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Correction de la question de synthèse

I. Travail préparatoire

1. Les conflits du travail se sont transformés quantitativement et qualitativement :


- de manière quantitative
• le nombre de jours de grèves a fortement baissé entre 1975 et 2004 : il est
passé de 3,5 millions en 75 à 250 000 en 2000, soit une baisse de 93% (doc1 A)
• Mais depuis le début des années 2000, on assiste à une augmentation des
conflits sociaux (doc1B) : entre 96-98 et 2002-2004, la part des établissements
de plus de 20 salariés qui ont connu un débrayage est passée de 7,5 à 10%

- mais ce qui est remarquable dans cette période est que les conflits se transforment. C’est ce que montre
une étude qualitative. Dans la période 96-98, la plupart des conflits se faisaient avec arrêt de
travail (18% des établissements de plus de 20 salariés en connaissaient), alors que 15% des
établissements connaissaient des conflits sans arrêt de travail. Entre 96-98 et 2002-2004, la part des
établissements ayant connu un conflit sans arrêt de travail a fortement augmenté : la part des
établissements où on refuse les heures supplémentaires a par exemple été multipliée par 3.

Les conflits du travail n’ont donc pas disparu, mais ils se sont transformés : le mode d’action basé sur la grève générale
ne paraît plus dominant.

2. Les 30 Glorieuses sont une période marquée par une croissance économique forte et durable et une
volonté de cohésion sociale. Elle se traduit par :
- une augmentation du pouvoir d’achat pour toute la population
- cette hausse est plus rapide pour les catégories les moins favorisées : les inégalités de salaire et de
revenu diminuent donc
- cette hausse des revenus permet alors de satisfaire de nouveaux besoins tels l’éducation, comme
l’affirme Inglehart. Les qualifications moyennes augmentent
- ce qui, allié à une réduction des inégalités des chances de départ, assure un système méritocratique : le
statut social ne dépend plus de l’origine sociale mais de ses talents et de son travail.
La croissance des 30 Glorieuses entraîne ainsi une moyennisation de la société : les deux classes extrêmes tendent à
disparaître au profit d’un vaste groupe aux revenus proches et aux ambitions communes : la promotion sociale

3. Ce processus de moyennisation de la société, caractérisé par une réduction des inégalités quantitatives
(revenu, patrimoine) et qualitatives (logement, santé, éducation) n’ a en réalité jamais existé : les
inégalités ont perduré pendant les 30 Glorieuses et se sont même accentuées à partir des années 80 du
fait de deux raisons principales :
- l’augmentation du chômage qui ne touche pas de la même manière toutes les catégories de population :
les salariés peu qualifiés ont une probabilité nettement plus forte que les cadres d’être au chômage. Ce
différentiel de chômage a donc des effets sur les salaires, ce qui entraîne des inégalités : les ouvriers et
employés ont un salaire inférieur de 25% au salaire moyen.
- Cette augmentation du chômage est aussi en partie responsable du blocage de l’ascenseur social : les
possibilités de mobilité sociale intergénérationnelle ascendante sont de plus en plus minimes. En effet,
le chômage place les entreprises en situation de force ; elles peuvent donc plus facilement sélectionner
les postulants et embauchent des individus surdiplômés pour les postes de travail : c’est la dévaluation
du diplôme. Ce phénomène touche prioritairement les diplômes les plus fréquents et les plus courts, qui
sont surtout l’apanage des catégories populaires. Ainsi, malgré un diplôme supérieur à celui de leurs
parents, ils ont des emplois inférieurs : c’est le paradoxe d’Anderson.

4. Les années 2008-2009 semblent être marquées par « une remontée de la conflictualité » tant sur le plan
quantitatif que sur le plan qualitatif :
- le nombre de conflits augmente tant dans le secteur public (les enseignants, les cheminots) que dans le
secteur privé (Ford à Blanquefort, Heuliez en Poitou-Charentes)
- les conflits se radicalisent : séquestration de patrons et dégradation de la sous-préfecture pour
Continental-Clairvoix ; coupures d’électricité pour EDF-GDF

5. Cette « remontée de la conflictualité » peut s’expliquer par le contexte économique et social qui redonne
de la vigueur à l’analyse marxiste. Deux groupes se font face : les salariés contre les patrons avec des
intérêts radicalement opposés : d’un côté, les salariés souhaitent une augmentation de leur pouvoir
d’achat, de l’autre les patrons mènent des politiques de rigueur pour améliorer leur compétitivité. Il y a
donc un conflit autour de la création de richesse : chaque groupe souhaitant une part de plus en plus
grande. Comme les patrons sont en situation de force du fait du chômage très élevé, le partage de la
valeur ajoutée devient de plus en plus favorable aux entreprises, ce qui fait réapparaître la notion
d’exploitation sociale : les salariés créent une richesse supérieure à leur niveau de rémunération (plus-
value) et celle-ci est accaparée par les entreprises.

