La Grande Époque

EpochTimes.com
ÉDITION 142
WWW.LAGRANDEEPOQUE.COM UN REGARD NOUVEAU SUR UN MONDE EN ÉVOLUTION 16 – 31 OCTOBRE 2008 • BIMENSUEL

► P. 16 Culture ► P. 9 Nouveau regard ► P. 15 Art de vivre

Les mystères Chronique d’un Des tramways
des caractères observateur nommés
chinois du 7e souvenirs

Côte d’Ivoire p. 3
L’utilité du conflit territorial
Scandale
Cambodge – Thaïlande des déchets
toxiques : à
qui la faute ?

Chine p. 5

Censure de Skype :
le mouvement des
démissions du
Parti pris comme
Tang Chhin Sothy/AFP/Getty Images

Des militaires cambodgiens surveillent Preah Vihear pendant une cérémonie de prière pour la paix. L’antique temple Khmer, récemment cible
inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO et situé sur une zone frontalière disputée, sert donc de béquille politique des deux côtés de la
frontière tandis que quelques soldats finissent leur vie sur les mines anti-personnel semées autour du lieu saint.
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Entraide éthique chez Zebunet

Un proverbe chinois dit :
« Quand un homme a faim,
mieux vaut lui apprendre à
pêcher que de lui donner un
poisson ». On pourrait appli-
quer cette maxime à Zebunet.
L’ASSOCIATION propose d’investir
dans un zébu, un dromadaire ou un
cochon. L’acquéreur devient investis-
seur et les paysans du sud empruntent
l’animal, en tirent profit et rembour-
sent le prix de l’animal plus les inté-
rêts (3 à 4 %). L’investisseur reste
propriétaire de l’animal tant qu’il n’est
pas remboursé. À la fin du contrat, il
peut récupérer son argent en mon-
naie locale dans le pays même – et
non en euros pour éviter le surendet-
tement du paysan. Il peut aussi réin-
vestir et même agrandir son cheptel.
Zebunet est reconnu d’intérêt général,
les investissements sont donc déducti-
bles des impôts.
Sur place, des ONG font le relai. Elles
sélectionnent les candidats en fonction
de leur besoins et de leur capacité à
travailler, à s’investir et à rembourser le
prêt. Les agriculteurs bénéficient d’une
assistance vétérinaire, agro-alimentaire
et de gestion. L’investisseur peut suivre
« son animal », voir comment il pros-
père, sa descendance, etc. Les béné-
ficiaires sont des personnes qui sont
très pauvres et qui n’ont pas d’accès
aux prêts bancaires. Néanmoins, dans
la très grande majorité des cas, Ils réus-
sissent à rembourser le prêt et amélio-
rent notablement leur qualité de vie.
En France, l’association est com-
posée de bénévoles. Ils ont d’ailleurs
besoin de renfort pour pouvoir infor-
mer en temps réel les investisseurs.
Dans les pays du sud, les ONG qui
collaborent avec Zebunet sont rému-
nérées pour leur travail ou Zebunet
paye un employé qui est sous le con-
trôle de l’ONG locale. Un souhait de
Zebunet serait de pouvoir rembourser
les investisseurs en France sous forme
de troc : Zébu contre artisanat local, ce
qui devrait devenir possible quand l’as-
sociation sera plus développée.
AU VIETNAM
Zebunet relève que le Vietnam souf-
fre encore de la guerre. L’ « agent
orange » déversé sur les forêts est tou-
jours présent. De nombreux enfants
sont intoxiqués à la dioxine et souffrent
de malformations. Les familles pau-
vres sont en grande difficulté face à ce
drame. Les aides proposées aux pay-
sans n’étaient pas appropriées. C’est
pourquoi Zebunet a revu son aide,
mieux adaptée aux besoins de ces
familles – l’association collabore avec
l’Union Générale des Vietnamiens en
France. Pérou p. 4
Zebunet a cessé de travailler avec
l’ONG SEDEC. Son directeur accep-
tait de donner les fonds récupérés aux
autorités locales qui les réclamaient.
Au Pérou, de
C’est un problème souvent rencon-
tré dans certaines régions mais dans terroriste à
l’ensemble, la collaboration a été fruc-
tueuse. Toutes les autres associations
ont permis de rembourser l’investisse-
Premier ministre
ment à plus de 95 % et la vie des pay-
sans s’est nettement améliorée.
Lire la suite page 15

CHINE MÉDIAS ÉCONOMIE DROITS HUMAINS

Appel aux médecins pour
mettre fin au pillage d’organes
par le régime.
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Lettre ouverte d’un spectateur de
NTDTV au PDG d’Eutelsat.
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Page 5 .............................. Chine
Page 6 .............................. Chine
Page 7 ....................... Économie
L’or comme couverture de
l’inflation : réalité ou fiction ?
Page 7
Page 8 ................... Droits humains
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Page 10 ................. Environnement
Inde : changer les sources de
violences sociales en doctrine
de paix et d’unité...
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Epoch Times Paris Genève Bruxelles Londres Berlin New York Dublin Lima Taipei Tokyo... 1 700 000 exemplaires
2 International
L’utilité du conflit territorial Cambodge – Thaïlande
Les providentiels accrochages
entre troupes thaïlandaises et
cambodgiennes autour du tem-
ple Preah Vihear sont devenus
une bouée de secours pour un
gouvernement thaïlandais à la
dérive et proche de la chute. Du
côté cambodgien, ils restimu-
lent un vieux nationalisme. L’an-
tique temple khmer, récemment
inscrit au patrimoine mondial de
l’UNESCO et situé sur une zone
frontalière disputée, sert donc
de béquille politique des deux
côtés de la frontière tandis que
quelques soldats finissent leur
vie sur les mines anti-personnel
semées autour du lieu saint.
LE CONFLIT autour du temple Preah
Vihear date de plus de 50 ans. Le temple
est, par une décision de la Cour Internatio-
nale de Justice en 1962, cambodgien, ce
que les thaïlandais n’ont jamais vraiment
pu accepter. En 1962, des manifestations
violentes avaient fait suite à la décision de
la Cour Internationale, les Thaïs remet-
tant en cause la validité de la carte utili-
sée par le Cambodge pour revendiquer la
propriété du temple – la même carte qui a
été utilisée par l’UNESCO lors de sa déci-
sion au mois de juillet d’inscrire le temple
au patrimoine mondial de l’humanité. La
Thaïlande avait auparavant, en 2006 et
2007, réussi à bloquer cette décision
en appuyant sur l’indétermination de la
nationalité des cinq kilomètres carrés de
terre autour du temple.
Le 15 juillet, des gardes-frontières
cambodgiens ont placé brièvement en
détention trois manifestants thaïlandais
qui refusaient de quitter la zone, outrés
par la décision de l’UNESCO. Des troupes
thaïlandaises ont alors passé la frontière
pour récupérer leurs compatriotes.
Quelques jours après, les armes lourdes
et plus de 1.000 soldats des deux pays
étaient face à face dans la zone.
DE QUOI PROVOQUER UNE ESCA-
LADE
Puis, le 6 octobre, deux soldats thaïs
ont, lors d’une patrouille de routine, mar-
ché sur des mines antipersonnel qui leur
ont hâché les jambes et les ont propulsés
à plusieurs mètres. L’accident a eu lieu au
Nord de Phu Ma Khua, dans une zone
adjacente au temple Preah Vihear.
« Le gouvernement thaï voit cet inci-
dent avec grande inquiétude, car il est
une violation de la convention d’Ottawa
en 1997 pour l’interdiction des mines anti-
personnel et une menace à la paix inter-
nationale », indique le directeur adjoint du
département de l’information thaïlandais,
Thani Tongpakdi, cité par le Bangkok
post. « Les mines qui ont été retrou-
vées semblent aussi être récentes car
elles n’étaient pas rouillées », ajoute M.
Thani. « Notre gouvernement attend que
les autorités cambodgiennes enquêtent et
trouvent les responsables de ces viola-
tions de la législation internationale ».
Après une série de réunions sans suc-
cès, les combats du 15 octobre ont fait
suite à la fin de l’ultimatum lancé le 13
octobre par le Premier ministre cam-
bodgien Hun Sen pour que les troupes
www.lagrandeepoque.com 16 – 31 OCTOBRE 2008 ● La Grande Époque
de 500 blessées lorsque la police a vio-
lemment dispersé des milliers d’oppo-
sants royalistes qui avaient organisé le
blocus du Parlement.
CHUTE DE PREMIERS MINISTRES
Le Premier ministre Somchai continue
de son côté à faire la sourde oreille aux
appels de la rue, alors que la pression de
l’armée monte. Le chef de l’armée, inter-
rogé par le Bangkok Post, ne fait pas mys-
tère de son opinion : « Pour être honnête,
si j’étais lui je démissionnerais. Pourquoi
rester ? Le pays est en ruines. Cela ne
tiendra pas ».
M. Somchai est également visé par
une enquête de la Commission Natio-
nale Contre la Corruption (NCCC), pour
des faits remontant à l’époque où il était
secrétaire permanent du ministère de
la Justice. Il lui est reproché de ne pas
avoir su empêcher la corruption d’un juge
dans une affaire de vente de terrains. Un
groupe de sénateurs rajoute à la pres-
sion sur lui en l’accusant de ne pas res-
pecter les obligations d’indépendance des
membres du gouvernement. Cette fronde
sénatoriale, menée par Ruangkrai Leeki-
jwattana, argue pour cela que la consti-
tution interdit aux responsables politiques
d’être actionnaires d’entreprises privées
sélectionnées dans des appels d’offre
public. Les 100.000 actions dans l’entre-
prise CS Loxinfo Co de M. Somchai sont
donc visiblement gênantes.
Tang Chhin Sothy/AFP/Getty Images LES RISQUES D’UNE CRISE
Des militaires cambodgiens surveillent Preah Vihear pendant une « UTILE »
cérémonie de prière pour la paix. Les deux pays peuvent voir une uti-
lité à ce conflit frontalier. Le néo-nationa-
thaïlandaises se retirent du secteur con- s’explique sans doute, pour une part, par lisme, des deux côtés de la frontière, se
testé. l’instabilité du pouvoir thaïlandais. C’est nourrit de ces événements qui créent un
le premier gouvernement élu depuis le esprit de corps du peuple avec les pou-
DISCUSSIONS ET INERTIE putsch de l’armée en 2006 qui a ouvert voirs en place. Si celui-ci est peut-être le
Vendredi 17 octobre, les deux parties en début d’année la voie à l’inscription seul espoir de survie du gouvernement
n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur de Preah Vihear au patrimoine mondial thaïlandais, il est également positif pour
des patrouilles conjointes aux frontières, – déclenchant ainsi les protestations du Hun Sen, Premier ministre cambodgien
bien qu’elles aient initialement été pré- peuple thaïlandais – et qui, depuis juillet
vues par la première réunion après les ne sait comment traiter le problème fron-
violents accrochages du mercredi 15. talier.
L’accord trouvé entre les États-majors M. Somchai Wongsawat, Premier
Le conflit du temple Preah Vihear en 2008
se limite finalement à maintenir le statu- ministre depuis le 17 septembre, n’est Janvier 2008 : le ministère de la
quo : chaque pays maintient ses troupes pas en position de calmer les esprits sur Défense thaï proteste contre la volonté
sur place et s’engage à ne pas en faire ce conflit territorial, et n’a probablement cambodgienne d’inscrire le temple au
venir de nouvelles. pas intérêt à le faire : la « menace exté- patrimoine mondial de l’UNESCO.
Le Premier ministre cambodgien a, le rieure » qu’agite le face-à-face frontalier Avril 2008 : réunion prévue entre
même jour, refusé l’aide de médiateurs est une des seules planches sur laquelle Thaïlande et Cambodge sur l’inscrip-
internationaux pour résoudre le conflit. le Premier ministre puisse s’appuyer pour tion du temple, sans inclure de débat
Le Cambodge, dont trois soldats sont garder son poste. sur la zone frontalière. Communiqué
morts le 15 octobre, a par contre accepté En effet, les opposants au gouverne- commun en juin.
de libérer 13 soldats thaïs capturés le ment thaïlandais, organisés au sein de 22 juin 2008 : le Cambodge ferme
même jour. l’Alliance du peuple pour la démocratie la frontière au point menant à Preah
« Le résultat de la rencontre est bon », (PAD) campent depuis le 26 août devant Vihear en réponse aux manifestations
dit le général Chea Morn, commandant le siège du gouvernement dominé par le thaï. L’opinion thaï accuse son gou-
cambodgien de la région, cité par le Pnom Parti du pouvoir du peuple (PPP). Unis vernement de vendre les terres natio-
Penh Post. Le lieutenant-général Wiboon- par leur opposition à l’ancien Premier nales.
sak Neeparn, de l’armée thailandaise, ministre Thaksin Shinawatra, accusé de 7 juillet 2008 : la cour constitution-
regrette lui que le retrait des troupes n’ait corruption et renversé par des généraux nelle thailandaise indique que le com-
pu être décidé. « Nous n’avons pas fait royalistes en septembre 2006, ils veulent muniqué commun avec le Cambodge
beaucoup de progrès, mais nous avons la tête du M. Somchai, qui entre autres est inconstitutionnel.
pu tomber d’accord sur le fait de rester où affreux défauts a celui d’être le beau- 8 juillet 2008 : Le temple Preah
nous en sommes ». frère de M. Thaksin. Le PAD appelle à sa Vihear est inscrit au patrimoine mondial
L’inertie observée dans tout le proces- démission plus vigoureusement encore par l’UNESCO. Manifestations de joie à
sus des négociations entre Cambodge depuis les incidents de Bangkok le 7 octo- Pnom Penh.
et Thaïlande depuis le début de l’année bre : deux personnes ont été tuées et près 10 juillet 2008 : Démission du minis-
Paris Genève Londres
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dont le pays s’est toujours senti étouffé par
ses plus puissants voisins, la Thaïlande et
le Vietnam. Hun Sen, dont le lien passé
avec les khmers rouges reste une tâche
indélébile sur son parcours, peut ainsi se
peindre comme l’ardent défenseur d’une
grande nation cambodgienne.
La solution n’était pourtant pas loin : si
on en croit ce que dit au Bangkok Post le
général Chavalit Yongchaiyudh, vice-pre-
mier ministre thaïlandais démissionnaire
suite aux violences du 7 octobre. Il affirme
avoir réussi avant son départ à négocier
avec le Cambodge un retour à une situa-
tion apaisée : « J’avais pris toutes les dis-
positions et nous n’attendions plus que le
Premier ministre Somchai parvienne à un
accord avec eux ».
Le Pnom-Penh Post publie aujourd’hui
des entretiens avec de jeunes Cam-
bodgiens disant vouloir rejoindre l’ar-
mée nationale pour défendre leur pays.
Le cordon de sécurité autour de l’am-
bassade thaïlandaise s’est de plus
singulièrement renforcé ces deux der-
nières semaines. Cette atmosphère
fait craindre une possible répétition
des violences anti-thaï de 2003, durant
lesquelles l’ambassade de Thaïlande
au Cambodge ainsi que de nombreuses
boutiques thaï avaient été incendiées. À
l’époque, l’événement-déclencheur avait
été l’article d’un journal cambodgien cla-
mant qu’une célèbre actrice thaï avait
affirmé qu’Angkor Wat, le plus important
symbole de la nation cambodgienne,
était thaïlandais. La responsabilité des
émeutes n’a jamais été établie mais il est
supposé qu’elles ont d’abord été stimu-
lées – avant de se trouver hors de con-
trôle - par le gouvernement de Hun Sen
– là encore pour créer un nouvel équili-
bre dans les relations avec la Thaïlande.
Les autorités thaïlandaises recomman-
daient dès la semaine dernière à leurs
ressortissants de ne pas voyager au Cam-
bodge ; l’évacuation de Thaïs par l’ambas-
sade de Thaïlande à Pnom Penh a même
commencé, alors que des avions militai-
res restent, d’après le ministère des Affai-
res Étrangères, en état d’alerte en cas de
besoin d’évacuation massive. Il seraient
déjà 500 sur les 1.500 Thaïs vivant au
Cambodge à avoir quitté le pays.
AURÉLIEN GIRARD
tre des Affaires Etrangères thaïlandais
Nappadon Pattama, conséquence de la
décision de l’UNESCO.
15 juillet 2008 : Traversée de la
frontière cambodgienne par des civils,
puis par des militaires thaï.
17 juillet 2008 : Plus de 1.000 sol-
dats des deux camps autour du temple
21 juillet 2008 : rencontre sans suc-
cès des ministres de la Défense des
deux pays.
3 octobre 2008 : échanges de tirs,
trois blessés.
6 octobre 2008 : deux soldats thaï
sont blessés par une mine anti-per-
sonnel.
13 octobre 2008 : ultimatum du
Cambodge à la Thaïlande, exigeant
le départ des troupes thaï avant le 14
octobre à midi.
14 octobre 2008 : plusieurs heures
de combat, trois morts côté cambod-
gien, cinq blessés et treize prisonniers
côté thaïlandais.
New York Berlin
Montréal Genève...
La Grande Époque ● 16 – 31 OCTOBRE 2008
Scandale des déchets toxiques : à qui la faute ?
ABIDJAN – Plusieurs respon-
sables locaux comparaissent
actuellement devant les tribu-
naux d’Abidjan pour s’être ren-
dus complices du déversement
sauvage, en août 2006, d’une
boue toxique riche en hydrocar-
bures, qui avait fait plus d’une
dizaine de morts et des dizaines
de milliers de malades.
POUR les victimes du scandale des
déchets toxiques à Abidjan, comme pour
les écologistes et les avocats, les vrais
coupables se sont esquivés. Selon Abou-
bacar Ouattara, président de l’Union des
victimes des déchets toxiques d’Abidjan
et de sa banlieue, au procès des douze
responsables des autorités portuaires et
douanières d’Abidjan, les principaux con-
cernés manquent à l’appel.
« Ce procès sanctionne l’impunité.
Nous traînons des sous-fifres devant
les tribunaux sans nous occuper de leur
partenaire silencieux, Trafigura [société
néerlandaise de courtage pétrolier]. Pour
nous, ce procès a le goût amer de l’impu-
nité », a-t-il estimé.
D’après Trafigura, c’est la société
Tommy, une entreprise ivoirienne spé-
cialisée dans l’élimination des déchets,
qui est responsable des dégâts occasion-
nés : c’est elle qui a déversé les déchets
pétroliers du Probo Koala, pétrolier imma-
triculé au Panama. Plusieurs tonnes de
slops, des restes de pétrole de mauvaise
qualité qui ne peuvent être vendus, ont
été déversées près des zones résiden-
tielles d’Abidjan.
Dans un communiqué daté du 16 sep-
tembre 2008, Trafigura avait nié toute
responsabilité : « Il s’agit d’un drame
environnemental, mais Trafigura n’en est
pas le responsable ».
Isabelle N’Gbe, présidente du Collectif
des victimes de la zone portuaire d’Abid-
jan, a expliqué à IRIN que le port n’avait
pas encore été entièrement décontaminé
et que l’état de santé des travailleurs con-
tinuait à se dégrader.
Cette vase empoisonnée n’avait pas
été traitée pour minimiser les effets
nocifs des déchets. Ainsi, dans le sillage
du déversement, les autorités ivoirien-
nes de la santé ont fait état de dizaines
de milliers de cas de vomissements, de
diarrhées, de saignements de nez et de
problèmes respiratoires.
La société Trafigura a pourtant affirmé
qu’elle ne saurait être tenue pour res-
ponsable de la réglementation laxiste
en vigueur dans le pays dans le domaine
du déversement des déchets : « Les
populations qui vivent près de ces sites
souffraient de problèmes de santé attri-
buables à la pollution et au déversement
Irak : Les chrétiens contraints de
quitter Mossoul, selon le HCR
PRÈS de la moitié des chrétiens de
Mossoul auraient été contraints de par-
tir victimes de menaces et d’intimida-
tions, s’inquiète le Haut Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés
(UNHCR).
« Le HCR a reçu des informations du
ministère du déplacement et des migra-
tions à Mossoul, selon lesquelles environ
1.560 familles (soit quelque 9.360 per-
sonnes) auraient été contraintes de par-
tir jusqu’à présent, un chiffre que l’agence
n’est pas en mesure de confirmer. Cette
population déplacée représenterait envi-
ron la moitié des chrétiens présents dans
la zone de Mossoul », a déclaré le porte-
parole du HCR, Ron Redmond, lors de
son point de presse à Genève, vendredi
17 octobre.
« Ces derniers jours, nous avons
envoyé une dizaine de missions d’éva-
luation dans les zones autour de Mos-
soul, notamment à Telesquf, Batnaya,
Bartilla, Baashiqa, Akre et Shekhan.
Nous avons aussi envoyé des équipes du
HCR dans les régions de Dahouk et Erbil,
où des chrétiens ont trouvé refuge », a-
t-il dit.
Selon les premiers rapports disponi-
bles, la plupart des chrétiens iraquiens
Le 13 septembre à Abidjan, pollution massive par une entreprise néerlandaise.
de déchets non traités bien avant que la
société Tommy n’arrive avec les slops
[déchets]. »
En février 2007, le gouvernement
avait renoncé à poursuivre son enquête
sur Trafigura, géant du courtage spécia-
lisé dans le marché de l’énergie et des
métaux de base, dont le chiffre d’affaires
atteint plusieurs milliards de dollars, celui-
ci lui ayant versé plus de 214 millions de
dollars. Affaire classée… ou, du moins,
c’est ce qu’il semblait.
LES VICTIMES
Martyn Day du cabinet d’avocats bri-
ont décidé de quitter Mossoul après
des menaces indirectes et des actes
d’intimidation. L’un de ceux qui ont été
interviewés a été le témoin de l’assassi-
nat d’un chrétien irakien en pleine rue,
et plusieurs personnes déplacées ont
également dit qu’elles avaient reçu des
menaces écrites sur le campus univer-
sitaire, chez elles et par des messages
envoyés sur leurs téléphones portables.
Plusieurs autres ont aussi dit qu’elles
étaient parties car elles avaient entendu
des nouvelles indiquant que 11 chrétiens
de Mossoul avaient été tués. D’autres ont
été alertées par leurs familles, amis et voi-
sins de possibles menaces et ont décidé
de partir avant qu’il ne soit trop tard.
La majorité des familles qui ont fui rési-
dent chez des membres de leur famille,
chez des amis au sein de leur commu-
nauté d’accueil ou dans des bâtiments
communautaires, notamment des égli-
ses. Elles ont un besoin urgent de nour-
riture, de vêtements, de produits non
alimentaires (tels que des couvertu-
res, des matelas et des réchauds), des
produits d’hygiène, de l’eau potable, et
d’avoir accès à l’école et à des installa-
tions de santé, a dit Ron Redmond.
Centre de nouvelles de l’ONU
tannique Leigh, Day & Company a néan-
moins déclaré à IRIN que son cabinet
représenterait pas moins de 30.000 victi-
mes présumées du déversement dans le
cadre d’un procès civil intenté contre Tra-
figura, qui doit s’ouvrir à Londres en octo-
bre 2009.
« Nous avons un dossier contre Tra-
figura […] ils savaient sans aucun doute
que les déchets qui se trouvaient à bord
du navire étaient toxiques. Ils les ont
acheminés jusqu’à Abidjan, dans un
pays dévasté par la guerre, qui ne dis-
pose pas d’installations de traitement »,
a dit M. Day.
Selon lui, le cabinet a déjà 22.000
clients, il continuera à enregistrer les
réclamations et demandera entre 3.500
dollars, pour les dommages mineurs, et
trois fois cette somme pour les cas les
plus graves.
Trafigura a réagi en intentant un procès
en diffamation contre le cabinet britanni-
Géorgie : retours massifs vers la zone tampon, selon le HCR
AU COURS de la semaine passée, le
Haut Commissariat des Nations Unies
pour les Réfugiés (UNHCR) a été le
témoin du retour massif des déplacés
internes géorgiens vers leurs villages
dans la zone tampon autour de la pro-
vince séparatiste géorgienne d’Ossé-
tie du Sud.
Plus tôt cette semaine, le camp de
tentes du HCR dans la ville géorgienne
de Gori, en Ossétie du Sud, a été fermé
après que les derniers déplacés internes
sont partis pour rejoindre leur foyer dans
la zone tampon ou ont été transférés
Autriche, Japon, Mexique, Ouganda et Turquie au Conseil de sécurité en 2009
L’ASSEMBLÉE générale a élu vendredi
17 octobre, dès le premier tour de scrutin,
l’Autriche, le Japon, le Mexique, l’Ouganda
et la Turquie comme membres non perma-
nents du Conseil de sécurité, pour un man-
dat de deux ans, à compter du 1er janvier
2009.
Les cinq pays ont été élus à la majorité
des deux tiers dès le premier tour de scru-
tin. Dans le Groupe des États d’Afrique et
d’Asie, l’Ouganda et le Japon ont obtenu
respectivement 181 et 158 voix et rempla-
ceront l’Afrique du Sud et l’Indonésie. En
revanche, l’Iran, qui n’a reçu le soutien que
de 32 États, n’a pu être élu et Madagas-
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que, reprochant à celui-ci de n’avoir pré-
senté aucune preuve démontrant que les
déchets étaient effectivement à l’origine
des problèmes de santé des populations.
Marieta Harjono, lobbyiste de la lutte
contre le déversement sauvage de
déchets toxiques, travaille aux Pays-Bas,
auprès de l’association Greenpeace, spé-
cialisée dans les campagnes en faveur
de l’environnement.
Greenpeace a intenté un procès pénal
contre Trafigura, a-t-elle expliqué, qui
devrait s’ouvrir aux Pays-Bas, à la fin
de l’année 2009. « Les grosses huiles de
Trafigura peuvent échapper [à un procès
pénal] en Côte d’Ivoire, mais nous espé-
rons les épingler ici, à Amsterdam. »
Selon Mme Harjono, le procès néerlan-
dais a été intenté contre le capitaine du
Probo Koala, Trafigura, les autorités por-
tuaires d’Amsterdam et les responsables
de l’entreposage portuaire, pour ne pas
avoir traité les déchets avant que ceux-
dans des centres collectifs. Les tentes
et les infrastructures du camp ont com-
mencé à être démantelées.
Sur les 133.000 déplacés internes
enregistrés par les autorités géorgiennes
pendant le conflit du mois d’août entre
la Géorgie et la Russie, le HCR estime
que plus de 78.000 personnes sont ren-
trées dans leur foyer en Géorgie. Selon
les autorités russes en Ossétie du Nord,
moins de 2.000 personnes restent encore
sur les 30.000 ayant fui l’Ossétie du Sud
en août.
Le HCR a besoin de fonds supplé-
car, qui n’était pas officiellement candidat, a
obtenu deux voix, indique un communiqué.
Dans le Groupe des États d’Amérique
latine et les Caraïbes, le Mexique a obtenu
185 voix et remplacera le Panama à par-
tir du 1er janvier 2009. Le Brésil a reçu le
soutien d’un État, même s’il n’avait pas pré-
senté sa candidature.
Enfin dans le Groupe des États d’Eu-
rope occidentale et autres États, la Turquie
et l’Autriche ont obtenu 151 et 133 voix res-
pectivement. Ils remplaceront la Belgique et
l’Italie. L’Islande n’a reçu le soutien que de
87 États alors que l’Australie, qui n’était pas
candidate, a obtenu une voix.
Issouf Sanago/AFP/Getty Images
ci ne poursuivent leur trajet jusqu’à Abi-
djan.
Les boues toxiques ont été exportées
illégalement et les documents afférents
ont été manipulés pour faire croire qu’il
s’agissait seulement de déchets pétro-
liers, a-t-elle indiqué.
Acheminer des déchets pétroliers d’un
lieu à un autre est légal, mais les règles
changent lorsque ces déchets sont dan-
gereux. La Convention de Bâle a en effet
été adoptée en 1992 pour réduire les
mouvements transfrontaliers de déchets
dangereux.
À la question « Comment ce procès
pourrait-il aboutir à des condamnations,
alors que le procès intenté en 2007 à Abi-
djan a été réglé à l’amiable ? », Mme Har-
jono de Greenpeace a répondu : « Oui,
Trafigura a suffisamment d’argent pour
faire ce qu’elle veut, mais nous comptons
sur le système de justice des Pays-Bas.»
Irin News
mentaires de toute urgence pour garan-
tir la poursuite de son assistance, des
programmes d’hiver et de reconstruc-
tion pour les nouveaux déplacés dans la
région du Caucase.
L’Appel d’urgence révisé pour la crise
en Géorgie est de 44,9 millions de dollars
pour les six prochains mois. Cela cou-
vrira les programmes de protection, d’hé-
bergement et d’assistance du HCR pour
les personnes déplacées par le conflit du
mois d’août. Jusqu’à présent, le HCR n’a
reçu que 31 % des fonds nécessaires.
Centre de nouvelles de l’ONU
Chaque année, l’Assemblée générale
élit cinq nouveaux membres non perma-
nents pour siéger au Conseil de sécurité
en remplacement des cinq membres sor-
tants qui ne sont pas immédiatement rééli-
gibles. Outre les cinq membres permanents
– la Chine, les États-Unis, la Fédération de
Russie, la France et le Royaume-Uni- le
Conseil de sécurité sera composé, à par-
tir du 1er janvier 2009, de l’Autriche, du Bur-
kina Faso, du Costa Rica, de la Croatie, de
la Jamahiriya arabe libyenne, du Japon, du
Mexique, de la Turquie, du Viet Nam et de
l’Ouganda.
Centre de nouvelles de l’ONU
4 International www.lagrandeepoque.com 16 – 31 OCTOBRE 2008 ● La Grande Époque

