Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Tanger - 2000
Bd. Mohammed V, Pavillon International Tel: (212) 61 30 72 69 - Fax: (212) 39 32 57 85 Bd. Mohammed V, Pavillon International
P.O. Box 310, Tangier, 90001 Morocco E-Mail : cafrad@cafrad.org B.P. 310 Tanger, 90001 Maroc
Web Site: http://www.cafrad.org
La Formation des Ressources Humaines en Afrique, Par, Prof. ZYANI Brahim
1. Introduction
La présente étude se place dans le cadre des efforts menés par la puissance publique en
Afrique pour se doter d’un personnel de haut niveau, compétent, efficace et capable de
traduire dans les faits les politiques de développement. Plus particulièrement, ce texte se
penche sur l’examen du degré de pertinence et d’adaptation des programmes de formation et
des méthodes pédagogiques en vigueur dans les institutions de formation administrative en
Afrique. On entend par institutions de formation administrative les écoles et instituts
nationaux d’administration qui ont pour mission générale de former les cadres pour la strate
supérieure de la fonction publique.
Le choix de ces structures se justifie par la place capitale qu’elles tiennent dans le
dispositif de formation et de perfectionnement mis en place par les Etats africains pour
combler les besoins en personnel de leurs administrations respectives. De manière générale
les ENA et structures de formation similaires pourvoient à des postes de responsabilités et de
décision ou du moins à des emplois de conception et d’aide à la décision, d’où l’intérêt
accordé à la manière dont elles fonctionnent.
diversité et la situation interne et externe particulière de chaque institut -mais également les
attentes propres à chaque administration au compte de laquelle il fonctionne-. Mais en réalité
la littérature consacrée à ces questions à l'échelle du contient africain permet tout de même, en
dépit de sa rareté, d'aborder ce sujet avec beaucoup d'assurance.
Préciser les éléments qui fondent le diagnostic, en chercher les causes profondes et en
cerner les enjeux ( Partie I) constituent le préalable nécessaire aux propositions de remèdes
(Partie II).
Nous mettons l'accent sur trois (3) aspects de diagnostic général relatif à cette
problématique : d'abord (A) un constat de faible arrimage ente les programmes de formation
et les besoins réels des administrations, ensuite (B) nous démontrons que les démarches
pédagogiques adoptées ne favorisent pas le recours à des méthodes d'étude tournées vers
l'innovation. Enfin (C) nous insistons sur le fait que les instituts de formation administrative
en Afrique sont en réalité victime de la dégradation de l'image de marque de l'administration
tant aux yeux de la société qu'aux yeux des élites politiques concernées.
3. Faible arrimage entre les programmes de formation adoptés et les véritables besoins
des administrations publiques africaines.
Dans cette perspective, il est important d'identifier avec précision les causes
fondamentales qui expliquent le sentiment d'insatisfaction générale à l'égard de la mission de
formation assumée par ces instituts jugée trop théorique, privilégiant davantage les aspects
juridiques et normatifs au détriment des spécialités directement liées à l'action administrative
(capacités d'analyse de dossier, de gestion et de direction des ressources humaines et
matérielles…).
L'efficacité d'une action de formation, quelle que soit sa nature initiale ou en cours
d'emploi, est profondément liée à l'ensemble de la démarche d'apprentissage et tout processus
de transmission des savoirs est conditionné par l'importance accordée également aux
méthodes ou modalités pédagogiques utilisées pour assurer cette transmission. Or, il faut bien
Dans ces conditions il est difficile aux instituts de formation administrative de rester à
l'abri des critiques formulées à l'égard d'une administration à laquelle ils sont organiquement
liés. Ces attaques sont d'autant justifiées que l'administration n'est pas parvenue à se corriger
elle-même de ses erreurs, en dépit des multiples tentatives de réformes dont elle est
constamment l'objet. Même des réformes d'ordre structurel administrées aux systèmes de
gouvernance en place dans le cadre des politiques d'ajustement structurel n'ont pas réussi à
redresser la situation, en dépit de l'appui méthodologique, politique et financier considérable
dont ces réformes ont bénéficiées.
