global, entend jouer un rôle de contrepoids
aux excès de pouvoir des grands groupes médiatiques qui favorisent la logique du
marché en matière d’information, et la pensée néolibérale comme idéologie."

188
[107] Règles sur la qualité des informations fournies par le gouvernement des
Etats-Unis au public :
 Normes de qualité des informations que l'administration doit fournir au public, les
règles de neutralité et de transparence de cette administration, la possibilité pour
une personne de faire rectifier des erreurs d'information, etc. La pratique
politique, en Europe, est à l'opposé de celle des Etats-Unis, les gouvernements
oubliant souvent d'informer le public quand ils ne le désinforment pas :
http://www.usoge.gov/pages/about_oge/info_qual_guide_02.pdf
 Manuel d'éthique du Sénat des Etats-Unis qui explicite les règles de
comportement des sénateurs et de leurs collaborateurs
.http://ethics.senate.gov/downloads/pdffiles/manual.pdf
 Le site officiel du comité d'éthique administrative des Etats-Unis (U.S. Office of
Government Ethics) http://www.usoge.gov/ contient une quantité d'exemples de
règles et procédures d'éthique imposées aux services publics et au
gouvernement. Ah si nos gouvernements européens pouvaient s'inspirer de ces
pratiques !

[108] Comparaison du poids de l'Etat (nombre de fonctionnaires et dépenses


publiques) entre la France et d'autres pays entre 1960 et 2001.
Source : Institut de l'entreprise - MELCHIOR http://www.melchior-eco.com.fr/ .
http://www.melchior-
eco.com.fr/melchior/melchior.nsf/frameset/frameset?opendocument&page=Presentat
ionstatistiques

Dans les graphiques ci-dessous, la France est en bleu foncé. Dans leur partie la plus
basse le Royaume-Uni en rouge.

On voit que :
 La France emploie aujourd'hui plus de fonctionnaires par rapport à l'ensemble
des salariés que les autres pays ;
 Le poids des dépenses publiques dans le PIB est plus élevé en France que dans
tous les autres pays du monde sauf deux : la Suède et le Danemark, où il est à
peine supérieur. En France, il a représenté en 2003 54,7% du PIB, c'est-à-dire
plus de la moitié de la richesse nationale !

189
Comparaison du poids de l'Etat entre la France et d'autres pays entre 1960 et 2001

Part de l'emploi public dans l'emploi public total (%) Poids des dépenses publiques dans le PIB (%)

Remarques sur ces graphiques comparatifs


 En 1975, l'emploi public représentait 29% au Royaume-Uni contre 19% en
France. Depuis cette époque, les Anglais ont réussi à diminuer leur nombre de
fonctionnaires à 18% alors que celui de la France augmentait jusqu'à 24%.

190
 En même temps, entre 1975 et 2001, le poids des dépenses publiques dans le
PIB décroissait de 44% à 40% au Royaume-Uni, alors qu'il croissait de 43% à
52% en France : le gouvernement de l'Angleterre a été très supérieur au
gouvernement de la France, qui a fait exploser ses dépenses publiques en
même temps que le nombre de ses fonctionnaires.
 Aux Etats-Unis il y a 15% de fonctionnaires, aux Pays-Bas 11% et au Japon 8% :
il reste de la marge d'amélioration pour la France.
 Les dépenses publiques d'un pays sont ses "frais généraux", qui consomment
les biens et services produits par son peuple. Lorsqu'elles sont plus élevées que
dans un autre, il est moins compétitif. Avec 52%, la France est peu compétitive
par rapport au Royaume-Uni (40%), aux Etats-Unis (33%) et à la Corée du Sud
(23%). Ce défaut de compétitivité décourage les investissements, encourage les
délocalisations, donc génère du chômage. Voir aussi [110].

[109] La France et l'Allemagne n'ont pas respecté leurs engagements en matière


de déficit budgétaire, qui ne doit dépasser 3% du PIB dans aucun pays de l'Union
européenne. Mais en faisant pression sur leurs collègues ministres des finances, les
ministres de la France et de l'Allemagne ont obtenu, le 25/11/2003 au Conseil Ecofin
qui les réunissait, de prolonger encore un peu leur déficit, qui lèse leurs partenaires.

Les conclusions du Conseil Ecofin étant contraires au traité de l'Union européenne et


à son pacte de stabilité et de croissance, la Commission (c'est-à-dire le
gouvernement de l'Union européenne) va en justice pour défendre la loi européenne
contre deux pays incapables de maîtriser leurs dépenses.

La mauvaise gouvernance de ces deux pays, qui dépensent un argent qu'ils n'ont
pas en de trop nombreuses subventions sociales, est ainsi dénoncée publiquement.
Ces déficits accroissent la dette nationale de chaque pays, reportant sur la
génération suivante des charges de remboursement et d'intérêts. Et en plus ils
obligent les états à faire de gros emprunts, qui font monter les taux d'intérêt dans
toute l'Union européenne, donc pénalisent partout les investissements et les emplois.

Le fond du problème est que les deux gouvernements sont trop faibles pour oser
affronter les syndicats et les tenants du laxisme, en proposant de ne dépenser que
l'argent disponible. Ils achètent alors la paix sociale, donc des voix aux élections, aux
frais des générations suivantes et des autres pays.

La dette nationale de la France a atteint, fin 2003, 63% du PIB. C'est plus que la
limite de 60% du PIB imposée par l'Union européenne et la France risque des
sanctions. A cette dette de 1000 milliards d'euros s'ajoutent les 700 milliards d'euros
de droits acquis par les fonctionnaires pour leurs retraites.

[110] Suppression de la taxe professionnelle


En 2003, la taxe professionnelle représente 22 milliards d'euros, versés aux
communes, départements et régions. Cet impôt est prélevé sur la valeur locative des
immobilisations corporelles des entreprises, c'est-à-dire sur le matériel et l'outillage
qu'elle achète, les terrains et les constructions, bref sur ses investissements. Du fait
de cet impôt, 100 € ainsi investis en France coûtent 140 € aux entreprises, contre
100 € dans d'autres pays. Ce lourd handicap des investissements en France

191
provoque des délocalisations et handicape la compétitivité des entreprises. C'est
pourquoi la suppression de cet impôt, voulue par le gouvernement Raffarin, est une
excellente mesure, même si les 22 milliards d'euros devront être reportés sur
d'autres impôts, comme la TVA ou la CSG.