6. En 2003, 21,9 % des hommes et femmes âgés de 30 à 59 ans ont connu une mobilité
intergénérationnelle descendante, c’est-à-dire que leur emploi est inférieur à celui de leurs parents

Nombre d’hommes et de femmes de 30 à 59 ans ayant connu une mobilité descendante en 2003 x 100
Nombre d’hommes et de femmes de 30 à 59 ans en 2003

7. Dans la mobilité intergénérationnelle, on compare la profession du fils avec celle du père.


En 1983, la plus grande partie des hommes et des femmes de 30 à 59 ans était immobile (43,7%), mais la part des
individus mobiles ascendants était 2 fois plus grande que celle des mobiles descendants : ainsi seulement 18% des
individus de 30 à 59 ans avaient connu une descente sociale.
Entre 83 et 2000, la tendance s’inverse : la part des individus immobiles diminue, passant de 43,7% à 39,4% ; celle des
ascendants reste stable : de 37,7% à 38,7%. La part de ceux qui sont mobiles descendants augmente fortement : elle
passe de 18,6% à 21,9%. Ainsi, le rapport ascendants-descendants diminue. En 20 ans, la probabilité d’être ascendant
plutôt que descendant a diminué : de 2,02 en 1983 à 1,77 en 2003.

II. Question de synthèse

Une vague de «blocages» ou de séquestrations déferle actuellement sur les grands patrons français: le PDG de Sony
France, le patron de 3M à Pithiviers, François-Henri Pinault, quatre cadres de Caterpillar à Grenoble. Les conflits du
travail entre patrons et salariés et portant sur des revendications économiques semblent donc en hausse. Comme
l’affirme l’association de DRH Entreprise et Personnel, « toutes les composantes d’une crise sociale sont présentes » et
il y a « une remontée de la conflictualité » (doc 3). Après une tendance à la baisse du nombre de confli, ceux-ci
réapparaîtraient.
En effet, la croissance des 30 Glorieuses a entraîné une moyennisation de la société : celle-ci n’était plus composée de
deux groupes antagonistes (les ouvriers contre les patrons), mais d’un vaste ensemble ayant des niveaux de vie proches
et des aspirations semblables. Or, le ralentissement de la croissance et la crise économique durable que connaît la France
a stoppé ce mouvement de moyennisation et engendré une hausse des inégalités qui redonne de l’actualité aux conflits
sociaux et à l’analyse de Marx.

I. Une réduction des conflits jusqu’au début des années 2000


A. Constat (q1)

Le nombre de jours de grèves a fortement baissé entre 1975 et 2004 : il est passé de 3,5 millions en 75 à 250 000 en
2004, soit une baisse de 93% (doc1 A).On peut mettre en évidence deux grandes périodes : jusqu’au début des années 80
où le nombre de jours de grèves est supérieur à 2 millions par an ; après 1990, où il reste inférieur à 500 000 par an.

Cette réduction des conflits du travail s’explique par les conséquences économiques et sociales des 30 Glorieuses.

B. Explications

Les 30 Glorieuses sont une période marquée par une croissance économique forte et durable et une volonté de réduction
des inégalités tant quantitatives que qualitatives qui doit assurer la cohésion sociale.

1. Une réduction des inégalités quantitatives

Pendant la période 1950-1970, le PIB augmente en moyenne de 5% par an, ce qui permet une hausse du pouvoir
d’achat de toute la population. Cette hausse va être plus rapide pour les catégories les moins favorisées : les inégalités de
salaire et de revenu diminuent donc puisqu’il y a « fléchissement de l’écart des salaires entre cadres et ouvriers » (doc2).
Ce mouvement s’explique par exemple par l’instauration du SMIG, mais surtout du SMIC en 1969 : le salaire minimum
augmente en fonction de l’inflation mais aussi du taux de croissance, ce qui permet un rattrapage pour les catégories les
plus défavorisées.

