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Judo Ron 10
Nous constatons que les engagements actuels sont marqués par deux
tendances : la mode asiatique où prime l’usage d’une technique soignée,
appliquée avec précision et vitesse, et un style de combat à l’européenne, où
les combattants font plus l’usage de force physique déployée dans
l’ensemble par la partie supérieure de leur corps. Les deux tendances se sont
méritées nombreux champions durant les dernières décennies mais il nous
semble que les statistiques attribuées aux victoires importantes favorisent
l’application technique et l’attribution du Ippon net et clair. Autant chez les
hommes que chez les femmes combattantes, la Fédération Internationale de
Judo note une augmentation de 7 à 8% de Ippon au cours de la période 1995-
2005 et le rythme d’augmentation semble continuer.
L’application d’une technique en combat, n’est pas du hasard, elle doit être
bien préparée et pensée afin d’en tirer le maximum d’efficacité avec le
minimum d’effort. Comme la durée moyenne des combats est de 5 minutes,
les opposants doivent apprendre à utiliser et à déployer un certain nombre
d’outils à leur disposition afin de bien répondre aux besoins commandés par
le mode d’attaque ou en défensive. Le temps presse, la durée du combat suit
son cours : l’entrée dans la zone, la prise du Kumi-kata, les premières
enjambées, les percées initiales, les arrêts temporaires imposés par les
officiels, les blessures occasionnelles, la correction de la tenue
vestimentaire, les instants vécus en dehors de la surface, tout ces arrêts
diminuent le temps à sa disposition pour exécuter son attaque gagnante.
Babillard de discussion et d’opinion selon Ronald Désormeaux
Le vrai guerrier en soi, n’est pas le robot qui réagit instantanément à une
menace, mais bien celui qui sait reconnaître les énergies et les forces du
moment, celles qu’il possède, celles qui appartiennent à l’opposant et celles
qui se trouvent dans son environnement et les commande pour grandir dans
son cheminement.
L’arme le plus menaçant est celui dans la tête de l’adversaire disait Buddha.
Avant d’être capable de lire les intentions de l’autre, il faut bien se connaître
et connaître l’autre. Souvent les gens qui se côtoient peuvent identifier une
idée, un désir, une suggestion sans dire un mot. Certains généraux militaires
et stratèges étudient leurs adversaires en regardant des photos, en lisant des
écrits de ceux-là, en prenant note de ce que des acolytes disent d’eux ou en
analysant le curriculum ou l’expérience de leurs professeurs et écoles de
formation. Les spécialistes de la sécurité et les négociateurs apprennent à lire
les intentions des gens suspects. Rien n’empêche le judoka de faire pareille,
mais à des degrés différents. Parfaire son intuition c’est travailler son Yumi.
Comme la pensée va tôt ou tard se traduire par des signes visibles, il est
possible de bien observer les comportements et détecter les moindres
signaux indiquant la détermination, l’hésitation, l’excitation, la confusion, la
peur, la soumission, la domination et l’engagement total. Le regard, le
souffle, le comportement physique, la proximité, les mouvements de la tête,
le langage accentué et la sueur sont des signes avant-coureurs qu’il faut bien
saisir. Des jeux d’observation, des échanges voilés et des exercices de
devinettes en groupe sont de simples moyens qui peuvent porter fruits. Être
capable de gérer l’espace mentale c’est de décider librement d’engager le
combat en temps opportun, d’imposer son idée, d’arrêter ou dévier le
schème de pensée de l’autre ou le truquer à faire ce que vous désirez.
Babillard de discussion et d’opinion selon Ronald Désormeaux
Cette nouvelle espace entre les deux doit servir à réaliser vos fins tactiques
et techniques. Un bon Kumi kata va permettre un rapprochement de la partie
supérieure et une mise en déséquilibre visible, un blocage soudain ou une
mise en position pour le mouvement favori. L’ondulation de la région
abdominale ou Hara permet quant à elle de modifier les espaces libres,
entraîner l’autre sournoisement dans une direction donnée et utiliser le corps
comme moyen d’effectuer un déséquilibre en douceur sur l’autre ou de
reprendre son propre équilibre en abaissant le centre de gravité. Le
déplacement et l’ajustement des jambes et des écarts de pieds diminuent ou
augmentent la distance entre les deux selon la circonstance tout en
permettant de sélectionner les techniques de choix plustot que d’autres.
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Publications antérieures en édition limitée 1998-2008
Babillard de discussion et d’opinion selon Ronald Désormeaux
Au plan corporel Tai, il faut là aussi pouvoir gérer les intervalles. Il doit y
avoir concordance et continuité musculaire dans l’action choisie. Les
Kuzushi, Tsukuri et Kake doivent se suivre sans interruption et une fois
fixée, la force dans le Kake doit répondre aux critères de fermeté, rapidité et
précision. Il faut également conserver un certain montant d’énergie en
réserve en vue de pouvoir répondre aux demandes soudaines et imprévues
qui puissent surgir après la chute ou la sortie de l’adversaire.
Il est insuffisant d’utiliser que les bras et les mains ou d’avoir recours à un
segment musculaire isolé pour effectuer une tâche. La main qui soulève et
celle qui guide dans le Kumi kata doivent agir en concordance. Du bout des
orteils au bout des doigts, une fois l’objectif fixé, toute l’énergie interne doit
être guidé intelligemment pour n’utiliser que ce qui est nécessaire et juste
pour accomplir le geste. C’est la gestion du Ki. La force abdominale, la
musculature et les angles de leviers doivent agir ensembles et dans la
continuité.