[111] Etudes de l'Economic Policy Institute accédées le 23/01/2004


http://www.epinet.org/content.cfm/about sur le développement de la pauvreté aux
Etats-Unis : voir, pour l'évolution récente, Jobs shift from higher-paying to lower-
paying industries, http://www.epinet.org/content.cfm/webfeatures_snapshots publiée
le 21/01/2004, dont voici un extrait :
"In 48 of the 50 states, jobs in higher-paying industries have given way to jobs in
lower-paying industries since the recession ended in November 2001. Nationwide,
industries that are gaining jobs relative to industries that are losing jobs pay 21% less
annually. For the 30 states that have lost jobs since the recession purportedly ended,
this is the other shoe dropping - not only have jobs been lost, but in 29 of them the
losses have been concentrated in higher paying sectors. And for 19 of the 20 states
that have seen some small gain in jobs since the end of the recession, the jobs
gained have been disproportionately in lower-paying sectors."
Cette étude, dont on ne peut mettre en doute l'objectivité, montre que la croissance
du PIB et la légère baisse du chômage aux Etats-Unis constatés depuis 2003 n'ont
pas réduit les inégalités. Environ 2,5 millions d'emplois ont été perdus aux Etats-Unis
en 2001, 2002 et 2003 par suite de la récession et de délocalisations, et il s'agit à la
fois d'emplois qualifiés et non qualifiés. La disponibilité de ces employés sur le
marché du travail a fait baisser les coûts de main d'œuvre dans les activités qui
embauchent, parfois parce que les nouveaux emplois qu'ont trouvé les chômeurs
étaient moins qualifiés que les précédents.

[112] Dictionnaire de l'économie, édité par Larousse et Le Monde. Cet ouvrage


aborde :
 L'énoncé des grands problèmes économiques ;
 La définition des termes utilisés en économie ;
 Les problèmes quotidiens, comme la fiscalité, l'assurance, la retraite, etc. ;
 Les statistiques de tous les pays du monde (mais pas très à jour).

[113] OGM à l'Institut National de Recherche Agronomique (INRA) dossier OGM,


page
http://www.inra.fr/Internet/Directions/DIC/ACTUALITES/DOSSIERS/OGM/OGM.htm
téléchargée le 26/01/2004.

[114] Second Thoughts on Free Trade, publié le 06/01/2004 par The New York
Times.
Extrait :
"Over the next three years, a major New York securities firm plans to replace its team
of 800 American software engineers, who each earns about $150,000 per year, with
an equally competent team in India earning an average of only $20,000. Second,
within five years the number of radiologists in this country is expected to decline
significantly because M.R.I. data [données d'imagerie par résonance magnétique

192
nucléaire] can be sent over the Internet to Asian radiologists capable of diagnosing
the problem at a small fraction of the cost."

[115] Article Ex-Inspector Says C.I.A. Missed Disarray in Iraqi Arms Program,
publié dans The New York Times le 26/01/2004, extraits :
"[David A. Kay, who led the government's efforts to find evidence of Iraq's illicit
weapons programs until he resigned on Friday] said Baghdad was actively working to
produce a biological weapon using the poison ricin until the American invasion last
March."
Cet extrait confirme bien, le 26/01/2004, que l'Irak a travaillé à produire un poison, de
la ricine, jusqu'à la veille de l'invasion.
"Dr. Kay said he believed that Iraq was a danger to the world, but not the same threat
that the Bush administration publicly detailed. «We know that terrorists were passing
through Iraq," he said. "And now we know that there was little control over Iraq's
weapons capabilities. I think it shows that Iraq was a very dangerous place. The
country had the technology, the ability to produce, and there were terrorist groups
passing through the country — and no central control.»"
Cet extrait confirme que l'Irak constituait bien une menace pour le reste du monde, et
que des groupes terroristes traversaient le pays et auraient pu s'y procurer des
armes de destruction massive, qui n'étaient pas surveillées.

[116] Article Iraq Illicit Arms Gone Before War, Departing Inspector States, publié
dans The New York Times le 24/01/2004, extrait :
"But he [Dr. Kay] also reported in October that his team had uncovered evidence of
«dozens of W.M.D.-related program activities and significant amounts of equipment
that Iraq concealed from the United Nations during the inspections that began in late
2002.»"
Cet extrait confirme que les inspections d'après-guerre ont découvert en Irak des
dizaines d'activités concernant les armes de destruction massive et des quantités
significatives de matériel cachées aux inspecteurs des Nations unies fin 2002.

[117] Article Report on Iraq Case Clears Blair and Faults BBC, publié dans The
New York Times le 29/01/2004, extrait :
"The judge, Lord Hutton, then castigated the BBC for sloppy, inaccurate reporting
and «defective» editorial supervision in asserting that Mr. Blair and his aides
exaggerated the case for war in Iraq.
In the long-awaited 740-page report, Lord Hutton called «unfounded» the assertion
— reported by the BBC on May 29 — that government officials had used intelligence
they «probably knew» was wrong.
After Lord Hutton read his conclusions from the bench in the Royal Courts of Justice,
the chairman of the BBC's board of governors, Gavyn Davies, resigned in the face of
one of the worst journalistic debacles in the 78-year history of the network."

[118] Le Figaro économie du 29/01/2004


Page 1 : article "La France affiche un déficit record pour 2003 à 57 milliards d'euros".
Page 11 : article "L'Europe punie à Davos pour son immobilisme".

Le Figaro économie du 10/03/2004, page 2 : "Etat d'alerte sur les finances publiques"
 Le déficit public est passé de 3,2% du PIB en 2002 (58,2 milliards d'euros)
à 4,1% en 2003 (61,8 milliards d'euros) ;

193
 Les dépenses de l'Etat atteignent, en 2003, 54,7% du PIB : plus de la moitié de
la richesse nationale a été affectée ou redistribuée d'autorité par l'Etat, qui l'a
prélevée sur la minorité qui l'a produite. Si cela continue, cette minorité se
sentira de plus en plus exploitée et brimée et finira par émigrer en masse vers
des pays qui laissent à leurs citoyens une part plus importante du fruit de leur
travail.
 Malgré toutes les promesses de baisse des gouvernements successifs, le taux
des prélèvements obligatoires a augmenté en 2003 par rapport à 2002, passant
de 43,8% à 43,9% du PIB.

Le Figaro économie du 09/06/2004, pages 1 et 5 : "La Cour des comptes s'alarme du


budget dégradé de l'Etat".

[119] Site de découverte des institutions "Vie publique.fr" de La documentation


française :
 Texte Les médias contribuent-ils au débat démocratique ? téléchargé le
01/02/2004 de http://www.vie-
publique.fr/decouverte_instit/citoyen/citoyen_3_3_0_q1.htm
 Texte Les droits de l'homme aujourd'hui http://www.vie-
publique.fr/decouverte_instit/citoyen/citoyen_3_1_0_q3.htm

[120] Article Racisme : Raffarin veut renforcer les pouvoirs du CSA publié dans Le
Figaro économie du 03/02/2004.