2. Une réduction des inégalités qualitatives

Or cette augmentation du niveau de vie, d’après Inglehart, entraîne une modification des aspirations de la population : de
quantitatives, elles deviennent qualitatives. La population demande de l’éducation, de la santé, des loisirs. Ainsi, la
baisse des inégalités quantitatives est corrélée avec une réduction des inégalités qualitatives : face à la santé avec la
création de la Sécurité Sociale, face à l’éducation avec l’allongement de la scolarité obligatoire et le passage au collège
unique. Ainsi, ces deux facteurs assurent une démocratisation du système scolaire : la scolarité n’est plus réservée à une
élite ; la longueur et le type d’études dépend des mérites personnels. Le système scolaire devient alors méritocratique.

3. Un processus de moyennisation de la société

On assiste alors à un vaste processus de moyennisation de la société française. Comme l’affirme H.Mendras, la structure
sociale passe d’une forme en sablier : une classe riche minoritaire, beaucoup de pauvres et très peu d’individus autour du
revenu médian, à une forme en toupie : le nombre d’individus aux deux extrêmes tend à diminuer au profit d’un vaste
groupe autour du niveau de vie médian.
Ainsi, les conflits tendent à disparaître car il n’y a plus d’opposition entre deux groupes aux intérêts opposés, puisqu’il y
a un seul grand groupe. Toute la population dispose alors de revenus très proches et ont des ambitions communes : la
promotion sociale. Ainsi, lors des 30 Glorieuses, l’ascenseur social a permis à une grande partie de la population de
connaître une mobilité intergénérationnelle ascendante (doc 4) : en 1983, 37,7% des hommes et des femmes de 30 à 59
ans avaient connu une mobilité sociale ascendante ; ainsi il y avait 2 fois plus d’individus qui connaissaient une mobilité
ascendante plutôt que descendante.

La croissance des 30 Glorieuses et la moyennisation qui en a découlé ont ainsi entraîné en apparence une diminution du
nombre de conflits : c’est l’avis des tenants de la moyennisation dont l’un des auteurs phares est H.Mendras.

II. Qui s’arrête à partir de 2000

Or, selon O.Galland et Y.Lemel « cette mythique classe moyenne -et le processus d’homogénéisation sociale dont elle
est porteuse-est aujourd’hui violemment remise en cause par deux décennies de chômage et surtout le blocage de
l’ascenseur social ». Ainsi, la réduction des inégalités n’a pas réellement eu lieu, et surtout depuis une vingtaine
d’années on assiste à une recrudescence de celles-ci. Il se reconstitue alors des groupes aux intérêts opposés qui vont
alors entrer en lutte.

A. Explications

1. Des inégalités en hausse

a. Des inégalités qui n’ont jamais réellement diminué

Ce processus de moyennisation de la société, caractérisé par une réduction des inégalités quantitatives (revenu,
patrimoine) et qualitatives (logement, santé, éducation) n’a en réalité jamais existé . En effet, les inégalités se
transformaient : par exemple, la démocratisation du système scolaire a créé une massification plutôt qu’une réelle baisse
des inégalités : certes il y a de plus en plus de jeunes qui font des études de plus en plus longues, mais le type d’études
varie en fonction de l’origine sociale : les enfants des classes favorisées font des études sélectives comme des classes
prépa ou des études de médecine ; les enfants de classes populaires suivent des cursus courts type BTS ou DUT.

b. Et qui réaugmentent aujourd’hui

Ces inégalités se sont même accentuées à partir des années 80 du fait de deux raisons principales.
La première est que l’augmentation du chômage ne touche pas de la même manière toutes les catégories de population :
les salariés peu qualifiés ont une probabilité nettement plus forte que les cadres d’être au chômage. Ce différentiel de
chômage a donc des effets sur les salaires, ce qui entraîne des inégalités : les ouvriers et employés ont un salaire
inférieur de 25% au salaire moyen.
Cette augmentation du chômage est aussi en partie responsable du blocage de l’ascenseur social : les possibilités de
mobilité sociale intergénérationnelle ascendante sont de plus en plus minimes. Ainsi, entre 1983 et 2003, la part des
individus de 30 à 59 ans qui connaisse une mobilité descendante est passée de 18,6% à 21, 5%.Le rapport entre les
mobiles ascendants et descendants diminue : il est passé de 2 en 83 à 1,77 en 2003 .
En effet, le chômage place les entreprises en situation de force ; elles peuvent donc plus facilement sélectionner les
postulants et embauchent des individus surdiplômés pour les postes de travail : c’est la dévaluation du diplôme. Ce
phénomène touche prioritairement les diplômes les plus fréquents et les plus courts, qui sont surtout l’apanage des
catégories populaires. Ainsi, malgré un diplôme supérieur à celui de leurs parents, ils ont des emplois inférieurs : c’est le
paradoxe d’Anderson.

