DOSSIER N° 2010/07288
N° PARQUET : P093239603/3
ARRET DU 3 MARS 2011
COUR D'APPEL DE PARIS
POLE7
DEUXTEME CHAMBRE DE L’INSTRUCTION
APPEL D'UNE ORDONNANCE
(article 86 alinéa 4 du Code de procédure pénale)
ARRET
(N° 140, 17 pages)
Prononcé en audience publique le trois mars deux mil onze.
Procédure introduite contre X des chefs de prise illégal d’intérét
SUR PLAINTE AVEC CONSTITUTION
PARTIES CIVILES :
1. Ayant pour avocat Me K, 2 avenue de la République - 94100 ST MAUR DES
F Set
CGT DES AGENTS DE LA CAISSE D'EPARGNE LOIRE DROME. ARDECHE, représentée
par Gérard VALLET
CGT DES PERSONNELS DE LA CAISSE D EPARGNE RHONE ALPES, représentée par
Jean-Paul BOYON
CGT DES PERSONNELS DE LA CAISSE D'EPARGNE BOURGOGNE FRANCHE
COMTE, représentée par Vincent NARDIN
CGT DES PERSONNELS DE LA CAISSE D'EPARGNE COTE D'AZUR, représentée par
Michel CASTALDO
CGT DES PERSONNELS DE LA CAISSE D'EPARGNE DE BRETAGNE, représentée par
Brigitte RAGOT
FE D'EPARGNE DES PAYS DU HAINAUT.
* At
CGT DES PERSONNELS DE LA CAISS
représentée par Christophe SAVAUXCGT DES PERSONNELS DE LA CAISSE D'EPARGNE ILE DE F RANCE, représentée par
Daniel DAUBIN
CGT DES PERSONNELS DE LA CAISSE D'EPARGNE LORRAINE CHAMPAGNE
ARDENNE, représentée par Daniel SCHMITT
CGT DES PERSONNELS DE LA CAISSE D'EPARGNE MIDI PYRENEES, représentée par
Frangois LACOSTE
CGT DES PERSONNELS DE LA CAISSE D'EPARGNE PROVENCE ALPES CORSE,
représentée par Eliane MARECAL
CGT DES PERSONNELS DU GROUPE BANQUE PALATINE, représentée par Chantal
ARNOULD
CGT AUVERGNE LIMOUSIN, représentée par Pascal
PERSONNEL BANQUE ASSURANt
ANDOUX
2, Autres avocats
MAJSTER Nathanail, domicilié chez son conseil
Ayant pour avocat Me RICHARD, 133 boulevard du Montparnasse - 75006 PARIS,
SUD CAISSE D'EPARGNE, 35 boulevard Sébastopol - 75001 PARIS,
Ayant pour avocat Me DUCROCQ, 61 avenue Jean Lebas - 59100 ROUBAIX
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats
M. MAGDELEINE, Président
M. OLLAT, Conseiller
M. GUIGUESSON, Conseiller
Tous trois désignés en application des dispositions de l'article 191 du Code de procédure
pénale, et qui ont, a issue des débats, délibéré seuls conformément Particle 200 dudit code.
Greffier : Mlle PONTONNIER
Ministere public : M. BARRAL, Avocat général
Lors du prononeé de Parrét : il a été donné lecture de I’arrét par M. MAGDELEINE, Président,
en présence de M. BARRAL, Avocat général, représentant le Ministére public et de Mile
PONTONNIER, greffier. -DEBATS
Par arrét distinet du 3 février 2011, la Cour a dit y avoir liew a pu des débats ;
4 audience publique du méme jour, ont été entendus :
M, OLLAT, Conseiller, en son rapport
M. BARRAL, Avocat général, en ses réquisitions
Me DUCROCQ, avocat de la société Sud Caisse d’Epargne, partie civile
Me RICHARD, avocat de Nathanaél MAJSTER, pattie civile
Me KARSENTI, avocat des 12 autres parties civiles, ci-dessus mentionnées
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Par ordonnance du 18 juin 2010, le juge dinstruction du Tribunal de Grande Instance de
PARIS a dit n'y avoir lieu a informer.
