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B-1)

Au début, le patronat se mobilise avant tout dans une logique protectionniste. Il se construit aussi en
réaction au mouvement ouvrier. C'est à cause de la concurrence anglaise dans les années 1830-40
que les patrons se sont mobilisés pour défendre leurs intérêts. Les premières unions industrielles
sont créées : le bâtiment, le textile, la chimie, les mines et la métallurgie. C'est en 1864 que le
Comité des Forges est créé. Le Comité des Forges est saint-simoniste (politiques sociales mais l'Etat
ne doit pas intervenir dans l'économie). A la fin du XIXème, le mouvement ouvrier s'émancipe, de
très nombreux ouvriers se syndiquent. Les patrons se mobilisent pour contrer les mobilisations
ouvrières, c'est une mobilisation en creux. L'action de l'État va inciter les patrons à se mobiliser, à
structurer la représentation de leurs intérêts car l'État est interventionniste et entend encadrer les
entreprises. Millerand entre en fonction en 1899.
Tous les comités, toutes les unions, toutes les formations patronales ont pour objectif de garder leur
indépendance. Les patrons vont s'organiser au niveau national que sous la pression de l'Etat. Le
ministère de l'Industrie et du Commerce va leur imposer après la 1ère guerre mondiale pour qu'ils se
constituent en une seule et même organisation. Au début des années 20 est mise en place la CGPF
(Confédération Générale de la Production Française), composée de 21 fédérations et 1 200 groupes
professionnels. Cette CGPF reste une organisation légère, avec des moyens limitées et elle a une
vocation avant tout économique, une organisation qui débat sur la régulation des marchés
économiques.
En 1936, les accords de Matignon font prendre conscience aux groupements patronaux leurs
faiblesses et l'insuffisance de leur structuration. Ils changent de nom avant la guerre, la CGPF
devient la Confédération Générale du Patronat Français, reflétant un changement de positions, de
l'économie et de production uniquement à une organisation collective, une véritable représentation
des intérêts des chefs d'entreprise.
Sous Vichy, comme toutes corporations, les organisations patronales sont dissoutes. La période de
Vichy est malgré tout l'occasion pour les patrons de s'investir dans les comités d'organisation. Ils
participent à la volonté du gouvernement de Vichy de construire un nouvel ordre social. Ils
apprennent à se coordonner pour préparer les négociations. Cette participation va leur être
reprochée à la fin de la seconde guerre mondiale et cette organisation sera remise en cause.

2) De la Libération à la crise économique 1944-1974

Pendant les 30 Glorieuses, avec la croissance etc etc... mais aussi l'ouverture des frontières dans le
cadre de la construction européenne. Il se montre conservateur car il est contre la construction
européenne, l'ouverture des frontières.

a) Le conservatisme du patronat 1945 – 1966

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, on est dans un contexte pénible pour les patrons. La
majorité d'entre eux a coopéré et on est dans la période où l'Etat aimerait avoir un seul partenaire. Il
choisit, par l'intermédiaire de l'Etat, Georges Villiers (résistant déporté, nommé maire de Lyon par
Vichy, président patron d'une entreprise moyenne de métallurgie, notable de province). On crée le
CNPF, Conseil National du Patronat Français, créé en juin 1946 dont Villiers est président. Les
statuts de cette structure sont quasiment les mêmes que la CGPF ; avec une très forte autonomie des
associations professionnelles, géographiques et de très faibles pouvoirs pour le comité exécutif et le
président. C'est un organisme de coordination, très souple et porté à la prudence et l'immobilisme.
La patronat nationale laisse faire les associations professionnelles et géographiques. Au niveau
national, le CNPF s'oppose à l'Europe, aux comités d'entreprise, au SMIG, etc... Le CNPF est le
porte-parole du patronat patrimonial, un groupe de pression conservateur qui caractérisent son
immobilisme et qui est incapable de créer un projet de société dans son intérêt. Le Marché commun
convainc une partie du patronat dans les années 60, des bienfaits du libéralisme et de l'ouverture des
frontières. C'est le début des migrations de certaines élites, qui ramènent des Etats-Unis de
nouvelles méthodes, des patrons loin du patronat patrimonial. Ce sont des gestionnaires. Débouche
un conflit entre les 2 formes de patronat.
La CGPME née en 1944, reste affiliée au CNPF jusqu'aux années 60.