Bref, en définitive on peut avancer que le discrédit qui pèse sur les administrations
dans la majorité des pays africains atteint par ricochet les établissements de formation
administrative qui ne peuvent de ce fait bénéficier d'un élan de solidarité au sein de la société
ou dans l'univers politique, ce qui explique -en partie seulement bien sûr- la modicité des
moyens budgétaires mis à leur disposition, même si l'on continue dans le discours officiel à
louer les efforts de ces instituts et à souligner leur rôle vital dans la préparation des cadres
responsables de l'administration de demain.
Quelles sont les pistes d'adaptation qui s'offrent devant les établissements africains de
formation administrative pour tirer profit de la mondialisation et de la globalisation qui
caractérisent le monde moderne ? Comment faire en sorte que ces instituts puissent tirer
pleinement profit de la révolution technologique actuelle, de l'extension vertigineuse de
l'économie du savoir et de l'explosion des outils de stockage et de traitement de l'information
et de communication à échelle ?
Il va de soi que le préalable à tout cela réside dans la nécessité pour ces établissements
de vivre les transformations actuelles – mondialisation, globalisation et révolution
technologique- comme une opportunité pour évoluer et de se remettre en cause pour éviter de
rester hors ligne, c'est à dire éviter de s'exclure du mouvement de l'innovation et refuser de
prendre part au mouvement des adaptations constantes marquant le fonctionnement du village
planétaire.
C’est là une exigence difficile qu’il n’est plus possible d’évacuer sous peine
d’aggraver les dysfonctionnements actuels. En effet, il devient indispensable que les
établissements de formation s’engagent dans la voie de la modernité, de réfléchir à la manière
de réconcilier les nombreuses contradictions de leurs propres univers administratifs et,
partant, de définir les complémentarités entre le savoir qu’ils dispenses et les valeurs d’une
fonction publique professionnelle au service du développement. D’autre part, il est vrai que
la concrétisation de la volonté des Etats africains de se doter d’agents professionnels est
légitime, mais il est cependant tributaire du sérieux et du temps nécessaire investi dans le
montage, l’examen et la validation des projets de programme d’étude et d’enseignement avant
qu’ils ne soient définitivement figés dans des textes réglementaires qui demeurent le plus
souvent en vigueur durant des décennies rendant ainsi l’opération d’adaptation aux
changements en cours particulièrement difficile.
• D’abord on remarquera que quelque soit leur statut juridique, les structures de
formation administrative en Afrique s’enferment dans une relation univoque avec leur
ministère de tutelle, généralement celui de la Fonction Publique et de la Réforme
Administrative. Evidemment, loin de nous l’idée de mettre en cause la relation
privilégiée, somme toute historique et légitime, établie entre les ENA et l’organe
gouvernemental chargé de définir et de mettre en œuvre la politique de la fonction
publique. Ce qui est préconisé c’est la diversification, l’instauration, l’ouverture sur de
nouveaux partenaires nationaux, sans pour autant que cela ne signifie, en quoique ce
soit, un reniement des liens juridiques existant entre ces instituts et les structures
gouvernementales en charge de la fonction publique.
• Ensuite, il est clair que la capacité actuelle des cadres issus de ces établissements dans
le domaine du management des politiques publiques, est très faible. Or seule la
maîtrise des techniques modernes de management peut aider à susciter le changement
souhaité par tous les Etats africains. En mettant le cap sur le management public, les
établissements africains de formation administrative pourraient donc non seulement
renforcer les capacités et les compétences existantes, mais également appuyer les
expériences de réforme et de changement initiées par les pouvoirs publics.
Sur le plan national ou interne, partout en Afrique, de nouveaux acteurs ont fait
irruption sur la scène politique et sociale, ils travaillent de manière étroite avec
l’administration : c’est le cas des ONG, du mouvement associatif, des collectivités locales, du
secteur privé – les petites et moyennes entreprises notamment -, mais aussi d’un certain
nombre de structures gouvernementales nouvelles au premier rang desquelles il faut
mentionner les télécommunications et la technologie moderne.