Leméme jour, ladite ordonnancea éténotifige aux parties civiles, leurs avocats ainsi qu’au
procureur de Ia République, conformément aux dispositions de l'article 183 alinéas 2, 3, 4 et 5 du
Code de procédure pénale,
Le 23 juin 2010, le procureur de la République du Tribunal de Grande instance de Paris a
interjeté appel, a titre principal, de cette ordonnance au greffe dudit tribunal
Ladated laquelle laffaire serait appelée a l'audience a été notifiée par lettres recommandées
du 17 janvier 2011 aux parties civiles (adresse déclarée), ainsi qu'a leurs avocats.
Le méme jour, le dossier comprenant le réquisitoire écrit de M. le Procureur général en date
du 29 octobre 2010, a été déposé au grefie de la Chambre de instruction et tenu 4 la disposition
des avocats des parties civiles.
Me KARSENTI, avocat des 12 parties civiles, ci-dessus mentionnées, aadressé par fax, recu
el® février 2011, au greffe de la Chambre de Vinstruction, un mémoire visé par le grefiier,
Communiqué au Ministére public et classé au dossier.
Me DUCROCQ) avocat de la société Sud Caisse d'Epargne, partie civile, a adressé par fax,
regu le 1* février 2011, au greffe de Ia Chambre de l’instruction, un mémoire visé par le grefilier,
communiqué au Ministére public et classé au dossier.
Me Richard, avocat de Nathanaél MAJSTER, partie civile, a déposé le 11 février 2011, au
greffe de la Chambre de instruction, un mémoire visé par le greffier, communiqué au Ministére
public et classé au dossier.Prise aprés en avoir délibéré,
EN LA FORME,
Considérant que cet appel, régulier en la forme, a été interjeté dans le délai de 'article 185
du Code de procédure pénale ; qu'il est done recevable +
AU FOND
Le syndicat SUD CAISSES D’EPARGNE, représenté par son secrétaire général et les
Syndicats régionaux CGT des agents de la Caisse d'Epargne et de la Banque Palatine, constitués en
un collectif national, ont déposé plainte avec constitution de parte civile, les 13 et 2 novembre
2000, aprés classement sans suite d'une premisre plainte simple, contre Francois PEROL, président
dn directoire de la Caisse nationale des caisses d°épargne et de la Banque fédérale des banques
Populaites, nommé.ces fonetions le 2 mats 2009, pout des fits qualifigs de prise illégale dimtérét.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 18 mai 2010,
1 Gait exposé que Frangois PEROL exergait, avant cette nomination, la fonction de
seerétaire général adjoint au cabinet du Président de la République oii était en charge des affaires
financiéres et industrielles et qu'il avait de ce fait la qualité d'agent public. 1 etait rappelé que
depuis 2002, Frangois PEROL avait exereé des fonctions de directeur adjoint aucabinet a Ministre
des finances, en charge des questions financigres et bancaires, quilavail“scell6” en 2004 on accord
Wisant dla eréation de la banque IXIS dont la Caisse d'Epargne devait prendre le controle squiil
Gait ensoite rejoin la bangue ROTHSCHILD et que malgré un avis défavorable dela commision
de déontologie, il avait piloté la eréation de NATIXIS, banque produit de la fusion de IXIS et
NATEXIS établissements appartenant aux groupes Caisse d'Epargne et Banques Populares,
‘es plaignants rappelaient que le délit de prise illégale dintérét est consommé ds que le
prevent a pris directement ou inditectement un intérét dans une entreprise ou dans une opération
dont il avait, au moment de l'acte, la surveillance ou I’administration, eelles-oi se réduiraient-elles
‘au simple pouvoird’émettre un avis en vue de décisions prises par @autresouade simples pouvoirs
de préparation ou de proposition de décisions prises par d’autres, La rélité de cette surveillance est
attesiée par Ia presse, de nombreux articles publiés entre le 26 janvier et le 6 mars 2009 le
démontrant amplement. L’intérét peut étre aussi bien matétiel que moral L’élément intentionnel
St caractérisé par le seul fit de accomplissement conscient de act les plaignants rappelant qu’
un fonctionnaire coupable d’ingérence n’est pas un fonctionnaire coupable de corruption, c’est un
fonctionnaire coupable de s’étre exposé a la médisance”,cadre de ses activités ministérielles ou en qualité de secrétaire général adjoint a la Présidence de la
République, commettant ainsi le lit de prise illégale d'intéretsnéprimé pat les articles 433.1 et
452-13 du Code pénal. L’actioncivile est fondée sur les dispositions de article 2131-4 du Cade
du travail et article 2 du Code de procédure pénale, la nomination causant un préjudice a
Tensemble des salariés du groupe dans la mesure ou a politique menée par Frangois PEROL 1?
