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Discussion et Observation de divers aspects du Judo par Ronald Désormeaux

Judo-Ron 44- L’enseignement du judo par résolutions de problèmes

Bien que l’enseignement du judo varie selon les groupes d’âges et les connaissances
techniques acquises, l’approche qui suit s’adresse à l’enseignement de groupes de judokas
ayant atteint un certain niveau de connaissances techniques, généralement obtenues au
passage de la ceinture orange ou 4 ième kyu. Cette technique fut employée avec succès chez un
groupe de moins de 18 ans mais elle peut aussi s’avérer efficace chez des groupes plus âgés.

A titre d’enseignant du judo, nous devons garder en vue notre objectif de transmettre des
connaissances et des habiletés qui permettront au jeune judoka d’en tirer le maximum de
profits, tout en jouissant d’une période de plaisir durant laquelle il obtiendra des
améliorations aux plans physiques et intellectuels. Un des objectifs visés à long terme est de
développer des judokas équilibrés et non seulement former des champions pour un temps
limité.

L’approche envisagée par la résolution de problèmes tend à inciter, encourager et aider le


judoka à maximiser ses énergies en ayant recours à ses connaissances et habiletés et ce, dès
ses premières expériences de combat (randori ou shiai).

L’approche vise à faire ressortir les habiletés techniques autonomes chez les judokas par le
truchement d’analyses de situations de combat. Dans ce contexte, le judoka devra avec l’aide
du professeur et des pairs, analyser des situations difficiles et résoudre des problèmes
techniques posés par les agissements d’un adversaire. Pour se démarquer, il devra trouver des
moyens de réussites en utilisant le minimum de force physique, employant sa propre énergie
avec intelligence et ayant recours à une flexibilité et une créativité accrues. Tous ces moyens
de solution se résument dans le Hen-O. Ce genre d’application, étant une pièce maîtresse du
judo vivant fut décrite par le maître K. Mifune 10ième dan, dans la revue du Kodokan en
Décembre 1950 comme suit :

« Tai sabaki » est fondamental pour toutes les techniques. Il signifie simplement « conduire le corps »,
mais à mon avis, je pense que « Tai sabaki » est un art consommé en lui-même. Tai sabaki est le
mouvement fondamental pour marcher en avant, en arrière, etc., et qui conserve notre corps tout entier
en état d’équilibre. Vous devez devenir maître de cet équilibre par une pratique constante, et en faire
usage si nécessaire. Tai sabaki est tout ce qu’il y a de plus naturel, par conséquent, un mouvement tout à
fait ordinaire, mais en lui repose le secret du Judo. Du point de vue de l’application scientifique des
principes du Judo, le Judo peut être appelé l’art du « HEN-O » ou du meilleur mouvement à chaque
instant. » « Il est important de posséder ceci à l’esprit « HEN-O » est l’état mobile de l’esprit lorsque
l’ennemi est près. Si vous manquez d’attention vous serez sûrement battu. « Faites toujours face à votre
ennemi, mais ne faites jamais face à son attaque ». Ceci est le HEN. Si vous n’êtes pas très vigilant, votre
technique ne pourra être exécutée avec succès. Attaquez sans faiblir lorsque vous avez noté le moment
pendant lequel l’ennemi n’est plus sur ses gardes. Ceci est le « O ».L’on doit dire que cet art du « HEN-O »
est une variation ou une application du « Tai sabaki ». Judo signifie employer la force de la pensée et du
corps de la façon la plus efficace. Il faut l’intention d’avoir le maximum d’effet par le minimum de force. En
d’autres termes nous pouvons dire : Judo, c’est avoir une flexibilité d’expressions et une grande réserve de
force. »

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Quand nous utilisons ce type de leçon, le professeur doit s’assurer que les judokas travaillent
fréquemment en couple, exécutent une pléiade de mouvements techniques en harmonie avec
les lois naturelles et en synchronisation avec le comportement de son partenaire. Le plan
d’ensemble veut que lorsqu’ une situation difficile se présente où l’harmonie des gestes est
brisée ou sévèrement mise en péril, le judoka est immédiatement mis en état d’alerte afin de
trouver une solution équitable qui lui permettra de récupérer le contrôle et retourner
l’événement à son avantage.