Au Pérou, de terroriste à Premier ministre

Fils d’un immigré palestinien¹
et d’une Italienne, emprisonné
pendant plus de huit ans pour
« apologie du terrorisme », can-
didat potentiel à la présidence en
2011 et actuel président élu de
la région côtière de Lambayeque
(nord), le vétérinaire, sociologue
et politicien indépendant de
gauche Yehude Simon Munaro,
61 ans, est le nouveau Premier
ministre du Pérou. Il a été dési-
gné par le président social-dé-
mocrate Alan Garcia pour com-
battre en priorité la corruption,
qui a acculé à la démission un
gouvernement secoué aussi par
la guérilla maoïste du Sentier
lumineux.
DÉPUTÉ national, de 1985 à 1990, de
la coalition d’extrême gauche Izquierda
Unida (Gauche Unie), Yehude Simon fon-
dait en 1991 le mouvement Patria Libre,
rapidement considéré par le régime du
président Alberto Fujimori (1990-2000)
comme la vitrine légale des terroristes
du Mouvement Révolutionnaire Tupac
Amaru (MRTA).
Arrêté en juin 1992 et condamné à
20 ans de prison pour « apologie du
terrorisme », soutenu alors par Amnesty
International et d’autres organisations
de défense des droits humains, Yehude
Simon fut amnistié et libéré en décembre
2000, après la chute de Fujimori, actuel-
lement jugé à Lima pour crimes contre
l’humanité et corruption.
Président du Parti Humaniste Péru-
vien (PHP, centre gauche) qu’il créa en
2001, Yehude Simon était élu en 2002
- puis réélu en 2006 - à la présidence du
département de Lambayeque, l’une des
25 régions actuelles du Pérou. Ces deux
victoires électorales successives furent
acquises contre le parti d’Alan Garcia,
l’APRA (Alliance Populaire Révolution-
naire Américaine), dont le nord péruvien
est pourtant la forteresse.
La page d’accueil du site Internet du
PHP porte la mention « Yehude presi-
dente 2011-2016 ». Le nouveau Premier
ministre apparaît donc déjà comme un
candidat potentiel, dans moins de trois
ans, à la succession d’Alan Garcia pour
Le nouveau Premier ministre du Pérou, Yehude Simon Munaro.
le prochain quinquennat présidentiel.
Avec son pedigree atypique, Yehude
Simon sera peut-être alors le plus re-
doutable concurrent d’Ollanta Humala, le
poulain péruvien du président vénézué-
lien Hugo Chavez.
Dans les sondages, Yehude Simon
est le leader régional le plus apprécié.
Valorisant le milieu rural, cherchant le
contact avec les organisations sociales et
jouissant d’une auréole de compétence
et de probité, sa gestion de la région
de Lambayeque est considérée comme
exemplaire.
Pour le président Alan Garcia, cham-
pion sud-américain de la croissance
économique (+ 9,2 % en 2008 au Pérou
prévoit le FMI), mais champion aussi du
mécontentement social régional et de
l’impopularité (moins de 20 % d’opinions
favorables dans les sondages), la caution
morale de son nouveau Premier ministre
est un baume.
Le cabinet ministériel que dirigera
Yehude Simon devra avoir « une base
la plus large et plurielle possible » et
« incorporer des acteurs et protagonis-
tes régionaux », déclarait samedi aux
journalistes le président Garcia. Le chef
de l’État a exprimé sa certitude que
la composition du gouvernement et la
gestion de Yehude Simon « signifieront
une importante rénovation démocratique
et nous serons à ses côtés dans la lutte
pour éradiquer la corruption ».
Vingt-quatre heures plus tôt, le 10
octobre, Alan Garcia avait accepté la
démission de l’ensemble de son gouver-
nement, conduit par Jorge del Castillo,
afin d’éviter l’affront d’un désaveu parle-
mentaire. Une crise due à la découverte
d’une affaire présumée de corruption
favorisant l’octroi de blocs d’exploration
à la compagnie pétrolière norvégienne
Discover Petroleum.
Après la démission, le 6 octobre,
du ministre de l’Énergie et des Mines,
Juan Valdivia, le président Garcia avait
et de deux civils, le 9 octobre, dans l’at-
taque d’un convoi de l’armée près de la
vallée du fleuve Ene-Apurimac (sud-est).
L’embuscade, la plus meurtrière de la
dernière décennie, est attribuée par les
autorités à la vieille guérilla maoïste du
Sentier lumineux, en résurgence grâce
notamment à son implication dans le
narcotrafic pour s’autofinancer, à l’image,
mais plus réduite, de la guérilla marxiste
colombienne des FARC. Le Pérou est le
deuxième producteur mondial de cocaï-
ne, devancé seulement par la Colombie.
Les affrontements entre l’armée et le
Sentier lumineux, avec massacres de ci-
vils commis de part et d’autre, firent plus
de 69.000 morts entre 1980 et 2000, se-
lon la Commission nationale de Vérité et
Réconciliation. Ce conflit intérieur, ainsi
que la corruption et la débâcle écono-
mique de l’époque continuent à désigner
le premier mandat présidentiel d’Alan
Garcia (1985-1990) comme « le pire de
l’histoire du pays », selon l’expression
de plusieurs analystes. Partisan à cette
date du non-remboursement de la dette
extérieure et de la nationalisation de la
banque, Alan Garcia avait ses posters
affichés aux côtés de ceux du Che
Guevara dans des universités de pays
d’Amérique latine à peine sortis de la
dictature militaire.
Converti à la social-démocratie, Alan
Photo libre de droits
Garcia la teinte, depuis sa réélection en
2006, de fortes couches de libéralisme
pro-américain. Cette évolution n’empê-
chant pas le retour en force de démons
du passé -corruption, terrorisme et me-
naces économiques, alimentées cette
fois par la crise financière mondiale- le
chef de l’État renoue-t-il tant soit peu
avec ses idéaux originels en confiant le
gouvernement à Yehude Simon? Ce der-
nier apprécierait peu d’être utilisé comme
déjà destitué un haut fonctionnaire de simple bouclier conjoncturel.
la compagnie pétrolière d’État Petroperu LatinReporters.com
et accepté la démission du président de
cette compagnie, César Gutierrez. Un en- ¹ Le père de Yehude Simon est présenté
registrement diffusé par la télévision avait dans certains médias comme « hébreu »
révélé les propos d’un haut responsable ou encore «Israélien ». Néanmoins, dans
de Petroperu, Alberto Quimper, et d’un in- une interview publiée sur le site du Parti
fluent militant du parti présidentiel APRA, Humaniste Péruvien qu’il préside, Yehude
Romulo Leon, en train de se réjouir de Simon parle de « familles arabes comme
juteux versements et de la « bonne af- la mienne ». En outre, lorsque Yehude
faire » réalisée avec Discover Petroleum. Simon naquit à Lima, le 18 juillet 1947,
l’État d’Israël, né en 1948 d’un partage
RÉSURGENCE DU SENTIER LUMI- de la Palestine, n’existait pas encore.
NEUX Et la version espagnole de Wikipédia
L’atmosphère politique s’alourdissait décrit Yehude Simon comme « fils d’un
davantage après la mort de 14 militaires immigrant palestinien ».

Lula renforcé par le premier tour au Brésil

Considérées comme test natio-
nal avant l’élection présidentielle
de 2010, les élections munici-
pales du 5 octobre au Brésil ont
favorisé les candidats appuyés
par le président de centre gau-
che Luiz Inacio Lula da Silva,
sous réserve du second tour
dans les grandes villes, le 26
octobre prochain.
RÉÉLU à la présidence de la Républi-
que en 2006, Lula ne pourra pas, selon la
Constitution, briguer un troisième mandat
en 2010. Mais le poids politique de l’an-
cien ouvrier métallurgiste fondateur du
Parti des Travailleurs (PT), reflété par une
popularité atteignant actuellement 80 %
dans les sondages, sera un atout impor-
tant, voire décisif, pour le candidat ou la
candidate à la présidence qu’il adoubera.
Sauf à Brasilia, capitale fédérale régie
par un gouverneur, le vote obligatoire de
plus de 128 millions d’électeurs (sur 190
millions d’habitants) était sollicité dans
l’ensemble du pays, pour un mandat de
quatre ans, par les candidats à la mairie
et au conseil municipal de 5.563 munici-
palités. Le second tour, prévu uniquement
dans les 79 villes de plus de 200.000 habi-
tants, aura lieu le 26 octobre dans celles
où aucun candidat n’a obtenu dimanche la
majorité absolue. Il en est ainsi dans 29 de
ces villes, dont 11 capitales d’État.
Parmi les capitales des 26 États, 15
ont élu leur maire au premier tour et 6 ont
été remportées par le PT de Lula (Recife,
Le 18 octobre, Luiz Inacio Lula da Silva (g.) lève la main de la candidate à la mairie de Sao Paulo, Marta
Suplicy (d.).
Fortaleza, Vitoria, Rio Branco, Palmas
y Porto Velho). Six autres capitales ont
été conquises par des partis de la coa-
lition gouvernementale, notamment le
Parti Mouvement Démocratique Brésilien
(PMDB, centre). Mais la principale force
d’opposition, le Parti de la Social-Démo-
cratie Brésilienne (PSDB, centre droit) de
l’ex-président Fernando Enrique Cardoso
(1994-2002) conserve une solide implan-
tation.
Si les plus de 5.000 mairies attribuées
Mauricio LIMA /AFP/Getty Images
au premier tour renforcent globalement la
mouvance du président Lula, les observa-
teurs ne décèlent toutefois pas une vérita-
ble « vague luliste ». En outre, le résultat
est encore incertain dans des mégapoles
où les majorités politiques peuvent avoir
valeur de symbole et peser au niveau
national lors d’une élection présidentielle.
C’est le cas à Sao Paulo, Rio de Janeiro
et Belo Horizonte. Tributaires du second
tour, elles sont, dans l’ordre, les trois prin-
cipales villes du Brésil.
Sao Paulo, capitale économique et
financière de 11 millions d’habitants (près
de 20 millions avec sa région métropoli-
taine), a créé la surprise. La favorite des
sondages, Marta Suplicy, candidate du
PT, le parti de Lula, n’y est arrivée diman-
che que 2e avec 32,5 % des suffrages.
Elle est devancée par les 33,7% du candi-
dat du Parti Démocrate (DEM, droite libé-
rale), le maire sortant Gilberto Kassab, qui
lui avait ravi la mairie en 2004.
À Rio de Janeiro, le parti centriste
PMDB, principal allié de Lula au niveau
fédéral, n’a pas eu besoin d’un appui
présidentiel direct pour placer en tête au
premier tour, avec 31 % des voix, son
candidat Eduardo Paes. Rio aussi a offert
une surprise : un autre ancien de la gué-
rilla contre la dictature militaire, Fernando
Gabeira, s’est hissé avec le Parti Vert à la
2e place, sur un score de 25,6 %. Gabeira
avait participé en 1969 à l’enlèvement de
l’ambassadeur américain Charles Elbrick.
Dans la complexité de la politique bré-
silienne, la fidélité partisane est loin d’être
impérative. Des forces amies ou alliées à
l’échelle nationale peuvent se transformer
en rivales acharnées au niveau des États
et des municipalités ou vice-versa. Et les
résultats des élections municipales peu-
vent influencer la nature des alliances que
tissent les partis pour affronter l’élection
présidentielle et des gouverneurs d’État.
LatinReporters.com
La Grande Époque ● 16 – 31 OCTOBRE 2008
Censure de Skype en Chine : le mouvement
des démissions du Parti pris comme cible
La nouvelle a fait le tour de la
planète en peu de temps : Pékin
espionne les utilisateurs chinois
du logiciel Skype, permettant de
téléphoner par Internet, et cen-
sure les messages jugés sensi-
bles. Pas tellement une surprise,
considérant la situation du web
en Chine et la collaboration des
sociétés étrangères dans le blo-
cage des contenus « tabous ».
MAIS dans ce cas-ci, ce qui se cache der-
rière la nouvelle est plus intéressant que
la nouvelle elle-même.
En effet, très peu d’attention a été
accordée à ce qui constitue une grande
partie des termes censurés par le régime
chinois. Et aucune analyse sérieuse non
plus.
Une portion substantielle des registres
de surveillance-censure concerne le mou-
vement populaire pour éliminer la dicta-
ture du Parti communiste chinois (PCC).
Ce mouvement a été déclenché par
la publication de la série éditoriale Neuf
commentaires sur le Parti communiste
- mise en circulation en 2004 par l’édi-
tion chinoise de La Grande Époque
(Dajiyuan). La série relate l’histoire du
PCC, de ses débuts à nos jours, révèle sa
nature criminelle et invite les Chinois à se
désolidariser du régime en démissionnant
du parti et de ses organisations affiliées
sous un pseudonyme ou sous leur vérita-
ble identité.
À ce jour, près de 45 millions de per-
sonnes ont déjà démissionné du PCC. Ce
mouvement est rendu possible grâce à
l’appui de Chinois de la diaspora qui expé-
dient en Chine, par divers moyens, les
Neuf commentaires. De bouche à oreille
également, les participants au mouve-
ment incitent les individus à rompre avec
Appel aux médecins pour mettre fin au pillage d’organes
par le régime chinois
Kilgour et Matas en conférence sur les prélèvements macabres en Chine
PENDANT plus de deux ans, David
Matas et David Kilgour ont voyagé à tra-
vers le monde pour chercher des sou-
tiens et mettre fin aux prélèvements
d’organes sur les pratiquants de Falun
Gong prisonniers de conscience en
Chine.
Les deux avocats sont allés dans plus
de 40 pays après avoir publié leur rap-
port en 2006 révélant le vaste trafic d’or-
ganes sur des pratiquants du Falun Gong
depuis que le régime communiste a inter-
dit cette discipline spirituelle en 1999.
Depuis 2001, le régime a tué des mil-
liers de pratiquants emprisonnés pour
vendre leurs organes dans le cadre d’un
commerce illicite et très lucratif, souvent
à des « touristes d’organes » venant de
pays développés, selon l’expression de
David Kilgour.
En janvier 2007 les deux Canadiens
ont publié Prélèvements meurtriers ver-
sion mise à jour de leur rapport renforcé
par de nouvelles preuves.
Ils ont attiré le soutien de députés,
d’organes gouvernementaux, mais aussi
de médecins dans le monde entier. Ce
mois-ci ils étaient à Kingston pour appe-
ler à une plus grande mobilisation des
médecins.
Un an après leur première conférence
de Kingston, Messieurs Kilgour et Matas
ont pu relever un certain nombre de pro-
grès à l’étranger.
SOUTIEN DES MÉDECINS AU
CANADA ET DANS LE RESTE DU
MONDE
Le soutien le plus récent provient
de la Société américaine de Néphrolo-
gie (ASN), qui a publié un article dans
son édition du mois de septembre selon
lequel « tous les pays devraient prendre
Un utilisateur du logiciel Skype à Hong Kong.
les institutions communistes qui contrôlent
le pouvoir.
L’une des méthodes utilisées pour
envoyer la documentation en Chine est le
logiciel Skype.
« Beaucoup des messages [censurés]
étaient en rapport avec cette campagne »,
explique Nart Villeneuve, un chercheur
du Citizen Lab de l’université de Toronto
ayant découvert que les registres de
Skype étaient surveillés et archivés.
« En regardant les fichiers de registre,
le commentaire critiquant le Parti commu-
niste est ciblé ».
Skype en Chine opère conjointement
des mesures pour réguler les dons d’or-
ganes et les greffes, afin d’assurer la
protection des patients et prévenir les
pratiques illicites. »
C’est le consensus auquel sont parve-
nus plus de 150 représentants du corps
médical et scientifique venus de 78 pays,
des responsables gouvernementaux,
sociologues, spécialistes de l’éthique,
qui se sont rassemblés à Istanbul, en
Turquie du 30 avril au 2 mai dernier.
Lors du sommet d’Istanbul, les partici-
pants ont finalisé une déclaration contre
le trafic d’organes (vente illégale d’orga-
nes humains), la commercialisation des
greffes (utilisation des organes comme
des marchandises), et le tourisme des
greffes (le fait que les organes fournis
aux étrangers affectent la capacité d’un
pays à fournir des organes à sa propre
population).
David Kilgour s’est également référé
à un article paru en Australie en août
2008 parlant de « pression utile ». L’ar-
ticle rapportait que Jeremy Chapman,
président australien de la Société de
Transplantation (TTS), a promis que ses
membres demanderaient des explica-
tions aux autorités chinoises quand un
étranger irait se faire greffer un organe
en Chine.
Selon le magazine médical anglais
The Lancet en juillet 2008, la Déclaration
d’Istanbul « va renforcer la détermina-
tion des gouvernements et des organi-
sations internationales pour voter des
lois et mettre en place des règlementa-
tions visant à mettre fin aux pratiques cri-
minelles. »
« Cependant, il faut un engagement
plus fort de la part des communautés
médicales », selon The Lancet, notam-
ment des associations professionnelles,
avec une compagnie locale, du nom de
Tom. Le logiciel s’appelle donc Tom-
Skype.
Villeneuve indique qu’il a enquêté sur
Tom-Skype, car il suspectait quelque
chose de louche.
Lorsque les internautes en Chine veu-
lent télécharger Skype, le logiciel qui per-
met de chatter et d’appeler à travers le
monde sans frais interurbains, ils sont
redirigés vers Tom-Skype.
Tom-Skype fonctionne comme le Skype
normal, mais il n’est pas aussi sécuritaire.
Et si l’internaute mentionne les mots
« Falun Gong », « Taiwan », « Parti com-
publications, entreprises pharmaceuti-
ques, et organes de subventions.
Avant Istanbul, en Israël les élus ont
voté une nouvelle loi sur les dons d’orga-
nes en mars 2008 selon laquelle le com-
merce d’organes en Israël et à l’étranger
est un crime.
Afin d’empêcher les médecins chinois
et taiwanais de marchander des gref-
fes d’organes de patients taiwanais en
Chine, en octobre 2007 le gouvernement
taiwanais a annoncé qu’il interdirait aux
médecins chinois faisant du trafic d’orga-
nes de poser le pied sur le sol taiwanais.
Et en janvier 2007, la Fondation Natio-
nale du Rein aux États-Unis a fait une
déclaration contre le tourisme d’orga-
nes.
Médecins et élus canadiens ont éga-
lement élevé la voix. En décembre der-
nier au Parlement, le député du Manitoba
Steven Fletcher a brandi une pétition
signée de médecins de tout le Canada
demandant au gouvernement fédéral de
renseigner et mettre en garde les touris-
tes sur le fait que « les greffes d’organes
en Chine proviennent de manière quasi
exclusive de personnes non consentan-
tes, que ce soient des prisonniers con-
damnés à mort ou des pratiquants du
Falun Gong. »
Récemment, le député de l’Ontario
Borys Wrzesnewskyj a émis le projet de
loi sans précédent C-500 qui rendrait illé-
gal que des Canadiens se fassent greffer
des organes à l’étranger si l’organe est
acheté ou prélevé sur une victime non
consentante.
M. Wrzesnewskyj a été en partie
motivé par la lecture du rapport Kilgour-
Matas, dans lequel on apprend que les
Canadiens font partie des touristes d’or-
ganes qui vont se faire greffer en Chine.
www.lagrandeepoque.com
Richard A. Brooks/AFP/Getty Images
muniste », « démocratie » et une panoplie
d’autres, votre conversation est enregis-
trée.
Le régime chinois utilise l’informa-
tion fournie par des compagnies comme
Yahoo, Google et Microsoft pour sur-
veiller les dissidents, et certains d’entre
eux ont été arrêtés et condamnés en rai-
son de cela.
Le cas le plus célèbre est celui du jour-
naliste Shi Tao, condamné à dix ans de
prison après que le bureau hongkongais
de Yahoo a partagé ses informations per-
sonnelles avec les autorités.
Il semble que Skype a maintenant
DES PREUVES IRRÉFUTABLES
« David Matas et moi-même avons
rassemblé plus de 50 preuves durant
ces deux dernières années qui mènent
à la conclusion que se livre dans toute
la Chine un véritable pillage d’organes
incessant », annonce David Kilgour.
Lors de leurs déplacements, les deux
avocats ont collecter d’autres preuves,
notamment « de nouveaux exemples de
pratiquants de Falun Gong qui reçoivent
des tests sanguins systématiques dans
les lieux de détention en Chine alors que
ce n’est pas le cas pour les autres prison-
niers », a dit David Matas.
Le pratiquant de Falun Gong He Lizhi
s’est également exprimé lors de la confé-
rence. Il a été emprisonné pendant trois
ans et demi en Chine et parle de « tra-
vaux forcés et pénibles, esclavagisme,
électrocutions, [et] fréquentes privations
de sommeil et interdictions régulières
d’aller aux toilettes » en prison.
La plupart des pratiquants refusent de
décliner leur identité pour protéger leurs
familles et amis de la persécution en rai-
son de la « culpabilité par association »
imposée par le régime. M. He a dit qu’ils
étaient « vite envoyés dans des lieux
inconnus » — officiellement « relocali-
sés. »
Leur sort est resté un mystère pour lui
jusqu’à ce que la nouvelle du trafic d’or-
ganes éclate.
« Ils ont pu être tués suite au tra-
fic d’organes criminel — le plus [grand]
mal jamais commis sur cette terre »
selon lui.
Le rapport Kilgour-Matas avance le
chiffre de 41.500 greffes d’organes dont
la source est inconnue entre 2000 et
2005 — soit les six premières années de
la persécution du Falun Gong — orga-
Chine 5
rejoint une liste grandissante de socié-
tés étrangères épaulant le régime chinois
dans la tâche de surveiller et de réprimer
des internautes.
Nart Villeneuve ne voulait pas ébrui-
ter trop de détails concernant les discus-
sions découvertes dans les registres afin
de protéger la sécurité des personnes
impliquées.
C’est également la raison pour laquelle
les bénévoles des centres de démission
du Parti communiste en Amérique du
Nord mettent en garde les chatteurs au
sujet de la surveillance, commente Rong
Yi, d’un chapitre de Flushing à New York.
« Nous craignons qu’une fois que le
gouvernement chinois aura obtenu les
noms de ces personnes, leur vie soit en
danger ».
Rong Yi souligne que les bénévoles
sont « très préoccupés », car il apparait
qu’aucun moyen de communication n’est
désormais sécuritaire.
« Nous ne pouvons utiliser Yahoo mes-
senger, le courriel n’est pas sûr, les télé-
phones non plus, et maintenant Skype
n’est plus sécuritaire. Nous ne savons
plus quoi utiliser. »
Un rapport publié par Citizen Lab indi-
que que les résultats des recherches de
Nart Villeneuve devraient servir d’aver-
tissement aux groupes impliqués dans le
militantisme politique ou qui utilisent des
technologies pour contourner la censure
Internet à travers des compagnies qui
compromettent les droits de l’Homme.
« Ce qui est clair, c’est que Tom-Skype
fait de la surveillance extensive sans souci
apparent pour la sécurité et la vie privée
des utilisateurs de Skype. Ceci est en
contradiction directe avec les déclarations
publiques de Skype concernant ses poli-
tiques en Chine », fait remarquer le rap-
port.
MATTHEW LITTLE
LA GRANDE ÉPOQUE
CANADA
nes qui ne proviennent ni de prisonniers
exécutés, ni de morts cérébrales, ni des
familles.
Pendant que le régime chinois conti-
nue de nier, des analyses de leurs con-
frères ont confirmé les conclusions du
rapport Kilgour-Matas.
Le directeur-adjoint du programme des
droits de l’Homme et de la médecine de
l’université du Minnesota, Kirk Allison, le
chirurgien anglais spécialiste des gref-
fes Tom Treasure, et le thésard de l’uni-
versité de Yale Hao Wang « ont tous de
manière indépendante de nous et de
chacun d’eux confirmé les conclusions
de ce rapport et soutenu sa véracité »,
selon David Matas.
En 2008, le rapporteur spécial des
Nations unies Manfred Nowak et Asma
Jahangir pour la deuxième année consé-
cutive ont réitéré leur demande au gou-
vernement chinois pour qu’il réponde
sérieusement aux accusations de trafic
d’organes.
En référence aux « pratiques commer-
ciales toxiques » telles que celle du lait
contaminé à la mélamine et des jouets
couverts de peinture au plomb, David Kil-
gour a conseillé à tous les importateurs
de produits chinois : « Ne faites pas con-
fiance » mais « faites des inspections
beaucoup plus rigoureuses des produits
fabriqués en Chine. »
« L’utilisation de poisons dans les pro-
duits exportés illustre bien les valeurs de
l’État-Parti chinois. S’ils sont capables de
ce genre de chose, il n’est pas difficile de
croire le fait qu’ils utilisent des hommes
pour servir de banque d’organes », a
conclu David Kilgour.
CINDY CHAN
LA GRANDE ÉPOQUE
CANADA
6 Chine www.lagrandeepoque.com 16 – 31 OCTOBRE 2008 ● La Grande Époque