[121] Article How long can this grow on ? publié le 09/02/2004 page 44 dans Time
Magazine.

[122] Article Found : A Smoking Gun publié le 11/02/2004 par le New York Times.

[123] Article Le livre qui décrypte la vraie fracture française publié dans Le Figaro
magazine du 07/02/2004 page 42. Cet article présente l'ouvrage "Service public,
sortir de l'imposture" (J-C Lattès).

[124] Rapport du 25/09/1997 au ministre de l'Economie, des Finances et de


l'Industrie du gouvernement Jospin : Brèves réflexions sur l'emploi public de Jean
Choussat, inspecteur des finances, téléchargé le 11/02/2004 de la page
http://www.chez.com/mlr/Edito/Les_500000_edito.htm. En voici un extrait :
"Une étude de l'OCDE, portant sur la «variation entre 1979 et 1995 du nombre de
chômeurs, d'inactifs, d'emplois privés et publics en pourcentage de l'augmentation de
la population d'âge actif (15-64 ans)» constate ceci :
chaque fois que la population d'âge actif a augmenté de 100, les pays du G7, pris
dans leur ensemble, ont créé 68 emplois privés, 11 emplois publics, 18 chômeurs, et
3 inactifs ; l'Allemagne affiche respectivement 32, 10, 34 et 24 ;
quant à la France, elle a détruit 18 emplois privés et créé 27 emplois publics, 45
chômeurs, et 46 inactifs... Voilà le bilan de quinze ou vingt ans d'une politique de
l'emploi qui a superbement ignoré la sous-productivité chronique de l'emploi public."

Je résume cette comparaison dans le tableau ci-dessous, plus lisible :

194
Emplois privés Emplois publics Chômeurs Inactifs

Pays du G7 68 11 18 3

Allemagne 32 10 34 24

France -18 (oui !) 27 45 46

Variation entre 1979 et 1995 du nombre de chômeurs, d'inactifs, d'emplois privés et


publics en pourcentage de l'augmentation de la population d'âge actif (15-64 ans)

On voit qu'alors que l'ensemble des pays du G7 (Allemagne et France compris) a


créé 6 fois plus d'emplois privés que d'emplois publics, l'Allemagne n'en a créé que 3
fois plus et plus de chômeurs que de salariés productifs et que la France a détruit
des emplois privés, créé 2,5 fois plus d'emplois publics et de chômeurs que la
moyenne du G7 et 15 fois plus d'inactifs ! Voilà où passent nos impôts et pourquoi ils
nous écrasent.

Et le rapport ajoute :
"S'il est aisé de tourner la page des entreprises publiques en les privatisant, il l'est
infiniment moins de trouver les remèdes appropriés pour améliorer de façon
significative la productivité de l'administration.
En se refusant à poser le problème dans ses vraies dimensions, les gouvernements
successifs, de droite ou de gauche, ont pratiquement interdit toute réflexion sérieuse
sur le sujet : il n'y a pas, à ma connaissance, un seul endroit dans l'Etat où ce dossier
ait été effectivement ouvert et traité avec l'extrême attention qu'il mérite. Le terrain
est quasi vierge, alors qu'il aurait fallu préparer de longue date l'extraordinaire
reconversion des esprits qui s'imposera tôt ou tard.
Tous ceux - ils sont hélas ! de moins en moins nombreux - qui croient aux vertus de
la gestion publique devraient se mobiliser pour la sauver du désastre qui s'annonce :
au rythme où vont les choses, il ne faudra pas s'étonner qu'à l'horizon de dix ou
quinze ans des pans entiers du service public aient disparu. Les hôpitaux publics
auront été ramenés à la portion congrue, la Sécurité sociale sera largement
privatisée et l'enseignement public lui-même - qui sait ? - aura perdu sa position
privilégiée."

[125] Deux livres du professeur Jacques MARSEILLE, publiés chez Plon, sont
particulièrement intéressants pour comprendre une bonne partie des problèmes
économiques de la France : "Le grand gaspillage - Les vrais comptes de l'Etat" et "La
guerre des deux France, celle qui avance et celle qui freine". Je les recommande
aussi parce qu'ils sont faciles et agréables à lire, tout en prouvant ce qu'ils avancent
avec une armée de chiffres.

[126] Le livre "Plaidoyer pour la mondialisation capitaliste" de Johan NORBERG


(éditions Plon) est un argumentaire très complet et à jour (2003) pour le libéralisme
en général et la mondialisation en particulier. L'auteur reprend un par un tous les
argument des opposants au libéralisme et à la mondialisation, les explique et en
montre l'erreur chiffres à l'appui. Il est facile à lire pour un profane et sa qualité est
telle qu'il a été traduit en 7 langues.

195
[127] Article publié pages 122 à 128 dans L'Express du 02/02/2004
"Mondialisation mère de toutes les frustrations" par Daniel Cohen - propos recueillis
par Sabine Delanglade. Cet excellent article fait référence au livre "La Mondialisation
et ses ennemis" de l'économiste Daniel Cohen.

[128] Article publié dans Le Figaro économie du 24/02/2004 :


"Selon une étude de la DATAR qui porte sur les vingt dernières années
La France résiste à la désindustrialisation"
Le texte de l'étude DATAR est disponible en 2 parties téléchargées le 10/03/2004 :
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/044000090/0000.pdf (1ère partie)
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/044000090/0001.pdf (2ème partie)

[129] Etude de la Banque de France "Productivité du travail des grands pays


industrialisés : la fin du rattrapage des États-Unis ?" (janvier 2004) téléchargée le
26/02/2004 de la page http://www.banque-france.fr/fr/telechar/bulletin/etu121_2.pdf.
Cette étude illustre la haute productivité du travail en France, qui a rattrapé celle des
Etats-Unis de 1992 à 1996 mais reprend du retard depuis, comme le montre le
graphique ci-dessous extrait de l'étude :

Productivité du travail par employé en pourcentage du niveau des Etats-Unis


(Ensemble de l’économie, PIB en volume converti en PPA 1995)

Définition et importance de la productivité


La productivité est le rapport du produit créé aux moyens utilisés pour ce faire.
 C'est un des déterminants principaux du niveau de vie d’une nation, rapport
produit intérieur brut (PIB) sur nombre d’habitants.