b) La réforme du CNPF 1966-1974

Georges Villiers est resté 20 ans au CNPF. Les nouveaux directeurs du CNPF sont issus de la
métallurgie et sont plus jeunes et sont définis comme des patrons gestionnaires et progressistes au
vieux patronat.
Avec la crise de 1968, les syndicats d'ouvriers sont plus organisés que le patronat notamment avec
la légalisation des sections syndicales. La nouvelle direction va décider de s'impliquer dans les
années 70 à réformer le CNPF et l'impliquer dans la vie politique. Le CNPF se réforme car il dote
son conseil exécutif de pouvoirs beaucoup plus important qu'auparavant (1969), notamment à
négocier directement ses accords sauf dans le domaine des salaires. Puis elle peut fixer la politique
générale de l'organisation en 1972. Elle devient donc efficace pour s'engager dans une série de
négociations. Elle crée plusieurs commissions : une commission économique générale, une
commission sociale et une commission de l'information. Cette dernière marque l'entrée du patronat
français dans le champ médiatique.

3) De la crise à 1997 : l'offensive patronale

La crise économique de 1974 va inciter le CNPF à infléchir sa stratégie. Les patrons constatent que
les syndicats s'opposent à toute modification des habitudes de travail. Le patronat se met à l'écoute
des salariés et mettent en porte-à-faux les syndicats de travailleurs qui restent conservateurs.

a) L'opposition au gouvernement socialiste

En 1981, il y a une guerre des tranchées entre le patronat et le gouvernement de gauche, notamment
autour du thème de la flexibilité. Le patronat perd et on entre dans une deuxième étape avec un
CNPF qui reste dans une stratégie d'attente, il attend les élections législatives de 1986. En 1986,
c'est la première cohabitation et début d'une période très libérale. En 1993, il y a une nouvelle
cohabitation favorable à ses revendications. De 1986 à 1997, le grand patronat est triomphant, avec
une série de privatisation, le Plan Juppé avec une réforme de la Sécu.
A partir de 1995, émerge des résistance face à cette politique libérale et en 1997, les socialistes
entrent au gouvernement avec la création d'une série de lois qui ne sont pas défendues par le
CNPF : la CMU et la loi sur la réduction du temps de travail. La loi des 35 heures met fin à la vie
du CNPF et c'est la création en réaction du MEDEF.

En 1982, le patronat voit très mal la gauche au pouvoir en 1981 ainsi que les lois Auroux (1982) qui
contiennent 2 dispositions : l'expression directe des salariés au sein de l'entreprise et l'obligation
annuelle de négocier dans les entreprises. Le patronat voudrait plutôt défendre les négociations de
branche et les conventions collectives nationales. Pour eux, c'est une manière de préserver la liberté
des chefs d'entreprise, notamment lors de la négociation de salaires. Certes, on négocie dans le
cadre des grandes conventions collectives un salaire minimum mais on préserve la liberté d'établir
les salaires librement. Le patronat va se rallier aux lois Auroux et veulent négocier au sein de
l'entreprise.

