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African Training and Research ‫اﻟﻤﺮآﺰ اﻹﻓﺮﻳﻘﻲ ﻟﻠﺘﺪرﻳﺐ‬ Centre Africain de Formation et de

Centre in Administration for ‫و اﻟﺒﺤﺚ اﻹداري ﻟﻺﻧﻤﺎء‬ Recherche Administratives pour le


Development Développement

La Formation des Ressources Humaines en Afrique

Par : le Prof. ZYANI Brahim

Tanger - 2000

Bd. Mohammed V, Pavillon International Tel: (212) 61 30 72 69 - Fax: (212) 39 32 57 85 Bd. Mohammed V, Pavillon International
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La Formation des Ressources Humaines en Afrique, Par, Prof. ZYANI Brahim

1. Introduction

A l’aube du troisième millénaire la question de la formation des ressources humaines


fait l’unanimité autour d’elle. C’est vrai dans les pays industriels , mais ça l’est encore plus
dans les pays d’Afrique dont le niveau de développement économique et social demeure
insuffisant. En effet, en Afrique l’issue du combat contre la pauvreté et le sous développement
infra-structurel, qui constitue la finalité des politiques de développement, dépend des priorités
qui seront accordées aux investissements en capital humain sous forme de renforcement des
capacités de conception et d’exécution des organes de gestion du développement que sont les
administrations publiques.

Autrement dit, la problématique du développement des ressources humaines dans le


continent africain se pose à deux niveaux séparés certes, mais étroitement complémentaires : à
l’échelle de la société – lutte contre l’analphabétisme et généralisation de la scolarité et de
l’éducation de base – et l’échelle de l’Etat, c’est à dire des structures institutionnelles –
amélioration de la performance des employés qui ont la responsabilité de gérer les différents
services publics et de mettre en œuvre les programmes de développement.

La présente étude se place dans le cadre des efforts menés par la puissance publique en
Afrique pour se doter d’un personnel de haut niveau, compétent, efficace et capable de
traduire dans les faits les politiques de développement. Plus particulièrement, ce texte se
penche sur l’examen du degré de pertinence et d’adaptation des programmes de formation et
des méthodes pédagogiques en vigueur dans les institutions de formation administrative en
Afrique. On entend par institutions de formation administrative les écoles et instituts
nationaux d’administration qui ont pour mission générale de former les cadres pour la strate
supérieure de la fonction publique.

Le choix de ces structures se justifie par la place capitale qu’elles tiennent dans le
dispositif de formation et de perfectionnement mis en place par les Etats africains pour
combler les besoins en personnel de leurs administrations respectives. De manière générale
les ENA et structures de formation similaires pourvoient à des postes de responsabilités et de
décision ou du moins à des emplois de conception et d’aide à la décision, d’où l’intérêt
accordé à la manière dont elles fonctionnent.

En effet, la mission première des instituts de formation au métier de gestionnaire


public est la formation. La formation se définit comme processus de transmission des types
de savoir, de savoir-faire et de savoir être nécessaires aux futurs responsables pour exercer
correctement et efficacement les attributions ou compétences dont elles seront investies. C'est
sur la capacité de ces instituts à maîtriser l'ingénierie de la formation, au sens large du terme,
que dépend leur réussite ou leur échec : par ingénierie de la formation nous entendons
l'ensemble des opérations de formulation et de mise en œuvre des programmes de formation
dans les divers domaines de l'activité administrative non seulement en termes de contenu,
mais également -et surtout dirions-nous- en termes de pédagogie et de didactique. Deux
questions fondamentales se posent : au moment où les administrations africaines font face à la
mondialisation est-ce que le contenu des enseignements dispensés actuellement par les
différents instituts africains répond t-il à leurs besoins ? Les méthodes pédagogiques
employées sont-elles pertinentes eu égard aux difficultés d'adaptation réelles auxquelles les
futurs cadres doivent faire face ? La réponse à ces deux interrogations se fonde sur une
approche globale et générale tant il est difficile de prendre en compte ou d'appréhender la

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diversité et la situation interne et externe particulière de chaque institut -mais également les
attentes propres à chaque administration au compte de laquelle il fonctionne-. Mais en réalité
la littérature consacrée à ces questions à l'échelle du contient africain permet tout de même, en
dépit de sa rareté, d'aborder ce sujet avec beaucoup d'assurance.

