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‘’Chimen pasyon’’ ou l’itinéraire d’une double fuite

Qu’entendons-nous par double fuite ?

Premièrement, c’est la délocalisation de l’objectif _ La caméra se déplace. Le


réalisateur est allé puiser son œuvre dans un hors-cadre, un domaine peu
exploité : la campagne et sa vie rurale.

Dans ce monde austère, vertement coloré par la chlorophylle d’une


végétation trompeuse, la vie semble être d’une telle précarité que vivre dans
de pareils endroits, est un sempiternel défi. Dès lors, dans ce bourg perdu du
pays en-dehors, l’existence est définie par ses us et coutumes, des postulats
de vie !

La religion vaudou y règne en maitre absolu. Le Ginen et le bokor se


côtoient, s’affrontent en un combat manichéen. Tout ce cirque sous l’œil
impassible du grand Dieu des Chrétiens. Et à tout un chacun de vanter ses
forces mystiques, ses pouvoirs insoupçonnés. Qui pis est, la destruction
surnaturelle de l’Autre n’entraîne nullement la fuite contrairement à
l’agression physique. Ce qui relève pour peu du paradoxe puisqu’il s’agit
jusque-là d’un monde, impitoyable et intransigeant en matière criminelle et
qui condamne les assassins de génération en génération. A un des
protagonistes de l’affirmer : « Nou pap tolere ti asasen grandi nan lakou-an
… » Par hasard, le petit-fils d’un criminel serait-ce lui aussi … Passons !

La première fuite est caractérisée par un vouloir de cerner cette réalité,


combien complexe. Pour ce faire, le réalisateur a dû récuser la logique judéo-
chrétienne dont les ruraux n’en ont guère usage. Cet aspect n’est pas des
moindres puisqu’il a fait de ‘’Chimen pasyon’’ une œuvre convaincante,
crédule, authentique.

Mais qu’en est-il de la seconde fuite ? C’est celle qui découle directement de
la trame pour aboutir jusqu’au dénouement tragique : l’auto-déportation.
Antoinette aime Dieubon, ce qui est inconcevable puisque le père de
Dieubon est l’assassin du père de celle-ci. Dès lors, nous voilà embarqués,
pour une énième fois, dans un schéma classique d’amours interdites. Des
amours dont on raffole. Des amours que piège la passion et qui
transgressent d’un coup la décence. Des lors, les protagonistes sont des
déchus que leur victoire condamnerait à la défaite, à la déchirure.
Somme toute, ‘’Chimen pasyon’’ est une œuvre à voir de préférence, en
couple _ manière de mesurer son amour à l’aune des épreuves.

James PUBIEN jamiemoondayiti@yahoo.fr

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