196
 Elle est la source de la croissance économique que les pays occidentaux ont
connue depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
 Sur le moyen-long terme, le niveau de croissance équilibrée est d’autant plus
élevé que les gains de productivité sont rapides.
 Les gains de productivité sont également utiles à la maîtrise de l’inflation : ils
permettent de répondre sans tension inflationniste à une attente de progression
du pouvoir d’achat des salaires.

[130] "Déclaration des devoirs et des droits des journalistes" (Charte de Munich)
téléchargée le 27/02/2004 de http://www.snj.fr/deontologie/munich.html

[131] Article "Le plan décrit une mondialisation efficace" (Le Figaro économie du
03/03/2004) - Les données de cet article sont basées sur le rapport du Commissariat
au Plan "Mondialisation et recomposition du capital des entreprises européennes"
(janvier 2004)

[132] Article de Kenneth R. Timmerman "Saddam's WMD Have Been Found",


publié dans Insight on the News http://www.insightmag.com/ téléchargé le
29/04/2004 de la page
http://www.insightmag.com/news/2004/05/11/World/Investigative.Reportsaddams.W
md.Have.Been.Found-670120.shtml . Cet article se base sur les deux rapports
officiels au Congrès des Etats-Unis [133] et [134] ci-dessous, dont le sérieux ne peut
être mis en doute. A partir des inspections américaines effectuées en Irak entre mai
2003 et février 2004, il établit clairement que le régime de Saddam Hussein ne
possédait pas, début 2003, d'armes de destruction massive utilisables par ses
militaires, mais avait de nombreux programmes de développement de telles armes,
dont on a trouvé les preuves.

Les inspections, interviews et analyses de documents restant à faire en Irak peuvent


éventuellement découvrir des armes de destruction massive et des programmes de
développement d'armes biologiques, chimiques et nucléaires encore inconnus à ce
jour, mais ne peuvent en aucun cas annuler les découvertes déjà faites.

Voici un extrait de l'article de Timmerman :


"Douglas Hanson was a U.S. Army cavalry reconnaissance officer for 20 years, and
a veteran of Gulf War I. He was an atomic munitions security demolitions officer and
a nuclear, biological and chemical defense officer. As a civilian analyst in Iraq last
summer, he worked for an operations intelligence unit of the CPA in Iraq, [Note : le
CPA est le gouvernement provisoire mis en place par la coalition en Irak] and later,
with the newly formed Ministry of Science and Technology, which was responsible for
finding new, nonlethal employment for Iraqi WMD scientists." [Note : WMD =
weapons for mass destruction - armes de destruction massive]
"At Karbala, U.S. troops stumbled upon 55-gallon drums of pesticides at what
appeared to be a very large "agricultural supply" area, Hanson says. Some of the
drums were stored in a "camouflaged bunker complex" that was shown to reporters -
with unpleasant results." More than a dozen soldiers, a Knight-Ridder reporter, a
CNN cameraman, and two Iraqi POWs came down with symptoms consistent with
exposure to a nerve agent," Hanson says. "But later ISG tests resulted in a
proclamation of negative, end of story, nothing to see here, etc., and the earlier

197
findings and injuries dissolved into nonexistence. Left unexplained is the small matter
of the obvious pains taken to disguise the cache of ostensibly legitimate pesticides.
One wonders about the advantage an agricultural-commodities business gains by
securing drums of pesticide in camouflaged bunkers 6 feet underground. The
'agricultural site' was also colocated with a military ammunition dump - evidently
nothing more than a coincidence in the eyes of the ISG.
That wasn't the only significant find by coalition troops of probable CW stockpiles,
Hanson believes. Near the northern Iraqi town of Bai'ji, where Saddam had built a
chemical-weapons plant known to the United States from nearly 12 years of
inspections, elements of the 4th Infantry Division found 55-gallon drums containing a
substance identified through mass spectrometry analysis as cyclosarin - a nerve
agent. Nearby were surface-to-surface and surface-to-air missiles, gas masks and a
mobile laboratory that could have been used to mix chemicals at the site. "Of course,
later tests by the experts revealed that these were only the ubiquitous pesticides that
everybody was turning up," Hanson says. "It seems Iraqi soldiers were obsessed
with keeping ammo dumps insect-free, according to the reading of the evidence now
enshrined by the conventional wisdom that 'no WMD stockpiles have been
discovered.'"
At Taji - an Iraqi weapons complex as large as the District of Columbia - US. combat
units discovered more "pesticides" stockpiled in specially built containers, smaller in
diameter but much longer than the standard 55-gallon drum. Hanson says he still
recalls the military sending digital images of the canisters to his office, where his boss
at the Ministry of Science and Technology translated the Arabic-language markings.
"They were labeled as pesticides," he says. "Gee, you sure have got a lot of
pesticides stored in ammo dumps."[Note : ammo dumps = dépôts de munitions]
Again, this January, Danish forces found 120-millimeter mortar shells filled with a
mysterious liquid that initially tested positive for blister agents. But subsequent tests
by the United States disputed that finding. "If it wasn't a chemical agent, what was
it?" Hanson asks. "More pesticides? Dish-washing detergent? From this old soldier's
perspective, I gain nothing from putting a liquid in my mortar rounds unless that stuff
will do bad things to the enemy."

L'Irak de Saddam Hussein était donc bien en train de développer des armes de
destruction massive, on en a désormais la preuve incontestable.

[133] "STATEMENT BY DAVID KAY ON THE INTERIM PROGRESS REPORT


ON THE ACTIVITIES OF THE IRAQ SURVEY GROUP (ISG) BEFORE THE HOUSE
PERMANENT SELECT COMMITTEE ON INTELLIGENCE, THE HOUSE
COMMITTEE ON APPROPRIATIONS, SUBCOMMITTEE ON DEFENSE, AND THE
SENATE SELECT COMMITTEE ON INTELLIGENCE - October 2, 2003"
http://www.cia.gov/cia/public_affairs/speeches/2003/david_kay_10022003.html,
téléchargé le 29/04/2004.

Ce rapport d'octobre 2003 au Congrès des Etats-Unis par David Kay, responsable
des inspections en Irak pour les Etats-Unis, établit qu'en plus des armes de
destruction massive dont l'existence était signalée par les inspecteurs de l'ONU (voir
le rapport au Conseil de sécurité de M. Hans Blix du 17 mars 2003
http://www.un.org/Depts/unmovic/documents/draftWP.pdf), il y avait en Irak de
nombreux programmes de développement d'armes interdites par les Nations unies.