Préciser les éléments qui fondent le diagnostic, en chercher les causes profondes et en
cerner les enjeux ( Partie I) constituent le préalable nécessaire aux propositions de remèdes
(Partie II).

2. Programmes de formation et méthodes pédagogiques inadaptés : état des lieux et


essai d'implication.

Nous mettons l'accent sur trois (3) aspects de diagnostic général relatif à cette
problématique : d'abord (A) un constat de faible arrimage ente les programmes de formation
et les besoins réels des administrations, ensuite (B) nous démontrons que les démarches
pédagogiques adoptées ne favorisent pas le recours à des méthodes d'étude tournées vers
l'innovation. Enfin (C) nous insistons sur le fait que les instituts de formation administrative
en Afrique sont en réalité victime de la dégradation de l'image de marque de l'administration
tant aux yeux de la société qu'aux yeux des élites politiques concernées.

3. Faible arrimage entre les programmes de formation adoptés et les véritables besoins
des administrations publiques africaines.

En dépit des efforts considérables déployés par les instituts de formation


administrative en Afrique force est de constater que les programmes de formation qu'ils
proposent sont bien loin de répondre aux attentes actuelles de leurs administrations. Les
contenus des enseignements, c'est-à-dire les connaissances, les compétences et les
comportements professionnels réellement opérationnels tels que les attendent les
commanditaires de la formation, ne collent pas suffisamment aux difficultés réelles de gestion
des problèmes qui se posent quotidiennement aux services. Les instituts ont beau apporter les
corrections nécessaires aux cursus de formation, améliorer et diversifier les disciplines et les
matières enseignées, spécifier et recadrer les plans de cours etc…, rien n'y fait, le constat est
là : un décalage permanent demeure entre la nature et la qualité du savoir transmis et les
capacités de gestion réelles que l'administration exige des lauréats de ces instituts. Quelles
sont les vraies raisons de cette situation à laquelle la globalisation et la révolution
technologique actuelle donnent une ampleur considérable ? Faut-il au contraire conclure à un
impossible rattrapage dans ce domaine et se rendre à l'évidence : que les institutions de
formation à l'administration et à la gestion publique dans la majorité des pays d'Afrique sont,
sur ce plan, fondamentalement et structurellement mal armées pour assurer la formation des
profils appropriés que les administrations attendent d'elles. Et qu'il faudrait, devant les
mutations majeures qui s'imposent aux systèmes de gouvernance en vigueur sur le continent
africain, se livrer à un véritable reeingineering du rôle et des missions de ces établissements
de formation de manière à les réintégrer définitivement aux évolutions accélérées et
significatives de leurs environnements administratifs.

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Dans cette perspective, il est important d'identifier avec précision les causes
fondamentales qui expliquent le sentiment d'insatisfaction générale à l'égard de la mission de
formation assumée par ces instituts jugée trop théorique, privilégiant davantage les aspects
juridiques et normatifs au détriment des spécialités directement liées à l'action administrative
(capacités d'analyse de dossier, de gestion et de direction des ressources humaines et
matérielles…).

Il y a au moins trois causes essentielles à ce malaise :

1. Les institutions de formation en administration publique en Afrique connaissent très


mal les besoins en profils pointus exigés par les services pour lesquels elles travaillent.
Les administrations elles-mêmes disposent rarement des capacités nécessaires pour
apprécier avec précision leurs besoins. Leurs attentes, contrairement à une opinion très
répandue, évoluent très vite. Les moyens budgétaires dont elles disposent pour
formuler et mettre en œuvre les politiques publiques les mettent en face du monde réel
au moment où les instituts appréhendent la réalité administrative à travers des manuels
et des textes juridiques. Enfin les hommes politiques, en fixant des objectifs ambitieux
à leurs appareils, contribuent en fait et sans le savoir, à l'élargissement du fossé qui
sépare lesdits instituts de leur environnement institutionnel ;

