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Les médias sont-ils un quatrième pouvoir ?

Concours de contrôleur des douanes 2000.

Introduction.
Accroche.
- L’affaire du Watergate, révélée par le journal le Washington Post qui contraint le président
Richard Nixon à la démissionner (DIAPO). [Dans la nuit du 17 juin 1972, cinq cambrioleurs,
repérés par un agent de sécurité, sont arrêtés dans un immeuble du Watergate, au siège du
Parti démocrate. Transportant du matériel d'écoute, ces hommes ressemblent plus à des
agents secrets qu'à des cambrioleurs.
- Le 22 juin 1972, le président Nixon évoque pour la première fois l'affaire en déclarant : « La
Maison Blanche n'est impliquée en aucune manière dans cet incident ». Pendant les six mois
qui suivent, l'affaire est oubliée, et lors de l'élection présidentielle de novembre 1972, Richard
Nixon remporte contre le démocrate George McGovern la plus écrasante victoire électorale
de toute l'histoire des Etats-Unis.
- Deux journalistes du Washington Post, Carl Bernstein et Bob Woodward, enquêtent pour
démêler un écheveau compliqué dont tous les fils conduisent à la Maison Blanche, à travers le
Comité pour la réélection du président (CRP) de Richard Nixon.
- Après s'être farouchement défendu, il préfère néanmoins donner sa démission quand
l'impeachment est engagé contre lui.
- Il quitte ses fonctions le 9 août 1974, une semaine après le déclenchement de la procédure.
Nixon est le seul président de l'histoire des États-Unis à avoir démissionné.
- Après un discours devant le personnel de la Maison Blanche et les journalistes, il quitte le
bâtiment en direct, dans un hélicoptère de l'armée.
- L’article qui a déclenché ce scandale vaudra l’attribution du prix Pulitzer au journal et la
célébrité à ses auteurs.]
- L’affaire Closer en 2014 qui révèle la liaison de François Hollande et Julie Gayet. (DIAPO)

« Médias » :
1. Un point sur l’orthographe :
- Le mot Media est le pluriel du mot latin medium (milieu, intermédiaire).
- On devrait donc dire un medium et des media.
- Or, l'insistance d'une partie des journalistes à l'écrire avec un accent et à y ajouter un « s » a
fini par en faire la règle de fait.

2. On nomme média : un moyen de diffusion d'informations écrit (comme la presse), oral (la
radio) ou audiovisuel (la télévision), utilisé pour communiquer.
- Les médias permettent de diffuser une information vers un grand nombre d'individus, c'est
la raison pour laquelle on parle également de « média de masse ».

3. Les premiers médias sont la presse :


- Le premier journal périodique est La Gazette de France en 1637 (le seul officiel).
- Le premier journal de masse est le quotidien parisien La Presse en 1836.
[- Avec ce journal est inaugurée la presse de masse car il réduit de moitié le prix de
l'abonnement en augmentant le nombre d'insertions publicitaires.
- L'autre grande innovation à mettre à son crédit fut la parution par La Presse des premiers
romans-feuilletons (ex : Le Comte de Monte Cristo d’Alexandre Dumas ou Les mystères de
Paris d’Eugène Sue).]

- Aujourd’hui, les médias désignent l’ensemble des moyens de communication qui mettent en
relation les citoyens et les gouvernants par l’intermédiaire de professionnel de l’information.

4. Quels sont les médias aujourd’hui ?


- la presse écrite (gratuite, payante, régionale ou nationale mais aussi les tabloïds (Sun), la
presse satirique (Charlie Hebdo).
- la radio (ex : Radio France déchirée en plusieurs branches comme France inter, France
culture, France musique…).
- la télévision.
- les NTIC : les nouvelles technologies de l’information et de la communication comme
internet.

5. Les médias sont donc un organe non institutionnel avec pour but premier la retransmission
objective de faits. Cette définition suggère une incidence dans l’opinion.

6. C’est pour qualifier le rôle des médias dans l’équilibre du jeu démocratique, qu’Edmund
Burke, philosophe et homme politique irlandais, invente en 1787 le terme « 4ème pouvoir ».
(DIAPO)
- Par là même, Burke veut qualifier l’action des médias (à l’époque la presse) dans la société.
- Notons qu’Alexis de Tocqueville en 1833 dans son ouvrage De la démocratie en Amérique
considère aussi la presse écrite comme une forme de pouvoir.

- « Pouvoir » :
-Le pouvoir vient du verbe "pouvoir" (latin podere) qui signifie "avoir la capacité" ou "avoir la
possibilité" de faire.
-Au sens général, le pouvoir désigne la faculté d’agir propre à l’être humain et, en un sens
dérivé, l’aptitude d’un acteur donné à entreprendre des actions efficaces.