198
Voici un extrait de ce rapport :
"We have discovered dozens of WMD-related program activities and significant
amounts of equipment that Iraq concealed from the United Nations during the
inspections that began in late 2002.
Let me just give you a few examples of these concealment efforts, some of which I
will elaborate on later :
 A clandestine network of laboratories and safehouses within the Iraqi
Intelligence Service that contained equipment subject to UN monitoring and suitable
for continuing CBW research.
[Note : CBW = Chemical or biological warfare - armes chimiques ou biologiques]
 A prison laboratory complex, possibly used in human testing of BW agents,
that Iraqi officials working to prepare for UN inspections were explicitly ordered not to
declare to the UN.
[Note : BW = biological warfare - armes biologiques]
 Reference strains of biological organisms concealed in a scientist's home,
one of which can be used to produce biological weapons.
 New research on BW-applicable agents, Brucella and Congo Crimean
Hemorrhagic Fever (CCHF), and continuing work on ricin and aflatoxin were not
declared to the UN.
 Documents and equipment, hidden in scientists' homes, that would have
been useful in resuming uranium enrichment by centrifuge and electromagnetic
isotope separation (EMIS).
 A line of UAVs not fully declared at an undeclared production facility and an
admission that they had tested one of their declared UAVs out to a range of 500 km,
350 km beyond the permissible limit.
[Note : UAV = Unmanned Aerial Vehicles - drones]
 Continuing covert capability to manufacture fuel propellant useful only for
prohibited SCUD variant missiles, a capability that was maintained at least until the
end of 2001 and that cooperating Iraqi scientists have said they were told to conceal
from the UN.
 Plans and advanced design work for new long-range missiles with ranges up
to at least 1000 km - well beyond the 150 km range limit imposed by the UN. Missiles
of a 1000 km range would have allowed Iraq to threaten targets through out the
Middle East, including Ankara, Cairo, and Abu Dhabi.
 Clandestine attempts between late-1999 and 2002 to obtain from North
Korea technology related to 1,300 km range ballistic missiles --probably the No Dong
-- 300 km range anti-ship cruise missiles, and other prohibited military equipment."

[134] "Testimony to the US Congress by Mr. Charles Duelfer, Director of Central


Intelligence - Special Advisor for Strategy regarding Iraqi Weapons of Mass
Destruction (WMD) Programs - 30 March 2004" téléchargé le 29/04/2004 de la page
http://www.cia.gov/cia/public_affairs/speeches/2004/tenet_testimony_03302004.html

Voici des extraits de ce rapport.

Sur le financement illicite des programmes de développement d'armes de destruction


massive irakiens par détournement de fonds, ventes de pétrole en contrebande,
sans passer par les Nations unies, etc. :
"The primary source of illicit financing for this system was oil smuggling conducted
through government-to-government protocols negotiated by Iraq with neighboring

199
countries. Money also was obtained from kickback payments made on contracts set
up through the UN’s Oil for Food program.
Iraq derived several billion dollars between 1999 and 2003 from oil smuggling and
kickbacks. One senior regime official estimated Iraq earned $4 billion from illicit oil
sales from 1999 to March 2003. By levying a surcharge on Oil for Food contracts,
Iraq earned billions more during the same period.
This was revenue outside UN control and provided resources the regime could spend
without restriction. It channeled much of the illicitly gathered funds to rebuild Iraq’s
military capabilities through the Military Industrialization Commission, the MIC. MIC
worked with the Iraqi Intelligence Service to establish front companies in Iraq and
other countries to facilitate procurement.
The budget of MIC increased nearly 100 fold from 1996 to 2003, with the budget
totaling $500 million in 2003. Most of this money came from illicit oil contracts. Iraq
imported banned military weapons and technology and dual-use goods through Oil
for Food contracts. Companies in several countries were involved in these efforts.
Direct roles by government officials are also clearly established.

Sur les programmes de développement d'armes biologiques et chimiques :


"Iraq did have facilities suitable for the production of biological and chemical agents
needed for weapons. It had plans to improve and expand and even build new
facilities.
For example, the Tuwaitha Agricultural and Biological Research Center has
equipment suitable for the production of biological agents... We are continuing to
examine research on Bacillus thuringiensis that was conducted until March 2003.
This material is a commercial biopesticide, but it also can be used as a surrogate for
the anthrax bacterium for production and weapons development purposes. Work
continued on single cell proteins at Tuwaitha as well. Single cell protein research
previously had been used as the cover activity for BW production at al-Hakam."
"With respect to chemical production, Iraq was working up to March 2003 to construct
new facilities for the production of chemicals. There were plans under the direction of
a leading nuclear scientist/WMD program manager to construct plants capable of
making a variety of chemicals and producing a year’s supply of any chemical in a
month. This was a crash program. Most of the chemicals specified in this program
were conventional commercial chemicals, but a few are considered “dual use.” One
we are examining, commonly called DCC (N,N-Dicyclohexyl carbodiimide), was used
by Iraq before 1991 as a stabilizing agent for the nerve agent VX. Iraq had plans
before OIF for large-scale production of this chemical."

Sur les programmes d'armes nucléaires :


"…scientists were developing a rail gun designed to achieve speeds of 2-10
kilometers per second. The ostensible purpose for this research was development of
an air defense gun [Note : air defense gun - canon anti-aérien], but these speeds are
what are necessary to conduct experiments of metals compressing together at high
speed as they do in a nuclear detonation. Scientists refer to these experiments as
“equation of state” measurements.
Not only were these scientists developing a rail gun, but their laboratory also
contained documents describing diagnostic techniques that are important for nuclear
weapons experiments, such as flash x-ray radiography, laser velocimetry, and high-
speed photography. Other documents found outside the laboratory described a high-
voltage switch that can be used to detonate a nuclear weapon, laser detonation,

200
nuclear fusion, radiation measurement, and radiation safety. These fields are
certainly not related to air defense."

[135] Le journal Insight on the News du 05/05/2004 a publié l'article ci-dessous à


la page
http://www.insightmag.com/news/2004/05/11/National/Media.Miscreants.BlackAndW
hite.Lies.Are.Often.Rewarded.With.A.Green.Future-673874.shtml (téléchargé le
12/05/2004)

Media Miscreants' Black-and-White Lies Are Often Rewarded With a


Green Future
By Timothy W. Maier (investigative reporter for Insight)