Pour mieux bénéficier de ses interventions, le professeur doit chercher à structurer chaque
session afin de faire évoluer diverses situations de combat. Les exemples d’interventions sont
nombreux et nous en ferons quelques extraits dans les paragraphes qui suivent.

En général, on doit bien préparer les judokas vers la période d’exercices libres. Une session
d’entraînement type comprendra :

1. Réchauffement et mise en forme avec des exercices souples et en couple.


2. Travail de déplacement synchronisé avec et sans chute (Tsugi Ashi-Shintai).
3. Travail de liaison technique et enchaînement debout vers le sol.
4. Démonstration technique à partir du Gokyo ou expériences de combat.
(Kuzushi. Tsukuri. Kake)
5. Étude progressive et planifiée d’éducatifs reliés à la technique choisie
pour la séance en assurant les déplacements en Tai Sabaki et
enchaînements. (poussée, soulèvement, tirée, décente forcée.
6. Répétitions du mouvement enseigné par Uchi Komi et Nage Komi suivi de
techniques enchaînées au hasard.
7. Randori souples et spéciaux en situation de chaos pour réponde aux divers
imprévues. (C’est ici qu’intervient la problématique et les pistes de
solution)
8. Analyse d’une situation difficile rencontrée en randori et recherche de
solution par l’analyse des initiatives, des esquives simples en souplesse,
des contre attaque et des devancements. (sen/ go no sen/ sen-sen-no-
sen)
9. Évaluation et discussion ayant trait à la perception d’intentions et de
comportement impliqués dans les solutions proposées.

10. Mise au repos, méditation Mokuso, éthique et historique, Mondo


(réflexion-question-réponse)

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Dans l’analyse de situation difficile, nous avons choisi l’approche par résolution de problèmes
car c’est une méthode d’enseignement qui favorise le transfert et l’intégration des
connaissances des judokas. L’exercice pratique en cours (déplacement, ajustement corporel)
sera accompagnée de plusieurs opérations cognitives telles: l’analyse du problème,
l’observation du comportement, la sélection de l'approche d’une solution, la déduction des
faits et la prédiction logique d'une ou des solutions pratiques pour intervenir efficacement.

Une telle approche est recommandée pour une petite classe d’élèves, car elle permet à
l’instructeur-coach ou sensei de suivre le déroulement des situations et de faire un suivi
immédiatement auprès de chacun des participants .

Il est important que durant les interventions de l’instructeur, celui-ci suggère aux étudiants
de mettre en application et tirer profit de leurs connaissances antérieures. Il doit inciter les
judokas à faire un recul dans leur mémoire afin de revoir les principes fondamentaux associés
à la posture, aux déplacements, déséquilibres etc. C’est en utilisant la méthode de résolution
de problèmes dans une situation concrète que le judoka pourra étudier un comportement
aléatoire ou imprévu du partenaire qui dans l’exercice en cours met en péril l’harmonie et la
souplesse exigées dans un beau judo et sur lequel il pourra bâtir de nouvelles expériences qui
lui seront enrichissantes pour l’avenir.

Durant les exercices d’intervention et d’analyse, il faudra guider les partis à réfléchir sur
l’application des principes fondamentaux à savoir :

Le principe de la souplesse
S’adapter pour retourner la situation à son avantage en exploitant la moindre opportunité.

Le principe de l’action-réaction
Construire une attaque de manière à provoquer une première réaction de l’adversaire qui
nous servira à profit. Exploiter l’énergie mise en avant par le partenaire.
La poussée versus la traction. La tirée versus le devancement et la prolongation.
La mise en oeuvre d’un mouvement-piège ou feinte pour provoquer une réaction incontrôlée.

