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Physique Chimie en MP MP Le cours

complet 1st Edition Olive Pascal


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PHYSIQUE
CHIMIE
en MP/MP*
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CHIMIE
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Le cours complet

Pascal Olive
Du même auteur, chez le même éditeur

Physique en PC/PC* - Le cours complet, 888 pages, 2023.


Physique-Chimie en PSI/PSI* - Le cours complet, 928 pages, 2022.

ISBN 9782340-084193
© Ellipses Édition Marketing S.A., 2023
8/10 rue la Quintinie 75015 Paris
V

AVANT-PROPOS

Cet ouvrage aborde l’ensemble du cours de Physique-Chimie de la


classe de MP / MP*. Il reprend également de nombreux points du programme
de MPSI. Il est conforme au programme en vigueur depuis 2022.

 Le cours proposé est très complet. Sa rédaction est particulièrement


rigoureuse et soignée, et s’appuie sur de nombreuses illustrations. Les points
délicats sont discutés en détail, afin de fournir aux étudiants les plus exigeants
des réponses à beaucoup de leurs questions. Les résultats et définitions les
plus importants sont indiqués ainsi :

δP = J x ( x, t )dt est le transfert de probabilité à l’abscisse x entre t et t + dt .

Des résultats intermédiaires, ou un peu moins importants, sont grisés de


la façon suivante :
G G G
Finalement, ar (M ) = g (M ) − g (G ) .

Certaines définitions, ou points sur lesquels il est nécessaire de


porter une attention particulière, sont mis en italique :
Ce phénomène s’appelle transparence ultra-violette des métaux.

 De très nombreuses applications sont intégrées au cours. Elles sont


indiquées à l’aide du symbole . Elles ont été choisies pour l’éclairage qu’elles
lui apportent, leur intérêt culturel, et pour la diversité des techniques de
résolution qu’elles font intervenir. Beaucoup d’applications classiques, qui font
l’objet de nombreux sujets d’écrits et d’oraux, sont ainsi proposées.
— Si une section entière d’un chapitre est consacrée à des applications, elle
est indiquée ainsi :

4. THÉORIE CINÉTIQUE DES GAZ 


— Une sous-section détaillant une application est indiquée ainsi :
3.1 Miroir de Lloyd 

 Le livre est scindé en dix parties conformément au programme. Les outils


mathématiques nécessaires pour aborder les différents contenus du
programme sont regroupés dans la première partie du livre.

 Quelques compléments hors-programmes sont présentés pour leur


apport culturel, leur utilisation fréquente dans les T.I.P.E, ou pour mieux
appréhender certaines notions. Ils peuvent être réservés à une deuxième

I
VI   Avant-propos

lecture plus approfondie. Ces compléments sont identifiés à l’aide d’une barre
dans la marge de gauche et d’un interligne plus petit :
Pour les mélanges de gaz, on se rapproche du cas parfait ( γ i → 1 ) quand la pression tend vers
0 (interactions négligeables).

Cet outil de travail complet, utile et agréable par la clarté du cours, la


rigueur du contenu, la variété et la richesse des applications proposées, est écrit
spécialement pour les étudiants qui préparent les concours d’entrée aux E.N.S.
et aux plus grandes écoles d’ingénieurs, les étudiants en Master et les
candidats aux concours d’enseignement (CAPES, Agrégation).

Je souhaite remercier ma compagne, Nathalie de Casas, qui m’a soutenu


sans faiblir lors des longs mois d’écriture intense de cet ouvrage, et m’a
prodigué de précieux conseils.
Je lui dédie ce livre, ainsi qu’à mon fils Pierre, ma fille Natalia et à mes
parents Suzanne et Pierre.
Mes collègues Isabelle Bricaud, Jean-Laurent Graye, Catherine Métayer,
Yann Millot et Valérie Monturet ont eu la gentillesse de relire certaines parties
de l’ouvrage et de me faire des commentaires constructifs. Mention spéciale à
Benoît Malet…
Merci également à Nathalie Van Lauwe pour son aide à la réalisation
d’expériences dont les photographies illustrent cet ouvrage.
Je remercie enfin mes étudiants, Olivier Baesen, Louis Bardinet, Naïs
Baubry, Axel Brulavoine, Olivier Courmont, Amandine Darrigade, Anna
Decrock, Achille Domens, Jules Morand, Florian Picq et Léo Simplet, qui m’ont
fait l’honneur de lire certains chapitres, de repérer des coquilles, et de me
suggérer des améliorations.

Pascal OLIVE

II
1

[PREMIÈRE PARTIE]

BOÎTE À OUTILS

Les chapitres :
1. Différentielles et formes différentielles 3
2. Les systèmes de coordonnées 11
3. Analyse de Fourier 17
4. Champs et opérateurs différentiels 33
5. Grandeurs physiques : dimensions et unités 57

Dans cette première partie du livre sont exposés les outils nécessaires à l’étude
des parties suivantes.
Le chapitre sur les champs et les opérateurs différentiels introduit de
nouveaux opérateurs, ainsi que la notion de bilan local. Il doit impérativement
être maîtrisé avant d’aborder les parties portant sur l’électromagnétisme, la
thermodynamique et la Physique quantique.

f
En mathématiques, une fonction est notée f ou bien x ֏ f(x) , pour la distinguer
de l’image f(x) de x par f. En Physique, la notation g(x,t) est souvent utilisée pour
indiquer que la grandeur g dépend des variables x et t.

1
2
3

[BOÎTE À OUTILS 1]

DIFFÉRENTIELLES ET FORMES
DIFFÉRENTIELLES
1. FONCTIONS DE PLUSIEURS VARIABLES
1.1 Dérivées partielles
f
On raisonne sur une fonction f de deux variables réelles : ( x, y ) ֏ f ( x, y ) , à va-
leurs réelles, de classe C1 .

 ∂f 
On note   la dérivée de la fonction f par rapport à la variable x, les autres
 ∂x  y
variables (ici y) étant fixées.

∂f
On note simplement cette dérivée partielle lorsqu’il n’y a pas d’ambiguïté.
∂x
Par exemple, en thermodynamique, une fonction d’état d’un corps pur sous une seule
phase, comme l’entropie S, est une fonction de deux variables indépendantes. On peut
choisir comme couple de variables la température T et la pression p, mais aussi T et
 ∂S   ∂S 
le volume V. Il faut distinguer   et  ∂T  , qui sont a priori différentes.
 ∂T p  V

1.2 Théorème de Schwarz


∂f ∂f
( x, y ) ֏ et ( x, y ) ֏ sont des fonctions de deux variables qui peuvent
∂x ∂y
∂ 2f
être dérivées par rapport à x ou y si elles sont de classe C1 . On peut former ,
∂x 2
∂ 2f ∂  ∂f  ∂ 2f ∂  ∂f  ∂ 2f ∂f ∂f
=   , =   , et . Si ( x, y ) ֏ et ( x, y ) ֏ sont de
∂y ∂x ∂y  ∂x  ∂x ∂y ∂x  ∂y  ∂y 2 ∂x ∂y

classe C1 , f est de classe C 2 et le théorème de Schwarz s’applique :

∂  ∂f  ∂  ∂f  ∂ 2f ∂ 2f
 =   , soit = : peu importe l’ordre des dérivations.
∂x  ∂y  ∂y  ∂x  ∂x ∂y ∂y ∂x

f
Par exemple : ( x, y ) ֏ x 2 ln( y ) est de classe C 2 sur son domaine de définition.

3
4 Partie I.  Boîte à outils

∂f ∂f x2 ∂  ∂f  2 x ∂  ∂f 
On calcule = 2 x ln( y ) et = . On a bien  = = .
∂x ∂y y ∂x  ∂y  y ∂y  ∂x 

2. DIFFÉRENTIELLES
2.1 Fonction d’une seule variable
f
La fonction f : x ֏ f ( x ) étant suffisamment régulière, elle admet au voisinage
de x un développement de Taylor :
(δx )2
⋅ f ′′( x ) + O (δx )3  .
f ( x + δx ) = f ( x ) + δx ⋅ f ′( x ) +
2!  
Intéressons-nous à la différence f ( x + δx ) − f ( x ) , quand δx est très petit :
(δx )2
f ( x + δx ) − f ( x ) = δx ⋅ f ′( x ) + ⋅ f ′′( x ) + O (δx )3  . On a donc :
2!  
f ( x + δx ) − f ( x ) δx
= f ′( x ) + ⋅ f ′′( x ) + O (δx )2  .
δx 2!  
On note dx un accroissement δx infiniment petit :
f ( x + dx ) − f ( x ) f ( x + δx ) − f ( x )
= lim = f ′( x ) , ce qu’on écrit sous la forme :
dx δx →0 δx
f ( x + dx ) − f ( x ) = f ′( x )dx .

La différence df = f ( x + dx ) − f ( x ) est appelée différentielle de f en x.


On a df = f ′( x )dx pour une fonction d’une seule variable.

df
Ceci fait tout l’intérêt de la notation de Leibniz : f ′( x ) = .
dx
df = f ( x + dx ) − f ( x ) est la variation infinitésimale de f au voisinage de x, due à
une variation infinitésimale dx de x.
Remarquons que, contrairement au cas d’un accroissement fini δx , il n’y a pas
dans df de termes en (dx )2 , (dx )3 , etc. Ceci n’est pas une approximation car :
Adx + B(dx )2 = dx [ A + Bdx ] = dx ⋅ lim [ A + Bδx ] = Adx .
δx →0

Un infiniment petit du premier ordre dx est infiniment plus grand qu’un infini-
ment petit du second ordre (dx )2 . Des termes en (dx )2 n’interviennent que s’il n’y a
pas de termes en dx ( A = 0 ).

Pour le calcul de différentielles, on utilise souvent les dérivations composées.


F dF df dg
Si x ֏ F ( x ) = f [ g ( x )] alors = ⋅ : on retrouve la formule (f � g )′ = (f ′ � g ) ⋅ g ′ .
dx dg dx

4
Chapitre 1.  Différentielles et formes différentielles 5

df dg exp(2 x )
On en déduit dF = ⋅ dx . Par exemple, si F ( x ) = exp(2 x ) , dF = dx .
dg dx x

2.2 Fonction de plusieurs variables


f
On raisonne sur une fonction f de deux variables réelles : ( x, y ) ֏ f ( x, y ) , de
classe C 2 , à valeurs réelles.
La fonction f étant suffisamment régulière, elle admet au voisinage de (x,y) un
développement de Taylor à l’ordre 2 (à des termes d’ordre 3 près, comme (δx )3 ou
δx ⋅ (δy )2 ) :
∂f ∂f 1 ∂ 2f ∂ 2f ∂ 2f 
f ( x + δx, y + δy ) = f ( x, y ) + δx ⋅
+ δy ⋅ + (δx )2 2 + 2δx ⋅ δy + (δy )2 2  .
∂x ∂y 2!  ∂x ∂x ∂y ∂y 
En notant dx et dy les infiniment petits d’ordre 1, on a :

∂f ∂f
df = f ( x + dx, y + dy ) − f ( x, y ) = dx + dy , différentielle de f en (x,y).
∂x ∂y

df = f ( x + dx, y + dy ) − f ( x, y ) est la variation infinitésimale de f au voisinage de


( x, y ) , due à une variation infinitésimale dx de x et dy de y.
f ∂f ∂f x2
Par exemple, si f : ( x, y ) ֏ x 2 ln( y ) , df = dx + dy = 2 x ln( y )dx + dy .
∂x ∂y y

2.3 Intégration

Pour une fonction d’une seule variable, découpons l’intervalle [a, b ] en N inter-
N
b−a
valles de longueur δx =
N
et calculons I =  ( f [a + i δx ] − f [a + (i − 1)δx ]) .
i =1
Cette somme discrète se simplifie :
I = f (b) −f (b − δx ) + f (b − δx ) − ... −
��������� f (a + δx ) + f (a + δx ) − f (a) , soit I = f ( b ) − f (a ) .
���������
0 0
δx devient infiniment petit si N → ∞ , et est noté dx. La somme I n’est alors plus
x =b x =b
discrète, mais continue, et s’écrit I =  [f ( x + dx ) − f ( x )] =  df = f ( b ) − f ( a ) .
x =a x =a
Ce résultat est bien traduit par la notation de Leibniz :

x =b x =b

 df =  f ′( x )dx = [f ( x )] ab = f (b ) − f (a ) .
x =a x =a

5
6 Partie I.  Boîte à outils

Pour une fonction de deux variables,


B( xB , y B )

 df prend le sens suivant : on somme,


A( x A , y A )

le long d’un chemin γ menant de A à B, les dif-


férences df = f ( x + dx, y + dy ) − f ( x, y ) entre
les points M et M ′ de coordonnées respec-
tives (x,y) et ( x + dx, y + dy ) .

B
La somme continue  df = f (B ) − f ( A) = f ( xB , yB ) − f ( xA, y A ) ne dépend que de
A
A et B, et ne dépend donc pas du chemin γ suivi pour aller de A à B.

3. FORMES DIFFÉRENTIELLES
3.1 Définition
Pour un système décrit par deux variables x et y, une forme différentielle s’écrit
δW = P ( x, y )dx + Q( x, y )dy .
G G G
Par exemple, dans un champ de force F ( x, y ) = P ( x, y )ex + Q( x, y )ey , le travail
reçu par une particule se déplaçant de M ( x, y ) à M ′( x + dx, y + dy ) vaut :
G →
δW = F ⋅ d OM = P ( x, y )dx + Q( x, y )dy .
Malgré la notation, qui est la même que celle d’un accroissement fini, c’est un
travail élémentaire, ou infinitésimal, défini pour un déplacement élémentaire :
→ → G G
d OM = MM ′ = dx ex + dy ey de la particule, se produisant entre les dates t et t + dt .

Une forme différentielle est donc définie pour une transformation infinitésimale
correspondant à une variation dx de x et dy de y au voisinage de ( x, y ) .

Lorsqu’on somme les formes différentielles δW le long d’un chemin γ entre deux
points A et B, on obtient la grandeur WAγ →B (par exemple, le travail de la force s’exer-
çant sur la particule qui se déplace entre A et B le long de γ).