2. Les instituts de formation administrative d'Afrique ne parviennent pas toujours à aller


au-delà d'une formulation générale des besoins exprimés d'ailleurs en termes globaux
et ambigus par les administrations ; les compétences internes dont ils disposent
manquent d'expérience dans ce domaine : elles font preuve de méconnaissance du
milieu administratif, de ses mœurs, de ses habitudes, de ses modes de pensées, de
fonctionnements et d'action. Aussi en définitive les objectifs de formation et le
contenu des enseignements retenus ne sont-ils finalement que des copies très pâles des
besoins dont ils prétendent procéder ;

3. L'approche juridique et organisationnelle suivie pour recadrer les programmes finit


par les figer dans des textes (lois, décret, ordonnance) qui demeurent en vigueur pour
des périodes assez longues alors que, entre temps, l'évolution des politiques publiques
font naître des besoins nouveaux de qualification qui se manifestent souvent de façon
ponctuelle pour des effectifs limités, et qu'il faut être en mesure de satisfaire
rapidement et convenablement : formation en gestion des ressources humaines,
formation au management public, formation à la communication, à la gestion urbaine
et à l 'usage des technologies modernes.

4. Des choix pédagogiques inefficaces

Abstraction faite du contenu des programmes de formation, comment enseigne t-on


aujourd'hui l'administration publique en Afrique ? Autrement dit quelles sont les démarches
pédagogiques les plus couramment utilisées dans les instituts africains de formation
administrative ? Et pourquoi, d'emblée, nous portons un jugement défavorable sur ces
méthodes en les considérant globalement insuffisantes donc inefficaces ?

L'efficacité d'une action de formation, quelle que soit sa nature initiale ou en cours
d'emploi, est profondément liée à l'ensemble de la démarche d'apprentissage et tout processus
de transmission des savoirs est conditionné par l'importance accordée également aux
méthodes ou modalités pédagogiques utilisées pour assurer cette transmission. Or, il faut bien

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constater que dans la plupart des établissements de formation à l'administration publique en


Afrique, la préoccupation première -sinon exclusive- est la définition du contenu des matières
souvent beaucoup plus en termes de savoir qu'en termes de savoir-faire- bien qu'il s'agisse de
gestion- et encore moins en termes de savoir être. Les questions de didactique et de pédagogie
sont reléguées au second plan : seul importe la quantité d'informations, de normes, de textes et
de connaissances dispensés. Sans doute de nombreuses tentatives ont été initiées dans ce
domaine par les ENA ou par le CAFRAD, appuyés en cela par des partenaires étrangers -IIAP
et ENAP du Québec en particulier-, sans doute également que de nombreux formateurs
africains s'efforcent individuellement à améliorer et à diversifier les outils pédagogiques dont
ils se servent pour assurer leurs enseignements.

Mais malgré ces efforts et en dépit aussi d'innombrables ateliers et séminaires


consacrés à cette question la réalité de l'enseignement de l'administration en Afrique demeure
aujourd'hui dominée par ce que Marcel LESNE1 appelle "le modèle transmissif à orientation
normative" qui fait du formé un objet de formation et non un sujet. Pour étayer cette prise de
position, rappelons ici très brièvement les grandes familles de méthodes d'enseignement
possibles et essayons de repérer celles qui se taillent la part du lion dans les instituts africains
de formation administrative. Ces méthodes sont au nombre de six (6) : les méthodes basées
sur l'exposé, les méthodes basées sur la discussion, les méthodes basées sur les documents
écrits, les méthodes basées sur la rétroaction, les méthodes de modelage du comportement et
les méthodes basées sur le recours à des technologies. Parmi toutes ces méthodes ce sont
celles qui sont basées sur l'exposé, et plus particulièrement le cours magistral, qui a la
préférence du monde de l'enseignement de l'administration publique en Afrique. Or, l'on sait
que ce genre de méthodes d'enseignement, excellentes pour présenter une grande quantité
d'informations ou pour mettre l'accent sur les points importants de la matière présentée, ne
favorisent pas l'implication des participants, et elles ne permettent pas toujours de prendre en
considération l'environnement de travail dans lequel ils évoluent.