- Or, l’expression sous-entend l’acceptation de trois autres pouvoirs.

- « Quatrième pouvoir » :
- C’est Montesquieu qui le premier, définit au chapitre 6 de De l'esprit des lois publié en 1748,
l’existence de trois pouvoirs (DIAPO) :

1. Le pouvoir législatif : du latin lex, la loi. Le pouvoir législatif est le pouvoir de faire les lois.
Notons que ce pouvoir peut être détenu par une ou deux chambres.
 Deux chambres (bicamérisme) :
- En France le pouvoir législatif est détenu par le Sénat et l'Assemblée nationale.
- En Angleterre il est détenu par la chambre des Lords et la chambre des communes.
 Une chambre (monocamérisme) :
- Finlande : La Diéte.
- Danemark : « l’Assemblée gouvernant le peuple ».
- L’Estonie : « l’Assemblée d’Etat ».
- Le Venezuela : « l’Assemblée nationale ».

2. Le pouvoir exécutif : Il est chargé de gérer la politique courante de l'État.


- Son rôle est très vaste. Il est chargé entre autre de faire appliquer la loi, de représenter l’Etat
à l’intérieur comme à l’extérieur, de diriger les services publics.
- Il est généralement composé du gouvernement (ou de l’administration et du cabinet dans un
régime présidentiel comme aux USA), du Premier ministre et du Président de la République.

3. Le pouvoir judiciaire : Il a pour rôle de sanctionner en cas de non respect de la loi.


- Ce pouvoir est confié aux juges et aux magistrats, qui se basent sur les textes de lois (qui
sont rédigés par le pouvoir législatif) pour rendre des décisions.

- Montesquieu ajoute que pour maintenir un équilibre entre tous ces pouvoirs, il est impératif
qu’ils soient détenus par des hommes différents : c'est le principe de la séparation des
pouvoirs.

Problématique :
Le sujet invite à s’interroger sur les rapports entre pouvoir et médias.
Le pouvoir supposé des médias pose cependant plusieurs problèmes et soulève un double
paradoxe :
- D’une part, ce pouvoir est sans consistance institutionnelle car il ne dispose d’aucune
contrainte à son existence. Pourtant, il est qualifié le plus souvent de « contre-pouvoir » aux
pouvoirs constitués.
- D’autre part les médias ont la particularité notable d’être aux mains d’acteurs privés dont la
réussite commerciale est le principal objectif. Les médias servent donc des intérêts privés
dont les conséquences entent en interaction avec le domaine public.

- Au travers de ces paradoxes il est intéressant de se demander si les médias constituent un «


quatrième pouvoir » ?
- En effet, peut-on penser qu’un pouvoir puisse exister sans avoir été institutionnalisé ?
- Peut-on considérer l’existence d’un pouvoir aux mains d’agents privés mais agissant dans le
champ public ?
- Au fond quel est le véritable pouvoir des médias ?

I. Les médias ont joué et jouent aujourd’hui, un rôle majeur dans les sociétés démocratiques.
A. A la source du quatrième pouvoir : un lien privilégié avec la démocratisation des sociétés.
1. Au XVIIIème siècle, les philosophes des Lumières se sont engagés en faveur de la liberté
d’expression.
Ex : Voltaire, Montesquieu, Diderot ont lutté contre l’absolutisme, contre l’obscurantisme et
contre l’autorisation préalable pour la publication.
- Beaumarchais s’engage contre la censure : « sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge
flatteuse » (c’est le sous-titre du journal Le Figaro) (DIAPO)

2. A la fin du XVIIIème siècle, la lutte contre la censure aboutit.


Ex : La Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen reconnaît le 26 août 1789, la liberté
d’expression dans son article 11. (DIAPO)
- Dans la déclaration des droits fondamentaux de l’Etat de Virginie datant de 1776 il est
déclaré que « la liberté de la presse dans la société civile est l’un des grands remparts de la
liberté. Elle ne peut jamais être limité sinon par un gouvernement despotique ».
- La démocratie inaugure donc la liberté d’expression et d’opinion.

3. Au XIXème siècle, la censure revient. Napoléon Ier la rétablit au lendemain du 18 brumaire.


Les libéraux réclament la liberté de la presse.
Ex : Chateaubriand, Alexis de Tocqueville, Benjamin Constant. (DIAPO)

4. Le principe d’une « presse libre » et le respect de la liberté d’expression sont au XXème


siècle, les critères essentiels d’un régime démocratique.
Ex : En France, la liberté de la presse a été posée par la loi du 29 juillet 1881. Elle permet aux
journalistes d'accéder librement aux informations et d'être relativement indépendants.