b) L'entreprise au coeur de la stratégie patronale

Pendant quelques années, le patronat considère les lois Auroux comme néfastes et veut réduire leur
portée. Il change rapidement de doctrine pour devenir un fervent partisan des négociations au sein
des entreprises. L'échec des négociations interprofessionnelles sur la flexibilité donne une
impulsion à l'approche décentralisée du patronat. L'entreprise est le lieu le plus pertinent pour
construire des compromis de régulations sociales. Il va donc inscrire de nombreux thèmes à l'ordre
du jour des négociations : qualité de la production, compétitivité des entreprises. Ils essaient de
porter leur dossier de la flexibilité à l'intérieur des entreprises. Ce choix s'opère aussi à une période
où l'image de l'entreprise se modifie. Pendant la décennie 1990, le président du CNPF, Jean
Gandois, va tenter de réformer le CNPF pour centraliser encore plus cette structure et pour
maintenir les négociations dans les entreprises mais aussi relancer les négociations de branches.
C'est dans ce contexte de tension très forte au sein du CNPF que le gouvernement Jospin soumet
son projet de loi sur la réduction du temps de travail. Les 35 heures permettent au patronat de se
réunifier et de faire front. Ils vont se galvaniser, mettre Gandois dehors et Ernest-Antoine Seillière
le remplace. Il ne se contente pas de changer le nom du CNPF en MEDEF (Mouvement des
Entreprises de France), le patronat est devenu un moyen de résumer l'immobilisme du CNPF dans
les années 60, les patrons conservateurs. Il propose au patronat de devenir explicitement une force
de propositions et affirmer une doctrine sociale qu'il veut rénovée et ambitieuse. Ce passage vers
une organisation politique était déjà très entamée. Le programme politique du MEDEF est la
Refondation sociale : « replacer l'entreprise au centre de la société française ». A ce moment là, les
statuts sont modifiés, on continue à développer le travail en commission, il y en a 9. L'entreprise
unit les dirigeants et les salariés, le MEDEF se veut plus global que le CNPF, il veut aborder tous
les dossiers que peuvent rencontrer les salariés. Il veut dépasser le stade de groupe de pression pour
promouvoir une vision de la société, une vision entrepreunariale de la société. L'objectif in fine est
de revendiquer un droit d'ingérence dans la politique. Le MEDEF entend concurrencer l'Etat dans
son rôle d'organisateur des relations sociales. Cette doctrine entend aussi respecter la liberté des
chefs d'entreprise, mais c'est contradictoire car le MEDEF est très centralisé. Le patronat accuse
l'Etat, sous couvert du rôle d'arbitre, d'avoir influencé le contenu des négociations. Les syndicats de
travailleurs répondent assez favorablement la proposition du MEDEF, la CGPME est d'accord ainsi
que l'UPA (Union Professionnelle Artisanale). Sont en chantiers : l'assurance chômage, la santé au
travail, les retraites, la protection sociale, l'encadrement, l'égalité professionnelle, etc etc...
Certains de ces chantiers vont donner lieu à des accords puis à des lois. Même si Seillières a réussi à
faire passer sa réforme, une série de critique a été émise : le caractère très centralisée du MEDEF, la
réforme a eu des impacts beaucoup plus limitée qu'attendus. La Refondation sociale du MDEDEF
est fondée sur une vision binaire : d'un côté la loi (le mal) et de l'autre le contrat (le bien). Selon
eux, la loi est proclamée par l'Etat et le contrat est négocié, ce qui est simplificateur. La présidence
du MEDEF a changé en 2005 avec Laurence Parisot, une femme issue des services et non de la
métallurgie, l'IUMM commence à perdre de l'importance au sein du MEDEF. C'est le PDG d'un
grand institut de sondage (l'IFOP) et aussi le PDG d'une PME familiale. Sa présidence est
intéressante en terme de changement de domination en interne au MEDEF.

Nous avons un patronat est très hétérogène, même au sein de la structure majoritaire qui le
représente. L'histoire du mouvement patronal reste globalement celle d'une organisation progressive
réussie, malgré ses divergences. On est très loin du cas du syndicalisme français des travailleurs et
de ce qu'on a pu observer chez les ouvriers.

II – Le patronat comme acteur collectif sur la scène sociale

1 – Une représentation nationale multiple : traits généraux des organisations patronales nationales

Dans la plupart des pays industrialisés, l'organisation patronale se caractérise par sa pluralité. Cette
représentation reflète cette hétérogénéité du système économique, la diversité des intérêts des chefs
d'entreprise. En France, c'est le rôle de l'Etat dans la reconnaissance des organisations qui sont
habilités à négocier qui est une spécificité. Certaines organisations ne sont pas reconnues tandis que
d'autres sont des interlocuteurs exclusifs de l'Etat et des collectivités territoriales. L'Etat a choisi
tout seul de reconnaître 6 organisations nationales d'employeurs, les 6 plus représentatives : le
MEDEF, la CGPME, l'UPA, l'UNAPL (Union nationale des professions libérale), la FNSEA
(Fédération nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles) et la CNMCCA (Confédération
nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles). Il n'y a aucune organisation
représentant le patronat de l'économie sociale.
Les chambres de commerce (CCI) et les chambres de métiers : il est obligatoire aux entreprises de
s'inscrire au registre du commerce, donc d'adhérer aux chambres consulaires. On observe des
difficultés pour ces structures à se rendre représentative. Elles doivent représenter les intérêts des
chefs d'entreprise et doivent gérer les aéroports et sont beaucoup plus anciennes que les syndicats
patronaux.
Les organisations patronales peuvent être concurrentes et les entreprises peuvent adhérer à plusieurs
organisations à la fois. Lors des élections en interne ou pour les élections professionnelles, on
observe un déclin de la représentativité patronale, comme les syndicats de travailleurs. En 1982,
41% des entreprises votaient aux CCI et en 2004, elles sont 26%. L'interprétation de cette baisse de
représentativité est délicate, ça serait une perte de vitesse de représentation des organisations
patronales, d'autres auteurs soulignent que cette baisse de représentativité serait le signe d'une
absence de menaces, contre la liberté d'entreprendre.