B
La grandeur WAγ →B 
= δW dépend a priori du chemin γ suivi entre A et B.
A

6
Chapitre 1.  Différentielles et formes différentielles 7

3.2 Théorème de Poincaré

À quelle condition WAγ →B ne dépend-il que de A et de B, et pas de γ ? Autrement


f
dit, à quelle condition existe-t-il f : ( x, y ) ֏ f ( x, y ) telle que WAγ → B = f (B ) − f ( A) ?
Pour un déplacement élémentaire, la relation précédente s’écrit :
δW = f ( x + dx, y + dy ) − f ( x, y ) , soit δW = df . On cherche donc la condition pour qu’il
∂f ∂f
existe une fonction f telle que δW = P ( x, y )dx + Q( x, y )dy = df = dx + dy . Si c’est
∂x ∂y
 ∂f
P ( x, y ) = ∂x
le cas, on identifie  , et, d’après le théorème de Schwarz, on a nécessai-
Q( x, y ) = ∂f
 ∂y
∂P ∂Q
rement = . La réciproque n’est pas toujours vraie (elle l’est à certaines condi-
∂y ∂x
tions sur le domaine des valeurs prises par x et y, conditions généralement vérifiées
en Physique). Retenons l’implication suivante (théorème de Poincarré) :
f ∂P ∂Q
∃ f : ( x, y ) ֏ f ( x, y ) telle que δW = P ( x, y )dx + Q( x, y )dy = df  = .
∂y ∂x

Prenons des exemples :


∂P ∂Q
(i) La forme différentielle δW = ydx n’est pas une différentielle car = 1≠ = 0.
∂y ∂x
En conséquence WAγ →B dépend du chemin γ suivi entre A et B.

(ii) La forme différentielle δW = 2 x sin( y )dx +  x 2 cos( y ) − 1 dy peut être une différen-
 
∂P ∂Q
tielle puisque = 2 x cos( y ) = . Cherchons donc s’il existe une fonction f telle que
∂y ∂x
 ∂f
 ∂x = 2 x sin( y )
δW = df . On identifie pour cela les dérivées partielles :  .
 ∂f = x 2 cos( y ) − 1
∂y
On intègre alors une de ces deux relations, par exemple la première :
∂f
= 2 x sin( y )  f ( x, y ) = x 2 sin( y ) + ϕ( y ) .
∂x

Attention ! On a intégré à y constant, donc ϕ n’est pas une constante, mais


ϕ
n’importe quelle fonction de y à ce stade. En effet, la dérivée de y ֏ ϕ( y ) par rapport
à x donne bien 0.

7
8 Partie I.  Boîte à outils

En reportant f ( x, y ) = x 2 sin( y ) + ϕ( y ) dans la deuxième relation, on obtient :


∂f dϕ
= x 2 cos( y ) + = x 2 cos( y ) − 1  ϕ( y ) = − y + Cte . Finalement, on a bien :
∂y dy aussi

δW = df , avec f ( x, y ) = x 2 sin( y ) − y + Cte .


Revenons sur les différentes notations :

Pour une transformation infinitésimale, on note δW une forme différentielle et df une


B


différentielle. Pour une transformation finie, on note WAγ →B = δW , ou simplement W
A
B


s’il n’y a pas d’ambiguïté, et ∆f = df = f (B ) − f ( A) .
A

Par exemple, le premier principe de la thermodynamique s’écrit dE = δW + δQ


pour une transformation infinitésimale, et ∆E = W + Q pour une transformation finie.

4. APPLICATIONS 
4.1 Fonctions implicites 
Considérons trois variables x, y et z liées par une relation f ( x, y , z ) = 0 (∗) , par
exemple f ( x, y , z ) = yx 3 + z ln( x ) + 1 = 0 . Les variables x, y et z ne sont donc pas indé-
pendantes. Si par exemple on fixe les valeurs de y et de z, alors x ne peut prendre que
certaines valeurs, solutions de (∗) . Cependant, comme dans l’exemple, on ne peut
pas toujours expliciter x en fonction de y et de z, c’est-à-dire exprimer analytiquement
x
la fonction ( y , z ) ֏ x( y , z ) : x est alors une fonction implicite de y et de z.
On peut néanmoins obtenir des relations entre les dérivées partielles. En effet,
comme f est une constante, on a, en prenant la différentielle de (∗) :
 ∂f   ∂f   ∂f 
df =   d x +   d y +   dz = 0 .
 ∂x  y ,z  z, x
∂y  ∂z  x,y
 ∂f   ∂f  dy
Si z est constant ( dz = 0 ), on a   dx +   dy = 0 , or à z constant
 ∂x  y ,z  ∂y z, x dx
y
est la dérivée partielle par rapport à x de la fonction implicite ( z, x ) ֏ y ( z, x ) . On a donc
 ∂y   ∂f   ∂f 
  = −  ∂x   ∂y  . On constate qu’il faut bien se garder de « simplifier » par
 ∂x z   y ,z  z, x
∂f , cette simplification étant dénuée de sens, et amenant à un résultat faux.

8
Chapitre 1.  Différentielles et formes différentielles 9

−1
 ∂x   ∂f   ∂f   ∂x   ∂y  
De même   = −    ∂x  , d’où la relation   =    .
 ∂y z  ∂y z,x   y ,z  ∂y  z  ∂x z 
Un certain nombre de résultats peuvent être ainsi démontrés sans avoir à ex-
z x y
pliciter les fonctions ( x, y ) ֏ z( x, y ) , ( y , z ) ֏ x( y , z ) et ( z, x ) ֏ y ( z, x ) .

4.2 Calculs intégraux 


Le calcul de grandeurs finies se ramène souvent au découpage du domaine
d’intégration en parties infinitésimales. Prenons quelques exemples.
Exemple 1 : longueur d’une courbe d’équation polaire θ ֏ r (θ
θ)
On découpe la courbe en segments élé-
mentaires [MM ′] , où M a pour coordonnées po-
laires (r,θ) et M ′ : ( r + dr , θ + dθ) . Le vecteur po-
→ �
sition est OM = rer . On obtient le déplacement
→
élémentaire en prenant la différentielle de OM :

→ → → → � � der �
d OM = OM − OM = MM = drer + r dθeθ , car
′ ′ = eθ . La longueur élémentaire vaut

2
→ →
 dr 
dL = d OM = MM ′ = (dr )2 + (r dθ)2 = dθ r 2 +   , en parcourant la courbe
 dθ 
dans le sens des θ croissants afin d’avoir dθ > 0 . On obtient la longueur de la courbe
θmax θmax 2
→
 dr 
comprise entre θmin et θmax en calculant L =  d OM =  r 2 +   dθ .
 dθ 
θmin θmin

Exemple 2 : charge d’une boule

Une boule de rayon R possède une densité volu-


mique de charges ρ( r ) qui ne dépend que de la distance
r au centre O de la boule : il y a symétrie sphérique (inva-
riance du système par toute rotation autour de O). Si ρ
était uniforme, la charge Q de la boule serait le produit de
ρ par son volume V , mais ici on doit découper la sphère
de façon à ce que ρ reste constant dans un volume élé-
mentaire. On peut donc prendre le volume compris entre
deux sphères de centre O, et de rayons respectifs r et r + dr .
4
Ce volume vaut dV = V ( r + dr ) − V ( r ) , où V (r ) = πr 3 est le volume d’une
3
boule de rayon r.

9
10 Partie I.  Boîte à outils

 ρ(r ) 4πr 2dr .


2
On a donc dV = 4πr dr , d’où Q =
r =0
Tout l’intérêt des différentielles est le passage à une variation infiniment petite.
Si le rayon de la boule subissait un accroissement fini δr , on aurait :
4 4
δV = V (r + δr ) − V (r ) = π (r + δr )3 − r 3  = π 3r 2δr + 3r (δr )2 + (δr )3  ≠ 4πr 2δr .
3   3  
En revanche, dV = 4πr 2dr est une relation exacte.

Exemple 3 : volume d’un cône


On peut calculer le volume V d’un cône de sommet O,
d’axe Oz, de hauteur H, et de demi-angle au sommet α, en le
découpant en tranches infinitésimales de hauteur dz. Le vo-
lume d’une telle tranche se confond avec celui d’un cylindre
circulaire de hauteur dz et de rayon r, soit dV = πr 2dz .
Là encore, ce qui ne serait qu’une approximation pour
un petit accroissement δz devient rigoureux pour dz infiniment
petit. En effet la différence de volume entre le cylindre et la por-
tion du cône de hauteur dz est de l’ordre de r dr dz , donc c’est
un infiniment petit d’ordre 2 en dz puisque r = z tan α .
H H
1 1
Finalement, V =  πr 2dz =  π tan2 α ⋅ z2dz =
3
π tan2 α ⋅ H 3 = πR 2H .
3
z =0 z =0

Exemple 4 : énergie reçue par un conducteur ohmique


Un conducteur ohmique de résistance R parcouru par un courant d’intensité i(t)
reçoit une puissance instantanée p(t ) = Ri 2 (t ) . Pendant une durée finie ∆t, le conduc-
W
teur reçoit un travail W, ce qui permet de définir la puissance moyenne P = reçue
∆t
pendant ∆t. Pour définir la puissance instantanée à la date t, on effectue le rapport
entre le travail élémentaire δW reçu entre t et t + dt (attention ! δW est une forme
différentielle, et pas une différentielle), et la durée dt infinitésimale.

δW
La puissance instantanée, définie par p(t ) = , n’est pas une dérivée puisque
dt
W n’est pas une fonction du temps (parler du « travail reçu à la date t » n’a pas de
sens ; parler du travail δW reçu entre t et t + dt en a un).

Le travail reçu par le conducteur entre t1 et t2 s’obtient en sommant les travaux


t2 t2

 
élémentaires : W = δW = Ri 2 (t )dt .
t1 t1

10
11

[BOÎTE À OUTILS 2]

LES SYSTÈMES DE
COORDONNÉES
1. COORDONNÉES CARTÉSIENNES
1.1 Définition

G G G G
On définit le repère orthonormé direct (O, ex , ey , ez ) : le sens de ez est celui du
G G
déplacement d’un tire-bouchon quand on tourne de ex vers ey .

x (abscisse), y (ordonnée) et z (cote) sont les coordonnées cartésiennes du


G → G G G
point M. Le vecteur position s’écrit r = OM = xex + yey + zez .

1.2 Déplacement, volume et surfaces élémentaires


G
Si x varie de dx, le point se déplace de dx selon le vecteur ex .
G
Si y varie de dy, le point se déplace de dy selon le vecteur ey .
G
Si z varie de dz, le point se déplace de dz selon le vecteur ez .

Sous l’effet d’une variation infinitésimale dx, dy, dz de ses coordonnées x, y, z,


G G G G
le vecteur position varie de dr = dxex + dyey + dzez .

G → →
dr = MM ′ = d OM est le déplacement élémentaire entre un point M et un point
M ′ infiniment proche.

11
12 Partie I.  Boîte à outils

Le parallélépipède représenté sur la figure ci-dessus permet de calculer l’élé-


ment différentiel de volume en coordonnées cartésiennes : d3V = dx dy dz .

Le volume d’un domaine (D) de l’espace est donc :


V =  d3V =  d xd yd z .
M ∈( D ) M ∈( D )

On balaie l’espace entier en prenant ( x, y , z ) ∈ R3 .


Les différentes surfaces élémentaires se déduisent aussi de la figure.

2. COORDONNÉES CYLINDRIQUES
2.1 Définition

G G G
Soit un repère orthonormé direct cartésien (O, ex , ey , ez ) .
G G G
On définit la base mobile (elle dépend du point M) ( er , eθ , ez ), orthonormée et
directe, ainsi que les coordonnées cylindriques de M, de la manière suivante :
G
— Si m est le projeté orthogonal de M sur le plan xOy, le vecteur unitaire radial er est
→
G Om →
er = , avec r = Om .
r

12
Chapitre 2.  Les systèmes de coordonnées 13

G G
— θ est l’angle orienté ( ex , er ) dans le plan xOy : cet angle est positif si un tire-bou-
G G G
chon se déplace dans le sens du vecteur ez quand on tourne de ex vers er .
G G π
— Le vecteur unitaire orthoradial eθ se déduit de er par une rotation de + autour
2
de Oz.
G
— Le vecteur unitaire ez complète le trièdre direct.

r (rayon polaire), θ (angle polaire) et z (cote) sont les coordonnées cylindriques


G → G G
de M. Le vecteur position s’écrit r = OM = rer + zez (attention ! r n’est pas ici la norme
du vecteur position).

2.2 Déplacement, volume et surfaces élémentaires


G
Si r varie de dr, le point se déplace de dr selon le vecteur er .
G
Si θ varie de dθ, le point se déplace de r dθ selon le vecteur eθ .
G
Si z varie de dz, le point se déplace de dz selon le vecteur ez .
Remarquons que dθ étant infiniment petit, l’arc de cercle de longueur r dθ se
confond avec un segment rectiligne (ce qu’on ne peut pas représenter sur une figure,
où les déplacements sont nécessairement finis).

Sous l’effet d’une variation infinitésimale dr, dθ, dz de ses coordonnées r, θ, z,


G G G G
le vecteur position varie de dr = dr er + r dθeθ + dzez .

G → →
dr = MM ′ = d OM est le déplacement élémentaire entre un point M et un point
M ′ infiniment proche.

13
14 Partie I.  Boîte à outils

Le parallélépipède représenté sur la figure précédente permet de calculer l’élé-


ment différentiel de volume en coordonnées cylindriques : d3V = r dr dθ dz .

Le volume d’un domaine (D) de l’espace est donc :


V =  d3V =  r dr dθdz .
M ∈( D ) M ∈( D )

On balaie l’espace entier en prenant r ∈ [ 0, +∞[ , θ ∈ [ 0,2π[ , z ∈ R .


Les différentes surfaces élémentaires se déduisent aussi de la figure.

3. COORDONNÉES SPHÉRIQUES
3.1 Définition

G G G
Soit un repère orthonormé direct cartésien (O, ex , ey , ez ) .
G G G
On définit la base mobile (elle dépend du point M) ( er , eθ , eϕ ), orthonormée et
directe, ainsi que les coordonnées sphériques de M, de la manière suivante :
→
G G OM → G
— Le vecteur unitaire radial er est er = , avec r = OM = r .
r
G G
— θ ∈ [0, π] est l’angle ( ez , er ). Lorsque θ = 0 , le point M se trouve sur l’axe Oz du
côté des z positifs ; lorsque θ = π , le point M se trouve sur l’axe Oz du côté des z
négatifs.

