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La france est passée sous l'emprise des populistes.

Le mouvement de contestation contre la réforme des retraites montre combien l'opinion publique
a versé dans le populisme, et a emmené la France hors de l'univers rationnel.

Ne craignez pas une victoire des populistes en 2027. Marine Le Pen ou un autre : c'est fait. Après
l'Italie, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, la France est tombée sous leur régime. Il en est mille
exemples, comme le livre antivaccins d'Alexandra Henrion-Claude, classé n' 1 des ventes d'essais. Ou
les sondages qui montrent que les jeunes se défient de la science, pensent que l'élection de Biden a été
faussée (33%) et croient en l'occul- tisme. Mais c'est la réforme des retraites qui était la grande épreuve.
Elle a été parfaitement réussie: victoire totale.

La colère a gagné, le sentiment du malheur et du pessimisme est porté en triomphe, tous les arguments
de Télite », les faits et chiffres, les bonnes volontés de débat et de compromis, la démocratie
représentative elle-même, ont été balayés comme faux, faux parce que ceux de l'élite. La haine
construite de la personne d'Emmanuel Macron a servi de « cause finale ». Le tout avec la complicité
active, quotidienne, systématique, de la majorité des journalistes

Rassembler les peurs

Les populistes ont gagné grâce à la mise en place d'une parfaite machine de communication. Giuliano
da Empoli, l'auteur du Mage du Kremlin », en donne les rouages implacables dans son livre précédant
«Les Ingénieurs du chaos (Folio), que tout démocrate devrait lire d'extrême urgence. Nous sommes
entrés dans une nouvelle ère où émerge une nouvelle forme de politique: que da Empoli désigne par
l'union de la rage et de l'algorithme Comme marche-t-elle ? La machine a pour vocation de «
rassembler les peurs » des citoyens. Toutes les sortes de peurs, sociales, sanitaires, éducatives,
sécuritaires, religieuses, sont bonnes à fédérer, pour faire converger les luttes. Les réseaux sociaux sont
l'outil parfait pour repérer les peureux, les regrouper en tribus par thème et les joindre.

Jouer du côté festif

Ensuite, deuxième étape. il faut enflammer les passions, « jouer du côté festif et voir s'inverse.
émancipateur de ce carnaval. Cest essentiel dans une vie isolée et souvent morne. En France, on a vu
les- gilets jaunes ne pas abandonner la lutte malgré les milliards donnés par Macron, pour ne pas perdre
le bonheur découvert de se retrouver en groupe autour des ronds-points.

On a vu les mêmes joies de la manif contre les retraites: chanter ensemble, être avec des camarades,
marcher au milieu de la rue. Mais le festif se retrouve aussi dans la dérision, parce que le rire libératoire
enterre le faste du pouvoir. Les pancartes drôles ont été cœur. doublées en efficacité par la puissance
infinie des images et gifs délétères d'Internet. L'intelligence artificielle va encore démultiplier cette
force destructrice.

Aux manettes de la machine, pour- suit da Empoli, il y a une solide logique plus proche du théatre que
de la salle de démocratic. classe, plus avide de corps et d'images que de textes et d'idées, plus
concentrée sur l'intensité narrative que sur l'exactitude des faits . Dès lors, pour les adeptes des
populistes, la véracité des faits pris un à un ne compte pas. Ce qui est vrai, c'est le message dans son
ensemble qui corres pond à leur expérience et à leurs sensa- tions. Il va plus loin encore: le dis- cours
sort de la Raison cartésienne mais en retrouve une nouvelle en inver- sant de manière systématique les
normes de l'élite pour en affirmer d'autres de signe opposé. Tout ce que dit le pouvoir s'inverse.

Remplacer la peur par le désir.

Le déroulé de la réforme des retraitesen a offert une démonstration de A à Z. Les chiffres, en premier de
déficit, ont été immédiatement contestés à la minute près par les réseaux sociaux en délire et les télés
en continu, puis, quand avec grand peine le gouvernement les réta- blit un peu, le débat s'est déplacé
pour parler du travail. Dans les négociations, tout a été retourné. Mme. Borne passe six mois à
rencontrer syndicats et partis? Le pouvoir n'écoute rien». Et les télé- visions d'embrayer. Macron cède
un compromis? Non, il ne cède que des miettes, au contraire, il devient brutal ». Et la presse
d'acquiescer. Le Conseil constitutionnel juge en droit? Au service de l'Elysée, il renforce la dureté du
texte. Et des journaux de réclamer une nouvelle constitution.

Les populistes ont gagné. Ils ont réussi à emmener la France hors de l'univers rationnel. Quand
l'opinion prend le dessus, quand la rage est glori fiée, chaque camp traite l'autre de fou», la démocratie
est atteinte au coeur.

En sortir? Remplacer la peur par le désir, le négatif par le positif et affirmer une vision motivante du
futur », dit Giuliano da Empoli. Ajoutons que les médias devraient commencer par un examen de
conscience approfondi de leurs pratiques destructrices de la démocratie.

Eric Le Boucher

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