5. A l’inverse, les régimes qui ne respectent pas la liberté de la presse sont des dictatures.
Ex : La Chine, l’Algérie, le Liban, l’URSS, le Liban, l’Irak…
- En URSS La Pravda (« la vérité ») est la publication officielle du parti communiste de 1918 à
1991. (DIAPO)

6. Dans ces Etats, les journalistes sont souvent les premières victimes de la répression.
Ex : Le dernier classement de Reporters Sans Frontière de 2006 range la Corée du Nord, le
Turkménistan, l'Érythrée et Cuba aux dernières places de la liberté d’expression.

B. Les médias jouent un rôle de contre pouvoir.


1. Les médias peuvent constituer un contrepoids aux pouvoirs politiques.
Ils peuvent remplir une fonction de dénonciateurs et de révélateurs lorsque les principes de la
démocratie sont bafoués.
Ex : L’affaire du Watergate qui conduit à la démission de Nixon en 1974.
- L’affaire Hervé Gaymard (DIAPO). (Il est ministre de l’Economie, des Finances et de
l’Industrie du gouvernement Raffarin du 29 novembre 2004 au 25 février 2005). Le 16 février
2005, l’Affaire Hervé Gaymard suite à un article du Canard enchaîné, suivi par de nouvelles
révélations de Libération et du Parisien. Le journal révèle qu'Hervé Gaymard, son épouse
Clara et leurs huit enfants sont logés dans un duplex privé de 600 m 2 loué par l'État au prix de
14 000 euros par mois. Et ce, alors même que l'appartement du boulevard Saint-Michel dont
ils étaient propriétaires avait été mis en location pour leur procurer des revenus.
- La « Une » de L’Aurore du 13 janvier 1898 qui titrait « J’accuse… ! Lettre au Président de la
République par Emile Zola » (la lettre s’adressait à Félix Faure) et prenait la défense d’Alfred
Dreyfus. (DIAPO)

2. Les médias jouent aussi un rôle dans les rapports d’Etat à Etat.
Ex : la BBC qui a permis au général de Gaulle de lancer depuis Londres à la France occupée par
les Nazis, son appel à la résistance le 18 juin 1940. (DIAPO)

3. Les médias constituent un quatrième pouvoir dans la mesure où l’information qu’ils


proposent n’est qu’une sélection de l’actualité.
Ex : Les problèmes du Darfour disparaissent ponctuellement de l’information au grès d’autres
informations qui font la une de l’actualité.

4. Les médias ont aussi un pouvoir culturel.


Ils permettent à la culture de se diffuser.
Ex : La télévision diffuse en 1961 Les Perses d’Eschylle.

5. Le développement de nouvelles formes de communication pose le problème du rôle de


l’Etat et de sa possible intervention. On assiste à un puissant mouvement de dérégulation des
médias.
Ex : chaînes privées, pages internet…
- D’où la création du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) (DIAPO) a été créé par la loi du
17 janvier 1989. C'est un organisme de l'État français mais jouissant d'un statut d'autorité
indépendante. Le CSA a pour rôle de délivrer les autorisations de diffusion aux chaînes de
télévision et aux radios et aux distributeurs de services (bouquets satellites, ADSL, etc.).

II. Cependant les relations entre les médias et le politique peuvent aboutir à des dérives.
A. Les médias connaissent parfois certaines dérives qui nuisent au politique.
1. Les risques d’abus de pouvoir par les médias sont nombreux.
Ex : la manipulation de l’opinion concernant l’insécurité durant la campagne présidentielle de
2002.

2. Autre dérive : il y a parfois collusion entre les journalistes et les politiques.


Ex : En France, journalistes et politiques ont eu la même formation à Sciences-Po. Ils se
connaissent parfois. Dans la Promo 1986 on retrouve David Pujadas, Claude Chirac, Jean-
François Copé, Anne Roumanoff et Frigide Barjot avec comme enseignant en « communication
politique », un certain Jean-Pierre Raffarin.
- Valérie Trierweiler journaliste à Paris Match et François Hollande. (DIAPO)
- Christine Ockrent, directrice de l’Express, a présenté le Jt sur Antenne 2, France 3 et Bernard
Kouchner. (DIAPO)
- Anne Sinclair et Dominique Strauss-Khan. (DIAPO)
- Audrey Pulvar et Arnaud Montebourg. (DIAPO)
- Béatrice Schonberg et Jean-Louis Borloo.
- Journalistes et hommes politiques se rencontrent aussi dans des lieux de sociabilité comme
Le Siècle, (créé en 1944 et qui a pour but de faire se rencontrer une fois par mois dans un
dîner à l’hôtel de Crillon, l’élite politique, économique et intellectuelle du pays). Parmi les
journalistes, on trouve Arlette Chabot, Laurent Joffrin (directeur du Nouvel Observateur),
Serge Moati ou encore Patrick Poivre d’Arvor…
- En Italie, Silvio Berlusconi était chef du gouvernement italien alors qu’il disposait de
plusieurs chaînes de télévision (Telemilano depuis 1978, Canale 5 en 1980, Italia 1 en 1982,
Rete 4 en 1984). (DIAPO)