3) De l'UNICE à l'ERT, les patrons et l'Europe

L'Union des Industriels et des Confédérations d'Employeurs Européens (UNICE) est un syndicat
patronal organisé à l'échelle européenne, il a changé de nom depuis 2007 : Business Europe. On
retrouve à sa tête Ernest-Antoine Seillière. L'organisation représente 39 organisations dans 33 pays.
L'UNICE apparaît dès 1958, depuis elle opère un très important travail de lobbying auprès des
institutions européennes. Les syndicats patronaux se mobilisent au niveau européen beaucoup plus
tôt que les syndicats de travailleurs.

L'ERT est la Table Ronde des Industriels, née au début des années 80, sur l'initiative de 17 grands
patrons. C'est typique de la façon de faire des patrons. Elle est plus informelle mais c'est une
structure importante. Aujourd'hui 28 des membres de l'ERT font parti des 200 plus grandes
entreprises mondiales.

Conclusion :
Les patrons ont des attitudes peu propices à une expression durable et commune sur la scène
sociale. Ils se mobilisent avant tout contre (contre le libre-échange, contre le mouvement
ouvrier,...). Pendant très longtemps, ils développent une culture du secret qui ne facilite guère une
mobilisation sur la scène politique. Ces mobilisations sont liées à des considérations politiques et
sociales, elles ne sont donc pas uniquement guidées par un intérêt économique si bien que des
divisions émergent et viennent freiner la capacité à exprimer une position commune. Malgré tous
ces freins aux mobilisations patronales, l'histoire des mobilisations des patrons français se
distinguent nettement de l'histoire des mobilisations des salariés, notamment parce que se met en
place laborieusement, tout au long du XXème siècle, une représentation patronale, certes multiples
mais qui gagnent en efficacité au sein des entreprises mais aussi sur la scène publique. La densité
des organisations patronales ne nuit pas à l'efficacité de l'action patronale. Avec une action patronale
qui prend des formes diverses : des services aux entreprises, à la définition d'un projet de société.
L'histoire des patronats français passe par une émancipation de l'Etat. Les organisations patronales
se sont structurées sous la pression de l'Etat. Aujourd'hui les organisations patronales sont
autonomes et même revendiquent un rôle d'organisateur des relations sociales. Cette émancipation
progressive de l'Etat s'est faite par la volonté des organisations patronales elles-mêmes mais aussi le
fruit d'une série de privatisations. En 2006, sur les 40 sociétés qui composent le CAC40, 20 étaient
directement sous contrôle des autorités publiques en 1985. Ces privatisations ont 5 caractéristiques :
– elles sont inspirées par une idéologie libérale (Alain Madelin, Jacques Chirac) ;
– elles entendent répondre à une double nécessité : répondre aux déficits budgétaires et les
besoins de financement de grandes entreprises en voie de mondialisation ;
– mettre en place des noyaux durs ou de groupes d'actionnaires stables ;
– elles entendent laisser une grande place à la participation : actionnariat populaire et
actionnariat salarié ;
– elles vont être mises en place en plaçant à la tête des groupes privatisés une élite issue des
grands corps de l'Etat (ENA, Ponts et Chaussées, les Mines, etc, etc...).

Il ne s'agit pas de perdre tout contrôle sur ces anciennes entreprises publiques. Balladur va organiser
la mise sur le marché ces entreprises publiques en organisant par avance leur actionnariat. Une
première fraction des titres va aux noyaux durs, ce sont les dirigeants des entreprises et le Trésor qui
choisissent les membres de ce noyau dur. Une seconde fraction du capital va aux salariés des
entreprises, une 3ème au grand public. On est dans une situation où le pouvoir politique nomme un
dirigeant, choisit avec lui son noyau dur, compose ensuite le conseil d'administration et par la suite
définit qu'elles actionnaires pèsent et lesquelles ne pèsent pas. C'est un capitalisme inversé. Tout
cela a conduit à la constitution de noyaux durs composés d'anciens fonctionnaires, d'amis des
hommes politiques privatisant, ainsi que des grands corps de l'Etat.
Malgré cette limite, les privatisations ont continué en France sous pression de l'Union européenne,
par des gouvernements socialistes notamment.

Parfois l'Etat continue à investir, une forme renouvelée de planification, avec les pôles de
compétitivité notamment. Mais il peut intervenir en organisant son propre retrait (zones franches,
mise en place de la monnaie unique). Il tente de maintenir la loi, ou fait voter des lois négociées.
Le MEDEF entendait négocier directement avec les syndicats de salariés, notamment sur la santé au
travail : ces négociations ont échoué.

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