Contrairement à ces méthodes, les techniques de modelage du comportement sont sans


aucun doute les plus efficaces par ce qu'elles font appel à plusieurs procédés de formation
(coaching, stage d'apprentissage, auto-formation). Ces méthodes de modelage du
comportement qui ne sont efficaces que pour un nombre limité de participants, ne sont pas
très répandues en Afrique.

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5. Comment expliquer cette situation ?

• Les Ecoles d'administration africaines font appel à de nombreux vacataires sur


lesquels elles n'ont pas prise. –Exemple, à la fin des années 90 une soixantaine de
vacataires intervenaient à l'ENA de Rabat, une cinquantaine à l'ENA de Bangui-.
Certes les vacataires issus des administrations contribuent au rapprochement entre
l'univers de l'administration et celui du savoir et de la formation, mais les conditions
réelles de leur intervention ne leur permettent guère de transmettre correctement leur
connaissance et expérience ;
• Les tentatives faites ici et là pour se libérer de cette fidélité "au cours magistral" où
l'apprenant doit "faire silence", "évoquer" au moment où le professeur le lui demande,
ont rarement abouti à une transformation en profondeur des modes et des outils
d'enseignement en place. Les formateurs permanents formés à grands frais, à l'usage
des méthodes pédagogiques modernes, grâce à l'aide des partenaires extérieurs partent
s'employer ailleurs dans des fonctions plus gratifiantes et rémunératrices, sans que les
instituts de formation africains parviennent à les retenir ;
• les nouvelles méthodes d'enseignement supposent le recours à des supports
pédagogiques visuels et audio-visuels et des outils didactiques d'ordre spécial. Or, les
établissements africains ne disposent pas facilement des moyens budgétaires
nécessaires à leurs acquisitions. De même le personnel technique nécessaire et
compétent pour en assurer le fonctionnement et la maintenance fait défaut sans parler
des difficultés liées à la production et au développement des supports pédagogiques
pertinents et riches en enseignement.

6. L'impact négatif de la mise en cause du rôle de l'Administration dans le


développement économique et social.

Les établissements de formation administrative africains ont longtemps pâti de


l'incapacité de l'Administration publique à s'acquitter de son rôle d'agent de développement
économique et social. Pire encore, l'administration a fini par être accusée de freiner le
développement, d'enserrer l'initiative privée dans un carcan de procédures bureaucratiques, de
bloquer l'investissement et de soumettre la société toute entière à des normes qui lui sont
entièrement étrangères.

Les ressources humaines employées par les administrations se trouvent au centre de la


critique : on reproche à l'administration en particulier d'employer des incompétents,
d'organiser à leur faveur un cadre juridique excessivement protecteur et de sanctionner
rarement les comportements de négligence dont ils font preuve à l'égard des citoyens. Les
salaires versés aux fonctionnaires coûtent chère aux sociétés africaines pauvres au moment où
l'éventail et la qualité des prestations rendues à la collectivité continuent de se rétrécir ou de
baisser.

Dans ces conditions il est difficile aux instituts de formation administrative de rester à
l'abri des critiques formulées à l'égard d'une administration à laquelle ils sont organiquement
liés. Ces attaques sont d'autant justifiées que l'administration n'est pas parvenue à se corriger
elle-même de ses erreurs, en dépit des multiples tentatives de réformes dont elle est
constamment l'objet. Même des réformes d'ordre structurel administrées aux systèmes de

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gouvernance en place dans le cadre des politiques d'ajustement structurel n'ont pas réussi à
redresser la situation, en dépit de l'appui méthodologique, politique et financier considérable
dont ces réformes ont bénéficiées.