Lettre d’un téléspectateur de NTDTV au PDG d’Eutelsat

Cher Monsieur Berretta,
En tant que directeur exécutif d’une
grande entreprise, peut-être serez vous
surpris de recevoir la lettre d’un simple
citoyen chinois, à l’autre bout du monde.
J’espère que cette lettre attestera de la
grande influence d’Eutelsat. Votre seule
décision peut avoir un immense impact
sur toute notre famille.
J’aimerais vous parler de mon père.
Son histoire avec NTDTV est digne d’in-
térêt. Avant qu’il n’ait installé l’antenne
satellite, je lui ai donné des DVD de pro-
grammes de NTDTV. Il a été intrigué. Il
est peut-être difficile pour des gens qui
ne vivent pas en Chine d’imaginer ce
que peut représenter pour des Chinois de
Chine continentale de regarder NTDTV
pour la première fois. C’est un mélange
de peur et d’excitation. Dans leurs esprits,
il est presque inconcevable que de tels
programmes « contre-révolutionnaires »
puissent être montrés à la télévision.
Mon père est allé dans une boutique
d’électronique où l’employé installait
aussi des antennes satellites pour agré-
menter ses revenus.
« J’ai besoin d’une antenne satellite ».
Mon père lui a donné les coordonnées du
satellite W5. L’employé a dit qu’il trouve-
rait une antenne dès le lendemain et la lui
installerait.
Toutefois, le lendemain, il a changé
d’avis et a refusé d’installer l’antenne
au risque de perdre une bonne affaire.
Il avait manifestement trouvé la chaîne et
l’avait regardée.
Après un peu de négociation, mon
père s’est impatienté : « Si le gouver-
nement veut arrêter quelqu’un, ils peu-
vent m’arrêter moi. Vous n’avez rien à
craindre ! »
La personne a dit : « J’ai une solution. Il
y a trois coordonnées, j’en établirai deux
pour vous, et vous pourrez trouver le troi-
sième tout seul. Ça ne devrait pas être
difficile de le trouver si vous continuez les
réglages ». Avant de partir, il a chuchoté :
« La chaîne est très intéressante ».
Voilà comment mon père a commencé
à regarder NTDTV. Son courage l’a aidé
à surmonter les difficultés. En outre, bien
que l’employé du magasin d’électronique
ait peur du Parti communiste chinois, il
avait quand même un sens de l’équité et
de la justice.
Pour tout ce qui précède, les dizai-
nes de milliers de gens qui aspirent à
connaître la vérité, tout comme moi,
vous demandent de bien vouloir restau-
rer le signal de NTDTV en Asie immé-
diatement et de poursuivre les diffusions
dans le futur sans vous laisser influen-
cer par des forces opposées à la démo-
cratie et aux droits de l’homme. Dans un
très proche futur, vous en verrez la pro-
fonde signification. Croyez moi, c’est la
bonne décision à prendre, vous serez
béni pour cela.
Un fidèle spectateur de NTDTV
(La lettre originale est en chinois, du
fait de l’espace limité, certaines parties
en ont été omises)

Nouvelles des correspondants de la radio Son de l’Espoir (Sound of Hope Network : www.sohnetwork.com)
HUITS MOINES TIBÉTAINS CONDAMNÉS POUR
TERRORISME
D’après les médias officiels chinois, la cour tibétaine
du district Chamdo a condamné à mort deux moines
tibétains, et six autres à des peines de 5 à 15 ans de
prison pour avoir tenté un attentat à la bombe devant
les bureaux de la préfecture de Gyanbe au mois de
mars cette année. L’explosion n’avait fait aucune vic- DES MILLIARDS DE DOLLARS DÉTOURNÉS
time.
FERMIERS EXPROPRIÉS AVEC L’AIDE DE PLU-
SIEURS CENTAINES DE POLICIERS
Le gouvernement du comté Guangning dans la
ville de Zhaoqing, province de Guangdong, a mobilisé
le 15 octobre près d’un millier de policiers pour com-
mencer un projet immobilier dans les champs entou-
rant les neuf villages du district Jiangbu, et le village
Jinji du comté Wuhe. De nombreux habitants ont été
blessés à coups de matraque et de grenades lacrymo-
gènes. De nombreux policiers restent stationnés sur le
lieu de construction et arrêtent les représentants des
villageois.
Monsieur Lu du village Mabu décrit la scène : « je
n’ai jamais vu cela, ces soi-disant serviteurs du public
ne nous ont même pas traité comme des humains, il y
avait une confusion terrible, ils frappaient tout le monde
quel que soit l’âge, les femmes autant que les hom-
mes ».
D’après les habitants du village Mabu, les person-
nes arrêtées sont âgées de 60 à 70 ans. La police a
fait irruption à leur domicile en enfonçant la porte, et les
a forcé à signer le contrat de cession de terres contre
leur libération.
Monsieur Li, un habitant de Chayuan, indique : « Ils
rentrent et arrêtent des innocents qui n’ont pas parti-
cipé aux manifestations, juste parce que ces person-
nes ont dit auparavant qu’elles n’étaient pas d’accord
avec le comportement des autorités. »
Les responsables du comté de Wuhe ont com-
mencé à exproprier les fermiers en juillet 2007, en
absence d’un acte d’appropriation légitimant le projet
de construction d’une usine de plasturgie qui occupera
AUJOURD’HUI EN CHINE
un terrains de 1.000 acres. Les villageois ont depuis
pétitionné sans succès des dizaines de fois auprès du
gouvernement.
Interrogés, les responsables du comté nient toute
violence policière et affirment qu’aucune arrestation
n’a eu lieu.
PAR L’ENTREPRISE IMMOBILIÈRE ZHONG-
GANG
D’après des sources chinoises, le 14 octobre,
le groupe Zhejiang Jinhua, l’une des dix plus gros-
ses entreprises de la province de Zhejiang, affiliée
à la Zhejiang Zhong-Gang Holdings Limited, aurait
fait transférer à l’étranger des milliards de dollars de
fonds au moment de la disparition collective de son
équipe dirigeante. Le représentant de l’entreprise, Li-
Ou et sa femme, Ding Qing-Ping seraient aujourd’hui
au Canada.
Contrairement à ses habitudes, l’entreprise a offert
un voyage à Sanya à tout son personnel entre le 27
septembre et le 5 octobre. Les employés ont su à leur
retour que les 28 et 29 septembre, l’entreprise avait
continué de fonctionner et avait opéré au transfert de
fonds.
D’après un entrepreneur local, « de nombreuses
personnes ont acheté des logements à Zhong Gang
ces dernières semaines et ont payé l’intégralité. Cer-
tains ont dit que c’était un accord à un prix privilégié par
lequel Zhong Gang leur remboursait l’argent qu’il leur
avait emprunté pour financer son développement »
QUATRE MALADES TUÉS PAR LES ANESTHÉ-
SIQUES À L’HÔPITAL SANMING DE FUJIAN
Une série de décès dans le second hôpital SanMing
de Fujian a provoqué le début d’une enquête dans la
ville de Yongan. Les quatre décès se sont échelonnés
sur 2 semaines à la fin du mois de septembre et ont
touché des personnes anesthésiées avant une opé-
ration.
Zhen Fumei, la mère de la dernière victime, dit que
son enfant de 4 ans a reçu une anesthésie pour opé-
ration d’une petite hernie intestinale, et que son cœur tice et par des membres influents du barreau, qui ont
a cessé de battre pendant l’opération, sans que les forcé certains avocats à se retirer du collectif. D’après
médecins puissent rien faire dans ce qui est pourtant un des avocats, dans certaines provinces comme celle
une opération chirurgicale simple. du Hebei il est interdit d’aider les familles de victimes,
alors que dans d’autres il faut passer par l’autorisation
PLUS DE 200 ÉLÈVES DE MATERNELLE MALA- préalable des autorités.
DES DANS LA PROVINCE DE ZHEJIANG
Dans l’école maternelle Tiyi de la ville de Cixi, pro- DES PARENTS ARRÊTÉS POUR AVOIR PARLÉ
vince de Zhejian, plus de 200 enfants sont atteints de DU DÉSASTRE DE BEICHUAN
désordres intestinaux avec gonflement des nœuds Le 24 septembre, des inondations dans la région
lymphatiques. frappée par le tremblement de terre du Sichuan ont
D’après les parents, l’hygiène de la cantine et en causé la mort de 400 à 500 personnes, ce que les
particulier l’huile de cuisson utilisée à l’école seraient médias officiels chinois ont très peu mentionné. Des
responsables. Ils disent avoir vu de l’huile frelatée res- parents d’enfants tués dans l’école secondaire de Bei-
semblant à de la boue, des légumes sales, des cafards chuan ont répondu aux questions de journalistes étran-
en abondance et du riz noirci par une mauvaise con- gers et en conséquence ont été arrêtés par la police.
servation. Un père a indiqué aux journalistes que de l’argent
leur avait été offert en échange de leur silence, et que
CONDAMNATION ILLÉGALE DE 11 MEMBRES ceux qui ne l’avaient pas accepté avaient été arrêtés
DU FALUN GONG À CHENGDU et accusés de fabriquer des rumeurs. Les personnes
Le tribunal Wuhou à Chengdu, dans la province arrêtées n’ont à ce jour pas été libérées et pourraient
du Sichuan, a condamné lors d’un second procès être mises en examen.
11 membres du mouvement bouddhiste Falun Gong
à des peines de 3 à 7 ans de prison. Un des accu-
sés, Zhu Ren-Bin, a été torturé au point qu’il n’a pas LES RESPONSABLES DE LA PROVINCE DU
pu s’exprimer devant la cour, et souffrirait de blessu- HEBEI DISSIMULENT UN ACCIDENT MINIER
res internes. Le 14 juillet, 37 personnes ont été tuées dans une
Les condamnés font partie d’un groupe de 30 mem- explosion à la mine Lijiawa de la préfecture Zhangjiaco,
bres du Falun Gong arrêtés entre août et septembre, province de Hebei. Les propriétaires de la mine ont,
dont l’un est déjà décédé en détention des suites des en accord avec le gouvernement provincial, dissimulé
tortures. Ils étaient accusés d’avoir « incité à la subver- l’accident pendant 50 jours. La mine, qui opérait sans
sion du pouvoir d’État » pour avoir fait savoir la répres- licence, stockait de manière illégale des explosifs. Elle
sion subie par leur mouvement. Les familles n’ont pas s’est garantie le silence des familles en leur offrant des
eu le droit d’assister au procès. compensations financières.
Plusieurs responsables de la préfecture sont
PRESSIONS DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE aujourd’hui poursuivis en justice. La Chine a les mines
CHINOIS CONTRE LES AVOCATS DANS LE les plus dangereuses du monde, les statistiques offi-
SCANDALE DU LAIT CONTAMINÉ cielles indiquant que 3.800 mineurs y sont morts pour
Un groupe d’avocats qui a pris le nom d’« avocats la seule année 2007.
volontaires pour le scandale de Sanlu », du nom de
la firme au cœur du scandale, dit avoir reçu des pres-
sions par certaines branches du ministère de la jus-

ÉDITORIAL
44.240.952 Chinois ont démissionné du Parti
après avoir lu les Neuf commentaires sur le
Prix Nobel, une opportunité manquée
Parti Communiste. Ce mouvement de démis- UN VICE-PRÉSIDENT du Parlement européen, Edward
sions reste pour le peuple un moyen d’ex- McMillan-Scott, a exprimé sa déception que le prix Nobel de la
pression non violent, apolitique et sans précédent dans la société paix n’a pas été décerné à un des deux célèbres dissidents chi-
chinoise face à la dictature et à la corruption généralisée au sein du nois emprisonnés. Une opportunité manquée, selon lui.
régime. La Grande Époque publie un extrait traduit de cette série édi- Gao Zhisheng, chrétien et avocat défenseur des droits de
l’Homme, et Hu Jia, militant écologiste et de la lutte contre le sida,
toriale chinoise dans chacun de ses numéros. étaient considérés parmi les favoris pour remporter le prix Nobel
de la paix 2008. Toutefois, il a été octroyé à Martti Ahtisaari, un
Suite du sixième commentaire noise, les phénomènes de destruction ex-président finlandais et émissaire des Nations unies le 10 octo-
tels que « l’autodafé des livres et l’en- bre dernier.
En 1971, Lin Biao, le vice-président du terrement des érudits confucéens » par Gao Zhisheng a défendu les victimes de toutes formes d’op-
Comité central du PCC, s’est échappé de l’empereur Qin Shi Huang dans la dynas- pression en Chine, mais particulièrement les adeptes de la pra-
Chine mais a été tué lorsque son avion tie Qin (221-207) et les quatre campa- tique spirituelle bouddhiste Falun Gong sévèrement persécutés.
s’est écrasé à Undurkhan, en Mongolie. gnes pour éliminer le bouddhisme entre Peu avant son arrestation l’année dernière, Gao avait écrit une AFP

