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Romain Rolland

ROMAIN ROLLAND

Je ne crois pas, pour ma part, un seul Dieu personnel, ni surtout un Dieu de la seule douleur. Mais je crois que - douleur et joie mles, et avec elles toutes les formes de la vie il n'est de Dieu que ce qui, dans l'homme et dans les hommes et dans l'univers, est une naissance perptuelle. La Cration se renouvelle, chaque instant. La religion n'est jamais une uvre accomplie. Elle est l'acte et la volont d'agir, sans repos. Elle est le jaillissement de la source. Jamais l'tang. Je suis d'un pays de rivires. Je les aime comme des tres vivants. Et je comprends mes anctres qui leur versaient le vin et le lait. Or, de toutes les rivires, la plus sacre est celle qui sourd, tous moments, du fond de l'me, de ses basaltes, de ses sables, et de ses glaciers. L est la Force premire, que je nomme religieuse. Elle est commune l'art et l'action, aux sciences et aux religions, tout ce fleuve de l'me, que de l'insondable et sombre rservoir, entrane l'irrsistible pente vers l'ocan de l'tre, conscient, ralis, domin. Et, de mme que l'eau remonte ensuite en vapeurs, de la mer aux nues du ciel, qui rglementant le rservoir des fleuves, les cycles de cration s'enchanent sans interruption. Et de la source la mer, et de la mer la source, tout est la mme nergie, l'tre sans dbut ni fin, qu'il m'est indiffrent qu'on nomme Dieu (et quel dieu ?) ou Force (et quelle force ?) Ft-elle dite Matire ; quelle matire est-ce donc qui dsigne galement les nergies de l'Esprit ?... Des mots, des mots !... L'essence est l'Unit, non pas abstraite, mais vivante. Et c'est elle que j'adore, ainsi que les grands croyants et les grands ignorants, qui la portent en eux, conscients ou inconscients... Je vois le "Dieu" dans tout ce qui existe. Je le vois tout entier dans le moindre segment, comme dans le Tout cosmique. Nulle diversit d'essence. Et quant la puissance, elle est partout infinie : celle qui gt dans une pince de poussire pourrait, si l'on savait, faire sauter un monde. La seule diffrence est qu'elle est plus ou moins concentre, au cur d'une conscience, d'un moi, ou bien d'un noyau d'atome. Le plus grand homme n'est qu'un plus clair miroir du soleil qui se joue en chaque goutte de rose. La Vie de Ramakrishna (d. Stock)

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