Journalists who get fired for plagiarism, fabrications or misconduct can bounce back
from what at the time may seem an instant career death, according to research by
Eric Gillin, editor of the Black Table, an online alternative-news publication that
cleverly has published The Disgraced Journalist's Club. Here's a look at some of the
members of that club and a few others Insight found who got caught breaking the
unwritten canons of journalism:
 Jack Kelley, a former USA Today war correspondent, resigned earlier this year
after he was accused of having fabricated numerous stories, and the paper's
editor was retired. USA Today continues to investigate. No word on a book deal.
 Jayson Blair, a 27-year-old rising star at the New York Times, was fired in 2003
after he was caught fabricating stories and quotes about the Washington-area
sniper case and the Pfc. Jessica Lynch story. Editor Howell Raines and
Managing Editor Gerald Boyd resigned after failing to catch the fraud.
Meanwhile, Blair since has been promoting his excuse book, Burning Down My
Master's House. The book bombed, but he is no doubt consoled by the six-figure
advance he received.
 Rick Bragg resigned in 2003 from the New York Times after failing properly to
credit intern J. Wes Yoder for his Florida oystermen story. He has bounced back
with a book on Pfc. Lynch.
 Charlie LeDuff, a New York Times reporter, was accused of ripping off passages
from a 1999 book, The Los Angeles River : Its Life, Death and Possible Rebirth,
for a front-page article. His lapse in judgment resulted in a thorough examination
of his previous work for the paper.
 Christopher Newton, an Associated Press reporter, was fired in 2002 for
allegedly fabricating sources in more than 30 stories.
 Doris Kearns Goodwin, author of the 1987 book The Fitzgeralds and the
Kennedys, admitted in 2002 that she took passages from three authors. She
blamed it on sloppy note-taking but resigned from her position on the Pulitzer
committee.
 Marcia Stepanek was fired by Business Week in 2001 for allegedly lifting a story
from the Washington Post on Pharmatrak. She denied the allegations, claiming
she never read the Post story. Stepanek is now executive editor of CIO Insight, a
Ziff-Davis publication, where she covers business issues.

201
 Michael Finkel, a free-lancer who produced a story in 2001 for the New York
Times Magazine about slaves in Mali, confessed to numerous inaccuracies in the
story. Four months later, in 2002, the Times issued an apology. He got a six-
figure book advance.
 Larry Matthews, a former editor for National Public Radio and an award-winning
reporter for WTOP radio in Washington, was sentenced to 18 months in federal
prison after pleading guilty to receiving and trafficking child pornography on the
Internet in 1999. Matthews produced a three-part series on the explosion of child
porn on the Web and even provided tips to the FBI, but apparently he was
caught in an FBI sting. He pleaded guilty after a court ruling that he could not use
the First Amendment as a defense. In 2000 the U.S. Supreme Court denied his
appeal.
 Peter Arnett, a former CNN correspondent, aired a false report in 1998
suggesting the United States used nerve gas on American defectors during the
Vietnam War. He was fired along with two producers (April Oliver and Jack
Smith) and CNN President Richard Kaplan after the story was discredited. NBC
and National Geographic hired Arnett, who was then fired in 2003 after saying in
an interview for Iraqi TV early in the war that the U.S. war plan has "failed."
Britain's Daily Mirror quickly hired him, however.
 Julie Amparano, a former Arizona Republic columnist, was fired in 1999 after
suspicions grew that she fabricated sources. Amparano claimed the paper
couldn't track down her sources because they were street people who were hard
to find. In 2001 she launched the online publication AmericanLatino.net.
 Mike Barnicle, a Boston Globe columnist, was accused in 1998 of lifting a joke
from George Carlin's book Brain Droppings. He also was alleged to have
fabricated a 1995 column about two cancer-stricken boys. Barnicle resigned from
the paper and now writes a column for the New York Daily News and frequently
is a guest host of MSNBC's Hardball.
 Patricia Smith, a former Boston Globe writer and finalist for the 1998 Pulitzer
Prize, resigned in 1998 after she admitted to fabricating reports in four columns.
Smith is now celebrated as a poet and children's author.
 Stephen Glass, a 25-year-old former superstar at the New Republic, fabricated
quotes, sources and stories to rise to the top. He attempted to substantiate his
wrongdoing by inventing phony business cards, creating a bogus Website and
crafting notes from interviews that never took place. His con ended in 1998 when
a Forbes online reporter unmasked the serial liar's "Hack Heaven" story as a
fraud. Glass received a six-figure advance for his novel, The Fabulist, a fictional
account of a reporter whose lies end his career. The book bombed.
 In 1995, Ruth Shalit confessed to plagiarizing stories at the New Republic. She
quit and now works at an ad agency.
 R. Foster Winans, a former Wall Street Journal columnist, was convicted and
sentenced to eight months in prison in 1985 on 59 counts of conspiracy and
fraud for using inside knowledge as a reporter to profit by $31,000 on stock
moves. He resumed his career as a ghostwriter and corporate-ethics speaker.

202
 In 1981, Washington Post reporter Janet Cooke won a Pulitzer for a story about
Jimmy, an 8-year-old heroin addict. The boy didn't exist, and Cooke was forced
to return the prize. She resigned from the Post and headed to France in 1985. In
1996 she was earning $6 an hour as a counter clerk for Liz Claiborne in
Kalamazoo, Mich. Cooke subsequently sold her movie rights for a six-figure sum,
but the film was never made.
 Bob Greene, a former Chicago Tribune columnist, resigned in 2002 after a young
woman claimed she had sex with him during the 1980s while she was
interviewing him for her school paper. Greene disappeared until Esquire found
him hiding in his condo with paraphernalia to remind him of happier times.

[136] Article "The Saddam-9/11 Link Confirmed" (FrontPageMagazine, le


11/05/2004) téléchargé de l'adresse
http://www.frontpagemag.com/Articles/ReadArticle.asp?ID=13323
En voici la traduction de deux extraits :

"Il y a d'importantes nouvelles concernant les contacts de Mohammed Atta [NdT : le


leader de l'attentat du 11 septembre 2001] avec les services de renseignement
irakiens. Les services de renseignements tchèques, qui soutenaient depuis
longtemps que Atta avait rencontré Ahmed al-Ani, des renseignements irakiens, en
poste à Prague, ont découvert dans le carnet de rendez-vous de al-Ani une
rencontre prévue pour le 8 avril 2001 "avec un étudiant de Hambourg".
Or on sait que Atta a étudié longtemps à l'université technique Harburg de
Hambourg, et qu'il a demandé un visa pour se rendre en république Tchèque en
déclarant qu'il était étudiant à Hambourg. De leur côté, les services de
renseignement espagnols savent aussi qu'il a pu échapper au contrôle d'immigration
tchèque grâce au faux passeport qui lui avait été fourni par deux Algériens."
Nous avons là une preuve de plus des liens entre l'Irak de Saddam Hussein et Al
Qaida.