Par la suite, dans la résidence Maojiawan
de Lin à Pékin, on a retrouvé des cita-
tions de Confucius. Le PCC a alors lancé
un mouvement frénétique pour « critiquer
Lin Biao et Confucius ». Un écrivain dont
le pseudonyme est Liang Xiao a publié un
article dans Le Drapeau rouge, le maga-
zine phare du PCC, intitulé Qui est Con-
fucius ? L’article décrivait Confucius
comme un fou qui voulait retourner en
arrière, un démagogue vicieux et fourbe.
Puis ont suivi une série de bandes dessi-
nées et de chants diffamant Confucius.
C’est ainsi que l’on a anéanti la dignité
et le caractère sacré de la religion et de
la culture.
5. UNE DESTRUCTION SANS LIMITE
Dans l’ancienne Chine, l’autorité du
gouvernement central s’étendait jusqu’au
niveau du canton, au-dessous duquel les
clans patriarcaux maintenaient un con-
trôle autonome. Ainsi, dans l’histoire chi-
les cinq et dixième siècles par « Les Trois
Wus et Un Zong », ont tous été imposés
du haut vers le bas, et n’ont pas pu éra-
diquer la culture. Les classiques et les
idées bouddhistes et confucéens ont con-
tinué à survivre dans de vastes sphères
de la société. En contraste, la campagne
« À bas les Quatre vieilleries » menée
par de jeunes étudiants sous l’incitation
du PCC, a été un mouvement national et
populaire à « l’enthousiasme spontané ».
L’extension du PCC à chaque village à
travers des sections du Parti au niveau
des villages, a contrôlé la société si étroi-
tement que rien n’a empêché le mouve-
ment « révolutionnaire » de s’étendre et
d’affecter chaque personne, sur chaque
once de terre en Chine.
Pour en savoir plus :
www.lagrandeepoque.com/jiuping
Version audio disponible sur le site radio
Son de l’Espoir : www.sondelespoir.org
lettre ouverte à Edward McMillan-Scott condamnant la totalité des
violations des droits de l’Homme commises par les autorités com-
munistes en Chine. La lettre critiquait également l’apathie de l’Oc-
cident.
Hu Jia dénonçait, quant à lui, la corruption entourant les Jeux
Olympiques lorsqu’il a été arrêté le 27 décembre 2007. Il a été
condamné à trois ans et demi de prison pour « subversion ».
Edward McMillan-Scott a déclaré que l’octroi du prix Nobel à M.
Ahtisaari, et non à un des dissidents, était une opportunité man-
quée pour encourager la réforme en Chine.
« Il est décevant de constater que le comité du prix Nobel de la
paix n’a pas pris en compte l’étendue et la brutalité de la répres-
sion olympique de la Chine en décernant le prix Nobel à un poli-
ticien à la retraite qui a été bien récompensé financièrement pour
ses efforts et qui n’a fait aucun sacrifice personnel particulier »,
laisse-t-il entendre.
Durant la même semaine où le prix Nobel a été remis, Edward
McMillan-Scott affirme avoir reçu des informations provenant de
sources en Chine que Gao Zhisheng et sa famille étaient tortu-
rés.
« J’ai reçu ce matin des informations provenant de sources
sérieuses venant de Chine selon lesquelles Gao, son épouse
et ses deux jeunes enfants [une fille et un fils] seraient victimes
Le vice-président du Parlement européen, Edward
McMillan-Scott défend Gao Zhisheng.
de torture dans la région de Daxing à Pékin », explique Edward
McMillan-Scott.
« Des diplomates britanniques et français ont [précédemment]
essayé de rendre visite à la famille de Gao après que j’ai reçu des
rapports, par un intermédiaire plus tôt cette année, mentionnant
qu’il avait été torturé durant 44 jours consécutifs et qu’il avait tenté
de s’enlever la vie à deux reprises. »
Edward McMillan-Scott a fait pression en privé auprès de plu-
sieurs organisations internationales pour obtenir la libération de
Gao et a nominé les deux dissidents au prix Nobel de la paix
2008.
« Je suis au courant qu’il y a eu des pressions diplomatiques
intenses de Pékin après que des reportages – accueillis mondia-
lement – ont fait état de la nomination des dissidents chinois »,
ajoute Edward McMillan-Scott.
« Les milliers de voix réduites au silence en Chine représentent
l’avenir de ce grand pays et je suis fier d’avoir porté le flambeau
pour Gao et Hu, les figures de proue, depuis que je les ai rencon-
trés pour la première fois en mai 2006. »
JAMES BURKE – LA GRANDE ÉPOQUE – CANADA
La Grande Époque ● 16 – 31 OCTOBRE 2008
L’américain Paul Krugman lauréat du prix Nobel d’Économie
« Je n’aurais jamais cru voir se répéter 1931 de mon vivant, mais cette crise m’y fait penser à bien des égards. »
LE PRIX Nobel d’économie 2008 a été
décerné ce lundi 14 Octobre par l’Acadé-
mie Royale suédoise des Sciences à un
économiste américain, Paul Robin Krug-
man, en récompense de « son analyse des
modèles du commerce et la localisation de
l’activité économique », dans laquelle il a
mis au point une nouvelle théorie du com-
merce international intégrant des analyses
disparates sur les échanges commerciaux
et la géographie économique.
UN NÉO-KEYNÉSIEN SPÉCIALISTE DES
ÉCHANGES INTERNATIONAUX
Né le 28 février 1953 à Long Island,
dans l’état de New-York, Paul Krugman
fait des études d’histoire à l’université de
Yale, puis au Massachussetts Institute of
Technology (MIT) où il obtient un docto-
rat d’économie (PhD) en 1977. Il se fait
très vite repérer et intègre en 1982-1983
le « Council of Economics Advisers »
(comité des conseillers économiques) de
la Maison Blanche sous l’administration du
président Ronald Reagan. Par la suite, il
enseigne l’économie au MIT de 1984 à
1994, puis à Stanford de 1994 à 1996, à
Yale, et à la London School of Economics.
Paul Krugman se classe parmi les néo-
Keynésiens. Sa réputation profession-
nelle vient essentiellement de son travail
dans le commerce et la finance internatio-
nale : il est l’un des principaux auteurs de
la nouvelle théorie du commerce interna-
tional, dont les bases sont constituées du
commerce intra-firme (entre filiales d’une
même entreprise multinationale), des
effets de réseau et des situations de con-
currence imparfaite. Lorsque Bill Clinton a
été élu président en 1992, on s’attendait à
ce que Krugman obtienne un poste impor-
tant, mais pour diverses raisons, il n’a pas
été pas retenu. Il est actuellement profes-
seur d’économie et de relations internatio-
nales à l’université de Princeton.
UN ÉDITORIALISTE ET UN AUTEUR MONDIA-
LEMENT RÉPUTÉ
C’est cependant par ses ouvrages de
vulgarisation économique, ses éditoriaux,
et son anticipation de la crise asiatique
de 1997 que Paul Krugman s’est fait con-
naître du grand public. Selon ses propres
mots, il est devenu un adepte d’une « nou-
velle façon d’écrire... des essais à l’inten-
tion des non-économistes qui sont clairs,
efficaces et divertissants ». Il a d’abord
écrit pour Fortune et pour Slate, puis plus
tard pour la revue d’affaires de Harvard,
Foreign Policy, pour The Economist, Har-
per’s, Scientific American et le Washing-
ton Monthly. Parallèlement, il est co-auteur
avec Maurice Obstfeld de l’ouvrage Inter-
national Economics: Theory and Policy, le
livre de cours le plus utilisé dans ce
domaine aux États-Unis, ainsi que d’une
www.lagrandeepoque.com
Jeff Zelevansky/Getty Images
Paul Krugman, professeur d’économie
à l’université Priceton, prix Nobel
d’économie 2008
vingtaine d’autres ouvrages et de 200
articles dans des revues professionnel-
les. Ce travail lui a valu en 1991 la presti-
gieuse médaille John Bates Clark, un prix
remis tous les deux ans à « l’économiste
de moins de quarante ans qui est déclaré
avoir apporté une contribution significa-
Économie 7
tive à la connaissance économique ».
Depuis 1999, Paul Krugman a rejoint le
New York Times comme éditorialiste de la
page ed-Opinion, où il se distingue par ses
articles au vitriol contre la politique géné-
rale et économique de l’administration de
G.W.Bush.
Interviewé par l’agence de presse sué-
doise TT, le lauréat du prix Nobel 2008
s’est rapidement exprimé concernant la
situation financière actuelle : « Ça s’an-
nonce mieux qu’il y a cinq jours, mais la
crise financière me terrifie. Je n’aurais
jamais cru voir se répéter 1931 de mon
vivant, mais cette crise m’y fait penser
à bien des égards », a-t-il déclaré. Il a
cependant manifesté son soutien aux
mesures annoncées dimanche par les
chefs d’État et de gouvernement de l’Euro-
groupe. « Je crois que nous voyons enfin
les choses bouger », a-t-il dit.
PATRICK C. CALLEWAERT

L’or comme couverture de l’inflation : réalité ou fiction ?

LE 8 OCTOBRE, suite à un communiqué
de nombreuses banques centrales annon-
çant une prochaine réduction des taux
d’intérêt, le prix de l’or a plongé de 913
dollars à 901 dollars par once en moins
d’une heure.
« Tout au long de la crise finan-
cière actuelle, les banques centrales ont
engagé une étroite consultation continue
et ont coopéré sans précédent dans des
actions communes telles que les injec-
tions de liquidités pour réduire les tensions
sur les marchés financiers », a annoncé le
conseil des gouverneurs de la Réserve
fédérale américaine (Fed). En effet, la Fed
vient de réduire son taux directeur d’un
demi-point à 1,5 %, la Banque du Canada
a baissé ses taux de 0,5 % à 2,5 %, et tout
comme la Banque d’Angleterre, la Banque
centrale européenne, la Banque du Japon,
et la Banque nationale suisse : toutes ont
réduit leur taux directeur.
Historiquement, les prix de l’or ont fluc-
tué tout au long des périodes de prospérité
et de déclin économique. En 1980, l’once
d’or valait 595 dollars, puis a décliné lente-
ment vers 271 dollars en 2001 pour remon-
ter à 603 dollars en 2006. Avant 1972, le
prix de l’or était de l’ordre de 50 dollars.
EXPLORATION MINIÈRE DE L’OR
En prévision de l’augmentation du prix
de l’or, Vantex Resources Ltd, société
minière de l’or basée à La Prairie au
Québec, a récemment acquis dix-neuf
nouvelles concessions minières d’or.
Il y a environ 1,6 million de tonnes d’or
au Canada, d’après le communiqué de
presse de la société.
Les sociétés américaines d’explora-
tion minières de l’or, comme Tonogold
Resources Inc basée en Californie, ont
aussi commencé des forages d’exploration
d’or au Nevada, dans le cadre de leur pro-
jet appelé Nevada Toponah Divide Gold
Project.
Compte tenu des nouvelles technolo-
gies et des marchés qui restent favora-
bles, de nombreuses sociétés minières ont
réouvert des mines fermées, comme par
exemple celle de Northern Empire Mine
de la société Roxmark Mines Ltd, basée
à Toronto. « Nous sommes très encou-
ragés par l’augmentation des ressour-
ces ce qui renforce notre confiance sur la
viabilité commerciale de réouverture de la
Northern Empire Mine », a précisé Monir
Younan, président de Roxmark Mine, dans
le communiqué de presse. « Nous som-
mes confiants que les ressources actuel-
les vont nous permettre d’atteindre le seuil
de développement commercial ».
RUÉE VERS L’INVESTISSEMENT EN OR
« Historiquement, l’investissement en
or a toujours été considéré comme une
méthode éprouvée de préservation de la
valeur d’une monnaie qui perdait de sa
valeur », explique Eagle Wing Research
sur son site internet consacré aux fonds de
placement en or. Certains professionnels
d’investissement considèrent l’or comme
une police d’assurance beaucoup moins
risquée qu’un investissement sur le mar-
ché des actions. Selon une analyse de
Eagle Wing à destination de ses clients,
les étrangers détiennent 1.500 milliards
de dollars de la dette américaine. S’ils ven-
Scott Olson/Getty Images
La récente chute des actions a conduit
des nombreux investisseurs à investir
dans l’or.
dent leurs investissements en monnaie
américaine, le dollar va plonger et l’or va
monter en flèche. Un autre élément posi-
tif est que la demande en or est de plus en
plus forte dans les pays d’Asie à mesure
qu’ils deviennent plus riches.
On peut investir en or à travers des pro-
duits comme les pièces non numismati-
ques appelés ‘bullions’ d’or qui vont de
1 gramme à 400 onces, les pièces d’or,
les certificats d’or détenus par des socié-
tés financières, les marché à terme, les
options d’or, les actions de sociétés miniè-
res d’or, des bijoux, les fonds Exchange
Traded Funds –ETF (basés sur des prix
de marché) et les fonds de placement spé-
cialisés en or.
L’organisation internationale World Gold
Council (Conseil Mondial de l’Or) quali-
fie l’investissement en or de « havre de
paix, une couverture contre l’inflation, le
dollar ou une excellente gestion de ris-
ques ». « L’or est unique parce qu’il ne
porte pas de risque de crédit. Il ne s’agit
pas d’une dette. Il n’y a pas de risque que
le coupon et le remboursement restent
impayés comme pour une obligation, ni
que la société soit en faillite comme pour
les actions », dit Gold Council.
Cependant, investir dans les bullions
n’est pas la meilleure option, selon Oxford
Club, investisseur basée à Baltimore. Des
bullions d’or ou les bijoux ne produisent
aux détenteurs ni revenus ni intérêts. Il est
plus prudent de détenir des parts de fonds
ETF qui sont liés à un indice et négocia-
bles à n’importe quelle heure lorsque la
bourse est ouverte. Il n’existe qu’un seul
bémol : il faut payer des frais de courtier.
DES EXPERTS APPELLENT À LA VIGILANCE
Les banques centrales qui détiennent
de grandes quantités d’or ont annoncé
qu’elles pourraient inonder le marché en
vendant leur or, ce qui pourrait provoquer
une chute du prix de l’or. Historiquement,
les actions liées à l’or ont des performan-
ces presque aussi bonnes que les autres
actions des sociétés. L’or n’est pas « une
bonne opportunité pour un ‘ buy-and-hold’,
c’est à dire pour un investissement à long
terme. L’or est en fait un investissement
à risque, son prix peut bien augmenter
comme il peut aussi descendre sensible-
ment. On remarque cela dans les fluctua-
tions de prix au cours des vingt dernières
années », suggère Franklin Allen, profes-
seur de finance à l’université de Pennsyl-
vanie, dans son récent rapport intitulé
L’or peut rapporter, mais il ne s’accumule
pas comme un investissement à long
terme, édité par Knowledge@Wharton,
une publication de recherche de l’univer-
sité.
Jeremy Siegel, un autre professeur de
finance de l’université de Pennsylvanie,
affirme que si quelqu’un avait investi un
dollar dans le début des années 1800, son
investissement aurait augmenté de moins
de deux dollars d’ici à 2006, inflation prise
en compte. Au cours de la même période,
les actions auraient grimpé en flèche. Pour
tirer avantage de l’investissement en or, il
faut patienter pendant une longue période,
ne pas acheter lorsque le marché est en
hausse et vendre au premier signe de
baisse du prix de l’or, comme de nom-
breux investisseurs avertis en or ont l’ha-
bitude de le faire.
Un autre inconvénient est la taxation
des bénéfices résultant de l’investisse-
ment dans l’or à 28 % qui est plus élevé
que les impôts sur les gains en capital sur
les actions et les fonds communs de place-
ment, qui sont taxés à 15 %.
« Les actions protègent générale-
ment mieux contre l’inflation parce que
les entreprises augmentent les prix lors-
que l’inflation monte, et des actifs de
l’entreprise, tels que les bâtiments et les
usines s’apprécient aussi », dit le rapport
de Knowledge@Wharton.
« L’augmentation de la productivité con-
tribue également à protéger le prix des
actions contre l’inflation à venir. Aucun
de tels facteurs ne soutient les prix de l’or.
En effet, le renforcement de l’efficience de
l’exploitation minière d’or renforce plutôt
les fournitures, en décalant les gains en
terme de prix à plus long terme ».
HEIDE B. MALHOTRA
LA GRAND ÉPOQUE
WASHINGTON

« Made in China » : pas seulement le lait qui soit toxique

LES AUTORITÉS chinoises ont inspecté
en toute hâte des usines à travers le pays
depuis que la société Sanlu, basée à Shi-
jiazhuang, a été mise en cause pour avoir
sciemment vendu du lait toxique. Cette
société fournit environ le cinquième du
marché chinois en lait pour bébé.
Vingt-deux autres sociétés chinoises
commercialisant du lait en poudre conte-
nant de la mélamine ont été découvertes
depuis, selon les informations de l’Admi-
nistration générale chinoise de la sur-
veillance de la qualité, inspection et mise
en quarantaine.
Selon des rapports officiels, le lait con-
taminé a causé la mort de quatre bébés,
6.000 enfants en bas âge sont tombés
malades et plus de 150 enfants ont déve-
loppé de sérieux problèmes rénaux. Au
cours de la récente inspection, nombre
de producteurs de lait frais et en pou-
dre figurent parmi les 23 sociétés qui ont
vendu des produits contaminés par la
mélamine. Pour aggraver les choses, la
société Sanlu avait reçu déjà en mars des
plaintes au sujet de la qualité de son lait
en poudre, pourtant le lait toxique n’a été
rappelé que le 11 septembre.
L’affaire du lait empoisonné n’est que
la dernière en date d’une série d’affaires
de produits contaminés venant de pro-
ducteurs chinois apparemment peu scru-
puleux.
avoir consommé des aliments pour ani- province du Hebei. Les enquêtes ultérieu-
JANVIER 2008, RAVIOLIS TOXIQUES AU maux, contaminés à la mélamine. MAI 2007, TEXTILES TOXIQUES res révéleront aussi la présence de la tein-
JAPON L’organisme de certification des ali- En mai 2007, l’Autorité australienne de ture dans des œufs frais du Hubei.
Fin janvier des raviolis chinois con- ments et des médicaments américain, contrôle de la laine trouve du formaldé- Par ailleurs, le quotidien China’s
gelés, en provenance de l’usine agroali- la FDA, a constaté que les morts étaient hyde en excès dans des textiles chinois. Southern Metropolis avait cité en novem-
mentaire de Tianyang, ont empoisonné 10 causées par la mélamine contenue dans La quantité du formaldéhyde dans les tex- bre 2006, d’autres alertes de sécurité ali-
personnes au Japon, à Chiba et à Hyogo. les produits au gluten venant de Chine. tiles chinois était dix fois supérieure aux mentaire majeures antérieures, dont le
L’Agence nationale de la police du Des commerçants chinois avaient normes de sécurité de la plupart des pays, lait en poudre qui « fait enfler la tête des
Japon et le ministère de l’intérieur chinois mélangé intentionnellement de la méla- a annoncé le Sydney Morning Herald. bébés », détecté en 2003. Il a été en
ont lancé des enquêtes sur les empoison- mine au son de blé pour augmenter sa Actil Commercial, une section de la vente jusqu’en avril 2004 dans la ville de
nements, mais les deux parties rejettent teneur en azote. Plus tard, on a aussi célèbre société de produits pour la maison Fuyang, province de Anhui. Plus de 100
la possibilité que le mélange de pesti- trouvé de la mélamine dans des aliments Sheridan Australia, qui a importé des pro- enfants en bas âge ont eu la tête enflée
cide aux raviolis ait eu lieu sur leur sol. La à base de porc, de poulet et de poisson duits pollués, a dû mettre en quarantaine après avoir été nourris avec du lait en pou-
vérité sur cet incident n’est pas établie. aux États-Unis. huit conteneurs de couvertures de laine dre de piètre qualité. Certains enfants en
qui venaient d’arriver de Chine. sont morts.
FÉVRIER 2007, ROUGES À LÈVRES CANCÉ- MAI 2007, DENTIFRICE ET SIROP POUR LA Le poisson salé de Guanghai, un pro-
RIGÈNE, CONTENANT DU ROUGE SOUDAN TOUX TOXIQUES AU PANAMA AOÛT 2007, JOUETS TOXIQUES duit spécial de la ville de Taishan, a été
En février, l’Administration générale En avril dernier, les médias américains Selon l’Agence centrale de presse chi- contaminé avec un pesticide appelé phos-
chinoise de la surveillance de la qua- ont largement couvert la mort d’environ noise, Fisher-Price, une filiale du très phate de dichlorovinyl dimethyl en 2004.
lité, inspection et mise en quarantaine,
365 personnes au Panama après qu’el- connu Mattel Inc., a été collectivement Ce pesticide est connu pour sa toxicité
a trouvé une teinture cancérigène, du les aient pris du sirop pour la toux produit poursuivie en justice par des parents pour aiguë.
nom de ‘rouge soudan’ dans des rouges en Chine. Le sirop pour la toux contenait avoir vendu des jouets chinois contami- Enfin, en mars 2004, des ouvriers et
à lèvres. une fausse glycérine et pour 100 person- nés au plomb. leurs familles, dans une briqueterie de
Le ‘rouge soudan’ est un lysochrome de
nes autopsiées, la mort était causée par Mattel a dû rappeler des dizaines de la ville de Jiaxing, dans le Zhejiang, ont
teinte rouge-jaunâtre qui peut causer une
ce poison. millions de jouets et les parents ne com- été empoisonnés après avoir mangé du
dermite de contact. Les autorités pensent Le 19 mai, au Panama, des douaniers prenaient pas comment les vendeurs chi- porc mariné au sel de table. Beaucoup ont
qu’une partie de ce rouge à lèvres conta-
contrôlent des dentifrices chinois, Excel nois pouvaient commettre un tel crime. vomi et se sont évanouis après le repas à
miné a été exporté à Hong-Kong. et M. Cool. Ils trouvent 6.000 tubes de base de cette viande. Une fillette de trois
dentifrice contenant du diéthylène gly- NOVEMBRE 2006, DES ŒUFS TOXIQUES ans est morte et 57 personnes ont été
MARS 2007, ALIMENTATION ANIMALE TOXI- col toxique. Un peu plus tard, les doua- CONTENAIENT DU ROUGE SOUDAN envoyées à l’hôpital.
QUE AUX ÉTATS-UNIS niers australiens et le FDA aux États-Unis En novembre 2006, c’est la découverte
Début 2007, plus de 85.000 chats et découvrent également des dentifrices de teinture industrielle cancérigène, le ZHANG JIANHAO
chiens sont morts aux États-Unis après toxiques en provenance de Chine. rouge soudan, dans des œufs salés de la LA GRAND ÉPOQUE
8 Droits humains www.lagrandeepoque.com 16 – 31 OCTOBRE 2008 ● La Grande Époque