14
Chapitre 2.  Les systèmes de coordonnées 15

G G G
— Le vecteur unitaire orthoradial eθ est un vecteur du plan vectoriel ( ez , er ) se dédui-
G π
sant de er par une rotation de dans le sens des θ croissants.
2
— Si m est le projeté orthogonal de M sur le plan xOy, l’angle ϕ est l’angle orienté
G →
( ex , Om ) dans le plan xOy : cet angle est positif si un tire-bouchon se déplace dans

G G →
le sens du vecteur ez quand on tourne de ex vers Om .
G
— Le vecteur unitaire eϕ complète le trièdre direct. C’est un vecteur du plan vectoriel
G G G
( ex , ey ) car il est orthogonal à ez .

r (rayon), θ (colatitude) et ϕ (azimut) sont les coordonnées sphériques de M.


G → G
Le vecteur position s’écrit r = OM = rer (r est bien ici la norme du vecteur position).
G G
Pour visualiser les directions de eθ et eϕ , on peut tracer la sphère de centre O
G G
et de rayon r. eθ est alors porté par un méridien et eϕ par un parallèle.
Ces références au repérage d’un point à la surface de la Terre sont précisément
à l’origine du nom colatitude porté par l’angle θ.
G → π
La latitude λ est l’angle ( er , Om ). On a donc θ + λ = , comme on peut le voir
2
sur la figure dans le plan méridien.

3.2 Déplacement, volume et surfaces élémentaires

15
16 Partie I.  Boîte à outils

G
Si r varie de dr, le point se déplace de dr selon le vecteur er .
G
Si θ varie de dθ, le point se déplace de r dθ selon le vecteur eθ .
G
Si ϕ varie de dϕ , le point se déplace de r sin θ dϕ selon le vecteur eϕ .

Sous l’effet d’une variation infinitésimale dr, dθ, dϕ de ses coordonnées r, θ, ϕ,


G G G G
le vecteur position varie de dr = drer + r dθ eθ + r sin θdϕ eϕ .

G → →
dr = MM ′ = d OM est le déplacement élémentaire entre un point M et un point
M ′ infiniment proche.

Le parallélépipède représenté sur la figure ci-dessus permet de calculer l’élé-


ment différentiel de volume en coordonnées sphériques : d3V = r 2 sin θ dr dθ dϕ .

Le volume d’un domaine (D) de l’espace est donc :


V =  d3V =  r 2 sin θdr dθdϕ .
M ∈( D ) M ∈( D )

On balaie l’espace entier en prenant :


r ∈ [0, +∞[ ,θ ∈ [0, π] , ϕ ∈ [0,2π[ . Ainsi l’élément de volume d3V est positif.
On aurait également pu choisir r ∈ [ 0, +∞[ , θ ∈ [0,2π[ , ϕ ∈ [0, π] , mais il aurait

fallu, pour garder un élément de volume positif, prendre d3V = r 2 sin θ dr dθ dϕ .


Les différentes surfaces élémentaires se déduisent aussi de la figure.

16
17

[BOÎTE À OUTILS 3]

ANALYSE DE FOURIER
1. SÉRIE DE FOURIER
1.1 Théorème pour une fonction f à valeurs réelles

Théorème
f
Toute fonction T-périodique du temps t ֏ f (t ) , à valeurs réelles, peut être dé-
composée en une somme d’un nombre fini, ou infini, de composantes sinusoïdales

discrètes, dont les pulsations sont multiples de la pulsation fondamentale Ω = :
T
+∞ +∞
f ( t ) = c0 +  [an cos(nΩt ) + bn sin(nΩt )] = c0 +  cn cos(nΩt + ψn ) .
n =1 n =1

Puisque cn cos(nΩt + ψ n ) = cn cos ψ n cos(nΩt ) −cn sin ψ n sin(nΩt ) , cn est lié à


 
an bn
2 2 2
an et bn par cn = an + bn . On peut prendre cn ≥ 0 (il existe d’autres conventions).

On a alors cn = an 2 + bn 2 .

Calcul des coefficients


T
1
Le coefficient c0 =
T 
f (t )dt = f est égal à la valeur moyenne de la fonction f.
0
Les coefficients an et bn valent :
T T
2 2
an =
T 
f (t )cos(nΩt )dt bn =
T 
f (t )sin(nΩt )dt .
0 0
En conséquence, les coefficients an sont tous nuls si f est impaire et les coeffi-
cients bn sont tous nuls si f est paire.

Convergence
Il existe des conditions pour que la série de Fourier (somme infinie) d’une fonc-
tion converge bien vers cette fonction. Dans le cas des fonctions de classe C1 par
+∞
morceaux, c0 +  cn cos(nΩt0 + ψn ) converge bien vers f (t0 ) pour toute valeur t0 où
n =1

17
18 Partie I.  Boîte à outils

+∞
f est continue, mais si f est discontinue en t0 , la série c0 +  cn cos(nΩt0 + ψn ) con-
n =1

f (t 0 − ) + f (t 0 + )
verge vers , qui peut être différent de f (t0 ) .
2

Vocabulaire
t ֏ c0 = f est une fonction constante (période infinie ⇔ pulsation ω = 0 ).
t ֏ c1 cos(Ωt + ψ1) est le fondamental de f (même période T que f).
t ֏ cn cos(nΩt + ψ n ) est l’harmonique de rang n de f (période T / n ).

Spectre de f
L’analyse de Fourier permet une représenta-
tion de l’amplitude des harmoniques d’un signal en
fonction de la pulsation, appelée spectre du signal.
Chaque composante sinusoïdale apparaît comme
une ligne verticale, appelée raie. On représente
souvent, comme sur la figure ci-contre, l’amplitude
cn des harmoniques en fonction de la pulsation ω
(qui ne prend que les valeurs discrètes ω = nΩ ,
avec n ∈ N ).

Approximation de f
Pour toute fonction « physique », on a cn → 0 , ce qui permet d’approximer f
n →∞
par une somme finie de fonctions sinusoïdales. Pour les fonctions qui présentent des
discontinuités (créneaux par exemple), donc des variations infiniment rapides, les cn
décroissent lentement avec n puisque ces variations rapides correspondent à de
grandes pulsations.

Exemples de calcul
— Fonction « créneaux »
Prenons f paire et :
f (t ) = F0 pour 0 ≤ t < T / 4

f (T / 4 ) = 0 .

f (t ) = −F0 pour T / 4 < t ≤ T / 2
Il s’agit de créneaux symétriques
(sur une période T, le signal prend pen-
dant T / 2 la valeur « haute » et pendant T / 2 la valeur « basse »), de valeur
moyenne nulle. On a donc : c0 = f = 0 et bn = 0 ∀n car f est paire.

18
Chapitre 3.  Analyse de Fourier 19

Il reste à calculer les coefficients an :


T /2 T /2
2 4
an =
T  f (t )cos(nΩt )dt =
 T  f (t )cos( nΩt )dt
−T /2 paire 0

T / 4 T /2 
4 
=  fN
T 
(t )cos(nΩt )dt + fN 
(t )cos( nΩt )dt 
 0 F0 T / 4 −F0 
4F0   sin(nΩt ) T / 4  sin(nΩt ) T /2  4F   nπ   4F0  nπ 
0
an =   −  = 2sin    = sin   puisque
T
 
nΩ  0  nΩ T / 4  nΩT   2   nπ  2 
Ω = 2π / T . Il faut distinguer les cas n pair et impair : pour n = 2 p : a2 p = 0 ; pour
4F0
n = 2 p + 1 : a2 p +1 = ( −1)p .
(2 p + 1)π
Les conditions de convergence étant vérifiées pour toutes les valeurs de t, on a
+∞
4F0 ( −1)p
finalement f (t ) =
π
 2p + 1cos [(2p + 1)Ωt ] .
p =0

4F0  1 1 1 
f (t ) = cos(Ωt ) − cos(3Ωt ) + cos(5Ωt ) − cos(7Ωt ) + ... .
π  3 5 7 

4F0
Le fondamental t ֏ cos(Ωt ) des créneaux possède une amplitude plus
π
grande que celle des créneaux.

On a représenté ci-dessus le signal temporel, les premiers harmoniques non


nuls (rangs 1 : fondamental, 3 et 5), et la somme de ces trois premiers harmoniques.
On constate que la convergence est non uniforme (l’écart entre la somme d’un
nombre fini de sinusoïdes, même très grand, et les créneaux, reste borné inférieure-
ment). Ceci est dû à la présence de la discontinuité dans les créneaux.

19
20 Partie I.  Boîte à outils

Le spectre des créneaux est


donné ci-contre. Les créneaux symé-
triques ne contiennent que des harmo-
niques de rang impair.
L’amplitude des harmoniques
étant proportionnelle à 1/ n , elle dé-
croît « lentement » avec n et il faut
beaucoup d’harmoniques pour bien ap-
proximer les créneaux. C’est une con-
séquence de la discontinuité.

— Fonction « triangles »
Prenons une fonction g impaire
et de valeur moyenne nulle (on a donc
c0 = g = 0 ), correspondant à des
triangles symétriques (la pente, en va-
leur absolue, est la même lorsque le
signal croît que lorsqu’il décroît).
Il est possible d’éviter le calcul
des coefficients an et bn en remar-
quant que la dérivée de g est la fonc-
tion en créneaux paire, symétrique et
de valeur moyenne nulle étudiée pré-
cédemment, dont la série de Fourier
est connue.
+∞
4F0 ( −1)p
On a ainsi g ′(t ) = f (t ) =
π
 2p + 1cos [(2p + 1)Ωt ] à tout instant en prenant
p =0

g ′ (T / 4 ) = 0 . Entre −T / 4 et T / 4 , g (t ) = 4G0t / T , d’où g ′(t ) = 4G0 / T = F0 .

20
Chapitre 3.  Analyse de Fourier 21

On obtient g(t) par intégration :


t +∞
16G0 ( −1)p
g (t ) = g
N 
(0) + f (t )dt =  2
sin [(2 p + 1)Ωt ] , avec Ω = 2π / T , soit :
p = 0 (2 p + 1)
πΩT
=0 0
+∞
8G0 ( −1)p
g (t ) =
π2
 2
sin [(2 p + 1)Ωt ] .
p = 0 (2 p + 1)

8G0  1 1 1 
g (t ) = 2 
sin(Ωt ) − 2 sin(3Ωt ) + 2 sin(5Ωt ) − 2 sin(7Ωt ) + ... .
π  3 5 7 

8G0
Le fondamental t ֏ f (t ) = sin(Ωt ) des triangles possède une amplitude
π2
plus petite que celle des triangles.

On a de nouveau représenté ci-dessus le signal temporel ; les premiers harmo-


niques non nuls (rangs 1 : fondamental, 3 et 5), et la somme de ces trois premiers
harmoniques. La convergence est cette fois-ci uniforme (l’écart entre les triangles et
la somme d’un nombre fini de sinusoïdes tend vers 0 quand ce nombre augmente).
Le spectre des triangles est
donné ci-contre. Les triangles symé-
triques ne contiennent que des harmo-
niques de rang impair.
L’amplitude des harmoniques
étant proportionnelle à 1/ n 2 , elle dé-
croît « rapidement » avec n et il faut
peu d’harmoniques pour bien approxi-
mer les triangles.

21
22 Partie I.  Boîte à outils

1.2 Théorème de Parseval


Soit une fonction f T-périodique qui peut donc être décomposée en série de
+∞ +∞

Fourier : f (t ) = c0 +  [an cos(nΩt ) + bn sin(nΩt )] =  cn cos(nΩt + ψn ) , avec Ω = T
n =1 n =0
et ψ 0 = 0 .
Dans l’expression de f 2 interviennent les produits :
cn cos(nΩt + ψ n ) ⋅ cn′ cos(n′Ωt + ψ n′ )
c n cn′
= cos (( n + n′)Ωt + ψ n + ψ n′ ) + cos ( (n − n′)Ωt + ψ n − ψ n′ )  .
2 
Leur valeur moyenne est nulle, sauf dans le cas n′ = n où elle vaut c02 si n = 0

cn 2 an 2 + bn 2
et = si n ≠ 0 . On a donc :
2 2

1 +∞ 1 +∞ 2
f 2 = c0 2 + 
2 n =1
(an 2 + bn 2 ) = c02 +
2 n =1

cn (théorème de Parseval).

En Physique, la puissance moyenne d’un signal T-périodique est définie, à une


constante multiplicative près, comme la valeur moyenne du signal au carré. C’est par
exemple le cas de la puissance moyenne dans un conducteur ohmique de résistance
R parcouru par un courant d’intensité i(t) : P = R i 2 .

On déduit du théorème de Parseval que la puissance moyenne d’un signal est


égale à la somme des puissances moyennes de ses composantes sinusoïdales.

1.3 Théorème pour les fonctions f à valeurs complexes (complément hors-


programme)
Théorème
Toute fonction T0 -périodique du temps f, à valeurs complexes, peut être décom-
posée en une somme d’un nombre fini, ou infini, de composantes sinusoïdales discrè-
1
tes, dont les fréquences sont multiples de la fréquence fondamentale ν0 = .
T0
+∞
Le développement en série de Fourier s’écrit f (t ) =  Cne2i πnν t .
0

n =−∞
Les coefficients Cn ∈ C de la série de Fourier se calculent à l’aide de la formule
T0
1
 f (t )e
−2i πnν0t
suivante : Cn = dt . Le spectre de f fait donc intervenir des fréquences
T0
0

négatives, mais pour une fonction f réelle, on a C−n = C ∗n (conjugué de Cn ), d’où :

22
Chapitre 3.  Analyse de Fourier 23

+∞ +∞ +∞
f (t ) = C0 +  C− n e −2i πnν0t +  Cn e 2i πnν0t = C0 +  Cne2i πnν t + (Cne2i πnν t )∗  .
0 0

n =1 n =1 n =1
 +∞ 
On a donc f (t ) = C0 + 2Re  Cn e 2i πnν0t  . 
 n =1 
Ainsi, on peut ne considérer que les fréquences positives. Le spectre est alors
par exemple la représentation de 2 Cn = cn pour ν = ν0 , 2ν0 , 3ν0 ,…, nν0 , et de la
T0
1
valeur moyenne C0 = c0 =
T0  f (t )dt = f correspondant à la fréquence ν = 0 .
0

Autre forme pour les fonctions à valeurs réelles


1 2π
Posons Cn = (an − ibn ) pour n > 0 et Ω = = 2πν0 . On a alors :
2 T0
 +∞  +∞
 
f (t ) = C0 + 2Re  Cn e inΩt  = c0 + [ an cos(nΩt ) + bn sin(nΩt )] .
 n =1  n =1
T0
1
De Cn =
T0  f (t )[cos(nΩt ) − i sin(nΩt )] dt on tire les coefficients c0 , an et bn :
0
T0 T0 T0
1 2 2
c0 =
T0  f (t )dt = f , an =
T0  f (t )cos(nΩt )dt et bn =
T0  f (t )sin(nΩt )dt . On retrou-
0 0 0
+∞
ve la forme f (t ) = c0 +  cn cos(nΩt + ψn ) , avec cn = an 2 + bn 2 = 2 Cn , vue au 1.1.
n =1

2. TRANSFORMÉE DE FOURIER
2.1 Théorème
Toute fonction du temps f, non périodique, à valeurs complexes, telle que
+∞

 f (t ) dt converge (ce qui implique lim f (t ) = 0 ), est une somme continue de fonc-
t →±∞
−∞
+∞

 fɶ(ν)e dν , où fɶ , fonction continue de la fréquence ν,


2i πνt
tions sinusoïdales : f (t ) =
−∞
+∞
est donnée par fɶ(ν ) =  f (t )e
−2i πνt
dt . La fonction fɶ = TF(f ) est la transformée de Fou-
−∞

rier de f, et f = TF (fɶ ) est la transformée de Fourier inverse de fɶ .