[137] Article "Iraq & Militant Islam" publié le 01/06/2004 dans NRO (National
Review Online) téléchargé le 07/06/2004 de la page
http://www.nationalreview.com/mccarthy/mccarthy200406010821.asp .
Cet article fait le point sur les liens et la rencontre, le 8 avril 2001 à Prague, entre
Mohammed Atta, chef des terroristes d'al Qaida du 11 septembre, et un diplomate
irakien. Il liste les présomptions, nombreuses et convaincantes, prouvant que
Saddam Hussein est bien complice des attentats du World Trade Center et du
Pentagone, en donnant toutes les références sérieuses sur ce sujet.

L'article explique aussi comment la presse et les "anti-Bush" ont déformé ou ignoré
ces faits, pour s'en tenir à leur théorie : "il n'existe pas de lien entre l'Irak et al Qaida",
comment ils ont confondu "absence de preuve" et "preuve d'absence", comment ils
ont raisonné en politique comme en justice, où un accusé est présumé innocent
jusqu'à ce que l'accusation ait prouvé sa culpabilité. En politique on doit se contenter
de fortes présomptions, surtout lorsque la preuve n'est fournie qu'après 3000 morts.

Il se trouve que la commission américaine sur le 11 septembre ne sait rien sur


l'emploi du temps de Mohammed Atta les 7 et 8 avril 2001, et que son rapport ne
prouve donc pas que sa rencontre de Pargue n'ait pas eu lieu (voir [139]).

203
[138] "Emploi : les contresens français - Quelques vérités trop simples pour être
entendues" étude de l'Assemblée des Chambres Françaises de Commerce et
d’Industrie (ACFCI), datée du 19/05/2004, téléchargée le 10/06/2004 de la page
http://www.acfci.cci.fr/emploi/documents/emploi_contresens.doc .
Cette étude critique la politique de l'emploi en France à partir de statistiques et de
vérités économiques qu'elle rappelle, comme :
 La productivité ne tue pas l’emploi : elle en est la source.
 L’avenir n’est pas dans les emplois du passé.
[Cette remarque rappelle que l'économie passe son temps à détruire des
emplois pour en créer d'autres. Les emplois détruits correspondent à des
produits et services dépassés, comme la machine à écrire et le disque en vinyle ;
les emplois créés correspondent aux produits qui les ont remplacés, comme le
PC et son traitement de textes, et le CD-ROM. Et aussi, bien sûr, aux produits et
services innovants. Lutter pour préserver des emplois qui produisent des articles
ou services dépassés est absurde et voué à l'échec, et cela coûte cher.]
 La prospérité de l’industrie et de l’agriculture fonde celle des services, qui
concentrent l’essentiel de la croissance des emplois.
[On ne peut espérer créer des emplois dans le secteur des services si ces
services ne s'adressent pas à des activités agricoles ou industrielles.]
 L’emploi dans le secteur public ne peut être financé qu’à la mesure des
richesses produites par l’emploi marchand.
 La fluidité du marché de l’emploi l’encourage ; sa rigidité le décourage.

L'étude explique des erreurs de conception répandues, que nos médias ne


dénoncent pas, qu'elle appelle "les «4 péchés intellectuels» de l’approche française
de l’emploi" :
 L’emploi est stable dans son volume (la tentation du «partage du gâteau», qui a
conduit aux "35 heures").
 L’emploi est stable dans son contenu (la tentation du «musée du travail»).
 La productivité diminue l’emploi (la tentation du sur-place).
 L’entreprise nouvelle prend les clients des autres (la tentation de la «rente
viagère»).

L'étude dénonce aussi l'attitude défensive des gouvernements successifs, en


constatant que l'emploi a toujours été rattaché au Ministère des Affaires sociales
plutôt qu'au Ministère de l'Economie : en France, l'emploi a toujours été affaire de
solidarité plutôt que de développement économique.

[139] Rapport du 16/06/2004 de la commission américaine sur le 11 septembre


("9-11 Commission") "Outline of the 9/11 Plot - Staff Statement N°. 16" téléchargé le
17/06/2004 (voir http://www.9-11commission.gov/staff_statements.htm ).

Voici, dans ce rapport, le texte exact sur l'éventuelle rencontre entre Mohammed Atta
d'al Qaida et un diplomate irakien à Prague :

204
«We have examined the allegation that Atta met with an Iraqi intelligence officer in
Prague on April 9. Based on the evidence available - including investigation by
Czech and U.S. authorities plus detainee reporting - we do not believe that such a
meeting occurred. The FBI’s investigation places him in Virginia as of April 4, as
evidenced by this bank surveillance camera shot of Atta withdrawing $8,000 from his
account. Atta was back in Florida by April 11, if not before. Indeed, investigation has
established that, on April 6, 9, 10, and 11, Atta’s cellular telephone was used
numerous times to call Florida phone numbers from cell sites within Florida. We have
seen no evidence that Atta ventured overseas again or re-entered the United States
before July, when he traveled to Spain and back under his true name.»
On remarque que la commission ne sait rien de l'emploi du temps de Atta les 7 et 8
avril, dates où le texte [137] explique pourquoi il est à peu près certain qu'il était à
Prague, d'après les témoignages tchèques disponibles. Malgré ce trou d'emploi du
temps, la commission "ne croit pas que cette réunion ait eu lieu", ce qui revient à
confondre absence de preuve et preuve d'absence !

Il est remarquable que les médias, dans tous les pays, se sont contentés des mots
"we do not believe that such a meeting occurred", qui laissent place au doute, pour
en conclure que l'administration Bush avait trompé le monde en affirmant l'existence
de liens entre Saddam Hussein et al Qaida. Ils ont ignoré aussi bien le trou des 7 et
8 avril que la phrase "We have seen no evidence that Atta ventured overseas again
or re-entered the United States before July, when he traveled to Spain and back
under his true name." où la commission écrit qu'elle n'a pas de preuve qu'Atta a
voyagé à l'étranger sous son vrai nom, laissant ouverte la possibilité qu'il ait voyagé
sous un nom d'emprunt, avec le faux passeport cité dans [137].

En conclusion, le rapport [139] ne prouve pas qu'Atta n'a pas rencontré de diplomate
irakien à Prague. La commission n'a qu'une intime conviction, basée sur l'absence
de preuve de rencontre et le fait que, pour l'attentat du 11 septembre, les terroristes
semblaient disposer d'assez de moyens sans avoir besoin d'une aide irakienne. C'est
de cette incertitude que se sont emparés les journalistes qui accusent M. Bush de
tromperie, honte à eux !