Bref, en définitive on peut avancer que le discrédit qui pèse sur les administrations
dans la majorité des pays africains atteint par ricochet les établissements de formation
administrative qui ne peuvent de ce fait bénéficier d'un élan de solidarité au sein de la société
ou dans l'univers politique, ce qui explique -en partie seulement bien sûr- la modicité des
moyens budgétaires mis à leur disposition, même si l'on continue dans le discours officiel à
louer les efforts de ces instituts et à souligner leur rôle vital dans la préparation des cadres
responsables de l'administration de demain.

7. Proposition pour un renouveau de la mission des institutions africaines de


formation administrative : gagner le pari technologie.

Quelles sont les pistes d'adaptation qui s'offrent devant les établissements africains de
formation administrative pour tirer profit de la mondialisation et de la globalisation qui
caractérisent le monde moderne ? Comment faire en sorte que ces instituts puissent tirer
pleinement profit de la révolution technologique actuelle, de l'extension vertigineuse de
l'économie du savoir et de l'explosion des outils de stockage et de traitement de l'information
et de communication à échelle ?

Il va de soi que le préalable à tout cela réside dans la nécessité pour ces établissements
de vivre les transformations actuelles – mondialisation, globalisation et révolution
technologique- comme une opportunité pour évoluer et de se remettre en cause pour éviter de
rester hors ligne, c'est à dire éviter de s'exclure du mouvement de l'innovation et refuser de
prendre part au mouvement des adaptations constantes marquant le fonctionnement du village
planétaire.

C’est là une exigence difficile qu’il n’est plus possible d’évacuer sous peine
d’aggraver les dysfonctionnements actuels. En effet, il devient indispensable que les
établissements de formation s’engagent dans la voie de la modernité, de réfléchir à la manière
de réconcilier les nombreuses contradictions de leurs propres univers administratifs et,
partant, de définir les complémentarités entre le savoir qu’ils dispenses et les valeurs d’une
fonction publique professionnelle au service du développement. D’autre part, il est vrai que
la concrétisation de la volonté des Etats africains de se doter d’agents professionnels est
légitime, mais il est cependant tributaire du sérieux et du temps nécessaire investi dans le
montage, l’examen et la validation des projets de programme d’étude et d’enseignement avant
qu’ils ne soient définitivement figés dans des textes réglementaires qui demeurent le plus
souvent en vigueur durant des décennies rendant ainsi l’opération d’adaptation aux
changements en cours particulièrement difficile.

Deux grandes orientations stratégiques sont susceptibles de revaloriser la mission de


formation initiale assumée par les écoles d’administration africaines :

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• D’abord on remarquera que quelque soit leur statut juridique, les structures de
formation administrative en Afrique s’enferment dans une relation univoque avec leur
ministère de tutelle, généralement celui de la Fonction Publique et de la Réforme
Administrative. Evidemment, loin de nous l’idée de mettre en cause la relation
privilégiée, somme toute historique et légitime, établie entre les ENA et l’organe
gouvernemental chargé de définir et de mettre en œuvre la politique de la fonction
publique. Ce qui est préconisé c’est la diversification, l’instauration, l’ouverture sur de
nouveaux partenaires nationaux, sans pour autant que cela ne signifie, en quoique ce
soit, un reniement des liens juridiques existant entre ces instituts et les structures
gouvernementales en charge de la fonction publique.

• Ensuite, il est clair que la capacité actuelle des cadres issus de ces établissements dans
le domaine du management des politiques publiques, est très faible. Or seule la
maîtrise des techniques modernes de management peut aider à susciter le changement
souhaité par tous les Etats africains. En mettant le cap sur le management public, les
établissements africains de formation administrative pourraient donc non seulement
renforcer les capacités et les compétences existantes, mais également appuyer les
expériences de réforme et de changement initiées par les pouvoirs publics.