pas permis le redressement de la bangue et qu’un plan social entrainant la suppression de 4500
emplois est envisage,
Le dossier des plaintes déposées entre les mains du procureur de la République et
Comporiant notamment enquete préliminaire ordonnée, consécutivement aux plaintes initiales des
syndicats et des associations ANTICOR et CONTRIBUABLES ASSOCIES, ont été jointes a ta
procédure.
Frangois PEROL, entendu le 8 avril 2009, pares services dela brigade financiére, décrivait
longuement ses fonctions, précisant qu’il lui appartenait d’apporter au Président de la République
lun éclairage sur les conséquences politiques des choix fails en matiére économique par le
Gouvernement ainsi que sur la cohérence de ces choix avec les grandes options politiques du
Frésident, Cet éclairage était politique et non technique. II avait également une mission de
‘iplomatie économique, qui consistait en la préparation des reunions intemationales et une mission
information sur certains dossiers et sur les questions économiques, Ie conduisant & préparer des
synthéses surla conjoncture, des rencontres avec certains interlocuteurs et répondre a des questions
Posées sur ces sujets. Il indiquait qu’il n’existait pas d’écrit fixant le contenu de ses fonctions, mais,
il précisait qu'il n'avait aucun pouvoir propre et aucune délégation ou pouvoir de signature. Il
}
-14- |synthéses sur la conjoncture, préparer des rencontres avec certains interlocuteurs, ’informer sur des
sujets économiques trés divers et répondre des demandes du Président sur ces questions”;
Considérant que si cette description des fonctions de Frangois PEROL n’est pas contestée,
‘cependant les piéces produites a l’appui des plaintes mentionnaient son influence déterminante sur
les décisions prises. pour la fusion des deux établissements bancaires ; que les copies de courriers
anonymes regus par le juge d’instruction, adressés par Frangois SUREAU a Charles MILHAUD,
qui sont des comptes rendus d’entretien avec Frangois PEROL, tendenta établir I’intérét qu'il porte
au dossier et la prise en compte par ses interlocuteurs de ses interrogations sur les choix
stratégiques ;
Considérant que Frangois PEROL confirme avoir rencontré les acteurs du projet, a plusieurs
reprises, afin de permettre au Président de la République de disposer ’une information direete ;
qu'il justific 'intérét porté sur ce dossier : “les autorités considérant qu’il fallait une intervention
de I’Etat, il fallait une analyse politique de cette décision d°aider une nouvelle fois les banques,
comment expliquer cela a l’opinion. L’enjeu était le respect de l’engagement politique du Chef de
Etat qu’aucune banque en France ne ferait défaut”;
Considérant que Frangois PBROL indique avoir donné deux avis sur l'opération, mais dont
les deux seuls destinataires étaient le Président de la République et le Secrétaire général de la
Présidence ; qu'il n’est pas contesté qu’il ne s’agit pas d’autorités juridiquement compétentes pour
Vopération de fusion et son financement ;
Considérant que lors de son audition par la Commission des Finances, de I'Eeonomie et du
Plan de |’ Assemblée nationale le 25 mars 2009 (procés-verbal annexé a la procédure de la brigade
financiére) Frangois PEROL soulignait ainsi: “la thése selon laquelle je serais en situation de prise
illégale d’intérét est purement politique. J’ai certes donné mon avis au Président de la République,
mais cela ne signifie pas que je sois en situation de prise illégale d’intéréts car, contrairement a ce
que vous pensez, les institutions fonetionnent : c’est la Commission bancaire qui est chargée du