Inde : changer les sources de violence sociale en

doctrine de paix et d’unité...
En Inde, le mouvement Ekta Parishad citoyens doivent eux aussi se responsabiliser.
conduit depuis plusieurs années main- LGE : Ce sont des résultats obtenus par la lutte
tenant des campagnes de non-violence non-violente ?
qui sont de véritables contre-pouvoir Rajagopal. Oui nous croyons à la lutte non-violente
face à cette violence sociale, institution- dans le même esprit et la même vision que le Mahatma
Gandhi aboutira au respect mutuel et à l’équité. En octo-
nelle et physique faite aux plus pauvres. bre 2007, menés par Ekta Parishad, 25.000 indiens ont
entamé cette grande marche à travers le pays pour
LA GRANDE ÉPOQUE a rencontré Rajagopal de pas- représenter les sans-terres. Des centaines de kilomè-
sage à Paris. Surnommé le nouveau Ghandi, le lea- tres ont été parcourus pour attirer l’attention du gouver-
der du mouvement Ekta Parishad a confié les raisons nement, des médias et de l’ensemble des citoyens du
de son soutien à l’Assemblée Consultative auprès des pays sur la situation des sans-terres et des petits pay-
Congrès des Peuples concernant la revendication qu’un sans indiens. Cette mobilisation de masse est manifeste
droit des Peuples existe au coeur des Nations unies. Il de notre responsabilité en tant que citoyens de ce pays
a par ailleurs avancé un bilan des actions menées avec et en tant qu’êtres humains de faire en sorte que les
succès dans son pays. besoins des plus démunis ne soient plus ignorés. Ces
campagnes de non-violence sont de véritables contre-
LGE : Pourquoi le mouvement Ekta Parishad pouvoir tel que l’a démontré Gandhi. Parmi nos actions
soutient-il la revendication de l’Ascop pour un droit de nombreuses revendications ont abouti : des terres,
d’expression des peuples au coeur des Nations notamment, ont été restituées aux paysans... demain
unies ? d’autres succès se feront jour, tous à partir de cette doc-
Rajagopal : Parce que nous travaillons dans le trine de paix et d’unité prônée par le Mahatma.
même sens. Nous défendons les mêmes valeurs démo- ISABELLE CHAIGNEAU
La Grande Époque
cratiques. Oui, bien sûr, il faut qu’une assemblée des
peuples existe au sein de l’ONU, que la parole du peuple Ekta Parishad et Marie-Françoise Lamperti s’entretiennent sur les futurs projets à mener Ascop : Assemblée Consultative auprès du Congrès
du monde soit prise en compte. Les peuples sont dému- en commun. des Peuples qui rassemble 80 ONG à travers le monde.
nis face aux puissants. Ils n’ont pas de tribune pour faire L’Ascop est initiatrice du projet de déclaration commune
entendre leur voix face aux Etats. que, Marie-Françoise Lamperti a déclaré que droits cette grande campagne d’éducation citoyenne auprès présenté à l’occasion du 60e anniversaire de la Déclara-
de l’Homme et démocratie restaient liés dans leur du peuple. En effet, l’État dont l’appareil était trop cen- tion Universelle des Droits de l’Homme. Cette déclara-
LGE : Pourtant l’ONU consulte les acteurs inter- globalité, qu’il était incontournable de contribuer tralisé a commencé à ouvrir vers les différents états tion réclame un droit d’expression des peuples au coeur
nationaux, prend l’avis des ONG de terrain, les orga- au développement de la démocratie à l’échelle pla- fédéraux qui composent le pays en déléguant des pou- de l’institution onusienne.
nes satellites tout autour informent de ce qui se nétaire. Elle a ajouté que, précisément en Grèce, voirs... puis... les états fédéraux ont délégué aux peti- Pour en savoir plus : www.recim.org/ascop
passe... la démocratie était elle-même participation, qu’elle tes régions... puis aux communautés... nous avons mis
Rajagopal : Mais après tout ce travail, l’ONU reste s’était structurée et développée comme ça. Que beaucoup de notre énergie et de notre engagement pour Ekta Parishad compte plus de 200.000 adhérents et
inefficace et paralysée par sa bureaucratie. On cons- pensez-vous de cette analyse ? que le peuple prenne conscience de sa citoyenneté et rassemble environ 11.000 associations. C’est un mou-
tate le mal qu’ils ont déjà à faire appliquer les conven- Rajagopal : Oui, ce que dit Marie-Françoise est tout nous continuons ce travail. Peu à peu, nous constatons vement engagé dans l’action non-violente selon les prin-
tions signées. On assiste même à un détournement de à fait juste. Et c’est ce qu’il faut retrouver ! ce sens réel des progrès de part et d’autre. Ainsi, aujourd’hui il existe cipes de Gandhi. L’objectif est d’aider les peuples à
la démocratie car les rapports de force sont tels à l’in- de la démocratie. Il faut faire renaître cette motivation en Inde ce droit d’opposition garant de la démocratie. Un regagner le contrôle sur leurs moyens d’existence tels
térieur de l’institution qu’ils parviennent à faire dévier le de la participation des citoyens aux affaires de la cité élu peut être contesté et renversé par les citoyens. C’est que la terre, l’eau, la forêt.
processus électoral pour le faire pencher en faveur des et former peu à peu à la démocratie directe. En Inde, tout un changement de mentalité et une autre percep- Pour en savoir plus : www.ektaparishad.com
puissants. C’est pourquoi cette requête d’un droit d’ex- nous y travaillons tous avec beaucoup d’ardeur. Grâce tion de la démocratie représentative, aujourd’hui en crise
pression des peuples du monde à la tribune de l’ONU à la force de rassemblement pacifiste de plusieurs ONG d’ailleurs. C’est le citoyen qui délégue son pouvoir à celui Marie-Françoise Lamperti est présidente de l’asso-
peut rétablir un équilibre et être bénéfique pour tous. unies, nous avons obtenu des résultats pas seule- qui va le représenter. Celui qui est investi de ce pouvoir ciation Agir pour les droits de l’Homme (ADH). L’ADH est
Oui, vraiment ce projet de l’Ascop est excellent ! ment au niveau de la restitution des terres à ceux qui en ne gouverne pas pour gouverner. Ce n’est pas un sim- membre de l’Assemblée Consultative auprès du Con-
avaient été dépossédés mais bien au-delà de nos espé- ple rapport gouvernant / gouverné : il a des comptes à grès des Peuples (Ascop). Elle est actuellement manda-
LGE : Lors d’un entretien avec La Grande Epo- rances. Par exemple, lorsqu’en Inde nous avons lancé rendre. Un gouvernement doit être responsable et les tée par l’Ascop pour le suivi de ce projet.

Brèves d’espoir Avec l’agence d’informations Reporters d’Espoirs

SÉNÉGAL : UNE FERME PÉNITENTIAIRE POUR
AMÉLIORER LA CONDITION CARCÉRALE
En 2008, la population carcérale du Sénégal est
de 5.360 individus. Deux tiers des détenus ont moins
de 30 ans (source : ministère de le Justice du Séné-
gal, 2008). En 2007, l’association sénégalaise Ci-Biti
(« air libre ») relance l’exploitation agricole de la mai-
son de correction de Sébikotane pour améliorer les
conditions de vie et de nutrition des prisonniers et
pour leur fournir une formation agricole qui accroisse
leurs chances de réinsertion professionnelle. Les
champs plutôt que les cellules. Ci-Biti signe en
2004 un accord avec l’administration pénitentiaire
et prend en charge la formation des agents de sur-
veillance, qui peuvent ainsi s’occuper d’apprendre aux
détenus les bases pratiques de l’agronomie et la ges-
tion du travail agricole sur la base des techniques les
plus efficaces. En 2008, l’espace destiné aux cultures
est de 8 ha, contre 2 ha au départ. Les détenus sont
formé aussi à la mécanique pour constituer une nou-
velle source de revenus grâce à la location des maté-
riaux aux paysans des alentours. Un poulailler a été
construit en 2007 pour accueillir des poussins achetés
avec les revenus de l’activité agricole. Soins vétérinai-
res et frais de gestion de l’élevage sont entièrement
couverts par la ferme. En juin 2007 a été lancé un
élevage de bovins et en 2008, grâce aux gains déri-
vés de l’activité agricole et d’élevage, la direction a
entamé des travaux d’amélioration des dortoirs, des
cuisines et de l’infirmerie.
Pour en savoir plus: http://www.enda.sn
LA JEUNESSE BÉNINOISE À BONNE ÉCOLE
DANS LES MAISONS FAMILIALES RURALES
L’idée de Maisons familiales rurales (MFR) appa-
raît en France en 1937, quand des syndicalistes
paysans constatent que le système scolaire ne cor-
respond pas aux besoins de leurs enfants, amenés à
se tourner eux aussi vers l’agriculture. Le principe est
de mettre à disposition des communautés rurales un
outil éducatif et de formation dont elles sont responsa-
bles et qui favorise le développement des personnes,
des groupes et du territoire. Ce modèle est repris,
début 1990, par Joseph Loko, Béninois résidant en
France et membre de l’association France-Bénin en
Vendée, pour le transposer dans les zone rurales du
Bénin. La formation qu’elle propose fournie aux fils
et filles d’agriculteurs les connaissances dont ils ont
besoin pour être acteurs de leur propre développe-
ment et améliorer leurs conditions de vie par une aug-
mentation des rendements productifs et des revenus
annuels. La formation dure deux ans et se déroule
en alternance. Les élèves bénéficient également de
cours plus généraux. Des formations plus courtes,
destinées à des publics spécifiques comme les fem-
mes, sont également organisées. Le Bénin compte
trois maisons familiales rurales (à Sam, Kilibo et Abo-
mey). 665 jeunes et 635 adultes y ont été accueillis.
JACKPOT POUR LES ÉCO-RESTAURANTS
AMÉRICAINS
Si de nombreuses structures accompagnent les
restaurants dans la mise en place de pratiques envi-
ronnementales en Amérique du Nord, elles ont des
difficultés à toucher les restaurateurs issus des mino-
rités, qui ne parlent pas bien anglais et pour qui tous
les dispositifs existants restent obscurs. Depuis 1998,
l’association Thimmakka s’adresse à eux en particu-
lier et leur montre qu’adopter des pratiques environ-
nementales permet en outre de faire des économies.
C’est pourquoi, sûre de ses résultats, Thimmakka ne
se rémunère que grâce aux économies générées. Le
gaspillage d’énergie dans la restauration aux Etats-
Unis atteint 80 %. Et s’il existe des dispositifs pour
sensibiliser les professionnels de la restauration aux
principes de la performance environnementale, ils
s’adressent principalement aux grandes entreprises.
Or, aux Etats-Unis, 7 restaurants sur 10 emploient
moins de 20 salariés. L’objectif de Thimmakka est
donc d’intervenir auprès des petits restaurants et de
les accompagner dans la mise en place de démar-
ches environnementales. Pour cela, elle réalise un
diagnostic propre à chaque restaurant, en s’appuyant
sur une soixantaine de critères, définis par le pro-
gramme “Green business” de l’Association of bay
area government. Ils portent sur quatre domaines : les
déchets solides, l’eau, l’énergie et la pollution. Grâce
à cette analyse, Thimmakka propose au restaurateur
un certain nombre de pratiques, très simples à mettre
en place, meilleures pour l’environnement et généra-
trice d’économies. Et parce que les gestionnaires des
restaurants n’ont pas forcément beaucoup de temps
à consacrer à cette démarche, Ritu Primlani se rend
elle-même dans l’établissement pour aider à la mise
en place des nouvelles pratiques. Une attitude qui
permet à l’établissement concerné de recevoir le label
“Thimmakka certified green restaurant”, entre trois et
six mois après le diagnostic. Afin que l’établissement
n’ait pas à supporter les coûts de sa transformation,
l’activité d’audit et de conseil assurée par Thimmakka
est gratuite dans un premier temps. En accord avec
les restaurateurs, l’association se rémunère après
que les restaurants ont été labellisés, et ce grâce
aux économies générées : le restaurant paie Thim-
makka pendant deux ou trois ans, à hauteur de la
moitié des économies faites par an. Entre 2003 (date
de la première certification) et 2008, 120 restaurants
ont reçu le label « Thimmakka certified green restau-
rant ». Les pratiques qu’ils ont adoptées ont évité la
production de 19,4 milliers de tonnes de déchets soli-
des et de 426 tonnes de CO et ont économisé 40,9
millions de litres d’eau et 940.530 KwH d’électricité.
Au total, les économies faites par tous les restaurants
atteignent 1,4 M$. Au mois d’octobre 2008, l’équipe
de Thimmakka est composée de quatre permanents.
En 2007, le budget de l’association était de 190.000
US$ (65 % du budget est assuré par les prestations
de Thimmakka ; le reste provient de subventions). Le
budget 2008 devrait atteindre 2,4 M$.
Pour en savoir plus: www.thimmakka.org
UNE MÉTHODE ET UN LOGICIEL LIBRE POUR
MESURER LA QUALITÉ DE L’AIDE HUMANI-
TAIRE
On estime qu’il y a quelques centaines de mil-
liers d’ONG (Organisations non gouvernementales)
dans le monde. En France, le nombre de celles qui
« se déclarent humanitaires » est passé de 20.000
à 40.000 entre 2000 et 2006 et progresse de 10 %
par an (source : Philippe Ryfman, professeur au Cen-
tre de Recherches politiques de la Sorbonne, 2008).
L’évaluation de l’action humanitaire n’existe que
depuis les années 1990 quand les bailleurs se met-
tent à s’enquérir de la manière dont sont utilisés les
fonds et de leur impact sur les populations. En vue
d’optimiser la qualité du service rendu aux person-
nes affectées par les crises, le groupe URD (Urgence
réhabilitation développement), institut de réflexion et
d’évaluation pour l’action humanitaire) élabore une
méthode et un outil informatique à destination des
praticiens de l’humanitaire : selon la devise : « il ne
suffit pas de faire le bien pour le faire bien », l’objec-
tif est de prévenir les problèmes engendrés par les
interventions plutôt que de les corriger ou de les répa-
rer. Une approche globale de l’environnement qui pro-
pose 12 critères de qualité et innove sur deux points :
il oblige tout d’abord à penser tout projet humanitaire
dans une approche globale de l’environnement (géo-
politique, social, culturel); il établit ensuite une liste
systématique de « points critiques », activités ou fac-
teurs qui doivent être maîtrisés pour prévenir des ris-
ques identifiés ou éviter la ruine du projet (exemple :
« diagnostic » des besoins). En 2004, est conçu le
“Compas Dynamique”, logiciel qui permet de garder
la mémoire de tous les documents relatifs à un projet.
Ce logiciel est gratuit et « libre », ce qui rend possible
son évolution grâce à la participation active d’utilisa-
teurs et d’informaticiens développeurs.
Pour en savoir plus : www.compasqualite.org et
www.urd.org
CORÉE DU SUD : LE RECYCLAGE, C’EST DU
PIPEAU
À Séoul, capitale de la Corée du Sud, vivent 11
millions de personnes. En 2003, la production quoti-
dienne de déchets solides atteint 12.000 tonnes, soit
près de 1,1 kg par personne. 47 % de ces déchets
sont recyclés, 7 % sont incinérés et 46 % partent
pour la déchetterie de la ville. Celle-ci devant arri-
ver à saturation entre 2023 et 2030, la municipalité a
lancé en 2002 un programme visant à augmenter les
capacités de recyclage des déchets solides. Premier
objectif à atteindre en 2011 : recyclage de 60 % des
déchets et incinération de 24 % d’entre eux (source :
« Seoul’s experience in coproductive approach for
solid waste incineration », Seoul development insti-
tute, 2003). Noridan propose des ateliers de trois heu-
res au sein d’établissements scolaires, d’entreprises,
etc. Noridan ne travaille qu’à partir d’objets récupérés
ou recyclés. Elle se fournit pour cela auprès d’un chif-
fonier-ferrailleur en tuyaux plastique, roues de voitu-
res, bouteilles et pots en tous genres. Dans un atelier
de Noridan où travaillent en permanence des dessi-
nateurs et des architectes, ces objets sont ensuite
transformés en instruments de musique : marimbas,
vibraphones, tambours ou d’autres instruments jus-
que-là inexistants. Le budget annuel de Noridan est
de 1,7 milliards de wons (environ 1 M€). Il est assuré
par les ateliers (chaque atelier coûte à l’établissement
organisateur 2,5 millions de won, soit environ 1.500
€.), les spectacles et concerts et une subvention
annuelle du ministère du Travail (109 millions de won,
soit environ 6.500 €). Quant aux locaux de Haja, dans
lesquels est hébergée Noridan, ils sont prêtés par la
ville de Séoul, qui en paye également les charges.
Chaque année, l’entreprise Noridan organise 250 ate-
liers, qui réunissent à chaque fois entre vingt et trente
personnes. Elle se produit dans 300 concerts.
Pour en savoir plus: http://noridan.haja.net

NOUVEAU REGARD
WWW.LAGRANDEEPOQUE.COM
►Chronique d’un observateur du 7e
Ordre et lumière au cinéma
LE FILM de Philippe Garrel La frontière de
l’aube est une histoire banale d’amour : un
photographe fait des photos d’une star. Il
prend son métier avec conscience et tente
de faire de ses photos des œuvres d’arts. Il
ne voit que les contrastes de ses portraits,
et ne s’aperçoit pas tout de suite que son
sujet, la jeune star, est en train de tomber
amoureuse de lui. Tous deux vont vivre
une idylle profonde, mais le photographe,
plus professionnel, va glisser sur cette
vague. En ne prenant pas garde à la fragi-
lité de son amour pour lui, de passage, elle
va se suicider et reviendra régulièrement
hanter son amour lorsqu’il se regardera
dans un miroir. Philippe Garrel, dont la
spécialité est la forme plus que le fond, fait
des références au cinéma muet dont l’ima-
gerie profondément riche permettait de se
passer du son. Les films muets possèdent
un sixième sens que ne possèdent pas les
films sonores, souvent trop bavards, révé-
lant tout avant que l’image n’apparaisse.
Philippe Garrel possède déjà une direc-
tion grâce à ses précédents films comme
par exemple Les innocents de Bertolucci
où il taquinait sa sœur interprétée par Eva
Green, la fille de Marlène Jobert, et qui très
vite jouera dans le nouveau James Bond.
Elle se construit de l’intérieur et joue son
rôle de l’extérieur. Elle meurt très vite –
dans le film – et réapparaît après sa mort
dans le miroir. On peut penser un peu aux
expressionnistes allemands à M le Maudit.
Le système du miroir propre à Fritz Lang.
Laura Smet, en digne fille de sa mère
Nathalie Baye, essaye de trouver toute sa
fragilité, celle dans Une semaine de vacan-
ces de Bertrand Tavernier.
Avec ce film, Philippe Garrel renoue
avec les contes de l’enfance, ceux qui font
peur et qui pourtant existent dans notre
humble vie de tous les jours. Une réfé-
rence à son très beau film, Les baisers
de secours.
Instant terrestre www.instanterrestre.com
Au fil du temps
C’est au fil du temps que les progrès de notre civilisation se mesurent. Et c’est à l’homme, insatiable con-
quérant, qu’est revenu ce droit presque divin d’en modifier le cours. Mais que peut-il, lui le roseau pensant,
face aux forces de la nature. Depuis longtemps, le génie humain a érigé des vestiges comme le pont du
Gard en atteste. Pour le meilleur mais aussi pour le pire. Et comme tout un symbole, l’olivier séculaire veille
sur la paix des hommes et du temps.
La Grande Époque
UN REGARD NOUVEAU SUR UN MONDE EN ÉVOLUTION
LE WESTERN A MARQUÉ NOS
INCONSCIENTS D’ENFANT
Je constate que le western n’est pas
encore mort. Régulièrement, le genre le
plus américain reprend du service dans
nos consciences enfantines, puisque sou-
venons-nous des années 60 lorsque les
écrans étaient jonchés de western en tous
genres. Les indiens, les troupeaux volés,
les bandits, les attaques de diligence, les
saloons incendiés, la construction du che-
min de fer, la ruée vers l’or, tous les thè-
mes rivalisaient d’intensité pour faire venir
le spectateur. Tous les grands acteurs
sont bons : James Stewart, John Wayne,
Richard Widmark, Gary Cooper.
Là l’acteur Richard Harris rêvait de faire
un western où il jouerait une sorte de Billy
the Kid accompagné d’un adjoint pour réta-
blir l’ordre dans des contrées pourries par
le banditisme. Il faut signaler que le film est
le fruit de l’adaptation du roman de Robert
B. Parker paru en 2005 ; le projet solide-
ment écrit avec Robert Knott va pouvoir se
réaliser mais Richard Harris cherche ses
acteurs. Ils lui viennent assez rapidement
à l’esprit : il choisit d’abord Viggo Mor-
tensen, l’acteur de David Cronenberg et
Renée Zellweger. Pour le rôle du méchant,
il trouve Jeremy Irons. Ed Harris n’a pas
l’intention de révolutionner le genre wes-
tern dont il veut respecter, pour être cré-
dible, les codes. Il ne veut pas prendre le
chemin de Clint Eastwood comme dans
Impitoyable mais de se rapprocher de Fred
Zinnemann et de son Train sifflera trois fois
avec Gary Cooper et Grace Kelly. Les per-
sonnages cherchent à vendre leur effica-
cité, mille fois prouvée pour rétablir l’ordre
dans une petite ville inconnue et semble-t-
il inventé Appaloosa, les retournements, le
suspens vont détourner le film sur le vrai
sujet qui est le couple : comment peut-il
s’établir lorsque la mort rode toujours ?
Son adjoint, après avoir livré quantité
Texte et photo de Stéphane Cabaret
EpochTimes.com
de batailles, va comprendre que son ami
a trouvé une femme et qu’après avoir été
blessé assez gravement à la jambe, son
ambition est de s’établir avec celle qu’il
aime. Il doit donc partir car il ne pourrait
désormais plus rien pour lui.
ÉDITION 142
16 – 31 OCTOBRE 2008 • BIMENSUEL
femme (Vivien Merchant) et plus qu’une
intuition féminine pour guider son enquê-
teur de mari, qui au contact de la nour-
riture de sa femme qui prend des cours
de cuisine, perd toute crédibilité dans ses
enquêtes. Rusk se sent tellement insoup-
çonnable qu’il assassine sans cesse. Et
cela amène toujours de l’eau au moulin
de la police. Persuadé de sa culpabilité,
il est jugé coupable dans un procès, pres-
que confirmé lorsqu’un nouvel assassinat
est découvert…
En 1972, Frenzy d’Hitchcock sort à
Paris. Je le vois, je suis impressionné
comme pour tous ses autres films. Je
me rends à Londres dans un petit mar-
ché pour faire quelques achats et j’y croise
Barry Foster (Bob Rusk). J’ai cru qu’il allait
me tuer avec sa cravate. Il a souri et m’a
confié qu’il ne ferait pas cela devant tout le
monde, mais que si je voulais prendre ren-
dez vous avec lui, il serait très discret… Il
avait appris cela avec Hitchcock et depuis,
il pouvait tuer en toute discrétion et tran-
quillité !
FAIRE RESSORTIR LE TALENT DES
PEINTRES
Séraphine de Martin Provost, de la caté-
gorie des films de peinture, attire tous les
spectateurs. Les meilleurs d’entre ces
films traitent de l’aspect psychologique qui
a amené les peintres à leur personnalité et
par conséquent à leur talent propre. Jac-
ques Dutronc dans le film de Pialat jouait
Van Gogh, le personnage habillait les cou-
leurs de ses tableaux de ses regards et
ainsi le cinéaste obtenait-il des contrastes
dignes des peintres qu’il voulait reproduire
dans son film. Jacques Rivette avec La
L’INTUITION FÉMININE COMME belle noiseuse, qui décrit le corps esthéti-
GUIDE que et pictural d’Emmanuelle Béart, prend
Le film est beau esthétiquement. Quant le pas sur le savoir-faire du peintre. Son
regard prime sur le savoir-faire.
Revoir Frenzy Yolande Moreau, l’interprète de Séra-
phine, est tout imbibée de son personnage
comme le sont ses pinceaux de la pein-
(1972) d’Alfred
Hitchcock, et
ture qu’elle fabrique elle-même et dont elle
garde jalousement le secret. Séraphine
est une bonne à tout faire traitée comme
un chien. Le soir, elle peint pour revivre et
dans une copie renaître des « cendres du mépris ». Ses
tableaux évoquent la vie et notre cœur est
neuve, est un tiraillé par autant de sensibilité et de ségré-
gation entre être humains dont les profon-
plaisir, au cinéma deurs passent à la trappe souvent jusqu’à
la mort.
Grand Action. Le L’EXPRESSION TALENTUEUSE DE
film est toujours WOODY ALLEN
Il va de soit que le film doit être vu, sous
peine d’extension de l’ignorance d’autrui et
aussi prenant et évidemment de nous-même.
Woody Allen ne peut pas être traité
efficace. rapidement. Je parlerai de son itinéraire la
prochaine fois. Cependant, je peux tout de
à son intrigue, elle est prenante du fait des même être extasié par le renouvellement
multiples pistes que suit adroitement le de l’artiste avec son nouveau film Vicky
metteur en scène Ed Harris. Cristina Barcelona. Anny Hall (1977) sem-
Revoir Frenzy (1972) d’Alfred Hitchcock, ble très loin. Avec La Rose pourpre du
et dans une copie neuve, est un plaisir, au Caire, il avait montré que le sens peut aller
cinéma Grand Action. Le film est toujours avec les personnages. Il fallait être res-
aussi prenant et efficace. Covent Garden pectueux avec les acteurs qui continuent
était un haut lieu de la danse ou de l’opéra. à jouer sur les bobines. Tous les genres
C’est devenu un marché où des cageots défilent dans la carrière de Woody Allen.
s’entassent et se vendent au plus offrant. Là deux jeunes femmes américaines par-
Hithcock a voulu montrer toute la voracité tent à Barcelone pour découvrir un autre
de ce monde où les honnêtes gens se con- monde que le leur. L’une Christina (Scar-
fondent avec les criminels qui prennent du lett Johansson) cherche l’amour, le ren-
plaisir à inquiéter les habitants. La police contre, alors que l’autre, Vicky (Rebecca
est déroutée par une suite de crimes avec Hall) prépare une thèse sur Barcelone.
une cravatte. Est-ce de la moquerie ou une Ensemble, elles rencontrent un peintre,
provocation pour mettre en échec à la fois
la police et l’élégance… ?
Richard Blaney (Jon Finch) n’a pas de
Juan Antonio (Javier Bardem), séducteur
très riche qui les emmène chez lui. Son
ex-femme Maria Elena (Penelope Cruz)
chance. Il est toujours entouré de gens entre en jeu et tente de se suicider car
peu recommandables, dont Robert Rusk, la passion pour Antonio l’habite toujours.
l’assassin dont on sait tout dès le début du Des couples vont se former. Les amours
film. L’attente est ailleurs, dans l’attitude varient, nous dit Allen selon les humeurs,
des victimes de Rusk. Les accusés injus- les saisons, et les circonstances. Mais
tement de ses crimes. j’y reviendrai car Woody Allen est un
L’inspecteur Oxford qui est en charge cinéaste fondamental.
de l’enquête a la chance inouïe d’avoir une ALAIN PENSO
10 Environnement www.lagrandeepoque.com 16 – 31 OCTOBRE 2008 ● La Grande Époque