8. Instaurer de nouveaux rapports à l'environnement national et international.

Sur le plan national ou interne, partout en Afrique, de nouveaux acteurs ont fait
irruption sur la scène politique et sociale, ils travaillent de manière étroite avec
l’administration : c’est le cas des ONG, du mouvement associatif, des collectivités locales, du
secteur privé – les petites et moyennes entreprises notamment -, mais aussi d’un certain
nombre de structures gouvernementales nouvelles au premier rang desquelles il faut
mentionner les télécommunications et la technologie moderne.

C’est vers ces nouveaux acteurs que les établissements africains de formation
administrative sont appelés à se tourner, non en termes de débouchés, mais plutôt en termes
de décodage de leur perception de la manière dont la machine administrative devrait
fonctionner et de connaissance de leurs expériences en tant qu’éléments d’information utiles
au développement d’un type d’enseignement nouveau :

• se rapprocher des ONG afin d'amorcer un enseignement pratique dont les éléments
(informations) constitutifs sont puisés ou empruntés à des acteurs dynamiques, connus
pour leur efficacité et leurs connaissances des réalités sociales ;
• établir des partenariats avec les collectivités locales, plus particulièrement avec les
grandes villes et les organismes d’aménagement urbain qui font face à des difficultés
énormes et doivent développer de nouvelles méthodes ou démarches de gestion
(développer un cycle de management public territorial par exemple) ;
• S'ouvrir sur le secteur privé étant donné que partout dans le monde moderne les
frontières entre ce qui est public et ce qui est privé ont tendance à s'estomper. D'où la
nécessité pour les ENA et instituts similaires de traduire cette réalité dans les
programmes d'enseignement adoptés et ce à deux niveaux essentiels : recruter les
vacataires parmi les dirigeants des entreprises, instaurer en enseignement obligatoire
portant sur l'entreprise pour mieux faire connaître aux futurs responsables des services
publics les contraintes qui pèsent sur les entreprises et les difficultés aux quelles elles
font face, et enfin effacer, dans les programmes, la distinction entre droit public et

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droit privé en adoptant des « enseignements horizontaux » se référant à une culture


juridique générale ;
• Nouer des partenariats avec l'autorité gouvernementale chargée des
télécommunications et de la technologie pour tirer profit du savoir-faire des
hommes/ressources employés par ces organismes et permettre ainsi aux élèves en
cours de formation de se familiariser avec les équipements technologiques de ces
organismes. Les ENA s'appuieront sur l'autorité morale ou sur le poids politique -selon
le cas- du Ministère de la Fonction Publique duquel elles dépendent pour aider à la
réalisation de ce rapprochement

Au niveau international, la formation à la gestion publique est devenue un domaine


privilégié de coopération, de mise en commun des expériences, de partage des connaissances
et des méthodes. Il est réconfortant de constater que les structures de formation administrative
en Afrique ont, dans leur grande majorité, compris tout le bien qu’elles peuvent attendre du
développement d’actions de coopération avec des écoles étrangères similaires. Toutefois, il
faut bien admettre que l’engouement pour la coopération dans les domaines de formation et
de fonction publique s’explique par l’importance des chantiers de réforme administrative
ouverts par les pays africains. Mais qu’à cela ne tienne, les Ecoles d’administration africaines
sont déterminées à s’engager dans ce mouvement générale. Mais dans quelle mesure les
actions de coopération menées jusqu’ici ont-elles eu des implications directes et positives sur
les programmes d’enseignement et surtout sur les méthodes pédagogiques en place ? Rien
n’est moins sûr, d’autant plus que les établissements africains de formation à l’administration
ne sont pas parvenue à développer un vrai projet d’établissement dans lequel pouvait se couler
les apports de la coopération étrangère.

Par conséquent un recentrage de la coopération menée au niveau de ces établissements


s’impose. Nous proposons trois directions à cette réorientation :

• D’abord il est urgent de centrer la coopération internationale sur les aspects liés à
l’acquisition des techniques de production ou d’élaboration de supports
d’enseignement adaptés aux exigences de la gestion publique en Afrique. Dans ce sens
un intérêt particulier doit être accordé à la méthodologie de rédaction des études de cas
et de dossiers pédagogiques pouvant être utilisés comme matière première
d’enseignement ;
• Ensuite, il faut développer, à l’aide de la coopération internationale, une ingénierie
locale d’utilisation des technologies nouvelles d’information dans les programmes
d’enseignement et de formation dispensés dans les ENA et instituts similaires en
Afrique (mise en place de modules de formation à distance, site web, adresses
électroniques pour les élèves…). Autrement dit, s’appuyer sur le savoir-faire accumulé
par les écoles d’administration du Nord dans le domaine didactique pour améliorer le
contenu et la qualité des programmes d’étude.