-1

Le spectre de f fait donc intervenir des fréquences négatives, mais pour une
fonction f réelle, on a fɶ( −ν ) = fɶ∗ (ν ) , d’où :

23
24 Partie I.  Boîte à outils

0 +∞ +∞ +∞
f (t ) =  fɶ(ν )e 2i πνt dν +  fɶ(ν )e 2i πνt dν =  fɶ( −ν )e −2i πνt dν +  fɶ(ν)e
2i πνt
dν , soit :
−∞ 0 0 0
+∞
ɶ  +∞ ∗ 
f (t ) =  f (ν )e
2i πνt
+ fɶ(ν )e2i πνt
(d ν = 2Re  fɶ(ν )e 2i πνt dν  .
) 
0
   0 
On peut donc ne considérer que les fréquences positives. Le spectre est alors
par exemple la représentation de 2 fɶ(ν ) pour ν ≥ 0 .

2.2 Démonstration (complément hors-programme)


On peut appliquer le théorème de Fourier à la fonction fT0 , « périodisée de f »,
T0 -périodique, qui s’identifie à f sur l’intervalle [ −T0 / 2,T0 / 2] . Si ν0 = 1/ T0 , on a :
+∞ T0 /2
1 1 ɶ
fT0 (t ) =  Cn e2i πnν0t , avec Cn =
T0  fT0 (t )e −2i πnν0t dt =
déf T0
fT0 (nν0 ) .
n =−∞ −T0 /2

Comme ∆ν = (n + 1)ν0 − nν0 = ν0 = 1/ T0 est l’écart entre deux fréquences con-


+∞
sécutives dans le spectre de fT0 (t ) , on peut écrire fT0 (t ) =  fɶT (nν0 )e2i πnν t ∆ν .
0
0

n =−∞
+∞
Si T0 → +∞ , fT0 (t ) → f (t ) , fɶT0 (nν0 ) → fɶ(nν0 ) =  f (t )e
−2i πnν0t
dt et ∆ν → dν .
−∞
+∞ +∞
Ainsi  fɶT (nν0 )e2i πnν t ∆ν →  fɶ(ν)e2i πνt dν
0
0 puisque, pour n ∈ Z , ν = nν0 varie
n =−∞ −∞
continûment entre −∞ et +∞ lorsque ν0 = ∆ν devient infiniment petit.
+∞ +∞
On a bien f (t ) =  fɶ(ν )e 2i πνt dν , avec fɶ(ν ) =  f (t )e
−2i πνt
dt .
−∞ −∞

2.3 Propriétés
— La TF est linéaire : TF( λ f + µg ) = λTF(f ) + µTF( g ) .
— TF [ TF(f )] (t ) = f ( −t ) .

— Translation : TF [t ֏ f (t − t0 )] (ν ) = e −2i πνt0 ⋅ fɶ( ν ) .

24
Chapitre 3.  Analyse de Fourier 25

— TF [t ֏ f ′(t )] (ν ) = 2i πν ⋅ fɶ(ν ) . En effet, en intégrant par parties :


+∞ +∞
+∞
TF [t ֏ f ′(t )] (ν ) = f ′(t )e −2i πνt dt = f (t )e −2i πνt  + 2i πν f (t )e −2i πνt dt = 2i πν ⋅ fɶ(ν ) .
 
������  −∞

−∞ −∞
0

dfɶ
+∞

 t ⋅ f (t )e
−2i πνt
— = −2i π dt = −2i π ⋅ TF [t ֏ t ⋅ f (t )] (ν ) .

−∞

— Similitude : pour λ ∈ R + , TF t ֏ f ( t / λ )  (ν ) = λ ⋅ fɶ(λν ) . Démontrons cela :


+∞

 f (t / λ ) e
−2i πνt
TF t ֏ f ( t / λ )  (ν ) = dt . Après le changement de variables t ′ = t / λ :
−∞
+∞
TF t ֏ f ( t / λ )  (ν ) =  f (t ′)e
−2i πνλt ′
λdt ′ = λ ⋅ fɶ(λν ) .
−∞
Cette propriété est fondamentale : une dilatation de l’échelle des temps ( λ > 1)
implique une contraction de celle des fréquences. Une contraction de l’échelle des
temps ( λ < 1) implique une dilatation de celle des fréquences. En d’autres termes :

Plus un signal temporel est bref, plus il est riche en fréquences (spectre étalé) ;
plus il dure longtemps, moins il contient de fréquences (spectre étroit).

On a représenté ci-dessous le cas λ = 2 . Si on caractérise le signal t ֏ f (t )


par une durée ∆t , le signal t ֏ f (T / 2) est caractérisé par une durée 2∆t .

2.4 Théorème de Parseval-Plancherel (hors-programme) et conséquences


Le théorème de Parseval-Plancherel (admis) traduit que l’énergie d’un signal
est égale à la somme des énergies de ses composantes sinusoïdales :
+∞ +∞
2
fɶ(ν ) dν .
2
E=  f ( t ) dt = 
−∞ −∞

25
26 Partie I.  Boîte à outils

2
f (t )
2
fɶ(ν )
On peut donc considérer que et sont des densités de probabilité :
E E
2
f (t )
dt est la probabilité que le signal soit détecté entre t et t + dt , et on a bien sûr
E
2
+∞
f (t )
2
fɶ(ν )
 E
dt = 1 . De même
E
dν est la probabilité que la fréquence du signal se
−∞
2
+∞ fɶ(ν )
trouve entre ν et ν + dν , et on a  E
dν = 1 .
−∞
Par la suite, on posera E = 1 pour alléger les notations.
+∞
2
L’instant moyen de détection est t = t0 =  t f (t ) dt , et la fréquence moyen-
−∞
+∞
2
ne du signal est ν = ν0 =  ν fɶ(ν) dν .
−∞

On peut ainsi définir sans ambiguïté la durée ∆t du signal et sa largeur


fréquentielle ∆ν comme les écarts-types temporels et spectraux :
+∞ +∞
2
fɶ(ν ) dν − ν02 .
2
t ν
2 2 2 2 2 2 2 2 2
( ∆t ) = t − t0 = f (t ) dt − t0 , et ( ∆ν ) = ν − ν0 =
−∞ −∞
On peut supposer t0 = 0 et ν0 = 0 sans nuire à la généralité du propos car
l’écart-type est conservé si on décale l’origine des temps ou des fréquences :

+∞ +∞
2
fɶ(ν ) dν .
2
On a alors ( ∆t )2 =  t 2 f (t ) dt et ( ∆ν )2 = ν
2

−∞ −∞
Cherchons maintenant à trouver une relation entre ∆t et ∆ν .
 df 
Comme on l’a montré au 2.3, TF t ֏ (ν ) = 2i πν ⋅ fɶ(ν ) donc la relation de
 dt 
Parseval-Plancherel nous assure que :
+∞ 2 +∞ +∞
df 2 2
 dt =  2i πν ⋅ fɶ(ν ) dν = 4π2 ν
2
fɶ(ν ) dν = 4π2 ( ∆ν )2 .
dt
−∞ −∞ −∞
+∞ 2
df
Considérons la fonction λ ֏ Γ(λ ) =  t ⋅ f (t ) + λ
dt
dt de la variable réelle λ.
−∞

26
Chapitre 3.  Analyse de Fourier 27

2 ∗ 2 2
df  df   df  2 d f (t ) df
Comme t ⋅ f (t ) + λ =  t ⋅ f (t ) + λ   t ⋅ f (t ) + λ  = t 2 f (t ) + λ t + λ2 ,
dt  dt   dt  dt dt
+∞ +∞ 2 +∞ 2
2 d f (t ) df
  
2 2
on a Γ(λ ) = t f ( t ) dt + λ t dt + λ dt .
dt dt
��
−∞ ����
� −∞ �����
−∞
( ∆t )2 4 π2 ( ∆ν )2
L’intégrale du milieu se calcule par parties :
+∞ 2 +∞
d f (t ) +∞
dt = t ⋅ f (t )  − f (t ) dt , car la fonction t ֏ t ⋅ f (t ) doit s’annuler en
2 2 2
 t
dt 
�� ����
 −∞
� −∞

−∞
0
�����
1
+∞
2
±∞ pour que  f (t ) dt existe.
−∞
Finalement Γ(λ ) = ( ∆t )2 − λ + 4π2 ( ∆ν )2 λ 2 est un polynôme du second degré, or
Γ( λ ) ≥ 0 ∀t car l’intégrande qui intervient dans la définition de la fonction Γ est
positive.
Le discriminant du polynôme doit être négatif : 1 − 16π2 ( ∆t )2 ( ∆ν )2 ≤ 0 . Les
1
écarts-type sont liés par l’inégalité 16π2 ( ∆t )2 ( ∆ν )2 ≥ 1 soit ∆t ⋅ ∆ν ≥ .

1
La relation ∆t ⋅ ∆ν ≥ est fondamentale en Physique.

On peut aussi utiliser la pulsation ω = 2πν pour caractériser le spectre d’une
+∞
1
fonction f. On a alors f (t ) = fɶ(ω)ei ωt dω . La fonction ω → fɶ(ω) n’est pas la

2π −∞
1
même que la précédente où la variable était la fréquence ν. Le choix du facteur

pour définir cette transformée de Fourier inverse permet d’obtenir une forme
+∞
1
« symétrique » pour la transformée de Fourier directe : fɶ(ω) = f (t )e −i ωt dt .
2π −∞

1
La relation entre les écarts-types s’écrit aussi ∆t ⋅ ∆ω ≥
.
2
Nous avons raisonné sur un signal temporel, mais les résultats sont bien sûr
valables pour une fonction ψ d’une coordonnée d’espace x. Dans ce cas, la
+∞
1
transformée de Fourier inverse s’écrit ψ( x ) =
2π  ψɶ (k )e ikx dk , et la transformée
p =−∞
+∞
1 2π
ɶ (k ) =
de Fourier directe ψ
2π  ψ( x )e −ikx dx , où k =
λ
est le nombre d’onde,
p =−∞

analogue de ω = , avec λ la longueur d’onde (période spatiale) et T la période
T
temporelle.

27
28 Partie I.  Boîte à outils

1
La relation entre les écarts-types s’écrit alors ∆x ⋅ ∆k ≥
.
2
On peut se demander s’il existe des fonctions pour lesquelles on atteint l’égalité
1
∆t ⋅ ∆ω = . Dans ce cas, Γ( λ ) = 0 admet une racine double λ0 = 2( ∆t )2 . Pour cette
2
+∞ 2
df df
valeur, on a Γ(λ0 ) =  t ⋅ f (t ) + λ 0
dt
dt = 0 , ce qui entraîne t ⋅ f (t ) + λ0
dt
= 0 , équa-
−∞
t2 t2
− − 2
2λ 0
tion différentielle qui s’intègre en f (t ) = Ae = Ae 4( ∆t ) . C’est une fonction
gaussienne, et ∆t est bien l’écart-type temporel pour une densité de probabilité égale
t2

2 2( ∆t )2
à f ( t ) = A 2e .
Dans le cas où la valeur moyenne t = t0 n’est pas nulle, on aurait :
( t − t0 )2 t2 t ⋅t 0
− 2

2 2 2( ∆t ) 2 2( ∆t )2 ( ∆t )2
f (t ) = A e =B e e . En conclusion, pour les fonctions gaussiennes
2
du type t ֏ Be −αt eβt , avec α et β réels, la relation entre ∆t et ∆ν n’est plus une
inégalité, mais une égalité : ∆t ⋅ ∆ν = 1/ 4π .

2.5 Exemples
Fonction « fenêtre »

τ /2 τ /2
 e −2i πνt  ei πντ − e −i πντ
fɶ(ν ) =  e −2i πνt dt =   =τ  fɶ(ν ) = τ ⋅ sinc( πντ) .
 − 2 i πν  −τ / 2 2 i πντ
−τ /2

La fonction sinc est la fonction sinus cardinal, définie par sinc( X ) = sin X / X
pour X ≠ 0 et sinc(0) = 1 (elle est continue en X = 0 ). fɶ(ν ) est ici à valeurs réelles.

2
Le calcul des écarts-types ∆t et ∆ν pour des densités de probabilité t → f (t )
2 1
et ν ֏ fɶ(ν ) définies au 2.4 donne ∆t = τ / 12 et ∆ν → +∞ . L’inégalité ∆t ⋅ ∆ν ≥

est bien vérifiée.
Avec les définitions de la durée δt = τ du signal et de la largeur de bande spec-
trale δν données sur la figure ci-dessus, on a δt ⋅ δν = 2 . On retrouve dans tous les
cas que plus le signal dure longtemps, plus sa bande spectrale est petite.

28
Chapitre 3.  Analyse de Fourier 29

Fonction « gaussienne »
t2

C’est la fonction t ֏ f (t ) = e 4 τ2 . Elle obéit à l’équation différentielle :
df t 1 dfɶ
+ 2 f (t ) = 0 , dont la T.F donne 2i πνfɶ(ν ) − = 0 en utilisant les propriétés
dt 2τ 4i πτ2 dν
dfɶ 2 2 2
vues au 2.3, soit + 8π2 τ2ν ⋅ fɶ(ν ) = 0 . On obtient fɶ(ν ) = fɶ(ν = 0) ⋅ e −4 π τ ν .