2. Créent des groupes aux intérêts divergents

Cette hausse des inégalités crée alors deux groupes aux modes de vie différents et aux intérêts divergents .L’analyse
marxiste reprend alors de l’actualité. Salariés et patrons représentent deux classes antagonistes. Chaque groupe est
d’abord une classe virtuelle ou en soi : les conditions objectives de chacune sont différentes, puisque il y a des inégalités
quantitatives et qualitatives. Ce rapprochement des conditions objectives transforme alors ces classes virtuelles en
classes réelles : chaque groupe se rend compte qu’il a des intérêts particuliers et opposés à ceux de l’autre. D’un côté,
les salariés souhaitent une augmentation de leur pouvoir d’achat, de l’autre les patrons mènent des politiques de rigueur
pour améliorer leur compétitivité. Il y a donc un conflit autour de la création de richesse : chaque groupe souhaitant une
part de plus en plus grande. Comme les patrons sont en situation de force du fait du chômage très élevé, le partage de la
valeur ajoutée devient de plus en plus favorable aux entreprises, ce qui fait réapparaître la notion d’exploitation sociale :
les salariés créent une richesse supérieure à leur niveau de rémunération (plus-value) et celle-ci est accaparée par les
entreprises.

B. Constat

On assiste alors à un renouveau des conflits : depuis 2000, ils sont certes plus nombreux, mais ils sont aussi différents

1. Des conflits plus nombreux depuis 2000

On assiste ainsi à une augmentation des conflits sociaux (doc1B) : entre 96-98 et 2002-2004, la part des établissements
de plus de 20 salariés qui ont connu un débrayage est passée de 7,5 0 10%. Ce phénomène semble s’accentuer depuis 2
ans (doc3) : le nombre de conflits augmente tant dans le secteur public (les enseignants, les cheminots) que dans le
secteur privé (Ford à Blanquefort, Heuliez en Poitou-Charentes)

2. Et qui se transforment

Certes les conflits sont plus nombreux, mais leurs modalités sont aussi différentes. Ces transformations paraissent
parfois contradictoires.
D’un coté, le modèle de la grève générale tend à devenir minoritaire comme mode d’action. Dans la période 96-98, la
plupart des conflits se faisaient avec arrêt de travail (18% des établissements de plus de 20 salariés en connaissaient),
alors que 15% des établissements connaissaient des conflits sans arrêt de travail. Entre 96-98 et 2002-2004, la part des
établissements ayant connu un conflit sans arrêt de travail a fortement augmenté : la part des établissements où on refuse
les heures supplémentaires a par exemple été multiplié par 3 (doc 1A ) .
De l’autre, les conflits se radicalisent : séquestration de patrons et dégradation de la sous-préfecture pour Continental-
Clairvoix ; coupures d’électricité pour EDF-GDF (doc3) .Les salariés semblent désespérés et leurs méthodes deviennent
illégales, ce qui montre aussi la désaffection vis-à-vis des syndicats puisque ceux-ci ne sont plus capables de les
encadrer.

Certes, jusqu’au début des années 80, les conflits sociaux ont eu tendance à s’atténuer. Mais depuis cette date, la crise
économique et la montée du chômage ont entraîné un renouveau des conflits : ceux-ci sont en augmentation, mais ils
sont aussi différents. Cette évolution correspond donc bien à l’analyse de Louis Chauvel pour qui la fin des conflits et la
moyennisation n’est pas structurelle : même si ces phénomènes ont bien eu lieu à la fin des 30 Glorieuses, ils n’ont pas
été durables.
Cette conflictualité accrue risque de durer tant que la croissance économique sera faible, puisqu’elle rend difficile toute
réduction des inégalités. Toute la question est alors de savoir comment renouer avec la croissance dans un contexte de
mondialisation. Les pays de l’Union Européenne semblent ne pas avoir encore décidé : d’un côté, la BCE a réduit ses
taux d’intérêt directeurs fortement, puisqu’ils sont passés de 4% à 1%, menant ainsi une politique de relance monétaire ;
de l’autre ces pays ne sont pas encore prêts à passer à une politique de relance budgétaire

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