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Maxime Tandonnet: «Une élection pour rien ?

» 18/04/2022 16:39

Maxime Tandonnet: «Une élection


pour rien ?»
Par Maxime Tandonnet Publié le 10/04/2022 à 22:16, Mis à jour le
11/04/2022 à 00:20

«L'avenir de la France face aux grands enjeux de l'avenir a été totalement occulté.» STEPHANE MAHE /
REUTERS

Fin observateur de la vie politique française et contributeur régulier du


FigaroVox, Maxime Tandonnet a notamment publié «André Tardieu.
L'incompris» (Perrin, 2019).

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«L'absurde est la notion essentielle et la première vérité», écrit Albert


Camus dans le Mythe de Sisyphe. Le second tour de l'élection
présidentielle de 2022 sera donc exactement le même que celui de 2017,
opposant Marine le Pen à Emmanuel Macron, selon les premières
estimations. Dans plusieurs enquêtes d'opinion, notamment un sondage
Marianne de février 2020, les Français avaient massivement exprimé, à
80%, leur refus de voir ce duel se reproduire. Par le plus étrange des
paradoxes, ils viennent ainsi de bafouer leur propre volonté. Cette
glaciation de la vie politique, les Français n'en voulaient en aucun cas mais
ils l'ont pourtant décidée eux-mêmes, sans doute par résignation et par
une montée de l'indifférence matinée d'écœurement dont témoignage un
absentéisme élevé.

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L'une des leçons emblématiques de ce scrutin est, au vu des premières


estimations, la qualification de Marine Le Pen avec un score élevé. Certes,
«l'effet Zemmour» a exercé un puissant recentrage en sa faveur. Marine le
Pen, avec ses chats, a réussi à faire oublier le FN dont elle est issue. Son
étiquette «d'élève médiocre» qui lui est accolée par les médias a facilité
un phénomène d'identification populaire, par réaction à l'image d'élitisme
arrogant qui sied à son adversaire. Mais surtout, Marine Le Pen a remporté
haut la main la course au néant. La source de son triomphe est d'avoir
rogné peu à peu sur tous les aspects saillants du discours lepéniste. Où
sont passées les convictions d'hier, «l'immigration zéro», le référendum
sur la sortie de l'Europe et sur l'euro, et jusqu'au retour à la retraite à 60
ans ? Cette neutralisation du discours traditionnel et sa réorientation sur le
thème consensuel du «pouvoir d'achat» a exercé un effet rassurant sur
l'opinion : au moins, elle qui ne propose rien ne nous fera pas de mal
supplémentaire.

Ce néant des idées s'accompagne d'une radicalisation spectaculaire


de la scène politique française.

Maxime Tandonnet

Mais le vide est face à son reflet, comme dans une mise en abyme. «Le
président-candidat Emmanuel Macron bat tous les records de popularité»
jubilait Paris-Match le 8 mars dernier à l'image d'une obséquiosité
médiatique trop répandue. Son quinquennat se confond avec la
sublimation d'une image personnelle: sauveur face aux «gilets jaunes»,
chef de guerre devant l'épidémie de Covid-19 puis l'invasion de l'Ukraine.
En refusant les débats du premier tour, il s'est situé au-dessus de la
mêlée. Cette posture jupitérienne lui a permis d'esquiver la polémique sur
son bilan en matière de politique sociale, de libertés (emprisonnements à
domicile, couvre-feu, stratégie du bouc émissaire – «emmerder les non
vaccinés») et sur les résultats obtenus dans la crise sanitaire notamment
en comparaison avec l'Allemagne. La même posture a eu pour effet

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d'évacuer tout questionnement sur l'explosion des dépenses de l'État:


560 milliards d'euros en deux ans dont seulement 100 liés au «quoi qu'il
en coûte » sanitaire (Cour des comptes), d'où la vertigineuse
augmentation de la dette publique. La non-campagne du «président-
Jupiter» se traduit par son relatif succès à peu près conforme aux
sondages.

À lire aussiL’éditorial du Figaro: «Macron, les défis d’une victoire»

Mais ce néant des idées s'accompagne d'une radicalisation spectaculaire


de la scène politique française. Les trois candidats derrière le candidat-
président, Marine le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour,
présumés protestataires et antisystèmes, atteignent la majorité absolue à
eux trois… Les partis classiques de la politique française poursuivent leur
effondrement. Le naufrage de Valérie Pécresse est une autre leçon
dramatique de cette élection. L'électorat LR s'est dispersé entre
Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Éric Zemmour. Il n'a servi à rien de
tenter bâtir un projet sérieux tourné vers le bien commun. Les idées et les
projets se noient désormais dans le nihilisme narcissique et la surenchère
démagogique. Au jeu de la bataille d'image, Valérie Pécresse fut la grande
perdante, victime du mépris, et des moqueries (le chien Douglas). Les
partis traditionnels poursuivent leur agonie, entraînés dans l'abîme avec la
mort du débat d'idées et de projets.

La question du sens de l'élection présidentielle est désormais posée.


Celle-ci avait jusqu'à présent une signification, même vague,
transcendant le choix d'un individu. En 1974, Giscard d'Estaing annonçait
une «société libérale avancée» ; en 1981, Mitterrand voulait «changer la
vie»; en 199,5 Chirac s'en prenait à la «fracture sociale» ; Sarkozy en
2007 prônait l'identité nationale ; en 2012, Hollande prétendait «taxer les
riches» ; le thème du «renouvellement» dominait la campagne de 2017.
Ces slogans se sont souvent traduits par de lourdes déceptions mais ils
donnaient un sens au scrutin présidentiel.

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Quel que soit son issue finale, la campagne électorale de 2022 a


confirmé la déliquescence morale et intellectuelle de la politique
française.

Maxime Tandonnet

Or, ce premier tour de la présidentielle 2022 fut, bien au contraire, celui du


néant. L'avenir de la France face aux grands enjeux de l'avenir a été
totalement occulté. Le pays de Montaigne, de Pascal et de Descartes
peut-il se contenter de se donner tous les cinq ans une sorte de gourou
élyséen ? Une élection par défaut ou par l'absurde, jusqu'à la caricature :
demain Marine Le Pen sera élue par déchaînement d'anti-macronisme ou
bien Emmanuel Macron le sera par anti-lepénisme et peur de
«l'extrémisme».

Quel que soit son issue finale, la campagne électorale de 2022 a confirmé
la déliquescence morale et intellectuelle de la politique française. En fait
d'exemplarité, elle a fait naufrage dans le spectacle délétère dominé par le
narcissisme, l'obséquiosité et les félonies. Inévitablement, la frustration
démocratique des Français tournera demain à la violence et au chaos.

D'un mal peut-il enfin sortir un bien ? Il est possible que l'effondrement de
l'élection présidentielle dans la gesticulation nihiliste se traduise, par effet
de balancier, dans un renouveau de la démocratie parlementaire autour de
l'élection législative suivante, alors vécue comme une session de
rattrapage. Alors que l'explosion de la droite se profile à l'horizon
(inévitable dans l'hypothèse de la réélection de M. Macron), la poignée de
parlementaires de droite qui résisteront encore et toujours aux sirènes de
l'opportunisme – au nom de l'honneur et d'une certaine vision de l'histoire
– pourrait dès lors jouer un rôle clé, face à la tempête qui vient, dans la
reconstruction à venir de la démocratie française.

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