2
+∞ +∞ − t +∞
−β u 2
Par définition, fɶ(ν = 0) =   e
2
f (t )dt = e 4 τ dt , or le calcul de du donne
−∞ −∞ −∞

π 2 2 2
, donc fɶ(ν = 0) = 2τ π . Finalement fɶ(ν ) = 2τ π ⋅ e −4 π τ ν est ici à valeurs réelles.
β
La transformée de Fourier d’une gaussienne est également une gaussienne.

2
Le calcul des écarts-types ∆t et ∆ν pour des densités de probabilité t → f (t )
2 1
et ν ֏ fɶ(ν ) définies au 2.4 donne ∆t = τ et ∆ν = . Pour une fonction f gaus-
4 πτ
1
sienne, on a l’égalité ∆t ⋅ ∆ν = .

Le calcul des largeurs à mi-hauteur des deux gaussiennes donne δt = 4τ ln 2
ln 2 4ln2
et δν = d’où δt ⋅ δν = ≃ 1. On retrouve que plus le signal dure longtemps,
πτ π
plus sa bande spectrale est petite.

2.6 Distribution de Dirac δ


Définition
On obtient une telle distribution en prenant la limite des fonctions fε , définies
sur le graphe ci-après, lorsque ε → 0 . On note δ = lim fε .
ε→ 0

0 pour t ≠ 0
δ correspond à une impulsion idéale : δ(t ) =  .
+∞ pour t = 0

29
30 Partie I.  Boîte à outils

+∞
1
Comme  fε (t )dt = ε ⋅ ε = 1 (l’aire sous la courbe des fonctions fε est la même
−∞
quel que soit ε), cette propriété reste vraie pour la distribution :

+∞
La distribution de Dirac vérifie  δ(t )dt = 1.
−∞

La distribution de Dirac n’est pas une fonction, car pour une fonction f nulle
+∞ +∞
partout, sauf en t = 0 , on aurait  f (t )dt = 0 , alors que  δ(t )dt = 1.
−∞ −∞

Propriétés
+∞ +∞
— Si f est une fonction régulière quelconque,  f (t )δ(t )dt = f (0)  δ(t )dt = f (0) . En ef-
−∞ −∞
fet, puisque δ(t ≠ 0) = 0 , l’intégrale est la même que pour une fonction constante égale
à f (0) .
+∞
—  f (t )δ(t − t0 )dt = f (t0 ) .
−∞
— La transformée de Fourier de la distribution de Dirac est :
+∞
ν ֏ δɶ (ν ) =  δ(t )e
−2i πνt
dt = 1 . On retrouve qu’un signal de durée nulle possède une
−∞
largeur spectrale infinie.
+∞ +∞
— e 2i πν0t =  δ(ν − ν0 )e2i πνt dν . Comme f (t ) =  fɶ(ν)e
2i πνt
dν , on en déduit que la
−∞ −∞

transformée de Fourier de t ֏ f (t ) = e 2i πν0t vaut ν ֏ fɶ(ν ) = δ(ν − ν0 ) . On retrouve que


le spectre d’un signal sinusoïdal (de durée infinie) ne contient qu’une raie pour sa fré-
quence ν 0 . Sa largeur spectrale est nulle.

30
Chapitre 3.  Analyse de Fourier 31

Ainsi, pour qu’un instrument de musique produise un son le plus sinusoïdal pos-
sible, il faut qu’il vibre longtemps. C’est ce que réalise approximativement un diapason.
Néanmoins, la durée d’un signal réel étant forcément finie, sa largeur spectrale
peut être faible, mais jamais nulle.
Un signal rigoureusement sinusoïdal n’a donc pas de réalité physique.

— Lorsqu’une fonction est T0 -périodique, elle admet un développement en série de


+∞ T0
1 1
Fourier : f (t ) =  Cn e 2i πnν0t
, avec ν0 =
T0
et Cn =
T0  f (t )e
−2i πnν0t
dt .
n =−∞ 0

Comme la transformée de Fourier de t ֏ e 2i πnν0t est ν ֏ δ(ν − nν0 ) , celle de f


+∞
est ν ֏ fɶ(ν ) =  Cn δ(ν − nν0 ) .
n =−∞
On retrouve que le spectre d’une fonction périodique est discontinu : c’est un
spectre de raies qui ne contient que les fréquences multiples de ν0 = 1/ T0 .
L’amplitude des raies est infinie et proportionnelle aux coefficients Cn .
Le spectre est par convention la représentation de 2 Cn pour les fréquences
T0
1
ν = ν0 , 2ν0 , 3ν0 ,…, nν0 , et de C0 =
T0  f (t )dt = f pour ν = 0 .
0

2.7 Réponse d’un système linéaire à une entrée quelconque 


La représentation usuelle d’une grandeur physique est la représentation tem-
porelle. Comme les systèmes linéaires possèdent la propriété de donner à une exci-
tation sinusoïdale une réponse forcée sinusoïdale de même fréquence, on voit tout
l’intérêt de la décomposition d’un signal quelconque en une somme de sinusoïdes de
fréquences différentes (représentation fréquentielle). On peut, grâce à cette représen-
tation fréquentielle, déterminer la réponse d’un système linéaire à une excitation quel-
conque.
+∞

 fɶ(ν)e
2i πνt
Soit t ֏ R(t ) la réponse à une entrée t ֏ f (t ) = dν .
−∞

La réponse à une entrée sinusoïdale t ֏ e 2i πνt est sinusoïdale et de même fré-


quence : elle s’écrit t ֏ H (ν )e 2i πνt , où ν ֏ H ( ν ) est la fonction de transfert du sys-
tème linéaire, plus souvent notée ω ֏ H ( j ω) , avec ω = 2πν .
La linéarité du système implique que la réponse à une somme d’entrées est
+∞

 H (ν)fɶ(ν)e
2i πνt
égale à la somme des réponses : on a R(t ) = dν .
−∞

31
32 Partie I.  Boîte à outils

Étudions maintenant la réponse à une impulsion. On a dans ce cas :


+∞ +∞
f (t ) = δ(t ) =  δɶ (ν )e 2i πνt dν . Comme δɶ (ν ) = 1 , on a R(t ) =  H (ν)e
2i πνt
dν . Ainsi :
−∞ −∞

H (ν ) = Rɶ (ν ) = TF [t ֏ R(t )] (ν ) . La fonction de transfert d’un système linéaire est égale


à la transformée de Fourier de la réponse impulsionnelle.

On peut expérimentalement obtenir la fonction de transfert d’un circuit linéaire


à l’aide d’un générateur d’impulsions et d’un analyseur de spectre.
Exciter à l’aide d’une impulsion revient à envoyer des signaux sinusoïdaux de
même amplitude pour toutes les fréquences. Cette méthode peut être utilisée dans le
domaine de l’acoustique en réalisant l’analyse spectrale de la réponse d’une salle à
une impulsion sonore (coup de feu à blanc).

32
33

[BOÎTE À OUTILS 4]

CHAMPS ET OPÉRATEURS
DIFFÉRENTIELS
1. DÉFINITIONS ET OPÉRATIONS DE BASE
1.1 Définitions
V
Un champ de scalaire R 4 → R (par exemple un champ de température) est une
fonction du point M et de l’instant t :

(M , t ) ֏ V (M , t ) , soit, en coordonnées cartésiennes : ( x, y , z, t ) ֏ V ( x, y , z, t ) .



A
Un champ de vecteur R → R3 (par exemple un champ de force) est une fonc-
4

tion du point M et de l’instant t :


� �
(M, t ) ֏ A(M, t ) , soit, en coordonnées cartésiennes : ( x, y , z, t ) ֏ A( x, y , z, t ) .

Ces champs peuvent n’être définis que dans un domaine restreint de l’espace.
Un champ est uniforme s’il est indépendant du point M. En coordonnées carté-
� � �
∂V ∂V ∂V ∂A ∂A ∂A �
siennes, on a pour un champ uniforme : = = = 0 , ou = = =0,
∂x ∂y ∂z ∂x ∂y ∂z
 ∂Ax   ∂Ax   ∂Ax 
 ∂x   ∂y   ∂z 
�   �   �  
∂A  ∂Ay  ∂A  ∂Ay  ∂A  ∂Ay 
avec =  , ∂y =  ∂y  et ∂z =  ∂z  . On peut représenter en quelques
∂x  ∂x     
 ∂Az   ∂Az   ∂Az 
 ∂x     ∂z 
   ∂y   
points un champ vectoriel uniforme à deux instants différents :

Un champ est stationnaire (ou permanent) s’il garde la même valeur en un point

∂V ∂A �
M donné au cours du temps : = 0 , ou = 0 , avec en coordonnées cartésiennes :
∂t ∂t

33
34 Partie I.  Boîte à outils

G
∂A ∂Ax G ∂Ay G ∂A G
= ex + ey + z ez . On peut représenter en quelques points un champ
∂t ∂t ∂t ∂t
vectoriel stationnaire à deux instants différents :

1.2 Lignes, tubes et cartes de champ pour un champ de vecteur


À un instant t fixé, une ligne de champ relie les points M tels que le champ
G
A(M , t ) soit tangent à la ligne. On l’oriente dans le sens du champ.

→
Un déplacement élémentaire d OM le long d’une ligne de champ est donc co-
G → G G
linéaire au point M à A(M , t ) , soit d OM ∧ A(M, t ) = 0 , ce qui fournit un système d’équa-
tions différentielles permettant de trouver l’équation d’une ligne de champ. Par
G G
exemple pour un champ Ax ( x, y , t )ex + Ay ( x, y , t )ey en coordonnées cartésiennes :

 dx   Ax ( x, y , t )   0 
     
 dy  ∧  Ay ( x, y , t )  =  0  ⇔ Ay ( x, y , t )dx − Ax ( x, y , t )dy = 0 .
     
0  0  0

Un ensemble de lignes de champ passant par un réseau de points donnés cons-


titue une carte de champ.

L’ensemble des lignes de champ qui s’appuient sur un contour fermé γ constitue
un tube de champ (c’est donc une surface).

34
Chapitre 4.  Champs et opérateurs différentiels 35

1.3 Opérations de base sur les vecteurs


G G
Considérons deux vecteurs A et B non colinéaires. On peut choisir deux orien-
G
tations différentes pour un vecteur N normal au plan vectoriel engendré par ces deux
G G
vecteurs. Lorsqu’on a choisi l’une des deux orientations, l’angle θ = ( A, B ) est alors
orienté selon la règle du tire-bouchon : θ > 0 si un tire-bouchon se déplace dans le
G G G
sens du vecteur N quand on tourne de A vers B ; θ < 0 si un tire-bouchon se dé-
G G G
place dans le sens du vecteur −N quand on tourne de A vers B .

G G G
— Produit scalaire dans une base orthonormée (e1, e2 , e3 ) :
G G G G G G
V = A ⋅ B = A B cos( A, B ) = A1B1 + A2B2 + A3B3 .

G G G G
— Produit vectoriel dans une base orthonormée directe (e1, e2 , e3 ) : e3 est orienté
G G
dans le sens de déplacement d’un tire-bouchon quand on tourne de e1 vers e2 .
 A   B   A B − A3B2 
G G G  1  1  2 3 
C = A ∧ B =  A2  ∧  B2  =  A3B1 − A1B3  .
 A  B   A B − A B 
 3  3  1 2 2 1 
G G G G G G
C est orthogonal à A et à B , et tel que ( A , B ,C ) soit direct. En norme :
G G G G G G G
C = A ⋅ B ⋅ sin( A, B ) = A ⋅ B ⋅ sin θ .

G G G
Le signe de la projection C de C sur N dépend de l’orientation choisie pour N
comme on le voit sur la figure ci-dessus.
G G G
L’aire S du parallélogramme formé par A et B vaut S = A ⋅ h (base × hau-
G G
teur). On a donc aussi S = A ⋅ B ⋅ sin θ :

35
36 Partie I.  Boîte à outils

G G
La norme du produit vectoriel A ∧ B est égale à l’aire du parallélogramme formé par
G G
A et B .

G G G G G
— Double produit vectoriel : A ∧ (B ∧ C ) est orthogonal à B ∧ C . Il est donc dans le
G G G G G G G
plan vectoriel généré par B et C , soit A ∧ (B ∧ C ) = βB + γC . On retient alors facile-
G G G G G G G G G
ment la formule A ∧ (B ∧ C ) = B ( A ⋅ C ) − C ( A ⋅ B ) .
G G G G G G
— Un produit mixte  A, B,C  = ( A ∧ B ) ⋅ C est invariant par permutation circulaire :
déf

G G G G G G G G G G G G
 A, B,C  = ( A ∧ B ) ⋅ C = (C ∧ A) ⋅ B = (B ∧ C ) ⋅ A .
 

1.4 Circulation d’un champ de vecteur


On définit la circulation d’un champ de vecteur à un instant t si
G
le champ n’est pas stationnaire. On omettra le temps t dans A(M , t )
pour ne pas alourdir les notations. Considérons un déplacement élé-
→
mentaire d OM à partir du point M.
G
Par définition, la circulation élémentaire du champ de vecteur A(M ) le long de
G →
ce déplacement élémentaire est le produit scalaire δC = A(M ) ⋅ d OM .

Attention ! Ce n’est pas a priori une différentielle, c’est-à-dire la variation élé-


→ →
mentaire d’une fonction du point f : δC ≠ df = f (M ′) − f (M ) , avec MM ′ = d OM .
G
Par exemple, le travail élémentaire d’une force F (M ) s’exerçant sur un point
→ G →
matériel qui se déplace de d OM est une circulation : δW = F (M ) ⋅ d OM .

La circulation d’un champ de vecteur le long d’un contour orienté γ allant de


M1 à M2 est la somme des circulations élémentaires sur ce chemin, et dépend a priori
M2
G →
 A(M ) ⋅ d OM .
γ
du chemin γ choisi pour aller de M1 à M2 : C M1→ M2
=
M1

γ γ
On a en conséquence C M1 →M2
= −C M2 →M1
.