C’est vers ces nouveaux acteurs que les établissements africains de formation
administrative sont appelés à se tourner, non en termes de débouchés, mais plutôt en termes
de décodage de leur perception de la manière dont la machine administrative devrait
fonctionner et de connaissance de leurs expériences en tant qu’éléments d’information utiles
au développement d’un type d’enseignement nouveau :
• se rapprocher des ONG afin d'amorcer un enseignement pratique dont les éléments
(informations) constitutifs sont puisés ou empruntés à des acteurs dynamiques, connus
pour leur efficacité et leurs connaissances des réalités sociales ;
• établir des partenariats avec les collectivités locales, plus particulièrement avec les
grandes villes et les organismes d’aménagement urbain qui font face à des difficultés
énormes et doivent développer de nouvelles méthodes ou démarches de gestion
(développer un cycle de management public territorial par exemple) ;
• S'ouvrir sur le secteur privé étant donné que partout dans le monde moderne les
frontières entre ce qui est public et ce qui est privé ont tendance à s'estomper. D'où la
nécessité pour les ENA et instituts similaires de traduire cette réalité dans les
programmes d'enseignement adoptés et ce à deux niveaux essentiels : recruter les
vacataires parmi les dirigeants des entreprises, instaurer en enseignement obligatoire
portant sur l'entreprise pour mieux faire connaître aux futurs responsables des services
publics les contraintes qui pèsent sur les entreprises et les difficultés aux quelles elles
font face, et enfin effacer, dans les programmes, la distinction entre droit public et
• D’abord il est urgent de centrer la coopération internationale sur les aspects liés à
l’acquisition des techniques de production ou d’élaboration de supports
d’enseignement adaptés aux exigences de la gestion publique en Afrique. Dans ce sens
un intérêt particulier doit être accordé à la méthodologie de rédaction des études de cas
et de dossiers pédagogiques pouvant être utilisés comme matière première
d’enseignement ;
• Ensuite, il faut développer, à l’aide de la coopération internationale, une ingénierie
locale d’utilisation des technologies nouvelles d’information dans les programmes
d’enseignement et de formation dispensés dans les ENA et instituts similaires en
Afrique (mise en place de modules de formation à distance, site web, adresses
électroniques pour les élèves…). Autrement dit, s’appuyer sur le savoir-faire accumulé
par les écoles d’administration du Nord dans le domaine didactique pour améliorer le
contenu et la qualité des programmes d’étude.
De par leur formation et leur appartenance même aux ENA, les lauréats de ces écoles
accèdent rapidement à des responsabilités plus ou moins importantes – même s’il est vrai que
cela est de moins en moins fréquent -. Autrement dit, ils sont, dès le début de leur carrière,
placés en position de « managers », c’est à dire en situation d’animer une équipe, d’organiser
son travail, d’orienter son action, de suivre et d’évaluer ses résultats. Or, les nouveaux
lauréats ne sont pas toujours préparés et formés pour cela ; au mieux ils ont appris les
techniques de management dans les livres ou lors des conférences académiques épisodiques
d’ordre théorique. Il faut donc s’employer à mettre fin à cette situation en mettant les élèves
au contact de la vie professionnelle et administrative et surtout en leur apprenant, au moyen
des travaux de groupe et de stage pratique, comment on dirige une équipe et comment on la
mobilise autour d’objectifs précis notamment en déléguant à leurs futurs collaborateurs des
responsabilités réelles et négociées. Pour réaliser cet objectif il faut travailler dans quatre
directions :
• Libérer les programmes de formation en vigueur de l'emprise des disciplines
juridiques pures et mettre l'accent sur les matières d'économie et des finances afin de
privilégier les compétences de contrôle, de planification, de prévision et de bon usage
des ressources ;
• Procéder tous les cinq (5) ans à une révision du programme de formation adopté sur la
base d'une évaluation globale, tenant compte à chaque fois des nouvelles orientations
contenues dans le futur plan du développement économique et social du pays
concerné ;
• Expérimenter le mode de formation en alternance en créant des filières de formation
spécialisées répondant à des besoins spécifiques en liaison avec une ou deux
administrations spécifiques.