3. Autre dérive : on accuse parfois les médias de dépasser leurs prérogatives.


Ex : La révélation du SMS de Nicolas Sarkozy par les médias en 2008 qui viole la vie privée du
président. (DIAPO) (« Si tu reviens j’annule tout » que Nicola Sarkozy aurait envoyé à son ex-
épouse Cécilia Albeniz huit jours avant son mariage avec Carla Bruni. Cet épisode en
apparence anodin nous interroge sur les limites de la vie privée des hommes publics mais
aussi sur le pouvoir des médias vis-à-vis des politiques.)
- La multiplication des procès en diffamation pour violation de la vie privée suite au décès de
Lady Diana.

4. Parfois, les médias sont de connivence avec le politique.


Ex : L’affaire de la fille de Mitterrand (Mazarine Pingeot) connue dès 1984 mais n’est révélée
qu’en novembre 1994 au grand public par un article dans le magazine Paris-Match. (politique
du off). (DIAPO)
- Les journaux ont des connotations politiques :
Le Figaro (1825) à droite, Le Monde (1945) L’Express, Le Canard Enchaîné à gauche,
L’Humanité à l’extrême gauche…
- Durant la première guerre mondiale, la propagande politique et militaire servait le pouvoir.
(cf. « les balles allemandes ne tuent pas »).

5. Le poids des enjeux économiques et financiers interdit parfois de critiquer un annonceur


important.
Ex : Edmond Rothschild important actionnaire du journal Libération.
- Serge Dassault qui a été propriétaire de la Socpresse, le groupe qui publie Le Figaro. (DIAPO)

6. Il n’y a pas de contre pouvoir au fait que les médias peuvent influencer l’opinion publique.
Ex : Le reportage sur l’indépendance de la Flandre diffusée par la RTBF le 14 décembre
2006. « La Flandre a proclamé son indépendance ! », « le roi a quitté le pays ! », « la Belgique
n'existe plus ! ». (DIAPO)
- Orson Welles réussit à faire croire le 30 octobre 1938 à ses auditeurs à la radio que
l'Amérique était envahie par des martiens.
- Les dérives de la presse people.
- Les images truquées.

B. Il arrive aussi que les médias soient au service du pouvoir politique.


1. L’excès de liberté d’expression peut être parfois contraire aux valeurs démocratiques. L’Etat
doit donc édicter des lois qui encadrent la diffusion de l’information.
Ex : Le racisme, l’intolérance sont punis par la loi.
Or, trop de jurisprudence fait courir le risque d’une récupération dangereuse du pouvoir
médiatique par l’Etat.

2. Les médias sont au service du pouvoir dans les régimes autoritaires et totalitaires et ne
constituent pas un pouvoir à part.
Ex : Dans l’URSS de Staline, on a un cinéma de propagande (cf. les films d’Eisenstein comme
Octobre ou Alexandre Nevski). (DIAPO)
- Dans l’Allemagne nazie, Hitler avait désigné Joseph Goebbels fut ministre du Reich à
l’Éducation du peuple et à la Propagande de 1933-1945. (« Plus le mensonge est gros, mieux il
passe »). (DIAPO)

3. Quand les médias ne sont pas au service des régimes autoritaires, ces derniers cherchent
alors à en limiter l’accès au peuple.
Ex : En Chine aujourd’hui, l’accès à internet est soumis à une censure d’Etat. Elle fait pression
sur Google et Yahoo. La liberté d’information n’existe pas.

Conclusion :
- Si la liberté de la presse émerge comme concept à la fin du XVIIIème siècle, elle est
aujourd’hui devenue un élément central de la démocratie.
- Plus largement les médias tirent aujourd’hui leur force de cette liberté accordée au risque
parfois d’en abuser…
- De fait, pour les médias comme pour les politiques, se pose aujourd’hui le problème de
trouver le juste équilibre entre d’une part la « libre expression » et d’autre part la « dérive
liberticide »…

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