36
Chapitre 4.  Champs et opérateurs différentiels 37

G →
Si γ est fermé, on note C γ = v A(M ) ⋅ d OM la circulation, a priori ≠ 0 .
γ

1.5 Flux d’un champ de vecteur


On définit le flux d’un champ de vecteur à un instant t si le champ n’est pas
G
stationnaire. On omettra de nouveau le temps t dans A(M , t ) pour alléger les nota-
tions.
Considérons une surface élémentaire d2 S autour
d’un point M. Cette surface est limitée par un contour élémen-
taire fermé γ dont l’orientation détermine, grâce à la règle du
G
tire-bouchon, celle du vecteur surface d2 S (de norme d2 S
et orthogonal à l’élément de surface).
G
Le flux élémentaire du champ A(M ) à travers d2 S est égal au produit scalaire
G G G
d2Φ = A(M ) ⋅ d2 S . Son signe dépend de l’orientation de d2 S .

Le flux Φ S d’un champ de vecteur à travers une surface finie S est défini de
la façon suivante :

— Si la surface s’appuie sur un contour fermé γ orienté :


G G
ΦS = 
A(M ) ⋅ d2 S .
S (γ)

Ce flux dépend a priori de la surface


S choisie s’appuyant sur γ.
Comme le montre la figure ci-contre,
les vecteurs surface élémentaires sont
orientés grâce à la règle du tire-bouchon
dès que le contour γ l’est.

— Si la surface S est fermée, tous les vecteurs


surface élémentaires sont orientés par conven-
tion de l’intérieur vers l’extérieur. Le flux du
G
champ A(M ) est alors noté ainsi :
G G
ΦS = 
wA(M ) ⋅ d2 S .
S

37
38 Partie I.  Boîte à outils

2. LES OPÉRATEURS DIFFÉRENTIELS LINÉAIRES


2.1 Gradient
Définition dans un système de coordonnées cartésiennes
→
L’opérateur gradient, noté grad , est un opérateur linéaire qui s’applique à un
→
champ de scalaire V(M) et le transforme en champ de vecteur : gradV ∈ R 3 .

 ∂V 
 
 ∂x 
→
 ∂V  G G G
gradV = 
∂y  sur la base de coordonnées cartésiennes (ex , ey , ez ) .
 
 ∂V 
 
 ∂z 
G
Remarque : on introduit parfois l’opérateur « nabla », noté ∇ , dont l’expression
 ∂ 
 
 ∂x 
G  ∂  → G
en coordonnées cartésiennes est ∇ =   , si bien que gradV = ∇V .
∂y
 
 ∂ 
 
 ∂z 
Définition intrinsèque
Lorsqu’on passe du point M(x,y,z) au point M ′( x + dx, y + dy , z + dz ) infiniment

∂V ∂V ∂V → →
proche, la fonction V varie de dV = dx + dy + dz = gradV ⋅ d OM .
∂x ∂y ∂z
Cette relation fournit la définition intrinsèque (indépendante du système de coor-
→
données choisi) de l’opérateur grad :

→
Lors d’un déplacement élémentaire d OM au voisinage d’un point M, V varie de dV,
→ →
avec dV = (gradV )(M ) ⋅ d OM .

Expression dans un système de coordonnées cylindriques


→ G G G
Puisque d OM = dr er + r dθeθ + dzez , on a :

∂V ∂V ∂V ∂V 1 ∂V ∂V → →
dV = dr + dθ + dz = dr + rdθ + dz = gradV ⋅ d OM .
∂r ∂θ ∂z ∂r r ∂θ ∂z

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bon, puisque, c’est tout éveillée que je les fais ! — dans cette
chambre où je dois passer tant d’heures de ma vie…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le parfum des gardénias entre dans ma chambre avec le soleil ;


il domine l’odeur des jasmins, des chèvrefeuilles et des roses sous
lesquels la maison est enfouie.
C’est une vieille maison, avec une véranda tout autour et un puits
à margelle de pierre dans le patio… Un oiseau-mouche fait vibrer
ses petites ailes brillantes au-dessus d’une grande fleur blanche…
Avant que Marthe s’éveille, nous sommes déjà loin, Pío, Navarro
et moi ; une voiture légère nous emmène au hasard, eux, le fusil sur
l’épaule, moi, une ombrelle à la main, ivres de lumière et de liberté.
J’avais protesté contre les fusils, mais j’en ai compris l’utilité quand
j’ai vu se lever presque sous les pieds du cheval un nombre
incroyable de lièvres.
— Un imprudent, m’expliqua Carlos, un imprudent qui était aussi
sans doute un chasseur enragé, a introduit dans le pays le lièvre qui
y était inconnu, et nous sommes maintenant obligés de défendre nos
cultures contre ce rongeur infatigable qui pullule dans les champs.
C’est à le chasser que sont employés ces beaux lévriers que vous
avez caressés ce matin, et c’est vraiment en cas de légitime défense
que nous le tuons, car sa chair ne vaut pas grand’chose, et on ne
sait pas encore chez nous utiliser sa peau.
Nous avons gagné la grand’route… ou plutôt l’espace séparant
les terres cultivées qui sert de chemin… La voiture bondit, les
ressorts plient, nous sommes jetés les uns contre les autres… Voici
que nous nous trouvons face à face avec un immense troupeau de
bœufs et de vaches… J’ai un petit frisson… Le cocher, de deux
coups de fouet, s’ouvre un passage et les bêtes s’écartent pour nous
laisser passer…
— Les bœufs ne sont dangereux que pour les piétons, me dit
Pío, les hommes qui les gardent sont des « gauchos », toujours à
cheval, et la silhouette d’une voiture leur est relativement familière,
mais l’homme à pied est pour eux un animal inconnu, contre lequel
ils foncent volontiers à coups de corne.
Le troupeau disparaît dans la poussière qu’il a soulevée, de gros
rats sans queue traversent la route, des oiseaux chantent à plein
gosier sur les arbustes qui la bordent, nous allons toujours… Il est
onze heures, lorsque nous revenons à l’estancia, ivres de soleil,
poussiéreux, affamés, contents. Une demi-douzaine de lièvres sont
envoyés à la cuisine, et Mamita fait la grimace en les regardant. Elle
gronde Pío et Carlos de m’avoir emmenée sans sa permission.
— Regardez-la un peu, leur dit-elle, elle a au moins un kilo de
poussière sur ses vêtements ! Et moi qui voulais lui montrer la
basse-cour, et aller avec elle chercher des œufs ce matin… il y a au
moins deux cents poussins de plus qu’hier !…
Je console la chère vieille dame, et je lui promets de
l’accompagner l’après-midi, après la sieste.
— Nous irons voir les poulets, les dindons, les oies, les canards,
tout, Mamita, tout !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

J’ai tout vu, je n’en puis plus. Mais Mamita est si contente et si
fière ! Pío me remercie d’un regard et nous nous asseyons tous deux
sur le banc, près des lys…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Pendant trois jours un vent furieux a secoué la maison, les


champs se moiraient sous son souffle, les pétales de fleurs
s’éparpillaient dans les allées, et les saules qui bordent la petite
rivière se pliaient échevelés jusqu’à caresser l’eau de leurs feuilles.
Nous connaissions ce vent, le « Pampero », pour l’avoir subi à
Buenos-Aires, mais là, dans ce bouquet d’arbres isolé au milieu de
la plaine, sa violence se décuple. Je suis sortie souvent pour la
sentir passer, cette grande haleine fraîche de la pampa. Elle est
pure, impétueuse, on sent qu’elle a passé sur des neiges
immaculées et frôlé des terres vierges et lorsqu’elle se tait, elle
laisse le ciel plus bleu, et la nature plus vigoureuse.
Notre demi-emprisonnement a été délicieux, et notre intimité
avec nos compagnons de captivité s’est accrue ; j’ai découvert dans
Mamita des trésors de bonté, et dans ses hôtes mille ressources
intellectuelles. La facilité d’assimilation de mes futurs compatriotes
est prodigieuse : ils savent tout ce qu’ils ont envie de savoir !
Lorsque les méthodes d’enseignement auront progressé, que l’on
élaborera des programmes d’éducation moins touffus, et qu’on se
donnera la peine de faire approfondir aux jeunes gens les matières
qu’on leur enseigne, les Universités et les Facultés argentines
rivaliseront facilement avec celles du vieux monde, comme le fait
déjà leur Faculté de Médecine.
Pío m’a montré la bibliothèque, commencée par son aïeul, et que
son père et lui ont accrue avec soin et orgueil. Que de belles et rares
éditions, en espagnol, en allemand, en italien, en français ! Et quelle
variété de sujets ! Depuis les romans et les poèmes, jusqu’aux
traités d’agriculture et de géologie !
— Presque tous mes amis ont des bibliothèques mieux fournies
que la mienne, m’a dit mon fiancé, nous lisons beaucoup ici, mais
aucun n’aime ses livres comme j’aime les miens !… les nôtres, a-t-il
ajouté… car il a vu avec quelle avidité mes yeux parcouraient les
titres des volumes, et avec quelles précautions je touchais ces
reliures précieuses, nous viendrons lire souvent ici tous deux et
parler de la littérature de votre pays pour laquelle vous voyez mon
admiration, et qui est familière à toute la classe supérieure en
Argentine.
Pío me tend un beau volume habillé de maroquin havane, qui
porte en lettres d’or ces mots : La Gloria de Don Ramiro.
— Voilà un de mes livres favoris, et je voudrais que vous l’aimiez,
il est merveilleusement écrit et noblement conçu. L’auteur se nomme
Enrique Rodriguez-Larreta…
— Le ministre d’Argentine à Paris, interrompis-je, je connais son
livre.
— Il a mis des années à finir ce roman, il en a ciselé le style, il
est l’espoir et l’orgueil de notre littérature.
— D’autres vont suivre son exemple, mon cher Pío, il a montré à
vos jeunes hommes de lettres que rien de beau ne s’improvise, c’est
une grande et utile leçon qu’il leur donne !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le pampero s’est tu, nous voici délivrés. Je suis allée ce matin à


cheval avec Pío, faire un peu la connaissance des « gauchos » qui
gardent et soignent les troupeaux de l’estancia, et nous sommes
entrés dans les petites maisons de brique crue, semées de loin en
loin dans la plaine. En général, la maison était vide, et la porte
cependant grande ouverte… Malgré des antipathies et même des
haines qui s’élèvent entre ces hommes violents et passionnés, la
méfiance n’existe pas, et le vol est inconnu. Et puis, que volerait-
on ? Un lit de camp, qu’on appelle « catre », une selle couverte de
peaux de mouton, le « recado », une calebasse pour faire le maté
sans lequel le paysan argentin ne peut vivre, une guitare, et c’est
tout ce que contient la petite maison solitaire ! Dès l’aube, le gaucho
la quitte à cheval, et revient à la nuit tombante, drapé dans son
« poncho » et brisé par d’interminables galops dans la pampa…
C’est alors, qu’assis devant sa porte, sa guitare sur les genoux,
regardant la plaine qui perd peu à peu ses couleurs, il invente ces
chants languissants, au rythme arabe, qui montent dans le soir
comme le soupir même de la campagne exténuée par une journée
d’ardent soleil ; il chante aussi sa fiancée, celle qu’il aimera
uniquement, qui viendra lui apporter le sourire de son visage brun, et
les petits qu’il verra se rouler dans l’herbe, se hisser sur les chevaux,
qui lui crieront au retour de ses épuisantes chevauchées des mots
tendres et rauques, et qui, plus tard, chanteront à leur tour, devant la
pampa, obscurcie par le soir, leur fiancée brune et l’avenir de leurs
enfants.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Nous sommes allés jusqu’au petit village, le « pueblo » qui