Enfin, il y a lieu de placer la mise à niveau des connaissances et des habiletés


pédagogiques des enseignants permanents affilés à ces instituts au cœur de la finalité des
accords de coopération passés avec leurs homologues étrangers. Faire en sorte que les
capacités d’enseignement de leurs formateurs ne soient pas dépassées et déconnectées des
réalités administratives locales, mais aussi des expériences innovantes à l’échelon
international. Les stages périodiques et les séjours d’étude à l’étranger contribueront à coup
sûr au maintien, voire à l’amélioration continue, du niveau du cursus de formation dispensé
par ces instituts.

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9. développer des modules de formation/action en management public.

De par leur formation et leur appartenance même aux ENA, les lauréats de ces écoles
accèdent rapidement à des responsabilités plus ou moins importantes – même s’il est vrai que
cela est de moins en moins fréquent -. Autrement dit, ils sont, dès le début de leur carrière,
placés en position de « managers », c’est à dire en situation d’animer une équipe, d’organiser
son travail, d’orienter son action, de suivre et d’évaluer ses résultats. Or, les nouveaux
lauréats ne sont pas toujours préparés et formés pour cela ; au mieux ils ont appris les
techniques de management dans les livres ou lors des conférences académiques épisodiques
d’ordre théorique. Il faut donc s’employer à mettre fin à cette situation en mettant les élèves
au contact de la vie professionnelle et administrative et surtout en leur apprenant, au moyen
des travaux de groupe et de stage pratique, comment on dirige une équipe et comment on la
mobilise autour d’objectifs précis notamment en déléguant à leurs futurs collaborateurs des
responsabilités réelles et négociées. Pour réaliser cet objectif il faut travailler dans quatre
directions :
• Libérer les programmes de formation en vigueur de l'emprise des disciplines
juridiques pures et mettre l'accent sur les matières d'économie et des finances afin de
privilégier les compétences de contrôle, de planification, de prévision et de bon usage
des ressources ;
• Procéder tous les cinq (5) ans à une révision du programme de formation adopté sur la
base d'une évaluation globale, tenant compte à chaque fois des nouvelles orientations
contenues dans le futur plan du développement économique et social du pays
concerné ;
• Expérimenter le mode de formation en alternance en créant des filières de formation
spécialisées répondant à des besoins spécifiques en liaison avec une ou deux
administrations spécifiques.

Se doter d'un plan de recherche dont le contenu se rapporte directement à


l’amélioration des conditions de fonctionnement des services administratifs, mettre en place
dans l’établissement un observatoire chargé de suivre les actions de réforme lancées par les
pouvoirs publics, d’en analyser le contenu, les objectifs et les contraintes.

En conclusion, le processus de modernisation des systèmes de gouvernance en Afrique


est résolument engagé. La Charte de la Fonction Publique en Afrique, récemment adoptée par
les Ministres de la Fonction Publique – Windhoek , du 5 au 6 février 2001 -, procède du souci
des Etats africains à améliorer les conditions de gestion et de satisfaction des besoins des
usagers du service public.

Il va de soi que l’amélioration de la formation des fonctionnaires africains revêt une


très grande importance. Les Ecoles et Instituts d’Administration Publique doivent prendre le
devant du changement et participer au mouvement de la mondialisation. Les voies de réforme
et d’adaptation suggérées dans le présent rapport sont susceptibles d’aider à ce que leurs
efforts dans ce domaine soient couronnés de succès.

Centre Africain de Formation et de Recherche Administratives pour le Développement – CAFRAD

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