Le Mont-Saint-Michel, une baie nourricière, lieu de biodiversité

Si le Mont-Saint-Michel est
célèbre pour son patrimoine
historique, il n’y a pour la baie
aucune équivalence écologi-
que dans le monde. Elle est un
ensemble de vase, de sable et
de marais soumis à des mou-
vements naturels d’une telle
amplitude que la vie s’y abri-
tant est d’une incroyable diver-
sité. Elle est à la fois l’abri
d’espèces variées et un espace
de nurserie. Des coquillages,
des oiseaux, des poissons et
des mammifères y vivent pai-
siblement. Ce lieu est aussi
l’équilibre parfait d’une chaîne
alimentaire qui bénéficie des
ressources uniques de cet envi-
ronnement.
LA COMMUNE du Mont-Saint-Michel est
normande. Par contre, la baie se déploie
jusqu’à Cancale, ville du littoral breton.
La rivière du Couesnon trace la limite
entre la Bretagne et la Normandie. Ce
lieu est unique puisque les marées sont
parmi les plus puissantes du monde, les
vagues atteignant jusqu’à 15 mètres aux
marées d’équinoxe. La baie du Mont-
Saint-Michel découvre des dizaines de
milliers d’hectares de grèves, de vasiè-
res et de bancs de sable, sur une éten-
due de 250 km². Elle est répertoriée
comme étant le plus beau modèle de
sédimentation au monde. Ce golfe est
varié car il est constitué de dunes, de
prés salés, de prairies humides, de falai-
ses et d’îles rocheuses.
Classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1979, la baie du Mont-Saint-Michel forme une frontière
naturelle entre la Bretagne et la Normandie. Ecrin somptueux, elle abrite la « pyramide merveilleuse » du
site historique qui en est indissociable et contribue à sa mise en valeur.
LES OISEAUX DE LA BAIE
Les marais s’étirent à perte de vue
et abritent une quantité d’oiseaux con-
sidérable comme l’avocette élégante,
gracieux échassier qui se nourrit de
petits invertébrés. La baie accueille
aussi régulièrement plus de 20.000
oiseaux d’eau et 100.000 échassiers
y hivernent. On y rencontre le bécas-
seau variable, l’huîtrier pie, le pluvier
argenté... Le Groupe Ornithologique
Normand (GONm) a observé les migra-
tions sur les côtes occidentales du
Cotentin. Les oiseaux traversent cette
péninsule d’est en ouest, en franchis-
sant la baie du Mont-Saint-Michel.
Selon la LPO, ce sont plus de 200
espèces d’oiseaux qui ont été obser-
vées à Carolles (les falaises dominant
la partie orientale de la baie du Mont-
saint-Michel.) Les quantités d’oiseaux
migrateurs qui circulent chaque année
Sean Gallup/Getty Images
dans la baie se situent entre 500.000 et
un million d’individus.
LES MAMMIFÈRES MARINS, LES MASSIFS
D’HERMELLES
La baie accueille de grands mammi-
fères marins tels que le grand dauphin
et le phoque veau marin. L’estran abrite
également des massifs d’hermelles, qui
sont des formations originales dues à
des vers « constructeurs », parmi les
plus importantes d’Europe. Les massifs
d’hermelles sont appelés localement « le
crassier ». Ce récif constitue l’un des
plus beaux joyaux du patrimoine naturel
de la baie du Mont-Saint-Michel. D’autre
part, elle est un lieu de passage impor-
tant pour les saumons et une zone de
développement favorable pour de nom-
breux poissons plats.
PRAIRIES, PRÉS SALÉS, PLANTES PRO-
TEGÉES
C’est un des rares sites français abri-
tant l’obione pédonculée, une des plus
intéressantes espèces herbacées des
prairies salées européennes. Elle appar-
tient à la famille des chénopodiacées,
tout comme la salicorne, les arroches,
la bette maritime. Elle partage avec ces
plantes un goût pour les terrains salés.
Elle s’installe en limite de la ligne des
marées hautes, au fond des estuai-
res, des baies ou de pannes dunaires
ouvertes à la marée. L’espèce est pro-
tégée sur la totalité du territoire français
depuis 1982.
L’agneau prés-salés, très célèbre, est
réputé dans la baie pour son goût fin. Le
nom vient de l’herbu des grèves où pâtu-
rent les moutons en pleine liberté. Ils
broutent une végétation parfumée com-
posée de plantes halophiles (nourries au
sel). Dans la baie du Mont-Saint-Michel,
le pacage des herbus est une pratique
très ancienne et des documents attes-
tent qu’au XIe siècle, les moines de l’ab-
baye possédaient un droit de brebiage
leur permettant de choisir la meilleure
brebis de chaque exploitation. Les mou-
tons de la baie constituent une race
ovine typique nommée Grévine.
HÉLOÏSE ROC
Source : www.ecologie.gouv.fr

L’acidité des mers menace les écosystèmes

LE MUSÉE océanographique de Monaco a accueilli,
la semaine du 9 octobre, des scientifiques du monde
entier pour un symposium sur l’acidification des
mers. Les intervenants ont conclu que l’acidification
des océans s’est accélérée et qu’elle a augmenté
de 30 % depuis le début de l’ère industrielle. Ils ont
estimé que la pollution des mers est une menace
pour les écosystèmes et de fait les moyens de sub-
sistance de milliers de personnes dans le monde
sont en danger. Ainsi le président du symposium
James Orr a déclaré dans un communiqué adressé à
l’ONU : « Nos océans sont malades. Nous ne savons
pas exactement à quel point, mais il existe désormais
assez de preuves à nos yeux pour affirmer que la chi-
mie des océans se modifie, ce qui va affecter certains
organismes marins et que les décideurs doivent réa-
gir et prendre en compte ce phénomène ».
L’OCÉAN INGÈRE PRÈS DE HUIT MILLIARDS DE TONNES
DE CO2 PAR AN
Ce regroupement soutenu par le Prince Albert II
de Monaco fut organisé par la Commission océa-
nographique intergouvernementale de l’UNESCO.
250 scientifiques venant de 32 pays différents y ont
participé ainsi que d’autres partenaires. Pour les
chercheurs, il est important de connaître la quantité
limitable de CO2 absorbé par les océans, et quelle
est la capacité d’assimilation extrême des mers avant
d’assister à la mort des vies qu’elles contiennent.
Aujourd’hui, l’océan ingère près de huit milliards de
tonnes de CO2 par an qui, sinon, demeureraient dans
l’atmosphère. Si ce phénomène est d’une importance
capitale sur la diminution du réchauffement climati-
que, il peut inquiéter car il pollue l’océan.
LA MER AUSTRALE CORROSIVE POUR LES COQUILLES
DES ESCARGOTS DE MER
En effet, James Orr, président du colloque expli-
que : « Les travaux de recherche publiés indiquent
que d’ici à 2030, la mer australe commencera à
devenir corrosive pour les coquilles des escargots
de mer évoluant à la surface des eaux. Ces mol-
lusques représentent une source importante de
nourriture pour les saumons du Pacifique. Si leur
nombre diminue ou s’ils disparaissent dans certai-
nes régions, comme le Pacifique Nord, qu’advien-
dra-t-il du saumon – et de l’industrie de la pêche
du saumon ? Et que se passera-t-il si l’acidifica-
tion affecte de plus en plus les récifs coralliens qui
abritent un quart des poissons dans le monde, au
moins pendant une partie de leur vie, et qui génè-
rent une industrie touristique de plusieurs milliards
de dollars ? ».
LE CNRS ET LES MENACES POUR LES CORAUX, LES
OURSINS, ETC.
Une équipe de recherche du CNRS avait déjà
exprimé cette menace le 29 septembre 2005, disant :
« Toute la vie marine est menacée par l’acidification
des mers, les coraux et tout particulièrement ceux
baignés dans les eaux froides, comme l’océan Atlan-
tique Nord, qui devraient se dissoudre en premier. Si
leur squelette de carbonate de calcium est indispen-
sable pour leur propre développement, celui-ci four-
nit également l’habitat aux poissons hauturiers, aux
anguilles, aux crabes, aux oursins... le squelette
externe de ces derniers étant aussi menacé directe-
ment par l’acidification ».
Hassan Ammar/Getty images
L’acidification de l’océan pourrait être un
phénomène auquel les coraux auront
plus de mal à s’adapter. Elle affecterait
les coraux de l’ensemble de la planète.
Ceux qui baignent dans les eaux froides
de l’océan Atlantique Nord, devraient se
dissoudre en premier.
LE CARBONATE DE CALCIUM ESSENTIEL DANS LA
NATURE
En mai 2008, l’équipe de recherche EPOCA avait
commenté : la dissolution du CO2 dans l’eau de mer
entraîne la formation d’acide carbonique. Celle-ci,
associée à une diminution du pH (mesure de l’aci-
dité), est appelée acidification de l’océan. Ce phé-
nomène risque de se poursuivre pour atteindre des
valeurs de pH qui n’ont pas été observées depuis au
moins 20 millions d’années. Le carbonate de calcium
est l’une des substances les plus importantes dans
la nature, étant donné son rôle dans la formation des
arêtes, des coquilles et des récifs coralliens.
Les facteurs environnementaux, tels que la tempé-
rature et le pH (acidité), influencent la capacité des
organismes marins à former le carbonate de calcium.
À l’heure actuelle, la hausse des concentrations en
CO2 (dioxyde de carbone) augmente l’acidité des
océans, et les prévisions en matière de changement
climatique montrent que les températures des océans
sont susceptibles d’augmenter au cours des décen-
nies à venir.
POSSIBILITÉ D’INVERSER LA TENDANCE
Les scientifiques présents à la conférence de
Monaco ont estimé l’importance d’observer et de com-
prendre l’impact du phénomène d’acidification actuel.
Ils ont également insisté sur le fait que la réduction des
émissions de carbone sera le seul chemin capable de
stabiliser et de modifier le processus d’acidification. Et
malgré les lenteurs de nombreux gouvernements, il est
possible d’inverser le phénomène à un coût abordable.
Par ailleurs, Hermann Held, de l’Institut de recherche
de Potsdam, a déclaré à l’assemblée que d’ici un siè-
cle, le prix de la suppression des émissions de carbone
serait inférieur à 1,5 % du PIB mondial.
H. R.

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5 6 7
6 4 5
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1 6 5 4 8 7
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Solution
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La Grande Époque ● 16 – 31 OCTOBRE 2008 www.lagrandeepoque.com Rencontre 11

« Y’a pas de p’tits nains qui viendront t’aider »

La Grande Époque a recueilli
les propos de Sara Shilo,
romancière faisant partie de
ceux qui créent la littérature
israélienne contemporaine. Elle
nous parle de son livre, du pro-
cessus d’écriture, de la fémi-
nité et de la vie en Israël. Sara
Shilo habite en Galilée, une
région qui a subi de nombreu-
ses attaques terroristes dans
les années 70 et bombardée
depuis des bases du Hezbollah
situées au sud Liban jusqu’à
aujourd’hui.
CETTE ATMOSPHÈRE de la vie quoti-
dienne, sous la constante menace d’un
bombardement ou d’une attaque, est au
coeur du livre de Sara Shilo. Y a pas de
p’tits nains qui viendront t’aider est la
traduction non-officielle du titre origi-
nal Shoum Gamadim lo yavou du pre-
mier ouvrage pour adulte de cet auteur
en vogue.
Mais le livre de Shilo qui a reçu plu-
sieurs prix importants en Israël et qui est
déjà à la base d’une pièce de théâtre
produite par le théâtre du Kameri à Tel-
Aviv, n’est pas facile à cataloguer.
L’auteur décrit la vie d’une famille
défavorisée dans une petite ville en
développement sous les bombarde-
ments au nord du pays. Les membres
de la famille sont dispersés hors de la
maison et chacun croit que le reste de la
famille est dans l’abri souterrain du quar-
tier. Chacun des protagonistes attend
la chute du missile dans un endroit dif-
férent, essayant de résoudre à la fois
sa propre peur et son inquiétude pour
les autres. En toile de fond et omnipré-
sente, la mort subite de la figure pater-
nelle quelques années auparavant ainsi
que les empreintes que sa disparition a
laissées.
Comment résoudre ou plutôt récon-
cilier la menace collective avec le deuil
personnel ? C’est l’une des questions
récurantes du livre. Cinq personnages,
donc cinq voix différentes, cinq regis-
tres, avec un style d’écriture différent
pour décrire l’univers de chaque person-
nage et rendre sa vision du monde.
C’est aussi l’histoire d’une femme
qui tente de se libérer du fantôme de
son mari décédé depuis déjà six ans ;
c’est l’histoire de ces deux frères ado-
lescents qui se forgent envers et contre
tout une identité ; celle d’un fils oppor-
tuniste qui veut simplement améliorer la
vie de sa famille ; et enfin d’une fille qui,
elle, est poète.
Mais c’est aussi et surtout l’histoire de
toute une population qui, peu chanceuse,
est susceptible – du fait de sa soufrance
et de sa propre peur – d’être entraînée
Sara Shilo.
à haïr l’autre. Le livre qui a déjà été tra-
duit en italien et en anglais est en cours
de traduction en allemand mais n’a pas
encore trouvé de maison d’édition pour
être traduit en français.
La Grande Époque : Vous avez qua-
tre enfants plus deux filles que vous
avez accueillies chez vous alors
qu’elles se trouvaient en difficulté.
Est-ce qu’écrire a été pour vous une
décision ? Et comment avez-vous pu
écrire avec la charge d’une famille
aussi nombreuse ?
S. Shilo : C’est vrai qu’être à la fois
parent et écrivain exige qu’on donne
beaucoup de soi. La lutte avec le côté
maternel est très dure. Quand on a des
enfants, il faut être disponible à chaque
instant, à l’écoute de leurs demandes et
puis tout d’un coup il y a autre chose qui
exige cette disponibilité. Pendant des
années j’ai senti que l’écriture contre-
disait la famille. L’écriture, c’est quel-
que chose qui veut avoir tout pour elle,
ça ne veut pas être en interaction avec
autre chose. C’est une occupation très
égocentrique. Je ne lui avais jamais
laissé la moindre place avant mes qua-
rante ans. Et même maintenant, j’écris
à quatre heures du matin ou en voya-
geant. Souvent je pouvais sentir des
personnages et des scènes naître en
moi. Parfois c’était capricieux. Le per-
sonnage de la mère, Simona, a été écrit
durant une semaine très intensive dans
mon petit bureau, au grenier. Je me sou-
viens que quand je suis rentrée dans la
cuisine après cette semaine, j’ai trouvé
les légumes dans le frigo complètement
pourris. C’était clair que j’étais absente.
Mais la plupart du temps, l’inspiration
venait petit à petit. Le personnage de
Kobi, je l’ai senti comme une bulle fra-
gile qu’il faut tout de suite écrire avant
qu’elle ne disparaisse. Effectivement
j’ai eu des moments difficiles quand il
me fallait être à l’écoute de mes enfants
alors que je commençais juste à sentir
un épisode ou un personnage naître en
moi et que je devais tout de suite le met-
tre sur papier. En même temps, j’ai senti
que le processus de la création allait très
bien avec la maison. Il y a toujours quel-
que chose qui s’y passe. Il y a une sépa-
ration qui fait qu’on a une vie extérieure
et une vie intérieure. Et la vie intérieure
est une vie à part entière. Ce qui m’a
motivé pourtant ce n’était pas de racon-
ter ma propre vie mais d’être quelqu’un
d’autre et de comprendre l’« autreté » de
cet autre. J’ai cherché des moyens pour
devenir l’autre tout en étant contrainte
de rester moi. C’était ça le voyage. En
même temps mon comportement de
femme mariée et de mère de famille dif-
fère complètement de celui de la céliba-
taire que je suis quand je me retrouve
dans la solitude. On peut dire que dans
la solitude, il y a plus de place pour le
Eyal Tsadik
silence que pour la parole. En famille ton
silence se remplit tout de suite avec la
parole des autres, avec leur questions,
etc. J’ai un silence très animé... Mainte-
nant je sens que ça recommence, que je
veux ça. Ce qui veut dire qu’on ne sait
pas encore ce qu’elle [l’écriture] va exi-
ger mais que de toute façon, on donnera
tout sans négocier.»
LGE : J’ai beaucoup aimé l’histoire
de la femme-poulpe racontée par la
jeune fille...
S. Shilo : L’histoire de la femme-
poulpe est une sorte de solution mysti-
que qui permet à la mère de redevenir
femme. Les petits enfants narrent cette
histoire pendant que la mère est allon-
gée à l’intérieur des buts d’un terrain
de football en attendant que tombe la
Katiousha. La vie a fait qu’elle est deve-
nue comme un poulpe à huit bras. En fait,
c’est l’histoire d’une femme très belle qui
vend sa beauté à une sorcière pour avoir
plus de bras et pouvoir assumer les trop
nombreuses tâches ménagères qui lui
incombent. À force de vendre ses atouts
un à un, à la fin il ne lui reste que son
bon coeur à donner à la sorcière. Et lors-
que celle-ci le prend, elle devient sou-
dainement gentille et rend à la femme
sa beauté. Je crois que chaque femme
a une sorte de sorcière qui lui prend ses
qualités pour la rendre plus pratique ou
pragmatique. Mais toutes ces qualités ne
sont pas perdues, elles sont conservées
quelque part et on peut toujours les récu-
pérer. Maintenant, quand j’y réfléchis, je
pense que ça doit être ça. Je pense que
c’est vrai pour moi aussi. Pendant des
années je ne me suis plus acheté de dis-
que, j’écoutais la musique des enfants,
j’ai oublié complètement ce que moi j’ai
aimé, mais en effet ça existe toujours et
on peut le retrouver.
LGE : Vous dites que c’est
l’ « autreté » qui vous intéresse et
d’ailleurs on pourrait croire que les
personnages des deux adolescents
ont été écrits par un homme, par quel-
qu’un qui a réellement vécu ces cho-
ses et eu ce genre de pensées...
S. Shilo : Oui, depuis ma jeunesse je
me suis sentie très proche de ce côté
masculin. J’ai pu sentir ce que ces gar-
çons ressentent eux-mêmes, à travers
le langage. Itsik (un de mes enfants)
dit toujours : ‘tu comprends ce que je
te dis ?’. J’ai répété et répété cette
phrase et à force de la répéter j’ai res-
senti ce que ça veut dire quand on veut
être compris et aussi ce que c’est que
la méfiance. Par ailleurs, c’est changer
l’équilibre en moi. Par exemple je suis
très sensible à l’ouïe, donc j’ai décidé de
me forcer à me servir plus de mes yeux
et à observer, et ainsi d’inverser l’équili-
bre. Pour devenir le personnage de Kobi,
par exemple, moi, j’aime tout de suite
raconter ce que je suis en train de vivre,
je trouve que c’est une qualité féminine.
Là, pour le personnage de Kobi, j’ai
décidé d’entreprendre le silence sélec-
tif qui le caractérise dans ma propre rou-
tine, d’avoir le choix et de décider quand
dévoiler les choses. Tout d’un coup, j’ai
pu sentir la douceur de ce que j’avais
toujours détesté chez les hommes : le
silence sélectif.
LGE : Vous habitez dans un quar-
tier aisé. Pourtant, vous avez choisi
comme cadre pour l’histoire une ville
défavorisée, pourquoi ?
S. Shilo : Je suis d’une famille d’ori-
gine orientale. J’ai été victime du
racisme. C’est peut-être pour cette rai-
son d’ailleurs que j’ai choisi de m’instal-
ler dans une ville en développement où
j’ai vécu pendant 15 ans. Je tiens à réfu-
ter la réputation qu’on fait aux gens qui
habitent des villes défavorisées. C’est
ce qui est à la base de leur déshumani-
sation. On ne les traite pas comme des
individus, mais on fait des généralités
comme si tout le monde avait peur des
katioucha ou souffrait du manque d’ar-
gent. Je tenais à montrer aussi que ces
gens, malgré la pauvreté de leur lan-
gage, pouvaient être des peintres, des
poètes, des philosophes. C’est juste
qu’ils n’ont jamais eu la chance de réali-
ser leur potentiel.
Lire la suite page 16

La Grande Époque EpochTimes.com

À New York en 2000, de jeunes doctorants d’origine chinoise

achètent un journal local du New Jersey dans l’ambition de trai-
ter le plus objectivement possible l’actualité chinoise. Le journal
Da Ji Yuan (La Grande Époque) est né.
Sept ans plus tard, La Grande Époque est diffusée en 18
langues dans plus de 30 pays. Elle est distribuée dans des
villes telles que Toronto, Taipei, San Francisco, New York,
Buenos Aires, Lima, Sydney, Hong Kong, Tokyo, Berlin,
Londres…
Paris a vu naître en janvier 2005 sa version en langue
française également disponible à Genève, Bruxelles et
Montréal.
La Grande Époque offre un « regard nouveau sur un
monde en évolution ». Créée avec la volonté de promouvoir
la diversité des points de vue et l’indépendance d’informa-
tion, La Grande Époque est aujourd’hui l’une des premières
sources d’information indépendante sur la Chine.
Avec des journalistes présents dans une trentaine de
pays, La Grande Époque propose également à ses lecteurs
un contenu éditorial riche et varié. Actualité internationale,
protection des droits humains, de l’environnement et de la
diversité culturelle, art de vivre et bien-être sont autant de
thèmes qui font la spécificité de cette publication.
12 Santé et Bien-être www.lagrandeepoque.com 16 – 31 OCTOBRE 2008 ● La Grande Époque