dépend de la station « Dos Ombuës » : quelques petites maisons de
briques recouvertes de ciment, dont les toits plats servent de
terrasse, une école d’où s’échappent en troupe de beaux enfants
bronzés et turbulents, l’église sans clocher, et l’inévitable, multiple,
indispensable « almacen ». Le mot « almacen », mot arabe, veut dire
« magasin », et dans l’esprit du paysan argentin, il représente
l’endroit où tout se vend et tout s’achète. Que ne trouve-t-on pas
dans l’almacen d’un village ? Des toupies et des harnais, des
espadrilles et de la bière, des rubans et des fromages, du vin et des
fers à friser, sans compter les graines, l’encre, les pièges à mouche,
les conserves de viande et de légumes, les confitures et le pétrole…
La vente des étoffes est réservée aux colporteurs turcs qui vont
d’estancia à estancia, infatigables, sachant dix mots d’espagnol, et
qui quelquefois sont aussi riches que l’estanciero aux domestiques
duquel ils vendent leurs cotonnades bariolées.
— Vous devez trouver mon pays bien sauvage, me disait Pío,
tandis que nos chevaux prenaient la route du retour.
— Non, Pío, je l’aime, votre pays si jeune et si riche… Voyez quel
attrait il possède : l’almacenero est espagnol, le maçon qui construit
les maisons est italien, des Russes courbent le dos dans ce champ
labouré, et tous y sont venus de tous les coins du monde, attirés par
l’appât d’une fortune facile et d’une vie indépendante… ils travaillent
rudement et peinent souvent, mais riches ou pauvres, ils resteront !
Ils oublient leur langue pour parler votre espagnol doux et zézayant,
leurs enfants vénèrent les héros de l’indépendance argentine, et
dans deux générations, leurs descendants n’auront qu’un nom
étranger pour leur rappeler qu’un des leurs est venu de si loin… Et
vous le voyez, moi aussi, je reste !…
— Dieu en soit loué, ma chérie !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Hier après le dîner, nous sommes retournés au village, entendre
les chants des « gauchos » et voir leurs danses. Sauf la maman de
Pío, un peu fatiguée, tous les hôtes de l’estancia nous ont
accompagnés. Nous nous sommes assis sur des bancs, autour
d’une place carrée plantée de poivriers géants au feuillage
floconneux, et le spectacle a commencé. Un payador, — un
improvisateur, — s’est détaché du groupe que formaient les gens du
village, et se plaçant sur une chaise, il a commencé à accorder sa
guitare.
Un silence profond s’était établi… La guitare bourdonnait comme
un essaim d’abeilles d’argent et il a lancé les premières notes
tendres et plaintives d’un « Triste »… J’étais suspendue à cette voix
un peu gutturale, un peu voilée, qui chantait les peines d’amour du
gaucho solitaire, et son désir de mourir si celle qu’il aimait lui refusait
son cœur. Quelle passion criait dans cette mélodie primitive, et
quelle ardeur désolée ! Un autre nous dit une « vidalità », puis des
« milongas » lui succédèrent, et je ne me lassais pas d’écouter,
d’écouter encore ces voix incultes et puissantes. Les chanteurs
improvisaient souvent, quelques couplets ironiques se mêlaient aux
lamentations passionnées et toute leur âme passait dans la
musique… Ils se turent et la danse commença.
Quelques-uns des danseurs venaient de loin, et arrivaient à
cheval, portant parfois en croupe leur « novia ». Les hommes étaient
tous revêtus du costume national : des pantalons blancs garnis de
dentelles et recouverts d’une pièce d’étoffe qui passe entre les
jambes : « le chiripá », une veste courte, un mouchoir de soie
éclatante au cou, et sur des bottes étroites, des éperons d’argent
travaillé comme les boucles de leur ceinture, comme leurs étriers et
comme le harnachement de leurs chevaux. Les femmes dont la
figure un peu plate a un grand charme, portaient des robes claires et
empesées et une longue natte de cheveux noirs s’allongeait
jusqu’aux genoux des plus jeunes…
Celui qui conduisait la danse frappa dans ses mains, la musique
commença, les couples se formèrent et nous vîmes se dérouler les
figures charmantes et harmonieuses de la danse nationale
argentine : le Péricon. Avec des attitudes nobles, avec des
mouvements pleins d’une grâce sauvage, les danseurs mettaient un
genou en terre, se fuyaient, se retrouvaient, passaient sous un bras
étendu et faisaient la chaîne, les mains séparées par les foulards
qu’ils avaient retirés de leur cou. Entre chaque figure, un d’entre eux
s’avançait et improvisait deux vers amoureux ou plaisants qu’il
adressait à une des danseuses : celle-ci ripostait aussitôt, et la
danse reprenait. La lune faisait briller l’argent des éperons et des
ceintures, les robes passaient et repassaient comme des nuages
blancs, les pieds touchaient doucement le sol, et lorsque la musique
se tut, lorsque, fatigués, les couples se réunirent aux gens du village
assis sous les grands arbres, je poussai un soupir de regret.
— Et dire qu’en Europe on croit que c’est l’infâme et dégradant
tango qu’on danse ici ! m’écriai-je. Comme je voudrais pouvoir
démentir ceux qui ont créé cette légende !
— Consolez-vous, ma chère amie, me répondit Carlos Navarro,
la mode stupide du tango a déjà disparu de l’autre côté de l’Océan ;
tous ceux qui l’ont acceptée en ont été quittes pour avoir imité
pendant quelques mois les voyous des villes argentines et leurs
compagnes…
Nous fîmes nos adieux aux gauchos que je remerciai et qui nous
accompagnèrent jusqu’aux voitures avec mille souhaits courtois de
bonheur et de santé.
Pendant le retour dans la nuit tiède, aucun de nous ne parla, Pío
serrait ma main dans la sienne et une infinie douceur nous
engourdissait…
Je regardais les étoiles de mon nouveau ciel, plus rares et plus
brillantes que celles de l’autre hémisphère, et la route me parut bien
courte, car mon cher fiancé murmurait à mon oreille les mots
immortels qui font oublier, qui font espérer…
Ce jour est celui qui précède notre départ. Marthe ne tient plus en
place, malgré l’affection et les distractions qu’elle a trouvées à
l’estancia. Elle ne dit pas une phrase sans y introduire le nom de
Georges, et lorsque Mamita a fait des efforts pour retarder le
voyage, les yeux de la pauvre enfant se sont remplis de larmes. Je
comprends si bien son désir de revoir celui dont elle est séparée
depuis tant de mois que j’ai résisté énergiquement aux objurgations
de Mamita et aux prières de Pío.
Nous partons demain… mais pas seules ! mon fiancé nous
accompagne ; il a décidé cela sans me le dire, et il a prié Marthe en
riant, d’être notre chaperon.
Cher Pío ! vous n’avez pas voulu me laisser retomber dans mon
isolement, avec le spectacle du bonheur des autres devant les yeux !
Je reconnais là votre amour attentif et la délicatesse de votre
cœur… et, égoïste que je suis, je me réjouis de vous faire quitter la
maison, les amis, la maman même, pour me suivre et me protéger !
Tout est prêt, et Georges est averti. Pío a un ami dans le pays où
nous allons, un vieil Anglais qui s’est épris d’un site, et qui veut
mourir devant les montagnes qu’il aime ; une dépêche a avisé cet
original de notre arrivée et sa maison sera une des étapes de notre
route vers la mine de « la Carlota », résidence de Georges. Notre
équipement est déjà à la gare, nos adieux sont faits et j’ai entendu
Mamita me murmurer à l’oreille : — Au retour… je vais faire arranger
votre appartement…
Oh ! embrassez-moi bien fort, ma nouvelle maman… dans vos
bras, je redeviens une petite fille… vous savez si bien aimer vos
enfants !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Des heures, des heures encore, et de la poussière. J’en ai dans


les cheveux, dans la bouche, on en mange au restaurant pendant
que la plaine se déroule éternelle de chaque côté des rails. Pío nous
entoure d’attentions, mais Marthe ne voit rien, n’entend rien… elle va
rejoindre son mari, et voilà tout !
L’horizon commence à onduler, voici des ruisseaux, de grandes
pierres, et des collines bleuâtres au loin : la Cordillère commence…
Nous nous sommes arrêtés à Cordoba, où mille couvents font
retentir leurs cloches parmi des jardins fleuris. L’air est pur et frais,
c’est ici que les malades viennent trouver la santé.
Nous voici de nouveau en route vers le nord. Le train s’arrête
souvent, et les visages aperçus dans les gares pareilles à des
hangars sont basanés. Dans quelques heures, nous serons au
village où s’arrête le chemin de fer ; c’est à cheval, et par étapes,
que nous continuerons notre voyage.
Le paysage a changé, nous traversons d’immenses vallées ; la
locomotive, chauffée au bois, a ralenti sa marche, la poussière a
envahi les vitres, et je sors sur la plate-forme qui termine notre
wagon pour mieux voir la contrée dans laquelle nous sommes
entrés.
Des montagnes prodigieuses s’élèvent à droite et à gauche, et le
sol est d’un jaune clair, coupé de failles profondes et envahi par des
arbustes épineux. Voici des vols de perruches vertes, de petits
oiseaux blancs aux ailes bordées d’un liseré noir ; ces trous sont des
terriers de « zorrinos », les skungs du pays, ou de viscachas : de la
carcasse desséchée d’une mule s’élèvent de petits vautours…
Les montagnes se font de plus en plus hautes… Nous arrivons :
le chemin de fer ne va pas plus loin…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le prévoyant, le sage Georges a envoyé toute une caravane à


notre rencontre : des hommes, des chevaux, des mulets.
Sachant que Pío nous accompagne, il est resté dans la
montagne où il fait double travail pour revenir plus vite avec nous à
Buenos-Aires. Marthe comprend et n’est pas trop déçue…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

C’est une auberge charmante qui nous abrite… Les servantes


ont le type indien, les pommettes saillantes et les cheveux plats,
elles nous servent en souriant de leurs belles dents égales…
Derrière la maison s’élève un bois d’orangers géants pleins de
fruits et de fleurs… toutes les maisons du « pueblo » sont en boue
grise…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le soleil se lève, les chevaux sont sellés, les mules chargées,


nous partons… Il nous faut une semaine pour arriver à « la Carlota »
par petites étapes, bien que le pauvre Georges ait fait la route en
quatre jours…
Comme cette première journée a été rude !
Marthe est rompue et je quitte la selle avec joie… Mais quelles
admirables et singulières routes nous suivons !… Toujours cette
terre pâle, maintenant couverte de cactus monstrueux, grands
comme de grands arbres et tous en fleur… la lumière rayonne…
Nous avons marché assez lentement, il nous a fallu coucher sur
des « catres », dans une cabane de berger… et d’un sommeil si
profond ! Je croyais, lorsque Pío nous a fait appeler pour repartir que
je venais à peine de fermer les yeux !…
Tous les chevaux sont réunis autour d’une jument qui porte une
clochette au cou, c’est la « madrina », elle est dressée à les conduire
à l’endroit où les « gauchos » veulent les brider et les seller. Pío
choisit des montures pour nous, puis pour lui. Ces chevaux à demi
sauvages sont d’une douceur et d’une indifférence déconcertantes ;
celui que je monte aujourd’hui est venu se ranger avec les autres
autour de la « madrina », on lui a jeté le lazzo autour de son encolure
fine, et il s’est laissé caresser et conduire comme s’il me connaissait
depuis toujours… et il ne me connaît pas, je le sais, il ne me
connaîtra jamais, même s’il m’obéit pendant des semaines ; ce qu’il
désire, c’est la course, l’espace, le ruisseau verdi d’herbes fraîches,
et dépasser les autres ! Quand je le laisserai libre, quand mon poids
aura cessé de meurtrir sa croupe, il se roulera sur la terre dure, et
courra vers ses compagnons en hennissant… il sera débarrassé…
Il faut arriver au coucher du soleil à la maison de l’ami de Pío, cet
Anglais rêveur et excentrique, amoureux d’un paysage ; nous
partons au galop, un galop doux et cadencé.
Les gauchos et les muletiers nous suivent, allument le feu
pendant les haltes, et nous servent avec une dignité grave…
Les heures passent, chacune éclaire une beauté nouvelle, nous
approchons de la fin de l’étape, et à mon insu j’ai dépassé mes
compagnons…
Tout à coup, mon cheval hennit ; dans la splendeur du jour qui
m’éblouit, son instinct lui fait pressentir la nuit toute proche ; je hâte
son petit galop balancé ; avec une adresse merveilleuse, il évite les
épines des cactus, les trous des viscachas, les failles du terrain, et il
va, il va vers l’eau, vers l’herbe, vers le soir qui est le repos. Voici
déjà une maison de boue, une treille, des chiens… à droite, à
gauche sur mon passage, s’élèvent et retombent lourdement, les
dindons sauvages, beiges et bleus, des cris inconnus traversent l’air
léger et une odeur composée de tous les parfums m’arrive portée
par le vent, c’est l’odeur de l’espace… Je m’arrête, mon cœur bat
furieusement, mes yeux se fixent devant moi, ce que j’ai vu à cette
minute, je sais que je ne l’oublierai jamais. Par-delà la maison, de
l’autre côté de la vallée, s’élève une chaîne de montagnes, en pierre
rouge, d’un rouge sombre et calciné et dont la crête irrégulière mord
le ciel de toutes ses dents. Le soleil, en mourant, jette son or sur
cette pourpre qui le lui renvoie en poudre et en rubis ; deux grands
oiseaux planent, si haut qu’ils peuvent voir l’autre côté de la muraille
ardente. Ce doit être beau ce qu’ils voient, car ils ne redescendent
pas… Est-ce la lumière du bonheur dont je ne peux apercevoir qu’un
reflet, qui éclaire l’autre versant de ces montagnes ? Quel royaume
mystérieux a jeté tout son or de ce côté pour ne garder que
l’amour ? Ce sont des paillettes qui étincellent aux cassures du
rocher, et des pépites qui brillent dans les fissures… Est-ce El
Dorado qui existe puisqu’un homme l’a inventé ?… Et je reste sans
pensée, sans souffle, à regarder, jusqu’au moment où l’ombre
démesurée qui s’allongeait devant moi cesse de me montrer la route
du royaume secret… Ce ne sont que des pierres, des pierres
éternelles qu’essaie de ronger un lichen livide, il n’y a rien, rien… et
cependant, je me promets de revenir demain chercher le chemin de
mon rêve guidée par l’ombre qui n’a pas eu le temps aujourd’hui de
me le montrer…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La maison de briques crues est exquise, et notre hôte, M.


Danley, nous en fait les honneurs avec autant de cérémonieuse
politesse que s’il recevait à Londres des membres de la famille
royale.
Un excellent dîner nous réunit à sa table, servi par des demi-
indiens qu’on appelle ici des « Chinos ». Après les premiers
compliments, mis en verve par notre présence, notre hôte
commence à taquiner Pío en lui faisant quelques critiques sur ses
compatriotes.
— Voyons, mon cher ami, lui dit-il dans un espagnol imparfait et
pittoresque, avouez que rien au monde n’est plus beau que ce
paysage, et que les Argentins sont fous d’aller de l’autre côté de la
terre contempler des sites qui pâlissent auprès de ceux que vous
avez traversés depuis votre départ de Buenos-Aires ?
— Mais, répond Pío, personne à Buenos-Aires ne connaît nos
provinces, et…
— C’est le tort qu’on a, riposta Danley, on devrait les connaître !
A peine quelques « porteños » vont-ils en convalescence à Mendoza
ou à Córdoba, et ils reviennent dégoûtés des hôtels et des
auberges, et navrés parce qu’ils n’ont pas trouvé à quatre mille pieds
d’altitude un cinématographe où passer leur soirée ! Et pourtant,
Mendoza est admirable, la montagne y est sauvage et terrible…
— Elle est bienfaisante aussi, ajouta Pío, les sources médicinales
chaudes en jaillissent, et font des cures merveilleuses…
— C’est pourquoi vous allez à Carlsbad…
— Rosario de la Frontera aussi possède des eaux qui guérissent
les affections du foie, et des promenades splendides dans des forêts
millénaires…
— C’est pourquoi vous allez à Vichy !…
— Un peu de patience, attendez que nous ayons un siècle de
plus…
— J’attendrai !
Et il est bien capable d’attendre par curiosité…
Notre fatigue ne nous empêcha pas de sortir après le dîner. La
montagne, devenue mystérieuse, nous attirait et nous fascinait. Très
haut, très loin, des feux brillaient…
— Votre mari est là, dit M. Danley à Marthe, ces lumières
marquent l’entrée de la mine où il travaille, et le poste du chemin de
fer aérien qui descend le minerai dans la vallée…
Marthe trouve sûrement que ces petites lampes sont plus belles
que les étoiles, car ses yeux ne les quittent plus !
Le chemin que nous faisait suivre notre hôte monte
insensiblement, et surplombe son jardin. Des lucioles dansaient
dans la nuit claire, et de petits hiboux jetaient des cris qui
ressemblaient à un rire triste.
— Voici un nid de condors…
La lune se levait, sa lumière atteignit l’angle d’un rocher, et nous
vîmes s’agiter d’énormes masses grises, tandis qu’une sorte de râle
parvenait à notre oreille…
Un désir ardent me venait de contempler de plus près l’hôte
formidable des Andes… hélas ! des pentes abruptes et des
précipices me séparaient de ce nid de géants ailés… Il me fallut
attendre au lendemain pour voir de près, sous le soleil, un condor
captif dans le « patio » de la maison de M. Danley. J’appris que le
grand oiseau de proie dort à peine, — la légende lui attribue même
une insomnie perpétuelle, — et qu’il est presque impossible
d’approcher son nid, placé toujours sur des pics à peu près
inaccessibles. Cependant, quelquefois, un chasseur hardi, ou aidé
par le hasard, découvre un poussin que ses parents, qui chassent
toujours ensemble, ont abandonné momentanément, il s’en empare,
et après lui avoir mutilé une aile, il l’installe dans la cour de sa
demeure. Là, le condor grandit, vieillit et meurt sans avoir connu
l’ivresse de planer et la joie aiguë de fondre sur une proie vivante.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Nous avons quitté l’hospitalière petite maison avec regret…