controle des banques ; c’est le Ministére des finances qui est chargé de la régulation du systéme
bancaire. C’est 1a commission bancaire et la direction générale du Trésor qui instruisent les dossiers
et ce sont elles, et non pas moi, qui ont calibré le plan de recapitalisation bancaire” ;
Considérant qu’il ressort ainsi, de fagon manifeste, de ces éléments que dans l’exercice de
ses fonctions, Frangois PEROL n’avait au sens de la loi pénale, ni “la charge d’assurer la
surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement”, ni d’assurer la surveillance ou le
contréle d’une entreprise, de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de
formuler un avis sur de tels contrats, de proposer directement a l’autorité compétente des décisions
relatives a des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles
décisions”; qu'il ressort de enquéte préliminaire qu’aucun des actes auxquels il a pu procéder,
auditions, missions d’information, avis destinés au Président de la République et au Secrétaire
général de la Présidence de la République, qui étaient de sa compétence, ne permettent de
caractériser I’infraction de prise illégale d’intéréts ; qu’il n’a pas et ne pouvait pas, au regard de la
nature de ses fonctions, intervenir dans le processus formalisé de prise des décisions administratives
“15.relativement a Ia fusion et a la recapitalisation des établissements bancaires concemés ; qu’en
conséquence, les investigations envisagées par le juge d’instruction ne sont pas utiles a la
manifestation de la vérité ; qu’il est établi de fagon manifeste, que les faits dénoncés par les
plaignants n’ont pas été commis; qu’il y a ainsi lieu, en application des dispositions de article 86
alinéa 4 du Code de procédure pénale, d’infirmer l’ordonnance entreprise et de dire n'y avoir lieu
4 suivre contre quiconque du chef des infractions de prise illégale d’intérét ou de prise de
participation, les faits n’étant susceptibles d’aucune autre qualification pénale ;
Sur Papplication des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale :
Considérant que les conditions d’ application de ces dispositions ne sont pas réunies ; que
ce texte prévoit en effet que “le tribunal condamne l’auteur de l’infraction...”; qu'il ya ainsi lieu au
rejet de la demande du syndicat SUD en paiement d’une somme sur ce fondement ;
PAR CE
LA COUR,
‘Vu les articles 177, 183, 185, 186, 194, 198, 199, 200, 207, 216, 217 et 801 du Code de
procédure pénale,
EN LA FORME
DECLARE L'APPEL RECEVABLE
DECLARE recevables les réquisitions du Mi
déclarées irrecevables les constitutions de partie civile
ere public tendant A ce que soit
DECLARE irrecevables les constitutions de partie civile de Nathanael MAJSTER, des
Syndicats Sud Caisse d’Epargne, CGT des agents et des personnels des Caisses d’Epargne,
CGT du Groupe Banque Palatine et du Personnel Assurance CGT
AU FOND
VU L’ARTICLE 86 alinéa 4 du Code de procédure pénale,
LE DIT BIEN FONDE,
INFIRME L'ORDONNANCE ENTREPRISE,
VU les investigations réalisées a la suite du dépdt de la plainte,
DIT qu’il est établi de fagon manifeste que les faits dénoncés par les parties ci
n'ont pas étre commis ,
-16-DIT n’y avoir lieu a suivre du chef de prise illégale d’intérét, les faits dénoncés ne
pouvant admettre aucune autre qualification pénale,
DIT n’y avoir liew 4 application des dispositions de Particle 475-1 du Code de
proeédure pénale,
ORDONNE que le présent arrét sera exécuté & la diligence de M, le Procureur général.
M. MAGDELEINE, Président de la Chambre de instruction et Mlle PONTONNIER,
areffier, ont signé la minute du présent arrét
LE GREFFIER LE PRESIDENT
-17-