Bébé massé, bébé comblé

Masser son bébé est une pra-
tique qui vient de la nuit des
temps. Si nos civilisations l’ont
oubliée, d’autres la pratiquent
couramment. Le toucher est un
sens particulièrement développé
chez le nourrisson. Le massage
lui permet de prendre cons-
cience de son corps et de l’ap-
précier. L’échange qui se noue
entre le parent et l’enfant au
moment du massage augmente
la confiance, la tendresse et la
connaissance de l’autre. C’est
un moment privilégié qui donne
une belle place aux papas.
LE MASSAGE DANS LE MONDE
Les Chinois et les Japonais massent
leur bébé et leur enfant pour prévenir
les maladies courantes comme le rhume
ou des maux de ventre. Selon la méde-
cine chinoise, le corps possède des cir-
cuits énergétiques parallèles au système
sanguin que l’on appelle les méridiens.
Lorsqu’un circuit se bloque, la maladie
apparaît. Les massages chinois permet-
tent de stimuler le système énergétique
en tenant compte également de l’alimen-
tation et de l’équilibre entre le yin et yang.
En Afrique, la technique du massage
se transmet de mère en fille. Les mamans
massent leur bébé pour le stimuler et dif-
férencient les filles des garçons par des
massages spécifiques. Ils sont censés
éveiller l’enfant et développer les par-
ties du corps dont il aura le plus besoin,
comme les jambes pour un garçon.
Les massages hindous pour bébé,
appelés également Shantala, sont basés
sur la médecine ayurvédique. Ils sont
vigoureux et apportent des bienfaits au
bébé tout en développant la communica-
tion du regard, du toucher et de la voix.
Les massages suédois stimulent le
système sanguin, ce qui a pour effet
d’accroître les défenses immunitaires. Ils
favorisent la croissance, calment, décon-
tractent et développent positivement le
doit toujours être un moment agréable
pour bébé. Il faut trouver un moment tran-
quille, sans musique ni bruit pour le mas-
ser. On lui parle, on lui demande s’il veut
être massé, on lui explique ce qu’on fait.
Quand il manifeste une impatience, c’est
le moment d’arrêter même si le massage
n’est pas terminé ».
Elle conseille de débuter les massa-
ges avant le 8e mois. Les bébés plus âgés
sont en pleine découverte. Ils ont donc
beaucoup plus de peine à rester tranquille
et apprécier le massage passivement. Ce
n’est pourtant pas un frein, le massage
peut se pratiquer à tout âge, jusqu’à l’ado-
lescence et même plus tard si l’enfant le
souhaite. Elle utilise l’huile de pépin de
raisin car le bébé peut l’ingurgiter et que
c’est une huile hypoallergénique. L’impor-
tant pour l’huile étant qu’elle ne contienne
pas de colorant, de parfum et autre additif
- surtout pour les nouveaux-nés.
Carine Dejussel conseille de faire le
massage à bébé quand il n’a pas faim,
après la digestion. De même, il est préfé-
rable d’éviter le massage quand il est fati-
gué ou excité. Les mamans suivant ces
cours disent masser leur bébé principale-
ment avant et après le bain ou le matin.
Toutes reconnaissent que leur bébé dort
mieux et est plus tranquille depuis qu’el-
La Grande Époque les le massent.
Certains bébés n’aiment pas être posés sur le ventre. Alors, pour qu’ils se sentent à l’aise, quand on leur Certaines ont initié le papa. Un mari
masse le dos, on peut les tenir sur les genoux. sera vraiment heureux lui aussi de parta-
ger ce moment d’intimité avec l’enfant, et
trouvera cette place privilégiée dans la tri-
psychisme du bébé. larisé cette méthode après en avoir vu le mer pleinement. Cela ne l’empêche pas nité mère-père-enfant.
D’autres peuples ont aussi leur tradi- résultat sur son bébé. C’est un mélange d’avoir des sentiments, un ressenti, des CATHERINE KELLER
tion car le massage est universel. De tout de massage hindou, suédois, de yoga et souhaits, un caractère… En tant que nou- LA GRANDE ÉPOQUE
temps, l’homme en a fait bon usage pour de réflexologie. veau-né, l’être humain doit prendre cons- GENÈVE
la santé du nourisson. Il n’a pas de but thérapeutique mais cience de son corps et le sens du toucher
il permet d’améliorer le confort de bébé est très développé. Si un bébé pleure Pour en savoir plus
LE MASSAGE POUR BÉBÉ et de le relaxer. Il l’aide à prendre cons- beaucoup, c’est qu’il souffre beaucoup. L’association de massage pour bébé
AUJOURD’HUI cience de son corps positivement. Cer- Il a faim, soif, froid, chaud, ou bien il est (IAIM) existe dans plus de 40 pays sur
Il existe donc différents massages tains petits maux sont soulagés grâce aux sale, fatigué, il a mal et ne peut l’exprimer tous les continents :
pour bébé mais ils demandent de bon- massages mais ceux-ci ne remplaceront que pas des pleurs. en France : www.massage-bebe.asso.fr
nes connaissances. Pour un parent dési- pas les soins médicaux traditionnels. Le massage va stimuler et renforcer le en Suisse www.ch.iaim.net
reux d’offrir à son enfant les bienfaits du Un bébé est un être à part entière. Il bébé, soulager ses tensions et ses malai- au Québec http://www3.sympatico.ca/
massage, il existe un peu partout dans lui faudra encore de nombreuses années ses comme le mal de dents et les coliques. lefebvre.dugre/fl/
le monde des formatrices qui l’ensei- pour que son corps soit totalement déve- Le bébé dort alors mieux et pleure moins. en Belgique http://www.abmbb.be/
gnent aux parents. Exemple d’une nou- loppé. Ce n’est que vers 18-20 ans que Carine Dejussel est maman de deux accueil_fr.php
velle méthode à la mode, celle de Vimala son cerveau aura terminé les dernières enfants et transmet le savoir du massage
Mc Clure, vivant en Californie, qui a popu- connections qui lui permettront de s’expri- à Genève. Elle explique : « Le massage Carine Dejussel : www.massagebebe.ch

Comment aider un adolescent au bord du suicide 1 partie e

CHAQUE année, environ 4 % des filles et
3 % des garçons font une tentative de sui-
cide, ce qui représente un adolescent par
classe. Pourquoi ?
Le professeur Marcelin¹ explique : « Le
suicide est un langage moderne, le lan-
gage de l’action. Le jeune dit par là : je
veux vivre mais autrement, je ne suis pas
satisfait avec ma vie. Si le jeune n’est pas
pris en charge après sa tentative et que
rien de change dans sa vie, il est probable
qu’il fasse une nouvelle tentative. »
Le professeur Marcelin pense aussi
que c’est parce que dans notre culture,
nous considérons que notre corps nous
appartient, que le taux de suicide a monté
en flèche ces dernières années. « On
éduque nos enfants en leur disant que
leur corps leur appartient et qu’ils sont
seuls maîtres de leur corps. Au moment
de l’adolescence, le jeune considère alors
son corps comme un objet de transac-
tion : il pense qu’il est entièrement pos-
sesseur de sa vie, il en fait donc ce qu’il
veut. C’est une contradiction de notre
société et ce n’est pas par hasard que
les églises sont une protection contre le
suicide. Cela ne veut pas dire qu’on doit
passer ses dimanches à la messe mais
c’est un sujet de réflexion. »
L’adolescence est une période particu-
lièrement délicate en ce sens que c’est
une métamorphose complète par laquelle
l’être doit passer pour devenir adulte. Cela
peut provoquer de la peur, des angois-
ses, un mal-être profond chez le jeune².
Qui suis-je ? Qu’est-ce-que je pense ?
Qu’est-ce-que je deviens ? Pourquoi tant
d’émotions bouleversent mon cœur et
mon esprit ? Toutes ces questions aux-
quelles s’ajoutent parfois des besoins
non satisfaits d’être aimé, d’appartenir à
un groupe, d’avoir des références positi-
ves, peuvent pousser un adolescent au
suicide. Cela ne veut pas dire qu’il veuille
mettre fin à sa vie physique. C’est plutôt
un cri d’alarme pour dire : « Je ne veux
plus vivre comme ça, je suis mal dans ma
peau, dans ma vie, dans les relations que
j’entretiens avec mon entourage. »
FACTEURS À RISQUE
Parmi les facteurs de risque, on trouve
le manque d’amour, la maltraitance, les
abus sexuels dans l’enfance. Cela engen-
dre un mal-être, le mépris de son corps.
Au lieu de maudire ceux qui lui ont fait
subir ces souffrances, il retourne cette
haine et sa souffrance contre lui-même.
Les jeunes marginalisés, en rupture du
parcours scolaire, sont particulièrement
touchés. Le taux de suicide chez ces jeu-
nes s’élève à 30 %. Il est donc important
de leur apporter un soutien même si par-
fois ils sont vindicatifs, agressifs, arro-
gants. Cette armure cache une fragilité
qui les déstabilise à l’extrême. Ils sont
souvent issus de familles dont les parents
sont, soit marginalisés eux-mêmes, soit
absents - pour raisons professionnelles
en général.
Un autre groupe à risque est celui des
adolescents qui se sentent des attirances
homosexuelles. Même si cette attirance
est plus facilement acceptée aujourd’hui,
le jeune sent qu’il « n’est pas comme tout
le monde ». Il doit faire face à ses parents,
à ses amis et à lui-même. Cette déchirure
peut être une autre raison qui le pousse à
mettre fin à sa vie.
Certains jeunes font une tentative de
suicide après un chagrin d’amour. D’après
les médecins, c’est la situation la moins
grave. Quand un jeune est désespéré
d’avoir perdu celle ou celui qu’il ou elle
considérait comme l’amour de sa vie, bien
souvent, la réponse apportée est : « Ce
n’est pas grave, tu es jeune, tu en trou-
veras bien une autre ». Mais les amours
de jeunesse ont une grande importance
et le besoin d’être aidé pour réussir à sur-
monter son chagrin est capital. Les « con-
seils » insensibles sont plutôt des clous
que l’on enfonce dans son cœur.
Une tentative de suicide signifie le plus souvent : « Je ne veux plus
vivre… comme ça ».
Il y a aussi des jeunes aimés, voire cou-
vés par leurs parents mais qui sont mal
dans leur peau. Ils éprouvent un malaise
qu’ils n’arrivent pas à dépasser. En géné-
ral, les parents sont impuissants face
au désespoir de leur enfant, aussi tou-
chés que lui mais incapables de l’aider.
Un psychologue spécialisé dans l’adoles-
cence et le suicide a alors plus de facilité
à aider un jeune à dépasser cet état. On
manque hélas de professionnels. En con-
séquence, seulement 15 % des tentatives
Photos.com
de suicide sont prises en charge par des
services spécialisés.
L’adolescent manifeste aussi un refus
d’être aidé. Dans ce cas, la personne
informée de son état peut téléphoner ou
se rendre dans un centre spécialisé pour
demander de l’aide. Il est important de
prendre au sérieux un jeune qui évoque
le suicide. Même s’il ne va pas jusqu’au
bout, il exprime son mal-être. Pour distin-
guer le chantage de la véritable intention http://www.childrenaction.org/data/fr/
de suicide, il est recommandé qu’un thé- projets/terrain/geneve.asp
rapeute établisse un diagnostic.
SIGNES D’ALERTE
Des phrases et des attitudes trahissent
une pensée suicidaire. Elles ne signifient
pas que le jeune va se suicider, mais qu’il
faut être attentif. La lecture est accessi-
ble si on entend : « Je souhaite mourir,
je ne vous embêterai plus longtemps ».
À cela s’ajoutent les lettres d’adieu ou
le don d’objets précieux. L’isolement, le
désinvestissement brutal du cursus sco-
laire ou d’autres activités, une incapa-
cité à prendre du plaisir, des angoisses,
des phobies, un manque d’estime de soi
sont autant de signes envoyés par l’ado-
lescent en détresse. Il arrive également
que le sommeil et l’alimentation soient
perturbés, que l’hygiène se révèle négli-
gée, ou qu’il se laisse aller à des plaintes
répétées, à une apathie ou à des prises
de risque excessives. En fait tout cela
démontre un mal-être qui est à prendre
en compte.
C. K.
¹Source : débat mené par le profes-
seur Daniel Marcelli, psychiatre pour
enfants et adolescents, chef de service
et professeur de l’université à la faculté
de médecine de Poitiers, la doctoresse
Aurora Venturini, responsable de l’UCA
et du CTAI, Maja Perret Catipovic, psy-
chologue et responsable de l’unité de
prévention, le professeur David Lebre-
ton, professeur en sociologie à l’univer-
sité Marc Bloch près de Strasbourg et
auteur de plusieurs ouvrages, et le pro-
fesseur François Ansermet, professeur
de pédopsychiatrie à la faculté de bio-
logie et de médecine de l’université de
Lausanne et médecin-chef au service
universitaire de psychiatrie de l’enfant et
de l’adolescent.
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L’obésité, un phénomène
de société ?
AVEC 3,5 % d’enfants (de 3 à 17 ans) en situa-
tion d’obésité et 14,3 % qui présentent un surpoids,
c’est près de un cinquième de notre jeunesse qui
souffre de surcharge pondérale.
Dans une société de consommation rapide
dominée par des médias riches en programmes
publicitaires alléchants complétés par des centra-
les de distribution très persuasives, les jeunes se
laissent vite tenter par le plaisir gustatif des ali-
ments très sucrés et très gras qui ne compensent
guère le peu d’exercice physique réalisé entre le
canapé du salon, le fauteuil du bureau informa-
tique ou la voiture des parents. Alors, même si
heureusement il existe d’autres cas de figure, la
sédentarité des populations due à de nombreux
AFP
facteurs, implique à long terme des conséquences
graves sur la santé des individus.

Et si nous parlions de… vertu ! DISPENSER UNE ÉDUCATION APPROPRIÉE

Ainsi, l’utilisation intensive des multimédias, tels
CES DERNIERS mois nous ont permis d’assister ou de hommes capables de se délivrer des préjugés et des que l’internet ou la télévision, fait prédominer le
vivre des épisodes tout à fait édifiants : craintes et à qui elle apporte sérénité et bonheur durable, temps passé assis devant les programmes télé-
les émeutes de la faim, l’envolée des prix du baril de selon les modernes. visés, les jeux interactif ou les tchat, au détriment
pétrole, l’augmentation des chiffres du chômage et son d’une activité physique nécessaire à l’élimination
corollaire l’augmentation des populations fragilisées, les LE COURAGE des sucres et graisses ingérées au cours des dif-
migrations de population suite aux catastrophes climati- Cette vertu se caractérise par la fermeté priorisée face férents repas. Si, de surcroît, on rajoute la prati-
ques, la crise financière, le tout sur fond de conflits armés, à une épreuve physique ou morale, par exemple prendre que du grignotage de barres chocolatées, chips
de ventes de produits frelatés… son courage à deux mains dans le langage de tous les ou sodas entre les repas, l’apport énergétique
Tout à coup, sur une courte période, il semble que jours, c’est se décider à entreprendre quelque chose sou- absorbé ne peut pas être convenablement brûlé
tout se dérègle, se concentre. Nous assistons, souvent vent difficile et la manière d’affronter les difficultés. si une activité physique journalière suffisante n’est
impuissants, et continuons à mener notre petite vie, que pas pratiquée. Dans le cas des jeunes, les parents
d’ailleurs nous ne maîtrisons plus : risque de perte de LA JUSTICE peuvent dispenser une éducation appropriée dès
notre emploi, pouvoir d’achat toujours en berne, avec le C’est un principe qui maintient chaque élément à sa la naissance : pratiquer l’allaitement maternel,
sentiment que rien ne semble fiable autour de nous. place. La justice concerne la relation à autrui. Elle repose habituer le palais du jeune enfant à des goûts dits
Pourquoi ne pas choisir ces moments de tourmente, sur l’harmonie des rapports entre les différents états et les naturels tels que les fruits et légumes, et bien sûr,
pour réfléchir à nos valeurs, faire remonter dans notre réa- différentes fonctions représentés dans la société et dans commencer très tôt la pratique d’un sport. Mais
lité consciente, le terme de vertu. le cosmos. La loi cosmique est la même pour tous et c’est aussi au quotidien, suivant l’implantation géo-
Cela nous ramène à Platon (427-347 av. J.-C.), qui l’équité offre à chacun ce qui lui est dû. graphique, l’habitude de pratiquer la marche à pied
aborde dans son œuvre, les quatre vertus cardinales : ou le vélo pour aller à l’école, pour faire les cour-
« la sagesse, le courage, la tempérance et la justice ». LA TEMPÉRANCE ses, ou encore aider aux travaux ménagers. Car la
Ces vertus sont dites cardinales : « qui constituent le Cette dernière repose sur la mesure et la maîtrise de sédentarité conduit à l’isolement qui favorise alors
point essentiel d’une doctrine, d’une action ». soi, notamment face aux passions et aux sentiments. Elle la communication virtuelle par écran interposé ;
Parmi nous qui se rappelle de l’origine du terme vertu. traduit la mesure et la prudence en toutes choses. et par conséquent encore plus de sédentarité…
Du latin virtus « force virile », vir « homme ». On peut le Retrouver des contacts humains journaliers, tels
traduire par puissance propre d’une chose à produire cer- Aristote (384-322 av. J.-C.) enseignait que la vertu chez que les copains qu’on côtoie ou les sports col-
tains effets ou disposition réfléchie ou volontaire qui porte
l’homme est ce qui accomplit excellemment la nature d’un lectifs sont aussi des facteurs importants pour
à faire le bien et à éviter le mal. Cette définition replace
être : « La vertu d’un homme est d’agir conformément à la le développement des jeunes. Cependant, à ces
le terme de vertu, comme une balance. Cette dernière raison », c’est-à-dire selon le juste milieu. actions positives s’ajoutent d’autres facteurs tels
nous permet ou nous évite de sombrer dans un choix Nous retrouvons ce concept de juste milieu, avec que l’insécurité croissante qui conduit à limiter les
inadapté. l’image de la balance. Dans ce monde en plein dérègle- sorties. La restriction budgétaire est également un
Analysons maintenant une à une les quatre vertus car-ment, où nous devons accomplir ou mener notre vie quo- facteur à prendre en compte pour limiter les sor-
dinales. tidienne, prenons parfois le temps de réfléchir, de nous ties, privant une part de la population des fruits et
attarder et d’évaluer : de nous peser au regard de ces légumes frais indispensables à une alimentation
LA SAGESSE vertus cardinales. Où en sommes-nous ? Où en est le équilibrée, ou encore de l’inscription à une activité
Du grec sophia et du latin sapienttia, soit prudence, monde ? sportive favorite.
jugement, sagesse. Pour Platon, elle contient la contem- EDWIGE ANSAH Ce sont donc de multiples facteurs qui entrent
plation des idées et détermine une conduite prudente et en jeu dans ce phénomène de société qualifié
avisée. Idéal de vie de l’homme parfaitement accompli Source documentaire : le Larousse, la collection de A d’épidémie par les spécialistes.
selon les anciens. Art de vivre, attitudes mesurées des à Z philosophie.
UNE LOI POUR PROTÉGER LA JEUNESSE
En avril dernier, la Société française de nutri-
tion (SFN) a alerté les autorités en demandant « la
mise en place rapide des mesures ministérielles
envisagées pour réduire le risque d’obésité chez
les jeunes ». La ministre de la Santé, Roselyne
Bachelot, a annoncé la suppression de publicités
alimentaires pendant les programmes télévisés
pour enfants. Le retrait des confiseries et sucreries
aux caisses des magasins a aussi été abordé dans
le souci de protection des enfants.
Depuis, Valérie Boyer, députée des Bouches-
du-Rhône, a été nommée à la tête de la mission
parlementaire sur la prévention de l’obésité. Elle a
rendu ses conclusions quant à ce « véritable pro-
blème de société » le 30 septembre dernier.
La députée a abordé en premier lieu la question
délicate du prix des aliments en envisageant même
à long terme une détaxe des fruits et légumes, pro-
position vite décriée par certains de ses pairs.
En effet, l’idée complémentaire de taxer la fa-
meuse junk food, c’est-à-dire la catégorie (encore
mal évaluée d’ailleurs) d’aliments très gras, très
sucrés ou très salées, a déjà été prise en compte
et fait l’objet de nombreuses études¹. Il en est res-
sorti que la taxation de ce type d’aliments ne dimi-
nuerait pas significativement le taux de surpoids.
Celui-ci serait le fait d’une surconsommation ali-
mentaire plus générale, incluant aussi l’ingestion
massive de protéines, produits laitiers ou alcools,
AFP
Avec 3,5 % d’enfants (de 3 à 17 ans)
en situation d’obésité et 14,3 % qui
présentent un surpoids, c’est près de 1/5
ème de notre jeunesse qui souffre de
surcharge pondérale.
et qui, associés à cette fameuse junk food, cau-
serait ce phénomène d’obésité. Des enquêtes eth-
nographiques ont aussi montré que les catégories
d’aliments surconsommés variaient aussi souvent
avec l’origine socioculturelle : les populations du
Nord de la France consomment beaucoup d’al-
cool et de produits gras traditionnels, alors que les
familles d’origine antillaise ou subsaharienne ont
une préférence marquée pour le sucre…
En un mot, taxer une catégorie d’aliments ne
serait alors pas une solution tangible. Il serait plus
efficace d’agir en amont en incitant les entreprises
agro-alimentaires à fabriquer des aliments moins
gras, moins sucrés et moins salés.
L’OBÉSITÉ FACTEUR DE DISCRIMINATION
Outre cette question purement alimentaire,
Valérie Boyer va plus loin dans son analyse quant
à la situation sociale des personnes obèses, qua-
lifiant l’obésité de « facteur de discrimination »
nécessitant une reconnaissance par la Halde².
Interrogée par le journal Le Monde, elle rappelle
que selon l’étude de l’Observatoire de discrimina-
tions, « une personne obèse a trois fois moins de
chances qu’une personne dite de ‘poids normal’
d’obtenir un entretien d’embauche pour un poste
de commercial. Les personnes obèses choisissent
des métiers dans lesquels l’apparence est moins
importante ».
Et même dans le milieu médical, il semble-
rait que les personnes en situation de surpoids
ont du mal à avoir accès aux soins. Selon Valé-
rie Boyer, « les obèses sont souvent en situation
de souffrance psychologique et ont tendance à se
refermer sur eux-mêmes, refusant de recourir aux
soins. Et il arrive parfois que le corps médical, par
défaut de formation, porte un regard négatif sur
l’obésité : c’est pourquoi on a demandé qu’il y ait
des centres pour l’obésité avec des équipes pluri-
disciplinaires formées ».
Alors face à ces multiples facteurs, sa conclu-
sion est de « faire de l’obésité une grande cause
nationale ou qu’il y ait une grande loi de santé
publique. Il est important d’actionner tous les
leviers ».
Mais on ne peut que constater la multiplicité des
leviers car ils semblent bien être présents dans
tous les domaines de la société.
FRÉDÉRIQUE PRIVAT
¹ cf. Le Monde de l’Economie du 24 septembre
2008, ou encore la récente étude de l’université de
Berkeley sur www.bepress.com
² Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations
et pour l’Égalité