Le principe du « centre » « HARA »


L’énergie vitale se retrouve dans l’abdomen. Toute action véritable et efficace doit prend son
origine de cet endroit. Tout mouvement débute au centre.

Le principe d’opportunité « Debana »


Le judoka doit avoir une grande sensibilité à tout ce qui se passe dans son propre corps et
dans le corps de son adversaire pour être en mesure de ressentir l’opportunité qui le fera agir
promptement avec vitesse, précision et décision. Le judoka doit s’entraîner à éduquer ses
réflexes et son corps; il doit utiliser la vitesse de son processus réflexe sans y être dépendant.

Le principe du déséquilibre
Aucune action ne doit être placée avec l’emploie d’une force pure. Si nécessaire, la force pure
devrait intervenir seulement dans la dernière phase de l’action et ce, pour la soutenir en
l’amplifiant.

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Come nous l’avons décrite, cette méthode sert à renforcer les acquis techniques tout en
offrant la possibilité d'intégrer et d'utiliser les connaissances acquises pour régler un
problème à la fois complexe et réel. Elle favorise entre autre, la prise en charge immédiate et
renforcie la confiance de traiter avec des problèmes difficiles par des moyens très personnels.
Le judoka découvre rapidement que les solutions apportées sont de lui, qu’il possède assez de
connaissances pour analyser et résoudre par lui-même des problèmes complexes et une fois
résolus, qu’il peut passer à l'action immédiatement.

Dans tout ce processus, l’instructeur doit démontrer de la patience et de la tolérance vis-à-vis


les solutions proposées. L’imagination et la créativité sont au centre de cette démarche.
Compte tenu que les étudiants n’apprendront pas tous au même rythme, certains étudiants
réussiront rapidement à résoudre le problème en cours, en contrepartie d’autres prendront
un temps beaucoup plus grand. Comme il n’y a pas de solution clef en main, qu’une solution
créatrice avancée est probablement non orthodoxe et inusitée, il faut cependant encourager à
poursuivre toute piste de solution qui mérite un suivi. Après quelques pratiques ou
interventions, on pourra constater que ce transfert de la connaissance du judo se réalise en
deux sens, qu’il n’est pas seulement celui de l’instructeur qui s’impose mais qu`il est
également celui des judokas qui propose et ensemble, ils en font une réalité.

Voici donc quelques suggestions d’études spécifiques et problématiques à résoudre :

1. Kumi kata, contrôle et dégagement. Travail des distances et déplacement.


Problématique : Bras rigides, favoritisme pour un coté, répétition unique.

Piste de solution : Utiliser une variété de saisies (Kumi-Kata ) souples afin de permettre
d’évoluer d’une manière définitive à tout instant. C’est ce contact qui permet en
partie de sentir les intensions et les directions d’attaque. La saisie avec les mains sur
le judogi de l’adversaire peut varier. Tout dépend de la situation.

2. Mouvement de sacrifice : Utilisation du Tomoe Nage et autres sutimis pour amener au


sol ou dégager.
Problématique : Crainte de s’engager, manque d’opportunité, timing, manque de
variété, faiblesse démontrée pour le travail au sol.
Piste de solution : Visualisation des techniques possibles applicables aux divers points
cardinaux et suivis avec des contrôles (des immobilisations), d’étranglements et des
clés aux articulations. Revenir au principe d’attaque et de défense et exploiter l’usage
maximum du corps.

3. Liaison debout-sol en attaque ou défense (Ippon/Morote/O uchi/Ko uchi).


Problématique : Le travail au sol est souvent négligé par ignorance des types
d’amenées et retournements.
Piste de solution : Le judoka doit connaître les possibilités de son corps et les points
faibles de l’adversaire. Chercher à mieux se positionner et à utiliser ses points d’appui.
Déplacement souple dans toutes les directions. Savoir conserver ses énergies.

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4. Enchaînement et renversement debout dans plusieurs directions.


Problématique : Concentration dans une direction, manque de sensation
Piste de solution : Étude des lignes de force, poursuite de l’attaque répétée, les
feintes, détermination.