Reverrons-nous cet homme si fin, si clairvoyant, cet amoureux
fervent de la beauté ? Il nous a promis de venir nous voir à Buenos-
Aires, et nous a montré avec orgueil les fils télégraphiques qui
suivent la vallée :
— Je vous enverrai une dépêche, nous dit-il, les communications
sont si faciles !
Et c’est vrai ; je constate tout à coup combien ces régions à peu
près désertes sont facilement reliées à la capitale. M. Danley,
Georges même, ont eu en deux heures le télégramme annonçant
notre départ de l’estancia, et on sait au fond des mines les nouvelles
du vieux et du nouveau monde chaque matin !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Enfin ! nous avons atteint le but de notre voyage, Marthe est


tombée en sanglotant dans les bras de son mari, qui, lui-même,
avait les yeux humides, pendant que Pío et moi les regardions tout
émus.
Après un déjeuner qui nous a été offert par les ingénieurs, nous
sommes allés visiter les galeries, voir transporter le minerai dans les
wagonnets qui le descendront le long d’un câble d’acier, jusqu’au
fond de la vallée.
La mine est à près de quatre mille mètres d’altitude. Au flanc
d’une montagne voisine, nous pouvons voir, petite et noire comme
l’entrée d’une fourmilière, l’ouverture béante d’une autre mine, elle
contient de l’or, celle-là.
Georges nous montre comment fonctionnent les machines et
s’enthousiasme en nous décrivant les incalculables richesses
minérales de l’Argentine. Son séjour ici n’a pas seulement raffermi
sa santé et bronzé son visage, il lui a donné la conviction absolue
que presque toutes ces montagnes contiennent des trésors, et des
trésors plus accessibles que ceux déjà exploités ; il a beaucoup
causé avec ses compagnons de travail et avec les géologues que la
compagnie leur a adjoints, tous sont de son avis, et plusieurs ont
déjà fait des explorations probantes.
— Il y a de tout dans ce pays, s’écrie-t-il, de l’or, de l’argent, du
cuivre, de l’antimoine, du fer, du charbon et même du pétrole. Mais il
faut des hommes pour exploiter tout cela… et on a mille peines à en
trouver ; les émigrants restent à la ville, et les « chinos » préfèrent le
travail au grand air. Ah ! si nous avions la main-d’œuvre nécessaire !
Georges a attrapé la maladie du pays, la « hâte », et il hausse les
épaules quand l’un de nous prononce le mot « patience » !
Nous avons cependant patienté trois jours avant de reprendre le
chemin du retour, en nous émerveillant de la résistance dont mon
cousin a fait preuve, et de son courage au travail. Ceux qui restaient
nous regardaient avec envie, mais aucun ne songeait à déserter sa
tâche, car tous sentent qu’ils partiront riches et libres, et c’est une
perspective qui permet d’attendre !
La mission de Georges est terminée pour cette année, il l’a
accomplie à merveille, le voilà sur la route de la fortune…
Nous avons fait nos adieux aux mineurs, et regardé une dernière
fois le panorama merveilleux de la profonde vallée hérissée de
cactus fleuris, enserrée de murs de granit, et j’emporte au cœur le
désir de revenir, et un amour plus fort pour ma nouvelle patrie.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Les montagnes se sont effacées à l’horizon, la plaine s’étend de


nouveau devant nos yeux, presque dorée maintenant : voici la
banlieue et ses villas, voici les faubourgs, et c’est Buenos-Aires.
Mamita est à la gare, elle s’extasie sur notre bonne mine, et ne
me cède qu’à regret à nos amis qui l’ont accompagnée. On lui
présente Georges, et nous regagnons la petite maison où je suis
arrivée avec tant de mélancolie et si peu d’espoir, et dans laquelle je
reviens étourdie de bonheur et fière d’un amour partagé…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

En attendant l’heure de m’appeler « la Señora de Valdez » je vis


presque chez Mamita, elle n’a pas d’autre enfant que Pío, et nous
gâte tous deux tant qu’elle le peut ; elle nous a cédé un étage de sa
grande maison, car selon la coutume argentine nous ne quitterons
pas le toit des parents ; la sœur de Mamita continuera aussi à vivre
avec elle ; c’est une vieille fille qui est restée célibataire par goût. Ce
type est assez rare dans un pays où toutes les femmes trouvent un
mari, mais il existe, et la tante Victoria en est un exemple : un
exemple doux, aimable et effacé. Elle ne se manifeste à nous que
par des envois de cadeaux et des apparitions furtives. Son
appartement tranquille, presque monacal, est aussi fermé que
possible aux bruits multiples de la rue, et je m’y réfugie parfois, à sa
grande joie, lorsque quelque cousine éloignée vient faire une visite
accompagnée de sept ou huit enfants turbulents… Mamita supporte
les cris de ces petits diables déchaînés avec une patience que
j’admire, et arrive à les faire taire en les gavant de gâteaux et de
« dulce de leche » qu’ils dévorent voracement, imités souvent par
leur maman. Ce goût pour les sucreries et l’absence d’exercice —
une femme comme il faut ne se promène guère à pied —
m’expliquent l’embonpoint que prennent si tôt les Argentines, au
détriment de leur beauté. On m’a dit que depuis quelques années,
les femmes avaient pris l’habitude de la marche, et j’en ai en effet
rencontré quelques-unes au Bois de Palermo, mais je crains que
l’amour des gâteaux et des bonbons ne leur passe pas avant bien
longtemps…
Carmen vient souvent, soit chez nous, soit chez Mamita, toujours
affectueuse et charmante ; elle m’amène presque toujours son petit
garçon : Carlitos, avec lequel je parle français. Le délicieux enfant ! Il
a toute la précocité des petits porteños, mais ses parents ont
contenu l’exubérance de sa nature sans en retirer la spontanéité, et
Carmen m’assure que la méthode d’éducation qu’elle emploie est
désormais en vigueur dans beaucoup de familles, et que l’excessive
liberté qu’on laissait aux enfants tend heureusement à se
restreindre.
Je vois peu Pío tout occupé des préparatifs de notre mariage, il
aura comme témoins, comme « padrinos », Daniel Cruz et Carlos
Navarro ; mes témoins à moi seront Georges et M. Roy. Mamita est
folle d’émotion et fait une exposition des cadeaux qu’on nous envoie
chaque jour… Et il y en a plein une chambre. La générosité
argentine n’est pas un vain mot : des bijoux, des dentelles, des
meubles, des porcelaines, de l’argenterie ! Marthe range tout cela
sous l’œil attendri de Mamita qui approuve ou fait la moue selon les
objets qu’on apporte. Rien n’est assez beau pour ses chers enfants,
et ce mariage de Pío qu’elle désirait depuis si longtemps qu’elle
avait cessé de l’espérer, lui semble un événement destiné à
bouleverser le monde.
Comme toutes les femmes argentines, Mamita est tout amour, et
pour elle, celui ou celle qui n’aime pas est au ban de l’humanité !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mon fiancé m’a apporté tantôt une bague, un diamant


magnifique, et ma joie doubla visiblement le plaisir qu’il avait à
m’apporter cette belle pierre.
— Deviendriez-vous coquette, ma chérie ? me demanda-t-il en
souriant.
— Vous faites tout ce qu’il faut pour que je le devienne, lui
répondis-je, et puis, nous ne sommes guère habituées en France à
de pareilles prodigalités. Nos jeunes filles ne portent pas de bijoux et
s’habillent avec une extrême simplicité, aussi lorsqu’elles sont
mariées, chaque cadeau que leur fait leur mari les enchante ; elles
ne grossissent leurs écrins que peu à peu, et c’est lorsqu’il faut
cacher leur cou et leurs épaules qu’elles mettent des colliers… En
voyant ici des enfants de seize ans porter des perles et des brillants,
je me suis souvent demandée de quelles pierreries et de quels
joyaux elles pourront se parer plus tard, et quelles dépenses celui
qui les aura épousées devra faire pour leur offrir un présent qui ne
leur paraisse pas médiocre !… Et elles sont si charmantes, les
jeunes Argentines, avec leur éclat de fleur librement poussée, leur
teint merveilleux, leur intelligence ouverte et avide de savoir ! Elles
n’ont pas besoin de surcharger tant de grâce par des ornements
qu’excuse le déclin de la beauté. J’en ai rencontré beaucoup à Paris,
surtout aux conférences des Annales où les conduit leur désir
d’apprendre, et je les ai comparées aux petites Françaises qui les
entouraient, et qui certes, étaient pour la plupart moins jolies
qu’elles. Eh ! bien, je ne pouvais jamais distinguer une jeune fille
argentine de sa sœur mariée, et je lui donnais toujours, j’en suis
sûre, cinq ou six ans de plus que son âge, grâce à son excès
d’élégance dans la toilette, et aux bijoux dont elle était couverte.
— Mais nos jeunes femmes ?
— Ah ! les jeunes femmes, c’est autre chose ! Là, il n’y a rien à
redire, rien à critiquer ! Elles sont vêtues avec le goût le plus délicat
et le plus sûr, et affectionnent les teintes discrètes aussi bien que les
robes de la coupe la plus distingué et la plus raffinée. Lorsque je
suis arrivée, faut-il vous l’avouer, Pío ? j’apportais quelques préjugés
contre les femmes argentines, je les croyais un peu ignorantes et
très frivoles, je confondais leur dévotion sincère et traditionnelle en
même temps, avec une religiosité machinale… Vous voyez que je
vous dis tout ! Je vous confesse avec la même sincérité que ces
préjugés absurdes ont fondu comme la neige au soleil au contact de
mes nouvelles amies, et à mesure que je vivais parmi elles. J’ai
trouvé dans Carmen une créature d’élite, un cœur tendre, un
cerveau ardent, Lucia Iturri de Hambourg est une merveille de tact,
de finesse et de fidélité dans l’amitié, Délia Ortiz, notre chère Délia,
n’est-elle pas le modèle des mères et des filles, et n’a-t-elle pas au
suprême degré, l’art de grouper les intelligences et de faire briller
l’art sous toutes ses formes ? Et Léonor Cruz dont le père est
propriétaire de votre grand journal ! Y a-t-il un esprit plus alerte, une
charité plus admirable, et une âme plus élevée que la sienne ? Votre
Gloria Villalba, belle comme une jeune déesse et savante comme un
recteur d’Académie, ne serait-elle pas admirée en Europe par les
juges les plus difficiles ?… Et tant d’autres ! Et Mamita ! chère
Mamita, qui ne vit que pour ceux qu’elle aime et qui s’oublie toujours
en pensant aux autres !… Quelles mères sont ou seront toutes ces
femmes ! Comment n’aurais-je pas été conquise ? Il faut être
aveugle ou fou pour ne pas voir que les Argentines préparent des
générations dignes d’un grand pays ! Et c’est parce que je les
connaissais déjà que j’ai été si surprise par mon bonheur, mon cher
fiancé, et par votre choix !
— Oh ! ma trop modeste novia, vous voulez seulement, n’est-ce
pas, me faire répéter que je vous aime ?
— Mais dites-moi, Pío, n’aviez-vous pas, vous aussi, quelques
préjugés contre les Français ?… contre les Françaises ? ajoutai-je
plus bas.
— Si, j’en avais ! Pourquoi vous le cacher, ma chérie ? Comme
ceux que vous venez de m’avouer, ils se sont dissipés lorsque je
vous ai connue, aimée, et lorsque je suis entré dans l’intimité de vos
cousins. J’ai fait avec de jeunes amis, un premier voyage en Europe
lorsque j’avais dix-huit ans, et tout comme eux, j’ai connu le pire de
la vie de Paris ; nous avions beaucoup d’argent à notre disposition,
une liberté illimitée, et aucun de nous n’était majeur… vous voyez
que toutes ces circonstances concordaient à merveille pour nous
faire faire des sottises… nous n’y avons pas manqué, hélas ! Et je
ne compte pas l’esprit d’indépendance que nous possédons si fort,
et le fait qu’une lettre d’avertissement et de remontrances devait
mettre vingt jours pour nous atteindre ! Nous étions déchaînés, tout
simplement, et ce que nous avons connu de Français, et de
Françaises surtout, à cette époque, n’était pas fait pour nous donner
une opinion très bienveillante de nos frères latins ! Plus tard, lorsque
je suis retourné à Paris, j’ai évité les erreurs passées, mais sans
pénétrer dans la société parisienne, plus fermée encore que la nôtre.
Je n’ose vous parler des Parisiennes, ou soi-disant telles, qui
hantent les cafés-concerts de Buenos-Aires, mais je puis vous
assurer qu’elles ne font rien pour soutenir le bon renom de la nation
à laquelle elles disent appartenir, et malheureusement, ce sont
celles-là qui s’expatrient ; les autres les « vraies » voyagent trop peu
pour se hasarder jusqu’en Amérique du Sud. Vous vous rendez
compte combien j’étais excusable de si mal connaître dans ses
nationaux, un pays que j’aime et que j’admire, mais qui ne
m’apparaissait qu’à travers les cafés de Paris, les music-halls de
notre capitale, et quelques magasins où des commerçants trop
avides nous exploitent sans merci. Désormais, outre l’admiration que
j’ai depuis toujours pour les artistes, les hommes de lettres et les
savants de votre patrie, je me suis fait la conviction que les hommes
qu’elle produit sont honnêtes, droits et courageux, que leurs femmes
aiment et respectent leur foyer, tout en le rendant attrayant par leur

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