Le document de la commission intitulé "Overview of the Enemy - Staff Statement N°


15", disponible à l'adresse http://www.9-11commission.gov/staff_statements.htm
affirme :
"We have no credible evidence that Iraq and al Qaeda cooperated on attacks against
the United States"
La commission n'affirme pas que l'Irak et al Qaida n'ont pas coopéré, elle dit
seulement qu'elle ne dispose pas de preuve de cette coopération. Ici aussi,
interpréter cette phrase comme signifiant que la commission affirme qu'il n'y a pas de
lien revient à confondre absence de preuve et preuve d'absence, ce qui est une faute
ou une malhonnêteté intellectuelle. D'innombrables journalistes ont commis cette
faute, aux Etats-Unis et en France.

Voir aussi [140] et [141] ci-dessous et la page téléchargée le 19/06/2004 :


http://www.nationalreview.com/mccarthy/mccarthy200406170840.asp .

205
[140] Extrait du document officiel de mise en accusation de Ben Laden par le
Département de la Justice des Etats-Unis en 1998, disponible le 19/06/2004 à
l'adresse http://www.au.af.mil/au/awc/awcgate/fbi/indict1.pdf :
"In addition, al Qaeda reached an understanding with the government of Iraq that al
Qaeda would not work against that government and that on particular projects,
specifically including weapons development, al Qaeda would work cooperatively with
the Government of Iraq."
Ce document prouve qu'en 1998 le gouvernement des Etats-Unis (présidés par Bill
Clinton, pas G. W. Bush) avait des preuves de la coopération de Saddam Hussein et
Ben Laden pour le développement d'armes.

Le 16/06/2004, dans les minutes qui ont suivi la publication du rapport [139] à 11
heures, un témoin a révélé la source de cette information de coopération : le
témoignage à son procès d'un complice de l'attentat contre l'ambassade américaine,
Jamal Ahmed al-Fadl :
"Al-Fadl told agents that when al Qaeda was headquartered in the Sudan in the
early-to-mid-1990s, he understood an agreement to have been struck under which
the jihadists would put aside their antipathy for Saddam and explore ways of working
together with Iraq, particularly regarding weapons production."
Mais les mêmes journalistes et antiaméricains qui refusent les preuves précédentes,
refusent aussi celle-ci… par le même processus d'aveuglement que celui de la
commission qui affirme ne pas disposer de preuves.

[141] Article "The Zelikow Report", par William Safire, publié dans The New York
Times du 21/06/2004. On y apprend que le rapport [139] (dont la plupart des médias
et tous les anti-Bush ont tiré une preuve supplémentaire que l'administration
américaine avait trompé le public sur l'existence de liens entre l'Irak et al Qaida)
n'émanait pas de la Commission du 11 septembre, mais de collaborateurs (le "staff"),
dirigés par un certain Philip Zelikow. Après les protestations indignées du vice-
président Cheney, les conclusions du rapport ont été désavouées par le président de
la Commission, Tom Kean, et son vice-président, Lee Hamilton. Il apparaît en
définitive que :
 Il y a bien eu des contacts entre al Qaida et l'Irak ;
 On ne peut pas prouver que l'Irak et al Qaida ont coopéré, ni qu'ils n'ont pas
coopéré : il n'y a aucune preuve à ce sujet, ni pour l'attentat du 11 septembre, ni pour
un autre attentat.

William Safire suggère qu'à l'avenir les rapports soient contresignés par tous les
membres de la Commission ou, en cas d'opinions divergentes, qu'il y ait deux
versions signées chacune par ses membres partisans.
Cet incident constitue un test de l'honnêteté et de la rigueur intellectuelle des
journalistes qui ont annoncé prématurément que la Commission désavouait
l'administration Bush : nous verrons dans les jours qui suivent quels sont ceux qui
publieront un démenti et des excuses.

[142] "Norme internationale de qualité ISAS BC 9001 :2003 pour l'industrie de la


radiodiffusion" http://www.accademia.com/details.php?fiche=29 et
http://www.certimedia.org/download/ISAS%20BC%209001%20Standard%20French.
pdf

206
En novembre 2003, une nouvelle norme était publiée : ISAS BC 9001. Elle liste les
exigences relatives aux systèmes de management de la qualité pour les
radiodiffuseurs (Radio, TV et sites Internet associés). ISAS BC 9001 inclut
l’ensemble des exigences de ISO 9001 :2000, auxquelles viennent s’ajouter des
exigences particulières pour les radiodiffuseurs, lesquelles sont fondées sur les
meilleures pratiques de l’industrie de la radiodiffusion.

Cette initiative fait suite à une recommandation du Conseil Mondial de la Radio et de


la Télévision, une organisation non gouvernementale indépendante assurant la
promotion des valeurs du service public de radiodiffusion. ISAS est une société
privée de normalisation et de d’accréditation.

[143] Rapport du gouvernement suédois sur les effets de la libéralisation publié le


15/09/2004, cité par Le Figaro économie du 17/09/2004.

[144] Article "L'agence Reuters admet qu'elle cède aux terroristes islamistes"
http://www.danielmartin.eu/Textes/Reuters-cede-terroristes.htm .

[145] Livre "La République, les religions, l'espérance", par Nicolas Sarlozy,
éditions cerf

[146] Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse téléchargée le 21/12/2004 de


http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/PCEAA.htm .

Chapitre IV, paragraphe 1er : "Provocation aux crimes et délits", Articles 23 et 24 :

Article 23

Seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par
des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par
des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre
support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou
exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches
exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par
voie électronique, auront directement provoqué l'auteur ou les auteurs à commettre
ladite action, si la provocation a été suivie d'effet.

Cette disposition sera également applicable lorsque la provocation n'aura été suivie
que d'une tentative de crime prévue par l'article 2 du code pénal.

Article 24

Seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende ceux qui,
par l'un des moyens énoncés à l'article précédent, auront directement provoqué,
dans le cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre l'une des
infractions suivantes :

1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la


personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;

207
2° Les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations
volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal.

Ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement provoqué à l'un des crimes et
délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par le titre Ier du
livre IV du code pénal, seront punis des mêmes peines.

Seront punis de la même peine ceux qui, par l'un des moyens énoncés en l'article 23,
auront fait l'apologie des crimes visés au premier alinéa, des crimes de guerre, des
crimes contre l'humanité ou des crimes et délits de collaboration avec l'ennemi.

Seront punis des peines prévues par l'alinéa 1er ceux qui, par les mêmes moyens,
auront provoqué directement aux actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV
du code pénal, ou qui en auront fait l'apologie.

Tous cris ou chants séditieux proférés dans les lieux ou réunions publics seront punis
de l'amende prévue pour les contraventions de la 5° classe.

Ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article 23, auront provoqué à la
discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de
personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non
appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront
punis d'un an d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende ou de l'une de ces
deux peines seulement.

[147] Time du 28/02/2005 page 17

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208

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