5. Défense et contre prise appliquées contre le Harai/Uchi Mata/Ippon Seoi /et autre
Tokui Waza.
Problématique : Peur des techniques populaires
Piste de solution : Uchi komi et nage Komi et décomposition des éléments. Travail des
contre attaques directes et indirectes. L’anticipation par le développement des sens.

Il est plausible de faire un regroupement des zones d’intervention en l’associant à l’étude de


mouvements types compris dans les grandes familles techniques du judo. À cet effet, au cours
de la session, le judoka peut davantage profiter d’une revue technique, lui permettant de
s’auto analyser pour mieux joindre ses goûts, ses préférences et ses aptitudes physiques à son
style de combat et à sa personnalité.

Dans le genre de techniques suggérées ci-après, l’instructeur doit s’assurer que le judoka est
capable de ressentir les éléments principaux du déséquilibre de l’adversaire, de juger de la
pertinence de son déplacement avec une bonne gestion des distances nécessaires et que
celui-ci puisse choisir promptement la forme de projection ou technique qu’il utilisera tout
en conservant son propre équilibre.

1. Fauchage rapide : De Ashi, OKuri, Harai Tsuri, Ko Uchi et Ko Soto.


2. Entrée tournante : Uki Goshi, Tsuri goshi, Tsuri Ashi, Seoi Nage.
3. Attaques vers l’arrière : Ko Soto, Ô Uchi, Soto Gake, Ko Uchi, Tani Otoshi
4. Attaques vers l’avant : Tomoe, Yoko Nage et Maki komi
5. Mouvements de bascule : Uki, Tsuri, Hane Goshi
6. Blocages rotatifs : Hiza guruma, Sasae, Uki Waza
7. Grands fauchages : Osoto guruma, Otoshi, Kubi nage, Koshi guruma, Harai Goshi
8. Renversements au sol avec suivi en Shime Waza (étranglements) et Kansetsu (clefs).
9. Prendre contact, encerclement et dégagement au sol par diverses postures.
10. Révision des techniques supplémentaires et complémentaires au besoin.

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Conclusion

L’application d’une telle méthode nous a prouvé qu’il est possible d’accentuer la maîtrise du
judo par un entraînement plus intelligent des techniques et qu’elle renforci l’usage des
principes du judo. C’est par une meilleure connaissance des principes et par l’application
immédiate et continue de ceux-ci au cours d’une pratique régulière d’un judo technique que
nous espérons guider le judoka vers un meilleur respect des pratiques traditionnelles. Ainsi
armé, le judoka sera plus libre d’exercer son plein épanouissement parce qu’il respecte les
principes qui soutiennent tout l’enseignement du judo, à savoir : utilisation intelligente de
l’énergie, respect mutuel et entraide.

À mon avis, ce genre d’exercice précipite à un éveil précoce des sens et excite à une curiosité
plus vive tout en développant chez le judoka un jugement plus pratique. C’est par
l’intégration, la participation et la pratique régulière qu’il fera des progrès substantiels. De
plus, parce qu’impliqué dans la solution, le judoka deviendra plus réceptif à employer de la
nouveauté et à accepter les phénomènes qui sortent de l’ordinaire. Face à des actions
imprévues, il pourra garder son sang froid et contempler des réactions appropriées qui seront
efficaces. À partir de ses expériences vécues dans le dojo, le judoka pourra bâtir des acquis qui
lui serviront dans la vie pratique.

Dans la démarche proposée, il faut retenir que c’est dans la souplesse que réside la force de
chacun et que les exemples fournis reflètent l’application des principes : « Céder pour
vaincre » et « Déplacer pour maîtriser ».

Bonne pratique

Ronald Désormeaux,

Mars 2011, Gatineau, Québec, Canada

N.B. Il est à noter que cette présentation contient des droits d’auteur © et que le document est enregistré
dans la collection électronique de la Bibliothèque Nationale du Canada.

ronalddesormeaux@gmail.com

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