Paris
Pa Londres Bruxelles New York
k Berlin Sydney Moscou Jakarta Melbourn
ne

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La Grande Époque ● 16 – 31 OCTOBRE 2008
Des tramways nommés souvenirs
Les tramways font partie des sou-
venirs d’enfance. Ils sont l’un des
symboles du temps où on dis-
posait de temps... le temps des
découvertes, le temps où tout
était possible... où l’avenir était
radieux... souvenirs qui rendent
plus beau le temps qui passe.
LES ADHÉRENTS des associations de
vieux tramways sont tous bénévoles et ne
bénéficient d’aucune subvention. Ils parta-
gent la même passion : restaurer, entrete-
nir et faire rouler un vieux tramway. C’est
le rêve de bien des petits garçons encore
de nos jours et c’est aussi une passion de
collectionneur, un petit monde partagé entre
férus des transports en commun qui dépen-
sent leur temps et leur argent sans compter.
Monsieur Calame, président de l’Asso-
ciation Genevoise du Musée des Tram-
ways nous explique sa passion : « Enfant,
mon père conduisait le tram et je le pre-
nais pour l’accompagner ainsi que pour
mes déplacements dans la ville. Puis je suis
devenu enseignant en mathématique au col-
lège Calvin. Un jour, un de mes anciens élè-
ves m’a proposé de venir à une exposition
de vieux trams. J’ai rencontré des gens pas-
sionnés et j’ai beaucoup apprécié. Il y a 364
membres (individus, familles, entreprises,
communes) qui viennent de tous milieux et
sont de tout âge, c’est très enrichissant. J’ai
appris à conduire les trams, à réparer les
véhicules, à découvrir l’histoire de la ville à
travers le tram, c’est passionnant ».
VISITE À L’ASSOCIATION GENEVOISE
DU MUSÉE DES TRAMWAYS
Les véhicules de l’AGMT se situent dans
les entrepôts des Transports Publics Gene-
vois Bachet-de-Pessay mais ça n’a pas tou-
jours été le cas. L’association est née en
1973, créée par une bande de copains qui à
l’université partageaient cette passion. Tous
les jeudis, ils prenaient une carte journa-
lière et se donnaient des challenges comme
prendre le plus de véhicules différents. À
Si vous avez la chance de monter dans un ancien tramway restauré, l’odeur du bois vous pénètre, un peu
comme dans une vieille salle de classe. Le travail est parfait, le sol brille, les sièges en bois font chaud au
regard, le plafond en bois est peint et arrondi. On se sent comme dans un cocon. Mais combien d’heures
de travail ont été nécessaires pour redonner une nouvelle jeunesse à ces tramways !
cette époque, se rappelle monsieur Rahm,
vice président de l’AGMT, la direction de la
Compagnie Genevoise des Tramways Elec-
triques (CGTE) les prenait pour des farfe-
lus... Plus tard, ils suivront une formation de
Wattman¹ pour pouvoir conduire les trams à
travers la ville.
Les membres de l’AGMT ont eu bien
du mal à se faire prendre au sérieux et à
faire reconnaitre l’importance de préserver
ce patrimoine pour les générations futures.
Heureusement, Berne et Zurich avaient déjà
entrepris de créer un musée du tramway. Ils
ont ainsi pu se baser sur leur expérience
pour se faire accepter.
L’association a reçu une motrice et sa
remorque ainsi qu’une place pour les entre-
poser en extérieur car il manquait de place
dans les entrepôts. Durant treize ans, le tram
est resté à la douane de Moillesulaz. « Nous
avons restauré les véhicules par tous les
temps. Heureusement nous n’avons jamais
eu à souffrir d’actes de vandalisme. » En
1976, la CGTE devient les Transports
Publics Genevois et son nouveau directeur,
Monsieur Stoeckli comprend bien l’intérêt de
préserver ce patrimoine. En 1987, les entre-
pôts de Bachet-de-Pessay sont inaugurés et
les TPG mettent une voie à disposition de
l’association.
Monsieur Calame, président de l’associa-
tion, explique qu’un des buts de l’AGMT est
d’ouvrir un musée au public où les tramways
pourraient être visités. Y seraient également
présentés les costumes d’époque et autres
matériels, ainsi que toute la documentation
qu’ils ont récoltée. Il s’agit de photos, plans
de lignes et bâtiments, horaires, titres de
transport, vidéos soit environ 12.000 docu-
ments. Cette idée a cependant du mal à se
concrétiser pour des raisons financières. Les
membres de l’AGMT se satisfont donc provi-
soirement du périodique que le paiement de
leur cotisation leur permet de recevoir.
www.lagrandeepoque.com Art de vivre 15
Mont-Blanc est construit - l’ancien n’aurait
pas supporté le poids d’une motrice élec-
trique.
Les machines à vapeur ont cessé de
circuler en 1911. Elles transportaient les
wagons ferroviaires jusque dans les usi-
nes. Elles sont remplacées par des motri-
ces électriques et leur service cesse en
1955. Dans les années 1940-50 les rails
furent démontés pour faire place à la voiture.
Seule la ligne Carouge – Moillesullaz est
restée. Tous les trams de l’époque étaient
construits en Suisse même, dans les ateliers
Sécheron, Charmilles…
PARIS
AMTUIR existe depuis 1957. Elle pos-
sède une documentation sans cesse
enrichie qui préserve le patrimoine des
transports publics français. Un de ses buts
est de transmettre ce savoir et pour cela, elle
tient une médiathèque et publie une revue
La Grande Époque pour les adhérents. Elle a aussi 170 véhi-
cules au Musée des Transports urbains en
France, qui, faute de moyen, est actuelle-
ment fermé au public - hormis la journée du
patrimoine en septembre.
Plusieurs tours de ville sont organisés BRUXELLES
d’avril à fin septembre et il est également Le musée de Woluwe possède plus de
possible de louer un véhicule pour une sor- soixante véhicules datant de 1868 à nos
tie exceptionnelle. Le 2 novembre 2008, jours. Il est fermé jusqu’en 2009 pour être
pour une journée spéciale, l’AGMT sor- rénové mais il est encore possible de faire
tira tous ses véhicules pour une visite de la un tour dans un tram historique ou le Brus-
ville. Pour les Genevois, le départ se faisantsels Tourist Tramway durant le week-end,
à Rive, trois directions seront desservies à entre avril et septembre. Sur le site www.t
destination des Nations, de Moillesulaz et rammuseumbrussels.be de l’association de
de Bachet². bénévoles, MTUB propose au public, outre
des tours en tramway avec visite guidée,
HISTOIRE DES TRAMS GENEVOIS de louer un tram pour un évènement par-
En 1862, le premier tram à cheval fai- ticulier.
sait le trajet place Neuve-Carouge. Puis CATHERINE KELLER
vient le premier tram à vapeur en 1877 tou- LA GRANDE ÉPOQUE
jours sur la même ligne qui sera prolongée GENÈVE
jusqu’à Moillesulaz. Le premier tram élec-
trique arrive en 1894 sur la ligne Champel- ¹ Wattman, tramino et tramelo sont les
Petit Saconnex. En 1986, la ligne Carouge noms qu’on donne aux conducteurs de
– Moillesullaz est électrifiée Mais le tram à tram
cheval continue le trajet Cornavin-Mollard, ² www.agmt.ch
jusqu’en 1904, date où le nouveau pont du ³ www.amtuir.org

Entraide éthique chez zebunet

Suite de la première page

LE BANGLADESH
Ce pays est particulièrement tou-
ché par les inondations. Trois fleuves
le traversent et les pluies de mousson
sont diluviennes. Zebunet s’est associé
à Friendship, une ONG qui utilise une
péniche-hôpital pour passer d’une île à
l’autre afin de soigner et former la popu-
lation. Le projet propose aux paysans
d’emprunter sur une période de quatre
ans une vache en août, de l’engraisser
et de la revendre en avril, juste avant la
mousson. Le bénéfice est partagé entre
Friendship et le paysan et l’argent est
placé en banque, ce qui rapporte des Il e
intérêts. Comme les risques sont grands, Zé
les paysans payent une cotisation de 6 % lie
en guise d’assurance.
Photos.com

LA MAURITANIE Il existe plusieurs variétés de zébus qui sont rustiques sur le lieu
La majorité de la population de ce pays d’origine.
élève des chèvres, des brebis, des zébus
et des dromadaires. Ils sont nomades. NIGER MADAGASCAR
Leur principal problème est la sécheresse. Trois projets sont en cours. Le premier Sur cette île si particulière, c’est
Depuis quelques années, certains noma- se situe dans le nord et s’adresse aux principalement le zébu qui est utilisé. Les
des se sont sédentarisés et sont deve- Touaregs qui pourront acquérir quatre cochons ont été abandonnés à cause du
nus propriétaire d’oasis. Ils transhument chèvres par famille. Dans le centre du risque de peste porcine. Cette « vache »
moins et se consacrent également à l’agri- pays, Zebunet avec la collaboration rustique nourrit la famille de son lait,
culture. Les dromadaires sont élevés pour de Vétérinaires du Monde Belgique et les champs avec son fumier, donne un
le transport traditionnel. Les femmes s’oc- d’ONG locales permet aux paysans de veau par an et supporte les périodes de
cupent des chèvres et des brebis qui sont reconstituer le cheptel qu’ils ont perdu lors sécheresse. C’est la meilleure alternative
une ressource complémentaire. Zebunet de la sécheresse de 2005. Finalement, pour les paysans, celle qui rapporte le plus.
travaille dans le sud et le sud-ouest du aux alentours de Niamey, la capitale Bien que ces animaux soient marqués, il
pays, là où se concentre une grande par- du pays, Zebunet développe un projet arrive fréquemment que l’animal soit volé
tie de l’élevage. Elle s’y est spécialisée d'élevage de moutons et brebis bien car c’est là-bas un sport national. Le paysan
dans la production de lait en collaboration adapté à la région. Comme l’apport de doit faire très attention car contrairement
avec les associations locales des Produc- nourriture dépend de la pluie, il est prévu aux autres pertes (maladies, mort) qui sont
teurs Laitiers Transhumants et de la laiterie une somme qui permettra d’acheter du remboursées par une réserve faite sur les
de Tiviski. fourrage en cas de besoin. intérêts, le vol n’est pas assuré.
C. K.

La Grande Époque
83 rue du Château des Rentiers
75013 Paris Tél : 01 45 86 41 95
www.lagrandeepoque.com
Edité par La Grande Époque
SARL au capital de 10.000 €
R.C.S. Paris B 480 550 037
Directrice de la publication : Comité de rédaction : Directeur artistique : Mathieu Sirvins SERVICE ABONNEMENTS
Isabelle Chaigneau Hanna L. Szmytko (Economie), Héloïse Roc (Envi- Impression : Oppermann Druck und Verlags-GmbH 01 45 86 41 95 / abonnement.fr@lagrandeepoque.com
Directeur de la rédaction : ronnement), Frédérique Privat (Société), Catherine & Co. - Gutenbergstraße 1, D-31552 Rodenberg, PUBLICITÉ
Rémi Bleibtreu Keller (Art de vivre, Santé & Bien-être) tirage : 16.000 exemplaires France : 06 84 57 34 04 / publicite.fr@lagrandeepo-
Rédacteur en chef : redaction.fr@lagrandeepoque.com Dépôt légal : à parution. que.com ; Belgique : 09 233 7713
Aurélien Girard ISSN : 1772-3426. Suisse : 079 821 7422
La Grande Époque ● 16 – 31 OCTOBRE 2008 www.lagrandeepoque.com
Les mystères des caractères chinois « Y’a pas de p’tits nains
YAO
L’idéogramme ⮯
ZHEN
Le caractère chinois
qui viendront t’aider »
(yào) en chinois fait réfé- ⌀ (Zhen) se compose Suite de la page 11
rence à un médicament de deux idéogrammes :
ou une potion. Selon la ච (Shí) et ⋡ (Mù). ච LGE : On dirait que vous créez
mythologie, Shénnong est le caractère pour le un lien entre l’apparition dans le
le « laboureur divin », a nombre dix et dans la village du Rav Kahana (un extré-
goûté des centaines de pensée bouddhiste, miste de droite apparu sur la scène
plantes pour tester leurs il symbolise l’univers politique dans les années soixante
vertus thérapeutiques. des dix directions, tan- dix puis assassiné par un extré-
Après cela, on a con- dis que ⋡ représente miste musulman aux États Unis en
sidéré les plantes ⨲ l’oeil. Combinés, les 90) et la tragédie de cette famille -
(cão) comme aptes à deux caractères ච et L’idéogramme signifiant vérité, la mort du père.
soigner. ⮯ par consé- L’idéogramme signifiant ⋡ correspondent donc authenticité S. Shilo : Oui, le Rav Kahana...
quent cet idéogramme médicament à l’oeil céleste, appelé J’ y ai réfléchi. Pour moi le père
contient la version sim- également « l’oeil qui voit tout ». représente une sorte d’Itzhak Rabin
plifiée de ce caractère, 倐, qui signifie plante. On dit que Shénnóong a Ce caractère tire son origine de la croyance chinoise selon laquelle (le Premier ministre assassiné par
enseigné aux Chinois les techniques agricoles. les êtres surnaturels, comme les divinités, sont les seuls, capables un extrémiste de droite en 1995
La base de l’idéogramme, ᮔ (prononcée lè ou yuè) signifie, d’une de reconnaître la vérité et la réalité. Il est dit que les déités sont libres alors qu’il était en train de conclure
part, « exaltation » et « bonheur », et d’autre part « musique ». En et qu’aucune contrainte ne pèse sur elles. Les êtres humains, quant des accords de paix). J’ai l’impres-
médecine chinoise par conséquent, en dehors de l’extraction du prin- à eux, sont enfermés dans leur subjectivité et sont soumis aux limi- sion qu’on l’a laissé tout seul, qu’on
cipe actif d’une plante, l’application ciblée de la musique peut égale- tes des perceptions sensorielles de leur corps. a écouté et suivi les extrémistes. Le
ment jouer un rôle décisif. Dans le système de croyance taoïste, ⌀ joue un rôle central. père dans l’histoire connaît tout le
Selon la mythologie chinoise, Huangdi, l’Empereur Jaune, avait un Dans le taoïsme, l’homme s’efforce de dépasser le monde matériel monde, leur goût. Pourtant les gens
jour été défié au combat par son adversaire Chiyou. D’après les indica- grâce à la pratique spirituelle. Dans cet effort vers l’authenticité, le/ on choisi de partir ailleurs. J’ai mon-
tions d’un rêve, l’Empereur Jaune a finalement utilisé des tambours en la pratiquant(e) taoïste essaye de retourner à son origine dans l’uni- tré que le fils n’écoute même pas
cuir de vache pour vaincre son adversaire et prendre son artillerie de vers. Kahana, tout ce qu’il fait c’est pour
fer et de bronze. Non seulement les soldats de Chiyou ont défailli par Le taoïsme vise à réaliser ⌀ੱ (Zhenrén) « l’être authentique, avoir une meilleure vie. On dit que
dizaines et sont morts par la suite, mais les soldats de l’armée de l’Em- l’homme véritable » c’est à dire une personne authentiquement com- les habitants des villages défavorisés
pereur, eux-mêmes, ont été proches de la mort. Finalement, le maî- plète. La théorie de ⌀ੱ stipule que lorsqu’une personne parvient à sont plus racistes et votent pour l’ex-
tre de musique de Huangdi a utilisé un archet spécial pour créer une la vérité, elle est en harmonie avec l’univers. Cet état est similaire à trême droite. En effet la question n’est
musique ravissante qui a atteint les guerriers de l’Empereur, leur don- la notion bouddhiste d’éveil. La personne véridique n’a plus aucune pas là. tout ce qu’ils cherchent c’est à
nant ainsi une nouvelle énergie pour vivre. notion, aucun concept, aucune perception ou limitation, parce qu’il/ avancer dans la vie. Je voulais mon-
Depuis lors, la médecine chinoise a été également caractérisée par elle représente la liberté absolue et le vide, l’état qu’on nomme Tao. trer que la peur est une matière qu’on
cette conception. L’utilisation de la musique comme thérapie est aussi À l’opposé du caractère ⌀, les deux caractères இ et ன repré- peut manipuler et comment la politi-
démontrée dans ⊕ (bái), qui est dans le centre de ⮯. Bien que ⊕ sentent le mensonge ou la fausseté. Les deux caractères contien- que s’en sert. Comment on arrive à
signifie « blanc », dans ce cas il fait référence à un plectre (qui ressem- nent à gauche l’idéogramme 䣎, le caractère pour « l’homme » ou enrôler les gens avec la peur. C’est lié
ble à un grattoir), qui est utilisé pour frapper ou jouer les instruments « l’humanité ». Le mensonge et la faussété, selon la mythologie chi- au rôle du père. Si on va dans l’autre
à cordes. noise, naissent du psychisme humain. sens, la famille s’écroule. Il sent qu’on
l’a abandonné pour choisir le mauvais
chemin. Symboliquement son coeur
n’a pas tenu. Sa mort est ambiguë,
on en ignore encore les causes mais
ce qui est sûr c’est qu’on l’a retrouvé
par terre dans une flaque d’huile avec
une piqûre d’abeille dans le cou. Cha-
cun imagine la cause de sa mort dif-
féremment et invente des pièges
en fonction de ce qui, d’après lui, a
causé la mort du père, et cela dans
l’intention de neutraliser les terroris-
tes avant qu’ils ne puissent atteindre
le village. Par exemple Kobi pense
que c’est l’huile qui a causé la mort
du père en le faisant glisser et donc il
met en place une bouteille d’huile qui
se répandra au bon endroit et au bon
moment pour faire tomber les terroris-
tes. Il y a une sorte de parallélisme
entre ces images qui sont liées au
concept de la réalité formé par l’in-
dividu, et la façon dont les habitants
d’Israël se positionnent et réagissent
politiquement. En fait, tout dépend
de comment chacun perçoit ‘sa pro-
pre tragédie’. On parle toujours de la
leçon de la Shoa. Ne pas aller comme
des moutons à l’abattoir ! Qu’est-ce
que ça veut dire ? qu’il faut toujours
lutter ? Cela dépend de la perception
du tragique et de la manière dont on
élabore nos stratégies de survie et
d’existence.
LGE : En lisant le livre, j’ai
eu l’impression que rien n’avait
changé en Israël.
S.Shilo : « Quand j’écrivais le livre,
des gens m’ont dit que d’ici à ce que
le livre soit publié personne ne se
souviendra plus des katiouchas. Les
katiouchas sont de nouveaux tom-
bées six mois après sa publication.
Et maintenant des missiles kassam.
Mais la question n’est pas celle de
la menace extérieure. Les person-
nages doivent choisir une vie privée.
La vie personnelle ici n’est pas quel-
que chose d’évident comme ailleurs.
Il faut lutter pour l’avoir. Par exem-
ple, aujourd’hui-même mon fils me
téléphone pour me dire qu’il y a eu
un attentat. La première chose qu’on
veut faire c’est vérifier que tous les
gens qu’on connaît vont bien, on
allume la télé. Les angoisses nous
submergent. Mais j’ai fait un choix,
j’ai décidé de fermer la télé et d’igno-
rer tout. Ne pas être aspirée et rester
dans ma vie. C’est pareil dans l’his-
toire. Chacun des membres de la
famille choisit de sortir de l’abri car
il y a quelque chose de plus urgent
dans sa vie que la chute de la Katiou-
cha, de la menace extérieure. Je crois
Culture 16
que c’est ce qui symbolise le plus la
lutte pour la vie ici. C’est qu’il faut
choisir à chaque instant d’avoir une
vie personnelle. Ce n’est pas sim-
plement se lever le matin et vivre une
vie mais c’est le faire envers et con-
tre tout. Depuis la guerre je le res-
sens très fort. J’ai des souvenirs
très forts : on était sur la terrasse,
moi je voulais réparer un fauteuil ma
fille devait prendre un cours de con-
duite et la guerre a éclaté. J’ai lu La
Storia d’Elsa Morante : comment la
Seconde Guerre mondiale a éclaté et
duré des années. À un moment, moi
aussi je me suis posée la question : et
si la guerre ne se termine jamais alors
les filles n’iront jamais à l’école ? On
était là et d’un moment à l’autre tout
a été bouleversé, on a entendu les
bombardements. À l’époque où on est
sorti du Liban, on a cru qu’on aurait
le calme, on l’a vraiment cru. On a
l’impression qu’on ne peut jamais
être dupe. En fin de compte malgré
le fait qu’on a toujours des preuves
que les pessimistes ont raison, on
veut faire confiance. Voilà, ça c’est
un combat : s’obstiner à vouloir faire
confiance. Faire confiance aux gens,
aux proches aux lointains, faire con-
fiance aux négociations, qu’un jour
tout changera, c’est aussi une lutte.
Dans la famille que je décris il n’ y a
pas de confiance, personne ne révèle
ses secrets. La mort du père a bafoué
la confiance. L’acte de la mère, d’al-
ler sur un stade de foot sous les bom-
bes n’est pas moins fou que l’acte
des 150 voisins qui courent vers un
abri dont la porte est fermée, atten-
dant dehors quand les katiouchas
tombent. Pour moi l’acte de Simona
représente mon acte à moi quand j’ai
commencé l’écriture. C’était aussi un
jour d’alerte. Au lieu de rentrer dans
la chambre de sécurité je suis montée
dans la chambre en haut pour écrire
car j’ai senti qu’il y avait quelque
chose de plus important que de me
protéger et c’était justement de racon-
ter cette histoire ».
TRADUCTION LIBRE DE LA PRE-
MIERE PAGE DE L’OUVRAGE
DE SARA SHILO « Y A PAS DE
P’TIT NAINS QUI VIENDRONT
T’AIDER »
Qui aurait dit que cette Katyusha
m’aurait eue dehors ? Six ans qu’ je
sors pas. Je marche sans penser :
maison-marché-travail-maison-clini-
que-travail-maison-marché-travail-
maison. « Vient la Katioucha et a eu
Simona, qui est plus sur son che-
min... ». J’ai mis le manger sur la
table pour eux, le couscous de mardi,
avec poulet, avec citrouille avec pois
chiche avec tout là-dedans. Je me
trouve avec les Katioushas qui tom-
bent sur ma tête, et qu’est-ce qu’il y
a dans ma tête ? S’ils ont mangé le
couscous jusqu’à ce que le premier
soit tombé ou s’ils sont descendus
à l’abri le ventre vide. Je les compte
d’ici quand ils courent tous par là-bas
à l’abri : Kobi, Chayim, Oshri, Etti,
Dudi, Itsik. Je dis à mes pieds d’al-
ler à la maison. Mes pieds n’y vont
pas. Je suis sur la balançoire de l’aire
de jeu, je pousse avec mes pieds sur
le sol. Je suis assise sur la balan-
çoire des enfants, moi, balancer, en
avant-en arrière, en avant-en arrière,
c’est la tombée de la nuit comme l’en-
fer : il fait un noir de mort. Le premier
est tombé, a enlevé toute l’ électricité
de la ville. Seules les lumières du vil-
lage sur l’autre colline restent allu-
mées. Toutes leurs maisons et tous
leurs poulaillers ont de la lumière.
Dans le village de l’autre côté, ils
ont de la lumière. Je suis assise
et me balance : « Hey Simona de
Dimona Mona, Mona hey Simona de
Dimona ». Quand la balançoire s’ar-
rête, je chante : « Cerf cerf ouvre
moi et serre-moi la main », et je com-
mence à pleurer.
MICHAL NEEMAN
Katiousha*: obus tirés du sud Liban
par le Hezbollah sur les villages du
nord d’Israël.