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Selon les auteurs libéraux , en particulier Smith, le lien dans les sociétés
modernes rompt avec celui des sociétés traditionnelles sur de nombreux
points. On peut même dire qu’il en prend le contre-pied :
- Le lien social est basé sur un contrat signé librement par des individus
responsables et autonomes qui sont des homo economicus égoïstes et
rationnels (« donnez moi ce dont j’ai besoin et vous aurez ce dont vous
avez besoin vous même ». Le lien social n’est donc plus imposé par la
société à des individus qui sont obligés de se conformer à ses diktats, ce
sont au contraire les individus par le contrat qui créent la société :
conception individualiste de la société qui s’oppose à la conception holiste
qui dominait jusqu’alors . .
On vient donc de voir que le lien social basé sur le travail et l’échange
marchand est le lien fondateur de la société moderne. Aujourd’hui, dans
nos sociétés de marché nous nous définissons avant tout par le travail que
nous exerçons.
- Les rapports sociaux vont évoluer tout au long du 19ème siècle. Aux
rapports ponctuels, limités au contrat, vont peu à peu se substituer de
nouveaux rapports, qui vont donner naissance au 20 ème siècle à une
troisième dimension génératrice d’identification : la participation au
salariat qui est de plus en plus recherchée par les individus à mesure que
le temps passe. La part des salariés dans la population active passe ainsi
de 66 % en 1955 à 85 % en 1994. Comment expliquer cette évolution ? Le
document 1 nous fournit une partie de la réponse : « Si les enfants de
paysans ont déserté les campagnes et si les femmes revendiquent le droit
de travailler , c’est que le travail salarié, si contraignant et déplaisant qu’il
puisse être par ailleurs, libère de l’enfermement dans une communauté
restreinte dans laquelle les rapports individuels sont des rapports privés,
fortement personnalisés, régis par un rapport de force mouvant, des
chantages affectifs, des obligations impossibles à formaliser. Les
prestations que les membres de la communauté échangent n’ont pas de
valeur sociale publiquement reconnue et ne leur confèrent pas de statut
social ». C’est en particulier vrai pour les femmes au foyer qui, bien
qu’elles fournissent un travail domestique, sont considérées comme
inactives , n’ont dès lors pas de statut social , si ce n’est celui qu’elles
reçoivent de leur mari . Le salariat sera donc pour (ces catégories) une
émancipation : la prestation de travail y a un prix et un statut public, le
rapport avec l’employeur est régi par des règles de droit universelles,
destinées à mettre à l’abri le salarié de l’arbitraire et des demandes
personnelles du patron. Le travail fourni a donc un statut de travail en
général qualifiant son prestataire comme individu social en général
capable de remplir une fonction sociale déterminée, de s’y rendre
généralement utile au système social. ». En effet comme l’indique D Méda:
« le 20 ème siècle a bien été le siècle de l’emploi: dès que l’individu en a
un, une place lui est assignée tant dans l’entreprise que dans un ample
système de droits, de garanties collectives, de protections de statuts, mais
également dans la fonction générale qui incombe à la nation : la
production de biens et services. (...) L a production a pris dans la vie
sociale une place prépondérante, apparaissant quasiment comme l’acte
majeur par lequel la société se survit à elle même. Plein-emploi et
prédominance de l’acte de production consommation convergent pour
faire de l’intégration par le travail le modèle de l’intégration sociale. » .
Ainsi durant la période des trente glorieuses le travail a donné un statut à
l’individu : celui de salarié, mais aussi celui de consommateur. Il lui a
fourni les valeurs et les rôles qui s’y rattachent : le salarié doit consommer
et rentrer ainsi dans le modèle de l’américan way of life qui permet aux
entreprises d’écouler la production croissante résultant des gains de
productivité qui améliorent le bien être des salariés(on pourrait
développer ici le schéma du cercle vertueux des 30 glorieuses). La boucle
est bouclée. Ne peut on en conclure alors avec R Sainsaulieu que
l’entreprise est une petite société politique ?Comme l’écrit D Méda , dans
son livre , le travail une valeur en voie de disparition : « peu à peu l’idée
s’est fait jour d’une entreprise qui assurerait , en plus de la fonction de
production, d’autres fonctions de nature sociale, permettant l’expression ,
la cohésion, la sociabilité des salariés: l’entreprise , société en miniature ,
serait devenue un haut lieu de la vie sociale. » Mais alors si l’entrée dans
l’entreprise est considérée comme étant l’initiation à la vie sociale: en être
tenue écarté équivaut à l’exclusion sociale.